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OBSERVATIONS
SUR
L'ORTHOGRAPHE
OU ORTOGRAFIE
FRANÇAISE.
OBSERVATIONS
SUR
L'ORTHOGRAPHE
ou ORTOGRAPIE
FRANÇAISE
SUIVIES d'une
HISTOIRE DE LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE
DEPUIS LE XV« SIÈCLE JUSQU'A NOS JOURS
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AMBROISE FIRMIN DIDOT
DEUXIÈME ÉniTIGN
REVDE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE
PARIS
TYPOGRAPHIE DE AMBROISE FIRMIN DIDOT
IMPRIMEUR-LIBRAIRE DE L'INSTITUT DE FRANCE
RUE JACOB, 56
4868
PC
D5 .
604827
A MESSIEURS
DE
L'ACADÉMIE FRANÇAISE
ï
HOMMAGE RESPECTUEUX
OFFERT
PAR AMBROISE FIRMIN DIDOT
IMPRIMEUR -LIBRAIRE DE l'aCADÉMIE FRANÇAISE
m
OBSERVATIONS
SUR
L'ORTHOGRAPHE
OU ORTOGRAFIE
FRANÇAISE.
Remédier aux imperfections encore si nombreuses de notre
orthographe , imperfections qui démentent la logique et la
netteté de l'esprit français, serait chose bien désirable à un
double point de vue : le bon et rapide enseignement de la
jeunesse , la propagation de notre langue et de ses chefs-
d'œuvre. Mais cette tâche est bien plus difficile que ne le
supposent ceux qui, frappés des abus, ne se sont pas rendu
compte de la nature des obstacles, ainsi que des efforts divers
tentés depuis trois siècles pour la solution d'un problème aussi
compliqué.
C'est à TAcadémie française , à cause même de sa légitime
influence sur la langue et de l'autorité de son Dictionnaire,
devenu depuis longtemps le Gode du langage, qu'il convient
d'examiner, en vue de la nouvelle édition qu'elle prépare, les
modifications à introduire dans l'orthographe, pour satisfaire,
dans une juste mesure et conformément à ses propres précé-
dents, aux vœux le plus généralement manifestés.
Fidèle à son institution et à sa devise, l'Académie, tout en'
k
2 OBSERVATIONS
tenant compte des nécessités du présent, jette au loin ses re-
gards sur l'avenir pour conduire, de degré en degré, la langue
française à sa perfection.
Grâce aux améliorations successivement introduites par
l'Académie dans les six éditions de son Dictionnaire, amé-
liorations attestées par la comparaison de celle de 1835 avec
la première de 1694, ce qui reste à faire dans notre ortho-
graphe est peu considérable, et pourrait même être admis en
une seule fois, si l'Académie se montrait aussi hardie qu'elle
l'a été dans sa troisième édition.
Jusqu'au commencement de ce siècle , son Dictionnaire,
moins répandu, n'avait pas acquis l'autorité dont il jouit uni-
versellement ; de sorte qu'il restait à chacun quelque liberté
pour modifier l'orthographe, soit dans le manuscrit, soit dans
l'impression (1). C'est ainsi qu'avaient pu et que pouvaient en-
core se faire jour les préférences en matière d'écriture de ceux
qu'on nommait alors a les honnêtes gens » et dont la manière
était désignée sous ce nom : l' Usage,
Mais l'Usage, que l'Académie invoquait jusqu'en 1835
comme sa règle, n'a plus aujourd'hui de raison d'être ; le
Dictionnaire est là qui s'oppose à tout changement : chaque
écrivain, chaque imprimerie, s'est soumis à la loi : elle y est
gravée ; les journaux, par leur immense publicité, l'ont pro-
pagée partout ; personne n'oserait la braver. Ainsi tout pro-
grès deviendrait impossible, si l'Académie, forte de l'autorité
(1) Ainsi mon père et mon oncle, dès 1798, s'écartant de l'orthographe tradi-
tionnelle, avaient remplacé, dans leurs éditions, l'opar Va, et imprimé /rawçai*
et non français^ je reconnais et non je reconnais, modification importante qui
fut admise par l'Académie dans la dernière édition de son Dictionnaire de 1835.
Maintenant toute rectification, quelque faible qu'elle soit, serait imprudente et
même impossible. M. Sainte-Beuve est, je crois, le seul qui exige de ses impri-
meurs de rétablir l'accent grave aux mots terminés en ége.
Mais il résulte de l'inadvertance des compositeurs et même des correcteurs une
série incessante d'hésitations d'où proviennent des fautes et des corrections très-
coûteuses qui rendraient presque impossibles des impressions o(i chacun voudrait
qu'on suivît les caprices de son orthographe. Le Dictionnaire de l'Académie est
/ donc la seule loi.
SUR L'ORÏHOGRAPHÇE. 3
qu'elle a justement acquise, ne venait elle-même au-devant
du vœu public en faisant un nouveau pas dans son système de
réforme, afin de rendre notre langue plus facile à apprendre,
à lire et à prononcer, surtout pour les étrangers.
Que d'efforts et de fatigues quelques réformes pourraient
encore épargner aux mères et aux professeurs ! que de larmes
à l'enfance ! que de découragement aux populations rurales!
Tout ce qui peut économiser la peine et le temps perdus à
écrire des lettres inutiles, à consulter sa mémoire, souvent en
défaut, profiterait à chacun. Car, avouons-le, personne d'entre
nous ne saurait s'exempter d'avoir recours au Dictionnaire
pour s'assurer s'il faut soit Y y soit Yi dans tel ou tel mot ; soit
un ou deux / , ou n ou ;? dans tel autre ; soit un ph ou un th ;
un accent grave ou un accent circonflexe, un tréma ou un
accent aigu , un trait d'union ou même la marque du pluriel,
1*5 ou le 37, dans certains mots.
Il serait trop long d'énumérer ici les tentatives plus- ou
moins sensées, plus ou moins téméraires, proposées depuis le
commencement du seizième siècle pour la simplification de
l'orthographe : les unes, trop absolues dans leur ensemble,
dénaturaient le caractère et les traditions de notre idiome;
d'autres déroutaient et offensaient la vue en altérant la sim-
plicité de notre alphabet; d'autres, enfin, n'avaient peut-être
que le tort d'être prématurées et de contrarier des habitudes
contractées dès l'enfance , et d'autant plus tenaces qu elles
avaient coûté plus de peine à acquérir. (Voy. l'Appendice D.)
L'Académie seule, quelquefois avec une grande hardiesse , a
pu introduire et sanctionner de sages modifications ; toutes ^
ont été accueillies avec reconnaissance en France et dans les
pays étrangers. C'est donc à sa sagesse de juger dans quelles
limites on devra céder au vœu manifesté par tant de bons
esprits durant plus de trois siècles. Les concessions qu'elle
croira devoir faire ne seront même que la conséquence de
i l'opinion émise par elle en 1718 clans la préface de la deuxième
4 OBSiiRVATIOlNS
édition de son Dictionnaire : « Gomme il ne faut point se pres-
ser de rejeter l'ancienne orthographe , on ne doit pas non
plus, dit-elle, faire de trop grands efforts pour la retenir. »
Ces modifications seraient d'autant plus utiles et opportu-
nes qu'elles hâteraient le développement et la propagation de
l'instruction primaire dans nos campagnes, Bt l'enseignement
de la iangue française aux Arabes, moyen le plus sûr de nous
les assimiler (1). Ce bienfait s'étendrait même à tout l'Orient,
où on se livre à de sérieux efforts pour indiquer par des
signes la prononciation des mots de notre langue à ces popu-
lations aussi nombreuses que diverses (2). Faciliter l'écriture
et la lecture de la langue nationale, c'est contribuer à la ré-
pandre et à la maintenir.
Avant même que François P*", par son édit de Viliers-Got-
terets, du 10 août 1539, eût rendu officielle la langue fran-
çaise, en bannissant le latin de tout acte public, beaucoup
de grammairiens et de savants imprimeurs s'étaient occupés
de régulariser notre orthographe. Le désordre dans l'écriture
du français était alors à son comble : chacun, loin de la rap-
procher de sa simplicité antérieure, croyait faire montre de
savoir en la compliquant par la multiplicité des consonnes.
Ronsard, après s'être plaint dans la préface de sa première
édition de la Franciade, en 1572, de l'impossibilité de se
reconnaître dans la « corruption de l'orthographe » , écrivait
dans sa seconde édition :
I « Quant à nostre escriture , elle est fort vicieuse et corrompue,
(1) M, le général Daumas a mis en pratique, et avec succès, le système de sim-
plifie ition d'orthographe dont on est redevable à M. Féline.
(2) En ce moment , M. Pauthier me montre plusieurs Dictionnaires polyglottes
mprimés à Yeddo. Dans celui qui est intitulé San-gio-hen-ran , les Trois Lan-
gues synup/iques, Yeddo, 1854, les mots japonais sont traduits en français, en
anglais et en hollandais, et la prononciation y est tigurée par des signes. Je vois
donc au mot ortographier la notation du son phi figurée par le même signe qui
est ap|)Uqué à pi dans le mot opiner qui précède. Ainsi donc les Japonais , au
lieu de prononcer ortographier, prononceront ortograpier, ou bien ils devront
prononcer ofiner au lieu à'opiner.
SUR L'ORTHOGRAPHE. 5
« et me semble qu'elle a grand besoin de reformation : et de re-
« mettre en son premier honneur le K et le Z, et faire characlères
(' nouueaux pour la double N, à la mode des Espagnols, w, pour es-
« crire monseigneur y et une Z double pour escrire orgueilleux (1). »
Plus tard, en tête de son Abrégé de VArt poétique^ il dé-
veloppe plus énergiquement encore son opinion sur la réforme
de l'orthographe française. Et le grand Corneille, trente ans
avant le Dictionnaire de l'Académie , proposait et appliquait
lui-même une écriture plus conforme à la prononciation, de-
vancé même en cela par l'un de ses prédécesseurs à l'Académie,
d'Ablancourt, et surpassé en hardiesse par son collègue Dan-
geau. (Voir les Appendices B et C.)
Cependant, dès l'année 1660, trente-quatre ans avant l'ap-
parition du Dictionnaire de l'Académie , la Grammaire de
Port-Royal avait posé les bases de l'accord de l'écriture et
de la prononciation ; elle voulait :
1° Que toute figure marquât quelque son, c'est-à-dire qu'on
n'écrivît rien qu'on ne prononçât ;
2° Que tout son fût marqué par une figure, c'est-à-dire qu'on
ne prononçât rien qui ne fût écrit;
3" Que chaque figure ne marquât qu'un son, ou simple ou double ;
A" Qu'un même son ne fût point marqué par des figures diffé-
rentes.
Pourquoi donc, après de telles prémisses, tant de contra-
dictions qu'on ne saurait justifier et auxquelles l'esprit logique
de l'enfance ne se soumet qu'en faisant abandon de cette rec-
titude de raisonnement qui nous étonne vsi souvent et nous
force d'avouer qu'en fait de langue la raison n'est pas du côté
de l'âge mûr ?
(1) « Tu éviteras toute okthographie supcrdue et ne mettras aucunes lettres en
tels mots, si tu ne les prononces en lisant. » {Abrégé de VArt poétique , par
Ronsard, édit. de 1561.)
6 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Pour quiconque veut approfondir l'étude de la langue fran-
çaise, rien de plus intéressant que d'en suivre les progrès
dans les modifications apportées par l'Académie dans les édi-
tions successives de son Dictionnaire. Dans chacune d'elles, en
effet, sont enregistrés les changements résultant soit de la sup-
pression de mots surannés , soit de l'introduction de ceux
qu'elle jugeait admissibles, soit de modifications apportées
dans l'acception des mots et des locutions. Mais pour ne parler
ici que de l'orthographe, c'est dans ses variations successives
qu'on peut apprécier cette tendance à la simplification dans la
forme des mots qui répond au besoin toujours croissant de
mieux conformer l'écriture à la rapidité de la pensée. Par ce
qui est fait on jugera mieux de ce qui reste à faire.
PREMIÈRE ÉDITION DU DICTIONNAIRE.
A l'époque où l'Académie résolut de rédiger son Diction-
naire, deux courants opposés portaient le trouble dans les im-
primeries : les unes, sous l'influence des Estienne, modelaient
leur orthographe sur la langue latine, les autres sur celle
de nos vieux poètes et chroniqueurs. Antérieurement à l'ap-
parition, en 1540, du Dictionnaire de Robert Estienne, on
remarque dans nos plus anciens lexiques une orthographe plus
simple. Ainsi, dans les glossaires imprimés de 1506 à 1524(1)
je vois les mots lait^ laitue^ extrait, fait^ point, hatif, sou-
dain^ etc., écrits comme ils le sont aujourd'hui, tandis qu'Es-
tienne les écrit laict, laictue, extraict, faict, poinct, hastif,
souhdain, etc. Son système se propagea dans les Diction-
naires. Cependant, en 1630, se produit un retour vers les prin-
cipes de « notre ancienne et nayve écriture » : Philibert Monet
(t) CaiholiCG?i abbrevlatuni. lQ3in Lambert, 1506.— Vocahularium jScbris-
sense. Î524. — Yocabularhmi latinum, gallicum et theutonicum. Strasbourg,
Mathis Humpffuff, 1515. On trouve dans ce petit ouvrage les mots ainsi écrits ;
emorroïdcs, idropisie, sans7ie, oiruche, masson, aguille, oguillon, etc.
Vf
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 7
publie dans son Invantaire des deus langues francoise et la-
tine (1) le dictionnaire de la réforme orthographique, auquel
cinquante ans plus tard, Richelet, avec plus de faveur, donne
une forme plus complète et plus régulière (2). Tel était l'état
des choses, lorsque, après soixante ans de discussion, d'hési-
tation et d'examen, J' Académie fit paraître son grand travail.
L'apparition du premier Dictionnaire de l'Académie^ publié
en 1694, fut donc un événement, et on ne saurait être trop
reconnaissant du service qu'il rendit alors. Frappée du dé-
sordre de l'écriture et des impressions (3), l'Académie, pour y
remédier, préféra rapprocher l'orthographe française de la
forme du latin littéraire, et cela, malgré l'opposition du vieil
esprit français, dont^ cent ans plus tôt, Ronsard et d'autres
membres de sa pléiade s'étaient montrés les représentants.
Elle crut, en s' appuyant sur une langue désormais fixée, don-
ner plus de stabilité à notre orthographe ; d'ailleurs on était
alors sous l'influence encore toute-puissante de la latinité.
Cependant ce ne fut pas sans luttes et sans opposition au sein
même de l'Académie que prévalut l'écriture dite étymologique.
M. Sainte-Beuve, dans son article sur Vaugelas, nous en offre
une vive image :
(1) p. Monet, de la compagnie de Jésus. Invantaire des deus langues fran-
çaise et latine, assorti des plus utiles curiositez de l'un et Vautre Idiome.
Lyon, 1635, in-fol. de 6 ff. et 990 pages à 2 colonnes en petit caractère.
(2) Richelet, Dictionnaire français, etc. Genève, Hermann Widorhold, 1680,
2 tom. petit in-4°. Dans l'Avertissement , Richelet dit que c'est à l'imitation de
monsieur d'Ablancourt et de quelques autres auteurs célèbres, qu'on a changé
presque toujours Vy grec en i simple; qu'on a supprimé la plupart des lettres
doubles et inutiles qui ne défigurent pas les mots lorsqu'elles en sont retranchées,
comme dans a faire, ataquer, ateindre, diflcile, et non pas affaire , attaquer,
atteindre, difficile, etc. Et en effet, dès le début, on trouve dans son Diction-
naire : abesse, abaïe, abatial, abatre, abé, acabler, acablement.
(3) Un seul exemple suffira pour donner une idée des bizarreries et des ano-
malies de l'orthographe des manuscrits et des impressions : dans une des meil-
leures éditions du Gargantua de Rabelais (Lyon, François Juste, 1542, in-iG),
je lis dans le prologue le mot huile écrit en huit lignes de trois manières dif-
férentes.
8 niCTIONNAlRK DF. L'ACADF-MIK.
(( Chapelain, nous dit-il, parmi les oracles d'alors, est le plus
remarquable exemple de cet abus du grécisme et du latinisme en
français; il avait pour contre-poids, à l'Académie, Conrart qui nu
savait que le français, mais qui le savait dans toute sa pureté pa-
risienne. Chapelain aurait voulu, par respect pour Tétymologie,
qu'on gardât la vieille orthographe de charactère, cholère, d\ec ch,
et qu'on laissât récriture hérissée de ces lettres capables de dé-
router à tout moment et d'égarer en ce qui est de la prononcia-
tion courante. Il trouvait mauvais qu'on simplifiât l'orthographe
de ces mots dérivés du grec, par égard pour les ignorants et les
idiots, car c'est ainsi qu'il appelait poliment, et d'après le grec,
ceux qui ne savaient que leur langue. Vaugelas faisait le plus
grand cas, au contraire, de ces idiots, c'est-à-dire de ceux qui
étaient nourris de nos idiotismes, des courtisans polis et des fem-
melettes de son siècle, comme les appelait Courier ; il imitait en
cela Cicéron qui, dans ses doutes sur la langue, consultait sa
femme et sa fille, de préférence à Hortensius et aux autres sa-
vants. Moins on a étudié, et plus on va droit dans ces choses de
l'usage : on se laisse aller, sans se roidir, au fil du courant.
« Pour moi, disait Vaugelas, je révère la vénérable antiquité et
les sentiments des doctes; mais, d'autre part, je ne puis que je ne
me rende à cette raison invincible, qui veut que chaque larigve
soit ?naîtresse chez soi. surtout dans un empire florissant et une
monarchie prédominante et auguste comme est celle de la
France (1). »
Et en effet, si l'on examine l'écriture des mots qui figurent
dans cette première édition, en la comparant à celle des Ca-
hiers de Remarques sur F orthographe francoise pour estre exa-
minez par chacun de Messieurs de F Académie (2), on voit que
la compagnie, en les écrivant plus simplement, montrait déjà
plus de réserve et de discernement dans l'emploi des formes
étymologiques que ne l'avait fait le secrétaire perpétuel Re-
(1) Nouveaux Lundis^ t. VI, p. 372.
(2) Tels que appast, charactère, chameleon, eaplmiré, écrit ensuite par l'A-
cadémie esplauré et esploré, puis éploré, estester (étêfer), despourveûe, des-
çaisner, despescher, desvoyement, p/mnatique, pyrate, alllté, desboesté,qi\e
l'Académie écrivit d'abord débouté, puis déboité dans la troisième édition.
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
r
■ giiier des Marais dans les Cahiers préparatoires dont il fut
H l'un des principaux rédacteurs.
IP L'influence de Régnier des Marais « qui avoit employé
« à cet édifice (la grammaire ordonnée par la compagnie) cin-
« quante ans de reflexions sur nôtre langue, la connoissance
« des langues voisines et trente quatre ans d'assiduité dans
« les assemblées de l'Académie, où il avoit presque toujours
(( tenu la plume » (1), devait naturellement prédominer dans
la rédaction du Dictionnaire. Une volonté aussi persévérante,
le service réel qu'il rendait en se chargeant de la rédaction
difflcile de la grammaire dont la société lui avait confié le soin,
finirent par remporter sur les opinions contraires et les scru-
pules de ses illustres confrères, parmi lesquels nous voyons
Dangeau et d'Ablancourt protester par leurs écrits en adoptant
un système entièrement opposé. D'autres membres de l'Acadé-
mie, tels que Corneille, Bossuet, montrent aussi par leur écri-
ture conservée dans leurs manuscrits qu'ils auraient préféré
une orthographe plus simple et plus rapprochée de la forme
française. (Voir l'Appendice E.)
Le courant de la latinité prédomina donc, et l'Académie,
pour élever son grand monument littéraire, crut même devoir
se conformer à l'exemple donné par les érudits, en adoptant,
pour le classement des mots du Dictionnaire, l'ordre savant
mais peu pratique dont Robert et Henri Estienne offraient le
modèle dans leurs Trésors de la langue latine et de la langue
grecque. Les mots rangés, non selon l'ordre alphabétique,
mais par familles, furent groupés autour de la racine (2).
(1) Le P. Buffier, dans les Mémoires de Trévoux, t. XXI, p. 1642.
(2) A cette édition en deux volumes datée de 1694 se trouvent joints deux
autres volumes, même format et même caractère, portant la même date 1694,
sous ce titre ;
Le Dictionnaire des arts et des sciences, par M. D. C. de V Académie fran-
çoise ; tome troisième et tome quatrième, chez la veuve Coignard et Baptiste
Coignard.
Le privilège, daté du 7 septembre 1694, est concédé au sieur D. C. de l'Aca-
démie française (et rétrocédé par lui à la veuve Coignard et à son fils J. -Baptiste
10 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
DEUXIÈME ÉDITION.
Mais bientôt l'Académie, reconnaissant que l'utilité pratique
était préférable, renonça, dans sa seconde édition, en 1718, à
ce classement pour revenir à l'ordre alphabétique, moins ra-
tionnel sans doute, mais plus pratique. C'est ce qu'elle annon-
çait ainsi dans sa préface :
« La forme en fut si différente, que TAcadémie donna plutôt un
Dictionnaire nouveau qu'une nouvelle édition de l'ancien. L'ordre
étymologique, qui dans la spéculation avoit paru le plus conve-
nable, s'étant trouvé très-incommode, dut être remplacé par Tordre
alphabétique, en sorte qu'il n'y eût plus aucun mot que, dans
cette seconde édition, on ne pût trouver d'abord et sans peine. »
L'Académie, sans se borner à ce grand changement, maté-
riel, il est vrai, mais si utile, donna à cette seconde édition
un caractère tout particulier en l'enrichissant d'un grand
nombre de termes d'art et de sciences dont l'usage avait pé-
nétré dans la société. Elle s'appliqua aussi à rectifier et éclair-
cir les définitions et compléter les acceptions et significations
diverses des mots. Le simple mot bon, par exemple, reçut
soixante-quatorze significations toutes différentes.
« On ne doit donc pas s'estonner, dit la préface, que ce tra-
vail, qui a changé toute la forme du Dictionnaire, ait occupé
durant tant d'années les séances de l'Académie, et quant à
l'orthographe, l'Académie, dans cette nouvelle édition, comme
Coignard). On lit au bas : le Dictionnaire a été achevé d'imprimer le 11 sep-
tembre 1G94. Quant à l'orthographe, c'est la même que celle du Dictionnaire de
l'Académie françoise. Elle est encore plus étymologique. Ainsi on y lit phré-
nésie, phthisie.
La rédaction principale est attribuée à Thomas Corneille. Mais pourquoi le
titre porte-t-il par M. D. C. de l'Académie françoise? Te ne vois aucun de ses
membres à qui cette indication puisse convenir parmi les noms de ceux qui figu-
rent dans la liste des académiciens placés au commencement 'du Dictionnaire de
l'Académie de 1694. On y lit : « Thomas Corneille receu en 1635 à la place de
Pierre Corneille son frère, qui avoit succédé à François Maynard. » D'où peut
donc provenir ce D. placé avant l'initiale C. et qui figure aussi au privilège ?
li^^
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE, U
dans la précédente, a suivi en beaucoup de mots l'ancienne
manière descrire^ mais sans prendre aucun parti dans la dis-
pute qui dure depuis si longtemps sur cette matière. »
Elle autorisa même, en quelque sorte, la liberté du choix
entre l'ancienne et la nouvelle.
Si elle ne supprima pas 1'^ dans la foule de mots où cette
lettre ne se prononce pas, du moins elle prit soin d'indiquer le
cas où le son s'en est conservé. Cette différence se trouve
donc indiquée dans hospice, hospitalité, où s se prononce, et
hoste, hosteU où 1'^ ne se prononce pas, et également dans
christianisme et chrestienté. Elle modifia l'écriture de quel-
ques mots, tels que éploré, au lieu de esploré et espleuré; elle
écrivit noircissure et non noircisseure, et sirop^ au lieu de sy-
rop, etc. , et, en écrivant encore yvroye, elle nota que quelques-
uns prononçaient yvraye. Mais déjà bien des tentatives avaient
été faites ailleurs, même par des académiciens, en vue d'une
réforme, et leur influence ne devait pas tarder à se faire sentir
dans le Dictionnaire même.
TROISIÈME ÉDITION.
C'est dans sa troisième édition, en 1740, que l'Académie,
cédant aux vœux manifestés dès le xvf siècle par tant de phi-
lologues, de savants, d'académiciens même, et répétés par des
voix autorisées, supprima des milliers de lettres devenues para-
sites, sans craindre d'effacer ainsi leur origine étymologique : les
5, les d disparurent dans la plupart des mots dérivés du latin.
Elle n'écrivit plus accroistre, advocat^ albastre, apostre^ aspre,
tousjours, non plus que bast, bastard, bestise, chrestien, chas-
teau^connoistre, giste, isle (1). Les y non étymologiques furent
remplacés par des i-, elle n'écrivit plus cecy, celuy-cy, toy,
moy, gay, gayeté^joye, derniers vestiges de l'écriture et des
(1) Il nous reste encore, échappés à la réforme de 1740, les mots baptême,
Baptiste, dompter, condamner. Bossuet écrit toujours condanner, damier.
12 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
impressions desxv^ etxvf siècles, mais ceci^ celui-ci^ toi, moi,
gai, gaieté, joie, etc. L'y et 1'^ du radical grec et latin
furent même supprimés; ainsi abysme (aênacoç, abyssus) fut
écrit abyme, et plus tard abîme ; eschole^ escholier^ écrits dans
la première édition escole, escolier, devinrent dans celle-ci
école, écolier, yvroye devient ivroye, ensuite ivroie, puis
ivraie; de même que subject devint successivement 52</y>^, puis
dans sa forme définitive sujet, et Françoys, François, puis
Français.
Elle supprima aussi le c d'origine latine dans bienfaictenr
et bienfaictrice, et le ç dans sçavoir^ sçavant, Ye dans le mot
insceu (J), impreveu, indeu, salisseure, souilleure, al leur e ,
beuveur , creu, deu, et grand nombre d'autres ; vuide, nopce,
nud, furent abrégés; le c et Ve disparurent dans picqueure
[piqûre) ; enfin l'Académie remplaça un grand nombre de th
et de ph par t et par /, et, contrairement à la première et à la
seconde édition, elle retrancha le ^ final au pluriel des substan-
tifs se terminant par t au singulier ; elle écrivit donc les pa-
rens, les élémens, les enfans, etc., au lieu de les parents, les
éléments, les enfants, etc. On ne voit pas pourquoi elle écrivit
flatterie par deux t contrairement aux deux premières édi-
tions et à la manière d'écrire de Bossuet et de Fénelon et
même aux Cahiers pour l'Académie.
L'abbé d'Olivet, à qui l'Académie confia ce travail, l'exé-
cuta conformément à ce qu'elle avait déclaré dans la préface :
f( qu'on travailleroit à ôter toutes les superfluités qui pour-
ce roient être retranchées sans conséquence » , et il remarque
(( qu'en cela, le public étoit allé plus vite et plus loin qu'elle. »
J'ai fait le relevé comparatif de ces suppressions de lettres :
sur les 18,000 mots (2) que contenait la première édition du
(1) Voici les variations d'orthograplie de ce mot : 1" édition, ïmçeM, T édiî.,
insceu, 3* édit., insçu, 4^ édit., insçu, G^ édit., insu.
(2) La table de l'édition de 1694 contient 20,000 mots; mais 2,000 mots se com-
posent de participes ou de locutions adverbiales.
iff
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 13
Dictionnaire de l'Académie, près de 5,000 furent modifiés par
ces changements.
Malgré l'importance de ces réformes, on regrette que l'Aca-
démie n'ait pas fait encore plus, puisqu'elle constate qu'en cela
le public était allé plus loin et plus vite quelle (1); mais d'O-
livet, qui reconnaît «n'avoir pu établir partout l'uniformité qu'il
aurait désirée, » fut sans doute retenu par la crainte de contra-
rier trop subitement les habitudes. Il suffisait pour cette fois
d'ouvrir la voie dans laquelle l'Académie continue d'âge en
âge à perfectionner l'orthographe.
Cette édition, qui parut en 1762, se distingue particulière-
ment par l'addition d'un grand nombre de termes élémentaires
consacrés aux sciences et aux arts; parla séparation de l'I
voyelle de la consonne J et celle de la voyelle U de la con-
sonne V, d'après l'exemple qu'en avait donné la Hollande; par
la simplification de l'orthographe d'un grand nombre de mots
(1) Histoire de V Académie françoise , par d'Olivet. C'est dans la Correspon-
dance inédite, adressée au président Bouhier (Lettre du l^r janvier 1736), qu'on
trouve ces curieux détails :
« A propos de TAcadémii;, il y a six mois que l'on délibère sur l'orthographe;
car la volonté de la compagnie est de renoncer, dans la nouvelle édition de son
Dictionnaire, à l'orthographe suivie dans les éditions précédentes, la première et la
deuxième; mais le moyen de parvenir à quelque espèce d'uniformité? Nos délihé-
raiions, depuis six mois, n'ont servi qu'à faire voir qu'il éloit impossible que rien
de systématique partît d'une compagnie. Enfin , comme il est temps de se mettre
à imprimer, l'Académie se détermina hier à me nommer seul plénipotenciaire à
cet égard. Je n'aime point cette besogne, mais il faut bien s'y résoudre, car, sans
cela, nous aurions \u arriver, non pas les calendes de janvier 1736, mais celles
de 1836, avant que la compagnie eût pu se trouver d'accord. »
Dans sa lettre du 8 avril 1736 il écrit : « Coignard a, depuis six semaines, la
lettre A, mais ce qui fait qu'il n'a pas encore commencé à imprimer, c'est qu'il
n'avoit pas pris la précaution de faire fondre des É accentués, et il en faudra beau-
coup, parce qu'en beaucoup de mots nous avons supprimé les S de l'ancienne
orthographe , comme dans despescher, que nous allons écrire dépêcher, tête ,
mâle, etc. »
14 DICTIONNAIRE DE L'ACADEMIE.
au moyen de la suppression de lettres inutiles, et par divei'ses
rectifications.
L'Académie expose ainsi ce qu'elle a fait :
(( Les sciences et les arts ayant été plus cultivés et plus répan-
dus depuis un siècle qu'ils ne Eétoient auparavant, il est ordinaire
d'écrire en françois sur ces matières. En conséquence, plusieurs
termes qui leur sont propres, et qui n'étoient autrefois connus
que d'un petit nombre de personnes, ont passé dans la langue
commune. Auroit-il été raisonnable de refuser place dans notre
Dictionnaire à des mots qui sont aujourd'hui d^un usage presque
général ? Nous avons donc cru devoir admettre dans cette édition^
les termes élémentaires des sciences, des arls, et même ceux des
métiers, qu'un homme de lettres est dans le cas de trouver dans
des ouvrages où l'on ne traite pas expressément des matières aux-
quelles ces termes appartiennent.
....« L'Académie a fait dans cette édition un changement assez
considérable, que les gens de lettres demandent depuis long-temps.
On a séparé la voyelle I de la consonne J, la voyelle U de la con-
sonne V, en donnant à ces consonnes leur véritable appellation ;
de manière que ces quatre lettres, qui ne formoient que deux clas-
ses dans les éditions précédentes, en forment quatre dans celle-ci;
et que le nombre des lettres de l'alphabet, qui étoit de vingt-trois,
est aujourd'hui de vingt-cinq. Si le même ordre n'a pas été suivi
dans l'orthographe particulière de chaque mot, c'est qu'une régu-
larité plus scrupuleuse auroit pu embarrasser quelques lecteurs,
qui, ne trouvant pas les mots où l'habitude les auroit fait chercher,
auroient supposé des omissions. On est obligé de faire avec ména-
gement les réformes les plus raisonnables.
.... « Nous avons supprimé dans plusieurs mots les lettres dou-
bles qui ne se prononcent point. Nous avons ôté les lettres, b, d,
h, s, qui étoient inutiles. Dans les mots où la lettre s marquoit
l'allongement de la syllabe, nous l'avons remplacée par un accent
circonflexe. Nous avons encore mis, comme dans l'édition précé-
dente, un i simple à la place de Vy partout où il ne tient pas la place
d^un double i, ou ne sert pas à conserver la trace de Tétymologie.
Ainsi nous écrivons /o/, loi, roi, etc., avec un i simple; royaume,
moyen, voyez, etc., avec un y, qui tient la place du double i;
physique, synode, etc., avec un y qui ne sert qu'à marquer l'éty-
mologie. Si l'on ne trouve pas ime entière uniformité dans ces re^
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 15
tranchemens, si nous avons laissé dans quelques mots la lettre
superflue que nous avons ôlée dans d'autres, c'est que l'usage le
plus commun ne nous permettoit pas de la supprimer. »
L'Académie crut cependant devoir abandonner dans quel-
ques mots usuels Vy étymologique qu'elle remplaça par Vi,
et, comme elle l'avait fait dès sa première édition pour cristal,
cristalliser, cristallin, etc., elle supprima Vy à chimie, chi-
mique, chimiste, alchimie, alchimiste, qui, dans la précé-
dente, étaient écrits chymie, chymique, chymiste, alchymie,
alchijmiste ; Xy dans absinthe et yvroie fut avec toute raison
remplacé par Yi. L'Académie supprima aussi, dans un grand
nombre de mots, les th, les ph, les ch, et adopta détrôner^
scolarité, scolastique, scolie, scrofule et scrofuleux, pascal (1),
patriarcal, patriarcat, flegme, flegmatique, que la troisième
édition écrivait encore déthrôner , scholarité , scholastique ,
scholie, paschal, patriarchal, patriarchat, phlegme^ phleg-
matique.
Ces mots fl^me, flegmatique, écrits sans ph, furent donc
ajoutés dans cette quatrième édition à ceux àe. fantôme^ fré-
nétique, etCr, ainsi écrits dans la troisième édition, après
avoir d'abord figuré avec ph, dans la première édition. L'A-
cadémie supprima quelques lettres doubles, comme dans les
mots agrafe, agrafer, argile, éclore, poupe, etc.^ au lieu
^agraffe, agraffer, argille^ éclorre^ pouppe\ et, parmi
quelques autres changements, je remarque qu'au lieu de coeffe^
coeffer», coeffeur, elle écrit coiffe, coiffer, coiffeur \ genou,
au lieu de genouil ; anicroche, au lieu de hanicroche ; reè
de chaussée, au lieu de raiz de chaussée ; spatule^ au lieu
de espatule, qu'elle aurait même dû écrire spathule, puisque
ce mot vient de cTràÔyi ; mais alors on tenait moins compte de
l'étymologie.
(1) On a donc lieu de s'étonner de voir Vh conserve danà anûchoi^ète, caté-
chumène (bien qu'à toutes les éditions antérieures l'Académie prévienne, de même
qu'elle le taisait pour paschal et patriarchal, que Vh ne se prononce pas).
16 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Profitant un peu tard des réflexions de Messieurs de Port-
Royal (Arnauld et Lancelot) , qui , dans leur Grammaire ,
avaient condamné avec raison la vicieuse épellation :
bé, ce, dé, é, effe, gé, ache, ji, elle, emme, enne, erre, esse, vé, ixe,
zedde,
l'Académie, après avoir suivi dans cette quatrième édition cet
ancien mode d' épellation pour les premières lettres, se ravi-
sant ensuite, l'indique ainsi :
t'e, ge, he,je, le, me, ne, re, se, ve, xe, ze.
Cette méthode, qui n'est mise en pratique que depuis peu
de temps, rend l'épellation un peu moins difficile; et, en effet,
bien que nous ayons, et avec tant de peine ! appris à lire, pro-
noncerions-nous sans hésiter les mots qu'on nous a fait ainsi
épeler :
erre e pé u té a té i o enne réputation
a i elle elle e u erre esse ailleurs
dé a u pé ache i enne dauphin
qu u i ce 0 enne qu u e quiconque
pé ache a esse e phase
Dans cette quatrième édition, la suppression du t final au
pluriel des mots (substantifs ou adjectifs) terminés en ant et
ent fut maintenue, et l'Académie continua à écrire, contraire-
ment aux deux premières éditions : les enfans, les passans, les
élémens^ les parens.
C'est aussi dans cette édition que l'Académie indiqua, d'une
manière bien plus complète qu'elle ne l'avait fait dans la pré-
cédente, l'orthographe des temps des verbes dont elle donna
le modèle de conjugaison ; ainsi au mot voir on lit : je voi ou
je VOIS , il voit, nous voyons, vous voyez, ils voyent ; je
voyois, etc. Il est regrettable que l'indication de cette double
forme de la première personne du présent de l'indicatif ne se
trouve pas reproduite dans le Dictionnaire aux autres mots,
tenir, venir, vaincre, connaître, etc., ce qui aurait laissé aux
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 17
poètes la liberté d'employer l'une ou l'autre forme, comme l'a
fait si souvent Corneille pour je tien^ je vien^ je voi^ je vinc^
je cognoi (1). Cette orthographe, conforme à la conjugaison
latine, video^ - es, - et, permet de distinguer la première per-
sonne de la deuxième du présent de l'indicatif, je vien, tu
viens, il vient, et cela d'accord avec le vieux français et les
anciennes grammaires françaises , celles des Estienne entre
autres, où ïs n'existe pas à la première personne du singulier
du présent de l'indicatif de nos verbes.
CINQUIÈME ÉDITION.
Publiée en dehors du concours de l'Académie, l'édition citée
quelquefois comme la cinquième n'a point été cependant re-
connue officiellement. Et, en effet, bien que le titre porte : Dic-
tionnaire de r Académie française, revu^ cojTîgé et augmenté
par V Académie elle-même , cette cinquième édition ne fut
point donnée par l'Académie ; elle ne parut qu'en vertu d'une
LOI datée du premier jour complémentaire de Van 111 de
la République française (179S), portant que : X Exemplaire
du Dictionnaire de V Académie françoise, chargé de notes
marginales, sera publié par les libraires Smith, Maradan
et compagnie.
Et l'article III porte : « Lesdits libraires prendront avec les
« Gens-de-Lettres de leur choix les arrangements nécessaires
(( pour que le travail soit continué et achevé sans délai (2) . »
(1) On en trouve des exemples dans La Fontaine, Racine, Molière et même dans
Voltaire :
La mort a respecté ces jours que je te doi,
Pour me donner le temps de m'acquitter vers toL [Alzire, II, 2.)
Je trouve aussi quelquefois dans sa correspondance pui-je.
(2) Garât, dans la préface dont il fut le rédacteur, dit ; « Il y avoit trois Aca-
démies à Paris : l'une consacrée aux Sciences ; l'autre aux recherches sur l'Anti-
quité ; la troisième à la Langue Françoise et au Goût. Toutes les trois ont été
accusées d'aristocratie, et détruites comme des institutions royales nécessairement
dévouées à la puissance de leurs fondateurs. »
'2
18 DICTIONNAIRE DE L'ACADEMIE.
Dans quelle proportion les notes marginales, œuvre de
l'Académie, figuraient-elles dans cette révision, on l'ignore;
l'exemplaire original n'a pas été conservé , mais la majeure
partie des additions sont dues à Selis et à l'abbé de Vauxelles,
auxquels fut adjoint un correcteur habile, Gence.
Cette édition parut en 1795 : elle fut donc revue et impri-
mée en trois ans.
On aurait pu croire qu'à cette époque, où l'Académie par
son absence laissait toute liberté aux améliorations orthogra-
phiques, les concessionnaires en auraient largement profité
en vue de faciliter l'éducation publique ; mais, par ces chan-
gements trop apparents, le prestige attaché au nom de Dic-
tionnaire de l'Académie eût été amoindri ; et comme cette entre-
prise faite sans son aveu avait en vue plutôt un but commercial
que littéraire, les éditeurs, pour mieux lui conserver son ca-
ractère, crurent devoir ne rien innover, et rejetèrent à la
fm en appendice « les mots ajoutés à la langue par la Ré-
volution et la République ». Je ne vois donc, quant à l'or-
thographe, que quelques mots, tels q\i analise, analiser,
analitique, où Y y ait été remplacé par Vi, et dès lors l'im-
primerie adopta cette orthographe; mais du moment où Vij
fut rétabli par l'Académie dans sa sixième édition, il reparut
dans toutes les impressions, de même qu'il disparaîtra, si
l'Académie croit devoir lui substituer ïi dans l'édition qu'elle
prépare.
SIXIÈME ÉDITION.
Dans sa sixième édition, publiée en 1835, l'Académie, se dé-
jugeant elle-même, ne sanctionna plus la suppression du t final
au pluriel des mots dont le singulier se terminait en ant et en
ent, et, après une discussion approfondie, elle crut devoir
rétablir au pluriel le ^ à tous les mots d'où elle l'avait fait
disparaître dans les deux précédentes éditions* En écrivant
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 19
dès lors amants, éléments^ parents^ passants, et non amans^
élémens, parens, passans, toute confusion avec l'écriture des
mots dont le singulier est en an, comme artisans, charlatans,
paijsans,passans, etc., cessait, et l'orthographe des féminins
pluriels paijsannes et amantes ne pouvait offrir d'équivoque.
Troncper ainsi au pluriel la finale du singulier, c'était contre-
venir à la règle grammaticale qui forme le pluriel par l'addi-
tion de 1*5.
Malgré le besoin de simplifier l'écriture, ce retour à un an-
cien principe , qui nécessitait cependant une addition considé-
rable de lettres, fut accepté, bien qu'il contrariât les habitudes
déjà prises ; il était logique. Toutefois je dois dire que quel-
ques auteurs et imprimeurs maintiennent encore la suppression
du t\ tant on a de peine à ajouter des lettres, tant la tendance
à les supprimer est caractéristique.
C'est dans cette sixième édition qu'une innovation impor-
tante fut enfin admise par l'Académie : la substitution de Y a
à l'o dans tous les mots où Xo se prononçait a. L'Académie
suivit en cela l'exemple donné par Voltaire (1). Cette modifica-
tion, qui s'étendit sur un grand nombre de mots, fut accueillie
du pubfic avec reconnaissance, malgré l'opposition opiniâtre de
Chateaubriand, de Nodier et de quelques académiciens. Main-
tenant que cette orthographe a prévalu, oserait-on écrire ou
même regretter faimois^ il était ^ qu'il paroisse ?
(1) Corneille faisait rimer cognoistre, connoître , reconnoistre , reconnoître,
avec naître, renaître, traître, et paroistre avec estre. Vingt-six ans avant l'ap-
parition du Dictionnaire de l'Académie , on lit dans la première édition de l'An-
dromaque de Racine, acte III, se. i, ces vers :
M'en croirez-vous? lassé de ses ti^ompeurs attraits,
Au lieu de l'enlever, Seigneur, ie la fuirais,
où l'o est remplacé par Va dans fuirais^ innovation à laquelle Racine crut devoir
renoncer, puisque j sept ans plus tard (en 1675), il corrigeait ainsi ce vers, pour
se conformer à l'Usage :
Ail lieu de l'enlever, fuyez-la pour jamais.
20 DTCTIONNAIRE DE L'ACADKMIE.
Les amélioratioiis dans cette édition ne se bornèrent pas à
ces deux grands changements dans l'orthographe; l'uniformité
de la prononciation depuis un siècle permit de régulariser en
grande partie l'emploi des accents et de supprimer beaucoup
de lettres effacées dans la prononciation; l'écriture des dérivés
devint plus conforme à celle de leurs simples (1) ; enfin l'iVca-
démie, en réunissant, par l'introduction des tirets ou traits d'u-
nion, les mots ou locutions adverbiales, tenta de remédier a
l'inconvénient de laisser séparés des mots qui, lorsqu'ils
sont isolés, offrent un sens tout autre que celui qu'ils ac-
quièrent par leur union.
Mais, durant les soixante-treize années d'intervalle entre la
quatrième et la sixième édition, que de changements opérés
en France!. Un nouvel ordre de choses était né, et, pour re-
fléter les passions de la tribune et de la presse, le langage
avait vu son domaine s'accroître de locutions inconnues aux
grands auteurs du xvif siècle, à Rousseau, à Voltaire lui-
même. En législation, en économie sociale, en administration,
tout était transformé, et, dans l'ordre matériel, de grands
progrès s'étaient accomplis. Chaque mot concernant la juris-
prudence, la politique, les sciences et les arts, exigeait une
révision scrupuleuse ou un examen attentif. L'Académie ne
devait donc admettre qu'avec prudence et après de longues
discussions des néologismes qui pouvaient n'être qu'é-
phémères. Sous la direction successive des secrétaires perpé-
tuels, MM. Raynouard, Auger, Andrieux, Arnault, Villemain,
fut accompli ce grand travail, qui ne dura pas moins de quinze
années.
On ne s'en étonnera pas, si l'on songe aux difficultés que
présentait la définition de certains mots, tels que Liberté,
(1) Psaume mW^nà^pseaume, incongrûment au lieu dHncongruemeni, dé-
grafer au lieu de dégraffer, et souvent et par une fâcheuse rectification, char-
riage, charrier et charrette, qui, dans les précédentes éditions, s'écrivaient
chariage et charter, comme chariot, etc.
DICT[ONÎNAIRE DE L'ACADEMIE. 2!
Droit, Constitution^ qui chacun ont occupé quelquefois toute
une séance de l'Académie entière, devant laquelle chaque mot,
rédigé d'abord par une commission nommée dans son sein, était
discuté ensuite, entre MM. de Pastoret, Dupin, Royer-Collard,
de Ségur, Daru, etc., pour tout ce qui concerne la jurispru-
dence ou la législation, l'administration ou la diplomatie ;
Andrieux , Villemain , de Féletz , Campenon , Lacretelle ,
Etienne, Arnault, etc. , pour tout ce qui tient à la grammaire
et à la délicatesse de la langue ;
Guvier, Raynouard, de Tracy, Cousin, Droz, etc., pour
toutes les matières de science, d'érudition et de philosophie.
Indépendamment des ressources que lui offrait la variété des
connaissances de tant d'hommes supérieurs, l'Académie eut
souvent recours aux membres les plus distingués des autres
Académies, tels que Biot, Fourier, Thenard, Arago, pour la
révision d'articles qui sortaient de ses attributions spéciales.
Mais ce mouvement général des esprits eut une influence
très-marquée et, on peut le dire, regrettable sur l'orthographe
et l'intégrité même du français. Dans les sciences d'observa-
tion, physique, chimie, botanique, zoologie, nosologie, tout
était renouvelé ; leur classification et leur nombreuse nomen-
clature exigeaient un accroissement et une création de termes
nouveaux, pour lesquels la littérature grecque offrait, dans son
vaste domaine scientifique, une mine inépuisable. Ce fut donc à
la langue grecque, dont la flexibilité et la richesse se prêtaient
si bien à la composition des mots destinés à exprimer ces
nouveaux besoins, que l'on dut naturellement recourir pour
forger et souder cette multitude de termes spéciaux. Par ce
moyen, une définition qui eût exigé en français une longue
périphrase se trouvait concentrée en un seul mot ; mais, comme
ces composés n'étaient intelligibles qu'à ceux qui savaient le
grec, ils dé francisaient notre langue.
Sous l'impression de cet envahissement archéologique, l'A-
cadémie, dans sa sixième édition, eut un moment d'hésitation,
22 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE,
et tenta même, pom- trois ou quatre mots d'origine grecque, déjà
surchargés de consonnes, d'y ajouter encore une h : rythme
devint rhythme^ aphte devint aphthe, phtisie devint phthisie,
et diphtongue (que Corneille et l'Académie elle-même écri-
vaient toujours ainsi) devint diphthongue \ synecdoque, ainsi
écrit dans la quatrième édition, devint synecdoche. Cet essai
malheureux, qui partait d'un principe contraire au génie de
notre langue, fut généralement réprouvé, et ne servit qu'à mieux
démontrer la tendance de l'écriture française, du moins pour
les mots usuels, à se rapprocher des formes de notre ancienne
langue, antipathique à l'appareil scientifique desph et des th.
Une distinction devrait donc s'établir entre les termes d'un
ordre purement scientifique, qui, par leur nature même, con-
viennent à des ouvrages spéciaux (1), et les mots qui, quoique
savants, sont indispensables à la langue usuelle dont ils font
partie. Tout en éloignant l'idée f'e rien changer à la nomen-
clature purement scientifique (excepté le ph qui serait si bien
remplacé par notre /), et en reconnaissant l'utilité des com-
posés grecs où se complaisent les adeptes, on désirerait que,
du moment où un mot a servi comme une monnaie nationale
à la circulation journalière, il n'apparût au Dictionnaire de
l'Académie que revêtu de notre costume : l'Usage, en lui don-
nant le droit de cité, l'a rendu français.
Après avoir successivement supprimé dans un si grand
nombre de mots les lettres étymologiques et introduit d'im-
portantes modifications dans les signes orthographiques,
l'Académie jugera peut-être le moment venu d'imiter (et
sa tâche serait bien moindre) l'exemple que ses prédéces-
seurs lui ont donné, surtout dans leur troisième édition. La
liste des mots où pourraient s'opérer ces modifications n'est
(1) Tel est le Dictionnaire de Nysten, continué par MM. Littré et Robin. 11
suffit de jeter un coup d'œil sur les mots qui le composent pour reconnaître
qu'ils n'ont rien de français.
DICTIONNA.IRE DE L'ACADÉMIE. 23
I
^H point aussi considérable qu'on serait tenté de le croire.
^H L'usage si fréquent que j'ai dû faire , et que j'ai vu faire
'^^ sous mes yeux, dans ma longue carrière typographique, du
Dictionnaire de l'Académie, m'a permis d'apprécier quels sont
les points qui peuvent offrir le plus de difficultés. J'ai cru de
mon devoir de les signaler.
L'Académie rendrait donc un grand service, aussi bien au
public lettré qu'à la multitude et aux étrangers, en continuant
en 1868 l'œuvre si hardiment commencée par elle en 1740
et qu'elle a poursuivie en 1762 et en 1835. Il suffirait, d'après
le même système et dans les proportions que l'Académie ju-
gera convenables :
1" De régulariser l'orthographe étymologique de la lettre )^,
ch\ et de substituer aux 6, M, et 9, ph^ nos lettres françaises
dans les mots les plus usuels; d'ôter Y h à- quelques mots où il
est resté pour figurer l'esprit rude (') ;
2° De supprimer, conformément à ses précédents , quelques
lettres doubles qui ne se prononcent pas ;
3° De simplifier l'orthographe des noms composés, en les
réunissant le plus possible en un seul mot ;
4° De régulariser la désinence orthographique des mots ter-
minés en ant et ent ;
5° De distinguer , par une légère modification (la cédille
placée sous le ^), des mots terminés en tie et tion^ qui se pro-
noncent tantôt avec le son du t et tantôt avec le son de 1'^;
6*" De remplacer, dans certains mots, Y y par l'z;
7" De donner une application spéciale aux deux formes g
et g au cas où le /, dont le son est celui du g doux, ne serait
pas préférable;
8** De substituer 1'^ à Vx, comme marque du pluriel à cer-
tains mots, comme elle l'a fait pour lois^ au lieu de loix (lex^ la
loi, leges^ les lois).
Parmi ces principales modifications généralement récla-
21 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
niées, l'Académie adoptera celles qu'elle jugera le plus iai-
portantes et le plus opportunes. Quant à celles qu'elle croira
devoir ajourner, il suffirait, ainsi qu'elle l'a fait quelquefois
dans la sixième édition , et conformément à l'avis de ses Ca-
hiers de 1694 (1), d'ouvrir la voie à leur adoption future au
moyen de la formule : Quelques-uns écrivent... ; ou en se ser-
vant de cette autre locution : On pourrait écrire. . . Par cette
simple indication, chacun ne se croirait pas irrévocablement
enchaîné, et pourrait tenter quelques modifications datis l'écri-
ture et dans l'impression des livres.
Voici ce qui est dit en tête même des Cahiers de remarques
sur r orthographe françoise pour estre examinez par chacun
de Messieurs de l'Académie :
« La première observation que la Compagnie a creu devoir
« faire^ est que^ dans la langue françoise., comme dans la
(( pluspart des autres^ F orthographe nest pas tellement fixe
{( et déterminée qu'il ny ait plusieurs mots qui se peuvent
(( escrire de deux différentes manières^ qui sont toutes deux
(( esgalement bonnes^ et quelquefois aussi il tj en a une des
« deux qui n'est pas si usitée que Fautre^ mais qui ne doit
« pas estre condamnée (2) . »
Les changements, lorsqu'ils s'introduisent successivement
dans l'orthographe, ne sauraient causer un grave préjudice
aux éditions récentes. Ces modifications passent inaperçues
d'une partie du public et se perdent dans la masse. On peut
d'ailleurs en juger par la comparaison de l'orthographe des
textes originaux de nos écrivains dits classiques avec celle de
leurs éditions récentes : modifiée du vivant même de l'auteur
et plus tard par les progrès successifs de l'écriture académique,
(1) Voyez l'Appendice A.
(2) Soit donc que l'Académie écrive orthographe et môme oriogrnfie, orto-
■graphe ou ortografe, elle pourrait ajouter : [On a écrit aussi ortographie.]
Dans le Dictionnaire de Nicod (Paris, 1614,in-4o), on ne trouve point orthogra-
phe, mais ortographie, conformément à Du Bellay, qu'il cite pour autorité.
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 25
elle diffère sensiblement de l'impression primitive. Aucun
trouble cependant n'en est résulté dans les habitudes , et
nous lisons sans difficulté nos grands écrivains du dix-septième
siècle dans leurs éditions originales. Leur antiquité leur prête
même un charme de plus.
Toute innovation^, sans doute, surprend et paraît même cho-
cante au premier abord ; mais, une fois introduite^ elle devient
aussitôt familière. C'est une véritable conquête qui, dès lors et
d'un consentement unanime, fait partie du domaine public.
Et, en effet, qui voudrait aujourd'hui écrire, conformément
au Dictionnaire de 1694 : adveu, advoué, abysmer^ aisrié, au-
theur, hienfacteur^ connoistre (1), chresme^ desgoustant, es-
crousté^ feslé^ horsmis, yvro7/e, pharitosme, phlegme, etc. ; ou
bien encore : costeau, deschaisnement ^ déthronef^ entesté^
eschole^ espy, gayeté, giste^ mechanique^ monachal^ noircis-
seure, ostage, ptisanne, saoul, thresorier, stomachaL (2), je
sçay, vuidey vuider, etc.?
(0 congnoistre, Manuscrits de l'Hospital et autres.
cognoislre, Dict. de Robert Estienqe, 1540.
connoistre, 1'" édit. du Dicf. 1694.
connoistre, 2" édit. du Dict. 1718.
connaître, 3* édit. du Dict. 1740.
connoître, 4^ édit. du Dict. 1762.
connaître, 6^ édit. du Dict. 1835.
On propose d'écrire, dans la nouvelle édition, conformément à la prononciation,
conaître, avec un seul w, et l'on devrait môme écrire conètre^ ce qui distingue-
rait, d'accord avec l'étymologie, naître, venant de nasci (nascerunt ou nascêre),
de conètre qui vient de noscere. Ainsi, sur dix lettres, trois auraient successi-
vement disparu sans le moindre inconvénient. Dans un manuscrit inédit du
chancelier Michel de l'Hogpilal, que je possède, je lis même ce mot, écrit par-
tout avec un n de plus, congnoissance. C'est ainsi que à'eschole on a fait défini-
tivement école, en supprimant deux lettres en ce mot seul qui en avait sept. Il
en est de même de espy, desgoustant, estesté, qui sont devenus épi, dégoûtant,
étêté, etc. On pourrait même quelquefois , en se rapprochant de l'origine latine,
simplifier l'orthographe de certains mots. Ainsi, pourquoi écrire, vaincre, vain-
queur, les mots vincere, vic^or, irrégulièrement transportés du latin .^ Puisque
nous écrivons victorieux et invincible , écrivons vincre et vinqueur, ne fût-ce
que pour conserver l'uniformité d'orthographe dans ce vers :
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.
(2) L'Académie écrivait, dans sa première édition, stomachal; dans la seconde.
1
26 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Avec la deuxième édition, celle de 1718 : abbatre^ abesth\
adjouster^ advis, advoué, asne^ bestise, beveue^ creii, dépost,
desdain, eslain^ estincelle^ espatule^ estuy^ inthroniser^ le-
veure^ obmettre^ 'pluye^ pourveu^ quarrure^ relieure^ vray-
semblance^ etc.?
Avec la troisième édition, celle de 1740 : chymie, alchymie^
chymiste^ etc., frére^ mére^ namgei\ quanqiiam (pom' can^
can), potriarchal, paschal, pseaume, quadre, quadrer^ des
qualitez, des airs affectez ^ etc. ?
Avec la quatrième édition : foible, faiblesse^ enfans^ pa-
renSn, qu'il paroisse^ écrit comme la paroisse ^ pseaume^ recoYi"
noissance^ je voîdois, ils étoient (écrit auparavant estaient^
puis enfin étaient) ?
Dès à présent on s'étonne d'écrire avec la sixième : cuiller^
roideur ^ roide ^ aphthe ^ phthisie ^ rhythme^ diphthongue.
Quatre consonnes de suite ! l'orthographe du quinzième siècle
n'en admettait que deux et écrivait diptongue, spère {sphère on
plutôt sfère), (7<patpa.
Si l'orthographe étymologique a l'avantage, bien faible à
mon avis, de mettre sur la trace des racines, et d'aider parfois
à deviner la signification du mot quand on possède à fond les
langues anciennes, ce système qui, pour être rationnel, ne sau-
rait admettre ni transaction ni demi-parti, sans mettre souvent
en échec le savoir philologique , n'est plus, depuis 1740, un
système, c'est le désordre. D'ailleurs l'étymologie n'est souvent
qu*un guide peu sûr pour découvrir le sens actuel des vocables
dont la signification s'est modifiée dans le cours des âges, au
point de devenir méconnaissable, ainsi que M. Villemain l'a
si bien démontré dans la préface du Dictionnaire de 1835.
Il ajoute même, et avec plus de^orce encore, cette réflexion :
« La science étymologique n'est pas nécessaire pour la par-
faite intelligence d'une langue arrivée à son état de perfection.
stomacal; dans la troisième, stomachal\ dans la quatrième et la sixième,
stomacal^ qui est sa forme définitive.
DICTIONNAIRE DE L'ACADEMIE. 27
L'analogie et Tétymologie peuvent bien fournir matière à quel-
ques observations curieuses et plus souvent encore à des dis-
putes inutiles, mais elles ne déterminent pas toujours la vé-
ritable signification d'un mot, parce qu'il ne dépend que de
l'usage. Rien, en effet, n'est plus commun que de voir des mots
qui passent tout entiers d'une langue dans une autre, sans
rien conserver de leur première signification. »
En effet, quel avantage peut offrir à l'esprit, même pour qui
sait le grec, la présence du ph ou th dans les mots de la langue
usuelle, surtout quand, effacés dans certains mots, on les voit
reparaître dans d'autres dérivés également du grec? Lamé-
moire, quelque présente qu'elle soit, vient-elle jamais assez tôt
aider l'intelligence pour lui indiquer le sens en français du mot
primitivement grec ? Prenons pour exeipples les mots strophe
et apostrophe : l'un et l'autre viennent de TpeTCto, cTpsçco, qui
signifie tourner-, mais, pour trouver quel rapport relie ce mot
avec strophe, il faut se représenter le mouvement demi-circu-
laire de choristes chantant ensemble des pièces lyriques, aux-
quels d'autres choristes exécutant un mouvement contraire ré-
pondent par un autre chant, ce que sti^ofe représente aussi
bien que strophe. Quant à apostropher, qui dérive aussi du
verbe TpÊirto ou cTpscpw, il faut savoir que, par cette figure de
rhétorique, on doit voir le geste et l'animation de l'orateur se
tournant vers la partie adverse pour l'apostropher.
Et quant à la figure de grammaire, Y apostrophe^ qui dérive
aussi du même verbe, je suis assez embarrassé de l'expliquer.
A en juger par l'aspect qu'offre la forme demi-circulaire de
ce signe (' ), dont l'emploi indique l'éUsion, j'aimerais à y voir
rinfluence du verbe TpeTCw, tourner, mais les savants ne sont
pas d'accord à ce sujet.
Obtient-on plus de lumières quand on sait que thèse (Vol-
taire écrivait tèse) vient de Tt67](j!.t, placerl Par quel effort
de mémoire se rappeler les détours qui rattachent ce verbe avec
la thèse que soutient un candidat !
28 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Ces curiosités offrent quelque intérêt au très-petit nombre
de ceux qui se livrent à ce genre d'études , mais ces mots,
qu'ils soient écrits avec ou sans th et ph^ seront tout aussi
bien présents à leur esprit que Test notre vieux mot frairie,
quoique écrit avec notre / et qui rappelle tout aussi bien
phratria des Latins, et <ppaTpta des Grecs, que si on l'écrivait
phrairie. Que rhétorique m^xme, de psw, couler comme de Veau^
et flegme de (p>^£y[^.a, qui signifie mflamrnation et pituite^
c'est par des déductions bien éloignées que l'on peut s'y re-
connaître. Je ne vois point quel avantage il y aurait à écrire
phrénésie au lieu de frénésie^ puisque l'esprit n'est en rien
soulagé lorsqu'en lisant ce mot il doit se rappeler que <pp*/iv,
d'où il dérive, signifie esprit^ jugement^ ce qui est précisément
le contraire de frénésie^ frénétique (1).
Ces minutieuses distinctions, du domaine de la philologie^
et sujettes à des discussions interminables, maintenant surtout
que les origines sanscrites sont invoquées en étymologie, doi-
vent-elles prendre place dans l'enseignement de l'ortho-
graphe ? est-ce, d'ailleurs, dans un Dictionnaire de la langue
usuelle qu'elles doivent s'offrir ?
La conclusion logique de tout ceci, c'est qu'il n'y a pas lieu
de tenir rigoureusement compte de ce genre d' étymologie dans
l'écriture, et qu'on ne doit la conserver qu'aux mots spéciale-
ment consacrés à la science et de récente formation.
Un helléniste, d'ailleurs, reconnaîtra tout aussi bien dans une
orthographe française simplifiée les vestiges grecs ou latins que
le fait dans sa langue un ItaUen ou un Espagnol. Qu'on écrive
phénomène ou fénomène, fantôme ou phantôme, orthographe
ou ortographe ou plutôt ortografe (et mieux encore ortografie),
diphthongue ou dif longue^ métempsxj chose ou métempsycose^
(1) 4>pevtTtàto, qui dérive également de çpr.v, a, il est vrai, le sens que nous
donnons à./rewesJe; mais, pour recourir même à cette origine, il faudrait écrire
ce mol frénisie ou fréniie, frénitique, et non frénésie, frénétique : en grec
cppevïTiç, çpeviTixô;.
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 29
r
^H ce sont toujours des mots grecs pour celui qui sait le grec :
mais il s'étonnera de voir certains mots ainsi accoutrés, tandis
que d'autres de même provenance ne le sont pas. Cette ma-
nière d'écrire, agréable à certains humanistes, satisfait-elle
toujours un goût délicat? Molière eût-il vu avec plaisir son
Misantrope et suPsiché écrits autrement qu'il ne l'a fait dans
toutes ses éditions (Ij? Quant aux personnes, en si grand
nombre, qui ne savent pas le grec, l'orthographe étymolo-
gique ne peut leur être d'aucun secours. Doit-on faire ap-
prendre le grec dans les écoles primaires ? Il faudrait même
alors que cette étude, aussi bien que celle du latin , précédât
l'enseignement du français. D'ailleurs, ces mots que nous écri-
vons tantôt par th et ph et tantôt par t ou /, bien que tous
dérivés du grec, avaient primitivement un son dès longtemps
perdu et que n'a jamais connu la basse latinité d'où procède
notre langue. Ainsi fameux, dérivé de o'/ip, en éohen (pa^xa,
transformé par les Latins en fama, d'où famosus , n'a pas été
écrit par eux avec ph, parce que, disent les grammairiens,
les mots écrits par ph se prononçaient avec une différence
marquée, pour distinguer le /et le ph. Quintilien nous apprend
que les Latins, en i^rononçant fordeum (pour hordeum) et
fœdiis , faisaient entendre un son doucement aspiré , mais
qu'au contraire les Grecs donnaient à leur 4> une aspiration
très-forte, au point que Gicéron se moquait d'un témoin qui,
ayant à prononcer le nom de fundanius,ne pouvait en profé-
rer la première lettre (2). Puisque nous savons qu'il a plu aux
(1) La première édition du Misantrope est de 1667 ; celle de Psiché, de 1671.
Dans les diverses éditions des œuvres jusqu'à celle de 1739, 8 vol. in-I2, donnée
soixante-six ans après la mort de l'auteur, je vois ces deux comédies exacte-
ment imprimées sous ce titre, et le Théâtre-Français avait si bien conservé l'an-
cienne tradition que l'un de nos plus célèbres académiciens se rappelle avoir vu
dans sa jeunesse, sur les affiches du Théâtre-Français, le nom du Misantrope
écrit sans h. On n'a plus, malheureusement, aucun maimscrit de la main de Mo-
lière, mais on peut être assuré qu'il écrivait selon l'orthographe française.
(2) < Quin fordeum fœdusgue pro aspiralione vel simili littera utentes : nam
contra Gra3ci aspirare soient, ut çro Fundanio Cicero testem , qui primam ejus
litteram dicere non posset, irridet. » Insiit. orat., I, 4, 14. Terentianus Maurus
30 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Latins d'écrire certains mots dérivés du grec les uns par ph^
les autres par /(bien qu'en grec la lettre 9 soit toujours la
seule et la même pour tous) afin de les prononcer à leur guise,
prononçons alors différemment les mots où l'on voudrait en-
core conserver le jph. Distinguons donc la prononciation phé^
nomène^ cpaivofAsvov , traduit par les hdXm^ j)hœnomeno7i^ de
celle de /razVee^ cppaToia, revêtu d'un /par les Latins {fratria)^
et tâchons de retrouver ce je ne sais quel pulsus palatin lin-
guœ et labrorum dont parle Quintilien. Mais déjà nous pro-
nonçons le son / de deux manières, faible avec T/ simple dans
afin et facile^ forte avec la double / dans affliger et affreux.
Pour être conséquents, nous devrions prononcer philosophie
avec un troisième son encore plus rude. L'Académie qui, dans
le cours de ses éditions, a déjà remplacé par notre /français
le ph des Latins dans un si grand nombre de mots, ne devrait
plus tolérer de tels contrastes.
Pourquoi les Grecs écrivaient-ils certains mots par ô et
d'autres par t? Parce que la prononciation du 6 différait sen-
siblement de celle du t, et cette prononciation du 6, th^ qui se
conserve encore chez les Grecs , se retrouve et avec le même
son dans la langue anglaise. Un Anglais prononcera donc
autrement que nous authentique, épithète^ mythologie^
théâtre. Mais pulsqu'en français le th et le / n'ont qu'un seul
et même son parfaitement identique, nous devons, ainsi qu'on
l'a fait pour trésor^ trône^ etc., écrire par un seul et même
signe tous les mots qui , par un long usage, sont devenus
français. En suivant cette voie, on rendra notre orthographe
logique et conséquente .
dit que la lettre f en latin avait un son doux et faible : « Cujus (literœ f) a greeca
(litera ç) recedit Unis aique hebes somis, » p. 2401, éd. Putsch.
PHscienj p. 542, dit que dans beaucoup de mots le <p a été remplacé par le fi
fama,fuga,fur (?wp),/ero, etc., et que dans d'autres on gardeph. « Hoc taraen
stire debemus quod non iam fixis labris pronuntianda /, quomodo pfi, atque
hoc solum interest int:er/et ph. » Ailleurs, p. 548, il ajoute : « Est aliqua in pro-
nuntialione lilerœ / differentia (d'avec le 9), ul ostendit ipsius palati pulsus et
linguae et labrorum. i»
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE. 31
La bizarrerie de notre écriture est le premier objet qui
frappe les yeux aussi bien des nationaux que des étrangers ;
elle contredit F esprit net , clair et logique du français que
l'Académie maintient dans sa pureté par l'exactitude de ses
définitions et la précision de ses exemples. L'illustre compa-
gnie doit donc apporter le même soin à l'orthographe, qui est
l'empreinte visible de notre langue transmise par tant de
chefs-d'œuvre jusque dans des contrées dont nous ignorons
même le nom.
Puisque pour les mots que nous empruntons aux langues
vivantes, nous cherchons à franciser leur orthographe plutôt
que de conserver leur figure originaire, pourquoi ne pas agir
de même à l'égard des langues mortes? On s'est accordé à
écrire, à la satisfaction de tous, vagon et non waggon^ valse
et non ivalse ^ chèque et non check ^ cipaye et non cipahiy
contredanse et non country dance^ 9^9ue et non gig, loustic
et non lustig, arpège et non arpeggio^ roupie et non rupee^
stuc et non stucco. De riding coat on a fait redingote, de
beefstake^ bifteck, qu'il serait mieux d'écrire biftec^ de roast
beef^ rosbif] de packet boat^ paquebot ; de toasts tost et toster\
de sauer kraut^ choucroute^ etc. Pourquoi n'en serait-il pas
de même pour les mots où les th^ les ph figurent aussi dé-
sagréablement dans notre système orthographique que les w
et les k des Saxons et des Germains, tandis que nos mots dé-
rivés du grec reprendraient si bien leur figure française avec
des / et des t ?
L'Académie, d'ailleurs, par un moyen simple et adopté
aujourd'hui dans tous les dictionnaires, peut maintenir la tra-
dition étymologique, bien plus efficacement que par la con*
servation accidentelle de quelques lettres qui troublent la
simplicité de notre orthographe : il suffirait dans la prochaine
édition de placer en regard du mot français le mot grec d'où
il dérive immédiatement. Si, dans la première édition de son
Dictionnaire et même dans les sui van tes j l'Académie fit aetô de
32 DICTIONNAIRE DE L'ACADbLMIE.
haute sagesse en n'y faisant pas figurer les étymologies grec-
ques et latines, attendu que la science, alors incertaine, faisait
souvent fausse route, aujourd'hui les bases des étymologies
sont trop assurées pour que l'addition des mots racines puisse
être un sujet de controverse, étant surtout limitée aux seuls
mots qui dans le Dictionnaire avaient des th et des /;A.
Renchérir sur le premier Dictionnaire de TAcadémie et
réintégrer dans la langue française l'orthographe étymologique
grecque et latine dans des milliers de mots d'où l'usage et
l'Académie l'ont bannie est une impossibilité, tandis que la
modification qui atteindrait les th et ph des mots de la langue
usuelle qui les conservent encore ne porterait pas sur plus de
deux cents mots (1).
Je lis dans un des écrits les plus sages sur la réforme de
l'orthographe le passage suivant (2) :
« Si l'on veut conserver l'étimologie, il faut remètre des con-
sones sans valeur dans plus de dis mile mots d'où on les a banies
depuis long-temps. Quelque sistôme qu'on veuille adopter, il faut
tâcher d'être conséquent. Uusage actuel et le sistême des étimo-
logies sont trop souvent en contradiction pour qu'on puisse alier
ensemble les principes de l'un et de l'autre. Ainsi, puisque la pro-
nonciation nous a fait abandonner l'étimologie dans une partie de
nos mots , la même raison nous invite à l'abandonner dans les
létres étimologiques ne se prononçant point. »
(1) Les mots de la langue usuelle ayant un th^oni au nombre d'environ soixante-
dix: ceux, un peu plus nombreux, ayant un ph sont au nombre d'une centaine.
Les autres, pour la plupart, sont des termes de médecine, de chirurgie ou
des arts , qui s'écrivent rarement , et sont consacrés à des professions spéciales ;
les personnes qui les exercent en connaissent l'origine et la signification, ce qui
pourrait exempter ces mots d'être revêtus d'une forme bizarre que les Grecs,
amis du simple et du beau, ne reconnaîtraient pas. Les mots ichthyographie
triphihongue , àpophthcgme , conliennent chacun deux ou trois consonnes dé-
plaisantes qu'ils nont pas en grec : îxÔvioYpacpîa , TpiçÔoyyoç, àTiocpGeyiJt-a , etc.
Toutefois , comme ces mots ne sont pas de la langue usuelle , on pourrait leur
conserver leur appareil scientifique.
(2) J)e V Orthographe , ou des moyens simples et raisonnes de diminuer les
imperfections de notre orthographe, de la rendre beaucoup plus aisée, pour
servir de supplément aux différentes éditions de la grammaire française de
M. de Wailly (membre de l'Académie française). Paris, Barbou, 1771, in-8.
DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIK. 33
r
^P Parmi les notes que mon père avait écrites en 1820, lorsque,
avec MM. Raynouard, Andrieux et quelques autres de ses
amis, on discutait les principes que l'Académie croirait devoir
adopter pour l'orthographe, je transcris celle-ci :
(( Je crois qu'on doit chercher à mettre le plus de simplicité
possible dans Forthographe. Je sais qu'on a de la peine à abandon-
ner la méthode qu'on a longtemps suivie et, comme le dit Horace :
quœ
Imberbi didicere , senes perdenda fateri ;
mais l'expérience me démontre que la simplicité dans Tortho-
graphe est nécessaire. Je suis déjà avancé en âge. Après avoir
fait une étude constante de la langue française , au moment de
quitter la carrière typographique, je suis las de feuilleter sans cesse
des dictionnaires qui se contredisent entre eux et se contredisent
eux-mêmes. J'oserai le dire, bien qu'en hésitant encore : je vou-
drais qu'on écrivît le mot philosophe non-seulement avec un / à la
dernière syllabe, comme le proposait de Wailly, mais je mettrais
ce /'même à la première syllabe, comme font les Italiens et les
Espagnols. Mais, dira-t-on, l'Académie française sera accusée
d'ignorance. Ce ne sont point les érudits, au moins, qui l'en ac-
cuseront. Ils savent bien que ce f est le digamma éolique dont
faisaient usage non-seulement les Éoliens et les anciens Grecs,
mais les inscriptions latines et les bons écrivains latins comme
Catulle, Térence, etc. (1).
a On a crié beaucoup la première fois qu'on a écrit le mot phan-
tome avec un digamma éolique ou f. Alors les dictionnaires mo-
dernes ont commencé à insérer ce moi fantôme à la lettre F^ mais
en renvoyant au moi phantôme par un ph pour la définition et les
exemples ; ensuite on a écrit le mot fantôme avec la définition et
les exemples à la lettre F, et on a seulement inscrit le mot phcm-
tome avec le ph en renvoyant au mot fantôme par un f; et mainte-
nant on ne trouve plus le mot phantôme par ph dans le Diction-
naire de l'Académie. »
(1) Seulement cette lettre paraît avoir été chez les anciens le signe d'une aspira-
tion, tandis que chez nous elle est douce et euphonique, et conTient ainsi parfaite-
ment à remploi qu'on lui destine.
3
34 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Voltaire dans sa correspondance écrivait philosofe ou filo-
sofe, philosofie ou filosophie, et dans son Dictionnaire philo-
sophique faisait ranger à la lettre F l'article Philosophie ; on
lit en tête de cet article :
« Écvïyez filoso fie ou philosophie comme il vous plaira (1). »
Les améliorations introduites dans la dernière édition du
Dictionnaire de l'Académie n'eurent plus un seul contradic-
teur, du moment qu'elles y furent admises. Il en sera de même
de toutes celles que l'Académie croira devoir approuver. Sans
rien violenter, elles auront l'avantage d'épargner du temps et
de la fatigue d'esprit, de rapprocher du beau et du simple les
formes de notre .langue, d'en rendre l'étude plus facile, enfm
de se conformer aux tendances marquées par l'Académie elle-
même dans les éditions successives de son Dictionnaire, ten-
dances qui sont celles de l'esprit humain et qui datent de loin,
puisque, nous dit M. Villemain, ce Auguste, homme de goût,
(( écrivain précis, et de plus empereur, ce qui donne toujours
« une certaine influence, jugeait que l'orthographe devait être
« l'image fidèle de la prononciation : Orthographiam, id est
« formulam rationemque scribendi, a grammaticis institutam,
« non adeo custodiit ; ac videtur eorum potius sequi opinionem,
« qui perinde scribendum, ac loquamur, existiment (2). »
(1) c'est à la lettre F que Voltaire avait fait placer l'article Philosophe, sous ce
titre : Filosofe ou philosophe.
(2) Suétoue, Vie d'Auguste, lxxxviii. Ce mot Augustus est un exemple frappant
de la tendance irrésistible à l'abréviation des mots par la prononciation , puis par
l'écriture : Auguste, aoust, août, est prononcé oût, et Baïf, dans son système
phonétique, recourt à la ligature grecque 8, pour figurer notre son ou.
ORTHOGRAPHK ÉTYMOLOGIQUE.
35
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE
DE LA LETTRE /.
Mots de la langue française où la lettre x ^st figurée par c, K
ou QU, et par ch.
Par c, & ou </u, l'/i
ayant disparu :
acariâtre
Par ch , quoique prononcé k :
Par ch prononcé à la
manière française:
Achéron
achromatique *
chiromancie **
caméléon
anachorète*
chlamyde *
Achille
caractère
anachronisme *
chlore*
alchimiste
Caron
antechrist
chlorure *
anarchie
carte
archaïsme *
chœur
archée
cartulaire
archange *
choléra-morbus*
arôhidiacrc
colère
archéologie
chorée *
archiduc
colérique
archéologue
chorége *
archimandrite
colique
archétype **
chori arabe*
archipel
corde
archiépiscopal**
choriste *
architecte
crème
archonte *
chorographe *
archives
école
autochthone *
chorus *
archiviste
estomac
bacchanale *
chrêuie
archivolte
estomaquer
brachial *
chrestomathie *
bachique
exarque
catachrèse *
chrétien
béchique
hérésiarque
catéchumène ""
Christ
bronchite
hypocondre
chalcographie *
chromatique *
cacochyme
kilo
Chaldée
chrome *
catéchisme
kilogramme
chaos *
chronique *
charité
kilomètre
Charybde
chronologie *
charte
mécanique
chelidoine **
chronomètre *
chimèie
mélancolie
Chersonèse
chrysalide *
chimie
mélancolique
chirographaire **
chrysanthème
chimiste
métempsycose
chirographe**
chrysocale* (0
chirurgie
monacal
chirologie **
cochléaria *
chirurgien
(1) Mot dont la formation est absurde; il eût fallu chrysoïde, xpuaou eîôoç,
ayant Vapparence de Vor. Chrysocale, qui veut dire bel or, est donc un men-
songe; le vrai mot était similor, mais il indiquait trop bien la chose.
36
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE.
Par cil , quoique prononcé k :
Par ch prononcé à
manière française
chyle
conchyliologie**
ochlocratie*
drachme *
orchestre
chyme
ecchymose
philotechnie*
exarchie
écho*
polytechnie*
machiner
eucharistie*
psychologie*
monarchie
exarchat*
pyrotechnie* •
pachyderme
ichneumon *
saccharin*
Psyché
ichthyologie*
strychnine*
rachitisme
[Itchen] **
synchronisme*
schène
lithochromie*
synecdoche*
schisme
malachite
technique*
schiste
mnémotechnie*
trochée**
trachée
Par c, k ou qu, \'h
ayant disparu :
monarque
monocordç
pancarte
pâques
pascal
patriarcal
patriarcat
Plutarque
scolaire
scolastique
scoliaste
sépulcre
sépulcral
stomacal
Ainsi, dans tous ces mots dérivés du grec, et qui pour la
plupart sont de formation récente, on voit figurer à la pre-
mière colonne : 1" ceux qui, écrits d'abord par ch, tels que
charactère, charte, chorde, mélancholie, méchanique, etc. , au
nombre de 38, ont successivement perdu 1'^ et s'écrivent ca-
ractèrCy carte, corde, mélancolie, mécanique^ etc. , avec le
c dur ou ses -représentants alphabétiques.
2° Dans les colonnes du milieu sont rangés 74 mots écrits
avec ch, dont le Dictionnaire indique, du moins pour la plu-
part, que ce ch doit être prononcé k.
3** Dans la quatrième colonne, qui contient 37 mots, ce
même signe binaire ch se prononce pour tous à la française,
CHE : alchimie^ architecte, archidiacre, charité, etc.
J'ai donc marqué, à la seconde et troisième colonne, avec
un * les mots qui devraient être écrits par un c, afm de les
faire rentrer dans la. première série ; ils sont au nombre de 50,
et j'ai marqué de deux ** ceux qui pourraient rentrer dans la
troisième série en conservant le ch et qui dès lors se pronon-
ceraient à la française : ils sont au nombre de dix.
En effets à côté des mots qui, à la première colonne, ont
perdu successivement le ch pour être écrits par le simple c
dur : caractère, carte, colique, colère, mécanique, mélancolie,
patriarcal, scolastique, sépulcre, et exarque, monarque, etc.,
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE. 37
on peut ranger sat.s incouYément acromatiqiie, anacronisme,
arcaisme^ catécumène, clore ^ dorure^ crôme^ cronologie (1),
psycologie^ comme Victor Cousin voulut qu'on imprimât ce
mot dans ses ouvrages, et non psychologie. Pourquoi écrire
exarcdX et asf^rchat, lorsqu'on écrit exarque et patriarcat^
Et l'on peut ranger, sans le moindre inconvénient, à la
troisième colonne, archétype^ archiépiscopal^ chélidoine,
chirographaire , chirographe, chirologie^ chiromancie^ li-
chen^ puisqu'on écrit et prononce alchimiste^ archidiacre,
archiduc, charité^ catéchisme, chirurgie, chirurgien.
Il ne resterait de difficulté que pour neuf mots, antechrist^
• archéologue, archéologie, chœur, chrême^ chrétien, ecchijmose,
malachite, orchestre, auxquels on peut conserver le ch en in-
diquant au Dictionnaire qu'il se prononce k.
Il est fâcheux que la prononciation du c étant celle de 1'^
devant e et 2, ne permette pas d'écrire arcéologue, arcéologie,
eccymose, malacite, orcestre. Mais pourquoi ne pas prononcer
^RCHÈologie comme mo/îARCHiE , ou bien écrire et prononcer
A^Qutologue, comme on écrit et prononce ^o/zarque, et ne
pas s'en tenir à synecdoque que l'Académie elle-même auto-
rise? On pourrait aussi employer le k, d'un si grand usage
chez nos anciens poètes et si regretté, par Ronsard. Théodore
de Bèze l'indiquait, pour écrire rekeil, rekeillir, etc., au lieu
de recueil, recueillir, et nous l'avons admis dans l'usage ordi-
naire pour kilo , kilogramme , kilomètre , kyste , ankylose,
enkysté, kyrielle, mots également dérivés du grec où le y et
le X sont représentés par k.
Le tableau des mots dérivés du grec où figure le y montre
combien, excepté neuf mots, la régularisation devient facile.
Quant aux noms propres, presque tous dérivés du grec, ils
s'écrivent en général avec ch et se prononcent k. Quelques-uns
cependant se sont modifiés et ont perdu l'A , tels que Car on,
I
(1) Chronologie est souvent écrit et même imprimé sans h : cronologie.
Voltaire écrit catécumène.
38 ORTHOGRAPHE ETYMOLOGIQUE.
Plutarqiie, Andromaque^ Télémaqiie. On devrait donc écrire
Calkas ou Calcas et nonCalchas. Mais, comme les noms propres
ne figm-ent pas au Dictionnaire de l'Académie, il est inutile
de s'en occuper ici.
Pour des mots scientifiques , tels que cholédoque , cholédo-
logie, il importe fort peu, à qui sait le grec', qu'ils soient écrits
d'une manière ou d'une autre. La science du grec ne saurait
d'ailleurs être toujours un guide infaillible. Ainsi, de ce qu'on
sait le grec, on croira devoir écrire scholie et scholiaste ; ce-
pendant l'Académie écrit scolie et scoliaste, tandis que, par
amour du grec, on aurait dû distinguer le « commentaire, uyo-
T^iov )) , de la «chanson de table, axoXtov » , et pour se conformer
à l'étymologie, écrire avec un h le commentaire, scholie, et
sans h la chanson de table, scolie.
D'autres mots signifient même, pour qui sait le grec, pré-
cisément le contraire de ce qu'ils veulent exprimer ; tels sont
oxygène, hydrogène : c'était oxygone, hydrogone qu'il fallait.
On ne s'est trompé que du fils au père: au lieu del'engendreur
l'engendré.
Si le doute est permis, même à des hellénistes, quel ne doit
pas être l'embarras des artisans, et du nombre immense de
ceux qui ne savent ni le grec ni le latin? En 1694, quand
l'Académie composa son Dictionnaire, savoir lire et écrire
était un privilège réservé à une classe restreinte de la société.
Aujourd'hui c'est le droit et le devoir de tous (1).
DE L'ESPRIT RUDE ET DE LA LETTRE H.
L'Académie semble vouloir renoncer à figurer dans l'ortho-
graphe l'esprit rude du p grec, qui indique une aspiration étran-
(1) M. B. JuUien, dans son Traité des Principales étymologies de la langue
française, après avoir cité un grand nombre de mots qui ne sont que des barba-
rismes prétentieux, insignifiants, et inintelligibles pour les Grecs, s'exprime
ainsi : « C'est payer un peu cher la manie de puiser dans les langues savantes
que d'en tirer des barbarismes pour aboutir à des contre -sens.» (P. 59-68.)
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE. 39
gère à l'harmonie de notre langue, et qui ne se fait pas sentir. En
effet, r^, qui était censée représenter cet esprit rude, a disparu
de rapsode^ rapsodie^ rabdologie^ rabdomancie, rétine^ erpéto-
logie^ cataracte (qui serait selon l'étymologie, catarrhacté)-,
pourquoi donc maintenir ce signe h dans les mots arrhes^
myrrhe^ rhagade ^ rhapontic^ rhinocéros ^ rhomboïde^ rhu-
barbe^ rhume^ rhumatisme^ rhythme, squirrhe? L'Académie
écrit eurythmie qu'elle aurait dû écrire eurhythmie (avec les
cinq consonnes), puisqu'elle é^oxitrhythme. Elle a supprimé la
marque de l'esprit rude dans olographe^ mais l'a conservée
dans holocauste (1).
Cette h , depuis longtemps abandonnée dans la seconde
partie de hémorragie, hémorroïdes^ et dans squirre^ mais qui
reparaît dans catarrhe , diarrhée , gonorrhée , formés comme
hémorroïdes sur le radical psw, devrait disparaître aussi de
réteur^ rétorique^ comme aussi de rume et rumatisme^ qu'on
écrivait autrefois reume et reumatisme et plus anciennement
rume, ainsi qu'on le voit figurer {gallice) en 1420, dans le
Dictionnaire de Le Ver. Tous ces mots, malgré leurs significa-
tions diverses, découlent également de pso) (2).
(i) On écrit rose et rosier, contrairement à l'orthographe grecque, mais con-
formément à celle des Latins, qui cependant écrivent Rhodos, l'île de Rhodes.
C'est donc à tort que de poSov, la rose, nous avons formé rhododendron,
l'arbre-rose et rhodium, vu la couleur rose de ce métal ; cette anomalie ferait
croire cet arbuste et ce métal originaires de Rhodes.
(2) Dans les Cahiers de l'Académie pour l'édition de 1694 , on fait observer que
les monts Riphées s'écrivent sans h {Riphées au lieu de Rhiphées).
L'Académie de Madrid , dans son désir de simplifier encore plus l'orthographe (*)
a décidé, en 1859, que tous les mots commençant par h se prononceraient sans
aspiration, excepté un seul cas. Elle a cependant respecté l'emploi de cette lettre,
en partie à cause de l'origine des mots et en partie pour éviter la confusion qui
résulterait de la similitude des sons de mots se prononçant de même, soit ayant
Vh, soit ne l'ayant pas. Nous ne saurions faire de même , puisque la versification
se trouverait altérée si certaines lettres perdaient leur aspiration. Il est regrettable,
toutefois, que, contrairement à l'étymologie, on écrive hache, huile (on écrit
(*) Prontuario de ortografia de la lengua castellana despuesto de real ôrden para
el usa de las escuelas pûblicas, par la real Academia espanola. Madrid, imprenta
nacional, 1866,
40 ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE.
Dans ce même Dictionnaire de Le Ver le mot halitus est tra-
duit en français par aleine.
Corneille écrit sans h le mot orizon, où 1'^ est muette, et
même le mot halte, bien que l'Académie y indique 1'^ comme
aspirée.
Rien n'étonne : on fait alte, et toute la surprise
N'obtient de ces grands cœurs qu'un moment de remise.
[Poésies diverses, 313 et 274.)
J'ai donc eu raison de dire que ces contradictions requièrent
une solution, et que pour se prononcer en matière d'ortho-
graphe il ne suffit pas d'être érudit, car bien souvent les sa-
vants mêmes, par cela même qu'ils sont savants, hésitent et
sont forcés de recourir au Dictionnaire pour se guider à travers
ces bizarres anomalies.
DES LETTRES 0 ET a>
REPRÉSENTÉES EN LATIN PAR th ET ph.
Déjà Ronsard, mort en 1585, s'exprimait ainsi, dans la
préface de son Abrégé de l'art poétique :
« Quant aux autres diphtongues (les lettres doubles cA, ph^ th) ,
« je les ay laissées en leur vieille corruption, avecques insuppor-
c( table entassement de lettres, signe de nostre ignorance et peu de
« jugement en ce qui est si manifeste et certain. » (Voy, l'Appen-
dice B.)
Il est regrettable que l'Académie, dans la première édition
de son Dictionnaire, en 1694, et plus tard, lorsque, en 1740,
elle supprima en grande partie les traces de l'orthographe
latine, n'ait pas complètement réalisé le vœu de Ronsard, et
que par l'emploi des th et des jt?A elle ait introduit ou laissé
olive et olivâtre), huis, huit, huître, qui proviennent de ascia, oleum^oliva,
ostium, octo, ostreum. On a eu raison de supprimer récemment 1'^ dans her-
mite, puisque l'origine est eremita.
pr
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE. 41
subsister dans noti'e écriture « le faste pédantesque » qu'elle
condamnait dans le poëte.
Malgré tout le respect que je dois aux Estienne, c'est sur-
tout à eux qu'est due l'introduction des ph^ ch^ th dans notre
écriture, où la grande et juste autorité de leur savoir les a
maintenus et longtemps perpétués. Cependant, sur certains
points , Robert Estienne , dans son Dictionnaire français de
1540, s'est montré moins zélé partisan de l'étymologie que ses
imitateurs : il écrit caractère^ escole^ il autorise tesme, yver
sans l'A; et sans ^A les mots orfelin^ flegme, fantastique^
frénétique^ faisan.
Avant l'apparition du Dictionnaire de Robert Estienne, l'em-
ploi de ces doubles lettres se rencontrait fort rarement dans
les manuscrits, puisque parmi les quatre à cinq cents mots
dont je donne la liste, et où figurent des th^ des ph et des cA,
à peine une vingtaine de mots étaient ainsi écrits dans la
langue française en l'an 1440. C'est ce que constate le grand
Dictionnaire rédigé dans la première moitié du quinzième siècle
par le prieur des Chartreux, Firmin Le Ver. Ce vaste répertoire,
qui contient plus de trente-cinq mille mots, peut être comparé,
en quelque sorte, au Dictionnaire de l'Académie, puisqu'il nous
offre l'inventaire complet de notre langue de 1420 à 1440 (voir
Appendice C). Mais, pour ne parler ici que de l'orthographe,
on y voit combien l'écriture était alors celle qu'on aurait dû
respecter, puisqu'on y est revenu après s'en être écarté. On
y lit, ainsi écrits : antecrist, caractère^ cirographe^ colère,
saint crème ^ melencolie^ sépulcre; — apoticaire^ autentique^
auteur^ autorizier^ pantere^ diptongue; — blasfeme^ filo-
sophe, fisique^ frénésie^ frénétique^ or félin, spere; — cripte,
cristal, himne^ idropisie^ iver, ivernal, martir, mistere, tiran.
Enfin, par l'écriture des mots diptongue et spere^ on voit com-
bien est antipathique à notre langue l'emploi de trois con-
sonnes. Ce qui n'est pas moins remarquable c'est que dans ce
vaste répertoire un grand nombre de mots latins sont déjà en
42 ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE.
quelque sorte francisés dans leur orthographe, et ont perdu
les signes de la latinité classique. Ainsi on lit à leur ordre
alphabétique :
Antitesis .... et non antithesis
Antrax et non anthrax
Antropofagi. . . et non anthropophagi, etc.
Enfin, quant au mot même qui fait le sujet de cet écrit, voici
ce qu'on y lit : « Ortographia^ bon ortografiemens\ Ortogra-
phus^ bon ortografieur \ Ortographo, bien ortografier\, bien
espeler. »
Du Bellay et Ronsard ont écrit ortographie, le Dictionnaire
de Nicot l'écrit de même, et je le vois ainsi figuré dans quelques
grammaires modernes. En effet, la forme donnée au mot
orthographe fait dire à ce mot tout autre chose que le sens
qui lui est affecté. Géographie ^ uranographie ^ orographie^
télégraphie^ lithographie^ typographie^ orthodoxie^ sont des
mots formés régulièrement du grec ; calligraphie^ c'est l'art
de la belle écriture, et calligraphe^ l'homme qui écrit bien ;
orthodoxie est la conformité à l'opinion régulière, et ortho-
doxe^ celui dont la foi est régulière ; orthograpum signifie
donc l'art d'écrire correctement, et orthographe désigne celui
qui possède ou exerce cet art. Il est fâcheux que ce mot ortho-
graphe soit à la fois un barbarisme et une difformité, d'au-
tant que l'Académie, dès 1694, écrit orthographier, au lieu
d'ortographer, comme l'écrivait Corneille, en cela plus logique
que nous (1).
Si l'anarchie orthographique qui régnait dans l'écriture et
dans les imprimeries, lorsque l'Académie publia la première
édition de son Dictionnaire, fut le motif qui l'engagea à se
rapprocher du latin, maintenant que l'usage, invoqué par l'A-
li) Dans sa Grammaire comparée, p. 24, M. Egger regrette que l'on n'é-
crive pas, comme au xvi* siècle, ortographiey et il emploie ce mot ainsi écrit dans
son Histoire sur les théories grammaticales dans l'antiquité. Je le vois aussi
écrit de même dans plusieurs livres de grammaire où l'on s'indigne contre ce bar-
barisme.
r
■ ORTHOGRAPHE ETYMOLOGIQUE. 43
f" cadémie comme sa loi suprême , lui a fait réduire à chaque
édition Temple^ des th et des ph dans les mots le plus ordi-
nairement employés, elle jugera peut-être opportun de mettre
un terme au désordre, en donnant à des mots depuis long-
temps devenus français par l'usage, la physionomie qui leur
convient.
Quant aux mots forgés par les médecins, les naturalistes et les
chimistes, avec leur parure obligée de ch^ de ph^ et de M, ils
sont heureusement d'un emploi rare. J'ai donc cru devoir sé-
parer en deux listes les mots qui figurent au Dictionnaire de
l'Académie : ceux de la langue usuelle, et ceux de la langue
technique et par conséquent peu usités.
Il résulte de ces listes que les mots de la langue usuelle
ayant le th et figurant au Dictionnaire sont au nombre de 77.
Ceux d'un usage exceptionnel, admis néanmoins par l'Aca-
démie et où figure le th^ sont au nombre de 68.
Mois d'un usage ordinaire ayant conservé le TH .
absinthe
catholique
méthode
synthèse
améthyste
corinthien
misanthrope
théâtral
anathème
cothurne
mythe
théâtre
anthologie
dithyrambe
mythologie
thème (1)
antipathie
enthousiasme
orthodoxe
Thémis
antithèse
épithète
orthopédie
théocratie
apathie *
esthétique
•panthéisme
théologie
apothéose
éther
panthéon
théorème
apothicaire
homœopathie
panthère
théorie
arithmétique
hypothèque
parenthèse
thermal
asthme
hypothèse
pathétique
thermes
athée
Isthme
pathologie
thermomètre
athéisme
jacinthe
pathos
thésauriser
athénée
labyrinthe
plinthe
thèse (2)
athlète
léthargie
polythéisme
thuriféraire
athlétique
logarithme
posthume
thym
authentique
luth
pythagoricien
thyrse
bibliothèque
luthier
pythie
cantharide
mathématique
rhythme
cathédrale
menthe
sympathie
(1) On écrit abstème, d'après une étymologie bien incertaine. Comment se rap-
peler cette distinction ? Le Dictionnaire écrit Ostrogot : pourquoi écrire gothique?
(2) Robert Estienne, lui-même, écrit ce mot sans h.
44
ORTHOGRAPHE ETYMOLOGIQUE.
