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Full text of "Observations sur l'orthographe ou ortografie française, suivies d'une historie de la réforme orthographique depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours"

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OBSERVATIONS 


SUR 


L'ORTHOGRAPHE 


OU   ORTOGRAFIE 


FRANÇAISE. 


OBSERVATIONS 

SUR 

L'ORTHOGRAPHE 

ou   ORTOGRAPIE 

FRANÇAISE 

SUIVIES   d'une 

HISTOIRE  DE  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE 

DEPUIS  LE  XV«  SIÈCLE  JUSQU'A  NOS  JOURS 

PAK 

AMBROISE  FIRMIN  DIDOT 


DEUXIÈME  ÉniTIGN 

REVDE    ET    CONSIDÉRABLEMENT    AUGMENTÉE 


PARIS 

TYPOGRAPHIE  DE  AMBROISE  FIRMIN  DIDOT 

IMPRIMEUR-LIBRAIRE  DE  L'INSTITUT  DE  FRANCE 
RUE   JACOB,   56 

4868 


PC 

D5  . 


604827 


A  MESSIEURS 


DE 


L'ACADÉMIE  FRANÇAISE 


ï 

HOMMAGE  RESPECTUEUX 


OFFERT 


PAR  AMBROISE  FIRMIN  DIDOT 

IMPRIMEUR -LIBRAIRE  DE  l'aCADÉMIE  FRANÇAISE 


m 


OBSERVATIONS 


SUR 


L'ORTHOGRAPHE 


OU   ORTOGRAFIE 


FRANÇAISE. 


Remédier  aux  imperfections  encore  si  nombreuses  de  notre 
orthographe ,  imperfections  qui  démentent  la  logique  et  la 
netteté  de  l'esprit  français,  serait  chose  bien  désirable  à  un 
double  point  de  vue  :  le  bon  et  rapide  enseignement  de  la 
jeunesse ,  la  propagation  de  notre  langue  et  de  ses  chefs- 
d'œuvre.  Mais  cette  tâche  est  bien  plus  difficile  que  ne  le 
supposent  ceux  qui,  frappés  des  abus,  ne  se  sont  pas  rendu 
compte  de  la  nature  des  obstacles,  ainsi  que  des  efforts  divers 
tentés  depuis  trois  siècles  pour  la  solution  d'un  problème  aussi 
compliqué. 

C'est  à  TAcadémie  française ,  à  cause  même  de  sa  légitime 
influence  sur  la  langue  et  de  l'autorité  de  son  Dictionnaire, 
devenu  depuis  longtemps  le  Gode  du  langage,  qu'il  convient 
d'examiner,  en  vue  de  la  nouvelle  édition  qu'elle  prépare,  les 
modifications  à  introduire  dans  l'orthographe,  pour  satisfaire, 
dans  une  juste  mesure  et  conformément  à  ses  propres  précé- 
dents, aux  vœux  le  plus  généralement  manifestés. 

Fidèle  à  son  institution  et  à  sa  devise,  l'Académie,  tout  en' 


k 


2  OBSERVATIONS 

tenant  compte  des  nécessités  du  présent,  jette  au  loin  ses  re- 
gards sur  l'avenir  pour  conduire,  de  degré  en  degré,  la  langue 
française  à  sa  perfection. 

Grâce  aux  améliorations  successivement  introduites  par 
l'Académie  dans  les  six  éditions  de  son  Dictionnaire,  amé- 
liorations attestées  par  la  comparaison  de  celle  de  1835  avec 
la  première  de  1694,  ce  qui  reste  à  faire  dans  notre  ortho- 
graphe est  peu  considérable,  et  pourrait  même  être  admis  en 
une  seule  fois,  si  l'Académie  se  montrait  aussi  hardie  qu'elle 
l'a  été  dans  sa  troisième  édition. 

Jusqu'au  commencement  de  ce  siècle ,  son  Dictionnaire, 
moins  répandu,  n'avait  pas  acquis  l'autorité  dont  il  jouit  uni- 
versellement ;  de  sorte  qu'il  restait  à  chacun  quelque  liberté 
pour  modifier  l'orthographe,  soit  dans  le  manuscrit,  soit  dans 
l'impression  (1).  C'est  ainsi  qu'avaient  pu  et  que  pouvaient  en- 
core se  faire  jour  les  préférences  en  matière  d'écriture  de  ceux 
qu'on  nommait  alors  a  les  honnêtes  gens  »  et  dont  la  manière 
était  désignée  sous  ce  nom  :  l' Usage, 

Mais  l'Usage,  que  l'Académie  invoquait  jusqu'en  1835 
comme  sa  règle,  n'a  plus  aujourd'hui  de  raison  d'être  ;  le 
Dictionnaire  est  là  qui  s'oppose  à  tout  changement  :  chaque 
écrivain,  chaque  imprimerie,  s'est  soumis  à  la  loi  :  elle  y  est 
gravée  ;  les  journaux,  par  leur  immense  publicité,  l'ont  pro- 
pagée partout  ;  personne  n'oserait  la  braver.  Ainsi  tout  pro- 
grès deviendrait  impossible,  si  l'Académie,  forte  de  l'autorité 

(1)  Ainsi  mon  père  et  mon  oncle,  dès  1798,  s'écartant  de  l'orthographe  tradi- 
tionnelle, avaient  remplacé,  dans  leurs  éditions,  l'opar  Va,  et  imprimé /rawçai* 
et  non  français^  je  reconnais  et  non  je  reconnais,  modification  importante  qui 
fut  admise  par  l'Académie  dans  la  dernière  édition  de  son  Dictionnaire  de  1835. 

Maintenant  toute  rectification,  quelque  faible  qu'elle  soit,  serait  imprudente  et 
même  impossible.  M.  Sainte-Beuve  est,  je  crois,  le  seul  qui  exige  de  ses  impri- 
meurs de  rétablir  l'accent  grave  aux  mots  terminés  en  ége. 

Mais  il  résulte  de  l'inadvertance  des  compositeurs  et  même  des  correcteurs  une 
série  incessante  d'hésitations  d'où  proviennent  des  fautes  et  des  corrections  très- 
coûteuses  qui  rendraient  presque  impossibles  des  impressions  o(i  chacun  voudrait 
qu'on  suivît  les  caprices  de  son  orthographe.  Le  Dictionnaire  de  l'Académie  est 
/  donc  la  seule  loi. 


SUR  L'ORÏHOGRAPHÇE.  3 

qu'elle  a  justement  acquise,  ne  venait  elle-même  au-devant 
du  vœu  public  en  faisant  un  nouveau  pas  dans  son  système  de 
réforme,  afin  de  rendre  notre  langue  plus  facile  à  apprendre, 
à  lire  et  à  prononcer,  surtout  pour  les  étrangers. 

Que  d'efforts  et  de  fatigues  quelques  réformes  pourraient 
encore  épargner  aux  mères  et  aux  professeurs  !  que  de  larmes 
à  l'enfance  !  que  de  découragement  aux  populations  rurales! 
Tout  ce  qui  peut  économiser  la  peine  et  le  temps  perdus  à 
écrire  des  lettres  inutiles,  à  consulter  sa  mémoire,  souvent  en 
défaut,  profiterait  à  chacun.  Car,  avouons-le,  personne  d'entre 
nous  ne  saurait  s'exempter  d'avoir  recours  au  Dictionnaire 
pour  s'assurer  s'il  faut  soit  Y  y  soit  Yi  dans  tel  ou  tel  mot  ;  soit 
un  ou  deux  / ,  ou  n  ou  ;?  dans  tel  autre  ;  soit  un  ph  ou  un  th  ; 
un  accent  grave  ou  un  accent  circonflexe,  un  tréma  ou  un 
accent  aigu ,  un  trait  d'union  ou  même  la  marque  du  pluriel, 
1*5  ou  le  37,  dans  certains  mots. 

Il  serait  trop  long  d'énumérer  ici  les  tentatives  plus-  ou 
moins  sensées,  plus  ou  moins  téméraires,  proposées  depuis  le 
commencement  du  seizième  siècle  pour  la  simplification  de 
l'orthographe  :  les  unes,  trop  absolues  dans  leur  ensemble, 
dénaturaient  le  caractère  et  les  traditions  de  notre  idiome; 
d'autres  déroutaient  et  offensaient  la  vue  en  altérant  la  sim- 
plicité de  notre  alphabet;  d'autres,  enfin,  n'avaient  peut-être 
que  le  tort  d'être  prématurées  et  de  contrarier  des  habitudes 
contractées  dès  l'enfance ,  et  d'autant  plus  tenaces  qu  elles 

avaient  coûté  plus  de  peine  à  acquérir.  (Voy.  l'Appendice  D.) 

L'Académie  seule,  quelquefois  avec  une  grande  hardiesse ,  a 
pu  introduire  et  sanctionner  de  sages  modifications  ;  toutes  ^ 
ont  été  accueillies  avec  reconnaissance  en  France  et  dans  les 
pays  étrangers.  C'est  donc  à  sa  sagesse  de  juger  dans  quelles 
limites  on  devra  céder  au  vœu  manifesté  par  tant  de  bons 
esprits  durant  plus  de  trois  siècles.  Les  concessions  qu'elle 
croira  devoir  faire  ne  seront  même  que  la  conséquence  de 
i  l'opinion  émise  par  elle  en  1718  clans  la  préface  de  la  deuxième 


4  OBSiiRVATIOlNS 

édition  de  son  Dictionnaire  :  «  Gomme  il  ne  faut  point  se  pres- 
ser de  rejeter  l'ancienne  orthographe ,  on  ne  doit  pas  non 
plus,  dit-elle,  faire  de  trop  grands  efforts  pour  la  retenir.  » 

Ces  modifications  seraient  d'autant  plus  utiles  et  opportu- 
nes qu'elles  hâteraient  le  développement  et  la  propagation  de 
l'instruction  primaire  dans  nos  campagnes,  Bt  l'enseignement 
de  la  iangue  française  aux  Arabes,  moyen  le  plus  sûr  de  nous 
les  assimiler  (1).  Ce  bienfait  s'étendrait  même  à  tout  l'Orient, 
où  on  se  livre  à  de  sérieux  efforts  pour  indiquer  par  des 
signes  la  prononciation  des  mots  de  notre  langue  à  ces  popu- 
lations aussi  nombreuses  que  diverses  (2).  Faciliter  l'écriture 
et  la  lecture  de  la  langue  nationale,  c'est  contribuer  à  la  ré- 
pandre et  à  la  maintenir. 

Avant  même  que  François  P*",  par  son  édit  de  Viliers-Got- 
terets,  du  10  août  1539,  eût  rendu  officielle  la  langue  fran- 
çaise, en  bannissant  le  latin  de  tout  acte  public,  beaucoup 
de  grammairiens  et  de  savants  imprimeurs  s'étaient  occupés 
de  régulariser  notre  orthographe.  Le  désordre  dans  l'écriture 
du  français  était  alors  à  son  comble  :  chacun,  loin  de  la  rap- 
procher de  sa  simplicité  antérieure,  croyait  faire  montre  de 
savoir  en  la  compliquant  par  la  multiplicité  des  consonnes. 

Ronsard,  après  s'être  plaint  dans  la  préface  de  sa  première 
édition  de  la  Franciade,  en  1572,  de  l'impossibilité  de  se 
reconnaître  dans  la  «  corruption  de  l'orthographe  » ,  écrivait 
dans  sa  seconde  édition  : 

I  «  Quant  à  nostre  escriture ,  elle  est  fort  vicieuse  et  corrompue, 

(1)  M,  le  général  Daumas  a  mis  en  pratique,  et  avec  succès,  le  système  de  sim- 
plifie ition  d'orthographe  dont  on  est  redevable  à  M.  Féline. 

(2)  En  ce  moment ,  M.  Pauthier  me  montre  plusieurs  Dictionnaires  polyglottes 
mprimés  à  Yeddo.  Dans  celui  qui  est  intitulé  San-gio-hen-ran ,  les  Trois  Lan- 
gues synup/iques,  Yeddo,  1854,  les  mots  japonais  sont  traduits  en  français,  en 
anglais  et  en  hollandais,  et  la  prononciation  y  est  tigurée  par  des  signes.  Je  vois 
donc  au  mot  ortographier  la  notation  du  son  phi  figurée  par  le  même  signe  qui 
est  ap|)Uqué  à  pi  dans  le  mot  opiner  qui  précède.  Ainsi  donc  les  Japonais ,  au 
lieu  de  prononcer  ortographier,  prononceront  ortograpier,  ou  bien  ils  devront 
prononcer  ofiner  au  lieu  à'opiner. 


SUR  L'ORTHOGRAPHE.  5 

«  et  me  semble  qu'elle  a  grand  besoin  de  reformation  :  et  de  re- 
«  mettre  en  son  premier  honneur  le  K  et  le  Z,  et  faire  characlères 
('  nouueaux  pour  la  double  N,  à  la  mode  des  Espagnols,  w,  pour  es- 
«  crire  monseigneur  y  et  une  Z  double  pour  escrire  orgueilleux  (1).  » 

Plus  tard,  en  tête  de  son  Abrégé  de  VArt  poétique^  il  dé- 
veloppe plus  énergiquement  encore  son  opinion  sur  la  réforme 
de  l'orthographe  française.  Et  le  grand  Corneille,  trente  ans 
avant  le  Dictionnaire  de  l'Académie ,  proposait  et  appliquait 
lui-même  une  écriture  plus  conforme  à  la  prononciation,  de- 
vancé même  en  cela  par  l'un  de  ses  prédécesseurs  à  l'Académie, 
d'Ablancourt,  et  surpassé  en  hardiesse  par  son  collègue  Dan- 
geau.  (Voir  les  Appendices  B  et  C.) 

Cependant,  dès  l'année  1660,  trente-quatre  ans  avant  l'ap- 
parition du  Dictionnaire  de  l'Académie ,  la  Grammaire  de 
Port-Royal  avait  posé  les  bases  de  l'accord  de  l'écriture  et 
de  la  prononciation  ;  elle  voulait  : 

1°  Que  toute  figure  marquât  quelque  son,  c'est-à-dire  qu'on 
n'écrivît  rien  qu'on  ne  prononçât  ; 

2°  Que  tout  son  fût  marqué  par  une  figure,  c'est-à-dire  qu'on 
ne  prononçât  rien  qui  ne  fût  écrit; 

3"  Que  chaque  figure  ne  marquât  qu'un  son,  ou  simple  ou  double  ; 

A"  Qu'un  même  son  ne  fût  point  marqué  par  des  figures  diffé- 
rentes. 

Pourquoi  donc,  après  de  telles  prémisses,  tant  de  contra- 
dictions qu'on  ne  saurait  justifier  et  auxquelles  l'esprit  logique 
de  l'enfance  ne  se  soumet  qu'en  faisant  abandon  de  cette  rec- 
titude de  raisonnement  qui  nous  étonne  vsi  souvent  et  nous 
force  d'avouer  qu'en  fait  de  langue  la  raison  n'est  pas  du  côté 
de  l'âge  mûr  ? 


(1)  «  Tu  éviteras  toute  okthographie  supcrdue  et  ne  mettras  aucunes  lettres  en 
tels  mots,  si  tu  ne  les  prononces  en  lisant.  »  {Abrégé  de  VArt  poétique ,  par 
Ronsard,  édit.  de  1561.) 


6  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Pour  quiconque  veut  approfondir  l'étude  de  la  langue  fran- 
çaise, rien  de  plus  intéressant  que  d'en  suivre  les  progrès 
dans  les  modifications  apportées  par  l'Académie  dans  les  édi- 
tions successives  de  son  Dictionnaire.  Dans  chacune  d'elles,  en 
effet,  sont  enregistrés  les  changements  résultant  soit  de  la  sup- 
pression de  mots  surannés  ,  soit  de  l'introduction  de  ceux 
qu'elle  jugeait  admissibles,  soit  de  modifications  apportées 
dans  l'acception  des  mots  et  des  locutions.  Mais  pour  ne  parler 
ici  que  de  l'orthographe,  c'est  dans  ses  variations  successives 
qu'on  peut  apprécier  cette  tendance  à  la  simplification  dans  la 
forme  des  mots  qui  répond  au  besoin  toujours  croissant  de 
mieux  conformer  l'écriture  à  la  rapidité  de  la  pensée.  Par  ce 
qui  est  fait  on  jugera  mieux  de  ce  qui  reste  à  faire. 

PREMIÈRE    ÉDITION    DU    DICTIONNAIRE. 

A  l'époque  où  l'Académie  résolut  de  rédiger  son  Diction- 
naire, deux  courants  opposés  portaient  le  trouble  dans  les  im- 
primeries :  les  unes,  sous  l'influence  des  Estienne,  modelaient 
leur  orthographe  sur  la  langue  latine,  les  autres  sur  celle 
de  nos  vieux  poètes  et  chroniqueurs.  Antérieurement  à  l'ap- 
parition, en  1540,  du  Dictionnaire  de  Robert  Estienne,  on 
remarque  dans  nos  plus  anciens  lexiques  une  orthographe  plus 
simple.  Ainsi,  dans  les  glossaires  imprimés  de  1506  à  1524(1) 
je  vois  les  mots  lait^  laitue^  extrait,  fait^  point,  hatif,  sou- 
dain^ etc.,  écrits  comme  ils  le  sont  aujourd'hui,  tandis  qu'Es- 
tienne  les  écrit  laict,  laictue,  extraict,  faict,  poinct,  hastif, 
souhdain,  etc.  Son  système  se  propagea  dans  les  Diction- 
naires. Cependant,  en  1630,  se  produit  un  retour  vers  les  prin- 
cipes de  «  notre  ancienne  et  nayve  écriture  »  :  Philibert  Monet 

(t)  CaiholiCG?i  abbrevlatuni.  lQ3in  Lambert,  1506.—  Vocahularium  jScbris- 
sense.  Î524.  —  Yocabularhmi  latinum,  gallicum  et  theutonicum.  Strasbourg, 
Mathis  Humpffuff,  1515.  On  trouve  dans  ce  petit  ouvrage  les  mots  ainsi  écrits  ; 
emorroïdcs,  idropisie,  sans7ie,  oiruche,  masson,  aguille,  oguillon,  etc. 


Vf 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  7 

publie  dans  son  Invantaire  des  deus  langues  francoise  et  la- 
tine (1)  le  dictionnaire  de  la  réforme  orthographique,  auquel 
cinquante  ans  plus  tard,  Richelet,  avec  plus  de  faveur,  donne 
une  forme  plus  complète  et  plus  régulière  (2).  Tel  était  l'état 
des  choses,  lorsque,  après  soixante  ans  de  discussion,  d'hési- 
tation et  d'examen,  J' Académie  fit  paraître  son  grand  travail. 

L'apparition  du  premier  Dictionnaire  de  l'Académie^  publié 
en  1694,  fut  donc  un  événement,  et  on  ne  saurait  être  trop 
reconnaissant  du  service  qu'il  rendit  alors.  Frappée  du  dé- 
sordre de  l'écriture  et  des  impressions  (3),  l'Académie,  pour  y 
remédier,  préféra  rapprocher  l'orthographe  française  de  la 
forme  du  latin  littéraire,  et  cela,  malgré  l'opposition  du  vieil 
esprit  français,  dont^  cent  ans  plus  tôt,  Ronsard  et  d'autres 
membres  de  sa  pléiade  s'étaient  montrés  les  représentants. 
Elle  crut,  en  s' appuyant  sur  une  langue  désormais  fixée,  don- 
ner plus  de  stabilité  à  notre  orthographe  ;  d'ailleurs  on  était 
alors  sous  l'influence  encore  toute-puissante  de  la  latinité. 

Cependant  ce  ne  fut  pas  sans  luttes  et  sans  opposition  au  sein 
même  de  l'Académie  que  prévalut  l'écriture  dite  étymologique. 
M.  Sainte-Beuve,  dans  son  article  sur  Vaugelas,  nous  en  offre 
une  vive  image  : 


(1)  p.  Monet,  de  la  compagnie  de  Jésus.  Invantaire  des  deus  langues  fran- 
çaise et  latine,  assorti  des  plus  utiles  curiositez  de  l'un  et  Vautre  Idiome. 
Lyon,  1635,  in-fol.  de  6  ff.  et  990  pages  à  2  colonnes  en  petit  caractère. 

(2)  Richelet,  Dictionnaire  français,  etc.  Genève,  Hermann  Widorhold,  1680, 
2  tom.  petit  in-4°.  Dans  l'Avertissement ,  Richelet  dit  que  c'est  à  l'imitation  de 
monsieur  d'Ablancourt  et  de  quelques  autres  auteurs  célèbres,  qu'on  a  changé 
presque  toujours  Vy  grec  en  i  simple;  qu'on  a  supprimé  la  plupart  des  lettres 
doubles  et  inutiles  qui  ne  défigurent  pas  les  mots  lorsqu'elles  en  sont  retranchées, 
comme  dans  a  faire,  ataquer,  ateindre,  diflcile,  et  non  pas  affaire  ,  attaquer, 
atteindre,  difficile,  etc.  Et  en  effet,  dès  le  début,  on  trouve  dans  son  Diction- 
naire :  abesse,  abaïe,  abatial,  abatre,  abé,  acabler,  acablement. 

(3)  Un  seul  exemple  suffira  pour  donner  une  idée  des  bizarreries  et  des  ano- 
malies de  l'orthographe  des  manuscrits  et  des  impressions  :  dans  une  des  meil- 
leures éditions  du  Gargantua  de  Rabelais  (Lyon,  François  Juste,  1542,  in-iG), 
je  lis  dans  le  prologue  le  mot  huile  écrit  en  huit  lignes  de  trois  manières  dif- 
férentes. 


8  niCTIONNAlRK  DF.  L'ACADF-MIK. 

((  Chapelain,  nous  dit-il,  parmi  les  oracles  d'alors,  est  le  plus 
remarquable  exemple  de  cet  abus  du  grécisme  et  du  latinisme  en 
français;  il  avait  pour  contre-poids,  à  l'Académie,  Conrart  qui  nu 
savait  que  le  français,  mais  qui  le  savait  dans  toute  sa  pureté  pa- 
risienne. Chapelain  aurait  voulu,  par  respect  pour  Tétymologie, 
qu'on  gardât  la  vieille  orthographe  de  charactère,  cholère,  d\ec  ch, 
et  qu'on  laissât  récriture  hérissée  de  ces  lettres  capables  de  dé- 
router à  tout  moment  et  d'égarer  en  ce  qui  est  de  la  prononcia- 
tion courante.  Il  trouvait  mauvais  qu'on  simplifiât  l'orthographe 
de  ces  mots  dérivés  du  grec,  par  égard  pour  les  ignorants  et  les 
idiots,  car  c'est  ainsi  qu'il  appelait  poliment,  et  d'après  le  grec, 
ceux  qui  ne  savaient  que  leur  langue.  Vaugelas  faisait  le  plus 
grand  cas,  au  contraire,  de  ces  idiots,  c'est-à-dire  de  ceux  qui 
étaient  nourris  de  nos  idiotismes,  des  courtisans  polis  et  des  fem- 
melettes de  son  siècle,  comme  les  appelait  Courier  ;  il  imitait  en 
cela  Cicéron  qui,  dans  ses  doutes  sur  la  langue,  consultait  sa 
femme  et  sa  fille,  de  préférence  à  Hortensius  et  aux  autres  sa- 
vants. Moins  on  a  étudié,  et  plus  on  va  droit  dans  ces  choses  de 
l'usage  :  on  se  laisse  aller,  sans  se  roidir,  au  fil  du  courant. 

«  Pour  moi,  disait  Vaugelas,  je  révère  la  vénérable  antiquité  et 
les  sentiments  des  doctes;  mais,  d'autre  part,  je  ne  puis  que  je  ne 
me  rende  à  cette  raison  invincible,  qui  veut  que  chaque  larigve 
soit  ?naîtresse  chez  soi.  surtout  dans  un  empire  florissant  et  une 
monarchie  prédominante  et  auguste  comme  est  celle  de  la 
France  (1).  » 

Et  en  effet,  si  l'on  examine  l'écriture  des  mots  qui  figurent 
dans  cette  première  édition,  en  la  comparant  à  celle  des  Ca- 
hiers  de  Remarques  sur  F  orthographe  francoise  pour  estre  exa- 
minez par  chacun  de  Messieurs  de  F  Académie  (2),  on  voit  que 
la  compagnie,  en  les  écrivant  plus  simplement,  montrait  déjà 
plus  de  réserve  et  de  discernement  dans  l'emploi  des  formes 
étymologiques  que  ne  l'avait  fait  le  secrétaire  perpétuel  Re- 


(1)  Nouveaux  Lundis^  t.  VI,  p.  372. 

(2)  Tels  que  appast,  charactère,  chameleon,  eaplmiré,  écrit  ensuite  par  l'A- 
cadémie esplauré  et  esploré,  puis  éploré,  estester  (étêfer),  despourveûe,  des- 
çaisner,  despescher,  desvoyement,  p/mnatique,  pyrate,  alllté,  desboesté,qi\e 
l'Académie  écrivit  d'abord  débouté,  puis  déboité  dans  la  troisième  édition. 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 


r 

■      giiier  des  Marais  dans  les  Cahiers  préparatoires   dont  il  fut 

H      l'un  des  principaux  rédacteurs. 

IP  L'influence  de  Régnier  des  Marais    «  qui    avoit  employé 

«  à  cet  édifice  (la  grammaire  ordonnée  par  la  compagnie)  cin- 
«  quante  ans  de  reflexions  sur  nôtre  langue,  la  connoissance 
«  des  langues  voisines  et  trente  quatre  ans  d'assiduité  dans 
«  les  assemblées  de  l'Académie,  où  il  avoit  presque  toujours 
((  tenu  la  plume  »  (1),  devait  naturellement  prédominer  dans 
la  rédaction  du  Dictionnaire.  Une  volonté  aussi  persévérante, 
le  service  réel  qu'il  rendait  en  se  chargeant  de  la  rédaction 
difflcile  de  la  grammaire  dont  la  société  lui  avait  confié  le  soin, 
finirent  par  remporter  sur  les  opinions  contraires  et  les  scru- 
pules de  ses  illustres  confrères,  parmi  lesquels  nous  voyons 
Dangeau  et  d'Ablancourt  protester  par  leurs  écrits  en  adoptant 
un  système  entièrement  opposé.  D'autres  membres  de  l'Acadé- 
mie, tels  que  Corneille,  Bossuet,  montrent  aussi  par  leur  écri- 
ture conservée  dans  leurs  manuscrits  qu'ils  auraient  préféré 
une  orthographe  plus  simple  et  plus  rapprochée  de  la  forme 
française.  (Voir  l'Appendice  E.) 

Le  courant  de  la  latinité  prédomina  donc,  et  l'Académie, 
pour  élever  son  grand  monument  littéraire,  crut  même  devoir 
se  conformer  à  l'exemple  donné  par  les  érudits,  en  adoptant, 
pour  le  classement  des  mots  du  Dictionnaire,  l'ordre  savant 
mais  peu  pratique  dont  Robert  et  Henri  Estienne  offraient  le 
modèle  dans  leurs  Trésors  de  la  langue  latine  et  de  la  langue 
grecque.  Les  mots  rangés,  non  selon  l'ordre  alphabétique, 
mais  par  familles,  furent  groupés  autour  de  la  racine  (2). 

(1)  Le  P.  Buffier,  dans  les  Mémoires  de  Trévoux,  t.  XXI,  p.  1642. 

(2)  A  cette  édition  en  deux  volumes  datée  de  1694  se  trouvent  joints  deux 
autres  volumes,  même  format  et  même  caractère,  portant  la  même  date  1694, 
sous  ce  titre  ; 

Le  Dictionnaire  des  arts  et  des  sciences,  par  M.  D.  C.  de  V Académie  fran- 
çoise  ;  tome  troisième  et  tome  quatrième,  chez  la  veuve  Coignard  et  Baptiste 
Coignard. 

Le  privilège,  daté  du  7  septembre  1694,  est  concédé  au  sieur  D.  C.  de  l'Aca- 
démie française  (et  rétrocédé  par  lui  à  la  veuve  Coignard  et  à  son  fils  J. -Baptiste 


10  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

DEUXIÈME   ÉDITION. 

Mais  bientôt  l'Académie,  reconnaissant  que  l'utilité  pratique 
était  préférable,  renonça,  dans  sa  seconde  édition,  en  1718,  à 
ce  classement  pour  revenir  à  l'ordre  alphabétique,  moins  ra- 
tionnel sans  doute,  mais  plus  pratique.  C'est  ce  qu'elle  annon- 
çait ainsi  dans  sa  préface  : 

«  La  forme  en  fut  si  différente,  que  TAcadémie  donna  plutôt  un 
Dictionnaire  nouveau  qu'une  nouvelle  édition  de  l'ancien.  L'ordre 
étymologique,  qui  dans  la  spéculation  avoit  paru  le  plus  conve- 
nable, s'étant  trouvé  très-incommode,  dut  être  remplacé  par  Tordre 
alphabétique,  en  sorte  qu'il  n'y  eût  plus  aucun  mot  que,  dans 
cette  seconde  édition,  on  ne  pût  trouver  d'abord  et  sans  peine.  » 

L'Académie,  sans  se  borner  à  ce  grand  changement,  maté- 
riel, il  est  vrai,  mais  si  utile,  donna  à  cette  seconde  édition 
un  caractère  tout  particulier  en  l'enrichissant  d'un  grand 
nombre  de  termes  d'art  et  de  sciences  dont  l'usage  avait  pé- 
nétré dans  la  société.  Elle  s'appliqua  aussi  à  rectifier  et  éclair- 
cir  les  définitions  et  compléter  les  acceptions  et  significations 
diverses  des  mots.  Le  simple  mot  bon,  par  exemple,  reçut 
soixante-quatorze  significations  toutes  différentes. 

«  On  ne  doit  donc  pas  s'estonner,  dit  la  préface,  que  ce  tra- 
vail, qui  a  changé  toute  la  forme  du  Dictionnaire,  ait  occupé 
durant  tant  d'années  les  séances  de  l'Académie,  et  quant  à 
l'orthographe,  l'Académie,  dans  cette  nouvelle  édition,  comme 

Coignard).  On  lit  au  bas  :  le  Dictionnaire  a  été  achevé  d'imprimer  le  11  sep- 
tembre 1G94.  Quant  à  l'orthographe,  c'est  la  même  que  celle  du  Dictionnaire  de 
l'Académie  françoise.  Elle  est  encore  plus  étymologique.  Ainsi  on  y  lit  phré- 
nésie,  phthisie. 

La  rédaction  principale  est  attribuée  à  Thomas  Corneille.  Mais  pourquoi  le 
titre  porte-t-il  par  M.  D.  C.  de  l'Académie  françoise?  Te  ne  vois  aucun  de  ses 
membres  à  qui  cette  indication  puisse  convenir  parmi  les  noms  de  ceux  qui  figu- 
rent dans  la  liste  des  académiciens  placés  au  commencement  'du  Dictionnaire  de 
l'Académie  de  1694.  On  y  lit  :  «  Thomas  Corneille  receu  en  1635  à  la  place  de 
Pierre  Corneille  son  frère,  qui  avoit  succédé  à  François  Maynard.  »  D'où  peut 
donc  provenir  ce  D.  placé  avant  l'initiale  C.  et  qui  figure  aussi  au  privilège  ? 


li^^ 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE,  U 

dans  la  précédente,  a  suivi  en  beaucoup  de  mots  l'ancienne 
manière  descrire^  mais  sans  prendre  aucun  parti  dans  la  dis- 
pute  qui  dure  depuis  si  longtemps  sur  cette  matière.  » 

Elle  autorisa  même,  en  quelque  sorte,  la  liberté  du  choix 
entre  l'ancienne  et  la  nouvelle. 

Si  elle  ne  supprima  pas  1'^  dans  la  foule  de  mots  où  cette 
lettre  ne  se  prononce  pas,  du  moins  elle  prit  soin  d'indiquer  le 
cas  où  le  son  s'en  est  conservé.  Cette  différence  se  trouve 
donc  indiquée  dans  hospice,  hospitalité,  où  s  se  prononce,  et 
hoste,  hosteU  où  1'^  ne  se  prononce  pas,  et  également  dans 
christianisme  et  chrestienté.  Elle  modifia  l'écriture  de  quel- 
ques mots,  tels  que  éploré,  au  lieu  de  esploré  et  espleuré;  elle 
écrivit  noircissure  et  non  noircisseure,  et  sirop^  au  lieu  de  sy- 
rop,  etc. ,  et,  en  écrivant  encore  yvroye,  elle  nota  que  quelques- 
uns  prononçaient  yvraye.  Mais  déjà  bien  des  tentatives  avaient 
été  faites  ailleurs,  même  par  des  académiciens,  en  vue  d'une 
réforme,  et  leur  influence  ne  devait  pas  tarder  à  se  faire  sentir 
dans  le  Dictionnaire  même. 

TROISIÈME   ÉDITION. 

C'est  dans  sa  troisième  édition,  en  1740,  que  l'Académie, 
cédant  aux  vœux  manifestés  dès  le  xvf  siècle  par  tant  de  phi- 
lologues, de  savants,  d'académiciens  même,  et  répétés  par  des 
voix  autorisées,  supprima  des  milliers  de  lettres  devenues  para- 
sites, sans  craindre  d'effacer  ainsi  leur  origine  étymologique  :  les 
5,  les  d  disparurent  dans  la  plupart  des  mots  dérivés  du  latin. 
Elle  n'écrivit  plus  accroistre,  advocat^  albastre,  apostre^  aspre, 
tousjours,  non  plus  que  bast,  bastard,  bestise,  chrestien,  chas- 
teau^connoistre,  giste,  isle  (1).  Les  y  non  étymologiques  furent 
remplacés  par  des  i-,  elle  n'écrivit  plus  cecy,  celuy-cy,  toy, 
moy,  gay,  gayeté^joye,  derniers  vestiges  de  l'écriture  et  des 

(1)  Il  nous  reste  encore,  échappés  à  la  réforme  de  1740,  les  mots  baptême, 
Baptiste,  dompter,  condamner.  Bossuet  écrit  toujours  condanner,  damier. 


12  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

impressions  desxv^  etxvf  siècles,  mais  ceci^  celui-ci^  toi,  moi, 
gai,  gaieté,  joie,  etc.  L'y  et  1'^  du  radical  grec  et  latin 
furent  même  supprimés;  ainsi  abysme  (aênacoç,  abyssus)  fut 
écrit  abyme,  et  plus  tard  abîme  ;  eschole^  escholier^  écrits  dans 
la  première  édition  escole,  escolier,  devinrent  dans  celle-ci 
école,  écolier,  yvroye  devient  ivroye,  ensuite  ivroie,  puis 
ivraie;  de  même  que  subject  devint  successivement  52</y>^,  puis 
dans  sa  forme  définitive  sujet,  et  Françoys,  François,  puis 
Français. 

Elle  supprima  aussi  le  c  d'origine  latine  dans  bienfaictenr 
et  bienfaictrice,  et  le  ç  dans  sçavoir^  sçavant,  Ye  dans  le  mot 
insceu  (J),  impreveu,  indeu,  salisseure,  souilleure,  al  leur  e , 
beuveur ,  creu,  deu,  et  grand  nombre  d'autres  ;  vuide,  nopce, 
nud,  furent  abrégés;  le  c  et  Ve  disparurent  dans  picqueure 
[piqûre)  ;  enfin  l'Académie  remplaça  un  grand  nombre  de  th 
et  de  ph  par  t  et  par  /,  et,  contrairement  à  la  première  et  à  la 
seconde  édition,  elle  retrancha  le  ^  final  au  pluriel  des  substan- 
tifs se  terminant  par  t  au  singulier  ;  elle  écrivit  donc  les  pa- 
rens,  les  élémens,  les  enfans,  etc.,  au  lieu  de  les  parents,  les 
éléments,  les  enfants,  etc.  On  ne  voit  pas  pourquoi  elle  écrivit 
flatterie  par  deux  t  contrairement  aux  deux  premières  édi- 
tions et  à  la  manière  d'écrire  de  Bossuet  et  de  Fénelon  et 
même  aux  Cahiers  pour  l'Académie. 

L'abbé  d'Olivet,  à  qui  l'Académie  confia  ce  travail,  l'exé- 
cuta conformément  à  ce  qu'elle  avait  déclaré  dans  la  préface  : 
f(  qu'on  travailleroit  à  ôter  toutes  les  superfluités  qui  pour- 
ce  roient  être  retranchées  sans  conséquence  » ,  et  il  remarque 
((  qu'en  cela,  le  public  étoit  allé  plus  vite  et  plus  loin  qu'elle.  » 

J'ai  fait  le  relevé  comparatif  de  ces  suppressions  de  lettres  : 
sur  les  18,000  mots  (2)  que  contenait  la  première  édition  du 

(1)  Voici  les  variations  d'orthograplie  de  ce  mot  :  1"  édition,  ïmçeM,  T  édiî., 
insceu,  3*  édit.,  insçu,  4^  édit.,  insçu,  G^  édit.,  insu. 

(2)  La  table  de  l'édition  de  1694  contient  20,000  mots;  mais  2,000  mots  se  com- 
posent de  participes  ou  de  locutions  adverbiales. 


iff 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  13 


Dictionnaire  de  l'Académie,  près  de  5,000  furent  modifiés  par 
ces  changements. 

Malgré  l'importance  de  ces  réformes,  on  regrette  que  l'Aca- 
démie n'ait  pas  fait  encore  plus,  puisqu'elle  constate  qu'en  cela 
le  public  était  allé  plus  loin  et  plus  vite  quelle  (1);  mais  d'O- 
livet,  qui  reconnaît  «n'avoir  pu  établir  partout  l'uniformité  qu'il 
aurait  désirée,  »  fut  sans  doute  retenu  par  la  crainte  de  contra- 
rier trop  subitement  les  habitudes.  Il  suffisait  pour  cette  fois 
d'ouvrir  la  voie  dans  laquelle  l'Académie  continue  d'âge  en 
âge  à  perfectionner  l'orthographe. 


Cette  édition,  qui  parut  en  1762,  se  distingue  particulière- 
ment par  l'addition  d'un  grand  nombre  de  termes  élémentaires 
consacrés  aux  sciences  et  aux  arts;  parla  séparation  de  l'I 
voyelle  de  la  consonne  J  et  celle  de  la  voyelle  U  de  la  con- 
sonne V,  d'après  l'exemple  qu'en  avait  donné  la  Hollande;  par 
la  simplification  de  l'orthographe  d'un  grand  nombre  de  mots 


(1)  Histoire  de  V Académie  françoise ,  par  d'Olivet.  C'est  dans  la  Correspon- 
dance inédite,  adressée  au  président  Bouhier  (Lettre  du  l^r  janvier  1736),  qu'on 
trouve  ces  curieux  détails  : 

«  A  propos  de  TAcadémii;,  il  y  a  six  mois  que  l'on  délibère  sur  l'orthographe; 
car  la  volonté  de  la  compagnie  est  de  renoncer,  dans  la  nouvelle  édition  de  son 
Dictionnaire,  à  l'orthographe  suivie  dans  les  éditions  précédentes,  la  première  et  la 
deuxième;  mais  le  moyen  de  parvenir  à  quelque  espèce  d'uniformité?  Nos  délihé- 
raiions,  depuis  six  mois,  n'ont  servi  qu'à  faire  voir  qu'il  éloit  impossible  que  rien 
de  systématique  partît  d'une  compagnie.  Enfin  ,  comme  il  est  temps  de  se  mettre 
à  imprimer,  l'Académie  se  détermina  hier  à  me  nommer  seul  plénipotenciaire  à 
cet  égard.  Je  n'aime  point  cette  besogne,  mais  il  faut  bien  s'y  résoudre,  car,  sans 
cela,  nous  aurions  \u  arriver,  non  pas  les  calendes  de  janvier  1736,  mais  celles 
de  1836,  avant  que  la  compagnie  eût  pu  se  trouver  d'accord.  » 

Dans  sa  lettre  du  8  avril  1736  il  écrit  :  «  Coignard  a,  depuis  six  semaines,  la 
lettre  A,  mais  ce  qui  fait  qu'il  n'a  pas  encore  commencé  à  imprimer,  c'est  qu'il 
n'avoit  pas  pris  la  précaution  de  faire  fondre  des  É  accentués,  et  il  en  faudra  beau- 
coup, parce  qu'en  beaucoup  de  mots  nous  avons  supprimé  les  S  de  l'ancienne 
orthographe ,  comme  dans  despescher,  que  nous  allons  écrire  dépêcher,  tête , 
mâle,  etc.  » 


14  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADEMIE. 

au  moyen  de  la  suppression  de  lettres  inutiles,  et  par  divei'ses 
rectifications. 
L'Académie  expose  ainsi  ce  qu'elle  a  fait  : 

((  Les  sciences  et  les  arts  ayant  été  plus  cultivés  et  plus  répan- 
dus depuis  un  siècle  qu'ils  ne  Eétoient  auparavant,  il  est  ordinaire 
d'écrire  en  françois  sur  ces  matières.  En  conséquence,  plusieurs 
termes  qui  leur  sont  propres,  et  qui  n'étoient  autrefois  connus 
que  d'un  petit  nombre  de  personnes,  ont  passé  dans  la  langue 
commune.  Auroit-il  été  raisonnable  de  refuser  place  dans  notre 
Dictionnaire  à  des  mots  qui  sont  aujourd'hui  d^un  usage  presque 
général  ?  Nous  avons  donc  cru  devoir  admettre  dans  cette  édition^ 
les  termes  élémentaires  des  sciences,  des  arls,  et  même  ceux  des 
métiers,  qu'un  homme  de  lettres  est  dans  le  cas  de  trouver  dans 
des  ouvrages  où  l'on  ne  traite  pas  expressément  des  matières  aux- 
quelles ces  termes  appartiennent. 

....«  L'Académie  a  fait  dans  cette  édition  un  changement  assez 
considérable,  que  les  gens  de  lettres  demandent  depuis  long-temps. 
On  a  séparé  la  voyelle  I  de  la  consonne  J,  la  voyelle  U  de  la  con- 
sonne V,  en  donnant  à  ces  consonnes  leur  véritable  appellation  ; 
de  manière  que  ces  quatre  lettres,  qui  ne  formoient  que  deux  clas- 
ses dans  les  éditions  précédentes,  en  forment  quatre  dans  celle-ci; 
et  que  le  nombre  des  lettres  de  l'alphabet,  qui  étoit  de  vingt-trois, 
est  aujourd'hui  de  vingt-cinq.  Si  le  même  ordre  n'a  pas  été  suivi 
dans  l'orthographe  particulière  de  chaque  mot,  c'est  qu'une  régu- 
larité plus  scrupuleuse  auroit  pu  embarrasser  quelques  lecteurs, 
qui,  ne  trouvant  pas  les  mots  où  l'habitude  les  auroit  fait  chercher, 
auroient  supposé  des  omissions.  On  est  obligé  de  faire  avec  ména- 
gement les  réformes  les  plus  raisonnables. 

....  «  Nous  avons  supprimé  dans  plusieurs  mots  les  lettres  dou- 
bles qui  ne  se  prononcent  point.  Nous  avons  ôté  les  lettres,  b,  d, 
h,  s,  qui  étoient  inutiles.  Dans  les  mots  où  la  lettre  s  marquoit 
l'allongement  de  la  syllabe,  nous  l'avons  remplacée  par  un  accent 
circonflexe.  Nous  avons  encore  mis,  comme  dans  l'édition  précé- 
dente, un  i  simple  à  la  place  de  Vy  partout  où  il  ne  tient  pas  la  place 
d^un  double  i,  ou  ne  sert  pas  à  conserver  la  trace  de  Tétymologie. 
Ainsi  nous  écrivons /o/,  loi,  roi,  etc.,  avec  un  i  simple;  royaume, 
moyen,  voyez,  etc.,  avec  un  y,  qui  tient  la  place  du  double  i; 
physique,  synode,  etc.,  avec  un  y  qui  ne  sert  qu'à  marquer  l'éty- 
mologie.  Si  l'on  ne  trouve  pas  ime  entière  uniformité  dans  ces  re^ 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  15 

tranchemens,  si  nous  avons  laissé  dans  quelques  mots  la  lettre 
superflue  que  nous  avons  ôlée  dans  d'autres,  c'est  que  l'usage  le 
plus  commun  ne  nous  permettoit  pas  de  la  supprimer.  » 

L'Académie  crut  cependant  devoir  abandonner  dans  quel- 
ques mots  usuels  Vy  étymologique  qu'elle  remplaça  par  Vi, 
et,  comme  elle  l'avait  fait  dès  sa  première  édition  pour  cristal, 
cristalliser,  cristallin,  etc.,  elle  supprima  Vy  à  chimie,  chi- 
mique, chimiste,  alchimie,  alchimiste,  qui,  dans  la  précé- 
dente, étaient  écrits  chymie,  chymique,  chymiste,  alchymie, 
alchijmiste  ;  Xy  dans  absinthe  et  yvroie  fut  avec  toute  raison 
remplacé  par  Yi.  L'Académie  supprima  aussi,  dans  un  grand 
nombre  de  mots,  les  th,  les  ph,  les  ch,  et  adopta  détrôner^ 
scolarité,  scolastique,  scolie,  scrofule  et  scrofuleux,  pascal  (1), 
patriarcal,  patriarcat,  flegme,  flegmatique,  que  la  troisième 
édition  écrivait  encore  déthrôner ,  scholarité ,  scholastique  , 
scholie,  paschal,  patriarchal,  patriarchat,  phlegme^  phleg- 
matique. 

Ces  mots  fl^me,  flegmatique,  écrits  sans  ph,  furent  donc 
ajoutés  dans  cette  quatrième  édition  à  ceux  àe.  fantôme^  fré- 
nétique, etCr,  ainsi  écrits  dans  la  troisième  édition,  après 
avoir  d'abord  figuré  avec  ph,  dans  la  première  édition.  L'A- 
cadémie supprima  quelques  lettres  doubles,  comme  dans  les 
mots  agrafe,  agrafer,  argile,  éclore,  poupe,  etc.^  au  lieu 
^agraffe,  agraffer,  argille^  éclorre^  pouppe\  et,  parmi 
quelques  autres  changements,  je  remarque  qu'au  lieu  de  coeffe^ 
coeffer»,  coeffeur,  elle  écrit  coiffe,  coiffer,  coiffeur  \  genou, 
au  lieu  de  genouil  ;  anicroche,  au  lieu  de  hanicroche  ;  reè 
de  chaussée,  au  lieu  de  raiz  de  chaussée  ;  spatule^  au  lieu 
de  espatule,  qu'elle  aurait  même  dû  écrire  spathule,  puisque 
ce  mot  vient  de  cTràÔyi  ;  mais  alors  on  tenait  moins  compte  de 
l'étymologie. 

(1)  On  a  donc  lieu  de  s'étonner  de  voir  Vh  conserve  danà  anûchoi^ète,  caté- 
chumène (bien  qu'à  toutes  les  éditions  antérieures  l'Académie  prévienne,  de  même 
qu'elle  le  taisait  pour  paschal  et  patriarchal,  que  Vh  ne  se  prononce  pas). 


16  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Profitant  un  peu  tard  des  réflexions  de  Messieurs  de  Port- 
Royal  (Arnauld  et  Lancelot) ,  qui ,  dans  leur  Grammaire , 
avaient  condamné  avec  raison  la  vicieuse  épellation  : 

bé,  ce,  dé,  é,  effe,  gé,  ache,  ji,  elle,  emme,  enne,  erre,  esse,  vé,  ixe, 

zedde, 

l'Académie,  après  avoir  suivi  dans  cette  quatrième  édition  cet 
ancien  mode  d' épellation  pour  les  premières  lettres,  se  ravi- 
sant ensuite,  l'indique  ainsi  : 

t'e,  ge,  he,je,  le,  me,  ne,  re,  se,  ve,  xe,  ze. 

Cette  méthode,  qui  n'est  mise  en  pratique  que  depuis  peu 
de  temps,  rend  l'épellation  un  peu  moins  difficile;  et,  en  effet, 
bien  que  nous  ayons,  et  avec  tant  de  peine  !  appris  à  lire,  pro- 
noncerions-nous sans  hésiter  les  mots  qu'on  nous  a  fait  ainsi 
épeler  : 

erre    e    pé    u    té    a    té    i    o    enne  réputation 

a    i    elle    elle    e    u    erre    esse  ailleurs 

dé    a    u    pé    ache    i    enne  dauphin 

qu    u    i    ce    0    enne    qu    u    e  quiconque 

pé    ache    a    esse    e  phase 

Dans  cette  quatrième  édition,  la  suppression  du  t  final  au 
pluriel  des  mots  (substantifs  ou  adjectifs)  terminés  en  ant  et 
ent  fut  maintenue,  et  l'Académie  continua  à  écrire,  contraire- 
ment aux  deux  premières  éditions  :  les  enfans,  les  passans,  les 
élémens^  les  parens. 

C'est  aussi  dans  cette  édition  que  l'Académie  indiqua,  d'une 
manière  bien  plus  complète  qu'elle  ne  l'avait  fait  dans  la  pré- 
cédente, l'orthographe  des  temps  des  verbes  dont  elle  donna 
le  modèle  de  conjugaison  ;  ainsi  au  mot  voir  on  lit  :  je  voi  ou 
je  VOIS ,  il  voit,  nous  voyons,  vous  voyez,  ils  voyent  ;  je 
voyois,  etc.  Il  est  regrettable  que  l'indication  de  cette  double 
forme  de  la  première  personne  du  présent  de  l'indicatif  ne  se 
trouve  pas  reproduite  dans  le  Dictionnaire  aux  autres  mots, 
tenir,  venir,  vaincre,  connaître,  etc.,  ce  qui  aurait  laissé  aux 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  17 

poètes  la  liberté  d'employer  l'une  ou  l'autre  forme,  comme  l'a 
fait  si  souvent  Corneille  pour  je  tien^  je  vien^  je  voi^  je  vinc^ 
je  cognoi  (1).  Cette  orthographe,  conforme  à  la  conjugaison 
latine,  video^  -  es,  -  et,  permet  de  distinguer  la  première  per- 
sonne de  la  deuxième  du  présent  de  l'indicatif,  je  vien,  tu 
viens,  il  vient,  et  cela  d'accord  avec  le  vieux  français  et  les 
anciennes  grammaires  françaises ,  celles  des  Estienne  entre 
autres,  où  ïs  n'existe  pas  à  la  première  personne  du  singulier 
du  présent  de  l'indicatif  de  nos  verbes. 

CINQUIÈME   ÉDITION. 

Publiée  en  dehors  du  concours  de  l'Académie,  l'édition  citée 
quelquefois  comme  la  cinquième  n'a  point  été  cependant  re- 
connue officiellement.  Et,  en  effet,  bien  que  le  titre  porte  :  Dic- 
tionnaire de  r Académie  française,  revu^  cojTîgé  et  augmenté 
par  V Académie  elle-même ,  cette  cinquième  édition  ne  fut 
point  donnée  par  l'Académie  ;  elle  ne  parut  qu'en  vertu  d'une 
LOI  datée  du  premier  jour  complémentaire  de  Van  111  de 
la  République  française  (179S),  portant  que  :  X Exemplaire 
du  Dictionnaire  de  V Académie  françoise,  chargé  de  notes 
marginales,  sera  publié  par  les  libraires  Smith,  Maradan 
et  compagnie. 

Et  l'article  III  porte  :  «  Lesdits  libraires  prendront  avec  les 
«  Gens-de-Lettres  de  leur  choix  les  arrangements  nécessaires 
((  pour  que  le  travail  soit  continué  et  achevé  sans  délai  (2) .  » 

(1)  On  en  trouve  des  exemples  dans  La  Fontaine,  Racine,  Molière  et  même  dans 

Voltaire  : 

La  mort  a  respecté  ces  jours  que  je  te  doi, 

Pour  me  donner  le  temps  de  m'acquitter  vers  toL     [Alzire,  II,  2.) 

Je  trouve  aussi  quelquefois  dans  sa  correspondance  pui-je. 

(2)  Garât,  dans  la  préface  dont  il  fut  le  rédacteur,  dit  ;  «  Il  y  avoit  trois  Aca- 
démies à  Paris  :  l'une  consacrée  aux  Sciences  ;  l'autre  aux  recherches  sur  l'Anti- 
quité ;  la  troisième  à  la  Langue  Françoise  et  au  Goût.  Toutes  les  trois  ont  été 
accusées  d'aristocratie,  et  détruites  comme  des  institutions  royales  nécessairement 
dévouées  à  la  puissance  de  leurs  fondateurs.  » 

'2 


18  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADEMIE. 

Dans  quelle  proportion  les  notes  marginales,  œuvre  de 
l'Académie,  figuraient-elles  dans  cette  révision,  on  l'ignore; 
l'exemplaire  original  n'a  pas  été  conservé ,  mais  la  majeure 
partie  des  additions  sont  dues  à  Selis  et  à  l'abbé  de  Vauxelles, 
auxquels  fut  adjoint  un  correcteur  habile,  Gence. 

Cette  édition  parut  en  1795  :  elle  fut  donc  revue  et  impri- 
mée en  trois  ans. 

On  aurait  pu  croire  qu'à  cette  époque,  où  l'Académie  par 
son  absence  laissait  toute  liberté  aux  améliorations  orthogra- 
phiques, les  concessionnaires  en  auraient  largement  profité 
en  vue  de  faciliter  l'éducation  publique  ;  mais,  par  ces  chan- 
gements trop  apparents,  le  prestige  attaché  au  nom  de  Dic- 
tionnaire de  l'Académie  eût  été  amoindri  ;  et  comme  cette  entre- 
prise faite  sans  son  aveu  avait  en  vue  plutôt  un  but  commercial 
que  littéraire,  les  éditeurs,  pour  mieux  lui  conserver  son  ca- 
ractère, crurent  devoir  ne  rien  innover,  et  rejetèrent  à  la 
fm  en  appendice  «  les  mots  ajoutés  à  la  langue  par  la  Ré- 
volution et  la  République  ».  Je  ne  vois  donc,  quant  à  l'or- 
thographe, que  quelques  mots,  tels  q\i  analise,  analiser, 
analitique,  où  Y  y  ait  été  remplacé  par  Vi,  et  dès  lors  l'im- 
primerie adopta  cette  orthographe;  mais  du  moment  où  Vij 
fut  rétabli  par  l'Académie  dans  sa  sixième  édition,  il  reparut 
dans  toutes  les  impressions,  de  même  qu'il  disparaîtra,  si 
l'Académie  croit  devoir  lui  substituer  ïi  dans  l'édition  qu'elle 
prépare. 

SIXIÈME   ÉDITION. 

Dans  sa  sixième  édition,  publiée  en  1835,  l'Académie,  se  dé- 
jugeant elle-même,  ne  sanctionna  plus  la  suppression  du  t  final 
au  pluriel  des  mots  dont  le  singulier  se  terminait  en  ant  et  en 
ent,  et,  après  une  discussion  approfondie,  elle  crut  devoir 
rétablir  au  pluriel  le  ^  à  tous  les  mots  d'où  elle  l'avait  fait 
disparaître  dans  les  deux  précédentes  éditions*   En  écrivant 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  19 

dès  lors  amants,  éléments^  parents^  passants,  et  non  amans^ 
élémens,  parens,  passans,  toute  confusion  avec  l'écriture  des 
mots  dont  le  singulier  est  en  an,  comme  artisans,  charlatans, 
paijsans,passans,  etc.,  cessait,  et  l'orthographe  des  féminins 
pluriels  paijsannes  et  amantes  ne  pouvait  offrir  d'équivoque. 
Troncper  ainsi  au  pluriel  la  finale  du  singulier,  c'était  contre- 
venir à  la  règle  grammaticale  qui  forme  le  pluriel  par  l'addi- 
tion de  1*5. 

Malgré  le  besoin  de  simplifier  l'écriture,  ce  retour  à  un  an- 
cien principe ,  qui  nécessitait  cependant  une  addition  considé- 
rable de  lettres,  fut  accepté,  bien  qu'il  contrariât  les  habitudes 
déjà  prises  ;  il  était  logique.  Toutefois  je  dois  dire  que  quel- 
ques auteurs  et  imprimeurs  maintiennent  encore  la  suppression 
du  t\  tant  on  a  de  peine  à  ajouter  des  lettres,  tant  la  tendance 
à  les  supprimer  est  caractéristique. 

C'est  dans  cette  sixième  édition  qu'une  innovation  impor- 
tante fut  enfin  admise  par  l'Académie  :  la  substitution  de  Y  a 
à  l'o  dans  tous  les  mots  où  Xo  se  prononçait  a.  L'Académie 
suivit  en  cela  l'exemple  donné  par  Voltaire  (1).  Cette  modifica- 
tion, qui  s'étendit  sur  un  grand  nombre  de  mots,  fut  accueillie 
du  pubfic  avec  reconnaissance,  malgré  l'opposition  opiniâtre  de 
Chateaubriand,  de  Nodier  et  de  quelques  académiciens.  Main- 
tenant que  cette  orthographe  a  prévalu,  oserait-on  écrire  ou 
même  regretter  faimois^  il  était ^  qu'il  paroisse  ? 


(1)  Corneille  faisait  rimer  cognoistre,  connoître ,  reconnoistre ,  reconnoître, 
avec  naître,  renaître,  traître,  et  paroistre  avec  estre.  Vingt-six  ans  avant  l'ap- 
parition du  Dictionnaire  de  l'Académie ,  on  lit  dans  la  première  édition  de  l'An- 
dromaque  de  Racine,  acte  III,  se.  i,  ces  vers  : 

M'en  croirez-vous?  lassé  de  ses  ti^ompeurs  attraits, 
Au  lieu  de  l'enlever,  Seigneur,  ie  la  fuirais, 

où  l'o  est  remplacé  par  Va  dans  fuirais^  innovation  à  laquelle  Racine  crut  devoir 
renoncer,  puisque  j  sept  ans  plus  tard  (en  1675),  il  corrigeait  ainsi  ce  vers,  pour 
se  conformer  à  l'Usage  : 

Ail  lieu  de  l'enlever,  fuyez-la  pour  jamais. 


20  DTCTIONNAIRE  DE  L'ACADKMIE. 

Les  amélioratioiis  dans  cette  édition  ne  se  bornèrent  pas  à 
ces  deux  grands  changements  dans  l'orthographe;  l'uniformité 
de  la  prononciation  depuis  un  siècle  permit  de  régulariser  en 
grande  partie  l'emploi  des  accents  et  de  supprimer  beaucoup 
de  lettres  effacées  dans  la  prononciation;  l'écriture  des  dérivés 
devint  plus  conforme  à  celle  de  leurs  simples  (1)  ;  enfin  l'iVca- 
démie,  en  réunissant,  par  l'introduction  des  tirets  ou  traits  d'u- 
nion, les  mots  ou  locutions  adverbiales,  tenta  de  remédier  a 
l'inconvénient  de  laisser  séparés  des  mots  qui,  lorsqu'ils 
sont  isolés,  offrent  un  sens  tout  autre  que  celui  qu'ils  ac- 
quièrent par  leur  union. 

Mais,  durant  les  soixante-treize  années  d'intervalle  entre  la 
quatrième  et  la  sixième  édition,  que  de  changements  opérés 
en  France!.  Un  nouvel  ordre  de  choses  était  né,  et,  pour  re- 
fléter les  passions  de  la  tribune  et  de  la  presse,  le  langage 
avait  vu  son  domaine  s'accroître  de  locutions  inconnues  aux 
grands  auteurs  du  xvif  siècle,  à  Rousseau,  à  Voltaire  lui- 
même.  En  législation,  en  économie  sociale,  en  administration, 
tout  était  transformé,  et,  dans  l'ordre  matériel,  de  grands 
progrès  s'étaient  accomplis.  Chaque  mot  concernant  la  juris- 
prudence, la  politique,  les  sciences  et  les  arts,  exigeait  une 
révision  scrupuleuse  ou  un  examen  attentif.  L'Académie  ne 
devait  donc  admettre  qu'avec  prudence  et  après  de  longues 
discussions  des  néologismes  qui  pouvaient  n'être  qu'é- 
phémères. Sous  la  direction  successive  des  secrétaires  perpé- 
tuels, MM.  Raynouard,  Auger,  Andrieux,  Arnault,  Villemain, 
fut  accompli  ce  grand  travail,  qui  ne  dura  pas  moins  de  quinze 
années. 

On  ne  s'en  étonnera  pas,  si  l'on  songe  aux  difficultés  que 
présentait  la  définition  de  certains  mots,  tels  que  Liberté, 

(1)  Psaume  mW^nà^pseaume,  incongrûment  au  lieu  dHncongruemeni,  dé- 
grafer au  lieu  de  dégraffer,  et  souvent  et  par  une  fâcheuse  rectification,  char- 
riage, charrier  et  charrette,  qui,  dans  les  précédentes  éditions,  s'écrivaient 
chariage  et  charter,  comme  chariot,  etc. 


DICT[ONÎNAIRE  DE  L'ACADEMIE.  2! 

Droit,  Constitution^  qui  chacun  ont  occupé  quelquefois  toute 
une  séance  de  l'Académie  entière,  devant  laquelle  chaque  mot, 
rédigé  d'abord  par  une  commission  nommée  dans  son  sein,  était 
discuté  ensuite,  entre  MM.  de  Pastoret,  Dupin,  Royer-Collard, 
de  Ségur,  Daru,  etc.,  pour  tout  ce  qui  concerne  la  jurispru- 
dence ou  la  législation,  l'administration  ou  la  diplomatie  ; 

Andrieux ,  Villemain ,  de  Féletz ,  Campenon  ,  Lacretelle , 
Etienne,  Arnault,  etc. ,  pour  tout  ce  qui  tient  à  la  grammaire 
et  à  la  délicatesse  de  la  langue  ; 

Guvier,  Raynouard,  de  Tracy,  Cousin,  Droz,  etc.,  pour 
toutes  les  matières  de  science,  d'érudition  et  de  philosophie. 

Indépendamment  des  ressources  que  lui  offrait  la  variété  des 
connaissances  de  tant  d'hommes  supérieurs,  l'Académie  eut 
souvent  recours  aux  membres  les  plus  distingués  des  autres 
Académies,  tels  que  Biot,  Fourier,  Thenard,  Arago,  pour  la 
révision  d'articles  qui  sortaient  de  ses  attributions  spéciales. 

Mais  ce  mouvement  général  des  esprits  eut  une  influence 
très-marquée  et,  on  peut  le  dire,  regrettable  sur  l'orthographe 
et  l'intégrité  même  du  français.  Dans  les  sciences  d'observa- 
tion, physique,  chimie,  botanique,  zoologie,  nosologie,  tout 
était  renouvelé  ;  leur  classification  et  leur  nombreuse  nomen- 
clature exigeaient  un  accroissement  et  une  création  de  termes 
nouveaux,  pour  lesquels  la  littérature  grecque  offrait,  dans  son 
vaste  domaine  scientifique,  une  mine  inépuisable.  Ce  fut  donc  à 
la  langue  grecque,  dont  la  flexibilité  et  la  richesse  se  prêtaient 
si  bien  à  la  composition  des  mots  destinés  à  exprimer  ces 
nouveaux  besoins,  que  l'on  dut  naturellement  recourir  pour 
forger  et  souder  cette  multitude  de  termes  spéciaux.  Par  ce 
moyen,  une  définition  qui  eût  exigé  en  français  une  longue 
périphrase  se  trouvait  concentrée  en  un  seul  mot  ;  mais,  comme 
ces  composés  n'étaient  intelligibles  qu'à  ceux  qui  savaient  le 
grec,  ils  dé  francisaient  notre  langue. 

Sous  l'impression  de  cet  envahissement  archéologique,  l'A- 
cadémie, dans  sa  sixième  édition,  eut  un  moment  d'hésitation, 


22  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE, 

et  tenta  même,  pom-  trois  ou  quatre  mots  d'origine  grecque,  déjà 
surchargés  de  consonnes,  d'y  ajouter  encore  une  h  :  rythme 
devint  rhythme^  aphte  devint  aphthe,  phtisie  devint  phthisie, 
et  diphtongue  (que  Corneille  et  l'Académie  elle-même  écri- 
vaient toujours  ainsi)  devint  diphthongue  \  synecdoque,  ainsi 
écrit  dans  la  quatrième  édition,  devint  synecdoche.  Cet  essai 
malheureux,  qui  partait  d'un  principe  contraire  au  génie  de 
notre  langue,  fut  généralement  réprouvé,  et  ne  servit  qu'à  mieux 
démontrer  la  tendance  de  l'écriture  française,  du  moins  pour 
les  mots  usuels,  à  se  rapprocher  des  formes  de  notre  ancienne 
langue,  antipathique  à  l'appareil  scientifique  desph  et  des  th. 
Une  distinction  devrait  donc  s'établir  entre  les  termes  d'un 
ordre  purement  scientifique,  qui,  par  leur  nature  même,  con- 
viennent à  des  ouvrages  spéciaux  (1),  et  les  mots  qui,  quoique 
savants,  sont  indispensables  à  la  langue  usuelle  dont  ils  font 
partie.  Tout  en  éloignant  l'idée  f'e  rien  changer  à  la  nomen- 
clature purement  scientifique  (excepté  le  ph  qui  serait  si  bien 
remplacé  par  notre  /),  et  en  reconnaissant  l'utilité  des  com- 
posés grecs  où  se  complaisent  les  adeptes,  on  désirerait  que, 
du  moment  où  un  mot  a  servi  comme  une  monnaie  nationale 
à  la  circulation  journalière,  il  n'apparût  au  Dictionnaire  de 
l'Académie  que  revêtu  de  notre  costume  :  l'Usage,  en  lui  don- 
nant le  droit  de  cité,  l'a  rendu  français. 

Après  avoir  successivement  supprimé  dans  un  si  grand 
nombre  de  mots  les  lettres  étymologiques  et  introduit  d'im- 
portantes modifications  dans  les  signes  orthographiques, 
l'Académie  jugera  peut-être  le  moment  venu  d'imiter  (et 
sa  tâche  serait  bien  moindre)  l'exemple  que  ses  prédéces- 
seurs lui  ont  donné,  surtout  dans  leur  troisième  édition.  La 
liste  des  mots  où  pourraient  s'opérer  ces  modifications  n'est 

(1)  Tel  est  le  Dictionnaire  de  Nysten,  continué  par  MM.  Littré  et  Robin.  11 
suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  mots  qui  le  composent  pour  reconnaître 
qu'ils  n'ont  rien  de  français. 


DICTIONNA.IRE  DE  L'ACADÉMIE.  23 


I 

^H  point    aussi   considérable   qu'on  serait  tenté  de  le  croire. 

^H      L'usage  si  fréquent  que  j'ai  dû  faire ,  et  que  j'ai  vu  faire 

'^^  sous  mes  yeux,  dans  ma  longue  carrière  typographique,  du 

Dictionnaire  de  l'Académie,  m'a  permis  d'apprécier  quels  sont 

les  points  qui  peuvent  offrir  le  plus  de  difficultés.  J'ai  cru  de 

mon  devoir  de  les  signaler. 

L'Académie  rendrait  donc  un  grand  service,  aussi  bien  au 
public  lettré  qu'à  la  multitude  et  aux  étrangers,  en  continuant 
en  1868  l'œuvre  si  hardiment  commencée  par  elle  en  1740 
et  qu'elle  a  poursuivie  en  1762  et  en  1835.  Il  suffirait,  d'après 
le  même  système  et  dans  les  proportions  que  l'Académie  ju- 
gera convenables  : 

1"  De  régulariser  l'orthographe  étymologique  de  la  lettre  )^, 
ch\  et  de  substituer  aux  6,  M,  et  9,  ph^  nos  lettres  françaises 
dans  les  mots  les  plus  usuels;  d'ôter  Y  h  à- quelques  mots  où  il 
est  resté  pour  figurer  l'esprit  rude  (')  ; 

2°  De  supprimer,  conformément  à  ses  précédents ,  quelques 
lettres  doubles  qui  ne  se  prononcent  pas  ; 

3°  De  simplifier  l'orthographe  des  noms  composés,  en  les 
réunissant  le  plus  possible  en  un  seul  mot  ; 

4°  De  régulariser  la  désinence  orthographique  des  mots  ter- 
minés en  ant  et  ent  ; 

5°  De  distinguer ,  par  une  légère  modification  (la  cédille 
placée  sous  le  ^),  des  mots  terminés  en  tie  et  tion^  qui  se  pro- 
noncent tantôt  avec  le  son  du  t  et  tantôt  avec  le  son  de  1'^; 

6*"  De  remplacer,  dans  certains  mots,  Y  y  par  l'z; 

7"  De  donner  une  application  spéciale  aux  deux  formes  g 
et  g  au  cas  où  le  /,  dont  le  son  est  celui  du  g  doux,  ne  serait 
pas  préférable; 

8**  De  substituer  1'^  à  Vx,  comme  marque  du  pluriel  à  cer- 
tains mots,  comme  elle  l'a  fait  pour  lois^  au  lieu  de  loix  (lex^  la 
loi,  leges^  les  lois). 

Parmi  ces  principales  modifications  généralement  récla- 


21  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

niées,  l'Académie  adoptera  celles  qu'elle  jugera  le  plus  iai- 
portantes  et  le  plus  opportunes.  Quant  à  celles  qu'elle  croira 
devoir  ajourner,  il  suffirait,  ainsi  qu'elle  l'a  fait  quelquefois 
dans  la  sixième  édition  ,  et  conformément  à  l'avis  de  ses  Ca- 
hiers de  1694  (1),  d'ouvrir  la  voie  à  leur  adoption  future  au 
moyen  de  la  formule  :  Quelques-uns  écrivent...  ;  ou  en  se  ser- 
vant de  cette  autre  locution  :  On  pourrait  écrire. . .  Par  cette 
simple  indication,  chacun  ne  se  croirait  pas  irrévocablement 
enchaîné,  et  pourrait  tenter  quelques  modifications  datis  l'écri- 
ture et  dans  l'impression  des  livres. 

Voici  ce  qui  est  dit  en  tête  même  des  Cahiers  de  remarques 
sur  r orthographe  françoise  pour  estre  examinez  par  chacun 
de  Messieurs  de  l'Académie  : 

«  La  première  observation  que  la  Compagnie  a  creu  devoir 
«  faire^  est  que^  dans  la  langue  françoise.,  comme  dans  la 
((  pluspart  des  autres^  F  orthographe  nest  pas  tellement  fixe 
{(  et  déterminée  qu'il  ny  ait  plusieurs  mots  qui  se  peuvent 
((  escrire  de  deux  différentes  manières^  qui  sont  toutes  deux 
((  esgalement  bonnes^  et  quelquefois  aussi  il  tj  en  a  une  des 
«  deux  qui  n'est  pas  si  usitée  que  Fautre^  mais  qui  ne  doit 
«  pas  estre  condamnée  (2) .  » 

Les  changements,  lorsqu'ils  s'introduisent  successivement 
dans  l'orthographe,  ne  sauraient  causer  un  grave  préjudice 
aux  éditions  récentes.  Ces  modifications  passent  inaperçues 
d'une  partie  du  public  et  se  perdent  dans  la  masse.  On  peut 
d'ailleurs  en  juger  par  la  comparaison  de  l'orthographe  des 
textes  originaux  de  nos  écrivains  dits  classiques  avec  celle  de 
leurs  éditions  récentes  :  modifiée  du  vivant  même  de  l'auteur 
et  plus  tard  par  les  progrès  successifs  de  l'écriture  académique, 

(1)  Voyez  l'Appendice  A. 

(2)  Soit  donc  que  l'Académie  écrive  orthographe  et  môme  oriogrnfie,  orto- 
■graphe  ou  ortografe,  elle  pourrait  ajouter  :  [On  a  écrit  aussi  ortographie.] 
Dans  le  Dictionnaire  de  Nicod  (Paris,  1614,in-4o),  on  ne  trouve  point  orthogra- 
phe, mais  ortographie,  conformément  à  Du  Bellay,  qu'il  cite  pour  autorité. 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  25 

elle  diffère  sensiblement  de  l'impression  primitive.  Aucun 
trouble  cependant  n'en  est  résulté  dans  les  habitudes ,  et 
nous  lisons  sans  difficulté  nos  grands  écrivains  du  dix-septième 
siècle  dans  leurs  éditions  originales.  Leur  antiquité  leur  prête 
même  un  charme  de  plus. 

Toute  innovation^,  sans  doute,  surprend  et  paraît  même  cho- 
cante  au  premier  abord  ;  mais,  une  fois  introduite^  elle  devient 
aussitôt  familière.  C'est  une  véritable  conquête  qui,  dès  lors  et 
d'un  consentement  unanime,  fait  partie  du  domaine  public. 

Et,  en  effet,  qui  voudrait  aujourd'hui  écrire,  conformément 
au  Dictionnaire  de  1694  :  adveu,  advoué,  abysmer^  aisrié,  au- 
theur,  hienfacteur^  connoistre  (1),  chresme^  desgoustant,  es- 
crousté^  feslé^  horsmis,  yvro7/e,  pharitosme,  phlegme,  etc.  ;  ou 
bien  encore  :  costeau,  deschaisnement  ^  déthronef^  entesté^ 
eschole^  espy,  gayeté,  giste^  mechanique^  monachal^  noircis- 
seure,  ostage,  ptisanne,  saoul,  thresorier,  stomachaL  (2),  je 
sçay,  vuidey  vuider,  etc.? 

(0  congnoistre,    Manuscrits  de  l'Hospital  et  autres. 

cognoislre,      Dict.  de  Robert  Estienqe,  1540. 

connoistre,      1'"  édit.  du  Dicf.  1694. 

connoistre,      2"   édit.  du  Dict.  1718. 

connaître,        3*  édit.  du  Dict.  1740. 

connoître,        4^  édit.  du  Dict.  1762. 

connaître,  6^  édit.  du  Dict.  1835. 
On  propose  d'écrire,  dans  la  nouvelle  édition,  conformément  à  la  prononciation, 
conaître,  avec  un  seul  w,  et  l'on  devrait  môme  écrire  conètre^  ce  qui  distingue- 
rait, d'accord  avec  l'étymologie,  naître,  venant  de  nasci  (nascerunt  ou  nascêre), 
de  conètre  qui  vient  de  noscere.  Ainsi,  sur  dix  lettres,  trois  auraient  successi- 
vement disparu  sans  le  moindre  inconvénient.  Dans  un  manuscrit  inédit  du 
chancelier  Michel  de  l'Hogpilal,  que  je  possède,  je  lis  même  ce  mot,  écrit  par- 
tout avec  un  n  de  plus,  congnoissance.  C'est  ainsi  que  à'eschole  on  a  fait  défini- 
tivement école,  en  supprimant  deux  lettres  en  ce  mot  seul  qui  en  avait  sept.  Il 
en  est  de  même  de  espy,  desgoustant,  estesté,  qui  sont  devenus  épi,  dégoûtant, 
étêté,  etc.  On  pourrait  même  quelquefois  ,  en  se  rapprochant  de  l'origine  latine, 
simplifier  l'orthographe  de  certains  mots.  Ainsi,  pourquoi  écrire,  vaincre,  vain- 
queur, les  mots  vincere,  vic^or,  irrégulièrement  transportés  du  latin  .^  Puisque 
nous  écrivons  victorieux  et  invincible ,  écrivons  vincre  et  vinqueur,  ne  fût-ce 
que  pour  conserver  l'uniformité  d'orthographe  dans  ce  vers  : 

Ton  bras  est  invaincu,  mais  non  pas  invincible. 
(2)  L'Académie  écrivait,  dans  sa  première  édition,  stomachal;  dans  la  seconde. 


1 


26  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Avec  la  deuxième  édition,  celle  de  1718  :  abbatre^  abesth\ 
adjouster^  advis,  advoué,  asne^  bestise,  beveue^  creii,  dépost, 
desdain,  eslain^  estincelle^  espatule^  estuy^  inthroniser^  le- 
veure^  obmettre^  'pluye^  pourveu^  quarrure^  relieure^  vray- 
semblance^  etc.? 

Avec  la  troisième  édition,  celle  de  1740  :  chymie,  alchymie^ 
chymiste^  etc.,  frére^  mére^  namgei\  quanqiiam  (pom'  can^ 
can),  potriarchal,  paschal,  pseaume,  quadre,  quadrer^  des 
qualitez,  des  airs  affectez ^  etc.  ? 

Avec  la  quatrième  édition  :  foible,  faiblesse^  enfans^  pa- 
renSn,  qu'il  paroisse^  écrit  comme  la  paroisse ^  pseaume^  recoYi" 
noissance^  je  voîdois,  ils  étoient  (écrit  auparavant  estaient^ 
puis  enfin  étaient)  ? 

Dès  à  présent  on  s'étonne  d'écrire  avec  la  sixième  :  cuiller^ 
roideur  ^  roide  ^  aphthe  ^  phthisie  ^  rhythme^  diphthongue. 
Quatre  consonnes  de  suite  !  l'orthographe  du  quinzième  siècle 
n'en  admettait  que  deux  et  écrivait  diptongue,  spère  {sphère  on 
plutôt  sfère),  (7<patpa. 

Si  l'orthographe  étymologique  a  l'avantage,  bien  faible  à 
mon  avis,  de  mettre  sur  la  trace  des  racines,  et  d'aider  parfois 
à  deviner  la  signification  du  mot  quand  on  possède  à  fond  les 
langues  anciennes,  ce  système  qui,  pour  être  rationnel,  ne  sau- 
rait admettre  ni  transaction  ni  demi-parti,  sans  mettre  souvent 
en  échec  le  savoir  philologique ,  n'est  plus,  depuis  1740,  un 
système,  c'est  le  désordre.  D'ailleurs  l'étymologie  n'est  souvent 
qu*un  guide  peu  sûr  pour  découvrir  le  sens  actuel  des  vocables 
dont  la  signification  s'est  modifiée  dans  le  cours  des  âges,  au 
point  de  devenir  méconnaissable,  ainsi  que  M.  Villemain  l'a 
si  bien  démontré  dans  la  préface  du  Dictionnaire  de  1835. 

Il  ajoute  même,  et  avec  plus  de^orce  encore,  cette  réflexion  : 
«  La  science  étymologique  n'est  pas  nécessaire  pour  la  par- 
faite intelligence  d'une  langue  arrivée  à  son  état  de  perfection. 

stomacal;  dans  la  troisième,  stomachal\   dans  la  quatrième  et  la  sixième, 
stomacal^  qui  est  sa  forme  définitive. 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADEMIE.  27 

L'analogie  et  Tétymologie  peuvent  bien  fournir  matière  à  quel- 
ques observations  curieuses  et  plus  souvent  encore  à  des  dis- 
putes inutiles,  mais  elles  ne  déterminent  pas  toujours  la  vé- 
ritable signification  d'un  mot,  parce  qu'il  ne  dépend  que  de 
l'usage.  Rien,  en  effet,  n'est  plus  commun  que  de  voir  des  mots 
qui  passent  tout  entiers  d'une  langue  dans  une  autre,  sans 
rien  conserver  de  leur  première  signification.  » 

En  effet,  quel  avantage  peut  offrir  à  l'esprit,  même  pour  qui 
sait  le  grec,  la  présence  du  ph  ou  th  dans  les  mots  de  la  langue 
usuelle,  surtout  quand,  effacés  dans  certains  mots,  on  les  voit 
reparaître  dans  d'autres  dérivés  également  du  grec?  Lamé- 
moire,  quelque  présente  qu'elle  soit,  vient-elle  jamais  assez  tôt 
aider  l'intelligence  pour  lui  indiquer  le  sens  en  français  du  mot 
primitivement  grec  ?  Prenons  pour  exeipples  les  mots  strophe 
et  apostrophe  :  l'un  et  l'autre  viennent  de  TpeTCto,  cTpsçco,  qui 
signifie  tourner-,  mais,  pour  trouver  quel  rapport  relie  ce  mot 
avec  strophe,  il  faut  se  représenter  le  mouvement  demi-circu- 
laire de  choristes  chantant  ensemble  des  pièces  lyriques,  aux- 
quels d'autres  choristes  exécutant  un  mouvement  contraire  ré- 
pondent par  un  autre  chant,  ce  que  sti^ofe  représente  aussi 
bien  que  strophe.  Quant  à  apostropher,  qui  dérive  aussi  du 
verbe  TpÊirto  ou  cTpscpw,  il  faut  savoir  que,  par  cette  figure  de 
rhétorique,  on  doit  voir  le  geste  et  l'animation  de  l'orateur  se 
tournant  vers  la  partie  adverse  pour  l'apostropher. 

Et  quant  à  la  figure  de  grammaire,  Y  apostrophe^  qui  dérive 
aussi  du  même  verbe,  je  suis  assez  embarrassé  de  l'expliquer. 
A  en  juger  par  l'aspect  qu'offre  la  forme  demi-circulaire  de 
ce  signe  ('  ),  dont  l'emploi  indique  l'éUsion,  j'aimerais  à  y  voir 
rinfluence  du  verbe  TpeTCw,  tourner,  mais  les  savants  ne  sont 
pas  d'accord  à  ce  sujet. 

Obtient-on  plus  de  lumières  quand  on  sait  que  thèse  (Vol- 
taire écrivait  tèse)  vient  de  Tt67](j!.t,  placerl  Par  quel  effort 
de  mémoire  se  rappeler  les  détours  qui  rattachent  ce  verbe  avec 
la  thèse  que  soutient  un  candidat  ! 


28  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Ces  curiosités  offrent  quelque  intérêt  au  très-petit  nombre 
de  ceux  qui  se  livrent  à  ce  genre  d'études ,  mais  ces  mots, 
qu'ils  soient  écrits  avec  ou  sans  th  et  ph^  seront  tout  aussi 
bien  présents  à  leur  esprit  que  Test  notre  vieux  mot  frairie, 
quoique  écrit  avec  notre  /  et  qui  rappelle  tout  aussi  bien 
phratria  des  Latins,  et  <ppaTpta  des  Grecs,  que  si  on  l'écrivait 
phrairie.  Que  rhétorique  m^xme,  de  psw,  couler  comme  de  Veau^ 
et  flegme  de  (p>^£y[^.a,  qui  signifie  mflamrnation  et  pituite^ 
c'est  par  des  déductions  bien  éloignées  que  l'on  peut  s'y  re- 
connaître. Je  ne  vois  point  quel  avantage  il  y  aurait  à  écrire 
phrénésie  au  lieu  de  frénésie^  puisque  l'esprit  n'est  en  rien 
soulagé  lorsqu'en  lisant  ce  mot  il  doit  se  rappeler  que  <pp*/iv, 
d'où  il  dérive,  signifie  esprit^  jugement^  ce  qui  est  précisément 
le  contraire  de  frénésie^  frénétique  (1). 

Ces  minutieuses  distinctions,  du  domaine  de  la  philologie^ 
et  sujettes  à  des  discussions  interminables,  maintenant  surtout 
que  les  origines  sanscrites  sont  invoquées  en  étymologie,  doi- 
vent-elles prendre  place  dans  l'enseignement  de  l'ortho- 
graphe ?  est-ce,  d'ailleurs,  dans  un  Dictionnaire  de  la  langue 
usuelle  qu'elles  doivent  s'offrir  ? 

La  conclusion  logique  de  tout  ceci,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  lieu 
de  tenir  rigoureusement  compte  de  ce  genre  d' étymologie  dans 
l'écriture,  et  qu'on  ne  doit  la  conserver  qu'aux  mots  spéciale- 
ment consacrés  à  la  science  et  de  récente  formation. 

Un  helléniste,  d'ailleurs,  reconnaîtra  tout  aussi  bien  dans  une 
orthographe  française  simplifiée  les  vestiges  grecs  ou  latins  que 
le  fait  dans  sa  langue  un  ItaUen  ou  un  Espagnol.  Qu'on  écrive 
phénomène  ou  fénomène,  fantôme  ou  phantôme,  orthographe 
ou  ortographe  ou  plutôt  ortografe  (et  mieux  encore  ortografie), 
diphthongue  ou  dif longue^  métempsxj chose  ou  métempsycose^ 


(1)  4>pevtTtàto,  qui  dérive  également  de  çpr.v,  a,  il  est  vrai,  le  sens  que  nous 
donnons  à./rewesJe;  mais,  pour  recourir  même  à  cette  origine,  il  faudrait  écrire 
ce  mol  frénisie  ou  fréniie,  frénitique,  et  non  frénésie,  frénétique  :  en  grec 

cppevïTiç,  çpeviTixô;. 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  29 


r 

^H  ce  sont  toujours  des  mots  grecs  pour  celui  qui  sait  le  grec  : 
mais  il  s'étonnera  de  voir  certains  mots  ainsi  accoutrés,  tandis 
que  d'autres  de  même  provenance  ne  le  sont  pas.  Cette  ma- 
nière d'écrire,  agréable  à  certains  humanistes,  satisfait-elle 
toujours  un  goût  délicat?  Molière  eût-il  vu  avec  plaisir  son 
Misantrope  et  suPsiché  écrits  autrement  qu'il  ne  l'a  fait  dans 
toutes  ses  éditions  (Ij?  Quant  aux  personnes,  en  si  grand 
nombre,  qui  ne  savent  pas  le  grec,  l'orthographe  étymolo- 
gique ne  peut  leur  être  d'aucun  secours.  Doit-on  faire  ap- 
prendre le  grec  dans  les  écoles  primaires  ?  Il  faudrait  même 
alors  que  cette  étude,  aussi  bien  que  celle  du  latin ,  précédât 
l'enseignement  du  français.  D'ailleurs,  ces  mots  que  nous  écri- 
vons tantôt  par  th  et  ph  et  tantôt  par  t  ou  /,  bien  que  tous 
dérivés  du  grec,  avaient  primitivement  un  son  dès  longtemps 
perdu  et  que  n'a  jamais  connu  la  basse  latinité  d'où  procède 
notre  langue.  Ainsi  fameux,  dérivé  de  o'/ip,  en  éohen  (pa^xa, 
transformé  par  les  Latins  en  fama,  d'où  famosus ,  n'a  pas  été 
écrit  par  eux  avec  ph,  parce  que,  disent  les  grammairiens, 
les  mots  écrits  par  ph  se  prononçaient  avec  une  différence 
marquée,  pour  distinguer  le  /et  le  ph.  Quintilien  nous  apprend 
que  les  Latins,  en  i^rononçant  fordeum  (pour  hordeum)  et 
fœdiis ,  faisaient  entendre  un  son  doucement  aspiré ,  mais 
qu'au  contraire  les  Grecs  donnaient  à  leur  4>  une  aspiration 
très-forte,  au  point  que  Gicéron  se  moquait  d'un  témoin  qui, 
ayant  à  prononcer  le  nom  de  fundanius,ne  pouvait  en  profé- 
rer la  première  lettre  (2).  Puisque  nous  savons  qu'il  a  plu  aux 

(1)  La  première  édition  du  Misantrope  est  de  1667  ;  celle  de  Psiché,  de  1671. 
Dans  les  diverses  éditions  des  œuvres  jusqu'à  celle  de  1739,  8  vol.  in-I2,  donnée 
soixante-six  ans  après  la  mort  de  l'auteur,  je  vois  ces  deux  comédies  exacte- 
ment imprimées  sous  ce  titre,  et  le  Théâtre-Français  avait  si  bien  conservé  l'an- 
cienne tradition  que  l'un  de  nos  plus  célèbres  académiciens  se  rappelle  avoir  vu 
dans  sa  jeunesse,  sur  les  affiches  du  Théâtre-Français,  le  nom  du  Misantrope 
écrit  sans  h.  On  n'a  plus,  malheureusement,  aucun  maimscrit  de  la  main  de  Mo- 
lière, mais  on  peut  être  assuré  qu'il  écrivait  selon  l'orthographe  française. 

(2)  <  Quin  fordeum  fœdusgue  pro  aspiralione  vel  simili  littera  utentes  :  nam 
contra  Gra3ci  aspirare  soient,  ut  çro  Fundanio  Cicero  testem ,  qui  primam  ejus 
litteram  dicere  non  posset,  irridet.  »  Insiit.  orat.,  I,  4,  14.  Terentianus  Maurus 


30  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Latins  d'écrire  certains  mots  dérivés  du  grec  les  uns  par  ph^ 
les  autres  par /(bien  qu'en  grec  la  lettre  9  soit  toujours  la 
seule  et  la  même  pour  tous)  afin  de  les  prononcer  à  leur  guise, 
prononçons  alors  différemment  les  mots  où  l'on  voudrait  en- 
core conserver  le  jph.  Distinguons  donc  la  prononciation  phé^ 
nomène^  cpaivofAsvov ,  traduit  par  les  hdXm^  j)hœnomeno7i^  de 
celle  de /razVee^  cppaToia,  revêtu  d'un /par  les  Latins  {fratria)^ 
et  tâchons  de  retrouver  ce  je  ne  sais  quel  pulsus  palatin  lin- 
guœ  et  labrorum  dont  parle  Quintilien.  Mais  déjà  nous  pro- 
nonçons le  son  /  de  deux  manières,  faible  avec  T/ simple  dans 
afin  et  facile^  forte  avec  la  double  /  dans  affliger  et  affreux. 
Pour  être  conséquents,  nous  devrions  prononcer  philosophie 
avec  un  troisième  son  encore  plus  rude.  L'Académie  qui,  dans 
le  cours  de  ses  éditions,  a  déjà  remplacé  par  notre /français 
le  ph  des  Latins  dans  un  si  grand  nombre  de  mots,  ne  devrait 
plus  tolérer  de  tels  contrastes. 

Pourquoi  les  Grecs  écrivaient-ils  certains  mots  par  ô  et 
d'autres  par  t?  Parce  que  la  prononciation  du  6  différait  sen- 
siblement de  celle  du  t,  et  cette  prononciation  du  6,  th^  qui  se 
conserve  encore  chez  les  Grecs ,  se  retrouve  et  avec  le  même 
son  dans  la  langue  anglaise.  Un  Anglais  prononcera  donc 
autrement  que  nous  authentique,  épithète^  mythologie^ 
théâtre.  Mais  pulsqu'en  français  le  th  et  le  /  n'ont  qu'un  seul 
et  même  son  parfaitement  identique,  nous  devons,  ainsi  qu'on 
l'a  fait  pour  trésor^  trône^  etc.,  écrire  par  un  seul  et  même 
signe  tous  les  mots  qui ,  par  un  long  usage,  sont  devenus 
français.  En  suivant  cette  voie,  on  rendra  notre  orthographe 
logique  et  conséquente . 

dit  que  la  lettre  f  en  latin  avait  un  son  doux  et  faible  :  «  Cujus  (literœ  f)  a  greeca 
(litera  ç)  recedit  Unis  aique  hebes  somis,  »  p.  2401,  éd.  Putsch. 

PHscienj  p.  542,  dit  que  dans  beaucoup  de  mots  le  <p  a  été  remplacé  par  le  fi 
fama,fuga,fur  (?wp),/ero,  etc.,  et  que  dans  d'autres  on  gardeph.  «  Hoc  taraen 
stire  debemus  quod  non  iam  fixis  labris  pronuntianda  /,  quomodo  pfi,  atque 
hoc  solum  interest  int:er/et  ph.  »  Ailleurs,  p.  548,  il  ajoute  :  «  Est  aliqua  in  pro- 
nuntialione  lilerœ  /  differentia  (d'avec  le  9),  ul  ostendit  ipsius  palati  pulsus  et 
linguae  et  labrorum.  i» 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE.  31 

La  bizarrerie  de  notre  écriture  est  le  premier  objet  qui 
frappe  les  yeux  aussi  bien  des  nationaux  que  des  étrangers  ; 
elle  contredit  F  esprit  net ,  clair  et  logique  du  français  que 
l'Académie  maintient  dans  sa  pureté  par  l'exactitude  de  ses 
définitions  et  la  précision  de  ses  exemples.  L'illustre  compa- 
gnie doit  donc  apporter  le  même  soin  à  l'orthographe,  qui  est 
l'empreinte  visible  de  notre  langue  transmise  par  tant  de 
chefs-d'œuvre  jusque  dans  des  contrées  dont  nous  ignorons 
même  le  nom. 

Puisque  pour  les  mots  que  nous  empruntons  aux  langues 
vivantes,  nous  cherchons  à  franciser  leur  orthographe  plutôt 
que  de  conserver  leur  figure  originaire,  pourquoi  ne  pas  agir 
de  même  à  l'égard  des  langues  mortes?  On  s'est  accordé  à 
écrire,  à  la  satisfaction  de  tous,  vagon  et  non  waggon^  valse 
et  non  ivalse  ^  chèque  et  non  check  ^  cipaye  et  non  cipahiy 
contredanse  et  non  country  dance^  9^9ue  et  non  gig,  loustic 
et  non  lustig,  arpège  et  non  arpeggio^  roupie  et  non  rupee^ 
stuc  et  non  stucco.  De  riding  coat  on  a  fait  redingote,  de 
beefstake^  bifteck,  qu'il  serait  mieux  d'écrire  biftec^  de  roast 
beef^  rosbif]  de  packet  boat^  paquebot  ;  de  toasts  tost  et  toster\ 
de  sauer  kraut^  choucroute^  etc.  Pourquoi  n'en  serait-il  pas 
de  même  pour  les  mots  où  les  th^  les  ph  figurent  aussi  dé- 
sagréablement dans  notre  système  orthographique  que  les  w 
et  les  k  des  Saxons  et  des  Germains,  tandis  que  nos  mots  dé- 
rivés du  grec  reprendraient  si  bien  leur  figure  française  avec 
des  /  et  des  t  ? 

L'Académie,  d'ailleurs,  par  un  moyen  simple  et  adopté 
aujourd'hui  dans  tous  les  dictionnaires,  peut  maintenir  la  tra- 
dition étymologique,  bien  plus  efficacement  que  par  la  con* 
servation  accidentelle  de  quelques  lettres  qui  troublent  la 
simplicité  de  notre  orthographe  :  il  suffirait  dans  la  prochaine 
édition  de  placer  en  regard  du  mot  français  le  mot  grec  d'où 
il  dérive  immédiatement.  Si,  dans  la  première  édition  de  son 
Dictionnaire  et  même  dans  les  sui  van  tes  j  l'Académie  fit  aetô  de 


32  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADbLMIE. 

haute  sagesse  en  n'y  faisant  pas  figurer  les  étymologies  grec- 
ques et  latines,  attendu  que  la  science,  alors  incertaine,  faisait 
souvent  fausse  route,  aujourd'hui  les  bases  des  étymologies 
sont  trop  assurées  pour  que  l'addition  des  mots  racines  puisse 
être  un  sujet  de  controverse,  étant  surtout  limitée  aux  seuls 
mots  qui  dans  le  Dictionnaire  avaient  des  th  et  des  /;A. 

Renchérir  sur  le  premier  Dictionnaire  de  TAcadémie  et 
réintégrer  dans  la  langue  française  l'orthographe  étymologique 
grecque  et  latine  dans  des  milliers  de  mots  d'où  l'usage  et 
l'Académie  l'ont  bannie  est  une  impossibilité,  tandis  que  la 
modification  qui  atteindrait  les  th  et  ph  des  mots  de  la  langue 
usuelle  qui  les  conservent  encore  ne  porterait  pas  sur  plus  de 
deux  cents  mots  (1). 

Je  lis  dans  un  des  écrits  les  plus  sages  sur  la  réforme  de 
l'orthographe  le  passage  suivant  (2)  : 

«  Si  l'on  veut  conserver  l'étimologie,  il  faut  remètre  des  con- 
sones  sans  valeur  dans  plus  de  dis  mile  mots  d'où  on  les  a  banies 
depuis  long-temps.  Quelque  sistôme  qu'on  veuille  adopter,  il  faut 
tâcher  d'être  conséquent.  Uusage  actuel  et  le  sistême  des  étimo- 
logies  sont  trop  souvent  en  contradiction  pour  qu'on  puisse  alier 
ensemble  les  principes  de  l'un  et  de  l'autre.  Ainsi,  puisque  la  pro- 
nonciation nous  a  fait  abandonner  l'étimologie  dans  une  partie  de 
nos  mots ,  la  même  raison  nous  invite  à  l'abandonner  dans  les 
létres  étimologiques  ne  se  prononçant  point.  » 

(1)  Les  mots  de  la  langue  usuelle  ayant  un  th^oni  au  nombre  d'environ  soixante- 
dix:  ceux,  un  peu  plus  nombreux,  ayant  un  ph  sont  au  nombre  d'une  centaine. 
Les  autres,  pour  la  plupart,  sont  des  termes  de  médecine,  de  chirurgie  ou 
des  arts ,  qui  s'écrivent  rarement ,  et  sont  consacrés  à  des  professions  spéciales  ; 
les  personnes  qui  les  exercent  en  connaissent  l'origine  et  la  signification,  ce  qui 
pourrait  exempter  ces  mots  d'être  revêtus  d'une  forme  bizarre  que  les  Grecs, 
amis  du  simple  et  du  beau,  ne  reconnaîtraient  pas.  Les  mots  ichthyographie 
triphihongue ,  àpophthcgme ,  conliennent  chacun  deux  ou  trois  consonnes  dé- 
plaisantes qu'ils  nont  pas  en  grec  :  îxÔvioYpacpîa ,  TpiçÔoyyoç,  àTiocpGeyiJt-a ,  etc. 
Toutefois ,  comme  ces  mots  ne  sont  pas  de  la  langue  usuelle ,  on  pourrait  leur 
conserver  leur  appareil  scientifique. 

(2)  J)e  V Orthographe ,  ou  des  moyens  simples  et  raisonnes  de  diminuer  les 
imperfections  de  notre  orthographe,  de  la  rendre  beaucoup  plus  aisée,  pour 
servir  de  supplément  aux  différentes  éditions  de  la  grammaire  française  de 
M.  de  Wailly  (membre  de  l'Académie  française).  Paris,  Barbou,  1771,  in-8. 


DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIK.  33 


r 

^P  Parmi  les  notes  que  mon  père  avait  écrites  en  1820,  lorsque, 
avec  MM.  Raynouard,  Andrieux  et  quelques  autres  de  ses 
amis,  on  discutait  les  principes  que  l'Académie  croirait  devoir 
adopter  pour  l'orthographe,  je  transcris  celle-ci  : 

((  Je  crois  qu'on  doit  chercher  à  mettre  le  plus  de  simplicité 
possible  dans  Forthographe.  Je  sais  qu'on  a  de  la  peine  à  abandon- 
ner la  méthode  qu'on  a  longtemps  suivie  et,  comme  le  dit  Horace  : 

quœ 

Imberbi  didicere ,  senes  perdenda  fateri  ; 

mais  l'expérience  me  démontre  que  la  simplicité  dans  Tortho- 
graphe  est  nécessaire.  Je  suis  déjà  avancé  en  âge.  Après  avoir 
fait  une  étude  constante  de  la  langue  française ,  au  moment  de 
quitter  la  carrière  typographique,  je  suis  las  de  feuilleter  sans  cesse 
des  dictionnaires  qui  se  contredisent  entre  eux  et  se  contredisent 
eux-mêmes.  J'oserai  le  dire,  bien  qu'en  hésitant  encore  :  je  vou- 
drais qu'on  écrivît  le  mot  philosophe  non-seulement  avec  un  /  à  la 
dernière  syllabe,  comme  le  proposait  de  Wailly,  mais  je  mettrais 
ce  /'même  à  la  première  syllabe,  comme  font  les  Italiens  et  les 
Espagnols.  Mais,  dira-t-on,  l'Académie  française  sera  accusée 
d'ignorance.  Ce  ne  sont  point  les  érudits,  au  moins,  qui  l'en  ac- 
cuseront. Ils  savent  bien  que  ce  f  est  le  digamma  éolique  dont 
faisaient  usage  non-seulement  les  Éoliens  et  les  anciens  Grecs, 
mais  les  inscriptions  latines  et  les  bons  écrivains  latins  comme 
Catulle,  Térence,  etc.  (1). 

a  On  a  crié  beaucoup  la  première  fois  qu'on  a  écrit  le  mot  phan- 
tome  avec  un  digamma  éolique  ou  f.  Alors  les  dictionnaires  mo- 
dernes ont  commencé  à  insérer  ce  moi  fantôme  à  la  lettre  F^  mais 
en  renvoyant  au  moi  phantôme  par  un  ph  pour  la  définition  et  les 
exemples  ;  ensuite  on  a  écrit  le  mot  fantôme  avec  la  définition  et 
les  exemples  à  la  lettre  F,  et  on  a  seulement  inscrit  le  mot  phcm- 
tome  avec  le  ph  en  renvoyant  au  mot  fantôme  par  un  f;  et  mainte- 
nant on  ne  trouve  plus  le  mot  phantôme  par  ph  dans  le  Diction- 
naire de  l'Académie.  » 


(1)  Seulement  cette  lettre  paraît  avoir  été  chez  les  anciens  le  signe  d'une  aspira- 
tion, tandis  que  chez  nous  elle  est  douce  et  euphonique,  et  conTient  ainsi  parfaite- 
ment à  remploi  qu'on  lui  destine. 

3 


34  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Voltaire  dans  sa  correspondance  écrivait  philosofe  ou  filo- 
sofe,  philosofie  ou  filosophie,  et  dans  son  Dictionnaire  philo- 
sophique faisait  ranger  à  la  lettre  F  l'article  Philosophie  ;  on 
lit  en  tête  de  cet  article  : 

«  Écvïyez  filoso fie  ou  philosophie  comme  il  vous  plaira  (1).  » 

Les  améliorations  introduites  dans  la  dernière  édition  du 
Dictionnaire  de  l'Académie  n'eurent  plus  un  seul  contradic- 
teur, du  moment  qu'elles  y  furent  admises.  Il  en  sera  de  même 
de  toutes  celles  que  l'Académie  croira  devoir  approuver.  Sans 
rien  violenter,  elles  auront  l'avantage  d'épargner  du  temps  et 
de  la  fatigue  d'esprit,  de  rapprocher  du  beau  et  du  simple  les 
formes  de  notre  .langue,  d'en  rendre  l'étude  plus  facile,  enfm 
de  se  conformer  aux  tendances  marquées  par  l'Académie  elle- 
même  dans  les  éditions  successives  de  son  Dictionnaire,  ten- 
dances qui  sont  celles  de  l'esprit  humain  et  qui  datent  de  loin, 
puisque,  nous  dit  M.  Villemain,  ce  Auguste,  homme  de  goût, 
((  écrivain  précis,  et  de  plus  empereur,  ce  qui  donne  toujours 
«  une  certaine  influence,  jugeait  que  l'orthographe  devait  être 
«  l'image  fidèle  de  la  prononciation  :  Orthographiam,  id  est 
«  formulam  rationemque  scribendi,  a  grammaticis  institutam, 
«  non  adeo  custodiit  ;  ac  videtur  eorum  potius  sequi  opinionem, 
«  qui  perinde  scribendum,  ac  loquamur,  existiment  (2).  » 


(1)  c'est  à  la  lettre  F  que  Voltaire  avait  fait  placer  l'article  Philosophe,  sous  ce 
titre  :  Filosofe  ou  philosophe. 

(2)  Suétoue,  Vie  d'Auguste,  lxxxviii.  Ce  mot  Augustus  est  un  exemple  frappant 
de  la  tendance  irrésistible  à  l'abréviation  des  mots  par  la  prononciation ,  puis  par 
l'écriture  :  Auguste,  aoust,  août,  est  prononcé  oût,  et  Baïf,  dans  son  système 
phonétique,  recourt  à  la  ligature  grecque  8,  pour  figurer  notre  son  ou. 


ORTHOGRAPHK  ÉTYMOLOGIQUE. 


35 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE 
DE  LA   LETTRE   /. 

Mots  de  la  langue  française  où  la  lettre  x  ^st  figurée  par  c,  K 
ou  QU,  et  par  ch. 


Par  c,  &  ou  </u,  l'/i 
ayant  disparu  : 

acariâtre 

Par  ch ,  quoique  prononcé  k  : 

Par  ch  prononcé  à  la 
manière  française: 

Achéron 

achromatique  * 

chiromancie  ** 

caméléon 

anachorète* 

chlamyde  * 

Achille 

caractère 

anachronisme  * 

chlore* 

alchimiste 

Caron 

antechrist 

chlorure  * 

anarchie 

carte 

archaïsme  * 

chœur 

archée 

cartulaire 

archange  * 

choléra-morbus* 

arôhidiacrc 

colère 

archéologie 

chorée  * 

archiduc 

colérique 

archéologue 

chorége  * 

archimandrite 

colique 

archétype  ** 

chori  arabe* 

archipel 

corde 

archiépiscopal** 

choriste  * 

architecte 

crème 

archonte  * 

chorographe  * 

archives 

école 

autochthone  * 

chorus  * 

archiviste 

estomac 

bacchanale  * 

chrêuie 

archivolte 

estomaquer 

brachial  * 

chrestomathie  * 

bachique 

exarque 

catachrèse  * 

chrétien 

béchique 

hérésiarque 

catéchumène  "" 

Christ 

bronchite 

hypocondre 

chalcographie  * 

chromatique  * 

cacochyme 

kilo 

Chaldée 

chrome  * 

catéchisme 

kilogramme 

chaos  * 

chronique  * 

charité 

kilomètre 

Charybde 

chronologie  * 

charte 

mécanique 

chelidoine  ** 

chronomètre  * 

chimèie 

mélancolie 

Chersonèse 

chrysalide  * 

chimie 

mélancolique 

chirographaire  ** 

chrysanthème 

chimiste 

métempsycose 

chirographe** 

chrysocale*  (0 

chirurgie 

monacal 

chirologie  ** 

cochléaria  * 

chirurgien 

(1)  Mot  dont  la  formation  est  absurde;  il  eût  fallu  chrysoïde,  xpuaou  eîôoç, 
ayant  Vapparence  de  Vor.  Chrysocale,  qui  veut  dire  bel  or,  est  donc  un  men- 
songe; le  vrai  mot  était  similor,  mais  il  indiquait  trop  bien  la  chose. 


36 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE. 


Par  cil ,  quoique  prononcé  k  : 

Par  ch  prononcé  à 
manière  française 

chyle 

conchyliologie** 

ochlocratie* 

drachme  * 

orchestre 

chyme 

ecchymose 

philotechnie* 

exarchie 

écho* 

polytechnie* 

machiner 

eucharistie* 

psychologie* 

monarchie 

exarchat* 

pyrotechnie*  • 

pachyderme 

ichneumon  * 

saccharin* 

Psyché 

ichthyologie* 

strychnine* 

rachitisme 

[Itchen]  ** 

synchronisme* 

schène 

lithochromie* 

synecdoche* 

schisme 

malachite 

technique* 

schiste 

mnémotechnie* 

trochée** 

trachée 

Par  c,  k  ou  qu,  \'h 
ayant  disparu  : 

monarque 

monocordç 

pancarte 

pâques 

pascal 

patriarcal 

patriarcat 

Plutarque 

scolaire 

scolastique 

scoliaste 

sépulcre 

sépulcral 

stomacal 


Ainsi,  dans  tous  ces  mots  dérivés  du  grec,  et  qui  pour  la 
plupart  sont  de  formation  récente,  on  voit  figurer  à  la  pre- 
mière colonne  :  1"  ceux  qui,  écrits  d'abord  par  ch,  tels  que 
charactère,  charte,  chorde,  mélancholie,  méchanique,  etc. ,  au 
nombre  de  38,  ont  successivement  perdu  1'^  et  s'écrivent  ca- 
ractèrCy  carte,  corde,  mélancolie,  mécanique^  etc. ,  avec  le 
c  dur  ou  ses -représentants  alphabétiques. 

2°  Dans  les  colonnes  du  milieu  sont  rangés  74  mots  écrits 
avec  ch,  dont  le  Dictionnaire  indique,  du  moins  pour  la  plu- 
part, que  ce  ch  doit  être  prononcé  k. 

3**  Dans  la  quatrième  colonne,  qui  contient  37  mots,  ce 
même  signe  binaire  ch  se  prononce  pour  tous  à  la  française, 
CHE  :  alchimie^  architecte,  archidiacre,  charité,  etc. 

J'ai  donc  marqué,  à  la  seconde  et  troisième  colonne,  avec 
un  *  les  mots  qui  devraient  être  écrits  par  un  c,  afm  de  les 
faire  rentrer  dans  la.  première  série  ;  ils  sont  au  nombre  de  50, 
et  j'ai  marqué  de  deux  **  ceux  qui  pourraient  rentrer  dans  la 
troisième  série  en  conservant  le  ch  et  qui  dès  lors  se  pronon- 
ceraient à  la  française  :  ils  sont  au  nombre  de  dix. 

En  effets  à  côté  des  mots  qui,  à  la  première  colonne,  ont 
perdu  successivement  le  ch  pour  être  écrits  par  le  simple  c 
dur  :  caractère,  carte,  colique,  colère,  mécanique,  mélancolie, 
patriarcal,  scolastique,  sépulcre,  et  exarque,  monarque,  etc., 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE.  37 

on  peut  ranger  sat.s  incouYément  acromatiqiie,  anacronisme, 
arcaisme^  catécumène,  clore ^  dorure^  crôme^  cronologie  (1), 
psycologie^  comme  Victor  Cousin  voulut  qu'on  imprimât  ce 
mot  dans  ses  ouvrages,  et  non  psychologie.  Pourquoi  écrire 
exarcdX  et  asf^rchat,  lorsqu'on  écrit  exarque  et  patriarcat^ 

Et  l'on  peut  ranger,  sans  le  moindre  inconvénient,  à  la 
troisième  colonne,  archétype^  archiépiscopal^  chélidoine, 
chirographaire ,  chirographe,  chirologie^  chiromancie^  li- 
chen^ puisqu'on  écrit  et  prononce  alchimiste^  archidiacre, 
archiduc,  charité^  catéchisme,  chirurgie,  chirurgien. 

Il  ne  resterait  de  difficulté  que  pour  neuf  mots,  antechrist^ 
•      archéologue,  archéologie,  chœur,  chrême^  chrétien,  ecchijmose, 
malachite,  orchestre,  auxquels  on  peut  conserver  le  ch  en  in- 
diquant au  Dictionnaire  qu'il  se  prononce  k. 

Il  est  fâcheux  que  la  prononciation  du  c  étant  celle  de  1'^ 
devant  e  et  2,  ne  permette  pas  d'écrire  arcéologue,  arcéologie, 
eccymose,  malacite,  orcestre.  Mais  pourquoi  ne  pas  prononcer 
^RCHÈologie  comme  mo/îARCHiE ,  ou  bien  écrire  et  prononcer 
A^Qutologue,  comme  on  écrit  et  prononce  ^o/zarque,  et  ne 
pas  s'en  tenir  à  synecdoque  que  l'Académie  elle-même  auto- 
rise? On  pourrait  aussi  employer  le  k,  d'un  si  grand  usage 
chez  nos  anciens  poètes  et  si  regretté, par  Ronsard.  Théodore 
de  Bèze  l'indiquait,  pour  écrire  rekeil,  rekeillir,  etc.,  au  lieu 
de  recueil,  recueillir,  et  nous  l'avons  admis  dans  l'usage  ordi- 
naire pour  kilo ,  kilogramme  ,  kilomètre ,  kyste ,  ankylose, 
enkysté,  kyrielle,  mots  également  dérivés  du  grec  où  le  y  et 
le  X  sont  représentés  par  k. 

Le  tableau  des  mots  dérivés  du  grec  où  figure  le  y  montre 
combien,  excepté  neuf  mots,  la  régularisation  devient  facile. 

Quant  aux  noms  propres,  presque  tous  dérivés  du  grec,  ils 
s'écrivent  en  général  avec  ch  et  se  prononcent  k.  Quelques-uns 
cependant  se  sont  modifiés  et  ont  perdu  l'A ,  tels  que  Car  on, 


I 


(1)  Chronologie  est    souvent  écrit  et  même  imprimé  sans   h  :  cronologie. 
Voltaire  écrit  catécumène. 


38  ORTHOGRAPHE  ETYMOLOGIQUE. 

Plutarqiie,  Andromaque^  Télémaqiie.  On  devrait  donc  écrire 
Calkas  ou  Calcas  et  nonCalchas.  Mais,  comme  les  noms  propres 
ne  figm-ent  pas  au  Dictionnaire  de  l'Académie,  il  est  inutile 
de  s'en  occuper  ici. 

Pour  des  mots  scientifiques ,  tels  que  cholédoque ,  cholédo- 
logie,  il  importe  fort  peu,  à  qui  sait  le  grec',  qu'ils  soient  écrits 
d'une  manière  ou  d'une  autre.  La  science  du  grec  ne  saurait 
d'ailleurs  être  toujours  un  guide  infaillible.  Ainsi,  de  ce  qu'on 
sait  le  grec,  on  croira  devoir  écrire  scholie  et  scholiaste  ;  ce- 
pendant l'Académie  écrit  scolie  et  scoliaste,  tandis  que,  par 
amour  du  grec,  on  aurait  dû  distinguer  le  «  commentaire,  uyo- 
T^iov  )) ,  de  la  «chanson  de  table,  axoXtov  » ,  et  pour  se  conformer 
à  l'étymologie,  écrire  avec  un  h  le  commentaire,  scholie,  et 
sans  h  la  chanson  de  table,  scolie. 

D'autres  mots  signifient  même,  pour  qui  sait  le  grec,  pré- 
cisément le  contraire  de  ce  qu'ils  veulent  exprimer  ;  tels  sont 
oxygène,  hydrogène  :  c'était  oxygone,  hydrogone  qu'il  fallait. 
On  ne  s'est  trompé  que  du  fils  au  père:  au  lieu  del'engendreur 
l'engendré. 

Si  le  doute  est  permis,  même  à  des  hellénistes,  quel  ne  doit 
pas  être  l'embarras  des  artisans,  et  du  nombre  immense  de 
ceux  qui  ne  savent  ni  le  grec  ni  le  latin?  En  1694,  quand 
l'Académie  composa  son  Dictionnaire,  savoir  lire  et  écrire 
était  un  privilège  réservé  à  une  classe  restreinte  de  la  société. 
Aujourd'hui  c'est  le  droit  et  le  devoir  de  tous  (1). 

DE  L'ESPRIT  RUDE  ET  DE  LA  LETTRE  H. 

L'Académie  semble  vouloir  renoncer  à  figurer  dans  l'ortho- 
graphe l'esprit  rude  du  p  grec,  qui  indique  une  aspiration  étran- 

(1)  M.  B.  JuUien,  dans  son  Traité  des  Principales  étymologies  de  la  langue 
française,  après  avoir  cité  un  grand  nombre  de  mots  qui  ne  sont  que  des  barba- 
rismes prétentieux,  insignifiants,  et  inintelligibles  pour  les  Grecs,  s'exprime 
ainsi  :  «  C'est  payer  un  peu  cher  la  manie  de  puiser  dans  les  langues  savantes 
que  d'en  tirer  des  barbarismes  pour  aboutir  à  des  contre -sens.»  (P.  59-68.) 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE.  39 


gère  à  l'harmonie  de  notre  langue,  et  qui  ne  se  fait  pas  sentir.  En 
effet,  r^,  qui  était  censée  représenter  cet  esprit  rude,  a  disparu 
de  rapsode^  rapsodie^  rabdologie^  rabdomancie,  rétine^  erpéto- 
logie^ cataracte  (qui  serait  selon  l'étymologie,  catarrhacté)-, 
pourquoi  donc  maintenir  ce  signe  h  dans  les  mots  arrhes^ 
myrrhe^  rhagade ^  rhapontic^  rhinocéros ^  rhomboïde^  rhu- 
barbe^ rhume^  rhumatisme^  rhythme,  squirrhe?  L'Académie 
écrit  eurythmie  qu'elle  aurait  dû  écrire  eurhythmie  (avec  les 
cinq  consonnes),  puisqu'elle  é^oxitrhythme.  Elle  a  supprimé  la 
marque  de  l'esprit  rude  dans  olographe^  mais  l'a  conservée 
dans  holocauste  (1). 

Cette  h ,  depuis  longtemps  abandonnée  dans  la  seconde 
partie  de  hémorragie,  hémorroïdes^  et  dans  squirre^  mais  qui 
reparaît  dans  catarrhe ,  diarrhée ,  gonorrhée ,  formés  comme 
hémorroïdes  sur  le  radical  psw,  devrait  disparaître  aussi  de 
réteur^  rétorique^  comme  aussi  de  rume  et  rumatisme^  qu'on 
écrivait  autrefois  reume  et  reumatisme  et  plus  anciennement 
rume,  ainsi  qu'on  le  voit  figurer  {gallice)  en  1420,  dans  le 
Dictionnaire  de  Le  Ver.  Tous  ces  mots,  malgré  leurs  significa- 
tions diverses,  découlent  également  de  pso)  (2). 

(i)  On  écrit  rose  et  rosier,  contrairement  à  l'orthographe  grecque,  mais  con- 
formément à  celle  des  Latins,  qui  cependant  écrivent  Rhodos,  l'île  de  Rhodes. 
C'est  donc  à  tort  que  de  poSov,  la  rose,  nous  avons  formé  rhododendron, 
l'arbre-rose  et  rhodium,  vu  la  couleur  rose  de  ce  métal  ;  cette  anomalie  ferait 
croire  cet  arbuste  et  ce  métal  originaires  de  Rhodes. 

(2)  Dans  les  Cahiers  de  l'Académie  pour  l'édition  de  1694  ,  on  fait  observer  que 
les  monts  Riphées  s'écrivent  sans  h  {Riphées  au  lieu  de  Rhiphées). 

L'Académie  de  Madrid ,  dans  son  désir  de  simplifier  encore  plus  l'orthographe  (*) 
a  décidé,  en  1859,  que  tous  les  mots  commençant  par  h  se  prononceraient  sans 
aspiration,  excepté  un  seul  cas.  Elle  a  cependant  respecté  l'emploi  de  cette  lettre, 
en  partie  à  cause  de  l'origine  des  mots  et  en  partie  pour  éviter  la  confusion  qui 
résulterait  de  la  similitude  des  sons  de  mots  se  prononçant  de  même,  soit  ayant 
Vh,  soit  ne  l'ayant  pas.  Nous  ne  saurions  faire  de  même ,  puisque  la  versification 
se  trouverait  altérée  si  certaines  lettres  perdaient  leur  aspiration.  Il  est  regrettable, 
toutefois,  que,  contrairement  à  l'étymologie,  on  écrive  hache,  huile  (on  écrit 

(*)  Prontuario  de  ortografia  de  la  lengua  castellana  despuesto  de  real  ôrden  para 
el  usa  de  las  escuelas  pûblicas,  par  la  real  Academia  espanola.  Madrid,  imprenta 
nacional,  1866, 


40  ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE. 

Dans  ce  même  Dictionnaire  de  Le  Ver  le  mot  halitus  est  tra- 
duit en  français  par  aleine. 

Corneille  écrit  sans  h  le  mot  orizon,  où  1'^  est  muette,  et 
même  le  mot  halte,  bien  que  l'Académie  y  indique  1'^  comme 

aspirée. 

Rien  n'étonne  :  on  fait  alte,  et  toute  la  surprise 
N'obtient  de  ces  grands  cœurs  qu'un  moment  de  remise. 

[Poésies  diverses,  313  et  274.) 

J'ai  donc  eu  raison  de  dire  que  ces  contradictions  requièrent 
une  solution,  et  que  pour  se  prononcer  en  matière  d'ortho- 
graphe il  ne  suffit  pas  d'être  érudit,  car  bien  souvent  les  sa- 
vants mêmes,  par  cela  même  qu'ils  sont  savants,  hésitent  et 
sont  forcés  de  recourir  au  Dictionnaire  pour  se  guider  à  travers 
ces  bizarres  anomalies. 

DES  LETTRES  0  ET  a> 

REPRÉSENTÉES    EN    LATIN    PAR    th   ET  ph. 

Déjà  Ronsard,  mort  en  1585,  s'exprimait  ainsi,  dans  la 
préface  de  son  Abrégé  de  l'art  poétique  : 

«  Quant  aux  autres  diphtongues  (les  lettres  doubles  cA,  ph^  th) , 
«  je  les  ay  laissées  en  leur  vieille  corruption,  avecques  insuppor- 
c(  table  entassement  de  lettres,  signe  de  nostre  ignorance  et  peu  de 
«  jugement  en  ce  qui  est  si  manifeste  et  certain.  »  (Voy,  l'Appen- 
dice B.) 

Il  est  regrettable  que  l'Académie,  dans  la  première  édition 
de  son  Dictionnaire,  en  1694,  et  plus  tard,  lorsque,  en  1740, 
elle  supprima  en  grande  partie  les  traces  de  l'orthographe 
latine,  n'ait  pas  complètement  réalisé  le  vœu  de  Ronsard,  et 
que  par  l'emploi  des  th  et  des  jt?A  elle  ait  introduit  ou  laissé 

olive  et  olivâtre),  huis,  huit,  huître,  qui  proviennent  de  ascia,  oleum^oliva, 
ostium,  octo,  ostreum.  On  a  eu  raison  de  supprimer  récemment  1'^  dans  her- 
mite,  puisque  l'origine  est  eremita. 


pr 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE.  41 

subsister  dans  noti'e  écriture  «  le  faste  pédantesque  »  qu'elle 
condamnait  dans  le  poëte. 

Malgré  tout  le  respect  que  je  dois  aux  Estienne,  c'est  sur- 
tout à  eux  qu'est  due  l'introduction  des  ph^  ch^  th  dans  notre 
écriture,  où  la  grande  et  juste  autorité  de  leur  savoir  les  a 
maintenus  et  longtemps  perpétués.  Cependant,  sur  certains 
points ,  Robert  Estienne ,  dans  son  Dictionnaire  français  de 
1540,  s'est  montré  moins  zélé  partisan  de  l'étymologie  que  ses 
imitateurs  :  il  écrit  caractère^  escole^  il  autorise  tesme,  yver 
sans  l'A;  et  sans  ^A  les  mots  orfelin^  flegme,  fantastique^ 
frénétique^  faisan. 

Avant  l'apparition  du  Dictionnaire  de  Robert  Estienne,  l'em- 
ploi de  ces  doubles  lettres  se  rencontrait  fort  rarement  dans 
les  manuscrits,  puisque  parmi  les  quatre  à  cinq  cents  mots 
dont  je  donne  la  liste,  et  où  figurent  des  th^  des  ph  et  des  cA, 
à  peine  une  vingtaine  de  mots  étaient  ainsi  écrits  dans  la 
langue  française  en  l'an  1440.  C'est  ce  que  constate  le  grand 
Dictionnaire  rédigé  dans  la  première  moitié  du  quinzième  siècle 
par  le  prieur  des  Chartreux,  Firmin  Le  Ver.  Ce  vaste  répertoire, 
qui  contient  plus  de  trente-cinq  mille  mots,  peut  être  comparé, 
en  quelque  sorte,  au  Dictionnaire  de  l'Académie,  puisqu'il  nous 
offre  l'inventaire  complet  de  notre  langue  de  1420  à  1440  (voir 
Appendice  C).  Mais,  pour  ne  parler  ici  que  de  l'orthographe, 
on  y  voit  combien  l'écriture  était  alors  celle  qu'on  aurait  dû 
respecter,  puisqu'on  y  est  revenu  après  s'en  être  écarté.  On 
y  lit,  ainsi  écrits  :  antecrist,   caractère^  cirographe^    colère, 
saint  crème ^  melencolie^  sépulcre;  —  apoticaire^  autentique^ 
auteur^  autorizier^  pantere^  diptongue;  —  blasfeme^  filo- 
sophe,  fisique^  frénésie^  frénétique^  or  félin,  spere;  —  cripte, 
cristal,  himne^  idropisie^  iver,  ivernal,  martir,  mistere,  tiran. 
Enfin,  par  l'écriture  des  mots  diptongue  et  spere^  on  voit  com- 
bien est  antipathique  à  notre  langue  l'emploi  de  trois  con- 
sonnes. Ce  qui  n'est  pas  moins  remarquable  c'est  que  dans  ce 
vaste  répertoire  un  grand  nombre  de  mots  latins  sont  déjà  en 


42         ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE. 

quelque  sorte  francisés  dans  leur  orthographe,  et  ont  perdu 

les  signes  de  la  latinité  classique.  Ainsi  on  lit  à  leur  ordre 

alphabétique  : 

Antitesis  ....  et  non  antithesis 

Antrax et  non  anthrax 

Antropofagi.  .   .  et  non  anthropophagi,  etc. 

Enfin,  quant  au  mot  même  qui  fait  le  sujet  de  cet  écrit,  voici 
ce  qu'on  y  lit  :  «  Ortographia^  bon  ortografiemens\  Ortogra- 
phus^  bon  ortografieur  \  Ortographo,  bien  ortografier\,  bien 
espeler.  » 

Du  Bellay  et  Ronsard  ont  écrit  ortographie,  le  Dictionnaire 
de  Nicot  l'écrit  de  même,  et  je  le  vois  ainsi  figuré  dans  quelques 
grammaires  modernes.  En  effet,  la  forme  donnée  au  mot 
orthographe  fait  dire  à  ce  mot  tout  autre  chose  que  le  sens 
qui  lui  est  affecté.  Géographie  ^  uranographie  ^  orographie^ 
télégraphie^  lithographie^  typographie^  orthodoxie^  sont  des 
mots  formés  régulièrement  du  grec  ;  calligraphie^  c'est  l'art 
de  la  belle  écriture,  et  calligraphe^  l'homme  qui  écrit  bien  ; 
orthodoxie  est  la  conformité  à  l'opinion  régulière,  et  ortho- 
doxe^ celui  dont  la  foi  est  régulière  ;  orthograpum  signifie 
donc  l'art  d'écrire  correctement,  et  orthographe  désigne  celui 
qui  possède  ou  exerce  cet  art.  Il  est  fâcheux  que  ce  mot  ortho- 
graphe soit  à  la  fois  un  barbarisme  et  une  difformité,  d'au- 
tant que  l'Académie,  dès  1694,  écrit  orthographier,  au  lieu 
d'ortographer,  comme  l'écrivait  Corneille,  en  cela  plus  logique 
que  nous  (1). 

Si  l'anarchie  orthographique  qui  régnait  dans  l'écriture  et 
dans  les  imprimeries,  lorsque  l'Académie  publia  la  première 
édition  de  son  Dictionnaire,  fut  le  motif  qui  l'engagea  à  se 
rapprocher  du  latin,  maintenant  que  l'usage,  invoqué  par  l'A- 
li) Dans  sa  Grammaire  comparée,  p.  24,  M.  Egger  regrette  que  l'on  n'é- 
crive pas,  comme  au  xvi*  siècle,  ortographiey  et  il  emploie  ce  mot  ainsi  écrit  dans 
son  Histoire  sur  les  théories  grammaticales  dans  l'antiquité.  Je  le  vois  aussi 
écrit  de  même  dans  plusieurs  livres  de  grammaire  où  l'on  s'indigne  contre  ce  bar- 
barisme. 


r 

■  ORTHOGRAPHE  ETYMOLOGIQUE.  43 

f"  cadémie  comme  sa  loi  suprême ,  lui  a  fait  réduire  à  chaque 
édition  Temple^  des  th  et  des  ph  dans  les  mots  le  plus  ordi- 
nairement  employés,  elle  jugera  peut-être  opportun  de  mettre 
un  terme  au  désordre,  en  donnant  à  des  mots  depuis  long- 
temps devenus  français  par  l'usage,  la  physionomie  qui  leur 
convient. 

Quant  aux  mots  forgés  par  les  médecins,  les  naturalistes  et  les 
chimistes,  avec  leur  parure  obligée  de  ch^  de  ph^  et  de  M,  ils 
sont  heureusement  d'un  emploi  rare.  J'ai  donc  cru  devoir  sé- 
parer en  deux  listes  les  mots  qui  figurent  au  Dictionnaire  de 
l'Académie  :  ceux  de  la  langue  usuelle,  et  ceux  de  la  langue 
technique  et  par  conséquent  peu  usités. 

Il  résulte  de  ces  listes  que  les  mots  de  la  langue  usuelle 
ayant  le  th  et  figurant  au  Dictionnaire  sont  au  nombre  de  77. 

Ceux  d'un  usage  exceptionnel,  admis  néanmoins  par  l'Aca- 
démie et  où  figure  le  th^  sont  au  nombre  de  68. 

Mois  d'un  usage  ordinaire  ayant  conservé  le  TH . 


absinthe 

catholique 

méthode 

synthèse 

améthyste 

corinthien 

misanthrope 

théâtral 

anathème 

cothurne 

mythe 

théâtre 

anthologie 

dithyrambe 

mythologie 

thème  (1) 

antipathie 

enthousiasme 

orthodoxe 

Thémis 

antithèse 

épithète 

orthopédie 

théocratie 

apathie         * 

esthétique 

•panthéisme 

théologie 

apothéose 

éther 

panthéon 

théorème 

apothicaire 

homœopathie 

panthère 

théorie 

arithmétique 

hypothèque 

parenthèse 

thermal 

asthme 

hypothèse 

pathétique 

thermes 

athée 

Isthme 

pathologie 

thermomètre 

athéisme 

jacinthe 

pathos 

thésauriser 

athénée 

labyrinthe 

plinthe 

thèse  (2) 

athlète 

léthargie 

polythéisme 

thuriféraire 

athlétique 

logarithme 

posthume 

thym 

authentique 

luth 

pythagoricien 

thyrse 

bibliothèque 

luthier 

pythie 

cantharide 

mathématique 

rhythme 

cathédrale 

menthe 

sympathie 

(1)  On  écrit  abstème,  d'après  une  étymologie  bien  incertaine.  Comment  se  rap- 
peler cette  distinction  ?  Le  Dictionnaire  écrit  Ostrogot  :  pourquoi  écrire  gothique? 

(2)  Robert  Estienne,  lui-même,  écrit  ce  mot  sans  h. 


44 


ORTHOGRAPHE  ETYMOLOGIQUE. 

^loU  avec  TH  (Vvn  vsaye  exceptionnel. 


acanthe 

cithare 

lilhotritie 

stéthoscope 

aérolithe 

enthymème 

luthéranisme 

térébinthe 

allopathie 

épithalaine 

lycanthropie 

théatin 

anacoluthe 

épithème 

monolithe 

théisme 

anesthésie 

éréthisme 

ornithologie 

théodicée 

anthère 

esthétique 

ortliodromie 

théogonie 

anthracite 

éthique 

orthogonal 

théologal 

anthrax 

eurythmie 

orthopédie 

thérapeutes 

anthropologie 

exanthème 

orlhopnée 

thérapeutique 

athlolhèle 

lagophthalmie 

orycto^raphie 

thériacal 

autochthone 

léthifère 

ostéolithe 

thériaque 

l)ismnth 

litliarge 

panathénées 

thermidor 

carlharae 

lithiasie 

pentathle 

théurgie 

cathédrant 

lithocolle 

pléthore 

thoracique 

cat  hérétique 

lithologie 

plinthe 

thorax 

cathéter 

lithontriptique  (1) 

pyrèthre 

thuia 

chrysanthème 

lithotomie 

p\thique 

tithymale 

L'Académie,  ayant  fait  disparaître  Yh  des  mots  thrésor^  thré- 
sorier,  thrésorerie^  thrône^  déthrôner^  autheur .,  authoriser^ 
in t /ironisât ion ^  inthroniser .,  croira  peut-être  le  moment  venu 
de  supprimer,  en  tout  ou  en  partie,  Xh  dans  les  soixante-dix- 
sept  mots  de  la  langue  usuelle  qui  figurent  en  tête  de  la  liste 
précédente,  et  cela  conformément  à  l'exemple  donné  par  ses 
prédécesseurs. 

DU  ^  QUI  DEVRAIT  TOUJOURS  ÊTRE  REPRÉSENTÉ  PAR  F. 


L'Académie,  après  avoir  écrit,  dans  sa  première  édition, 
par  ph  les  mots  phlegme,  phlegmatique.,  phantosme,  phan- 

(1)  Cette  forme,  qui  déroge  à  celle  des  autres  composés  de  Àî6o;,  lithotrïtïe^ 
Utliotomie,  lithologie,  et  à  toute  la  série  des  mots  composés  du  grec,  ne  saurait 
être  admise,  à  moins  de  vouloir,  tu  français,  écrire  grec  et  latin.  Si  Ton  trans- 
formait ainsi  dans  notre  langue  les  désinencts  des  génitifs  grecs,  il  faudrait  écrire 
odontônalgie  et  non  odontalgie,  typougraphie,  physéolo(jie  ou  plus  exactement 
physéoslogie^  etc.  Quant  à  la  forme  assez  barbare  de  la  désinence  triptique  dans 
ce  mot  lithontriptique,  elle  dérive  ici  de  xpiêw^^e  frotte^  d'où  TpmTvi;;  mais 
pour  quiconque  sait  le  grec,  l'explication  donnée  au  Dictionnaire  :  mécUcamenls 
lithontriptiques  y  signifiera  des  médicaments  qui  Jrottent  la  pierre  (dans  la 
vessie).  Litholytiques  (de  \<hù)  eût  mieux  exprimé  ce  qu'on  voulait  indiquer  : 
des  médicaments  dissolvant  la  pierre. 


r 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE.  45 

tastigue,  phiole,  scrophuleux^  les  a  écrits  plus  tard  par  un  f  : 
flegme,  flegmatique ^flegmon{on  devrait  écrire  flegmasie et  non 
phlegmasie)^  fantôme,  fantastique,  frénésie,  frénétique,  fiole ^ 
scrofuleux,  etc.,  de  même  qu'elle  figure  par  /les  mots  d'o- 
rigine grecque,  faisan^  fantaisie,  fanatique,  fantasmagorie, 
faséole,  fenestre,  greffier,  siffler  et  soufre  du  latin  sulphur. 
Il  n'est  personne  assurément  qui  voudrait  voir  rétabli  le  ph 
dans  ces  mots.  Notre  /  est  une  lettre  de  naturalisation ,  à 
laquelle  a  droit  tout  mot  devenu  français.  Les  ph  devraient 
même  être  bannis  de  cette  foule  de  mots  scientifiques  qui 
hérissent  notre  écriture  de  consonnes  inutiles  et  la  défi- 
gurent (1). 


Mots  avec  PH  d'un  usage  ordinaire. 


alphabet 

catastrophe 

hydrophobe 

phaéton 

amphibie 

cénotaphe 

hydrophobie 

phalange 

amphibologique 

colophane 

limitrophe 

phare 

amphore 

coryphée 

logogriphe 

pharisien 

aphorisme 

cosmographie 

lymphatique 

pharmacie 

apocryphe 

dauphin  (2) 

métamorphose 

pharmacien 

apostrophe 

diaphane 

métaphore 

pharynx 

asphalte 

éléplmnt 

métaphysique 

phase 

asphyxie 

emphase 

monographie 

phénix 

atmosphère 

emphatique  . 

mythologie 

phénomène 

atmosphérique 

éphémère 

néophyte 

phihppique 

autographe 

épigraphe 

nymphe 

philologie 

bibliographe 

épiphanie 

œsophage 

philologue 

bibliophile 

épitaphe 

orphelin 

philtre 

biographe 

euphonie 

orphique 

phoque 

blasphème 

géographie 

pamphlet 

phrase 

cacophonie 

hémisphère 

paragraphe 

phthisie 

calligraphe 

hiéroglyphe 

paraphrase 

phthisique 

camphre 

historiographe 

périphrase 

physicien 

(1)  Voici  d'autres  mots  grecs  ,  que  les  Latins  ont  écrits  par  un  /  et 
non  un  ph  :  fagus,  çyiyo;;  fallo,  amXÀw;  faXf  de  çocto;  ferOy  de  çépo); 
férus,  de  ^vip  ou  6^p  ;  fuo,  fio,  a^ûtù  ;  fiscns,  de  çidxoç;  fistula^  de  cpuaav  ; 
folium,  de  cpuXXov;  forma,  (xopcpin;  frons,  ©povTi;  ou  o:pç><)ç;  fuga,  f\>yr\;  fulgeo, 
çXÉYw;  fucus,  çiûxoç;  fungus^  açoyvo;;  funus,  ©ovoç;  fur,  çwp;  feretrum, 
cpspsTpov  ;  fortax,  çôpTa^  ;  frigo ,  cppOyw  ou  çpuTTw. 

(2)  Dans  les  cahiers  de  l'Académie,  on  proposait  d'écrire  Daufin,  Daufiné. 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE. 


physiologie 

sarcophage 

sphinx 

télégraphie 

physionomie 

sémaphore 

sténograjihe 

triomphe 

physique 

séraphin 

strophe 

typographie 

polygraphe 

siphon 

sylphe  (1) 

typhus 

porphyre 

sophisme 

symphonie 

zéphyre 

prophète 

sophiste 

syphilis 

zoophyte 

saphir 

sphère 

télégraphe 

Ces  mots  où  le  ph  figure  sont  au  nombre  de  cent  quatre- 
vingts  à  deux  cents.  Le  parti  le  plus  logique  serait  sans  doute 
d'imiter  les  Italiens  et  de  substituer  partout  le  /  au  fh  qui. 
en  français,  n'a  pas  et  ne  peut  pas  avoir  d'autre  son  que  1'/ 
qui  reproduit  si  bien  le  9.  Si  pourtant  l'Académie  hésitait  à 
compléter  la  réforme  dont  ses  prédécesseurs  lui  ont  tracé  la 
voie,  au  moins  pourrait-elle  l'étendre  à  certains  mots  d'un 
usage  ordinaire  :  alfabet^  ainsi  écrit  par  Volney  et  autres, 
apostrofe,  atmosfère^  atmosférique ^  blasfème^  catastrofe^  élé- 
fant^  enfase,  épitafe,  géografie  (et  ses  similaires),  hémisfère, 
métamorfose,  néofyte^  par  agrafe  (on  écrit  agrafé)^  fénomène, 
filosofie^  frase  ^  profète^  soflste,  télégrafe,  zoo  f y  te  ^  etc. ,  etc. 
Blasfème,  orfelin,  sont  même  ainsi  écrits  par  Robert  Es- 
tienne. 

C'est  surtout  dans  les  mots  où  le  th  et  le  ph  sont  réunis 
et  dans  ceux  où  l'on  trouve  deux  ph  ou  th  :  aphthe,  apo- 
phthegme^  diphthongne^  ichthyophage^  ophthalmie,  ichthyo- 
lithe,  que  la  réforme  serait  urgente.  On  ne  saurait  imaginer 
rien  de  plus  barbare  en  français  que  ces  groupes  de  quatre 
consonnes.  L'Académie,  qui  dans  ses  précédentes  éditions 
écrivait  aphte ,  phtisie,  diphtongue,  ortographe^  serait  una- 
nimement approuvée  si,  n'osant  faire  plus,  elle  revenait  du 
moins  à  cette  orthographe  plus  simple.  Phtisie  vaut  mieux 
que phthisie-,  ophtalmie  que  ophthalmie\  aphte  (\\xe  aphthe; 
mais  on  devrait  faire  encore  plus. 


(1)  Pourquoi  écrire  par  ph  sylphide  et  syphilis^  et  même  séraphin?  Sans 
doute  ce  dernier  mot  vient  de  l'hébreu;  mais,  de  même  qu'on  a  supprimé  le 
dernier  h  au  mot  alphaheth^  on  pourrait  aussi  remplacer  le  ph  par  /. 


r 


ORTHOGRAPHE  ÉTYMOLOGIQUE. 


47 


Voici  la  liste  des  autres  mots  dérivés  du  grec  pai  le  latin, 
ou  formés  directement  du  grec,  auxquels  est  appliqué  le  ph 
au  lieu  de  /  : 

Mots  avec  PH  d'un  usage  exceptionnel. 


acéphale 

éphores 

phalène 

physiognomonie 

amorphe 

épistolographie 

phaleuce 

physiographe 

amphictyon 

euphémisme 

phallus 

phytologie 

amphigouri 

hagiographe 

phanérogame 

planisphère 

amphitryon 

hermaphrodite 

pharmacopée 

polyadelphie 

antiphonaire 

hiérophante 

phébus 

porphyrogénète 

antiphrase 

hydrocéphale 

phénicoptère 

prophylactique 

antistrophe 

hydrographie 

philharmonie 

sphacèle 

apliélie 

iconographie 

philhellène 

sphénoïdal 

aphérèse 

lexicographie 

philoraathique 

sphénoïde 

aphonie 

méphitique 

philotechnique 

sphériste 

aphrodisiaque 

monophylle 

phimosis 

sphéristère 

apophyse 

morphine 

phlébotomie 

sphéristique 

asphodèle 

myographe 

phlegmon 

sphéroïde 

atrophie 

naphte 

phlogistique 

sphéromètre 

autocéphale 

néographe 

phlogose 

sphincter 

callographe 

nosographie 

phlyctène 

staphylôme 

caryophyllée 

olographe 

phœnicure  (1) 

sycophante 

chirograi»haire 

ophicléide 

pholade 

symphyse 

chorégraphie 

oryctographie 

phonique 

synalèphe 

chorographie 

pantographe 

phosphate 

tachygraphie 

cosmographie 

paranymphe 

phraséologie 

topographe 

diaphragme 

paraphernal 

phrénique 

uranographie 

électrophore 

paraphimosis 

phylactère 

zoographie 

encéphale 

phagédénique 

phylarque 

zoophyte 

Mots  avec  TH  et  PH  réunis. 

amphithéâtre 

diphthongue  (2) 

lithographe 

phyllithe 

anthropophage 

ichthyophage 

litbophyte 

phytolithe 

aphthe 

ichthyographie 

orthographe 

phthisie 

apophthegme 

lagophthalmie 

philanthrope 

triphthougue 

Mots  avec  deux  PH  ou  deux  TH. 

philosophie 

phosphate 

ichthyolittie 

photographie 

phosphore 

théophilanthrope 

(l)  Qu'on  devrait  éznxQphénicureyCOiamt  phénix, 

(1)  L'Académie  dans  sa  première  édition  écrivait  diphtongue  ;  Corneille,  dans 
sa  grande  édition,  l'écrivait  de  même,  ainsi  qu'ortographe. 


48  DOUBLES  LETTRES. 


II 


DOUBLES   LETTRES. 

L'usage  général,  qui,  dans  la  prononciation,  tend  de  plus  en 
plus  à  atténuer  la  forte  accentuation  de  certaines  syllabes,  a 
fait,  en  grande  partie,  disparaître  pour  l'oreille  la  double  con- 
sonne, qui  devait  retracer  à  la  vue  l'étymologie  dans  les 
mots  calqués  sur  le  latin.  Déjà  l'Académie,  conformément  au 
désir  manifesté  par  Corneille,  par  les  Précieuses  et  par  un 
grand  nombre  de  bons  esprits,  a  successivement  supprimé  dans 
un  très-grand  nombre  de  mots  l'une  des  deux  consonnes,  dont 
l'emploi  d'ailleurs  n'avait  rien  de  régulier.  Car  si,  comme 
dans  le  latin,  la  double  consonne  avait  souvent  pour  but  de 
faire  élever  la  voix  sur  la  syllabe  qu'elle  termine  (1),  molle^ 
folle ,  chatte ,  sotte ,  etc. ,  quelquefois ,  par  un  effet  dif- 
férent, elle  la  rendait  brève  dans  flamme^  mamie^  femme] 
tandis  que  d'autres  fois  c'était  la  consonne  simple  qui  rendait 
brève  la  syllabe  qui  la  précédait,  matin,  dame,  etc. 

Cette  irrégularité  manifeste  et  l'exemple  donné  par  l'Aca- 
démie offrent  donc  une  grande  latitude  à  l'égard  de  ce  qui  reste 
encore  de  ces  doubles  lettres  inutiles,  qui  doivent  disparaître 
partout  où  leur  présence  n'indique  pas  le  but  auquel  elles 
sont  destinées  :  Y  élévation  du  ton  sur  la  syllabe  quelles  ter- 
minent-,  mais  elles  doivent  être  conservées  partout  où  leur 
présence  peut  encore  se  faire  sentir  à  l'oreille,  même  contrai- 
rement à  l'orthographe  latine,  comme  dans  pomme,  homme, 
personne,  et  aussi  dans  lettre,  bien  que  le  latin  pomum,  homo, 

(1)  Voir,  à  l'Appendice  D,  l'analyse  de  la  Grammaire  de  Régnier  des  Marais. 


LKITRES  DOLBLES.  49 

persona,  litera^  exigerait,  conformément  à  l'étymologie,  qu'on 
écx'wit  pome,  home^  persone  (1).  On  devra  donc  dans  la  série 
des  mots  se  terminant  en  lie  ou  mme  ou  une,  etc. ,  maintenir  la 
double  consonne  qui  précède  \e  muet  final,  et  qui,  ainsi  que 
es  au  pluriel  et  ent  à  la  troisième  personne  du  pluriel  des 
verbes,  constituent  la  rime  féminine.  D'après  ce  principe,  il 
faudrait  écrire  il  s  abonne  et  un  aboné^  ils  s'abomient  et  ils 
s' aboneront  \  il  couronne  et  il  courona,  ils  couronnent  QiW^ 
coiironeront^  il  pardonne  et  il  pardona,  comme  on  écrit  il 
jette  et  il  jetait.  C'est  ainsi  que  l'Académie  écrit  battre  et 
bataille,  batailler  ;  combattre  et  abatage,  ficelle  et  ficeler^  et 
cela  conformément  au  précepte  donné  par  Régnier  des  Ma- 
rais :  «Il  est  de  règle,  dit-il,  p.  108,  et  de  l'usage  fondé  par 
la  règle,  d'escrire  chapelle  et  chandelle  par  deux  //  et  chape- 
lain^ chandelier  par  une  /  seule  parceque  dans  les  deux  pre- 
miers mots  chapelle  et  chandelle  Ye  qui  précède  1'/  est  un 
e  ouvert^  et  que  dans  les  deux  autres,  chapelier^  chandelier^ 
il  est  muet.  )>  Et  ailleurs,  p.  102,  il  fait  la  même  observation 
pour  d'autres  mots  terminés  en  e  m\\.%i.  femme  ^X  féminin  \ 
donne  et  donateur  ;  homme  et  homicide. 

Dans  quelques  mots  la  double  lettre  a  été  remplacée  par  un 
accent  grave  :  ainsi  on  écrit  clientèle.,  fidèle.,  infidèle.,  stratagème., 
deiixième.,  diadème.,  hétérogène^  arbalète.,  achète^  secrète.,  dia- 
mètre, etc.,  mais  le  nombre  de  mots  figurés  ainsi  est  très-res- 
treint.  Boileau  écrivait  lètre  au  lieu  de  lettre,  et  à  son  exemple 
on  aurait  pu  remplacer  la  double  consonne  par  l'accent  grave,  en 
écrivant  c/««yzû?è/e,  chapèle,  ficèle,  il  apèle,  etc.;  cependant, 
pour  ne  pas  changer  les  habitudes,  je  crois  préférable  de  conser- 
ver, du  moins  quant  à  présent,  la  double  consonne  précédant 
Xe  muet  final  ou  la  syllabe  dans  laquelle  Ye  muet  constitue  la 
rime  féminine  (e,  es,  ent). 

(1)  Conformément  à  l'orthographe  lapine,  l'Académie  écrit  bonhomie,  prud'lw 
mie,  homicide,  se  rapprochant  auisi  de  notre  ancienne  orthographe,  home,  homs, 
hom,  om  et  enfin  on.  Le  Dictionnaire  de  l'Académie  de  1694,  conformément  aux 
instructions  des  Cahiers^  écrit  consone. 

4 


50  LETTRKS  DOUBLES. 

L'emploi  de  la  double  lettre  doit  toujours  être  conservé  au 
milieu  des  mots  quand  la  prononciation  l'exige,  comme  dans 
ce  vers  : 

Mortellement  atteint  d'une  flèche  empennée. 

Au  contraire,  pourquoi  la  conserver  lorsque  ni  la  pronon- 
ciation ni  même  l'analogie  ne  la  réclament,  et  qu'elle  ne  peut 
qu'induire  en  erreur  ceux  qui  apprennent  le  français  ? 

Ainsi,  lorsqu'on  ne  met  qu'un  ^  dans  agression^  agressifs 
agrandir^  agréer^  agréger^  etc. ,  pourquoi  en  mettre  deux  dans 
aggraver^  agglomérer^  agglutiner^  et  faire  une  règle  avec 
exception  pour  ces  trois  seuls  mots  ?  Si  pour  abbaye^  abbé^  ab- 
besse^  gibbeux^  rabbin^  sabbat^  seuls  mots  écrits  avec  deux  ô, 
l'Académie  adoptait  un  seul  ô,  ce  serait  encore  une  règle 
d'exception  à  supprimer  de  la  grammaire  (1). 

Dans  son  Dictionnaire  de  1740,  l'Académie  a  supprimé  le  d 
étymologique  de  la  préposition  latine  ad  dans  les  mots  advo- 
cat^  advertir,  adveu^  advoué^  advertissement^  advis,  ad- 
vise\  et  plusieurs  centaines  d'autres.  Elle  rendrait  un  graiid 
service  en  effaçani  le  double  c  dans  la  plupart  des  mots  où 
cette  duplication  n'influe  en  rien  sur  la  prononciation  et  où 
l'un  de  ces  doubles  c  est  censé  représenter  le  d  de  la  prépo- 
sition ad.  On  pourrait  ainsi,  sans  inconvénient,  supprimer  un 
c  dans  les  mots  accompagner,  accoster ,  accablement,  acclima- 
ter, accointer,  accouchement,  accoutumer,  accuser,  etc. ,  et  déjà 
il  a  disparu  dans  acoquiner,  acagnarder,  accuser,  acensement. 

Dans  les  Cahiers  de  l'Académie  de  1694,  on  écrit  def faillir, 

(l)  Voici  comment  notre  ancienne  langue  française  écrivait  ces  mots; 

En  la  vile  out  une  abeie 

Durement  riche  e  garnie; 

Mun  escient  (moine  savant),  nuneins  y  ot  (eut), 

E  abeesse  kis  (qui  se)  gardot. 

Marie  de  France.  Lai  del  Freisne. 

Ou  pourrait  peut-être  conserver  les  deux  b  à  abbé,  par  respect  pour  l'usage 
et  la  brièveté  du  mot.  La  prononciation  y  autoriserait  même  :  il  y  a  une  nuance 
de  sou  entre  abbé  et  abaye,  abesse. 


LETTRES  DOUBLES. 


ol 


deffaire^  deffendre ,  etc.;  la  double  /  a  disparu  dans  ces 
mots  et  il  devra,it  en  être  de  même  pour  plusieurs  autres  : 
tels  que  difficulté,  différence^  puisque  le  son  de  la  double  /' 
n'a  pas  disparu  entièrement  dans  la  prononciation. 

La  double  /  devrait  aussi  être  conservée  dans  alliage,  al- 
liance^ allusion,  alluvion^  collision,  collusion-,  mais  on  pour- 
rait supprimer  une  /  dans  allonger^  allongement,  vallée,  etc. 

Ainsi  l'Académie  écrit,  tantôt  -avec  un  n^  et  tantôt  avec 
deux,  les  dérivés  des  mots  suivants  terminés  en  on  : 


Avec  un  seul  n  : 

BoiN  :  bonace,  bonifier,  bonhomie, 
bonheur. 

Colon  :  colonial,  colonie,  coloni- 
ser, colonisation. 

Don  :  donation,  donataire,donateur. 

DÉMON  :  démoniaque,  démonogra- 
[)hie. 

FÉLON  :  félonie. 

Limon  (citron)  :  limonade,  limonier, 
limonadier. 

Ll\ion  (boue)  :  limoneux. 

Limon  (de  voiture)  :  limonier,  ii- 
rnonière. 

Poumon  :  pulmonaire. 

Salmon  :  saumoné,  saumoneau. 

Savon  :  .saponaire. 

Timon  :  timonier. 

Violon  :  violoniste. 


Canon  :  canonial ,  canonicat,  cano- 
nique, canoniser. 
Canton  :  cantonade,  cantonal. 


OiiDo  :  ordination,  ordinal,  ordi- 
naire, ordinant. 

Patron  :  patronage,  patronal ,  pa- 
tronymique. 

R  vTio  :  rational. 


Avec  deux  n. 

ABANDON  :  abandonner,   abandon- 

nement. 
.\NON  :  ânonner,  ânonnement. 
Bâillon  :  bâillonner. 
Baron  :  baronnet,    baronnie,.  ba- 

ronnage. 
Bâton  :  bâtonner,  bâtonnier,  bas- 
tonnade. 
Chiffon  :  chiffonner,  chiffonnier. 
Cjtron  :  citronnier^  citronnelle. 
ÉCHELON  :  échelonner. 
ÉPERitN  :  éperonner. 
Fredon  :  fredonner. 
Gascon  :  gasconnade,  gasconuer. 
Jalon  :  jalonner,  jalonneur. 
Melon  :  melonnière. 
Mission  :  missionnaire. 
Pardon  :  pardonner,  pardonnable. 
Raison  :   raisonner,    raisonnable, 

raisonnement,  raisonneur. 
Rayon  :  rayonner. 
Sermon  :  sermonnaire,  sermonner, 

sermonneur. 
Canon  :  canonnade,    canonnage, 

canonner,canonnier,  canonnière. 
Canton  :  cantonné,  cantonnement, 

cantonner,   cantonnier,    canton- 

nière. 
OiiDo  :  ordonnance,  ordonnateur,  etc. 

Patron  :  patronner. 

Ratio  :  rationnel,  rationiifllenit  ni. 


52  LhTlRES  DOUBLES. 

Avec  un  seul  n  :  Avec  deux  n  : 

Son  :  dissonance,  dissonant,   dis-       Son    :  consonnance.  consonnant, 
soner,  sonoro,  sonorité,  sonate.  consonne,  sonnant,  sonner,  son- 

nette, sonnerie,  sonneur. 

Ton  :  intonation,   monotone,   to-       Ton  :  détonner,  entonner, 
nalilé,  tonique. 

TON>ER  :  détonation,  détoner.  Tonner  :  tonnerre,  tonnant. 

Aucun  de  ces  dérivés  de  mots  terminés  en  on  ne  devrait 
être  écrit  avec  double  n\  on  n'en  met  pas  à  ceux  qui  dérivent 
de  noms  terminés  en  in  :  dessin^  dessiner,  destin  et  destine)^', 
non  plus  à  ceux  qui  se  terminent  en  un  :  importun,  importu- 
ner ;  ni  à  ceux  qui  se  terminent  en  an  :  plan,  planer,  espla- 
nade. 

Quant  aux  mots  terminés  en  ion,  excepté  nation  et  con- 
fession, septentrion,  qui  ne  doublent  pas  le  n  dans  leurs  dé- 
rivés, national,  nationalité,  confessional,  septentrional,  les 
autres  doublent  la  consonne  dans  leurs  composés,  et  cela  sans 
aucun  motif.  Tels  sont  les  mots  suivants,  au  nombre  de  39  : 

Action,  addition,  affection,  caution,  cession,  collation, 
commission,  concussion,  condition ,  confession,  constitution, 
convention,  correction,  démission,  diction,  division,  espion, 
fraction,  friction,  intention,  légion,  mention,  million,  mis- 
sion, occasion,  pjardon,  pension,  perfection,  pétition,  pro- 
portion, question,  ration,  religion,  sanction,  soumission, 
station,  subvention,  tradition,  vision. 

Pourquoi,  en  effet,  écrire  actionner,  actionnaire,  conces- 
sionnaire, constitutionnel,  constitutionnalité ,  constitution- 
nellement,  dictionnaire,  etc.  ?  ces  mots  ne  sont-ils  pas  déjà 
assez  longs  à  écrire  sans  y  mettre  le  double  n  qui  ne  se  pro- 
nonce pas? 

11  est  aussi  d'autres  mots  où  le  double  n  devrait  être  sup- 
primé, et  même  conformément  à  l'étymologie,  comme  dans  : 
honneur  {honor,  puisqu'on  écrit  honorer),  donner  {donare  ; 
on  écrit  donation),  monnaie  (inoneta),  sonner,  résonner  (so- 


LKTTRES  DOUBLES.  53 

nare,  resonaré)^  légionnaire  {legionarius)^  rationnel  {ralio- 
nalis),  couronne  [cor ond)^  personne  {persona)  (1). 

L'Académie  figure  avec  raison  la  désinence  ame  tantôt  avec 
un  m  et  tantôt  avec  deux  m,  lorsque  la  prononciation  l'exige. 
Mais  flamme  (que  Corneille  écrivait  flamé)  ne  devrait  conser- 
ver qu'un  seul  m;  et  puisque  l'Académie  écrit  affame  (2), 
entame^  réclame^  diffame^  elle  ne  saurait  écrire  enflamme-, 
flame  et  enflame  exigeraient  même  un  â  circonflexe  comme 
infâme,  blâme,  et  j'ai  vu  flâme  ainsi  écrit  par  Racine. 

Dans  évidemment,  prudemment^  le  double  m  ne  se  pio- 
nonce  pas;  cependant  il  faut  le  conserver,  ne  fût-ce  que  pour 
éviter  la  confusion  avec  évidement  (de  évider)  (3),  et  prude- 
ment  (de  prude). 

Tous  les  mots  terminés  en  ime  et  ume  sont  écrits  avec  un 
seul  m. 

Le  double  r  devrait  être  conservé  partout  où  il  se  fait 
sentir  :  correcteur,  correction,  correct^  terreur^  horreur.  Mais 
il  doit  être  supprimé  dans  charrue,  puisqu'on  écrit  chariot^ 
dans  nourrice,  nourriture,  nourrir,  pourrir,  puisqu'on  écrit 
mourir  et  courir  (bien  qu'en  latin  currere  ait  deux  r)  (4),  et 
c'est  à  tort  que  l'on  écrit  par  deux  r  je  pourrai. 

(1)  Dans  tous  ces  mots  l'orthographe  française  est  en  perpétueUe  contradiction 
avec  la  quantité  latine  :. 


honneur 

hônôr 

personne 

përsôna 

donner 

dônâre 

légionnaire 

lëgïônâriù 

ennemi 

ïnïmïciis 

rationnel 

râtïônâlis 

monnaie 

mônëta 

couronne 

côrôna 

sonner 

sonâre 

résonnant 

rësônâns 

(2)  Les  seuls  mois  où  le  m  est  doublé  et  doit  l'être,  puisque  la  désinence  est  en 
e  muet  sont  :  ^wAgramme,  é^^\gramme,  femme,  flamme,  homme,  gramme,  et 
les  composés  avec  ce  mol,  programme  ;  mais  les  verbes  assommer,  conaommer, 
nommer,  dénommer,  surnommer,  renommer  ne  doivent  prendre  qu'un  m  de 
même  qu'on  écrit  consumer. 

(3)  Il  serait  préférable  d'écrire  évidament,  de  même  que  Bossuet  écrit  contan- 
tement. 

(4)  Ces  deux  verbes  par  exception  prennent  deux  r  au  futur  et  au  condition- 
nel, je  courrai,  je  mourrai,  par  la  contraction  de  Vi,  puisqu'on  n'écrit  pas  ces 
mof>;  conimo  ();i  Cc\'\i  }e  pourrirai,  j»*  nourrirai. 


LETTRES  DOUBLES. 


L'Académie  adopte  coreligionnaire  et  codonataire\  elle  de- 
vrait écrire  de  même  corespondant. 

Le  lierre  devrait  n'être  écrit  qu'avec  un  seul  r,  comme  l'ont 
fait  Henri  Estienne  et  Ronsard,  et  suivant  l'étymologie,  rhière 
{hedera)  (1). 

On  ne  devrait  pas  écrire  dyssenterie  par  deux  5,  puisque 
l'étymologie  grecque  ne  nous  en  donne  qu'une,  et  que,  dans  le 
Cahier  de  remarques^  on  rapproche  avec  raison  dysenterie  de 
dysurie.  Il  faudrait  même  écrire  dysenterie  avec  l'accent  aigu. 

Quant  au  double  /,  l'Acadéaiie  èo^viiabatage^  abatée^  abatis\ 
elle  pourrait  écrire  abatoir^  et  même  supprimer  le  double  / 
dans  abattement^  abattu.  Corneille  et  Bossuet  écrivent  abatre, 
batu  et  rabatu\  et  H.  Estienne,  dans  son  traité  de  la  Précel- 
lence  du  langage  françois^  écrit  combatre^  combatu.,  déba- 
tre,  débatu,  rabatre^  rabatu  ;  Fénelon  et  Bossuet  écrivent  : 
flater  et  froter ,  atandre,  atantif  ^  atantions^  ataque  et  non 
attendre^  attentifs  attentions^  attaque,  etc.  Les  imprimeurs 
ont  eu  grand  tort  de  ne  pas  suivre  l'orthographe  des  auteurs 
et  de  la  transformer  (pour  ne  pas  dire  défigurer)  en  la  rédui- 
sant à  l'uniformité  d'après  l'orthographe  du  Dictionnaire  de 
l'Académie  alors  en  vigueur.  (Voir  Appendice  E.) 

On  pourrait  aussi  suppriuiei*  le  double  t  dans  attabler^ 
attacher,  attendre,  atténuer,  attribuer^  attrouper,  puisqu'on 
écrit  atermoyer,  atermoiement^  atrophier,  atourner. 

Il  y  a  contradiction  à  écrire  : 


démailloter 

et  emmaillolter 

radoter 

et  ballotter 

sangloter 

et  marmotter 

coqueter 

et  regretter 

jeter 

et  flotter 

tricoter 

et  trotter 

concomitant 

et  intermittent 

tripoter 

et  gigotter 

feuilleter 

et  frotter 

comploter 

et  grelotter 

projeter 

et  guetter 

il  épèle 

et  il  appelle 

(I)  Par  une  semblable  bizarrerie  ,  on  écx'ûle  loisir,  au  lieu  de  l'oisir,  de  otium, 
d'où  nous  viennent  aussi  oisif,  oisiveté  ;  le  loriot  au  lieu  de  ioriot,  et/e  lendemain, 
au  lieu  de  Cendemain.  On  commet  la  même  faute  lorsqu'on  écrit  VAtcoran  au 
lieu  de  le  Coran  ,  V alchimie^  C alcôve;  et  c'e«t  à  tort  qu'on  a  admis  dorer,  dorure, 
au  lieu  de  orer,  orure^  comme  on  écrit  orfèvre,  orfèvrerie. 


■     cacheter  et  égoutter 

w     caqueter  et  fouetter 

raboter  et  garrotter 

exploiter  et  regretter 


LKTTRKS  DOUBr.ES. 


souhaiter  et  guetter 

souffleter  et  acquitter 

j'époussète  et  je  rejette 


Pourquoi  un  double  p  dans  apparaître^  appartenir^  appe- 
santir^ appliquer^  apposer^  apprêter^  apprivoiser^  approcher^ 
approbation^  approximativement^  puisque  l'Académie  écrit 
apaiser^  apercevoir^  aplanir^  apetisser^  apitoyer^  aplatir^ 
aposter^  apostiller^  apurer^  et  ne  pas  écrire,  conformément 
à  la  prononciation,  apauvrir^  apesanth\  aplaudh\  aposer^ 
aporter,  aparaître^  apareiller^  apartenir,  apartement^  apren- 
tissage^  aprêter^  apointer^  aprécier^  apréheiider^  aprendre^ 
aprofondir^  aproprier^  aprouver^  apuyerl 

Pourquoi,  lorsqu'on  écrit  avec  un  seul  p  :  occuper,  attraper^ 
grouper,  dissiper,  mettre  deux  p  à  développer,  envelopper 
(Bossuet  écrit  enveloper),  échapper,  agripper  ? 

On  verrait  aussi  avec  plaisir  la  suppression  du  double  p 
à  appeler  :  la  nuance  de  la  prononciation  dans  certains  temps 
de  ce  verbe  est  si  faible  qu'elle  peut  être  omise,  à  l'exemple 
de  tant  d'autres  plus  sensibles  en  certains  mots.  Par  là  on 
éviterait  la  difficulté  de  l'emploi  tantôt  du  double  p  et  du 
double  /,  tantôt  du  seul  jf?  ou  /.  Le  Dictionnaire  de  l'Académie 
écrit  il  appelait  et  Perrot  d'Ablancourt  apelloit  ;  dans  les  an- 
ciens manuscrits,  apele  est  écrit  avec  un  seul  ;;,  et  dans  d'au- 
tres on  lit  appel loit. 

Puisque  l'on  écrit  déprimer,  on  devrait  écrire  suprimer  et 
non  supprimer;  l'affixe^w  est  la  contraction  de  sus  et  non  de 
super.  Il  en  est  de  même  de  supporter,  qui  ne  devrait  prendre 
qu'un  seul  p. 

Quelques  autres  anomalies  pourraient  disparaître,  et  puis- 
que TAcadémie  écrit  charretier,  gazetier,  noisetier,  tabletier, 
desquamation,  elle  devrait  supprimer  le  double  t  dans  aiguil- 
lettier  et  le  double  m,  dans  squammeux,  enflammer. 

Dans  la  première  édition ,  elle  a  écrit  domter.  C'est  ainsi 


ôfi 


LETTRES  DOUBLES. 


qu'écrit  toujours  Bossuet,  et  cela  conformément  au  Cahier  de 
remarques,  qui,  au  chap.  iv,  art.  3,  dit  :  «  On  met  un  ;?  à 
((  compter  et  à  compte^  quand  ils  signifient  supputer,  suppu- 
«  tation,  mais  à  domter,  il  n'en  faut  point.  »  On  devrait  donc 
écrire  ainsi  et  de  même  exemter^  au  lieu  de  exempter. 

Une  manière  d'écrire  contradictoire  à  la  prononciation 
aurait  à  la  longue  une  fâcheuse  influence  sur  le  langage.  A 
force  de  voir  les  mots  ainsi  écrits  et  imprimés,  la  voix  s'ha- 
bitue à  prononcer,  surtout  dans  les  provinces  et  dans  les  pays 
étrangers,  toutes  les  lettres  dont  le  son  pour  l'habitant  de 
Paris  s'annule  par  l'usage  d'une  prononciation  journalière.  On 
peut  donc  craindre  que  des  mots  tels  que  sculpture  ^prompti- 
tude, doigtier^  dompter  ne  finissent  par  être  prononcés  seul- 
peture^  prompetitude,  doiguetier,  dompeter,  au  lieu  de  pro- 
noncer sculturey  prontitude,  doitier,  domter. 

Les  lettres  doubles  n'ont  pas  toujours  fait  partie  du  système 
orthographique  de  notre  langue  ;  elles  sont  en  général  une  imi~ 
tation  des  procédés  grammaticaux  du  latin  classique,  dont  l'in- 
fluence se  développe  à  partir  du  quinzième  siècle,  comme  on 
peut  Je  voir  par  le  tableau  suivant  que  j'ai  dressé  d'après  trois 
monuments  littéraires  très-réguliers  pour  leur  temps  et  dont 
je  parlerai  plus  loin  : 


Les  quatre  livres  des  Rois  ei 

Dictionnaire  de  Le  Ver, 

Dictionnaire  de  Rob.  Ks 

saint  Bernard 

(xii«  siècle). 

1W0-1W»0. 

tienne,  15fi9. 

abandoner  S. 

Bern. 

), 

abandonner 

acumplir 

acomplir 

accomplir 

afaire 

.. 

affaire 

alaiter 

alaitier 

allaicter 

aler 

aler 

aller 

aliance 

alianche 

alliance 

alure 

alure 

allure 

ancienement 

anchiennement 

anciennement 

apeler 

appeler 

appeler 

aprester 

» 

apprester 

ariere 

ariere 

arrière 

asembler 

assambler 

assembler 

asez 

asses 

assez 

atendre 

attendre 

attendre 

LKTïRES  DOUBLES. 


Les  quatre  livres  des  Rois  et 

Dictionnaire  de  Le  Ver, 

Dictionnaire  de  Rob.  Es- 

saint  Bernard  (xiie  siècle). 

Ift20-ia40. 

tienne,  15^9. 

comandeineiit  S.  B. 

quemandement   (  il  écrit 

commandement 

et  cumandeinent 

comander  ) 

cele 

celle 

icelie 

cornent  S.  B.  et  cnment 

comment 

comment  ou  quoraent 

cumbatre 

combatre 

combatre 

corone  S.  B. 

courone 

couronne 

cruelment 

cruelment 

cruellement 

deriere 

deriere 

derrière 

deservir 

deservir 

desservir 

duner  (donner) 

donner 

donner 

enemi 

anemis 

ennemi 

home 

homme 

homme 

humage 

hommage 

hommage 

nule 

nulle 

nulle 

nuvele 

nouvelle 

nouvelle 

obeisant 

obeissans 

obéissant 

inoyene  S.  B. 

moyenne 

moyenne 

ocis 

ochis 

occis 

panlonerS.  B. 

pardonner 

pardonner 

pousiere  S.  B. 

[ponrre] 

poussière 

resernbler 

rpssambler 

ressembler 

resu.^citer 

resusciter 

resusciter 

sale  (salle)    . 

sale 

salle 

sele  (selle) 

selle  et  scelle 

selle 

sumet  (sommet  ) 

su  m  met 

sommet 

valée 

valée 

vallée 

On  voit  donc  par  ce  tableau  que  la  suppression  des  doubles 
consonnes  parasites  est  conforme  au  génie  naturel  de  notre 
langue. 


58  T.E  TRAIT  D'UNION. 


m 


DES  TIRETS  OU  TRAITS  D'UNION, 


Les  Grecs  et  les  Latins  ne  divisent  pas  les  mots  qui,  composés 
de  plusieurs,  n'en  forment  réellement  qu'un  seul,  tels  que,  en 
grec,  àvTtxspav,  vis  à  vis;  xapairav,  tout  à  fait  ;  7Tapa[j!.vipi^ia, 
haut -de -chausses;  TrapaT^oyo;,  contre-sens;  noL^cc/j^r^^xoL^  sur- 
le-champ;  Gu[AT:av,  tout  à  la  fois;  s^aicpvyiç,  tout  aussitôt; 
TTdpippvi^Yiv,  tout  à  l'entour.  Et  de  même  en  latin  :  adhuc, 
jusqu'à  présent,  jusqu'à  ce  jour;  hucusqiie^  jusqu'ici  ;  alteru- 
ter^  l'un  ou  l'autre;  propemodum^  à  peu  près;  pfopediem, 
jusqu'à  ce  jour;  ejusmodi^  de  cette  façon;  gnoadusque,  jus- 
qu'à  ce  que  ;  quantuluscumque^  quelque  petit  qu'il  soit  ;  nihïlo- 
minus^  néanmoins;  veriimenimvero^  à  la  vérité. 

Les  Grecs,  dans  la  formation  des  mots  composés,  avaient 
souvent  recours  à  la  contraction  et  même  à  la  suppression 
de  la  lettre  finale  :  de  o<];ov,  o^j/ocpayta,  o^j^oircoV/iç  ;  de  vo(jt.oç, 
v6p.o6£r/iç  ;  dans  >topu6aio"Xo; ,  dans  7ro^apx.7iç,  dans  aovapjç^vi;,  il  y 
a  même  suppression  de  deux  lettres.  Quelquefois,  pour  adoucir 
la  prononciation,  le  v  se  change  en  y,  xayyaXeTroç.  De  même  les 
Latins,  àç, postera  die ^  ont  ïmipost^ndie.  Usant  du  même  procédé, 
nous  avons  fait  de  bas  bord,  bâbord]  de  bec  jaune,  bé jaune, 
de  contre  escarpe,  contrescarpe  ;  de  contre  trouver,  controu- 
ver-,  de  corps,  corsage,  corset]  de  il  ny  a  guères,  naguère] 
de  tous  jours,  toujours;  de  la  plus  part  {i),  plupart-,  de 
passe  avant,  passavant-,  de  néaiit  moins,  néanmoins  ;  àQ plat 

(1)  L'Académie,  dans  son  Dictionnaire  de  1694,  écrit  tousjours,  pluspart. 


LE  TRAIT  D'UNION,  50 

fond^  plafond \  de  plus  tôt^  plutôt  \  de  vaut  rien^  vaurien  \  de 
sans  rire^  sourire  ;  de  sous  coupe ,  soucoupe ,  etc.  ;  de  ores  en 
avants  est  devenu  dorénavant  (1);  à  Ventom\  alentour^  etc. 

Dans  les  autres  langues,  les  mots  composés  ne  forment  qu'un 
seul  mot,  ou,  si  les  traits  d'union  sont  quelquefois  admis,  ils  sont 
employés  de  manière  à  n'offrir  aucune  difficulté  grammaticale. 

La  langue  italienne,  qui  de  toutes  se  rapproche  le  plus  de  la 
nôtre,  de  plusieurs  mots  n'en  forme  qu'un  seul  (2)  :  acquavita, 
eau-de-vie  (3)  ;  affatto,  tout  à  fait;  capodopera,  chef-d'œuvre; 
nulladimeno^  néanmoins  ;  contuttociô^  avec  tout  cela  ;  concio- 
siacosachè^  conciofossecosachè ^  puisque,  bien  que;  perlaqual- 
cosa,  c'est  pourquoi;  et  en  espagnol  :  guardacostas ,  garde- 
côte  ;  contraprueha,  contre-épreuve  ;  guardasellos^  garde  des 
sceaux,  etc. 

Palsgrave,  dans  son  Esclarcissement  de  la  langue  fran- 
çoyse^  en  1530,  écrivait  aulcunefoys  ^  souventesfoys^  autra- 
vers^  paradventure  ^  jusqu'adix^  jusqu' aumourir. 

Dans  nos  anciens  manuscrits,  on  ne  voit  aucun  trait  d'u- 
nion (4),  non  plus  que  dans  les  dictionnaires  de  Robert  Es- 
tienne.  C'est  dans  le  Dictionnaire  de  Nicot  que  je  le  vois  appa- 
raître pour  la  première  fois,  en  1573. 

(1)  Ce  composé  s'est  écrit  d'abord  de  ores  en  avant,  puis  d'ores  en  avant, 
doresenavant ^  puis  doresnavani ,  dorénavant,  et  enfin  dorénavant. 

(2)  Je  me  rapj)elle  avoir  lu  dans  Boccace  contuitosiacosachè. 

(3)  Les  Espagnols  en  ont  fait  aussi  un  seul  mot:  aguardien  te,  conUàcU'  de 
agua  ardiente. 

(4)  «  Quant  à  l'accent  enclitique  (sorte  de  trait  d'union),  disait  Doleten  1540, 
il  n'est  point  recevable  en  la  langue  françoyse,  combien  qu'aulcuns  soient  d'aultre 
opinion.  Lesquelz  disent  qu'il  eschet  en  ces  dictions,  te,  tu,  voiis^  nous,  on,  ton. 
La  forme  de  cest  accent  est  telle,  '  :  par  ainsi  ilz  vouldroient  estre  escript  en  la 
sorte  qui  s'ensuyt  :  M'altenderai'  ie  à  vous  ?  Feras'  tu  cela  ?  Quand  aurons' 
nous  paix?  Dict'  on  tel  cas  de  moy  ?  Voirra'  Ion  iamais  ces  meschonts  puniz? 
Derechef  ie  t'aduise  que  cela  est  superflu  en  la  langue  françoyse  et  toutes  aultres  : 
car  telz  pronoms  demeurent  en  leur  vigueur,  encores  qu'il/  soient  postposés  à 
leurs  verbes.  Et  qui  plus  est,  l'accent  enclitique  ne  conuient  qu'en  dictions  indé- 
clinables, comme  sont  en  latin,  ne,  ve,  q',  nam.  Qu'ainsi  soit,  on  n'escript  point 
en  latin  en  ceste  f  )rme  :  Feram!  ego  id  iniuriœ?  Eris'  tu  semptr  tam  nullius 
consilij?  Tiens  donc  pour  seur  que  tel  accent  n'est  propre  aulcunement  à  nostre 
langue.  ii> 


60  •  LE  TRAIT  D'UMON. 

Le  grand  nombre  de  mots  connus  sous  la  dénomination  de 
mots  composés,  parce  qu'ils  n'expriment  qu'une  seule  idée  ou 
qu'un  seul  objet  avec  le  concours  de  plusieurs  mots,  sont  main- 
tenant tantôt  réunis  par  un  ti7'et  ou  trait  d'union,  tantôt  sépa- 
rés, sans  tirets,  et  tantôt  groupés  en  un  mot  unique. 

Isolés,  ces  mots  offrent  souvent  un  sens  tout  différent  de 
celui  qu'ils  auraient  s'ils  étaient  réunis  :  belle-7nère,  belle- 
sœur^  beau-père,  blanc- bec,  belle-de-jour,  ont  un  sens  gé- 
néral tout  autre  que  le  sens  spécial  de  leurs  composants. 
Il  convient  donc  de  les  grouper  le  plus  possible  en  un  seul 
mot  qui  représentera  bien  mieux  F  idée  particulière  qu'ils 
veulent  exprimer.  Par  là  serait  évitée  la  difficulté  ,  souvent  si 
grande,  de  l'orthographe  du  pluriel,  car,  dans  une  foule  de 
cas,  on  ne  sait  si  la  marque  s  oa  x  doit  s'appliquer  au  premier 
ou  au  second  des  composants,  ou  bien  à  tous  deux.  Les  mots 
composés,  une  fois  agglutinés,  rentrent  dans  la  règle  générale 
de  formation  du  pluriel  des  substantifs.  Ainsi,  en  écrivant  des 
femmes,  des  paroles  aigredouces,  des  discours  aicjredoux,  des 
rougegorges ,  des  cassecous,  des  cocalânes,  des  choufleurs ,  on 
n'a  plus  à  hésiter  pour  savoir  où  mettre  Xs,  et  s'il  faut  écrire 
discours  aigres-doux  ou  aigre-doux^  des  femmes  aigres-douces 
ou  aigre-douces,  des  rouges-gorges ,  des  casse-cous,  des  coq- 
à-l'ânes  ou  des  coqs-à-ïâne  (1) ,  des  choux- fleur  s,  etc.  Si  l'on 
permettait  d'écrire  chefdœuvre^  ou  plutôt  chédœuvre  au  sin- 
gulier et  chédœuvres  au  pluriel,  et  non  chefs-d'œuvre,  comme 
on  le  fait  maintenant,  les  poètes  n'auraient  plus  à  regretter  de 
ne  pouvoir  dire  :  chédœucres>  éternels  ,  les  chédœuvres»  hu- 
mains, ce  que  ne  permet  pas  l'orthographe  admise ,  chefs- 
d'œuvre  (2). 

(1)  Ces  vers  de  Regnard  en  sont  la  preuve  : 

Pour  être  un  bel  esprit, 
11  faut  avec  dédain  écouter  ce  qu'on  dit  ; 
Rêver  dans  un  fauteuil,  répondre  en  coq-à-Vânes 
Et  voir  tous  les  mortels  ainsi  que  des  profanes. 

Le  Distrait,  act.  IV,  se.  7. 

(2)  l^'Acadéraie,  |)Our  éviter  les  controverses  grammaticales,  a  souvent  omis 


r 


Lt  TRAIT  D'UINIOIN.  61 

L'Académie  écrivant  :  aussitôt^  aujourd'hui^  auparavant, 
auprès,  aplomb,  embonpoint  (qu'il  serait  mieux  d'écrire  en- 
bonpoint,  puisqu'on  a  mal-en-point),  pourrait  écrire  sans  tiret. 
acompte,  audevant,  apropos,  aprésent.  Pour  trouver  ces  quatre 
mots  au  Dictionnaire,  il  faut  aller  les  chercher  à  Compte,  à 
Devant,  à  Propos,  à  Présent. 

L'Académie  écrivant  :  plutôt,  plupart  (où  le  s  e4  retran- 
ché) (1),  bienheureux^  bienséant,  biendisant,  médisant,  pour- 
rait éci'ire  sans  tiret  :  bienaimé ,  blenêtre ,  plusvalue  ou  plu- 
value,  et,  en  un  seul  mot  plusqueparfait,  comme  elle  écrit 
imparfait.  Puisqu'elle  écrit  betterave,  pourquoi  chou-ravel 

L'Académie,  écrivant  comme  on  prononce  bâbord,  terme  de 
mer,  et  non  bas-bord,  pourrait  écrire  sans  tiret  bassetaille, 
bassecour,  ce  qui  éviterait  ce  pluriel  :  des  basses-cours,  des 
basses-tailles. 

Elle  écrit  avec  raison  bientôt  :  elle  devrait  faire  de  même 

(l'indiquer  les  pluriels,  laissant  Imlj^cis  si  l'on  doit  écrire  des  clair-obscurs  ou 
des  clairs-obscîirs,  maitre-nulels  ou  maîtres-autels ,  brèche-dent  ou  brèche- 
dents.  Eu  fonnanf  uu  seul  mot  des  deux,  ou  trancherait  la  difficulté:  un  clair- 
obscur,  àesclairobscurs-,  un  maîtraittel,  des  maitrautels. 

Un  grammairien  d'un  vrai  mérite  explique  ainsi  l'orthographe  académique 
d'un  gobe-mouches  et  un  chasse- mouche.  «  Uu  gote-niouches  ne  prendrait  pas 
ce  nom  s'il  n'en  avalait  qu'une  et  on  écrit  sans  5  un  chasse -mouche  parce  qu'ii 
suffit  d'une  mouche  pour  en  être  importuné.  »  En  écrivant  un  gobcmouche ,  des 
gobemouches ,  un  chassemouche  et  des  chassemouches,  on  soulagerait  la  gram- 
maire de  ces  subtiles  distinctions. 

L'Académie  écrit  eau-forte  et  eau  seconde ,  eau  régale.  Comment  se  rendre 
compte  de  la  distinction  subtile  qui  nécessite  le  trait  d'union  mis  par  l'Académie 
au  premier  seul  de  ces  composés,  tandis  qu'elle  écrit  séparément  les  deux  autres  ? 
On  devrait  les  écrire  en  un  seul  mot,  et  de  même  eaudevie,  belledejoiir,  bel- 
ledenuil. 

Le  mot  garde-malade  peut  s'écrire  de  cinq  manières  différentes,  selon  l'ana- 
lyse qu'on  fera  des  composants  :  une  garde-malade ,  garde  de  malade  ;  une 
garde-malades,  qui  garde  les  malades,  des  garde-malade,  qui  gardent  le  ma- 
lade ou  un  malade;  des  gardes- malade,  comme  gardes-marine  ,  gardiens  de 
malade;  des  garde-malades.,  qui  gardent  les  malades;  et  enfin  des  gardes- 
malades.  Ce  pluriel,  qui  semble  le  plus  généralement  adopté,  est  le  moins  logique 
de  tous.  La  forme  gardemalade  supprime  ces  puériles  difficultés. 

(1)  Quant  au  genre  des  lettres,  selon  l'Académie ,  on  doit  écrire  tantôt  une  s, 
tantôt  le  s.  Il  en  est  de  même  pour  d'autres  lotîrcs  f,  l,  m,  n,  r  ;  h  cet  égard,  il 
Vaut  aussi  prendre  un  parti. 


62  LE  TRAIT  D'UNION. 

pour  sans  doute,  dont  les  composants  ne  sont  pas  mêuie  l'éu- 
nis  par  un  trait  d'union.  Cependant,  sans  doute  exprime  très- 
souvent  le  doute,  au  lieu  d'un  sens  affirmatif  :  il  viendra  sans 
doute  signifie  il  viendra  probablement,  peut-être.  On  devrait 
donc  écrire  sansdoute  ou  mieux  sandoute,  comme  plutôt^  sou- 
mnh\  plafond,  etc. 

Elle  écrit  sans  tiret  clairvoyant ,  et  avec  tiret  clairsemé,  à 
claire-voie. 

Elle  écrit  en  un  seul  mot  :  contrebande.,  contrecarrer,  con- 
tredanse, contredire ,  contrefaçon,  contrescarpe,  etc. ,  et  de- 
vrait écrire  aussi  sans  tiret  :  contr' épreuve  ou  contrépreuve, 
contrecoup,  contrecœur,  contremarque,  contretemps^  con- 
tresens ,  contrepoids ,  contrepied ,  contrelettre ,  contrefort, 
contrordre. 

Contre-poison,  contre-taille,  sont  ainsi  écrits  à  leur  ordre 
alphabétique  ;  mais,  dans  le  cours  de  son  Dictionnaire,  l'Aca- 
démie écrit  contrepoison,  contretaille. 

L'Académie  écrit  :  entrecouper^  entrelacer,  entrelacs,  en- 
tremettre^ entrelarder^  auxquels  elle  devrait  ajouter  sans  tiret  : 
entredonner,  entredéchirer,  entredeux,  entrepont^  entresol  et 
soussol  ou  mieux  sousol  (1). 

(t)  Dans  les  quatre  éditions  précédentes,  l'Académie  écrit  entresol  d'un  seul 
mot,  de  même  qu'elle  écrit  en  un  seul  mot  tournesol,  parasol,  préséance,  pré- 
supposer, vraisemblance,  et  qu'on  devrait  écrire  havresac,  bouteselle  (et  non 
havre-sac ,  boute-selle) ,  en  prononçant  Vs  comme  il  devrait  toujours  être 
prononcé  et  non  comme  s.  M.  J.  Quicherat  observe  avec  raison  (Tî'aité  de  ver- 
sification française,  p.  3)  que  «  l'Académie  a  tort  d'écrire  dissyllabe  et  qu'on 
doit  écrire  disyllabe,  comme  dimètre,  dilemme  :  la  particule  dis  n'ayant  rien  à 
faire  dans  cette  composition.  » 

11  serait  désirable  que  partout  où  Vs  se  prononce  z,  cette  dernière  lettre  pût 
un  jour  la  remplacer. 

On  écrivait  autrefois  hazard,  hazarder,  nazillard,  magazin.  Corneille  écri- 
vait clzeaux  ;oa  devrait  donc  écrire  de  même  bizeau,  nazeau,  puisqu'on  écrit 
nez.  Bossuet,  dans  les  manuscrits  de  ses  Sermons,  p.  52,  écrit  :  vous  oziez, 

La  lettre  z  est  simple,  euphonique  et  gracieuse.  Il  est  regrettable  qu'on  ait  cru  en 
devoir  restreindre  l'emploi  aux  seuls  mots  suivants  :  alezan,  alèze,  alizé,  alizier, 
amazone,  apozème,  azerole,  azerolier,  azimut,  azote,  azur,  azyme,  balzan^ 
bazar,  benzine,  bézoard,  bii,arrerie,  bonze,  bronze,  Byzance,  cunezou,  colza, 
coryza,  czar,  dizain,  dizaine,  dizenier,  donzelle,  douzaine,  douze,  épizootie, 


LE  TRAIT  D'UNION.  63 

L'Académie  écrit  :  gendarme^  yentilhomme ^  lieutenant^ 
mainmorte^  malhonnête^  malintentionné^  malpropre^  mal- 
sain; elle  pourrait  écrire  de  même  sans  tiret  :  f au  fuyant^ 
gagnepain,  gardefeu^  gardemeuble^  mainforte. 

L'Académie  écrit  :  hautbois  (qui  serait  mieux  sous  cette 
l'orme  :  haubois^  en  italien  oboè)\  pourquoi  ne  pas  écrire  :  hau- 
tecontre  et  contrebasse  ?  et  puisqu'on  écrit  justaucorps^  on 
pourrait  admettre  haudechausse. 

L'Académie  écrit  sans  tiret  :  nonpareille^  parterre^  partout^ 
passavant^  porteballe^  portechape^  portechoux^  portecrayon, 
por  te faix^  porte  feuille  ^portemanteau^  postface  \  et  avec  tiret  : 
nonsenSj  passedebout,  passeport,  passetemps, peutêtre,  por- 
tecrosse,  portedrapeau,  portemontre^  portevoix.  La  régula- 
risation de  ces  derniers  mots  supprimerait  l'embarras  du  plu- 
riel. On  verra  parle  Tableau  des  mots  composés  la  difficulté  de 
le  former. 

L'Académie  écrit  :  outrecuidant^  outremer^  sauvegarde, 
soucoupe^  soussigné^  souterrain,  soutirer,  surbaisser,  suren- 
chère\  elle  pourrait  écrire  sans  tiret  :  outrepasser,  sauf  conduit, 
souslouer  (ou  m\Q\ixsoulouer),  sousentendu,  sousordre,  souspré- 
fet  ou  soupréfet,  et  devrait  écrire  soulocataire,  sousol^  comme 
elle  écrit  soucoupe,  soutirer,  sourire,  soubassement,  soumis- 
sion, soulier,  mieux  écrit  autrefois  soulié. 

L'Académie  écnYajït  surenchérir,  surlendemain,  surnaturel, 
pourrait  écrire  surlechamp ,  au  lieu  de  sur-le-champ,  et  le 

(jaz,  gaze^  gazelle,  gazer,  gazetier,  gazelle,  gazeux,  gazomèlre,  gazon,  ga^ 
zouiller,  gazouillement,  gazouillis,  horizon,  lazaret,  lazuli  (lapis),  lézard, 
lézarde,  luzerne,  mazette,  mélèze,  mozarabe,  Nazareth,  nez,  onzième,  osma- 
zôme,  quartz,  quatorze,  quinze,  recez,  rez-de-chaussée,  riz,  rizière,  seize, 
sizain,  sizaine,  suzeraineté,  syzygie,  topaze,  trapèze,  treize,  vizir,  vizirat, 
auxquels  il  faut  ajouter  les  41  mots  coinmençant^iar  cette  lettre  au  Dictionnaire. 
Si  le  z  pouvait  remplacer  Vs  dans  les  mots  où  il  en  a  pris  le  son,  on  éviterait 
des  difficultés  Orthographiques  et  une  règle  de  grammaire  à  apprendre  avec  les 
exceptions.  L's  reprendrait  sa  fonction  naturelle  dans  ces  mots  composés  : 
asymptote,  désuétude,  entresol,  havresac,  monosyllabe,  parasol,  préséance, 
présupposer,  soubresaut,  tournesol,  vraisemblable,  etc.,  que  des  étrangers 
croient  devoir  prononcer  comme  aisément,  avec  le  son  du  s. 


64  hi:  TRAIT  D'UJNION. 

placer  à  son  rang  à  côté  de  surlendemain ,  tandis  qu'il  faut 
chercher  cet  adverbe  ou  locution  adverbiale  à  Champ  ; 
surlechamp  est  un  adverbe  comme  sitôt  et  aussitôt ,  lequel 
est  également  composé  de  trois  mots  :  au-si-tôt. 

L'Académie  écrit  :  hecfigue,  pourboire,  quinte  feuille,  quin- 
tessence,  tournebride ,  tournebroche,  to\irnemain,  vaurien. 
Elle  pourrait  écrire  sans  tiret  :  chaussetrape,  coupegorge, 
couvrepied.,  curedent^  quatretemps^  quatrevingts,  songecreux, 
et,  puisque  ^«/)ecw  est  ainsi  écrit,  torchecul  OMtorchecu  devrait 
l'être  de  même. 

Bien  que  l'Académie  écrive  des  contrevents  et  des  abat-vent^ 
des  brise-vent  et  des  paravents ,  des  casse-tête  et  des  serre- 
tête,  des  tire-têtes  et  des  hausse-cols ,  des  passe-poils  et  des 
passeroses,  des  passeragcs  et  à^^  passe-ports  ^  un  gobe-mouches 
et  un  chasse-mouche^  ces  mots,  de  même  formation,  devraient 
tous  prendre  une  figure  orthographique  uniforme. 

Gomment  fixer  les  pluriels  des  mots  suivants,  que  chacun 
forme  à  sa  manière  : 

Des  ayants  cause,  des  bateaux-poste^  des  boute-selles,  des  chasse- 
marée,  des  têle-à-lé(e ,  des  souffre-douleur,  des  contre-vérité ,  des 
coqà-fâne,  des  daviesjeannes,  des  croc-en-jambe,  des  rouges-gorges, 
des  rouge-queue,  des  rouges-trognes,  des  rouges-boi^ds,  des  garde- 
forêt,  ^^^  gardC'robes,  des  cure-dent,  des  cure-oreilles,  des  chausse- 
pied,  des  entre-côtes ,  des  essuie-main ,  des  appui-tnain,  des  /e.s5e- 
cahier,  des  porte-hache,  des  pieds-d'alouette,  des  passe-volants,  des 
hautes-contres,  des  culs-de-sac,  des  guets-apens ,  des  pince-maille^ 
des  après-dînées,  des  après-midi,  des  garde-fous,  des  gardes-marine, 
des  perce-oreille,  des  trouble-fête,  des  ponts-neufs,  des  messire-Jean, 
des  bains-Marie ,  des  colin-maillard,  des  revenant-bon,  des  porte- 
étendard,  des  serre-tête,  des  tire-têtes,  des  serre-file,  etc.  ? 

Pour  lever  toute  difficulté,  ne  pourrait-on  pas,  dès  à  présent, 
ramener  comme  suit  ê>  une  orthographe  uniforme  ces  mots 
composés  : 

Âbajour,  abavant,appuimain,avancoureur,  avanmain,  avanscène, 
bassecour^  boute  feu,  brèchedent ,  brisecou,  hrûletout,  cassenoisette, 
chapechute,    chnssemarée,    chassemouche,    cervolant,   chaufepied, 


LE  TRAIT  D'UNION.  65 

chaussepiedy  chaussetrape  ^  chou  fleur,  contrecoup,  coupegorge, 
couvrefeu,  crèvecœur,  curedent,  damejeanne,  entracte,  entrecôte, 
entreligne,  essuîmain,gagnepain,  gardechasse,  gardecôte,  gardema- 
gasin,  gardemanger,  gardemine,  garderohe,  gâtem€tier,gorgechavde, 
haussecol,  haubois,  hautecontre,  messirejean,  millepied,  mouillebou- 
che,  ouidire,  passedebout,  passedroit,  passepartout ,  passepasse, 
perceneige,  portemontre,  portecrosse,  reineclavde,  reinemarguerite , 
réoeilleinatin,  saufconduit ,  serre  fil  e  ,  serrepapier ,  serreiête ,  tail- 
ledouce,  terreplein,  tireboite,  trouble  fête,  va  tout,  viceroi,  et  eulin  un 
vanupied,  etc.  (Voir  Appendice  F.) 

On  place  entre  deux  tirets  la  lettre  euphonique  t,  et  c'est 
avec  raison  qu'on  écrit  :  y  a-t-il^  ira-t-il',  mais  pourquoi  ne  pas 
en  faire  autant  pour  1*5  qui  a  le  même  emploi?  On  ne  devrait 
pas  écrire,  comme  on  le  fait,  donnes-en,  poses-y,  ciieilles-en^ 
donnes-y,  manges-en^  ce  qui  donne  lieu  à  l'erreur  fréquente 
que  l'on  commet  en  s'imaginant  que,  dans  toutes  les  conju- 
gaisons, la  seconde  personne  de  l'impératif  doit  avoir  une  s.  Il 
faut  donc  de  toute  nécessité  écrire  donne-s-en,  portes  y,  vas-en 
chercher,  vas-y,  cneille-s-en,  mange-s-en;  ou  mieux  en  met- 
tant un  z  euphonique  à  la  place  de  1'^,  puisque  l'Académie  écrit 
maintenant  quatre-z-yeux  qu'elle  écrivait  auparavant  qiiatre- 
zyeux. 


Doit-on,  pour  la  division  des  mots  au  bout  des  lignes,  se 
conformer  à  l'étymologie  ou  bien  à  l'épellation,  qui  favorise 
mieux  la  lecture  à  haute  voix?  L'Académie,  dans  son  Diction- 
naire, n'a  adopté  aucune  règle  fixe  à  cet  égard  :  il  conviendrait 
de  faire  cesser  cette  incertitude  qui  embarrasse  les  correcteurs 
d'imprimerie.  Ainsi ,  dans  la  même  page,  on  trouve  écrit  : 
souscrire  conformément  à  l'étymologie,  et  sous-crire^  confor- 
mément à  l'épellation.  Il  en  est  de  même  pour  souscripteur  et 
sous-cripteur,  atmosphère  et  atmos-phère ,  hémisphère  et 
horos-cope^  catastrophe  et  cho-révêque,  mono-ptère  et  coléop- 
tère. 

5 


66  LE  TRAIT  D'UNION. 

L'Académie  ayant  admis  la  division  i-nadmissibiiité^  i-tiéga- 
lité,  su-rannéi  pros-terner,  pros-titue?\  semblerait  autoriser 
cette  division  conforme  à  l'épellation  pour  des-truction,  des- 
titution, dés-union,  pres-cription  ;  cependant  elle  écrit  aussi 
inspecter,  inspirer^  obstruction^  pr^oscrire,  conformément  à 
l'étymologie. 

Cette  question,  futile  en  apparence,  a  une  application  in- 
cessante dans  la  pratique.  Peut-être  doit-on  préférer  la  division 
adoptée  pour  les  langues  grecque  et  latine,  où  l'on  sépare^ 
en  fin  de  ligne,  les  mots  par  un  tiret  d'après  leurs  racines. 


MOTS  EIN  ANT  ET  EN  T.  6T 


IV 


DE  L'ORTHOGRAPHE  ET  DE  LA  PRONONCIATION 
DES  MOTS  TERMINÉS  EN  ANT  OU  ENT. 


ADJECTIFS    ET  SUBSTANTIFS    VERBAUX    PROVENANT   DU    PARTICIPE 

PRÉSENT. 

Selon  les  grammaires,  nous  avons  d'abord  dans  la  catégorie 
des  mots  en  ant  : 

1°  Tous  les  participes  présents,  terminés  sans  aucune  excep- 
tion en  ANT,  et  invariables  quand  ils  expriment  une  action. 
Quand  ils  expriment  un  état^  ils  peuvent  se  transformer  en 
adjectifs  verbaux  et  s' accorder  en  genre  et  en  nombre  avec 
leur  sujet.  L'adjectif  verbal,  extension  d'emploi  du  participe 
présent,  conserve  au  singulier  masculin  la  forme  ant  du  par- 
ticipe présent  dont  il  dérive.  Il  devient  même  quelquefois  un 
substantif,  que  j'appellerai  alors  substantif  verbal  -,  tels  sont  ; 
les  étudiants^  les  complaisants^  les  opposants^  les  gérants^ 
les  correspondants^  etc. 

2°  Sont  aussi  terminés  en  ant  les  adjectifs  et  les  substan- 
tifs des  verbes  formés  sur  la  première  conjugaison  latine,  tels 
que  amant ^  chantant,  mendiant,  suppliant,  dont  le  nombre 
est  considérable.  Tous,  sans  exception,  sont,  comme  le  parti- 
cipe présent  et  le  gérondif,  terminés  en  ant. 

3"  Sont  terminés  aussi  en  ant  tous  les  adjectifs  et  substan- 
tifs de  ce  genre  provenant   d'une  autre  source  que  le  latin. 


68  MOTS  EN  ANT  ET  ENT. 

Tels  sont  ces  mots  français  formés-  d'un  verbe  ne  provenant 
pas  du  latin  : 


agaçant 

éblouissant 

glapissant 

pantelant 

attachant 

éclatant 

glissant 

passant 

blanchissant 

écrasant 

grimaçant 

penchant 

bondissant 

écumant 

grimpant 

perçant 

bouffant 

effrayant 

grinçant 

piquant 

brisant 

engageant 

grisonnant 

plongeant 

brunissant 

étiolant 

guerroyant 

rafraîchissant 

bruyant 

étouffant 

intrigant 

regardant 

brûlant 

étourdissant 

jaillissant 

ronflant 

calmant 

frappant 

jappant 

sali>saiit 

choquant 

fringant 

jaunissant 

tannant 

criant 

gagnant 

marquant 

tombant 

croupissant 

galant 

massacrant 

tranchant 

déchirant 

garant 

navrant 

trébuchant 

Ainsi  donc,  je  le  répète,  les  mots  terminés  en  ant  compren- 
nent :  1"  tous  les  participes  présents,  sans  aucune  exception; 
2"  tous  les  adjectifs  et  substantif  verbaux  dérivés  de  verbes 
français  formés  sur  lii première  conjugaison  latiiie  et  qui  sont 
en  si  grand  nombre  ;  3°  tous  les  substantifs  et  adjectifs  ver- 
baux qui  ne  viennent  pas  du  latin. 

Pour  ces  trois  classes  de  mots,  il  n'y  a  pas  d'embarras,  pas 
de  changements  à  proposer. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  des  adjectifs  et  des  substantifs 
formés  sur  les  trois  autres  conjugaisons  latines  :  sans  aucun 
motif  apparent ,  les  uns  sont  terminés  en  ant ,  les  autres  en 
eut.  Il  en  résulte  donc  une  grande  incertitude  orthographique, 
car  la  prononciation  ne  peut  servir  de  guide ,  puisque  les  uns 
comme  les  autres,  soit  qu'ils  s'écrivent  par  ant,  soit  par  ent, 
se  prononcent  également  par  notre  an  nasal,  en  sorte  que  l'é- 
tymologie  nous  induirait  en  erreur,  tous  possédant  un  primitif 
latin  en  ens. 

On  doit  faire  remarquer  que,  même  dans  cette  catégorie,  la 
forme  ant  est  beaucoup  plus  nombreuse  que  la  forme  ent. 

Voici  le  tableau  des  mots  français  terminés  en  ant  et  celai 
des  mots  terminés  en  ent,  provenant  les  uns  et  les  autres  d'une 


MOTS  EN  ANT  ET  ENT. 


69 


conjugaison  latine  autre  que  la  première  (laquelle,  on  le  ré- 
pète,  forme  toutes  ses  terminaisons  en  ant). 