^loU avec TH (Vvn vsaye exceptionnel.
acanthe
cithare
lilhotritie
stéthoscope
aérolithe
enthymème
luthéranisme
térébinthe
allopathie
épithalaine
lycanthropie
théatin
anacoluthe
épithème
monolithe
théisme
anesthésie
éréthisme
ornithologie
théodicée
anthère
esthétique
ortliodromie
théogonie
anthracite
éthique
orthogonal
théologal
anthrax
eurythmie
orthopédie
thérapeutes
anthropologie
exanthème
orlhopnée
thérapeutique
athlolhèle
lagophthalmie
orycto^raphie
thériacal
autochthone
léthifère
ostéolithe
thériaque
l)ismnth
litliarge
panathénées
thermidor
carlharae
lithiasie
pentathle
théurgie
cathédrant
lithocolle
pléthore
thoracique
cat hérétique
lithologie
plinthe
thorax
cathéter
lithontriptique (1)
pyrèthre
thuia
chrysanthème
lithotomie
p\thique
tithymale
L'Académie, ayant fait disparaître Yh des mots thrésor^ thré-
sorier, thrésorerie^ thrône^ déthrôner^ autheur ., authoriser^
in t /ironisât ion ^ inthroniser ., croira peut-être le moment venu
de supprimer, en tout ou en partie, Xh dans les soixante-dix-
sept mots de la langue usuelle qui figurent en tête de la liste
précédente, et cela conformément à l'exemple donné par ses
prédécesseurs.
DU ^ QUI DEVRAIT TOUJOURS ÊTRE REPRÉSENTÉ PAR F.
L'Académie, après avoir écrit, dans sa première édition,
par ph les mots phlegme, phlegmatique., phantosme, phan-
(1) Cette forme, qui déroge à celle des autres composés de Àî6o;, lithotrïtïe^
Utliotomie, lithologie, et à toute la série des mots composés du grec, ne saurait
être admise, à moins de vouloir, tu français, écrire grec et latin. Si Ton trans-
formait ainsi dans notre langue les désinencts des génitifs grecs, il faudrait écrire
odontônalgie et non odontalgie, typougraphie, physéolo(jie ou plus exactement
physéoslogie^ etc. Quant à la forme assez barbare de la désinence triptique dans
ce mot lithontriptique, elle dérive ici de xpiêw^^e frotte^ d'où TpmTvi;; mais
pour quiconque sait le grec, l'explication donnée au Dictionnaire : mécUcamenls
lithontriptiques y signifiera des médicaments qui Jrottent la pierre (dans la
vessie). Litholytiques (de \<hù) eût mieux exprimé ce qu'on voulait indiquer :
des médicaments dissolvant la pierre.
r
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE. 45
tastigue, phiole, scrophuleux^ les a écrits plus tard par un f :
flegme, flegmatique ^flegmon{on devrait écrire flegmasie et non
phlegmasie)^ fantôme, fantastique, frénésie, frénétique, fiole ^
scrofuleux, etc., de même qu'elle figure par /les mots d'o-
rigine grecque, faisan^ fantaisie, fanatique, fantasmagorie,
faséole, fenestre, greffier, siffler et soufre du latin sulphur.
Il n'est personne assurément qui voudrait voir rétabli le ph
dans ces mots. Notre / est une lettre de naturalisation , à
laquelle a droit tout mot devenu français. Les ph devraient
même être bannis de cette foule de mots scientifiques qui
hérissent notre écriture de consonnes inutiles et la défi-
gurent (1).
Mots avec PH d'un usage ordinaire.
alphabet
catastrophe
hydrophobe
phaéton
amphibie
cénotaphe
hydrophobie
phalange
amphibologique
colophane
limitrophe
phare
amphore
coryphée
logogriphe
pharisien
aphorisme
cosmographie
lymphatique
pharmacie
apocryphe
dauphin (2)
métamorphose
pharmacien
apostrophe
diaphane
métaphore
pharynx
asphalte
éléplmnt
métaphysique
phase
asphyxie
emphase
monographie
phénix
atmosphère
emphatique .
mythologie
phénomène
atmosphérique
éphémère
néophyte
phihppique
autographe
épigraphe
nymphe
philologie
bibliographe
épiphanie
œsophage
philologue
bibliophile
épitaphe
orphelin
philtre
biographe
euphonie
orphique
phoque
blasphème
géographie
pamphlet
phrase
cacophonie
hémisphère
paragraphe
phthisie
calligraphe
hiéroglyphe
paraphrase
phthisique
camphre
historiographe
périphrase
physicien
(1) Voici d'autres mots grecs , que les Latins ont écrits par un / et
non un ph : fagus, çyiyo;; fallo, amXÀw; faXf de çocto; ferOy de çépo);
férus, de ^vip ou 6^p ; fuo, fio, a^ûtù ; fiscns, de çidxoç; fistula^ de cpuaav ;
folium, de cpuXXov; forma, (xopcpin; frons, ©povTi; ou o:pç><)ç; fuga, f\>yr\; fulgeo,
çXÉYw; fucus, çiûxoç; fungus^ açoyvo;; funus, ©ovoç; fur, çwp; feretrum,
cpspsTpov ; fortax, çôpTa^ ; frigo , cppOyw ou çpuTTw.
(2) Dans les cahiers de l'Académie, on proposait d'écrire Daufin, Daufiné.
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE.
physiologie
sarcophage
sphinx
télégraphie
physionomie
sémaphore
sténograjihe
triomphe
physique
séraphin
strophe
typographie
polygraphe
siphon
sylphe (1)
typhus
porphyre
sophisme
symphonie
zéphyre
prophète
sophiste
syphilis
zoophyte
saphir
sphère
télégraphe
Ces mots où le ph figure sont au nombre de cent quatre-
vingts à deux cents. Le parti le plus logique serait sans doute
d'imiter les Italiens et de substituer partout le / au fh qui.
en français, n'a pas et ne peut pas avoir d'autre son que 1'/
qui reproduit si bien le 9. Si pourtant l'Académie hésitait à
compléter la réforme dont ses prédécesseurs lui ont tracé la
voie, au moins pourrait-elle l'étendre à certains mots d'un
usage ordinaire : alfabet^ ainsi écrit par Volney et autres,
apostrofe, atmosfère^ atmosférique ^ blasfème^ catastrofe^ élé-
fant^ enfase, épitafe, géografie (et ses similaires), hémisfère,
métamorfose, néofyte^ par agrafe (on écrit agrafé)^ fénomène,
filosofie^ frase ^ profète^ soflste, télégrafe, zoo f y te ^ etc. , etc.
Blasfème, orfelin, sont même ainsi écrits par Robert Es-
tienne.
C'est surtout dans les mots où le th et le ph sont réunis
et dans ceux où l'on trouve deux ph ou th : aphthe, apo-
phthegme^ diphthongne^ ichthyophage^ ophthalmie, ichthyo-
lithe, que la réforme serait urgente. On ne saurait imaginer
rien de plus barbare en français que ces groupes de quatre
consonnes. L'Académie, qui dans ses précédentes éditions
écrivait aphte , phtisie, diphtongue, ortographe^ serait una-
nimement approuvée si, n'osant faire plus, elle revenait du
moins à cette orthographe plus simple. Phtisie vaut mieux
que phthisie-, ophtalmie que ophthalmie\ aphte (\\xe aphthe;
mais on devrait faire encore plus.
(1) Pourquoi écrire par ph sylphide et syphilis^ et même séraphin? Sans
doute ce dernier mot vient de l'hébreu; mais, de même qu'on a supprimé le
dernier h au mot alphaheth^ on pourrait aussi remplacer le ph par /.
r
ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE.
47
Voici la liste des autres mots dérivés du grec pai le latin,
ou formés directement du grec, auxquels est appliqué le ph
au lieu de / :
Mots avec PH d'un usage exceptionnel.
acéphale
éphores
phalène
physiognomonie
amorphe
épistolographie
phaleuce
physiographe
amphictyon
euphémisme
phallus
phytologie
amphigouri
hagiographe
phanérogame
planisphère
amphitryon
hermaphrodite
pharmacopée
polyadelphie
antiphonaire
hiérophante
phébus
porphyrogénète
antiphrase
hydrocéphale
phénicoptère
prophylactique
antistrophe
hydrographie
philharmonie
sphacèle
apliélie
iconographie
philhellène
sphénoïdal
aphérèse
lexicographie
philoraathique
sphénoïde
aphonie
méphitique
philotechnique
sphériste
aphrodisiaque
monophylle
phimosis
sphéristère
apophyse
morphine
phlébotomie
sphéristique
asphodèle
myographe
phlegmon
sphéroïde
atrophie
naphte
phlogistique
sphéromètre
autocéphale
néographe
phlogose
sphincter
callographe
nosographie
phlyctène
staphylôme
caryophyllée
olographe
phœnicure (1)
sycophante
chirograi»haire
ophicléide
pholade
symphyse
chorégraphie
oryctographie
phonique
synalèphe
chorographie
pantographe
phosphate
tachygraphie
cosmographie
paranymphe
phraséologie
topographe
diaphragme
paraphernal
phrénique
uranographie
électrophore
paraphimosis
phylactère
zoographie
encéphale
phagédénique
phylarque
zoophyte
Mots avec TH et PH réunis.
amphithéâtre
diphthongue (2)
lithographe
phyllithe
anthropophage
ichthyophage
litbophyte
phytolithe
aphthe
ichthyographie
orthographe
phthisie
apophthegme
lagophthalmie
philanthrope
triphthougue
Mots avec deux PH ou deux TH.
philosophie
phosphate
ichthyolittie
photographie
phosphore
théophilanthrope
(l) Qu'on devrait éznxQphénicureyCOiamt phénix,
(1) L'Académie dans sa première édition écrivait diphtongue ; Corneille, dans
sa grande édition, l'écrivait de même, ainsi qu'ortographe.
48 DOUBLES LETTRES.
II
DOUBLES LETTRES.
L'usage général, qui, dans la prononciation, tend de plus en
plus à atténuer la forte accentuation de certaines syllabes, a
fait, en grande partie, disparaître pour l'oreille la double con-
sonne, qui devait retracer à la vue l'étymologie dans les
mots calqués sur le latin. Déjà l'Académie, conformément au
désir manifesté par Corneille, par les Précieuses et par un
grand nombre de bons esprits, a successivement supprimé dans
un très-grand nombre de mots l'une des deux consonnes, dont
l'emploi d'ailleurs n'avait rien de régulier. Car si, comme
dans le latin, la double consonne avait souvent pour but de
faire élever la voix sur la syllabe qu'elle termine (1), molle^
folle , chatte , sotte , etc. , quelquefois , par un effet dif-
férent, elle la rendait brève dans flamme^ mamie^ femme]
tandis que d'autres fois c'était la consonne simple qui rendait
brève la syllabe qui la précédait, matin, dame, etc.
Cette irrégularité manifeste et l'exemple donné par l'Aca-
démie offrent donc une grande latitude à l'égard de ce qui reste
encore de ces doubles lettres inutiles, qui doivent disparaître
partout où leur présence n'indique pas le but auquel elles
sont destinées : Y élévation du ton sur la syllabe quelles ter-
minent-, mais elles doivent être conservées partout où leur
présence peut encore se faire sentir à l'oreille, même contrai-
rement à l'orthographe latine, comme dans pomme, homme,
personne, et aussi dans lettre, bien que le latin pomum, homo,
(1) Voir, à l'Appendice D, l'analyse de la Grammaire de Régnier des Marais.
LKITRES DOLBLES. 49
persona, litera^ exigerait, conformément à l'étymologie, qu'on
écx'wit pome, home^ persone (1). On devra donc dans la série
des mots se terminant en lie ou mme ou une, etc. , maintenir la
double consonne qui précède \e muet final, et qui, ainsi que
es au pluriel et ent à la troisième personne du pluriel des
verbes, constituent la rime féminine. D'après ce principe, il
faudrait écrire il s abonne et un aboné^ ils s'abomient et ils
s' aboneront \ il couronne et il courona, ils couronnent QiW^
coiironeront^ il pardonne et il pardona, comme on écrit il
jette et il jetait. C'est ainsi que l'Académie écrit battre et
bataille, batailler ; combattre et abatage, ficelle et ficeler^ et
cela conformément au précepte donné par Régnier des Ma-
rais : «Il est de règle, dit-il, p. 108, et de l'usage fondé par
la règle, d'escrire chapelle et chandelle par deux // et chape-
lain^ chandelier par une / seule parceque dans les deux pre-
miers mots chapelle et chandelle Ye qui précède 1'/ est un
e ouvert^ et que dans les deux autres, chapelier^ chandelier^
il est muet. )> Et ailleurs, p. 102, il fait la même observation
pour d'autres mots terminés en e m\\.%i. femme ^X féminin \
donne et donateur ; homme et homicide.
Dans quelques mots la double lettre a été remplacée par un
accent grave : ainsi on écrit clientèle., fidèle., infidèle., stratagème.,
deiixième., diadème., hétérogène^ arbalète., achète^ secrète., dia-
mètre, etc., mais le nombre de mots figurés ainsi est très-res-
treint. Boileau écrivait lètre au lieu de lettre, et à son exemple
on aurait pu remplacer la double consonne par l'accent grave, en
écrivant c/««yzû?è/e, chapèle, ficèle, il apèle, etc.; cependant,
pour ne pas changer les habitudes, je crois préférable de conser-
ver, du moins quant à présent, la double consonne précédant
Xe muet final ou la syllabe dans laquelle Ye muet constitue la
rime féminine (e, es, ent).
(1) Conformément à l'orthographe lapine, l'Académie écrit bonhomie, prud'lw
mie, homicide, se rapprochant auisi de notre ancienne orthographe, home, homs,
hom, om et enfin on. Le Dictionnaire de l'Académie de 1694, conformément aux
instructions des Cahiers^ écrit consone.
4
50 LETTRKS DOUBLES.
L'emploi de la double lettre doit toujours être conservé au
milieu des mots quand la prononciation l'exige, comme dans
ce vers :
Mortellement atteint d'une flèche empennée.
Au contraire, pourquoi la conserver lorsque ni la pronon-
ciation ni même l'analogie ne la réclament, et qu'elle ne peut
qu'induire en erreur ceux qui apprennent le français ?
Ainsi, lorsqu'on ne met qu'un ^ dans agression^ agressifs
agrandir^ agréer^ agréger^ etc. , pourquoi en mettre deux dans
aggraver^ agglomérer^ agglutiner^ et faire une règle avec
exception pour ces trois seuls mots ? Si pour abbaye^ abbé^ ab-
besse^ gibbeux^ rabbin^ sabbat^ seuls mots écrits avec deux ô,
l'Académie adoptait un seul ô, ce serait encore une règle
d'exception à supprimer de la grammaire (1).
Dans son Dictionnaire de 1740, l'Académie a supprimé le d
étymologique de la préposition latine ad dans les mots advo-
cat^ advertir, adveu^ advoué^ advertissement^ advis, ad-
vise\ et plusieurs centaines d'autres. Elle rendrait un graiid
service en effaçani le double c dans la plupart des mots où
cette duplication n'influe en rien sur la prononciation et où
l'un de ces doubles c est censé représenter le d de la prépo-
sition ad. On pourrait ainsi, sans inconvénient, supprimer un
c dans les mots accompagner, accoster , accablement, acclima-
ter, accointer, accouchement, accoutumer, accuser, etc. , et déjà
il a disparu dans acoquiner, acagnarder, accuser, acensement.
Dans les Cahiers de l'Académie de 1694, on écrit def faillir,
(l) Voici comment notre ancienne langue française écrivait ces mots;
En la vile out une abeie
Durement riche e garnie;
Mun escient (moine savant), nuneins y ot (eut),
E abeesse kis (qui se) gardot.
Marie de France. Lai del Freisne.
Ou pourrait peut-être conserver les deux b à abbé, par respect pour l'usage
et la brièveté du mot. La prononciation y autoriserait même : il y a une nuance
de sou entre abbé et abaye, abesse.
LETTRES DOUBLES.
ol
deffaire^ deffendre , etc.; la double / a disparu dans ces
mots et il devra,it en être de même pour plusieurs autres :
tels que difficulté, différence^ puisque le son de la double /'
n'a pas disparu entièrement dans la prononciation.
La double / devrait aussi être conservée dans alliage, al-
liance^ allusion, alluvion^ collision, collusion-, mais on pour-
rait supprimer une / dans allonger^ allongement, vallée, etc.
Ainsi l'Académie écrit, tantôt -avec un n^ et tantôt avec
deux, les dérivés des mots suivants terminés en on :
Avec un seul n :
BoiN : bonace, bonifier, bonhomie,
bonheur.
Colon : colonial, colonie, coloni-
ser, colonisation.
Don : donation, donataire,donateur.
DÉMON : démoniaque, démonogra-
[)hie.
FÉLON : félonie.
Limon (citron) : limonade, limonier,
limonadier.
Ll\ion (boue) : limoneux.
Limon (de voiture) : limonier, ii-
rnonière.
Poumon : pulmonaire.
Salmon : saumoné, saumoneau.
Savon : .saponaire.
Timon : timonier.
Violon : violoniste.
Canon : canonial , canonicat, cano-
nique, canoniser.
Canton : cantonade, cantonal.
OiiDo : ordination, ordinal, ordi-
naire, ordinant.
Patron : patronage, patronal , pa-
tronymique.
R vTio : rational.
Avec deux n.
ABANDON : abandonner, abandon-
nement.
.\NON : ânonner, ânonnement.
Bâillon : bâillonner.
Baron : baronnet, baronnie,. ba-
ronnage.
Bâton : bâtonner, bâtonnier, bas-
tonnade.
Chiffon : chiffonner, chiffonnier.
Cjtron : citronnier^ citronnelle.
ÉCHELON : échelonner.
ÉPERitN : éperonner.
Fredon : fredonner.
Gascon : gasconnade, gasconuer.
Jalon : jalonner, jalonneur.
Melon : melonnière.
Mission : missionnaire.
Pardon : pardonner, pardonnable.
Raison : raisonner, raisonnable,
raisonnement, raisonneur.
Rayon : rayonner.
Sermon : sermonnaire, sermonner,
sermonneur.
Canon : canonnade, canonnage,
canonner,canonnier, canonnière.
Canton : cantonné, cantonnement,
cantonner, cantonnier, canton-
nière.
OiiDo : ordonnance, ordonnateur, etc.
Patron : patronner.
Ratio : rationnel, rationiifllenit ni.
52 LhTlRES DOUBLES.
Avec un seul n : Avec deux n :
Son : dissonance, dissonant, dis- Son : consonnance. consonnant,
soner, sonoro, sonorité, sonate. consonne, sonnant, sonner, son-
nette, sonnerie, sonneur.
Ton : intonation, monotone, to- Ton : détonner, entonner,
nalilé, tonique.
TON>ER : détonation, détoner. Tonner : tonnerre, tonnant.
Aucun de ces dérivés de mots terminés en on ne devrait
être écrit avec double n\ on n'en met pas à ceux qui dérivent
de noms terminés en in : dessin^ dessiner, destin et destine)^',
non plus à ceux qui se terminent en un : importun, importu-
ner ; ni à ceux qui se terminent en an : plan, planer, espla-
nade.
Quant aux mots terminés en ion, excepté nation et con-
fession, septentrion, qui ne doublent pas le n dans leurs dé-
rivés, national, nationalité, confessional, septentrional, les
autres doublent la consonne dans leurs composés, et cela sans
aucun motif. Tels sont les mots suivants, au nombre de 39 :
Action, addition, affection, caution, cession, collation,
commission, concussion, condition , confession, constitution,
convention, correction, démission, diction, division, espion,
fraction, friction, intention, légion, mention, million, mis-
sion, occasion, pjardon, pension, perfection, pétition, pro-
portion, question, ration, religion, sanction, soumission,
station, subvention, tradition, vision.
Pourquoi, en effet, écrire actionner, actionnaire, conces-
sionnaire, constitutionnel, constitutionnalité , constitution-
nellement, dictionnaire, etc. ? ces mots ne sont-ils pas déjà
assez longs à écrire sans y mettre le double n qui ne se pro-
nonce pas?
11 est aussi d'autres mots où le double n devrait être sup-
primé, et même conformément à l'étymologie, comme dans :
honneur {honor, puisqu'on écrit honorer), donner {donare ;
on écrit donation), monnaie (inoneta), sonner, résonner (so-
LKTTRES DOUBLES. 53
nare, resonaré)^ légionnaire {legionarius)^ rationnel {ralio-
nalis), couronne [cor ond)^ personne {persona) (1).
L'Académie figure avec raison la désinence ame tantôt avec
un m et tantôt avec deux m, lorsque la prononciation l'exige.
Mais flamme (que Corneille écrivait flamé) ne devrait conser-
ver qu'un seul m; et puisque l'Académie écrit affame (2),
entame^ réclame^ diffame^ elle ne saurait écrire enflamme-,
flame et enflame exigeraient même un â circonflexe comme
infâme, blâme, et j'ai vu flâme ainsi écrit par Racine.
Dans évidemment, prudemment^ le double m ne se pio-
nonce pas; cependant il faut le conserver, ne fût-ce que pour
éviter la confusion avec évidement (de évider) (3), et prude-
ment (de prude).
Tous les mots terminés en ime et ume sont écrits avec un
seul m.
Le double r devrait être conservé partout où il se fait
sentir : correcteur, correction, correct^ terreur^ horreur. Mais
il doit être supprimé dans charrue, puisqu'on écrit chariot^
dans nourrice, nourriture, nourrir, pourrir, puisqu'on écrit
mourir et courir (bien qu'en latin currere ait deux r) (4), et
c'est à tort que l'on écrit par deux r je pourrai.
(1) Dans tous ces mots l'orthographe française est en perpétueUe contradiction
avec la quantité latine :.
honneur
hônôr
personne
përsôna
donner
dônâre
légionnaire
lëgïônâriù
ennemi
ïnïmïciis
rationnel
râtïônâlis
monnaie
mônëta
couronne
côrôna
sonner
sonâre
résonnant
rësônâns
(2) Les seuls mois où le m est doublé et doit l'être, puisque la désinence est en
e muet sont : ^wAgramme, é^^\gramme, femme, flamme, homme, gramme, et
les composés avec ce mol, programme ; mais les verbes assommer, conaommer,
nommer, dénommer, surnommer, renommer ne doivent prendre qu'un m de
même qu'on écrit consumer.
(3) Il serait préférable d'écrire évidament, de même que Bossuet écrit contan-
tement.
(4) Ces deux verbes par exception prennent deux r au futur et au condition-
nel, je courrai, je mourrai, par la contraction de Vi, puisqu'on n'écrit pas ces
mof>; conimo ();i Cc\'\i }e pourrirai, j»* nourrirai.
LETTRES DOUBLES.
L'Académie adopte coreligionnaire et codonataire\ elle de-
vrait écrire de même corespondant.
Le lierre devrait n'être écrit qu'avec un seul r, comme l'ont
fait Henri Estienne et Ronsard, et suivant l'étymologie, rhière
{hedera) (1).
On ne devrait pas écrire dyssenterie par deux 5, puisque
l'étymologie grecque ne nous en donne qu'une, et que, dans le
Cahier de remarques^ on rapproche avec raison dysenterie de
dysurie. Il faudrait même écrire dysenterie avec l'accent aigu.
Quant au double /, l'Acadéaiie èo^viiabatage^ abatée^ abatis\
elle pourrait écrire abatoir^ et même supprimer le double /
dans abattement^ abattu. Corneille et Bossuet écrivent abatre,
batu et rabatu\ et H. Estienne, dans son traité de la Précel-
lence du langage françois^ écrit combatre^ combatu., déba-
tre, débatu, rabatre^ rabatu ; Fénelon et Bossuet écrivent :
flater et froter , atandre, atantif ^ atantions^ ataque et non
attendre^ attentifs attentions^ attaque, etc. Les imprimeurs
ont eu grand tort de ne pas suivre l'orthographe des auteurs
et de la transformer (pour ne pas dire défigurer) en la rédui-
sant à l'uniformité d'après l'orthographe du Dictionnaire de
l'Académie alors en vigueur. (Voir Appendice E.)
On pourrait aussi suppriuiei* le double t dans attabler^
attacher, attendre, atténuer, attribuer^ attrouper, puisqu'on
écrit atermoyer, atermoiement^ atrophier, atourner.
Il y a contradiction à écrire :
démailloter
et emmaillolter
radoter
et ballotter
sangloter
et marmotter
coqueter
et regretter
jeter
et flotter
tricoter
et trotter
concomitant
et intermittent
tripoter
et gigotter
feuilleter
et frotter
comploter
et grelotter
projeter
et guetter
il épèle
et il appelle
(I) Par une semblable bizarrerie , on écx'ûle loisir, au lieu de l'oisir, de otium,
d'où nous viennent aussi oisif, oisiveté ; le loriot au lieu de ioriot, et/e lendemain,
au lieu de Cendemain. On commet la même faute lorsqu'on écrit VAtcoran au
lieu de le Coran , V alchimie^ C alcôve; et c'e«t à tort qu'on a admis dorer, dorure,
au lieu de orer, orure^ comme on écrit orfèvre, orfèvrerie.
■ cacheter et égoutter
w caqueter et fouetter
raboter et garrotter
exploiter et regretter
LKTTRKS DOUBr.ES.
souhaiter et guetter
souffleter et acquitter
j'époussète et je rejette
Pourquoi un double p dans apparaître^ appartenir^ appe-
santir^ appliquer^ apposer^ apprêter^ apprivoiser^ approcher^
approbation^ approximativement^ puisque l'Académie écrit
apaiser^ apercevoir^ aplanir^ apetisser^ apitoyer^ aplatir^
aposter^ apostiller^ apurer^ et ne pas écrire, conformément
à la prononciation, apauvrir^ apesanth\ aplaudh\ aposer^
aporter, aparaître^ apareiller^ apartenir, apartement^ apren-
tissage^ aprêter^ apointer^ aprécier^ apréheiider^ aprendre^
aprofondir^ aproprier^ aprouver^ apuyerl
Pourquoi, lorsqu'on écrit avec un seul p : occuper, attraper^
grouper, dissiper, mettre deux p à développer, envelopper
(Bossuet écrit enveloper), échapper, agripper ?
On verrait aussi avec plaisir la suppression du double p
à appeler : la nuance de la prononciation dans certains temps
de ce verbe est si faible qu'elle peut être omise, à l'exemple
de tant d'autres plus sensibles en certains mots. Par là on
éviterait la difficulté de l'emploi tantôt du double p et du
double /, tantôt du seul jf? ou /. Le Dictionnaire de l'Académie
écrit il appelait et Perrot d'Ablancourt apelloit ; dans les an-
ciens manuscrits, apele est écrit avec un seul ;;, et dans d'au-
tres on lit appel loit.
Puisque l'on écrit déprimer, on devrait écrire suprimer et
non supprimer; l'affixe^w est la contraction de sus et non de
super. Il en est de même de supporter, qui ne devrait prendre
qu'un seul p.
Quelques autres anomalies pourraient disparaître, et puis-
que TAcadémie écrit charretier, gazetier, noisetier, tabletier,
desquamation, elle devrait supprimer le double t dans aiguil-
lettier et le double m, dans squammeux, enflammer.
Dans la première édition , elle a écrit domter. C'est ainsi
ôfi
LETTRES DOUBLES.
qu'écrit toujours Bossuet, et cela conformément au Cahier de
remarques, qui, au chap. iv, art. 3, dit : « On met un ;? à
(( compter et à compte^ quand ils signifient supputer, suppu-
« tation, mais à domter, il n'en faut point. » On devrait donc
écrire ainsi et de même exemter^ au lieu de exempter.
Une manière d'écrire contradictoire à la prononciation
aurait à la longue une fâcheuse influence sur le langage. A
force de voir les mots ainsi écrits et imprimés, la voix s'ha-
bitue à prononcer, surtout dans les provinces et dans les pays
étrangers, toutes les lettres dont le son pour l'habitant de
Paris s'annule par l'usage d'une prononciation journalière. On
peut donc craindre que des mots tels que sculpture ^prompti-
tude, doigtier^ dompter ne finissent par être prononcés seul-
peture^ prompetitude, doiguetier, dompeter, au lieu de pro-
noncer sculturey prontitude, doitier, domter.
Les lettres doubles n'ont pas toujours fait partie du système
orthographique de notre langue ; elles sont en général une imi~
tation des procédés grammaticaux du latin classique, dont l'in-
fluence se développe à partir du quinzième siècle, comme on
peut Je voir par le tableau suivant que j'ai dressé d'après trois
monuments littéraires très-réguliers pour leur temps et dont
je parlerai plus loin :
Les quatre livres des Rois ei
Dictionnaire de Le Ver,
Dictionnaire de Rob. Ks
saint Bernard
(xii« siècle).
1W0-1W»0.
tienne, 15fi9.
abandoner S.
Bern.
),
abandonner
acumplir
acomplir
accomplir
afaire
..
affaire
alaiter
alaitier
allaicter
aler
aler
aller
aliance
alianche
alliance
alure
alure
allure
ancienement
anchiennement
anciennement
apeler
appeler
appeler
aprester
»
apprester
ariere
ariere
arrière
asembler
assambler
assembler
asez
asses
assez
atendre
attendre
attendre
LKTïRES DOUBLES.
Les quatre livres des Rois et
Dictionnaire de Le Ver,
Dictionnaire de Rob. Es-
saint Bernard (xiie siècle).
Ift20-ia40.
tienne, 15^9.
comandeineiit S. B.
quemandement ( il écrit
commandement
et cumandeinent
comander )
cele
celle
icelie
cornent S. B. et cnment
comment
comment ou quoraent
cumbatre
combatre
combatre
corone S. B.
courone
couronne
cruelment
cruelment
cruellement
deriere
deriere
derrière
deservir
deservir
desservir
duner (donner)
donner
donner
enemi
anemis
ennemi
home
homme
homme
humage
hommage
hommage
nule
nulle
nulle
nuvele
nouvelle
nouvelle
obeisant
obeissans
obéissant
inoyene S. B.
moyenne
moyenne
ocis
ochis
occis
panlonerS. B.
pardonner
pardonner
pousiere S. B.
[ponrre]
poussière
resernbler
rpssambler
ressembler
resu.^citer
resusciter
resusciter
sale (salle) .
sale
salle
sele (selle)
selle et scelle
selle
sumet (sommet )
su m met
sommet
valée
valée
vallée
On voit donc par ce tableau que la suppression des doubles
consonnes parasites est conforme au génie naturel de notre
langue.
58 T.E TRAIT D'UNION.
m
DES TIRETS OU TRAITS D'UNION,
Les Grecs et les Latins ne divisent pas les mots qui, composés
de plusieurs, n'en forment réellement qu'un seul, tels que, en
grec, àvTtxspav, vis à vis; xapairav, tout à fait ; 7Tapa[j!.vipi^ia,
haut -de -chausses; TrapaT^oyo;, contre-sens; noL^cc/j^r^^xoL^ sur-
le-champ; Gu[AT:av, tout à la fois; s^aicpvyiç, tout aussitôt;
TTdpippvi^Yiv, tout à l'entour. Et de même en latin : adhuc,
jusqu'à présent, jusqu'à ce jour; hucusqiie^ jusqu'ici ; alteru-
ter^ l'un ou l'autre; propemodum^ à peu près; pfopediem,
jusqu'à ce jour; ejusmodi^ de cette façon; gnoadusque, jus-
qu'à ce que ; quantuluscumque^ quelque petit qu'il soit ; nihïlo-
minus^ néanmoins; veriimenimvero^ à la vérité.
Les Grecs, dans la formation des mots composés, avaient
souvent recours à la contraction et même à la suppression
de la lettre finale : de o<];ov, o^j/ocpayta, o^j^oircoV/iç ; de vo(jt.oç,
v6p.o6£r/iç ; dans >topu6aio"Xo; , dans 7ro^apx.7iç, dans aovapjç^vi;, il y
a même suppression de deux lettres. Quelquefois, pour adoucir
la prononciation, le v se change en y, xayyaXeTroç. De même les
Latins, àç, postera die ^ ont ïmipost^ndie. Usant du même procédé,
nous avons fait de bas bord, bâbord] de bec jaune, bé jaune,
de contre escarpe, contrescarpe ; de contre trouver, controu-
ver-, de corps, corsage, corset] de il ny a guères, naguère]
de tous jours, toujours; de la plus part {i), plupart-, de
passe avant, passavant-, de néaiit moins, néanmoins ; àQ plat
(1) L'Académie, dans son Dictionnaire de 1694, écrit tousjours, pluspart.
LE TRAIT D'UNION, 50
fond^ plafond \ de plus tôt^ plutôt \ de vaut rien^ vaurien \ de
sans rire^ sourire ; de sous coupe , soucoupe , etc. ; de ores en
avants est devenu dorénavant (1); à Ventom\ alentour^ etc.
Dans les autres langues, les mots composés ne forment qu'un
seul mot, ou, si les traits d'union sont quelquefois admis, ils sont
employés de manière à n'offrir aucune difficulté grammaticale.
La langue italienne, qui de toutes se rapproche le plus de la
nôtre, de plusieurs mots n'en forme qu'un seul (2) : acquavita,
eau-de-vie (3) ; affatto, tout à fait; capodopera, chef-d'œuvre;
nulladimeno^ néanmoins ; contuttociô^ avec tout cela ; concio-
siacosachè^ conciofossecosachè ^ puisque, bien que; perlaqual-
cosa, c'est pourquoi; et en espagnol : guardacostas , garde-
côte ; contraprueha, contre-épreuve ; guardasellos^ garde des
sceaux, etc.
Palsgrave, dans son Esclarcissement de la langue fran-
çoyse^ en 1530, écrivait aulcunefoys ^ souventesfoys^ autra-
vers^ paradventure ^ jusqu'adix^ jusqu' aumourir.
Dans nos anciens manuscrits, on ne voit aucun trait d'u-
nion (4), non plus que dans les dictionnaires de Robert Es-
tienne. C'est dans le Dictionnaire de Nicot que je le vois appa-
raître pour la première fois, en 1573.
(1) Ce composé s'est écrit d'abord de ores en avant, puis d'ores en avant,
doresenavant ^ puis doresnavani , dorénavant, et enfin dorénavant.
(2) Je me rapj)elle avoir lu dans Boccace contuitosiacosachè.
(3) Les Espagnols en ont fait aussi un seul mot: aguardien te, conUàcU' de
agua ardiente.
(4) « Quant à l'accent enclitique (sorte de trait d'union), disait Doleten 1540,
il n'est point recevable en la langue françoyse, combien qu'aulcuns soient d'aultre
opinion. Lesquelz disent qu'il eschet en ces dictions, te, tu, voiis^ nous, on, ton.
La forme de cest accent est telle, ' : par ainsi ilz vouldroient estre escript en la
sorte qui s'ensuyt : M'altenderai' ie à vous ? Feras' tu cela ? Quand aurons'
nous paix? Dict' on tel cas de moy ? Voirra' Ion iamais ces meschonts puniz?
Derechef ie t'aduise que cela est superflu en la langue françoyse et toutes aultres :
car telz pronoms demeurent en leur vigueur, encores qu'il/ soient postposés à
leurs verbes. Et qui plus est, l'accent enclitique ne conuient qu'en dictions indé-
clinables, comme sont en latin, ne, ve, q', nam. Qu'ainsi soit, on n'escript point
en latin en ceste f )rme : Feram! ego id iniuriœ? Eris' tu semptr tam nullius
consilij? Tiens donc pour seur que tel accent n'est propre aulcunement à nostre
langue. ii>
60 • LE TRAIT D'UMON.
Le grand nombre de mots connus sous la dénomination de
mots composés, parce qu'ils n'expriment qu'une seule idée ou
qu'un seul objet avec le concours de plusieurs mots, sont main-
tenant tantôt réunis par un ti7'et ou trait d'union, tantôt sépa-
rés, sans tirets, et tantôt groupés en un mot unique.
Isolés, ces mots offrent souvent un sens tout différent de
celui qu'ils auraient s'ils étaient réunis : belle-7nère, belle-
sœur^ beau-père, blanc- bec, belle-de-jour, ont un sens gé-
néral tout autre que le sens spécial de leurs composants.
Il convient donc de les grouper le plus possible en un seul
mot qui représentera bien mieux F idée particulière qu'ils
veulent exprimer. Par là serait évitée la difficulté , souvent si
grande, de l'orthographe du pluriel, car, dans une foule de
cas, on ne sait si la marque s oa x doit s'appliquer au premier
ou au second des composants, ou bien à tous deux. Les mots
composés, une fois agglutinés, rentrent dans la règle générale
de formation du pluriel des substantifs. Ainsi, en écrivant des
femmes, des paroles aigredouces, des discours aicjredoux, des
rougegorges , des cassecous, des cocalânes, des choufleurs , on
n'a plus à hésiter pour savoir où mettre Xs, et s'il faut écrire
discours aigres-doux ou aigre-doux^ des femmes aigres-douces
ou aigre-douces, des rouges-gorges , des casse-cous, des coq-
à-l'ânes ou des coqs-à-ïâne (1) , des choux- fleur s, etc. Si l'on
permettait d'écrire chefdœuvre^ ou plutôt chédœuvre au sin-
gulier et chédœuvres au pluriel, et non chefs-d'œuvre, comme
on le fait maintenant, les poètes n'auraient plus à regretter de
ne pouvoir dire : chédœucres> éternels , les chédœuvres» hu-
mains, ce que ne permet pas l'orthographe admise , chefs-
d'œuvre (2).
(1) Ces vers de Regnard en sont la preuve :
Pour être un bel esprit,
11 faut avec dédain écouter ce qu'on dit ;
Rêver dans un fauteuil, répondre en coq-à-Vânes
Et voir tous les mortels ainsi que des profanes.
Le Distrait, act. IV, se. 7.
(2) l^'Acadéraie, |)Our éviter les controverses grammaticales, a souvent omis
r
Lt TRAIT D'UINIOIN. 61
L'Académie écrivant : aussitôt^ aujourd'hui^ auparavant,
auprès, aplomb, embonpoint (qu'il serait mieux d'écrire en-
bonpoint, puisqu'on a mal-en-point), pourrait écrire sans tiret.
acompte, audevant, apropos, aprésent. Pour trouver ces quatre
mots au Dictionnaire, il faut aller les chercher à Compte, à
Devant, à Propos, à Présent.
L'Académie écrivant : plutôt, plupart (où le s e4 retran-
ché) (1), bienheureux^ bienséant, biendisant, médisant, pour-
rait éci'ire sans tiret : bienaimé , blenêtre , plusvalue ou plu-
value, et, en un seul mot plusqueparfait, comme elle écrit
imparfait. Puisqu'elle écrit betterave, pourquoi chou-ravel
L'Académie, écrivant comme on prononce bâbord, terme de
mer, et non bas-bord, pourrait écrire sans tiret bassetaille,
bassecour, ce qui éviterait ce pluriel : des basses-cours, des
basses-tailles.
Elle écrit avec raison bientôt : elle devrait faire de même
(l'indiquer les pluriels, laissant Imlj^cis si l'on doit écrire des clair-obscurs ou
des clairs-obscîirs, maitre-nulels ou maîtres-autels , brèche-dent ou brèche-
dents. Eu fonnanf uu seul mot des deux, ou trancherait la difficulté: un clair-
obscur, àesclairobscurs-, un maîtraittel, des maitrautels.
Un grammairien d'un vrai mérite explique ainsi l'orthographe académique
d'un gobe-mouches et un chasse- mouche. « Uu gote-niouches ne prendrait pas
ce nom s'il n'en avalait qu'une et on écrit sans 5 un chasse -mouche parce qu'ii
suffit d'une mouche pour en être importuné. » En écrivant un gobcmouche , des
gobemouches , un chassemouche et des chassemouches, on soulagerait la gram-
maire de ces subtiles distinctions.
L'Académie écrit eau-forte et eau seconde , eau régale. Comment se rendre
compte de la distinction subtile qui nécessite le trait d'union mis par l'Académie
au premier seul de ces composés, tandis qu'elle écrit séparément les deux autres ?
On devrait les écrire en un seul mot, et de même eaudevie, belledejoiir, bel-
ledenuil.
Le mot garde-malade peut s'écrire de cinq manières différentes, selon l'ana-
lyse qu'on fera des composants : une garde-malade , garde de malade ; une
garde-malades, qui garde les malades, des garde-malade, qui gardent le ma-
lade ou un malade; des gardes- malade, comme gardes-marine , gardiens de
malade; des garde-malades., qui gardent les malades; et enfin des gardes-
malades. Ce pluriel, qui semble le plus généralement adopté, est le moins logique
de tous. La forme gardemalade supprime ces puériles difficultés.
(1) Quant au genre des lettres, selon l'Académie , on doit écrire tantôt une s,
tantôt le s. Il en est de même pour d'autres lotîrcs f, l, m, n, r ; h cet égard, il
Vaut aussi prendre un parti.
62 LE TRAIT D'UNION.
pour sans doute, dont les composants ne sont pas mêuie l'éu-
nis par un trait d'union. Cependant, sans doute exprime très-
souvent le doute, au lieu d'un sens affirmatif : il viendra sans
doute signifie il viendra probablement, peut-être. On devrait
donc écrire sansdoute ou mieux sandoute, comme plutôt^ sou-
mnh\ plafond, etc.
Elle écrit sans tiret clairvoyant , et avec tiret clairsemé, à
claire-voie.
Elle écrit en un seul mot : contrebande., contrecarrer, con-
tredanse, contredire , contrefaçon, contrescarpe, etc. , et de-
vrait écrire aussi sans tiret : contr' épreuve ou contrépreuve,
contrecoup, contrecœur, contremarque, contretemps^ con-
tresens , contrepoids , contrepied , contrelettre , contrefort,
contrordre.
Contre-poison, contre-taille, sont ainsi écrits à leur ordre
alphabétique ; mais, dans le cours de son Dictionnaire, l'Aca-
démie écrit contrepoison, contretaille.
L'Académie écrit : entrecouper^ entrelacer, entrelacs, en-
tremettre^ entrelarder^ auxquels elle devrait ajouter sans tiret :
entredonner, entredéchirer, entredeux, entrepont^ entresol et
soussol ou mieux sousol (1).
(t) Dans les quatre éditions précédentes, l'Académie écrit entresol d'un seul
mot, de même qu'elle écrit en un seul mot tournesol, parasol, préséance, pré-
supposer, vraisemblance, et qu'on devrait écrire havresac, bouteselle (et non
havre-sac , boute-selle) , en prononçant Vs comme il devrait toujours être
prononcé et non comme s. M. J. Quicherat observe avec raison (Tî'aité de ver-
sification française, p. 3) que « l'Académie a tort d'écrire dissyllabe et qu'on
doit écrire disyllabe, comme dimètre, dilemme : la particule dis n'ayant rien à
faire dans cette composition. »
11 serait désirable que partout où Vs se prononce z, cette dernière lettre pût
un jour la remplacer.
On écrivait autrefois hazard, hazarder, nazillard, magazin. Corneille écri-
vait clzeaux ;oa devrait donc écrire de même bizeau, nazeau, puisqu'on écrit
nez. Bossuet, dans les manuscrits de ses Sermons, p. 52, écrit : vous oziez,
La lettre z est simple, euphonique et gracieuse. Il est regrettable qu'on ait cru en
devoir restreindre l'emploi aux seuls mots suivants : alezan, alèze, alizé, alizier,
amazone, apozème, azerole, azerolier, azimut, azote, azur, azyme, balzan^
bazar, benzine, bézoard, bii,arrerie, bonze, bronze, Byzance, cunezou, colza,
coryza, czar, dizain, dizaine, dizenier, donzelle, douzaine, douze, épizootie,
LE TRAIT D'UNION. 63
L'Académie écrit : gendarme^ yentilhomme ^ lieutenant^
mainmorte^ malhonnête^ malintentionné^ malpropre^ mal-
sain; elle pourrait écrire de même sans tiret : f au fuyant^
gagnepain, gardefeu^ gardemeuble^ mainforte.
L'Académie écrit : hautbois (qui serait mieux sous cette
l'orme : haubois^ en italien oboè)\ pourquoi ne pas écrire : hau-
tecontre et contrebasse ? et puisqu'on écrit justaucorps^ on
pourrait admettre haudechausse.
L'Académie écrit sans tiret : nonpareille^ parterre^ partout^
passavant^ porteballe^ portechape^ portechoux^ portecrayon,
por te faix^ porte feuille ^portemanteau^ postface \ et avec tiret :
nonsenSj passedebout, passeport, passetemps, peutêtre, por-
tecrosse, portedrapeau, portemontre^ portevoix. La régula-
risation de ces derniers mots supprimerait l'embarras du plu-
riel. On verra parle Tableau des mots composés la difficulté de
le former.
L'Académie écrit : outrecuidant^ outremer^ sauvegarde,
soucoupe^ soussigné^ souterrain, soutirer, surbaisser, suren-
chère\ elle pourrait écrire sans tiret : outrepasser, sauf conduit,
souslouer (ou m\Q\ixsoulouer), sousentendu, sousordre, souspré-
fet ou soupréfet, et devrait écrire soulocataire, sousol^ comme
elle écrit soucoupe, soutirer, sourire, soubassement, soumis-
sion, soulier, mieux écrit autrefois soulié.
L'Académie écnYajït surenchérir, surlendemain, surnaturel,
pourrait écrire surlechamp , au lieu de sur-le-champ, et le
(jaz, gaze^ gazelle, gazer, gazetier, gazelle, gazeux, gazomèlre, gazon, ga^
zouiller, gazouillement, gazouillis, horizon, lazaret, lazuli (lapis), lézard,
lézarde, luzerne, mazette, mélèze, mozarabe, Nazareth, nez, onzième, osma-
zôme, quartz, quatorze, quinze, recez, rez-de-chaussée, riz, rizière, seize,
sizain, sizaine, suzeraineté, syzygie, topaze, trapèze, treize, vizir, vizirat,
auxquels il faut ajouter les 41 mots coinmençant^iar cette lettre au Dictionnaire.
Si le z pouvait remplacer Vs dans les mots où il en a pris le son, on éviterait
des difficultés Orthographiques et une règle de grammaire à apprendre avec les
exceptions. L's reprendrait sa fonction naturelle dans ces mots composés :
asymptote, désuétude, entresol, havresac, monosyllabe, parasol, préséance,
présupposer, soubresaut, tournesol, vraisemblable, etc., que des étrangers
croient devoir prononcer comme aisément, avec le son du s.
64 hi: TRAIT D'UJNION.
placer à son rang à côté de surlendemain , tandis qu'il faut
chercher cet adverbe ou locution adverbiale à Champ ;
surlechamp est un adverbe comme sitôt et aussitôt , lequel
est également composé de trois mots : au-si-tôt.
L'Académie écrit : hecfigue, pourboire, quinte feuille, quin-
tessence, tournebride , tournebroche, to\irnemain, vaurien.
Elle pourrait écrire sans tiret : chaussetrape, coupegorge,
couvrepied., curedent^ quatretemps^ quatrevingts, songecreux,
et, puisque ^«/)ecw est ainsi écrit, torchecul OMtorchecu devrait
l'être de même.
Bien que l'Académie écrive des contrevents et des abat-vent^
des brise-vent et des paravents , des casse-tête et des serre-
tête, des tire-têtes et des hausse-cols , des passe-poils et des
passeroses, des passeragcs et à^^ passe-ports ^ un gobe-mouches
et un chasse-mouche^ ces mots, de même formation, devraient
tous prendre une figure orthographique uniforme.
Gomment fixer les pluriels des mots suivants, que chacun
forme à sa manière :
Des ayants cause, des bateaux-poste^ des boute-selles, des chasse-
marée, des têle-à-lé(e , des souffre-douleur, des contre-vérité , des
coqà-fâne, des daviesjeannes, des croc-en-jambe, des rouges-gorges,
des rouge-queue, des rouges-trognes, des rouges-boi^ds, des garde-
forêt, ^^^ gardC'robes, des cure-dent, des cure-oreilles, des chausse-
pied, des entre-côtes , des essuie-main , des appui-tnain, des /e.s5e-
cahier, des porte-hache, des pieds-d'alouette, des passe-volants, des
hautes-contres, des culs-de-sac, des guets-apens , des pince-maille^
des après-dînées, des après-midi, des garde-fous, des gardes-marine,
des perce-oreille, des trouble-fête, des ponts-neufs, des messire-Jean,
des bains-Marie , des colin-maillard, des revenant-bon, des porte-
étendard, des serre-tête, des tire-têtes, des serre-file, etc. ?
Pour lever toute difficulté, ne pourrait-on pas, dès à présent,
ramener comme suit ê> une orthographe uniforme ces mots
composés :
Âbajour, abavant,appuimain,avancoureur, avanmain, avanscène,
bassecour^ boute feu, brèchedent , brisecou, hrûletout, cassenoisette,
chapechute, chnssemarée, chassemouche, cervolant, chaufepied,
LE TRAIT D'UNION. 65
chaussepiedy chaussetrape ^ chou fleur, contrecoup, coupegorge,
couvrefeu, crèvecœur, curedent, damejeanne, entracte, entrecôte,
entreligne, essuîmain,gagnepain, gardechasse, gardecôte, gardema-
gasin, gardemanger, gardemine, garderohe, gâtem€tier,gorgechavde,
haussecol, haubois, hautecontre, messirejean, millepied, mouillebou-
che, ouidire, passedebout, passedroit, passepartout , passepasse,
perceneige, portemontre, portecrosse, reineclavde, reinemarguerite ,
réoeilleinatin, saufconduit , serre fil e , serrepapier , serreiête , tail-
ledouce, terreplein, tireboite, trouble fête, va tout, viceroi, et eulin un
vanupied, etc. (Voir Appendice F.)
On place entre deux tirets la lettre euphonique t, et c'est
avec raison qu'on écrit : y a-t-il^ ira-t-il', mais pourquoi ne pas
en faire autant pour 1*5 qui a le même emploi? On ne devrait
pas écrire, comme on le fait, donnes-en, poses-y, ciieilles-en^
donnes-y, manges-en^ ce qui donne lieu à l'erreur fréquente
que l'on commet en s'imaginant que, dans toutes les conju-
gaisons, la seconde personne de l'impératif doit avoir une s. Il
faut donc de toute nécessité écrire donne-s-en, portes y, vas-en
chercher, vas-y, cneille-s-en, mange-s-en; ou mieux en met-
tant un z euphonique à la place de 1'^, puisque l'Académie écrit
maintenant quatre-z-yeux qu'elle écrivait auparavant qiiatre-
zyeux.
Doit-on, pour la division des mots au bout des lignes, se
conformer à l'étymologie ou bien à l'épellation, qui favorise
mieux la lecture à haute voix? L'Académie, dans son Diction-
naire, n'a adopté aucune règle fixe à cet égard : il conviendrait
de faire cesser cette incertitude qui embarrasse les correcteurs
d'imprimerie. Ainsi , dans la même page, on trouve écrit :
souscrire conformément à l'étymologie, et sous-crire^ confor-
mément à l'épellation. Il en est de même pour souscripteur et
sous-cripteur, atmosphère et atmos-phère , hémisphère et
horos-cope^ catastrophe et cho-révêque, mono-ptère et coléop-
tère.
5
66 LE TRAIT D'UNION.
L'Académie ayant admis la division i-nadmissibiiité^ i-tiéga-
lité, su-rannéi pros-terner, pros-titue?\ semblerait autoriser
cette division conforme à l'épellation pour des-truction, des-
titution, dés-union, pres-cription ; cependant elle écrit aussi
inspecter, inspirer^ obstruction^ pr^oscrire, conformément à
l'étymologie.
Cette question, futile en apparence, a une application in-
cessante dans la pratique. Peut-être doit-on préférer la division
adoptée pour les langues grecque et latine, où l'on sépare^
en fin de ligne, les mots par un tiret d'après leurs racines.
MOTS EIN ANT ET EN T. 6T
IV
DE L'ORTHOGRAPHE ET DE LA PRONONCIATION
DES MOTS TERMINÉS EN ANT OU ENT.
ADJECTIFS ET SUBSTANTIFS VERBAUX PROVENANT DU PARTICIPE
PRÉSENT.
Selon les grammaires, nous avons d'abord dans la catégorie
des mots en ant :
1° Tous les participes présents, terminés sans aucune excep-
tion en ANT, et invariables quand ils expriment une action.
Quand ils expriment un état^ ils peuvent se transformer en
adjectifs verbaux et s' accorder en genre et en nombre avec
leur sujet. L'adjectif verbal, extension d'emploi du participe
présent, conserve au singulier masculin la forme ant du par-
ticipe présent dont il dérive. Il devient même quelquefois un
substantif, que j'appellerai alors substantif verbal -, tels sont ;
les étudiants^ les complaisants^ les opposants^ les gérants^
les correspondants^ etc.
2° Sont aussi terminés en ant les adjectifs et les substan-
tifs des verbes formés sur la première conjugaison latine, tels
que amant ^ chantant, mendiant, suppliant, dont le nombre
est considérable. Tous, sans exception, sont, comme le parti-
cipe présent et le gérondif, terminés en ant.
3" Sont terminés aussi en ant tous les adjectifs et substan-
tifs de ce genre provenant d'une autre source que le latin.
68 MOTS EN ANT ET ENT.
Tels sont ces mots français formés- d'un verbe ne provenant
pas du latin :
agaçant
éblouissant
glapissant
pantelant
attachant
éclatant
glissant
passant
blanchissant
écrasant
grimaçant
penchant
bondissant
écumant
grimpant
perçant
bouffant
effrayant
grinçant
piquant
brisant
engageant
grisonnant
plongeant
brunissant
étiolant
guerroyant
rafraîchissant
bruyant
étouffant
intrigant
regardant
brûlant
étourdissant
jaillissant
ronflant
calmant
frappant
jappant
sali>saiit
choquant
fringant
jaunissant
tannant
criant
gagnant
marquant
tombant
croupissant
galant
massacrant
tranchant
déchirant
garant
navrant
trébuchant
Ainsi donc, je le répète, les mots terminés en ant compren-
nent : 1" tous les participes présents, sans aucune exception;
2" tous les adjectifs et substantif verbaux dérivés de verbes
français formés sur lii première conjugaison latiiie et qui sont
en si grand nombre ; 3° tous les substantifs et adjectifs ver-
baux qui ne viennent pas du latin.
Pour ces trois classes de mots, il n'y a pas d'embarras, pas
de changements à proposer.
Mais il n'en est pas de même des adjectifs et des substantifs
formés sur les trois autres conjugaisons latines : sans aucun
motif apparent , les uns sont terminés en ant , les autres en
eut. Il en résulte donc une grande incertitude orthographique,
car la prononciation ne peut servir de guide , puisque les uns
comme les autres, soit qu'ils s'écrivent par ant, soit par ent,
se prononcent également par notre an nasal, en sorte que l'é-
tymologie nous induirait en erreur, tous possédant un primitif
latin en ens.
On doit faire remarquer que, même dans cette catégorie, la
forme ant est beaucoup plus nombreuse que la forme ent.
Voici le tableau des mots français terminés en ant et celai
des mots terminés en ent, provenant les uns et les autres d'une
MOTS EN ANT ET ENT.
69
conjugaison latine autre que la première (laquelle, on le ré-
pète, forme toutes ses terminaisons en ant).
Liste des adjectifs et substantifs verbaux formés de participes la-
tins en ENS {haute, moyenne et basse latinité), provenant de la
2*, 3^ ou ¥ conjugaison
El qnl CD français se terminent en ANT.
abrutissant
convaincant
impuissant
raréfiant
absorbant
convenant
inconstant
ravissant
adoucissant
copartageant
inconvenant
reconnaissant
aflligeanl
correspondant
indépendant
réfrigérant
agissant
courant
insignifiant
réjouissant
agonisant
croissant
insuffisant
reluisant
amollissant
croyant
intendant
renaissant
ascendant
cuisant
intervenant
repentant
assaillant
décevant
languissant
répercutant
assistant
défaillant
luisant
répondant
assortissant
défiant
malfaisant
repoussant
assourdissant
délinquant
méconnaissant
resplendissant
assujettissant
dépendant
mécréant
ressortissant
attenant
déplaisant
médisant
revenant
attendrissant
déposant
méfiant
riant
aUrayant
descendant
mordant
rugissant
avenant
désobéissant
mordicant
saillant
avilissant
desservant
mourant
saisissant
belligérant
dirigeant
mouvant
satisfaisant
bienfaisant
dissolvant
naissant
savant
bienséant
divertissant
nourrissant
séant
bienveillant
endurant
obéissant
séduisant
cédant
ensuivant
odoriférant
servant
clairvoyant
entreprenant
offensant
sortant
combattant
étourdissant
opposant
soufl'rant
commettant
étudiant
outrageant
souriant
compatissant
excédant
pâlissant
suant
complaisant
exécutant
partageant
suffisant
composant
exigeant
pendant
suivant
compromettant
existant
perdant
surintendant
concertant
exposant
persistant
surprenant
concluant
extravagant
pesant
survenant
confiant
fatigant
plaisant
survivant
conquérant
flagellant
poursuivant
tenant
consentant
fleurissant
prenant
tendant
consistant
florissant
pressant
transcendant
constituant
tondant
prétendant
vaillant
consultant
fuyant
prévenant
venant
contenant
gémissant
prévoyant
versant
contendant
gérant
puissant
vivant
contredisant
imposant
ramollissant
voyant
70
MOTS EN AJST ET EIST.
Parmi les participes en ant les grammairiens en indiquent
quinze qui changent d'orthographe en cessant d'être employés
comme participes présents, et qui prennent alors ent au lieu
de ant.
Mais pourquoi étabhr une exception pour ces seuls mots
dans le nombre si considérable de partiel p'es en ant qui, lors-
qu'ils deviennent substantifs ou adjectifs verbaux, conservent
dans les deux cas la désinence ant comme en combattant et
un combattant ; en conquérant et un conquérant^ en étudiant
et un étudiant [\)'i Si donc dans ces quinze mots qui se ren-
contrent dans les trois dernières conjugaisons latines les par-
ticipes se sont ainsi modifiés :
(Participe.)
(Participe.)
adhérant
suhst.
adhérent
exceflant
adj.
excellent
affluant
subst.
affluent
expédiant
subst.
expédient
coïncidant
adj.
coïncident
négligeant
subst.
négligent
convergeant
adj.
convergent
précédant
subst
précédent
.lifférant
adj.
différent (2)
présidant
subst
président
divergeant
adj.
divergent
résidant
subst
résident
émergeant
adj.
émergent
violant
adj.
violent
équivalant
suhst
équivalent
tandis qu
on écrit de cette manière :
(Participe.)
(Participe.)
assistant
et un
assistant
excédant
et un
excédant
agonisant
et un
agonisant
complaisant
et un
complaisant
descendant
et un
descendant
répondant
et un
répondant
desservant
et un
desservant
prétendant
et un
prétendant
dissolvant
et un
dissolvant
revenant
et un
revenan t
plaisant
et un
plaisant
vivant
et un
vivant
médisant
et un
médisant
ne doit- on pas donner à ces quinze mots adhérent, af-
(1) Si Ton voulait alléguer que le substantif verbal un étudiant devait être
ainsi écrit, attendu que, étant tiré du participe présent de la première conjugaison
frariçaise {étudier^ en étudiant), sa forme régulière est en ant et non enew/,
sans qu'on ait à tenir compte de la deuxième conjugaison latine {studere^ studens),
on demande pourquoi les substantifs verbaux adhérent, affluent, etc., et les ad-
jectifs verbaux coïncident et convergent qui appartiennent aussi à la première
conjugaison française sont écrits en ent et non en ant.
(■>) On pourrait faire une exception pour le substantif rft/'/'crf'Wt/.
I
MOTS EN ÀNT ET ENT,
71
fluent^ etc., une désinence uniforme, celle en antl Par là
cesserait toute difficulté, et les règles exceptionnelles qui
surcliargent nos grammaires seraient diminuées d'autant
Liste des adjectifs et substantifs verbaux provenant des
trois dernières conjugaisons latines
Et qni se terminent en ENT.
Les quinze mots exceptionnels sont marqués d'un *, et. les trois adjectifs »on
verbaux d'une t.
absent
continent
expédient '
jacent
abstinent
contingent
fervent
latent
accident
convalescent
fréquent
mécontent
adhérent *
convergent *
imminent
négligent *
adjacent
corpulent t
impatient
occident
adolescent
décent
impertinent
opulent
afférent
déliquescent
impotent
orient
affluent ♦
déponent
imprudent
patent
agent
différent •
impudent
patient
antécédent
diligent
incident
pénitent
apparent
dissident
incohérent
permanent
ardent
divergent *
incompétent
précédent *
astringent
dolent
inconscient
prééminent
clément i
effervescent
inconséquent
président *
client
efficient
incontinent
prudent
coefficient
éloquent
inconvénient
récipient
coïncident *
émergent *
in<lécent
réfringent
compétent
éminent
indigent
régent
concurrent
émoi lient
indulgent
résident *
confident
équipoUent
inhérent
subséquent
confluent
équivalent *
innocent
succulent 1
conscient
escient
insolent
suréminent
conséquent
évident
intelligent
urgent
content
excellent *
intermittent
violent *
Ainsi donc, contrairement à la série considérable des mots
en ant provenant i*' de la première conjugaison latine, qui
ne figurent pas ici et qui tous se terminent en ant ; 2** de la
liste des mots en ant qui ne dérivent pas de verbes latins ;
3" de la liste des mots de la seconde, troisième et quatrième
conjugaisons latines qui se terminent en ant^ bien que formés
sur les désinences latines en ens^ on voit que le nombre des
mots qui se terminent en ent (une centaine au plus) est relati-
vement très-faible comparé à ceux dont la désinence est en
72
MOTS EN ÂNT ET EI^T.
ant, et que d'ailleurs aucune règle fixe n'a présidé à leur
formation. Bornons-nous à ces exemples :
2e Conjugaison : plaisant, répondant
— contenant, attenant
_ _ vaillant, voyant
3* Conjugaison : confiant, suivant
— — belligérant, ascendant,
-- _ affligeant
— — suffisant
— — déposant
— — cédant
— — suivant
4* Conjugaison : avenant, inconvenant
— — amollissant
et abstinent, permanent
et continent, éminent
et équivalent, évident
et confident, conséquent
et antécédent, intelligent
et négligent
et efficient
et déponent
et précédent
et conséquent
et inconvénient, expédient
et émollient, etc.
Que d'hésitations et d'efforts de mémoire pour ne pas errer
dans ce labyrinthe !
Bien plus, il est quelques-uns de ces mots, au nombre de
17, qui, au masculin singulier, présentent une homographie
complète avec la troisième personne du pluriel du présent de
l'indicatif, également terminée en ent^ et dont la prononciation
diffère, exemple : un affluent, ils affluent-, un expédient, ils
expédient.
Mots en ent prononcés différemment, bien qu'écrits de même.
affluent, adj.
un expédient
content, adj.
convergent, adj.
un équivalent
excellent, adj.
négligent, adj.
émergent, adj.
un président
ils affluent
ils expédient
ils content
ils convergent
ils équivalent
ils excellent
ils négligent
ils émergent
ils président
un résident
violent, adj.
un couvent
un confluent
évident, adj.
divergent, adj.
un parent
ils résident
ils violent
elles couvent
ils confluent
ils évident
ils divergent
ils pareijt
coïncident, adj. ils coïncident
En adoptant la désinence ant pour tous les adjectifs et sub-
stantifs verbaux on éviterait donc cette homographie qui vient
encore accroître le trouble déjà signalé ; or, du moment où la
terminaison ant l'emporte de beaucoup en nombre sur ent et
que la prononciation est identiquement la même dans l'un et
I
MOTS EN ANT ET ENT. 73
l'autre cas, on propose de ramener tous les substantifs et ad-
jectifs verbaux à un seul et même type en ant,
Bossuet, lors des discussions préliminaires pour le Diction-
naire de l'année 1694 (voir App. G), frappé déjà de l'incohé-
rence de l'orthographe des adjectifs et des substantifs termi-
nés les uns en ant^ les autres en ent, cherchait le moyen de
parvenir à une sorte de régularité, et, comme il lui semblait
que^ dans l'ensemble des mots français formés par le par-
ticipe latin en ens^ la terminaison en ent était plus nombreuse
que celle en ant^ il proposait à cet effet, tout en maintenant
au participe présent, ainsi qu'au gérondif, la forme exclusive
ant (1), de donner à tous les autres la forme ent.
Mais, contrairement au sage avis de Bossuet, qui voulait l'u-
niformité, l'Académie inscrivait dans son Dictionnaire près de
la moitié des adjectifs et des substantifs verbaux (voir le ta-
bleau page 69) avec la désinence ant^ bien que formés tous
sur la désinence ens du latin, tels que : affligeant, ascendant,
assistant^ assujettissant, attenant^ attrayant, avenant, bien-
disant, bienfaisant, bienséant, cédant, etc. , entraînée en cela
par le grand nombre d'adjectifs et substantifs verbaux prove-
nant de mots forgés sur la première conjugaison latine^ ar-
rivant, aimant, amant, allant, appelant, etc. , et sur les mots
(1) Dans les manuscrits autographes des sermons de Bossuet, 2 vol. in-fol., que
j'ai examinés à la Bibliothèque impériale, on remarque, au contraire, une tendance
naturelle à remplacer \'e par Va, conformément à la pronon( iation. Il écrit donc
constamanf, contanty contanter, conlantement, atantion, ataniif, atantive-
ment, atantats, cepandant, coimnancer, etc. Il écrit commancement et assam-
bler, et presque toujours, si ce n'est toujours, il écrit, comme Corneille, vanger,
vangeance.
Ainsi on trouve écrit par Perrot d'Ablancourt letrencher, garentie, qui sont
devenus garantie et retrancher conformément à la tendance de substituer l'a à
l'e, et il écrit restraindre comme nous écrivons contraindre; mais aujourd'hui
on écrit restreindre avec un e.
FéneloUjà toutes ses éditions, écrit les Avantures de Télémaquey et Racine écrit
aussi avanture, vanger, vangeance. L'Académie cependant écrivait aventure
dès sa première édition de 1694. Fénelon ne publia sa première édition : Suite du
quatrième livre de l'Odyssée d'Homère ou Avantures de Télémaque , qu en
1699, et toutes les éditions postérieures, y compris celle de Etienne Delaulne, 17i7,
74 MOTS EN ANT ET ENT.
étrangers au latin, agaçant^ attachant^ brisant^ gagnayit^pas^
sant, tranchant, etc.
Ainsi, dès cette époque, la formation en ent, que j'appellerai
latine, avait cessé de fonctionner, et dès lors l'adjectif et le
substantif verbal se formant à fur et mesure des besoins sur
le participe présent français toujours en ant, il en résulte
que le nombre des mots de ce genre l'a emporté de beau-
coup par un usage constant sur ceux dont la désinence est
en ent.
Maintenant, en présence des faits, on peut être assuré que
Bossuet, avec la supériorité de son esprit et la rigueur de sa
logique, n'aurait pas hésité à adopter pour règle l'uniformité
de la désinence en ant. Et, en effet, puisque la prononciation
est la même pour tous, pourquoi retarder plus longtemps une
réforme si facile, qui épargnerait l'obligation, très-pénible,
souvent même impossible, d'établir une distinction dans l'or-
thographe des participes présents et celle des adjectifs et
substantifs verbaux, dédale où la connaissance du latin et des
étymologies, loin de nous guider, nous entraîne, comme on
vient de le voir, dans de perpétuelles contradictions?
Si ce principe était adopté, on pourrait conserver la dési-
nence ent au petit nombre de mots formés directement du la-
tin, comme gent de gens ; aux mots calqués sur la désinence
latine du neutre en entum, comme testament^ monument, de
testamentum , momimentum, et enfin à tous nos adverbes
en ment, tous par e, à cause de la racine mente. Ces trois
classes de mots feraient seules exception à la règle de Va
remplaçant e dans les mots terminés en ant.
portent le titre d^Avantures. Fénelon persistait donc, malgré l'Académie, à écrire
et faire imprimer son livre avec le titre courant à'Avaniures, et c'est ainsi que
sont imprimées les Avantures de M. d'Assoucy^ les Avantures du baron de
Fœneste.
MOTS EN ANCE ET ENCE. 75
DE L'ORTHOGRAPHE ET DE LA PRONONCIATION DES MOTS
EN ANCE ET ENCE,
Enfin l'Académie examinera s'il ne conviendrait pas de ra-
mener à une seule et même orthographe les mots ayant leur
désinence en ance et ence.
Tous les substantifs dérivés des verbes de la première con-
jugaison latine se terminent par ance : abondance, assonance,
consonance , extravagance , substance, etc.
Pour les mots dérivés des verbes de la deuxième conjugai-
son , le plus grand nombre se terminent en ence ; cependant
l'Académie écrit : appartenance et abstinence, allégeance et
agence, bienséance et éqnipollence, dépendance et éminence,
complaisance et dissidence , condoléance et déshérence , dé-
chéance et décadence, déplaisance et permanence, eyigeance et
exigence, intendance et incidence^ malveillance et pénitence,
naissance et innocence, plaisance et indulgence, surséance
et présidence^ prévoyance et providence , réjouissance et rési-
dence, redevance et impertinence ; enfin elle écrit diversement
les dérivés d'un même verbe : (de tenere , tenens), contenance
et continence, (de videre, videns) , clairvoyance et évi-
dence, etc.
Pour les mots dérivés de la troisième conjugaison, la moitié
s'écrivent par ance ou par ence, sans motif apparent : assis-
tance et adolescence, bienfaisance et magnificence , conco-
mitance et concupiscence , confiance et confidence ( de confi-
dere) , consistance et conséquence, descendance et coîivalescence,
croyance , crédence et créance (de crederé) , croissance et con-
férence, déchéance et décadence (de caderé) , défiance et dési-
nence , gérance et agence, médisance et confidence , méfiance
et mésintelligence, insuffisance et éloquence, intendance et
intelligence, concomitaîice et iîitermittence (l'un avec un ^,
l'autre avec deux /), naissance et affluence, oubliance et /le'-
gligence, subsistance et existence.
76 MOTS EN ANCE ET ENCE.
Pour les mots dérivés de la quatrième conjugaison, ils se bor-
nent à 6 ou 8 et présentent la même anomalie : convenance et
audience^ disconvenance et coriscieiicCy souvenance^ prévenance
et expérience^ obéissance et obédience^ insouciance et science.
Ainsi, par ces modifications ou plutôt ces rectifications, la
grammaire, débarrassée de ce grand nombre d'exceptions et
de fatigantes minuties, deviendra plus facile à apprendre, et
allégera pour l'Académie l'obligation d'en rédiger une. C'est
peut-être aux fastidieux détails qui surchargent encore cette
œuvre, confiée d'abord à Régnier des Marais, qu'on doit, du
moins en partie, attribuer son ajournement.
Et, en effet, quia le courage aujourd'hui de lire la Gram-
maire de des Marais, si ce n'est comme étude historique?
Le conflit entre l'orthographe propre au français et celle du
latin ne date pas, il est vrai, de l'époque du savant secré-
taire de l'Académie de 1694. Si nous nous reportons au temps
des Estienne (1540), nous le trouverons aussi marqué qu'à
présent, mais cependant en sens inverse. Ce sont les mots en
ence qui paraissent alors l'emporter numériquement sur les
mots en ance. Mais il n'en est plus de même si l'on remonte
à 1420-40, au moment où Firmin Le Ver rédigeait son
dictionnaire. Une couche très-riche de mots français d'an-
cienne formation subsistait encore, et, dans ce fonds antérieur
à la Renaissance, les vocables latins en entla sont traduits
par des mots français en ance que Le Ver, en sa qualité de
Picard, écrit souvent par anche. Par exemple :
coMPLACENTiA donne complaisance
COGNOSCENTIA congnissancc
coNFiDENTiA confianchc
coNVENiENTiA convenanchc
CREscENTiA croissaïice
DECENTiA avenanche, confenanche
DEPENDENTiA dependanchc
DisPLiCENTiA dcsplaisanche
DissiDENTiA desseanche, discordanche
ExiGENTiA juste rcqucranche
ExisTENTiA estanchs, demourancfie
MOTS EN ANCE ET ENCE. 77
IMPOTENTIA,
non puissanche
MALIVOLENTIA
maie veullanche
NASCENTIA
naissanche
PENITENTIA
penanche, pemlanche,, repentanche
PERTINKNTIA
appartenanche
PROVIDENTIA
pourveanche
RESISTENTIA
nsistanche
SUFFICENTIA
soufjisanche
Par un phénomène curieux et qui caractérise très-bien le
sens, au point de vue orthographique, et la coexistence des
deux courants qui ont formé notre langue telle qu'elle existe
aujourd'hui, dans quelques cas le mot français d'ancienne for-
mation en ance se trouve dans le même endroit en présence
du calque latin de nouvelle formation en ence. Exemples :
ABSENTiA = défaillance, absence
coNSKQUENTiA — cnsievancc, conséquence
coNsiDENTiA = seanckc, consklence, consîstence
OBFDiENTiA = obeissauche, obédience
RESiDENTiA = dcmouranci', résidence
D'autres mots, tirés également des trois dernières conjugai-
sons latines , alors récents et reproduisant le latin lettre à
lettre, sont écrits par ence. Tels sont concupiscence, diligence,
éloquence, innocence, présidence, science. D'autres substantifs
de ce genre, qui figurent également sous forme d'adjectifs dans
les tableaux précédents, ne sont pas encore usités au com-
mencement du quinzième siècle, car ils n'existent pas sous
leur forme actuelle dans Le Ver. Tels sont : adolescence, allé-
geance ^ agence, bienséance, clémence, compétence, correspon-
dance, décadence, éminence , décence, impuissance, incons-
tance, iyidépendance , indulgence, insolence, réjouissance ,
répugnance, etc.
J'ai voulu pousser plus loin la constatation de cette loi de
la francisation orthographique des mots directement formés
sur le latin, car, en me bornant au dictionnaire de Le Ver
et au quinzième siècle , je m'exposais à l'objection que je
n'avais embrassé qu'un dialecte et une époque de l'histoire
78 MOTS EN ANCE ET ENCK.
de la langue. J'ai cherché cette vérification dans les plus an-
ciens monuments littéraires du français au douzième siècle,
je veux dire les Quatre livres des Rois de la Bibliothèque
Mazarine et les Choix de sermons de saint Bernard, publiés
par M. Le Roux de Lincy en 1841. J'ai fait dépouiller dans
les uns et les autres tous les mots en ance et en ence. Ils sont
en bien petit nombre dans un volume de plus de cinq cents
pages, ce qui prouve que la tendance à calquer les terminai-
sons du français sur le latin n'était pas encore très-prononcée.
Les voici tous, sans acception de conjugaison cette fois :
Mots en ange.
abundance R. et habondance S. Bern. hunurance et onurance (honneur)
aliance lance
apu t tenance mescréance
atemprance (arrangement) penance (pœnitentia)
conissance S. B. pesance
conixance S. B. recunuissance
cuyenance remanance
demustrance remembrance
dessevrance (mérite) S. B. repentanceet respentance
dutance sachance S. B.
enfance R. et S. B. semblance R. et S. B.
enurance (splendeur) signefiance
espérance suslance R. et sostance S. B.
fiance sustenance
grevance venjance
Les mots en ence ne sont qu'au nombre de treize et sont
marqués d'un caractère théologique tout spécial. Ce sont :
B.
On voit que plusieurs d'entre eux ont leurs correspondants
dans la liste ci-dessus en ance : tels sont penance et pénitence^
Mots
en ENCE.
abstinence
révérence
fréquence S. B.
sapience
impatience et impascience S. B.
semence S.
négligence S. B.
science
obédience
sentence S.
pénitence
silence S. B
pestilence
MOTS EIN ANCE ET ENCE. 79
sachance et sapience, science. Il résulte de ce qui inécède que
même dans les mots tirés de substantifs en entia la forme
française en ance domine partout sur la forme latine m ence
qui figurait peut-être la prononciation ince. En tout cas il est
incontestable qu'en empruntant des mots au latin, le français
d'alors ne s'attachait pas à en copier servilement l'ortho-
graphe.
I
80 SYLLABES TI, TION.
V
SYLLABES TI, TION,
Au moyen d'un simple signe adapté à la lettre /, comme
Geofroy Tory l'a faille premier pour la lettre c, lui donnant,
par l'apposition de la cédille, le son exceptionnel du 5, bien
des difficultés de prononciation seraient épargnées aux étran-
gers ainsi qu'aux enfants; et l'Académie ne serait plus obligée,
dans son Dictionnaire, de répéter continuellement : « Dans ce
mot, t suivi de i se prononce comme c dans c^, » indication
fréquemment reproduite , mais qu'on lui reproche d'avoir
oubliée dans plus de cent endroits.
Cette syllabe ti^ qu'on doit prononcer ci, est une cause
de telles difficultés pour la lecture et l'écriture, qu'il semble
indispensable d'adopter un système régulier, soit en rempla-
çant le ^ par cou 5, comme l'a fait l'Académie dans certains mots,
soit en plaçant une cédille sous le ^, ainsi qu'on le fait depuis le
milieu du seizième siècle pour le c. En sorte que, de même
qu'on écrit flacon et façon, gascon et garçon, on écrirait : nous
acceptions et les acceptions, pitié et inertie, inimitié et facé-
tie, amitié et primatie, chrétien et Capétiens, etc.
Déjà l'Académie a substitué quelquefois le c au ^ ; elle écrit
négociation, qui, conformément à l'étymologie, aurait dû être
écrit négotiation, puisqu elle écrit initiation, pétition, propitia-
tion (1). Ailleurs elle écrit sans motif il différencie ^i il balbu-
tie, chiromancie et démocratie , circonstanciel et pestilentiel.
(1) Elle se trompe même en indiquant ainsi la pFononciation de ce mot : « On
prononce propiciaUon. »
p
SYLLABES 77, TION. 81
L'Académie, qui a écrit par un t les dix adjectifs suivants :
ambitieux^ captieux^ contentieux^ dévotieux, factieux^ facé-
tieux ^ minutieux, prétentieux^ séditieux , superstitieux , écrit
par un clés treize autres que voici : avaricieux^ consciencieux^
disgracieux^ gracieux^ licencieux^ malgracieux^ malicieux^
précieux^ révérencieux^ sentencieux^ silencieux^ spacieux^
vicieux : les uns et les autres, indistinctement, ont en latin
un ^, vitiosus, pretiosus (1), etc. Pourquoi cette distinction ?
En modifiant l'orthographe des dix premiers, tous les adjectifs
de cette catégorie terminés en ieux seraient écrits et prononcés
uniformément, comme avaricieux, capricieux^ délicieux.
Peut-être conviendrait-il, pour treize substantifs ayant tie
pour désinence : argutie, calvitie, diplomatie, facétie, impé-
ritie, ineptie, inertie, minutie^ onirocritie, primatie, prophé-
tie, suprématie, et pour les quatre mots terminés par cratie :
aristocratie , bureaucratie , démocratie, ochlocratie , de les
écrire avec la désinence cie, comme l'a fait l'Académie pour
chiromancie, rabdomancie. Alors il n'y aurait plus d'excep-
tion pour l'ensemble des mots se terminant en cie , comme
pharmacie, superficie, alopécie et esquinancie, que Henri Es-
tienne, à sa table des mots dérivés du grec, renvoie avec raison
à squinancie.
Il en est de même de circonstanciel, que l'Académie écrit par
une; mais elle écrit confidentiel, différentiel , pestilentiel,
substantiel, obédientiel, et cependant ces mots dérivent de
confiance, différence, pestileiice, substance, obédience, comme
circonstanciel dérive de circonstance. Par la même raison,
essentiel devrait s'écrire essenciel. On pourrait donc écrira
uniformément les mots dont la désinence est en ciel.
(1) Le moiprétkuses est ainsi écrildans le Dictionnaire de Somai/e (1661), mais
l'Académie, en 1694, remplaçant le t par un c, écrit les précieuses^ et déjà en
1420, le Dictionnaire de Le Ver, où souvent les mots latins sont orthographiés
conformément à la prononciation française, écrivait avec un c les mots preciosus^
preciolus, preciose, preciositaSj qu'il traduit ^àr précieusement, precieusefes.
6
82
SYLLABES 77, TION.
Ainsi, pour ces diverses séries de mots prononcés en cion^
en deux, en de et en del^ le c ayant déjà été employé quel-
quefois par l'Académie à la place du t, on pourrait adopter
uniformément la lettre c. Par là bien des difficultés et des
règles de grammaire seraient supprimées.
Quant aux autres séries de* mots où ti figure, peut-être
conviendrait -il de préférer le f au c : tels sont les mots
écrits exactement de même , mais qui changent de significa-
tion et de prononciation , du moment où ils ne sont plus des
verbes à la première personne du pluriel de l'imparfait de
l'indicatif.
nous acceptions
nous adoptions
nous affections
nous attentions
nous contentions
nous contractions
nous dations
nous désertions
nous dictions
nous exceptions
nous éditions
nous exemptions
nous exécutions
nous infections
nous injections
— les acceptions
— les adoptions
— les affections
— les attentions
— les contentions
— les contractions
— les dations
— les désertions
— les dictions
— les exceptions
~ les éditions
— les exemptions
— les exécutions
— les infections
— les injections
nous inspections — les inspections
nous interceptions — les interceptions
nous inventions — les inventions
nous intentions — les intentions
nous mentions — les mentions
nous notions — les notions
nous objections — les objections
nous options — les options
nous persécutions — les persécutions
nous portions — les portions
nous rations — les rations
nous relations — les relations
nous réfractions — les réfractions
nous rétractions — les rétractions
nous sécrétions — les sécrétions
La cédille, placée sous le t comme on le fait pour le c lors-
qu'il prend le son de 5, ferait cesser cette confusion injustifia-
ble. Il deviendrait aussi facile de distinguer les acceptions de
nous acceptions, les adoptions de nous adoptions , et de dis-
cerner et de prononcer les deux ti, soit ti et îi (ci), qu'il l'est
de ne pas confondre les deux sons du c dans commerçant et
traficant, dans reçu et recueillir.
Les deux verbes initier et balbutier seraient aussi écrits
par/.
Quelle difficulté, je ne dirai pas de distinguer (il n'y a pas de
distinction possible), dans la foule des mots où se trouvent les
deux lettres ti, ceux où il faut les prononcer soit ti, soit ci i
i
SYLLABES TL TION.
83
ft/nitié, pitié, inimitié^ chrétien^ moitié^ épizootie (1), et :
initié, inertie, imitation^ Capétiens^ facétie, primatiel Pour-
quoi supportions et action, argentier et différentier, abrico-
tier ^\ balbutier^. Qui d'entre nous sait comment il faut pro-
noncer antienne ?
Resteraient les autres mots terminés en tion : dentition,
partition, pétition (2), où le premier ti doit se prononcer
ti et le second ci. On écrirait donc : dentition, partition, pé-
tition, propitiafion, et de même tous les mots dérivés de la
première conjugaison latine, abdicare, abdica^io, abdicapion^
et ceux de la quatrième conjugaison latine, audire, auditio,
audition (le nombre en est minime). Ceux, en si grand nombre,
appartenant aux deux autres conjugaisons latines ont leur dé-
sinence en pion, sion, ssion et cion.
Si l'on pouvait adopter une forme, la même pour tous, sion,
ce serait préférable, car, pour pouvoir distinguer ces désinences
diverses, il faut savoir le latin. Cet emploi du t ferait cesser
de nombreuses incertitudes.
abdicare
abdicatio
abdication
abstergere
abstersio
abstersion
abjurare
abjuratio
abjuration
extorquere
extorsio
extorsion
relinere
retentio
rétention
infundere
infusio
infusion
juôere
jussio
jussion
incurrere
incursio
incursion
miscere
[mixtus]
mixtion
demiltere
demissio
démission
prœtendere
preeientio
prétention (3
opprimere
oppressio
oppression
attendere
attentio
attention
suspicere
suspicio
suspicion
convertere
conversio
conversion
sugere
suxio
succion
adspergere
adspersio
aspersion
audire
auditio
audition
(1) L'Académie n'indicpie pas la prononciation de ce mot.
(2) Contrairement aux règles de la grammaire, le premier ti dans ce mot, et
dans les cinq autres, épizootie, étiage, étier, étiolement, étioler, se prononce ti,
bien que placé entre deux voyelles.
(3) Racine, ainsi qu'on peut le voir au manuscrit autographe de la Bibliothèque
impériale, écrivait avec raison pretension (en latin prœ/ensio)) et, en effet, nous
écrivons tension. Nous devrions donc écrire de même attension que Bossuet écrit
atantion. On trouve néanmoins dans Du Cange un exemple de prœtentio. De tous
ces mots de la troisième conjugaison latine, prétention est le seul auqueU'Acadé-
mie ait conservé le t, parce que les Latins l'ont employé exceptionnellement
dans ce mot. Mais puisqu'ils écrivent infusio et nous infusion, quelle différence
y a-t-il entre prœtendere et infundere qui puisse justifier celte contradiction ?
84 SYLLABES 77, TION.
Je croyais avoir émis le premier cette idée fort simple de
l'emploi du /cédille, tf mais j'étais devancé par Port-Royal, qui
propose dans le même but de placer un point sous le t. La
cédille sous le t se trouve même mise en pratique à Amster-
dam en 1663 par Simon Moinet, le correcteur des Elzeviers (1),
ce qui prouve que l'idée en est bonne et très-praticable.
{{) La Rome ridicule du sieur de Saint Amant travestie a la nouvelle orto-
grafe; pure invantion de Simon Moinêt, Parisiïn. Amsterdam, aus dêpanséde
rimprimerië de Simon Moinêt, 1663, in-12.
1
DR J:Y grec. 85
VI
DEL'FGREG.
Cette lettre, dont l'emploi abusif foisonne dans les manu-
scrits français et les impressions gothiques de la fin du quin-
zième siècle et du commencement du seizième, et jusque dans
la première édition du Dictionnaire de l'Académie, devrait être
ramenée exclusivement à son véritable emploi, le remplace-
ment du double z, exemples : atermoyer^ ayons , citoyen,
crayon, moyen, octroyer, pays, voyez.
Dès ses premières éditions, l'Académie fit disparaître un
grand nombre d'y faisant fonction à'i simples, au grand dé-
plaisir des scribes qui se complaisaient à l'employer comme
un ornement calligraphique, et aussi pour remédier à la con-
fusion que 1'/, simple jambage , laissait dans l'ancienne écri-
ture lorsque, à côté des autres jambages des m, n, ou w, il
n'était pas surmonté du point, confusion que l'on remarque
dans la plupart des diplômes et des manuscrits antérieurs à
l'époque de la Renaissance.
Elle éfimina même successivement l'y dans un certain nom-
bre de mots où l'étymologie l'eût réclamé. Tels sont abyme,
alchymie, amydon, anévrysme, chymie, cyme, colysée, crys-
tal, gyratoire, satyrique (écrit), et tant d'autres, qu'on écrit
aujourd'hui abîme, amidon, anévrisme, chimie, cime, colisée,
cristal, giratoire, satirique, etc. Dans sa cinquième édition,
analise, analiser, analitique, ayant été ainsi écrits dans les
ouvrages imprimés alors, ces mots se produisirent sans y ;
mais l'Académie dans la sixième édition ayant rétabli analyse
86 DE L'5 GREC.
et analyser^ les imprimeries durent se conformer à ce retour
à l'ancienne orthographe, de même qu'elles rétabliront \i si
l'Académie en donne de nouveau l'exemple dans la nouvelle
édition qu'elle prépare.
Puisque les Latins n'ont pas conservé dans silva le ù ou
y grec de uV/), pourquoi écrivons-nous encore Sylvain, sylves
tre, tandis que nous avons saint Silvest7^e? Pourquoi hyémal,
lorsqu'on écrit hivernal et hiver, également dérivés de hiems ?
Dans l'ancien français on écrivait même iver et iverner.
Ne pourrait-on pas adopter Yi au lieu de Vy dans certains
mots d'un usage assez général, comme anonyme, apocryphe,
asphyxie, cacochyme, cataclysme, chyle, chyme (à cause de
chimie), clysoir, cly stère , collyre, cycle, cygne ^ cynisme,
cyprès, gymnase, mystère (Bossuet écrit mistère et mis-
tique), oxyde, oxygène, style {\), syllabe, symétrie, sympho-
nie, syndicat, syncope, syphilis, système, type, tyran (Bos-
suet écrit tira7i) (2), etc.?
Ce serait un pas de plus ver^ une réforme plus complète,
telle que celle que l'Académie de Madrid vient d'accomplir
en 1859, en repoussant Y y pour le remplacer partout par Yi
simple (3).
La présence simultanée de Y y et de Yi dans un certain
nombre de mots de notre langue offre parfois de l'embarras à
des personnes instruites, à des savants même, qui craignent,
avec quelque raison, qu'un lapsus momentané de mémoire ne
(1) Les Latins éerivent stilus par un i\ il est vrai que ce mot dérive de axu^o;,
qui en grec signifie colonne, d'où le bâton, puis le sttjlus, poinçon dont la tige est
arrondie et pointue à l'un des bouts pour écrire sur la cire, et au figuré le style.
Mais y a-t-il motif de se glorifier de ces curiosités scientifiques? Ce sont des jeux
d'esprit et de mémoire qui portent le trouble dans l'orthographe bien inutilement.
L'Académie écvit mirmidon, en indiquant que quelques-uns écrixent miji'midon ,
et cariatides, bien que l'orthographe grecque et !atine eût exigé car/jatides.
(2) Dans le Dictionnaire de Le Ver, composé en 1420, mistere, firaw, sont aussi
écrits sans y.
(3) Promptuario de ortografia de la Ungua espanola despuesto de real orden
para deliiso de las escuelas pûbUcas, por la real Academia espanola, 1866.
DE VY GREC. 87
les fasse accuser d'ignorance par des personnes peu bien-
veillantes.
Il suffira de citer les mots suivants dans lesquels la ressem-
blance des syllabes est loin d'être un secours :
acolyte (1)
et ichtliyolithe
hiéroglyphe
et hyperbole
amphitryon
et emphytéose
Hippolyte
et stylite
amphictyoïi
et Amphitrite
histrion
et hypothèque
apocryphe
et logogriphe
hypotypose
et prophylactique
azimut
et byzantin, hyalin
hypocrisie
et chrysalide
adipocire
et adynamie
hyémal
et hiérarchie
borborygme
et énigme
lithographie
et lymphatique
bronchite
et prosélyte
lycanthropie
et liturgie
dionysiaque
et dyspepsie
péristyle
et crocodile
diachylon
et conchyliologie
phthisie
et psychologie
diptyque
et crypte
polytechnique
et poliorcétique
dithyrambe
et dynamique
rhythme
et eurythmie
éclipse
et apocalypse
schiste
et néophyte
épididyme
et épicycloïde
Scythie
et Bithynie
épiphyse
et symphise
sibylle
et pythie
érysipèle
et paradigme
stigmatiser
et Styx
étymologie
et esthétique
syzygie
et triglyphe
glyptique
et triptyque
xiphoïde
et xylographie
Quelques mots où Vy ne provient ni du français ni .du grec
pourraient être ramenés aux règles de notre orthographe, tels
sont : jockey, jury, tilbury, yacht, yatagan, yeuse, qui paraî-
traient avec avantage écrits par un i à la manière française ;
ce qui se fait déjà pour quelques-uns d'entre eux,juri,jockei.
Une longue prescription peut seule faire tolérer le pluriel de
œil, écrit autrefois plus régulièrement ieux.
(1) Ce mot devrait pour satisfaire à l'étyraologie être écrit acoZw^^e, puisque
nous avons anacoluthe.
88 DU q DUR ET DU g DOUX.
Vil
DE LA LETTRE çj.
Puisque l'on a adopté, dans la typographie moderne, la
forme g (1) à laquelle l'œil est aussi habitué qu'à celle du g
romain et kla. forme du ^ italique, on devrait l'utiliser pour
figurer le g dur, comme dans figure^ envergure^ en la distin-
guant par un point sur la branche j pour indiquer que le g
ainsi marqué prend le son doux dans les mots gag'ure, mdn-
(jure, verg'ure, charg'ure^ égrugure^ ainsi que l'avait déjà pro-
posé de Wailly, et dès lors on écrirait ces mots sans la lettre
parasite e, puisque l'on ne prononce pas eu dans gageure^
comme dans demeure, effleure^ pleure.
Cette forme du g, g\ pour rendre le son du g doux, serait
d'autant mieux appropriée à cet office qu'elle contient comme
élément la lettre j. On écrirait donc avec le g doux gagure ,
mangure, vergure^ affligant, exigant^ roug'atre^ orang'ade, et,
conformément à la prononciation, le g dur serait employé
pour les mois figure, envergure^ 9^9^'» 9org'er.
Par cette légère modification, on aurait le double avan-
tage de ne présenter à l'œil rien de choquant et d'inusité, et
d'épargner l'emploi de \'e, si fâcheusement mis en usage
(1) Dans ce chapitre et le précédent on a fait emploi du g conformément à plu-
sieurs éditions imprimées avec cette forme du g par Pierre et Jules Didot, et
employée dans notre imprimerie pour la belle édition en douze vol. de Cor-
neille, éditée par Lefèvre. Du moment où leg^ a été remplacé généralement dans
les caraclères italiques par la forme plus simple du </, ce même changement doit
s'opérer pour les caractères romains ; on évitera ainsi deux formes différentes
pour la même lettre.
ini Ç) DUR ET DU c] DOUX. 89
pour rendre au cj dur, devant les voyelles «, o, u, le son du j.
A moins qu'on ne préférât remplacer le g doux par le j\ comme
on l'a souvent proposé, et comme il Ta été dans le mot donjon,
écrit dongeon et dongon dans le Procès de la Pucelle. On écrit,
en effet, jumeaux et gémeaux, jambe et gigue, enjamber et
dégingandé, jambon et regimber', de même que du latin
gaudere^ gaudium, on a fait joie^ joyeux, réjouir ; de gena^
joue-, de magis , majeur , majesté, bien qu'on écrive magis-
trat^ et par contre dejuniperus on a fait genévrier. En 1240,
ego s'écrivait ge que nous avons remplacé parye (1). D'après
ces exemples, on pourrait donc écrire jujer ^ gajure^ ver-
jure^ gaje.
Pourquoi Ud^àmvQ jacens et hic jacet par gissant et ci-gît,
au lieu de jissant et ci-jii^ et écrire genièvre au lieu de/e-
nièvre^ en \aXin juniperus? On écrivait autrefois avec raison
jesier, du latin /ecwr; pourquoi gésier'^
Il est fâcheux de voir ainsi écrits les mots :
abstergent
et affligeant
diligent
et désobligeant
astringent
et assiégeant
négligent
et obligeant
contingent
et dérogeant
indulgent
et outrageant
convergent
et changeant
indigent
et partageant
En écrivant af/îigant, exigant, nag'ant, partagant, diri-
gant, au lieu de affligeant, exigeant, nageant^ partageant^
dirigeant, on simplifierait l'orthographe déjà si compliquée
des mots terminés en ant, et l'on pourrait écrire oblig'ance,
comme on devrait écrire néglig'ance.
Avant l'emploi de la cédille placée sous le ç, on était forcé,
pour éviter qu'on prononçât commençons, d'écrire nous com^
menceons, comme nous écrivons gageure en ajoutant un e. La
cédille ayant rendu inutile cette addition de l'e à la suite du c,
Ve dans commenceons fut supprimé (2).
(1 j Cette orthographe ge domine encore dans les manuscrits du Roman de la
RosCy ainsi que j'ai pu le constater dans les manuscrits que je possède; plus
tard, surtout en Picardie, le j a remplacé le g.
(2) Si cette distinction du g dur et du g doux était admise, l'usage bien distinct
90 DU g DUR ET DU g DOUX.
Si cette forme ,du g ayant le son du / avait eu cours, on
aurait écrit ag'ant comme on écrit gérant^ et néglig'ant et
ohligant, tandis que pour donner le son doux au g il fallait
mettre un e au lieu d'un « à négligent et même ajouter un e
devant ant comme dans obligeant^ nageant. Cette légère mo-
dification lèverait bien des difficultés etT Académie en ap-
préciera les avantages.
DE LA LETTRE X.
Il y aurait peut-être quelques observations fondées à pré-
senter touchant l'emploi de la lettre x comme marque du
pluriel. Elle a disparu déjà des mots loix et doux.
Plusieurs néographes, tels que Duclos, de Wailly, etc.,
voulaient même la remplacer par Xs dans les pluriels des mots
terminés en al et en ew, et qu'on écrivît des chevaus., des
vœus, etc., et aussi au singulier des adjectifs formés sur un
primitif latin en osus, ex. : vicieus^ précieus, pour conserver
la régularité dans la formation du féminin et des dérivés. Par
la même raison, il proposait d'écrire la crois y le chois, etc.
Mais, pour ne pas rompre d'anciennes habitudes, on pourrait
n'adopter ce changement que dans les sept pluriels suivants :
cailloux, choux^ genoux, glougloux, hiboux, joujoux, poux,
pour être conforme avec les bambous, les clous, coucous,
filous, fous, mous, trous, verrous. Cette correction offrirait
Favantage d'éliminer l'une des trop nombreuses règles de la
formation du pluriel.
(les deux g et g permettrait plus tard de supprimer \u introduit après le g pour
le rendre dur lorsqu'il est suivi d'un e ou d'un i (exemples : langue, languir),
de même que, par une raison contraire, on ajoute l'e à gageure. On écrirait alors
lange ^ langir, en conservant gu pour les mots tels que anguille, aiguille, e\c.
et g'e pour gage, gagure, etc. ; par là, trois prononciations seraient bien distinc-
tement figurées.
r
CONCLUSION.
CONCLUSION.