Liste  des  adjectifs  et  substantifs  verbaux  formés  de  participes  la- 
tins en  ENS  {haute,  moyenne  et  basse  latinité),  provenant  de  la 
2*,  3^  ou  ¥  conjugaison 

El  qnl  CD  français  se  terminent  en  ANT. 


abrutissant 

convaincant 

impuissant 

raréfiant 

absorbant 

convenant 

inconstant 

ravissant 

adoucissant 

copartageant 

inconvenant 

reconnaissant 

aflligeanl 

correspondant 

indépendant 

réfrigérant 

agissant 

courant 

insignifiant 

réjouissant 

agonisant 

croissant 

insuffisant 

reluisant 

amollissant 

croyant 

intendant 

renaissant 

ascendant 

cuisant 

intervenant 

repentant 

assaillant 

décevant 

languissant 

répercutant 

assistant 

défaillant 

luisant 

répondant 

assortissant 

défiant 

malfaisant 

repoussant 

assourdissant 

délinquant 

méconnaissant 

resplendissant 

assujettissant 

dépendant 

mécréant 

ressortissant 

attenant 

déplaisant 

médisant 

revenant 

attendrissant 

déposant 

méfiant 

riant 

aUrayant 

descendant 

mordant 

rugissant 

avenant 

désobéissant 

mordicant 

saillant 

avilissant 

desservant 

mourant 

saisissant 

belligérant 

dirigeant 

mouvant 

satisfaisant 

bienfaisant 

dissolvant 

naissant 

savant 

bienséant 

divertissant 

nourrissant 

séant 

bienveillant 

endurant 

obéissant 

séduisant 

cédant 

ensuivant 

odoriférant 

servant 

clairvoyant 

entreprenant 

offensant 

sortant 

combattant 

étourdissant 

opposant 

soufl'rant 

commettant 

étudiant 

outrageant 

souriant 

compatissant 

excédant 

pâlissant 

suant 

complaisant 

exécutant 

partageant 

suffisant 

composant 

exigeant 

pendant 

suivant 

compromettant 

existant 

perdant 

surintendant 

concertant 

exposant 

persistant 

surprenant 

concluant 

extravagant 

pesant 

survenant 

confiant 

fatigant 

plaisant 

survivant 

conquérant 

flagellant 

poursuivant 

tenant 

consentant 

fleurissant 

prenant 

tendant 

consistant 

florissant 

pressant 

transcendant 

constituant 

tondant 

prétendant 

vaillant 

consultant 

fuyant 

prévenant 

venant 

contenant 

gémissant 

prévoyant 

versant 

contendant 

gérant 

puissant 

vivant 

contredisant 

imposant 

ramollissant 

voyant 

70 


MOTS  EN  AJST  ET  EIST. 


Parmi  les  participes  en  ant  les  grammairiens  en  indiquent 
quinze  qui  changent  d'orthographe  en  cessant  d'être  employés 
comme  participes  présents,  et  qui  prennent  alors  ent  au  lieu 
de  ant. 

Mais  pourquoi  étabhr  une  exception  pour  ces  seuls  mots 
dans  le  nombre  si  considérable  de  partiel p'es  en  ant  qui,  lors- 
qu'ils deviennent  substantifs  ou  adjectifs  verbaux,  conservent 
dans  les  deux  cas  la  désinence  ant  comme  en  combattant  et 
un  combattant  ;  en  conquérant  et  un  conquérant^  en  étudiant 
et  un  étudiant [\)'i  Si  donc  dans  ces  quinze  mots  qui  se  ren- 
contrent dans  les  trois  dernières  conjugaisons  latines  les  par- 
ticipes se  sont  ainsi  modifiés  : 


(Participe.) 

(Participe.) 

adhérant 

suhst. 

adhérent 

exceflant 

adj. 

excellent 

affluant 

subst. 

affluent 

expédiant 

subst. 

expédient 

coïncidant 

adj. 

coïncident 

négligeant 

subst. 

négligent 

convergeant 

adj. 

convergent 

précédant 

subst 

précédent 

.lifférant 

adj. 

différent  (2) 

présidant 

subst 

président 

divergeant 

adj. 

divergent 

résidant 

subst 

résident 

émergeant 

adj. 

émergent 

violant 

adj. 

violent 

équivalant 

suhst 

équivalent 

tandis  qu 

on  écrit  de  cette  manière  : 

(Participe.) 

(Participe.) 

assistant 

et  un 

assistant 

excédant 

et  un 

excédant 

agonisant 

et  un 

agonisant 

complaisant 

et  un 

complaisant 

descendant 

et  un 

descendant 

répondant 

et  un 

répondant 

desservant 

et  un 

desservant 

prétendant 

et  un 

prétendant 

dissolvant 

et  un 

dissolvant 

revenant 

et  un 

revenan  t 

plaisant 

et  un 

plaisant 

vivant 

et  un 

vivant 

médisant 

et  un 

médisant 

ne  doit- on  pas  donner  à  ces    quinze   mots   adhérent,  af- 

(1)  Si  Ton  voulait  alléguer  que  le  substantif  verbal  un  étudiant  devait  être 
ainsi  écrit,  attendu  que,  étant  tiré  du  participe  présent  de  la  première  conjugaison 
frariçaise  {étudier^  en  étudiant),  sa  forme  régulière  est  en  ant  et  non  enew/, 
sans  qu'on  ait  à  tenir  compte  de  la  deuxième  conjugaison  latine  {studere^  studens), 
on  demande  pourquoi  les  substantifs  verbaux  adhérent,  affluent,  etc.,  et  les  ad- 
jectifs verbaux  coïncident  et  convergent  qui  appartiennent  aussi  à  la  première 
conjugaison  française  sont  écrits  en  ent  et  non  en  ant. 

(■>)  On  pourrait  faire  une  exception  pour  le  substantif  rft/'/'crf'Wt/. 


I 


MOTS  EN  ÀNT  ET  ENT, 


71 


fluent^  etc.,  une  désinence  uniforme,  celle  en  antl  Par  là 
cesserait  toute  difficulté,  et  les  règles  exceptionnelles  qui 
surcliargent  nos  grammaires  seraient  diminuées  d'autant 

Liste  des  adjectifs  et  substantifs  verbaux  provenant  des 

trois  dernières  conjugaisons  latines 

Et  qni  se  terminent  en  ENT. 

Les  quinze    mots   exceptionnels    sont    marqués   d'un    *,   et.  les    trois   adjectifs    »on 
verbaux  d'une  t. 


absent 

continent 

expédient  ' 

jacent 

abstinent 

contingent 

fervent 

latent 

accident 

convalescent 

fréquent 

mécontent 

adhérent  * 

convergent  * 

imminent 

négligent  * 

adjacent 

corpulent  t 

impatient 

occident 

adolescent 

décent 

impertinent 

opulent 

afférent 

déliquescent 

impotent 

orient 

affluent  ♦ 

déponent 

imprudent 

patent 

agent 

différent  • 

impudent 

patient 

antécédent 

diligent 

incident 

pénitent 

apparent 

dissident 

incohérent 

permanent 

ardent 

divergent  * 

incompétent 

précédent  * 

astringent 

dolent 

inconscient 

prééminent 

clément  i 

effervescent 

inconséquent 

président  * 

client 

efficient 

incontinent 

prudent 

coefficient 

éloquent 

inconvénient 

récipient 

coïncident  * 

émergent  * 

in<lécent 

réfringent 

compétent 

éminent 

indigent 

régent 

concurrent 

émoi  lient 

indulgent 

résident  * 

confident 

équipoUent 

inhérent 

subséquent 

confluent 

équivalent  * 

innocent 

succulent  1 

conscient 

escient 

insolent 

suréminent 

conséquent 

évident 

intelligent 

urgent 

content 

excellent  * 

intermittent 

violent  * 

Ainsi  donc,  contrairement  à  la  série  considérable  des  mots 
en  ant  provenant  i*'  de  la  première  conjugaison  latine,  qui 
ne  figurent  pas  ici  et  qui  tous  se  terminent  en  ant  ;  2**  de  la 
liste  des  mots  en  ant  qui  ne  dérivent  pas  de  verbes  latins  ; 
3"  de  la  liste  des  mots  de  la  seconde,  troisième  et  quatrième 
conjugaisons  latines  qui  se  terminent  en  ant^  bien  que  formés 
sur  les  désinences  latines  en  ens^  on  voit  que  le  nombre  des 
mots  qui  se  terminent  en  ent  (une  centaine  au  plus)  est  relati- 
vement très-faible  comparé  à  ceux  dont  la  désinence  est  en 


72 


MOTS  EN  ÂNT  ET  EI^T. 


ant,  et  que    d'ailleurs  aucune  règle  fixe  n'a  présidé  à  leur 
formation.  Bornons-nous  à  ces  exemples  : 


2e  Conjugaison  :  plaisant,  répondant 

—  contenant,  attenant 

_         _  vaillant,  voyant 

3*  Conjugaison  :  confiant,  suivant 

—  —  belligérant,  ascendant, 
--          _  affligeant 

—  —  suffisant 

—  —  déposant 

—  —  cédant 

—  —  suivant 

4*  Conjugaison  :  avenant,  inconvenant 

—  —  amollissant 


et  abstinent,  permanent 
et  continent,  éminent 
et  équivalent,  évident 
et  confident,  conséquent 
et  antécédent,  intelligent 
et  négligent 
et  efficient 
et  déponent 
et  précédent 
et  conséquent 
et  inconvénient,  expédient 
et  émollient,  etc. 


Que  d'hésitations  et  d'efforts  de  mémoire  pour  ne  pas  errer 
dans  ce  labyrinthe  ! 

Bien  plus,  il  est  quelques-uns  de  ces  mots,  au  nombre  de 
17,  qui,  au  masculin  singulier,  présentent  une  homographie 
complète  avec  la  troisième  personne  du  pluriel  du  présent  de 
l'indicatif,  également  terminée  en  ent^  et  dont  la  prononciation 
diffère,  exemple  :  un  affluent,  ils  affluent-,  un  expédient,  ils 
expédient. 

Mots  en  ent  prononcés  différemment,  bien  qu'écrits  de  même. 


affluent,  adj. 
un  expédient 

content,  adj. 

convergent, adj. 
un  équivalent 

excellent,  adj. 

négligent,  adj. 

émergent,  adj. 
un  président 


ils  affluent 

ils  expédient 

ils  content 

ils  convergent 

ils  équivalent 

ils  excellent 

ils  négligent 

ils  émergent 

ils  président 


un  résident 
violent,  adj. 

un  couvent 

un  confluent 
évident,  adj. 
divergent,  adj. 

un  parent 


ils  résident 
ils  violent 
elles  couvent 
ils  confluent 
ils  évident 
ils  divergent 
ils  pareijt 


coïncident,  adj.    ils  coïncident 


En  adoptant  la  désinence  ant  pour  tous  les  adjectifs  et  sub- 
stantifs verbaux  on  éviterait  donc  cette  homographie  qui  vient 
encore  accroître  le  trouble  déjà  signalé  ;  or,  du  moment  où  la 
terminaison  ant  l'emporte  de  beaucoup  en  nombre  sur  ent  et 
que  la  prononciation  est  identiquement  la  même  dans  l'un  et 


I 


MOTS  EN  ANT  ET  ENT.  73 

l'autre  cas,  on  propose  de  ramener  tous  les  substantifs  et  ad- 
jectifs verbaux  à  un  seul  et  même  type  en  ant, 

Bossuet,  lors  des  discussions  préliminaires  pour  le  Diction- 
naire de  l'année  1694  (voir  App.  G),  frappé  déjà  de  l'incohé- 
rence de  l'orthographe  des  adjectifs  et  des  substantifs  termi- 
nés les  uns  en  ant^  les  autres  en  ent,  cherchait  le  moyen  de 
parvenir  à  une  sorte  de  régularité,  et,  comme  il  lui  semblait 
que^  dans  l'ensemble  des  mots  français  formés  par  le  par- 
ticipe latin  en  ens^  la  terminaison  en  ent  était  plus  nombreuse 
que  celle  en  ant^  il  proposait  à  cet  effet,  tout  en  maintenant 
au  participe  présent,  ainsi  qu'au  gérondif,  la  forme  exclusive 
ant  (1),  de  donner  à  tous  les  autres  la  forme  ent. 

Mais,  contrairement  au  sage  avis  de  Bossuet,  qui  voulait  l'u- 
niformité, l'Académie  inscrivait  dans  son  Dictionnaire  près  de 
la  moitié  des  adjectifs  et  des  substantifs  verbaux  (voir  le  ta- 
bleau page  69)  avec  la  désinence  ant^  bien  que  formés  tous 
sur  la  désinence  ens  du  latin,  tels  que  :  affligeant,  ascendant, 
assistant^  assujettissant,  attenant^  attrayant,  avenant,  bien- 
disant,  bienfaisant,  bienséant,  cédant,  etc. ,  entraînée  en  cela 
par  le  grand  nombre  d'adjectifs  et  substantifs  verbaux  prove- 
nant de  mots  forgés  sur  la  première  conjugaison  latine^  ar- 
rivant, aimant,  amant,  allant,  appelant,  etc. ,  et  sur  les  mots 

(1)  Dans  les  manuscrits  autographes  des  sermons  de  Bossuet,  2  vol.  in-fol.,  que 
j'ai  examinés  à  la  Bibliothèque  impériale,  on  remarque,  au  contraire,  une  tendance 
naturelle  à  remplacer  \'e  par  Va,  conformément  à  la  pronon(  iation.  Il  écrit  donc 
constamanf,  contanty  contanter,  conlantement,  atantion,  ataniif,  atantive- 
ment,  atantats,  cepandant,  coimnancer,  etc.  Il  écrit  commancement  et  assam- 
bler,  et  presque  toujours,  si  ce  n'est  toujours,  il  écrit,  comme  Corneille,  vanger, 
vangeance. 

Ainsi  on  trouve  écrit  par  Perrot  d'Ablancourt  letrencher,  garentie,  qui  sont 
devenus  garantie  et  retrancher  conformément  à  la  tendance  de  substituer  l'a  à 
l'e,  et  il  écrit  restraindre  comme  nous  écrivons  contraindre;  mais  aujourd'hui 
on  écrit  restreindre  avec  un  e. 

FéneloUjà  toutes  ses  éditions,  écrit  les  Avantures  de  Télémaquey  et  Racine  écrit 
aussi  avanture,  vanger,  vangeance.  L'Académie  cependant  écrivait  aventure 
dès  sa  première  édition  de  1694.  Fénelon  ne  publia  sa  première  édition  :  Suite  du 
quatrième  livre  de  l'Odyssée  d'Homère  ou  Avantures  de  Télémaque ,  qu  en 
1699,  et  toutes  les  éditions  postérieures,  y  compris  celle  de  Etienne  Delaulne,  17i7, 


74  MOTS  EN  ANT  ET  ENT. 

étrangers  au  latin,  agaçant^  attachant^  brisant^  gagnayit^pas^ 
sant,  tranchant,  etc. 

Ainsi,  dès  cette  époque,  la  formation  en  ent,  que  j'appellerai 
latine,  avait  cessé  de  fonctionner,  et  dès  lors  l'adjectif  et  le 
substantif  verbal  se  formant  à  fur  et  mesure  des  besoins  sur 
le  participe  présent  français  toujours  en  ant,  il  en  résulte 
que  le  nombre  des  mots  de  ce  genre  l'a  emporté  de  beau- 
coup par  un  usage  constant  sur  ceux  dont  la  désinence  est 
en  ent. 

Maintenant,  en  présence  des  faits,  on  peut  être  assuré  que 
Bossuet,  avec  la  supériorité  de  son  esprit  et  la  rigueur  de  sa 
logique,  n'aurait  pas  hésité  à  adopter  pour  règle  l'uniformité 
de  la  désinence  en  ant.  Et,  en  effet,  puisque  la  prononciation 
est  la  même  pour  tous,  pourquoi  retarder  plus  longtemps  une 
réforme  si  facile,  qui  épargnerait  l'obligation,  très-pénible, 
souvent  même  impossible,  d'établir  une  distinction  dans  l'or- 
thographe des  participes  présents  et  celle  des  adjectifs  et 
substantifs  verbaux,  dédale  où  la  connaissance  du  latin  et  des 
étymologies,  loin  de  nous  guider,  nous  entraîne,  comme  on 
vient  de  le  voir,  dans  de  perpétuelles  contradictions? 

Si  ce  principe  était  adopté,  on  pourrait  conserver  la  dési- 
nence ent  au  petit  nombre  de  mots  formés  directement  du  la- 
tin, comme  gent  de  gens  ;  aux  mots  calqués  sur  la  désinence 
latine  du  neutre  en  entum,  comme  testament^  monument,  de 
testamentum  ,  momimentum,  et  enfin  à  tous  nos  adverbes 
en  ment,  tous  par  e,  à  cause  de  la  racine  mente.  Ces  trois 
classes  de  mots  feraient  seules  exception  à  la  règle  de  Va 
remplaçant  e  dans  les  mots  terminés  en  ant. 

portent  le  titre  d^Avantures.  Fénelon  persistait  donc,  malgré  l'Académie,  à  écrire 
et  faire  imprimer  son  livre  avec  le  titre  courant  à'Avaniures,  et  c'est  ainsi  que 
sont  imprimées  les  Avantures  de  M.  d'Assoucy^  les  Avantures  du  baron  de 

Fœneste. 


MOTS  EN  ANCE  ET  ENCE.  75 

DE  L'ORTHOGRAPHE  ET  DE  LA  PRONONCIATION  DES  MOTS 
EN  ANCE  ET  ENCE, 

Enfin  l'Académie  examinera  s'il  ne  conviendrait  pas  de  ra- 
mener à  une  seule  et  même  orthographe  les  mots  ayant  leur 
désinence  en  ance  et  ence. 

Tous  les  substantifs  dérivés  des  verbes  de  la  première  con- 
jugaison latine  se  terminent  par  ance  :  abondance,  assonance, 
consonance ,  extravagance ,  substance,  etc. 

Pour  les  mots  dérivés  des  verbes  de  la  deuxième  conjugai- 
son ,  le  plus  grand  nombre  se  terminent  en  ence  ;  cependant 
l'Académie  écrit  :  appartenance  et  abstinence,  allégeance  et 
agence,  bienséance  et  éqnipollence,  dépendance  et  éminence, 
complaisance  et  dissidence ,  condoléance  et  déshérence ,  dé- 
chéance et  décadence,  déplaisance  et  permanence,  eyigeance  et 
exigence,  intendance  et  incidence^  malveillance  et  pénitence, 
naissance  et  innocence,  plaisance  et  indulgence,  surséance 
et  présidence^  prévoyance  et  providence ,  réjouissance  et  rési- 
dence, redevance  et  impertinence  ;  enfin  elle  écrit  diversement 
les  dérivés  d'un  même  verbe  :  (de  tenere ,  tenens),  contenance 
et  continence,  (de  videre,  videns) ,  clairvoyance  et  évi- 
dence, etc. 

Pour  les  mots  dérivés  de  la  troisième  conjugaison,  la  moitié 
s'écrivent  par  ance  ou  par  ence,  sans  motif  apparent  :  assis- 
tance et  adolescence,  bienfaisance  et  magnificence ,  conco- 
mitance et  concupiscence ,  confiance  et  confidence  (  de  confi- 
dere) ,  consistance  et  conséquence,  descendance  et  coîivalescence, 
croyance ,  crédence  et  créance  (de  crederé)  ,  croissance  et  con- 
férence, déchéance  et  décadence  (de  caderé) ,  défiance  et  dési- 
nence ,  gérance  et  agence,  médisance  et  confidence ,  méfiance 
et  mésintelligence,  insuffisance  et  éloquence,  intendance  et 
intelligence,  concomitaîice  et  iîitermittence  (l'un  avec  un  ^, 
l'autre  avec  deux  /),  naissance  et  affluence,  oubliance  et  /le'- 
gligence,  subsistance  et  existence. 


76  MOTS  EN  ANCE  ET  ENCE. 

Pour  les  mots  dérivés  de  la  quatrième  conjugaison,  ils  se  bor- 
nent à  6  ou  8  et  présentent  la  même  anomalie  :  convenance  et 
audience^  disconvenance  et  coriscieiicCy  souvenance^  prévenance 
et  expérience^  obéissance  et  obédience^  insouciance  et  science. 

Ainsi,  par  ces  modifications  ou  plutôt  ces  rectifications,  la 
grammaire,  débarrassée  de  ce  grand  nombre  d'exceptions  et 
de  fatigantes  minuties,  deviendra  plus  facile  à  apprendre,  et 
allégera  pour  l'Académie  l'obligation  d'en  rédiger  une.  C'est 
peut-être  aux  fastidieux  détails  qui  surchargent  encore  cette 
œuvre,  confiée  d'abord  à  Régnier  des  Marais,  qu'on  doit,  du 
moins  en  partie,  attribuer  son  ajournement. 

Et,  en  effet,  quia  le  courage  aujourd'hui  de  lire  la  Gram- 
maire de  des  Marais,  si  ce  n'est  comme  étude  historique? 

Le  conflit  entre  l'orthographe  propre  au  français  et  celle  du 
latin  ne  date  pas,  il  est  vrai,  de  l'époque  du  savant  secré- 
taire de  l'Académie  de  1694.  Si  nous  nous  reportons  au  temps 
des  Estienne  (1540),  nous  le  trouverons  aussi  marqué  qu'à 
présent,  mais  cependant  en  sens  inverse.  Ce  sont  les  mots  en 
ence  qui  paraissent  alors  l'emporter  numériquement  sur  les 
mots  en  ance.  Mais  il  n'en  est  plus  de  même  si  l'on  remonte 
à  1420-40,  au  moment  où  Firmin  Le  Ver  rédigeait  son 
dictionnaire.  Une  couche  très-riche  de  mots  français  d'an- 
cienne formation  subsistait  encore,  et,  dans  ce  fonds  antérieur 
à  la  Renaissance,  les  vocables  latins  en  entla  sont  traduits 
par  des  mots  français  en  ance  que  Le  Ver,  en  sa  qualité  de 
Picard,  écrit  souvent  par  anche.  Par  exemple  : 

coMPLACENTiA  donne    complaisance 

COGNOSCENTIA  congnissancc 

coNFiDENTiA  confianchc 

coNVENiENTiA  convenanchc 

CREscENTiA  croissaïice 

DECENTiA  avenanche,  confenanche 

DEPENDENTiA  dependanchc 

DisPLiCENTiA  dcsplaisanche 

DissiDENTiA  desseanche,  discordanche 

ExiGENTiA  juste  rcqucranche 

ExisTENTiA  estanchs,  demourancfie 


MOTS  EN  ANCE  ET  ENCE.  77 


IMPOTENTIA, 

non  puissanche 

MALIVOLENTIA 

maie  veullanche 

NASCENTIA 

naissanche 

PENITENTIA 

penanche,  pemlanche,,  repentanche 

PERTINKNTIA 

appartenanche 

PROVIDENTIA 

pourveanche 

RESISTENTIA 

nsistanche 

SUFFICENTIA 

soufjisanche 

Par  un  phénomène  curieux  et  qui  caractérise  très-bien  le 
sens,  au  point  de  vue  orthographique,  et  la  coexistence  des 
deux  courants  qui  ont  formé  notre  langue  telle  qu'elle  existe 
aujourd'hui,  dans  quelques  cas  le  mot  français  d'ancienne  for- 
mation en  ance  se  trouve  dans  le  même  endroit  en  présence 
du  calque  latin  de  nouvelle  formation  en  ence.  Exemples  : 

ABSENTiA  =  défaillance,  absence 

coNSKQUENTiA  —  cnsievancc,  conséquence 

coNsiDENTiA  =  seanckc,  consklence,  consîstence 

OBFDiENTiA  =  obeissauche,  obédience 

RESiDENTiA  =  dcmouranci',  résidence 

D'autres  mots,  tirés  également  des  trois  dernières  conjugai- 
sons latines ,  alors  récents  et  reproduisant  le  latin  lettre  à 
lettre,  sont  écrits  par  ence.  Tels  sont  concupiscence,  diligence, 
éloquence,  innocence,  présidence,  science.  D'autres  substantifs 
de  ce  genre,  qui  figurent  également  sous  forme  d'adjectifs  dans 
les  tableaux  précédents,  ne  sont  pas  encore  usités  au  com- 
mencement du  quinzième  siècle,  car  ils  n'existent  pas  sous 
leur  forme  actuelle  dans  Le  Ver.  Tels  sont  :  adolescence,  allé- 
geance ^  agence,  bienséance,  clémence,  compétence,  correspon- 
dance, décadence,  éminence ,  décence,  impuissance,  incons- 
tance, iyidépendance ,  indulgence,  insolence,  réjouissance , 
répugnance,  etc. 

J'ai  voulu  pousser  plus  loin  la  constatation  de  cette  loi  de 
la  francisation  orthographique  des  mots  directement  formés 
sur  le  latin,  car,  en  me  bornant  au  dictionnaire  de  Le  Ver 
et  au  quinzième  siècle ,  je  m'exposais  à  l'objection  que  je 
n'avais  embrassé  qu'un  dialecte  et  une  époque  de  l'histoire 


78  MOTS  EN  ANCE  ET  ENCK. 

de  la  langue.  J'ai  cherché  cette  vérification  dans  les  plus  an- 
ciens monuments  littéraires  du  français  au  douzième  siècle, 
je  veux  dire  les  Quatre  livres  des  Rois  de  la  Bibliothèque 
Mazarine  et  les  Choix  de  sermons  de  saint  Bernard,  publiés 
par  M.  Le  Roux  de  Lincy  en  1841.  J'ai  fait  dépouiller  dans 
les  uns  et  les  autres  tous  les  mots  en  ance  et  en  ence.  Ils  sont 
en  bien  petit  nombre  dans  un  volume  de  plus  de  cinq  cents 
pages,  ce  qui  prouve  que  la  tendance  à  calquer  les  terminai- 
sons du  français  sur  le  latin  n'était  pas  encore  très-prononcée. 
Les  voici  tous,  sans  acception  de  conjugaison  cette  fois  : 

Mots  en  ange. 

abundance  R.  et  habondance  S.  Bern.       hunurance  et  onurance  (honneur) 

aliance  lance 

apu  t  tenance  mescréance 

atemprance  (arrangement)  penance  (pœnitentia) 

conissance  S.  B.  pesance 

conixance  S.  B.  recunuissance 

cuyenance  remanance 

demustrance  remembrance 

dessevrance  (mérite)  S.  B.  repentanceet  respentance 

dutance  sachance  S.  B. 

enfance  R.  et  S.  B.  semblance  R.  et  S.  B. 

enurance  (splendeur)  signefiance 

espérance  suslance  R.  et  sostance  S.  B. 

fiance  sustenance 

grevance  venjance 

Les  mots  en  ence  ne  sont  qu'au  nombre  de  treize  et  sont 
marqués  d'un  caractère  théologique  tout  spécial.  Ce  sont  : 


B. 


On  voit  que  plusieurs  d'entre  eux  ont  leurs  correspondants 
dans  la  liste  ci-dessus  en  ance  :  tels  sont  penance  et  pénitence^ 


Mots 

en  ENCE. 

abstinence 

révérence 

fréquence  S.  B. 

sapience 

impatience  et  impascience  S.  B. 

semence  S. 

négligence  S.  B. 

science 

obédience 

sentence  S. 

pénitence 

silence  S.  B 

pestilence 

MOTS  EIN  ANCE  ET  ENCE.  79 

sachance  et  sapience,  science.  Il  résulte  de  ce  qui  inécède  que 
même  dans  les  mots  tirés  de  substantifs  en  entia  la  forme 
française  en  ance  domine  partout  sur  la  forme  latine  m  ence 
qui  figurait  peut-être  la  prononciation  ince.  En  tout  cas  il  est 
incontestable  qu'en  empruntant  des  mots  au  latin,  le  français 
d'alors  ne  s'attachait  pas  à  en  copier  servilement  l'ortho- 
graphe. 


I 


80  SYLLABES  TI,  TION. 


V 

SYLLABES  TI,   TION, 

Au  moyen  d'un  simple  signe  adapté  à  la  lettre  /,  comme 
Geofroy  Tory  l'a  faille  premier  pour  la  lettre  c,  lui  donnant, 
par  l'apposition  de  la  cédille,  le  son  exceptionnel  du  5,  bien 
des  difficultés  de  prononciation  seraient  épargnées  aux  étran- 
gers ainsi  qu'aux  enfants;  et  l'Académie  ne  serait  plus  obligée, 
dans  son  Dictionnaire,  de  répéter  continuellement  :  «  Dans  ce 
mot,  t  suivi  de  i  se  prononce  comme  c  dans  c^,  »  indication 
fréquemment  reproduite ,  mais  qu'on  lui  reproche  d'avoir 
oubliée  dans  plus  de  cent  endroits. 

Cette  syllabe  ti^  qu'on  doit  prononcer  ci,  est  une  cause 
de  telles  difficultés  pour  la  lecture  et  l'écriture,  qu'il  semble 
indispensable  d'adopter  un  système  régulier,  soit  en  rempla- 
çant le  ^  par  cou  5,  comme  l'a  fait  l'Académie  dans  certains  mots, 
soit  en  plaçant  une  cédille  sous  le  ^,  ainsi  qu'on  le  fait  depuis  le 
milieu  du  seizième  siècle  pour  le  c.  En  sorte  que,  de  même 
qu'on  écrit  flacon  et  façon,  gascon  et  garçon,  on  écrirait  :  nous 
acceptions  et  les  acceptions,  pitié  et  inertie,  inimitié  et  facé- 
tie, amitié  et  primatie,  chrétien  et  Capétiens,  etc. 

Déjà  l'Académie  a  substitué  quelquefois  le  c  au  ^  ;  elle  écrit 
négociation,  qui,  conformément  à  l'étymologie,  aurait  dû  être 
écrit  négotiation,  puisqu  elle  écrit  initiation,  pétition,  propitia- 
tion  (1).  Ailleurs  elle  écrit  sans  motif  il  différencie  ^i  il  balbu- 
tie, chiromancie  et  démocratie ,  circonstanciel  et  pestilentiel. 

(1)  Elle  se  trompe  même  en  indiquant  ainsi  la  pFononciation  de  ce  mot  :  «  On 
prononce  propiciaUon.  » 


p 


SYLLABES  77,  TION.  81 

L'Académie,  qui  a  écrit  par  un  t  les  dix  adjectifs  suivants  : 
ambitieux^  captieux^  contentieux^  dévotieux,  factieux^  facé- 
tieux ^  minutieux,  prétentieux^  séditieux ,  superstitieux ,  écrit 
par  un  clés  treize  autres  que  voici  :  avaricieux^  consciencieux^ 
disgracieux^  gracieux^  licencieux^  malgracieux^  malicieux^ 
précieux^  révérencieux^  sentencieux^  silencieux^  spacieux^ 
vicieux  :  les  uns  et  les  autres,  indistinctement,  ont  en  latin 
un  ^,  vitiosus,  pretiosus  (1),  etc.  Pourquoi  cette  distinction  ? 
En  modifiant  l'orthographe  des  dix  premiers,  tous  les  adjectifs 
de  cette  catégorie  terminés  en  ieux  seraient  écrits  et  prononcés 
uniformément,  comme  avaricieux,  capricieux^  délicieux. 

Peut-être  conviendrait-il,  pour  treize  substantifs  ayant  tie 
pour  désinence  :  argutie,  calvitie,  diplomatie,  facétie,  impé- 
ritie,  ineptie,  inertie,  minutie^  onirocritie,  primatie,  prophé- 
tie, suprématie,  et  pour  les  quatre  mots  terminés  par  cratie  : 
aristocratie ,  bureaucratie ,  démocratie,  ochlocratie ,  de  les 
écrire  avec  la  désinence  cie,  comme  l'a  fait  l'Académie  pour 
chiromancie,  rabdomancie.  Alors  il  n'y  aurait  plus  d'excep- 
tion pour  l'ensemble  des  mots  se  terminant  en  cie  ,  comme 
pharmacie,  superficie,  alopécie  et  esquinancie,  que  Henri  Es- 
tienne,  à  sa  table  des  mots  dérivés  du  grec,  renvoie  avec  raison 
à  squinancie. 

Il  en  est  de  même  de  circonstanciel,  que  l'Académie  écrit  par 
une;  mais  elle  écrit  confidentiel,  différentiel ,  pestilentiel, 
substantiel,  obédientiel,  et  cependant  ces  mots  dérivent  de 
confiance,  différence,  pestileiice,  substance,  obédience,  comme 
circonstanciel  dérive  de  circonstance.  Par  la  même  raison, 
essentiel  devrait  s'écrire  essenciel.  On  pourrait  donc  écrira 
uniformément  les  mots  dont  la  désinence  est  en  ciel. 


(1)  Le  moiprétkuses  est  ainsi  écrildans  le  Dictionnaire  de  Somai/e  (1661),  mais 
l'Académie,  en  1694,  remplaçant  le  t  par  un  c,  écrit  les  précieuses^  et  déjà  en 
1420,  le  Dictionnaire  de  Le  Ver,  où  souvent  les  mots  latins  sont  orthographiés 
conformément  à  la  prononciation  française,  écrivait  avec  un  c  les  mots  preciosus^ 
preciolus,  preciose,  preciositaSj  qu'il  traduit  ^àr  précieusement,  precieusefes. 

6 


82 


SYLLABES  77,   TION. 


Ainsi,  pour  ces  diverses  séries  de  mots  prononcés  en  cion^ 
en  deux,  en  de  et  en  del^  le  c  ayant  déjà  été  employé  quel- 
quefois par  l'Académie  à  la  place  du  t,  on  pourrait  adopter 
uniformément  la  lettre  c.  Par  là  bien  des  difficultés  et  des 
règles  de  grammaire  seraient  supprimées. 

Quant  aux  autres  séries  de*  mots  où  ti  figure,  peut-être 
conviendrait -il  de  préférer  le  f  au  c  :  tels  sont  les  mots 
écrits  exactement  de  même ,  mais  qui  changent  de  significa- 
tion et  de  prononciation ,  du  moment  où  ils  ne  sont  plus  des 
verbes  à  la  première  personne  du  pluriel  de  l'imparfait  de 
l'indicatif. 


nous  acceptions 
nous  adoptions 
nous  affections 
nous  attentions 
nous  contentions 
nous  contractions 
nous  dations 
nous  désertions 
nous  dictions 
nous  exceptions 
nous  éditions 
nous  exemptions 
nous  exécutions 
nous  infections 
nous  injections 


—  les  acceptions 

—  les  adoptions 

—  les  affections 

—  les  attentions 

—  les  contentions 

—  les  contractions 

—  les  dations 

—  les  désertions 

—  les  dictions 

—  les  exceptions 
~  les  éditions 

—  les  exemptions 

—  les  exécutions 

—  les  infections 

—  les  injections 


nous  inspections  —  les  inspections 

nous  interceptions  —  les  interceptions 

nous  inventions  —  les  inventions 

nous  intentions  —  les  intentions 

nous  mentions  —  les  mentions 

nous  notions  —  les  notions 

nous  objections  —  les  objections 

nous  options  —  les  options 

nous  persécutions  —  les  persécutions 

nous  portions  —  les  portions 

nous  rations  —  les  rations 

nous  relations  —  les  relations 

nous  réfractions  —  les  réfractions 

nous  rétractions  —  les  rétractions 

nous  sécrétions  —  les  sécrétions 


La  cédille,  placée  sous  le  t  comme  on  le  fait  pour  le  c  lors- 
qu'il prend  le  son  de  5,  ferait  cesser  cette  confusion  injustifia- 
ble. Il  deviendrait  aussi  facile  de  distinguer  les  acceptions  de 
nous  acceptions,  les  adoptions  de  nous  adoptions ,  et  de  dis- 
cerner et  de  prononcer  les  deux  ti,  soit  ti  et  îi  (ci),  qu'il  l'est 
de  ne  pas  confondre  les  deux  sons  du  c  dans  commerçant  et 
traficant,  dans  reçu  et  recueillir. 

Les  deux  verbes  initier  et  balbutier  seraient  aussi  écrits 
par/. 

Quelle  difficulté,  je  ne  dirai  pas  de  distinguer  (il  n'y  a  pas  de 
distinction  possible),  dans  la  foule  des  mots  où  se  trouvent  les 
deux  lettres  ti,  ceux  où  il  faut  les  prononcer  soit  ti,  soit  ci  i 


i 


SYLLABES  TL  TION. 


83 


ft/nitié,  pitié,  inimitié^  chrétien^  moitié^  épizootie  (1),  et  : 
initié,  inertie,  imitation^  Capétiens^  facétie,  primatiel  Pour- 
quoi supportions  et  action,  argentier  et  différentier,  abrico- 
tier ^\  balbutier^.  Qui  d'entre  nous  sait  comment  il  faut  pro- 
noncer antienne  ? 

Resteraient  les  autres  mots  terminés  en  tion  :  dentition, 
partition,  pétition  (2),  où  le  premier  ti  doit  se  prononcer 
ti  et  le  second  ci.  On  écrirait  donc  :  dentition,  partition,  pé- 
tition, propitiafion,  et  de  même  tous  les  mots  dérivés  de  la 
première  conjugaison  latine,  abdicare,  abdica^io,  abdicapion^ 
et  ceux  de  la  quatrième  conjugaison  latine,  audire,  auditio, 
audition  (le  nombre  en  est  minime).  Ceux,  en  si  grand  nombre, 
appartenant  aux  deux  autres  conjugaisons  latines  ont  leur  dé- 
sinence en  pion,  sion,  ssion  et  cion. 

Si  l'on  pouvait  adopter  une  forme,  la  même  pour  tous,  sion, 
ce  serait  préférable,  car,  pour  pouvoir  distinguer  ces  désinences 
diverses,  il  faut  savoir  le  latin.  Cet  emploi  du  t  ferait  cesser 
de  nombreuses  incertitudes. 


abdicare 

abdicatio 

abdication 

abstergere 

abstersio 

abstersion 

abjurare 

abjuratio 

abjuration 

extorquere 

extorsio 

extorsion 

relinere 

retentio 

rétention 

infundere 

infusio 

infusion 

juôere 

jussio 

jussion 

incurrere 

incursio 

incursion 

miscere 

[mixtus] 

mixtion 

demiltere 

demissio 

démission 

prœtendere 

preeientio 

prétention  (3 

opprimere 

oppressio 

oppression 

attendere 

attentio 

attention 

suspicere 

suspicio 

suspicion 

convertere 

conversio 

conversion 

sugere 

suxio 

succion 

adspergere 

adspersio 

aspersion 

audire 

auditio 

audition 

(1)  L'Académie  n'indicpie  pas  la  prononciation  de  ce  mot. 

(2)  Contrairement  aux  règles  de  la  grammaire,  le  premier  ti  dans  ce  mot,  et 
dans  les  cinq  autres,  épizootie,  étiage,  étier,  étiolement,  étioler,  se  prononce  ti, 
bien  que  placé  entre  deux  voyelles. 

(3)  Racine,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  au  manuscrit  autographe  de  la  Bibliothèque 
impériale,  écrivait  avec  raison  pretension  (en  latin  prœ/ensio))  et,  en  effet,  nous 
écrivons  tension.  Nous  devrions  donc  écrire  de  même  attension  que  Bossuet  écrit 
atantion.  On  trouve  néanmoins  dans  Du  Cange  un  exemple  de  prœtentio.  De  tous 
ces  mots  de  la  troisième  conjugaison  latine,  prétention  est  le  seul  auqueU'Acadé- 
mie  ait  conservé  le  t,  parce  que  les  Latins  l'ont  employé  exceptionnellement 
dans  ce  mot.  Mais  puisqu'ils  écrivent  infusio  et  nous  infusion,  quelle  différence 
y  a-t-il  entre  prœtendere  et  infundere  qui  puisse  justifier  celte  contradiction  ? 


84  SYLLABES  77,   TION. 

Je  croyais  avoir  émis  le  premier  cette  idée  fort  simple  de 
l'emploi  du  /cédille,  tf  mais  j'étais  devancé  par  Port-Royal,  qui 
propose  dans  le  même  but  de  placer  un  point  sous  le  t.  La 
cédille  sous  le  t  se  trouve  même  mise  en  pratique  à  Amster- 
dam en  1663  par  Simon  Moinet,  le  correcteur  des  Elzeviers  (1), 
ce  qui  prouve  que  l'idée  en  est  bonne  et  très-praticable. 

{{)  La  Rome  ridicule  du  sieur  de  Saint  Amant  travestie  a  la  nouvelle  orto- 
grafe;  pure  invantion  de  Simon  Moinêt,  Parisiïn.  Amsterdam,  aus  dêpanséde 
rimprimerië  de  Simon  Moinêt,  1663,  in-12. 


1 


DR  J:Y  grec.  85 


VI 


DEL'FGREG. 

Cette  lettre,  dont  l'emploi  abusif  foisonne  dans  les  manu- 
scrits français  et  les  impressions  gothiques  de  la  fin  du  quin- 
zième siècle  et  du  commencement  du  seizième,  et  jusque  dans 
la  première  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie,  devrait  être 
ramenée  exclusivement  à  son  véritable  emploi,  le  remplace- 
ment du  double  z,  exemples  :  atermoyer^  ayons ,  citoyen, 
crayon,  moyen,  octroyer,  pays,  voyez. 

Dès  ses  premières  éditions,  l'Académie  fit  disparaître  un 
grand  nombre  d'y  faisant  fonction  à'i  simples,  au  grand  dé- 
plaisir des  scribes  qui  se  complaisaient  à  l'employer  comme 
un  ornement  calligraphique,  et  aussi  pour  remédier  à  la  con- 
fusion que  1'/,  simple  jambage ,  laissait  dans  l'ancienne  écri- 
ture lorsque,  à  côté  des  autres  jambages  des  m,  n,  ou  w,  il 
n'était  pas  surmonté  du  point,  confusion  que  l'on  remarque 
dans  la  plupart  des  diplômes  et  des  manuscrits  antérieurs  à 
l'époque  de  la  Renaissance. 

Elle  éfimina  même  successivement  l'y  dans  un  certain  nom- 
bre de  mots  où  l'étymologie  l'eût  réclamé.  Tels  sont  abyme, 
alchymie,  amydon,  anévrysme,  chymie,  cyme,  colysée,  crys- 
tal,  gyratoire,  satyrique  (écrit),  et  tant  d'autres,  qu'on  écrit 
aujourd'hui  abîme,  amidon,  anévrisme,  chimie,  cime,  colisée, 
cristal,  giratoire,  satirique,  etc.  Dans  sa  cinquième  édition, 
analise,  analiser,  analitique,  ayant  été  ainsi  écrits  dans  les 
ouvrages  imprimés  alors,  ces  mots  se  produisirent  sans  y  ; 
mais  l'Académie  dans  la  sixième  édition  ayant  rétabli  analyse 


86  DE  L'5    GREC. 

et  analyser^  les  imprimeries  durent  se  conformer  à  ce  retour 
à  l'ancienne  orthographe,  de  même  qu'elles  rétabliront  \i  si 
l'Académie  en  donne  de  nouveau  l'exemple  dans  la  nouvelle 
édition  qu'elle  prépare. 

Puisque  les  Latins  n'ont  pas  conservé  dans  silva  le  ù  ou 
y  grec  de  uV/),  pourquoi  écrivons-nous  encore  Sylvain,  sylves 
tre,  tandis  que  nous  avons  saint  Silvest7^e?  Pourquoi  hyémal, 
lorsqu'on  écrit  hivernal  et  hiver,  également  dérivés  de  hiems  ? 
Dans  l'ancien  français  on  écrivait  même  iver  et  iverner. 

Ne  pourrait-on  pas  adopter  Yi  au  lieu  de  Vy  dans  certains 
mots  d'un  usage  assez  général,  comme  anonyme,  apocryphe, 
asphyxie,  cacochyme,  cataclysme,  chyle,  chyme  (à  cause  de 
chimie),  clysoir,  cly stère ,  collyre,  cycle,  cygne  ^  cynisme, 
cyprès,  gymnase,  mystère  (Bossuet  écrit  mistère  et  mis- 
tique),  oxyde,  oxygène,  style  {\),  syllabe,  symétrie,  sympho- 
nie, syndicat,  syncope,  syphilis,  système,  type,  tyran  (Bos- 
suet écrit  tira7i)  (2),  etc.? 

Ce  serait  un  pas  de  plus  ver^  une  réforme  plus  complète, 
telle  que  celle  que  l'Académie  de  Madrid  vient  d'accomplir 
en  1859,  en  repoussant  Y  y  pour  le  remplacer  partout  par  Yi 
simple  (3). 

La  présence  simultanée  de  Y  y  et  de  Yi  dans  un  certain 
nombre  de  mots  de  notre  langue  offre  parfois  de  l'embarras  à 
des  personnes  instruites,  à  des  savants  même,  qui  craignent, 
avec  quelque  raison,  qu'un  lapsus  momentané  de  mémoire  ne 


(1)  Les  Latins  éerivent  stilus  par  un  i\  il  est  vrai  que  ce  mot  dérive  de  axu^o;, 
qui  en  grec  signifie  colonne,  d'où  le  bâton,  puis  le  sttjlus,  poinçon  dont  la  tige  est 
arrondie  et  pointue  à  l'un  des  bouts  pour  écrire  sur  la  cire,  et  au  figuré  le  style. 
Mais  y  a-t-il  motif  de  se  glorifier  de  ces  curiosités  scientifiques?  Ce  sont  des  jeux 
d'esprit  et  de  mémoire  qui  portent  le  trouble  dans  l'orthographe  bien  inutilement. 
L'Académie  écvit  mirmidon,  en  indiquant  que  quelques-uns  écrixent  miji'midon , 
et  cariatides,  bien  que  l'orthographe  grecque  et  !atine  eût  exigé  car/jatides. 

(2)  Dans  le  Dictionnaire  de  Le  Ver,  composé  en  1420,  mistere,  firaw,  sont  aussi 
écrits  sans  y. 

(3)  Promptuario  de  ortografia  de  la  Ungua  espanola  despuesto  de  real  orden 
para  deliiso  de  las  escuelas  pûbUcas,  por  la  real  Academia  espanola,  1866. 


DE  VY  GREC.  87 

les  fasse  accuser  d'ignorance  par  des  personnes  peu  bien- 
veillantes. 

Il  suffira  de  citer  les  mots  suivants  dans  lesquels  la  ressem- 
blance des  syllabes  est  loin  d'être  un  secours  : 


acolyte  (1) 

et  ichtliyolithe 

hiéroglyphe 

et  hyperbole 

amphitryon 

et  emphytéose 

Hippolyte 

et  stylite 

amphictyoïi 

et  Amphitrite 

histrion 

et  hypothèque 

apocryphe 

et  logogriphe 

hypotypose 

et  prophylactique 

azimut 

et  byzantin,  hyalin 

hypocrisie 

et  chrysalide 

adipocire 

et  adynamie 

hyémal 

et  hiérarchie 

borborygme 

et  énigme 

lithographie 

et  lymphatique 

bronchite 

et  prosélyte 

lycanthropie 

et  liturgie 

dionysiaque 

et  dyspepsie 

péristyle 

et  crocodile 

diachylon 

et  conchyliologie 

phthisie 

et  psychologie 

diptyque 

et  crypte 

polytechnique 

et  poliorcétique 

dithyrambe 

et  dynamique 

rhythme 

et  eurythmie 

éclipse 

et  apocalypse 

schiste 

et  néophyte 

épididyme 

et  épicycloïde 

Scythie 

et  Bithynie 

épiphyse 

et  symphise 

sibylle 

et  pythie 

érysipèle 

et  paradigme 

stigmatiser 

et  Styx 

étymologie 

et  esthétique 

syzygie 

et  triglyphe 

glyptique 

et  triptyque 

xiphoïde 

et  xylographie 

Quelques  mots  où  Vy  ne  provient  ni  du  français  ni  .du  grec 
pourraient  être  ramenés  aux  règles  de  notre  orthographe,  tels 
sont  :  jockey,  jury,  tilbury,  yacht,  yatagan,  yeuse,  qui  paraî- 
traient avec  avantage  écrits  par  un  i  à  la  manière  française  ; 
ce  qui  se  fait  déjà  pour  quelques-uns  d'entre  eux,juri,jockei. 
Une  longue  prescription  peut  seule  faire  tolérer  le  pluriel  de 
œil,  écrit  autrefois  plus  régulièrement  ieux. 


(1)  Ce  mot  devrait  pour  satisfaire  à  l'étyraologie  être  écrit  acoZw^^e,  puisque 
nous  avons  anacoluthe. 


88  DU  q  DUR  ET  DU  g  DOUX. 


Vil 


DE  LA  LETTRE  çj. 

Puisque  l'on  a  adopté,  dans  la  typographie  moderne,  la 
forme  g  (1)  à  laquelle  l'œil  est  aussi  habitué  qu'à  celle  du  g 
romain  et  kla.  forme  du  ^  italique,  on  devrait  l'utiliser  pour 
figurer  le  g  dur,  comme  dans  figure^  envergure^  en  la  distin- 
guant par  un  point  sur  la  branche  j  pour  indiquer  que  le  g 
ainsi  marqué  prend  le  son  doux  dans  les  mots  gag'ure,  mdn- 
(jure,  verg'ure,  charg'ure^  égrugure^  ainsi  que  l'avait  déjà  pro- 
posé de  Wailly,  et  dès  lors  on  écrirait  ces  mots  sans  la  lettre 
parasite  e,  puisque  l'on  ne  prononce  pas  eu  dans  gageure^ 
comme  dans  demeure,  effleure^  pleure. 

Cette  forme  du  g,  g\  pour  rendre  le  son  du  g  doux,  serait 
d'autant  mieux  appropriée  à  cet  office  qu'elle  contient  comme 
élément  la  lettre  j.  On  écrirait  donc  avec  le  g  doux  gagure , 
mangure,  vergure^  affligant,  exigant^  roug'atre^  orang'ade,  et, 
conformément  à  la  prononciation,  le  g  dur  serait  employé 
pour  les  mois  figure,  envergure^  9^9^'»  9org'er. 

Par  cette  légère  modification,  on  aurait  le  double  avan- 
tage de  ne  présenter  à  l'œil  rien  de  choquant  et  d'inusité,  et 
d'épargner  l'emploi  de  \'e,  si  fâcheusement    mis   en   usage 


(1)  Dans  ce  chapitre  et  le  précédent  on  a  fait  emploi  du  g  conformément  à  plu- 
sieurs éditions  imprimées  avec  cette  forme  du  g  par  Pierre  et  Jules  Didot,  et 
employée  dans  notre  imprimerie  pour  la  belle  édition  en  douze  vol.  de  Cor- 
neille, éditée  par  Lefèvre.  Du  moment  où  leg^  a  été  remplacé  généralement  dans 
les  caraclères  italiques  par  la  forme  plus  simple  du  </,  ce  même  changement  doit 
s'opérer  pour  les  caractères  romains  ;  on  évitera  ainsi  deux  formes  différentes 
pour  la  même  lettre. 


ini  Ç)  DUR  ET  DU  c]  DOUX.  89 

pour  rendre  au  cj  dur,  devant  les  voyelles  «,  o,  u,  le  son  du  j. 
A  moins  qu'on  ne  préférât  remplacer  le  g  doux  par  le  j\  comme 
on  l'a  souvent  proposé,  et  comme  il  Ta  été  dans  le  mot  donjon, 
écrit  dongeon  et  dongon  dans  le  Procès  de  la  Pucelle.  On  écrit, 
en  effet,  jumeaux  et  gémeaux,  jambe  et  gigue,  enjamber  et 
dégingandé,  jambon  et  regimber',  de  même  que  du  latin 
gaudere^  gaudium,  on  a  fait  joie^  joyeux,  réjouir  ;  de  gena^ 
joue-,  de  magis ,  majeur ,  majesté,  bien  qu'on  écrive  magis- 
trat^ et  par  contre  dejuniperus  on  a  fait  genévrier.  En  1240, 
ego  s'écrivait  ge  que  nous  avons  remplacé  parye  (1).  D'après 
ces  exemples,  on  pourrait  donc  écrire  jujer ^  gajure^  ver- 
jure^  gaje. 

Pourquoi  Ud^àmvQ  jacens  et  hic  jacet  par  gissant  et  ci-gît, 
au  lieu  de  jissant  et  ci-jii^  et  écrire  genièvre  au  lieu  de/e- 
nièvre^  en  \aXin  juniperus?  On  écrivait  autrefois  avec  raison 
jesier,  du  latin /ecwr;  pourquoi  gésier'^ 

Il  est  fâcheux  de  voir  ainsi  écrits  les  mots  : 


abstergent 

et  affligeant 

diligent 

et  désobligeant 

astringent 

et  assiégeant 

négligent 

et  obligeant 

contingent 

et  dérogeant 

indulgent 

et  outrageant 

convergent 

et  changeant 

indigent 

et  partageant 

En  écrivant  af/îigant,  exigant,  nag'ant,  partagant,  diri- 
gant,  au  lieu  de  affligeant,  exigeant,  nageant^  partageant^ 
dirigeant,  on  simplifierait  l'orthographe  déjà  si  compliquée 
des  mots  terminés  en  ant,  et  l'on  pourrait  écrire  oblig'ance, 
comme  on  devrait  écrire  néglig'ance. 

Avant  l'emploi  de  la  cédille  placée  sous  le  ç,  on  était  forcé, 
pour  éviter  qu'on  prononçât  commençons,  d'écrire  nous  com^ 
menceons,  comme  nous  écrivons  gageure  en  ajoutant  un  e.  La 
cédille  ayant  rendu  inutile  cette  addition  de  l'e  à  la  suite  du  c, 
Ve  dans  commenceons  fut  supprimé  (2). 

(1  j  Cette  orthographe  ge  domine  encore  dans  les  manuscrits  du  Roman  de  la 
RosCy  ainsi  que  j'ai  pu  le  constater  dans  les  manuscrits  que  je  possède;  plus 
tard,  surtout  en  Picardie,  le  j  a  remplacé  le  g. 

(2)  Si  cette  distinction  du  g  dur  et  du  g  doux  était  admise,  l'usage  bien  distinct 


90  DU  g  DUR  ET  DU  g  DOUX. 

Si  cette  forme  ,du  g  ayant  le  son  du  /  avait  eu  cours,  on 
aurait  écrit  ag'ant  comme  on  écrit  gérant^  et  néglig'ant  et 
ohligant,  tandis  que  pour  donner  le  son  doux  au  g  il  fallait 
mettre  un  e  au  lieu  d'un  «  à  négligent  et  même  ajouter  un  e 
devant  ant  comme  dans  obligeant^  nageant.  Cette  légère  mo- 
dification lèverait  bien  des  difficultés  etT Académie  en  ap- 
préciera les  avantages. 

DE   LA    LETTRE   X. 

Il  y  aurait  peut-être  quelques  observations  fondées  à  pré- 
senter touchant  l'emploi  de  la  lettre  x  comme  marque  du 
pluriel.  Elle  a  disparu  déjà  des  mots  loix  et  doux. 

Plusieurs  néographes,  tels  que  Duclos,  de  Wailly,  etc., 
voulaient  même  la  remplacer  par  Xs  dans  les  pluriels  des  mots 
terminés  en  al  et  en  ew,  et  qu'on  écrivît  des  chevaus.,  des 
vœus,  etc.,  et  aussi  au  singulier  des  adjectifs  formés  sur  un 
primitif  latin  en  osus,  ex.  :  vicieus^  précieus,  pour  conserver 
la  régularité  dans  la  formation  du  féminin  et  des  dérivés.  Par 
la  même  raison,  il  proposait  d'écrire  la  crois  y  le  chois,  etc. 

Mais,  pour  ne  pas  rompre  d'anciennes  habitudes,  on  pourrait 
n'adopter  ce  changement  que  dans  les  sept  pluriels  suivants  : 
cailloux,  choux^  genoux,  glougloux,  hiboux,  joujoux,  poux, 
pour  être  conforme  avec  les  bambous,  les  clous,  coucous, 
filous,  fous,  mous,  trous,  verrous.  Cette  correction  offrirait 
Favantage  d'éliminer  l'une  des  trop  nombreuses  règles  de  la 
formation  du  pluriel. 

(les  deux  g  et  g  permettrait  plus  tard  de  supprimer  \u  introduit  après  le  g  pour 
le  rendre  dur  lorsqu'il  est  suivi  d'un  e  ou  d'un  i  (exemples  :  langue,  languir), 
de  même  que,  par  une  raison  contraire,  on  ajoute  l'e  à  gageure.  On  écrirait  alors 
lange ^  langir,  en  conservant  gu  pour  les  mots  tels  que  anguille,  aiguille,  e\c. 
et  g'e  pour  gage,  gagure,  etc.  ;  par  là,  trois  prononciations  seraient  bien  distinc- 
tement figurées. 


r 


CONCLUSION. 


CONCLUSION. 


Les  modifications  orthographiques  que  l'on  soumet  à  la  dé- 
cision de  l'Académie  sont  toutes  fondées  sur  la  logique  et  fa- 
nalogie,  toutes  justifiées  par  les  précédents.  En  les  discutant, 
l'Académie  montrera  qu'elle  tient  compte  de  la  disposition 
des  esprits  à  notre  époque,  où  les  traditions  de  notre  ancienne 
langue  et  l'étude  de  ses  monuments  littéraires  prennent  de 
plus  en  plus  d'importance  ;  dans  sa  sagesse  elle  adoptera  celles 
qui  lui  sembleront  le  plus  nécessaires. 

Les  modifications  proposées  sont-elles,  à  proprement  par- 
ler, des  innovations?  Ne  sont -elles  pas  plutôt  un  retour  aux 
règles  qui  ont  présidé  à  la  formation  littéraire  de  notre 
langue?  Les  quelques  retranchements  à  opérer  portent  en 
général  sur  des  interpolations  de  lettres  d'une  date  relative- 
ment récente,  et  fAcadémie  les  a  déjà  en  partie  condamnées. 

Je  crois  d'ailleurs  utile  de  rappeler  que,  tout  importantes  et 
nombreuses  que  soient  ces  modifications,  elles  n'apporteraient 
pas  dans  l'écriture  un  trouble  comparable  au  grand  change- 
ment introduit  dans  la  troisième  édition  de  son  Dictionnaire 
en  1740.  Réparties  sur  les  vingt-six  mille  mots  du  vocabulaire 
de  notre  langue  (1),  elles  seraient  bien  moins  sensibles,  et  faci- 
lement adoptées;  la  logique  et  l'analogie  y  conduisent  naturel- 
lement; la  plupart  d'entre  elles  passeraient  même  inaperçues. 
D'ailleurs  quelques  inconvénients  passagers  seront  bien  faibles 

(1)  Le  nombre  des  mots  admis  dans  la  sixième  édition  est  de  55,786, 


92  CONCLUSION. 

en  comparaison  des  avantages  réels  et  durables  qui  en  résul- 
teront. 

La  rectification  de  ces  irrégularités  orthographiques,  la  sup- 
pression de  quelques  marques  étymologiques  latines  ou  grec- 
ques, qui  avaient  échappé  aux  radiations  précédentes,  ne  cau- 
seront aucune  hésitation  à  ceux  qui  savent  le  grec  et  le  latin. 
L'étymologie  des  mots  ne  saurait  être  douteuse  pour  eux  ;  l'œil 
ne  sera  pas  plus  déçu  que  ne  l'est  l'oreille.  Que  l'on  écrive 
fîlosofie  comme  frénésie^  tésoriser  comme  trésor^  cronologie 
comme  crème ^  analise  comme  cristal  ;  que  l'on  écrive  impu- 
tant comme  impuissant^  évidant  comme  prévoyant^  inconvé- 
niant  conmie  inconvenant-^  que  l'on  écrive  préférance  comme 
espérance ,  irrévérance  comme  remontrance ,  compétance 
comme  complaisance ,  ces  mots ,  quelle  qu'en  soit  l'ortho- 
graphe, n'en  conserveront  pas  moins  leur  origine  évidente,  et 
l'esprit  sera  soulagé  de  minuties  pénibles  qui  fatiguent  la  mé- 
moire et  déconcertent  l'intelligence. 

Lorsque  l'on  compare  la  complication  de  l'orthographe  fran- 
çaise avec  la  simplicité  de  celle  des  autres  langues  néo-latines, 
l'itaUen,  l'espagnol,  le  portugais,  et  qu'on  voit  dans  nos  an- 
ciens manuscrits  notre  orthographe  se  rapprocher  par  sa  sim- 
pUcité  de  celle  de  ses  sœurs,  on  est  porté  à  rechercher  la  cause 
de  cette  anomalie. 

Jusqu'à  l'époque  du  renouvellement  des  études,  il  n'existait 
pas  de  grammaire  de  la  langue  nationale  et  par  suite  d'en- 
seignement de  l'orthographe.  Les  scribes  conformaient  capri- 
cieusement la  leur  à  la  prononciation  qui  variait  d'ailleurs 
selon  les  différentes  contrées.  Un  même  son ,  en  outre, 
pouvait  être  représenté  par  des  assemblages  divers  de 
lettres,  surtout  s'il  n'existait  pas  dans  le  latin.  Des  manus- 
crits de  même  temps  présentent  souvent  de  notables  diffé- 
rences, et  parfois  l'écriture  n'est  pas  identique  dans  la 
même  page.  Toutefois  ,  au  milieu  de  ces  irrégularités ,  de 
ces  formes    orthographiques    indécises  et  flottantes ,   règne 


I 


CONCLUSION.  93 

une  grande  simplicité.  L'écriture  essaie  de  figurer  la  pronon- 
ciation. 

A  partir  de  la  Renaissance,  il  n'en  est  plus  ainsi.  L'imitation 
du  latin  se  lait  de  plus  en  plus  sentir,  et  dans  nos  grammaires, 
modelées  exclusivement  sur  celles  de  la  langue  latine,  et  dans 
nos  dictionnaires,  presque  toujours  accompagnés  du  latin  dont 
l'orthographe  réagissait  sur  la  nôtre.  L'enseignement  du  grec, 
confié  aux  doctes  lecteurs  du  roi  au  collège  de  France,  con- 
tribua aussi  à  enrichir  notre  littérature' d'expressions  nou- 
velles transcrites  du  latin  classique,  même  du  grec,  et  gé- 
néralisa le  travail  de  refonte  dans  le  moule  antique  d'une 
partie  des  vocables  du  vieux  français.  Cette  influence  de  l'é- 
rudition sur  l'écriture  persista  jusqu'à  l'époque  où  l'Académie, 
cherchant  un  point  d'appui  pour  son  orthographe,  crut  devoir, 
tout  en  se  rapprochant  de  celle  des  Latins,  suivre,  mais  avec 
plus  de  modération,  l'exemple  des  Estienne.  En  1694,  l'Aca- 
démie rendit  sous  ce  rapport  un  vrai  service  en  étfiblissant 
dans  son  premier  Dictionnaire  un  ordre  qui,  sans  s'écarter  no- 
tablement du  latin,  montrait  cependant  une  tendance  à  revenir 
à  notre  ancienne  orthographe.  Mais,  à  mesure  que  l'écriture 
se  généralisait  déplus  en  plus,  l'inconvénient  du  lourd  bagage 
de  lettres  parasites  se  manifestait  plus  vivement,  et,  dès  sa 
troisième  édition,  l'Académie,  qui  avait  déjà  renoncé  au  classe- 
ment scientifique  par  racines  pour  rendre  plus  pratique  l'em- 
ploi de  son  Dictionnaire,  ne  se  montra  pas  moins  logique  en  ce 
qui  touche  l'orthographe.  Dans  cette  édition,  confiée  aux  soins 
de  d'Olivet,  elle  simplifia  considérablement  l'écriture  qu'elle 
dégagea  en  grande  partie  de  son  vêtement  latin.  La  hardiesse 
avec  laquelle  l'Académie  réforma  tant  de  lettres  conservées  par 
le  fétichisme  de  l'étymologie  fait  même  regretter  qu'elle  n'ait 
pas  osé  davantage.  Jusqu'alors,  l'écriture,  calquée,  pour  ainsi 
dire,  sur  le  latin,  était  une  sorte  de  monopole  pour  le  clergé, 
la  magistrature,  les  hommes  de  cour  et  pour  un  cercle  restreint 
de  la  société,  initié  alors  au  grec  et  au  latin,  mais  elle  devenait 


94  CONCLUSION. 

incompatible  avec  les  besoins  des  classes  nombreuses  poui'  qui 
la  lecture  et  l'écriture  sont  pourtant  indispensables. 

Le  français,  en  elîet,  n'est  plus,  de  nos  jours,  écrit  seule- 
ment par  des  hommes  initiés  au  latin  et  au  grec;  il  est  écrit 
correctement  ou  du  moins  doit-il  l'être  par  quiconque  a  reçu 
les  éléments  de  l'instruction  primaire,  et  par  les  fennnes  à  qui 
l'on  n'enseigne  point  les  langues  classiques. 

C'est  cependant  aux  Précieuses^  ces  femmes  célèbres  qui 
formaient  l'élite  de  la  société  au  commencement  du  dix-sep- 
tième siècle,  que  l'on  doit  l'initiative  des  réformes  que  l'Aca- 
démie a  successivement  accomplies.  En  se  posant  en  adver- 
saires du  pédantisme  en  fait  d'écriture,  elles  faisaient  preuve 
de  bon  sens  et  de  bon  goût.  Par  elles  l'orthographe  fut  ra- 
menée aux  principes  du  vrai  et  du  beau,  à  la  logique  et  à  la 
clarté,  et,  peut-être  à  leur  insu,  elles  se  trouvaient  d'accord 
avec  le  génie  même  de  notre  langue  et  la  tradition  de  notre 
ancienne  écriture.  Honneur  donc  à  ces  femmes  distinguées 
qui  ont  eu  le  courage  de  s'alfranchir  du  joug  des  habitudes  et 
de  braver  l'opinion  du  moment  !  On  voulut  les  en  punir  en 
leur  infligeant  le  nom  de  Précieuses^  mais  c'est  un  titre  dont 
elles  peuvent  se  faire  gloire  :  il  renferme  l'idée  de  ce  qu'il  y 
a  de  plus  exquis  et  de  plus  rare. 

En  présence  des  efforts,  aussi  persévérants  que  nombreux, 
tentés  durant  plusieurs  siècles  par  des  hommes  éminents 
qui,  frappés  des  inconvénients  de  notre  orthographe,  voulaient 
lui  substituer  un  système  néographique  ou  phonographique, 
on  aurait  pu  craindre  de  voir,  comme  aux  anciens  temps  de 
l'Egypte  et  de  l'Inde,  l'écriture  des  savants  délaissée  en  fa- 
veur d'une  autre  plus  simple ,  telle  que  l'ont  souhaitée  et  la 
souhaitent  encore  aujourd'hui  les  phonographes,  pour  la  rendre 
accessible  à  tous. 

En  persévérant  dans  son  système  de  simplifier  notre  or- 
thographe ,  sans  la  défigurer,  et  de  l'améliorer  successivement 
dans  chacune  de  ses  éditions,  pour  faciliter  l'écriture  et  la 


CONCLUSION.  95 

lecture  de  notre  langue,  l'Académie  l'ei-a  renoncer  à  jamais 
aux  utopies,  quelque  séduisantes  qu'elles  soient,  qui  se  multi- 
plient même  de  jour  en  jour. 

Lorsqu'on  songe  que,  par  l'écriture  phonographique,  en 
trois  jours^  un  enfant  peut  sans  peine  apprendre  à  lire  sa 
langue  maternelle,  et  qu'il  faut  peut-être  quatre  ou  cinq  ans 
pour  apprendre  à  lire  et  à  écrire  d'après  notre  système  ortho- 
graphique,  bien  qu'amélioré,  on  ne  peut  s'empêcher  de  recon- 
naître que  ce  temps  pourrait  être  bien  mieux  employé  et  suffi- 
rait pour  apprendre  deux  ou  trois  langues  modernes,  ou  même 
LEGREc,dont  l'étude  remplacerait  si  avantageusement  les  puéri-' 
lités  de  l'orthographe  non  moins  longues  à  apprendre  (1). 

L'économie  du  temps,  cette  impérieuse  nécessité  de  notre 
époque ,  autoriserait  jusqu'à  un  certain  point  les  tentatives 
des  phonographes,  si  leur  système  n'était  pas  fatalement  en- 
traîné, par  lai  logique  même,  à  mettre  en  péril  notre  langue  et 
par  suite  la  raison  et  l'intelligence  elle-même. 

L'habitude  d'abréger  les  mots  en  les  contractant,  qui  est 
la  tendance  constante  de  notre  esprit  vif  et  prompt  (2) ,  a 
réduit  en  monosyllabes  des  mots  qui  en  latin  et  en  d'autres 


(1)  Le  programme  universitaire  pour  l'enseignement  du  français  répartit  en 
six  années  l'étude  de  l'orthographe  et  de  la  grammaire ,  et  l'on  redoute  de  voir 
rendue  facultative  l'étude  du  grec. 

(2)  Voltaire  n'a  pas  eu  raison  de  dire  que  «  notre  langue  s'est  formée  du  latin 
en  abrégeant  les  mots,  parce  que  c'est  le  propre  des  baiijarcs  que  d'abréger  tons 
les  mots.  »  Si  notre  langue  n'a  pas  la  plénitude  de  la  poésie  d'Homère  et  de  l'élo- 
quence cicéroniennc,  cette  abréviation  des  mots,  que  la  langue  anglaise  ne  contracte 
pas  moins,  est  une  grande  qualité,  puisqu'elle  répond  au  besolu  d'exprimer  vive- 
ment et  énergiquement  la  pensée  que  saisit  vivement  l'intelligence  toujours  im- 
patiente de  l'auditeur.  La  poésie  surtout  s'accommode  difficilement  de  mots  qui 
ne  sont  pas  monosyllabes  ou  dissyllabes,  et  ce  vers  de  Racine  : 

Le  jour  n'est  pas  plus  pur  que  le  fond  de  mon  cœur, 

perdrait  tout  son  effet,  traduit  en  italien.   Quoi  de  plus  vif  que  ces  monosyl- 
labes : 

Qu'a-t-il  fait?  A  quel  litre? 

Qui  te  l'a  dit  ? 

Que  de  mots  et  d'idées  en  peu  de  lettres! 


96 


CONCLUSION. 


langues  néo-latines  sont  composés  d'éléments  doubles  ou  même 
triples.  Tel  est  cet  exemple  : 


Français. 

Latin. 

Italien . 

Espagnol. 

Portugais. 

saint 

sanctus 

santo 

sauto 

sancto 

sein 

sinus 

seno 

seno 

seio 

sain 

sanus 

sano 

sano 

sâo 

ceint 

cinctus 

cinto 

cenido 

cinto 

cinq 

quinque 

cinque 

cinco 

cinco 

seing 

signum 

segno 

sena  ou 

signal  ou 

signo  signo 

Si  la  prononciation  parfaitement  identique  de  ces  mots,  au 
nombre  de  six,  saint.,  sein,  sain,  ceint,  cinq,  seing,  est  parfois 
une  cause  d'équivoques  dans  la  conversation,  du  moins,  à  dé- 
faut de  l'oreille,  l'écriture  variée  de  ces  monosyllabes  a  l'avan- 
tage de  rappeler  et  même  de  représenter  aux  yeux  les  objets 
eux-mêmes,  ce  que  ne  saurait  faire  l'écriture  phonétique  qui 
nous  les  offrirait  sous  une  seule  et  même  forme.  Il  en  est  de 
même  de  sot,  saut,  seau,  sceau,  et  de  vin,  vain,  vint,  vingt, 
vinc,  etc.  Ce  sont,  on  peut  le  dire,  autant  de  iBgures  hiéro- 
glyphiques. Lorsque  nous  voyons  écrits  les  mots  os,  eau  (1), 
au,  haut,  o,  oh,  l'emploi  du  signe  o,  auquel  certains  phono- 
graphes voudraient  ramener  leur  configuration,  serait  une  vé- 
ritable barbarie.  Conservons  donc  précieusement  ces  distinc- 
tions qui  aident  l'intelligence,  donnent  à  l'écriture  une  vie 
qui  réjouit  l'œil  et  l'esprit,  et  compensent  les  avantages  que 
la  parole  a  sur.  elle  par  l'animation  du  geste  et  les  inflexions 
de  la  voix. 

Notre  vieil  alphabet  latin  peut  suffire  encore,  à  l'aide  de  lé- 
gers artifices,  à  transcrire  les  sons  de  notre  langue;  l'Italie, 


(1)  Cette  forme,  si  éloignée  de  son  radical  latin  agwa,sô  retrouve  et  se  résume 
dans  toutes  celles  qui  nous  en  ont  conservé  la  racine  :  aquatique.,  aiguës,  aiguière, 
évier,  et  dans  les  anciennes  formes  du  mot  :  ièt-'e,  ieaw,  ève,  eau.,  etc. 

Dani  l'écriture  hiéroglyphique ,  Veau  est  ainsi  représentée  'x^^^x  et ,  par  ces 
ondulations,  on  voit  l'objet  même  qu'elles  figurent;  le  groupe  de  lettres  eau 
produit  sur  notre  esprit  un  effet  de  ce  genre,  il  en  est  de  même  des  os\  on  croit 
voir  des  ossements. 


CONCLUSION.  97 

l'Espagne,  le  Portugal,  n'en  ont  pas  d'autre,  et  il  suffit  à  la 
prononciation  de  leurs  langues,  romanes  comme  la  nôtre.  Tout 
en  gardant  notre  physionomie  naturelle,  rapprochons  donc,  à 
leur  exemple .  du  simple  et  du  beau  notre  écriture  que  les 
traces  d'une  érudition  surannée  compliquent  aussi  inutilement 
pour  les  lettrés  que  pour  les  ignorants.  ^Malgré  ces  modifica- 
tions, elle  différera  encore  beaucoup  de  la  simplicité  de  celle 
des  langues  italienne,  espagnole  et  portugaise. 

Dante,  le  Tasse,  Cervantes,  Lopez  de  Vega,  Gamoens,  n'ont 
rien  perdu  à  être  écrits  avec  une  orthographe  plus  simple,  et 
le  grand  Corneille  s'en  réjouirait. 

Notre  écriture  nationale,  graduellement  modifiée  par  la  sa- 
gesse de  l'Académie,  rendra  la  lecture  et  l'écriture  de  plus  en 
plus  accessibles  à  tous,  et  pourra  peut-être,  en  facilitant  l'é- 
tude de  notre  bel  idiome  ,  ajourner  l'avènement  de  cette 
langue  universelle,  préoccupation  généreuse  des  penseurs  les 
plus  profonds. 

L'Académie  pourra  donc,  avec  le  concours  du  temps,  et 
sans  apporter  aucun  trouble,  satisfaire  aux  vœux  des  Français 
et  des  étrangers,  qui  lui  en  témoigneront  leur  reconnaissance. 
Elle  réaliserait  ainsi  pour  la  langue  française  ce  que  fit  pour 
la  langue  grecque  le  célèbre  Musée  d'Alexandrie  où  de  sa- 
vants grammairiens  et  à  leur  tête  celui  dont  le  nom  représente 
la  critique  elle-même,  Aristarque,  fixèrent,  au  moyen  d'ac- 
cents et  de  légères  modifications  graphiques,  pour  la  confor- 
mer à  celle  d'Athènes,  la  prononciation  de  la  langue  grecque 
en  Egypte,  en  Asie  et  en  Europe. 

Puisque  les  vocables  sont  indispensables  pour  formuler  nos 
pensées  et  même  pour  penser,  et  que  l'Académie  française,  à 
laquelle  on  se  plaît  à  rendre  cet  hommage ,  s'est  eftbrcée, 
par  l'exactitude  des  définitions,  d'apporter  la  clarté  et  la  sim- 
plicité dans  l'esprit,  pourquoi  la  forme,  cette  enveloppe  des 
mots,  reste-t-elle  encore  si  souvent  inexacte  ou  anomale?  On 
ne  saurait  admettre  qu'on  ait  voulu  par  ces  difficultés  inter- 


98  CONCLUSION. 

dire  au  vulgaire  l'accès  du  temple  en  Tentouraiit  de  tant  de 
ronces  et  d'épines. 

Supprimer  avec  prudence  ces  barrières  qui  s'opposent  à 
l'extension  du  savoir  le  plus  élémentaire,  serait  une  œuvre 
digne  de  l'Académie,  digne  des  hommes  d'Etat  qui  figurent 
dans  son  sein,  digne  de  l'esprit  de  son  illustre  fondateur. 

Je  ne  pouvais  présenter  autrement  que  dans  leur  ensemble 
les  réformes  depuis  si  longtemps  souhaitées  pour  régulariser 
et  simplifier  notre  orthographe ,  mais  il  ne  m'appartenait  pas 
de  pressentir  à  leur  égard  les  décisions  de  l'Académie  et  de 
marquer  à  l'avance  celles  qu'elle  devait  croire  le  plus  oppor- 
tunes. Lors  même  qu'elle  n'en  adopterait  qu'une  partie,  indi- 
quant par  là  dans  quelles  voies  le  progrès  et  les  améhorations 
peuvent  s'opérer,  elle  n'en  aura  pas  moins  rendu  un  immense 
service.  On  saura  le  but  vers  lequel  on  doit  se  diriger. 

Par  là  seront  reléguées  à  jamais  les  utopies  d'une  écriture 
plus  ou  moins  phonétique  qui  blesse  nos  habitudes,  contrarie 
même  la  raison,  et  priverait  f  écriture  de  son  principal  avan- 
tage : 

De  peindre  la  parole  et  de  parler  aux  yeux. 


r 


EXPOSE 


OPINIONS  ET  SYSTEMES 


CONCERNANT 


L'ORTHOGRAPHE  FRANÇAISE 

DEPLIS  1527  JUSQU'A  KOS  JOURS. 


A  la  suite  de  mes  remarques  personnelles ,  je  crois  devoir 
donner  ici  un  exposé  succinct  des  diverses  tentatives  et  des 
appels  incessants  faits  depuis  trois  siècles  par  des  esprits  dis- 
tingués, et  je  dirai  même  par  des  amis  du  bien  public,  en 
faveur  d'une  réforme  orthographique.  J'espère  que  ce  travail 
offrira  de  l'intérêt,  ne  fût-ce  que  sous  le  rapport  de  l'histoire 
de  notre  langue,  et  qu'il  aura  quelque  utilité. 

Chacun  appréciera  ce  qu'il  y  a  de  vrai,  de  pratique,  d'op- 
portun ou  bien  de  prématuré  et  même  de  malencontreux  dans 
tant  de  systèmes.  On  verra  que  des  idées  rejetées  d'abord  se 
sont  successivement  introduites,  et  qu'ensuite  elles  ont  été 
favorablement  accueillies  et  sanctionnées  par  l'usage. 

Il  en  sera  de  même  de  celles  que  l'Académie,  éclairée  par 
l'expérience  de  ses  précédents ,  et  par  la  nécessité  de  rendre 
notre  langue  de  plus  en  plus  accessible  à  tous ,  croira  devoir 
concéder  aux  désirs  le  plus  généralement  manifestés  :  tant 
d'efforts  lui  donneront  la  preuve  des  besoins  et  la  mesure  du 
possible.  Ils  démontreront  même  rimpossibiUté  d'adhérer  à 
des  systèmes  trop  absolus. 

Du  haut  de  la  position  qu  elle  occupe,  l'Académie,  à  qui 
l'avenir  appartient^  peut  ne  céder  que  dans  une  juste  me- 


100  LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694. 

sure  aux  désirs  impatients  des  novateurs.  Elle  considérera 
donc ,  dans  le  calme  de  sa  sagesse ,  les  besoins  du  temps , 
non  moins  exigeants  aujourd'hui  qu'ils  ne  l'étaient  autrefois, 
et,  par  des  concessions  successives,  qui  rectifieront  l'ortho- 
graphe française,  elle  assurera  de  plus  en  plus  à  notre  langue 
son  universalité. 

APPENDICE  A, 

les  dictionnaires  français  antérieurs  a  celui  de 
l'académie  de  1694. 

Depuis  l'origine  de  rAcadémie  on  ne  cesse  de  parler  de  J'usage 
en  fait  d'orthographe,  et  d'invoquer  son  autorité  devant  laquelle 
tout  s'incline.  Mais  quel  est-il,  cet  usage?  à  quelle  époque  doit-on 
le  faire  remonter?  à  quel  instant  le  reconnaître  et  le  sanctionner? 
L'usage,  pris  à  un  moment  donné,  est-il  identique  d'un  siècle  à  l'au- 
tre?L'usage  de  Vaugelas est-il  le  même  que  celui  de  Robert  Estienne, 
et  celui  de  Robert  est-il  le  même  que  celui  de  Clément  Marot  et, 
si  l'on  veut  remonter  plus  haut,  d'Alain  Ghartier  ou  de  Christine 
de  Pisan?  Enfin  l'usage  de  d'Olivet  est-il  celui  de  Régnier  des 
Marais,  et  f  Académie  en  1835  s'est-elle  conformée  à  l'usage  de 
1740? 

Non  sans  doute.  Ce  n'est  pas  à  tel  moment  précis  que  Tusage 
doit  être  recherché,  mais  dans  l'ensemble  du  développement 
de  la  langue,  en  suivant  autant  que  possible  un  même  mot  depuis 
le  moment  où  la  lexicographie  en  a  consacré  Pemploi.  C'est  dans 
les  glossaires,  les  dictionnaires  surtout,  que  l'on  doit  en  recueillir 
les  formes,  car  si  le  copiste,  l'écrivain  lui-même^  se  livre  dans  son 
manuscrit  à  son  caprice  ou  à  sa  manière  habituelle  d'écrire,  il 
n'en  est  pas  de  même  du  rédacteur  ou  de  l'éditeur  d'un  lexique, 
qui  doit  enregistrer  l'usage  le  plus  généralement  adopté  et  le 
plus  autorisé  par  les  érudits  contemporains. 

Mais  un  obstacle  se  rencontrait  tout  d'abord  dans  l'exécution  de 
cette  recherche  :  les  lexiques  français  anciens  sont  aujourd'hui 
tellement  rares  qu'il  serait  bien  difficile  d'en  former  la  série 
complète  depuis  leur  naissance  jusqu'à  la  fin  du  xviP  siècle. 

L'ouvrage  le  plus  ancien  et  le  plus  important  pour  l'histoire  de  la 


r 


LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694.  lot 


langue  française  et  les  origines  de  son  orthographe,  est  le  Diction- 
naire latin-français,  encore  inédit,  commencé  en  1420  et  terminé 
en  1440  par  Firmin  Le  Ver  (Firminus  Verris),  prieur  des  Char- 
treux de  Saint-Honoré  lez  Abbeville,  et  écrit  tout  entier  de  sa 
main.  Ce  manuscrit,  inconnu  àDu Gange  et  qui  lui  eût  été  si  utile, 
est  un  in-folio  sur  vélin,  de  942  pages  à  deux  colonnes  et  de  86 
lignes  à  la  page,  contenant  environ  30,000  mots  latins  en  usage  au 
commencement  du  xv^  siècle,  avec  leurs  correspondants  français, 
leur  synonymie,  leur  interprétation  soit  en  latin,  soit  en  français. 

Ce  grand  travail,  auquel  toute  la  communauté  de  Saint-Honoré 
a  dû  collaborer  îîvec  son  prieur,  commence  ainsi  : 

«  Incipit  Dictionarius  a  Catholicon  et  Hugutione  atque  a  Papia 
«  et  Britone  extractus  atque  a  pluribus  aliis  libris  gramaticalibus 
«  compilatus  et  hoc  secundum  ordinem  alphabeti.  w 

A  la  tin  avant  la  grammaire:  «Explicit  liber  iste  quj  proprie  no- 
<(  minari  débet  dictionarius,  quia  omnes  dictiones,  seu  signitîca- 
u  tiones,  quas  in  Catholicon  et  Vgutione,  atque  in  Papia,  et  Bri- 
«  tone,  et  eciam  in  pluribus  aliis  libris  gramaticalibus  repperire 
«  potui  ego,  Firminus  Verris,  de  villa  Abbatisuille,  in  Pontiuo, 
«  Ambianensis  diocesis  oriundus,  religiosus  professus  ac  huius 
«  domus  Beati  Honorati  prope  dictam  villam  Abbatisuille,  Cartu- 
((  siensis  ordinis,  prior  indignus,  per  viginti  annorum  curricula  et 
«  amplivs,  cum  maxima  pena  et  labore  insimul  congregaui,  com- 
«  pilaui  et  conscripsi. 

«  Vnde  infmitas  Deo  patri  jam  refero  gratias  qui  per  coëternum 
((  filium  suum,  in  spirilus  sancti  gratia,  nostrum  librum  sic  com- 
a  pilatum  cum  maximo  labore  et  pena  ad  tinem  tamen  usque 
«  compleuit. 

«  Qui  dictus  dictionarius  annodni  millesiraoccGC°quadragesimo 
«  (1440)  mensis  aprilis  die  ultimo  completus  fuit  et  finitus. 

a  Proquibus  laboribus  ego  supradictus  hujus  operis  compilator 
«  vos  obsecro  oranes  in  visceribus  caritatis  quicumque  in  libro 
K  isto  studere  volueritis  ad  Christi  laudem  et  gloriam  michi  ex 
«  diuina  gratia  rependatis. 

c(  Quatinus  pro  sainte  anime  mee  Salutationem  béate  Marie 
«  semper  virginis  dicere  vos  velitis.  Quatinus  vestris  oracionibus 
«  et  precibus  adjutus  omniumque  meorum  percepta  venia  pecca- 
«  torum  una  vobiscum  ad  eterna  valeam  peruenire  gaudia.  Ubi 
«  jam  reuelata  facie  illa  vera  et  coeterna  perfruamur  sapientia 
«  cum  pâtre  et  spiritu  sancto  per  infinita  secqla.  Amen.  Amen. 


102  LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  4694. 

«  Cest  Hure  est  et  appartient  [aux  chartreux  près  dabbeuille  (1)  ] 
«  en  pontieude  leuesquiet  damiens.  Qui  lara  le  rende.  Explicit.  » 

Je  n'insisterai  pas  sur  l'intérêt  que  ce  beau  manuscrit,  d'une 
écriture  soignée  et  très-lisible,  présente  pour  Thistoire  de  notre 
langue,  dont  il  offre  le  tableau  complet  à  une  époque  bien  déter- 
minée, et  non  cette  promiscuité  des  temps  et  des  lieux  inévitable 
dans  les  glossaires  actuels  du  vieux  français.  Il  est  facile,  en  le 
parcourant,  d'apprécier  quel  était  Tétat  de  l'idiome  «  gaulois  » 
sous  le  règne  de  Charles  VII,  pendant  la  période  de  rinvasion 
étrangère,  si  funeste  aux  études  et  aux  lettres.  Le  soin  ap- 
porté par  l'auteur  au  classement  des  mots,  soin  que  je  n'ai  pu 
constater  dans  aucun  des  glossaires  manuscrits  que  j'ai  vus,  la 
justesse  des  synonymies  et  des  définitions,  en  font  une  œuvre  à 
part,  un  corpus  général  de  notre  vieux  langage  en  même  temps 
que  du  latin,  à  l'époque  qui  précède  immédiatement  celle  où  les 
érudits  de  la  Renaissance  allaient,  non  plus  seulement  introduire 
dans  le  français  une  couche  nouvelle  de  mots  de  forme  latine,  mais 
le  replonger  vivant  dans  le  moule  du  latin  littéraire  de  Cicéron  et  de 
Virgile,  en  substituant  un  calque  romain  à  la  forme  propre  au  vieux 
langage  français  et  conforme  à  ses  procédés  phoniques. 

Sous  plusieurs  rapports  le  Dictionnaire  latin-français  de  Le  Ver 
jette  un  nouveau  jour  sur  l'état  de  l'écriture  et  de  la  prononcia- 
tion au  commencement  du  xv^  siècle.  On  y  voit  combien  l'ortho- 
graphe des  mots  latins  s'était  déjà  simplifiée  et  se  rapprochait  de 
la  simplicité  de  forme  figurative  de  la  prononciation.  On  y  lit 
ainsi  écrite  cette  série  de  mots  :  antitesis,  antrax,  antropofagi,  an- 
tropoformita,  antropos  sans  ph  ;  tous  ces  mots  sont  expliqués  en 
latin,  le  mot  français  pour  le  traduire  ne  faisant  pas  encore  partie 
de  notre  langue  ;  mais  on  voit  ainsi  écrits  et  traduits  les  mots  : 
iDRA,  idre;  idropicia,  idropisie,  idropigus,  idropiques  ;  idro^aî^- 
ciA,  devinemens  par  les  eaux\  ipoteca,  ipoteque-,  ipotecarius  ou 
APOTEGARius,  apoticaîve',  antegristus,  antecrist;  tirannus,  tirans  ; 
LIRA,  lire;  misterium,  mistere;  martirium,  martirey  etc. 

Ces  explications  des  mots  latins  encore  privés  de  correspon- 
dants français  sont  quelquefois  curieuses  et  instructives  pour 
nous  refléter  les  idées  de  l'auteur  et  de  son  temps.  Je  lis  aux  mots 
Theatrum,  Comedia,  Tragedia. 

a  Theatrum.  A  theoro,  ras,  quod  est  videre  :  dicitur  hoc 

(1)  Ce  passage  a  été  gratlé  dans  le  xvi»  siècle. 


LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694  103 

«  Théatrum,  tri,  pe  (nultima)  cor  (ripitur).  I.  Spectaculum  ubi- 
cnmque  fiai,  s  (eu)  locus  in  quo  omnis  populus  aspiciat  ludos. 
scilicet  locus  in  civitatibus  ubi  exercentur  joca  et  ludi.  Id.  Ubi 
decoilabantur  rei.  td.  Plache  commune  où  on  fait  les  jeux  ou  quar- 
refour  (1). 

«  Théatrum,  atri,  etiam  dicitur  Prostibulum.  siue  Lupanar  quo 
post  ludos  exactes  meretrices  ibi  prostituerentur.  Id.  bordel.  Unde 

«  Theatralis,  is,  traie,  ad  thealrum  pertinens.  Id.  de  quarrefour 
ou  de  bordel. 

«  Theâtricus,  ca,  cum.  Idem.  I.  de  bordel.  Ut  dicitur  mulier 
Iheatrica.  \.  Bordeliere.  » 

—  a  CoMÉDiA,  die.  I.  Villanus  canlus.  s  [eu)  villana  laus.  quia 
tractât  de  rébus  ruslicanis.  comme  chansons  de  Jeus  de  pers§n- 
nages  (2). 

cf  CoMÉDUS,  da,  um.  pe(nultima)pd'(producitur).  quicomediam 
describit.  seu  facit  seu  dicit  comediam. 

«  CoMÉDicus,  ca,  cum. Lad  comediam  seu  ad  comedendum  per- 
tinens. Seu  delectabilis. 

«  CoMÉDiCE.  Adv.  L  delectabiliter.  )> 

—  «  TRAGrEDiA.  Oda  quod  est  cantus.  seu  laus.  componitur  cum 
tragos  quod  est  hircus.  Et  dicitur  hec 

«Tragedia,  die.  pen.  prod.  I.  Carmen  luctuosum  quod  incipita 
leticia  et  finit  in  tristicia.  Gui  contraria  est  comedia.  quia  incipit 
a  tristicia  et  finit  in  leticia.  Unde 

«  Tragedia.  dicitur  de  crudelissimis  rébus,  sicutqui  patrem  seu 
matrem  occidit.  seu  comedit  filium  et  e  converso  s.  hujus  modi. 
Unde  et  Iragedo  (Jabatur  hircus  animal  fetidum.  Ad  fetorem  ma- 
terie  designandum. 

«  Tragédus,  da,  dum.  adtragediam  pertinens. 

«  Tragedus,  di.  tragédie  scriptor.  seu  canlor. 

«  Tragédicus,  ca.  cum.  I.  luctuosus.  Funeslus.  » 

Il  est  remarquable  que  la  plupart  de  ces  mots  relatifs  au  théâtre, 
si  usités  au  siècle  suivant,  manquent  complètement  au  français 
en  1440. 

(1)  Je  lis  dans  l'article  si  remarquable  de  M.  Sainte-Beuve  sur  Joach.  du  Bellay 
(p.  210  du  Journal  des  Savants,  avril  1867)  :  «  On  doit  rendre  justice  aux  efforts 
de  quelques  poètes  de  la  Pléiade  pour  instituer  une  comédie  qui  ne  fut  pas  celle 
des  carrefours.  « 

(2)  Li  Jeu  de  Marion;  le  Jeu  de  la  Sainte  Hostie  ;  le  Jeu  du  Prince  des  Sotz, 
par  Gringore.  Tel  était  le  nom  donné  aux  comédies  d'alors. 


104 


LES  DICTIONNÂIRKS  ANTÉRIEURS  A  1694. 


Une  autre  instruction  ressort  encore  de  l'examen  des  mots  fran- 
çais contenus  dans  ce  vaste  répertoire.  La  trace  des  cas  figurés  con- 
formément à  la  grammaire  romane  se  rencontre  à  chaque  instant, 
bien  qu'à  l'époque  où  il  a  été  commencé  (4420),  ils  eussent  dis- 
paru de  la  plupart  des  manuscrits  depuis  près  d'un  siècle.  Le  Ver 
écrit  premiertes  de  primitas,  commenchemens  au  singulier,  prin- 
CEPS  est  traduit  par  prinches.  Prioratus  devient  prioreit,  priorle  : 
dignetes  ou  of fiche  de  prieur.  Prioritas,  premiertes.  Tl  en  est  de 
même  pour  le  participe  passé:  ratificatus  donne  acceptes.  Inu- 
TiLis  donne  nient  profitables',  abstinens,  abstinens,  sobres;  absti- 
NENTiA^  abstinence^  sobriétés  ;  abrenuntiatio,  rewo/eme/is;  ademi'le- 
Tus,  accomplis,  parfait.  Il  y  a  cependant  des  incertitudes  :  rebellis 
fournit  rebelle  eirebelles.  La  plupart  des  mots  très-usités,  comme 
roîj,  fil  (filius),  foy  {fides),  ne  prennent  pas  Vs  caractéristique  du 
nominatif  latin  ou  subjectif  roman  (1). 

J'ai  fait  pour  les  huit  premières  colonnes  du  B  le  relevé  des  mots 
latins  du  Dictionnaire  de  Le  Ver  qui  manquent  complètement  aux 
glossaires  latins  et  à  Du  Gange  lui-même:  sur  210  mots,  32  sont 
inconnus  aux  lexicographes,  c'est-à-dire  que  près  d'un  sixième 
de  ce  dictionnaire  est  nouveau  ou  inédit. 

Voici  ces  trente-deux  mots  : 


halana 

brebis 

balearius 

getteur  à  la    tandesle 

balatro 

jougleur  (sic) 

ou  abalestrier 

balbere 

besguier 

baleator 

getteur  à    la  tandesh' 

balbescere 

idem. 

ou  abalestrier 

balbiter 

besguement 

halestrum 

abalestre,  a  Balin  (gr. 

balbutia 

besguerie 

dicitur 

balbutiens 

besgans 

balestrare 

traire  aucune  chose  da- 

balbuties 

besguetes ,    baubetes , 

balestre  ou  ferir  de 

parlers  de  petis 

en- 

balestre 

fans. 

(i)  Ou  sait  que  la  langue  d'oïl  conserva  à  l'origine  le  système  des  cas  de  la 
déclinaison  latine  :  seulement  elle  le  simplifia  en  réduisant  à  deux  seulement  les 
six  cas  du  latin.  Le  premier  fut  le  signe  du  sujet  :  on  l'a  appelé  en  conséquence 
cas-sujef,  ou  mieux  subjectif.  Le  second  servit  pour  les  compléments  de  toute 
espèce,  d'où  lui  vient  le  nom  de  cas-régime  ou  complctif.  J'expliquerai,  à  l'ap- 
pendice D,  en  donnant  Tanalysç  des  travaux  récents  sur  la  grammaire  du  vieux 
français  dans  leur  rapport  avec  not-e  orthographe,  le  mécanisme  de  ces  deux 
cas  :  je  me  bornerai  à  noter  ici  que  généralement  le  subjectif  roman  au  singulier 
conservait  Vs  tinale  là  où  il  y  avait  s  ou  x  dans  le  primitif  latin  au  singulier. 


pp. 


LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  4694. 


105 


haleslratus 

getles,  trais  ou  feins 

barbarlzaro 

faire  cruelment 

de  trait  d'abalestre 

barcarius 

qui   fait  barges,   nefs 

balneatio 

baignemens 

ou  qui  les  gouverne 

hallare 

peser  à  balanche,  ba- 

baronissa 

baronneresse 

lanchier 

basilisca 

gencienne 

balluga 

balancbe 

batîUum 

enchensoir 

ballanga 

banlieue 

beatificencia 

euieusetes  (félicitas) 

bahamatus 

cnbasmes,oinsde  basme 

bellacïtas 

bataille 

bapiismaliter 

par  baptême 

bellaciter 

bateilleusement 

bap/erium 

bâton 

bellicator 

bateilleur,  combate  ur 

baratro 

lecherres 

bellificare 

faire  bataille,  baleiller, 

barbarius 

barbier 

combatre 

Jedoisà  Pobligeance  de  MM.  les  Conservateurs  de  la  Bibliothè- 
que impériale  la  communication  de  deux  anciens  glossaires  ma- 
nuscrits, l'un  français-latin  (n°  7684  f.  1.);  l'autre  latin-français 
(n°  7679),  dont  Du  Gange  s'était  servi  pour  son  beau  Glossarium. 
medix  et  infimœ  latinitatis;  leur  nomenclature,  très-sèche,  est 
moitié  moins  considérable  que  celle  du  ms.  Le  Ver.  J'ai  essayé 
de  comparer  l'orthographe  et  le  mode  de  composition  de  cer- 
tains mots ,  la  plupart  de  formation  récente,  dans  la  première 
moitié  du  xv®  siècle,  à  leurs  formes  respectives  dans  la  seconde 
moitié  et  à  la  fm  de  ce  môme  siècle  ou  au  commencement  du 
suivant. 


Mot?  latins 

avec 

le  frinçais  actuel. 

Firmin  Le  Ver,  Dictio- 
narius  latino-jralliciis, 
1420-lUO. 

(ilossaniiin   gallico-iat,, 
script.  XV"  sœc.  11  est 
de  la  2e  moitié  du  s. 
iBibl.  Imp.Ms.  7684.) 

(iioss.  lat.-gaii.,  xv 
s.,  script,  xvio  s 
Cod.Bigotianus.  (B 
Imp.  Ms.  7679.) 

bivium  (carrefour) 

quar  refour 

carfourt 

(double  voie) 

ager  (champ) 

champ 

champt 

champs 

candelabrum  (chande- 

chandelier 

chandellier 

chandelier 

lier) 

bubo  (chat-huant) 

chuelte ,  calmhan 
(oisel) 

chouen 

(certain  oisel) 

biga  (charrette) 

charette  a  ii  roues 
et  a  ii  chevaus 

charrete 

charette 

eruca,  curculio   (che- 

chatepeleuse,  ca- 

chatepelouse 

» 

nille) 

tepeleuse 

calidus  (chaud) 

chaut 

chault,  chaut                    » 

vespertilio  (chauve-sou- 
ris ^ 

chauvesoris 

chauvesouris 

chauve  souris 

captivitas  (captivité) 

chetivetes  ou  pri- 

cheitiveté 

chetiveté 

comosu&  (chevelu) 

son 
qui  ha  grans  che- 

cheveleulx,  grans 

» 

veus 

cheveux  de  famés 

capsa  (coffre) 

casse,  coffre,  es- 
crin 

cofre 

casse 

106  LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694. 


Mois  latins 

avec 

le  français  actuel. 


Firmin  Le  Ver,  Dictio- 
narius  latino-gallicus, 
U20-U40. 


convalescentia  (conva 
lescence) 


columba^ 
columna) 
convenieniia 

nance ) 
bufo  (crapaud) 
crux  (croix) 
mandîhula  (mâchoire) 
infelicitas  (malheur) 
mfauslus  (malheureux 
malefactiim  (méfait) 


convalescence,  sa- 
nité,  forche,  puis- 
sance, vaillanche 
(femelle  de  coulon, 
(  coulombe 
(conve-  '  convenabletes 


crapaut 
crois 
mâchoire 
mal  eurtes 
mal  eureux 
maufait  {malefac- 
/io-malefaisson) 


malefaciens 


malefactor 
malivolus  (malveillant) 
melancolia  (mélancolie) 

tabamis  (taon) 


(malfaiteur)  :  mal  faisans 


mal  veullans 
melencolie,unedes 
iiij  humeurs 
tahon 


Glossarium  gallico-lat., 
st'ript.  xv°  s.TC.  Il  est 
d«  la  2«  moitié  du  s. 
(Bibl.  Imp.  Ms.  768*.) 


coulumbc,icolombe 

convenablete,  con- 
venance 
crapaust 

» 
machouere 
malourete 
mal  eureux 
maufait 

maufaisant ,  mau- 
faitteur 
mal  veillant 
melencolie 


taan,  taon 


Gloss.  lat  -gall.,  XV» 
s.,  script,  xvi"  s. 
Cod.Bi?otianu?.{B. 
Irop.  Ms.  7679.) 


crapoult 

croais 

machoere 

» 
mallereux 


mal  faisant 
malvelant 

tliaon 


Il  régnait  encore  une  grande  simplicité  orthographique  dans  le 
cours  du  xv«  siècle  et  au  commencement  du  xvp.  Le  latin  lui- 
même,  dans  les  mots  qu'il  avait  empruntés  au  grec,  obéissait  à 
cette  répugnance,  j'allais  dire  à  cette  horreur,  naturelle  au  génie 
français,  pour  les  doubles,  les  triples  et  les  quadruples  consonnes. 
L'introduction,  non  plus  partielle  mais  générale,  dans  notre 
langue  de  lettres  parasites  signale  le  milieu  du  xvi^  siècle;  elle 
est  due  aux  tendances  gréco-latines  mal  dirigées  que  nous  allons 
voir  se  développer  successivement  dans  les  glossaires  publiés 
au  premier  siècle  de  l'imprimerie. 


J'arrive  maintenant  à  la  série  des  glossaires  imprimés.  Il  m'a  été 
impossible  de  me  procurer  le  titre  exact  du  Dictionnaire  latin- 
français,  imprimé  à  Genève,  en  1587,  par  Loys  Garbin,  et  cité 
par  M.  Diez. 

La  table  étendue  que  Génin  a  jointe  à  la  grande  Grammaire  de 
Palsgrave  pourrait,  jusqu'à  un  certain  point,  tenir  heu  d'un  de 
ces  recueils  alphabétiques  ou  vocabulaires,  si  écourtés,  qu'on  pu- 
bliait en  latin  avec  le  mot  français  correspondant,  au  commence- 


p^ 


LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694.  107 

ment  du  xvP  siècle.  Bien  que  le  travail  original  de  Palsgrave  n'ait 
paru  à  Londres  qu'en  1531 ,  on  reconnaît,  par  voie  de  comparai- 
son, que  son  orthograplie  est  bien  plus  gauloue  que  celle  des 
grammairiens  et  des  lexicographes  du  continent  au  début  du  rè- 
gne de  François  I",  et  que  le  docte  professeur  de  Henri  VIII  a 
dû  travailler  en  Angleterre  sur  des  documents  de  la  fin  du  xv«  siècle 
ou  des  premières  années  du  suivant  (1).  Malgré  sa  date  plus  ré- 
cente on  peut  donc  le  placer  au  premier  rang  parmi  les  livres 
imprimés  contenant  un  recueil  de  mots  français. 

Je  possède  les  trois  autres  glossaires  : 

1°  Le  Catholicon  abhreuiatum,  pet.  in-4goth.,  imprimé  à  Paris, 
en  1506,  par  Jehan  Laml3ert,  sans  nom  d'auteur.  Il  ne  contient  que 
3,500  mots;  c'est  un  livre  très-intéressant,  puisqu'il  nous  représente 
Pétat  de  la  langue  avant  l'introduction  de  cette  multitude  de  voca- 
bles savants,  tirés  du  latin  et  même  du  grec  à  l'époque  de  la 
Renaissance. 

L'orthographe  y  est  simple,  naturelle,  assez  logique,  bien  que 
souvent  irrégulière  et  entachée  de  l'influence  que  j'appellerais 
volontiers  calligraphique. 

On  y  rencontre  peu  de  lettres  dites  étymologiques,  et^  quand  les 
consonnes  sont  redoublées,  c'est  probablement  qu'elles  se  pro- 
nonçaient ainsi.  Il  écrit  abhe,  abesse^  abaye....  alumer,  flateur 

acolite,  fiole,  doy  (digitus),  vayne  (vena),  autentique,  bloriy  pain- 
ture,  acoutmner,  acompagner,  acroistre  et  solicitude;  mais  il  dou- 
ble la  consonne  /  lorsqu'elle  termine  un  mot  dont  la  désinence 
est  en  e  féminin;  ainsi,  il  écrit  :  argille,  cautelle,  huille,  et  l'on  y 
voit  ces  mots  ainsi  figurés,  deffendre,  celluy^  couraige^  secret^ 
enhardy,  oyseaulœ,  poyson,  pulpitre,  haultesse,  etc. 

2"  Vocabularius  latinis,  gallicis  et  theutonicis  verbis  scHptum 
(sic).  Il  parut  à  Strasbourg,  en  1515,  chez  Mathis  Humpffuff  ;  il 
est  composé  de  36  ff.  in-4.  J'en  extrais,  comme  curiosité  ortho- 
graphique, quelques-uns  des  noms  relatifs  aux  oiseaux  : 

(iAvis,  oyseau.  Auceps,  oyseleur.  Nidus,  nid.  Aquila^  aigle. 
Falco,  faulcon.  Accipiter,  tiercelet.  Nisus,  espervier.  Ventilanus, 
vannete.  Milvus,  huan.  Ardea,  hairon.  Ciconia,  sigoigne.  Cignus, 
cigne.  Griphus,  griffon.  Pellicanus,  pélican.  Strucius,  ostruche. 

(1)  Il  signale,  comme  ayant  contribué  à  l'aider  dans  son  travail,  l'ouvrage  inti- 
tulé :  Hère  begynneth  the  introductory  to  wrife  and  (o  pronounce  frenche, 
compyled  by  Alexander  Barcley  compendiously  at  the  commandement  of  the  .. 
prynce  Thomas  duke  of  Northfolke. 


108  LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694. 

Grus,  grue.  NicHcorax^  chuelte.  Vuliur,  voultour.  Ossifragus, 
freynol.  Ritersculus,  roytellet.  Philomena,  rossignol.  Canapelus, 
chardoneret.  Citradula,  cerin.  Ficedula,  grive.  Figellus,  pinson. 
Sturnus,  estourneau.  Parix,  mésange.  Passer,  moyneau.  Pstacus, 
papegay.  Turtur^  turierelle.  Palumbus,  colombier.  Pavus,  paon. 
Quastulla,  caille.  Arundo,  arondelle.  Pica,  pie  ou  agasse.  Corniœ, 
corneille.  Vespertilio,  chauvesouris.  Anas,  anette  ou  cane.  Auca^ 
oye.  Monedula,  corneille.  Gallus,  coq.  Gallma,  gelline.  Pullus, 
poussin.  Capo,  chappon.  Pullinarium,,  poullalier.  Papilio,  papil- 
lon. Vespa,n\o\\s>Qhe  gueppe.  Apes,  mousche  a  myel.  Cuculus,  co- 
cul.  Lucinia,  hoche  cul.  Upupa,  hupe.  » 

3°  Le  Yocabularius  nebrissensis  (1)  de  1524  est  un  travail  beau- 
coup plus  ample  que  le  précédent.  11  contient  près  de 30,000  mots 
latins  avec  leurs  correspondants  ou  leur  interprétation  en  français. 
L'influence  de  la  Renaissance  y  est  encore  bien  peu  sensible.  Son 
système  orthographique,  un  peu  plus  régulier,  ressemble  à  celui 
du  Catholicon  ahbreviatum.  Il  n'est  pas  plus  étymologique  que  son 
prédécesseur  en  ce  qui  concerne  les  mots  tirés  du  grec,  et  en  géné- 
ral il  se  borne  à  les  interpréter  sans  les  retranscrire  sous  la  forme 
française.  Il  ne  s'asservit  pas  non  plus  trop  à  l'orthographe  latine  : 
il  écrit  cicorée,  cengle  (cingula),  saincture,  estr aines  (étrennes). 
Les  /  qui  ne  se  prononcent  pas  figurent  cependant  dans  bien  des 
endroits  :  poulpitre,  avantureulœ,  chault  (calidus). 

Quant  aux  doubles  lettres,  il  peint  la  prononciation  :  resembler 
et  assembler,  netoyer,  alumer,  acoustumer  et  accorder,  accepter, 
appeller,  amonceler,  etc.  Ce  précieux  Dictionnaire  constate  un 
état  très-intéressant  de  notre  langue,  celui  où  elle  va  subir  l'in- 
fluence, qui  sera  trop  longtemps  dominante,  du  latin  classique 
et  même  quelquefois  du  grec. 

Robert  Estienne  eut  le  premier,  en  1540,  Thonneur  de  publier  • 
non  plus  un  simple  Vocabulaire,  mais  un  Dictionnaire  français-latin , 
dans  les  conditions  d'érudition  et  de  critique  qu'exigeait  un  tel 
travail.  Son  œuvre,  accrue  et  perfectionnée  dans  l'édition  de  1549, 
fit  autorité  et  exerça  pendant  deux  siècles  une  grande  influence 
sur  l'orthographe.  Elle  contient  près  de  20,000  mots  français 
suivis  de  leurs  diverses  acceptions  et  de  leur  interprétation  la- 
tine. 

(1)  Publié  à  Lyon  par  Frère  Gabriel  Busa,  de  l'ordre  des  Augustlns,  d'après  le 
Dictionnaire  latin-espagnol  de  Antoine  de  Lebrixa. 


LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  1694.  109 

Cette  belle  édition,  où  Robert  Estienne  introduisit  une  riche 
moisson  de  termes  nouvellement  imités  du  latin  et  même  du 
grec,  servira  donc  de  point  de  comparaison  avec  la  manière 
d'écrire  qui  a  précédé  et  celle  qui  a  suivi. 

Le  docte  imprimeur  écrit,  on  le  comprend,  conformément  à 
rétymologie  les  mots  savants  de  nouvelle  formation,  mais  de  plus, 
il  a  réintégré  des  lettres  dites  caractéristiques  dans  une  grande 
partie  des  mots  d'une  époque  antérieure.  Il  corrige  cylindre  au  lieu 
de  cilindre,  cymaise  au  lieu  de  cimaise^  cymbale  au  lieu  de  cimbale, 
cyprès  au  lieu  de  ciprès^  phiote  au  lieude/?o/e;  il  écrit  chauche- 
mare  (cauchemar),  cAaw/j;  (ca/a?),  cheueul  (capillus)^  cichorée;  il 
redresse  hermite  en  ermite,  il  réclame  c/i///e  et  non  chiffre,  à  cause 
de  l'hébreu  sephira.  11  respecte  cependant  les  formes  consa- 
crées par  l'usage,  soulfre,  (hriacie  (thériaque),  et  il  écrit  sans  th 
tesme  (thema),  et  sans  ph  orfelin.  Sa  manière  d'agglutiner  les 
mots  composés  est  conforme  à  celle  que  je  propose  :  il  réunit  tous 
les  mots  composés  avec  la  préposition  contre  {{);  il  écrit  chaus- 
setrape,  chauuesouri,  chathuant  (qui  serait  mieux  écrit  chahuant), 
des  chaufecires.  On  peut  regretter  toutefois  de  rencontrer  partout 
dans  ses  colonnes  des  mots  défigurés  par  l'addition  de  lettres  la- 
tines déjà  représentées  dans  le  français,  comme  chaircuictier , 
poulpitre,  poulser,  poulsif,  poulsin. 

L'autorité  dont  jouit  le  Dictionnaire  français  de  Robert  Estienne 
se  perpétua  longtemps.  En  1586  Guillaume  de  Laimarie,  impri- 
meur de  Genève,  donna  une  édition  très-correcte  du  Dictionarium 
jowerorwm  que  Robert  avait  publié  en  dernier  lieu,  en  1557,  posté- 
rieurement au  Dictioimaire  français-latin  (2).  Cette  édition  de  Lai- 
marie renchérit  dans  plusieurs  cas  sur  le  Dictionnaire  de  1549, 
pour  l'emploi  des  lettres  étymologiques  surérogatoires;  mais  on 
lui  doit  quelques  bonnes  leçons,  comvnQ  sansue  par  exemple  (écrit 
sanssue  dans  le  ms.  Le  Ver). 

Le  Dictionnaire  françois-latin  connu,  sous  le  nom  de  Jean  Nicol, 
qui  parut  pour  la  première  fois  en  1564,  le  Thrésor  de  la  langue 
françoyse  du  même,  dans  lequel  il  a  mis  à  profit  les  recherches 

(1)  La  marque  du  superlatit  très  est  toujours  réunie  au  mot  qu'il  modifie  : 
tresaccoutumé,  tresaise  {très-aise),  tresuite  {très-vite).  Cette  série  forme  plus 
de  trois  cents  mots  dans  son  Dictionnaire. 

(2)  Laimarie  remania  l'ordre  des  mots  de  la  partie  française  pour  remédier  à  la 
confusion  qui  résultait  du  groupement  des  mots  dérivés  sous  leur  simple ,  et 
il  adopta  l'ordre  alphabétique  absolu. 


110  LES  DICTIONNAIRES  ANTÉRIEURS  A  46U. 

laissées  par  le  président  Rançonnât  ;  le  Grand  Dictionnaire  fran- 
çois-latin  du  même  Nicot,  dont  le  succès  se  continua  d'édition  en 
édition  jusqu'en  1618,  nous  reproduisent  également  l'orthographe 
de  Robert  Estienne^  dont  les  éditeurs  déclarent  reprendre  en 
grande  partie  le  travail.  Voici  comment  s'exprime  à  ce  sujet  Jac- 
ques du  Puys  dans  la  préface  de  l'édition  de  1614  :  «  Il  ne  peut 
«  que  la  France  ne  célèbre  grandement  la  mémoire,  comme  elle 
«  se  sent  auoir  été  ornée  par  son  industrie,  de  deffunct  Robert 
«  Estienne,  lequel  peutestre  dict  auoir  esté  le  premier  qui  a  faict 
«  que  la  France,  pour  ce  regard,  ne  cède  à  aucune  autre  nation, 
«  tant  pour  les  grâces  qu'il  a  eu  propres  pour  l'ornement  de  cet 
«  art  d'imprimerie  que  pour  Tamour  infini  qu'il  a  porté  à  rvtilité 
«  publique  et  le  grand  labeur  et  peine  qu'il  a  pris,  sans  y  espar- 
ce  gner  rien  qui  ne  fust  en  sa  puissance,  pour  Taduancer  et  mener 
«  à  sa  parfection  :  de  quoy  font  foi  tant  de  beaux  et  excellens 
«  liures  et  latins  et  grecs  et  hébrieux,  plus  encores  recherchez  au- 
«  iourd'huy  que  du  vivant  de  l'imprimeur....  »  La  perfection  du 
Dictionnaire  français  «  estant  de  soy  tant  recommandable  et  pro- 
«  fitable  qu'un  chascun  sçait,  m'a  principalement  incité  à  r'impri- 
((  mer  le  dict  Hure,  duquel  il  y  a  quelque  temps  que  i'ay  recouuré 
«  l'exemplaire  laissé  par  deçà  par  le  dict  Robert  Estienne,  auant 
«  que  de  partir  de  France.  » 

L'édition  de  1614  contient  environ  26 ,000  mots  avec  toutes  leurs 
acceptions  alors  connues. 

Le  P.  Philibert  Monet,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  très-habile 
professeur  de  langue  latine,  rompit,  dès  1624,  avec  la  tradition 
léguée  aux  dictionnaristes  i^âv  l'autorité  jusque-là  incontestée  de 
Robert  Estienne.  Il  fit  paraître  à  cette  époque  un  Parallèle  des 
deus  larigues  latine  et  française,  complètement  perdu  aujourd'hui, 
et  que  nous  ne  connaissons  que  par  la  préface  de  son  Invantaire 
des  deus  langues  française  et  latine,  publiée  à  Lyon  chez  Claude 
Rigaud  en  1635,  in-folio.  Ce  dernier  ouvrage,  que  j'ai  eu  le  bon- 
heur de  me  procurer  récemment,  est  précieux  pour  l'histoire  de 
la  réforme  orthographique  modérée,  car  il  en  est  le  code.  Il  con- 
tient 23,000  mots  au  moins.  Le  système  orthographique  dfe  l'au- 
teur est  simple  et  bien  conçu  :  il  ne  s'attache  pas  uniquement, 
comme  les  phonographes,  à  figurer  la  prononciation,  et  ne  fait  pas 
disparaître  toutes  les  lettres  dites  caractéristiques ,  mais  il  ne 
figure  jamais,  autant  que  possible,  un  même  son  par  deux  signes 
différents.  Il  écrit,  par  exemple,  dysanterie,  diseine,  doit  (digitus). 


p 


LES  DICTIONNAIRES  ANTERIi:URS  A  1094.  ni 


I 


conianter,  conlaniement,  contampler,  continance,  deus  (duo),  che- 
veus.barreausy  chevaus,  et  leurs  similaires. 

Nathaniel  Duez,  grammairien  polyglotte,  fit  paraître  en  1669  un 
Dictionnaire  françois-italien,  fort  bien  imprimé  à  Leyde  chez  Jean 
Elsevier.  Son  orthographe,  conforme  en  général  à  celle  de  Robert 
Estienne  et  de  ses  continuateurs,  renchérit  même  en  certains  cas 
sur  ceux-ci  par  une  nouvelle  intrusion  de  lettres  destinées  à  figurer 
de  plus  près  Torthographe  latine  et  grecque.  Ce  glossaire  contient 
20,000  mots  environ. 

César  Oudin,  secrétaire  interprète  du  roi  pour  les  langues  étran- 
gères,publia  en  1660  à  Bruxelles  le  Trésor  des  deux  langues  fran- 
çaise et  espagnolle.  Ce  lexique  est  encore  un  calque,  au  point  de 
vue  de  .l'orthographe,  de  celui  qu'Estienne  avait  publié  120  ans 
plus  tôt. 

César '  Pierre  RiCHELET,  auteur  d'un  Dictionnaire  français  publié 
à  Genève  en  1680,  était  aussi  versé  dans  les  langues  anciennes  que 
dans  les  langues  modernes,  Titalien  et  l'espagnol  entre  autres.  Son 
dictionnaire,  dont  les  premières  éditions  sont  devenues  rares 
et  précieuses,  est  du  plus  haut  intérêt.  L'auteur  s'exprime  ainsi 
dans  son  avertissement:  «Touchant  Torthographe,  on  a  gardé  un 
milieu  entre  l'ancienne  et  celle  qui  est  tout  à  fait  moderne  et  qui 
défigure  la  langue.  On  a  seulement  retranché  de  plusieurs  mots 
les  lettres  qui  ne  rendent  pas  les  mots  méconnoissables  quand  elles 
en  sont  otées,  et  qui,  ne  se  prononçant  pas,  embarrassent  les  étran- 
gers et  la  plupart  des  provinciaux. 

«  On  a  écrit  avocat,  batistère,  batême,  colère,  înélancolie,  plu, 
reçu,  revue,  tisanne,  trésor,  et  non  pas  arfvom^,  baptistère,  baptême, 
cholère,  mélancholie,  pieu,  receu,  reveuë,  ptisane,  thrésor. 

((  Dans  la  même  vue  on  retranche  Vs  qui  se  trouve  après  un  e 
clair,  et  qui  ne  se  prononce  point,  et  on  met  un  accent  aigu  sur  Ve 
clair  qui  accompagnait  cette  s-,  si  bien  que  présentement  on  écrit 
dédain,  détruire,  répondre,  et  non  pas  desdain,  destruire,  res^ 
pondre. 

«  On  retranche  aussi  Vs  qui  fait  la  silabe  longue,  et  qui  ne  se 
prononce  pas,  soit  que  cette  s  se  rencontre  avec  un  e  ouvert, 
ou  avec  quelque  autre  lettre,  et  on  marque  cet  e  ou  celte  autre 
lettre  d'un  circonflexe  qui  montre  que  la  silabe  est  longue.  On 
écrit  apôtre,  jeûne,  tempête,  et  non  pas  apostre,  jeusne,  tempeste. 
Cette  dernière  façon  d'orthographier  est  contestée.  Néanmoins, 
parce  qu'elle  empêche  qu'on  ne  se  trompe  à  la  prononciation  et 


112  LES  DICTIONNAIRES  ANTERIEURS  A  1694. 

qu'elle  est  autorisée  par  d'habiles  gens,  j'ai  jugé  à  propos  de  la 
suivre,  si  ce  n'est  à  Tégard  de  certains  niots  qui  sont  si  nuds  lors- 
qu'on en  a  oté  quelque  lettre  qu'on  ne  les  reconnoît  pas. 

«  A  l'imitation  de  l'illustre  monsieur  d'Ablancourt,  Préface  de 
Tucidide,  Apophtegmes  des  anciens,  Marmol  (1),  etc.,  et  de 
quelques  auteurs  célèbres,  on  change  presque  toujours  l'y  en  i 
simple.  On  retranche  la  plu-part  des  lettres  doubles  et  inutiles 
qui  ne  défigurent  pas  les  mots  lorsqu'elles  en  sont  retranchées. 
On  écrit  afaire,  ataquer,  ateindre,  dificulté,  et  non  pas  affaire, 
attaquer,  difficulté,  » 

On  voit  combien  cette  orthographe  est  conforme  à  celle  que 
Firmin  Le  Ver  a  consignée  dans  son  dictionnaire  rédigé  deux  siè- 
cles et  demi  auparavant.  On  doit  moins  s'étonner  si  Touvrage  de 
Richelet,  sous  le  rapport  de  l'orthographe,  est  si  fort  en  avance 
sur  le  premier  Dictionnaire  de  l'Académie  de  1694.  Lors  de  l'appa- 
rition, en  1680,  de  l'œuvre  de  Richelet,  la  copie  des  premières 
lettres  du  travail  académique  devait  être  déjà  entre  les  mains  de 
Goignard,  imprimeur  de  l'Académie  françoise  (le  privilège  donné  à 
l'Académie  pour  son  Dictionnaire  est  de  4674).  Or,  d'après 
le  témoignage  même  du  privilège,  la  rédaction  en  était  commen- 
cée dès  1633:  elle  devait  donc  représenter  Tétat  de  la  langue,  et  de 
récriture  en  particulier,  non  pas  en  1694,  date  de  l'achèvement 
du  dictionnaire,  mais  tel  qu'il  pouvait  être  vers  1660,  époque  de 
la  mise  sous  presse  de  la  première  édition  des  cahiers.  (On  s'en 
convaincra  en  jetant  les  yeux  sur  le  Tableau  comparatif  qui  suit.) 
Or  le  travail  d'analyse  et  de  coordination  accompli  par  de  savants 
académiciens  pendant  la  longue  période  comprise  entre  1635  et 
1680,  époque  de  l'apparition  du  Dictionnaire  de  Richelet,  ainsi  que 
toutes  les  propositions  acceptables  des  grammairiens  réformateurs 
étaient,  pour  ainsi  dire,  non  avenues:  TAcadémie  se  croyait  en- 
gagée par  les  décisions  grammaticales  et  orthographiques  adop- 
tées dans  les  Cahiers,  puis  dans  les  premières  lettres  du  Diction- 
naire. 

Il  est  résulté  de  cette  lenteur  du  travail,  très -explicable  en  pa- 
reille matière,  qu'au  point  de  vue  de  l'usage,  même  en  fait  d'écri- 
ture, l'œuvre  académique  s'est  trouvée  arriérée  en  naissant,  et  que 
l'orthographe  du  Dictionnaire  de  Richelet  de  1680,  si  raisonnable 
en  bien  des  points,  n'a  pu  être  sanctionnée  en  partie  par  l'Acadé- 


(1)  3  vol.  iii-4,  1667,  revu  par  Richelet. 


ORTHOGRAPHE  DE  L'ACADÉMIE  EN  i694.  113 

mie  qu'en  1740,  en  partie  qu'en  1835,  et  qu'il  en  reste  même 
une  certaine  part  en  instance  devant  l'Académie  de  1868. 

En  1685  parut  à  Lyon  chez  Pierre  Guillemin,  en  1  vol.  in-folio, 
un  Dictionnaire  général  et  curieux^  contenant  les  principaux  mots 
etlesplususitez  en  la  langue  françoise,  leurs  définitions,  divisions 
et  étymologies  par  César  de  Roghefort.  L'ouvrage  eut  peu  de 
succès,  et  partant  peu  d'influence.  Son  orthographe  ne  se  distin- 
gue par  rien  de  particulier  de  celle  des  dictionnaristes  de  son 
temps. 

Antoine  Furetière,  chassé  de  l'Académie  française  en  1685  et 
mort  en  1688,  a  laissé  un  Dictionnaire  universel  qui  ne  parut  qu'en 
1690,  à  Roterdam.  Bien  qu'il  soit  antérieur  comme  date  de  publi- 
cation à  la  première  édition  de  l'Académie,  il  est  facile  de  s'assu- 
rer qu'il  a  beaucoup  profité  des  discussions  et  des  travaux  de  la 
compagnie  auxquels  il  avait  eu  part  lui-même.  Son  orthographe, 
loin  d'être,  comme  celle  de  Richelet,  en  progrès  marqué  sur  celle 
du  Dictionnaire  de  l'illustre  Société,  est  plus  inconséquente  et 
moins  réguhère. 

Il  m'a  paru  utile  de  résumer  en  un  tableau  synoptique  les  dé- 
tails des  vicissitudes  orthographiques  de  quelques-uns  des  mots 
difficiles  quant  à  Pécriture  depuis  1420  jusqu'à  nos  jours,  en  ex- 
trayant la  forme  de  chacun  d'eux  des  anciens  lexiques,  soit  ma- 
nuscrits, soit  imprimés,  que  je  possède.  Cette  comparaison  fait  ap- 
paraître mieux  qu'une  longue  dissertation  la  nature  des  causes  qui 
ont  agi,  la  persistance  de  certaines  influences,  et  la  raison  du  re- 
tour aux  formes  simplifiées. 

ORTHOGRAPHE  DE  l'ACADÉMIE    EN   1694,    DATE  DE  LA   PREMIÈRE 
ÉDITION  DU  DICTIONNAIRE. 

Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  rechercher  quels  principes 
ont  dirigé  l'Académie  française  dans  l'établissement  des  règles 
d'orthographe  adoptées  dans  la  première  édition  de  son  Diction- 
naire en  1694.  Ces  règles  sont,  pour  la  plupart,  tombées  en  dé- 
suétude sous  l'action  du  temps,  mais  il  en  reste  encore  des  traces 
nombreuses  dans  presque  toutes  les  parties  de  la  sixième  édition. 

Pour  déterminer  ces  principes,  je  m'attacherai  à  trois  docu- 
ments officiels  : 

8 


114  PRÉFACE  DE  L'ACADÉMIE  DE  1694. 

La  Préface  du  Dictionnaire  même  ; 

Les  Cahiers  de  remarques  sur  V orthographe  françoise  pour  estre 
examinez  par  chacun  de  messieurs  de  l'Académie,  sorte  de  mé- 
mento particulier  destiné  à  assurer  une  certaine  unité  dans  la 
discussion  académique  et  à  préparer  la  solution  des  difficultés 
grammaticales  ; 

La  Grammaire  de  Régnier  des  Marais,  secrétaire  perpétuel  de  la 
Compagnie,  et  chargé  par  elle  de  rédiger  la  Grammaire  mention- 
née dans  les  statuts  de  sa  fondation. 


|o  Préface  du  Dictionnaire  de  V Académie, 
En  1694,  TÀcadémie  s'exprimait  ainsi  dans  sa  préface  : 

«  L'Académie  s'est  attachée  à  l'ancienne  orthographe  receuë  parmi 
{(  tous  les  gens  de  lettres,  parce  qu'elle  ayde  à  faire  connoistre  l'ori- 
«  gine  des  mots.  G'estpourquoy  elle  a  creu  ne  devoir  pas  authoriser 
«  le  retranchement  que  des  particuliers,  et  principalement  les  impri- 
«  meurs,  ont  fait  de  quelques  lettres,  à  la  place  desquelles  ils  ont 
c(  introduit  certaines  figures  qu'ils  ont  inventées  (1),  parce  que  ce 
«  retranchement  oste  tous  les  vestiges  de  l'analogie  et  des  rapports 
a  qui  sont  entre  les  mots  qui  viennent  du  latin  ou  de  quelque  autre 
«  langue.  Ainsi  elle  a  écrit  les  mots  corps,  temps  avec  un  p  et  les 
«  mots  testCy  honneste  avec  une  s  pour  faire  voir  qu'ils  viennent  du 
((  latin  tempus,  corpus,  testa,  honestus.,.  Il  est  vray  qu^il  y  a  aussi 
{(  quelques  mots  dans  lesquels  elle  n'a  pas  conservé  certaines  lettres 
«  caractéristiques  qui  en  marquent  l'origine,  comme  dans  les  mots 
c(  devoir,  février,  qu'on  escrivoit  autrefois  debvoir  et  febvrier  pour 
«  marquer  le  rapport  entre  le  latin  debere  eifebruarius.  Mais  l'usage 
a  l'a  décidé  au  contraire;  car  il  faut  reconnoistre  l'usage  pour  le 
«  maistre  de  l'orthographe  aussi  bien  que  du  choix  des  mots.  C'est 
«  l'usage  qui  nous  mené  insensiblementlî'une  manière  d'escrire 
«  à  l'autre,  et  qui  seul  a  le  pouvoir  de  le  faire.  C'est  ce  qui  a  rendu 
«  inutiles  les  diverses  tentatives  qui  ont  esté  faites  pour  la  refor- 
«  mation  de  l'orthographe  depuis  plus  de  cent  cinquante  ans  par 
«  plusieurs  particuliers  qui  ont  fait  des  règles  que  personne  n'a 

(1)  Les  accents. 


PRÉFACE  DE  L'ACADÉMIE  DE  1694.  115 

«  voulu  observer  (i).  Ce  n'est  pas  qu'ils  ayent  manqué  de  raisons 
tf  apparentes  pour  deffendre  leurs  opinions  qui  sont  toutes  fon- 
«  dées  sur  ce  principe,  qu^il  faut  que  l'escriture  représente  la  ipvo- 
«  nonciation;  mais  cette  maxime  n'est  pas  absolument  véritable; 
c(  car  si  elle  avoit  lieu,  il  faudroit  retrancher  1'^  finale  des  verbes 
«  aymer,  céder,  partir, sortir  (2),  et  autres  de  pareille  nature  dans 
c(  les  occasions  où  on  ne  les  prononce  point,  quoy  qu'ion  ne  laisse 
«  pas  de  les  escrire.  Il  en  estoit  de  mesme  dans  la  langue  latine  où 
c(  Ton  escrivoit  souvent  des  lettres  qui  ne  se  prononçoient  point. 
«  Je  ne  veux  pas,  dit  Giceron,  qu'en  prononçant  on  fasse  sonner 
«  toutes  les  lettres  avec  une  affectation  desgoustante  :  Nolo  exprimi 
a  litteras  putidius  (3,  de  Orat,).  Ainsi  on  prononçoit  multimodis  et 
«  tectifractis  quoy  qu'on  écrivist  multis  modis  et  tectis  fractis,  ce 
«  qui  fait  voir  que  l'escriture  ne  représente  pas  tousjours  parfaite- 
«  ment  la  prononciation;  car  comme  la  peinture  qui  représente  les 
«  corps  ne  peut  pas  peindre  le  mouvement  des  corps,  de  mesme 
«  l'escriture  qui  peint  à  sa  manière  le  corps  de  la  parole,  ne  sçau- 
«  roit  peindre  entièrement  la  prononciation  qui  est  le  mouvement 
((  de  la  parole.  L'Académie  seroit  donc  entrée  dans  un  détail 
«  très-long  et  tres-inutile,  si  elle  avoit  voulu  s'engager  en  faveur 
«  des  estrangers  à  donner  des  règles  de  la  prononciation.  Qui- 
«  conque  veut  sçavoir  la  véritable  prononciation  d'une  langue 
«  qui  luy  est  estrangere,  doit  l'apprendre  dans  le  commerce  des 
«  naturels  du  pays  ;  toute  autre  méthode  est  trompeuse,  et  pre- 
«  tendre  donner  à  quelqu'un  l'idée  d'un  son  qu'il  n'a  jamais  en- 
«  tendu,  c'est  vouloir  donner  à  un  aveugle  l'idée  des  couleurs 
«  qu'il  n'a  jamais  veuës.  Cependant  l'Académie  n'a  pas  négligé  de 
a  marquer  la  prononciation  de  certains  mots  lors  qu'elle  est  trop 
«  esloignée  de  la  manière  dont  ils  sont  escrits  et  Y  s  en  fournit  plu- 
a  sieurs  exemples  ;  c'est  une  des  lettres  qui  varient  le  plus  dans  la 
c(  prononciation  lors  qu'elle  précède  une  autre  consone,  parce 
«  que  tantost  elle  se  prononce  fortement,  comme  dans  les  mots 
a  peste ,  veste ,  funeste ,  tantost  elle  ne  sert  qu'à  allonger  la 
a  prononciation   de    la  syllabe,  comme  dans  ces  mots  teste, 


(1)  Moins  de  cent  ans  après,  l'Académie  devait,  conformément  aux  propositions 
de  la  plupart  des  novateurs ,  simplifier  l'écriture  de  près  de  cinq  mille  mots  et 
introduire  les  accents  dans  le  corps  d'une  grande  partie  d'entre  eux. 

(2)  Par  cet  exemple,  on  voit  que  dans  partir,  sortir,  on  ne  prononçait  pas  le  r, 
de  même  que  nous  ne  le  faisons  pas  sentir  dans  aimer,  céder  non  suivis  d'une 
voyelle. 


116 


PRÉFACE  DE  L'ACADÉMIE  DE  1694. 


c(  tempeste-,  quelquefois  elle  ne  produit  aucun  effet  dans^  la 
«  prononciation,  comme  en  ces  mots,  espée,  esternuer;  c  est 
c(  pourquoy  on  a  eu  soin  d'avertir  le  lecteur  quand  elle  doit 
«  estre  prononcée.  11  y  a  des  mots  où  elle  aie  son  d'un  z,  et  c'est 
«  quand  elle  est  entre  deux  voyelles,  comme  dans  ces  mots  aisé, 
«  désir,  peser.  Mais  elle  n'est  pas  la  seule  lettre  qui  soit  sujette  à 
«  ces  changemens.  Le  c  se  prononce  quelquefois  comme  un  g, 
«  ainsi  on  prononce  segret  et  non  pas  secret,  segond  et  non  pas 
«  second,  Glaude  et  non  pas  Claude,  quoy  que  dans  l'escriture 
a  on  doive  absolument  retenir  le  c  Ainsi  les  Romains  prononçoient 
a  Gains,  quoy  qu'ils  escrivissent  Caius,  Amurga  quoy  qu'ils  es- 
«  crivissent  Amurca,  selon  l'observation  de  Servius  sur  le  premier 
«  livre  des  Georgiques;  ce  qui  achevé  de  confirmer  ce  qu'on  vient 
((  de  dire  que  la  prononciation  et  l'orthographe  ne  s'accordent  pas 
«  tousjours  et  que  c'est  de  la  vive  voix  seule  qu'on  peut  attendre 
«  une  parfaite  connoissance  de  la  prononciation  des  langues  vi- 
«  vantes  et  qu'on  n'appelle  vivantes  que  parce  qu'elles  sont  en- 
ce  core  animées  du  son  et  de  la  voix  des  peuples  qui  les  parlent 
«  naturellement;  au  lieu  que  les  autres  langues  sont  appellées 
«  mortes,  parce  qu'elles  ne  sont  plus  parlées  par  aucune  nation,  et 
«  n'ont  plus  par  conséquent  que  des  prononciations  arbitraires  au 
«  deffaut  de  la  naturelle  et  de  la  véritable  qui  est  totalement 
«  ignorée  (l).  » 


(1)  La  préface  du  premier  Dictionnaire  de  l'Académie,  en  1694,  a  été  écrite  par 
Régnier  des  Marais,  et  l'epître  dédicatoire  au  Roi,  par  Perrault.  On  croit  que  les 
observations  sur  cette  dédicace  publiées  par  d'Olivet,  à  la  fin  de  ses  Remarques 
sur  les  tragédies  de  jRacine (Paris,  Gandouin,  1738,  in-12),  sont  dues  à  Racine  et  à 
Régnier  des  Marais. 

Dans  celte  préface  comme  dans  les  autres  citations,  j'ai  suivi  scrupuleusement 
l'orthographe  même  des  textes.  Quant  à  la  ponctuation  qui,  n'étant  soumise  h 
aucune  règle  fixe,  nuit  parfois  à  l'intelligence  du  sens,  j'ai  dû  la  rétablir  d'après 
l'usage  des  bonnes  imprimeries.  Le  grand  nombre  des  majuscules,  employées 
souvent  d'une  façon  arbitraire,  est  modifié  selon  nos  habitudes  actuelles. 

On  doit  cependant  signaler  dans  celte  préface  l'emploi  du  (;)  suivi  d'une  majus- 
cule qui  remplit  la  fonction  d'une  ponctuation  intermédiaire  entre  le  point-virgule  (;) 
et  le  point.  (Les  deux  points  (:)  remplissent  une  autre  fonction.)  Il  est  regrettable 
qu'on  ail  abandonné  un  secours  utile  quelquefois  et  qui,  du  reste,  avait  un  précé- 
dent, ainsi  qu'on  en  peut  juger  par  les  textes  grecs  de  ma  Bibliothèque  des  au- 
teurs grecs.  Cette  ponctuation  intermédiaire  s'y  trouve  remplacée  par  l'emploi  de 
la  minuscule  simple  après  le  point,  pour  indiquer  une  suspension  moins  forte  que 
orsque  le  point  est  suivi  de  la  majuscule. 

La  comparaison  de  notre  orthographe  académique,  d'après  la  dernière  édition 


CAHIERS  POUR  L'ÉDITION  DE  1694.  117 


2"  Cahiers  de  remarques  rédigés  pour  le  Dictionnaiy'e  de  1694. 


^H  Dans  les  Cahiers  dressés  par  l'Académie  pour  éclairer  la  discus- 
sion des  mots  du  Dictionnaire  de  1694,  se  trouvent  des  règles  de 
détermination  orthographique  qu'elle  n'a  formulées  nulle  part 
ailleurs.  Ces  Cahiers  étaient  tirés  strictement  à  quarante  exemplai- 
res au  nom  de  chacun  des  membres.  Il  en  existe  deux  éditions  (1). 
C'est  sur  l'exemplaire  de  Racine  de  la  première  édition,  conservé 
à  la  Bibliothèque  impériale,  que  j'ai  transcrit  ce  qui  suit.  On  y 
voit  établie  la  règle  du  doublement  de  la  consonne  avec  ses 
nombreuses  exceptions,  celle  de  la  composition  de  nos  mots 
avec  les  prépositions  latines.  La  loi  de  la  configuration  étymolo- 
gique paraît  déjà  subir  de  notables  restrictions^  faites  au  nom 
de  l'usage.  Voici  ^analyse  de  quelques-unes  des  principales  re- 
marques  : 

((  La  première  observation  que  la  Compagnie  a  creu  devoir 
«  faire  est  que,  dans  la  langue  françoise,  comme  dans  la  pluspart 
((  des  autres,  l'orthographe  n'est  pas  tellement  fixe  et  déterminée 
«  qu'il  n'y  ait  plusieurs  mots  qui  se  peuvent  escrire  de  deux 
«  différentes  manières,  qui  sont  toutes  deux  esgalement  bonnes, 
i  a  et  quelquefois  aussi  il  y  en  a  une  des  deux  qui  nest  pas  si 

a  usitée  que  l'autre,  mais  qui  ne  doit  pas  estre  condamnée, 

((  Généralement  parlant,  la  Compagnie  préfère  l'ancienne  or- 
«  thographe  qui  distingue  les  gens  de  lettres  d'avec  les  ignorans, 
a  et  est  d'avis  de  l'observer  par  tout,  hormis  dans  les  mots  où  un 
«  long  et  constant  usage  en  a  établi  une  différente. 

«  L'ancienne  orthographe  pèche  quelquefois  en  lettres  super - 
«  fluës  ;  mais  il  ne  faut  pas  les  appeller  ainsi  quand  elles  servent  à 
«  marquer  l'origine,  comme  en  ce  mot  vingt,  qui  s'escrit  de  la 
«  sorte,  encore  que  le  g  ne  se  prononce  point,  parce  qu'il  vient  du 
«  latin  viginti.  Il  n'en  est  pas  de  mesme  quand  l'usage  a  depuis 
«  long-temps  réglé  le  contraire  :  ainsi  on  n'orthographie  plus  le  mot 
«  escripre  avec  un  p  ni  escripture,  » 

du  Dictionnaire  de  1835,  avec  celle  du  Dictionnaire  de  1694,  prête  une  grande 
force  aux  instances  de  ceux  qui  veulent  améliorer  l'état  de  choses  actuel. 

(1)  M.  Ch.  Marty-Laveaux  a  réédité  en  1863,  chez  le  libraire  J.  Gay,  à  trois 
cents  exemplaires,  ces  deux  éditions  en  les  faisant  précéder  d'une  intéressante  in- 
troduction. 


118  CAHIERS  POUR  L'ÉDITION  DE  1694. 

Suivent  quelques  règles  sur  la  permutation  des  consonnes  ou 
le  maintien  des  consonnes  caractéristiques,  règles  que  l'usage  a 
consacrées  ou  que  l'Académie  a  abrogées  elle-même  en  1740. 

Cependant,  le  passage  suivant  est  à  noter  particulièrement  :  il 
explique  et  justifie  l'abandon  des  caractères  étymologiques  dans 
les  mots  tirés  du  grec  et  devenus  d'un  usage  vulgaire  :  «  Plusieurs 
«  aussi  escrivent  :  fantaisie,  fantastique,  fantasque,  fantosme, 
((  mais  d'autres  veulent  un  ph  à  phantaisie,  qui  signifie  cette  îà- 
((  culte  de  l'ame  que  les  Latins  appellent  imagination  ;  mais  fan- 
a  taisie  qui  signifie  caprice,  bizarrerie,  s'escrit  avec/.  Ce  n'est  pas 
«  que  les  deux  mots  n'ayent  la  mesme  origine,  mais  le  dernier,  à 
a  force  d'estre  usité  et  dépasser  dans  les  mains  de  tout  le  monde, 
a  a  changé  son  ph  grec  en  un  F  françois.  » 

C'est  ce  dernier  précepte  qui  aurait  dû  être  appliqué  plus  ri- 
goureusement dans  les  éditions  successives  du  Dictionnaire. 

«On  doit  garder,  ajoute  le  Cahier,  les  doubles  consones  aux 
«  mots  où  il  y  en  avoit  dans  le  latin,  par  exemple,  deux  bh,  deux  ce, 
«  &QM\dd,  etc.  D'autre  costé,  pour  l'ordinaire  la  consone  n'est  pas 
«  double  dans  le  françois  quand  elle  ne  l'estoit  point  dans  le  latin.  » 

Le  Cahier,  pour  être  conséquent  avec  l'exemple  qu'il  donné  en 
écrivant  partout  consone  avec  un  seul  n,  aurait  dû  supprimer  la 
double  lettre  à  persone,  à  sonette,  à  pome,  etc.,  etc. 

«  Les  composez  et  les  dérivez  suivent  l'orthographe  de  leurs 
«  simples.  » 

Le  Cahier  passe  ensuite  en  revue  les  prépositions  latines  qui  en- 
trent dans  la  composition  des  mots  français.  «  Quand  la  préposi- 
tion a  est  suivie  d'un  g  ou  d'une  m,  ces  consones  ne  se  doublent 
pas,  excepté  pour  le  g  les  mots  où  il  est  déjà  double  en  latin.  Exem- 
ples :  aggreger,  aggresseur,  aggraver,  exaggerer»  Toute  autre  con- 
sone que  ^  ou  m  se  double  :  ahhatre,  abbonner,  abbreuver,  abbre- 
ger,  abbrutir.  »  Il  y  a  un  certain  nombre  d'exceptions  indiquées. 

«  Avec  la  préposition  ad  il  y  a  à  distinguer  ;  quelques-uns  enlè- 
vent le  d,  mais  la  meilleure  orthographe  le  conserve.  Exemples  : 
addonner,  adjoint,  adjourner,  adjouster,  adjuger,  adjuster,  ad- 
mettre, admirable,  admirai   (1),   admis,  admodier,  admonester, 

(1)  On  a  reconnu  plus  tard  que  le  mot  amiral  vient  de  l'arabe  émir.  La  pré- 
position ad  des  Latins  n'avait  rien  à  faire  ici. 


r 


CAHIERS  POUR  L'ÉDITION  DE  1694.  1 19 

addresser,  advis,  advocat.  Quelques-uns  neantmoins  escrivent  en- 
core (1)  avis,  avertissement,  avertir  et  avocat  sans  d.  » 

a  Préposition  e.  Devant  un  mot  simple  commençant  par  f,  cette 
consone  se  double.  Exemples  :  effaroucher ,  effeminer.  Devant  toute 
autre  consone  que  f,  on  met  après  la  préposition  latine  un  s.  Exem- 
ples :  esbattre,  esmouvoir,  espleiirer,  espris,  esrailler,  estester,  etc. 

«  La  préposition  sous  garde  son  s.  Exemples  :  sousbarbe,  sous- 
chantre,  souslever,  souspeser,  souspir,  soustenir,  soustraire.  Quel- 
ques-uns neantmoins  escrivent  soupir  et  soutenir. lo 

Mais  TAcadémie,  en  1740,  a  décidé  contrairement  à  la  plupart 
des  règles  des  Cahiers  de  1694.  Il  suffit  d^indiquer  quelques  mots 
extraits  des  séries  complètes  du  Cahier  qu'elle  a  rectifiés  dès  sa 
troisième  édition  :  appanage,  appaiser,  appercevoir,  etc.;  desboet- 
ter,  desbotter,  desborder,  desbourser,  esbattre,  esbranler,  escarter, 
qu'elle  écrit  les  uns  par  un  seul  p  et  les  autres  sans  s. 

Dans  le  Cahier  on  autorise  cependant  d'écrire  de  f  faillir  et  de- 
fleurir,  de  f  faire  et  défricher,  et  l'on  remarque  que  quelques  mots 
qui  n'avaient  pas  d'A  en  latin  en  ont  pris  en  français  :  aululare, 
hurler;  altus,  haut;  exaltare,  exhausser;  ostreurriyhmsXve,',  oleum, 
huile  ;  ostium,  huis  ;  octo,  huit.  » 

Voici  ce  qui  est  dit  à  Tarticle  du  Circonflexe  : 

«Le  circonflexe  mis  sur  une  syllabe  marque  bien  qu'elle  est  lon- 
gue; mais  ce  n'est  pas  pour  cela  qu'on  l'y  met,  c'est  pour  mon- 
trer qu'on  y  a  retranché  une  voyelle,  comme  on  fait  en  grec  aux 
verbes  et  aux  noms  contractes  (2).  Par  exemple,  on  le  met  en  bâiller , 

(1)  L'habitude  d'écrire  simplement  et  d'essayer  de  figurer  la  prononciation  plu- 
tôt que  rétymologie  est  plus  ancienne  en  France  que  l'Académie  de  1694  ne  paraît 
le  supposer,  car  cet  usage  remonte  à  l'époque  même  de  nos  plus  anciens  monu- 
ments écrits  du  xi^,  du  xii«  et  du  xiii^  siècle  {Lois  de  Guillaume^  Apocalypse, 
Quatre  Livres  des  rois,  etc.).  Le  mot  appellata,  que  l'Académie  de  1694  écrit 
appellée ,  est  figuré  ainsi ,  apeled  et  apelee  ;  le  tesmoignage  {testimonium)  est 
alors  testimoine  ou  tesmoigne]  les  yeux,  comme  écrivait  R.  Estienne,  sont  des 
oils,  etc.  Il  est  vrai  que,  depuis  le  xiv^  siècle,  les  clercs,  fort  épris  du  latin  , 
se  sont  donné  carrière  pour  saupoudrer  de  plus  en  plus  leurs  transcriptions  de 
lettres  étymologiques  et  souvent  de  lettres  qui  ne  le  sont  pas;  mais  c'est  à  partir 
de  la  Renaissance  de  l'antiquité  que  cette  fièvre  d'érudition  a  pris  son  plus  grand 
développement.  Voir  plus  haut,  p.  112. 

(2)  Cet  accent  circonilexe  joue  encore  dans  notre  orthographe  le  double  rôle,  de 
marquer  la  suppression  d'une  lettre,  comme  dans  affût,  affûtage,  aîné,  vous 
arrivâtes,  nous  crûmes,  etc.,  et  de  rendre  la  syllabe  longue,  comme  dans  bâche, 


120  CAHIERS  POUR  L'ÉDITION  DE  1694. 

railler,  contractes  de  beailler  et  de  riailler;  à  âge^  blessure,  fay 
pu,  ingénument,  assidûment,  etc.  Les  novateurs  de  l'orthographe 
le  veulent  substituer  à  la  place  de  Vs  muette,  et  escrivent  tempête, 
bêle,  ôter,  etc.  » 

L'opinion  des  novateurs  a  prévalu,  et  TAcadémie  a  même  re- 
tranché Taccent  circonflexe  à  la  plupart  des  mots  qui  ont  subi  une 
contraction  :  railler,  blessure,  pu,  ingénument.  Elle  Ta  conservé  à 
assidûment. 

On  lit  à  l'article  de  la  division  : 

(i  La  division  se  met  entre  deux  mots  qui,  en  effet,  ne  font 
qu'un,  mais  qui  ne  sont  pas  entièrement  joincts  :  comme  eux- 
mesmes,  re-saler,  re-sumer,  francs  -  fiefs ,  cordon -bleu,  grand- 
croix,  ciel-de-lict,  entre-post,  etc.  On  la  met  aussi  entre  la  troi- 
siesme  personne  singulière  tant  du  présent  de  l'indicatif  que  du 
futur,  et  le  pronom  personnel  il  et  elle,  et  l'impersonnel  on. 
Exemples  :  parle-il,  mange-elle,  disne-on  céans,  ira-il,  dira-elle, 
sonnera-on.  G'estoit  l'ancienne  orthographe,  dont  la  raison  est 
assez  connue  à  ceux  qui  connoissent  la  langue  françoise  du  qua- 
torziesme  et  quinziesme  siècle.  Mais  depuis  quelques  années  on 
s'est  advisé  de  mettre  entre  ces  mots  deux  tirets  et  un  t  au  mi- 
lieu, de  cette  sorte,  dira-t-il,  ira-t-on.  le  voy  grand  nombre  de 
gents  qui  s'opposent  à  cet  usage,  et  disent  qu'il  n'y  en  a  aucune 
raison,  ny  aucun  exemple  chez  nos  anciens.  Messieurs  jugeront 
si  leur  opposition  est  bien  fondée;  et  chacun  marquera,  s'il  luy 
plaist,  ce  qu'il  voudroit  changer,  corriger,  retrancher  et  adjouster 
à  tout  ce  ïraitté,  tant  pour  le  gros  et  pour  Fordre,  que  pour  le 
détail  et  pour  les  exemples.  » 

3°  Grammaire  de  Régnier  des  Marais, 

Dans  sa  Grammaire,  publiée  en  1706,  Régnier  des-Marais,  qu'on 
peut  supposer  avoir  été  le  rédacteur  des  Cahiers,  expose  les  mêmes 
principes  avec  plus  de  développements.  (Voir  plus  loin  l'analyse 
de  cette  Grammaire,  p.  136.) 

Ainsi  donc,  l'Académie  de  4694  procédait  en  matière  d'ortho- 
graphe, sous  l'influence  gréco-latine,  en  vue  d'une  conformité 
aussi  intime  que  possible  avec  l'écriture  du  latin  littéraire.  Bien 

bêche,  bellâtre,  câlin,  etc.  Il  y  a  là  une  source  de  nombreuses  difficultés  pour 
les  étrangers. 


OPINION  DE  RONSARD.  121 

qu'elle  tienne  peu  de  compte  des  concessions  que  le  latin  vulgaire, 
la  basse  latinité  et  les  écrivains  français  du  xii"  au  xvi«  siècle 
avaient  faites  à  la  prononciation ,  on  remarque  une  tendance  à 
s'écarter  de  Torthographe  des  Cahiers  de  remarques  rédigés  par 
Régnier  des  Marais;  elle  fait  quelques  sacrifices  à  la  nécessité 
de  simplifier,  qui  est  propre  au  génie  de  notre  langue  et  à  sa  pro- 
sodie. Aussi  la  lecture,  d'après  ces  principes  mixtes  de  1694,  de- 
vait être  fort  difficile,  par  suite  de  la  multiplicité  de  ces  con- 
sonnes ramenées  du  latin  du  siècle  d'Auguste,  consonnes  qui  tan- 
tôt se  prononçaient  et  tantôt  ne  se  prononçaient  point.  Ronsard, 
ainsi  que  le  grand  Corneille,  tous  deux  véritablement  Français, 
avec  des  idées  et  des  sentiments  antiques,  avaient  mieux  compris 
l'organisme  de  notre  langue.  C'est  un  grand  honneur  pour  l'Aca- 
démie d'avoir  osé,  dès  174-0,  se  déjuger  elle-même  en  renonçant 
aux  règles  et  aux  idées  théoriques  qu'elle  avait  adoptées  en  1694, 
et  d'avoir  su  rentrer  dans  la  voie  de  la  tradition  et  de  la  vérité 
pratique. 

APPENDICE  B, 

OPINION   DE   RONSARD   SUR  l'ORTHOGRAPHE   ÉTYMOLOGIQUE. 

Ronsard,  par  Tampleur  et  la  hardiesse  de  son  esprit,  devançant 
son  siècle  et  ceux  qui  l'ont  suivi,  a  découvert  en  partie  les  diffé- 
rences qui  distinguent  certaines  de  nos  lettres  de  leurs  correspon- 
dantes chez  les  anciens,  et  affirmé  les  droits  de  notre  langue  à 
une  orthographe  qui  lui  soit  propre.  11  se  rencontre  ainsi,  à  cent 
ans  de  dislance,  avec  Corneille,  pour  ouvrir  la  voie  dans  laquelle 
l'Académie  devait  successivement  entrer.  Sans  l'opposition  de  ses 
amis,  il  eût  accepté  volontiers  en  grande  partie  les  réformes  de 
Meigret  (1)  ;  mais  il  se  borne  pour  le  moment  à  l'expulsion  de  Yîj 
étymologique,  à  la  suppression  des  consonnes  superflues,  telles 
que  le  double  ce  au  mot  accorder  (qu'il  écrit  acorder),  à  l'adoptioii 
de  l'accent  aigu  dans  nombre  de  cas,  et  au  remplacement  du 
ph  par  un  f.  Il  réclame  de  nouveaux  signes  pour  i  et  u  consonnes 
(j  et  v),  pour  //  mouillé,  gn  et  cA,  et  la  restitution  de  k  et  5,  qu'il 
demande  de  remettre  en  leur  premier  honneur  (2) . 

(1)  Joachim  du  Bellay  témoigne  le  même  regret  (voir  plus  loi»,  App.  D),  et 
l'exprime  avec  une  naïve  énergie. 

(2)  Préface  de  la  Franciade. 


122  OPINIOJN  DE  RONSARD. 

Il  s'exprime  ainsi  dans  l'avertissement  au  lecteur  placé  en  tête 
de  son  Abrégé  de  Vart  poétique  (édit.  de  1623,  t.  II,  page  1616)  : 

«  l'avois  délibéré,  lecteur,  suiure  en  l'orthographe  de  mon  liure 
la  plus  grand'part  des  raisons  de  Louys  Meigret,  homme  de  sain 
et  parfait  iugemenl  (qui  a  le  premier  osé  desiller  les  yeux,  pour 
voir  l'abus  de  notre  escriture),  sans  Faduertissement  de  mes  amis, 
plus  studieux  de  mon  renom  que  de  la  vérité;  me  peignant  au 
deuant  des  yeux  le  vulgaire,  Tantiquité,  et  Topiniastre  aduis  des 
plus  célèbres  ignorans  de  nostre  temps;  laquelle  remonstrance 
ne  m'a  tant  sceu  espouuanter,  que  tu  n'y  voyes  encore  quelques 
marques  de  ses  raisons  (de  Meigret).  Et  bien  qu'il  n'ait  totalement 
raclé  la  lettre  grecque  Y,  comme  il  deuoit,  ie  me  suis  hazardé  de 
Teffacer,  ne  la  laissant  seruir  sinon  aux  propres  noms  grecs, 
comme  en  Tethys,  Thyeste,  Hippolyte,  Vlysse,  à  fin  qu'en  les 
voyant,  de  prime  face,  on  cognoisse  quels  ils  sont  et  de  quel  pais 
nouuellement  venus  vers  nous  :  non  pas  en  ces  vocables,  abisme, 
cigne,  Nimphe,  lire,  sire  (qui  vient  comme  l'on  dit  de  xupioç,  chan- 
geant la  lettre  x  en  a  (1)  ),  lesquels  sont  desia  receus  entre  nous 
pour  françois,  sans  les  marquer  de  cet  espouuantable  crochet  dey, 
ne  sonnant  non  plus  en  eux  que  nostre  i  en  ire,  simple^  lice,  lime. 
Bref,  ie  suis  d'opinion  (si  ma  raison  a  quelque  valeur),  lors  que 
tels  mots  grecs  auront  long-temps  demeuré  en  France,  les  rece- 
uoir  en  nostre  megnie  (2),  puis  les  marquer  de  Vi  françois  pour 
monstrer  qu'ils  sont  nostres,  et  non  plus  incogneus  estrangers  ; 
car  qui  est  celuy  qui  ne  iugera  incontinent  que  Sibille,  Cibelle, 
Cipris,  Ciclope,  Nimphe,  lire,  ne  soient  naturellement  grecs,  ou 
pour  le  moins  estrangers,  puis  adoptez  en  la  famille  des  François, 
sans  les  marquer  de  tel  espouuantail  de  Pythagore  ?  Tu  dois  sça- 


(1)  On  a  reconnu  depuis  la  véritable  origine,  le  latin  senior,  de  ce  mot  sire.  11  a 
été  d'abord  senre  ou  sendre  (sendra  dans  le  serment  de  842),  puis  sires,  et  enfin 
sire,  quand  Ys  du  cas-sujet  eut  disparu.  L'accusatif  sewiorem  a  donné  le  cas-régime 
seignur,  signor,  seigneur.  Identiques  à  l'origine ,  comme  moindre  et  mineur, 
mes  sire  et  mon  seigneur,  ces  deux  cas  d'un  même  mot  ont  été  conservés  dans  la 
langue,  avec  des  acceptions  différentes.  Mais,  jusqu'au  xiii«  siècle,ils  étaient  em- 
ployés l'un  comme  sujet,  l'autre  comme  régime.  «  Je  me  chevauchoie  d'Amiens  à 
Corbie;  s'encontrai  le  roi  et  sa  maisnie  (maison,  de  mansio).  —  A  cui  es  tu  ? 
dit-il.  —  Sire,  je  suis  à  mon  signor.  —  Qui  est  tes  sires .?  —  Li  barons  me  dame 
(le  mari  de  ma  dame).  -  Qui  est  ta  dame  2  —  La  famé  de  mon  signor.  »  (La  Riote 
del  monde,  dans  Nouv.  rec.  de  contes,  t.  T,  p.  473.) 

(2)  Voir  la  note  précédente. 


OPINION  DE  RONSARD.  123 

uoir  qu'un  peu  devant  le  siècle  d'Auguste,  la  lettre  grecque  T 
estoit  incogneuë  aux  Romains,  comme  l'on  peut  voir  par  toutes 
les  comédies  de  Plaute,  où  totalement  tu  le  verras  osté,  ne  se 
seruant  point  d^vn  charactere  estranger  dans  les  noms  adoptez, 
comme  Amphitruon,  pour  Amphitryon  :  et  si  tu  me  dis  qu'ancien- 
nement la  lettre  y  se  prononçoit  comme  auiourd'huy  nous  faisons 
sonner  nostre  u  latin ,  il  faut  donc  que  tu  le  prononces  encores 
ainsi,  disant  Cubelle  pour  Cybelle;  mais  ie  le  veux  dire  dauantage, 
que  Vy  n'a  pas  esté  tant  affecté  des  Latins  (ainsi  qu'asseurent  nos 
docteurs)  pour  le  retenir  comme  enseigne  en  tous  les  vocables 
des  Grecs  tournez  par  eux  en  leur  langue,  mais  ils  l'ont  ordinaire- 
ment transformé,  ores  en  u,  comme  [xuç,  mus,  ores  en  a,  xuwv,  canis, 
ores  en  o,  utcvoç,  somnus,  tournant  l'esprit  aspre  noté  sur  u  en  5, 
comme  estoit  presque  leur  vieille  coustume,  auant  que  l'aspira- 
tion h  fust  trouuée.  le  t'ay  bien  voulu  admonester  de  cecy,  pour 
te  monstrer  que  tant  s'enfaut  quMl  faille  escrire  nos  mots  françois 
par  Vy  grec,  que  nous  le  pouvons  bien  oster,  suivant  ce  que  i'ay 
dit,  hors  du  nom  naturel,  pourueu  qu'il  soit  vsité  en  nostre  lan- 
gue. Et  si  les  Latins  le  retiennent  en  quelques  lieux,  c'est  plus 
pour  monstrer  l'origine  de  leur  quantité,  que  pour  besoin  qu'ils 
en  ayent.  S'il  adulent  que  nos  modernes  sçauants  se  vueillent  tra- 
uailler  d'inuenter  des  dactyles  et  spondées  en  nos  vers  vulgaires, 
lors  à  l'imitation  des  Latins,  nous  le  pourrons  retenir  dans  les 
noms  venus  des  Grecs,  pour  monstrer  la  mesme  quantité  de  leur 
origine.  Et  si  tu  le  vois  encore  en  ce  mot,  yeux,  seulement,  sçache 
que  pour  les  raisons  dessus  mentionnées,  obéissant  à  mes  amis ,  ie 
I'ay  laissé  maugré  moy,  pour  remédier  à  Terreur  auquel  pour- 
roient  tomber  nos  scrupuleux  vieillars,  ayant  perdu  leur  marque  en 
la  lecture  des  yeux  et  Aesjeux  {sic)  :  te  suppliant,  lecteur,  vouloir 
laisser  en  mon  liure  la  lettrée,  en  sa  naïue  signification,  ne  la  de- 
prauant  point,  soit  qu'elle  commence  la  diction,  ou  qu'elle  soit  au 
milieu  de  deux  voyelles,  ou  à  la  fin  du  vocable,  sinon  en  quelques 
mots,  comme  en  ie,  en  i'eus,  iugement,  ieunesse,  et  autres,  où 
abusant  de  la  voyelle  I,  tu  le  liras  pour  I  consonne  inuenté  par 
Meigret,  attendant  que  tu  receuras  cette  marque  d'I  consonne, 
pour  restituer  l'I  voyelle  en  sa  première  liberté.  Quant  aux  au- 
tres diphthongues  (1),  ie  lesay  laissées  en  leur  vieille  corruption, 
avecques  insupportables  entassemens  de  lettres,  signe  de  nostre 

(1)  Doubles  consonnes,  selon  l'acception  d'autrefois. 


124      OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  D'ABL  AN  COURT. 

ignorance  et  de  peu  de  iugement,  en  ce  qui  est  si  manifeste  et 
certain  :  estant  satisfait  d'avoir  deschargé  mon  liure,  pour  cette 
heure,  dVne  partie  de  tel  faix  :  attendant  que  nouueaux  charac- 
teres  'seront  forgez  pour  les  syllabes  //,  gn,  ch  et  autres.  Quant 
à  la  syllabe  ph,  il  ne  nous  faut  autre  note  que  nostre  F,  qui  sonne 
autant  entre  nous  que  o  entre  les  Grecs,  comme  manifestement  tu 
peux  voir  par  ce  mot  cpiXr),  jeille  (1).  Et  si  tu  m'accuses  d'estre  trop 
inconstant  en  Forthographe  de  ce  liure,  escriuant  maintenant,  es- 
pée,  épée,  accorder,  acorder,  vestu,  vêtu,  espandre,  épandre,h\^s- 
mer,  blâmer,  tu  t'en  dois  colerer  contre  toy  mesmes,  qui  me  fais 
estre  ainsi,  cherchant  tous  les  moyens  que  je  puis  de  seruir  aux 
oreilles  dusçauant,  et  aussi  pour  accoustumer  le  vulgaire  à  ne  re- 
gimber contre  l'éguillon,  lors  qu'on  le  piquera  plus  rudement, 
monstrant  par  cette  inconstance,  que  si  i'estois  receu  en  toutes  les 
saines  opinions  de  l'orthographe,  tu  ne  trouuerois  en  mon  liure 
presque  vne  seule  forme  dePescriture  que  sans  raison  tu  admires 
tant.  » 


APPENDICE  C. 

OPINIONS  DE  PLUSIEURS  MEMBRES  DE  L'ACADEMIE  FRANÇAISE  ET  DE 
l'académie  DES  BELLES-LETTRES  SUR  L^ORTHOGRAPHE  ET  LA  RÉ- 
FORME  ORTHOGRAPHIQUE. 

(On  trouvera  plus  loin,  dans  l'Appendice  D,  l'analyse  des  méthodes 
orthographiques  proposées  par  plusieurs  d'entre  eux.) 

Nicolas  Perrot  d'Ablancourt,  membre  de  l'Académie  en 
1637.  Partisan,  ainsi  que  Bossuet  et  Corneille,  de  la  simplifi- 
cation de  l'orthographe,  il  s'exprime  ainsi  dans  la  préface  de 
sa  traduction  de  Thucydide  (Paris,  1622,  in-fol.)  : 

«  Avant  que  de  finir  il  sera  bon  de  mettre  icy  quelques  remar- 
ques touchant  l'Ortografe  et  la  Grammaire Je  suy  l'orto- 

grafe  moderne  qui  retranche  les  lettres  superflues  et  je  ne  mets 
qu'un  T  à  ataquer,  à  atendre,  pour  empescher  qu'on  ne  s'abuse 

(1)  Peut-être  faut-il  lire  çuXXov,  feuille. 


OPINION  DES  ACADÉMICIENS.  —  CORNEILLE.  125 

à  la  prononciation.  Et  ceux  qui  soustiennent  l'opinion  contraire 
ne  sçauroient  nier  que  TOrtografe  ne  se  soit  purifiée  peu  à 
peu  puisque  les  langues  ne  sont  jamais  si  parfaites  que  lors- 
qu'elles s'éloignent  le  plus  de  leur  origine,  et  qu'elles  ont  perdu, 
s'il  faut  ainsi  dire,  les  marques  de  l'enfance.  » 

Dans  Tavertissement,  qui  n'a  que  six  feuillets,  j'ai  recueilli  des 
mots  ainsi  écrits  : 

Acuser,  a  faire ,  afection,  alumer,  aparence,  aparent,  apeler^ 
aprendre,  aquerir,  atacher,  atribuer,  avaiiture,  condanner,  le  di- 
férent^  embaras^  exemter^  faloir  (il  a  falu),  flater^  flote^  frasey 
lule^  metempsîjcose y  moquer,  ocasioriy  ofrir,  raport^  raporier, 
soufrir,  stile;  il  écrit  rnodelle,  fidelle,  infidelle;  je  votj,  je  smj) 
il  supprime  le  <Z  à  je  prens,  je  vens  ;  le  ;?  à  tema  ;  il  écrit  qu'ils 
vinsent  et  omet  le  d  ei\e  t  dans  les  pluriels  :  les  grans  hommes, 
les  defaus,  etc.  Il  écrit  aussi  :  Philipey  Peloponese,  Quersonese, 
Carès,  Kios  (l'île  de  Chio). 

Pierre  Corneille,  membre  de  l'Académie  française  en  1647, 
s'est  beaucoup  préoccupé  de  l'orthographe.  Il  désirait  sinon 
une  réforme  complète,  du  moins  plus  qu'une  régularisation. 
Trente  ans  avant  la  première  édition  du  Dictionnaire  de  l'Aca- 
démie, en  tête  de  l'édition  de  luxe  donnée  par  lui-même  en 
1664  (le  Théâtre  de  P.  Corneille,  reveu  et  corrigé  par  Vau- 
theur,  impr.  à  Rouen,  2  vol.  in-fol.),  il  s'exprime  ainsi  dans 
un  Avis  au  lecteur  : 

«  Vous  trouuerez  quelque  chose  d'étrange  aux  innouations  en 
rOrtographe  que  j'ay  bazardées  icy,  et  ie  veux  bien  vous  en 
rendre  raison.  L'vsage  de  nostre  langue  est  à  présent  si  épandu 
par  toute  l'Europe,  principalement  vers  le  Nord,  qu'on  y  voit  peu 
d'Estats  où  elle  ne  soit  connue  ;  c'est  ce  qui  m'a  fait  croire  qu'il 
ne  seroit  pas  mal  à  propos  d'en  faciliter  la  prononciation  aux  es- 
trangers,  qui  s'y  trouuent  souuent  embarrassez  par  les  diuers  sons 
qu'elle  donne  quelquefois  aux  mesmes  lettres.  Les  Hollandois 
m'ont  frayé  le  chemin,  et  donné  ouuerture  à  y  mettre  distinc- 
tion par  de  différents  caractères,  que  jusqu'icy  nos  imprimeurs 
ont  employé  indifféremment.  Ils  ont  séparé  les  i  et  les  u  con- 


126         OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  CORNEILLE. 

sones  d'auec  les  i  et  les  u  voyelles,  en  se  seruant  tousiours  de 
Vj  et  de  Vv  pour  les  premières,  et  laissant  Vi  et  Vu  pour  les 

autres,  qui  jusqu'à  ces  derniers  temps  auoient  esté  confondus 

Leur  exemple  m'a  enhardy  à  passer  plus  auant.  Tay  veu  quatre 
prononciations  différentes  dans  nos  J  et  trois  dans  nos  e,  et  j'ay 
cherché  les  moyens  d'en  oster  toutes  ambiguïtez,  ou  par  des  ca- 
ractères differens,  ou  par  des  régies  générales,  auec  quelques 
exceptions.  le  ne  sçay  si  j'y  auray  réussi,  mais  si  cette  ébauche 
ne  déplaist  pas,  elle  pourra  donner  iour  à  faire  vn  trauail  plus 
acheué  sur  cette  matière,  et  peut-estre  que  ce  ne  sera  pas  rendre 
vn  petit  seruice  à  nostre  langue  et  au  public. 

«  Nous  prononçons  Vs  de  quatre  diuerses  manières  :  tantost  nous 
Taspirons,  comme  en  ces  mots,  pe^e^  chajle  ;  tantost  elle  allonge 
la  syllabe,  comme  en  ceu\-cy, pajîe,  tefte\  tantost  elle  ne  fait  au- 
cun son,  comme  à  efblouïr,  ef  branler,  il  eJîoit\  et  tantost  elle  se 
prononce  comme  vn  s,  comme  à  prejider ^  prefumer .  Nous  n'auons 
que  deux  differens  caractères,  /  et  5^  pour  ces  quatre  différentes 
prononciations  :  il  faut  donc  establir  quelques  maximes  générales 
pour  faire  les  distinctions  entières.  Cette  lettre  se  rencontre  au 
commencement  des  mots,  ou  au  milieu,  ou  à  la  fin.  Au  commen- 
cement elle  aspire  iouiour s  :  foy,  Jîen,  fauuery  fuborner  ;  à  la  fin, 
elle  n'a  presque  point  de  son,  et  ne  fait  qu'allonger  tant  soit  peu 
la  syllabe,  quand  le  mot  qui  suit  se  commence  par  vne  consone, 
et  quand  il  commence  par  vne  voyelle,  elle  se  détache  de  celuy 
qu'elle  finit  pour  se  joindre  auec  elle,  et  se  prononce  toujours 
comme  vn  z,  soit  qu'elle  soit  précédée  par  vne  consone  ou  par  vne 
voyelle. 

«  Dans  le  milieu  du  mot,  elle  est,  ou  entre  deux  voyelles,  ou 
après  vne  consone,  ou  auant  vne  consone.  Entre  deux  voyelles 
elle  passe  tousiours  pour  z,  et  après  vne  consone  elle  aspire  tous- 
iours, et  cette  différence  se  remarque  entre  les  verbes  composez 
qui  viennent  de  la  mesme  racine.  On  i^rononce  prezumerj  rezister, 
mais  on  ne  prononce  pas  conzumer,  n'y  perzister.  Ces  régies 
n'ont  aucune  exception,  et  j'ay  abandonné  en  ces  rencontres  le 
choix  des  caractères  à  l'imprimeur,  pour  se  seruir  du  grand  ou 
du  petit,  selon  qu'ils  se  sont  le  mieux  accommodez  auec  les  lettres 
qui  les  joignent.  Mais  ie  n'en  ay  pas  fait  de  mesme,  quand  l/est 
auant  vne  consone  dans  le  milieu  du  mot,  et  ie  n'ay  pu  souffrir 
que  ces  trois  mots,  rejie,  ternpejie,  vous  ejîes,  fussent  escrits  l'vn 
comme  l'autre,  ayant  des  prononciations  si  différentes.  Tay  re- 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  CORNEILLE.  127 

serué  la  petite  s  poui;  celle  où  la  syllabe  est  aspirée,  la  grande 
pour  celle  où  elle  est  simplement  allongée,  et  l'ay  supprimée  en- 
tièrement au  troisième  mot  où  elle  ne  fait  point  de  son,  la  mar- 
quant seulement  par  vn  accent  sur  la  lettre  qui  la  précède.  Fay 
donc  fait  ortographer  ainsi  les  mots  suiuants  et  leurs  semblables, 
peste,  funeste,  chaste,  refiste,  espoir  ;  tempejie,  hajie,  tefte',  vous 
êtes,  il  étoit,  éblouir,  écouter,  épargner,  arrêter.  Ce  dernier  verbe 
ne  laisse  pas  d'auoir  quelques  temps  dans  sa  conjugaison  où  il  faut 
lui  rendre  Vf,  parce  qu'elle  allonge  la  syllabe^  comme  à  l'impéra- 
tif arrejîe,  qui  rime  bien  auec  tefte,  mais  à  l'infinitif  et  en  quelques 
autres  où  elle  ne  fait  pas  cet  effet,  il  est  bon  de  la  supprimer  et 
escvïre,  farrétois,fay  arr été,  f  arrêter ay,  nous  arrêtons,  etc. 

«  Quant  à  l'e,  nous  en  auons  de  trois  sortes.  \Je  féminin  qui  se 
rencontre  tousiours  ou  seul,  ou  en  diphtongue  dans  toutes  les  der- 
nières syllabes  de  nos  mots  qui  ont  la  terminaison  féminine,  et 
qui  fait  si  peu  de  son,  que  cette  syllabe  n'est  iamais  contée  à  rien 
à  la  fin  de  nos  vers  féminins,  qui  en  ont  tousiours  vne  plus  que 
les  autres.  L'e  masculin  qui  se  prononce  comme  dans  la  langue 
latine,  et  vn  troisième  e  qui  ne  va  iamais  sans  l's,  qui  luy  donne 
vn  son  esleué  qui  se  prononce  à  bouche  ouuerte,  en  ces  mots, 
fucces,  accès,  exprès.  Or  comme  ce  seroit  vne  grande  confusion 
que  ces  trois  e  en  ces  trois  mots,  afpres,  vérité  et  après,  qui  ont 
vne  prononciation  si  différente,  eussent  vn  caractère  pareil,  il  est 
aisé  d'y  remédier,  par  ces  trois  sortes  d'e  que  nous  donne  l'im- 
primerie, e,  é,  è,  qu'on  peut  nommer  l'e  simple,  Ve  aigu  et  l'e 
graue  (1).  Le  premier  seruira  pour  nos  terminaisons  féminines, 
le  second  pour  les  latines,  et  le  troisième  pour  les  esleuées,  et 
nous  escrirons  ainsi  ces  trois  mots  et  leurs  pareils,  afpres,  vérité 
après,  ce  que  nous  estendrons  kfuccès,  excès,  procès,  qu'on  auoit 
jusqu'icy  escrits  auec  l'e  aigu,  comme  les  terminaisons  latines, 
quoy  que  le  son  en  soit  fort  différent.  Il  est  vray  que  les  impri- 
meurs y  auoient  mis  quelque  différence,  en  ce  que  cette  termi- 
naison n'estant  iamais  sans/,  quand  il  s'en  rencontroit  vne  après 
vn  e  latin,  ils  la  changeoient  en  z  et  ne  la  faisoient  précéder  que 
par  vn  e  simple.  Ils  impriment  veritez,  deïtez,  dignitez  et  non  pas 
vérités,  dettes,  dignités,  et  j'ay  conserué  cette  ortographe  ;  mais 

(1)  Il  est  regrettable  que ,  dans  cette  excellente  réforme,  Corneille  n'ait  pas, 
tout  au  contraire,  nommé  grave  l'e  que  nous  appelons  aigu,  et  aigu  celui  que  nous 
nommons  grave-,  cela  eût  été  plus  logique,  puisque  la  voix  s'abaisse  en  pesant 
sur  le  premier  et  s'élève  sur  le  second. 


128  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  CORNEILLE. 

pour  éuiter  toute  sorte  de  confusion  entre  le  son  des  mots  qui  ont 
Ve  latin  sans  /,  comme  vérité,  et  ceux  qui  ont  la  prononciation 
éleuée  comme  succès,  j'ay  crû  à  propos  de  nous  seruir  de  diffé- 
rents caractères,  puisque  nous  en  auons,  et  donner  Vè  grave  à 
ceux  de  celte  dernière  espèce.  Nos  deux  articles  pluriels,  les  et 
des  ont  le  mesme  son,  quoy  qu'écrits  avec  Ve  simple  :  il  est  si 
mal-aisé  de  les  prononcer  autrement,  que  ie  n'ay  pas  crû  qu'il 
fust  besoin  d'y  rien  changer.  le  dy  la  mesme  tliose  de  Ve  deuant 
deux  II,  qui  prend  le  son  aussi  esleué  en  ces  mots  belle,  Jidelle, 
rebelle,  etc.,  qu'en  ceux-cy,  succès,  excès  ;  mais  comme  cela  ar- 
riue  tousiours  quand  il  se  rencontre  auant  ces  deux  //,  il  suffit 
d'en  faire  cette  remarque  sans  changement  de  caractère.  Le 
mesme  arriue  deuant  le  simple  /,  à  la  fin  du  mot  mortel,  appel, 
criminel  et  non  pas  au  milieu,  comme  en  ces  mots  celer,  chanceler, 
où  Ve  auant  cette  /  garde  le  son  de  Ve  féminin. 

«  Il  est  bon  aussi  de  remarquer  qu'on  ne  se  sert  d'ordinaire  de 
Vé  aigu  qu'à  la  fin  du  mot,  ou  quand  on  supprime  1/qui  le  suit, 
comme  à  établir,  étonner  :  cependant  il  se  rencontre  souuent  au 
milieu  des  mots  auec  le  mesme  son,  bien  qu'on  ne  Fescriue  qu'avec 
vn  e  simple,  comme  en  ce  mot  seuerité  qu'il  faudroit  escrire  séué- 
rite,  pour  le  faire  prononcer  exactement,  et  peut-estre  le  feray-je 
obseruer  en  la  première  impression  qui  se  pourra  faire  de  ces 
recueils. 

«  La  double  II  dont  ie  viens  de  parler  à  l'occasion  de  Ve  a  aussi 
deux  prononciations  en  nostre  langue,  l'vne  sèche  et  simple,  qui 
suit  l'ortographe,  l'autre  molle  qui  semble  y  joindre  vne  h.  Nous 
n'auons  point  de  différents  caractères  à  les  distinguer,  mais  on  en 
peut  donner  cette  régie  infailhble.  Toutes  les  fois  qu'il  n'y  a  point 
d'i  auant  les  deux  II,  la  prononciation  ne  prend  point  cette  mol- 
lesse :  en  voicy  des  exemples  dans  les  quatre  autres  voyelles, 
baller,  rebeller,  coller,  annuller.  Toutes  les  fois  qu'il  y  a  vn  i 
auant  les  deux  //,  soit  seul,  soit  en  diphtongue,  la  prononciation 
y  adj ouste  vne  h.  On  escrit  bailler,  éueiller,  briller,  chatouiller, 
cueillir  et  on  prononce  baillher,  éueillher,  brillher,  chatouillher, 
cueillhir.  11  faut  excepter  de  cette  régie  tous  les  mots  qui  vien- 
nent du  latin  et  qui  ont  deux  II  dans  cette  langue,  comme  ville, 
mille,  tranquille,  imbeci  lie,  distille,  il  lustre, illégitime,  illicite,  etc. 
le  dis  qui  ont  deux  //  en  latin,  parce  que  les  mots  de  fille  el  fa- 
mille en  viennent  et  se  prononcent  auec  cette  mollesse  des  autres, 
qui  ont  Vi  deuant  les  deux  II  et  n'en  viennent  pas;  mais  ce  qui  fait 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —CORNEILLE.  129 

cette  différence,  c'est  qu'ils  ne  tiennent  pas  les  deux  //  des  mots 
latins  filia  et  familia  qui  n'en  ont  qu'vne,  mais  purement  de 
nostre  langue.  Cette  régie  et  cette  exception  sont  générales  et  as- 
seurées.  Quelques  modernes^  pour  oster  toute  l'ambiguïté  de  cette 
prononciation,  ont  escrit  les  mots  qui  se  prononcent  sans  la  mol- 
lesse de  Vh  auec  vne  /  simple,  en  cette  manière,  tranquiley  imbé- 
cile, distile,  et  cette  ortograpbe  pourroit  s'accommoder  dans  les 
trois  voyelles  «,  o,  w,  pour  escrire  simplement  baler,  affoler,  an- 
nuler,  mais  elle  ne  s'accommoderoit  point  du  tout  auec  Ve  et  on 
auroit  de  la  peine  à  prononcer  fidelle  et  belle  si  on  escriuoit  fidèle 
et  bêle  ;  Vi  mesme  sur  lequel  ils  ont  pris  ce  droit  ne  le  pourroit 
pas  souffrir  tousiours  et  particulièrement  en  ces  mots  ville,  mille, 
dont  le  premier,  si  on  le  reduisoit  à  vne  /  simple,  se  confondroit 
auec  vile,  qui  a  vne  signitication  toute  autre. 

«  Il  y  auroit  encor  quantité  de  remarques  à  faire  sur  les  diffé- 
rentes manières  que  nous  auons  de  prononcer  quelques  lettres  en 
nostre  langue;  mais  ie  n'entreprends  pas  de  faire  vn  traité  entier 
de  l'ortographe  et  de  la  prononciation,  et  me  contente  de  vous 
auoir  donné  ce  mot  d'auis  touchant  ce  que  i^ay  innoué  icy.  Comme 
les  imprimeurs  ont  eu  de  la  peine  à  s'y  accoustumer,  ils  n'auront 
pas  suiuy  ce  nouuel  ordre  si  punctuellement  qu'il  ne  s'y  soit  coulé 
bien  des  fautes  :  vous  me  ferez  la  grâce  d'y  suppléer.  )> 

On  peut,  en  effet,  juger  du  désordre  orthographique  qui  s'é- 
tait introduit  dans  les  imprimeries  d'alors  par  la  longue  cita^ 
tion  textuelle  que  je  viens  de  reproduire.  Ce  n'est  donc  point  un 
faible  service  que  rendit  la  pubhcation  du  Dictionnaire  de  l'Aca- 
démie en  apportant  quelque  remède  à  cette  anarchie. 

C'est  un  grand  mérite  à  Corneille  d'avoir  proposé,  comme  nous 
venons  de  le  voir,  une  accentuation  régulière  de  Ve  plus  de  cent 
ans  avant  que  l'Académie  l'introduisit  complètement  dans  le  Dic- 
tionnaire. Quanta  la  distinction  qu'il  suggère  de  1'/ longue  et  de  la 
petite  5,  elle  devint  inutile  dès  1740  par  l'emploi  de  Vé  aigu  et  de 
Vê  circonflexe,  ces  deux  accents  ayant  remplacé  Vs. 

Il  est  regrettable  que  Corneille,  sans  doute  à  cause  de  son  âge. 
n'ait  pu  assister  aux  premières  délibérations  des  Cahiers;  son  auto- 
rité, secondée  par  celle  de  Bossuet,  eût  sans  doute  fait  prévaloir 
beaucoup  d'améliorations  dont  quelques-unes  ne  sont  pas  encore 
réalisées. 


130  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  BOSSU  ET. 

Jacques-Bénigne  Bossuet  ,  membre  de  l'Académie  vers 
1670,  prit  une  part  active  à  la  rédaction  du  Dictionnaire.  Ses 
idées  en  matière  d'orthographe ,  dont  on  trouve  quelques 
traces  dans  le  manuscrit  existant  à  la  Bibliothèque  impériale 
des  Résolutions  de  r Académie  française  touchant  V ortho- 
graphe (1),  sont  aussi  libérales  que  progressives.  On  en  jugera 
par  les  quelques  passages  suivants  que  j'extrais  de  l'introduc- 
tion des  Cahiers  dans  l'édition  donnée  par  M.  Marty-Laveaux  : 

c(  Parmi  les  lettres  qui  ne  se  prononcent  pas  et  que  FAcadémie 
a  dessein  de  retenir,  il  y  en  a  qui  ne  seruent  guère  a  faire  con~ 
noistre  l'origine;  de  plus  il  faut  marquer  de  quelle  origine  on 
ueut  parler,  car  l'ancienne  orthographe  retient  des  lettres  qui 
marquent  l'origine  a  l'égard  des  langues  étrangères,  latine,  ita- 
lienne, alemande,  et  d'autres  qui  font  connoistre  l'ancienne  pro- 
nonciation de  la  France  mesme.  II  faut  demesler  tout  cela. 
Autrement  des  le  premier  pas  on  confondra  toutes  les  idées.  » 

«  On  ueut  suivre,  dit-on,  Tancienne  orthographe  (art.  I«  des 
Cahiers)  et  cependant  on  la  condamne  ici  et  ailleurs  une  infinité 
de  fois.  Ueut  on  écrire  recebuoir,  deuh^  nuict^  etc.?  On  les  reiette. 
Ce  n'est  donc  pas  l'ancienne  orthographe  qu'on  ueut  suiure,  mais 
on  ueut  suiure  l'usage  constant  et  retenir  les  restes  de  l'origine  et 
les  uestiges  de  ^antiquité  autant  que  Pusage  le  permettra.  » 

On  avait  proposé  de  dire  dans  les  Résolutions  :  «  C'est  une  vi- 
laine et  ridicule  orthographe  d'escrire  par  un  a  ces  syllabes  qu'on 
a  touiours  escrites  en  et  ent,  par  exemple  d'orthographier  antre- 
prandrej  commancemant,  anfant,  sansemant,  etc.  »  Bossuet,  plus 
grammairien  en  cette  circonstance  que  Régnier  des  Marais,  qui 
voulait  qu'on  passât  à  l'ordre  du  jour,  s'exprime  en  ces  termes  : 

«  II  y  a  pourtant  ici  quelques  règles  adonner  pour  l'instruction. 
La  règle  la  plus  générale  c'est  de  retenir  en  par  tout  ou  il  y  a  en 
ou  in  en  latin,  comme  dans  in,  intra  et  leurs  composez.  Cepen- 
dant dans  les  participes  qui  ont  ens  en  latin  on  ne  laisse  pas  de 
dire  en  francois  lisant,  peignant,  oijant,  feignant,  etc.,  et  de 
mesme  pour  les  gérondifs  légende,  patiendo,  en  lisant,  en  pâtis- 
sant, etc.  Les  mesmes  participes  deuenant  adiectifs  reprennent  Ve 

(1)  c'est  le  titre  primitif  des  Cahiers  sur  l'orthographe. 


t 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  BOSSUET.  131 

comme  intelligens,  intelligent^  paiiens,  patient,  negligens,  négli- 
gent, et  ainsi  des  autres.  On  pourroit  donc  donner  pour  règle  que 
tous  les  participes  et  gérondifs  ont  ant,  que  tous  les  adverbes 
et  noms  en  mant  s'escriuent  ment^  parce  que  les  noms  semblent 
uenir  de  quelques  latins  terminez  en  mentum,  et  les  adverbes 
semblent  uenir  '.fortement  de  forti  mente 

«  Au  reste,  je  ne  uoudrois  pas  faire  de  remarques  contre  Tor- 
thographe  impertinente  de  Ramus,  mais  on  peut  faire  uoir  par 
cet  excez  l'équité  de  la  règle  que  la  Compaignie  propose  comme 
je  le  dis  a  la  fin 

((  Le  principal  est  de  se  fonder  en  bons  principes  et  de  bien 
faire  connoistre  ^intention  de  la  Compaignie  :  qu'elle  ne  peut 
souffrir  une  fausse  règle  qu'on  a  uoulu  introduire  d'escrire  comme 
on  prononce,  parce  qu^en  uoulant  instruire  les  estrangers  et  leur 
faciliter  la  prononciation  de  nostre  langue,  on  la  fait  mescon- 
noistre  aux  François  mesmes.  Si  on  ecrivoit  tam,  chan,  cham, 
emaîs  ou  émês,  anterreman,  connaissais  (1),  faisaient,  qui  recon- 
noistroit  ces  mots?  On  ne  lit  point  lettre  à  lettre,  mais  la  figure 
entière  du  mot  fait  son  impression  tout  ensemble  sur  l'œil  et  sur 
l'esprit,  de  sorte  que  quand  cette  figure  est  considérablement 
changée  tout  à  coup,  les  mots  ont  perdu  les  traits  qui  les  rendent 
reconnoissables  a  la  uetie  et  les  yeux  ne  sont  point  contents  (2). 
Il  y  a  aussi  une  autre  ortographe  qui  s'attache  scrupuleusement  a 
toutes  les  lettres  tirées  des  langues  dont  la  nostre  a  pris  ses  mots, 
et  qui  ueut  escrire  nuict^  escripiure,  etc.  Celle  la  blesse  les  yeux 
d'une  autre  sorte  en  leur  remettant  en  ueûe  des  lettres  dont  ils 
sont  desaccoutumez  et  que  l'oreille  n'a  iamais  connus  (sic)  (3). 

(1)  c'est  pourtant  ainsi  que  l'on  écrit  ce  mot  aujourd'hui, 

(2)  Je  n'ai  pu  vérifier  sur  l'original  la  manière  dont  ce  mot  est  écrit  par  Bossuet, 
et  cependant  son  esprit  logique  le  conduisait  à  écrire  comme  on  prononce  : 
CONTANT.  Ainsi,  dans  le  manuscrit  original  de  Bossuet  du  troisième  sermon 
tout  entier  que  j'ai  examiné,  il  écrit,  p.  37 ,  contanter;  p.  38,  contant;  p.  39, 
conianiement ;  p.  45,  pourvu  que  je  sois  contant.  Ce  n'est  donc  pas  un  lapsus 
calami,  puisque  jamais  dans  ces  mots  Va  n'est  remplacé  par  l'e.  Il  en  est  de 
même  pour  le  mot  atantif;  ainsi  on  lit,  p.  39  (recto),  atantions  et  {verso)  atan- 
tifs]  p.  40,  atantifs  et  atantion;  p.  46,  atantif;  à  la  page  48  (verso),  la  raison 
touiours  atantive  et  touiours  constante.  Ailleurs,  il  écrit  avec  un  seul  t  :  ataque, 
flate,  frote,  et  sans  y  les  mots  tiran,  mistere,  misterieux.  Dans  un  autre  sermon, 
p.  17,  je  lis  :  n'est-ce  pas  lui  qui  les  a  assamblés  ?  Voir  App.  E. 

(3)  On  peut  aujourd'hui,  grâce  au  progrès  des  études  philologiques,  reconnaître 
tout  ce  que  cette  remarque  ingénieuse  de  Bossuet  a  de  profond  et  de  juste.  Le 
et  des  Latins  s'était  changé  en  français  en  it  et  non  en  et  ;  exemple  :  nuit,  fait^ 


132  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  BOSSUET. 

C'est  la  ce  qui  s'appelle  l'ancienne  orthographe  uicieuse.  La  Com- 
paignie  paroistra  conduite  par  un  iugement  bien  réglé  quand  après 
auoir  marqué  ces  deux  extremitez  si  manifestement  uitieuses,  elle 
dira  qu'elle  ueut  tenir  un  juste  milieu.  Qu'elle  se  propose  : 

«  10  De  suiure  l'usage  constant  de  ceux  qui  sçauent  écrire; 

«  2°  Qu'elle  ueut  tascher  de  rendre  autant  qu'il  se  pourra 
l'usage  uniforme; 

«  3°  De  le  rendre  durable  ; 

((  Qu'elle  a  dessein  pour  cela  de  retenir  les  lettres  qui  marquent 
l'origine  de  nos  mots,  sur  tout  celles  qui  se  uoyent  dans  les  mots 
latins,  si  ce  n'est  que  l'usage  constant  s'y  oppose;  que  comme 
la  langue  latine  ne  change  plus,  cela  servira  à  fixer  nostre  ortho- 
graphe; que  ces  lettres  ne  sont  pas  superflues  parce  qu'outre 
qu'elles  marquent  l'origine,  ce  qui  sert  mesme  a  mieux  apprendre 
la  langue  latine,  elles  ont  diuers  autres  usages,  comme  de  mar- 
quer les  longues  et  les  breues,  les  lettres  fermées  et  ouuertes,  la 
différence  de  certains  mots  que  la  prononciation  ne  distingue 
pas,  etc.  Que  la  Compaignie  prétend  retenir  non  seulement  les 
lettres  qui  marquent  l'origine,  mais  encore  les  autres  que  l'usage 
a  conseruées,  par  ce  qu'oultre  qu'elle  ne  ueut  point  blesser  les 
yeux  qui  y  sont  accoustumez^  elle  désire  autant  qu'il  se  peut  que 
l'usage  deuienne  stable,  ioint  qu'elles  ont  leur  utilité  qu'il  faudra 
marquer,  etc.  » 

Ce  juste  milieu  que  Bossuet  proposait  à  l'illustre  Compagnie  de 
tenir  entre  l'orthographe  ancienne,  surchargée  de  lettres  préten- 
dues étymologiques  qui  ne  se  prononçaient  pas,  et  l'écriture  des 
novateurs,  purement  figurative  de  la  prononciation ,  est  encore 
aujourd'hui  le  parti  de  la  sagesse.  L'Académie  de  4694  ne  s'en 
tint  pas  à  ces  idées;  elle  se  jeta  alors,  à  la  suite  de  Régnier  des 
Marais  et  des  latinistes,  et  contrairement  aux  principes  de  Cor- 
neille et  de  Bossuet,  dans  une  voie  hérissée  de  difficultés  en  vou- 
lant concilier  à  la  fois  la  tradition  de  la  prononciation  du  français, 
l'usage  qui  tend  sans  cesse  à  simplifier,  et  la  conformité  au  latin, 
où,  à  défaut  d'une  accentuation  écrite,  la  duplication  de  la  con- 
sonne semble  avoir  eu  pour  but  de  rendre  longue  la  syllabe  qui  la 
précède.  En  transportant  ainsi  au  français  les  règles  de  la  quan- 

trait,  étroit,  réduit,  conduit;   allaicter,  nuictjaict,  étroict,  etc.,  ne  sont  que 
de  malencontreuses  corrections  des  grammairiens  du  xvi'  siècle. 


OPINIONS  DES  A.GADÉ1MICIENS.  —  DANGEA.U.  133 

tité  du  latin,  on  s'exposerait  à  méconnaître  profondément  le  génie 
de  notre  langue. 

Bossuet  avait  pressenti  cet  écueil,  car  on  trouve  encore  cette 
note  de  sa  main  : 

«  Il  faudroit  expliquer  a  fond  la  quantité  francoise  en  quelque 
endroit  du  Dictionnaire  aussi  bien  que  Torthographe.  La  princi- 
pale remarque  à  faire  sur  cela,  c'est  que  la  poésie  francoise  n'a 
aucun  égard  à  la  quantité  que  pour  la  rime  et  nullement  pour  le 
nombre  et  pour  la  mesure;  ce  qui  fait  soupçonner  que  nostre 
langue  ne  marque  pas  tant  les  longues  a  beaucoup  près  que  ia 
grecque  et  la  latine.  » 

Les  travaux  les  plus  récents  ont  encore  une  fois  donné  raison 
à  Bossuet  en  établissant  qu'il  n'existe  pas  en  français  de  quantité 
métrique,  c'est-à-dire  mesurable,  mais  bien  un  accent  tonique, 
placé  en  général  sur  la  môme  syllabe  qui  le  portait  dans  le  mot 
du  latin  rustique  dont  est  sorti  notre  idiome. 

L'abbé  de  Dangeau,  membre  de  l'Académie  française  en 
4682. 

((  Il  y  aurait,  dit  M.  Gabriel  Henry  {Hist.  de  ia  langue  française), 
de  l'ingratitude  à  passer  sous  silence  les  services  essentiels  que 
l'abbé  de  Dangeau  rendit  à  la  langue  en  nous  donnant  une  idée 
claire  de  ses  sons  originaires,  en  fixant  irrévocablement  la  nature 
du  son  nasal,  confondu  si  souvent  avec  les  consonnes  par  nos  an- 
ciens grammairiens,  en  examinant  la  nature  des  temps  du  verbe 
et  en  nous  en  faisant  connaître  les  différentes  propriétés.  On  re- 
grette, pourtant,  qu'il  ne  nous  ait  pas  développé  ses  idées  dans  toute 
la  suite  d'un  système  grammatical  ;  mais  le  peu  qu'il  nous  a 
laissé  lui  assure  une  place  distinguée  parmi  nos  grammairiens. 
Ses  successeurs  n'ont  eu  qu'à  le  copier  dans  les  articles  qu'il  a 
rendus  publics.  » 

Dangeau  reconnaît  dans  la  langue  française  quinze  voyelles  ou 
sons  simples  qu'il  classe  ainsi  : 

Cinq  voyelles  latines  :  a^é,  i,  0,  u  ; 

Cinq  voyelles  françaises  :  ou,  eUy  au,  è  ouvert  (comme  dans 
cyprès)^  e  muet  (comme  dans  Jws^e); 

Cinq  voyelles  sourdes  ou  esclavones,  ou  nasales  :  an,  en,  in, 
on,  un. 


134  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  CHOISY. 

a  Chez  les  Latins,  dit-il,  des  mots  dérivés  du  grec  sont  écrits  tantôt 
par  ph  et  tantôt  par  /.  Preuve  certaine  qu'ils  ne  prononçoient  pas 
le  ph  comme  Vf.  Quand  il  leur  est  arrivé  d'adoucir  Taspiration 
du  (p  grec,  ils  ne  se  sont  plus  servis  du  ph.  Pourquoi  donc  ne  pas 
imiter  les  Italiens  et  les  Espagnols,  qui  n'ont  pas  crû  être  obligez 
à  garder  l'ortographe  latine  dans  les  mots  venus  du  grec,  et  qui 
écrivent  teologo  sans  h,  filosofo  et  Filippo  par  des/,  etc.  ?  /) 

Tout  le  travail  de  l'abbé  Dangeau,  qui  occupe  les  pages  1  à 
231  des  Opuscules  de  d'Olivet,  cités  au  bas  de  cette  page,  mérite 
d'être  lu  avec  attention  :  non-seulement  on  y  trouve  les  vues  les 
plus  originales,  les  plus  justes  et  les  plus  profondes  sur  la  classi- 
fication des  sons  du  français,  mais  de  curieux  détails  sur  la  pro- 
nonciation de  la  fin  du  dix-septième  siècle.  Voir  à  l'Appendice  D 
'analyse  de  la  réforme  de  Dangeau. 

L'abbé  de  Ghoisy  ,  membre  de  l'Académie  française  en 
1687. 

En  tête  de  son  Journal  de  l'Académie  françoise  (1),  il  donne 
les  explications  suivantes  : 

«  Au  commencement  de  l'année  1696,  l'Académie  résolut,  à  la 
pluralité  des  voix,  qu'on  travailleroit  en  deux  Bureaux  ;  que,  dans 
le  premier,  on  reverroit  le  Dictionnaire,  et  que,  dans  le  second, 
on  proposeroit  des  doutes  sur  la  langue,  qui,  dans  la  suite,  pour- 
roient  servir  de  fondement  à  une  Grammaire.  Messieurs  Charpen- 
tier, Perrault,  Corneille  (T.),  et  MM.  les  abbez  de  Dangeau  et  de 
Choisy  promirent  assiduité  au  second  Bureau  ;  c'est  le  dernier 
nommé  (deces  membres)  qui  se  chargea  de  tenir  la  plume  pendant 
le  reste  du  quartier.  » 

Suivent  les  questions  rangées  par  chapitres,  où  l'abbé  de  Choisy 
expose  les  diverses  opinions  de  chacun  pour  et  contre;  il  s'occupe 
plutôt  des  difficultés  grammaticales  proprement  dites,  cependant 
il  déclare  «  que  les  caractères  sont  faits  pour  peindre  les  sons,  et 

(1)  Ce  journal,  dont  FAcadémie  ne  voulut  point  permettre  la  publication, 
parce  que  cette  société  trouvait  qu'il  était  d'un  style  trop  libre  et  ressemblait 
trop  à  celui  du  Journal  de  Siam,  du  même  auteur,  a  paru  dans  le  volume  pu- 
blié en  1754  (par  d'Olivet)  sous  le  titre  d'Opuscules  sur  la  langue  françoise, 
par  divers  académiciens,  Paris,  Brunet,  in- 12. 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -CHOISY.  135 

que,  par  conséquent^  l'orthographe  la  moins  imparfaite  est  celle 
qui  nous  expose  le  moins  à  prononcer  mal.  » 

Voici  au  xix^  chapitre^,  relatif  à  V Orthographe,  un  récit  curieux 
des  difficultés  qu'offrait  ce  genre  de  discussion  dans  l'Académie 
pour  le  Dictionnaire  de  1694,  difficultés  qui  se  reproduisirent 
pour  l'édition  de  1740  et  dont  l'ahbé  d'Olivet  nous  a  donné  le 
récit. 

«  Un  de  Messieurs,  rapporte  de  Ghoisy,  sur  la  fin  de  la  séance 
précédente,  avoit  proposé  de  faire  quelques  changemens  à  l'ortho- 
graphe de  l'AcadémiC;,  et,  par  exemple,  de  mettre  une  s,  pour  plus 
grande  uniformité,  à  tous  les  pluriels  (ce  que  Corneille  avait  pro- 
posé dès  1666).  Un  autre,  qui  abhorre  les  changemens,  a  com- 
mencé aujourd'hui  par  nous  mettre  devant  les  yeux  ces  deux  vers 
d^Athalie  : 

Quel  est-il  cet  objet  des  pleurs  que  vous  versez  ? 
Les  jours  d'Éliacin  seroient-ils  menacez  ? 

c(  Vous  prétendez,  nous  a-t-il  dit,  qu'il  est  à  propos  que  l'écri- 
ture fasse  distinguer  le  verbe  d'avec  les  substantifs,  adjectifs  et 
participes,  ce  qui  sera  très-aisé,  lorsqu'on  réservera  Vs  pour  les 
pluriels  de  tous  ceux-ci,  et  le  z  pour  le  verbe  seul.  Ainsi,  selon 
vous,  il  faudra  écrire  : 

Quel  est-il  cet  objet  des  pleurs  que  vous  versez? 
Les  jours  d'Éliacin  seroient-ils  menacés  ? 

«  Mais  cette  imagination  n'est  pas  nouvelle,  puisqu'il  y  a  deux 
siècles  qu'elle  a  été  proposée,  sans  néanmoins  que  le  public  ait 
paru  en  faire  cas.  Il  n'y  a  qu'à  ouvrir  les  Grammaires  de  Ramus, 
de  Pelletier  et  de  bien  d'autres  qui  s'érigèrent  en  réformateurs 
d'orthographe  peu  de  temps  après  la  mort  de  François P^  On  s'est 
moqué  d'eux.  Hé  !  depuis  quand  l'orthographe  auroit-elle  pour  but 
de  spécifier  et  de  faire  distinguer  les  parties  d'oraison?  Assuré- 
ment, sur  cent  femmes  qui  parlent  très-bien,  et  qui  même  écri- 
vent correctement,  il  n'y  en  a  pas  dix  qui  sachent  ce  que  c'est  que 
participe.  Versez  est  un  verbe,  menacez  est  un  participe  :  donc  il 
faut  les  écrire  différemment?  Pour  moi,  je  ne  vois  ici  qu'un  prin- 
cipe qui  soit  également  avoué,  tant  par  ceux  qui  se  plaisent  à  in- 


136  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  CHOISY. 

troduire  des  nouveautez,  que  par  ceux  qui  tiennent  pour  l'usage 
ancien.  Quel  est  ce  principe?  Que  les  caractères  sont  faits  pour 
peindre  les  sons,  et  que,  par  conséquent,  Forthographe  la  moins 
imparfaite  est  celle  qui  nous  expose  le  moins  à  prononcer  mal.  Or 
il  est  clair  que  ce  mot,  menacez,  se  prononce  absolument  de 
même,  et  sans  la  plus  légère  différence,  soit  qu'on  le  fasse  verbe, 
comme  quand  je  dis,  vous  menaces,  soit  qu'on  le  fasse  participe, 
comme  dans  le  vers  de  M.  Racine,  seroient-ils  menacez.   Pour- 
quoi donc,  où  il  ne  s'agit  que  d'un  seul  et  môme  son,  employer 
deux  signes  différens?  Une  règle  d'orthographe  qui  suppose  qu'on 
sait  toujours  distinguer  le  verbe  d'avec  un  nom,  n'est  bonne  que 
pour  ceux  qui  ont  étudié;  au  lieu  que  celle  qui  fut  adoptée  par 
nos  pères  est  à  la  portée  de  tout  le  monde.  Personne,  en  effet, 
ne  manque  assez  d'oreille  pour  confondre  l'é  ouvert  comme  dans 
procès,  succès^  avec  Vé  fermé,  comme  dans  aimé,  bonté.  Voilà  le 
cas  où  il  est  utile  d'avoir  deux  signes,  puisqu'il  y  a  deux  sons. 
Aussi  prenons-nous  \'s  pour  le  signe  de  l'è  ouvert,  procès,  succès  ; 
et  le  z  pour  le  signe  de  Vé  fermé,  quand  le  mot  est  au  pluriel, 
vous  aimez,  vous  êtes  aiînez.  Règle  qui  ne  souffre  aucune  excep- 
tion, qui  se  conçoit  sans  étude,  qui  se  retient  sans  effort.  On  ac- 
centue l'è  quand  il  est  ouvert,  procès,  de  peur  qu'on  ne  le  prenne 
pour  un  e  muet,  comme  dans  frivoles,  paroles,  où  Ys  n'a  lieu  que 
pour  marquer  le  pluriel.  Ajoutons  que  le  s  a  cela  de  commode, 
qu'il  nous  dispense  de  lever  la  main  pour  former  un  accent.  On 
écrit  tout  de  suite  boutez;  au  lieu  que  pour  écrire  bontés,  il  faut 
que  j'aie  l'attention  et  la  patience  d'aller  chercher  la  lettre  qui 
doit  recevoir  l'accent,  et  que  je  risque  encore  de  mettre  un  grave 
pour  un  aigu.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'Académie  ne  s'est  jamais  dé- 
partie du  z,  et  cette  raison  en  vaudra  toujours  mille  autres  pour 
moi.  Je  ne  dis  point  que  pour  observer  celte  belle  uniformité  dans 
tous  les  pluriels,  il  faudroit  donc  écrire,  les  travaus,  les  gens  heu- 
reus,  nos  vœus,  0 1  que  nos  livres  en  deviendroient  bien  plus 
beausl  » 

«Après  avoir  entendu  ce  que  je  viens  de  rapporter,  et  qui  avoit 
été  dit  avec  un  peu  de  chaleur,  tout  le  monde  jugea  que  le  mieux 
étoit  d'abandonner  la  matière,  parce  qu'on  a  toujours  vu  que  les 
disputes  sur  l'orthographe  ne  tinissoient  point,  et  que  d'ailleurs 
elles  n'ont  jamais  converti  personne.  » 

On  traita  ensuite  cette  question  d'orthographe  :  «  Chapitre  xx. 


I 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  CHOISY.  137 

Tai  été  'payé  des  sommes  qu^on  m'avoïi  données,  ou,  donné  à  rece- 
voir d^un  tel  (1). 

«  Le  premier  opinant  a  dit  qu'il  falioit  dire,  fai  été  payé  des 
sommes  qu'on  m'avoit  données  à  recevoir^  parce  que,  les  sommes 
étant  au  pluriel,  données  y  devoit  être  aussi. 

«  Pour  moi,  a  dit  le  second  opinant,  je  suis  d^un  avis  contraire. 
Les  sommes  sont  reçues^  et  non  pas  données.  Ce  qu'on  donne, 
c'est  à  recevoir  :  on  reçoit  les  sommes.  Ainsi  il  faut  dire,  donné  à 
recevoir. 

a  Un  troisième,  se  rangeant  du  côté  du  second,  a  dit  que,  si  l'on 
pouvoit  renverser  la  phrase  et  dire,  à  lesquelles  recevoir  on  m'a 
donné  y  on  verroit  bien  que  recevoir  régit  les  sommes,  et  que 
donné  régit  recevoir.  On  m'a  donné  à  faire  quelque  chose;  l'ac- 
tion qu'on  m'a  donnée  à  faire,  c'est  de  recevoir.  Au  lieu  de  don- 
ner, mettons  Je  mot  de  prier  ;  et  au  lieu  de  dire,  les  sommes 
quon  m^a  donné  à  recevoir,  disons,  qu^on  m'a  prié  de  recevoir  ; 
vous  verrez  que  vous  ne  sauriez  dire,  les  sommes  quon  m'a 
priées  de  recevoir,  mais  qu'il  faut  dire ,  qu'on  m'a  prié  de  rece- 
voir, 

a  Le  quatrième  opinant  a  été  de  même  avis  :  que  ce  qu'on  don- 
noit  n'étoit  pas  les  sommes,  mais  une  action  à  faire.  On  me  donne 
à  recevoir  ces  sommes-là  et  Ton  ne  me  donne  pas  ces  sommes-là. 

«  Ceux  qui  ont  suivi  ont  dît  qu'ils  avoient  bien  vu  d'abord  qu'il 
falioit  dire  donné  à  recevoir,  ne  consultant  que  l'usage;  et  que  ce 
qu'avoient  dit  les  derniers  opinans,  les  confirmoit  dans  uil  avis 
dont  ils  n'avoient  pas  examiné  jusques-là  toutes  les  raisons  gram- 
maticales. 

«Mais,  Monsieur,  a  repris  quelqu'un,  si  pour  juger  de  la  bonté 
d'une  phrase,  il  est  nécessaire  d'examiner,  comme  viennent  de 
faire  ces  Messieurs,  et  les  verbes  et  leurs  régimes,  si  c'est  un 
participe,  ou  un  gérondif,  où  en  serons-nous?  J'ai  bien  peur  que 
ces  Messieurs  qui  raisonnent  tant,  ne  trouvent  moyen  de  nous  four- 
nir aujourd'hui  des  raisons  pour  une  opinion,  et  demain  d'autres 
raisons  aussi  bonnes,  peut-être  meilleures,  pour  le  sentiment 
contraire.  Je  me  souviens  d'avoir  vu  faire  quelque  chose  de  sem- 
blable à  feu  Monsieur  de  Marca  dans  nos  assemblées  du  clergé  : 
il  soutenoit  tantôt  un  avis,  et  tantôt  un  autre,  selon  les  occasions; 

(1)  Après  deux  siècles,  des  questions  quelque  peu  analogues  sontencore  en 
litige.  Et  adhuc  subjudice  lis  est. 


138  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.-  CHOISY. 

et  il  avoit  toujours  à  nous  alléguer  quelque  canon,  qui  paroissoit 
fait  exprès  pour  lui.  Ainsi^  Messieurs,  tous  vos  raisonnemens  me 
paroissent  fort  suspects. 

c(  Hé  bien,  Monsieur,  trouvons  un  moyen  de  nous  accommoder, 
a  dit  un  (1)  de  ceux  qui  est  le  plus  accusé  d'aimer  à  raisonner. 
Quand  on  vous  présente  une  phrase,  le  grand  usage  que  vous  avez 
du  beau  monde,  du  monde  poli,  fait  que  vous  prenez  aisément 
le  bon  parti.  C'est  peut-être  par  un  usage  qui  en  approche,  que 
nous  nous  déterminons  aussi,  ces  autres  Messieurs  et  moi.  Mais 
après  avoir  porté  notre  premier  jugement,  et  avoir  dit.  Cette  ma- 
nière de  parler  me  plaît,  ou  me  déplaît,  nous  rentrons  un  peu  en 
nous-mêmes,  et  nous  nous  disons  :  Voyons  un  peu  ce  qui  rend  cette 
manière  de  parler  vicieuse;  voyons  ce  qui  la  rend  bonne.  Alors 
ayant  recours  à  nos  participes,  à  nos  régimes,  à  nos  gérondifs,  et 
à  tout  cet  attirail,  que  vous  avez  peur  qui  ne  vienne  du  pays  latin, 
nous  tâchons  de  découvrir  les  raisons  de  notre  premier  goût,  et 
nous  sommes  quelquefois  assez  hardis  pour  faire  quelques  petites 
règles  générales,  à  Toccasion  d'un  sentiment  particulier.  Un 
homme  voit  un  bâtiment  :  du  premier  coup  d'œil  il  dit  :  Cela  me 
plaît,  cela  me  déplaît.  Il  y  a  tel  homme  de  bon  goût,  qui  par  le 
grand  usage  qu'il  a  d'avoir  vu  des  maisons,  d'avoir  connu  celles 
qui  plaisent  et  celles  qui  déplaisent  aux  connoisseurs,  dit  fort  à 
propos  :  Cela  me  plaît,  cela  me  déplaît.  Demandez-lui-en  la  rai- 
son, il  ne  sauroit  vous  la  dire.  Mais  faites  venir  M.  Perrault  :  aus- 
si-tôt Vitruve  en  campagne,  les  cinq  ordres  d'architecture,  et 
tout  ce  qu'il  sait  par  sa  méditation,  jointe  à  un  grand  usage  des 
bâtimens. 

«  Voyons,  avec  vos  règles,  a  dit  l'homme  (2j  de  Monsieur  de 
Marca,  que  direz-vous  de  cette  phrase:  Elle  s'est  laissée  empor- 
ter à  la  colère  ?  Faut-il  dire  :  elle  s'est  laissé  emporter,  etc. 

«  Je  ne  blâmerois  peut-être  ni  l'un  ni  l'autre,  a-t-il  répondu. 
Mais  de  grâce,  lui  a-t-on  répliqué,  rentrez  un  peu  en  vous-même, 
comme  vous  nous  avez  tout  à  l'heure  si  bien  dit  qu'il  falloit  faire 
quelquefois  ;  et  faites-nous  voir  sur  quoi  vous  fondez  votre  in- 
dulgence, et  pourquoi  vous  souffrez  qu'on  dise,  elle  s'est  laissée 
emporter  à  la  colère,  et  que  vous  ne  voulez  pas  dire,  les  sommes 
qu'on  m'a  données  à  recevoir. 


(1)  M.  l'abbé  de  Dangeau. 

(2)  M.  l'abbé  Testu,  abbé  de  Belval, 


w 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  GIRARD.  139 

«  En  vérité,  Monsieur,  a-t-il  répondu  froidement,  je  suis  las  de 
raisonner.  Permettez -moi  de  m'abandonner  de  temps  en  temps  à 
mon  instinct  et  à  un  peu  de  paresse,  et  de  laisser  en  repos  toutes 
mes  règles  de  grammaire.  Je  vois  ici  tant  d'honnêtes  gens  qui  font 
la  même  chose,  et  qui  ne  font  peut-être  pas  mal. 

«  Hé  bien,  Monsieur,  a  dit  celui  qui  avait  cité  Monsieur  de  Marca, 
je  crois  qu'il  faut  dire,  elle  s'est  laissée  emporter  à  la  colère  ;  et 
puisque  vous  ne  voulez  pas  nous  en  dire  la  raison,  je  m'en  vais  me 
mettre  à  votre  place,  et  peut-être  vous  l'apprendre.  Elle  s'est  lais- 
sée emporter  se  dit,  parce  qu'il  est  plus  doux  à  la  prononciation. 
La  voyelle  qui  commence  le  mot  ^'emporter  mange  la  dernière  du 
mot  laissée^  et  empêche  la  rencontre  de  ces  deux  e,  qui  auroit 
qu6)lque  chose  de  trop  languissant. 

«  Mais,  Monsieur,  a  dit  un  troisième,  s'il  y  avoit  surprendre  au 
lieu  à.' emporter^  croiriez- vous  qu'il  fallût  dire,  elle  s'est  laissée 
surprendre^  Pour  moi,  je  ne  le  crois  pas  ;  et  moins  indulgent  que 
Monsieur  qui  a  parlé  avant  vous,  je  veux  qu'on  dise,  elle  s'est 
laissé  emporter  à  la  colère,  comme  on  dit,  les  sommes  qu'on  m'a 
donné  à  recevoir.  » 


L'abbé  Girard,  membre  de  l'Académie  française  en  1744, 
publia,  au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  plusieurs 
ouvrages  importants  sur  la  langue,  et  entre  autres  ses  Syno- 
nymes français^  leurs  différentes  significations  et  le  choix 
qu'il  faut  en  faire  pour  parler  avec  justesse.  C'était  le  premier 
ouvrage  sur  cette  matière  :  son  succès  fut  très-grand  et  s'est 
perpétué  jusqu'à  nos  jours,  grâce  aux  éditions  qu'en  ont  don- 
nées Beauzée  et  M.  Guizot.  Deux  ans  avant  la  première  édi- 
tion, qui  parut  sous  le  titre  de  Justesse  de  la  langue  françoise, 
il  fit  paraître  un  projet  de  réforme  ortho'graphique  sous  ce 
titre  :  Vortografe  française  sans  équivoques  et  dans  ses  prin- 
cipes naturels,  ou  l'art  d'écrire  notre  langue  selon  lés  loix  de 
la  raison  et  de  l'usage^  d'une  manière  aisée  pour  lés  darnes^ 
comode  pour  lés  étrangers^  instructive  pour  lés  provinciaux^ 
et  nécessaire  pour  exprimer  et  distinguer  toutes  lés  diférances 
de  la  prononciacion,  Paris,  Pierre  Giffart,  1716,  in-12.  Je 
crois  devoir  reproduire  ici  en  partie  l'introduction,  en  suppri- 


140  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  GIRARD. 

niant  les  exemples,  pour  me  borner  à  l'argumentation  pour  et 

contre  la  réforme  : 

«  Tout  le  monde  convient  assez  que  l'ortografe  est  la  manière 
de  représanter  fidèlemànt  à  la  vue  par  lés  caractères  qui  sont  en 
usage  le  son  dés  paroles  que  la  voix  fait  entandre  à  l'oreille.  Mais 
tout  le  monde,  ce  me  samble,  ne  convient  pas  égalemànt  de  ce  qui 
doit  régler  la  manière  de  le  faire.  Lés  uns  veulent  que  le  seul  usage 
en  décide:  ils  nomment  Usage  ce  qui  est  observé  par  le  plus  grand 
nombre,  et  par  ceux  qui,  n'osant  se  doner  aucune  liberté  raisona- 
ble,  se  font  un  scrupule  de  suivre  tout  ce  qui  a  l'air  de  nouvauté. 
Lés  autres  prétandent  corriger  l'Usage  par  la  Raison  :  ils  nomment 
Raison  tout  ce  que  la  netteté  et  la  facilité  leur  inspirent  d'obser- 
ver dans  Fortografe,  indépandammànt  de  la  pratique  la  plus  géné- 
rale et  la  plus  universellemànt  suivie  par  le  commun  dés  écri- 
vains. Ces  deux  partis  ont  doné  la  naissance  à  un  troisième,  qui, 
craignant  de  contredire  la  Raison  et  n'osant  contrarier  l'Usage, 
tantôt  se  donc  à  celui-ci  et  quelquefois  se  prête  à  celle-là. 

((  Les  défanseurs  de  TUsage  ne  sont  pas  si  fort  lés  antagonistes 
de  la  Raison,  qu'ils  ne  prétandent  aussi  la  mettre  de  leur  côté.  Ils 
disent  que  puisque  lés  mots  et  la  prononciacion  dépandent  du  seul 
Usage,  la  manière  de  lés  écrire,  qui  ne  parait  qu'accessoire,  doit 
entièremànt  en  dépandre.  Que  c'est, en  effet,  obéir  à  la  Raison  que 
de  suivre  l'Usage  en  ces  sortes  de  matières.  Qu'après  tout  il  n'est 
pas  si  contraire  au  bon  sans  qu'on  voudrait  le  faire  croire.  Que  s'il 
y  a  dés  lettres  inutiles  pour  la  prononciacion_,  elles  ne  le  sont  pas 

pour  la  distinction  désjmots  et  pour  la  siance  de  l'Étimologie 

Enfin,  ils  ajoutent  que  l'Usage  est  tellemànt  le  maitre  de  la  ma- 
nière d'écrire  qu'on  ne  peut  l'abandoner  et  se  faire  une  ortografe 
particulière,  sans  s'attirer  dés  reproches  d'ignorance  ou  de  bizarre 
ridicule.  Qu'écrire  autrement  que  lés  autres,  c'est  vouloir  n'être 
point  lu.  Que  ce  seroit  même  gâter  l'écriture  et  la  langue  que  d'ôter 
toutes  les  lettres  inutiles  à  la  prononciacion  dés  mots  ;  il  faudroit 
par  cete  raison  bannir  toutes  lés  s  finales,  lés  r  de  la  plu-part  dés 
infinitifs,  confondre  lés  singuliers  avec  lés  pluriels  et  faire  un  cahos 
de  tout. 

«  Lés  partisans  de  la  Raison  disent  à  leur  tour,  que  l'écriture 
n'étant  faite  que  pour  copier  la  parole,  il  y  a  une  espèce  de  ridi- 
cule à  écrire  autremànt  qu'on  ne  parle.  Que  tous  lés  diférans  ca- 
ractères dont  on  se  sert  n'ont  été  ou  ne  doivent  avoir  été  invantés 


OPINIONS  DES  ACADÉIMICIENS.  —  GIRARD.  141 

que  pour  marquer  lés  diférantes  prononciacions  dés  mots  et  re- 
présanter  sans  équivoque  par  la  diversité  de  leurs  combinaisons 
celle  dés  sons  de  la  voix.  Qu'ainsi^  c'est  aller  contre  leur  institu- 
cion  et  leur  véritable  usage  que  de  lés  confondre,  en  se  servant 
dés  mêmes  caractères  pour  dés  prononciacions  diférantes,  surtout 
y  aïant  d'autres  caractères  établis  pour  marquer  cete  diférance. 
S'il  y  a.  disent-ils,  une  autre  manière  d'écrire  que  celle  qui  est 
conforme  à  la  prononciacion,  quelque  commune  et  générale 
qu'elle  soit,  elle  ne  peut  être  bonne  ;  ne  la  pas  suivre,  c'est  tout 
au  plus  pécher  contre  un  mauvais  usage,  pour  prandre  le  parti  de 
la  Raison,  qui  est  toujours  préférable  à  celui  de  la  multitude.  On 
avouera  qu'on  n'écrit  pas  comme  les  autres  ;  mais  on  écrit  comme 
on  doit  écrire  et  lés  autres  écrivent  mal.  N'est-il  pas  lout-à-fait 
déraisonable  de  marquer  le  son  de  Va  par  un  e,  qui  est  établi  pour 
exprimer  un  son  tout  diférant?  de  prononcer  un  c  et  d'écrire  un  i  ? 
d'ajouter  jusqu'à  trois  et  quatre  lettres  inutiles  à  la  fm  dés  mots? 
d'en  insérer  dans  le  milieu  qu'il  faille  quelquefois  exprimer  dans 
la  prononciacion  et  d'autrefois  supprimer,  sans  aucune  règle  cer- 
taine? Doner  à  un  caractère  tantôt  le  son  qui  lui  est  propre,  tan- 
tôt celui  d'un  autre^  et  cela  seulement  pour  suivre  le  caprice  d'une 
mauvaise  coutume,  dont  on  s'est  randu  l'esclave?  Cette  bizarre 
ortografe,  disent-ils  encore,  empêche  que  lés  étrangers  qui  ont 
quelque  commancemant  de  notre  langue  ne  puissent  en  aquerir 
une  parfaite  conaissance  par  la  seule  lecture  de  nos  livres,  parce 
qu'ils  ne  sauroient  lés  lire  sans  savoir  le  français  presqu'aussi  bien 
que  ceux  à  qui  il  est  naturel.  Car  enfin  ce  n'est  que  par  un  long 
usage  qu'on  peut  aprandre  qu'une  lettre  prononcée  dans  de  cer- 
tains mots  ne  l'est  point  en  d'autres,  ou  qu'une  môme  voyelle 
change  souvànt  de  son...  Enfin  pour  conaitre  toutes  ces  étranges 
bizarreries,  un  étranger  n'a  d'autre  secours  que  sa  mémoire.  S'il 
trouve  dans  un  livre  un  mot  nouvau,  qu'il  n'ait  point  encore  ouï 
prononcer,  il  hésite,  il  cherche,  il  ne  sait  à  quoi  s'en  tenir  :  lés 
règles  n'étant  point  certaines,  rien  ne  le  détermine. 

«  De  là  vient  encore,  ajoutent  lés  partisans  de  la  Raison,  la  peine 
que  lés  enfans  ont  pour  aprandre  à  lire  le  français;  qu! on  leur  fait 
ordinairemànt  commancer  par  le  latin  comme  le  plus  aisé,  quoi- 
qu'ils devroient  avoir  plus  de  facilité  à  lire  leur  langue  naturelle, 
qu'ils  savent  et  qu'ils  parlent  à  tout  momant,  que  celle  qui  leur  est 
étrangère  et  qu'ils  n'entandent  point.  Que  non  seulemànt  lés  en-* 
fans,  mais  encore  lés  persones  raisonables  sont  extrèmemànt  fati- 


1 


142  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS,  -  GIRARD. 

guées  de  cette  bizarre  manière  d'écrire.  Qu'il  y  a  peu  de  Français 
qui  sachent  bien  liie  leur  propre  langue.  Que  de  très-habiles  gens 
soufrent  tous  lés  jours  le  reproche  honteux  de  ne  savoir  pas  lire. 
Que  lés  provinciaux  qui  viènent  à  Paris  avec  dés  prononciacions 
qui,  pour  être  communes  dans  leur  province,  n'en  sont  pas  moins 
contraires  au  bon  usage,  ont  une  peine  infinie  à  se  corriger, 
n'étant  point  aidés  par  une  ortografe  nette  et  juste,  qui  marque  le 
propre  son  et  la  vraie  prononciacion  dés  mots.-  Que  quelques  Pa- 
risiens même  près  de  la  cour,  au  çantre  du  bau  langage ,  parlent 
quelquefois  en  provinciaux.  Que  le  sexe  le  plus  poli  qui  entand 
le  mieux  à  placer  un  mot  dans  un  discours,  est  celui  qui  sait  le 
moins  placer  une  lettre  dans  un  écrit.... 

«  Telles  sont  lés  principales  raisons  que  chacun  dés  deux  partis 
allègue  en  sa  faveur.  Pour  lés  troisièmes,  il  y  a  bien  de  l'aparance 
qu'ils  n'en  ont  point  eu  d'autres  qu'un  panchant  naturel,  mais 
faible,  pour  randre  justice  à  la  Raison,  et  baucoup  de  timidité  pour 
combattre  l'usage.  Il  étoit  en  effet  bien  dificile  de  ranverser  l'un 
pour  faire  triompher  l'autre.  Commànt  attaquer  l'Usage  !  son  pou- 
voir est  tirannique,  tout  le  monde  l'avoue,  lés  plus  indépandans  le 
sautent.  Quel  danger  de  se  déclarer  son  ênemi  !  Quelque  injuste 
et  ridicule  qu'on  le  suppose,  ne  l'est-il  pas  davantage  de  s'en  sé- 
parer? Et  n'est-ce  pas  une  espèce  de  folie  que  de  vouloir  être  sage 
parmi  lés  fous  ?  A  quoi  ne  s'expose-t-on  pas  lorsqu'on  s'en  prand 
à  ce  qui  se  dit  et  à  ce  qui  se  fait  ?  Il  y  a  bien  moins  à  craindre 
contre  la  Raison:  c'est  l' ênemi  qu'on  a  toujours  attaqué  le  plus  in- 
punémànt  quoiqu'avec  moins  de  succès.  Mais  d'honôtes  gens  peu- 
vent-ils l'abandoner?  Ses  attraits  ne  se  font-ils  pas  santir  malgré 
toute  la  tirannie  de  l'Usage  ?  Et  ne  doit-elle  pas  triompher  dans  lés 
siances,  lorsqu'elle  brïUe  à  la  tête  de  l'État  ? 

« N'est-il  pas  juste  que  puisque  notre  langue  a  secoué  le 

joug  de  la  latinité,  nous  en  délivrions  aussi  notre  ortografe  ?  Si  elle 
n'est  qu'accessoire  à  la  prononciacion,  ne  doit-elle  pas  suivre  tous 
lés changemans  de  celle-ci?  Pourquoi  l'Usage  si  inconstant  de  sa 
nature  en  toutes  choses  sera-t-il  fixé  pour  la  seule  ortografe  ?  Ne 
semble-t-il  pas  qu'à  force  de  vouloir  la  maintenir  par  l'autorité  de 
l'Usage,  au  lieu  de  la  soumettre  à  ses  loix,  on  ne  fait  que  l'en  éxam- 
ter  et  conserver  par  là  dans  nos  écrits  toute  la  barbarie  gau- 
loise?... Prolongez,  de  grâce,  vos  jours  de  quelques  siècles,  pla- 
'cez-vous  dans  ces  tams  reculés  où  le  français,  étint  par  tout  ail- 
leurs, ne  vivra  que  dans  lés  colèges,  où  Déspreaux,  la  Fontaine  et 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —DE  SAINT-PIERRE.         143 

Molière,  qui  divertissent  aujourdui  si  agréablemànt  les  plus  honètes 
gens^  ne  seront  peut-être  que  l'occupacion  ennuyeuse  des  écoliers 
et  le  sujet  fatiguant  dés  veilles  de  leurs  maitres,  où  la  langue 
française,  ranfermée  dans  lés  ouvrages  que  la  bauté  sauvera  de  la 
fureur  de  Toubli  et  de  la  voracité  dés  tams,  ne  pourra  plus  être 
aprise  que  par  la  lecture  de  nos  auteurs.  Alors  point  de  cour,  point 
d'académie,  point  d'oreille  pour  décider  du  bel  usage:  lés  livres 
seuls  présanteront  aux  yeux  toute  la  pureté  de  la  langue.  Si  nous 
n'écrivons  pas  aujourdui  comme  on  parle,  alors  on  parlera  comme 
nous  aurons  écrit  :  on  cherchera  dans  l'arrangement  dés  lettres  ce- 
lui dés  sons  de  la  voix  ;  et  ce  sera  dans  l'ortografe  qu'on  étudiera 
la  prononciacion  dés  mots.  Mais,  hélàs  !  quelle  horrible  confusion 
ne  me  samble-t-il  pas  voir  !  Ne  vous  figurez-vous  pas  ce  cahos  af- 
freux et  ce  bouleversemant  gênerai  de  langage  causé  par  ces  let- 
tres inutiles  en  mille  endroits  et  nécessaires  en  mille  autres,  par  ce 
protéisme  continuel  dés  caractères,  par  ces  ambiguïtés  et  ces  équi- 
voques perpétuelles  dans  le  son  et  dans  la  valeur  dés  lettres  ?  Car 
cete  langue  si  belle,  si  noble  et  si  polie  dans  la  bouche  n'est  plus 
sur  le  papier  qu'un  barbare  langage,  qui  choque  lés  yeux,  et  que 
l'oreille  ne  pourroit  soufrir  si  la  langue  prononçoit  tout  ce  que  la 
plume  a  dessiné » 

On  peut  juger,  par  cette  citation  textuelle,  du  système  orthogra- 
phique adopté  par  l'abbé  Girard.  Le  contraste  qu'il  offrit,  lors  de 
son  apparition,  dut  être  encore  plus  choquant  qu'il  ne  l'est  au- 
jourd'hui pour  nous ,  puisque  TAcadémie,  dans  ses  réformes  suc- 
cessives, a  adopté  quelques-unes  de  celles  qu'il  indique;  elle 
aurait  môme  dû  en  admettre  quelques  autres,  ne  ;  fût-ce  qu'en 
raison  de  l'étymologie  :  etint  de  extinctus,  honète  de  honestus,  etc. 
Toutefois,  si  l'on  supprimait  cette  forêt  d'accents,  fort  inutiles 
pour  la  plupart,  comme  sur  le  mot  extrèmemànt ,  ce  système, 
sauf  quelques  altérations  inadmissibles,  telles  que  le  monosyllabe 
temps  écrit  tams ,  et  d'autres  corrections  prématurées  ,  aurait  pu 
obtenir  l'assentiment  de  Voltaire ,  et  il  me  semble  préférable  à 
celui  de  Duclos.  Je  donne  dans  l'Appendice  D  l'analyse  de  la  ré- 
forme du  savant  auteur  des  Syno7iymes. 

Gharles-Irénée  Gastel,  abbé  de  Saint-Pierre,  nommé  mem- 
bre de  TAcadémie  française  en  1695,  est  un  des  hommes  dont 
on  prononce  le  nom  avec  le  plus  de  reconnaissance  et  de  res* 


144        OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  DE  SAINT-PIERRE. 

pect.  Au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  il  se  montra 
l'un  des  premiers  animé  de  cet  amour  profond  de  l'humanité 
dont  l'expression  de  philanthropie  donnait  l'image  et  s'alliait  si 
bien  avec  ce  mot  bienfaisance,  dont  il  est  le  créateur.  Exclu  de 
l'Académie  dès  1718,  à  cause  des  hardiesses  politiques  conte- 
nues dans  son  Discours  sur  la  jpolysijnodie,  il  consacra  sa 
longue  carrière  à  l'étude  des  améliorations  pédagogiques, 
économiques,  sociales,  gouvernementales  que  lui  paraissait 
comporter  l'état  de  la  société  sous  le  règne  de  Louis  XV. 

On  trouvera  plus  loin  à  l'Appendice  D  une  analyse  de  son  Pro- 
jet pour  perfectioner  Vorlografe  des  langues  d'Europe,  qiril  fit 
paraître  en  1730,  à  Fâge  de  soixante-douze  ans,  et  des  procédés 
imaginés  par  lui  pour  figurer  les  différents  sons  qu'il  croit 
avoir  reconnus  dans  les  langues  de  l'Europe  et  particulièrement 
dans  la  langue  française.  Je  me  contenterai  de  reproduire  ici  quel- 
ques-unes de  ses  idées  sur  le  droit  de  néologisme.  En  réfléchissant 
avec  lui  aux  procédés  par  lesquels  s'enrichissent  nos  lexiques,  on 
s'expliquera  la  source  de  bien  des  contradictions  orthographiques 
et  la  nécessité  de  régulariser  l'orthographe  des  mots  récemment 
introduits,  pour  la  faire  concorder  avec  celle  des  similaires  déjà 
existants. 

«  Le  Dictionaire  de  Nicod,  dit-il  (p.  250),  parut  il  y  a  environ 
cent  cinquante  ans  ;  c'étoit  le  plus  ample  et  le  plus  parfait  de  son 
tems  :  il  comprend  non-seulement  lèz  termes  de  l'uzaje  comun  de 
la  conversatioUj  de  la  chaire,  dèz  spectacles  et  du  bareau,  mais  en- 
core lèz  termes  dèz  arts  et  dèz  siences.  Or  comparez  le  avec  le  dic- 
tionaire de  Trévoux,  qui  a  suivi  sajement  le  même  plan  de  mètre 
en  un  même  dictionaire  généralement  tous  lèz  mots  fransois  tan- 
ceux  de  l'uzaje  comun  que  ceux  dèz  arts  et  dèz  siences.  Examinez 
en  quelques  pages  et  vous  trouverez  qu'en  cent  cinquante  ans  la 
langue  est  devenue  au  moins  trois  fois  plus  riche  qu'elle  n'étoit 
en  nombre  de  mots  sans  compter  qu'elle  s'est  aussi  enrichie  en 
nombre  de  frazes  :  le  dictionaire  de  Nicod  n'est  pas  la  sixième 
partie  du  dictionaire  de  Trévoux  imprimé  en  17^21  en  cinq  vo- 
lumes, dont  chaque  volume  a  plus  de  1900  pages. 

«  J'ai  eu  la  curiosité  de  compter  lèz  mots  depuis  le  mot  béant 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS  —  DE  SAINT-PIERRE.        145 

jusqu'au  mot  bezole,  poisson  de  Genève,  et  au  mot  bezoard  ;  j'en 
ai  trouvé  environ  110  dans  Nicod  et  près  de  330  dans  le  dictio- 
naire  de  Trévoux.  Voilà  une  preuve  du  nombre  prodigieux  de  mots 
qui  étoient  alors  inuzitéz  et  qui  se  sont  établis  depuis  cent  cin- 
quante ans  dans  notre  langue,  et  la  seule  comparaison  dèz  dictio- 
naires  de  divers  siècles  forme  sur  cela  une  démonstration  complète 
que  lèz  langues  peuvent  s'enrichir  trez-considerablement  chaque 
siècle  par  la  création  et  par  l'uzaje  de  termes  nouveaux... 

«  N'est-il  pas  vrai  que  si  lèz  persones  qui,  dans  la  conversation, 
dans  la  chaire,  dans  lèz  plaidoyers,  sur  lèz  teatres  et  dans  lèz  livres 
ont  uzé  lèz  premiers  de  çèz  termes  qui  étoient  inuzitéz  du  tems  de 
Nicod  n'avoient  ozé  rien  bazarder,  nous  serions  privez  encore  au- 
jourdui  de  plus  de  la  moitié  de  notre  langue  ?  Je  conviens  que, 
dans  la  conversation  et  dans  l'impression,  ils  ont  bazardé  quelques 
mots  qui  n'ont  pas  été  adoptez,  mais  ne  leur  devons-nous  pas  au 
moins  ceux  que  lèz  auditeurs  et  lèz  lecteurs  ont  adoptés,  et  qui 
par  cette  adoption  sont  venus  jusqu'à  nous? 

a  Nous  leur  devons  môme  la  hardiesse  qu'ils  ont  eue  d'en  ba- 
zarder plusieurs  qui  ont  été  rejetez  et  dont  on  s'est  moqué.  Or, 
n'est-il  pas  utile  à  notre  nation  et  môme  aux  autres  nations  qui  étu- 
dient le  fransois,  que  notre  langue  s'enrichisse,  d'un  coté,  par  dez 
mots  qui  signifient  dez  choses  particulières,  tandis  qu'elle  s'abrège 
de  l'autre,  par  certains  termes  généraux  qui  embrassent  plusieurs 
termes  particuliers  ?  Or,  cela  se  peut-il  faire  autrement  que  par  lez 
petites  hardiesses  de  quelques  persones  et  par  lez  adoptions  in- 
sensibles dez  autres? 

a  ...Tout  le  monde  sait  que  lèz  Anglois,  soit  dans  la  conversation, 
soit  dans  lèz  Uvres,  ne  font  nule  dificulté  de  faire  et  de  prézenter 
dez  mots  nouveaux,  qui  enrichissent  tous  lez  jours  leur  langue  ; 
et  hureuzement  pour  la  langue  angloize  les  auteurs  anglois  n'ont 
point  eu  jusqu'ici  chez  eux  certains  esprits  médiocres  qui  ont  so- 
tement  pris  pour  maximes  que  tout  mot  nouveau  est  mauvais  et  ne 
doit  jamais  être  adopté  quoique  nécessaire.  Un  de  nos  écrivains  dit 
que,  pour  avoir  quelque  place  dans  la  literature,  ils  se  sont  faits 
suisses  du  Dictionaire  de  V Académie;  ils  empêchent  lez  mots  qu'ils 
ne  conoissent  point  d'eptrer  dans  le  dictionaire. 

«  ...J'ai  vu  il  y  a  quarante-cinq  ans  le  mot  renversement  frondé 
par  un  de  çéz  suisses  du  Dictionaire.  Ce  mot  s'est  trouvé  comode 
et  dans  l'analogie  de  la  langue  et  je  le  vois  prezentement  a\ec  plai- 
zir  tout  établi  malgré  sa  malhureuze  note  de  nouveauté... 

10 


146        OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  DE  SAINT-PIERRE. 

«  De  ce  que  toute  nouveauté  n'est  pas  bone  et  adoptée  dans  le 
angaje,  s'ensuit-il  qu'aucune  nouveauté  ne  puisse  être  trèz-raizo- 
nable  et  trèz-adoptable  ?,.. 

«Si  le  publiq  en  avoit  cru  lèz  ridicules  railleries  dèz  suisses  du 
dictionaire,  qui  écrivoient  il  i  a  cinquante  ans,  nous  n'aurions  pas 
même  dans  le  stile  familier  quantité  de  mots  qui  étoient  alors  inu- 
zitéz,  et  qui  sont  prèzentement  d'un  aussi  grand  uzaje  dans  la 
langue  que  lez  plus  anciens.  En  voici  quelques-uns  : 

(♦  Elle  est  encore  dans  Venivrement  de  la  cour.  —  C'est  une 
afaire  infaizable  dans  lèz  conjonctures  prézentes.  —  S'il  a  manqué 
à  ce  devoir,  c'est  pure  inateniion.  — On  l'a  fort  desservi  auprèz  du 
ministre.  —  Il  est  à  prezent  fort  dezocupé.  —  Il  le  reçut  d'un  air 
gracieux,  —  Il  le  grazieuza  fort  durant  le  diner.  —  Cette  nou- 
velle Ta  fort  tranquilizé,., 

«  Je  ne  raporte  que  huit  ou  neuf  de  çèz  mots  nouveaux,  mais 
si  l'on  vouloit  comparer  le  Dictionaire  de  ce  tems-là  avec  notre 
dernier  Dictionaire,  je  ne  doute  pas  que  l'on  n'en  trouvât  cent  au- 
tres que  lèz  courtizans,  lèz  dames,  lèz  savans  et  les  autres  hommes 
de  toutes  lèz  professions  ont  établis  depuis  cinquante  ans  dans  le 
stile  de  la  conversation,  d'où  ils  passent  tous  lèz  jours  dans  lèz  au- 
tres stiles  et  dans  lèz  livres... 

«  Quelques  persones  croient  que  nous  perdons  peu-à-peu  autant 
de  vieux  mots  que  nous  en  aquerons  de  nouveaux  et  que  la  moitié 
dèz  mots  d'Amiot,  qui  étoit  contemporain  de  Nicod,  ne  sont  plus 
uzitéz.  Mais  j'ai  compté  lèz  mots  dèz  vint  premières  lignes  de  la 
Vie  de  Thezée,  in  folio,  de  la  traduction  d'Amiot  ;  il  y  en  a  environ 
240,  et  je  n'en  ai  trouvé  que  6  qui  ne  sont  plus  uzitéz.  Or  sur  ce 
pied  là  ce  n'est  que  la  quarantième  partie  de  mots  perdus  et  en- 
core çèz  6  mots  perdus  sont-ils  tous  remplacez  par  d'autres  équi- 
valens.  Verisimilitude  est  remplacé  par  vraisemblance,  Reale  par 
réelle.  Trouve  Von  par  trouve-t-on.  Controuvé  par  faussement  in- 
venté, Certaineté  est  remplacé  par  certitude.  Si  ai  pensé  est  rem- 
placé par  etfai  pensé  ou  par  j'ai  même  pensé. 

«  La  langue  n'a  donq  rien  perdu  depuis  cent  cinquante  ans 
qu'elle  n'ait  reparé  ;  elle  a  au  contraire  gagné  la  moitié  et  même 
lèz  deux  tiers  plus  de  termes  qu'elle  n'en  avoit.  Or  çèz  termes  pou- 
voient-ils  jamais  servir  à  enrichir  notre  langue,  s'ils  n'avoient  co- 
mencé  d'y  entrer  comme  nouveaux  et  comme  inuzitéz?  ;> 

Si  l'on  remarque  dans  le  passage  qui  précédé  certaines  contra- 


OPINIONS  DES  ACADEMICIENS.  —  DUCLOS.  147 

dictions  orthographiques,  cela  tient  à  un  système  adopté  par  l'au- 
teur et  qui  consiste  à  varier  de  temps  à  autre  l'écriture  des  mômes 
mots  pour  déshabituer  l'oeil  du  lecteur  des  formes  graphiques  con- 
sacrées par  l'usage  et  le  préparer  ainsi  à  l'adoption  de  son  système. 

DucLos,  membre  de  l'Académie  française  en  1747  et  secré- 
taire perpétuel  en  1755,  joignant  l'exemple  au  précepte  ortho- 
graphique, juge  ainsi  le  système  de  l'écriture  étymologique 

(en  1754)  : 

c(  Le  préjugé  des  étimologies  est  bien  fort,  puisqu'il  fait  regarder 
come  un  avantage  ce  qui  est  un  véritable  défaut;  car  enfin  les 
caractères  n'ont  été  inventés  que  pour  représenter  les  sons.  C'étoit 
l'usage  qu'en  faisoient  nos  anciens  :  quand  le  respect  pour  eus  nous 
fait  croire  que  nous  les  imitons,  nous  faisons  précisément  le  con- 
traire de  ce  qu'ils  faisoient.  Ils  peignoient  leurs  sons  :  si  un  mot 
ut  alors  été  composé  d'autres  sons  qu'il  ne  Tétoit,  ilsauroient- 
employé  d'autres  caractères. 

«  Ne  conservons  donc  pas  les  mêmes  caractères  pour  des  sons 
qui  sont  devenus  diférens.  Si  l'on  emploie  quelquefois  les  mêmes 
sons  d  ns  la  langue  parlée,  pour  exprimer  des  idées  diférentes 
(champ^  chant),  le  sens  et  la  suite  des  mots  sufisent  pour  ôter 
l'équivoque  des  homonimes.  L'intelligence  ne  feroit-èle  pas  pour  la 
langue  écrite  ce  qu'èle  fait  pour  la  langue  parlée?  Par  exemple, 
si  l'on  écrivoit  champ  de  campus,  come  chant  de  cantus,  en  con- 
fondroit-on  plutôt  la  signification  dans  un  écrit  que  dans  le  dis- 
cours? L'esprit  serait-il  là-dessus  en  défaut?  N'avons-nous  pas 
même  des  homonimes  dont  l'ortografe  est  pareille  ?  Cependant  on 
n'en  confond  pas  le  sens.  Tels  sont  les  mots  son  {somis) ,  son  (fur- 
fur),  son  (sims),  et  plusieurs  autres. 

«  L'usage,  dit-on,  est  le  maître  de  la  langue,  ainsi  il  doit  décider 
également  de  la  parole  et  de  l'écriture.  Je  ferai  ici  une  distinction. 
Dans  les  choses  purement  arbitraires,  on  doit  suivre  l'usage,  qui 
équivaut  alors  a  la  raison  :  ainsi  l'usage  est  le  maître  de  la  langue 
parlée.  Il  peut  se  faire  que  ce  qui  s'apèle  aujourd'hui  un  livre 
s'apèle  dans  la  suite  un  arbre  ;  que  vert  signifie  un  jour  la  couleur 
rouge,  et  rouge  la  couleur  verte,  parce  qu'il  n'y  a  rien  dans  la 
nature  ni  dans  la  raison  qui  détermine  un  objet  a  être  désigné  par 
un  son  plutôt  que  par  un  autre  :  l'usage,  qui  varie  la-dessus,  n'est 
point  vicieus,  puisqu'il  n'est  point  inconséquent,  quoiqu'il  soit 


us  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  BEAUZÉE. 

inconstant.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  de  l'écriture  :  tant  qu'une 
convention  subsiste,  èle  doit  s'observer.  L'usage  doit  être  consé- 
quent dans  remploi  d'un  signe  dont  l'établissement  étoit  arbitraire; 
il  est  inconséquent  et  en  contradiction,  quand  il  donc  a  des  carac- 
tères assemblés  une  valeur  diférente  de  cèle  qu'il  leur  a  donée  et 
qu'il  leur  conserve  dans  leur  dénomination,  a  moins  que  ce  ne  soit 
une  combinaison  nécessaire  de  caractères  pour  en  représenter  un 
dont  on  manque. 

((  Le  corps  d'une  nation  a  seul  droit  sur  la  langue  parlée  et  les 
écrivains  ont  droit  sur  la  langue  écrite.  Le  peuple,  disoit  Varron, 
n'est  pas  le  maître  de  récriture  corne  de  la  parole. 

«  En  effet,  les  écrivains  ont  le  droit,  ou  plutôt  sont  dans  Tobli- 
gaiion  de  coriger  ce  qu'ils  ont  corompu.  C'est  une  vaine  ostenta- 
tion d'érudition  qui  a  gâté  l'ortografe  :  ce  sont  des  savans  et  non 
des  filosofes  qui  Pont  altérée  :  le  peuple  n'y  a  u  aucune  part.  L'or- 
tografe des  famés,  que  les  savans  trouvent  si  ridicule,  est  plus 
raisonable  que  la  leur.  Quelques-unes  veulent  aprendre  l'ortografe 
des  savans;  il  vaudroit  bien  mieus  que  les  savans  adoptassent  cèle 
des  famés,  en  y  corigeant  ce  qu'une  demi  éducation  y  a  mis  de 
défectueus,  c'est-à-dire  de  savant.  Pour  conoître  qui  doit  décider 
d'un  usage,  il  faut  voir  qui  en  estTauteur.  »  (Pages  44-46.) 

(Voir  à  l'Appendice  D,  à  la  date  de  1756,  pour  l'exposition  de 
sa  réforme.) 

Nicolas  Beauzée,  membre  de  l'Académie  française  depuis 
1772,  mort  en  1789,  s'était  d'abord  prononcé  contre  la  ré- 
forme de  l'orthographe.  Dans  Y  Encyclopédie  méthodique,  pu- 
bliée chez  Panckoucke,  en  1789,  revenant  sur  ses  premières 
opinions,  il  termine  ainsi  l'article  Néographisme  : 

«  Il  faut  compter  à  l'excès  sur  l'aveugle  docilité  de  ses  lecteurs 
pour  oser  défendre  les  abus  de  notre  orthographe  actuelle  par 
l'autorité  des  grands  écrivains  que  Ton  cite  :  comme  s'ils 
avoient  spécialement  aprofondi  et  aprouvé  formellement  les 
principes  d'orthographe  qu'ils  ont  suivis  dans  leur  temps, 
comme  si  celle  que  l'on  suit  et  que  Ton  défend  aujourd'hui 
étoit  encore  la  même  que  la  leur  en  tout  point,  et  comme  s'il 
suffisoit  d'opposer  des  autorités  à  des  raisons  dans  une  matière 
qui  doit  ressortir  nûment  au  tribunal  de  la  raison. 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  --  BEAUZÉE.  149 

«  Ces  raffinements,  dit-on,  s'ils  pouvoient  jamais  être  adoptés, 
«  en  produiroient  d'autres  ;  on  perdroit  toutes  les  étymologies  ;  on 
«  obscurciroit  le  génie  de  la  langue  et  l'histoire  de  ses  variations  ; 
«  on  défigureroit  toutes  les  éditions  qui  ont  paru  jusqu'à  nos 
«Jours;  les  auteurs  et  les  lecteurs,  accoutumés  à  l'ancienne  or- 
«  ttiographe,  seroient  réduits  à  se  placer  avec  les  enfants  pour 
«  aprendre  à  lire  et  à  écrire  ;  la  nouvelle  méthode,  pour  êtrepeut- 
«  être  plus  conforme  à  la  prononciation  du  moment,  n'en  auroit 
«  pas  moins  combattu  l'impression  d'un  long  usage  qui  a  subju- 
«  gué  l'imagination  et  les  ieux...  La  lecture  de  cette  orthographe 
«  est  impossible  à  tout  homme  qui  n'est  pas  disposé  à  changer  de 
«  tête  et  d'ieux  en  sa  faveur.  »  Ce  sont  les  propres  termes  d'un 
journaliste  dans  les  annonces  qu'il  a  faites  des  deux  premières 
éditions  de  ma  traduction  des  Histoires  de  Salluste,  où  j'avois 
suivi  quelques-uns  seulement  de  mes  principes  de  réforme. 

«  Ces  changements,  dit-il,  en  produiroient  d'autres.  Oui,  j'en 
conviens  ;  l'art  de  lire,  réduit  à  un  nombre  déterminé  d'éléments 
précis,  seroit  mis  par  sa  facilité  à  la  portée  des  plus  stupides,  et 
s'aprendroit  en  peu  de  temps;  l'orthographe,  simphfiée  et  ré- 
duite à  des  principes  clairs  et  généraux,  n'embarrasseroitplus  que 
ceux  qui  ne  voudroient  pas  s'en  occuper  quelques  semaines.  Oh  ! 
voilà,  je  l'avoue,  d'affreux  bouleversements  ! 

c(  On  perdroit  toutes  les  étymologies.  Oui,  on  perdroit  les  traces 
incommodes  des  étymologies;  mais  les  savants,  que  cet  objet  re- 
garde uniquement,  sauioient  bien  les  retrouver.  La  langue  appar- 
tient à  la  nation  ;"  la  multitude  n'a  nul  besoin  de  remonter  aux 
étymologies,  qui  sont  même  perdues  pour  elle,  malgré  les  carac- 
tères étymologiques  dont  on  l'embarrasse  dans  les  livres  destinés 
à  son  instruction. 

«  Mais  passons  à  ce  qui  choque  réellement  le  plus  les  défen- 
seurs de  l'ancienne  orthographe  ;  c'est  qu'ils  seroient  réduits  à  se 
placer  avec  les  enfants  pour  aprendre  à  lire  et  à  écrire,  et  qu'il 
leur  faudroit  changer  de  tête  et  d'ieux.  Eh  !  messieurs,  n'en  chan- 
gez pas;  gardez  votre  ancienne  orthographe,  puisqu'elle  vous 
plaît  :  mais  permettez  aux  générations  suivantes  d'en  adopter  une 
autre,  qui  leur  coûtera  moins  que  la  vôtre  ne  vous  a  coûté,  qui 
leur  sera  plus  utile,  qui  servira,  au  contraire  de  ce  que  vous 
dites,  à  fixer  notre  langue,  à  la  répandre,  à  la  faire  adopter  par 
les  étrangers.  »  (Voyez  à  l'Appendice  D,  p.  295,  l'analyse  de  la 
réforme  proposée  par  Beauzée.) 


150         OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  DE  WAILLY. 

Noel-Fraiiçois  de  Wailly,  membre  de  l'Institut  dès  sa  créa- 
tion, en  1795.  Esprit  sage  et  modéré,  il  s'oppose  aux  systèmes 
des  novateurs  trop  hardis  et  propose  une  réforme  néographique 
ayant  la  prononciation  pour  base.  Ses  idées,  analogues  à  celles 
de  d'Olivet,  de  Girard  et  de  Duclos,  sont  développées  dans 
deux  ouvrages,  De  l'Orthographe,  Paris,  1771,  in-12;  UOr- 
thographe  des  dames ^  ou  l'Orthographe  fondée  sur  la  bonne 
prononciation^  démontrée  la  seule  raisonnable,  Paris,  1782, 
in-12.  (Voir  àT Appendice  D  l'exposition  de  sa  méthode  ortho- 
graphique. ) 

Je  crois  devoir  transcrire  ici,  malgré  leur  étendue,  les  passages 
les  plus  importants  d'une  sorte  de  philippique  en  faveur  de  la  ré- 
forme que  le  savant  académicien  adresse,    par  la  bouche  des 
dames,  aux  corps  savants  qui  ont  autorité  sur  la  langue  {Orth.  des 
,  dames,  p.  35-44)  : 

«  Nous  vous  prions,  Messieurs,  de  nous  donner  un  plan  d'or- 
thographe, raisonné,  simple,  uniforme  ;  de  conformer  l'ortho- 
graphe à  la  bonne  prononciation.  Plus  vous  examinerez  cette  ma- 
tière, plus  vous  verrez,  comme  nous,  que  la  bonne  prononciation 
est  le  seul  guide  raisonnable.  N'est-il  pas  ridicule  qu'ayant  adouci 
notre  prononciation,  vous  conserviez  encore  dans  l'écriture  les 
lettres  qui  ne  se  prononcent  plus,  et  que  nos  pères  n'ont  em- 
ployées que  parce  qu'ils  Jes  prononçoient?  Vous  prononcez  à  la 
moderne,  et  vous  orthographier  à  l'antique.  La  langue  écrite  sup- 
pose nécessairement  la  langue  parlée.  La  perfection ,  Tessence 
môme  de  la  première,  consiste  sans  doute  à  représenter  la  se- 
conde avec  toute  l'intégrité  et  la  précision  possible.  Or,  quelle  est 
l'orthographe  qui  représente  au  naturel  les  traits  de  la  parole  ? 
C'est  sans  contredit  celle  qui  prend  pour  guide  la  bonne  pronon- 
ciation. Gomme  peintres  de  la  pensée  et  de  la  parole,  ne  devez- 
vous  pas.  Messieurs,  faire  dans  la  langue  écrite  les  changements 
qu'exige  la  langue  parlée,  afin  de  représenter  au  naturel  les  traits 
de  cette  dernière  ? 

«L'Académie,  dans  la  dernière  édition  de  son  Dictionnaire, 
sans  avoir  égard  à  l'étymologie,  a  retranché  d'un  fort  grand  nom- 
bre de  mots  des  lettres  qu'on  n'y  prononçoit  pas  ;  mais,  d'un 
autre  côté,  elle  a  laissé  dans  une  autre  foule  de  mots  des  lettres 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  DE  WAILLY.  151 

tout  aussi  inutiles  que  celles  qu'elle  a  supprimées  en  de  pareilles 
occasions.  Nous  avons  fait  .voir  les  inconvénients  de  ces  défauts 
d'uniformité  :  nous  prions  ^Académie  de  les  faire  disparoître 
dans  la  première  édition  qu'elle  donnera.  Particulièrement  con- 
sacrée à  Tétude,  à  la  perfection  de  notre  langue  et  de  notre  ortho- 
gra))he,  cette  savante  compagnie  rendroit  un  service  important  à 
la  nation,  si,  par  ses  réflexions  sur  la  langue  et  l'orthographe^  elle 
éclairoit  Tusage,  le  dirigeoit,  le  perfectionnoit.  Ce  travail  nous 
paroît  vraiment  digne  des  philosophes  et  des  grammairiens  qui 
composent  cette  illustre  société. 

«  Quelques  personnes  à  qui  nous  avons  lu  cet  article,  nous  ont 
dit  :  «  Messieurs  les  Académiciens  savent  bien  que  notre  ortho- 
ce  graphe  est  fort  difficile ,  pleine  de  bisarreries  et  d'inconsé- 
«  quences  ;  mais  ils  savent  aussi  qu'ils  se  rendroient  ridicules  de 
c(  vouloir  la  changer.  » 

a  Cette  réflexion  est-elle  vraie  ?  C'est  ce  que  nous  allons  exami- 
ner. ((Oui,  nous  répond  un  savant:  Il  faut  pour  l'orthographe, 
«  comme  pour  la  prononciation,  reconnoître  l'autorité  deTusage; 
«  et  il  est  aussi  ridicule  de  vouloir  changer  l'orthographe,  qu'il  le 
a  seroit  de  vouloir  changer  la  prononciation.  » 

«  Voici,  Messieurs,  notre  réponse  à  cette  assertion. 

«  Il  y  a  une  grande  différence  entre  ces  deux  objets.  A  la  vérité, 
ceux  qui  ignorent  les  langues  savantes  doivent,  comme  les  sa- 
vants, se  conformer  aux  lois  du  bon  usage  pour  la  prononciation, 
et  ils  se  rendroient  ridicules  dans  les  sociétés  polies,  s'ils  ne  le 
faisoient  pas.  Par  exemple,  vous  nous  blâmeriez  avec  raison  de 
prononcer  comme  faisoient  nos  pères,  em,  en,  avec  le  son  de  Ve 
fermé  nasal,  dans  empressement ,  entendement,  ar déminent,  empor- 
tement, etc.  Vous  ririez  si  vous  nous  entendiez  prononcer  oi  dans 
V Anglais^  le  François,  le  Polonois,je  paroissois,  qu'il  paroisse,  etc., 
comme  ces  lettres  se  prononçoient  autrefois,  et  comme  elles  se 
prononcent  encore  aujourd'hui  dans  le  Danois,  S.  François,  la 
paroisse,  etc.  Pourquoi  cela?  C'est  que  les  lois  de  l'usage  pour  la 
prononciation  sont  à  notre  portée.  En  effet,  nous  avons,  comme 
les  savants,  des  organes  pour  entendre  et  pour  rendre  les  sons.  Il 
n'en  est  pas  de  même  de  l'orthographe  actuelle  :  fondée  sur  la 
connoissance  de  plusieurs  langues  qu'on  ne  nous  a  pas  apprises, 
ses  lois  sont  au  dessus  de  notre  portée  ;  et,  comme  vous  l'avez  as- 
suré, il  nous  est  moralement  impossible  de  les  observer.  Voilà  pour- 
quoi nous  vous  en  demandons  la  réforme.  Ne  demanderiez-vous 


152         OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS,  —  DE  WAILLY. 

pas  à  un  législateur  la  réforme  de  ses  lois,  s'il  vous  étoit  morale- 
ment impossible  de  les  suivre?  Qui  pourroit  en  ce  cas  blâmer 
votre  demande?  Qui  oseroit  la  traiter  de  ridicule  ?  Il  est  sans  con- 
tredit louable  en  fait  d'orthographe,  comme  en  autre  chose,  de 
quitter  une  mauvaise  habitude  pour  en  contracter  une  bonne.  Un 
usage  qui  n'est  pas  à  la  portée  du  plus  grand  nombre  de  ceux'qui 
doivent  l'observer,  est  contraire  à  la  raison.  C'est  une  erreur,  un 
abus  qui  doit  être  corrigé  avec  empressement.  L'erreur,  quelque 
invétérée  qu'elle  soit,  demeure  toujours  erreur  :  la  multitude  de 
ses  sectateurs  ne  sauroit  lui  donner  le  glorieux  titre  de  la  vérité, 
qui  mérite  seule  les  respects  et  les  hommages  des  vrais  philo- 
sophes. 

((  Ce  qui  nous  fait  croire,  Messieurs,  que  notre  demande  n'est 
pas  ridicule,  c'est  qu'elle  est  conforme  aux  désirs  des  auteurs  qui 
méritent  le  plus  de  considération  sur  cet  objet  ;  nous  voulons 
dire  de  ceux  qui,  ayant  écrit  sur  la  langue,  Pont  étudiée  plus  à 
fond.  Or,  presque  tous  les  grammairiens  ont  désiré  la  réforme  de 
votre  orthographe.  Sans  parler  de  ceux  qui  ont  vécu  avant  le 
siècle  de  LouiS'le-Grand,  tels  sont,  dans  le  dernier  siècle  et  dans 
le  nôtre.  Messieurs  de  Vaugelas,  Thomas  Corneille,  Richelet,  La 
Touche,  de  Dangeau,  de  Saint-Pierre,  Buffier,  Dumas,  Girard, 
Dumarsais,  Boindin,  Restant,  Douchet,  Valart,  Duclos,  Cherrier, 
Mannori,  Voltaire,  Beauzée,  de  Wailly,  etc.  Ce  vœu  presque  una- 
nime est  un  grand  préjugé  en  notre  faveur.  Ces  Messieurs  sont  des 
juges  très-compétents  en  cette  matière,  et  leurs  suffrages  doivent 
être  du  plus  grand  poids.  Vous  savez,  Messieurs,  que  dans  chaque 
matière  on  doit  sur-tout  s'en  rapporter  aux  maîtres  de  l'art,  qui,, 
sur  cet  objet,  sont  les  grammairiens  :  au  lieu  que  les  auteurs  les 
plus  estimables,  quelque  nombreux  qu'ils  soient,  ne  doivent  pas 
emporter  la  balance,  quand  les  matières  qu'ils  traitent  n'ont  pas 
de  rapport  à  la  langue,  quand  la  grammaire  n'a  pas  été  l'objet  de 
leurs  études.  Pourquoi  cela?  C'est  qu'ils  n'ont  guère  qu'une  or- 
thographe d'habitude  et  de  simple  copie  ;  c'est  qu'ils  ne  doivent 
pas  plus  se  piquer  de  connoître  les  principes  et  les  défauts  de 
l'orthographe,  qu'ils  ne  se  piquent  d'être  géomètres  et  architec- 
tes, s'ils  ne  se  sont  appliqués  ni  à  la  géométrie,  ni  à  l'architecture. 
D'après  ces  raisons  et  ces  autorités,  ne  pouvons-nous  pas  conclure 
qu'il  n'est  pas  ridicule  de  demander  la  réforme  de  l'orthographe 
actuelle? 

«  N'est-il  pas  ridicule,  au  contraire,  de  prescrire  des  lois  que 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  DE  WAILLY.  153 

le  plus  grand  nombre  ne  sauroit  observer  ?  La  raison  ne  veut- 
elle  pas  qu'on  les  réforme  avec  empressement  ?  Nous  Tavons  déjà 
dit,  les  auteurs  sont  les  vrais  législateurs  en  cette  matière.  Usez 
de  vos  droits,  Messieurs  ;  travaillez  à  éclairer  de  plus  en  plus  la 
nation,  à  lui  faciliter  l'acquisition  des  connoissances.  Loin  de  vous 
rendre  ridicules  en  mettant  à  la  portée  de  tout  le  monde  une  con- 
noissance  aussi  utile  que  celle  de  l'orthographe,  vous  rendrez  par 
cette  réforme  un  service  signalé  à  la  nation.  Quel  est  Thomme 
raisonnable  qui  taxera  de  ridicules  les  savants  grammairiens  que 
nous  venons  de  citer?  Qui  osera  faire  un  pareil  reproche  aux  Aca- 
démies d'Italie  et  d'Espagne,  qui  ont  fait  pour  leurs  langues  la 
.  éforme  que  nous  désirons  pour  la  nôtre  ?  Pourquoi  l'Académie 
françoise  et  les  autres  sociétés  littéraires  seroient-elles  blâmables 
de  suivre  de  pareils  exemples?  Ne  seroit-ce  pas  suivre  la  raison, 
dont  les  droits  sont  imprescriptibles?  Les  Académies  ne  doivent- 
elles  pas  sur  l'orthographe,  comme  sur  les  autres  objets,  se  ser- 
vir de  son  flambeau  pour  faciliter  une  connoissance  vraiment  utile, 
et  qui  est,  pour  ainsi  dire,  la  clef  de  toutes  les  autres  ?  Ceux  qui 
prétendent  qu'on  doit  suivre  sans  examen  l'orthographe  actuelle 
veulent  donc  que  FAcadémie  et  les  autres  sociétés  littéraires 
obéissent  aveuglément  à  un  usage  bisarre  qui  varie  continuelle- 
ment, à  un  tyran  déraisonnable  et  injuste  dont  les  lois  ne  sont  pas 
à  la  portée  du  plus  grand  nombre  des  François  ?  Messieurs  les 
académiciens  doivent  donc  s'interdire  l'usage  de  la  raison,  et 
constater  servilement  une  orthographe  remplie  de  contradictions  ? 
Qui  osera  soutenir  un  pareil  paradoxe  ?  Seroit-il  possible  ,  dit 
très-bien  sur  cet  objet  M.  Duclos,  qu'une  nation  reconnue  pour 
éclairée,  et  accusée  c^e  légèreté,  ne  fût  constante  que  dans  les 
choses  déraisonnables  F 

«  Qui  est-ce  qui  forme  l'usage  actuel  ?  Ce  sont  suitout  les  com- 
positeurs et  les  protes  (lisez  les  correcteurs)  dans  les  imprimeries. 
Nos  bons  livres  se  réimpriment  souvent.  Lorsqu'un  libraire  veut 
donner  une  nouvelle  édition  d'un  livre,  il  l'envoie  à  l'imprimerie  : 
les  compositeurs  et  les  protes  y  mettent  l'orthographe  à  laquelle 
ils  sont  habitués.  Ainsi  ce  sont  eux  sur-tout  qui  forment  l'usage 
actuel.  Parmi  ces  personnes,  il  y  en  a  sûrement  plusieurs  qui 
sont  instruites,  témoin  Le  Roi,  prote  à  Poitiers,  qui  fut  le  premiei- 
auteur  du  Dictionnaire  d' Orthographe ^  etc.  Mais  les  protes  n'ont 
pas  assez  de  temps  pour  se  former  un  système  suivi  et  bien  rai- 
sonné. L'orthographe  qu'ils  ont  adoptée  est  souvent  dérangée  par 


154  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  VOLTAIRE. 

celle  des  différents  auteurs  ;  ce  qui  les  fait  varier  dans  la  leur,  et 
les  oblige  ensuite  à  des  corrections  dans  les  épreuves.  Cet  incon- 
vénient et  cette  perte  de  temps  n'auroient  pas  lieu,  si  les  auteurs, 
les  protes  et  les  compositeurs  suivoient  une  orthographe  raisonnée 
et  conforme  à  la  bonne  prononciation.  Les  compositeurs  feroient 
moins  de  fautes  en  arrangeant  les  lettres  ;  les  protes  et  les  auteurs 
auroient  moins  de  peine  à  lire  leurs  épreuves  ;  ils  y  feroient  moins 
de  corrections  ;  et  le  compositeur  attentif  ne  seroit  plus  obligé  de 
passer  beaucoup  de  temps  à  supprimer  des  lettres  en  différents 
endroits,  à  en  ajouter  dans  plusieurs  autres,  etc.  Ainsi  Fauteur, 
le  prote  et  le  compositeur  trouveroient  également  leur  avantage 
dans  cette  orthographe. 

«  L'Académie,  jusqu'à  présent,  nous  le  savons,  s'est  contentée 
d'être  le  témoin  de  l'usage,  et  de  le  consigner  dans  son  Diction- 
naire. Mais  n'est-ce  pas  renverser  l'ordre,  que  de  prétendre  que 
cette  illustre  et  savante  société  ne  doit  rien  faire  autre  chose  ?  » 

Les  maîtres  imprimeurs,  les  protes,  les  correcteurs,  les  ouvriers 
compositeurs,  ont  dû  se  conformer  à  une  règle  uniforme,  car  ils 
ne  pouvaient  s'astreindre  aux  caprices  .  orthographiques  de  cha- 
cun des  auteurs  écrivant  diversement  les  mêmes  mots,  d'où  ré- 
sultaient des  hésitations,  des  pertes  de  temps  considérables  en 
corrections,  soit  de  la  part  des  auteurs,  soit  des  correcteurs.  Cette 
règle  fut  donc,  et  avec  raison,  le  Dictionnaire  de  TAcadémie,  tel 
que  l'illustre  Compagnie  le  modifiait  à  chaque  édition. 

La  responsabilité  incombe  donc  tout  entière  à  l'Académie,  et 
V usage  en  fait  d'orthographe,  devenu  un  non-sens,  ne  peut  désor- 
mais être  invoqué  par  elle. 

Voltaire,  membre  de  l'Académie  française  depuis  le  9  mai 
1746,  revient  sans  cesse  sur  la  critique  du  vicieux  système  de 
notre  orthographe.  Il  dit,  entre  autres  observations,  dans  le 
Dictionnaire  philosophique^  article  Orthographe  : 

«  L'orthographe  de  la  plupart  des  livres  français  est  ridicule. 
Presque  tous  les  imprimeurs  ignorants  impriment  Wisigoths, 
Westphalie,  Wittemberg,  Wétéravie,  etc. 

c(  llsne  savent  pas  que  le  double  Fallemand  qu'on  écrit  ainsi  W 
est  notre  F  consonne  et  qu'en  Allemagne  on  prononce  Vétéravie, 
Virtemberg,  Vestphalie,  Visigoihs. 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  VOLTAIRE.  155 

«  Pour  l'orthographe  purement  française,  Thabitude  seule  peut 
en  supporter  l'incongruité.  Emploi-e-roient,  octroi-e-roient,  qu'on 
prononce  emploiraient,  octroir aient', paon,  qu'on  prononce  pan\ 
Laon,  qu'on  prononce  Lan,  et  cent  autres  barbaries  pareilles  font 
dire  : 

Hodieque  manent  vestigia  ruris. 

«Les  Anglais  sont  bien  plus  inconséquents;  ils  ont  perverti 
toutes  les  voyelles  ;  ils  les  prononcent  autrement  que  toutes  les 
autres  nations.  C'est  en  orthographe  qu'on  peut  dire  avec  Virgile  : 

Et  penitiis  toto  divisos  orbe  Britannos. 

c(  Cependant  ils  ont  changé  leur  orthographe  depuis  cent  ans  :  ils 
n'écrivent  plus  :  loveth,  speaketh^  maketh,  mais  loves,  speaks,  makes. 

«  Les  Italiens  ont  supprimé  toutes  les  h.  Ils  ont  fait  plusieurs 
innovations  en  faveur  de  la  douceur  de  leur  langue. 

«  L'écriture  est  la  peinture  de  la  voix;  plus  elle  est  ressem- 
hlante,  meilleure  elle  est,  » 

Me  trouvant  en  possession  d'un  grand  nombre  de  lettres  auto- 
graphes de  Voltaire,  et  particulièrement  de  sa  correspondance,  en 
partie  inédite,  avec  d'Alembert,  j'ai  été  curieux  de  confronter  son 
orthographe  avec  celle  de  l'Académie  de  1740.  C'est  surtout  à  par- 
tir de  1752  que  devient  plus  sensible  la  modification  apportée  sous 
ce  rapport  par  Voltaire  dans  sa  correspondance,  surtout  alors 
qu^'il  s'occupait  de  la  rédaction  des  articles  qu'il  envoyait  à  d'Alem- 
bert pour  \e Dictionnaire  philosophique.  Il  supprime  le  plus  souvent 
les  lettres  doubles  qui  ne  se  prononcent  pas.  Il  écrit  pardonait; 
et  d'un  autre  côté  guai,  il  égicaiera.  Il  affecte  le  plus  profond  dé- 
dain pour  l'étymologie.  On  voit  alors  s'échapper  de  sa  plume  tantôt 
le  moi  philosophe  et  tantôt  philosofe,  ce  dernier  plus  fréquemment 
que  l'autre;  il  écrit  même  quelquefois  filosofe,  et  veut  que  ce  mot 
soit  rangé  à  la  lettre  F,  di\x  Dictionnaire  philosophique.  Dans  sa  lettre 
datée  des  Délices,  le  2  décembre  1755,  que  j'ai  sous  les  yeux,  il 
écrit  :  «  ennemi  de  la  philosofie  »  et  «persécuteur  desphilosofes.  » 
Il  met  partout  ainsi  :  enciclopédie,  dictionaire.  Dans  une  lettre 
datée  du  24,  il  écrit  :  «  Je  voudrais  que  votre  tipografe  Briasson 
«  pensast  un  peu  à  moy.  »...  «  Vous  avez  des  articles  de  téologie 
e  de  métaphisique.  »  Dans  d'autres,  il  écrit  plusieurs  fois  :  Athène, 
autentique,  entousiasme,  têse,  historiografe,  bibliotèque,  téologien^ 


156       OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  NEUFCHATEAU. 

crétien  et  cristianisme,  s'écartant  ainsi,  avec  une  intention  évi- 
dente, de  l'orthographe  de  l'Académie,  dont  il  était  membre  de- 
puis 1746.  (Voir  le  texte  de  ces  lettres  avec  leur  orthographe  à 
TAppendice  E.) 

En  comparant  les  lettres  de  Voltaire  avec  les  éditions  impri- 
mées, on  voit  que  l'habitude  typographique  de  tout  ramener  à 
l'orthographe  du  Dictionnaire  de  l'Académie  a  f^iit  supprimer  celle 
que  Voltaire  préférait  (1).  Il  eût  pourtant  été  intéressant  de  suivre, 
dans  ses  nombreux  écrits,  aussi  bien  les  modifications  de  son  or- 
thographe que  celles  de  sa  pensée.  Peut-être,  à  un  certain  mo- 
ment, la  popularité  immense  dont  il  jouissait  eût-elle  pu  faciliter 
quelques-unes  des  réformes  déjà  proposées. 

Le  service  rendu  par  Voltaire,  de  faire  accepter  généralement 
la  réforme  des  imparfaits  en  oi  et  de  ce  même  digramme  dans 
le  corps  du  mot,  comme  dans  connoitre^  a  obtenu  le  suffrage  de 
tous,  et  cette  réforme,  que  Tabbé  Girard  avait  inutilement  préco- 
nisée dès  1716,  a  été  un  acheminement  à  d'autres  régularisations. 

François  de  Neufchateau,  membre  de  l'Institut  national, 
ministre  de  l'intérieur,  après  s'être  préoccupé  pendant  une 
partie  de  sa  vie  des  moyens  d'apprendre  à  lire  au  peuple  des 
campagnes,  émettait,  en  1799,  une  opinion  qui  impliquerait 
de  notables  simplifications  dans  notre  orthographe  : 

«  Au  premier  coup  d'œil,  on  croirait  que  rien  n'est  plus  simple, 
plus  trivial,  plus  vulgaire  que  ce  que  Ton  nomme  TABC,  mais  les 
meilleurs  esprits  en  jugent  bien  différemment.  Non  sunt  contem- 
nenda  quasi  parva,  sine  quibus  magna  constare  non  possunt,  a 
dit  saint  Jérôme.  Le  célèbre  RoUin,  dans  son  Traité  des  études 
(ch.  r',  §  II),  avoue  qu'il  serait  bien  embarrassé  s'il  se  trouvait 
dans  le  cas  d'apprendre  à  lire  à  des  enfants.  En  effet,  les  auteurs 
de  méthodes  n'ont  eu  en  vue  que  des  éducations  privées,  celles  des 
enfants  des  classes  privilégiées.  Locke  se  propose  de  former  un 
jeune  gentilhomme,  Télémaque  est  composé  pour  un  prince,  VÉ- 
mile  lui-même  encourt  en  grande  partie  le  même  reproche. 

(1)  Dans  la  grande  édition  de  Beuchot,  que  nous  avons  imprimée  en  1834,  on 
n'a  conservé  de  l'orlhographe  de  Voltaire  que  ses  a  au  lieu  des  o,  et  je  fesais^ 
nous/esow5,  du  verbe /aire.  Et  en  effet,  puisqu'on  écrit  je  ferais  la  prononciation 
demande  (jue  Ton  écrive  aussi  fesons. 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  DOMERGUE.  157 

«  Je  pose  deux  principes,  ajoute  ce  ministre  ami  des  lettres, 
qui  me  semblent  démontrés  :  le  premier,  que  jamais  on  n'ap- 
prendra à  lire  aux  enfanta  des  pauvres,  surtout  dans  les  cam- 
pagnes, sHl  faut  consacrer  des  années  entières  à  cette  seule  partie 
de  V instruction;  et  le  second,  qu'il  importe  beaucoup  de  n'as- 
treindre les  enfants  à  se  procurer  aucun  de  ces  livres  d'école 
dont  on  les  embarrasse  et  que  la  plupart  perdent  ou  dé- 
chirent  » 

C'est  pourquoi  ce  sage  ministre,  si  dévoué  aux  lettres,  se  faisait 
rendre  compte  des  méthodes  de  simplification  de  la  lecture  par 
le  perfectionnement  de  l'alphabet,  et  les  expérimentait  lui-même, 
afin  qu'en  France  on  pût  arriver  au  même  degré  d'instruction  pri- 
maire que  la  plupart  des  nations  du  continent.  (Voyez  Dieudonné 
Thiébault,  Principes  de  lecture  et  de  prononciation  à  Vusage  des 
écoles  primaires,  Paris,  1802,  in-8.) 

Urbain  Domergue,  membre  de  l'Institut  de  France  (classe 
de  la  langue  et  de  la  littérature  françaises),  est  l'auteur  d'une 
réforme  plus  absolue  que  celles  qu'on  a  proposées  de  nos 
jours. 

Après  avoir  énoncé  les  deux  obstacles  qui  s'opposent  à  ce  que 
notre  belle  langue  devienne  familière  aux  étrangers:  la  détermina- 
tion du  genre  des  substantifs  et  l'écart  entre  l'orthographe  et  la 
prononciation,  l'académicien  de  1803,  plus  novateur  que  Meigret, 
ajoute  : 

«  Le  second  obstacle  est  de  nature  à  être  levé  ;  l'orthographe 
d'une  langue  n'est  pas  de  son  essence,  comme  la  syntaxe.  Faite 
pour  réfléchir  les  sons,  elle  est  une  glace  fidèle,  lorsque  les  écri- 
vains d'une  nation  se  sont  abandonnés  à  la  nature  ;  infidèle,  lors- 
que, ébloui  par  le  faux  éclat  d'un  savoir  déplacé,  détournant  les 
signes  de  leur  véritable  institution,  on  a  modelé  l'écriture  de  la 
langue  dérivée  sur  la  prononciation  de  la  langue  primitive. 

((Le  retour  aux  principes  est  désiré  par  tous  les  bons  esprits. 
Mais  quelle  autorité  fera  triompher  la  raison  ?  Quel  pouvoir  fera 
rentrer  dans  ses  limites  l'érudition,  toujours  prête  à  les  franchir  ? 
Quelle  voix  imposera  silence  au  préjugé?  Cette  heureuse  révolu- 
tion peut  être  opérée  par  le  concert  de  la  force,  à  qui  rien  ne 


158  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  VOLNEY. 

résiste,  et  des  lumières,  à  qui  rien  n'échappe.  Que  le  gouverne- 
ment dise  à  la  classe  de  Tlnstitut  national  chargée  du  dépôt  de  la 
langue  française  ; 

((  Je  demande  que  les  sons  de  la  langue  soient  tous  appréciés  et 
«reconnus;  que  chaque  son  simple  ait  un  signe  simple  qui  lui 
((  soit  exclusivement  affecté  ;  en  un  mot,  que  la  langue  écrite  soit 
((  l'image  fidèle  de  la  langue  parlée. 

«  Et  je  promets  que  Torthographe  sanctionnée  par  rAcadénn'e 
«  française  sera  sur-le-champ  adoptée  : 

c(  Dans  tous  les  actes  émanés  des  autorités  constituées  ;  —  dans 
c<  tous  les  journaux  soumis  à  l'inspection  de  la  police  ;  —  dans 
«toutes  les  écoles  nationales;  —  dans  tous  les  établissements 
«  payés  des  deniers  publics.  » 

«  La  raison  et  l'exemple  auroient  bientôt  achevé  une  révolution 
commencée  sous  des  auspices  aussi  imposants.  » 

Puis  dans  une  prosopopée  adressée  à  celui  qui  semblait  per- 
sonnifier le  génie  de  la  France,  il  s'écrie  : 

«  0  Bonaparte  (1)^  jette  un  regard  sur  ces  lignes,  elles  t'appel- 
lent à  la  gloire,  non  à  celle  du  guerrier ,  tes  exploits  ont  lassé  hi 
renommée  ;  non  à  celle  de  l'homme  d'État,  la  France  te  bénit  et 
l'univers  t'admire La  gloire  que  je  t'offre  est  pure  et  n'appar- 
tiendra qu'à  toi  seul.  Ose  ordonner  la  réforme  de  notre  orthogra- 
phe ;  et  le  mensonge  abécédaire,  qui  prépare  à  tous  les  menson- 
ges, ne  déformera  plus  les  jeunes  esprits,  et  l'immense  famille 
dont  tu  es  le  chef  parlera  partout  le  môme  langage,  et  les  monu- 
ments immortels  du  génie  et  du  goût  de  nos  écrivains  se  présente- 
ront d'eux-mêmes  à  l'étranger  reconnaissant.  Élevé  au  faîte  du 
pouvoir  par  ta  valeur,  ta  sagesse  et  notre  amour,  déploie  ta  force 
pour  la  propagation  des  idées  justes,  mets  ta  gloire  dans  le  triom- 
phe de  la  vérité.  » 

(Voir  plus  loin,  pour  son  plan  de  réforme.  Appendice  D^à  la 
date  de  1806.) 

VoLNEY,  de  l'Académie  française,  qui  s'est  livré  à  une  étude 
toute  spéciale  des  langues  et  de  l'orthographe,  formule  ainsi 
son  opinion  sur  notre  manière  de  représenter  les  sons,  dans 

(1)  Domergue  écrivait  ceci  en  1803,  sous  le  Consulat. 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  DE  TRACY.  159 

son  ouvrage  intitulé  :  L'Alfabet  européen  appliqué  aux  lan- 
gues asiatiques  (p.  21)  : 

«  On  peut  dire  que  depuis  radoption,  et  en  môme  temps  la  mo- 
dification de  l'alphabet  phénicien  par  les  Grecs,  aucune  améliora- 
tion, aucun  progrès  n'a  été  fait  dans  la  chose.  Les  Romains,  vain- 
queurs des  Grecs,  ne  furent  à  cet  égard,  comme  à  bien  d'autres, 
que  leurs  imitateurs.  Les  Européens  modernes,  vainqueurs  des 
Romains,  arrivés  bruts  sur  la  scène,  trouvant  l'alfabet  tout  or- 
ganisé, l'ont  endossé  comme  une  dépouille  du  vaincu,  sans 
examiner  s'il  allait  à  leur  taille.  Aussi  les  méthodes  alfabétiques 
de  notre  Europe  sont-elles  de  vraies  caricatures  :  une  foule  d'ir- 
régularités, d'incohérences,  d'équivoques,  de  doubles  emplois  se 
montrentdansralfabet  même  italien  ou  espagnol,  dans  l'allemand, 
le  polonais,  le  hollandais.  Quant  au  français  et  à  l'anglais,  c'est  le 
comble  du  désordre  :  pour  l'apprécier,  il  faut  apprendre  ces  deux 
langues  par  principes  grammaticaux  ;  il  faut  étudier  leur  ortho- 
graphe par  la  dissection  de  leurs  mots.  » 

(Voir  Appendice  D,  à  la  date  de  1821.) 

FoRTiA  d'Urban,  membre  de  l'Institut,  Académie  des  in- 
scriptions et  belles-lettres,  s'exprime  ainsi  dans  son  Nouveau 
Système  de  bibliographie  alphabétique^  2^édit.,  1822,  p.  9  : 

«Un  principe,  dont  je  crois  que  tout  le  monde  reconnaîtra  l'é- 
vidence, doit  sans  doute  diriger  ceux  qui  voudront  raisonner  sur 
notre  orthographe  et  sur  les  innovations  que  l'on  peut  y  apporter. 
Cet  axiome,  c'est  qu'eV  faut  écrire  comme  on  parle.  En  effet,  l'é- 
criture n'étant  que  le  signe  du  langage,  plus  l'image  est  fidèle, 
mieux  elle  atteint  son  but.  C'est  un  avantage  que  la  langue  alle- 
mande, Vespagnole  et  l'italienne  ont  sur  les  langues  anglaise  et 
française  ;  nous  devons  nous  efforcer  de  le  partager.  » 

Destutt  de  Tracy,  de  l'Académie  française,  émet  sur  ce 
grave  sujet  un  jugement  remarquable  par  sa  netteté  : 

«  Nos  alphabets,  vu  leurs  difficultés  et  le  mauvais  usage  que 
nous  en  faisons,  c'est-à-dire  nos  vicieuses  orthographes,  méritent 
encore  à  peine  le  nom  d'écriture.  Ce  ne  sont  que  de  maladroites 


160  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  DE  TRACY. 

tachygraphies  qui  figurent  tant  bien  que  mal  ce  qu'il  y  a  de  plus 
frappant  dans  le  discours,  et  en  laissent  la  plus  grande  partie  à  de- 
viner, quoique  souvent  elles  multiplient  les  signes  sans  utilité 
comme  sans  motif. 

«  Que  se  passe-t-il  avec  l'alphabet  actuel?  On  enseigne  d'abord 
à  connaître  les  lettres,  et  la  facilité  qu'y  apportent  les  plus  jeunes 
et  les  plus  inappliqués  des  élèves  prouve  que  l'obstacle  n'est  pas 
là.  11  faut  ensuite  apprendre  à  épeler,  c'est-à-dir^  à  les  réunir.  Ici 
commencent  des  difficultés  sans  nombre.  Elles  sont  véritablement 
infinies  avec  l'alphabet  français,  puisque  personne  ne  peut  de- 
viner Torthographe  d'un  mot  nouveau  ou  d'un  nom  propre.  C'est 
par  ce  motif  que  beaucoup  de  personnes  renoncent  à  faire  épeler 
les  enfants,  et  préfèrent  leur  apprendre  les  mots  entiers,  écrits  sur 
des  cartes,  comme  avec  l'écriture  idéologique  des  Chinois.  C'est 
assurément  là  une  preuve  irrécusable  des  vices  et  des  difficultés 
que  présente  notre  alphabet  irrationel.  » 

«  La  mémoire  seule  peut  servir  à  l'étude  de  l'orthographe;  au- 
cun raisonnement  ne  peut  guider;  au  contraire,  il  faut  à  tout  mo- 
ment faire  le  sacrifice  de  son  bon  sens,  renoncer  à  toute  analogie, 
à  toute  déduction,  pour  suivre  aveuglément  l'usage  établi,  qui  vous 
surprend  continuellement  par  son  inconséquence,  si,  malheureu- 
sement pour  vous,  vous  avez  la  puissance  et  l'habitude  de  réflé- 
chir. 

«  Et  j'en  appelle  à  tous  ceux  qui  ont  un  peu  médité  sur  nos 
facultés  intellectuelles  :  y  a-t-il  rien  au  monde  de  plus  funeste 
qu'un  ordre  de  choses  qui  fait  que  la  première  et  la  plus  longue 
étude  de  l'enfance  est  incompatible  avec  l'exercice  du  jugement? 
Et  peut-on  calculer  le  nombre  prodigieux  d'esprits  faux  que  peut 
produire  une  si  pernicieuse  habitude,  qui  devance  toutes  les  au- 
tres? » 

Destutt  de  Tracy  fut  un  des  partisans  les  plus  convaincus  de 
la  proposition  faite  par  Volney  d'appliquer  à  Fécriture  des  langues 
orientales  l'alphabet  latin  complété. 

JouY,  membre  de  F  Académie  française,  en  1829,  acceptait 
l'idée  fondamentale  de  la  réforme  dans  sa  réponse  à  V Appel 
aux  Français  de  M.  Marie  : 

«  J'ai  moi-même,  écrit-il,  exprimé  plusieurs  fois  le  désir  de  voir 
opérer  dans  l'orthographe  de  la  langue  française  une  foule  de 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  ANDRIEUX.  161 

changements  que  le  plus  simple  bon  sens  réclame.  L'emploi  des 
voyelles  inutiles  et  des  doubles  consonnes  dans  les  mots  où  la 
prononciation  n'en  fait  sentir  qu'une  seule  est  un  reste  de  bar- 
barie que  rétymologie  n'excuse  pas  même  toujours.  » 

Charles  Nodier,  de  l'Académie  française  en  1833,  l'un 
des  hommes  les  plus  compétents  dans  la  question,  n'hésite  pas 
dans  l'expression  de  son  sentiment  : 

«  Je  place  au  premier  rang  des  plus  honorables  ouvriers  de  la 
littérature  les  grammairiens,  les  lexicographes,  les  dictionnaristes. 
Si  leurs  dictionnaires  sont  mauvais,  ce  n'est  presque  jamais  leur 
faute.  C'est  d'abord  celle  de  la  langue,  qui  n'est  pas  bien  faite; 
celle  de  l'alphabet,  qui  est  détestable;  celle  de  Forthographe,  qui 
est  une  desplus  mauvaises  et  des  plus  arbitraires  de  V Europe.  C'est 
ensuite  celle  de  la  routine  qui  est  une  loi  en  France.  C'est  peut- 
être  enfin  celle  des  institutions  littéraires  préposées  à  la  conser- 
vation de  la  langue,  et  qui  ont  fait  de  cette  routine  un  fatal  mo- 
nopole. » 

Malgré  ces  aveux  significatifs  contenus  dans  la  préface  de  V Exa- 
men critique  des  dictionnaires  de  la  langue  françoise,  publié  en 
1829,  on  doit  convenir  que  Nodier,  devenu  membre  de  l'Académie 
française,  fut  un  des  adversaires  les  plus  redoutables  du  néogra- 
phisme absolu,  contre  lequel  il  épuisait  les  traits  les  plus  acérés 
de  sa  verve  spirituelle.  (Voir  plus  loin,  Appendice  D,  à  l'article 
d'Honorat  Rambaud,  p.  200.) 

Andrieux,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française,  es- 
prit judicieux ,  bon  grammairien  et  littérateur  de  premier 
ordre,  s'exprimait  ainsi  de  son  côté  en  1829,  dans  sa  lettre  à 
M.  Marie  : 

«  Il  est  d'un  bon  esprit  de  désirer  la  réforme  de  l'orthographe 
française  actuelle,  de  vouloir  la  rendre  conforme,  autant  que  pos- 
sible, à  la  prononciation;  il  est  d'un  bon  grammairien,  et  même 
d'un  bon  citoyen,  de  s'occuper  de  cette  réforme;  mais  il  est 
difficile  d'y  réussir.  Voltaire,  après  soixante  et  dix  ans  de  travaux, 

11 


162  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  DAUNOU. 

est  à  peine  parvenu  à  nous  faire  écrire  français  comme  paix  et 
non  pas  comme  François  et  poix.  On  trouve  encore  des  gens  qui 
répugnent  à  ces  changements  si  raisonnables  et  si  simples.  Les 
routines  sont  tenaces;  le  succès  vous  en  sera  plus  glorieux,  si 
vous  l'obtenez.  Vous  vous  proposez  de  marcher  lentement  et  avec 
précaution  dans  cette  carrière  assez  dangereuse  :  c'est  le  moyen 
d'arriver  au  bût.  Puissiez-vous  l'atteindre  !  » 

(Voir  plus  loin,  Appendice  D,  à  la  date  de  1829,  la  réclamation 
de  M.  Andrieux  contre  M.  Marie.) 

Le  professeur  Laromiguière  ,  membre  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques,  écrivait  à  M.  Marie  à  propos  de 
son  système  : 

((  Je  pense,  après  Molière,  Montesquieu,  Du  Marsais,  que  rien 
n'est  plus  désirable  que  l'exécution  de  votre  projet.  En  rappro- 
chant l'orthographe  de  la  prononciation ,  vous  nous  apprendrez 
en  même  temps  à  lire,  à  parler  et  à  écrire  la  langue  française  ;  ce 
sera  un  service  signalé  rendu  à  tous  les  Français  et  aux  nombreux 
étrangers  qui  aiment  notre  littérature.  » 

Daunou,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  membre  de  T Académie  des  sciences  mo- 
rales et  politiques,  membre  du  Comité  d'instruction  publique 
de  l'Assemblée  nationale ,  s'exprimait  ainsi  à  propos  des 
moyens  de  faciliter  la  lecture  aux  enfants  : 

cf  ...  J'invoque  donc  une  réforme  d'un  plus  grand  caractère  que 
celles  qui  ont  été  introduites  jusqu'ici  dans  l'enseignement  de  la 
lecture.  Je  réclame,  comme  un  moyen  de  raison  publique,  le  chan- 
gement de  l'orthographe  nationale,  et  je  ne  crois  pas  cette  propo- 
sition indigne  d'être  adressée  à  des  législateurs  qui  compteront 
pour  quelque  chose  le  progrès,  ou  plutôt,  si  je  puis  m'exprimer 
ainsi,  la  santé  de  l'esprit  humain.  Il  n'est  point  question  ici 
de  quelques  corrections  partielles,  semblables  à  celles  que  l'on  a 
tentées,  et  qui  ne  sont  bien  souvent  que  de  nouvelles  manières  de 
contrarier  la  nature.  Je  demande  la  restauration  de  tout  le  sys- 
tème orthographique,  et  que,  d'après  l'analyse  exacte  des  sons 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  M.  LIÏTRÉ.  163 

divers  dont  notre  idiome  se  compose,  l'on  institue  entre  ces  sons 
et  les  caractères  de  l'écriture  une  corrélation  si  précise  et  si  con- 
stante que,  les  uns  et  les  autres  étant  égaux  en  nombre,  jamais  un 
même  son  ne  soit  désigné  par  deux  différens  caractères,  ni  un 
même  caractère  applicable  à  deux  sons  différens.  Celte  analyse 
des  sons  de  notre  langue,  la  philosophie  Fa  déjà  faite,  ou  Ta  du 
moins  fort  avancée.  Cette  correspondance  invariable  entre  la  lan- 
gue parlée  et  la  langue  écrite,  il  ne  faut  plus  que  la  vouloir  pour 
rétablir  avec  succès.  Nous  ne  pouvons  pas  désirer  pour  cette  ré- 
forme importante  une  plus  favorable  époque  que  celle  où  les  pré- 
jugés se  taisent,  où  les  habitudes  s'ébranlent,  où  l'on  travaille 
enfin  à  régénérer  Tinstruction. 

«  On  suppose  qu'un  tel  changement  dans  l'orthographe  doit 
entraver  ou  abohr  l'usage  des  livres  écrits  selon  la  méthode  ordi- 
naire, ou  du  moins  que  la  lecture  de  ces  livres  deviendrait  presque 
inaccessible  aux  enfans  accoutumés  à  un  autre  système  graphique. 
Il  ne  s'agit,  pour  dissiper  cette  objection,  que  de  bien  expliquer 
ce  que  je  propose.  Assurément,  je  ne  demande  point  que  l'on 
n'imprime  plus  aucun  livre  avec  notre  orthographe  actuelle,  ni 
même  que  les  lois  soient  écrites  avec  ^orthographe  philosophique 
que  j^ai  indiquée.  Les  livres  classiques  que  les  enfans  auront  entre 
les  mains,  dans  les  écoles  nationales,  sont  les  seuls  que  j'aie  ici  en 
vue.  A  regard  de  tous  les  autres,  il  faut  laisser  agir  le  temps,  la 
liberté  et  la  raison.  » 


M.  LiTTRÉ,  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  et  juge  si  compétent  en  cette  matière,  s'exprime  ainsi 
dans  son  Histoire  de  la  langue  française  y  tome  I",  p.  327  : 

«  L'habitude  commune  dans  les  anciens  textes  de  ne  pas  écrire 
les  consonnes  doublées  qui  ne  se  prononcent  pas  et  de  mettre 
arester,  douer,  apeler,  etc.,  mériterait  d^être  transportée  dans 
notre  orthographe.  On  écrit  dans  les  anciens  textes  au  pluriel  sans 
tles  mots  enfans,  puîssans,  etc.  :  cette  orthographe,  depuis  long- 
temps proposée  par  Voltaire,  est  un  archaïsme  bon  à  renouveler. 
Ceux  qui  s'effrayeraient  du  changement  d^orthographe  ne  doivent 
pas  se  faire  illusion  sur  l'apparente  fixité  de  celle  dont  ils  se  ser- 
vent. On  n'a  qu'à  comparer  l'orthographe  d'un  temps  bien  peu 
éloigné,  le  dix-septième  siècle,  avec  celle  du  nôtre,  pour  recon- 


164  OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  M.  MÛLLER. 

naître  combien  elle  a  subi  de  modifications.  Il  importe  donc,  ces 
modifications  étant  inévitables  ,  qu'elles  se  fassent  avec  sys- 
tème et  jugement.  Manifestement,  le  jugement  veut  que  l'ortho- 
graphe aille  en  se  simplifiant,  et  le  système  doit  être  de  combiner 
les  simplifications  de  manière  qu'elles  soient  graduelles  et  qu'elles 
s'accordent  le  mieux  possible  avec  la  tradition  et  Tétymologie..  » 

Dans  un  autre  passage,  le  savant  philologue  constate  ainsi  l'in- 
fluence de  l'orthographe  sur  le  langage  parlé  et  par  suite  l'im- 
portance d'une  écriture  régulière  pour  le  maintien  môme  de  la 
langue. 

«  Notre  langue  fourmille  de  mots  où  l'écriture  a  fini  par  tuer  la 
prononciation,  c'est-à-dire  que  des  lettres  écrites,  il  est  vrai,  mais 
non  prononcées,  ont  fini  par  triompher  de  la  tradition  et  se  faire 
entendre  à  l'oreille  comme  elles  se  montrent  à  l'œil.  » 

M.  Max  MuLLER,  correspondant  de  l'Institut  de  France  et 
l'un  des  linguistes  les  plus  éminents  de  l'Europe ,  écrivait,  en 
1863  (1),  à  propos  de  la  réforme  orthographique  de  la  langue 
anglaise,  les  lignes  suivantes,  qui  s'appliquent,  sous  plus  d'un 
rapport,  à  diverses  tentatives  faites  chez  nous  dans  ces  derniers 
temps  : 

«  Je  ne  dois  pas  manquer  ici  à  appeler  l'attention  sur  les  impor- 
tants services  qu'ont  rendus  ceux  qui,  pendant  près  de  vingt  ans, 
ont  travaillé  en  Angleterre  à  faire  passer  dans  la  pratique  les  ré- 
sultats de  la  recherche  scientifique,  en  composant  et  en  cherchant 
à  propager  un  nouveau  système  «  d'écriture  abrégée  et  d'ortho- 
graphe rationnelle  »,  plus  connu  sous  le  nom  de  Réforme  phoné- 
tique. Je  suis  loin  de  me  dissimuler  les  difficultés  qui  s'opposent 
au  prompt  succès  d'une  pareille  réforme,  et  je  ne  me  flatte  pas  de 
l'espoir  qu'elle  sera  réalisée  par  quelqu'une  des  trois  ou  quatre  gé- 
nérations qui  nous  suivront  immédiatement.  Mais  je  me  sens  con- 
vaincu du  caractère  de  vérité  et  de  raison  que  présentent  les  prin- 


(1)  Nouvelles  leçons  sur  la  science  du  langage,  cours  professé  à  Vlnstitu- 
tionroyale  de  la  Grande-Bretagne  en  Vannée  1863,  par  M.  Max  MûUer,  et 
trad.  de  l'anglais  par  MM.  Georges  Harrïs  et  Georges  Perrot.  Paris,  A.  Du- 
rand, 1867,  in-8,  t.  le'. 


OPmiONS  DES  ACADÉMICIEINS.  —  M.  QUICHERAT.        165 

cipes  sur  lesquels  repose  cette  réforme  :  or  le  respect  que  nous 
inspirent  naturellement  la  raison  et  la  vérité,  quoiqu'il  puisse  être 
endormi  ou  intimidé  par  instants,  a  toujours  fini  par  avoir  le  der- 
nier mot,  et  par  peser  dans  la  balance  d'un  poids  irrésistible.  Il  a 
rendu  les  hommes  capables  de  renoncer  à  leurs  préjugés  les  plus 
chers,  et  à  leurs  cultes  les  plus  sacrés,  qu'il  s'agît  des  lois  sur  les 
céréales,  de  la  dynastie  des  Stuarts  ou  des  idoles  du  paganisme  ; 
et  je  ne  doute  pas  que  notre  orthographe  irrationnelle  n'ait  le  même 
sort  que  toutes  les  superstitions  dont  les  hommes  ont  fini  par  se 
débarrasser.  Il  est  déjà  arrivé  que  des  nations  ont  changé  leurs 
signes  de  numération,  leurs  lettres,  leur  chronologie,  leurs  poids 
et  leurs  mesures.  Peut-être  M.  Pitman  ne  vivra-t-il  pas  assez  long- 
temps pour  voir  le  résultat  de  ses  efforts  persévérants  et  désinlé. 
ressés  ;  mais  on  n'a  pas  besoin  d'être  prophète  pour  assurer  que  ce 
qui  maintenant  est  hué  par  la  foule  devra  l'emporter.un  jour  ou 
l'autre,  à  moins  que  l'on  ne  trouve,  pour  combattre  ce  système, 
autre  chose  que  quelques  mauvaises  plaisanteries  déjà  usées.  Il  y 
a,  parmi  les  objections  que  l'on  fait  à  ces  projets  de  réforme  ortho- 
graphique, un  argument  qui  devrait,  à  ce  qu'il  semble,  avoir  grand 
poids  aux  yeux  du  linguiste  :  cette  réforme,  dit-on,  ferait,  dans  un 
grand  nombre  de  cas,  disparaître  des  lettres  qui  témoignent  de 
Tétymologie  des  mots.  Je  ne  puis  pourtant  prendre  cet  argument 
très  au  sérieux.  Dans  les  langues,  la  prononciation  change  diaprés 
des  lois  déterminées,  tandis  que,  dans  les  idiomes  modernes,  pour 
ne  parler  que  de  ceux-ci  en  ce  moment,  l'orthographe  a  changé  de 
la  manière  la  plus  arbitraire,  de  sorte  que  si  notre  orthographe 
suivait  la  prononciation  des  mots,  elle  serait  en  réalité  plus  utile  à 
celui  qui  étudie  le  langage  au  point  de  vue  critique  que  notre  sys- 
tème actuel  d'orthographe,  avec  ce  qu'il  y  a  d'incertain,  d'arbi- 
traire, d'étranger  à  toute  méthode  scientifique.  » 

M.  L.  QuicHERAT,  membre  de  r  Académie  des  inscriptions,- 
accepterait  volontiers  une  régularisation  et  quelques  réformes 
de  détail  dans  le  sens  étymologique.  Il  s'exprime  ainsi  dans 
la  préface  de  son  Dictionyiaire  français-latin^  1864  : 

«  J'ai  suivi  constamment  pour  guide  le  Dictionnaire  de  l'Aca- 
démie, dont  une  longue  pratique  m'a  fait  de  plus  en  plus  appré- 
cier le  mérite.  Il  est  facile  de  réunir  contre  un  ouvrage  si  étendu 
un  certain  nombre  de  critiques  de  détail  :  ces  petites  imperfec- 


166        OPINIOlNS  des  ACADÉMICIENS.  -  M.  QUICHERAT. 

lions  ne  sauraient  déformer  Tensemble  :  Ubi  plura  nitent,  non 
egopaucis  offendar  maculis 

«  J'ai  suivi  presque  toujours  son  autorité  sous  le  rapport  de  la 
grammaire  et  de  l'orthographe,  bien  que  parfois  je  ne  fusse  pas 
satisfait  de  ses  solutions.  Ainsi  je  faisais  tout  bas  mes  réserves 
quand  j'indiquais  comme  étant  du  mascuHn  le  mot  quadrige,  et 
du  féminin  le  mot  exemple  (d'écriture).  Je  trouvais  assez  sin- 
gulier qu'on  écrivît  dyssenterie,  quand  on  écrit  tout  de  suite  après 
dijsurie.  Je  ne  m'explique  point  par  quelle  subtilité  on  a  établi 
entre  Zéphire  et  zéphijr  une  distinction  que  l'étymologie  con- 
damne et  dont  les  poètes  ne  tiennent  aucun  compte.  Je  ne  com- 
prends rien  à  la  bizarrerie  qui  conserve  l'adjectif  invariable  dans 
cette  locution  :  Ils  se  faisaient  fort  de,  elle  se  fait  fort  de. 

«  Pour  Forthographe,  je  n'entrerai  point  dans  une  foule  de  pe- 
tites discussions  que  je  laisse  aux  grammairiens.  Seulement  j'ose- 
rai blâmer  TAcadémie  quand  elle  a  la  faiblesse  d'abandonner  un 
principe  général  pour  se  conformer  à  une  erreur  vulgaire.  En 
somme,  elle  oublie  trop  qu'elle  a  le  droit  et  le  devoir  de  dicter  la 
loi.  Par  exemple,  je  ne  vois  pas  pourquoi,  infidèle  à  ses  propres 
traditions,  elle  a  fini  par  accepter  la  nouvelle  manière  d'écrire  le 
mot  terrain,  que  certains  étymologistes  dérivent  sans  doute  de 
terra  ou  de  je  ne  sais  quel  adjectif  terraneus,  faisant  pendant  à  suh- 
terraneus.  Mais  l'Académie  de  1694  écrivait  terrein,  comme  l'exige 
la  racine  terrenum.  Si  l'on  prétend  établir  une  règle  nouvelle,  il 
faut  au  moins  décréter  que  plenus  donnera  le  mot  français  plain, 
serenus,  serain,  etc.  De  même,  l'esprit  rude  sur  la  voyelle  ini- 
tiale se  représente  en  français  par  une  h.  La  logique  réclame  une 
apphcation  universelle  d'un  principe  aussi  simple.  Or,  si  l'on  écrit 
holocauste^  pourquoi  olographe  ?  pourquoi  encore  erpétologie  ? 

«  Néanmoins,  je  me  suis  incliné  devant  toutes  ces  anomalies,  et 
je  n'ai  fait  cause  à  part  que  deux  ou  trois  fois.  Les  mots  roide, 
roideur,  roidir,  ont  été  omis,  je  ne  sais  pourquoi,  dans  la  réforme 
voltairienne  qui  a  conformé  l'écriture  à  la  prononciation.  Dans  la 
septième  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie,  je  ne  fais  pas  de 
doute  que  cela  sera  réformé.  J'ai  maintenu  l'orthographe  disijl- 
lahe,  au  lieu  de  dissyllabe,  que  j'avais  déjà  introduite  dans  d'au- 
tres ouvrages.  Gela  m'a  paru  nécessaire  pour  conserver  la  brève 
de  l'adjectif  latin,  et  pour  qu'on  ne  crût  pas  voir  dans  ce  mot  un 
composé  de  dissos.  Je  puis  dire  que  le  savant  et  regrettable  Bois- 
sonade  avait  applaudi  à  cette  petite  révolte  contre  l'autorité.  » 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  M.  SAINTE-BEUVE.       167 

M.  Charles- Auguste  Sainte-Beuve,  membre  de  l'Académie 
française  depuis  1845,  a  bien  voulu  consacrer  dans  le  Moniteur 
du  2  mars  dernier  à  la  première  édition  du  présent  ouvrage 
un  de  ces  articles  où  une  science  profonde  quoique  toujours 
aimable  se  cache  sous  la  forme  la  plus  séduisante.  Je  ne  puis 
résister  au  désir  de  citer  l'analyse  historique  que  le  savant 
académicien  a  faite  de  la  question,  à  propos  de  mon  travail, 
tout  en  passant  sous  silence  les  encoujagements  si  bienveil- 
lants qu'il  veut  bien  donner  à  mes  efforts. 

«  Notre  langue  française,  dit-il,  vient  en  très-grande  partie  du 
latin.  C^est  un  fait  reconnu  et  que  les  philologues  et  critiques  qui 
se  sont  occupés  de  l'histoire  de  la  langue  et  qui  ont  étudié  la 
naissance  de  la  romane,  d'où  la  nôtre  est  dérivée,  ont  mis  de 
plus  en  plus  en  lumière.  Uun  de  ces  derniers  historiens  et  qui  s'est 
dirigé  d'après  la  méthode  et  par  les  conseils  des  vrais  maîtres, 
M.  Auguste  Brachet,  a  parfaitement  exposé  (1)  cette  formation  de 
notre  idionie.  Mais  ce  n'est  pas  du  latin  savant,  du  latin  cicéro- 
nien,  c'est  du  latin  vulgaire  parlé  par  le  peuple  et  graduellement 
altéré,  que  sont  sortis,  après  des  siècles  de  tâtonnement,  les  diffé- 
rents dialectes  provinciaux  dont  était  celui  de  FIle-de-France., 
lequel  a  fini  par  se  subordonner  et  par  supplanter  les  autres  ;  lui 
seul  est  devenu  la  langue,  les  autres  sont  restés  ou  redevenus  des 
patois. 

a  Quand  je  dis  que  cette  langue  romane  des  onzième  et  dou- 
zième siècles  est  sortie  du  latin  vulgaire  et  populaire  graduelle- 
ment altéré,  j'ai  peur  de  me  faire  des  querelles;  car,  d'après  les 
modernes  historiens  philologues,  les  transformations  du  latin  vul- 
gaire ne  seraient  point,  à  proprement  parler,  des  altérations  :  ce 
seraient  plutôt  des  développements,  des  métamorphoses,  des  états 
successifs  soumis  à  des  lois  naturelles,  et  qui  devinrent  décidé- 
ment progressifs  à  partir  d'un  certain  moment  :  il  en  naquit 
comme  par  voie  de  végétation,  vers  le  dixièm.e  siècle,  une  langue 
heureuse,  assez  riche  déjà,  bien  formée,  toute  une  flore  vivante 
que  ceux  qui  Tont  vue  poindre,  éclore  et  s'épanouir,  sont  presque 
tentés  de  préférer  à  la  langue  plus  savante  et  plus  forte,  mais  plus 

(1)  Grammaire  historique  de  la  langue  française,  par  M.  Auguste  Brachet  ; 
1  vol.  in-18,  à  la  librairie  Hetzel,  18,  rue  Jacob. 


168      OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  M.  SAINTE-BEUVE. 

compliquée  et  moins  naïve,  des  âges  suivants.  Je  n'ai  point  à  entrer 
dans  cette  discussion,  ni  à  chicaner  sur  cette  préférence;  ce  que 
je  voulais  seulement  remarquer,  c'est  que,  sous  cette  première 
forme  lentement  progressive  et  naturelle,  tous  les  mots  français 
qui  viennent  du  latin  et  par  le  latin  du  grec  ont  été  adoucis, 
préparés,  mûris  et  fondus,  façonnés  à  nos  gosiers,  par  des  siècles 
entiers  de  prononciation  et  d'usage  :  ils  sont  le  contraire  de  ce  qui 
est  calqué  et  copié  artificiellement,  directement.  Ils  n'ont  pas  été 
transportés  d'un  jour  à  l'autre  et  faits  de  toute  pièce,  tout  raides 
et  tout  neufs,  d'après  une  langue  savante  et  morte,  que  l'on  ne 
comprend  que  par  les  yeux  et  plus  du  tout  par  l'oreille. 

a  A  ce  vieux  fonds  de  la  langue  française  il  y  a  peu  à  réformer 
pour  l'orthographe.  Les  mots  en  ayant  été  prononcés  et  parlés  par 
le  peuple,  des  siècles  durant,  avant  d'être  notés  et  écrits,  toutes 
ou  presque  toutes  les  lettres  inutiles  ont  eu  tout  le  temps  de  tom- 
ber et  de  disparaître.  Quand  ils  ont  été  écrits  pour  la  première 
fois,  ils  ne  l'ont  pas  été  par  les  savants.  L'usage  a  donc  amené 
et  produit  pour  ce  vieux  fonds  domestique  la  forme  qui,  ce  me 
semble,  est  définitive.  La  difficulté  est  surtout  pour  les  mots 
savants  et  d'origine  plus  récente,  importés  à  partir  du  seizième 
siècle,  depuis  l'époque  de  la  Renaissance,  et  la  plupart  tirés  du 
grec  avec  grand  renfort  de  lettres  doubles  et  de  syllabes  héris- 
sées. Ces  mêmes  historiens  de  la  langue  et  qui  l'admirent  surtout 
aux  douzième  et  treizième  siècles,  dans  sa  première  fleur  de  jeu- 
nesse et  sa  simplicité,  sont  portés  à  proscrire,  à  juger  sévèrement 
toute  l'œuvre  de  la  Renaissance,  comme  si  elle  n^était  pas.légitimc 
à  son  moment  et  comme  si  elle  ne  formait  pas,  elle  aussi,  un  des 
âges,  une  des  saisons  de  la  langue.  M.  Auguste  Brachet,  qui  n'est 
nuUement  favorable  aux  néologismes  du  seizième  siècle,  déclare 
en  môme  temps  absurde  la  tentative  qui  consisterait  aujourd'hui 
h  réduire  et  à  simplifier,  en  les  écrivant,  bon  nombre  des  doctes 
mots  introduits  alors.  «  Puisque  l'orthographe  du  mot,  dit-il, 
résulte  de  son  étymologie,  la  changer,  ce  serait  lui  enlever  ses 
titres  de  noblesse.  »  Telle  cependant  n'a  pas  été  et  n'est  point 
l'opinion  de  beaucoup  d'hommes  instruits  et  d'esprits  philosophi- 
ques depuis  le  seizième  siècle  jusqu^à  nos  jours. 

«  Sans  doute  l'introduction  de  la  plupart  de  ces  mots  s'étant 
faite  par  les  savants  et  d'autorité  pour  ainsi  dire,  non  insensible- 
menl  et  par  le  peuple,  ce  ne  saurait  être  à  la  manière  du  peuple  et 
comme  cela  s'est  passé  pour  le  premier  fonds  ancien  de   mots 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  M.  SAINTE-BEUVE.       169 

latins,  par  une  usure  lente  et  continuelle,  que  la  simplification 
peut  s'opérer.  Mais  la  même  autorité  qui  a  importé  les  mots  et 
vocables  scientifiques  peut  intervenir  pour  les  modifier.  Ainsi  rien 
n'oblige  d'user  perpétuellement  de  cette  orthographe  grecque  si 
repoussante,  dans  les  mots  rhylhme,  phthisie,  catarrhe,  etc.;  et 
il  y  a  longtemps  que  Ronsard  et  son  école,  tout  érudits  qu'ils 
étaient,  avaient  désiré  affranchir  et  alléger  l'écriture  courante  de 
cet  «insupportable  entassement  de  lettres  ».  Ils  n'y  étaient  point 
parvenus. 

«  L'histoire  des  tentatives  faites  depuis  le  seizième  siècle  pour 
la  simplitication  de  l'orthographe  nous  est  présentée  fort  au  com- 
plet par  M.  Didot  en  son  intéressante  brochure,  et  il  en  ressort 
que  pour  réussir  à  obtenir  quelque  chose  en  telle  matière  et  pour 
triompher  de  l'habitude  ou  de  la  routine,  même  lorsque  celle-ci 
est  gênante  et  fatigante,  il  ne  faut  pas  trop  demander,  ni  deman- 
der tout  à  la  fois. 

«  Joachim  Du  Bellay  le  savait  bien,  lui  qui  dans  son  Illustra- 
tion et  Défense  de  la  Langue,  où  il  proposait  en  1549  tant  d'inno- 
vations littéraires,  n'a  pas  voulu  les  compliquer  de  l'emploi  de 
l'orthographe  nouvelle  de  Louis  Meigret  qu'il  approuvait  en 
principe,  mais  qu'il  savait  trop  dure  à  accepter  des  récalci- 
trants. 

«  Ces  projets  de  réforme  radicale  dans  l'orthographe,  mis  en 
avant  par  Meigret  et  par  Ramus,  ont  échoué  ;  Ronsard  lui-même 
recula  devant  l'emploi  de  cette  écriture  en  tout  conforme  à  la 
prononciation  :  il  se  contenta  en  quelques  cas  d'adoucir  les  aspé- 
rités, d'émonder  quelques  superfétations,  d'enlever  ou,  comme  il 
disait,  de  racler  ïy  grec  :  il  avait  d'ailleurs  ce  principe  excellent 
que  c<  lorsque  tels  mots  grecs  auront  assez  longtemps  demeuré 
en  France,  il  convient  de  les  recevoir  en  notre  mesnie  et  de  les 
marquer  de  Vi  français,  pour  montrer  qu'ils  sont  nôtres  et  non 
plus  inconnus  et  étrangers.  »  —  Et  pour  le  dire  en  passant,  cette 
règle  est  celle  qui  se  pratique  encore  et  qui  devrait  prévaloir  pour 
tout  mot  ou  toute  expression  d'origine  étrangère.  Ainsi  pour 
àparte  :  un  a-parte,  des  a-parte;  on  Pécrivait  d'abord  en  deux  mots, 
et  le  pluriel  ne  prenait  pas  d's  ;  mais  Fexpression  ayant  fait  assez 
longtemps  quarantaine  et  ayant  mérité  la  naturalisation,  on  en 
a  soudé  les  deux  parties,  on  en  a  fait  un  seul  mot  qui  se  com- 
porte comme  tout  autre  substantif  de  la  langue,  et  l'on  écrit  :  un 
aparté^  des.  apartés.  —  C'est   ainsi  encore  qu'il  est    venu  un 


170      OPmiONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  M.  SAINTE-BEUVE. 

moment  où  les  quanquam  sont  devenus  les  cancans.  Mais  les 
errata,  bien  que  si  fort  en  usage  et  qui  devraient  être  acclimatés, 
ce  me  semble,  n'ont  pu  encore  devenir  des  erratas,  comme  on 
dit  des  opéras  (1). 

((  Corneille,  après  Ronsard,  apporte  à  son  tour  son  autorité  en 
cette  question  de  la  réforme  de  l'orthographe.  Dans  l'édition 
qu'il  donna  en  1664  de  son  Théâtre  revu  et  corrigé,  il  mit  en 
tête  un  Avertissement  où  il  exposait  ses  raisons  à  l'appui  de  cer- 
taines innovations  qu'il  avait  cru  devoir  hasarder,  afin  surtout, 
disait-il,  de  faciliter  la  prononciation  de  notre  langue  aux  étran- 
gers. Ces  idées  et  vues  de  Corneille,  excellentes  en  principe,  me 
paraissent  avoir  été  un  peu  compliquées  et  confuses  dans  Texécu- 
tion.  Le  grand  poëte  n'était  pas  un  esprit  pratique. 

«  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'une  extrême  irrégularité  ortho- 
graphique, une  véritable  anarchie  s'était  introduite  dans  les  impri- 
meries pour  les  textes  d^auteurs  français  au  dix-septième  siècle  : 
il  était  temps  que  le  Dictionnaire  de  l'Académie,  si  longtemps 
promis  et  attendu,  vînt  y  mettre  ordre. 

«  Dans  la  préparation  de  ce  premier  Dictionnaire,  et  dans  les 
cahiers  qui  en  ont  été  conservés,  on  a  les  idées  de  Bossuet  qui 
sont  fort  sages  et  fort  saines.  Il  est  pour  une  réforme  modérée. 
Il  est  d'avis  de  ne  pas  s'arrêter  sans  doute  à  l'orthographe 
impertinente  de  Ramus,  mais  aussi  de  ne  pas  s'asservir  à 
l'ancienne  orthographe  «  qui  s'attache  superstitieusement  à 
toutes  les  lettres  tirées  des  langues  dont  la  nôtre  a  pris  ses 
mots  »  ;  il  propose  un  juste  milieu  :  ne  pas  revenir  à  cette 
ancienne  orthographe  surchargée  de  lettres  qui  ne  se  prononcent 
pas,  mais  suivre  l'usage  constant  et  retenir  les  restes  de  l'origine 
et  les  vestiges  de  l'antiquité  autant  que  l'usage  le  permettra. 

«  Le  premier  Dictionnaire  de  l'Académie,  qui  parut  en  1694,  ne 
se  contint  point  tout  à  fait,  à  ce  qu'il  semble,  dans  les  termes  où 
l'aurait  voulu  Bossuet,  et  l'autorité  de  Régnier  des  Marais,  qui 
accordait  beaucoup  à  l'archaïsme,  l'emporta. 

«  Ce  ne  fut  qu'à  la  troisième  édition  de  son  Dictionnaire,  celle 
qui  parut  en  1740,  que  l'Académie  se  fit  décidément  moderne  et 

(1)  «  chose  bizarre  !  errata  employé  au  singulier  est  devenu  un  mot  français 
puisqu'on  dit  un  errata;  et  au  pluriel,  il  est  resté  un  mot  étranger  et  latin,  puis- 
qu'il ne  prend  pas  d's  et  qu'on  écrit  des  errata  et  non  des  erratas.  C'est  à  des 
irrégularités  de  ce  genre  que  les  décisions  de  l'Académie  peuvent  porter  re- 
mède. >» 


p 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  M.  SAINTE-BEUVE.       171 

accomplit  des  réformes  décisives  dans  Torthographe.  il  y  avait 
eu  Fontenelle  et  La  Motte,  avec  leur  influence,  dans  l'intervalle. 
Si  l'on  compare  cette  troisième  édition  à  la  première,  elle  offre, 
nous  dit  M.  Didot,  qui  y  a  regardé  de  près,  des  modifications 
orthographiques  dans  cinq  mille  mots,  c'est-à-dire  dans  le  quart 
au  moins  du  vocabulaire  entier.  Il  se  fit  un  grand  abatis  de  super- 
fluités  de  tout  genre  :  «  des  milliers  de  lettres  parasites  dispa- 
rurent. »  C'est  à  cette  troisième  édition,  où  pénétra  l'esprit  du 
dix-huitième  siècle,  qu'on  dut  de  ne  plus  écrire  accroistre^  advocat^ 
albastre,  apostre^  hienfaicleur,  abijsme,  etc.  ;  toutes  ces  formes  su- 
rannées et  gothiques  firent  place  à  une  orthographe  plus  svelte 
et  dégagée.  L'abbé  d'OIivet  eut  la  principale  part  dans  ce  travail  ; 
il  fut  en  réalité  le  secrétaire  et  la  plume  de  l'Académie  ;  elle 
avait  fini,  de  guerre  lasse,  par  lui  donner  pleins  pouvoirs.  » 

c( Le  seizième  siècle  avait  été  hardi  ;  le  dix-septième 

était  redevenu  timide  et  soumis  en  bien  des  choses;  le  dix -hui- 
tième reprit  de  la  hardiesse,  et  l'orthographe,  comme  tout  le  reste, 
s'en  ressentit  :  elle  perdit  ou  rabattit  quelque  peu,  dès  Fabord, 
de  l'ample  perruque  dont  on  Favait  affublée.  L'abbé  de  Saint- 
Pierre,  qui  fut  le  premier  à  réagir  contre  la  mémoire  de  Louis  XIV, 
faisait  imprimer  ses  écrits  dans  une  orthographe  simplifiée  qui 
lui  était  propre;  mais  le  bon  abbé  tenait  trop  peu  de  compte,  en 
tout,  de  la  tradition,  et  on  ne  le  suivit  pas.  D'autres  esprits  plus 
précis  et  plus  fermes  étaient  écoutés  :  Du  Marsais,  Duclos, — n'ou- 
bhons  pas  un  de  leurs  prédécesseurs,  le  père  Buffier,  un  jésuite 
doué  de  l'esprit  philosophique,  —  l'abbé  Girard,  —  mais  Voltaire 
surtout,  Voltaire  le  grand  simplificateur,  qui  allait  en  tout  au  plus 
pressé,  et  qui,  en  matière  d'orthographe,  sut  se  borner  à  ne  de- 
mander qu'une  réforme  sur  un  point  essentiel,  une  seule  :  en  la 
réclamant  sans  cesse  et  en  prêchant  d'exemple,  il  finit  par  l'obte- 
nir et  par  l'imposer. 

«  Cette  réforme,  toutefois,  qui  consistait  à  substituer  Va  à  l'o 
dans  tous  les  mots  où  l'o  se  prononçait  a,  ne  passa  point  tout 
d'une  voix  de  son  vivant  :  elle  n'était  point  admise  encore  dans 
la  quatrième  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie  qui  parut  en 
1762.  Ce  ne  fut  que  dans  la  sixième  édition,  publiée  de  nos  jours, 
en  1835,  que  Tinnovation  importante,  déjà  admise  par  la  généra- 
nte des  auteurs  modernes,  trouva  grâce  aux  yeux  de  l'Académie, 
et  que  la  réforme  prêchée  par  Voltaire  fut  consacrée. 

((  Il  y  eut  des  protestations  individuelles  remarquables.  Charles 


172      OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  M.  SAINTE-BEUVE. 

Nodier,  par  inimitié  contre  Voltaire  d'abord,  par  l'effet  d'un 
retour  ultraromantique  vers  le  passé,  par  plusieurs  raisons  ou  fan- 
taisies rétrospectives,  continua  de  maintenir  et  de  pratiquer  Vo.  La- 
mennais aussi,  radical  sur  tant  de  points,  était  rétrograde  et  réac- 
tionnaire sur  Vo  :  il  affectait  de  le  maintenir.  Chateaubriand  de 
même  ;  c'était  un  coin  de  cocarde,  un  lien  de  plus  avec  le  passé. 
Au  reste,  notre  dix-neuvième  siècle  a  présenté  sur  cette  question 
de  l'orthographe,  et  comme  dans  un  miroir  abrégé,  le  spectacle 
des  dispositions  diverses  qui  l'ont  animé  en  d'autres  matières  plus 
sérieuses  ;  il  a  eu  des  exemples  d'audace  et  de  radicalisme  absolu, 
témoin  M.  Marie;  une  opposition  ou  résistance  soi-disant  tradi- 
tionnelle, témoin  Nodier  et  son  école  ;  un  éclectisme  progressif, 
éclairé  et  assez  large,  témoin  le  Dictionnaire  de  l'Académie  de 
1835;  mais,  depuis  lors,  il  faut  le  dire,  le  siècle  ne  paraît  point 
s'être  enhardi  :  il  y  aura  de  l'effort  à  faire  pour  introduire  dans 
Tédition  qui  se  prépare  toutes  les  modifications  réclamées  par  la 
raison,  et  qui  fassent  de  cette  publication  nouvelle  une  date  et 
une  étape  de  la  langue.  C'est  à  quoi  cependant  il  faut  viser. 

«  Ne  nous  le  dissimulons  pas  :  il  s'est  fait  depuis  quelques 
années,  et  pour  bien  des  causes,  une  sorte  d'intimidation  générale 
de  l'esprit  humain  sur  toute  la  ligne.  La  réforme  de  l'orthographe 
elle-même  y  est  comprise  et  s'en  ressent  ;  on  est  tenté  de  s'en 
effrayer,  de  reculer  à  cette  seule  idée  comme  devant  une  péril- 
leuse audace.  Tout  le  terrain  gagné  en  théorie  depuis  Port-Royal 
jusqu'à  Daunou  semble  perdu.  Nous  avons  à  prendre  sur  nous 
pour  redevenir  aussi  osés  en  matière  de  mots  et  de  syllabes  que 
l'était  l'abbé  d'Olivet. 

«  On  objecte  toujours  l'usage  ;  mais  il  y  a  une  distinction  à 
faire  et  que  Du  Marsais  dès  le  principe  a  établie  :  c'est  la  pronon- 
ciation qui  est  un  usage,  mais  l'écriture  est  un  art,  et  tout  art  est 
de  nature  à  se  perfectionner.  «  L'écriture,  a  dit  Voltaire,  est  la 
peinture  de  la  voix  :  plus  elle  est  ressemblante,  meilleure  elle 
est.  »  Il  importe  sans  doute,  parmi  tous  les  changements  et  les 
retouches  que  réclamerait  la  raison,  de  savoir  se,  borner  et  choi- 
sir, afin  de  ne  point  introduire  d'un  seul  coup  trop  de  différences 
entre  les  textes  déjà  imprimés  et  ceux  qu'on  réimprimerait  à 
nouveau  ;  il  faut  les  réformer,  non  les  travestir.  J'ai  sous  les 
yeux  les  deux  premiers  livres  du  Télémaque,  un  texte  classique 
imprimé  selon  les  modifications  que  M.  Didot  propose  à  l'Acadé- 
mie. On  peut  différer  d'avis  sur  tel  ou  tel  point;  mais  mon  œil 


OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  —  M.  SAINTE-BEUVE.      173 

n'est  nullement  choqué  de  l'ensemble.  Il  y  a,  d'ailleurs,  quantité 
de  corrections  à  introduire  dans  le  nouveau  Dictionnaire  et  qui  ne 
sauraient  faire  doute  un  moment.  Pourquoi,  dans  le  verbe  asseoir, 
l'Académie  ne  met-elle  Ve  qu'à  l'infinitif,  et  pourquoi,  dans  le 
verbe  surseoir^  met-elle  Ve  à  Tinfinitif  et  de  plus  au  futur  et  au 
conditionnel?  —  Pourquoi  écrit-elle  abattement,  abattoir,  avec 
deux  t^  et  abatis  avec  un  seul  ?  —  Pourquoi  charrette,  charretier, 
avec  deux  r,  et  chariot  avec  une  seule?  —  Pourquoi  courrier  en- 
core avec  deuxr,  et  coureur  avec  une  seule?  —  Pourquoi  bande- 
role avec  une  seule  l  et  barcarolle  avec  deux?  —  Pourquoi  dou- 
ceâtre et  non  douçâtre,  comme  si  Fon  n'avait  pas  le  c  avec  cédille, 
etc.,  etc.  (1)?  Le  Dictionnaire  écrit  ostrogot  :  pourquoi  alors 
écrire  gothique?  Ce  sont  là  des  inconséquences  ou  des  distractions 
qu'il  suffit  de  signaler  et  qui  sont  à  réparer  sans  aucun  doute. 

«  L'introduction  de  l'/au  lieu  de  ph  dans  quelques  mots  cotn- 
pliqués  est  plus  capable  de  faire  question.  Il  est  bien  vrai  qu'autre- 
fois, dans  sa  première  édition,  l'Académie  avait  écrit  phantosme^ 
phantastique,  phrenesie,  et  que  depuis  elle  a  osé  écrire  fantôme, 
fantastique,  frénésie,  etc.  Osera-t-elle  bien  maintenant  appliquer 
la  môme  réforme  à  d'autres  mots  et  faire  une  économie  de  tous 
ces  ^  peu  commodes  et  peu  élégants,  écrire  nimfes,  ftisie,  difton- 

gue ?  Je  vois  d'ici  l'étonnement  sur  les  visages.  Et  l'éty- 

mologie?  va-t-on  s'écrier.  Mais,  cette  étymologie,  on  s'en  est  bien 
écarté  dans  les  exemples  cités  tout  à  l'heure.  Et  puis  cette  raison 
qu'il  faut  garder  aux  mots  tout  leur  appareil  afin  de  maintenir 
leur  étymologie  est  parfaitement  vaine  ;  car,  pour  une  lettre  de 
plus  ou  de  moins,  les  ignorants  ne  sauront  pas  mieux  reconnaître 
l'origine  du  mot,  et  les  hommes  instruits  la  reconnaîtront  tou- 
jours. Ce  sont  là  toutefois  des  questions  de  tact  et  de  convenance 
où  il  importe  d'avoir  raison  avec  sobriété. 

et  Je  ne  puis  tout  dire  et  je  ne  prétends  en  ce  moment  que 
signaler  l'estimable  et  utile  travail,  depuis  longtemps  réclamé, 
que  FAcadémie  vient  d'entreprendre,  en  l'exhortant  (sous  la  réser- 
ve du  goût)  à  oser  le  plus  possible  ;  car  ses  décisions,  qui  seront 
suivies  et  feront  loi,  peuvent  abréger  bien  des  difficultés,  et,  notre 


(1)  «  Il  y  a  un  fort  bon  écrit  d'un  grammairien  estimable,  feu  M.  Pautex,  Er- 
rata du  Dictionnaire  de  V Académie  (1862).  Ce  travail,  fait  sans  aucune  mal- 
veillance, est  un  des  instruments  les  plus  utiles  à  avoir  sous  la  main  pour  l'édition 
nouvelle.  » 


174     OPINIONS  DES  ACADÉMICIENS.  -  M.  SAINTE-BEUVE. 

génération  récalcitrante  une  fois  disparue,  les  jeunes  générations 
nouvelles  n'auront  qu'à  en  profiter  couramment. 

((  Une  innovation  toute  typographique  que  M.  Didot  propose 
et  qui  est  aussi  ingénieuse  que  simple,  c'est  que  de  môme  qu'on 
met  une  cédille  sous  le  c  pour  avertir  quand  il  doit  se  prononcer 
avec  douceur,  on  en  mette  une  aussi  sous  le  t  dans  les  cas  où  il 
est  doux  et  où  il  doit  se  prononcer  comme  le  c  :  nation,  paiiencey 
plénipotentiaire  y  etc.  Je  ne  crois  pas  qu'il  puisse  y  avoir  d'ob- 
jection contre  cette  heureuse  idée  toute  pratique  et  qui  parle  aux 
yeux. » 

M.  Sainte-Beuve  émet  ensuite  une  opinion  aussi  judicieuse 
qu'éloquemment  exposée  sur  l'admission  d'un  certain  nombre 
de  néologismes  dans  l'édition  du  Dictionnaire  que  l'Académie  pré- 
pare. Je  regrette  de  ne  pouvoir  reproduire  ici  ce  passage  qui  sort 
de  mon  sujet  et  qu'il  faudra  lire  en  entier  dans  le  Moniteur. 
L'éminent  critique  conclut  ainsi  : 

((  Je  ne  fais  que  poser  des  questions  sans  prétendre  le  moins 
du  monde  les  résoudre.  Il  y  aura  de  quoi  occuper,  on  le  voit,  et 
passionner  innocemment  bien  des  séances  de  l'Académie.  Car, 
selon  la  remarque  de  l'abbé  de  Ghoisy,  ces  disputes  sur  la  langue 
et  l'orthographe  ne  finissent  point;  et  il  ajoute  «  qu'elles  n'ont 
jamais  converti  personne  ».  Ici  pourtant  il  convient  qu'elles 
aboutissent  et  que  Pon  conclue  :  la  moindre  partie  des  réformes 
proposées  sera  déjà  un  progrès,  si  on  l'accepte. 

«  M.  Didot,  pour  revenir  à  lui,  le  sait  bien  :  il  demande  le  plus 
pour  obtenir  le  moins.  Sans  doute  il  a  raison  et  mille  fois  raison. 
Mais  depuis  quand  a-t-il  suffi  dans  les  choses  humaines,  et 
môme  dans  les  choses  littéraires,  d'avoir  cent  mille  fois  raison  ? 
C'est  déjà  beaucoup  si  l'on  ne  vous  donne  pas  tout  à  fait  tort.  Il 
en  est  de  l'orthographe  comme  de  la  société  :  on  ne  la  réformera 
jamais  entièrement;  on  peut  du  moins  la  rendre  moins  vicieuse. 
Parmi  les  regrets  de  M.  Didot  et  dont  il  faut  qu'il  fasse  son  deuil, 
l'un  des  plus  vifs  est  sur  ce  mot  même  d'orthographe  :  en  effet,  il 
n'y  eut  jamais  de  mot  plus  mal  formé.  Il  fallait  dire  orthographie, 
comme  on  dit  philosophie,  biographie,  télégraphie,  photographie, 
etc.  Que  dirait-on  si  le  nomenclateur  de  ces  derniers  arts  avait 
imaginé  de  les  intituler  là  photographe,  la  télégraphe  1  Muis  com- 
mettre cette  ânerie  pour  le  mot  même  qui  répond  juste  à  bien 
écrire,  convenez  que  c'est  jouer  de  malheur.  L'ironie  est  piquante. 
Qu'y  faire? Tous  les  décrets  académiques  ou  autres  n'y  peuvent 


HISTORIQUE  DE  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.       175 

rien.  Tirons-en  une  leçon.  Cette  espèce  d'accident  et  d'affront 
qui  a  défiguré  tout  d'abord  d'une  manière  irréparable  le  mot 
même  exprimant  l'art  d'écrire  avec  rectitude  nous  est  un  aver- 
tissement qu'en  telle  matière  il  ne  faut  pas  ambitionner  une  ré- 
forme trop  complète,  que  la  perfection  est  interdite,  qu'il  faut 
savoir  se  contenter,  à  chaque  reprise,  -du  possible  et  de  l'à-peu- 
près.  » 


APPENDICE  D. 

HISTORIQUE  DES  RÉFORMES  ORTHOGRAPHIQUES  PROPOSÉES 
ou  ACCOMPLIES. 

Après  avoir  fait  connaître,  dans  un  rapide  exposé,  l'opinion 
des  membres  de  Y  Académie  française  et  de  T  Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  je  vais  essayer,  dans  l'historique 
qui  va  suivre,  de  donner  une  juste  idée  des  changements  et 
des  progrès  tentés  et  parfois  réalisés,  dans  la  voie  du  perfec- 
tionnement de  notre  orthographe,  sous  l'influence  des  hommes 
les  plus  instruits  depuis  la  renaissance  des  lettres.  En  consta- 
tant l'étendue  des  services  déjà  rendus  à  la  langue  pai-  les  no- 
vateurs, on  ne  saurait ,  sous  prétexte  que  plusieurs  auraient , 
dans  leur  amour  de  la  perfection,  dépassé  les  bornes  du  possible 
et  encouru  la  qualification  d'utopistes,  dédaigner  complè- 
tement les  opinions  et  les  vœux  émis  pendant  quatre  cents 
ans  par  des  hommes  zélés  pour  le  bien  public  et  des  esprits 
éminents. 

Frappés,  au  premier  abord,  de  l'aspect  inusité  d'une  page 
écrite  dans  le  système  des  néographes  absolus  (système  qui 
depuis  longtemps  toutefois  sert  de  base  à  la  sténographie), 
nous  repoussons  avec  une  répugnance  instinctive  un  résultat 
qui  nous  semble  donner  aux  productions  de  l'inteHigence  mo- 
derne le  vêtement  d'un  idiome  enfantin  et  barbare.  Dans  l'état 
actuel  de  notre  civilisation,  on  ne  saurait  concevoir  la  pensée 
de  remplacer  ou  même  de  métamorphoser  notre  antique  alpha- 


176      HISTORIQUE  DE  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE. 

bet,  quels  que  soient  d'ailleurs,  dans  bien  des  cas,  son  insuf- 
fisance et  ses  vices.  L'étude  de  la  néographie ,  néanmoins , 
n'est  point  à  dédaigner  de  la  part  des  esprits  sérieux.  Nous  ne 
sommes  point  parvenus,  sous  le  rapport  des  méthodes  d'en- 
seignement, et  spécialement  de  la  lecture  et  de  la  grammaire, 
à  l'idéal  de  la  perfection  :  il  y  a  peu  de  nations  du  continent 
qui  ne  soient  en  avance  sur  nous  de  ce  côté!  Il  est  donc  utile 
de  se  rendre  compte  des  critiques  dont  notre  langage,  et  sur- 
tout notre  orthographe,  sont  passibles,  afin  de  reconnaître  la 
voie  dans  laquelle  on  doit  s'avancer  pour  distinguer,  mieux 
qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici,  le  bon  du  mauvais  usage,  et  décou- 
vrir quelquefois  la  raison  même  de  l'usage. 

A  n'envisager  maintenant  que  les  critiques  de  détail,  que  les 
réformes  partielles,  que  les  compromis  entre  l'étymologie  et 
la  prononciation,  que  la  mise  en  ordre  de  l'accentuation,  qui 
composent  en  majorité  les  travaux  entrepris  sur  l'orthographe, 
il  y  a  beaucoup  à  profiter  dans  l'étude  des  contradictions  et 
des  irrégularités  de  notre  écriture,  ainsi  que  dans  celle  des 
moyens  proposés  pour  en  diminuer  le  nombre.  Cet  examen  nous 
force  à  réfléchir  sur  la  constitution  de  notre  idiome ,  sur  son 
histoire,  sur  la  validité  de  certains  préceptes  de  la  grammaire 
et  sur  les  solutions  qui  doivent  prévaloir.  La  persistance  des 
réclamations  depuis  le  seizième  siècle,  malgré  le  peu  de  succès 
du  plus  grand  nombre  d'entre  elles,  semblerait  montrer  qu'en 
matière  d'écriture ,  comme  en  tout  autre  art  ou  toute  autre 
science,  l'ordre  et  la  logique  sont  un  besoin  fondamental  de 
l'esprit.  En  tout  état  de  cause,  notre  langue  ne  saurait  que 
gagner  à  s'individualiser  davantage,  en  se  dégageant  de  plus 
en  plus  de  ses  langes  originaires,  d'additions  de  lettres  inu- 
tilement scientifiques  et  de  date  récente,  enfin  en  se  préser- 
vant de  la  funeste  influence  du  néologisme  chimique  ou  médi- 
cal (1),  non  moins  que  de  l'invasion  des  locutions  étrangères. 

(1)  Il  suffira  d'un  simple  coup  d'œil  sur  les  dernières  éditions  du  nouveau 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.   G.  TORY.    177 

Je  crois  donc  rendre  un  véritable  service  à  l'étude  de  notre 
idiome  par  l'esquisse  de  la  réforme  depuis  son  origine,  es- 
quisse qui  pourra  plus  tard  être  étendue  et  transformée  en  une 
véritable  histoire. 

J'ai  marqué  d'un  astérisque,  au  commencement  des  titres, 
les  ouvrages  que  je  n'ai  pu  voir  et  que  j'ai  seulement  trouvés 
cités  dans  les  auteurs. 

^  AU  SEIZIÈME  SIÈCLE. 

GeofroyTory.  Champ  fleury,  etc.  Acheue  dimprimer  lexxviij 
lour  du  mois  Dapuril  Lan  mil  cincq  cens  xxix  pour  maistre 
Geofroy  Tory  de  Bourges,  autheur  dudict  liure.  Paris,  in-4. 

Dans  cet  ouvrage,  dont  le  privilège  est  du  5  septembre  1526, 
Tory  réclame  (fol.  52  recto,  56  verso)  l'emploi  des  accents  et  de 
l'apostrophe.  Dès  qu'il  fut  imprimeur^  il  ne  tarda  pas  à  introduire 
dans  ses  éditions  plusieurs  de  nos  signes  orthographiques.  Dans 
V Adolescence  clémentine  de  Clément  Marot,  imprimée  le  7  juin 
1533,  Tory  annonce  ainsi  cette  réforme  :  «  Auec  certains  accens 
«  notez,  cest  assauoir  sur  le  é  masculin  différent  du  féminin,  sur 
«  les  dictions  ioinctes  ensemble  par  sinalephes,  et  soubz  le  ç 
«  quand  il  tient  de  la  prononciation  de  le  5,  ce  qui  par  cy  deuant 
«  par  faulte  daduis  n'a  este  faict  au  langaige  françoys,  combien 
«  qu'il  y  fust  et  soyt  très  nécessaire.  » 

*  Jean  Salomon  s'est,  dans  le  cours  de  la  même  année  1533, 
servi  du  ç  dans  une  dissertation  intitulée  :  Briefue  doctrine  pour 


Dictionnaire  de  médecine  de  Nysten,  si  savamment  complété  par  MM.  Littré  et 
Ch.  Robin,  pour  se  rendre  compte  de  la  destruction  imminente  dont  notre  langue 
est  menacée  de  ce  côté.  Le  lexicographe  enregistre,  bien  malgré  lui,  des  mots 
inutiles  ou  mal  formés.  Les  savants,  en  effet,  forgent  sur  le  type  grec  des  mots 
français  qu'ils  croient  appropriés  à  l'énoncé  de  leurs  systèmes,  sans  trop  s'inquiéter 
si  dans  notre  langue  n'existent  pas  déjà  des  expressions  capables  de  rendre  leur 
idée.  D'autres,  pour  faire  parade  d'une  érudition  qui  leur  manque,  nous  appor- 
tent des  barbarismes  ou  des  solécismes,  comme  œnophile,  bibliophile^  lithon- 
triptigues,  orthopnée,  apyre,  hydroscope,  etc.  Voyez  B.  JuJlien  :  Les  princi- 
pales étymologies  de  la  langue  française,  Paris,  Hachette,  1862,  in-12. 

12 


178         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE-  -  DU  WÈS. 

deuement  escripre  selon  la  propriété  du  langage  francoys,  reliée 
dans  l'exemplaire  de  la  Bibl.  imp.  du  Miroir  de  Vame  pécheresse 
de  Marguerite  de  Navarre,  édition  sans  lieu,  sans  date  et  sans  nom 
d'imprimeur.  Voir  Geofroy  Tory,  par  M.  Auguste  Bernard,  2«  édi- 
tion, Paris,  Tross,  1865,  in-8°,  p.  374. 

*  Tresvtile.  Et  cô  \  pendieulx  Traicte  de  lart  et  science  dorto  \  graphie 
Gallicane  \  dedatis  lequel  sont  com  \  prinses  plusieurs  choses 
nécessaires  |  curieuses  |  nouvelles  |  et  dignes  de  scauoir  \  non  veues 
au  I  pavanant.  Auec  une  petite  introdouction  pour  \  congnoistre 
a  lire  le  chiffre.  (A  la  fin  :)  Imprime  a  Paris  pour  Jehà  Sait  dé- 
nis I  libraire  demouràt  a  Paris,  etc.  (s.  d.),  pet.  in-8,  goth.  de 
18  ff.  (Cet  opuscule  commence  par  une  épître  à  Jacques  Daoust, 
hailly  d'Abbeuille,  pièce  datée  de  cette  ville,  le  XXII  de  sep- 
tembre. Mil  cinqtcentz  vingt  neuf.) 

Il  m'a  été  impossible  de  me  procurer  ce  livre  introuvable,  qui 
est  le  premier  traité  de  Torthographe,  ou  plutôt,  comme  dit  logi- 
quement Tauteur  lui-même,  de  VOrtographie  française,  écrit  en 
français.  Le  seul  exemplaire  connu  a  figuré  à  la  vente  Veinant. 

Gilles  du  Wès  (ou  Dewes,  ou  du  Guez).  An  Introductorie  for 
to  lerne,  to  rede,  to  pronounce  and  to  speJie  french  trewly^ 
compyled  for  the  right  fiigh^  exellent  and  most  vertuous 
lady  the  lady  Mary  of  Englande^  doughter  to  our  most 
gracions  soverayn  lorde  kyng  Henry  the  eight.  (A  la  fin  :} 
Printed  at  London  by  Thomas  Godfray  (vers  1527),  in-4  , 
goth. 

Les  deux  premiers  ouvrages  de  quelque  importance  sur  notre 
orthographe  sont  sortis  de  la  cour  des  rois  d'Angleterre,  qui  déjà, 
trois  siècles  et  demi  auparavant,  avaient  été  les  mécènes  des  au- 
teurs des  premiers  poëmes  de  la  Table  ronde  rédigés  en  français. 

L'auteur  de  cette  grammaire,  qui  s'est  nommé  dans  un  acro- 
stiche, rédigea  son  ouvrage  vers  1527,  et  il  Fa  dédié  à  la  princesse 
Marie,  fille  de  Henri  VIII,  alors  âgée  de  douze  ans  et  devenue 
plus  tard  Marie  la  Sanglante.  Il  emploie  quelques  accents  pour  fa- 
ciliter la  prononciation,  et  il  les  marque  sous  les  voyelles  et  non 
au-dessus.  Voici  un  spécimen  de  son  orthographe,  tiré  d'une  pièce 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  PALSGRAVE.       179 

de  vers  adressée  à  sa  royale  élève  pour  s'excuser  de  ne  pouvoir 
continuer  ses  leçons  à  cause  de  la  goutte  qui  le  tourmente  : 


«■  A  uous,  tressouuerainemaistresse, 

jenvoy  ces  uerse,  uoullant  sinifiér 

ma  grand  douUeur  et  que  plus  mopresse 

ne  uous  pouoir  seruir  et  enseygnér 

que  de  souffrir  maladie  et  dangiér  -, 

pourquoy,  sil  plaist  tant  faire  a  uostre  grâce 

les  uoulloir  lire  quelque  petitte  espace 

mon  espoir  est  que  mieulz  uous  en  vauldrés 

et  par  ce  point  aussi  mescuserés. 

<f  Entre  les  mois  qui  accomplissent  lan 
deux  en  y  a  espéciallement 
qui  mont  fait  deul,  grant  ennuy  et  ahan, 
estre  ne  peult  que  je  die  aultrement  ; 
souvent  ay  ueu  leur  manière  et  comment 
ilz  mont  traicte,  sans  lauoir  deseruy 
pour  ce  quilz  sont  de  courage  asseruy, 
naimant  jamais  les  œuures  de  printemps 
ains  sans  cesser  leur  font  mal  en  tous  temps. 

«  Le  principal  duquel  plus  je  me  plains 
en  son  blason  se  fait  nommer  Décembre  ; 
par  luy  ay  fait  pleurs  et  soupirs  mains 
ja  ne  sera  que  ne  men  remembre  ; 
luy  et  Januiér  mont  toUu  ung  membre 
qui  me  fera  que  tant  que  je  uiuray 
en  grant  doulleur  doresnauant  iray 
pourquoy  je  crains  quen  grant  merencolie 
en  fin  fauldra  que  jen  perde  la  uie.  » 

On  voit  que  l'orthographe  de  du  Guez,  venu  trop  tôt  pour  s'in- 
spirer de  l'exubérance  de  lettres  qui,  à  partir  de  la  Renaissance 
jusqu'à  la  fin  du  xviP  siècle,  s'est  montrée  dans  l'écriture,  est  de- 
meurée presque  aussi  sobre  que  Test  devenue  aujourd'hui  la 
nôtre. 

Fr.  Génin  croit  que  le  livre  de  du  Guez  n'a  été  publié  qu'après 
l'ouvrage  de  Palsgrave  qui  suit. 


Jehan  Palsgrave.  Lesclarcissement  de  la  langue  francoyse, 
compose  par  maistre  lehan  Palsgrave  Angloys,  natyf  de 
Londres  et  gradue  de  Paris.  Neque  luna  per  noctem,  Anno 


180      L4  RÉFORM  E  ORTHOGRA.PHIQUE.  -  PALSGRAVE- 
uerbi  incarnati  M.D.xxx  (avec  privilège  de  1531).  (A  la 
fin  :  )  The  imprintijng  fymjsshed  by  lohann  Eaukyns  the 
XVIII  daye  ofîuly.  The  y  ère  of  our  lorde  God.  Mccccc  and 
XXX.  In-fol.  goth. 

Ce  second  ouvrage,  bien  plus  important,  est  dédié  à  Henri  VIII. 
Dans  sa  préface  Tauteur  dit  s'être  conformé  pour  le  plan  de 
son  livre  à  celui  de  la  Grammaire  grecque  de  Théodore  de  Gaza. 
Par  les  exemples  qu'il  donne  et  par  l'accent  tonique  qu'il  place 
sur  les  voyelles,  on  voit  que  sa  prononciation  différait  notable- 
ment de  la  nôtre  et  qu'elle  était  parfois  beaucoup  moins  douce. 
Voici  comment  il  marque  pour  un  lecteur  anglais  la  prononcia- 
tion des  vers  qui  commencent  le  Roman  de  la  Rose  : 

Maintes  génies  dient  que  en  songes 
Màinto    jan    Met  kan  sôungos 
Ne  sont  que  fables  et  mensonges 
Ne  soun  ko  fables  e  mansongos 
Mais  on  peult  telz  songes    songier 
Mays  oun  peut  tez  sôungo  soungiér 
Que  ne  sont  mye  mensongier. 
Ke  ne  soun  myo  mansoungiér. 

Il  place  l'accent  tonique  de  la  façon  la  plus  correcte.  Il  formule 
ainsi  son  précepte  :  «  Règle  unique.  Les  mots  dans  la  langue  fran- 
çaise ont  leur  accent  sur  la  dernière  syllabe  (masculine).  »  Ex.  : 
honorablement,  parôy,  cordelier,  ils  âyment,  ils  aymérent,  vous 
parlâstez  {parlâtes),  cest  ung  terrible  cas.  Les  enclitiques  n'ont 
jamais  l'accent.  Il  écrit  sans  division  et  ainsi  accentués  :  souventes- 
fôijs,  aulcunefôys,  plusieursfôys,  diœfôys,  troijsfôys,  quattrefôys, 
entredeûXj  pnradventûre,  à  lencôntre,  jusquadix,  jusquaun^ourir. 

On  voit  par  ces  exemples  combien  l'ouvrage  de  Palsgrave  est 
précieux  pour  nous  faire  connaître  les  véritables  traditions  de  la 
prononciation  du  français,  mieux  conservées  au  commencement 
du  seizième  siècle  qu'après  le  mouvement  littéraire  de  la  Renais- 
sance. 

Fr.  Génin  a  donné,  dans  les  Documents  inédits  pour  servir  à 
Vhistoire  de  France,  une  bonne  réimpression  des  ouvrages  de 
Palsgrave  et  de  du  Guez. 


I 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DUBOIS.  181 

Jacques  Sylvius  (Dubois) .  In  Unguam  gallicam  hagiùge,  Pa- 
risiis,  ex  officina  Roberti  Stephani,  i531,  in4  devin  ff.  et 
159  pp. 

Dans  ce  traité,  Jacques  Sylvius,  un  des  hommes  les  plus 
érudits  de  son  temps,  a  présenté,  pour  la  première  fois,  des  arti- 
fices très-ingénieux  mais  peu  pratiques,  pour  bien  faire  com- 
prendre aux  latinistes,  c'est-à-dire  à  tous  les  étrangers  instruits, 
auxquels  il  se  propose  d'apprendre  le  français,  le  mécanisme  de 
la  prononciation.  Avec  un  certain  nombre  d'accents  %  ~,  ,  ",  ',  % 
il  détermine  la  valeur  phonique  des  voyelles  digrammes,  mal  dé- 
nommées sous  le  nom  de  diphthongues,  a«,  ei.  oi,  au,  eu,  ou.  Il  écrit 
ceu-al  de  cahailus^  ceûr,  meurt,  limaçon.  Nous  avons  vu  Geofiroy 
Tory,  aussi  habile  artiste  que  savant  typographe,  remplacer  ce 
dernier  signe  par  l'emploi  de  la  cédille,  qui,  placée  sous  le  c,  ne 
défigure  en  rien  l'aspect  de  nos  impressions. 

Sylvius  distingue  le  j  consonne  de  Vi  voyelle,  et  le  v  de  Tw,  ce 
qui  n'est  pas  un  faible  mérite,  puisque  cette  confusion  a  duré 
près  de  deux  siècles  après  lui,  et  n'a  cessé  qu'après  avoir  été 
adoptée  par  les  Hollandais  (1). 

Dubois  fut  un  des  précurseurs  de  la  philologie  moderne.  Son 
chapitre  de  l'étymologie  contient  une  foule  d'excellentes  obser- 
vations sur  les  mutations  des  lettres  latines  en  lettres  françaises  et 
sur  la  dérivation  de  nos  vocables.  On  comprend  que,  par  suite  de 
ces  recherches,  son  orthographe  soit  plus  étymologique  que  celle 
d'une  grande  partie  des  auteurs  de  son  époque.  L'usage  judicieux 
qu'il  a  fait  du  patois  picard  donne  à  sa  méthode  un  grand  intérêt 
historique. 

Etienne  Dolet.  La  manière  de  bien  traduire  d'une  langue  en 
aultre^  de  la  ponctuation  françoy se  ^  des  accens  d'ycelle^ 
s.  1.  n.  d.  (1540),  in-8  de  20  ff.  (Souvent  réimprimé.) 

Les  imprimeurs  ont  été  de  tout  temps  émus  plus  que  d'autres 
des  vices  de  l'écriture  française  et  désireux  d'y  apporter  remède. 
Etienne  Dolet,  imprimeur  de  Lyon,  helléniste  et  latiniste  con- 


(1)  Voyez  la  Préface  de  Corneille,  dans,  la  grande  édition  qu'il  a  donnée  de  ses 
œuvres  en  1664,  et  reproduite  ci-dessus,  p.  125 


182  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DOLET. 

sommé,  préparait  depuis  plusieurs  années,  sous  le  titre  de  VOra- 
teur,  un  traité  complet  de  la  langue,  de  l'orthographe  et  de  la 
poésie  françaises.  Sa  fin  déplorable  l'empêcha  de  le  mettre  au 
jour.  Dans  plusieurs  de  ses  éditions,  et  notamment  dans  l'opuscule 
que  je  cite,  il  put  du  moins  compléter  en  partie  les  perfectionne- 
ments apportés  quelque  temps  auparavant  par  Geofroy  Tory. 

Nous  devons  à  Dolet  d'avoir  inauguré  l'usage  de  l'accent  grave 
sur  à  préposition,  là  adverbe.  L'apocope  ''  qu'il  propose,  parti- 
culièrement en  poésie,  dans  les  mots  maniement  pour  maniement, 
lai^rra,  pai^rra^  vrai^ment,  hardiHnent,  est  le  premier  germe  de 
notre  accent  circonflexe,  dont  l'emploi,  tardif  en  grammaire, 
pourrait  être  étendu  avec  tant  d'avantages. 

Il  a  enseigné  l'usage  du  tréma  :  païs,  poète,  sans  en  faire  pré- 
cisément la  même  application  que  de  nos  jours. 

Il  ne  veut  pas,  devançant  ainsi  une  réforme  qui  ne  s'est  généra- 
lisée que  deux  siècles  plus  tard,  qu'on  écrive  des  dignité z,  des 
voluptez,  mais  bien  dignités,  voluptés^  réservant  la  lettre  z  pour  la 
terminaison  de  la  seconde  personne  du  pluriel  des  verbes.  Il  réta- 
blit le  t  au  pluriel  des  mots  (terminés  en  ant,  et  complète  cette 
judicieuse  réforme  en  écrivant  touts  {omnes). 

Bien  qu'étymologiste  en  matière  d'orthographe,  comme  les 
Estienne,  il  admet  comme  eux  d'indispensables  simplifications. 
Son  orthographe  est  malheureusement  un  peu  irrégulière,  comme 
celle  de  tous  les  écrivains  qui  ont  précédé  l'Académie  française. 
Tandis  qu'il  écrit  aureilles,  quelcque,  maling,  soubdain,  rhithme 
(pour  rime),  il  corrige  ainsi  :  cinqiesme,  alaine  {halitus),  haren, 
fexepte,  réimprimer,  réouvrir,  et  quelquefois  home. 

Un  de  ses  principaux  titres  à  l'estime  des  grammairiens  sera 
peut-être  de  s'être  prononcé,  d'après  l'exemple  des  Grecs  et  des 
Latins,  contre  l'emploi  de  l'accent  qu'il  appelle  enclitique^  et  que 
nous  représentons  aujourd'hui  par  le  trait  d'union.  (Voir  plus  haut, 
p.  58,  la  Notice  sur  ce  sujet.) 


Robert  Estienne.  Dictionaire  francois  latin^  autrement  dict 
les  mots  francois.,  auec  les  manières  dvser  diceulx.,  tournez 
en  latin,  corrigé  et  augmenté.  Paris,  de  l'imprimerie  de 
Robert  Estienne,  1549,  pet.  in-fol.  de  676  pp.  (La  première 
édition  est  de  1539.)  —  Traicté  de  la  grammaire  francoise. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  R.  ESTIENNE.      183 

L'Oliuier  de  Rob.  Estienne  (lo57.),  pet.  'in-S  de  110  pp.  ; 
ibid.,  1569,  in-8del28pp. 

Les  services  que  ce  savant  imprimeur  a  rendus  à  la  langue  sont 
immenses.  J'ai  montré  plus  haut,  p.  108,  l'importance  du  premier 
dictionnaire  complet  français-latin  qu'il  a  publié.  Ses  presses  mul- 
tiplièrent à  Pinfmi  ces  traités  de  grammaire ,  ces  lexiques  qui 
fixaient  et  vulgarisaient  les  principes  de  la  langue.  Pendant  ses 
veilles  laborieuses,  il  rédigeait,  sous  toutes  les  formes,  des  livres 
élémentaires  que  ses  ouvriers  imprimaient  aussitôt.  Pour  en  rendre 
Tutilité  plus  générale,  il  publiait  en  latin  et  en  français  des  gram- 
maires et  de  petits  écrits,  dont  il  donnait  des  éditions  séparées. 
Écrivant  sous  l'influence  latine,  et  voulant  vulgariser  l'étude  du 
français  dans  une  population  naguère  demi-latine,  on  conçoit  qu'il 
employa  de  préférence  l'orthographe  la  plus  généralement  répan- 
due parmi  les  savants.  Toutefois  la  sienne  est  meilleure  et  plus 
logique  que  celle  de  la  plupart  des  écrivains  de  son  temps. 

En  voici  un  spécimen,  tiré  de  l'avis  au  lecteur  placé  en  tête  de 
la  première  édition  de  sa  Grammaire  : 

«  Pourtant  que  plusieurs  desirans  auoir  ample  cognoissance  de 
nostre  langue  francoise,  se  sont  plains  a  nous  de  ce  qu'ils  ne 
pouoyent  aiseement  saider  de  la  Grammaire  francoise  de  maistre 
Lois  Maigret  (a  cause  des  grans  changemens  qu'ils  y  voyoyent, 
fort  contraires  a  ce  qu'ils  en  auoyent  ia  apprins,  principalement 
quant  a  la  droicte  escripture),  ne  de  l'introduction  a  la  langue 
francoise  composée  par  M.  laques  Syluius  médecin  (pourtant 
que  souuent  il  a  meslé  des  mots  de  Picardie  dont  il  estoit),  nous 
ayans  diligemment  leu  les  deus  susdicts  autheurs  (qui  pour  cer- 
tain ont  traicté  doctement  pour  la  plus  part,  ce  qu'ils  auoyent 
entrepris),  auons  faict  ung  recueil,  principalement  de  ce  que  nous 
auons  veu  accorder  a  ce  que  nous  auions  le  temps  passé  apprins 
des  plus  scauans  en  nostre  langue,  etc » 

On  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas,  non  plus  que  son  fils,  pris  de 
Sylvius  la  distinction  du  v  d'avec  Vu,  du  7  d'avec  l'i;  de  Dolet 
l'accent  sur  a  préposition;  de  Tory  l'apostrophe  dans  tous  les 
cas  et  la  cédille.  Ces  derniers  perfectionnements  ne  se  ren- 
contrent que  dans  la  seconde  édition  de  sa  Grannuaire.  En 
fait  d'écriture  et  d'orthographe,  il  n'y  a  pas  de  minimes  écono- 
mies de  temps  à  négliger  :  l'utilité  pratique  qui  résulte  de  la 


184         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  MEIGRET. 

moindre  amélioration  profite  aux  générations  qui  se  succèdent, 
et  ces  changements  épargnent  des  peines  inutiles  à  des  millions  de 
personnes. 

Étymologiste  comme  Dolet,  il  a  fait  peu  de  chose  pour  la  sim- 
plification, et  n'a  guère  innové  en  fait  d'orthographe.  Il  écrit 
roole,  aage,  aiseement.  Il  propose  un  instant  de  distinguer  le  son 
du  g  doux  par  un  autre  caractère,  et  d'employer  le  I  majuscule  à 
cette  fonction.  C'est  ainsi  qu'il  écrit  pale  {pagina),  simie  (simia), 
mndemie  (vendemia),  que  nous  écrivons  aujourd'hui  page,  singe, 
vendange.  Le  signe  i  figurait  alors  indistinctement  le  son  j  ou  le 
son  2.  En  remplaçant  par  un  /capital  le  g  (ayant  le  son  de  ;), 
H.  Estienne  assignait  à  cet  /le  son  du  J;  et  il  est  probable  que  si 
cette  lettre  j  eût  alors  été  connue,  son  adoption  eut  prévalu  sur 
celle  du  g  doux,  ce  qui  nous  aurait  évité  l'obhgation  d'ajouter  un 
e  parasite  à  la  suite  du  g,  lorsque  nous  voulons  lui  donner  le  son 
du  j,  comme  dans  vendangeons  ;  mais  ensuite,  abandonnant  cet 
emploi  insolite  de  17,  il  écrivit  dans  son  Dictionnaire  page,  yingey 
vendenge  eivendengeons.  Cette  grande  lettre  pour  remplacer  le  g, 
placée  d'une  manière  si  bizarre  au  milieu  des  mots,  avait,  en  effet, 
un  aspect  déplaisant  qui  dut  lui  en  faire  abandonner  l'emploi. 

Robert  Estienne  se  montre  par  moments  quelque  peu  esclave 
de  la  routine  :  «  Nos  anciens  ont  escript,  »  dit-il  dans  sa  Grammaire 
(page  6-7),  «  vng  auec  g  en  la  fin,  de  peur  qu'en  escriuant  vw, 
«  ne  semblast  estre  le  nombre  vu;  toutesfois  cela  ne  plaist  a  plu- 
«  sieurs.  Nous  scauons  que  g  en  ce  heu  ne  sert  de  rien,  sinon  pour 
((  ceste  cause  :  si  ailleurs  ils  l'admettent  ou  il  y  a  moins  de  cause, 
«  qu'ils  l'admettent  aussi  en  ce  petit  et  court  mot  :  s'il  ne  leur 
((  plaist,  ie  ne  veulx  estre  contentieux,  qu'ils  escriuent  vn  et  moy 
«  vng.  Us  ont  qui  les  suyuent,  et  ie  m'arreste  aux  anciens  scauans 
«  qui  en  scauoyent  plus  que  nous  (1).  » 

On  voit  par  cette  citation  que  Robert,  laudator  temporis  acii, 
et  chez  qui  l'usage  de  la  langue  grecque  et  latine  se  confondait 
avec  celui  du  français,  n'éprouvait  pas  plus  que  la  plupart  de  ses 
contemporains  le  besoin  de  l'uniformité  orthographique. 

Louis  Meigret.  Traité  touchant  le  commun  vsage  de  rescri- 
ture  francolse;  auquel  est  débattu  des  faultes  et  abus  en  la 

(I)  Dans  l'édition  de  1569,  Robert  Estienne,  tout  en  con<servant  ce  passage,  écrit 
un  sans  g  final. 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  MEIGRET.         185 

vraye  et  ancienne  puissance  des  letres.  Auecq  priuileg^  de 
la  court  (de  lo42).  Paris,  Jeanne  de  Marnef,  1545,  in-8 
de  64  ff.  non  chlff.  —  Le  Trette  de  la  Grammaire  fran- 
çoeze.  Paris,  Wechel,  1550,  in-4  de  144  ff.  —  Guillaume 
DES  Autels.  Traité  touchant  V ancien  ortographe  français 
et  écriture  de  la,  langue  françoise^  contre  V ortographe  des 
Meygretistes^  par  Glaumalis  de  Vezelet,  Lyon,  1548,  in-8 
et  1549,  in-16.  —  Défenses  de  Louis  Meigret,  touchant 
son  livre  de  V ortographe  française ,  contre  les  censures  et 
calomnies  de  Glaumalis  de  Vezelet  [Guillaume  des  Autels) 
et  sesadherans.  Paris,  Wechel,  1550,  in-4  de  18  ff.;  Lyon, 
1550,  in-8.  —  Réplique  de  Guillaume  des  Autelz  aux  fu- 
rieuses défenses  de  Louis  Meigret.  Lyon,  lean  de  Tournes  et 
Guill.  Gazeau,  1551,  pet.  in-8  de  127  pp.  {^d,  Réplique  ïmii 
à  la  p.  74.)  —  Réponse  à  la  dézesperée  réplique  de  Glau- 
malis de  Vezelet,  transformé  en  Gyllaome  des  Aotels.  Pa- 
ris, 1551,  in-4  de  95  pp. 

Meigret  est  un  de  ces  esprits  rigides  qui  n'admettent  pas  de 
compromis  entre  la  configuration  étymologique  et  la  configura- 
tion de  \aprolation,  comme  on  disait  de  son  temps.  Contrairement 
à  l'école  toute-puissante  des  érudits  de  la  Renaissance,  il  annonce 
qu'iî  a  travaillé  pour  te  commun  peuple. 

«  le  ne  voy  point,  dit-il,  de  moyen  suffisant  ny  raisonnable  ex- 
cuse pour  conseruer  la  façon  que  nous  auons  d^escrire  en  la  langue 
françoyse...  Notre  écriture,  pour  la  confusion  et  commun  abus       /\\ 
des  letres,  ne  quadre  point  entièrement  à  la  prononciation.  ^ 

«  Les  voix,  ajoute-t-il,  sont  les  elemens  de  la  prononciation,  et 
les  letres  les  marques  ou  notes  des  elemens....  Puisque  les  letres 
ne  sont  qu'images  de  voix,  Tescriture  deura  estre  d'autant  de  letres 
que  la  prononciation  requiert  de  voix;  si  elle  se  treuve  autre,  elle 
est  faulse,  abusiue  et  damnable.  » 

Meigret  a  proposé  d'excellentes  simplifications  que  l'usage  a 
sanctionnées  pour  quelques-unes,  comme  l'emploi  du  ç  qu'il  em- 
prunte, dit-il,  aux  Espagnols  {l),la  suppression  du  ^  dans  les  mots 

(1)  Voir  plus  haut,  p.  177,  rarticle  de  Geofroy  Tory. 


186         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  MEIGRET. 

OÙ  il  n'est  pas  prononcé,  tels  que  cognoistre,  ung,  besoing^  etc.,  où 
il  n'était  qu'un  signe  orthographique  usité  au  siècle  précédent 
pour  indiquer  la  nasalité.  11  biffe  le  d  de  advenir,  advisé.  Il  veut 
qu'on  écrive  dit,  fait,  et  non  dict,  faict;  bete,  fête  et  non  beste, 
feste. 

D'autres  modifications  qu'il  a  proposées  n'ont  pas  prévalu, 
ce  qui  est  regrettable  pour  quelques-unes,  telles  que  dixion  ou 
diccion,  au  lieu  de  diction-,  manifestacion,  annonciacion,  etc.;  le 
n  à  jambage  pour  gn  mouillé. 

Il  ne  se  fait  pas  illusion  sur  les  chances  de  succès  de  sa  réforme  : 

«  La  plus  part  de  nous,  François,  usent  de  cette  superfluité  de 
;letres  plus  pour  parer  leur  escriture  que  pour  opinion  qu'ilz  ayent 
iqu'elles  y  soient  necesseres...  sans  avoir  égard  si  la  lecture,  pour 
laquelle  elle  est  principallement  inuentée,  en  sera  facile  et  aisée, 
l'ose  bien  d'auantage  asseurer  que  c'est  bien  l'vne  des  principales 
causes  pour  laquelle  ie  n'espère  pas  iamès,  ou  pour  le  moins  il 
sera  bien  dificile,  que  la  superfluité  de  letres  soit  quelquefois  cor- 
rigée, quoy  qu'il  s'ensuyue  espargne  de  papier,  de  plume  et  de 
temps,  et  finablement  facihté  et  aisance  de  lecture  à  toutes  na- 
tions, j) 

Meigret  eut  l'honneur  de  faire  école.  Pendant  plusieurs  années 
on  parla  beaucoup  des  meîgreitistes  et  l'on  rompit  des  lances,  dont 
le  fer  n'était  pas  toujours  émoulu,  contre  eux  ou  en  leur  hon- 
neur (1).  Ronsard,  du  Bellay  et  Baïf  se  déclarèrent  partisans  du 
système.  Mais  ce  mouvement  dut  bientôt  s'assoupir. 

Tout  novateur  en  fait  d'orthographe  échouera  s'il  porte  un 
trouble  trop  grand  dans  les  habitudes,  et  s'il  veut  atteindre  sur- 
le-champ  un  but  dont  on  ne  peut  approcher  qu'avec  l'aide  du 
temps^En  effet,  Meigret  fut  forcé  plus  tard  d'abandonner  son 
propre  système  dans  sa  traduction  du  livre  des  Proportions  du 
corps  humain,  d'Albert  Durer,  et  il  ne  fut  repris!  complètement 
par  personne. 

Quel  qu'ait  été  le  sort  de  ces  systèmes,  aujourd'hui  tombés  dans 
l'oubli  ou  dépassés,  ils  ne  méritent  ni  la  dérision  ni  le  blâme. 
Les  luttes  ardentes  qu'ils  ont  provoquées  ont  servi  à  l'élucidalion 
et  à  l'affermissement  des  principes  qui  ont  porté  si  haut  l'éclat 
de  notre  littérature.  Plusieurs  modifications  de  détail  longtemps  dé- 
daignées ont  été  d'ailleurs  reprises  dans  des  temps  plus  favorables. 

(I)  Voir  Réplique  de  Guillaume  des  Autelz. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  J.  DU  RELLAY.     187 

JoACHiM  DU  Bellay.  La  Défense  et  illustration  de  la  langue 
françoise,  par  I.  D.  B.  A.  Paris,  A.  L'Angelier,  1549  et 
1557,  pet.  in-8;  ibid,  F.  Morel,  1561, m-4,  etautres.  (Réim- 
primée aussi  sous  le  titre  à' Apologie  pour  la  langue  fran- 
çoise.) 

Dans  ce  célèbre  plaidoyer,  où  du  Bellay  revendique  pour  notre 
langue  la  supériorité  que  lui  assurerait  surtout  son  «  recours  à  ses 
origines  nationales  »,  tout  ce  qu'il  dit  pour  faciliter  l'étude  du 
français  s'applique  naturellement  à  l'orthographe,  et  dans  son  Avis 
au  lecteur  il  s'exprime  ainsi  : 

((  Quant  à  Torthographe,  j'ai  plus  suivy  le  commun  et  antique 
((  usage  que  la  raison,  d'autant  que  cette  nouvelle  (mais  légitime 
«  à  mon  jugement)  façon  d'escrire  est  si  mal  reçue  en  beaucoup 
«  de  lieux,  que  la  nouveauté  d'icelle  eust  pu  rendre  l'œuvre,  non 
«  gueres  de  soy  recommandable ,  mal  plaisant,  voire  contemp- 
c(  tible  aux  lecteurs.  » 

Et  ailleurs  il  dit  : 

«  J'entends  bien  que  sur  ce  qui  reste  à  faire,  les  professeurs 
((  des  langues  ne  seront  pas  de  mon  opinion,  encore  moins  les 
«  vénérables  Druydes ,  qui ,  pour  l'ambitieux  désir  qu'ilz  ont 
«  d'estre  entre  nous  ce  qu'estoit  le  philosophe  Anacharsis  entre 
«  les  Scythes,  ne  craignent  rien  tant  que  le  secret  de  leurs  mys- 
«  tères,  qu'il  faut  apprendre  d'eux,  soit  descouvert  au  vulgaire.  » 

Dans  un  autre  endroit,  en  parlant  «  de  la  similitude  de  son  et  de 
«  la  dissemblance  d'orthographe  des  ei  et  ai  (écrits  maintenant  ai) 
«  et  des  mots  maistre  e\ preste,  de  Athènes  etfonieines  (maintenant 
«  écv'ii  fontaines),  cognoistre  et  naistre  »,  il  dit  a  qu'il  doit  suffire 
«  aux  poètes  que  les  deux  dernières  syllabes  soient  uniformes; 
«  ce  qui  arriveroit  en  la  plus  grande  part,  tant  en  voix  qu'en  es- 
«  cripture,  si  l'orthographe  françoise  n'eût  point  esté  dépravée 
((  par  les  praticiens.  Et  pour  ce  que  Meigret,  non  moins  ample- 
ce  ment  que  doctement,  a  traité  ceste  partie,  lecteur,  je  te  ren- 
«  voye  à  son  Hvre.  » 

Ainsi  on  voit  que  s'il  osait  le  faire,  il  suivrait  Meigret  dans  son 
système,  qui  a  le  défaut  d'être  trop  hardi, et,'cette  opinion,  il  la  con- 
firme de  nouveau  dans  sa  postface  avec  une  naïveté  toute  gauloise  : 


188        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  PELLETIER. 

«  r approuve  et  loue  grandement  les  raisons  de  ceux  qui  ont 
a  voulu  reformer  V orthographie.  Mais  voyant  que  telle  nouueauté 
«  desplaist  aux  doctes  comme  aux  indoctes,  l'aime  beaucoup 
«  mieux  louer  leur  inuention  que  de  la  suyure,  pource  que  ie 
«  ne  fay  pas  imprimer  mes  œuures  en  intention  qu'ilz  seruent 
«  de  cornetz  aux  apothiquaires  ou  qu'on  les  employé  à  quelque 
«  autre  plus  vil  mestier.  » 

Jacques  Pelletier,  du  Mans.  Dialogue (i)  de  l'Ortoyrafe  e  Pro- 
nonciation Françoese,  départi  an  deus  Hures,  A  Poitiers, 
par  lan  e  Enguilbert  de  Marnef,  a  l'anseigne  du  Pélican , 
1550  (privil.  de  1547),  pet.  in-8  de  viii  ff.  et  216  pp.  (2); 
Lyon,  lean  de  Tournes,  1555,  pet.  in-8  de  iv  et  136  ff.  — 
LArt  poétique^  départi  an  deus  Hures,  Lyon,  lean  de 
Tournes,  1555,  in-8,  de  118  pp. 

Le  petit  volume  de  Pelletier  est  intéressant  et  instructif.  La 
forme  d'entretiens,  qu'il  a  adoptée,  où  chacun  de  ses  interlocu- 
teurs, Jean  Martin,  Denys  Sauvage,  Théodore  de  Bèze,  le  seigneur 
Dauron,  combat  ou  défend,  avec  clarté  et  une  parfaite  bonne 
foi,  la  réforme  orthographique  de  l'auteur,  nous  permet  de  juger 
quelles  étaient,  à  l'époque  de  la  Renaissance,  les  idées  des 
hommes  instruits  sur  l'écriture  française  et  ses  principes;  et, 
bien  que  les  systèmes  plus  ou  moins  absolus  de  Sylvius,  de  Mai- 
gret, de  Pelelier,  de  Baïf,  n'aient  point  été  adoptés,  on  se  félicite 
de  voir  tout  le  chemin  que  depuis  le  seizième  siècle  l'écriture  a 
fait  pour  se  rapprocher  de  la  prononciation. 

On  écrivait,  par  exemple,  comme  nous  le  voyons  dans  l'ouvrage 
de  Pelletier,  soubcontrerolleur,  que  nous  écrivons  aujourd'hui  sou-^- 
contrôleur,  et  que  nous  pourrions  écrire  soucontrôleur,  conjme 
nous  écrivons  soutènement,  soucoupe^  etc.  On  prononçait  sou,  rnmi^ 
cou,  pou,  et  l'on  écrivait  sol^  mol,  col,  pot.  Bien  qu'on  prononçât 

(1)  L'e  muet,  que  nous  figurons  ici  avec  une  cédille,  est  représenté  dans  ce 
volume  par  un  e  barré. 

(2)  Les  37  premières  pages  sont  consacrées  à  une  Apologie  à  Louis  Meigret 
Lionnoes,  datée  de  Poitiers  le  5  janvier  1549.  Pelletier,  sans  partager  en  tout 
l'opinion  de  Meigret,  se  montre  très- favorable  à  sa  réforme.  Cet  opuscule  lui  a 
valu  la  Réponse  de  L.  Meigret  à  l'apologie  de  Jacques  Pelletier.  Paris,  Wechel, 
1550,  in-4  de  10  ff. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  PÉRION.  189 

dîne  ti,  ira  H,  on  écrivait  dîne  il,  ira  il.  Nous  avons  fait  depuis  ce 
temps  un  commencement  de  retour  à  la  forme  primitive  du  pré- 
sent de  l'indicatif  en  écrivant  dine-t-il,  ira-t-il. 

Pelletier  supprimait  les  lettres  étymologiques  de  provenance 
grecque  et  écrivait  teologie,  teze,  filosofîe,  cretien,  etc.  _ 

L'écriture  figurative  de  la  parole  proposée  par  Peletier  ayant, \ 
comme  celle  des  autres  réformateurs  de  son  époque,  Finconvé-  ; 
nient  de  donner  un  aspect  étrange  et  désagréable  à  l'impression, 
ne  fut  accueillie  ni  par  les  gens  de  cour  ni  par  les  imprimeurs. 


JoACHiMi  Perionti  beïiedictini  cormœriaceni  Dialogorwn  de 
linguse  gallicx  origine ,  eiusque  cum  grxca  cognatione  , 
libri  quatuor.  Parisiis,  apud  Sebastianum  Niuellium,  1555, 
in-8,  de  xxxvi  et  149  ff. 

Périon  a  écrit  en  latin  un  ouvrage  dont  le  plan  a  beaucoup  d'ana- 
logie avec  la  Conformité  du  language  français  avec  le  grec  de  Henri 
Estienne.  La  recherche  des  étymologies  et  d'une  parenté  chimé- 
rique avec  le  grec  l'a  beaucoup  plus  occupé  que  le  perfectionne- 
ment de  l'écriture  de  son  temps,  surchargée,  comme  on  sait, 
d'une  si  grande  quantité  de  lettres  superflues.  Étranger,  aussi 
bien  que  ses  contemporains,  à  l'exception  de  Sylvius,  à  toute  cri- 
tique philologique,  il  admet,  au  milieu  de  judicieuses  décou- 
vertes, des  explications  qui  feraient  sourire  à  bon  droit  les  lin- 
guistes de  nos  jours. 

Ainsi  il  est  plus  latiniste  et  helléniste  en  orthographe  française 
qu'aucun  de  ses  émules.  Il  écrit  achapter  (acheter) ,  acouter 
(axoueiv),  prxteur  (prselor),  pœne  (peine,  de  pœna),  sœur  (soror), 
pour  distinguer  ce  mot  de  seur  (sûr,  securus) ,  aglanthier  (églan- 
tier, de  àxavôa),  hasme  (baume,  de  balsamum)^  contendents,  coul- 
teau  (cultellus),  droëct  (Jus),  hostruche  (autruche,  de  ô  ffxpouôoç). 
Il  recommande  même  onnijon  (oignon,  de  xpojxjAuwv),  egraphigner 
(égratigner),  grephyer  (greffier),  ihuer  (occire,  de  ôusiv),  etc. 

La  direction  exclusivement  hellénique  de  son  travail,  qui  l'en- 
traîne à  ne  tenir  aucun  compte  de  la  provenance  germanique  ou 
celtique,  ou  même  delà  basse  latinité,  l'amène  à  écrire  buthyner 
(de  fJouôuveïv),  au  lieu  de  butiner,  de  l'ancien  allemand  bute,  bUten; 
mokker,  de  uitoxxa'îôai,  tandis  qu'on  a  découvert  en  gallois  le  radi- 
cal celtique  moc,  d'oiimoquerie ;  gambe  etgambon  [jambe,  jambon) 


190         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  GARINIER. 

de  xafATTii,  au  lieu  du  celtique  (en  écossais,  gamhan,  eu  irlandais, 
gambun]  ;  lanthil  homme,  dont  l'étymologie  yentilis  était  pourtant 
si  claire;  enfin  non  cheillant  (de  vw^e^^r.O,  au  lieu  de  l'ancien  verbe 
chaloir,  qui  nous  a  laissé  cette  locution  :  Il  ne  m'en  chaut. 

Périon  nous  offre  un  curieux  exemple  des  inconvénients  de  la 
méthode  étymologique  poursuivie  inconsidérément  et  à  outrance 
en  matière  d'orthographe. 

Il  propose  de  supprimer  Vs  dans  hoste,  et  voudrait  que  la  lettre 
a  remplaçât  la  lettre  e  partout  où  e  se  prononce  a,  attendu,  dit-il, 
qu'il  n'y  a  que  les  sapientes  qui  sachent  qu'il  faut  écrire  science  ce 
qui  se  prononce  sciance.  Il  voit  avec  peine  les  savants  écrire  escri- 
vents,  oïents  eiproueoents  {scribentes,  audientes,  providentes),  tan- 
dis que  certains  participes  sont  écrits  par  a. 

Il  admet  les  accents  sur  les  voyelles,  mais  il  en  fait  un  emploi 
différent  de  celui  auquel  Tusage  s'est  fixé.  H  se  sert  de  l'accent 
circonflexe,  avec  d'autres  savants  du  seizième  siècle  que  je  cite, 
devançant  ainsi  les  grammairiens  de  près  d'un  siècle  et  demi.  Il 
écrit  aise,  boûrgois  (civis)  et  bourgoîse,  française  (française), 
croistre  et  cognoistre. 

Jehan  Garnier.  Institutio  gallicx  linguse  ad  usum  juventutis 
germanicad,  ad  illustrissimos  junior  es  principes  landtgra- 
vios  Bwssix  conscripta.  Authore  loan,  Garnerio,  Marpurgi 
Hœssorum,  ap.  lo.  Grispinum,  15S8,  pet.  in-8. 

M.  Gh.-L.  Livet  a  donné  une  analyse  très-étendue  de  ce  livre 
dans  son  ouvrage  intitulé  :  La  Grammaire  française  et  les  Gram- 
mairiens au  XYi^  siècle  (1).  Garnier,  dans  ce  traité  très-utile  pour 
l'histoire  des  variations  de  l'orthographe,  se  plaint  amèrement  des 
lettres  étymologiques  inutiles  et  du  contraste  de  l'écriture  avec  la 
prononciation,  ce  qui  répugne  aux  étrangers  et  à  tout  lecteur  : 
((  Quod  tœdiosum  valde  molestumque  fuit  lectoribus  ;  atque  lin- 
guam  ipsam  odiosam  et  difflcilem  omnibus  peregrinis  reddidit, 
Siquidem  merito  omnes  conquerentur ,  et  ab  ejus  lectione  abhorrent 
quod  aliter  scribamus^  aliter  vero  pronuntiemus,  » 

Jean  Pillot.  Gallicse  linguse  institutio ,  latine  sermone  con- 
scripta, per  loannem  Pilotum^  barrensem.  Parisiis,  apud 

(1)  Paris,  Auguste  Durand,  1859,  in-8. 


p 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LA  RAMÉE.        191 

A.  Wechelum,  seu  Steph.  Groulleau,  J561  (privil.  de  1557), 
pet.  in-8,  de  268  pp.  et  2  ff.  (Souvent  réimprimé.) 

L'ouvrage  de  Pillot,  analysé  avec  soin  par  M.  Livet,  p.  270  de  son 
livre  cité  page  190,  n'est  utile  que  pour  la  constatation  de  récri- 
ture et  de  l'orthographe  à  la  fin  du  xvP  siècle.  L'abus  des  lettres 
majuscules  était  devenu  tel  que  Pillot,  voulant  régler  leur  emploi, 
retend  au  point  qu'il  aurait  mieux  fait  d'énumérer  les  mots  qui 
devraient  n'en  pas  prendre. 

Abel  Mathieu,  natif  de  Chartres.  Devis  de  la  langue  fran- 
çoyse^  à  Jehanne  d Alhret^  royne  de  Navarre,  duchesse  de 
Vendos?ne,  etc.  Paris,  imprimerie  de  Richard  Breton^  1559- 
60,  2  part,  en  1  vol.  pet.  in-8  de  44  et  39  ff.  (en  caractères 

de  civilité).  —  Devis  de  la  langue  française ,  par  A.  M., 

Sieur  des  Mogstardières.  Paris,  veufue  Richard  Breton  (et 
Jean  de  Bordeaux),  1572,  pet.  in-8,  de  iv  ff.  prél.  et  64  ff. 
(Le  Devis  de  la  langue  finit  au  f .  35  verso.) 

L'auteur  n'est  point  un  grammairien,  mais  un  gentilhomme 
devisant  de  la  langue  pour  le  plaisir  des  dames.  Sans  être  réfor-      p. 
mateur,  il  est  indépendant.  «  Notre  langue  est  à  nous,  dit-il;  leL    wv/' 
Grecs  et  les  Latins  n'ont  rien  à  y  voir.  »  11^ 

11  n'approuve  l'emploi  du  5  long,  du  h  et  de  Vy  que  parce  que 
«  ces  lettres,  par  leur  forme,  servent  d'ornement  et  d'ampliation  à 
l'escripture  et  lui  donnent  de  la  grâce  suivant  la  similitude  dont  il 
a  usé  de  l'œil  à  la  peinture  (1).  » 

Pierre  Ramus  (la  Ramée).  Gramere.  Paris,  André  Wechel, 
1562,  pet.  in-8,  de  126  pp.  et  1  f.  d'errata.  (^^  édit.  ano- 
nyme.)— Grammaire  de  P.  de  la  Ramee,  lecteur  du  roy.  etc, 
Paris,  A.  Wechel,  1572,  pet.  in-8,  de  9  ff.  prél.  et  211  pp.  ; 
z6.,  Denysdu  Val,  1587,  pet.  in-8,  de  223  pp. 

La  Ramée,  plus  connu  sous  le  nom  de  Ramus,  lecteur  du  roi 

(1)  Et  en  effet ,  si  Ton  jette  les  yeux  sur  les  spécimens  de  calligraphie  du 
XVI*  siècle  et  même  sur  les  chefs-d'œuvre  d'écriture  de  Jarry  au  xvip,  on  voit 
que  les  artistes  se  complaisaient  dans  la  belle  forme  qu'ils  donnaient  aux  lettres 
longues,  et  particulièrement  à  Vy. 


192        LA.  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  LA  RAMÉE. 

en  l'Université  de  Paris,  savant  latiniste,  helléniste  et  hébraïsant, 
auteur  d'ouvrages  fort  appréciés  de  son  temps  sur  la  dialectique, 
les  mathématiques,  la  langue  latine  et  la  langue  grecque,  est  peut- 
être  le  plus  érudit  des  auteurs  de  réformes  de  récriture  française. 
Son  système  a  pour  but  de  représenter  avec  une  fidélité  absolue 
la  prononciation  par  récriture^  et  l'on  peut  dire  qu'il  y  réussit 
presque  aussi  bien  peut-être  que  ses  représentants  de  nos  jours, 
M.  Marie  et  M.  Féline.  Grâce  à  son  petit  livre,  nous  sommes  en 
mesure  de  prononcer  le  français  comme  un  orateur  au  temps  de 
Henri  HL  Ce  n'est  pas  un  faible  service  rendu  à  la  philologie,  et 
nous  serions  heureux  qu'il  y  eût  eu  un  Ramus  dans  Athènes  au 
temps  de  Périclès,  et  dans  Rome  sous  Auguste. 

A  l'exception  de  Ve  muet^  qu'il  représente  par  un  e  à  boucle 
inférieure  et  que  je  représenterai  par  s;  de  /  et  //  mouillé,  qu'il 
écrit  par  /  à  boucle  et  que  je  figurerai  par  X;  du  ch,  qu^il  figure 
par  c  avec  boucle  et  que  jeremplace  par  l;  de  gn,  par  t],  et  de  nt, 
qu'il  écrit  par  n  à  boucle  dans  les  mots  en  ant  final,  Ramus  n'intro- 
duit dans  son  écriture  aucun  caractère  nouveau  ni  étranger  au  fran- 
çais. Il  met  ainsi  un  signe  simple  à  la  place  des  signes  binaires 
ou  digrammes,  et  il  donne  à  toutes  ses  lettres  une  prononciation 
constante  et  unique.  Le  c  se  prononce  comme  le  cappa,  le  g 
comme  le  gamma  des  Grecs.  Le  s,  si  embarrassant  pour  les  étran- 
gers, n'a  qu'une  seule  valeur,  celle  du  sigma.  Toute  lettre  nulle 
dans  la  prononciation  disparaît  de  son  écriture,  et  il  se  passe 
même  d'accents,  simplification  qui  n'est  pas  à  dédaigner  pour 
l'écriture  cursive.  Il  résulte  de  cette  méthode  une  grande  écono- 
mie dans  l'écriture  et  l'impression,  comme  on  va  en  juger  : 

«  Apres  avoer  reconu  (ami  lecteur)  se  ce  j'avoe  publie  de  la  Grâ- 
ce mère  tan'  grece  ce  latins,  j'e  prin'  plezir  a  considérer  sele  de  ma 
«  patrie  :  de  lacele  (corne  je  puis  estimer  par  le'  livre^  publies  envi- 
((  ron  depui'  trent'  ans  ensa)  Is  premier  auteur  a  ete  Jace'  du  Boes 
«  (Sylvius),  exelen'  profeseur  de  medesins,  ci  entr'  autre'  ^ozes  a  ta^e 
«  a  reformer  notr'  écriture  e  la  fere  cadrer  a  la  parole.  Etiene  Dolet 
«  a  fet  celce  trete,  come  de'  poins  et  apostrofe  :  mes  le  bâtiment 
«  de  set'  euvre  plu'  haut  e  plu'  ma'/jitice,  e  de  plu'  ri^e  e  divers' 
«  etofe,|e'  propre  a  Loui'  Megret  :  Toutefoes  il  n'a  pas  persuade  a 
«  un  ^acun  se  c'il  prelendoet  toucan'  l'ortografe  :  Jace  Peletier  a 
«  debatu  se  point  en  deu'  dialoges  subtilement  e  doctement  :  GiX- 
«  aume  des  Autes  (Autels)  l'a  fort  combatu  pour  défendre  e  meintenir 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LA  RAMÉE.    193 

«  l'ansien'  écriture.  Le'  plu'  nouveaus  ont  évite  sets  controverse, 
«  e  on'  fet  celce  forma  de  doctrine  ^acun  a  sa  fantazie,  Jan  Piiot 
K  en  latin,  corn'  avoe'  fet  Jacs'  du  Boes  au  paravant,  Robert  Etiene 
a  en  fransoes,  le'celz  tous  je  loue  et  prize  ^acun  pour  son  mérite, 
«  en  SE  c'ilz  ss  sont  eforse  de  nou'  doner  se  pourcoe  nous  mar,ifion' 
«  la  lange  grecs  e  latine,  s' et  a  dire  la  loe  de  bien  parler.  » 

On  jugera,  par  cette  citation,  des  avantages  et  des  vices  du 
système  de  Ramus.  Toute  méthode  phonétique  doit  être  absolue 
comme  son  principe,  pour  remphr  complètement  son  objet  :  la 
certitude  de  la  prononciation,  la  facilité  et  la  rapidité  de  l'écriture. 
Celle  de  Ramus  ne  l'est  pas.  Il  eût  fallu  se  décider,  dans  cette 
voie,  à  écrire  pnmie,  batiman,  subtikman,  et  non  premier^  bâ- 
timent, sublihment,  comme  le  fait  l'auteur;  mintmir,  et  non 
meintinir.  Autrement  on  laisse  subsister,  en  même  temps  que  le 
doute  dans  la  lecture,  toute  la  subtilité  des  distinctions  d'origine  et 
d'étymologie.  L'écriture,  d'un  autre  côté,  comme  l'ont  si  bien  re- 
marqué les  sténographes,  ne  peut  être  facile  et  prompte  qu'à  con- 
dition de  supprimer  les  levées  de  la  main  nécessitées  par  toutes 
ces  apostrophes  prodiguées  par  Ramus,  plus  longues  à  former 
que  les  lettres  muettes  dont  elles  tiennent  la  place.  A  ce  point  de 
vue,  tout  trait  nouveau  ajouté  à  une  lettre  entraîne  un  retard  équi- 
valant au  bénéfice  de  la  suppression  d'une  lettre  oud'un  accent.  Les 
réformateurs  phonographes,  y  compris  Ramus  (excepté  Domergue 
et  Marie),  ont  reculé  devant  cette  nécessité,  inhérente  à  leur  mé- 
thode, qui  forcerait  d'abandonner  la  marque  du  pluriel  quand  elle 
ne  se  fait  pas  sentir  à  l'oreille,  et  le  public,  avec  son  bon  sens  pra- 
tique, a  dédaigné  des  systèmes  entachés  d'inconséquence,  qui 
mutilaient  la  grammaire  sans  grand  profit  comme  économie  de 
temps  et  comme  simplicité. 

Pierre  Ramus  a  le  mérite  d'avoir,  deux  siècles  avant  nos  gram- 
mairiens et  nos  dictionnaires,  distingué  le  v  de  l'w,  le  7  de  Vi,  et 
ces  deux  consonnes  ont  porté  longtemps  le  nom  de  consonnes 
ramistes,  en  souvenir  de  leur  célèbre  patron. 

Dans  l'édition  de  1572,  l'auteur,  pour  remédier  sans  doute  à  la 
difficulté  que  les  gens  du  monde  avaient  éprouvée  à  lire  son  écri- 
ture, a  placé  dans  une  colonne  en  regard  son  texte  orthographié 
selon  la  manière  ordinaire. 


13 


194       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  PASQUIER. 

ETIENNE  Pasquier  (1),  dans  une  de  ses  «  Lettres  à  M.  Ramus, 
professeur  du  Roy  en  la  philosophie  et  les  mathématiques  »,  com- 
bat avec  raison  Texcès  dans  lequel  ce  savant,  renchérissant  sur 
Meigret  et  Peletier,  était  tombé,  en  bouleversant  notre  orthographe, 
et,  par  suite  de  cet  excès  même ,  Pasquier  se  prononce  encore 
plus  fermement  pour  le  maintien  des  anciens  usages.  Tel  est  l'effet 
ordinaire  de  toute  exagération  en  matière  de  réformes. 

On  lira  avec  intérêt  cette  longue  Lettre,  où,  après  avoir  réfuté 
le  système  de  Ramus,  il  traite  particulièrement  des  diphthongues. 
Malheureusement,  nous  ne  possédons  plus  le  texte  original  de 
Pasquier;  mais  dans  l'impression,  qui  est  de  près  de  cent  soixante- 
quinze  ans  postérieure  à  l'époque  où  il  écrivait,  on  paraît  s'être 
attaché  en  grande  partie  à  suivre  celle  de  Pancienne  édition.  On 
en  pourra  juger  par  ce  que  je  transcris  ici  de  cette  lettre,  où 
d'ailleurs  Pasquier  consent  que,  «  s'il  se  trouve  dans  notre  or- 
thographe quelques  choses  aigres,  on  y  puisse  apporter  quelque 
douceur  et  attrempance  » . 

«  Or  sus,  je  vous  veux  dénoncer  une  forte  guerre,  et  ne  m'y  veux 
pas  présenter  que  bien  empoint.  Car  je  sçay  combien  il  y  a  de 
braves  capitaines  qui  sont  de  vostre  party.  Le  premier  qui  de 
nostre  temps  prit  ceste  querelle  en  main  contre  la  commune,  fut 
Louys  Meigret,  et  après  luy  Jacques  Peletier,  grand  poëte, 
arithméticien,  et  bon  médecin,  que  je  puis  presque  dire  avoir 
esté  le  premier  qui  mit  nos  poètes  françois  hors  de  page.  A  la 
suitte  desquels  vint  Jean  Antoine  de  Baïf,  amy  commun  de  nous 
deux,  lequel  apporta  encores  des  règles  et  propositions  plus  es- 
troites.  Et  finalement  vous  (2),  pour  clorrele  pas,  avez  fraischement 

(1)  Les  Œuvres  d'Estienne  Pasquier,  2  vol.  ia-fol.,  Amsterdam,  1723,  t.  II, 
p.  oS. 