Les modifications orthographiques que l'on soumet à la dé-
cision de l'Académie sont toutes fondées sur la logique et fa-
nalogie, toutes justifiées par les précédents. En les discutant,
l'Académie montrera qu'elle tient compte de la disposition
des esprits à notre époque, où les traditions de notre ancienne
langue et l'étude de ses monuments littéraires prennent de
plus en plus d'importance ; dans sa sagesse elle adoptera celles
qui lui sembleront le plus nécessaires.
Les modifications proposées sont-elles, à proprement par-
ler, des innovations? Ne sont -elles pas plutôt un retour aux
règles qui ont présidé à la formation littéraire de notre
langue? Les quelques retranchements à opérer portent en
général sur des interpolations de lettres d'une date relative-
ment récente, et fAcadémie les a déjà en partie condamnées.
Je crois d'ailleurs utile de rappeler que, tout importantes et
nombreuses que soient ces modifications, elles n'apporteraient
pas dans l'écriture un trouble comparable au grand change-
ment introduit dans la troisième édition de son Dictionnaire
en 1740. Réparties sur les vingt-six mille mots du vocabulaire
de notre langue (1), elles seraient bien moins sensibles, et faci-
lement adoptées; la logique et l'analogie y conduisent naturel-
lement; la plupart d'entre elles passeraient même inaperçues.
D'ailleurs quelques inconvénients passagers seront bien faibles
(1) Le nombre des mots admis dans la sixième édition est de 55,786,
92 CONCLUSION.
en comparaison des avantages réels et durables qui en résul-
teront.
La rectification de ces irrégularités orthographiques, la sup-
pression de quelques marques étymologiques latines ou grec-
ques, qui avaient échappé aux radiations précédentes, ne cau-
seront aucune hésitation à ceux qui savent le grec et le latin.
L'étymologie des mots ne saurait être douteuse pour eux ; l'œil
ne sera pas plus déçu que ne l'est l'oreille. Que l'on écrive
fîlosofie comme frénésie^ tésoriser comme trésor^ cronologie
comme crème ^ analise comme cristal ; que l'on écrive impu-
tant comme impuissant^ évidant comme prévoyant^ inconvé-
niant conmie inconvenant-^ que l'on écrive préférance comme
espérance , irrévérance comme remontrance , compétance
comme complaisance , ces mots , quelle qu'en soit l'ortho-
graphe, n'en conserveront pas moins leur origine évidente, et
l'esprit sera soulagé de minuties pénibles qui fatiguent la mé-
moire et déconcertent l'intelligence.
Lorsque l'on compare la complication de l'orthographe fran-
çaise avec la simplicité de celle des autres langues néo-latines,
l'itaUen, l'espagnol, le portugais, et qu'on voit dans nos an-
ciens manuscrits notre orthographe se rapprocher par sa sim-
pUcité de celle de ses sœurs, on est porté à rechercher la cause
de cette anomalie.
Jusqu'à l'époque du renouvellement des études, il n'existait
pas de grammaire de la langue nationale et par suite d'en-
seignement de l'orthographe. Les scribes conformaient capri-
cieusement la leur à la prononciation qui variait d'ailleurs
selon les différentes contrées. Un même son , en outre,
pouvait être représenté par des assemblages divers de
lettres, surtout s'il n'existait pas dans le latin. Des manus-
crits de même temps présentent souvent de notables diffé-
rences, et parfois l'écriture n'est pas identique dans la
même page. Toutefois , au milieu de ces irrégularités , de
ces formes orthographiques indécises et flottantes , règne
I
CONCLUSION. 93
une grande simplicité. L'écriture essaie de figurer la pronon-
ciation.
A partir de la Renaissance, il n'en est plus ainsi. L'imitation
du latin se lait de plus en plus sentir, et dans nos grammaires,
modelées exclusivement sur celles de la langue latine, et dans
nos dictionnaires, presque toujours accompagnés du latin dont
l'orthographe réagissait sur la nôtre. L'enseignement du grec,
confié aux doctes lecteurs du roi au collège de France, con-
tribua aussi à enrichir notre littérature' d'expressions nou-
velles transcrites du latin classique, même du grec, et gé-
néralisa le travail de refonte dans le moule antique d'une
partie des vocables du vieux français. Cette influence de l'é-
rudition sur l'écriture persista jusqu'à l'époque où l'Académie,
cherchant un point d'appui pour son orthographe, crut devoir,
tout en se rapprochant de celle des Latins, suivre, mais avec
plus de modération, l'exemple des Estienne. En 1694, l'Aca-
démie rendit sous ce rapport un vrai service en étfiblissant
dans son premier Dictionnaire un ordre qui, sans s'écarter no-
tablement du latin, montrait cependant une tendance à revenir
à notre ancienne orthographe. Mais, à mesure que l'écriture
se généralisait déplus en plus, l'inconvénient du lourd bagage
de lettres parasites se manifestait plus vivement, et, dès sa
troisième édition, l'Académie, qui avait déjà renoncé au classe-
ment scientifique par racines pour rendre plus pratique l'em-
ploi de son Dictionnaire, ne se montra pas moins logique en ce
qui touche l'orthographe. Dans cette édition, confiée aux soins
de d'Olivet, elle simplifia considérablement l'écriture qu'elle
dégagea en grande partie de son vêtement latin. La hardiesse
avec laquelle l'Académie réforma tant de lettres conservées par
le fétichisme de l'étymologie fait même regretter qu'elle n'ait
pas osé davantage. Jusqu'alors, l'écriture, calquée, pour ainsi
dire, sur le latin, était une sorte de monopole pour le clergé,
la magistrature, les hommes de cour et pour un cercle restreint
de la société, initié alors au grec et au latin, mais elle devenait
94 CONCLUSION.
incompatible avec les besoins des classes nombreuses poui' qui
la lecture et l'écriture sont pourtant indispensables.
Le français, en elîet, n'est plus, de nos jours, écrit seule-
ment par des hommes initiés au latin et au grec; il est écrit
correctement ou du moins doit-il l'être par quiconque a reçu
les éléments de l'instruction primaire, et par les fennnes à qui
l'on n'enseigne point les langues classiques.
C'est cependant aux Précieuses^ ces femmes célèbres qui
formaient l'élite de la société au commencement du dix-sep-
tième siècle, que l'on doit l'initiative des réformes que l'Aca-
démie a successivement accomplies. En se posant en adver-
saires du pédantisme en fait d'écriture, elles faisaient preuve
de bon sens et de bon goût. Par elles l'orthographe fut ra-
menée aux principes du vrai et du beau, à la logique et à la
clarté, et, peut-être à leur insu, elles se trouvaient d'accord
avec le génie même de notre langue et la tradition de notre
ancienne écriture. Honneur donc à ces femmes distinguées
qui ont eu le courage de s'alfranchir du joug des habitudes et
de braver l'opinion du moment ! On voulut les en punir en
leur infligeant le nom de Précieuses^ mais c'est un titre dont
elles peuvent se faire gloire : il renferme l'idée de ce qu'il y
a de plus exquis et de plus rare.
En présence des efforts, aussi persévérants que nombreux,
tentés durant plusieurs siècles par des hommes éminents
qui, frappés des inconvénients de notre orthographe, voulaient
lui substituer un système néographique ou phonographique,
on aurait pu craindre de voir, comme aux anciens temps de
l'Egypte et de l'Inde, l'écriture des savants délaissée en fa-
veur d'une autre plus simple , telle que l'ont souhaitée et la
souhaitent encore aujourd'hui les phonographes, pour la rendre
accessible à tous.
En persévérant dans son système de simplifier notre or-
thographe , sans la défigurer, et de l'améliorer successivement
dans chacune de ses éditions, pour faciliter l'écriture et la
CONCLUSION. 95
lecture de notre langue, l'Académie l'ei-a renoncer à jamais
aux utopies, quelque séduisantes qu'elles soient, qui se multi-
plient même de jour en jour.
Lorsqu'on songe que, par l'écriture phonographique, en
trois jours^ un enfant peut sans peine apprendre à lire sa
langue maternelle, et qu'il faut peut-être quatre ou cinq ans
pour apprendre à lire et à écrire d'après notre système ortho-
graphique, bien qu'amélioré, on ne peut s'empêcher de recon-
naître que ce temps pourrait être bien mieux employé et suffi-
rait pour apprendre deux ou trois langues modernes, ou même
LEGREc,dont l'étude remplacerait si avantageusement les puéri-'
lités de l'orthographe non moins longues à apprendre (1).
L'économie du temps, cette impérieuse nécessité de notre
époque , autoriserait jusqu'à un certain point les tentatives
des phonographes, si leur système n'était pas fatalement en-
traîné, par lai logique même, à mettre en péril notre langue et
par suite la raison et l'intelligence elle-même.
L'habitude d'abréger les mots en les contractant, qui est
la tendance constante de notre esprit vif et prompt (2) , a
réduit en monosyllabes des mots qui en latin et en d'autres
(1) Le programme universitaire pour l'enseignement du français répartit en
six années l'étude de l'orthographe et de la grammaire , et l'on redoute de voir
rendue facultative l'étude du grec.
(2) Voltaire n'a pas eu raison de dire que « notre langue s'est formée du latin
en abrégeant les mots, parce que c'est le propre des baiijarcs que d'abréger tons
les mots. » Si notre langue n'a pas la plénitude de la poésie d'Homère et de l'élo-
quence cicéroniennc, cette abréviation des mots, que la langue anglaise ne contracte
pas moins, est une grande qualité, puisqu'elle répond au besolu d'exprimer vive-
ment et énergiquement la pensée que saisit vivement l'intelligence toujours im-
patiente de l'auditeur. La poésie surtout s'accommode difficilement de mots qui
ne sont pas monosyllabes ou dissyllabes, et ce vers de Racine :
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur,
perdrait tout son effet, traduit en italien. Quoi de plus vif que ces monosyl-
labes :
Qu'a-t-il fait? A quel litre?
Qui te l'a dit ?
Que de mots et d'idées en peu de lettres!
96
CONCLUSION.
langues néo-latines sont composés d'éléments doubles ou même
triples. Tel est cet exemple :
Français.
Latin.
Italien .
Espagnol.
Portugais.
saint
sanctus
santo
sauto
sancto
sein
sinus
seno
seno
seio
sain
sanus
sano
sano
sâo
ceint
cinctus
cinto
cenido
cinto
cinq
quinque
cinque
cinco
cinco
seing
signum
segno
sena ou
signal ou
signo signo
Si la prononciation parfaitement identique de ces mots, au
nombre de six, saint., sein, sain, ceint, cinq, seing, est parfois
une cause d'équivoques dans la conversation, du moins, à dé-
faut de l'oreille, l'écriture variée de ces monosyllabes a l'avan-
tage de rappeler et même de représenter aux yeux les objets
eux-mêmes, ce que ne saurait faire l'écriture phonétique qui
nous les offrirait sous une seule et même forme. Il en est de
même de sot, saut, seau, sceau, et de vin, vain, vint, vingt,
vinc, etc. Ce sont, on peut le dire, autant de iBgures hiéro-
glyphiques. Lorsque nous voyons écrits les mots os, eau (1),
au, haut, o, oh, l'emploi du signe o, auquel certains phono-
graphes voudraient ramener leur configuration, serait une vé-
ritable barbarie. Conservons donc précieusement ces distinc-
tions qui aident l'intelligence, donnent à l'écriture une vie
qui réjouit l'œil et l'esprit, et compensent les avantages que
la parole a sur. elle par l'animation du geste et les inflexions
de la voix.
Notre vieil alphabet latin peut suffire encore, à l'aide de lé-
gers artifices, à transcrire les sons de notre langue; l'Italie,
(1) Cette forme, si éloignée de son radical latin agwa,sô retrouve et se résume
dans toutes celles qui nous en ont conservé la racine : aquatique., aiguës, aiguière,
évier, et dans les anciennes formes du mot : ièt-'e, ieaw, ève, eau., etc.
Dani l'écriture hiéroglyphique , Veau est ainsi représentée 'x^^^x et , par ces
ondulations, on voit l'objet même qu'elles figurent; le groupe de lettres eau
produit sur notre esprit un effet de ce genre, il en est de même des os\ on croit
voir des ossements.
CONCLUSION. 97
l'Espagne, le Portugal, n'en ont pas d'autre, et il suffit à la
prononciation de leurs langues, romanes comme la nôtre. Tout
en gardant notre physionomie naturelle, rapprochons donc, à
leur exemple . du simple et du beau notre écriture que les
traces d'une érudition surannée compliquent aussi inutilement
pour les lettrés que pour les ignorants. ^Malgré ces modifica-
tions, elle différera encore beaucoup de la simplicité de celle
des langues italienne, espagnole et portugaise.
Dante, le Tasse, Cervantes, Lopez de Vega, Gamoens, n'ont
rien perdu à être écrits avec une orthographe plus simple, et
le grand Corneille s'en réjouirait.
Notre écriture nationale, graduellement modifiée par la sa-
gesse de l'Académie, rendra la lecture et l'écriture de plus en
plus accessibles à tous, et pourra peut-être, en facilitant l'é-
tude de notre bel idiome , ajourner l'avènement de cette
langue universelle, préoccupation généreuse des penseurs les
plus profonds.
L'Académie pourra donc, avec le concours du temps, et
sans apporter aucun trouble, satisfaire aux vœux des Français
et des étrangers, qui lui en témoigneront leur reconnaissance.
Elle réaliserait ainsi pour la langue française ce que fit pour
la langue grecque le célèbre Musée d'Alexandrie où de sa-
vants grammairiens et à leur tête celui dont le nom représente
la critique elle-même, Aristarque, fixèrent, au moyen d'ac-
cents et de légères modifications graphiques, pour la confor-
mer à celle d'Athènes, la prononciation de la langue grecque
en Egypte, en Asie et en Europe.
Puisque les vocables sont indispensables pour formuler nos
pensées et même pour penser, et que l'Académie française, à
laquelle on se plaît à rendre cet hommage , s'est eftbrcée,
par l'exactitude des définitions, d'apporter la clarté et la sim-
plicité dans l'esprit, pourquoi la forme, cette enveloppe des
mots, reste-t-elle encore si souvent inexacte ou anomale? On
ne saurait admettre qu'on ait voulu par ces difficultés inter-
98 CONCLUSION.
dire au vulgaire l'accès du temple en Tentouraiit de tant de
ronces et d'épines.
Supprimer avec prudence ces barrières qui s'opposent à
l'extension du savoir le plus élémentaire, serait une œuvre
digne de l'Académie, digne des hommes d'Etat qui figurent
dans son sein, digne de l'esprit de son illustre fondateur.
Je ne pouvais présenter autrement que dans leur ensemble
les réformes depuis si longtemps souhaitées pour régulariser
et simplifier notre orthographe , mais il ne m'appartenait pas
de pressentir à leur égard les décisions de l'Académie et de
marquer à l'avance celles qu'elle devait croire le plus oppor-
tunes. Lors même qu'elle n'en adopterait qu'une partie, indi-
quant par là dans quelles voies le progrès et les améhorations
peuvent s'opérer, elle n'en aura pas moins rendu un immense
service. On saura le but vers lequel on doit se diriger.
Par là seront reléguées à jamais les utopies d'une écriture
plus ou moins phonétique qui blesse nos habitudes, contrarie
même la raison, et priverait f écriture de son principal avan-
tage :
De peindre la parole et de parler aux yeux.
r
EXPOSE
OPINIONS ET SYSTEMES
CONCERNANT
L'ORTHOGRAPHE FRANÇAISE
DEPLIS 1527 JUSQU'A KOS JOURS.
A la suite de mes remarques personnelles , je crois devoir
donner ici un exposé succinct des diverses tentatives et des
appels incessants faits depuis trois siècles par des esprits dis-
tingués, et je dirai même par des amis du bien public, en
faveur d'une réforme orthographique. J'espère que ce travail
offrira de l'intérêt, ne fût-ce que sous le rapport de l'histoire
de notre langue, et qu'il aura quelque utilité.
Chacun appréciera ce qu'il y a de vrai, de pratique, d'op-
portun ou bien de prématuré et même de malencontreux dans
tant de systèmes. On verra que des idées rejetées d'abord se
sont successivement introduites, et qu'ensuite elles ont été
favorablement accueillies et sanctionnées par l'usage.
Il en sera de même de celles que l'Académie, éclairée par
l'expérience de ses précédents , et par la nécessité de rendre
notre langue de plus en plus accessible à tous , croira devoir
concéder aux désirs le plus généralement manifestés : tant
d'efforts lui donneront la preuve des besoins et la mesure du
possible. Ils démontreront même rimpossibiUté d'adhérer à
des systèmes trop absolus.
Du haut de la position qu elle occupe, l'Académie, à qui
l'avenir appartient^ peut ne céder que dans une juste me-
100 LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694.
sure aux désirs impatients des novateurs. Elle considérera
donc , dans le calme de sa sagesse , les besoins du temps ,
non moins exigeants aujourd'hui qu'ils ne l'étaient autrefois,
et, par des concessions successives, qui rectifieront l'ortho-
graphe française, elle assurera de plus en plus à notre langue
son universalité.
APPENDICE A,
les dictionnaires français antérieurs a celui de
l'académie de 1694.
Depuis l'origine de rAcadémie on ne cesse de parler de J'usage
en fait d'orthographe, et d'invoquer son autorité devant laquelle
tout s'incline. Mais quel est-il, cet usage? à quelle époque doit-on
le faire remonter? à quel instant le reconnaître et le sanctionner?
L'usage, pris à un moment donné, est-il identique d'un siècle à l'au-
tre?L'usage de Vaugelas est-il le même que celui de Robert Estienne,
et celui de Robert est-il le même que celui de Clément Marot et,
si l'on veut remonter plus haut, d'Alain Ghartier ou de Christine
de Pisan? Enfin l'usage de d'Olivet est-il celui de Régnier des
Marais, et f Académie en 1835 s'est-elle conformée à l'usage de
1740?
Non sans doute. Ce n'est pas à tel moment précis que Tusage
doit être recherché, mais dans l'ensemble du développement
de la langue, en suivant autant que possible un même mot depuis
le moment où la lexicographie en a consacré Pemploi. C'est dans
les glossaires, les dictionnaires surtout, que l'on doit en recueillir
les formes, car si le copiste, l'écrivain lui-même^ se livre dans son
manuscrit à son caprice ou à sa manière habituelle d'écrire, il
n'en est pas de même du rédacteur ou de l'éditeur d'un lexique,
qui doit enregistrer l'usage le plus généralement adopté et le
plus autorisé par les érudits contemporains.
Mais un obstacle se rencontrait tout d'abord dans l'exécution de
cette recherche : les lexiques français anciens sont aujourd'hui
tellement rares qu'il serait bien difficile d'en former la série
complète depuis leur naissance jusqu'à la fin du xviP siècle.
L'ouvrage le plus ancien et le plus important pour l'histoire de la
r
LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694. lot
langue française et les origines de son orthographe, est le Diction-
naire latin-français, encore inédit, commencé en 1420 et terminé
en 1440 par Firmin Le Ver (Firminus Verris), prieur des Char-
treux de Saint-Honoré lez Abbeville, et écrit tout entier de sa
main. Ce manuscrit, inconnu àDu Gange et qui lui eût été si utile,
est un in-folio sur vélin, de 942 pages à deux colonnes et de 86
lignes à la page, contenant environ 30,000 mots latins en usage au
commencement du xv^ siècle, avec leurs correspondants français,
leur synonymie, leur interprétation soit en latin, soit en français.
Ce grand travail, auquel toute la communauté de Saint-Honoré
a dû collaborer îîvec son prieur, commence ainsi :
« Incipit Dictionarius a Catholicon et Hugutione atque a Papia
« et Britone extractus atque a pluribus aliis libris gramaticalibus
« compilatus et hoc secundum ordinem alphabeti. w
A la tin avant la grammaire: «Explicit liber iste quj proprie no-
<( minari débet dictionarius, quia omnes dictiones, seu signitîca-
u tiones, quas in Catholicon et Vgutione, atque in Papia, et Bri-
« tone, et eciam in pluribus aliis libris gramaticalibus repperire
« potui ego, Firminus Verris, de villa Abbatisuille, in Pontiuo,
« Ambianensis diocesis oriundus, religiosus professus ac huius
« domus Beati Honorati prope dictam villam Abbatisuille, Cartu-
(( siensis ordinis, prior indignus, per viginti annorum curricula et
« amplivs, cum maxima pena et labore insimul congregaui, com-
« pilaui et conscripsi.
« Vnde infmitas Deo patri jam refero gratias qui per coëternum
(( filium suum, in spirilus sancti gratia, nostrum librum sic com-
a pilatum cum maximo labore et pena ad tinem tamen usque
« compleuit.
« Qui dictus dictionarius annodni millesiraoccGC°quadragesimo
« (1440) mensis aprilis die ultimo completus fuit et finitus.
a Proquibus laboribus ego supradictus hujus operis compilator
« vos obsecro oranes in visceribus caritatis quicumque in libro
K isto studere volueritis ad Christi laudem et gloriam michi ex
« diuina gratia rependatis.
c( Quatinus pro sainte anime mee Salutationem béate Marie
« semper virginis dicere vos velitis. Quatinus vestris oracionibus
« et precibus adjutus omniumque meorum percepta venia pecca-
« torum una vobiscum ad eterna valeam peruenire gaudia. Ubi
« jam reuelata facie illa vera et coeterna perfruamur sapientia
« cum pâtre et spiritu sancto per infinita secqla. Amen. Amen.
102 LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 4694.
« Cest Hure est et appartient [aux chartreux près dabbeuille (1) ]
« en pontieude leuesquiet damiens. Qui lara le rende. Explicit. »
Je n'insisterai pas sur l'intérêt que ce beau manuscrit, d'une
écriture soignée et très-lisible, présente pour Thistoire de notre
langue, dont il offre le tableau complet à une époque bien déter-
minée, et non cette promiscuité des temps et des lieux inévitable
dans les glossaires actuels du vieux français. Il est facile, en le
parcourant, d'apprécier quel était Tétat de l'idiome « gaulois »
sous le règne de Charles VII, pendant la période de rinvasion
étrangère, si funeste aux études et aux lettres. Le soin ap-
porté par l'auteur au classement des mots, soin que je n'ai pu
constater dans aucun des glossaires manuscrits que j'ai vus, la
justesse des synonymies et des définitions, en font une œuvre à
part, un corpus général de notre vieux langage en même temps
que du latin, à l'époque qui précède immédiatement celle où les
érudits de la Renaissance allaient, non plus seulement introduire
dans le français une couche nouvelle de mots de forme latine, mais
le replonger vivant dans le moule du latin littéraire de Cicéron et de
Virgile, en substituant un calque romain à la forme propre au vieux
langage français et conforme à ses procédés phoniques.
Sous plusieurs rapports le Dictionnaire latin-français de Le Ver
jette un nouveau jour sur l'état de l'écriture et de la prononcia-
tion au commencement du xv^ siècle. On y voit combien l'ortho-
graphe des mots latins s'était déjà simplifiée et se rapprochait de
la simplicité de forme figurative de la prononciation. On y lit
ainsi écrite cette série de mots : antitesis, antrax, antropofagi, an-
tropoformita, antropos sans ph ; tous ces mots sont expliqués en
latin, le mot français pour le traduire ne faisant pas encore partie
de notre langue ; mais on voit ainsi écrits et traduits les mots :
iDRA, idre; idropicia, idropisie, idropigus, idropiques ; idro^aî^-
ciA, devinemens par les eaux\ ipoteca, ipoteque-, ipotecarius ou
APOTEGARius, apoticaîve', antegristus, antecrist; tirannus, tirans ;
LIRA, lire; misterium, mistere; martirium, martirey etc.
Ces explications des mots latins encore privés de correspon-
dants français sont quelquefois curieuses et instructives pour
nous refléter les idées de l'auteur et de son temps. Je lis aux mots
Theatrum, Comedia, Tragedia.
a Theatrum. A theoro, ras, quod est videre : dicitur hoc
(1) Ce passage a été gratlé dans le xvi» siècle.
LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694 103
« Théatrum, tri, pe (nultima) cor (ripitur). I. Spectaculum ubi-
cnmque fiai, s (eu) locus in quo omnis populus aspiciat ludos.
scilicet locus in civitatibus ubi exercentur joca et ludi. Id. Ubi
decoilabantur rei. td. Plache commune où on fait les jeux ou quar-
refour (1).
« Théatrum, atri, etiam dicitur Prostibulum. siue Lupanar quo
post ludos exactes meretrices ibi prostituerentur. Id. bordel. Unde
« Theatralis, is, traie, ad thealrum pertinens. Id. de quarrefour
ou de bordel.
« Theâtricus, ca, cum. Idem. I. de bordel. Ut dicitur mulier
Iheatrica. \. Bordeliere. »
— a CoMÉDiA, die. I. Villanus canlus. s [eu) villana laus. quia
tractât de rébus ruslicanis. comme chansons de Jeus de pers§n-
nages (2).
cf CoMÉDUS, da, um. pe(nultima)pd'(producitur). quicomediam
describit. seu facit seu dicit comediam.
« CoMÉDicus, ca, cum. Lad comediam seu ad comedendum per-
tinens. Seu delectabilis.
« CoMÉDiCE. Adv. L delectabiliter. )>
— « TRAGrEDiA. Oda quod est cantus. seu laus. componitur cum
tragos quod est hircus. Et dicitur hec
«Tragedia, die. pen. prod. I. Carmen luctuosum quod incipita
leticia et finit in tristicia. Gui contraria est comedia. quia incipit
a tristicia et finit in leticia. Unde
« Tragedia. dicitur de crudelissimis rébus, sicutqui patrem seu
matrem occidit. seu comedit filium et e converso s. hujus modi.
Unde et Iragedo (Jabatur hircus animal fetidum. Ad fetorem ma-
terie designandum.
« Tragédus, da, dum. adtragediam pertinens.
« Tragedus, di. tragédie scriptor. seu canlor.
« Tragédicus, ca. cum. I. luctuosus. Funeslus. »
Il est remarquable que la plupart de ces mots relatifs au théâtre,
si usités au siècle suivant, manquent complètement au français
en 1440.
(1) Je lis dans l'article si remarquable de M. Sainte-Beuve sur Joach. du Bellay
(p. 210 du Journal des Savants, avril 1867) : « On doit rendre justice aux efforts
de quelques poètes de la Pléiade pour instituer une comédie qui ne fut pas celle
des carrefours. «
(2) Li Jeu de Marion; le Jeu de la Sainte Hostie ; le Jeu du Prince des Sotz,
par Gringore. Tel était le nom donné aux comédies d'alors.
104
LES DICTIONNÂIRKS ANTÉRIEURS A 1694.
Une autre instruction ressort encore de l'examen des mots fran-
çais contenus dans ce vaste répertoire. La trace des cas figurés con-
formément à la grammaire romane se rencontre à chaque instant,
bien qu'à l'époque où il a été commencé (4420), ils eussent dis-
paru de la plupart des manuscrits depuis près d'un siècle. Le Ver
écrit premiertes de primitas, commenchemens au singulier, prin-
CEPS est traduit par prinches. Prioratus devient prioreit, priorle :
dignetes ou of fiche de prieur. Prioritas, premiertes. Tl en est de
même pour le participe passé: ratificatus donne acceptes. Inu-
TiLis donne nient profitables', abstinens, abstinens, sobres; absti-
NENTiA^ abstinence^ sobriétés ; abrenuntiatio, rewo/eme/is; ademi'le-
Tus, accomplis, parfait. Il y a cependant des incertitudes : rebellis
fournit rebelle eirebelles. La plupart des mots très-usités, comme
roîj, fil (filius), foy {fides), ne prennent pas Vs caractéristique du
nominatif latin ou subjectif roman (1).
J'ai fait pour les huit premières colonnes du B le relevé des mots
latins du Dictionnaire de Le Ver qui manquent complètement aux
glossaires latins et à Du Gange lui-même: sur 210 mots, 32 sont
inconnus aux lexicographes, c'est-à-dire que près d'un sixième
de ce dictionnaire est nouveau ou inédit.
Voici ces trente-deux mots :
halana
brebis
balearius
getteur à la tandesle
balatro
jougleur (sic)
ou abalestrier
balbere
besguier
baleator
getteur à la tandesh'
balbescere
idem.
ou abalestrier
balbiter
besguement
halestrum
abalestre, a Balin (gr.
balbutia
besguerie
dicitur
balbutiens
besgans
balestrare
traire aucune chose da-
balbuties
besguetes , baubetes ,
balestre ou ferir de
parlers de petis
en-
balestre
fans.
(i) Ou sait que la langue d'oïl conserva à l'origine le système des cas de la
déclinaison latine : seulement elle le simplifia en réduisant à deux seulement les
six cas du latin. Le premier fut le signe du sujet : on l'a appelé en conséquence
cas-sujef, ou mieux subjectif. Le second servit pour les compléments de toute
espèce, d'où lui vient le nom de cas-régime ou complctif. J'expliquerai, à l'ap-
pendice D, en donnant Tanalysç des travaux récents sur la grammaire du vieux
français dans leur rapport avec not-e orthographe, le mécanisme de ces deux
cas : je me bornerai à noter ici que généralement le subjectif roman au singulier
conservait Vs tinale là où il y avait s ou x dans le primitif latin au singulier.
pp.
LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 4694.
105
haleslratus
getles, trais ou feins
barbarlzaro
faire cruelment
de trait d'abalestre
barcarius
qui fait barges, nefs
balneatio
baignemens
ou qui les gouverne
hallare
peser à balanche, ba-
baronissa
baronneresse
lanchier
basilisca
gencienne
balluga
balancbe
batîUum
enchensoir
ballanga
banlieue
beatificencia
euieusetes (félicitas)
bahamatus
cnbasmes,oinsde basme
bellacïtas
bataille
bapiismaliter
par baptême
bellaciter
bateilleusement
bap/erium
bâton
bellicator
bateilleur, combate ur
baratro
lecherres
bellificare
faire bataille, baleiller,
barbarius
barbier
combatre
Jedoisà Pobligeance de MM. les Conservateurs de la Bibliothè-
que impériale la communication de deux anciens glossaires ma-
nuscrits, l'un français-latin (n° 7684 f. 1.); l'autre latin-français
(n° 7679), dont Du Gange s'était servi pour son beau Glossarium.
medix et infimœ latinitatis; leur nomenclature, très-sèche, est
moitié moins considérable que celle du ms. Le Ver. J'ai essayé
de comparer l'orthographe et le mode de composition de cer-
tains mots , la plupart de formation récente, dans la première
moitié du xv® siècle, à leurs formes respectives dans la seconde
moitié et à la fm de ce môme siècle ou au commencement du
suivant.
Mot? latins
avec
le frinçais actuel.
Firmin Le Ver, Dictio-
narius latino-jralliciis,
1420-lUO.
(ilossaniiin gallico-iat,,
script. XV" sœc. 11 est
de la 2e moitié du s.
iBibl. Imp.Ms. 7684.)
(iioss. lat.-gaii., xv
s., script, xvio s
Cod.Bigotianus. (B
Imp. Ms. 7679.)
bivium (carrefour)
quar refour
carfourt
(double voie)
ager (champ)
champ
champt
champs
candelabrum (chande-
chandelier
chandellier
chandelier
lier)
bubo (chat-huant)
chuelte , calmhan
(oisel)
chouen
(certain oisel)
biga (charrette)
charette a ii roues
et a ii chevaus
charrete
charette
eruca, curculio (che-
chatepeleuse, ca-
chatepelouse
»
nille)
tepeleuse
calidus (chaud)
chaut
chault, chaut »
vespertilio (chauve-sou-
ris ^
chauvesoris
chauvesouris
chauve souris
captivitas (captivité)
chetivetes ou pri-
cheitiveté
chetiveté
comosu& (chevelu)
son
qui ha grans che-
cheveleulx, grans
»
veus
cheveux de famés
capsa (coffre)
casse, coffre, es-
crin
cofre
casse
106 LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694.
Mois latins
avec
le français actuel.
Firmin Le Ver, Dictio-
narius latino-gallicus,
U20-U40.
convalescentia (conva
lescence)
columba^
columna)
convenieniia
nance )
bufo (crapaud)
crux (croix)
mandîhula (mâchoire)
infelicitas (malheur)
mfauslus (malheureux
malefactiim (méfait)
convalescence, sa-
nité, forche, puis-
sance, vaillanche
(femelle de coulon,
( coulombe
(conve- ' convenabletes
crapaut
crois
mâchoire
mal eurtes
mal eureux
maufait {malefac-
/io-malefaisson)
malefaciens
malefactor
malivolus (malveillant)
melancolia (mélancolie)
tabamis (taon)
(malfaiteur) : mal faisans
mal veullans
melencolie,unedes
iiij humeurs
tahon
Glossarium gallico-lat.,
st'ript. xv° s.TC. Il est
d« la 2« moitié du s.
(Bibl. Imp. Ms. 768*.)
coulumbc,icolombe
convenablete, con-
venance
crapaust
»
machouere
malourete
mal eureux
maufait
maufaisant , mau-
faitteur
mal veillant
melencolie
taan, taon
Gloss. lat -gall., XV»
s., script, xvi" s.
Cod.Bi?otianu?.{B.
Irop. Ms. 7679.)
crapoult
croais
machoere
»
mallereux
mal faisant
malvelant
tliaon
Il régnait encore une grande simplicité orthographique dans le
cours du xv« siècle et au commencement du xvp. Le latin lui-
même, dans les mots qu'il avait empruntés au grec, obéissait à
cette répugnance, j'allais dire à cette horreur, naturelle au génie
français, pour les doubles, les triples et les quadruples consonnes.
L'introduction, non plus partielle mais générale, dans notre
langue de lettres parasites signale le milieu du xvi^ siècle; elle
est due aux tendances gréco-latines mal dirigées que nous allons
voir se développer successivement dans les glossaires publiés
au premier siècle de l'imprimerie.
J'arrive maintenant à la série des glossaires imprimés. Il m'a été
impossible de me procurer le titre exact du Dictionnaire latin-
français, imprimé à Genève, en 1587, par Loys Garbin, et cité
par M. Diez.
La table étendue que Génin a jointe à la grande Grammaire de
Palsgrave pourrait, jusqu'à un certain point, tenir heu d'un de
ces recueils alphabétiques ou vocabulaires, si écourtés, qu'on pu-
bliait en latin avec le mot français correspondant, au commence-
p^
LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694. 107
ment du xvP siècle. Bien que le travail original de Palsgrave n'ait
paru à Londres qu'en 1531 , on reconnaît, par voie de comparai-
son, que son orthograplie est bien plus gauloue que celle des
grammairiens et des lexicographes du continent au début du rè-
gne de François I", et que le docte professeur de Henri VIII a
dû travailler en Angleterre sur des documents de la fin du xv« siècle
ou des premières années du suivant (1). Malgré sa date plus ré-
cente on peut donc le placer au premier rang parmi les livres
imprimés contenant un recueil de mots français.
Je possède les trois autres glossaires :
1° Le Catholicon abhreuiatum, pet. in-4goth., imprimé à Paris,
en 1506, par Jehan Laml3ert, sans nom d'auteur. Il ne contient que
3,500 mots; c'est un livre très-intéressant, puisqu'il nous représente
Pétat de la langue avant l'introduction de cette multitude de voca-
bles savants, tirés du latin et même du grec à l'époque de la
Renaissance.
L'orthographe y est simple, naturelle, assez logique, bien que
souvent irrégulière et entachée de l'influence que j'appellerais
volontiers calligraphique.
On y rencontre peu de lettres dites étymologiques, et^ quand les
consonnes sont redoublées, c'est probablement qu'elles se pro-
nonçaient ainsi. Il écrit abhe, abesse^ abaye.... alumer, flateur
acolite, fiole, doy (digitus), vayne (vena), autentique, bloriy pain-
ture, acoutmner, acompagner, acroistre et solicitude; mais il dou-
ble la consonne / lorsqu'elle termine un mot dont la désinence
est en e féminin; ainsi, il écrit : argille, cautelle, huille, et l'on y
voit ces mots ainsi figurés, deffendre, celluy^ couraige^ secret^
enhardy, oyseaulœ, poyson, pulpitre, haultesse, etc.
2" Vocabularius latinis, gallicis et theutonicis verbis scHptum
(sic). Il parut à Strasbourg, en 1515, chez Mathis Humpffuff ; il
est composé de 36 ff. in-4. J'en extrais, comme curiosité ortho-
graphique, quelques-uns des noms relatifs aux oiseaux :
(iAvis, oyseau. Auceps, oyseleur. Nidus, nid. Aquila^ aigle.
Falco, faulcon. Accipiter, tiercelet. Nisus, espervier. Ventilanus,
vannete. Milvus, huan. Ardea, hairon. Ciconia, sigoigne. Cignus,
cigne. Griphus, griffon. Pellicanus, pélican. Strucius, ostruche.
(1) Il signale, comme ayant contribué à l'aider dans son travail, l'ouvrage inti-
tulé : Hère begynneth the introductory to wrife and (o pronounce frenche,
compyled by Alexander Barcley compendiously at the commandement of the ..
prynce Thomas duke of Northfolke.
108 LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694.
Grus, grue. NicHcorax^ chuelte. Vuliur, voultour. Ossifragus,
freynol. Ritersculus, roytellet. Philomena, rossignol. Canapelus,
chardoneret. Citradula, cerin. Ficedula, grive. Figellus, pinson.
Sturnus, estourneau. Parix, mésange. Passer, moyneau. Pstacus,
papegay. Turtur^ turierelle. Palumbus, colombier. Pavus, paon.
Quastulla, caille. Arundo, arondelle. Pica, pie ou agasse. Corniœ,
corneille. Vespertilio, chauvesouris. Anas, anette ou cane. Auca^
oye. Monedula, corneille. Gallus, coq. Gallma, gelline. Pullus,
poussin. Capo, chappon. Pullinarium,, poullalier. Papilio, papil-
lon. Vespa,n\o\\s>Qhe gueppe. Apes, mousche a myel. Cuculus, co-
cul. Lucinia, hoche cul. Upupa, hupe. »
3° Le Yocabularius nebrissensis (1) de 1524 est un travail beau-
coup plus ample que le précédent. 11 contient près de 30,000 mots
latins avec leurs correspondants ou leur interprétation en français.
L'influence de la Renaissance y est encore bien peu sensible. Son
système orthographique, un peu plus régulier, ressemble à celui
du Catholicon ahbreviatum. Il n'est pas plus étymologique que son
prédécesseur en ce qui concerne les mots tirés du grec, et en géné-
ral il se borne à les interpréter sans les retranscrire sous la forme
française. Il ne s'asservit pas non plus trop à l'orthographe latine :
il écrit cicorée, cengle (cingula), saincture, estr aines (étrennes).
Les / qui ne se prononcent pas figurent cependant dans bien des
endroits : poulpitre, avantureulœ, chault (calidus).
Quant aux doubles lettres, il peint la prononciation : resembler
et assembler, netoyer, alumer, acoustumer et accorder, accepter,
appeller, amonceler, etc. Ce précieux Dictionnaire constate un
état très-intéressant de notre langue, celui où elle va subir l'in-
fluence, qui sera trop longtemps dominante, du latin classique
et même quelquefois du grec.
Robert Estienne eut le premier, en 1540, Thonneur de publier •
non plus un simple Vocabulaire, mais un Dictionnaire français-latin ,
dans les conditions d'érudition et de critique qu'exigeait un tel
travail. Son œuvre, accrue et perfectionnée dans l'édition de 1549,
fit autorité et exerça pendant deux siècles une grande influence
sur l'orthographe. Elle contient près de 20,000 mots français
suivis de leurs diverses acceptions et de leur interprétation la-
tine.
(1) Publié à Lyon par Frère Gabriel Busa, de l'ordre des Augustlns, d'après le
Dictionnaire latin-espagnol de Antoine de Lebrixa.
LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 1694. 109
Cette belle édition, où Robert Estienne introduisit une riche
moisson de termes nouvellement imités du latin et même du
grec, servira donc de point de comparaison avec la manière
d'écrire qui a précédé et celle qui a suivi.
Le docte imprimeur écrit, on le comprend, conformément à
rétymologie les mots savants de nouvelle formation, mais de plus,
il a réintégré des lettres dites caractéristiques dans une grande
partie des mots d'une époque antérieure. Il corrige cylindre au lieu
de cilindre, cymaise au lieu de cimaise^ cymbale au lieu de cimbale,
cyprès au lieu de ciprès^ phiote au lieude/?o/e; il écrit chauche-
mare (cauchemar), cAaw/j; (ca/a?), cheueul (capillus)^ cichorée; il
redresse hermite en ermite, il réclame c/i///e et non chiffre, à cause
de l'hébreu sephira. 11 respecte cependant les formes consa-
crées par l'usage, soulfre, (hriacie (thériaque), et il écrit sans th
tesme (thema), et sans ph orfelin. Sa manière d'agglutiner les
mots composés est conforme à celle que je propose : il réunit tous
les mots composés avec la préposition contre {{); il écrit chaus-
setrape, chauuesouri, chathuant (qui serait mieux écrit chahuant),
des chaufecires. On peut regretter toutefois de rencontrer partout
dans ses colonnes des mots défigurés par l'addition de lettres la-
tines déjà représentées dans le français, comme chaircuictier ,
poulpitre, poulser, poulsif, poulsin.
L'autorité dont jouit le Dictionnaire français de Robert Estienne
se perpétua longtemps. En 1586 Guillaume de Laimarie, impri-
meur de Genève, donna une édition très-correcte du Dictionarium
jowerorwm que Robert avait publié en dernier lieu, en 1557, posté-
rieurement au Dictioimaire français-latin (2). Cette édition de Lai-
marie renchérit dans plusieurs cas sur le Dictionnaire de 1549,
pour l'emploi des lettres étymologiques surérogatoires; mais on
lui doit quelques bonnes leçons, comvnQ sansue par exemple (écrit
sanssue dans le ms. Le Ver).
Le Dictionnaire françois-latin connu, sous le nom de Jean Nicol,
qui parut pour la première fois en 1564, le Thrésor de la langue
françoyse du même, dans lequel il a mis à profit les recherches
(1) La marque du superlatit très est toujours réunie au mot qu'il modifie :
tresaccoutumé, tresaise {très-aise), tresuite {très-vite). Cette série forme plus
de trois cents mots dans son Dictionnaire.
(2) Laimarie remania l'ordre des mots de la partie française pour remédier à la
confusion qui résultait du groupement des mots dérivés sous leur simple , et
il adopta l'ordre alphabétique absolu.
110 LES DICTIONNAIRES ANTÉRIEURS A 46U.
laissées par le président Rançonnât ; le Grand Dictionnaire fran-
çois-latin du même Nicot, dont le succès se continua d'édition en
édition jusqu'en 1618, nous reproduisent également l'orthographe
de Robert Estienne^ dont les éditeurs déclarent reprendre en
grande partie le travail. Voici comment s'exprime à ce sujet Jac-
ques du Puys dans la préface de l'édition de 1614 : « Il ne peut
« que la France ne célèbre grandement la mémoire, comme elle
« se sent auoir été ornée par son industrie, de deffunct Robert
« Estienne, lequel peutestre dict auoir esté le premier qui a faict
« que la France, pour ce regard, ne cède à aucune autre nation,
« tant pour les grâces qu'il a eu propres pour l'ornement de cet
« art d'imprimerie que pour Tamour infini qu'il a porté à rvtilité
« publique et le grand labeur et peine qu'il a pris, sans y espar-
ce gner rien qui ne fust en sa puissance, pour Taduancer et mener
« à sa parfection : de quoy font foi tant de beaux et excellens
« liures et latins et grecs et hébrieux, plus encores recherchez au-
« iourd'huy que du vivant de l'imprimeur.... » La perfection du
Dictionnaire français « estant de soy tant recommandable et pro-
« fitable qu'un chascun sçait, m'a principalement incité à r'impri-
(( mer le dict Hure, duquel il y a quelque temps que i'ay recouuré
« l'exemplaire laissé par deçà par le dict Robert Estienne, auant
« que de partir de France. »
L'édition de 1614 contient environ 26 ,000 mots avec toutes leurs
acceptions alors connues.
Le P. Philibert Monet, de la Compagnie de Jésus, très-habile
professeur de langue latine, rompit, dès 1624, avec la tradition
léguée aux dictionnaristes i^âv l'autorité jusque-là incontestée de
Robert Estienne. Il fit paraître à cette époque un Parallèle des
deus larigues latine et française, complètement perdu aujourd'hui,
et que nous ne connaissons que par la préface de son Invantaire
des deus langues française et latine, publiée à Lyon chez Claude
Rigaud en 1635, in-folio. Ce dernier ouvrage, que j'ai eu le bon-
heur de me procurer récemment, est précieux pour l'histoire de
la réforme orthographique modérée, car il en est le code. Il con-
tient 23,000 mots au moins. Le système orthographique dfe l'au-
teur est simple et bien conçu : il ne s'attache pas uniquement,
comme les phonographes, à figurer la prononciation, et ne fait pas
disparaître toutes les lettres dites caractéristiques , mais il ne
figure jamais, autant que possible, un même son par deux signes
différents. Il écrit, par exemple, dysanterie, diseine, doit (digitus).
p
LES DICTIONNAIRES ANTERIi:URS A 1094. ni
I
conianter, conlaniement, contampler, continance, deus (duo), che-
veus.barreausy chevaus, et leurs similaires.
Nathaniel Duez, grammairien polyglotte, fit paraître en 1669 un
Dictionnaire françois-italien, fort bien imprimé à Leyde chez Jean
Elsevier. Son orthographe, conforme en général à celle de Robert
Estienne et de ses continuateurs, renchérit même en certains cas
sur ceux-ci par une nouvelle intrusion de lettres destinées à figurer
de plus près Torthographe latine et grecque. Ce glossaire contient
20,000 mots environ.
César Oudin, secrétaire interprète du roi pour les langues étran-
gères,publia en 1660 à Bruxelles le Trésor des deux langues fran-
çaise et espagnolle. Ce lexique est encore un calque, au point de
vue de .l'orthographe, de celui qu'Estienne avait publié 120 ans
plus tôt.
César ' Pierre RiCHELET, auteur d'un Dictionnaire français publié
à Genève en 1680, était aussi versé dans les langues anciennes que
dans les langues modernes, Titalien et l'espagnol entre autres. Son
dictionnaire, dont les premières éditions sont devenues rares
et précieuses, est du plus haut intérêt. L'auteur s'exprime ainsi
dans son avertissement: «Touchant Torthographe, on a gardé un
milieu entre l'ancienne et celle qui est tout à fait moderne et qui
défigure la langue. On a seulement retranché de plusieurs mots
les lettres qui ne rendent pas les mots méconnoissables quand elles
en sont otées, et qui, ne se prononçant pas, embarrassent les étran-
gers et la plupart des provinciaux.
« On a écrit avocat, batistère, batême, colère, înélancolie, plu,
reçu, revue, tisanne, trésor, et non pas arfvom^, baptistère, baptême,
cholère, mélancholie, pieu, receu, reveuë, ptisane, thrésor.
(( Dans la même vue on retranche Vs qui se trouve après un e
clair, et qui ne se prononce point, et on met un accent aigu sur Ve
clair qui accompagnait cette s-, si bien que présentement on écrit
dédain, détruire, répondre, et non pas desdain, destruire, res^
pondre.
« On retranche aussi Vs qui fait la silabe longue, et qui ne se
prononce pas, soit que cette s se rencontre avec un e ouvert,
ou avec quelque autre lettre, et on marque cet e ou celte autre
lettre d'un circonflexe qui montre que la silabe est longue. On
écrit apôtre, jeûne, tempête, et non pas apostre, jeusne, tempeste.
Cette dernière façon d'orthographier est contestée. Néanmoins,
parce qu'elle empêche qu'on ne se trompe à la prononciation et
112 LES DICTIONNAIRES ANTERIEURS A 1694.
qu'elle est autorisée par d'habiles gens, j'ai jugé à propos de la
suivre, si ce n'est à Tégard de certains niots qui sont si nuds lors-
qu'on en a oté quelque lettre qu'on ne les reconnoît pas.
« A l'imitation de l'illustre monsieur d'Ablancourt, Préface de
Tucidide, Apophtegmes des anciens, Marmol (1), etc., et de
quelques auteurs célèbres, on change presque toujours l'y en i
simple. On retranche la plu-part des lettres doubles et inutiles
qui ne défigurent pas les mots lorsqu'elles en sont retranchées.
On écrit afaire, ataquer, ateindre, dificulté, et non pas affaire,
attaquer, difficulté, »
On voit combien cette orthographe est conforme à celle que
Firmin Le Ver a consignée dans son dictionnaire rédigé deux siè-
cles et demi auparavant. On doit moins s'étonner si Touvrage de
Richelet, sous le rapport de l'orthographe, est si fort en avance
sur le premier Dictionnaire de l'Académie de 1694. Lors de l'appa-
rition, en 1680, de l'œuvre de Richelet, la copie des premières
lettres du travail académique devait être déjà entre les mains de
Goignard, imprimeur de l'Académie françoise (le privilège donné à
l'Académie pour son Dictionnaire est de 4674). Or, d'après
le témoignage même du privilège, la rédaction en était commen-
cée dès 1633: elle devait donc représenter Tétat de la langue, et de
récriture en particulier, non pas en 1694, date de l'achèvement
du dictionnaire, mais tel qu'il pouvait être vers 1660, époque de
la mise sous presse de la première édition des cahiers. (On s'en
convaincra en jetant les yeux sur le Tableau comparatif qui suit.)
Or le travail d'analyse et de coordination accompli par de savants
académiciens pendant la longue période comprise entre 1635 et
1680, époque de l'apparition du Dictionnaire de Richelet, ainsi que
toutes les propositions acceptables des grammairiens réformateurs
étaient, pour ainsi dire, non avenues: TAcadémie se croyait en-
gagée par les décisions grammaticales et orthographiques adop-
tées dans les Cahiers, puis dans les premières lettres du Diction-
naire.
Il est résulté de cette lenteur du travail, très -explicable en pa-
reille matière, qu'au point de vue de l'usage, même en fait d'écri-
ture, l'œuvre académique s'est trouvée arriérée en naissant, et que
l'orthographe du Dictionnaire de Richelet de 1680, si raisonnable
en bien des points, n'a pu être sanctionnée en partie par l'Acadé-
(1) 3 vol. iii-4, 1667, revu par Richelet.
ORTHOGRAPHE DE L'ACADÉMIE EN i694. 113
mie qu'en 1740, en partie qu'en 1835, et qu'il en reste même
une certaine part en instance devant l'Académie de 1868.
En 1685 parut à Lyon chez Pierre Guillemin, en 1 vol. in-folio,
un Dictionnaire général et curieux^ contenant les principaux mots
etlesplususitez en la langue françoise, leurs définitions, divisions
et étymologies par César de Roghefort. L'ouvrage eut peu de
succès, et partant peu d'influence. Son orthographe ne se distin-
gue par rien de particulier de celle des dictionnaristes de son
temps.
Antoine Furetière, chassé de l'Académie française en 1685 et
mort en 1688, a laissé un Dictionnaire universel qui ne parut qu'en
1690, à Roterdam. Bien qu'il soit antérieur comme date de publi-
cation à la première édition de l'Académie, il est facile de s'assu-
rer qu'il a beaucoup profité des discussions et des travaux de la
compagnie auxquels il avait eu part lui-même. Son orthographe,
loin d'être, comme celle de Richelet, en progrès marqué sur celle
du Dictionnaire de l'illustre Société, est plus inconséquente et
moins réguhère.
Il m'a paru utile de résumer en un tableau synoptique les dé-
tails des vicissitudes orthographiques de quelques-uns des mots
difficiles quant à Pécriture depuis 1420 jusqu'à nos jours, en ex-
trayant la forme de chacun d'eux des anciens lexiques, soit ma-
nuscrits, soit imprimés, que je possède. Cette comparaison fait ap-
paraître mieux qu'une longue dissertation la nature des causes qui
ont agi, la persistance de certaines influences, et la raison du re-
tour aux formes simplifiées.
ORTHOGRAPHE DE l'ACADÉMIE EN 1694, DATE DE LA PREMIÈRE
ÉDITION DU DICTIONNAIRE.
Il n'est peut-être pas sans intérêt de rechercher quels principes
ont dirigé l'Académie française dans l'établissement des règles
d'orthographe adoptées dans la première édition de son Diction-
naire en 1694. Ces règles sont, pour la plupart, tombées en dé-
suétude sous l'action du temps, mais il en reste encore des traces
nombreuses dans presque toutes les parties de la sixième édition.
Pour déterminer ces principes, je m'attacherai à trois docu-
ments officiels :
8
114 PRÉFACE DE L'ACADÉMIE DE 1694.
La Préface du Dictionnaire même ;
Les Cahiers de remarques sur V orthographe françoise pour estre
examinez par chacun de messieurs de l'Académie, sorte de mé-
mento particulier destiné à assurer une certaine unité dans la
discussion académique et à préparer la solution des difficultés
grammaticales ;
La Grammaire de Régnier des Marais, secrétaire perpétuel de la
Compagnie, et chargé par elle de rédiger la Grammaire mention-
née dans les statuts de sa fondation.
|o Préface du Dictionnaire de V Académie,
En 1694, TÀcadémie s'exprimait ainsi dans sa préface :
« L'Académie s'est attachée à l'ancienne orthographe receuë parmi
{( tous les gens de lettres, parce qu'elle ayde à faire connoistre l'ori-
« gine des mots. G'estpourquoy elle a creu ne devoir pas authoriser
« le retranchement que des particuliers, et principalement les impri-
« meurs, ont fait de quelques lettres, à la place desquelles ils ont
c( introduit certaines figures qu'ils ont inventées (1), parce que ce
« retranchement oste tous les vestiges de l'analogie et des rapports
a qui sont entre les mots qui viennent du latin ou de quelque autre
« langue. Ainsi elle a écrit les mots corps, temps avec un p et les
« mots testCy honneste avec une s pour faire voir qu'ils viennent du
(( latin tempus, corpus, testa, honestus.,. Il est vray qu^il y a aussi
{( quelques mots dans lesquels elle n'a pas conservé certaines lettres
« caractéristiques qui en marquent l'origine, comme dans les mots
c( devoir, février, qu'on escrivoit autrefois debvoir et febvrier pour
« marquer le rapport entre le latin debere eifebruarius. Mais l'usage
a l'a décidé au contraire; car il faut reconnoistre l'usage pour le
« maistre de l'orthographe aussi bien que du choix des mots. C'est
« l'usage qui nous mené insensiblementlî'une manière d'escrire
« à l'autre, et qui seul a le pouvoir de le faire. C'est ce qui a rendu
« inutiles les diverses tentatives qui ont esté faites pour la refor-
« mation de l'orthographe depuis plus de cent cinquante ans par
« plusieurs particuliers qui ont fait des règles que personne n'a
(1) Les accents.
PRÉFACE DE L'ACADÉMIE DE 1694. 115
« voulu observer (i). Ce n'est pas qu'ils ayent manqué de raisons
tf apparentes pour deffendre leurs opinions qui sont toutes fon-
« dées sur ce principe, qu^il faut que l'escriture représente la ipvo-
« nonciation; mais cette maxime n'est pas absolument véritable;
c( car si elle avoit lieu, il faudroit retrancher 1'^ finale des verbes
« aymer, céder, partir, sortir (2), et autres de pareille nature dans
c( les occasions où on ne les prononce point, quoy qu'ion ne laisse
« pas de les escrire. Il en estoit de mesme dans la langue latine où
c( Ton escrivoit souvent des lettres qui ne se prononçoient point.
« Je ne veux pas, dit Giceron, qu'en prononçant on fasse sonner
« toutes les lettres avec une affectation desgoustante : Nolo exprimi
a litteras putidius (3, de Orat,). Ainsi on prononçoit multimodis et
« tectifractis quoy qu'on écrivist multis modis et tectis fractis, ce
« qui fait voir que l'escriture ne représente pas tousjours parfaite-
« ment la prononciation; car comme la peinture qui représente les
« corps ne peut pas peindre le mouvement des corps, de mesme
« l'escriture qui peint à sa manière le corps de la parole, ne sçau-
« roit peindre entièrement la prononciation qui est le mouvement
(( de la parole. L'Académie seroit donc entrée dans un détail
« très-long et tres-inutile, si elle avoit voulu s'engager en faveur
« des estrangers à donner des règles de la prononciation. Qui-
« conque veut sçavoir la véritable prononciation d'une langue
« qui luy est estrangere, doit l'apprendre dans le commerce des
« naturels du pays ; toute autre méthode est trompeuse, et pre-
« tendre donner à quelqu'un l'idée d'un son qu'il n'a jamais en-
« tendu, c'est vouloir donner à un aveugle l'idée des couleurs
« qu'il n'a jamais veuës. Cependant l'Académie n'a pas négligé de
a marquer la prononciation de certains mots lors qu'elle est trop
« esloignée de la manière dont ils sont escrits et Y s en fournit plu-
a sieurs exemples ; c'est une des lettres qui varient le plus dans la
c( prononciation lors qu'elle précède une autre consone, parce
« que tantost elle se prononce fortement, comme dans les mots
a peste , veste , funeste , tantost elle ne sert qu'à allonger la
a prononciation de la syllabe, comme dans ces mots teste,
(1) Moins de cent ans après, l'Académie devait, conformément aux propositions
de la plupart des novateurs , simplifier l'écriture de près de cinq mille mots et
introduire les accents dans le corps d'une grande partie d'entre eux.
(2) Par cet exemple, on voit que dans partir, sortir, on ne prononçait pas le r,
de même que nous ne le faisons pas sentir dans aimer, céder non suivis d'une
voyelle.
116
PRÉFACE DE L'ACADÉMIE DE 1694.
c( tempeste-, quelquefois elle ne produit aucun effet dans^ la
« prononciation, comme en ces mots, espée, esternuer; c est
c( pourquoy on a eu soin d'avertir le lecteur quand elle doit
« estre prononcée. 11 y a des mots où elle aie son d'un z, et c'est
« quand elle est entre deux voyelles, comme dans ces mots aisé,
« désir, peser. Mais elle n'est pas la seule lettre qui soit sujette à
« ces changemens. Le c se prononce quelquefois comme un g,
« ainsi on prononce segret et non pas secret, segond et non pas
« second, Glaude et non pas Claude, quoy que dans l'escriture
a on doive absolument retenir le c Ainsi les Romains prononçoient
a Gains, quoy qu'ils escrivissent Caius, Amurga quoy qu'ils es-
« crivissent Amurca, selon l'observation de Servius sur le premier
« livre des Georgiques; ce qui achevé de confirmer ce qu'on vient
(( de dire que la prononciation et l'orthographe ne s'accordent pas
« tousjours et que c'est de la vive voix seule qu'on peut attendre
« une parfaite connoissance de la prononciation des langues vi-
« vantes et qu'on n'appelle vivantes que parce qu'elles sont en-
ce core animées du son et de la voix des peuples qui les parlent
« naturellement; au lieu que les autres langues sont appellées
« mortes, parce qu'elles ne sont plus parlées par aucune nation, et
« n'ont plus par conséquent que des prononciations arbitraires au
« deffaut de la naturelle et de la véritable qui est totalement
« ignorée (l). »
(1) La préface du premier Dictionnaire de l'Académie, en 1694, a été écrite par
Régnier des Marais, et l'epître dédicatoire au Roi, par Perrault. On croit que les
observations sur cette dédicace publiées par d'Olivet, à la fin de ses Remarques
sur les tragédies de jRacine (Paris, Gandouin, 1738, in-12), sont dues à Racine et à
Régnier des Marais.
Dans celte préface comme dans les autres citations, j'ai suivi scrupuleusement
l'orthographe même des textes. Quant à la ponctuation qui, n'étant soumise h
aucune règle fixe, nuit parfois à l'intelligence du sens, j'ai dû la rétablir d'après
l'usage des bonnes imprimeries. Le grand nombre des majuscules, employées
souvent d'une façon arbitraire, est modifié selon nos habitudes actuelles.
On doit cependant signaler dans celte préface l'emploi du (;) suivi d'une majus-
cule qui remplit la fonction d'une ponctuation intermédiaire entre le point-virgule (;)
et le point. (Les deux points (:) remplissent une autre fonction.) Il est regrettable
qu'on ail abandonné un secours utile quelquefois et qui, du reste, avait un précé-
dent, ainsi qu'on en peut juger par les textes grecs de ma Bibliothèque des au-
teurs grecs. Cette ponctuation intermédiaire s'y trouve remplacée par l'emploi de
la minuscule simple après le point, pour indiquer une suspension moins forte que
orsque le point est suivi de la majuscule.
La comparaison de notre orthographe académique, d'après la dernière édition
CAHIERS POUR L'ÉDITION DE 1694. 117
2" Cahiers de remarques rédigés pour le Dictionnaiy'e de 1694.
^H Dans les Cahiers dressés par l'Académie pour éclairer la discus-
sion des mots du Dictionnaire de 1694, se trouvent des règles de
détermination orthographique qu'elle n'a formulées nulle part
ailleurs. Ces Cahiers étaient tirés strictement à quarante exemplai-
res au nom de chacun des membres. Il en existe deux éditions (1).
C'est sur l'exemplaire de Racine de la première édition, conservé
à la Bibliothèque impériale, que j'ai transcrit ce qui suit. On y
voit établie la règle du doublement de la consonne avec ses
nombreuses exceptions, celle de la composition de nos mots
avec les prépositions latines. La loi de la configuration étymolo-
gique paraît déjà subir de notables restrictions^ faites au nom
de l'usage. Voici ^analyse de quelques-unes des principales re-
marques :
(( La première observation que la Compagnie a creu devoir
« faire est que, dans la langue françoise, comme dans la pluspart
(( des autres, l'orthographe n'est pas tellement fixe et déterminée
« qu'il n'y ait plusieurs mots qui se peuvent escrire de deux
« différentes manières, qui sont toutes deux esgalement bonnes,
i a et quelquefois aussi il y en a une des deux qui nest pas si
a usitée que l'autre, mais qui ne doit pas estre condamnée,
(( Généralement parlant, la Compagnie préfère l'ancienne or-
« thographe qui distingue les gens de lettres d'avec les ignorans,
a et est d'avis de l'observer par tout, hormis dans les mots où un
« long et constant usage en a établi une différente.
« L'ancienne orthographe pèche quelquefois en lettres super -
« fluës ; mais il ne faut pas les appeller ainsi quand elles servent à
« marquer l'origine, comme en ce mot vingt, qui s'escrit de la
« sorte, encore que le g ne se prononce point, parce qu'il vient du
« latin viginti. Il n'en est pas de mesme quand l'usage a depuis
« long-temps réglé le contraire : ainsi on n'orthographie plus le mot
« escripre avec un p ni escripture, »
du Dictionnaire de 1835, avec celle du Dictionnaire de 1694, prête une grande
force aux instances de ceux qui veulent améliorer l'état de choses actuel.
(1) M. Ch. Marty-Laveaux a réédité en 1863, chez le libraire J. Gay, à trois
cents exemplaires, ces deux éditions en les faisant précéder d'une intéressante in-
troduction.
118 CAHIERS POUR L'ÉDITION DE 1694.
Suivent quelques règles sur la permutation des consonnes ou
le maintien des consonnes caractéristiques, règles que l'usage a
consacrées ou que l'Académie a abrogées elle-même en 1740.
Cependant, le passage suivant est à noter particulièrement : il
explique et justifie l'abandon des caractères étymologiques dans
les mots tirés du grec et devenus d'un usage vulgaire : « Plusieurs
« aussi escrivent : fantaisie, fantastique, fantasque, fantosme,
(( mais d'autres veulent un ph à phantaisie, qui signifie cette îà-
(( culte de l'ame que les Latins appellent imagination ; mais fan-
a taisie qui signifie caprice, bizarrerie, s'escrit avec/. Ce n'est pas
« que les deux mots n'ayent la mesme origine, mais le dernier, à
a force d'estre usité et dépasser dans les mains de tout le monde,
a a changé son ph grec en un F françois. »
C'est ce dernier précepte qui aurait dû être appliqué plus ri-
goureusement dans les éditions successives du Dictionnaire.
«On doit garder, ajoute le Cahier, les doubles consones aux
« mots où il y en avoit dans le latin, par exemple, deux bh, deux ce,
« &QM\dd, etc. D'autre costé, pour l'ordinaire la consone n'est pas
« double dans le françois quand elle ne l'estoit point dans le latin. »
Le Cahier, pour être conséquent avec l'exemple qu'il donné en
écrivant partout consone avec un seul n, aurait dû supprimer la
double lettre à persone, à sonette, à pome, etc., etc.
« Les composez et les dérivez suivent l'orthographe de leurs
« simples. »
Le Cahier passe ensuite en revue les prépositions latines qui en-
trent dans la composition des mots français. « Quand la préposi-
tion a est suivie d'un g ou d'une m, ces consones ne se doublent
pas, excepté pour le g les mots où il est déjà double en latin. Exem-
ples : aggreger, aggresseur, aggraver, exaggerer» Toute autre con-
sone que ^ ou m se double : ahhatre, abbonner, abbreuver, abbre-
ger, abbrutir. » Il y a un certain nombre d'exceptions indiquées.
« Avec la préposition ad il y a à distinguer ; quelques-uns enlè-
vent le d, mais la meilleure orthographe le conserve. Exemples :
addonner, adjoint, adjourner, adjouster, adjuger, adjuster, ad-
mettre, admirable, admirai (1), admis, admodier, admonester,
(1) On a reconnu plus tard que le mot amiral vient de l'arabe émir. La pré-
position ad des Latins n'avait rien à faire ici.
r
CAHIERS POUR L'ÉDITION DE 1694. 1 19
addresser, advis, advocat. Quelques-uns neantmoins escrivent en-
core (1) avis, avertissement, avertir et avocat sans d. »
a Préposition e. Devant un mot simple commençant par f, cette
consone se double. Exemples : effaroucher , effeminer. Devant toute
autre consone que f, on met après la préposition latine un s. Exem-
ples : esbattre, esmouvoir, espleiirer, espris, esrailler, estester, etc.
« La préposition sous garde son s. Exemples : sousbarbe, sous-
chantre, souslever, souspeser, souspir, soustenir, soustraire. Quel-
ques-uns neantmoins escrivent soupir et soutenir. lo
Mais TAcadémie, en 1740, a décidé contrairement à la plupart
des règles des Cahiers de 1694. Il suffit d^indiquer quelques mots
extraits des séries complètes du Cahier qu'elle a rectifiés dès sa
troisième édition : appanage, appaiser, appercevoir, etc.; desboet-
ter, desbotter, desborder, desbourser, esbattre, esbranler, escarter,
qu'elle écrit les uns par un seul p et les autres sans s.
Dans le Cahier on autorise cependant d'écrire de f faillir et de-
fleurir, de f faire et défricher, et l'on remarque que quelques mots
qui n'avaient pas d'A en latin en ont pris en français : aululare,
hurler; altus, haut; exaltare, exhausser; ostreurriyhmsXve,', oleum,
huile ; ostium, huis ; octo, huit. »
Voici ce qui est dit à Tarticle du Circonflexe :
«Le circonflexe mis sur une syllabe marque bien qu'elle est lon-
gue; mais ce n'est pas pour cela qu'on l'y met, c'est pour mon-
trer qu'on y a retranché une voyelle, comme on fait en grec aux
verbes et aux noms contractes (2). Par exemple, on le met en bâiller ,
(1) L'habitude d'écrire simplement et d'essayer de figurer la prononciation plu-
tôt que rétymologie est plus ancienne en France que l'Académie de 1694 ne paraît
le supposer, car cet usage remonte à l'époque même de nos plus anciens monu-
ments écrits du xi^, du xii« et du xiii^ siècle {Lois de Guillaume^ Apocalypse,
Quatre Livres des rois, etc.). Le mot appellata, que l'Académie de 1694 écrit
appellée , est figuré ainsi , apeled et apelee ; le tesmoignage {testimonium) est
alors testimoine ou tesmoigne] les yeux, comme écrivait R. Estienne, sont des
oils, etc. Il est vrai que, depuis le xiv^ siècle, les clercs, fort épris du latin ,
se sont donné carrière pour saupoudrer de plus en plus leurs transcriptions de
lettres étymologiques et souvent de lettres qui ne le sont pas; mais c'est à partir
de la Renaissance de l'antiquité que cette fièvre d'érudition a pris son plus grand
développement. Voir plus haut, p. 112.
(2) Cet accent circonilexe joue encore dans notre orthographe le double rôle, de
marquer la suppression d'une lettre, comme dans affût, affûtage, aîné, vous
arrivâtes, nous crûmes, etc., et de rendre la syllabe longue, comme dans bâche,
120 CAHIERS POUR L'ÉDITION DE 1694.
railler, contractes de beailler et de riailler; à âge^ blessure, fay
pu, ingénument, assidûment, etc. Les novateurs de l'orthographe
le veulent substituer à la place de Vs muette, et escrivent tempête,
bêle, ôter, etc. »
L'opinion des novateurs a prévalu, et TAcadémie a même re-
tranché Taccent circonflexe à la plupart des mots qui ont subi une
contraction : railler, blessure, pu, ingénument. Elle Ta conservé à
assidûment.
On lit à l'article de la division :
(i La division se met entre deux mots qui, en effet, ne font
qu'un, mais qui ne sont pas entièrement joincts : comme eux-
mesmes, re-saler, re-sumer, francs - fiefs , cordon -bleu, grand-
croix, ciel-de-lict, entre-post, etc. On la met aussi entre la troi-
siesme personne singulière tant du présent de l'indicatif que du
futur, et le pronom personnel il et elle, et l'impersonnel on.
Exemples : parle-il, mange-elle, disne-on céans, ira-il, dira-elle,
sonnera-on. G'estoit l'ancienne orthographe, dont la raison est
assez connue à ceux qui connoissent la langue françoise du qua-
torziesme et quinziesme siècle. Mais depuis quelques années on
s'est advisé de mettre entre ces mots deux tirets et un t au mi-
lieu, de cette sorte, dira-t-il, ira-t-on. le voy grand nombre de
gents qui s'opposent à cet usage, et disent qu'il n'y en a aucune
raison, ny aucun exemple chez nos anciens. Messieurs jugeront
si leur opposition est bien fondée; et chacun marquera, s'il luy
plaist, ce qu'il voudroit changer, corriger, retrancher et adjouster
à tout ce ïraitté, tant pour le gros et pour Fordre, que pour le
détail et pour les exemples. »
3° Grammaire de Régnier des Marais,
Dans sa Grammaire, publiée en 1706, Régnier des-Marais, qu'on
peut supposer avoir été le rédacteur des Cahiers, expose les mêmes
principes avec plus de développements. (Voir plus loin l'analyse
de cette Grammaire, p. 136.)
Ainsi donc, l'Académie de 4694 procédait en matière d'ortho-
graphe, sous l'influence gréco-latine, en vue d'une conformité
aussi intime que possible avec l'écriture du latin littéraire. Bien
bêche, bellâtre, câlin, etc. Il y a là une source de nombreuses difficultés pour
les étrangers.
OPINION DE RONSARD. 121
qu'elle tienne peu de compte des concessions que le latin vulgaire,
la basse latinité et les écrivains français du xii" au xvi« siècle
avaient faites à la prononciation , on remarque une tendance à
s'écarter de Torthographe des Cahiers de remarques rédigés par
Régnier des Marais; elle fait quelques sacrifices à la nécessité
de simplifier, qui est propre au génie de notre langue et à sa pro-
sodie. Aussi la lecture, d'après ces principes mixtes de 1694, de-
vait être fort difficile, par suite de la multiplicité de ces con-
sonnes ramenées du latin du siècle d'Auguste, consonnes qui tan-
tôt se prononçaient et tantôt ne se prononçaient point. Ronsard,
ainsi que le grand Corneille, tous deux véritablement Français,
avec des idées et des sentiments antiques, avaient mieux compris
l'organisme de notre langue. C'est un grand honneur pour l'Aca-
démie d'avoir osé, dès 174-0, se déjuger elle-même en renonçant
aux règles et aux idées théoriques qu'elle avait adoptées en 1694,
et d'avoir su rentrer dans la voie de la tradition et de la vérité
pratique.
APPENDICE B,
OPINION DE RONSARD SUR l'ORTHOGRAPHE ÉTYMOLOGIQUE.
Ronsard, par Tampleur et la hardiesse de son esprit, devançant
son siècle et ceux qui l'ont suivi, a découvert en partie les diffé-
rences qui distinguent certaines de nos lettres de leurs correspon-
dantes chez les anciens, et affirmé les droits de notre langue à
une orthographe qui lui soit propre. 11 se rencontre ainsi, à cent
ans de dislance, avec Corneille, pour ouvrir la voie dans laquelle
l'Académie devait successivement entrer. Sans l'opposition de ses
amis, il eût accepté volontiers en grande partie les réformes de
Meigret (1) ; mais il se borne pour le moment à l'expulsion de Yîj
étymologique, à la suppression des consonnes superflues, telles
que le double ce au mot accorder (qu'il écrit acorder), à l'adoptioii
de l'accent aigu dans nombre de cas, et au remplacement du
ph par un f. Il réclame de nouveaux signes pour i et u consonnes
(j et v), pour // mouillé, gn et cA, et la restitution de k et 5, qu'il
demande de remettre en leur premier honneur (2) .
(1) Joachim du Bellay témoigne le même regret (voir plus loi», App. D), et
l'exprime avec une naïve énergie.
(2) Préface de la Franciade.
122 OPINIOJN DE RONSARD.
Il s'exprime ainsi dans l'avertissement au lecteur placé en tête
de son Abrégé de Vart poétique (édit. de 1623, t. II, page 1616) :
« l'avois délibéré, lecteur, suiure en l'orthographe de mon liure
la plus grand'part des raisons de Louys Meigret, homme de sain
et parfait iugemenl (qui a le premier osé desiller les yeux, pour
voir l'abus de notre escriture), sans Faduertissement de mes amis,
plus studieux de mon renom que de la vérité; me peignant au
deuant des yeux le vulgaire, Tantiquité, et Topiniastre aduis des
plus célèbres ignorans de nostre temps; laquelle remonstrance
ne m'a tant sceu espouuanter, que tu n'y voyes encore quelques
marques de ses raisons (de Meigret). Et bien qu'il n'ait totalement
raclé la lettre grecque Y, comme il deuoit, ie me suis hazardé de
Teffacer, ne la laissant seruir sinon aux propres noms grecs,
comme en Tethys, Thyeste, Hippolyte, Vlysse, à fin qu'en les
voyant, de prime face, on cognoisse quels ils sont et de quel pais
nouuellement venus vers nous : non pas en ces vocables, abisme,
cigne, Nimphe, lire, sire (qui vient comme l'on dit de xupioç, chan-
geant la lettre x en a (1) ), lesquels sont desia receus entre nous
pour françois, sans les marquer de cet espouuantable crochet dey,
ne sonnant non plus en eux que nostre i en ire, simple^ lice, lime.
Bref, ie suis d'opinion (si ma raison a quelque valeur), lors que
tels mots grecs auront long-temps demeuré en France, les rece-
uoir en nostre megnie (2), puis les marquer de Vi françois pour
monstrer qu'ils sont nostres, et non plus incogneus estrangers ;
car qui est celuy qui ne iugera incontinent que Sibille, Cibelle,
Cipris, Ciclope, Nimphe, lire, ne soient naturellement grecs, ou
pour le moins estrangers, puis adoptez en la famille des François,
sans les marquer de tel espouuantail de Pythagore ? Tu dois sça-
(1) On a reconnu depuis la véritable origine, le latin senior, de ce mot sire. 11 a
été d'abord senre ou sendre (sendra dans le serment de 842), puis sires, et enfin
sire, quand Ys du cas-sujet eut disparu. L'accusatif sewiorem a donné le cas-régime
seignur, signor, seigneur. Identiques à l'origine , comme moindre et mineur,
mes sire et mon seigneur, ces deux cas d'un même mot ont été conservés dans la
langue, avec des acceptions différentes. Mais, jusqu'au xiii« siècle,ils étaient em-
ployés l'un comme sujet, l'autre comme régime. « Je me chevauchoie d'Amiens à
Corbie; s'encontrai le roi et sa maisnie (maison, de mansio). — A cui es tu ?
dit-il. — Sire, je suis à mon signor. — Qui est tes sires .? — Li barons me dame
(le mari de ma dame). - Qui est ta dame 2 — La famé de mon signor. » (La Riote
del monde, dans Nouv. rec. de contes, t. T, p. 473.)
(2) Voir la note précédente.
OPINION DE RONSARD. 123
uoir qu'un peu devant le siècle d'Auguste, la lettre grecque T
estoit incogneuë aux Romains, comme l'on peut voir par toutes
les comédies de Plaute, où totalement tu le verras osté, ne se
seruant point d^vn charactere estranger dans les noms adoptez,
comme Amphitruon, pour Amphitryon : et si tu me dis qu'ancien-
nement la lettre y se prononçoit comme auiourd'huy nous faisons
sonner nostre u latin , il faut donc que tu le prononces encores
ainsi, disant Cubelle pour Cybelle; mais ie le veux dire dauantage,
que Vy n'a pas esté tant affecté des Latins (ainsi qu'asseurent nos
docteurs) pour le retenir comme enseigne en tous les vocables
des Grecs tournez par eux en leur langue, mais ils l'ont ordinaire-
ment transformé, ores en u, comme [xuç, mus, ores en a, xuwv, canis,
ores en o, utcvoç, somnus, tournant l'esprit aspre noté sur u en 5,
comme estoit presque leur vieille coustume, auant que l'aspira-
tion h fust trouuée. le t'ay bien voulu admonester de cecy, pour
te monstrer que tant s'enfaut quMl faille escrire nos mots françois
par Vy grec, que nous le pouvons bien oster, suivant ce que i'ay
dit, hors du nom naturel, pourueu qu'il soit vsité en nostre lan-
gue. Et si les Latins le retiennent en quelques lieux, c'est plus
pour monstrer l'origine de leur quantité, que pour besoin qu'ils
en ayent. S'il adulent que nos modernes sçauants se vueillent tra-
uailler d'inuenter des dactyles et spondées en nos vers vulgaires,
lors à l'imitation des Latins, nous le pourrons retenir dans les
noms venus des Grecs, pour monstrer la mesme quantité de leur
origine. Et si tu le vois encore en ce mot, yeux, seulement, sçache
que pour les raisons dessus mentionnées, obéissant à mes amis , ie
I'ay laissé maugré moy, pour remédier à Terreur auquel pour-
roient tomber nos scrupuleux vieillars, ayant perdu leur marque en
la lecture des yeux et Aesjeux {sic) : te suppliant, lecteur, vouloir
laisser en mon liure la lettrée, en sa naïue signification, ne la de-
prauant point, soit qu'elle commence la diction, ou qu'elle soit au
milieu de deux voyelles, ou à la fin du vocable, sinon en quelques
mots, comme en ie, en i'eus, iugement, ieunesse, et autres, où
abusant de la voyelle I, tu le liras pour I consonne inuenté par
Meigret, attendant que tu receuras cette marque d'I consonne,
pour restituer l'I voyelle en sa première liberté. Quant aux au-
tres diphthongues (1), ie lesay laissées en leur vieille corruption,
avecques insupportables entassemens de lettres, signe de nostre
(1) Doubles consonnes, selon l'acception d'autrefois.
124 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — D'ABL AN COURT.
ignorance et de peu de iugement, en ce qui est si manifeste et
certain : estant satisfait d'avoir deschargé mon liure, pour cette
heure, dVne partie de tel faix : attendant que nouueaux charac-
teres 'seront forgez pour les syllabes //, gn, ch et autres. Quant
à la syllabe ph, il ne nous faut autre note que nostre F, qui sonne
autant entre nous que o entre les Grecs, comme manifestement tu
peux voir par ce mot cpiXr), jeille (1). Et si tu m'accuses d'estre trop
inconstant en Forthographe de ce liure, escriuant maintenant, es-
pée, épée, accorder, acorder, vestu, vêtu, espandre, épandre,h\^s-
mer, blâmer, tu t'en dois colerer contre toy mesmes, qui me fais
estre ainsi, cherchant tous les moyens que je puis de seruir aux
oreilles dusçauant, et aussi pour accoustumer le vulgaire à ne re-
gimber contre l'éguillon, lors qu'on le piquera plus rudement,
monstrant par cette inconstance, que si i'estois receu en toutes les
saines opinions de l'orthographe, tu ne trouuerois en mon liure
presque vne seule forme dePescriture que sans raison tu admires
tant. »
APPENDICE C.
OPINIONS DE PLUSIEURS MEMBRES DE L'ACADEMIE FRANÇAISE ET DE
l'académie DES BELLES-LETTRES SUR L^ORTHOGRAPHE ET LA RÉ-
FORME ORTHOGRAPHIQUE.
(On trouvera plus loin, dans l'Appendice D, l'analyse des méthodes
orthographiques proposées par plusieurs d'entre eux.)
Nicolas Perrot d'Ablancourt, membre de l'Académie en
1637. Partisan, ainsi que Bossuet et Corneille, de la simplifi-
cation de l'orthographe, il s'exprime ainsi dans la préface de
sa traduction de Thucydide (Paris, 1622, in-fol.) :
« Avant que de finir il sera bon de mettre icy quelques remar-
ques touchant l'Ortografe et la Grammaire Je suy l'orto-
grafe moderne qui retranche les lettres superflues et je ne mets
qu'un T à ataquer, à atendre, pour empescher qu'on ne s'abuse
(1) Peut-être faut-il lire çuXXov, feuille.
OPINION DES ACADÉMICIENS. — CORNEILLE. 125
à la prononciation. Et ceux qui soustiennent l'opinion contraire
ne sçauroient nier que TOrtografe ne se soit purifiée peu à
peu puisque les langues ne sont jamais si parfaites que lors-
qu'elles s'éloignent le plus de leur origine, et qu'elles ont perdu,
s'il faut ainsi dire, les marques de l'enfance. »
Dans Tavertissement, qui n'a que six feuillets, j'ai recueilli des
mots ainsi écrits :
Acuser, a faire , afection, alumer, aparence, aparent, apeler^
aprendre, aquerir, atacher, atribuer, avaiiture, condanner, le di-
férent^ embaras^ exemter^ faloir (il a falu), flater^ flote^ frasey
lule^ metempsîjcose y moquer, ocasioriy ofrir, raport^ raporier,
soufrir, stile; il écrit rnodelle, fidelle, infidelle; je votj, je smj)
il supprime le <Z à je prens, je vens ; le ;? à tema ; il écrit qu'ils
vinsent et omet le d ei\e t dans les pluriels : les grans hommes,
les defaus, etc. Il écrit aussi : Philipey Peloponese, Quersonese,
Carès, Kios (l'île de Chio).
Pierre Corneille, membre de l'Académie française en 1647,
s'est beaucoup préoccupé de l'orthographe. Il désirait sinon
une réforme complète, du moins plus qu'une régularisation.
Trente ans avant la première édition du Dictionnaire de l'Aca-
démie, en tête de l'édition de luxe donnée par lui-même en
1664 (le Théâtre de P. Corneille, reveu et corrigé par Vau-
theur, impr. à Rouen, 2 vol. in-fol.), il s'exprime ainsi dans
un Avis au lecteur :
« Vous trouuerez quelque chose d'étrange aux innouations en
rOrtographe que j'ay bazardées icy, et ie veux bien vous en
rendre raison. L'vsage de nostre langue est à présent si épandu
par toute l'Europe, principalement vers le Nord, qu'on y voit peu
d'Estats où elle ne soit connue ; c'est ce qui m'a fait croire qu'il
ne seroit pas mal à propos d'en faciliter la prononciation aux es-
trangers, qui s'y trouuent souuent embarrassez par les diuers sons
qu'elle donne quelquefois aux mesmes lettres. Les Hollandois
m'ont frayé le chemin, et donné ouuerture à y mettre distinc-
tion par de différents caractères, que jusqu'icy nos imprimeurs
ont employé indifféremment. Ils ont séparé les i et les u con-
126 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - CORNEILLE.
sones d'auec les i et les u voyelles, en se seruant tousiours de
Vj et de Vv pour les premières, et laissant Vi et Vu pour les
autres, qui jusqu'à ces derniers temps auoient esté confondus
Leur exemple m'a enhardy à passer plus auant. Tay veu quatre
prononciations différentes dans nos J et trois dans nos e, et j'ay
cherché les moyens d'en oster toutes ambiguïtez, ou par des ca-
ractères differens, ou par des régies générales, auec quelques
exceptions. le ne sçay si j'y auray réussi, mais si cette ébauche
ne déplaist pas, elle pourra donner iour à faire vn trauail plus
acheué sur cette matière, et peut-estre que ce ne sera pas rendre
vn petit seruice à nostre langue et au public.
« Nous prononçons Vs de quatre diuerses manières : tantost nous
Taspirons, comme en ces mots, pe^e^ chajle ; tantost elle allonge
la syllabe, comme en ceu\-cy, pajîe, tefte\ tantost elle ne fait au-
cun son, comme à efblouïr, ef branler, il eJîoit\ et tantost elle se
prononce comme vn s, comme à prejider ^ prefumer . Nous n'auons
que deux differens caractères, / et 5^ pour ces quatre différentes
prononciations : il faut donc establir quelques maximes générales
pour faire les distinctions entières. Cette lettre se rencontre au
commencement des mots, ou au milieu, ou à la fin. Au commen-
cement elle aspire iouiour s : foy, Jîen, fauuery fuborner ; à la fin,
elle n'a presque point de son, et ne fait qu'allonger tant soit peu
la syllabe, quand le mot qui suit se commence par vne consone,
et quand il commence par vne voyelle, elle se détache de celuy
qu'elle finit pour se joindre auec elle, et se prononce toujours
comme vn z, soit qu'elle soit précédée par vne consone ou par vne
voyelle.
« Dans le milieu du mot, elle est, ou entre deux voyelles, ou
après vne consone, ou auant vne consone. Entre deux voyelles
elle passe tousiours pour z, et après vne consone elle aspire tous-
iours, et cette différence se remarque entre les verbes composez
qui viennent de la mesme racine. On i^rononce prezumerj rezister,
mais on ne prononce pas conzumer, n'y perzister. Ces régies
n'ont aucune exception, et j'ay abandonné en ces rencontres le
choix des caractères à l'imprimeur, pour se seruir du grand ou
du petit, selon qu'ils se sont le mieux accommodez auec les lettres
qui les joignent. Mais ie n'en ay pas fait de mesme, quand l/est
auant vne consone dans le milieu du mot, et ie n'ay pu souffrir
que ces trois mots, rejie, ternpejie, vous ejîes, fussent escrits l'vn
comme l'autre, ayant des prononciations si différentes. Tay re-
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — CORNEILLE. 127
serué la petite s poui; celle où la syllabe est aspirée, la grande
pour celle où elle est simplement allongée, et l'ay supprimée en-
tièrement au troisième mot où elle ne fait point de son, la mar-
quant seulement par vn accent sur la lettre qui la précède. Fay
donc fait ortographer ainsi les mots suiuants et leurs semblables,
peste, funeste, chaste, refiste, espoir ; tempejie, hajie, tefte', vous
êtes, il étoit, éblouir, écouter, épargner, arrêter. Ce dernier verbe
ne laisse pas d'auoir quelques temps dans sa conjugaison où il faut
lui rendre Vf, parce qu'elle allonge la syllabe^ comme à l'impéra-
tif arrejîe, qui rime bien auec tefte, mais à l'infinitif et en quelques
autres où elle ne fait pas cet effet, il est bon de la supprimer et
escvïre, farrétois,fay arr été, f arrêter ay, nous arrêtons, etc.
« Quant à l'e, nous en auons de trois sortes. \Je féminin qui se
rencontre tousiours ou seul, ou en diphtongue dans toutes les der-
nières syllabes de nos mots qui ont la terminaison féminine, et
qui fait si peu de son, que cette syllabe n'est iamais contée à rien
à la fin de nos vers féminins, qui en ont tousiours vne plus que
les autres. L'e masculin qui se prononce comme dans la langue
latine, et vn troisième e qui ne va iamais sans l's, qui luy donne
vn son esleué qui se prononce à bouche ouuerte, en ces mots,
fucces, accès, exprès. Or comme ce seroit vne grande confusion
que ces trois e en ces trois mots, afpres, vérité et après, qui ont
vne prononciation si différente, eussent vn caractère pareil, il est
aisé d'y remédier, par ces trois sortes d'e que nous donne l'im-
primerie, e, é, è, qu'on peut nommer l'e simple, Ve aigu et l'e
graue (1). Le premier seruira pour nos terminaisons féminines,
le second pour les latines, et le troisième pour les esleuées, et
nous escrirons ainsi ces trois mots et leurs pareils, afpres, vérité
après, ce que nous estendrons kfuccès, excès, procès, qu'on auoit
jusqu'icy escrits auec l'e aigu, comme les terminaisons latines,
quoy que le son en soit fort différent. Il est vray que les impri-
meurs y auoient mis quelque différence, en ce que cette termi-
naison n'estant iamais sans/, quand il s'en rencontroit vne après
vn e latin, ils la changeoient en z et ne la faisoient précéder que
par vn e simple. Ils impriment veritez, deïtez, dignitez et non pas
vérités, dettes, dignités, et j'ay conserué cette ortographe ; mais
(1) Il est regrettable que , dans cette excellente réforme, Corneille n'ait pas,
tout au contraire, nommé grave l'e que nous appelons aigu, et aigu celui que nous
nommons grave-, cela eût été plus logique, puisque la voix s'abaisse en pesant
sur le premier et s'élève sur le second.
128 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - CORNEILLE.
pour éuiter toute sorte de confusion entre le son des mots qui ont
Ve latin sans /, comme vérité, et ceux qui ont la prononciation
éleuée comme succès, j'ay crû à propos de nous seruir de diffé-
rents caractères, puisque nous en auons, et donner Vè grave à
ceux de celte dernière espèce. Nos deux articles pluriels, les et
des ont le mesme son, quoy qu'écrits avec Ve simple : il est si
mal-aisé de les prononcer autrement, que ie n'ay pas crû qu'il
fust besoin d'y rien changer. le dy la mesme tliose de Ve deuant
deux II, qui prend le son aussi esleué en ces mots belle, Jidelle,
rebelle, etc., qu'en ceux-cy, succès, excès ; mais comme cela ar-
riue tousiours quand il se rencontre auant ces deux //, il suffit
d'en faire cette remarque sans changement de caractère. Le
mesme arriue deuant le simple /, à la fin du mot mortel, appel,
criminel et non pas au milieu, comme en ces mots celer, chanceler,
où Ve auant cette / garde le son de Ve féminin.
« Il est bon aussi de remarquer qu'on ne se sert d'ordinaire de
Vé aigu qu'à la fin du mot, ou quand on supprime 1/qui le suit,
comme à établir, étonner : cependant il se rencontre souuent au
milieu des mots auec le mesme son, bien qu'on ne Fescriue qu'avec
vn e simple, comme en ce mot seuerité qu'il faudroit escrire séué-
rite, pour le faire prononcer exactement, et peut-estre le feray-je
obseruer en la première impression qui se pourra faire de ces
recueils.
« La double II dont ie viens de parler à l'occasion de Ve a aussi
deux prononciations en nostre langue, l'vne sèche et simple, qui
suit l'ortographe, l'autre molle qui semble y joindre vne h. Nous
n'auons point de différents caractères à les distinguer, mais on en
peut donner cette régie infailhble. Toutes les fois qu'il n'y a point
d'i auant les deux II, la prononciation ne prend point cette mol-
lesse : en voicy des exemples dans les quatre autres voyelles,
baller, rebeller, coller, annuller. Toutes les fois qu'il y a vn i
auant les deux //, soit seul, soit en diphtongue, la prononciation
y adj ouste vne h. On escrit bailler, éueiller, briller, chatouiller,
cueillir et on prononce baillher, éueillher, brillher, chatouillher,
cueillhir. 11 faut excepter de cette régie tous les mots qui vien-
nent du latin et qui ont deux II dans cette langue, comme ville,
mille, tranquille, imbeci lie, distille, il lustre, illégitime, illicite, etc.
le dis qui ont deux // en latin, parce que les mots de fille el fa-
mille en viennent et se prononcent auec cette mollesse des autres,
qui ont Vi deuant les deux II et n'en viennent pas; mais ce qui fait
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. —CORNEILLE. 129
cette différence, c'est qu'ils ne tiennent pas les deux // des mots
latins filia et familia qui n'en ont qu'vne, mais purement de
nostre langue. Cette régie et cette exception sont générales et as-
seurées. Quelques modernes^ pour oster toute l'ambiguïté de cette
prononciation, ont escrit les mots qui se prononcent sans la mol-
lesse de Vh auec vne / simple, en cette manière, tranquiley imbé-
cile, distile, et cette ortograpbe pourroit s'accommoder dans les
trois voyelles «, o, w, pour escrire simplement baler, affoler, an-
nuler, mais elle ne s'accommoderoit point du tout auec Ve et on
auroit de la peine à prononcer fidelle et belle si on escriuoit fidèle
et bêle ; Vi mesme sur lequel ils ont pris ce droit ne le pourroit
pas souffrir tousiours et particulièrement en ces mots ville, mille,
dont le premier, si on le reduisoit à vne / simple, se confondroit
auec vile, qui a vne signitication toute autre.
« Il y auroit encor quantité de remarques à faire sur les diffé-
rentes manières que nous auons de prononcer quelques lettres en
nostre langue; mais ie n'entreprends pas de faire vn traité entier
de l'ortographe et de la prononciation, et me contente de vous
auoir donné ce mot d'auis touchant ce que i^ay innoué icy. Comme
les imprimeurs ont eu de la peine à s'y accoustumer, ils n'auront
pas suiuy ce nouuel ordre si punctuellement qu'il ne s'y soit coulé
bien des fautes : vous me ferez la grâce d'y suppléer. )>
On peut, en effet, juger du désordre orthographique qui s'é-
tait introduit dans les imprimeries d'alors par la longue cita^
tion textuelle que je viens de reproduire. Ce n'est donc point un
faible service que rendit la pubhcation du Dictionnaire de l'Aca-
démie en apportant quelque remède à cette anarchie.
C'est un grand mérite à Corneille d'avoir proposé, comme nous
venons de le voir, une accentuation régulière de Ve plus de cent
ans avant que l'Académie l'introduisit complètement dans le Dic-
tionnaire. Quanta la distinction qu'il suggère de 1'/ longue et de la
petite 5, elle devint inutile dès 1740 par l'emploi de Vé aigu et de
Vê circonflexe, ces deux accents ayant remplacé Vs.
Il est regrettable que Corneille, sans doute à cause de son âge.
n'ait pu assister aux premières délibérations des Cahiers; son auto-
rité, secondée par celle de Bossuet, eût sans doute fait prévaloir
beaucoup d'améliorations dont quelques-unes ne sont pas encore
réalisées.
130 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - BOSSU ET.
Jacques-Bénigne Bossuet , membre de l'Académie vers
1670, prit une part active à la rédaction du Dictionnaire. Ses
idées en matière d'orthographe , dont on trouve quelques
traces dans le manuscrit existant à la Bibliothèque impériale
des Résolutions de r Académie française touchant V ortho-
graphe (1), sont aussi libérales que progressives. On en jugera
par les quelques passages suivants que j'extrais de l'introduc-
tion des Cahiers dans l'édition donnée par M. Marty-Laveaux :
c( Parmi les lettres qui ne se prononcent pas et que FAcadémie
a dessein de retenir, il y en a qui ne seruent guère a faire con~
noistre l'origine; de plus il faut marquer de quelle origine on
ueut parler, car l'ancienne orthographe retient des lettres qui
marquent l'origine a l'égard des langues étrangères, latine, ita-
lienne, alemande, et d'autres qui font connoistre l'ancienne pro-
nonciation de la France mesme. II faut demesler tout cela.
Autrement des le premier pas on confondra toutes les idées. »
« On ueut suivre, dit-on, Tancienne orthographe (art. I« des
Cahiers) et cependant on la condamne ici et ailleurs une infinité
de fois. Ueut on écrire recebuoir, deuh^ nuict^ etc.? On les reiette.
Ce n'est donc pas l'ancienne orthographe qu'on ueut suiure, mais
on ueut suiure l'usage constant et retenir les restes de l'origine et
les uestiges de ^antiquité autant que Pusage le permettra. »
On avait proposé de dire dans les Résolutions : « C'est une vi-
laine et ridicule orthographe d'escrire par un a ces syllabes qu'on
a touiours escrites en et ent, par exemple d'orthographier antre-
prandrej commancemant, anfant, sansemant, etc. » Bossuet, plus
grammairien en cette circonstance que Régnier des Marais, qui
voulait qu'on passât à l'ordre du jour, s'exprime en ces termes :
« II y a pourtant ici quelques règles adonner pour l'instruction.
La règle la plus générale c'est de retenir en par tout ou il y a en
ou in en latin, comme dans in, intra et leurs composez. Cepen-
dant dans les participes qui ont ens en latin on ne laisse pas de
dire en francois lisant, peignant, oijant, feignant, etc., et de
mesme pour les gérondifs légende, patiendo, en lisant, en pâtis-
sant, etc. Les mesmes participes deuenant adiectifs reprennent Ve
(1) c'est le titre primitif des Cahiers sur l'orthographe.
t
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — BOSSUET. 131
comme intelligens, intelligent^ paiiens, patient, negligens, négli-
gent, et ainsi des autres. On pourroit donc donner pour règle que
tous les participes et gérondifs ont ant, que tous les adverbes
et noms en mant s'escriuent ment^ parce que les noms semblent
uenir de quelques latins terminez en mentum, et les adverbes
semblent uenir '.fortement de forti mente
« Au reste, je ne uoudrois pas faire de remarques contre Tor-
thographe impertinente de Ramus, mais on peut faire uoir par
cet excez l'équité de la règle que la Compaignie propose comme
je le dis a la fin
(( Le principal est de se fonder en bons principes et de bien
faire connoistre ^intention de la Compaignie : qu'elle ne peut
souffrir une fausse règle qu'on a uoulu introduire d'escrire comme
on prononce, parce qu^en uoulant instruire les estrangers et leur
faciliter la prononciation de nostre langue, on la fait mescon-
noistre aux François mesmes. Si on ecrivoit tam, chan, cham,
emaîs ou émês, anterreman, connaissais (1), faisaient, qui recon-
noistroit ces mots? On ne lit point lettre à lettre, mais la figure
entière du mot fait son impression tout ensemble sur l'œil et sur
l'esprit, de sorte que quand cette figure est considérablement
changée tout à coup, les mots ont perdu les traits qui les rendent
reconnoissables a la uetie et les yeux ne sont point contents (2).
Il y a aussi une autre ortographe qui s'attache scrupuleusement a
toutes les lettres tirées des langues dont la nostre a pris ses mots,
et qui ueut escrire nuict^ escripiure, etc. Celle la blesse les yeux
d'une autre sorte en leur remettant en ueûe des lettres dont ils
sont desaccoutumez et que l'oreille n'a iamais connus (sic) (3).
(1) c'est pourtant ainsi que l'on écrit ce mot aujourd'hui,
(2) Je n'ai pu vérifier sur l'original la manière dont ce mot est écrit par Bossuet,
et cependant son esprit logique le conduisait à écrire comme on prononce :
CONTANT. Ainsi, dans le manuscrit original de Bossuet du troisième sermon
tout entier que j'ai examiné, il écrit, p. 37 , contanter; p. 38, contant; p. 39,
conianiement ; p. 45, pourvu que je sois contant. Ce n'est donc pas un lapsus
calami, puisque jamais dans ces mots Va n'est remplacé par l'e. Il en est de
même pour le mot atantif; ainsi on lit, p. 39 (recto), atantions et {verso) atan-
tifs] p. 40, atantifs et atantion; p. 46, atantif; à la page 48 (verso), la raison
touiours atantive et touiours constante. Ailleurs, il écrit avec un seul t : ataque,
flate, frote, et sans y les mots tiran, mistere, misterieux. Dans un autre sermon,
p. 17, je lis : n'est-ce pas lui qui les a assamblés ? Voir App. E.
(3) On peut aujourd'hui, grâce au progrès des études philologiques, reconnaître
tout ce que cette remarque ingénieuse de Bossuet a de profond et de juste. Le
et des Latins s'était changé en français en it et non en et ; exemple : nuit, fait^
132 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — BOSSUET.
C'est la ce qui s'appelle l'ancienne orthographe uicieuse. La Com-
paignie paroistra conduite par un iugement bien réglé quand après
auoir marqué ces deux extremitez si manifestement uitieuses, elle
dira qu'elle ueut tenir un juste milieu. Qu'elle se propose :
« 10 De suiure l'usage constant de ceux qui sçauent écrire;
« 2° Qu'elle ueut tascher de rendre autant qu'il se pourra
l'usage uniforme;
« 3° De le rendre durable ;
(( Qu'elle a dessein pour cela de retenir les lettres qui marquent
l'origine de nos mots, sur tout celles qui se uoyent dans les mots
latins, si ce n'est que l'usage constant s'y oppose; que comme
la langue latine ne change plus, cela servira à fixer nostre ortho-
graphe; que ces lettres ne sont pas superflues parce qu'outre
qu'elles marquent l'origine, ce qui sert mesme a mieux apprendre
la langue latine, elles ont diuers autres usages, comme de mar-
quer les longues et les breues, les lettres fermées et ouuertes, la
différence de certains mots que la prononciation ne distingue
pas, etc. Que la Compaignie prétend retenir non seulement les
lettres qui marquent l'origine, mais encore les autres que l'usage
a conseruées, par ce qu'oultre qu'elle ne ueut point blesser les
yeux qui y sont accoustumez^ elle désire autant qu'il se peut que
l'usage deuienne stable, ioint qu'elles ont leur utilité qu'il faudra
marquer, etc. »
Ce juste milieu que Bossuet proposait à l'illustre Compagnie de
tenir entre l'orthographe ancienne, surchargée de lettres préten-
dues étymologiques qui ne se prononçaient pas, et l'écriture des
novateurs, purement figurative de la prononciation , est encore
aujourd'hui le parti de la sagesse. L'Académie de 4694 ne s'en
tint pas à ces idées; elle se jeta alors, à la suite de Régnier des
Marais et des latinistes, et contrairement aux principes de Cor-
neille et de Bossuet, dans une voie hérissée de difficultés en vou-
lant concilier à la fois la tradition de la prononciation du français,
l'usage qui tend sans cesse à simplifier, et la conformité au latin,
où, à défaut d'une accentuation écrite, la duplication de la con-
sonne semble avoir eu pour but de rendre longue la syllabe qui la
précède. En transportant ainsi au français les règles de la quan-
trait, étroit, réduit, conduit; allaicter, nuictjaict, étroict, etc., ne sont que
de malencontreuses corrections des grammairiens du xvi' siècle.
OPINIONS DES A.GADÉ1MICIENS. — DANGEA.U. 133
tité du latin, on s'exposerait à méconnaître profondément le génie
de notre langue.
Bossuet avait pressenti cet écueil, car on trouve encore cette
note de sa main :
« Il faudroit expliquer a fond la quantité francoise en quelque
endroit du Dictionnaire aussi bien que Torthographe. La princi-
pale remarque à faire sur cela, c'est que la poésie francoise n'a
aucun égard à la quantité que pour la rime et nullement pour le
nombre et pour la mesure; ce qui fait soupçonner que nostre
langue ne marque pas tant les longues a beaucoup près que ia
grecque et la latine. »
Les travaux les plus récents ont encore une fois donné raison
à Bossuet en établissant qu'il n'existe pas en français de quantité
métrique, c'est-à-dire mesurable, mais bien un accent tonique,
placé en général sur la môme syllabe qui le portait dans le mot
du latin rustique dont est sorti notre idiome.
L'abbé de Dangeau, membre de l'Académie française en
4682.
(( Il y aurait, dit M. Gabriel Henry {Hist. de ia langue française),
de l'ingratitude à passer sous silence les services essentiels que
l'abbé de Dangeau rendit à la langue en nous donnant une idée
claire de ses sons originaires, en fixant irrévocablement la nature
du son nasal, confondu si souvent avec les consonnes par nos an-
ciens grammairiens, en examinant la nature des temps du verbe
et en nous en faisant connaître les différentes propriétés. On re-
grette, pourtant, qu'il ne nous ait pas développé ses idées dans toute
la suite d'un système grammatical ; mais le peu qu'il nous a
laissé lui assure une place distinguée parmi nos grammairiens.
Ses successeurs n'ont eu qu'à le copier dans les articles qu'il a
rendus publics. »
Dangeau reconnaît dans la langue française quinze voyelles ou
sons simples qu'il classe ainsi :
Cinq voyelles latines : a^é, i, 0, u ;
Cinq voyelles françaises : ou, eUy au, è ouvert (comme dans
cyprès)^ e muet (comme dans Jws^e);
Cinq voyelles sourdes ou esclavones, ou nasales : an, en, in,
on, un.
134 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - CHOISY.
a Chez les Latins, dit-il, des mots dérivés du grec sont écrits tantôt
par ph et tantôt par /. Preuve certaine qu'ils ne prononçoient pas
le ph comme Vf. Quand il leur est arrivé d'adoucir Taspiration
du (p grec, ils ne se sont plus servis du ph. Pourquoi donc ne pas
imiter les Italiens et les Espagnols, qui n'ont pas crû être obligez
à garder l'ortographe latine dans les mots venus du grec, et qui
écrivent teologo sans h, filosofo et Filippo par des/, etc. ? /)
Tout le travail de l'abbé Dangeau, qui occupe les pages 1 à
231 des Opuscules de d'Olivet, cités au bas de cette page, mérite
d'être lu avec attention : non-seulement on y trouve les vues les
plus originales, les plus justes et les plus profondes sur la classi-
fication des sons du français, mais de curieux détails sur la pro-
nonciation de la fin du dix-septième siècle. Voir à l'Appendice D
'analyse de la réforme de Dangeau.
L'abbé de Ghoisy , membre de l'Académie française en
1687.
En tête de son Journal de l'Académie françoise (1), il donne
les explications suivantes :
« Au commencement de l'année 1696, l'Académie résolut, à la
pluralité des voix, qu'on travailleroit en deux Bureaux ; que, dans
le premier, on reverroit le Dictionnaire, et que, dans le second,
on proposeroit des doutes sur la langue, qui, dans la suite, pour-
roient servir de fondement à une Grammaire. Messieurs Charpen-
tier, Perrault, Corneille (T.), et MM. les abbez de Dangeau et de
Choisy promirent assiduité au second Bureau ; c'est le dernier
nommé (deces membres) qui se chargea de tenir la plume pendant
le reste du quartier. »
Suivent les questions rangées par chapitres, où l'abbé de Choisy
expose les diverses opinions de chacun pour et contre; il s'occupe
plutôt des difficultés grammaticales proprement dites, cependant
il déclare « que les caractères sont faits pour peindre les sons, et
(1) Ce journal, dont FAcadémie ne voulut point permettre la publication,
parce que cette société trouvait qu'il était d'un style trop libre et ressemblait
trop à celui du Journal de Siam, du même auteur, a paru dans le volume pu-
blié en 1754 (par d'Olivet) sous le titre d'Opuscules sur la langue françoise,
par divers académiciens, Paris, Brunet, in- 12.
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. -CHOISY. 135
que, par conséquent^ l'orthographe la moins imparfaite est celle
qui nous expose le moins à prononcer mal. »
Voici au xix^ chapitre^, relatif à V Orthographe, un récit curieux
des difficultés qu'offrait ce genre de discussion dans l'Académie
pour le Dictionnaire de 1694, difficultés qui se reproduisirent
pour l'édition de 1740 et dont l'ahbé d'Olivet nous a donné le
récit.
« Un de Messieurs, rapporte de Ghoisy, sur la fin de la séance
précédente, avoit proposé de faire quelques changemens à l'ortho-
graphe de l'AcadémiC;, et, par exemple, de mettre une s, pour plus
grande uniformité, à tous les pluriels (ce que Corneille avait pro-
posé dès 1666). Un autre, qui abhorre les changemens, a com-
mencé aujourd'hui par nous mettre devant les yeux ces deux vers
d^Athalie :
Quel est-il cet objet des pleurs que vous versez ?
Les jours d'Éliacin seroient-ils menacez ?
c( Vous prétendez, nous a-t-il dit, qu'il est à propos que l'écri-
ture fasse distinguer le verbe d'avec les substantifs, adjectifs et
participes, ce qui sera très-aisé, lorsqu'on réservera Vs pour les
pluriels de tous ceux-ci, et le z pour le verbe seul. Ainsi, selon
vous, il faudra écrire :
Quel est-il cet objet des pleurs que vous versez?
Les jours d'Éliacin seroient-ils menacés ?
« Mais cette imagination n'est pas nouvelle, puisqu'il y a deux
siècles qu'elle a été proposée, sans néanmoins que le public ait
paru en faire cas. Il n'y a qu'à ouvrir les Grammaires de Ramus,
de Pelletier et de bien d'autres qui s'érigèrent en réformateurs
d'orthographe peu de temps après la mort de François P^ On s'est
moqué d'eux. Hé ! depuis quand l'orthographe auroit-elle pour but
de spécifier et de faire distinguer les parties d'oraison? Assuré-
ment, sur cent femmes qui parlent très-bien, et qui même écri-
vent correctement, il n'y en a pas dix qui sachent ce que c'est que
participe. Versez est un verbe, menacez est un participe : donc il
faut les écrire différemment? Pour moi, je ne vois ici qu'un prin-
cipe qui soit également avoué, tant par ceux qui se plaisent à in-
136 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - CHOISY.
troduire des nouveautez, que par ceux qui tiennent pour l'usage
ancien. Quel est ce principe? Que les caractères sont faits pour
peindre les sons, et que, par conséquent, Forthographe la moins
imparfaite est celle qui nous expose le moins à prononcer mal. Or
il est clair que ce mot, menacez, se prononce absolument de
même, et sans la plus légère différence, soit qu'on le fasse verbe,
comme quand je dis, vous menaces, soit qu'on le fasse participe,
comme dans le vers de M. Racine, seroient-ils menacez. Pour-
quoi donc, où il ne s'agit que d'un seul et môme son, employer
deux signes différens? Une règle d'orthographe qui suppose qu'on
sait toujours distinguer le verbe d'avec un nom, n'est bonne que
pour ceux qui ont étudié; au lieu que celle qui fut adoptée par
nos pères est à la portée de tout le monde. Personne, en effet,
ne manque assez d'oreille pour confondre l'é ouvert comme dans
procès, succès^ avec Vé fermé, comme dans aimé, bonté. Voilà le
cas où il est utile d'avoir deux signes, puisqu'il y a deux sons.
Aussi prenons-nous \'s pour le signe de l'è ouvert, procès, succès ;
et le z pour le signe de Vé fermé, quand le mot est au pluriel,
vous aimez, vous êtes aiînez. Règle qui ne souffre aucune excep-
tion, qui se conçoit sans étude, qui se retient sans effort. On ac-
centue l'è quand il est ouvert, procès, de peur qu'on ne le prenne
pour un e muet, comme dans frivoles, paroles, où Ys n'a lieu que
pour marquer le pluriel. Ajoutons que le s a cela de commode,
qu'il nous dispense de lever la main pour former un accent. On
écrit tout de suite boutez; au lieu que pour écrire bontés, il faut
que j'aie l'attention et la patience d'aller chercher la lettre qui
doit recevoir l'accent, et que je risque encore de mettre un grave
pour un aigu. Quoi qu'il en soit, l'Académie ne s'est jamais dé-
partie du z, et cette raison en vaudra toujours mille autres pour
moi. Je ne dis point que pour observer celte belle uniformité dans
tous les pluriels, il faudroit donc écrire, les travaus, les gens heu-
reus, nos vœus, 0 1 que nos livres en deviendroient bien plus
beausl »
«Après avoir entendu ce que je viens de rapporter, et qui avoit
été dit avec un peu de chaleur, tout le monde jugea que le mieux
étoit d'abandonner la matière, parce qu'on a toujours vu que les
disputes sur l'orthographe ne tinissoient point, et que d'ailleurs
elles n'ont jamais converti personne. »
On traita ensuite cette question d'orthographe : « Chapitre xx.
I
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — CHOISY. 137
Tai été 'payé des sommes qu^on m'avoïi données, ou, donné à rece-
voir d^un tel (1).
« Le premier opinant a dit qu'il falioit dire, fai été payé des
sommes qu'on m'avoit données à recevoir^ parce que, les sommes
étant au pluriel, données y devoit être aussi.
« Pour moi, a dit le second opinant, je suis d^un avis contraire.
Les sommes sont reçues^ et non pas données. Ce qu'on donne,
c'est à recevoir : on reçoit les sommes. Ainsi il faut dire, donné à
recevoir.
a Un troisième, se rangeant du côté du second, a dit que, si l'on
pouvoit renverser la phrase et dire, à lesquelles recevoir on m'a
donné y on verroit bien que recevoir régit les sommes, et que
donné régit recevoir. On m'a donné à faire quelque chose; l'ac-
tion qu'on m'a donnée à faire, c'est de recevoir. Au lieu de don-
ner, mettons Je mot de prier ; et au lieu de dire, les sommes
quon m^a donné à recevoir, disons, qu^on m'a prié de recevoir ;
vous verrez que vous ne sauriez dire, les sommes quon m'a
priées de recevoir, mais qu'il faut dire , qu'on m'a prié de rece-
voir,
a Le quatrième opinant a été de même avis : que ce qu'on don-
noit n'étoit pas les sommes, mais une action à faire. On me donne
à recevoir ces sommes-là et Ton ne me donne pas ces sommes-là.
« Ceux qui ont suivi ont dît qu'ils avoient bien vu d'abord qu'il
falioit dire donné à recevoir, ne consultant que l'usage; et que ce
qu'avoient dit les derniers opinans, les confirmoit dans uil avis
dont ils n'avoient pas examiné jusques-là toutes les raisons gram-
maticales.
«Mais, Monsieur, a repris quelqu'un, si pour juger de la bonté
d'une phrase, il est nécessaire d'examiner, comme viennent de
faire ces Messieurs, et les verbes et leurs régimes, si c'est un
participe, ou un gérondif, où en serons-nous? J'ai bien peur que
ces Messieurs qui raisonnent tant, ne trouvent moyen de nous four-
nir aujourd'hui des raisons pour une opinion, et demain d'autres
raisons aussi bonnes, peut-être meilleures, pour le sentiment
contraire. Je me souviens d'avoir vu faire quelque chose de sem-
blable à feu Monsieur de Marca dans nos assemblées du clergé :
il soutenoit tantôt un avis, et tantôt un autre, selon les occasions;
(1) Après deux siècles, des questions quelque peu analogues sontencore en
litige. Et adhuc subjudice lis est.
138 OPINIONS DES ACADÉMICIENS.- CHOISY.
et il avoit toujours à nous alléguer quelque canon, qui paroissoit
fait exprès pour lui. Ainsi^ Messieurs, tous vos raisonnemens me
paroissent fort suspects.
c( Hé bien, Monsieur, trouvons un moyen de nous accommoder,
a dit un (1) de ceux qui est le plus accusé d'aimer à raisonner.
Quand on vous présente une phrase, le grand usage que vous avez
du beau monde, du monde poli, fait que vous prenez aisément
le bon parti. C'est peut-être par un usage qui en approche, que
nous nous déterminons aussi, ces autres Messieurs et moi. Mais
après avoir porté notre premier jugement, et avoir dit. Cette ma-
nière de parler me plaît, ou me déplaît, nous rentrons un peu en
nous-mêmes, et nous nous disons : Voyons un peu ce qui rend cette
manière de parler vicieuse; voyons ce qui la rend bonne. Alors
ayant recours à nos participes, à nos régimes, à nos gérondifs, et
à tout cet attirail, que vous avez peur qui ne vienne du pays latin,
nous tâchons de découvrir les raisons de notre premier goût, et
nous sommes quelquefois assez hardis pour faire quelques petites
règles générales, à Toccasion d'un sentiment particulier. Un
homme voit un bâtiment : du premier coup d'œil il dit : Cela me
plaît, cela me déplaît. Il y a tel homme de bon goût, qui par le
grand usage qu'il a d'avoir vu des maisons, d'avoir connu celles
qui plaisent et celles qui déplaisent aux connoisseurs, dit fort à
propos : Cela me plaît, cela me déplaît. Demandez-lui-en la rai-
son, il ne sauroit vous la dire. Mais faites venir M. Perrault : aus-
si-tôt Vitruve en campagne, les cinq ordres d'architecture, et
tout ce qu'il sait par sa méditation, jointe à un grand usage des
bâtimens.
« Voyons, avec vos règles, a dit l'homme (2j de Monsieur de
Marca, que direz-vous de cette phrase: Elle s'est laissée empor-
ter à la colère ? Faut-il dire : elle s'est laissé emporter, etc.
« Je ne blâmerois peut-être ni l'un ni l'autre, a-t-il répondu.
Mais de grâce, lui a-t-on répliqué, rentrez un peu en vous-même,
comme vous nous avez tout à l'heure si bien dit qu'il falloit faire
quelquefois ; et faites-nous voir sur quoi vous fondez votre in-
dulgence, et pourquoi vous souffrez qu'on dise, elle s'est laissée
emporter à la colère, et que vous ne voulez pas dire, les sommes
qu'on m'a données à recevoir.
(1) M. l'abbé de Dangeau.
(2) M. l'abbé Testu, abbé de Belval,
w
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — GIRARD. 139
« En vérité, Monsieur, a-t-il répondu froidement, je suis las de
raisonner. Permettez -moi de m'abandonner de temps en temps à
mon instinct et à un peu de paresse, et de laisser en repos toutes
mes règles de grammaire. Je vois ici tant d'honnêtes gens qui font
la même chose, et qui ne font peut-être pas mal.
« Hé bien, Monsieur, a dit celui qui avait cité Monsieur de Marca,
je crois qu'il faut dire, elle s'est laissée emporter à la colère ; et
puisque vous ne voulez pas nous en dire la raison, je m'en vais me
mettre à votre place, et peut-être vous l'apprendre. Elle s'est lais-
sée emporter se dit, parce qu'il est plus doux à la prononciation.
La voyelle qui commence le mot ^'emporter mange la dernière du
mot laissée^ et empêche la rencontre de ces deux e, qui auroit
qu6)lque chose de trop languissant.
« Mais, Monsieur, a dit un troisième, s'il y avoit surprendre au
lieu à.' emporter^ croiriez- vous qu'il fallût dire, elle s'est laissée
surprendre^ Pour moi, je ne le crois pas ; et moins indulgent que
Monsieur qui a parlé avant vous, je veux qu'on dise, elle s'est
laissé emporter à la colère, comme on dit, les sommes qu'on m'a
donné à recevoir. »
L'abbé Girard, membre de l'Académie française en 1744,
publia, au commencement du dix-huitième siècle, plusieurs
ouvrages importants sur la langue, et entre autres ses Syno-
nymes français^ leurs différentes significations et le choix
qu'il faut en faire pour parler avec justesse. C'était le premier
ouvrage sur cette matière : son succès fut très-grand et s'est
perpétué jusqu'à nos jours, grâce aux éditions qu'en ont don-
nées Beauzée et M. Guizot. Deux ans avant la première édi-
tion, qui parut sous le titre de Justesse de la langue françoise,
il fit paraître un projet de réforme ortho'graphique sous ce
titre : Vortografe française sans équivoques et dans ses prin-
cipes naturels, ou l'art d'écrire notre langue selon lés loix de
la raison et de l'usage^ d'une manière aisée pour lés darnes^
comode pour lés étrangers^ instructive pour lés provinciaux^
et nécessaire pour exprimer et distinguer toutes lés diférances
de la prononciacion, Paris, Pierre Giffart, 1716, in-12. Je
crois devoir reproduire ici en partie l'introduction, en suppri-
140 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - GIRARD.
niant les exemples, pour me borner à l'argumentation pour et
contre la réforme :
« Tout le monde convient assez que l'ortografe est la manière
de représanter fidèlemànt à la vue par lés caractères qui sont en
usage le son dés paroles que la voix fait entandre à l'oreille. Mais
tout le monde, ce me samble, ne convient pas égalemànt de ce qui
doit régler la manière de le faire. Lés uns veulent que le seul usage
en décide: ils nomment Usage ce qui est observé par le plus grand
nombre, et par ceux qui, n'osant se doner aucune liberté raisona-
ble, se font un scrupule de suivre tout ce qui a l'air de nouvauté.
Lés autres prétandent corriger l'Usage par la Raison : ils nomment
Raison tout ce que la netteté et la facilité leur inspirent d'obser-
ver dans Fortografe, indépandammànt de la pratique la plus géné-
rale et la plus universellemànt suivie par le commun dés écri-
vains. Ces deux partis ont doné la naissance à un troisième, qui,
craignant de contredire la Raison et n'osant contrarier l'Usage,
tantôt se donc à celui-ci et quelquefois se prête à celle-là.
(( Les défanseurs de TUsage ne sont pas si fort lés antagonistes
de la Raison, qu'ils ne prétandent aussi la mettre de leur côté. Ils
disent que puisque lés mots et la prononciacion dépandent du seul
Usage, la manière de lés écrire, qui ne parait qu'accessoire, doit
entièremànt en dépandre. Que c'est, en effet, obéir à la Raison que
de suivre l'Usage en ces sortes de matières. Qu'après tout il n'est
pas si contraire au bon sans qu'on voudrait le faire croire. Que s'il
y a dés lettres inutiles pour la prononciacion_, elles ne le sont pas
pour la distinction désjmots et pour la siance de l'Étimologie
Enfin, ils ajoutent que l'Usage est tellemànt le maitre de la ma-
nière d'écrire qu'on ne peut l'abandoner et se faire une ortografe
particulière, sans s'attirer dés reproches d'ignorance ou de bizarre
ridicule. Qu'écrire autrement que lés autres, c'est vouloir n'être
point lu. Que ce seroit même gâter l'écriture et la langue que d'ôter
toutes les lettres inutiles à la prononciacion dés mots ; il faudroit
par cete raison bannir toutes lés s finales, lés r de la plu-part dés
infinitifs, confondre lés singuliers avec lés pluriels et faire un cahos
de tout.
« Lés partisans de la Raison disent à leur tour, que l'écriture
n'étant faite que pour copier la parole, il y a une espèce de ridi-
cule à écrire autremànt qu'on ne parle. Que tous lés diférans ca-
ractères dont on se sert n'ont été ou ne doivent avoir été invantés
OPINIONS DES ACADÉIMICIENS. — GIRARD. 141
que pour marquer lés diférantes prononciacions dés mots et re-
présanter sans équivoque par la diversité de leurs combinaisons
celle dés sons de la voix. Qu'ainsi^ c'est aller contre leur institu-
cion et leur véritable usage que de lés confondre, en se servant
dés mêmes caractères pour dés prononciacions diférantes, surtout
y aïant d'autres caractères établis pour marquer cete diférance.
S'il y a. disent-ils, une autre manière d'écrire que celle qui est
conforme à la prononciacion, quelque commune et générale
qu'elle soit, elle ne peut être bonne ; ne la pas suivre, c'est tout
au plus pécher contre un mauvais usage, pour prandre le parti de
la Raison, qui est toujours préférable à celui de la multitude. On
avouera qu'on n'écrit pas comme les autres ; mais on écrit comme
on doit écrire et lés autres écrivent mal. N'est-il pas lout-à-fait
déraisonable de marquer le son de Va par un e, qui est établi pour
exprimer un son tout diférant? de prononcer un c et d'écrire un i ?
d'ajouter jusqu'à trois et quatre lettres inutiles à la fm dés mots?
d'en insérer dans le milieu qu'il faille quelquefois exprimer dans
la prononciacion et d'autrefois supprimer, sans aucune règle cer-
taine? Doner à un caractère tantôt le son qui lui est propre, tan-
tôt celui d'un autre^ et cela seulement pour suivre le caprice d'une
mauvaise coutume, dont on s'est randu l'esclave? Cette bizarre
ortografe, disent-ils encore, empêche que lés étrangers qui ont
quelque commancemant de notre langue ne puissent en aquerir
une parfaite conaissance par la seule lecture de nos livres, parce
qu'ils ne sauroient lés lire sans savoir le français presqu'aussi bien
que ceux à qui il est naturel. Car enfin ce n'est que par un long
usage qu'on peut aprandre qu'une lettre prononcée dans de cer-
tains mots ne l'est point en d'autres, ou qu'une môme voyelle
change souvànt de son... Enfin pour conaitre toutes ces étranges
bizarreries, un étranger n'a d'autre secours que sa mémoire. S'il
trouve dans un livre un mot nouvau, qu'il n'ait point encore ouï
prononcer, il hésite, il cherche, il ne sait à quoi s'en tenir : lés
règles n'étant point certaines, rien ne le détermine.
« De là vient encore, ajoutent lés partisans de la Raison, la peine
que lés enfans ont pour aprandre à lire le français; qu! on leur fait
ordinairemànt commancer par le latin comme le plus aisé, quoi-
qu'ils devroient avoir plus de facilité à lire leur langue naturelle,
qu'ils savent et qu'ils parlent à tout momant, que celle qui leur est
étrangère et qu'ils n'entandent point. Que non seulemànt lés en-*
fans, mais encore lés persones raisonables sont extrèmemànt fati-
1
142 OPINIONS DES ACADÉMICIENS, - GIRARD.
guées de cette bizarre manière d'écrire. Qu'il y a peu de Français
qui sachent bien liie leur propre langue. Que de très-habiles gens
soufrent tous lés jours le reproche honteux de ne savoir pas lire.
Que lés provinciaux qui viènent à Paris avec dés prononciacions
qui, pour être communes dans leur province, n'en sont pas moins
contraires au bon usage, ont une peine infinie à se corriger,
n'étant point aidés par une ortografe nette et juste, qui marque le
propre son et la vraie prononciacion dés mots.- Que quelques Pa-
risiens même près de la cour, au çantre du bau langage , parlent
quelquefois en provinciaux. Que le sexe le plus poli qui entand
le mieux à placer un mot dans un discours, est celui qui sait le
moins placer une lettre dans un écrit....
« Telles sont lés principales raisons que chacun dés deux partis
allègue en sa faveur. Pour lés troisièmes, il y a bien de l'aparance
qu'ils n'en ont point eu d'autres qu'un panchant naturel, mais
faible, pour randre justice à la Raison, et baucoup de timidité pour
combattre l'usage. Il étoit en effet bien dificile de ranverser l'un
pour faire triompher l'autre. Commànt attaquer l'Usage ! son pou-
voir est tirannique, tout le monde l'avoue, lés plus indépandans le
sautent. Quel danger de se déclarer son ênemi ! Quelque injuste
et ridicule qu'on le suppose, ne l'est-il pas davantage de s'en sé-
parer? Et n'est-ce pas une espèce de folie que de vouloir être sage
parmi lés fous ? A quoi ne s'expose-t-on pas lorsqu'on s'en prand
à ce qui se dit et à ce qui se fait ? Il y a bien moins à craindre
contre la Raison: c'est l' ênemi qu'on a toujours attaqué le plus in-
punémànt quoiqu'avec moins de succès. Mais d'honôtes gens peu-
vent-ils l'abandoner? Ses attraits ne se font-ils pas santir malgré
toute la tirannie de l'Usage ? Et ne doit-elle pas triompher dans lés
siances, lorsqu'elle brïUe à la tête de l'État ?
« N'est-il pas juste que puisque notre langue a secoué le
joug de la latinité, nous en délivrions aussi notre ortografe ? Si elle
n'est qu'accessoire à la prononciacion, ne doit-elle pas suivre tous
lés changemans de celle-ci? Pourquoi l'Usage si inconstant de sa
nature en toutes choses sera-t-il fixé pour la seule ortografe ? Ne
semble-t-il pas qu'à force de vouloir la maintenir par l'autorité de
l'Usage, au lieu de la soumettre à ses loix, on ne fait que l'en éxam-
ter et conserver par là dans nos écrits toute la barbarie gau-
loise?... Prolongez, de grâce, vos jours de quelques siècles, pla-
'cez-vous dans ces tams reculés où le français, étint par tout ail-
leurs, ne vivra que dans lés colèges, où Déspreaux, la Fontaine et
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. —DE SAINT-PIERRE. 143
Molière, qui divertissent aujourdui si agréablemànt les plus honètes
gens^ ne seront peut-être que l'occupacion ennuyeuse des écoliers
et le sujet fatiguant dés veilles de leurs maitres, où la langue
française, ranfermée dans lés ouvrages que la bauté sauvera de la
fureur de Toubli et de la voracité dés tams, ne pourra plus être
aprise que par la lecture de nos auteurs. Alors point de cour, point
d'académie, point d'oreille pour décider du bel usage: lés livres
seuls présanteront aux yeux toute la pureté de la langue. Si nous
n'écrivons pas aujourdui comme on parle, alors on parlera comme
nous aurons écrit : on cherchera dans l'arrangement dés lettres ce-
lui dés sons de la voix ; et ce sera dans l'ortografe qu'on étudiera
la prononciacion dés mots. Mais, hélàs ! quelle horrible confusion
ne me samble-t-il pas voir ! Ne vous figurez-vous pas ce cahos af-
freux et ce bouleversemant gênerai de langage causé par ces let-
tres inutiles en mille endroits et nécessaires en mille autres, par ce
protéisme continuel dés caractères, par ces ambiguïtés et ces équi-
voques perpétuelles dans le son et dans la valeur dés lettres ? Car
cete langue si belle, si noble et si polie dans la bouche n'est plus
sur le papier qu'un barbare langage, qui choque lés yeux, et que
l'oreille ne pourroit soufrir si la langue prononçoit tout ce que la
plume a dessiné »
On peut juger, par cette citation textuelle, du système orthogra-
phique adopté par l'abbé Girard. Le contraste qu'il offrit, lors de
son apparition, dut être encore plus choquant qu'il ne l'est au-
jourd'hui pour nous , puisque TAcadémie, dans ses réformes suc-
cessives, a adopté quelques-unes de celles qu'il indique; elle
aurait môme dû en admettre quelques autres, ne ; fût-ce qu'en
raison de l'étymologie : etint de extinctus, honète de honestus, etc.
Toutefois, si l'on supprimait cette forêt d'accents, fort inutiles
pour la plupart, comme sur le mot extrèmemànt , ce système,
sauf quelques altérations inadmissibles, telles que le monosyllabe
temps écrit tams , et d'autres corrections prématurées , aurait pu
obtenir l'assentiment de Voltaire , et il me semble préférable à
celui de Duclos. Je donne dans l'Appendice D l'analyse de la ré-
forme du savant auteur des Syno7iymes.
Gharles-Irénée Gastel, abbé de Saint-Pierre, nommé mem-
bre de TAcadémie française en 1695, est un des hommes dont
on prononce le nom avec le plus de reconnaissance et de res*
144 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — DE SAINT-PIERRE.
pect. Au commencement du dix-huitième siècle, il se montra
l'un des premiers animé de cet amour profond de l'humanité
dont l'expression de philanthropie donnait l'image et s'alliait si
bien avec ce mot bienfaisance, dont il est le créateur. Exclu de
l'Académie dès 1718, à cause des hardiesses politiques conte-
nues dans son Discours sur la jpolysijnodie, il consacra sa
longue carrière à l'étude des améliorations pédagogiques,
économiques, sociales, gouvernementales que lui paraissait
comporter l'état de la société sous le règne de Louis XV.
On trouvera plus loin à l'Appendice D une analyse de son Pro-
jet pour perfectioner Vorlografe des langues d'Europe, qiril fit
paraître en 1730, à Fâge de soixante-douze ans, et des procédés
imaginés par lui pour figurer les différents sons qu'il croit
avoir reconnus dans les langues de l'Europe et particulièrement
dans la langue française. Je me contenterai de reproduire ici quel-
ques-unes de ses idées sur le droit de néologisme. En réfléchissant
avec lui aux procédés par lesquels s'enrichissent nos lexiques, on
s'expliquera la source de bien des contradictions orthographiques
et la nécessité de régulariser l'orthographe des mots récemment
introduits, pour la faire concorder avec celle des similaires déjà
existants.
« Le Dictionaire de Nicod, dit-il (p. 250), parut il y a environ
cent cinquante ans ; c'étoit le plus ample et le plus parfait de son
tems : il comprend non-seulement lèz termes de l'uzaje comun de
la conversatioUj de la chaire, dèz spectacles et du bareau, mais en-
core lèz termes dèz arts et dèz siences. Or comparez le avec le dic-
tionaire de Trévoux, qui a suivi sajement le même plan de mètre
en un même dictionaire généralement tous lèz mots fransois tan-
ceux de l'uzaje comun que ceux dèz arts et dèz siences. Examinez
en quelques pages et vous trouverez qu'en cent cinquante ans la
langue est devenue au moins trois fois plus riche qu'elle n'étoit
en nombre de mots sans compter qu'elle s'est aussi enrichie en
nombre de frazes : le dictionaire de Nicod n'est pas la sixième
partie du dictionaire de Trévoux imprimé en 17^21 en cinq vo-
lumes, dont chaque volume a plus de 1900 pages.
« J'ai eu la curiosité de compter lèz mots depuis le mot béant
OPINIONS DES ACADÉMICIENS — DE SAINT-PIERRE. 145
jusqu'au mot bezole, poisson de Genève, et au mot bezoard ; j'en
ai trouvé environ 110 dans Nicod et près de 330 dans le dictio-
naire de Trévoux. Voilà une preuve du nombre prodigieux de mots
qui étoient alors inuzitéz et qui se sont établis depuis cent cin-
quante ans dans notre langue, et la seule comparaison dèz dictio-
naires de divers siècles forme sur cela une démonstration complète
que lèz langues peuvent s'enrichir trez-considerablement chaque
siècle par la création et par l'uzaje de termes nouveaux...
« N'est-il pas vrai que si lèz persones qui, dans la conversation,
dans la chaire, dans lèz plaidoyers, sur lèz teatres et dans lèz livres
ont uzé lèz premiers de çèz termes qui étoient inuzitéz du tems de
Nicod n'avoient ozé rien bazarder, nous serions privez encore au-
jourdui de plus de la moitié de notre langue ? Je conviens que,
dans la conversation et dans l'impression, ils ont bazardé quelques
mots qui n'ont pas été adoptez, mais ne leur devons-nous pas au
moins ceux que lèz auditeurs et lèz lecteurs ont adoptés, et qui
par cette adoption sont venus jusqu'à nous?
a Nous leur devons môme la hardiesse qu'ils ont eue d'en ba-
zarder plusieurs qui ont été rejetez et dont on s'est moqué. Or,
n'est-il pas utile à notre nation et môme aux autres nations qui étu-
dient le fransois, que notre langue s'enrichisse, d'un coté, par dez
mots qui signifient dez choses particulières, tandis qu'elle s'abrège
de l'autre, par certains termes généraux qui embrassent plusieurs
termes particuliers ? Or, cela se peut-il faire autrement que par lez
petites hardiesses de quelques persones et par lez adoptions in-
sensibles dez autres?
a ...Tout le monde sait que lèz Anglois, soit dans la conversation,
soit dans lèz Uvres, ne font nule dificulté de faire et de prézenter
dez mots nouveaux, qui enrichissent tous lez jours leur langue ;
et hureuzement pour la langue angloize les auteurs anglois n'ont
point eu jusqu'ici chez eux certains esprits médiocres qui ont so-
tement pris pour maximes que tout mot nouveau est mauvais et ne
doit jamais être adopté quoique nécessaire. Un de nos écrivains dit
que, pour avoir quelque place dans la literature, ils se sont faits
suisses du Dictionaire de V Académie; ils empêchent lez mots qu'ils
ne conoissent point d'eptrer dans le dictionaire.
« ...J'ai vu il y a quarante-cinq ans le mot renversement frondé
par un de çéz suisses du Dictionaire. Ce mot s'est trouvé comode
et dans l'analogie de la langue et je le vois prezentement a\ec plai-
zir tout établi malgré sa malhureuze note de nouveauté...
10
146 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - DE SAINT-PIERRE.
« De ce que toute nouveauté n'est pas bone et adoptée dans le
angaje, s'ensuit-il qu'aucune nouveauté ne puisse être trèz-raizo-
nable et trèz-adoptable ?,..
«Si le publiq en avoit cru lèz ridicules railleries dèz suisses du
dictionaire, qui écrivoient il i a cinquante ans, nous n'aurions pas
même dans le stile familier quantité de mots qui étoient alors inu-
zitéz, et qui sont prèzentement d'un aussi grand uzaje dans la
langue que lez plus anciens. En voici quelques-uns :
(♦ Elle est encore dans Venivrement de la cour. — C'est une
afaire infaizable dans lèz conjonctures prézentes. — S'il a manqué
à ce devoir, c'est pure inateniion. — On l'a fort desservi auprèz du
ministre. — Il est à prezent fort dezocupé. — Il le reçut d'un air
gracieux, — Il le grazieuza fort durant le diner. — Cette nou-
velle Ta fort tranquilizé,.,
« Je ne raporte que huit ou neuf de çèz mots nouveaux, mais
si l'on vouloit comparer le Dictionaire de ce tems-là avec notre
dernier Dictionaire, je ne doute pas que l'on n'en trouvât cent au-
tres que lèz courtizans, lèz dames, lèz savans et les autres hommes
de toutes lèz professions ont établis depuis cinquante ans dans le
stile de la conversation, d'où ils passent tous lèz jours dans lèz au-
tres stiles et dans lèz livres...
« Quelques persones croient que nous perdons peu-à-peu autant
de vieux mots que nous en aquerons de nouveaux et que la moitié
dèz mots d'Amiot, qui étoit contemporain de Nicod, ne sont plus
uzitéz. Mais j'ai compté lèz mots dèz vint premières lignes de la
Vie de Thezée, in folio, de la traduction d'Amiot ; il y en a environ
240, et je n'en ai trouvé que 6 qui ne sont plus uzitéz. Or sur ce
pied là ce n'est que la quarantième partie de mots perdus et en-
core çèz 6 mots perdus sont-ils tous remplacez par d'autres équi-
valens. Verisimilitude est remplacé par vraisemblance, Reale par
réelle. Trouve Von par trouve-t-on. Controuvé par faussement in-
venté, Certaineté est remplacé par certitude. Si ai pensé est rem-
placé par etfai pensé ou par j'ai même pensé.
« La langue n'a donq rien perdu depuis cent cinquante ans
qu'elle n'ait reparé ; elle a au contraire gagné la moitié et même
lèz deux tiers plus de termes qu'elle n'en avoit. Or çèz termes pou-
voient-ils jamais servir à enrichir notre langue, s'ils n'avoient co-
mencé d'y entrer comme nouveaux et comme inuzitéz? ;>
Si l'on remarque dans le passage qui précédé certaines contra-
OPINIONS DES ACADEMICIENS. — DUCLOS. 147
dictions orthographiques, cela tient à un système adopté par l'au-
teur et qui consiste à varier de temps à autre l'écriture des mômes
mots pour déshabituer l'oeil du lecteur des formes graphiques con-
sacrées par l'usage et le préparer ainsi à l'adoption de son système.
DucLos, membre de l'Académie française en 1747 et secré-
taire perpétuel en 1755, joignant l'exemple au précepte ortho-
graphique, juge ainsi le système de l'écriture étymologique
(en 1754) :
c( Le préjugé des étimologies est bien fort, puisqu'il fait regarder
come un avantage ce qui est un véritable défaut; car enfin les
caractères n'ont été inventés que pour représenter les sons. C'étoit
l'usage qu'en faisoient nos anciens : quand le respect pour eus nous
fait croire que nous les imitons, nous faisons précisément le con-
traire de ce qu'ils faisoient. Ils peignoient leurs sons : si un mot
ut alors été composé d'autres sons qu'il ne Tétoit, ilsauroient-
employé d'autres caractères.
« Ne conservons donc pas les mêmes caractères pour des sons
qui sont devenus diférens. Si l'on emploie quelquefois les mêmes
sons d ns la langue parlée, pour exprimer des idées diférentes
(champ^ chant), le sens et la suite des mots sufisent pour ôter
l'équivoque des homonimes. L'intelligence ne feroit-èle pas pour la
langue écrite ce qu'èle fait pour la langue parlée? Par exemple,
si l'on écrivoit champ de campus, come chant de cantus, en con-
fondroit-on plutôt la signification dans un écrit que dans le dis-
cours? L'esprit serait-il là-dessus en défaut? N'avons-nous pas
même des homonimes dont l'ortografe est pareille ? Cependant on
n'en confond pas le sens. Tels sont les mots son {somis) , son (fur-
fur), son (sims), et plusieurs autres.
« L'usage, dit-on, est le maître de la langue, ainsi il doit décider
également de la parole et de l'écriture. Je ferai ici une distinction.
Dans les choses purement arbitraires, on doit suivre l'usage, qui
équivaut alors a la raison : ainsi l'usage est le maître de la langue
parlée. Il peut se faire que ce qui s'apèle aujourd'hui un livre
s'apèle dans la suite un arbre ; que vert signifie un jour la couleur
rouge, et rouge la couleur verte, parce qu'il n'y a rien dans la
nature ni dans la raison qui détermine un objet a être désigné par
un son plutôt que par un autre : l'usage, qui varie la-dessus, n'est
point vicieus, puisqu'il n'est point inconséquent, quoiqu'il soit
us OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — BEAUZÉE.
inconstant. Mais il n'en est pas ainsi de l'écriture : tant qu'une
convention subsiste, èle doit s'observer. L'usage doit être consé-
quent dans remploi d'un signe dont l'établissement étoit arbitraire;
il est inconséquent et en contradiction, quand il donc a des carac-
tères assemblés une valeur diférente de cèle qu'il leur a donée et
qu'il leur conserve dans leur dénomination, a moins que ce ne soit
une combinaison nécessaire de caractères pour en représenter un
dont on manque.
(( Le corps d'une nation a seul droit sur la langue parlée et les
écrivains ont droit sur la langue écrite. Le peuple, disoit Varron,
n'est pas le maître de récriture corne de la parole.
« En effet, les écrivains ont le droit, ou plutôt sont dans Tobli-
gaiion de coriger ce qu'ils ont corompu. C'est une vaine ostenta-
tion d'érudition qui a gâté l'ortografe : ce sont des savans et non
des filosofes qui Pont altérée : le peuple n'y a u aucune part. L'or-
tografe des famés, que les savans trouvent si ridicule, est plus
raisonable que la leur. Quelques-unes veulent aprendre l'ortografe
des savans; il vaudroit bien mieus que les savans adoptassent cèle
des famés, en y corigeant ce qu'une demi éducation y a mis de
défectueus, c'est-à-dire de savant. Pour conoître qui doit décider
d'un usage, il faut voir qui en estTauteur. » (Pages 44-46.)
(Voir à l'Appendice D, à la date de 1756, pour l'exposition de
sa réforme.)
Nicolas Beauzée, membre de l'Académie française depuis
1772, mort en 1789, s'était d'abord prononcé contre la ré-
forme de l'orthographe. Dans Y Encyclopédie méthodique, pu-
bliée chez Panckoucke, en 1789, revenant sur ses premières
opinions, il termine ainsi l'article Néographisme :
« Il faut compter à l'excès sur l'aveugle docilité de ses lecteurs
pour oser défendre les abus de notre orthographe actuelle par
l'autorité des grands écrivains que Ton cite : comme s'ils
avoient spécialement aprofondi et aprouvé formellement les
principes d'orthographe qu'ils ont suivis dans leur temps,
comme si celle que l'on suit et que Ton défend aujourd'hui
étoit encore la même que la leur en tout point, et comme s'il
suffisoit d'opposer des autorités à des raisons dans une matière
qui doit ressortir nûment au tribunal de la raison.
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. -- BEAUZÉE. 149
« Ces raffinements, dit-on, s'ils pouvoient jamais être adoptés,
« en produiroient d'autres ; on perdroit toutes les étymologies ; on
« obscurciroit le génie de la langue et l'histoire de ses variations ;
« on défigureroit toutes les éditions qui ont paru jusqu'à nos
«Jours; les auteurs et les lecteurs, accoutumés à l'ancienne or-
« ttiographe, seroient réduits à se placer avec les enfants pour
« aprendre à lire et à écrire ; la nouvelle méthode, pour êtrepeut-
« être plus conforme à la prononciation du moment, n'en auroit
« pas moins combattu l'impression d'un long usage qui a subju-
« gué l'imagination et les ieux... La lecture de cette orthographe
« est impossible à tout homme qui n'est pas disposé à changer de
« tête et d'ieux en sa faveur. » Ce sont les propres termes d'un
journaliste dans les annonces qu'il a faites des deux premières
éditions de ma traduction des Histoires de Salluste, où j'avois
suivi quelques-uns seulement de mes principes de réforme.
« Ces changements, dit-il, en produiroient d'autres. Oui, j'en
conviens ; l'art de lire, réduit à un nombre déterminé d'éléments
précis, seroit mis par sa facilité à la portée des plus stupides, et
s'aprendroit en peu de temps; l'orthographe, simphfiée et ré-
duite à des principes clairs et généraux, n'embarrasseroitplus que
ceux qui ne voudroient pas s'en occuper quelques semaines. Oh !
voilà, je l'avoue, d'affreux bouleversements !
c( On perdroit toutes les étymologies. Oui, on perdroit les traces
incommodes des étymologies; mais les savants, que cet objet re-
garde uniquement, sauioient bien les retrouver. La langue appar-
tient à la nation ;" la multitude n'a nul besoin de remonter aux
étymologies, qui sont même perdues pour elle, malgré les carac-
tères étymologiques dont on l'embarrasse dans les livres destinés
à son instruction.
« Mais passons à ce qui choque réellement le plus les défen-
seurs de l'ancienne orthographe ; c'est qu'ils seroient réduits à se
placer avec les enfants pour aprendre à lire et à écrire, et qu'il
leur faudroit changer de tête et d'ieux. Eh ! messieurs, n'en chan-
gez pas; gardez votre ancienne orthographe, puisqu'elle vous
plaît : mais permettez aux générations suivantes d'en adopter une
autre, qui leur coûtera moins que la vôtre ne vous a coûté, qui
leur sera plus utile, qui servira, au contraire de ce que vous
dites, à fixer notre langue, à la répandre, à la faire adopter par
les étrangers. » (Voyez à l'Appendice D, p. 295, l'analyse de la
réforme proposée par Beauzée.)
150 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - DE WAILLY.
Noel-Fraiiçois de Wailly, membre de l'Institut dès sa créa-
tion, en 1795. Esprit sage et modéré, il s'oppose aux systèmes
des novateurs trop hardis et propose une réforme néographique
ayant la prononciation pour base. Ses idées, analogues à celles
de d'Olivet, de Girard et de Duclos, sont développées dans
deux ouvrages, De l'Orthographe, Paris, 1771, in-12; UOr-
thographe des dames ^ ou l'Orthographe fondée sur la bonne
prononciation^ démontrée la seule raisonnable, Paris, 1782,
in-12. (Voir àT Appendice D l'exposition de sa méthode ortho-
graphique. )
Je crois devoir transcrire ici, malgré leur étendue, les passages
les plus importants d'une sorte de philippique en faveur de la ré-
forme que le savant académicien adresse, par la bouche des
dames, aux corps savants qui ont autorité sur la langue {Orth. des
, dames, p. 35-44) :
« Nous vous prions, Messieurs, de nous donner un plan d'or-
thographe, raisonné, simple, uniforme ; de conformer l'ortho-
graphe à la bonne prononciation. Plus vous examinerez cette ma-
tière, plus vous verrez, comme nous, que la bonne prononciation
est le seul guide raisonnable. N'est-il pas ridicule qu'ayant adouci
notre prononciation, vous conserviez encore dans l'écriture les
lettres qui ne se prononcent plus, et que nos pères n'ont em-
ployées que parce qu'ils Jes prononçoient? Vous prononcez à la
moderne, et vous orthographier à l'antique. La langue écrite sup-
pose nécessairement la langue parlée. La perfection , Tessence
môme de la première, consiste sans doute à représenter la se-
conde avec toute l'intégrité et la précision possible. Or, quelle est
l'orthographe qui représente au naturel les traits de la parole ?
C'est sans contredit celle qui prend pour guide la bonne pronon-
ciation. Gomme peintres de la pensée et de la parole, ne devez-
vous pas. Messieurs, faire dans la langue écrite les changements
qu'exige la langue parlée, afin de représenter au naturel les traits
de cette dernière ?
«L'Académie, dans la dernière édition de son Dictionnaire,
sans avoir égard à l'étymologie, a retranché d'un fort grand nom-
bre de mots des lettres qu'on n'y prononçoit pas ; mais, d'un
autre côté, elle a laissé dans une autre foule de mots des lettres
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - DE WAILLY. 151
tout aussi inutiles que celles qu'elle a supprimées en de pareilles
occasions. Nous avons fait .voir les inconvénients de ces défauts
d'uniformité : nous prions ^Académie de les faire disparoître
dans la première édition qu'elle donnera. Particulièrement con-
sacrée à Tétude, à la perfection de notre langue et de notre ortho-
gra))he, cette savante compagnie rendroit un service important à
la nation, si, par ses réflexions sur la langue et l'orthographe^ elle
éclairoit Tusage, le dirigeoit, le perfectionnoit. Ce travail nous
paroît vraiment digne des philosophes et des grammairiens qui
composent cette illustre société.
« Quelques personnes à qui nous avons lu cet article, nous ont
dit : « Messieurs les Académiciens savent bien que notre ortho-
ce graphe est fort difficile , pleine de bisarreries et d'inconsé-
« quences ; mais ils savent aussi qu'ils se rendroient ridicules de
c( vouloir la changer. »
a Cette réflexion est-elle vraie ? C'est ce que nous allons exami-
ner. ((Oui, nous répond un savant: Il faut pour l'orthographe,
« comme pour la prononciation, reconnoître l'autorité deTusage;
« et il est aussi ridicule de vouloir changer l'orthographe, qu'il le
a seroit de vouloir changer la prononciation. »
« Voici, Messieurs, notre réponse à cette assertion.
« Il y a une grande différence entre ces deux objets. A la vérité,
ceux qui ignorent les langues savantes doivent, comme les sa-
vants, se conformer aux lois du bon usage pour la prononciation,
et ils se rendroient ridicules dans les sociétés polies, s'ils ne le
faisoient pas. Par exemple, vous nous blâmeriez avec raison de
prononcer comme faisoient nos pères, em, en, avec le son de Ve
fermé nasal, dans empressement , entendement, ar déminent, empor-
tement, etc. Vous ririez si vous nous entendiez prononcer oi dans
V Anglais^ le François, le Polonois,je paroissois, qu'il paroisse, etc.,
comme ces lettres se prononçoient autrefois, et comme elles se
prononcent encore aujourd'hui dans le Danois, S. François, la
paroisse, etc. Pourquoi cela? C'est que les lois de l'usage pour la
prononciation sont à notre portée. En effet, nous avons, comme
les savants, des organes pour entendre et pour rendre les sons. Il
n'en est pas de même de l'orthographe actuelle : fondée sur la
connoissance de plusieurs langues qu'on ne nous a pas apprises,
ses lois sont au dessus de notre portée ; et, comme vous l'avez as-
suré, il nous est moralement impossible de les observer. Voilà pour-
quoi nous vous en demandons la réforme. Ne demanderiez-vous
152 OPINIONS DES ACADÉMICIENS, — DE WAILLY.
pas à un législateur la réforme de ses lois, s'il vous étoit morale-
ment impossible de les suivre? Qui pourroit en ce cas blâmer
votre demande? Qui oseroit la traiter de ridicule ? Il est sans con-
tredit louable en fait d'orthographe, comme en autre chose, de
quitter une mauvaise habitude pour en contracter une bonne. Un
usage qui n'est pas à la portée du plus grand nombre de ceux'qui
doivent l'observer, est contraire à la raison. C'est une erreur, un
abus qui doit être corrigé avec empressement. L'erreur, quelque
invétérée qu'elle soit, demeure toujours erreur : la multitude de
ses sectateurs ne sauroit lui donner le glorieux titre de la vérité,
qui mérite seule les respects et les hommages des vrais philo-
sophes.
(( Ce qui nous fait croire, Messieurs, que notre demande n'est
pas ridicule, c'est qu'elle est conforme aux désirs des auteurs qui
méritent le plus de considération sur cet objet ; nous voulons
dire de ceux qui, ayant écrit sur la langue, Pont étudiée plus à
fond. Or, presque tous les grammairiens ont désiré la réforme de
votre orthographe. Sans parler de ceux qui ont vécu avant le
siècle de LouiS'le-Grand, tels sont, dans le dernier siècle et dans
le nôtre. Messieurs de Vaugelas, Thomas Corneille, Richelet, La
Touche, de Dangeau, de Saint-Pierre, Buffier, Dumas, Girard,
Dumarsais, Boindin, Restant, Douchet, Valart, Duclos, Cherrier,
Mannori, Voltaire, Beauzée, de Wailly, etc. Ce vœu presque una-
nime est un grand préjugé en notre faveur. Ces Messieurs sont des
juges très-compétents en cette matière, et leurs suffrages doivent
être du plus grand poids. Vous savez, Messieurs, que dans chaque
matière on doit sur-tout s'en rapporter aux maîtres de l'art, qui,,
sur cet objet, sont les grammairiens : au lieu que les auteurs les
plus estimables, quelque nombreux qu'ils soient, ne doivent pas
emporter la balance, quand les matières qu'ils traitent n'ont pas
de rapport à la langue, quand la grammaire n'a pas été l'objet de
leurs études. Pourquoi cela? C'est qu'ils n'ont guère qu'une or-
thographe d'habitude et de simple copie ; c'est qu'ils ne doivent
pas plus se piquer de connoître les principes et les défauts de
l'orthographe, qu'ils ne se piquent d'être géomètres et architec-
tes, s'ils ne se sont appliqués ni à la géométrie, ni à l'architecture.
D'après ces raisons et ces autorités, ne pouvons-nous pas conclure
qu'il n'est pas ridicule de demander la réforme de l'orthographe
actuelle?
« N'est-il pas ridicule, au contraire, de prescrire des lois que
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - DE WAILLY. 153
le plus grand nombre ne sauroit observer ? La raison ne veut-
elle pas qu'on les réforme avec empressement ? Nous Tavons déjà
dit, les auteurs sont les vrais législateurs en cette matière. Usez
de vos droits, Messieurs ; travaillez à éclairer de plus en plus la
nation, à lui faciliter l'acquisition des connoissances. Loin de vous
rendre ridicules en mettant à la portée de tout le monde une con-
noissance aussi utile que celle de l'orthographe, vous rendrez par
cette réforme un service signalé à la nation. Quel est Thomme
raisonnable qui taxera de ridicules les savants grammairiens que
nous venons de citer? Qui osera faire un pareil reproche aux Aca-
démies d'Italie et d'Espagne, qui ont fait pour leurs langues la
. éforme que nous désirons pour la nôtre ? Pourquoi l'Académie
françoise et les autres sociétés littéraires seroient-elles blâmables
de suivre de pareils exemples? Ne seroit-ce pas suivre la raison,
dont les droits sont imprescriptibles? Les Académies ne doivent-
elles pas sur l'orthographe, comme sur les autres objets, se ser-
vir de son flambeau pour faciliter une connoissance vraiment utile,
et qui est, pour ainsi dire, la clef de toutes les autres ? Ceux qui
prétendent qu'on doit suivre sans examen l'orthographe actuelle
veulent donc que FAcadémie et les autres sociétés littéraires
obéissent aveuglément à un usage bisarre qui varie continuelle-
ment, à un tyran déraisonnable et injuste dont les lois ne sont pas
à la portée du plus grand nombre des François ? Messieurs les
académiciens doivent donc s'interdire l'usage de la raison, et
constater servilement une orthographe remplie de contradictions ?
Qui osera soutenir un pareil paradoxe ? Seroit-il possible , dit
très-bien sur cet objet M. Duclos, qu'une nation reconnue pour
éclairée, et accusée c^e légèreté, ne fût constante que dans les
choses déraisonnables F
« Qui est-ce qui forme l'usage actuel ? Ce sont suitout les com-
positeurs et les protes (lisez les correcteurs) dans les imprimeries.
Nos bons livres se réimpriment souvent. Lorsqu'un libraire veut
donner une nouvelle édition d'un livre, il l'envoie à l'imprimerie :
les compositeurs et les protes y mettent l'orthographe à laquelle
ils sont habitués. Ainsi ce sont eux sur-tout qui forment l'usage
actuel. Parmi ces personnes, il y en a sûrement plusieurs qui
sont instruites, témoin Le Roi, prote à Poitiers, qui fut le premiei-
auteur du Dictionnaire d' Orthographe ^ etc. Mais les protes n'ont
pas assez de temps pour se former un système suivi et bien rai-
sonné. L'orthographe qu'ils ont adoptée est souvent dérangée par
154 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - VOLTAIRE.
celle des différents auteurs ; ce qui les fait varier dans la leur, et
les oblige ensuite à des corrections dans les épreuves. Cet incon-
vénient et cette perte de temps n'auroient pas lieu, si les auteurs,
les protes et les compositeurs suivoient une orthographe raisonnée
et conforme à la bonne prononciation. Les compositeurs feroient
moins de fautes en arrangeant les lettres ; les protes et les auteurs
auroient moins de peine à lire leurs épreuves ; ils y feroient moins
de corrections ; et le compositeur attentif ne seroit plus obligé de
passer beaucoup de temps à supprimer des lettres en différents
endroits, à en ajouter dans plusieurs autres, etc. Ainsi Fauteur,
le prote et le compositeur trouveroient également leur avantage
dans cette orthographe.
« L'Académie, jusqu'à présent, nous le savons, s'est contentée
d'être le témoin de l'usage, et de le consigner dans son Diction-
naire. Mais n'est-ce pas renverser l'ordre, que de prétendre que
cette illustre et savante société ne doit rien faire autre chose ? »
Les maîtres imprimeurs, les protes, les correcteurs, les ouvriers
compositeurs, ont dû se conformer à une règle uniforme, car ils
ne pouvaient s'astreindre aux caprices . orthographiques de cha-
cun des auteurs écrivant diversement les mêmes mots, d'où ré-
sultaient des hésitations, des pertes de temps considérables en
corrections, soit de la part des auteurs, soit des correcteurs. Cette
règle fut donc, et avec raison, le Dictionnaire de TAcadémie, tel
que l'illustre Compagnie le modifiait à chaque édition.
La responsabilité incombe donc tout entière à l'Académie, et
V usage en fait d'orthographe, devenu un non-sens, ne peut désor-
mais être invoqué par elle.
Voltaire, membre de l'Académie française depuis le 9 mai
1746, revient sans cesse sur la critique du vicieux système de
notre orthographe. Il dit, entre autres observations, dans le
Dictionnaire philosophique^ article Orthographe :
« L'orthographe de la plupart des livres français est ridicule.
Presque tous les imprimeurs ignorants impriment Wisigoths,
Westphalie, Wittemberg, Wétéravie, etc.
c( llsne savent pas que le double Fallemand qu'on écrit ainsi W
est notre F consonne et qu'en Allemagne on prononce Vétéravie,
Virtemberg, Vestphalie, Visigoihs.
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — VOLTAIRE. 155
« Pour l'orthographe purement française, Thabitude seule peut
en supporter l'incongruité. Emploi-e-roient, octroi-e-roient, qu'on
prononce emploiraient, octroir aient', paon, qu'on prononce pan\
Laon, qu'on prononce Lan, et cent autres barbaries pareilles font
dire :
Hodieque manent vestigia ruris.
«Les Anglais sont bien plus inconséquents; ils ont perverti
toutes les voyelles ; ils les prononcent autrement que toutes les
autres nations. C'est en orthographe qu'on peut dire avec Virgile :
Et penitiis toto divisos orbe Britannos.
c( Cependant ils ont changé leur orthographe depuis cent ans : ils
n'écrivent plus : loveth, speaketh^ maketh, mais loves, speaks, makes.
« Les Italiens ont supprimé toutes les h. Ils ont fait plusieurs
innovations en faveur de la douceur de leur langue.
« L'écriture est la peinture de la voix; plus elle est ressem-
hlante, meilleure elle est, »
Me trouvant en possession d'un grand nombre de lettres auto-
graphes de Voltaire, et particulièrement de sa correspondance, en
partie inédite, avec d'Alembert, j'ai été curieux de confronter son
orthographe avec celle de l'Académie de 1740. C'est surtout à par-
tir de 1752 que devient plus sensible la modification apportée sous
ce rapport par Voltaire dans sa correspondance, surtout alors
qu^'il s'occupait de la rédaction des articles qu'il envoyait à d'Alem-
bert pour \e Dictionnaire philosophique. Il supprime le plus souvent
les lettres doubles qui ne se prononcent pas. Il écrit pardonait;
et d'un autre côté guai, il égicaiera. Il affecte le plus profond dé-
dain pour l'étymologie. On voit alors s'échapper de sa plume tantôt
le moi philosophe et tantôt philosofe, ce dernier plus fréquemment
que l'autre; il écrit même quelquefois filosofe, et veut que ce mot
soit rangé à la lettre F, di\x Dictionnaire philosophique. Dans sa lettre
datée des Délices, le 2 décembre 1755, que j'ai sous les yeux, il
écrit : « ennemi de la philosofie » et «persécuteur desphilosofes. »
Il met partout ainsi : enciclopédie, dictionaire. Dans une lettre
datée du 24, il écrit : « Je voudrais que votre tipografe Briasson
« pensast un peu à moy. »... « Vous avez des articles de téologie
e de métaphisique. » Dans d'autres, il écrit plusieurs fois : Athène,
autentique, entousiasme, têse, historiografe, bibliotèque, téologien^
156 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — NEUFCHATEAU.
crétien et cristianisme, s'écartant ainsi, avec une intention évi-
dente, de l'orthographe de l'Académie, dont il était membre de-
puis 1746. (Voir le texte de ces lettres avec leur orthographe à
TAppendice E.)
En comparant les lettres de Voltaire avec les éditions impri-
mées, on voit que l'habitude typographique de tout ramener à
l'orthographe du Dictionnaire de l'Académie a f^iit supprimer celle
que Voltaire préférait (1). Il eût pourtant été intéressant de suivre,
dans ses nombreux écrits, aussi bien les modifications de son or-
thographe que celles de sa pensée. Peut-être, à un certain mo-
ment, la popularité immense dont il jouissait eût-elle pu faciliter
quelques-unes des réformes déjà proposées.
Le service rendu par Voltaire, de faire accepter généralement
la réforme des imparfaits en oi et de ce même digramme dans
le corps du mot, comme dans connoitre^ a obtenu le suffrage de
tous, et cette réforme, que Tabbé Girard avait inutilement préco-
nisée dès 1716, a été un acheminement à d'autres régularisations.
François de Neufchateau, membre de l'Institut national,
ministre de l'intérieur, après s'être préoccupé pendant une
partie de sa vie des moyens d'apprendre à lire au peuple des
campagnes, émettait, en 1799, une opinion qui impliquerait
de notables simplifications dans notre orthographe :
« Au premier coup d'œil, on croirait que rien n'est plus simple,
plus trivial, plus vulgaire que ce que Ton nomme TABC, mais les
meilleurs esprits en jugent bien différemment. Non sunt contem-
nenda quasi parva, sine quibus magna constare non possunt, a
dit saint Jérôme. Le célèbre RoUin, dans son Traité des études
(ch. r', § II), avoue qu'il serait bien embarrassé s'il se trouvait
dans le cas d'apprendre à lire à des enfants. En effet, les auteurs
de méthodes n'ont eu en vue que des éducations privées, celles des
enfants des classes privilégiées. Locke se propose de former un
jeune gentilhomme, Télémaque est composé pour un prince, VÉ-
mile lui-même encourt en grande partie le même reproche.
(1) Dans la grande édition de Beuchot, que nous avons imprimée en 1834, on
n'a conservé de l'orlhographe de Voltaire que ses a au lieu des o, et je fesais^
nous/esow5, du verbe /aire. Et en effet, puisqu'on écrit je ferais la prononciation
demande (jue Ton écrive aussi fesons.
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - DOMERGUE. 157
« Je pose deux principes, ajoute ce ministre ami des lettres,
qui me semblent démontrés : le premier, que jamais on n'ap-
prendra à lire aux enfanta des pauvres, surtout dans les cam-
pagnes, sHl faut consacrer des années entières à cette seule partie
de V instruction; et le second, qu'il importe beaucoup de n'as-
treindre les enfants à se procurer aucun de ces livres d'école
dont on les embarrasse et que la plupart perdent ou dé-
chirent »
C'est pourquoi ce sage ministre, si dévoué aux lettres, se faisait
rendre compte des méthodes de simplification de la lecture par
le perfectionnement de l'alphabet, et les expérimentait lui-même,
afin qu'en France on pût arriver au même degré d'instruction pri-
maire que la plupart des nations du continent. (Voyez Dieudonné
Thiébault, Principes de lecture et de prononciation à Vusage des
écoles primaires, Paris, 1802, in-8.)
Urbain Domergue, membre de l'Institut de France (classe
de la langue et de la littérature françaises), est l'auteur d'une
réforme plus absolue que celles qu'on a proposées de nos
jours.
Après avoir énoncé les deux obstacles qui s'opposent à ce que
notre belle langue devienne familière aux étrangers: la détermina-
tion du genre des substantifs et l'écart entre l'orthographe et la
prononciation, l'académicien de 1803, plus novateur que Meigret,
ajoute :
« Le second obstacle est de nature à être levé ; l'orthographe
d'une langue n'est pas de son essence, comme la syntaxe. Faite
pour réfléchir les sons, elle est une glace fidèle, lorsque les écri-
vains d'une nation se sont abandonnés à la nature ; infidèle, lors-
que, ébloui par le faux éclat d'un savoir déplacé, détournant les
signes de leur véritable institution, on a modelé l'écriture de la
langue dérivée sur la prononciation de la langue primitive.
((Le retour aux principes est désiré par tous les bons esprits.
Mais quelle autorité fera triompher la raison ? Quel pouvoir fera
rentrer dans ses limites l'érudition, toujours prête à les franchir ?
Quelle voix imposera silence au préjugé? Cette heureuse révolu-
tion peut être opérée par le concert de la force, à qui rien ne
158 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - VOLNEY.
résiste, et des lumières, à qui rien n'échappe. Que le gouverne-
ment dise à la classe de Tlnstitut national chargée du dépôt de la
langue française ;
(( Je demande que les sons de la langue soient tous appréciés et
«reconnus; que chaque son simple ait un signe simple qui lui
(( soit exclusivement affecté ; en un mot, que la langue écrite soit
(( l'image fidèle de la langue parlée.
« Et je promets que Torthographe sanctionnée par rAcadénn'e
« française sera sur-le-champ adoptée :
c( Dans tous les actes émanés des autorités constituées ; — dans
c< tous les journaux soumis à l'inspection de la police ; — dans
«toutes les écoles nationales; — dans tous les établissements
« payés des deniers publics. »
« La raison et l'exemple auroient bientôt achevé une révolution
commencée sous des auspices aussi imposants. »
Puis dans une prosopopée adressée à celui qui semblait per-
sonnifier le génie de la France, il s'écrie :
« 0 Bonaparte (1)^ jette un regard sur ces lignes, elles t'appel-
lent à la gloire, non à celle du guerrier , tes exploits ont lassé hi
renommée ; non à celle de l'homme d'État, la France te bénit et
l'univers t'admire La gloire que je t'offre est pure et n'appar-
tiendra qu'à toi seul. Ose ordonner la réforme de notre orthogra-
phe ; et le mensonge abécédaire, qui prépare à tous les menson-
ges, ne déformera plus les jeunes esprits, et l'immense famille
dont tu es le chef parlera partout le môme langage, et les monu-
ments immortels du génie et du goût de nos écrivains se présente-
ront d'eux-mêmes à l'étranger reconnaissant. Élevé au faîte du
pouvoir par ta valeur, ta sagesse et notre amour, déploie ta force
pour la propagation des idées justes, mets ta gloire dans le triom-
phe de la vérité. »
(Voir plus loin, pour son plan de réforme. Appendice D^à la
date de 1806.)
VoLNEY, de l'Académie française, qui s'est livré à une étude
toute spéciale des langues et de l'orthographe, formule ainsi
son opinion sur notre manière de représenter les sons, dans
(1) Domergue écrivait ceci en 1803, sous le Consulat.
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — DE TRACY. 159
son ouvrage intitulé : L'Alfabet européen appliqué aux lan-
gues asiatiques (p. 21) :
« On peut dire que depuis radoption, et en môme temps la mo-
dification de l'alphabet phénicien par les Grecs, aucune améliora-
tion, aucun progrès n'a été fait dans la chose. Les Romains, vain-
queurs des Grecs, ne furent à cet égard, comme à bien d'autres,
que leurs imitateurs. Les Européens modernes, vainqueurs des
Romains, arrivés bruts sur la scène, trouvant l'alfabet tout or-
ganisé, l'ont endossé comme une dépouille du vaincu, sans
examiner s'il allait à leur taille. Aussi les méthodes alfabétiques
de notre Europe sont-elles de vraies caricatures : une foule d'ir-
régularités, d'incohérences, d'équivoques, de doubles emplois se
montrentdansralfabet même italien ou espagnol, dans l'allemand,
le polonais, le hollandais. Quant au français et à l'anglais, c'est le
comble du désordre : pour l'apprécier, il faut apprendre ces deux
langues par principes grammaticaux ; il faut étudier leur ortho-
graphe par la dissection de leurs mots. »
(Voir Appendice D, à la date de 1821.)
FoRTiA d'Urban, membre de l'Institut, Académie des in-
scriptions et belles-lettres, s'exprime ainsi dans son Nouveau
Système de bibliographie alphabétique^ 2^édit., 1822, p. 9 :
«Un principe, dont je crois que tout le monde reconnaîtra l'é-
vidence, doit sans doute diriger ceux qui voudront raisonner sur
notre orthographe et sur les innovations que l'on peut y apporter.
Cet axiome, c'est qu'eV faut écrire comme on parle. En effet, l'é-
criture n'étant que le signe du langage, plus l'image est fidèle,
mieux elle atteint son but. C'est un avantage que la langue alle-
mande, Vespagnole et l'italienne ont sur les langues anglaise et
française ; nous devons nous efforcer de le partager. »
Destutt de Tracy, de l'Académie française, émet sur ce
grave sujet un jugement remarquable par sa netteté :
« Nos alphabets, vu leurs difficultés et le mauvais usage que
nous en faisons, c'est-à-dire nos vicieuses orthographes, méritent
encore à peine le nom d'écriture. Ce ne sont que de maladroites
160 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — DE TRACY.
tachygraphies qui figurent tant bien que mal ce qu'il y a de plus
frappant dans le discours, et en laissent la plus grande partie à de-
viner, quoique souvent elles multiplient les signes sans utilité
comme sans motif.
« Que se passe-t-il avec l'alphabet actuel? On enseigne d'abord
à connaître les lettres, et la facilité qu'y apportent les plus jeunes
et les plus inappliqués des élèves prouve que l'obstacle n'est pas
là. 11 faut ensuite apprendre à épeler, c'est-à-dir^ à les réunir. Ici
commencent des difficultés sans nombre. Elles sont véritablement
infinies avec l'alphabet français, puisque personne ne peut de-
viner Torthographe d'un mot nouveau ou d'un nom propre. C'est
par ce motif que beaucoup de personnes renoncent à faire épeler
les enfants, et préfèrent leur apprendre les mots entiers, écrits sur
des cartes, comme avec l'écriture idéologique des Chinois. C'est
assurément là une preuve irrécusable des vices et des difficultés
que présente notre alphabet irrationel. »
« La mémoire seule peut servir à l'étude de l'orthographe; au-
cun raisonnement ne peut guider; au contraire, il faut à tout mo-
ment faire le sacrifice de son bon sens, renoncer à toute analogie,
à toute déduction, pour suivre aveuglément l'usage établi, qui vous
surprend continuellement par son inconséquence, si, malheureu-
sement pour vous, vous avez la puissance et l'habitude de réflé-
chir.
« Et j'en appelle à tous ceux qui ont un peu médité sur nos
facultés intellectuelles : y a-t-il rien au monde de plus funeste
qu'un ordre de choses qui fait que la première et la plus longue
étude de l'enfance est incompatible avec l'exercice du jugement?
Et peut-on calculer le nombre prodigieux d'esprits faux que peut
produire une si pernicieuse habitude, qui devance toutes les au-
tres? »
Destutt de Tracy fut un des partisans les plus convaincus de
la proposition faite par Volney d'appliquer à Fécriture des langues
orientales l'alphabet latin complété.
JouY, membre de F Académie française, en 1829, acceptait
l'idée fondamentale de la réforme dans sa réponse à V Appel
aux Français de M. Marie :
« J'ai moi-même, écrit-il, exprimé plusieurs fois le désir de voir
opérer dans l'orthographe de la langue française une foule de
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — ANDRIEUX. 161
changements que le plus simple bon sens réclame. L'emploi des
voyelles inutiles et des doubles consonnes dans les mots où la
prononciation n'en fait sentir qu'une seule est un reste de bar-
barie que rétymologie n'excuse pas même toujours. »
Charles Nodier, de l'Académie française en 1833, l'un
des hommes les plus compétents dans la question, n'hésite pas
dans l'expression de son sentiment :
« Je place au premier rang des plus honorables ouvriers de la
littérature les grammairiens, les lexicographes, les dictionnaristes.
Si leurs dictionnaires sont mauvais, ce n'est presque jamais leur
faute. C'est d'abord celle de la langue, qui n'est pas bien faite;
celle de l'alphabet, qui est détestable; celle de Forthographe, qui
est une desplus mauvaises et des plus arbitraires de V Europe. C'est
ensuite celle de la routine qui est une loi en France. C'est peut-
être enfin celle des institutions littéraires préposées à la conser-
vation de la langue, et qui ont fait de cette routine un fatal mo-
nopole. »
Malgré ces aveux significatifs contenus dans la préface de V Exa-
men critique des dictionnaires de la langue françoise, publié en
1829, on doit convenir que Nodier, devenu membre de l'Académie
française, fut un des adversaires les plus redoutables du néogra-
phisme absolu, contre lequel il épuisait les traits les plus acérés
de sa verve spirituelle. (Voir plus loin, Appendice D, à l'article
d'Honorat Rambaud, p. 200.)
Andrieux, secrétaire perpétuel de l'Académie française, es-
prit judicieux , bon grammairien et littérateur de premier
ordre, s'exprimait ainsi de son côté en 1829, dans sa lettre à
M. Marie :
« Il est d'un bon esprit de désirer la réforme de l'orthographe
française actuelle, de vouloir la rendre conforme, autant que pos-
sible, à la prononciation; il est d'un bon grammairien, et même
d'un bon citoyen, de s'occuper de cette réforme; mais il est
difficile d'y réussir. Voltaire, après soixante et dix ans de travaux,
11
162 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — DAUNOU.
est à peine parvenu à nous faire écrire français comme paix et
non pas comme François et poix. On trouve encore des gens qui
répugnent à ces changements si raisonnables et si simples. Les
routines sont tenaces; le succès vous en sera plus glorieux, si
vous l'obtenez. Vous vous proposez de marcher lentement et avec
précaution dans cette carrière assez dangereuse : c'est le moyen
d'arriver au bût. Puissiez-vous l'atteindre ! »
(Voir plus loin, Appendice D, à la date de 1829, la réclamation
de M. Andrieux contre M. Marie.)
Le professeur Laromiguière , membre de l'Académie des
sciences morales et politiques, écrivait à M. Marie à propos de
son système :
(( Je pense, après Molière, Montesquieu, Du Marsais, que rien
n'est plus désirable que l'exécution de votre projet. En rappro-
chant l'orthographe de la prononciation , vous nous apprendrez
en même temps à lire, à parler et à écrire la langue française ; ce
sera un service signalé rendu à tous les Français et aux nombreux
étrangers qui aiment notre littérature. »
Daunou, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, membre de T Académie des sciences mo-
rales et politiques, membre du Comité d'instruction publique
de l'Assemblée nationale , s'exprimait ainsi à propos des
moyens de faciliter la lecture aux enfants :
cf ... J'invoque donc une réforme d'un plus grand caractère que
celles qui ont été introduites jusqu'ici dans l'enseignement de la
lecture. Je réclame, comme un moyen de raison publique, le chan-
gement de l'orthographe nationale, et je ne crois pas cette propo-
sition indigne d'être adressée à des législateurs qui compteront
pour quelque chose le progrès, ou plutôt, si je puis m'exprimer
ainsi, la santé de l'esprit humain. Il n'est point question ici
de quelques corrections partielles, semblables à celles que l'on a
tentées, et qui ne sont bien souvent que de nouvelles manières de
contrarier la nature. Je demande la restauration de tout le sys-
tème orthographique, et que, d'après l'analyse exacte des sons
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — M. LIÏTRÉ. 163
divers dont notre idiome se compose, l'on institue entre ces sons
et les caractères de l'écriture une corrélation si précise et si con-
stante que, les uns et les autres étant égaux en nombre, jamais un
même son ne soit désigné par deux différens caractères, ni un
même caractère applicable à deux sons différens. Celte analyse
des sons de notre langue, la philosophie Fa déjà faite, ou Ta du
moins fort avancée. Cette correspondance invariable entre la lan-
gue parlée et la langue écrite, il ne faut plus que la vouloir pour
rétablir avec succès. Nous ne pouvons pas désirer pour cette ré-
forme importante une plus favorable époque que celle où les pré-
jugés se taisent, où les habitudes s'ébranlent, où l'on travaille
enfin à régénérer Tinstruction.
« On suppose qu'un tel changement dans l'orthographe doit
entraver ou abohr l'usage des livres écrits selon la méthode ordi-
naire, ou du moins que la lecture de ces livres deviendrait presque
inaccessible aux enfans accoutumés à un autre système graphique.
Il ne s'agit, pour dissiper cette objection, que de bien expliquer
ce que je propose. Assurément, je ne demande point que l'on
n'imprime plus aucun livre avec notre orthographe actuelle, ni
même que les lois soient écrites avec ^orthographe philosophique
que j^ai indiquée. Les livres classiques que les enfans auront entre
les mains, dans les écoles nationales, sont les seuls que j'aie ici en
vue. A regard de tous les autres, il faut laisser agir le temps, la
liberté et la raison. »
M. LiTTRÉ, membre de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres et juge si compétent en cette matière, s'exprime ainsi
dans son Histoire de la langue française y tome I", p. 327 :
« L'habitude commune dans les anciens textes de ne pas écrire
les consonnes doublées qui ne se prononcent pas et de mettre
arester, douer, apeler, etc., mériterait d^être transportée dans
notre orthographe. On écrit dans les anciens textes au pluriel sans
tles mots enfans, puîssans, etc. : cette orthographe, depuis long-
temps proposée par Voltaire, est un archaïsme bon à renouveler.
Ceux qui s'effrayeraient du changement d^orthographe ne doivent
pas se faire illusion sur l'apparente fixité de celle dont ils se ser-
vent. On n'a qu'à comparer l'orthographe d'un temps bien peu
éloigné, le dix-septième siècle, avec celle du nôtre, pour recon-
164 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — M. MÛLLER.
naître combien elle a subi de modifications. Il importe donc, ces
modifications étant inévitables , qu'elles se fassent avec sys-
tème et jugement. Manifestement, le jugement veut que l'ortho-
graphe aille en se simplifiant, et le système doit être de combiner
les simplifications de manière qu'elles soient graduelles et qu'elles
s'accordent le mieux possible avec la tradition et Tétymologie.. »
Dans un autre passage, le savant philologue constate ainsi l'in-
fluence de l'orthographe sur le langage parlé et par suite l'im-
portance d'une écriture régulière pour le maintien môme de la
langue.
« Notre langue fourmille de mots où l'écriture a fini par tuer la
prononciation, c'est-à-dire que des lettres écrites, il est vrai, mais
non prononcées, ont fini par triompher de la tradition et se faire
entendre à l'oreille comme elles se montrent à l'œil. »
M. Max MuLLER, correspondant de l'Institut de France et
l'un des linguistes les plus éminents de l'Europe , écrivait, en
1863 (1), à propos de la réforme orthographique de la langue
anglaise, les lignes suivantes, qui s'appliquent, sous plus d'un
rapport, à diverses tentatives faites chez nous dans ces derniers
temps :
« Je ne dois pas manquer ici à appeler l'attention sur les impor-
tants services qu'ont rendus ceux qui, pendant près de vingt ans,
ont travaillé en Angleterre à faire passer dans la pratique les ré-
sultats de la recherche scientifique, en composant et en cherchant
à propager un nouveau système « d'écriture abrégée et d'ortho-
graphe rationnelle », plus connu sous le nom de Réforme phoné-
tique. Je suis loin de me dissimuler les difficultés qui s'opposent
au prompt succès d'une pareille réforme, et je ne me flatte pas de
l'espoir qu'elle sera réalisée par quelqu'une des trois ou quatre gé-
nérations qui nous suivront immédiatement. Mais je me sens con-
vaincu du caractère de vérité et de raison que présentent les prin-
(1) Nouvelles leçons sur la science du langage, cours professé à Vlnstitu-
tionroyale de la Grande-Bretagne en Vannée 1863, par M. Max MûUer, et
trad. de l'anglais par MM. Georges Harrïs et Georges Perrot. Paris, A. Du-
rand, 1867, in-8, t. le'.
OPmiONS DES ACADÉMICIEINS. — M. QUICHERAT. 165
cipes sur lesquels repose cette réforme : or le respect que nous
inspirent naturellement la raison et la vérité, quoiqu'il puisse être
endormi ou intimidé par instants, a toujours fini par avoir le der-
nier mot, et par peser dans la balance d'un poids irrésistible. Il a
rendu les hommes capables de renoncer à leurs préjugés les plus
chers, et à leurs cultes les plus sacrés, qu'il s'agît des lois sur les
céréales, de la dynastie des Stuarts ou des idoles du paganisme ;
et je ne doute pas que notre orthographe irrationnelle n'ait le même
sort que toutes les superstitions dont les hommes ont fini par se
débarrasser. Il est déjà arrivé que des nations ont changé leurs
signes de numération, leurs lettres, leur chronologie, leurs poids
et leurs mesures. Peut-être M. Pitman ne vivra-t-il pas assez long-
temps pour voir le résultat de ses efforts persévérants et désinlé.
ressés ; mais on n'a pas besoin d'être prophète pour assurer que ce
qui maintenant est hué par la foule devra l'emporter.un jour ou
l'autre, à moins que l'on ne trouve, pour combattre ce système,
autre chose que quelques mauvaises plaisanteries déjà usées. Il y
a, parmi les objections que l'on fait à ces projets de réforme ortho-
graphique, un argument qui devrait, à ce qu'il semble, avoir grand
poids aux yeux du linguiste : cette réforme, dit-on, ferait, dans un
grand nombre de cas, disparaître des lettres qui témoignent de
Tétymologie des mots. Je ne puis pourtant prendre cet argument
très au sérieux. Dans les langues, la prononciation change diaprés
des lois déterminées, tandis que, dans les idiomes modernes, pour
ne parler que de ceux-ci en ce moment, l'orthographe a changé de
la manière la plus arbitraire, de sorte que si notre orthographe
suivait la prononciation des mots, elle serait en réalité plus utile à
celui qui étudie le langage au point de vue critique que notre sys-
tème actuel d'orthographe, avec ce qu'il y a d'incertain, d'arbi-
traire, d'étranger à toute méthode scientifique. »
M. L. QuicHERAT, membre de r Académie des inscriptions,-
accepterait volontiers une régularisation et quelques réformes
de détail dans le sens étymologique. Il s'exprime ainsi dans
la préface de son Dictionyiaire français-latin^ 1864 :
« J'ai suivi constamment pour guide le Dictionnaire de l'Aca-
démie, dont une longue pratique m'a fait de plus en plus appré-
cier le mérite. Il est facile de réunir contre un ouvrage si étendu
un certain nombre de critiques de détail : ces petites imperfec-
166 OPINIOlNS des ACADÉMICIENS. - M. QUICHERAT.
lions ne sauraient déformer Tensemble : Ubi plura nitent, non
egopaucis offendar maculis
« J'ai suivi presque toujours son autorité sous le rapport de la
grammaire et de l'orthographe, bien que parfois je ne fusse pas
satisfait de ses solutions. Ainsi je faisais tout bas mes réserves
quand j'indiquais comme étant du mascuHn le mot quadrige, et
du féminin le mot exemple (d'écriture). Je trouvais assez sin-
gulier qu'on écrivît dyssenterie, quand on écrit tout de suite après
dijsurie. Je ne m'explique point par quelle subtilité on a établi
entre Zéphire et zéphijr une distinction que l'étymologie con-
damne et dont les poètes ne tiennent aucun compte. Je ne com-
prends rien à la bizarrerie qui conserve l'adjectif invariable dans
cette locution : Ils se faisaient fort de, elle se fait fort de.
« Pour Forthographe, je n'entrerai point dans une foule de pe-
tites discussions que je laisse aux grammairiens. Seulement j'ose-
rai blâmer TAcadémie quand elle a la faiblesse d'abandonner un
principe général pour se conformer à une erreur vulgaire. En
somme, elle oublie trop qu'elle a le droit et le devoir de dicter la
loi. Par exemple, je ne vois pas pourquoi, infidèle à ses propres
traditions, elle a fini par accepter la nouvelle manière d'écrire le
mot terrain, que certains étymologistes dérivent sans doute de
terra ou de je ne sais quel adjectif terraneus, faisant pendant à suh-
terraneus. Mais l'Académie de 1694 écrivait terrein, comme l'exige
la racine terrenum. Si l'on prétend établir une règle nouvelle, il
faut au moins décréter que plenus donnera le mot français plain,
serenus, serain, etc. De même, l'esprit rude sur la voyelle ini-
tiale se représente en français par une h. La logique réclame une
apphcation universelle d'un principe aussi simple. Or, si l'on écrit
holocauste^ pourquoi olographe ? pourquoi encore erpétologie ?
« Néanmoins, je me suis incliné devant toutes ces anomalies, et
je n'ai fait cause à part que deux ou trois fois. Les mots roide,
roideur, roidir, ont été omis, je ne sais pourquoi, dans la réforme
voltairienne qui a conformé l'écriture à la prononciation. Dans la
septième édition du Dictionnaire de l'Académie, je ne fais pas de
doute que cela sera réformé. J'ai maintenu l'orthographe disijl-
lahe, au lieu de dissyllabe, que j'avais déjà introduite dans d'au-
tres ouvrages. Gela m'a paru nécessaire pour conserver la brève
de l'adjectif latin, et pour qu'on ne crût pas voir dans ce mot un
composé de dissos. Je puis dire que le savant et regrettable Bois-
sonade avait applaudi à cette petite révolte contre l'autorité. »
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — M. SAINTE-BEUVE. 167
M. Charles- Auguste Sainte-Beuve, membre de l'Académie
française depuis 1845, a bien voulu consacrer dans le Moniteur
du 2 mars dernier à la première édition du présent ouvrage
un de ces articles où une science profonde quoique toujours
aimable se cache sous la forme la plus séduisante. Je ne puis
résister au désir de citer l'analyse historique que le savant
académicien a faite de la question, à propos de mon travail,
tout en passant sous silence les encoujagements si bienveil-
lants qu'il veut bien donner à mes efforts.
« Notre langue française, dit-il, vient en très-grande partie du
latin. C^est un fait reconnu et que les philologues et critiques qui
se sont occupés de l'histoire de la langue et qui ont étudié la
naissance de la romane, d'où la nôtre est dérivée, ont mis de
plus en plus en lumière. Uun de ces derniers historiens et qui s'est
dirigé d'après la méthode et par les conseils des vrais maîtres,
M. Auguste Brachet, a parfaitement exposé (1) cette formation de
notre idionie. Mais ce n'est pas du latin savant, du latin cicéro-
nien, c'est du latin vulgaire parlé par le peuple et graduellement
altéré, que sont sortis, après des siècles de tâtonnement, les diffé-
rents dialectes provinciaux dont était celui de FIle-de-France.,
lequel a fini par se subordonner et par supplanter les autres ; lui
seul est devenu la langue, les autres sont restés ou redevenus des
patois.
a Quand je dis que cette langue romane des onzième et dou-
zième siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduelle-
ment altéré, j'ai peur de me faire des querelles; car, d'après les
modernes historiens philologues, les transformations du latin vul-
gaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce
seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états
successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidé-
ment progressifs à partir d'un certain moment : il en naquit
comme par voie de végétation, vers le dixièm.e siècle, une langue
heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante
que ceux qui Tont vue poindre, éclore et s'épanouir, sont presque
tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus
(1) Grammaire historique de la langue française, par M. Auguste Brachet ;
1 vol. in-18, à la librairie Hetzel, 18, rue Jacob.
168 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — M. SAINTE-BEUVE.
compliquée et moins naïve, des âges suivants. Je n'ai point à entrer
dans cette discussion, ni à chicaner sur cette préférence; ce que
je voulais seulement remarquer, c'est que, sous cette première
forme lentement progressive et naturelle, tous les mots français
qui viennent du latin et par le latin du grec ont été adoucis,
préparés, mûris et fondus, façonnés à nos gosiers, par des siècles
entiers de prononciation et d'usage : ils sont le contraire de ce qui
est calqué et copié artificiellement, directement. Ils n'ont pas été
transportés d'un jour à l'autre et faits de toute pièce, tout raides
et tout neufs, d'après une langue savante et morte, que l'on ne
comprend que par les yeux et plus du tout par l'oreille.
a A ce vieux fonds de la langue française il y a peu à réformer
pour l'orthographe. Les mots en ayant été prononcés et parlés par
le peuple, des siècles durant, avant d'être notés et écrits, toutes
ou presque toutes les lettres inutiles ont eu tout le temps de tom-
ber et de disparaître. Quand ils ont été écrits pour la première
fois, ils ne l'ont pas été par les savants. L'usage a donc amené
et produit pour ce vieux fonds domestique la forme qui, ce me
semble, est définitive. La difficulté est surtout pour les mots
savants et d'origine plus récente, importés à partir du seizième
siècle, depuis l'époque de la Renaissance, et la plupart tirés du
grec avec grand renfort de lettres doubles et de syllabes héris-
sées. Ces mêmes historiens de la langue et qui l'admirent surtout
aux douzième et treizième siècles, dans sa première fleur de jeu-
nesse et sa simplicité, sont portés à proscrire, à juger sévèrement
toute l'œuvre de la Renaissance, comme si elle n^était pas.légitimc
à son moment et comme si elle ne formait pas, elle aussi, un des
âges, une des saisons de la langue. M. Auguste Brachet, qui n'est
nuUement favorable aux néologismes du seizième siècle, déclare
en môme temps absurde la tentative qui consisterait aujourd'hui
h réduire et à simplifier, en les écrivant, bon nombre des doctes
mots introduits alors. « Puisque l'orthographe du mot, dit-il,
résulte de son étymologie, la changer, ce serait lui enlever ses
titres de noblesse. » Telle cependant n'a pas été et n'est point
l'opinion de beaucoup d'hommes instruits et d'esprits philosophi-
ques depuis le seizième siècle jusqu^à nos jours.
« Sans doute l'introduction de la plupart de ces mots s'étant
faite par les savants et d'autorité pour ainsi dire, non insensible-
menl et par le peuple, ce ne saurait être à la manière du peuple et
comme cela s'est passé pour le premier fonds ancien de mots
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — M. SAINTE-BEUVE. 169
latins, par une usure lente et continuelle, que la simplification
peut s'opérer. Mais la même autorité qui a importé les mots et
vocables scientifiques peut intervenir pour les modifier. Ainsi rien
n'oblige d'user perpétuellement de cette orthographe grecque si
repoussante, dans les mots rhylhme, phthisie, catarrhe, etc.; et
il y a longtemps que Ronsard et son école, tout érudits qu'ils
étaient, avaient désiré affranchir et alléger l'écriture courante de
cet «insupportable entassement de lettres ». Ils n'y étaient point
parvenus.
« L'histoire des tentatives faites depuis le seizième siècle pour
la simplitication de l'orthographe nous est présentée fort au com-
plet par M. Didot en son intéressante brochure, et il en ressort
que pour réussir à obtenir quelque chose en telle matière et pour
triompher de l'habitude ou de la routine, même lorsque celle-ci
est gênante et fatigante, il ne faut pas trop demander, ni deman-
der tout à la fois.
« Joachim Du Bellay le savait bien, lui qui dans son Illustra-
tion et Défense de la Langue, où il proposait en 1549 tant d'inno-
vations littéraires, n'a pas voulu les compliquer de l'emploi de
l'orthographe nouvelle de Louis Meigret qu'il approuvait en
principe, mais qu'il savait trop dure à accepter des récalci-
trants.
« Ces projets de réforme radicale dans l'orthographe, mis en
avant par Meigret et par Ramus, ont échoué ; Ronsard lui-même
recula devant l'emploi de cette écriture en tout conforme à la
prononciation : il se contenta en quelques cas d'adoucir les aspé-
rités, d'émonder quelques superfétations, d'enlever ou, comme il
disait, de racler ïy grec : il avait d'ailleurs ce principe excellent
que c< lorsque tels mots grecs auront assez longtemps demeuré
en France, il convient de les recevoir en notre mesnie et de les
marquer de Vi français, pour montrer qu'ils sont nôtres et non
plus inconnus et étrangers. » — Et pour le dire en passant, cette
règle est celle qui se pratique encore et qui devrait prévaloir pour
tout mot ou toute expression d'origine étrangère. Ainsi pour
àparte : un a-parte, des a-parte; on Pécrivait d'abord en deux mots,
et le pluriel ne prenait pas d's ; mais Fexpression ayant fait assez
longtemps quarantaine et ayant mérité la naturalisation, on en
a soudé les deux parties, on en a fait un seul mot qui se com-
porte comme tout autre substantif de la langue, et l'on écrit : un
aparté^ des. apartés. — C'est ainsi encore qu'il est venu un
170 OPmiONS DES ACADÉMICIENS. - M. SAINTE-BEUVE.
moment où les quanquam sont devenus les cancans. Mais les
errata, bien que si fort en usage et qui devraient être acclimatés,
ce me semble, n'ont pu encore devenir des erratas, comme on
dit des opéras (1).