(2)  Il  paraîtrait  par  ce  passage  que  Pasquier  n'avait  pas  connaissance  de  la 
première  édition  de  la  Gramère  de  la  Ramée,  publiée  en  1562  cliez  Wechel, 
sans  nom  d'auteur  :  autrement  il  n'eût  pas  été  assez  injuste  pour  donner  la 
priorité  à  la  tentative  faite  par  Jean-Antoine  de  Baïf  dans  les  Ètrennes  de  poe- 
ziefrançoise,  dont  le  privilège  est  de  1571  et  l'édition  datée  de  1574.  L'antério- 
rité de  Ramus,  appuyée  sur  le  rapprochement  des  dates,  ne  saurait  être  un  mo- 
ment douteuse.  D'ailleurs,  dans  l'énumération  que  ce  savant  fait,  dans  l'édition 
de  1562,  de  tous  ses  prédécesseurs  dans  la  carrière  de  la  réforme,  énumération 
que  j'ai  transcrite  plus  haut  (V-  192 } ,  il  n'est  nullement  question  de 
Baïf.  Toutefois,  dans  sa  seconde  édition,  datée  de  1572,  Ramus  ajoute, 
après  l'énoncé  des  écrivains  indifférents  ou  même  hostiles  à  ses  idées,  ce 
passage  : 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  PASQUlER.         195 

mis  en  lumière  une  grammaire  françoise,  en  laquelle  avez  en- 
cores  adjousté  une  infinité  de  choses  du  voslre,  plus  estranges  que 
les  trois  autres.  Je  dy  nommément  plus  estranges  ;  car  plus  vous 
fourvoyez  de  nostreanciemie  ortographe  (sic)  et  moins  je  vous  puis 
lire.  Autant  m^en  est-il  advenu  voulant  donner  quelques  heures  à 
laJecturejdfiJ^Qs  partisans.  Je  sçay  que  vostre  proposition  est  trés- 
précieuse,  de  prime  rencontre;  car  si  l'escriture  est  la  vraye 
image  du  parler,  à  quoy  nous  pouvons  nous  plus  estudier  que  de 
représenter  par  icelle  en  son  naïf,  ce  pourquoy  elle  est  inventée  ? 
Belles  paroles  vrayement.  Mais  je  vous  dy  que  quelque  diligence 
que  vous  y  apportiez^  il  vous  est  impossible  à  tous  de  parvenir  au 
dessus  de  vostre  intention.  Je  le  cognois  par  vos  escrits:  car 
combien  que  vous  décochiez  toutes  vos  flèches  à  un  mesme  blanc, 
toutes  fois  nul  de  vous  n'y  a  sçeu  attaindre  [sic]  :  ayant  chacun  son 
orthographe  particulière,  au  lieu  de  celle  qui  est  commune  à  la 
France.  Comme  de  faict  nous  le  voyons  par  l'Apologie  que  Pele- 
tier  a  escrit  encontre  Meigret,  où  il  le  reprend  de  plusieurs  traits 
de  son  orthographe.  Et  vous  mesmes  ne  vous  rapportez  presque  en 
rien  par  la  vostre  à  celle,  ny  de  Meigret,  ny  de  Peletier,  ny  de 
Baïf.  Qui  me  faict  dire  que  pensant  y  apporter  quelque  ordre, 
vous  y  apportez  le  desordre:  parce- que  chacun  se  donnant  la 
me^me4iberté^ûe  vous,  se  forgera  une  orthographe  particulière. 
Ceuxr^i  mettent  la  main  à  la  plume  prennent  leur  origine  de  di- 
vers païs  de  la  France,  et  est  mal-aisé  qu'en  nostre  prononciation 
il  ne  demeure  tousjours  en  nous  je  ne  sçay  quoy  du  ramage  de 
nostre  païs.  Je  le  voy  par  effect  en  vous,  auquel,  quelque  longue 
demeure  qu'ayez  faite  dans  la  ville  de  Paris,  je  recognois  de  jour  à 
autre  plusieurs  traits  de  vostre  picard,  tout  ainsi  que  PoUion  re- 
cognoissoit  en  Tite-Live  je  ne  sçay  quoy  de  son  padouan.  J'adjouste 
que  soudain  que  chacun  en  son  particulier  se  faict  accroire 
esire  quelque  chose  entre  nous,  aussi  nous  veut-il  servir  de  mots 
non  meilleurs,  ains  qu'il  nous  débite,  par  une  faulse  persuasion, 

«  Naguère  I.  A.  de  Baif  a  doctement  et  vertueusement  entreprins  le  poinct  de 
«  la  droicte  escripture,  et  la  fort  esbranlé  par  ses  ^iues  et  pregnantes  persua- 
«  sions.  » 

Comme  il  ne  peut  être  ici  question  de  l'édition  des  Etrennes  datée  de  1574, 
c'est-à-dire  mise  au  jour  deux  ans  après  la  deuxième  édition  de  la  Gramère  de 
la  Ramée,  il  est  à  croire  que  le  poète  Bail  aura  publié  quelque  chose  sur  ce  sujet 
dans  l'intervalle  compris  entre  1562  et  1572,  ou  bien  qu'il  existe  une  édition  des 
Etrennes  publiée  l'année  même  du  privilège  (1571)  et  complètement  inconnue 
aux  bibliographes. 


196        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  PASQUIER. 

pour  tels.  Le  courtisan  aux  mots  douillets  nous  couchera  de  ces 
paroles^  reijne,  allét,  tenét,  venét^  menét  :  comme  nous  vismes  un 
des  Essars,  qui,  pour  s'estre  acquis  quelque  réputation  par  les  huit 
premiers  livres  du  roman  d'Amadis  de  Gaule,  en  ses  dernières 
traductions  de  Josephe  et  de  Dom  Flores  de  Gaule,  nous  servit 
de  ces  mots,  amonester,  contenner,  sutil,  calonvier,  arninistra- 
iion.  Ni  vous  ni  moy  (je  m'asseure)  ne  prononcerons,  et  moins 
encores  escrirons  ces  mots  de  reyne,  allét ^  tenét^  venét^  et  menét ^ 
ains  demeurerons  en  nos  anciens  qui  sont  forts,  rotjne,  alloit, 
venoié,  tenait,  menoit.  Et  quant  à  mon  particulier,  des  à  présent, 
je  proteste  d'estre  résolu  et  ferme  en  mon  ancienne  prononcia- 
tion, à'admonnester,  contemner,  subtil,  calomnier,  administrer. 
En  quoy  mon  orthographe  sera  autre  que  celle  de  des  Essars, 
puis  que  ma  prononciation  ne  se  conforme  pas  à  la  sienne. 
Peletier,  en  son  dernier  livre  de  TOrthographe  et  prononciation 
françoise,  commande  d'oster  la  lettre  G  des  paroles  esquelles 
elle  ne  se  prononce,  comme  en  ces  dictions,  signifier,  régner, 
digne;  quant  à  moy  je  ne  les  prononçay  jamais  qu'avecques 
le  G.  En  cas  semblable  Meigret,  en  sa  Grammaire  françoise, 
escrit,  pouvre  et  sarions',  d'autant  que  vray-semblablement  sa 
prononciation  estoit  telle,et  je  croy  que  celuy  quia  la  langue 
françoise  naïfve  en  main,  prononcera,  et  par  conséquent  escrira 
pauvre  et  sçaurions.  A  tant  puis  que  nos  prononciations  sont  di- 
verses, chacun  de  nous  sera  partial  en  son  escriture.  La  volubilité 
de  la  langue  est  telle,  qu'elle  s'estudie  d'addoucir,  ou  pour  mieux 
dire,  racourcir  ce  que  la  plume  se  donne  loy  de  coucher  tout  au  long 
par  escrit.  Et  de  fait,  n'estimez  pas  que  les  Romains  en  ayent  usé 
autrement  que  nous  :  car  quand  je  ly  dans  Suétone  qu'Auguste 
fust  du  nombre  de  ceux  qui  pensoient  qu^il  falloit  escrire  comme 
on  prononçoit,  je  recueille  que  l'escriture  ne  symbolizoit  {sic) 
en  tout  au  parler,  ains  qu'Auguste^  par  une  opinion  particulière, 
telle  que  la  vostre,  estoit  d'un  advis  contraire  à  la  commune,  tou- 
tesfois  si  ne  le  peut-il  gaigner:  d'autant  que  du  temps  mesmesde 
Néron,  Quintilian  nous  enseigne  que  l'on  escrivoit  autrement 
qu'on  ne  prononçoit » 

La  lettre  de  Pasquier  se  termine  ainsi:  «  A  quel  propos 

donc  tout  cela?  Non  certes  pour  autre  raison,  sinon  pour  vous 
monstrer  qu'il  ne  faut  pas  estimer  que  nos  ancestres  ayent  té- 
mérairement orthographié,  de  la  façon  qu'ils  ont  faict,  ny  par 


r 


LA  RÉFORiME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  H.  ESTIEÎVJNE.     197 

conséquent  qu'il  falle  {sic)  aisément  rien  remuer  de  l'ancienneté, 
laquelle  nous  devons  estimer  l'un  des  plus  beaux  simulachres 
qui  se  puisse  présenter  devant  nous,  et  qu'avant  que  de  rien 
attenter  au  préjudice  d'icelle,  il  nous  faut  présenter  la  corde 
au  col,  comme  en  la  republique  des  Locriens  :  et  à  peu  dire 
que  tout  ainsi  qu'anciennement  en  la  ville  de  Marseille  ils  exe- 
cutoyent  leur  haute  justice  avec  un  vieux  glaive  enroûillié,  ay- 
mans  mieux  user  de  celuy-là  que  d'en  rechercher  un  autre  qui 
fust  franchement  esmoulu,  aussi  que  nous  devons  demeurer  en 
nostre  vieille  plume.  Je  ne  dy  pas  que  s'il  se  trouve  quelques 
choses  aigres,  l'on  n'y  puisse  apporter  quelque  douceur  et  attrem- 
pance,  mais  de  bouleverser  en  tout  et  par  tout  sens  dessus  des- 
sous nostre  orthographe,  c'est,  à  mon  jugement,  gaster  tout.  Les 
longues  et  anciennes  coustumes  se  doivent  petit  à  petit  desnoiier, 
et  suis  de  l'opinion  de  ceux  qui  estiment  qu'il  vaut  mieux  conser- 
ver une  loy  en  laquelle  on  est  de  longue  main  habitué  et  nourry, 
ores  qu'il  y  ait  quelque  défaut,  que,  sous  un  prétexte  de  vouloir 
pourchasser  un  plus  grand  bien,  en  introduire  une  nouvelle,  pour 
les  rnconveniens  qui  en  adviennent  auparavant  qu'elle  ait  pris 
son  ply  entre  les  hommes.  Chose  que  je  vous  prie  prendre  de 
bonne  part,  comme  de  celuy,  lequel,  combien  qu'il  ne  condes- 
cende à  vostre  opinion,  si  vous  respecte-t-il  et  honore  pour  le  hou 
vouloir  qu'il  voit  que  vous  portez  aux  bonnes  lettres.  A  Dieu.  » 


Henri  Estienne.  Traicté  de  la  conformité  du  language  fran- 
çois  auec  le  grec  (sans  lieu  ni  date,  mais  Genève ,  1565) , 
pet.  in-8  de  16  ff.  prél.  et  1S9  pp.;  Paris,  Rob.  Estienne, 
1569,  pet.  in-8  de  18  ff.  prél.  et  de  171  pp.;  nouvelle  édit,, 
accomp.  de  notes,  etprécéd.  d'une  étude  sur  cet  auteur,  par 
L.  Feugère.  Paris,  Delalain,  1853,  in-8  de  ccxxxvi  et  223  pp. 
—  Deux  dialogues  du  nouveau  langage  francois  italia- 
nizé,  et  autrement  desguizé,  principalement  entre  les  cour- 
tisans de  ce  temps  (Genève,  1578),  pet.  in-8  de  16  ff.  prél. 
et  623  pp.;  Anvers,  GuilL  Niergue,  1579  et  1583,  in-16.  — 
Proiet  du  Hure  intitulé  de  la  Precellence  du  langage 
FRANÇOIS.  Paris,  Mamert  Pâtisson,  1579,  pet.  in-8  de  16  ff. 
et  295  pp.;  nouvelle  édit.  accomp.  dune  étude  sur  cet  au- 


198      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  H.  ESTIENNE. 

leur  et  de  notes,  par  L.  Feugère.  Paris,  Delalain,  1850,  in-8 
de  xLiv  et  400  pp.  —  Hypomneses  de  gallica  lingua  père- 
grinis  eam  discentibus  necessarix  ;  qiœdam  vero  ipsis 
Gallis  multum  profuturse,  (Genevse),  1S82,  pet.  in-8  de 
6  ff.prél.,21Setllpp. 

Quoique  Henri  Estienne,  fils  de  Robert,  par  la  disposition  hel- 
lénique de  son  esprit  (1)  et  sous  Tinfluence  de  ses  études,  ait  en 
général  rapproché  l'orthographe  française  de  l'orthographe  grec- 
que, il  reconnaît  la  nécessité  de  simplifier  notre  écriture.  Dans 
son  Traité  de  la  conformité  du  language  français  avec  le  grec, 
p.  159,  il  termine  ainsi  Tavis  au  lecteur  : 

«  J'ay  aussi  vn  mot  à  dire  touchant  l^orthographe  de  ce  liure  : 
«  c'est  que  ie  ne  Tapprouue  pas  du  tout  comme  elle  est  :  ains  que 
«  ma  délibération  estoit  de  faire  tailler  quelques  poinçons  exprès 
«  pour  les  lettres  superflues  quant  à  la  prononciation,  et  toutesfois 
«  characteristiques.  Mais  ayant  eu  le  temps  trop  court  pour  ce 
«  faire,  i'ay  remis  telle  entreprise  iusques  à  l'autre  liure  françois 
«  promis  ci-dessus  :  lequel  surpassera  ma  promesse...  s'il  plaist  à 
«  Dieu  me  préster  la  vie  encores  quelques  mois.  » 

La  multiplicité  des  travaux  de  Henri  lui  aura  fait  ajourner  ce 
projet,  car  toute  trace  de  ce  passage  a  disparu  dans  les  réimpressions 
de  ce  livre.  Je  le  regrette,  car  je  ne  doute  pas  qu'il  ne  s'agisse  ici  de 
modifier  le  ch,  ph,  th,  st  helléniques,  qu'il  eût  ramenés  à  des  for- 
mes simples  comme  x?  <?,  6,  ç- 

Ce  docte  imprimeur  a  compris,  mieux  qu'on  ne  l'a  fait  de  son 
temps,  le  mode  de  formation  des  mots  que  le  français  emprunte 
aux  langues  anciennes.  Il  a  bien  vu  que  blâmer  et  blasphémer  sont 
un  même  mot  (pXaacpTit^sïv),  l'un  sous  sa  forme  française,  l'autre 
sous  la  forme  grecque. 

Bien  qu'il  ait  fixé  l'origine  des  mots  suivants,  il  admet  par  ren- 
voi seulement  l'orthographe  rigoureusement  étymologique  ainsi 
indiquée  par  lui  dans  la  troisième  colonne  : 

caresser de  xapîÇsaQat ...     charesser 

cédule.  .....        cxéSy) schédule 


(1) 


Sou  père  lui  fit  apprendre  le  grec  avant  le  latin. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DE  BAIF.  199 

cerfeuil x<^'PS9^^^o^ cherfueil 

chicorée xt/wptov cichorée 

esquinancie  .  .  .  auvàyxyi squinancie 

dyssenterie.  .  .  .  SucrevTepia dysenterie  (1) 

migraine rnxixpavia hémicranie 

orthographe .  .  ,  opôoYpaçta .  orthographie 

fiole çtoXy] phiole 

seringue orupiy^ syringue 

rhythme 


l 


nme puOixoç ,     ,.,  ,    ..     ., 

^    ^  (qu'il  écrit  rythme 

autruche  (2).  ,  .        ô  <7Tpou66ç ostruche 

sciatique  (3).  .  .        laxta; ischiatique 

Dans  les  mots  dérivés  du  latin,  il  propose  la  suppression  de  cer- 
taines lettres  muettes,  abusivement  employées  de  son  temps  sous 
couleur  d'étymologie.  Telles  sont  /  dans  chevaulœ ,  animaulx, 
aulcun,  maulx.  «  Notre  au,  dit-il,  tient  lieu  du  al  primitif.  Mais  il 
faut  conserver  cet  /  dans  coulpe  (culpa),  poulpe  (aujourd'hui  pulpe, 
de  pulpa).  »  Comme  Ronsard  et  autres,  il  écrit  aureilles. 

On  voit  par  ces  exemples  quel  esprit  de  sage  critique  et  de  fine 
observation  philologique  avait  su  déployer  déjà  le  savant  helléniste 
typographe  qui  nous  a  laissé,  dans  ses  Dialogues  du  nouveau  lan- 
gage françois  italianizé,  un  document  si  curieux  pour  l'histoire 
du  français  et  un  si  brillant  témoignage  d'une  érudition  spirituelle 
et  de  bon  aloi. 


Jean-Antoine  de  Baïf.  Etrénes  de  poézie  fransoeze  an  vers 
mezurés,  Paris,  Denys  du  Val,  1574,  pet.  in-4,  de  16  ff. 
non  chiff.  et  20  ff.  chiff. 

L'insuccès  de  ses  devanciers  ne  rebuta  pas  ce  poëte.  Dans  son 
système  de  l'orthographe  il  est  plus  novateur  que  Ramus,  auquel 
il  n'emprunte  que  ses  lettres  avec  cédille  (c,  /,  n).  Il  distingue  trois 
e  :  bref  {mxiQi)j  long  (ouvert),  qu'il  figure  par  un  e  avec  cédille  (4), 


(1)  c'est  ainsi  que  ce  mot  devrait  être  écrit. 

(2)  Il  écrit  avec  raison  ostruche^  ô  arpoueoç.  Il  écrit  troter,  raptasser,  qu'il 
fait  venir  de  pàuTsiv;  utilisant  le  s,  il  écrit  gargariser,  ozeille,  pezer,  pindarizer, 
riz  ;  il  écrit  mistère  sans  y,  et  sifler,  que  l'étymologie  erronée  qu'il  invoque, 
(jKpXouv,  aurait  dû  lui  faire  écrire  avec  ph. 

(3)  Il  blâme  dans  cette  orthographe  la  suppression,  à  contre-sens,  de  Vi. 

(4)  Notre  diphlhongue  ai  est  considérée  par  lui  comme  e  long. 


200    LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  H.  RAMBAUD. 

et  commun  (fermé)  représenté  par  un  e  avec  une  apostrophe.  Par- 
tant du  principe  que  chaque  son  devrait  être  représenté  par  un 
signe  particulier,  il  substitue  aux  diphthongues  ou  triphthongues 
œu  ou  eu,  ou  et  au  et  eau,  de  nouveaux  caractères  inventés  par 
lui.  Le  premier  est  un  e  dont  le  trait  se  prolonge  de  manière  à 
former  un  ?;;  le  second  ressemble  au  h  grec  (i);  le  troisième  n'es^ 
que  la  lettre  a  modifiée  de  la  même  façon  que  l'e  dans  le  cas  pré- 
cédent. Le  c  dur  est  remplacé  par  le  k,  et  les  consonnes  h  muet, 
g  eiœ  sont  proscrites  comme  inutiles.  Il  est  supérieur  à  Ramus 
en  ce  qu'il  remplace  partout  em,  en,  par  an.  Il  supprime  comme 
lui  les  lettres  doubles  qui  ne  se  prononcent  pas;  mais,  pour  les 
syllabes  finales,  il  est  moins  phonographe  que  Ramus,  et,  sans 
faire,  comme  lui,  disparaître  la  marque  du  pluriel,  il  se  borne  à 
remplacer  l'e  muet  final  pnr  une  apostrophe,  lorsque  le  mot  sui- 
vant commence  par  une  voyelle.  Ce  qu'il  y  a  de  curieux  dans  son 
système,  c'est  qu'il  écrit  d'un  seul  mot  les  adverbes  composés 
de  plusieurs  membres,  mais  exprimant  une  seule  idée,  comme 
ojardui  (aujourd'hui),  Udemème  (tout  de  môme),  tti^talani^r  (tout 
à  Tentour),  sansèsse  (sans  cesse). 

Il  écrit  duk  d'Alanson,  eyzakte  ekriture,  élémam,  anploiér,  ko- 
m  amant. 

A  la  fin  de  sa  préface,  il  promet  au  lecteur  un  Avertisemanttanl 
sur  la  prononsiaslon  fransoeze  (2)  ke  sur  l'art  métiik,  qui  n^a  point 
paru. 

Honorât  Rambaud,  maistre  d'eschole  à' Marseille.  La  déclara- 
tion des  abus  que  Von  commet  en  escriuant.^  et  le  moyen  de 
les  euiter  et  représenter  nayuement  les  pamles  :  ce  que  ia- 
mais  homme  na  faict.  Lyon,  lean  de  Tournes,  1578,  pet. 
in-8,  de  351  pp. 

L'auteur  de  cet  ouvrage,  en  créant,  au  grand  étonnement  de 
l'œil  et  sans  grand  profit  pour  h  lecture,  un  alphabet  de  sa  façon, 
bù  toutes  les  lettres  sont  changées,  s'est  efforcé  de  donner  une 


(t)  Dans  les  idées  phonographiques  c'est  une  heureuse  innovation.  La  voyelle 
que  nous. faisons  figurer  par  le  double  signe  ou,  et  qui  n'est  qu'un  son  simple,  est 
représentée  dans  toutes  les  langues  de  l'Europe,  excepté  le  grec,  par  un  seul  signe. 

2)  A  son  époque  Voi  se  prononçait  comme  oè. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  H.  RAMBAUD     201 

image  d'une  fidélité  absolue  de  la  prononciation.  Voici  comment 
il  expose  lui-même  ses  principes  (p.  6)  : 

((  Vous  sçauez  bien,  lecteurs,  que  l'escriture  est  le  double  et 
«  coppie  de  la  paroUe,  et  que  le  double  doit  estre  du  tout  sem- 
a  blable  à  roriginal.  Tellement  que  tout  ce  qui  se  treuue  en  l'ori- 
«  ginal  se  doit  trouuer  en  la  coppie,  et  rien  plus  :  autrement  la 
<(  coppie  est  fausse.  Par  quoy  faut  conclurre  que  l'escriture  doit 
«  estre  totalement  semblable  à  la  parolle,  et  qu'en  Tescriture  se 
«  doit  trouuer  tout  ce  que  la  bouche  a  prononcé,  et  rien  plus  : 
«  autrement  est  fausse,  et  trompe  les  lecteurs  et  auditeurs,  comme 
«  disent  fort  bien  Quinlilien,  Nebrisse,  et  plusieurs  autres,  les- 
«  quels  se  faschent,  et  non  sans  cause,  de  ce  que  ne  représentons 
((  pas  les  parolles  comme  les  prononçons,  et  semble  que  le  facions 
«  par  despit  et  tout  exprès,  pour  mettre  en  peine  tous  hommes, 
c(  femmes  et  enfans,  presens  et  aduenir.  Les  susnommés  nous  ont 
«  laissé  par  escrit  plusieurs  remonstrances  qu'ils  en  ontfaict,  par 
((  lesquelles  leur  sommes  obligés,  et  mesmes  à  Nebrisse,  lequel  nous 
a  donne  espérance,  disant,  Quod  ratio  persuaserit,  aliqimndo  fief. 
«  C'est  à  dire  que  :  Ce  que  raison  approuuera,  en  quelque  saison  se 
«  fera.  Et  pource  que  raison,  dame  et  princesse  des  hommes,  ap- 
«  prouue  et  nous  commande  de  représenter  les  parolles  tresnayue- 
a  ment  et  tout  ainsi  que  la  bouche  les  prononce,  luy  voulant  obeïr, 
«  comme  humble  et  tresobeïssant  seruiteur,  me  suis  efforcé,  selon 
«  mon  petit  pouuoir,  d'accomplir  son  commandement,  comme 
<(  verrez  présentement,  pourueu  qu'il  vous  plaise  lire  et  bien 
«  entendre  mon  dire.  » 

11  ajoute,  p.  26  :  «  Escrire  est  faire  un  chemin,  par  et  moyen- 
«  nant  lequel  voulons  conduire  et  guider  nous  mesmes, et  les  autres 
«  aussi.  Et  puis  qu'il  est  nécessaire  que  tous  hommes,  femmes  et 
«  enfans,  présents  et  advenir,  y  passent,  il  est  tresnecessaire  qu'il 
«  soit  bien  aisé.  Et  l'on  a  faict  tout  au  rebours  ;  tellement  que  peu 
«  de  gents  y  peuuent  passer  :  et  quasi  tons  ceux  qui  y  passent  le  font 
«  par  coûtrainte  et  à  force  de  coups.  Et  ie  n'en  parle  pas  par  ouïr 
((  dire  :  car  il  y  ia  trentehuict  ans  que  je  contrains  les  enfans  a  pas- 
ce  ser  par  ledit  chemin  ;  durant  lesquels  ayant  eu  loisir  de  contem- 
«  pler  les  tourmens  qu'ils  endurent,  et  endureront,  si  l'on  ne  re- 
«  pare  ledit  chemin » 

Dans  l'extrait  du  privilège  donné  le  18  mai  1577  par  le  roi 
Henri  III,  on  lit  :   «Notre  cher  et  bien  amé  Honoré  Rambaud... 


202       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAMBAUD. 

ayant,  pour  la  commodité  d'un  chacun  qui  voudra  apprendre  de 
luy  et  pour  la  sienne  aussi,  composé  un  alphabet  de  quelques 
charactères  qui  pourront  seruir  grandement  à  soulager  les  per- 
sonnes, mesmes  les  petits  enfans,  de  lire  et  escrire.  L'inuention 
duquel  Alphabet  il  luy  a  esté  ja  permis  de  faire  imprimer  et  met- 
tre en  lumière,  tant  à  Tholouze  qu'à  Lyon...  » 

Ce  qui  dut  contribuer  surtout  au  peu  de  succès  de  l'écriture 
phonétique  de  Rambaud,  c'est  que  dans  son  ouvrage  elle  repré- 
sente, du  moins  je  suis  fondé  à  le  croire,  la  prononciation  fran- 
çaise au  seizième  siècle  dans  le  midi  de  la  France. 

Charles  Nodier,  oubliant  qu'un  art  très-important,  la  sténogra- 
phie, est  fondé  sur  le  perfectionnement  de  l'écriture  phonétique, 
et  qu'il  a  quelques  chances  de  pénétrer  dans  l'éducation  de  la  jeu- 
nesse, s'exprimait  ainsi  en  1840,  à  propos  du  livre  de  Honorât 
Raimbaud  : 

«  Le  maître  d'école  de  Marseille  n'étoit  pas  un  de  ces  révolu- 
tionnaires circonspects  qui  marchent  à  pas  mesurés  dans  la  ré- 
forme et  qui  soumettent  le  désordre  et  la  destruction  à  une  appa- 
rence de  loi.  Radical  en  néographie,  il  débute  modestement  par 
la  suppression  de  l'alphabet,  et  lui  en  substitue  un  nouveau, 
composé  tout  d'une  pièce  pour  cet  usage.  Cette  manière  de  pro- 
céder prouve  du  moins  que  Rambaud  avoit  la  conscience  de  son 
entreprise,  et  qu'il  savoit  apprécier  à  leur  juste  valeur  les  ridicules 
tentatives  de  ses  prédécesseurs  et  de  ses  émules.  Aussi  n'hésiterai-je 
pas  à  le  regarder  comme  l'homme  de  génie  de  la  bande,  et  le  seul 
qui  offre  dans  son  fatras  quelques  vues  ingénieuses  et  fortes.  La 
question  de  savoir  si  l'alphabet  usuel  est  bon  ou  mauvais  nétoitpas 
difficile  à  résoudre;  le  fait  est  qu'il  est  détestable  dans  la  figure  des 
signes,  dans  leurs  attributions  et  dans  leur  ordre,  et  qu'il  en  est  de 
même  de  tous  les  alphabets  anciens  et  modernes.  Mais  la  difficulté 
n'est  pas  là.  La  difficulté  n'est  pas  même  de  créer  un  alphabet 
meilleur  que  le  nôtre,  et  besoin  n'étoit  pour  cela  des  doctes  labeurs 
d'un  maître  d'école.  Le  moindre  de  ses  écoliers  y  auroit  suffi  de 
reste.  Ce  qu'il  y  a  d'embarrassant,  ce  n'est  pas  de  faire,  tant  bien 
que  mal,  une  espèce  d'alphabet  rationnel  et  philosophique,  pro- 
pre à  faciliter  l'enseignement  de  la  lecture  et  à  rendre  peu  sensibles 
et  même  tout  à  fait  nulles  les  équivoques  et  les  ambiguïtés  de 
l'orthographe.  C'est  d'appliquer  cet  alphabet  à  une  langue  écrite, 
sans  altérer,  sans  détruire  peut-être  son  esprit  et  son  caractère. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  TOUBERT.        203 

C'est  surtout  de  le  faire  accepter  par  le  peuple  auquel  on  le  des- 
tine, comme  la  forme  d'un  chapeau  ou  la  coupe  d'un  habit.  Voilà 
ce  qui  n'arriva  jamais,  et  ce  qui  jamais  n'arrivera.  La  religion  en 
sait,  je  crois,  la  raison.  Si  la  philosophie  en  sait  une  autre,  qu'elle 
la  dise.  »  {Description  raisonnée  d'une  jolie  collection  de  livres^ 
p.  83.) 

Nodier,  un  peu  injuste  dans  ses  dédains  irréfléchis,  a  oublié  de 
dire  que  le  digne  maître  d'école  est  le  premier  qui  ait  proposé  et 
développé  la  nouvelle  épellation  ;  be,  ce,  de,  fe,  ge,  le,  me,  etc. 


Laurent  Joubert,  médecin  ordinaire  du  Roi  de  France  et  du 
Roi  de  Navarre,  premier  docteur,  régent,  chancelier  et  juge 
de  l'Université  en  médecine  de  Montpellier.  Dialogue  sur  la 
cacographle  fransaise,  avec  des  annotacions  sur  V ortogra- 
phie  de  M.  Joubert  {par  Christophe  de  Beauchatel)  (à  la 
suite  de  son  Traité  du  ris,  Paris,  Nicolas  Ghesneau,  1579, 
pet.  in-8  de  IS  ff.  prél.,  407  pp.  et  8  pp.) 

On  sait  que  le  docte  chancelier  de  l'Université  de  Montpellier, 
médecin  ordinaire  du  roi  Henri  HI,  a  pratiqué  une  orthographe 
réformée  dans  la  plupart  de  ses  ouvrages,  dont  plusieurs  renfer- 
maient des  doctrines  très-remarquables  pour  son  temps.  Homme 
d'esprit  et  de  grand  savoir,  vir  acuti  ingenii,  comme  le  qualifie 
Haller,  il  a  combattu  et  détruit  plus  d'un  préjugé  scientifique, 
consacré  par  les  siècles.  La  routine  qu'il  appelle  cacographique 
présentait  plus  de  résistance  et  a  surmonté  ses  efforts. 

A  la  suite  de  son  Traité  du  ris,  p.  376,  Laurent  Joubert  a  inséré 
un  Dialogue  sur  la  cacographle  fransaize  expliquant  la  cause  de 
sa  corruption.  Les  deux  antre-parleurs  (sic)  sontFransaiset  Wolff- 
gang.  Voici  un  spécimen  de  leurs  propos  qui  donnera  une  idée 
de  l'orthographe  du  savant  docteur  : 

«  Fransais Il  y  a  ha  défaut  à  ne  pouvoir,  ou  ne  savoir 

represanter  par  écrit  ce  qu'on  prononce  ;  il  y  a  ha  du  dommage 
bien  grand,  pour  cens  qui  veulet  apprandre  ce  langage  :  d'autant 
qu'il  leur  faut  à  chaque  mot  une  observacion,  de  savoir  dissimuler 
quelques  lettres  an  prononsant,  lèquelles  on  ne  veut  toutesfois 
permettre  setre  omises  de  Tecrivain. 


204        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  JOUBERT. 

((  WoLFFGANG.  J'an  ay  été  an  fort  grand'peine,  l'espace  de  sis 
ans,  durant  lequel  tams  j'ay  merveilleusemant  trav^alhé  à  com- 
prandre  la  droite  prolacion  de  ce  langage,  pour  ansegner  par 
après  les  miens  avec  plus  grande  facilité.  Car  il  y  a  ha  plusieurs 
Alemans  qui  vienet  an  France  expressemant  pour  apprandre  ?a 
langue  :  lèquels  voyans  l'écriture  si  répugnante  au  parler,  s'an 
degoutet,  &  perdet  courage  d'y  proufiter^  sinon  par  trop  long 
tams.  Car  ils  voyet  qu'il  faut  oblier  l'écriture  pour  la  bien  pro- 
noncer, &  la  prolacion  pour  écrire  à  la  mode  des  Fransais.  A 
cause  dequoy  certains  princes  d'Alemagne  m'ont  donné  charge 
d'essayer  à  comprandre  exactemant  ce  langage,  pour  le  savoir 
par  après  communiquer  aus  leurs,  &  an  parlant,  &  an  écrivant, 
ainsi  qu'il  le  faut  prononcer.  Et  pource  j'*ay  méprisé  tous  livres 
écris  an  fransais,  &  me  suis  contraint  d'apprandre  le  langage,  an 
conversant  familieremant  avec  cens  qui  parlet  mieus,  observant 
trae-sogneusemant  la  vraye  prolacion.  De  laquelle  m'etant  bien  as- 
suré, j'ay  commancé  d'exprimer  par  écrit  le  naïf  parler  du  fran- 
sais :  de  sorte  que  (à  mon  avis)  le  plus  nouveau  &  étrangler,  qui 
sache  lire  an  latin,  ou  an  autre  langage  de  cens  qui  uset  de  sem- 
blables lettres,  il  le  prononcera  dans  peu  de  jours,  aussi  bien  que 
moy.  Ainsi  j'espère  de  contanter  ceus  de  ma  nacion,  qui  attandet 
ce  bien  de  moy  :  &  par  maeme  moyen  feray  satisfaccion  à  la  Fran- 
saise,  laquelle  se  peut  plaindre  que  l'Alemande  a  causé  la  corrup- 
cion  de  son  écriture.  » 

A  la  page  390  de  ce  volume,  Christophe  de  Beauchatel,  neveu 
et  disciple  de  Joubert,  a  résumé  ainsi  «  l'orthographie  -i)  de  son 
maître  : 

«  Premieremant  il  tient  cette  maxime  qu'il  faut  écrire  tout  ainsi 
que  Pon  parle  et  prononce,  comme  il  et  irè-bien  remontré  an 
l'Apologie  de  son  orthographie  par  Isaac,  son  fils  aine. 

« M.  loubert  difere  de  ses  prédécesseurs,  an  ce  princi- 

palemant  qu'il  ne  change  pas  de  lettres,  qu'il  ne  tranche  les 
siennes,  ne  les  charge  d'acsans,  ne  les  marque  de  crocs,  autre- 
mant  que  fait  le  commun  :  dont  sa  lettre  et  fort  courante  et  ne 
retarde  point  le  lecteur.  » 

Glaudii  Sancto  a  VmcuLo  de  Pronuntiatione  linguse  gallicse 
hori  II,  ad  illustrissimam  simulque  doctissimam  Elizabe- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DE  SAINT-LIEN.    205 

tham^  Anglonifn  Reginam,  Londini,  excud.   Th.  Vautrol- 
lerius,  1580,  iii-S,  de  J99pp. 

L'auteur  de  cette  grammaire^  Claude  de  Saint-Lien  {a  Vinculo), 
professeur  de  latin  et  de  français  à  Londres,  raconte  qu'ayant  été 
admis  auprès  d'Elisabeth,  à  Lewsham  {cum  tu  nuper  Lewshamix 
rusticareris),  il  l'entendit  dans  la  conversation  qu'il  eut  avec  elle 
parler  très-bien  français.  Il  croit  donc  devoir  lui  dédier  son  Traité 
de  l'orthographe,  et  prie  la  reine  d'excuser  sa  hardiesse,  en  lui 
rappelant  des  souvenirs  tirés  de  l'histoire  ancienne. 

Parmi  les  difficultés  de  l'orthographe,  il  cite  surtout  celle  qui 
résulte  de  l'emploi  du  s  au  milieu  des  mots ,  difficulté  que-  TA- 
cadémie  fit  cesser  cent  soixante  ans  après  dans  la  troisième  édition 
en  supprimant  les  s  parasites.  Voici  comment  il  s'exprime 
à  ce  sujet  :  «  Quant  crucem  hœc  litera fixent  auditorum  animis^ 
«  noverunt  qui  nostrx  lingux  operam  dederint,))  Tels  sont,  comme 
exemple  :  désastre  et  folastre,  etc. 

Il  signale  surtout  le  grand  nombre  de  lettres  inutiles  qui  sur- 
chargent les  mots  et  qui  ne  se  prononcent  pas.  Aussi,  pour  faci- 
liter la  lecture  et  la  prononciation,  il  place  sous  toute  lettre  inutile 
un  point  qui  signale  cette  superfluité.  Il  écrit  donc  ainsi  ; 

«  Geulx  qui  m'entendent  sçavent  bien  si  je  ments.  » 

Quant  à  remplacer  par  un  a  l'e  dans  entendent,  et  écrire  an- 
iandentj  il  s^y  oppose,  attendu  que  le  son  de  l'e  suivi  de  Vn  est 
(ou  du  moins  était)  intermédiaire  entre  a  et  e. 

Il  admet  le  ç  et  distingue  les  y  des  i  et  les  v  des  u,  et  voudrait 
qu'on  écrivît  diccion  et  imposicion,  et  non  diction  et  imposition. 

Il  désirerait  que  le  k  remplaçât  le  qu  qu'il  voudrait  «  voir  exilé 
à  jamais  » .  Ses  dialogues,  placés  sur  six  colonnes,  sont  curieux 
et  pour  l'orthographe  et  aussi  pour  les  locutions  qui  sont  encore 
usitées  en  Normandie.  En  voici  un  exemple  : 

Latine.  —  D.  Ut  vales  hoc  mane  ?  —  R.  Non  ita  quidem  ut  vellem. 

Antiqua  orthographia.  —  D.  Comment  vous  portez-vous  à  ce  ma- 
tin ?  —  R.  Non  pas  si  bien  comme  je  voudrois. 

Neotericorum.  —  D.  Comman'  vou'  porte'  vous  à  ce  matin?  —  R.  Non 
pa'  si  bien  comme  je  voudroé. 

Authoris.  —  D.  Comment  vous  portez-vous  à  ce  matin?  — -  R.  Non  pas 
si  bien  comme  je  vouldroye. 

Modus  loquendi.  —  D.  Comman  vou  porté  vouz  à  ce  matin?  —  R.  Non 
pas  si  bien  comme  je  voudroé. 


•  î 


206      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  MONTAIGNE. 

*  Claude  Mermet.  La  Pratique  de  V orthographe  françoise, 
avec  la  manière  de  tenir  livre  de  raison...  composé  par 
CL  Mermet,  escrivain  de  S.  Rambert  en  Savoie.  Lyon, 
Basile  Bouquet,  1583,  in-16,  de  315  pp. 

Je  n'ai  pu  prendre  connaissance  du  contenu  de  cet  ouvrage,  qui 
paraît  d'une  assez  grande  rareté. 

Montaigne,  au  verso  du  frontispice  d'un  exemplaire  (appar- 
tenant à  la  bibliothèque  de  Bordeaux)  de  la  cinquième  édi- 
tion de  ses  Essais,  in-4,  Paris,  l'Angelier,  1588,  a  écrit 
quelques  instructions  pour  l'impression  d'une  nouvelle  édi- 
tion. 

Ces  instructions  ont  été  reproduites  dans  l'édition  des  Essais 
donnée  par  Naigeon  (Paris,  1802,  4  vol.  in-8).  J'en  extrais  un  pas- 
sage relatif  à  Torthographe  : 

d  Montre,  montrer,  etc.,  escrives  les  sans  s  a  la  differance  de 
monstre,  monstrueus. 

c(  Cet  home,  cette  famé,  escrives  le  sans  5  a  la  differance  de  c'est, 
c'estoit. 

d  Ainsi,  mettes  le  sans  n  quand  une  consonante  suit  et  aueq  n 
si  c'est  une  uoyelle;  ainsi  marcha,  ainsin  alla  (1). 

«  Campaigne,  Espaigne,Gascouigne,  etc.  ;  mettez  un  z  devant  le  ^^ 
corne  a  Montaigne  (2). 

cr  Mettez  règles,  régler,  non  pas  reigles,  reigler.  » 

Dans  la  suite  de  cet  avis  à  Timprimeur^  Montaigne  donne  des 
instructions  pour  la  ponctuation,  pour  l'emploi  des  lettres  ma- 
juscules, qu'il  réserve  seulement  aux  noms  propres;  pour  les  dates, 
à  mettre  en  toutes  lettres  et  sans  chiffres ,  et  pour  l'espacement 
des  mots,  etc. 

Montaigne  écrit  ainsi  les  mots  :  come^  différant  (adj.),  coman- 
cemans  (au  pluriel),  lexamplere,  lorthografe,  imprimur^  aus  (aux)> 
stile,  deus  (deux)^  paranthese,  aueq.  Dans  beaucoup  de  mots  il 
a  devancé  son  époque,  où  Ton  écrivait  escript. 

(1)  c'est  ainsi  que  les  Grecs  font  emploi  du  v  euphonique  èdù,  laTiv* 

(2)  Cette  prononciation  devait  être  celle  de  la  Gascogne; 


r 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  PALLIOÏ.         207 

Par  la  manière  dont  il  orthographie  ces  mots  :  comc^  home  et 
fame^  différant  (adjectif),  comancemans,  paranthese,  on  voit  qu'il 
voulait  qu'on  imprimât  son  livre  d'une  manière  plus  conforme  à 
.  la  prononciation  ; 

Qu'il  remplaçait  dans  les  pluriels  Vx  par  le  s  :  aus^  deiis; 
.    Qu'il  simplifiait  l'orthographe   dans    examplere ,  stile,   orto- 
graphe\ 

Enfin  que  pour  les  mots  monstre,  monstrer,  cest,  pronom  dé- 
monstratif, reigle,  la  correction  qu'il  indiquait  a  été  adoptée  par 
l'Académie. 

Le  manuscrit  original  déposé  à  la  bibliothèque  de  Bordeaux, 
qu'un  de  mes  amis  vient  d'y  consulter,  est  écrit  dans  le  même 
système  :  la  suppression  des  doubles  lettres  inutiles,  et  l'emploi  de 
Va  substitué  à  \'e,  pour  conformer  l'écriture  à  la  prononciation. 
(Voir  App.  E.) 

De  Palliot,  secrétaire  ordinaire  de  la  chambre  du  Roy.  Le 
vray  Orthographe  françois,  contenmit  les  reigles  et  pré- 
ceptes infaillibles  pour  se  rendre  certain^  correct  et  par- 
faict  à  bien  parler françois .  Paris,  Nicolas  Rousset,  1608 
(priv.  du  24  avril  1600),  in4  oblong  de  3S  ff.  chiff.  et 
1  f.  pour  le  privil. 

Palliot,  qui  prend  le  titre  de  secrétaire  ordinaire  de  la  chambre 
du  roi,  est  un  ennemi  acharné  de  toute  innovation  orthographique. 
Son  argumentation  reproduit,  sauf  la  modération  de  la  forme  et 
l'élégance  du  style,  celle  de  Pasquierdans  sa  lettre  à  Ramus  (voir 
p.  194).  Abandonnant  ce  que  son  émule  appelle  «  la  vraye  nayveté 
de  nostre  langue  »,  il  tombe  dans  Paffectation  et  le  langage  pé- 
dantesque,,  dangereux  écueil  sur  lequel  était  en  péril  de  sombrer 
le  génie  de  la  Renaissance  dans  l'excès  de  son  zèle  de  restauration 
archaïque;,  si  Rabelais  n'eût  montré  le  ridicule  de  la  verbocination 
latiale  en  la  plaçant,  d'une  façoii  si  comique,  au  VP  livre  de  son 
Pantagruel,  à2i^?>  la  bouche  de  l'écolier  limousin.  On  jugera  lama- 
nière  de  raisonner  de  Palliot  et  son  orthographe  par  la  citation 
suivante  : 

«  J'inféreray  de  là  que,  quelque  confusion  qu'il  y  ayt  aux  dic- 
tions proférées,  la  distinction  s'en  recognoist  à  l'orthographe  bien 
réglé,  dont  le  jugement  et  r'apport  s'en  fera  (affin  que  ce  ne  soit 


208  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  PALLIOT. 

point  une  régula  Lesbia,  qui  se  conforme  à  la  diversité  de  ses  ap- 
plications) sur  la  déduction  de  ses  motz  les  uns  des  autres,  par 
leurs  conjugaisons  et  déclinaisons  :  ou  sur  la  dérivation  du  grec 
et  du  latin,  d'où  nous  tenons  la  plus-part  de  nos  termes;  voire 
que  nous  en  tenons  des  lettres  mesmes  qui  servent  de  toute  no- 
toire distinction  en  Tescriture,  qui  est  néantmoins  toute  confuse 
en  sa  prolation.  Ainsi  le  z  que  nous  tenons  des  Grecz  parmy  nos 
lettres  faict  différer  noz  de  nos  :  Tvn  qui  sera  françois  avec  ce  ;;, 
Faultre  qui  sera  latin  avec  son  s.  Ainsi  que  l'y  adverbe  de  lieu  en 
nostre  langue  vas-y  fera  la  différence  de  Vi  simple  qui  sera  en  la- 
tin impératif  dHre  :  i  tu.  Ainsi  tenans  et  noz  lettres  mesmes  et 
noz  acceniz  et  noz  distinctions  et  punctuations,  comme  la  plus- 
part  de  nos  dictions,  de  ces  langues  certaines  et  réglées,  la  vraye 
pierre  de  touche,  qui  servira  à  faire  recognoistre  nostre  ortho- 
graphe plus  réglé,  sera  à  ces  dérivations,  et  nousarrester  en  cela 
à  ce  qui  en  a  esté  suyvy  jusques  icy  par  toute  l'antiquité,  sans 
vaciller  à  l'inconstance  et  incertitude  des  nouvelles  prescrip- 
tions de  ces  innovateurs,  d'un  tas  de  caractères  nouveaux,  de 
nouvelles  escrivacheries  et  telles  autres  broùilleries  modernes, 
qu'iiz  veulent  mesmement  fonder  sur  un  pilotis  si  mal  asseûré  que 
seroit  le  commun  langage,  qui  peut  estre  perverty  et  corrompu 
d'ailleurs,  soit  par  Tasnerie  des  vns,  soit  par  l'insolence  des 
aultres,  s'il  n'est  retenu  en  bride  et  en  son  entier  par  ceste  an- 
tienneté  d'escriture,  sans  laquelle  nostre  langage  seroit  mesme- 
ment desja  autant  dépravé  que  noz  mœurs. 

......  Ainsi,  l'vn  de  ces  desordres  provenant  de  Paultre,  je 

me  serois  indifféremment  laissé  porter  de  la  compassion  que  j'a- 
vois  de  celuy  de  nostre  orthographe,  à  la  passion  de  veoir  régner 
ces  excès  parmi  nous,  qui  m'auroit  faict  ainsi  transporter  à  les 
attacquer  tout  d'vne  mesme  escarmouche,  jusques  à  charger  aussi 
bien  sur  le  mal- faire  et  mal- vivre  comme  sur  le  mal-dire  et  mal- 
escrire.  Leur  insolence  m'ayant  poussé  à  m'en  stomacquer  si  in- 
solemment que  de  n'avoir  pas  à  moindre  contre-cœur  l'vn  que 
l'aultre,  dont  les  excez  ne  cesseront  pas  plus  tost,  que  je  cessera^ 
incontinent  d'estre  plus  si  excessif  en  telles  criticques  censures. 
Esquelles  je  suppli'ray  que  Ton  ayt  plustost  esgard  à  ces  recher- 
ches et  galanteries  des  motz  où  je  me  suis  donné  libre  carrière 
jusques  au  bout  que  non  pas  aux  recharges  et  contre-battries  des 
maulx,  etc » 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  POISSON.         209 

On  voit  par  cette  citation^  qui  eût  été  inintelligible  si  je  n'avais 
pris  le  soin  de  la  ponctuer  à  la  manière  actuelle,  que  l'ortho- 
graphe de  Palliot  est  aussi  lourde  et  hérissée  que  son  raisonne- 
ment et  qu'ils  sont  l'un  et  l'autre  entachés  d'une  affection  aveugle  i 
pour  les  usages  surannés. 


DIX-SEPTIÈME  SIÈCLE. 

Robert  Poisson.  Alfahet  nouveau  de  lavréeetpure  ortografe 
fransoize  et  modèle  sus  iselui  en  forme  de  Dixionére.  Dédié 
au  roi  de  Franse  et  de  Navarre  Eewi  llll,  par  Robert 
Poisson  équier  (Auvile)  de  Valonnes^  en  Normandie,  Pre- 
zenté  au  roi  par  l'auteur,  se  25  jour  d'Aut  l'an  de  Grase 
1609.  A  Paris  chez  Jérémie  Perler,  livrère  es  petis  degrez 
du  Palses,  1609,  avec  privileje  du  Roi,  pet.  in-8. 

Parmi  les  pièces  de  vers  en  tête  de  cet  ancien  traité  d'orthogra- 
phe, où  sont  indiquées  la  plupart  des  modifications  adoptées  par 
l'auteur,  on  lit  ce  quatrain  : 

Vantez  tant  que  voudrez  de  Ronsard  les  éqris. 
De  Ramus,  Péletier,  Baif,  Robert  Etiene, 
Leurs  réformassions  d'ortografe  ansiene, 
Poisson  en  a  l'onneur,  le  profit  et  le  pris. 
Apointons  noise. 

Plusieurs  des  changements  qu'il  indique  ont  été  adoptés  plus 
tard  :  telle  est  la  suppression  des  s,  des  dy  desp,  etc.  L'introduc- 
tion qu'il  propose  du  t  surmonté  d'un  accent  *  pour  indiquer  la 
suppression  de  Ts,  comme  dans  basions  dut  être  sans  objet,  puis- 
que cet  s  est  maintenant  supprimé.  Le  seul  signe  nouveau  qu'il 
introduit  est  un  ch  peu  gracieux  (nous  le  représentons  par  ^  ), 
pour  distinguer  la  prononciation  du  ch  dans  cher,  qu'il  écrit 
c^er,  de  écho ,    t^ose  de  chœur. 

Au-dessous  de  chaque  lettre  de  l'alphabet,  il  indique  dans  un 
quatrain  sa  valeur  et  l'emploi  qu'il  en  fait,  justifié,  à  la  suite  de 
chacun  d'eux,  par  une  longue  liste  d'exemples.  Voici  quelques- 
uns  de  ces  quatrains  : 

14 


210 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  POISSON. 

Bé 

Bé  qi  vaut  le  béta  des  Grez,  et  beth  ebrieuze, 
Je  ne  poze  en  tez  mos  qe  sont  les  ensuivaus. 
Devoir,  fève,  février,  car  superstisieuze 
I  seroit  comme  à  Ixvre,  livrere  &  ovians  (1). 

Ché,  nouvelle  inventée  set  propre  et  nésésére 
Pour  fére  (^er,  (^oisir,   (parité,  cJjidie,  cJjois^ 
Car  ch  a  un  son  totalement  contrére. 
Preuve  :  écho,  cheur,  et  chorde,  écholier,  échosois. 

Dé 

Dé  jamés  ne  se  doit  prononser  ni  écrire 
En  ses  mos  :  avocat,  ajourner,  ni  avis. 
Avouer,  avenu  :  car  leur  son  il  empire, 
Mes  admettre,  admirable,  avec  lui  bien  écris. 

Fé 

Fé  vaut  la  fi,  des  Grez,  et  bien  ne  se  peut  prendre 
Pour  les  ph,  ainsi  comme  font  les  Latins, 
Et  des  nôtres  seus  là,  qi  deus  se  veulent  rendre 
Les  vrez  imitateurs,  se  faizant  mal  aprins. 

Si  bien  etoient  écris  ainsi  philozopàie , 
Phosion,  nimphe,  phlegme,  et  phare,  et  phrijien. 
Aussi  bien  le  seroient  phransoiSj  philh'e,  pholie, 
Qe  jamés  ou  ne  vit  écris  par  se  moien. 

Hé 

Hé  pour  lettre  set  isi  non  aspirassion 
&  ou  n'en  sel  bezoin  jamés  je  ne  l'apliqe, 
Jécri  'ommaje,  "onneur,  'omme,  en  sete  façon, 
Non  homme,  non  honneur,  comme  on  fet  à  l'antiqe. 

(1)  Dans  ces  trois  mots,  en  latin  labra ,  Ubrarius  et  obviare,  l'auteur  pronon- 
çait donc  le  b  comme  v  (comme  le  p  en  grec).  Nous  ne  prononçons  plus  livraire, 
mais  libraire ,  quoique  nous  écrivions  et  que  nous  prononcions  livre  ;  nous  ne 
prononçons  plus  ovier,  mais  obvier. 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —POISSON.         211 

Apres  l,  je  la  mes  pour  bien  écrire  filh'e, 
PiWard^  perilh'eus  :  qï  u'auroient  autrement 
Qe  le  propre  sou  q'a  rzVe,  îndosile,  abile. 
D'autant  que  la  double  //  ni  fet  le  beg'emeut. 


Ka,  Qé  ou  Gu 

Ké  œt  réprézenté  desous  triple  figure 
Q'on  prenoit  si  devant  pour  trois  lettres  formai  (5/c), 
Car  elles  n'ont  q'un  son,  q'un  ton,  q'une  mezure, 
Leur  pourtret  seulement  se  rencontre  in- égal. 

Mes  pour  ofenser  moins  la  vieille  uzaje  mœme 
Et  ne  poin  égarer  les  lizeurs  mal  instruis, 
Par  sete  kéy  jécri  keur,  kalendrier^  karseme, 
Ainsi  contre^  couleur  :  ainsi  qiqonqe  et  qis. 

Lé  ou  el 

Lé  ou  el,  je  n'i  mes  jamés  superfliiment 
Côme  en  ses  mos  suivans  :  siens  {deux),  mîeus^  fourmile^  vile^ 
Poudre^  outre^  moudre,  veut,  peut,  et  pareillemët 
Pélétier,  apelant;  la  double  œt  inutile. 

Mé  ou  em 

Mé  ou  em,  nous  trouvons  œtre  mieus  jéminëe 

En  ses  mos  :  Romme,  somme,  'omme,  pommier^  sommier, 

Car  la  prolassion  en  aet  mieus  ordonnée, 

Nous  écrivons  à  tard  {sic)  :  'orne,  some,  pomier. 

Selon  lui,  Vn  et  le  p  ne  doivent  pas  être  doublés  dans  certains 
mots,  comme  dans  aviéne ,  miéne,  tiéne;  et  dans  apointer, 
apelant,  apurant;  selon  lui  aussi  on  doit  écrire  rétorique,  réteur. 

Se  ou  es 

Se  ou  es  ne  si  met  jamés  isi  pour  zedde 
Comme  en  ses  mos  :  dézert,  dezir,  maizon,  raizm, 
Tout  de  mœme  la  ké  (le  c)  jamés  ne  lui  fet  edde, 
Comme  en  seus-si  :  Fransois,  léson,  ranson,  fason. 


212         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  E.  SIMON. 

Té 

Té  ne  si  voit  jamés  pour  le  son  de  se  fére, 
Comme  à  devotieus,  gratieus,  otieus, 
Pronontiation,  pétition  :  me  tére, 
D'ortografe  si  fause,  en  se  lieu  je  ne  peus. 

Pierre  le  Gaygnard.  V Apprenmolire  français^  'pour  appren- 
dre les  ieunes  enfans  et  les  estrangers  a  lire  en  peu  de 
temps  les  mots  des  escritures  françoizes^  avec  la  vraye  or- 
tographe  françoize.  Paris,  Jean  Berjon,  1609,  in-8. 

L'auteur  réforme  à  sa  manière  l'orthographe  sans  introduire  de 
nouveaux  signes.  Son  ouvrage,  écrit  de  la  façon  la  plus  confuse  et 
d'un  style  boursouflé  et  pédantesque,  se  refuse  à  toute  analyse. 

Etienne  Simon,  docteur-médecin.  La  vraye  et  ancienne  or- 
thographe françoise  restaurée.  Tellement  que  désormais 
Von  aprandra  parfetement  à  lire  et  à  escrire  et  encor  auec 
tant  de  facilité  et  breueté  que  ce  sera  en  moins  de  mois  que 
l'on  nefaisoit  d' années.  Vaiis^  Jean  Gesselin,  1609,  in-4  de 
14  ff.,  680  pp.  et7ff.  de  table. 

Simon  est  un  réformateur  hardi  ;  mais,  voulant  éviter  de  créer 
de  nouveaux  signes  ou  d'employer  les  accents  déjà  connus  de  son 
temps,  il  s'est  jeté,  pour  figurer  la  prononciation,  dans  une  voie 
plus  mauvaise  qu'aucun  de  ses  devanciers;  il  redouble  les  voyelles 
et  les  consonnes  de  la  façon  la  plus  fastidieuse,  sans  parvenir  à 
distinguer  la  valeur  phonique  des  syllabes. 

Voici  un  exemple  tiré  des  poésies  de  du  Bartas  : 

Profane  qi  t'anqieers  qeel  important  afeere 

Peut  Fesprit  et  lees  meins  de  sse  Dieu  ssoliteere 

Occupeer  ssi  long  tans  ?  Qeel  ssoussi  l'eexerssa 

Durant  l'eeternite  qi  sse  tout  deuanssa  ? 

Veu  q'à  ssi  grand  puissansse,  à  ssi  grande  ssajeesse, 

Rien  ne  ssied  point  ssi  mal,  q'une  morne  pareesse, 

Ssache,  o  blasfeemateur,  q'avant  sseet  univeers 

Dieu  baatissoeet  anfeer,  pour  punir  les  peerueers 

Dont  le  ssans  orgeilheus  an  jugemant  apeele 

Pour  ssanssureer  sees  fées  la  ssajeesse  eetérneelle. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  GODARD.         213 

Malgré  les  vices  évidents  d'un  tel  système,  il  faut  reconnaître 
une  bonne  inspiration  dans  la  simplification  du  double  signe  qu 
en  ^,  et  dans  la  permutation  du  signe  binaire  ge  en  y. 


*  Claude  Expilly,  président  au  parlement  de  Grenoble.  UOî- 
tographe  françoise  selon  la  prononciation  de  notre  langue. 
Lyon,  1618,  in-fol. 

Malgré  toute  l'obligeance  qu'ont  mise  dans  leurs  recherches 
MM.  les  conservateurs  de  notre  Bibliothèque  ,impériale,  de  celle 
de  Sainte-Geneviève,  de  la  Mazarine^  de  l'Arsenal,  de  l'Institut  de 
France  et  autres  grandes  bibliothèques  de  Paris,  il  m'a  été  impos- 
sible de  me  procurer  cet  ouvrage.  J'ai  eu  recours  alors  à  M.  Mon- 
falcon ,  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Lyon ,  espérant  que 
le  livre  imprimé  en  cette  ville  s'y  trouvait  ;  les  recherches  ne  se 
sont  pas  bornées  à  la  bibliothèque  de  Lyon'^  et  se  sont  étendues 
à  deux  autres  grandes  bibliothèques,  mais  inutilement.  Ge  livre 
in-folio  d'un  savant  distingué,  et  que  M.  Brunet  déclarait  être  de- 
venu rare,  serait-il  devenu  introuvable? 

Jean  Godard.  U H  françoise.  Lyon,  1618,  in-12  (et  aussi  à  la 
fm  de  sa  Nouvelle  Muse,  Lyon,  Cl.  Morillon,  1618,  pet. 
in-8) .  —  La  Langue  françoise  de  lean  Godard  Parisien  : 
ci-devant  lieutenant  General  au  Bailliage  de  Ribemont, 
Lyon,  Nicolas  Jvllieron,  16^0,  in-8, 

Jean  Godard,  à  la  fois  érudit  et  d'un  esprit  enjoué,  dédie  à 
du  Vair,  garde  des  sceaux  de  France,  un  traité  de  la  langue  fran- 
çaise plus  particulièrement  consacré  à  Torthographe  et  qui  con- 
tient des  détails  instructifs.  Sans  qu'on  puisse  le  déclarer  novateur, 
puisque  alors  une  grande  liberté  orthographique  était  admise, 
on  jugera  de  celle  qu'il  adopte  dans  son  livre  et  de  l'esprit  dans 
lequel  il  est  écrit.  Je  me  bornerai  à  reproduire  le  chap.  VI,  con- 
sacré à  l'A,  p.  61,  et  le  ch.  IX,  p.  91,  consacré  à  l'F  françoise.  Mais, 
comme  entrée  en  matière,  voici  ce  qu'il  dit  au  chapitre  de  PS  : 

c(  Ge  ne  m'êt  pas  vn  petit  contentemàt  que  Pollio  ail  bien  dai- 
gné faire  en  la  langue  latine  deuant  moi,  ce  que  ie  fais  en  la 
langue  françoise  après  luy,  ecriuant  des  traitez  sur  nos  lettres^ 


214         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  GODARD. 

comme  il  fit  sur  les  lettres  latines.  Mais  ancore  mon  contante- 
mant  redouble  quand  ie  viens  à  considérer  que  Messala,  grand 
au  barreau,  grand  à  la  guerre,  homme  de  langue  et  de  main, 
avocat  et  capitaine,  se  contanta  bien  de  laisser  par  écrit  (1)  vn 
liure  de  TS  latine  sans  toucher  aux  autres  lettres.  Car  il  samble 
par  là  que  c'êt  vne  jantille  et  généreuse  (2)  antreprise,  de  traiter  la 
plus  grande  part  de  nos  lettres,  puisque  vn  si  grand  personnage  a 
creu  qu'vne  seule  lettre  peut  seruir  de  carriere^à  un  bel  esprit, 
pour  y  faire  sa  course,  et  pour  amporter  la  bague  que  les  Muses 
donnent  à  leur  cavalier,  qui  court  le  mieux  dans  leurs  lices.  Mais 
celte  ioye  et  suyuie  de  la  tristesse  que  j'ay  de  ce  que  nous 
n'auons  pas  ces  deux  ouurages  de  ces  deux  gras  Romains.  le 
n'aurois  point  de  peur  de  m'egarer,  ie  ne  crandrois  ni  vàt  ni 
vague,  si  ie  les  voyois  marcher  deuant  moi  ou  tenir  derrière  moi 
le  timon  desus  la  poupe.  N'estoit  que  nos  Muses  francoises  ché- 
rissent leurs  bonnes  seurs,  ie  les  accuserois  volontiers  de  negli- 
jance,  et  d'auoir  permis  au  Tans  par  leur  mausoin  d'anlever  de 
leur  cabinet  deux  loyaux  si  précieux  et  deux  pièces  si  belles, 
îl  ne  nous  reste  de  leur  nom  que  la  seule  souuenance,  et  du  de- 
sir  de  les  voir  que  le  regret  de  leur  perte.  » 

/.'A  français. 

«  Nous  auons  assez  demeuré  deuant  le  logis  ;  |il  ôt  bien  tans 
que  nous  antrions  dans  la  maison,  où  nôtre  langue  frangoise 
nous  attand  de  pié  ferme.  Voici  l'vn  de  ses  jans  qu'elle  anuoye 
au  deuant  de  nous.  Cet  son  A  qui  nous  ouure  la  porte,  et  qui 
vient  pour  nous  receuoir.  Car  c'ê\  hiy  qui  a  la  charge  d'accueil- 
lir les  amis  et  les  étrangers  qui  veulent  venir  visiter  sa  mai- 
tresse.  Saluons-le  :  mais  plutôt  écoutons  comme  il  nous  salue 
luy  même  d'vne  voix  claire,  argentine,  éclatante.  Cet  le  capitaine 
de  tous  les  caractères  de  la  langue  Françoise,  et  certes  meritoire- 
màt.  D'autant  qu'il  tient  cette  charge  plus  par  mérite  que  par 
faneur,  passant  en  grâce  de  beauté  et  en  vigueur  de  force  natu- 
relle tous  les  autres  caractères ,  qui  sont  assez  honnorez  de 
suyure  son  etandard.  Car  autant  que   les  voyelles  passent  les 


(1)  Dans  beaucoup  de  mots,  Godard  a  devancé  son  époque,  où  l'on  conservait 
cette  forme  :  escript. 

(2)  Puisqu'il  écrit  j an lilîe,  jans,  neglijance,  il  aurait  dû  remplacer  partout  le 
g  doux  par  j. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  GODARD.  215 

consonnes,  l'A  passe  autant  ies  voyelles  :  à  cause  que  sa  pronon- 
tiation  et  plus  mâle,  plus  franche,  plus  haute,  et  plus  aiguë,  que 
celle  de  toutes  les  autres  voyelles.  Il  veut  son  passage  libre  et 
que  la  bouche  luy  fasse  place  à  leures  ouuertes,  quand  il  luy  plait 
de  sortir.  Il  et  fort ,  il  et  valeureux  ,  il  et  bruyant.  Cet  luy  qui 
fait  nos  chamades,  nos  chariuaris,  nos  tintamarres.  Comme  prince 
et  capitaine  il  a  de  la  majesté  sur  les  siens,  et  de  l'espouuante  sur 
les  autres.  Anciennement,  à  cause  de  cela,  quand  il  faisoit  sa  de- 
meurance  en  Grèce,  il  etoit  fort  chéri  et  fort  honnoré  des  Lace- 
demoniens,  les  plus  guerriers  de  tous  les  Grecz.  Car  il  batoit  leurs 
annemis  par  l'oreille  de  la  seule  pronontiation  de  leur  nom,  qu'il 
armoit  et  randoit  epouuantable ,  par  la  pointe  de  son  seul  son. 
G'êtoit  sur  cet  estoc  que  brilloit  l'émeri  des  Antalcidas,  des  Brasi- 
das,  des  Isadas.  Mais  ce  sont  plutôt  effetz  de  valeur  que  d'affection 
de  carnage.  Car  au  reste  il  et  plein  d'vne  grande  courtoisie  et  d^vne 
grande  bonté.  On  ne  doute  point  que  ce  ne  fût  luy  qui  sauuoit  les 
criminelz  à  Rome  plus  souuant  que  les  vestales.  Aussi  ces  panures 
criminelz  cherissoient  et  benissoient  autant  cette  lettre-là,  qu'ilz 
redouloient  et  detestoient  le  C,  lettre  de  condamnation,  de  malheur 
et  de  malle  heure.  La  langue  françoise,  reconnoissant  son  mérite 
ancore  mieux  que  la  gréque  et  la  latine,  l'amploye  en  beaucoup  de 
charges.  Car  outre  ce  qu'elle  l'a  fait  la  première  de  ses  lettres,  elle 
l'a  fait  ancore  article,  verbe,  et  préposition.  Premieremant,  di-ie, 
il  et  article,  voire  article  si  gênerai,   qu'il  a  lieu  au  singulier  et 
au  pluriel,  et  autant  au  genre  féminin  qu'au  masculin.  Car  nous 
disonsi  il  et  à  Pierre^  il  et  à  Perrette.  J'en  ai  parlé  à  quelques- 
vns;  j'en  ai  parlé  à  quelques-vnes.  Mais  il  ne  sert  pas  seulemant 
en  cette  façon-là  d'article  à  nôtre  langue,  pour  ses  noms,  pro- 
noms et  participes;  il  sert  ancore  d'article  à  l'infinitif  de  nos  ver- 
bes, etprand  lors  le  lieu  et  la  signification  de  l'article  de  :  comme 
en  ces  examples,  ie  commence  à  lire,  ie  commance  à  comprandre, 
c'êt  à  dire,  ie  commance  de  lire^  ie  commance  de  comprandre.  Ainsi 
nous  disons,  Nicolas  tâche  à  paruenir^  c'êt  à  dire,  de  paruenir. 
Il  et  préposition  et  tient  en  nôtre  langue  la  place  de  la  préposi- 
tion  latine  ad^  en  plusieurs  façons  de  parler  comme  aux  suyuan- 
tes  :  Le  roi  a  enuoijé  des  ambassadeurs  à  Vampereur,  Rex  misit 
Jegatos  ad  imperatorem.  Ad  quem  finem,  à  quelle  fin.  Je  retourne 
à  mon  propos^  ad  propositum  redeo.  Aucune  fois  il  tient  le  lieu 
de  la  préposition  latine  in,  comme  ici  :  Manet  in  nostris  aedibus, 
il  demeure  à  nôtre  maison»  Je  ne  veux  pas  nier  qu'on  ne  puisse  pas 


216        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  GODARD. 

bien  dire  aussi  :  il  demeure  en  nostre  maison.  Mais  neamraoins  la 
première  façon  de  parler  me  samble  plus  nayue  et  plus  douce, 
comme  il  se  pourra  peut-être  montrer  en  vn  autre  androit.  Mais 
outre  cela  il  se  prand  aussi  quelquefois  pour  cette  dictiô  fran- 
çoise  pour.  Car  quand  nous  disons,  à  dire  vrai,  à  prandre  l'af- 
faire de  bon  biais,  c'êt  à  dire,  powr  dire  vrai,  pour  prandre  l'af- 
faire de  bon  biais.  Nous  le  mettons  ancore  bien  souuant  au  lieu 
de  la  préposition  auec,  comme  quand  nous  disons  :  c'ét  un  fruit 
qu'il  faut  cueillir  à  la  main,  on  le  court  à  toute  force ,  c'ôt  à  dire, 
cueillir  aueclamain,  on  le. court  auec  toute  force.  Sa  dernière  si- 
gnification, c'êt  qu'il  et  verbe  comme  j'ai  dit.  Car  il  signifie  cette 
troisième  personne  habet,  comme  en  cet  example  :  Pierre  a  le 
Hure  que  vous  cherchez.  Mais  au  reste  il  suit  la  première  personne 
au  singulier,  et  la  troisième  personne  au  pluriel  du  prétérit  indé- 
fini de  nos  verbes,  que  nous  pouuons  appeller  aoriste,  à  la  façon 
des  Grecz,  empruntant  ce  terme-là  d'eux.  Je  parle  des  verbes 
qui  font  leur  infinitif  en  er\  car  il  faut  dire,  faimé,  tu  aimas,  il 
aima,  nous  aimâmes,  vous  aimâtes,  Hz  aimèrent,  et  non  pas, 
faima,  Hz  aimarêt.  Neammoins  qui  voudra  pourra  bien  aussi,  ce 
me  samble,  écrire,  j'aimai.  Quant  à  ces  autres  voix,  nous  aimis- 
sions,  vous  aimissiez,  qui  sont  du  même  verbe,  c'êt  ainsi  qu'il 
faut  dire,  à  mon  auis,  plutôt  que,  aimassions,  aimassiés  {\),  qui  au 
hasard  pourroient  être  tolerables.  Toutefois  ne  lescondannàtpas, 
ie  ne  veux  pas  aussi  les  absoudre.  » 

Z'F  françoise. 

((  Voici  lapauure  déualisée,  qui  se  plaind,  et  qui  a  iuste  cause  de 
se  plaindre  du  tort  qu'on  luy  fait,  de  lui  ôter  ce  qui  luy  appartient. 
Mais  ce  qui  la  fâche  ancore  dauantage,  c'ôt  que  ce  tort  là,  qu'on 
luy  fait,  viètd'un  autre  tort  précédant,  qu'elle  souffre  auec  impa- 
tiance,  pource  que  il  touche  à  sa  réputation.  Et  tout  ce  mal  luy  vièt, 
à  cause  qu'on  lui  impute  la  faute  d'autruy,  ayàt  été  condamnée  sans 
être  ouye.  Mais  le  bon  droit  de  sa  cause  luy  conseille  d'être  appel- 
lante  de  la  sentance  que  l'vsage  a  randue  contre  elle  et  de  releuer 
son  appel  au  siège  de  la  Raison,  où  sans  doute  les  griefs  que  luy 

(1)  Cette  observation  ne  manque  pas  de  justesse.  Quoi  de  plus  fâcheux  que 
l'existence  de  ces  imparfaits  du  subjonctif  en  assions,  assiez,  que  nos  grammai- 
riens nous  enjoignent  d'employer,  et  dont  personne  n'ose  se  servir,  ni  dans  le  dis- 
cours, ni  dans  les  livres,  afin  de  ne  pas  blesser  les  oreilles  délicates. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  GODARD.         217 

fait  l'vsage  luy  doiuent  être  reparez.  Cet  un  tort  manifeste  qu'on 
luy  fait  de  lapriuer  de  ses  droitz,  et  de  luy  ôterce  qui  luy  appar- 
tient, sous  couleur  qu'on  luy  veut  faire  accroire  qu'elle  n'êt  pas 
capable  d'en  iouyr,  la  chassant  de  chez  elle,  et  mettant  des  étran- 
gers en  sa  maison.  Car  à  toute  heure  l'vsage  la  chasse  de  sa  place, 
et  met  un  P  et  vue  H  en  son  lieu^  par  toutes  les  dictions  gréques, 
desquelles  nous  nous  seruons.  C'êt  un  abus  en  nôtre  langue,  qui 
proviêt  de  l'example  et  de  l'imitation  des  Latins,  qui  en  ce  voyage- 
là  nous  seruent  de  mauuais  guides ,  et  nous  détournent  du  grand 
chemin.  Quelque  artifice  que  la  langue  latine  puisse  auoir  iamais 
eu  par  l'industrie  de  ses  orateurs  et  bien  disans ,  si  ôt-ce  pourtant 
que  la  nôtre  en  cet  androit  la  passe  beaucoup  par  sa  douceur  na- 
turelle. Car  les  Romains  n'ont  iamais  eu,  comme  nous  auons,  au- 
cune lettre  qui  ait  peu  exprimer  seule  la  nayueté  et  la  douceur 
du  *  des  Grecz.  Cette  difficulté  là  les  a  long  tans  tenus  en  peine 
de  chercher  le  moyen  d'y  paruenir.  Mais  ilz  n'en  sont  iamais  ve- 
nus à  bout.  Car  ce  seroit  bien  se  tromper,  de  croire  que  l'F  latine 
ait  le  son  du  O.  Si  cela  eût  été,  les  Romains  n'eussent  pas  manqué 
d'amployer  et  de  mettre  en  besogne  leur  F,  laquelle  et  de  son  na- 
turel si  rude  et  si  âpre,  qu'il  n'y  a  point  de  lettre  qui  le  puisse 
être  dauantage.  Quintilians'en  plaind  bien  fort  (1)  :  d'autant  que 
ce  n'êt  pas  vue  voix,  mais  plutôt  vn  sifflemant  qu'on  pousse  et  met 
dehors  à  trauers  les  dantz,  que  les  Romains  tenoient  serrées  en 
faisant  ce  soulflemant  ou  ce  sifflemant,  comme  des  serpans  ou  des 
oyes.  Voilà  pourquoi,  a  mon  auis,  Ciceron  dit  que  c'êt  vue  lettre 
fort  déplaisante.  Cette  F  romaine,  dont  le  son  et  si  désagréable  et 
si  sifflant,  étant  toute  éloignée  de  la  douce  voix  du  <[>,  et  n'ayant 
rien  de  commun  ni  de  samblable  auec  luy,  n'a  iamais  osé  se  pre- 
santer  pour  le  represanter.  Les  anciens  Latins  voyant  cela,  et 
qu'il  n'y  auoit  aucune  correspondance  de  l'vne  à  l'autre,  ne  peu- 
rent  trouuer  aucune  lettre  chez  eux,  plus  approchante  du  <I>  que 
leur  P  :  occasion  qu'ilz  l'amployerent  au  commancemanf;  au  lieu 


(1)  Quintilien,  après  avoir  regretté  l'absence  en  latin  des  lettres  grecques  cp  et 
u,  s'exprime  ainsi  :  «  Quae  si  nostris  literis  (/et  u)  scribantur,  surdum  quiddam  et 
barbarum  efficient,  et  velut  in  locum  earum  succèdent  tristes  et  horridœ  quibus 
Graecia  caret.  Nam  et  illa  quae  est  sexta  nostratium  (/)  pœne  non  bumana  voce, 
vel  omnino  non  voce  potius,  inter  discrimina  dentium  efflanda  est  ;  quae  etiam 
cum  vocalem  proxima  accipit ,  quassa  quodammodo,  utique  quoties  aliquam 
consonantem  frangit,  ut  in  hoc  ipso  frangit,  multo  fit  borridior.  »  {Tnst.  orat., 
XII,  10,  28,  29.) 


218         LA.  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ~  GODARD. 

dv  *,  et  disoient,  tropœum,  iriompus.  Mais  il  et  vrai  que  c'etoit 
cette  lettre  latine  qui  approchoit  le  plus  du  O  :  néanmoins  elle 
en  êtoit  toûiours  si  loing  qu'elle  ne  pouuoit  pas  l'approcher.  Gela 
fut  cause  que,  l'oreille  s'offansant  d'une  telle  pronontiation ,  qui 
n'auoit  aucune  iuste  proportion  ni  conuenanceauec  la  gréque,  les 
Romains  furent  contraintz  d'ajouter  une  H  à  leur  P,  pour  repre- 
santer  parce  moyen,  le  mieux  qu'ilz  pouuoient,  la  force  et  la 
pronontiation  du  <I>;  ce  que  Ciceron  fut  luy-même  forcé  de  faire, 
comme  les  autres,  se  laissant  amporter  à  Tvsage,  qui  êtoit  ap- 
puyé sur  la  douceur  de  la  pronontiation  et  sur  le  iugemant  de 
l'oreille.  Nôtre  vulgaire  suyuàt  cette  façon  romaine  s'êt  four- 
uoyé,  prenant  vn  long  détour,  au  lieu  du  grand  chemin  plus 
court  et  plus  assuré.  Car  puisque  nôtre  F  et  toute  douce,  qu'elle  a 
le  son  du  <i>  des  Grecz,  et  rien  de  Vâpreté  de  l'F  latine,  nous  deuons 
nous  en  seruir  aux  mots  grecz,  et  non  pas  du  P  et  de  l'H,  à 
l'example  des  Romains,  duquel  nous  n'auons  que  faire.  On  ne 
doit  iamais  mandier  d'autruy  ce  qu'on  a  dans  la  maison.  C'êt 
manque  de  iugemant  ou  pure  moquerie  aux  sains  de  chercher 
guerison  et  aux  riches  d^'amprunter.  Quant  à  moi,  c'êt  bien  mon 
auis  que  l'F  françoise  soit  réintégrée  dans  tous  les  lieux  et  dans 
toutes  les  places  gréques  desquelles  le  P  et  TH  l'ont  chassée  par 
voye  de  fait,  sous  la  faueur  de  l'vsage,  qui,  pour  ce  faire,  leur  a 
prêté  main  forte.  Ce  sera  chose  plus  gratieuse  que  nôtre  orto- 
grafe  soit  françoise;  il  nous  sera  plus  commode   d'écrire  vne 
lettre  que  deux  ;  et  sera  plus  raisonnable  de  randre  à  nôtre  P  ce 
qui  luy  appartient.  Voila  pourquoy  nous  la  deuons  remettre  et 
rétablir  en  ses  droitz,  puisque  la  bienséance  le  requiert,  la  com- 
modité le  persuade  et  la  raison  l'ordonne.  le  croi  qu'ainsi  le  pro- 
nonceroit  l'équité,  même  par  la  bouche  des    peuples  les  plus 
étrangers.  Car  qui  a  l'eil  capable  de  iuger  du  blanc  et  du  noir,  il 
a  l'esprit  capable  de  prandre  connoissance  et  de  iuger  du  tort 
qu'on  fait  à  nôtre  F,  tant  il  et  manifeste  et  palpable.  A  plus  forte* 
raison  doit-elle  obtenir  sa  reintegrande,  par  le  iugemant  de  la 
France,  puisque  la  raison  y  et,  et  puisque  la  France  et  si  obligée 
à  cette  F-ci,   qu'antre  toutes  les  lettres  qui  luy  ont  donné  un 
nom  si  glorieux,  c'êt  sa  principale  marraine.  Sa  douce  nayueté, 
qu'elle  prête  à  l'F  latine,  lorsque  nous  prononçons  le  latin,  en 
adoucit  beaucoup  ce  langage-là,  qui  n'a  pas  de  luy-même  vne 
pronontiation  si  douce,  pour  le  regard  de  cette  lettre-ci,  ni  en 
tout  et  par  tout  Vne  voix  si  douce  que  le  nôtre,  pour  le  regard 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  CH.  SOREL.       219 

du  gênerai.  G  et  bien  vne  maunaise  fortune  à  nôtre  F,  qu'elle 
adoucit  celle  des  Latins,  et  cepandant  son  malheur  vient  de  l'F 
latine  :  tandis  qu'on  pratique  en  la  nôtre  iniustemant,  ce  qui  ôt 
raisonnable  en  Fautre,  et  tandis  que  la  nôtre  luy  tandant  du  bien 
auec  la  main  droite,  l'autre  luy  rand  du  uial  avec  la  main  gauche. 
Mais  au  moins  la  pauurette  a  cette  consolation  en  son  infortune, 
que  FF  latine,  qui  et  cause  qu'à  tous  cous  elle  et  mise  hors  de  sa 
maison,  et  elle-même  à  toute  heure  bannie  de  son  pays.  Car  son 
apreté  la  rand  si  odieuse  à  ceux  de  sa  langue  même,  aussi  bien 
qu'aux  autres  peuples,  qu'ilz  la  chassent  et  bannissent  à  tout  pro- 
pos. Caries  Romains  les  premiers,  annuyez  de  sa  dureté  farouche, 
l'ont  chassée  de  plusieurs  motz,  comme  de  ceux-ci  fordeum.  et 
fœdus;  car  au  bout  d'un  tans  ilz  aimèrent  mieux  dire,  hordœum  et 
hœdus.  Autant  en  ont  fait  les  Espagnols  et  les  Gascons,  qui  presque 
en  toutes  les  dictions  qu'ilz  tiennent  des  Latins  ont  chassé  FF  de- 
hors, et  mis  FH  en  son  lieu,  comme  fait  aussi  quelquefois  la  langue 
françoise,  même  en  ce  mot  hors,  qui  vient  de  foris  ;  étant  iugé  par 
la  voix  commune  de  tous  les  peuples,  que  Faspiration  et  beaucoup 
plus  douce  que  FF  latine.  Mais  ayant  fait  elle  seule  toute  la  faute, 
elle  fait  pourtant  souffrir  à  la  nôtre  grand'part  de  sa  punition.  » 

Charles  Sorel,  auteur  de  la  Bibliothèque  françoise,  semble 
s'être  prononcé  pour  la  réforme  dans  le  passage  suivant  du 
livré  V  de  V Histoire  comique  de  Francion,  Paris,  1622, 
in-8. 

La  scène  se  passe  chez  un  libraire  de  la  rue  Saint-Jacques,  où 
se  réunissent  quelques  poètes  du  temps  pour  lire  leurs  vers  et 
discuter  sur  les  principes  de  la  langue  poétique. 

«  Ils  vinrent  à  dire  beaucoup  de  mots  anciens,  qui  leur  sem- 
bloient  fort  bons  et  très-utiles  en  notre  langue,  et  dont  ils  n'osoient 
pourtant  se  servir,  parce  que  l'un  d'entre  eux,  qui  étoit  leur  cory- 
phée (Malherbe),  en  avoit  défendu  l'usage.  Tout  de  même  en  di- 
soient-ils  beaucoup  de  choses  louables,  nous  renvoyant  encore 
ce  maître  ignare  dont  ils  prenoient  aussi  les  œuvres  à  garant, 
lorsqu'ils  vouloient  autoriser  quelqu'une  de  leurs  fantaisies.  Enfin 
il  y  en  eut  un  plus  hardi  que  tous,  qui  conclut  qu'il  falloit  mettre 
en  règne,  tous  ensemble,  des  mots  anciensqueFon  renouvelleroit, 
ou  d'autres  que  Fon  inventeroit,  selon  que  l'on  connoîtroit  qu'ils  se- 


220       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  CH.  SOREL. 

roient  nécessaires;  et  puis,  qu'il  falloit  aussi  retrancher  de  notre 
orthographe  les  lettres  superflues,  et  en  mettre  en  quelques  lieux 
de  certaines  mieux  convenantes  que  celles  dont  on  seservoit;  car, 
disoit-il,  sur  ce  point,  il  est  certain  que  Ton  a  parlé  avant  que  de 
sçavoir  écrire,  et  que,  par  conséquent,  l'on  a  formé  son  écriture 
sur  sa  parole,  et  cherché  des  lettres  qui,  liées  ensemble,  eussent  le 
son  des  mots.  Il  m'est  donc  avis  que  nous  devrions  faire  ainsi,  et 
n'en  point  mettre  d'inutiles;  car  à  quel  sujet  le  laisons-nous?  Me 
direz-vous  que  c'est  à  cause  que  la  plupart  de  nos  mots  viennent 
du  latin?  Je  vous  répondrai  que  c'est  là  une  occasion  de  ne  le  sui- 
vre pas  :  il  faut  montrer  la  richesse  de  notre  langue  et  qu'elle  n'a 
rien  d'étranger.  Si  Ton  vous  faisoit  des  gants  qui  eussent  six  doigts, 
vous  ne  les  porteriez  qu'avec  peine  et  cela  vous  sembleroit  ridi- 
cule. Il  faudroit  que  la  nature  vous  fît  à  la  main  un  doigt  nouveau 
ou  que  l'ouvrier  ôtât  le  fourreau  inutile;  regardez  si  l'on  ne  fe- 
roit  pas  ce  qui  est  le  plus  aisé.  Aussi,  parce  qu'il  n'est  pas  si 
facile  de  prononcer  de  telle  sorte  les  mots  que  toutes  leurs  lettres 
servent,  que  d'ôter  ces  mêmes  lettres  inutiles,  il  est  expédient  de 
les  retrancher.  En  pas  une  langue  vous  ne  voyez  de  semblable 
licence,  et,  quand  il  y  en  auroit,  les  mauvais  exemples  ne  doivent 
pas  être  suivis  plus  que  la  raison.  Considérez  que  la  langue  latine 
même,  dont,  à  la  vérité,  la  plupart  de  la  nôtre  a  tiré  son  origine, 
n'a  pas  une  lettre  qui  ne  lui  serve.  » 

De  r Orthographe  françoise^  à  la  fin  de  l'ouvrage  intitulé  :  Le 
Grand  Dictionnaire  des  rimes  françoises  selon  l'ordre  al- 
phabétique (dissertation  attribuée  à  Pierre  de  la  Noue,  Ange- 
vin). Genève,  Matthieu  Berjon,  1623;,  pet.  in-8. 

L'auteur  est  un  néographe  modéré.  «  le  sçay,  dit-il,  qu'il  sem- 
blera à  beaucoup  trop  audacieuse  entreprise  de  blasmer  ce  que 
la  plus  part  trouuent  bon.  »  Il  n'a  pas  l'intention  de  condamner 
purement  et  simplement  notre  orthographe ,  mais  de  «  l'étaler  à 
la  vue  »  en  en  notant  les  défauts,  de  façon  que  chacun  en  soit 
juge.  Il  ne  doute  pas  que,  si  l'on  se  décidait  à  une  réforme  aussitôt 
qu'on  aurait  reconnu  le  besoin  que  notre  écriture  en  a,  en  peu 
de  temps  nous  écririons  «  plus  proprement  et  plus  brièvement». 
Ce  serait  au  grand  bénéfice  de  nos  voisins,  qui,  apprenant  notre 
langue  artificiellement,  la  parleraient  comme  nous  la  parlons  et 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  A.  OUDIN.        221 

non  comme  nous  l'écrivons.  En  effet,  bien  que  notre  commerce 
leur  fasse  corriger  beaucoup  de  mots,  il  leur  en  reste  tant  de 
vicieux  qu'il  semble  souvent  qu'ils  parlent  un  autre  langage,  bien 
qu'ils  aient  appris  ce  que  nous  leur  enseignons.  Il  ne  faudrait  pas 
dire  qu'un  tel  inconvénient  résulte  d'une  mauvaise  prononciation 
locale,  ((  car  Tescriture  est  une  image  de  la  parole,  comme  la 
peinture  des  corps  visibles.  Or  est-il  que  celuy  qui  a  bonne  veuë 
voyant  un  asne  peint  en  un  tableau  seroit  bien  asne  luy  mesme 
s'il  le  prenoit  pour  un  cheual  :  aussi  ceux  qui  donnent  aux  lettres 
la  mesme  vertu  que  nous  leur  attribuons  en  nostre  alphabeth 
(chose  qui  tient  semblable  rang  pour  Tintelligence  de  ce  qui 
est  escrit,  que  fait  la  veuë  pour  les  pourtraits),  s'ils  lisoyent  un 
mot  pour  l'autre,  ils  seroyent  à  bon  droit  reprehensibles  :  mais 
si  nous  mesmes  leur  escrivons  ou  par  manière  de  dire  leur  pei- 
gnons un  asne  pour  leur  faire  accroire  après  que  c'est  un  cheual, 
ie  ne  sçay  comment  nous  pouuons  excuser  nostre  ,tort.  » 

Antoine  Oudin,  secrétaire  interprète  du  roi.  Grammaire  fran- 
çoise,  rapportée  au  langage  du  temps,  Paris,  16.*:{3,  in-12; 
nouvelle  édition,  revue  et  augmentée.  Douay,  veuve  Marc 
Wion,  1648,  in-12,  de  4  ff.  prélimin.  et  288  pag. 

Oudin,  qui  suit  l'orthographe  de  Robert  Estienne  dans  ses  dic- 
tionnaires, est  un  adversaire  déclaré  de  la  réforme  phonogra- 
phique. Voici  l'avis  à  ce  sujet  qu'il  a  placé  à  la  fin  de  sa  Gram- 
maire : 

((  le  m'estonne  de  quelques  modernes  qui,  sans  aucune  consi- 
dération, se  sont  meslez  de  reformer,  mais  plustost  de  renuerser 
nostre  orthographe  ;  et,  bien  que  leurs  escrits,  dignes  d'admira- 
tion, tesmoignent  vn  grand  iugement,  ce  défaut,  qui  en  rabbat 
une  bonne  partie,  nous  descouure  de  la  présomption  ou  de  la 
broùillerie. 

«  le  ne  m'attache  pas  à  vn"  seul  :  Il  y  en  a  trop  qui  pèchent 
maintenant  en  cela.  Mais  je  rougis  pour  des  pédants,  qui,  sortis 
des  frontières  où  le  parler  n'a  point  de  raison  establie,  nous  don- 
nent à  connoistre  qu'ils  sont  plus  habiles  en  latin  qu'en  leur  propre 
langue. 

«  Qui  sera-ce  d'entre-eux  qui,  bannissant  les  lettres  radicales, 
vray  fondement  de  l'origine  de  nos  dictions,  nous  tirera  des  con- 


222        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  A.  OUDIN. 

fusions  où  nous  ietle  leur  impertinente  façon  d'escrire  qu'ils 
accommodent  à  la  prononciation?  Comment  discernera-on  an 
(annus)  d'auec  en  (in),  préposition  ;  amande  [amigdala)  et  amende 
(muleta);  accord  {eontractus)  et  accort  (prudens);  ambler,  aller  à 
l'amble  {tollutim  incedere),  eiembler  {furari);  autel  (altare)  et  hos- 
tel  (domicilium)\  aulx,  pluriel  d'ail  (alliim),  et  os  [ossa).  —Balet 
(genus  choreœ)  et  balay  {scopx).—'Chaisne  (catena)  et  chesne  [quer- 
cus)  ;  cents  [centum)  et  sens  (sensus);  clerc  [clericusyei  clair  (clams)', 
chœur  [chorus)  et  cœur  {cor)\  comte  (cornes)^  compte  (computatio) 
et  conte  {narratio)  ;  ceps  (compedes) ,  seps  (vîtes), 

c( Fraiz  [sumptus),  frais  {recens) 'y  lacer  (ligare),  lasser  (fati- 

garé)  ;  lys  {lilium)  et  licts  (lecli)  ;  meurs  (maturi)  et  mœurs  (mores)'; 
nœud  (nodus)  et  neuf  (nouus  ou  nouem)  ;  or  [aurum)  et  ord  [sordi- 
dus)  ;  quoy  (quid)  et  coy  [quietus]  ;  rets  (retia)^  rais  (radius) ,  rez 
(rasus), 

a  Seur  (securus),  sœur  (soror)  et  sur  (super)  ;  six  [sex)  et  sis  (ia- 
cens);  souris  (mus)  et  sousris  (subrisus).  Teint  (color  vultus)  et  thim 
(thymus).  Vœu  (votum),  veu  du  verbe  voir  (visus), 

«  Et  vue  infinité  d'autres,  qui,  s'escriuans  d'vne  mesme  sorte, 
nous  embroùilleroient  estrangement. 

a  11  est  bien  vray  que  les  habiles  qui  sont  ennemis  des  nouueaulez 
et  de  telles  ignorances,  escriuent  indifféremment  plusieurs  paroles 
françoises,  comme  connoistre  et  cognoisti^e,  prou/it  et  profit,  sous- 
crire et  soubscrirCf  debuoir  et  deuoir.  Encore  voudrois  le  qu'on 
obseruast  en  ces  derniers  vne  différence,  car  deuoir  sans  b  se  rap- 
porte à  officium  et  l'autre  à  debere  ;  distiller  et  distiler,  porreaux 
et  pourreaux,  etc. 

«  D'auantage  on  retrenchô  maintenant  beaucoup  de  lettres  qu'on 
escriuoit  autresfois  sans  aucune  raison,  comme  le  b  de  prestre,  le 
g  d'un,  et  plusieurs  autres  que  la  mémoire  ne  me  peut  fournir  à 
cette  heure.  Ne  vous  arrestez  donc  pas  aux  nouuelles  escritures  : 
car  ie  vous  asseure  que  les  plus  renommez  du  temps  n'ont  point 
d'autre  opinion  que  celle  que  ie  vous  mets  ici.  » 

Il  est  à  croire,  dans  l'ordre  d'idées,  saines  sous  plusieurs  rap- 
ports, où  se  place  le  docte  interprète  du  roi  pour  l'italien  et  l'es- 
pagnol, que  l'orthographe  devait  être  tout  aussi  difficile  à  ap- 
prendre par  sa  méthode  et  dans  ses  grammaires  qu'elle  l'est  de 
nos  jours  dans  les  nôtres. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  CHIFLET.  223 

*  Le  P.  Antoine  Dobert,  Dauphinois,  religieux  miniiiie.  lié- 
créations  littérales  et  mystérieuses^  où  sont  curieitsement 
estalez  les  principes  et  V importance  de  la  nouvelle  ortho- 
graphe^ avec  un  acheminement  à  la  connoissance  de  la 
poésie  et  des  anagrammes.  Lyon,  de  Masso,  16S0,  in-8. 

Je  n'ai  pas  pu  voir  cet  ouvrage.  L'abbé  Goujet  déclare  qu'il  ne 
connaît  rien  de  plus  ridicule  et  de  plus  burlesque. 

Du  Tertre.  Méthode  universelle  pour  apprandre  facilemant 
les  langues^  pour  parler  puremant  et  escrire  nettemant  en 
françois,  recueillie  par  le  S.  Du  Tertre.  Paris,  lean  lost, 
16S1  et  1652,  in-12. 

Ouvrage  sans  valeur,  sans  intérêt,  et  qui  dénote,  de  la  part  de 
son  auteur,  une  complète  ignorance  des  données  de  son  sujet. 

Le  P.  Laur.  Ghiflet.  Essay  d'une  parfaite  grammaire  de 
la  langue  françoise  :  où  le  lecteur  trouvera  en  bel  ordre 
tout  ce  qui  est  de  plus  nécessaire^  de  plus  curieux  et  déplus 
élégant  en  la  pureté^  en  H orthographe  et  en  la  prononcia- 
tion de  cette  langue  {première  édition).  Anvers,  1659,  in- 
12  ;  Paris,  Maugé,  1668,  in-12;  sixième  édition^  Cologne, 
chez  Pierre  le  Grand,  1680,  in-.12  de  4  ff.  prél.,  295  pp. 
plus  3  ff.  de  table  ;  réimprimée  sous  le  titre  de  Nouvelle  et 
parfaite  Grammaire,  etc.  Paris,  1680 ,  et  Jean  Pohier, 
1687,  in-12  de  8  ff.  prél.  et  295  pp.  ;  ibid.,  1722,  in-12. 

L'ouvrage  du  savant  jésuite  a  dû  jouir  d'une  grande  célébrité, 
si  l'on  doit  en  juger  par  les  nombreuses  éditions  qu'on  en  a  faites 
depuis  1659  jusqu'en  1722.  C'est  pourquoi  il  n'est  pas  étonnant 
de  retrouver  en  partie  l'application  des  principes  de  ce  grammai- 
rien, en  fait  d'orthographe,  dans  la  première  édition  du  diction- 
naire de  l'Académie.  Cette  conformité  d'opinions  ne  se  rencontre 
cependant  que  dans  les  questions  où  Ghiffletne  fait  qu'enregistrer 
les  règles  consacrées  par  l'usage. 

Ghifflet  cependant  est  loin  dans  ses  principes  d'être  conserva- 


224         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  CHIFLEÏ. 

teur  absolu.  Ennemi  de  Tinnovation  en  matière  de  prononciation, 
il  professe,  d'un  autre  côté,  que  c'est  cette  dernière  qui  doit 
régler  récriture,  sans  qu'on  doive  trop  se  soucier  des  questions 
purement  étymologiques. 

11  est  à  regretter  que  l'Académie,  dans  son  premier  travail 
lexicographique,  n'ait  pas  suivi  de  plus  près  les  propositions  de 
Chifflet  ;  les  changements  apportés  dans  les  éditions  suivantes  du 
dictionnaire  en  ont  montré  la  justesse. 

Je  vais  exposer  rapidement  celles  de  ses  règles  qui  n'ont  pas 
été  admises  dans  la  première  édition  du  dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie et  celles  où  ce  grammairien  peut  être  considéré  comme 
novateur,  même  aujourd'hui. 

«  En  écrivant,  dit-il  (p.  257),  certains  mots  françois,  qui 
naissent  des  langues  étrangères,  l'hébraïque,  la  grecque  et  la 
latine,  et  où  le  cha,  cho,  chu  se  prononcent  comme  ka^  ko,  ku,  il 
est  meilleur  de  n'y  point  mettre  d'h,  comme  :  arcange,  escole, 
colère,  Baccus,  ecô,  caractère,  pascal,  cicorée,  estomac.  Excepté 
chœur,  que  l'on  est  contraint  d'écrire  avec  un  h  pour  le  distinguer 
decœwr.  » 

«  Aux  noms  terminez  en  ect^  le  c  ne  se  prononce  pas,  comme 
ejfect,  respect,  etc.  Lisez,  et,  pour  mieux  faire,  écrivez  aussi 
effetf  respet,  suspet,  etc.  Ecrivez  aussi  saint,  instint,  distint, 
défaut  {^.  239).  » 

((  N'écrivez  pas  subjection,  ny  sujettion,  mais  sujétion,  comme 
il  se  prononce.  Et  généralement  où  le  c  ne  se  prononce  pas 
devant  le  t,  les  sçavans,  pour  la  plupart,  ne  récrivent  plus 
(p.  258).  » 

«  On  écrit  mieux  soumettre,  que  soub)netire  ou  sousmettre  (1). 
L'on  dit  et  l'on  écrit  maintenant  omettre  et  omission,  et  non  pas 
obmettre  (2),  ny  obmission  (3).  Cette  'mauvaise  prononciation  de 
quelques-uns  estoit  venue  de  l'ignorance  de  ceux  qui  n'enten- 
doient  pas  Fétymologie  latine  de  ce  mot,  qui  vient  du  verbe 
omitto,  où  la  première  syllabe  est  briève  et  non  pas  obmitto  qui 
ne  fut  jamais  latin.  Mais  les  sçavans  ayant  tenu  bon,  cet  obmettre 
a  perdu  son  crédit  (p.  256).  » 

c<  Voicy  les  mots  où  le  d  ne  se  prononce  pas  et  les  plus  sçavans 
ne  l'y  écrivent  plus  :  ajourner,  ajournement ,  ajouter,  ajuster, 

(1, 2, 3)  Orthographe  adoptée  dans  la  1"=  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  CHIFLET.  225 

amodier,  avancer,  avantage,  avenir,  aventurier,  avertir,  avis^ 
avouer,  aveu,  avocat,  etc.  Il  faut  dire  et  écrire  amiral  et  non  pas 
admirai  (p.  259).  » 

Pour  les  mots  terminés  en  ent  il  est  contraire  à  leur  chan- 
gement en  ant,  «  car  il  y  a,  dit-il,  grande  différence  entre  les 
ant  ou  ent  briefs  et  les  longs,  comme  entre  parent  et  par  an  ou 
parant  de  parer,  entre  contant  son  argent  et  content  de  son 
argent.  Et  l'on  voit  pour  cela  que  quelques  grammairiens, 
même  des  plus  nouveaux,  qui  ont  voulu  reformer  l'orthographe, 
n'ont  pas  bien  rencontré,  en  conseillant  d'écrire  tous  ces  ent  par 
un  a,  par  exemple  puremant  et  nettemant,  comme  ils  Font  pra- 
tiqué eux-mêmes  dans  le  titre  de  leurs  grammaires.  Que  n'ont- 
ils  considéré  que  cela  causeroit  mille  fausses  prononciations, 
puisque  tous  les  ant,  écrits  par  a,  sont  longs,  sans  aucune  excep- 
tion ?  En  un  mot,  leur  zèle  est  bon,  mais  certes  il  est  peu  judi- 
cieux, et  il  seroit  à  désirer  que  quelqu'un  de  ces  messieurs  de 
l'Académie  en  prononçast  un  bel  arrest,  qui  auroit,  sans  doute^ 
une  grande  authorité  sur  tous  les  gens  d'esprit  (p.  211).  » 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  Tinanité  d'une  objection  qui, 
fondée  sur  la  quantité  latine,  n'est  point  applicable  au  français. 

c(  C'est  maintenant,  dit-il  encore  plus  loin  (p.  274),  une  bonne 
coutume  de  plusieurs  sçavans  de  ne  point  écrire  Vs  en  beaucoup 
de  mots  où  elle  ne  se  prononce  pas.  On  n'écrit  plus  deuxiesme, 
escrire,  mais  deuxième  (1),  écrire  :  mais,  à"  dire  vray,  tout  cela 
n'estant  qu'un  trop  petit  remède  à  la  bizarrie  (sic)  qu'il  y  a  en 
nostre  orthographe.  Au  sujet  de  Vs,  s'il  la  faut  prononcer  ou  non, 
je  ne  vois  autre  moyen  d'en  faire  une  parfaite  distinction,  que 
d'écrire  une  double  s,  au  lieu  d'une  simple,  quand  elle  se  doit 
prononcer  devant  les  consones  {sic).  Par  exemple  :  décrire  une 
seule  s,  puisqu'elle  est  muette,  desêcription  avec  deux  s  pour 
signiiier  que  Vs  y  doit  estre  prononcée.  Ce  seroit  un  remède 

(1)  Plus  loin  cependant  il  abandonne  même  cette  dernière  orthographe,  et  se 
prononce  pour  U  remplacement  de  Vx  par  le  z.  «  Les  mieux  entendus  n'écrivent 
plus  deuxième,  sixième,  dixième,  mais  comme  il  se  prononce  [ûc)  deuziéme ^  si- 
zïème,  diziéme.  »  Il  est  à  regretter  qu'on  n'ait  pas  adopté  cette  orthographe  qui 
aurait  fait  disparaître  la  bizarrerie  dans  l'écriture  de  ces  quelques  adjectifs  ordi- 
naux, comme  deuxième,  troisièmey  douzième,  dont  la  prononciation  est  iden- 
tique malgré  leur  triple  forme. 

15 


226        LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  PORJ -ROYAL. 

infaillible,  mais  je  n'oserois  commencer  le  premier  un  si  grand 
changement  en  nostre  orthographe.  » 

La  proposition  du  bon  père  ne  devait  pas  être  acceptée.  On  ne 
revient  jamais,  heureusement,  sur  une  amélioration  accomplie. 

Il  dit  qu'il  est  beaucoup  de  mots  où  le  ti  devrait  plutôt  s'écrire 
ci,  comme  il  se  prononce.  «  Ce  sont  les  mots  qui  naissent  de 
ceux  qui  se  terminent  en  ce.  Par  exemple  :  de  vice,  vicieux,  par 
un  c  pliilost  que  par  un  t.  »  L'Académie  a  partagé  à  cet  égard 
Topinion  du  savant  grammairien,  sauf  pour  les  mots  essentiel j 
pestilentiel,  substantiel,  qui  attendent  encore  la  réforme. 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  les  doubles  lettres,  il  paraît  favorable 
au  retranchement  de  la  consonne  muette  pour  rendre  l'écriture 
conforme  à  la  prononciation,  car  il  écrit  flame,  consofie,  etc. 
Cependant  à  cet  égard  il  ne  suit  aucune  règle  fixe  et  les  exemples 
qu'on  pourrait  citée  ne  sont- que  des  exceptions. 


Grammaire  générale  et  raisonnée  contenant  les  fondemens  de 
Fart  de  parler,  expliqués  d'une  fnaniere  claire  et  naturelle 
(par  MM.  de  Port-Royal).  Paris,  Pierre  Petit,  1660,  in-12; 
Bruxelles,  Fricx,  1676,  pet.  in-12. 

Il  serait  à  désirer,  selon  les  savants  auteurs  : 

c(  1°  Que  toute  figure  marquast  quelque  son,  c'est  à  dire  qu'on 
n'écriuist  rien  qui  ne  se  prononçast  ; 

«  2°  Que  tout  son  fust  marqué  par  vne  figure  :  c'est  à  dire  qu'on 
ne  prononçast  rien  qui  ne  fust  écrit  ; 

«  3°  Que  chaque  figure  ne  marquast  qu'vn  son,  ou  simple  ou 
double.  Car  ce  n'est  pas  contre  la  perfection  de  l'écriture  qu'il  y 
ait  des  lettres  doubles,  puisqu'elles  la  facilitent  en  l'abrégeant; 

«  4°  Qu'vn  mesme  son  ne  fust  pas  marqué  par  de  différentes 
figures.  » 

Voir  plus  loin  l'analyse  de  l'édition  de  1756,  annotée  par  Duclos. 


Antoine  Bodeau  de  Somaize.  Le  grand  Dictionnaire  des  Pré- 
lieuses,  historique,  poétique,  géographique,  cosmogra- 
phique, chronologique  et  armoirique,  où  l'on  verra   leur 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —LES  PRÉCIEUSES.    227 

antiquité^  costume,  devise,  etc,  Paris,  Jean  Ribou,  1661, 
2  vol.  petit  in-8. 

M.  Francis  Wey,  dans  son  ouvrage  intitulé  Remarques  sur  la  lan- 
gue française^  a  épuisé  toutes  les  formules  de  l'indignation  contre 
les  «mutilations»  que  la  «  coterie»  des  Précieuses  a  lait  éprouver 
à  l'orthographe  traditionnelle.  Je  ne  saurais,  sans  de  nombreuses  et 
très -importantes  restrictions,  me  ranger  à  son  sentiment;  le  temps, 
d'ailleurs,  a  donné  raison  aux  Précieuses  sur  bien  des  points.  Voici 
ce  qu'il  dit  à  ce  sujet  (page  38  et  suiv.)  : 

«  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  débattre  la  valeur  littéraire  de  cette 
coterie  célèbre  des  Précieuses  ;  nous  devons  nous  borner  à  con- 
stater leur  influence  énorme  sur  l'orthographe,  à  raconter  ce  qu'el- 
les firent,  et  comment  les  choses  se  sont  passées.  L'aventure  est 
narrée  par  Somaize  (1).  Les  conséquences  de  l'incident  qu'il  rap- 
porte ont  été  si  extraordinaires,  ^incident  lui-même  est  si  peu 
connu,  que  nous  le  reproduirons  en  entier. 

«  L'on  ne  sçauroit  parler  de  Tortographe  des  pretieuses  sans 
«  rapporter  son  origine,  et  dire  de  quelle  manière  elles  l'invente- 
«  rent,  qui  ce  fut  et  qui  les  poussa  à  le  faire.  G'estoit  au  commen- 
«  cément  que  les  pretieuses,  p^r  le  droit  que  la, nouveauté  a  spr 
«  les  Grecs  (2),  faisoient  l'entretien  de  tous  ceux  d'Athènes  (3),  que 
«  l'on  ne  parloit  que  de  la  beauté  de  leur  langage,  que  chacun  en 
c(  disoit  son  sentiment  et  qu'il  faloit  nécessairement  en  dire  du  bien 
«  ou  en  dire  du  mal,  ou  ne  point  parler  du  tout,  puisque  Pon  ne 
«  s'entretenoit  plus  d'autre  chose  dans  toutes  les  compagnies.  L'é- 
«  clat  qu'elles  faisoient  en  tous  lieux  les  encourageoit  toutes  aux 
«  plus  hardies  entreprises,  et  celles  dont  je  vais  parler,  voyant 
«  que  chacune  d'elles  inventoient  de  jour  en  jour  des  mots  nou- 
«  veaux  et  des  phrases  extraordinaires,  voulurent  aussi  faire  quel- 
«  que  chose  digne  de  les  mettre  en  estime  parmy  leurs  semblables,- 
«  et  enfin,  s'estant  trouvées  ensemble  avec  Glaristene  (4),  elles  se 
«  mirent  à  dire  qu'il  faloit  faire  une  nouvelle  ortographe,  afin  que 
«  les  femmes  peussent  écrire  aussi  asseurement  et  aussi  corecte- 

(1)  M.  Wey  n'indique  pas  de  quel  ouvrage  il  lire  la  citation  suivante,  mais  on 
la  trouve  au  mot  Oktogkaphe  du  célèbre  dictionnaire  satirique  devenu  aujour- 
d'hui si  rare  et  si  recherché  des  bibliophiles.  Il  a  été  réédité  par  M.  Ch.-L.  Livet 
dans  la  Bibliothèque  elzévirienne  de  M.  P.  Jannet. 

(2)  Les  Français.  —  (3)  De  Paris*  —  (4)  M.  Le  Clerc* 


228    LA.  RÉFORMR  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LES  PRÉCIEUSES. 

«  ment  que  les  hommes.  Roxalie  (1),  qui  fut  celle  qui  trouva  cette 
((  invention ,  avoit  à  peine  achevé  de  la  proposer  que  Silenie  (2) 
«  s'écria  que  la  chose  estoit  faisable.  Didamie  (3)  adjoûta  que  cela 
c(  estoit  mesme  facile,  et  que,  pour  peu  que  Glaristene  leur  voulut 
«  aider,  elles  en  viendroient  bien-tost  à  bout.  Il  estoit  trop  civil 
((  pour  ne  pas  repondre  à  leur  prière  en  galand  homme  ;  ainsi  la 
«  question  ne  fut  plus  que  de  voir  comment  on  se  prendroit  à 
((  Texecution  d'une  si  belle  entreprise.  Roxalie  dit  qu'il  faloit  faire 
«  en  sorte  que  l'on  pût  écrire  de  mesme  que  l'on  parloit,  et,  pour 
«  exécuter  ce  dessein,  Didamie  prit  un  livre  ,  Glaristene  prit  une 
((  plume,  et  Roxalie  et  Silenie  se  préparèrent  à  décider  ce  quMl 
«  faloit  adjouster  ou  diminuer  dans  les  mots  pour  en  rendre  l'u- 
«  sage  plus  facile  et  Tortographe  plus  commode.  Toutes  ces  cho- 
c(  ses  faites,  voicy  à  peu  près  ce  qui  fut  décidé  entre  ces  quatre 
«  personnes  :  que  l'on  diminueroit  tous  les  moU  et  que  Von  en  os- 
«  teroii  toutes  les  lettres  super /lues.  Je  vous  donne  icy  une  partie  de 
((  ceux  qu'elles  corrigèrent,  et,  vous  mettant  celuy  qui  se  dit  et 
a  s'écrit  communément  dessus  celuy  qu'elles  ont  corrigé ,  il  vous 
a  sera  aisé  d'en  voir  la  différence  et  de  connoistre  leur  ortographe  : 


teste 

patenostre 

esloigner 

escrits 

tête 

patenôtre  * 

éloigner  * 

écrits  * 

prosne 

dis-je 

seureté 

solemnité 

prône  *  (4) 

dî-je 

seûrté 

solennité  * 

autheur 

pressentiment 

resjouissances 

estale 

auteur  * 

présentiment 

réjouissances  * 

étale  * 

hostel 

esclairée 

escloses 

establir 

hôtel  * 

éclairée  * 

êcloses  * 

établir  * 

raisonne 

extraordinaire 

s'esvertue 

eschantillon 

résonne  ? 

extraordinaire 

s'évertue  * 

échantillon 

supresme 

efficace 

flustes 

l'aisné 

suprême 

éjicace 

flûtes  * 

raîné  * 

meschant 

respondre 

tousjours 

effarez 

méchant  * 

répondre  * 

toujours 

éfarez 

troisiesme 

extresme 

goust 

plust 

troisième 

extrême 

goût* 

plût* 

deffunct 

s'esleve 

d'esclat 

s'esriger 

défunt  * 

s'élève 

d'éclat  * 

s^ériger  * 

(1)  Mme  Le  Roy.  —  (2)  M^^  Saint-Maurice.  —  (3)  Mi'p  de  la  Durandière. 

(4)  Je  marque  d'un  astérisque  les  mots  dont  l'usage  et  l'Académie  ont  complète- 
ment ratifié  la  correction.  Certaines  simplifications,  comme  etitousiame,  caté- 
chîme ,  frédeur^  constatent  une  prononciation  exceptionnelle  alors ,  et  restreinte 
peut-être  au  cercle  des  Prélieuses.  Elle  n'a  pas  prévalu. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.   -  LES  PRÉCIEUSES.     229 


nostre 

déferai 

tantost 

noces 

notre  * 

thresors 

tantôt  * 

faicts 

mareschal 

trésors 

unziesme 

faits  • 

maréchal  * 

entousiasme 

unziéme 

l'esté 

des-ja 

enfousiâme 

menast 

Vété* 

dé'ja 

huictiesme 

menât  * 

dosrae 

estrange 

huictiéme 

chasteau 

dôme  * 

étrange  * 

escuelle 

château  * 

opiniastreté 

espanouir 

écuelle  * 

laschement 

opiniâtreté  * 

épanouir  * 

jeusner 

lâchement  * 

qualité 

aussi-tost 

jûner 

reconnoistre 

calité 

aussi-tôt 

blesmir 

reconnêtre 

froideur 

tesmoigner 

blêmir 

maistre 

frédeur 

témoigner  * 

effroy 

maître  * 

vieux 

esclaircissement 

éfroy 

tasche 

vieu 

éclaircissement  * 

empescbe 

tâche  * 

effects 

treize 

empêche 

caresme 

éfets 

tréze 

aage 

carême 

desplust 

esvaporez 

âge* 

despit 

déplût  • 

évaporez 

plaist 

dépit  * 

coustume 

sixiesme 

plaît  * 

catéchisme 

coutume 

sixième 

crespules 

catechîme 

fantosmes 

desbauchez 

crépules 

descouvre 

fantômes  * 

débauchez 

coustoit 

découvre  * 

avecque 

taist 

coûtoit 

folastre 

avêque 

tait 

mesler 

folâtré  * 

indomptable 

diadesme 

mêler 

advis 

indontable 

diadème 

chaisne 

avis  • 

attend 

estoit 

chaîne  * 

naistre 

atten 

étoit 

mesconnoissante 

naître  * 

sçait 

masles 

méconnoissanle 

brusle 

sait* 

mâles  * 

paroi  stre 

brille  * 

aisles 

adjouste 

parêtre 

doutast 

ailes 

adjoûte 

eslargir 

doutât  * 

aspre 

lasches 

élargir  * 

connoist 

âpre  * 

lâches  * 

espoux 

conait 

vistres 

esblouis 

époux  * 

souffert 

vitres 

éblouis  * 

vostre 

soûfert 

triomphans 

veu 

vôtre  * 

gastoit 

trionfans 

vu 

mesme 

gâtait  * 

advocat 

chrestien 

même 

vouste 

avocat  * 

chrétien  * 

apostre 

voûte  * 

pied 

paroist 

apôtre  * 

bastit 

pié 

parêt 

estre 

bâtit* 

reprend 

accommode 

être 

quester 

repren 

acomode 

fleschir 

quêter 

sçavoir 

grands 

fléchir  * 

roideur 

savoir  * 

grans 

mettre 

rédeur 

defferat 

métré 

nopces 

230  1V\  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  iMOINET. 

Il  ressort  du  curieux  document  de  Somaize  que  la  prononcia- 
tion tendait,  vers  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle,  à 
s'amollir  par  suite  de  l'influence  de  la  cour  et  des  cercles  de  la 
haute  société.  L'Académie,  dans  sa  sixième  édition  seulement, 
a  commencé  à  inscrire  raideur,  conformément  à  la  prononciation 
des  Prétieuses,  qui  prévaut  aujourd'hui  pour  ce  mol  et  non  pas. 
pour  frédeur. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  une  grande  partie  des  réformes  opérées  par 
les  Précieusex  ont  été  sanctionnées  par  FAcadémie,  et  un  plus  grand 
nombre  encore  l'eussent  été,  si  l'on  avait  dès  cette  époque  su  faire 
un  emploi  judicieux  de  l'accent  grave  et  de  l'accent  circonflexe. 
A  ce  titre,  malgré  l'affectation  d'un  langage  prétentieux  et  quin- 
tessencié,  la  coterie  présidée  par  Voiture  et  Sarasin  a  rendu  de 
véritables  services  à  la  langue  française. 

Simon  Moinet,  principal  correcteur  pour  le  frajiçais  dans 
rimprimerie  des  Elseviers,  voulant  faciliter  aux  étrangers 
la  lecture  des  livres  en  cette  langue,  eut  en  1663  l'idée 
d'imprimer  à  ses  frais  un  petit  poëme  :  La  Rome  indicule  du 
sieur  de  Saint-Amant^  travestie  à  la  nouvêle  ortografe, 
pure  invantiôn  de  Simon  Moinet,  Parisiïn.  A  Amstredan, 
aus  dêpans  ê  de  Finprimerië  de  Simon  Moinêt,  J663,  in-12, 
de  40  pag. 

Les  lignes  qui  commencent  sa  dédicace  à  Guillaume  III  peuvent 
donner  une  idée  de  sa  méthode  phonétique  : 


Ce  que  pêrsone  n'a  ancore  su,  ni  ouï,  7ii  vu, 

L'ORTOGRAFE  FRANÇOISE, 

ou  la  siànce  de  lire  é  d'écrire  françois. 

a  Monsêgneur,  si  ce  qui  se  dit  et  véritable,  qu'à  gran  ségneur, 
peu  de  paroles ,  il  sera  aussi  vrai  de  dire  à  gran  sêgneur  peu 
d'écriture,  puisque  l'écriture  reprêsante  la  parole,  é  toutes  deus 
sont  l'image  de  la  pansée.  Mais  je  ne  croi  pas  que  pêrsone,  de- 
puis que  l'on  parle  françois,  l'ait  faite  si  courte  que  moi,  qui 
l'abrège  an  sorte  que  je  le  fai  toucher  à  l'eull  é  au  doit.  » 

Simon  Moinet  propose  le  //  mouillé  des  Espagnols  dans  les  mots 
mail,  bnil,  le  t  k  cédille  pour  le  t  adouci  et  sifflant  :  suprématie. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  L'ESCLACHE.      231 

Malheureusement  son  écriture  est  hérissée  d'accents,  comme 
c'est  le  cas  de  tous  ceux  qui  veulent  déterminer  exactement  le  son 
des  voyelles  sans  introduire  de  nouveaux  caractères  alphabétiques. 

*  Jacques  d'Argent,  gramairien.  Traité  de  Vortographe  fran- 

çoise  dans  sa  perfection^  dédié  à  M.  Colhert  fils^  seigneur 
de  Seignelai,  Paris,  1666^  in-12. 

Il  ne  m^a  pas  été  possible  de  me  procurer  cet  ouvrage. 

De  Bleigny,  maître  écriuain  iuré  de  Paris.  U Ortografe  fran- 
çaise ou  l'unique  metode  contenant  les  règles  qu'il  est  né- 
cessaire de  sauoir  pour  écrire  correctement,  Paris,  Gilles 
André,  1667,  in-12,  de  6  ff.  et  155  pp.  ' 

Bleigny  n'arbore  le  drapeau  de  la  réforme  orthogra[»hique  que 
dans  son  titre.  Son  petit  livre  est  une  grammaire  pour  les  enfants, 
sans  aucune  velléité  de  critique  ni  d'amélioration  de  la  mauvaise 
écriture  de  son  temps. 

*  Jacques  de  Gevry,  seigneur  de  Launay.  Les  Principes  du 
déchifrement  de  la  langue  française ,  ou  Vart  de  déchifrer 
toutes  sortes  de  lettres  en  cette  langue^  en  quelques  figures 
et  caractères  qu'on  les  puisse  composer.  Dédié  à  monseigneur 
messire  Pierre  de  Gambout  de  Goeslin,  evesque  d'Orléans. 
Paris,  Denis  Pelle,  1667,  in-8. 

Je  ne  suis  pas  certain  que  cet  ouvrage  ait  directement  trait  à  la 
réforme. 

Louis  DE  L^EscLACHE.  Lcs  véritahlcs  Règlcs  dcV ortografc  fraii- 
céze,  ou  r Art  d'aprandre  en  peu  de  tams  à  écrire  côrecte- 
mant.  Paris,  l'auteur,  1668,  in-12. 

Le  travail  de  l'Esclache  a  fait  beaucoup  de  bruit  au  moment  de 
sa  publication.  J'en  connais  trois  ou  quatre  réfutations  sorties  des 
presses  parisiennes  en  l'espace  de  peu  d'années.  De  son  temps 
on  ne  s'aperçut  pas  qu'il  s'était  inspiré  en  grande  pailie  des  ré- 


232     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  L'ESCLACHE. 

formes  proposées  un  siècle  auparavant  par  Meigrel,  Pelletier  et 
Ramus.  Bien  qu'il  n'ait  introduit  aucune  lettre  ni  aucun  signe 
nouveau  dans  l'écriture,  il  a  prêté  le  flanc  à  la  critique  par  la  pro- 
fusion d'accents  dont  il  a  surchargé  ses  lignes.  Voici  un  échan- 
tillon de  ses  idées  et  de  son  orthographe  : 

«  Les  opinions  des  hommes  sont  trés-diferantes,  touchant  l'ortô- 
((  grafe  francéze.  Les  uns  pansent  qu'éle  doit  être  conforme  à  la 
et  parole  ;  et  les  autres  âsûrent  qu'éle  doit  marquer  l'origine  des 
«  mos  que  nous  emploïons  pour  exprimer  nos  pansées.  Cens  qui 
«  ne  savent  pas  la  langue  latine  et  qui  ont  de  l'esprit  dizent  que 
«  nous  devons  écrire  comme  nous  parlons  ;  mais  quelques  savans 
«  soûtiénent  que  céte  metôde^  nous  faizant  perdre  l'origine  des 
«  paroles,  nous  ampécherét  d'an  conétre  la  propre  significacion. 

«  Il  samble  que  les  premiers ,  qui  n'ont  pas  âsés  de  force  pour 
«  bien  établir  leur  opinion,  n'aient  pas  âsés  d'autorité  pour  nous 
a  oblijer  à  la  suivre.  Gomme  les  autres  ne  peuvent  soûfrir  que  l'on 
«  face  injure  à  la  langue  latine,  ni  à  la  grèque,  ils  s'atachenl  à 
a  leurs  santimans  avec  beaucoup  d'opiniâtreté.  Je  ne  veus  pas  con- 
a  damner  ces  deus  langues,  puîqu^éles  ont  leur  beauté,  aîisi  bien 
«  que  leur  ûzaje,  mais  je  puis  dire  (sans  m'élogner  de  la  vérité) 
a  queceus  qui  ont  un  atachemant  particulier  pour  éles  ne  sont  pas 
c  ordinairemant  les  plus  éclairés  dans  la  langue  francéze.  Ils  sont 
<(  semblables  à  cens  qui  parlent  continuélement  de  ce  qui  regarde 
«  les  autres  sans  panser  à  leurs  propres  âfaires  et  il  ârive  sou- 
«  vaut  que  dans  le  chois  des  chozes  qui  sont  utiles  pour  le  bien 
«  public,  le  jujement  de  cens  qui  ont  beaucoup  de  lumière  sans 
«étude  doit  être  préféré  à  l'opinion  de  ceus  qui  ont  une  biblio- 
«  téque  antière  dans  leur  tête.  » 

Louis  de  l'Esclache  écrit  :  peis^  sajese,  ajant,  dilijant,  relijion, 
vanjance,  nonse,  prononse,  consevoir,  acses,  acsant,  filozofie,  fiziquey 
axion,  dixion^  choze,  uzaje,  nacion,  cîeus,  dieus,  deus,  dis  (dix), 
moien,  voiant,  calité,  etc. 


(Sieur  de  Mauconpuit.)  Traité  de  r orthographe  ;  dans  lequel 
on  établit^  par  une  méthode  claire  et  facile,  fondée  sur 
r  usage  et  sur  la  raison^  les  règles  certaines  d'écrire  correcte- 
ment. Et  où  l'on  examine  par  occasion  les  règles  qu'a  don- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LARTIGAUT/    233 

nées  M.  de  Lesdache  (par  le  sieur  de  Mauconduit) .  Paris, 
Jacques  Talon,  1669,  in-12,  de  4  ff.  et  232  pp. 

Ce  petit  traité,  remarquable  par  son  exécution  typographique, 
ne  s'occupe  pas  de  la  régularisation  de  l'écriture  française.  L'au- 
teur s'élève  môme  avec  beaucoup  de  force  contre  le  système  d'é- 
criture semi-phonétique  proposé  par  de  TEsclache.  II  nous  sert 
simplement  à  constater  Tétat  de  la  question  au  moment  où  l'A- 
cadémie française  allait  s'en  emparer. 

Lartigaut.  Les  progrès  de  la  véritable  ortografe,  ou  Vorto- 
grafe  francêze  fondée  sur  ses  principes,  confirmée  par  dé- 
monstracions.  Ouvrage  particulier  et  nécésêr  à  toute  sorte 
de  persones  qui  veulent  lire,  prononcer  ou  écrire  parfète- 
mant  par  règles,  Paris,  Laurent  Ravenau  et  Jean  d'Ouri, 
1669,  in-12.  —  Principes  infaillibles  et  règles  assurées  de 
la  juste  prononciation  de  la  langue  françoise,  Paris,  1670, 
in-12. 

Le  premier  ouvrage  de  Lartigaut  offre  un  grand  intérêt.  Contem- 
porain de  Corneille,  de  la  Fontaine,  de  Molière,  de  Racine,  il  pos- 
sède à  fond  la  langue  élégante  et  correcte  de  son  temps,  et  nous 
indique  aussi  exactement  que  possible  la  prononciation  de  la  cour 
de  Louis  XIV.  L'accentuation  forte  qui  y  est  figurée  me  confirme 
dans  l'idée  que  je  m'étais  formée  de  la  prononciation  du  Théâtre- 
Français  au  temps  de  Corneille  et  de  Racine,  et  dont  Larive  avait 
conservé  la  tradition  (1). 

Voici  une  page  de  Vavis  important  placé  en  tête  du  livre.  Je  sou- 
ligne les  différences  de  la  lecture  avec  celle  de  nos  jours  : 

«  Gête  matière  et  plus  délicate  (2)  qu'èle  ne  parêt  :  il  faut  être 
«  antièrement  détaché,  et  avoir  un  dezir  sincer  de  recevoir  ce  qui 


(1)  Je  l'ai  souvent  entendu  réciter  des  vers  chez  mon  père,  et  je  l'ai  vu  au 
Théâtre-Fraaçais  jouer  le  rôle  de  Philoctète  dans  VŒdipe  de  Voltaire  avec  une 
accentuation  bien  plus  chantée,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  qu'elle  ne  l'a  été 
après  lui,  suitout  par  Talma  qui  a  changé,  sous  le  rapport  de  la  déclamation,  la 
manière  de  scander  les  vers. 

(2)  Dans  ces  mois  délicate,  èle,  antièrement,  etc.,  l'auteur  emploie  l'e  moyen 
avec  accent  droit.  Mon  père  et  mon  oncle  en  avaient  reconnu  l'utilité  dans  beau- 


234      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  LARTIGAUT. 

«  peut  persuader  an  quéque  part  qu'il  se  treuve.  Car  pour  peu  que 
«  Ton  se  plôze  à  contredire,  on  se  rant  incapable  d'en  juger;  dau- 
«  tant  qu'il  y  a  pluzieurs  chozes  qui  ne  dépendent  que  de  la  déli- 
«  catése  de  l'orêlle,  où  Topiniatreté  et  le  dezir  de  s'opozer  à  tout 
«  peuvent  treuver  de  coi  tlater  un  esprit  de  contradixion.  Ne  lire 
a  un  livre  que  dans  le  dêsein  d'y  treuver  k  redire^  ce  n'etpaz  être 
«  tout  à  fêt  sage  ;  et  c'et  fêre  le  critic  à  contretams  :  il  faut  être 
«  du  moinz  indiférant,  et  ne  rien  condaner  sanz  avoir  sur  le  cham 
«  des  rézons  contrêres  à  ce  que  l'on  reprant.  Je  condane  moi-même 
«  les  fautes  que  je  puis  avoir  lésé  couler  (ou  l'inprimeur)  contre 
«  les  principes  qu^il  faut  suivre  :  et  je  puis  dire  san  vanité  que  je 
«  suis  le  seul  qui  n'établis  rien  qui  leur5<?7(l)opozé,etquinemecon- 
«  tredis  pas;  qui  et  asurément  le  plus  grant  point  que  Ton  puise 
«  et  que  l'on  doive  garder,  mes  que  persone  n'a  pu  ancor  observer 
«  sur  ce  sujet  :  et  voici  come  une  persone  qui  ne  cherche  sin- 
«  plemant  que  l'utilité  dans  toute  choze  peut  rêzoner. 

«  Je  conôs  que  l'ortografe  vulguêre  et  ambarasante  pour  la  lec- 
«  ture,  contrêre  à  la  véritable  prononciacion  qu'èle  doit  exprimer 
«  et  prèque  inposible  à  savoir  sans  la  conêsance  du  grec  et  du 
«  latin  ;  ancor  y-an  a-t-il  très  peu  qui  la  sachent  parfêtemant  avec 
«  tout  cela.  Je  ne  doute  pajs  que  si  Ton  pouvêt  treuver  le  moyen 
((  de  randre  l'écriture  conforme  à  la  parole  avec  une  tèle  modéra- 
«  cion  qu'on  put  suivre  des  principes  asurés  et  des  règles  con-* 
«  stantes,  sans  tomber  dans  aucune  absurdité,  et  sans  rien  changer 
«  inutilemant,  il  faudrêt  sans  doute  le  prandre  pour  pluzieurs  ré- 
«  zons  :  1«  afin  de  savoir  l'ortografe  avec  plus  de  facilité,  et  avec 
«  plus  de  certitude;  2«  afin  de  ne  paz  être  obligé  d'aprandre  le  grec 
«  et  le  latin  pour  seulemant  ortografier;  3°  parce  que  c'et  une 
<(  choze  indubitable  que  tout  le  monde  an  lira  mieuz,  et  que  l'on 
((  ne  poura  prononcer  mal;  4"  pour  randre  la  Langue  francêze 
«  pluz  universèle  par  la  facilité  que  tous  les  étrangers  treuveront 
«  dans  la  lecture  de  nos  livres,  et  plus  recomandable  par  la  dou- 


coup  de  mots,  tels  que  collège,  sève,  entièrement,  etc.,  et  plusieurs  livres  ont 
été  imprimés  ainsi  ;  mais  on  dut  en  abandonner  l'usage,  par  suite  de  la  confusion 
et  de  l'embarras  qui  en  résultaient  dans  la  composition  et  la  distribution  typogra- 
phique. Les  lettres  se  brouillaient  dans  les  cases,  surtout  les  petits  caractères.  On 
dut  donc,  à  regret,  renoncer  à  un  système  si  simple,  lequel,  sans  apporter  aucun 
trouble  à  la  vue,  guidait  la  prononciation, 

(1)  J'ai  entendu ,  dans  ma  jeunesse,  M.  de  Tracy  prononcer  il  crait  {^il  croit, 
c*'edit),  et  endreit. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LARTIGAUï.      235 

«  ceiir  prèque  divine  de  son  élocance,  qui  se  confiuniquera  par 
«  tout.  )) 

Convenons-en,  on  ne, saurait,  dans  ia  thèse  de  l'auteur,  plus  sim- 
plement ni  mieux  dire.  La  prononciation,  telle  qu'il  est  parvenu  à 
nous  la  figurer  en  n'introduisant  qu'un  seul  signe  nouveau  {Vemé 
diocre,  qu'il  figure,  comme  je  Tai  dit,  par  l'accent  droit),  est 
presque  la  nôtre,  et  nous  donne  occasion  de  constater  sa  fixité 
depuis  le  grand  siècle.  11  supprime  la  lettre  A*,  comme  étrangère 
au  français,  le  e  cédille  comme  inutile  en  présence  de  Vs  ramenée 
à  une  seule  valeur,  celle  qu'elle  a  dans  salon,  silence. 

Il  fait  en  passant  quelques  remarques  sur  l'orthographe  des  mots 
où  figure  le  ^  grec.  Achaïe,  saint  Roch^  Zacharie,^  chronique,  ar- 
change. Il  propose  de  les  écrire  Acaïe^  saint  Roc,  Zacarie,  croni- 
que,  arcange. 

A  propos  de  la  lettre  q  (ou  plutôt  des  deux  lettres  qu,  puisqu'on 
représente  par  ce  signe  binaire  le  son  du  c  dur  ou  du  k),  il 
s'exprime  ainsi  :  «  Ecrivez  par  la  même  rôzou  :  quécun  aussi  bien 
«  qw^aucun,  Pourêt-on  bien  doner  rézon  pourcoi  l'on  doit  écrire 
((  aucun,  chacun  par  un  c  et  quelquun  par  un  qu?  Je  voudras  avoir 
«  cette  obligation  à  quelquun.  » 

Pour  lui,  Vœ,  déjà  supprimé  dans  œconomie,  est  une  lettre  para- 
site :  il  écrit  eil  (prononcé  aujourd'hui  euil),  euvre,  benf,  seur,  et 
en  effet,  dans  le  français,  le  son  et  le  signe  eu  représentent 
régulièrement  Va  des  mots  latins,  exemple  :  dolor,  douleur,  fias, 
fleur;  la  vicieuse  prononciation  du  c  rend  quelquefois  l'emploi 
de  Vœ  nécessaire,  comme  dans  cœur,  qui  ne  peut  être  écrit  ceur, 
à  moins,  comme  dans  cueillir,  de  faire  précéder  eu  d'un  u. 

Il  critique  l'emploi  de  Vx  dans  les  mots  deuxième,  sixain, 
dixième.  Il  y  met  le  z,  d'accord  en  cela  avec  la  prononciation. 

Il  chasse  du  dictionnaire  cette  «  diftongue  »  ao,  qui  n'est  pas 
«  francêze  » ,  et  au  lieu  de  paon,  Laon,  faon,  taon,  il  écrit  pan,  Lan, 
fan  {{),  tan. 

(1)  Ronsard  Técrit  ainsi  : 

ravit  le  fan  d'une  biche  légère. 

(Édit.  de  1623,  1. 1,  col.  2.) 

Dans  le  glossaire  nis.  de  la  Bibl.  imp.  n"  7684,  taon  est  écrit  taan;  peut-être 
devrait-on  écrire  tân  et  /an,  de  sorte  qu'il  n'y  aurait  d'exception  que  pour  le  mol 
Laon  qu'on  écrirait  Lâon. 


236         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  MENAGE. 

On  jugera,  par  ces  quelques  citations^  que  l'auteur  est  un  ob- 
servateur délicat  et  en  même  temps  un  bon  esprit,  défenseur  in- 
trépide des  prérogatives  du  français,  qu'il  voudrait  voir  vivre  par 
lui-même  sans  qu'on  dût  l'affubler  d'une  .enveloppe  grecque  et 
latine. 

Gilles  Ménage.  Observations  sur  la  langue  française .  Paris, 
1673,  in-12;  Cologne,  P.  Du  Marteau,  1673,  pet.  in-12. 
Seconde  édition.  Paris,  Claude  Barbin,  167o-1676,  2  vol. 
in-12  ;  1"  part,  de  16  ff.  prél.,  609  pp.  plus  21  ff.  pour  la 
table,  les  errata  et  le  privilège;  2'  part,  de  18  fF.  prél., 
502  pp.  plus  11  ff.  pour  la  table,  etc. 

Le  célèbre  érudit  a  rendu  des  services  incontestables  à  la  langue 
française.  Une  pièce  de  vers,  intitulée  la  Requête  des  Diction- 
naires, écrit  satirique  dirigé  contre  les  académiciens  à  propos  du 
choix  des  mots  du  dictionnaire,  le  fit  échouer  dans  sa  candida- 
ture au  fauteuil  d'académicien,  malgré  le  conseil  de  Hubert  de 
Montmor  qui  insistait  pour  qu'on  l'adoptât,  a  comme  on  force  un 
homme  qui  a  déshonoré  une  fille  à  Tépouser.  » 

L'orthographe  que  Ménage  adopte  dans  ses  Observations  a  eu 
des  partisans  et  des  imitateurs,  en  tout  ou  en  partie.  D'un  côté, 
elle  se  rapproche  autant  que  possible  de  la  prononciation,  sans 
chercher  à  être  phonétique;  d'un  autre,  elle  tend  à  la  simplifica- 
tion de  quelques  règles  de  grammaire,  comme  la  formation  du 
féminin  et  du  pluriel,  et,  pour  y  parvenir,  il  remplace  presque 
toujours  Vx  final  par  Ys.  Exemples  :  religieiis,  cens,  ans,  je  veus, 
injurieus.  11  remplace  aussi  le  z  dans  les  mois  assés,  nés  (nez). 

Il  supprime  un  grand  nombre  de  doubles  lettres  et  de  lettres 
étymologiques,  et  il  écrit  :  ataquer,  pouroient,  courons,  aquise, 
cors  (corps),  il  faloit,  la  goûte,  etc. 

Le  son  nasal  an,  em,  en  est  le  plus  souvent  représenté  par  an. 
Par  exemple  :  il  a  commancé,  long-tans,  de  tans  en  tans. 

Il  remplace  Vy  par  \H  dans  les  mots  stile,  pais-,  il  écrit  ^e  fesois, 
chemin  fesant,  etc. 

En  ce  qui  concerne  Vh,  il  se  guide  dans  son  emploi  par  l'éty- 
mologie  et  il  conseille  d'écrire  Antoine,  Maturin,  ermite,  intimé, 
postume,  amarante,  ehreu,  mots  dont  les  primitifs  n'ont  pas  d'^. 
Il  paraît  favorable  à  la  suppression  de  cette  lettre  aux  mots  :  huis^ 


LAfRÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE  —  CHARPENTIER.      237 

huile  et  huitre,  où  elle  ne  fut  mise,  suivant  l'opinion  de  Théodore 
de  Bèze  (1),  que  pour  empêcher  qu'on  ne  lût  vis,  vile  et  vitre,  à 
l'époque  où  le  v  et  Vu  étaient  représentés  par  le  môme  signe. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux  dans  son  système,  c'est  la 
suppression  fort  rationnelle  de  la  lettre  e  dans  le  participe  eu  et 
dans  les  temps  qui  en  dérivent,  et  ^agglutination  des  expressions 
prépositives  ou  adverbiales,  exprimant  des  idées  simples. 

Il  écrit  donc  :  il  a  w,  ç^ust  esté,  si  je  l'usse  su,  la  vénération  que 
j'ai  ue;  et  acause,  alaverité,  apeine,  apeuprês,  aprêsdemain,  aucon- 
traire,  aulieu,  aureste,  avanthier,  demesme^  desorte,  malapropos, 
toutafait. 


François  Charpentier,  de  rAcadémie  française.  De  l'Excel- 
lence de  la  langue  françoise.  Paris,  V^^Bilaine,  1683, 
2  t.  en  1  vol.  in-12  de  9  ff.  et  1110  pp. 

Ce  docte  académicien,  qui  partage  en  matière  d'orthographe  les 
idées  de  Régnier  des  Marais,  appliquées  plus  tard  dans  la  première 
édition  du  Dictionnaire  de  V Académie^  est,  comme  Henri  Estienne, 
un  défenseur  de  la  précellence  du  langage  français,  non  plus  sur 
l'italien,  mais  sur  le  latin  lui-même. 

Il  établit  dans  le  cours  de  son  livre  que  notre  langue  n^est 
nullement  inférieure  au  latin  sous  le  rapport  de  l'euphonie  et  de 
rharmonie  imitative,  qu'elle  a  produit  non  moins  de  chefs-d'œuvre, 
et  qu'elle  est  parvenue  de  son  temps  à  une  perfection  égale  à  celle 
du  langage  des  Romains  au"  siècle  d'Auguste. 

Il  cite  un  certain  nombre  de  vocables  français  plus  doux,  plus 
brefs  que  leurs  correspondants  en  latin.  S'il  eut  poussé  plus  loin 
ses  investigations,  il  fût  sans  doute  arrivé  à  reconnaître  la  supério- 
rité, sous  le  rapport  de  la  rapidité  et  même  de  l'euphonie,  des 
mots  du  latin  vulgaire  transformés  par  le  peuple  avant  la  Renais- 
sance, sur  ceux  forgés  depuis  par  les  savants  sur  le  type  primitif. 
Voici  quelques  points  de  comparaison  : 


(1)  Aspiratio  quiescit  in  his  dictionibus  :  haiSy  ostiuin,  cuiu  derivatis  ;  huile, 
oleùm,  cuni  derivatis;  huit,  octo;  huistre,  ostrea,  quoniain  alioqui  legi  sic  pos- 
seiit  iiœ  dictioiies  quasi  v  esset  digairuna,  non  voealis,  nempe  pro  huis^  vis  : 
sic  etiam  pro  /iwi/e,  vile,  etc.  (De  fnincicw  lingux  recta  pronunciatione 
tractatus.) 


238    LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  CHARPENTIER. 

Primiiif  latin.  Mots  du  vieux  français.  Mots  de  latin  francisé. 

quadragesima.  .  caresme,  carême ....     quadragésime 

daudicare  .   .   .  cloclier,  clochement.  ,  .     claudication 

capillus cheveu,  clievelu  ....  capillarité 

carcer chartre incarcération 

coctus cuit,  cuisson coction 

dulcis doux,  adoucir édulcoré 

frucius IVuit,  fruitaison   ....  fructitication 

fluctus flot,  flottaison fluctuation 

hirundo ;i  ronde •    •  -hirondelle 

macer maigre,  maigreur.  .    .    .     émaciation 

maturus  ....  mùr,  mûrir  .....  maturation 

scandaium  .   .   .     esclandre scandale 

separare  ....  sevrer,  sevrage séparation 

spedes espèce  et  épice spécification 

siccitas sécheresse siccité 

strictus étroit strict 

cubare couver incubation 

redemptio.  .    .   .  rançon  .   .       rédemption 

sacramentum .   .  serment sacrement 

acceptare.    .   .  .  acheter accepter 

captivus  ....  chétif captif 

fragilis frêle fragile 

nativus naïf. natif 

rhythmus.  .   .   .  rime ihythme 

sarcophagns.  .   .  cercueil sarcophage 

porticusi  ....  porche portique 

organum .   .   .   .  orgue organe 

mobilis meuble mobile 

alumine  ....  alun alumine 

debitam dette débit 

examen.   ....  essaim examen 

Si  donc  le  français  a  son  individualité,  s'il  est  riche  de  sa  beauté 
propre,  si  ses  vocables  surpassent  souvent  pour  la  simplicité,  la 
rapidité,  reupbonie_,  leurs  correspondants  latins,  pourquoi  s'atta- 
cher, comme  on  le  voulait  au  temps  de  Charpentier,  et  comme  il 
n'en  reste  que  trop  de  vestiges,  à  défigurer  notre  orthographe,  dont 
on  fait  un  pastiche  de  celle  du  latin  et  du  grec,  en  y  introduisant 
tant  de  consonnes  doubles  inutiles  et  même  incompatibles  avec  le 
génie  simple  de  notre  ancienne  langue  (1)  ? 

(1)  Voir  sur  la  comparaison  des  mots  du  vieux  français  avec  ceux  forgés  depuis 
le  xvie  siècle  :  Étude  sur  le  rôle  de  Vacccnt  latin  dans  la  langue  française, 
par  M.  Gaston  Paris.  Paris,  Franck,  1862,  in-8.  —  Notions  élémentaires  de 
grammaire  comparée,  par  E.  Egger.  Paris,  Durand,  1865,  in-i2.  —  Grammaire 
historique  de  la  langue  française,  par  M.  Auguste  Brachet,  Paris,  Hetzel, 
1867,  in-12.  —  Et  plus  haut  (p.  167)  l'article  de  M.  Sainte-Beuve. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  BOSSUET.  239 

J.-B.  BossuET,  membre  de  l'Académie  française.  Voir  plus 
haut,  aux  Opinions  des  académiciens,  p.  130. 

Je  dois  faire  figurer  Bossuet  parmi  les  novateurs,  puisque  son 
esprit  logique  voulait  la  régularisation  et  non  le  désordre.  On  a 
vu  son  opinion  au  sujet  d'un  parti  à  prendre  pour  les  mots  dont 
la  désinence  est  écrite  sans  motif  tantôt  en  ant  et  tantôt  en  eni 
bien  qu'ils  dérivent  également  de  participes  latins  en  ens.  (Voir 
p.  130.) 

Les  exemples  extraits  des  manuscrits  de  ses  sermons  attestent 
sa  propension  à  conformer  l'orthographe  à  la  prononciation  sans 
se  soucier  de  l'étymologie.  Pour  donner  une  meilleure  idée  de 
son  orthographe,  je  donne  à  l'Appendice  E  quelques  passages  de 
ses  sermons  tirés  de  ses  manuscrits  déposés  à  la  Bibliothèque 
impériale. 

(Jean  Hindret.)  VArt  de  bien  prononcer  et  de  bien 'parler  La 
langue  francohe ,  dédié  à  Monseigneur  le  duc  de  Bour- 
gogne, par  le  sieur  J,  H.  Paris,  V^  Cl.  Thiboust,  1686, 
in-12;  ibid.,  1696,  2  vol.  in-12. 

Quoique  ce  petit  traité  de  grammaire  ne  contienne  aucune  in- 
novation orthographique  (mot  qu'il  écrit  ortographique),  et  qu'il  ait 
pour  but  uniquement  d'enseigner  la  prononciation  reçue,  il  ma- 
nifeste le  désir  du  perfectionnement. 

L'auteur  s'y  plaint  de  notre  écriture,  qu'il  déclare  défectueuse. 
0  Ce  n'est  pas  sans  raison,  dit-il,  que  les  étrangers  nous  reprochent 
((  tous  les  jours  le  peu  de  soin  que  nous  avons  de  bien  prononcer 
«  notre  langue,  comme  une  chose  qui  Tempôche  d'être  aujour- 
«  d'hui  la  plus  parfaite  de  toutes  celles  de  l'Europe.  » 

0  On  apprend,  ajoute-t-il,  avec  beaucoup  de  soin  aux  enfants 
((  les  principes  des  langues  mortes  ou  étrangères,  et,  pour  ce  qui 
«  regarde  leur  langue  naturelle,  on  Tabandonne  au  hazard  de 
«  l'usage.  » 

*  Jérôme -Ambroise  Langen-Mantel.  VOrtographe  de  la 
langue  françoise.  In- 1 2 . 

L'abbé  Goujet  considère  comme  inutile  ce  livre  rare,  que  je 
n'ai  pu  rencontrer. 


240       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  RODILARD. 

*  De  Soûle.  Traité  de  Tortographe  françoise^  ou  T Ortographe 

en  sa  pureté.  Paris,  1692,  in-12. 

Goujet  porte  à  peu  près  le  même  jugement  sur  ce  traité  que  sur 
le  précédent. 

*  René  Milleran  (de  Saumur),  professeur  des  langues  françoise, 

allemande  et  angloise.  Nouvelle  Grammaire  françoise,  Mar- 
seille, 1692,  in-12.  —  Les  deux  gramair^^  fransaize%^  V or- 
dinaire d'aprezant  et  la  plus  nouvelle  quon  puise  faire  sans 
alterev  ni  changea:  /es  mo\&,  par  le  moyen  d'une  nouvelle 
ortografe  si  juste  et  si  facile  quon  peut  aprandre  la  bôtéet 
la  pureté  de  la  prononciation  en  moim  de  tan^  qu'il  ne  fût 
pour  lire  cet  ouvrage^  par  la  diférance  des  haracteres  qui 
sont  osi  bien  dans  le  cors  des  règles  que  dans  leurs  exan- 
pleSy  ce  qui  est  dotant  plus  particulier  qu'elles  sont  très 
faciles  et  incontestables,  la  prononciation  etani  la  partie 
la  plus  esancielle  de  toutes  les  langues.  Marseille,  Brebion, 
1694^  2  parties  en  un  vol.  in-12. 

Je  n'ai  pu  me  procurer  ni  même  voir  ce  volume,  que  je  ne  trouve 
indiqué  que  dans  le  Catalogue  de  Ch.  Nodier  de  184-4.  Ce  spirituel 
académicien  reproche  à  Tauteur  d'avoir  proposé  la  réforme  de  Voi, 
préconisée  un  siècle  plus  tard  par  Voltaire.  La  manière  dont  Nodier 
a  figuré  le  titre  et  que  je  reproduis  ne  donne  qu'une  idée  trop  im- 
parfaite de  la  méthode  de  Milleran.  Les  lettres  romaines  sont  celles 
qui  ne  se  prononcent  pas.  Par  cet  exemple,  on  peut  se  figurer 
toutes  celles  qui  peuvent  ainsi  être  indiquées. 

(RoDiLARD.)  Doutes  sur  Vortographe  franceze.  Paris,  1693, 
in-12  ;  et  s.  1.  n.  d.  (vers  1750),  in-12,  de  d92  pp. 

L'auteur,  qui  se  cache  sous  Fanagramme  de  Trilodrad,  peut 
être  classé  parmi  les  novateurs,  bien  que  la  plupart  des  réformes 
qu'il  demande  aient'été  accomplies  dans  les  éditions  successives 
du  Dictionnaire  de  l'Académie.  On  en  jugera  par  ce  début  : 

Ans  Maîtres  Imprimeurs. 
«Messieurs,  il  ya  longtèms  que  jesuis  dans  plusieurs  doutes  sur 
l'ortographe  desquels  je  souhaiterois  pouvoir  être  éclairci...  J'ai 


LA  RI'.FORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DANGEAU.       241 

cru  qu'il  étoit  plus  à  propos  de  m'adresser  aus  maitres  impri- 
meurs... Car  je  puis  dire  qu'autant  qu'il  y  a  d'imprimeries  en 
France^  ou  peu  s'en  faut,  autant  il  y  a  de  diférèntes  ortographes. 

a  Ce  sens  seul  est  peu  favorable  au  savoir  des  maitres  impri- 
meurs qui  (dit-il)  ne  savent  pas  l'ortographe  et  moins  encore  la 
ponctuation!  et  s'ils  raisonent  de  l'imprimerie  et  de  l'ortogra- 
phe, ce  n'est  que  comme  les  aveugles  font  des  couleurs. 

«  C'est  une  chose  honteuse  à  nous  de  voir  que  les  étrangers  nous 
aprenent  à  écrire  nôtre  langue  naturele  :  car  on  ne  peut  pas  dis- 
convenir que  les  Holandez  (ou  du  moins  des  Francez  qui  se  sont 
retirés  en  Holand)  ne  nous  ayent  apris  a  mètre  les  v  ronds  et 
les  j  longs,  puisque  pour  marque  de  cela  on  les  apèle  dans  l'im- 
primerie des  veijk  la  Holandeze  :  ce  sont  encore  eux  qui  nous 
ont  enseigné  à  retrancher  les  letres  superflues  de  nôtre  langue  : 
enfin  ils  nous  enseignent  ce  que  nous  leur  devrions  enseigner  et 
à  toute  la  terre,  puisqu'on  n'aprend  l'ortographe  que  par  le 
moyen  des  impressions  et  à  quoi  tout  le  monde  se  raporte,  et  non 
pas  aus  manuscrits  ;  cela  étant ,  pourquoi  n'a-t-on  pas  soin  de 
bien  ortographer,  et  de  ne  rien  faire  paroître  au  public  qui  ne  soit 
dans  sa  perfection  ?  Il  faut  que  ce  soit,  non  seulement  les  étran- 
gers, mais  toutle  monde,  jusques  à  un  chétif  écrivain,  qui  à  grand 
peine  sait-il  lire,  nous  enseigne  l'ortographe....  Il  est  vrai  que  j'ai 
été  longtèms  à  me  pouvoir  persuader  qu'il  fut  permis  de  retran- 
cher aucune  letre  dans  le  francez  lorsqu'elle  venoit  du  latin,  que 
les  s;  mais  pour  les  doubles  bb,  les  doubles  ce,  les  doubles  dd, 
doubles  jf,  doubles  mm,  doubles  nn,  doubles  pp  et  autres  letres  qui 
sont  dans  le  latin,  je  ne  pouvois  me  résoudre;  mais  aprez  y  avoir 
fait  reflexion  et  considéré  qu'on  estranchoit  partout  les  s  inutiles 
à  la  prononciation,  aussi  bien  que  d'autres  letres,  quoiqu'elles  vins- 
sent du  latin,  j'ai  cru  qu'on  pouvoit  aussi  ôter  les  letres  doubles, 
et  toutes  celles  qui  sont  parèllement  superflues  et  inutiles  à  la  pro- 
nonciation aussi  bien  qu'on  fait  le  s.  » 

Louis  de  GouRciLLON,  abbé  de  Dangeau.  Lètresur  Vortografeà 
Monsieur  de  Pontchar train ^  conseiller  au  Parlement  (1694), 
in-12  (sans  nom  d'auteur,  avec  privilège  du  Roi  de  1693).-^ 
Essais  de  granmaire  (1694-1722),  comprenant  les  discours 
suivants  :  Premier  discours  qui  traite  des  voyèles.  —  Dis- 
cours //,  qui  traite  des  consones,  —  Discours  III,  Suplè" 

16 


242        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DANGEAU. 

mant  aus  deus  premiers  discours.  —  Discours  IV.  Lètre 
sur  Vortografe  écrite  en  1694  (réimpression  avec  change- 
ments de  la  lettre  qui  précède).  —  Discours  V.  Suplèmant 
a  la  lètre  précédante.  —  Discours  VI.  Sur  Vortografe  fran- 

gQise. Discours  VII.  Sur  la  comparaison  de  la  langue 

fransoise  avec  les  autres  langues.  (Les  discours  VIII  à  XIV 
n'ont  trait  qu'à  la  grammaire.)  Ces  opuscules  ont  été  im- 
primés en  'partie  et  avec  une  orthographe  moderne  dans 
Opuscules  sur  la  langue  françoise  par  divers  académiciens 
(publiés  par  l'abbé  d'Olivet).  Paris,  Bernard  Brunet,  1754, 
et  réédités  plus  fidèlement  en  1849  par  M.  B.  JuUien  aux 
frais  de  la  Société  des  méthodes  d'enseignement. 

Saint-Simon,  dans  ses  Mémoires,  dit  en  parlant  de  l'abbé  de 
Dangeau  :  «  Les  bagatelles  de  l'orthographe  et  de  ce  qu'on  en- 
((  tend  par  la  matière  des  rudiments  et  du  Despautère  furent  l'oc- 
((  cupation  et  le  travail  sérieux  de  toute  sa  vie.  »  Saint-Simon 
parle  de  ces  bagatelles  en  homme  qui  ne  s'y  entendait  guère  : 
autrement  il  eût  compris  que  c'est  du  studieux  abbé  que  datent 
les  progrès  sérieux  dans  l'étude  des  sons  de  notre  langue,  dont  il 
a  donné  le  premier  une  classification  satisfaisante. 

Les  modifications  introduites  par  Dangeau  ont  pour  but  de 
peindre  exactement  la  prononciation,  en  supprimant  toutes  les 
lettres  qui  ne  s'entendent  pas  ou  ne  sont  pas  nécessaires  ;  de 
changer  toutes  celles  qui  n'ont  pas  dans  le  lieu  où  elles  se  trou- 
vent leur  son  naturel,  n'exceptant  de  cette  règle  que  les  consonnes 
finales  et  les  lettres  caractéristiques  des  nombres,  des  genres ,  des 
personnes. 

Il  supprime  l'^  à  théorie,  et  écrit  filosofe,  attendu,  dit-il  qu'il 
a  «  cru  devoir  laisser  aux  lettres  françoises  le  son  qu'elles  ont 
naturellement,  pensant  que  si  les  Latins  ont  écrit  certains  mots 
dérivés  du  grec,  c'est  qu'elles  gardoient  une  aspiration  différente 
et  qu'ils  prononsoient  les  premières  silabes  de  philosophia  et  de 
character  autrement  que  celles  de  figura  et  de  capuf.  Aparem- 
ment,  s'ils  les  avoient  prononcées  de  la  même  manière,  ils  les  au- 
roient  exprimées  aussi  par  les  mêmes  letres,  etc..  Pourquoi  ne 
pas  imiter  les  Italiens  et  les  Espagnols,  qui  n'ont  pas  cru  être  obli- 
gés a  garder  fortografe  latine  dans  les  mots  venus  du  grec?  Si  on 


La  réforme  orthographique.  —  DANGEAU.   243 

en  avoit  toujours  usé  de  cette  sorte,  Madame  de....  n'auroit  pas 
été  si  scandalisée  contre  Eliogabale.  «  0  que  ces  empereurs  Ro- 
«  mains  ètoient  cruels!  s'écria-t-elle  un  jour  en  bonne  compa- 
«  gnie^  ils  faisoient  prendre  des  paysans  et  leur  faisoient  aracher 
G  la  langue  pour  s'en  nourrir.  »  Elle  venoit  de  voir  un  livre  qui 
disoit  que  cet  empereur  mangeoit  des  pâtés  de  langues  de  phai- 
sans,  et  s'imaginant  qu'un  p  se  prononçoit  toujours  p  elle  avoit 
lu  des  langues  de  payjsans  au  lieu  de  langues  de  faisans.  » 

Voici  l'extrait  d'un  passage  dans  lequel  le  savant  abbé  expose 
et  pratique  en  partie  son  système.  On  remarquera  l'emploi  de 
l'accent  grave  dans  une  foule  de  cas  où  on  ne  l'admettrait  pas 
aujourd'hui,,  ce  qui  semblerait  indiquer  sinon  de  sensibles  diffé- 
rences dans  la  prononciation,  du  moins  un  emploi  peu  judicieux 
des  signes  d'accentuation  : 

«  Remèdes  aus  défauts  de  la  vieille  ortografe.  On  poûroit  avoir 
un  alfabet  fait  exprès,  et  qui  donât  a  chaque  son  simple  un  ca- 
ractère simple;  et  l'on  en  poûroit  venir  a  bout  sans  avoir  besoin 
de  recourir  a  des  caractères  absolumant  nouveaus.  Peut-être  même 
que  le  public  n'auroit  pas  beaucoup  de  peine  a  recevoir  ces  chan- 
gemans  :  on  a  bien  introduit  dans  le  siècle  passé  1^'  consone  difè- 
rant  de  Vi  voyelle,  et  Vv  consone  difèrant  de  Vu  voyèle. 

«  Mais  en  atandant  qu'on  puisse  introduire  cet  alfabet  ré- 
formé ,  il  faut  tâcher  a  coriger  les  défauts  les  plus  sansibles. 
C'est  ce  que  j'ai  tâché  a  faire  jusqu'ici.  On  poûroit  aler  ancore 
plus  loin  que  je  n'ai  été,  sans  être  obhgé  a  introduire  des  carac* 
tères  absolumant  nouveaus. 

«  On  demande  un  alfabet  qui  fournisse  un  caractère  particulier 
pour  chacun  des  trente-trois  sons  simples  ausquels  on  peut  ré- 
duire tous  ceus  que  nous  avons  dans  notre  langue  ;  et  qui  s'é- 
loigne le  moins  qu'il  se  poûra  des  caractères  dont  nous  nous 
servons  aujourd'hui. 

«  Pour  satisfaire  a  cète  demande,  j'ai  dressé  le  mémoire  sui- 
vant, ou  j'ai  marqué  de  quèle  manière  on  pouvoit  exprimer  les 
trente-trois  sons  de  notre  langue,  sans  se  servir  de  caractères  abso- 
lumant nouveaus. 

«  J'ai  mis  au  comancemant  de  chaque  ligne  les  sons  simples 
qu'il  s'agit  de  signifier;  j'ai  ajouté  pour  èxample  a  chacun  de  ces 
sons  simples  un  mot  fransois  ou  se  trouve  le  son  simple  ;  et  a  la 


244       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DANGEAU. 

fin  de  la  ligne  j'ai  mis  le  caractère  dont  on  peut  se  servir  pour 
l'exprimer. 

((  L'ordre  dans  lequel  j'ai  mis  ces  sons  simples  est  conforme 
au  système  que  j'ai  tâché  à  établir  dans  mes  Essais  de  Granmaire, 
et  dans  la  suite  que  j'y  ai  ajoutée  :  a  come  dans  paroître,  a;  o 
corne  dans  colère,  o;  u  come  dans  batu,  u;  ou  come  dans  poulet, 
ou;  si  Ton  vouloit,  on  prandroit  de  l'alfabet  grec  le  caractère  8. 

c(  Les  imprimeurs  poûront  avoir  des  caractères  ou  ces  deus 
lèlres  seront  acolées;  et  pour  l'écriture  on  ne  doit  craindre  au- 
cune équivoque ,  parce  que  ces  deus  lètres  ne  se  prononcent 
sèparèmant  que  dans  quelques  noms  propres  venus  du  grec  ou 
du  Min,  come  Piriioûs;  et  l'on  se  prescrira  une  règle  générale, 
de  mètre  toujours  deus  points  sur  cèle  des  deux  voyéles  qui  co- 
mance  une  nouvèle  silabe. 

«  Eu  come  dans /èw,  dans  bonheur,  eu;  si  l'on  vouloit,  on 
prandroit  des  Grecs  le  caractère  eu.  Les  imprimeurs  poûront  avoir 
des  caractères  ou  ces  deux  lètres  seront  acolées  ;  et  pour  récri- 
ture, quand  il  se  trouvera  des  mots  ou  e  et  w  garderont  chacun 
leur  son,  on  métra  deus  points  sur  Vu,  de  cète  manière,  réussir j 
réunir. 

a  J'ai  remarqué  dans  mes  autres  discours  que  cète  voyèle  {eu) 
a  quelquefois  un  son  ouvert,  comme  dans  bonheur,  dans  peur  ; 
alors  on  poûra  se  servir  de  l'accent  grave  sur  Ve,  en  cète  sorte 
bonheur, 

«  E  féminin,  come  dans  porte,  e;  è  ouvert  come  dans  après, 
è;  e  fermé  come  dans  bonté,  é;  ces  trois  e  sont  distingués  l'un  de 
Tautre  en  ce  que  le  e  féminin  n'a  point  d'accent,  è  ouvert  a  un  ac- 
cent grave,  et  é  fermé  a  un  accent  aigu. 

«  /  come  dans  lire,  i. 

«  Pour  les  voyèles  nazales,  ou  esclavones,  on  les  distinguera 
des  voyèles  simples  dont  èles  aprochent  le  plus,  ou  par  une  petite 
ligne  au  dessus  come  on  en  voit  en  quelques  anciens  livres,  ou  par 
une  petite  ligne  qui  les  tranchera  a  la  manière  de  l'alfabet  polo- 
nois,  de  la  manière  suivante  :  an  come  dans  le  mot  danser,  à;  en 
come  dans  bien,  è;  in  come  dans  ingrat,  ï,  on  come  dans  bonté, 
0  ;  un  come  dans  comun,  û. 

((  Pour  prononcer  chacun  des  sons  des  simples  consones,  il  n'y 
a  qu'a  joindre  la  prononciation  d'un  e  féminin  a  la  consone  ou 
aus  consones  que  j'ai  marquées  en  lètres  capitales.  Ainsi  le  nom 
du  premier  son  consone  qui  est  marqué  ici  se  trouvera  come  la 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DANGEAU.       245 

dernière  silabe  de  tombe,  et  celui  du  second  son  se  prononcera 
corne  la  seconde  silabe  de  trompe,  et  ainsi  du  reste  :  he  come  dans 
tomber,  6;  pe  come  dans  tromper,  p\  ve  come  dans  venir,  v',fe 
come  dans  finir,  f;  me  come  dans  mourir,  m  ;  de  come  dans  di?'e, 
d;  te  come  dans  tirer,  t;  gue  ou  g  dur  come  dans  galant,  g;  ke 
come  dans  capable,  k;  necome  dans  nier,  n;  ze  come  dans  zèle,  z; 
se  come  dams  salut,  s;  je  come  dansjalous,j. 

«  Che  come  dans  chariot,  c;  le  c  ne  s'amployant  plus,  selon  ce 
projet-ci,  ni  pour  faire  le  son  ke,  comme  il  fait  a  prèsant  devant 
un  a,  un  0 ,  un  u  dans  cavalier,  dans  colère ,  dans  curieus];  ni 
pour  faire  le  son  se,  come  il  fait  aujourd'hui  devant  un  e,  ou  de- 
vant un  i,  dans  cérémonie,  dans  ciel,  ne  servira  plus  que  pour  le 
son  du  che  que  nous  lui  donons  ici.  Le  son  de  ke  et  le  son  de  se  ont 
dans  la  table  précédante  chacun  son  caractère  propre,  et  le  carac- 
tère c  ne  servira  plus  qu'a  marquer  la  lètre  siflante  que  nous  expri- 
mons présantemant  par  ch,  come  dans  chariot,  cherté. 

«  Le  come  dans  lire,  l;  re  come  dans  rire,  r;  lie  ou  /  mouillée 
come  dans  vaillant,  dans  fille  ;  gne  ou  n  mouillée  come  dans  vigne, 
dans  soigneus  ;  je  marque  ces  deus  consones  mouillées  par  de  pe- 
tites lignes  qui  les  traversent. 

«  Si  l'on  ne  veut  pas  se  servir  de  ces  deus  lètres  qui  sont  tra- 
versées par  de  petites  lignes,  on  poûra  se  servir  pour  \'l  mouillée 
de  deus  //  acolées;  et  quand  on  écrira  des  mots  ou  l'on  prononce 
deus  /,  come  Pallas,  on  aura  soin  de  séparer  les  deus  /  et  de  ne 
les  pas  acoler. 

«  Pour  exprimer  le  son  de  Vn  mouillée,  on  poûra  se  servir  de 
Vn  avec  un  trait  dessus,  comme  s'en  servent  les  Espagnols  qui  la 
noment  n  cou  tilde  :  que  s'il  se  trouvoit  quelques  mots  ou  l'on 
prononsât  séparément  le  g  et  Vn,  come  on  les  prononce  en  latin, 
on  se  serviroit  du  g  et  de  Vn. 

«  He  aspiration  come  dans  hazard,  h, 

«  On  aura  soin  de  n'amployer  jamais  aucun  caractère  pour  un 
son  diférant  de  celui  auquel  nous  le  destinons  ici. 

«  Il  reste  deus  choses  a  marquer  pour  randre  récriture  plus 
conforme  a  la  prononciation  : 

«  1°  La  longueur  des  voyèles.  Come  je  ne  crois  pas  qu'il  soit 
nécessaire  de  marquer  quand  la  voyèle  est  brève,  on  marquera 
seulement  cèles  qui  sont  longues,  par  les  chevrons  (^)  ausquels 
on  est  acoutumé. 

«  Il  y  a  un  inconvéniant  auquel  il  est  aisé  de  remédier.  Cet  in- 


246       LÀ.  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DANGEAU. 

convéniant  est  que  le  chevron  qu'on  met  sur  Ve  long,  corne  dans 
èvêque,  prêtre,  marque  en  même  tams  qu'il  est  ouvert.  Mais 
nous  avons  des  e  fermés  qui  sont  longs  corne  dans  ils  alêrent,  ils 
marchèrent.  Si  pour  marquer  cèle  longueur,  on  se  servoit  d'un 
chevron,  il  seroit  a  craindre  qu'on  ne  donât  a  ces  e  le  son  de  è 
ouvert.  Il  est  aisé  de  remédier  a  cet  inconveniant.  Ces  e'  fermé  (sic) 
dont  la  prononciation  est  longue  ne  se  trouvent  que  dans  quelques 
troisièmes  persones  du  pluriel  des  verbes,  conde  ils  alérent,  ils 
trouvèrent,  et  dans  quelques  adverbes  en  mant,  come  comunémant^ 
aveuglémant,  et  Ton  poûra  dans  ces  ocasions  marquer  la  longueur 
de  Vé  fermé  par  des  accents  aigus  un  peu  plus  longs  que  les  ac- 
cents aigus  ordinaires. 

«  2"  La  seconde  chose  que  l'écriture  doit  marquer  pour  faci- 
liter la  lecture  consiste  en  ceci  :  il  y  a  des  lètres  qu'on  écrit  et 
qui  ne  se  prononcent  jamais ,  come  le  b  dans  plomb  :  il  y  en  a 
d'autres  qui  varient  selon  les  ocasions  :  dans  quelques  ocasions 
èles  se  prononcent,  dans  d'autres  èles  ne  se  prononcent  point. 
Par  èxample  le  /  final  ;  car  il  y  a  des  ocasions  ou  il  se  prononce, 
et  d'autres  ou  il  ne  se  prononce  pas,  come  je  l'expliquerai  en 
parlant  des  consones  finales. 

«  On  poûroit  régler  que  les  lètres  qui  ne  se  prononcent  jamais 
come  le  b  de  plomb  ne  s'écrivissent  jamais  ;  et  pour  cèles  qui  va- 
rient, on  poûroit  régler  qu'on  mètroit  un  point  sous  la  létre  qui  ne 
se  prononce  pas,  par  èxample  :  Je  lui  ai  parlé  come  il  faut. 

«  Moyènant  ces  précautions,  on  écrira  en  notre  langue  de  ma- 
nière que  cens  qui  liront  ne  poûront  jamais  se  tromper.  Cens  qui 
savent  lire  prèsantemant  trouveront  peu  de  changemant  dans  nos 
caractères;  et  ceus  qui  ne  savent  pas  lire  poûront  en  moins  d'un 
mois  aprandre  la  valeur  de  tous  nos  caractères  et  lire  sans  faire 
de  fautes. 

«  A  l'égard  des  livres  qui  sont  déjà  imprimés,  quand  on  saura 
récriture  nouvèle  et  régulière  que  je  propose,  on  aprandra  bien- 
tôt a  lire  ce  qui  est  imprimé  selon  l'écriture  irrègulière  et  dèrai- 
sonable  dont  on  se  sert  prèsantemant. 

«  Quelques  gens  qui  ont  vu  mon  projet  tel  que  je  viens  de  l'ex- 
pliquer l'ont  trouvé  fort  raisonable,  et  conviènent  qu'il  seroit 
utile;  et  la  dificulté  qu'il  y aa  le  faire  recevoir  par  tout  le  monde, 
leur  fait  dire  que  le  succès  est  plus  a  souhaiter  qu*a  espérer.  Mais 
il  faut  que  les  gens  charitables  et  bien  intantionés  pour  les  intérêts 
du  public  prénent  courage.  Il  faut  du  tams,  je  l'avoue,  pour  faire 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DANGEAU.       247 

réussir  ce  projet  dans  toute  sa  perfection  :  mais  ne  peut-on  pas 
au  moins  l'acheminer  tout  doucemant  en  atandant  quelque  se- 
cours inespéré? 

«  //  ne  faut  pas  croire  que  le  public  soit  ènemi  de  tous  les  chan- 
gemans.  Wa-t-on  pas  reçu  corne  d'un  consantemant  unanime  dans 
la  plus  grande  partie  de  l'Europe,  les  j  consones  et  les  v  consones  ? 
JS'tj  a-t-il  pas  un  grand  nombre  de  gens  éclairés  qui  ont  retrariché 
les  s  qui  ne  se  prononcent  pas,  et  qui  ont  admis  les  accents  (  *  ) 
pour  marquer  la  longueur  des  silabes  ? 

«  L'Académie  éle-même,  si  atachée  aus  anciens  usages,  n'a  t  èle 
pas  amployé  ces  chevrons  en  quelques  ocasions?  N'a  t  èle  pas  ad- 
mis les  accens  sur  les  e  qui  ne  sont  pas  féminins?  Les  plus  ata- 
chés  à  la  conservation  des  létres  caractéristiques  ne  les  ont  ils  pas 
retranchées  de  plusieurs  mots  ?  Pandant  ce  siècle  et  pandant  la  fin 
du  siècle  précédant,  combien  a  t  on  imprimé  de  livres  ou  Ton  suit 
en  partie  notre  ortografe  réformée  ? 

«  Il  faut  que  cens  qui  conviénent  qu'une  antiére  rèformation, 
selon  mon  projet,  seroit  utile,  la  suivent  dans  les  choses  les  plus 
faciles.  On  parviendra  peu  a  peu  a  la  faire  recevoir  par  le  grand 
nombre,  et  alors  nous  aurons  pour  nous  l'usage  qu'on  nous  ob- 
jecte si  souvant.  Si  nous  avons  raison,  espérons  tout  du  bon  esprit 
de  gens  qui  ne  sont  pas  prévenus  ;  faisons  de  notre  côté  ce  que 
nous  poûrons,  et  laissons  faire  au  tams;  il  fera  le  reste.  » 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  Dangeau  est  un  néographe  très- 
prononcé  et  qu'il  a  tracé  la  voie  à  Waiily,  Beauzée,  etc.  J'aurai 
occasion  de  discuter  son  système  à  propos  de  ces  derniers. 

"^Alphabet  ingériiieux  pour  le  français,  Bourdeaux,  1694, 
in-12. 

Je  n'ai  pu  encore  prendre  connaissance  de  cet  opuscule ,  cité 
par  Goujet. 

*  André  Renaud,  prêtre,  docteur  en  théologie.  Traité  de  l'Or- 
tographe  et  de  la  prononciation  françoise.  (A  la  suite  de  sa 
Manière  de  parler  la  langue  française  selon  ses  différens 
styles.  Lyon^  1694,  in-12.) 

Je  n'ai  pu  savoir  si  cet  ouvrage  intéresse  l'histoire  de  la  ré- 
forme. 


248       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RICHELET. 

César-Pierre  Richelet.  Dictionnaire  français  contenant  les 
mots  et  les  choses ,  plusieurs  nouvelles  remarques  sur  la 
langue  françoise,  etc.  Genève,  Jean  Herman  Wiederhold, 
1680  2  vol.  m-4.  (Réimprimé  plusieurs  fois.)  —  La  con- 
noissance  des  genres  françois  tirée  de  l'usage  et  des  meil- 
leurs auteurs  de  la  langue.  S.  1.  ni  date  (achevé  d'imprimer 
le  10  mai  1695),  in-12. 

Richelet. est  un  des  réformateurs  les  plus  prudents  et  les  plus 
logiques.  Il  s'est  beaucoup  plus  occupé  d'étymologies  que  la  plu- 
part des  auteurs  contemporains.  11  fut  un  des  premiers  à  déve- 
lopper la  réforme  proposée  par  Le  Clerc  et  les  Précieuses.  (Voir 
plus  haut,  p.  111,  l'examen  de  son  Dictionnaire.) 

Projet  d'un  Esei  de  granmére  francéze  de  laqele  on  ôte  toutes 
lés  letres  inutiles,  é  oii  Von  ficse  la prononsiasion  de  celés  qi 
sont  néceséres  :  par  le  moyen  de  qoi  l'on  aprendra  le  fran- 
cézpluz  facilement,  é  an  moins  de  tans  qe  par  Vortografe 
ordinére.  —  Remarques  sur  ce  projet,  en  forme  de  lettre.  — 
Réponse  de  F  Auteur  du  projet  à  cette  lettre.  (Le  projet  parut 
d'abord  à  Genève  en  1704,  et  ensuite  avec  les  deux  pièces 
suivantes  dans  le  Mercure  de  Trévoux,  Novembre  et  Dé- 
cembre 1708,  p.  165.) 

Ce  titre  seul  suffit  pour  indiquer  que  le  système  de  l'auteur  se 
rapproche  de  celui  des  novateurs  le  plus  avancés.  Voici  comment 
il  entre  en  matière  : 

«  Le  publiq  doit  être  bien  rasazié  dés  Granmères  q'on  fét  depuis 
qeqe  tans,  cepandant  an  voici  ancore  une  dont  on  veut  le  sur- 
charjer,  mes  on  souëte  de  savoir  avant  cela  son  santimant  sur 
celeci,  dans  laqel'  on  prand  une  route  bien  diferante  de  celés  que 
les  autres  fezeuz  de  granmères  ont  tenu.  Si  qeq'un  montre  qe  le 
sisteme  n'an  soit  pas  bien  lié,  on  promet  par  avanse  de  le  corijer 
ou  de  le  suprimer. 

«  El'  aura  deuz  parties,  la  première  dés  qeles  ne  tretera  que  de 
Tuzage  q'on  devrét  fere  des  letres  de  nôtre  alfabét,  de  qele  ma- 
nière il  faut  se  servir  des  trois  acsans,  é  de  qeqes  autres  marques 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LE  MERCURE.  249 

qon  observe  dans  la  lecture  é  dans  l'écriture ,  corne  sont  les 
poins  de  separasion  q'on  apele  aussi  diéreze.  Cete  partie  aura  six 
diâloges.  La  dernière  partie  contiendra  aussi  six  diâloges,  dans 
les  qels  on  egspliquera,  a-peu-prés  corne  dans  les  autres  gran- 
mères,  les  neuf  parties  du  discours.  Je  dis  a-peu-prés,  parcqu'il 
y  aura  qeqes  chanjemans  q'on  croit  necesères  pour  randre  les 
règles  de  notre  langue  plusasurées.  » 

On  voit  que  ce  système  se  rapproche  de  celui  préconisé  plus 
tard  par  M.  Marie  ;  l'auteur  termine  par  cette  maxime  ! 

Temporibus  errata  latent  et  tempore  patent. 
Le  tans  cache  é  découvre  tout. 

Ce  projet  de  réforme,  qui,  tout  en  ayant  des  inconvénients^ 
n'en  a  pas  moins  quelques  mérites,  n'a  eu  aucun  succès,  bien 
qu'il  ne  manquât  pas  d'être  favorisé,  comme  on  peut  s'en  rendre 
compte  par  quelques  passages  tels  que  celui-ci,  tiré  des  Be- 
marques,  etc. 

((  Il  y  auroit  de  la  témérité,  Monsieur^  a  vous  assurer  que 
vôtre  nouveau  projet  de  grammère  sera  généralement  approuvé. 
Il  n'est  pas  aisé  de  faire  revenir  de  leur  entêtement  certains  gens, 
a  qui  une  prévention  chimérique  fait  rejeter  tout  ce  qui  a  un  air 
de  nouveauté,  le  boi>  corne  le  mauvais.  Cependant  pour  ce  qui 
regarde  l'ortografe,  on  ne  voit  pas  grand  risque  à  vous  pro- 
metre  le  sufrage  de  la  plus  belle  moitié  du  monde  françois  ; 
dautres  oseront  peut  être  en  dire  davantage,  persuadés  que  les 
Dames,  dont  jentens  ici  parler,  ont  le  discernement  très-juste. 

^  Eles  vous  aplaudiront  sans  doute,  èles  qui  conformément  à  vôtre 
dessein  écrivent  come  èles  parlent,  et  èles  parlent  bien. 

a  Vous  devez  encore  avoir  les  étrangers  dans  vôtre  parti,  car  ils 
trouveront  plus  de  faciUté  à  lire  et  à  écrire  en  nôtre  langue. 
Pour  les  savants  la  nation  n'en  est  pas  si  traitable  :  mais  ils  ne 

"seront  peut-être  pas  tous  si  infatués  du  pedantisme,  qu'ils  ne  re- 
noncent a  ce  fatras  d'étymologies ,  de  multiplicité  inutile  de 
letres,  etc.,  qui  jusquici  n'a  servi  qu'à  ambarasser  et  Fecrivain  et 
le  lecteur,'  et  ils  voudront  bien  enfin  reconoître  que  l'écriture  ne 
servant  qu'à  exprimer  et  peindre  la  parole,  c'est  une  injustice  de 
la  vouloir  plus  parfaite  que  son  original.  » 

L'auteur  de  cet  article,  dont  l'orthographe  est  moins  téméraire. 


250    LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  LE  MERCURE. 

nous  dit  avior  parlé  sur  ce  même  sujet  dans  le  Journal  de  Tré- 
voux die  mai  1705. 

11  regrette  le  double  emploi  du  c  et  du  q,  et  celui  de  Vs  et  du  s; 
il  écrit  au  singulier  nagét^  avec  accent  aigu,  et  nagêt,  avec  l'ac- 
cent circonflexe  pour  le  pluriel.  «  Quatre  lettres  retranchées  tout 
d'un  coup,  oien  (nageoient).  Quel  abatis!  s'écrie-t-il,  mais  il  est 
bien  comode.  »  Et  il  observe  que  la  prononciation  de  geoient  au 
pluriel  étant  plus  longue  que  celle  du  singulier  geoit,  se  trouve 
convenablement  indiquée  par  la  différence  seule  des  accents.  Il 
termine  ainsi  : 

c(  Si  vous  n'êtes  pas  plus  heureux  quant  à  votre  ortografe  que 
ceux  qui  ont  tenté  la  chose  avant  vous,  dumoins  aurés-vous  d'il- 
lustres compagnons  de  vôtre  infortune.  Mais  seroit-il  possible 
qu'on  s'opiniatrât  a  vouloir  faire  passer  des  huit  ou  dix  ans  dans 
la  poussière  d'un  collège,  pour  aprendre  a  écrire  ce  que  l'on  sait 
bien  prononcer,  et  que  la  raison  parlât  tant  de  fois  a  ceux  qui  font 
profession  d'être  ses  élevés,  sans  s^en  faire  entendre?» 

Viennent  ensuite  des  additions  à  ces  Remarques^  p.  201,  où, 
entre  autres  choses,  on  regrette  l'emploi  de  l'A  inutile  dans  cer- 
tains mots. 

«  Il  n'y  a  pas  long-temps  qu'on  avoitune  règle  assez  sûre  des  mots 
ou  ele  faisoit  quelque  fonction,  mais  a  présent  on  ne  sait  plus  a  quoi 
s'en  tenir  :  come  ele  oblige  a  parler  un  peu  du  gosier  et  qu'on 
fait  plus  a  présent  la  petite  bouche  que  jamais,  on  voudroit  l'ex- 
clure des  endroits  ou  son  empire  est  le  mieux  établi,  et  dernière- 
ment j'entendis  dire  a  un  doucereux  qui  se  pique  de  bel  esprit  : 
donés  moi  de  l'achis^  il  est  en  aut,  pour  donés  moi  du  hachis^  il 
est  en  haut. 

«  On  retranche  tant  que  l'on  peut  et  avec  raison  les  lètres  dou- 
bles, on  ne  laisse  que  les  deux  5s,  aparenment  jusqu'à  ce  qu'une 
seule  entre  deux  voyelles  retiene  son  usage  naturel,  et  dans  cer- 
tains cas  les  deux  mm^  encore  change-t-on  le  premier  m  en  w  ; 
ainsi  au  lieu  d'emmener  on  écrit  enmener.  11  semble  qu'on  devroit 
en  faire  autant  de  Vm  qui  se  prononce  come  n  :  jambe,  janbe, 
pompe,  ponpe^  etc.,  l'épargne  n'est  pas  grande,  mais  au  temps  où 
nous  somes  les  petits  profits  ne  sont  pas  à  négliger.  » 

Il  se  récrie  aussi  sur  la  prononciation  de  t  come  s  en  certains 
cas. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DES  MARAIS.     251 

Ces  observations  sont  suivies  de  la  réponse  de  l'auteur  du 
Projet  de  VEsei. 

L'abbé  Régnier  des  Marais,  secrétaire  perpétuel  de  l'Acadé- 
mie française.  Traité  de  la  Grammaire  française.  Paris, 
Jean-Baptiste  Geignard,  1706,  in-4  et  in-8  de  4  fl'.,  711  pp. 
et  1 1  iï.  de  table.  —  Remarques  sur  V article  cxxxvii  des 
Mémoires  de  Trévoux,  touchant  le  Traité  de  la  grammaire 
française  de  M.  Vahhé  Régnier.  Paris,  J.-B.  Goignard, 
1706, in-4. 

L'Académie,  dans  les  travaux  préparatoires  de  son  Dictionnaire, 
qui  ne  parut  qu'en  1694,  avait  adopté  la  méthode  du  travail  en 
commun  ;  mais  elle  crut  devoir  remettre  le  soin  de  rédiger  une 
Grammaire  conforme  à  ses  principes  à  son  secrétaire  Tabbé  Ré- 
gnier des  Marais.  Il  publia  son  ouvrage  en  deux  volumes  in-12 
dès  1676,  et  en  donna  une  édition  infiniment  supérieure  dans 
rin-4  de  1706.  De  1694  jusqu'à  la  seconde  édition  du  Diction- 
naire, qui  ne  parut  qu'en  1718,  l'Académie  eut  quelque  temps  de 
repos.  Elle  recueillit  alors  les  doutes  sur  la  langue  et  se  donna  la 
tâche  de  les  résoudre.  Cette  société  préparait  ainsi  des  matériaux 
pour  la  Grammaire  qu'elle  méditait  et  que  du  reste  les  statuts  de  sa 
fondation  Tobligeaient  de  rédiger,  a  Mais  elle  ne  tarda  pas  à  recon- 
«  naître  qu'un  ouvrage  de  système  et  de  méthode  ne  pouvait  être 
«  conduit  que  par  une  personne  seule  ;  qu'au  lieu  de  travailler  en 
«  corps  à  une  Grammaire,  il  fallait  en  donner  le  soin  à  un  acadé- 
«  micien  qui,  communiquant  son  travail  à  la  compagnie,  profitât 
((  si  bien  des  avis  qu'il  en  recevrait,  que,  par  ce  moyen,  son  ou- 
«  vrage  pût  avoir  dans  le  public  l'autorité  de  tout  le  corps.  »  Ré- 
gnier avait  une  parfaite  connaissance  de  notre  langue  et  de  quel- 
ques autres;  il  s'était  fait  un  nom  par  sa  traduction  de  la  Pratique 
de  la  perfection  chrétienne  de  Rodriguez.  Son  assiduité  aux  confé- 
rences du  Dictionnaire,  dont  il  était  chargé  de  rédiger  les  résultats, 
l'avait  mis  mieux  que  tout  autre  en  état  d'en  exposer  les  principes 
dans  une  grammaire. 

L'ouvrage  cependant  ne  fut  pas  publié  sous  le  nom  de  l'Acadé- 
mie. Il  encourut  plusieurs  critiques,  entre  autres  celle  d'un  gram- 
mairien très-estimé,  le  P.  Buffier.  L^abbé  Régnier,  on  le  conçoit, 
se  prononce  contre  l'écriture  phonétique,  qui  exposerait  à  «  cet 


252     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DES  MARAIS. 

attentat  »  d'écrire  des  crétiens  comme  des  Cretois  et  Jésu-Cri 
qu'on  prononce  ainsi,  tandis  qu'on  doit  prononcer  le  Christ.  Dans 
son  livre,  les  explications  sur  les  difficultés  de  la  prononciation  des 
lettres  ont  employé  près  d'une  centaine  de  pages.  En  examinant 
avec  l'attention  qu'elle  mérite  l'œuvre  du  docte  secrétaire  perpé- 
tuel de  1706,  œuvre  d'autant  plus  importante  qu'elle  doit  nous 
refléter  les  principes  qui  avaient  prévalu  dans  le  sein  de  l'Acadé- 
mie on  ne  tarde  pas  à  se  convaincre  que  le  but  que  l'auteur  se 
proposait  est  manqué.  Toutefois,  on  doit  le  reconnaître,  le  livre 
le  plus  utile  à  une  nation  éclairée  comme  la  France,  c'est-à-dire 
une  grammaire,  était  alors  impossible. 

Pour  ce  qui  concerne  l'orthographe,  Régnier  constate,  pour  la 
réduplication  des  consonnes  dans  le  corps  des  mots,  des  règles 
fondées  la  plupart  sur  la  quantité  (pp.  101  à  125  de  l'édit.  in-12). 

((  Le  redoublement  des  lettres  en  plusieurs  mots  de  la  langue  se 
fait  uniquement  des  consonnes,  et  peut  se  rapporter  à  deux  causes: 
Vune  prise  du  latin^  d'où  ces  mots  là  nous  viennent;  l'autre  tirée 
du  fonds  mesme  de  nostre  langue...  Ce  redoublement  n'est  point 
toujours  pris  du  latin  :  il  se  fait  quelquefois  contre  l'orthographe 
des  mots  latins  d'où  les  mots  françois  dérivent.  Il  se  fait  principa- 
lement des  lettres  /,  m,  ti,  p  et  t,  après  «,  e,  o,  mais  il  suffira  de 
parler  icy  de  celuy  des  lettres./,  m,  w,  après  e  et  o,  pour  donner 
quelque  idée  de  la  cause  de  ce  redoublement  dans  les  mots  où  la 
prononciation  toute  seule  n'en  avertit  pas  :  car,  pour  ceux  où  elle 
le  fait  sentir,  ce  n'est  pas  de  quoy  il  est  icy  question,  non  plus  que 
de  ceux  où  nostre  langue  n'a  fait  que  suivre  l'exemple  de  la  langue 
latine. 

«  Il  y  a  deux  choses  à  considérer  dans  ce  redoublement:  le  lieu 
où  il  se  fait  et  l'effet  qu'il  produit.  Le  lieu  où  il  se  fait,  c'est 
d'ordinaire  immédiatement  après  la  voyelle  sur  laquelle  est  le  aiége 
de  l'accent.  Mais  comme  nostre  langue  n'a  proprement  d'accent 
que  sur  la  dernière  syllabe,  dans  les  mots  dont  la  terminaison  est 
masculine,  et  sur  la  pénultième  dans  ceux  dont  la  terminaison 
est  féminine,  et  que  les  dernières  syllabes  ne  sont  pas  suscep- 
tibles du  redoublement  des  consonnes,  ce  redoublement,  à  le 
régler  par  le  siège  de  l'accent,  n'apparlient  proprement  qu'aux 
pénultièmes  syllabes  des  mots  qui  ont  une  terminaison  féminine. 

((  Ainsi  chapelle,  chandelle,  fidelle,  folle,  colle,  molle,  femme, 
homme,  somme,  bonne,  donne,  consonne  et  patronne,  qui  ont 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DES  MARAIS.     253 

l'accent  sur  la  pénultième,  s'escrivent  par  deux  l,  deux  m  et  deux 
n.  Que  si  cet  accent  passe  de  la  pénultième  sur  la  dernière,  alors 
en  quelques  mots  dérivez  des  précédents,  comme  dans  chapelain, 
chandelier,  fidélité,  féminin,  homicide,  bon  ace,  donateur,  conso- 
nance, patronage,  il  ne  se  fait  plus  de  redoublement  de  consonne 
et  l'usage  est  en  cela  entièrement  fondé  sur  la  raison  et  sur  la 
règle.  Mais  en  d'autres  mots  de  mesme  ou  de  pareille  dérivation, 
comme  jfidellement^  nouvellement,  follement,  donner,  sonner, 
tonner,  le  redoublement,  qui  ne  devroit  se  faire  qu'après  la  voyelle 
du  siège  de  l'accent,  se  fait  devant  (1)  :  et  l'usage  en  cela,  comme 
en  beaucoup  d'autres  choses,  s'est  mis  au-dessus  des  règles,  qu'il 
observe  pourtant  d'ordinaire  dans  la  conjugaison  des  verbes.  Car 
on  escrit  ils  prennent,  ils  tiennent,  ils  viennent,  par  deux  n,  parce 
que  le  siège  de  Taccent  est  sur  Ve  de  la  pénultième  syllabe  ;  et  on 
escrit  par  une  n  seule,  nous  prenons,  nous  tenons,  nous  venons, 
vous  prenez,  vous  tenez,  vous  venez,  parce  que  Taccent  qui  estoit 
sur  la  pénultième  est  passé  sur  la  dernière. 

c(  Quant  à  l'effet  que  ce  redoublement  de  consonnes  produit,  il 
est  différent,  suivant  les  voyelles  après  lesquelles  il  se  fait  :  après 
Ve,  comme  dans  chandelle,  fidelle  (2),  fidellement,  il  donne  à  cet 
e  la  prononciation  d'un  e  ouvert  et  il  donne  celle  d'un  e  fermé  à 
prennent^  tiennent,  viennent,  etc.  (3) .  ^ 

((  A  l'égard  de  l'o,  cet  effet  est  tout  différent;  car,  au  contraire, 
le  redoublement  de  la  consonne  après  un  o  sert  à  le  presser  de 
telle  sorte,  que  comme  alors  il  a  moins  d'estenduë  et  de  liberté 
que  quand  il  n'est  suivi  que  d'une  consonne,  il  reçoit  une  pro- 
nonciation plus  brève  et  plus  serrée.  Ainsi  au  lieu  que  dans  mole, 
vole,  dôme,  throne  (4),  où  l'o  n'est  suivi  que  d'une  seule  consonne 
et  se  trouve,  pour  ainsi  dire,  plus  au  large,  l'o  est  long  et  extrê- 
mement ouvert,  il  est  bref  dans  molle,  folle,  homme,  somme,  bonne 
et  donne,  où  les  deux  consonnes  qui  suivent  le  pressent  et  le  res- 

(1)  Ce  passage  me  semble  tout  à  fait  inintelligible. 

(2)  On  a  mis  depuis  l'accent  grave,  au  lieu  de  la  consonne  double,  à  beaucoup 
de  ces  mots  en  elle  :  il  épèle,  fidèle,  il  gèle.  Mais  on  n'a  pas  simplifié  la  diffi- 
culté, car  il  nous  en  reste  autant  en  elle  :  il  appelle,  belle,  chandelle,  etc. 

(3)  Il  semble  résulter  de  ce  passage  que  le  docte  secrétaire  perpétuel  pronon- 
çait ils  prénent,  ils  tiénent,  ils  viénent. 

(4)  On  met  aujourd'hui  avec  raison  l'accent  circonflexe  sur  ces  mots,  où  il  suffit 
à  exprimer  l'allongement  de  la  syllabe.  Pourquoi  écrire,  contrairement  au  la- 
tin ,  les  mots  homme,  bonne,  donne  par  une  double  consonne  "?  L'absence  de 
racceut  circonflexe  suffirait  pour  indiquer  que  l'o  est  bref. 


254     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DES  MARAIS. 

serrent.  Mais  tout  ce  qu'on  vient  de  marquer  icy  est  sujet  à  tant 
d'exceptions,  que  pour  donner  des  règles  plus  seures,  il  faut  né- 
cessairement passer  aux  exemples  particuliers  du  redoublement 
de  chaque  consonne. 

«  La  règle  générale  que  l'Académie  françoise  a  suivie  dans  l'or- 
thographe de  son  Dictionnaire,  est  de  garder  les  consonnes  dou- 
bles dans  les  mots  françois,  lors  qu^elles  sont  doubles  dans  les  mots 
latins  d'oii  ils  viennent;  et  cette  règle  peut  suffire  pour  la  plus 
part  des  mots  de  la  langue,  à  l'égard  des  personnes  qui  entendent 
le  latin;  mais  comme  on  escrit  icy  pour  tout  le  monde,  il  faut 
essayer  de  donner  là-dessus  ou  des  préceptes,  ou  des  exemples, 
qui  puissent  estre  entendus  de  tout  le  monde.  » 

Suivent  27  pages  très-compactes  de  préceptes,  d'exemples  et 
d'exceptions  pour  le  redoublement  ou  le  non-redoublement  de 
chacune  des  lettres  de  l'alphabet. 

Malgré  le  désir  qu'on  éprouve  de  saisir  quelques  lueurs  de 
principes  au  milieu  de  cet  amalgame  de  règles  contradictoires,  il 
est  impossible  d'en  rien  conclure,  sinon  l'impuissance  des  gram- 
mairiens d'alors  à  débrouiller  le  chaos  orthographique.  Qu'est-ce, 
en  effet,  que  de  constater,  d'un  côté,  que  la  prosodie  française 
est  complètement  différente  de  la  prosodie  latine,  et  d'exiger,  de 
l'autre,  que  l'on  redouble  la  consonne  en  français  là  où  les  Latins 
l'ont  doublée?  Gomment  expliquer,  en  outre,  cette  bizarrerie  dans 
le  rôle  de  la  consonne  redoublée,  de  rendre  la  syllabe  qui  pré- 
cède longue  dans  chandelle  et  brève  dans  molle'l  Bossuet,  avec 
son  esprit  lucide  et  pratique,  avait  bien  raison  de  demander  que 
l'Académie  s'expliquât  en  tête  du  Dictionnaire  sur  les  règles  de  la 
prosodie  française  :  toutes  ces  inconséquences  eussent  alors  for- 
cément disparu,  comme  l'ont  fait  la  plupart  d'entre  elles,  grâce 
à  l'introduction  des  accents  et  à  la  suppression  d'une  partie  des 
lettres  doubles  inutiles,  opérées  par  l'Académie  lors  de  la  réforme 
de  1740.  Mais  en  parcourant  les  listes  données  par  Régnier, 
page  111  particulièrement,  on  voit  qu'il  nous  reste  encore  un  nom- 
bre assez  grand  de  mots  où  la  double  consonne  qui  ne  se  prononce 
pas  s'est  maintenue  dans  le  seul  but  de  figurer  cette  copie  servile 
du  latin,  répudiée  par  l'Académie  elle-même,  et  à  laquelle  tout 
le  monde  paraît  avoir  renoncé  (1) . 

(1)  Nous  avons  encore  collerette,  mollesse^  assommant,  inacbommodablé 


LA.  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DES  MARAIS.      255 

Après  s'être  convaincu  de  l'inanité  des  principes  orthographi- 
ques de  Régnier,  on  s'explique  difficilement  la  sévérité  qu'il  montre 
contre  les  novateurs  tant  du  siècle  précédent  que  de  son  temps. 
La  fin  de  non-recevoir  qu'il  oppose  à  toute  réforme,  si  elle  eût  été 
prise  au  sérieux,  nous  condamnerait  encore  à  récriture  vicieuse 
de  1706. 

«  Que  si,  dit  Régnier,  dans  la  société  civile,  il  n'est  pas  permis 
aux  particuliers  de  rien  changer  dans  Vescviiuve  (1)  de  leur  nom, 
sans  des  lettres  du  prince,  il  doit  encore  moins  leur  esire  permis 
d'altérer,  de  leur  propre  aut^orité,  la  pluspart  des  mots  d'une 
langue  et  la  pluspart  des  noms  de  baptesme  et  des  noms  des  peu- 
ples, des  provinces,  des  familles,  des  societe-s  publiques  et  des 
choses  de  la  Religion. 

((  Cependant  ceux  qui  en  usent  de  la  sorte  n'ont  pas  seulement 
tort,  en  ce  qu'ils  s'attribuent  une  jurisdiction  qui  ne  leur  appar- 
tient pas;  ils  ont  tort  encore  d'ailleurs,  en  ce  qu'ils  abusent  du 
principe  sur  lequel  ils  se  fondent,  que  les  lettres  estant  instituées 
pour  représenter  les  sons,  Tcscriture  doit  se  conformer  à  la  pro- 
nonciation. 

«  Cette  règle  générale  a  ses  exceptions,  comme  toutes  les  autres 
règles;  et  vouloir  reformer  tout  ce  qui  en  est  excepté,  c'est 
comme  si  un  Grammairien,  se  fondant  sur  les  principes  généraux 
de  la  Grammaire,  vouloit  y  réduire  toutes  les  conjugaisons  des 
verbes  irreguliers  d^une  langue  et  toutes  les  façons  de  parler 
qu'un  long  et  constant  usage  a  délivrées  de  la  servitude  de  la  syn- 
taxe, 

«  De  toutes  les  langues  dont  on  a  connoissance,  il  n'y  en  a 
aucune  dont  toutes  les  lettres  se  prononcent  tousjours  d'une 
mesme  sorte  et  où  le  son  des  voyelles  et  des  consonnes  ne  varie 
souvent,  selon  les  différents  mots  qu'elles  forment,  parce  qu'il  est 
impossible  que  les  différentes  combinaisons  des  lettres  n'apportent 
de  la  différence  dans  le  son  propre  de  chaque  caractère. 

«  ....  Ce  qu'on  ne  peut  trop  dire  et  trop  repeter  à  ceux  qui, 
sur  des  principes  spécieux,  mais  mal  entendus,  veulent  de  leur 
aut/iorité  privée  reformer  l'orthographe  françoise,  c'est  que  l'usage 
n'a  pas  moins  de  droit  et  de  jurisdiction  sur  la  prononciation  des 

consommation^  pommade f  bannière,  carrosse,  garrotter ,  etc.,  comme  au  temps 
de  Régnier. 

(1)  Les  lettres  italiques  indiquent  les  changements  ultérieurement  apportés  par 
l'Académie  à  l'orthographe  de  Régnier, 


256     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DES  MARAIS. 

mots  que  sur  les  mots  mesmes;  et  que  comme  la  prononciation 
de  plusieurs  mots  vient  à  varier  de  temps  en  temps,  selon  le  ca- 
price de  Tusage,  il  faudroit  aussi  de  temps  en  temps  varier  l'or- 
thographe des  me^mes  mots,  pour  en  représenter  la  prononciation 
courante.  Ainsi  la  reforme  qu'on  feroit  aujourd'hui  pour  ac^juster 
Torthographe  à  la  prononciation  ne  tarderoit  guere^  peut-estre  à 
avoir  besoin  d'une  autre  reforme,  de  mesme  que  celle  que  Sylvius, 
Meigret,  Pelletier  et  Ramus  voulozent  introduire.*))  - 

Ce  dernier  paragraphe  est  parfaitement  juste,  et  les  lettres  ita- 
liques que  j'ai  placées  aux  endroits  du  texte  de  Régnier  que  l'Aca- 
démie a  dû  corriger  par  la  suite  montrent  que  récriture  suit  la  loi  du 
progrès  comme  toutes  les  sciences  et  que,  par  suite,  il  est  du  droit 
et  du  devoir  des  enfants  d'améliorer  l'héritage  de  leurs  pères. 

«....  Où  enseroit-on  dans  chaque  langue,  continue  Régnier,  s'il 
en  falloit  reformer  les  éléments  sur  la  difficulté  que  les  enfants  au- 
roient  à  bien  retenir  la  valeur  et,  comme  parlent  les  Grammairiens, 
la  puissance  de  chaque  caractère  et  les  différentes  variations  qu'un 

long  usage  y  a  introduites  ? C'est  aux  enfants  à  apprendre  à 

lire  comme  leurs  pères  et  leurs  grands-peres  ont  appris. 

«  Quant  aux  e^trangers,  pourquoi/  veut-on  que  la  langue  fran- 
çoise  fasse  à  leur  égard  ce  que  nulle  langue  ne  fait  ni  ne  doit  faire 
à  Pégard  de  ceux  à  qui  elle  est  estrangere?...  Comme  c'est  à 
ceux  qui  sont  estrangers  dans  un  pays  à  se  conformer  aux  loia? 
et  aux  cou5tumes  du  pays,  c'est  aussi  à  ceux  qui  veulent  appren- 
dre une  langue  qui  leur  est  estrangere  à  s'assujettir  à  ses  règles 
et  à  ses  irrégularités.  Pourquoy  donc  changerions-nous  en  cela 
nos  usages  pour  les  estrangers,  qui  ne  changent  les  leurs  pour 
personne?  et  pourquoi  ne  feront-ils  pas  à  l'égard  de  nostre  lan- 
gue ce  qu'ils  font  à  l'égard  des  autres  et  ce  que  nous  essayons 
tous  les  jours  de  faire  à  Tégard  de  celles  qui  nous  sont  estran- 
gere s?  » 

En  proclamant,  dans  le  domaine  intellectuel,  cette  maxime  du 
chacun  pour  soi,  l'abbé  Régnier  ne  pouvait  pas  pressentir  les  né- 
cessités d'un  nouvel  état  de  la  société  européenne,  où  une  cer- 
taine instruction  est  indispensable  à  tous  ses  membres  ,  où  les 
relations  de  peuple  à  peuple  sont  incessantes,  où  les  langues  mo- 
dernes constituent  une  partie  importante  de  l'éducation  de  la  jeu- 
nesse et  où  le  temps  a  besoin  d'être  économisé  pour  tant  de 
choses  à  apprendre. 


LA  RÉFORME  ORTHOGR.  —  FRÉMONT  D'ABLANCOURT.  257 

Nicolas  de  Frémont  d'Ablancourt.  Dialogue  des  letù^es  de 
l'Alphabet^  où  Fnsag,e  et  la  grammaire  parlent^  fait  à  ri- 
mitation  du  dialogue  de  Lucien^  iîititulé^  le  Jugement  des 
voyelles.  (A  la  suite  de  la  traduction  françoise  de  Lucien,, 
par  Nicolas  Perrot  d'Ablancourt,  tome  III,  édition  de 
1706,  in-12,  p.  424.) 

L'abbé  Goujet^  dans  sa  Bibliothèque  française,  fait  un  grand 
éloge  de  ce  dialogue. 

Les  interlocuteurs  sont  FUsage  et  la  Grammaire. 

La  Grammaire  demande  à  l'Usage  si  elle  doit  produire  ses  lettres 
habillées  à  l'arabesque,  ou  à  la  grecque  et  l'italienne,  ou  à  la 
gothique,  ou  bien  simples  et  ramassées,  et  accommodées  à  la 
française. 

L'Usage  répond  :  «  A  quoy  boutant  de  mystères? Puisque  nous 
sommes  en  France  et  qu'il  s'agit  d'un  différend  entre  les  lettres 
françoises,  il  faut  qu^elles  se  présentent  habillées  à  la  mode  du 
pays.  » 

Chaque  Lettre  prend  successivement  la  parole  pour  se  plaindre  de 
son  sort,  et  de  l'empiétement  des  unes  sur  les  autres;  mais,  tout  en 
signalant  le  désordre  qui  règne  entre  elles,  le  neveu  de  Perrot 
d'Ablancourt  se  montre  plus  résigné  que  son  oncle.  Il  fait  ainsi 
parler  l'F  :  a  Come  je  suis  la  première  en  fidélité,  je  trouve 
fort  étrange  qu'on  m^ôste  les  cle/s  et  qu'on  me  veuille  couper  les 
ner/s;  car  après  cela  comment  pourrois-je  atteindre  les  cer/s  à  la 
course?  Gela  est  bien  éloigné  de  la  promesse  qu'on  m'avoit  faite 
de  bannir  le  Ph,  afin  d'étendre  les  bornes  de  mon  empire.  Jus- 
qu'ici il  m'a  toujours  défendu  l'abord  des  Prophètes  et  des  PAilo- 
sop.^es,  et  il  ne  veut  pas  môme  que  j'aspire  à  P^ilis.  Si  j'avois  esté 
aussi  sévère,  jamais  le  v  ne  se  seroit  mis  en  possession  de  toutes 
les  veuves  (1),  tant  recréatii;esque  rebarbatiî;es;  cependant,  comme 
j'ay  veû  qu'elles  l'aimoient  plus  que  moy,  je  lui  ay  cédé  tout  ce 
que  j'y  pouvois  prétendre.  » 

Le  P  prend  la  parole  :  «  Quand  une  longue  possession  ne  seroit 
pas  un  juste  titre,  après  nous  avoir  fait  traverser  tant  de  Terres  et  de 

(1)  On  écrivait  ve/ye  ;  c'est  sous  ce  titre  qu'est  publiée  la  pièce  de  Rotrou.  Mais 
1'/  a  disparu  au  singulier  féminin,  et  Vu  n'a  pu  être  introduit  que  lors  de  la  dis- 
tinction d>j  V  et  de  l'w,  autrement  on  eût  écrit  la  ueuue.  Vf  a  été  conservé  au 
singulier  masculin, 

17* 


258     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  CL.  BUFFIER. 

Mers,  débité  tant  d'ApopAthegmes,  et  enrichy  ce  païs  de  tant  de 
Phrases  et  de  Para/?Arases,  il  semble  qu'il  y  auroit  de  l'inhumanité 
à  nous  séparer  de  la  compagnie  de  P^ilis  et  de  PMlomèle,  puisque 
nous  sommes  de  même  contrée^  et  que  nous  avons  jusqu'icy 
couru  les  mêmes  avantures. 

c(  L'Usage.  J'ordonne  que  Ton  conserve  le  Ph,  le  plus  qu'on 
pourra  ;  mais  du  reste,|  quand  on  veut  s'établir  en  un  païs,  il  en 
faut  prendre  l'habit  et  les  mœurs.  » 

Le  Père  Claude  Buffier,  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Gram- 
maire française  sur  un  plan  nouveau^  avec  un  traité  sur  la 
prononciation  des  e,  etc,  Paris,  1709,  in-12  ;  ibid.,  1723, 
in-8. 

Buffîer,  un  de  ces  jésuites  à  la  raison  hardie  et  profonde,  dont 
Fordre  célèbre  auquel  il  appartenait  a  fourni  tant  d'exemples, 
après  avoir  constaté  qu'une  orthographe  réformée  est  suivie  par 
la  moitié  au  moins  des  auteurs,  cite  une  centaine  d'ouvrages 
importants  où  elle  est  observée.  Lui-même  embrasse  la  réforme 
non  pas  avec  enthousiasme,  mais  avec  la  conviction  calme  qu'elle 
est  «  le  parti  le  plus  commode,  et  conséquemment  le  plus  sage.  » 
«  On  peut,  ajoute-t-il ,  et  Fon  doit  dire  que  certaines  langues 
ont  une  ortographe  beaucoup  plus  embarassée  et  plus  dificile  que 
d'autres  langues.  En  éfet^  si  une  langue  avoit  précisément  autant 
de  caractères  divers  dans  l'écriture  que  de  sons  diférens  dans 
la  prononciation,  en  sorte  que  chaque  caractère  particulier  dé- 
signât toujours  le  même  son  particulier ,  ce  seroit  Forthographe 
la  plus  commode,  et,  ce  semble,  la  plus  naturèle  qu'on  puisse 
imaginer.  Ainsi^  plus  une  langue  s'éloigne  de  cette  pratique,  plus 
son  ortographe  est  incommode  et  bizare.  »  «  Le  françois,  dit- 
il  plus  loin,  a  une  ortographe  des  plus  bizares  et  des  plus  mal- 
aisées... Une  même  figure  de  lètre  désigne  quelquefois  cinq  ou  six 
sons  divers,  et  un  même  son  est  désigné  de  sept  ou  huit  manières 
différentes  (1)...  Il  ne  s'agit  pas  de  mettre  de  Pétymologie  dans 
un  portrait,  mais  de  le  rendre  le  plus  fidèle  qu'il  est  possible.  »  Il 
s'oppose,  du  reste,  aux  réformateurs  trop  absolus,  «attendu,  dit-il, 
«  que  si  l'ortographe  n'étoit  pas  conforme  à  l'usage,  on  ne  connoî- 
c(  troit  rien  aux  figures  ou  caractères  de  létres  qui  seroient  nou- 

(1)  Voir  plus  loin  l'analyse  de  l'Ouvrage  de  M.  Raoux,  à  la  date  de  1865. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  GRIMAREST.      259 

«  veaux.  C'est  ce  qui  est  arrivé  à  ceux  qui  ont  voulu  introduire 
«  une  ortographe  toute  nouvèle;  les  autres  n'y  ont  rien  conçu, 
{(  n'en  ayant  pas  Tusage.  Ainsi,  quand  même  cette  ortographe  se- 
rt roit  au  fond  plus  parfaite  que  l'ortographe  établie,  il  seroit  ridi- 
«  cule  de  s'en  servir  préférablement  à  la  dernière,  puisque  c'est 
«  comme  si  Ton  vouloit  parler  à  un  homme  une  langue  qu'il 
c(  n'entend  pas,  sous  prétexte  qu'elle  est  plus  parfaite  que  celle 
a  qu'il  entend.  » 

Il  propose,  pour  apprendre  à  lire  plus  promptement  et  plus 
exactement,  de  prêter  aux  consonnes  françaises  d'autres  noms 
que  ceux  qui  leur  sont  donnés  par  l'usage  et  qui  soient  plus  con- 
formes aux  sons  qu'elles  expriment  dans  leur  liaison  avec  les 
voyelles.  «  Ainsi,  au  lieu  de  dire  éfe,  éme^  ixe,  etc.,  on  feroit  mieux 
de  les  appeler  simplement  /ê,  me,  xe,  dont  Ve  seroit  muet,  »  etc. 

Il  analyse  les  diverses  modifications  que  prend  le  son  e.  Il  vou- 
drait que  /  ou  //  mouillé  fût  figuré  par  un  signe  particulier,  le  \.  Il 
remplace  les  signes  binaires  eu,  ou,  ch,  gn,  par  W)  ô,  Xi  ^' 

L'y  lui  paraît  une  forme  introduite  par  les  copistes  pour  figurer 
ij  ou  le  double  i.  L'y,  dit-il,  n'est  presque  plus  d'usage  en  notre 
langue  que  dans  les  trois  ou  quatre  occasions  suivantes  ;  yeux, 
y  voire,  yvre  (1). 

Voici  dans  quelle  mesure  il  se  montre  réformateur  :  il  écrit 
ortographe,  atacher,  Ictre  {de  litera),  suposé,  indiférent,  dificulté, 
netement,  ofrir,  oposé,  voyéle,  néte,  comode,  naturéle,  prométre^ 
sience,  soufrir,  nouvèle,  anciéne,  elimologie,  afirmey  consone,  nazal, 
biz-are;  il  écrit  même  silabe, 

*  Pierre  Panel.  Le  Tableau  de  l' Ortographe  française,  Ham- 
bourg, 1710,  in-8. 

Je  n'ai  pas  vu  cet  ouvrage,  cité  par  Goujet  comme  ayant  trait 
à  la  réforme. 

De  Grimarest.  Êdaircissemens  sur  les  principes  de  la  langue 
française,  Paris,  1712,  in- 12. 

«  Je  tiens,  nous  dit-il,  à  l'égard  de  l'orthographe,  entre  les  an- 
«  ciens  et  les  modernes.  »  Aussi  les  modifications  qu'il  propose 

(1)  On  écrit  ivre*  ivoire,  et  on  a  maintenu  seulement  l'y  dans  yeux. 


260  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE. -LE  P.  VAUDELIN. 

sont-elles  modérées.  Il  répond  ainsi  à  ceux  qui  voudraient  con- 
server les  s  étymologiques  :  a  Tous  les  mots  où  l'on  peut  suppri- 
mer Vs  viennent-ils  du  latin?  Et  d'ailleurs,  ou  l'on  sait  le  latin 
ou  on  ne  le  sait  pas.  S'ils  le  savent,  sera-ce  cette  lettre  suppri- 
mée qui  les  empêchera  de  reconnoître  que  répondre  vient  de 
respondere,  hôte  de  hospes"!  Si  le  lecteur  ignore  la  langue  latine, 
que  lui  importe?....  »  Il  se  plaint  avec  toute  raison  de  ceux  qui, 
de  son  temps,  mettaient  des  y  partout. 

Le  désordre  et  Tincertitude  de  l'orthographe  offraient  jusqu'au 
commencement  du  dix-huitième  siècle  de  graves  inconvénients 
pour  la  détermination  si  importante  des  noms  propres.  Ainsi, 
malgré  de  patientes  investigations,  nous  ignorons  encore  la  véri- 
table prononciation  du  nom  de  famille  d'un  des  plus  célèbres  im- 
primeurs de  Lyon,  écrit  tantôt  Rouille^  Rouillé,  Roville.  Grimarest 
cite  un  écrivain,  Touville,  inscrivant  son  nom  sur  trois  écriteaux 
aux  faces  de  sa  maison,  tous  trois  orthographiés  différemment  : 
Touuille,  Toville,  Tovville. 

Le  P.  Gilles  Vaudelin,  augustin  réformé.  Nouvelle  Manière 
d'écrire  comme  on  parle  en  France.  Paris,  Jean  Got  et  Jean- 
Baptiste  Lamesle,  1713,  in-12.  —  histruction  chrétienne 
mise  en  ortografe  naturelle,  pour  faciliter  au  peuple  la 
lecture  delà  science  du  salut.  Paris,  17 13,  in-12. 

Le  bon  père  augustin,  frappé  de  l'utilité  de  rendre  la  langue 
française  accessible  aux  classes  qui  n'ont  pas  de  loisirs,  a  cru 
résoudre  le  problème  en  créant  un  alphabet  phonétique,  composé 
de  13  voyelles  et  de  16  consonnes.  Un  trait,  nommé  aujourd'hui 
diacritique,  distingue  les  valeurs  différentes  d'une  même  lettre, 
il  a  ainsi  un  système  de  représentation  nouveau  et  plus  logique 
pour  les  sons  a,  an,  ai,  é,  in,  i,  e,  o,  on,  eu,  un,  ou,  u.  Les  con- 
sonnes c,  y,  h,j,  n,  l,  r,  z,  s,  d,  t,  v,  f,  p,  b,  m,  n'ont  subi  aucune 
modification  quant  à  la  forme,  sauf  que  h  a  changé  de  valeur  et 
représente  ch.  S'il  n'est  pas  arrivé  à  la  classification  organique  des 
consonnes,  qui  est  une  des  conquêtes  de  la  philologie  moderne, 
on  voit  qu'il  y  tend.  Son  écriture  occupe  notablement  moins  d'es- 
pace que  la  nôtre,  et  elle  figure  mieux  les  sons. 

Mais  son  système  a  le  même  défaut  que  ceux  de  ses  devan- 
ciers, c'est-à-dire  d'être  impraticable,  particulièrement  à  ceux 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE. -L'ARBÉ  GIRARD.    2G1 

mêmes  auxquels  il  le  destine,  les  femmes,  les  enfants,  les  pauvres. 
Cette  addition  de  traits  diacritiques  est  trop  compliquée  pour  eux 
et  retarde  Tessor  de  récriture  des  personnes  instruites,  écriture  qui 
doit  toujours  pouvoir  être  cursive  pour  satisfaire  aux  besoins  qui 
lui  ont  donné  naissance. 

*  Nicolas  Dupont,  avocat  au  parlement ,  bailli  du  duché  de 
Ghâtillon-sur-Loing.  Examen  critique  du  traité  d'Orto- 
graphe  de  M.  U abbé  Régnier  Desmarais^  Secrétaire  perpé- 
tuel de  r Académie  française,  avec  les  principes  fondamen- 
taux de  r  art  d'écrire.  Paris,  1713,  in-12. 

«  Il  y  a  dans  ce  lirre^  dit  l'abbé  Goujet  (t.  I,  p.  113),  des  re- 
marques et  des  réflexions  dont  on  peut  profiter,  et  que  M.  l'abbé 
Régnier  n'auroit  peut-être  pas  dû  négliger.  On  ne  pourroit  pas 
cependant  conseiller  d'adopter  son  système  :  il  ne  diffère  en  rien 
pour  le  fond  de  celui  du  père  Vaudelin.  Je  crois  aussi  qu'il  eût 
été  bien  embarrassé  de  prouver  ce  qu'il  avance,  que  les  Grecs  et 
les  Latins  avoient  une  ortographe  régulière,  telle  qu'il  se  Tima- 
gine.  Étoit-il  à  portée  d'en  juger,  puisqu'actuellement  nous  ne 
savons  nullement  quelle  étoit  la  véritable  prononciation  du  grec 
et  du  latin  dans  le  bel  usage  de  ces  deux  langues?  » 

L'abbé  G.  (Girard,  de  rAcadémie  française  en  1744).  VOrto- 
grafe  française  sans  équivoques  et  dans  ses  principes  natu- 
rels :  ou  Vart  d'écrire  notre  langue  selon  lés  loix  de  la 
raison  et  de  Vusage,  d'une  manière  aisée  pour  lés  dames, 
comode  pour  lés  étrangers^  instructive  pour  lés  provin- 
ciaux et  nécessaire  pour  exprimer  et  distinguer  toutes  lés 
diférances  delà  prononciacion.  Paris,  Pierre  Gifîart,  1716, 
in-12. 

L'abbé  Girard,  comme  nous  Tavons  vu  plus  haut,  p.  139,  est  un 
réformateur  modéré  et  un  esprit  raisonnable.  Malheureusement 
il  n'a  pas  vu  que  son  système  d'accentuation  ajoute  aux  difficul- 
tés et  aux  lenteurs  de  l'écriture  au  lieu  de  les  écarter. 

«  On  pourroit  bien  se  tromper,  dit-il  (p.  23),  en  croyant  que  c'a 
toujours  été  par  dés  raisons  d'étimologie  qu'on  a  introduit  dans  le 


262    LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ  GIRARD. 

français  tant  de  lettres  inutiles  et  équivoques.  Non^  il  ne  faut  pas 
croire  que  nos  pères  aient  été  d'assez  mauvais  goût  que  de  mettre 
à  plaisir  toutes  ces  lettres  oiseuses  et  embarassantes  dans  leur  or- 
tografe;  ni  qu'ils  aient  poussé  la  bizarrerie  jusqu'à  vouloir  écrire 
leur  propre  langue  tout  diférammànt  qu'ils  ne  la  parloient,  préci- 
sémànt  pour  conserver  la  mémoire  dés  emprunts  qu'ils  faisoient 
dans  une  autre  langue  pour  enrichir  la  leur;  ni  qja'ils  aient  pansé 
comme  quelques  grammairiens,  qui  sont  ravis  de  trouver  et  de 
conserver  dans  le  français  toutes  lés  lettres  qui  sont  dans  le  latin, 
sans  se  mettre  en  peine  de  l'incomodité  qu'elles  y  causent,  ni  de 
la  mauvaise  grâce  dont  elles  y  figurent.  Nos  pères  n'ont  assuré- 
mànt  point  pansé  à  tous  ces  petits  raisonemans  :  ils  se  sont  servis 
dés  lettres  pour  le  besoin,  et  si  leur  ortografe  aproche  plus  du  la- 
tin, c'est  que  leur  manière  de  parler  n'en  étoit  pas  si  éloignée 
qu'en  esf.  la  nôtre.  Ainsi,  je  suis  persuadé  que  ce  n'a  point  été 
rétimologie,  mais  la  prononciacion  de  ces  tamslà  qui  a  introduit 
toutes  ces  lettres,  qui  sont  devenues  inutiles,  lorsqu'on  s'est  avisé 
de  faire  dés  changemans  dans  la  prononciacion,  car  une  grande 
partie  de  nos  mots  se  prononçoient  autrefois  comme  ils  s'écrivent 
aujourdui.  Desorteque  ce  seroit  toujours  écrire  comme  on  écrivôit 
que  d'écrire  comme  on  prononce.  » 

Après  avoir  ainsi  donné  un  exemple  de  l'écriture  du  P.  Girard, 
il  me  reste  à  en  expliquer  les  détails.  L'auteur  reconnaît  trois  sor- 
tes d'à  :  Va  bref  ou  ordinaire,  comme  dans  parure,  amour,  canon  ; 
Va  long,  marqué  de  l'accent  circonflexe,  comme  dans  pâté,  pâques, 
mâtin,  et  l'a  adverbe,  marqué  par  un  accent  grave,  comme  dans 
ces  mots  à  Rome,  là,  au  delà,  promptemànt.  Il  est  regrettable  que 
le  docte  jésuite  n'ait  pas  admis  la  distinction  des  voyelles  na- 
sales de  l'abbé  Dangeau,  qui  lui  eût  fourni  une  simplification  or- 
thographique plus  rationnelle  que  l'accent  grave  placé  sur  cet  an. 
Il  écrit  complimant ,  contant ,  agrémant ,  parant,  acçant ,  tams, 
example,  tample,  réservant  la  forme  ent  pour  la  troisième  per- 
sonne du  pluriel  des  verbes  :  ils  chantent. 

Il  écrit  Anglais,  Hollandais,  Français,  au  lieu  de  Anglois,  Hol- 
landois,  François-,  connaître,  parçiitre,  au  lieu  de  connaître,  paraî- 
tre. S'il  conserve  oi  aux  imparfaits,  c'est  par  pur  amour  de  la  paix 
et  parce  que  «  ce  seroit  plutôt  témérité  que  courage  de  vouloir  l'en 
déloger.  » 

Il  n'admet  la  simplification  du  double  c  que  dans  quelques  mots, 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ  GIRARD.     263 

comme  acorder^  acoucher^  mais  il  restitue  à  cette  lettre  sa  place 
phonétique  dans  les  mots  où  t  se  prononce  c.  Il  écrit  donc  :  cau- 
cion,  créacion,  prononciacion,  Gracien,  quocien^  inieier,  primacie. 
Mais,  par  esprit  d'accommodement,  il  conserve  le  t  dans  ces  mots  : 
action^  distinction,  perfection,  examption,  exception,  où  il  est  pré- 
cédé d'un  c  ou  d'un;?.  Il  bannit  un  c  dans  les  mots  sçavoir,  sça- 
vant,  sciance^  scène,  contracta  sainct. 

Pour  remédier  à  l'incertitude  de  prononciation  du  ch^  il  le  con- 
serve seulement  dans  les  mots  charité,  cheminée,  chose,  etc.,  et  le 
remplace  par  le  k  dans  ceux  où  il  est  dur  au  lieu  d'être  aspiré.  Il 
écrit  donc  Mromancie  et  arkiépiscopal. 

Il  serait  trop  long  d'analyser  ici  le  chapitre  que  l'auteur  consa- 
cre à  la  lettre  e  et  les  articles  de  plusieurs  autres  lettres.  Je  note- 
rai cependant  son  opinion  sur  la  lettre  /  et  le  ph.  Il  conserve  le 
ph  dans  les  noms  propres  transcrits  du  grec  :  Phaéton,  Philippe, 
Phocas,  Céphale  ;  il  Tadmet  également  au  mot  philosophe,  où  il 
croit  qu'il  sied  à  merveille,  «  par  le  respect  que  nous  devons  avoir 
pour  les  sages  de  la  Grèce^  »  ainsi  que  dans  les  mots  où  il  est 
précédé  d'un  m,  comme  triompher,  nimphe,  simphonie.  Partout 
ailleurs  1'/  lui  suffit  :  exempl.  :  fantaisie,  fanatique,  ortografe,  pro- 
fane. 

Il  regrette  qu'on  n'ait  pas  inventé  encore  une  cédille  pour  dis- 
tinguer le  g  doux  dans  agir,  généreux,  obligeant,  geôlier,  gageure, 
an  g  dur,  dans  les  mots  languir,  guéridon,  Goliath,  guide. 

Quant  à  Vh,  il  ne  lui  reconnaît  pas  d'utilité  dans  les  mots  cré- 
tien,  cronique,  rétorique,  rûme,  auteur,  téatre,  téologie,  aujourdui. 
Il  la  maintient  au  commencement  des  syllabes  où  elle  est  d'usage, 
comme  dans  homme,  honête ,  hureux  (sic)  (1),  dehors,  souhait, 
haine, <i  avec  cependant  une  petite  marque  de  distinction  dans  lés 
occasions  où  elle  est  fortemànt  aspirée.  Cette  marque  sera  un 
point  placé  dans  le  çantre  de  cette  lettre.  » 

Lorsque  la  voyelle  i  est  suivie  d'un  l  mouillé,  il  récrit  avec  un 
tréma,  ex.  :  coquille,  fille,  sïllon,  péril,  habil,  gentil,  ce  qui  nous 
indique,  par  parenthèse,  que  ces  trois  derniers  mots,  surtout  le 
dernier,  se  prononçaient  en  1716  autrement  qu'aujourd'hui. 

(1)  Telle  était  la  prononciation  de  la  triphlhongue  eur  dans  quelques  parties 
de  la  France,  et  particulièrement  en  Normandie.  Voltaire  se  l'est  permise  dans  ces 
vers  : 

11  voit  les  murs  d'Anet  bâtis  aux  bords  de  l'Eure, 

Lui-mèrae  en  ordonna  la  superbe  structure. 


264    LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.- L'ARBÉ  GIRARD. 

Il  supprime  \'œ  dans  ces  mots  sœu7\  bœuf,  vœux,  qu'il  écrit  par 
un  e  simple  ;  seur,  beuf,  veux. 

Il  enlève  le  p  dans  temps,  baptême,  ptisane,  corps,  niepce,  qu'il 
orthographie  tams,  batéme,  tisane,  corps,  nièce;  nmsi\  le  garde 
dans  le  nombre  sept. 

Il  conserve  à  la  lettre  q  son  u,  qu'il  appelle  servile,  mais  il  dis- 
tingue par  un  point  supérieur  cet  u  lorsqu'il  se  fait  entendre, 
comme  ou  devant  a  :  aquatique,  éqûateur,  quadrature  et  comme 
u  devant  e  et  ^  dans  questeur,  Qûintilien,  Qûinquagcsime. 

Quand  le  r  ne  se  prononce  pas  à  la  fin  des  mots,  il  marque  d'un 
accent  aigu  Ye  qui  le  précède  :  singulier,  7nilliér,  particulier. 

La  suppression  de  Vs  dans  les  mots  connoistre,  maistre,  nais- 
tre,  gouster,  lui  fournit  l'occasion  d'une  observation  assez  ingé- 
nieuse. Le  digramme  ou  signe  binaire  ai  (qu'il  appelle  diftongue), 
étant  long  de  sa  nature,  il  est  inutile  d'employer  l'accent  circon- 
flexe, et  l'on  doit  écrire  simplement  conaitre,  mailre ,  naitre, 
ganter. 

Il  réclame  une  cédille  sous  le  x  dans  les  mots  examen,  exil, 
éxample,  où  cette  lettre  se  prononce  comme  gz . 

Il  exclut  l'emploi  de  l'y  dans  les  mots  mistique,  sistème,  hipo- 
tèque,  sintaxe,  sinode,  piramide,  hipocrite,  et  môme  dans  ceux-ci  : 
Baïeux,  Maïence, 

Le  petit  traité  de  l'abbé  Girard  fournit  matière  à  une  foule  d'au- 
tres remarques  intéressantes. 

Plan  d'une  ortographe  suivie^  pour  les  imprimeurs,  (Dans  les 
Mémoires  de  Trévoux,  août  1719.) 

«  L'ortographe  françoise  étant  fort  incertaine,  à  cause  de  l'u- 
sage différent  des  auteurs,  qui  en  ce  point  se  contrarient  les  uns 
les  autres  et  souvent  se  contrarient  eux-mêmes,  il  est  bon,  pour 
tirer  les  imprimeurs  d'embarras,  de  leur  fournir,  comme  ils  l'ont 
souvent  demandé,  des  régies  auxquelles  ils  puissent  s'attacher, 
pour  garder  dans  l'ortographe  la  commodité  et  l'uniformité  con- 
venable et  dont  ils  puissent  rendre  raison,  quand  ils  ne  seront 
pas  obligez  par  les  auteurs  d'en  user  autrement.  Ces  reflexions  ne 
seront  point  d'un  moindre  usage  pour  les  étrangers  qui  sont  en- 
core plus  embarrassez  sur  ce  point  que  nos  imprimeurs.  » 

Ces  réformes,  très-sages,  ont  presque  toutes  été  acceptées. 
Elles  consistent  : 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.— MÉM.  DE  TRÉVOUX.     265 

1»  Dans  la  suppression  de  Vs  dans  des  mots  de  ce  genre  :fai 
esté,  qu'il  fust,  les  forests,  que  l'auteur  écrit  été^  fut,  forêls, 

2»  Dans  l'emploi  de  l'accent  circonflexe  pour  remplacer  Vs 
supprimée  dans  ces  mots  :  tâcher,  fête,  aprcte, 

3°  «  Par  la  raison  de  l'usage  le  plus  étendu  et  le  plus  com- 
mode, on  supprimera  encore  toutes  les  consones  doubles  qui  ne 
se  prononcent  point  ;  ainsi  on  n'imprimera  point  infidellité,  ap- 
pel/er,  pardonnera,  mais  infidélité,  apeler,  pardonera,  parce  qu'on 
ne  prononce  qu'une  /  dans  les  deux  premiers  et  qu'une  n  dans  le 
dernier.  Il  faut  cependant  excepter  les  mots  fort  courts,  et  qui 
n'ont  qu'une  sillabe,  par  exemple,  elle,  donne,  comme  (l'e  muet 
n'est  pas  ici  considéré).  Il  faut  excepter  ces  monosillabes,  parce 
que  l'usage  n'a  point  encore  accoutumé  les  yeux  à  voir  écrire  ele, 
doue,  corne  :  or,  il  ne  faut  jamais  choquer  manifestement  l'usage.  » 

4°  Il  faut  supprimer  Vy  partout,  excepté  en  deux  ou  trois  mots 
où  l'usage  l'exige;  comme  quand  y  fait  seul  un  mot  :  je  vous  y 
trouve^  etc. 

5°  Il  faut  distinguer  dans  les  syllabes  finales  les  e  aigus,  dans 
assés  (sic),  placés,  des  è  qui  se  prononcent  ouverts  ;  accès,  pro- 
grès, etc. 

6<'  Il  faut  supprimer  Ve  dans  rendeu,  conceu,  aperceu,  qu'il 
faut  écrire  rendu,  conçu,  aperçu. 

7»  Il  ne  faut  employer  le  tréma  que  dans  le  cas  où  il  y  a  véri- 
tablement diérèse. 

8°  Il  faut  marquer  d'un  accent  aigu  tous  les  e  qui  ne  sont  pas 
muets,  comme  bonté,  dégénéré,  néteté  (sic). 

On  voit  que,  dès  l'année  qui  suivait  la  publication  de  la  seconde 
édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie,  on  introduisait  dans  les 
imprimeries  l'usage  qui  a  prévalu  en  grande  partie  vingt-un  ans 
plus  tard  dans  la  troisième. 

*  Méthode  du  sieur  Pierre  Py-Poulain  de  Launay,  ou  VArt 
d'apprendre  à  lire  le  François  et  le  Latin,  et  VOrtographe, 
par  un  nouveau  système  si  aisé  quon  y  fait  plus  de  pro- 
grès en  trois  mois  qu'en  trois  ans  par  la  manière  ordinaire. 
Paris,  1719,  in-12.  —  Pierre  Py-Poulain  de  Launay,  fils  du 
précédent.  Le  même  ouvrage  corrigé,  perfectionné  et  aug- 


206    LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ~  P.  DE  LONGUE. 

mente  considérablement  :  avec  des  .? flexions  sur  le  système 
du  bureau  Typographique ,  et  un  nouveuv  système  d'orto- 
graphe.  Paris,  1741,  in-12. 

Je  n'ai  pu  encore  voir  ce  petit  ouvrage.  Goujet  en  parle  ainsi  : 

«  Ceux  qui  en  ont  profité  sont  louables.  Il  est  certain  qu'en  réfor- 
naant  quelques  idées  de  cet  auteur  et  en  en  perfectionnant  quel- 
ques autres,  son  ouvrage  ne  pourroit  être  que  très-utile  aux 
commençans,  pour  la  prononciation  surtout  et  pour  Tortographe. 
Quand  il  présenta  sa  méthode  en  d713  à  M.  l'abbé  Bignon,  ce  sa- 
vant, après  l'avoir  examinée,  y  trouva  de  fort  grands  avantages 

et  applaudit  au  zélé  et  aux  vues  de  Fauteur L'abbé  d'Or- 

sanne,  chanoine  de  l'église  de  Paris  et  directeur  des  petites  écoles 
de  cette  ville,  lui  donna  aussi  son  suffrage,  et  l'expérience  a  mon- 
tré depuis  que  Ton  pouvoit  s'en  servir  avec  beaucoup  d'utilité. 

«  Je  ne  sçai,  au  reste,  sur  quoi  le  sieur  Py-Poulain  s'est  fondé, 
lorsqu'il  a  dit  que  le  célèbre  Jean  du  Vergier  de  Hauranne,  abbé 
de  Saint-Cyran,  avoit  eu  sur  ce  sujet  les  mêmes  idées  que  lui,  et 
lorsqu'il  fait  entendre  que  ce  ne  sont  proprement  que  les  idées  de 
cet  abbé  qu'il  développe.  Je  ne  connois  aucun  ouvrage  de  M.  de 
Saint-Cyran  sur  la  grammaire.  Je  sçai  seulement  qu'il  avoit  tou- 
jours eu  d'excellentes  vues  pour  l'éducation  de  la  jeunesse  et  qu'il 
les  communiqua  à  ceux  qui  se  chargèrent  de  son  tems  de  la  con- 
duite des  écoles  qui  ont  été  connues  sous  le  nom  d'écoles  de 
Port-Royal.  » 

L.  Pierre  de  Longue.  Principes  de  Uortographe  françoise^  ou 
réflexions  utiles  à  toutes  les  personnes  qui  aiment  à  écrire 
correctement,  Paris,  1725,  in-12. 

Dans  ce  traité,  très-estimable,  où  sont  discutés  les  principes  de 
l'orthographe  française,  l'auteur  donne  l'exemple  des  améliora- 
tions qu'on  y  peut  apporter.  La  manière  dont  son  texte  est  écrit 
peut  en  faire  juger  dès  le  début. 

«  Les  homes  ne  peuvent  se  contenter  dans  leurs  recherches.  Ils 
voudroient  trouver  la  perfection  dans  tous  les  arts,  la  vérité  dans 
toutes  les  siences,  le  souverain  bien  partout,  dans  les  vertus , 
dans  les  vices  même;  cette  agitation  continuelle  de  l'ame  ne 
prouve-t-elle  pas  l'immortalité  ? 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ  DE  S.-PIERRE.    267 

((  L'ortographe  est  donc  l'art  d'écrire  correctement  et  confor- 
mément aux  lois  que  l'usage  établit.  Suivant  cette  définition  gé- 
nérale, cette  sience  s'étendroit  plus  loin  qu'on  ne  le  croit.  Elle 
comprendroit  la  logtque,  la  rétorique,  toutes  les  connoissances 
qui  contribuent  à  nous  faire  bien  parler,  etconséquemment  à  nous 
faire  bien  écrire.  » 

II  écrit  silahe,  persone,  tiran,  reheles,  raisonement,  stile,  pou- 
roient,  Egiptien,  hieroglifes^  atentifs,  amphase^  voyèle,  ocasion  ^ 
atention  {{),  soufert,  dificulté,  batu,  consone,  hibliotèque,  acoutu- 
mer  y  suputer,  chifre,  honète,  etc. 

Gh.  Irénée  Gastel,  abbé  de  Saint-Pierre,  membre  de  l'Aca- 
démie française.  Discours  'pour  perfectioner  VOrtografe. 
(Dans  les  Mémoires  de  Trévoux,  février  1724,  et  dans  le 
Journal  des  Savans,  avril  1725.)  — Projet  pour  perfec- 
tionner Vortografe  des  langues  d Europe,  Paris,  Briasson, 
1730,  in-8  de  266  pp.  et  1  f. 

Dans  son  ardent  amour  de  l'humanité,  dans  son  zèle  pour  le  rap- 
prochement intellectuel  des  peupl.es  de  notre  continent,  le  bon 
abbé  de  Saint-Pierre  conçut,  près  d'un  siècle  avant  Volney,  le  plan 
d'une  écriture  et  d'une  orthographe  applicables  à  divers  peuples 
de  FEurope.  Il  ne  lui  fut  pas  donné  comme  à  son  successeur  de 
trouver  le  moyen  d'approprier  Palphabet  latin  aux  langues  de 
PAsie  dites  sémitiques.  L'étude  comparée  des  idiomes  était  à  peine 
ébauchée  au  commencement  du  siècle  passé.  L'ouvrage  d'Irénée 
Gastel,  faible  dans  la  conception  des  moyens  de  représentation 
phonétique,  n'en  renferme  pas  moins  des  vues  ingénieuses  et  des 
aperçus  qui  révèlent  la  sagacité  de  l'observateur.  Il  m'est  impos- 
sible de  figurer  ici  son  orthographe,  parce  que,  pour  déshabituer 
l'œil  de  son  lecteur  des  formes  traditionnelles,  il  écrit  alterna- 
tivement les  mots  par  les  différentes  lettres  qui  peuvent  en  figurer 
le  son.  Ce  procédé,  qu'il  considère  comme  un  acheminement  à  la 
réforme,  est  chez  lui  un  système. 

a  Quel  est  le  but  de  l'art  de  Portografe,  se  demande-t-il,  de 
«  cet  art  si  beau  et  si  précieux,  avec  lequel  nous  pouvons  faire  en- 
Ci)  Bossuet,  plus  logique,  écrivait  atantion,  atantat,  atantif^  atantivement. 


268   LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ  DE  S.-PIERRE. 

a  tendre  nos  sons  articulés,  c'est-à-dire  nos  paroles,  et  par  consé- 
«  quent  nos  pensées  à  ceux  qui  vivent  ou  qui  vivront  et  à  qui  nous 
«  ne  pouvons  parler  ?  Quelle  est  la  fin  de  cet  art  avec  le  secours  du- 
«  quel  nos  yeux  nous  servent  d^oreilleset  notre  main  nous  sert  de 
((  langue,  de  voix,  d'articulation,  en  un  mot  de  prononciation? 
«  Quel  est  le  but  de  cet  art  qu'un  de  nos  poètes  nous  peint  siélé- 
«  gamment  en  deux  vers  : 

c'est  de  Tyr  (1)  que  nous  vient  cet  art  ingénieux 
De  peindre  la  parole  et  de  parler  aux  yeux. 

«  Le  but  de  cet  art,  c'est  certainement  d'exprimer  exactement  et 
a  sans  laisser  aucun  doute,  par  un  petit  nombre  de  figures  simples, 
«  faciles  à  former  et  à  distinguer,  tous  les  mots  dont  les  hommes 
((  se  servent  en  parlant.  » 

Partant  de  cette  juste  définition,  l'auteur  remarque  avec  beau- 
coup de  raison  qu'il  y  a  un  grand  inconvénient  à  conserver  dans 
les  langues  des  lettres  qui  ne  se  prononcent  pas  :  si  Tenfant,  par 
exemple,  s'est  accoutumé  à  prononcer  abbé  comme  s'il  n'y  avait 
qu'un  seul  b,  arrivé  à  l'étude  du  latin,  il  prononcera,  en  vertu 
de  la  logique  naturelle  de  Tesprit,  abas,  au  lieu  de  abbas,  en  ita- 
lien abate  au  lieu  de  abbate;  en  même  temps,  en  français,  s'il  s'est 
habitué  à  lire  effet  comme  s'il  y  avait  éfet,  il  lira  effraijé,  comme 
s'il  y  avait  éfraijé. 

Cette  observation  est  très-judicieuse,  et  j'ai  signalé  plus  haut, 
ainsi  que  l'a  si  bien  fait  M.  Littré  (voir  p.  164),  l'action  de  l'écri- 
ture sur  la  prononciation,  qu'elle  altère  à  la  longue. 

Dans  son  Discours  pour  perfectioner  l'ortografe  l'auteur  envi- 
sage historiquement  les  vicissitudes  de  l'écriture  française  :  «  Si 
dans  l'origine,  dit-il,  on  a  prononcé  le  mot  sentir  comme  on  pro- 
nonce en  latin  sentire,  on  a  dû  écrire  ce  mot  comme  on  le  pro- 
nonçoit,  pare,  mais  nous  devons  aujourd'hui  l'écrire  comme  nous 
le  prononçons.  » 

Il  croit  que  la  langue  était  beaucoup  moins  riche  trois  ou  quatre 
cents  ans  auparavant,  mais  que  l'orthographe  de  cette  époque 

(1)  La  science  moderne  a  démontré,  contrairement  au  témoignage  de  la  plupart 
des  historiens  de  l'antiquité,  et  à  l'aide  de  monuments  irrécusables ,  que  l'alpha- 
bet n'avait  pas  été  inventé  par  les  Phéniciens ,  et  que  ceux-ci  l'avaient  reçu  de 
Babylone  ou  de  Ninive.  (Voir  Noël  des  Vergers,  VÉtrurie  et  les  fitrusques, 
t.  III,  Appendice  sur  l'histoire  de  l'écriture.) 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABRÉ  DE  S.-PIERRE.    269 

était  beaucoup  meilleure  que  la  nôtre,  c'est-à-dire  qu'elle  res- 
semblait beaucoup  plus  à  la  manière  de  prononcer  alors  en  usage. 

Il  recherche  les  causes  des  dissidences  orthographiques  :  «  Si 
({  dans  notre  ortographe  les  François  avoient  suivi  peu  à  peu  et 
«  exactement  les  changemens  qui  arrivoient  peu  à  peu  dans  lapro- 
«  nonciation  de  quelques  mots,  notre  ortografe  d'aujourd'hui  se- 
«  roit  bien  moins  imparfaite;  mais,  sans  y  faire  de  réflexion,  nous 
c(  avons  continué  à  écrire  les  mêmes  mots  de  la  même  manière 
«  que  nos  aïeux,  sans  songer  qu'ils  les  prononçoient  d'une  manière 
«  très  différente  de  celle  dont  nous  les  prononçons.  » 

Il  a  connu,  dit-il,  des  vieillards  qui  prononçaient  je  courais 
comme  une  couroije.  La  prononciation  a  changé,  ne  serait-il  pas 
raisonnable  de  changer  également  l'écriture?  Mais  on  ne  peut  le 
faire  que  par  degrés.  L'auteur  développe  cette  dernière  propo- 
sition avec  beaucoup  de  force  et  de  raison. 

Il  y  a  cinquante  ou  soixante  ans,  ajoute-t-il,  on  a  commencé  à 
changer  quelque  chose  dans  l'écriture  de  peur  qu'elle  ne  ressem- 
blât presque  plus  à  la  fin  à  celle  d'aujourd'hui.  Plusieurs  ont 
même  ôté  depuis  quelques  lettres  que  l'on  avait  gardées  unique- 
ment pour  faire  connaître  les  origines  :  ils  ont  écrit  sience,  apren- 
dre,  filosof e ,  saint  et  non  saincl;  ils  ont  ainsi  en  diverses  occasions 
retranché  certaines  lettres  qui  ne  se  prononçaient  plus  ou  ne 
s'étaient  jamais  prononcées. 

«  Dès  que  l'on  veut  bien  écouter  la  raison  contre  la  mauvaise 
cotitume,  on  sent  que  ces  premiers  novateurs  sur  l'ortografe  ont 
déjà  rendu  un  grand  service  à  notre  langue  d'écriture  en  tâchant 
de  la  faire  insensiblement  ressembler  davantage  à  notre  langue  de 
prononciation. 

«  Kien  ne  se  perfectione  sans  nouveauté,  et  il  est  de  la  nature 
des  ouvrages  humains  de  pouvoir  toujours  se  perfectionner.  » 

Il  résunne  ainsi  les  cinq  sources  de  la  corruption  présente  et  de 
la  corruption  future  de  l'orthographe  et  les  cinq  inconvénients  aux- 
quels il  se  propose  de  remédier  : 

«  1°  Négligence  à  suivre  dans  Torthografe  les  changemens  qui 
«  arrivent  dans  la  prononciation  ; 


270        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  JACQUIER. 

((  2°  Négligence  à  inventer  autant  de  figures  qu'il  y  a  de  sons  et 
«  d'articulations  connues; 

«  3°  Négligence  à  donner  quelques  marques  aux  lettres  quand 
«  on  les  employait  à  quelque  autre  fonction  qu'à  leur  fonction 
«  ordinaire; 

«  4"  Négligence  à  marquer  dans  chaque  mot  les  lettres  qui  ne 
((  s'y  prononcent  plus  ; 

«  5°  Négligence  à  marquer  les  voyelles  longues.  » 

Malheureusement,  l'abbé  de  Saint-Pierre,  n'ayant  pas  réfléchi 
aux  nécessités  de  l'écriture  courante  et  de  la  typographie,  a  eu  re- 
cours pour  fixer  la  valeur  des  lettres,  et  comme  moyen  transitoire, 
à  un  système  de  petits  traits  placés  au-dessus  ou  au-dessous  de  la 
ligne  et  dont  la  complication  devait  rendre  sa  réforme  impraticable. 


Maurice  Jacquier.  Méthode  très- facile  pour  apprendre  Forto- 
graphe  à  ceux  ou  celles  qui  n'ont  pas  étudié  le  latin^  et 
utile  aux  personnes  qui  ont  la  connoissance  des  belles  let- 
tres. Paris,  1725,  in-8.  La  quatrième  et  la  cinquième  édi- 
tion de  cet  ouvrage  parurent  sous  ce  titre  :  La  méthode 
pour  étudier  et  pour  enseigner  Vortographe  et  la  langue 
françoise^  mise  à  la  portée  de  toutes  sortes  de  personnes  de 
Vun  et  de  Vautre  sexe.  Paris,  1740,  pet.  in-8  ;  La  Haye  et 
Francfort,  Jean  van  Duren,  1742,  pet.  in-8  de  400  pp. 
(Elles  diffèrent  des  précédentes  par  la  méthode  d'enseigne- 
ment et  ont  été  augmentées  d'une  table  en  forme  de  dic- 
tionnaire.) Une  autre  cinquième  édition  sensiblement  modi- 
fiée parut  sous  ce  titre  :  Méthode  pour  aprendre  Vorto- 
graphe et  la  langue  françoise  par  principes.  Cinquième 
édition,  la  seule  dont  on  puisse  se  servir  utilement.  Paris, 
1751,  in-8  de  2  ff.  et  332  pp. 

La  méthode  de  l'auteur,  établie  sur  le  son,  sur  les  principes  et 
sur  l'usage,  échappe  à  toute  analyse.  Il  se  prononce  fortement 
contre  le  maintien  des  lettres  étymologiques  dans  les  mots  dérivés 
du  grec.  Ce  n'est  du  reste  qu'un  livre  d'enseignement  de  l'ortho- 
graphe d'usage. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DU  MARSAIS.     271 

Gheneau,  sieur  Du  Mars  aïs.  Des  Tropes  ou  des  diférens  sens 
dans  lesquels  on  peut  prendre  un  même  mot  dans  mie 
même  langue.  Troisième  édition.  Paris,  Prault,  1775,  in-12 
de  XXII -362  pp.  et  4  ff.  (La  première  édition  est  de  1730.) 

Le  célèbre  auteur  des  Tropes  s'exprime  ainsi  : 

«  La  prononciation,  c'est  un  usage',  récriture,  c'est  un  art.  Tout 
art  a  sa  fin  et  ses  principes,  et  nous  sommes  en  droit  de  repré- 
senter, à  propos  de  l'écriture,  qu'on  ne  suit  pas  les  principes  de 
l'art,  qu'on  n'en  remplit  pas  la  fin,  et  qu'on  ne  prend  pas  les 
moyens  propres  pour  arriver  à  cette  fin. 

((  Il  est  évident  que  notre  alphabet  est  défectueux,  en  ce  qu'il 
n'a  pas  autant  de  caractères  que  nous  avons  de  sons  dans  notre 
prononciation.  Ainsi,  ce  que  nos  pères  firent  autrefois,  quand  ils 
voulurent  établir  l'art  d'écrire,  nous  sommes  en  droit  de  le  faire 
aujourd'hui  pour  perfectionner  ce  même  art,  et  nous  pouvons  in- 
venter un  alphabet  qui  rectifie  tout  ce  que  Fancien  a  de  défectueux . 

((  L'écriture  n'a  été  inventée  que  pour  indiquer  la  prononcia- 
tion ;  elle  ne  doit  que  peindre  la  parole,  qui  est  son  original  ;  elle 
ne  doit  pas  en  doubler  les  traits,  ni  lui  en  donner  qu'elle  n'a  pas, 
ni  s'obstiner  à  la  peindre  à  présent  telle  qu'elle  était  il  y  a  plu- 
sieurs siècles.  )) 

D'Alembert  énonce  ainsi  son  opinion  sur  l'ouvrage  de  Du  Mar- 
sais  :  «Tout  mérite  d'être  lu  dans  le  Traité  des  tropes^  jusqu'à 
«  Verrata-^  il  contient  des  réflexions  sur  notre  orthographe,  sur 
«  ses  bizarreries,  ses  inconséquences  et  ses  variations.  On  voit 
«  dans  ces  réflexions  un  écrivain  judicieux,  également  éloigné  de 
«  respecter  superstitieusement  l'usage  et  de  le  heurter  en  tout 
«  par  une  réforme  impraticable.  »  (Éloge  de  Du  Marsais,  dans  le 
t.  VII  de  V Encyclopédie,) 

Voici  cet  errata  dont  parle  d'Alembert  (1)  : 

«  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  de  fautes  typographiques  dans  cet 
ouvrage  par  l'atention  des  imprimeurs,  ou,  s'il  y  en  a,  elles  ne 
sont  pas  bien  considérables.  Cependant,  come  il  n'y  a  point  en- 
core en  France  de  manière  uniforme  d'orthographier,  je  ne  doute 

(1)  Je  crois  que  l'enata  dont  il  est  question  ne  se  trouve  que  dans  celte  édi- 
tion que  je  possède.  On  a  eu  grand  tort  de  le  supprimer  dans  les  éditions  pos- 
térieures. 


272     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DU  RJARSAIS. 

pas-que  chacun,  selon  ses  préjugés,  ne  trouve  ici  un  grand  nom- 
bre de  fautes. 

•  c(  Mais,  1^  mon  cher  lecteur,  avez-vous  jamais  médité  sur  l'or- 
thographe? Si  vous  n'avez  point  fait  de  réflexions  sérieuses  sur 
celte  partie  de  la  Grammaire,  si  vous  n'avez  qu'une  orthographe 
de  hazard  et  d'habitude,  permettez-moi  de  vous  prier  de  ne  point 
vous  arêter  à  la  manière  dont  ce  livre  est  orthographié^  vous  vous 
y  acoutumerez  insensiblement. 

((  2°  Êtes- vous  partisan  de  ce  qu'on  apèle  anciène  orthographe? 
Prenez  donc  la  peine  de  mettre  des  lettres  doubles  qui  ne  se  pro- 
noncent point,  dans  tous  les  mots  que  vous  trouverez  écrits  sans 
ces  doubles  lettres.  Ainsi,  quoique  selon  vos  principes  il  faille 
avoir  égard  à  Pétymologie  en  écrivant,  et  que  tous  nos  anciens 
auteurs,  tels  que  Villehardouin,  plus  proches  des  sources  que 
nous,  écrivissent  home  de  homo,  persone  de  persona,  honeur  de 
honor,  doner  de  donare,  naturéle  de  naturalisa  etc. ,  cependant 
ajoutez  un  m  à  home  et  doublez  les  autres  consones,  malgré  l'éty- 
mologie  et  la  prononciation,  et  donez  le  nom  de  novateurs  à  ceux 
qui  suivent  l'anciène  pratique. 

«  Ils  vous  diront  peut-être  que  les  lettres  sont  des  signes,  que 
tout  signe  doit  signifier  quelque  chose,  qu'ainsi  une  lettre  double 
qui  ne  marque  ni  l'étymologie  ni  la  prononciation  d'un  mot  est 
un  signe  qui  ne  signifie  rien,  n'importe  :  ajoutez-les  toujours,  sa- 
tisfaites vos  yeux,  je  ne  veux  rien  qui  vous  blesse,  et  pourvu  que 
vous  vous  douiez  la  peine  d^entrer  dans  le  sens  de  mes  paroles, 
vous  pouvez  faire  tout  ce  qu'il  vous  plaira  des  signes  qui  servent 
à  l'exprimer. 

((  Vous  me  direz  peut-être  que  je  me  suis  écarté  de  l'usage 
présent  :  mais  je  vous  suplie  d'observer  : 

«  1.  Que  je  n'ai  aucune  manière  d'écrire  qui  me  soit  particulière 
et  qui  ne  soit  autorisée  par  l'exemple  de  plusieurs  auteurs  de  ré- 
putation. 

((  2.  Le  P.  Bufier  prétend  même  que  le  grand  nombre  des  au- 
teurs suit  aujourd'hui  la  nouvèle  orthographe,  c'est-à-dire  qu'on 
iie  suit  plus  exactement  l'anciène.  J'ai  trouvé  la  nouvèle  ortho- 
graphe,  dit-il  (Grammaire  françoise,  p.  388),  dans  plus  des  deux 
tiers  des  livres  qui  s'impriment  depuis  dix  ans.  Le  P.  Bufier 
nome  les  auteurs  de  ces  livres.  Le  P.  Sanadon  ajoute  que  depuis 
la  suputation  du  P.  Bufier  le  nombre  des  partisans  de  la  nouvèle 
orthographe  s  est  beaucoup  augmenté  et  s'augmente  encore  tous  les 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DUMAS.  273 

jours  [Poésies  d'Horace,  préface,  p.  xvii  (2)].  Ainsi,  mon  cher  lec- 
teur, je  conviens  que  je  m'éloigne  de  voire  usage;  mais,  selon  le 
P.  Bufier  et  le  P.  Sanadon,  je  me  conforme  à  Tusage  le  plus  suivi. 

((  3.  Êtes- vous  partisan  de  la  nouvèle  orthographe?  vous  trou- 
verez ici  à  réformer. 

«  Le  parti  de  l'anciène  orthographe  et  celui  de  la  nouvèle  se 
subdivisent  en  bien  des  branches  :  de  quelque  côté  que  vous 
soyez^  retranchez  ou  ajoutez  toutes  les  lettres  qu'il  vous  plaira, 
et  ne  me  condânez  qu'après  que  vous  auriez  vu  mes  raisons  dans 
mon  Traité  de  Vortographe  (sic).  » 

La  Bibliotèque  des  enfans,  ou  les  premiers  elemens  des  letres, 
contenant  le  sistême  du  Bureau  tipografique,  etc. ,  à  l'usage 
de  M^''  le  Dauphin  et  des  augustes  en/ans  de  France,  Paris, 
Pierre  Simon,  1733,  4  vol.  in-4. 

Dans  cet  important  ouvrage,  la  pratique  est  unie  à  la  théorie, 
puisqu'il  est  entièrement  imprimé  dans  le  système  d'écriture  très- 
simplitié  mis  au  jour  par  le  Bureau  typographique.  L'alphabet 
n'y  est  en  rien  altéré.  On  voit  que  le  succès  obtenu  dans  l'ensei- 
gnement de  la  jeunesse  fut  remarquable,  car  il  est  consigné  dans 
les  actes  déposés  au  greffe  de  la  juridiction  de  M.  le  chantre  de 
l'Église  de  Paris,  où  on  lit  : 

«  Nous,  après  avoir  entendu  l'auteur  et  vu  les  enfants  travailler 
«  audit  bureau,  aïant  examiné  le  tout  avec  exactitude,  avons  jugé 
«  ledit  système  très  ingénieus,  fort  propre  à  avancer  la  jeunesse 
«  sans  la  dégoûter  et  très  capable  d'oter  les  épines  qui  se  trou- 
ce  vent,  surtout  en  aprenant  aux  enfans  les  premiers  elemens. 
«  C'est  pourquoi  nous  estimons  et  croyons  que  monsieur  le  chan- 
«  tre  peut  permettre  la  pratique  de  ce  sistème  et  l'exercice  du 
«  Bureau  tipographique  dans  les  écoles  de  sa  juridiction  et 
c(  exhorter  les  maistres  à  le  pratiquer,  etc.  » 

On  peut  juger  de  ce  système  d'orthographe  dès  le  début  du  livre, 
que  je  crois  rédigé  par  Dumas,  fondateur  du  Bureau  typographique  : 

c(  Bien  des  gens  s'imaginent  que  de  comancer  deus  ou  trois 

(1)  Le  p.  Sanadon  a  suivi  une  orthographe  simplifiée  dans  l'éditioi»  qu'il  a  don- 
née de  sa  traduction  d'Horace,  et  j'ai  le  droit  de  le  faire  figurer  parmi  les  réfor- 
mateurs. 

18 


274         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -   DUMAS. 

«  ans  plus  tôt  ou  plus  tard,  cela  ne  sauroit  guère  influer  ni  en  bien 
«  ni  en  mal  dans  le  reste  de  la  vie,  et  qu'enfin  l'éducation  tardive 
«  peut  mener  également  à  la  perfection.  C'est  là  un  préjugé  que  Ti- 
«  gnorance  et  la  coutume  paroissent  n'avoir  déjà  que  trop  autorizé  ; 
((  car  le  dégoût  de  la  plupart  des  écoliers  ne  vient  peut  être  pas 
«  moins  d'une  éducation  tardive  que  d'un  défaut  de  disposition 
«  aus  lètres.  Je  pense  donc  qu'il  seroit  utile  que  l'enfant  pût  lire 
«  presque  aussitôt  qu'il  sait  parler  :  cela  lui  doiieroit  plus  de  fa- 
((  cilité  dans  tous  ses  exercices.  La  diference  d'un  enfant  qui  lit  à 
((  trois  ans  et  de  celui  qui  à  peine  lit  à  sèl  doit  être  contée  pour 
«  beaucoup  dans  la  suite  des  études.  Il  y  a  tant  de  choses  à  apren- 
«  dre  qu'on  ne  sauroit  comancer  trop  tôt.  »  L'auteur  cite  à  ce 
propos  l'exemple  du  Tasse  :  il  apprenait  la  grammaire  à  trois 
ans,  et  avec  un  tel  succès  que  son  père  l'envoya  au  collège  des  jé- 
suites à  quatre  ans. 

L'auteur  donne  des  exemples  de  la  multiplicité  des  manières 
dont  l'enfant  est  contraint  de  figurer  un  même  son  : 


Son  AN. 


an, 

anCf 

and, 

ang, 

ham, 

han^ 

ans, 

ant, 

antSj 

atn, 

aon. 


(annus) 

franc 

quand 

rang 

Ham 

hanter 

dans 

tant 

enfants 

Caen 

Laon 


ean, 

em, 

emp, 

emps, 

empt, 

en, 

end, 

ens, 

ent, 

han, 

hen. 


Jean 

empire 

exempte 

temps 

exempt 

ennui 

il  rend 

sens 

dent 

Rohan 

Henri 


Son  IN. 


en, 

ens, 

ent, 

ein, 

eing, 

eint, 

aim, 

ain, 

aine, 

aint, 

ains, 

im. 


rien 

biens 

il  vient 

sein 

seing 

feint 

faim 

vain 

il  vainc 

saint 

bains 

guimpe 


^n,        vm 

inct,     instinct 

ingt,     vingt 

ingts,   quatre-vingts 

inq,      cinq 

tu  vins 

il  prévint 

lymphe 

lynx 

Reims 

craindre 


ms, 
int, 
ym, 

eim. 


ain. 


Ce  précieux  ouvrage  contient  le  germe  de  nombreuses  amélio- 
rations des  méthodes  d'enseignement  de  la  langue. 


Le  Précepteur j  c'est-à-dire  huit  traités,  savoir  une  gram- 
maire francèse^  une  ortografe  francèse,  etc.,  1750,  in-4 
(pp.  1-132). 

L'auteur  de  ce  livre  destiné  à  l'instruction  de  la  jeunesse  se  pro- 
nonce pour  l'orthographe  conforme  à  la  prononciation^  et  il  con- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  275 

seille  de  s'avancer  progressivement  dans  cette  voie  par  des  ré- 
formes partielles. 

((  Autrefois,  dit-il  (p.  33),  la  prononciation  des  mots  et  Portografe 
étoient  conformes  ;  la  prononciation  a  changé,  elle  est  devenue 
plus  douce  et  plus  polie  :  Fortografe  est  presque  demeurée  dans 
le  même  état  ;  il  faut  donc  l'ajuster  à  la  prononciation  peu  à  peu 
autant  qu^il  sera  possible.  » 

Et  plus  loin  (p.  55)  : 

a  On  perfectionne  tous  les  jours  les  sciences  et  les  ars  :  pourquoi 
s'obstine-t-on  à  ne  vouloir  pas  perfectionner  l'ortografe  francèse, 
qui  est  si  nécessaire,  si  utile  et  si  en  usage?  Tout  le  monde  reçoit 
avidement  toutes  les  modes  nouvelles  de  s^abiller,  de  se  meubler, 
de  bâtir,  d'agir,  quoique  mauvaises  et  embarassantes  :  pourquoi 
refuse-t-on  de  recevoir  une  nouvelle  manière  d'écrire  plus  raiso- 
nable  et  plus  avantageuse  que  la  vieille?  » 

Dans  les  Règles  particulières  de  Vortografe  francèse,  il  s^attache 
au  système  proposé  par  Richelet,  qu'il  appelle  le  chef  des  réfor- 
mateurs de  Vortografe,  qui  consulte  plutôt  la  prononciation  que 
Vétimologie, 

A  ce  propos,  il  dit  : 

c(  Quant  une  coutume  est  mauvaise,  pernicieuse,  il  faut  la  quit- 
ter, quoique  cela  soit  difficile,  parce  que  cette  coutume  est  un 
abus;  c'est  là  une  maxime  reçue  de  tous  les  omes.  » 

Il  supprime  les  lettres  doubles  qu'on  ne  prononce  pas  ;  p.  ex.  : 
acabler,  épé,  aler,  arèf; 

Les  consonnes  finales  muettes;  p.  ex.  :  blan,  canar; 

Il  omet  Ye  devant  Va  ;  p.  ex.  :  bau,  Jan,  et  o  devant  eu;  p.  ex.  : 
euf,  euvre. 

Il  retranche  Vr  final  de  tous  les  noms  terminés  en  er  et  ier, 
sauf  les  verbes  et  les  mots  dont  Vr  final  se  lie  au  mot  suivant 
commençant  par  une  voyelle  ;  p.  ex.  ;  charbonié,  premier  orne. 

Il  supprime  à  tort  le  s  devant  le  c;  p.  ex.  :  acendant;  il  aban- 
donne aussi  le  h  étymologique  et  le  trait  d'union. 


276     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DE  WAILLY. 

De  Wailly.  Principes  généraux  et  particuliers  de  la  langue 
française,  avec  les  moyens  de  simplifier  notre  orthographe^ 
des  remarques  sur  les  lètres,  la  prononciation^  la  proso- 
die^ la  ponctuation,  F  orthographe  et  un  abrégé  de  la  versi- 
fication française.  Paris,  1754,  in-12;7'^édit.,  ibid.,  J.  Bar- 
bou,  1773,  in-12  de  600  pp.  (Souvent  réimprimé.)  —  De 
r  Orthographe.  Paris,  1771,  in-12.  — U Orthographe  des 
darnes^  ou  l'orthographe  fondée  sur  la  bonne  prononcia- 
tion ,  démontrée  la  seule  raisonnable ,  par  une  société  de 
dames  (sans  nom  d'auteur).  Paris,  Mérigot  le  jeune,  1782, 
in-12  de  vm  et  360  pp. 

Dans  le  petit  traité  anonyme  de  VOrthographe  des  dames,  de 
Wailly  embrasse  de  la  manière  la  plus  nette  toutes  les  parties  de 
la  réforme.  Voici  l'analyse  de  quelques-unes  des  critiques  qu'il 
adresse  à  l'écriture  de  son  temps. 

«  II.  Dans  un  grand  nombre  de  mots,  dit-il,  on  double  les  con- 
sonnes contre  l'étytnologie  et  la  prononciation.  » 

Ex.  Candela,  chandelle;  scala,  échelle;  tutela,  tutelle;  par^/- 
cula,  parcelle;  crudelis,  cruelle;  mortalis,  mortelle;  donare, 
donner,  donneur,  s'adonner;  nominare,  nommer,  surnommer, 
dénommer;  hutyrum,  beurre;  batuere,  battre. 

Au  contraire,  à  cause  de  Pétymologie,  on  écrit  :  égale  d'œqualis, 
capitale  de  capitalis,  vile  de  vilis,  subtile  de  subiilis,  puérile  de 
puerilis ,  crédule  de  credulus,  érysipèle  d'erysipelas,  parallèle  de 
parallelus. 

«  m.  Dans  les  dérivés  de  ces  mots,  on  se  conforme  à  Vétymologie 
et  à  la  prononciation,  » 

«  IV.  Le  sentiment  des  grammairiens  qui  disent  que  si  Von  re- 
double la  consonne,  c'est  pour  avertir  que  la  voyelle  précédente  est 
brève,  nous  paroît  faux ,  inutile ,  déraisonnable.  » 

c(  1»  Cette  opinion  est  fausse,  puisque  nous  avons  beaucoup  de 
syllabes  longues,  quoique  la  voyelle  soit  suivie  d'une  double  con- 
sonne :  ex.,  flamme,  manne,  condamîie ,  barre ,  terre,  squirre  (sic), 
bataille,  raille,  bâillon  (sic),  basse,  que  je  donnasse,  que  je  pro- 
misse, que  je  lusse,  il  cesse,  etc. 

«  T  Elle  est  inutile,  puisque  nous  avons  un  très-grand  nombre 
de  syllabes  brèves,  quoique  la  voyelle  ne  soit  pas  suivie  d'une 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DE  WAILLY.     277 

consonne  redoublée  :  arabe,  syllabe,  robe,  préface^  audace,  façade^ 
carafe,  rigole,  ridicule,  capitaine,  phénomène,  Rome,  pape,  etc. 

a  3°  Elle  est  déraisonnable.  La  réduplication  des  consonnes 
auroit  du  plutôt  servir  à  allonger  les  syllabes.  C'est  ainsi  que  la 
réduplication  des  voyelles  étoit  autrefois  un  signe  de  longueur. 
On  écrivoit  aage,  beeler,  roole;  on  employoit  aussi  Vs  pour  le 
même  usage  :  asne,  feste,  épistre,  apostre,  fluste.  On  écrit  avec 
l'accent  long  âge,  bêler,  rôle,  âne,  fête,  épître,  apôtre,  flûte.  Nous 
espérons,  Messieurs  (ajoutent  les  dames),  qu'en  faveur  de  la  pro- 
nonciation et  de  l'uniformité,  vous  supprimerez  de  même  une  des 
deux  consonnes,  puisque  la  règle  qui  prescrivoit  la  réduplication 
est  fausse,  inutile,  déraisonnable. 

«  Dans  le  latin,  toute  voyelle  suivie  d'une  consonne  redoublée 
est  longue  :  ainsi  la  syllabe  fe,  qui  est  brève  dans  fero,  aufero, 
devient  longue  dans  ferre,  auferre,  etc.  » 

Wailly  demande  que  l'on  emploie  exclusivement  Paccent  cir- 
conflexe à  marquer  la  longueur  des  syllabes.  On  écrirait  donc  la 
tête  et  il  tète,  la  pâte  et  la  pâte,  occasionel,  il  occasione,  la  prune, 
il  débute,  il  plaît,  il  paît.  Toute  voyelle  non  accentuée  du  circon- 
flexe serait  réputée  brève.  H  faut  lire  tout  cet  excellent  chapitre 
dans  l'ouvrage  même. 

((  V.  Dana  une  grande  quantité  d'autres  mots,  Vétymologie,  ou 
VRAIE  ou  PRÉTENDUE,  fait  employer  des  lettres  en  dépit  de  la  pro- 
nonciation, ù 

«  VL  La  prononciation,  à  son  tour,  fait  supprimer,  malgré  l'é- 
tymologie,  plusieurs  lettres  d'une  autre  foule  de  mots, 

«  Pour  plaire  à  Pétymologie,  on  écrivoit  autrefois  :  saoul,  saouler, 
saoulard,  abbaisser,  abboyer,  abbréger  ;  conflict,  contract,  sainct, 
défunct;  adjouster,  advocat^  aggrandir,  aggréger  ;  eschole,  mé- 
chanique,  patriarchal,  paschal,  cognoistre,  prognostiquer,  aultre, 
aulne,  faulcon,  poulmon,  soulphre,  mammelle,  convent,  asnon, 
chastiment,  espier,  estre,  chrestien,  apostre^  etc.  On  écrivoit  aussi 
aage,  beeler,  roole,  campaigne,  gaigner,  reigle,  vuide,  vuider,  etc. 
Aujourd'hui  l'Académie  et  les  meilleurs  auteurs  suivent  pour  ces 
mots  et  une  infinité  d'autres  les  lois  de  la  prononciation  ;  ils  en 
ôtent  les  voyelles  et  les  consonnes  qui  ne  s'y  prononcent  plus. . . 
En  un  mot,  il  n'y  a  pas  une  lettre  dans  Palphabet  que  l'on  n'ait 
supprimée  d'un  très-grand  nombre  de  mots,  parce  qu'on  ne  les  y 
prononce  plus.  » 


278     LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DE  WAILLY. 

«  Vn.  Dans  les  mêmes  7nots,  Vétymologie  fait  conserver  une  lettre 
malgré  la  prononciation,  et  à  son  tour  la  prononciation  en  fait  re- 
trancher une  ou  plusieurs  autres,  malgré  l'étymologie,  » 

L'auteur,  après  avoir  établi  sa  proposition  par  de  nombreuses 
preuves,  demande  qu'on  écrive  d'une  manière  uniforme  :  apeler, 
yapèle,  tu  apèles,  il  apèle,  nous  apelons,  vous  apelez,  ils  apèleyit  ; 
iejète,  etc.  ;  nous  prenons,  vous  prenez,  ils  prènent  ;  nous  tenons, 
ils  tiènent;  étincèlemant,  chancèlemant,  renouvèlemant,  démantèle- 
mant,  décèlemant,  chancelier^  chancèlerie,  gabeleur,  gabèle,  etc. 

«  Pourquoi,  après  avoir  écrit  avec  une  seule  r  courir,  coureur, 
coureuse,  chariage,  charier,  chariot,  etc.,  en  met-on  deux  dans 
courrier,  courriere,  charretée,  charrette,  charroi,  charron,  etc.  ? 

«  VÏIL  Après  avoir  écrit  un  grand  nombre  de  mots  d'une  ma- 
nière conforme  à  Vétymologie  et  à  la  prononciation  y  vous  en  écri- 
vez une  très-grande  quantité  d'autres  analogues  à  ceux-ci  d'une 
manière  contraire  à  l'étymologie,  à  la  prononciation  ou  à  Vana- 
logie.  » 

L'auteur  appuie  cette  assertion  d'un  grand  nombre  d'exemples 
et  il  demande  que,  selon  la  raison  et  l'uniformité,  on  écrive  :  èle 
est  cruèle,  la  dentelé,  la  voyèle,  corne,  home  ou  orne,  courone, 
couroner,  persone,  actioner  ou  accioner,  diccionêrcy  abandoner, 
personel,sérure,  iXpoura,  alouète,  amulèie,  barète,  sote,  sotise,  eic. 

«  IX.  Sans  que  la  prononciation  l'exige,  vous  écrivez  d'une  ma- 
nière différente  des  mots  dérivés  les  uns  des  autres,  » 

Suivent  les  exemples  :  d'un  côté,  abatage,  abatis,  abatant;  de 
l'autre,  abattement,  abatteur,  abattre,  abattures,  etc. 

«  X.  Vous  orthographiez  d'autres  mots  de  la  même  façon,  quoique 
la  prononciation  exige  qu'ils  soient  écrits  différemment.  » 

Je  citerai  entre  autres  exemples  :  août,  aoûté,  femme  et  femme- 
lette, innocent  et  innover,  année  et  annuité,  solennel,  solennité. 

«  XIV.  Votre  orthographe  actuelle  n'a  presque  point  de  règle  qui 
n'ait  ses  exceptions,  exceptions  qui  ont  elles-mêmes  les  leurs. 

«  Une  règle  de  votre  orthographe  dit  que  pour  former  du  mas- 
culin le  féminin  dans  les  adjectifs  qui  se  terminent  par  une  con- 
sonne, on  ajoute  au  féminin  un  e  muet.  » 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DE  WAH.LY.     279 

Exception.  Les  adjectifs  en  el,  ol,  ut,  eil,  an,  ien,  on,  at,  et, 
ot,  etc.,  doublent  la  consonne  finale.  Ex.  :  cruel,  cruelley  mortel, 
mortelle  (malgré  le  latin  crudelis,  mortalis),  fol,  folle  (quoique  l'A- 
cadémie écrive  folie,  folichon,  folâtre)  ;  nul,  nulle  ;  paysan,  paij- 
sanne  (malgré  le  latin  paganus);  parisien,  parisienne  (malgré  pa- 
risinus)  ;  bon,  bonne  (malgré  bonus  et  bonifier)  ;  net,  nette  (malgré 
nitidus)  ;  sujet,  sujette  (malgré  subjectus  et  sujétion). 

Exception  de  l'exception.  Océan  fait  océane;  mahométan,  ma- 
hométane  ;  espagnol,  espagnole  ;  délicat,  délicate  ;  nacarat,  naca- 
rate\  complet,  complète-,  discret,  discrète,  bigot,  bigote-,  dévot, 
dévote  \  brut,  brute,  etc.  Quel  inconvénient  y  auroit-il,  ajoutent 
les  dames,  d'écrire,  sans  doubler  la  consonne,  cruèle,  mortèle, 
fidèle,  foie,  mole,  nule,  péisane,  anciène,  parisiène,  bone,  barone, 
boufone,  nète,  nèteté,  nètemant,  nétoiier,  nètoîmant,  cadète,  su- 
jV/e,  etc.(l^? 

Autre  règle.  c<  Les  adjectifs  en  aux,  en  eux  et  en  oux,  changent 
au  féminin  x  en  se  ou  en  sse  ou  en  ce  :  faux,  fausse  ;  généreux, 
généreuse  ;  jaloux,  jalouse  ;  roux,  rousse;  doux,  douce.  Ne  seroit- 
il  pas  plus  naturel,  plus  conforme  à  la  prononciation  et  à  l'analo- 
gie, de  terminer  ces  adjectifs  par  un  s  :  faus,  fausse,  faussemant, 
faussêre,  fausser^  fausseté-,  généreus,  généreuse,  etc.;  jalous, 
jalouse^  jalousie,  jalouser  ;  rous,  rousse,  roussâtre,  rousseur,  rous- 
sir; Dous,  dousse,  dousseur,  doussemant,  adoussi,  etc.?  Ces  der- 
niers mots  ainsi  écrits  suivroient  Tanalogie  des  autres. 

«  Par  la  même  raison,  la  crois  donneroit  croiser,  croisète,  croisil- 
lon, croisade;  la  pois,  poisser,  empoisser;  la  pais,  paisible,  etc., 
ou  la  vÈs,pésible,  etc.  » 

L'auteur  étudie  ensuite  les  substantifs  terminés  au  singulier  en 
au,  eau,  eu,  œu,  ieu  et  ou,  et  conclut  à  ce  qu'on  introduise  partout 
au  pluriel  Vs  au  lieu  de  Vx.  Ex.  :  les  maus,  les  feus,\es  caillous,  les 
chevaus  sont  égaus,  aus  travaus. 

Il  aborde  ensuite  l'anomalie  dont  M.  Léger  Noël  faisait  de  nos 
jours  le  sujet  de  ses  recherches  :  les  substantifs  ou  adjectifs  mas- 
culins en  al,el,  il,  ol,  ul,  comparés  aux  autres  également  mascu- 


(1)  Il  eût  été  plus  simple  de  remplacer  par  l'è  la  double  consonne  dans  les 
mots  cruelle,  mortelle,  comme  on  le  fait  dans  fidèle,  mais  c'est  pour  ne  pas  cho- 
quer trop  subitement  les  habitudes  que  je  n'ai  i)as  cru  devoir  proposer  ce  chan- 
gement. 


280     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DE  WAILLY. 

lins  en  aie,  ele,  ile,  oie,  ule,  ou  aile,  ille,  olle,  uile.  a  Gomment  se 
tirer,  disent  à  ce  propos  les  dames  qu'il  met  en  cause,  d'un  pareil 
labyrinthe?  Comment  pouvoir  se  rappeler  qu'ici  il  ne  faut  point 
d'e  muet,  que  là  il  en  faut  un,  que  dans  tel  mot  il  faut  deux  l  et 
que  dans  d'autres  il  n'en  faut  qu'une?  Se  trouve-t-il  bien  des  Fran- 
çois qui  puissent  dire  véritablement  :  je  connois  les  noms  mascu- 
lins terminés  en  al,  aie,  aile;  el,  ele,  elle;  il,  ile,  Ule;  ol,  oie,  olle; 
ni,  ule,  ulle  ?  » 

Suit  un  ample  travail  sur  l'accentuation  orthographique  dans 
lequel  Wailly  émet  des  idées  et  préconise  des  procédés  sembla- 
bles à  ceux  de  Beauzée.  (Voir  plus  loin,  p.  296.) 

Le  docte  académicien  se  prononce  (p.  113)  pour  la  simplitication 
orthographique  des  mots  tirés  du  grec.  Il  propose  :  anbroisie,  an- 
figouri,  ancolie,  anquiloglosse,  anquilose,  antelmintique,  antologie, 
arcaisme. 

Il  cite  comme  exemples  de  la  difficulté  de  la  prononciation 
à  la  lecture  par  suite  de  la  bizarrerie  orthographique  les  phrases 
suivantes  : 

«  La  citrouille  étoit  bien  aoûtée  /  on  Va  donnée  aux  aoûterons  à 
la  fin  du  mois  d'août;  ils  Vont  mangée  dans  une  encoignure  avec 
des  oisons,  des  poissons  et  des  oignons  qu'ils  ont  pris  dans  un 
coin  de  /'oignoniere. 

«  Un  anachorète  vint  avec  un  catéchumène  chercher  M.  /'ar- 
chevêque ou  son  archidiacre  au  palais  archiépiscopal.  » 

((  La  biche  a  faonné  auprès  de  la  Saône;  nous  avons  pris  son 
«  faon  qui  avoit  été  mordu  d'un  taon,  pendant  que  nous  jouions 
((  au  pharaon.  » 

((  Tranquille  avec  sa  béquille,  il  entra  dans  la  ville  avec  sa  fille, 
((  qui  perça  une  anguille  avec  son  aiguille.  » 

Heureusement  pour  les  lecteurs,  de  Wailly  a  pris  la  peine  de  fi- 
gurer à  l'aide  de  son  orthographe  la  prononciation  de  tous  ces  mots, 
sans  quoi  plus  d'un  détracteur  de  sa  réforme  eût  pu,  je  le  crains, 
hésiter  pour  quelques-uns  d'entre  eux  en  les  lisant  à  haute  voix. 

Dans  la  seconde  partie  de  ce  traité  si  précieux  et  si  rare, 
de  Wailly  a  placé,  à  Timitation  de  Godard,  un  discours  des  lettres 
sur  les  difficultés  et  les  imperfections  de  Forthographe  actuelle. 
Chacune  de  nos  lettres  y  prend  tour  à  tour  la  parole  pour  exposer, 
avec  autant  de  clarté  que  de  raison,  les  vices  d'emploi  auxquels 
on  l'a  assujettie.  Les  phonographes  postérieurs,  Domergue,  Marie, 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DE  WAILLY.     281 

Féline,  M.  Raoux,  s'ils  eussent  connu  cette  mine  si  riche  de  maté- 
riaux, n'auraient  eu  qu'à  copier.  Wailly  me  semble  môme  plus 
complet  qu'aucun  d'eux. 

Je  m'aperçois  au  discours  de  la  lettre  G  que  Wailly  a  remarqué 
avant  moi  l'utilité  que  l'on  pourrait  tirer  de  l'emploi  du  g  surmonté 
d'un  point  ;  seulement,  il  veut  le  faire  servir  au  remplacement 
du 7  et  du  g  doux,  tandis  que  je  propose  seulement  de  s'en  servir 
au  lieu  du  ge  ou  g  doux.  Il  écrit  donc  galoux^  g'ardin,  goug'on, 
gagure,  gôlier,  gustice  (i).  11  distingue  deux  formes  de  Vs,  Vs  longue 
pour  celle  qui  a  le  son  ordinaire  et  Vs  courte  dans  les  mots  où  elle 
peut  avoir  le  son  dus. 

La  troisième  et  dernière  partie  est  la  mise  en  application  de  la 
réforme  ainsi  préconisée  au  nom  du  sexe  féminin.  Je  crois  devoir 
en  reproduire  ici  l'exposition  fac-similé  : 

((  Pratique  de  VOrtografe  fondée  fur  la  bone  prononciacion. 

«  Jufqu'ici,  Méfieurs,  nous  nous-fomes  fet  èder  pour  nous  con- 
former à  FOrtografe  actùele;  mes,  come  nous  avons,  à  ce  qu'il 
nous  fanble,  démontré  de  la  manière  la  plus  fanfible,  qu'èle  et 
plène  debisâreries  é  de  contradiccions  ;  qu'èle  change  continuèle- 
mant  fans  principes  é  fans  uniformité  ;  q^ue  les  Diccionnêres  é  les 
Auteurs  ne  font  d'acord  prefque  fur  aucun  point;  qu'èle  et 
dépourvue  de  règles  fixes;  que,  de  votre  propre  aveu,  il  nous  et 
moralement  impolTible  de  la  fuivre;  nous  alons  désprmês  orto- 
grafier  fuivant  la  réforme  que  nous  desirons.  Nous  fuivrons  fur- 
tout  les  lois  de  la  bone  prononciacion,  comme  le  feul  guide  rêso- 
nable  an  cete  matière,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  come  le  seul 
qui  foit  véritablemant  à  la  portée  de  tout  le  monde,  fnfi  nous 
fuprimerons  les  lètres  qui  ne  se  prononcent  gamês.  Par-tout  où 
nous  antandrons  le  fon  de  Va,  nous  anploîrons  un  a.  Par-tout  où 
l'oreille  nous  indiquera  le  son  de  Ve,  nous  ferons  usage  de  Ve,  au 
lieu  des  œ,  œ,  ai,  eai,  ei,  oi,  eoi  qu'on  anploie  fou  vaut  pour  Ve. 

Nous  subftitûrons  Vi  francês  à  l'y  grec;  le  /au  ph',  le  ci  au  Jt 
qui  sone  come  ci;  le  g  ponctué  au  7;  les  ga,  go,  gu  aus  gea,  geOy 
geu.  Nous  anploîrons  le  qu  avant  Ve  et  Vi  seulemant;  avant  les 
autres  lètres  nous  ferons  usage  du  c,  (Voyez  au  difcoursde  la  lètre 

(1)  La  nouvelle  forme  du  g,  g,  accueillie  maintenant  par  la  typographie  mo- 
derne, rend  l'application  plus  facile  qu'elle  ne  l'était  du  temps  de  de  Vailly. 
Cette  forme  se  rapproche  en  effet  beaucoup  plus  du  j  que  celle  du  g. 


282     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DE  WAILLY. 

Q  une  excepcion  pour  les  terminêsons  des  verbes  Cliquer.)  La 
longue/ aura  toujours  lefon  siflant,  antre  deux  voiielles  :  parafai, 
préféance,  refantir,  préfantir,  etc.  On  anploîra  Vs  courte  dans  les 
mots  où  èle  a  ou  peut  avoir  le  fon  du  z.  Le  z  ne  f'anploîra  qu'au 
comancemant  des  mots,  à  la  fin  d'affes,  chez,  nez,  rez  de  chau- 
fée^  é  des  segondes  perfones  dans  les  verbes,  vous  portez,  lisez^ 
estimez.  Nous  ne  ponctûrons  point  Te  qui,  précédé  d'une  voiielc 
marque  un  moudlé  fort  avec  la  lètre  /,  le  travail,  le  conseil,  le  se- 
nouil;  ou  un  mouillé  fèble,  pàrén,  camàieu,péùons,  vouons.  Nous 
substilûrons  Vs  à  Vœ  qui  a  le  son  de  1'^,  aus  animaus  ;  le  chois 
étet  douteus.  Vous  aurez ,  Mésieurs ,  la  bonté  de  vous  rapeler  que 
dans  touts  ces  changemants  nous  ne  fesons  guère  que  suivre  vos 
traces,  ou  les  exanples  que  vous  nous  avez  donés,  é  garder  par-tout 
une  marche  uniforme. 

«  Remarque.  Come,  dans  l'usage  actuel,  le  c  a  toujours  le  fon 
de  ce  ou  deTs  fiflante,  avant  Ve  ou  l'i,  on  poûra  continuer  d'écrire 
Cicéron,  ceci,  etc.,  sans  cédiller  le  c.  On  n^anploîra  le  ç  cédille 
avant  e  ou  i,  que  dans  les  livres  deftinés  pour  aprandre  à  lire.  On 
n'anploîra  de  même,  si  l'on  veut,  le  g  ponctué  que  dans  les  mots 
où,  avant  a,  o,u,  il  doit  avoir  le  son  de  J  :  on  écrira  gager,  gaga, 
gaganty  gayons,  gagure,  etc.  Dans  l'usage  actuel,  Vs  courte  a  tou- 
jours le  son  siflant  au  commancemant  du  mot;  insi  on  poûra,  come 
à  l'ordinére,  fêre  usage  indifféramant  de  Vs  courte  ou  de  VJ 
longue  au  comancement  des  mots.  On  voit  par  là  que  nos  chan- 
gemants dans  quelques  lètres  de  TAlfabet,  se  réduisent  presque  à 
rien. 

«  Nous  favons  bien  qu'on  fe  révolte  au  feul  mot  dinnovacion  ; 
mes  notre  proget,  nous  pouvons  le  dire,  et  le  fruit  d'un  long 
travail  é  d'une  expériance  réfléchie.  Nous  vous  l'adrèfons,  Méfieurs  ; 
éiez  la  bonté  de  Texaminer  é  d'an  peser  fans  prégugé  les  avan- 
tages é  les  inconvéniants.  Ne  nous  gu^ez  qu'après  un  mûr  examen. 

«  S'il  et  des  changemants  qui  ne  soient  pas  actuèlemant  admif- 
fibles,  vous  ne  les  ferez  pas  encor;  mes  vous  poûrez  an  trouver 
d'autres  qu'il  fera  fort  util  d'adopter. 

«  Nous  efpérons,  par  exanple,  que  l'utilité  é  votre  zèle  à  faci- 
liter l'aquisicion  des  conêsances,  vous  porteront  à  fêre,  come 
nous,  usage  du  g  ponctué,  de  l'i  fans  point;  à  diftinguer  Vs  forte 
de  Vs  adoucie.  Cet  insi  qu'on  a  mis  en  usage  le  ç  cédille,  le 7  é 
le  V,  au  lieu  de  Vi  é  de  Vu  ;  Vi  francês,  au  lieu  de  Vy  grec,  dans 
lui,  moi,  loi,  Roi,  é  une  infinité  d'autres  mots.  Cet  infi  qu'on 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DUCLOS.         283 

anploie  les  lètres  magufcules  au  comancement  des  frases,  des 
noms  propres,  etc.  Cet  infi  qu'on  a  invanté  les  acçants,  le  tréma, 
rapoftrofe,  le  Iret  d^union,  les  guillemets,  les  diférantes  marques 
de  ponctùacion,  etc. 

(T  Nous  atandons  bien,  Méfieurs ,  que  votre  vue  fera  d'abord  un 
peu  choquée  de  notre  ortografe  :  nous  vous  demandons  pour  èle 
la  même  paciance  que  vous  avez  en  lisant  des  livres  ortografiés 
fuivant  l'anciène  ortografe.  A  peine  an  avez-vous  lu  vint  pages^ 
que  vos  ieux  fi  abituent.  La  même  chose  vous  arivera  par  raport 
à  la  nôtre  ;  dégnez  an  fêre  Téfè.  Vous  voudrez  bien  vous  souvenir 
que  notre  but  et  de  faciliter  an  même  tans  l'ortagrafe  é  la  pronon- 
ciacion. 

«  Notre  réforme  vous  parêtra,  Méfieurs,  fort  étandue  ;  vous  an 
adopterez  ce  que  vous  gugerez  à  propos.  Nous  aurions  pu  nous 
contanter  des  remarques  que  nous  avions  fêtes  dans  les  deus  pre- 
mières parties  ;  mes  des  perfones  dont  nous  refpectons  baucoup 
les  lumières  nous  ont  représanté  que  ce  feroit  lêfer  notre  ouvrage 
inparfet,  que  de  n'i  pas  agouter  la  pratique.  Vous  avez,  nous  ont 
dit  ces  perfones,  exposé  d'une  manière  três-sansible  les  défauts 
inonbrables  de  l'ortografe  actùele;  vous  avez  fet  voir  le  peu 
d'acord,  les  inutilités,  les  contradiccions  même  qui  régnent  dans 
les  diférantes  parties  de  cet  édifice  :  il  faut  actuèlemant  faire  voir 
comant,  avec  les  mêmes  matériaus,  on  pouret  le  reconftruire  à 
moins  de  frôs^  é  d'une  manière  aufïi  comode  que  folide.  » 

Grammaire  générale  et  raisonnée,  contenant  les  fondemens 
de  l'art  de  parler^  expliqués  d'une  manière  claire  et  natu- 
relle ;  les  raisons  de  ce  qui  est  commun  à  toutes  les  langues, 
et  des  principales  différences  qui  s'y  rencontrent  ;  et  plu- 
sieurs remarques  nouvelles  sur  la  langue  françoi&e.  Nou- 
velle édition,  —  Réflexions  sur  les  fondemens  de  Fart  de 
parler  pour  servir  d' éclaircissemens  et  de  supplément  à  la 
Grammaire  générale,  recueillies  par  if.  l'abbé.  Fromant. 
Paris,  Prault  fils,  1756,  2  vol.  pet.  in-8  de  6  ff.,  224  pp.  et 
2  ff:,  et  de  xlviii  et  291  pp.  (Réimprimée  plusieurs  fois 
depuis.) 

Ce  traité,  connu  sous  le  nom  de  Grammaire  de  Port-Royal^  et 


284         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DUCLOS. 

dont  il  est  déjà  parlé  page  226,  est  enrichi  dans  cette  édition  des 
excellentes  remarques  de  Duclos,  secrétaire  perpétuel  de  l'Acadé- 
mie française  (1). 

Ce  livre  si  remarquable,  et  dont  le  temps  n'a  pas  encore  altéré 
la  valeur,  contient  dans  son  texte  quelques  idées  de  réforme 
justes  bien  qu'un  peu  timides.  Après  avoir  constaté  l'utilité,  dans 
certains  cas,  d'une  orthographe  fondée  sur  l'étymologie,  MM.  de 
Port-Royal  ajoutent  :  «  Voilà  ce  qu'on  peut  apporter  pour  excuser 
((  la  diversité  qui  se  trouve  entre  la  prononciation  et  l'écriture; 
«  mais  cela  n'empêche  pas  qu'il  n'y  en  ait  plusieurs  qui  se  sont 
«  faites  sans  raison  et  par  la  seule  corruption  qui  s'est  glissée 
«  dans  les  langues.  Car  c'est  un  abus  d'avoir  donné,  par  exemple, 
«  au  c  la  prononciation  de  1'^  avant  Ve  et  Vi\  d'avoir  prononcé  au- 
«  trement  le  g  devant  ces  deux  mêmes  voyelles  que  devant  les  au- 
((  très;  d'avoir  adouci  1*5  entre  deux  voyelles;  d'avoir  donné  aussi 
((  au  t  le  son  de  Vs  avant  Vi  suivi  d'une  autre  voyelle,  comme 
«  gratia,  actio,  action.... 

«  Tout  ce  que  Ton  pçurroit  faire  de  plus  raisonnable  seroitde 
«  retrancher  les  lettres  qui  ne  servent  de  rien  ni  à  la  prononcia- 
«  tien,  ni  au  sens,  ni  à  l'analogie  des  langues,  comme  on  a  déjà 
«  commencé  de  faire  ;  et  conservant  celles  qui  sont  utiles,  y  mettre 
a  des  petites  marques  qui  fissent  voir  qu'elles  ne  se  prononcent 
«  point,  ou  qui  fissent  connoître  les  diverses  prononciations  d'une 
«  même  lettre.  Un  point  au-dedans  ou  au-dessous  de  la  lettre  pour- 
«  roit  servir  pour  le  premier  usage,  comme  temps.  Le  c  a  déjà  sa 
((  cédille,  dont  on  pourroit  se  servir  devant  Ve  et  devant  lï,  aussi 
«  bien  que  devant  les  autres  voyelles.  Le  ^  dont  la  queue  neseroit 
«  pas  toute  formée  pourroit  marquer  le  son  qu'il  a  devant  Te  et 
«  devant  1'/.  Ce  qui  ne  soit  dit  que  pour  exemple.  » 

Duclos,  aussi  bon  grammairien  que  Du  Marsais,  et  philosophe 
comme  lui,  mais  encore  plus  hardi,  a  inauguré  sa  réforme  or- 
thographique dans  ses  remarques  jointes  en  petit  caractère  à 
cette  édition  de  la  grammaire.  Voici  le  passage  où  il  explique  lui- 
même  ses  idées  : 

«  Je  croi  devoir  a  cète  ocasion  rendre  conte  au  lecteur  de  la 
diférence  qu'il  a  pu  remarquer  entre  l'ortografe  du  texte  et  cèle 
des  remarques.  J'ai  suivi  l'usage  dans  le  texte,  parce  que  je  n'a 

(1)  Duclos  avait  déjà  donné  une  édition  de  cette  grammaire  en  1754,  in-12. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DOUCHET.        285 

pas  le  droit  d'y  rien  changer;  mais  dans  les  remarques  j'ai  un  peu 
anticipé  la  réforme  vers  laqnèle  Tusage  même  tend  de  jour  en 
jour.  Je  me  suis  borné  au  retranchement  des  lètres  doubles  qui 
ne  se  prononcent  point.  J'ai  substitué  des /et  des  t  simples  aus  plt 
et  aus  th  :  l'usage  le  fera  sans  doute  un  jour  par-tout,  comme  il 
a  déjà  fait  dans  fantaisie,  fantôme,  frénésie,  trône,  trésor  et  dans 
quantité  d'autres  mots. 

«  Si  je  fais  quelques  autres  légers  changemens,  c'est  toujours 
pour  raprocher  les  lètres  de  leur  destination  et  de  leur  valeur. 

((  Je  n'ai  pas  cru  devoir  toucher  aux  fausses  combinaisons  de 
voyèles,  tèles  que  les  ai,  ei,  oi,  etc.,  pour  ne  pas  trop  éfaroucher 
les  ieus.  Je  n'ai  donc  pas  écrit  conêtre  au  lieu  de  conoître,  francès 
au  lieu  de  français,  jamès  au  lieu  de  jamais,  j'rèn  au  lieu  de  frein, 
pêne  au  lieu  de  peine,  ce  qui  seroit  pourtant  plus  naturel.  Je  n^ai 
rien  changé  a  la  manière  d^écrire  les  nasales,  quelque  déraisonable 
que  notre  ortografe  soit  sur  cet  article.  En  éfet,  les  nasales  n'ayant 
point  de  caractères  simples  qui  en  soient  les  signes,  on  a  u  recours 
a  la  combinaison  d'une  voyèle  avec  mou.  w,  mais  on  auroit  au 
moins  du  employer  pour  chaque  nasale  la  voyèle  avec  laquèle  èle 
a  le  plus  de  raport;  se  servir,  par  exemple,  de  Van  pour  Va  nasal, 
de  Ven  pour  Ve  nasal.  Cète  nasale  se  trouve  trois  fois  dans  enten- 
dement, sans  quMl  y  en  ait  une  seule  écrite  avec  Va  et  quoiqu'il 
fut  plus  simple  d'écrire  antandemant,  Ve  nasal  est  presque  tou- 
jours écrit  par  i,  ai,  ei  :  fin,  pain,  frein,  etc. ,  au  lieu  d'y  employer 
un  e.  Je  ne  manquerois  pas  de  bonnes  raisons  pour  autoriser  les 
changemens  que  j'ai  faits  et  que  je  ferois  encore,  mais  le  préjugé 
n'admet  pas  la  raison.  » 

Il  ajoute  ailleurs  :  a  On  peut  entreprendre  de  corriger  l'usage  / 
de  l'orthographe,  du  moins  par  degrés  et  non  pas  en  le  heurtant  / 
de  front,  quoique  la  raison  en  eut  le  droit  ;  mais  la  raison  même  y 
s'en  interdit  l'exercice  trop  éclatant,  parce  qu'en  matière  d'usage,  j 
ce  n'est  que  par  des  ménagemens  qu'on  parvient  au  succès.  »  ^ 

DoucHET,  avocat  au  Parlement  et  ancien  professeur  royal  en 
langue  latine.  Principes  généraux  et  raisonnes  de  V ortho- 
graphe françoise,  avec  des  remarques  sur  la  prononciation. 
Paris,  P.-F.  Didot,  1762,  in-8  dexvi  et  176  pp. 

Douchet  est  un  écrivain  de  mérite.  Après  la  mort  de  Du  Mar- 


^^86        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DOUCHET. 

sais    il  fut  chargé,  de  concert  avec  Beauzée,  de  la  continuation 
des  articles  de  la  partie  grammaticale  de  TEncyclopédie. 

Ses  remarques,  nouvelles  à  Tépoque  où  il  les  écrivait,  sont 
pour  la  plupart  acquises  aujourd'hui  à  la  grammaire.  Tel  est  son 
chapitre  sur  les  caractères  prosodiques.  J'en  extrairai  cependant 
un  passage  dans  lequel  il  propose  une  solution  à  l'imperfection 
qu'offre  notre  orthographe  dans  le  redoublement  des  consonnes. 

«  Ve  muet  n'indique,  dit-il,  qu'une  certaine  quantité  de  nos 
voyelles  longues  (ex.  y  emploierai);  l'accent  circonflexe  ne  fait 
connoître  que  celles  qui  éloient  autrefois  suivies  d'un  5,  ou  que 
l'on  redoubloit  pour  en  marquer  la  longueur  {tempête,  au  lieu  de 
(empeste,  rôle  au  lieu  de  roole)  ;  il  en  reste  encore  un  grand  nom- 
bre, ou  qui  sont  sans  marque  distinctive  {vase,  bise,  rose,  ruse),  ou 
qui  sont  suivies  d'une  consonne  redoublée,  qui  est  la  marque  des 
voyelles  brèves,  autre  vice  encore  plus  considérable,  comme  dans 
les  mots  tasse,  manne,  flamme,  fosse,  professe,  etc.  C'est  une  autre 
espèce  d'imperfection  dans  notre  orthographe.  11  seroit  aisé  de 
parer  à  ces  inconvénients  :  ce  seroit,  ou  de  marquer  ces  voyelles 
longues  par  un  trait  horizontal,  ou  d'étendre  encore  ici  Fusage 
de  l'accent  circonflexe.  Par  ce  moyen,  toutes  les  équivoques  se- 
roient  levées,  toutes  les  voyelles  longues  seroient  fixées  et  déter- 
minées, et  la  quantité,  cette  partie  si  importante  de  la  prosodie, 
seroit  indiquée  d'une  manière  simple  ,  précise  et  régulière  : 
on  pourroit  même  alors  la  trouver  et  l'apprendre  par  l'écriture. 

((  Un  autre  avantage  qui  en  résulteroit  encore,  c'est  que  la  rédu- 
pHcation  des  consonnes,  ce  système  si  vague,  si  forcé,  si  rempli 
d'exceptions,  que  l'on  prétend  que  nos  pères  ont  imaginé  pour 
indiquer  les  voyelles  brèves  (1),  deviendroit  absolument  inutile, 
parce  que  toutes  les  voyelles  longues  étant  décidées,  on  n  auroit 
plus  besoin  d'un  autre  signe  pour  désigner  les  brèves  :  elles  se- 
roient suffisamment  distinguées  par  la  raison  qu'elles  n'auroient 
point  la  marque  des  longues.  A  l'égard  des  communes,  c'est-à-dire 
des  voyelles  qui  sont  longues  ou  brèves  à  volonté,  ou  elles  n'au- 
roient point  de  signe  distinctif,  ou  on  leur  appliqueroit  la  marque 
usitée  en  grec  et  en  latin.  On  pourroit  ainsi  supprimer  la  consonne 
que  l'on  n'a  introduite  que  pour  avertir  que  la  voyelle  précédente 
est  brève.  On  ne  la  laisseroit  subsister  que  dans  les  mots  où  elle 

(1)  Voir  plus  haut  l'analyse  de  la  Grammaire  de  Régnier  Des  Marais,  p.  251,  et 
celle  de  \Orthographe  des  darnes^  de  de  W^ailly,  p.  276. 


LA.  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  L'ABBÉ  CHERRIER.   287 

est  nécessaire,  quand  il  faut  la  redoubler  dans  la  prononciation, 
comme  dans  inné,  erreur^  illustre^  immense^  etc.  » 

Douchet  propose,  après  Port-Royal  et  d'autres  grammairiens, 
l'emploi  du  t  cédille  dans  les  substantifs  portions,  rations,  etc., 
comme  signe  de  distinction  d'avec  les  verbes  portions ^  rations. 

Dans  le  chapitre  III,  des  Caractères  étymologiques ,  l'auteur 
s'occupe  des  variations  du  ph,  du  ch  et  de  l'esprit  rude  {h)  en 
français.  «  Ces  variations  sont  une  nouvelle  source  de  difficultés 
pour  notre  orthographe.  De  ces  doubles  caractères,  le  ch  est  celui 
qui  cause  le  plus  d'embarras  dans  notre  langue  :  non-seulement 
il  varie  dans  l'écriture,  il  varie  encore  dans  la  prononciation. 
On  le  prononce  à  la  françoise  dans  chérubin^  chirurgien,  Archi' 
mède,  et  il  a  la  valeur  du  k  dans  orchestre,  chiromancie ,  Arché- 
latis.  De  là  ces  incertitudes  sur  la  prononciation  de  certains 
mots,  tels  que  Chersonese,  Acheron,  où  les  uns  prononcent  le  ch 
comme  dans  chérubin  et  les  autres  comme  dans  orchestre.  On 
pourroit  encore  aisément  obvier  à  ces  difficultés.  On  laisseroit 
subsister  le  c  dans  tous  les  mots  où  l'usage  l'a  introduit  à  la  place 
du  ch,  comme  dans  earte,  corde  y  colère,  etc.,  on  supprimeroit 
le  ch  dans  les  autres  mots  où  il  s'articule  comme  le  k,  et  on  le 
remplaceroit  par  cette  figure.  Ainsi  Ton  écriroit  orkestre,  Arké- 
laûs,  kiromancie,  kirographaire.  » 

(L'abbé  Gherrier).  Equivoques  et  bizareries  de  V orthographe 
françoise^  avec  les  moiiens  d'y  remédier,  Paris,  Gueffier  fils, 
1766,  in-12  de  3  ff.,  xviii  et  JS5  pp. 

L'auteur,  après  avoir  exposé  les  raisons  qui  militent  en  faveur 
d'une  réforme  et  les  causes  qui  ont  fait  échouer  les  tentatives  an- 
térieures à  la  sienne,  établit  ainsi  les  changements  qu'il  croit 
devoir  opérer  :  -■* 

«  Plusieurs  ont  estimé  qu'il  falloit  entendre  ces  marques  propo- 
c(  sées  dans  la  Grammaire  de  P.  R.  de  celles  qui  sont  déjà  usitées 
«  sur  certaines  lettres,  ensorte  qu'il  ne  s'agiroit  que  de  les  adapter 
«  à  d'autres*:  et  c'est  le  sentiment  que  j'ai  cru  devoir  suivre.  G'est- 
«  pourquoi  je  propose,  par  exemple^  d'après  un  habile  académicien 
«  (le  P.  Girard),  de  mettre  une  cédille,  ou  petit  c  renversé,  sous  le 
rt  ^ramoii,  corne  on  en  a  mis  une  avec  succès  sous  le  c  pour  le  ra- 


288   LA  RÉFORMF:  ORTHOGRAPHIQUE.  -  L'ARBÉ  CHERRIER. 

«  doucir.  J'ai  emprunté  des  bons  grammairiens  toutes  les  idées 
«  qu'ils  ont  fournies  dans  ce  goût.  Je  les  ai  étendues  ou  j'y  ai 
«  ajouté  les  miènes,  et  quoique  ces  petites  marques  soient  pure- 
«  ment  arbitraires  dans  leur  origine,  j'ai  observé  qu'une  fois  eta- 
((  blies,  elles  doivent  ordinairemeni ,  et  autant  qu'il  est  possible, 
«  avoir  un  même  effet  partout  où  on  les  applique.  Par  exemple, 
((  l'accent  grave  sert  à  distinguer  les  è  ouverts  :  aussi  l'ai-je  mis  sur 
((  la  voiièle  composée  ou  fausse  diphthongue  ai  quand  elle  se  pro- 
u  nonce  en  ouvrant  fort  la  bouche.  Au  contraire,  V accent  aigu  sert 
«  à  faire  conoître  les  é  fermés  ;  aussi  Tai-je  emploiié  sur  cette 
«  voiièle-composée  ai,  lorsqu'elle  se  prononce  en  fermant  un  peu 
a  la  bouche.  Le  point  accompagne  toujours  1'/  et  je  l'ai  placé  sur 
((  les  i  et  sous  les  /  qui  sonent  presque  come  des  i.  J'ai  été  plus 
«  embarassé  pour  Vx,  parce  qu'il  n'est  pas  facile  de  rendre  ses 
«  marques  surajoutées  analogues  à  toutes  les  différentes  articula- 
«  tions  de  cette  consone  :  c'est-pourquoi  j'ai  pris  le  parti  de  la  bor- 
«  ner  à  son  ancien  usage,  savoir  de  ne  l'emploiier  que  quand  elle 
«  s'articule  come  es  ou  gz,  en  y  mettant  néanmoins  encore  quel- 
ce  que  différence.  » 

L'auteur  met  un  point  au-dessous  de  Vh  aspiré  :  un  héros^  un 
point  au  ch  qu'il  appelle  gras  :  un  archiduc.  L's  radoucie  est  mar- 
quée par  une  cédille  :  hatiser.  VI  mouillée  par  un  point  :  fille.  Il 
supprime  la  consonne  finale  muette  à  bari\,  chenil j  coutil ,  fusil ^ 
outil j  persil,  saoul,  sourciL 

Ortografe  des  dames  pour  aprandre  a  écrire  et  a  lire  corecte- 
mant  en  très  peu  de  tems.  A  Nancy,  chez  Haener,  1766, 
in-12  de  72  pp. 

L'auteur  anonyme  de  cet  opuscule,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  l'intéressant  travail  de  Wailly,  publié  en  1782  sous  le  même 
titre  (voir  plus  haut,  p.  276),  ne  me  paraît  pas  avoir  apporté  de 
solutions  nouvelles  au  difficile  problème  de  l'écriture  phonétique. 
Son  orthographe  se  rapproche  sur  beaucoup  de  points  de  celle 
qu'a  préconisée  soixante  ans  plus  tard  M.  Marie. 

Manière  d étudier  les  langues,  Paris,  Saillant,  1768,  in-12. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  est  un  esprit  sage,  et  les  méthodes  qu'il 
indique  se  rapprochent  de  celles  de  Locke. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  289 

Quant  à  l'orthographe,  il  s'exprime  ainsi  : 

«  Nous  avons  des  règles  générales  pour  l'orthographe;  mais  la 
plupart  sont  si  obscures,  si  compliquées,  et  modifiées  par  tant 
d'exceptions,  qu'il  est  difficile  aux  jeunes  gens  de  les  retenir. 
D'ailleurs,  il  ne  suffit  pas,  pour  l'ortliographe  usuelle  dont  nous 
parlons,  de  pouvoir  en  examiner  les  règles,  mais  bien  de  trouver 
la  manière  d'écrire  les  mots  correctement:  la  rapidité  de  l'écriture 
ne  donne  pas  le  loisir  de  faire  cet  examen.  Il  faut  qu'avec  le  mot  la 
manière  de  Fécrire  se  présente  sur-le-champ  à  l'esprit,  sans  aucune 
réflexion. 

«  On  emploie  communément  une  méthode  meilleure  ;  on  fait 
copier  des  livres  imprimés,  et  l'attention  qu'on  donne,  en  co- 
piant, à  chacune  des  lettres  dont  le  mot  est  composé  le  grave 
plus  profondément  à  l'esprit 

«  Les  mots,  tels  qu'on  les  a  lus,  restent  gravés  dans  la  mé- 
moire; lorsque  dans  la  suite  on  les  emploie  en  écrivant,  on  les 
copie  sur  cette  image.  » 

L'exposition  de  ce  système,  que  d'autres  ont  également  pro- 
posé, prouve  que  les  difficultés  de  l'orthographe  sont  telles  qu'il 
faut  apprendre  à  connaître  les  mots  par  leur  configuration,  comme 

pour  la  LANGUE  CHINOISE. 

De  l'orthographe^  on  des  moyens  simples  et  raisonnes  de  di- 
minuer les  imperfections  de  notre  orthographe^  de  la  ren- 
dre beaucoup  plus  aisée,  etc.,  pour  servir  de  supplément 
aus  différentes  éditions  de  la  Grammaire  française  de 
M.  de  Wailly,  Paris,  Barbou,  1771,  in-12. 

Dans  cet  écrit  fort  sage.  Fauteur  constate  la  nécessité  d'amélio- 
rer successivement  l'orthographe  et  de  la  simplifier.  Il  se  refuse  à 
l'introduction  de  lettres  nouvelles,  comme  l'ont  fait  des  réforma- 
teurs trop  hardis,  qu'il  traite  de  ridicules.  Mais  nous  ne  tirons 
pas,  selon  lui,  de  nos  accents  tout  Fusage  que  nous  pourrions  en 
obtenir.  Il  désire  surtout  le  retranchement  de  toute  lettre  double 
sans  valeur  phonique.  «  Les  personnes,  dit-il,  qui  voient  ces  lô- 
«  très  sans  valeur  sont  arêtées  dans  leur  lecture,  parce  que  dans 
c(  certains  mots  on  les  prononce,  tandis  que  dans  d'autres  sem- 
«  blables,  èles  n'ont  aucun  son.  Cète  bisareriede  notre  orthogra- 

19 


290  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  VIARD. 

«  phe  est  cause  qu'il  n'y  a  peut-être  pas  deux  ouvrages  qui  soient 
«  par-tout  orthographiés  de  môme.  Cette  variété  fait  perdre  beau- 
ce  coup  de  tems  aux  compositeurs  dans  les  imprimeries,  aux  gens 
«  de  lètres  qui  font  imprimer  leurs  ouvrages  ;  en  un  mot,  à  tous 
«  ceux  qui  veulent  orthographier  et  prononcer  correctement  la 
«  langue  française. 

«  Cette  orthographe  que  nous  apelons  nouvèle  était,  »  selon  une 
judicieuse  remarque  de  l'auteur,  «  celle  de  nos  plus  anciens  écri- 
((  vains,  de  presque  tous  les  auteurs  des  xi«  et  xii®  siècles.  » 

Le  grand  vocabulaire  francois,  par  une  Société  de  gens  de 
lettres,  Paris,  Panckoucke,  1772,  30  volumes  in-4. 

Ce  dictionnaire  contient  un  grand  article  sur  I'Orthographe,  oij 
est  exposé  «  l'emploi  vicieux  que  l'on  fait  de  chaque  signe  en  le 
comparant  avec  celui  que  la  raison  voudroit  qu'on  en  fît  pour 
que  l'écriture  cessât  d'être  une  image  équivoque  ou  ridicule  delà 
parole.  » 

Mais  comme  les  modifications  indiquées  sont  pareilles  à  celles 
que  Girard,  Duclos,  Wailly,  Beauzée  et  autres  réformateurs  mo- 
dérés avaient  déjà  proposées,  et  que  les  raisons  pour  rapprocher 
l'écriture  de  la  prononciation,  bien  qu'exposées  avec  conviction 
et  énergie,  sont  similaires,  je  me  borne  à  ce  passage  : 

«  C'est  certainement  une  opiniâtreté  bizarre  que  de  s'obstiner 
à  écrire  un  mot  selon  son  étimologie  pour  avertir  ensuite  qu'on 
doit  le  prononcer  autrement  qu'il  ne  s'écrit  (1).  )> 


ViARD.  Les  vrais  principes  de  la  lecture,  de  l'orthographe  et 
de  la  prononciation  françoises,  de  feu  M,  Viard,  revus  et 
augmentés  par  M.Luneau  de  Boisgermain.^a.ns,  Delalain, 
1773,  2  part,  en  1  vol.  in-8  de  vi  et  104  pp.  et  de  111  pp. 
{Il  y  eut  des  éditions  antérieures  à  celle-ci,  puisque  Luneau 
se  plaint,  dans  un  avis  au  lecteur,  des  contrefaçons  de  ce 


(1)  'c  Au  reste  nous  indiquons  partout  dans  le  cours  du  Grand  Vocabulaire^ 
l'orthographe  avec  laquelle  on  a  coutume  d'écrire  aujourd'hui  les  mots,  et  celle 
qu'on  devroit  y  substituer.  » 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  ROCHE.  291 

livre  faites  à  Bordeaux,  Avignon,  etc.,  et  il  cite  une  édition 
des  Principes  faite  à  Bouillon  en  1764,  chez  Foissy.) 

Cet  ouvrage  n'est  point  un  traité  d'orthographe,  mais  une  ré- 
forme de  l'enseignement  de  la  lecture  fondée  sur  la  nouvelle 
épellation  des  lettres,  be,  ce,  de^  /e,  etc.,  et  sur  l'épellation  des 
consonnes  qui  se  suivent. 

J.-B.  Roche.  Entretiens  sur  V orthographe  française  et  autres 
objets  analogues,  Nantes,  veuve  Brun,  1777,  in-8  de  8  ff. 
prél.,  732  pp.  et  19  if.  de  table. 

Dans  ce  gros  volume,  l'auteur,  sous  une  forme  agréable,  celle 
d'un  dialogue,  traite  de  toutes  les  questions  qui  concernent  l'or- 
thographe et  la  grammaire.  La  lecture  en  est  moins  pénible  que 
celle  des  traités  ordinaires  sur  le  même  sujet.  On  voit  partout  que 
l'auteur  est  partisan  d'une  réforme  modérée  ;  et  ses  vœux  ont 
été  réalisés  sur  certains  points. 

Après  que  les  interlocuteurs,  Sophie,  la  marquise,  un  abbé,  un 
comte  et  un  lord,  ont  constaté  l'incohérence  de  ce  qu'on  appelle 
Vusage,  l'auteur  fait  dire  à  l'un  des  interlocuteurs  : 

«  Le  respect  pour  l'usage  établi  est  souvent  un  préservatif 
contre  une  foule  d'erreurs;  mais  il  faut  avouer  qu'il  s'oppose 
quelquefois  aux  progrès  de  nos  connaissances.  Il  est  à  croire  que 
dans  le  principe,  les  mots  ne  renfermoient  que  les  lettres  néces- 
saires à  la  prononciation.  L'oreille,  choquée  par  la  dureté  de  plu- 
sieurs sons,  exigea  bientôt  qu'on  les  adoucît  ou  même  qu'on  les 
supprimât.  Les  savants,  après  s^être  vainement  récriés  contre  ces 
innovations,  furent  contraints  de  les  adopter  et  de  leur  donner 
force  de  loi.  Mais  comme  ils  étoient  les  maîtres  de  la  langue  écrite, 
ils  voulurent  conserver  les  traces  d'une  prononciation  qui  n'existoit 
plus  :  ce  fut  l'époque  des  inconséquences  qui  rendent  notre  langue 
si  difficile  aux  étrangers,  et  qui  mettent  les  François  mêmes  dans 
le  cas  de  ne  la  savoir  presque  jamais  qu'imparfaitement.  » 

L'auteur  entre  ainsi  dans  le  détail  des  difficultés  de  l'ortho- 
graphe ; 

«  Sophie.  C'est  une  science  que  je  voudrois  bien  connoître  et  à 
laquelle  je  n'entends  rien  du  tout.  Je  suis  si  ignorante,  que,  pour 


292  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  ROCHE. 

exprimer  les  choses  les  plus  ordinaires,  j'écris  presque  au  hasard. 
A  peine  puis-je  retrouver  moi-même  ce  que  j'ai  voulu  dire.  Sou- 
vent, faute  de  pouvoir  orthographier  les  mots  qui  se  présentent  à 
mon  esprit,  je  suis  forcée  d'en  employer  d'autres  qui  défigurent 
toutes  mes  pensées. 

«  Le  Comte.  Ceux  qui  n'ont  point  étudié  les  langues  anciennes 
n'ont  pas  de  meilleur  moyen  pour  apprendre  l'orthographe,  que 
de  choisir  un  livre  bien  écrit,  et  de  le  copier  infatigablement  :  on 
se  forme  quelquefois,  par  le  travail,  une  habitude  qui  tient  lieu 
des  meilleurs  principes. 

«  La  Marquise.  C'est  comme  cela  que  j'ai  appris,  et  on  trouve 
que  j'orthographie  passablement. 

«  Sophie.  Vous  êtes  heureuse.  Madame,  d'apprendre  avec 
tant  de  faciUté.  J'ai  sûrement  copié  autant  que  vous,  et  je  n'en 
suis  pas  plus  habile.  Je  ne  puis  cependant  me  reprocher  aucune 
négligence  :  je  copie  fidèlement  toutes  les  lettres  qui  composent 
chaque  mot;  j'y  mets  les  accents,  les  points,  les  virgules.  Mais 
jamais  ce  que  j'ai  écrit  ne  m'a  servi  pour  ce  que  j'avois  à  écrire  : 
ce  sont  toujours  quelques  nouveaux  arrangements  de  lettres  que 
je  n'avois  point  prévus;  et  quand  je  crois  avoir  rencontré  les 
mêmes  mots,  je  vois  avec  étonnement  qu'ils  n'ont  presque  rien  de 
commun  pour  ^orthographe  (1). 

«  Le  Lord.  Plusieurs  savaùts  voudroient  que  les  règles  de  l'or- 
thographe fussent  réduites  à  celles  de  la  prononciation. 

«  Sophie.  Cela  seroit  bien  plus  commode  que  cette  ortho- 
graphe obscure  et  entortillée,  qui  coûte  de  si  grands  efforts  de 
mémoire.  Pourquoi  ne  pas  retrancher  toutes,  les  lettres  superflues 
et  ne  pas  employer  précisément  celles  que  l'oreille  exige?  Les 
pensées  en  deviendroient-elles  moins  belles  et  moins  brillantes 
pour  être  lues  et  écrites  avec  moins  de  peine? 

«  La  Marquise.  Il  me  sembloit  qu'on  ne  se  servoit  plus  de  l'y, 
et  qu'on  le  remplaçoit  toujours  par  un  i  simple. 

«  Le  Comte.  Pardonnez-moi,  Madame,  il  y  a  beaucoup  de  mots 
dans  lesquels  cette  lettre  est  indispensable. 

«  Le  Lord.  Les  savants  veulent  qu'elle  soit  conservée  dans  les 

(1)  Quand  à  l'Hôtel  de  Ville  je  préside  les  examens  des  aspirantes  au  brevet  de 
capacité,  je  suis  témoin  de  l'embarras  des  jeunes  filles  pour  résoudre  des  diffi- 
cultés qui  le  seraient  même  pour  des  savants.  L'une  d'elles  pour  avoir  mal  écrit 
le  mot  apophthegme  perdit  le  bon  point  qui  lui  fallait  pour  compléter  les  vingt- 
cinq  exigés  par  le  règlement.  (Mai  1868.) 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  ROCHE.         293 

mots  dérivés  du  grec,  tels  que  style,  phtjsique,  symphonie^  etc., 
mais  beaucoup  de  personnes,  qui  d'ailleurs  orthographient  fort 
bien,  ne  font  pas  difficulté  d^écrire  ces  mots  par  un  i  :  phisique, 
stihy  simphonie,  etc. 

cr  La  Marquise.  Je  suis  fâchée  que  les  y  soient  passés  de 
mode  à  la  fin  des  mots  {foy,  loy^  luy^  essay)  :  cela  faisoit  à  mer- 
veille dans  les  exemples  d'écriture. 

«  Le  Comte.  Aussi  les  personnes  qui  ont  une  écriture  brillante 
renoncent  avec  peine  à  cet  usage,  parce  que  la  queue  de  cette 
lettre,  qu'elles  peuvent  orner  tant  qu'il  leur  plaît,  les  met  à  portée 
de  déployer  toute  la  légèreté  de  leur  main. 

«  L'Abbé.  En  bannissant  Vy  des  mots  où  il  est  inutile,  on  s'est 
fait  une  loi  pendant  long-temps  de  la  conserver  dans  les  mots 
yvrogne,  y  vraie  et  autres.  Aujourd'hui  on  s'accorde  presque  géné- 
ralement à  écrire  ces  mots  par  un  i  :  ivrogne,  ivraie^  s'enivrer,  etc. 
Le  mot  yeux  est  le  seul  qui  commence  encore  par  un  y  :  de 
beaux  yeux,  de  grands  yeux,  sans  qu'on  en  puisse  donner  aucune 
raison.  (Voir  p.  123.) 

a  Le  Comte.  Il  faut  avouer  qu'en  matière  d'orthographe,  l'habi- 
tude tient  souvent  lieu  de  raison.  Après  avoir  vu  écrire  tels  mots 
par  tels  caractères,  la  vue  est  choquée  du  moindre  changement. 
On  s'habitueroit  très-difficilement  à  voir  écrire  par  un  i  simple  : 
de  beaux  ieux,  de  grands  ieux,  nous  i  allons,  vousi  viendrez,  uni- 
quement parce  que,  de  temps  immémorial,  on  a  lu  avec  un  y  :  de 
beaux  yeux,  de  grands  yeux,  nous  y  allons,  vous  y  viendrez,  etc. 

«  Le  Lord.  On  en  peut  dire  autant  de  tous  les  changements 
qu'on  a  faits  jusqu'ici,  cependant  ils  sont  passés  en  usage,  et  à 
peine  soupçonne-t-on  qu'on  ait  jamais  écrit  autrement.  Ainsi, 
dans  l'orthographe  comme  dans  toute  autre  science,  l'habitude 
n'est  pas  une  raison  suffisante  pour  s'interdire  des  innovations 
dont  on  peut  tirer  quelque  avantage. 

«  La  Marquise.  De  toutes  les  consonnes,  celle  qui  m'embar- 
rasse le  plus,  c'est  le  composé  ph.  Puisque  ces  deux  lettres  se 
prononcent  exactement  comme  Vf,  et  qu'on  Wi  philosophie,  ortho- 
graphe, comme  s'il  y  avoit  jilosofie,  ortografe,  si  l'usage  vouloit  le 
permettre,  ilseroitbien  plus  commode  de  substituer  Vfkceph, 
comme  on  se  permet  de  substituer  Vi  simple  à  Vy.  Mais  ne  pou- 
vant réformer  l'usage,  il  faut  s'y  conformer.  Quelles  règles  pour- 
rois-je  suivre  pour  savoir  quand  il  faudra  écrire  par  1'/" simple  ou 
par^A? 


294  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE. 

((  Le  Comte.  On  se  sert  du  ph  pour  marquer  Tétymologie  des 
mots  tirés  de  la  langue  grecque. 

«  Sophie.  Est-ce  que  les  Grecs  n'avoient  point  d'/"  dans  leur 
alphabet? 

«Le  Comte.  Non,  Mademoiselle,  Vf  est  une  invention  des 
Romains  (1).  Voilà  pourquoi  les  anciens  noms  grecs  s'écrivoient 
tous  par  jsA  au  lieu  d'un  f.  On  écrit  Philippe,  Phébus,  Ascalaphe, 
Phaëton,  et  non  Filippe,  Febus,  Ascalafe,  Fa'êtàn, 

a  L'Abbé.  Suivant  les  mêmes  règles  d'étymologie,  il  faudroit 
écrire  par  ph,  phanal,  phantôme,  phantaisie,  phlegme,  phlegma- 
tique,  puisque  ces  mots  sont  pareillement  dérivés  du  grec  :  c^étoit 
l'ancienne  orthographe  ;  mais  présentement  il  faut  écrire  ces 
mots  par /": /awfl^,  fantôme,  fantaisie,  ileyme,  flegmatique,  eic, 
quoiqu'il  ne  soit  pas  permis  de  faire  les  mêmes  changements 
dans  philosophie,  physique,  amphibie,  etc.  Ceux  qui  connoissent 
à  fond  les  langues  anciennes  commettroient  bien  des  fautes  dans 
la  nôtre,  s'ils  ne  s'étoient  pas  attachés  à  en  examiner  le  génie 
particulier.  Tantôt  Tusage  veut  que  les  élymologies  soient  scru- 
puleusement conservées,  tantôt  il  exige  qu'on  s'en  écarte  sans 
ménagement.  » 

Journal  de  Paris.  1781. 

Dans  le  numéro  du  13  décembre  1781,  M.  de  G***  blâme  la 
manière  d'écrire  fallait,  pourra,  nourrir,  etc.,  contrairement  à 
la  vraie  prononciation  qui  ne  fait  sentir  qu'une  /  et  une  rdans  ces 
mots,  en  sorte  que  les  étrangers,  trompés  par  la  manière  d'écrire, 
les  font  sonner  aussi  fortement  que  dans  ville  et  dans  terreur.  Il 
se  récrie  aussi  a  sur  le  barbarisme  le  plus  bizarre  et  le  plus 
énorme  qui  subsiste  encore  dans  la  peinture  de  quelques  mots  de 
notre  langue,  particulièrement  l'emploi  de  Vo  que  l'on  conserve 
au  lieu  de  Va  dans  foiblesse,  connoistre,  françois,  etc.  »  Puis  il 
ajoute  :  «  Si  l'on  voulait  (sic)  donner  un  conseil  aux  imprimeurs  de 
la  capitale,  on  leur  diroit  (sic)  :  Messieurs  les  Trente-six,  qui  tous 
ensemble  tenez  la  clé  de  la  langue  française  à  Paris,  réunissez- 

(1)  Il  y  a  là  quelques  erreurs.  Les  anciens  Grecs  avaient  eu  l'F  ou  digamma 
éolique  (voir  p.  33),  d'où  les  peuples  du  Latium,  ancêtres  des  Romains,  l'a- 
vaient emprunté.  Les  Grecs  n'écrivaient  pas  par  une  double  lettre  les  mots  cités, 
mais  par  une  seule  et  même  lettre,  correspondant  à  notre  f.  <ï>t),nr7io;,  *oT6oç, 
'AdxâXaço;,  ^aextov,  et  de  même  tous  les  autres  mots,  ?iXo<ro?ia,  <ç6iym<7\).x. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.    —  REAUZÉE,        295 

vous  aujourd'hui  en  grand'chambre,  et  tous  d'un  commun  accord, 
rendez  un  arrêt  souverain  contre  cette  vieille  syllabe  qui  depuis 
cent  ans  crie  et  gémit  sous  vos  presses  en  vous  demandant  quar- 
tier. » 

Le  18  décembre,  M.  l'abbé  L.  M.,  après  avoir  répondu  à  une 
critique  de  M.  G***  au  sujet  des  accents  sur  les  adverbes  où^ 
là,  etc.,  termine  ainsi  son  article  :  «  J'avoue  pourtant  que  M.  de 
G***  m'apprend  une  chose  que  j'ignorois  parfaitement,  savoir  que 
les  imprimeurs  de  Paris  tiennent  la  clef  de  la  langue  françoise 
dans  la  capitale.  J'avois  jusqu'ici  soupçonné  que  si  quelque  com- 
pagnie à  Paris  tenoit  cette  clef,  ce  pouvoit  être  PAcadémie  fran- 
çoise. » 

Il  est,  en  effet,  préférable,  sous  tous  les  rapports,  que  ce  soit  de 
l'Académie  française  que  viennent  les  réformes.  L'empressement 
avec  lequel  on  s'est  aussitôt  conformé  à  toutes  celles  qu'elle  a  bien 
voulu  concéder  aux  désirs  généralement  manifestés_,  et  qui  tou- 
jours ont  été  adoptées  avec  reconnaissance  par  les  Français  et  les 
étrangers,  cet  accueil  est  la  plus  forte  garantie  de  ce  que  PAcadé- 
mie  voudra  bien  faire  dans  la  nouvelle  édition  qu'elle  prépare. 

Après  avoir  signalé  les  modifications  apportées  à  Porthographe, 
Pauteur  fait  dire  à  l'un  de  ses  interlocuteurs  : 

«  Il  faut  espérer  que  de  semblables  réformes  deviendront 
générales  et  qu'on  écrira  abé^  ahesse,  ahaye,  ahatial,  atendre^ 
aleTy  enveloper,  aquérir^  raquiter^  au  lieu  de  abbé^  abbesse,  abbaye^ 
abbatial^  attendre^  aller,  envelopper ,  acquérir,  racquitter.  » 

*  Brambilla.  Nouveaux  principes  de  la  langue  françoise,  ou 
nouvelle  méthode  très-brève  pour  aprendre  la  langue  fran- 
çoise, Bruxelles,  1783,  in-8. 

M.  Brunet,  dans  son  Manuel,  dit  que  cet  ouvrage  a  trait  à  la 
réforme  orthographique. 

*  BouLLiETTE.  Traité  des  sons  de  la  langue  française  et  des  ca- 
ractères qui  les  représentent.  Paris,  i788,  2  vol.  in-12. 

Beauzée,  de  l'Académie  française.  Articles  Orthographe  et 
surtout  Néographisme  dans  ï Encyclopédie  méthodique  de 


296        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  BEAUZÉE. 

Panckoucke,  Grammaire  et  littérature,  t.  II,  Paris,  1789, 
in -4. 

Beauzée,  après  avoir  donné,  dans  Tarticle  Orthographe,  le 
résumé  de  l'argumentation  en  faveur  de  l'écriture  étymologique, 
qu^il  devait  si  fortement  ébranler  lui-même,  a  défendu  avec  une 
grande  supériorité  de  raison  et  d'éloquence  la  nécessité  d'une  ré- 
forme modérée,  en  avouant  en  toute  bonne  foi  sa  récente  con- 
version au  principe  de  la  néographie,  conversion  que  je  crois 
due  au  travail  approfondi  de  Wailly,  analysé  plus  haui,  p.  276. 

Voici  un  extrait  de  ce  que  Beauzée  avait  dit  en  faveur  de  l'éty- 
mologie  : 

«  Si  Torthographe  est  moins  sujette  que  la  voix  à  subir  des 
changements  de  forme,  elle  devient  par  là  même  dépositaire  el 
témoin  de  Tancienne  prononciation  des  mots;  elle  facilite  ainsi  la 
connaissance  des  étymologies. 

a  Ainsi,  dit  le  président  de  Brosses,  lors  même  qu'on  ne  retrouve 
«  plus  rien  dans  le  son,  on  retrouve  tout  dans  la  figure  avec  un 

«  peu  d'examen Exemple.  Si  je  dis  que  le  mot  françois  sceau 

«  vient  du  latin  sigillum,  l'identité  de  signification  me  porte  d'a- 
ce bord  à  croire  que  je  dis  vrai  ;  l'oreille,  au  contraire,  me  doit  faire 
((juger  que  je  dis  faux,  n'y  ayant  aucune  ressemblance  entre  le 
«  son  so  que  nous  prononçons  et  le  latin  sigillum.  Entre  ces  deux 
«  juges  qui  sont  d'opinion  contraire,  je  sais  que  le  premier  est  le 
a  meilleur  que  je  puisse  avoir  en  pareille  matière,  pourvu  qu'il 
c(  soit  appuyé  d'ailleurs  ;  car  il  ne  prouveroit  rien  seul.  Consultons 
«  donc  la  figure,  et,  sachant  que  l'ancienne  terminaison  françoise 
«  en  el  a  été  récemment  changée  en  eau  dans  plusieurs  termes,  que 
«  l'on  disoit  scel  au  lieu  de  sceau  et  que  cette  terminaison  ancienne 
((  s'est  même  conservée  dans  les  composés  du  mot  que  j'examine, 
«  puisque  l'on  dit  conirescel  et  non  pas  contresceau,  je  retrouve 
«  alors  dans  le  latin  et  le  françois  la  même  suite  de  consonnes  ou 
a  d'articulations  :  sgl  en  latin,  sel  en  françois,  prouvent  que  les 
«  mêmes  organes  ont  agi  dans  le  même  ordre  en  formant  les  deux 
«  mots  :  par  où  je  vois  que  j'ai  eu  raison  de  déférer  à  l'Identité 
«  du  sens,  plus  tôt  qu'à  la  contrariété  des  sons.  » 

«Ce  raisonnement  étymologique  me  paroît d'autant  mieux  fondé, 
reprend  Beauzée,  et  d'autant  plus  propre  à  devenir  universel^  que 
l'on  doit  regarder  les  articulations  comme  la  partie  essencielle 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  BEAUZÉE.        297 

des  langues,  et  les  consonnes  comme  la  partie  essencielie  de  leur 
orthographe.  » 

Après  avoir  ainsi  exposé  les  motifs  en  faveur  de  l'écriture  éty- 
mologique, motifs  qui  ne  sauraient  d'ailleurs  convenir  à  un  dic- 
tionnaire de  la  langue  usuelle,  le  savant  académicien  prend  la 
défense  du  néographisme  auquel  il  s'était  montré  d'abord  op- 
posé: 

«  On  peut  aisément  abuser,  dit-on^  du  principe  que  les  lettres 
étant  instituées  pour  représenter  les  éléments  de  la  voix,  Fécri- 
ture  doit  se  conformer  à  la  prononciation. 

((  Oui,  sans  doute,  on  peut  en  abuser;  car  de  quoi  n'abuse-t-on 
pas  ?  N'a-t-on  pas  abusé  à  l'excès  de  cette  déférence  même  que 
l'on  prétend  due  à  l'usage  sans  restriction?  et  cet  abus  énorme 
n'est-il  pas  la  source  de  toutes  les  bizarreries  qui  rendent  notre 
orthographe  et  l'art  même  de  lire  notre  langue  si  difficiles^  que  les 
deuxtiers  de  la  nation  ignorent  l'un  et  l'autre? On  peut  donc  abuser, 
j'en  conviens,  du  principe  que  Quintilien  lui-même  approuvoit,  et 
qu'il  a  énoncé  d'une  manière  si  précise  [Inst.  orat.,  I,  liv.  vij)  :  Ego 
sic  scribendum  quidquejudico,  quomodo  sonat  ;  hic  enim  usus  est 
litterarum,  ut  custodiant  voces  et  velut  depositum  reddant  legenti- 
bus;  mais  il  est  possible  aussi  d'en  user  avec  sagesse,  avec  discré- 
tion et  surtout  avec  avantage  ;  il  est  possible  d'adopter,  d'après 
les  caractères  autorisés  légitimement  par  l'usage,  un  système  d'or- 
thographe plus  simple,  mieux  lié,  plus  conséquent J'oserai 

donc  ici,  sur  l'autorité  du  sage  Quintilien,  proposer  l'esquisse  d'un 
système  d'orthographe,  dans  lequel  je  crois  avoir  réuni  toutes  les 
qualités  exigibles,  sans  y  laisser  les  défauts  qui  déshonorent  notre 
orthographe  actuelle.  » 

Voici  l'analyse  de  ce  système  : 

l''Beauzée  supprime  la  consonne  redoublée  dans  l'écriture  quand 
elle  ne  se  fait  pas  sentir  dans  la  prononciation  :  il  écrit  abé,  acord, 
adoné,  afaire,  agresseur,  tranquile,  home,  persone,  suplice,  noû- 
riture,  atentif. 

2°  11  marque,  dans  les  terminaisons  des  mots,  Ve  d'un  signe  dif- 
férent selon  les  cas  :  quand  la  lettre  qui  suit  se  prononce,  par 
è;  quand  Vn  qui  suit  est  nasal,  par  é\  et  d'un  accent  circonflexe 
pour  en  faire  un  a  nasal,  laissant  Ve  nu  s'il  est  muet.  Exemples  : 
Jérusalem^  abdomen,  Pémbroc^  Agén,  il  convient,  \\ pressent,  em- 
pire, encore,  ils  aimoient,  ils  convient ^  ils  pressent. 


298       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  REAUZÉE. 
3°  H  distingue  ainsi  par  raccentuation  les  mots  suivants 


Sans  accent  grave. 

Avec  accent  grave. 

Sans  accent  grave. 

Avec  accent  grave 

plomb 

radoiib 

drap 

càp 

les  échecs 

un  échec 

aimer 

mèr 

nid 

David 

seller 

fier  (adj.) 

sang 

joùg 

vertus 

Brutùs 

fusil 

fil 

réparés 

.  Cérès 

cul 

recul 

il  subit 

subit  (adj.) 

nom 

Jérusalem 

complot 

ladôt 

ancien 

abdomen 

Jésus-Christ 

le  Christ 

Si  le  mot  était,  comme  abcès,  procèSy  terminé  par  é  et  5  qui  ne 
se  prononce  pas,  il  remplace  Vè  par  Te.  Ex  :  congrès,  décès. 

4»  Il  propose  pour  le  même  motif  d'écrire  ammonite,  Emma- 
nuel, immobile,  annuité,  triennal,  inné,  amnistie,  somnambule, 
allusion,  îllégaU  collateur. 

5**  On  pourrait  écrire,  à  la  manière  espagnole,  émail  au  lieu  de 
émail,  vermeil  au  lieu  de  vermeil,  périll  au  lieu  de  péril,  seuil 
au  lieu  de  seuil,  fenouil  au  lieu  de  fenouil,  etc. 

Si  Pon  ne  prononce  qu'un  /  et  qu'il  ne  soit  pas  mouillé,  on  n'en 
écrira  qu'un  :  tranquile,  mortèle^  rebèle,  une  vile,  vilage,  etc. 

6°  Les  monosyllabes  ces,  des,  les,  mes,  ses,  ^es  porteraient  l'ac- 
cent aigu  {sic)  pour  qu'on  pût  les  distinguer  de  la  dernière  syllabe 
des  mots  actrices,  mondes,  mâles,  victimes,  chaises,  dévotes. 

On  écrirait  de  môme  :  bléd,  clef,  pluriel,  pied. 

7°  Il  propose  l'accent  grave  dans  les  cas  suivants  :  Èchatane , 
pectoral,  heptagone,  cerveau,  escroc,  espace,  etc.  Et  de  môme  : 
cèle,  musète,  anciène,  qu'ils  viènent. 

Le  même  accent  s'appliquerait  aux  mots  exact,  exécuter,  èxorde, 
exquis,  etc. 

8°  L'accent  circonflexe  qui  sert  à  allonger  la  syllabe  àBXis  prêtre, 
extrême,  ne  doit  pas  être  reproduit  dans  les  composés,  prêtrise, 
extrémité  (1). 

9°  On  devrait  écrire  àgnat,  àgnation,  àgnatique,  igné,  ïgnicole, 
ignition,  cognât,  cùgnation,  stagnation,  stagnant,  en  écrivant 
comme  à  l'ordinaire  les  mots  agneau,  cognée,  ognon,  rognure. 

10°  Il  propose  aussi  d'employer  l'accent  grave  dans  les  mots 

(1)  Ce  principe  excellent  devrait  être  observé  dans  tous  les  cas  semblables. 
On  écrit  grêle,  mais  on  devrait  écrire  grélmy  etc.  Ainsi  le  veut  la  prosodie 
française. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  BEAUZÉE.        299 

suivants  :  lingual,  le  Guide,  le  duc  de  Gùise,  aiguiser ,  aiguille^  ai- 
guë, contighe,  éqùateur^  liquéfaction,  équestre,  quinquagésime,  pour 
distinguer  le  son  spécial  de  guQi  qu  de  celui  qu'il  a  dans  anguille, 
liquéfier.  Il  propose  aussi  arguer,  ambiguïté,  contiguïté. 

L'auteur  fait  une  excellente  observation  sur  l'anomalie  qui  con- 
siste à  prononcer  comme  s  et  non  comme  2,  ainsi  que  le  voudrait 
la  règle  grammaticale,  les  mots  désuétude,  préséance,  présuppo- 
ser, monosyllabe.  Il  remédie  à  cette  difticulté  en  écrivant  déssué- 
tude,  présseance,  préssupposer,  monossillabe. 

Il  donne  ensuite  des  préceptes  pour  l'emploi  du  tréma;  la  plu- 
part n'ont  pas  prévalu. 

«  On  prononce  ai  comme  e  muet  dans  faisant,  nous  faisons,  je 
faisois,  vous  faisiez,  bienfaisant,  contrefaisant,  et  autres  dérivés 
pareils  du  verbe  faire.  Mais  puisqu'il  est  déjà  reçu  d'écrire  par  un 
e  simple  Je  ferai,  je  ferois,  etc.,  sans  égard  pour  Vai  de  faire, 
pourquoi  n'écriroit-on  pas  de  même  fesant,  nous  fesons,je  fesois, 
vous  f estez,  bien  fesant,  biénfesance,  contre  fesant?  M.  RoUin  et 
d'autres  bons  écrivains  (1)  nous  ont  donné  Texemple,  et  la  raison 
prononce  qu'il  est  bon  à  suivre. 

a  ÏA""  Les  deux  caractères  ch  se  prononcent  quelquefois  en  sif- 
flant comme  dans  méchant,  et  quelquefois  à  la  manière  du  k  comme 
dans  archange.  Il  étoit  si  aisé  de  lever  l'équivoque  qu'il  est  sur- 
prenant qu'on  n'y  ait  point  pensé  :  la  cédille  étant  faite  pour  mar- 
quer le  sifflement,  il  n'y  avoit  qu'à  écrire  çh  pour  marquer  le  sif- 
flement, eich  pour  le  son  guttural  :  méchant,  monarchie,  archevêque, 
marchons,  chercheur,  en  sifflant  ;  archange,  archiépiscopal,  ar- 
chonte, chœur,  avec  le  son  dur  (2). 

«  Grâce  à  cette  légère  correction,  on  pourrait  rétablir  l'ana- 
logie entre  monarchie  et  monarche.  » 

d5o  En  vertu  du  même  principe,  Beauzée  propose  Vh  avec 
cédille  quand  cette  lettre  est  aspirée.  «  Cela  ne  feroit  pas  un 
grand  embarras  dans  l'écriture,  et  les  imprimeurs  seroient  sans 

(1)  Voltaire  écrit  toujours  ainsi,  et  cette  orthographe  a  été  maintenue  dans  l'im- 
pression de  ses  œuvres. 

(2)  Le  nombre  des  mots  dérivés  du  grec  écrits  encore  par  ch  prononcé  comme 
k  étant  très-minime,  puisque  la  plupart  ont  déjà  perdu  Vh,  la  combinaison 
ingénieuse  de  Beauzée  devient  inutile  du  moment  que  l'on  accepterait  ce  que  j'ai 
proposé.  (Voyez  ci-dessus,  p.  36.) 


300 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  BEAUZÉE. 


doute  assez  honnêtes  pour  faire  fondre  des  h,  cédillées  en  faveur  de 
Tamélioration  de  notre  orthographe  :  plus  on  facilitera  Fart  de 
lire,  plus  aussi  on  multipliera  les  lecteurs  et  par  conséquent  les 
aquéreurs  de  livres.  » 

16^»  «  J'en  dirois  autant  des  t  cédilles  pour  le  cas  où  cette  lettre 
représente  un  sifflement.  N'est-il  pas  ridicule  d'écrire  avec  les 
mômes  lettres,  nous  portions  et  nos  portions,  nous  dictions  et  les 
dictions,  et  une  intinité  d'autres  ?  Cette  simple  cédille,  en  fesant 
disparoître  l'équivoque  dans  la  lecture,  laisseroit  subsister  les  tra- 
ces de  l'étymologie  et  seroit  bien  préférable  au  changement  qu'on 
a  proposé  du  ^  en  c  ou  en  s. 

17*  «  L'analogie,  si  propre  à  fixer  les  langues,  à  les  éclairer,  à  en 
faciliter  l'intelligence  et  l'étude,  conseille  encore  quelques  autres 
changements  très-utiles  dans  notre  orthographe,  parce  qu'ils  sont 
fondés  en  raison,  que  l'usage  contraire  est  une  source  féconde 
d'inconséquences  et  d'embarras,  et  qu'il  ne  peut  résulter  de  ces 
corrections  aucun  inconvénient  réel. 

«  Le  premier  changement  seroit  de  retrancher  des  mots  radi- 
caux la  consonne  finale  muette,  si  elle  ne  se  retrouve  dans  au- 
cun des  dérivés  :  pourquoi,  en  effet,  ne  pas  écrire  rampar  sans 
t  et  nŒU  sans  ^,  puisqu'on  ne  forme  du  premier  que  remparer 
et  du  second  nouer ^  dénouer,  dénoûment,  renouer,  renoueur,  re- 
noûment,  où  ne  paroissent  point  les  consonnes  finales  des  radi- 
caux (1)  ? 

«  Le  second,  de  changer  cette  consonne  ou  dans  le  radical  ou 
dans  les  dérivés,  si  elle  n'est  pas  la  môme  de  part  et  d'autre,  et 
que  la  prononciation  reçue  ne  s'oppose  point  à  ce  changement. 
L'usage,  par  exemple,  a  autorisé  absous,  dissous,  résous  au  mas- 
culin, et  absoute,  dissoute,  résoute  au  féminin  :  inconséquence 
choquante,  mais  dont  la  correction  ne  dépend  pas  d'un  choix  libre; 
le  t  se  prononce  au  féminin  et  la  lettre  s  est  muette  au  masculin. 
Écrivons  donc  absout,  dissout ,  résout.  Au  lieu  d'écrire  faix,  faux, 
heureux,  roux,  écrivons  avec  Vs  :  fais,  faus,  heureus,  rous,  à  cause 
des  dérivés  affaissement,  affaisser,  fausse,  faussement,  fausseté, 
fausser,  heureuse,  heureusement,  rousse,  rousseur,  roussir.  Une 
analogie  plus  générale  demande  même  que  l'on  change  x  partout 
où  cette  lettre  ne  se  prononce  pas  comme  es  ou  gz  et  qu'on  écrive 

(1)  L'Académie  a  depuis  adopté  les  mots  nodus  et  nodosité.  Ce  dernier  ne  figure 
qu'à  la  sixième  édition. 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  BEAUZEE.        301 

Aussère  (ville),  Brussèles  (ville),  soissante,  sizième^  sizain,  dizième^ 
comme  on  écrit  déjà  dizain  et  dizaine.  II  faut  écrire  aussi  les  lois, 
de  \apois,  la  vois,  des  pous,  les  fous,  cens,  les  vœus,  etc.,  et  ne 
laisser  à  la  fin  des  mots  que  les  x  qui  s'y  prononcent  comme  dans 
borax,  Siix. 

«  Il  est  d'usage  d'écrire  dépôt,  entrepôt,  impôt,  supôt,  avec  un  t 
inutile  et  un  accent  que  réclame,  dit-on,  une  s  supprimée  ;  eh  !  sup- 
primons, au  contraire  ;,  ce  t  inutile  et  rétablissons  Vs  réclamée 
d'ailleurs  avec  justice  par  les  dérivés  déposant,  etc.,  entrepo- 
seur, etc.,  imposant,  etc.,  suposition,  supositoire,  etc._,  et  nous 
écrirons  dépos,  entrepos,  impos^  supos,  comme  nous  avons  déjà 
par  la  môme  analogie  dispos,  propos  et  repos...  Il  est  d'usage 
d'écrire  nez  avec  un  z  et  les  dérivés  avec  s,  nasal,  nasalite, 
nasardy  nasarde,  nasarder,  naseau,  nasillard,  nasiller  :  il  faut 
choisir  et  mettre  z  dans  les  dérivés  comme  dans  le  radical,  ou  s 
dans  le  radical  comme  dans  les  dérivés.  Ce  dernier  parti  est  le 
plus  sûr. 

«...  Nous  avons  courtisan,  courtisane,  courtiser,  courtois^  etc., 
qui  viennent  de  cour.  Reprenons  l'usage  de  nos  pères,  qui  écri- 
voient  court  du  latin  cors,  cortis  (basse-court),  d'où  viennent  le 
corte  des  Espagnols,  le  corteggio  des  Italiens  et  notre  mot  cortège. 
En  restituant  ce  caractère  d'étymologie,  objet  si  précieux  pour 
les  amateurs,  nous  rétablirons  les  droits  raisonnables  et  bien  plus 
utiles  de  l'analogie. 

c<  Un  quatrième  principe  d'analogie  est  de  ne  jamais  supprimer 
la  consonne  finale  du  radical  dans  les  dérivés  quoiqu'elle  y  soit 
muette,  à  moins  que  sa  position  dans  le  dérivé  n'induise  à  la  pro- 
noncer; c'est  ainsi  qu'on  écrit  sans  jo  les  mots  corsage,  corselet, 
corset,  corsé,  quoiqu'ils  viennent  de  corps,  parce  que  le/?  embar- 
rasseroit  la  prononciation  et  la  rendroit  douteuse.  Je  crois  que 
par  analogie  on  doit  de  même  écrire  sans  jo  les  mots  batéme,  batiser, 
Jean  Batiste,  batistère,  parce  qu'on  seroit  tenté  d'y  prononcer  le  p, 
comme  il  faut  le  prononcer  et  conséquemment  l'écrire  dans  bap* 
tismal. 

«  Il  est  contraire  au  bon  sens  de  restreindre,  par  des  exceptions 
inutiles,  bizarres,  embarrassantes  et  contradictoires,  la  règle  de  la 
formation  de  nos  pluriels,  qui  fait  ajouter  s  à  la  fin  des  noms  et 
adjectifs  singuliers  non  terminés  par  s,  x  ou  z.  »  Il  faut  donc  écrire 
ses  gents,  touts  les  hommes. 

«  Les  adjectifs  terminés  en  ant  ou  ent  forment  leurs  adverbes, 


302        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  BEAUZÉE. 

de  manière  que  l'oreille  les  entend  finir  par  ament\  cependant  les 
uns  s'écrivent  par  amment  et  les  autres  par  emment  ;  les  étrangers 
et  les  nationaux  peu  instruits  sont  en  danger  de  prononcer  ces 
deux  syllabes  comme  les  deux  premières  du  mot  emmancher  ou 
de  prononcer  la  première  des  deux  comme  la  première  des  mots 
Ammonite^  Emmanuel.  Supprimons  donc  la  première  m,  puis- 
qu'elle ne  se  prononce  plus^  et  les  adverbes  venus  des  adjectifs  en 
ANT  s'écriront  simplement  et  analogiquement  par  ament.  De  sor 
vant^  instant^  puissant,  on  formera  savament,  instament,  yuissa- 
ment.  Quant  aux  adverbes  venus  des  adjectifs  en  ent,  outre  la 
suppression  de  la  première  m,  qui  y  est  également  nécessaire,  il 
faut  y  introduire  un  a,  puisqu'on  l'y  entend.  Cet  a  doit  même  en- 
trer dans  l'orthographe  de  l'adjectif  pour  caractériser  l'analogie. 
Ainsi,  écrivons  diligeant  et  diligeament,  négligeant  et  négligea- 
ment^  prudant  et  prudament,  violant  et  violament.  Je  conserve 
Ve  dans  diligeant  et  négligeant^  parce  qu'il  y  est  nécessaire  pour 
faire  siffler  le  g  et  l'empêcher  d'être  guttural,  et  je  supprime  Te 
dans  prudant  et  violant^  parce  qu'il  y  seroit  absolument  inutile.  » 

Beauzée ,  poursuivant  le  cours  de  ses  délicates  et  ingénieuses 
observations,  énonce  ensuite  quelques  règles  qui  se  recomman- 
dent à  l'attention  des  partisans  de  la  néographie  phonétique  :  «  Il 
faut,  dit-il,  écrire  le  son  o  par  au  dans  les  mots  dont  les  analogues 
ont  a  ou  al  en  même  place,  et  par  eau  dans  ceux  dont  les  ana- 
logues ont  e  ou  el  dans  la  syllabe  correspondante,  comme  : 


chawd,  chawfer      à  cause 
faws,  fawssaire             — 

de 

chaleur 
faMfier 

agneau   à  cause 
beaMté          — 

de 

agne^ér 
hél 

hawt,  hawsser             — 
mawdire                       — 
naufrage                       — 

exalter 

malédiction 

navire 

i|l 

- 

chapelier 
grumeZér 
mante 

psattme,  psawtier         — 

psaZmiste 

rouleaw 

— 

rouler. 

«  Si  l'on  entend  dans  quelques  mots  un  o  simple  ou  la  voyelle 
composée  ou,  l'analogie  exige  que  dans  tous  les  mots  de  la  même 
famille  où  au  lieu  de  o  ou  de  ou  on  entendra  eu,  on  écrive  œu  ; 
ainsi  écrivons-nous  : 


bœwf 

à  cause  de  boMviér 

œui 

à  cause  de  ovaire  et  oval 

cœwr 

—         cordial 

œuvre 

—         OMvriér 

chcBwr 

—         choriste 

sœur 

—         sororal 

mœurs 

—         moral 

vœir 

—         voMér  ou  voter 

uœu 

—         nowér 

LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  BEAUZÉE.        303 


((D'après ce  principe,  combiné  avec  la  manière  dont  je  propose 
d'écrire  /  mouillée,  il  faut  écrire  œil  au  lieu  de  œil.  Puisqu'il  est 
reçu  d'écrire  vœu  à  cause  de  vouer,  pourquoi  n'écriroit-on  pas 
avœu,  tant  par  analogie  avec  vœu  qu'à  cause  d'avouer  ?  Nous  écri- 
vons cueillir  et  nous  y  prononçons  eu  qui  n'y  est  point  écrit  :  les 
mots  colècte,  colècteur,  colèctif,  colècUon,  qui  sont  de  la  même  fa- 
mille, nous  indiquent  œ  et  nous  avertissent  d'écrire  cœ^/Zer,  acœul- 
lir,  recœullir,  de  là  acœuîl,  recœull,  même  cercœull,  et  par  l'ana- 
logie des  sons  oryœull  où  l'on  prononce  œu ,  puis  orgoélleus, 
parce  qu'on  n'y  prononce  que  e\  » 

18"  L'auteur  demande  que  Ton  écrive  : 


afin 
enfin 
au  près 
aussi  tôt 
bien  tôt 
en  suite 
autrefois 
quelquefois 
toute  fois 
par  ce  que 
lors  que 
pour  quoi 


au  lieu  de  afin 
—       enfin 


auprès 

aussitôt 

bientôt 

ensuite 

autrefois 

quelquefois 

toutefois 

parce  que 

lorsque 

pourquoi 


à  cause  de  à  cette  fin ,  à  cause 

—  de  près ,  de  loin 

_       iplus  tôt,  bien  tôt,  aussi  tard, 
{    bien  tard 

—  par  suite,  à  la  suite 

—  une  fois  y  plusieurs  fois 

—  par  la  raison  que 

—  tandis  que,  etc. 

—  pour  qui 


19<*  Il  réunit,  au  contraire,  les  mots  suivants  :  un  acompte,  des 
acomptes,  des  apropos,  des  apeuprès. 

En  terminant,  Beauzée  défend  ainsi  son  système  du  reproche 
d'attenter  à  l'étymologie  et  à  la  prosodie  : 

«  Pour  ce  qui  concerne  les  droits  de  Fétymologie,  je  le  de- 
mande, est-il  raisonnable  que  nous  allions  chercher  dans  une  lan- 
gue étrangère  et  morte,  qui  est  ignorée  des  dix-neuf  vingtièmes  de 
la  nation,  les  raisons  de  notre  orthographe,  que  toute  notre  nation 
doit  savoir?  1^'est-ce  pas  condanner  gratuitement  à  l'ignorance 
d'une  chose  essencielle  tous  ceux  qui  n'auront  pas  fait  les  frais 
superflus  d'étudier  le  latin  et  le  grec  ?  N'est-ce  pas  mettre  des  en- 
traves ridicules  à  la  perfection  d'une  langue  qui,  après  tout,  doit 
nous  être  plus  précieuse  que  toute  autre?  L'orthographe  est  pour 
toute  la  nation  ;  la  connoissance  des  étymologies  n^est  que  pour  un 
très-petit  nombre  d'hommes,  qui  môme  n'en  tirent  pas  grand  avan- 
tage, ni  pour  eux-mêmes  ni  pour  l'utilité  publique  :  faut-il  donc 


304       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  REAUZÉE. 

sacrifter  Tavantage  de  vingt  millions  d'ames  aux  vues  pédantes- 
ques  de  deux-cents  personnages,  qui  n'en  sont  ni  plus  savants  ni 
plus  utiles?  L'injustice  et  le  ridicule  de  cette  prétention  ont  été 
sentis  par  TAcadémie  délia  Crusca,  pour  la  langue  italienne,  et 
par  l'Académie  royale  de  Madrid,  pour  la  langue  castillane  :  Por- 
thographe  de  ces  deux  langues  est  réduite  à  peindre  juste  la  pro- 
nonciation, sans  égard  pour  des  étymologies  qui  la  défigureroient; 
et  les  savants  d'Italie  et  d'Espagne  n'en  seront  pas  moins  bons 
étymologistes.  Mais  chez  nous  môme,  d'où  vient  qu'il  n'a  pas  plu 
k  l'usage  de  redoubler  la  consonne  dans  quelques  mots,  où  toute- 
fois la  raison  servile  d'imitation  à  cause  de  l'étymologie  militoit 
autant  que  dans  les  autres  mots  où  l'on  a  consacré  ce  redouble- 
ment? C'est  que  quelquefois  la  raison  Ta  emporté  sur  Faveugle  et 
imbécile  routine  et  que  l'on  a  quelquefois  obéi  au  principe  inva- 
riable qui  veut  que  l'écriture  soit  l'image  fidèle  delà  parole. 

«  Ce  qu'on  allègue  en  faveur  des  droits  de  la  prosodie  est-il 
mieux  fondé?  Il  faut,  dit-on,  redoubler  la  consonne  pour  mar- 
quer la  brièveté  de  la  voyelle  précédente.  Ce  prétendu  principe 
est  absolument  faux,  de  l'aveu  même  de  l'usage  :  car  1°  nous  trou- 
vons la  consonne  redoublée  après  des  voyelles  longues  :  flamme^ 
mânne,  abbêsse,  que  je  fisse,  grosse,  que  je  pusse,  que  je  pousse, 
paissez,  etc.;  2°  on  trouve  de  même  des  voyelles  brèves  avant  une 
consonne  simple  :  damier,  interpréter,  docilité,  dévote,  fortuné, 
houle,  jeunesse,  retraite,  etc.  Quand  ce  principe  seroit  admis  sans 
exception  dans  la  pratique,  peut-être  faudroit-il  encore  y  renon- 
cer, parce  qu'il  seroit  au  moins  inutile  :  ne  suffiroit-il  pas  de  mar- 
quer de  l'accent  circonflexe  les  voyelles  longues  et  d'écrire  les 
brèves  sans  accent?  N'avons-nous  pas  déjà  tâche  et  tache,  malin  et 
matin,  châsse  et  chasse,  bête  et  bète  (racine),  gîte  et  il  agite,  le 
nôtre  et  ncftre  avis,  etc.?  A  ces  deux  vices,  déjà  considérables,  de 
fausseté  et  d'inutilité,  ajoutons  que  ce  principe  est  encore  opposé 
à  l'effet  naturel  du  redoublement  de  la  consonne,  qui  est  d'alon- 
ger  la  voyelle  précédente.  » 

Beauzée  a,  comme  on  le  voit,  étudié  dans  ses  détails  et  avec 
beaucoup  d'érudition  et  de  sagacité  le  mécanisme  de  l'orthogra- 
phe étymologique.  Quelques-unes  de  ses  modifications  pourraient 
être  acceptées  ;  d'autres,  celles  qui  entraînent  l'augmentation  du 
nombre  des  accents,  sont  ingénieuses,  mais  tout  à  fait  impratica- 
bles. Pour  se  disculper  du  reproche  qu'on  lui  a  fait  de  cette  com- 


LA  RÉFORME  ORïHOCxRAPHIQUE.  -  ROllNVILLIERS.     305 

plication,  Beaiizée  cite  un  passage  de  VEnchiridion  d'Épictète,  où, 
dans  le  texte  grec,  se  trouvent  41  accents  pour  37  mots,  tandis 
que  la  traduction  littérale,  orthographiée  selon  son  système,  ne 
montre  que  23  accents  sur  55  mots.  Voici  cette  traduction  : 

«  Ces  gênls  veulent  aussi  être  philosophes.  Home,  aye  d'abord 
«  apris  ce  que  c'est  que  la  chose  que  tu  veus  être  ;  aye  étudié  tés 
«  forces  et  le  fardeau  ;  aye  vu  si  tu  peus  Pavoir  porté  ;  aye  consi- 
«  déré  tés  bras  et  tés  cuisses,  aye  éprouvé  tés  reins,  si  tu  veus  être 
«  qùinqùèrcion  ou  luteur.  » 

Dans  la  langue  grecque,  tous  les  mots  ayant  une  accentuation 
tonique  très-fortement  accusée,  ces  marques  devenaient  bien  plus 
nécessaires  qu'elles  ne  le  sont  dans  la  nôtre,  pour  fixer  la  diction. 
L'accentuation  grecque  (l'aigu,  le  grave,  le  circonflexe), qui  a  servi 
de  modèle  à  la  nôtre,  ne  fut  introduite  qu'au  deuxième  siècle 
avant  J.-C,  et  c'est  à  Alexandrie  qu'elle  fut  d'abord  mise  en  usage 
par  son  inventeur,  Aristophane  de  Byzance,  pour  fixer  la  pro- 
nonciation et  la  préserver  d'être  altérée  par  tant  de  populations 
étrangères  qui  parlaient  le  grec.  On  ne  trouve,  d'ailleurs,  aucun 
texte  manuscrit,  sauf  des  grammaires,  accentué  au  complet  avant 
le  xi^  siècle  de  notre  ère. 


DIX-NEUVIÈME  SIÈCLE. 

Jean -Etienne -Judo  H  Forestier  Boinvilliers  -  Des  jardins  , 
membre  correspondant  de  l'Institut  de  France.  Grammaire 
raisonée  ou  cours  théorique  et  pratique  de  la  langue  fran- 
çaise. Paris,  1802,  in-8  de  526  pp. 

Ce  savant  grammairien  figure  au  nombre  des  réformateurs  les 
plus  modérés.  Il  n'admet  pas  de  séparation  entre  la  langue  fran- 
çaise et  le  latin  dont  l'étude  lui  paraît  indispensable  pour  la  con- 
naissance du  système  de  l'orthographe  française.  Fidèle  sur  tous 
les  points  à  l'étymologie,  il  n'adopte  que  les  changements  qui  s'y 
conforment,  de  sorte  que  sa  réforme  porte  presque  exclusivement 
sur  les  doubles  consonnes,  qu'il  remplace  par  les  simples  là  seu- 
lement où  elles  sont  d'accord  avec  les  primitifs  latins.  Cette  .amé- 

20 


306     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  DOMERGUE. 

lioration  constitue  déjà  un  pas  en  avant,  mais  reste  imparfaite 
puisaue  dans  certains  mois  elle  se  conforme  à  l'étymologie  latine, 
contrairement  à  la  prononciation.  Boinvilliers  a  fait  un  code  d'or- 
thographe à  l'usage  des  lettrés ,  et  par  conséquent  ne  se  soucie 
pas  de  la  régularité  qui  doit  être  l'âme  de  tout  système  d'écriture 
rationnelle. 

Il  écrit  donc  :  nourir,  étoner^  doner,  conaître,  aparteniry  quiter^ 
atendre^  ariver^  honeur^  home,  persone,  acord^  someil,  etc.,  et  d'un 
autre  côté  :  différer  et  différence,  commettre  et  commission,  ap- 
prouver et  approbation,  etc. 

Dans  les  mots  où  la  pénultième  se  trouve  être  un  e  muet  suivi 
immédiatement  de  la  double  consonne,  il  le  remplace  par  un  è 
après  la  suppression  de  la  consonne .  Exemples  :  fèfe,  bèlc,  cèle,  an- 
ciène,  cruète,quHl  viène.  Il  écrit  énemi  avec  un  e  aigu.  Il  remplace 
par  l's  Vx  final  des  substantifs  et  des  adjectifs  pour  les  conformer 
à  la  règle  générale  de  la  formation  du  féminin,  ex.  :  épous,  épouse, 
heureus,  heureuse. 

Il  écrit  avec  un  c  tous  les  adjectifs  dont  le  substantif  corres- 
pondant possède  le  c  à  la  désinence,  comme  confidenciel  (con- 
fidence), substanciel  (substance),  essenciel  (essence),  pénitenciel 
(pénitence),  et  avec  un  t  ceux  où  cette  consonne  existe  dans  le 
primitif,  comme  séditieus  {sédition) ,  factieus  (faction),  ou  qui  ne 
dérivent  pas  d'un  substantif,  comme  captieus  (capter). 

Il  écrit  avec  Voltaire  nom  fesons,  bienfesant,  malfesant. 
'    Il  remplace  1*2/  par  Yi  partout  où  il  ne  représente  pas  deux  i,  et 
il  écrit  avec  beaucoup  de  raison  :  les  ieux,  venez  i  (  /  venant  de 
ibi). 

Il  est  inutile  d'ajouter  qu'il  conserve  partout  les  ph  et  th  étymo- 
logiques. 


Urbain  Domergue,  de  l'Institut,  La  prononciation  françoisé, 
déterminée  par  des  signes  invariables^  avec  application  à 
divei's  morceaux,  en  prose  et  en  vers,  contenant  tout  ce 
qu'il  faut  savoir  j^our  lire  avec  correction  et  avec  goût; 
suivie  de  notions  orthographiques  et  de  la  nomenclature  des 
mots  à  difficultés.  Paris,  F.  Barret,  l'an  V^  in-8  de  302  pp. 
—  La  prononciation  françoisé,  où,  T  auteur  a  prosodie,  avec 
des  caractères^  dont  il  est  r inventeur^  sa  traduction  en  vers 


LA  RÉFORME  ORÏHOGKAPHIQUE.  —  DOMERGUE.     307 

des  dix  églogues  de  Virgile  et  quelques  autres  morceaux  de 
sa  composition;  augmentée, d'un  tableau  des  désinences  fr^an- 
çoises,  pour  faciliter  V étude  des  genres.  Manuel  iîidispen- 
sable  pour  les  étrangers^  amateurs  de  cette  langue^  infi- 
niment utile  aux  François  eux-mêmes.  Seconde  édition. 
Paris,  librairie  économique,  18D6,  in-8  de  3  ff.,  540  pp., 
plus  3  ff. 

Les  travaux  de  Domergue  sur  la  langue  française  remontent  à 
1778.  C'est  à  cette  époque  qu'il  fit  paraître  sa  Grammaire  fran- 
çaise simplifiée  (in- 12],  réimprimée  en  179:2.  Ea  1784,  il  fonda  à 
Lyon  le  Journal  de  la  langue  française,  qui  fut  continué  jusqu'en 
1791.  En  1790,  il  publia  le  Mémorial  du  jeune  orthographiste 
(in-12).  Revenu  à  Paris,  il  forma  la  Société  des  amateurs  et  régé- 
nérateurs de  la  langue  française ,  dont  sortit  plus  tard  le  Conseil 
grammatical ,  tribunal  officieux  dont  le  rôle  était  de  donner  des 
solutions  aux  questions  grammaticales  offrant  des  difficultés.  Ces 
solutions  furent  publiées  en  1vol.,  en  1808.  On  a  encore  de  cet 
académicien  deux  opuscules  sur  l'orthographe  :  Exercice  ortho- 
graphique (Paris,  1810,  in-12),  et  les  Notions  orthographiques. 
Bien  que  je  n'aie  pu  me  procurer  ces  ouvrages,  j'ai  cru  utile  de 
les  mentionner  bibliographiquement. 

La  partie  critique  dans  le  travail  de  cet  académicien  n'a  pas 
l'importance  que  les  autres  novateurs  ont  cru  devoir  lui  donner  à 
Fappui  de  leur  système. 

«  Si  notre  alphabet  étoit  bien  fait,  dit  Domergue,  p.  177,  si 
chaque  son  étoit  exprimé  par  un  signe  qui  lui  convînt  toujours, 
qui  ne  convînt  qu'à  lui,  la  connoissance  de  l'alphabet  seroit  la 
clé  de  la  prononciation.  Mais  notre  langue  parlée  a  40  éléments 
(voir  plus  loin,  p.  359),  et  nous  n'avons  que  24  lettres.  Encore,  ces 
lettres  trompentrcUes  sans  cesse  l'œil  par  des  sons  contraires  aux 
signes,  l'oreille  par  des  signes  contraires  aux  sons.  Tâchons  de 
mettre  d'accord  les  deux  sens  particulièrement  consacrés  à  la  pa- 
role, la  vue  et  l'ouïe.  Que  dans  l'alphabet  que  je  destine  à  réfléchir 
la  prononciation,  comme  une  glace  fidèle  réfléchit  les  objets,  ces 
deux  principes  soient  invariablement  suivis  :  1°  autant  de  signes 
simples  que  de  sons  simples  ;  2°  application  constamment  exclu- 
sive du  signe  au  son.  » 


308      LA.  RKFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DOMERGUE 


TABLEAU   DES    VOYELLES   DE   DOMERGUE. 

a.    comme  dans  ami,  haril a    aigu. 

et ,    comme  dans  câble,  raser a    grave. 

Cf,    comme  dans  banc,  temps a    nasal. 

Oj    comme  dans  domino,  loto .  o     aigu. 

G  ,    comme  dans  grossir,  rosier o     grave. 

O* ,    comme  dans  bonté,  ombre o     nasal. 

S  ,    comme  dans  théj  café e     aigu  bref. 

"B ,    comme  dans  lésion,  fée -    ....  e     aigu  long. 

/6j    comme  dans  succès,  caisse e     grave. 

e  y    comme  dans  modèle,  foibk e     moyen. 

C*'  j    comme  dans  lien,  vin e     nasal. 

1,    comme  dans  colibri,  biribi i     bref. 

\  j    comme  dans  cerise,  gîte .    .    .  • i     long. 

U  j    comme  dans  vertu,  tube u    bref. 

*<Jt  j    comme  dans  ruse,  flûte u    long. 

O  j    comme  dans  joujou,  bijou ou  bref. 

D  ,   comme  dans  pelouse,  croûte ou  long. 

C  5    comme  dans  bonne,  jeton eu  faible. 

•C ,    comme  dans  feu,  peuplier eu  bref. 

"Cj    comme  dans  creuse,  beurre eu  long. 

C  ,    comme  dans  ww,  à  jeun eu  nasaj. 

CONSONNES  : 

Pronontex 

111,    comme  dans  maman me. 

b  j    comme  dans  battre be, 

p  ,    comme  dans  papa pe. 

V ,    comme  dans  vivacité ve. 

I  j    comme  dans  /orce ' fe.^ 

cl ,    comme  dans  devoir de. 

t ,  comme  dans  tutoyer,  et  jamais  comme  dans  portion.    .  te. 

11,  comme  dans  Nanine,  et  jamais  comme  dans  bon.    .    .  ne. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DOMERGUE.   309 

1  ,    comme  dans  lunatique /e, 

i  ,    comme  dans  famille iq  mouillé. 

Ij  ,  comme  dans  ignorant,  et  jamais  comme  dans  gnome.  .  gn  mouillé 

Z  ,    comme  dans  azur ^e. 

S  ,  comme  dans  salut.,  et  jamais  comme  dans  ruse.  .    .    .  se. 

Y  ,    comme  dans  rire re, 

J  ,    comme  dans  jujube je. 

J  ,    comme  dans  chercher ch  doux. 

g  ,  comme  dans  guérir,  et  jamais  comme  dans  pigeon.    .  ghe. 

O  j    comme  dans  camisole,  colère que. 

€[;,    comme  dans  cœur,  requête q  adouci. 

<  5    comme  dans  les  héros aspiration. 

On  voit  que,  dans  l'écriture  inventée  par  Domergue,  le  caractère 
c  a  changé  de  fonction  et  représente  eu  faible  que  l'auteur  croit  en- 
tendre dans  notre  e  muet  ou  e  féminin,  bonne,  jeton.  L'y  a  également 
disparu,  et  avec  lui  toute  trace  de  l'origine  grecque  d'une  partie  des 
mots  de  la  langue.  Pas  d'œ;  pas  d'accents.  Dans  les  consonnes  le  c 
est* remplacé  dans  ses  fonctions  par  q  dans  camisole ,  par  q  dans 
cœur,  pars  dans  ceux-ci'.,  /figure  les  sons  fetpk;  h  est  éliminée  là 
où  il  n'y  a  pas  aspiration;  et  dans  héros,  etc.,  elle  est  figurée  par 
reprit  rude  des  Grecs  ;  k,  lettre  inutile  en  présence  des  deux  coppa 
(q  ei  q),  disparaît  également;  deux  signes  nouveaux,  l'un  pour  le 
gn  mouillé,  montagne,  l'autre  pour  //  mouillé,  économisent  chacun 
une  lettre  ;  t  n'a  plus  qu'une  fonction,  x  a  disparu  ainsi  que  le  iv. 

Domergue  reconnaît  vingt  et  une  voix  ou  voyelles  distinctes  qu'il 
représente  par  vingt  et  un  signes;  dix-neuf  articulations  qu'il  exprime 
par  dix-neuf  consonnes,  dont  chacune,  comme  chaque  voyelle,  a 
un  emploi  fixe  et  incommunicable. 

Si  le  système  de  cet  académicien  était  logique  et  bien  conçu 
sous  plusieurs  rapports,  en  pratique  il  était  inexécutable.  Son 
écriture,  hérissée  de  signes  nouveaux  et  peu  distincts  les  uns 
des  autres,  blesse  toutes  les  habitudes  de  Tœil,  supprime  les  ac- 
cords du  singulier  et  du  pluriel  dans  les  substantifs  et  dans  les 
verbes,  et,  violant  ainsi  les  lois  premières  de  la  grammaire,  nous 
ramènerait  à  une  sorte  de  barbarie. 


310  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  GIRAULT- DU  VIVIER. 

GiRAULT-DuviviER.  Grammaire  des  grammaires^  ou  Analyse 
raisonnée  des  meilleurs  travaux  sur  la  langue  française. 
Quatrième  édition.  Paris,  1819,  2  voL  in-8.  (La  première 
édition  est  de  1811.) 

Ce  volumineux  travail  a  joui  pendant  longtemps  d'une  grande 
réputation.  Le  public,  partant  de  cette  idée  que  la  meilleure 
grammaire  devait  être  la  plus  complète,  c'est-à-dire  celle  dans 
laquelle  se  trouveraient  entassées  en  plus  grand  nombre,  sous 
forme  de  règles,  d'exceptions  et  d'exceptions  de  l'exception, 
les  irrégularités  et  les  contradictions  de  notre  langue,  a  pendant 
trente  ans  accordé  sa  faveur  à  celte  vaste  compilation  des  traités 
de  grammaire  alors  connus. 

Pour  donner  une  idée  de  la  critique  de  son  auteur,  je  me  bor- 
nerai à  remarquer  que,  loin  de  s'être  enquis  par  un  examen  atten- 
tif et  personnel  de  la  valeur  des  travaux  des  novateurs  qui  l'a- 
vaient précédé,  il  s'est  contenté,  au  chapitre  Orthographe,  t.  II, 
p.  895,  de  reproduire  sans  citer,  mais  en  la  paraphrasant  de  temps 
à  autre,  la  condamnation  qu^en  1706,  c^est-à-dire  cent  ans  plus 
tôt,  Régnier  des  Marais  avait  portée  contre  eux  dans  sa  Grammaire. 

Girault-Duvivier  conclut  ainsi  :  «  Au  surplus,  ce  qui  répond 
plus  victorieusement  encore  que  tout  ce  qu'on  vient  de  lire,  aux 
divers  projets  tendant  à  la  réforme  de  l'orthographe  ordinaire, 
c'est  que  Régnier  des  Marais,  le  P.  Buffier,  le  P.  BouboiA-s, 
MM.  DE  PoRT-RoYAL,  Beauzée,  Condillâc,  Girard,  d'Olivet  et  le 
plus  grand  nombre  de  grammairiens  modernes,  se  sont  constam- 
ment opposés  à  leur  adoption;  c'est  que  les  écrivains  du  siècle  de 
Louis  XIV  et  enfin  l'Académie,  juge  auquel  doit  se  soumettre  tout 
auteur,  quelque  célèbre,  quelque  éclairé  qu'il  soit,  les  ont  reje- 
tés. » 

Cette  citation  textuelle,  dans  laquelle  il  y  a  presque  autant  d'er- 
reurs que  de  mots,  ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  par  l'analyse 
qu'on  trouve  ici  des  travaux  de  Buffier,  de  Port-Uoyal,  de  Beauzée, 
de  Girard,  de  d'Olivet  et  les  spécimens  de  Tortliographe  des 
grands  écrivains  (Appendice  £"),  montre  suffisamment  avec  quelle 
légèreté  les  grammairiens  les  plus  accrédités  avaient,  jusqu'à  nos 
jours,  traité  la  question  de  la  réforme  orthographique.  Je  serais 
heureux  si  le  présent  ouvrage  parvenait  à  déblayer  le  terrain  de  la 
discussion  de  tant  d'arguments  faux  répétés  à  satiété  ! 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ~-  VOLNEY.    311 

C.-F.  YoLNEY.  VAlfahet  européen  appliqué  aux  langues  asia- 
tiques, ouvrage  élémentaire,  utile  à  tout  voyageur  en  Asie 
(tome  VIII  des  OEuvres  complètes).  Paris,  Bossange  frères, 
1821,  in-8. 

Quoique  cet  ouvrage,  aussi  bien  que  celui  de  M.  Féline,  con- 
cerne plus  particulièrement  la  réforme  dite  phonographique,  j'ai 
cru  devoir  les  mentionner,  puisqu'ils  ont  indirectement  rapport  à 
l'orlhographe,  par  la  classification  des  sons  de  la  langue,  et  sont 
le  résultat  de  longs  efforts  et  de  consciencieuses  études.  La  ten- 
tative de  dresser  un  alphabet  unique  et  commun  aux  langues  de 
l'Europe  et  de  l'Asie  est  une  idée  aussi  grande  que  généreuse  (1). 
Volney  lui-même  a  fondé  un  prix  annuel  de  j,200  francs  pour  la 
réalisation  de  cette  entreprise  à  laquelle  il  a  consacré  tant  de 
voyages  et  de  si  longues  études. 

Le  savant  académicien  a  puisé  dans  la  comparaison  des  idio- 
mes^ nécessaire  à  la  préparation  de  son  œuvre,  des  moyens  de 
perfectionner  le  mécanisme  de  notre  orthographe.  Doué  d'un  vrai 
talent  d'observation  et  d'une  sagacité  égale  à  sa  persévérance,  il 
doit  à  l'analyse  niinutieuse  qu'il  a  faite  des  sons  propres  aux 
diverses  langues  qu'il  a  comparées  une  connaissance  profonde 
des  vices  de  notre  écriture. 

L'étude  à  laquelle  Volney  s'est  livré  au  sujet  des  voyelles  euro- 
péennes et  particulièrement  des  voyelles  françaises  (p.  25  à  61) 
depuis  cinquante  ans  n'a  guère  été  dépassée.  Voici  comment  il  ré- 
sume les  idées  de  ses  prédécesseurs  sur  la  détermination  du  nom- 
bre de  nos  voyelles  : 

a  Avant  Beauzée,  l'abbé  Dangeau  (en  1693)  avait  compté  aussi 
«  treize  voyelles,  mais  il  y  comprenait  aussi  les  quatre  nasales  : 
«  par  conséquent  il  les  bornait  à  neuf.  Ce  fut  déjà  une  grande 
«  hardiesse  à  lui  de  les  proposer  au  corps  académique,  qui,  selon 
«  l'habitude  des  corporations  et  la  pesanteur  des  masses,  se  tenait 
«  stationnaire  dans  le  vieil  usage  de  ne  reconnaître  que  les  cinq 


(1)  L'Angleterre  poursuit  depuis  une  trentaine  d'années  un  problème  encore 
plus  vaste  et  non  moins  important,  celui  d'un  alphabet  typographique  latin  per- 
fectionné et  complété,  qui  soit  propre  à  la  transcription  de  toules  les  langues  des 
tribus  de  l'Afrique,  de  l'Asie,  de  l'Amérique,  de  l'Océanie,  de  la  Polynésie,  ex- 
plorées par  ses  missionnaires.  (Voir  Max  MùUcr,  Nouvelles  Leçons  de  la  science 
du  langage,  p.  199.) 


312    LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  VOLNEY. 

«  voyelles  figurées  par  A,  E,  I,  0,  U.  L'abbé  Dangeau  eut  le  nié- 
«  rite  d'établir  si  clairement  ce  qui  constitue  la  voyelle,  que  la  ma- 
«  jorité  des  académiciens  ne  put  se  refuser  à  reconnaître  pour  telles 
((  les  prétendues  diphtongues  OU,  EU,  qui  réellement  ne  sont  pas 
«  diphtongues,  mais  digrommes,  c'est-à-dire  doubles  lettres  (1). 
«  Du  reste,  Dangeau  ne  distingua  pas  bien  les  deux  A,  les  deux  0, 
«  ni  les  deux  EU. 

«  Après  Dangeau  (en  1706),  l'abbé  Régnier  des  Marais,  chargé 
«  par  l'Académie  d'établir  une  grammaire  officielle  comme  le  Dic- 
«  tionnaire,  n'osa  que  faiblement  suivre  la  route  ouverte  par  Dan- 
«  geau  :  en  établissant  d^abord  six  voyelles  il  commit  la  faute  de 
((  présenter  y  et  i  comme  différens,  lorsque  de  fait  leur  son  est  le 
((  même  (2)  ;  et  dans  l'exposé  confus,  embarrassé  qu'il  fit  de  toute 
«  sa  doctrine,  il  décela  Thésitation  et  le  peu  de  profondeur  de  la 
((  doctrine  alors  dominante.  A  ce  sujet,  je  ne  puis  m'empôcher  de 
{(  remarquer  que  les  innovations  ne  sont  jamais  le  fruit  deslumières 
((  ou  de  la  sagesse  des  corporations,  mais  au  contraire  celui  de  la 
«  hardiesse  des  individus,  qui,  libres  dans  leur  marche,  donnent 
«  l'essor  à  leur  imagination  et  vont  à  la  découverte  en  tirailleurs  : 
«  leurs  rapports  au  corps  de  l'armée  donnent  matière  à  délibéra- 
«  lion  :  elle  serait  prompte  dans  le  militaire,  elle  est  plus  longue 
«  chez  les  gens  de  robe.  Toute  innovation  court  risque  d'y  causer 
«  un  schisme,  d'y  être  une  hérésie ,  et  ce  n'est  qu^avec  le  temps, 
«  qu'entraînée  par  une  minorité  croissante,  la  majorité  entre  et 
«  défile  dans  le  sentier  de  la  vérité.  » 

Voici  le  tableau  des  voyelles  de  Volney  en  ce  qui  regarde  le 
français  : 

1.  a  clair  ou  bref,  petit  à Ex.  :  Paris,  patte,  mal; 

2.  a  profond  ou  long,  grand  â....        àme,  âge,  pâte,  mâle  ; 

3.  o  clair  ou  bref,  petit  o odorat,  hotte,  molle,  sol  ; 

4.  0  profond  ou  long,  grand  d.. . .        hôte,  haute,  môle,  saule,  pôle; 

5.  où  bref,  petit  ou chou,  sou,  trou  ; 

6.  où  profond,  grand  où voûte,  croûte,  roue,  boue  ; 

(1)  L'auteur  explique  très-bien ,  dans  plusieurs  endroits ,  le  mécanisme  de  la 
formation  de  ces  digr animes ,  qui  s'est  produite  en  Europe  comme  en  Asie. 
Ayant  à  figurer  des  sons  nouveaux  avec  un  alphabet  restreint,  on  a,  plutôt  que 
d'introduire  un  signe  nouveau,  réuni  les  signes  des  sons  qui  isolément  paraissent 
se  faire  entendre  dans  la  nouvelle  voyelle. 

(2)  Volney  a  raison  en  ce  qui  concerne  Vy  étymologique,  mais  Vy  français, 
dans  pays,  moyen,  est  une  véritable  voyelle  diphthongue. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  VOLNEY.    313 

7.  e»      clair,  guttural Ex.:  cœur,  peur,  bonheur  ; 

8.  eu      profond ,  cieux eux,  deux,  ceux; 

e        muet,  féminin borne,  ronde,  grande; 

e  gol!!i(iii(\ .  .  que  je  me  repente; 

10.  ê        ouvert fête,  faîte,  mer,  fer  ; 

H.  ée      e  (sans  nom),  a?,  ê. née,  nez; 

1?.  é        masculin.., jié,  répété; 

13.  i        bref.'^petit  i midi,  imité,  ici  ; 

n.  î        long ,  grand  î île  (en  mer),  la  bîle ; 

1  :>.  u       français hutte,  chute,  nud; 

IG.   I ..  I   an pan  (de  mur)'; 

17.  J J  j  o\\ son  (de  voix)  ; 

18.  y^\  in  , . , brin,  pain,  pin,  peint  ; 

19.  )^  \  un un,  chacun. 

La  réalisation  du  projet  de  Volney  serait  un  puissant  auxiliaire 
pour  la  diffusion  des  lumières  et  de  la  civilisation  en  Europe.  Voici 
comment  M.  Féline  s'exprimait  à  ce  sujet  dans  l'introduction  de 
son  Dictionnaire  phonétique  : 

«  La  création  d'un  tel  alphabet  intéresse  au  plus  haut  degré  la 
politique  intérieure  de  tous  les  grands  États.  Les  sujets  de  la 
France  parlent  allemand,  italien,  breton,  basque,  arabe,  et  nom- 
bre de  patois  qui  diffèrent  beaucoup  du  français.  Ceux  de  l'empire 
britannique  parlent  gallois,  irlandais,  écossais  et  font  usage  d'une 
multitude  d'idiomes  dans  de  nombreuses  colonies.  La  Russie,  di- 
sent les  géographes,  compte  plus  de  cent  langues  différentes, 
dont  vingt-sept  principales;  l'Autriche  en  compte  également 
une  quantité  considérable  dans  ses  divers  États,  animés  chacun 
d'une  nationalité  jalouse.  Les  États-Unis  sont  peuplés  en  partie 
d'émigrants  venus  de  toutes  les  contrées  du  monde.  Il  n'est  pas 
jusqu'à  la  Suisse  où  régnent  trois  idiomes  bien  distincts.  Certes,  si 
la  confusion  des  langues  a  arrêté  l'édification  de  la  tour  de  Babel, 
l'administration  de  chacun  de  ces  États  doit  souffrir  de  la  difficulté 
qu'éprouve  l'autorité  à  se  faire  comprendre  de  tous  les  sujets  sou- 
mis à  sa  loi. Toutes  ces  nations  doivent  donc  appliquer  leurs  efforts 
à  se  faciliter  réciproquement  l'étude  de, ces  nombreux  idiomes, 
surtout  de  celui  qui  est  adopté  par  le  gouvernement  dans  chaque 
pays.  Elles  atteindraient  assurément  ce  but  en  apportant  à  l'al- 
phabet toutes  les  simplifications  dont  il  est  susceptible  et  en  le 
rendant  commun  à  toutes  les  langues.  » 

On  verra  plus  loin,  à  l'article  consacré  à  l'ouvrage  de  M.  Raoux, 


314  r.4  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQLE.  —  BUTET. 

les  moyens  récemment  proposés  pour  parvenir  à  ce  but,  et  qui 
font  l'objet  d'un  art  que  ses  adeptes  R^iieWeni  phonographie. 


P.-R.-Fr.  Bltet,  directeur  de  recelé  polymathique.  i)femo2re 
historique  et  critique  dans  lequel  /'S  se  plaint  des  irruptions 
orthographiques  de  l'X,  qui  l'a  supplantée^  dans  plusieurs 
cas,  sans  aucune  autorisation  ni  étymologique  ni  analo- 
gique; à  messieurs  les  membres  de  l'Académie  française  et 
de  celle  des  inscriptions  et  belles-lettres,  Paris,  imprimerie 
d'Éverat,  1821,in-8del9pp. 


Dans  les  doléances  que  la  lettre  S  adresse  à  l'Académie,  elle 
s'élève  d'abord  contre  le  trouble  apporté  dans  son  emploi  régulier 
par  ces  impératifs  de  la  première  conjugaison  à  la  seconde  per- 
sonne du  singulier,  manges-en,  goûles-ij,  vas-y  ;  elle  se  contente- 
rail  modestement  de  la  configuration  raange-s-en,  goûte-s-y,  vas-y, 
qui  préciserait  son  rôle  de  lettre  euphonique. 

Par  suite  de  l'extension  toujours  croissante  d'emploi  qu'elle  a 
reçue  des  Grammairiens,  par  exemple,  à  la  fin  de  ces  mots  je  croi, 
je  tien,  je  vien,  etc.,  elle  se  croit  en  droit  de  défendre  sa  position 
comme  lettre  euphonique  et  comme  marque  du  pluriel  contre  les 
empiétements  de  Vx. 

Notre  X  nous  vient  des  Latins.  Mais  quel  rôle  cette  lettre  double 
a-t-elle  joué  chez  eux? 

Les  nominatifs  en  wde  la  troisième  déclinaison,  canis,  classis,  for- 
tis^  dîdcis,  sont  identiques  avec  la  forme  du  génitif:  tel  était  le  type 
primitif.  Mais,  en  raison  de  la  fréquence  de  leur  emploi,  certaines 
formes  du  nominatif  se  sont  altérées.  Ces  altérations  se  sont  faites 
de  plusieurs  manières,  et  entre  autres  par  contraction  :  trabs^ 
nrbs,  ops,  hyems,  etc.,  sont  des  contractions  de  trabis,  urbis,  opis, 
hyemis,  qu'on  retrouve  au  nominatif  dans  les  anciens  auteurs. 
Par  suite  de  la  même  contraction,  audacis  et  régis  sont  devenus 
midacs  et  regs  :  Vx  est  alors  intervenu  pour  figurer  ces  deux  finales 
et  ces  deux  sons  par  une  seule  lettre. 

Les  prétérits  latins  ont  éprouvé  des  modifications  non  moins  im- 
portantes, où  l'a^^est  venu  jouer  son  rôle.  Liœeo,  frigo,  dico,  duco, 
au  lieu  de  luci,  frigi,  dici,  duci,  ont  donné  luxi^  frixi,  dixi,  duxi. 

blectum,  pleclum,  fluctum,  n'ont  pu  devenir /ecsw?w,  plecsmn, 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  BUTEï.     315 

flîicsmn  que  sous  la  forme  orthographique  flexum,  plexum, 
fluxum.  Telle  est  Porigine  des  supins  en  xum. 
.  11  résulte  de  ces  observations  que  l'^,  sauf  le  cas  de  préexistence 
dans  un  radical,  ne  peut  s'introduire  secondairement  en  ortho- 
graphe que  dans  trois  cas  généraux  en  latin  :  i°  comme  finale  de 
substantifs  et  adjectifs  de  la  troisième  décUnaison;  2"  comme  fai- 
sant partie  de  la  terminaison  des  prétérits  en  xi  ;  et  3°  dans  les  su- 
pins en  xum;  par  conséquent,  on  peut,  par  droit  d'hérédité,  con- 
server sa  présence  dans  tous  les  mots  français  qui  émanent  de  ces 
trois  sources  et,  comme  cela  a  eu  lieu  en  latin,  dans  tous  leurs 
dérivés. 

On  peut  admettre  que,  comme  monument  ancien ,  x  reste  dans 
appendix,  hélix,  index  (que  beaucoup  de  personnes  écrivent  déjà 
appendice,  hélice^  indice),  dans  chaux,  de  calx,  dans  choix,  de 
collexus,  altération  de  collectus,  dans  croix,  de  crux,  dans  crz^c^ 
fiXi  de  crucifïxm,  dans  faux,  de  faix,  dans  flux,  de  fluxus.  De 
même  pour  larynx,  pharynx,  sphinx,  voix,  paix,  poix ,  perdrix \ 
dans  laux^  à  cause  de  taxe ,  dans  six,  à  cause  de  sex. 

Il  n'en  est  pas  de  même  dans  la  terminaison  des  mots  faux, 
toux,  houx,  époux,  pour  lesquels  il  n'existe  aucune  raison  étymo- 
logique de  la  présence  de  Vx,  et  où  l's  seule  apparaît  dans  les  dé- 
rivés. Comment  justifier  l'intrusion  de  Vx  dans  la  terminaison  des 
adjectifs  en  eux,  tels  que  précieux,  généreux,  etc.,  provenus  pour 
la  plupart  de  correspondants  latins  en  osusl 

La  lettre  S  demande  en  terminant  à  l'Académie  que  puisque  la 
docte  Compagnie  l'a  déjà  rétablie  dans  ses  droits  pour  les  jnots 
rois  et  lois,  clous,  filous,  fous,  toutous^  trous  et  verrous,  elle  lui 
fasse  la  même  grâce  pour  les  mots  bijoux,  cailloux,  choux,  ge- 
noux, hiboux,  joujoux  et  poux. 

Elle  réclamerait  aussi  sa  place  dans  les  pluriels  des  mois  termi- 
nés en  eux  dérivés  de  latins  en  osus,  ainsi  que  dans  les  quatre 
formes  verbales,  ]Qpeux,  je  veux,  je  vaux,  je  faux. 

La  prononciation,  en  vers  comme  en  prose,  n'a  rien  à  perdre  à 
ces  corrections.  L'étymologie  et  l'analogie  y  recouvreront  leurs 
droits,  et  la  grammaire,  affranchie  d'exceptions,  y  gagnera  par  la 
simplification  et  la  généralisation  de  ses  règles. 

Il  y  a,  comme  on  voit,  d'excellentes  idées  dans  ce  petit  travail, 
et  une  analyse  de  ce  genre  pourrait  être  accomplie  fructueuse- 
ment pour  chacune  des  lettres  de  l'alphabet  latin. 


3!6  TA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  MARLE. 

Solvique  et  phonique,  c'est-à-dire  :  le  mécanisme  de  la  parole 
dévoilé  et  écriture  universelle  au  moyen  de  quarante-huit 
phonins  ou  lettres^  qui,  à  Vaide  de  quelques  signes,  accents 
et  marques,  désignent  tous  les  sons  de  la  parole  avec  leurs 
qualités  prosodiques  ;  précédées  d'une  esquisse  de  l'histoire 
de  l'écriture^  et  suivies  d\me  méthode  de  noter  la  déclama- 
tion, moyennant  douze  chiffres  duodécimaux^  qui  se  trou- 
vent également  appliqués  à  l' arithmétique,  ainsi  qtià  un 
système  de  poids  et  mesures.  Par  Gh.-L.  B.  D.  M.  G.  Paris, 
Firmin  Didot,  octobre  1829,  in-12,  de  viii  et  172  pp., 
plus  1  f.  de  modèle  et  un  tableau. 

C'est  une  réforme  complète  de  l'écriture,  établie  sur  une  étude 
minutieuse  du  fonctionnement  des  organes  de  la  parole.  L'auteur 
a  inventé  de  nouveaux  signes  qui  diffèrent  totalement  des  lettres 
de  Falphabet. 

Marle.  Dans  le  Journal  de  la  langue  française,  didactique 
et  littéraire,  années  1827-1829,  4  vol.  in-8.  [Orthographe. 
Plan  de  réforme.)  —  Appel  aux  Français.  —  Réforme  or- 
thographique. Quatrième  édition.  Paris  ;  I.  Corréard  jeune, 
1829,  in-32,  de  144  pp.,  plus  2  tableaux.  (A  la  fm  on 
trouve  :  Réponse  de  M,  Marie  à  la  lettre  de  M.  Andrieux, 
de  U  pp.) 

0  La  langue  française,  dit  M.  Marie,  a  vingt-deux  sons  et  treize 
articulations;  pour  représenter  ce  petit  nombre  de  sons  et  d'ar- 
ticulations, on  fait  usage  de  cinq  cent  quarante  signes  (ils  sont 
rangés  dans  le  tableau  ci-dessous),  c'est-à-dire  que  nous  em- 
ployons cinq  cents  caractères  de  plus  que  n'en  exigent  le  besoin 
de  la  langue,  la  raison  ,  le  bon  sens;  c'est-à-dire  que  nous  con- 
sumons dans  l'étude  douze  fois  plus  de  temps  qu'il  n'en  faut. 

((  L'enfant  qui  doit  retenir  cinq  cent  quarante  signes  différents 
avant  de  savoir  lire  et  orthographier  n'en  aura  plus  que  quarante 
à  apprendre  pour  arriver  à  la  même  connaissance.  Ainsi,  au  lieu 
d'employer  douze  mois,  je  suppose,  il  ne  lui  en  faudra  qu'un  seul 
pour  apprendre  à  lire.  » 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  MARLE.  317 

Voici  le  tableau  abrégé  de  la  réforme  de  1827  ; 

La  langue  française  a  22  sons  et  18  articulations.  40  signes  suf- 
fisent donc  pour  tout  représenter. 

Sons,  â  que  l'oreille  entend  dans  pkte  sera  uniquement  repré- 
senté par  le  signe  â.  Écrivez  donc  âme,  fldme. 

a  entendu  dans  awzi  sera  représenté  par  a.  Écrivez  almana,  ba- 
téme,  famé. 

an  entendu  dans  ruban  par  an.  Écrivez  banbou,  prandre. 

6  entendu  dans  apôtre  par  ô.  Écrivez  émérôde,  étouniô. 

0  entendu  dans  ogre  par  o.  Écrivez  onorable,  roujole,  au  lieu  de 
honorable,  rougeole. 

on  entendu  dans  bon  par  on.  Écrivez  bonbe,  contabilité,  au  lieu 
de  bombe,  co)nplabiliié. 

ou  entendu  dans  vonte,  par  ou.  Écrivez  jowro/i^  lotiront,  soûlé, 
au  lieu  déjoueront,  loueront,  saouler  (1). 

ou  entendu  dans  bouton,  par  ou.  Écrivez  lou  au  lieu  de  loup. 

oî  entendu  dans  croître,  par  oî.  Écrivez  moineau  lieu  de  soierie, 

oi  entendu  dans  roi,  par  oi.  Écrivez  doitiéf  oirie,  au  lieu  de 
doigtier,  hoirie. 

ê  entendu  dans  être,  par  ê.  Écrivez  parêtre,  renêtre  au  lieu  de 
paraître,  renaître. 

è  entendu  dans  modèle,  par  è.  Écrivez  chandèlej  fier,  sègle,  au 
lieu  de  chandelle,  fier,  seigle. 

é  de  épi  par  é.  Écrivez  éroïsme,  éritaje. 

e  de  selon,  par  e.  Écrivez  setié  (2). 

eu  déjeuné  par  eu.  Écrivez  beuglé,  meuglé. 

eu  de  fleur  par  eu.  Écrivez  boneur,  ma^ieuvre. 

î  que  l'oreille  entend  dans  gîte  par  î.  Écrivez  dÎ7ne. 

i  de  p\pe  par  /.  Ecrivez  iver,  sistème. 

in  de  brin  par  in.  Ècii\ ez  findre,  vintième. 

û  que  l'oreille  entend  dans  piqûre^  par  û.  Écrivez  donc  gajûre, 

u  de  menu  par  u.  Écrivez  umanité. 

un  de  tribun  par  un.  Écrivez  àju7ij  unble. 

ARTICULATIONS,  q  quc  Toreille  entend  dans  cabriole,  coton,  cube, 
quiconque,  quelconque  par  q.  Écrivez  qabriole,  qoton,  qube,  qi- 
qonque,  qélqonqe. 


(1)  Ce  mot  a  été  corrigé  par  l'Académie  en  1835. 

(2)  Tout  e  qui  n'a  pas  d'accent  est  muet,  et   ne  se  prououce  pins  ni  é,  ni  è, 
mais  toujours  e  comme  dans  je,  ?«e,  te,  etc. 


318  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  MARLE. 

(La  gutturale)  g  (prononcez  gue)  de  guérir^  guitare,  navigua 
par  g.  Écrivez  ^ér«>,  gitare,  naviga. 

ch  dans  cheval  par  ch.  Écrivez  chisme,  châle. 

j  dans  jupe  par  j.  Écn\ezjéomètre,  2njon. 

r  de  rare  par  r.  Écrivez  réteur^  rume. 

z  de  zéro  par  z.  Écrivez  vaze,  dizième. 

s  de  version  par  s.  Écrivez  marsial,  porsion. 

(L'articulation  mouillée)  gn  de  vignoble  par  ^/Écrivez  vinoble^ 
Bourgone. 

n  de  monarque  par  n.  Elcrivez  anée,  oneur. 

(L'articulation  mouillée]  //  que  l'oreille  entend  dans  bataillon 
par  /.  Écrivez  bafalon,  grilage. 

l  de  lumière  par  /.  Écrivez  intervale^  sculture. 

tde  tunique  par  t.  Écrivez  téatre,  ortografe. 

d  de  devoir  par  d.  Écrivez  adéré,  adézion. 

V  de  victoire  par  v.  Écrivez  valse  (1). 

/'de  fantôme  par  f.  Êcrisez  filozo/e,  filantrope. 

b  de  butte  par  6.  Écrivez  aôe',  aborré. 

p  de  plumet  par^.  Écrivez  suprimé,  aprandre. 

«  Domergue,  dit-il,  renverse  tout  pour  tout  reconstruire  sur  de 
c(  nouvéles  bazes.  Du  Marsais  se  borne  à  retrancher  les  doubles 
«  consonnes.  » 

L'auteur  déclare  adopter  une  marche  qui  réunisse  les  avantages 
des  deux  méthodes. 