(( Corneille, après Ronsard, apporte à son tour son autorité en
cette question de la réforme de l'orthographe. Dans l'édition
qu'il donna en 1664 de son Théâtre revu et corrigé, il mit en
tête un Avertissement où il exposait ses raisons à l'appui de cer-
taines innovations qu'il avait cru devoir hasarder, afin surtout,
disait-il, de faciliter la prononciation de notre langue aux étran-
gers. Ces idées et vues de Corneille, excellentes en principe, me
paraissent avoir été un peu compliquées et confuses dans Texécu-
tion. Le grand poëte n'était pas un esprit pratique.
« Ce qui est certain, c'est qu'une extrême irrégularité ortho-
graphique, une véritable anarchie s'était introduite dans les impri-
meries pour les textes d^auteurs français au dix-septième siècle :
il était temps que le Dictionnaire de l'Académie, si longtemps
promis et attendu, vînt y mettre ordre.
« Dans la préparation de ce premier Dictionnaire, et dans les
cahiers qui en ont été conservés, on a les idées de Bossuet qui
sont fort sages et fort saines. Il est pour une réforme modérée.
Il est d'avis de ne pas s'arrêter sans doute à l'orthographe
impertinente de Ramus, mais aussi de ne pas s'asservir à
l'ancienne orthographe « qui s'attache superstitieusement à
toutes les lettres tirées des langues dont la nôtre a pris ses
mots » ; il propose un juste milieu : ne pas revenir à cette
ancienne orthographe surchargée de lettres qui ne se prononcent
pas, mais suivre l'usage constant et retenir les restes de l'origine
et les vestiges de l'antiquité autant que l'usage le permettra.
« Le premier Dictionnaire de l'Académie, qui parut en 1694, ne
se contint point tout à fait, à ce qu'il semble, dans les termes où
l'aurait voulu Bossuet, et l'autorité de Régnier des Marais, qui
accordait beaucoup à l'archaïsme, l'emporta.
« Ce ne fut qu'à la troisième édition de son Dictionnaire, celle
qui parut en 1740, que l'Académie se fit décidément moderne et
(1) « chose bizarre ! errata employé au singulier est devenu un mot français
puisqu'on dit un errata; et au pluriel, il est resté un mot étranger et latin, puis-
qu'il ne prend pas d's et qu'on écrit des errata et non des erratas. C'est à des
irrégularités de ce genre que les décisions de l'Académie peuvent porter re-
mède. >»
p
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - M. SAINTE-BEUVE. 171
accomplit des réformes décisives dans Torthographe. il y avait
eu Fontenelle et La Motte, avec leur influence, dans l'intervalle.
Si l'on compare cette troisième édition à la première, elle offre,
nous dit M. Didot, qui y a regardé de près, des modifications
orthographiques dans cinq mille mots, c'est-à-dire dans le quart
au moins du vocabulaire entier. Il se fit un grand abatis de super-
fluités de tout genre : « des milliers de lettres parasites dispa-
rurent. » C'est à cette troisième édition, où pénétra l'esprit du
dix-huitième siècle, qu'on dut de ne plus écrire accroistre^ advocat^
albastre, apostre^ hienfaicleur, abijsme, etc. ; toutes ces formes su-
rannées et gothiques firent place à une orthographe plus svelte
et dégagée. L'abbé d'OIivet eut la principale part dans ce travail ;
il fut en réalité le secrétaire et la plume de l'Académie ; elle
avait fini, de guerre lasse, par lui donner pleins pouvoirs. »
c( Le seizième siècle avait été hardi ; le dix-septième
était redevenu timide et soumis en bien des choses; le dix -hui-
tième reprit de la hardiesse, et l'orthographe, comme tout le reste,
s'en ressentit : elle perdit ou rabattit quelque peu, dès Fabord,
de l'ample perruque dont on Favait affublée. L'abbé de Saint-
Pierre, qui fut le premier à réagir contre la mémoire de Louis XIV,
faisait imprimer ses écrits dans une orthographe simplifiée qui
lui était propre; mais le bon abbé tenait trop peu de compte, en
tout, de la tradition, et on ne le suivit pas. D'autres esprits plus
précis et plus fermes étaient écoutés : Du Marsais, Duclos, — n'ou-
bhons pas un de leurs prédécesseurs, le père Buffier, un jésuite
doué de l'esprit philosophique, — l'abbé Girard, — mais Voltaire
surtout, Voltaire le grand simplificateur, qui allait en tout au plus
pressé, et qui, en matière d'orthographe, sut se borner à ne de-
mander qu'une réforme sur un point essentiel, une seule : en la
réclamant sans cesse et en prêchant d'exemple, il finit par l'obte-
nir et par l'imposer.
« Cette réforme, toutefois, qui consistait à substituer Va à l'o
dans tous les mots où l'o se prononçait a, ne passa point tout
d'une voix de son vivant : elle n'était point admise encore dans
la quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie qui parut en
1762. Ce ne fut que dans la sixième édition, publiée de nos jours,
en 1835, que Tinnovation importante, déjà admise par la généra-
nte des auteurs modernes, trouva grâce aux yeux de l'Académie,
et que la réforme prêchée par Voltaire fut consacrée.
(( Il y eut des protestations individuelles remarquables. Charles
172 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - M. SAINTE-BEUVE.
Nodier, par inimitié contre Voltaire d'abord, par l'effet d'un
retour ultraromantique vers le passé, par plusieurs raisons ou fan-
taisies rétrospectives, continua de maintenir et de pratiquer Vo. La-
mennais aussi, radical sur tant de points, était rétrograde et réac-
tionnaire sur Vo : il affectait de le maintenir. Chateaubriand de
même ; c'était un coin de cocarde, un lien de plus avec le passé.
Au reste, notre dix-neuvième siècle a présenté sur cette question
de l'orthographe, et comme dans un miroir abrégé, le spectacle
des dispositions diverses qui l'ont animé en d'autres matières plus
sérieuses ; il a eu des exemples d'audace et de radicalisme absolu,
témoin M. Marie; une opposition ou résistance soi-disant tradi-
tionnelle, témoin Nodier et son école ; un éclectisme progressif,
éclairé et assez large, témoin le Dictionnaire de l'Académie de
1835; mais, depuis lors, il faut le dire, le siècle ne paraît point
s'être enhardi : il y aura de l'effort à faire pour introduire dans
Tédition qui se prépare toutes les modifications réclamées par la
raison, et qui fassent de cette publication nouvelle une date et
une étape de la langue. C'est à quoi cependant il faut viser.
« Ne nous le dissimulons pas : il s'est fait depuis quelques
années, et pour bien des causes, une sorte d'intimidation générale
de l'esprit humain sur toute la ligne. La réforme de l'orthographe
elle-même y est comprise et s'en ressent ; on est tenté de s'en
effrayer, de reculer à cette seule idée comme devant une péril-
leuse audace. Tout le terrain gagné en théorie depuis Port-Royal
jusqu'à Daunou semble perdu. Nous avons à prendre sur nous
pour redevenir aussi osés en matière de mots et de syllabes que
l'était l'abbé d'Olivet.
« On objecte toujours l'usage ; mais il y a une distinction à
faire et que Du Marsais dès le principe a établie : c'est la pronon-
ciation qui est un usage, mais l'écriture est un art, et tout art est
de nature à se perfectionner. « L'écriture, a dit Voltaire, est la
peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle
est. » Il importe sans doute, parmi tous les changements et les
retouches que réclamerait la raison, de savoir se, borner et choi-
sir, afin de ne point introduire d'un seul coup trop de différences
entre les textes déjà imprimés et ceux qu'on réimprimerait à
nouveau ; il faut les réformer, non les travestir. J'ai sous les
yeux les deux premiers livres du Télémaque, un texte classique
imprimé selon les modifications que M. Didot propose à l'Acadé-
mie. On peut différer d'avis sur tel ou tel point; mais mon œil
OPINIONS DES ACADÉMICIENS. — M. SAINTE-BEUVE. 173
n'est nullement choqué de l'ensemble. Il y a, d'ailleurs, quantité
de corrections à introduire dans le nouveau Dictionnaire et qui ne
sauraient faire doute un moment. Pourquoi, dans le verbe asseoir,
l'Académie ne met-elle Ve qu'à l'infinitif, et pourquoi, dans le
verbe surseoir^ met-elle Ve à Tinfinitif et de plus au futur et au
conditionnel? — Pourquoi écrit-elle abattement, abattoir, avec
deux t^ et abatis avec un seul ? — Pourquoi charrette, charretier,
avec deux r, et chariot avec une seule? — Pourquoi courrier en-
core avec deuxr, et coureur avec une seule? — Pourquoi bande-
role avec une seule l et barcarolle avec deux? — Pourquoi dou-
ceâtre et non douçâtre, comme si Fon n'avait pas le c avec cédille,
etc., etc. (1)? Le Dictionnaire écrit ostrogot : pourquoi alors
écrire gothique? Ce sont là des inconséquences ou des distractions
qu'il suffit de signaler et qui sont à réparer sans aucun doute.
« L'introduction de l'/au lieu de ph dans quelques mots cotn-
pliqués est plus capable de faire question. Il est bien vrai qu'autre-
fois, dans sa première édition, l'Académie avait écrit phantosme^
phantastique, phrenesie, et que depuis elle a osé écrire fantôme,
fantastique, frénésie, etc. Osera-t-elle bien maintenant appliquer
la môme réforme à d'autres mots et faire une économie de tous
ces ^ peu commodes et peu élégants, écrire nimfes, ftisie, difton-
gue ? Je vois d'ici l'étonnement sur les visages. Et l'éty-
mologie? va-t-on s'écrier. Mais, cette étymologie, on s'en est bien
écarté dans les exemples cités tout à l'heure. Et puis cette raison
qu'il faut garder aux mots tout leur appareil afin de maintenir
leur étymologie est parfaitement vaine ; car, pour une lettre de
plus ou de moins, les ignorants ne sauront pas mieux reconnaître
l'origine du mot, et les hommes instruits la reconnaîtront tou-
jours. Ce sont là toutefois des questions de tact et de convenance
où il importe d'avoir raison avec sobriété.
et Je ne puis tout dire et je ne prétends en ce moment que
signaler l'estimable et utile travail, depuis longtemps réclamé,
que FAcadémie vient d'entreprendre, en l'exhortant (sous la réser-
ve du goût) à oser le plus possible ; car ses décisions, qui seront
suivies et feront loi, peuvent abréger bien des difficultés, et, notre
(1) « Il y a un fort bon écrit d'un grammairien estimable, feu M. Pautex, Er-
rata du Dictionnaire de V Académie (1862). Ce travail, fait sans aucune mal-
veillance, est un des instruments les plus utiles à avoir sous la main pour l'édition
nouvelle. »
174 OPINIONS DES ACADÉMICIENS. - M. SAINTE-BEUVE.
génération récalcitrante une fois disparue, les jeunes générations
nouvelles n'auront qu'à en profiter couramment.
(( Une innovation toute typographique que M. Didot propose
et qui est aussi ingénieuse que simple, c'est que de môme qu'on
met une cédille sous le c pour avertir quand il doit se prononcer
avec douceur, on en mette une aussi sous le t dans les cas où il
est doux et où il doit se prononcer comme le c : nation, paiiencey
plénipotentiaire y etc. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir d'ob-
jection contre cette heureuse idée toute pratique et qui parle aux
yeux. »
M. Sainte-Beuve émet ensuite une opinion aussi judicieuse
qu'éloquemment exposée sur l'admission d'un certain nombre
de néologismes dans l'édition du Dictionnaire que l'Académie pré-
pare. Je regrette de ne pouvoir reproduire ici ce passage qui sort
de mon sujet et qu'il faudra lire en entier dans le Moniteur.
L'éminent critique conclut ainsi :
(( Je ne fais que poser des questions sans prétendre le moins
du monde les résoudre. Il y aura de quoi occuper, on le voit, et
passionner innocemment bien des séances de l'Académie. Car,
selon la remarque de l'abbé de Ghoisy, ces disputes sur la langue
et l'orthographe ne finissent point; et il ajoute « qu'elles n'ont
jamais converti personne ». Ici pourtant il convient qu'elles
aboutissent et que Pon conclue : la moindre partie des réformes
proposées sera déjà un progrès, si on l'accepte.
« M. Didot, pour revenir à lui, le sait bien : il demande le plus
pour obtenir le moins. Sans doute il a raison et mille fois raison.
Mais depuis quand a-t-il suffi dans les choses humaines, et
môme dans les choses littéraires, d'avoir cent mille fois raison ?
C'est déjà beaucoup si l'on ne vous donne pas tout à fait tort. Il
en est de l'orthographe comme de la société : on ne la réformera
jamais entièrement; on peut du moins la rendre moins vicieuse.
Parmi les regrets de M. Didot et dont il faut qu'il fasse son deuil,
l'un des plus vifs est sur ce mot même d'orthographe : en effet, il
n'y eut jamais de mot plus mal formé. Il fallait dire orthographie,
comme on dit philosophie, biographie, télégraphie, photographie,
etc. Que dirait-on si le nomenclateur de ces derniers arts avait
imaginé de les intituler là photographe, la télégraphe 1 Muis com-
mettre cette ânerie pour le mot même qui répond juste à bien
écrire, convenez que c'est jouer de malheur. L'ironie est piquante.
Qu'y faire? Tous les décrets académiques ou autres n'y peuvent
HISTORIQUE DE LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. 175
rien. Tirons-en une leçon. Cette espèce d'accident et d'affront
qui a défiguré tout d'abord d'une manière irréparable le mot
même exprimant l'art d'écrire avec rectitude nous est un aver-
tissement qu'en telle matière il ne faut pas ambitionner une ré-
forme trop complète, que la perfection est interdite, qu'il faut
savoir se contenter, à chaque reprise, -du possible et de l'à-peu-
près. »
APPENDICE D.
HISTORIQUE DES RÉFORMES ORTHOGRAPHIQUES PROPOSÉES
ou ACCOMPLIES.
Après avoir fait connaître, dans un rapide exposé, l'opinion
des membres de Y Académie française et de T Académie des
inscriptions et belles-lettres, je vais essayer, dans l'historique
qui va suivre, de donner une juste idée des changements et
des progrès tentés et parfois réalisés, dans la voie du perfec-
tionnement de notre orthographe, sous l'influence des hommes
les plus instruits depuis la renaissance des lettres. En consta-
tant l'étendue des services déjà rendus à la langue pai- les no-
vateurs, on ne saurait , sous prétexte que plusieurs auraient ,
dans leur amour de la perfection, dépassé les bornes du possible
et encouru la qualification d'utopistes, dédaigner complè-
tement les opinions et les vœux émis pendant quatre cents
ans par des hommes zélés pour le bien public et des esprits
éminents.
Frappés, au premier abord, de l'aspect inusité d'une page
écrite dans le système des néographes absolus (système qui
depuis longtemps toutefois sert de base à la sténographie),
nous repoussons avec une répugnance instinctive un résultat
qui nous semble donner aux productions de l'inteHigence mo-
derne le vêtement d'un idiome enfantin et barbare. Dans l'état
actuel de notre civilisation, on ne saurait concevoir la pensée
de remplacer ou même de métamorphoser notre antique alpha-
176 HISTORIQUE DE LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.
bet, quels que soient d'ailleurs, dans bien des cas, son insuf-
fisance et ses vices. L'étude de la néographie , néanmoins ,
n'est point à dédaigner de la part des esprits sérieux. Nous ne
sommes point parvenus, sous le rapport des méthodes d'en-
seignement, et spécialement de la lecture et de la grammaire,
à l'idéal de la perfection : il y a peu de nations du continent
qui ne soient en avance sur nous de ce côté! Il est donc utile
de se rendre compte des critiques dont notre langage, et sur-
tout notre orthographe, sont passibles, afin de reconnaître la
voie dans laquelle on doit s'avancer pour distinguer, mieux
qu'on ne l'a fait jusqu'ici, le bon du mauvais usage, et décou-
vrir quelquefois la raison même de l'usage.
A n'envisager maintenant que les critiques de détail, que les
réformes partielles, que les compromis entre l'étymologie et
la prononciation, que la mise en ordre de l'accentuation, qui
composent en majorité les travaux entrepris sur l'orthographe,
il y a beaucoup à profiter dans l'étude des contradictions et
des irrégularités de notre écriture, ainsi que dans celle des
moyens proposés pour en diminuer le nombre. Cet examen nous
force à réfléchir sur la constitution de notre idiome , sur son
histoire, sur la validité de certains préceptes de la grammaire
et sur les solutions qui doivent prévaloir. La persistance des
réclamations depuis le seizième siècle, malgré le peu de succès
du plus grand nombre d'entre elles, semblerait montrer qu'en
matière d'écriture , comme en tout autre art ou toute autre
science, l'ordre et la logique sont un besoin fondamental de
l'esprit. En tout état de cause, notre langue ne saurait que
gagner à s'individualiser davantage, en se dégageant de plus
en plus de ses langes originaires, d'additions de lettres inu-
tilement scientifiques et de date récente, enfin en se préser-
vant de la funeste influence du néologisme chimique ou médi-
cal (1), non moins que de l'invasion des locutions étrangères.
(1) Il suffira d'un simple coup d'œil sur les dernières éditions du nouveau
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. G. TORY. 177
Je crois donc rendre un véritable service à l'étude de notre
idiome par l'esquisse de la réforme depuis son origine, es-
quisse qui pourra plus tard être étendue et transformée en une
véritable histoire.
J'ai marqué d'un astérisque, au commencement des titres,
les ouvrages que je n'ai pu voir et que j'ai seulement trouvés
cités dans les auteurs.
^ AU SEIZIÈME SIÈCLE.
GeofroyTory. Champ fleury, etc. Acheue dimprimer lexxviij
lour du mois Dapuril Lan mil cincq cens xxix pour maistre
Geofroy Tory de Bourges, autheur dudict liure. Paris, in-4.
Dans cet ouvrage, dont le privilège est du 5 septembre 1526,
Tory réclame (fol. 52 recto, 56 verso) l'emploi des accents et de
l'apostrophe. Dès qu'il fut imprimeur^ il ne tarda pas à introduire
dans ses éditions plusieurs de nos signes orthographiques. Dans
V Adolescence clémentine de Clément Marot, imprimée le 7 juin
1533, Tory annonce ainsi cette réforme : « Auec certains accens
« notez, cest assauoir sur le é masculin différent du féminin, sur
« les dictions ioinctes ensemble par sinalephes, et soubz le ç
« quand il tient de la prononciation de le 5, ce qui par cy deuant
« par faulte daduis n'a este faict au langaige françoys, combien
« qu'il y fust et soyt très nécessaire. »
* Jean Salomon s'est, dans le cours de la même année 1533,
servi du ç dans une dissertation intitulée : Briefue doctrine pour
Dictionnaire de médecine de Nysten, si savamment complété par MM. Littré et
Ch. Robin, pour se rendre compte de la destruction imminente dont notre langue
est menacée de ce côté. Le lexicographe enregistre, bien malgré lui, des mots
inutiles ou mal formés. Les savants, en effet, forgent sur le type grec des mots
français qu'ils croient appropriés à l'énoncé de leurs systèmes, sans trop s'inquiéter
si dans notre langue n'existent pas déjà des expressions capables de rendre leur
idée. D'autres, pour faire parade d'une érudition qui leur manque, nous appor-
tent des barbarismes ou des solécismes, comme œnophile, bibliophile^ lithon-
triptigues, orthopnée, apyre, hydroscope, etc. Voyez B. JuJlien : Les princi-
pales étymologies de la langue française, Paris, Hachette, 1862, in-12.
12
178 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE- - DU WÈS.
deuement escripre selon la propriété du langage francoys, reliée
dans l'exemplaire de la Bibl. imp. du Miroir de Vame pécheresse
de Marguerite de Navarre, édition sans lieu, sans date et sans nom
d'imprimeur. Voir Geofroy Tory, par M. Auguste Bernard, 2« édi-
tion, Paris, Tross, 1865, in-8°, p. 374.
* Tresvtile. Et cô \ pendieulx Traicte de lart et science dorto \ graphie
Gallicane \ dedatis lequel sont com \ prinses plusieurs choses
nécessaires | curieuses | nouvelles | et dignes de scauoir \ non veues
au I pavanant. Auec une petite introdouction pour \ congnoistre
a lire le chiffre. (A la fin :) Imprime a Paris pour Jehà Sait dé-
nis I libraire demouràt a Paris, etc. (s. d.), pet. in-8, goth. de
18 ff. (Cet opuscule commence par une épître à Jacques Daoust,
hailly d'Abbeuille, pièce datée de cette ville, le XXII de sep-
tembre. Mil cinqtcentz vingt neuf.)
Il m'a été impossible de me procurer ce livre introuvable, qui
est le premier traité de Torthographe, ou plutôt, comme dit logi-
quement Tauteur lui-même, de VOrtographie française, écrit en
français. Le seul exemplaire connu a figuré à la vente Veinant.
Gilles du Wès (ou Dewes, ou du Guez). An Introductorie for
to lerne, to rede, to pronounce and to speJie french trewly^
compyled for the right fiigh^ exellent and most vertuous
lady the lady Mary of Englande^ doughter to our most
gracions soverayn lorde kyng Henry the eight. (A la fin :}
Printed at London by Thomas Godfray (vers 1527), in-4 ,
goth.
Les deux premiers ouvrages de quelque importance sur notre
orthographe sont sortis de la cour des rois d'Angleterre, qui déjà,
trois siècles et demi auparavant, avaient été les mécènes des au-
teurs des premiers poëmes de la Table ronde rédigés en français.
L'auteur de cette grammaire, qui s'est nommé dans un acro-
stiche, rédigea son ouvrage vers 1527, et il Fa dédié à la princesse
Marie, fille de Henri VIII, alors âgée de douze ans et devenue
plus tard Marie la Sanglante. Il emploie quelques accents pour fa-
ciliter la prononciation, et il les marque sous les voyelles et non
au-dessus. Voici un spécimen de son orthographe, tiré d'une pièce
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — PALSGRAVE. 179
de vers adressée à sa royale élève pour s'excuser de ne pouvoir
continuer ses leçons à cause de la goutte qui le tourmente :
«■ A uous, tressouuerainemaistresse,
jenvoy ces uerse, uoullant sinifiér
ma grand douUeur et que plus mopresse
ne uous pouoir seruir et enseygnér
que de souffrir maladie et dangiér -,
pourquoy, sil plaist tant faire a uostre grâce
les uoulloir lire quelque petitte espace
mon espoir est que mieulz uous en vauldrés
et par ce point aussi mescuserés.
<f Entre les mois qui accomplissent lan
deux en y a espéciallement
qui mont fait deul, grant ennuy et ahan,
estre ne peult que je die aultrement ;
souvent ay ueu leur manière et comment
ilz mont traicte, sans lauoir deseruy
pour ce quilz sont de courage asseruy,
naimant jamais les œuures de printemps
ains sans cesser leur font mal en tous temps.
« Le principal duquel plus je me plains
en son blason se fait nommer Décembre ;
par luy ay fait pleurs et soupirs mains
ja ne sera que ne men remembre ;
luy et Januiér mont toUu ung membre
qui me fera que tant que je uiuray
en grant doulleur doresnauant iray
pourquoy je crains quen grant merencolie
en fin fauldra que jen perde la uie. »
On voit que l'orthographe de du Guez, venu trop tôt pour s'in-
spirer de l'exubérance de lettres qui, à partir de la Renaissance
jusqu'à la fin du xviP siècle, s'est montrée dans l'écriture, est de-
meurée presque aussi sobre que Test devenue aujourd'hui la
nôtre.
Fr. Génin croit que le livre de du Guez n'a été publié qu'après
l'ouvrage de Palsgrave qui suit.
Jehan Palsgrave. Lesclarcissement de la langue francoyse,
compose par maistre lehan Palsgrave Angloys, natyf de
Londres et gradue de Paris. Neque luna per noctem, Anno
180 L4 RÉFORM E ORTHOGRA.PHIQUE. - PALSGRAVE-
uerbi incarnati M.D.xxx (avec privilège de 1531). (A la
fin : ) The imprintijng fymjsshed by lohann Eaukyns the
XVIII daye ofîuly. The y ère of our lorde God. Mccccc and
XXX. In-fol. goth.
Ce second ouvrage, bien plus important, est dédié à Henri VIII.
Dans sa préface Tauteur dit s'être conformé pour le plan de
son livre à celui de la Grammaire grecque de Théodore de Gaza.
Par les exemples qu'il donne et par l'accent tonique qu'il place
sur les voyelles, on voit que sa prononciation différait notable-
ment de la nôtre et qu'elle était parfois beaucoup moins douce.
Voici comment il marque pour un lecteur anglais la prononcia-
tion des vers qui commencent le Roman de la Rose :
Maintes génies dient que en songes
Màinto jan Met kan sôungos
Ne sont que fables et mensonges
Ne soun ko fables e mansongos
Mais on peult telz songes songier
Mays oun peut tez sôungo soungiér
Que ne sont mye mensongier.
Ke ne soun myo mansoungiér.
Il place l'accent tonique de la façon la plus correcte. Il formule
ainsi son précepte : « Règle unique. Les mots dans la langue fran-
çaise ont leur accent sur la dernière syllabe (masculine). » Ex. :
honorablement, parôy, cordelier, ils âyment, ils aymérent, vous
parlâstez {parlâtes), cest ung terrible cas. Les enclitiques n'ont
jamais l'accent. Il écrit sans division et ainsi accentués : souventes-
fôijs, aulcunefôys, plusieursfôys, diœfôys, troijsfôys, quattrefôys,
entredeûXj pnradventûre, à lencôntre, jusquadix, jusquaun^ourir.
On voit par ces exemples combien l'ouvrage de Palsgrave est
précieux pour nous faire connaître les véritables traditions de la
prononciation du français, mieux conservées au commencement
du seizième siècle qu'après le mouvement littéraire de la Renais-
sance.
Fr. Génin a donné, dans les Documents inédits pour servir à
Vhistoire de France, une bonne réimpression des ouvrages de
Palsgrave et de du Guez.
I
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DUBOIS. 181
Jacques Sylvius (Dubois) . In Unguam gallicam hagiùge, Pa-
risiis, ex officina Roberti Stephani, i531, in4 devin ff. et
159 pp.
Dans ce traité, Jacques Sylvius, un des hommes les plus
érudits de son temps, a présenté, pour la première fois, des arti-
fices très-ingénieux mais peu pratiques, pour bien faire com-
prendre aux latinistes, c'est-à-dire à tous les étrangers instruits,
auxquels il se propose d'apprendre le français, le mécanisme de
la prononciation. Avec un certain nombre d'accents % ~, , ", ', %
il détermine la valeur phonique des voyelles digrammes, mal dé-
nommées sous le nom de diphthongues, a«, ei. oi, au, eu, ou. Il écrit
ceu-al de cahailus^ ceûr, meurt, limaçon. Nous avons vu Geofiroy
Tory, aussi habile artiste que savant typographe, remplacer ce
dernier signe par l'emploi de la cédille, qui, placée sous le c, ne
défigure en rien l'aspect de nos impressions.
Sylvius distingue le j consonne de Vi voyelle, et le v de Tw, ce
qui n'est pas un faible mérite, puisque cette confusion a duré
près de deux siècles après lui, et n'a cessé qu'après avoir été
adoptée par les Hollandais (1).
Dubois fut un des précurseurs de la philologie moderne. Son
chapitre de l'étymologie contient une foule d'excellentes obser-
vations sur les mutations des lettres latines en lettres françaises et
sur la dérivation de nos vocables. On comprend que, par suite de
ces recherches, son orthographe soit plus étymologique que celle
d'une grande partie des auteurs de son époque. L'usage judicieux
qu'il a fait du patois picard donne à sa méthode un grand intérêt
historique.
Etienne Dolet. La manière de bien traduire d'une langue en
aultre^ de la ponctuation françoy se ^ des accens d'ycelle^
s. 1. n. d. (1540), in-8 de 20 ff. (Souvent réimprimé.)
Les imprimeurs ont été de tout temps émus plus que d'autres
des vices de l'écriture française et désireux d'y apporter remède.
Etienne Dolet, imprimeur de Lyon, helléniste et latiniste con-
(1) Voyez la Préface de Corneille, dans, la grande édition qu'il a donnée de ses
œuvres en 1664, et reproduite ci-dessus, p. 125
182 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DOLET.
sommé, préparait depuis plusieurs années, sous le titre de VOra-
teur, un traité complet de la langue, de l'orthographe et de la
poésie françaises. Sa fin déplorable l'empêcha de le mettre au
jour. Dans plusieurs de ses éditions, et notamment dans l'opuscule
que je cite, il put du moins compléter en partie les perfectionne-
ments apportés quelque temps auparavant par Geofroy Tory.
Nous devons à Dolet d'avoir inauguré l'usage de l'accent grave
sur à préposition, là adverbe. L'apocope '' qu'il propose, parti-
culièrement en poésie, dans les mots maniement pour maniement,
lai^rra, pai^rra^ vrai^ment, hardiHnent, est le premier germe de
notre accent circonflexe, dont l'emploi, tardif en grammaire,
pourrait être étendu avec tant d'avantages.
Il a enseigné l'usage du tréma : païs, poète, sans en faire pré-
cisément la même application que de nos jours.
Il ne veut pas, devançant ainsi une réforme qui ne s'est généra-
lisée que deux siècles plus tard, qu'on écrive des dignité z, des
voluptez, mais bien dignités, voluptés^ réservant la lettre z pour la
terminaison de la seconde personne du pluriel des verbes. Il réta-
blit le t au pluriel des mots (terminés en ant, et complète cette
judicieuse réforme en écrivant touts {omnes).
Bien qu'étymologiste en matière d'orthographe, comme les
Estienne, il admet comme eux d'indispensables simplifications.
Son orthographe est malheureusement un peu irrégulière, comme
celle de tous les écrivains qui ont précédé l'Académie française.
Tandis qu'il écrit aureilles, quelcque, maling, soubdain, rhithme
(pour rime), il corrige ainsi : cinqiesme, alaine {halitus), haren,
fexepte, réimprimer, réouvrir, et quelquefois home.
Un de ses principaux titres à l'estime des grammairiens sera
peut-être de s'être prononcé, d'après l'exemple des Grecs et des
Latins, contre l'emploi de l'accent qu'il appelle enclitique^ et que
nous représentons aujourd'hui par le trait d'union. (Voir plus haut,
p. 58, la Notice sur ce sujet.)
Robert Estienne. Dictionaire francois latin^ autrement dict
les mots francois., auec les manières dvser diceulx., tournez
en latin, corrigé et augmenté. Paris, de l'imprimerie de
Robert Estienne, 1549, pet. in-fol. de 676 pp. (La première
édition est de 1539.) — Traicté de la grammaire francoise.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — R. ESTIENNE. 183
L'Oliuier de Rob. Estienne (lo57.), pet. 'in-S de 110 pp. ;
ibid., 1569, in-8del28pp.
Les services que ce savant imprimeur a rendus à la langue sont
immenses. J'ai montré plus haut, p. 108, l'importance du premier
dictionnaire complet français-latin qu'il a publié. Ses presses mul-
tiplièrent à Pinfmi ces traités de grammaire , ces lexiques qui
fixaient et vulgarisaient les principes de la langue. Pendant ses
veilles laborieuses, il rédigeait, sous toutes les formes, des livres
élémentaires que ses ouvriers imprimaient aussitôt. Pour en rendre
Tutilité plus générale, il publiait en latin et en français des gram-
maires et de petits écrits, dont il donnait des éditions séparées.
Écrivant sous l'influence latine, et voulant vulgariser l'étude du
français dans une population naguère demi-latine, on conçoit qu'il
employa de préférence l'orthographe la plus généralement répan-
due parmi les savants. Toutefois la sienne est meilleure et plus
logique que celle de la plupart des écrivains de son temps.
En voici un spécimen, tiré de l'avis au lecteur placé en tête de
la première édition de sa Grammaire :
« Pourtant que plusieurs desirans auoir ample cognoissance de
nostre langue francoise, se sont plains a nous de ce qu'ils ne
pouoyent aiseement saider de la Grammaire francoise de maistre
Lois Maigret (a cause des grans changemens qu'ils y voyoyent,
fort contraires a ce qu'ils en auoyent ia apprins, principalement
quant a la droicte escripture), ne de l'introduction a la langue
francoise composée par M. laques Syluius médecin (pourtant
que souuent il a meslé des mots de Picardie dont il estoit), nous
ayans diligemment leu les deus susdicts autheurs (qui pour cer-
tain ont traicté doctement pour la plus part, ce qu'ils auoyent
entrepris), auons faict ung recueil, principalement de ce que nous
auons veu accorder a ce que nous auions le temps passé apprins
des plus scauans en nostre langue, etc »
On doit regretter qu'il n'ait pas, non plus que son fils, pris de
Sylvius la distinction du v d'avec Vu, du 7 d'avec l'i; de Dolet
l'accent sur a préposition; de Tory l'apostrophe dans tous les
cas et la cédille. Ces derniers perfectionnements ne se ren-
contrent que dans la seconde édition de sa Grannuaire. En
fait d'écriture et d'orthographe, il n'y a pas de minimes écono-
mies de temps à négliger : l'utilité pratique qui résulte de la
184 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - MEIGRET.
moindre amélioration profite aux générations qui se succèdent,
et ces changements épargnent des peines inutiles à des millions de
personnes.
Étymologiste comme Dolet, il a fait peu de chose pour la sim-
plification, et n'a guère innové en fait d'orthographe. Il écrit
roole, aage, aiseement. Il propose un instant de distinguer le son
du g doux par un autre caractère, et d'employer le I majuscule à
cette fonction. C'est ainsi qu'il écrit pale {pagina), simie (simia),
mndemie (vendemia), que nous écrivons aujourd'hui page, singe,
vendange. Le signe i figurait alors indistinctement le son j ou le
son 2. En remplaçant par un /capital le g (ayant le son de ;),
H. Estienne assignait à cet /le son du J; et il est probable que si
cette lettre j eût alors été connue, son adoption eut prévalu sur
celle du g doux, ce qui nous aurait évité l'obhgation d'ajouter un
e parasite à la suite du g, lorsque nous voulons lui donner le son
du j, comme dans vendangeons ; mais ensuite, abandonnant cet
emploi insolite de 17, il écrivit dans son Dictionnaire page, yingey
vendenge eivendengeons. Cette grande lettre pour remplacer le g,
placée d'une manière si bizarre au milieu des mots, avait, en effet,
un aspect déplaisant qui dut lui en faire abandonner l'emploi.
Robert Estienne se montre par moments quelque peu esclave
de la routine : « Nos anciens ont escript, » dit-il dans sa Grammaire
(page 6-7), « vng auec g en la fin, de peur qu'en escriuant vw,
« ne semblast estre le nombre vu; toutesfois cela ne plaist a plu-
« sieurs. Nous scauons que g en ce heu ne sert de rien, sinon pour
(( ceste cause : si ailleurs ils l'admettent ou il y a moins de cause,
« qu'ils l'admettent aussi en ce petit et court mot : s'il ne leur
(( plaist, ie ne veulx estre contentieux, qu'ils escriuent vn et moy
« vng. Us ont qui les suyuent, et ie m'arreste aux anciens scauans
« qui en scauoyent plus que nous (1). »
On voit par cette citation que Robert, laudator temporis acii,
et chez qui l'usage de la langue grecque et latine se confondait
avec celui du français, n'éprouvait pas plus que la plupart de ses
contemporains le besoin de l'uniformité orthographique.
Louis Meigret. Traité touchant le commun vsage de rescri-
ture francolse; auquel est débattu des faultes et abus en la
(I) Dans l'édition de 1569, Robert Estienne, tout en con<servant ce passage, écrit
un sans g final.
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — MEIGRET. 185
vraye et ancienne puissance des letres. Auecq priuileg^ de
la court (de lo42). Paris, Jeanne de Marnef, 1545, in-8
de 64 ff. non chlff. — Le Trette de la Grammaire fran-
çoeze. Paris, Wechel, 1550, in-4 de 144 ff. — Guillaume
DES Autels. Traité touchant V ancien ortographe français
et écriture de la, langue françoise^ contre V ortographe des
Meygretistes^ par Glaumalis de Vezelet, Lyon, 1548, in-8
et 1549, in-16. — Défenses de Louis Meigret, touchant
son livre de V ortographe française , contre les censures et
calomnies de Glaumalis de Vezelet [Guillaume des Autels)
et sesadherans. Paris, Wechel, 1550, in-4 de 18 ff.; Lyon,
1550, in-8. — Réplique de Guillaume des Autelz aux fu-
rieuses défenses de Louis Meigret. Lyon, lean de Tournes et
Guill. Gazeau, 1551, pet. in-8 de 127 pp. {^d, Réplique ïmii
à la p. 74.) — Réponse à la dézesperée réplique de Glau-
malis de Vezelet, transformé en Gyllaome des Aotels. Pa-
ris, 1551, in-4 de 95 pp.
Meigret est un de ces esprits rigides qui n'admettent pas de
compromis entre la configuration étymologique et la configura-
tion de \aprolation, comme on disait de son temps. Contrairement
à l'école toute-puissante des érudits de la Renaissance, il annonce
qu'iî a travaillé pour te commun peuple.
« le ne voy point, dit-il, de moyen suffisant ny raisonnable ex-
cuse pour conseruer la façon que nous auons d^escrire en la langue
françoyse... Notre écriture, pour la confusion et commun abus /\\
des letres, ne quadre point entièrement à la prononciation. ^
« Les voix, ajoute-t-il, sont les elemens de la prononciation, et
les letres les marques ou notes des elemens.... Puisque les letres
ne sont qu'images de voix, Tescriture deura estre d'autant de letres
que la prononciation requiert de voix; si elle se treuve autre, elle
est faulse, abusiue et damnable. »
Meigret a proposé d'excellentes simplifications que l'usage a
sanctionnées pour quelques-unes, comme l'emploi du ç qu'il em-
prunte, dit-il, aux Espagnols {l),la suppression du ^ dans les mots
(1) Voir plus haut, p. 177, rarticle de Geofroy Tory.
186 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - MEIGRET.
OÙ il n'est pas prononcé, tels que cognoistre, ung, besoing^ etc., où
il n'était qu'un signe orthographique usité au siècle précédent
pour indiquer la nasalité. 11 biffe le d de advenir, advisé. Il veut
qu'on écrive dit, fait, et non dict, faict; bete, fête et non beste,
feste.
D'autres modifications qu'il a proposées n'ont pas prévalu,
ce qui est regrettable pour quelques-unes, telles que dixion ou
diccion, au lieu de diction-, manifestacion, annonciacion, etc.; le
n à jambage pour gn mouillé.
Il ne se fait pas illusion sur les chances de succès de sa réforme :
« La plus part de nous, François, usent de cette superfluité de
;letres plus pour parer leur escriture que pour opinion qu'ilz ayent
iqu'elles y soient necesseres... sans avoir égard si la lecture, pour
laquelle elle est principallement inuentée, en sera facile et aisée,
l'ose bien d'auantage asseurer que c'est bien l'vne des principales
causes pour laquelle ie n'espère pas iamès, ou pour le moins il
sera bien dificile, que la superfluité de letres soit quelquefois cor-
rigée, quoy qu'il s'ensuyue espargne de papier, de plume et de
temps, et finablement facihté et aisance de lecture à toutes na-
tions, j)
Meigret eut l'honneur de faire école. Pendant plusieurs années
on parla beaucoup des meîgreitistes et l'on rompit des lances, dont
le fer n'était pas toujours émoulu, contre eux ou en leur hon-
neur (1). Ronsard, du Bellay et Baïf se déclarèrent partisans du
système. Mais ce mouvement dut bientôt s'assoupir.
Tout novateur en fait d'orthographe échouera s'il porte un
trouble trop grand dans les habitudes, et s'il veut atteindre sur-
le-champ un but dont on ne peut approcher qu'avec l'aide du
temps^En effet, Meigret fut forcé plus tard d'abandonner son
propre système dans sa traduction du livre des Proportions du
corps humain, d'Albert Durer, et il ne fut repris! complètement
par personne.
Quel qu'ait été le sort de ces systèmes, aujourd'hui tombés dans
l'oubli ou dépassés, ils ne méritent ni la dérision ni le blâme.
Les luttes ardentes qu'ils ont provoquées ont servi à l'élucidalion
et à l'affermissement des principes qui ont porté si haut l'éclat
de notre littérature. Plusieurs modifications de détail longtemps dé-
daignées ont été d'ailleurs reprises dans des temps plus favorables.
(I) Voir Réplique de Guillaume des Autelz.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - J. DU RELLAY. 187
JoACHiM DU Bellay. La Défense et illustration de la langue
françoise, par I. D. B. A. Paris, A. L'Angelier, 1549 et
1557, pet. in-8; ibid, F. Morel, 1561, m-4, etautres. (Réim-
primée aussi sous le titre à' Apologie pour la langue fran-
çoise.)
Dans ce célèbre plaidoyer, où du Bellay revendique pour notre
langue la supériorité que lui assurerait surtout son « recours à ses
origines nationales », tout ce qu'il dit pour faciliter l'étude du
français s'applique naturellement à l'orthographe, et dans son Avis
au lecteur il s'exprime ainsi :
(( Quant à Torthographe, j'ai plus suivy le commun et antique
(( usage que la raison, d'autant que cette nouvelle (mais légitime
« à mon jugement) façon d'escrire est si mal reçue en beaucoup
« de lieux, que la nouveauté d'icelle eust pu rendre l'œuvre, non
« gueres de soy recommandable , mal plaisant, voire contemp-
c( tible aux lecteurs. »
Et ailleurs il dit :
« J'entends bien que sur ce qui reste à faire, les professeurs
(( des langues ne seront pas de mon opinion, encore moins les
« vénérables Druydes , qui , pour l'ambitieux désir qu'ilz ont
« d'estre entre nous ce qu'estoit le philosophe Anacharsis entre
« les Scythes, ne craignent rien tant que le secret de leurs mys-
« tères, qu'il faut apprendre d'eux, soit descouvert au vulgaire. »
Dans un autre endroit, en parlant « de la similitude de son et de
« la dissemblance d'orthographe des ei et ai (écrits maintenant ai)
« et des mots maistre e\ preste, de Athènes etfonieines (maintenant
« écv'ii fontaines), cognoistre et naistre », il dit a qu'il doit suffire
« aux poètes que les deux dernières syllabes soient uniformes;
« ce qui arriveroit en la plus grande part, tant en voix qu'en es-
« cripture, si l'orthographe françoise n'eût point esté dépravée
(( par les praticiens. Et pour ce que Meigret, non moins ample-
ce ment que doctement, a traité ceste partie, lecteur, je te ren-
« voye à son Hvre. »
Ainsi on voit que s'il osait le faire, il suivrait Meigret dans son
système, qui a le défaut d'être trop hardi, et,'cette opinion, il la con-
firme de nouveau dans sa postface avec une naïveté toute gauloise :
188 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - PELLETIER.
« r approuve et loue grandement les raisons de ceux qui ont
a voulu reformer V orthographie. Mais voyant que telle nouueauté
« desplaist aux doctes comme aux indoctes, l'aime beaucoup
« mieux louer leur inuention que de la suyure, pource que ie
« ne fay pas imprimer mes œuures en intention qu'ilz seruent
« de cornetz aux apothiquaires ou qu'on les employé à quelque
« autre plus vil mestier. »
Jacques Pelletier, du Mans. Dialogue (i) de l'Ortoyrafe e Pro-
nonciation Françoese, départi an deus Hures, A Poitiers,
par lan e Enguilbert de Marnef, a l'anseigne du Pélican ,
1550 (privil. de 1547), pet. in-8 de viii ff. et 216 pp. (2);
Lyon, lean de Tournes, 1555, pet. in-8 de iv et 136 ff. —
LArt poétique^ départi an deus Hures, Lyon, lean de
Tournes, 1555, in-8, de 118 pp.
Le petit volume de Pelletier est intéressant et instructif. La
forme d'entretiens, qu'il a adoptée, où chacun de ses interlocu-
teurs, Jean Martin, Denys Sauvage, Théodore de Bèze, le seigneur
Dauron, combat ou défend, avec clarté et une parfaite bonne
foi, la réforme orthographique de l'auteur, nous permet de juger
quelles étaient, à l'époque de la Renaissance, les idées des
hommes instruits sur l'écriture française et ses principes; et,
bien que les systèmes plus ou moins absolus de Sylvius, de Mai-
gret, de Pelelier, de Baïf, n'aient point été adoptés, on se félicite
de voir tout le chemin que depuis le seizième siècle l'écriture a
fait pour se rapprocher de la prononciation.
On écrivait, par exemple, comme nous le voyons dans l'ouvrage
de Pelletier, soubcontrerolleur, que nous écrivons aujourd'hui sou-^-
contrôleur, et que nous pourrions écrire soucontrôleur, conjme
nous écrivons soutènement, soucoupe^ etc. On prononçait sou, rnmi^
cou, pou, et l'on écrivait sol^ mol, col, pot. Bien qu'on prononçât
(1) L'e muet, que nous figurons ici avec une cédille, est représenté dans ce
volume par un e barré.
(2) Les 37 premières pages sont consacrées à une Apologie à Louis Meigret
Lionnoes, datée de Poitiers le 5 janvier 1549. Pelletier, sans partager en tout
l'opinion de Meigret, se montre très- favorable à sa réforme. Cet opuscule lui a
valu la Réponse de L. Meigret à l'apologie de Jacques Pelletier. Paris, Wechel,
1550, in-4 de 10 ff.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — PÉRION. 189
dîne ti, ira H, on écrivait dîne il, ira il. Nous avons fait depuis ce
temps un commencement de retour à la forme primitive du pré-
sent de l'indicatif en écrivant dine-t-il, ira-t-il.
Pelletier supprimait les lettres étymologiques de provenance
grecque et écrivait teologie, teze, filosofîe, cretien, etc. _
L'écriture figurative de la parole proposée par Peletier ayant, \
comme celle des autres réformateurs de son époque, Finconvé- ;
nient de donner un aspect étrange et désagréable à l'impression,
ne fut accueillie ni par les gens de cour ni par les imprimeurs.
JoACHiMi Perionti beïiedictini cormœriaceni Dialogorwn de
linguse gallicx origine , eiusque cum grxca cognatione ,
libri quatuor. Parisiis, apud Sebastianum Niuellium, 1555,
in-8, de xxxvi et 149 ff.
Périon a écrit en latin un ouvrage dont le plan a beaucoup d'ana-
logie avec la Conformité du language français avec le grec de Henri
Estienne. La recherche des étymologies et d'une parenté chimé-
rique avec le grec l'a beaucoup plus occupé que le perfectionne-
ment de l'écriture de son temps, surchargée, comme on sait,
d'une si grande quantité de lettres superflues. Étranger, aussi
bien que ses contemporains, à l'exception de Sylvius, à toute cri-
tique philologique, il admet, au milieu de judicieuses décou-
vertes, des explications qui feraient sourire à bon droit les lin-
guistes de nos jours.
Ainsi il est plus latiniste et helléniste en orthographe française
qu'aucun de ses émules. Il écrit achapter (acheter) , acouter
(axoueiv), prxteur (prselor), pœne (peine, de pœna), sœur (soror),
pour distinguer ce mot de seur (sûr, securus) , aglanthier (églan-
tier, de àxavôa), hasme (baume, de balsamum)^ contendents, coul-
teau (cultellus), droëct (Jus), hostruche (autruche, de ô ffxpouôoç).
Il recommande même onnijon (oignon, de xpojxjAuwv), egraphigner
(égratigner), grephyer (greffier), ihuer (occire, de ôusiv), etc.
La direction exclusivement hellénique de son travail, qui l'en-
traîne à ne tenir aucun compte de la provenance germanique ou
celtique, ou même delà basse latinité, l'amène à écrire buthyner
(de fJouôuveïv), au lieu de butiner, de l'ancien allemand bute, bUten;
mokker, de uitoxxa'îôai, tandis qu'on a découvert en gallois le radi-
cal celtique moc, d'oiimoquerie ; gambe etgambon [jambe, jambon)
190 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - GARINIER.
de xafATTii, au lieu du celtique (en écossais, gamhan, eu irlandais,
gambun] ; lanthil homme, dont l'étymologie yentilis était pourtant
si claire; enfin non cheillant (de vw^e^^r.O, au lieu de l'ancien verbe
chaloir, qui nous a laissé cette locution : Il ne m'en chaut.
Périon nous offre un curieux exemple des inconvénients de la
méthode étymologique poursuivie inconsidérément et à outrance
en matière d'orthographe.
Il propose de supprimer Vs dans hoste, et voudrait que la lettre
a remplaçât la lettre e partout où e se prononce a, attendu, dit-il,
qu'il n'y a que les sapientes qui sachent qu'il faut écrire science ce
qui se prononce sciance. Il voit avec peine les savants écrire escri-
vents, oïents eiproueoents {scribentes, audientes, providentes), tan-
dis que certains participes sont écrits par a.
Il admet les accents sur les voyelles, mais il en fait un emploi
différent de celui auquel Tusage s'est fixé. H se sert de l'accent
circonflexe, avec d'autres savants du seizième siècle que je cite,
devançant ainsi les grammairiens de près d'un siècle et demi. Il
écrit aise, boûrgois (civis) et bourgoîse, française (française),
croistre et cognoistre.
Jehan Garnier. Institutio gallicx linguse ad usum juventutis
germanicad, ad illustrissimos junior es principes landtgra-
vios Bwssix conscripta. Authore loan, Garnerio, Marpurgi
Hœssorum, ap. lo. Grispinum, 15S8, pet. in-8.
M. Gh.-L. Livet a donné une analyse très-étendue de ce livre
dans son ouvrage intitulé : La Grammaire française et les Gram-
mairiens au XYi^ siècle (1). Garnier, dans ce traité très-utile pour
l'histoire des variations de l'orthographe, se plaint amèrement des
lettres étymologiques inutiles et du contraste de l'écriture avec la
prononciation, ce qui répugne aux étrangers et à tout lecteur :
(( Quod tœdiosum valde molestumque fuit lectoribus ; atque lin-
guam ipsam odiosam et difflcilem omnibus peregrinis reddidit,
Siquidem merito omnes conquerentur , et ab ejus lectione abhorrent
quod aliter scribamus^ aliter vero pronuntiemus, »
Jean Pillot. Gallicse linguse institutio , latine sermone con-
scripta, per loannem Pilotum^ barrensem. Parisiis, apud
(1) Paris, Auguste Durand, 1859, in-8.
p
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LA RAMÉE. 191
A. Wechelum, seu Steph. Groulleau, J561 (privil. de 1557),
pet. in-8, de 268 pp. et 2 ff. (Souvent réimprimé.)
L'ouvrage de Pillot, analysé avec soin par M. Livet, p. 270 de son
livre cité page 190, n'est utile que pour la constatation de récri-
ture et de l'orthographe à la fin du xvP siècle. L'abus des lettres
majuscules était devenu tel que Pillot, voulant régler leur emploi,
retend au point qu'il aurait mieux fait d'énumérer les mots qui
devraient n'en pas prendre.
Abel Mathieu, natif de Chartres. Devis de la langue fran-
çoyse^ à Jehanne d Alhret^ royne de Navarre, duchesse de
Vendos?ne, etc. Paris, imprimerie de Richard Breton^ 1559-
60, 2 part, en 1 vol. pet. in-8 de 44 et 39 ff. (en caractères
de civilité). — Devis de la langue française , par A. M.,
Sieur des Mogstardières. Paris, veufue Richard Breton (et
Jean de Bordeaux), 1572, pet. in-8, de iv ff. prél. et 64 ff.
(Le Devis de la langue finit au f . 35 verso.)
L'auteur n'est point un grammairien, mais un gentilhomme
devisant de la langue pour le plaisir des dames. Sans être réfor- p.
mateur, il est indépendant. « Notre langue est à nous, dit-il; leL wv/'
Grecs et les Latins n'ont rien à y voir. » 11^
11 n'approuve l'emploi du 5 long, du h et de Vy que parce que
« ces lettres, par leur forme, servent d'ornement et d'ampliation à
l'escripture et lui donnent de la grâce suivant la similitude dont il
a usé de l'œil à la peinture (1). »
Pierre Ramus (la Ramée). Gramere. Paris, André Wechel,
1562, pet. in-8, de 126 pp. et 1 f. d'errata. (^^ édit. ano-
nyme.)— Grammaire de P. de la Ramee, lecteur du roy. etc,
Paris, A. Wechel, 1572, pet. in-8, de 9 ff. prél. et 211 pp. ;
z6., Denysdu Val, 1587, pet. in-8, de 223 pp.
La Ramée, plus connu sous le nom de Ramus, lecteur du roi
(1) Et en effet , si Ton jette les yeux sur les spécimens de calligraphie du
XVI* siècle et même sur les chefs-d'œuvre d'écriture de Jarry au xvip, on voit
que les artistes se complaisaient dans la belle forme qu'ils donnaient aux lettres
longues, et particulièrement à Vy.
192 LA. RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LA RAMÉE.
en l'Université de Paris, savant latiniste, helléniste et hébraïsant,
auteur d'ouvrages fort appréciés de son temps sur la dialectique,
les mathématiques, la langue latine et la langue grecque, est peut-
être le plus érudit des auteurs de réformes de récriture française.
Son système a pour but de représenter avec une fidélité absolue
la prononciation par récriture^ et l'on peut dire qu'il y réussit
presque aussi bien peut-être que ses représentants de nos jours,
M. Marie et M. Féline. Grâce à son petit livre, nous sommes en
mesure de prononcer le français comme un orateur au temps de
Henri HL Ce n'est pas un faible service rendu à la philologie, et
nous serions heureux qu'il y eût eu un Ramus dans Athènes au
temps de Périclès, et dans Rome sous Auguste.
A l'exception de Ve muet^ qu'il représente par un e à boucle
inférieure et que je représenterai par s; de / et // mouillé, qu'il
écrit par / à boucle et que je figurerai par X; du ch, qu^il figure
par c avec boucle et que jeremplace par l; de gn, par t], et de nt,
qu'il écrit par n à boucle dans les mots en ant final, Ramus n'intro-
duit dans son écriture aucun caractère nouveau ni étranger au fran-
çais. Il met ainsi un signe simple à la place des signes binaires
ou digrammes, et il donne à toutes ses lettres une prononciation
constante et unique. Le c se prononce comme le cappa, le g
comme le gamma des Grecs. Le s, si embarrassant pour les étran-
gers, n'a qu'une seule valeur, celle du sigma. Toute lettre nulle
dans la prononciation disparaît de son écriture, et il se passe
même d'accents, simplification qui n'est pas à dédaigner pour
l'écriture cursive. Il résulte de cette méthode une grande écono-
mie dans l'écriture et l'impression, comme on va en juger :
« Apres avoer reconu (ami lecteur) se ce j'avoe publie de la Grâ-
ce mère tan' grece ce latins, j'e prin' plezir a considérer sele de ma
« patrie : de lacele (corne je puis estimer par le' livre^ publies envi-
(( ron depui' trent' ans ensa) Is premier auteur a ete Jace' du Boes
« (Sylvius), exelen' profeseur de medesins, ci entr' autre' ^ozes a ta^e
« a reformer notr' écriture e la fere cadrer a la parole. Etiene Dolet
« a fet celce trete, come de' poins et apostrofe : mes le bâtiment
« de set' euvre plu' haut e plu' ma'/jitice, e de plu' ri^e e divers'
« etofe,|e' propre a Loui' Megret : Toutefoes il n'a pas persuade a
« un ^acun se c'il prelendoet toucan' l'ortografe : Jace Peletier a
« debatu se point en deu' dialoges subtilement e doctement : GiX-
« aume des Autes (Autels) l'a fort combatu pour défendre e meintenir
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LA RAMÉE. 193
« l'ansien' écriture. Le' plu' nouveaus ont évite sets controverse,
« e on' fet celce forma de doctrine ^acun a sa fantazie, Jan Piiot
K en latin, corn' avoe' fet Jacs' du Boes au paravant, Robert Etiene
a en fransoes, le'celz tous je loue et prize ^acun pour son mérite,
« en SE c'ilz ss sont eforse de nou' doner se pourcoe nous mar,ifion'
« la lange grecs e latine, s' et a dire la loe de bien parler. »
On jugera, par cette citation, des avantages et des vices du
système de Ramus. Toute méthode phonétique doit être absolue
comme son principe, pour remphr complètement son objet : la
certitude de la prononciation, la facilité et la rapidité de l'écriture.
Celle de Ramus ne l'est pas. Il eût fallu se décider, dans cette
voie, à écrire pnmie, batiman, subtikman, et non premier^ bâ-
timent, sublihment, comme le fait l'auteur; mintmir, et non
meintinir. Autrement on laisse subsister, en même temps que le
doute dans la lecture, toute la subtilité des distinctions d'origine et
d'étymologie. L'écriture, d'un autre côté, comme l'ont si bien re-
marqué les sténographes, ne peut être facile et prompte qu'à con-
dition de supprimer les levées de la main nécessitées par toutes
ces apostrophes prodiguées par Ramus, plus longues à former
que les lettres muettes dont elles tiennent la place. A ce point de
vue, tout trait nouveau ajouté à une lettre entraîne un retard équi-
valant au bénéfice de la suppression d'une lettre oud'un accent. Les
réformateurs phonographes, y compris Ramus (excepté Domergue
et Marie), ont reculé devant cette nécessité, inhérente à leur mé-
thode, qui forcerait d'abandonner la marque du pluriel quand elle
ne se fait pas sentir à l'oreille, et le public, avec son bon sens pra-
tique, a dédaigné des systèmes entachés d'inconséquence, qui
mutilaient la grammaire sans grand profit comme économie de
temps et comme simplicité.
Pierre Ramus a le mérite d'avoir, deux siècles avant nos gram-
mairiens et nos dictionnaires, distingué le v de l'w, le 7 de Vi, et
ces deux consonnes ont porté longtemps le nom de consonnes
ramistes, en souvenir de leur célèbre patron.
Dans l'édition de 1572, l'auteur, pour remédier sans doute à la
difficulté que les gens du monde avaient éprouvée à lire son écri-
ture, a placé dans une colonne en regard son texte orthographié
selon la manière ordinaire.
13
194 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - PASQUIER.
ETIENNE Pasquier (1), dans une de ses « Lettres à M. Ramus,
professeur du Roy en la philosophie et les mathématiques », com-
bat avec raison Texcès dans lequel ce savant, renchérissant sur
Meigret et Peletier, était tombé, en bouleversant notre orthographe,
et, par suite de cet excès même , Pasquier se prononce encore
plus fermement pour le maintien des anciens usages. Tel est l'effet
ordinaire de toute exagération en matière de réformes.
On lira avec intérêt cette longue Lettre, où, après avoir réfuté
le système de Ramus, il traite particulièrement des diphthongues.
Malheureusement, nous ne possédons plus le texte original de
Pasquier; mais dans l'impression, qui est de près de cent soixante-
quinze ans postérieure à l'époque où il écrivait, on paraît s'être
attaché en grande partie à suivre celle de Pancienne édition. On
en pourra juger par ce que je transcris ici de cette lettre, où
d'ailleurs Pasquier consent que, « s'il se trouve dans notre or-
thographe quelques choses aigres, on y puisse apporter quelque
douceur et attrempance » .
« Or sus, je vous veux dénoncer une forte guerre, et ne m'y veux
pas présenter que bien empoint. Car je sçay combien il y a de
braves capitaines qui sont de vostre party. Le premier qui de
nostre temps prit ceste querelle en main contre la commune, fut
Louys Meigret, et après luy Jacques Peletier, grand poëte,
arithméticien, et bon médecin, que je puis presque dire avoir
esté le premier qui mit nos poètes françois hors de page. A la
suitte desquels vint Jean Antoine de Baïf, amy commun de nous
deux, lequel apporta encores des règles et propositions plus es-
troites. Et finalement vous (2), pour clorrele pas, avez fraischement
(1) Les Œuvres d'Estienne Pasquier, 2 vol. ia-fol., Amsterdam, 1723, t. II,
p. oS.
(2) Il paraîtrait par ce passage que Pasquier n'avait pas connaissance de la
première édition de la Gramère de la Ramée, publiée en 1562 cliez Wechel,
sans nom d'auteur : autrement il n'eût pas été assez injuste pour donner la
priorité à la tentative faite par Jean-Antoine de Baïf dans les Ètrennes de poe-
ziefrançoise, dont le privilège est de 1571 et l'édition datée de 1574. L'antério-
rité de Ramus, appuyée sur le rapprochement des dates, ne saurait être un mo-
ment douteuse. D'ailleurs, dans l'énumération que ce savant fait, dans l'édition
de 1562, de tous ses prédécesseurs dans la carrière de la réforme, énumération
que j'ai transcrite plus haut (V- 192 } , il n'est nullement question de
Baïf. Toutefois, dans sa seconde édition, datée de 1572, Ramus ajoute,
après l'énoncé des écrivains indifférents ou même hostiles à ses idées, ce
passage :
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — PASQUlER. 195
mis en lumière une grammaire françoise, en laquelle avez en-
cores adjousté une infinité de choses du voslre, plus estranges que
les trois autres. Je dy nommément plus estranges ; car plus vous
fourvoyez de nostreanciemie ortographe (sic) et moins je vous puis
lire. Autant m^en est-il advenu voulant donner quelques heures à
laJecturejdfiJ^Qs partisans. Je sçay que vostre proposition est trés-
précieuse, de prime rencontre; car si l'escriture est la vraye
image du parler, à quoy nous pouvons nous plus estudier que de
représenter par icelle en son naïf, ce pourquoy elle est inventée ?
Belles paroles vrayement. Mais je vous dy que quelque diligence
que vous y apportiez^ il vous est impossible à tous de parvenir au
dessus de vostre intention. Je le cognois par vos escrits: car
combien que vous décochiez toutes vos flèches à un mesme blanc,
toutes fois nul de vous n'y a sçeu attaindre [sic] : ayant chacun son
orthographe particulière, au lieu de celle qui est commune à la
France. Comme de faict nous le voyons par l'Apologie que Pele-
tier a escrit encontre Meigret, où il le reprend de plusieurs traits
de son orthographe. Et vous mesmes ne vous rapportez presque en
rien par la vostre à celle, ny de Meigret, ny de Peletier, ny de
Baïf. Qui me faict dire que pensant y apporter quelque ordre,
vous y apportez le desordre: parce- que chacun se donnant la
me^me4iberté^ûe vous, se forgera une orthographe particulière.
Ceuxr^i mettent la main à la plume prennent leur origine de di-
vers païs de la France, et est mal-aisé qu'en nostre prononciation
il ne demeure tousjours en nous je ne sçay quoy du ramage de
nostre païs. Je le voy par effect en vous, auquel, quelque longue
demeure qu'ayez faite dans la ville de Paris, je recognois de jour à
autre plusieurs traits de vostre picard, tout ainsi que PoUion re-
cognoissoit en Tite-Live je ne sçay quoy de son padouan. J'adjouste
que soudain que chacun en son particulier se faict accroire
esire quelque chose entre nous, aussi nous veut-il servir de mots
non meilleurs, ains qu'il nous débite, par une faulse persuasion,
« Naguère I. A. de Baif a doctement et vertueusement entreprins le poinct de
« la droicte escripture, et la fort esbranlé par ses ^iues et pregnantes persua-
« sions. »
Comme il ne peut être ici question de l'édition des Etrennes datée de 1574,
c'est-à-dire mise au jour deux ans après la deuxième édition de la Gramère de
la Ramée, il est à croire que le poète Bail aura publié quelque chose sur ce sujet
dans l'intervalle compris entre 1562 et 1572, ou bien qu'il existe une édition des
Etrennes publiée l'année même du privilège (1571) et complètement inconnue
aux bibliographes.
196 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - PASQUIER.
pour tels. Le courtisan aux mots douillets nous couchera de ces
paroles^ reijne, allét, tenét, venét^ menét : comme nous vismes un
des Essars, qui, pour s'estre acquis quelque réputation par les huit
premiers livres du roman d'Amadis de Gaule, en ses dernières
traductions de Josephe et de Dom Flores de Gaule, nous servit
de ces mots, amonester, contenner, sutil, calonvier, arninistra-
iion. Ni vous ni moy (je m'asseure) ne prononcerons, et moins
encores escrirons ces mots de reyne, allét ^ tenét^ venét^ et menét ^
ains demeurerons en nos anciens qui sont forts, rotjne, alloit,
venoié, tenait, menoit. Et quant à mon particulier, des à présent,
je proteste d'estre résolu et ferme en mon ancienne prononcia-
tion, à'admonnester, contemner, subtil, calomnier, administrer.
En quoy mon orthographe sera autre que celle de des Essars,
puis que ma prononciation ne se conforme pas à la sienne.
Peletier, en son dernier livre de TOrthographe et prononciation
françoise, commande d'oster la lettre G des paroles esquelles
elle ne se prononce, comme en ces dictions, signifier, régner,
digne; quant à moy je ne les prononçay jamais qu'avecques
le G. En cas semblable Meigret, en sa Grammaire françoise,
escrit, pouvre et sarions', d'autant que vray-semblablement sa
prononciation estoit telle,et je croy que celuy quia la langue
françoise naïfve en main, prononcera, et par conséquent escrira
pauvre et sçaurions. A tant puis que nos prononciations sont di-
verses, chacun de nous sera partial en son escriture. La volubilité
de la langue est telle, qu'elle s'estudie d'addoucir, ou pour mieux
dire, racourcir ce que la plume se donne loy de coucher tout au long
par escrit. Et de fait, n'estimez pas que les Romains en ayent usé
autrement que nous : car quand je ly dans Suétone qu'Auguste
fust du nombre de ceux qui pensoient qu^il falloit escrire comme
on prononçoit, je recueille que l'escriture ne symbolizoit {sic)
en tout au parler, ains qu'Auguste^ par une opinion particulière,
telle que la vostre, estoit d'un advis contraire à la commune, tou-
tesfois si ne le peut-il gaigner: d'autant que du temps mesmesde
Néron, Quintilian nous enseigne que l'on escrivoit autrement
qu'on ne prononçoit »
La lettre de Pasquier se termine ainsi: « A quel propos
donc tout cela? Non certes pour autre raison, sinon pour vous
monstrer qu'il ne faut pas estimer que nos ancestres ayent té-
mérairement orthographié, de la façon qu'ils ont faict, ny par
r
LA RÉFORiME ORTHOGRAPHIQUE. — H. ESTIEÎVJNE. 197
conséquent qu'il falle {sic) aisément rien remuer de l'ancienneté,
laquelle nous devons estimer l'un des plus beaux simulachres
qui se puisse présenter devant nous, et qu'avant que de rien
attenter au préjudice d'icelle, il nous faut présenter la corde
au col, comme en la republique des Locriens : et à peu dire
que tout ainsi qu'anciennement en la ville de Marseille ils exe-
cutoyent leur haute justice avec un vieux glaive enroûillié, ay-
mans mieux user de celuy-là que d'en rechercher un autre qui
fust franchement esmoulu, aussi que nous devons demeurer en
nostre vieille plume. Je ne dy pas que s'il se trouve quelques
choses aigres, l'on n'y puisse apporter quelque douceur et attrem-
pance, mais de bouleverser en tout et par tout sens dessus des-
sous nostre orthographe, c'est, à mon jugement, gaster tout. Les
longues et anciennes coustumes se doivent petit à petit desnoiier,
et suis de l'opinion de ceux qui estiment qu'il vaut mieux conser-
ver une loy en laquelle on est de longue main habitué et nourry,
ores qu'il y ait quelque défaut, que, sous un prétexte de vouloir
pourchasser un plus grand bien, en introduire une nouvelle, pour
les rnconveniens qui en adviennent auparavant qu'elle ait pris
son ply entre les hommes. Chose que je vous prie prendre de
bonne part, comme de celuy, lequel, combien qu'il ne condes-
cende à vostre opinion, si vous respecte-t-il et honore pour le hou
vouloir qu'il voit que vous portez aux bonnes lettres. A Dieu. »
Henri Estienne. Traicté de la conformité du language fran-
çois auec le grec (sans lieu ni date, mais Genève , 1565) ,
pet. in-8 de 16 ff. prél. et 1S9 pp.; Paris, Rob. Estienne,
1569, pet. in-8 de 18 ff. prél. et de 171 pp.; nouvelle édit,,
accomp. de notes, etprécéd. d'une étude sur cet auteur, par
L. Feugère. Paris, Delalain, 1853, in-8 de ccxxxvi et 223 pp.
— Deux dialogues du nouveau langage francois italia-
nizé, et autrement desguizé, principalement entre les cour-
tisans de ce temps (Genève, 1578), pet. in-8 de 16 ff. prél.
et 623 pp.; Anvers, GuilL Niergue, 1579 et 1583, in-16. —
Proiet du Hure intitulé de la Precellence du langage
FRANÇOIS. Paris, Mamert Pâtisson, 1579, pet. in-8 de 16 ff.
et 295 pp.; nouvelle édit. accomp. dune étude sur cet au-
198 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - H. ESTIENNE.
leur et de notes, par L. Feugère. Paris, Delalain, 1850, in-8
de xLiv et 400 pp. — Hypomneses de gallica lingua père-
grinis eam discentibus necessarix ; qiœdam vero ipsis
Gallis multum profuturse, (Genevse), 1S82, pet. in-8 de
6 ff.prél.,21Setllpp.
Quoique Henri Estienne, fils de Robert, par la disposition hel-
lénique de son esprit (1) et sous Tinfluence de ses études, ait en
général rapproché l'orthographe française de l'orthographe grec-
que, il reconnaît la nécessité de simplifier notre écriture. Dans
son Traité de la conformité du language français avec le grec,
p. 159, il termine ainsi Tavis au lecteur :
« J'ay aussi vn mot à dire touchant l^orthographe de ce liure :
« c'est que ie ne Tapprouue pas du tout comme elle est : ains que
« ma délibération estoit de faire tailler quelques poinçons exprès
« pour les lettres superflues quant à la prononciation, et toutesfois
« characteristiques. Mais ayant eu le temps trop court pour ce
« faire, i'ay remis telle entreprise iusques à l'autre liure françois
« promis ci-dessus : lequel surpassera ma promesse... s'il plaist à
« Dieu me préster la vie encores quelques mois. »
La multiplicité des travaux de Henri lui aura fait ajourner ce
projet, car toute trace de ce passage a disparu dans les réimpressions
de ce livre. Je le regrette, car je ne doute pas qu'il ne s'agisse ici de
modifier le ch, ph, th, st helléniques, qu'il eût ramenés à des for-
mes simples comme x? <?, 6, ç-
Ce docte imprimeur a compris, mieux qu'on ne l'a fait de son
temps, le mode de formation des mots que le français emprunte
aux langues anciennes. Il a bien vu que blâmer et blasphémer sont
un même mot (pXaacpTit^sïv), l'un sous sa forme française, l'autre
sous la forme grecque.
Bien qu'il ait fixé l'origine des mots suivants, il admet par ren-
voi seulement l'orthographe rigoureusement étymologique ainsi
indiquée par lui dans la troisième colonne :
caresser de xapîÇsaQat ... charesser
cédule. ..... cxéSy) schédule
(1)
Sou père lui fit apprendre le grec avant le latin.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DE BAIF. 199
cerfeuil x<^'PS9^^^o^ cherfueil
chicorée xt/wptov cichorée
esquinancie . . . auvàyxyi squinancie
dyssenterie. . . . SucrevTepia dysenterie (1)
migraine rnxixpavia hémicranie
orthographe . . , opôoYpaçta . orthographie
fiole çtoXy] phiole
seringue orupiy^ syringue
rhythme
l
nme puOixoç , ,., , .. .,
^ ^ (qu'il écrit rythme
autruche (2). , . ô <7Tpou66ç ostruche
sciatique (3). . . laxta; ischiatique
Dans les mots dérivés du latin, il propose la suppression de cer-
taines lettres muettes, abusivement employées de son temps sous
couleur d'étymologie. Telles sont / dans chevaulœ , animaulx,
aulcun, maulx. « Notre au, dit-il, tient lieu du al primitif. Mais il
faut conserver cet / dans coulpe (culpa), poulpe (aujourd'hui pulpe,
de pulpa). » Comme Ronsard et autres, il écrit aureilles.
On voit par ces exemples quel esprit de sage critique et de fine
observation philologique avait su déployer déjà le savant helléniste
typographe qui nous a laissé, dans ses Dialogues du nouveau lan-
gage françois italianizé, un document si curieux pour l'histoire
du français et un si brillant témoignage d'une érudition spirituelle
et de bon aloi.
Jean-Antoine de Baïf. Etrénes de poézie fransoeze an vers
mezurés, Paris, Denys du Val, 1574, pet. in-4, de 16 ff.
non chiff. et 20 ff. chiff.
L'insuccès de ses devanciers ne rebuta pas ce poëte. Dans son
système de l'orthographe il est plus novateur que Ramus, auquel
il n'emprunte que ses lettres avec cédille (c, /, n). Il distingue trois
e : bref {mxiQi)j long (ouvert), qu'il figure par un e avec cédille (4),
(1) c'est ainsi que ce mot devrait être écrit.
(2) Il écrit avec raison ostruche^ ô arpoueoç. Il écrit troter, raptasser, qu'il
fait venir de pàuTsiv; utilisant le s, il écrit gargariser, ozeille, pezer, pindarizer,
riz ; il écrit mistère sans y, et sifler, que l'étymologie erronée qu'il invoque,
(jKpXouv, aurait dû lui faire écrire avec ph.
(3) Il blâme dans cette orthographe la suppression, à contre-sens, de Vi.
(4) Notre diphlhongue ai est considérée par lui comme e long.
200 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - H. RAMBAUD.
et commun (fermé) représenté par un e avec une apostrophe. Par-
tant du principe que chaque son devrait être représenté par un
signe particulier, il substitue aux diphthongues ou triphthongues
œu ou eu, ou et au et eau, de nouveaux caractères inventés par
lui. Le premier est un e dont le trait se prolonge de manière à
former un ?;; le second ressemble au h grec (i); le troisième n'es^
que la lettre a modifiée de la même façon que l'e dans le cas pré-
cédent. Le c dur est remplacé par le k, et les consonnes h muet,
g eiœ sont proscrites comme inutiles. Il est supérieur à Ramus
en ce qu'il remplace partout em, en, par an. Il supprime comme
lui les lettres doubles qui ne se prononcent pas; mais, pour les
syllabes finales, il est moins phonographe que Ramus, et, sans
faire, comme lui, disparaître la marque du pluriel, il se borne à
remplacer l'e muet final pnr une apostrophe, lorsque le mot sui-
vant commence par une voyelle. Ce qu'il y a de curieux dans son
système, c'est qu'il écrit d'un seul mot les adverbes composés
de plusieurs membres, mais exprimant une seule idée, comme
ojardui (aujourd'hui), Udemème (tout de môme), tti^talani^r (tout
à Tentour), sansèsse (sans cesse).
Il écrit duk d'Alanson, eyzakte ekriture, élémam, anploiér, ko-
m amant.
A la fin de sa préface, il promet au lecteur un Avertisemanttanl
sur la prononsiaslon fransoeze (2) ke sur l'art métiik, qui n^a point
paru.
Honorât Rambaud, maistre d'eschole à' Marseille. La déclara-
tion des abus que Von commet en escriuant.^ et le moyen de
les euiter et représenter nayuement les pamles : ce que ia-
mais homme na faict. Lyon, lean de Tournes, 1578, pet.
in-8, de 351 pp.
L'auteur de cet ouvrage, en créant, au grand étonnement de
l'œil et sans grand profit pour h lecture, un alphabet de sa façon,
bù toutes les lettres sont changées, s'est efforcé de donner une
(t) Dans les idées phonographiques c'est une heureuse innovation. La voyelle
que nous. faisons figurer par le double signe ou, et qui n'est qu'un son simple, est
représentée dans toutes les langues de l'Europe, excepté le grec, par un seul signe.
2) A son époque Voi se prononçait comme oè.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — H. RAMBAUD 201
image d'une fidélité absolue de la prononciation. Voici comment
il expose lui-même ses principes (p. 6) :
(( Vous sçauez bien, lecteurs, que l'escriture est le double et
« coppie de la paroUe, et que le double doit estre du tout sem-
a blable à roriginal. Tellement que tout ce qui se treuue en l'ori-
« ginal se doit trouuer en la coppie, et rien plus : autrement la
<( coppie est fausse. Par quoy faut conclurre que l'escriture doit
« estre totalement semblable à la parolle, et qu'en Tescriture se
« doit trouuer tout ce que la bouche a prononcé, et rien plus :
« autrement est fausse, et trompe les lecteurs et auditeurs, comme
« disent fort bien Quinlilien, Nebrisse, et plusieurs autres, les-
« quels se faschent, et non sans cause, de ce que ne représentons
(( pas les parolles comme les prononçons, et semble que le facions
« par despit et tout exprès, pour mettre en peine tous hommes,
c( femmes et enfans, presens et aduenir. Les susnommés nous ont
« laissé par escrit plusieurs remonstrances qu'ils en ontfaict, par
(( lesquelles leur sommes obligés, et mesmes à Nebrisse, lequel nous
a donne espérance, disant, Quod ratio persuaserit, aliqimndo fief.
« C'est à dire que : Ce que raison approuuera, en quelque saison se
« fera. Et pource que raison, dame et princesse des hommes, ap-
« prouue et nous commande de représenter les parolles tresnayue-
a ment et tout ainsi que la bouche les prononce, luy voulant obeïr,
« comme humble et tresobeïssant seruiteur, me suis efforcé, selon
« mon petit pouuoir, d'accomplir son commandement, comme
<( verrez présentement, pourueu qu'il vous plaise lire et bien
« entendre mon dire. »
11 ajoute, p. 26 : « Escrire est faire un chemin, par et moyen-
« nant lequel voulons conduire et guider nous mesmes, et les autres
« aussi. Et puis qu'il est nécessaire que tous hommes, femmes et
« enfans, présents et advenir, y passent, il est tresnecessaire qu'il
« soit bien aisé. Et l'on a faict tout au rebours ; tellement que peu
« de gents y peuuent passer : et quasi tons ceux qui y passent le font
« par coûtrainte et à force de coups. Et ie n'en parle pas par ouïr
(( dire : car il y ia trentehuict ans que je contrains les enfans a pas-
ce ser par ledit chemin ; durant lesquels ayant eu loisir de contem-
« pler les tourmens qu'ils endurent, et endureront, si l'on ne re-
« pare ledit chemin »
Dans l'extrait du privilège donné le 18 mai 1577 par le roi
Henri III, on lit : «Notre cher et bien amé Honoré Rambaud...
202 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAMBAUD.
ayant, pour la commodité d'un chacun qui voudra apprendre de
luy et pour la sienne aussi, composé un alphabet de quelques
charactères qui pourront seruir grandement à soulager les per-
sonnes, mesmes les petits enfans, de lire et escrire. L'inuention
duquel Alphabet il luy a esté ja permis de faire imprimer et met-
tre en lumière, tant à Tholouze qu'à Lyon... »
Ce qui dut contribuer surtout au peu de succès de l'écriture
phonétique de Rambaud, c'est que dans son ouvrage elle repré-
sente, du moins je suis fondé à le croire, la prononciation fran-
çaise au seizième siècle dans le midi de la France.
Charles Nodier, oubliant qu'un art très-important, la sténogra-
phie, est fondé sur le perfectionnement de l'écriture phonétique,
et qu'il a quelques chances de pénétrer dans l'éducation de la jeu-
nesse, s'exprimait ainsi en 1840, à propos du livre de Honorât
Raimbaud :
« Le maître d'école de Marseille n'étoit pas un de ces révolu-
tionnaires circonspects qui marchent à pas mesurés dans la ré-
forme et qui soumettent le désordre et la destruction à une appa-
rence de loi. Radical en néographie, il débute modestement par
la suppression de l'alphabet, et lui en substitue un nouveau,
composé tout d'une pièce pour cet usage. Cette manière de pro-
céder prouve du moins que Rambaud avoit la conscience de son
entreprise, et qu'il savoit apprécier à leur juste valeur les ridicules
tentatives de ses prédécesseurs et de ses émules. Aussi n'hésiterai-je
pas à le regarder comme l'homme de génie de la bande, et le seul
qui offre dans son fatras quelques vues ingénieuses et fortes. La
question de savoir si l'alphabet usuel est bon ou mauvais nétoitpas
difficile à résoudre; le fait est qu'il est détestable dans la figure des
signes, dans leurs attributions et dans leur ordre, et qu'il en est de
même de tous les alphabets anciens et modernes. Mais la difficulté
n'est pas là. La difficulté n'est pas même de créer un alphabet
meilleur que le nôtre, et besoin n'étoit pour cela des doctes labeurs
d'un maître d'école. Le moindre de ses écoliers y auroit suffi de
reste. Ce qu'il y a d'embarrassant, ce n'est pas de faire, tant bien
que mal, une espèce d'alphabet rationnel et philosophique, pro-
pre à faciliter l'enseignement de la lecture et à rendre peu sensibles
et même tout à fait nulles les équivoques et les ambiguïtés de
l'orthographe. C'est d'appliquer cet alphabet à une langue écrite,
sans altérer, sans détruire peut-être son esprit et son caractère.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — TOUBERT. 203
C'est surtout de le faire accepter par le peuple auquel on le des-
tine, comme la forme d'un chapeau ou la coupe d'un habit. Voilà
ce qui n'arriva jamais, et ce qui jamais n'arrivera. La religion en
sait, je crois, la raison. Si la philosophie en sait une autre, qu'elle
la dise. » {Description raisonnée d'une jolie collection de livres^
p. 83.)
Nodier, un peu injuste dans ses dédains irréfléchis, a oublié de
dire que le digne maître d'école est le premier qui ait proposé et
développé la nouvelle épellation ; be, ce, de, fe, ge, le, me, etc.
Laurent Joubert, médecin ordinaire du Roi de France et du
Roi de Navarre, premier docteur, régent, chancelier et juge
de l'Université en médecine de Montpellier. Dialogue sur la
cacographle fransaise, avec des annotacions sur V ortogra-
phie de M. Joubert {par Christophe de Beauchatel) (à la
suite de son Traité du ris, Paris, Nicolas Ghesneau, 1579,
pet. in-8 de IS ff. prél., 407 pp. et 8 pp.)
On sait que le docte chancelier de l'Université de Montpellier,
médecin ordinaire du roi Henri HI, a pratiqué une orthographe
réformée dans la plupart de ses ouvrages, dont plusieurs renfer-
maient des doctrines très-remarquables pour son temps. Homme
d'esprit et de grand savoir, vir acuti ingenii, comme le qualifie
Haller, il a combattu et détruit plus d'un préjugé scientifique,
consacré par les siècles. La routine qu'il appelle cacographique
présentait plus de résistance et a surmonté ses efforts.
A la suite de son Traité du ris, p. 376, Laurent Joubert a inséré
un Dialogue sur la cacographle fransaize expliquant la cause de
sa corruption. Les deux antre-parleurs (sic) sontFransaiset Wolff-
gang. Voici un spécimen de leurs propos qui donnera une idée
de l'orthographe du savant docteur :
« Fransais Il y a ha défaut à ne pouvoir, ou ne savoir
represanter par écrit ce qu'on prononce ; il y a ha du dommage
bien grand, pour cens qui veulet apprandre ce langage : d'autant
qu'il leur faut à chaque mot une observacion, de savoir dissimuler
quelques lettres an prononsant, lèquelles on ne veut toutesfois
permettre setre omises de Tecrivain.
204 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — JOUBERT.
(( WoLFFGANG. J'an ay été an fort grand'peine, l'espace de sis
ans, durant lequel tams j'ay merveilleusemant trav^alhé à com-
prandre la droite prolacion de ce langage, pour ansegner par
après les miens avec plus grande facilité. Car il y a ha plusieurs
Alemans qui vienet an France expressemant pour apprandre ?a
langue : lèquels voyans l'écriture si répugnante au parler, s'an
degoutet, & perdet courage d'y proufiter^ sinon par trop long
tams. Car ils voyet qu'il faut oblier l'écriture pour la bien pro-
noncer, & la prolacion pour écrire à la mode des Fransais. A
cause dequoy certains princes d'Alemagne m'ont donné charge
d'essayer à comprandre exactemant ce langage, pour le savoir
par après communiquer aus leurs, & an parlant, & an écrivant,
ainsi qu'il le faut prononcer. Et pource j'*ay méprisé tous livres
écris an fransais, & me suis contraint d'apprandre le langage, an
conversant familieremant avec cens qui parlet mieus, observant
trae-sogneusemant la vraye prolacion. De laquelle m'etant bien as-
suré, j'ay commancé d'exprimer par écrit le naïf parler du fran-
sais : de sorte que (à mon avis) le plus nouveau & étrangler, qui
sache lire an latin, ou an autre langage de cens qui uset de sem-
blables lettres, il le prononcera dans peu de jours, aussi bien que
moy. Ainsi j'espère de contanter ceus de ma nacion, qui attandet
ce bien de moy : & par maeme moyen feray satisfaccion à la Fran-
saise, laquelle se peut plaindre que l'Alemande a causé la corrup-
cion de son écriture. »
A la page 390 de ce volume, Christophe de Beauchatel, neveu
et disciple de Joubert, a résumé ainsi « l'orthographie -i) de son
maître :
« Premieremant il tient cette maxime qu'il faut écrire tout ainsi
que Pon parle et prononce, comme il et irè-bien remontré an
l'Apologie de son orthographie par Isaac, son fils aine.
« M. loubert difere de ses prédécesseurs, an ce princi-
palemant qu'il ne change pas de lettres, qu'il ne tranche les
siennes, ne les charge d'acsans, ne les marque de crocs, autre-
mant que fait le commun : dont sa lettre et fort courante et ne
retarde point le lecteur. »
Glaudii Sancto a VmcuLo de Pronuntiatione linguse gallicse
hori II, ad illustrissimam simulque doctissimam Elizabe-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DE SAINT-LIEN. 205
tham^ Anglonifn Reginam, Londini, excud. Th. Vautrol-
lerius, 1580, iii-S, de J99pp.
L'auteur de cette grammaire^ Claude de Saint-Lien {a Vinculo),
professeur de latin et de français à Londres, raconte qu'ayant été
admis auprès d'Elisabeth, à Lewsham {cum tu nuper Lewshamix
rusticareris), il l'entendit dans la conversation qu'il eut avec elle
parler très-bien français. Il croit donc devoir lui dédier son Traité
de l'orthographe, et prie la reine d'excuser sa hardiesse, en lui
rappelant des souvenirs tirés de l'histoire ancienne.
Parmi les difficultés de l'orthographe, il cite surtout celle qui
résulte de l'emploi du s au milieu des mots , difficulté que- TA-
cadémie fit cesser cent soixante ans après dans la troisième édition
en supprimant les s parasites. Voici comment il s'exprime
à ce sujet : « Quant crucem hœc litera fixent auditorum animis^
« noverunt qui nostrx lingux operam dederint,)) Tels sont, comme
exemple : désastre et folastre, etc.
Il signale surtout le grand nombre de lettres inutiles qui sur-
chargent les mots et qui ne se prononcent pas. Aussi, pour faci-
liter la lecture et la prononciation, il place sous toute lettre inutile
un point qui signale cette superfluité. Il écrit donc ainsi ;
« Geulx qui m'entendent sçavent bien si je ments. »
Quant à remplacer par un a l'e dans entendent, et écrire an-
iandentj il s^y oppose, attendu que le son de l'e suivi de Vn est
(ou du moins était) intermédiaire entre a et e.
Il admet le ç et distingue les y des i et les v des u, et voudrait
qu'on écrivît diccion et imposicion, et non diction et imposition.
Il désirerait que le k remplaçât le qu qu'il voudrait « voir exilé
à jamais » . Ses dialogues, placés sur six colonnes, sont curieux
et pour l'orthographe et aussi pour les locutions qui sont encore
usitées en Normandie. En voici un exemple :
Latine. — D. Ut vales hoc mane ? — R. Non ita quidem ut vellem.
Antiqua orthographia. — D. Comment vous portez-vous à ce ma-
tin ? — R. Non pas si bien comme je voudrois.
Neotericorum. — D. Comman' vou' porte' vous à ce matin? — R. Non
pa' si bien comme je voudroé.
Authoris. — D. Comment vous portez-vous à ce matin? — - R. Non pas
si bien comme je vouldroye.
Modus loquendi. — D. Comman vou porté vouz à ce matin? — R. Non
pas si bien comme je voudroé.
• î
206 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - MONTAIGNE.
* Claude Mermet. La Pratique de V orthographe françoise,
avec la manière de tenir livre de raison... composé par
CL Mermet, escrivain de S. Rambert en Savoie. Lyon,
Basile Bouquet, 1583, in-16, de 315 pp.
Je n'ai pu prendre connaissance du contenu de cet ouvrage, qui
paraît d'une assez grande rareté.
Montaigne, au verso du frontispice d'un exemplaire (appar-
tenant à la bibliothèque de Bordeaux) de la cinquième édi-
tion de ses Essais, in-4, Paris, l'Angelier, 1588, a écrit
quelques instructions pour l'impression d'une nouvelle édi-
tion.
Ces instructions ont été reproduites dans l'édition des Essais
donnée par Naigeon (Paris, 1802, 4 vol. in-8). J'en extrais un pas-
sage relatif à Torthographe :
d Montre, montrer, etc., escrives les sans s a la differance de
monstre, monstrueus.
c( Cet home, cette famé, escrives le sans 5 a la differance de c'est,
c'estoit.
d Ainsi, mettes le sans n quand une consonante suit et aueq n
si c'est une uoyelle; ainsi marcha, ainsin alla (1).
« Campaigne, Espaigne,Gascouigne, etc. ; mettez un z devant le ^^
corne a Montaigne (2).
cr Mettez règles, régler, non pas reigles, reigler. »
Dans la suite de cet avis à Timprimeur^ Montaigne donne des
instructions pour la ponctuation, pour l'emploi des lettres ma-
juscules, qu'il réserve seulement aux noms propres; pour les dates,
à mettre en toutes lettres et sans chiffres , et pour l'espacement
des mots, etc.
Montaigne écrit ainsi les mots : come^ différant (adj.), coman-
cemans (au pluriel), lexamplere, lorthografe, imprimur^ aus (aux)>
stile, deus (deux)^ paranthese, aueq. Dans beaucoup de mots il
a devancé son époque, où Ton écrivait escript.
(1) c'est ainsi que les Grecs font emploi du v euphonique èdù, laTiv*
(2) Cette prononciation devait être celle de la Gascogne;
r
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — PALLIOÏ. 207
Par la manière dont il orthographie ces mots : comc^ home et
fame^ différant (adjectif), comancemans, paranthese, on voit qu'il
voulait qu'on imprimât son livre d'une manière plus conforme à
. la prononciation ;
Qu'il remplaçait dans les pluriels Vx par le s : aus^ deiis;
. Qu'il simplifiait l'orthographe dans examplere , stile, orto-
graphe\
Enfin que pour les mots monstre, monstrer, cest, pronom dé-
monstratif, reigle, la correction qu'il indiquait a été adoptée par
l'Académie.
Le manuscrit original déposé à la bibliothèque de Bordeaux,
qu'un de mes amis vient d'y consulter, est écrit dans le même
système : la suppression des doubles lettres inutiles, et l'emploi de
Va substitué à \'e, pour conformer l'écriture à la prononciation.
(Voir App. E.)
De Palliot, secrétaire ordinaire de la chambre du Roy. Le
vray Orthographe françois, contenmit les reigles et pré-
ceptes infaillibles pour se rendre certain^ correct et par-
faict à bien parler françois . Paris, Nicolas Rousset, 1608
(priv. du 24 avril 1600), in4 oblong de 3S ff. chiff. et
1 f. pour le privil.
Palliot, qui prend le titre de secrétaire ordinaire de la chambre
du roi, est un ennemi acharné de toute innovation orthographique.
Son argumentation reproduit, sauf la modération de la forme et
l'élégance du style, celle de Pasquierdans sa lettre à Ramus (voir
p. 194). Abandonnant ce que son émule appelle « la vraye nayveté
de nostre langue », il tombe dans Paffectation et le langage pé-
dantesque,, dangereux écueil sur lequel était en péril de sombrer
le génie de la Renaissance dans l'excès de son zèle de restauration
archaïque;, si Rabelais n'eût montré le ridicule de la verbocination
latiale en la plaçant, d'une façoii si comique, au VP livre de son
Pantagruel, à2i^?> la bouche de l'écolier limousin. On jugera lama-
nière de raisonner de Palliot et son orthographe par la citation
suivante :
« J'inféreray de là que, quelque confusion qu'il y ayt aux dic-
tions proférées, la distinction s'en recognoist à l'orthographe bien
réglé, dont le jugement et r'apport s'en fera (affin que ce ne soit
208 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - PALLIOT.
point une régula Lesbia, qui se conforme à la diversité de ses ap-
plications) sur la déduction de ses motz les uns des autres, par
leurs conjugaisons et déclinaisons : ou sur la dérivation du grec
et du latin, d'où nous tenons la plus-part de nos termes; voire
que nous en tenons des lettres mesmes qui servent de toute no-
toire distinction en Tescriture, qui est néantmoins toute confuse
en sa prolation. Ainsi le z que nous tenons des Grecz parmy nos
lettres faict différer noz de nos : Tvn qui sera françois avec ce ;;,
Faultre qui sera latin avec son s. Ainsi que l'y adverbe de lieu en
nostre langue vas-y fera la différence de Vi simple qui sera en la-
tin impératif dHre : i tu. Ainsi tenans et noz lettres mesmes et
noz acceniz et noz distinctions et punctuations, comme la plus-
part de nos dictions, de ces langues certaines et réglées, la vraye
pierre de touche, qui servira à faire recognoistre nostre ortho-
graphe plus réglé, sera à ces dérivations, et nousarrester en cela
à ce qui en a esté suyvy jusques icy par toute l'antiquité, sans
vaciller à l'inconstance et incertitude des nouvelles prescrip-
tions de ces innovateurs, d'un tas de caractères nouveaux, de
nouvelles escrivacheries et telles autres broùilleries modernes,
qu'iiz veulent mesmement fonder sur un pilotis si mal asseûré que
seroit le commun langage, qui peut estre perverty et corrompu
d'ailleurs, soit par Tasnerie des vns, soit par l'insolence des
aultres, s'il n'est retenu en bride et en son entier par ceste an-
tienneté d'escriture, sans laquelle nostre langage seroit mesme-
ment desja autant dépravé que noz mœurs.
...... Ainsi, l'vn de ces desordres provenant de Paultre, je
me serois indifféremment laissé porter de la compassion que j'a-
vois de celuy de nostre orthographe, à la passion de veoir régner
ces excès parmi nous, qui m'auroit faict ainsi transporter à les
attacquer tout d'vne mesme escarmouche, jusques à charger aussi
bien sur le mal- faire et mal- vivre comme sur le mal-dire et mal-
escrire. Leur insolence m'ayant poussé à m'en stomacquer si in-
solemment que de n'avoir pas à moindre contre-cœur l'vn que
l'aultre, dont les excez ne cesseront pas plus tost, que je cessera^
incontinent d'estre plus si excessif en telles criticques censures.
Esquelles je suppli'ray que Ton ayt plustost esgard à ces recher-
ches et galanteries des motz où je me suis donné libre carrière
jusques au bout que non pas aux recharges et contre-battries des
maulx, etc »
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — POISSON. 209
On voit par cette citation^ qui eût été inintelligible si je n'avais
pris le soin de la ponctuer à la manière actuelle, que l'ortho-
graphe de Palliot est aussi lourde et hérissée que son raisonne-
ment et qu'ils sont l'un et l'autre entachés d'une affection aveugle i
pour les usages surannés.
DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.
Robert Poisson. Alfahet nouveau de lavréeetpure ortografe
fransoize et modèle sus iselui en forme de Dixionére. Dédié
au roi de Franse et de Navarre Eewi llll, par Robert
Poisson équier (Auvile) de Valonnes^ en Normandie, Pre-
zenté au roi par l'auteur, se 25 jour d'Aut l'an de Grase
1609. A Paris chez Jérémie Perler, livrère es petis degrez
du Palses, 1609, avec privileje du Roi, pet. in-8.
Parmi les pièces de vers en tête de cet ancien traité d'orthogra-
phe, où sont indiquées la plupart des modifications adoptées par
l'auteur, on lit ce quatrain :
Vantez tant que voudrez de Ronsard les éqris.
De Ramus, Péletier, Baif, Robert Etiene,
Leurs réformassions d'ortografe ansiene,
Poisson en a l'onneur, le profit et le pris.
Apointons noise.
Plusieurs des changements qu'il indique ont été adoptés plus
tard : telle est la suppression des s, des dy desp, etc. L'introduc-
tion qu'il propose du t surmonté d'un accent * pour indiquer la
suppression de Ts, comme dans basions dut être sans objet, puis-
que cet s est maintenant supprimé. Le seul signe nouveau qu'il
introduit est un ch peu gracieux (nous le représentons par ^ ),
pour distinguer la prononciation du ch dans cher, qu'il écrit
c^er, de écho , t^ose de chœur.