«  H  ne  faut,  dit-il,  renvoyer  persone  à  l'école  ;  il  faut  que  celui 
«  qui  savait  lire  avant  la  réforme  sache  lire  après  la  réforme  à 
({  quelque  degré  qu'elle  soit  arrivée  ;  il  faut,  en  un  mot,  que  les 
«  changements  propozés  ou  à  propozer  soient  toujours  tellement 
a  combinés,  que  les  persones  qui  vèront  pour  la  première  fois 
«  récriture  qui  en  est  le  fruit  puissent  la  lire  sans  héziter  et  sans 
a  avoir  besoin  d'explication  préalable....  »  «Homes  de  lètres  favo- 
«  râbles  à  la  réforme,  professeurs  qui  voulez  la  propager,  gardez- 
«  vous  de  franchir  les  limites  tracées  par  ce  principe,  ce  serait 
«  tout  compromettre,  ce  serait  grossir  les  rangs  de  nos  adver- 
«  saires  d'une  foule  de  persones  qui  n'adoptent  Tutile  qu'autant 
«  qu'il  est  agréable,  qu^autant  qu'il  n'exige  de  leur  part  aucun 
c(  travail  nouveau,  aucune  étude  nouvèle.  » 

(l)  Ainsi  corrigé  en  1835  par  l'Académie 


L4  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  MARLE.  319 

Marie  retranche  donc,  en  vertu  de  ce  système  :  a  dans  Saône,  saou- 
ler, poulain;  — edans  asseoir,  surseoir,  beaucoup,  etc.  ;  — i  dans 
coicjnassier,  poignard,  oignon-,  —  o  dans  bœuj ,  désœuvrement ^ 
nœud,  etc.;  —  un  6  dans  abbaije,  rabbin,  sabbat;  —  c  dans  acquérir, 
obscénité,  scélérat;-— un  /"dans  affront,  chauffer,  etc.;  —  g  dans 
doigtier,  Magdelaine,  vingtaine,  aggraver,  agglomération,  etc.;  — 
h  dans  adhérer,  cathédrale,  exhorter;  —  l  dans  allégorique,  alliance, 
bulletin;  —  m  dans  automne,  condamner,  nommer;  —  ndan^can- 
nibale,  connivence,  donner;  —  un j»  dans  appartement,  apprendre; 
—  un  r  dans  arrière,  carrosse,  courrier;  —  un  ^  dans  attachement, 
flatterie,  gratter.  —  Il  remplace  le  s  qui  se  prononce  comme  le  5  par 
cette  dernière  letlre:  nows  reprézenlons,  poizon.  Il  fait  disparaître 
les  2/  étymologiques  dans  sinonime.  Il  écnifitosofe,  ortografe.  Il 
voudrait  en  oulre  quelques  autres  modifications  légères. 

Dans  un  remarquable  passage  relatif  à  Vabolition  des  accents  lo" 
eaux  et  des  patois,  a  laqueAle  seules  une  grammaire  et  une  orthogra- 
phe très-simplifiées  pourront  conduire,  M.  Marie  s'exprime  ainsi  : 

«  Pourquoi  telle  personne  prononçe-t-elle  mois  d'aoûte  au  lieu 
c(  de  mois  d'oât  C'est  parce  que  cet  a  et  ce  t  sont  écrits  ;  parce 
«  que  l'œil  les  voit,  parce  que  le  bon  sens,  d^accord  avec  la  vérité 
((  historique,  répète  sans  cesse  que  les  lettres  n'ont  été  inventées 
«  que  pour  être  prononcées. 

«  Écrivez  ou,  tout  le  monde  prononcera  ou. 

((  Écrivez  ardament,  solanel,  taba,  sculture,eic.,  et  il  deviendra 
c(  impossible  de  prononcer  ardemment,  solennel,  tabak,  sculpe- 
((  ture,  etc. 

«  Écrivez  ainsi  tous  les  livres  nouveaux,  toutes  les  feuilles  pu- 
ce bliques,  tous  les  almanachs  populaires,  et  les  sons  purs  de  l'at- 
«  ticisme  français,  révélés  à  tous  les  yeux,  seront  rendus  par 
«  toutes  les  bouches,  et  retentiront  enfin  les  mêmes  sur  les  rives 
a  de  la  Garonne,  de  la  Seine  et  du  Rhin.  » 

A  l'appui  de  ce  qu'avance  M.  Marie,  il  cite  ce  passage  de  Béran- 
ger^  dans  son  épître  à  son  patron,  M.  Laine,  imprimeur  à  Pé- 
ronne  :  «  C'est  dans  son  imprimerie  que  je  fus  mis  en  appren- 
tissage :  n'aijant  pu  parvenir  à  m'enseigner  l'orthographe,  il  me 
tlt  prendre  goût  à  la  poésie,  me  donna  des  leçons  de  versification^ 
et  corrigea  mes  premiers  essaisi  » 

Et  M.  Marie  ajoute  :  «  Si  Béranger  n'a  pas  pu  parvenir  à  apprendre 
l'orthographe  actuelle,  comment  trente  millions  de  Français  qui 


320  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  MARLE. 

n'ont  pas  son  génie  y  parviendraient-ils?  Aussi  nous  soutenons 
que  personne  ne  la  sait,  et  nous  proposons  un  pari  de  trois  cents 
francs  à  quiconque  prétendra  écrire  sans  faute,  sous  notre  dictée, 
vingt  lignes  de  mots  usuels.  Ces  trois  cents  francs  sont  déposés 
chez  M.  Bertinot,  notaire,  rue  de  Richelieu,  n"  28. 

«  Signé  Marle^  rédacteur  en  chef  du  Journal  de  la 
langue  française,  rue  Richelieu,  n°  21.  » 

Ce  pari  a-t-il  été  tenu?  Je  l'ignore.  Il  semble  cependant  que 
plus  d'un  a  dû  être  tenté  de  concourir;  ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est 
que  M.  Marie  ne  fut  pas  ruiné  par  le  nombre  des  concurrents, 

Par  ce  qui  précède,  on  voit  que  le  système  orthographique  de 
M.  Marie  n'excédait  pas  les  bornes  indiquées  par  plusieurs  gram- 
mairiens, tels  que  Girard.  Duclos,  Beauzée  et  autres.  Cependant, 
^^casV  Appel  aux  Français,  M.  Marie,  dépassant  ces  limites  déjà  si 
larges,  se  permit  de  traduire  dans  une  orthographe  bien  autre- 
ment téméraire  quelques-unes  des  lettres  que  lui  avaient  écrites 
plusieurs  académiciens.  Ces  lettres,  où  la  bienveillance  semblait 
un  encouragement,  ainsi  travesties,  suscitèrent  une  tempête  fu- 
neste à  M.  Marie,  et  le  ridicule  qui  s'attacha  à  leur  transcription 
fit  tomber  dans  un  complet  discrédit  ses  tentatives,  qui  d'abord 
avaient  été  favorablement  accueillies. 

Voici  comment  est  transcrite  dans  Y  Appel  aux  Français  la  lettre 
de  M.  Andrieux,  p.  161  : 

«  Mosieu, 

«Il  è  d'un  bon  èspri  de  déziré  la  réforme  de  l'ortografe  francèze 
aqtuèle ,  de  vouloir  la  randre  qonforme,  ôtan  qe  posible,  à  la 
prononsiasion;  il  è  d'un  bon  grammèriin  é  même  d'un  bon  si- 
toiiin  de  s'oqupé  de  sète  réforme;  mez  il  è  difisile  d'i  réusir. 
Voltaire,  aprè  soisante  é  diz  an  de  travô,  et  à  pêne  parvenu  à 
nou  fère  éqrire  français  qome  paix^  é  non  pâ  qome  français  é 
poix;  on  trouve  anqore  de  jan  qi  répunet  a  se  chanjeman  si  rèzo- 
nable  é  si  sinple  :  le  routine  son  tenase,  le  suqsè  vouz  an  sera 
plu  glorieu  si  vou  l'obtené;  vou  vou  propozé  de  marché  lantemant 
é  avèq  préqôsion,  dan  sète  qarière  asé  danjereuze  :  s'è  le  moiiin 
d'arivèr  ô  but;  puisié-vous  Tatindre  ! 

«  Andrieux,  manbre  de  l'Aqadémie  fransèze.  » 

Cette  audace,  aussi  blessante  pour  les  convenances  que  pour 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQL'E.  —  MARLE.  321 

les  habitudes  consacrées,  nuisit  aux  progrès  raisonnables  que 
l'Académie  paraissait  disposée  à  admettre,  et  les  effets  s'en  firent 
sentir  longtemps. 

Dans  le  Journal  des  Débats  parut  l'article  suivant  (il  est  de  M.  de 
Feletz)  : 

«  Un  nouveau  grammairien,  M.  Marie,  prétend  réformer  l'or- 
thographe, et  il  donne  un  échantillon  de  ses  principes  et  de  sa 
réforme  dans  un  petit  écrit  intitulé  :  Apel  o  Fransé,  Réforme  or- 
tografiqe. 

n  Ne  jugé  q'aprèz  avoir  lu. 
«  Prix  :  60  santimes. 

«  Il  ne  doute  point  du  suqsè\  il  prétend  qu'il  a  déjà  pour  lui  un 
profèseur  de  retoriqey  un  qolonel,  le  directeur  de  la  Revu  Ansiclo- 
pédiqe.  Il  s'est  battu  contre  ses  adversaires  dans  la  Qotidiène,  le 
Qourié  fransè,  et  se  battra  contre  qiqonqe  n'adoptera  pas  sa  ré- 
forme. Il  a  formé  une  société  ortografiqe  qui  a  son  prézidan,  etc. 

«M.  Marie  s'était  attiré  une  lettre  raisonnable  et  polie  de  M.  An- 
drieux,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française.  Il  a  fait  im- 
primer cette  lettre  en  l'affublant  de  sa  nouvelle  orthographe.  Les 
vers  de  Racine  paraîtraient  ridicules  ainsi  imprimés  ;  la  prose  de 
M.  Andrieux  ne  pouvait  résister  à  une  pareille  épreuve,  et  c'est 
contre  ce  travestissement  qu'on  lui  a  fait  subir  qu'il  réclame  dans 
les  pièces  suivantes  qu'il  nous  a  adressées  : 

«  AU   RÉDACTEUR. 

«  Monsieur, 

«  Je  n'ose  plus  écrire  à  M.  Marie  :  cela  ne  m'est  arrivé  qu'une 
fois,  après  bien  des  sollicitations  de  sa  part,  et  je  n'ai  pas  sujet  de 
me  féliciter  de  ma  complaisance;  je  n'y  serai  plus  pris. 

«Vous  avez  peut-être  entendu  dire  qu'il  s'occupe  d'une  pré- 
tendue réforme  orthographique;  qu'il  cherche  à  répandre  une  es- 
pèce de  cacographiehlzârre^  qu'il  propose  pour  modèle. 

«  Son  zèle  de  réformateur  Ta  emporté  au  point  de  publier  une 
lettre,  travestie  de  manière  à  faire  croire  que  j'adopte,  moi,  sa 
méthode,  si  c'en  est  une,  et  que  j'en  ferai  journellement  usage 
pour  mon  compte. 

«Je  dois  donc  déclarer  nettement  que  M.  Marie,  en  faisant  im- 
primer sans  ma  participation  la  lettre  que  j'avais  eu  l'honneur  de 
lui  écrire,  a  substitué  à  mon  orthographe,  qu  est  celle  de  tout  le 

21 


322  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  iMARLE. 

monde,  une  manière  d'écrire  qui  lui  est  particulière,  en  sorte  qu'il 
n'a  point  publié  ma  lettre  telle  que  je  la  lui  avais  adressée,  mais 
qu'il  Ta  défigurée  et  rendue  méconnaissable.  Il  me  semble  qu'il 
a  eu  en  cela  le  double  tort  d'induire  le  public  en  erreur  et  de 
mésuser  de  ma  signature. 

«  A  présent,  monsieur  le  rédacteur,  accordez-moi  un  peu  de 
place  pour  quelques  mots  que  j'adresserai  à  M.  Marie  lui-même, 
par  votre  intermédiaire. 

«  A   M.    MARLE  : 

«Vous  n'avez  pas  voulu,  Monsieur,  comprendre  le  sens  de  ma 
lettre.  Je  vous  y  disais  qu^une  réforme  de  l'orthographe  était 
difficile;  que  vous  vous  proposiez  de  marcher  lentement  et  avec 
précaution  dans  cette  carrière  assez  dangereuse  ;  que  c'était  là  le 
moyen  d'arriver  au  but;  ces  avis,  à  ce  qu'il  me  semble,  étaient 
clairs  et  raisonnables.  Non-seulement  vous  ne  les  avez  pas  suivis; 
à  cet  égard  vous  étiez  bien  le  maître  ;  mais  vous  avez  voulu  faire 
croire  que  je  ne  les  suivais  pas  moi-même,  et  vous  avez  essayé  de 
me  mettre  en  contradiction  avec  mon  propre  sentiment. 

«  Vous  savez  aussi  bien  que  moi  que  toutes  ces  idées  de  réforme 
de  l'orthographe  ne  sont  pas  nouvelles,  il  s'en  faut  de  beaucoup; 
on  s'en  occupait  dès  avant  Bacon,  puisque  ce  grand  homme,  dans 
son  livre  :  De  augmentis  scientiarum,  lib.  VI,  cap.  i,  dit  expres- 
sément qu'elles  sont  du  genre  des  subtilités  inutiles,  ex  génère 
subtilitatum  inutilium. 

tf  II  est  vrai  aussi  que  de  très-bons  esprits,  MM.  de  Port-Royal, 
Du  Marsais,  Duclos,  ont  désiré  que  la  manière  d'écrire  se  rappro- 
chât de  la  manière  de  prononcer. 

c(  Mais,  ce  qui  est  pour  vous  d'un  fâcheux  présage,  des  hommes 
d'un  grand  mérite,  d'habiles  grammairiens ,  Gédoyn  (1),  Girard, 
Adanson  (2),  Domergue,  et  autres,  ont  échoué  complètement  dans 
des  essais  semblables  aux  vôtres. 

Il  en  est  des  habits  ainsi  que  du  langage  ; 

Toujours  au  plus  grand  nombre  il  faut  s'accommoder  / 

Et  jamais  on  ne  doit  se  faire  regarder. 

(1)  (2)  Il  ne  m'a  pas  été  possible  de  découvrir  d'autre  trace  des  réformes  de 
Gédoyn  et  d'Adanson  que  l'affirmation  du  docte  secrétaire  de  l'Académie  ,  répétée 
de  confiance  par  les  adversaires  de  la  réforme  depuis  cette  époque. 


p^ 


LA  REFORME  ORTflOGRAPHIQUE.  —  MARLE.  323 

c(  Reprenez  donc,  Monsieur,  le  déguisement  dont  il  vous  a  plu 
de  m'affubler  ;  il  ne  me  va  pas  du  tout;  c'est  un  habit  de  fantaisie 
dont  vous  êtes  libre  de  vous  revêtir.  J'ai  peine  à  croire  que  vous 
en  fassiez  venir  la  mode. 

a  J'ai  l'honneur  d'être,  Monsieur,  votre  très-humble  et  très- 
obéissant  serviteur,  «  Andrieux. 
«  Ce  18  avril  1829.  » 

Dix  ans  plus  tard,  en  d839,  M.  Marie,  ne  se  bornant  pas  à  ce 
système  inadmissible ,  voulut  introduire  une  écriture  purement 
phonétique,  qu'il  nomme  diagraphie  (i).  Au  moyen  de  36  signes 
figurés  par  des  lignes  droites  ou  courbes,  faibles  ou  renforcées, 
il  parvient  à  reproduire  les  sons  prononcés  ;  en  sorte  qu'en  moins 
d'une  journée,  on  connaît  ce  système  et  on  peut  l'appliquer  à 
l'écriture  et  à  la  lecture.  Ce  fait  est  constaté  par  un  grand  nom- 
bre de  rapports  d'inspecteurs  de  l'Académie,  d'inspecteurs  de 
l'instruction  primaire  et  de  commissions  nommées  à  cet  effet. 
Voici  l'extrait  de  leurs  décisions  : 

«  Trois]  ours  suffisent  pour  connaître  et  exercer  la  diagraphie.  Elle 
estun  guide  incessant  de  la  bonne  prononciation.  — Elle  metPélève 
dans  la  même  situation  que  si  un  maître  lui  dictait  un  bon  livre. 
— Elle  économise  le  temps  consacré  aux  dictées. — Elle  réunit,  sans 
en  avoir  les  inconvénients,  tous  les  avantages  de  la  cacographie  et 
des  autres  genres  de  devoirs  d^orthographe.  — Elle  fait  réfléchir  les 
enfants;  elle  exerce  leur  jugement  et  féconde  leur  intelligence.  » 

Lors  de  leur  apparition,  les  doctrines  néographiquesdeM.  Marie 
eurent  beaucoup  de  retentissement.  Il  eut  bientôt  acquis  de  nom- 
breux prosélytes,  même  parmi  les  grammairiens.  Il  reçut,  dit-on, 
trente-trois  mille  lettres  d'adhésion  formelle  ;  une  quarantaine  de 
brochures  pour  ou  contre  furent  publiées,  et  des  sociétés  de  propa- 
gation se  formèrent  dans  plusieurs  villes  (2).  Enhardi  par  ce  succès, 

(1)  Grammaire  théorique  ^  pratique  et  didactique ,  ou  texte  primitif  de  la 
grammaire  diagraphique.  Paris,  Dupont,  1839,  in-8.  —  Manuel  de  la  diagra- 
phie. Découverte  qui  simplifie  V étude  de  la  langue.  Paris,  Dupont,  1839,  in-a. 

(2)  A  Paris,  une  société  de  la  réforme,  composée  d'hommes  distingués,  de  litté- 
rateurs, de  grammairiens,  était  en  pleine  activité.  Je  citerai  parmi  ses  membres 
M.  M.-A.  Peigné,  qui,  dans  plusieurs  de  ses  publications  ultérieures,  est  resté 
lidèle  à  quelques-unes  des  idées  qu'il  avait  puisées  à  l'école  de  M.  Marie.  Cette 
société  se  sépara  brusquement  dans  les  circonstances  suivantes.  Il  s'agissait 


324  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  VANIER.       , 

il  franchit  les  Hmiles  qu'il  avait  posées  lui-même  (voir  p.  318). 
Son  audace  le  perdit  et  rendit  même  TAcadémie  plus  méticuleuse 
dans  les  concessions  qu'elle  fit  dans  la  cinquième  édition  de  son 
Dictionnaire  en  1835. 

Quant  à  cette  espèce  d'écriture  que  M.  Marie  nomme  diagra- 
r)hie,  on  peut  affirmer  que,  nécessitant  des  pesées  de  la  plume 
et  autant  de  levées  de  la  main  qu'il  y  a  de  lettres,  elle  ne  saurait 
s'appliquer  à  l'écriture  courante,  ni  même  à  la 'sténographie. 

V.-x\.  Vanier.  La  7'é forme  orthographique  aux  prises  avec  le 
peuple,  ou  le  pour  et  le  contre.  Paris,  Garriier,  1829,  in- 12 
de  96  pp. 

L*auteur,  habile  grammairien,  est  partisan  d'une  réforme  néo- 
graphique  modérée.  Après  quarante  ans  écoulés  depuis  l'ap- 
parition de  cet  opuscule,  il  semble,  en  certains  points,  une  œuvre 
de  circonstance,  puisqu'il  fait  valoir  avec  beaucoup  de  raison  les 
motifs  qui  s'opposent  à  l'admission  d'une  réforme  phonogra- 
phique, telle  que  l'avait  conçue  |M.  Marie,  telle  que  MM.  Féline, 
Henricy,  l'ont  préconisée  de  nos  jours,  et  que  M.  Raoux  l'enseigne 
à  Lausanne. 

M.  Vanier  a  fait  un  cofnpte  rendu  moitié  sérieux,  moitié  plai- 
sant des  conférences  sur  la  réforme  orthographique  qui  eurent 
lieu  en  avril  1829.  Après  avoir  reproché  à  M.  Marie  l'abandon  du 
plan  primitif  auquel  tant  de  personnes  éminentes  et  même  d'aca- 
démiciens avaient  donné  leur  approbation,  il  rapporte  les  pro  po- 
sitions contenues  dans  les  cahiers  des  divers  bureaux.  La  plupart 
de  ces  réformes  de  détail  se  rapprochent  de  celles  déjà  mises  en 
avant  par  de  Wailly  et  Beauzée.  (Voir  plus  haut  p.  276.) 

«  Un  membre,  dit  le  rapporteur  du  premier  bureau,  a  fait  la  re- 
marque que  les  verbes  en  eler  et  eter,  en  déviant  de  la  règle  gé- 
nérale, présentent  de  grandes  difficultés  pour  notre  orthographe, 
tant  aux  nationaux  qu'aux  étrangers.  La  règle  prescrit,  pour  tous 
les  verbes  qui  ont  un  e  muet  ou  un  é  fermé  dans  le  radical,  de  le 


d'une  grande  publication  faite  à  ses  frais  pour  propager  l'entreprise  commune.  La 
moitié  de  la  société  se  prononça  pour  une  réforme  modérée  ou  néograpliique  ; 
l'autre  pour  une  réforme  radicale  ou  phonographique  ;  on  ne  put  se  mettre  d'ac- 
cord et  l'œuvre  fut  abandonnée. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  VANIER.  325 

convertir  en  è  grave  quand  après  lui  vient  un  e  muet,  comme  5e- 
7/zer,  je  sème;  promener^  \epro7nenc;  peser,  je  pèse  ;  lever ^  je  lève  ; 
pénétrer,  je  pénètre  ;  répéter,  je  répète  ;  céder,  je  cède  ;  révérer,  je 
révère;  révéler, ]q révèle.  Pourquoi  donc  n'écririons-nous  pas, con- 
formément à  la  même  règle,  appeler,  y  appelé,  jeter,  je.yè^e?  Plu- 
sieurs membres  trouvent  que  depuis  la  suppression  de  la  double 
consonne  de  l'infinitif,  admise  par  Tusage  et  sanctionnée  par  l'A- 
cadémie, il  est  contre  tout  principe  de  voir,  dans  un  système  ré- 
gulier de  conjugaison,  celte  même  consonne  reparaître  alternati- 
vement double  et  simple,  comme  dans  Rappelle,  nous  appelons, 
je  jette,  nous  jetons.  Cet  alternat  de  la  consonne  double  et  simple 
dénature  le  radical  et  expose  bien  des  personnes  à  écrire  ;  nous 
appelions,  nous  jetions. 

«  Par  suite  du  principe  reconnu  qu'il  faut  respecter  l'ortho- 
graphe des  radicaux,  les  mêmes  membres  vous  proposent  d'é- 
crire les  verbes  en  enir  par  è  grave  chaque  fois  que  Tinflexion 
iène  se  rencontre,  comme  dans  ils  vièneni,  que  je  viène,  etc.,  at- 
tendu que  la  consonne  est  simple  dans  les  radicaux  venir,  venant, 
venu,  tenir,  tenant,  tenu,  etc. 

<(  Pourquoi  les  mots  en  on,  qui  doublent  la  consonne  en  for- 
mant les  dérivés,  comme  pardon,  pardonner,  action,  actionner, 
ne  la  doublent-ils  pas  dans  national,  etc.  ?  Il  serait  à  désirer 
qu'aucun  composé  ne  la  doublât.  On  objecte  que  la  voyelle  serait 
longue  avec  une  consonne  simple  ;  nous  ne  croyons  pas  cette  ob- 
jection fondée.  A  quoi  donc  servirait  l'accent  circonflexe?  Trône, 
et  autres  mots  ainsi  accentués  ne  se  confondraient  pas  avec  Va 
devenu  bref,  n'étant  pas  affecté  de  Vacceni, Latone. 

«  Il  en  est  de  môme  de  hotte  et  de  hôte.  Est-ce  que  la  suppres- 
sion du  double  t  dans  les  noms  en  otte,  comme  cotte,  marcotte, 
botte,  etc.,  apporterait  du  changement  à  la  prononciation?  Pas 
plus  que  dans  redingote,  dévote,  compote,  etc.,  qu'on  n'a  jamais 
prononcés  redingote,  etc.,  quoiqu'ils  n'aient  qu'un  t. 

«  Même  désir  de  voir  supprimer  le  double  t  dans  les  mots  en 
atte,  dont  plusieurs  n'en  ont  qu'un  et  se  prononcent  aussi  bref 
que  s'ils  en  avaient  deux,  témoin  batte,  natte;  cravate,  écarlate, 
etc.  On  mettrait  Taccent  sur  Va  long,  comme  dans  hâte,  il  bâte, 
pâte,  etc.,  et  jamais  sur  l'a  bref.  La  distinction  semble  suffisam- 
ment établie. 

c(  Par  le  même  motif  de  prosodie,  on  propose  d'écrire  y?^;/?^, 
fenfldme,  âme,  et  de  continuer  d'écrire  inflammable,  inflamma- 


326  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  VANIER. 

thn  avec  la  consonne  double^  tant  qu'on  la  fera  sentir  dans  la 
prononciation. 

«  Le  premier  bureau  est  d'avis  unanime  que  les  présentes  ob- 
servations méritent  d'être  prises  en  considération.  » 

Voici  maintenant  le  passage  de  ce  travail  qui  a  trait  à  la  critique 
de  la  réforme  phonographique.  La  Réforme  est  aux  prises  en  as- 
semblée générale  avec  les  orateurs  de  la  gauche  qui  représentent 
l'opposition. 

«Un  Grammairien.  L'un  des  inconvénients  de  votre  méthode 
est  cette  homonymie  qu'elle  introduit  dans  la  langue.  Quoi  !  vous 
osez  écrire  comme  le  nom  du  fleuve  (le  Pô),  une  pô  de  mouton, 
un  pô  de  bière,  et  la  ville  de  Pd?  Cela  n'est  pas  soutenable. 
Voyez  un  peu  l'effet  de  ces  quatre  Pd,  Pô,  Pô,  Pô,  Gomment  vou- 
lez-vous qu'à  chaque  signe  graphique,  identiquement  le  même,  on 
attache  une  idée  différente  ? 

«La  Réforme.  Vous  vous  faites  illusion.  Ne  savez-vous  pas  que 
c'est  un  inconvénient  attaché  aux  homonymes?  Mais  chaque  mot 
employé  dans  la  phrase  ne  laisse  plus  le  moindre  doute  sur  son 
sens.  Que  je  vous  dise  :  Pô  est  la  capitale  du  Béarn;  ou,  l'armée 
a  passé  le  Pô  ;  ou,  voilà  vingt  pô  de  mouton,  ou  enfin,  donnez- 
moi  un  pô  de  bière,  vous  y  trompez-vous  ?  Les  mots  parlés  ne  se 
composent  que  de  sons  et  non  de  lettres.  En  avez-vous  vu  sortir 
une  seule  de  ma  bouche?  Non.  Comment  voulez-vous  que  votre 
œil  s'y  trompe  quand  vos  oreilles  ne  s'y  sont  pas  trompées  ?  (Elle 
a  ma  foi  raison,  dit  le  côté  droit.  Attendez,  attendez  ,  dit  le  côté 
gauche.) 

((  L'Orateur  de  gauche.  Vous  ne  répondez  pas  à  la  question. 
L'homonymie  est  un  inconvénient,  point  de  doute,  mais  nous 
avons  bien  peu  d'homonymes  qui  soient  en  même  temps  ocu- 
laires et  auriculaires,  et  il  est  avantageux,  selon  moi,  quand  on 
est  entre  deux  écueils,  d'en  éviter  au  moins  un.  Lisez,  et  com- 
parez, 

«  Un  beau  temps.  —  Un  beau  tan, 

«  11  m'entend.  ■—  Il  m'en  tend  (des  pièges). 

c(  Serre-m'en.  —  Serment. 

«  Mais  à  quoi  bon  chercher  à  multiplier  les  exemples  ?  Qui  ne 
sait  que  cette  homonymie  n'a  lieu  qu'à  l'oreille,  et  s'efface  sur-le- 
champ  aux  yeux?  Tel  est  le  propre  d'une  langue  écrite  régulière, 
que  la  clarté  n'y  laisse  rien  à  désirer.  Mais  quand  on  voit  votre 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIOUK.  —  VANIER.  327 

homonyme  sin  changer  malgré  vous  de  finale,  comme  dans  sin 
Françoâ,  sint  Ustache,  les  5ms  anaqorète^,  sinq  orne,  sin  mouton, 
sin  dou,  selon  Feuphonie  qui  exige  la  prononciation  de  telle  con- 
sonne que  vous  mettez  ou 'changez  au  besoin,  vous  conviendrez 
que  vous  vous  retirez  d'un  embarras  pour  jeter  le  peuple  dans' 
mille  autres.  Qui  l'avertira  de  mettre  un  t  final  à  celui-ci,  un  g  à 
tel  autre,  une  s  à  tel  autre,  et  rien  à  celui-là  ? 

«L'Orateur  de  droite.  La  langue  parlée  n'est,  et  ne  peut  être 
que  la  peinture  des  sons,  et  c'est  à  la  rendre  à  son  primitif  em- 
ploi que  doivent  tendre  tous  nos  efforts. 

((  L'Orateur  de  gauche.  Voilà  ce  que  je  nie  formellement. 
Toutes  les  langues  ont  des  signes  graphiques  employés  comme 
peintures  d'idées. 

c<  Dans  les  langues  à  désinences,  et  où  les  consonnes  s'articu- 
lent, vous  ne  pouvez  les  retrancher;  mais  dans  la  nôtre,  oii  il  n'en 
est  pas  de  même,  regarder  comme  parasites  les  lettres  qui  ne  se 
prononcent  pas,  ou  qui  ne  se  prononcent  qu'accidentellement, 
étant  suivies  d'une  voyelle,  est  détruire  l'harmonie  qui  existe 
entre  les  langues  soumises  à  des  règles  grammaticales  qui  leur 
sont  communes.  Écoutez,  je  m'explique. 

«  Vous  écrivez  «  le  chevaux,  lé  bestiaux  »  en  retranchant  l's, 
signe  caractéristique  de  pluralité,  et  cela  parce  qu'elle  est  nulle 
dans  ce  cas  pour  la  prononciation.  Le  peuple,  qui  ignore  la  gram- 
maire, est  par  là  exposé  à  écrire  et  à  prononcer  le  habitans,  le 
humanités,  comme  nous  prononçons  les  hameaux,  les  haricots,  et, 
par  une  conséquence  toute  juste,  il  écrira  le  zannetons,  pour  les 
hannetons^  car  c'est  ainsi  qu'il  prononce.  Vous  allez  trop  loin, 
vous  dis-je,  et  c'est  avoir  une  confiance  trop  aveugle  en  vos  pro- 
pres moyens  que  de  vous  en  fier  à  l'oreille  du  peuple  ;  elle  est 
trop  faussée  pour  qu'il  en  fasse  son  juge.  Encore  une  fois  il  fau- 
drait supposer  qu'il  parle  bien.  Je  ne  vois  sortir  de  votre  système 
que  chaos,  que  confusion. 

c(  Je  vais  plus  loin,  comment  osez-vous  faire  disparaître  de  votre 
conjugaison  ces  finales  idéologiques  qui  réveillent  en  nous  les 
idées  de  nombre  et  de  personnes?  Sont-ce  là  des  lettres  parasites? 
Nous  viendron,  nous  parleron  seront  homonymes  deilsviendron,ih 
parleron  !  Qui  indiquera  au  peuple  qu'il  devra  mettre  ici  un  ^  et  • 
là  une  s  euphoniques  quand  chaque  verbe  sera  suivi  d'un  mot 
dont  l'initiale  est  une  voyelle,  lorsque  vous  retranchez  la  consonne 
hors  ce  cas  ?  Qui  lui  indiquera  les  lettres  que  vous  supprimez  dans 


328  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  FAURE. 

gran,  ègzan,  peti,  permi,  pour  former  le  féminin  grande,  exemple, 
petite,  permise?  Réfléchissez-y,  Messieurs,  fouler  aux  pieds  la 
conjugaison  et  la  déclinaison  d'un  peuple,  c'est  étouffer  en  lui 
toute  idée  de  grammaire,  sans  laquelle  il  n'y  a  point  de  langue  ; 
'c'est  le  ravaler  à  Tétat  de  barbarie.  » 

L'auteur  suppose  un  billet  phonographique  ainsi  conçu  :  0  sa- 
van  qe  répondré-vou'i  S'agira-t-il  d'entendre  •:  Au  savant  que 
répondre z-voust  Aux  savants  que  répondrez-vousl  ô  savants,  que 
répondrez-vousl  ô  savant,  que  répondrez-voust  L'es^ini  du  lecteur 
est  dans  le  doute,  car  les  signes  déterminatifs  du  sens  sont  perdus. 

Je  crois  cette  partie  de  la  critique  de  M.  Vanier  à  l'abri  de  toute 
réfutation. 

S.  Faure.  Essai  sur  la  composition  d'un  nouvel  alphabet  pour 
servir  à  représenter  les  sons  de  la  voix  humaine  avec  plus 
de  fidélité  que  par  tous  les  alphabets  connus.  Paris,  Firmin 
Didot,  1831,  in-8,  de  226  pp.  et  3  pi. 

Frappé  des  inconvénients  de  notre  écriture  orthographique, 
M.  Faure  témoigne  ainsi  ses  vœux  pour  sa  réforme  : 

«  Perfectionner  Palphabet  serait  une  entreprise  digne  du  dix-neu- 
vième siècle  et  du  règne  d'un  roi  populaire  et  national.  La  réforme  des 
poids  et  mesures  s'est  opérée  dans  les  temps  les  plus  affreux  de  la 
révolution.  Le  système  métrique,  après  avoir  lutté  contre  les  plus 
grands  obstacles,  est  reconnu  aujourd'hui  comme  très-avantageux. 

« Une  écriture  exacte  présenterait  encore  plus  d'avantages 

dans  ses  résultats  que  le  système  métrique;  mais,  comme  nous 
n'avons  pas  la  présomption  de  croire  qu'elle  puisse  un  jour  ren- 
verser l'écriture  en  usage,  qu'il  nous  soit  permis  du  moins  d'es- 
pérer qu'une  nouvelle  écriture  perfectionnée  pourra,  comme  la 
sténographie,  mais  dans  un  but  différent,  marcher  à  côté  de  l'é- 
criture d'usage  et  servir  efficacement  :  1°  à  rendre  les  principes  de 
lecture  avec  les  caractères  et  l'orthographe  usités  bien  plus  acces- 
sibles à  l'enfance;  2°  à  noter  dans  un  dictionnaire  la  vraie  pro- 
nonciation des  mots  beaucoup  plus  exactement  qu'on  ne  l'a  fait 
jusqu'ici;  3°  à  nous  être  d'un  merveilleux  secours  pour  la  compo- 
sition d'un  alphabet  universel,  etc.  » 

Je  ne  puis  donner  ici  [une  idée  de  la  méthode  de  M.  Faure.  Il 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  MALVIN  CAZAL..  329 

faudrait  étudier,  apprendre  et  comparer  les  divers  systèmes  phono- 
graphiques représentés  au  moyen  de  signes  figurés  par  des  lignes 
plus  ou  moins  contournées ,  pour  apprécier  le  mérite  de  chacun 
d^eux. 

«  Quoique  nos  caractères,  dit  M.  Faure,  soient  bizarres  et  très- 
différents  de  ceux  de  l'écriture  ordinaire,  ils  sont  si  simples,  si 
distincts,  et  dérivent  si  naturellement  les  uns  des  autres,  que  nous 
sommes  persuadé  qu'une  personne  qui  ne  saurait  pas  lire  parvien- 
drait à  apprendre,  au  moyen  de  ces  nouveaux  caractères,  en  dix 
fois  moins  de  temps  que  par  l'écriture  et  l'orthographe  en  usage, 
qui  font,  ainsi  que  l'a  dit  d'Olivet,  de  la  lecture  Tart  le  plus  dif- 
ficile. » 

Chaque  améHoration  apportée  par  l'Académie  à  notre  orthographe 
rend  de  moins  en  moins  opportune  la  création  de  ces  systèmes 
absolus. 


Joseph  de  Malvin  Gazal.  Prononciation  de  la  langue  fran- 
çaise au  dix-neuvième  siècle^  tant  dans  le  langage  soutenu 
que  dans  la  conversation^  d'après  les  règles  de  la  prosodie^ 
celles  du  Dictionnaire  de  V Académie,  les  lois  grammati- 
cales et  celles  de  V usage  et  du  goût.  Paris,  Imprimerie 
royale,  1847,  in-8. 

L'étude  de  la  bonne  prononciation  parait  devoir  jouer  un  grand 
rôle  dans  les  réformes  futures  de  notre  orthographe.  L'Académie 
des  inscriptions  se  préoccupe  légitimement  de  la  fixation  de  la 
prononciation  et  de  ses  rapports  avec  Thisloire  de  notre  langue. 
C'est  à  ce  titre  que  Fauteur  de  ce  gros  volume  a  obtenu  le  prix 
Volney.  Il  reconnaît  et  étudie  deux  sortes  de  prononciations  dis- 
tinctes :  la  prononciation  oratoire,  raffinée,  délicate  et  savante,  et 
la  prononciation  courante,  celle  de  la  conversation.  Une  semblable 
doctrine  ne  me  semble  pas  de  nature  à  diminuer  la  complication 
de  nos  grammaires  et  de  notre  orthographe.  En  tout  cas,  elle  ne 
simplifiera  pas  la  tâche  de  la  néographie  phonétique,  qui  aura  à 
se  prononcer  entre  les  deux  prononciations  qu'elle  devra  figurer. 

Ces  savantes  études  sur  la  prononciation,  si  minutieuses,  si  con- 
troversables,  si  arides  même,  pourrai-je  ajouter,  ne  seront  jamais  à 
la  portée  de  tous  ceux  qui  ont  besoin  d'apprendre  à  lire  et  à  parler. 


330  LA  RÉFORMK  ORTHOGRAPHIQUK.  —  FÉLmE. 

Maintenant  que  nous  sommes  en  possession  des  travaux  de  M.  Fé- 
line, de  M.  Casai,  de  M.  Quicherat,  de  M.  Colin,  de  M.  Géhant, 
etc.,  notre  prononciation  devrait  être  suffisamment  fixée  pour 
être  consignée  dans  un  Dictionnaire  spécial  dont  l'utilité  est  évi- 
dente. 


Adrien  Féline.  Mémoire  sur  la  réforme  dé  V alphabet^  à 
l'exemple  de  celle  des  poids  et  mesures,  Paris,  Guillaumin, 
1848,  in-8  de  32  pp.  —  Dictionnaire  de  la  prononciation 
de  la  langue  française^  indiquée  au  moijen  de  caractères 
phonétiques^  précédé  d'un  Mémoire  sur  la  réforme  de  r al- 
phabet. Paris,  Firmin  Didot,  18S1,  iii-8,  de  383  pp. — 
Méthode  pour  apprendre  à  lire  par  le  système  phonétique. 
Paris,  Firmin  Didot,  18S4,  2  parties  in-8. 

L'œuvre  projetée  avant  1830  par  M.  Marie  a  été  reprise  depuis 
1848  avec  de  nouvelles  forces.  M.  Féline,  dont  nous  déplorons  la 
perte  récente,  a  été  l'un  des  plus  persévérants  et  des  plus  coura- 
geux apôtres  du  système  phonétique  ou  autrement  de  la  phono- 
graphie.  Il  a  consacré  une  part  considérable  de  son  temps  et  de 
sa  fortune  à  la  vulgarisation  de  sa  doctrine,  et  n'a  pas  vécu  assez 
pour  la  voir  fructifier  sur  le  sol  de  notre  colonie  algérienne. 

M.  Féline,  dont  les  idées  procèdent  en  partie  de  celles  de 
Volney,  est  un  réformateur  plus  intrépide  que  ne  l'était  M.  Marie, 
dans  le  système  de  V Appel  aux  Français  de  1829.  Son  alphabet, 
qu'il  a  cru  à  tort  complet,  suffît  dans  sa  simplicité  à  l'enseignement 
rapide  de  la  lecture  aux  habitants  pauvres  et  complètement  il- 
lettrés de  nos  campagnes,  ainsi  qu'aux  Arabes.  D'ailleurs  M.  Fé- 
line lui-même  a  dû  être  convaincu,  après  l'insuccès  de  sa  méthode 
comme  écriture  usuelle,  qu'elle  ne  pourrait  être  considérée  que 
comme  un  système  pédagogique,  destiné,  à  l'exemple  de  la  mné- 
monique, à  rendre  moins  aride  et  moins  longue  l'étude  de  la 
langue  française.  C'est  pourquoi,  dans  la  seconde  partie  de  sa 
Méthode  pour  apprendre  à  lire,  il  passe,  dans  une  série  d'exercices 
habilement  gradués,  de  l'écriture  purement  phonétique  aune 
orthographe  de  plus  en  plus  compliquée,  pour  arriver  enfin  à 
celle  qui  a  été  adoptée  par  l'Académie. 

Aj  cet  égard  M.  Féline  a  droit  à  la  reconnaissance  de  tous  les 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  FÉLINE.         331 

gens  de  bien  qui  s'intéressent  au  sort  de  nos  populations  rurales 
au  point  de  vue  intellectuel,  car  la  pratique  a  parfaitement  dé- 
montré l'utilité  de  sa  méthode. 

Voici  cet  alphabet,  avec  lequel  il  espérait  représenter  tous  les 
sons  du  français  ; 


\ 

VOYELLES. 
Valeurs. 

CONSONNES. 

gnes. 

Signes. 

Valeurs. 

Signes. 

Valeurs. 

a 

a 

P 

P 

1 

ill,  il 

a 

â 

b 

b 

y 

y 

a 

an,  en 

m 

m 

f 

f,ph 

e 

é 

t 

t 

V 

V 

é 

è,  ê,  ai,  et 

d 

d 

w 

w 

£ 

e 

n 

n 

s 

s,  c,  t 

ê 

eu 

k 

k,  q,  c 

z 

z,  s 

i 

i,y 

g 

g.gu 

h 

ch 

i 

in 

g 

gn 

j 

j,g 

0 

0 

1 

1 

r 

r 

ô 

ô,  au 

0 

on 

u 

u 

û 

ou 

u 

un 

On  voit  au  premier  coup  d'œil  la  grande  supériorité  de  cet  al- 
phabet sur  celui  de  Domergue.  Son  auteur  supprime  le  c,  dont  le 
son  est  ambigu,  le  g,  qu'on  est  habitué  à  voir  escorté  de  son  u  ser- 
vile,  Vx,  et  Vy  devant  les  consonnes.  Par  contre,  il  y  a  huit  lettres 
nouvelles,  z  [e  muet),  e  (ew),  a  (aw),  i  {in),  o  {on),  u  {un),  g  [gn),  l 
[l  mouillé}.  S'il  eût  mieux  approfondi  l'ouvrage  de  Volney  et  qu'il 
eût  étudié  l'alphabet  polonais,  il  eût  reconnu  que,  pour  les  voyel- 
les nasales,  la  cédille  est  un  signe  plus  commode  que  le  trait  infé- 
rieur, puisque  dans  l'écriture  elle  n'exige  pas  une  levée  de  la  main. 
Ce  n'est  point  non  plus  le  g  qu'il  fallait  tilder^  mais  le  n,  comme 
le  font  les  Espagnols.  L'adoption  delà  lettre  k  à  la  place  de  c  donne 
à  son  ekritur  u  kû  d'd  sovaj  (un  coup  d'œil  sauvage)  qu'il  eût  pu 
facilement  éviter,  et  qui  a  prêté  le  flanc  aux  plaisanteries  du  jour- 
nalisme, plus  enclin  à  rechercher  le  côté  plaisant  que  le  côté  utile 
de  toute  chose  nouvelle. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  imperfections  de  détail  du  système, 


332  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  FÉLINE. 

faciles  d'ailleurs  à  corriger,  beaucoup  d'instituteurs  primaires 
sont  convaincus  que  son  adoption  dans  les  salles  d'asile  et  les 
écoles  de  village  serait  un  grand  bienfait.  Un  adolescent  appren- 
drait à  lire  et  à  écrire  en  trois  mois  au  lieu  de  trois  ans.  Il  serait 
toujours  à  môme  de  passer  plus  tard  à  l'écriture  savante  et  diffi- 
cile des  lettrés,  pour  laquelle  l'auteur  a  d'ailleurs  préparé  des 
exercices  gradués  très-bien  conçus. 

Le  Dictionnaire  de  la  prononciation  de  M.  Féline  éiait  destiné 
à  répondre  à  une  objection  souvent  faite  aux  réformateurs  phono- 
graphes :  «Vous  prétendez  écrire  suivant  la  prononciation;  mais 
quelle  prononciation?  Il  y  a  la  prononciation  gasconne,  la  pronon- 
ciation marseillaise,  la  prononciation  normande,  la  prononciation 
parisienne.  Dans  votre  système,  n'y  aufa-t-il  pas  autant  d'or- 
thographes diverses  qu'il  y  a  d'accents  étrangers  dans  l'idiome 
national?  » 

Il  est  manifeste,  répondent  les  réformateurs,  qu'il  doit  y  avoir 
une  prononciation  modèle,  un  dictionnaire  delà  vraie  prononcia- 
tion, qui  rappelle  à  l'ordre  les  prononciations  vicieuses,  lesquelles 
engendrent  des  orthographes  également  vicieuses.  Cette  pronon- 
ciation modèle  ramènerait  peu  à  peu  les  accents  et  les  patois  à  un 
type  normal  et  unique. 

Le  Dictionnaire  de  M.  Féline,  précieux  déjà  pour  les  étrangers, 
pourrait,  à  l'aide  de  quelques  corrections,  rendre  de  très-grands 
services.  On  devrait  s'inspirer,  pour  le  perfectionner,  du  beau  tra- 
vail de  Volney  sur  les  voyelles  européennes  ;  car  M.  Féline,  dans 
l'intérêt  de  la  multitude,  sans  doute,  a  négligé  certaines  nuances 
de  prononciation  qui  constituent  la  délicatesse  de  notre  langue. 
Il  me  paraît  avoir  confondu  des  valeurs  distinctes  de  Ve  dit  muet 
(voir  plus  haut,  p.  313) ,  et  mal  représenter  la  diphthongue  oi  par 
les  signes  ûa  {oua).  Pour  les  consonnes,  M.  Féline  aurait  dû  dis- 
tinguer le  w  anglais,  véritable  voyelle,  du  iv  allemand,  qui  doit 
élre  représenté  par  notre  v  simple. 

Le  Mémoire  qui  précède  son  Dictionnaire,  et  qui  relate  les 
travaux  d'une  commission  de  savants  formée  pour  déterminer  la 
valeur  et  le  signe  de  tous  nos  sons,  est  un  travail  plein  d'intérêt. 
Dans  cet  écrit,  M.  Féline  développe  les  avantages  de  lasimpHfica- 
tion  de  notre  orthographe  et  aussi  de  notre  alphabet. 

«  Pourquoi,  dit-il,  ne  pas  perfectionner  l'alphabet,  l'instrument 
le  plus  usilé  du  travail,  comme  on  perfectionne  les  autres?  Pour- 
quoi ne  le  «)umettrait-on  pas  à  ce  rationalisme  auquel  la  civilisa- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  FÉLINE.  333 

tion  moderne  doit  ses  succès?  li  existe  sans  doute  une  diffé- 
rence :  c'est  que  chaque  fabricant,  chaque  ouvrier,  est  libre  de 
modifier  comme  il  l'entend  une  machine  ou  un  outil,  et  qu'il  n'en 
est  pas  de  môme  de  l'alphabet;  mais  pourquoi  le  gouvernement, 
les  académies,  les  administrations,  refuseraient-ils  de  perfection- 
ner l'instrument  de  travail  de  toute  la  nation,  ainsi  que  le  ferait  le 
dernier  des  ouvriers,  ainsi  que  l'exigerait  tout  fabricant,  .ainsi  que 
l'a  fait  la  Convention  pour  les  poids  et  mesures  ? 

«  Le  gouvernement,  qui  fait  plus  d'efforts  que  jamais  pour  éten- 
dre l'instruction  du  peuple;  les  philanthropes  de  toutes  les  opi- 
nions qui  le  secondent;  ceux  qui  veulent  son  bien-être,  son  amé- 
lioration matérielle  et  morale,  tous  doivent  désirer  une  réforme 
qui  peut  seule  généraliser  l'instruction  primaire.  Jamais  on  n'aura 
fait  autant  de  bien  à  si  peu  de  frais. 

«  Les  économistes  qui  savent  que  le  temps  est  la  richesse  de 
l'homme,  les  administrateurs  qui  veulent  l'uniformité  du  langage, 
les  hommes  politiques  qui  veulent  rapprocher  les  nations,  enfin, 
tous  les  amis  de  l'humanité,  tous  les  hommes  de  progrès,  doivent 
appuyer  cette  réforme. 

((  Plusieurs  exemples  doivent  nous  servir  de  guide  et  nous  en- 
courager. N'a-t-on  pas,  dans  un  siècle  de  barbarie,  remplacé  les 
chiffres  romains  par  la  numération  arabe  ,  l'une  des  plus  simples 
inventions  de  l'esprit  humain,  puisqu'elle  ne  consiste  qu'en  deux 
points  :  avoir  un  signe  pour  chaque  nombre  jusqu'à  neuf  et  décu- 
pler la  valeur  du  chiffre  en  le  reculant  d'un^'ang?  Cette  idée  n'en 
est  pas  moins  sublime;  car,  sur  des  milliards  d'individus  qui  avaient 
passé  sur  la  terre,  un  seul  l'a  conçue;  car  elle  a  eu  les  conséquences 
les  plus  heureuses  pour  la  civilisation. 

«  De  ce  qu'une  innovation  a  été  mal  présentée,  de  ce  qu'elle  l'a 
été  dans  un  but  purement  scientifique,  s'ensuit-il  que  toute  inno- 
vation de  ce  genre  soit  impossible  à  réaliser?  » 

Charles  La  Loy.  Balance  orthographique  et  grammaticale 
de  la  langue  française  :  ou  cours  de  philologie  grammati- 
cale^ ouvrage  au  moyen  duquel  disparaissent  toutes  les  in- 
certitudes ,  sources  de  difficultés ,  relatives  à  nos  règles 
grammaticales  et  à  nos  formes  orthographiques.  Deuxième 
édition.  Paris,  Maire-Nyon,  18o3,  2  vol.  grand  in-8,  con- 
tenant : 


334         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  LA  LOY. 

«  1°  Des  règles  d'accentuation  qui  dispensent  d'avoir  recours  au  Dic- 
tionnaire ;  —  2°  La  liste  complète  des  homonymes  français  ;  —  3"  La 
liste,  si  utile  dans  renseignement,  des  dérivations  inexactes;  —  4«  Des 
principes  d'orthographe  étymologique;  —  5«  Des  principes  de  francisa- 
tion des  mots;  —  6°  Des  principes  de  néologie;  —  7°  Des  règles  sur 
la  formation  des  noms  et  adverbes  en  ment;  —  8°  Des  principes  sur 
l'orthographe  et  la  prononciation  des  noms  propres  et  des  noms  de 
baptême,  avec  la  signification  des  plus  connus;  —  9»  L'indication  du 
pluriel  des  adjectifs  en  al;  —  lO*'  L'indication  du  pluriel  de  tous  les 
noms  composés  et  des  noms  pris  des  langues  étrangères  ou  des  langues 
anciennes,  partie  orthographique  restée  douteuse  jusqu'à  ce  jour;  — 
11»  Des  règles  sur  l'orthographe  des  mots  réduplicatifs;  —  12°  Un 
moyen  de  reconnaître  désormais  Vh  aspiré  de  Vk  muet,  et  le  cà  dur  du 
ch  français;  —  13°  De  nouveaux  signes  de  ponctuation  qui  n'exigent 
aucune  nouvelle  étude;  —  14*^  Des  règles  sur  l'emploi  des  doubles  con- 
sonnes, partie  si  importante  de  notre  orthographe,  etc.,  etc.  » 

Ce  long  titre,  que  j'ai  copié  presque  in  extenso,  donne  une  idée 
du  vaste  ensemble  de  questions  que  l'auteur  a  embrassées  dans 
le  cadre  de  ses  deux  volumes. 

Il  rapporte  sur  chaque  mot  embarrassant  du  Dictionnaire  les 
diverses  leçons  fournies  par  les  lexicographes  et  recherche  ce 
qu'il  appelle  une  balance,  c'est-à-dire  une  solution  tirée  de  l'es- 
sence même  des  principes  qu'il  a  posés  en  commençant.  On  con- 
çoit qu'en  face  d'un  nombre  aussi  immense  de  questions  délicates 
à  résoudre,  Tauteur  ait  pu  souvent  s^arréter  à  un  parti  qui  ne  sa- 
tisfasse pas  une  critique  sévère.  Néanmoins  son  ouvrage  sera 
consulté  avec  fruit  de  ceux  qui,  par  position,  sont  aux  prises  avec 
les  difficultés  de  notre  orthographe.  Ce  vaste  travail,  fruit  de  longs 
efforts  et  d'une  patience  vraiment  méritoire,  est  à  lui  seul  une 
démonstration  suffisante  de  l'absolue  nécessité  de  perfectionner 
notre  orthographe  et  de  soumettre  la  grammaire,  avec  ses  con- 
tradictions et  ses  exceptions  innombrables,  à  une  analyse,  à  une 
discussion,  à  une  révision  sérieuse  et  approfondie. 


Alexandre  Erdan  (Al. -André  Jacob).  Congrès  linguistique. 
Les  révolutionnaires  de  l'A-B-C.  Paris,  Coulon-Pineauj 
1854,  in-8  de  282  pp. 

Dans  cet  opuscule,  M.  Erdanaparlé  de  beaucoup  de  choses  à 
propos  de  la  réforme  orthographique.  Il  a  introduit  dans  une  scm- 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  ERDAIN.  335 

blable  polémique  plus  de  passion  que  la  question  ne  me  semble  en 
comporter.  Je  ne  le  suivrai  donc  pas  dans  les  parties  de  sa  discus- 
sion qui  s'écartent  du  sujet,  et  je  renverrai  à  l'analyse  de  l'ouvrage 
de  M.  Raoux  l'exposition  des  motifs  proposés  en  faveur  de  l'écri- 
ture phonétique. 

Voici  ce  que  dit  M.  Erdan  (p.  72)  contre  le  respect  de  l'étymo- 
logie  dans  l'écriture  française.  Après  avoir  rappelé  les  arguments 
de  Domergue  et  de  Voltaire.,  il  continue  ainsi  : 

«  Mais,  d'ailleurs,  à  quoi  bon  ces  raisonnements?  La  question 
étymologique  n'en  est  réellement  pas  une.  Les  étymologistes 
croient  défendre  un  principe  et,  en  réalité,  ce  qu'ils  défendent, 
ce  n'est  qu'un  accident  dans  la  langue. 

«  Si  à  chaque  mot  de  notre  langue  était  attachée  l'étiquette  de 
son  origine,  certainement  celui  qui  proposerait  d'enlever  à  la  fois 
toutes  ces  étiquettes,  toutes  ces  marques  caractéristiques,  propo- 
serait une  révolution  difficile  ;  mais  cela  n'est  pas. 

((  Nous  avons,  cela  est  démontré  et  admis  par  les  grammai- 
riens (1)  : 

Mots  dont  l'étyraologie  est  tout  à  fait  inconnue 3,000 

Mots  dont  l'étymologie  est  douteuse 1,500 

Mots  qui  n'ont  plus  leurs  lettres  étymologiques,  dont  ils 

se  sont  dépouillés  successivement 10,000 

Mots  dont  l'orthographe  est  contraire  à  l'étymologie  ....       500 

Total 15,000 

a  Ainsi,  en  proposant  d'abandonner  Porthographe  étymolo- 
gique, on  ne  propose  point,  à  proprement  parler,  une  révolution 
de  principe  dans  l'idiome  national.  On  ne  fait  que  régulariser  une 
langue  en  désordre  qui  écrit  tantôt  suivant  l'étymologie,  tantôt 
selon  le  caprice.  » 

Tout  en  adhérant  au  principe  de  la  phonographie  absolue,  l'au- 
teur désire  qu'on  avance  par  degrés. 

«  Il  faut  donc  tout  simplement^  dit-il,  pour  commencer,  pour 
établir  un  premier  jalon,  revenir  aux  modifications  prudentes, 
faciles,  commodément  vulgarisables^  qu^adoptèrent  et  prati^ 
quèrent  les  Du  Marsais,  les  Duclos,  les  Beauzée^  etc. 

(1)  Ce  calcul  est  emprunté  par  M.  Erdan  à  M.  Marie  dans  V Appel  aux  Fran.' 
cais. 


336  LA.  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  ERDAK. 

«  Il  faut  accepter,  suivant  la  théorie  de  Port-Royal,  quelques 
petits  signes  très-simples  pour  faire  disparaître  certaines  anoma- 
lies du  genre  des  suivantes  :  fusil ^  où  17  ne  se  prononce  pas,  et  fil, 
où  il  se  prononce;  nid,  où  d  ne  se  prononce  pas,  et  David,  où  il 
se  prononce;  répugnance^  où  gn  est  doux,  elstagnation,  où  g?i  est 
très-dur,  etc. 

«  Il  est  très-facile  pour  ces  différents  cas,  et  pour  d'autres  ana- 
logues, de  convenir  d'un  petit  signe,  d'un  tiret,,  d'un  accent,  tout 
ce  qu'on  voudra,  qui  indique  la  prononciation.  » 

«  Voici  donc  une  série  d'applications  actuelles  que  je  propose- 
rais volontiers,  d'une  manière  formelle,  à  tous  les  amis  de  la  ré- 
forme :  1**  Retranchement  de  Vh  muet  [Omère).  —  2°  Retranche- 
ment des  lettres  doubles  {abé,  tranquile,  éfet,  etc.).  —  3°  Emploi 
d'une  seule  consonne  où  il  y  en  a  deux  inutilement  {alfabet, 
ortografe,  téâtre,  etc.).  —  4°  Expulsion  de  Vm  où  l'on  ne  pro- 
nonce que  n  {anfibie,  etc.).  —  o"  Expulsion  de  Vx  comme  mar- 
quant le  pluriel  [eus,  veus,  ceus,  etc.).  —  6°  Abandon  de  l'usage 
absurde  et  sans  prétexte  étymologique,  qui  double  la  consonne 
dans  les  mots  homme,  venant  de  homo,  donner,  de  donare,  honneur, 
de  honor  (orne,  doner,  oneur).  —  7°  Expulsion  du  ^  ayant  le 
son  de  Vs  (aiension,  etc.).  h 

Dans  un  ouvrage  en  2  vol.  in-8,  intitulé  la  France  mistique,  pu- 
blié un  an  plus  tard,  M.  Erdan  a  mis.  en  pratique  sa  réforme. 
Ces  deux  volumes  sont  imprimés  en  entier  d'après  son  système. 
Voici  comme  il  en  explique  le  fonctionnement  : 

«  Règles  suivies  dans  la  grafie  de  ce  livre.  Nous  n'avons  point 
visé  à  la  fonografie  absolue,  c'est-à-dire  à  l'écriture  exactement 
conforme  à  la  parole.  Il  est  trop  évident  à  nos.yeuz  que,  si  nous 
devons  obtenir  des  réformes  ortografiques  (et  nous  en  obtien- 
drons), nous  ne  les  obtiendrons  que  par  une  série  de  modifications 
et  de  simplifications  lentes  et  successives.  D'ailleurs,  des  expé- 
riences célèbres  sont  là  pour  montrer  jusqu'à  quel  point  est  im- 
praticable et  impossible  une  transformation  subite. 

«  Nous  avons  donc  fait  uniquement  de  la  néografie;  nous  avons 
simplifié  les  choses  facilement  simplifiables;  nous  avons  modifié 
ce  qui  pouvait  l'être  sans  choquer  et  éfaroucher  les  lecteurs;  nous 
avons  même,  autant  que  possible,  tenu  à  ne  pas  sortir  des  limites 
que  s'étaient  tracées  les  néografes  modérés  du  dis -huitième 
siècle.  Nous  en  somes  sortis  néanmoins  par  la  substitution  de  Vs 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  POITRVI^.        337 

au  t  dans  les  mots  où  ce  t  sonait  .s,  et  était  précédé  d'une  con- 
sone;  dans  les  cas  où  le  t  est  entre  deuz  voyèles,  nous  avons  cm 
devoir  le  laisser^  au  moins  quant  à  présent.  Mais  cela  même  a  été 
pratiqué,  avec  des  choses  bien  plus  hardies,  par  l'abé  de  Saint- 
Pierre  et  par  quelques  autres. 

«  Nous  avons  aussi  préféré  le  z  à  Vs  dans  les  pluriels  académi- 
ques terminés  par  x.  La  prononciation  réèle,  en  éfet,  est  s,  non  s, 
quand  èle  a  lieu  :  le  vrai  signe  du  pluriel  est  donc  s,  non  s. 

a  Nous  n'avons  pas  toujours  été  rigoureuz  et  logique.  Ainsi 
nous  avons  écrit  mettre  et  permètre,  pour  éviter,  par  ecsès  de  pré- 
caution, les  homograties  —  qui  n'auraient  pas  nui  sans  doute  à  la 
clarté  —  mais  qui  auraient  prêté  à  une  ataque  contre  notre  ré- 
forme, sous  le  prétexte  que  mètre  (verbe)  aurait  pu  se  confondre 
avec  mètre  (substantif).  Nous  avons  donc  momentanément  sacrifié 
la  logique.  » 

P.  Poitevin.  Grammane  générale  et  historique  de  la  langue 
française.  Paris,  1856,  2  vol.  in-8. 

Au  chapitre  de  VOrthographe,  M.  Poitevin,  après  avoir  cilé 
Topinion  sur  la  simplification  de  l'orthographe  que  j'avais  émise 
en  1855,  dans  mon  Rapport  sur  l'Exposition  universelle  de  Lon- 
dres, s'exprime  ainsi  : 

{(  Ces  observations  sont  fort  justes,  et  il  est  fâcheux  que  M.  Am- 
broise  Firmin  Didot  se  soit  borné  à  exprimer  un  vœu  ;  il  lui  appar- 
tenait de  donner  l'exemple  des  réformes  raisonnables  et  d'ouvrir 
la  voie  dans  laquelle  PAcadémie  ne  peut  entrer  la  première;  rien 
ne  lui  eût  été  plus  facile  assurément  que  de  faire  sortir  de  ses 
nombreuses  publications  tout  un  système  nouveau  d'orthographe; 
c'était  une  œuvre  digne  de  lui,  et  nous  regrettons  qu'il  ne  l'ait  pas 
accomplie.  » 

Mais  le  respect  que  l'on  doit  aux  décisions  de  l'Académie,  et 
qui  m'est  plus  particulièrement  imposé,  comme  ayant  l'honneur 
d'être  son  imprimeur,  m'interdisait  plus  qu'à  tout  autre  de  songer 
à  rien  innover.  C'est  à  l'Académie,  en  raison  même  de  l'autorité 
suprême  qu'on  lui  reconnaît,  de  répondre,  dans  la  limite  qu'elle 
jugera  convenable,  au  vœu  général. 

M.  Poitevin  fait  ensuite  une  rapide  énumération  des  tentatives 
de  réforme  depuis  le  seizième  siècle,  puis  il  ajoute  : 

22 


338  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  LÉGER  NOËL. 

«  Disons  en  terminant  qu'il  est  impossible  qu'on  ne  voie  point, 
dans  un  temps  très-prochain,  se  produire  les  réformes  suivantes  : 

c(  1°  Suppression  de  toute  lettre  inutile  ou  nulle  dans  la  pro- 
nonciation ; 

«  2°  Adoption  des  mêmes  signes  pour  les  sons  identiques  (1).  » 

Dans  cette  Grammaire,  plus  complète  et  plus  détaillée  que 
toutes  celles  qui  avaient  paru  jusqu'alors,  Tauteur  fait  connaître 
quelques-unes  des  raisons  historiques  de  nos  formes  orthographi- 
ques actuelles;  il  donne  à  l'occasion  le  tableau  des  pronoms  et  de 
la  conjugaison  des  verbes  dans  le  vieux  français.  Ses  listes  de 
substantifs  dont  le  genre  est  douteux,  des  homonymes,  des  plu- 
riels des  noms  composés,  etc.,  ajoutent  à  son  travail  beaucoup 
d'intérêt  et  une  utilité  incontestable  pour  la  fixation  future  de 
l'orthographe  française. 

Léger  Noël.  Les  anomalies  de  la  langue  française,  ou  la  né- 
cessité démontrée  d'une  révolution  grammaticale,  Paris, 
Ferdinand  Sartorius,  1857,  in-8  de  240  pp. 

Cet  ouvrage  est  le  résultat  d'un  travail  très-pénible  et  vraiment 
consciencieux.  Mais  la  disposition  typographique  tout  allemande, 
l'absence  de  table  et  d'index,  en  rendent  l'étude  très-pénible,  et  la 
méthode  d'exposition  adoptée  par  l'auteur  ne  contribue  pas  à  la 
clarté.  M.  Noël  a  consacré  deux  cent  vingt  pages  d'une  impres- 
sion très-fine  aux  détails  de  l'orthographe  du  substantif  et  du 
genre;  c'est  assez  dire  que  son  œuvre  se  refuse  à  une  analyse 
complète. 

L'auteur  a  été  amené  à  reconnaître  et  à  classer  les  anomalies , 
malheureusement  très-nombreuses,  dans  la  formation  du  genre 
de  nos  substantifs. 

La  première  loi,  c'est  que  le  féminin  se  distingue  par  la  présence 
de  l'e  muet  à  la  fin  du  nom;  exemple  :  le  dieu,  la  déesse;  le  lioUi 
la  lionne  ;  le  mulet,  la  7nule,  etc. 

Mais  les  cas  d'exception  sont  presque  aussi  nombreux  que  ceux 
qui  sont  conformes  à  la  règle  :  tantôt  le  féminin  s'applique  aux 
deux  sexes  :  la  girafe, lai  gazelle,  la  chouette,  la  tortue,  etc.  —Tantôt 

(1)  Ce  programme  est  celui  de  Port-Royal  (voir  p.  22B),  adopté  depuis  deux 
siècles  par  presque  tous  ceux  qui  ont  fait  une  étude  approfondie  de  notre  langue. 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LÉGER  NOËL.  339 

des  noms  masculins  conservent  Ve  muet  final,  signe  du  féminin  : 
ex.  amulette,  arbuste,  chêne,  hêtre,  doute,  incendie,  angle,  anti- 
moine, antipode,  centime,  inventaire, etc.  —  D'autres  fois  un  même 
mot  est  tantôt  masculin ,  tantôt  féminin ,  selon  le  sens  qu'on  y 
applique;  ex.:  aide,  barbe,  barde,  basque,  carpe,  crêpe,  décime, 
enseigne,  faune,  garde,  orge,  etc. 

Déjà  La  Bruyère,  membre  de  l'Académie  française,  mort  en 
1696,  dans  son  chapitre  intitulé  De  quelques  usages,  proteste 
à  ce  sujet  contre  ce  qu'on  appelle  l'usage  : 

«...Le  même  usage  fait,  selon  l'occasion,  d'habile,  d'utile^  de 
docile,  de  mobile  et  de  fertile,  sans  y  rien  changer,  des  genres 
différents  :  au  contraire,  de  vil,  vile,  de  subtil,  subtile,  selon  leur 
terminaison,  masculins  ou  féminins  (i).  Il  a  altéré  les  terminaisons 
anciennes  :  de  scel il  a  fait  sceau;  de  mantel,  w.anteau;  de  capel, 
chapeau,  etc.,  et  cela  sans  que  Ton  voie  guère  ce  que  la  langue 
françoise  gagne  à  ces  différences  et  à  ces  changements.  Est-ce 
donc  vouloir  le  progrès  d'une  langue  que  de  déférer  à  l'usage?» 

M.  Léger  Noël  constate  en  passant  quelques  irrégularités  qui 
ont  échappé  à  la  dernière  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie  : 
ex.:  hydrocèle,  pneumatocèle ,  varicocèle,  féminins  ;  sarcocèle  ^ 
masculin;  univalve,  bivalve  du  féminin;  multivalve, du.  masculin; 
aggrave,  métopes, palestre,  du  féminin,  et  réaggrave,  opes,  orchestre, 
du  masculin.  Il  aurait  pu  ajouter  ode,  ce  mot  introduit  en  français 
par  Ronsard,  du  féminin,  et  épisode  du  masculin. 

S'appuyant  sur  le  principe  de  l'analogie,  M.  Léger  Noël  pro  ^ 
pose  que  : 


à  cause  de  : 

on  écrive  : 

au  lieu  de  : 

bac,  bissac,  bivouac,  cornac,  esto- 
mac, havresac,  lac,  ressac,  sac, 
sumac,  tabac,  trictrac 

( 

! 

un  abac 
un  lombac 
un  zodiac 

un  abaque 
un  tombaque 
un  zodiaque 

agaric,  alambic,  arsenic,  aspic,  ba- 
silic, cric 

\ 

un  critic 
le  tropic 

un  critique 
le  tropique 

trois  cents  adjectifs}  ou  substantifs 
en  if 

1 

un  hippogrif 
un  calif 
un  pontif 

un  hippogriffe 
un  calife 
un  pontife 

(l)  Le  poison  a  remplacé  la  poison;  et,  par  contre,  on  a  fait  masculin  la  navire, 
tandis  que  nef  est  resté  féminin. 


340    Lk  RÉFORME  ORTHOG 

à  cause  de  : 

avril,  babil,  béril,  péril,  grésil 


cerfeuil ,  accueil,  bouvreuil,  cercueil, 

deuil,  écureuil,  treuil,  fauteuil. 

œil,  orgueil,  recueil,  écueil,  seuil 
bazar,  car,  caviar,  cbar,  coquemar, 

nénuphar,  par,  czar,  escobar, 

nectar 

amer,  cancer,  cher,  enfer,  élher, 

lier,  frater,  gaster,  hier,  hiver, 

mâchefer,  magister,  mer,  outre- 
mer, stathouder,  ver 

trois  cents  mots  environ  terminés 
en  al 

soixante   mots   environ    terminés 
en  el 


accul,  archiconsul,  calcul,  consul, 
cul,  nul,  proconsul,  recul 


quatre  cents  mots  environ  terminés 
enir 

butor,  castor,  condor,  cor,  corrégi- 
dor,  essor,  for,  major,  or,  simi- 
lor,  thermidor,  trésor,  Labrador 

azur,  dur,  futur,  impur,  mûr,  obs- 
cur, pur,  sûr,  sur 

quarante  mots  environ  en  our 

deux  cent  cinquante  mots  environ 
terminés  en  oir 


RA.PHIQIIE.  —  LÉGER  INOEL. 


OH  écrive  : 

au  lieu  de  : 

1 

1 

un  reptil 
un  volatil 
un  h  il 
un  crocodil 

un  reptile 
volatile 
.  un  hile 
un  crocodile 

) 
) 

un  chèvrefeuil 
un  portefeuil 

un  chèvrefeuille 
un  portefeuille 

i 

un  pbar 
un  tartar 

un  phare 
un  tartare 

1 

un  belveder 
un  calorifer 
un  caracler 

un  belvédère 
un  calorifère 
un  caractère 

1 

un  adversair 
un  exemplair 

un  adversaire 
un  exemplaire 

j 

le  chrysocal 
le  final 
un  oval 

le  chrysocale 
le  finale 
un  ovale 

i 
! 

un  polichinel 
un  violoncel 
le  vermicel 

un  polichinelle 
un  violoncelle 
le  vermicelle 

un  capitui 
un  versicul 
un  préambul 
un  globul 

un  capitule 
un  versicule 
un  préambule 
un  globule 

/ 

un  cachemir 

un  cachemire 

i 

un  empir 
le  zéphyr 

un  empire 
le  zéphke 

1 
J 

un  éphor 
tricolor  (drapeau) 

un  éphore 
tricolore 

( 
\ 

un  carbur 
un  sulfur 

un  carbure 
un  sulfure 

un  murmur 

un  murmure 

un  pandour 

un  pandoure 

un  auditoir 
le  conservatoir 
un  promontoir 
le  vomitoir 

un  auditoire 
le  conservatoire 
un  promontoire 
le  vomitoire 

Ou  écrira  de  même,  dit  Fauteur,  au  masculin  les  adjectifs  : 


agit 

facil 

fluviatil 

habil 

aquatil 

docii 

fossil 

servit 

débit 

fertil 

fragil 

tidel 

QUE.  - 

LÉGER  NOËL.     Zi 

prosper 

hypocondriac 

pir 

opac 

bicolor 

critic 

inodor 

pacifie 

sonor 

magnifie 

élégiac 

ventriloc 

LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  - 

infîdel  barbar 

parallel  Ignar 

rebel  ovipar 

bénévol  vivipar 

frivol  éphémer 

crédul  lanifer 
avar 

Il  est  inutile  de  développer  davantage  ces  tableaux,  qui  font 
connaître  le  genre  de  régularisation  auquel  l'auteur  s'est  plus 
spécialement  attaché.  Lorsque  les  lois  de  la  prosodie  française 
s'opposent  à  ce  que  l'on  modifie  l'orthographe  de  la  désinence, 
il  propose  de  changer  le  genre;  exemple  :  une  squelette,  une  satel- 
lite, une  aéroliihe,  une  phytolithe,  une  osiéolithe. 

Les  changements  de  cette  nature,  qui  intéressent  roreille,  sont 
plus  difficiles  à  introduire  que  des  modifications  dans  récriture. 
D'ailleurs  un  certain  nombre  d'entre  eux  altèrent  sensiblement 
l'euphonie  de  la  prononciation  en  faisant  porter  l'accent  tonique 
non  plus  uniquement  sur  la  voyelle  de  la  syllabe  pénultième  des 
mots  à  terminaison  féminine,  mais  en  même  temps  sur  la  con- 
sonne qui  suit.  Exemple  :  dans  le  système  de  M.  Noël,  nous  ne 
dirions  plus  un  homme  crédlUe,  servFle,  mais  crédUL,  servit^ 
bref.  Cest  donc  méconnaître  le  rôle  de  l'e  muet,  cette  bulle  d'air 
sonore,  comme  dit  Fauteur,  qui  communique  à  notre  langue 
tant  de  charme,  de  légèreté  et  de  douceur. 

M.  Noël  veut  aussi  qu'on  écrive  la  foie  (fides)  et  le  foi  {hepar),  le 
nef  ou  la  nève  (navis),  le  soif  et  une  cuillère  au  lieu  de  cuiller.  La 
rectification  de  ce  dernier  mot  est  unanimement  réclamée. 

Le  mot  voix  [vox)  devrait,  selon  lui,  être  écrit  voije  pour  lui 
donner  une  terminaison  féminine,  tout  en  le  distinguant  de  voie 
(via),  attendu  que  «  cette  forme  le  rapprocherait  de  son  dérivé 
voyelle  et  lui  donnerait  bien  plus  d'ampleur  et  d'harmonie.  )> 

«  Les  grammairiens,  ajoute-t-il,  en  portant  le  marteau  sur  Vy,  si 
sonore  dans  des  mots  tels  que  paye,  payement,  etc.,  pour  le  rem- 
placer par  cet  i  fêlé,  qui  est  en  si  grande  faveur  auprès  d'eux, 
ont-ils  rendu  service  à  la  langue?  Doit-on  prononcer  égayé,  bégaye 
et  faire  rimer  ces  mots  avec  baie;  il  faudrait  alors  écrire  égaie, 
bégaie.  C'est  donc  un  peu  comme  s'il  y  avait -eïe,  résonnance 
vraiment  féminine,  qu'il  faut  que  l'on  prononce^  et  non  pase, 
son  sec  et  bref,  désinence  toute  masculine.  » 

Les  240  pages  de  M.  Noël  présentent  le  même  intérêt,  la  même 


342        LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  HENRICY. 

originalité  dans  un  sujet  qu'on  aurait  pu  croire  épuisé,  et  c'est  à 
lui  qu'on  devait  (page  205  et  suivantes)  le  travail  le  plus  étendu 
sur  le  pluriel  des  noms  composés. 

Casimir  Henricy.  Traité  de  la  réforme  de  l'orthographe^  com- 
prenant les  origines  et  les  transformations  de  la  langue 
française^  dans  la  Tribune  des  linguistes f  1"  année,  1858- 
1859.  Paris,  gr.  in-8.  —  Gramère  fransèze  d'après  la  ré- 
forme ortografiqe.  1 1  livraisons .  faisant  suite  au  Diction- 
naire français  illustré  de  Maurice  La  Châtre.  Paris,  in-4. 

M.  Henricy  s'est  livré  à  de  grandes  et  consciencieuses  recher- 
ches sur  l'histoire  de  l'orthographe,  et  présente  sur  la  réforme 
des  idées  fort  sages  : 

«Il  y  aurait  folie,  dit-il (1),  à  penser  que  ma  Gramère  fransèze 
d'après  la  réforme  ortografiqe  puisse  servir  de  règle  à  la  généra- 
tion actuelle.  Ce  qu'on  peut  suivre  comme  un  guide  sûr  au- 
jourd'hui, c'est  ma  Grammaire  française  d'après  l'orthographe 
académique.  Le  Traité  de  la  réforme  de  V orthographe  est  à 
l'adresse  des  gens  qui  veulent  s'éclairer  sur  cette  importante 
question  et  qui  pensent  qu'une  réforme  serait  utile.  Ils  trouveront 
là  un  plan  complet  de  réforme  divisée  en  cinq  degrés  ;  et  je  ne 
leur  propose  que  l'adoption  du  premier  degré,  réforme  bien 
simple,  déjà  pratiquée  par  les  écrivains  les  pluséminents  des  deux 
derniers^siècles,  notamment  par  Du  Marsais,  dans  son  Traité  des 
tropes,  réimprimé  en  1804  avec  cette  même  orthographe.  » 

«  La  conséquence  de  la  constitution  vicieuse  de  notre  écriture, 
ajoute- t-il  plus  loin  (p.  126),  est  que  pas  un  homme  ne  peut  à 
bon  droit_se  flatter  de  connaître  parfaitement  l'orthographe,  de 
ne  jamais  broncher  dans  ses  sentiers  tortueux.  Les  gens  qui  la 
connaissent  le  mieux  ne  rougissent  pas  de  l'avouer.  En  fit-on  la 
seule  étude  de  sa  vie,  on  ne  parviendrait  pas  à  l'apprendre,  môme 
à  l'aide  d'une  intelligence  exceptionnelle.  On  ne  parviendrait  qu'à 
s'abrutir.  L'écriture  ne  constitue  en  effet  qu'un  instrument,  mais 
c!est  l'instrument  indispensable  pour  arriver  à  la  connaissance  des 

sciences Or  l'intelligence  de  l'homme  le  mieux  doué  a  des 

bornes,  et  il  est  évident  que,  s'il  l'emploie  toute  à  apprendre  ou  à 

(1)  Tribune  des  linguistes^  p.  60. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  LEGOARANT,  ETC.  343 

retenir  l'orthographe,  il  ne  lui  en  reste  plus  pour  l'étude  des 
sciences.  Celui  qui,  grâce  à  de  longs  et  pénibles  travaux  et  à  une 
attention  soutenue,  parvient  à  écrire  correctement  quelques  pages, 
sans  le  secours  d'un  dictionnaire,  n'a  donc  pas  lieu  d'être  si  fier! 
Du  reste,  les  plus  experts  en  pareille  matière  ont  toujours  reculé 
devant  le  défi  de  subir  victorieusement  une  épreuve.»  (Voir  p.  320.) 

Il  résulte  du  travail  très-étendu  et  très-approfondi  de  M.  Hen- 
ricy  qu'il  reconnaît  la  nécessité  de  ne  procéder  à  la  réforme 
qu'avec  mesure  et  successivement.  Il  fixe  même  cinq  degrés,  sé- 
parés par  deux  ans  d'intervalle,  pour  atteindre  une  réforme  telle 
qu'il  la  conçoit  possible.  Mais,  d'une  part,  les  catégories  qu'il 
propose  feraient  Tobjet  de  longues  discussions,  et,  d'autre  part, 
dix  années  sont  un  terme  insuffisant  pour  permettre  d'espérer 
un  pareil  résultat. 

B.  Legoarant.  Nouveau  Dictionnaire  critique  de  la  langue 
française^  ou  examen  raisonné  et  projet  d amélioration  de 
la  sixième  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie^  de  son 
complément^  du  Dictionnaire  national  et  d'autres  princi- 
paux lexiques,  y  compris  le  nouveau  Dictionnaire  univer- 
sel de  la  langue  française  par  M.  Poitevin.  Paris,  Berger- 
Levrault,  1858,  in4  à  3  col.  de  xiv  et  667  pp. 

B.  Pautex.  Remarques  sur  le  Dictionnaire  de  F  Académie, 
Paris,  1856,  iii-12  de  1 16  pp.  Considérablement  augmentées 
et  réimprimées  sous  ce  titre  :  Errata  du  Dictionnaire  de 
V  Académie  française,  ou  Remarques  critiques  sur  les  irré- 
gularités  qu  il  présente  avec  ï indication  de  certaines  règles 
à  établir,  Paris,  Gherbuliez,  1862,  in-8  de  xxxii  et  352  pp. 

F. -P.  Terzuolo  ,  ancien  imprimeur,  correcteur  d'imprime- 
rie. Études  sur  le  Dictionnaire  de  r Académie,  Deuxième 
édition  (la  première  est  de  1858),  accompagnée  de  quelques 
remarques  sur  les  six  premières  livraisons  du  Dictionnaire 
de  M.  Littré.  Paris,  Mesnel,  1864,  in-i2  de  142pp. 

Le  Dictionnaire  d'une  langue  est  son  livre  par  excellence.  Non- 


344     LA  RRFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  LEGOARAIST,  ETC. 

seulement  il  la  maintient,  il  la  conserve,  mais  il  ouvre  les  voies  et 
indique  le  sens  dans  lesquels  elle  peut  s'épurer,  s^enrichir  et  ac- 
complir de  nouveaux  progrès.  Nul  ne  s'étonnera  donc  de  Tim- 
portance  que  le  public  attache  à  chacune  des  éditions  du  Diction- 
naire de  l'Académie ,  ni  de  la  longueur  du  temps  et  des  soins 
minutieux  que  la  compagnie  consacre  à  cette  œuvre  capitale.  Mais 
cette  tâche  est  compliquée  de  tant  de  difficultés  de  toute  na- 
ture, dont  la  principale  est  l'incertitude  qu'offre  pour  la  coordi- 
nation l'absence  complète  d'une  véritable  grammaire  de  la  langue 
française,  qu'on  ne  s'étonnera  pas  qu'on  ait  pu  reconnaître  dans 
la  dernière  édition  de  ce  Dictionnaire^  aussi  bien  que  dans  les 
ouvrages  du  même  genre,  des  fautes  matérielles,  des  contradic- 
tions, des  lacunes,  des  définitions  hasardées  ou  insuffisantes.  La 
partie  orthographique,  dont  l'irrégularité  s'expHque,  comme  on 
Ta  vu  dans  tout  ce  qui  précède,  par  l'action  du  double  courant  où 
s'est  formé  notre  vocabulaire  et  l'influence  des  idées  dominantes 
en  grammaire  au  moment  où  de  nouvelles  couches  de  mots  ont 
été  successivement  admises,  cette  partie  n'est  pas  celle  qui  laissait 
le  moins  à  désirer. 

Heureusement ,  pour  assurer  la  perfection  à  l'édition  que  l'A- 
cadémie prépare,  des  ressources  précieuses  lui  sont  réservées.  En 
dehors  des  matériaux  importants  que  plusieurs  de  ses  membres 
ont  pu  réunir,  de  ceux  qu'elle  saura  puiser  dans  les  travaux  des 
membres  les  plus  distingués  des  autres  classes  de  l'Institut,  il  s'est 
rencontré  des  hommes  d'une  persévérance  admirable  qui  ont  fait 
de  la  dernière  édition  du  Dictionnaire  l'objet  d'une  critique  mi- 
nutieuse et  de  l'examen  le  plus  approfondi. 

Tels  sont  MM.  Legoarant,  Paulexet  Terzuolo,  qui  ont  consacré 
à  ce  travail  un  peu  aride  de  la  confrontation  et  de  la  discussion  des 
mots,  de  leur  forme  et  de  leurs  définitions,  la  plus  grande  partie 
de  leur  longue  carrière.  Les  trois  ouvrages  que  j'ai  cités  en  tête  de 
cet  article  sont  rédigés  sous  forme  de  dictionnaire,  c'est  assez  dire 
qu'ils  échappent  à  toute  espèce  d'analyse.  Je  puis  seulement  cons- 
tater ici  qu'ils  ne  font  nullement  double  emploi.  M.  Legoarant  a 
envisagé  son  vaste  sujet  plutôt  en  lexicographe  et  en  savant , 
M.  Pautex  en  grammairien  et  en  typographe  consommé;  M.  Ter- 
zuolo a  suivi  l'exemple  de  ce  dernier. 

M.  Pautex  a  réuni  aux  mots  Accent,  Conjugaison,  Majuscule, 
Mentor,  Terminaison,  Tiret,  et  dans  un  chapitre  de  la  Pronon- 
ciation et  des  Doubles  lettres  placé  à  la  fin,  des  dissertations 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUi:.  -  TELL.     34:, 

spéciales  sur  les  questions  de  Torthographe  typographique ,  les 
plus  délicates  et  les  plus  négligées  par  les  grammairiens.  A  ce 
titre,  son  livre  restera  d'une  utilité  incontestable,  môme  après  la 
nouvelle  édition  du  Dictionnaire,  pour  tous  ceux  qui  se  préoccu- 
pent de  la  bonne  exécution  des  livres  et  particulièrement  pour  les 
imprimeurs. 

Le  travail  de  M.  Terzuolo  contient  des  remarques  en  général 
très-judicieuses  sur  les  questions  grammaticales  et  philologiques. 
Il  ne  s'occupe  de  l'orthographe  que  pour  signaler  quelques  contra- 
dictions qui  se  trouvent  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie,  comme 
dans  les  mots  assonance  et  consonnance,  persiflage  et  siffler,  etc. 
11  est  d'avis  d'écrire  baronet  avec  un  seul  n,  chevauléger  en  un 
seul  mot,  et  clielin  (scheling)  à  la  manière  française  avec  un  ch, 
comme  on  écrit  châle  dérivé  de  shall.  Pour  les  mots  paiement, 
dévouement,  et  autres  substantifs  terminés  en  ment,  il  demande 
qu'on  leur  conserve  les  voyelles  caractéristiques  de  Tinfinitif  dont 
ils  dériventen  changeant  l'ren  7nent;  ex.  :  emporter,  emportement^ 
fourvoijer,  fourvoijement,  payer,  payement,  dernier,  dénuement, etc. 

Tell.  Exposé  général  de  la  langue  française^  avec  les  idées, 
les  systèmes  et  les  principes  de  l'ancienne  et  de  la  nouvèle 
école,  les  projets  de  réforme^  la  codification  et  la  langue 
universèle.  Paris,  1863,  in-i8  de  109  pp. 

Dans  ce  petit  écrit,  que  l'auteur  aurait  voulu  réduire  à  une 
feuille  d^impression,  les  questions  énoncées  sur  le  titre  sont  abor- 
dées avec  clarté  et  d'une  manière  piquante,  tant  celles  de  la 
grammaire  que  celles  de  l'orthographe,  à  laquelle  l'auteur  s'at- 
tache principalement;  ce  qui  lui  fait  dire  dès  le  début  de  son  ex- 
posé «  que  l'enfant  qui  l'a  apprise  n'est  nullement  préparé  pour 
recevoir  les  leçons  des  professeurs  de  logique,  de  rhétorique  et 
de  philosophie.  » 

C'est  ainsi  qu'il  commence  son  livre,  et  c'est  ainsi  qu'il  le  ter- 
mine :  «  Toutes  les  sciences  doivent  avoir  une  science  élémen- 
taire pour  base;  cette  base  est  naturèlement  le  langage,  et  il 
serait  difficile  d'en  établir  une  autre  qui  s'accorde  mieux  avec' 
l'enfance.  L'enfant  fait  des  progrès  considérables  jusqu'à  quatre 
ans,  parce  qu'il  n'est  distrait  par  aucun  préjugé;  si  son  intelli- 
gence s'affaiblit  alors,  il  faut  attribuer  cette  cause  aux  préjugés,  et 
surtout  à  l'enseignement  faux  du  langage^  tandis  que,  si  cet  ensei- 


;)46     LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  TELL. 

gnément  était  logique,  son  intelligence  de  quatre  ans,  au  lieu  de 
s'affaiblir,  grandirait  toujours  ;  il  vaudrait  à  dix  ans  ce  que  nos 
jeunes  gens  ne  sont  qu'à  vingt  ans  et  plus.  Si  Ton  veut  bien  exa- 
miner un  enfant  de  quatre  à  cinq  ans,  on  verra  plus  de  perspica- 
cité chez  lui  que  dans  un  enfant  de  huit  à  dix  ans.  Ce  phénomène 
doit  avoir  une  came  (p.  103).  » 

M.  Tell  n'en  reconnaît  pas  moins  la  supériorité  de  la  langue 
française  sur  les  autres,  et  les  modifications  qu'il  propose  à  l'or- 
thographe, pour  la  simplicité  et  la  régularité,  n'ont  rien  d'exa- 
géré; il  réunit  en  un  seul  les  mots  composés  toutafait^  apeuprès, 
aucontraire.  Les  réformateurs  modérés  peuvent  donc  se  trouver 
d'accord  avec  lui  sur  la  plupart  des  points,  sauf  la  question  des 
participes,  qu'il  voudrait  rendre  invariables. 

Son  opinion  sur  la  réforme  de  l'orthographe  par  des  améliora- 
tions et  simpHfications  successives  est  ainsi  motivée  par  ce  qu'il 
fait  dire  à  un  interlocuteur. 

«  L'Académie  française  paraît  indifférente  aux  progrès  de  la 
langue^  parce  qu'elle  craint  la  précipitation  et  l'engouement  ;  et 
cependant  elle  enregistre  tous  les  trente  ou  quarante  ans  les  pro- 
grès réels,  sanctionné(5)  par  l'expérience.  C'est  ainsi  que  son  Dic- 
tionnaire se  modifie  de  quart  de  siècle  en  quart  de  siècle.  Sa 
marche  est  lente,  mais  elle  est  assuré(e),  elle  va  toujours  en  avant. 

«  Que  fait  l'Université?  Elle  exécute  et  fait  exécuter  le  progrès 
positif  du  Dictionnaire  de  l'Académie.  C'est  par  ce  parfait  accord 
entre  le  gouvernement,  l'Académie  et  l'Université  que  la  langue 
française  a  beaucoup  gagné  depuis  deux  cents  ans.  Il  est  bien  vrai 
que  l'Université  est  toujours  de  trente  ans  en  arrière  sur  les  bons 
grammairiens,  et  que,  dans  ce  qu'on  enseigne  aujourd'hui,  il  y  a 
cent  ou  deux  cents  erreurs,  préjugés  ou  absurdités,  constatés  de- 
puis dix  ou  vingt  ans;  mais  cet  inconvénient  est  malheureusement 
indestructible  dans  l'état  des  choses  établies. 

«  On  a  dit  que  l'Académie  n'a  point  fait  de  grammaire  et  que 
l'Université  n'a  point  pubhé  un  seul  volume  sur  la  langue  ;  ce  fait 
prouve  le  respect  de  l'autorité  poiir  la  volonté  nationale.  En  effet, 
si  l'Académie  eût  fait  une  grammaire,  chacun  se  serait  cru  con- 
traint à  suivre  le  code  grammatical  du  corps  savant.  Si  l'Université 
eût  publié  un  ouvrage  quelconque  sur  la  langue,  on  aurait  pu 
considérer  ce  livre  comme  étant  obligatoire  dans  l'enseignement. 

«  Voilà  les  motifs  qui  ont  retenu  l'Académie  et  l'Université  ; 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  TELL.  347 

elles  n'ont  publié  aucun  ouvrage  sur  la  langue  que  pour  mieux 
faire  comprendre  que  chacun,  en  France,  est  libre  de  parler  et 
d'écrire  comme  il  Tentend.  Je  termine  en  disant  que  Pautori té 
dans  l'enseignement  s'est  toujours  conduit (e)  avec  sagesse  et  di- 
gnité. » 

Ces  réflexions  sont  fort  justes  et  méritent  d'être  prises  en 
grande  considération.,  En  effet,  bien  que  Richelieu  eût  imposé  à 
FAcadémie  l'obligation  de  publier  une  Grammaire  et  un  Diction- 
naire de  la  langue,  et  qu'on  puisse  considérer  la  Grammaire  de 
Régnier  des  Marais  comme  une  tentative  de  l'Académie  pour  se 
conformer  à  cet  ordre,  on  voit  combien  cette  grammaire,  malgré 
tout  le  respect  qui  lui  est  dû,  est  devenue  presque  inintelligible 
et  surannée  dans  ses  complications.  Cependant  il  eût  été  désirable 
qu'à  l'apparition  de  chaque  édition  d'un  de  ses  Dictionnaires, 
l'Académie  l'eût  accompagné  d'une  grammaire  qui  naturellement 
eût  été  modifiée  selon  le  progrès  des  temps.  La  vue  seule  de  tant 
de  règles  et  d'exceptions  eût  engagé  l'Académie  à  la  simpHfier  (1). 

L'intérêt  que  Napoléon  I"""  apportait  à  tout  ce  qui  touche  à  l'édu- 
cation est  signalé  par  M.  Tell,  qui  le  place  au  nombre  de  ceux 
qui  ont  voulu  établir  une  langue  universelle,  moyenne,  commfc 
voulut  aussi  Rivarol  que  fût  la  langue  française  (2).  Dans  un 
ordre  du  jour  Napoléon  s'exprime  ainsi  : 

Paris,  janvier  1811. 

«  Les  conquêtes  des  langues  suivent  les  conquêtes  des  armes  ; 
mais  si  les  idiomes,  les  usages  et  les  mœurs  des  peuples  réunis  de 
nos  jours  à  la  France,  peuvent  enrichir  notre  langue,  ces  causes 
diverses  peuvent  aussi  en  altérer  la  pureté.  Jamais  il  ne  fut  donc 
plus  nécessaire  d'y  veiller  que  dans  notre  siècle.  » 

Et  c'est  dans  ce  but  que  Napoléon  I"  a  fait  de  grands  efforts 


(0  M.  Tell  signale  les  inconvénients  de  la  multitude  des  grammaires,  qui  va 
toujours  croissant,  et  rappelle  que  déjà,  en  1806,  dans  un  rapport  fait  par  Van 
Praet  à  Napoléon  !«"•,  il  est  dit  «  qu'il  existe  un  tel  monceau  de  grammaires  que 
seize  chevaux  attelés  pourraient  à  peine  le  traîner.  »  Il  est  probable  que  le 
rapporteur  a  compris  sous  le  titre  de  grammaire  les  dictionnaires,  les  traités, 
les  critiques,  les  manuels,  rudiments,  méthodes,  journaux  pédagogiques,  etc. 

(2)  «La  langue  française,  dit  Rivarol,  est  une  géométrie  formée  avec  une  ligne 
droite,  tandis  que  le  latin  et  le  grec  sont  formés  avec  des  courbes.  » 

Il  aurait  pu  ajouter  l'allemand,  et  jusqu'à  un  certain  point  les  autres  langues.— 
Suivons  donc  cette  ligne,  du  moins  pour  Torlhographe ,  p.  27. 


348         LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  DlJBlNER. 

pour  susciter  le  zèle  général  en  faveur  d'études  sur  la  langue 
dont  son  génie  appréciait  l'importance. 


E.-A.  G.  Esai  de  sinplificacion  du  français^  en  vue  de  le 
fair  accepter  corne  langue  internacionale.  Lyon,  1863, 
in-8  de  x  et  292  pp. 

Ce  volume  contient  l'exposé  très-développé  d'une  réforme 
beaucoup  trop  radicale  pour  être  acceptée  du  public  actuel, 
et  je  renvoie  pour  sa  critique  à  ce  qui  a  été  dit  à  propos  de 
M.  Marie  et  à  l'analyse  du  travail  de  M.  Raoux. 

Frédéric  Dubner.  Examen  du  programme  officiel  des  huma- 
nités^ année  scolaire  1863-64.  Paris,  Paul  Dupont,  1863, 
in-8. 

Notre  orthographe  semble,  sans  doute,  chose  bien  pénible  et 
bien  difficile  au  conseil  impérial  de  l'instruction  publique,  puis- 
cfii'il  établissait  ainsi  le  programme  de  l'enseignement  du  français 
pour  Pannée  scolaire  1863-64  : 

1.  Classe  prépakatoire.  Grammaire  française  :  noms,  adjectifs,  verbes.  Exercices 

A' orthographe. 
"?..  Classe  de  huitième.  Grammaire  française  :  révision  et  continuation.  Exercices 

^^orthographe. 

3.  Classe  de  septième.  Grammaire  française  :  lévision  et  continuation.  Exercices 

A' orthographe.  Exercices  «l'analyse  grammaticale. 

4.  Classe  de  sixième.  Grammaire  française.  Exercices  de  grammaire  et  d'or/ho- 

graphe, 

5.  Classe  de  cinquième.  Grammaire  française.  Exercices  de  grammaire  et  d'or- 

thographe. 
G.  Classe  de  quatrième.  Grammaire  française.  Exercices  de  grammaire  et  d'or- 

thogrophe. 
7.  Classe  de  troisième.  Exercices  français  :  récits  et  lettres  d'un  genre  simple. 

En  relatant  cette  classification,  le  savant  philologue  M.  Dubner 
s'écriait  :  «  Pour  la  langue  maternelle  et  dans  les  lycées  impé- 
riaux, six  années  d'exercices  de  grammaire  et  d'orthographe  avant 
de  pouvoir  être  admis,  dans  une  septième  année  d'étude,  à  com- 
poser des  lettres  d'un  ç'fîwre  siwp/e.'))^ 


LX  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  .NÉGRIN.  349 
Emile  Negrin.  Grammaire  française  des  gens  du  monde. 
Édition  princeps.  Nice,  1864,  in-8  de  116  pp.  —  De  la 
fixation  de  la  langue  française  à  propos  de  r instruction 
primaire  rendue  obligatoire.  Nice,  Caisson  et  Mignon, 
mars  1865,  in-16  de  39  pp. 

«  La  France  a  36  millions  d'habitants.  Sur  ce  nombre,  35  mil- 
lions 500  mille  ne  soupçonnent  pas  même  l'existence  du  grec;  les 
autres,  dans  leur  jeune  âge,  à  force  de  fatiguer  les  dictionnaires, 
sont  parvenus  à  comprendre  tout  le  contraire  de  ce  qu'ont  dit 
Démosthènes  et  Platon;  dix  à  douze  savants  lisent  le  grec  à  livre 
ouvert.  Eh  bien  !  c'est  pour  faire  plaisir  à  cette  douzaine  de  ci- 
toyens que  notre  langue  est  grevée  du  rh,  du  th  et  dupA. 

«  Aussi,  c'est  ordinairement  à  ces  trois  signes  composés  que 
s'en  prennent  les  détracteurs  du  français. 

«  Certes,  je  suis  loin  de  blâmer  ces  derniers.  Il  est  évident-que 
les  personnes  lettrées  d'Italie,  d'Espagne,  de  Portugal  et  de  tant 
d'autres  pays,  savent  comme  nous  que  'philosophie  vient  de  ©iXo- 
oro^ia  et  cependant  elles  ont  le  bon  esprit  d'écrire  filosofo;  nous- 
mêmes,  en  dépit  du  cp  originaire,  nous  avons  déjà  commencé  à 
écrire'  flegme,  flegmon,  flegmatique ^  etc.;  et  je  battrai  des  pieds 
et  des  mains  le  jour  où  l'Académie  agira  partout  avec  le  même 
«  flegme  » . 

«  Cependant  le  mal  n'est  pas  si  grand,  car  il  suffit  de  prévenir 
les  étrangers  que  rh  vaut  r,  th  vaut  t^  et  ph  vaut  /*;  c'est  une  fausse 
richesse,  voilà  tout. 

«  Deux  .signes  pour  le  même  son  ne  sont  que  superflus  ;  deux 
sons  avec  le  même  signe  sont  un  véritable  malheur. 

«  La  dernière  lettre  h  sert  à  empêcher  les  liaisons  en  tête  des 
mots  : 

le  héros,  les  haricots,  le  homar. 

«  On  a  toujours  eu  tort  de  dire  qu'elle  marque  l'aspiration.  L'as- 
piration n'existe  pas  dans  notre  langue. 

c(  On  la  met  aussi  par  pure  déférence  pour  Fétymologie,  en  tête 
de  certains  autres  mots  où  elle  est  inutile  :  l'histoire,  V homme, 
Vhôtel.  Il  serait  à  désirer  qu'on  pointât  le  hache  répulsif  pour  le 
distinguer  de  ce  hache  inutile  ou  muet  :  le  'héros,  les  'haricots, 
le  -homar,  ou  mieux  qu'on  l'accentuât  d'un  esprit,  comme  les 
Grecs,  les  héron,  les  'haricots.  » 


350  LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  NÉGRIN. 

Le  projet  conçu  en  4865  par  M.  Duruy,  ministre  de  rinstriiction 
publique,  projet  non  réalisé,  de  rendre  l'enseignement  primaire 
obligatoire,  a  inspiré  à  M.  Negrin  une  boutade  humoristique  sur 
la  nécessité  de  la  réforme  de  l'orthographe.  Je  crois  devoir  en 
transcrire  un  passage  pour  donner  une  idée  du  système  ortho- 
graphique de  son  auteur  : 

«  Ma  proposition  est,  pour  ainsi  dire,  le  complément  delà  grande 
mesure  qui  se  prépare.  On  forcera  les  prolétaires  à  fréquenter  pen- 
dant deux  années  une  école,  mais  les  amènera-t-on  en  deux  ans  à 
déchiffrer  des  hiéroglyphes  sans  logique  ?  J'en  doute.  C'est  ce  qui 
m'enhardit  à  prendre  la  plume. 

«  Nous  sommes  actuellement  spectateurs  de  deux  scènes  qui  se 
déroulent  sur  le  théâtre  de  l'humanité  :  la  vulgarisation  et  la  dé- 
cadence du  français. 

«  La  vulgarisation  se  constate  chez  tous  les  peuples;  elle  aug- 
mente chaque  jour  avec  l'amendement  social,  dont  elle  est  un  des 
agents  providentiels;  nul  ne  songe  à  la  nier;  je  ne  songe  donc  pas 
à  la  démontrer.  Elle  est  du  reste  une  conséquence  tou^  rationnelle 
de  la  nature  claire  et  s/stématique  de  notre  idiome,  de  la  multi- 
plicité des  chefs  d'oeuvre  qu'il  a  contribué  à  éterniser,  de  la  valeur 
légendaire  de  nos  soldats  qui,  sous  la  République  et  sous  l'Empire, 
Font  parlé  à  travers  toutes  les  métropoles  de  l'Europe. 

et  La  décadence  ne  se  manifeste  pas  moins....  Je  ne  veux  parler 
que  de  la  décadence  de  la  forme.  Elle  s'engendre  partout,  elle  se 
montre  partout,  elle  menace  partout;  les  esprits  observateurs  la 
remarquent;  les  esprits  spéculatifs  s'en  affligent  et  les  esprits  po- 
hcés  la  redoutent.  Jetons  en  effet  les  /eux  autour  de  nous.  On  com- 
pose les  feuilletons  avec  la  phraséologie  des  coulisses,  on  dialogue 
les  vaudevilles  avec  le  glossaire  des  boulevards;  on  rédige  les 
bulletins  de  la  presse  avec  des  mots  anglais,  des  mots  allemands, 
des  mots  grotesques.  Est-ce  là  du  français?  Qui  de  nous  peut  se 
vanter  de  comprendre  d'un  bout  à  l'autre  la  dissertation  la  meil- 
leure de  la  meilleure  des  gazettes?  Est-ce  là  notre  langue? 

«  Je  sais  bien  les  causes  du  mal,  et  chacun  les  sait  comme  moi... 
Mais  que  nous  font  les  causes,  quand  la  blessure  saigne  ? 

c(  Néanmoins,  à  ce  torrent  de  mauvais  goût  une  digue  peut  être 
opposée  :  c^est  la  fixation  de  la  langue* 

«  C'est  au  sein  d'une  commission  spéciale  présidée  par  Na* 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX.  351 

poléon  in,  en  tant  que  littérateur,  ou  par  vous,  Monsieur  le  Mi- 
nistre, en  tant  qu'historien,  que  pourraient  être  vérifiées  les  criti- 
ques déjà  publiées,  que  pourraient  être  discutées  les  méthodes, 
les  définitions  et  les  règles  ;  que  pourraient  être  déterminés  l'em- 
ploi des  majuscules  et  celui  des  signes;  que  pourrait  être  fixé  le 
pluriel  des  noms  composés  et  des  noms  d'origine  étrangère  ;  qu'en- 
fin pourraient  être  tranchés  tant  de  différends  qui  divisent  les  pré- 
cepteurs et  embarrassent  les  élèves 

«  Nous  aurions  ainsi  une  espèce  de  constitution  orthogra- 
phique. » 

Edouard  Raoux,  professeur  à  l'Académie  de  Lausanne.  Or- 
thographe rationnelle,  ou  écriture  phonétique^  moyen  (Tu- 
niversaliser  rapidement  la  lecture^  l'écriture^  la  bonne  pro- 
nonciation et  r orthographe^  et  de  réduire  considérablement 
le  prix  des  journaux  et  des  livres.  Paris,  à  la  libi'airie  de  la 
Suisse  romande,  1865,  gr.  in-16.  — Supplément  à  l'or- 
thographe rationnelle^  ou  ré  forme  graphique  sans  nouveaux 
signes.  Id.,  «é.,  j866,  p.  279-316. 

Ce  petit  traité  (278  pages  seulement)  est  fort  intéressant,  et,  ce 
qui  est  rare  dans  les  ouvrages  de  ce  genre,  se  laisse  lire  d'un  bout 
à  l'autre  sans  fatigue  et  sans  ennui.  Il  est  le  catéchisme  de  la  ré*  \ 
forme  radicale  en  matière  d'orthographe. 

M.  Raoux,  venu  le  dernier  parmi  les  phonographes,  a  su  habile- 
ment profiter  des  travaux  de  ses  nombreux  devanciers.  J'ai  donc 
cru  devoir,  comme  je  l'ai  fait  pour  Beauzée,  le  représentant  le 
plus  important  de  l'autre  école,  celle  des  néographes,  lui  consa- 
crer une  attention  plus  particulière.  Les  reproches  qu'encourra 
son  système  s'appliqueront  naturellement ,  pour  une  grande  part, 
à  tous  les  autres. 

•L'ouvrage  se  compose  d'une  partie  critique  et  d'une  partie  dog- 
matique. Je  ne  reproduirai  pas,  parmi  les  critiques  que  Fauteur 
adresse  à  l'ancien  système  orthographique,  celles  qui  ont  été  déjà 
faites  par  ses  devanciers,  bien  qu'il  ait  su  leur  donner  un  tour 
nouveau,  les  accentuer  et  les  développer  davantage.  Je  dois  me 
borner  à  la  part  d'idées  neuves,  et  elles  sont  assez  nombreuses, 
que  M.  Raoux  a  présentées  dans  son  livre. 

Comme  Louis  Meigret,  son  devancier,  le  professeur  de  Lausanne 


352  TA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOl'X. 

(travaille  pour  le  commun  peuple  :  son  livre  est  dédié  aux  travail- 
leurs de  tous  les  pays.  La  réforme  orthographique  aura  pour  con- 
séquence, selon  lui,  d'élever  le  niveau  intellectuel  des  masses;  de 
mettre  à  la  portée  de  tous  le  prix  dos  journaux  et  des  livres;  de 
multiplier  le  nombre  des  esprits  supérieurs;  de  faciliter  les  rela- 
tions internationales  par  la  préparation  ou  la  création  d'une  lan- 
{•ue  universelle;  de  placer  des  habitudes  logiques  k  la  base  de  la 
première  éducation;  de  faire  monter  vers  les  plaisirs  intellectuels 
des  millions  d'hommes  qui  descendent  chaque  jour  plus  bas  dans 
les  jouissances  de  la  matière. 
L'auteur  expose  ainsi  ses  principes  : 

«  De  toutes  les  merveilles  dues  au  génie  de  l'homme,  les  deux 
plus  fécondes,  en  même  temps  que  les  plus  méconnues,  sont  assu- 
rément le  langage  et  Vécriture.  Traduire^  en  déplaçant  un  peu 
d'air,  tout  le  monde  invisible  du  sentiment  et  de  la  pensée;  fixer, 
en  traçant  quelques  signes ,  tous  les  sons  fugitifs  de  la  parole  ; 
saisir  au  vol  ces  ondes  sonores  et  les  emprisonner  pour  toujours 
dans  quelques  caractères  alphabétiques  :  voilà  deux  miracles  qui 
ne  lasseront  jamais  l'admiration  des  siècles.  L'écriture  surtout,,  qui 
permet  d'entendre  une  voix  parlant  à  deux  mille  lieues,  ou  éteinte 
depuis  trois  mille  ans;  l'écriture,  qui  permet  d'accumuler  toutes 
les  conquêtes  de  l'esprit  humain  dans  ces  temples  lumineux  qu'on 
appelle  des  bibliothèques;  l'écriture^  enfantement  laborieux  des 
génies  de  cent  générations,  a  des  droits  particuliers  à  cette  admi- 
ration et  à  notre  reconnaissance. 

((  L'écriture  est,  en  effet,  l'immense  et  merveilleux  réservoir  de 
la  pensée  humaine.  C'est  là  que  viennent  s'accumuler,  une  à  une  et 
de  siècle  en  siècle,  les  découvertes  du  savant,  les  méditations  du 
philosophe,  le  monde  idéal  de  l'artiste  et  du  poëte,  le  monde  réel 
des  vulgarisateurs  de  la  science  pratique.  Chez  les  peuples  où  l'é- 
criture n'existe  pas  encore,  tous  ces  trésors  disparaissent  presque 
à  mesure  qu'ils  se  produisent.  Toutes  ces  brillantes  manifestatiops 
du  talent  et  du  génie  s'envolent  avec  la  voix,  et  il  ne  reste,  pour 
les  générations  suivantes,  que  des  fragments  défigurés  par  les  in- 
fidéUtés  de  la  mémoire,  les  fantaisies  de  l'imagination  ou  les  aber- 
rations de  l'ignorance.  Dans  les  pays  où  l'écriture  apparaît,  l'au- 
rore commence,  et,  à  mesure  que  les  systèmes  graphiques  se 
perfectionnent,  le  niveau  de  Pintelligence  publique  s'élève,  le  jour 
fait  reculer  la  nuit. 


r 


lA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX.  353 

c(  ...L'abîme  qui  existe  aujourd'hui  entre  la  langue  parlée  et  la  / 
langue  écrite  n'existait  pas  à  l'origine.  Les  lettres  servaient  alors 
à  représenter  des  sons,  et  non  à  favoriser  le  fastueux  étalage  de 
Pérudition  linguistique.  On  écrivait  pour  exprimer  sa  pensée  et 
non  pour  faire  savoir  à  Tunivers  que  Ton  avait  appris  les  langues/ 
mortes  et  les  idiomes  septentrionaux  (1). 

«On  trouve  la  preuve  de  cette  écriture  presque  entièrement 
phonétique  dans  tous  les  documents  de  la  langue  gallo-ligurienne 
ou  provençale  et  des  patois  romans  qu'on  parlait  au  nord  de  la 
Loire,  sous  le  nom  de  langue  d'oïl.  Cette  première  phase  s'étend 
du  neuvième  au  treizième  siècle. 

«  Mais,  à  partir  de  cette  dernière  époque,  l'ennemi  commença  à 
pénétrer  dans  la  place.  Les  alphabets  grec,  latin  et  septentrionaux 
s'insinuèrent  sournoisement  dans  l'écriture  française.  Les  lettres 
inutiles  ou  muettes  vinrent  peu  à  peu  étaler  leur  vaniteuse  oisiveté 
au  milieu  des  lettres  actives  ou  phonétiques.  » 

M.  Raoux  attribue  à  Joinville,  qui  vivait  à  la  fin  du  treizième 
siècle  (2),  à  Froissart,  à  la  fin  du  quatorzième,  et  surtout  à  Philippe 
de  Gomines,  au  quinzième  siècle,  le  tort  d'avoir  ainsi  surchargé 

(1)  Cette  proposition,  juste  en  principe,  ne  saurait  s'appliquer  d'une  façon 
absolue  à  la  langue  française,  qui  est  d'origine  presque  exclusivement  latine. 
Dans  le  Cantique  de  sainte  Eulalie,  du  dixième  siècle,  dans  les  Lois  de 
Guillaume  le  Conquérant,  du  onzième,  dans  la  Chanson  de  Holand,  du 
douzième,  on  trouve  nombre  de  lettres  étymologiques  qui  certes  ne  se  pronon- 
çaient pas.  Les  scribes,  affiliés  en  général  au  clergé  ou  à  l'Université,  ont  bien 
rarement  fait  abstraction  du  latin;  mais  leur  ortbographe,  variable  et  indécise , 
était  beaucoup  plus  simple  et  plus  rapprochée  de  la  prononciation  que  la  nôtre. 
Cette  prononciation  et  cette  orthographe  variaient,  au  (juatorzième  siècle ,  selon  les 
dialectes  :  <f ...  Et  pour  ceu  que  nulz  ne  tient  en  son  parleir  ne  rigle  certenne,  me- 
«  sure  ne  raison,  est  laingue  romance  si  corrompue,  qua  poinne  h  uns  entent 
«  laultre  ;  et  a  poinne  puet-on  trouveir  a  jourdieu  persone  qui  saiche  escrire , 
«  anteir,  ne  prononcieir  en  une  nieisraes  semblant  menieire  ,  mais  escript ,  ante 
«  et  prononce  li  uns  en  une  guise  et  H  aultre  en  une  autre.  »  (l'réface  des  Psaumes 
de  David  en  langue  romane  de  Lorraine,  citée  par  M.  Le  Roux  de  Lincy,  intro- 
duction des  Quatre  livres  des  rois,  p.  xlu.  Ce  texte  est  de  la  fin  du  xiv^  siècle.) 

(2)  On  n'a  point  le  texte  original  de  Joinville  ;  le  plus  ancien  manuscrit  de 
ses  Mémoires  que  l'on  connaisse  est  celui  que  possède  notre  Bibliothèque  impé- 
riale. Celte  copie,  cependant,  ne  saurait  être  postérieure  au  xiv*' siècle.  Mais  elle 
ne  reproduit  pas,  très -probablement,  l'orthographe  de  l'original.  On  la  croit  géné- 
ralement écrite  vers  1350,  c'est-à-dire  environ  trente  ans  après  la  mort  de  Joinville, 
qui  écrivit  (ou  du  moins  fit  écrire)  ses  Mémoires  en  1309,  ainsi  qu'il  l'indique 
lui-même  à  la  fin  de  son  texte  :  «  Ce  fut  escript  en  lan  de  grâce  Mr.ccix  ou  moys 
doctoure.  » 

23 


354  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX. 

l'orthographe  de  lettres  inutiles.  Au  seizième,  Marot,  Despériers^ 
Rabelais,  Montaigne,  suivirent  plus  ou  moins  la  même  route. 
,  «  Alors  commença  le  fatal  divorce  entre  le  son  et  le  signe,  entre 
/  la  langue  parlée  et  la  langue  écrite.  Alors  aussi  commença  la  cé- 
lèbre croisade  de  la  réforme  orthographique,  qui  devait  se  conti- 
nuer jusqu'à  ce  jour.  » 

Je  citerai  en  passant  un  curieux  calcul  de  M.  Féline  [Dict. 
de  la  prononciation,  p.  13),  cité  par  M.  Raoux,  mais  que  je  crois 
un  peu  exagéré ,  sur  les  résultats  économiques  de  la  réforme 
phonétique. 

«  J'ai  cherché,  dans  plusieurs  phrases,  quelle  serait  la  diminu- 
tion des  lettres  employées,  et  celle  que  j'ai  trouvée  est  de  près 
d'un  tiers  ;  supposons  seulement  un  quart.  Si  l'on  admet  que  sur 
35  millions  de  Français,  un  million,  en  terme  moyen,  consacrent 
leur  journée  à  écrire;  si  Ton  évalue  le  prix  moyen  de  ces  journées 
à  3  francs  seulement,  on  trouve  un  milliard,  sur  lequel  on  écono- 
miserait 250  millions  par  année. 

«  La  librairie  dépense  bien  une  centaine  de  millions  en  papier, 
composition,  tirage,  port,  etc.,  sur  lesquels  on  gagnerait  encore 
25  millions. 

a  Mais  le  nombre  des  gens  sachant  lire  et  écrire  décuplerait  ; 
les  Hvres  coûtant  un  quart  moins  cher,  il  s'en  vendrait,  par  cela 
seul,  le  double,  et  le  double  encore  parce  que  tout  le  monde  lirait. 
De  sorte  que  ce  profit  de  275  millions  serait  doublé  ou  quadruplé, 
et  l'économie  imperceptible  d'une  lettre  par  mot  donnerait  un  bien 
plus  grand  bénéfice  que  les  plus  sublimes  progrès  de  la  mécani- 
que   On  s'inquiétera  pour  les  chefs-d'œuvre  de  notre  littéra- 
ture. Mais  il  ne  s'agit  pas  de  supprimer  l'alphabet  actuel;  il  con- 
tinuerait encore  pendant  longtemps  d'être  employé  par  les  lettrés, 
comme  la  langue  latine  a  été  pendant  tant  de  siècles  la  langue 
savante  et  seule  écrite,  comme  les  chiffres  romains  dont  on  fait 
encore  usage.  Il  s'agit  seulement,  pour  ceux  qui  ne  peuvent  rece- 
voir une  éducation  complète  et  suivre  les  écoles  secondaires, 
d'acquérir  par  l'étude  la  plus  sommaire  une  seconde  manière  d'é- 
crire qui  les  mette  en  rapport  avec  la  masse  du  peuple  et  leur  fasse 
gagner  une  heure  de  travail  sur  quatre.  » 

La  deuxième  partie  de  l'ouvrage  de  M.  Raoux,  intitulée  :  Cri- 
tique du  système  graphique  actuel,  est  un  travail  solide  et  vraiment 


r 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX.  356 

remarquable.  L'auteur  signale  d'abord  les  vices  suivants  :  lettres 
à  double  et  à  triple  emploi;  —  lettres  surérogatoires;  —  voyelles 
s'écrivant  chacune  de  dix,  vingt,  trente  et  cinquante  manières  dif- 
férentes (ch.  ni,  §  1)  ;  — voyelles  et  consonnes  changeant  arbitrai- 
rement de  valeur  phonétique  suivant  leur  entourage; réunion  de 

lettres  identiques  se  prononçant  différemment  et  de  lettres  diffé- 
rentes se  prononçant  d'une  manière  identique  ;  —sons  simples  ou 
monophones  s'écrivant  avec  deux,  trois  et  même  six  lettres  ;  — 
mots  dans  lesquels  on  ne  prononce  pas  une  seule  lettre  avec 
le  son  que  lui  assigne  l'alphabet;  —  sons  qu'on  ne  prononce 
pas  et  qu'on  écrit  avec  le  même  scrupule  que  les  signes  non 
muets;  —  quatre  signes  différents  pour  indiquer  le  pluriel;—  les 
mêmes  signes  pour  représenter  le  singulier  et  le  pluriel; — un 
enchevêtrement  inextricable  de  règles,  d'exceptions,  de  sous-ex- 
ceptions, de  subtilités  scolastiques,  d'abstractions  inintelligibles. 
«  Voilà,  dit  M.  Raoux,  cette  célèbre  écriture,  vaniteusement 
baptisée  correcte  et  orthodoxe  (orthographe);  voilà  le  haut  et  sa- 
vant grimoire  qui  nous  a  été  légué  par  les  fétichistes  gréco-latins, 
par  ceux  qui  ont  voulu  repétrir  une  langue  vivante  avec  les  détri- 
tus de  deux  langues  mortes.  Merveilleux  labyrinthe,  en  effet,  où 
l'on  se  perd  encore  après  vingt  ans  d'étude;  admirable  système 
qu'on  emploie  un  quart  de  siècle  à  ne  pas  apprendre  !  C'est  un  peu 
moins  mal,  pourtant  qu'en  Chine,  où  Ton  passe  sa  vie  à  n'apprendre 
que  cela.  » 

Passant  à  l'étude  de  l'alphabet,  l'auteur  annonce  que  la  cri- 
tique qu'il  en  va  faire  n'a  pas  pour  but  de  rejeter  toutes  les 
lettres  de  l'alphabet  français  et  d'en  couler  d'autres  dans  des 
moules  entièrement  nouveaux,  comme  le  fait  la  sténographie, 
mais  seulement  de  les  ramener  à  des  principes  rationnels,  quant 
à  leuf  nombre,  à  leur  nature,  à  leur  valeur  phonétique  et  à  leur 
forme. 

«  Personne  ne  contestera  cet  axiome  :  que  le  nombre  des  signes 
d'un  alphabet  rationnel  ne  doit  être  ni  supérieur  ni  inférieur  au 
nombre  des  sons  fondamentaux  de  la  langue  à  laquelle  il  appar- 
tient. 0  II  suffit  de  rapprocher,  à  cet  égafd,  les  principes  posés, 
dès  1660,  par  Port-Royal.  Voy,  ci-dessus,  p;  226. 

((  Or  l'alphabet  français  est  en  pleine  révolte  contre  cet  axiome, 
car  il  possède  six  lettres  entièrement  superflues,  et  manque  d'une 
douzaine  de  signes  simples  pour  représenter  des  sons  élémentaires^ 


Qjv 


vj/f 


35(5  LA  RÉFORMK  ORTHOGRAPHIQUE.  -  IIAOLX. 

((  I«  Il  possède  six  lettres  superflues,  parce  qu'au  lieu  de  repré- 
senter chaque  son  élémentaire  par  un  seul  signe ,  il  a  coniuiis  la 
faute  d'en  employer  plusieurs. 

«  Ainsi,  au  lieu  de  traduire  le  son  simple  QE  par  un  seul  signe 
ou  par  une  seule  lettre,  notre  alphabet  ne  lui  en  assigne  pas  moins 
dequalre^  savoir  :  C,  R,  Q,  GH  {col^  Jdlo,  queue  et  choral).  N'est-il 
pas  évident  qu'il  y  en  a  trois  de  trop  ? 

«  Le  son  I  est  actuellement  représenté  par  (rois  lettres  I,  ï,  Y 
[image,  haïr,  yeu.r).  Ne  devrait-on  pas  en  retrancher  deux? 

«  L'articulation  S  est  aujourd'hui  gratifiée  de  trois  signes,  sa- 
voir :  G  doux,  G  cédille  et  S  {Cécile,  reçu,  son).  Un  seul  ne  suffi- 
rait-il pas  k  l'écriture  ordinaire,  quand  il  suffit  aux  écritures  sté- 
nographique,  italienne  et  espagnole  (1)? 

a  La  lettre  H  représente  un  son  qui  n'existe  pas,  puisqu'il  n'y  a 
pas  d'aspiration  dans  la  langue  française  :  pourquoi  donc  embar- 
rasser notre  alphabet  de  cette  lettre  parasite,  surtout  lorsqu'il  lui 
en  manque  une  douzaine? 

«  La  lettre  X  fait  double  emploi  avec  S,  Z,  GZ  et  QS  {dix, 
deuxième,  examen,  index).  Pourquoi  occupe-t-elle  inutilement 
la  place  qui  serait  si  convenablement  remplie  par  l'une  des  douze 
lettres  qui  attendent  à  la  porte? 

«Enfin,  le  double  W,  signe  intrus,  maladroitement  emprunté 
aux  alphabets  septentrionaux,  se  permet  aussi  de  jouer  sur  le  cla- 
vier de?  variations  phonétiques,  et  se  prononce  tantôt  V,  tantôt 
OU,  tantôt  EU  [Wolga,  William,  Neiv -York). 

«  Voici  donc  six  plantes  parasites  sur  le  vieux  tronc  de  l'alpha- 
bet, six  lettres  parfaitement  superflues,  G,  K,  H,  X,  Y,  W,  dont  il 
serait  grand  temps  de  faire  l'amputation. 

c(  Après  s'être  donné  le  luxe  de  six  lettres  superflues,  le  vieil  al- 
phabet nous  présente  le  spectacle  d'une  indigence  dont  le  chiffre 
est  double.  Douze  lettres  lui  font  défaut  lorsqu'il  veut  traduire  les 
douze  sons  simples,  ou  les  douze  notes  nouvelles  de  la  gamme 
alphabétique.  Aussi  est-il  obligé  de  recourir,  pour  combler  cette 
lacune,  au  stratagème  des  accents  et  des  signes  binaires,  qui  vien- 
nent jeter  d'innombrables  complications  dans  l'orthographe  et  de 
nouvelles  ténèbres  dans  la  lecture,  l'écriture  et  la  prononciation. 

«  L'accent  aigu  et  l'accent  grave  jetés  sur  Ye  muet  devront  le 

(l;  M.  Raoïix  aurait  pu  ajoulor  (|ue  Vs  usurpe  trop  .souvent  la  place  du  s,  ce 
qui  est  fort  regreUable. 


LA  REFORjNLK  ORïHOCxRAPHlQUE.  -  RAOIJX.  057 

transformer  en  e  fermé  el  en  e  ouvert  (1^:,  K),  et  les  paires  de  lettres 
(digrammes)  EU,  AU,  OU,  GH,  GN,  LL,  AN,  EN,  IN,  ON,  UN, 
seront  chargées  de  représenter  des  voyelles  et  des  articulations 
simples. 

c(  Si,  du  moins,  chacune  de  ces  lettres  et  chacun  de  ces  cou- 
ples, ou  digrammes,  n'avait  qu'une  seule  valeur  phonétique  !  Mais 
non.  La  lettre  G  traduit  les  quatre  sons  qk,  se,  gue  et  eu  [corart/e, 
Cécile,  second,  vermicelle  (1)];  —G,  les  quatre  articulations  gue, 
JE,  NiEU  et  c»E  {digue,  gerbe,  agneau,  sang,  rang  élevé)',  X,  les 
articulations  QS,  Gz,  s,  z,  ghe  [index,  examen,  Aix,  deuxième.  Xi- 
menés  (2)  ]  ;  —  la  voyelle  U  représente  les  trois  sons  u,  o  et  ou  [urne, 
punch,  minimum,  équateur,  aquatique)  ;  —  la  consonne  D,  les  deux 
articulations  d  et  t  [don, profond  abîme)',  — lalettreF,  celles-ci  :  f 
et  v  {fier,  dix-neuf  ans]  ;  Z  correspond  à  z,  s,  dz,  ts  [zéphir,  Rodez, 
mezzo,  piazza)  (3) .  » 

«  Les  différences  de  valeur  des  digrammes  eu  (j'ai  u,  un  peu), 
eh  (charité,  archange,  almanuch),  gn  {stagnation ,  agneau),  etc., 
ne  sont  pas  moins  nombreuses  que  celles  des  lettres  simples.  « 

Tout  ce  travail  du  professeur  de  Lausanne  est  intéressant,  et  il 
serait  bon  de  s'y  reporter,  si  l'on  voulait  constituer  un  alphabet 
normal  pour  la  transcription  de  nos  patois,  ou  des  langues  orien- 
tales, ou  même  simplement  pour  fixer  un  type  uniforme  de  figu- 
ration de  la  prononciation  dans  nos  -dictionnaires,  soit  français, 
soit  bilingues. 

Toutefois  l'auteur  aurait  dû  citer  les  savants  académiciens  qui 
l'ont  précédé,  Beauzée ,  Domergue ,  et  surtout  Volney,  qui,  l'un, 
en  1767,  l'autre,  en  4806,  le  dernier,  en  1820,  ont  traité  à  fond 
cette  matière.  Le  troisième  surtout  a  placé,  dans  soft  ouvrage 
intitulé  :  VAlfabet  européeri  appliqué  aux  langues  asiatiques,  une 
discussion  excellente  et  approfondie  de  la  valeur  et  de  la  distinc- 
tion de  nos  voyelles  et  de  nos  consonnes.  Après  un  si  docte 
travail,  il  ne  restait  plus  guère  qu'à  glaner  et  à  perfectionner  (4). 


(1)  Ou  prononce  maintenant,  confonnéinent  a  récriture,  vermicelle  et  vio- 
loncelle. 

(2)  Dans  cejnot,  du  xérès,  c'est-à-dire  du  vin  récolté  à  Xérès,  on  prononce 
Vx  d'une  quatrième  manière,  comme  s'il  y  avait  kércs,  par  un  U. 

(3)  M.  Raoux  aurait  pu  ajouter  la  lettre  Y,  qui  représente  les  sons  suivants  : 
I.  î,  i:r,  II,  m  {La  Haye,  style,  abbaye,  paysan,  citoyen). 

(4)  Tl  aurait  dû  aussi  mentionner  MM.  Marie  el  Féline. 


358  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX. 

Dans  le  chapitre  suivant,  intitulé  :  Vices  des  combinaisons  binaires 
et  ternaires  des  lettres,  ou  des  bases  de  récriture,  Fauteur  étudie  les 
effets  de  la  combinaison  des  lettres  de  notre  alphabet  deux  à  deux 
et  trois  à  trois  pour  former  les  éléments  de  l'écriture.  On  ne  peut 
donner  ici  que  quelques  exemples  du  singulier  effetde  ces  unions. 

lA  garde  le  son  naturel  de  ses  composants  (1),  mais  AI  devient 
E,  È  {fai,  naître).  —  UA  donne  le  son  oua  ou  A  [équateur,  qua- 
drille)', k\}  donne  le  son  o  {autre),  —  10  ne  produit  pas  de 
son  nouveau,  mais  01  donne  un  son  voisin  de  oa  [roi).  —  YO 
est  stérile  ;  mais  OY  offre  trois  sons  :  ou,  a,  i  [voyelle,  rotjawne, 
moijen)  ;  —  EU  a  la  même  valeur  que  UE  {peur ,  cueillir)  (2)  ; 
—  S  entre  deux  voyelles  se  transforme  en  z  [trésor,  aisance)  ; 
mais  il  y  a  des  exceptions  :  vraisemblance,  préséance. 

L'auteur  a  réuni  d'autres  exemples,  en  assez  grand  nombre, 
de  vices  analogues  de  nos  combinaisons  alphabétiques.  Le  son  A 
s'écrit,  d'après  M.  Marie,  de  25  manières;  le  son  AN,  de  52;  le 
son  0,  de  30  ;  le  son  ON,  de  26  ;  le  son  OU,  de  28  ;  le  son  01 ,  de  25  ; 
le  son  È,  de  55  ;  le  son  É,  de 25  ;  le  son  EU,  de  20;  le  son  I,  de  29  ; 
le  son  IN,  de  34,  etc.,  etc.  En  tout,  540  manières  d'écrire  31 
sons.  M.  Dégardin,  qui  a  refait  ce  compte,  trouve  568  variantes. 

Dans  les  articles  suivants,  M.  Raoux  passe  en  revue  les  sons 
différents  s' écrivant  de  la  même  manière.  Ex.  :  jeu  Qi  gageure; 
diagnostic  et  agneau-,  allier  et  balbutier -,  fier  verbe  et /?er  adjectif; 
fille  et  ville;  il  est,  de  l'est  ;  dans  un  même  mot,'  le  digramme  en 
figurant  deux  sons  différents  :  chiendent  ;  —  puis  les  sons  iden- 
tiques s'écrivant  avec  des  signes  différents.  Ex.  :  vingt,  vin,  vain, 
vint;  cène,  saine,  Seine,  scène;  —  les  sons  nuls  s'écrivant  avec  des 
annexes  ou  signes  muets;  ex.  :  bah,  choral,  honneur,  ]}lomb, 
chaud,  froid,  clefs,  œufs,  bourg,  fusil,  baril,  etc. 

Dans  les  derniers  chapitres  de  la  deuxième  partie,  l'auteur  s'oc- 
cupe des  vices  de  l'écriture  dite  orthographe  de  principes.  Nous 
avons  six  marques  différentes  du  pluriel  :  S,  Z,  X,  T,  NT,  ENT 
(les  gens,  vous  aimez,  les  deux,  ils  vont,  ils  ouvrent,  ils  aimaient). 
Sur  ces  six  marques,  cinq  sont  en  même  temps  des  signes  em- 
ployés au  singulier  :  bras,  nez,  doux,  vent,  pont  (3).  Certains  mots 

(1)  La  diphthongue  ia  ne  se  prononce  pas  de  même  dans  diable,  dont  la  pre- 
mière syllabe  est  monosyllabique,  et  diamant,  où  elle  est  dissyllabe. 

(2)  Et  en  outre  le  son  u  :  j'eus,  gageure. 

(3)  Il  est  regrettable  que  pour  le  mot  fils  le  singulier  ne  puisse  se  distinguer 
du  pluriel  comme  dans  le  latin,  films,  filii,  comme  en  italien,  figlio,  figlj,  en 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX.  359 

tirés  des  langues  étrangères  prennent  notre  marque  du  pluriel 
[altos,  erratas,  opéras,  pianos,  quatuors,  villas,  zéros,  etc.)  ;  d'au- 
tres ne  la  prennent  pas  (des  alibi,  les  critérium,  les  choléra,  les 
crescendo,  etc.).  11  passe  en  revue  ensuite  les  différentes  irrégula- 
rités que  l'on  peut  signaler  dans  l'orthographe  des  verbes,  de 
leurs  temps  et  des  participes. 

L'auteur  termine  cette  seconde  partie  par  un  tableau  très-animé 
des  inconvénients,  pour  la  nation  tout  entière,  qui  résultent  de 
l'impossibilité  (qu'il  s'est  efforcé  d'établir)  d'apprendre  la  gram- 
maire et  l'orthographe. 

La  troisième  partie  est  consacrée  à  Pexposition  du  système 
phonétique,  que  je  ne  saurais  dire  être  celui  de  M.  Raoux,  car  la 
part  de  ses  devanciers,  depuis  Meigret  et  Ramus  jusqu'à  Domer- 
gue,  Volney,  Marie  et  Féline,  est  si  grande,  dans  l'édification  des 
diverses  parties  de  la  méthode,  qu'elle  devient  de  jour  en  jour  une 
œuvre  impersonnelle  à  laquelle  chacun  se  contente  d'apporter  une 
assise,,  soit  même  une  simple  pierre. 

((  Tous  les  éléments  phonétiques,  dit-il,  dont  se  composent  les 
150,000  ou  200,000  mots  de  la  langue  française  et  les  autres  mil- 
liers de  mots  appartenant  aux  idiomes  méridionaux  se  réduisent 
au  chiffre  de  43,  dont  25  primitifs  ou  fondamentaux  (voyelles),  et 
18  modifications  (consonnes',  articulations).  » 

Voici  son  alphabet  phonétique  (alphabet  des  sons)  complet  pour 
les  langues  du  nord  et  du  midi  de  la  France  : 

8  voyelles  mères  :  a,  è,  é,  i,  e,  o,  ou,  u, 

8  modifications  nasales  :  an,  ain,  en,  in,  eun,  on,  oun,  un. 

9  modifications  orales  :  a,  ê,  ë,  î,  ï,  eu,  ô,  oû,û{i). 
9  articulations  dures  :  p,  f,t,  q,  l,  r,  ch,  s,  n, 

9  articulations  douces  :  b,  v,  d,  g,  II,  j,  z,  gn,  m. 

espagnol  Mjo,  hijos.  Ainsi,  dans  le  cas  de  la  raison  sociale  d'une  maison  de  com- 
merce, comment  savoir  lorsqu'on  lit  Firmin  Didot  frères  et  fils,  par  exemple,  s'il 
y  a  un  ou  plusieurs  fils  ?  Il  serait  désirable  qu'on  pût,  au  pluriel,  recourir  à 
l'emploi  de  la  lettre  s  longue  (/)  pour  le  distinguer  du  singulier. 

(1)  M.  Raoux  néglige  deux  voyelles  distinctes  reconnues  par  Volney  (voir  p.  313)  ; 
eu,  clair,  guttural  :  cœur^  peur,  bonheur,  différent  de  eu  profond,  creux  :  eux, 
deux,  ceux  ;  et  l'e  que  le  savant  académicien  appelle  e  gothique,  sensible  dans  ces 
mots  :  que  je  me  repente,  tandis  que  l'e  muet  ou  féminin  se  rencontre  dans 
borne,  ronde,  grande.  L'auteur  a  modifié,  dans  un  supplément  publié  en  1866, 
son  alphabet  de  1865  :  je  ne  connaissais  pas  cet  opuscule  lors  de  ma  précédente 
édition.  J'en  donne  l'analyse  plus  loin. 


300  TA  RÉFORME  ORïHOGRAPHIQUi:.  -  RAOUX. 

<(  La  linguistique  comparée  dira  ce  qui  manque  à  cet  alphabet 
pour  exprimer  fidèlement  les  sons  de  tous  les  idiomes  anciens  et 
modernes,  c'est-à-dire  pour  être  réellement  universel.  Ce  qui  est 
certain^  c'est  que,  malgré  sa  richesse,  le  languedocien  actuel  ou 
h'  gallo-provençal  contient  trois  sons  de  moins,  Ve  muet,  Vampli- 
/ication  eu  et  la  nasale  eun.  La  langue  française  a  rejeté  ou  laissé 
perdre  les  trois  nasales  en,  oun,  un  (1)  et  Ve  double  aigu,  qu'elle 
confond  avec  \'i.  Et  comme  Ve  et  l'è  ne  sont  pas  pour  elle  deux 
sons  réellement  distincts,  puisque  ces  deux  accents  se  substituent 
fréquemment  Tun  à  l'autre  (2),  il  en  résulte  que  le  nombre  des 
éléments  phonétiques  du  français  se  réduit  à  37,  savoir,  26  pro- 
prement dits  (dont  8  voyelles  et  18  consonnes),  plus  5  modifica- 
tions nasales  et  6  orales.  » 

Pour  former  son  alphabet  phonographique,  destiné  à  représenter 
dans  l'écriture  l'alphabet  des  sons,  ou  phonétique,  quMl  vient  d'éta- 
blir, Fauteur  a  recours  à  deux  principes  qui  servent  de  base  à  la 
sténographie  :  un  seul  signe  simple  pour  chaque  son  simple,  et  réci- 
proquement, des  signes  modifiés  pour  des  sons  modifiés,  ou  des 
modifications  de  signe  pour  des  modifications  de  son.  Ces  princi- 
pes, qui  sont  ceux  de  Port-Royal,  ont  été  admis  par  presque  tous 
les  réformateurs  précédents. 

Après  avoir  éHminé  de  l'alphabet  nouveau  les  six  lettres  :  c,  k, 
//,  X,  g,  w,  dont  les  unes  représentent  chacune  plusieurs  sons, 
dont  les  autres  sont  affectées  à  un  même  son,  et  dont  l'autre  n'en 
représente  aucun  (voir  p.  356),  Fauteur  conserve  de  l'ancien  alpha- 
bet les  20  signes  suivants  :  a,  h,  d,  e,  f,  g,  i,j,  /,  7n,  n,  o,  p,  q,  r, 
s,  t.  II,  V,  z.  Les  six  autres  sons  simples  sont  représentés,  dans 
l'ancien  alphabet,  par  quatre  signes  binaires  :  ou,  ch,  gn,  II,  et 


(1)  Il  ne  s'agit  pas  ici  de  notre  son  un  dans  chacun.  M.  Raoux  l'appelle  eun 
ou  e  nasal ,  et  le  représente  par  en.  Un  exemple  éclaircira  ce  passage,  un  peu 
obscur  dans  son  livre  :  dans  charmant,  tourment,  coefficient,  ennuyer,  c'est 
Va  nasal  {an  de  M.  Raoux  ;;  dans  jarrfm,  il  tienty  c'est  l'è  nasal  (éw  de  M.  Raoux  ; 
dans  immortet,  c'est  ^^  nasal  (m  de  M.  Raoux;  ;  dans  chacun,  c'est  Ve  muet 
nasal  {en  de  M.  Raoux).  Nous  n'avons  pas,  dit-il,  dans  notre  langue  Vu  nasal  qui 
apparaît  dans  les  patois  du  Midi. 

J'avoue  que,  n'étant  pas  familier  avec  les  patois  du  Midi,  je  ne  puis  me  rendre 
compte  de  la  valeur  de  cet  u  nasal,  distinct,  selon  le  professeur  de  Lausanne,  de 
notre  son  un  dans  quelqu'un,  chacun.  Mais  je  suis  fondé  à  penser  que^  puisque 
^^.  Raoux  inler()rète  ce  dernier  son  par  e  nasal,  et  qu'il  le  nomme  eun,  c'est  qu'il 
prononce  e  muet  comme  eu,  ce  qui  est  chez  nous  une  prononciation  vicieuse. 

(2)  Exemple  de  l'è  dit  ouvert  :  succès,  caisse,  fer,  mer,  fêle,, faite. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX 


:^(il 


par  deux  signes  modifiés  c  et  è.  L'auteur  adopte  pour  le  son  ou  W 
.igné  proposé  par  Uamus  et  par  Volney  :  o).  Lech,  articulation  Ibrle 
du,/,  est  figuré  par  cette  même  lettre  sans  boucle  et  sans  point  su- 
périeur,./, le  j  avec  boucle  conservant  sa  valeur  ancienne  de^'. 

La  distinction  entre  les  deux  signes  .;  pour  ch  et  /  pour  7 
est  bien  légère,  surtout  dans  l'écriture  :  l'auteur,  aurait  dû, 
ce  nie  semble,  conserver  au  moins  le  point  supérieur  à  ce  dernier. 

M.  Raoïix  repousse  pour  r/w  le  signe  n  tilde  (w)  adopté  par  But- 
tler,  Volney,  Marie,  Féline  et  Henricy.  Il  propose  ce  signe  /;  ,  qui 
rappelle  également  la  lettre  71,  et  rentre  dans  la  règle  de  symétrie 
qu'il  préconise,  c'est-à-dire  remploi  de  boucles  pour  représenter 
les  sons  doux  (1).  Il  repousse  également  le  l  proposé  par  le  P.  Buf- 
tier  pour  /  ou  //  mouillé  ,  et ,  en  vertu  du  principe  ci-dessus, 
adopte  le  /  à  boucle,  réservant  le  /  sans  boucle  pour  le  /  or- 
dinaire. 

Ce  système  des  boucles  me  paraît  ingénieux  en  théorie,  mais 
sujet  à  inconvénients  dans  la  pratique.  L'alphabet  réformé  ne  doit 
pas  seulement  être  appliqué  dans  l'impression  ;  il  doit  aussi  ser- 
vir à  l'écriture  cursive,  et  les  boucles  n'y  constituent  pas  une 
notation  suffisamment  distincte. 

L'auteur  a  reculé  devant  l'introduction  de  nouveaux  signes 
pour  c,  c,  et  pour  ses  voyelles  nasales  an,  en,  m,  on,  en.  Il  donne 
au  signe  é  la  valeur  phonétique  de  eu,  au  groupe  m  la  valeur  de 
im,  et  au  groupe  en  l'ancienne  valeur  de  eun. 

Ces  changements  d'emploi  de  signes  anciens  paraissent  une 
transaction  malheureuse  :  il  fallait,  dans  un  système  qui  aspire 
à  une  complète  rénovation  graphique,  éviter  toute  capitulation, 
toute  équivoque  avec  l'ancienne  écriture  passée  en  habitude  et 
que  les  novateurs  voudraient  proscrire.  Et  quant  aux  voyelles  na- 
sales, qui  se  rencontrent  de  8  à  10  fois  en  30  mots,  il  n'aurait 
pas  dû  leur  conserver  le  signe  binaire  qui  a  encouru  toutes  ses 
sévérités.  En  les  remplaçant  par  un  signe  simple,  il  eût  obtenu  une 
économie  notable  dans  l'écriture  et  l'impression,  et  eût  restitué  à 
ces  voyelles^  encore  méconnues  de  nos  grammairiens,  le  carac- 
tère de  voyelle  simple.  Domergue  et  Féline  n'avaient  pas  ainsi 
sacrifié  sur  l'autel  des  anciens  dieux.  Il  est  vrai  que  la  suppression 


(1)  M.  Raoux  aurait  pu  dire  que  cette  règle  est  empruntée  de  Ramus,  qui 
dès  1562  (voir  p.  192),  l'avait  mise  en  prati(iue,  ot  «|ue  son  n  à  jambage  a  été  in- 
venté par  Meii;rel. 


3G2  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  RAOUX. 

de  ces  n  parasites,  leur  remplacement  par  un  trait  diacritique,  don- 
nait à  leurspages  une  apparence  hétéroclite  devantlaquelle  M.  Raoux 
aura  sans  doute  reculé.  Cependant,  durant  trois  siècles,  l'œil  des 
lecteurs  du  latin  et  du  français  était  accoutumé  à  voir  ainsi  écrits 
ou  imprimés  :  bote,  iëps^  chàgemët ^  côditiô,  amàt,  veniùt,  les  mots 
que  nous  figurons  par  :  bonté,  temps,  changement^  condition, 
amant,  veniunt.  Reprendre  cette  forme  archaïque  de  la  voyelle  na- 
sale eût  mieux  valu,,  ce  me  semble,  que  toute  airtre  combinaison, 
et  ce  système  ancien,  si  simple  et  si  rationnel,  mérite  d'être  pris 
en  grande  considération. 

«  En  résumé ,  dit  l'auteur,  l'alphabet  phonographique  con- 
serve :  20  lettres  de  l'alphabet  actuel  ;  —  2  lettres  modifiées  par 
des  accents  {é.  è)\  —  2  signes  modificateurs  de  sons  (accent  cir- 
conflexe et  n  nasal). 

«  Il  élimine  :  6  lettres  proprement  dites  (c,  h,  k,  x,  w,  y);  — 
6  signes  binaires  {eu,  ou,  au,  ch,  gn.  II);  —  2  signes  modificateurs 
(cédille  et  tréma). 

ail  dédouble  les  formes  du  j  et  du  /  pour  représenter  leurs 
deux  sons  similaires;  —  il  rectifie  trois  signes  binaires  {en, 
in.  en). 

«  Enfin,  il  ajoute  deux  signes  nouveaux  pour  //  mouillé  et  le 
son  ou,  )) 

Voici  le  nouvel  alphabet  complet ,  avec  l'indication  des  valeurs 
nouvelles  : 


a 
bl 

(1 
e 
è 

/    (J) 

j    W 

1 

/    (mouillé) 
m 

I' 

q 

r 

s 
t 

î 

ê    (eu) 

ô 

û 

an 

é 

n 

^  (g") 

0 

u 

v 

^1 

en    (in) 
in    (im) 
on 

i 

w     (ou) 

à 

en    (eur 

Dans  le  nouveau  système,  les  26  caractères  de  l'alphabet  ne 
changent  jamais  de  valeur  phonétique,  quels  que  soient  les  si- 
gnes qui  les  précèdent  ou  les  suivent  dans  la  composition  des 
mots.  Exemple  : 

habit  abi  ôter  oté  agneau        anô 

anneau       ano  chapeau     japô  heureux     êrê 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX.  3G3 

boule      bt^le  anguille  angine  sexagénaire  seqsagvnèrc 

homme    orne  chiquenaude      jiqenode  construction  qonstruqsion 

femme    famé  pré  aux  clercs  pré  6  qler  stricteinent  siriqteman 

chacun  jaqen  chocolatier         joqolatié  strychnine  striqnine 

oiseau     oyazo  perplexité  perpléqsité  emprunteuse  anprentêze 

L'auteur  pose  (p.  d94)  ce  principe,  sur  lequel  je  crois  devoir 
appeler  toute  Fattention  des  novateurs  en  orthographie  :  Maintien 
de  tous  les  signes  utiles  pour  Pintelligence  des  mots  et  des  phrases 
et  pour  l'euphonie  de  la  langue  parlée  ;  élimination  de  tous  les 
autres  signes. 

c(  On  écrira  donc,  continue  M.  Raoux,  toutes  les  lettres  gramma- 
ticales qui  servent  à  éclaircir  le  sens  des  mots  et  des  phrases,  à 
lever  des  doutes,  à  faire  disparaître  des  équivoques  ou  à  prévenir 
des  hiatus  et  des  consonnances  désagréables.  Toutefois,  on  dis- 
tinguera les  lettres  actives  ou  phonétiques  des  lettres  passives  ou 
muettes,  en  les  séparant  par  un  tiret  indiquant  que  ces  dernières 
n'ont  pas  droit  aux  honneurs  de  la  prononciation,  et  ne  sont  que 
des  signes  additionnels  dont  la  destinée  est  de  disparaître  lorsque 
la  langue  parlée  aura  comblé  ses  fâcheuses  lacunes  et  réduit  le 
nombre  exorbitant  de  ses  homophones. 

c(  Ainsi  Pon  écrira  le  r  de  l'infinitif  et  le  z  de  Pimpératif  (en  les 
séparant  par  un  tiret)  toutes  les  fois  que  le  sens  de  la  phrase  no 
permettra  pas  de  les  distinguer  Pun  de  Pautre,  ainsi  que  du  par- 
ticipe passé,  c'est-à-dire  lorsqu'on  hésitera  entre  les  trois  homo- 
phones éy  er,  ez  des  verbes  de  la  première  conjugaison  :  aimé  ^ 
aime-r,  aime-z,  travaillé,  travaille-r,  travaille-z.  On  écrira  en- 
core :  montez  à  cheval  ;  il  bolT  et  mange  bien;  je  voudrais  qu'il 
allâT  avec  vous^  etc.,  afin  d'éviter  des  hiatus  et  des  consonnances 
peu  agréables  pour  l'oreille,  mais  on  ne  séparera  pas  ces  lettres 
euphoniques  par  un  tiret,  comme  les  signes  affectés  de  mutisme.» 

Cette  citation  suffit  pour  faire  écrouler  tout  le  système  de 
M.  Raoux,  et  il  prononce  lui-même,  sans  s'en  apercevoir,  la  con- 
damnation de  la  phonographie  comme  écriture  usuelle  de  la 
langue  française,  comme  méthode  même  d'enseignement  dans  les 
classes  élémentaires. 

En  effet,  Pauteur  reconnaît,  avec  une  bonne  foi  parfaite,  la  né- 
cessité de  fixer  le  sens  des  mots  ainsi  que  des  phrases,  de  lever  tous 
les  doutes,  de  faire  disparaître  les  équivoques,  de  prévenir  les  hia- 
tus et  les  consonnances  désagréables.  N'est-ce  pas  là,  je  le  de- 


364  LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  RAOUX. 

mande,  une  tâche  impossible  à  quiconque  n'a  pas  préalablement 
acquis  la  connaissance  la  plus  approfondie,  la  plus  minutieuse 
de  la  langue  française?  Nous  voici  ramenés,  avant  d'nhorder 
Tétude  de  la  nouvelle  écriture,  à  cette  grammaire  si  complexe, 
avec  ses  milliers  d'exceptions  et  de  sous-exceptions,  objet  de 
tant  de  malédictions  de  la  part  des  novateurs.  Bien  plus, 
pour  accorder  ces  temps  de  verbes,  ces  participes,  ces  substantifs, 
ces  adjectifs  ;  pour  leur  conserver  sur  le  papier 'ces  marques  eu- 
phoniques exigées  par  notre  oreille  ;  pour  figurer  en  phonogra- 
pbie  les  nombreux  homonymes  avec  l'orthographe  étymologique 
qui  les  dislingue  (1) ,  l'étude  de  la  grammaire  française  ne  suffit 
plus  :  la  connaissance  complète  du  latin  et  de  la  basse  latinité  est 
indispensable,  ainsi  qu'une  teinture  du  grec.  Quel  trouble  pour  les 
adeptes  de  cette  nouvelle  tachygraphie^,  auxquels  on  prescrit  de 
figurer  uniquement  le  son,  s'il  leur  faut  combiner  les  deux  sys- 
tèmes, Tancien  et  le  nouveau,  et  s'arrêter  avant  d'écrire  une 
phrase  pour  tenir  compte  des  difficultés  de  l'élymologie  et  des 
exigences  de  la  syntaxe  ! 

Que  deviennent  alors  les  50  millions  d'artisans,  de  pauvres  en- 
fants, de  manouvriers  des  villes  et  des  campagnes  qui,  en  France, 
en  Belgique,  en  Suisse,  dans  tous  les  pays  de  langue  française, 
devaient  être  émancipés  de  fignorance  en  une  ou  deux  saisons 
d'école?  Les  voilà  ramenés  aux  difficultés  de  la  grammaire  et 
aux  études  grecques  et  latines  dont  on  prétendait  les  dispenser. 

Quant  à  ceux  qui  ont  reçu  cette  instruction  si  pénible  à  conqué- 
rir, peut-on  espérer  qu'ils  adoptent  jamais  une  nouvelle  manière 
d'écrire,  môme  simplifiée,  si  elle  ne  les  dispense  pas  de  ,se  rappeler 
continuellement  l'ancienne,  pour  la  solution  des  cas  litigieux? 
L'étranger  instruit,  mais  peu  exercé  à  la  prononciation,  le  savant, 
le  législateur,  ne  croiront  jamais  parvenir  à  être  bien  compris  dans 
celte  écriture  figurative  des  sons.  Chacun  des  mots  anciens,  par  sa 
configuration  devenue  familière,  par  les  radicaux  si  souvent  trans- 
parents sous  l'enveloppe  graphique,  réveille  pour  nous  le  souvenir 
de  ses  congénères  et  de  sa  signification  (2). 

Sans  doute,  s'il  s'agissait  uniquement  de  former  un  peuple 

(1)  Voir  ce  que  j'ai  dit  plus  haut,  p.  96,  de  l'ortliographe  des  homonymes, 
saint,  sein,  etc.,  et  la  discussion  de  M.  Vanier  sur  le  même  sujet,  p.  326.  J'ajou- 
terai que  dans  tout  système  phonographique  on  devra  conserver  l'ancienne  or- 
thographe pour  les  noms  propres,  les  noms  de  lieux,  etc. 

,2)  Voir  aussi  p.  96  et  374. 


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LA  RKFORMK  ORTHOGRAPHIQUE.  -  RAOUX.     :^^sô 

ignorant,  sans  passé  littéraire,  à  une  rapide  connaissance  de  )a 
lecture  et  de  l'écriture  française,  la  méthode  phonétique  aurait  de 
grands  avantages;  mais  pour  une  nation  riche  d'une  littérature  qui 
date  de  huit  siècles,  ses  vocables,  ses  syllabes  même,  font,  pour 
ainsi  dire,  partie  intégrante  de  son  histoire  intellectuelle;  les 
transformer  de  fond  en  comble,  c'est  rompre  la  chaîne  non  inter- 
rompue des  traditions  où  s'est  formé  son  génie. 

Dans  les  chapitres  suivants,  M.  Raoux  applique  son  système  de 
phônographie  à  plusieurs  langues  de  l'Europe.  En  ajoutant  à  son 
alphabet  les  signes  de  Ve  double  aigu  (ë),  Vi  mouillé  (f),  et  les 
trois  nasales  en,  mu,  un,  il  possède,  d'après  Tauteur,  la  gamme 
complète  des  sons  du  bel  idiome  des  troubadours.  Quant  à  la 
transcription  de  l'italien,  je  n'en  vois  pas  trop  l'utilité  pour  nous, 
surtout  quand  on  renonce  à  figurer  l'accent  tonique. 

J'en  dirai  autant  de  l'espagnol  et  du  latin,  à  récriture  phono- 
graphique desquels  Fauteur  consacre  quelques  pages.  Sa  trans- 
cription de  l'allemand,  pour  être  tidèle,  nécessiterait  l'addition  de 
nouveaux  signes  pour  le  h  et  le  cli  fortement  aspirés.  Mais  c'est 
pour  nous  transcrire  fidèlement  la  prononciation  de  l'anglais  que 
la  nouvelle  méthode  serait  inappréciable.  Elle  remplacerait  avec 
une  supériorité  incontestable  le  système  de  voyelles  chiffrées  usité 
dans  les  meilleurs  dictionnaires  anglais-français. 

Il  serait  donc  désirable  qu'en  tête  des  dictionnaires  anglais_, 
arabes,  turcs,  aussi  bien  que  de  ceux  des  patois  des  langues  de 
l'Europe,  on  représentât  la  prononciation  dans  un  système  phono- 
graphique perfectionné  et  convenu  entre  les  linguistes.  Une  page, 
placée  en  tête  de  chacun  de  ces  lexiques,  suffirait  pour  tracer 
toutes  les  règles  de  lecture  de  cet  alphabet  véritablement  phoné- 
tique. Avec  l'aide  du  temps,  les  personnes  studieuses  en  pren- 
draient l'habitude,  et  le  pas,  difficile  à  franchir,  pour  la  constitu- 
tion d'un  alphabet  européen  et  d'une  écriture  européenne  serait 
plus  tôt  accompli.  Je  m'unis  donc,  pour  cette  application  impor- 
tante, aux  vues  de  l'auteur,  si  bien  développées  dans  ses  dernières 
pages,  que  je  dois  renoncer  à  analyser.  Cet  art  nouveau ,  auquel  il 
s'est  voué ,  n'a  pas  encore  dit  son  dernier  mot;  il  est  en  instance 
devant  les  corps  savants^  les  universités  et  les  académies.  Loin 
de  faire  reculer  la  philologie  comparée  et  la  science  rationnelle 
du  langage,  il  ne  peut  que  leur  procurer  de  nouveaux  moyens 
d'analyse. 


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aOH  LA  RÉFORME  OKTUUGKAPHIQUI:.  —  KAOLIX. 

[campagne),  ce  qui  le  distinguera  clairemenl  du  douJ>lc  son  r/uene, 
qui  s'écrira  gen  (Agnès,  Agnès  ;  gnomon,  genomon). 

Le  signe  binaire  //  se  trouvant  dans  le  niême  cas,  et  la  juxtapo- 
sition de  Vi  ne  suffisant  pas  à  distinguer  ses  deux  valeurs  phoné- 
tiques, représentera  uniquement  le  /  redoublé  dur  {ilUcUe^  illimité, 
ville).  Le  /  mouillé  (dans  fille,  bille)  qui,  en  sa  qualité  de  mono- 
plione,  fait  réellement  partie  de  l'alphabet,  sera  représenté  par  un 
/  pointé  en-dessous,  afin  que  la  typographie  n'«it  point  de  signe 
nouveau  à  créer,  puisqu'un  j  renversé  remplira  parfaitement  le  but- 

L'auteur  termine  ce  supplément  par  quelques  exemples  de  la 
nouvelle  orthographe,  que  les  phonographes  intitulent  réforme 
scripturale  : 


Orthographe  :iciuelle 

.  l'honogr;ii)liie. 

Orthographe 

ictuclle.  Plionographie 

physique 

fiziqc 

hennir 

unir 

philosopliie 

filozofie 

prompt 

prun 

rhytlirae 

ritme 

fille 

file 

chronique 

qroniqe 

illettré 

métré 

chrétien 

grétièn 

homme 

orne 

ichthyologie 

iqtiolojie 

femme 

famé 

harangue 

arange 

catarrhe 

qatare 

Uiéopliilantliropie 

téofilantropip 

Jeanne 

Jane 

accueillir 

aqeulir 

hasard 

azar 

quand 

qan 

quincaillier 

qènqalé 

heureux 

eureu 

hygiène 

ijiène' 

temps 

tan 

agneau 

agnô 

oiseau 

ouazô 

gnomon 

genomon 

quiproquo 

q'tproqo 

hareng 

aran 

haïr 

air 

«  L'ignoranse  du  vouazèn  è  t  un  danjé  q'on  devrè  qonjuré,  ne 
fuse  qe  par  égoizme,  qome  on  va  ô  seqour  de  sa  mèzon  qan  t  èle 
brute.  »  (Jules  Macé.) 

«  Le  jeune  z  èntellijanse  son  qome  de  bouton  de  fleur  qe  Ion 
orè  plonjé  dan  lô  boulante;  èle  z  on  perdu  leur  forse  vitale  dan  le 
chôdron  fuman  de  la  moderne  éduqasion.  »  (A.  de  Humboldt.) 

«  Tan  qe  l'ijiène  publiqe  é  la  morale  universèle  ne  seron  pa  sé- 
rieuzeman  t  anségnée  dan  toute  le  z  éqole  primère,  le  flô  du  mal 
montera  toujour.  »  (Raoux.) 

Celte  écriture,  ainsi  dépouillée  des  signes  nouveaux  que  l'auteur 
avait  proposés  dans  le  corps  de  son  livre,  ressemble  beaucoup  à 
celle  que  M.  Marie  avait  adoptée  en  1829  dans  son  Appel  aux 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -É.  de  GIRARDIN.     369 

Français,  Elle  offre  les  mêmes  avantages  et  encourt  les  mêmes 
reproches,  sur  lesquels  il  me  semble  inutile  de  revenir. 

Albert  Hetrel,  correcteur  d'imprimerie.  Code  orthogra- 
phique, monographique  et  grammatical.  Nouvelle  mé- 
thode doîinant  immédiatement  la  solution  de  toutes  les 
difficultés  de  la  langue  française.  Deuxième  édition.  Paris, 
Larousse  et  Boyer,  1867,  in-12  de  xxtii  et  276  pp. 

M.  Emile  de  Girardin  a  accepté  la  dédicace  de  cet  intéressant 
ouvrage.  De  la  lettre  qu'il  adresse  à  l'auteur  à  ce  sujet,  je  crois 
devoir  extraire  les  passages  suivants  : 

«  Je  n'accepte  pas  l'expression  de  votre  reconnaissance,  mais 
j'accepte  la  dédicace  de  votre  livre.  Il  est  curieux,  ce  qui  le  rendra 
instructif.  Du  désir  qu'il  donne  de  le.  parcourir  naîtra  bientôt 
l'habitude  de  le  consulter. 

c(  Que  d'innombrables  fautes  journellement  commises  il  relève! 
Que  d'inexplicables  contradictions,  passant  généralement  ina- 
perçues, il  signale  ! 

c(  Mais  ce  qu'il  révèle  surtout,  c'est  à  quel  point  l'arbitraire 
règne  encore,  en  France,  dans  le  langage.  Où  les  exceptions  à  la 
règle  sont  si  nombreuses,  ne  peut-on  pas  dire  de  la  règle  qu'elle 
n'est  qu'une  exception  à  l'exception  et  qu'il  n'y  a  pas  de  règle?  Le 
langage  est  un  art;  il  n'est  pas  encore  une  science.  Ce  qu'il  fau- 
drait, c'est  qu'il  en  devînt  une.  L'art  vaut  ce  que  vaut  l'artiste;  la 
science  vaut  par  elle-même.  Ce  qui  caractérise  l'art,  c'est  la  per- 
sonnalité, c'est  la  diversité;  ce  qui  caractérise  la  science,  c'est 
l'universalité,  c'est  l'unité.  Ce  qui  la  caractérise  encore,  c'est 
d'être  essentiellement  progressive,  c'est  de  tendre  constamment  à 
convertir  les  obstacles  en  moyens  et  les  problèmes  en  solutions. 
Si,  au  lieu  d'être  un  art,  le  langage  était  une  science,  il  n'épar- 
gnerait rien  pour  devenir  de  plus  en  plus  simple,  de  plus  en  plus 
précis,  de  plus  en  plus  facilement  correct.  La  règle  ne  fléchirait 
plus  sous  l'exception  ;  ce  serait  l'exception  qui  disparaîtrait  sous 
la  règle.  Si  la  science  du  langage  était  moins  imparfaite,  croit-on 
que  l'art  du  langage  y  perdît?  Je  ne  le  crois  pas. 

a  Partout,  en  Europe,  les  peuples  abaissent  maintenant  les  bar- 
rières qu'ils  s'appliquaient  autrefois  à  rendre  infranchissables... 
Une  barrière  qui  ne  s'est  pas  abaissée,  c'est  celle  que  met  entre 

24 


370    LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  É.  de  GIRARDIJN. 

les  nations  la  différence  des  langues.  Arrivera-t-on,  un  siècle  ou 
l'autre,  à  Tadoption  d'une  langue  universelle?  Je  n'en  doute 
point...  Chemins  de  fer  et  télégraphes  électriques,  ces  inventions 
d*hier,  mènent  chacune  des  grandes  parties  du  monde  à  l'unité 
d'usages  et  de  lois,  de  mœurs  et  de  modes,  de  mesures  et  de 
monnaies .  A  son  tour,  cette  unité  mènera  à  l'unité  de  langue, 
comme  une  conséquence  mène  à  une  autre  conséquence.  Cette 
langue  commencera  par  n'être  qu'une  langue  auxiliaire,  deviendra 
la  langue  internationale,  et  finira  par  être  la  langue  définitive.  De 
cette  langue,  que  la  nécessité  s'appliquera  à  rendre  aussi  simple 
que  possible,  disparaîtront  tous  les  mots  qui  n'ont  plus  de  sens, 
tous  les  mots  qui  n'ont  pas  de  sens,  tous  les  mots  qui  ont  plusieurs 
sens.  Il  y  aura  un  mot  pour  chaque  chose,  mais  pour  chaque 
chose  il  n'y  aura  plus  qu'un  seul  mot.  Formation,  déclinaison, 
genre,  orthographe  et  prononciation  des  mots,  conjugaison  des 
verbes,  seront  assujettis  à  des  règles  invariables,  faciles  à  ap- 
prendre, faciles  à  retenir. 

«  Il  fut  un  temps  où  généralement  le  paysan  français  ne  savait 
parler  que  le  patois  de  sa  province.  Il  est  rare  maintenant,  et  il 
devient  chaque  jour  plus  rare,  que  ce  paysan  ne  sache  pas  à  la 
Jois  et  le  patois  de  «  son  pays  »  et  la  langue  de  sa  patrie.  On  peut 
même  ajouter  que,  depuis  que  le  paysan  apprend  l'une,  il  désap- 
prend l'autre.  Les  patois  s'en  vont;  je  me  trompe,  il  faut  dire  :  ils 
se  succèdent;  car  un  temps  viendra  où,  l'Europe  ayant  sa  langue 
commune,  parler  allemand,  parler  anglais,  parler  espagnol, 
parler  français,  parler  italien,  ce  sera  parler  patois.  Mais  jusqu'à 
ce  que  ce  temps  arrive,  temps  qui  peut  être  proche,  mais  temps 
aussi  qui  peut  être  loin,  tout  ce  qui  aura  pour  but  et  pour  effet  de 
dévoiler  les  difficultés  et  les  irrégularités  dont  les  langues  actuelles 
sont  hérissées  méritera  d'être  hautement  et  chaudement  encou- 
ragé. » 

L'auteur  du  Code  orthographique  ne  s'est  pas  donné  pour  but 
de  redresser  les  contradictions  et  les  vices  de  notre  écriture,  mais 
seulement  de  présenter  en  bon  ordre  et  d'une  façon  claire  et  faci- 
lement saisissable  la  solution  de  toutes  les  difficultés  qui  se  ren- 
contrent dans  Pemploi  de  nos  meilleurs  lexiques.  Il  s'exprime 
ainsi  à  ce  sujet  :  «  Pendant  sa  longue  carrière  de  correcteur  d'im- 
primerie, l'auteur  n'a  pas  manqué  de  se  convaincre  qu'il  y  a  dans 
la  langue  un  grand  nombre  de  points  douteux,  au  sujet  desquels 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  A.  HETREL.   37i 

les  écrivains  les  plus  habiles  sont  exposés  à  faire  des  fautes.  Né- 
cessairement ces  fautes  ont  dû  passer  des  milliers  de  fois  sous  ses 
yeux,  comme  sans  doute  le  prêtre,  pendant  la  durée  de  son  sa- 
cerdoce, entend  chaque  jour,  au  tribunal  de  la  pénitence,  confes- 
ser  à  peu  près  les  mêmes  péchés.  Il  arrive  parfois  aux  littérateurs 
d'employer  des  expressions  condamnées  par  l'Académie  ou  de 
s'écarter  des  règles  qu'elle  a  exposées  et  consacrées.  Les  diction- 
naires sont  si  incomplets,  si  fatigants  à  consulter,  que  le  plus  sou- 
vent les  gens  de  lettres  hésitent  à  entreprendre  des  recherches 
PRESQUE  TOUJOURS  INUTILES,  et  préfèrent  s'en  rapporter  au  correc- 
teur, qui,  par  profession,  est  obligé  de  connaître  imperturbable- 
ment toutes  les  espèces  de  difficultés. 

«  Et  pourquoi  la  plupart  des  recherches  sont-elles  infruc* 
tueuses?  C'est  qu'un  grand  nombre  de  solutions  manquent  dans 
ces  livres,  et  que  celles  qui  s'y  trouvent  sont  rarement  classées  à 
l'endroit  même  où  Técrivain  qui  en  a  besoin  pourrait  être  tenté 
de  les  chercher.  On  les  a  semées  au  hasard,  un  peu  partout,  et 
comme  personne  n'a  le  temps  de  lire  en  entier  un  volumineux  dic- 
tionnaire, personne  ne  les  connaît,  et  chacun  se  fait  à  soi-même 
sa  langue,  selon  son  caprice  ou  selon  son  goût.  » 

M.  Hetrel  s'est  proposé  d'apporter  un  remède  efficace  à  ce  grave 
inconvénient.  Pendant  une  vingtaine  d'années  passées  à  corriger 
des  épreuves,  il  a  soigneusement  pris  note  des  cas  douteux^  à 
mesure  qu'ils  se  présentaient  dans  ses  lectures.  Étudiant  sans 
cesse  les  dictionnaires  et  les  grammaires,  cherchant  des  exemples 
dans  les  écrivains  les  plus  célèbres  et  comparant  entre  elles  les  di- 
verses autorités  en  matière  d'orthographe  et  de  langage,  il  s'est 
enfin  arrêté  aux  solutions  qu'il  publie  aujourd'hui. 

Le  Code  orthographique  est  divisé  en  six  catégories  : 

L  Difficultés  GRAMMAticALEs  et  syntaxiques.  Singulier  et  plu- 
Hel.  Conjugaison  des  verbes  irréguliers  et  de  certains  autres. 
Prononciation.  Participes.  Adjectifs  verbaux.  Inversions.  Mé- 
decine. Chimie.  Botanique.  Principales  omissions  de  l'Académie. 
Gacologie,  ou  omnibus  de  l'écriture  et  du  langage. 

ÏI.  Singulier  et  pluriel  de  tous  les  substantifs  qui  prennent  le 
tirait  d'unidn,  —  l'apostrophe,  —  de  ceux  qui  s'écrivent  en  un 
âeul  mot,  —  des  mots  autrefois  unis  par  le  tiret  qui  maintenant 
doivent  être  séparés  par  une  espace. 

itl.  Accentuation.  Accent  aigu.  Accent  grave.  Accent  circon- 


372   LA  RÉFORMK  ORTHOGRAPHIQUE.  —  A.  HETREL. 

tlexe.  Tréma.  Élision.  Résumé.  Mots  qui  ne  prennent  point  d'ac- 
cent. Mots  accentués. 

IV.  Doubles  et  simples.  Adverbes  terminés  par  mment  et  meni: 
Certains  mots  qui  se  prononcent  de  même,  ou  à  peu  près,  dont 
l'orthographe  est  différente.  Ch  se  prononçant  k.  Mots  qui  prennent 
deux  h.  H  intérieure.  H  aspirée.  Place  que  Vh  doit  occuper  dans 
plusieurs  mots.  /  après  deux  /.  L  mouillées  ou  non.  Leur  pro- 
nonciation. Verbes  en  eler  et  eter.  Mots  en  otte  et  ote.  Verbes 
en  otter  et  oter.  Mots  prenant  Vy.  Place  de  Vy  et  de  iH  dans 
certains  mots. 

V.  Genre  embarrassant.  Mots  étrangers  ou  francisés. 

VI.  Majuscules  et  minuscules. 

On  voit  par  ce  sommaire  de  quel  intérêt  doit  être  cet  ouvrage 
pour  les  personnes  qui  s'occupent,  comme  les  écrivains  soigneux 
et  les  imprimeurs,  des  détails  de  l'orthographe.  11  pourra  servir 
utilement  à  perfectionner  les  dictionnaires  et  les  grammaires. 

Bernard  Jullien,  docteur  es  lettres,  licencié  es  sciences,  se- 
crétaire de  la  Société  des  méthodes  d'enseignement.  De 
l'Orthographe  et  des  systèmes  néographiques.  (Cours  supé- 
rieur de  grammaire.  Paris,  Hachette,  2  vol.  gr.  in-8,  t.  I, 
p.  44-S2.)  —  Thèses  de  Grammaire.  Paris,  Hachette, 
18S5,  in-8  de  viii-508  pp.  ^pages  107-141).  —  Les  Prin- 
cipales étijmologies  de  la  langue  française.  Paris,  Hachette, 
1862,  in-12  de  vni-323  pp.  —  De  la  Nécessité  de  quelques 
réformes  dans  V orthographe  française.  (Revue  de  l'instruc- 
tion publique,  5  mai  1864,  p.  83.) 

M.  Jullien  est  auteur  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  et  d'écrits 
sur  la  grammaire  justement  estimés.  En  ce  qui  concerne  l'ortho- 
graphe, il  se  montre  sage  partisan  d'une  réforme  modérée  et  pro- 
gressive. 

Au  début  de  son  premier  article  sur  l'orthographe,  cité  ci- 
dessus,  il  revendique  pour  la  science  d'écrire  correctement  son 
vrai  nom  :  orthographie.  Cette  demande,  réitérée  presque  par  tous 
ceux  qui  ont  écrit  sur  la  langue  française,  prouve  suffisamment 
l'opportunité  du  changement  en  question,  réclamé  par  la  logique 
et  l'accord  avec  d'autres  termes  scientitiques  de  la  même  catégo- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN.      373 

rie,  géographie,  calligraphie,  typographie.  Dans  plusieurs  traités 
de  grammaire  on  voit  déjà  apparaître  les  mots  graphie  et  ortho- 
graphie. 

M.  Jullien,  sans  partager  sur  tous  les  points  les  opinions  des 
néographes,  ne  méconnaît  pas  ce  qull  y  a  de  bon  dans  leurs  sys- 
tèmes, et  s'élève  avec  force  contre  tous  ceux  qui,  à  l'exemple  de 
Charles  Nodierjugent  ces  questions  avec  prévention  et  légèreté. 

«Nous  nous  rappellerons,  pour  nous,  dit-il,  que  la  langue 
«  française  et  son  orthographe  intéressent  quarante  millions  de 
«  personnes,  et  nous  ne  croirons  jamais  que  des  changements 
«  qui  s'opèrent  graduellement  depuis  trois  siècles  puissent  être 
((  combattus  par  des  épigrammes  ou  condamnés  comme  de 
«  pures  folies.  » 

Mais,  dans  ce  travail,  M.  Jullien  se  borne  à  donner  un  résumé 
très-succinct  des  systèmes  de  Régnier  des  Marais,  de  Dangeau, 
de  Buffier,  de  Du  Marsais,  de  Pabbé  Girard,  de  Duclos,  de  Reau- 
zée,  dont  il  est  fervent  admirateur,  de  Domergue  et  de  Marie  ;  et 
comme'conclusion  de  ce  chapitre,  il  exprime  son  opinion  sur  l'en- 
semble des  propositions  de  ces  néographes.  Il  approuve  le  re- 
tranchement d'une  des  doubles  lettres  non  étymologiques  {Du 
Marsais),  et  même  étymologiques  {Duclos);  la  substitution  des  /"et 
des  t  aux  ph  et  th  (Duclos)  et  le  remplacement  des  x  et  des  5 
comme  marque  du  pluriel  par  le  signe  caractéristique  et  uni- 
forme :  la  lettre  s. 

Ses  idées  personnelles  sur  la  réforme  de  l'orthographe  se  trou- 
vent plus  développées  dans  un  article  spécial,  faisant  partie  de 
ses  Thèses  de  grammaire.  Cet  article  est  sous  forme  de  dialogue  et 
porte  pour  litre  :  La  Partie  de  dominos,  A  cet  égard  nous  prenons 
la  liberté  d'exprimer  notre  regret  que  le  récit  principal  soit  entre- 
coupé de  dialogues  relatifs  au  jeu,  qui  troublent  Tattention  et  ne 
peuvent  intéresser  personne. 

Dans  ce  travail  on  remarque  un  passage  où  Fauteur  oppose  une 
objection  fort  grave  aux  idées  purement  phonographiques.  Le 
lecteur  va  en  juger  : 

«  Vous  voyez  par  là  que,  chez  nous,  c'est  réellement  l'écriture 
qui  est  le  principe  de  la  prononciation  correcte  dans  la  bonne 
compagnie;  et  cela  seul  vous  montre  combien  sont  réellement 
ignorants  du  français  ceux  qui  posent  le  principe  contraire,  qui 


374      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  B.  JULLIEN. 

croient  bonnement  que  les  langues  en  sont  encore  au  point  où 
elles  étaient  avant  ^invention  de  l'alphabet.  C'est  vraiment  leur 
faire  trop  d'honneur  que  de  discuter  sérieusement  leurs  proposi- 
tions. Mais  ce  qu'il  y  a  de  curieux,  c'est  qu'eux-mêmes  ne  savent 
pas  du  tout  où  leur  principe  les  mène;  que,  tout  en  niant  l'action 
de  l'écriture,  non-seulement  ils  ôtent  ou  remettent  les  lettres  que 
récriture  seule  nous  fait  prononcer  dans  quelques  circonstances, 
mais  qu^encore  ils  séparent  les  uns  des  autres  des  mots  ou  groupes 
de  sons  qui  n'ont  d'existence  individuelle  qu'en  vertu  de  nos  ha- 
bitudes d'écrire.  Pour  l'oreille,  les  articles  ne  se  séparent  jamais 
de  leurs  substantifs,  ni  les  compléments  placés  avant  le  verbe,  du 
verbe  qui  les  régit,  ni  le  pronom  du  verbe  dont  il  est  le  sujet,  ni 
la  préposition  de  son  complément.  Il  est  donc  ridicule,  dans  ce 
système,  de  faire  deux  ou  plusieurs  mots  de  je  dors,  nous  aimonsy 
jusqu'à  lui,  qu'est-ce  à  dire  ;  il  faut  écrire  en  un  seul  jedor,  nouzé^ 
mon,  juskaluiy  kèsadir,  etc. 

«  Tout  le  monde  connaît  l'extrême  mobilité  de  notre  accent  (1), 
et,  qu'en  se  portant  toujours  sur  la  dernière  syllabe  sonore  des 
sections  de  nos  phrases,  il  coupe  celles-ci  en  un  certain  nombre 
de  petites  prolations  dont  notre  oreille  est  uniquement  frappée,  et 
dans  lesquelles  elle  ne  distingue  aucunement  ces  divisions  artifi- 
cielles que  nous  appelons  des  mots,  que  la  plume  seule  nous  fait 
sur  le  papier  détacher  les  uns  des  autres.  Cette  horrible  écriture 
sanscrite,  où  tous  les  sons  d'un  discours  sont  écrits  exactement 
à  la  suite  sans  aucun  intervalle,  est  donc  le  type  de  perfection  que 
nous  offrait  en  fin  de  compte  V Appel  aux  Français,  quoique  les 
autres  n'aient  pas  osé  le  dire,  ou  que  plutôt  ils  ne  Paient  pas  com- 
pris :  et,  en  admettant,  si  vous  le  voulez,  l'accentuation  finale  des 
sections  de  phrase  comme  des  points  naturels  de  séparation  dans 
le  langage  et  l'écriture,  les  premiers  vers  de  VArt  poétique,  par 
exemple,  devraient  être  représentés  ainsi  : 

Sètanvin  qôparna  suntèmèrè  rôteur 
Pan  sedelardèver  zatin  drelaôteur  ; 

et  non  pas  comme  l'auraient  donné  nos  réformateurs  {Appel  aux 
Français,  p.  13  à  48)  : 

S'et  an  vin  q'ô  pâmasse  un  tèmèrère  ôteur 
Panse  de  Par  de  vers  ateindre.la  hôteur. 

(1)  L'accent  oratoire.  L'accent  tonique  dans  les  vers  cités  porte  aussi  sur  les 
roots  c'est  et  art  compris  dans  les  groupes. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN.      375 

En  le  divisant  ainsi,  ils  ont  certes  rendu  plus  facile  la  lecture  et 
l'intelligence  de  leur  transcription,  mais  ils  ont  par  cela  même 
menti  à  leur  principe,  puisqu'ils  ont  introduit  des  divisions,  exi- 
gées par  le  dictionnaire,  que  la  voix  ni  l'oreille  ne  reconnaissent 
aucunement.  » 

Je  donnerai  plus  loin  Tanalyse  du  système  de  M.  Jullien,  qu'il 
a  reproduit  dans  d'autres  écrits.  Je  ne  toucherai  ici  qu'une  parti- 
cularité que  Tauteur  a  eu  raison  d'abandonner  ensuite. 

M.  Jullien  dit  «  que  la  réforme  de  l'orthographe,  pour  être  rai- 
sonnable, doit  comprendre  deux  mouvements  :  l'un  de  retour  om 
de  recul,  l'autre  à'allée  ou  de  progrès,  »  Ce  mouvement  de  re- 
tour consisterait  à  rétablir  les  lettres  caractéristiques,  radicales, 
d'abord  ajoutées  à  tort  par  les  s*avants,  et  ensuite  supprimées  dans 
un  certain  nombre  de  mots  de  la  même  famille. 

En  émettant  cette  proposition  M.  Jullien  a  pour  but  de  conser- 
ver aux  mots  d'une  origine  commune  le  signe  caractéristique  de 
leur  parenté.  D'après  ce  système,  il  faudrait  rétablir  la  lettre  éty- 
mologique s  dans  les  verbes  écrire,  décrire,  récrire  et  dans  les 
dérivés  [écriture,  écrivain,  etc.,  pour  les  mettre  d'accord  avec  ms- 
crire,  description,  etc.  ;  il  faudrait  écrire  respondre,  à  cause  de 
responsable,  correspondre,  etc.  ;  destruire,  à  cause  de  destruction  ; 
souspçon,  souspçonner,  à  cause  de  suspect;  coulpahle,  à  cause  de 
inculper,  etc. 

Il  faut  savoir  gré  à  M.  Jullien  d'avoir  abandonné  plus  tard  cette 
idée.  Autrement  il  aurait  fallu  renchérir  sur  l'orthographe  de  la 
première  édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie  et  écrire  :  eschelle,  à 
cause  de  escalier,  escalader;  arrest,  à  cause  de  arrestation;  escole,  à 
cause  de  scolaire,  scolastique ',  contract,  à  cause  de  contracter,  etc. 
Il  serait  difficile  de  démontrer  les  avantages  de  ce  recul,  tandis 
que  les  désavantages  en  sont  évidents.  Le  perfectionnement  d'une 
orthographe  doit  avoir  pour  but  la  représentation  fidèle  de  la 
bonne  prononciation ,  consacrée  par  l'usage ,  tout  en  tenant 
compte  des  terminaisons  grammaticales  et  des  signes  de  gram- 
maire ;  par  conséquent  son  rôle  est  de  supprimer  les  lettres  inu- 
tiles, muettes,  si  toutefois  leur  retranchement  n'apporte  pas  une 
confusion  nuisible,  en  empêchant  de  reconnaître  la  véritable  si- 
gnification des  mots,  comme  si,  par  exemple,  on  écrivait  les  cors 
au  lieu  de  les  corps.  M.  Jullien,  qui  dit  que  notre  orthographe 
intéresse  quarante  millions  de  personnes,  paraît  oublier  que  les 


370      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  B.  JULLTEIN'. 

lettrés  n'en  composent  qu'une  faible  partie,  et  pourtant  il  est  évi- 
dent qu'il  faudrait  avoir  étudié  l'histoire  de  notre  langue  et  être 
latiniste  consommé  pour  savoir  écrire  d'après  ce  système,  heureu- 
sement tombé  en  désuétude  depuis  1740.  Nos  paysans,  nos  ou- 
vriers, connaissent  le  mot  école^  mais  il  y  en  a  qui  ignorent  même 
l'existence  des  mots  scolaire  et  scolasfique;  il  en  est  de  même 
pour  écrire  et  proscrire  y  prescrire^  etc.  ;  la  multitude  serait  donc 
exposée  à  écrire  mal,  et  pourtant  récriture  correcte  ne  doit  pas 
être  le  monopole  d^une  minorité.  Pour  ceux  qui  se  soucient  de  la 
parenté  des  mots,  je  ne  vois  pas  de  difficulté,  et  ils  ne  seront  pas 
embarrassés  pour  reconnaître  que  décrire  et  description  ont  une 
origine  commune  ,  bien  que  formés  dans  des  conditions  diffé- 
rentes. 

Mais  outre  le  trouble  dans  la  rhémoire  qui  résulterait  de  cette 
introduction  de  lettres  inutiles,  il  y  a  une  autre  question  plus 
grave  encore  :  c'est  celle  de  la  prononciation.  M.  Julli^n  ne 
se  dissimule  pas  que  cette  orthographe  amènerait  avec  le  temps 
à  prononcer  ces  lettres  radicales  ;  on  prononcerait  donc  escrire^ 
coulpahle,  contracta  etc.  Or,  la  formation  des  mots  obéit  à  une 
autre  loi  que  celle  de  la  conservation  servile  des  lettres  caracté- 
ristiques; elle  est  soumise  aux  exigences  de  l'euphonie,  a  l'har- 
monie de  sons  propre  à  chaque  langue.  Ainsi  l'on  peut  constater 
que  Vou  ne  souffre  pas  la  lettre  /  suivie  d'une  ou  plusieurs  con- 
sonnes ,  tandis  que  cette  agglomération  peut  avoir  lieu  après 
Vu  ;  c'est  pourquoi  on  a  coupable  et  inculper ^  soufre  et  sulfureux^ 
voûte  et  évolution^  etc.  Le  et  sonnerait  mal  à  la  fin  du  mot  contracta 
mais  la  voyelle  suivante  en  facilite  la  prononciation  dans  le  verbe 
contracter.  Il  serait  peu  harmonieux  de  prononcer  à  la  lettre  le 
mot  souspçon  où  se  heurtent  trois  consonnes  de  suite.  Dans  le  vieux 
français  on  écrivait  et  sans  doute  on  prononçait  souspeçon  (voir  le 
tableau,  page  112),  mais  dès  l'instant  qu'obéissant  au  génie  ab- 
bréviatif  de  notre  langue  la  voyelle  e  tomba,  elle  entraîna  forcé- 
ment dans  sa  chute  la  lettres  pour  rendre  la  prononciation  plus 
douce.  Notre  langue  actuelle  se  compose,  comme  on  sait,  de  deux 
couches  de  mots  dont  la  démarcation  est  très-sensible  ;  il  serait 
téméraire  de  vouloir  ramener  les  mots  éclos  sous  l'influence  du 
génie  national,  comme  écrire^  soupçon,  à  revêtir  l'uniforme  des 
mots  calqués  par  les  savants  sur  le  latin,  tels  que  scribe,  proscrip- 
tion, suspect,  suspicion.  Or  l'introduction  des  radicales  muettes 
ne  suffirait  même  pas,  il  faudrait  encore  changer  très-souvent  les 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ~  B.  JULLIEN.      377 

voyelles  qui  les  précèdent,  et  par  conséquent  dénaturer  les  vo- 
cables.  Il  faudrait  donc,  sacrifiant  les  mots  vraiment  français  aux 
mots  forgés  par  les  savants,  accueillir  :  culpable,  suspçon,  sut- 
fre,  etc.  Cette  unification  arbitraire  dénaturerait  à  la  fin  l'essence 
même  de  la  langue. 

Son  traité  des  Principales  étymologies  de  la  langue  française 
est  un  dictionnaire  des  racines  qui  entrent  dans  la  composition 
des  mots  de  notre  langue,  précédé  dune  étude  de  la  formation 
des  vocables.  Ce  travail  intéressant,  devenu  utile  depuis  que  l'on 
a  renoncé  aux  dictionnaires  disposés  par  racines,  jette  quelque 
lumière  sur  plus  d'une  question  orthographique.  Nous  en  ex- 
trayons un  passage  relatif  aux  doubles  consonnes ,  du  moins  à 
celles  qui  n'ont  aucune  raison  de  subsister  dorénavant  dans  notre 
langue  : 

«  Les  consonnes  ont  été  doublées,  surtout  quand  il  s'est  agi  d?s 
nasales  ou  des  dentales,  par  des  raisons  tout  à  fait  étrangères  à 
l'étymologie  proprement  dite,  et  qui  n'ont  pas  moins  contribué  à 
rendre  la  formation  des  mots  irrégulière  en  apparence.  Ainsi 
homme,  femme,  avec  deux  m,  viennent  de  homo  et  de  femina,  qui 
n'en  ont  qu'une;  bona  a  formé  bonne,  donare,  donner,  et  chris- 
tiana,  chrétienne,  si  l'on  n'aime  mieux  tirer  ce  dernier  du  mascu- 
lin chrétien.  La  raison  de  tout  cela,  c'est  que  les  syllabes  dont  il 
s'agit  étaient  nasales  en  latin  ou  du  moins  ont  été  prononcées  na- 
sales chez  nous  pendant  la  formation  de  notre  langue  ;  et  c'est 
pour  conserver  dans  l'écriture  la  nasalité  entendue  qu'on  a  écrit 
homme,  femme,  donner,  chrétienne.  C'est  qu'alors  on  prononçait 
un  hon-me,  une  fan-me,  don-né,  chrétiain-ne,  etc.  Aujourd'hui 
que  nous  prononçons  avec  les  voyelles  orales  et  ouvertes  ho-me, 
fa-me,  do-né,  crétiè-ne,  etc.,  nous  nous  étonnons  à  bon  droit 
d'une  orthographe  qui  contrarie  également  l'étymologie  et  notre 
prononciation. 

«  D'autres  consonnes  ont  été  doublées  ou  dédoublées  par  des 
raisons  qu'on  peut  nommer  d'épellaiion,  parce  que  les  règles 
données  à  cet  égard  viennent  de  la  manière  dont  nous  épelons 
les  lettres  pour  les  assembler  dans  les  syllabes.  Je  prends  pour 
exemple  le  verbe  appeler,  tiré  du  latin  appellare;  il  n'a  qu'une 
seule  /,  tandis  que  le  latin  en  a  deux  ;  au  présent  de  l'indicatif 
il  reprend  les  deux  //,  Rappelle,  comme  l'indique  le  latin  ap- 
pello  ;  mais  il  en  perd  une  de  nouveau  au  pluriel ,  nous  appe- 
lons. Tout  le  monde  comprend  d'où  vient  cette  marche  singu- 


378      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  R.  JULLIEN. 

lière.  Quand  la  dernière  syllabe  est  sonore  ,  la  pénultième  est 
muette  ;  et  alors  Ve  ne  doit  être  suivi  que  d'une  consonne.  Au 
contraire,  quand  la  dernière  est  muette,  la  pénultième  est  so- 
nore; et  Fon  sait  qu'un  moyen  fort  ancien  chez  nous  de  marquer 
Ve  ouvert,  a  été  de  doubler  la  consonne  suivante,  surtout  h  l'é- 
poque où  les  accents  étaient  inusités,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  fin  du 
dix-septième  siècle.  C'est  pour  cela  qu'on  écrit  j'appelle^  eifap- 
pelleraif  et  d'un  autre  côté  appelant  et  f  appelais.  L'orthographe 
latine  n'a  eu  sur  ce  changement  qu'une  très-faible  influence,  puis- 
que nous  avons  quelquefois  mis  deux  consonnes  où  il  n'y  en  avait 
qu'une  en  latin,  comme  dans  cruelle,  venu  de  crudelis,  7nuette 
venu  de  muta,  fidèle  même,  qu'on  écrivait  fidelle  au  temps  de 
Louis  XIV,  quoiqu'il  fût  venu  directement  de  fidelis,  où  il  n'y  a 
jamais  eu  qu'une  seule  l  (i).» 

Les  considérations  émises  par  M.  JuUien  dans  la  Revue  de  l'Ins- 
truction publique  ont  trop  d'importance  pour  ne  pas  être  repro- 
duites intégralement. 

Questions  universitaires.  —  De  la  nécessité  de  quelques  réformes 
dans  l'orthographe  française. 

«  Par  un  arrêté  royal  en  date  du  25  janvier  dernier,  le  roi  des 
Belges  a  nommé  une  commission  qui  doit  s'occuper  de  ramener  à 
l'uniformité  l'orthographe  de  la  langue  flamande.  Cet  arrêté,  pris 
en  lui-même,  n'intéresse  que  ceux  qui  parlent  ou  écrivent  le  fla- 
mand ;  il  ne  nous  occuperait  donc  pas  s'il  n'était  précédé  d'un  rap- 
port du  ministre  de  l'intérieur,  dont  quelques  considérants  s'ap- 
pliquent d'une  manière  toute  spéciale  à  la  langue  française  et 
méritent  ainsi  l'attention  des  hommes  sérieux  de  tous  les  pays. 

«  Je  transcris  ces  lignes  importantes  : 

"  En  vous  faisant  cette  proposition,  Sire,  mon  intention  n'est  nullement  d'im- 
<(  poser  une  orthographe  officielle,  mais  il  importe  qu'il  y  ait  accord  entre  le 
«  système  orthographique  enseigné  dans  les  établissements  de  l'État,  et  le  sys- 
«  tème  adopté  par  les  philologues  et  les  hommes  de  lettres  qui  sont  les  seuls 
'i  juges  compétents  de  la  matière.  La  commission  dont  j'ai  l'honneur  de  proposer 
«  l'institution  aura  donc  à  continuer  l'œuvre  commencée  en  1836  et  à  recher- 
«  cher  les  moyens  d'arriver  à  l'unité  désirable.  Le  gouvernement,  après  avoir 
«  pris  connaissance  de  son  travail,  et  tout  en  respectant  la  liberté  individuelle, 

(1)  Voir  p.  403,  la  manière  dont  la  Bruyère  orthographie  ce  mot.' 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  B.  JULLIEN.      379 

c  pourra  adopter  et  préconiser,  dans  les  limites  de  ses  attributions,  les  règles 

..  établies  par  la  commission.  L'autorité  morale  de  cette  commission  suffira,  j'en 

«  ai  la  conviction,  pour  rallier  les   opinions  les  plus  divergentes  et  ramener  à 

<(  un  système  uniforme  tous  ceux  qui  s'occupent   de  la  culture  des  lettres 

K  flamandes.  » 

a  Mettez  françaises  à  la  place  de  ce  dernier  mot,  et  les  principes 
qui  ne  touchent  dans  la  proposition  belge  qu'à  un  petit  peuple  et 
à  un  petit  coin  de  terre,  vont  s'adresser  au  monde  entier.  Ils  inté- 
resseront surtout  les  Français,  dont  l'écriture  est  tellement  irré- 
gulière qu'il  n'y  a  pas  de  règle  pour  un  tiers  peut-être  de  leurs 
mots;  ou  que  les  règles,  si  l'on  consent  à  prendre  pour  régulateur 
le  Dictionnaire  de  TAcadémie,  sont  tellement  capricieuses  qu'il  n'y 
a  pas  un  homme  au  monde  qui  les  puisse  posséder. 

a  Ajoutez  qu'à  l'entrée  de  toutes  les  carrières,  et  surtout  des  car- 
rières administratives,  des  devoirs  sont  dictés  aux  aspirants  pour  s'as- 
surer de  la  connaissance  qu'ils  ont  de  Forthographe  de  leur  langue; 
qu'il  n'y  a  pas  pour  eux  d'autre  moyen  de  se  tirer  d'affaire  que  de 
connaître  par  Fusage  ou  de  savoir  par  cœur  les  mots  qui  leur  sont 
donnés  ;  et  que  si  quelqu'un  s'amusait  à  faire  entrer  dans  la  dictée 
des  mots  choisis  exprès  parmi  les  inusités,  les  juges  ne  seraient 
pas  plus  capables  de  corriger  les  copies  que  les  concurrents  de  les 
écrire  sans  faute. 

«  Cette  assertion  peut  sembler  exagérée  à  ceux  qui  n'ont  pas 
étudié  de  près  la  question.  Elle  n'est  que  rigoureusement  vraie. 
On  connaît  l'ouvrage  intitulé  :  Remarques  sur  le  Dictionnaire  de 
l'Académie,  où  feu  Pautex  relevait  les  contradictions  et  erreurs 
matérielles  qui  fourmillent  dans  cet  ouvrage.  M.  Littré,  dans  son 
Dictionnaire  de  la  langue  française,  signale  atout  moment  à  l'Aca- 
démie des  contradictions  formelles  dans  l'écriture  des  mots  dérivés 
ou  composés  des  mêmes  éléments.  On  peut  surtout  reconnaître 
l'étendue  du  mal  dans  le  volume  de  M.  Blanc  intitulé  :  Enseigne- 
ment méthodique  de  l'orthographe  d'usage  sans  le  secours  du  grec 
et  du  latin.  Cet  auteur  prend  pour  base  de  son  travail  le  Diction- 
naire de  FAcadémie;  il  n'a  aucun  désir  de  le  critiquer  ;  mais  à  pro- 
pos des  diverses  catégories  de  mots  qu'il  établit  pour  en  favoriser 
Fétude  mnémonique,  licite  les  exceptions;  et  celles-ci  sont  si  nom- 
breuses qu'on  ne  saurait  quelquefois  dire  où  est  la  règle.  J'en  citerai 
deux  ou  trois  exemples,  car  cela  vaut  mieux  pour  convaincre  les 
lecteurs  que  des  assertions  générales  comme  celles  que  je  viens 
d'écrire.  Parmi  les  substantifs  en  ment  tirés  des  verbes  en  ier  ou 


380      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  —  B.  JULLIEN. 

yer  (p.  102),  il  y  en  a  seize  qu'on  peut  écrire  avec  ou  sans  e  intérieur  : 
aboiement  et  abome?it,  etc.  ;  il  y  en  a  vingt  et  un  où  Ve  reste  tou- 
jours :  balbutiement,  etc.  ;  il  y  en  a  quatre  où  Ve  reste,  mais  pré- 
cédé de  Vy  :  délayement,  etc.;  il  y  en  a  trois  enfin  où  Ve  ne  doit 
pas  paraître  :  châtiment,  dénûment,  éternument.  Remarquez  même 
que,  de  ces  trois,  le  second  prend  l'accent  circonflexe  que  les  deux 
autres  rejettent.  Parmi  les  verbes  en  oter,  qui  sont  au  nombre  de 
quatre-vingt-quatre,  soixante  et  un  seulement  ont  un  t  simple; 
les  vingt-trois  autres  le  doublent  sans  qu'aucun  changement  dans 
le  son  ni  aucune  raison  étymologique  justifient  ce  changementd'or- 
thographe. 

«  Je  voudrais  trouver  une  liste  des  verbes  en  eter  et  eler  (1).  Je 
ne  sais  pas  précisément  combien  nous  en  avons,  mais  il  y  en  au- 
rait deux  ou  trois  cents  que  je  n'en  serais  pas  surpris.  Or  ces  verbes 
présentent  cette  particularité,  que  partout  où  la  dernière  syllabe 
est  muette,  Ve  qui  la  précède  doit  devenir  ouvert.  Cet  è  ouvert  se 
marque  soit  par  un  accent  grave  comme  dans  geler, ]Q  gèle, acheter, 
l'achète',  soit  en  doublant  la  consonne  intermédiaire  :  appeler , 
y  appelle,  jeter,  Rejette;  et  chacun  voit  déjà  combien  il  est  difficile 
de  se  rappeler,  sans  aucune  raison  déterminante,  le  choix  qu'il 
faut  faire  entre  ces  deux  orthographes.  Mais  il  y  a  plus;  pour  un 
grand  nombre  de  ces  verbes,  TAcadémie  ne  donne  pas  d'exemple 
où  le  dernier  e  soit  muet,  de  sorte  que  l'écrivain  restant  libre  de 
choisir  entre  les  deux  méthodes,  le  juge,  à  son  tour,  est  libre  de  le 
condamner,  quelque  voie  qu'il  ait  suivie. 

«  Sans  doute,  selon  l'expression  du  ministre  belge  :  «  il  n'est 
pas  du  tout  ici  question  d'imposer  une  orthographe  ofticielle,  h  cha- 
cun reste  libre  d'écrire  comme  il  lui  plaira,  à  la  seule  condition 
de  passer  pour  un  ignorant  si  son  écriture  s'écarte  trop  des  ha- 
bitudes reçues  :  mais,  dans  un  pays  comme  la  France,  où  l'admi- 
nistration étend  ses  branches  jusqu'aux  plus  extrêmes  limites,  où 
les  écritures  jouent  un  rôle  si  étendu,  selon  quelques-uns  môme 
si  exagéré,  au  moins  serait-il  bon  que  notre  orthographe  courante 
fût  soumise  à  un  système  régulier,  et  ne  dépendît  pas  unique- 
ment du  caprice  de  quelques  académiciens,  si  ce  n'est  plutôt, 
comme  on  Pa  dit  avec  raison,  de  celui  des  correcteurs  de  Tim- 
primerie  où  le  dictionnaire  est  mis  sous  presse. 

«  Notez  que  ce  dont  il  s'agit  ici  s'est  déjà  fait  ailleurs.  L'Italie 

(1)  Voir  le  Code  orthographique  de  M.  Hetrel,  p.  219  et  224. 


b 


LA  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEK.      381 

a  un  système  d'orthographe  qui  ne  laisse  à  peu  près  aucune  iiésita- 
tion  à  qui  entend  prononcer  un  mot;  l'Académie  espagnole  a  fait 
le  môme  travail  sur  sa  langue.  Tout  le  monde  reconnaît  aujour- 
d'hui l'immense  avantage  de  ce  changement  à  l'ancienne  coutume  : 
en  a-t-on  pu  montrer  un  seul  inconvénient,  si  petit  qu'il  fût?  Non, 
il  en  serait  d'un  système  régulier  d'orthographe  comme  de  notre 
système  métrique,  comme  des  billets  de  banque  de  cent  francs 
et  des  coupures  inférieures  qu'on  va  nous  donner.  Avant  l'es- 
sai, il  se  trouve  quantité  de  gens  pour  s'effrayer  des  malheurs 
que  ces  créations  vont  amener;  et  Ton  s'étonne  quand  elles  sont 
accomplies  qu'elles  n'aient  fait  que  du  bien  et  que  personne  n'ait 
songé  à  s'en  plaindre. 