Au-dessous de chaque lettre de l'alphabet, il indique dans un
quatrain sa valeur et l'emploi qu'il en fait, justifié, à la suite de
chacun d'eux, par une longue liste d'exemples. Voici quelques-
uns de ces quatrains :
14
210
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - POISSON.
Bé
Bé qi vaut le béta des Grez, et beth ebrieuze,
Je ne poze en tez mos qe sont les ensuivaus.
Devoir, fève, février, car superstisieuze
I seroit comme à Ixvre, livrere & ovians (1).
Ché, nouvelle inventée set propre et nésésére
Pour fére (^er, (^oisir, (parité, cJjidie, cJjois^
Car ch a un son totalement contrére.
Preuve : écho, cheur, et chorde, écholier, échosois.
Dé
Dé jamés ne se doit prononser ni écrire
En ses mos : avocat, ajourner, ni avis.
Avouer, avenu : car leur son il empire,
Mes admettre, admirable, avec lui bien écris.
Fé
Fé vaut la fi, des Grez, et bien ne se peut prendre
Pour les ph, ainsi comme font les Latins,
Et des nôtres seus là, qi deus se veulent rendre
Les vrez imitateurs, se faizant mal aprins.
Si bien etoient écris ainsi philozopàie ,
Phosion, nimphe, phlegme, et phare, et phrijien.
Aussi bien le seroient phransoiSj philh'e, pholie,
Qe jamés ou ne vit écris par se moien.
Hé
Hé pour lettre set isi non aspirassion
& ou n'en sel bezoin jamés je ne l'apliqe,
Jécri 'ommaje, "onneur, 'omme, en sete façon,
Non homme, non honneur, comme on fet à l'antiqe.
(1) Dans ces trois mots, en latin labra , Ubrarius et obviare, l'auteur pronon-
çait donc le b comme v (comme le p en grec). Nous ne prononçons plus livraire,
mais libraire , quoique nous écrivions et que nous prononcions livre ; nous ne
prononçons plus ovier, mais obvier.
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. —POISSON. 211
Apres l, je la mes pour bien écrire filh'e,
PiWard^ perilh'eus : qï u'auroient autrement
Qe le propre sou q'a rzVe, îndosile, abile.
D'autant que la double // ni fet le beg'emeut.
Ka, Qé ou Gu
Ké œt réprézenté desous triple figure
Q'on prenoit si devant pour trois lettres formai (5/c),
Car elles n'ont q'un son, q'un ton, q'une mezure,
Leur pourtret seulement se rencontre in- égal.
Mes pour ofenser moins la vieille uzaje mœme
Et ne poin égarer les lizeurs mal instruis,
Par sete kéy jécri keur, kalendrier^ karseme,
Ainsi contre^ couleur : ainsi qiqonqe et qis.
Lé ou el
Lé ou el, je n'i mes jamés superfliiment
Côme en ses mos suivans : siens {deux), mîeus^ fourmile^ vile^
Poudre^ outre^ moudre, veut, peut, et pareillemët
Pélétier, apelant; la double œt inutile.
Mé ou em
Mé ou em, nous trouvons œtre mieus jéminëe
En ses mos : Romme, somme, 'omme, pommier^ sommier,
Car la prolassion en aet mieus ordonnée,
Nous écrivons à tard {sic) : 'orne, some, pomier.
Selon lui, Vn et le p ne doivent pas être doublés dans certains
mots, comme dans aviéne , miéne, tiéne; et dans apointer,
apelant, apurant; selon lui aussi on doit écrire rétorique, réteur.
Se ou es
Se ou es ne si met jamés isi pour zedde
Comme en ses mos : dézert, dezir, maizon, raizm,
Tout de mœme la ké (le c) jamés ne lui fet edde,
Comme en seus-si : Fransois, léson, ranson, fason.
212 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - E. SIMON.
Té
Té ne si voit jamés pour le son de se fére,
Comme à devotieus, gratieus, otieus,
Pronontiation, pétition : me tére,
D'ortografe si fause, en se lieu je ne peus.
Pierre le Gaygnard. V Apprenmolire français^ 'pour appren-
dre les ieunes enfans et les estrangers a lire en peu de
temps les mots des escritures françoizes^ avec la vraye or-
tographe françoize. Paris, Jean Berjon, 1609, in-8.
L'auteur réforme à sa manière l'orthographe sans introduire de
nouveaux signes. Son ouvrage, écrit de la façon la plus confuse et
d'un style boursouflé et pédantesque, se refuse à toute analyse.
Etienne Simon, docteur-médecin. La vraye et ancienne or-
thographe françoise restaurée. Tellement que désormais
Von aprandra parfetement à lire et à escrire et encor auec
tant de facilité et breueté que ce sera en moins de mois que
l'on nefaisoit d' années. Vaiis^ Jean Gesselin, 1609, in-4 de
14 ff., 680 pp. et7ff. de table.
Simon est un réformateur hardi ; mais, voulant éviter de créer
de nouveaux signes ou d'employer les accents déjà connus de son
temps, il s'est jeté, pour figurer la prononciation, dans une voie
plus mauvaise qu'aucun de ses devanciers; il redouble les voyelles
et les consonnes de la façon la plus fastidieuse, sans parvenir à
distinguer la valeur phonique des syllabes.
Voici un exemple tiré des poésies de du Bartas :
Profane qi t'anqieers qeel important afeere
Peut Fesprit et lees meins de sse Dieu ssoliteere
Occupeer ssi long tans ? Qeel ssoussi l'eexerssa
Durant l'eeternite qi sse tout deuanssa ?
Veu q'à ssi grand puissansse, à ssi grande ssajeesse,
Rien ne ssied point ssi mal, q'une morne pareesse,
Ssache, o blasfeemateur, q'avant sseet univeers
Dieu baatissoeet anfeer, pour punir les peerueers
Dont le ssans orgeilheus an jugemant apeele
Pour ssanssureer sees fées la ssajeesse eetérneelle.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — GODARD. 213
Malgré les vices évidents d'un tel système, il faut reconnaître
une bonne inspiration dans la simplification du double signe qu
en ^, et dans la permutation du signe binaire ge en y.
* Claude Expilly, président au parlement de Grenoble. UOî-
tographe françoise selon la prononciation de notre langue.
Lyon, 1618, in-fol.
Malgré toute l'obligeance qu'ont mise dans leurs recherches
MM. les conservateurs de notre Bibliothèque ,impériale, de celle
de Sainte-Geneviève, de la Mazarine^ de l'Arsenal, de l'Institut de
France et autres grandes bibliothèques de Paris, il m'a été impos-
sible de me procurer cet ouvrage. J'ai eu recours alors à M. Mon-
falcon , conservateur de la bibliothèque de Lyon , espérant que
le livre imprimé en cette ville s'y trouvait ; les recherches ne se
sont pas bornées à la bibliothèque de Lyon'^ et se sont étendues
à deux autres grandes bibliothèques, mais inutilement. Ge livre
in-folio d'un savant distingué, et que M. Brunet déclarait être de-
venu rare, serait-il devenu introuvable?
Jean Godard. U H françoise. Lyon, 1618, in-12 (et aussi à la
fm de sa Nouvelle Muse, Lyon, Cl. Morillon, 1618, pet.
in-8) . — La Langue françoise de lean Godard Parisien :
ci-devant lieutenant General au Bailliage de Ribemont,
Lyon, Nicolas Jvllieron, 16^0, in-8,
Jean Godard, à la fois érudit et d'un esprit enjoué, dédie à
du Vair, garde des sceaux de France, un traité de la langue fran-
çaise plus particulièrement consacré à Torthographe et qui con-
tient des détails instructifs. Sans qu'on puisse le déclarer novateur,
puisque alors une grande liberté orthographique était admise,
on jugera de celle qu'il adopte dans son livre et de l'esprit dans
lequel il est écrit. Je me bornerai à reproduire le chap. VI, con-
sacré à l'A, p. 61, et le ch. IX, p. 91, consacré à l'F françoise. Mais,
comme entrée en matière, voici ce qu'il dit au chapitre de PS :
c( Ge ne m'êt pas vn petit contentemàt que Pollio ail bien dai-
gné faire en la langue latine deuant moi, ce que ie fais en la
langue françoise après luy, ecriuant des traitez sur nos lettres^
214 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - GODARD.
comme il fit sur les lettres latines. Mais ancore mon contante-
mant redouble quand ie viens à considérer que Messala, grand
au barreau, grand à la guerre, homme de langue et de main,
avocat et capitaine, se contanta bien de laisser par écrit (1) vn
liure de TS latine sans toucher aux autres lettres. Car il samble
par là que c'êt vne jantille et généreuse (2) antreprise, de traiter la
plus grande part de nos lettres, puisque vn si grand personnage a
creu qu'vne seule lettre peut seruir de carriere^à un bel esprit,
pour y faire sa course, et pour amporter la bague que les Muses
donnent à leur cavalier, qui court le mieux dans leurs lices. Mais
celte ioye et suyuie de la tristesse que j'ay de ce que nous
n'auons pas ces deux ouurages de ces deux gras Romains. le
n'aurois point de peur de m'egarer, ie ne crandrois ni vàt ni
vague, si ie les voyois marcher deuant moi ou tenir derrière moi
le timon desus la poupe. N'estoit que nos Muses francoises ché-
rissent leurs bonnes seurs, ie les accuserois volontiers de negli-
jance, et d'auoir permis au Tans par leur mausoin d'anlever de
leur cabinet deux loyaux si précieux et deux pièces si belles,
îl ne nous reste de leur nom que la seule souuenance, et du de-
sir de les voir que le regret de leur perte. »
/.'A français.
« Nous auons assez demeuré deuant le logis ; |il ôt bien tans
que nous antrions dans la maison, où nôtre langue frangoise
nous attand de pié ferme. Voici l'vn de ses jans qu'elle anuoye
au deuant de nous. Cet son A qui nous ouure la porte, et qui
vient pour nous receuoir. Car c'ê\ hiy qui a la charge d'accueil-
lir les amis et les étrangers qui veulent venir visiter sa mai-
tresse. Saluons-le : mais plutôt écoutons comme il nous salue
luy même d'vne voix claire, argentine, éclatante. Cet le capitaine
de tous les caractères de la langue Françoise, et certes meritoire-
màt. D'autant qu'il tient cette charge plus par mérite que par
faneur, passant en grâce de beauté et en vigueur de force natu-
relle tous les autres caractères , qui sont assez honnorez de
suyure son etandard. Car autant que les voyelles passent les
(1) Dans beaucoup de mots, Godard a devancé son époque, où l'on conservait
cette forme : escript.
(2) Puisqu'il écrit j an lilîe, jans, neglijance, il aurait dû remplacer partout le
g doux par j.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - GODARD. 215
consonnes, l'A passe autant ies voyelles : à cause que sa pronon-
tiation et plus mâle, plus franche, plus haute, et plus aiguë, que
celle de toutes les autres voyelles. Il veut son passage libre et
que la bouche luy fasse place à leures ouuertes, quand il luy plait
de sortir. Il et fort , il et valeureux , il et bruyant. Cet luy qui
fait nos chamades, nos chariuaris, nos tintamarres. Comme prince
et capitaine il a de la majesté sur les siens, et de l'espouuante sur
les autres. Anciennement, à cause de cela, quand il faisoit sa de-
meurance en Grèce, il etoit fort chéri et fort honnoré des Lace-
demoniens, les plus guerriers de tous les Grecz. Car il batoit leurs
annemis par l'oreille de la seule pronontiation de leur nom, qu'il
armoit et randoit epouuantable , par la pointe de son seul son.
G'êtoit sur cet estoc que brilloit l'émeri des Antalcidas, des Brasi-
das, des Isadas. Mais ce sont plutôt effetz de valeur que d'affection
de carnage. Car au reste il et plein d'vne grande courtoisie et d^vne
grande bonté. On ne doute point que ce ne fût luy qui sauuoit les
criminelz à Rome plus souuant que les vestales. Aussi ces panures
criminelz cherissoient et benissoient autant cette lettre-là, qu'ilz
redouloient et detestoient le C, lettre de condamnation, de malheur
et de malle heure. La langue françoise, reconnoissant son mérite
ancore mieux que la gréque et la latine, l'amploye en beaucoup de
charges. Car outre ce qu'elle l'a fait la première de ses lettres, elle
l'a fait ancore article, verbe, et préposition. Premieremant, di-ie,
il et article, voire article si gênerai, qu'il a lieu au singulier et
au pluriel, et autant au genre féminin qu'au masculin. Car nous
disonsi il et à Pierre^ il et à Perrette. J'en ai parlé à quelques-
vns; j'en ai parlé à quelques-vnes. Mais il ne sert pas seulemant
en cette façon-là d'article à nôtre langue, pour ses noms, pro-
noms et participes; il sert ancore d'article à l'infinitif de nos ver-
bes, etprand lors le lieu et la signification de l'article de : comme
en ces examples, ie commence à lire, ie commance à comprandre,
c'êt à dire, ie commance de lire^ ie commance de comprandre. Ainsi
nous disons, Nicolas tâche à paruenir^ c'êt à dire, de paruenir.
Il et préposition et tient en nôtre langue la place de la préposi-
tion latine ad^ en plusieurs façons de parler comme aux suyuan-
tes : Le roi a enuoijé des ambassadeurs à Vampereur, Rex misit
Jegatos ad imperatorem. Ad quem finem, à quelle fin. Je retourne
à mon propos^ ad propositum redeo. Aucune fois il tient le lieu
de la préposition latine in, comme ici : Manet in nostris aedibus,
il demeure à nôtre maison» Je ne veux pas nier qu'on ne puisse pas
216 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - GODARD.
bien dire aussi : il demeure en nostre maison. Mais neamraoins la
première façon de parler me samble plus nayue et plus douce,
comme il se pourra peut-être montrer en vn autre androit. Mais
outre cela il se prand aussi quelquefois pour cette dictiô fran-
çoise pour. Car quand nous disons, à dire vrai, à prandre l'af-
faire de bon biais, c'êt à dire, powr dire vrai, pour prandre l'af-
faire de bon biais. Nous le mettons ancore bien souuant au lieu
de la préposition auec, comme quand nous disons : c'ét un fruit
qu'il faut cueillir à la main, on le court à toute force , c'ôt à dire,
cueillir aueclamain, on le. court auec toute force. Sa dernière si-
gnification, c'êt qu'il et verbe comme j'ai dit. Car il signifie cette
troisième personne habet, comme en cet example : Pierre a le
Hure que vous cherchez. Mais au reste il suit la première personne
au singulier, et la troisième personne au pluriel du prétérit indé-
fini de nos verbes, que nous pouuons appeller aoriste, à la façon
des Grecz, empruntant ce terme-là d'eux. Je parle des verbes
qui font leur infinitif en er\ car il faut dire, faimé, tu aimas, il
aima, nous aimâmes, vous aimâtes, Hz aimèrent, et non pas,
faima, Hz aimarêt. Neammoins qui voudra pourra bien aussi, ce
me samble, écrire, j'aimai. Quant à ces autres voix, nous aimis-
sions, vous aimissiez, qui sont du même verbe, c'êt ainsi qu'il
faut dire, à mon auis, plutôt que, aimassions, aimassiés {\), qui au
hasard pourroient être tolerables. Toutefois ne lescondannàtpas,
ie ne veux pas aussi les absoudre. »
Z'F françoise.
(( Voici lapauure déualisée, qui se plaind, et qui a iuste cause de
se plaindre du tort qu'on luy fait, de lui ôter ce qui luy appartient.
Mais ce qui la fâche ancore dauantage, c'ôt que ce tort là, qu'on
luy fait, viètd'un autre tort précédant, qu'elle souffre auec impa-
tiance, pource que il touche à sa réputation. Et tout ce mal luy vièt,
à cause qu'on lui impute la faute d'autruy, ayàt été condamnée sans
être ouye. Mais le bon droit de sa cause luy conseille d'être appel-
lante de la sentance que l'vsage a randue contre elle et de releuer
son appel au siège de la Raison, où sans doute les griefs que luy
(1) Cette observation ne manque pas de justesse. Quoi de plus fâcheux que
l'existence de ces imparfaits du subjonctif en assions, assiez, que nos grammai-
riens nous enjoignent d'employer, et dont personne n'ose se servir, ni dans le dis-
cours, ni dans les livres, afin de ne pas blesser les oreilles délicates.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — GODARD. 217
fait l'vsage luy doiuent être reparez. Cet un tort manifeste qu'on
luy fait de lapriuer de ses droitz, et de luy ôterce qui luy appar-
tient, sous couleur qu'on luy veut faire accroire qu'elle n'êt pas
capable d'en iouyr, la chassant de chez elle, et mettant des étran-
gers en sa maison. Car à toute heure l'vsage la chasse de sa place,
et met un P et vue H en son lieu^ par toutes les dictions gréques,
desquelles nous nous seruons. C'êt un abus en nôtre langue, qui
proviêt de l'example et de l'imitation des Latins, qui en ce voyage-
là nous seruent de mauuais guides , et nous détournent du grand
chemin. Quelque artifice que la langue latine puisse auoir iamais
eu par l'industrie de ses orateurs et bien disans , si ôt-ce pourtant
que la nôtre en cet androit la passe beaucoup par sa douceur na-
turelle. Car les Romains n'ont iamais eu, comme nous auons, au-
cune lettre qui ait peu exprimer seule la nayueté et la douceur
du * des Grecz. Cette difficulté là les a long tans tenus en peine
de chercher le moyen d'y paruenir. Mais ilz n'en sont iamais ve-
nus à bout. Car ce seroit bien se tromper, de croire que l'F latine
ait le son du O. Si cela eût été, les Romains n'eussent pas manqué
d'amployer et de mettre en besogne leur F, laquelle et de son na-
turel si rude et si âpre, qu'il n'y a point de lettre qui le puisse
être dauantage. Quintilians'en plaind bien fort (1) : d'autant que
ce n'êt pas vue voix, mais plutôt vn sifflemant qu'on pousse et met
dehors à trauers les dantz, que les Romains tenoient serrées en
faisant ce soulflemant ou ce sifflemant, comme des serpans ou des
oyes. Voilà pourquoi, a mon auis, Ciceron dit que c'êt vue lettre
fort déplaisante. Cette F romaine, dont le son et si désagréable et
si sifflant, étant toute éloignée de la douce voix du <[>, et n'ayant
rien de commun ni de samblable auec luy, n'a iamais osé se pre-
santer pour le represanter. Les anciens Latins voyant cela, et
qu'il n'y auoit aucune correspondance de l'vne à l'autre, ne peu-
rent trouuer aucune lettre chez eux, plus approchante du <I> que
leur P : occasion qu'ilz l'amployerent au commancemanf; au lieu
(1) Quintilien, après avoir regretté l'absence en latin des lettres grecques cp et
u, s'exprime ainsi : « Quae si nostris literis (/et u) scribantur, surdum quiddam et
barbarum efficient, et velut in locum earum succèdent tristes et horridœ quibus
Graecia caret. Nam et illa quae est sexta nostratium (/) pœne non bumana voce,
vel omnino non voce potius, inter discrimina dentium efflanda est ; quae etiam
cum vocalem proxima accipit , quassa quodammodo, utique quoties aliquam
consonantem frangit, ut in hoc ipso frangit, multo fit borridior. » {Tnst. orat.,
XII, 10, 28, 29.)
218 LA. RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ~ GODARD.
dv *, et disoient, tropœum, iriompus. Mais il et vrai que c'etoit
cette lettre latine qui approchoit le plus du O : néanmoins elle
en êtoit toûiours si loing qu'elle ne pouuoit pas l'approcher. Gela
fut cause que, l'oreille s'offansant d'une telle pronontiation , qui
n'auoit aucune iuste proportion ni conuenanceauec la gréque, les
Romains furent contraintz d'ajouter une H à leur P, pour repre-
santer parce moyen, le mieux qu'ilz pouuoient, la force et la
pronontiation du <I>; ce que Ciceron fut luy-même forcé de faire,
comme les autres, se laissant amporter à Tvsage, qui êtoit ap-
puyé sur la douceur de la pronontiation et sur le iugemant de
l'oreille. Nôtre vulgaire suyuàt cette façon romaine s'êt four-
uoyé, prenant vn long détour, au lieu du grand chemin plus
court et plus assuré. Car puisque nôtre F et toute douce, qu'elle a
le son du <i> des Grecz, et rien de Vâpreté de l'F latine, nous deuons
nous en seruir aux mots grecz, et non pas du P et de l'H, à
l'example des Romains, duquel nous n'auons que faire. On ne
doit iamais mandier d'autruy ce qu'on a dans la maison. C'êt
manque de iugemant ou pure moquerie aux sains de chercher
guerison et aux riches d^'amprunter. Quant à moi, c'êt bien mon
auis que l'F françoise soit réintégrée dans tous les lieux et dans
toutes les places gréques desquelles le P et TH l'ont chassée par
voye de fait, sous la faueur de l'vsage, qui, pour ce faire, leur a
prêté main forte. Ce sera chose plus gratieuse que nôtre orto-
grafe soit françoise; il nous sera plus commode d'écrire vne
lettre que deux ; et sera plus raisonnable de randre à nôtre P ce
qui luy appartient. Voila pourquoy nous la deuons remettre et
rétablir en ses droitz, puisque la bienséance le requiert, la com-
modité le persuade et la raison l'ordonne. le croi qu'ainsi le pro-
nonceroit l'équité, même par la bouche des peuples les plus
étrangers. Car qui a l'eil capable de iuger du blanc et du noir, il
a l'esprit capable de prandre connoissance et de iuger du tort
qu'on fait à nôtre F, tant il et manifeste et palpable. A plus forte*
raison doit-elle obtenir sa reintegrande, par le iugemant de la
France, puisque la raison y et, et puisque la France et si obligée
à cette F-ci, qu'antre toutes les lettres qui luy ont donné un
nom si glorieux, c'êt sa principale marraine. Sa douce nayueté,
qu'elle prête à l'F latine, lorsque nous prononçons le latin, en
adoucit beaucoup ce langage-là, qui n'a pas de luy-même vne
pronontiation si douce, pour le regard de cette lettre-ci, ni en
tout et par tout Vne voix si douce que le nôtre, pour le regard
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — CH. SOREL. 219
du gênerai. G et bien vne maunaise fortune à nôtre F, qu'elle
adoucit celle des Latins, et cepandant son malheur vient de l'F
latine : tandis qu'on pratique en la nôtre iniustemant, ce qui ôt
raisonnable en Fautre, et tandis que la nôtre luy tandant du bien
auec la main droite, l'autre luy rand du uial avec la main gauche.
Mais au moins la pauurette a cette consolation en son infortune,
que FF latine, qui et cause qu'à tous cous elle et mise hors de sa
maison, et elle-même à toute heure bannie de son pays. Car son
apreté la rand si odieuse à ceux de sa langue même, aussi bien
qu'aux autres peuples, qu'ilz la chassent et bannissent à tout pro-
pos. Caries Romains les premiers, annuyez de sa dureté farouche,
l'ont chassée de plusieurs motz, comme de ceux-ci fordeum. et
fœdus; car au bout d'un tans ilz aimèrent mieux dire, hordœum et
hœdus. Autant en ont fait les Espagnols et les Gascons, qui presque
en toutes les dictions qu'ilz tiennent des Latins ont chassé FF de-
hors, et mis FH en son lieu, comme fait aussi quelquefois la langue
françoise, même en ce mot hors, qui vient de foris ; étant iugé par
la voix commune de tous les peuples, que Faspiration et beaucoup
plus douce que FF latine. Mais ayant fait elle seule toute la faute,
elle fait pourtant souffrir à la nôtre grand'part de sa punition. »
Charles Sorel, auteur de la Bibliothèque françoise, semble
s'être prononcé pour la réforme dans le passage suivant du
livré V de V Histoire comique de Francion, Paris, 1622,
in-8.
La scène se passe chez un libraire de la rue Saint-Jacques, où
se réunissent quelques poètes du temps pour lire leurs vers et
discuter sur les principes de la langue poétique.
« Ils vinrent à dire beaucoup de mots anciens, qui leur sem-
bloient fort bons et très-utiles en notre langue, et dont ils n'osoient
pourtant se servir, parce que l'un d'entre eux, qui étoit leur cory-
phée (Malherbe), en avoit défendu l'usage. Tout de même en di-
soient-ils beaucoup de choses louables, nous renvoyant encore
ce maître ignare dont ils prenoient aussi les œuvres à garant,
lorsqu'ils vouloient autoriser quelqu'une de leurs fantaisies. Enfin
il y en eut un plus hardi que tous, qui conclut qu'il falloit mettre
en règne, tous ensemble, des mots anciensqueFon renouvelleroit,
ou d'autres que Fon inventeroit, selon que l'on connoîtroit qu'ils se-
220 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - CH. SOREL.
roient nécessaires; et puis, qu'il falloit aussi retrancher de notre
orthographe les lettres superflues, et en mettre en quelques lieux
de certaines mieux convenantes que celles dont on seservoit; car,
disoit-il, sur ce point, il est certain que Ton a parlé avant que de
sçavoir écrire, et que, par conséquent, l'on a formé son écriture
sur sa parole, et cherché des lettres qui, liées ensemble, eussent le
son des mots. Il m'est donc avis que nous devrions faire ainsi, et
n'en point mettre d'inutiles; car à quel sujet le laisons-nous? Me
direz-vous que c'est à cause que la plupart de nos mots viennent
du latin? Je vous répondrai que c'est là une occasion de ne le sui-
vre pas : il faut montrer la richesse de notre langue et qu'elle n'a
rien d'étranger. Si Ton vous faisoit des gants qui eussent six doigts,
vous ne les porteriez qu'avec peine et cela vous sembleroit ridi-
cule. Il faudroit que la nature vous fît à la main un doigt nouveau
ou que l'ouvrier ôtât le fourreau inutile; regardez si l'on ne fe-
roit pas ce qui est le plus aisé. Aussi, parce qu'il n'est pas si
facile de prononcer de telle sorte les mots que toutes leurs lettres
servent, que d'ôter ces mêmes lettres inutiles, il est expédient de
les retrancher. En pas une langue vous ne voyez de semblable
licence, et, quand il y en auroit, les mauvais exemples ne doivent
pas être suivis plus que la raison. Considérez que la langue latine
même, dont, à la vérité, la plupart de la nôtre a tiré son origine,
n'a pas une lettre qui ne lui serve. »
De r Orthographe françoise^ à la fin de l'ouvrage intitulé : Le
Grand Dictionnaire des rimes françoises selon l'ordre al-
phabétique (dissertation attribuée à Pierre de la Noue, Ange-
vin). Genève, Matthieu Berjon, 1623;, pet. in-8.
L'auteur est un néographe modéré. « le sçay, dit-il, qu'il sem-
blera à beaucoup trop audacieuse entreprise de blasmer ce que
la plus part trouuent bon. » Il n'a pas l'intention de condamner
purement et simplement notre orthographe , mais de « l'étaler à
la vue » en en notant les défauts, de façon que chacun en soit
juge. Il ne doute pas que, si l'on se décidait à une réforme aussitôt
qu'on aurait reconnu le besoin que notre écriture en a, en peu
de temps nous écririons « plus proprement et plus brièvement».
Ce serait au grand bénéfice de nos voisins, qui, apprenant notre
langue artificiellement, la parleraient comme nous la parlons et
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — A. OUDIN. 221
non comme nous l'écrivons. En effet, bien que notre commerce
leur fasse corriger beaucoup de mots, il leur en reste tant de
vicieux qu'il semble souvent qu'ils parlent un autre langage, bien
qu'ils aient appris ce que nous leur enseignons. Il ne faudrait pas
dire qu'un tel inconvénient résulte d'une mauvaise prononciation
locale, (( car Tescriture est une image de la parole, comme la
peinture des corps visibles. Or est-il que celuy qui a bonne veuë
voyant un asne peint en un tableau seroit bien asne luy mesme
s'il le prenoit pour un cheual : aussi ceux qui donnent aux lettres
la mesme vertu que nous leur attribuons en nostre alphabeth
(chose qui tient semblable rang pour Tintelligence de ce qui
est escrit, que fait la veuë pour les pourtraits), s'ils lisoyent un
mot pour l'autre, ils seroyent à bon droit reprehensibles : mais
si nous mesmes leur escrivons ou par manière de dire leur pei-
gnons un asne pour leur faire accroire après que c'est un cheual,
ie ne sçay comment nous pouuons excuser nostre ,tort. »
Antoine Oudin, secrétaire interprète du roi. Grammaire fran-
çoise, rapportée au langage du temps, Paris, 16.*:{3, in-12;
nouvelle édition, revue et augmentée. Douay, veuve Marc
Wion, 1648, in-12, de 4 ff. prélimin. et 288 pag.
Oudin, qui suit l'orthographe de Robert Estienne dans ses dic-
tionnaires, est un adversaire déclaré de la réforme phonogra-
phique. Voici l'avis à ce sujet qu'il a placé à la fin de sa Gram-
maire :
(( le m'estonne de quelques modernes qui, sans aucune consi-
dération, se sont meslez de reformer, mais plustost de renuerser
nostre orthographe ; et, bien que leurs escrits, dignes d'admira-
tion, tesmoignent vn grand iugement, ce défaut, qui en rabbat
une bonne partie, nous descouure de la présomption ou de la
broùillerie.
« le ne m'attache pas à vn" seul : Il y en a trop qui pèchent
maintenant en cela. Mais je rougis pour des pédants, qui, sortis
des frontières où le parler n'a point de raison establie, nous don-
nent à connoistre qu'ils sont plus habiles en latin qu'en leur propre
langue.
« Qui sera-ce d'entre-eux qui, bannissant les lettres radicales,
vray fondement de l'origine de nos dictions, nous tirera des con-
222 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - A. OUDIN.
fusions où nous ietle leur impertinente façon d'escrire qu'ils
accommodent à la prononciation? Comment discernera-on an
(annus) d'auec en (in), préposition ; amande [amigdala) et amende
(muleta); accord {eontractus) et accort (prudens); ambler, aller à
l'amble {tollutim incedere), eiembler {furari); autel (altare) et hos-
tel (domicilium)\ aulx, pluriel d'ail (alliim), et os [ossa). —Balet
(genus choreœ) et balay {scopx).—'Chaisne (catena) et chesne [quer-
cus) ; cents [centum) et sens (sensus); clerc [clericusyei clair (clams)',
chœur [chorus) et cœur {cor)\ comte (cornes)^ compte (computatio)
et conte {narratio) ; ceps (compedes) , seps (vîtes),
c( Fraiz [sumptus), frais {recens) 'y lacer (ligare), lasser (fati-
garé) ; lys {lilium) et licts (lecli) ; meurs (maturi) et mœurs (mores)';
nœud (nodus) et neuf (nouus ou nouem) ; or [aurum) et ord [sordi-
dus) ; quoy (quid) et coy [quietus] ; rets (retia)^ rais (radius) , rez
(rasus),
a Seur (securus), sœur (soror) et sur (super) ; six [sex) et sis (ia-
cens); souris (mus) et sousris (subrisus). Teint (color vultus) et thim
(thymus). Vœu (votum), veu du verbe voir (visus),
« Et vue infinité d'autres, qui, s'escriuans d'vne mesme sorte,
nous embroùilleroient estrangement.
a 11 est bien vray que les habiles qui sont ennemis des nouueaulez
et de telles ignorances, escriuent indifféremment plusieurs paroles
françoises, comme connoistre et cognoisti^e, prou/it et profit, sous-
crire et soubscrirCf debuoir et deuoir. Encore voudrois le qu'on
obseruast en ces derniers vne différence, car deuoir sans b se rap-
porte à officium et l'autre à debere ; distiller et distiler, porreaux
et pourreaux, etc.
« D'auantage on retrenchô maintenant beaucoup de lettres qu'on
escriuoit autresfois sans aucune raison, comme le b de prestre, le
g d'un, et plusieurs autres que la mémoire ne me peut fournir à
cette heure. Ne vous arrestez donc pas aux nouuelles escritures :
car ie vous asseure que les plus renommez du temps n'ont point
d'autre opinion que celle que ie vous mets ici. »
Il est à croire, dans l'ordre d'idées, saines sous plusieurs rap-
ports, où se place le docte interprète du roi pour l'italien et l'es-
pagnol, que l'orthographe devait être tout aussi difficile à ap-
prendre par sa méthode et dans ses grammaires qu'elle l'est de
nos jours dans les nôtres.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - CHIFLET. 223
* Le P. Antoine Dobert, Dauphinois, religieux miniiiie. lié-
créations littérales et mystérieuses^ où sont curieitsement
estalez les principes et V importance de la nouvelle ortho-
graphe^ avec un acheminement à la connoissance de la
poésie et des anagrammes. Lyon, de Masso, 16S0, in-8.
Je n'ai pas pu voir cet ouvrage. L'abbé Goujet déclare qu'il ne
connaît rien de plus ridicule et de plus burlesque.
Du Tertre. Méthode universelle pour apprandre facilemant
les langues^ pour parler puremant et escrire nettemant en
françois, recueillie par le S. Du Tertre. Paris, lean lost,
16S1 et 1652, in-12.
Ouvrage sans valeur, sans intérêt, et qui dénote, de la part de
son auteur, une complète ignorance des données de son sujet.
Le P. Laur. Ghiflet. Essay d'une parfaite grammaire de
la langue françoise : où le lecteur trouvera en bel ordre
tout ce qui est de plus nécessaire^ de plus curieux et déplus
élégant en la pureté^ en H orthographe et en la prononcia-
tion de cette langue {première édition). Anvers, 1659, in-
12 ; Paris, Maugé, 1668, in-12; sixième édition^ Cologne,
chez Pierre le Grand, 1680, in-.12 de 4 ff. prél., 295 pp.
plus 3 ff. de table ; réimprimée sous le titre de Nouvelle et
parfaite Grammaire, etc. Paris, 1680 , et Jean Pohier,
1687, in-12 de 8 ff. prél. et 295 pp. ; ibid., 1722, in-12.
L'ouvrage du savant jésuite a dû jouir d'une grande célébrité,
si l'on doit en juger par les nombreuses éditions qu'on en a faites
depuis 1659 jusqu'en 1722. C'est pourquoi il n'est pas étonnant
de retrouver en partie l'application des principes de ce grammai-
rien, en fait d'orthographe, dans la première édition du diction-
naire de l'Académie. Cette conformité d'opinions ne se rencontre
cependant que dans les questions où Ghiffletne fait qu'enregistrer
les règles consacrées par l'usage.
Ghifflet cependant est loin dans ses principes d'être conserva-
224 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - CHIFLEÏ.
teur absolu. Ennemi de Tinnovation en matière de prononciation,
il professe, d'un autre côté, que c'est cette dernière qui doit
régler récriture, sans qu'on doive trop se soucier des questions
purement étymologiques.
11 est à regretter que l'Académie, dans son premier travail
lexicographique, n'ait pas suivi de plus près les propositions de
Chifflet ; les changements apportés dans les éditions suivantes du
dictionnaire en ont montré la justesse.
Je vais exposer rapidement celles de ses règles qui n'ont pas
été admises dans la première édition du dictionnaire de l'Acadé-
mie et celles où ce grammairien peut être considéré comme
novateur, même aujourd'hui.
« En écrivant, dit-il (p. 257), certains mots françois, qui
naissent des langues étrangères, l'hébraïque, la grecque et la
latine, et où le cha, cho, chu se prononcent comme ka^ ko, ku, il
est meilleur de n'y point mettre d'h, comme : arcange, escole,
colère, Baccus, ecô, caractère, pascal, cicorée, estomac. Excepté
chœur, que l'on est contraint d'écrire avec un h pour le distinguer
decœwr. »
« Aux noms terminez en ect^ le c ne se prononce pas, comme
ejfect, respect, etc. Lisez, et, pour mieux faire, écrivez aussi
effetf respet, suspet, etc. Ecrivez aussi saint, instint, distint,
défaut {^. 239). »
(( N'écrivez pas subjection, ny sujettion, mais sujétion, comme
il se prononce. Et généralement où le c ne se prononce pas
devant le t, les sçavans, pour la plupart, ne récrivent plus
(p. 258). »
« On écrit mieux soumettre, que soub)netire ou sousmettre (1).
L'on dit et l'on écrit maintenant omettre et omission, et non pas
obmettre (2), ny obmission (3). Cette 'mauvaise prononciation de
quelques-uns estoit venue de l'ignorance de ceux qui n'enten-
doient pas Fétymologie latine de ce mot, qui vient du verbe
omitto, où la première syllabe est briève et non pas obmitto qui
ne fut jamais latin. Mais les sçavans ayant tenu bon, cet obmettre
a perdu son crédit (p. 256). »
c< Voicy les mots où le d ne se prononce pas et les plus sçavans
ne l'y écrivent plus : ajourner, ajournement , ajouter, ajuster,
(1, 2, 3) Orthographe adoptée dans la 1"= édition du Dictionnaire de l'Académie.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — CHIFLET. 225
amodier, avancer, avantage, avenir, aventurier, avertir, avis^
avouer, aveu, avocat, etc. Il faut dire et écrire amiral et non pas
admirai (p. 259). »
Pour les mots terminés en ent il est contraire à leur chan-
gement en ant, « car il y a, dit-il, grande différence entre les
ant ou ent briefs et les longs, comme entre parent et par an ou
parant de parer, entre contant son argent et content de son
argent. Et l'on voit pour cela que quelques grammairiens,
même des plus nouveaux, qui ont voulu reformer l'orthographe,
n'ont pas bien rencontré, en conseillant d'écrire tous ces ent par
un a, par exemple puremant et nettemant, comme ils Font pra-
tiqué eux-mêmes dans le titre de leurs grammaires. Que n'ont-
ils considéré que cela causeroit mille fausses prononciations,
puisque tous les ant, écrits par a, sont longs, sans aucune excep-
tion ? En un mot, leur zèle est bon, mais certes il est peu judi-
cieux, et il seroit à désirer que quelqu'un de ces messieurs de
l'Académie en prononçast un bel arrest, qui auroit, sans doute^
une grande authorité sur tous les gens d'esprit (p. 211). »
Je n'ai pas besoin d'insister sur Tinanité d'une objection qui,
fondée sur la quantité latine, n'est point applicable au français.
c( C'est maintenant, dit-il encore plus loin (p. 274), une bonne
coutume de plusieurs sçavans de ne point écrire Vs en beaucoup
de mots où elle ne se prononce pas. On n'écrit plus deuxiesme,
escrire, mais deuxième (1), écrire : mais, à" dire vray, tout cela
n'estant qu'un trop petit remède à la bizarrie (sic) qu'il y a en
nostre orthographe. Au sujet de Vs, s'il la faut prononcer ou non,
je ne vois autre moyen d'en faire une parfaite distinction, que
d'écrire une double s, au lieu d'une simple, quand elle se doit
prononcer devant les consones {sic). Par exemple : décrire une
seule s, puisqu'elle est muette, desêcription avec deux s pour
signiiier que Vs y doit estre prononcée. Ce seroit un remède
(1) Plus loin cependant il abandonne même cette dernière orthographe, et se
prononce pour U remplacement de Vx par le z. « Les mieux entendus n'écrivent
plus deuxième, sixième, dixième, mais comme il se prononce [ûc) deuziéme ^ si-
zïème, diziéme. » Il est à regretter qu'on n'ait pas adopté cette orthographe qui
aurait fait disparaître la bizarrerie dans l'écriture de ces quelques adjectifs ordi-
naux, comme deuxième, troisièmey douzième, dont la prononciation est iden-
tique malgré leur triple forme.
15
226 LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. - PORJ -ROYAL.
infaillible, mais je n'oserois commencer le premier un si grand
changement en nostre orthographe. »
La proposition du bon père ne devait pas être acceptée. On ne
revient jamais, heureusement, sur une amélioration accomplie.
Il dit qu'il est beaucoup de mots où le ti devrait plutôt s'écrire
ci, comme il se prononce. « Ce sont les mots qui naissent de
ceux qui se terminent en ce. Par exemple : de vice, vicieux, par
un c pliilost que par un t. » L'Académie a partagé à cet égard
Topinion du savant grammairien, sauf pour les mots essentiel j
pestilentiel, substantiel, qui attendent encore la réforme.
Enfin, en ce qui concerne les doubles lettres, il paraît favorable
au retranchement de la consonne muette pour rendre l'écriture
conforme à la prononciation, car il écrit flame, consofie, etc.
Cependant à cet égard il ne suit aucune règle fixe et les exemples
qu'on pourrait citée ne sont- que des exceptions.
Grammaire générale et raisonnée contenant les fondemens de
Fart de parler, expliqués d'une fnaniere claire et naturelle
(par MM. de Port-Royal). Paris, Pierre Petit, 1660, in-12;
Bruxelles, Fricx, 1676, pet. in-12.
Il serait à désirer, selon les savants auteurs :
c( 1° Que toute figure marquast quelque son, c'est à dire qu'on
n'écriuist rien qui ne se prononçast ;
« 2° Que tout son fust marqué par vne figure : c'est à dire qu'on
ne prononçast rien qui ne fust écrit ;
« 3° Que chaque figure ne marquast qu'vn son, ou simple ou
double. Car ce n'est pas contre la perfection de l'écriture qu'il y
ait des lettres doubles, puisqu'elles la facilitent en l'abrégeant;
« 4° Qu'vn mesme son ne fust pas marqué par de différentes
figures. »
Voir plus loin l'analyse de l'édition de 1756, annotée par Duclos.
Antoine Bodeau de Somaize. Le grand Dictionnaire des Pré-
lieuses, historique, poétique, géographique, cosmogra-
phique, chronologique et armoirique, où l'on verra leur
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. —LES PRÉCIEUSES. 227
antiquité^ costume, devise, etc, Paris, Jean Ribou, 1661,
2 vol. petit in-8.
M. Francis Wey, dans son ouvrage intitulé Remarques sur la lan-
gue française^ a épuisé toutes les formules de l'indignation contre
les «mutilations» que la « coterie» des Précieuses a lait éprouver
à l'orthographe traditionnelle. Je ne saurais, sans de nombreuses et
très -importantes restrictions, me ranger à son sentiment; le temps,
d'ailleurs, a donné raison aux Précieuses sur bien des points. Voici
ce qu'il dit à ce sujet (page 38 et suiv.) :
« Ce n'est pas ici le lieu de débattre la valeur littéraire de cette
coterie célèbre des Précieuses ; nous devons nous borner à con-
stater leur influence énorme sur l'orthographe, à raconter ce qu'el-
les firent, et comment les choses se sont passées. L'aventure est
narrée par Somaize (1). Les conséquences de l'incident qu'il rap-
porte ont été si extraordinaires, ^incident lui-même est si peu
connu, que nous le reproduirons en entier.
« L'on ne sçauroit parler de Tortographe des pretieuses sans
« rapporter son origine, et dire de quelle manière elles l'invente-
« rent, qui ce fut et qui les poussa à le faire. G'estoit au commen-
« cément que les pretieuses, p^r le droit que la, nouveauté a spr
« les Grecs (2), faisoient l'entretien de tous ceux d'Athènes (3), que
« l'on ne parloit que de la beauté de leur langage, que chacun en
c( disoit son sentiment et qu'il faloit nécessairement en dire du bien
« ou en dire du mal, ou ne point parler du tout, puisque Pon ne
« s'entretenoit plus d'autre chose dans toutes les compagnies. L'é-
« clat qu'elles faisoient en tous lieux les encourageoit toutes aux
« plus hardies entreprises, et celles dont je vais parler, voyant
« que chacune d'elles inventoient de jour en jour des mots nou-
« veaux et des phrases extraordinaires, voulurent aussi faire quel-
« que chose digne de les mettre en estime parmy leurs semblables,-
« et enfin, s'estant trouvées ensemble avec Glaristene (4), elles se
« mirent à dire qu'il faloit faire une nouvelle ortographe, afin que
« les femmes peussent écrire aussi asseurement et aussi corecte-
(1) M. Wey n'indique pas de quel ouvrage il lire la citation suivante, mais on
la trouve au mot Oktogkaphe du célèbre dictionnaire satirique devenu aujour-
d'hui si rare et si recherché des bibliophiles. Il a été réédité par M. Ch.-L. Livet
dans la Bibliothèque elzévirienne de M. P. Jannet.
(2) Les Français. — (3) De Paris* — (4) M. Le Clerc*
228 LA. RÉFORMR ORTHOGRAPHIQUE. — LES PRÉCIEUSES.
« ment que les hommes. Roxalie (1), qui fut celle qui trouva cette
(( invention , avoit à peine achevé de la proposer que Silenie (2)
« s'écria que la chose estoit faisable. Didamie (3) adjoûta que cela
c( estoit mesme facile, et que, pour peu que Glaristene leur voulut
« aider, elles en viendroient bien-tost à bout. Il estoit trop civil
(( pour ne pas repondre à leur prière en galand homme ; ainsi la
« question ne fut plus que de voir comment on se prendroit à
(( Texecution d'une si belle entreprise. Roxalie dit qu'il faloit faire
« en sorte que l'on pût écrire de mesme que l'on parloit, et, pour
« exécuter ce dessein, Didamie prit un livre , Glaristene prit une
(( plume, et Roxalie et Silenie se préparèrent à décider ce quMl
« faloit adjouster ou diminuer dans les mots pour en rendre l'u-
« sage plus facile et Tortographe plus commode. Toutes ces cho-
c( ses faites, voicy à peu près ce qui fut décidé entre ces quatre
« personnes : que l'on diminueroit tous les moU et que Von en os-
« teroii toutes les lettres super /lues. Je vous donne icy une partie de
(( ceux qu'elles corrigèrent, et, vous mettant celuy qui se dit et
a s'écrit communément dessus celuy qu'elles ont corrigé , il vous
a sera aisé d'en voir la différence et de connoistre leur ortographe :
teste
patenostre
esloigner
escrits
tête
patenôtre *
éloigner *
écrits *
prosne
dis-je
seureté
solemnité
prône * (4)
dî-je
seûrté
solennité *
autheur
pressentiment
resjouissances
estale
auteur *
présentiment
réjouissances *
étale *
hostel
esclairée
escloses
establir
hôtel *
éclairée *
êcloses *
établir *
raisonne
extraordinaire
s'esvertue
eschantillon
résonne ?
extraordinaire
s'évertue *
échantillon
supresme
efficace
flustes
l'aisné
suprême
éjicace
flûtes *
raîné *
meschant
respondre
tousjours
effarez
méchant *
répondre *
toujours
éfarez
troisiesme
extresme
goust
plust
troisième
extrême
goût*
plût*
deffunct
s'esleve
d'esclat
s'esriger
défunt *
s'élève
d'éclat *
s^ériger *
(1) Mme Le Roy. — (2) M^^ Saint-Maurice. — (3) Mi'p de la Durandière.
(4) Je marque d'un astérisque les mots dont l'usage et l'Académie ont complète-
ment ratifié la correction. Certaines simplifications, comme etitousiame, caté-
chîme , frédeur^ constatent une prononciation exceptionnelle alors , et restreinte
peut-être au cercle des Prélieuses. Elle n'a pas prévalu.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LES PRÉCIEUSES. 229
nostre
déferai
tantost
noces
notre *
thresors
tantôt *
faicts
mareschal
trésors
unziesme
faits •
maréchal *
entousiasme
unziéme
l'esté
des-ja
enfousiâme
menast
Vété*
dé'ja
huictiesme
menât *
dosrae
estrange
huictiéme
chasteau
dôme *
étrange *
escuelle
château *
opiniastreté
espanouir
écuelle *
laschement
opiniâtreté *
épanouir *
jeusner
lâchement *
qualité
aussi-tost
jûner
reconnoistre
calité
aussi-tôt
blesmir
reconnêtre
froideur
tesmoigner
blêmir
maistre
frédeur
témoigner *
effroy
maître *
vieux
esclaircissement
éfroy
tasche
vieu
éclaircissement *
empescbe
tâche *
effects
treize
empêche
caresme
éfets
tréze
aage
carême
desplust
esvaporez
âge*
despit
déplût •
évaporez
plaist
dépit *
coustume
sixiesme
plaît *
catéchisme
coutume
sixième
crespules
catechîme
fantosmes
desbauchez
crépules
descouvre
fantômes *
débauchez
coustoit
découvre *
avecque
taist
coûtoit
folastre
avêque
tait
mesler
folâtré *
indomptable
diadesme
mêler
advis
indontable
diadème
chaisne
avis •
attend
estoit
chaîne *
naistre
atten
étoit
mesconnoissante
naître *
sçait
masles
méconnoissanle
brusle
sait*
mâles *
paroi stre
brille *
aisles
adjouste
parêtre
doutast
ailes
adjoûte
eslargir
doutât *
aspre
lasches
élargir *
connoist
âpre *
lâches *
espoux
conait
vistres
esblouis
époux *
souffert
vitres
éblouis *
vostre
soûfert
triomphans
veu
vôtre *
gastoit
trionfans
vu
mesme
gâtait *
advocat
chrestien
même
vouste
avocat *
chrétien *
apostre
voûte *
pied
paroist
apôtre *
bastit
pié
parêt
estre
bâtit*
reprend
accommode
être
quester
repren
acomode
fleschir
quêter
sçavoir
grands
fléchir *
roideur
savoir *
grans
mettre
rédeur
defferat
métré
nopces
230 1V\ RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - iMOINET.
Il ressort du curieux document de Somaize que la prononcia-
tion tendait, vers la seconde moitié du dix-septième siècle, à
s'amollir par suite de l'influence de la cour et des cercles de la
haute société. L'Académie, dans sa sixième édition seulement,
a commencé à inscrire raideur, conformément à la prononciation
des Prétieuses, qui prévaut aujourd'hui pour ce mol et non pas.
pour frédeur.
Ainsi qu'on le voit, une grande partie des réformes opérées par
les Précieusex ont été sanctionnées par FAcadémie, et un plus grand
nombre encore l'eussent été, si l'on avait dès cette époque su faire
un emploi judicieux de l'accent grave et de l'accent circonflexe.
A ce titre, malgré l'affectation d'un langage prétentieux et quin-
tessencié, la coterie présidée par Voiture et Sarasin a rendu de
véritables services à la langue française.
Simon Moinet, principal correcteur pour le frajiçais dans
rimprimerie des Elseviers, voulant faciliter aux étrangers
la lecture des livres en cette langue, eut en 1663 l'idée
d'imprimer à ses frais un petit poëme : La Rome indicule du
sieur de Saint-Amant^ travestie à la nouvêle ortografe,
pure invantiôn de Simon Moinet, Parisiïn. A Amstredan,
aus dêpans ê de Finprimerië de Simon Moinêt, J663, in-12,
de 40 pag.
Les lignes qui commencent sa dédicace à Guillaume III peuvent
donner une idée de sa méthode phonétique :
Ce que pêrsone n'a ancore su, ni ouï, 7ii vu,
L'ORTOGRAFE FRANÇOISE,
ou la siànce de lire é d'écrire françois.
a Monsêgneur, si ce qui se dit et véritable, qu'à gran ségneur,
peu de paroles , il sera aussi vrai de dire à gran sêgneur peu
d'écriture, puisque l'écriture reprêsante la parole, é toutes deus
sont l'image de la pansée. Mais je ne croi pas que pêrsone, de-
puis que l'on parle françois, l'ait faite si courte que moi, qui
l'abrège an sorte que je le fai toucher à l'eull é au doit. »
Simon Moinet propose le // mouillé des Espagnols dans les mots
mail, bnil, le t k cédille pour le t adouci et sifflant : suprématie.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — L'ESCLACHE. 231
Malheureusement son écriture est hérissée d'accents, comme
c'est le cas de tous ceux qui veulent déterminer exactement le son
des voyelles sans introduire de nouveaux caractères alphabétiques.
* Jacques d'Argent, gramairien. Traité de Vortographe fran-
çoise dans sa perfection^ dédié à M. Colhert fils^ seigneur
de Seignelai, Paris, 1666^ in-12.
Il ne m^a pas été possible de me procurer cet ouvrage.
De Bleigny, maître écriuain iuré de Paris. U Ortografe fran-
çaise ou l'unique metode contenant les règles qu'il est né-
cessaire de sauoir pour écrire correctement, Paris, Gilles
André, 1667, in-12, de 6 ff. et 155 pp. '
Bleigny n'arbore le drapeau de la réforme orthogra[»hique que
dans son titre. Son petit livre est une grammaire pour les enfants,
sans aucune velléité de critique ni d'amélioration de la mauvaise
écriture de son temps.
* Jacques de Gevry, seigneur de Launay. Les Principes du
déchifrement de la langue française , ou Vart de déchifrer
toutes sortes de lettres en cette langue^ en quelques figures
et caractères qu'on les puisse composer. Dédié à monseigneur
messire Pierre de Gambout de Goeslin, evesque d'Orléans.
Paris, Denis Pelle, 1667, in-8.
Je ne suis pas certain que cet ouvrage ait directement trait à la
réforme.
Louis DE L^EscLACHE. Lcs véritahlcs Règlcs dcV ortografc fraii-
céze, ou r Art d'aprandre en peu de tams à écrire côrecte-
mant. Paris, l'auteur, 1668, in-12.
Le travail de l'Esclache a fait beaucoup de bruit au moment de
sa publication. J'en connais trois ou quatre réfutations sorties des
presses parisiennes en l'espace de peu d'années. De son temps
on ne s'aperçut pas qu'il s'était inspiré en grande pailie des ré-
232 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - L'ESCLACHE.
formes proposées un siècle auparavant par Meigrel, Pelletier et
Ramus. Bien qu'il n'ait introduit aucune lettre ni aucun signe
nouveau dans l'écriture, il a prêté le flanc à la critique par la pro-
fusion d'accents dont il a surchargé ses lignes. Voici un échan-
tillon de ses idées et de son orthographe :
« Les opinions des hommes sont trés-diferantes, touchant l'ortô-
(( grafe francéze. Les uns pansent qu'éle doit être conforme à la
et parole ; et les autres âsûrent qu'éle doit marquer l'origine des
« mos que nous emploïons pour exprimer nos pansées. Cens qui
« ne savent pas la langue latine et qui ont de l'esprit dizent que
« nous devons écrire comme nous parlons ; mais quelques savans
« soûtiénent que céte metôde^ nous faizant perdre l'origine des
« paroles, nous ampécherét d'an conétre la propre significacion.
« Il samble que les premiers , qui n'ont pas âsés de force pour
« bien établir leur opinion, n'aient pas âsés d'autorité pour nous
a oblijer à la suivre. Gomme les autres ne peuvent soûfrir que l'on
« face injure à la langue latine, ni à la grèque, ils s'atachenl à
a leurs santimans avec beaucoup d'opiniâtreté. Je ne veus pas con-
a damner ces deus langues, puîqu^éles ont leur beauté, aîisi bien
« que leur ûzaje, mais je puis dire (sans m'élogner de la vérité)
a queceus qui ont un atachemant particulier pour éles ne sont pas
c ordinairemant les plus éclairés dans la langue francéze. Ils sont
<( semblables à cens qui parlent continuélement de ce qui regarde
« les autres sans panser à leurs propres âfaires et il ârive sou-
« vaut que dans le chois des chozes qui sont utiles pour le bien
« public, le jujement de cens qui ont beaucoup de lumière sans
«étude doit être préféré à l'opinion de ceus qui ont une biblio-
« téque antière dans leur tête. »
Louis de l'Esclache écrit : peis^ sajese, ajant, dilijant, relijion,
vanjance, nonse, prononse, consevoir, acses, acsant, filozofie, fiziquey
axion, dixion^ choze, uzaje, nacion, cîeus, dieus, deus, dis (dix),
moien, voiant, calité, etc.
(Sieur de Mauconpuit.) Traité de r orthographe ; dans lequel
on établit^ par une méthode claire et facile, fondée sur
r usage et sur la raison^ les règles certaines d'écrire correcte-
ment. Et où l'on examine par occasion les règles qu'a don-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LARTIGAUT/ 233
nées M. de Lesdache (par le sieur de Mauconduit) . Paris,
Jacques Talon, 1669, in-12, de 4 ff. et 232 pp.
Ce petit traité, remarquable par son exécution typographique,
ne s'occupe pas de la régularisation de l'écriture française. L'au-
teur s'élève môme avec beaucoup de force contre le système d'é-
criture semi-phonétique proposé par de TEsclache. II nous sert
simplement à constater Tétat de la question au moment où l'A-
cadémie française allait s'en emparer.
Lartigaut. Les progrès de la véritable ortografe, ou Vorto-
grafe francêze fondée sur ses principes, confirmée par dé-
monstracions. Ouvrage particulier et nécésêr à toute sorte
de persones qui veulent lire, prononcer ou écrire parfète-
mant par règles, Paris, Laurent Ravenau et Jean d'Ouri,
1669, in-12. — Principes infaillibles et règles assurées de
la juste prononciation de la langue françoise, Paris, 1670,
in-12.
Le premier ouvrage de Lartigaut offre un grand intérêt. Contem-
porain de Corneille, de la Fontaine, de Molière, de Racine, il pos-
sède à fond la langue élégante et correcte de son temps, et nous
indique aussi exactement que possible la prononciation de la cour
de Louis XIV. L'accentuation forte qui y est figurée me confirme
dans l'idée que je m'étais formée de la prononciation du Théâtre-
Français au temps de Corneille et de Racine, et dont Larive avait
conservé la tradition (1).
Voici une page de Vavis important placé en tête du livre. Je sou-
ligne les différences de la lecture avec celle de nos jours :
« Gête matière et plus délicate (2) qu'èle ne parêt : il faut être
« antièrement détaché, et avoir un dezir sincer de recevoir ce qui
(1) Je l'ai souvent entendu réciter des vers chez mon père, et je l'ai vu au
Théâtre-Fraaçais jouer le rôle de Philoctète dans VŒdipe de Voltaire avec une
accentuation bien plus chantée, si l'on peut s'exprimer ainsi, qu'elle ne l'a été
après lui, suitout par Talma qui a changé, sous le rapport de la déclamation, la
manière de scander les vers.
(2) Dans ces mois délicate, èle, antièrement, etc., l'auteur emploie l'e moyen
avec accent droit. Mon père et mon oncle en avaient reconnu l'utilité dans beau-
234 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LARTIGAUT.
« peut persuader an quéque part qu'il se treuve. Car pour peu que
« Ton se plôze à contredire, on se rant incapable d'en juger; dau-
« tant qu'il y a pluzieurs chozes qui ne dépendent que de la déli-
« catése de l'orêlle, où Topiniatreté et le dezir de s'opozer à tout
« peuvent treuver de coi tlater un esprit de contradixion. Ne lire
a un livre que dans le dêsein d'y treuver k redire^ ce n'etpaz être
« tout à fêt sage ; et c'et fêre le critic à contretams : il faut être
« du moinz indiférant, et ne rien condaner sanz avoir sur le cham
« des rézons contrêres à ce que l'on reprant. Je condane moi-même
« les fautes que je puis avoir lésé couler (ou l'inprimeur) contre
« les principes qu^il faut suivre : et je puis dire san vanité que je
« suis le seul qui n'établis rien qui leur5<?7(l)opozé,etquinemecon-
« tredis pas; qui et asurément le plus grant point que Ton puise
« et que l'on doive garder, mes que persone n'a pu ancor observer
« sur ce sujet : et voici come une persone qui ne cherche sin-
« plemant que l'utilité dans toute choze peut rêzoner.
« Je conôs que l'ortografe vulguêre et ambarasante pour la lec-
« ture, contrêre à la véritable prononciacion qu'èle doit exprimer
« et prèque inposible à savoir sans la conêsance du grec et du
« latin ; ancor y-an a-t-il très peu qui la sachent parfêtemant avec
« tout cela. Je ne doute pajs que si Ton pouvêt treuver le moyen
(( de randre l'écriture conforme à la parole avec une tèle modéra-
« cion qu'on put suivre des principes asurés et des règles con-*
« stantes, sans tomber dans aucune absurdité, et sans rien changer
« inutilemant, il faudrêt sans doute le prandre pour pluzieurs ré-
« zons : 1« afin de savoir l'ortografe avec plus de facilité, et avec
« plus de certitude; 2« afin de ne paz être obligé d'aprandre le grec
« et le latin pour seulemant ortografier; 3° parce que c'et une
<( choze indubitable que tout le monde an lira mieuz, et que l'on
(( ne poura prononcer mal; 4" pour randre la Langue francêze
« pluz universèle par la facilité que tous les étrangers treuveront
« dans la lecture de nos livres, et plus recomandable par la dou-
coup de mots, tels que collège, sève, entièrement, etc., et plusieurs livres ont
été imprimés ainsi ; mais on dut en abandonner l'usage, par suite de la confusion
et de l'embarras qui en résultaient dans la composition et la distribution typogra-
phique. Les lettres se brouillaient dans les cases, surtout les petits caractères. On
dut donc, à regret, renoncer à un système si simple, lequel, sans apporter aucun
trouble à la vue, guidait la prononciation,
(1) J'ai entendu , dans ma jeunesse, M. de Tracy prononcer il crait {^il croit,
c*'edit), et endreit.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LARTIGAUï. 235
« ceiir prèque divine de son élocance, qui se confiuniquera par
« tout. ))
Convenons-en, on ne, saurait, dans ia thèse de l'auteur, plus sim-
plement ni mieux dire. La prononciation, telle qu'il est parvenu à
nous la figurer en n'introduisant qu'un seul signe nouveau {Vemé
diocre, qu'il figure, comme je Tai dit, par l'accent droit), est
presque la nôtre, et nous donne occasion de constater sa fixité
depuis le grand siècle. 11 supprime la lettre A*, comme étrangère
au français, le e cédille comme inutile en présence de Vs ramenée
à une seule valeur, celle qu'elle a dans salon, silence.
Il fait en passant quelques remarques sur l'orthographe des mots
où figure le ^ grec. Achaïe, saint Roch^ Zacharie,^ chronique, ar-
change. Il propose de les écrire Acaïe^ saint Roc, Zacarie, croni-
que, arcange.
A propos de la lettre q (ou plutôt des deux lettres qu, puisqu'on
représente par ce signe binaire le son du c dur ou du k), il
s'exprime ainsi : « Ecrivez par la même rôzou : quécun aussi bien
« qw^aucun, Pourêt-on bien doner rézon pourcoi l'on doit écrire
(( aucun, chacun par un c et quelquun par un qu? Je voudras avoir
« cette obligation à quelquun. »
Pour lui, Vœ, déjà supprimé dans œconomie, est une lettre para-
site : il écrit eil (prononcé aujourd'hui euil), euvre, benf, seur, et
en effet, dans le français, le son et le signe eu représentent
régulièrement Va des mots latins, exemple : dolor, douleur, fias,
fleur; la vicieuse prononciation du c rend quelquefois l'emploi
de Vœ nécessaire, comme dans cœur, qui ne peut être écrit ceur,
à moins, comme dans cueillir, de faire précéder eu d'un u.
Il critique l'emploi de Vx dans les mots deuxième, sixain,
dixième. Il y met le z, d'accord en cela avec la prononciation.
Il chasse du dictionnaire cette « diftongue » ao, qui n'est pas
« francêze » , et au lieu de paon, Laon, faon, taon, il écrit pan, Lan,
fan {{), tan.
(1) Ronsard Técrit ainsi :
ravit le fan d'une biche légère.
(Édit. de 1623, 1. 1, col. 2.)
Dans le glossaire nis. de la Bibl. imp. n" 7684, taon est écrit taan; peut-être
devrait-on écrire tân et /an, de sorte qu'il n'y aurait d'exception que pour le mol
Laon qu'on écrirait Lâon.
236 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - MENAGE.
On jugera, par ces quelques citations^ que l'auteur est un ob-
servateur délicat et en même temps un bon esprit, défenseur in-
trépide des prérogatives du français, qu'il voudrait voir vivre par
lui-même sans qu'on dût l'affubler d'une .enveloppe grecque et
latine.
Gilles Ménage. Observations sur la langue française . Paris,
1673, in-12; Cologne, P. Du Marteau, 1673, pet. in-12.
Seconde édition. Paris, Claude Barbin, 167o-1676, 2 vol.
in-12 ; 1" part, de 16 ff. prél., 609 pp. plus 21 ff. pour la
table, les errata et le privilège; 2' part, de 18 fF. prél.,
502 pp. plus 11 ff. pour la table, etc.
Le célèbre érudit a rendu des services incontestables à la langue
française. Une pièce de vers, intitulée la Requête des Diction-
naires, écrit satirique dirigé contre les académiciens à propos du
choix des mots du dictionnaire, le fit échouer dans sa candida-
ture au fauteuil d'académicien, malgré le conseil de Hubert de
Montmor qui insistait pour qu'on l'adoptât, a comme on force un
homme qui a déshonoré une fille à Tépouser. »
L'orthographe que Ménage adopte dans ses Observations a eu
des partisans et des imitateurs, en tout ou en partie. D'un côté,
elle se rapproche autant que possible de la prononciation, sans
chercher à être phonétique; d'un autre, elle tend à la simplifica-
tion de quelques règles de grammaire, comme la formation du
féminin et du pluriel, et, pour y parvenir, il remplace presque
toujours Vx final par Ys. Exemples : religieiis, cens, ans, je veus,
injurieus. 11 remplace aussi le z dans les mois assés, nés (nez).
Il supprime un grand nombre de doubles lettres et de lettres
étymologiques, et il écrit : ataquer, pouroient, courons, aquise,
cors (corps), il faloit, la goûte, etc.
Le son nasal an, em, en est le plus souvent représenté par an.
Par exemple : il a commancé, long-tans, de tans en tans.
Il remplace Vy par \H dans les mots stile, pais-, il écrit ^e fesois,
chemin fesant, etc.
En ce qui concerne Vh, il se guide dans son emploi par l'éty-
mologie et il conseille d'écrire Antoine, Maturin, ermite, intimé,
postume, amarante, ehreu, mots dont les primitifs n'ont pas d'^.
Il paraît favorable à la suppression de cette lettre aux mots : huis^
LAfRÉFORME ORTHOGRAPHIQUE — CHARPENTIER. 237
huile et huitre, où elle ne fut mise, suivant l'opinion de Théodore
de Bèze (1), que pour empêcher qu'on ne lût vis, vile et vitre, à
l'époque où le v et Vu étaient représentés par le môme signe.
Mais ce qu'il y a de plus curieux dans son système, c'est la
suppression fort rationnelle de la lettre e dans le participe eu et
dans les temps qui en dérivent, et ^agglutination des expressions
prépositives ou adverbiales, exprimant des idées simples.
Il écrit donc : il a w, ç^ust esté, si je l'usse su, la vénération que
j'ai ue; et acause, alaverité, apeine, apeuprês, aprêsdemain, aucon-
traire, aulieu, aureste, avanthier, demesme^ desorte, malapropos,
toutafait.
François Charpentier, de rAcadémie française. De l'Excel-
lence de la langue françoise. Paris, V^^Bilaine, 1683,
2 t. en 1 vol. in-12 de 9 ff. et 1110 pp.
Ce docte académicien, qui partage en matière d'orthographe les
idées de Régnier des Marais, appliquées plus tard dans la première
édition du Dictionnaire de V Académie^ est, comme Henri Estienne,
un défenseur de la précellence du langage français, non plus sur
l'italien, mais sur le latin lui-même.
Il établit dans le cours de son livre que notre langue n^est
nullement inférieure au latin sous le rapport de l'euphonie et de
rharmonie imitative, qu'elle a produit non moins de chefs-d'œuvre,
et qu'elle est parvenue de son temps à une perfection égale à celle
du langage des Romains au" siècle d'Auguste.
Il cite un certain nombre de vocables français plus doux, plus
brefs que leurs correspondants en latin. S'il eut poussé plus loin
ses investigations, il fût sans doute arrivé à reconnaître la supério-
rité, sous le rapport de la rapidité et même de l'euphonie, des
mots du latin vulgaire transformés par le peuple avant la Renais-
sance, sur ceux forgés depuis par les savants sur le type primitif.
Voici quelques points de comparaison :
(1) Aspiratio quiescit in his dictionibus : haiSy ostiuin, cuiu derivatis ; huile,
oleùm, cuni derivatis; huit, octo; huistre, ostrea, quoniain alioqui legi sic pos-
seiit iiœ dictioiies quasi v esset digairuna, non voealis, nempe pro huis^ vis :
sic etiam pro /iwi/e, vile, etc. (De fnincicw lingux recta pronunciatione
tractatus.)
238 LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. - CHARPENTIER.
Primiiif latin. Mots du vieux français. Mots de latin francisé.
quadragesima. . caresme, carême .... quadragésime
daudicare . . . cloclier, clochement. , . claudication
capillus cheveu, clievelu .... capillarité
carcer chartre incarcération
coctus cuit, cuisson coction
dulcis doux, adoucir édulcoré
frucius IVuit, fruitaison .... fructitication
fluctus flot, flottaison fluctuation
hirundo ;i ronde • • -hirondelle
macer maigre, maigreur. . . . émaciation
maturus .... mùr, mûrir ..... maturation
scandaium . . . esclandre scandale
separare .... sevrer, sevrage séparation
spedes espèce et épice spécification
siccitas sécheresse siccité
strictus étroit strict
cubare couver incubation
redemptio. . . . rançon . . rédemption
sacramentum . . serment sacrement
acceptare. . . . acheter accepter
captivus .... chétif captif
fragilis frêle fragile
nativus naïf. natif
rhythmus. . . . rime ihythme
sarcophagns. . . cercueil sarcophage
porticusi .... porche portique
organum . . . . orgue organe
mobilis meuble mobile
alumine .... alun alumine
debitam dette débit
examen. .... essaim examen
Si donc le français a son individualité, s'il est riche de sa beauté
propre, si ses vocables surpassent souvent pour la simplicité, la
rapidité, reupbonie_, leurs correspondants latins, pourquoi s'atta-
cher, comme on le voulait au temps de Charpentier, et comme il
n'en reste que trop de vestiges, à défigurer notre orthographe, dont
on fait un pastiche de celle du latin et du grec, en y introduisant
tant de consonnes doubles inutiles et même incompatibles avec le
génie simple de notre ancienne langue (1) ?
(1) Voir sur la comparaison des mots du vieux français avec ceux forgés depuis
le xvie siècle : Étude sur le rôle de Vacccnt latin dans la langue française,
par M. Gaston Paris. Paris, Franck, 1862, in-8. — Notions élémentaires de
grammaire comparée, par E. Egger. Paris, Durand, 1865, in-i2. — Grammaire
historique de la langue française, par M. Auguste Brachet, Paris, Hetzel,
1867, in-12. — Et plus haut (p. 167) l'article de M. Sainte-Beuve.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - BOSSUET. 239
J.-B. BossuET, membre de l'Académie française. Voir plus
haut, aux Opinions des académiciens, p. 130.
Je dois faire figurer Bossuet parmi les novateurs, puisque son
esprit logique voulait la régularisation et non le désordre. On a
vu son opinion au sujet d'un parti à prendre pour les mots dont
la désinence est écrite sans motif tantôt en ant et tantôt en eni
bien qu'ils dérivent également de participes latins en ens. (Voir
p. 130.)
Les exemples extraits des manuscrits de ses sermons attestent
sa propension à conformer l'orthographe à la prononciation sans
se soucier de l'étymologie. Pour donner une meilleure idée de
son orthographe, je donne à l'Appendice E quelques passages de
ses sermons tirés de ses manuscrits déposés à la Bibliothèque
impériale.
(Jean Hindret.) VArt de bien prononcer et de bien 'parler La
langue francohe , dédié à Monseigneur le duc de Bour-
gogne, par le sieur J, H. Paris, V^ Cl. Thiboust, 1686,
in-12; ibid., 1696, 2 vol. in-12.
Quoique ce petit traité de grammaire ne contienne aucune in-
novation orthographique (mot qu'il écrit ortographique), et qu'il ait
pour but uniquement d'enseigner la prononciation reçue, il ma-
nifeste le désir du perfectionnement.
L'auteur s'y plaint de notre écriture, qu'il déclare défectueuse.
0 Ce n'est pas sans raison, dit-il, que les étrangers nous reprochent
(( tous les jours le peu de soin que nous avons de bien prononcer
« notre langue, comme une chose qui Tempôche d'être aujour-
« d'hui la plus parfaite de toutes celles de l'Europe. »
0 On apprend, ajoute-t-il, avec beaucoup de soin aux enfants
(( les principes des langues mortes ou étrangères, et, pour ce qui
« regarde leur langue naturelle, on Tabandonne au hazard de
« l'usage. »
* Jérôme -Ambroise Langen-Mantel. VOrtographe de la
langue françoise. In- 1 2 .
L'abbé Goujet considère comme inutile ce livre rare, que je
n'ai pu rencontrer.
240 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — RODILARD.
* De Soûle. Traité de Tortographe françoise^ ou T Ortographe
en sa pureté. Paris, 1692, in-12.
Goujet porte à peu près le même jugement sur ce traité que sur
le précédent.
* René Milleran (de Saumur), professeur des langues françoise,
allemande et angloise. Nouvelle Grammaire françoise, Mar-
seille, 1692, in-12. — Les deux gramair^^ fransaize%^ V or-
dinaire d'aprezant et la plus nouvelle quon puise faire sans
alterev ni changea: /es mo\&, par le moyen d'une nouvelle
ortografe si juste et si facile quon peut aprandre la bôtéet
la pureté de la prononciation en moim de tan^ qu'il ne fût
pour lire cet ouvrage^ par la diférance des haracteres qui
sont osi bien dans le cors des règles que dans leurs exan-
pleSy ce qui est dotant plus particulier qu'elles sont très
faciles et incontestables, la prononciation etani la partie
la plus esancielle de toutes les langues. Marseille, Brebion,
1694^ 2 parties en un vol. in-12.
Je n'ai pu me procurer ni même voir ce volume, que je ne trouve
indiqué que dans le Catalogue de Ch. Nodier de 184-4. Ce spirituel
académicien reproche à Tauteur d'avoir proposé la réforme de Voi,
préconisée un siècle plus tard par Voltaire. La manière dont Nodier
a figuré le titre et que je reproduis ne donne qu'une idée trop im-
parfaite de la méthode de Milleran. Les lettres romaines sont celles
qui ne se prononcent pas. Par cet exemple, on peut se figurer
toutes celles qui peuvent ainsi être indiquées.
(RoDiLARD.) Doutes sur Vortographe franceze. Paris, 1693,
in-12 ; et s. 1. n. d. (vers 1750), in-12, de d92 pp.
L'auteur, qui se cache sous Fanagramme de Trilodrad, peut
être classé parmi les novateurs, bien que la plupart des réformes
qu'il demande aient'été accomplies dans les éditions successives
du Dictionnaire de l'Académie. On en jugera par ce début :
Ans Maîtres Imprimeurs.
«Messieurs, il ya longtèms que jesuis dans plusieurs doutes sur
l'ortographe desquels je souhaiterois pouvoir être éclairci... J'ai
LA RI'.FORME ORTHOGRAPHIQUE. — DANGEAU. 241
cru qu'il étoit plus à propos de m'adresser aus maitres impri-
meurs... Car je puis dire qu'autant qu'il y a d'imprimeries en
France^ ou peu s'en faut, autant il y a de diférèntes ortographes.
a Ce sens seul est peu favorable au savoir des maitres impri-
meurs qui (dit-il) ne savent pas l'ortographe et moins encore la
ponctuation! et s'ils raisonent de l'imprimerie et de l'ortogra-
phe, ce n'est que comme les aveugles font des couleurs.
« C'est une chose honteuse à nous de voir que les étrangers nous
aprenent à écrire nôtre langue naturele : car on ne peut pas dis-
convenir que les Holandez (ou du moins des Francez qui se sont
retirés en Holand) ne nous ayent apris a mètre les v ronds et
les j longs, puisque pour marque de cela on les apèle dans l'im-
primerie des veijk la Holandeze : ce sont encore eux qui nous
ont enseigné à retrancher les letres superflues de nôtre langue :
enfin ils nous enseignent ce que nous leur devrions enseigner et
à toute la terre, puisqu'on n'aprend l'ortographe que par le
moyen des impressions et à quoi tout le monde se raporte, et non
pas aus manuscrits ; cela étant , pourquoi n'a-t-on pas soin de
bien ortographer, et de ne rien faire paroître au public qui ne soit
dans sa perfection ? Il faut que ce soit, non seulement les étran-
gers, mais toutle monde, jusques à un chétif écrivain, qui à grand
peine sait-il lire, nous enseigne l'ortographe.... Il est vrai que j'ai
été longtèms à me pouvoir persuader qu'il fut permis de retran-
cher aucune letre dans le francez lorsqu'elle venoit du latin, que
les s; mais pour les doubles bb, les doubles ce, les doubles dd,
doubles jf, doubles mm, doubles nn, doubles pp et autres letres qui
sont dans le latin, je ne pouvois me résoudre; mais aprez y avoir
fait reflexion et considéré qu'on estranchoit partout les s inutiles
à la prononciation, aussi bien que d'autres letres, quoiqu'elles vins-
sent du latin, j'ai cru qu'on pouvoit aussi ôter les letres doubles,
et toutes celles qui sont parèllement superflues et inutiles à la pro-
nonciation aussi bien qu'on fait le s. »
Louis de GouRciLLON, abbé de Dangeau. Lètresur Vortografeà
Monsieur de Pontchar train ^ conseiller au Parlement (1694),
in-12 (sans nom d'auteur, avec privilège du Roi de 1693).-^
Essais de granmaire (1694-1722), comprenant les discours
suivants : Premier discours qui traite des voyèles. — Dis-
cours //, qui traite des consones, — Discours III, Suplè"
16
242 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DANGEAU.
mant aus deus premiers discours. — Discours IV. Lètre
sur Vortografe écrite en 1694 (réimpression avec change-
ments de la lettre qui précède). — Discours V. Suplèmant
a la lètre précédante. — Discours VI. Sur Vortografe fran-
gQise. Discours VII. Sur la comparaison de la langue
fransoise avec les autres langues. (Les discours VIII à XIV
n'ont trait qu'à la grammaire.) Ces opuscules ont été im-
primés en 'partie et avec une orthographe moderne dans
Opuscules sur la langue françoise par divers académiciens
(publiés par l'abbé d'Olivet). Paris, Bernard Brunet, 1754,
et réédités plus fidèlement en 1849 par M. B. JuUien aux
frais de la Société des méthodes d'enseignement.
Saint-Simon, dans ses Mémoires, dit en parlant de l'abbé de
Dangeau : « Les bagatelles de l'orthographe et de ce qu'on en-
(( tend par la matière des rudiments et du Despautère furent l'oc-
(( cupation et le travail sérieux de toute sa vie. » Saint-Simon
parle de ces bagatelles en homme qui ne s'y entendait guère :
autrement il eût compris que c'est du studieux abbé que datent
les progrès sérieux dans l'étude des sons de notre langue, dont il
a donné le premier une classification satisfaisante.
Les modifications introduites par Dangeau ont pour but de
peindre exactement la prononciation, en supprimant toutes les
lettres qui ne s'entendent pas ou ne sont pas nécessaires ; de
changer toutes celles qui n'ont pas dans le lieu où elles se trou-
vent leur son naturel, n'exceptant de cette règle que les consonnes
finales et les lettres caractéristiques des nombres, des genres , des
personnes.
Il supprime l'^ à théorie, et écrit filosofe, attendu, dit-il qu'il
a « cru devoir laisser aux lettres françoises le son qu'elles ont
naturellement, pensant que si les Latins ont écrit certains mots
dérivés du grec, c'est qu'elles gardoient une aspiration différente
et qu'ils prononsoient les premières silabes de philosophia et de
character autrement que celles de figura et de capuf. Aparem-
ment, s'ils les avoient prononcées de la même manière, ils les au-
roient exprimées aussi par les mêmes letres, etc.. Pourquoi ne
pas imiter les Italiens et les Espagnols, qui n'ont pas cru être obli-
gés a garder fortografe latine dans les mots venus du grec? Si on
La réforme orthographique. — DANGEAU. 243
en avoit toujours usé de cette sorte, Madame de.... n'auroit pas
été si scandalisée contre Eliogabale. « 0 que ces empereurs Ro-
« mains ètoient cruels! s'écria-t-elle un jour en bonne compa-
« gnie^ ils faisoient prendre des paysans et leur faisoient aracher
G la langue pour s'en nourrir. » Elle venoit de voir un livre qui
disoit que cet empereur mangeoit des pâtés de langues de phai-
sans, et s'imaginant qu'un p se prononçoit toujours p elle avoit
lu des langues de payjsans au lieu de langues de faisans. »
Voici l'extrait d'un passage dans lequel le savant abbé expose
et pratique en partie son système. On remarquera l'emploi de
l'accent grave dans une foule de cas où on ne l'admettrait pas
aujourd'hui,, ce qui semblerait indiquer sinon de sensibles diffé-
rences dans la prononciation, du moins un emploi peu judicieux
des signes d'accentuation :
« Remèdes aus défauts de la vieille ortografe. On poûroit avoir
un alfabet fait exprès, et qui donât a chaque son simple un ca-
ractère simple; et l'on en poûroit venir a bout sans avoir besoin
de recourir a des caractères absolumant nouveaus. Peut-être même
que le public n'auroit pas beaucoup de peine a recevoir ces chan-
gemans : on a bien introduit dans le siècle passé 1^' consone difè-
rant de Vi voyelle, et Vv consone difèrant de Vu voyèle.
« Mais en atandant qu'on puisse introduire cet alfabet ré-
formé , il faut tâcher a coriger les défauts les plus sansibles.
C'est ce que j'ai tâché a faire jusqu'ici. On poûroit aler ancore
plus loin que je n'ai été, sans être obhgé a introduire des carac*
tères absolumant nouveaus.
« On demande un alfabet qui fournisse un caractère particulier
pour chacun des trente-trois sons simples ausquels on peut ré-
duire tous ceus que nous avons dans notre langue ; et qui s'é-
loigne le moins qu'il se poûra des caractères dont nous nous
servons aujourd'hui.
« Pour satisfaire a cète demande, j'ai dressé le mémoire sui-
vant, ou j'ai marqué de quèle manière on pouvoit exprimer les
trente-trois sons de notre langue, sans se servir de caractères abso-
lumant nouveaus.
« J'ai mis au comancemant de chaque ligne les sons simples
qu'il s'agit de signifier; j'ai ajouté pour èxample a chacun de ces
sons simples un mot fransois ou se trouve le son simple ; et a la
244 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DANGEAU.
fin de la ligne j'ai mis le caractère dont on peut se servir pour
l'exprimer.
(( L'ordre dans lequel j'ai mis ces sons simples est conforme
au système que j'ai tâché à établir dans mes Essais de Granmaire,
et dans la suite que j'y ai ajoutée : a come dans paroître, a; o
corne dans colère, o; u come dans batu, u; ou come dans poulet,
ou; si Ton vouloit, on prandroit de l'alfabet grec le caractère 8.
c( Les imprimeurs poûront avoir des caractères ou ces deus
lèlres seront acolées; et pour l'écriture on ne doit craindre au-
cune équivoque , parce que ces deus lètres ne se prononcent
sèparèmant que dans quelques noms propres venus du grec ou
du Min, come Piriioûs; et l'on se prescrira une règle générale,
de mètre toujours deus points sur cèle des deux voyéles qui co-
mance une nouvèle silabe.
« Eu come dans /èw, dans bonheur, eu; si l'on vouloit, on
prandroit des Grecs le caractère eu. Les imprimeurs poûront avoir
des caractères ou ces deux lètres seront acolées ; et pour récri-
ture, quand il se trouvera des mots ou e et w garderont chacun
leur son, on métra deus points sur Vu, de cète manière, réussir j
réunir.
a J'ai remarqué dans mes autres discours que cète voyèle {eu)
a quelquefois un son ouvert, comme dans bonheur, dans peur ;
alors on poûra se servir de l'accent grave sur Ve, en cète sorte
bonheur,
« E féminin, come dans porte, e; è ouvert come dans après,
è; e fermé come dans bonté, é; ces trois e sont distingués l'un de
Tautre en ce que le e féminin n'a point d'accent, è ouvert a un ac-
cent grave, et é fermé a un accent aigu.
« / come dans lire, i.
« Pour les voyèles nazales, ou esclavones, on les distinguera
des voyèles simples dont èles aprochent le plus, ou par une petite
ligne au dessus come on en voit en quelques anciens livres, ou par
une petite ligne qui les tranchera a la manière de l'alfabet polo-
nois, de la manière suivante : an come dans le mot danser, à; en
come dans bien, è; in come dans ingrat, ï, on come dans bonté,
0 ; un come dans comun, û.
(( Pour prononcer chacun des sons des simples consones, il n'y
a qu'a joindre la prononciation d'un e féminin a la consone ou
aus consones que j'ai marquées en lètres capitales. Ainsi le nom
du premier son consone qui est marqué ici se trouvera come la
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DANGEAU. 245
dernière silabe de tombe, et celui du second son se prononcera
corne la seconde silabe de trompe, et ainsi du reste : he come dans
tomber, 6; pe come dans tromper, p\ ve come dans venir, v',fe
come dans finir, f; me come dans mourir, m ; de come dans di?'e,
d; te come dans tirer, t; gue ou g dur come dans galant, g; ke
come dans capable, k; necome dans nier, n; ze come dans zèle, z;
se come dams salut, s; je come dansjalous,j.
« Che come dans chariot, c; le c ne s'amployant plus, selon ce
projet-ci, ni pour faire le son ke, comme il fait a prèsant devant
un a, un 0 , un u dans cavalier, dans colère , dans curieus]; ni
pour faire le son se, come il fait aujourd'hui devant un e, ou de-
vant un i, dans cérémonie, dans ciel, ne servira plus que pour le
son du che que nous lui donons ici. Le son de ke et le son de se ont
dans la table précédante chacun son caractère propre, et le carac-
tère c ne servira plus qu'a marquer la lètre siflante que nous expri-
mons présantemant par ch, come dans chariot, cherté.
« Le come dans lire, l; re come dans rire, r; lie ou / mouillée
come dans vaillant, dans fille ; gne ou n mouillée come dans vigne,
dans soigneus ; je marque ces deus consones mouillées par de pe-
tites lignes qui les traversent.
« Si l'on ne veut pas se servir de ces deus lètres qui sont tra-
versées par de petites lignes, on poûra se servir pour \'l mouillée
de deus // acolées; et quand on écrira des mots ou l'on prononce
deus /, come Pallas, on aura soin de séparer les deus / et de ne
les pas acoler.
« Pour exprimer le son de Vn mouillée, on poûra se servir de
Vn avec un trait dessus, comme s'en servent les Espagnols qui la
noment n cou tilde : que s'il se trouvoit quelques mots ou l'on
prononsât séparément le g et Vn, come on les prononce en latin,
on se serviroit du g et de Vn.
« He aspiration come dans hazard, h,
« On aura soin de n'amployer jamais aucun caractère pour un
son diférant de celui auquel nous le destinons ici.
« Il reste deus choses a marquer pour randre récriture plus
conforme a la prononciation :
« 1° La longueur des voyèles. Come je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de marquer quand la voyèle est brève, on marquera
seulement cèles qui sont longues, par les chevrons (^) ausquels
on est acoutumé.
« Il y a un inconvéniant auquel il est aisé de remédier. Cet in-
246 LÀ. RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DANGEAU.
convéniant est que le chevron qu'on met sur Ve long, corne dans
èvêque, prêtre, marque en même tams qu'il est ouvert. Mais
nous avons des e fermés qui sont longs corne dans ils alêrent, ils
marchèrent. Si pour marquer cèle longueur, on se servoit d'un
chevron, il seroit a craindre qu'on ne donât a ces e le son de è
ouvert. Il est aisé de remédier a cet inconveniant. Ces e' fermé (sic)
dont la prononciation est longue ne se trouvent que dans quelques
troisièmes persones du pluriel des verbes, conde ils alérent, ils
trouvèrent, et dans quelques adverbes en mant, come comunémant^
aveuglémant, et Ton poûra dans ces ocasions marquer la longueur
de Vé fermé par des accents aigus un peu plus longs que les ac-
cents aigus ordinaires.
« 2" La seconde chose que l'écriture doit marquer pour faci-
liter la lecture consiste en ceci : il y a des lètres qu'on écrit et
qui ne se prononcent jamais , come le b dans plomb : il y en a
d'autres qui varient selon les ocasions : dans quelques ocasions
èles se prononcent, dans d'autres èles ne se prononcent point.
Par èxample le / final ; car il y a des ocasions ou il se prononce,
et d'autres ou il ne se prononce pas, come je l'expliquerai en
parlant des consones finales.
« On poûroit régler que les lètres qui ne se prononcent jamais
come le b de plomb ne s'écrivissent jamais ; et pour cèles qui va-
rient, on poûroit régler qu'on mètroit un point sous la létre qui ne
se prononce pas, par èxample : Je lui ai parlé come il faut.
« Moyènant ces précautions, on écrira en notre langue de ma-
nière que cens qui liront ne poûront jamais se tromper. Cens qui
savent lire prèsantemant trouveront peu de changemant dans nos
caractères; et ceus qui ne savent pas lire poûront en moins d'un
mois aprandre la valeur de tous nos caractères et lire sans faire
de fautes.
« A l'égard des livres qui sont déjà imprimés, quand on saura
récriture nouvèle et régulière que je propose, on aprandra bien-
tôt a lire ce qui est imprimé selon l'écriture irrègulière et dèrai-
sonable dont on se sert prèsantemant.
« Quelques gens qui ont vu mon projet tel que je viens de l'ex-
pliquer l'ont trouvé fort raisonable, et conviènent qu'il seroit
utile; et la dificulté qu'il y aa le faire recevoir par tout le monde,
leur fait dire que le succès est plus a souhaiter qu*a espérer. Mais
il faut que les gens charitables et bien intantionés pour les intérêts
du public prénent courage. Il faut du tams, je l'avoue, pour faire
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DANGEAU. 247
réussir ce projet dans toute sa perfection : mais ne peut-on pas
au moins l'acheminer tout doucemant en atandant quelque se-
cours inespéré?
« // ne faut pas croire que le public soit ènemi de tous les chan-
gemans. Wa-t-on pas reçu corne d'un consantemant unanime dans
la plus grande partie de l'Europe, les j consones et les v consones ?
JS'tj a-t-il pas un grand nombre de gens éclairés qui ont retrariché
les s qui ne se prononcent pas, et qui ont admis les accents ( * )
pour marquer la longueur des silabes ?
« L'Académie éle-même, si atachée aus anciens usages, n'a t èle
pas amployé ces chevrons en quelques ocasions? N'a t èle pas ad-
mis les accens sur les e qui ne sont pas féminins? Les plus ata-
chés à la conservation des létres caractéristiques ne les ont ils pas
retranchées de plusieurs mots ? Pandant ce siècle et pandant la fin
du siècle précédant, combien a t on imprimé de livres ou Ton suit
en partie notre ortografe réformée ?
« Il faut que cens qui conviénent qu'une antiére rèformation,
selon mon projet, seroit utile, la suivent dans les choses les plus
faciles. On parviendra peu a peu a la faire recevoir par le grand
nombre, et alors nous aurons pour nous l'usage qu'on nous ob-
jecte si souvant. Si nous avons raison, espérons tout du bon esprit
de gens qui ne sont pas prévenus ; faisons de notre côté ce que
nous poûrons, et laissons faire au tams; il fera le reste. »
On voit par ce qui précède que Dangeau est un néographe très-
prononcé et qu'il a tracé la voie à Waiily, Beauzée, etc. J'aurai
occasion de discuter son système à propos de ces derniers.
"^Alphabet ingériiieux pour le français, Bourdeaux, 1694,
in-12.
Je n'ai pu encore prendre connaissance de cet opuscule , cité
par Goujet.
* André Renaud, prêtre, docteur en théologie. Traité de l'Or-
tographe et de la prononciation françoise. (A la suite de sa
Manière de parler la langue française selon ses différens
styles. Lyon^ 1694, in-12.)
Je n'ai pu savoir si cet ouvrage intéresse l'histoire de la ré-
forme.
248 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RICHELET.
César-Pierre Richelet. Dictionnaire français contenant les
mots et les choses , plusieurs nouvelles remarques sur la
langue françoise, etc. Genève, Jean Herman Wiederhold,
1680 2 vol. m-4. (Réimprimé plusieurs fois.) — La con-
noissance des genres françois tirée de l'usage et des meil-
leurs auteurs de la langue. S. 1. ni date (achevé d'imprimer
le 10 mai 1695), in-12.
Richelet. est un des réformateurs les plus prudents et les plus
logiques. Il s'est beaucoup plus occupé d'étymologies que la plu-
part des auteurs contemporains. 11 fut un des premiers à déve-
lopper la réforme proposée par Le Clerc et les Précieuses. (Voir
plus haut, p. 111, l'examen de son Dictionnaire.)
Projet d'un Esei de granmére francéze de laqele on ôte toutes
lés letres inutiles, é oii Von ficse la prononsiasion de celés qi
sont néceséres : par le moyen de qoi l'on aprendra le fran-
cézpluz facilement, é an moins de tans qe par Vortografe
ordinére. — Remarques sur ce projet, en forme de lettre. —
Réponse de F Auteur du projet à cette lettre. (Le projet parut
d'abord à Genève en 1704, et ensuite avec les deux pièces
suivantes dans le Mercure de Trévoux, Novembre et Dé-
cembre 1708, p. 165.)
Ce titre seul suffit pour indiquer que le système de l'auteur se
rapproche de celui des novateurs le plus avancés. Voici comment
il entre en matière :
« Le publiq doit être bien rasazié dés Granmères q'on fét depuis
qeqe tans, cepandant an voici ancore une dont on veut le sur-
charjer, mes on souëte de savoir avant cela son santimant sur
celeci, dans laqel' on prand une route bien diferante de celés que
les autres fezeuz de granmères ont tenu. Si qeq'un montre qe le
sisteme n'an soit pas bien lié, on promet par avanse de le corijer
ou de le suprimer.
« El' aura deuz parties, la première dés qeles ne tretera que de
Tuzage q'on devrét fere des letres de nôtre alfabét, de qele ma-
nière il faut se servir des trois acsans, é de qeqes autres marques
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LE MERCURE. 249
qon observe dans la lecture é dans l'écriture , corne sont les
poins de separasion q'on apele aussi diéreze. Cete partie aura six
diâloges. La dernière partie contiendra aussi six diâloges, dans
les qels on egspliquera, a-peu-prés corne dans les autres gran-
mères, les neuf parties du discours. Je dis a-peu-prés, parcqu'il
y aura qeqes chanjemans q'on croit necesères pour randre les
règles de notre langue plusasurées. »
On voit que ce système se rapproche de celui préconisé plus
tard par M. Marie ; l'auteur termine par cette maxime !
Temporibus errata latent et tempore patent.
Le tans cache é découvre tout.
Ce projet de réforme, qui, tout en ayant des inconvénients^
n'en a pas moins quelques mérites, n'a eu aucun succès, bien
qu'il ne manquât pas d'être favorisé, comme on peut s'en rendre
compte par quelques passages tels que celui-ci, tiré des Be-
marques, etc.
(( Il y auroit de la témérité, Monsieur^ a vous assurer que
vôtre nouveau projet de grammère sera généralement approuvé.
Il n'est pas aisé de faire revenir de leur entêtement certains gens,
a qui une prévention chimérique fait rejeter tout ce qui a un air
de nouveauté, le boi> corne le mauvais. Cependant pour ce qui
regarde l'ortografe, on ne voit pas grand risque à vous pro-
metre le sufrage de la plus belle moitié du monde françois ;
dautres oseront peut être en dire davantage, persuadés que les
Dames, dont jentens ici parler, ont le discernement très-juste.
^ Eles vous aplaudiront sans doute, èles qui conformément à vôtre
dessein écrivent come èles parlent, et èles parlent bien.
a Vous devez encore avoir les étrangers dans vôtre parti, car ils
trouveront plus de faciUté à lire et à écrire en nôtre langue.
Pour les savants la nation n'en est pas si traitable : mais ils ne
"seront peut-être pas tous si infatués du pedantisme, qu'ils ne re-
noncent a ce fatras d'étymologies , de multiplicité inutile de
letres, etc., qui jusquici n'a servi qu'à ambarasser et Fecrivain et
le lecteur,' et ils voudront bien enfin reconoître que l'écriture ne
servant qu'à exprimer et peindre la parole, c'est une injustice de
la vouloir plus parfaite que son original. »
L'auteur de cet article, dont l'orthographe est moins téméraire.
250 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LE MERCURE.
nous dit avior parlé sur ce même sujet dans le Journal de Tré-
voux die mai 1705.
11 regrette le double emploi du c et du q, et celui de Vs et du s;
il écrit au singulier nagét^ avec accent aigu, et nagêt, avec l'ac-
cent circonflexe pour le pluriel. « Quatre lettres retranchées tout
d'un coup, oien (nageoient). Quel abatis! s'écrie-t-il, mais il est
bien comode. » Et il observe que la prononciation de geoient au
pluriel étant plus longue que celle du singulier geoit, se trouve
convenablement indiquée par la différence seule des accents. Il
termine ainsi :
c( Si vous n'êtes pas plus heureux quant à votre ortografe que
ceux qui ont tenté la chose avant vous, dumoins aurés-vous d'il-
lustres compagnons de vôtre infortune. Mais seroit-il possible
qu'on s'opiniatrât a vouloir faire passer des huit ou dix ans dans
la poussière d'un collège, pour aprendre a écrire ce que l'on sait
bien prononcer, et que la raison parlât tant de fois a ceux qui font
profession d'être ses élevés, sans s^en faire entendre?»
Viennent ensuite des additions à ces Remarques^ p. 201, où,
entre autres choses, on regrette l'emploi de l'A inutile dans cer-
tains mots.
« Il n'y a pas long-temps qu'on avoitune règle assez sûre des mots
ou ele faisoit quelque fonction, mais a présent on ne sait plus a quoi
s'en tenir : come ele oblige a parler un peu du gosier et qu'on
fait plus a présent la petite bouche que jamais, on voudroit l'ex-
clure des endroits ou son empire est le mieux établi, et dernière-
ment j'entendis dire a un doucereux qui se pique de bel esprit :
donés moi de l'achis^ il est en aut, pour donés moi du hachis^ il
est en haut.
« On retranche tant que l'on peut et avec raison les lètres dou-
bles, on ne laisse que les deux 5s, aparenment jusqu'à ce qu'une
seule entre deux voyelles retiene son usage naturel, et dans cer-
tains cas les deux mm^ encore change-t-on le premier m en w ;
ainsi au lieu d'emmener on écrit enmener. 11 semble qu'on devroit
en faire autant de Vm qui se prononce come n : jambe, janbe,
pompe, ponpe^ etc., l'épargne n'est pas grande, mais au temps où
nous somes les petits profits ne sont pas à négliger. »
Il se récrie aussi sur la prononciation de t come s en certains
cas.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DES MARAIS. 251
Ces observations sont suivies de la réponse de l'auteur du
Projet de VEsei.
L'abbé Régnier des Marais, secrétaire perpétuel de l'Acadé-
mie française. Traité de la Grammaire française. Paris,
Jean-Baptiste Geignard, 1706, in-4 et in-8 de 4 fl'., 711 pp.
et 1 1 iï. de table. — Remarques sur V article cxxxvii des
Mémoires de Trévoux, touchant le Traité de la grammaire
française de M. Vahhé Régnier. Paris, J.-B. Goignard,
1706, in-4.
L'Académie, dans les travaux préparatoires de son Dictionnaire,
qui ne parut qu'en 1694, avait adopté la méthode du travail en
commun ; mais elle crut devoir remettre le soin de rédiger une
Grammaire conforme à ses principes à son secrétaire Tabbé Ré-
gnier des Marais. Il publia son ouvrage en deux volumes in-12
dès 1676, et en donna une édition infiniment supérieure dans
rin-4 de 1706. De 1694 jusqu'à la seconde édition du Diction-
naire, qui ne parut qu'en 1718, l'Académie eut quelque temps de
repos. Elle recueillit alors les doutes sur la langue et se donna la
tâche de les résoudre. Cette société préparait ainsi des matériaux
pour la Grammaire qu'elle méditait et que du reste les statuts de sa
fondation Tobligeaient de rédiger, a Mais elle ne tarda pas à recon-
« naître qu'un ouvrage de système et de méthode ne pouvait être
« conduit que par une personne seule ; qu'au lieu de travailler en
« corps à une Grammaire, il fallait en donner le soin à un acadé-
« micien qui, communiquant son travail à la compagnie, profitât
(( si bien des avis qu'il en recevrait, que, par ce moyen, son ou-
« vrage pût avoir dans le public l'autorité de tout le corps. » Ré-
gnier avait une parfaite connaissance de notre langue et de quel-
ques autres; il s'était fait un nom par sa traduction de la Pratique
de la perfection chrétienne de Rodriguez. Son assiduité aux confé-
rences du Dictionnaire, dont il était chargé de rédiger les résultats,
l'avait mis mieux que tout autre en état d'en exposer les principes
dans une grammaire.
L'ouvrage cependant ne fut pas publié sous le nom de l'Acadé-
mie. Il encourut plusieurs critiques, entre autres celle d'un gram-
mairien très-estimé, le P. Buffier. L^abbé Régnier, on le conçoit,
se prononce contre l'écriture phonétique, qui exposerait à « cet
252 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DES MARAIS.
attentat » d'écrire des crétiens comme des Cretois et Jésu-Cri
qu'on prononce ainsi, tandis qu'on doit prononcer le Christ. Dans
son livre, les explications sur les difficultés de la prononciation des
lettres ont employé près d'une centaine de pages. En examinant
avec l'attention qu'elle mérite l'œuvre du docte secrétaire perpé-
tuel de 1706, œuvre d'autant plus importante qu'elle doit nous
refléter les principes qui avaient prévalu dans le sein de l'Acadé-
mie on ne tarde pas à se convaincre que le but que l'auteur se
proposait est manqué. Toutefois, on doit le reconnaître, le livre
le plus utile à une nation éclairée comme la France, c'est-à-dire
une grammaire, était alors impossible.
Pour ce qui concerne l'orthographe, Régnier constate, pour la
réduplication des consonnes dans le corps des mots, des règles
fondées la plupart sur la quantité (pp. 101 à 125 de l'édit. in-12).
(( Le redoublement des lettres en plusieurs mots de la langue se
fait uniquement des consonnes, et peut se rapporter à deux causes:
Vune prise du latin^ d'où ces mots là nous viennent; l'autre tirée
du fonds mesme de nostre langue... Ce redoublement n'est point
toujours pris du latin : il se fait quelquefois contre l'orthographe
des mots latins d'où les mots françois dérivent. Il se fait principa-
lement des lettres /, m, ti, p et t, après «, e, o, mais il suffira de
parler icy de celuy des lettres./, m, w, après e et o, pour donner
quelque idée de la cause de ce redoublement dans les mots où la
prononciation toute seule n'en avertit pas : car, pour ceux où elle
le fait sentir, ce n'est pas de quoy il est icy question, non plus que
de ceux où nostre langue n'a fait que suivre l'exemple de la langue
latine.
« Il y a deux choses à considérer dans ce redoublement: le lieu
où il se fait et l'effet qu'il produit. Le lieu où il se fait, c'est
d'ordinaire immédiatement après la voyelle sur laquelle est le aiége
de l'accent. Mais comme nostre langue n'a proprement d'accent
que sur la dernière syllabe, dans les mots dont la terminaison est
masculine, et sur la pénultième dans ceux dont la terminaison
est féminine, et que les dernières syllabes ne sont pas suscep-
tibles du redoublement des consonnes, ce redoublement, à le
régler par le siège de l'accent, n'apparlient proprement qu'aux
pénultièmes syllabes des mots qui ont une terminaison féminine.
(( Ainsi chapelle, chandelle, fidelle, folle, colle, molle, femme,
homme, somme, bonne, donne, consonne et patronne, qui ont
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DES MARAIS. 253
l'accent sur la pénultième, s'escrivent par deux l, deux m et deux
n. Que si cet accent passe de la pénultième sur la dernière, alors
en quelques mots dérivez des précédents, comme dans chapelain,
chandelier, fidélité, féminin, homicide, bon ace, donateur, conso-
nance, patronage, il ne se fait plus de redoublement de consonne
et l'usage est en cela entièrement fondé sur la raison et sur la
règle. Mais en d'autres mots de mesme ou de pareille dérivation,
comme jfidellement^ nouvellement, follement, donner, sonner,
tonner, le redoublement, qui ne devroit se faire qu'après la voyelle
du siège de l'accent, se fait devant (1) : et l'usage en cela, comme
en beaucoup d'autres choses, s'est mis au-dessus des règles, qu'il
observe pourtant d'ordinaire dans la conjugaison des verbes. Car
on escrit ils prennent, ils tiennent, ils viennent, par deux n, parce
que le siège de Taccent est sur Ve de la pénultième syllabe ; et on
escrit par une n seule, nous prenons, nous tenons, nous venons,
vous prenez, vous tenez, vous venez, parce que Taccent qui estoit
sur la pénultième est passé sur la dernière.
c( Quant à l'effet que ce redoublement de consonnes produit, il
est différent, suivant les voyelles après lesquelles il se fait : après
Ve, comme dans chandelle, fidelle (2), fidellement, il donne à cet
e la prononciation d'un e ouvert et il donne celle d'un e fermé à
prennent^ tiennent, viennent, etc. (3) . ^
(( A l'égard de l'o, cet effet est tout différent; car, au contraire,
le redoublement de la consonne après un o sert à le presser de
telle sorte, que comme alors il a moins d'estenduë et de liberté
que quand il n'est suivi que d'une consonne, il reçoit une pro-
nonciation plus brève et plus serrée. Ainsi au lieu que dans mole,
vole, dôme, throne (4), où l'o n'est suivi que d'une seule consonne
et se trouve, pour ainsi dire, plus au large, l'o est long et extrê-
mement ouvert, il est bref dans molle, folle, homme, somme, bonne
et donne, où les deux consonnes qui suivent le pressent et le res-
(1) Ce passage me semble tout à fait inintelligible.
(2) On a mis depuis l'accent grave, au lieu de la consonne double, à beaucoup
de ces mots en elle : il épèle, fidèle, il gèle. Mais on n'a pas simplifié la diffi-
culté, car il nous en reste autant en elle : il appelle, belle, chandelle, etc.
(3) Il semble résulter de ce passage que le docte secrétaire perpétuel pronon-
çait ils prénent, ils tiénent, ils viénent.
(4) On met aujourd'hui avec raison l'accent circonflexe sur ces mots, où il suffit
à exprimer l'allongement de la syllabe. Pourquoi écrire, contrairement au la-
tin , les mots homme, bonne, donne par une double consonne "? L'absence de
racceut circonflexe suffirait pour indiquer que l'o est bref.
254 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DES MARAIS.
serrent. Mais tout ce qu'on vient de marquer icy est sujet à tant
d'exceptions, que pour donner des règles plus seures, il faut né-
cessairement passer aux exemples particuliers du redoublement
de chaque consonne.
« La règle générale que l'Académie françoise a suivie dans l'or-
thographe de son Dictionnaire, est de garder les consonnes dou-
bles dans les mots françois, lors qu^elles sont doubles dans les mots
latins d'oii ils viennent; et cette règle peut suffire pour la plus
part des mots de la langue, à l'égard des personnes qui entendent
le latin; mais comme on escrit icy pour tout le monde, il faut
essayer de donner là-dessus ou des préceptes, ou des exemples,
qui puissent estre entendus de tout le monde. »
Suivent 27 pages très-compactes de préceptes, d'exemples et
d'exceptions pour le redoublement ou le non-redoublement de
chacune des lettres de l'alphabet.
Malgré le désir qu'on éprouve de saisir quelques lueurs de
principes au milieu de cet amalgame de règles contradictoires, il
est impossible d'en rien conclure, sinon l'impuissance des gram-
mairiens d'alors à débrouiller le chaos orthographique. Qu'est-ce,
en effet, que de constater, d'un côté, que la prosodie française
est complètement différente de la prosodie latine, et d'exiger, de
l'autre, que l'on redouble la consonne en français là où les Latins
l'ont doublée? Gomment expliquer, en outre, cette bizarrerie dans
le rôle de la consonne redoublée, de rendre la syllabe qui pré-
cède longue dans chandelle et brève dans molle'l Bossuet, avec
son esprit lucide et pratique, avait bien raison de demander que
l'Académie s'expliquât en tête du Dictionnaire sur les règles de la
prosodie française : toutes ces inconséquences eussent alors for-
cément disparu, comme l'ont fait la plupart d'entre elles, grâce
à l'introduction des accents et à la suppression d'une partie des
lettres doubles inutiles, opérées par l'Académie lors de la réforme
de 1740. Mais en parcourant les listes données par Régnier,
page 111 particulièrement, on voit qu'il nous reste encore un nom-
bre assez grand de mots où la double consonne qui ne se prononce
pas s'est maintenue dans le seul but de figurer cette copie servile
du latin, répudiée par l'Académie elle-même, et à laquelle tout
le monde paraît avoir renoncé (1) .
(1) Nous avons encore collerette, mollesse^ assommant, inacbommodablé
LA. RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DES MARAIS. 255
Après s'être convaincu de l'inanité des principes orthographi-
ques de Régnier, on s'explique difficilement la sévérité qu'il montre
contre les novateurs tant du siècle précédent que de son temps.
La fin de non-recevoir qu'il oppose à toute réforme, si elle eût été
prise au sérieux, nous condamnerait encore à récriture vicieuse
de 1706.
« Que si, dit Régnier, dans la société civile, il n'est pas permis
aux particuliers de rien changer dans Vescviiuve (1) de leur nom,
sans des lettres du prince, il doit encore moins leur esire permis
d'altérer, de leur propre aut^orité, la pluspart des mots d'une
langue et la pluspart des noms de baptesme et des noms des peu-
ples, des provinces, des familles, des societe-s publiques et des
choses de la Religion.
(( Cependant ceux qui en usent de la sorte n'ont pas seulement
tort, en ce qu'ils s'attribuent une jurisdiction qui ne leur appar-
tient pas; ils ont tort encore d'ailleurs, en ce qu'ils abusent du
principe sur lequel ils se fondent, que les lettres estant instituées
pour représenter les sons, Tcscriture doit se conformer à la pro-
nonciation.
« Cette règle générale a ses exceptions, comme toutes les autres
règles; et vouloir reformer tout ce qui en est excepté, c'est
comme si un Grammairien, se fondant sur les principes généraux
de la Grammaire, vouloit y réduire toutes les conjugaisons des
verbes irreguliers d^une langue et toutes les façons de parler
qu'un long et constant usage a délivrées de la servitude de la syn-
taxe,
« De toutes les langues dont on a connoissance, il n'y en a
aucune dont toutes les lettres se prononcent tousjours d'une
mesme sorte et où le son des voyelles et des consonnes ne varie
souvent, selon les différents mots qu'elles forment, parce qu'il est
impossible que les différentes combinaisons des lettres n'apportent
de la différence dans le son propre de chaque caractère.
« .... Ce qu'on ne peut trop dire et trop repeter à ceux qui,
sur des principes spécieux, mais mal entendus, veulent de leur
aut/iorité privée reformer l'orthographe françoise, c'est que l'usage
n'a pas moins de droit et de jurisdiction sur la prononciation des
consommation^ pommade f bannière, carrosse, garrotter , etc., comme au temps
de Régnier.
(1) Les lettres italiques indiquent les changements ultérieurement apportés par
l'Académie à l'orthographe de Régnier,
256 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DES MARAIS.
mots que sur les mots mesmes; et que comme la prononciation
de plusieurs mots vient à varier de temps en temps, selon le ca-
price de Tusage, il faudroit aussi de temps en temps varier l'or-
thographe des me^mes mots, pour en représenter la prononciation
courante. Ainsi la reforme qu'on feroit aujourd'hui pour ac^juster
Torthographe à la prononciation ne tarderoit guere^ peut-estre à
avoir besoin d'une autre reforme, de mesme que celle que Sylvius,
Meigret, Pelletier et Ramus voulozent introduire.*)) -
Ce dernier paragraphe est parfaitement juste, et les lettres ita-
liques que j'ai placées aux endroits du texte de Régnier que l'Aca-
démie a dû corriger par la suite montrent que récriture suit la loi du
progrès comme toutes les sciences et que, par suite, il est du droit
et du devoir des enfants d'améliorer l'héritage de leurs pères.
«.... Où enseroit-on dans chaque langue, continue Régnier, s'il
en falloit reformer les éléments sur la difficulté que les enfants au-
roient à bien retenir la valeur et, comme parlent les Grammairiens,
la puissance de chaque caractère et les différentes variations qu'un
long usage y a introduites ? C'est aux enfants à apprendre à
lire comme leurs pères et leurs grands-peres ont appris.
« Quant aux e^trangers, pourquoi/ veut-on que la langue fran-
çoise fasse à leur égard ce que nulle langue ne fait ni ne doit faire
à Pégard de ceux à qui elle est estrangere?... Comme c'est à
ceux qui sont estrangers dans un pays à se conformer aux loia?
et aux cou5tumes du pays, c'est aussi à ceux qui veulent appren-
dre une langue qui leur est estrangere à s'assujettir à ses règles
et à ses irrégularités. Pourquoy donc changerions-nous en cela
nos usages pour les estrangers, qui ne changent les leurs pour
personne? et pourquoi ne feront-ils pas à l'égard de nostre lan-
gue ce qu'ils font à l'égard des autres et ce que nous essayons
tous les jours de faire à Tégard de celles qui nous sont estran-
gere s? »
En proclamant, dans le domaine intellectuel, cette maxime du
chacun pour soi, l'abbé Régnier ne pouvait pas pressentir les né-
cessités d'un nouvel état de la société européenne, où une cer-
taine instruction est indispensable à tous ses membres , où les
relations de peuple à peuple sont incessantes, où les langues mo-
dernes constituent une partie importante de l'éducation de la jeu-
nesse et où le temps a besoin d'être économisé pour tant de
choses à apprendre.
LA RÉFORME ORTHOGR. — FRÉMONT D'ABLANCOURT. 257
Nicolas de Frémont d'Ablancourt. Dialogue des letù^es de
l'Alphabet^ où Fnsag,e et la grammaire parlent^ fait à ri-
mitation du dialogue de Lucien^ iîititulé^ le Jugement des
voyelles. (A la suite de la traduction françoise de Lucien,,
par Nicolas Perrot d'Ablancourt, tome III, édition de
1706, in-12, p. 424.)
L'abbé Goujet^ dans sa Bibliothèque française, fait un grand
éloge de ce dialogue.
Les interlocuteurs sont FUsage et la Grammaire.
La Grammaire demande à l'Usage si elle doit produire ses lettres
habillées à l'arabesque, ou à la grecque et l'italienne, ou à la
gothique, ou bien simples et ramassées, et accommodées à la
française.
L'Usage répond : « A quoy boutant de mystères? Puisque nous
sommes en France et qu'il s'agit d'un différend entre les lettres
françoises, il faut qu^elles se présentent habillées à la mode du
pays. »
Chaque Lettre prend successivement la parole pour se plaindre de
son sort, et de l'empiétement des unes sur les autres; mais, tout en
signalant le désordre qui règne entre elles, le neveu de Perrot
d'Ablancourt se montre plus résigné que son oncle. Il fait ainsi
parler l'F : a Come je suis la première en fidélité, je trouve
fort étrange qu'on m^ôste les cle/s et qu'on me veuille couper les
ner/s; car après cela comment pourrois-je atteindre les cer/s à la
course? Gela est bien éloigné de la promesse qu'on m'avoit faite
de bannir le Ph, afin d'étendre les bornes de mon empire. Jus-
qu'ici il m'a toujours défendu l'abord des Prophètes et des PAilo-
sop.^es, et il ne veut pas môme que j'aspire à P^ilis. Si j'avois esté
aussi sévère, jamais le v ne se seroit mis en possession de toutes
les veuves (1), tant recréatii;esque rebarbatiî;es; cependant, comme
j'ay veû qu'elles l'aimoient plus que moy, je lui ay cédé tout ce
que j'y pouvois prétendre. »
Le P prend la parole : « Quand une longue possession ne seroit
pas un juste titre, après nous avoir fait traverser tant de Terres et de
(1) On écrivait ve/ye ; c'est sous ce titre qu'est publiée la pièce de Rotrou. Mais
1'/ a disparu au singulier féminin, et Vu n'a pu être introduit que lors de la dis-
tinction d>j V et de l'w, autrement on eût écrit la ueuue. Vf a été conservé au
singulier masculin,
17*
258 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - CL. BUFFIER.
Mers, débité tant d'ApopAthegmes, et enrichy ce païs de tant de
Phrases et de Para/?Arases, il semble qu'il y auroit de l'inhumanité
à nous séparer de la compagnie de P^ilis et de PMlomèle, puisque
nous sommes de même contrée^ et que nous avons jusqu'icy
couru les mêmes avantures.
c( L'Usage. J'ordonne que Ton conserve le Ph, le plus qu'on
pourra ; mais du reste,| quand on veut s'établir en un païs, il en
faut prendre l'habit et les mœurs. »
Le Père Claude Buffier, de la Compagnie de Jésus. Gram-
maire française sur un plan nouveau^ avec un traité sur la
prononciation des e, etc, Paris, 1709, in-12 ; ibid., 1723,
in-8.
Buffîer, un de ces jésuites à la raison hardie et profonde, dont
Fordre célèbre auquel il appartenait a fourni tant d'exemples,
après avoir constaté qu'une orthographe réformée est suivie par
la moitié au moins des auteurs, cite une centaine d'ouvrages
importants où elle est observée. Lui-même embrasse la réforme
non pas avec enthousiasme, mais avec la conviction calme qu'elle
est « le parti le plus commode, et conséquemment le plus sage. »
« On peut, ajoute-t-il , et Fon doit dire que certaines langues
ont une ortographe beaucoup plus embarassée et plus dificile que
d'autres langues. En éfet^ si une langue avoit précisément autant
de caractères divers dans l'écriture que de sons diférens dans
la prononciation, en sorte que chaque caractère particulier dé-
signât toujours le même son particulier , ce seroit Forthographe
la plus commode, et, ce semble, la plus naturèle qu'on puisse
imaginer. Ainsi^ plus une langue s'éloigne de cette pratique, plus
son ortographe est incommode et bizare. » « Le françois, dit-
il plus loin, a une ortographe des plus bizares et des plus mal-
aisées... Une même figure de lètre désigne quelquefois cinq ou six
sons divers, et un même son est désigné de sept ou huit manières
différentes (1)... Il ne s'agit pas de mettre de Pétymologie dans
un portrait, mais de le rendre le plus fidèle qu'il est possible. » Il
s'oppose, du reste, aux réformateurs trop absolus, «attendu, dit-il,
« que si l'ortographe n'étoit pas conforme à l'usage, on ne connoî-
c( troit rien aux figures ou caractères de létres qui seroient nou-
(1) Voir plus loin l'analyse de l'Ouvrage de M. Raoux, à la date de 1865.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — GRIMAREST. 259
« veaux. C'est ce qui est arrivé à ceux qui ont voulu introduire
« une ortographe toute nouvèle; les autres n'y ont rien conçu,
{( n'en ayant pas Tusage. Ainsi, quand même cette ortographe se-
rt roit au fond plus parfaite que l'ortographe établie, il seroit ridi-
« cule de s'en servir préférablement à la dernière, puisque c'est
« comme si Ton vouloit parler à un homme une langue qu'il
c( n'entend pas, sous prétexte qu'elle est plus parfaite que celle
a qu'il entend. »
Il propose, pour apprendre à lire plus promptement et plus
exactement, de prêter aux consonnes françaises d'autres noms
que ceux qui leur sont donnés par l'usage et qui soient plus con-
formes aux sons qu'elles expriment dans leur liaison avec les
voyelles. « Ainsi, au lieu de dire éfe, éme^ ixe, etc., on feroit mieux
de les appeler simplement /ê, me, xe, dont Ve seroit muet, » etc.
Il analyse les diverses modifications que prend le son e. Il vou-
drait que / ou // mouillé fût figuré par un signe particulier, le \. Il
remplace les signes binaires eu, ou, ch, gn, par W) ô, Xi ^'
L'y lui paraît une forme introduite par les copistes pour figurer
ij ou le double i. L'y, dit-il, n'est presque plus d'usage en notre
langue que dans les trois ou quatre occasions suivantes ; yeux,
y voire, yvre (1).
Voici dans quelle mesure il se montre réformateur : il écrit
ortographe, atacher, Ictre {de litera), suposé, indiférent, dificulté,
netement, ofrir, oposé, voyéle, néte, comode, naturéle, prométre^
sience, soufrir, nouvèle, anciéne, elimologie, afirmey consone, nazal,
biz-are; il écrit même silabe,
* Pierre Panel. Le Tableau de l' Ortographe française, Ham-
bourg, 1710, in-8.
Je n'ai pas vu cet ouvrage, cité par Goujet comme ayant trait
à la réforme.
De Grimarest. Êdaircissemens sur les principes de la langue
française, Paris, 1712, in- 12.
« Je tiens, nous dit-il, à l'égard de l'orthographe, entre les an-
« ciens et les modernes. » Aussi les modifications qu'il propose
(1) On écrit ivre* ivoire, et on a maintenu seulement l'y dans yeux.
260 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. -LE P. VAUDELIN.
sont-elles modérées. Il répond ainsi à ceux qui voudraient con-
server les s étymologiques : a Tous les mots où l'on peut suppri-
mer Vs viennent-ils du latin? Et d'ailleurs, ou l'on sait le latin
ou on ne le sait pas. S'ils le savent, sera-ce cette lettre suppri-
mée qui les empêchera de reconnoître que répondre vient de
respondere, hôte de hospes"! Si le lecteur ignore la langue latine,
que lui importe?.... » Il se plaint avec toute raison de ceux qui,
de son temps, mettaient des y partout.
Le désordre et Tincertitude de l'orthographe offraient jusqu'au
commencement du dix-huitième siècle de graves inconvénients
pour la détermination si importante des noms propres. Ainsi,
malgré de patientes investigations, nous ignorons encore la véri-
table prononciation du nom de famille d'un des plus célèbres im-
primeurs de Lyon, écrit tantôt Rouille^ Rouillé, Roville. Grimarest
cite un écrivain, Touville, inscrivant son nom sur trois écriteaux
aux faces de sa maison, tous trois orthographiés différemment :
Touuille, Toville, Tovville.
Le P. Gilles Vaudelin, augustin réformé. Nouvelle Manière
d'écrire comme on parle en France. Paris, Jean Got et Jean-
Baptiste Lamesle, 1713, in-12. — histruction chrétienne
mise en ortografe naturelle, pour faciliter au peuple la
lecture delà science du salut. Paris, 17 13, in-12.
Le bon père augustin, frappé de l'utilité de rendre la langue
française accessible aux classes qui n'ont pas de loisirs, a cru
résoudre le problème en créant un alphabet phonétique, composé
de 13 voyelles et de 16 consonnes. Un trait, nommé aujourd'hui
diacritique, distingue les valeurs différentes d'une même lettre,
il a ainsi un système de représentation nouveau et plus logique
pour les sons a, an, ai, é, in, i, e, o, on, eu, un, ou, u. Les con-
sonnes c, y, h,j, n, l, r, z, s, d, t, v, f, p, b, m, n'ont subi aucune
modification quant à la forme, sauf que h a changé de valeur et
représente ch. S'il n'est pas arrivé à la classification organique des
consonnes, qui est une des conquêtes de la philologie moderne,
on voit qu'il y tend. Son écriture occupe notablement moins d'es-
pace que la nôtre, et elle figure mieux les sons.
Mais son système a le même défaut que ceux de ses devan-
ciers, c'est-à-dire d'être impraticable, particulièrement à ceux
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. -L'ARBÉ GIRARD. 2G1
mêmes auxquels il le destine, les femmes, les enfants, les pauvres.
Cette addition de traits diacritiques est trop compliquée pour eux
et retarde Tessor de récriture des personnes instruites, écriture qui
doit toujours pouvoir être cursive pour satisfaire aux besoins qui
lui ont donné naissance.
* Nicolas Dupont, avocat au parlement , bailli du duché de
Ghâtillon-sur-Loing. Examen critique du traité d'Orto-
graphe de M. U abbé Régnier Desmarais^ Secrétaire perpé-
tuel de r Académie française, avec les principes fondamen-
taux de r art d'écrire. Paris, 1713, in-12.
« Il y a dans ce lirre^ dit l'abbé Goujet (t. I, p. 113), des re-
marques et des réflexions dont on peut profiter, et que M. l'abbé
Régnier n'auroit peut-être pas dû négliger. On ne pourroit pas
cependant conseiller d'adopter son système : il ne diffère en rien
pour le fond de celui du père Vaudelin. Je crois aussi qu'il eût
été bien embarrassé de prouver ce qu'il avance, que les Grecs et
les Latins avoient une ortographe régulière, telle qu'il se Tima-
gine. Étoit-il à portée d'en juger, puisqu'actuellement nous ne
savons nullement quelle étoit la véritable prononciation du grec
et du latin dans le bel usage de ces deux langues? »
L'abbé G. (Girard, de rAcadémie française en 1744). VOrto-
grafe française sans équivoques et dans ses principes natu-
rels : ou Vart d'écrire notre langue selon lés loix de la
raison et de Vusage, d'une manière aisée pour lés dames,
comode pour lés étrangers^ instructive pour lés provin-
ciaux et nécessaire pour exprimer et distinguer toutes lés
diférances delà prononciacion. Paris, Pierre Gifîart, 1716,
in-12.
L'abbé Girard, comme nous Tavons vu plus haut, p. 139, est un
réformateur modéré et un esprit raisonnable. Malheureusement
il n'a pas vu que son système d'accentuation ajoute aux difficul-
tés et aux lenteurs de l'écriture au lieu de les écarter.
« On pourroit bien se tromper, dit-il (p. 23), en croyant que c'a
toujours été par dés raisons d'étimologie qu'on a introduit dans le
262 LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ GIRARD.
français tant de lettres inutiles et équivoques. Non^ il ne faut pas
croire que nos pères aient été d'assez mauvais goût que de mettre
à plaisir toutes ces lettres oiseuses et embarassantes dans leur or-
tografe; ni qu'ils aient poussé la bizarrerie jusqu'à vouloir écrire
leur propre langue tout diférammànt qu'ils ne la parloient, préci-
sémànt pour conserver la mémoire dés emprunts qu'ils faisoient
dans une autre langue pour enrichir la leur; ni qja'ils aient pansé
comme quelques grammairiens, qui sont ravis de trouver et de
conserver dans le français toutes lés lettres qui sont dans le latin,
sans se mettre en peine de l'incomodité qu'elles y causent, ni de
la mauvaise grâce dont elles y figurent. Nos pères n'ont assuré-
mànt point pansé à tous ces petits raisonemans : ils se sont servis
dés lettres pour le besoin, et si leur ortografe aproche plus du la-
tin, c'est que leur manière de parler n'en étoit pas si éloignée
qu'en esf. la nôtre. Ainsi, je suis persuadé que ce n'a point été
rétimologie, mais la prononciacion de ces tamslà qui a introduit
toutes ces lettres, qui sont devenues inutiles, lorsqu'on s'est avisé
de faire dés changemans dans la prononciacion, car une grande
partie de nos mots se prononçoient autrefois comme ils s'écrivent
aujourdui. Desorteque ce seroit toujours écrire comme on écrivôit
que d'écrire comme on prononce. »
Après avoir ainsi donné un exemple de l'écriture du P. Girard,
il me reste à en expliquer les détails. L'auteur reconnaît trois sor-
tes d'à : Va bref ou ordinaire, comme dans parure, amour, canon ;
Va long, marqué de l'accent circonflexe, comme dans pâté, pâques,
mâtin, et l'a adverbe, marqué par un accent grave, comme dans
ces mots à Rome, là, au delà, promptemànt. Il est regrettable que
le docte jésuite n'ait pas admis la distinction des voyelles na-
sales de l'abbé Dangeau, qui lui eût fourni une simplification or-
thographique plus rationnelle que l'accent grave placé sur cet an.
Il écrit complimant , contant , agrémant , parant, acçant , tams,
example, tample, réservant la forme ent pour la troisième per-
sonne du pluriel des verbes : ils chantent.
Il écrit Anglais, Hollandais, Français, au lieu de Anglois, Hol-
landois, François-, connaître, parçiitre, au lieu de connaître, paraî-
tre. S'il conserve oi aux imparfaits, c'est par pur amour de la paix
et parce que « ce seroit plutôt témérité que courage de vouloir l'en
déloger. »
Il n'admet la simplification du double c que dans quelques mots,
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ GIRARD. 263
comme acorder^ acoucher^ mais il restitue à cette lettre sa place
phonétique dans les mots où t se prononce c. Il écrit donc : cau-
cion, créacion, prononciacion, Gracien, quocien^ inieier, primacie.
Mais, par esprit d'accommodement, il conserve le t dans ces mots :
action^ distinction, perfection, examption, exception, où il est pré-
cédé d'un c ou d'un;?. Il bannit un c dans les mots sçavoir, sça-
vant, sciance^ scène, contracta sainct.
Pour remédier à l'incertitude de prononciation du ch^ il le con-
serve seulement dans les mots charité, cheminée, chose, etc., et le
remplace par le k dans ceux où il est dur au lieu d'être aspiré. Il
écrit donc Mromancie et arkiépiscopal.
Il serait trop long d'analyser ici le chapitre que l'auteur consa-
cre à la lettre e et les articles de plusieurs autres lettres. Je note-
rai cependant son opinion sur la lettre / et le ph. Il conserve le
ph dans les noms propres transcrits du grec : Phaéton, Philippe,
Phocas, Céphale ; il Tadmet également au mot philosophe, où il
croit qu'il sied à merveille, « par le respect que nous devons avoir
pour les sages de la Grèce^ » ainsi que dans les mots où il est
précédé d'un m, comme triompher, nimphe, simphonie. Partout
ailleurs 1'/ lui suffit : exempl. : fantaisie, fanatique, ortografe, pro-
fane.
Il regrette qu'on n'ait pas inventé encore une cédille pour dis-
tinguer le g doux dans agir, généreux, obligeant, geôlier, gageure,
an g dur, dans les mots languir, guéridon, Goliath, guide.
Quant à Vh, il ne lui reconnaît pas d'utilité dans les mots cré-
tien, cronique, rétorique, rûme, auteur, téatre, téologie, aujourdui.
Il la maintient au commencement des syllabes où elle est d'usage,
comme dans homme, honête , hureux (sic) (1), dehors, souhait,
haine, <i avec cependant une petite marque de distinction dans lés
occasions où elle est fortemànt aspirée. Cette marque sera un
point placé dans le çantre de cette lettre. »
Lorsque la voyelle i est suivie d'un l mouillé, il récrit avec un
tréma, ex. : coquille, fille, sïllon, péril, habil, gentil, ce qui nous
indique, par parenthèse, que ces trois derniers mots, surtout le
dernier, se prononçaient en 1716 autrement qu'aujourd'hui.
(1) Telle était la prononciation de la triphlhongue eur dans quelques parties
de la France, et particulièrement en Normandie. Voltaire se l'est permise dans ces
vers :
11 voit les murs d'Anet bâtis aux bords de l'Eure,
Lui-mèrae en ordonna la superbe structure.
264 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.- L'ARBÉ GIRARD.
Il supprime \'œ dans ces mots sœu7\ bœuf, vœux, qu'il écrit par
un e simple ; seur, beuf, veux.
Il enlève le p dans temps, baptême, ptisane, corps, niepce, qu'il
orthographie tams, batéme, tisane, corps, nièce; nmsi\ le garde
dans le nombre sept.
Il conserve à la lettre q son u, qu'il appelle servile, mais il dis-
tingue par un point supérieur cet u lorsqu'il se fait entendre,
comme ou devant a : aquatique, éqûateur, quadrature et comme
u devant e et ^ dans questeur, Qûintilien, Qûinquagcsime.
Quand le r ne se prononce pas à la fin des mots, il marque d'un
accent aigu Ye qui le précède : singulier, 7nilliér, particulier.
La suppression de Vs dans les mots connoistre, maistre, nais-
tre, gouster, lui fournit l'occasion d'une observation assez ingé-
nieuse. Le digramme ou signe binaire ai (qu'il appelle diftongue),
étant long de sa nature, il est inutile d'employer l'accent circon-
flexe, et l'on doit écrire simplement conaitre, mailre , naitre,
ganter.
Il réclame une cédille sous le x dans les mots examen, exil,
éxample, où cette lettre se prononce comme gz .
Il exclut l'emploi de l'y dans les mots mistique, sistème, hipo-
tèque, sintaxe, sinode, piramide, hipocrite, et môme dans ceux-ci :
Baïeux, Maïence,
Le petit traité de l'abbé Girard fournit matière à une foule d'au-
tres remarques intéressantes.
Plan d'une ortographe suivie^ pour les imprimeurs, (Dans les
Mémoires de Trévoux, août 1719.)
« L'ortographe françoise étant fort incertaine, à cause de l'u-
sage différent des auteurs, qui en ce point se contrarient les uns
les autres et souvent se contrarient eux-mêmes, il est bon, pour
tirer les imprimeurs d'embarras, de leur fournir, comme ils l'ont
souvent demandé, des régies auxquelles ils puissent s'attacher,
pour garder dans l'ortographe la commodité et l'uniformité con-
venable et dont ils puissent rendre raison, quand ils ne seront
pas obligez par les auteurs d'en user autrement. Ces reflexions ne
seront point d'un moindre usage pour les étrangers qui sont en-
core plus embarrassez sur ce point que nos imprimeurs. »
Ces réformes, très-sages, ont presque toutes été acceptées.
Elles consistent :
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.— MÉM. DE TRÉVOUX. 265
1» Dans la suppression de Vs dans des mots de ce genre :fai
esté, qu'il fust, les forests, que l'auteur écrit été^ fut, forêls,
2» Dans l'emploi de l'accent circonflexe pour remplacer Vs
supprimée dans ces mots : tâcher, fête, aprcte,
3° « Par la raison de l'usage le plus étendu et le plus com-
mode, on supprimera encore toutes les consones doubles qui ne
se prononcent point ; ainsi on n'imprimera point infidellité, ap-
pel/er, pardonnera, mais infidélité, apeler, pardonera, parce qu'on
ne prononce qu'une / dans les deux premiers et qu'une n dans le
dernier. Il faut cependant excepter les mots fort courts, et qui
n'ont qu'une sillabe, par exemple, elle, donne, comme (l'e muet
n'est pas ici considéré). Il faut excepter ces monosillabes, parce
que l'usage n'a point encore accoutumé les yeux à voir écrire ele,
doue, corne : or, il ne faut jamais choquer manifestement l'usage. »
4° Il faut supprimer Vy partout, excepté en deux ou trois mots
où l'usage l'exige; comme quand y fait seul un mot : je vous y
trouve^ etc.
5° Il faut distinguer dans les syllabes finales les e aigus, dans
assés (sic), placés, des è qui se prononcent ouverts ; accès, pro-
grès, etc.
6<' Il faut supprimer Ve dans rendeu, conceu, aperceu, qu'il
faut écrire rendu, conçu, aperçu.
7» Il ne faut employer le tréma que dans le cas où il y a véri-
tablement diérèse.
8° Il faut marquer d'un accent aigu tous les e qui ne sont pas
muets, comme bonté, dégénéré, néteté (sic).
On voit que, dès l'année qui suivait la publication de la seconde
édition du Dictionnaire de l'Académie, on introduisait dans les
imprimeries l'usage qui a prévalu en grande partie vingt-un ans
plus tard dans la troisième.
* Méthode du sieur Pierre Py-Poulain de Launay, ou VArt
d'apprendre à lire le François et le Latin, et VOrtographe,
par un nouveau système si aisé quon y fait plus de pro-
grès en trois mois qu'en trois ans par la manière ordinaire.
Paris, 1719, in-12. — Pierre Py-Poulain de Launay, fils du
précédent. Le même ouvrage corrigé, perfectionné et aug-
206 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ~ P. DE LONGUE.
mente considérablement : avec des .? flexions sur le système
du bureau Typographique , et un nouveuv système d'orto-
graphe. Paris, 1741, in-12.
Je n'ai pu encore voir ce petit ouvrage. Goujet en parle ainsi :
« Ceux qui en ont profité sont louables. Il est certain qu'en réfor-
naant quelques idées de cet auteur et en en perfectionnant quel-
ques autres, son ouvrage ne pourroit être que très-utile aux
commençans, pour la prononciation surtout et pour Tortographe.
Quand il présenta sa méthode en d713 à M. l'abbé Bignon, ce sa-
vant, après l'avoir examinée, y trouva de fort grands avantages
et applaudit au zélé et aux vues de Fauteur L'abbé d'Or-
sanne, chanoine de l'église de Paris et directeur des petites écoles
de cette ville, lui donna aussi son suffrage, et l'expérience a mon-
tré depuis que Ton pouvoit s'en servir avec beaucoup d'utilité.
« Je ne sçai, au reste, sur quoi le sieur Py-Poulain s'est fondé,
lorsqu'il a dit que le célèbre Jean du Vergier de Hauranne, abbé
de Saint-Cyran, avoit eu sur ce sujet les mêmes idées que lui, et
lorsqu'il fait entendre que ce ne sont proprement que les idées de
cet abbé qu'il développe. Je ne connois aucun ouvrage de M. de
Saint-Cyran sur la grammaire. Je sçai seulement qu'il avoit tou-
jours eu d'excellentes vues pour l'éducation de la jeunesse et qu'il
les communiqua à ceux qui se chargèrent de son tems de la con-
duite des écoles qui ont été connues sous le nom d'écoles de
Port-Royal. »
L. Pierre de Longue. Principes de Uortographe françoise^ ou
réflexions utiles à toutes les personnes qui aiment à écrire
correctement, Paris, 1725, in-12.
Dans ce traité, très-estimable, où sont discutés les principes de
l'orthographe française, l'auteur donne l'exemple des améliora-
tions qu'on y peut apporter. La manière dont son texte est écrit
peut en faire juger dès le début.
« Les homes ne peuvent se contenter dans leurs recherches. Ils
voudroient trouver la perfection dans tous les arts, la vérité dans
toutes les siences, le souverain bien partout, dans les vertus ,
dans les vices même; cette agitation continuelle de l'ame ne
prouve-t-elle pas l'immortalité ?
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ DE S.-PIERRE. 267
(( L'ortographe est donc l'art d'écrire correctement et confor-
mément aux lois que l'usage établit. Suivant cette définition gé-
nérale, cette sience s'étendroit plus loin qu'on ne le croit. Elle
comprendroit la logtque, la rétorique, toutes les connoissances
qui contribuent à nous faire bien parler, etconséquemment à nous
faire bien écrire. »
II écrit silahe, persone, tiran, reheles, raisonement, stile, pou-
roient, Egiptien, hieroglifes^ atentifs, amphase^ voyèle, ocasion ^
atention {{), soufert, dificulté, batu, consone, hibliotèque, acoutu-
mer y suputer, chifre, honète, etc.
Gh. Irénée Gastel, abbé de Saint-Pierre, membre de l'Aca-
démie française. Discours 'pour perfectioner VOrtografe.
(Dans les Mémoires de Trévoux, février 1724, et dans le
Journal des Savans, avril 1725.) — Projet pour perfec-
tionner Vortografe des langues d Europe, Paris, Briasson,
1730, in-8 de 266 pp. et 1 f.
Dans son ardent amour de l'humanité, dans son zèle pour le rap-
prochement intellectuel des peupl.es de notre continent, le bon
abbé de Saint-Pierre conçut, près d'un siècle avant Volney, le plan
d'une écriture et d'une orthographe applicables à divers peuples
de FEurope. Il ne lui fut pas donné comme à son successeur de
trouver le moyen d'approprier Palphabet latin aux langues de
PAsie dites sémitiques. L'étude comparée des idiomes était à peine
ébauchée au commencement du siècle passé. L'ouvrage d'Irénée
Gastel, faible dans la conception des moyens de représentation
phonétique, n'en renferme pas moins des vues ingénieuses et des
aperçus qui révèlent la sagacité de l'observateur. Il m'est impos-
sible de figurer ici son orthographe, parce que, pour déshabituer
l'œil de son lecteur des formes traditionnelles, il écrit alterna-
tivement les mots par les différentes lettres qui peuvent en figurer
le son. Ce procédé, qu'il considère comme un acheminement à la
réforme, est chez lui un système.
a Quel est le but de l'art de Portografe, se demande-t-il, de
« cet art si beau et si précieux, avec lequel nous pouvons faire en-
Ci) Bossuet, plus logique, écrivait atantion, atantat, atantif^ atantivement.
268 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABBÉ DE S.-PIERRE.
a tendre nos sons articulés, c'est-à-dire nos paroles, et par consé-
« quent nos pensées à ceux qui vivent ou qui vivront et à qui nous
« ne pouvons parler ? Quelle est la fin de cet art avec le secours du-
« quel nos yeux nous servent d^oreilleset notre main nous sert de
(( langue, de voix, d'articulation, en un mot de prononciation?
« Quel est le but de cet art qu'un de nos poètes nous peint siélé-
« gamment en deux vers :
c'est de Tyr (1) que nous vient cet art ingénieux
De peindre la parole et de parler aux yeux.
« Le but de cet art, c'est certainement d'exprimer exactement et
a sans laisser aucun doute, par un petit nombre de figures simples,
« faciles à former et à distinguer, tous les mots dont les hommes
(( se servent en parlant. »
Partant de cette juste définition, l'auteur remarque avec beau-
coup de raison qu'il y a un grand inconvénient à conserver dans
les langues des lettres qui ne se prononcent pas : si Tenfant, par
exemple, s'est accoutumé à prononcer abbé comme s'il n'y avait
qu'un seul b, arrivé à l'étude du latin, il prononcera, en vertu
de la logique naturelle de Tesprit, abas, au lieu de abbas, en ita-
lien abate au lieu de abbate; en même temps, en français, s'il s'est
habitué à lire effet comme s'il y avait éfet, il lira effraijé, comme
s'il y avait éfraijé.
Cette observation est très-judicieuse, et j'ai signalé plus haut,
ainsi que l'a si bien fait M. Littré (voir p. 164), l'action de l'écri-
ture sur la prononciation, qu'elle altère à la longue.
Dans son Discours pour perfectioner l'ortografe l'auteur envi-
sage historiquement les vicissitudes de l'écriture française : « Si
dans l'origine, dit-il, on a prononcé le mot sentir comme on pro-
nonce en latin sentire, on a dû écrire ce mot comme on le pro-
nonçoit, pare, mais nous devons aujourd'hui l'écrire comme nous
le prononçons. »
Il croit que la langue était beaucoup moins riche trois ou quatre
cents ans auparavant, mais que l'orthographe de cette époque
(1) La science moderne a démontré, contrairement au témoignage de la plupart
des historiens de l'antiquité, et à l'aide de monuments irrécusables , que l'alpha-
bet n'avait pas été inventé par les Phéniciens , et que ceux-ci l'avaient reçu de
Babylone ou de Ninive. (Voir Noël des Vergers, VÉtrurie et les fitrusques,
t. III, Appendice sur l'histoire de l'écriture.)
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.— L'ABRÉ DE S.-PIERRE. 269
était beaucoup meilleure que la nôtre, c'est-à-dire qu'elle res-
semblait beaucoup plus à la manière de prononcer alors en usage.
Il recherche les causes des dissidences orthographiques : « Si
({ dans notre ortographe les François avoient suivi peu à peu et
« exactement les changemens qui arrivoient peu à peu dans lapro-
« nonciation de quelques mots, notre ortografe d'aujourd'hui se-
« roit bien moins imparfaite; mais, sans y faire de réflexion, nous
c( avons continué à écrire les mêmes mots de la même manière
« que nos aïeux, sans songer qu'ils les prononçoient d'une manière
« très différente de celle dont nous les prononçons. »
Il a connu, dit-il, des vieillards qui prononçaient je courais
comme une couroije. La prononciation a changé, ne serait-il pas
raisonnable de changer également l'écriture? Mais on ne peut le
faire que par degrés. L'auteur développe cette dernière propo-
sition avec beaucoup de force et de raison.
Il y a cinquante ou soixante ans, ajoute-t-il, on a commencé à
changer quelque chose dans l'écriture de peur qu'elle ne ressem-
blât presque plus à la fin à celle d'aujourd'hui. Plusieurs ont
même ôté depuis quelques lettres que l'on avait gardées unique-
ment pour faire connaître les origines : ils ont écrit sience, apren-
dre, filosof e , saint et non saincl; ils ont ainsi en diverses occasions
retranché certaines lettres qui ne se prononçaient plus ou ne
s'étaient jamais prononcées.
« Dès que l'on veut bien écouter la raison contre la mauvaise
cotitume, on sent que ces premiers novateurs sur l'ortografe ont
déjà rendu un grand service à notre langue d'écriture en tâchant
de la faire insensiblement ressembler davantage à notre langue de
prononciation.
« Kien ne se perfectione sans nouveauté, et il est de la nature
des ouvrages humains de pouvoir toujours se perfectionner. »
Il résunne ainsi les cinq sources de la corruption présente et de
la corruption future de l'orthographe et les cinq inconvénients aux-
quels il se propose de remédier :
« 1° Négligence à suivre dans Torthografe les changemens qui
« arrivent dans la prononciation ;
270 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - JACQUIER.
(( 2° Négligence à inventer autant de figures qu'il y a de sons et
« d'articulations connues;
« 3° Négligence à donner quelques marques aux lettres quand
« on les employait à quelque autre fonction qu'à leur fonction
« ordinaire;
« 4" Négligence à marquer dans chaque mot les lettres qui ne
(( s'y prononcent plus ;
« 5° Négligence à marquer les voyelles longues. »
Malheureusement, l'abbé de Saint-Pierre, n'ayant pas réfléchi
aux nécessités de l'écriture courante et de la typographie, a eu re-
cours pour fixer la valeur des lettres, et comme moyen transitoire,
à un système de petits traits placés au-dessus ou au-dessous de la
ligne et dont la complication devait rendre sa réforme impraticable.
Maurice Jacquier. Méthode très- facile pour apprendre Forto-
graphe à ceux ou celles qui n'ont pas étudié le latin^ et
utile aux personnes qui ont la connoissance des belles let-
tres. Paris, 1725, in-8. La quatrième et la cinquième édi-
tion de cet ouvrage parurent sous ce titre : La méthode
pour étudier et pour enseigner Vortographe et la langue
françoise^ mise à la portée de toutes sortes de personnes de
Vun et de Vautre sexe. Paris, 1740, pet. in-8 ; La Haye et
Francfort, Jean van Duren, 1742, pet. in-8 de 400 pp.
(Elles diffèrent des précédentes par la méthode d'enseigne-
ment et ont été augmentées d'une table en forme de dic-
tionnaire.) Une autre cinquième édition sensiblement modi-
fiée parut sous ce titre : Méthode pour aprendre Vorto-
graphe et la langue françoise par principes. Cinquième
édition, la seule dont on puisse se servir utilement. Paris,
1751, in-8 de 2 ff. et 332 pp.
La méthode de l'auteur, établie sur le son, sur les principes et
sur l'usage, échappe à toute analyse. Il se prononce fortement
contre le maintien des lettres étymologiques dans les mots dérivés
du grec. Ce n'est du reste qu'un livre d'enseignement de l'ortho-
graphe d'usage.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DU MARSAIS. 271
Gheneau, sieur Du Mars aïs. Des Tropes ou des diférens sens
dans lesquels on peut prendre un même mot dans mie
même langue. Troisième édition. Paris, Prault, 1775, in-12
de XXII -362 pp. et 4 ff. (La première édition est de 1730.)
Le célèbre auteur des Tropes s'exprime ainsi :
« La prononciation, c'est un usage', récriture, c'est un art. Tout
art a sa fin et ses principes, et nous sommes en droit de repré-
senter, à propos de l'écriture, qu'on ne suit pas les principes de
l'art, qu'on n'en remplit pas la fin, et qu'on ne prend pas les
moyens propres pour arriver à cette fin.
(( Il est évident que notre alphabet est défectueux, en ce qu'il
n'a pas autant de caractères que nous avons de sons dans notre
prononciation. Ainsi, ce que nos pères firent autrefois, quand ils
voulurent établir l'art d'écrire, nous sommes en droit de le faire
aujourd'hui pour perfectionner ce même art, et nous pouvons in-
venter un alphabet qui rectifie tout ce que Fancien a de défectueux .
(( L'écriture n'a été inventée que pour indiquer la prononcia-
tion ; elle ne doit que peindre la parole, qui est son original ; elle
ne doit pas en doubler les traits, ni lui en donner qu'elle n'a pas,
ni s'obstiner à la peindre à présent telle qu'elle était il y a plu-
sieurs siècles. ))
D'Alembert énonce ainsi son opinion sur l'ouvrage de Du Mar-
sais : «Tout mérite d'être lu dans le Traité des tropes^ jusqu'à
« Verrata-^ il contient des réflexions sur notre orthographe, sur
« ses bizarreries, ses inconséquences et ses variations. On voit
« dans ces réflexions un écrivain judicieux, également éloigné de
« respecter superstitieusement l'usage et de le heurter en tout
« par une réforme impraticable. » (Éloge de Du Marsais, dans le
t. VII de V Encyclopédie,)
Voici cet errata dont parle d'Alembert (1) :
« Je ne crois pas qu'il y ait de fautes typographiques dans cet
ouvrage par l'atention des imprimeurs, ou, s'il y en a, elles ne
sont pas bien considérables. Cependant, come il n'y a point en-
core en France de manière uniforme d'orthographier, je ne doute
(1) Je crois que l'enata dont il est question ne se trouve que dans celte édi-
tion que je possède. On a eu grand tort de le supprimer dans les éditions pos-
térieures.
272 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DU RJARSAIS.
pas-que chacun, selon ses préjugés, ne trouve ici un grand nom-
bre de fautes.
• c( Mais, 1^ mon cher lecteur, avez-vous jamais médité sur l'or-
thographe? Si vous n'avez point fait de réflexions sérieuses sur
celte partie de la Grammaire, si vous n'avez qu'une orthographe
de hazard et d'habitude, permettez-moi de vous prier de ne point
vous arêter à la manière dont ce livre est orthographié^ vous vous
y acoutumerez insensiblement.
(( 2° Êtes- vous partisan de ce qu'on apèle anciène orthographe?
Prenez donc la peine de mettre des lettres doubles qui ne se pro-
noncent point, dans tous les mots que vous trouverez écrits sans
ces doubles lettres. Ainsi, quoique selon vos principes il faille
avoir égard à Pétymologie en écrivant, et que tous nos anciens
auteurs, tels que Villehardouin, plus proches des sources que
nous, écrivissent home de homo, persone de persona, honeur de
honor, doner de donare, naturéle de naturalisa etc. , cependant
ajoutez un m à home et doublez les autres consones, malgré l'éty-
mologie et la prononciation, et donez le nom de novateurs à ceux
qui suivent l'anciène pratique.
« Ils vous diront peut-être que les lettres sont des signes, que
tout signe doit signifier quelque chose, qu'ainsi une lettre double
qui ne marque ni l'étymologie ni la prononciation d'un mot est
un signe qui ne signifie rien, n'importe : ajoutez-les toujours, sa-
tisfaites vos yeux, je ne veux rien qui vous blesse, et pourvu que
vous vous douiez la peine d^entrer dans le sens de mes paroles,
vous pouvez faire tout ce qu'il vous plaira des signes qui servent
à l'exprimer.
(( Vous me direz peut-être que je me suis écarté de l'usage
présent : mais je vous suplie d'observer :
« 1. Que je n'ai aucune manière d'écrire qui me soit particulière
et qui ne soit autorisée par l'exemple de plusieurs auteurs de ré-
putation.
(( 2. Le P. Bufier prétend même que le grand nombre des au-
teurs suit aujourd'hui la nouvèle orthographe, c'est-à-dire qu'on
iie suit plus exactement l'anciène. J'ai trouvé la nouvèle ortho-
graphe, dit-il (Grammaire françoise, p. 388), dans plus des deux
tiers des livres qui s'impriment depuis dix ans. Le P. Bufier
nome les auteurs de ces livres. Le P. Sanadon ajoute que depuis
la suputation du P. Bufier le nombre des partisans de la nouvèle
orthographe s est beaucoup augmenté et s'augmente encore tous les
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DUMAS. 273
jours [Poésies d'Horace, préface, p. xvii (2)]. Ainsi, mon cher lec-
teur, je conviens que je m'éloigne de voire usage; mais, selon le
P. Bufier et le P. Sanadon, je me conforme à Tusage le plus suivi.
(( 3. Êtes- vous partisan de la nouvèle orthographe? vous trou-
verez ici à réformer.
« Le parti de l'anciène orthographe et celui de la nouvèle se
subdivisent en bien des branches : de quelque côté que vous
soyez^ retranchez ou ajoutez toutes les lettres qu'il vous plaira,
et ne me condânez qu'après que vous auriez vu mes raisons dans
mon Traité de Vortographe (sic). »
La Bibliotèque des enfans, ou les premiers elemens des letres,
contenant le sistême du Bureau tipografique, etc. , à l'usage
de M^'' le Dauphin et des augustes en/ans de France, Paris,
Pierre Simon, 1733, 4 vol. in-4.
Dans cet important ouvrage, la pratique est unie à la théorie,
puisqu'il est entièrement imprimé dans le système d'écriture très-
simplitié mis au jour par le Bureau typographique. L'alphabet
n'y est en rien altéré. On voit que le succès obtenu dans l'ensei-
gnement de la jeunesse fut remarquable, car il est consigné dans
les actes déposés au greffe de la juridiction de M. le chantre de
l'Église de Paris, où on lit :
« Nous, après avoir entendu l'auteur et vu les enfants travailler
« audit bureau, aïant examiné le tout avec exactitude, avons jugé
« ledit système très ingénieus, fort propre à avancer la jeunesse
« sans la dégoûter et très capable d'oter les épines qui se trou-
ce vent, surtout en aprenant aux enfans les premiers elemens.
« C'est pourquoi nous estimons et croyons que monsieur le chan-
« tre peut permettre la pratique de ce sistème et l'exercice du
« Bureau tipographique dans les écoles de sa juridiction et
c( exhorter les maistres à le pratiquer, etc. »
On peut juger de ce système d'orthographe dès le début du livre,
que je crois rédigé par Dumas, fondateur du Bureau typographique :
c( Bien des gens s'imaginent que de comancer deus ou trois
(1) Le p. Sanadon a suivi une orthographe simplifiée dans l'éditioi» qu'il a don-
née de sa traduction d'Horace, et j'ai le droit de le faire figurer parmi les réfor-
mateurs.
18
274 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DUMAS.
« ans plus tôt ou plus tard, cela ne sauroit guère influer ni en bien
« ni en mal dans le reste de la vie, et qu'enfin l'éducation tardive
« peut mener également à la perfection. C'est là un préjugé que Ti-
« gnorance et la coutume paroissent n'avoir déjà que trop autorizé ;
(( car le dégoût de la plupart des écoliers ne vient peut être pas
« moins d'une éducation tardive que d'un défaut de disposition
« aus lètres. Je pense donc qu'il seroit utile que l'enfant pût lire
« presque aussitôt qu'il sait parler : cela lui doiieroit plus de fa-
(( cilité dans tous ses exercices. La diference d'un enfant qui lit à
(( trois ans et de celui qui à peine lit à sèl doit être contée pour
« beaucoup dans la suite des études. Il y a tant de choses à apren-
« dre qu'on ne sauroit comancer trop tôt. » L'auteur cite à ce
propos l'exemple du Tasse : il apprenait la grammaire à trois
ans, et avec un tel succès que son père l'envoya au collège des jé-
suites à quatre ans.
L'auteur donne des exemples de la multiplicité des manières
dont l'enfant est contraint de figurer un même son :
Son AN.
an,
anCf
and,
ang,
ham,
han^
ans,
ant,
antSj
atn,
aon.
(annus)
franc
quand
rang
Ham
hanter
dans
tant
enfants
Caen
Laon
ean,
em,
emp,
emps,
empt,
en,
end,
ens,
ent,
han,
hen.
Jean
empire
exempte
temps
exempt
ennui
il rend
sens
dent
Rohan
Henri
Son IN.
en,
ens,
ent,
ein,
eing,
eint,
aim,
ain,
aine,
aint,
ains,
im.
rien
biens
il vient
sein
seing
feint
faim
vain
il vainc
saint
bains
guimpe
^n, vm
inct, instinct
ingt, vingt
ingts, quatre-vingts
inq, cinq
tu vins
il prévint
lymphe
lynx
Reims
craindre
ms,
int,
ym,
eim.
ain.
Ce précieux ouvrage contient le germe de nombreuses amélio-
rations des méthodes d'enseignement de la langue.
Le Précepteur j c'est-à-dire huit traités, savoir une gram-
maire francèse^ une ortografe francèse, etc., 1750, in-4
(pp. 1-132).
L'auteur de ce livre destiné à l'instruction de la jeunesse se pro-
nonce pour l'orthographe conforme à la prononciation^ et il con-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. 275
seille de s'avancer progressivement dans cette voie par des ré-
formes partielles.
(( Autrefois, dit-il (p. 33), la prononciation des mots et Portografe
étoient conformes ; la prononciation a changé, elle est devenue
plus douce et plus polie : Fortografe est presque demeurée dans
le même état ; il faut donc l'ajuster à la prononciation peu à peu
autant qu^il sera possible. »
Et plus loin (p. 55) :
a On perfectionne tous les jours les sciences et les ars : pourquoi
s'obstine-t-on à ne vouloir pas perfectionner l'ortografe francèse,
qui est si nécessaire, si utile et si en usage? Tout le monde reçoit
avidement toutes les modes nouvelles de s^abiller, de se meubler,
de bâtir, d'agir, quoique mauvaises et embarassantes : pourquoi
refuse-t-on de recevoir une nouvelle manière d'écrire plus raiso-
nable et plus avantageuse que la vieille? »
Dans les Règles particulières de Vortografe francèse, il s^attache
au système proposé par Richelet, qu'il appelle le chef des réfor-
mateurs de Vortografe, qui consulte plutôt la prononciation que
Vétimologie,
A ce propos, il dit :
c( Quant une coutume est mauvaise, pernicieuse, il faut la quit-
ter, quoique cela soit difficile, parce que cette coutume est un
abus; c'est là une maxime reçue de tous les omes. »
Il supprime les lettres doubles qu'on ne prononce pas ; p. ex. :
acabler, épé, aler, arèf;
Les consonnes finales muettes; p. ex. : blan, canar;
Il omet Ye devant Va ; p. ex. : bau, Jan, et o devant eu; p. ex. :
euf, euvre.
Il retranche Vr final de tous les noms terminés en er et ier,
sauf les verbes et les mots dont Vr final se lie au mot suivant
commençant par une voyelle ; p. ex. ; charbonié, premier orne.
Il supprime à tort le s devant le c; p. ex. : acendant; il aban-
donne aussi le h étymologique et le trait d'union.
276 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DE WAILLY.
De Wailly. Principes généraux et particuliers de la langue
française, avec les moyens de simplifier notre orthographe^
des remarques sur les lètres, la prononciation^ la proso-
die^ la ponctuation, F orthographe et un abrégé de la versi-
fication française. Paris, 1754, in-12;7'^édit., ibid., J. Bar-
bou, 1773, in-12 de 600 pp. (Souvent réimprimé.) — De
r Orthographe. Paris, 1771, in-12. — U Orthographe des
darnes^ ou l'orthographe fondée sur la bonne prononcia-
tion , démontrée la seule raisonnable , par une société de
dames (sans nom d'auteur). Paris, Mérigot le jeune, 1782,
in-12 de vm et 360 pp.
Dans le petit traité anonyme de VOrthographe des dames, de
Wailly embrasse de la manière la plus nette toutes les parties de
la réforme. Voici l'analyse de quelques-unes des critiques qu'il
adresse à l'écriture de son temps.
« II. Dans un grand nombre de mots, dit-il, on double les con-
sonnes contre l'étytnologie et la prononciation. »
Ex. Candela, chandelle; scala, échelle; tutela, tutelle; par^/-
cula, parcelle; crudelis, cruelle; mortalis, mortelle; donare,
donner, donneur, s'adonner; nominare, nommer, surnommer,
dénommer; hutyrum, beurre; batuere, battre.
Au contraire, à cause de Pétymologie, on écrit : égale d'œqualis,
capitale de capitalis, vile de vilis, subtile de subiilis, puérile de
puerilis , crédule de credulus, érysipèle d'erysipelas, parallèle de
parallelus.
« m. Dans les dérivés de ces mots, on se conforme à Vétymologie
et à la prononciation, »
« IV. Le sentiment des grammairiens qui disent que si Von re-
double la consonne, c'est pour avertir que la voyelle précédente est
brève, nous paroît faux , inutile , déraisonnable. »
c( 1» Cette opinion est fausse, puisque nous avons beaucoup de
syllabes longues, quoique la voyelle soit suivie d'une double con-
sonne : ex., flamme, manne, condamîie , barre , terre, squirre (sic),
bataille, raille, bâillon (sic), basse, que je donnasse, que je pro-
misse, que je lusse, il cesse, etc.
« T Elle est inutile, puisque nous avons un très-grand nombre
de syllabes brèves, quoique la voyelle ne soit pas suivie d'une
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DE WAILLY. 277
consonne redoublée : arabe, syllabe, robe, préface^ audace, façade^
carafe, rigole, ridicule, capitaine, phénomène, Rome, pape, etc.
a 3° Elle est déraisonnable. La réduplication des consonnes
auroit du plutôt servir à allonger les syllabes. C'est ainsi que la
réduplication des voyelles étoit autrefois un signe de longueur.
On écrivoit aage, beeler, roole; on employoit aussi Vs pour le
même usage : asne, feste, épistre, apostre, fluste. On écrit avec
l'accent long âge, bêler, rôle, âne, fête, épître, apôtre, flûte. Nous
espérons, Messieurs (ajoutent les dames), qu'en faveur de la pro-
nonciation et de l'uniformité, vous supprimerez de même une des
deux consonnes, puisque la règle qui prescrivoit la réduplication
est fausse, inutile, déraisonnable.
« Dans le latin, toute voyelle suivie d'une consonne redoublée
est longue : ainsi la syllabe fe, qui est brève dans fero, aufero,
devient longue dans ferre, auferre, etc. »
Wailly demande que l'on emploie exclusivement Paccent cir-
conflexe à marquer la longueur des syllabes. On écrirait donc la
tête et il tète, la pâte et la pâte, occasionel, il occasione, la prune,
il débute, il plaît, il paît. Toute voyelle non accentuée du circon-
flexe serait réputée brève. H faut lire tout cet excellent chapitre
dans l'ouvrage même.
(( V. Dana une grande quantité d'autres mots, Vétymologie, ou
VRAIE ou PRÉTENDUE, fait employer des lettres en dépit de la pro-
nonciation, ù
« VL La prononciation, à son tour, fait supprimer, malgré l'é-
tymologie, plusieurs lettres d'une autre foule de mots,
« Pour plaire à Pétymologie, on écrivoit autrefois : saoul, saouler,
saoulard, abbaisser, abboyer, abbréger ; conflict, contract, sainct,
défunct; adjouster, advocat^ aggrandir, aggréger ; eschole, mé-
chanique, patriarchal, paschal, cognoistre, prognostiquer, aultre,
aulne, faulcon, poulmon, soulphre, mammelle, convent, asnon,
chastiment, espier, estre, chrestien, apostre^ etc. On écrivoit aussi
aage, beeler, roole, campaigne, gaigner, reigle, vuide, vuider, etc.
Aujourd'hui l'Académie et les meilleurs auteurs suivent pour ces
mots et une infinité d'autres les lois de la prononciation ; ils en
ôtent les voyelles et les consonnes qui ne s'y prononcent plus. . .
En un mot, il n'y a pas une lettre dans Palphabet que l'on n'ait
supprimée d'un très-grand nombre de mots, parce qu'on ne les y
prononce plus. »
278 LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DE WAILLY.
« Vn. Dans les mêmes 7nots, Vétymologie fait conserver une lettre
malgré la prononciation, et à son tour la prononciation en fait re-
trancher une ou plusieurs autres, malgré l'étymologie, »
L'auteur, après avoir établi sa proposition par de nombreuses
preuves, demande qu'on écrive d'une manière uniforme : apeler,
yapèle, tu apèles, il apèle, nous apelons, vous apelez, ils apèleyit ;
iejète, etc. ; nous prenons, vous prenez, ils prènent ; nous tenons,
ils tiènent; étincèlemant, chancèlemant, renouvèlemant, démantèle-
mant, décèlemant, chancelier^ chancèlerie, gabeleur, gabèle, etc.
« Pourquoi, après avoir écrit avec une seule r courir, coureur,
coureuse, chariage, charier, chariot, etc., en met-on deux dans
courrier, courriere, charretée, charrette, charroi, charron, etc. ?
« VÏIL Après avoir écrit un grand nombre de mots d'une ma-
nière conforme à Vétymologie et à la prononciation y vous en écri-
vez une très-grande quantité d'autres analogues à ceux-ci d'une
manière contraire à l'étymologie, à la prononciation ou à Vana-
logie. »
L'auteur appuie cette assertion d'un grand nombre d'exemples
et il demande que, selon la raison et l'uniformité, on écrive : èle
est cruèle, la dentelé, la voyèle, corne, home ou orne, courone,
couroner, persone, actioner ou accioner, diccionêrcy abandoner,
personel,sérure, iXpoura, alouète, amulèie, barète, sote, sotise, eic.
« IX. Sans que la prononciation l'exige, vous écrivez d'une ma-
nière différente des mots dérivés les uns des autres, »
Suivent les exemples : d'un côté, abatage, abatis, abatant; de
l'autre, abattement, abatteur, abattre, abattures, etc.
« X. Vous orthographiez d'autres mots de la même façon, quoique
la prononciation exige qu'ils soient écrits différemment. »
Je citerai entre autres exemples : août, aoûté, femme et femme-
lette, innocent et innover, année et annuité, solennel, solennité.
« XIV. Votre orthographe actuelle n'a presque point de règle qui
n'ait ses exceptions, exceptions qui ont elles-mêmes les leurs.
« Une règle de votre orthographe dit que pour former du mas-
culin le féminin dans les adjectifs qui se terminent par une con-
sonne, on ajoute au féminin un e muet. »
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DE WAH.LY. 279
Exception. Les adjectifs en el, ol, ut, eil, an, ien, on, at, et,
ot, etc., doublent la consonne finale. Ex. : cruel, cruelley mortel,
mortelle (malgré le latin crudelis, mortalis), fol, folle (quoique l'A-
cadémie écrive folie, folichon, folâtre) ; nul, nulle ; paysan, paij-
sanne (malgré le latin paganus); parisien, parisienne (malgré pa-
risinus) ; bon, bonne (malgré bonus et bonifier) ; net, nette (malgré
nitidus) ; sujet, sujette (malgré subjectus et sujétion).
Exception de l'exception. Océan fait océane; mahométan, ma-
hométane ; espagnol, espagnole ; délicat, délicate ; nacarat, naca-
rate\ complet, complète-, discret, discrète, bigot, bigote-, dévot,
dévote \ brut, brute, etc. Quel inconvénient y auroit-il, ajoutent
les dames, d'écrire, sans doubler la consonne, cruèle, mortèle,
fidèle, foie, mole, nule, péisane, anciène, parisiène, bone, barone,
boufone, nète, nèteté, nètemant, nétoiier, nètoîmant, cadète, su-
jV/e, etc.(l^?
Autre règle. c< Les adjectifs en aux, en eux et en oux, changent
au féminin x en se ou en sse ou en ce : faux, fausse ; généreux,
généreuse ; jaloux, jalouse ; roux, rousse; doux, douce. Ne seroit-
il pas plus naturel, plus conforme à la prononciation et à l'analo-
gie, de terminer ces adjectifs par un s : faus, fausse, faussemant,
faussêre, fausser^ fausseté-, généreus, généreuse, etc.; jalous,
jalouse^ jalousie, jalouser ; rous, rousse, roussâtre, rousseur, rous-
sir; Dous, dousse, dousseur, doussemant, adoussi, etc.? Ces der-
niers mots ainsi écrits suivroient Tanalogie des autres.
« Par la même raison, la crois donneroit croiser, croisète, croisil-
lon, croisade; la pois, poisser, empoisser; la pais, paisible, etc.,
ou la vÈs,pésible, etc. »
L'auteur étudie ensuite les substantifs terminés au singulier en
au, eau, eu, œu, ieu et ou, et conclut à ce qu'on introduise partout
au pluriel Vs au lieu de Vx. Ex. : les maus, les feus,\es caillous, les
chevaus sont égaus, aus travaus.
Il aborde ensuite l'anomalie dont M. Léger Noël faisait de nos
jours le sujet de ses recherches : les substantifs ou adjectifs mas-
culins en al,el, il, ol, ul, comparés aux autres également mascu-
(1) Il eût été plus simple de remplacer par l'è la double consonne dans les
mots cruelle, mortelle, comme on le fait dans fidèle, mais c'est pour ne pas cho-
quer trop subitement les habitudes que je n'ai i)as cru devoir proposer ce chan-
gement.
280 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DE WAILLY.
lins en aie, ele, ile, oie, ule, ou aile, ille, olle, uile. a Gomment se
tirer, disent à ce propos les dames qu'il met en cause, d'un pareil
labyrinthe? Comment pouvoir se rappeler qu'ici il ne faut point
d'e muet, que là il en faut un, que dans tel mot il faut deux l et
que dans d'autres il n'en faut qu'une? Se trouve-t-il bien des Fran-
çois qui puissent dire véritablement : je connois les noms mascu-
lins terminés en al, aie, aile; el, ele, elle; il, ile, Ule; ol, oie, olle;
ni, ule, ulle ? »
Suit un ample travail sur l'accentuation orthographique dans
lequel Wailly émet des idées et préconise des procédés sembla-
bles à ceux de Beauzée. (Voir plus loin, p. 296.)
Le docte académicien se prononce (p. 113) pour la simplitication
orthographique des mots tirés du grec. Il propose : anbroisie, an-
figouri, ancolie, anquiloglosse, anquilose, antelmintique, antologie,
arcaisme.
Il cite comme exemples de la difficulté de la prononciation
à la lecture par suite de la bizarrerie orthographique les phrases
suivantes :
« La citrouille étoit bien aoûtée / on Va donnée aux aoûterons à
la fin du mois d'août; ils Vont mangée dans une encoignure avec
des oisons, des poissons et des oignons qu'ils ont pris dans un
coin de /'oignoniere.
« Un anachorète vint avec un catéchumène chercher M. /'ar-
chevêque ou son archidiacre au palais archiépiscopal. »
(( La biche a faonné auprès de la Saône; nous avons pris son
« faon qui avoit été mordu d'un taon, pendant que nous jouions
(( au pharaon. »
(( Tranquille avec sa béquille, il entra dans la ville avec sa fille,
(( qui perça une anguille avec son aiguille. »
Heureusement pour les lecteurs, de Wailly a pris la peine de fi-
gurer à l'aide de son orthographe la prononciation de tous ces mots,
sans quoi plus d'un détracteur de sa réforme eût pu, je le crains,
hésiter pour quelques-uns d'entre eux en les lisant à haute voix.
Dans la seconde partie de ce traité si précieux et si rare,
de Wailly a placé, à Timitation de Godard, un discours des lettres
sur les difficultés et les imperfections de Forthographe actuelle.
Chacune de nos lettres y prend tour à tour la parole pour exposer,
avec autant de clarté que de raison, les vices d'emploi auxquels
on l'a assujettie. Les phonographes postérieurs, Domergue, Marie,
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DE WAILLY. 281
Féline, M. Raoux, s'ils eussent connu cette mine si riche de maté-
riaux, n'auraient eu qu'à copier. Wailly me semble môme plus
complet qu'aucun d'eux.
Je m'aperçois au discours de la lettre G que Wailly a remarqué
avant moi l'utilité que l'on pourrait tirer de l'emploi du g surmonté
d'un point ; seulement, il veut le faire servir au remplacement
du 7 et du g doux, tandis que je propose seulement de s'en servir
au lieu du ge ou g doux. Il écrit donc galoux^ g'ardin, goug'on,
gagure, gôlier, gustice (i). 11 distingue deux formes de Vs, Vs longue
pour celle qui a le son ordinaire et Vs courte dans les mots où elle
peut avoir le son dus.
La troisième et dernière partie est la mise en application de la
réforme ainsi préconisée au nom du sexe féminin. Je crois devoir
en reproduire ici l'exposition fac-similé :
(( Pratique de VOrtografe fondée fur la bone prononciacion.
« Jufqu'ici, Méfieurs, nous nous-fomes fet èder pour nous con-
former à FOrtografe actùele; mes, come nous avons, à ce qu'il
nous fanble, démontré de la manière la plus fanfible, qu'èle et
plène debisâreries é de contradiccions ; qu'èle change continuèle-
mant fans principes é fans uniformité ; q^ue les Diccionnêres é les
Auteurs ne font d'acord prefque fur aucun point; qu'èle et
dépourvue de règles fixes; que, de votre propre aveu, il nous et
moralement impolTible de la fuivre; nous alons désprmês orto-
grafier fuivant la réforme que nous desirons. Nous fuivrons fur-
tout les lois de la bone prononciacion, comme le feul guide rêso-
nable an cete matière, ou, ce qui revient au même, come le seul
qui foit véritablemant à la portée de tout le monde, fnfi nous
fuprimerons les lètres qui ne se prononcent gamês. Par-tout où
nous antandrons le fon de Va, nous anploîrons un a. Par-tout où
l'oreille nous indiquera le son de Ve, nous ferons usage de Ve, au
lieu des œ, œ, ai, eai, ei, oi, eoi qu'on anploie fou vaut pour Ve.
Nous subftitûrons Vi francês à l'y grec; le /au ph', le ci au Jt
qui sone come ci; le g ponctué au 7; les ga, go, gu aus gea, geOy
geu. Nous anploîrons le qu avant Ve et Vi seulemant; avant les
autres lètres nous ferons usage du c, (Voyez au difcoursde la lètre
(1) La nouvelle forme du g, g, accueillie maintenant par la typographie mo-
derne, rend l'application plus facile qu'elle ne l'était du temps de de Vailly.
Cette forme se rapproche en effet beaucoup plus du j que celle du g.
282 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DE WAILLY.
Q une excepcion pour les terminêsons des verbes Cliquer.) La
longue/ aura toujours lefon siflant, antre deux voiielles : parafai,
préféance, refantir, préfantir, etc. On anploîra Vs courte dans les
mots où èle a ou peut avoir le fon du z. Le z ne f'anploîra qu'au
comancemant des mots, à la fin d'affes, chez, nez, rez de chau-
fée^ é des segondes perfones dans les verbes, vous portez, lisez^
estimez. Nous ne ponctûrons point Te qui, précédé d'une voiielc
marque un moudlé fort avec la lètre /, le travail, le conseil, le se-
nouil; ou un mouillé fèble, pàrén, camàieu,péùons, vouons. Nous
substilûrons Vs à Vœ qui a le son de 1'^, aus animaus ; le chois
étet douteus. Vous aurez , Mésieurs , la bonté de vous rapeler que
dans touts ces changemants nous ne fesons guère que suivre vos
traces, ou les exanples que vous nous avez donés, é garder par-tout
une marche uniforme.
« Remarque. Come, dans l'usage actuel, le c a toujours le fon
de ce ou deTs fiflante, avant Ve ou l'i, on poûra continuer d'écrire
Cicéron, ceci, etc., sans cédiller le c. On n^anploîra le ç cédille
avant e ou i, que dans les livres deftinés pour aprandre à lire. On
n'anploîra de même, si l'on veut, le g ponctué que dans les mots
où, avant a, o,u, il doit avoir le son de J : on écrira gager, gaga,
gaganty gayons, gagure, etc. Dans l'usage actuel, Vs courte a tou-
jours le son siflant au commancemant du mot; insi on poûra, come
à l'ordinére, fêre usage indifféramant de Vs courte ou de VJ
longue au comancement des mots. On voit par là que nos chan-
gemants dans quelques lètres de TAlfabet, se réduisent presque à
rien.
« Nous favons bien qu'on fe révolte au feul mot dinnovacion ;
mes notre proget, nous pouvons le dire, et le fruit d'un long
travail é d'une expériance réfléchie. Nous vous l'adrèfons, Méfieurs ;
éiez la bonté de Texaminer é d'an peser fans prégugé les avan-
tages é les inconvéniants. Ne nous gu^ez qu'après un mûr examen.
« S'il et des changemants qui ne soient pas actuèlemant admif-
fibles, vous ne les ferez pas encor; mes vous poûrez an trouver
d'autres qu'il fera fort util d'adopter.
« Nous efpérons, par exanple, que l'utilité é votre zèle à faci-
liter l'aquisicion des conêsances, vous porteront à fêre, come
nous, usage du g ponctué, de l'i fans point; à diftinguer Vs forte
de Vs adoucie. Cet insi qu'on a mis en usage le ç cédille, le 7 é
le V, au lieu de Vi é de Vu ; Vi francês, au lieu de Vy grec, dans
lui, moi, loi, Roi, é une infinité d'autres mots. Cet infi qu'on
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DUCLOS. 283
anploie les lètres magufcules au comancement des frases, des
noms propres, etc. Cet infi qu'on a invanté les acçants, le tréma,
rapoftrofe, le Iret d^union, les guillemets, les diférantes marques
de ponctùacion, etc.
(T Nous atandons bien, Méfieurs , que votre vue fera d'abord un
peu choquée de notre ortografe : nous vous demandons pour èle
la même paciance que vous avez en lisant des livres ortografiés
fuivant l'anciène ortografe. A peine an avez-vous lu vint pages^
que vos ieux fi abituent. La même chose vous arivera par raport
à la nôtre ; dégnez an fêre Téfè. Vous voudrez bien vous souvenir
que notre but et de faciliter an même tans l'ortagrafe é la pronon-
ciacion.
« Notre réforme vous parêtra, Méfieurs, fort étandue ; vous an
adopterez ce que vous gugerez à propos. Nous aurions pu nous
contanter des remarques que nous avions fêtes dans les deus pre-
mières parties ; mes des perfones dont nous refpectons baucoup
les lumières nous ont représanté que ce feroit lêfer notre ouvrage
inparfet, que de n'i pas agouter la pratique. Vous avez, nous ont
dit ces perfones, exposé d'une manière três-sansible les défauts
inonbrables de l'ortografe actùele; vous avez fet voir le peu
d'acord, les inutilités, les contradiccions même qui régnent dans
les diférantes parties de cet édifice : il faut actuèlemant faire voir
comant, avec les mêmes matériaus, on pouret le reconftruire à
moins de frôs^ é d'une manière aufïi comode que folide. »
Grammaire générale et raisonnée, contenant les fondemens
de l'art de parler^ expliqués d'une manière claire et natu-
relle ; les raisons de ce qui est commun à toutes les langues,
et des principales différences qui s'y rencontrent ; et plu-
sieurs remarques nouvelles sur la langue françoi&e. Nou-
velle édition, — Réflexions sur les fondemens de Fart de
parler pour servir d' éclaircissemens et de supplément à la
Grammaire générale, recueillies par if. l'abbé. Fromant.
Paris, Prault fils, 1756, 2 vol. pet. in-8 de 6 ff., 224 pp. et
2 ff:, et de xlviii et 291 pp. (Réimprimée plusieurs fois
depuis.)
Ce traité, connu sous le nom de Grammaire de Port-Royal^ et
284 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DUCLOS.
dont il est déjà parlé page 226, est enrichi dans cette édition des
excellentes remarques de Duclos, secrétaire perpétuel de l'Acadé-
mie française (1).
Ce livre si remarquable, et dont le temps n'a pas encore altéré
la valeur, contient dans son texte quelques idées de réforme
justes bien qu'un peu timides. Après avoir constaté l'utilité, dans
certains cas, d'une orthographe fondée sur l'étymologie, MM. de
Port-Royal ajoutent : « Voilà ce qu'on peut apporter pour excuser
(( la diversité qui se trouve entre la prononciation et l'écriture;
« mais cela n'empêche pas qu'il n'y en ait plusieurs qui se sont
« faites sans raison et par la seule corruption qui s'est glissée
« dans les langues. Car c'est un abus d'avoir donné, par exemple,
« au c la prononciation de 1'^ avant Ve et Vi\ d'avoir prononcé au-
« trement le g devant ces deux mêmes voyelles que devant les au-
(( très; d'avoir adouci 1*5 entre deux voyelles; d'avoir donné aussi
(( au t le son de Vs avant Vi suivi d'une autre voyelle, comme
« gratia, actio, action....
« Tout ce que Ton pçurroit faire de plus raisonnable seroitde
« retrancher les lettres qui ne servent de rien ni à la prononcia-
« tien, ni au sens, ni à l'analogie des langues, comme on a déjà
« commencé de faire ; et conservant celles qui sont utiles, y mettre
a des petites marques qui fissent voir qu'elles ne se prononcent
« point, ou qui fissent connoître les diverses prononciations d'une
« même lettre. Un point au-dedans ou au-dessous de la lettre pour-
« roit servir pour le premier usage, comme temps. Le c a déjà sa
(( cédille, dont on pourroit se servir devant Ve et devant lï, aussi
« bien que devant les autres voyelles. Le ^ dont la queue neseroit
« pas toute formée pourroit marquer le son qu'il a devant Te et
« devant 1'/. Ce qui ne soit dit que pour exemple. »
Duclos, aussi bon grammairien que Du Marsais, et philosophe
comme lui, mais encore plus hardi, a inauguré sa réforme or-
thographique dans ses remarques jointes en petit caractère à
cette édition de la grammaire. Voici le passage où il explique lui-
même ses idées :
« Je croi devoir a cète ocasion rendre conte au lecteur de la
diférence qu'il a pu remarquer entre l'ortografe du texte et cèle
des remarques. J'ai suivi l'usage dans le texte, parce que je n'a
(1) Duclos avait déjà donné une édition de cette grammaire en 1754, in-12.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DOUCHET. 285
pas le droit d'y rien changer; mais dans les remarques j'ai un peu
anticipé la réforme vers laqnèle Tusage même tend de jour en
jour. Je me suis borné au retranchement des lètres doubles qui
ne se prononcent point. J'ai substitué des /et des t simples aus plt
et aus th : l'usage le fera sans doute un jour par-tout, comme il
a déjà fait dans fantaisie, fantôme, frénésie, trône, trésor et dans
quantité d'autres mots.
« Si je fais quelques autres légers changemens, c'est toujours
pour raprocher les lètres de leur destination et de leur valeur.
(( Je n'ai pas cru devoir toucher aux fausses combinaisons de
voyèles, tèles que les ai, ei, oi, etc., pour ne pas trop éfaroucher
les ieus. Je n'ai donc pas écrit conêtre au lieu de conoître, francès
au lieu de français, jamès au lieu de jamais, j'rèn au lieu de frein,
pêne au lieu de peine, ce qui seroit pourtant plus naturel. Je n^ai
rien changé a la manière d^écrire les nasales, quelque déraisonable
que notre ortografe soit sur cet article. En éfet, les nasales n'ayant
point de caractères simples qui en soient les signes, on a u recours
a la combinaison d'une voyèle avec mou. w, mais on auroit au
moins du employer pour chaque nasale la voyèle avec laquèle èle
a le plus de raport; se servir, par exemple, de Van pour Va nasal,
de Ven pour Ve nasal. Cète nasale se trouve trois fois dans enten-
dement, sans quMl y en ait une seule écrite avec Va et quoiqu'il
fut plus simple d'écrire antandemant, Ve nasal est presque tou-
jours écrit par i, ai, ei : fin, pain, frein, etc. , au lieu d'y employer
un e. Je ne manquerois pas de bonnes raisons pour autoriser les
changemens que j'ai faits et que je ferois encore, mais le préjugé
n'admet pas la raison. »
Il ajoute ailleurs : a On peut entreprendre de corriger l'usage /
de l'orthographe, du moins par degrés et non pas en le heurtant /
de front, quoique la raison en eut le droit ; mais la raison même y
s'en interdit l'exercice trop éclatant, parce qu'en matière d'usage, j
ce n'est que par des ménagemens qu'on parvient au succès. » ^
DoucHET, avocat au Parlement et ancien professeur royal en
langue latine. Principes généraux et raisonnes de V ortho-
graphe françoise, avec des remarques sur la prononciation.
Paris, P.-F. Didot, 1762, in-8 dexvi et 176 pp.
Douchet est un écrivain de mérite. Après la mort de Du Mar-
^^86 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DOUCHET.
sais il fut chargé, de concert avec Beauzée, de la continuation
des articles de la partie grammaticale de TEncyclopédie.
Ses remarques, nouvelles à Tépoque où il les écrivait, sont
pour la plupart acquises aujourd'hui à la grammaire. Tel est son
chapitre sur les caractères prosodiques. J'en extrairai cependant
un passage dans lequel il propose une solution à l'imperfection
qu'offre notre orthographe dans le redoublement des consonnes.
« Ve muet n'indique, dit-il, qu'une certaine quantité de nos
voyelles longues (ex. y emploierai); l'accent circonflexe ne fait
connoître que celles qui éloient autrefois suivies d'un 5, ou que
l'on redoubloit pour en marquer la longueur {tempête, au lieu de
(empeste, rôle au lieu de roole) ; il en reste encore un grand nom-
bre, ou qui sont sans marque distinctive {vase, bise, rose, ruse), ou
qui sont suivies d'une consonne redoublée, qui est la marque des
voyelles brèves, autre vice encore plus considérable, comme dans
les mots tasse, manne, flamme, fosse, professe, etc. C'est une autre
espèce d'imperfection dans notre orthographe. 11 seroit aisé de
parer à ces inconvénients : ce seroit, ou de marquer ces voyelles
longues par un trait horizontal, ou d'étendre encore ici Fusage
de l'accent circonflexe. Par ce moyen, toutes les équivoques se-
roient levées, toutes les voyelles longues seroient fixées et déter-
minées, et la quantité, cette partie si importante de la prosodie,
seroit indiquée d'une manière simple , précise et régulière :
on pourroit même alors la trouver et l'apprendre par l'écriture.
(( Un autre avantage qui en résulteroit encore, c'est que la rédu-
pHcation des consonnes, ce système si vague, si forcé, si rempli
d'exceptions, que l'on prétend que nos pères ont imaginé pour
indiquer les voyelles brèves (1), deviendroit absolument inutile,
parce que toutes les voyelles longues étant décidées, on n auroit
plus besoin d'un autre signe pour désigner les brèves : elles se-
roient suffisamment distinguées par la raison qu'elles n'auroient
point la marque des longues. A l'égard des communes, c'est-à-dire
des voyelles qui sont longues ou brèves à volonté, ou elles n'au-
roient point de signe distinctif, ou on leur appliqueroit la marque
usitée en grec et en latin. On pourroit ainsi supprimer la consonne
que l'on n'a introduite que pour avertir que la voyelle précédente
est brève. On ne la laisseroit subsister que dans les mots où elle
(1) Voir plus haut l'analyse de la Grammaire de Régnier Des Marais, p. 251, et
celle de \Orthographe des darnes^ de de W^ailly, p. 276.
LA. RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — L'ABBÉ CHERRIER. 287
est nécessaire, quand il faut la redoubler dans la prononciation,
comme dans inné, erreur^ illustre^ immense^ etc. »
Douchet propose, après Port-Royal et d'autres grammairiens,
l'emploi du t cédille dans les substantifs portions, rations, etc.,
comme signe de distinction d'avec les verbes portions ^ rations.
Dans le chapitre III, des Caractères étymologiques , l'auteur
s'occupe des variations du ph, du ch et de l'esprit rude {h) en
français. « Ces variations sont une nouvelle source de difficultés
pour notre orthographe. De ces doubles caractères, le ch est celui
qui cause le plus d'embarras dans notre langue : non-seulement
il varie dans l'écriture, il varie encore dans la prononciation.
On le prononce à la françoise dans chérubin^ chirurgien, Archi'
mède, et il a la valeur du k dans orchestre, chiromancie , Arché-
latis. De là ces incertitudes sur la prononciation de certains
mots, tels que Chersonese, Acheron, où les uns prononcent le ch
comme dans chérubin et les autres comme dans orchestre. On
pourroit encore aisément obvier à ces difficultés. On laisseroit
subsister le c dans tous les mots où l'usage l'a introduit à la place
du ch, comme dans earte, corde y colère, etc., on supprimeroit
le ch dans les autres mots où il s'articule comme le k, et on le
remplaceroit par cette figure. Ainsi Ton écriroit orkestre, Arké-
laûs, kiromancie, kirographaire. »
(L'abbé Gherrier). Equivoques et bizareries de V orthographe
françoise^ avec les moiiens d'y remédier, Paris, Gueffier fils,
1766, in-12 de 3 ff., xviii et JS5 pp.
L'auteur, après avoir exposé les raisons qui militent en faveur
d'une réforme et les causes qui ont fait échouer les tentatives an-
térieures à la sienne, établit ainsi les changements qu'il croit
devoir opérer : -■*
« Plusieurs ont estimé qu'il falloit entendre ces marques propo-
c( sées dans la Grammaire de P. R. de celles qui sont déjà usitées
« sur certaines lettres, ensorte qu'il ne s'agiroit que de les adapter
« à d'autres*: et c'est le sentiment que j'ai cru devoir suivre. G'est-
« pourquoi je propose, par exemple^ d'après un habile académicien
« (le P. Girard), de mettre une cédille, ou petit c renversé, sous le
rt ^ramoii, corne on en a mis une avec succès sous le c pour le ra-
288 LA RÉFORMF: ORTHOGRAPHIQUE. - L'ARBÉ CHERRIER.
« doucir. J'ai emprunté des bons grammairiens toutes les idées
« qu'ils ont fournies dans ce goût. Je les ai étendues ou j'y ai
« ajouté les miènes, et quoique ces petites marques soient pure-
« ment arbitraires dans leur origine, j'ai observé qu'une fois eta-
(( blies, elles doivent ordinairemeni , et autant qu'il est possible,
« avoir un même effet partout où on les applique. Par exemple,
(( l'accent grave sert à distinguer les è ouverts : aussi l'ai-je mis sur
(( la voiièle composée ou fausse diphthongue ai quand elle se pro-
u nonce en ouvrant fort la bouche. Au contraire, V accent aigu sert
« à faire conoître les é fermés ; aussi Tai-je emploiié sur cette
« voiièle-composée ai, lorsqu'elle se prononce en fermant un peu
a la bouche. Le point accompagne toujours 1'/ et je l'ai placé sur
(( les i et sous les / qui sonent presque come des i. J'ai été plus
« embarassé pour Vx, parce qu'il n'est pas facile de rendre ses
« marques surajoutées analogues à toutes les différentes articula-
« tions de cette consone : c'est-pourquoi j'ai pris le parti de la bor-
« ner à son ancien usage, savoir de ne l'emploiier que quand elle
« s'articule come es ou gz, en y mettant néanmoins encore quel-
ce que différence. »
L'auteur met un point au-dessous de Vh aspiré : un héros^ un
point au ch qu'il appelle gras : un archiduc. L's radoucie est mar-
quée par une cédille : hatiser. VI mouillée par un point : fille. Il
supprime la consonne finale muette à bari\, chenil j coutil , fusil ^
outil j persil, saoul, sourciL
Ortografe des dames pour aprandre a écrire et a lire corecte-
mant en très peu de tems. A Nancy, chez Haener, 1766,
in-12 de 72 pp.
L'auteur anonyme de cet opuscule, qu'il ne faut pas confondre
avec l'intéressant travail de Wailly, publié en 1782 sous le même
titre (voir plus haut, p. 276), ne me paraît pas avoir apporté de
solutions nouvelles au difficile problème de l'écriture phonétique.
Son orthographe se rapproche sur beaucoup de points de celle
qu'a préconisée soixante ans plus tard M. Marie.
Manière d étudier les langues, Paris, Saillant, 1768, in-12.
L'auteur de cet ouvrage est un esprit sage, et les méthodes qu'il
indique se rapprochent de celles de Locke.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. 289
Quant à l'orthographe, il s'exprime ainsi :
« Nous avons des règles générales pour l'orthographe; mais la
plupart sont si obscures, si compliquées, et modifiées par tant
d'exceptions, qu'il est difficile aux jeunes gens de les retenir.
D'ailleurs, il ne suffit pas, pour l'ortliographe usuelle dont nous
parlons, de pouvoir en examiner les règles, mais bien de trouver
la manière d'écrire les mots correctement: la rapidité de l'écriture
ne donne pas le loisir de faire cet examen. Il faut qu'avec le mot la
manière de Fécrire se présente sur-le-champ à l'esprit, sans aucune
réflexion.
« On emploie communément une méthode meilleure ; on fait
copier des livres imprimés, et l'attention qu'on donne, en co-
piant, à chacune des lettres dont le mot est composé le grave
plus profondément à l'esprit
« Les mots, tels qu'on les a lus, restent gravés dans la mé-
moire; lorsque dans la suite on les emploie en écrivant, on les
copie sur cette image. »
L'exposition de ce système, que d'autres ont également pro-
posé, prouve que les difficultés de l'orthographe sont telles qu'il
faut apprendre à connaître les mots par leur configuration, comme
pour la LANGUE CHINOISE.
De l'orthographe^ on des moyens simples et raisonnes de di-
minuer les imperfections de notre orthographe^ de la ren-
dre beaucoup plus aisée, etc., pour servir de supplément
aus différentes éditions de la Grammaire française de
M. de Wailly, Paris, Barbou, 1771, in-12.
Dans cet écrit fort sage. Fauteur constate la nécessité d'amélio-
rer successivement l'orthographe et de la simplifier. Il se refuse à
l'introduction de lettres nouvelles, comme l'ont fait des réforma-
teurs trop hardis, qu'il traite de ridicules. Mais nous ne tirons
pas, selon lui, de nos accents tout Fusage que nous pourrions en
obtenir. Il désire surtout le retranchement de toute lettre double
sans valeur phonique. « Les personnes, dit-il, qui voient ces lô-
« très sans valeur sont arêtées dans leur lecture, parce que dans
c( certains mots on les prononce, tandis que dans d'autres sem-
« blables, èles n'ont aucun son. Cète bisareriede notre orthogra-
19
290 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — VIARD.