«  Je  sais  que  chez  nous  toutes  les  fois  qu'il  est  question  d'une 
réforme  orthographique,  on  se  figure  une  tentative  comme  celle 
qui  fut  faite  en  1829,  sous  la  direction  de  M.  Marie,  par  une  frac- 
tion de  la  Société  grammaticale  de  Paris.  Cette  écriture,  dont  les 
modèles  se  trouvent  dans  le  petit  volume  intitulé  Appel  aux  Fran- 
çais^ fut  reproduite  alors  dans  tous  les  journaux,  et  la  proposition 
succomba  bientôt  et  justement  sous  le  ridicule,  parce  que  c'était, 
non  pas  une  réforme,  mais  un  renversement  total  de  notre  manière 
d'écrire. 

«  Une  réforme  est  tout  autre  chose.  Elle  se  compose  de  modi- 
fications, fort  peu  sensibles  quand  on  les  prend  une  à  une,  et 
qui  toutes  ensemble  produisent  pourtant  une  différence  notable. 
J'ouvre  la  grammaire  de  Régnier  des  Marais,  imprimée  en  1706, 
mais  qui  représente  l'orthographe  du  dix-septième  siècle:  je  trouve 
en  quelques  lignes  auroit\  que  nous  écrivons  aujourd'hui  aurait  \ 
celuy,  et  nous  mettons  celui;  receu  où  nous  mettons  reçu;  desja,  où 
nous  mettons  déjà;  esté,  pour  été  ;  cy-dessus^  i^our ci-dessus,  etc.  (1). 
Tous  ces  mots  ont  subi  la  réforme  :  y  a-t-il  quelqu'un  qui  le  re- 
grette aujourd'hui  ?  Et  qu'on  se  garde  bien  de  croire  que  cette  ré- 
forme se  soit  arrêtée  depuis  ;  elle  a  continué  sa  marche  insensible, 
mais  constante.  Au  commencement  de  ce  siècle,  on  écrivait  ap- 
percevoir,  agyréger,\esenfms;  nous  écrivons  apercevoir,  agréger, 
les  enfants,  etc.  Et  dans  vingt  ans,  sans  doute,  on  écrira  beaucoup 
de  mots  autrement  que  nous  ne  le  faisons. 

c(  11  ne  faut  donc  pas  croire  qu'une  réforme  soit  toujours  une 
révolution,  ni  la  condamner  par  cela  seul.  Cette  façon  de  se  jeter 

(1)  Voir  plus  liairt,  p.  256. 


382      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN. 

dans  les  extrêmes  empêche  d'apprécier  avec  équité  les  proposi- 
tions nouvelles  et  de  comprendre  ce  qu'elles  ont  d'avantageux. 
En  fait,  ceux  qui  ont  voulu  maintenir  envers  et  contre  tous  ré- 
criture ancienne  comme  le  faisait  Régnier  des  Marais  à  la  fin  du 
dix-septième  siècle,  et  ceux  qui  ont  voulu  la  sacrifier  entièrement 
à  la  prononciation,  comme  au  seizième  siècle  Ramus,  Meigret, 
Pelletier,  comme  Domergue  en  i805  dans  son  Manuel  des  étran- 
gers amateurs  de  la  langue  française,  ou  en  1829  les  auteurs  de 
V Appel  aux  Français^  ne  devaient  avoir  et  n'ont  eu  aucun  succès. 
Ces  derniers  faisaient  rire  à  leurs  dépens,  et  avec  raison,  parce 
qu'ils  écrivaient  un  jargon  qu'on  ne  pouvait  comprendre  ;  ceux-là 
dans  le  temps  même  qu'ils  soutenaient  le  z  comme  marque  du 
pluriel  après  les  e  fermés,  les  beautez,  les  trépassez,  ou  la  distinc* 
tion  nominale  de  1'?'  voyelle  et  de  1'/  consonne,  de  Vu  voyelle  et 
de  Vu  consonne,  voyaient  s'introduire  d'une  part  lej  et  le  v  qui 
supprimaient  leur  distinction,  de  l'autre  les  accents  qui  permet- 
taient d'écrire  avec  une  5  les  beautés,  les  trépassés. 

((  Mais  si  les  uns  et  les  autres  se  perdaient  dans  des  propositions 
insensées  et  impraticables,  les  grammairiens  philosophes  deman- 
daient tout  simplement  que  les  changements  inévitables  de  notre 
orthographe  fussent  dirigés  par  des  règles  fondées  sur  la  raison, 
au  lieu  d'être  abandonnés  aux  caprices  de  l'usage.  DuMarsais  pro- 
posait de  dédoubler  les  consonnes  doubles  quand  elles  ne  se  pro- 
nonçaient pas  et  qu'elles  contrariaient  Tétymologie.  11  écrivait 
home,  de  homo,  doner,  de  donare,  persone,  de  persona,  et  de  même 
anciène,  naturèle,  d'après  les  masculins. 

«  Duclos  allait  un  peu  plus  loin  que  Du  Marsais.  Il  retranchait 
une  des  consonnes  doublées  quand  elle  ne  se  prononçait  pas, 
quelle  que  fût  l'étymologie.  Il  écrivait  donc  ocasion,  comun^ 
corigtry  malgré  le  latin  occasio,  communis,  corrigerez  et  cette 
suppression  n'a  rien  qui  doive  effrayer  :  car  l'étymologie  est  suf- 
fisamment indiquée  par  une  seule  consonne,  d'autant  plus  que, 
dans  les  composés  surtout,  la  première  n'est  pas  une  lettre  radi- 
cale, mais  unfe  lettre  changée  le  plus  souvent  par  euphonie.  Dans 
occasio^  oc  est  pour  oh  ;  dans  corrigerez  cor  est  pour  cum;  et  ainsi 
le  double  c,  le  double  r,  nous  représentent  non  pas  une  étymologiè 
téelle,  mais  une  habitude  reçue  chez  les  Latins,  qui  n'a  jamais 
existé  chez  nous,  et  que^  par  conséquent,  nous  n'avons  aucune  rai- 
son de  maintenir. 
«  Il  en  est  de  même  des  nasales  doublées  au  féminin  de  nos  ad- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN.  383 
jectifs  ou  dans  nos  verbes,  comme  bon,  bonne,  ancien,  ancienne, 
don,  donner,  qui  représentaient  autrefois  une  prononciation  nasale, 
laquelle  subsiste  encore  chez  quelques  vieillards,  chez  ceux  surtout 
qui  ont  vécu  longtemps  dans  la  province.  Bonne,  ancienne  et  tous 
les  autres  féminins  analogues,  se  prononçaient  comme  le  masculin 
suivi  de  la  négation  ne,  bon  ne,  ancien  ne  ;  et  c'était  pour  peindre 
ce  son  nasal  qu'on  avait  doublé  Vn,  Donner  se  prononçait  de  même 
don  né;  homme,  on  me;  femme,  fan  me.  Dans  nos  adverbes  en 
mment,  savamment,  prudemment,  le  son  du  masculin  était  aussi 
conservé;  on  entendait  savant  ment,  prudent  ment,  comme  gram- 
maire se  prononçait  grand'inère,  ainsi  que  le  montre  le  mot  de 
Martine  dans  les  Femmes  savantes.  Dans  ces  conditions,  le  dou- 
blement de  Vn  ou  de  Vm  était  rationnel;  il  est  déraisonnable  au- 
jourd'hui que  nous  avons  renoncé  à  cette  prononciation  nasale 
si  multipliée  dans  notre  ancienne  langue;  et  puisque  nous  di- 
sons bone,  anciène,  savament,  prudament ,  ne  serait-il  pas  conve- 
nable de  supprimer  le  signe  d'urie  nasalité  qui  existait  autrefois, 
qui  n'est  plus  aujourd'hui  et  ne  se  rattache  d'ailleurs  à  rien  du 
tout? 

c(  Duclos  substituait  encore  des  fei  des  t  simples  aux ph  et  th. 
Il  écrivait  fantaisie,  fantôme,  frénésie,  trône,  trésor,  au  lieu  de 
phantaisie,  phantôme,phrénésie,  thrône,  thrésor.  Ces  changements 
sont  maintenant  adoptés  partout  ;  et  il  faut  bien  reconnaître  que 
personne  ne  s'en  plaint.  L'usage  a  résisté  pour  philosophie,  phy- 
sique, diphthongue  et  beaucoup  d'autres.  Mais  les  exemples  précé- 
dents font  facilement  prévoir  un  temps  où  l'on  étendra  Pemploi 
des  mêmes  signes  à  toutes  les  choses  semblableSà 

«  Les  terminaisons  en  ant  eient  sont  très-communes  chez  nous; 
elles  ont  avec  le  même  son  la  même  signification.  Aussi  Dangeau 
avait-il  pris  le  parti  de  les  écrire  sans  exception  par  ant;  et  j'avoue 
que  quand  Ve  n'est  pas  une  lettre  radicale,  je  ne  vois  aucune  raison 
pour  le  préférer  à  Va.  Ainsi  tous  nos  participes  présents  s'écri- 
vent par  a,  qu'ils  viennent  de  participes  latins  en  ans  ou  en  ens^ 
Scribeîis  nous  a  donné  écrivant,  comme  amans  nous  a  donné  ai- 
mant, eipr3esidens,présidant.U.3i\si^our  ce  dernier  et  une  quaran- 
taine d'autres,  il  faut  bien  distinguer  :  le  mot  est-il  participe  ?  est-il 
substantif?  est-il  simple  adjectif?  Le  sens  fondamental  est  toujours 
le  mêmej  l'orthographe  diffère.  Dans  le  premier  cas  seulement  on 
met  un  a,  dans  les  autres  c'est  un  e.  Ainsi  un  sénateur  présidant 
une  assemblée  en  est  par  cela  même  le  président  :  mais  il  faut 


384       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEJN. 

écrire  ce  même  moi  de  deux  manières  ;  comme  des  ruisseaux  af- 
fluant dans  une  rivière^  el  qui  en  sont  les  affluents.  Je  serais  bien 
obligé  à  qui  me  donnerait  une  bonne  raison  de  cette  irrégularité 
gratuite.  Du  moins,  dira-t-on,  absurde  ou  sensée,  cette  règle  est 
générale.  Non  pas  du  tout  :  gérant  est  le  participe  de  gérer  ;  ré- 
pondant  celui  de  répondre;  et  quand  vous  prenez  ces  mots  subs- 
tantivement, vous  les  écrivez  de  même,  un  gérant  ,  un  répon- 
dant, etc.,  quoiqu'ils  se  rattachent  comme  les  précédents  à  des 
participes  latins  en  ens,  gerens,  respondens.  Rien  n'y  manque  donc; 
la  règle  en  elle-même  est  insensée  comme  celle  qui  nous  fait 
indiquer  certains  pluriels  par  Yx  au  lieu  de  Vs  ;  quelle  qu'elle  soit, 
on  a  trouvé  le  moyen  d'y  mettre  des  exceptions^  sans  autre  résultat 
que  d'augmenter  la  difficulté  de  l'étude. 

((  Beauzée,  qui  fut  comme  Duclos  de  TAcadémie  française  et  qui 
voulait  aussi  introduire  dans  notre  orthographe  des  réformes  uti- 
les, mettait  au  premier  rang  pour  cet  objet  le  juste  emploi  des 
signes  orthographiques,  c'est-à-dire  des  accents,  de  l'apostrophe, 
du  tréma,  de  la  cédille,  du  trait  d^union.  Il  ne  s'agissait  pour 
lui  que  d^en  étendre  et  d'en  régulariser  l'usage;  et  il  a  donné 
un  exemple  aussi  utile  qu'ingénieux  de  l'emploi  qu'on  en  pou- 
vait faire,  quand  il  a  proposé  de  mettre  une  cédille  sous  le  t,  pro- 
noncé comme  Vs,  dans  minutie,  portion,  ambitieux,  etc.  N'est-il 
pas,  en  effet,  un  peu  honteux  pour  notre  écriture  que  nous  ayons 
tant  de  mots  qui  s'écrivent  de  même  et  se  prononcent  différem- 
ment? des  inventions  et  nous  inventions;  un  négligent  et  \h  négli- 
gent; tu  as  et  un  an;  arguer,  tirer  un  argument,  et  arguer ,  terme 
de  tireur  d'or,  faire  passer  l'or  et  l'argent  dans  Targue.  Et  chose 
curieuse  !  nous  n'avons  par- devers  nous  aucun  moyen  de  les  faire 
distinguer.  Un  signe  orthographique  mis  à  propos  suffirait  souvent 
à  dissiper  toute  indécision  ;  et  il  était  impossible  d'en  trouver  un 
plus  convenable  pour  indiquer  le  son  sifflant  dans  le  t,  que  celui 
qui  indique  le  même  son  dans  le  c. 

«  Beauzée,  à  l'aide  du  même  signe,  résolvait  une  autre  difficulté 
de  notre  orthographe.  Le  son  chuintant  de  chat,  cher,  chien,  etc., 
s'exprime  chez  nous  par  le  digramme  ch.  Ce  digramme,  à  son  tour, 
représente-t-il  toujours  le  son  chuintant  fort?  Hélas!  non:  archange, 
Chersonnèse,  chirographaire,  archiépiscopal, chrétien,  chlamide,  Ba- 
ruch,  Munich,  etc.,  doivent  être  prononcés  comme  s'il  y  avait  un  k  : 
arkange,Kersonnèse,kirographaire,  etc.Beauzée  proposait  donc  de 
conserver  le  ch  ordinaire  pour  ce  dernier  cas  ;  et  puisque  le  son 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN.      385 

chuintant  est  une  espèce  de  son  sifflant^  de  le  marquer  avec  un  c 
CL'dille  :  chat,  cher,  chien. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  les  règles  de  Du  Marsais  et  de  Duclos  et  le 
bon  emploi  des  signes  orthographiques  recommandé  par  Beauzée 
seront  nécessairement  la  base  de  toute  réforme  rationnelle,  c'est- 
à-dire  où  l'on  voudra  conserver  dans  récriture  les  analogies  d'i- 
dées indiquées  par  les  lettres  semblables  dans  les  familles  des 
mots,  et  en  même  temps  se  rapprocher  de  la  prononciation,  comme 
on  a  toujours  cherché  à  le  faire. 

«  Il  serait  bien  à  désirer  que  l'Académie  française  se  fût  dès 
longtemps  occupée  de  cette  partie  importante  de  ses  attributions. 
Malheureusement  elle  s'est  bornée  à  recueillir  les  faits  ou,  comme 
elle  le  dit,  à  constater  Fusage,  sans  même  examiner  toujours 
si  cet  usage  était  bon.  D'un  autre  côté,  quoiqu'elle  ait  eu  dans 
son  sein  la  plupart  de  nos  bons  grammairiens,  Régnier  des  Marais, 
Dangeau,  Girard,  Duclos^  Condillac,  Beauzée,  de  Tracy,  Silvestre 
de  Sacy  et  même  Domergue,  si  on  peut  le  compter,  les  questions 
purement  grammaticales  l'ont  fort  peu  intéressée;  et  c'est  à  cela 
qu'on  doit  en  partie  les  fautes  considérables  qu'elle  a  laissé  sub- 
sister dans  son  livre,  et  que  M.  Littré,  dans  le  sien,  a  trop  souvent 
l'occasion  de  relever. 

«  Pour  en  citer  quelques  exemples  (car  les  lecteurs  de  cette  Re- 
vue savent  combien  je  déteste  les  lieux  communs  et  les  accusations 
générales  sans  preuves  à  l'appui),  si  l'Académie  eût  obéi  aux  inspi- 
rations de  la  science,  aurait-elle  toléré  des  mots  aussi  mal  écrits  que 
dessiller,  qui  vient  de  cil  et  devait,  par  conséquent,  s'écrire  décillerl 
que  forcené,  qui  semble  ici  venir  de  force,  tandis  qu'il  est  fait  de 
fors  et  de  sens  (hors  de  sens),  et  devait,  par  conséquent,  s'écrire 
for  séné  (1)?  que  contraindre,  qui  comme  astreindre,  étreindre, 
restreindre,  vient  du  latin  stringere  ou  de  son  composé,  et  devait, 
comme  tous  les  autres  mots  de  la  même  famille,  s'écrire  par  un 
e  et  non  par  un  a  ?  qu'enfreindre  qui  devait  au  contraire  s'écrire 
par  un  a,  puisqu'il  se  rattache  à  frangere  et  que  dans  toute  sa  fa- 
mille on  voit  cet  a  reparaître,  fraction,  infraction,  effraction^ 
diffraction,  réfraction,  frange,  réfrangihlel 

«  L'Académie  française,  prise  en  corps,  n'offre  donc  aucune 
garantie  quant  à  la  bonne  écriture  des  mots  ;  mais  une  commission 

(1)  En  1420  Firmin  le  Ver  écrit  dans  son  Dictionnaire  aux  mots  AmeiNtia  : 
Forsenerie  ;  Amens  :  Hors  de  sens  ;  Furialiter  :  Forseneement. 


380       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIKN. 

dans  le  genre  de  celle  qu'a  établie  le  roi  des  Belges,  dans  laquelle 
entreraient  naturellement  d'ailleurs  tous  les  académiciens  qui 
s'occupent  du  Dictionnaire,  en  compagnie  avec  d'autres  savants  qui, 
comme  M.  Le  Clerc,  M.  Littré,  M.  Ampère,  aujourd'hui  si  regretté, 
se  sont  profondément  occupés  de  la  langue  française,  proposerait 
certainement  un  système  rationnel,  dont  le  résultat  immédiat  serait 
de  faire  écrire  correctement  tous  ceux  qui  sauraient  la  grammaire, 
et  subsidiairement  de  maintenir  la  langue  dans  sa  pureté  par  l'in- 
fluence réciproque  de  l'écriture  et  de  la  prononciation. 

«  J'ai  entre  les  mains  des  ouvrages  d'hommes  qui  enseignent  le 
français  à  l'étranger  :  il  est  facile  de  voir  que  leur  prononciation 
n'est  pas  du  tout  celle  du  français  de  notre  époque;  et  comment 
le  serait-elle?  ils  n'ont  pour  se  guider,  en  dehors  de  l'usage  et  de 
la  conversation  qui  leur  manquent,  qu'une  écriture  fautive,  char- 
gée de  lettres  parasites  qu'ils  croient  devoir  être  prononcées  et  qui 
sont  en  effet  muettes.  C'est  là  le  défaut  qu'un  bon  système  d'or- 
thographe devrait  faire  disparaître.  Sans  doute  il  ne  donnerait  pas, 
soit  aux  étrangers,  soit  aux  provinciaux,  la  prononciation  si  déli- 
cate et  si  douce  de  la  bonne  compagnie  française  ;  mais  en  con- 
servant soigneusement  toutes  les  lettres  caractéristiques  de  l'éty- 
mologie  ou  des  familles  des  mots  et  celles  qui  indiquent  leurs 
relations  grammaticales,  il  écarterait  les  signes  qui  ne  signifient 
rien  ou  signifient  le  contraire  de  ce  qu'ils  devraient  indiquer.  De 
là  ce  double  avantage,  que  la  prononciation  serait  représentée 
exactement  sinon  dans  ses  finesses,  au  moins  dans  son  ensemble, 
et  que  les  changements  que  le  temps  y  introduit  sans  cesse  et  qui 
altèrent  la  langue  malgré  nous,  seraient  sensiblement  ralentis  une 
fois  qu'on  aurait  dans  les  livres  imprimés  un  type  partout  accepté 
de  la  prononciation  normale.  » 

En  rendant  compte  de  mon  premier  écrit  sur  l'orthographe  (1), 
M.  JuUien  a  résumé  les  idées  qu'il  a  développées  dans  ses  divers 
écrits.  Voici  article  par  article  les  points  qu'il  a  touchés  : 

I.  Il  déclare  en  principe  qu'il  est  impossible  de  figurer  exacte- 
ment la  prononciation  avec  notre  alphabet  incomplet  et  que,  du 
reste,  il  faut  respecter  l'étymologie. 

Je  ne  crois  pas  possible  de  rien  changer  à  notre  système  alpha- 
bétique ;  il  faut  se  borner  à  tirer  le  meilleur  parti  de  ce  que  nous 
avons. 

(1)  Revue  de  V Instruction  publique,  12  et  19  mars  1868,  nos  50  et  ôl. 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN.      387 

H.  M.  Jullien  ne  partage  pas  l'avis  des  néographes  d'écrire  de  la 
manière  suivante  les  mots  pindre,  pintre,  pinture,  astrindre,  res- 
trindre,  findre  (J),  etc.,  à  cause  des  participes  présents  et  leurs 
dérivés,  où  le  son  in  se  change  en  ei.  Cependant,  les  partisans  de 
l'écriture  étymologique  devraient  désirer  cette  modification  qui 
rapprocherait  davantage  ces  mots  de  leurs  primitifs  latins.  Je  crois 
qu'il  n'y  aurait  pas  d'inconvénient  d'adopter  l'orthographe  con- 
forme à  la  prononciation,  d'autant  qu'elle  s'accorderait  avec  l'é- 
tymologie  et  les  dérivés,  comme  astriction,  astringent^  restriction, 
fiction  y  fictif ,  etc.  Cette  raison  me  paraît  préférable  au  désir  de 
maintenir  la  concordance  avec  quelques  formes  parfois  irrégu* 
Hères  dans  leurs  terminaisons,  comme  les  adjectifs  verbaux  com- 
parés aux  participes  présents  et  aux  temps  des  verbes.  Or,  on  sait 
que  la  permutation  des  sons  se  présente  assez  fréquemment.  On 
écrit  faire  et  je  ferai,  voir  et  je  verrai^  boire  et  buvons,  venir  et 
viendrons,  je  crois  et  nous  croyons,  joindre  ei  jonction  (2),  et  on 
emploie  pour  chaque  son  le  signe  qui  lui  est  propre  :  on  pourrait 
donc  écrire  Je  pins,  et  7ious  peignons,  je  fi.7is  et  nous  feignons.  Du 
reste,  ce  n'est  qu'une  affaire  de  convention.  Si  Pon  persistait  à 
conserver  partout  la  voyelle  e,  on  devrait  la  mettre  alors  dans  les 
adjectifs  et  les  substantifs  correspondants  et  écrire  exteinction, 
astreingent,  exteinguible.  D'un  autre  côté,  puisqu'on  écrit  con- 
traindre,  craindre,  plaindre  (il  faudrait  y  ajouter  encore  en- 
fraindre,  venu,  de  frangere),  on  pourrait  aussi  régler  l'orthographe 
de  ces  verbes  en  substituant  partout  ain  à  ein  et  in  et  écrire  uni- 
formément paindre ,  painture ,  astraindre ,  faindre,  joaindre,  ad^ 
joaindre  comme  le  fait  Firmin  Le  Ver  dans  son   Dictionnaire 
latin- français,  sans  aucune  exception. 

m.  M.  iuUien  juge  trop  sévèrement  ma  proposition  relative  à 
la  distinction  du  g  dur  d'avec  le  g  devant  les  voyelles  e  et  i.  11  en 
avait  émis  une,  moins  pratique,  à  mon  avis.  Il  propose  de  suppri- 
mer la  boucle  supérieure  du  g  romain  (g)  chaque  fois  que  cette 
consonne  doit  conserver  le  son  dur.  Or,  cette  boucle  est  trop  peu 
apparente  pour  bien  distinguer  l'une  des  formes  du  g,  et  comme 
elle  se  casse  facilement  sous  presse,  il  en  résulterait  de  fré- 
quentes confusions. 
M.  Jullien  a  exprimé  le  désir  de  voir  étendre  l'emploi  de  la  cé- 

(1)  C'est  l'orthographe  qu'a  réguUèreraent  suivie  Jacques  Dubois  (Sylvius). 

(2)  Pourquoi  donc,  en  vue  d'une  régularité  chimérique,  n'écrit-on  pas  joinc- 
tion,  où  Vi  resterait  muet  comme  il  l'est  dans  poignard,  empoigner,  oignon? 


388      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLIEN. 

dille  sous  le  c  à  tous  les  cas  où  cette  dernière  a  le  son  chuintant, 
et  par  conséquent  devant  les  voyelles  e,  i,  y;  mais,  par  une  sin- 
gulière contradiction,  il  trouve  que  la  présence  de  Ve  muet  après 
le  g  indique  suffisamment  que  cette  consonne  s'écarte  de  la  pro- 
nonciation ordinaire,  sans  tenir  compte  que  cet  e  muet  joue  le 
même  rôle  après  le  c.  Pourquoi  donc  a-t-on  préféré  d'écrire  com- 
mençons, au  lieu  de  commenceons,  si  ce  n'est  pour  simplifier  l'or- 
thographe, et,  par  conséquent,  pourquoi  ne  chercherait-on  pas  à 
éliminer  le  même  e  euphonique  après  le  ^?  La  cédille  ne  pou- 
vant pas  être  appliquée  à  une  lettre  à  jambage  inférieur,  il  faut 
recourir  à  un  autre  moyen,  et  je  pense  que  le  g  italique,  proposé 
par  moi  dans  la  première  édition  de  cet  ouvrage  n'est  pas  une 
nouvelle  figure,  comme  le  qualifie  M.  Jullien,  et  qu'il  serait  tou- 
jours préférable  à  son  g  sans  boucle.  D'ailleurs,  pour  établir  une 
distinction  plus  apparente  encore,  surtout  pour  le  manuscrit, 
je  me  range  définitivement  à  l'opinion  de  de  Wailly  et  je  propose 
le^  ordinaire  surmonté  d'un  point,  ^*dont  l'aspect  rappelle  le  7. 
IV  et  XVII.  Je  ne  saurais  approuver  la  proposition  de  M.  Jullien 
de  mettre  une  cédille  sous  le  c  dans  le  digramme  ck  pour  distin- 
guer ainsi  le  son  français  du  ch,  c'est-à-dire  le  son  chuintant  dans 
les  mots  cheval,  chariot,  au  lieu  de  cheval,  chariot  en  opposition 
aux  mots  archiépiscopal,  chronologie,  etc. 

Pour  remédier  à  ces  irrégularités,  j'ai  indiqué  (p.  35  à  38)  un 
système  très-simple,  appuyé  sur  les  modifications  déjà  accomplies. 
Il  consiste  à  ranger  le  petit  nombre  de  ces  mots  les  uns  dans  la 
série  des  mots  comme  caractère,  carte,  écrits  autrefois  charactère 
et  charte,  les  autres  dans  la  série  ch,  en  adoptant  pour  ce  digramme 
la  prononciation  française  :  on  continuerait  donc  à  écrire  archié- 
piscopal, mais  on  le  prononcerait  comme  archidiacre.  De  cette 
manière  toute  difficulté  disparaîtrait. 

La  préoccupation  constante  de  M.  JuUien  est  de  conserver  Fideu- 
tité  graphique  avec  le  radical  à  tous  les  mots  de  la  même  famille  ; 
c'est  pourquoi  il  trouve  qu'il  vaudrait  mieux  écrire  monarchie,  mo- 
narche,  au  lieu  de  monarchie,  monarque.  Il  soutient  avec  raison  que 
l'écriture  concourt  à  fixer  la  prononciation,  mais  il  ne  faut  pas  en- 
tendre, par  ce  mot  fixer,  la  consécration  d'une  prononciation  vi- 
cieuse qui  n'est  pas  justifiée  par  les  lois  de  Peuphonie  française. 
Rien  ne  s'opposerait  à  prononcer  chirographe,  archétype,  comme 
on  prononce  chirurgien,  archiduc,  d'autant  plus  que  les  mots  de 
cette  catégorie  sont  d'un  usage  restreint,  et  que  quelques-uns 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  B.  JULLïEN.      389 

d'entre  eux  sont  déjà  prononcés  à  la  française.  Si,  d'un  autre  côté, 
le  changement  de  la  prononciation  élait  contraire  à  Peuphonie, 
comme  celle  de  monarquique  au  lieu  de  monarchique,  tacliquien 
au  lieu  de  tacticien,  pourquoi  alors  ne  pas  conformer  récriture  à 
la  prononciation?  Pourquoi,  en  vue  d'une  régularité  superficielle, 
compliquer  les  difficultés  inévitables  de  la  lexicographie? Et  remar- 
quons encore  que  cette  soi-disant  régularité  ne  pourrait  pas  s'é- 
tendre à  toutes  les  familles  de  notre  langue;  elle  ne  serait  donc  que 
partielle.  La  permutation  des  consonnes  est  commune  à  toutes  les 
langues,  et  elle  est  très-logique.  Nous  prononçons  mécanique  et 
mécanicien,  car  mécaniquien  est  impossible  ;  devrions-nous  pour- 
tant écrire  mécaniche  pour  conserver  le  c  radical?  La  complète 
identité  du  dérivé  avec  le  radical  étant  souvent  impossible  dans 
la  prononciation,  il  ne  semble  pas  rationnel  de  la  désirer  dans 
l'écriture. 

V.  L'opinion  de  M.  Jullien  sur  l'emploi  du  tréma  est  très-juste, 
mais  seulement  pour  un  nombre  restreint  de  cas,  comme  dans  les 
mots  arguer  pour  le  distinguer  de  arguer;  Guïse  en  opposition  à 
guise,  etc.  Quant  aux  mots  équitatio?i,  équestre,  quiétude  en  op- 
position à  inquiétude,  anguille  en  opposition  à  aiguille,  c'est  leur 
prononciation  plutôt  que  leur  orthographe  qui  devrait  être  régula- 
risée, et  je  crois  qu'avec  le  temps  l'usage  en  fera  justice,  d'autant 
que  la  tendance  de  prononcer  qu  comme  k  et  ui  comme  i  se 
manifeste  de  plus  en  plus.  La  présence  du  tréma  ne  serait  qu'un 
obstacle  à  une  régularisation  progressive. 

Il  en  est  de  même  pour  les  noms  propres  venus  de  l'hébreu  et 
terminés  en  am,  comme  Adam,  Abraham,  Balaam,  etc.,  dont  la 
finale  est,  par  une  singulière  bizarrerie,  nasale  dans  Adam  et  so- 
nore dans  Abraham.  L^usage  en  rendra  la  prononciation  uniforme. 

VI.  M.  Jullien  propose  d'introduire  le  trait  d'union  dans  les 
mots  de-sus,  de-sous,  di-syllahe,  dys-entérie.  Cette  opinion,  tout  en 
étant  logique  et  conforme  à  la  prononciation,  me  paraît  difficile  à 
être  mise  en  pratique,  vu  la  tendance  générale  de  toutes  les  langues 
à  réunir  en  un  seul  les  mots  composés,  ce  qui  évite  la  difficulté  de 
les  écrire  au  pluriel. 

VIL  La  différence  qu'il  établit  dans  la  prononciation  de  la  di- 
phthongue  ai  dans  je  bois  et  du  bois,  etc.,  me  paraît  trop  faible 
pour  nécessiter  l'accent  dans  je  b&is  et  autres  mots  semblables. 

VIIL  La  substitution  de  l'accent  grave  à  l'accent  circonflexe  dans 
les  mots  extrême,  thème,  suprême  ne  me  semble  pas  indispensable. 


390      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ~  B.  JULLTEN, 

L'accent  circonflexe  suffit  très-bien  à  la  fonction  de  marquer  les 
voyelles  à  la  fois  longues  et  toniques. 

IX.  L'addition  d'une  apostrophe  placée  devant  Vh  quand  elle 
n'est  pas  aspirée  serait  une  innovation  utile,  mais  il  serait  préfé- 
rable de  supprimer  cette  h  du  moment  où  elle  n'indique  aucune 
aspiration  :  c'est  ainsi  que  Corneille  écrit  alte,  où  nous  avons  au- 
jourd'hui une  forte  aspiration,  et  que  le  mot  aleine,  du  latin  hali- 
tus,  est  écrit  dans  le  manuscrit  de  Le  Ver. 

X  et  XI.  Il  blâme  avec  raison  les  phonographes  qui  voudraient 
voir  les  mots  bateau,  chapeau,  écrits  comme  zéro,  et  il  fait  obser- 
ver que  l'écriture  correcte  de  dessiller  et  forcené  est  déciller,  for- 
séné  {fors  ou  hors  de  sens), 

XII.  M.  Jullien  pense  comme  moi  que  la  difficulté  de  distinguer 
les  désinences  en  ant  et  en  ent  devrait  engager  à  adopter  la  forme 
ant  pour  tous  les  participes,  adjectifs  et  substantifs  verbaux. 
«C'est,  dit-il,  un  labyrinthe  perpétuel  où  il  est  impossible  de 
trouver  un  fil  pour  se  guider.  » 

XIII.  Il  voudrait  qu'on  écrivît  tous  les  pluriels  par  s  et  qu'on 
supprimât  les  x  qui  ont  usurpé  la  place  de  Vs.  On  écrivait  autrefois 
beautez,  dignités;  on  écrit  aujourd'hui  beautés,  dignités;  il  fau- 
drait généraliser  ce  progrès  et  écrire  heureus,  animaus,  etc. 

XIV.  Il  préfère  l'accent  grave  à  la  réduphcation  des  consonnes, 
et  voudrait  qu'on  écrivît /ap/îè/e,  jejète,  comme  on  le  fait  pour 
je  gèle,  j'achète. 

Je  suis  aussi  de  cet  avis,  mais  bien  qu'un  certain  nombre  de 
mots  soient  ainsi  écrits,  et  qu'il  conviendrait  d'en  augmenter  le 
nombre  jusqu'au  moment  où  tous  seront  écrits  uniformément, 
cependant  ce  serait  apporter,  quant  à  présent,  un  trouble  trop 
grand  aux  habitudes. 

XV.  Il  approuve  le  retranchement  des  doubles  lettres  dans  l'in- 
térieur des  mots,  lorsqu'elles  ne  sont  pas  nécessaires  pour  indiquer 
la  prononciation. 

XVL  M.  Jullien  appuie  ma  proposition  de  remplacer  les  ph  et 
les  th  par  les/"  et  les  t,  «  M.  Didot,  dit-il,  propose  d'adopter  cette 
notation  qui  n'aurait,  en  effet,  aucun  inconvénient.  Pourquoi  ne 
pas  écrire,  téorie,  téologie,  quand  on  écrit  trône,  trésor,  au  lieu 
de  thrône,  thrésor?  Pourquoi  ne  pas  écrire  fysique  quand  on  écrit 
fantaisie,  fantùmel  Voltaire  dans  son  Dictionnaire  encyclopédique 
commence  son  article  philosophie  par  ces  mots  :  «  Ècr\\ezjilosofie 
ou  philosophie  comme  il  vous  plaira.  » 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ^  B.  JULLIEN.      391 

a  n  a  bien  raison;  le  français  doit  avoir  son  orthographe  à  lui, 
indépendante  des  langues  auxquelles  il  emprunte  quelques  mots,  li 
est  déraisonnable,  si  l'on  écrit  fantôme  et  fantaisie,  par  des  f,  de 
ne  pas  écrire  de  même  diafane  et  Épifanie  qui  dérivent  également 
de  ^atvoj...  n  ne  s'agit  pas  ici  des  mots  grecs  d'où  les  mots  fran- 
çais sont  tirés,  il  s'agit  des  mots  français  entre  lesquels  se  trouve 
l'analogie  représentée  par  la  syllabe  fan  qu'il  faut  conserver  par- 
tout la  même,  puisque  c'est  elle  qui  exprime  Tidée  principale. 

«  De  même  si  vous  écrivez  frénétique,  frénésie,  écrivez  fréno- 
logie,  Eufrosine  :  mettez,  en  un  mot,  partout  des  yh  ou  partout 
des  f.  Rien  n'est  plus  important  pour  la  régularité  des  langues  et  la 
satisfaction  de  l'esprit  que  des  règles  générales.  » 

Pour  terminer  cet  article,  dont  l'étendue  permet  de  mieux  ap- 
précier le  mérite  des  travaux  de  M.  Jullien,  je  transcris  un  pas- 
sage important  tiré  de  ses  Principales  étymologies  de  la  langue 
française.  Il  se  rapporte  à  la  double  formation  de  nos  mots: 
l'une,  originale,  nationale  ;  l'autre,  imitative,  scolastique. 

«  La  raison  de  l'irrégularité  de  la  plupart  de  nos  racines,  c'est 
que  nos  mots  français  ont  été  tirés  du  latin  selon  deux  systèmes 
fort  différents.  Pour  bien  comprendre  cette  difficulté,  il  faut  se 
rappeler  que,  quand  on  prononce,  des  mots  isolés,  il  y  a  toujours 
dans  ces  mots  une  syllabe  prononcée  plus  fortement  que  les 
autres.  On  dit  que  cette  syllabe  porte  l'accent,  ou  qu'elle  est  ac- 
centuée. Chez  nous  rien  de  plus  simple  que  la  théorie  de  l'accent  : 
il  tombe  toujours  sur  la  dernière  syllabe  sonore  du  mot;  et  par 
conséquent,  lorsque  la  dernière  syllabe  est  muette,  il  recule  sur 
la  pénultième  qui  devient  aussi  la  dernière  sonore.  Dans  aimé, 
venir,  opportun,  les  syllabes  fortes  sont  mé,  nir,  iun,  les  der- 
nières du  mot,  parce  qu'elles  sont  sonores.  Dans  aimable,  attein- 
dre, ils  importunent,  les  syllabes  accentués  sont  ma,  tein,  tu,  pé- 
nultièmes dans  les  mots  donnés,  parce  que  les  dernières  sont 
muettes. 

«  La  règle  latine  n'était  pas  tout  à  fait  aussi  simple  que  chez 
nous.  L'accent  portait  en  général  sur  la  pénultième  syllabe, 
comme  dans  rosa,  lupus  ;  et  si  cette  pénultième  était  brève,  dans 
les  mots  de  plus  de  deux  syllabes,  l'accent  reculait  sur  l'antépénul- 
tième :  dominus,  concipere;  do  et  ci  étaient  ces  syllabes  fortes. 

c(  Personne  n'ignore  que,  quand  une  langue  est  prononcée,  c'est 


392      LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  R.  TUIXIEN. 

la  syllabe  accentuée  des  mots  qui  est  la  plus  apparente^  et  celle 
qui  se  conserve  le  mieux  dans  les  divers  changements  que  le  mot 
éprouve.  Il  s'ensuit  que,  quand  notre  ancienne  langue  s'est  formée 
du  latin,  c'est-à-dire  pendant  les  dix  ou  douze  premiers  siècles  de 
notre  ère,  c'est  l'accent,  ou,  si  on  l'aime  mieux,  c'est  la  syllabe 
accentuée  qui  a  joué  le  principal  rôle  dans  ce  passage.  Soient, 
par  exemple,  les  mots  latins  tabula  qui  signifie  table^  fabula  qui 
veut  dire  fable,  te^nplum  qui  veut  dire  temple^  etc.,  etc.  Si  nous 
lisons  ces  mots  à  la  française,  nous  appuyons  sur  les  dernières 
syllabes,  la  ou  plum  ;  mais  les  Latins  appuyaient  sur  les  pre- 
mières, ta,  fa,  tem  :  celles  qui  les  suivaient  ne  s'entendaient  pres- 
que pas,  et  nous  les  avons  en  effet  remplacées  par  des  e  muets, 
table,  fable,  temple. 

«  La  même  chose  se  verra  mieux  encore  sur  le  verbe  dire  venu 
du  latin  dicere,  sur  faire  venu  de  facere,  et  sur  mille  autres  que  je 
pourrais  citer  ici.  On  ne  reconnaît  pas  facilement  cette  dérivation 
quand  on  prononce  ces  mots  latins  à  la  française  :  di-cè-ré,fa-cè-ré. 
Mais  c'est  là  une  prononciation  tout  à  fait  fausse.  Les  Romains 
appuyaient  sur  di  et  sur  fa-,  les  deux  syllabes  suivantes  sonnaient 
très-peu,  à  peu  près  comme  cre  dans  sacre,  ocre,  sucre.  Il  a  donc 
suffi  d'adoucir  cette  forme  cre  en  re  pour  avoir  les  verbes  dire  et 
faire,  au  lieu  de  dicre  et  facre  ;  c'est  de  même  que  ftndere  nous  a 
donné  fendre;  légère,  lire;  solvere,  soudre;  conficere,  confire,  etc. 

«  Tant  que  le  français  s'est  formé  sur  le  latin  par  l'usage  et  la 
parole,  c'est  ainsi  qu'on  a  opéré.  Les  mots  étaient  prononcés,  l'o- 
reille seule  en  jugeait.  La  syllabe  accentuée  dominait  tout  le 
reste;  et  l'écriture  n'était  à  peu  près  rien,  puisque  ce  n'était  pas 
sur  des  mots  écrits,  mais  bien  sur  les  mots  prononcés  que  se  fai- 
saient les  changements. 

a  Mais  à  partir  du  quatorzième  siècle,  et  surtout  vers  le  quin- 
zième et  le  seizième,  les  livres  intervinrent.  Le  latin  n'était  plus 
parlé  du  tout  :  on  l'étudiait  comme  une  langue  morte  sur  des 
textes  écrits.  La  syllabe  accentuée,  n'étant  plus  entendue,  perdit 
toute  sa  supériorité  sur  les  autres,  et  les  lettres  qui  n'avaient  eu 
que  peu  de  valeur  auparavant,  en  prirent  une  plus  grande  qu'on 
ne  l'aurait  jamais  pensé,  c'est-à-dire  que  l'on  tira  alors  du  latin 
une  foule  de  mots  français,  où  l'on  conservait  aussi  fidèlement  que 
possible  l'orthographe  latine,  bien  entendu  aux  dépens  de  la  pro- 
nonciation, puisqu'on  y  déplaçait  l'accent  et  qu'on  le  portait  à  la 
ifsâîiçaise  sur  les  dernières  syllabes  des  mots  où  il  n'était  pas  na- 


LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  ^  B.  JlILLIEN.       393 

turellement.  Je  prends  pour  exemple  le  mot,  d'ailleurs  très -peu 
usité,  adminicule,  qui  s'est  formé  du  latin  adminiculum.  On  voit 
qu'en  français  la  syllabe  forte  est  Tavant-dernière  ai,  tandis  que 
chez  les  Latins  c'était  rantépénullième  ni.  Si  ce  mot  se  fût  formé 
d'après  la  langue  parlée,  il  eût  été  adminide,  comme  nous  avons 
eu  spectacle  de  spectaculum,  obstacle  de  ohstaculum,  oracle  de 
oraculum,  etc.  Comme  il  s'est  formé  de  la  langue  écrite,  on  n'a 
tenu  compte  que  des  lettres,  et  on  nous  a  donné  adminicule.  C'est 
ainsi  que  exprimere  et  imprimere  qui,  par  l'accent,  nous  avaient 
donné  épreindre  et  empreindre,  nous  ont,  par  les  lettres,  fourni 
exprimer  et  imprimer. 

((  Je  ne  donne  cet  exemple  que  pour  montrer  comment  cette 
double  origine  de  notre  langue  a  pu  augmenter  les  difficultés 
qu'il  y  avait  déjà  à  passer  d'un  idiome  à  un  autre.  On  conçoit  en 
effet  qu'ainsi  le  même  primitif  a  pu  produire  des  dérivés  diffé- 
rents ;  que,  de  plus,  des  mots  admis  pendant  les  premiers  siècles 
ont  pu  disparaître  plus  tard  et  laisser  cependant  des  traces  de 
leur  existence  premJère.  J'en  trouve  un  exemple  frappant  dans  la 
famille  de  concevoir,  décevoir,  recevoir,  etc.  Recevoir  était  autre- 
fois reçoivre,  et  ce  mot  était  très-bien  formé  de  recipere,  qui  avait 
l'accent  sur  Vi.  Beçoivre  a  disparu,  mais  le  présent  je  reçois,  le  pré- 
térit je  reç^^s  et  le  participe  reçu  se  déduisent  mieux  de  la  pre- 
mière forme  que  de  la  forme  allongée  recevoir.  Voilà  donc  des 
conjugaisons  tout  entières  qui,  rapportées  à  leur  infinitif  actuel, 
semblent  donner  la  preuve  d'une  irrégularité,  laquelle  n'existait 
pourtant  pas  dans  la  première  forme  du  langage. 

«  N'est-ce  pas  là  un  exemple  bien  remarquable  des  difficultés 
que  le  cours  des  siècles  a  successivement  ajoutées  à  l'étude  éty- 
mologique de  notre  langue?  » 

EcxGER,  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  No- 
tions élémentaires  de  grammaire  comparée.  Paris,  Aug. 
Durand,  186S,  sixième  édition,  in-12. 

Ce  savant  écrit  joint  au  mérite  de  la  clarté  celui  de  la  sobriété 
et  donne  avec  précision  l'exposé  des  faits  qui  constituent  les  rap- 
ports existant  entre  la  langue  grecque,  la  langue  latine  et  la  langue 
française.  Je  me  bornerai  à  citer  ici  ce  qui  concerne  V orthographie, 
car  M.  Egger  regrette  que  ce  mot  ait  été  défiguré  contre  toute  ana- 
logie par  le  barbarisme  orthographe. 


394       LA  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE.  -  E.  EGGER. 

«  Comme  la  langue  française^  formée  d'éléments  assez  divers, 
n'a  pas  eu  de  grammairiens  proprement  dits  avant  le  xvi^  siècle^ 
et  que  l'orlhographe  en  fut,  jusqu'à  cette  époque,  abandonnée  à 
tous  les  caprices  de  Tusage,  on  comprend  que  cette  partie  de  notre 
grammaire  soit  aujourd'hui  une  des  plus  irrégulières  et  en  même 
temps  une  des  plus  épineuses  à  réformer.  Plusieurs  auteurs  ont 
cherché  à  rapprocher  l'orthographe  française  de  la  prononciation, 
tantôt  par  des  essais  partiels,  tantôt  par  des  innovations  générales 
et  systématiques.^ Les  piremières  réfornxes^qui  sûnlles  plus  mo- 
destes, ont  eu  aussi  plus  de  succès;  les  autres,  pour  lesquelles  on 
a  inventé  le  nom  de  néographie,  ou  néograpÀiwie,  ont  toufours 
échoué;  elles  échoueront  toujours  contre  la  force  invincible  de 
l'habitude  et  contre  quelque  chose  de  plus  respectable  encore  que 
Fhabitude,  je  veux  dire  la  tradition  même  de  la  langue  française 
et  la  loi  de  ses  étymologies.  Aussi  Voltaire  a  réussi  à  faire  con- 
sacrer Tusage  de  la  diphthongue  «/pour  oi  dans  les  noms,  comme 
français,  et  dans  les  verbes,  comme  avait^  pour  exprimer  le  son 
d'un  e  ouvert;  changement  dont,  au  reste,  il  n'avait  pas  eu  la  pre- 
mière idée.  Mais  ni  Ramus  au  xvi^  siècle,  ni  Expilly  au  xvii%  ni 
l'abbé  Dangeau  au  xviii%  ni  Domergue  et  Marie  au  xix*',  n'ont 
réussi  à  faire  admettre  leurs  systèmes  de  réforme  absolue^  et  l'on^ 
prédira  facilement  le  même  échec  à  tous  ceux  quiiésliriiteront.  »  J 

M.  Egger,  lorsqu'il  écrivait  ce  passage,  n'avait  pas  connaissance 
des  transformations  successives  que  les  mots  ont  reçues  dans  les 
différentes  éditions  du  Dictionnaire  de  l'Académie.  Il  aurait  vu 
que  ce  qui  reste  à  opérer  est  peu  de  chose  comparé  à  ce  qui  a  été 
fait,  et  que  ce  qu'il  appelle  «  la  tradition  de  la  langue  française  et 
la  loi  de  ses  étymologies  »  est  en  opposition  avec  la  vraie  et  na- 
tionale tradition  de  notre  vieille  langue.  Quant  à  l'adoption  d'un 
système  de  réforme  absolue,  j'en  suis  aussi  éloigné  que  lui,  mais 
pour  tout  ce  qui  est  conforme  à  la  raison,  au  génie  de  notre  langue 
et  aux  analogies,  ije  suis  sûr  qu'il  partagera  mes  opinions,  qui 
d'ailleurs  sont  celles  de  lant  hommes  éminents  dont  j'ai  voulu 
m'appuyer  pour  donner  plus  d'autorité  à  ma  faible  voix. 


ORTHOGRAPHE  DES  AUTETTRS  CLASSIQUES.  395 


APPENDICE  E. 

J'ai  cru  devoir  eatrer  dans  ces  détails  historiques  pour  montrer 
quels  sont  les  points  sur  lesquels  se  sont  concentrés  les  efforts 
tentés  pour  la  rectification  de  l'orthographe  et  quels  sont  ceux  , 
qui  méritent  d'être  pris  en  considération.  On  a  pu  ^oir  aussi 
combien  il  serait  difficile  de  concilier  la  réforme  dite  phono- 
graphique avec  le  système  orthographique  des  langues  néo- 
latines, particulièrement  avec  notre  langue.  De  cet  examen  il 
résulte  que  notre  alphabet,  tout  incomplet  qu'il  est,  peut,  avec 
de  légères  modifications,  suffire  à  l'expression  de  tous  les  sons 
de  notre  langue. 

Abréger  et  simplifier  sont  des  besoins  impérieux  de  notre 
époque  ;  le  système  métrique  a  remplacé  l'ancien  système,  si 
compliqué  et  si  irrégulier,  de  même  que  la  numération  des 
Arabes  a  remplacé  la  pénible  numération  des  Romains.  Déjà 
même  lorsque  l'on  compare  l'orthographe  du  Dictionnaire  de 
l'Académie  de  1694  avec  celle  d'aujourd'hui,  on  voit  qu'il 
reste  peu  de  chose  à  faire  pour  compléter  l'œuvre  de  1740. 

S'il  est  regrettable  qu'en  1740,  l'Académie  française  ne  se 
soit  pas  montrée  aussi  hardie  que  le  furent  l'Académie  de  la 
Gruscaen  1612,  F  Académie  de  Madrid  en  1726,  et  le  grand  Vo- 
cabulario  portuguez  de  Goïmbre  en  1712,  qui  ont  rapproché 
l'orthographe  de  la  prononciation  autant  qu'il  était  possible 
de  le  faire  avec  notre  alphabet,  et  que,  dans  son  Dictionnaire, 
elle  se  soit  arrêtée  à  moitié  chemin,  du  moins,  en  ouvrant  la 
voie  aux  améliorations  qu'elle-même  y  a  introduites  à  chaque 
nouvelle  édition,  elle  l'a  débarrassée  des  entraves  d'un  grand 
nombre  de  lettres  inutiles  et  d'anomalies  qui  fatiguent  la 
mémoire,  rebutent  l'enfance  et  surchargent  la  grammaire  de 
règles  et  d'exceptions. 

Toute  modification  qui  ne  touche  en  rien  à  la  langue  et 


396      ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  —  MONTAIGNE. 

ne  porte  aucune  atteinte  à  nos  chefs-d'œuvre,  môme  poétiques, 
contribuera,  bien  plus  qu'on  ne  saurait  le  croire,  à  maintenir 
et  prolonger  la  vie  de  notre  idiome,  qui  n'est  que  la  simplifi- 
cation du  latin  ;  par  là  nos  chefs-d'œuvre  deviendront  de  plus 
en  plus  accessibles  à  tous. 

Quelques  autres  petites  régularisations  de  détail,  qui  ne  dé- 
rangeraient en  rien  l'ensemble  de  notre  système  orthogra- 
phique, lui  donneraient  successivement  le  degré  de  perfection 
désirable. 

Je  veux  cependant  aller  au-devant  de  cette  objection,  tant 
de  fois  répétée  à  propos  de  toute  tentative  de  réforme,  si  peu 
grave  qu'elle  soit  :  toucher  à  notre  écriture  actuelle,  c'est 
poser  une  main  profane  sur  les  œuvres  de  nos  grands  écri- 
vains et  les  trahir  en  altérant  la  forme  extérieure  qu'ils  ont 
prétendu  donner  à  leurs  pensées. 

Nos  plus  grands  écrivains  ont  abandonné  la  plupart  du 
temps  à  leurs  imprimeurs  le  soin  d'orthographier  leurs  œuvres, 
contrairement  même  à  l'écriture  de  leurs  manuscrits  ;  ceux  de 
Bossuet  et  d'autres  en  sont  la  preuve  ;  mais  les  imprimeurs 
trouvèrent  plus  commode  d'appliquer  à  tous  uniformément 
Torthographe  consignée  dans  les  éditions  successives  du  Dic- 
tionnaire de  l'Académie.  Les  exemples  suivants  prouveront 
que  les  manuscrits  de  nos  grands  auteurs  du  seizième  et 
du  dix-septième  siècle  sont  écrits  d'une  tout  autre  manière 
qu'ils  ont  été  imprimés  de  nos  jours.  Il  est  donc  regrettable, 
sous  bien  des  rapports ,  qu'on  ne  se  soit  pas  conformé  aux 
originaux  :  les  réformateurs  les  plus  hardis  y  trouveraient 
souvent  de  nombreux  arguments  en  leur  faveur  : 

Montaigne  ,  dans  son  manuscrit  autographe  des  Essais  con- 
servé à  la  bibliothèque  de  Bordeaux,  adopte  l'orthographe 
suivante  : 

«  Nous  devons  la  subjection  et  l'obéissance  esgalement  à  tous 
roys,  car  elle  regarde  leur  office;  mais  Testimation  non  plus  que 


ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  LA  FONTAINE.    3U7 

Taffection,  nous  ne  la  devons  qu'à  leur  vertu.  Douons  à  Tordre  po- 
litique de  les  souffrir  patiammant  indignes,  de  celer  leurs  vices, 
d'aider  de  notre  recomandation  leurs  actions  indifférentes,  pen- 
dant que  leur  autorité  a  besoing  de  nostre  appuy;  nfiais  nostre 
commerce  fini,  ce  n'est  pas  raison  de  refuser  à  la  justice  et  à  nostre 
liberté  Texpression  de  nos  vrays  ressentimans\  et  nommeemant  de 
refuser  ans  bons  subjets  la  gloire  d'avoir  reverrammant  et  fidèle- 
mant  servi  un  maistre,  les  imperfections  duquel  leur  estoint  si  bien 
conues. 

((  J'honore  le  plus  ceux  que  j'honore  le  moins;  et,  où  mon  âme 
marche  d'une  grande  aleigresse,  j'oublie  les  pas  de  la  contenance. 

((  A  bienveigner,  à  prandre  congé,  à  remercier,  à  saluer,  à 
presanier  mon  service  et  tels  complimants  wevbeus  des  lois  cérémo- 
nieuses de  nostre  civilité,  je  ne  conois  persone  si  sottement  stérile 
de  lengage  que  moi;  et  n'ai  jamais  esté  emploie  à  faire  des  lettres 
de  faveur  et  recomandation  j  que  celuy  pour  qui  c'estoit  n'aye 
trouvées  sèches  et  lasches.  »  {Essais,  1.  I,  ch.  m,  manuscrit  de 
Bordeaux.) 

Voir  plus  haut,  p.  206,  les  indications  orthographiques  qu'il 
adresse  à  son  imprimeur. 

La  Fontaine. 

Voici,  d'après  l'exemplaire  que  je  possède  et  que  je  crois 
unique,  la  reproduction  de  la  belle  et  noble  supplique  adressée  au 
roi  par  la  Fontaine  en  faveur  de  Fouquet.  Elle  contient  des  va- 
riantes non  reproduites  dans  aucune  édition. 

Cette  épître  forme  trois  pages  petit  in-folio  fort  bien  imprimées 
en  gros  caractères  italiques.  Sur  la  marge  de  cet  exemplaire  est 
écrit  Fouquet  (1). 

— Dans^jette  pièce,  antérieure  d'une  trentaine  d'années  àPappari- 
tion  du  premier  Dictionnaire  de  l'Académie,  l'orthographe  est 
remarquable,  et  probablement  nous  représente  celle  même  de  la 
Fontaine  que  Timprimeur  (il  n'est  pas  nommé)  aura  suivie  fidè- 
lement. 

Mais  ce  que  cette  édition  princeps  offre  de  plus  remarquable, 
c'est  la  répétition  de  la  qualification  de  Grand  donnée  deux  fois  à 

(1)  D'après  quelques  autographes  qe  la  Fontaine  que  je  possède,  je  ne  crois 
pas  que  ce  mot  soit  écrit  de  sa  main. 


398    ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  LA  FONTAINE. 

Henri  IV  et  qui  a  été  remplacée  dans  toutes  les  éditions  par  ma- 
gnanime, épithète  faible  comparativement  à  cette  réduplication  du 
mot  Grand;  ce  qui  me  porte  à  croire  que  lorsque  cette  supplique 
fut  lue  à  Louis  XIV,  ces  vers 

Du  Grand,  du  Grand  Henry  qu'il  contemple  la  vie  ; 
Dès  qu'il  pût  se  vanger,  il  en  perdit  l'envie  : 

un  froncement  de  sourcil  avertit  que  Louis  le  Grand  s'en  trouvait 
offensé. 

ÉLÉGIE. 

Remplisses  l'Air  de  cris,  et  vos  Grotes  profondes  (l), 

Pleures  Nymphes  de  Vaux,  faites  croître  vos  ondes; 

Et  que  l'Anqueûil  enflé  ravage  les  trézors 

Dont  les  regars  de  Flore  ont  embelly  ses  hors. 

On  ne  blâmera  point  vos  larmes  innocentes  ; 

Vous  pouvés  donner  cours  à  vos  douleurs  pressantes  ; 

Chacun  atend  de  vous  ce  devoir  généreux  : 

Les  Destins  sont  contens,  Oronte  est  malhûreux. 

Vous  l'avez  vu  n'aguére  au  bord  de  vos  Fontaines, 

Qui,  sans  craindre  du  Sort  les  faveurs  incertaines, 

Plein  d'éclat,  plein  de  gloire,  adoré  des  Mortels, 

Recevoit  des  honneurs  qu'on  ne  doit  qu'aux  Autels. 

Hélas  qu'il  est  déchu  de  ce  bon-heur  suprême  ! 

Que  vous  le  trouveriés  diférent  de  luy-mesme  ! 

Pourluy  les  plus  beaux  jours  sont  de  secondes  nuits; 

Les  soucis  dévorans,  les  regrets,  les  ennuis, 

Hostes  infortunés  de  sa  triste  demeure. 

En  des  goufres  de  maux  le  plongent  à  toute  heure. 

Voila  le  précipice  où  l'ont  enfin  jette 

Les  atraits  enchanteurs  de  la  prospérité  ! 

Dans  les  palais  des  Roys  cette  plainte  est  commune; 

On  n'y  conoît  que  trop  les  jeux  de  la  Fortune, 

Ses  trompeuzes  faveurs,  ses  apas  inconstans  : 

Mais  on  ne  les  conoît  que  quand  il  n'est  plus  temps* 

Lors-que  sur  cette  Mer  on  vogue  à  pleines  voiles, 

Qu'on  croit  avoir  pour  soy  les  Vens  et  les  Estoiles, 

Il  est  bien  mal-aizé  de  régler  ses  dézirs  ; 

Le  plus  Sage  s'endort  sur  la  foy  des  Zéphirs. 

Jamais  un  Favory  ne  borne  sa  carière; 

Il  ne  regarde  point  ce  qu'il  laisse  en  arière  : 

Et  tout  ce  vain  amour  des  Grandeurs  et  du  bruit, 

Ne  le  sçauroit  quiter  qu'après  l'avoir  détruit. 

(1)  Toutes  les  éditions  portent,  «  en  vos  grottes  profondes.  » 


ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  BOSSUET.         399 

Tant  d'exemples  fameux,  que  l'Histoire  eu  raconte, 

Ne  sufizoient-ils  pas  sans  la  perte  d'Oronte? 

Hâ  si  ce  faux  éclat  n'ût  point  fait  ses  plaizirs! 

Si  le  séjour  de  Vaux  eut  borné  ses  dézirs  ! 

Qu'il  pouvoit  doucement  laisser  couler  son  âge! 

Vous  n'avés  pas  chés-vous  ce  brillant  équipage, 

Cette  foule  de  Gens  qui  s'en  vont  chaque  jour 

Saluer  à  Ions  flols  le  Soleil  de  la  Cour  : 

Mais  la  faveur  du  Ciel  vous  donne  en  récompence, 

Du  repos,  du  loizir,  de  l'ombre  et  du  silence, 

Un  tranquile  sommeil,  d'innocens  entretiens, 

Et  jamais  à  la  Cour  on  ne  trouve  ces  biens. 

Mais  quitons  ces  pensers,  Oronte  nous  apelle  : 

Vous,  dont  il  a  rendu  la  demeure  si  belle, 

Nymphes,  qui  lui  devez  vos  plus  charmans  apas, 

Si  le  long  de  vos  hors  Louys  porte  ses  pas, 

Tâchez  de  l'adoucir,  fléchissez  son  courage; 

Il  aime  ses  sujets,  il  est  juste,  il  est  sage  ; 

Du  titre  de  clément  rendez-le  ambitieux  : 

C'est  par-là  que  les  Roys  sont  semblables  aux  Dieux. 

Du  Grand,  du  Grand  Henry  qu'il  contemple  la  vie; 

Dés  qu'il  pût  se  vanger,  il  en  perdit  l'envie  : 

Inspirés  à  Louis  cette  mesme  douceur  ; 

La  plus  belle  victoire  est  de  vaincre  son  Cœur. 

Oronte  est  à  prézent  un  objet  de  clémence  ; 

S'il  a  crû  les  conseils  d'une  aveugle  puissance,  ,     i 

Il  est  assés  puny  par  son  sort  rigoureux, 

Et  c'est  être  innocent  que  d'être  malhûreux  (1). 


BossuET,  dans  son  manuscrit  des  Sermons  (t.  II,  p.  261 , 
Bibl.  Imp.),  écrit  de  sa  main  : 

«  Sa  vangeance  nous  poursuiura  a  la  vie  et  a  la  mort  et  ny  en 
ce  monde  ny  en  l'autre  iamais  elle  ne  nous  laissera  aucun  repos. 
Ainsi  n'atandons  pas  Iheure  de  la  mort  pour  pardonner  à  nos  en- 
nemis, mais  plustost  pratiquons  ce  que  dit  l'apostre,  que  le  soleil 

(1)  Fouquet  fut  arrêté  en  1661.  L'élégie  ne  parut  dans  les  Recueils  publiés  par 
la  Fontaine  qu'en  1671.  Cependant  on  la  trouve  imprimée  dans  le  Recueil  de 
quelques  pièces  nouvelles  et  galantes,  tant  en  prose  qu'en  vers,  in-18,  Co- 
logne, 1667,  t.  II,  p.  195,  sous  le  titre  ^''Élégie  pour  le  malheureux  Oronte. 
Mais,  ajoute  Walckenaer,  «  il  est  probable  que  la  Fontaine  fit  d'abord  imprimer 
cette  pièce  séparément  et  sur  une  feuille  volante  comme  il  a  fait  pour  beaucoup 
d'autres  de  ses  ouvrages.  »  (Histoire  de  la  vie  et  des  ouvrages  de  J.  de  la 
Fontaine,  1. 1,  p.  100.)  Ce  que  présumait  Walckenaer  se  trouve  donc  réalisé  par 
la  présence  de  cet  exemplaire. 


400  ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  —  RACINE. 

ne  se  couche  pas  sur  vostre  colère  (ce  cœur  tandre^  ce  cœur  pa- 
ternel), Tapostre  ne  peut  comprendre  qu'un  chrestien,  enfant  de 
paix,  puisse  dormir  d'un  sommeil  tranquille  ayant  le  cœur  ulcéré 
et  aigri  contre  son  frère,  ni  qu'il  puisse  gouster  du  repos  uoulant 
du  mal  a  son  prochain  dont  Dieu  prend  en  main  la  querelle  et  les 
interests.  Mes  frères,  le  iour  décline,  le  soleil  est  sur  son  pan- 
chant,  lapostre  ne  nous  donne  guère  de  loisir  et  nous  nauez  plus 
guère  de  tems  pour  lui  obéir;  ne  différons  pas  dauantage  une 
œuvre  si  nécessaire,  hastons-nous  de  donner  a  Dieu  nos  ressenti- 
mens  :  le  iour  de  la  mort  sur  lequel  on  reiette  toutes  les  affaires  du 
salut  n'en  aura  que  trop  de  pressées  ;  commancons  de  bonne  heure 
a  nous  préparer  les  grâces  qui  nous  seront  nécessaires  en  ce  der- 
nier iour  et  en  pardonnant  sans  délai  asseurons-nous  leternelle 
miséricorde  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  » 

J'ajouterai  ici  aux  exemples  cités  précédemment  p.  5-4,  p.  o5  et 
73,  les  caractères  suivants  de  son  écriture.  Souvent  il  supprime  les 
doubles  lettres  ;  ainsi,  dans  le  début  du  Sermon  de  la  Pénitence 
au  temps  du  Jubilé,  on  lit  dans  son  manuscrit  :  «  Quelle  merveil- 
leuse nouvelle  nous  aprenons  aujourd'hui,  »  et  p.  4  et  5,  âpre- 
nons^  el  aprendre,  p.  92.  Il  écrit  aussi  atendre,  abatre,  atantif, 
flater,  froter.  Ailleurs  il  écrit  une  tandre  éducation,  p.  99;  il  écrit 
aussi  sépulcre  sans  ^,  p.  27  des  Sermons.  Voyez  pour  son  opinion 
au  sujet  de  l'orthographe,  plus  haut  p.  130  et  suiv. 

Racine  et  Boileau. 

A  M^^  le  maréchal  de  Luxembourg,  —  Félicitations  sur  la  victoire 

de  Fleurus. 

(i  Au  milieu  des  louanges  et  des  complimens  que  vous  receués 
de  tous  costés  pour  le  grand  seruice  que  vous  venés  de  rendre  à  la 
France,  Irouués  bon.  Monseigneur,  qu'on  vous  remercie  aussi  du 
grand  bien  que  vous  aués  faict  à  l'Histoire,  et  du  soin  que  vous 
prenés  de  l'enrichir.  Personne  jusqu'ici  n'y  a  trauaillé  avec  plus 
de  succez  que  vous,  et  la  bataille  que  vous  venés  de  gagner  fera 
sans  doute  un  de  ses  plus  magnifiques  ornemens.  Jamais  il  n'y  en 
eut  de  si  propre  à  estre  racontée,  et  tout  s'y  rencontre  à  la  fois, 
la  grandeur  de  la  querele,  l'animosité  des  deux  partis,  Faudace  et 
la  multitude  des  combattans  ,  une  résistance  de  plus  de  six 
heures,  un  carnage  horrible,  et  enfin  une  déroute  entière  des  en- 


ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  RACINE.  401 

nemis.  Jugés  donc  quel  agrément  c'est  pour  des  historiens  d'avoir 
de  telles  choses  à  escrire,  surtout  quand  ces  historiens  peuuent 
espérer  d'en  apprendre  de  vostre  houche  mesme  le  détail.  C'est 
de  quoi  nous  osons  nous  flatter.  Mais,  laissant  là  l'Histoire  à  part, 
sérieusement,  Monseigneur,  il  n'y  a  point  de  gens  qui  soient  si 
véritablement  touchés  que  nous  de  l'heureuse  victoire  que  vous 
aués  remportée;  car,  sans  conter  l'interest  gênerai  que  nous  y 
prenons  avec  tout  le  royaume,  figurés  vous  quelle  est  notre  joie 
d'entendre  publier  partout  que  nos  affaires  sont  restabhes,  toutes 
les  mesures  des  ennemis  rompues,  la  France,  pour  ainsi  dire, 
sauuée,  et  de  songer  que  le  héros  qui  a  faict  tous  ces  miracles  est 
ce  mesme  homme  d'un  commerce  si  agréable,  qui  nous  honore  de 
son  amitié,  et  qui  nous  donna  à  disner  le  jour  que  le  Roi  lui  donna 
le' commandement  de  ses  armées. 

«  Nous  sommes  avec  un  profond  respect.  Monseigneur, 
«  Vos  très-humbles  et  très-obéissants  serviteurs, 

«  Racine,  Despréaux. 
«  A  PariSj'Se  de  juillet  1690.  » 

Parmi  les  notes  que  j'ai  prises  en  parcourant  les  manuscrits 
de  Racine  déposés  à  la  Bibliothèque  impériale,  j'ai  remarqué 
ce  passage  dans  sa  lettre  à  l'abbé  Levasseur,  1661  : 

«  Je  lis  des  vers,  je  tasche  d'en  faire,  je  lis  les  avantures  de  l'A- 

rioste  ;  je  ne  suis  pas  moi-môme  sans  avanture Mais  voilà  les 

massons  qui  arrivent.  » 

Et  ailleurs,  dans  sa  correspondance  avec  Boileau  : 

«Je  vas  au  cabaret  deux  fois  par  jour;  je  commande  à  des 
massons.  » 

M"""  de  Sévigné. 

Dans  une  de  ses  lettres  à  M™'  de  Grignan,  je  vois  écrits  de 
sa  main  le  mot  tandresse  quatre  fois,  et  aussi  par  un  a  les 
mots  commancement,  entandre^  contante.  Voici  cette  lettre  : 

A  Angers,  mercredy29  septembre. 
«  l'arive  hier  à  cinq  heures  au  pont  de  Se,  après  auoir  veu  le 
matin  a  Saumur  ma  nièce  de  Busy,  et  entandu  la  messe  a  la 
bonne  Nostre  Dame,  ie  trouue  sur  le  bort  de  ce  pont  vn  carosse 

26 


402    ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  —  M-^  DE  SÉVIGNÉ. 

a  six  cheuaux  qui  me  parut  estre  mon  fils.  Cestoit  son  carosse  et 
labé  Charyer  quil  a  enuoyé  me  receuoir,  parcequil  est  vn  peu 
malade  aux  Rochers.  Cet  abé  me  fut  agréable,  il  a  vne  petite 
impression  de  Grignan  par  son  père  et  par  vous  auoir  veue,  qui 
luy  donne  un  pris  au  dessus  de  tout  ce  qui  pouuoit  venir  audeuant 
de  moy.  Il  me  donna  vostre  lettre  ecritte  de  Versailles,  et  ie  ne 
me  contraignis  point  deuant  luy  de  répandre  quelques  larmes 
tellement  ameres  que  ie  serois  etoufée  sil  auoit  falu  me  contrain- 
dre. Ha  ma  bonne  et  très  aymable,  que  le  comancement  a  esté 
bien  vangé.  Vous  affectes  de  paroistre  vne  véritable  Dulcinée,  ha 
que  vous  lestes  peu,  et  que  iay  veu  au  travers  de  la  peine  que 
vous  prenes  a  vous  contraindre  cette  mesme  douleur  et  cette 
mesme  tandresse  qui  nous  fit  répandre  tant  de  larmes  en  nous  sé- 
parant. Ha  ma  bonne,  que  mon  cœur  est  pénétré  de  vostre  amitié, 
que  ien  suis  bien  parfaitement  persuadée,  et  que  vous  me  fâches 
quand,  mesme  en  badinant,  vous  dittes  que  ie  deurois  auoir  vne 
fille  corne  M"®  Daleral  et  que  vous  estes  imparfaite.  Cette  Aleral 
est  aymable  de  me  regretter  come  elle  fait,  mais  ne  me  souhaittes 
iamais  rien  que  vous.  Vous   estes  pour  moy  toutes  choses,  et 
iamais  on  a  esté  aymee  sy  parfaitement  dvne  fille  bien  aymee  que 
je  le  suis  de  vous.  Ha  quels  trésors  infinis  mauez  vous  quelquefois 
cachés,  ie  vous  assure  pourtant,  ma  très  chère  bonne,  que  ie  nay 
iamais  douté  du  fons,  mais  vous  me  combles  presentemant  de 
toutes  ces  richesses,  et  ie  nen  suis  digne  que  par  la  très  parfaite 
tandresse  que  iay  pour  vous,  qui  passe  au  delà  de  tout  ce  que 
pourois  vous  en  dire.  Vous  me  paroisses  asses  mal  contante  de 
vostre  voyage  et  du  dos  de  M.  de  Brancas,  vous  aues  trouué  bien 
des  portes  fermées,  vous  aues,  ce  me  semble,  fort  bien  fait  den- 
voyer  vostre  lettre.  On  mande  icy  que  le   voyage  de  la  cour  est 
retardé,  peut  estre  poures  vous  reuoir  M.  de  Lerme.  Enfin  Dieu 
conduira  cela  come  tout  le  reste.  Vous  saves  bien  come  ie  suis 
pour  ce  qui  vous  touche,  ma  chère  bonne,  vous  aures  soin  de  me 
mander  la  suitte.  le  viens  denvoyer  la  lettre  que  vous  ecriues  a 
mon  fils;  quelle  tandresse  vous  y  faites  voir  pour  moy,  quels 
soins ,  que  ne  vous  dois  ie  point,  ma  chère  bonne.  le  consens  que 
vous  luy  fassies  valoir  mon  départ  dans  cette  saison;  mais  Dieu 
scait  sy  l'impossibilité  et  la  crainte  dvn  desordre  honteux  dans 
mes  affaires  nen  a  pas  esté  la  seule  raison.  Seuigné  (i).  » 

(1)  Extrait  de  V Isographie  des  hommes  célèbres  publiée  par  Delarue,  t.  IV. 


ORTHOGRA.PHE  DES  CLASSIQUES.  -  LA  BRUYÈRE.      403 
La  Bruyère. 

La  Bruyère,  parlant  des  progrès  de  la  langue,  remarque  «  que 
depuis  vingt  ans  que  l'on  écrit  régulièrement,  on  a  secoué  le 
joug  du  latinisme  et  réduit  le  style  à  la  phrase  purement  fran- 
çaise  ,  et  qu'on  a  mis  enfin  dans  le  discours  tout  l'ordre  et 

toute  la  netteté  dont  il  est  capable,  ce  qui  conduit  insensiblement 
à  y  mettre  de  l'esprit.  » 

Sans  être  novateur  en  fait  d'orthographe  La  Bruyère  cependant 
donna  l'exemple  de  quelques  améliorations,  contrairement  au  Dic- 
tionnaire de  l'Académie  qui  venait  de  paraître  quand  il  publia  sa 
dernière  édition  (la  huitième,  en  1694). 

Comme  Corneille,  Fénelon,  Bossuet,  il  écrit  donc  toujours 
vanger  (i),  avanture,  avanturier,  resfraindre;  il  écrit  sonpante, 
paranthèse,  paitrie  {ame  paifrie  de  boue). 

Il  supprime  la  double  lettre  dans  si/ler,  aranger,  flater^  écha- 
per^  regreter^  chaufer. 

Il  supprime  l'y  dans  stile,  perùtille,  hiperhole,  patetique,  tim, 
onix,  phùionomie,  synonime.  Mais  il  en  met  à  parmy,  emploi/,  en- 
nemy^  pourquoy^  luy,  soy,  celvy,  aujourdhuy,  etc. 

Il  emploie  le  z  dans  magnzin,  carrousel,  embrazement,  cizelé. 

Il  écrit  avec  raison  un  homme  pratic,  un  homme  Jîdele,  une 
femme  fidelle ,  et  comme  Racine  prétension  et  masson.  Il  écrit 
avec  la  double  consonne  les  mots  terminés  par  e  muet,  duppe, 
secrette,  platte,  diette. 

Comme  ce  système  d'orthographe  se  reproduit  dans  toutes  les 
éditions  qu'il  a  publiées  et  qu'il  revoyait  avec  le  plus  grand  soin, 
on  doit  admettre  que  ces  mots  ainsi  écrits  l'ont  été  par  sa  vo- 
lonté. 


(1)  Cependant  il  écni  vengeance.  «  C'est  par  faiblesse  que  l'on  liait  un  ennemi 
et  que  l'on  songe  à  s'en  vanger  et  c'est  par  elle  que  l'on  s'appaise  et  que  l'on  ne 
*e  venge  point.  »  (P.  179.) 

Peut-être  la  Bruyère  aurait-il  désiré  simplifier  l'orthographe  des  participes  ;  car 
je  trouve  dans  tontes  ses  éditions  ce  passage  ainsi  écrit  :  «  Il  leur  envoya  tous 
les  éloges  qu'il  n'a  pas  cherché  par  le  travail  et  par  ses  veilles.  »  (P.  79.) 

Conformément  à  l'orthographe  du  temps  il  éditée  sçay,  sçû,  vuide,  prosneur, 
nous  sommes  seurs  (sûrs),  beautez,  loiiez,  extremiiez,  les  mieux  flattez,  les 
mieux  entourez  et  les  mieux  caressez,  convents  (et  non  couvents),  hien-seanccy 
la  vûë,  fauteûiL 


404       ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  —  VOLTAIRE. 

Voltaire,  dans  sa  Correspondance  (1752-So),  a  employé 
une  orthographe  qui  varie  souvent,  mais  qui  prouve  son  désir 
de  voir  prédominer  une  orthographe  plus  simple,  conformément 
aux  opinions  de  ses  prédécesseurs,  Dangeau,  d'Olivet,  Duclos, 
Beauzée,  de  Wailly  et  autres  académiciens,  et  conformément 
aux  tendances  des  collaborateurs  de  l'Encyclopédie,  d' Alembert 
et  Diderot. 

Dans  les  lettres  inédites  de  Voltaire  publiées  par  M.  Hénin  en 
1825  et  par  M.  Th.  Foisset  en  1836,  son  orthographe  est  figurée 
conformément  à  ses  manuscrits.  Les  variations  ,  les  erreurs 
mêmes  prouvent  combien  son  esprit  supérieur  attachait  peu 
d'importance  à  ces  règles  fastidieuses  et  incohérentes  qui  fati- 
guent l'attention  et  la  mémoire  et  qui  arrêtent  la  plume  au  dé- 
triment de  la  pensée,  entravée  sans  cesse  dans  sa  liberté  et  sa 
rapidité.  Ainsi  lorsqu'on  lui  voit  écrire  (Lettres  au  Président  de 
Brosse  et  au  PrésidentRuffey)  dix  fois  chatAV  et  sept  fois  chatEAv, 
d'autres  fois  teaïre  et  théâtre,  parentese,  autentique,  il  sait  bien 
d'où  dérivent  ces  mots  et  qu'ils  sont  écrits  en  grec  avec  6  ;  mais 
soit  désir  d'abréger  le  temps  qui  arrête  sa  plume,  soit  de  simplifier 
récriture,  il  supprime  les  h  inutiles  :  bien  plus,  si  deux  fois  le  mot 
hippotequés  et  celui  d'hippotèse  s'offrent  dans  ses  lettres  (1),  il  sait 
fort  bien  que  leurs  radicaux  sont  ôtco  et  Ti6r]ijLi,  mais,  préoccupé  qu'il 
est  de  son  idée,  la  réflexion  lui  fait  défaut  et  il  commet  deux  bar- 
barismes qui  l'eussent  fait  exclure  de  tout  concours  littéraire  et 
empêché  même  de  devenir  instituteur  primaire.  Qu'importe  après 
tout?  le  temps  perdu  à  de  telles  minuties  Teût  été  aussi  pour  la 
postérité.  Si,  mieux  inspiré,  il  eût  écrit  ipotequés  et  ipotèse,  il  n'eût 
pas  hésité  et  il  eût  économisé  quatre  lettres.  Ne  sommes-nous  pas 
arrêtés  aussi  quand  il  nous  faut  écrire  Hippohjte ,  hyperbole,  hip- 
piatrique,  hijpogée,  esthétique,  apathique,  etc.  ? 

11  écrit  sans  exception  avaniures,  bien  qu'il  sache,  comme  Féne- 
lon  et  Racine,  que  le  mot  dérive  d'advenire,  mais  tous  l'ont  ainsi 
écrit.  Les  doubles  lettres,  il  les  supprime  dans  sotise,  reconu,  chau- 


(1)  Lettre  à  M.  Liebault,  12  novembre  1761.  Lettre  à  M.  de  La  Marche,  18  dé- 
cembre 1762.  Si  l'on  trouve  prophane  dans  une  lettre  sans  date  adressée  à 
M.  Rufley,  c'est  par  la  même  inadvertance  causée  par  l'irréflexion  :  il  sait  bien 
que  ce  mot  provient  de  la  préfixe  pro  pour  pro5  et  de  fanum.  le  temple. 


ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  VOLTAIRE.       405 

fer,  efrayer,  raporter,  nourir,  aprobation,  acorder,  suplier,  embe- 
lissement,  échaper,  afaire,  ilpoura,  il  a  falu;  il  écrit  même  quel- 
quefois le  tems.  11  supprime  Vy  dans  sindic,  sindicaf,  enciclopedie, 
stile,  et  de  môme  quil  écrit  chatau,  il  écrit  potau,  ionnau  (i), 
fordau.  Le  z  remplace  aussi  le  «dans  mazure,  écrazer,  lézé,  lézine, 
scandalizé,  eau  roze,  aprez,  procez,  délabrez,  etc.  Enfin,  on  re- 
marque souvent  le  mot  ynasson,  celui  de  sausse  et  le  moi  érecsion 
ainsi  écrits. 

Voici  la  transcription  exacte  de  quatre  de  ses  lettres  à  d'Alem- 
bert,  toutes  d'après  les  originaux  que  je  possède;  la  dernière  est 
inédite  : 

«  A  Potsdam ,  5  septembre  1752. 

«  Vraiment,  monsieur, c'est  a  vous  a  dire,  «je  rendray  grâce  au 
ciel  et  resterai  dans  Rome.  »  Quand  je  parle  de  rendre  grâce  au 
ciel,  ce  n'est  pas  du  bien  qu'on  vous  a  fait  dans  votre  patrie,  mais 
de  celuy  que  vous  luy  ftiittes.  Vous  et  M'  Didrot  vous  faites 
un  ouvrage  qui  sera  la  gloire  de  la  France,  et  la  honte  de  ceux 
qui  vous  ont  traversez.  Paris  abonde  de  barbouilleurs  de  papier. 
Mais  de  philosophes  éloquents  je  ne  connais  que  vous  et  luy.  II 
est  vrai  qu'un  tel  ouvrage  devait  être  fait  loin  des  sots  et  des  fa- 
natiques sous  les  yeux  d'un  roy  aussi  philosofe  que  vous.  Mais  les 
secours  manquent  icy  totalement.  Il  y  a  prodigieusement  de  bayo- 
netes  et  fort  peu  de  livres.  Le  roy  a  fort  embelli  Sparte,  mais  il  n'a 
transporté  Athene  que  dans  son  cabinet,  et  il  faut  avouer  que  ce 
n'est  qu'a  Paris  que  vous  pouvez  achever  cette  grande  entreprise  : 
j'ay  assez  bonne  opinion  du  ministère  pour  espérer  que  vous  ne 
serez  pas  réduit  a  ne  trouver  que  dans  vous  môme  la  recompense 
dun  travail  si  utile.  Jay  le  bonheur  d'avoir  chez  moy  monsieur 
labbé  de  Prades,  et  jespere  que  le  Roy  a  son  retour  de  la  Silesie 
luy  aportera  les  provisions  d'un  bon  bénéfice.  Il  ne  s'attendait  pas 
que  sa  tèse  dut  le  faire  vivre  du  bien  de  l'église,  quand  elle  luy 
attirait  de  si  violentes  persécutions.  Vous  voyez  que  cette  église 
est  comme  la  lance  d'Achille  qui  guérissait  les  blessures  qu'elle 
avait  faittes.  Heureusement  les  bénéfices  ne  sont  point  en  Silesie 
a  la  nomination  de  Boyer  ny  de  Couturier.  Je  ne  scai  pas  si  labbé 
de  Prade  est  hérétique,  mais  il  me  parait  honnête  homme,  aiuia- 
ble  et  guai.  Comme  je  suis  toujours  très  malade,  il  poura  bien 

(1)  Quatre  fois  tonnau  et  une  fois  tonneau. 


406       ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  VOLTAIRE. 

mexhorter  a  mon  agonie,  il  l'eguaiera  et  ne  me  demandera  point 
de  billet  de  confession.  Adieu,  monsiem%  s'il  y  a  peu  de  Socrates 
en  France,  il  y  a  trop  d'Anitus  et  trop  de  Melitus,  et  surtout  trop 
de  sots,  mais  je  veux  faire  comme  Dieu  qui  pardonait  à  Sodonie 
en  faveur  de  cinq  justes.  Je  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur. 

V. 

Aux  Délices,  18  avril. 

«Ce  ne  sont  pas  aujourdui  des /zVwr^/es  que  je  vous  envoie,  mon 
cher  philosofe,  ce  sont  trois  brochures  de  la  relligion  vangée  , 
comme  elle -doit  l'être  par  Bertier  et  consorts.  Je  vous  prie  insta- 
ment  de  vouloir  bien  faire  rendre  à  Briasson  ce  libelle  dont  je 
n'ay  a  me  reprocher  que  d'auoir  lu  la  première  page. 

«  Vos  articles  de  VEnciclopedie  seront  l'école  de  la  postérité. 
Tout  ce  qui  est  de  philosofie  nouvelle  dans  ce  dictionaire  est  ad- 
mirable, du  moins  tout  ce  que  jen  ai  lu.  »  V. 

Au  Chêne,  par  Lausane,  1"^  septembre. 

«  Manne  me  parait  assez  bon  quoy  qu'un  peu  rabiniste.  Je 
crois  que  les  philosofes  et  les  curieux  pouront  être  contants  de 
l'article.  Cependant  un  bon  apoticaire  en  eut  dit  davantage,  et 
aurait  démontré  apoticairement  la  supériorité  de  manne  grasse 
sur  manne  maigre. 

«  Mon  très-cher  philosofe^  je  suis  fort  fâché  d^être  à  Lausane 
au  milieu  des  plâtras  quand  votre  teologal  est  à  Genève.  On  dit 
que  \ous  pouviez  bien  revoir  le  lac  cet  hiver,  vous  savez  si  je  le 
souhaitte;  nous  vous  donnerions  la  comédie  à  Lausane.  Amenés 
M.  Didrot  et  nous  luy  jouerons  son  Fils  naturel. 

«  Pouriez-Yous,  si  jamais  vous  aviez  du  temps,  me  dire  si  vous 
voiez  M™"  du  Deffant,  ^owne^-vous  luy  dire  que  je  pense  toujourz 
a  elle  quoyque  je  ne  luy  écrive  point?  Pouriez-\'ous  faire  mes 
compliments  au  P.  Henaut?  n 

Intérim  vale.  V. 

Aux  Délices,  15  décembre  (1756-60). 

«  Mon  cher  maitre,  vous  ne  m'avez  point  acusé  la  réception  de 
mon  petit  tribut.  Je  ne  reçois  ny  mon  article  Histoire ,  ny  ordre 
de  vous.  J'ay  peur  davoir  parlé  trop  librement  des  Fem?nes,  mais 
la  franchise  doit  plaire  aux  philosofes.  J'ay  encor  peur  de  ne  vous 


i 


ORTHOGRAPHE  DES  CLASSIQUES.  -  VOLTAIRE.       407 

avoir  envoyé  que  des  sottises.  Une  autre  peur,  c'est  de  traitter 
fort  mal  Idées.  Il  y  a  grande  aparence  que  Fun  de  vous  deux  s'est 
chargéde  cet  article  importantou  que  M.  labbéde  Condillaclefera. 

«  J'ay  oublié  de  vous  dire  que  je  ne  pouvais  traitter  l'article 
de  littérature  grecque  :  l"'^"^  parceque  je  scais  très  peu  de  grec, 
2ment  parccquc  je  suis  sans  livres  grecs,  a'»^"^  parceque  je  suis 
ignorant  surtout  en  cette  partie. 

«  Employez  moy  a  boucher  des  trous,  a  faire  les  articles  dont 
vos  amis  de  Paris  se  seront  dispensez,  et  qui  pouront  être  de 
ma  compétence.  Je  suis  a  vos  ordres.  M°^«  Denis  vous  fait  mille 
compliments.  Nous  souhaittons,  mon  cher  philosofe,  que  toutes 
vos  pensions  soient  toujours  payées.  Souvenez  vous  des  deux 
hermites  qui  vous  aiment.  ».  V. 

Parmi  les  autres  lettres  de  la  correspondance  de  Voltaire  avec 
d'Alembert,  dontjep^ossède  les  autographes,  je  remarque  ces  mots 
écrits  ainsi  : 

Lettre  du  13  novembre.  —  Aux  Délices,  où  nous  voudrions  l)ien  vous  voir; 
entousiasme,  répété  trois  fois,  enciclopedie. 

Lettre  du  29  novembre  1756.  —  Je  m'aperçois,  apartenant,  enciclopedie. 

Lettre  du  4  février.  —  Enciclopedie,  philosofe,  deux  fois,  cristianisme. 

Lettre  du  29  février.  —  Enciclopedie. 

Lettre  du  22  décembre.  —  Philosofe,  etimologie,  biblioteque. 

Lettre  du  27,  aux  Délices.  —  Dictionaire,  teologie,  metaphisique. 

Lettre  du  8  juillet.  —  Philosofe,  estomac,  teologien. 

Lettre  du  23  juillet.  —  Philosofe,  deux  fois. 

Lettre  du  2  décembre.  —  Philosofe,  quatre  fois^  citoien,  filosofe,  enciclopedie. 

Lettre  du  6  décembre.  —  Apuyé,  vangé,  tirannie_,  philosofe,  deux  fois. 

Lettre  du  29  décembre.  —  Philosofe,  téologien_,  catécumène,  historiografe. 

Lettre  du  3  janvier.  —  Piramide,  metafisique. 

Lettre  du  9  janvier.  —  Biblioteque,  teologien,  cretien. 

Lettre  du  8  juillet.  —  Philosofe,  estomac,  teologien. 

Lettre  du  23  juillet.  —  Philosofe,  deux  fois,  citoien,  filosofe,  teologien,  enciclo- 
pedie, bayonete. 

Lettre  du  29  décembre.  —  Philosofe,  teologien,  catéchumène,  historiograplie. 

Lettre  du  3  janvier.  —  Piramides,  metaphisicien,  teologien,  cretien,  biblioteque. 

Lettre  du  21  octobre  1771.  —  Avantures  (1). 

(1)  On  voit  par  cet  exemple  que  le  mot  avanture,  ainsi  écrit  et  imprimé  dans 
les  œuvres  de  Corneille,  de  Fénelon,  de  la  Bruyère,  de  Racine  et  autres,  était  en- 
core ainsi  écrit  avec  a  au  temps  de  Voltaire  ;  et  en  effet,  si  l'on  voulait  se  con- 
former à  rétymologie  on  devrait  aussi  écrire  aventage  qui  dérive  égalemetit 
d'advenire. 


408  PLURIEL  DES  MOTS  COMPOSÉS. 

Je  n'ai  cru  devoir  citer  ici  que  l'orlhographe  personnelle  d'un 
petit  nombre  de  nos  auteurs  classiques  les  plus  éminents;  mais 
j'ai  pu  m'assurer  que  l'écriture  de  la  majorité  des  écrivains  dis- 
tingués du  dix-septième  et  du  dix-huitième  siècle  est  non  moins 
hétérodoxe  au  point  de  vue  académique. 

Si  nous  ne  possédons  aucun  autographe  de  Molière  pour  nous 
édifier  en  ce  qui  le  concerne,  on  peut  croire  qu'il  partageait  le 
sentiment  si  spirituellement  exprimé  par  Henriette  dans  les  Fem- 
mes savantes. 

On  voit,  en  effet,  par  la  correspondance  de  M"'^  de  Sévigné  que 
les  femmes  les  plus  spirituelles  et  les  plus  élégantes  de  cette 
époque  ne  se  piquaient  nullement  de  purisme  orthographique. 
Leur  négligence^  sous  ce  rapport,  semblait  une  grâce  de  plus. 


APPENDICE  F,     * 

DES  MOTS   COMPOSÉS. 

J'ai  signalé  rapidement ,  dans  mes  Observations  sur  l'ortho- 
graphe'française,  page  58,  le  mode  de  composition  des  mots 
susceptibles  d'union  adopté  par  les  Grecs  et  les  Latins,  et  les 
régularisations  qu'on  pourrait  opérer,  dès  à  présent,  dans  notre 
système  de  figuration  de  ce  genre  de  locutions.  Je  crois  devoir  re- 
venir ici  sur  ce  sujet  pour  exposer  les  différentes  théories  des  gram- 
mairiens sur  la  matière,  et,  d'abord,  les  principes  mis  en  usage 
par  les  étrangers  dans  les  autres  langues. 

Tandis  qu'yen  France  l'orthographe  des  mots  composés  avec 
ou  sans  trait  d'union  réclamerait  presque  une  étude  de  plusieurs 
années,  elle  est  d'une  simplicité  merveilleuse  et  souvent  d'un 
emploi  très-ingénieux  dans  toutes  les  langues  de  l'Europe. 

Les  Italiens  et  les  Espagnols  ne  connaissent  l'emploi  (\\i  trait 
d'union  que  dans  le  troisième  cas  ci-dessous  des  Allemands.  Ainsi 
les  Italiens  écrivent  :  Dizionario  italiano-francese  ;  potitico-sociale  ; 
mais  ils  emploient  la  séparation,  ou  plus  souvent  l'agglutination, 
dans  tous  les  autres  cas  :  après  -  soupée ,  il  dopocena;  après- 
demain  ,  imsdomani  ;  contre  -  poids ,  contrappeso  ;  arc  -  en  -  ciel , 
arcobateno,  etc.  En  espagnol,  on  emploie  les  mêmes  procé- 
dés :  Diccionario  frances-espanol ;  un  entr'acte,  entreacto;  un 


t 


PLURIEL  DES  MOTS  COMPOSÉS.  409 

bas-relief,  bajo  relieve;  un  arc-en-ciel,  arco  iris;  un  porte-drapeau, 
portaestandarte,  etc.  Donc,  dans  ces  deux  langues  néo-latines^ 
point  de  difficulté  orthographique. 

En  allemand:  1"  cas.  Sprachkunst,  art  du  langage,  grammaire; 
Sprachlehre,  étude  du  langage,  grammaire;  Springzeit,  le  temps 
de  l'accouplement  des  bêtes. 

Ainsi,  deux  substantifs  joints,  sans  tiret  :  point  de  difficulté 
pour  le  pluriel. 

De  môme,  s'il  y  a  trois  mots  :  Sprachwissenschaft ,  mot  a  mot, 
création  de  la  connaissance  des  langues,  la  philologie. 

2«  cas.  Haûs-  und  Familien-Lexikon,  dictionnaire  de  la  maison 
et  de  la  famille.  Le  trait  d'union  après  Haus  tient  lieu  du  mot  Lexi- 
kon  et  en  épargne  le  double  emploi,  en  dispensant  également  de 
l'article. 

3^  cas.  Theoretisch-praktische  Grammatik^  grammaire  théorique 
et  pratique.  Les  deux  adjectifs  sont  unis  pour  éviter  Pemploi  de 
la  conjonction  und,  et  le  premier  demeure  invariable. 

Le  HOLLANDAIS  s'cst  modelé  sur  l'allemand. 

Le  POLONAIS  écrit  :  Grammatijka  teoretyczno-praktyczna,  gram- 
maire théorique etpratique.  Kolorperlowo-szarij,  couleur  gris-perle. 
Le  premier  composant  est  un  mot  invariable. 

Le  RUSSE  :  PyccKo-^îpaHixysKaa  FpaMMaTHKa,  grammaire  russe- 
française.  MarasHHij-BaxTep'b, un  garde-magasin;  MarasnH-b-Baxxepw, 
des  gardes-magasin  :  le  premier  composant  est  toujours  invariable; 
donc,  pas  de  difficulté. 

L'anglais  possède  le  trait  d'union,  dont  il  fait  un  emploi  aussi 
simple  qu^ingénieux  : 

North-wind,  vent  du  Nord  ;  herring-woman,  femme  au  hareng, 
harengère;  eye-service,  service  qu'on  rend  sous  les  yeux  du  ma\- 
{re;jew-like,  mol  à  mot,  à  la  manière  juive;  Jews-ears,  oreille  de 
Judas.-L^variabilité  du  premier  mot  ne  permet  jamais  d'embarras 
pour  Porthographe  du  pluriel. 

En  résumé  :  aucune  hésitation  pour  l'emploi  du  trait  d'union 
et  l'orthographe  des  mots  composés  dans  les  diverses  langues  de 
l'Europe. 

Nous  sommes  moins  heureux  en  français  : 

Au  lieu  de  la  simplicité  des  procédés  de  composition  de  l'an- 


410  PLURIEL  DES  MOTS  COMPOSES. 

cien  français  qui  agglutinait  les  mots,  en  les  fondant  au  besoin, 
ou  les  laissait  séparés,  mais  ne  connaissait  pas  le  trait  d'union, 
voici  DIX  règles,  accompagnées  d'exceptions,  règles  sur  lesquel- 
les on  n'est  pas  d'accord,  et  dont  quelques-unes  contredisent  l'or- 
thographe académique.  Je  les  extrais  de  la  Grammaire  générale  de 
la  langue  française  de  M.  Poitevin,  tome  P%  p.  74  et  suivantes. 

«  I.  Lorsqu'un  nom  composé  est  formé  ^de  deux  substantifs  dont 
l'un  qualifie  l'autre,  ils  prennent  tous  deux  la  marque  du  pluriel  : 
i\e^  faucons  pèlerins  (sans  tiret),  des  oiseaux-înouches  (avec  tiret). 

«  II.  Mais  si  le  second  substantif  ne  peut  être  considéré  comme 
qualificatif  de  l'autre,  l'emploi  du  nombre  est  alors  subordonné 
pour  chacun  d'eux  au  sens  particuHer  qu'il  éveille.  Ex.  :  un  appui- 
wain,  des  appuis-main^  \\n  Hôtel- Dieu,  des  Hôtels-Dieu^  un  garde- 
côte^  des  gardes-côtes^  un  bain-marie^  des  bains-marte,  un  colin- 
maillard,  des  colin-maillard,  un  brèche-dents,  des  brèche-dents, 
un  porc 'épies,  des  porcs-épics.  » 

{(  m.  Quand  un  nom  est  formé  d'un  substantif  et  d'un  adjectif 
qui  le  qualifie,  ils  prennent  l'un  et  l'autre  la  marque  du  pluriel. 
Ex.  :  des  basses-cours,  des  bouts-rimés. 

«  Exceptions  :  des  grarid'mères,  des  grand'messes,  des  grande- 
rues,  etc.  ;  des  blanc-seings,  un  terre-plein,  des  terre-pleins,  un 
chevau-léger,  des  chevau- légers,  un  cent-suisses,  des  cent-suisses, 
un  quinze-vingts,  des  quinze-vingts,  un  courte-haleine,  des  courte- 
haleine. 

«  IV.  S'il  entre  dans  la  formation  du  nom  composé  un  mot  pris 
adjectivement  qui  ne  s'emploie  plus  seul,  il  prend,  comme  le 
substantif,  le  signe  du  pluriel.  Ex.  :  un  loup-garou,  des  loups- 
garous,  une  porte  cocher e,  des  portes  cochères  (sans  tiret)  ;  une 
piegrièche,  des  pies-gr lèches,  un  loup-cervier,  des  loups-cerviers , 
un  orang-outang,  des  orangs-outangs. 

«  V.  Quand  un  nom  composé  est  formé  de  deux  substantifs  unis 
par  une  préposition,  le  premier  prend  le  signe  du  pluriel ,  et  le 
second  substantif,  qui  sert  de  complément  au  premier,  reste  le 
plus  souvent 'm\diV\di\AQ.'£,\.  :  une  belle-de-nuit ,  des  belles -de-nuit, 
un  chef-d'œuvre^  des  chefs-d'œuvre. 

«  VI.  Mais  quand  le  terme  complémentaire  éveille  une  idée  de 
pluralité,  ou  est  le  plus  ordinairement  usité  au  pluriel,  il  prend 


I 


PLURIEL  DES  MOTS  COMPOSÉS.  411 

un  A- môme  au  singulier.  Ex.  :  un  serpent-à-sonnettes,  un  haut-de- 
chausses, 

«  VIL  Les  noms  unis  par  une  préposition  sont  invariables  quand 
ils  forment  une  expression  où  ne  figurent  que  des  termes  acces- 
soires et  complémentaires  du  terme  principal  sous-eutendu.  Ex.: 
des  coq-à-Vdne,  des  pied-à-terre,  des  tête-à-tête, 

«  VIIL  Quand  un  nom  est  formé  d'un  substantif  ou  d'un  quali- 
ficatif et  d'un  mot  invariable,  le  substantif  ou  le  qualificatif  s'écrit 
avec  ou  sans  .v,  selon  qu'il  éveille  une  idée  d'unité  ou  de  pluralité. 
Ex.  :  des  contre-coups,  des  arrière-saisons,  des  après-dinées,  etc.; 
mais  on  écrira  :  des  abat-Jour,  des  chasse-marée,  des  coupe-gorge, 
des  casse-tête,  des  après-midi,  des  hors-d' œuvre. 

«  IX.  Les  substantifs  composés  suivants,  dans  lesquels  le  se- 
cond terme  éveille  toujours  l'idée  de  pluralité,  devraient  prendre, 
au  singulier  comme  au  pluriel,  un  s  à  la  fin  de  leur  terme  complé- 
mentaire, et  il  serait  logique  d'écrire  :  pu  brèche-dents,  un  casse- 
noisettes,  UQ  chasse-chiens,  un  chasse-înouches,  un  cent-gardes,  un 
cure-dents,  un  cure-oreilles^  un  essuie-mains,  un  garde-fous,  un 
porte-mouchettes,  un  croque-notes,  etc. 

c(  Si  ce  n'est  pas,  ajoute  M.  Poitevin,  l'orthographe  de  l'Acadé- 
mie, c'est  du  moins  une  orthographe  essentiellement  rationnelle, 
qui  subordonne  l'expression  à  l'idée,  et,  sans  considérer  l'emploi 
matériel  du  terme,  la  met  en  accord  avec  l'idée  qu'il  traduit.  » 

«  X.  Lorsqu'un  mot  composé  ne  renferme  que  des  mots  inva- 
riables de  leurnature,  aucun  d'eux  ne  prend  le  signe  du  pluriel  : 
des  in-douze,  des  ouï-dire,  des  pourboire  (sans  tiret),  des  qu'en- 
dira-t-on,  des  passe-passe,  » 

Tout  cela  est  fort  ingénieux  et  très-bien  dit;  mais,  je  le  de- 
mande aux  hommes  pratiques,  aux  instituteurs  de  la  jeunesse, 
lorsqu'on  dictera  une  phrase  dans  laquelle  se  présente  un  de  ces 
singuliers  à  accord  controversé,  un  de  ces  pluriels  si  épineux,  ac- 
cordera-t-on  à  l'élève  dix  minutes  de  réflexion,  et  doit-on  surchar- 
ger sa  mémoire  d'aussi  puériles  minuties?  D'ailleurs,  ce  trait  d'union, 
si  multiplié  dans  nos  dictionnaires  et  cause  de  tant  d'embarras  pour 
le  pluriel,  est-il  aussi  utile  que  nosgrammairiens  semblent  le  croire? 
Dans  le  discours  parlé,  on  n'en  tient  jamais  compte,  et  personne, 
sans  doute,  ne  s'est  aperçu  qu'il  en  résultât  la  moindre  obscurité. 

M.  Léger  Noël,  dans  l'ouvrage  dont  nous  avons  parlé,  p.  187,  a 


412  PLURIEL  DES  MOTS  COMPOSES. 

émis  sur  remploi  du  trait  d'union  des  idées  toutes  différentes  de 
celles  de  nos  grammairiens.  En  voici  l'analyse  : 

«  II  faut  bien  distinguer,  dit-il,  p.  184,  les  noms  composés,  c'est- 
à-dire  les  noms  qui,  quoique  formés  de  plusieurs  mots,  ne  dési- 
gnent pourtant  qu'un  seul  objet,  comme  arc-en-ciel,  cul-de-sac, 
qui  équivalent  à  iris,  impasse,  d'avec  certaines  locutions  analo- 
gues, certains  assemblages  de  mots  qui  gardent  chacun  leur  sens 
direct  et  présentent  à  l'esprit  deux  idées  successives,  comme  robe 
de  chambre,  billet  de  logement,  billet  d'hôpital ,  aide  de  camp,  ma- 
réchal de  camp,  garde  du  corps,  pied  de  mouton,  ver  à  soie,  etc. 

«  Le  irait  d'union  n'est  ainsi  nommé  que  parce  qu'il  sert  à 
marquer  l'union  des  parties  intégrantes  d'un  nom  composé,  lors- 
qu'elles sont  de  nature  à  ne  pouvoir  être  mises  en  contact  immé- 
diat. Or,  partout  où  il  n'y  a  pas  fusion  complète  des  parties,  le 
trait  d'union  est  plus  qu'inutile,  il  est  nuisible. 

«  Des  locutions  telles  que  :  barbe-de-bouc,  dent-de-loup,  etc., 
lorsqu'elles  sont  détournées  de  leur  signification  directe,  et  appli- 
quées, par  analogie,  à  certaines  plantes,  à  certains  instruments,  etc. , 
sont  des  noms  composés,  ne  présentant  qu'une  idée  unique  sous 
plusieurs  mots,  et  prennent  en  conséquence  le  trait  d'union.  Il  ne 
s'agit  ici,  en  effet,  ni  de  barbe,  ni  de  bouc,  ni  de  dent,  ni  de  loup; 
il  ne  s'agit  que  de  la  plante  appelée  autrement  salsifis  sauvage,  et 
d'une  espèce  de  cheville  de  fer  qui  a  quelque  analogie  avec  une 
dent  de  loup.  Dans  le  sens  direct  et  propre,  on  voit  qu'il  faut  écrire 
sans  trait  d'union. 

«  D'après  ce  principe,  l'Académie  a  tort  d'écrire  eau-de-vie, 
esprit-de-vin,  belle-de-jour,  écuelle-d'eau,  coq-des-jardins,  etc.  (1). 
En  effet,  quelle  différence  y  a-t-il,  au  point  de  vue  de  la  gram- 
maire, entre  eau-de-vie  et  eau  de  rose,  eau  de  Cologne,  eau  de  sen- 
teur "i  entre  esprit-de-vin  et  esprit  de  soufre,  esprit  de  sel,  esprit 
de  vitriolai  Si  vous  ne  considérez  eau-de-vie  que  comme  un  seul 
mot,  si  vous  y  attachez  un  autre  sens  que  celui  d'une  eau,  d'une 
liqueur  qui  donne  de  la  vie,  c'est-à-dire  qui  excite  les  esprits  vitaux, 
qui  ranime,  alors  pourquoi ,  dans  la  formation  du  pluriel ,  en  iso- 
lez-vous les  termes?  Pourquoi  n'écrivez-vous  pas  des  eau-de-vies, 
sans  égard  au  sens  particulier  de  chaque  mot? 

«  Les  mots  dévie,  de  vin,  dans  eau-de-vie,  esprit-de-vin,  comme 
de  senteur,  de  soufre,  dans  eau  de  senteur,  esprit  de  soufre,  ne  sont 

(1)  On  devrait  écrire  piéplat,  comme  on  écrit  piédestal  au  lieu  de  pied  d'estal. 


V 


PLURIEL  DES  MOTS  COMPOSÉS.  413 

pas  autre  chose  que  le  complément  déterminatif  des  mots  eau  et 
esprit.  Ces  locutions  ne  sont  donc  pas  plus  des  noms  composés 
que  cul  d'artichaut,  ciel  de  lit,  bouton  d'or,  arc  de  triomphe,  etc., 
parce  que  chacun  des  termes  qui  les  composent  est  employé, 
sinon  dans  le  sens  propre,  au  moins  dans  un  sens  naturel  et 
direct. 

«  Écrivez  donc  sans  trait  d'union  tout  assemblage  de  mots  na- 
turellement construits,  qui  ne  s'absorbent  pas  complètement  l'un 
dans  l'autre,  de  manière  à  n^en  faire  absolument  qu'un  ;  qui  ne 
présentent  pas  dans  leur  ensemble  un  sens  tout  autre  que  celui 
qui  paraît  devoir  résulter  de  leurs  divers  sens  particuliers. 

«  Mais,  si  les  expressions  sont  détournées  de  leur  sens  naturel, 
de  leur  sens  direct  ;  si  le  verbe,  si  l'adverbe  est  pris  substantive- 
ment; si  les  adjectifs  ne  se  rapportent  plus  que  d'une  manière 
indirecte  au  substantif  qui  les  accompagne  ;  suitout  s'il  y  a  renver- 
sement, transposition  forcée,  contraction,  etc.,  alors,  à  défaut 
d'une  intimité  plus  grande  entre  les  parties ,  le  trait  d'union  est 
indispensable.  Exemples  :  un  haut-le-pied ,  un  pied-plat  {i) ,  un 
tout'OU-rien,  etc. 

((  Dans  le  cas  où  la  réunion  des  composants  semble  indiquée,  il 
ne  faut  pas  oublier  que  les  consonnes  ont  entre  elles  plus  ou  moins 
d'affinité  et  qu'elles  ne  s'accolent  pas  indistinctement  l'une  à  l'au- 
tre; qu'il  n'est  pas  dans  la  nature  des  organes  de  la  parole  de 
pouvoir  prononcer  rapidement  une  faible  avec  une  forte,  comme  d, 
par  exemple,  avec  t,  h  avec  p.  Toute  consonne  immédiatement 
précédée  d'une  autre  consonne  la  veut  du  même  degré  qu'elle  : 
acquérir,  abside,  somptueux ,  etc.  De  là  la  nécessité  du  trait  d'u- 
nion ,  dans  certains  noms  composés,  pour  tenir  à  distance  respec- 
tueuse certaines  consonnes  antipathiques. 

x(  Pourquoi  l'Académie  écrit-elle  en  un  seul  mot  sangsue,  hautbois, 
longtemps,  contrairement  à  tous  les  principes?  puisque  alors  il 
faudrait  prononcer  sankeçu,  hautebois,  lonketan^  attendu  que 
toutes  les  consonnes  se  prononcent  dans  le  corps  des  mots  (Acad.). 
La  simplification  de  ces  mots  ne  pourrait  s'opérer  qu'en  suppri- 
mant la  consonne  finale  du  premier  mot  composant,  ainsi  qu'il 
suit  :  sansue,  lontemps,  haubois,  etc.  ;  ce  qui  est  du  reste  tout  à  fait 

(1)  Jejne  partage  pas  sur  ce  point  l'avis  de  M.  L.  Noël.  Tous  ces  composés,  étant' 
détournés  de  leur  sens  naturel  et  direct,  doivent,  selon  moi,  garder  le  trait  d'union, 
ou  mieux  être  agglutinés  en  un  seul  mot.  Voyez  mon  observation  à  ce  sujet, 
p.  415. 


414  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MOTS  COMPOSÉS. 

conforme  au  génie  de  notre  langue,  comme  le  prouvent  les  sim- 
plifications suivantes,  tout  à  fait  analogues  :  voici,  soutenir^  sou- 
lever, souligner,  soumetlre,  soupeser,  soutirer,  souterrain,  soucoupe, 
béjaune,  chafouin,  puîné,  etc. 

«  Mais  il  faut  éviter  avec  le  plus  grand  soin  de  mettre  en  con- 
tact les  parties  intégrantes  d'un  nom  composé,  quand  on  prévoit 
que  de  leur  choc  il  pourra  résulter  quelque  perturbation  sensible 
dans  le  système  de  la  prononciation  ou  de  l'orthographe,  déjà 
compliqué  d'assez  de  difficultés.  N'écrivez  donc  pas  bouteselle, 
entresol,  tournesol,  havresac,  contreseing,  parasol  (1)^  etc.,  parce 
qu'on  serait  induit  à  prononcer  le  s,  entre  deux  voyelles,  comme  z, 
et  que  d'ailleurs  il  est  impossible  de  doubler  le  s  sans  rendre  fermé 
Vé  final  du  premier  mot ,  lequel  nécessairement  doit  rester  muet. 

((  Quand,  des  deux  mots  composants,  le  premier  finit  par  un  c 
muet  et  que  le  second  commence  par  une  voyelle,  le  rapproche- 
ment ne  peut  avoir  lieu,  à  cause  de  l'élision  nécessaire  de  Ve  muet, 
qui  de  porte,  par  exemple,  ferait  port,  et  changerait  ainsi  la  phy- 
sionomie propre  du  nom  entier,  de  manière  à  le  rendre  mécon- 
naissable. Il  faut  donc  écrire  morte-eau ,  porte-aiguille,  etc. 

«  Mais,  chaque  fois  que  rien  ne  s'oppose  au  rapprochement  des 
parties  intégrantes  d'un  nom  composé,  rien  de  mieux  que  d'opé- 
rer ce  rapprochement,  comme  Ta  fait  l'Académie  dans  hochequeue, 
hochepot,  tournebride,  toumehroche,  entremets,  entretaille,  entrela- 
cer, entremêler,  portebal/e,  portecollet,  portecrayon,  portefeuille, 
portemanteau,  parterre,  atout,  trictrac,  flonflon,  etc.  Pourquoi 
donc  écrit-elle  encore  :  chausse-pied ,  couvre-pied  ,  couvre-chef , 
chausse-trape,  coupe-  cul,  coupe-gorge,  entre-luire,  entre-ligne,  entre- 
nœud, passe-droit,  passe-port,  porte-voix,  à-compte, cric-crac,  etc., 
mots  parfaitement  analogues  aux  premiers?  » 


J'ai  encore  présente  à  mon  souvenir  la  discussion  qui  eut 
lieu  en  1825  au  sujet  de  l'orthographe  qu'il  conviendrait  d'a- 
dopter dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  pour  les  mots  com- 

(1)  Dans  ces  mots,  la  lettre  s  conserve  toujours  son  véritable  son.  On  ne  saurait 
écrite  autrement  parasol,  qiii  ne  peut  être  divisé  en  deux  mots,  l'un  grec,  l'autre 
français;  et  l'on  doit  écrire  de  même  entresol,  sousol. 


t 


LISTE  GÉNÉRALE  DES  MOTS  COMPOSÉS.  nr, 

posés.  On  reconnaissait  que  les  mots  au  nombre  de  deux,  de 
trois  et  même  de  quatre,  dont  l'ensemble  ne  représente  qu'un 
seul  objet ,  qu'une  seule  idée ,  ne  devaient  pas  être  laissés 
écrits  séparés  les  uns  des  autres,  puisque  le  sens  de  chaque 
mot,  pris  isolément,  offrait  une  idée  tout  autre  que  celle  qu'ex- 
primait leur  ensemble.  Les  grouper  en  un  seul  aurait  fait 
cesser  cet  inconvénient;  mais  quoiqu'on  eût  déjà  l'exemple  de 
plusieurs  mots  composés  ainsi  agglutinés,  on  crut  devoir  se 
borner  à  les  réunir  par  un  tiret  plutôt  que  de  les  laisser  sépa- 
rés. C'était  un  acheminement  pour  n'en  faire  plus  tard  qu'un 
seul  mot,  système  que  je  crois  le  meilleur.  Il  est,  en  elïet,  le 
plus  logique,  et  l'Académie,  dans  ses  diverses  éditions,  paraît 
avoir  voulu  s'y  conformer. 

Je  donne  ici,  d'après  le  Dictionnaire  de  l'Académie,  la  liste 
générale  des  mots,  avec  ou  sans  trait  d'union,  qui  jouent  le 
rôle  de  mots  composés  ou  qui  méritent  véritablement  cette  dé- 
nomination. On  jugera  des  difficultés  qu'offre  cette  question  si 
comphquée,  par  l'examen  des  contradictions  qui  ressortent  de 
la  comparaison  des  cas  analogues.  Il  semble,  en  y  réfléchis- 
sant, qu'il  soit  impossible  de  sortir  d'un  pareil  dédale,  sans 
avoir  préalablement  ramené  la  théorie  de  la  composition  des 
mots  à  des  principes  simples  tirés  des  lois  mêmes  qui  ont  pré- 
sidé à  la  formation  de  notre  langue. 

La  première  colonne  de  ces  tableaux  se  compose  du  singu- 
lier des  noms  composés  ou  pseudo-composés.  Les  mots  mar- 
qués d'un  astérisque  ne  figurent  pas  au  Dictionnaire  de  l'Aca- 
démie. D'après  les  lexiques  récents,  on  aurait  pu  facilement 
en  doubler  le  nombre. 

La  seconde  colonne  contient  les  pluriels  sur  lesquels  l'Aca- 
démie s'est  prononcée  dans  sa  dernière  édition  de  1835. 

La  troisième  colonne  renferme  les  pluriels  donnés  par 
M*  Poitevin  dans  sa  Grammaire  générale,  édition  de  1856^ 
tome  P^  p.  80.  Je  les  ai  marqués  du  signe  P.  Ceux  donnés  par 
M.  Littré,  dans  son  grand  Dictionnaire  historique  en  cours  de 


416  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MOTS  COMPOSÉS. 

publication,  sont  marqués  de  l'abréviation  L.  Enfin  ceux  que 
j'ai  fait  suivre  de  la  lettre  H.  sont  tirés  du  Code  orthographique 
de  M.  Albert  Hétrel,  qui  a  fait  de  cette  question  une  recherche 
approfondie. 

La  date  1659,  que  j'ai  fait  figurer  dans  quelques  cas,  se  ré- 
fère au  Dictionnaire  français-italien^  de  Nath.  Duez,  im- 
primé à  Leyde,  chez  Jean  Elsevier,  cette  même  année,  ouvrage 
exécuté  avec  beaucoup  de  soin  et  qui  représente  fidèlement 
l'état  de  l'orthographe  française  avant  que  l'Académie  se  saisît 
de  cette  question. 

La  quatrième  colonne  contient  les  rectifications  qu'on  pour- 
rait, peut-être,  introduire  dès  à  présent  et  quelques  remarques 
historiques. 


l 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS 

.\DM1S  AU  DICTIONNAIRE  DE  L'ACADÉMIE. 

Le^  mots  marqués  d'un  *  ne  figurent  pas  au  Dictionnaire  de  l'Académie.  Le  ?  indique  les  mots  inutiles. 


MOTS 
DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


il 


abandon 

*abat-faim  (un) 

*abat-foin  (un) 

abat-jour  (un) 

abat-vent  (un) 

abat-voix  (un) 

à-compte  (un) 

à-coup  (un)  . 

acquit-à-caution  (un).  .   . 

acquit-patent 

adjudant  général  (un)  .  . 
adjudant-major  (un)  .  .  . 
adjudant  s.-offîcier  (un)  . 
agnus-castus  (un)  .  .  .  . 
aide-chirurgien  (un)  .  .  . 
aide  de  camp  (un).    .   .   . 

aide-maçon  (un) 

aide-major  (un) 

aigre-doux,  ouce  .   ,   .   . 

aigrefin  (un) 

aigue-marine  (une),  pierre 

alentour  (d') 

amour-propre  (1')  .... 
*annonce-omnibus  (une)  . 

antechrist  (un) 

Anti-Liban  (V) 

antipape »  . 

*Anti-Taurus  (1') 

aparté  (un) 

à  peu  près 
aplomb  (d') 

appui-main  (un) 

après-demain 
après-dînée  (une)  .   .   .   . 

après-midi  (une) 

après-soupée  (une).  .   .   . 

à-propos  (un) 

arc-boutant  (un) 

arc  de  triomphe  (im).  .  , 
arc-doubleau  (un)  .   .   .  . 

arc-en-ciel  (un) 

archidiaconé  (un)  .  .  .  . 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


abat-jour  (des) 
abat-vent  (des) 


à-compte  (des). 
à-coup  (des).   . 


adjudants  généraux  (des) 


aides  de  camp  (des) 


aides-majors  (des) 
aigres-doux,  ouces. 
aigrefins  (des) 


alentours  (les) 
amours-propres  (les) 


antipapes  (des) 
aparté  (les)..   . 


après-dînées  (des) 


après-soupées  (les) 
à-propos  (des)  .... 
arcs-boutants  (des) .  . 
arcs  de  triomphe  (des) 
arcs-doubleaux  (des) . 
arcs-en-ciel  (des)  .  . 
archidiaconés  (des) 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


abat-faim  (des),  P. 
abat-foin  (des),  P. 


abat-voix  (des),  P. 


acquits-à-caution  (des) . 
acquits-patents 

adjudants-majors  (des),  L. 
adjudants  s.  officiers  (des) 
agnus-castus  (des)  .  ,  .  . 
aides-chirurgien  (des)  .  . 
aides-de-camp  (des),  P. 
aides-maçon  (des),  aides- 
maçons  (des),  H. 


aigues-marines  (des),  P. 


annonces-omnibus  (des) 
antechrists  (des).   .  .   . 


appuis-main  (des),  P.  L. 


après-midi  (les),  P. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


écrit  autrefois  à  bandon. 


acompte,  Li 

acoup 

acquit  à  caution. 


agnus  castus 
aide-chirurgiens  (des)  ." 

aide-raaçons  (des) 

aigredoux,  aigredouces 

aiguë  marine 

anlichrist 


apartés  (les) 


appuimain 


apropo» 
arcboutant 


arc  doubleau 
arc  en  ciel    ( 


27 


418 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DC  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

DONNÉS 

PAR  L'ACADÉMIE. 


arrache-pied  (d').  .  .  • 
arrête-bœuf  (un).  .   .   • 

arrière-ban  (!') 

arrière-bec  (un)  .... 
arrière-bouche  (une).  . 
arrière-boutique  (une) . 
arrière-corps  (un).  .  . 
arrière-cour  (une) .  .  . 
arrière-faix  (un).  .  .  . 
arrière-fief  (un)  .... 
arrière-garant  (un) .  .  . 
arrière-garde  (une).  .  . 
arrière-goat  (un)  .  .  . 
arrière-ligne  (une).  .  . 
arrière-main  (un  et  une) 
arrière-neveu  (un).  .  . 
arrière-pensée  (une)  .  . 
arrière-peiit-fils  (un) .  . 
arrière-point  (un)  .  .  . 
arrière-saison  (une)  .  . 
arrière-train  (1')  .... 
arrière-vassal  (un),  .  . 
arrière-voussute  (une) . 

atout  ;un) 

attrape-lourdaud  (un).  . 
attrape-mouche  (un).    .   . 
attrape-nigaud  (un)  .    .    . 

au  deçà 

au  dedans 

au  dehors 

au  delà 

au-dessous 

au-dessus 

au-devant 

aujourd'hui 

auparavant 

auprès 

auto-da-fé  (un) 

autrefois 

autre  fois  (une) 

auvent  (un) 

avant-bec  (un) 

avant-bras  (un)   ..... 

avant-corps  (un).  .   .   .  . 

avant-cour  (une) 

avant-coureur  (un),rt'ière 

avant-dernier,  ière.  .  .  . 

*avant-duc  (un)  .  .  .  .  . 

avant  faire  droit  (un).   .   . 

*avanl-fosse  (une)  .  .   .  . 

avant-garde  (une).  .  .  . 


arrière-fiefs  (des) 


arrière-neveux  (des) 
arrière-pensées  (des) 


arrière-points  (des) 


atouts  (des) 


PLURIELS 
SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


arrète-bœuf  (des),  H.    .  . 
rière-ban  (les),  P.  .   .   . 
arrière-becs  (des),L. 
arrière- bouches  (des),L.H. 
arrière-boutiques  (des),  P. 
arrière-corps  (des),  P. 
arrière-cours  (des),  L. 
arrière-faix  (des).  L. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


arrachepied  (d') 

arrêtebœuf 

arrière-bans,  au  pluriel,  L. 


arrière-bouche  (de 


arrière-garants  (des),  L. 
arrière-gardes  (des),  P. 
arrière-goûts  (des),  P. 
arrière-lignes  (des),  P. 
arrière-mains  (des),  P. 


arrière-peiits-fils  (des),  P. 

arrière-saisons  (des),  P. 
arrière-trains  (des) 
arrière-vassaux  (des),  P. 
arrière-voussures  (des) 

attrape-lourdaud  (des) 
attrape-mouche  (des) 
attrape-nigaud  (des),  H. 


auto-da-fé  (des) 

autres  fois  (les) 
auvents  (des) 


avant-cours  (les) 
avant-coureurs(Ies),rrières 


avant-gardes  (des) 


avant-becs  (des),  P. 
avant-bras  (les),  P. 
avant-corps  (les),  P. 


av. -derniers,  ières,  P. 
avant-ducs  (des),  P, 
avant-faire-droit  (des),  P, 
avant-fosses  (des),  P. 


audeçà 

audedan? 

audelior? 

audelà 

audessou? 

audessus 

audevanl 


autodafé 


avant-counere 


avant-faire-droit  (un) 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


419 


MOTS 
UU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


avant-goût  (un) . 
avant-hier 
avant-main  (un) . 
avant-mur  (un)  . 
avant-pêche  (une) 
*avant-piecl  (!')  . 
avant-port  (un)  . 
avant-poste  (un), 
avant-propos  (un) 
avant-quart  (un), 
avant-scène  (une 
avant-toit  (un).  . 
avant-train  (un), 
avant-veille  (une) 
à  vau-l'eau  .  .  . 
A.vé  Maria  (un)   . 

à  verse  

aveugle-né,  née  . 
ayant  cause  (un). 
ayant  droit  (un) . 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


avant-goûts  (des) 


avant-pêches  (des) 


avant-postes  (des) 


bâbord  (à) 

bain-marie  (un) 

baisemain  (le) 

banvin  (le) 

barbe-de-bouc,  plante  .  . 
barbe-de-capucin,  plante, 
barbe-de-chèvre,  plante  . 
barbe-de-Jupiter,  plante  , 
barbe-de-moine,  plante.  . 
barbe-de-renard,  plante.  . 

bas  bleu  (un) 

bas  Breton 

bas-dessus  (un  I 

Bas-Empire  (le) 

bas- fond  (un) 

bas  officier  (un) 

bas-relief  (un) 

basse-contrè  (une).   .    .   . 

basse-cour  (une) 

basse-fosse  (une) 

basse  lisse 


Avé  Maria  (d( 


ayants  cause  (des) 
ayants  droit  (des) 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


avant-mains  (des),  P. 
avant-murs  (des),  P. 

avant-pieds  (les),  P. 
avant-ports  (des),  L. 

A 
avant-propos  (des),  P. 
avant-quarts  (des),  P. 
avant-scènes  (des),  P. 
avant- toits  (des),  P. 
avant-trains  (des),  P. 
avant-veilles  (des),  P. 


baisemains  (des),m.et  fém, 
banvins  (les) 


bas  bleus  (des) 
bas  Bretons  (des) 


bas-fonds  (des) 
bas  officiers  (des) 
bas-reliefs  (des) 


basse-taille  (uiif). 
*basse terre  (une) 
*basse  voile  (uni!) 


basses-fosses  (des) 
Basses- Alpes  (départ,  des) 


aveugles-nés,  ées  (des),  L, 


bains-marie  (des),  P.  L.  H. 


barbes-de-bouc  (des),  P.  , 
barbes-de-capucin  (des),P. 
barbes-de-chèvre  (des),  P. 
barbes-de-Juplter  (des) 
barbes -de-moine  (des),  P. 
barbes-de-renard  (des),  P. 


bas-dessus  (des) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


avauleau,   à  cause  de  aval  et 
amont. 

Il  pleut  à  verse, 
pi.  aveugle-nés,   comme  mort- 
nés,  nouveau-nés. 


bainmarie 


Comme  l'Acad.  En  1659,  baibf 
de  bouc. 


basses-contre  (des),  P, 
basses-cours  (des),  P. 


bas- ventre  (le).  . 
bateau-porte  (un) 
bateau-poste  (un) 


basses-lisses  (des),  P.  L. 

basses- tailles  (des),  P.  L. 
basses  terres  (des)  .  .  , 
basses  voiles  (des) .   ,  ., 

bas- ventre  (des),  P',  ,  , 
bateaux-portes  (des),  H, 
bateaux-poste  (des).  .  . 


Pas  de  pi. 


bassecontre 
bassecour 
basse  fosse 
basselisse 

bassetaille 

M.  P.  écrit  basse-terre, 
basse  voile.  MM.  L.  cl  P.  écri- 
vent basse  -voile. 

PI.  bas-ventres. 
Voirlirabres-poste. 


420 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU   DICTIONNAIRE 
DE  l'académie. 


battant-l'œil  (un)?.   .  . 
beau-dire  (être  sur  son) 

beau-fils  (le) 

beau-frère  (un)  .   .    .   . 

beau-père  (un) 

beaupré  (le}.   .   .   .    .   . 


bec-de-cane  (un),  instr.  . 
bec-à-corbln  (un),  instr. . 

bec-dc-corbin  (un) 

bec-de-cygne  (un)  .... 
bec-de-gruc  (un),  plante  . 
bec- de-lièvre  (un).  .  .•  . 
bec-de-vautoUr,  instr.  .   . 

becfigue  (un) 

béjaune  (un),  ou  bec  jaune 

bel  esprit  (un) 

belladone  (une),  plante.  . 
bella-donna  (la),  plante.  . 
belle-dame,  plante.  .  .  . 
belle-de-jour  (une),  pi..  . 
belle-de-nuil  {une),  pi..  . 
belle-d'un-jour  (la),  pi.    . 

belle-fille  (une) 

belle-mère  (une) 

belle-sœur  (une) 


betterave  (une) 
b-fa-si  (en) 
bien-aimé,  ée  . 
bien  aise  .   .   . 
bien-  dire  (le)  . 


bien-disant,  ante . 


bien-être  (le)  .  . 
bienfaisant,  ante. 
bienfait  (un).  .  . 
bien-fonds  (un)  . 
bienheureux,  se  . 


bienséant,  ante  .   . 
bien-tenant,  ante  . 


bientôt 


bienveillant,  ante 
*bien-vivre  (le)  . 
bigame  (un),  etc. 
bis-blanc  (pain)  . 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


beaux-fils  (des)  . 
beaux-frères  (des) 
beaux-pères  (des) 
beauprés  (les) 
beaux-arts  (les) 


becs-de-corbin  (des) 


becfigues  (des) 
béjaunes  (des) 
beaux  esprits  (de) 
belladones  (des) 


belles-sœurs  (des) 
belles-lettres  (les) 
betteraves  (des) 


bien-aimés,  ées. 
bien  aises.    .  . 


bien-disants,  antes. 


bienfaisants,  tes 
bienfaits  (des) 
biens-fonds  (des). 
bienheureux,  ses. 


bienséants,  antes 
bien-tenants,  antes. 


PLURIELS 
SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


battant-l'œil  (des),  L. 


becs-de-cane  (des),  P. 
becs-à-corbin  (des) 

becs-de-cygne- (des) 
becs-de-grue  (des),  P. 
becs-de-lièvre  (des),  L. 
becs-de-vautour  (des),  L. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


baltanlœil 


beaufils 

beaufrèrc 

beaupère 


bella-donna  (des).  .  .  . 
belles-dames  (d«4s),  P.  . 
belles-de-jour  (des),  P.. 
belles-de-nuit  (des),  P.  . 
belles-d'un-jour  (des),  L. 
belles-filles  (des),  P.  .  . 
belles-mères  (des),  P.  . 


bienveillants,  antes 


bigames  (des),  etc. 


bien-dire  (des),  P. 


bien-être,  P. 


bis-blancs  (pains) 


belladonna 

bélledame 

belledejour 

belledenuit 

belledunjour 

belleÛUe 

bellemère 

bellesœur.En  1659,  belle  sœur. 


L'Académie  écrit  :  Le  bien  faire 
vaut  mieux  que  le  bien  dire 
.  (sans  trait  d'union). 

biendisant,  à  cause  de  bienfai- 
'  sont,  bienséant 

bienêtre 


bienfond 

Mais  on  écrit  :  Il  est  bien  heu- 


reux d'en  sortir. 


bientenant,  à  cause  de  bienfai- 
sant. 


Mais  on  écrit  :  Vous  arrivt 
bien  tôt,  bien  tard. 


bienvivre. 
bis  blanc,  L. 


vy 


t 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


421 


MOTS  PLURIELS 

DU  DICTIONNAIRE  DONNÉS 

DE  L'ACADÉMIE.  PAR  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS  I        CORRECTIONS 

I 


SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


bissac  (un) bissacs  (des). 


blancs  de  baleine  (les) 


blanc-bec  (un).  .   . 
blanc  de  baleine  (le) 

blanc-manger | 

blanc  seing  (un) 'blarxs  seings  (des) 

blanc  signé  (un) j 

blé-froment  (le) 

bié-mouture  (le).   ... 

blé-seigle  (le) 

bœuf  gras  (le).  .  .  .  . 
bois  gentil  (le),  arbre  . 
bon-chrétien  (du),  poire 
bonduc  (un),  arbre.  .  . 
bon-Henri  (le),  plante  . 


bœufs  gras  (les) 


bonducs  (des) 


bonhomme  (un) 


bon  homme  (un)  (V.prud'- 
homme  et  gentilhomme.) 

bonjour  (le) 

bonne  aventure  (dire  la)  . 
bonne-dame  (la),  plante  . 
bonne  fortune  (en).  .  .  . 
bonnct-de-prêtre,  fortifie, 
bonne- voglie  (un)?.  .   .  . 


bouledogues  (des) 


bourgmestres 


borne-fontaine  (une), 
bouche-trou  (un)    .   . 
bouillon-blanc  (le),  plante 
boule-de-neige  (la),  plante 
bouledogue  (un).  .... 

boule  vue  (à  la) 
bourgmestre  (un)  .... 

bout- dehors    ou    bouîe- 
hors  (un) ....... 

boute-en- train  (un)  .    .   . 

boute-feu  (un) 

boute-selle  (le) 

bouton-d'argent  (un),  pi. 
boulon-d'or  (un),  plante  . 

bout-rimé  (un^ jbouts-rimés  (des) 

branche-ursine  (la)   .   .   .  | 

brandevin  (du)    .    .    .    . 
branle-bas  (un)  .... 
bras-le-corps  (à) 
brèche-dent  (un  ou  une) 


blancs-becs  (des),  L.  .   .   . 

blanc-manger  (des),  P. 
blanc-seings  (des),  P.   .   . 
blancs  signés  (des),  1659. 


bois  gentils  (des) 
bons-chrétiens  (des),  P.  L. 

bons-henris  (les),  P.  .   .   . 


bonjours  (les) 


bonnes  fortunes  (dc^) 


bornes-fontaines  (des) 


bonnes-aventures,  P. 
bonnes-dames  (des),L.. 
bonnes-fortunes,  P. 
bonnets-de-prêtre  (des) . 


bouche-trous  (des),  P.  L. 
bouillous-blancs  (des) 
boules-de-neige  (des) .  . 


PROPOSKES 
ET  OBSERVATIONS. 


De  même  en  un  root  tons  les 
composés  avec  le  préfixe  la- 


blancs- seings,  an  pi.  I. 

blé  froment 
blé  mouture 
blé  seigle 


bonhenri,  à  cause  du  plurii-l 
inadmissible  autrement. 

L'Académie  ne  nous  fixe  pas 
pour  le  pluriel.  Jene  crois 
pas  qu'on  puisse  dire  comme 
M.  Th.  Barrière  :  les  faux 
bonshommes  ;  mais  les  /aux 
bonhomus  (à  cause  de  bon- 
homie), et  les  enfants  s'ex- 
priment selon  la  loi  de  com- 
position des  mots  en  disiuit: 
Faites-moi  des  honhommes. 

bonnedame 

M.  L.  écrit  bonnet  à  prêtre. 

Prononcez  voille.  Ce  mot  n'est 
plus  utile  dans  un  diction- 
naire de  la  littérature. 


•rit  boule  de  neige. 


bouie-hors  (des) 

boute-en- train  (des),  P.  L. 


boute-feux  (des). 


brandeviiis  (des 


I boute-selles  (des), L..  .  . 
boutons-d'argent  (des),  L. 
I boutons-d'or  (des),  L.  ,  . 

îbranches-ursines  (des),  P. 

branle-bas  (des),  L.  .   .   . 

brèche-dents (des),  P.  .  . 


boutefeu 
boutesellc 


bouton  d't 
bouts  riuii' 


brècbedent.  M.  L.  écrit  au  pi. 
brècbe-dents. 


422 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DD  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


bredi-breda  ?  . 
bric-à-brac  (du) 


*brise'Cou  (un)  .  , 
brise-glace  (un).  . 
brise-raison  (un).  . 
brise-scellé  (un).  . 
brise-tout  (un).  .  . 
brise-vent  (un)  .  . 
brûle-pourpoint  (à) 
brùle-tout  (un)  .   . 


çà  et  là 

cache-cache  (à)  .  .  , 
*café-concert  (un) .   . 

cahin-caha  

caillebotte  (une).  .  , 
caille-lait  (le),  plante, 
caillot-rosat  (du) .  .  . 
cardinal-évêque  (un). 
carême-prenant  (à)^  . 


casse-cou  (un) . 
*casse-cul  (un) 


''casse-mottc  (un) 


casse-noisette  (un 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


brise-glace  (des), 
brise-raison  (des) 


brise-vent  (des) 
brûIe-tout  (des") 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


bric-à-brac  (des),  L.  .   . 
brise-cou  (des),  P.  L.  H. 


brise-sctliOs  (des),  P.  M.  . 
brise  tout  (des),  P 


cailleboties  (des) 


cafOs-concorts  (des),  II. 


I  caille-lait  (des),  P. 
icaillots-rosats  (des),  P. 
cardinaux-évêques  (des)   . 
!  carême-prenant  (les),  P.  H. 


i  casse -cou  (des),  P.  II. 
casse-cul  (des),  P.  .   . 

casse- motte  (des).  P.. 


casse-noix  (un)   . 

casse-tête  (un).  . 

ceci 

cela 

celui-ci,  celle-ci. 

celui-là,  celle-là  . 

*cent-gardes  (un) 


Cent-Suisse  (un).  . 
cerf  dix  cors  (un)  . 
cerf-volant  (un)  . 
c'est-à-dire 
champ  clos  (en) .  . 
ciiamp  de  mai  (un) . 
clianip  de  Mars  (le) 
champ  de  mars  (un) 


casse- tête  [des] 


ceux-ci,  celles-ci 
ceux-là,  celles-là 


Cenl-jours  (les) 
Cent -Suisses  (des) 
cerfs  dix  cors  (des) 


I  casse- nijisettes  (des),  P. 

I 

casse-noix  (des),  P.    .    . 

cent-gardes  (les) 

cerfs-volants  (des),  P.  . 
champs  clos  (les) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


bricabiMC,    pour  éviter  le 
bric..s-à-br;ic.5. 

brisecou 

briseglace 

hriseraison 

brii?ei?cellf 

lirisetoiil 

brisevent 


champs  de  mai  (des) 


cahincahi 


cardinal  évêque 

M.  Littré  écrit  an   pluriel  de» 

carêmes-prenants.—  Care?iiie 

prenant,  16b9. 

cassecou.   M.  L.    écrit    au    pi. 
cas?e-cou  ou  casi^e-cous. 

cas?ecu  comme  tapecu.  Au  pi. 
M.  L.  écrit  ra.s?e-cul  ou  ca??e- 


casjemolte,  1659.  M.  L.  écrit 
au  pi.  casse-motte  ou  casse- 
mottes. 

cassenoiseite.  Quelques  -  uns 
écrivent,  contrairement  à 
l'Acad.  ,  un  casse-noiseltf.i. 

cassenoix 

cassotête.  L'Académie  écrit  ; 
Ce  problème  est  un  casse 
tête,  sans  trait  d'union. 


champs  de  mars  (des) 
champs  Éiysées(les),myth. 


Champ  (le  Mars,  à  Paris, 
assemblée  tenue  on  mars 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


423 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


chape-chute  (chercher) . 
char  à  bancs  (un)   .   .   . 


*£hasse-chien  (un) . 
*chasse-coquin  (un) 
chasse-cousin  (un). 

chassé  croisé  (un)  . 
chasse-marée  (un) . 
chasse-mouche  (un) 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


Champs-Élj'sées(les)à  Paris 


château  fort  (un)  .... 
*château-margaux  (  boire 

du) 

chat-huant  (un) 

chauffe-cire  (un)  .  .  .  . 
*chauffe-linge  (un).  .  .  . 
^^chauffc-litfun) 


''chauffe-pieds  un) , 


chausse-pied  (un)  .   .  . 

chausse-trape  (une)   .  . 

chauve-souris  (une)  .  . 

chef-d'œuvre  (un)  .   .  . 

chef-lieu  (un) 

*cliêne-liége  (un)  .   .  . 

*chcvalde  frise  (un).  . 

chevau-léger  (un)  .   .  . 

chèvrefeuille  (un)  ,   .  . 


chars-à-bancs  (des),  P.  L. 
chars  à  bancs  (des),  H. 
chasse-chieu  (des),  P.    .   . 
.   .   .  I chasse-coquin  (des),  P. .  . 
.   .  .chasse-cousin  (des).  P..  . 
'chasse-cousins  (des),  IL 
chassés  croisés  (des)  ! 

chasse-marées  (des) ....  chasse-marée  (des),  P.   .  . 
chasse-mouches  (des),  P.  . 


C0RRECT10.\S 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


châteaux  forts  (des) 


château-margaux  (des) 


cliats-huants  (les) 


!  chauffe-cire  (des),  P.  .   .  . 
îchauffe-lingc  (des),  H.  .   , 
I  chauffe-lit  (des),  P.,  chauf- 
I    fe-lits  (des),  IL 
chaufle-pieds  (des).  P..   . 

;  chausse-pieds  (des),  P. .  . 


chausse-trapes  (des 


chauves-souris  (des)  .   .  .  j   .  .   .       •   • 

chefs-d'œuvre  (des) 

chefs-lieux  (des) .  ,.....••• 

chênes-liéges  (des) .  .  . 

chevaux  de  frise  (des)         j 

chevau-légers  (les) .   .   .  .  chevaux-légers  (les),  P. 


chèvre-pied,  adj.  m.  . 

*chie-en-lit  (un) .   .  . 

chiendent  (du).  .   .  . 

*chien-loup  (un).  .  . 

*chien  marin  (un).  . 

choléra-uiorbus  (le)  . 

choucroute  (la)  .   .  . 

chou-fleur  (le),  .   .  . 


chou-navet  (le) 


chèvrefeuilles  (des). 


chèvre-pieds  (dieux) . 


,  chèvres-feuilles  (des),  P. 


chapechutc 

charabîii.  Au  pi.  on  prononce, 
dit  M.  Littré,   cliaraban. 

chassechien 
chassecoqnin 
chassecousin 


cha^semarée 
chassemouche.M. Poitevin  écrit, 

contrairement  à  l'Acad.^  un 

chasse-mouche?. 


hahuant,  1639. 
chauffccire 
chauffelinge 
chauffelit 


chauffepied.  —  Chauffe-pied, 
1659. 

chaussepied 

chaussetrape.  —  Chaussetnppe, 

1639. 
c.hauvesouris,  1659. 
chefdœuvre  ou  cliêdeuvre 
cheflieu 
chêne  liéjro 

chevaulés^er.— Chevaux  légers, 
1639. 

Heureusement  l'Académie  a 
réuni  le?  parties  de  ce  com- 
posé, car  le  pluriel  proposé 
par  M.  Poitevin  est  inadmis- 
sible. 


xhieen  lit  (des) 


chiendents  (des) 


chiens-loups  (des),  P.  . 
chiens-marins  (des).  P.. 
choléra-morbus  (des) .  . 


choucroutes  (les) 
choux-fleurs  (les) 


chou-pille  (un) . 
chou-rave  (le) . 


christe  marine  (une).   .   .  christes  marines  (des) 


choux-navets  (les),  P.  L. 


choux-pilie  (des) .  .  . 
choux-raves  (les).  P.. 


ehèvrepied.  Chèvre-pied,  1639, 
cliienlit 


chien  loup 
chien  marin 
coléra 


(leurs. 


choufleur.    —    Choux 

1639. 
chou  navet,  ou  plutôt  chouna- 

vel. 
choupille,  chien  de  chasse, 
chou  rave,  ou  chourave  comme 

betterave. 
M.  L.  écrit  à  tort  chrisle-marine 

avec  trait  d'union. 


u 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DD   DICTIONNAIRE 
DE  L'âCÂDËHIE. 


ci-après,  ci-contre,  ci-de- 
vant, ci-dessus,  ci-in- 
clus, ci-joint,  etc. ,   .   . 


ci-devant  (un). 
ciel  de  lit  (un) , 
ci-gît,  verbe.   . 


*clair-brun,  brune.   , 
claire-voie  (à) ,   .   .   , 
clair-obscur  (le),    .  , 
clair-semé,  ée  .  .   .   , 
*claque-bois  (un)    . 
claquedent  (un)  .  . 
claquemurer 
*claque-oreilles  (un) 
cligne-musette  (à  la) 
clin  d'ceil  (  un) .   .   . 


cloche-pied  (à) 

clopin-clopant  (aller).  . 
*clos-vougeot  (boire  du) 
coassocié,  ée,etc.  ... 


PLURIELS 

DONNÉS 

PAR   L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 
SELON  QUELQOES 
GRAMMAIRIENS. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


ciels  de  lit  (des)  .... 
ci-gisent 

Cinq-Cents  (conseil  dis) 
clair-bruns,  brunes 


ciair-semés,  ées  . 
claque- bois  (des), 
ciaquedents  (des) 


,    .    . cicontre,  cidessus,  etc.,    mais 

!     ci  inclus,  ci  joint. 
ci-devant  (des) j  cidevant 

ciels-de-lit  (des),  P.    .    .   *.    cieldelit,   à   cause   du   pluriel. 
I     Ciel  de  lit,  1659. 


claires-voies  (des),  P.  L.  .  Icialrevoie 
clairs-obscurs  (les) .  .   .   .  '  tiairobséur 

elairsemé.  —  Clair  semé,  1659. 

claquebois 


claque-oreilles  (des),  P.  L. 


coassociés,  ées. 


cœur  joie  (à) .  .  .  . 
coffre-fort  (un)  .  . 
cogne-fétu  (un)  .  . 
colin-maillard  (un) 


*colin-tampon 

colle  forte  (la) 

collet  monté,  adj. 
commissaire-priseur   (un) 
commis  voyageur  (un) ,  , 
compte  courant  (un) .   .   . 
compte  rendu  (un) .  .   .   . 


clins  d'œil  (des) jclins-d'œil  (de.ç),  P :  c'est  à  tort  que   M.   Poitevin 

met  un  trait  d'union,  puisque 
le  sens  est  naturel. 

clochepied 

clopin  dopant  » 

Il  n'y  a  pas  d'exception  pour  la 
juxtaposition  des  mots  avec 
le  préfixe  eo.  C'est  à  tort  que 
M.  Poitevin  fait  trois  ou  qua- 
tre distinctions  :  co- associé', 
eo-état ,  co-êvèque,  co-reli- 
gionnaire. 

cœur-joie  (à) 
coffrefort 
cognefctu 

colinmaillard,  car  ce  pluriel 
est  un  des  cas  les  plus  épi- 
neux de  la  syntaxe  des  noms 
composés.  —  Colin  maillard, 
1659. 


colles  fortes  (les) 


commis  voyageurs  (des) 
comptes  courants  (des) 
comptes  rendus  (des).  , 


coffres- forts  (des)  .  .  . 
cogne-fétu  ou  fétus  (des) 
colins-maillards  (des),-  P. 


commissaires-priseurs(des) 


commissaire  prise  ur 


comté-pairie  (un)  . 
contrapontiste  (un) 

contre-allée  (une)  . 


contre-amiral  lun) . 
'^contre-appel  (un). 


comtés-pairies  (des) 


conlrapontistes  (des), 
contre-allées  (les)  .   . 


M.  Arago  a  faitadopter  à  l'Aca- 
démie des  sciences  cette 
forme  :  compte-rendu. 


Jamais  dé  disjonction  avec  le 
préfixe  latin  contra. 

contrallée.  (De  même  tous  les 
composés  formés  avec  la  pré- 
position contre.) 


contre-amiraux  (des) contramiral 

contre-appels  (des),  p.  .   .{contrappel 


t 


DES  MOTS  COIMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


425 


MOTS  I  PLURIELS 

DU  DICTIONNAIRE  DONNÉS 

DE  L'ACADÉMIE.  |  par    L'ACADEMIE. 


contre-approches  (des) . 
contrebandes  (les) 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


CORREGllUAb 

PROPOSKES 
ET  OBSERVATIONS. 


contre-balancer 
contrebande  (la) 

contre-bas  (en) | 

contre-basse  (une) .   .   .   .  |  contre-basses  (des) .  .   .   .1 

contre-batterie  (une).  .   .' contre-batteries  (des)    ' 

contre-boutant  (un)  .    .    .  i Icontre-boutants  (des),  L. 

contre-calquer ! 

contrecarrer 

"  '       '  contre-charges  (des),  P. 


*contre-charge  (une), 
contre-charme  (un)?, 
contre-châssis  (un) .  . 
contre-clef  (une)  ,  . 
contre-cœur  (un),  serr 
contre-cœur  (èi).  .  . 
contre-coup  (un),  .  . 
contre-courant  (un)  . 
contredanse  (une)  .  . 
contredire 
contredisant,  ante.    . 

contredit  (un) ;  contredits  (des) 

contre-échange  (un) 


contre-courants  (des) 
conti  edanses  (des) 

contredisants,  antes 


contre-enquête  (une). 
contre-épreuve  (une). 
contre-espalier  (un)  . 


contrefaçon  (la)  .  .  . 
contrefacteur  (un).  . 
contrefaiseur  (un)  .  . 
*contre-fenêtre  (une) . 


contrefaçons  (des) 
contrefacteurs  (des) 
contrefaiseurs  (des) 


*contre-fente  (une) .  .  . 

contre-fiche  (une)  .   .  . 

contre-finesse  (une)  .  . 

contre-fort  (un)  .   .   .  . 

contre-fugue  (une) .  .  . 

contre-garde  (une).    .  . 

contre-hachure  (une).  . 

contre-hâtier  (un)  .    .  . 
contre-indication  (une), 

contre-jour  (un).  ..    .  . 

contre-latte  (une)  .   .  . 

contre-lettre  (une).   .  . 


contre- fiches  (des) . 
contre-forts  (des)  . 


contre-fugues  (des),  P..  . 
contre-gardes  (des),  L..  . 
contre-hachures  (des),  L, 
contre-hàtiers  (des),  L..  . 
contre-indicaiions(des),L. 
contre-jour  (des),  P. .  .  . 
contre-latles  (des),  L.  .  . 
conire-Iettres  (des).  P..  . 
contre-maître  (un) |contre-maîtrfs  (des),  P.  . 

i 
contremander  I 

contre-marche  (une) contre-marches  (des),  P.  . 

contre-marée  (une) j  contre-marées  (des),  P.    . 

contre-marque  (une).  .   .     contre-marques  (des),  P.  . 

contre-mine  (une)  .  .  .  ., j  contre-mines  (des),  P,  .  , 


contre-charmes  (des).  L. 
contre-châssis  (des),  L  . 
contre-clefs  (des),  P..  . 
contre-cœurs  (des),  P.  . 


contre-coups  (les),  P. 


contre-échanges  (des),  P. 

contre-enquêtes  (des).  P. 
contre-épreuves  (des),  P. 
contre  espaliers  (des).  . 


contre-fenêtres  (des),  P. 
conire-fentes  (des),  P. . 
contre-finesses  (des),  P. 


contrapproches 
contrebalancer,  165^. 

contrebas  (en) 
contrebasse,  1659. 
conlrebatterie,  1659. 
conlreboulant,  1659. 
contrecalquer 

contrecharge,  16."9. 

coiitrecbarme 

eontrechâssis 

contreclef 

contrecœur 

contrecœur  (.i),  1659. 

contrecoup 

conlrecouranl 


conlréchange.      —     Contres 
change,  1659. 

contrenquête 
contrépreuve 

contrespalier,  comme  contre^ 
carpe. 


contrefonêtre.  —  Contrefonos- 
tre,  1659. 

conlrefente 
contrefiche 
contrefinesse,  1659. 
contrefort,  1659. 
contrefugue 
contregarde,  1659. 
contrehachnre 
conlrehâtier 
contrindication 
contrejour 
contrelatte 
contrelettre,  1669. 
ontremaîlre,    pour  éviter  le 


pluriel    illogique 
■naître!). 

contremarche,  1659. 
contremarée 
contremarque 
contremine,  1659. 


contre- 


20 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU    DICTIONNAIRE 

DE  L'ACADÉillE. 


contre-mont,  loc.  adv. . 
contre-mur  (un) .... 
contre-opposition  (une) . 
contre-ordre  (un)  .  .  . 
*contre-ouverture  [une) 
*contre-pal  (un).  .  .  . 
contre-partie  (une).  .   . 

contre-peser 

contre-pied  (le)  .... 


contre-platine  (une) 
contre-poids  (un)   . 


contre-poil  (à) 

*contre-poinçon  (un) .  . 
contre-point  (le) .... 
*contre-pointe  (la).   .  . 

conire-pointer 

contre-poison  (un).  .  . 
contre-porte  (une).  .  . 
contre-révolution  (une) . 
*contre-ronde  (une)  .  . 
contre-ruse  (une)  .  .  . 
*contre-saison  (une).  . 
contre-sanglon  (un)  .  . 
contrescarpe  (une) .  .  . 
contre-scel  (un)  .... 


contre-seing  (un)  .  . 
contre-sens  (un).  .  . 
contre-signer  .... 
*contretaille  (une)  .  . 
contre-temps  (un)  .  . 
contre-terrasse  (une). 

contre-tirer 

contrevallation  (une), 
contrevenir 
contrevent  (un)  :  .  . 
contre-vérité  (une) .  . 
copartageant  (un)  .  . 
copropriétaire  (un)    . 


coq-à-l'àne  (un)  . 
coq  en  pàl"  (un). 
cordon  bleu  (un), 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


contre-muis  (des),  P.  .  . 
contre-oppositions  (des),L. 
contre-ordres  (des),  P.  .  . 
contre-ouvertures  (des),I^ 
contre-pals  (des),  P..  .  . 
contre-parties  (des),  P.    . 


contre-platines  (des)  . 
contre-poids  (des)  .   . 


contre-poinçons  (les). 
contre-points  (les),  P. 


contrescarpes  (des) 


contre-poisons  (des),  P.  . 
contre-portes  (des).  P..  . 
contre-révolulions(des),P. 
contre-rondes  (des),  P.  .  . 
contre-ruses  (des),  P.  .  . 
contre-saisons  (des)  .  .  . 
contre-sanglons  (des),  .L. . 

contre-scels  (des).  P..  .   . 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 

contreiiiont,  1659. 

conireiDur 

contropposition 

contrordre 

controuverliiic 

contrepal 

contrepartie 

contrepeser 

contrepied,  16a9.  L'idée  de  pied 
a  disparu  ;  pas  de  pi. 

contreplatine 

On  écrit  généralement  con- 
trepoids.—Contrepoi?,  1659. 

contrepoil  (à),  1659. 
contrepoinçon 
contrepoint,  1659. 
contrepointe 
contrepointer,  1659. 
contrepoison;»1659. 
contreporte,  1659. 
contrerévolution 
contrcronde,  1639. 
contreruse,  1659. 
contresaison 
contresanslon 


contre-seings  (des),  L. 


Contre-sens  (des) , 


cOntre-temps  (des) , 


contretailles  (des; 
contre-terrasses  (des),  L. 


contrescel,  pour  qu'on  ne  soit 
pas  tenté  par  analogie  avec 
ce  qui  précède  de  former  le 
pluriel  contre-sceaux.—  Con- 
trescel, 1659. 

contreseing,  1659. 
!  contresens 

contresigner 
i 
!  contretemps,  1659. 

contreterrasse 
I  contretirer,  1659, 


contrevallatioiis  (des' 

contrevents  (des) 
contre-vérités  (des).  . 
copartageants  (des) 
copropriétaires  (des) 


coq-à-l'âne  (des) 
COIS  en  pâte  (des) 
cordons  bleus  (des) 


cordon  bleu  (un),  cuisin., 'cordons  bleus  (des) 
coreligionnaire  (un) .   .   .  coreligionnaires  (de: 
corps  de  garde  (un).  .   .  .  corps  de  garde  (des 
corps  de  logis  (un) ....  corps  de  logis  (des) 


contre\éritp 


C'est    à   tort    que  M.  Poitevin 
met  ici  le  trait  d'union. 


C'e?t    à   tort    que   M.  Poite 
introduit  le  trait  d'union. 


cordonbleu 


DES  MOTS  COMPOSES  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


42'i 


MOTS 

DD  DICTIONNAIRE 

DE  L'ACADÉMIE. 


corps  franc  (un), 
corps-saint  (un)  . 


couci-couci  .   .   . 

cou-de-pied  (un) . 

coup  d'œil  (un)  . 
coupe-cul  (un).  . 
coupe-gorge (un) 
coupe-jarret  (un) 


*coupe-pâte  (un) .  . 
coupe-tête  (un) . .  . 
court-bouillon  (un) 
courte-botte  (un)  ?. 
courte  paille  (la) .  . 

courte-pointe  (une) 


courtier  marron  (un) 
court-jointé,  ée  .  .  . 
court  vêtu,  ue,  adj.  . 
couvre-ctief  (un)  .  . 
couvre-feu  (le) .  .  .  . 
couvre-pied  (un)   .   . 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR    L'ACADÉMIE. 


corps  francs  (des) 
corps-saints  (des) 


coups  d'œil  (des) 


coupe-jarrets  (des 


PLURIELS 

SELON   QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


CORRECTIONS 

l'ROPOSf.ES 
ET  OBSERVATIONS, 


'corps  s.iint,  sans  trait  d'union 
le  sens  est  direrl. 


couci  couci,  comme  flic  fluc. 

cou-de-pied  (des), p., cous-  cyndepicd,  tlcanse  dn   pluriel 
de-pied  (des),  L.  et  IL     \    l''>!^ 


courtiers  marrons  (des 
court-jointés,  ées 
court  vêtus,  ues 


coupc-cuI  (des)  .   . 
coupe-gorge  (des),  P, 


coupe-pàte  (des),  P.  .   .   . 
coiipe-têle  (des).  P., H..   . 
courts-bouillons  (des),P.L, 
cburtes-bottos  (des),  P. 
courtes-pailles  (des),  P.    , 

courtes-pointes  (des),  P. 


couvre-clief  (des),  P..  . 
couvre-feu  (des),  P.  .  . 
couvre-pieds  (des),  P.  . 


crête-de-coq  (la),  plante, 
crève-cœur  (un)  .... 
crie  crac 


crincrin  (un) 


crincrins  (des) 


croc-en-jambe  (un) 


croix-pile  (à),  .   . 
croque-mort  (im) 


croque-note  (un) 


cul-blanc  (un),  oiseau 
cul  de  basse-fosse  (un) 
cul-de-jatte  (un).  .   . 


culs  de  basse-fosse  (des) 


cpupecuj  comme  lapecii. 
coupegorge 

cônpejarret.  M. Poitevin  écrit: 
•un  coupe- jarrets.  Coupe  jar- 
ret, 1639. 

coupepille 
I  conpctcte 
{court  liouillon,  1650. 

P;is,de  liait  d'union,    p;i?  de 
pluriel. 

coutepointe,  en  latin  :  cuUi- 
'  ttapKnctn. 


crôtes-de-coq  (des),  L 
crève-cœur  (des),  P.  . 


crocs-en-jambes  (des),  P. 
crocs-en-jambe  (des),  L. 


croque-morts  (des),  L, 

croque-notes  (des),  P. 
culs-blancs  (des),  L.  . 
cûls-de-jatte  (des),  P. 


coiivrechel'. 

couvrefeu. 

M-  Poitevin  écrit  avec  rai«on  : 
nn  couvre-pieds;  mais  con- 
vrepiedd'un  seul  mot  est  plus 
simple. 


un  crèvecœur.des  crèveccpurs. 

MM.  P.  et  L.  mettent  ici  un 
trait  d'union  ;  je  le  crois  inu- 
tile. 


PJuriel  Utigieus.  M.  Poitevin  a 
tort  d'écrire    au    singulier  : 
'  croc-en-jambes,  puisque    le 
•  croc   n'opère   que    sur    une 
.  seule  jambe,  et  personne  ne 
consentira  à  prononcer  avec 
'  lui  :  des   crozenjambes.  Ce 
mot  serait  mieux  écrit  cro- 
canjambe. 
croix  ou  pile  (à) 
croquemort  :  le  pluriel  est  em- 
barrassant, et  ilyaévideni- 
'  ment  ntétaphore. 

croquenote.  M.  Poitevin  écrit 
au  singulier  croque-notes. 

cublanc 

Knsse  fosse 

cudejatte  est  plus  convenable, 
et  le  pluriel  cudejaltes  sans 
difliculté.— Cul  de  jatte.  1659. 


28 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'AGADËMIE. 

cul-de-lampe  (un)  .   . 


cul  de  plomb  (un)  .... 
cul  de  poule  (un),  serrur, 
cul-dé-sac  (un)  .  .  .  .  , 
cure-dent  (un) 

cure-môle  (un) 

cure-oreille  (un) 


culs-de-Iampe  (des) 


culs  de  plomb  (des) 
culs  de  poule  (des). 


custodi-nos  (un)' 


dame-jeanne  (une). 


*danse  de  Saint-Guy . 
de  cl,  de  là,  au  delà,  en 

delà,  par  delà 

déjà 

demi-aune  (une),  etc.  .   . 

demi-bain  (un) 

*demi-fortune  (une),  carr. 
demi  grand  aigle  (papier) 
dent-de-lion  (une),  plante 
dent-de-loup  (une),  instr. 
derechef 

dès-là 

dès  lors 

désormais 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


cure-dents  (des) , 


custodi-nos  (des). 


demi-bains  (des) 


deux-centième  (un) 


deux-points  (un) .... 

dissyllabe 

docteur  es  sciences  (un) 
docteur-médecin  (un) 
doit  et  avoir  (par)  .   .   . 


dorénavant  

double-as  (le),  domino 
Mouble-blanc  (le),  dom. 
double  croche  (une).    . 
double  feuille  (une)  .   . 

double-quarte  (fièvre)  . 
douce-amère  (la).  .   . 


PLURIELS  I        CORRECTIONS 

SELON  QUELQUES  PROPOSÉES 

GRAMMAIRIENS.  !  ET  OBSERVATIONS. 


culs-de-poule  (des),  L. 
cnls-de-sac  (des),  P.  . 


cure-môles  (des) ,  L. 
cure-oreilles  (des),  P. 


dames-jeannes(des),P,L.H. 


dissyllabes 

docteurs  es  sciences  (des) 


On  écrirait  mieux  cudelampe  et 
cudelampes  au  pluriel  :  l'idéo 
représentée  par  le  premier 
mot  du  composé  n'étant  pas 
exacte. 

cudeplonib 

cudepoule 

De  même  pour  cudesac. 

curedent,  1659.  M.  Poitevin 
écrit  un  cui;e-dents. 

M.    Poitevin    écrit    un    cure- 
oreilles. 
custodi-nos 


daraejeanne,  fiour  la  simplicité 
et  la  logique.  ' 

On    pourrait  peut-être    éciire 
danse  de  saint  Gui. 


deuii-aunes  (des) 

demi-fortunes  (des) . 

dents-de-lion  (des). 
dents-de-loup  (des) 


On  écrit  deçà  et  delà. 
Contraction  de  dès  jà 


demifortune 


dandélion,    comme    Pissenlit. 
VoirCoMPL.  PK  l'Acad. 


dès  là,  comme  dès  lors 


deux-points  (les) 


docteurs-médecins  (des) 


dommages  et  intérêts  (des) 
dommages-intérêts  (des) 


doubles  croches  (des) 


doubles-blancs  (les) 


double  quartes 
douces-amères  (des),  L 


Contr.  de  :  dès  ore  mais  (mais 

de  magis). 
On  écrit  :  les  deux  centièmes 

la  deux  centième  partie. 

disyllal)e 


:,  Poitevin  met   ici  abusive- 
ment des  traits  d'uniqn. 


Contraction  de  de  ore  en  avant. 


M.  Poitevin  met  ici  abusive- 
ment un  trait  d'union. 

Quel  sera  le  pluriel?  Douces- 
amères,  sans  doute.  Puisqu'il 
s'agit  de  traduire  le  latin 
dulcamara,  et  non  dtilcis 
amara,  que  n'écrivons-nous 
douçamère  ? 


i 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


429 


MOTS 

DU   DICTIONIVAIRE 

1)K  l'académie. 


duché-pairie  (un)  . 
dure-mère  (la),  anat. 


eau-de-vie  (une). 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR   L'ACADÉMIE. 


eau-forte  (une) eaux-fortes  (des) .  , 

eau  mère  (une) !  eaux  mères  (des) 

j  eaux  et  forêts  (les) 

ecce  homo  (un) | 

écoute  s'il  pleut  (un).   .   .! 


*électro -aimant  (un)  .   .   . 

*éleciro-chimique,  adj.    . 

électrophore  (un)   .   .   .   . 

*électrotypie  (T) 

*encaisse  (!') 

*en  cas  (un) 

en  deçà,  en  delà,  en  de- 
dans, en  dehors,  en  des- 
sus, en  dessous 

*entête  (un) 

entr'accorder  (s') 

entr'accuser  (s') 

entr'acte  (un).    .  '   .   .   . 


électrophorcs  (des) 


entr'admirer  (s') 
entr'aider  (s')  . 
entr'aimer  (s') . 
entr'appeler  (s') 
entr'avertir  (s') 
entre  autres 
entre-bàiller.  . 


entre-baiser  (s')  .  . 
entrechat  (un).  .  . 
entrechoquer  (s')  . 

entre-colonne  (un). 

entre-côte  (un)  .   . 


entrecouper 
entre-croiser  (s') .  . 
entre-déchirei-  (s') 
entre-détruire  (s'). 
entie-deux  (un)  .   . 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


duchés- pairies  (des) 
dures-mères  (les) 


eaux-de-vie  (des),  P.. 


ecce  homo  (des),  P.   . 
écoute-s'il-pleut  (des) 

électro-aimants  (des) 
électro-chimiques  .   . 


encaisses  (les) 
encas  (des),  IL 


entêtes  (des) 


entr'acles  (des 


entrechats  (des) 
entre-colonnes  (des) 


entre-côtes  (des),  L. 


entrè-dévorer  (s') 
entre-donner  (s') . 
entre  eux 


entrefaites  (les) 


entre-deux  (des),  L.  . 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIO.NS. 


oau   de   vie,   1659,    ou    int'nie 

euudevie. 
eauforte.  Eau  forte,  1639, 


M.  Poitevin  metle  trait  d'union, 
contrairement  à  l'Académie. 


électrochiniique 
Pas  de  pi. 


entraccorder  (s'j 

entraccuser  (s') 

entracte.  M.  Poitevin  écrit  un 

cntr'aetes. 
enlradmirer  (s') 
entraider  (s') 
entbaimer  (s') 
enlrappeler  (s') 
dntravertir  (s') 


cntrebAiller.  —    Entrebaailler 

1659. 
entrebaiser  (s'),  1659. 


entrechoquer  (s').—  Enlrechoc- 
.  quer,  1659. 
enirecolonnc  (une).  M.  Poitevin 

écrit  un  entre-colonnes, 
entrecôte,   fera.    M.    Poitevin 

écrit  une  entre-côtes. 


entrecroiser  (s'),  1639. 
entredéchirer  (s') 
entredétruire  (s') 
(?ntredeux,  1659.  L'Académie 
■  écrit  aussi  :  entre  -deux,  dans 
l'acception  d'entre  les  deux, 
entredévorer  (s') 
entredonner  (s'),  1689. 


30 


LISTE  GENERALE 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRK 
DK  L'ACADKMIE. 


PLURIELS 

DONNÉS 
'Alî   L'ACADÉMIK. 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIEJNS. 


*entre-filets  (un) .  .  . |cinrc-filets(desl, 

entre-frapper j .• 

entregcnl  [iinj  j 

entr'égorger  (s'j. 

entrelacer 

I  entrelacs  [des) 


entrelarder 
entre-ligne 


un). 


entre-lignes  (des) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


entrefilet 
entre  frapfier 


entrégorçer  (s') 


entreli^ne.  M.  P.  éciit 

tre-lignes. 
entreluire,  1639. 
entremanger  (s'),  1659. 


entre-luire 

entre-manger  's') *•    • 

entremêler 

entremets  (un) entremets  (dos) 

entremise  (une) entremises  (des) 

entre-nœud  (un] entre-nœuds  (les) entrenœud 

entre  nuire  (s') .    .  j  entrenuire  (s', 

en  trépas  (un)  ? en  trépas  (des) 

entre-percer  (s'}.   ...    ;      'enlrepercer  (s') 

entre-pont  (un) [entre-ponts  (les) entrepont 

entreposer  j  j 

entre-pousser  (s') ' entrepousser  (s'), 

entreprendre  (et  ses  dérivés) 

entre-quereller  (s').  .   .  .| 

entre-répondre  (s') 

entre-secoiirir  (s') 


essuie-main  (un). 


entretailles  (desj 


entretaillures  (des) 
entré-temps  (des)  . 

entretoilcs  (desj 
entretoises  (des) 


,  ,     ,  ,  entre-sol    des],  P-, 

entre-sol   un  ......     )        ,    ,,  \   r 

^  ^     sols  (des),  L. 

entie-suivre  (s') .... 
entretaille  (une).  ,  .  . 
entre-tailler  (s')  .... 
entretaiilure  (une\  .  . 
entre-temps  (un) .... 
entretenir  et  ses  dérivés 
entretoile  (une)  .... 
entretoise  (une)  .... 
entre-vifs  (donation). 
*entrevoie  (une), 
entrevoir  et  ses  dérivés 

entr'ouïr 

enir'ouverture  (une).  ". 

entr'ouvrir 

épine-vinette  (une)  .  . 
e-si-mi  ? 

es  arts,  es  sciences,  etc. 
esprit  de  bois  (P) .... 
esprit-de-vin  (P) .... 
esprit  de  vitriol  .... 
esprit  fort  (un)   .... 


entre- 


entrequereller  (s') 
|entreré^ndrc  (s') 
[entresecourir  (s') 
[entresol.  On  l'écrit  ainsi    par- 
;     tout,  sans  qu'on  liésite  sur  la 
f     prononciation, 
'entresuivre  (s') 


entr'oirvertures  (des) 


épines-vinettes  (des),  P. 


esprits  de  bois  (des) 
esprits-de-\in  (des) .  . 
esprits  (le  vitriol  (des) 
esprits  forts  (des) 


essuie-mains(des),P.H.,ou 
essuie-main  ou  mains,  L. 


;ntretailler  (s'),  1659,  à  cause 
de  entretaille. 


entretemps ,      connue 
tretemps ,  1659. 


entre  vif? 


entrouir  » 

entrouverture 
entrouvrir,  en  1659. 
épine  vinette. —  Espinevinette. 
1659. 


esprit  de  vin 


essuie-mains,  au  singulier,  se- 
lon M.  P.  Ne  pourrait-on  pas 
écrire  essuimain  et  appui- 
main?  —  EssuJ-main,  1659. 


I 


DES  MOTS  COÎMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


431 


MOTS 
DU   DICTIOIVNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS  PLURIELS 

i>0>AKS  SELON    QUELQUES 

PAR    L'ACADÉMIE.  1  GRAMMAIRIENS. 


état-nicijor  fun)   .... 

état  civil  (un) états  civils  (des) 

états  généraux  (les) 


cxconinninication  'unv) 
ex -député  (un)  .  .  .  . 
expert  juré  (un).  .  .  . 
r.v  p7'o[esso 
'  \trajudiciaire,  etc.  .  . 
extième-onction  (1')   .    . 


États-Unis  (les) 
excommunications  (des) 
ex-députés  (des) 
experts  jurts  (des) 

extrajudiciaires,  etc. 


états-niajors  (dis',  P. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


ex-voto  (un) .ex-voto  (des) 


fac-similé  (un) 


faim-valle  (la)  *.'... 
faire  part  (lettre  de) 
*faits-divers(un).  .  . 
faubourg  (un).  .  .  . 
faufiler  (se) 
fausse  clef  (une)  .  . 
faux  bond  (faire) 
faux-bourdon  (en)  .  . 
faux-fuyant  (un).  .  . 
faux-marcher  (le)  .  . 
faiix-monnayeur  (un^ 
faux-saunier  (un)  .  . 
faux  semblant  (un)  . 
faux  titre  (un) .... 
*felà-maréchal  (un)  . 
feldspath  (le)  .... 
fer-blanc  (du)  .... 
ferblantier  (un)   .   .   . 


fesse-cahier  (un).  . 
fesse-mathieu  (un) , 


fête-Dieu  (la) 

feuille-morte  (couleur), 


ficr-à-bras  [un] 


fil  à  plomb  (un)  . 
fleurdelisé,  ée.  . 
flic  flac  (faire) 
flicflac  (un)  ,  .  . 
flint-glass  (du) .  . 
flonflon  (un)   .  . 


faubourgs  (des)  . 
fausses  clefs  (des) 


fac-similé  (des),  L. 


faits  divers  (des) 


faux-fuyants  (des\  P.  L 


faux-monnayeurs  (des) . 


faux  semblants  (des) 
faux  titres  (des) 
feld-maréchaux  (des) 
feldspaths  (les) 


ferblantiers  (des) 


fesse-maihieux  (des). 


faux-sauniers  (des) 


fers-blancs  (des) . 


fesse-cahier  (des),  P.  L.,  > 

fesse-cahiers,  L. 
fesse-mathieu  (des),  P. 


fêtes-Dieu  (les),  P. 


j fiers-à-bras  (des),  P. 
I  fier-à-bras  (des),  L.  H* 


fils  à  plomb  (des) 
fleurdelisés,  ées 

flicflacs  (des) 

flonflons  (des) 


état  major 


Les  composés  arec  ex,  comnic 
ceux^vecco,  extra,  intra,eic., 
se  réunissent  :  excroissance, 
exhausser,  exposé,  extension; 
il  n'y  a  pas  lieu  de  faire  ex- 
ception pour  ex-dépulé,  etc. 

extrême  onction,  car  le  sens 
n'est  pas  détourné  de  l'accep- 
tion première. 

ex  voto  (un) 


facsimilé,  le  mol  étant  devenu 
français. 

faimvalle 


Primitivement  fors  bourg,  pui 
forbourg,  puis  faux  bourg. 

fausse  clé 

faux  bourdon 
faufuyant 
faux  marcher 
faux  monnayeur 
faux  saunier 


ferbjanc,  à  cause  de  ferblantier. 

fessecahier.  —  Fesse -cayer, 
1659. 

En  écrivant  fessemaihieu,  on 
éviterait  ce  pluriel  et  l'em- 
barras qui  naît  de  la  suppres- 
sion de  la  majuscule. —Fesse- 
matlhieu,  1659. 

Voy.  Hôtel-Dieu. 

couleur  de   feuille  morte  sans 

trait  d'union, 
fierabras,  d'après   un  héros  de 

roman   nommé   Ferabras  ou 

Fierabras.  Le  pluriel  de  Der 

est  inadmissible. 


flintglace,  comme  biftec. 


432 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 

folle  enchère  (une) .  • 


l'LURIELS 

DONNÉS 
PAR    L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


folles  enchères  (des) 


forte-piano  (un), 
fort-vêtu  (un) .  , 


forte-piano  (des) , 


fouille-au-pot  (un) 
fourmi-lion  (un)  . 


franc- alleu  (un) francs-alleux  (des). 


franc  archer  (un).  .  • 
franc-bord  (un)  .  .  . 
Franc-Comtois  (un)  . 
Franc-Comtoise  (une) 
franc-fief  (un) .  .  . 
franc-maçon  (un)  .  . 


franc-maçonnerie  (une) .  . 
franc  parler  (le) 
franc-quartier  (un),  blason 

franc-réal  (un) 

franc-salé  (un)  ?    .   .   .   . 

fripe-sauce  (un) 

*fulmicoton  (le) 


francs  archers  (des) 


Francs-Comtois  (des) 
Franc-Comtoises  (des) 
francs-fiefs  (des) .  .  . 
francs-maçons  (des)  . 


gagne-denier  (un) 


gagne-pain  (un).  .  . 
gagne-petit  (un) .  .  . 
garçon-major  (un) .  . 
garde-bois  (un)  .  .  . 
garde-bourgeoise  (la)  ■ 


garde-boutique  (un), 
garde  champêtre  (un) 


garde-chasse  (un) 


*garde-chiourme  (un) 
garde-corps  (un).  .  . 
garde-côte,  adj.  .  .  . 
garde  du  corps  (un) . 
garde-étalon  (un)  .  , 


garde-feu  (un) .  .   . 
garde  forestier  (un) 


JI.    Poitevin    ajoute    un   trait 

d'union  inutile, 
fortepiano 
M.  L.  écrit  forvêtu,  de  fors  vêtu, 

un  homme  vêtu  hors  de    sa 

condition. 


fouille-au-pot  (des),  P. 
fourmis -lions  (les),  P. 

francs-alleus  (des),  L. 

francs-bords  (des),  L. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


gagne-deniers  (des) 


franc-maçonnerie  (des),  P. 

francs-quartiers  (des)  .  . 
francs-réals  (des),  P.  L. 
francs-salés  (des),L. 
fripe-sauce  (des),  P. .  .   . 
fulmicotons  (les),  H. 


fourmilion   (le),  comme   écri- 
vent les  naturalistes. 

franc  alleu.—  Franc  aleu,  1659. 


franc  bord 


franc  fief 

PI.  franc-maçons,    à  cause   de 
franc-maçonnerie. 

Ce  pluriel  est  inadmissible, 
franc  quartier 


fripesauec 


gardes-bois  (des) . 


gagne-denier  (des),  P. 
i gagne-deniers  (des),  L.  H.  \ 
gagne-pain  (des),  P.  L.    . 
gagne-petit  (des),  L..  .   . 
garçons-majors  (des),  L, 
garde-bois  (des),  L.  .  .   . 
gardes-bourgeoises  (des),  L. 


garde-boutique  (des).  . 
gardes  champêtres  (des) 


garde-boutiques  (des) ,  L. 


gardes-côtes 

gardes  du  corps  (des) 
gardes-étalon  (des).  . 


gardes-chasse  (des),  P.  H. 
garde -chasse   ou  chasses 

(des),  L. 
garde-chiourme  (des),  L.. 
garde-corps  (des),  L..   .  . 
garde-côles  (des),  L  H.  . 

garde  -  étalon    ou  étalons 

(des),  L. 
garde-feu  (des),  L.  .   .   .  . 


!  gardes  forestiers  (des) 


gagnedenier 

gagnepain 
gagnepetil 

gardebois 

garde  bourgeoise.   Ecrit  ains 
au  mot  BouBGBois  du  Dict. 

gardeboutique,  1659. 
M.   P.  introduit  ici  à   tort  li 
trait  d'union. 


gardechasse,  à  cause  du  pluriel. 

gardechiourme 

gardecorps 

gardecôte 


gardefeu 

M.  P.  place  ici  à  tort  le  trait 


j  i  I     d'union. 

garde-fou  (un).  .  ;  .  .  .' garde-fous  (des) j ' gardelou,  1659. 

garde-française  (un)  •  .   .  |  gardes  françaises  (les)  .  .  I '  M.  L.  écrit  un  garde  française 


p 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


433 


MOTS 

DU   DICTIONNAIRE 
DK  L'ACADÉMIK. 


garde-magasin  (un) 


garde-malade  (une) 


garde-manche  (un) 
garde-manger  (un) 
garde-marine  (un) . 
garde-marteau  (un) 

garde-meuble  (un) . 

garde  national  (un) 

garde  nationale  (la) 
garde-noble  (la) .  . 
garde-note  (un)  .   . 


garde-pêche  (un) 


garde-robe  (une) . 
garde-rôle  (un)  . 

garde  royal  (un), 
garde-sacs  (un)  . 
garde-scel  (un)  . 


garde-vaisselle  (un) 
garde-vente  (un).  . 


garde-vue  (un), 
gâte-enfant  (un) 


gâte-métier  (un) . 


gâte-pâte  (un) .   . 
*gâte-sauce  (un). 


gendarme  (un) .  .  . 
gentilhomme  (un) . 
gobe-mouches  (un) 
gomme  copal  (la)  . 
gomme-gutte  (la)  . 
gomme  laque  (la)  . 
gomme-résine  (la). 


PLURIELS 

DONNÉS 
l^AU  L'ACADÉMIE. 


garde-manger  (des)  ,  . 
gardes-marine  (des)  .  . 
gardes-marteau  (des).   . 

garde-meubles  (des) .  . 

gardes  nationaux  (des). 


gardés-notes  (des)  . 

gardes-pêche  (des) . 

garde-robes  (des)  . 
gardes-rôle  (des).  . 


gardes  royaux  (les) 
gardes-sacs  (des).  . 
gardes-scel  (des) .  . 


gardes-vaisselle  (des) . 
gardes-vente  (des) .   . 


gendarmes  (des).  . 
gentilshommes  (des) 
gobe-mouches  (des) 


gommes  laques  (les) 
gommes-résines  (les) . 


l'LURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


gardes-magasin  (des),  P.  , 
garde- magasin  ou  maga- 
sins (des),  L.,  ou  gardes- 
magasins  (gardiens),  H. 
garde-malade  ou  malades 
(des),  L 


gardemagasin,  à  cause  de  r. 
pluriel  équivoque  des  mol: 
composés  avec  gnrdc  sut.- 
stanlif  et  garde  veihe. 


garde-manches  (des).  . 


gardes-marine  (des),L.H. 
garde  -  marteau  ou  mar- 
teaux (des),  L 

garde-meuble  ou  meubles 
(des),L 


gardes-nobles  (des) ,  L.    . 

garde-note  ou  notes  (des), 

L 


garde  -  pêche    ou    pêches 
(des) ,  L 


garde-rôle  ou  rôles  (des), 
L 


garde-sacs  (des),  L. 
garde-scel  (des),  L. 


garde-vaisselle  (des),  L.  . 
garde  -  vente    ou    ventes 

(des),L 

garde-vue  (des),  L,  .  .  . 
gâte  -  enfant    ou    enfants 

(des),L 

gâte-métier,  H.  ou  métiers 

(des),  P 

gâte-pâte  (des),  L.  H.  .  . 
gâte-sauce  (des),  P.  L.  H., 

ou  gâte-sauces,  L.    .  . 


gommes  copal  (les) 
gommes-guttes  (les) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


gardemalade.  M.  P.  écril  abu- 
sivement des  gardes -malades. 
—  Garde  de  malades,  1639. 

gardemanche 

gardeuianger 

gardcmarine 


gardemarleau 


gardemeuble 

Le  trait  d'union,  placé  ici  par 
M.  Poitevin,  est  inutile. 

Idem, 
garde  noble 


gardenote 

gardepêche 

garderobe.— Garderobbe,  16b9. 

garderôle. 

gardesac 

gardescel,  à  cause  du  pluriel, 
qui  sans  cela  serait  garde- 
sceaux. 

gardevaisselle 

gardevente 
gardevue 

gâtenfant 

gâtemétier 
gâtepâtè 


gâtesauce 

Au  XVe  s.  gens  d 

Comp.  anomale 

gobemouche 


armes, 
em.  à  teso. 


;omme  gutte,Jans trait  d'unior 


comme  résine. 


28 


434 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 
DU   DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


gorge-de-pigeon  (couleur) 


PLURIELS 

DONNÉS 

PAR  L'ACADÉMIE. 


goutte-crampe  (la).  .   .   . 

grand  aigle  (papier)  .   .   . 

grand  aumônier ,  grand 
maréchal,  grand  officier, 
grand  veneur,  etc.    .  . 


PLURIELS  i        CORRECTIONS 

SELON    QUELQUES  PROPOSÉES 

GRAMMAIRIENS.  ET  OBSERVATIONS. 


gorge-de-pigeon. 


gouttes-crampes  (les),  L.. 
grand  aigle  (papiers) .  .   . 


gorge   de    pigeon ,    sans   trait 
d'union. 


goutte  crampe 


grands  aumôniers  (des),  etc. 


grand'chambre,  grand'chè' 
re,  grand'chose,   grand^g^^^^.^j,^^,,^^ 
fête,  grand'garde,  grand'.  ^^^^^^^^ 
messe,  grandpitié,  grand'» 
tante 


grand' 


grand  cordon  (le)  . 
grand-cordon  (un). 


grand'croix  (la) 

grand-croix  (un) 

grand-duc  (le),  etc.  .  .  . 
*grand-duc  (le),  oiseau.  . 
grand'faim  (avoir) .   .   .   . 

grand-livre  (le) 

grand  merci  (un)  .  .  .  . 
grand  raisin  (du),  papier  . 

grand  vizir  (le) 

gras-cuit  (pain) 


gras-double  (du).  .   . 

gras-fondu  (le),vétér. 
gratte-cul  (un)  .  .  . 
gratte-papier  (un) .  . 
grippe-sou  (un).    .   . 


gros  bec  (un)  . 
guet-apens  (un). 

guide-âne  (un) 


hache-paille  (un) 
hausse-col  (un)  . 
haut-à-bas  (un)  . 


haut-à-haut  (un)? 
haut  bord  (vaisseau  de) . 


grands  cordons  (les) 


grands-croix  (les) 


grands  raisins  (des) 
grands  vizirs  (les) 


gratte-culs  (des). 


hausse-cols  (des) , 


grands-cordons  (les) 
grand'croix  (les) 


i  L'apostrophe,  dans  ces  mots, 
constitue  une  orthographe  vi- 
cieuse. Dans  l'ancien  lan- 
gage, d'où  nous  viennent  ces 
locutions,  jrand  représentait 
les  deux  genres;  on  disiit 
Rome  la  grant,  grand  i'aiin, 
grand  honte  ,  grand  ville, 
etc.  11  en  était  de  même 
de  tous  les  adjectirs  formés 
sur  la  troisième  déclinaison 
latine.  11  n'y  avait  donc  pas 
élision  de  Ve  muet.  On  dit 
aujourd'hui  grande  chère , 
grande-ttnte;  grand'mère  de- 
vrait seul  s'écrire  grandmère. 

La  personne  décorée  du  grand 
cordon. 


grands-ducs  (les) 
grands-ducs  (les) 


grands  mercis  (des) 


gras-cuits  (pains) 
gras-double  (des),  II.    .   , 
gras-doubles  (des),  P.  L. 


gratte-cul  (des),  P.  L.  .  . 
gratte-papier  ou  papiers,  L. 
grippe-sou  (des),  P.,  grip- 
pe-sous (des),  H.  .  .  . 
gros-becs  (les),  H. 
guets-apens  (des),  P.  L.H. 

guide-âne  ou  ânes  (des),  L. 


hache-paille  (des),  L. 
hausse-col  (des),  P.    , 
haut-à-bas  (des),  L. 
haut-à-bras  (des),  P. 

hauts-bords  (des),  P< 


grandcroix,  pour  éviter  ce  plu- 
riel illogique. 


une  grande  faim 
Grand  Livre 


grand  raisin  (papiers) 


gradouble 

grafondu,  grafondure 
grattecu,  comme  tapecu. 
grattepapier 

grippesou 

guétapens.  Étymologie  :  de  guet 
apensé.  —  De  guet  à  pens, 
1659. 


guidâne 


hachepaille 

haussecol.  M.L.  écrit  des  hausse- 
col  ou  cols. 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


435 


MOTS 

DL'   DICTIONNAIRE 
DE  l'académie. 


haut-de-chausse  (un) . 


haute-contre  (une) . 
haute  cour  (la) .  .   . 


haute  futaie  (une) 
haute  justice  .  . 
haute  lisse  (de)  . 


*haute-lissicr(un) 
haut-fond  (un).  . 


haut-le-corps  (un).   . 


haut-le-pied  (un) 
haut  mal  (le)  .  . 
haute  paye  (une) . 
haute-taille  (une) 


havre-sac  (un).  .... 
hémicycle  (un),  etc.  .  . 
héraut  d'armes  (un)  .  . 
héroï-comique,  adj,  .  . 
hochepied  (un)   ...   . 

hochepot (un) 

hochequeue  (un) .... 

hormis 

hors-d'œuvre  (un), cuisine 

hôtel  de  ville  (un)  >   . 


hôtel-Dieu  (un)  .  .   . 
huis  clos  (le) 
huissier-priseur  (un) , 


ici-bas  .  .  . 
in-douze (un) 
in-folio  (un). 


interrègne  (un),  etc.. 
*intra-utérin,  ine,  adj. 
in-lrente-deux  (un)  . 
ivre  mort,  e,  adj.  .  . 


jardinier-fleuriste  (un) 


PLURIELS 

DONNÉS 

PAR  L'académie. 


hauts-de-chausse  ou  hauts- 
dc-chausses 


hautes-contre  (des) 
hautes  cours  (les)  . 

hautes  futaies  (des) 
hautes  justices  (les) 


hauts-fonds  (des)    . 
haut-le-corps  (des) . 


hautes  payes  (des) . 


hautes  œuvres  (les) 
havre-sacs  (des)  .   .  . 
hémicycles  (des),  etc. 
hérauts  d'armes  (des) 
héroï-comiques 
hochepieds  (des) 
hochepots  (des) 
hochequeues  (des) 


hors-d'œuvre  (des) 
hôtels  de  ville  (des) 
hôtels-Dieu  (des) .  . 


in-douze  (des) . 
in-folio  (des)  . 


interrègnes  (des),  etc. 


in -trente-deux  (des) 
ivres  morts,  tes 


PLURIELS 

SELON   quelques 
GRAMMAIRIENS. 


hautes-cours  (les),  P. 

hautes-justices  (les),  P. 
hautes-lices  (des),  P.. 

ha ifte -liciers  (des),  P. 


haut-Ie-pied  (des) 
haut-mal  (des),  P.  .   . 
hautes-payes  (des),  P. 
hautes-tailles  (des),  L, 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


huissiers-priseurs  (des) ,  L. 


intra-utérins,  ines 


haudechausse,  coRimc  jiiMau- 
corps.  M.  P.  écrit  un  biiit-de- 
chausfes.  Avec  celte  ortho- 
graphe, les  ver»  de  Molière: 

Que  sa  vertu  se  hausse 

A  connaître  un  pourpoint 
d'avec  tm  haut-de-chausse, 
ne  seraient  plus  exact?.  — 
Haut  de  chausise,  1669. 

hautecontre 

Ce  trait  d'union  ajouté  par  M.  P. 
est  tout  à  fait  inutile. 

Idem. 
Cette  orthographe  de  M.  P.  est 
archaïque.  —  De  haute  lice, 
1659. 

hautelissier 

haufond,  comme  plafond,  bil- 
bord. 

Beaucoup  de  gens  disent  haut- 
de-cœur  pour  haut-le-cœur. 

Pas  de  pluriel, 

hautepaye 

hautetaille 

havresac,  comme  bissac. 


Contr.  de  hors  mi^. 
hordeuvre.      Hors     d'oeuvre , 

terme  d'architecture. 
Mais  écrivez  l'Hôttl  de  ville  à 

Paris. 
Idem.  Au  Xllles.  li  ostel  Dieu; 

ostel,  cas  suj.;  Diai^  cas  rcg. 

huissier  priseur 


icibas 

indouze 

infolio,  pour  éviter  ce  pdnrael 
équivoque  et  contradictoire 
avec  les  autres  composés  de 


jardiniers-fleuristes  (des),. 


jardinier  tleurisle 


36 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU   DICTIONNAIRi; 

DE  L'ACADÉMIE. 


jet  d'eau  (un) 


jets  d'eau  (des)! 


joli  cœur  (faire  le) 
juge-commissaire  (un 


jusqu'alors  .   .  . 
jusqu'à  présent 
jusqu'aujourd'hui 


jusque-là 

jusques  à  quand 
jusqu'ici,  jusqu'oti 
justaucorps  (un).   .  . 
juxtaposition  (la),  etc. 


kirsch-wasser  (le) 


là -bas,  là-dessus,  là-haut, 
là  dedans ,  là  dehors ,  là 
auprès,  là  contre,  etc. 

laisser-aller  (du) 

laisser-courre  (le)  .  . 

laisser-passer  (un).   . 

lait  de  poule  (un) .  .   . 

langue  mère  (une) .   . 

lapis-lazuli  (du)     .   . 

laurier-cerise  (le)   •  . 

l:iurier-rose  (un) .  .   . 

laurier-tiii  (un)  .   .   . 

lèche-doigt  (à)   ,   ,   . 

lèchefrite  (une)  .   .   . 

légat-né  (un)  .... 

lèse-majesté  (de) .  .   . 

lèse-nation  (de)  .    .   , 
lettre  de  change  (une) 

lever  Dieu  (le) 

lei  Paris 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR    l'académie. 


juges-conunissaires  (des) 


justaucorps  (des).  .   .   . 
juxtapositions  (les),  efc. 


PLURIELS  CORRECTIONS 

SELON    QUELQUES  PROPOSÉES 

GRAMMAIRIENS.  ET  OBSERVATIONS. 


laits  de  poule  (des). 
langues  mères  (des) 


lèchefrites  (des) 


lais.ser-courre  (des) 
laisser-passer  (des) 


lapis-lazuli  (des),  H.  .  . 
lauriers-cerises  (les) 
lauriers-roses  (des),  P. 
lauriers-tins  (des) 


légats-nés  (des) 


lettres  de  change  (des) 
lettres  patentes  (des) 


lieutenant-colonel  (un) . 
lieutenant  général  (un) , 


long- jointe,  adj.  . 
longue  main  (de) . 


longue-vue  (une) 
loup-cervier  (un). 
loup-garou  (un), 
loup  marin  (un) . 
luni-solaire,  adj. 


lieutenants-colonels   (des) 
lieutenants  généraux  (des) 
lieux  d'aisances  (les) 
long-jointés,  ées 


longues-vues  (des),   .   . 
loups-cerviers  (des),  P. 
loups-garous  (des),  P. 
loups-marins  (des),  P.   . 
luni-solaires 


M.  P.  met  à   tort  le   trait  d'u- 
nion. 


juge  commissaire 
jusque  alors 

jusqu'à  aujourd'hui  ou  jusque 

aujourd'hui, 
jusque  là 


En  1639.  jusleeori 


kirschvasser,  des  kirschvassers. 
ou  mieux  des  kirsclis. 


Supprimer  le  trait  aux  trois  pre- 
miers, comme  aux  suivants. 


lait- de-poule 
lapis  lazuli 

lèchedoigt,  comme  lèchefrite. 


lèsemajesté.  Lèse  majesté, 1639. 
lèsenation 


Cette  vieille  préposition  (du 
lat.  latus)  pourrait  s'écrire 
auj.  lis. 

lieutenant  colonel 


lonjoinié 

longuemain.    On  disait   autre- 
fois :  de  longuement. 

longuevue 
loup  cervier 

M.  P.  place  ici  un  tirel  inutile 
lunisolaire 


r 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


43 


MOTS  [^  PLURIELS 

DU   DICTIONNAIRE  DONNÉS 

DE  L'ACADÉMIE.  PAR   L'ACADÉMIE. 


mâchefer  (du) 

main  basse  (faire)  .  .  ,  , 
main  cliaude  (jouer  à  la) 
main  courante  (une).  .  . 
main-d'œuvre  (la)   .  .   .   . 


main-forte 


mainlevée  (une) 


mainmise  (une) .  .  . 
mainmorte  (la) .... 
main  morte  (aller  de) 
mainte  fois 


malhabile,  adj.   .  . 

malheureux,  euse  . 

malhonnête,  adj.  . 
malintentionné,  ée. 

mal-jugé  (le)    .   .  . 

malle-posie  (la)  .  . 

malmené 

malpeigné  (un).  .  . 

mal  plaisant,  an  te  . 


mâchefers  (des) 


mams  courantes  (des) 


maintenue  (la) 

maire  adjoint  (un) .  .  .  . 
maître-autel  (le).  .  .  .  . 
maître  es  arts  (un) .  .  .  . 
maître  d'hôtel  (un) .  .  .  . 
maîtresse  femme  (une) .   . 

malaise  (un) 

mal-appris  (un) 

malavisé  (un)  ...... 

malbâti,  tie,  adj 

malcontent,  ente 

maldisant,  ante 

malebête  (une) 

malefaim  (une) 

nialemort  (une) 

malencontre  (une) .  .  .  . 
mal-en-point,  adv 

malentendu  (un) 

malepeste,  interj. 

mal-êire  (un) 

malfaçon  (une) 

malfaire,  verbe 

malfamé,  ée 

malgracieux,  euse  .  .  .  . 
malgré 


mainlevées  (des).   . 

mainmises  (des) 
mainmortes  (les) 

maintes  fois.  .  .  .   , 

maintenues  (les) . 
maires  adjoints  (des) 


maîtres  es  arts  (des) 
maîtres  d'hôtel  (des) 
maîtresses  femmes  (des) 
(des) 


malavisés  (des) 
malbâtis,  ties 
raalcontents,  entes 
maidisants,  antes 
malebètes  (des) 
malefaims  (des) 
malemorts  (des) 
malencontres  (des) 

malentendus  (des) 


malfaçons  (des) 

malfamés,  ées 
malgracieux,  eusos 


malhabiles 
malheureux,  euses 
malhonnêtes 
malintentionnés,  ées 


raalpeignés  (des) 
malplaisants,  antes 


PLURIELS 

.SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


mains-d'œuvre  (les) 


maîtres-autels  (des) 


mal-appris  (des). 


mal-être  (des),  P. 


mal-jugés  (les).  . 
malles-poste  (les) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


iiiaiiicourante 

iiiaindeuvrc,  pour  résoudre  lo 
pluriel.  Les  différentes  niaiin- 
d'œuvre,  cela  me  paraît  rlio- 
quant. 

niainforte,   pas  de    pluriel.  — 

Main  forte,  1659. 
M.  P.   rétablit   à    tort    le    liail 

li'iininn. 


uiainlefois, comme  quelquefois 
toutefois,  parfois. 


maître  autel  ou  maîlraittol 


malappris 


mulciipoint,    comuie     embon- 
pointt 


malêlre  ainsi  que  bienêlre. 


Cependant  on  écrit  :  bon  irré, 
mal  gré. 


maljngé 

V.  bateanx-posle  ,  paqnebots- 
posle,  timbres -poste. 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU    DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 

PLURIELS 

DONNÉS 
PAR    L'ACADÉMIE. 

PLURIELS 
SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 

CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 

malpropre,  adj 

nalsain,  e,  adj 

malséant,  te 

nalsonnant,  ante 

maltraiter 

malvoulu,  ue,  adj 

malpropres 
malsains,  nés 
malséants,  tes 
malsonnants,  antes 

malvoulus,  ues 

mange-tout  (des)  .... 

• 

maries-salopes  (des),  H. 
martins-pècheurs  (des).  . 
martins-secs(des),  P.  .   . 

messire-jean  (des),  P.  .  . 

meurt-de-faim  (des),  P.   . 
mezzo-termine  (des),  P.  . 
mezzo-tinto  (des)   .... 

mi-août  (aux),  P 

mi-carême  (les),  P. 

niangelout 

iiiartin  pêcheur 

marlinsec.  Plus  d'embarras  au 
pluriel.  -  Martin  sec,  1659. 

Un    messirejean,     des    niessi- 

rejeans. 
meurdefaim 

Nous  avons  en  fr.  moyen  terme . 
Nous  avons  :  demi-teinte. 
Prononcez  mi-oût. 

Tous  le?  subst.  composés  avec 
mi ,  sauf  minuit,  prennent  le 
trait  d'union. 

millefeuilie.    M.    P.     écrit    la 
mille-feuilles.  En   1659,  mil- 
lefueille. 

millepertuis,  16o9. 

millepied.   -    En    1659,    mil- 

lepieds. 
miparti 
moinvalue 

monjoie.  —  En  1659,  monjoyc. 

mort  bois,  1659. 

L'Ac,  au  mot  Mourir, l 'indique 
sans  trait  d'union. 

morte  paye.  En  1659,  morte- 
paye. 

morte  saison,  1659. 

mort  gage 

mouillebouche 

îiappemonde  (une).  .   .  . 

marchepied  (un) 

naréchalde  camp(un).   . 
maréchal  des  logis  (un)    . 
narie-salope   (une),  t.  de 

mappemondes  (des) 
marchepieds  (des) 
maréchaux  de  camp  (des) 
maréchaux  des  logis  (des) 

nartin-pêcheur  (un).  .   . 

"mariin-sec  (poire  de)  .   . 
massepain  (un) 

nère  nourrice  (une) .   .   . 
nère  patrie  (la) 

massepains  (des) 
Menus  Plaisirs  (les) 
mères  nourrices  (des) 
mères  patries  (les) 



mezzo-termine  (un)  .   .   . 

mezzo-termine  (des)  .   .  . 

mi-aoftt  (la)        .  . 

mi-carême  (la)       .  . 

mi-corps  (à),  etc. 



mille-feuille  (une) 

mille-feuilles  (des)  P.  H.  . 
mille-pertuis  (les) .... 

mille-pertuis  (le) 

mille-fleurs  (eau  de) 

mille-pieds  (un) ..... 

mille-pieds  (des) 

mi-parti,  ie,  adj 

mi-parlis,  ies 

moins-value  (la) 

mont-de-piété  (un).  .   .   . 
montjoie 

monts-de-piété  (des) 

mort  aux  rats  (la)  .... 
mort-bois  (le)      .   .   . 

morts  au  rat  (des) 

morts-bois  (les) 

morte-eau  (en)  .   . 

morle-paye  (?) .  . 

mortes-payes  (des) .... 

morle-saison  (une) .   . 

mortes-saisons  (des)  .   .   . 

mort-gage  (un)  .   .   . 

morts-gages  (des)  .... 

mouille-bouche  (des) ,  P. 
mouille-bouches  (des),  H. 

mort-né,  ée,  adj 

mouille-bouche  (la) 

mort-nés,  ées 

moyen  âge  (le) 

V 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


439 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


nec  plus  ultra  (le) . 


"néo-chrétien  (un) 


*néoTlatin,  e 
nerf-férure  (l<i 


noli  me  tangere 
non-activité  (la) 

nonchalant,  ante 

non-conformiste,  adj.  .  . 
non-jouissance  (la) .  .  .  . 
*non-lieu  (ordonnance  de) 
nonobstant,  prép. 

non-pair,  e,  adj 

nonpareil,  eille 

non-payement  (un) .... 
non-plus-ultrà  (le).   .   ,  , 

non-prix  (à) 

non-recevoir  (fin  de) .  .  . 
non-résidence  (la)  .   ,   .   . 

non-sens  (un) 

non-seulement 

non-usage  (le) 

non-valeur  (une) 

non-vue,  t.  de  mar.  .   .   . 

nord-est  (le) 

nouveau  monde  (le) 

nouveau-né,  ée 

nouveau  venu  (un) .... 
nue  propriété  (la)  .   .   .   . 
nu-jambes,  loc.  inv, 
nu-propriétaire  (un).   .   . 
nu-tète  (aller) 


nonchalants,  anies 
non-conformistes  (des). 


non-pairs,  es  .   . 
nonpareils,  cilles 


non-sens  (des). 


non-valeurs  (des). 


nouveau-nés ,  ées  .   . 
nouveaux  venus  (des) 


œil-de-bœuf  (un) œils-de-bœuf  (des; 

œil-de-bouc  (un),  coquillage 

œil-de-chat  (un),  pierre 

œil-de-chèvre  (un),  plante 
œil  de  dôme  (un)  .... 
œil-de-perdrix  (un).  .  .  . 
œil-de-serpent  (un),  pierre 
oiseau-mouche  (un)  .   .   . 

on-dit  (un) 

opéra-comique  (un)  .   .   . 


œils  de  dôme  (des) 


on-dit  (des) 
opéras-comiques  (des) 


orang-outang  (un) 


oreille-d'ours  (une), plante. 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


néo-chrétiens  (des) 


néo-latins,  es  ...  . 
nerf-férure  (des),  P.,  nerfs 
férures  (des),  H.    . 


non-jouissances  (les) , 


non-payements  (des),  P. 


non-résidences  (les) 


non-vues  (les) 


nues  propriétés  (les) 

nu-propriét^ires  (des) 
nu-tête  (des  enfants),  P. 


œils-de-bouc  (des) 
œils-de-chat  (des) 
œils-de-chèvre  (des) 

œils-de-perdrix  (des) 
œils-dc-serpent  (des) 
oiseaux-mouches  (des) 


orangs-outangs  (des) 


oroillcs-d'ours  (des) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET   OBSERVATIONS, 


Au      mot    NoN-PLUS-I!LTRA        le 

Dict.  donne  le  composé  l'iec- 
plus-ullra  avec  tirets. 


neochrélien 
gisine. 


comme    m-olo- 


nonconformiste 

nonjouissance 

nonlieu 

nonpair 

nonpayement 
non  plus  ultra  (lel 
nonprix 
nonrecevoir 
nonrésidence 
nonsens 
nonseulemeni 
nonusage 
nonvaleui- 
nonvue 
ordest 

noiiveauné,  comme  puîné. 


œil  de  bopiif,  en  1659. 


On  écrit  le  théâtre  de  l'Opera- 
Comiqne. 

QuelqiJe?-uns   écrivent  orang- 
outan. 

oreilledour» 


î 


MO 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 
DD  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


oitie-grièche (une) .   .   . 

oui  (la 

ouï-dire  (un) 

outrecuidance  (une)  .  . 
outremer  (un),  couleur, 
outre-mer  (voyage  d')  . 
outre-passe  (une)  .   .   . 


ouï-dire  (des).  .  .  . 
outrecuidances  (des) 
outremers  (des) 


parachutes  (des) 
parapluies  (des) 
parasols  (des) 
paravents  (des) 


paille-en-cul  (un),  oiseau  . 
paille-en-queue  (un),  idem 
Palais-Royal  (le),  à  Paris, 
palma-christi  (un)  .... 
papier-arabesque  (un) .  . 
papier-damas  (un) .... 
papier-granit  (un) .... 
papier-journal  (un).  .  .  . 
papier-lambris  (un)  .  .  . 
papier-marbre  (un)  .  .  . 
papier-monnaie  (un).  .  . 
papier-tenture  (un) .... 
papier-tontisse  (un)  .  .  . 
*paquebot-poste  (un).  .   . 

parachute  (un) 

parapluie  (un) 

parasol  (un) 

paravent  (un)  

par-ci,  par-là 

par  deçà,  par  delà,  par  de- 
hors    

par  dedans 

par  derrière 

par-dessous 

par-dessus 

*pardessus  (un),  vêtem.   . 

par  devant  

par-devant  notaire. 

par-devers 

parfois 

par  ici,  par  là  (passer) 

par  le  Roi  (de) 

parterre  (un)  

par  terre  (tomber) 

partout 

pas-d'âne  (un),  plante  .   . 

passavant  (un). [passavants  (des) 

passe-carreau  (un). 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


outre-passes  (des) 


pardessus  (des) 


parterres  (des) 


passe-cheval  (un) 
passe-debout  (un) 
passe-dix  (un).  . 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


orties- grièches  (des),  P. 


paille-en-cul  (des)  .   . 
paille-en-queue  (des). 


palma-Chrisfi  (des) 
papiers-arabesques  (des) 
papiers-damas  (des) 
papiers-granit  (des) 
papiers-journal  (des) 
papiers-lambris  (des) 
papiers-marbre  (des) 
papiers-monnaie  (des) 
papiers-tenture  (des) 
papiers-tontisse  (des) 
paquebots-poste  (des) .  . 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


ouida 
ouidire 


outre  mer 
outrepasse,  1659. 


paillencu 
paillenqueue 


voir  malle-poslp. 


par  ci,  par  là 
j 

Ipardeçà,  etc. 
! pardedans 

parderrière 

pardessous 

pardessus 

parde^ant 
pardevant 
I  pardevers 


de  part  le  Roi, 


pas-d'âne  (des) 

passe-carreau  (des),  passe- 
carreaux  (des),  H.  .  . 
passe -cheval  (des) .  ,  .  . 
passe-debout  (des),  P.  .  . 
passe-dix  (des),  P 


passecarrean 
passecheval 
passedeboul 
passedix 


I 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


44t 


MOTS 
DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  l'académie. 


PLURIELS 
SELON    QUELQUE» 
GRAMMAIRIENS. 


passe-droit  (un)  .*.   .   .   .  passe-droits  (des! 
passe-fleur  (une) j 


''passe-lacet  (un) . 


passe-iiiéteil  (un), 
passe-parole  (un) 
passe-partout  (un) 


passe-passe  (un) 

passe-pied  (un) 

passe-pierre  (une).   .   .   . 

passe-poil  (un) 

passe-port  (un) 

passerage  (une) 

passerose  (une) 

passe-temps  (un)  .  .  ,  , 
passe-velours  (un).  .  .  . 
passe-volant  (un)  .   .   .   . 

patte-d'oie  (une) 

paite-pelu    (un),  patte - 

pelue  (une) 

paul5-post-futur  (un)  ?  .   . 


passe-partout  (des). 


passe-poils  (des) . 
passe- ports  (des), 
passerages  (des) 
passerpses  (des) 
passe-temps  (des) 


passe-droit  (des) 

passe-fleur  (des),  passe- 
fleurs  (des),  II 

passe-lacet  (des),  passe- 
lacets  (des),  H 

passe-méteil  (des)  .   .   .   . 

passe-parole  (des),  P. 


passe-passe  (des),  P. . 
passe-pied  (des) .  .  . 
passe-pierre  (des)  .  . 
passe-poil  (des),  P.,  H. 


passe-volants  (des) . 
pattes-d'oie  (des).  . 


passe-velours  (des) 


rpatle-pelus  (des), 
/    peines  (des).  . 


paties- 

.  .  .  . 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


passedroit 

passefleur,  1659j 

passelacet 

paMcméleil 

passe  parole 

passeparlout.   Passe  -  par-  tout, 
en  16S9. 

passepasse 
passepied,  1659. 
passepierre 
passepoil 

passeport,   comme    on    l'édit 
généralement. 


passetemps 
passevelours 
passevolant 
En  1659,  patte  d'oyo. 


pattepelu 


pêle-mêle .... 
perce-bois  (un) .  , 
perce-feuille  (un) 
perce-forêt  (un) . 
perce-neige  (une) 


i  Pays-Bas  (les) 


perce-bois  (des)  ,  . 

perce- feuille  (des)  . 

perce-forêt  (des).  . 

perce-neige  (des),  P. 


{  On  s'étonne  de  trouver  ce  mot 
au  Dict.  de  l'Ac. 


pêlemêle.    .\iitref.  peslemesle. 

percebois 

percefeuille 

perceforêt 

perceneige.  M.  Lamartine  a  dit  : 

«  ...  Mes  bourgeons  en  pleurs 

Ont  de  mes  perceneige  épanoui 

[les  fleurs.,, 


perce-oreille  (un)  . 

perce-pierre  (une), 
pèse-lait  (un)  .  .   . 


pèse-liqueur  (un) 
pet-en-l'air  (un). 


^perce-oreille  (des),  perce-|s,  p^  ^,,.^1  „„  perce-oreiiies, 
Ml--  /j_->    T.  des  perce-oreilles, 

percepierre 


petite-maîtresse  (une)  .   . 

petite  maison  (une).  Voy. 

ACAD 


1    oreilles  (des),  H. 

perce-pierre  (des)  .  ,  .  . 

j  pèse-lait  (des) 

' pèse-liqiieur  (des),  pèse- 
liqueurs  (des),  H.  .  ,  . 

pets-en-l'air  (des)  ou  pet- 
en-l'air  (des),  H 

petites-maîtresses  (des),  P. 


pèselait 

M.  Poitevin   écrit  un    pè?e-li- 
}     quHurs. 

pétenlair.  PI.  imp.  autreni. 


petites  maisons 
Petites-Maisons  (les),  hô- 
pital. 


petites  véroles  (des) 


petite-oie  (la)  .   .   . 
petite  vérole  (la) .  . 

petit-fils  (un) petits-fils  (des) 

*petit-four  (un) 

petit-gris  (le) j 


petits-fours  (des),  IL 
petits-gris  (les)  .  ,   . 


En  Hi59,  petite  oje. 


En  1659.  petit  gri 


442 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


petit-lait  (un) .  . 
petit-maître  (un) , 
petit-neveu  (un), 
petit  pâté  (un),  . 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


petits  pâtés  (les) 

petits  pieds  (des),  cuisine. 

petits-textes  (des)  .  .  .  . 


petit  texte  (le),  imprimerie 
peu  à  peu 
peuple-roi  (le) 

peut-être i 

*pick-pocket  (un)  .   .   .   .  | 

pied-à-terre  (un) j    ......   . 

pied  bot  (un) !  pieds-bols  (des) 


pied-d'alouette  (un)  .  .  . 
pied-de-biche  (un) .  .  ,  . 
pied  de  bœuf  (jouer  au) 

pied-de-chat  (un),  plante, 
pied-de-cheval  (un)  .  .  . 
pied-de-chèvre  (un),  instr. 
pied-de-griffon  (un)  .  .  . 
pied-de-lion  (un),  plante, 
pied-de-mouche  (un),typ. 


pied-de-veau   (un),  plante 
*pied  de  roi  (un) ,  mesure 

pied-d'œuvre  (à) 

pied-droit  (un) 

piédestal  (un) 

pied-fort  (un),  monnayage 

pied  plat  (un) 

pied  poudreux  (un)  .    .   . 

pie-grièche  (une) 

pie-mère  (la),  anatomie 
pierre  ponce  (la) 


pince-maille  (un)  .  . 

*pince-sans-rire  (un), 
pinne  marine  (une)  , 
pique-assiette  (un).  . 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


petits-laits  (des) 
petits-maîtres  (des),  P. 
petits-neveux  (des),  P. 


petits-textes  (des),  H. 


pick-pocket  (des)  .   .   . 
pied-à-lerre  (des),  P.,  II. 


pieds-d'alouette  (des) , 
pieds-de-biche  (des),  P. 


pieds-de-chat  (des),  P. 
pieds-de-cheval  (des) 
pieds-de-chèvre  (des) 
pieds-dc-griffon  (des) 
pieds-de-lion  (des) .  . 
pieds-de-mouche  (des), 


P. 


pieds  de  mouche   (des), 
écriture 


piédestaux  (des) 
pieds-forts  (des)  .   .   . 
pieds  plats  (des) .   .   , 
pieds  poudreux  (des) 


pierres  ponces  (les) 


pinnes  marines  (des) 


pique-nique  (un) pique-niques  (des) 

I 

pis  aller  (le) j  pis  aller  (des)  .    . 

pissenlit  (un) pissenlits  (des) 

plafond  (un) plafonds  (des)  .   . 

plain-chant  (le) ' 

plain-pied  (de) plain-pied  (des)  . 


pieds-de-veau  (des) .  . 
pieds-de-roi  (des),  P. 


pieds-droits  (des) 


pies-grièches  (des),  P.  . 


pince -maille    (des).   P., 
pince-mailles  (des),  H.  . 
pince-sans-rire  (des) 

pique-assiette  (des),pique- 
assiettes  (des),  H.  .   .  . 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


Ecrit  à  tort  petits-pieds  au  mot 
Petit  du  Dict. 


peutêtre 

Donne     en    français,     pique- 
poquet. 


M.  P.  indique  un  trait  d'union. 
En  1659,  piedbot. 

En  1659,  pied  d'alouette. 


M.  P.  met  '  le  trait  d'union  et 
indique  un  pluriel  :  pieds-de- 
bœuf. 

En  1659,  pied  de  chat. 


En  1659,  pied  de  lion. 


Mieux  patte  de  mouche. 

pied  de  veau,  en  1659. 

M.  P.   indique    à  tort  le   trait 
d'union. 


piédroit.  En  1659,  pied  droit. 

piéfort 

piéplat.  En  1659,  piedplat. 


piegrièchf 


pincemaiile 


plains-chants  (des),  P. 


piquassietle 

piquenique.  M.  P.  écrit  des  pi 

que-nique, 
pis-aller  (un) 


En  1659,  platfond. 

plainchant 

plainpied 


r 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


443 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


plat-bord  (un).  . 
*plat-de-côte  (un) 
plate-bande  (une) 


plate-forme  (une)  ,   ,   .   , 

plate-longe  (une) 

plat-pied  (un) 

pleure- misère  (un).  .    .   . 

pleure-pain  (un) 

plupart  (la) 

plus-pétition  (une).  .   .    . 
pUis-que-parfait  (un)    .   . 
plus  tôt,  plus  tard,  plutôt 
mourir 

plus-value  (une) 

poix-résine  (la) " 

pont-levis  (un) 

pont-neuf  (un) 


porc-épic  (un). 


porte-aiguille  (un).  . 
porte-arquebuse  (un) 
porte-baguette  (un)  . 
porteballe  (un)  .  .  . 
porte-barres  (un)  .  . 
porte-bougie  (un)  ,   . 


porte-carabine  (un)  .  .  . 
*porte-caustique  (un).  .   . 

portechape  (un) 

portechoux  (un).  .^.  .  . 
*porte-cigare  (un),  instr. 
*porte-cigares  (un),  étui. 

porte- clefs  (un) 

portecollet  (un) 

portecrayon  (un)   .   .   ,   . 

porte-croix  (un) 

porte-crosse  (un) 

porte-Dieu  (le) 

porte-drapeau  (un) .  .  .  . 
porte-enseigne  (un)  .   .   . 

porte-épée  (un)  

porte-étendard  (un)  .  .  . 
porte-étriers  (un)  .  .  .  . 
porte-étrivières  (un) .   .   . 

portefaix  (un) 

*porte-feaêtre  (une)  .   .   . 

porte- fer  (un) 

portefeuille  (un) 

porte-hache  (un) 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


plates-bandes  (des) , 
plates-formes  ;des) . 


plats-pieds  (des)  .   . 
pleure-misère  (des) 


ponts-levls  (des) 
ponts-neufs  (des) 
ponts  et  chaussées 


porteballes  (des) 


portechapes  (des) 
portechoux  (des) 


portecoUets  (des) 
portecrayons  (des) 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


plats-bords  (des),  P. 
plats-de-côte  (des),  IL 


plates.longes  (des). 


portefaix  (des) 


portefeuilles  (des) 


pleure-pain  (des)  .   . 

plus-pétitions  (des)    . 
plus-que-parfaits  (des) 


plus-values  (des) . 
poix-résines  (les) 


porcs-épics  (des) . 


porte-aiguille  (des) 
porte-arquebuse  (des) 
porte-baguette  (des) . 

porte-barres  (des)  .   . 
porte-bougie  (des) .   . 

porte-carabine  (des) . 
porte-caustique  (des). 


porte-cigare  (des)  . 
porte-cigares  (des). 

porte-clefs  (des)  .  . 


porte-croix  (des), 
porte-crosse  (des) 


porte-drapeau  (des)  .  . 

porte-enseigne  (des)  .  . 

porte-épée  (des).  .   .  . 

porte-étendard  (des)  .  . 

porte-étriers  (des) .   .  . 

porte-étrivières  (des) .  . 

portes-fenêtres  (des),  IL 
porte-fer  (des) 


porte-hache  (des)  .   . 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


platubande.   En     1659,    pluUe 

bande, 
plateforme,  1659. 
platelongti. 
plapied 
pleuremisère 
pleut  epain 

pluspétition 
plusqueparfait 


pluvalue, comme  plupart,  plutôt 
poix  résint! 


:.  P.  adopte  un  porr-épicis ,  Jo 
porcs-épics. 


portebafïuelte 

portebarre 

porlebougie,  comme  porteballe 

et  portechape. 
portecarabine 
portecaustique 


M.  Heirel  a  recueilli  oet  ingé- 
nieux ex.  de  la  subtilité  de 
l'emploi  des  mots  composés. 

porteclé 


portecroix 

portecrosse 

Pas  de  pluriel. 

portedrapeau 

portenseigne,  1659. 

porlépée.  En  1659,  porlespe 

portétendard 

porlétrier 

portélrivière 


portefer 
porlehache 


444 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 

DE  L'ACADÉMIE. 


*porte-huilier  (un).  .  . 

porte-malheur  (un)  .  . 

portemanteau  (un).  .  . 

*porte-monnaie  (un).  . 

porte-montre  (un).   .  . 

porte-mors  (un).  .  .  . 
porte-mouchettes  (un), 
porte-mousqueton  (un) 

porte-page  (un)  .   .   .  , 

porte-pierre  (un) .  .   .  . 

*porteplume  (un)  .   .  , 

porte-respect  (un).   .  , 

porte-tapisserie  (un).  , 
porte-trait  (un)  ... 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR   L'ACADÉMIE. 


portemanteaux  (des) 
porte-montres  (des)  . 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


porte-huilier  (des) .   .    . 
porte-malheur  (des)  .   . 

porte-monnaie  (des) 
porte-montre  (des).  ^  . 
porte-mors  (des) .... 
porte-mouchettes  (des) . 
porte-mousqueton  (des) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


porte-page  (des) 

porte-pierre  (des)  .   .   .   . 

portepi urnes  (des) 

porte-respect  (des).   .   .   . 

porte-tapisserie  (des).  .   . 

porte-trait  (des),  porte- 

I  !     traits  (des),  H 

porte-vent  (un) ' j  porte-vent  (des) 

porte-verge  (un) | porte-verge  (des)   .   .   .   . 

porte-\is  (un) ; porte-vis  (des) 

porte-voix  (un) | porte-voix  (des) 

postface  (une) ^  postfaces  (des)  | 

postscénium  (un) |  postscéniums  (des)  j 


post-scriptum  (un), 
pot  à  fleurs  (un) .   . 


pot-au-feu  (un) 


post-scriptum  (des) 
pots  à  fleurs  (des)  . 


pot-au-feu  (des) 


pot  de  chambre pots  de  chambre  (des) 

pot-de-vin  (un) pots-de-vin  (des) 

pot  pourri  (un) j  pots  pourris  (des)  .    .   .   .j . 

potron-jaquet j ! 

potron-minet j j , 

pou-de-soie  (le) I ; pous-de-soie  (les),   pou- 
de-soie  (des),  H.    .   .  , 

pourboire  (un) pourboires  (des) 

pourparler  (un) I  pourparlers  (des) 

pourtant 

pousse-cul  (un) i  pousse-cul$  (des) 

pousse-pieds  (un)  ....     pousse-pieds  (des)  ... 

premier-né  (un) premiers-nés  (les) ....  ! 

*premier-Paris  (un)  .   .   .  | premier-Paris  (des) 

premier  pris  (un)  .   .   .   .  I  premiers  pris  (des) .  .   ,   .1 


portehiiilier 
portenialheur 


portemontre 

portetnors 

portemouchettc 

porteinousqueton 

portepage 

portepierre 

porterespec.t 
portetapisserie 

porletrait 

portevent 

porteverge 

portevis 

portevoix 


postscriptuni 

M.  P.  écrit  à  tort  un  pot-à- 
fleur,  des  pots-à-fleurs. 

potaufeu.  M.  P.  écrit  des  pots- 
au-feu.  L'Académie  écrit 
mettre  le  pot  au  feu,  sans 
tiret. 


presqu'île  (une) presqu'îles  (des) .   .   . 

prête-nom  (un) I  prête-noms  (des) .  .   . 

prie-Dieu  (un) 1  prie-Dieu  (des) 

prime  abord  (de) ! 

prime  saut  (de) 

prime-sautier,  ière.  .   .   .  prime-sautiers,  ières. 
primevère  (une) primevères  (les) 


podetin.  Pot  de  vin,  1659. 
popourri 
Pas  de  pi. 
Idem, 
jpoudesoie.    En    1659,    pou    de 
soye. 


poussecii,  comme  tapecu.  M.  P, 
écrit  des  pousse-cul. 

poussepied 

premierné,  comme  puîné. 

Indiqué  avec  tiret  au  mot  Ppk- 

MIES. 

presquîle 
prêtenom 

Pas  de  pluriel. 

primesaut 

primesautier 


i 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO- COMPOSÉS. 


445 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DK   L'ACADÉMIE, 


*pnnce-époux  (le) 
prix  courant  (un) 
procès-verbal  (un) 
prud'homie  (la)   . 
prud'homme  (un) 


pseudo-acacia  (un).   . 
pseudo-propliète  (un) 
puisque  alors 
puisqu'il,  puisqu'un 


quant-à-soi  (son).  . 
quartier-maître  (un) 


quartier-mestre  (un) , 
quasi-délit  (un),  etc. 


quelquefois 

quelqu'un,  une  .... 
qu'en-dira-t-on  (le).  .    . 
queue-d'aronde  (une) .  . 
queue-de-cheval  (une),  pi 
queue-de-cochon  (une),  outil 
queue-de-lion  (une),  plante 
queue-de-pourceau  (une) 
queue-de-rat  (une),  outil 
queue-de-renard  (une)  . 
queue-de-souris  (une),  plante 
*queue-du-chat  (la),  t.  de 

danse, 
queue  leu  leu  (à  la) 
queussi-queumi  ? 
Quinze-Vingt  (un).  . 


quiproquo  (un)  . 

qui-va-là 

qui-vive  (le).  .   . 

quote-part  (une). 

quoique  ici 

quoiqu'il 

quoi  qu'il  arrive 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


prix  courants  (des) 
procès-verbaux  (des) . 


princes-époux  (les) 


prud'hommes  (des) . 


quatre-saisons  (marchand 

des) 

Quatre-Temps  (les) 
quatre-vingts  .... 


quelques-uns,  unes 


Quinze-Vingts  (les) 


quiproquo  (des) 


I abat-joie  (un). 


PLURIELS 
SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


pseudo-acacias  (des),  H. 
pseudo-prophètes  (des) 


quartier -maîtres    (des), 
quartiers-maîtres  (des) 
H. 
quartier-mestres  (des) 
quasi-délits  (des),  P. 


qu'en  dira-t-on  (des),  P. 
queues-d'aronde  (des)  . 
queucs-de-cheval  (des) 
queues-de -cochon  (des) 
queues-de-Iion  (des) 
queues-de-pourceau  (des) 
queucs-de-rat  (des) 
queues-de-rcnard  (des) . 
queues-de-souris  (des) 


qui-vive  (les) 
quotes-parts  (des) 


rabal-joic  (des) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


piocci  verbal 

prudliuiiiip. 

Piuilus,  en  \.  IV.  prude,  (loii- 
nerailprudetioiiiiiie  ou  prud- 
hoiiuiie  de  pru(lhomiis,hai  lai. 


Pas  de  pluriel.  —  Quant  à  sov, 
1639. 


quatre  saisons  (uiarch.  des) 


Mais    on  écrit  :  «lualre-viiisjl  ■ 
six. 


En  ]6a9,  queue  d'arondelle. 


En  1659,  queue  de  renard. 


M.  P.  écrit   un    quinze  viiigl.- 
En  1659,  les  quinze  vingts. 


iibiljoie.Eti  16o9,  ribbaljo» 


446 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 
DU  DICTIONNAIRE 
DE   l'académie. 


*railway  (un)  .   .   . 
rat  de  cave  (un).   . 
rebrousse-poil  (à) 
reine-Claude  (une). 


reine  marguerite  (une) . 
relève-quartier  (un)  .  . 
remue-ménage  (un)  .   . 


rendez-vous  (un)  . 
réveille-matin  (un) . 
revenant -bon  (un). 


rMi\]ELS 

DONNÉS 
PAR    L'ACADÉMIE. 


rats  de  cave  (des) 
reines-Claude  (des) . 


reines  marguerites  (des) 


rendez-vous  (des) 


revenants-bons  (les)  . 
rez-de-chaussée  (des) 


rez-de-chaussée  (un) . 

rez  terre  ! 

ric-à-ric | 

rogne-pied  (un),  instrum.  j 

ronde  bosse  (la) 'rondes  bosses  (les) 

ronde-major  (une).   .   .   .! 

rond-point  (un) | 

rose-croix  (un) j  rose-croix  (les)  .   . 

rose  pompon  (une).  .   .   .  roses  pompons  (des) 
rosée-du-soleil  (la),  plante 

rouge  bord  (un) 

*rouge-cerise,  adj 

rouge-gorge  (un)  .... 
rouge-queue  (un)  .... 


rouges  bords  (des) 
rouge-cerise  (fers) 
rouges-gorges  (des) 


Royaume  -  Uni  (le),  l'An-  j 

gle  terre  i 

Royaume-uni  de  la  Grande-  ; 

Bretagne  1 

rue  du  faubourg  Saint- Jac- j 

ques (...-.... 

rubis  balais  (un) rubis  balais  (des) 


sage-femme  (une)  .  . 
saint-augustin  (corps) 
sainte-barbe  (la) .  .  , 
Saint-Barthélémy  (la)  ' 


sages-femmes  (des) 


sainte  nitouche  (une)  .  . 
saint-esprit  d'or  (un).  .  . 
Saint-Germain  en  Laye.  . 
saint-germain  (un),  poire. 
Saint-Lazare  (ordre  de) .  . 
saint-office 


saintes  nitouches  (des) 
saint-esprit  (des) 


saint-père  (le) 
saint  sacrement  (le) 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


raiiways  (des) 


relève-quartier  (des). 
remue-ménage  (des)  . 


réveille-matin  (des) 


rogne-pieds  (des)  . 

rondes-major  (des) . 
ronds-points  (des) 


rosées-du-soleil  (des). 


rouges-queues  (des) 


saint-augustins  (des),  H. 
saintes-barbes  (les) ,  .  .  . 
saint-barthélemys  (des) .  . 


saint-germains  (des),  H. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


reineclaude,  jiour  sauver  l'ano- 
malie du  pluriel.  — •  M.  P. 
écrit  une  reine-claude,  des 
reincs-claudes. 

relèvequarlier 

remueménage.  Eu  1689,  reniuë- 
Diénage. 

réveilleinatin 

revenantbon ,  ou  levenanbou  , 
coinuie  plafond. 


rès.  Autr.  res  ou  rez  de  rasum. 
rie  à  rie.  Rie,  lerre  inculte, 
rognepied 

rondemajor 


En  1659,  rosée  du  soleil. 


rougegorgc 

rougequeue.En  1689,  rougecul 
ou  rougequeuë. 


rue  du  faubourg  saint  Jacques 


sagefemme 


saintebarbe 

M.  Helrel  l'écrit  par  y,  mais  il 
me  semble  que  cette  forme 
archaïque  doit  disparaître. 


Saint  Germain  en  Laye 

saingermain 

saint  Lazare  (ordre  de) 


'Académie  l'écrit  de  deux  ma- 
nières différentes.  Voir  Of- 
ricB,  et  Saitjt. 


i 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


447 


MOTS 
DU  DICTIONIVAIRE 
t)E  L'ACADÉMIE. 


saint  sépulcre  (le) 

saint-siége  (le).  .    .  . 
*saint-siinonien  (un), 

saisie-arrêt  (une)  .  . 

salvanos  (un)  .    .    .  . 

san-benito  (un)  .   .  . 

sang-de-dragon   .   .  . 


sang-froid  (le) 
sangsue  (une) 


*sans-culotte  (un)  .  . 
sans-dent  (une)  .  .  . 
*sans-f<içon  (le) 
sans-fleur  (une),  fruit 
*sans-gône  (le) 
sans-peau  (une),  fruit 
sans-souci  (un)  .   .   . 


sapeur-pompier  (un).  , 
sauf-conduit  (un)  .  .  . 
saute-ruisseau  (un) .  .  . 
sauvegarde  (une) .  .  .  . 
sauve  qui  peut  (un)  .  . 
sauve-vie  (la),  plante.  . 
savoir-faire  (le)  .  .  .  . 
savoir-vivre  (le).  .  .  . 
semaine  sainte  (la)  .  . 
semen-contra  (du).  .  . 
*semi-aulhentique,  adj. 
semi-double,  acij.  .  .  . 
semi-pension  (une) .  .  . 
semi-preuve  (une).   .   . 

semi-ton  (un) 

semper  virens,  adj. .  .  . 
sénatus-consulte  (un)  . 
sens  devant  derrière.  . 


sergent  de  ville  (un) .  . 
sergent-fourrier  (un) .  . 
sergent-major  (un) .  .   . 

serre-file  (un) 

serre-papiers  (un) .   .   . 

*serre-point 

serre-tête  (un) 

servante-maîtresse  (une) 

soi-disant 

soixante  et  un 

songe-creux  (un)  .  .  . 
songe-malice  (un)  .  .  . 
sot-l'y-laisse  (un)?,  .   . 


PLURIELS 

DOANÉS 
PAR    L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

SELON    QUELQUES 

GRAMMAIRIENS. 


saint-simoniens  (des;, 
stiisies-arrêts  (des) 


sangsues  (des). 


sans-dents  (des) 


san-benito  (des) .   .   . 
sang-de-dragon  (des) 

sangs-froids  (des),  H. 


sans-culottes  (des) . 


sans-fleur  (des) 

sans-peau  (des) 
sans-souci  (des) 


sapeurs-pompiers  (des) . 
sauf-conduits  (des).  . 


auvegardes  (des) 
sauve  qui  peut  (des) 


semaines  saintes  (des) 


semi-anthentiques 
semi- doubles  .  .  , 


saute-ruisseau  (des) 


sauve-vie  (des),  IL. 


sémenrcontra  (des). 


sénatus-consulies  (des) 


semi-pensions  (des) 
semi-preuves  (des), 
semi-tons  (des)  .  . 
semper  virens.  .  . 


sergents  de  ville  (des) 


serre-papiers  (des). 
serre-tête  (des)  .   . 


soi-disant. 


sergents-fourriers  (des) 
sergents-majors  (des).  . 
serre-file  (des) 


CORRECÏIO.NS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


i'aint  siège 
ainisimonien,  ou  sainsimonien. 

salvanos 
sanbenito 

san;^    de    dragon  ,    ou    mieux 
sandragon. 


En    1639.  sangsno  ou 


sanfieur 


sanpeau 

sansouci  ,    cimiinc    soucoupe , 
souterrain. 


ipeur  pompier 
saufconduit 
sauteruisseau 


serre-point  (des) 

servantes-maîtresses  (des) 


songe-creux  (des) . 
songe-malice  (des) . 
sot-l'y-laisse  (des) 


sauvevie 

savoirfaire.  Pas  de  pi, 

savoirvivre.  Pas  de  pi. 

seraaine-sainte.liTre  de  prières. 

semencontra 

semidouble,comme  béraispliére 

semipcnsion 

semipreuve 

semiton,  en  1659. 

sempervirens  > 


On  écrivait  primitiTement  ce 
en  devant  derrière ,  ou  c'en 
devant  derrière,  1659. 


sergent  major,  1659. 
serre  file 
serrcpapier 
serrepoint 
serretêle 


soidisant 

L'Ac.  écrit  aussi  soixante-un. 

songecreux 

songemaliee 


448 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 
DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAK  L'ACADÉMIE. 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


soucoupe  (une) soucoupes  (des) 

souffre-douleur  (un) '  souffre-douleur  (des) . 

soulever  j 

souligner 

soumettre 

soupente  (une) soupentes  (des) 

sourd-muet  (un) sourds-tnuets  (des). 


sourire  (un) 

sous-aifermer 
sous-aide  (un).   .   .   . 
sous-amender 
sous-arbrisseau  (un). 
sous- bail  (un)  .   .   .   . 


sourires  (des) 
sous-aides  (des) 


sous-baux  (des) 


sous-barbe  (une) .... 

sous-chef  (un) 

sous-clavier,  ière sous-claviers,  ères. 


sous-délégué,  ée.  .   .   , 
sous-diacre  (un).  .   . 
sous-dominante  (la)  . 

sous-double,  adj 

sous-entendu(un)  .   .   . 
sous-faîte  (un).  ... 
sous-ferme  (une).  .   .   , 
sous-garde  (une).  .   . 
sous-gorge  (une)   .   . 
sous-lieutenant  (un), 
sous-locataire  (un) .   . 
*sous-main  (un).   .   . 
sous-maître  (un),  esse 
sous-marin,  ine  .   .   . 
sbus-multiple  .... 
sous-officier  (un)  .   . 
sous-ordre  (un)  .   .   . 
sous-pied  (un) .... 


sous-préfet  (un)  .   . 
*sous-secrétaire  (un) 


*sous-seing  (un).  .  . 
sous  seing  privé 
soussigné,  ée  .  .  .  . 
sous-sol  (un)  .  .  .  . 
sous-tangente  (une)  . 
sous-tendante  (une)  . 
sous-traitant  (un)  .  . 
sousiylaire  (une).  .  . 
sous-ventrière  (une). 


sous-délégués,  ées. 


sous-doubles.  .   .   . 
sous-entendus  (des) 


sous-fermes  (des)  .   . 
sous-lieutenants  (des) 


sous-manns,  mes  . 
sous-multiples .   .   . 
sous-officiers  (des) 
sous-ordres  (des) 
sous-pieds  (des)  .  , 


soussignés,  ées 


soustylaires  (des) 


sous-arbrisseaux  (des),  P. 


sous-barbes  (des)  . 
sous-chefs  (des),  P. 


sous-diacres  (des).  P.. 
sous-dominantes  (les) . 


sous-faîtes  (des) 


sous-gardes  (des)  . 
sous-gorges  (des).  . 


sous-locataires  (des) 
sous-main  (des),  H. 
sous-maîtres  (des),  c 


sous-pieds  (des),  H.  . 

sous-préfets  (des)  .   . 
sous-secrétaires  (des) , 

sous-seings  (des),  P. . 


sous-sols  (des).  .  .  . 
sous-tangentes  (des) 
sous-tendantes  (des) , 
sous-traitants  (des).  . 


sous-ventrières  (des),  P. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


souffredoukur 


On   iinpriine  ,  Contr.    à  l'Ac. 
l'Institution     de»     Sourds  ■ 
'     Muets.  H. 


soubail,  comme  soucoupe,  sou- 
pente, soupeser^sourire,  sou- 
tenir, souterrain,  etc. 

soubarbe.  En  1659,  sousbarbe. 

souchef 

souclavier.  En  1659,  souscli- 
vière. 

soudélégué 

soudiacre.  En  1659,  sousdiacie 

soudominanle 

soudouble 

soufaîte 

souferme 

sougarde 

sougorge.  En  1659,  sousgorge. 

soulocataire 

soumain 

souniaître,  soumaitressc 

sou  marin 

soumultiple 


soupied.  M.  P.  fait  invariable 
ce  mot  composé.  En  1659, 
souspied. 

soupréfet 

sousecrétaire. En  1659,  sousst- 
crétaire. 

sousseing. 


sousol 
soutangenlc 
soutendante 
soutraitant 

souventrièrc 


DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSÉS. 


449 


MOTS 

DU  DICTIOrVNAIHE 

DE  L'ACADÉMIE. 


soutenir 

souterrain  (un)  . 
soutirer 
spina-ventosa  (le) , 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  l'académie. 


sud-sud-est 
sur-aller,  vén.    .   , 
sur-andouiller  (un) 


souterrains  (des) 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


sur-andouillers  (des). 


sur-arbitre i sur-arbitres  (des),  P 


sur-le-champ. 


sq^taxe  (une)  .   .   . 
surtout,  adv. 
surtout  (un).  .   .   . 

susdit,  ite 

*sus-dominante,  adj. 
sus-énoncé,  ée.  .   . 
*sus-mentionné,  ée 
*sus-nommé,  ée.   . 
"sus-visé,  ée.  .   .   . 


taille-douce  (une)  .  . 
*taille-doucier.  ,  .  . 
taille-mer  (un)  .  .  . 
tambour-maître  (un), 
tambour-major  (un)  . 
tam-tam  (un)  .... 


tantôt 

tapecu  (un) 

tâte-vin  (un) 

taupe-grillon  (un)  .   .   .   . 

Te  Deum  (un) 

*tente-abri  (une) 

terre  à  terre  (le) 

terre  ferme  (la) 

terre-neuvier  (un).   .   .   , 

terre-noix  (une) 

terre-plein  (un) 

terre  sainte  (la) 

tête  à  tête,  loc.  adv. 

tête-à-tête  (un) 

théâtre  français  (le),  en 

général. 
Théâtre-Français  (le),  rue 

Richelieu. 

tic  tac 

tiers  arbitre  (un)    .... 

tiers  état  (le) 

tiers  ordre  (le) 


surtaxes  (des) 

surtouts  (des) 
susdits,  dites 


sus-énoncés,  ées. 


tambours- maîtres  (des) 
tambours-majors  (des) 


tapecus  (des) 


terres  fermes  (les) 


sus-dominantes,  P. . 

sus-mentionnés,  ées 
sus-nommés,  ées.  . 
sus-visés,  ées  .  .  . 


tailles-douces  (des),  P. 
taille-douciers  (des)  . 
taille-mer  (des)  .  .  . 


spiiia   veniosa ,    sans    tiret    et 
sans  plur. 


suraller,  comme  surajoiiler. 

surandouiller 

surarbilre,    comme  les   autre- 

composés  avec  sur. 
surlechamp  ,    comme    siirlont. 

—  Sur  le  champ,  1659. 


tam-tams  (des), 
tam 


tâte-vin  (des)  .  .   .  . 
taupes-grillons  (des)  . 
Te-Deum  (des),  P. 
tentes-abris  (des),  II. 


terre-neuviers  (des),  F. 
terre-noix  (des)  .  .  .  . 
terre-pleins  (des)  .  .  , 


susdominante 

susénoncé,  comme  siisdi 

susmentionné 

susnommé 

susvisé 


tailledouce.En  1659,tailledûuce. 

tailledoucier 

taillemer,  à  cause  du  pluriel. 


tamtam,  à  cause  de  crincrin, 
ilicflac,  flonflon. 


tStevin 

Il  fallait  grillon  taupe. 


terreneuvier 
terrenoix 
terreplein 
Pas  de  pi. 


tête-à-tête  (des) 


'tic-tac  (des),  P. 


tiers  arbitres  (des) 
tiers  états  (les) 


licfac.  Voir  tam-tam. 


Pas  de  pi. 


29 


450 


LISTE  GÉNÉRALE 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  l'académie. 

PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 

PLURIELS 

SELON    QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 

CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 

tiers-points  (des),  P. 
timbres-poste  (des) .... 

Voir  inaltes-poslo. 

tjreballe 

tirebotte,  1659,  comme  lireliro. 

tirebouchon  (coiffure  en) 

tirebourre 

tireboulon.  M.  P.  écrit  un  tire- 
boutons. 

tirefond,  1659. 

tirelaine,  1659. 

tirclaisse 

tirelarigot,  1659.  Cette  expres- 
sion ne  comporte  peut-être 
pas  le   pluriel   propoiJé    par 
M.  P. 

tireligne,   et  aussi  entrelianc, 
comme  interligne, 

tiremoelle 

tirepied,  1659. 

tiretêle 

tohubohu 

iorchecu  (un),  à  cause  de  la- 

pecu. 
torcbenez 

On  écrivait  autrefois    la  Tous- 
saints. 

toutcourani.    L'Ac.   donne   ce 

composé  au  mot  Courait. 
toutebonne 
toutépice 

tire-balle  (un) 

tire-bottes  (des),  P.  .   .   . 
tire-bouchon  (des),  P. 
tire-bouchons  (des),  IL^    . 
tire-bourre  (des),  P. 
tire-bourres  (des),  H.    .   . 
tire-bouton  (des) 
tire-boulons  (des),  II.  .   . 

tire-fond  (des),  P 

tirelaines  (des) 

tire-laisse  (des),  P 

lire-larigot  (des),  F.  .   .   . 

tire-liard  (des) 
tire-ligne  (des).  P.,  tire- 
lignes  (des),  II 

tire-moelle  (des), P.  .   .   . 
tire-pied  (des).  P.,    tire- 
pieds  (des),  H 

tirp.hniirrp    fiin^ 

tire-d'aile  (un) 

tirp.fnnd   OlIlV 

tire-d'aile  (des) 

fir>p-laissp  fnnl 

tîrp-larieot  (àl 

tirelire  (une) 

tirelires  (des) 

tire-tête  (un) 

*iohu-bohu               .   .   . 

tire-têtes  (des) 

tohu-bohu  (des) 

torche-cul  (des) 

torche-nez  (des) 

tour  à  tour 

tournebride  (un) 

tournebroche  (un).   .   .   . 
tournemain  (en  un) 

tournesol  (un) 

tournevis  (un) 

Toussaint  (la) 

tournebrides  (des) 
tournebroches  (des) 

tournesols  (des) 
tournevis  (des) 

tout  à  coup 
tout  à  fait 
tout  à  l'heure 
tout-courant,  adv. 

toute-bonne  (la),  plante  . 

toute-bonnes  (des),  P.  .   . 
toute-épice  (des),  P. .  .   . 

toute-épice  (une)  .... 

toutefois,  adv 

toute-saine  (une),  arbre  . 

toute-saines  (des),  P. 
toutes-saines  (des),  H. 

tou-tou    (des),   tou-tous 
(des),  II 

et  quanles. 

toutou 

On  devrait  dire  toul-puis^ante. 

tout-ou-rien  (un) 
tou-tou  (un) 

tout-puissant,  toute-puis- 
sante   

tout -puissants,      toutes- 
puissantes 

DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSES. 


451 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 

DE  L'ACADÉMIE. 


trachée-artère  (la) . 
tragi-comédie  (une) 
trancheflle  (une) .  . 
tranchelard  (un),  . 


tranche-montagne  (un). 


transsubstantiation  (la) 

tréfonds  (le) 

trente  et  quarante  (le)  . 
*trente  et  un  (le).  .   .   . 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


tragi-comédies  (des) 
tranchefiles  (des) 
trancheiards  (des)  .   . 


très-bon,  etc. 
tré-sept  (un). 


trictrac  (le) 

trique-bale  (une) 

trique-madame  (une) .  .   . 

trois-mâts  (un) 

trois-quart  (un),  ou  trocart 
trompe-l'oeil  (un)  .   .   .   . 

trop-plein  (le) 

trouble-fête  (un) 

trou-madame  (un) .  .  .  . 
irousse-étriers  (un) . .  .  . 
trousse-galant  (un).  .  .  . 
trousse-pète  (une).  .  .  . 
trousse-queue  (un).  .   .   . 

tu-autem  (le) 

tue-chien  (le) 

tue-tête  (à) 


'^ultra-royaliste  (un) 


vade-mecum  (un)  .  .  . 
va-et-vient  (mouv.  de) 
valet-à-patin  (un)  .   .   . 


trictracs  (des) 


trompe-l'œil  (des) 


veines  caves  (les) 
veines  portes  (les) 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 

trachées-artères  (des) 


!  tranche-lard  (des),  P. 
i  tranche-montagne  (des) 
j tranche-montagnes  (des), 
(    H 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


trente  et  quarante  (les) 
trente-et-un  (des),  P.   . 


tré-sept  (des) 


trique-bales  (des) .  .   .  , 

trique-madame  (des).  , 
trois-mâts  (des) 

trois-quarts  (des)    .   .  , 

trop-plein  (les) 
trouble-fête  (des),  P. 
trous-madame  (des),  P. 
trousse-étriers  (des) 
trousse-galant  (des) 
trousse-pète  (des)  .   .   . 
trousse-queue  (des)  .   . 
tu-autem  (des),  P.  .   .  . 
tue-chien  (des) 


ultra-royalistes  (des) , 


vade-mecum  (des),  P. 
va-et-vient  (des),  P. 
valets-à-patin  (des) 
valets-à-patins  (des),  H. 
va-nu-pieds  (des),  P. .  . 


va-nu-pieds  (un).  . 
va-l'en,  vas-y.   .   . 

va-tout(Ie) i |va.tout(des) 

vau-de-route  (à) 
vau-l'eau  (à) 
veine  cave  (la) .  .   . 
veine  porte  (la)  .   . 
veni-mecum  (un)  . 

ver  à  soie  (un) vers  à  soie  (des) 

ver-coquin  (un) 


veni-mecum  (des)  . 
vers-coquins  (dos),  P 


tranchemontagne,corame  tran- 
chelard. 


Ecrit  autrefois  très-fonds. 

trente  et  un  (jeu  de),  comnio 

trente  et  quarante, 
très  bon,  etc. 

trésept    (jouer    au),    comnie 
trictrac. 

triquebale 
triquemadame,  1639. 

On  écrit  portrait  de  trois  qimrt«. 


troussepète 
troussequeue  (une) 
tu  autem 


L'Acad.  écrit  par  abréviation 
des  ultra;  ultras  vaut  mieux. 
H. 


vanupied 
va-s-y 
Tatou  t 


ercoquin  ,  corame  dans  l'an- 
cien français. 


\ 


452 


LISTE  GÉNÉRALE  DES  MOTS  COMPOSÉS  OU  PSEUDO-COMPOSES. 


MOTS 

DU  DICTIONNAIRE 
DE  L'ACADÉMIE. 


ver  luisant  (un) 

vert-tle-gris  (un) 

*vert-dragon,  adj 

vert-pomme,  adj 

vert-pré,  adj 

vesse-de-loup  (la),  plante. 

vice-amiral  (un) 

vice-bailli  (un) 

vice-chancelier  (un)  .   .   . 

vice-consul  (un) 

vice-gérant  (un) 

vice-gérent  (un) 

vice-légat  (un) 

vice-président  (un).  .   .   . 

vice-reine  (une) 

vice-roi  (un) 

vice-sénéchal  (un).   .   .   . 
vice  versa 
vide-bouteille  (un).  .  .   . 


•^vide-poche  (un) . 


vif-argent  (le)  .  .  . 
virevolte  (une)  ,  . 
virevousse  ou  virevouste 

(une) 

vis-à-vis  (un)  .   .   . 

vive  voix  (de) 

vol-au-vent  (un) vol-au-vent  (des) , 


PLURIELS 

DONNÉS 
PAR  L'ACADÉMIE. 


vers  luisants  (des) 


vice-amiraux  (des).  . 
vice-baillis  (des).  .  . 
vice-chanceliers  (des) 
vice-consuls  (des) .  . 
vice-gérants  (des)  .  . 
vice-gérents  (des)  .  . 
vice-légats  (des) .  .  . 
vice-présidents  (des), 
vice-reines  (des) .  .  , 
vice-rois  (des) .  .  .  . 
vice-sénéchaux  (des) . 


virevoltes  (des) 
virevousses  (des) 


volte-face  (faire). 


PLURIELS 

SELON  QUELQUES 
GRAMMAIRIENS. 


vers-luisants  (des),  P. 
verts-de-gris  (des),  P. 


vesses-de-loup  (des) 


CORRECTIONS 

PROPOSÉES 
ET  OBSERVATIONS. 


verderis  (1) 
invariable. 
in\aridblu. 
invariable. 

viçamiral 
vicebailli,  etc. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 


vide-bouteille  (des),  vide- 
bouteilles  (des),  H. .  .   . 

vide-poche  (des) ,  vide-po 

Ches  (des),  H j  videpoche 

vifs-argents  (les) '.  vifargent 


videbouteille.  M.  P.   écrit  un 
vide-bouteilles. 


vis-à-vis  (des) 


volte-face  (des),  P. 


!m.  p.  écrit  vole-an-vent.   On 
pourrait  adopter  volauvent. 

volteface 


(1)  Ce  mot  devrait  être  écrit  verderis  comme  dans  le  dictionnaire  de  Nat.  Duez,  où  on  lit  :  «  Verderis  ou  verd  de  gri?, 
en  italien  verderame.  »  Rame  en  italien,  abrégé  de  œramen,  signifie  le  cuivre;  vert-de-gris,  corruption  de  verderis,  est  donc 
le  vert  de  cuivre. 


ADHÉSIONS  DIVERSES.  -  M.  FOURNEL.  453 

APPENDICE  G. 


Je  terminerai  cette  longue  revue  des  systèmes  proposés,  des 
idées  et  des  opinions  émises  depuis  l'origine  de  la  critique  litté- 
raire pour  ou  contre  la  réforme  orthographique,  par  la  citation  de 
quelques  articles  que  ma  première  édition  du  présent  ouvrage  a 
provoqués  de  la  part  d'écrivains  distingués  dans  des  journaux  ou 
des  recueils  importants.  L'article  si  remarquable  de  M.  Sainte- 
Beuve  a  déjà  été  inséré  en  partie,  p.  165-175.  M.  Victor  Fournel 
a  publié,  dans  la  Gazette  de  France  du  28  janvier  1867,  un 
compte  rendu  dont  j'extrais  les  passages  les  plus  importants  : 

«  L'orthographe  française  jouit  d'une  renommée  redoutable,  légitimement  ac- 
quise par  ses  anomalies,  ses  complications  et  ses  incohérences.  Elle  est  assuré- 
ment la  plus  puissante  barrière  qui  subsiste  aujourd'hui  contre  la  diffusion  univer- 
selle de  notre  langue,  et  c'est  la  langue  elle-même  qui  l'a  élevée,  comme  pour 
racheter  ainsi  sa  clarté  proverbiale  et  faire  payer  sa  conquête  au  prix  qu'elle 
vaut. 

«  Cette  orthographe  n'est  pas  seulement  bizarre,  elle  est  irrégulière  dans  ses 
bizarreries  et  contradictoire  dans  ses  irrégularités.  Sa  logique  est  entachée  d'arbi- 
traire :  nous  Talions  montrer  tout  à  l'heure.  Il  en  est  du  code  grammatical  comme 
de  l'autre,  où  l'avocat  général  Servan  se  plaignait  jadis  qu'on  ne  pût  se  reconnaître 
à  travers  ce  dédale  de  lois  sur  des  lois,  de  lois  contre  des  lois,  de  lois  sans  objet, 
de  lois  inutiles,  insuffisantes,  redondantes,  oubliées,  dangereuses,  opposées,  im- 
possibles, et  qu'on  n'a  cessé  de  conipliquer  soigneusement  depuis,  jusque  dans  le» 
moindres  recoins  de  la  jurisprudence,  par  des  arrêts  sur  des  arrêts  ^  contre 
des  arrêts,  autour  des  arrêts,  pour  les  expliquer,  pour  les  appuyer,  pour  les 
casser,  pour  les  élargir,  pour  les  restreindre,  pour  les  éclaircir  et  pour  les  em- 
brouiller, 

«  Les  causes  de  ces  variations  ne  tiennent  pas  exclusivement  à  l'origine  mixte  de 
notre  langue  :  elles  seraient  trop  longues  à  expliquer  en  détail,  et  il  suffit  d'en 
constater  le  résultat.  S'il  est  vrai,  comme  on  l'a  dit,  que  l'orthographe  est  une  de 
ces  sciences  qu'il  n'y  a  aucune  gloire  à  connaître,  mais  qu'il  y  a  honte  à  ignorer, 
avouons  franchement  que  chacun  de  nous  porte  sa  part  de  cette  honte.  Qui  n'a  été 
obligé  de  recourir  cent  fois  au  Dictionnaire  pour  vérifier  tel  mot  composé,  pour 
savoir  si  contre-coup  ne  prend  point  de  trait  d'union,  comme  contrebande,  ou 
en  prend  un  comme  contre-temps;  s'il  faut  bien  deux  n  à  confessionnal,  tandis 
qu'il  n'en  faut  qu'une  à  national  ;  comment  s'écrit  consonnance  et  comment 
s'écrit  dissonance;  si  le  substantif  clou,  au  pluriel,  a  1'*,  comme  filou,  ou  l'a;, 
comme  hibou,  etc.,  etc.?  Ces  cas  sont  innombrables,  et  déconcertent  à  chaque 
pas  les  esprits  les  plus  exacts  comme  les  mémoires  les  plus  tenaces. 

a  On  assure  que  Chateaubriand  ne  savait  pas  l'orthographe  ;  il  lui  suflisaitde 
savoir  sa  langue;  pour  le  reste,  il  s'en  remettait  à  son  secrétaire  ou  à  son  impri- 


454  ADHÉSIONS  DIVERSES.  —  M.  FOURNEL. 

meur.  Déranger  a  avoué  lui-même  que  pendant  longtemps  il  n'avait  pu  l'ap- 
prendre. Tout  le  monde  n'a  point  les  privilèges  de  Béranger  ou  de  Chateaubriand, 
et,  à  les  imiter,  on  risquerait  beaucoup  plus  de  se  faire  accuser  d'ignorance  que 
de  se  faire  soupçonner  de  génie.  Le  temps  n'est  plus  où  l'orthographe  était  con- 
sidérée comme  une  science  mesquine,  faite  pour  les  maîtres  d'école  et  les  pro- 
fesseurs d'écriture,  et  où  un  hobereau  pouvait  dire  fièrement  : 

«  Je  n'aime  point  la  pédanterie.  Pour  moi,  je  mets  l'orthographe  en  gentilhomme, 
et  non  en  académicien.  « 

«  Il  orthographiait  en  gentilhomme,  bien  qu'il  fût  acacJiémicien,  cet  illustre 
maréchal  de  Richelieu,  dont  on  conserve  le  discours  de  réception  écrit  de  sa 
propre  main,  et  plus  criblé  de  fautes  que  ne  le  fut  jamais  la  dictée  d'un  écolier  de 
huitième.  Et  aussi  ce  glorieux  maréchal  de  Saxe,  qui  eut  du  moins  l'esprit  de  ne 
point  se  laisser  ranger  au  nombre  des  immortels,  et  dont  on  a  une  lettre  toute 
pleine  de  couleur  locale  et  portant  sa  démonstration  en  elle-même,  où  se  lit  le 
passage  suivant  :  «  Ils  veule  me  fere  de  la  Cadémie  ;  cela  miret  come  une  bage  a 
un  chas.  »  Louis  XIV  avait  l'orthographe. du  premier  gentilhomme  de  France,  et 
Napoléon  celle  d'un  homme  de  génie.  Orthographier  correctement,  c'était  l'excep- 
tion jadis,  et,  pour  ainsi  dire,  le  privilège  des  seuls  savants.  Rien  n'était  plus  rare 
dans  le  meilleur  monde,  quelquefois  parmi  les  personnes  les  plus  instruites,  les 
plus  spirituelles  et  les  plus  lettrées  :  les  amateurs  d'autographes  le  savent  bien. 
Qui  n'a,  par  exemple,  péniblement  déchiffré,  à  travers  le  charmant  fouiUis  de 
leurs  griffes  de  chat,  quelques-uns  de  ces  jolis  billets  écrits  par  les  grandes  dames 
du  dix-huitième  siècle,  souvent  avec  la  grâce,  la  finesse  et  la  verve  d  une  Sévi- 
gné,    mais  presque  toujours  aussi  avec  l'orthographe  du  maréchal  de  Saxe? 

«  Il  n'y  a  plus  guère  aujourd'hui  que  les  cuisinières  qui  aient  i^ardé  sur  ce  point 
les  traditions  des  duchesses  du  temps  passé.  Cette  différence  ne  tient  pas  seule- 
ment au  progrès  de  l'instruction,  mais  au  progrès  de  l'orthographe  elle-même^ 
jadis  flottante,  maintenant  fixée,  simplifiée,  rapprochée  du  type  unique  et  de  la 
logique,  vers  laquelle  il  lui  reste  un  dernier  et  assez  large  pas  à  faire  encore,  si 
elle  veut  y  toucher  pleinement. 

a  L'enseignement  de  l'orthographe  est  l'une  des  parties  les  plus  laborieuses  de 
l'éducation  enfantine.  On  a  recours  à  tous  les  expédients  pour  graver  dans  les 
jeunes  têtes  ces  règles  souvent  sans  règle,  et  ces  principes  incohérents,  violés 
par  de  continuelles  exceptions.  On  a  même  essiiyé  de  la  réduire  en  jeux.  En 
1509,  Ringmann  publiait  à  Saint-Dié  une  Grammaire  figurée,  où  toutes  les  par- 
ties du  discours  sont  symbolisées  par  autant  de  figures  vivantes  :  le  nom  par  un 
curé,  le  verbe  par  un  roi,  le  participe  par  un  moine,  la  préposition  par  un  mar- 
guilUer  et  l'interjection  par  un  fou.  Cela  valait  bien  ces  ballets  scolaires  des 
Jésuites  où  l'on  voyait  le  Supin  en  u  danser  avec  le  Gérondif  en  do.  A  la  fin  du 
siècle  suivant,  on  inventa  une  façon  d'apprendre  l'orthographe  «en  jouant  avec  un 
dé  ou  avec  un  rotin  v.  Barthélémy  publia  en  1787  \a,  Cantatrice  grammairienne, 
ou  méthode  pour  arriver  au  même  résultat  par  le  moyen  de  chansons,  sans  le 
secours  d'aucun  maître.  Je  Hsais  encore  dernièrement,  dans  une  revue  destinée  à 
l'adolescence,  une  espèce  de  petit  roman  grammatical  où  le  Substantif  vient  cau- 
ser sur  la  scène  avec  son  remplaçant  le  Pronom,  comme  un  héros  de  tragédie 
avec  son  confident,  précédé  de  l'Article  qui  lui  sert  dehérault,  et  escorté  de  l'Ad- 
jectif en  guise  de  suivant. 

«  Mais  ce  qui,  mieux  que  ces  enfantillages,  prouve  la  réalité  du  mal,  c'est  le 
nombre  et  la  vigueur  des  tentatives  de  réformation  essayées  depuis  plus  de  trois 


ADHÉSIONS  DIVERSES.  -  M.  FOURNEL.  455 

siècles  chez  nous.  Dans  aucun  autre  pays,  il  ne  s'en  est  produit  autant.  M.Firniin 
Didot  les  a  passées  en  revue  dans  un  curieux  et  savant  appendice  du  livre  qui 
nous  a  inspiré  cette  rapide  excursion  à  travers  les  steppes  grammaticales,  rare- 
ment visitées  par  !a  critique.  La  première  qu'il  signale  date  de  1527,  et  l'a  der- 
nière de  1865.  Entre  ces  deux  dates  se  déroule  une  chaîne  ininterrompue  de 
noms,  où  les  plus  obscurs  se  mêlent  aux  plus  illustres,  les  mathématiciens  aux 
poètes,  les  bohèmes  littéraires  aux  académiciens,  et  les  esprits  les  plus  aventu- 
reux aux  réformateurs  les  plus  sages  et  les  plus  modérés.  Les  uns  veulent  boule- 
verser entièrement  l'orthographe  et  changer  jusqu'à  l'alphabet;  les  autres,  —  des 
écrivains  comme  Corneille,  Bossuet  et  Voltaire,  des  philosophes  ou  des  granj- 
mairiens  autorisés  comme  Richelet,  l'abbé  de  Dangeau,  les  auteurs  de  Port-Royal, 
Beauzée,  le  père  Buffier,  Duclos,  Du  Marsais  et  Wailly  ,  _  essaient  simplemenl 
d'en  bannir  les  bizarreries  et  les  incongruités  les  plus  flagrantes.  » 

M.  Fournel  analyse  ensuite  les  systèmes  de  réforme  proposés 
depuis  Meigret  jusqu'à  nos  jours,  puis  il  constate  l'importance  des 
pas  que  l'Académie  a  faits  depuis  sa  première  édition  dans  les 
voies  de  Ja  réforme. 

«  L'usage,  dit-il,  qu'elle  reconnaissait,  après  Horace  et  Vaugelas,  comme  le 
maître  et  l'arbitre  suprême  de  la  langue,  lui  avait  imposé  ces  changements.  Mais 
M.  Firmin  Didot  fait  très-justement  observer  qu'elle  ne  peut  plus  attendre  aujour- 
d'hui les  décisions  de  l'usagcpour  les  suivre,  et  qu'au  lieu  de  se  borner  à  lui 
obéir,  il  lui  appartient  de  le  déterminer.  Les  conditions  ne  sont  plus  les  mêmes 
(ju'autrefois  :  tout  écrivain  s'est  soumis  à  la  loi  du  Dictionnaire,  et  les  imprime- 
ries le  prennent  pour  règle  absolue.  Ce  serait  se  corfdamner  à  l'immobilité  peri)é- 
tuellc,  et  tourner  sans  fin  dans  un  cercle  vicieux,  que  d'attendre  le  mot  d'ordre 
d'un  monarque  déchu  ;  et  pour  se  refuser  aux  sages  et  légitimes  réformes  qui  lui 
sont  réclamées,  elle  ne  peut  arguer  de  ce  que  l'usage  ne  les  a  point  admises, 
puisque  l'usage,  en  ce  qui  concerne  l'orthographe,  a  abdiqué  entre  ses  mains. 

«■  En  principe,  le  projet  propose  par  M.  Didot,  sous  forme  de  respectueuse  re- 
quête à  l'Académie,  se  justifie  donc  pleinement.  Il  sait  qu'en  fait  de  réformes  dans 
les  règles  consacrées  par  une  longue  prescription,  tout  ce  qui  n'est  pas  néces- 
saire est  condamné  d'avance,  et  tout  ce  qui  est  superflu  revêt  une  apparence  tyran- 
nique.  Les  meilleures  même  et  les  plus  indispensables  ont  besoin  de  se  produire 
avec  ménagement,  par  respect  pour  une  tradition  qui  a  pris  force  de  loi,  et  afin  de 
ne  pas. introduire  le  trouble  et  la  confusion  sur  le  terrain  qu'elles  prétendent  dé- 
brouiller. M.  Didot  se  distingue  des  Meigret,  des  Ramus,  des  Rambaud,  des 
Marie,  de  M.  Erdan  et  de  M.  Féline,  en  ce  qu'il  n'est  pas  un  révolutionnaire, 
mais  un  simple  réformateur.  Il  se  borne,  du  moins  dans  son  plan  général,  au 
strict  nécessaire,  en  s'enfermant  dans  les  Umites  déterminées  par  les  précédents 
de  l'Académie  elle-même.  Il  intervient  au  moment  opportun,  et,  ce  semble,  dans 
les  meilleures  conditions  de  succès,  grâce  à  l'influence  que  lui  assurent  la  juste 
autorité  de  son  nom,  de  ses  travaux,  etc.  » 

«  Quels  sont  les  principaux  inconvénients  de  lWthograi)he  française,  et  les  re- 
proches sérieux  qu'on  est  en  droit  de  lui  adresser.?  Elle  emploie  beaucoup  de 
lettres  surérogatoires,  qui  embarrassent  et  encombrent  sa  marche,  des  lettres  qui 
pourraient  se  remplacer  par  d'autres,  des  lettres  à  double  et  triple  emploi,  chan- 


456  ADHÉSIONS  DIVERSES.  -    M.  FOURNEL. 

géant  arbitrairement  de  valeur  suivant  leur  entourage,  des  lettres  identiques  se 
prononçant  différemment,  et  des  lettres  différentes  se  prononçant  d'une  façon 
identique,  des  caractères  dont  elle  n'a  pas  les  sons,  et  des  sons  dont  elle  n'a  pas  le 
caractère,  une  complication  de  lettres,  accumulées  parfois  comme  à  plaisir  pour 
traduire  les  émissions  les  plus  simples,  la  confusion  du  singulier  avec  le  pluriel 
dans  beaucoup  de  cas,  et,  en  une  foule  d'autres,  la  différence  des  signes  em- 
ployés pour  exprimer  le  pluriel  dans  les  mêmes  catégories  de  mots,  enfin  un 
inextricable  enchevêtrement,  un  chaos  de  règles  détruites,  aussitôt  qu'elles  sont 
posées,  par  des  listes  d'exceptions  souvent  aussi  nombreuses,  que  les  cas  d'appli- 
cation régulière. 

«  On  ne  peut  pas  espérer  de  porter  remède  d'un  seul  coup  à  toutes  ces  anoma- 
lies; il  y  faudrait  une  véritable  révolution.  Les  réformes  proposées  par  M.  Didot 
se  bornent  aux  points  essentiels  et  s'attaquent  aux  incohérences  les  plus  criantes. 
Je  commence  toutefois  par  éliminer  celle  qui  occupe  le  dernier  rang  dans  son  ca- 
hier de  doléances  ;  la  distinction  des  deux  g  (g  et  g)  employés  à  l'avenir,  l'une 
pour  les  sons  durs  comme  dans  fi?,ure^  l'autre  pour  les  sons  doux,  comme  dans 
gageure,  que  l'on  écrirait  alors  gagiire,  en  supprimant  la  lettre  parasite  e,  qui  a 
le  tort  de  donner  à  ce  terme  la  même  physionomie,  sans  lui  donner  le  même  son, 
qu'au  mot  demeure.  L'introduction  de  ce  g  doux  serait  quelque  chose  d'analogue 
à  la  création  de  la  cédille  pour  le  c,  et,  comme  elle,  pourrait  amener  la  suppres- 
sion d'un  grand  nombre  d'e  surérogatoires,  placés  après  le  g  actuel  pour  l'adoucir. 
Mais,  sous  prétexte  de  simplification,  c'est  là  une  complication  véritable,  toute  de 
fantaisie,  dont  les  avantages  assez  minces  ne  me  paraissent  pas  suffisamment  com- 
pensés par  les  inconvénients,  et  qui  charge  l'alphabet  d'une  lettre  de  plus,  ou  du 
moins  d'une  nouvelle  forme  de  lettre,  d'ailleurs  absolument  inutile,  puisque  son 
emploi  se  confondrait  avec  celui  du^  (1). 

«  Sur  les  autres  points,  les  réclamations  de  M.  Didot  sont  d'une  incontestable 
justesse,  et  ses  réformes  les  unes  nécessaires,  les  autres  très-logiques  et  presque 
toujours  très-souhaitables.  Il  est  évident,  par  exemple,  qu'il  y  a  toute  une  révi- 
sion à  accomplir  dans  les  mots  composés,  labyrinthe  plus  embrouillé  que  celui 
de  Dédale,  et  où  il  est  impossible  de  trouver  un  fil  conducteur.  On  ne  comprendra 
jamais  pourquoi  l'Académie  écrit  clairvoyant ^  tandis  qu'elle  écrit  clairsemé; 
pourquoi,  d'une  part,  contrebande  et,  de  l'autre,  contre-coup.  Elle  a  déjà  sup- 
primé beaucoup  de  ces  traits  d'union,  pour  fondre  en  un  seul  les  deux  termes, 
quelquefois  en  élidant  ou  en  contractant  le  premier  :  qu'elle  poursuive  celte 
tâche,  qui,  en  effaçant  une  contradiction  perpétuelle,  fera  disparaître  en  même 
temps  la  difficulté  insoluble  de  la  formation  du  pluriel  dans  certains  mots  com- 
posés î  II  n'est  pas  moins  évident  que  rien  n'est  plus  arbitraire  et  plus  irrégulier 
que  l'emploi  des  doubles  lettres.  Comment,  lorsqu'on  ne  met  qu'un  g  dans 
agression,  agrandir,  agréer,  etc.,  en  laisser  subsister  deux  dans  agglomérer j 
agghitiner,  aggraver,  et  faire  une  exception  pour  ces  trois  mots  seuls?  Les 
mêmes  variations  existent  dans  les  dérivés  des  mots  terminés  en  on  et  en  ion 
{timonier  etcanonnier,  violoniste  el  bâtonnis te,  donateur  et  ordonnateur);  dans 
l'emploi  du  double  t  à  la  finale  des  mots  (démailloter  et  emmailloiier ,  contra- 
diction vraiment  intolérable),  et  le  redoublement  de  certaines  lettres,  telles  que 
le/)  dans  appawunr,  apf>laudir...,  lorsqu'on  écrit  aplanir,  apercevoir,  etc.  Les 
tableaux  dressés  par  M.  Didot,  avec  une  conscience  et  un  soin  scrupuleux,  mettent 

(1)  J'ai  fait  droit  à  celte  juste  critique  dans  cette  seconde  édition. 


t 


ADHÉSIONS  DIVERSES.  -  M.  FOURNEL.  457 

ces  anomalies  dans  tout  leur  jour,  et  les  rendent  plus  choquantes  encore  par  le 
rapprochement. 

«  Qui  n'a  entendu  conter  dix  fois  une  charmante  anecdote  dont  Nodier  est  le 
liéros?  Lisant  à  l'Académie  des  remarques  sur  la  langue  française,  il  disait  que  le 
i  entre  deux  i  a  d'ordinaire,  et  sauf  quelques  exceptions,  le  son  de  Vs  : 

«  Vous  vous  trompez,  Nodier  ;  la  règle  est  sans  excei)tion,  lui  cria  Emmanuel  Du- 
paty.  —  Mon  cher  confrère,  répliqua  le  malicieux  grammairien  avec  une  humilité 
sarcastique,  prenez  picié  de  mon  ignorance,  et  faites-moi  l'amicié  de  me  répéter 
sf  ulement  la  moicié  de  ce  que  vous  venez  de  dire.  >. 

n  L'Académie  rit,  et  Dupaty  resta  convaincu  qu'il  y  avait  des  exceptions.  Au 
fond,  la  réplique  de  Nodier  était  une  épigramme  contre  le  Dictionnaire.  Qui  dira 
en  vertu  de  quel  principe  le  t  suivi  d'un  i  se  prononce  tanlôt  ti  et  tantôt  ci? 
M.  Didot  propose  de  remédier  à  cette  confusion  soit  par  la  substitution  du  c  au 
^,  —  car  rien  n'empêcherait  d'écrire  ambmeux  comme  on  écni précieux,  —  soit 
jiar  l'emploi  du  t  avec  une  cédille,  pirticulièrement  dans  les  s\ibstanlifs  d'une 
forme  absolument  identique  à  celle  de  verbes  dont  la  prononciation  n'est  point 
la  même  {nous  éditions,  les  éditions;  nous  inspections,  les  inspections,  etc.). 
Cette  dernière  anomalie  se  retrouve,  et  appelle  un  remède  analogue ,  dans  les 
substantifs  en  ent  qui  présentent  une  homographie  complète,  malgré  .a  différence 
du  son,  avec  la  troisième  personne  plurielle  du  présent  de  l'indicatif  {un  affluent, 
ils  affluent  ;2in  équivalent,  ils  équivalent). 

«  Le  chapitre  sur  la  régularisation  de  l'orthographe  étymologique  est  l'un  des 
()lus  intéressants  du  livre.  Nulle  part  les  contradictions  ne  fourmillent  pareille- 
ment. Ainsi,  dans  les  mots  tirés  du  grec,  le  /est  représenté  tantôt  par  le  c,  ou  le 
k,  ou  le  qu  (acariâtre,  kilo,  monarque),  tantôt  par  le  ch  dur  {archéologue), 
tanlôt  par  le  ch  doux  {anarchie).  Le  th  est  censé  représenter  le  6  grec,  mais 
c'est  dans  notre  langue  un  signe  sans  aucun  son  correspondant,  comme  le  ph,  qui 
ré()ond  au  9,  mais  qui  se  prononce  /,  et  ne  sert  qu'à  surcharger  certains  mots, 
en  leur  donnant  une  physionomie  barbare.  Qu'est-ce  donc  quand  le  th  et  le  ph 
se  trouvent  réunis,  quelquefois  en  double  exemplaire  {diphthongue,apophthegmc 
ichthyopliage)?  Assurément,  il  faut  tenir  grand  compte  de  l'étymologie  dans 
l'orthographe,  et  c'est  pour  l'avoir  méprisée  que  les  révolutionnaires  qui  veulent 
qu'on  écrive  comme  on  prononce  ont  échoué  dans  le  ridicule.  Mais  l'Académie 
elle-même  a  porté  les  premiers  et  les  plu.s  rudes  coups  à  l'orthographe  étymolo- 
gique. Sur  les  20,000  mots  environ  dont  se  compose  le  dictionnaire,  il  y  en  a, 
d'après  les  calculs  de  Marie,  3,000  d'étymologie  inconnue,  1,500  d'étymologle 
douteuse,  10,000  qui  se  sont  dépouillés  successivement  de  leurs  lettres  étymolo- 
giques, et  500  dont  l'orthographe  est  absolument  contraire  à  l'étymclogie.  Pour- 
quoi p«rfl</raphe  et  agrafe,  phi^o^ophe  et  fantaisie,  rhythme  et  eurythmie?  La 
logique  la  plus  élémentaire  exigerait  qu'on  écrivît  fénomène  comme  fantôme,  ou 
qu'on  revînt  à  l'ancienne  orthographe,  qui  disait  lûiantôme,  comme  phénomène. 
Ce  qu'on  demande  à  l'Académie  française ,  ce  n'est  pas  d'effacer  l'étiquette  éty- 
m.ologique  des  mots,  c'est  de  se  montrer  conséquente  avec  elle-même,  de  mettre 
de  l'unité  dans  l'œuvre  qu'elle  a  commencée,  et  de  rayer  de  perpétuelles  contra- 
dictions qui  déconcertent  l'esprit. 

«  Puisqu'on  a  supprimé  Vh  étymologique  dans  trône,  trésor  (jadis  throsne, 
thrésor),  il  serait  aussi  logique  de  la  supprimer  dans  analhème,  athlète,  etc. 
Cependant  je  suis  le  premier  à  convenir  qu'il  ne  faut  pas  pousser  toujours  la  lo- 
gique à  l'extrême,  et  j'avoue  que  j'aurais  la  faiblesse  de  reculer  devant  quelques- 


458  ADHÉSIONS  DIVERSES.  —  M.  A.  BERNARD. 

unes  de  ces  simplificalions,  auxquelles  il  est  pourtant  impossible  de  faire,  en 
théorie,  la  moindre  objection  sérieuse.  Dans  la  pratique,  il  est  des  réformes  qui 
me  paraissent  plus  urgentes  que  celte  dernière,  par  exemple,  la  régularisation  de 
la  marque  du  pluriel  dans  les  mots  en  om,  dont  je  m'étonne  que  M.  Didol  n'ait 
pas  fait  l'objet  d'une  proposition  formelle. 

«  Je  suis  obligé  de  tourner  court  :  le  sujet  m'a  déjà  entraîné  bien  au-delà  de 
mes  limites  habituelles  ;  mais  j'espère  que  le  lecteur  me  pardonnera  cette  petite 
conférence  grammaticale,  frugale  orgie  d'eau  claire  et  de  racines  grecques.  La 
conclusion  se  déduit  d'elle-même.  Il  y  a  évidemment  quelque  chose,  il  y  a  même 
beaucoup  à  faire,  de  l'aveu  unanime  des  grammairiens  et  des  lexicographes. 
L'occasion  est  propice  :  elle  ne  se  retrouvera  peut-être  pas  avant  un  siècle,  car 
les  nouvelles  éditions  du  Dictionnaire  de  l'Académie  sont  rares.  M.  Didot  a  dé- 
blayé la  route  et  tracé  la  marche  :  il  ne  reste  plus  qu'à  suivre  ce  guide  expéri- 
menté, en  tenant  compte  de  tous  les  intérêts  et  de  tous  les  besoins,  en  a{)pli- 
quant  les  réformes  dans  les  limites  où  elles  peuvent  se  concilier  avec  le  respect 
des  meilleures  traditions,  et  améliorer  le  mécanisme  de  la  langue  sans  trop  bou- 
leverser les  habitudes  jusqu'à  présent  consacrées  par  la  loi.  ». 

M.  Auguste  Bernard,  dans  le  journal  Vlmprimeriey  de  jan- 
vier 1868,  a  inséré  une  lettre  qu'il  a  bien  voulu  nn'adresser  et 
dont  j'extrais  les  passages  qui  ont  trait  à  la  doctrine. 

«  cher  et  honoré  maitre, 

«  Rien  ne  pouvait  m'être  plus  agréable  que  votre  intéressant  travail,  car  il  y 
a  longtemps  que  ce  sujet  me  préoccupe.  J'annonçais,  en  effet,  il  y  a  bientôt 
trente  ans,  dans  ma  préface  A^?,  Procès-verhaux  des  États  généraux  de  1593 
(vol.  in-4°  de  la  Collection  des  documents  inédits  relatifs  à  l'histoire  de  France), 
un  livre  sur  l'histoire  de  l'orthographe  française  depuis  l'invention  de  limpri- 
merje. 

<'  Je  me  félicite  aujourd'hui  d'avoir  été  détourné  par  d'autres  occupations  de 
la  réalisation  de  ce  projet;  car  votre  nouveau  travail  aurait  probablement  rendu 
mes  peines  inutiles.  Personne  ne  pouvait  aborder  ce  sujet  avec  plus  d'autorité 
que  vous,  qui  réunissez  à  l'érudition  d'un  académicien  toutes  les  connaissances 
du  typographe. 

«  Au  reste,  c'est  chez  vous-même,  et  en  travaillant  au  Dictionnaire  de  V Aca- 
démie de  1835,  dont  j'étais  la  cheville  ouvrière,  que  cette  idée  m'était  venue. 
J'avais  été  souvent  choqué  des  irrégularités  qui  se  glissaient  dans  ce  livre,  faute 
d'un  praticien  pour  les  relever,  et  si  je  n'avais  pas  été  si  jeune  alors,  j'aurais 
peut-être  hasardé  quelques  observations  ;  mais,  n'osant  pas  le  faire,  je  me  mis 
dès  lors  à  étudier  les  progrès  de  l'orthographe  depuis  le  commencement  du 
seizième  siècle,  progrès  opérés  par  les  imprimeurs,  qui  ont  plus  fait  pour  cela, 
à  mon  avis,  que  les  grammairiens  et  les  académiciens  ensemble.  Et  cela  se  con- 
çoit facilement.  Avant  les  travaux  de  l'Académie,  l'orthographe  était  incertaine  : 
l'écrivain  ne  s'inquiétait  pas,  en  poursuivant  sa  pensée,  de  la  forme  plus  ou 
moins  régulière  des  mots  qu'il  employait,  pourvu  qu'ils  fussent  compris.  Mais 
le  compositeur,  ou  pour  mieux  dire  le  correcteur,  est  obligé  d'adopter  un  sys- 
tème. Il  ne  pourrait  laisser  passer  dans  un  livre  soumis  à  son  contrôle  un  mot 
écrit  de  cinq  manières  différentes,  comme  cela  se  voit  dans  le  Livre  des  Métiers 


ADHÉSIONS  DIVERSES.  -  M.  A.  BERNARD.  ^59 

«l'Estierme  Boileau,  que  vous  citez  p.  195.  Il  faut  qu'il  adopte  l'une  ou  l'aul.v 
Or,  avant  d'adopter,  il  compare,  il  raisonne  :  de  là  la  régularisation  et  l'amélio- 
ration de  l'orthographe. 

«  Voilà  ce  que  fait  un  correcteur.  Mais  il  faut  s'entendre  sur  la  valeur  de  ce 
mot.  Le  véritable  correcteur  doit  être  à  la  fois  érudit  et  typographe.  Si  ce  n'est 
(ju'un  érudit,  un  déclassé,  qui  fait  ce  métier  parce  qu'il  n'en  trouve  pas  de  meil- 
leur, il  ne  remplira  que  la  moitié  de  sa  tâche 

«c  En  parcourant  l'analyse  des  livres  des  législateurs  de  Tortho-raphe,  que 
vous  avez  donnée  dans  la  seconde  partie  de  votre  ouvrage,  j'ai  vu  avec  joie 
qu'aucun  ne  pouvait  être  comparé  à  mon  cher  Tory  pour  rimporlancc  de  sa 
réforme.  En  effet,  lorsqu'il  parut,  le  français  était  encore  dans  ses  langes  latins, 
ne  possédant  aucun  signe  particulier  pour  représenter  les  sons  qui  lui  étaient 
propres.  La  création  de  l'accent  aigu  à  elle  seule  fut  toute  une  révolution  dans 
la  langue.  On  a  depuis  inventé  les  accents  grave  et  circonflexe,  mais  ces  der- 
niers, tout  euphoniques,  n'ont  pas  l'importance  grammaticale  de  l'accent  aigu, 
qui,  en  distinguant,  par  exemple,  le  participe  passé  du  présent  de  l'indicatif, 
dans  certains  verbes,  a  permis  au  lecteur  de  se  soustraire  à  une  confusion  déplo- 
rable. 

«  Je  citais  naguère  cette  phrase  qui,  dans  l'ancienne  orthographe,  pouvait 
avoir  deux  sens  opposés  :  «  Un  homme  mange  des  vers.  »  Cet  homme  mangeail- 
il  des  vers  ou  au  contraire  était-il  mangé  par  eux  ?  Une  simple  virgule  placée 
sur  la  lettre  e  nous  a  tiré  d'embarras,  en  distinguant  Ve  féminin  de  l'e  masculin, 
comme  on  disait  alors,  et  en  permettant  de  lire  sans  hésitation  l'un  ou  l'autre. 
Quelques  auteurs  avaient  déjà  signalé  la  nécessité  de  cette  réforme  ;  mais  aucun 
ne  l'avait  réalisée  ;  et  Tory  ne  l'a  faite  (de  même  que  celle  d(!  la  cédille  et  de 
l'apostrophe)  que  parce  qu'il  était,  comme  vous  le  dites,  «  aussi  habile  artiste 
([ue  savant  typographe  ». 

«  Je  ne  regrette  qu'une  chose  pour  Tory,  c'est  qu'il  n'ait  pas  la  gloire  d'avoir 
distingué  l'i  et  Vu  consonnes  (J  et  v)  de  Yi  et  de  Vu  voyelles.  Cette  amélioration 
était  bien  facile,  puisqu'il  ne  s'agissait*  que  d'appliquer  à  un  usage  spécial  deux 
lettres  qui  existaient  déjà  dans  la  typographie,  Vu  initial  (v),  et  Vi  final  {j)  ;  elle 
ne  fut  pourtant  réalisée  qu'un  siècle  après  lui,  et  par  les  imprimeurs  de  Hollande 
encore.  Toutefois,  il  est  juste  de  dire  que  les  imprimeurs  français  avaient  déjà  en 
partie  paré  à  cet  inconvénient  en  mettant  un  tréma  sur  Vu  consonne.  Ainsi  le 
mot  boue  était  imprimé  boue,  pour  empêcher  de  lire  bove.  De  même  nous  met- 
tons aujourd'hui  un  tréma  sur  le  final  des  mots  aiguë,  et  contiguë,  etc.,  pour 
qu'on  ne  lise  pas  gue.  Cette  innovation  du  tréma  sur  Vu  voyelle  fut  adoptée  par 
toutes  les  personnes  intelligentes  du  seizième  siècle. 

((  C'est  ce  que  n'a  pas  compris  l'académicien  Berger  de  Xivrey,  qui,  dans  la 
collection  des  Lettres  de  Henri  IV,  a  conservé  cet  u  tréma  partout  où  il  l'a  trouvé, 
sans  se  douter  que  cette  forme  orthographique  jurait  dans  son  livre,  où  il  a  mis 
les  î;  à  la  place  des  u  consonnes,  comme  aujourd'hui.  Cela  rappelle  un  peu  ces 
braves  gens  qui,  ayant  vu  le  mot  univers,  par  exemple,  écrit  jadis  Vniuers, 
c'est-à-dire  avec  un  u  initial  au  commencement  (u),  et  un  u  médial  (m)  au  milieu, 
se  figurent  que  nos  pères  mettaient  toujours  le  v  pour  Vu,  et  réciproquement,  et 
ils  ne  manquent  pas  de  suivre  cette  règle  dans  leurs  essais  d'archaïsme.  Cela  se 
voit  journellement  dans  les  catalogues  de  librairie,  et  je  ne  jurerais  pas  qu'on 
n'en  puisse  trouver  des  exemples  dans  le  Manuel  de  Brunet.  » 


460  ADHÉSIONS  DIVERSES.  —  M.  MAURICE  MEYER. 

M.  Maurice  Meyer,  Inspecteur  de  l'instruction  primaire  du  dé- 
partement de  la  Seine,  a  publié  dans  la  Revue  nationale  et  étran- 
gère du  28  mars  1868,  un  article  dont  j'extrais  le  passage  suivant  : 

<'  Que  de  dictionnaires,  combien  de  grammaires  surtout,  depuis  quelques  an- 
nées, se  sont  multipliés,  pour  faire  à  notre  langue  une  sorte  de  rempart  et  pour 
rappeler  aux  saines  doctrines  les  insurgés  de  la  parole  et  les  fauteurs  du  dé- 
sordre, je  ne  pourrais  le  calculer  exactement.  Malgré  tout^  il  faut  bien  le  con- 
fesser, le  but  n'a  été  qu'imparfaitement  atteint  :  on  a  plus  écrit  que  sagement 
écrit,  et  il  y  a  eu  plus  de  bonnes  intentions  que  de  bonnes  grammaires. 

«  C'est  que  la  composition  d'une  bonne  grammaire  française  n'est  pas  d'une 
médiocre  difficulté.  Outre  qu'il  lui  faut  l'appui  et  l'autorité  d'un  bon  Dictionnaire 
académique,  le  talent  d'y  mettre  tout  ce  qu'il  faut,  et  rien  que  ce  qu'il  faut,  est 
tout  simplement  un  art  véritable.  Elle  exige  un  don  d'expérience,  une  métboae 
rares.  L'esprit  de  l'auteur,  sa  finesse  peut  s'y  faire  sentir,  jamais  voir.  Il  faut 
qu'il  comprenne  la  langue  par  le  côté  métaphysique  et  la  fasse  comprendre  par  le 
côté  vulgaire.  Point  de  raisonnements  quintessenciés,  point  d'ambages  abstraits. 
Tout  cela  peut  se  concentrer  dans  le  démonstrateur,  mais  non  se  répandre  dans 
la  démonstration,  s'il  veut  qu'elle  pénètre  et  se  grave.  Chercher  le  simple,  éviter 
le  compliqué,  voilà  le  secret;  parce  que  le  simple,  en  matière  aussi  abstraite, 
annonce  le  plus  souvent  une  vérité  acquise,  et  le  compliqué  une  vérité  qui  se 
voile  ou  qu'on  cherche.  Le  simple  porte  avec  lui  cette  clarté  rapide,  sans  la- 
quelle l'esprit  français  refuse  d'avancer,  tandis  que  le  compliqué  produit  le 
trouble  qui  le  met  en  défiance  ou  le  rebute. 

«  La  simplicité  d'ailleurs  n'est-ce  pas  la  qualité  maîtresse  du  parler  français? 
Notre  langue  n'est  si  simple^  si  ennemie  des  inversions,  que  parce  qu'elle  place 
la  raison  avant  l'imagination.  Dans  la  grande  famille  des  langues,  elle  est  un  des 
iîistruments  de  précision  les  mieux  trempés  pour  la  pensée,  et  elle  ne  dit  si 
parfaitement  ce  qu'elle  veut  dire  que  parée  qu'elle  est  affamée  de  justesse.  Mal- 
heureusement la  fantaisie  et  le  chimérique  menacent  de  la  corrompre  depuis  long- 
temps, et  il  est  pressant,  pour  l'Académie,  de  les  écarter  au  moyen  d'un  bon 
Dictionnaire. 

«  Je  cherche,  par  exemple,  dans  quelle  catégorie  elle  classera  le  mot  train  ex- 
press. Si  express  est  un  adjectif,  pourquoi  ne  peut-il  prendre  ni  la  forme  du  fé- 
minin, ni  celle  du  pluriel  ?  S'il  est  un  substantif,  avec  sa  finale  sifflante  et  bizarre, 
comment  l'écrirai-je  au  pluriel,  et  à  quelle  famille  de  mots  le  rattacher  .^  De  plus, 
chacun  sait-il  bien  la  signification  de  ce  mot  express,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  exprès  ?  Même  remarque  pour  timbres-poste,  dont  la  deuxièmic  partie  est 
invariable.  Pourquoi  n'avoir  pas  dit  timbres  de  poste,  comme  on  dit  voitures  de 
poste,  train  de  poste?  pourquoi  avoir  accru,  au  grand  dommage  de  la  clarté, 
cette  race  de  noms  composés  et  bâtards  qui  inquiètent  notre  orthographe  et 
troublent  notre  logique  ? 

«  M.  Didot  a,  là-dessus,  tout  un  chapitre  bien  curieux  et  une  nomenclature 
finale  des  mots  composés,  qui  se  dresse  comme  une  liste  d'accusation  contre  les 
complaisances  de  notre  Académie.  Il  en  est  qu'elle  a  enregistrés  quand  ils  avaient 
pris  rang,  au  lieu  de  les  écarter  d'autorité,  avant  leur  intrusion  définitive,  ou- 
bliant que  les  mots  qui  sont  de  mode  finissent  par  devenir  d'usage,  et  que  l'usage 
à  son  tour,  même  quand  il  a  bravé  la  règle,  ne  tarde  pas  à  en  devenir  une. 


ADHÉSIONS  DIVERSES.  -  MM.  L.  NOËL,  LIEVIN.       461 

M.  Didot  adopte  ces  mots  mal  venus,  mais  il  propose  d'eiïacer  le  trait  d'.inion  qui 
les  sépare,  pour  qu'on  n'hésite  plus  sur  leur  orthographe.  11  lui  est  facile  de 
prouver  que,  l'Académie  l'ayant  effacé  pour  beaucoup  d'entre  eux,  il  y  aurait 
justice  et  harmonie  à  le  faire  pour  toîis.  Mais  peut-être  demande-t-il  trop. 

«  Bien  d'autres  désordres  d'orthographe,  signalés  dans  cet  excellent  Mémoire, 
appellent  toute  l'attention  de  l'Académie  pour  la  publication  d<;  sa  septième  édi- 
tion. M.  Sainte-Beuve,  avec  son  érudition  piquante,  en  a  relevé  fmement  un 
grand  nombre.  Mais  il  n'a  pu  tout  dire  :  c'eût  été  trop  long,  même  sous  sa 
plume  charmante.  Je  voudrais  plus  encore  que  ce  que  demandent  M.  Sainte- 
Beuve  et  M.  Didot  :  je  désirerais  que  les  mots,  les  locutions  vicieuses  fussent 
aussi  corrigés  dans  cette  dernière  édition. 

«  Tous  ces  vœux  seront-ils  écoutés  par  les  académiciens  qui  sont  à  l'œuvre  ? 
Je  ne  sais,  car  je  me  souviens  des  résistances  séculaires  que  les  dictionnaires 
antérieurs  ont  opposées  aux  nouveautés  les  plus  légitimes.  Toutefois,  j'ai  bon 
espoir  que  l'Académie,  mieux  informée  et  plus  juste  cette  fois,  fera  comme  nous 
et  accueillera  favorablement  la  plupart  des  Observations  si  sensées  de  M.  Di- 
dot. » 

Je  signalerai  aussi  Tarticle  de  M.  Léger  Noël,  dans  le  Journal 
de  Rouen  du  3  mars  1868,  celui  de  M.  Louis  Lievin  dans  la  fJberté 
du  5  avril  et  ceux  de  plusieurs  autres  littérateurs  distingués  qui 
ont  donné,  avec  une  extrême  bienveillance,  leur  assentiment  à 
mes  recherches. 

L'imprimerie  parisienne  s'est  associée  à  ce  mouvement  des  lit- 
térateurs et  des  érudits  en  faveur  de  la  Réforme  orthographique. 
Il  me  suffira  de  signaler  ici  la  Lettre  de  la  Société  des  correcteurs 
à  l'Académie  française^  dans  laquelle,  à  la  suite  d'un  vote  unanime 
(le  19  avril),  la  société  supphe  la  docte  compagnie  de  vouloir  bien 
admettre  le  principe  de  Tuniformité  orthographique  dans  sa  pro- 
chaine édition. 

Le  mouvement  d'adhésion  s'est  étendu  jusqu'au-delà  du  détroit. 
Un  typographe  instruit  en  même  temps  que  linguiste  distingué, 
M.  Théodore  Kuster,  a  publié  à  Londres  dans  le  Printer's  Register 
du  6  janvier  1868,  un  article  dont  je  traduis  les  passages  où 
l'auteur,  après  avoir  analysé  mes  propositions,  émet  ses  vues 
propres. 

A  propos  des  mots  du  Dictionnaire  de  TAcadémie  empruntés 
de  l'anglais  ou  de  l'allemand,  comme  vagon,  cipaye,  valse,  paque- 
bot, railwaij^  choucroute,  etc.,  dont  l'orthographe  a  été  francisée, 
il  s'exprime  ainsi  : 

«  Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même  pour  les  mots  où  les  th  et  les  ph 
figurent  aussi  désagréablement  que  les  w  et  A  des  Saxons? 


462  ADHÉSIONS  DIVERSES.  —  M.  KUSTER. 

«  A  notre  point  de  vue,  dans  toute  réforme  orthographique,  soit  en  France, 
soit  en  Angleterre  ou  dans  tout  autre  pays,  notre  seul  désir  est  de  voir  concilier, 
par  une  sorte  de  compromis  entre  eux,  les  deux  systèmes  basés  l'un  sur  l'étymo- 
jogie  seule,  l'antre  sur  la  prononciation  seule.  M.  Didot,  dans  ses  observations, 
suggère  quelque  chose  de  fort  juste  à  cet  égard.  Il  fait  deux  listes  de  mots  qu'il 
range  sous  deux  titres  :  «  mots  d'un  usage  ordinaire  «  et  «■  mots  d'un  usage  ex- 
ceptionnel ^s  et  il  propose  de  simplifier  les  premiers,  lorsqu'ils  sont  entrés  dans 
le  jangage  usuel,  et  de  laisser  aux  savants  leurs  termes  scolastiques  tels  qu'ils 
les  ont  formés.  L'école  grecque  peut,  si  elle  veut,  forger  des  expressions  tech- 
niques et  les  écrire  comme  elle  veut,  mais  elle  n'a  pas  le  droit  d'embarrasser 
le  simple  artisan  avec  des  difficultés  ;  car  une  grande  partie  du  public  et  môme 
du  public  liseur  ne  sait  ni  grec  ni  latin,  et  sera  par  conséquent  incapable  de 
distinguer  les  étymologies  provenant  de  ces  langues. 

«  Les  remarques  sur  les  doubles  lettres  sont  très-justes,  et  on  maintiendrait  la 
double  consonne  dans  le  cas  où  elle  se  fait  entendre,  comme  dans  correcteur  ; 
mais  il  est  utile  de  supprimer  l'une  des  consonnes  dans  des  mots  tels  que  riourrir 
et  de  les  écrire  comme  mourir. 

«  Les  mots  composés,  en  français,  sont  une  source  de  grande  perplexité,  non- 
seulement  pour  les  étrangers,  mais  même  pour  les  indigènes;  car  il  existe  une 
grande  diversité  d'opinion  relativement  à  la  forme  du  pluriel  dans  les  mots  qui 
s'écrivent  avec  un  trait  d'union.  Si  le  trait  d'union  était  omis  (comme  le  propose 
M.  Didot),  cette  difficulté  serait  grandement  diminuée  ;  au  lieu  de  chefs-d'œuvre, 
on  écrirait  chefdœuvres  ou  probablement  chédœuvres.  Nous  mentionnerons  à 
ce  propos  que  l'introduction  d'une  branche  de  l'industrie  britannique  en  France 
a  doté  ce  pays  d'un  nouveau  mot,  pickpocket,  qui,  d'après  la  réforme  ortho- 
graphique, s'écrirait  piquepoguet. 

«  En  angTais  l'emploi  du  trait  d'union  dans  les  mots  composés  est  un  peu  incer- 
tain. Malheureusement  nous  n'avons  pas,  pour  décider  les  questions  d'orthographe, 
l'autorité  d'un  corps  analogue  à  l'Académie  française.  Ce  serait  le  devoir  de  la 
société  philologique,  mais  elle  ne  s'en  acquitte  pas. 

«  Le  caractère  distinctif  de  l'esprit  français  est  une  fine  perception  de 
l'ordre  et  une  tendance  à  introduire  en  tout  une  règle  et  une  méthode.  Les  ten- 
dances des  nations  saxonnes  et  teutoniques  sont  tout  autres  :  là  c'est  l'action 
individuelle.  Nous,  Anglais,  nous  sommes  intolérants  pour  la  centralisation,  comme 
ne  pouvant  s'accorder  avec  ce  droit  individuel.  Nous  laissons  les  choses  suivre 
leur  cours,  tandis  que  nos  voisins  d'outre- mer  assignent  aux  choses  le  cours 
qu'elles  auront  à  suivre.  Il  est  aisé  de  voir  de  quel  côté  est  l'avantage  dans  l'emploi 
des  anomalies  de  la  grammaire  ou  du  dictionnaire.  Dans  cinquante  ans  ils  auront 
fait  de  leur  langue  une  armée  bien  réglée  et  bien  disciplinée,  tandis  que  la  nôtre 
ressemblera  à  une  foule  énergique  et  indisciplinée,  qui  se  pressant  dans  les  rues 
d'une  grande  ville,  y  cause  de  la  confusion.  » 

M.  Kuster  critique  ensuite  ma  proposition  du  t  cédille  : 

<(  Nous  ne  pouvons  admettre,  dit-il,  cette  innovation,  par  la  raison  que  nous  avons 
plusieurs  fois  donnée  dans  le  <^Prinier's  i^egister^»  que  l'ensemble  des  caractères 
restera  toujours  uniforme  avec  lui-même,  attendu  que  pour  se  procurer  de 
nouveaux  caractères,  soit  g,  soit  ^,  les  imprimeurs  seraient  entrâmes  à  des  dépenses 
qu'ils  ne  voudront  pas  plus  faire  pour  ces  lettres  qu'ils  ne  l'ont  fait  pour  l'A. 


ADHÉSIONS  DIVERSES.  ^  LA  GAZETTE  SUISSE.         163 

Ils  sont  forcés  d'adopter  le  proverbe  :  ..  i|  fai.t  travailler  avec  les  outils  que 
l'on  a  (1).  »  ' 

«  Nous  sommes  persuadé  que  beaucoup  de  personnes  tenteront  de  s'opposer 
aux  changements  proposés  dans  l'ouvrage  que  nous  avons  sous  les  yeux  Files  ont 
appris  le  français  d'après  la  méthode  actuelle,  et  considéreront  ces  modifications 
comme  une  félonie  à  leur  égard;  mais,  quand  nous  mettons  en  balance  les  plus 
grands  inconvénients  qui  peuvent  résulter  de  ces  changements  et  l'énorme  porte 
de  temps  qu'entraîne,  pour  ceux  qui  étudient  le  français,  le  système  actuel,  il  nous 
semble  que  toute  personne  impartiale  décidera  eu  faveur  de  la  réforme. 

«  Nous  avons  consacré  à  cette  analyse  plus  de  place  que  nos  colonnes  ne  nous  le 
permettraient  à  la  rigueur  ;  mais  ce  travail  sera  probablement  d'un  tel  poids  dans 
l'amélioration  de  l'orthographe  française  qu'il  ne  peut  manquer  d'avoir  de  l'innuence 
môme  sur  notre  orthographe.  Il  suffira  de  dire,  pour  conclure,  que  l'auteur  a 
déployé,  dans  ce  volume,  une  vaste  érudition,  et  il  prouve  ses  propositions  avec 
tant  de  clarté  et  de  force,  que  nous  souhaitons  sincèrement  de  voir  l'Académie 
adopter  les  changements  qui  lui  sont  proposés.  Elle  facilitera  ainsi  aux  étrangers 
l'étude  de  l'une  des  langues  les  plus  belles  et  les  plus  utiles  du  monde  entier. .. 

Tm  Patrie,  gazette  suisse,  dans  son  numéro  du  17  janvier,  conclul 
ainsi  Tarticle  qu'elle  a  consacré  à  ma  première  édition  : 

<c  si  l'orthographe  phonétique,  conforme,  comme  on  l'a  vu,  aux  origines  et  à 
l'esprit  de  la  langue  française,  présente  d'incontestables  avantages  comme  mé- 
thode de  lecture  et  d'écriture,  conmie  orthographe  de  ceux  qui  n'ont  pas  le 
temps  d'apprendre  celle  des  lettrés,  el  comme  moyen  de  figurer  exactement  la 
prononciation  de  la  langue  française  et  de  plusieurs  langues  étrangères,  cette 
écriture  ne  doit  pas  encore  avoir  ses  entrées  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie, 
d'après  M.  Didot.  Le  peuple  fera  le  sien  quand  il  le  jugera  bon.  Le  savant  im- 
primeur-libraire de  l'Institut  de  France  ne  pouvait  évidemment  parler  à  l'Acadé- 
mie française  que  de  l'orthographe  des  lettrés,  et  on  doit  lui  savoir  un  gré  infini 
d'avoir  si  nettement  posé  la  question,  et  pris  si  courageusement  l'initiative  des 
importantes  réformes  indiquées  dans  son  volume. 

«  Si  l'on  ajoute  à  cette  publication  du  savant  éditeur  parisien  les  Rapports  qui 
viennent  d'être  faits  à  l'Institut  genevois  par  deux  de  ses  membres,  rapports  très- 
favorables  à  la  réforme  orthographique,  on  verra  que  cette  question  mérite  d'at- 
tirer partout  l'attention  des  lettrés  aussi  bien  que  celle  des  amis  de  l'instruction 
populaire.  » 

M.  0.  Havard,  dans  la  Revue  du  monde  catholique  du  25  mai 
dernier,  adhère,  avec  de  grandes  réserves,  au  principe  de  la  ré- 
forme : 

«  Comme  conclusion  pratique,  dit-il,  M.  Didot  voudrait,  avec  M.  Raoux,  voir 

(1)  Quand  on  voit  avec  quel  empressement  on  introduit  dans  les  livres  des  caractères  si 
variés  de  forme  et  d'aspect,  uniquement  par  caprice  et  pour  satisfaire  au  d(^sir  de  nou- 
veauté aussi  général  en  Angleterre  qu'en  France,  on  ne  conçoit  pas  ce  motird'nne  l'-cono 
raie  sordide;  et  l'on  s'étonne  qu'en  Angleterre  on  réimprime  encore  des  ouvrages  ou  pas- 
sages de  notre  langue  sans  employer  Va,  sous  prétexte  que  l'usage  en  est  étranger  à  la 
langue. 


464  ADHÉSIONS  DIVERSES.  —  M.  HAVARD. 

les  lexicographes  représenter  la  prononciation,  en  tête  des  dictionnaires  anglais, 
arabes  et  turcs,  dans  un  système  phonographique  perfectionné  et  convenu  entre 
les  linguistes. 

«  Mais,  avant  d'en  arriver  à  ce  développement,  la  méthode  phonétique  a  besoin 
de  mûrir  ;  jusque-là  il  faut  se  défier  des  innovations  désordonnées,  imprudentes, 
et  ne  pas  éliminer  une  difficulté  pour  nous  gratifier  aussitôt  d'une  autre.  Plus 
tard  alors  pourra-t-on  voir  l'Académie  française  se  montrer  aussi  hardie  que 
l'Académie  de  la  Crusca  en  1612,  l'Académie  de  Madrid  en  1726,  le  grand  Voca- 
bnlario  portuguez  de  Coïmbre  en  1712,  et  concilier,  dans  la  mesure  légitime, 
le  système  phonographique  avec  le  système  orthographique  des  langues  néo-la- 
tines. Mais  l'anarchie  qui  règne  en  France  dans  la  prononciation  de  la  langue 
rendra  toujours  diflicile,  et  peut-être  d'ici  longtemps  impraticable,  le  projet  des 
phonographes.  Non- seulement  entre  les  provinces  du  Nord  et  du  Midi,  mais  dans 
la  même  contrée,  on  se  trouvera  en  présence  de  dialectes  et  d'idiomes  qui  mo- 
difient singulièrement  la  prononciation  littéraire.  Il  faudrait  donc  adopter  une 
méthode  conventionnelle  :  mais  avec  l'éducation  insuffisante  des  classes  infé- 
rieures, pourra-t-on  la  populariser  ?  » 


ir 


TABLE  DES  MATIÈRES, 


Pages. 

Introduction 1 

Dictionnaire    de    l'Académie 
et  son  orthographe  : 

Première  édition 6 

Deuxième  édition lo 

Troisième  édition 1 1 

Quatrième  édition 13 

Cinquième  édition 17 

Sixième  édition 18 

I.  Orthographe  étymologique  : 
De  la  lettre  x- 
Mots  de  la  langue  française 
où  la  lettre  1  est  figurée 
par  c,  Ti  ou  qu  et  par  ch.      35 
De    l'esprit    rude   et    de  la 

lettre  h 38 

Des  lettres  0  et  <E>  représentées 

en  latin  par  th  etph 40 

Mots  d'un  usage  '  ordinaire 

ayant  conservé  leth 43 

Mots  avec  th  d'un  usage 

exceptionnel 44 

Du  <ï>  qui  devrait  toujours 

être  représenté  par  / Ibid. 

Mots  avec  ph  d'un  usage 

ordinaire 45 

Mots   avec  ph  d'un  usage 

exceptionnel 47 

Mots  avec  th  eiph  réunis.  Ibid. 
Mots  avec  deux  ph  ou  deux 
th Ibid. 


Pages. 

II.  Doubles  lettres 48 

III.  Des    tirets    ou    traits 
d'union 58 

IV.  De  l'orthographe  et  de 

LA    prononciation    DES  MOTS 
TERMINÉS  EN  ANT  OU  ENT. 

Adjectifs  et  substantifs  ver- 
baux provenant  du  parti- 
cipe présent C7 

Liste  des  adjectifs  et  sub- 
stantifs verbaux  formés 
de  participes  latins  en 
ens  (haute,  moyenne  et 
basse  latinité)  provenant 
de  la  2*,  3**  ou  4*^  conju- 
gaison, et  qui  en  français 

se  terminent  en  ant 69 

Liste  des  adjectifs  et  sub- 
stantifs verbaux  prove- 
nant des  trois  dernières 
conjugaisons  latines  et 
qui  se  terminent  en  ent.  71 
Mots  en  ent  prononcés  diffé- 
remment, bien  qu'écrits 

de  même 72 

De  l'orthographe  et  de  la  pro- 
nonciation   des    mots    en 

ance  et  ence 75 

Mots  en  ance 78 

Mots  en  ence Ibid. 

V.  Syllabes  tiy  tion 80 

30 


466 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


VI.  De  l'F  grec 

VU.  De  la  lettre  g. 

De  la  lettre  X. 

Conclusion 


Pages. 
85 
88 
90 
91 


Exposé  des  opinions  et  systè- 
mes concernant  l'orthogra- 
phe FRANÇAISE  DEPUIS  1527 
jusqu'à   NOS    JOURS 99 

APPENDICE  A. 
Les  dictionnaires  français  an- 
térieurs à  celui  de  l'Acadé- 
mie de  1694  : 
Firmin  Le  Ver  (Dictionnaire 

manuscrit  de  1420) 101 

Catholicon  abbreviatum  . .     107 
Vocabularius  nehrissensis ,     108 

Robert  Estienne Ibid. 

Guillaume  de  Laimarie —     109 

Jean  Nicot Ibid. 

Philibert  Monet 110 

Nathaniel  Duez 111 

César  Oudin Ibid. 

Pierre  Richelet Ibid. 

Tableau     synoptique     du 
changement   d'orthogra- 
phe depuis  le  xv^  siècle     • 
dans    les   mots    diffici- 
les  nib. 

Orthographe    de    l'Académie 
en  1694,  date  delà  première 
édition  du  dictionnaire .. .     113 
Préface    du   dictionnaire   de 

l'Académie 114 

Cahiers  de  remarques  rédigés 
pour    le    Dictionnaire    de 

1694 117 

Grammaire   de  Régnier  des 

Marais 120 

APPENDICE  B. 
Opinion  de  Ronsard  sur  l'or- 
thographe étymologique..     121 
APPENDICE  C. 
Opinion  de  plusieurs  mem- 
bres de    l'Académie    fran- 
çaise et  de  l'Académie  des 
belles^lettres    sur    l'ortho- 


Pages. 
graphe  et  la  réforme  ortho- 
graphique : 

Nicolas  Perrotd' A  blancourt.  124 

Pierre  Corneille 125 

Jacques-Bénigne  Bossuet. .  i30 

L'abbé  de  Dangeau 133 

L'abbé  de  Choisy 134 

L'abbé  Girard - 139 

Charles-Irénée  Castel,  abbé 

de  Saint-Pierre 143 

Duclos 147 

Nicolas  Beauzée 148 

Noël-François  de  V^ailly. .  150 

Voltaire 154 

François  de  Neufchateau . .  156 

Urbain  Domergue 157 

Volney 158 

Fortia  d'Urban 159 

Destutt  de  Tracy Ibid. 

Jouy 160 

Charles  Nodier i6l 

Andrieux Ibid. 

Laromiguière 1 62 

Daunou Ibid. 

Littré 163 

Max  Mûller  (correspondant).  164 

L.  Quicherat 165 

Charles -Auguste  Sainte- 
Beuve  167 

APPENDICE  D. 

Historique  des  réformes  ortho- 
graphiques proposées  ou  ac- 
complies   175 

XVl^   SIÈCLE  : 

Geoffroy  Tory 177 

Jean  Salomon Ibid. 

Très-utile  et  compendieux 
traité  de  Vart  et  science 
d'ortographie     gallicane 

(anonyme) 178 

Gilles  du  Wès  (ou  Dewes, 

ou  du  Guez) Ibid. 

Jean  Palsgrave 179 

Jacques  Sylvius  (Dubois)..  181 

Etienne  Dolet Ibid. 

Robert  Estienne 182 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


467 


Pages. 
Louis  Meigret  et  Guillaume 

des  Autels 184 

Joachim  du  Bellay 187 

Jacques  Pelletier 188 

Joachim  Périon 139 

Jean  Garuier 190 

Jean  Pillot ibid. 

Abel  Mathieu 19i 

Pierre  Ramus  (La  Ramée).  191 

Etienne  Pasquier 194 

Henri  Estienne 197 

Jean-Antoine  de  Baïf 199 

Honorât  Rambaud 200 

Laurent  Joubert 203 

Claude  de  Saint-Lien 204 

Claude  Mermet 206 

Montaigne Md. 

De  Palliot 207 

XVII*  SIÈCLE  : 

Robert  Poisson 209 

Pierre  le  Gaygnard 212 

Etienne  Simon ibid. 

Claude  ExpiHy 213 

Jean  Godard ibid. 

Charles  Sorel 219 

Pierre  de  la  Noue 220 

Antoine  Oudin 221 

Le  P.  Antoine  Dobert 223 

Du  Tertre Ibid. 

Le  P.  Laur.  Chiflet Ibid. 

Claude    Lancelot    {Gram- 
maire de  Port-Royal). . .     226 
Antoine  Bodeau de  Somaize.  Ibid. 

Simon  Moinet 230 

Jacques  d'Argent 231 

De  Bleigny Ibid. 

Jacques  de  Gevry  ........  Ibid. 

Louis  de  l'Esclache Ibid. 

De  Mauconduit 232 

Lartigaut 233 

GillesMénage 236 

François  Charpentier 237 

J.-B.  Bossuet 239 

Jean  Hindret Ibid. 

Jérôme- Ambroise  Langen- 
Mantel Ibid. 


Pages. 

De  Soûle 240 

René  Milleran ibid. 

Rodilard ibid, 

Louis  de  Courcillon,  abbé 

de  Dangeau 241 

Alphabet  ingénieux  pour  le 

français  (anonyme) 247 

André  Renaud ibid. 

César-Pierre  Richelet 248 

XVIII*  SIÈCLE    : 

Projet  d'un  Esei  de  gran- 
mère  francéze  (  ano- 
nyme)      248 

L'abbé  Régnier  des  Marais .     251 
Nicolas  de  Frémontd'Ablan- 

court 257 

Le  P.  Claude  Buffier 258 

Pierre  Panel 259 

De  Grimarest ibid. 

Le  P.  Gilles  Vaudelin 260 

Nicolas  Dupont 26I 

L'abbé  Girard ibid. 

Plan  d'une  ortographe  sui- 
vie (anonyme) 264 

Pierre  Py-Poulain  de  Lau- 

nay 265 

L.  Pierre  de  Longue 266 

Ch.-Irénée  Castel,  abbé  de 

Saint-Pierre 267 

Maurice  Jacquier 270 

Cheneau,  sieur  Du  Marsais.    271 
La  Bibliotèque  des  enfans 
ou  les  premiers  elemens 

des  letres  (anonyme) 273 

Le  Précepteur  (anonyme).     274 

De  Wailly 276 

Claude  Lancelot  (  Gram- 
maire de  Port-Royal) . .     283 

Douchet 285 

L'abbé  Cherrier 287 

Ortografe  des  dames  pour 
aprandre  a  écrire  et  a 
lire  corectemant  (ano- 
nyme)      288 

Manière  d'étudier  les  lan- 
gues (anonyme)»  * Ibidi 


468 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Pages. 
DeVorthographe  (anonyme)    289 
Le  grand  vocabulaire  fran- 
çois,  par  une  société  de 
gensdelettres(anonyme).    290 

Viard Ibid. 

J.-B.  Roche 291 

Brambilla 295 

Boulliette Ibid. 

Beauzée Ibid. 

XIX®    SIÈCLE. 

Jean-Etienne-Judith  Fores- 
tier BoinvilUers- Desjar- 
dins   305 

Urbain  Domergue 306 

Girault-Duvivier 310 

G.-F.Volney 311 

P.-R.-Fr.  Butet 314 

-Marie 316 

V.-A.  Vanier 324 

S.  Faure 328 

Joseph  de  Mal vin-Cazal 329 

,—  Adrien  Féline 330 

Charles  La  Loy , 333 

Alexandre  Erdan 334 

P.Poitevin 337 

Léger  Noël 338 

Casimir  Henricy . .  342 

B.  Legoarant 343 

B.  Pautex Ibid. 

F.-P.  Terzuolo Ibid. 

Tell 345 

Esai  de  simplificacion  du 

français  par  E .  A .  C  (1ère) .  3  4  8  | 


Frédéric  Diibner 

Pages. 
348 

Emile  Né'^rin 

349 

^  Edouard  Raoux 

351 

Albert  Hetrel 

E.  de  Girardin 

369 
Ibid. 

Bernard  Jullien 

372 

Egger 

393 

APPENDICE  E.  • 
Orthographe  personnelle  de 

Montaigne 

La  Fontaine. . .  ^ 

396 
397 

Bossuet 

Racine 

399 

400 

M"^  de  Sévigné 

La  Bruyère 

Voltaire 

APPENDICE  F. 
Des  mots  composés 

401 

403 

404 

408 

Liste  générale  des  mots  com- 
posés ou  pseudo-composés. 
APPENDICE  G. 

Adhésions  de  quelques  écri- 
vains au  principe  de  la  ré- 
forme : 
Victor  Fournel 

417 
453 

Auguste  Bernard 

458 

Maurice  Meyer. .  r 

Léger  Noël 

Louis  Lievin 

460 

461 

Ibid. 

Théodore  Kiister 

La  Patrie  (Gazette  suisse). 
0.  Havard 

Ibid. 

463 

Ibid. 

INDEX. 


A.  Histoire  de  cette  lettre:  Godard,  214. 
Abandonner  (Histoire  du  mot),  n'i  bis, 
Ablancourt  (Nicolas  de  Frémont  d'). 
Dialogue    des   lettres   de   l'alphabet; 
question  de  l'F  et  du  PH,  ^5  7. 
Ablancourt   (Perrot   d'),  9,    78.  — 
Son  système  orthographique  sert  d'ap- 
pui àcelui  deRichelet,  112.  -    Com- 
ment dans  la  préface  de  sa  traduction 
de  Thucydide  il  enlend  la  simplifica- 
tion de   l'orthographe,  124.  —  Sup- 
prime  les   doubles  lettres  qui  ne  se 
prononcent   pas,  et  certaines  lettres 
étymologiques,  124. 
Abréviation  (Tendance  constante  du  lan- 
gage française  1'),  95. 
Académie  (1')  est  arbitre  légitime  des  chan- 
gements   dans   l'orthographe,    i.  — 
Réformes  qu'elle  a  déjà  accomplies,  (> 
et  suiv.  —  Elle   était   engagée  dans 
son    système    orthographique    avant 
l'apparition  du  Dictionnaire  de  Riche- 
let,  112.  —  Ses  idées  sur  l'orthographe 
lors  de  sa  première  édition,  ii3  elsuiv. 
.     —  Son  rôle  en  matière  d'orthographe, 

346. 
Académie  de  L\CRUscA(r)  réforme  l'or- 
thographe delà  langue  italienne,  i53. 
Académie  de  Madrid  (1')  simplifie  et  ré- 
gularise l'orthographe  espagnole,  39. 
Accent.  Mots  où  la  double  lettre  a  été 
remplacée  par  un  accent,  49.  —  Son 
rôle  en  orthographie,  38o. 
Accent  tonique  du  français,  découvert  par 
Palsgrave,  179. —  Son  rôle,  391.  — 
LÉ&ER  NoEL,  341. 


Accentuation.  Sylvius,  181. —  Dolet, 
182.  —  Comme  moyen  de  figurer  la 
prononciation,  Beaxjzée,  298. 

Adjectifs  et  substantifs  verbaux  prove- 
nant des  trois  dernières  conjugaisons 
latines  et  qui  se  terminent  en  ant  et 
e«/,  dans  le  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie, 67,  68,  69,  71,  72,  73. 

Adverbes   en    ammanl   et   en   emment , 

BeAUZÉE,   3ûI. JULLIEN,   383. 

Agglutination.  Voir  Mots  composés. 

Alphabet  (réforme  de  l')  :  Meigret,  i85. 

—  Ramus,    192.   —  Baïf,   199.  — 
Rambaud,  201.  —  Poisson,  aoj).  — 

DOMERGUE,  307. VOLNEY,  l59,  3ll. 

—  FaURE,    328.   FÉMNE,   33 1.    — 

Raoux,  362,  367. 

Alphabet  ingénieux  pour  le  françois  y 
247- 

Alphabet  phonétique  (Utilité  de  la  créa- 
tion d'un),  3i3,  359.  —  Utilité  de 
perfectionner  l'alphabet  phonétique, 
332.  —  Étude  critique  sur  cet  alpha- 
bet, 353,  354. 

Alphabet  phonographique,  362. 

Ance  (Orthographe  des  mots  terminés 
en),  75.  — Les  vocables  latins  en  entia 
sont  représentés  généralement.en  fran- 
çais par  des  mots  en  ance,  76.  —  Dans 
Le  Ver,  ibid.  —  Dans  les  Quatre  li- 
vres des  Rois  et  les  Sermons  de  S.  Ber- 
nard, 78. 

Andrieux,  20.  —  Sa  lettre  à  Marle  sur 
l'orthographe,  161,  Sao. 

Ant.  De  l'orthographe  et  de  la  pronon- 
ciation   des  adjectifs    et    substantifs 


470 


INDEX. 


verbaux  provenant  du  participe  pré- 
sent et  terminés  en  ant,  67.  —  Liste 
des  adjectifs  et  des  substantifs  terminés 
en  ant  et  ne  provenant  pas  du  latin, 
68.  —  Liste  des  mots  terminés  en  ant 
autres  que  le  participe  présent,  69, — 
Motifs  pour  adopter  la  désinence 
ant  pour  tous  les  adjectifs  ou  subs- 
tantifs verbaux,  72.  —  Bossuet,  73, 
i3o.  —  Dangeau,  383.  —  Pluriel  des 
mots  terminés  en  ant^  D01.ET,  182; 
JULHEN,  383. 

Antoine  de  Lebrixa..  Son  glossaire  en- 
richi du  français  par  Eusx,  108. 

Aphte  ou  Aphthe  (ie  mot),  22. 

Apostrophe  (le  n:ot).  L'étymologie  ne 
permet  pas  de  préciser  le  sens  de  ce 
mot,  27. 

Apprenmolirey  etc.  Voy.  Gàygnard. 

Arabes  (Enseignement  du  français  aux), 
4,  33o. 

Arago,  21. 

Archaïsmes  bons  à  renouveler,  i63. 

Argent  (Jacques  d'),  23 1. 

Arnaui.d  condamne  Tépellation  vicieuse 
de  son  temps,  16. 

Assonance,  Contradiction  de  l'orthogra- 
phe de  ce  mot  avec  le  mot  disson- 
nance^  75. 

Auguste  (l'empereur).  Son  opinion  sur 
l'orthographe,  84. 


Baïf  (Jean -Antoine  de).  Son  système 
orthographique  dans  ses  Etrénes  de 
poézie  fransoeze  an  vers  mezurés,iç)g. 

—  Il  remplace  le  c  dur  par  le  /c.  Il 
remplace  de  même  em,  en,  par  ««, 
200. 

Beauzée  (Nicolas).  Son  opinion  sur  la 
réforme  orthographique,  148.  —  Inu- 
tilité pour  le  peuple  et  même  pour  les 
savants  de  l'orthographe  étymologique, 
149.  —  Néograpliismc,  295.  —  Exposé 
des  motifs  en  faveur  de  l'écriture  éty- 
mologique. —  Défense  du  néogra- 
phisme. —  Système  orthographique , 
297.  —  De  l'accentuation  ,  298,  — 
De  1'^  et  duz  dans  la  prononciation. 

—  Du  ch  et  du  Â-,  299.  —  Du  t  cé- 
dille, 3oo.  —  Régularisation  de  l'or- 
thographe des  finales,  3oo.  —  Il  éli- 
mine la  lettre  x  dans  les  finales,  3oi. 


—  Des  adverbes  formés  par  les  adjec 
tifs  terminés  en  ant  ou  ent,  3or.  -^ 
Régularisation  des  lettres  caractéris- 
tiques, 3o2.  —  Extension  de  l'emploi 
de  l'œ,  3o3.  —  De  VI  mouillé,  3o3.— 
Discussion  des  droits  de  l'étymologie, 
3o4. —  Exemple  de  l'orthographe  de 
Beauzée,  3o5. 

Bellay  (Joachim  du).  La  défense  et  /7- 
liistration  de  la  langue  françoïse.  — 
Comment  il  s'exprime  au  sujet  de  l'or- 
thographe, 187. 

Béranger,  319. 

Bernard  (Auguste).  Coup  d'œil  sur  la 
réforme  de  Tory.  —  Du  tréma  sur  l'w 
pour  distinguer  Vu  du  v,  459, 

BÈzE  (Théodore  de),  87,  2  36. 

Bibliothèque  des  enfans.  Système  ortho- 
graphique de  cet  ouvrage ,  273.  — 
Multij)licité  des  manières  dont  l'enfant 
est  contraint  de  figurer  un  son,  274. 

BiOT,  21. 

Bleigny  (de).  VOrtografe  française, 
234. 

BoDEAii  DE  SoMAizE  (Autoine).  Le  Grand 
Dictionnaire  des  Prélieuses,  226. 

Bœuf.  Histoire  de  ce  mot,  112  bis. 

Boii-EAu  écrivait  lètre  au  lieu  de  lettre, 
49,  400. 

Boinvilliers-Desjàrdins  (JeanÉtienne- 
Judith  Forestier).  Grammaire  raiso- 
née,  3o5.  — Son  code  orthographique, 
3o6.  —  Se  prononce  contre  les  doubles 
consonnes,  3o6. 

Bonne  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

BossuET  (Jacques-Bénigne).  Il  cherche  à 
régulariser  l'orthographe  des  mots  ter- 
minés en  ant  et  ent,  78,  i3o.  —  Ses 
idées  de  progrès  en  matière  d'ortho- 
graphe exposées  dans  le  manuscrit 
intitulé  :  Bésolutions  de  l^ Académie 
française  touchant  l'orthographe,  i3o, 
289.  —  Son  orthographe,  399. 

BouLLiETTE.  Traité  des  sons  de  fa  lan- 
gue française,  295. 

Brachet  (Auguste).  Grammaire  histori- 
que de  la  langue  française,  167. 

Brambilla.  Nouveaux  principes  de  la 
langue  française,  295. 

Buffier  (le  P.  Claude).  Grammaire  sur 
un  plan  nouveau,  2  58.  —  Il  s'oppose 
aux  réformes  trop  absolues.  —  Sys- 


INDEX, 


471 


tème  qu'il  propose  pour  apprendre  à 
lire  pins  facilement,  aSg.  —  H  sup- 
prime les  doubles  lettres,  aSg. 

RuTET  (P.-R.-Fr.).  Mémoire  historique 
et  criliqiie  dans  lequel  l'S  se  plaint 
des  irruptions  orthographiques  de  l' X. 
—  Rôle  de  VX  chez  les  Latins,  3i4. 


C.  Suppression  de  la  lettre  étymologique 
c,  6,  12,  356.  —  Çintroduit  par  G, 
Tory,  177.  —  Son  rôle  dans  le  sys- 
tème de  M.  Jullien,  887,  388. 

Cahiers  de  remarques  sur  l'orthographe 
françoise  rédigées  pour  le  Dictionnaire 
de  1694.  —  Analyse  de  quelques-unes 
des  principales  remarques.  —  Des 
consonnes  qui  sont  doublées.  —  Sup- 
pression de  la  consonne  d  dans  ad- 
vis,  etc.,  118.  —  L'Académie  de  1740 
décide  contrairement  aux  règles  des 
Cahiers.  —  Du  circonflexe,  119.  — 
De  la  division,  120. 

Campenon,  21. 

Caractère  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Caractéristiques  (lettres).  Argumentation 
du  P.  Chiflet  contre  leur  maintien, 
124.  —  Opinion  de  Dangeau,  246, 
275.  —  Raisons  en  faveur  de  leur 
maintien,  296.  —  Régularisation  de 
leur  emploi  :  Beattzée,  3o2.  —  Jul- 
lien, 375,  386. 

Cas  (les  deux)  du  français  ;  leur  persis- 
tance jusqu'au  xv«  siècle  attestée  par 
le  dictionnaire  de  Firmin  Le  Yer,  104. 

—  Définition  des  cas  du  français,  122. 

Castel  (Charles-Irénée)^  abbé  de  Saint- 
Pierre,  143.  —  Son  discours  sur  la 
polysynodie.  —  Défense  du  néolo- 
gisme, 144.  —  Exemples  de  quel- 
ques-uns des  nouveaux  mots,  146. — 
Discours  pour  perfectioner  Corto- 
graphe^  267.  —  Des  lettres  qui  ne  se 
prononcent  pas,  268.  —  Causes  des 
dissidences  orthographiques,  269. 

Catholtcon  ahhreuiatum  de  i5o6.  — Or- 
thographe de  ce  vocabulaire,  107. 

Catholique  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Ch.  Sa  suppression  dans  un  grand  nom- 
bre de  mois  ,  i5.  —  Douchet  ,  287. 

—  C/t,  son  rôle  :  Reauzée,  297.  — 
Jullien,  388. 


Chapelain.  Abus  qu'il  faisait  du  gré- 
cisme  et  du  latinisme,  8. 

Charpentier  (François).  De  l'excellence 
de  la  langue  française.  —  Il  établit  la 
prccellence  du  langage  français  même 
sur  le  latin,  237,238. 

Chateaubriand  s'oppose  à  la  correction 
de  Voi  des  imparfaits,  19. 

Chef-d'œuvre.  Inconvénient  dans  l'écri- 
ture du  pluriel  de  ce  mot,  60. 

Cheneau  ,  sieur  Du  Marsais.  Voy.  Du 
Marsais. 

Cherrier  (l'abbé).  Equivoques  et  bizare- 
ries  de  l'orthographe  fraticoise.  — 
Changements  qu'il  croit  devoir  opérer, 
287. 

Chiflet  (le  P.  Laurent).  Essny  d'une 
parfaite  grammaire  de  la  langue  fran- 
çoise^ 223.  —  Exposé  de  celles  de  ses 
règles  qui  ont  été  admises  dans  la  pre- 
mière édition  du  Dictionnaire  de  l'A- 
cadémie, 224.-, 

Cliifre,  chiffre  y  109. 

Choist  (l'abbé  de),  i34.  —  Difficulté 
qu'offrait  la  révision  du  Dictionnaire 
de  1694.  —  I)  propose  de  réserver  le 
zau  verbe  pour  permettre  de  distinguer 
le  verbe  du  substantif  et  du  participe, 
i35.  —Question  du  participe,  187. 

Chrême  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Chrysocale  est  un  barbarisme  pour  chry- 
soïde,  35. 

CrcÉRON,  8. 

Cie.  Observations  sur  l'orthographe  des 
mots  terminés  en  cie,  81. 

Circonflexe  (accent).  —  Son  emploi  se- 
lon les  Cahiers,  119.  —  Extension  de 
son  emploi.  —  De  Wailly,  277.  — 
Vanier,  325.  —  Jullien,  889. 

Classiques.  Orthographe  personnelje  de 
nos  écrivains  classiques,  895. 

COMMINES,  363. 

Composés.  Voy.  Mots  composés. 
Composition  des  mois  en  français.  Ab- 
sence de  règles  à  cet  égard,  41 5. 

Conaître,  conétre,  25. 

Conclusion.   Opportunité  des  réformes, 

Conrart  est  ennemi  du  grécisme  et  du 
latinisme  en  français,  8. 


472 


INDEX. 


Consonnes  (doubles). Voyez  Lettres  (dou- 
bles). 

Coq-à-Fâne.  Remarque  sur  le  pluriel  de 
ce  mot,  60. 

Corneille  (Thomas).  Son  supplément  à 
la  première  édition  de  l'Académie,  10. 

Corneille  (Pierre),  5.  —  Il  écrit  sou- 
vent/e //cm,  ye  vietiyjecroi,  etc.,   17. 

—  Innovations  faites  par  lui  dans  l'or- 
thographe, 125.  —  Il  demande  des 
règles  pour  distinguer  le  sonde  l'j,  127. 

—  L'emploi  qu'il  fait  des  trois  sortes 
d'e,  127.  — Propose  un  signe  particu- 
lier pour  Yl  mouillée,  128. 

Correcteurs  (société  des).  Se  prononce  en 
faveur  de  la  réforme,  461.  —  Rôle 
du  correcteur  dans  la  question  de  l'or- 
thographe, i53,  458. 

Courants  (les  deux)  de  formation  du  fran- 
çais qui  ont  agi  sur  l'orthographe,  6, 
Î68,  391. 

Courier  (Paul-Louis),  8. 

Courte-pointe  ,  barbarisme  pour  coute- 
pointe,  425. 

Cousin,  21,  27. 

CuviER,  21. 

Cylindre^  cilindre,  109. 


Dangeau  (Louis  de  Courcillon,  abbé 
de) ,  5 ,  9.  —  Son  système  gramma- 
tical; sa  détermination  des  voyelles, 
i33.  —  Il  distingue  le  premier  les 
voyelles  nasales,  i33.  —  Il  demande  la 
substitution  de  Vfdiwpli,  i34.  —  Ses 
nombreux  ouvrages  sur  l'orthographe, 
241.  —  Ce  que  Saint-Simon  dit  dans 
ses  Mémoires  en  parlant  de  l'abbé  de 
Dangeau,  242.  —  Modifications  in- 
troduites par  lui,  242.  —  Remèdes  aus 
défauts  de  la  vieille  ortJiografe,  243. 
Conditions  pour  rendre  l'écriture  plus 
conforme  à  la  prononciation,  245.  — 
Des  voyelles  nasales  dans  les  mots  en 
eut,  383. 

Daru,  21. 

Daumas  (le  général).  Comment  il  appli- 
que le  système  de  Féline  à  l'enseigne- 
ment des  Arabes,  4. 

Daunou.  Demande  la  révision  de  tout 
notre   système  orthographique,    162. 

De  par  le  Roi^  solécisme  pour  de  part 
le  Roi^  440. 


Dessiller  pour  déciller,  385. 

Destutt  de  Tracy.  Voy.  Tracy. 

Dictionnaires  (les)  français  antérieurs  à 
celui  de  l'Académie,  loo.  —  Diction- 
naire de  Firmin  Le  Ver,  ioi.  —  In- 
térêt singulier  de  ce  manuscmt  pour 
l'histoire  de  l'orthographe  el  de  la 
langue,  102.  —  Introduction  tardive 
de  certains  mots  au  dictionnaire,  io3, 
—  Trace  de  la  persistance  des  deux 
cas  dans  ce  dictionnaire,  104.  — Plus 
riche  sous  certains  rapports  que  le 
Glossaire  de  Du  Cange,  io5.  —  Exem- 
ples de  l'orthographe  des  anciens  dic- 
tionnaires, 107,  108,  109, iii. —  Ta- 
bleau synoptique  de  l'orthographe  des 
mots  difficiles  depuis  le  xv*  siècle,  112. 

Dictionnaire  de  l'Académie,  v^  édi- 
tion, 6.  —  2'ne  édition,  10.  — 
3™e  édition  :  modifications  apportées 
à  son  orthographe,  11.  —  Suppres- 
sion de  r.y  étymologique,  12.  — 
4™*  édition,    i3.  —  Préface  de  l'A- 


cadémie 


pour 


édition,  14. 


Nouveau  mode  d'épellation,  16.  — 
5™e  édition  :  Loi  de  1795  à  ce  sujet, 
17.  —  6""^  édition,  i8.  —  Substitu- 
tion de  l'a  à  l'o,  19.  —  Exemples 
des  modifications  apportées  dans  les 
différentes  éditions  du  Dictionnaire, 
25.  —  Préface  de  cette  édition  par 
M.  ViLLEMAiN,  p.  26.  —  Préface  de 
l'édition  de  1694,  p.  114. —  Cahiers 
de  remarques  \iO\\Y  ceile  édition,  117. 
—  Critique  du  Dictionnaire,  343. 

DiDOT  père.  Son  opinion  sur  le  rempla- 
cement du  pli  par  l'/",  33. 

Digamma  éolique  {F)  figure  légitime- 
ment dans  un  mot  tiré  du  grec,  33. 

Diphthongues.  Voyez  Doubles  lettres. 

Diphthongue  y  diftongue ,  28,  46.  — 
Diptongue,  41. 

Dissyllabe.  Observation  sur  l'ortho- 
grapbe  de  ce  mot,  62. 

Division.  Voyez  Trait  d'union. 

Dix-neuvième  siècle  (réformateurs  du), 
3o4  et  suiv. 

DoBERT  (Le  P.  Antoine),  223. 

DoLET  (Etienne).  Son  opinion  sur  l'ac- 
cent enclitique,  09.  —  La  manière 
de  bien  traduire  d'une  langue  en 
aultre^  de  la  ponctuation  francoyse, 
des  accens  d''ycelle  ^  181.  —  Ex- 
posé de  sa   réforme.  —  On  lui  doit 


INDEX. 


473 


l'accent  grave  sur  à,  préposition 

II  rétablit  le   t  au  pluriel   des  mots 
terminés  en  ant,  182. 

DoMERGUE  (Urbain).  Son  opinion  sur 
les  conditions  d'une  réforme.  —  Il 
demande  que  chaque  son  simple  soit 
représenté  par  un  signe  simple.  — 
Prosopopée  qu'il  adresse  à  Napo- 
léon I^r,  iS^,  i58.  —  La  prononcia- 
tion françoise,  3o6.  —  Ses  travaux 
sur  la  langue  française,  807.  —  Ta- 
bleau des  voyelles  et  des  consonnes, 
3o8.  —  Réforme  de  l'alphabet,  807. 

Dompter.  Histoire  de  ce  mot,  ni  bis. 

Dorénavant.  Histoire  de  ce  mot,  59. 

Doubles  lettres.  Voyez  Lettres  doubles. 

Doublets  du  français,  2  38, 

DoucHET.  Principes  généraux  et  raison- 
nés  de  l'orthographe^  2  85.  —  De 
Ve  muet,  286.  —  De  l'emploi  du  t, 
du  /?/«,  du  ch  et  du  A-,  287. 

Daoz,  21. 

DÛBNER  (Frédéric).  Examen  du  pro- 
gramme officiel  des  humanités,  an- 
née scolaire  1 863-1 864.  —  Six  an- 
nées de  grammaire  et  d'orthographe 
françaises  !  345. 

DoBois.  Voyez  Sylvius. 

Du  Cange.  Son  glossaire  comparé  à 
celui  de  Firmin  Le  Ver,  104. 

Drcr.os.  Son  jugement  sur  l'écriture 
étymologique,  147.  —  Son  système 
de  réforme,  284. 

Duez  (Nathaniel).  Dictionnaire  fran- 
cois-italien,  m,  416. 

Du  MARSArs(CHENEAU, sieur).  Des  tropes. 
—  Opinion  de  Dalembert  sur  cet  ou- 
vrage, 271.  —  Errata  du  traité  des 
tropes,  271, 272.  — Du  Marsais  se  pro- 
nonce contre  les  lettres  doubles,  272. 

Dumas,  273.  — ■  Bibliothèque  des  en- 
fans,  ibid. 

DupiN,  21. 

Dupont  (Nicolas).  Examen  critique  du 
traité  de  l'orthographe  de  M.  Cabbé 
Régnier  des  Marais,  261. 

Du  WÈs  ou  Dewes  ou  Du  Guez 
(Gilles).  Grammaire  d-estinée  à  ap- 
prendre le  Jrançais  à  Marie, fille  de 
Henri  VIII  d'Angleterre,  178.  — 
Spécimen  de  l'orthographe  de  cet 
ouvrage,  179. 


Dyssenterie.    Correction    indispensable 
à  ce  mot,  54. 


£.  Distinction  des  différentes  sortes  d'e, 
par  Corneille,  127. 

École  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Écriture  française.  Sa  bizarrerie,  3i.  — 
Dangers  de  l'introduction  d'une  dou- 
ble écriture,  l'une  vulgaire  et  l'autre 
savante,  94.— Modifications  proposées 
n'apportant  pas  un  grand  trouble  dans 
l'écriture,  91. 

Édit  de  Villers-Cotterets,  4. 

Éditions  récentes  (Les  modifications  suc- 
cessives de  l'orthographe  ne  sauraient 
causer  préjudice  aux),  24. 

Egger  regrette  que  l'on  dise  ortho- 
graphe di\x  lieu  de  orthographie,  394. 

—  Son  opinion  sur  la  réforme,  395. 
Eler  (verbes  en),  54.  —  Wailly,  278. 

—  Vanier,   325.  —  JuLLiEN,  38o. 

Ence  (Orthographe  des  mots  terminés 
en),  75.  —  Le  Ver,  76. 

Enfants.  Leurs  progrès  dans  la  lectm-eau 
moyen  d'une  orthographe  phonétique, 
273. 

Enseignement  primaire  (Simplification 
de  l'orthographe  en  vue  de  1'),  4,  33o. 

Ensemble  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Ent  (De  l'orthographe  et  de  la  pronon- 
ciation des  adjectifs  et  siibstanlifs 
verbaux  provenant  du  participe  pré- 
sent et  terminés  en),  67.  —  Liste  des 
adjectifs  et  substantifs  verbaux  pro- 
venant des  trois  dernières  conjugai- 
sons latines  et  qui  se  terminent  en 
ent,  71.  —  Mots  en  ent  prononcés 
différemment  quoique  s'écrivanl  de 
la  même  manière,  72.  —  Mots  aux- 
quels on  devrait  conserver  la  dési- 
nence ent,  -4. 

Entia.  Liste  de  vocables  latins  en  entia 
traduits  par  des  mots  français  en  ance 
dans  le  dictionnaire  de  Le  Ver,  76. 

Épellation  vicieuse  du  français,  16,  2o3, 
273. 

Erdan  (Alexandre).  Congrès  lin- 
guistique. Les  révolutionnaires  de 
l'A,B,  C,  334-  — Nieropportunitéde 
l'étymologie  dans  l'écriture  française, 
335.  —  Sa  réforme,  336.  / 


474 


INDEX. 


Esai  de  simplification  du  français  en 
•vue  de  le  fair  accepter  corne  langue 
internacionale  (par  E.  A.  C),  346. 

EscLACHE  (Louis  de  1').  Les  véritables 
règles  de  l'ortogr«fe  Jrancèze,  etc., 
a3r.  —  Ses  idées  et  son  orthographe, 

232. 

Espagnole  (Simplification  de  l'orthogra- 
phe de  la  langue),  Sg. 

Esprit  rude  (de  1')  et  de  la  lettre  H,  38. 
— Contradictions  de  l'orthographe  des 
mots  où  figure  l'esprit  rude,  89. 

EsTiENNE  (Robert).  Dictionnaire  fran- 
cois-latin,  autrement  dict  les  mots 
français,  auec  les  manières  duser  di- 
ceulx,    tournez   en    latin^    108,    182. 

—  Dictionarium  puerorum,  109.  — 
Son  influence  sur  l'orthographe , 
6,  109.  —  Son  respect  pour  les  formes 
orthographiques  du  français  consa- 
crées par  l'usage,  109.  —  Spécimen 
de  son  orthographe,  i83.  —  In- 
fluence persistante  de  son  orthographe 
pendant  deuxsiècles,iio. 

EsTiENNE  (Henri).  Traicté  de  la  confor- 
mité du  language  français  avec  le 
grec,e{c.,  197.  —  Il  reconnaît  la  né- 
cessité de  simplifier  l'écriture  "fran- 
çaise, 198.  —  Il  propose  la  suppres- 
sion de  certaines  lettres  muettes 
étymologiques,  199.  — Son  intention 
d'introduire  quelques  formes  nou- 
velles ou  signes,  198. 

Eter  (Verbes  en),  54.  —  Vanier,  SaS. 

—  JULLIEN,  38o. 

Élymologie  (Contradictions  de  l'ortho- 
graphe avec  r),  53.  —  L'étymologie 
des  mots  ne  saurait  être  douteuse  pour 
ceux  qui  savent  le  latin  et  le  grec,  92. 

Étymologique  (orthographe).  Opposition 
à  son  élablissement,  7.  —  Son  inuti- 
lité pour  la  recherche  du  sens  des 
mots,  26,  149,  349.  —  Contradiction 
de  l'usage  actuel  et  de  l'orthographe 
étymologique,  32.  —  Orthographe 
étymologique  de  la  lettre  ;(,  35.  — 
Opinions  de  :  Meigret,  i85.  — 
Perjon,  190.  —  EsTiENNE  (Hcuri), 
199.  —  Ronsard,  121.  —  Dtjclos, 
147.  —  Beauzée,   149,   297.  —  Er- 

dan  ,    335.   jullien  ,    39o.    

Sainte-Beuve,   i68. 

ExpiLLY  (Claude).  L'ortographe  fran- 
çaise selon  la  prononciation  de  notre 
langue  y  21 3. 


F  (Histoire  de  1'),  214.  ~  F  faible, 
F  forte,  3o.  —  F  double,  109.  — 
F  devant  remplacer  le  ç  comme  let- 
tre de  naturalisation,  45. —  Les  Latins 
oui  écrit  avec  f  et  non  avec  ph  cer- 
tains mots  d'origine  grecque,  45.  — 
Dangeau,  i34.  —  Godart,  214.  — 
D'Ablancourt,  257.  — Roche,  293. 
JuLLiEN,  373,  3go. 

Faisan  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Fantaisie,  plianlaisie,  ir8. 

Fantastique  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Fantôme,  33. 

Faure  (S.).  Essai  sur  la  composition 
d'un  nouvel  alphabet,  etc.,  828. 

Feletz  (de),  2 1 . 

FÉLINE  (Adrien).  Son  système  mis  en 
pratique  avec  succès  pour  l'enseigne- 
ment du  français  aux  Arabes,  4.  — 
Mémoire  sur  la  réforme  de  l'alpha- 
bet, etc.  —  Dictionnaire  de  la  pro- 
nonciation de  la  langue  française  in- 
diquée au  moyen  de  caractères  phoné- 
tiques, 33o.  —  Sa  réforme  comme 
méthode  pédagogique,  33o.  —  Son 
alphabet,  33 1.  —  But  de  son  dic- 
tionnaire, 332. 

FÉNELON,  73. 

Filosofe,  33.  —  Filosofie,  189. 

Flamande  (langue).  Arrêté  du  roi  des 
Belges  pour  fixer  son  orthographe, 
378. 

Forcené  au  lieu  àe,  for  séné,  385. 

Forestier  -  Boinvilliers  -  Desjardins. 
Voyez  B01NVILLIERS. 

FoRTiA  d'Urban.  Nouveau  système  de 
bibliographie  alphabétique ^  iSg. 

FouRiER,  21. 

FouRNEL  (Victor).  Bizarreries  et  contra- 
diclions  de  la  langue  française.  — 
Embarras  causés  par  les  mots  com- 
posés et  les  lettres  doubles,  ainsi  que 
par  la  formation  du  pluriel  des  mots 
en  ou,  453-456.  —  Orthographe  du 
maréchal  de  Saxe.  —  Le  progrès 
opéré  dans  la  connaissance  de  l'ortho- 
graphe depuis  le  siècle  dernier  tient  aux 
simplifications  qui  s'y  sont  faites.  — 
Diverses  tentatives  pour  faciliter  l'é- 
tude    de    l'orthographe,    454.     — 


I 


INDEX. 


475 


Marche  successive  de  l'Académie 
dans  la  voie  de  la  réforme  depuis 
la  première  édition  de  son  Diction- 
naire. —  Des  principatix  inconvé- 
nients de  l'orthographe  française,  455. 
—  M.  Fournel  rejette  la  proposition  du 
g  doux,  456.  —  Des  syllabes  //  se 
prononçant  ci.  —  Il  approuve  les  pro- 
positions relatives  au  /•,  au  th  et  au 
ph,  457.  —  L'Académie  a  porté  elle- 
même  les  plus  rudes  coups  à  l'ortho- 
graphe étymologique,  457. 

Français  (Histoire  de  la  formation  du), 
92,  100,  167,  391. 

Francisation  des  mots  empruntés  aux 
langues  vivantes,  3r,  87.  —  Franci- 
sation des  mots  que  le  vieux  français 
a  empruntés  au  latin,  78,  288. 

Frémont  d'Ablancourt. Voyez  d'AsLAN- 

COURT. 

Frénésie.  L'étymologie  ne  précise  pas  le 
sens  de  ce  mot,  28. 

Froissard,  353. 

FuRRTiÈRE.  Dictionnaife  universel,  11 3. 


G  doux,  387.  —  Artifice  orthographique 
employé  primitivement  pour  le  distin- 
guer du  ^  dur,  88.  —  Souvent  em- 
ployé indifféremment  pour  le  y,  89. 

g.  Son  emploi  pour  indiquer  le  g  doux, 
88.  —  Il  supprimerait  l'emploi  de  l'e 
devant  les  voyelles  a,  o,  «,  89.  —  De 
Wailly,  281. 

Garât,  auteur  de  la  préface  de  la  5^  édi- 
tion du  Dictionnaire,  17. 

Garbin  (Louis).  Son  glossaire  imprimé 
en  1487,  aujourd'hui  perdu,  106. 

Garde-malade^  Pluriel  embarrassant  de 
ce  mot,  6r. 

Garnier  (Jehan).  Institutio  gallicx  lin- 
guse  ad  itsum  juventutis  germanîcœ, 
190. 

Gaygnard  (Pierre  le).  L'Apprenmolire 
français  pour  apprendre  les  ieunes 
enfans  et  les  eslrangers  à  lire  en  peu 
de  temps  les  mots  des  escritures  fran- 
çaises avec  la'vraye  ortagraphe  fran- 

CoizCy  212. 

Gbnce,  18, 


Genres  (Orthographe  des).  Léger  Noël, 
339. 

Gevry  (Jacques  de),  23r. 

Girard  (l'abbé).  Synonymes  francois, 
leurs  différentes  significations  et  le 
choix  (juil  faut  en  faire  pour  parler 
avec  justesse.  —  Justesse  de  la  lan- 
gue française.  —  L'ortografe  fran- 
çaise sans  équivoques  et  dans  ses 
principes  naturels,  etc.,  139,  26 1.  — 
Exposé  de  son  projet  de  réforme.  — 
'L'Usage  et  la  Raison,  140.  —  Il  ex- 
pose les  inconvénients  de  notre  or- 
thographe tout  embarrassée  de  lati- 
nité. —  Modifications  qu'il  propose, 
262. 

GiRARDiN  (Emile  de).  Sa  lettre  à  M.  He- 
trel  où  il  critique  l'arbitraire  dans  le 
langage,  369. 

GiRAULT-DiJViviER.  Grammaire  des 
grammaires,  etc.  —  Ignorance  avec 
laquelle  il  parle  delà  réforme,  3 10. 

Glossaires  (les  plus  anciens)  latins-fran- 
çais, io5.  —  Comparés  à  celui  de 
Firmin  Le  Ver,  ihid. 

Gobe-mouches  et  chasse-mouche.  Dis- 
tinctions dans  l'orthographe  du  plu- 
riel de  ces  mots,  61. 

Godard  (Jean).  L'H  française.  —  La 
langue  française  de  Jean  Godard  Pa- 
risien, etc.,  21 3.  —  L'A  français.  — 
L'F  française j  2 1 4. 

Gothique.  Orthographe  de  ce  mot  con- 
tradictoire à  celle  du  mot  visigat,  43. 

Grammaire  française  (Importance  et  dif- 
ficulté d'une  bonne),  460  eipassim. 

Grimarest  (de).  Éclaircissements  sur  les 
principes  de  la  langue  française,  239. 
—  Incertitude  sur  l'orthographe  des 
noms  propres,  260. 


H.  Suppression  de  la  lettre  /i,  représen- 
tant l'esprit  rude.  —  Son  introduc- 
tion abusive  au  commencement  de 
certains  mots,  39,  237.  —  Le  Ver, 
2i3.  —  Godard,  ibid.  —  Raoux, 
356.  —  H  aspirée.  Proposition  d'un 
signe  pour  l'A  aspirée,  288,  349.— De 
la  suppression  de  Y  h  muette ,  Baïp, 
200  ;  Erdan,  336  ;  Raocx,  366. 

Hache.  Orthographe  étymologique  dé- 


476 


INDEX. 


fectueuse   du   mot  hache   venant   de 
ascia,  Sg. 
Havard  adhère  avec  de  grandes  réserves 
au  principe  de  la  réforme,  463. 

Henricy  (Casimir).  Traité  de  la  réforme 
de  l'orthographe.  —  Gramère  frari- 
sèze  d'après  la  réforme  ortografique, 
342. 

Hetrel  (A-lbert).  Code  orthographique, 
monographique  et  grammatical.  — 
Lettre  de  '  M.  Emile  de  Girardin  à 
l'auteur,  369.  —  Difficultés  gramma- 
ticales et  syntaxiques,  —  Singulier  et 
pluriel  des  substantifs  qui  prennent 
le  trait  d'union.  —  Accentuation, 
371.  —  Doubles  et  simples.  —  Genre 
embarrassant.  —  Majuscules  et  mi- 
nuscules, 372.  —  Son  orthographe  des 
noms  composés,  417. 

HiNDRET  (Jean).  L'Art  de  bien  pronoU' 
cer  et  de  bien  parler  la  langue  fran- 
çoïse.  —  Il  se  prononce  en  faveur  de 
la  réforme,  239. 

Hiver  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Homonymes,  leur  orthographe,  96,  326. 

Honneur  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

HospiTAL  (Michel  de  i,'),  2  5. 

Huile.  Orthographe  défectueuse  et  con- 
traire à  l'étymologie  du  mot  huile, 
venant  de  oleum,  39.  —  Ecrit  sans  h 
se  confondait  avec  vile,  237. 

Huître  (Histoire  du  mot),  1x2  bis,  237. 

Hydrogène  (Composition  défectueuse  du 
mot),  38. 


I,  consonne.  —  Réclamation  de  Ronsard 
en  faveur  de  l'emploi  du  j  et  du  v, 
121.  —  Séparation  de  la  voyelle  /  de 
la  consonne  y,  123.  —  Ramus,  193. 
—  Liste  des  mois  où  la  présence  si- 
multanée de  \'i  et  de  Yj  est  une 
cause  d'embarras,  87. 

Idropisie.  Idropique,  102. 

leux.  Orthographe  des  mots  terminés 
en  ieuT,  81. 

Imparlait  du  subjonctif  en  assions, 
condamné  par  l'usage,  216. 

Imprimeurs,  leur  influence  sur  l'ortho- 
graphe, 1 5  3,  294,  343. —Ont  beau- 


coup fait  pour  le  progrès  de  la  lan- 
gue, 458. 

Indicatif  présent  (de  la  première  per- 
sonne de  1').  —  Introduction  vicieuse 
de  Vs  à  la  première  personne  de  cet  in- 
dicatif, 17. 

Insu  (Histoire  du  mot),  12. 

Italiens  et  Espagnols.  Leur  orthographe, 


242. 


.1 


Jacquier  (Maurice).  Méthode  très-fa- 
cile pour  apprendre  l'orthographe, 
270. 

J01NVIT.LE.  Ses  manuscrits,  353. 

JouBERT  (Laurent).  Dialogue  sur  la 
cacographie  fransaise,  2o3. 

JouY,  160.  —  Il  signale  l'inutilité  des 
doubles  lettres  dans  les  mots  où  l'on 
n'en  prononce  qu'une,  161. 

JuLLiEN  (Bernard).  De  V orthographe  et 
des  systèmes  néographiques. —  Thèses 
de    grammaire.    —    Les   principales 
étymologies  de  la  langue  française. — 
De  la  nécessité  de  quelques  réformes 
dans  l'orthographe  française,  372.  — 
Il  oppose  un  grave  inconvénient  aux 
idées  purement  phonographiques  dans 
l'article  intitulé  la  Partie  de  dominos, 
373.  —  Cause  de  l'introduction  des 
lettres  doubles,  377.  —  Il  approuve 
leur  retranchement  et  la  substitution 
de  Vf  au  ph,  ibid.  —  Le  mouvement 
de   retour,   375.   —   Inconséquences 
dans  l'orthographe  des  mots  dessiller^ 
forcené,  385.  —  Contradictions  dans 
le  Dictionnaire  de  l'Académie.  —  Il 
demande  que  notre  orthographe  soit 
soumise  à  un  système  régulier,  38o. 
—  Il  rappelle   les    différents   chan- 
gements proposés  par  Duclos,  Dan- 
GEAu,  Reauzée,  382.  —  Il  ne  partage 
pas   l'avis   des   néographes  d'écrire  : 
pindre,     pintre,     386.    —     Lettres 
caractéristiques.  —  Ce  qu'il  propose 
pour  distinguer   le  g  dur,  387.  —  Il 
propose  de  mettre  la  cédille  sous  le  c 
du  ch  quand  il  a  le  son  chuintant, 
388.   —   Il  blâme  les  phonographes 
qui   voudraient   écrire   chapo,    bato, 
et  demande  le  remplacement  du  ys/f  et 
du  th  par  Vf  et  le  /,  390.  —  Cause 
de  l'irrégularité  de  la  plupart  de  nos 
racines.  —  L'accent  tonique  du  fran- 
çais, 391. 


INDEX. 


477 


K  (la  lettre)  remise  en  honneur  par 
Ronsard,  5;  —  par  Raïf,  200.  — 
Son  emploi  pour  remplacer  le  c  dur 
ou  le  ch.  —  Théodore  de  Bèze,   37. 

.  —  Saint-Lien,  2o5.  —  Douchet, 
287.—  Beauzée,  299.  —  Suppression 
proposée  de  la  lettre  A-,  356. 

KusTER  (Théodore).  Il  désire  la  sup- 
pression du  /A,  ph,  w,  461  ;  —  celle 
du  trait  d'union  dans  les  mots  com- 
posés. —  De  la  méthode  parliculière 
à  l'esprit  français  en  matière  ortho- 
graphique, 462.  —  Il  repousse  l'em- 
ploi du  t  cédille,  ibid. 


L  double,  5.  —  Causes  du  redou- 
blement de  Vl.  —  JuLHEN,  377.  — 
L  mouillé.  —  Ronsard  réclame  un 
signe  distinctif  pour  cet  /,  12t.  — 
Pierre  Corneille,  id.,  129.  — Beau- 
ZÉE,  id.,  3o3. 

La  Bruyère  proteste  contre  l'usage  en 
fait  d'orthographe,  339. 

Lacretelle,  21. 

La  Fontaine.  Sa  supplique  en  faveur  de 
Fouquet.  —  Orthographe  de  cette 
pièce  dans  l'édition  princeps,  399. 

Laimarie  (Guill.  de)  donne  une  édition 
améliorée  du  dictionnaire  français- 
latin  de  Robert  Eslienne,  109. 

La  Loy  (Charles).  Balance  orthogra- 
phique, 333. 

Lancelot,  16,  226.   Voyez  Port-Royal. 

Langen-Mantel  (Jérôme -Ambroise). 
L'orthographe  de  la  langue  française^ 
239. 

Langues  vivantes  (Mots  empruntés  aux), 
3i,  87. 

Langue  française,  défrancisée  par  la 
formation  des  mots  scientifiques,  21. 
—  Coup  d'oeil  sur  l'histoire  de  la 
langue  française,  167.  —  Grammaire 
historique  de  la  langue  française,  167. 
Durée  de  son,  enseignement  d'après  le 
programme  universitaire,  348. 

La  Noue.  Ouvrage  sur  l'orthographe 
qui  lui  est  attribué,  220. 


La  Ramée,  voy.  Ramus. 


Largmiguière.  Lettre  à  M.  Marie  a  pro 
pos  de  son  système,  162. 

Lartigaut.  Les  progrès  de  la  véritable 
ortografe.  —  Extrait  de  Vavis  impor- 
tant phcé  en  tête  de  son  livre,  233. 
Spécunen  de  sou  orthographe,  234. 
—  Aperçu  de  ses  modifications.  — 
Il  propose  la  suppression  de  l'a? 
235. 

Latinité.  Son  influence  prédomine  dans 
la  première  édition  du  Dictionnaire, 
9-  —  Son  influence  considérable  sur 
l'orthographe  depuis  la  Renaissance, 
6,92,168,391. 


Launay  (Py- Poulain  de). 
Poulain  de  Launay. 


P'oy.   Py- 


Lausanne  (société  phonographique  de), 
366. 

Lecture  et  écriture  française  accessibles 
à  tous  (Moyen  de  rendre  la),  97. 

LÉGER  Noël.  Les  anomalies  de  la  lan- 
gue française,  ou  la  nécessité  démon- 
trée d'une  révolution  grammaticalcy 
338.  —  Spécimen  de  l'orthographe 
qu'il  propose,  339.  —  Réclamation  en 

faveur  de  l'j,  341 Orthographe  du 

genre,  339.  —  Sa  théorie  du  trait 
d'union,  412.  —  Adhésion,  45i. 

Lego*rant  (B.).  Nouveau  dictionnaire 
critique  de  la  langue  française,  343. 

Lettre,  lètre,  voy.  Boileau,  4g. 

Lettres  0  et  $  représentées  en  latin  par 
th  et  ph.  —  Différence  de  pronon- 
ciation du  6  et  du  t,  3o;  —  du  ç  et 
du  digamma  éolique,  3o. 

Lettres  caractéristiques,  voy.  Caracté- 
ristiques (lettres). 

Lettres   doubles,  48.  —  Ronsard,  40. 

—  Elles  sont  souvent  remplacées  dans 
notre  orthographe  par  l'accent  grave, 
49.  —  Boileau,  ibid.  —  On  doit  les 
conserver  au  milieu  des  mots  quand 
la  prononciation  l'exige,  5o,  377.  — 
Contradiction  dé  l'emploi  dans  cer- 
tains mots  de  lettres  doubles,  54.  — 
Elles  n'ont  pas  toujours  fait  partie  du 
système  orthographique  de  la  langue 
française.  —  Tableau  comparatif  de 
l'orthographe  des  quatre  livres  des 
Rois,  du  dictionnaire  de  Le  Ver  et 
de  celui  de  Robert  Estienne,  56.  — 
Écrivains  contraires  à  l'emploi  des  let- 
tres doubles  :  Perrot  d'Ablancourt, 
124. — JouY,i6r.  —  Montaigne,  207. 

—  Chifj[,et,  226.  —  Rodilard,  241. 


478 


INDEX. 


—  Régnier  des  Marais,  aSa.  —  Le  P. 
15UFHER,  aSg.  —  De  Longue  (Pierre), 
267.  —  Du  Marsais,  272.  —  De 
Wailly,  278.  —  Roche,  294.  — 
Beauzée,297.  —  Volney,  3i2.  — Er- 
DAN,  336.  —  Hetrel,  372.  — Lettres 
doubles  qui  ne  se  prononcent  pas  con- 
damnées par  MÉNAGE,  236.  — Causes 
de  leur  introduction  (Jcllien),  377, 
382.  — Règles  de  leur  emploi  dans  les 
Cahiers  des  remarques,  ii8. 

Lettres  euphoniques,  i,  f,  65. 

Le  Ver  (Firmin).  Son  dictionnaire  latin- 
français,  39,  101.  —  Orthographe 
francisée  des  mots  tirés  du  grec  admis 
dans  son  dictionnaire,  41.  —  Il  traduit 
par  des  mots  français  en  ance  des 
vocables  latins  en  entia,  76.  —  Lu- 
mière que  ce  dictionnaire  jette  sur 
l'état  de  l'écriture  et  de  la  pronon- 
ciation au  commencement  du  xv*  siè- 
cle, 102  et  suivantes. 

Lierre  (Histoire  du  mot),  54. 

LiEviN  (Louis).  Adhésion,  461. 

Liste  comparative  de  l'orthograjibe  et  du 
mode  de  composition  de  certains  mots 
dans  différents  glossaires  de  la  fin 
du  xve  et  du  commencement  du  xvi^ 
siècle,  io5. 

Lithontriptiques  (Mauvaise  composition 
du  mot),  44. 

LiTTRÉ.  Histoire  de  la  langue  française^ 
164.  —  Ses  idées  sur  les  archaïsmes 
bons  à  renouveler,  163,379.  —  Réac- 
tion de  l'écriture  sur  la  prononcia- 
tion, i64.  —  Son  orthographe  des 
noms  composés,  41 7. 

LiVET  (Ch.-L.).  La  grammaire  fran- 
çaise et  les  grammairiens  au  xvi*  siè- 
cle, 190. 

Longue  (L.  Pierre  de).  Principes  de  l'or- 
thographe françoise,  266.  —  Il  se  pro- 
nonce contre  les  doubles  lettres, 
267. 

M 

Malviw-Cazal  (Joseph  de).  Pronon- 
ciation de  la  langue  française  au  xix^ 
siècle^  etc.,  329. 

Manière  d'étudier  les  langues^  a88. 

Manuscrits  (Orthographe  des  anciens), 
76,  92,  102. 

Marais  (des),  'voy.  Régnier. 

Marle,  Réforme  orthographique  et  au- 


tres ouvrages. —  Exposé  de  sa  réforme, 
3 16.  —  Marche  que  l'auteur  déclare 
adopter,  3 18.  —  Lettre  de  M.  An- 
DRiEux,  320.  —  Réclamation  de 
M.  Andrieux  contre  M.  Marie,  32i. 
—  Diagraphie,  323.  —  Critique  du 
système  de  M.  Marie,  326,  S73. 

Martyre,  102. 

Mathieu  (Abel).  Devis  de  la  langue 
françoise,  etc.,  J91. 

Mauconduit  (de).  Traité  de  l'ortho- 
graphe, etc.,  232. 

Meigret  (Louis),  121.  —  Distinction 
de  1'/  et  duy,  123.  —  Ses  ouvrages 
sur  l'orthographe,  184.  —  Sa  réforme, 
i85.  —  Les  meigretistes ,  i85.  — 
Suppression  des  lettres  étymologiques 
qui  ne  se  prononcent  pas,  186. 

Ménage  (Gilles).  Observations  sur  la 
langue  française.  —  Services  rendus  à 
la  langue  par  cet  écrivain  et  ortho- 
graphe de  son  ouvrage,  286. 

Ment.  Régularisation  de  l'orthographe 
des  mots  en  ment  {aboiement,  balbu- 
tiement),^']^. 

Mermet  (Claude).  La  Pratique  de  l'or- 
thographe françoise  avec  la  manière 
de  tenir  livre  de  raison,  206. 

Meyer  (Maurice).  Précautions  à  prendre 
dans  l'admission  des  mots  composés 
au  Dictionnaire^  460. 

Mim-eran  (René).  Ses  ouvrages  sur 
l'orthographe,  240. 

MoiNET  (Simon).  La  Rome  ridicule  du 
sieur  de  Saint-Amant ,  travestie  à  la 
nouvêle  ortografe,  pure  invantion  de 
Simon  Moinét,  Parisiin,  84,  23o. 

Molière.  Son  orthographe  des  mots 
Misanthrope  et  Psyché ,  29.  Voir 
408. 

MoNET  (Le  P.  Philibert).  Invantaire  des 
deus  langues  françoise  et  latine,  6,  7, 
no.  —  Parallèle  des  deus  langues 
latine  et  françoise,  no.  —  Premier 
lexicographe  réformateur,  ib.  —  Son 
système  orthographique,  ib. 

Montaigne.  Essais.  —  Son  orthographe 
personnelle,  206,  396.  —  Instruction 
à  son  imprimeur  au  sujet  de  l'ortho- 
graphe, ao6.  —  Suppression  des 
lettres  doubles  inutiles,  207. 

Mots  au  bout  des  lignes  (De  la  division 
des),  65. 


INDEX. 


Mots  avec  ch,  35.  —  Moyeu  de  les  ra- 
mener à  l'uniformité,  36. 

Mots  avec  ph  d'un  usage  ordinaire,  45. 

—  D'un  usage  exceptionnel,  47. 

Mots  d'un  usage  ordinaire  ayant  con- 
servé le  th,  43.  —  Mots  avec  th  d'un 
usage  exceptionnel,  44. 

Mots  où  le  th  et  le  pli  sont  réunis  (Forme 
barbare  des),  46.  —  Mots  avec  ph  et 
th  réunis,  47.  —  Mots  avec  deux  ph 
ou  deux  th^  47. 

Mots  composés,  chez  les  Latins  et  les 
Grecs,  58.  —  Chez  les  Anglais  et  les 
Italiens,  59.  ^~  Anomalies  dans  l'écri- 
ture des  mots  composés,  61.  —  Utilité 
de  la  suppression  du  tiret  pour  sim- 
plifier le  pluriel  des  mots  composés, 
60  et  64.  —  Mots  composés  avec  ou 
sans  tiret,  60.  —  Dii"ficulté  de  leur 
recherche  dans  le  Dictionnaire  de 
l'Académie,  64.  —  Utilité  de  leur 
agglutination,  ibid.  —  Agglutination 
des  mots  composés  d'origine  étrangère, 
169. — Mots  composés  dans  l'ouvrage  de 
Paisgrave,  179.  —  Agglutination  des 
expressions  prépositives  et  adver- 
biales, Baïf,  200;  —  MÉNAGE,  237. 

—  Emploi  du  trait  d'union  dans  l'ita- 
lien, 409  ;  —  l'espagnol,  ibid.  ; —  l'alle- 
mand, ibid.\  —  le  hollandais,  ibid.-^  — 
le  polonais,  ibid.;  — le  russe, /^/W,;  — 
l'anglais,  410.  — Les  dix  règles  et  les 
exceptions  dans  l'emploi  du  trait  d'u- 
nion selon  M.  Poitevin,  ibid.  —  Dis- 
tinction des  noms  composés  d'avec  les 
locutions  analogues  d'après  M.  Léger 
Noël,  412.  —  Principes  pour  la  com- 
position des  mots,  41 3.  —  Liste  des 
mots  composés  ou  pseudo-composés 
admis  au  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie, 417.  —  Mots  composés  du  Dic- 
tionnaire de  l'Académie,  ibid.  —  Plu- 
riels donnés  par  l'Académie,  ibid.  — 
Pluriels  selon  quelques  grammairiens, 
ibid.  —  Corrections  proposées  et  ob 
servations,  ibid.  —  Précautions  à  ob- 
server dans  l'admission  des  mots 
composés  au  Dictionnaire,  460. 

Mots  corrigés  par  les  Précieuses  (Liste 
d'une  partie  des),  228. 

Mots  étrangers  (les)  admis  dans  la  langue 
devraient  être  francisés,  87,  169. 

Mots  inconnus  aux  lexicographes  figu- 
rant dans  le  Dictionnaire  de  Firmin 
Le  Yer,  104. 


479 

Voyez    /    mouille    et 


Mouillés    (sons). 
n  mouillé. 

MuLLER  (Max).  Son  opinion  sur  la  ré- 
forme orthographique  de  M.  Pitman 
en  Angleterre,  164.  _  Son  adhésion 
a  une  reforme  établie  sur  la  pronon- 
ciation, 164. 

Mystère  (Histoire  du  mot),  rra  bis. 


N 


N  double.  Liste  des  mots  s'écrivant  avec 
un  seul  /t,  et  des  mots  s'écrivant  avec 
deux  n,  5r.  —  Mots  où  le  double 
n  devrait  être  supprimé,  52.  ~  Causes 
du  redoublement  de  !'«  selon  M.  Jul- 
LiEN,  377.  —  Du  double  n  dans  les 
verbes  formés  sur  des  substantifs  en 
ion,  57.  —  Mots  dans  lesquels  il  de- 
vrait être  supprimé,  58. 

N  mouillé  d'après  Ronsard,  Buffier, 
VoLNEY,  Marle,  Fé-line,  Raoux, 
36i.  Voy.  ces  mots. 

Napoléon  P' .  Ses  efforts  en  faveur  du 
progrès  de  la  langue  française,  346. 

NÉGRiN  (Emile).  Grammaire  française 
des  gens  du  monde,  349.  —  Abus 
de  l'orthographe  étymologique,  349. 
Signe  distinctif  pour  l'H  aspirée,  349. 

—  Son  système  orthographique,  35o. 

—  Décadence  de  la  langue  française, 
35o. 

Néographes.  Monet,  110.  î— Richelet, 
m.  — Girard,  139.  —  Corneille, 
125.  —  Castel,  144.  —  De  Wailly, 
i5o.  —  Beauzée,  295.  —  Jcllien, 
373. 

Néologisme  (Droit  de),  144. 

Néolatines  (langues).  Simplicité  ortho- 
graphique dans  les  langues  néolatines 
autres  que  le  français,  92. 

Neufchateau  (François  de).  Son  opinion 
sur  la  simplification  de  la  lecture  par 
le  perfectionnement  de  l'alphabet, 
i56. 

NicoT  (Jean).  Dictionnaire  français- 
latin  et  Thrésor  de  la  langue  fran- 
çoyse,  109.  —  Se  déclare  conti- 
nuateur de  Robert  Estienne,  iio. 

Nimphe,  122. 

Nodier  (Charles).  Son  sentiment  sur  la 
réforme,  161.  —  Les  dictionnaristes, 
x6i.i  —  Son  opinion  sur  la  réforme 


480 


INDEX. 


d'Honorat  Rambaud,  202.  —  Anec- 
dote, 457. 
Noël  (Léger).  Voyez  Léger  Noël. 

Noms  propres.  —  Grimarest,  260,  — • 
Les  noms  propres  résistent  à  l'emploi 
de  l'orthographe  phonétique,  367, 


Π


OE.  La-rtigaut  propose  sa  suppression, 
235.  —  Extension  de  l'emploi  de  l'œ, 
3o3. 


Oi  remplacé  par  ai  dans  les  impar- 
faits, etc.,  2,  19.  —  Difficultés  sou- 
levées à  l'occasion  de  cette  réforme, 
172. 

Olivet  (l'abbé  d'),  chargé  de  régulariser 
l'orthographe  dans  la  troisième  édi- 
tion du  Dictionnaire,  opère  une 
large  réforme,  12.  —  11  regrette 
de  n'avoir  pu  établir  partout  l'uni- 
formité désirée,  i3.  —  Lettre  au 
président  Bouhier,  ibid. 

Opinions  et  systèmes  concernant  l'ortho- 
graphe française  depuis  1627  jusqu'à 
nos  jours,  99. 

Orphelin  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Orthographe  ou  orlogralie  (voir  le  litre). 
Influence  sur  l'orthographe  du  mou- 
vement général  des  esprits  et  du  déve- 
loppement des  sciences,  21.  —  Amé- 
liorations proposées  à  l'orthographe 
actuelle,  23.  —  Résumé  de  l'histoire 
de  l'orthographe  française,  92.  — 
Orthographe  de  certains  mots  au 
commencement  du  xv'  siècle  com- 
parée avec  leurs  formes  respectives 
à  la  fin  de  ce  même  siècle,  10 5.  — 
Tableau  des  variations  de  l'ortho- 
graphe de  certains  mots  depuis  le 
xv»  siècle  et  d'après  différents  auteurs, 
112.  —  Orthographe  de  l'Académie 
dans  le  Dictionnaire  de  1694,  ii3.  — 
Motifs  allégués  dans  la  préface  de  ce 
dictionnaire,  114. —  Opinions  de  plu- 
sieurs membres  de  l'Académiefrançaise 
et  de  l'Académie  des  belles-lettres  sur 
l'orthographe  et  la  réforme  ortho- 
graphique ,  124.  —  Ce  qui  est 
dit  de  l' orthographe  française  à  la 
fin  de  l'ouvrage  intitulé  le  Grand 
Dictionnaire    des    rimes    françaises , 


220.  —  Et  de  l'orthographe,  ou  des 
moyens  simples  et  raisonnes  de  dimi- 
nuer les  imperfections  de  notre  ortho- 
graphe, 289.  —  Seul  moyen  d'ap- 
l)rendre  l'orthographe,  289,  292.  — 
Caractère  de  l'orthographe  au  xiv» 
siècle,  353.  —  Orthographe  person- 
nelle des  écrivains  classiques,  395. 

Ortografe  des  dames  (anonyme),  288. 

Orthographie  ou  ortografie,  42,  204.  — 
Histoire  de  ce  mot,  372,  112  bis. 

Oler  (contradiction  orthographique  des 
verbes  en),  54. 

Ou.  Réforme  proposée  du    pluriel    de 

quelques    mots   terminés  en   au,  90, 

279,453. 
Oddin  (Antoine).  Grammaire  française, 

rapportée  au  langage  du  temps,  221. 

—  Ses  arguments  contre  la  réforme 

phonographique,  ibid. 

OuDiN  (César).  Trésor  des  deux  langues 
française  et  espagnolle,  m. 

Oxygène  (Composition  défectueuse  du 
mot),  38. 


P  (double),  55. 

Palliot  (de).  Le  vray  orthographe  fran- 
çais, 207.  Il  est  ennemi  de  toute  inno- 
vation orthographique,  207. 

Palsgrave  (Jehan).  Lesclarcissemcnt  de 
la  langue  françayse,  composé  par  mais- 
tre  Jehan  Palsgrave,  anglays,natyf  de 
Londres  et  gradue  de  Paris,  179.  La 
table  de  ce  livre  peut  être  considérée 
comme  un  glossaire  du  xv^  siècle,  107. 
—  A  constaté  le  premier  la  position  de 
l'accent  tonique  en  français,  ib. 

Panel  (Pierre).  Le  tableau  de  l'ortho- 
graphe française,  259. 

Parrain  (Histoire  du  mot),  iia  bis. 

Participe  passé  (Discussion  dans  l'Aca- 
démie sur  l'accord  du),  137.  M.  Tell 
propose  de  le  rendre  invariable,  346. 

Pasquier  (Etienne)  combat  la  réforme 
de  Ramus,  194. 

Pastoret  (de),  21. 

Pautex.  Errata  du  Dictionnaire  de  l'A' 
cadémie  française,  342.  —  Utilité  de 
son  travail  principalement  pour  les 
imprimeurs,  343. 

Peigné  (M. -A),  membre  actif  de  la  So- 


INDEX. 

fondée    par 


481 


ciété    de    la    Réforme 
M,  Marie,  323. 

Pelletier  (Jacques),  du  Mans.  Dialogue 
de  l'ortografe  e  prononciation  fran- 
çoese,  départi  an  deus  Hures,  i88. 

PÉRiON  (Joachim).  Joaclùmi  Perionii 
Benedictini  cormœriaceni  dialogorum 
de  linguiv  gallicœ  origine,  eiusque  cum 
grœca  cognatione,  librl  quatuor,  189. 
—  Curieux  exemple  de  l'abus  de  la 
méthode  étymologique  en  matière 
d'orthographe,  190. 

Perrot    d'ABLAKcouRT,  voyez    Ablan- 

COURT, 

Ph.  Sa  prononciation  chez  les  Grecs  et 
les  Latins,  29.  —  Utilité  de  son  rem- 
placement par  ly,  12,  i5,  29.  —  Em- 
ploi ànpk  chez  les  Latins,  3o,  33.  — 
Question  du  ph,  4r,  43,  46,  118,  124, 
-     218,342.  —  Dangeau,  134.  —  RODI- 

LARD,  241.—  d'ÂBLANCOURT,    257. 

DoucHET,  287.  —  Roche,  293.  — 
DiDOT  père,  33.  —  Négrin,  349.  — 

JULLIEN,   373,   390. 

*  (du),  qui  devrait  toujours  être  repré- 
senté par  un  F,  44. 

Phantosme,  25,  33. 

Philosophe^  filosofe^  33,  400. 

Phonétique  (réforme).  Motifs  qui  s'oppo- 
sent à  son.  admission,  176.  —  Utilité 
de  son  étude,  176.  — Argumentation 
contre  son  principe  (Vanier),  326.  — 
JuLLiEN,  873.  —  Les  résultats  écono- 
miques de  cette  réforme,  354. 

Phonographes ,  absolus  ou  modelés  ; 
Meigret,  i84. — Pelletier,  188.— 
Ramus,    igr.  —  Baïf,   199.  —  Ram- 

BAtJD,    200.     L'ESCLACHE,     23 1.    

Lartigaut,  233.  —  Dangeau,  241. 
—  Le  p.  Vaudelin,  260.  —  Domer- 
GUE,  i37,  3o6.  —  Marle,  3i6.  — 
FÉLINE,  33o.  —  Hknricy,  342.  — 
Raoux,  35r. 

Phonographie  (Critique  de  la),  96,  30.6, 
363,  373. 

Phthisique  (Histoire  du  mot),  112  bis. 
Phtisie,  phthisie,  11,  46,  112  bis. 
Physicien  (Histoire  du  mot),  112  bis. 
Pickpocket  devrait    s'écrire   en  français 

piquepoquet,  462. 
PiLLOT  (Jean) .  Gallicœ  lingusc  institulio, 

190. 

Plan  d'une  or to graphe  suivie,  pour   les 
imprimeurs  (anonyme).  Réformes  pro 
posées  dans  cet  ouvrage,  264. 


Plein  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Poisson  (Robert).  Alfabet  nouveau  de  la 
■vrée  et  pure  ortografefransoize  et  mo- 
dèle sus  iscluy  en  forme  de  dixionére, 
209. — Changements  qu'il  indiquée!  qui 
furent  adoptés  plus  tard,  209.  —  Qua- 
trains indiquant  la  valeur  et  l'emploi 
de  chaque  lettre  de  l'alphabet,  210. 

Poitevin  (P.).  Grammaire  générale  et 
historique  de  la  langue  française,  387. 
—  Il  demande  la  suppression  des  let- 
tres inutiles,  338.  —  Ses  règles  pour 
1  emploi  du  trait  d'union,  410.  —  Son 
orthographe  du  pluriel  des  mots  com- 
posés, 417  et  suiv. 

Pomme  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Porl-Royal.  Grammaire  générale  et  rai- 
sonnée,  contenant  les  fondemens  de 
l'art  de  parler,  expliqués  d'une  ma- 
nière claire  et  naturelle,  226,  283. 

Principes  de  sa  réforme,  284.  —  Le 
premier  emploi  du  t  pointé  destiné  au 
même  usage  que  le  t  cédille  est  indi- 
qué dans  cet  ouvrage,  84. 

Précepteur  (ie),  274.  —Nécessité de  faire 
concorder  l'orthographe  avec  la  pro- 
nonciation, 275. 

Précieuses  (les).  Leur  réforme  orthogra- 
phique, 94,  227.  —  Liste  de  mots 
écrits  d'après  leur  orthographe,  228. 

Présent  de  l'indicatif  (Orthographe  régu- 
lière de  la  première  personne  du),  17. 

Projet  d'un  esei  de  granmére  francéze, 
248.  —  Système  de  l'auteur.  —  Il  ex- 
pose les  avantages  d'une  réforme  pour 
les  étrangers  et  pour  les  dames,  249. 

Prononciation.  Influence  fnneste  d'une 
écritiu'e  contraire  à  la  prononciation, 
56.  —  Utilité  historique  des  ouvrages 
où  la  prononciation  se  trouve  figurée, 
192,  233.  —  De  Wailly,  281. 

Prosodie  française.  —  Bossnet  réclame 
l'indication  des  règles  de  la  prosodie 
dans  le  Dictionnaire,  i32.  —  Figura- 
tion de  la  prosodie,  286. 

Psychologie f  37. 

Ptisanne,  25. 

Py- Poulain  de  Launay  (Pierre).  Z.'<irf 
d' apprendre  à  lire  le  français  et  le  la  • 
tin.  265. 


Q.  Proscription  de  cette  lettre  par  Baïf, 


482 


INDEX. 


Quantité  latine.  —  Son  influence  sur  le 
redoublement  des  consonnes,  53, 

QuicHERAT,  62.  —  Préface  de  son  Dic' 
tîonnaire  françals-îatin^  i65.  —  Cor- 
rections au  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie, 166. 

QuiKTILlÉN,  29. 


R  double.  Cas  oîi  l'on  devrait  le  conser- 
ver, 53. 

Racine.  Correction  de  la  diphthongue 
ai  dans  Yyindromaquey  19.  —  Son 
orthographe  dans  la  lettre  au  maré- 
chal de  Luxembourg,  400. 

Radicaux  grecs  (les)  en  s'introduisant 
dans  l'ancien  français  ont  subi  l'in- 
fluence de  la  latinité,  29.  —  Mots 
forgés  irrégulièrement  avec  des  radi- 
caux grecs,  177. 

Rambaud  (Honorât).  La  Déclaration  des 
abus  que  l'on  commet  en  escriuant,  et 
le  moyen  de  les  éuiter  et  représenter 
nayuement  les  paroles  :  ce  que  iamais 
homme  n'a  faict,  200.  —  Comment  il 
expose  ses  principes,  aoi.  —  C'est  lui 
qui  le  premier  a  proposé  la  nouvelle 
épellation  be^  ce,  de,  2o3. 

Ramus  ou  La  Ramée  (Pierre).  Gramere, 
191.  —  Son  système,  192.  —  Spéci- 
men de  son  orthographe,  192.  — 
Avantages  et  vices  de  son  système, 
Î93.  —  Le  premier  il  a  distingué  le 
V  de  VUf  \ej  de  1'/,  ibid. 

Raoux  (Edouard).  Ortlwgraphe  ration- 
nellcj  ou  écriture  phonétique,  35 1.  — 
Exposé  de  ses  principes,  352.  —  Ce 
qu'étaient  à  l'origine  la  langue  parlée 
et  la  langue  écrite,  353.  —  Résultats 
économiques  de  la  réforme  phonétique, 
354.  —  Critique  du  système  graphi- 
que actuel,  355.  —  Il  propose  la  sup- 
pression des  lettres  inutiles  de  l'al- 
phabet, 356.  —  Sous  différents  s'écri- 
vant  de  la  même  manière,  358.  — 
Sonalphabet  phonétique  complet,  359. 
—  Son  alphabet  phonographique 
complet,  362,  —  Critique  de  sou 
système,  363.  —  Application  de  la 
phonographie  à  l'écrilure  des  langues 
autres  que  le  français,  365.  —  Sup- 
plément à  son  ouvrage,  366.—  Sou 
nouvel  alphabet  phonétique  pour  le 
français  seulement,  867.  —  Son  nou- 


vel alphabet  phonographique,  367.  — 
Exemple  de  son  écriture,  368, 
Raynouard,  20. 

Réformes  orthographiques  (Avantages 
des),  3.  —  La  réforme  modérée  n'est 
qu'un  retour  aux  règles  primitives  du 
français,  91.  —  Perrot  d'Ablancoiirt, 
124.  —  Beauzée,  148.  —  Max  Mul- 
LER,  164.  —  Histoire  des  réformes 
proposées  ou  accompUes,  176. 

Regnard,  60. 

Régnier  des  Marais,  Son  influence  sur 
la  rédaction  du  dictionnaire  de  1694, 
9.  —  Sa  Grammaire,  76,  120.  —  Elle 
tend  à  s'écarter  de  l'orlhographe  des 
Cahiers,  121.  —  L'auteur  se  prononce 
contre  l'écriture  phonétique,  25 x.  — 
Du  redoublement  des  lettres,  252.  — 
Règle  suivie  par  l'Académie  dans  l'or- 
thographe de  son  Dictionnaire,  2  54. —  * 
Contradictions  dans  le  système  de  l'au- 
teur, ibid.  —  Son  texte  même  démon- 
tre que  l'écriture  suit  la  loi  du  progrès, 
256,  38i. 

Renaissance  grecque  et  latine.  Son  in- 
fluence sur  le  système  orthographique 
du  français,  93,  106,  168,  238. 

Renaud  (André).  Traité  de  V orthographe 
et  de  la  prononciation  française,  247. 

Retour  (Mouvement  de)  en  Orthographie, 

375. 
Rh.  De  son  inutilité,  38,  347. 

RicHELET  (César-Pierre).  Particularités 
de  son  système  orthographique,  7,111. 
—  Son  orthographe  devance  celle  de 
la  première  édition  du  Dictionnaire 
de  C Académie,  112,  —  Dictionnaire 
françois,  248. 

Richelieu  (maréchal  de).  Son  ortho- 
graphe, 454. 

Roche  (J.-B-).  Entretiens  sur  l'ortho- 
graphe française,  290.  —  De  Vy  et  de 
ïi,  du  phf  de  Vf,  293.  —  Des  lettres 
doubles,  294. 

RocHEFORT  (César  de).  Dictionnaire  gé- 
néral et  curieux,  II 3, 

RoDiLARD.  Doutes  sur  l'ortographe 
franceze.  —  Lettre  aus  maîtres  impri- 
meurs, 240,  —  Il  propose  la  substitu- 
tion de  1'/  au  ph  et  la  suppression  des 
lettres  doubles,  241. 

Roi  des  Belges.  Son  arrêté  pour  fixer 
l'orthoçraphe  de  la  langue  flamande, 
378. 


INDEX. 

Ronsard.  La  Fvanciade.  —  L'Art  poé- 
tique, 5,  123.  —  Son  opinion  sur  les 

diphthongues  (lettres  doubles),  40. 

Partisan  du  système  de  Meigret,  121. 
—  Distinction  de  Vi  et  du  y,  128.  — 
Orlhographe  qu'il  a  suivie  dans  son 
Abrégé  de  l'Art  poétique,  ibid. 

ROYER-COI-LARD,  21. 

Rythme,  rkphme,  eurythmie,  22. 


483 


S.  Suppression  de  Vs  du  radical  grec 
et  latin.  Académie,  12.  —  S  eupho- 
nique, 65.  —  Substitution  de  Ys  à  l'a; 
comme  marque  du  pluriel  dans  cer- 
tains mots, go.  —  BnTET,  3i5.  —  Dis- 
tinction des  diverses  sortes  d's  propo- 
sée par  Corneille,  126,  —  S  ayant 
le  son  du  z,  299. 

Saint-Lien  (Claude  de).  Claudii  Sancto 
a  Vinculo  de  pronuntiatione  lingux 
gallicx,  204.  —  Ses  idées  orthogra- 
phiques, 205. 

Saint-Pierre  (l'abbé  de),  voyez  Castel. 

Sainté-Béuvé  (Charles-Auguste).  Son 
opinion  sur  la  légitimité  de  la  ré- 
forme, 167.  —  Coup  d'oeil  sur  l'histoire 
du  français,  167.  —  De  la  timidité  ac- 
tuelle en  matière  de  réforme,  172.  — 
Inconséquences  orthographiques  du 
Dictionnaire,  178. 

Salomon  (Jean).  Briefue  doctrine  pour 
duement  escripre  selon  la  propriété  du 
langage  francoys,  177. 

Sanadon  (le  P.).  Son  orthographe  sim- 
plifiée dans  sa  traduction  d'Horace, 
273. 

Sansue,  109. 

Saxe  (maréchal  de).  Son  orthographe, 

454. 
Sceau.  Dérivation  de  ce  mot,  296. 
SÉGUR(de),  21. 

Seizième  siècle  (Histoire  de  la  réforme 
pendant  le),  1^7. 

Sélis,  18. 

SÉviGNÉ  (M"**  de).  Orthographe  d'une 
de  ses  lettres  à  M"'*  de  Grignan,  40 x. 

Sibille,  122. 

Simon  (Etienne).  La  vraje  et  ancienne 
orthographe  françoise  restaurée,  212. 
'-—  Exemple  de  son  Système,  ibid. 


•y<Ve(Étymologie  du  mot),  122, 
Société.  Voyez  Correcteurs  et  Lausanne. 
Société    de    la    réforme    fondée     par 
M.  Marie,  323.  * 

Solvique  et  phonique,  3i5. 

SoMAizE  (BoDEAu  de),  voyez  Bodkau. 

Son  an.  Différentes  manières  dont  il  est 
figuré.  —  Son  in,  274.  —  Sons  diffé- 
rents s'écrivant  de  la  même  manière, 
358. 

SoREL  (Charles).  Histoire  comique  de 
Francion,  219.  — Où  il  est  question 
de  la  suppression  des  lettres  inutiles, 
220. 

SouLE  (de).  Traité  de  V ortographe  fran- 
çaise ^  240. 

Sphère,  sfère,  26. 

Stile  (Dérivation  du  mot),  86. 

Strophe,  strofe,  27. 

Suisses  du  Dictionnaire  (les),  145. 

Syllabes' nasales,  358. 

Sylvius  (Jacques)  (Dubois).  Ses  essais 
pour  faciliter  l'étude  du  français.  — 
Accents  pour  déterminer  la  valeur  des 
diphthongues,  181. 


T  final.  —  Suppression  du  /  final  au  plu- 
riel des  mots  terminés  en  ant,  16.  — 
Son  rétablissement,  18.  —  Régulari- 
sation des  désinences  en  ant  et  ent, 
23.— -  rdouble,  64.  —  Teuphonique, 
65.  —  Mots  où  il  conviendrait  de  faire 
usage  du  t  cédille  afin  d'éviter  toute 
confusion,  82,  83.  —  T  ponctué  em- 
ployé par  Port-Royal,  84.  —  Dou- 

CHET,  287.  —   BEAVZÉE,  3oO. 

Tableau   synoptique  des    variations  de 

•    l'orthographe  de  certains  mots  difficiles 

du  français  depuis  le  xv**  siècle,  112. 

Tell.  Exposé  général  de  la  langue  fran- 
çaise. —  Il  propose  de  rendre  les  par- 
ticipes invariables,  846.  —  Du  rôle  de 
l'Académie  en  matière  d'orthographe, 
346. 

Tertre  (du).  Méthode  universelle^  aaS. 

Terzuolo  (F.-P.).  Études  sur  le  Dic- 
tionnaire de  PAcadémie,  848. 

Th.  Sa  prononciation  chez  les  Grecs,  3o; 
—  chez  les  Anglais,  3o.  —  Son  rempla- 
cement par  le  /^  12,  i5,  28,  41*  43^ 


484 


IlSDEX. 


JUL- 


46,  347.  —  Negrix,  349 

LIEN,   390. 

Tliédtre  (Hisloire  du  mot),  1 12  bis. 

ÏHENARD, 21. 

Ti,  tion  (syllabes),  80.  —  Emploi  du  t 
cédille  pour  en  déterminer  la  pronon- 
ciation, ibid.  —  Emploi  uniforme  du 
c  pour  écrire  les  mots  qui  se  pronon- 
cent don,  deux,  de^  ciel,  82.  —  Liste 
des  mots  écrits  lion  et  prononcés  diffé- 
remment, ibid.  —  L'étymologie  latine 
n'indique  pas  toujours  l'écriture  et  la 
prononciation  des  mots  en  tion,  83. 

Tie  (Observation  sur  les  mots  terminés 
en),  81. 

Tiret.  Voyez  Trait  d'union. 

Tisane  (Histoire  du  mot),  11 '2  bis. 

Tonique  (syllabe).  Rôle  considérable  de 
la  syllabe  tonique  du  latin  dans  la 
formation  primitive  du  français,  391. 

Tory  (Geofroy).  Il  fait  le  premier  usage 
du  c  cédille,  80.  —  Ses  réformes,  177. 

Tracy  (Destutt  de),  21.  —  Désordre  de 
notre  alphabet  et  difficulté  d'épella- 
tion,  r6o. 

Tradition  étymologique  (Moyen  de  con- 
server la),  3i. 

Trait  d'union.  —  Son  apparition  dans 
l'écriture  française,  20,  5g.  —  Les 
Latins  et  les  Grecs  ne  divisaient  pas 
les  noms  composés,  58.  —  Son 
absence  des  anciens  manuscrits,  59.  — 
T,  s,  7,  euphoniques  entre  deux  traits 
d'union,  ^^.  —  Son  rôle  d'après  les 
Cahiers,  120.  —  Théorie  du  trait 
d'union  selon  M,  Poitevipc,  410  ;  — 
M.  LÉGER  NoEt,  412.  —  Anarchie 
complète  dans  l'emploi  du  trait  d'u- 
nion, 41 5.  Voir  Mots  composés. 

Tranquille,  tranquile,  129. 

Trésor  (Histoire  du  mot),  112  bis. 

Tyran  (Histoire  du  mot),  112  bis. 


U 


If.  Séparation  de  la  voyelle  u  de  la  con- 
sonne V.  Ramus,  193.  —  La  lettre 
u  (u),  représente  l'j  dans  beaucoup  de 
mots  tirés  du  grec,  i23. —  Explication 
de  l'emploi  de  VU  tréma  dans  les  vieux 
manuscrits,  459. 

^  Usage  (!')  en  fait  d'orthographe  ne  peut 


être  constaté  qu'au  moyen  des  lexi- 
ques, 100.  —  A  varié  incessamment 
depuis  l'origine  jusqu'à  nos  jours,  ib. 
—  Sa  définition  par  Duclos,  147.  — 
L'usage  tend  à  faire  disparaître  les 
doubles  lettres,  48.  —  L'usage  et  la 
raison,  140,  190.  — Selon  La  Bruyère, 
339. 


Vanier  (V.-A.).  La  Ré  forme  orthogra- 
phique aux  prises  avec  le  peuple.  — 
Exposé  de  sa  réforme,  324.  —  Dia- 
logue entre  la  réforme  et  l'opposition, 
326.  —  Difficultés  qu'offrent  pour 
notre  orthographe  les  verbes  en  eler 
et  eter,  824.  —  Il  se  prononce  contre 
les  lettres  doubles,  325.  —  Extension 
d'emploi  de  l'accent  circonflexe,  SaS. 

—  Argumentation    contre    l'écriture 
phonétique,  326. 

Vaudelin  (le  P.  Gilles).  Nouvelle  ma- 
nière d'écrire  comme  on  parle  en 
France.  —  Son  alphabet  phonétique, 
261. 

Vaugelas  veut  que  chaque  langue  soit 
maîtresse  chez  elle,  8. 

Vauxelles  (l'abbé  de),  i8. 

Vert-de-gris  (en  italien  verderame)  de- 
vrait être  remplacé  par  verderis  (vert 
de  cuivre),  452. 

ViARD.  Les  Frais  Principes  de  la  lecture, 
290. 

Vllemain,  20.  —  Auteur  de  la  préface 
du  Dictionnaire  de  i835,  26. 

Villers-Cotterets  (édit  de),  4. 

Vocabularius  latinîs,  galUcis  et  theuto- 
nicis  verbis  scriptum,  de  i5i5,  107. — 
Exemples  de  l'orthographe  de  ce  re- 
cueil, ibid. 

Vocabularius  nebrissensis  de  i524,  108. 

—  Orthographe  de  ce  glossaire,  ibid. 

VotNEY.  Alfabet  européen  appliqué  aux 
langues  asiatiques,  iSg.  —  Désordre 
des  alphabets  des  langues  européennes, 
159.  —  Alphabet  commun  aux  langues 
de  l'Europe  et  de  l'Asie,  3 1 1 .  —  Dis- 
tinction des  diphthongues  et  des  di- 
grammes,  ihid.  —  Tableau  des  voyelles 
reconnues  par  Yolney,  3i2. 

Voltaire,  19,  34,  i54,  i55.  —  Trans- 
cription de  quatre  de  ses  lettres  à  d'A- 
lembert  avecleur orthographe,  402. 


INDEX. 


485 


Voyelles.    Classification    des    voyelles  : 
Dangeau,  i33.  —  DoMKRGUE,  3o8. 

—  VoLNEY,    3i2.   —    Féline,    33i. 

—  Raodx,  359. 


W 


fV.  Suppression  proposée  de  celle  lellre, 
356,  45i. 

Wailly  (Noël-François  de).  De  l'ortho- 
graphe. —  V orthographe  des  dames 
ou  l'orthographe  fondée  sur  la  bonne 
prononciation,  démontrée  la  seule  rai- 
sonnable. Fragments  de  cet  ouvrage, 
32,  i5o.  —  Plaidoyer  des  dames  eu 
faveur  de  la  réforme,  iSa.  —  Néces- 
sité pour  les  proies  et  les  compositeurs 
d'une  orthographe  conforme  à  la  bonne 
prononciation,  ibid.  —  Des  doubles 
consonnes,  276.  —  De  l'accent  circon- 
flexe, ibid.  —  Suppression  des  lettres 
inutiles,  277.  —  Mois  écrits  autre- 
ment qu'ils  ne  se  prononcent,  278. — 
De  l'jc comme  marque  du  pluriel,  279. 
—  Exemple  de  la  difficulté  de  la  pro- 
nonciation par  suite  de  la  bizarrerie 
orthographique,  280.  —  De  l'emploi 
du  g  ponctué.  —  Pratique  de  l'ortho- 
graphe fondée  sur  la  bonne  prononcia- 
tion, 281.  —  Du  c,  282. 

Wey  (Francis).  Remarques  sur  la  langue 
française,  227. 


X.  (de  la  lettre).  Critique  de  son  em- 
ploi comme  marque  du  pluriel,  90.  — 
De  son  remplacement  par  1'^  dans  le 
pluriel  de  certains  mots,  ibid.  —  Mé- 
nage, 236.  —  Bkauzée,  3 14.  —  Ré- 
clamations de  VS  contre  1'^  (Butkt), 
3 14.  —  Travail  de  Wailly  sur  cette 
lettre,  279.  —  Sa  suppression  pro- 
posée (Baif),  200.  —  Raoux,  356. 


Y.  Son  remplacement  par  T/,  12,  14,  iS, 
23.  —  Élimination  de  l'j- par  l'AcAnic- 
MIE,  85.  —  Par  Ronsard,  122.  —  In- 
troduction de  Vy  dans  le  français  par 
une  influence  calligraphique,  85,  — 
Emploi  de  l't  au  Heu  de  Vy  dans  beau- 
coup demots. — Exemple  de  BossuET. — 
Embarras  causé  par  la  présence  simul- 
tanée de  1*7  et  de  l'i  dans  certains  mois, 
86. — Mots  avec  f  tirés  de  l'anglais,  87. 
—  Roche,  293.  —  Léger  Noël,  34 i. 

Yeux.  Orthographe  défectueuse  de  ce 
mot  due  à  la  raison  calligraphique 
{jeux  pouryeMj:),  i23.     - 


Z.  Restriction  fâcheuse  dans  l'emploi  de 
'  cette  lettre  en  français.  —  Liste  des 
mots  oîi  elle  figure,  62.  —  Z  eupho- 
nique, 65.  — Son  emploi  comme  finale 
du  participe  passé,  i35.  » 


ERRATA. 


Page  106,  ligne  6  en  remontant,  1587,  lisez  1487. 

—  181.  Les  signes  orthographiques  adoptés  par  Sylvius  et  placés  au-dessus  des 

lignes  ne  doivent  être  considérés  que  comme  système  pédagogique 
pour  indiquer  la  prononciation  de  son  temps  et  non  comme  méthode 
orthographique. 

—  148.  Ajoutez  en  titre  après  l'article  de  Richelet  ces  mots  :  Dix-HurrifcjiE 

SIÈCLE. 


|PlS^h#ll^\Ji 


i>«uv  ;^  «i  ly/fi] 


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PC  Didot,  Ambroise  Firmln    ^ 

214-3  Obsear^ations  sur 

05  l'orthographe  ou 

1868  ortografie  française  2.  éi 

rev.