« phe est cause qu'il n'y a peut-être pas deux ouvrages qui soient
« par-tout orthographiés de môme. Cette variété fait perdre beau-
ce coup de tems aux compositeurs dans les imprimeries, aux gens
« de lètres qui font imprimer leurs ouvrages ; en un mot, à tous
« ceux qui veulent orthographier et prononcer correctement la
« langue française.
« Cette orthographe que nous apelons nouvèle était, » selon une
judicieuse remarque de l'auteur, « celle de nos plus anciens écri-
(( vains, de presque tous les auteurs des xi« et xii® siècles. »
Le grand vocabulaire francois, par une Société de gens de
lettres, Paris, Panckoucke, 1772, 30 volumes in-4.
Ce dictionnaire contient un grand article sur I'Orthographe, oij
est exposé « l'emploi vicieux que l'on fait de chaque signe en le
comparant avec celui que la raison voudroit qu'on en fît pour
que l'écriture cessât d'être une image équivoque ou ridicule delà
parole. »
Mais comme les modifications indiquées sont pareilles à celles
que Girard, Duclos, Wailly, Beauzée et autres réformateurs mo-
dérés avaient déjà proposées, et que les raisons pour rapprocher
l'écriture de la prononciation, bien qu'exposées avec conviction
et énergie, sont similaires, je me borne à ce passage :
« C'est certainement une opiniâtreté bizarre que de s'obstiner
à écrire un mot selon son étimologie pour avertir ensuite qu'on
doit le prononcer autrement qu'il ne s'écrit (1). )>
ViARD. Les vrais principes de la lecture, de l'orthographe et
de la prononciation françoises, de feu M, Viard, revus et
augmentés par M.Luneau de Boisgermain.^a.ns, Delalain,
1773, 2 part, en 1 vol. in-8 de vi et 104 pp. et de 111 pp.
{Il y eut des éditions antérieures à celle-ci, puisque Luneau
se plaint, dans un avis au lecteur, des contrefaçons de ce
(1) 'c Au reste nous indiquons partout dans le cours du Grand Vocabulaire^
l'orthographe avec laquelle on a coutume d'écrire aujourd'hui les mots, et celle
qu'on devroit y substituer. »
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — ROCHE. 291
livre faites à Bordeaux, Avignon, etc., et il cite une édition
des Principes faite à Bouillon en 1764, chez Foissy.)
Cet ouvrage n'est point un traité d'orthographe, mais une ré-
forme de l'enseignement de la lecture fondée sur la nouvelle
épellation des lettres, be, ce, de^ /e, etc., et sur l'épellation des
consonnes qui se suivent.
J.-B. Roche. Entretiens sur V orthographe française et autres
objets analogues, Nantes, veuve Brun, 1777, in-8 de 8 ff.
prél., 732 pp. et 19 if. de table.
Dans ce gros volume, l'auteur, sous une forme agréable, celle
d'un dialogue, traite de toutes les questions qui concernent l'or-
thographe et la grammaire. La lecture en est moins pénible que
celle des traités ordinaires sur le même sujet. On voit partout que
l'auteur est partisan d'une réforme modérée ; et ses vœux ont
été réalisés sur certains points.
Après que les interlocuteurs, Sophie, la marquise, un abbé, un
comte et un lord, ont constaté l'incohérence de ce qu'on appelle
Vusage, l'auteur fait dire à l'un des interlocuteurs :
« Le respect pour l'usage établi est souvent un préservatif
contre une foule d'erreurs; mais il faut avouer qu'il s'oppose
quelquefois aux progrès de nos connaissances. Il est à croire que
dans le principe, les mots ne renfermoient que les lettres néces-
saires à la prononciation. L'oreille, choquée par la dureté de plu-
sieurs sons, exigea bientôt qu'on les adoucît ou même qu'on les
supprimât. Les savants, après s^être vainement récriés contre ces
innovations, furent contraints de les adopter et de leur donner
force de loi. Mais comme ils étoient les maîtres de la langue écrite,
ils voulurent conserver les traces d'une prononciation qui n'existoit
plus : ce fut l'époque des inconséquences qui rendent notre langue
si difficile aux étrangers, et qui mettent les François mêmes dans
le cas de ne la savoir presque jamais qu'imparfaitement. »
L'auteur entre ainsi dans le détail des difficultés de l'ortho-
graphe ;
« Sophie. C'est une science que je voudrois bien connoître et à
laquelle je n'entends rien du tout. Je suis si ignorante, que, pour
292 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — ROCHE.
exprimer les choses les plus ordinaires, j'écris presque au hasard.
A peine puis-je retrouver moi-même ce que j'ai voulu dire. Sou-
vent, faute de pouvoir orthographier les mots qui se présentent à
mon esprit, je suis forcée d'en employer d'autres qui défigurent
toutes mes pensées.
« Le Comte. Ceux qui n'ont point étudié les langues anciennes
n'ont pas de meilleur moyen pour apprendre l'orthographe, que
de choisir un livre bien écrit, et de le copier infatigablement : on
se forme quelquefois, par le travail, une habitude qui tient lieu
des meilleurs principes.
« La Marquise. C'est comme cela que j'ai appris, et on trouve
que j'orthographie passablement.
« Sophie. Vous êtes heureuse. Madame, d'apprendre avec
tant de faciUté. J'ai sûrement copié autant que vous, et je n'en
suis pas plus habile. Je ne puis cependant me reprocher aucune
négligence : je copie fidèlement toutes les lettres qui composent
chaque mot; j'y mets les accents, les points, les virgules. Mais
jamais ce que j'ai écrit ne m'a servi pour ce que j'avois à écrire :
ce sont toujours quelques nouveaux arrangements de lettres que
je n'avois point prévus; et quand je crois avoir rencontré les
mêmes mots, je vois avec étonnement qu'ils n'ont presque rien de
commun pour ^orthographe (1).
« Le Lord. Plusieurs savaùts voudroient que les règles de l'or-
thographe fussent réduites à celles de la prononciation.
« Sophie. Cela seroit bien plus commode que cette ortho-
graphe obscure et entortillée, qui coûte de si grands efforts de
mémoire. Pourquoi ne pas retrancher toutes, les lettres superflues
et ne pas employer précisément celles que l'oreille exige? Les
pensées en deviendroient-elles moins belles et moins brillantes
pour être lues et écrites avec moins de peine?
« La Marquise. Il me sembloit qu'on ne se servoit plus de l'y,
et qu'on le remplaçoit toujours par un i simple.
« Le Comte. Pardonnez-moi, Madame, il y a beaucoup de mots
dans lesquels cette lettre est indispensable.
« Le Lord. Les savants veulent qu'elle soit conservée dans les
(1) Quand à l'Hôtel de Ville je préside les examens des aspirantes au brevet de
capacité, je suis témoin de l'embarras des jeunes filles pour résoudre des diffi-
cultés qui le seraient même pour des savants. L'une d'elles pour avoir mal écrit
le mot apophthegme perdit le bon point qui lui fallait pour compléter les vingt-
cinq exigés par le règlement. (Mai 1868.)
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — ROCHE. 293
mots dérivés du grec, tels que style, phtjsique, symphonie^ etc.,
mais beaucoup de personnes, qui d'ailleurs orthographient fort
bien, ne font pas difficulté d^écrire ces mots par un i : phisique,
stihy simphonie, etc.
cr La Marquise. Je suis fâchée que les y soient passés de
mode à la fin des mots {foy, loy^ luy^ essay) : cela faisoit à mer-
veille dans les exemples d'écriture.
« Le Comte. Aussi les personnes qui ont une écriture brillante
renoncent avec peine à cet usage, parce que la queue de cette
lettre, qu'elles peuvent orner tant qu'il leur plaît, les met à portée
de déployer toute la légèreté de leur main.
« L'Abbé. En bannissant Vy des mots où il est inutile, on s'est
fait une loi pendant long-temps de la conserver dans les mots
yvrogne, y vraie et autres. Aujourd'hui on s'accorde presque géné-
ralement à écrire ces mots par un i : ivrogne, ivraie^ s'enivrer, etc.
Le mot yeux est le seul qui commence encore par un y : de
beaux yeux, de grands yeux, sans qu'on en puisse donner aucune
raison. (Voir p. 123.)
a Le Comte. Il faut avouer qu'en matière d'orthographe, l'habi-
tude tient souvent lieu de raison. Après avoir vu écrire tels mots
par tels caractères, la vue est choquée du moindre changement.
On s'habitueroit très-difficilement à voir écrire par un i simple :
de beaux ieux, de grands ieux, nous i allons, vousi viendrez, uni-
quement parce que, de temps immémorial, on a lu avec un y : de
beaux yeux, de grands yeux, nous y allons, vous y viendrez, etc.
« Le Lord. On en peut dire autant de tous les changements
qu'on a faits jusqu'ici, cependant ils sont passés en usage, et à
peine soupçonne-t-on qu'on ait jamais écrit autrement. Ainsi,
dans l'orthographe comme dans toute autre science, l'habitude
n'est pas une raison suffisante pour s'interdire des innovations
dont on peut tirer quelque avantage.
« La Marquise. De toutes les consonnes, celle qui m'embar-
rasse le plus, c'est le composé ph. Puisque ces deux lettres se
prononcent exactement comme Vf, et qu'on Wi philosophie, ortho-
graphe, comme s'il y avoit jilosofie, ortografe, si l'usage vouloit le
permettre, ilseroitbien plus commode de substituer Vfkceph,
comme on se permet de substituer Vi simple à Vy. Mais ne pou-
vant réformer l'usage, il faut s'y conformer. Quelles règles pour-
rois-je suivre pour savoir quand il faudra écrire par 1'/" simple ou
par^A?
294 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE.
(( Le Comte. On se sert du ph pour marquer Tétymologie des
mots tirés de la langue grecque.
« Sophie. Est-ce que les Grecs n'avoient point d'/" dans leur
alphabet?
«Le Comte. Non, Mademoiselle, Vf est une invention des
Romains (1). Voilà pourquoi les anciens noms grecs s'écrivoient
tous par jsA au lieu d'un f. On écrit Philippe, Phébus, Ascalaphe,
Phaëton, et non Filippe, Febus, Ascalafe, Fa'êtàn,
a L'Abbé. Suivant les mêmes règles d'étymologie, il faudroit
écrire par ph, phanal, phantôme, phantaisie, phlegme, phlegma-
tique, puisque ces mots sont pareillement dérivés du grec : c^étoit
l'ancienne orthographe ; mais présentement il faut écrire ces
mots par /": /awfl^, fantôme, fantaisie, ileyme, flegmatique, eic,
quoiqu'il ne soit pas permis de faire les mêmes changements
dans philosophie, physique, amphibie, etc. Ceux qui connoissent
à fond les langues anciennes commettroient bien des fautes dans
la nôtre, s'ils ne s'étoient pas attachés à en examiner le génie
particulier. Tantôt Tusage veut que les élymologies soient scru-
puleusement conservées, tantôt il exige qu'on s'en écarte sans
ménagement. »
Journal de Paris. 1781.
Dans le numéro du 13 décembre 1781, M. de G*** blâme la
manière d'écrire fallait, pourra, nourrir, etc., contrairement à
la vraie prononciation qui ne fait sentir qu'une / et une rdans ces
mots, en sorte que les étrangers, trompés par la manière d'écrire,
les font sonner aussi fortement que dans ville et dans terreur. Il
se récrie aussi a sur le barbarisme le plus bizarre et le plus
énorme qui subsiste encore dans la peinture de quelques mots de
notre langue, particulièrement l'emploi de Vo que l'on conserve
au lieu de Va dans foiblesse, connoistre, françois, etc. » Puis il
ajoute : « Si l'on voulait (sic) donner un conseil aux imprimeurs de
la capitale, on leur diroit (sic) : Messieurs les Trente-six, qui tous
ensemble tenez la clé de la langue française à Paris, réunissez-
(1) Il y a là quelques erreurs. Les anciens Grecs avaient eu l'F ou digamma
éolique (voir p. 33), d'où les peuples du Latium, ancêtres des Romains, l'a-
vaient emprunté. Les Grecs n'écrivaient pas par une double lettre les mots cités,
mais par une seule et même lettre, correspondant à notre f. <ï>t),nr7io;, *oT6oç,
'AdxâXaço;, ^aextov, et de même tous les autres mots, ?iXo<ro?ia, <ç6iym<7\).x.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — REAUZÉE, 295
vous aujourd'hui en grand'chambre, et tous d'un commun accord,
rendez un arrêt souverain contre cette vieille syllabe qui depuis
cent ans crie et gémit sous vos presses en vous demandant quar-
tier. »
Le 18 décembre, M. l'abbé L. M., après avoir répondu à une
critique de M. G*** au sujet des accents sur les adverbes où^
là, etc., termine ainsi son article : « J'avoue pourtant que M. de
G*** m'apprend une chose que j'ignorois parfaitement, savoir que
les imprimeurs de Paris tiennent la clef de la langue françoise
dans la capitale. J'avois jusqu'ici soupçonné que si quelque com-
pagnie à Paris tenoit cette clef, ce pouvoit être PAcadémie fran-
çoise. »
Il est, en effet, préférable, sous tous les rapports, que ce soit de
l'Académie française que viennent les réformes. L'empressement
avec lequel on s'est aussitôt conformé à toutes celles qu'elle a bien
voulu concéder aux désirs généralement manifestés_, et qui tou-
jours ont été adoptées avec reconnaissance par les Français et les
étrangers, cet accueil est la plus forte garantie de ce que PAcadé-
mie voudra bien faire dans la nouvelle édition qu'elle prépare.
Après avoir signalé les modifications apportées à Porthographe,
Pauteur fait dire à l'un de ses interlocuteurs :
« Il faut espérer que de semblables réformes deviendront
générales et qu'on écrira abé^ ahesse, ahaye, ahatial, atendre^
aleTy enveloper, aquérir^ raquiter^ au lieu de abbé^ abbesse, abbaye^
abbatial^ attendre^ aller, envelopper , acquérir, racquitter. »
* Brambilla. Nouveaux principes de la langue françoise, ou
nouvelle méthode très-brève pour aprendre la langue fran-
çoise, Bruxelles, 1783, in-8.
M. Brunet, dans son Manuel, dit que cet ouvrage a trait à la
réforme orthographique.
* BouLLiETTE. Traité des sons de la langue française et des ca-
ractères qui les représentent. Paris, i788, 2 vol. in-12.
Beauzée, de l'Académie française. Articles Orthographe et
surtout Néographisme dans ï Encyclopédie méthodique de
296 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - BEAUZÉE.
Panckoucke, Grammaire et littérature, t. II, Paris, 1789,
in -4.
Beauzée, après avoir donné, dans Tarticle Orthographe, le
résumé de l'argumentation en faveur de l'écriture étymologique,
qu^il devait si fortement ébranler lui-même, a défendu avec une
grande supériorité de raison et d'éloquence la nécessité d'une ré-
forme modérée, en avouant en toute bonne foi sa récente con-
version au principe de la néographie, conversion que je crois
due au travail approfondi de Wailly, analysé plus haui, p. 276.
Voici un extrait de ce que Beauzée avait dit en faveur de l'éty-
mologie :
« Si Torthographe est moins sujette que la voix à subir des
changements de forme, elle devient par là même dépositaire el
témoin de Tancienne prononciation des mots; elle facilite ainsi la
connaissance des étymologies.
a Ainsi, dit le président de Brosses, lors même qu'on ne retrouve
« plus rien dans le son, on retrouve tout dans la figure avec un
« peu d'examen Exemple. Si je dis que le mot françois sceau
« vient du latin sigillum, l'identité de signification me porte d'a-
ce bord à croire que je dis vrai ; l'oreille, au contraire, me doit faire
((juger que je dis faux, n'y ayant aucune ressemblance entre le
« son so que nous prononçons et le latin sigillum. Entre ces deux
« juges qui sont d'opinion contraire, je sais que le premier est le
a meilleur que je puisse avoir en pareille matière, pourvu qu'il
c( soit appuyé d'ailleurs ; car il ne prouveroit rien seul. Consultons
« donc la figure, et, sachant que l'ancienne terminaison françoise
« en el a été récemment changée en eau dans plusieurs termes, que
« l'on disoit scel au lieu de sceau et que cette terminaison ancienne
(( s'est même conservée dans les composés du mot que j'examine,
« puisque l'on dit conirescel et non pas contresceau, je retrouve
« alors dans le latin et le françois la même suite de consonnes ou
a d'articulations : sgl en latin, sel en françois, prouvent que les
« mêmes organes ont agi dans le même ordre en formant les deux
« mots : par où je vois que j'ai eu raison de déférer à l'Identité
« du sens, plus tôt qu'à la contrariété des sons. »
«Ce raisonnement étymologique me paroît d'autant mieux fondé,
reprend Beauzée, et d'autant plus propre à devenir universel^ que
l'on doit regarder les articulations comme la partie essencielle
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — BEAUZÉE. 297
des langues, et les consonnes comme la partie essencielie de leur
orthographe. »
Après avoir ainsi exposé les motifs en faveur de l'écriture éty-
mologique, motifs qui ne sauraient d'ailleurs convenir à un dic-
tionnaire de la langue usuelle, le savant académicien prend la
défense du néographisme auquel il s'était montré d'abord op-
posé:
« On peut aisément abuser, dit-on^ du principe que les lettres
étant instituées pour représenter les éléments de la voix, Fécri-
ture doit se conformer à la prononciation.
(( Oui, sans doute, on peut en abuser; car de quoi n'abuse-t-on
pas ? N'a-t-on pas abusé à l'excès de cette déférence même que
l'on prétend due à l'usage sans restriction? et cet abus énorme
n'est-il pas la source de toutes les bizarreries qui rendent notre
orthographe et l'art même de lire notre langue si difficiles^ que les
deuxtiers de la nation ignorent l'un et l'autre? On peut donc abuser,
j'en conviens, du principe que Quintilien lui-même approuvoit, et
qu'il a énoncé d'une manière si précise [Inst. orat., I, liv. vij) : Ego
sic scribendum quidquejudico, quomodo sonat ; hic enim usus est
litterarum, ut custodiant voces et velut depositum reddant legenti-
bus; mais il est possible aussi d'en user avec sagesse, avec discré-
tion et surtout avec avantage ; il est possible d'adopter, d'après
les caractères autorisés légitimement par l'usage, un système d'or-
thographe plus simple, mieux lié, plus conséquent J'oserai
donc ici, sur l'autorité du sage Quintilien, proposer l'esquisse d'un
système d'orthographe, dans lequel je crois avoir réuni toutes les
qualités exigibles, sans y laisser les défauts qui déshonorent notre
orthographe actuelle. »
Voici l'analyse de ce système :
l''Beauzée supprime la consonne redoublée dans l'écriture quand
elle ne se fait pas sentir dans la prononciation : il écrit abé, acord,
adoné, afaire, agresseur, tranquile, home, persone, suplice, noû-
riture, atentif.
2° 11 marque, dans les terminaisons des mots, Ve d'un signe dif-
férent selon les cas : quand la lettre qui suit se prononce, par
è; quand Vn qui suit est nasal, par é\ et d'un accent circonflexe
pour en faire un a nasal, laissant Ve nu s'il est muet. Exemples :
Jérusalem^ abdomen, Pémbroc^ Agén, il convient, \\ pressent, em-
pire, encore, ils aimoient, ils convient ^ ils pressent.
298 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — REAUZÉE.
3° H distingue ainsi par raccentuation les mots suivants
Sans accent grave.
Avec accent grave.
Sans accent grave.
Avec accent grave
plomb
radoiib
drap
càp
les échecs
un échec
aimer
mèr
nid
David
seller
fier (adj.)
sang
joùg
vertus
Brutùs
fusil
fil
réparés
. Cérès
cul
recul
il subit
subit (adj.)
nom
Jérusalem
complot
ladôt
ancien
abdomen
Jésus-Christ
le Christ
Si le mot était, comme abcès, procèSy terminé par é et 5 qui ne
se prononce pas, il remplace Vè par Te. Ex : congrès, décès.
4» Il propose pour le même motif d'écrire ammonite, Emma-
nuel, immobile, annuité, triennal, inné, amnistie, somnambule,
allusion, îllégaU collateur.
5** On pourrait écrire, à la manière espagnole, émail au lieu de
émail, vermeil au lieu de vermeil, périll au lieu de péril, seuil
au lieu de seuil, fenouil au lieu de fenouil, etc.
Si Pon ne prononce qu'un / et qu'il ne soit pas mouillé, on n'en
écrira qu'un : tranquile, mortèle^ rebèle, une vile, vilage, etc.
6° Les monosyllabes ces, des, les, mes, ses, ^es porteraient l'ac-
cent aigu {sic) pour qu'on pût les distinguer de la dernière syllabe
des mots actrices, mondes, mâles, victimes, chaises, dévotes.
On écrirait de môme : bléd, clef, pluriel, pied.
7° Il propose l'accent grave dans les cas suivants : Èchatane ,
pectoral, heptagone, cerveau, escroc, espace, etc. Et de môme :
cèle, musète, anciène, qu'ils viènent.
Le même accent s'appliquerait aux mots exact, exécuter, èxorde,
exquis, etc.
8° L'accent circonflexe qui sert à allonger la syllabe àBXis prêtre,
extrême, ne doit pas être reproduit dans les composés, prêtrise,
extrémité (1).
9° On devrait écrire àgnat, àgnation, àgnatique, igné, ïgnicole,
ignition, cognât, cùgnation, stagnation, stagnant, en écrivant
comme à l'ordinaire les mots agneau, cognée, ognon, rognure.
10° Il propose aussi d'employer l'accent grave dans les mots
(1) Ce principe excellent devrait être observé dans tous les cas semblables.
On écrit grêle, mais on devrait écrire grélmy etc. Ainsi le veut la prosodie
française.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — BEAUZÉE. 299
suivants : lingual, le Guide, le duc de Gùise, aiguiser , aiguille^ ai-
guë, contighe, éqùateur^ liquéfaction, équestre, quinquagésime, pour
distinguer le son spécial de guQi qu de celui qu'il a dans anguille,
liquéfier. Il propose aussi arguer, ambiguïté, contiguïté.
L'auteur fait une excellente observation sur l'anomalie qui con-
siste à prononcer comme s et non comme 2, ainsi que le voudrait
la règle grammaticale, les mots désuétude, préséance, présuppo-
ser, monosyllabe. Il remédie à cette difticulté en écrivant déssué-
tude, présseance, préssupposer, monossillabe.
Il donne ensuite des préceptes pour l'emploi du tréma; la plu-
part n'ont pas prévalu.
« On prononce ai comme e muet dans faisant, nous faisons, je
faisois, vous faisiez, bienfaisant, contrefaisant, et autres dérivés
pareils du verbe faire. Mais puisqu'il est déjà reçu d'écrire par un
e simple Je ferai, je ferois, etc., sans égard pour Vai de faire,
pourquoi n'écriroit-on pas de même fesant, nous fesons,je fesois,
vous f estez, bien fesant, biénfesance, contre fesant? M. RoUin et
d'autres bons écrivains (1) nous ont donné Texemple, et la raison
prononce qu'il est bon à suivre.
a ÏA"" Les deux caractères ch se prononcent quelquefois en sif-
flant comme dans méchant, et quelquefois à la manière du k comme
dans archange. Il étoit si aisé de lever l'équivoque qu'il est sur-
prenant qu'on n'y ait point pensé : la cédille étant faite pour mar-
quer le sifflement, il n'y avoit qu'à écrire çh pour marquer le sif-
flement, eich pour le son guttural : méchant, monarchie, archevêque,
marchons, chercheur, en sifflant ; archange, archiépiscopal, ar-
chonte, chœur, avec le son dur (2).
« Grâce à cette légère correction, on pourrait rétablir l'ana-
logie entre monarchie et monarche. »
d5o En vertu du même principe, Beauzée propose Vh avec
cédille quand cette lettre est aspirée. « Cela ne feroit pas un
grand embarras dans l'écriture, et les imprimeurs seroient sans
(1) Voltaire écrit toujours ainsi, et cette orthographe a été maintenue dans l'im-
pression de ses œuvres.
(2) Le nombre des mots dérivés du grec écrits encore par ch prononcé comme
k étant très-minime, puisque la plupart ont déjà perdu Vh, la combinaison
ingénieuse de Beauzée devient inutile du moment que l'on accepterait ce que j'ai
proposé. (Voyez ci-dessus, p. 36.)
300
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — BEAUZÉE.
doute assez honnêtes pour faire fondre des h, cédillées en faveur de
Tamélioration de notre orthographe : plus on facilitera Fart de
lire, plus aussi on multipliera les lecteurs et par conséquent les
aquéreurs de livres. »
16^» « J'en dirois autant des t cédilles pour le cas où cette lettre
représente un sifflement. N'est-il pas ridicule d'écrire avec les
mômes lettres, nous portions et nos portions, nous dictions et les
dictions, et une intinité d'autres ? Cette simple cédille, en fesant
disparoître l'équivoque dans la lecture, laisseroit subsister les tra-
ces de l'étymologie et seroit bien préférable au changement qu'on
a proposé du ^ en c ou en s.
17* « L'analogie, si propre à fixer les langues, à les éclairer, à en
faciliter l'intelligence et l'étude, conseille encore quelques autres
changements très-utiles dans notre orthographe, parce qu'ils sont
fondés en raison, que l'usage contraire est une source féconde
d'inconséquences et d'embarras, et qu'il ne peut résulter de ces
corrections aucun inconvénient réel.
« Le premier changement seroit de retrancher des mots radi-
caux la consonne finale muette, si elle ne se retrouve dans au-
cun des dérivés : pourquoi, en effet, ne pas écrire rampar sans
t et nŒU sans ^, puisqu'on ne forme du premier que remparer
et du second nouer ^ dénouer, dénoûment, renouer, renoueur, re-
noûment, où ne paroissent point les consonnes finales des radi-
caux (1) ?
« Le second, de changer cette consonne ou dans le radical ou
dans les dérivés, si elle n'est pas la môme de part et d'autre, et
que la prononciation reçue ne s'oppose point à ce changement.
L'usage, par exemple, a autorisé absous, dissous, résous au mas-
culin, et absoute, dissoute, résoute au féminin : inconséquence
choquante, mais dont la correction ne dépend pas d'un choix libre;
le t se prononce au féminin et la lettre s est muette au masculin.
Écrivons donc absout, dissout , résout. Au lieu d'écrire faix, faux,
heureux, roux, écrivons avec Vs : fais, faus, heureus, rous, à cause
des dérivés affaissement, affaisser, fausse, faussement, fausseté,
fausser, heureuse, heureusement, rousse, rousseur, roussir. Une
analogie plus générale demande même que l'on change x partout
où cette lettre ne se prononce pas comme es ou gz et qu'on écrive
(1) L'Académie a depuis adopté les mots nodus et nodosité. Ce dernier ne figure
qu'à la sixième édition.
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — BEAUZEE. 301
Aussère (ville), Brussèles (ville), soissante, sizième^ sizain, dizième^
comme on écrit déjà dizain et dizaine. II faut écrire aussi les lois,
de \apois, la vois, des pous, les fous, cens, les vœus, etc., et ne
laisser à la fin des mots que les x qui s'y prononcent comme dans
borax, Siix.
« Il est d'usage d'écrire dépôt, entrepôt, impôt, supôt, avec un t
inutile et un accent que réclame, dit-on, une s supprimée ; eh ! sup-
primons, au contraire ;, ce t inutile et rétablissons Vs réclamée
d'ailleurs avec justice par les dérivés déposant, etc., entrepo-
seur, etc., imposant, etc., suposition, supositoire, etc._, et nous
écrirons dépos, entrepos, impos^ supos, comme nous avons déjà
par la môme analogie dispos, propos et repos... Il est d'usage
d'écrire nez avec un z et les dérivés avec s, nasal, nasalite,
nasardy nasarde, nasarder, naseau, nasillard, nasiller : il faut
choisir et mettre z dans les dérivés comme dans le radical, ou s
dans le radical comme dans les dérivés. Ce dernier parti est le
plus sûr.
«... Nous avons courtisan, courtisane, courtiser, courtois^ etc.,
qui viennent de cour. Reprenons l'usage de nos pères, qui écri-
voient court du latin cors, cortis (basse-court), d'où viennent le
corte des Espagnols, le corteggio des Italiens et notre mot cortège.
En restituant ce caractère d'étymologie, objet si précieux pour
les amateurs, nous rétablirons les droits raisonnables et bien plus
utiles de l'analogie.
c< Un quatrième principe d'analogie est de ne jamais supprimer
la consonne finale du radical dans les dérivés quoiqu'elle y soit
muette, à moins que sa position dans le dérivé n'induise à la pro-
noncer; c'est ainsi qu'on écrit sans jo les mots corsage, corselet,
corset, corsé, quoiqu'ils viennent de corps, parce que le/? embar-
rasseroit la prononciation et la rendroit douteuse. Je crois que
par analogie on doit de même écrire sans jo les mots batéme, batiser,
Jean Batiste, batistère, parce qu'on seroit tenté d'y prononcer le p,
comme il faut le prononcer et conséquemment l'écrire dans bap*
tismal.
« Il est contraire au bon sens de restreindre, par des exceptions
inutiles, bizarres, embarrassantes et contradictoires, la règle de la
formation de nos pluriels, qui fait ajouter s à la fin des noms et
adjectifs singuliers non terminés par s, x ou z. » Il faut donc écrire
ses gents, touts les hommes.
« Les adjectifs terminés en ant ou ent forment leurs adverbes,
302 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - BEAUZÉE.
de manière que l'oreille les entend finir par ament\ cependant les
uns s'écrivent par amment et les autres par emment ; les étrangers
et les nationaux peu instruits sont en danger de prononcer ces
deux syllabes comme les deux premières du mot emmancher ou
de prononcer la première des deux comme la première des mots
Ammonite^ Emmanuel. Supprimons donc la première m, puis-
qu'elle ne se prononce plus^ et les adverbes venus des adjectifs en
ANT s'écriront simplement et analogiquement par ament. De sor
vant^ instant^ puissant, on formera savament, instament, yuissa-
ment. Quant aux adverbes venus des adjectifs en ent, outre la
suppression de la première m, qui y est également nécessaire, il
faut y introduire un a, puisqu'on l'y entend. Cet a doit même en-
trer dans l'orthographe de l'adjectif pour caractériser l'analogie.
Ainsi, écrivons diligeant et diligeament, négligeant et négligea-
ment^ prudant et prudament, violant et violament. Je conserve
Ve dans diligeant et négligeant^ parce qu'il y est nécessaire pour
faire siffler le g et l'empêcher d'être guttural, et je supprime Te
dans prudant et violant^ parce qu'il y seroit absolument inutile. »
Beauzée , poursuivant le cours de ses délicates et ingénieuses
observations, énonce ensuite quelques règles qui se recomman-
dent à l'attention des partisans de la néographie phonétique : « Il
faut, dit-il, écrire le son o par au dans les mots dont les analogues
ont a ou al en même place, et par eau dans ceux dont les ana-
logues ont e ou el dans la syllabe correspondante, comme :
chawd, chawfer à cause
faws, fawssaire —
de
chaleur
faMfier
agneau à cause
beaMté —
de
agne^ér
hél
hawt, hawsser —
mawdire —
naufrage —
exalter
malédiction
navire
i|l
-
chapelier
grumeZér
mante
psattme, psawtier —
psaZmiste
rouleaw
—
rouler.
« Si l'on entend dans quelques mots un o simple ou la voyelle
composée ou, l'analogie exige que dans tous les mots de la même
famille où au lieu de o ou de ou on entendra eu, on écrive œu ;
ainsi écrivons-nous :
bœwf
à cause de boMviér
œui
à cause de ovaire et oval
cœwr
— cordial
œuvre
— OMvriér
chcBwr
— choriste
sœur
— sororal
mœurs
— moral
vœir
— voMér ou voter
uœu
— nowér
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — BEAUZÉE. 303
((D'après ce principe, combiné avec la manière dont je propose
d'écrire / mouillée, il faut écrire œil au lieu de œil. Puisqu'il est
reçu d'écrire vœu à cause de vouer, pourquoi n'écriroit-on pas
avœu, tant par analogie avec vœu qu'à cause d'avouer ? Nous écri-
vons cueillir et nous y prononçons eu qui n'y est point écrit : les
mots colècte, colècteur, colèctif, colècUon, qui sont de la même fa-
mille, nous indiquent œ et nous avertissent d'écrire cœ^/Zer, acœul-
lir, recœullir, de là acœuîl, recœull, même cercœull, et par l'ana-
logie des sons oryœull où l'on prononce œu , puis orgoélleus,
parce qu'on n'y prononce que e\ »
18" L'auteur demande que Ton écrive :
afin
enfin
au près
aussi tôt
bien tôt
en suite
autrefois
quelquefois
toute fois
par ce que
lors que
pour quoi
au lieu de afin
— enfin
auprès
aussitôt
bientôt
ensuite
autrefois
quelquefois
toutefois
parce que
lorsque
pourquoi
à cause de à cette fin , à cause
— de près , de loin
_ iplus tôt, bien tôt, aussi tard,
{ bien tard
— par suite, à la suite
— une fois y plusieurs fois
— par la raison que
— tandis que, etc.
— pour qui
19<* Il réunit, au contraire, les mots suivants : un acompte, des
acomptes, des apropos, des apeuprès.
En terminant, Beauzée défend ainsi son système du reproche
d'attenter à l'étymologie et à la prosodie :
« Pour ce qui concerne les droits de Fétymologie, je le de-
mande, est-il raisonnable que nous allions chercher dans une lan-
gue étrangère et morte, qui est ignorée des dix-neuf vingtièmes de
la nation, les raisons de notre orthographe, que toute notre nation
doit savoir? 1^'est-ce pas condanner gratuitement à l'ignorance
d'une chose essencielle tous ceux qui n'auront pas fait les frais
superflus d'étudier le latin et le grec ? N'est-ce pas mettre des en-
traves ridicules à la perfection d'une langue qui, après tout, doit
nous être plus précieuse que toute autre? L'orthographe est pour
toute la nation ; la connoissance des étymologies n^est que pour un
très-petit nombre d'hommes, qui môme n'en tirent pas grand avan-
tage, ni pour eux-mêmes ni pour l'utilité publique : faut-il donc
304 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — REAUZÉE.
sacrifter Tavantage de vingt millions d'ames aux vues pédantes-
ques de deux-cents personnages, qui n'en sont ni plus savants ni
plus utiles? L'injustice et le ridicule de cette prétention ont été
sentis par TAcadémie délia Crusca, pour la langue italienne, et
par l'Académie royale de Madrid, pour la langue castillane : Por-
thographe de ces deux langues est réduite à peindre juste la pro-
nonciation, sans égard pour des étymologies qui la défigureroient;
et les savants d'Italie et d'Espagne n'en seront pas moins bons
étymologistes. Mais chez nous môme, d'où vient qu'il n'a pas plu
k l'usage de redoubler la consonne dans quelques mots, où toute-
fois la raison servile d'imitation à cause de l'étymologie militoit
autant que dans les autres mots où l'on a consacré ce redouble-
ment? C'est que quelquefois la raison Ta emporté sur Faveugle et
imbécile routine et que l'on a quelquefois obéi au principe inva-
riable qui veut que l'écriture soit l'image fidèle delà parole.
« Ce qu'on allègue en faveur des droits de la prosodie est-il
mieux fondé? Il faut, dit-on, redoubler la consonne pour mar-
quer la brièveté de la voyelle précédente. Ce prétendu principe
est absolument faux, de l'aveu même de l'usage : car 1° nous trou-
vons la consonne redoublée après des voyelles longues : flamme^
mânne, abbêsse, que je fisse, grosse, que je pusse, que je pousse,
paissez, etc.; 2° on trouve de même des voyelles brèves avant une
consonne simple : damier, interpréter, docilité, dévote, fortuné,
houle, jeunesse, retraite, etc. Quand ce principe seroit admis sans
exception dans la pratique, peut-être faudroit-il encore y renon-
cer, parce qu'il seroit au moins inutile : ne suffiroit-il pas de mar-
quer de l'accent circonflexe les voyelles longues et d'écrire les
brèves sans accent? N'avons-nous pas déjà tâche et tache, malin et
matin, châsse et chasse, bête et bète (racine), gîte et il agite, le
nôtre et ncftre avis, etc.? A ces deux vices, déjà considérables, de
fausseté et d'inutilité, ajoutons que ce principe est encore opposé
à l'effet naturel du redoublement de la consonne, qui est d'alon-
ger la voyelle précédente. »
Beauzée a, comme on le voit, étudié dans ses détails et avec
beaucoup d'érudition et de sagacité le mécanisme de l'orthogra-
phe étymologique. Quelques-unes de ses modifications pourraient
être acceptées ; d'autres, celles qui entraînent l'augmentation du
nombre des accents, sont ingénieuses, mais tout à fait impratica-
bles. Pour se disculper du reproche qu'on lui a fait de cette com-
LA RÉFORME ORïHOCxRAPHIQUE. - ROllNVILLIERS. 305
plication, Beaiizée cite un passage de VEnchiridion d'Épictète, où,
dans le texte grec, se trouvent 41 accents pour 37 mots, tandis
que la traduction littérale, orthographiée selon son système, ne
montre que 23 accents sur 55 mots. Voici cette traduction :
« Ces gênls veulent aussi être philosophes. Home, aye d'abord
« apris ce que c'est que la chose que tu veus être ; aye étudié tés
« forces et le fardeau ; aye vu si tu peus Pavoir porté ; aye consi-
« déré tés bras et tés cuisses, aye éprouvé tés reins, si tu veus être
« qùinqùèrcion ou luteur. »
Dans la langue grecque, tous les mots ayant une accentuation
tonique très-fortement accusée, ces marques devenaient bien plus
nécessaires qu'elles ne le sont dans la nôtre, pour fixer la diction.
L'accentuation grecque (l'aigu, le grave, le circonflexe), qui a servi
de modèle à la nôtre, ne fut introduite qu'au deuxième siècle
avant J.-C, et c'est à Alexandrie qu'elle fut d'abord mise en usage
par son inventeur, Aristophane de Byzance, pour fixer la pro-
nonciation et la préserver d'être altérée par tant de populations
étrangères qui parlaient le grec. On ne trouve, d'ailleurs, aucun
texte manuscrit, sauf des grammaires, accentué au complet avant
le xi^ siècle de notre ère.
DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.
Jean -Etienne -Judo H Forestier Boinvilliers - Des jardins ,
membre correspondant de l'Institut de France. Grammaire
raisonée ou cours théorique et pratique de la langue fran-
çaise. Paris, 1802, in-8 de 526 pp.
Ce savant grammairien figure au nombre des réformateurs les
plus modérés. Il n'admet pas de séparation entre la langue fran-
çaise et le latin dont l'étude lui paraît indispensable pour la con-
naissance du système de l'orthographe française. Fidèle sur tous
les points à l'étymologie, il n'adopte que les changements qui s'y
conforment, de sorte que sa réforme porte presque exclusivement
sur les doubles consonnes, qu'il remplace par les simples là seu-
lement où elles sont d'accord avec les primitifs latins. Cette .amé-
20
306 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — DOMERGUE.
lioration constitue déjà un pas en avant, mais reste imparfaite
puisaue dans certains mois elle se conforme à l'étymologie latine,
contrairement à la prononciation. Boinvilliers a fait un code d'or-
thographe à l'usage des lettrés , et par conséquent ne se soucie
pas de la régularité qui doit être l'âme de tout système d'écriture
rationnelle.
Il écrit donc : nourir, étoner^ doner, conaître, aparteniry quiter^
atendre^ ariver^ honeur^ home, persone, acord^ someil, etc., et d'un
autre côté : différer et différence, commettre et commission, ap-
prouver et approbation, etc.
Dans les mots où la pénultième se trouve être un e muet suivi
immédiatement de la double consonne, il le remplace par un è
après la suppression de la consonne . Exemples : fèfe, bèlc, cèle, an-
ciène, cruète,quHl viène. Il écrit énemi avec un e aigu. Il remplace
par l's Vx final des substantifs et des adjectifs pour les conformer
à la règle générale de la formation du féminin, ex. : épous, épouse,
heureus, heureuse.
Il écrit avec un c tous les adjectifs dont le substantif corres-
pondant possède le c à la désinence, comme confidenciel (con-
fidence), substanciel (substance), essenciel (essence), pénitenciel
(pénitence), et avec un t ceux où cette consonne existe dans le
primitif, comme séditieus {sédition) , factieus (faction), ou qui ne
dérivent pas d'un substantif, comme captieus (capter).
Il écrit avec Voltaire nom fesons, bienfesant, malfesant.
' Il remplace 1*2/ par Yi partout où il ne représente pas deux i, et
il écrit avec beaucoup de raison : les ieux, venez i ( / venant de
ibi).
Il est inutile d'ajouter qu'il conserve partout les ph et th étymo-
logiques.
Urbain Domergue, de l'Institut, La prononciation françoisé,
déterminée par des signes invariables^ avec application à
divei's morceaux, en prose et en vers, contenant tout ce
qu'il faut savoir j^our lire avec correction et avec goût;
suivie de notions orthographiques et de la nomenclature des
mots à difficultés. Paris, F. Barret, l'an V^ in-8 de 302 pp.
— La prononciation françoisé, où, T auteur a prosodie, avec
des caractères^ dont il est r inventeur^ sa traduction en vers
LA RÉFORME ORÏHOGKAPHIQUE. — DOMERGUE. 307
des dix églogues de Virgile et quelques autres morceaux de
sa composition; augmentée, d'un tableau des désinences fr^an-
çoises, pour faciliter V étude des genres. Manuel iîidispen-
sable pour les étrangers^ amateurs de cette langue^ infi-
niment utile aux François eux-mêmes. Seconde édition.
Paris, librairie économique, 18D6, in-8 de 3 ff., 540 pp.,
plus 3 ff.
Les travaux de Domergue sur la langue française remontent à
1778. C'est à cette époque qu'il fit paraître sa Grammaire fran-
çaise simplifiée (in- 12], réimprimée en 179:2. Ea 1784, il fonda à
Lyon le Journal de la langue française, qui fut continué jusqu'en
1791. En 1790, il publia le Mémorial du jeune orthographiste
(in-12). Revenu à Paris, il forma la Société des amateurs et régé-
nérateurs de la langue française , dont sortit plus tard le Conseil
grammatical , tribunal officieux dont le rôle était de donner des
solutions aux questions grammaticales offrant des difficultés. Ces
solutions furent publiées en 1vol., en 1808. On a encore de cet
académicien deux opuscules sur l'orthographe : Exercice ortho-
graphique (Paris, 1810, in-12), et les Notions orthographiques.
Bien que je n'aie pu me procurer ces ouvrages, j'ai cru utile de
les mentionner bibliographiquement.
La partie critique dans le travail de cet académicien n'a pas
l'importance que les autres novateurs ont cru devoir lui donner à
Fappui de leur système.
« Si notre alphabet étoit bien fait, dit Domergue, p. 177, si
chaque son étoit exprimé par un signe qui lui convînt toujours,
qui ne convînt qu'à lui, la connoissance de l'alphabet seroit la
clé de la prononciation. Mais notre langue parlée a 40 éléments
(voir plus loin, p. 359), et nous n'avons que 24 lettres. Encore, ces
lettres trompentrcUes sans cesse l'œil par des sons contraires aux
signes, l'oreille par des signes contraires aux sons. Tâchons de
mettre d'accord les deux sens particulièrement consacrés à la pa-
role, la vue et l'ouïe. Que dans l'alphabet que je destine à réfléchir
la prononciation, comme une glace fidèle réfléchit les objets, ces
deux principes soient invariablement suivis : 1° autant de signes
simples que de sons simples ; 2° application constamment exclu-
sive du signe au son. »
308 LA. RKFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DOMERGUE
TABLEAU DES VOYELLES DE DOMERGUE.
a. comme dans ami, haril a aigu.
et , comme dans câble, raser a grave.
Cf, comme dans banc, temps a nasal.
Oj comme dans domino, loto . o aigu.
G , comme dans grossir, rosier o grave.
O* , comme dans bonté, ombre o nasal.
S , comme dans théj café e aigu bref.
"B , comme dans lésion, fée - .... e aigu long.
/6j comme dans succès, caisse e grave.
e y comme dans modèle, foibk e moyen.
C*' j comme dans lien, vin e nasal.
1, comme dans colibri, biribi i bref.
\ j comme dans cerise, gîte . . . • i long.
U j comme dans vertu, tube u bref.
*<Jt j comme dans ruse, flûte u long.
O j comme dans joujou, bijou ou bref.
D , comme dans pelouse, croûte ou long.
C 5 comme dans bonne, jeton eu faible.
•C , comme dans feu, peuplier eu bref.
"Cj comme dans creuse, beurre eu long.
C , comme dans ww, à jeun eu nasaj.
CONSONNES :
Pronontex
111, comme dans maman me.
b j comme dans battre be,
p , comme dans papa pe.
V , comme dans vivacité ve.
I j comme dans /orce ' fe.^
cl , comme dans devoir de.
t , comme dans tutoyer, et jamais comme dans portion. . te.
11, comme dans Nanine, et jamais comme dans bon. . . ne.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DOMERGUE. 309
1 , comme dans lunatique /e,
i , comme dans famille iq mouillé.
Ij , comme dans ignorant, et jamais comme dans gnome. . gn mouillé
Z , comme dans azur ^e.
S , comme dans salut., et jamais comme dans ruse. . . . se.
Y , comme dans rire re,
J , comme dans jujube je.
J , comme dans chercher ch doux.
g , comme dans guérir, et jamais comme dans pigeon. . ghe.
O j comme dans camisole, colère que.
€[;, comme dans cœur, requête q adouci.
< 5 comme dans les héros aspiration.
On voit que, dans l'écriture inventée par Domergue, le caractère
c a changé de fonction et représente eu faible que l'auteur croit en-
tendre dans notre e muet ou e féminin, bonne, jeton. L'y a également
disparu, et avec lui toute trace de l'origine grecque d'une partie des
mots de la langue. Pas d'œ; pas d'accents. Dans les consonnes le c
est* remplacé dans ses fonctions par q dans camisole , par q dans
cœur, pars dans ceux-ci'., /figure les sons fetpk; h est éliminée là
où il n'y a pas aspiration; et dans héros, etc., elle est figurée par
reprit rude des Grecs ; k, lettre inutile en présence des deux coppa
(q ei q), disparaît également; deux signes nouveaux, l'un pour le
gn mouillé, montagne, l'autre pour // mouillé, économisent chacun
une lettre ; t n'a plus qu'une fonction, x a disparu ainsi que le iv.
Domergue reconnaît vingt et une voix ou voyelles distinctes qu'il
représente par vingt et un signes; dix-neuf articulations qu'il exprime
par dix-neuf consonnes, dont chacune, comme chaque voyelle, a
un emploi fixe et incommunicable.
Si le système de cet académicien était logique et bien conçu
sous plusieurs rapports, en pratique il était inexécutable. Son
écriture, hérissée de signes nouveaux et peu distincts les uns
des autres, blesse toutes les habitudes de Tœil, supprime les ac-
cords du singulier et du pluriel dans les substantifs et dans les
verbes, et, violant ainsi les lois premières de la grammaire, nous
ramènerait à une sorte de barbarie.
310 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — GIRAULT- DU VIVIER.
GiRAULT-DuviviER. Grammaire des grammaires^ ou Analyse
raisonnée des meilleurs travaux sur la langue française.
Quatrième édition. Paris, 1819, 2 voL in-8. (La première
édition est de 1811.)
Ce volumineux travail a joui pendant longtemps d'une grande
réputation. Le public, partant de cette idée que la meilleure
grammaire devait être la plus complète, c'est-à-dire celle dans
laquelle se trouveraient entassées en plus grand nombre, sous
forme de règles, d'exceptions et d'exceptions de l'exception,
les irrégularités et les contradictions de notre langue, a pendant
trente ans accordé sa faveur à celte vaste compilation des traités
de grammaire alors connus.
Pour donner une idée de la critique de son auteur, je me bor-
nerai à remarquer que, loin de s'être enquis par un examen atten-
tif et personnel de la valeur des travaux des novateurs qui l'a-
vaient précédé, il s'est contenté, au chapitre Orthographe, t. II,
p. 895, de reproduire sans citer, mais en la paraphrasant de temps
à autre, la condamnation qu^en 1706, c^est-à-dire cent ans plus
tôt, Régnier des Marais avait portée contre eux dans sa Grammaire.
Girault-Duvivier conclut ainsi : « Au surplus, ce qui répond
plus victorieusement encore que tout ce qu'on vient de lire, aux
divers projets tendant à la réforme de l'orthographe ordinaire,
c'est que Régnier des Marais, le P. Buffier, le P. BouboiA-s,
MM. DE PoRT-RoYAL, Beauzée, Condillâc, Girard, d'Olivet et le
plus grand nombre de grammairiens modernes, se sont constam-
ment opposés à leur adoption; c'est que les écrivains du siècle de
Louis XIV et enfin l'Académie, juge auquel doit se soumettre tout
auteur, quelque célèbre, quelque éclairé qu'il soit, les ont reje-
tés. »
Cette citation textuelle, dans laquelle il y a presque autant d'er-
reurs que de mots, ainsi qu'on peut s'en assurer par l'analyse
qu'on trouve ici des travaux de Buffier, de Port-Uoyal, de Beauzée,
de Girard, de d'Olivet et les spécimens de Tortliographe des
grands écrivains (Appendice £"), montre suffisamment avec quelle
légèreté les grammairiens les plus accrédités avaient, jusqu'à nos
jours, traité la question de la réforme orthographique. Je serais
heureux si le présent ouvrage parvenait à déblayer le terrain de la
discussion de tant d'arguments faux répétés à satiété !
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ~- VOLNEY. 311
C.-F. YoLNEY. VAlfahet européen appliqué aux langues asia-
tiques, ouvrage élémentaire, utile à tout voyageur en Asie
(tome VIII des OEuvres complètes). Paris, Bossange frères,
1821, in-8.
Quoique cet ouvrage, aussi bien que celui de M. Féline, con-
cerne plus particulièrement la réforme dite phonographique, j'ai
cru devoir les mentionner, puisqu'ils ont indirectement rapport à
l'orlhographe, par la classification des sons de la langue, et sont
le résultat de longs efforts et de consciencieuses études. La ten-
tative de dresser un alphabet unique et commun aux langues de
l'Europe et de l'Asie est une idée aussi grande que généreuse (1).
Volney lui-même a fondé un prix annuel de j,200 francs pour la
réalisation de cette entreprise à laquelle il a consacré tant de
voyages et de si longues études.
Le savant académicien a puisé dans la comparaison des idio-
mes^ nécessaire à la préparation de son œuvre, des moyens de
perfectionner le mécanisme de notre orthographe. Doué d'un vrai
talent d'observation et d'une sagacité égale à sa persévérance, il
doit à l'analyse niinutieuse qu'il a faite des sons propres aux
diverses langues qu'il a comparées une connaissance profonde
des vices de notre écriture.
L'étude à laquelle Volney s'est livré au sujet des voyelles euro-
péennes et particulièrement des voyelles françaises (p. 25 à 61)
depuis cinquante ans n'a guère été dépassée. Voici comment il ré-
sume les idées de ses prédécesseurs sur la détermination du nom-
bre de nos voyelles :
a Avant Beauzée, l'abbé Dangeau (en 1693) avait compté aussi
« treize voyelles, mais il y comprenait aussi les quatre nasales :
« par conséquent il les bornait à neuf. Ce fut déjà une grande
« hardiesse à lui de les proposer au corps académique, qui, selon
« l'habitude des corporations et la pesanteur des masses, se tenait
« stationnaire dans le vieil usage de ne reconnaître que les cinq
(1) L'Angleterre poursuit depuis une trentaine d'années un problème encore
plus vaste et non moins important, celui d'un alphabet typographique latin per-
fectionné et complété, qui soit propre à la transcription de toules les langues des
tribus de l'Afrique, de l'Asie, de l'Amérique, de l'Océanie, de la Polynésie, ex-
plorées par ses missionnaires. (Voir Max MùUcr, Nouvelles Leçons de la science
du langage, p. 199.)
312 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — VOLNEY.
« voyelles figurées par A, E, I, 0, U. L'abbé Dangeau eut le nié-
« rite d'établir si clairement ce qui constitue la voyelle, que la ma-
« jorité des académiciens ne put se refuser à reconnaître pour telles
(( les prétendues diphtongues OU, EU, qui réellement ne sont pas
« diphtongues, mais digrommes, c'est-à-dire doubles lettres (1).
« Du reste, Dangeau ne distingua pas bien les deux A, les deux 0,
« ni les deux EU.
« Après Dangeau (en 1706), l'abbé Régnier des Marais, chargé
« par l'Académie d'établir une grammaire officielle comme le Dic-
« tionnaire, n'osa que faiblement suivre la route ouverte par Dan-
« geau : en établissant d^abord six voyelles il commit la faute de
(( présenter y et i comme différens, lorsque de fait leur son est le
(( même (2) ; et dans l'exposé confus, embarrassé qu'il fit de toute
« sa doctrine, il décela Thésitation et le peu de profondeur de la
(( doctrine alors dominante. A ce sujet, je ne puis m'empôcher de
{( remarquer que les innovations ne sont jamais le fruit deslumières
(( ou de la sagesse des corporations, mais au contraire celui de la
« hardiesse des individus, qui, libres dans leur marche, donnent
« l'essor à leur imagination et vont à la découverte en tirailleurs :
« leurs rapports au corps de l'armée donnent matière à délibéra-
« lion : elle serait prompte dans le militaire, elle est plus longue
« chez les gens de robe. Toute innovation court risque d'y causer
« un schisme, d'y être une hérésie , et ce n'est qu^avec le temps,
« qu'entraînée par une minorité croissante, la majorité entre et
« défile dans le sentier de la vérité. »
Voici le tableau des voyelles de Volney en ce qui regarde le
français :
1. a clair ou bref, petit à Ex. : Paris, patte, mal;
2. a profond ou long, grand â.... àme, âge, pâte, mâle ;
3. o clair ou bref, petit o odorat, hotte, molle, sol ;
4. 0 profond ou long, grand d.. . . hôte, haute, môle, saule, pôle;
5. où bref, petit ou chou, sou, trou ;
6. où profond, grand où voûte, croûte, roue, boue ;
(1) L'auteur explique très-bien , dans plusieurs endroits , le mécanisme de la
formation de ces digr animes , qui s'est produite en Europe comme en Asie.
Ayant à figurer des sons nouveaux avec un alphabet restreint, on a, plutôt que
d'introduire un signe nouveau, réuni les signes des sons qui isolément paraissent
se faire entendre dans la nouvelle voyelle.
(2) Volney a raison en ce qui concerne Vy étymologique, mais Vy français,
dans pays, moyen, est une véritable voyelle diphthongue.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — VOLNEY. 313
7. e» clair, guttural Ex.: cœur, peur, bonheur ;
8. eu profond , cieux eux, deux, ceux;
e muet, féminin borne, ronde, grande;
e gol!!i(iii(\ . . que je me repente;
10. ê ouvert fête, faîte, mer, fer ;
H. ée e (sans nom), a?, ê. née, nez;
1?. é masculin.., jié, répété;
13. i bref.'^petit i midi, imité, ici ;
n. î long , grand î île (en mer), la bîle ;
1 :>. u français hutte, chute, nud;
IG. I .. I an pan (de mur)';
17. J J j o\\ son (de voix) ;
18. y^\ in , . , brin, pain, pin, peint ;
19. )^ \ un un, chacun.
La réalisation du projet de Volney serait un puissant auxiliaire
pour la diffusion des lumières et de la civilisation en Europe. Voici
comment M. Féline s'exprimait à ce sujet dans l'introduction de
son Dictionnaire phonétique :
« La création d'un tel alphabet intéresse au plus haut degré la
politique intérieure de tous les grands États. Les sujets de la
France parlent allemand, italien, breton, basque, arabe, et nom-
bre de patois qui diffèrent beaucoup du français. Ceux de l'empire
britannique parlent gallois, irlandais, écossais et font usage d'une
multitude d'idiomes dans de nombreuses colonies. La Russie, di-
sent les géographes, compte plus de cent langues différentes,
dont vingt-sept principales; l'Autriche en compte également
une quantité considérable dans ses divers États, animés chacun
d'une nationalité jalouse. Les États-Unis sont peuplés en partie
d'émigrants venus de toutes les contrées du monde. Il n'est pas
jusqu'à la Suisse où régnent trois idiomes bien distincts. Certes, si
la confusion des langues a arrêté l'édification de la tour de Babel,
l'administration de chacun de ces États doit souffrir de la difficulté
qu'éprouve l'autorité à se faire comprendre de tous les sujets sou-
mis à sa loi. Toutes ces nations doivent donc appliquer leurs efforts
à se faciliter réciproquement l'étude de, ces nombreux idiomes,
surtout de celui qui est adopté par le gouvernement dans chaque
pays. Elles atteindraient assurément ce but en apportant à l'al-
phabet toutes les simplifications dont il est susceptible et en le
rendant commun à toutes les langues. »
On verra plus loin, à l'article consacré à l'ouvrage de M. Raoux,
314 r.4 RÉFORME ORTHOGRAPHIQLE. — BUTET.
les moyens récemment proposés pour parvenir à ce but, et qui
font l'objet d'un art que ses adeptes R^iieWeni phonographie.
P.-R.-Fr. Bltet, directeur de recelé polymathique. i)femo2re
historique et critique dans lequel /'S se plaint des irruptions
orthographiques de l'X, qui l'a supplantée^ dans plusieurs
cas, sans aucune autorisation ni étymologique ni analo-
gique; à messieurs les membres de l'Académie française et
de celle des inscriptions et belles-lettres, Paris, imprimerie
d'Éverat, 1821,in-8del9pp.
Dans les doléances que la lettre S adresse à l'Académie, elle
s'élève d'abord contre le trouble apporté dans son emploi régulier
par ces impératifs de la première conjugaison à la seconde per-
sonne du singulier, manges-en, goûles-ij, vas-y ; elle se contente-
rail modestement de la configuration raange-s-en, goûte-s-y, vas-y,
qui préciserait son rôle de lettre euphonique.
Par suite de l'extension toujours croissante d'emploi qu'elle a
reçue des Grammairiens, par exemple, à la fin de ces mots je croi,
je tien, je vien, etc., elle se croit en droit de défendre sa position
comme lettre euphonique et comme marque du pluriel contre les
empiétements de Vx.
Notre X nous vient des Latins. Mais quel rôle cette lettre double
a-t-elle joué chez eux?
Les nominatifs en wde la troisième déclinaison, canis, classis, for-
tis^ dîdcis, sont identiques avec la forme du génitif: tel était le type
primitif. Mais, en raison de la fréquence de leur emploi, certaines
formes du nominatif se sont altérées. Ces altérations se sont faites
de plusieurs manières, et entre autres par contraction : trabs^
nrbs, ops, hyems, etc., sont des contractions de trabis, urbis, opis,
hyemis, qu'on retrouve au nominatif dans les anciens auteurs.
Par suite de la même contraction, audacis et régis sont devenus
midacs et regs : Vx est alors intervenu pour figurer ces deux finales
et ces deux sons par une seule lettre.
Les prétérits latins ont éprouvé des modifications non moins im-
portantes, où l'a^^est venu jouer son rôle. Liœeo, frigo, dico, duco,
au lieu de luci, frigi, dici, duci, ont donné luxi^ frixi, dixi, duxi.
blectum, pleclum, fluctum, n'ont pu devenir /ecsw?w, plecsmn,
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — BUTEï. 315
flîicsmn que sous la forme orthographique flexum, plexum,
fluxum. Telle est Porigine des supins en xum.
. 11 résulte de ces observations que l'^, sauf le cas de préexistence
dans un radical, ne peut s'introduire secondairement en ortho-
graphe que dans trois cas généraux en latin : i° comme finale de
substantifs et adjectifs de la troisième décUnaison; 2" comme fai-
sant partie de la terminaison des prétérits en xi ; et 3° dans les su-
pins en xum; par conséquent, on peut, par droit d'hérédité, con-
server sa présence dans tous les mots français qui émanent de ces
trois sources et, comme cela a eu lieu en latin, dans tous leurs
dérivés.
On peut admettre que, comme monument ancien , x reste dans
appendix, hélix, index (que beaucoup de personnes écrivent déjà
appendice, hélice^ indice), dans chaux, de calx, dans choix, de
collexus, altération de collectus, dans croix, de crux, dans crz^c^
fiXi de crucifïxm, dans faux, de faix, dans flux, de fluxus. De
même pour larynx, pharynx, sphinx, voix, paix, poix , perdrix \
dans laux^ à cause de taxe , dans six, à cause de sex.
Il n'en est pas de même dans la terminaison des mots faux,
toux, houx, époux, pour lesquels il n'existe aucune raison étymo-
logique de la présence de Vx, et où l's seule apparaît dans les dé-
rivés. Comment justifier l'intrusion de Vx dans la terminaison des
adjectifs en eux, tels que précieux, généreux, etc., provenus pour
la plupart de correspondants latins en osusl
La lettre S demande en terminant à l'Académie que puisque la
docte Compagnie l'a déjà rétablie dans ses droits pour les jnots
rois et lois, clous, filous, fous, toutous^ trous et verrous, elle lui
fasse la même grâce pour les mots bijoux, cailloux, choux, ge-
noux, hiboux, joujoux et poux.
Elle réclamerait aussi sa place dans les pluriels des mois termi-
nés en eux dérivés de latins en osus, ainsi que dans les quatre
formes verbales, ]Qpeux, je veux, je vaux, je faux.
La prononciation, en vers comme en prose, n'a rien à perdre à
ces corrections. L'étymologie et l'analogie y recouvreront leurs
droits, et la grammaire, affranchie d'exceptions, y gagnera par la
simplification et la généralisation de ses règles.
Il y a, comme on voit, d'excellentes idées dans ce petit travail,
et une analyse de ce genre pourrait être accomplie fructueuse-
ment pour chacune des lettres de l'alphabet latin.
3!6 TA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — MARLE.
Solvique et phonique, c'est-à-dire : le mécanisme de la parole
dévoilé et écriture universelle au moyen de quarante-huit
phonins ou lettres^ qui, à Vaide de quelques signes, accents
et marques, désignent tous les sons de la parole avec leurs
qualités prosodiques ; précédées d'une esquisse de l'histoire
de l'écriture^ et suivies d\me méthode de noter la déclama-
tion, moyennant douze chiffres duodécimaux^ qui se trou-
vent également appliqués à l' arithmétique, ainsi qtià un
système de poids et mesures. Par Gh.-L. B. D. M. G. Paris,
Firmin Didot, octobre 1829, in-12, de viii et 172 pp.,
plus 1 f. de modèle et un tableau.
C'est une réforme complète de l'écriture, établie sur une étude
minutieuse du fonctionnement des organes de la parole. L'auteur
a inventé de nouveaux signes qui diffèrent totalement des lettres
de Falphabet.
Marle. Dans le Journal de la langue française, didactique
et littéraire, années 1827-1829, 4 vol. in-8. [Orthographe.
Plan de réforme.) — Appel aux Français. — Réforme or-
thographique. Quatrième édition. Paris ; I. Corréard jeune,
1829, in-32, de 144 pp., plus 2 tableaux. (A la fm on
trouve : Réponse de M, Marie à la lettre de M. Andrieux,
de U pp.)
0 La langue française, dit M. Marie, a vingt-deux sons et treize
articulations; pour représenter ce petit nombre de sons et d'ar-
ticulations, on fait usage de cinq cent quarante signes (ils sont
rangés dans le tableau ci-dessous), c'est-à-dire que nous em-
ployons cinq cents caractères de plus que n'en exigent le besoin
de la langue, la raison , le bon sens; c'est-à-dire que nous con-
sumons dans l'étude douze fois plus de temps qu'il n'en faut.
(( L'enfant qui doit retenir cinq cent quarante signes différents
avant de savoir lire et orthographier n'en aura plus que quarante
à apprendre pour arriver à la même connaissance. Ainsi, au lieu
d'employer douze mois, je suppose, il ne lui en faudra qu'un seul
pour apprendre à lire. »
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — MARLE. 317
Voici le tableau abrégé de la réforme de 1827 ;
La langue française a 22 sons et 18 articulations. 40 signes suf-
fisent donc pour tout représenter.
Sons, â que l'oreille entend dans pkte sera uniquement repré-
senté par le signe â. Écrivez donc âme, fldme.
a entendu dans awzi sera représenté par a. Écrivez almana, ba-
téme, famé.
an entendu dans ruban par an. Écrivez banbou, prandre.
6 entendu dans apôtre par ô. Écrivez émérôde, étouniô.
0 entendu dans ogre par o. Écrivez onorable, roujole, au lieu de
honorable, rougeole.
on entendu dans bon par on. Écrivez bonbe, contabilité, au lieu
de bombe, co)nplabiliié.
ou entendu dans vonte, par ou. Écrivez jowro/i^ lotiront, soûlé,
au lieu déjoueront, loueront, saouler (1).
ou entendu dans bouton, par ou. Écrivez lou au lieu de loup.
oî entendu dans croître, par oî. Écrivez moineau lieu de soierie,
oi entendu dans roi, par oi. Écrivez doitiéf oirie, au lieu de
doigtier, hoirie.
ê entendu dans être, par ê. Écrivez parêtre, renêtre au lieu de
paraître, renaître.
è entendu dans modèle, par è. Écrivez chandèlej fier, sègle, au
lieu de chandelle, fier, seigle.
é de épi par é. Écrivez éroïsme, éritaje.
e de selon, par e. Écrivez setié (2).
eu déjeuné par eu. Écrivez beuglé, meuglé.
eu de fleur par eu. Écrivez boneur, ma^ieuvre.
î que l'oreille entend dans gîte par î. Écrivez dÎ7ne.
i de p\pe par /. Ecrivez iver, sistème.
in de brin par in. Ècii\ ez findre, vintième.
û que l'oreille entend dans piqûre^ par û. Écrivez donc gajûre,
u de menu par u. Écrivez umanité.
un de tribun par un. Écrivez àju7ij unble.
ARTICULATIONS, q quc Toreille entend dans cabriole, coton, cube,
quiconque, quelconque par q. Écrivez qabriole, qoton, qube, qi-
qonque, qélqonqe.
(1) Ce mot a été corrigé par l'Académie en 1835.
(2) Tout e qui n'a pas d'accent est muet, et ne se prououce pins ni é, ni è,
mais toujours e comme dans je, ?«e, te, etc.
318 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — MARLE.
(La gutturale) g (prononcez gue) de guérir^ guitare, navigua
par g. Écrivez ^ér«>, gitare, naviga.
ch dans cheval par ch. Écrivez chisme, châle.
j dans jupe par j. Écn\ezjéomètre, 2njon.
r de rare par r. Écrivez réteur^ rume.
z de zéro par z. Écrivez vaze, dizième.
s de version par s. Écrivez marsial, porsion.
(L'articulation mouillée) gn de vignoble par ^/Écrivez vinoble^
Bourgone.
n de monarque par n. Elcrivez anée, oneur.
(L'articulation mouillée] // que l'oreille entend dans bataillon
par /. Écrivez bafalon, grilage.
l de lumière par /. Écrivez intervale^ sculture.
tde tunique par t. Écrivez téatre, ortografe.
d de devoir par d. Écrivez adéré, adézion.
V de victoire par v. Écrivez valse (1).
/'de fantôme par f. Êcrisez filozo/e, filantrope.
b de butte par 6. Écrivez aôe', aborré.
p de plumet par^. Écrivez suprimé, aprandre.
« Domergue, dit-il, renverse tout pour tout reconstruire sur de
c( nouvéles bazes. Du Marsais se borne à retrancher les doubles
« consonnes. »
L'auteur déclare adopter une marche qui réunisse les avantages
des deux méthodes.
« H ne faut, dit-il, renvoyer persone à l'école ; il faut que celui
« qui savait lire avant la réforme sache lire après la réforme à
({ quelque degré qu'elle soit arrivée ; il faut, en un mot, que les
« changements propozés ou à propozer soient toujours tellement
a combinés, que les persones qui vèront pour la première fois
« récriture qui en est le fruit puissent la lire sans héziter et sans
a avoir besoin d'explication préalable.... » «Homes de lètres favo-
« râbles à la réforme, professeurs qui voulez la propager, gardez-
« vous de franchir les limites tracées par ce principe, ce serait
« tout compromettre, ce serait grossir les rangs de nos adver-
« saires d'une foule de persones qui n'adoptent Tutile qu'autant
« qu'il est agréable, qu^autant qu'il n'exige de leur part aucun
c( travail nouveau, aucune étude nouvèle. »
(l) Ainsi corrigé en 1835 par l'Académie
L4 REFORME ORTHOGRAPHIQUE. - MARLE. 319
Marie retranche donc, en vertu de ce système : a dans Saône, saou-
ler, poulain; — edans asseoir, surseoir, beaucoup, etc. ; — i dans
coicjnassier, poignard, oignon-, — o dans bœuj , désœuvrement ^
nœud, etc.; — un 6 dans abbaije, rabbin, sabbat; — c dans acquérir,
obscénité, scélérat;-— un /"dans affront, chauffer, etc.; — g dans
doigtier, Magdelaine, vingtaine, aggraver, agglomération, etc.; —
h dans adhérer, cathédrale, exhorter; — l dans allégorique, alliance,
bulletin; — m dans automne, condamner, nommer; — ndan^can-
nibale, connivence, donner; — un j» dans appartement, apprendre;
— un r dans arrière, carrosse, courrier; — un ^ dans attachement,
flatterie, gratter. — Il remplace le s qui se prononce comme le 5 par
cette dernière letlre: nows reprézenlons, poizon. Il fait disparaître
les 2/ étymologiques dans sinonime. Il écnifitosofe, ortografe. Il
voudrait en oulre quelques autres modifications légères.
Dans un remarquable passage relatif à Vabolition des accents lo"
eaux et des patois, a laqueAle seules une grammaire et une orthogra-
phe très-simplifiées pourront conduire, M. Marie s'exprime ainsi :
« Pourquoi telle personne prononçe-t-elle mois d'aoûte au lieu
c( de mois d'oât C'est parce que cet a et ce t sont écrits ; parce
« que l'œil les voit, parce que le bon sens, d^accord avec la vérité
(( historique, répète sans cesse que les lettres n'ont été inventées
« que pour être prononcées.
« Écrivez ou, tout le monde prononcera ou.
(( Écrivez ardament, solanel, taba, sculture,eic., et il deviendra
c( impossible de prononcer ardemment, solennel, tabak, sculpe-
(( ture, etc.
« Écrivez ainsi tous les livres nouveaux, toutes les feuilles pu-
ce bliques, tous les almanachs populaires, et les sons purs de l'at-
« ticisme français, révélés à tous les yeux, seront rendus par
« toutes les bouches, et retentiront enfin les mêmes sur les rives
a de la Garonne, de la Seine et du Rhin. »
A l'appui de ce qu'avance M. Marie, il cite ce passage de Béran-
ger^ dans son épître à son patron, M. Laine, imprimeur à Pé-
ronne : « C'est dans son imprimerie que je fus mis en appren-
tissage : n'aijant pu parvenir à m'enseigner l'orthographe, il me
tlt prendre goût à la poésie, me donna des leçons de versification^
et corrigea mes premiers essaisi »
Et M. Marie ajoute : « Si Béranger n'a pas pu parvenir à apprendre
l'orthographe actuelle, comment trente millions de Français qui
320 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - MARLE.
n'ont pas son génie y parviendraient-ils? Aussi nous soutenons
que personne ne la sait, et nous proposons un pari de trois cents
francs à quiconque prétendra écrire sans faute, sous notre dictée,
vingt lignes de mots usuels. Ces trois cents francs sont déposés
chez M. Bertinot, notaire, rue de Richelieu, n" 28.
« Signé Marle^ rédacteur en chef du Journal de la
langue française, rue Richelieu, n° 21. »
Ce pari a-t-il été tenu? Je l'ignore. Il semble cependant que
plus d'un a dû être tenté de concourir; ce qu'il y a de sûr, c'est
que M. Marie ne fut pas ruiné par le nombre des concurrents,
Par ce qui précède, on voit que le système orthographique de
M. Marie n'excédait pas les bornes indiquées par plusieurs gram-
mairiens, tels que Girard. Duclos, Beauzée et autres. Cependant,
^^casV Appel aux Français, M. Marie, dépassant ces limites déjà si
larges, se permit de traduire dans une orthographe bien autre-
ment téméraire quelques-unes des lettres que lui avaient écrites
plusieurs académiciens. Ces lettres, où la bienveillance semblait
un encouragement, ainsi travesties, suscitèrent une tempête fu-
neste à M. Marie, et le ridicule qui s'attacha à leur transcription
fit tomber dans un complet discrédit ses tentatives, qui d'abord
avaient été favorablement accueillies.
Voici comment est transcrite dans Y Appel aux Français la lettre
de M. Andrieux, p. 161 :
« Mosieu,
«Il è d'un bon èspri de déziré la réforme de l'ortografe francèze
aqtuèle , de vouloir la randre qonforme, ôtan qe posible, à la
prononsiasion; il è d'un bon grammèriin é même d'un bon si-
toiiin de s'oqupé de sète réforme; mez il è difisile d'i réusir.
Voltaire, aprè soisante é diz an de travô, et à pêne parvenu à
nou fère éqrire français qome paix^ é non pâ qome français é
poix; on trouve anqore de jan qi répunet a se chanjeman si rèzo-
nable é si sinple : le routine son tenase, le suqsè vouz an sera
plu glorieu si vou l'obtené; vou vou propozé de marché lantemant
é avèq préqôsion, dan sète qarière asé danjereuze : s'è le moiiin
d'arivèr ô but; puisié-vous Tatindre !
« Andrieux, manbre de l'Aqadémie fransèze. »
Cette audace, aussi blessante pour les convenances que pour
LA REFORME ORTHOGRAPHIQL'E. — MARLE. 321
les habitudes consacrées, nuisit aux progrès raisonnables que
l'Académie paraissait disposée à admettre, et les effets s'en firent
sentir longtemps.
Dans le Journal des Débats parut l'article suivant (il est de M. de
Feletz) :
« Un nouveau grammairien, M. Marie, prétend réformer l'or-
thographe, et il donne un échantillon de ses principes et de sa
réforme dans un petit écrit intitulé : Apel o Fransé, Réforme or-
tografiqe.
n Ne jugé q'aprèz avoir lu.
« Prix : 60 santimes.
« Il ne doute point du suqsè\ il prétend qu'il a déjà pour lui un
profèseur de retoriqey un qolonel, le directeur de la Revu Ansiclo-
pédiqe. Il s'est battu contre ses adversaires dans la Qotidiène, le
Qourié fransè, et se battra contre qiqonqe n'adoptera pas sa ré-
forme. Il a formé une société ortografiqe qui a son prézidan, etc.
«M. Marie s'était attiré une lettre raisonnable et polie de M. An-
drieux, secrétaire perpétuel de l'Académie française. Il a fait im-
primer cette lettre en l'affublant de sa nouvelle orthographe. Les
vers de Racine paraîtraient ridicules ainsi imprimés ; la prose de
M. Andrieux ne pouvait résister à une pareille épreuve, et c'est
contre ce travestissement qu'on lui a fait subir qu'il réclame dans
les pièces suivantes qu'il nous a adressées :
« AU RÉDACTEUR.
« Monsieur,
« Je n'ose plus écrire à M. Marie : cela ne m'est arrivé qu'une
fois, après bien des sollicitations de sa part, et je n'ai pas sujet de
me féliciter de ma complaisance; je n'y serai plus pris.
«Vous avez peut-être entendu dire qu'il s'occupe d'une pré-
tendue réforme orthographique; qu'il cherche à répandre une es-
pèce de cacographiehlzârre^ qu'il propose pour modèle.
« Son zèle de réformateur Ta emporté au point de publier une
lettre, travestie de manière à faire croire que j'adopte, moi, sa
méthode, si c'en est une, et que j'en ferai journellement usage
pour mon compte.
«Je dois donc déclarer nettement que M. Marie, en faisant im-
primer sans ma participation la lettre que j'avais eu l'honneur de
lui écrire, a substitué à mon orthographe, qu est celle de tout le
21
322 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - iMARLE.
monde, une manière d'écrire qui lui est particulière, en sorte qu'il
n'a point publié ma lettre telle que je la lui avais adressée, mais
qu'il Ta défigurée et rendue méconnaissable. Il me semble qu'il
a eu en cela le double tort d'induire le public en erreur et de
mésuser de ma signature.
« A présent, monsieur le rédacteur, accordez-moi un peu de
place pour quelques mots que j'adresserai à M. Marie lui-même,
par votre intermédiaire.
« A M. MARLE :
«Vous n'avez pas voulu, Monsieur, comprendre le sens de ma
lettre. Je vous y disais qu^une réforme de l'orthographe était
difficile; que vous vous proposiez de marcher lentement et avec
précaution dans cette carrière assez dangereuse ; que c'était là le
moyen d'arriver au but; ces avis, à ce qu'il me semble, étaient
clairs et raisonnables. Non-seulement vous ne les avez pas suivis;
à cet égard vous étiez bien le maître ; mais vous avez voulu faire
croire que je ne les suivais pas moi-même, et vous avez essayé de
me mettre en contradiction avec mon propre sentiment.
« Vous savez aussi bien que moi que toutes ces idées de réforme
de l'orthographe ne sont pas nouvelles, il s'en faut de beaucoup;
on s'en occupait dès avant Bacon, puisque ce grand homme, dans
son livre : De augmentis scientiarum, lib. VI, cap. i, dit expres-
sément qu'elles sont du genre des subtilités inutiles, ex génère
subtilitatum inutilium.
tf II est vrai aussi que de très-bons esprits, MM. de Port-Royal,
Du Marsais, Duclos, ont désiré que la manière d'écrire se rappro-
chât de la manière de prononcer.
c( Mais, ce qui est pour vous d'un fâcheux présage, des hommes
d'un grand mérite, d'habiles grammairiens , Gédoyn (1), Girard,
Adanson (2), Domergue, et autres, ont échoué complètement dans
des essais semblables aux vôtres.
Il en est des habits ainsi que du langage ;
Toujours au plus grand nombre il faut s'accommoder /
Et jamais on ne doit se faire regarder.
(1) (2) Il ne m'a pas été possible de découvrir d'autre trace des réformes de
Gédoyn et d'Adanson que l'affirmation du docte secrétaire de l'Académie , répétée
de confiance par les adversaires de la réforme depuis cette époque.
p^
LA REFORME ORTflOGRAPHIQUE. — MARLE. 323
c( Reprenez donc, Monsieur, le déguisement dont il vous a plu
de m'affubler ; il ne me va pas du tout; c'est un habit de fantaisie
dont vous êtes libre de vous revêtir. J'ai peine à croire que vous
en fassiez venir la mode.
a J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble et très-
obéissant serviteur, « Andrieux.
« Ce 18 avril 1829. »
Dix ans plus tard, en d839, M. Marie, ne se bornant pas à ce
système inadmissible , voulut introduire une écriture purement
phonétique, qu'il nomme diagraphie (i). Au moyen de 36 signes
figurés par des lignes droites ou courbes, faibles ou renforcées,
il parvient à reproduire les sons prononcés ; en sorte qu'en moins
d'une journée, on connaît ce système et on peut l'appliquer à
l'écriture et à la lecture. Ce fait est constaté par un grand nom-
bre de rapports d'inspecteurs de l'Académie, d'inspecteurs de
l'instruction primaire et de commissions nommées à cet effet.
Voici l'extrait de leurs décisions :
« Trois] ours suffisent pour connaître et exercer la diagraphie. Elle
estun guide incessant de la bonne prononciation. — Elle metPélève
dans la même situation que si un maître lui dictait un bon livre.
— Elle économise le temps consacré aux dictées. — Elle réunit, sans
en avoir les inconvénients, tous les avantages de la cacographie et
des autres genres de devoirs d^orthographe. — Elle fait réfléchir les
enfants; elle exerce leur jugement et féconde leur intelligence. »
Lors de leur apparition, les doctrines néographiquesdeM. Marie
eurent beaucoup de retentissement. Il eut bientôt acquis de nom-
breux prosélytes, même parmi les grammairiens. Il reçut, dit-on,
trente-trois mille lettres d'adhésion formelle ; une quarantaine de
brochures pour ou contre furent publiées, et des sociétés de propa-
gation se formèrent dans plusieurs villes (2). Enhardi par ce succès,
(1) Grammaire théorique ^ pratique et didactique , ou texte primitif de la
grammaire diagraphique. Paris, Dupont, 1839, in-8. — Manuel de la diagra-
phie. Découverte qui simplifie V étude de la langue. Paris, Dupont, 1839, in-a.
(2) A Paris, une société de la réforme, composée d'hommes distingués, de litté-
rateurs, de grammairiens, était en pleine activité. Je citerai parmi ses membres
M. M.-A. Peigné, qui, dans plusieurs de ses publications ultérieures, est resté
lidèle à quelques-unes des idées qu'il avait puisées à l'école de M. Marie. Cette
société se sépara brusquement dans les circonstances suivantes. Il s'agissait
324 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — VANIER. ,
il franchit les Hmiles qu'il avait posées lui-même (voir p. 318).
Son audace le perdit et rendit même TAcadémie plus méticuleuse
dans les concessions qu'elle fit dans la cinquième édition de son
Dictionnaire en 1835.
Quant à cette espèce d'écriture que M. Marie nomme diagra-
r)hie, on peut affirmer que, nécessitant des pesées de la plume
et autant de levées de la main qu'il y a de lettres, elle ne saurait
s'appliquer à l'écriture courante, ni même à la 'sténographie.
V.-x\. Vanier. La 7'é forme orthographique aux prises avec le
peuple, ou le pour et le contre. Paris, Garriier, 1829, in- 12
de 96 pp.
L*auteur, habile grammairien, est partisan d'une réforme néo-
graphique modérée. Après quarante ans écoulés depuis l'ap-
parition de cet opuscule, il semble, en certains points, une œuvre
de circonstance, puisqu'il fait valoir avec beaucoup de raison les
motifs qui s'opposent à l'admission d'une réforme phonogra-
phique, telle que l'avait conçue |M. Marie, telle que MM. Féline,
Henricy, l'ont préconisée de nos jours, et que M. Raoux l'enseigne
à Lausanne.
M. Vanier a fait un cofnpte rendu moitié sérieux, moitié plai-
sant des conférences sur la réforme orthographique qui eurent
lieu en avril 1829. Après avoir reproché à M. Marie l'abandon du
plan primitif auquel tant de personnes éminentes et même d'aca-
démiciens avaient donné leur approbation, il rapporte les pro po-
sitions contenues dans les cahiers des divers bureaux. La plupart
de ces réformes de détail se rapprochent de celles déjà mises en
avant par de Wailly et Beauzée. (Voir plus haut p. 276.)
« Un membre, dit le rapporteur du premier bureau, a fait la re-
marque que les verbes en eler et eter, en déviant de la règle gé-
nérale, présentent de grandes difficultés pour notre orthographe,
tant aux nationaux qu'aux étrangers. La règle prescrit, pour tous
les verbes qui ont un e muet ou un é fermé dans le radical, de le
d'une grande publication faite à ses frais pour propager l'entreprise commune. La
moitié de la société se prononça pour une réforme modérée ou néograpliique ;
l'autre pour une réforme radicale ou phonographique ; on ne put se mettre d'ac-
cord et l'œuvre fut abandonnée.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — VANIER. 325
convertir en è grave quand après lui vient un e muet, comme 5e-
7/zer, je sème; promener^ \epro7nenc; peser, je pèse ; lever ^ je lève ;
pénétrer, je pénètre ; répéter, je répète ; céder, je cède ; révérer, je
révère; révéler, ]q révèle. Pourquoi donc n'écririons-nous pas, con-
formément à la même règle, appeler, y appelé, jeter, je.yè^e? Plu-
sieurs membres trouvent que depuis la suppression de la double
consonne de l'infinitif, admise par Tusage et sanctionnée par l'A-
cadémie, il est contre tout principe de voir, dans un système ré-
gulier de conjugaison, celte même consonne reparaître alternati-
vement double et simple, comme dans Rappelle, nous appelons,
je jette, nous jetons. Cet alternat de la consonne double et simple
dénature le radical et expose bien des personnes à écrire ; nous
appelions, nous jetions.
« Par suite du principe reconnu qu'il faut respecter l'ortho-
graphe des radicaux, les mêmes membres vous proposent d'é-
crire les verbes en enir par è grave chaque fois que Tinflexion
iène se rencontre, comme dans ils vièneni, que je viène, etc., at-
tendu que la consonne est simple dans les radicaux venir, venant,
venu, tenir, tenant, tenu, etc.
<( Pourquoi les mots en on, qui doublent la consonne en for-
mant les dérivés, comme pardon, pardonner, action, actionner,
ne la doublent-ils pas dans national, etc. ? Il serait à désirer
qu'aucun composé ne la doublât. On objecte que la voyelle serait
longue avec une consonne simple ; nous ne croyons pas cette ob-
jection fondée. A quoi donc servirait l'accent circonflexe? Trône,
et autres mots ainsi accentués ne se confondraient pas avec Va
devenu bref, n'étant pas affecté de Vacceni, Latone.
« Il en est de môme de hotte et de hôte. Est-ce que la suppres-
sion du double t dans les noms en otte, comme cotte, marcotte,
botte, etc., apporterait du changement à la prononciation? Pas
plus que dans redingote, dévote, compote, etc., qu'on n'a jamais
prononcés redingote, etc., quoiqu'ils n'aient qu'un t.
« Même désir de voir supprimer le double t dans les mots en
atte, dont plusieurs n'en ont qu'un et se prononcent aussi bref
que s'ils en avaient deux, témoin batte, natte; cravate, écarlate,
etc. On mettrait Taccent sur Va long, comme dans hâte, il bâte,
pâte, etc., et jamais sur l'a bref. La distinction semble suffisam-
ment établie.
c( Par le même motif de prosodie, on propose d'écrire y?^;/?^,
fenfldme, âme, et de continuer d'écrire inflammable, inflamma-
326 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — VANIER.
thn avec la consonne double^ tant qu'on la fera sentir dans la
prononciation.
« Le premier bureau est d'avis unanime que les présentes ob-
servations méritent d'être prises en considération. »
Voici maintenant le passage de ce travail qui a trait à la critique
de la réforme phonographique. La Réforme est aux prises en as-
semblée générale avec les orateurs de la gauche qui représentent
l'opposition.
«Un Grammairien. L'un des inconvénients de votre méthode
est cette homonymie qu'elle introduit dans la langue. Quoi ! vous
osez écrire comme le nom du fleuve (le Pô), une pô de mouton,
un pô de bière, et la ville de Pd? Cela n'est pas soutenable.
Voyez un peu l'effet de ces quatre Pd, Pô, Pô, Pô, Gomment vou-
lez-vous qu'à chaque signe graphique, identiquement le même, on
attache une idée différente ?
«La Réforme. Vous vous faites illusion. Ne savez-vous pas que
c'est un inconvénient attaché aux homonymes? Mais chaque mot
employé dans la phrase ne laisse plus le moindre doute sur son
sens. Que je vous dise : Pô est la capitale du Béarn; ou, l'armée
a passé le Pô ; ou, voilà vingt pô de mouton, ou enfin, donnez-
moi un pô de bière, vous y trompez-vous ? Les mots parlés ne se
composent que de sons et non de lettres. En avez-vous vu sortir
une seule de ma bouche? Non. Comment voulez-vous que votre
œil s'y trompe quand vos oreilles ne s'y sont pas trompées ? (Elle
a ma foi raison, dit le côté droit. Attendez, attendez , dit le côté
gauche.)
(( L'Orateur de gauche. Vous ne répondez pas à la question.
L'homonymie est un inconvénient, point de doute, mais nous
avons bien peu d'homonymes qui soient en même temps ocu-
laires et auriculaires, et il est avantageux, selon moi, quand on
est entre deux écueils, d'en éviter au moins un. Lisez, et com-
parez,
« Un beau temps. — Un beau tan,
« 11 m'entend. ■— Il m'en tend (des pièges).
c( Serre-m'en. — Serment.
« Mais à quoi bon chercher à multiplier les exemples ? Qui ne
sait que cette homonymie n'a lieu qu'à l'oreille, et s'efface sur-le-
champ aux yeux? Tel est le propre d'une langue écrite régulière,
que la clarté n'y laisse rien à désirer. Mais quand on voit votre
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIOUK. — VANIER. 327
homonyme sin changer malgré vous de finale, comme dans sin
Françoâ, sint Ustache, les 5ms anaqorète^, sinq orne, sin mouton,
sin dou, selon Feuphonie qui exige la prononciation de telle con-
sonne que vous mettez ou 'changez au besoin, vous conviendrez
que vous vous retirez d'un embarras pour jeter le peuple dans'
mille autres. Qui l'avertira de mettre un t final à celui-ci, un g à
tel autre, une s à tel autre, et rien à celui-là ?
«L'Orateur de droite. La langue parlée n'est, et ne peut être
que la peinture des sons, et c'est à la rendre à son primitif em-
ploi que doivent tendre tous nos efforts.
(( L'Orateur de gauche. Voilà ce que je nie formellement.
Toutes les langues ont des signes graphiques employés comme
peintures d'idées.
c< Dans les langues à désinences, et où les consonnes s'articu-
lent, vous ne pouvez les retrancher; mais dans la nôtre, oii il n'en
est pas de même, regarder comme parasites les lettres qui ne se
prononcent pas, ou qui ne se prononcent qu'accidentellement,
étant suivies d'une voyelle, est détruire l'harmonie qui existe
entre les langues soumises à des règles grammaticales qui leur
sont communes. Écoutez, je m'explique.
« Vous écrivez « le chevaux, lé bestiaux » en retranchant l's,
signe caractéristique de pluralité, et cela parce qu'elle est nulle
dans ce cas pour la prononciation. Le peuple, qui ignore la gram-
maire, est par là exposé à écrire et à prononcer le habitans, le
humanités, comme nous prononçons les hameaux, les haricots, et,
par une conséquence toute juste, il écrira le zannetons, pour les
hannetons^ car c'est ainsi qu'il prononce. Vous allez trop loin,
vous dis-je, et c'est avoir une confiance trop aveugle en vos pro-
pres moyens que de vous en fier à l'oreille du peuple ; elle est
trop faussée pour qu'il en fasse son juge. Encore une fois il fau-
drait supposer qu'il parle bien. Je ne vois sortir de votre système
que chaos, que confusion.
c( Je vais plus loin, comment osez-vous faire disparaître de votre
conjugaison ces finales idéologiques qui réveillent en nous les
idées de nombre et de personnes? Sont-ce là des lettres parasites?
Nous viendron, nous parleron seront homonymes deilsviendron,ih
parleron ! Qui indiquera au peuple qu'il devra mettre ici un ^ et •
là une s euphoniques quand chaque verbe sera suivi d'un mot
dont l'initiale est une voyelle, lorsque vous retranchez la consonne
hors ce cas ? Qui lui indiquera les lettres que vous supprimez dans
328 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - FAURE.
gran, ègzan, peti, permi, pour former le féminin grande, exemple,
petite, permise? Réfléchissez-y, Messieurs, fouler aux pieds la
conjugaison et la déclinaison d'un peuple, c'est étouffer en lui
toute idée de grammaire, sans laquelle il n'y a point de langue ;
'c'est le ravaler à Tétat de barbarie. »
L'auteur suppose un billet phonographique ainsi conçu : 0 sa-
van qe répondré-vou'i S'agira-t-il d'entendre •: Au savant que
répondre z-voust Aux savants que répondrez-vousl ô savants, que
répondrez-vousl ô savant, que répondrez-voust L'es^ini du lecteur
est dans le doute, car les signes déterminatifs du sens sont perdus.
Je crois cette partie de la critique de M. Vanier à l'abri de toute
réfutation.
S. Faure. Essai sur la composition d'un nouvel alphabet pour
servir à représenter les sons de la voix humaine avec plus
de fidélité que par tous les alphabets connus. Paris, Firmin
Didot, 1831, in-8, de 226 pp. et 3 pi.
Frappé des inconvénients de notre écriture orthographique,
M. Faure témoigne ainsi ses vœux pour sa réforme :
« Perfectionner Palphabet serait une entreprise digne du dix-neu-
vième siècle et du règne d'un roi populaire et national. La réforme des
poids et mesures s'est opérée dans les temps les plus affreux de la
révolution. Le système métrique, après avoir lutté contre les plus
grands obstacles, est reconnu aujourd'hui comme très-avantageux.
« Une écriture exacte présenterait encore plus d'avantages
dans ses résultats que le système métrique; mais, comme nous
n'avons pas la présomption de croire qu'elle puisse un jour ren-
verser l'écriture en usage, qu'il nous soit permis du moins d'es-
pérer qu'une nouvelle écriture perfectionnée pourra, comme la
sténographie, mais dans un but différent, marcher à côté de l'é-
criture d'usage et servir efficacement : 1° à rendre les principes de
lecture avec les caractères et l'orthographe usités bien plus acces-
sibles à l'enfance; 2° à noter dans un dictionnaire la vraie pro-
nonciation des mots beaucoup plus exactement qu'on ne l'a fait
jusqu'ici; 3° à nous être d'un merveilleux secours pour la compo-
sition d'un alphabet universel, etc. »
Je ne puis donner ici [une idée de la méthode de M. Faure. Il
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — MALVIN CAZAL.. 329
faudrait étudier, apprendre et comparer les divers systèmes phono-
graphiques représentés au moyen de signes figurés par des lignes
plus ou moins contournées , pour apprécier le mérite de chacun
d^eux.
« Quoique nos caractères, dit M. Faure, soient bizarres et très-
différents de ceux de l'écriture ordinaire, ils sont si simples, si
distincts, et dérivent si naturellement les uns des autres, que nous
sommes persuadé qu'une personne qui ne saurait pas lire parvien-
drait à apprendre, au moyen de ces nouveaux caractères, en dix
fois moins de temps que par l'écriture et l'orthographe en usage,
qui font, ainsi que l'a dit d'Olivet, de la lecture Tart le plus dif-
ficile. »
Chaque améHoration apportée par l'Académie à notre orthographe
rend de moins en moins opportune la création de ces systèmes
absolus.
Joseph de Malvin Gazal. Prononciation de la langue fran-
çaise au dix-neuvième siècle^ tant dans le langage soutenu
que dans la conversation^ d'après les règles de la prosodie^
celles du Dictionnaire de V Académie, les lois grammati-
cales et celles de V usage et du goût. Paris, Imprimerie
royale, 1847, in-8.
L'étude de la bonne prononciation parait devoir jouer un grand
rôle dans les réformes futures de notre orthographe. L'Académie
des inscriptions se préoccupe légitimement de la fixation de la
prononciation et de ses rapports avec Thisloire de notre langue.
C'est à ce titre que Fauteur de ce gros volume a obtenu le prix
Volney. Il reconnaît et étudie deux sortes de prononciations dis-
tinctes : la prononciation oratoire, raffinée, délicate et savante, et
la prononciation courante, celle de la conversation. Une semblable
doctrine ne me semble pas de nature à diminuer la complication
de nos grammaires et de notre orthographe. En tout cas, elle ne
simplifiera pas la tâche de la néographie phonétique, qui aura à
se prononcer entre les deux prononciations qu'elle devra figurer.
Ces savantes études sur la prononciation, si minutieuses, si con-
troversables, si arides même, pourrai-je ajouter, ne seront jamais à
la portée de tous ceux qui ont besoin d'apprendre à lire et à parler.
330 LA RÉFORMK ORTHOGRAPHIQUK. — FÉLmE.
Maintenant que nous sommes en possession des travaux de M. Fé-
line, de M. Casai, de M. Quicherat, de M. Colin, de M. Géhant,
etc., notre prononciation devrait être suffisamment fixée pour
être consignée dans un Dictionnaire spécial dont l'utilité est évi-
dente.
Adrien Féline. Mémoire sur la réforme dé V alphabet^ à
l'exemple de celle des poids et mesures, Paris, Guillaumin,
1848, in-8 de 32 pp. — Dictionnaire de la prononciation
de la langue française^ indiquée au moijen de caractères
phonétiques^ précédé d'un Mémoire sur la réforme de r al-
phabet. Paris, Firmin Didot, 18S1, iii-8, de 383 pp. —
Méthode pour apprendre à lire par le système phonétique.
Paris, Firmin Didot, 18S4, 2 parties in-8.
L'œuvre projetée avant 1830 par M. Marie a été reprise depuis
1848 avec de nouvelles forces. M. Féline, dont nous déplorons la
perte récente, a été l'un des plus persévérants et des plus coura-
geux apôtres du système phonétique ou autrement de la phono-
graphie. Il a consacré une part considérable de son temps et de
sa fortune à la vulgarisation de sa doctrine, et n'a pas vécu assez
pour la voir fructifier sur le sol de notre colonie algérienne.
M. Féline, dont les idées procèdent en partie de celles de
Volney, est un réformateur plus intrépide que ne l'était M. Marie,
dans le système de V Appel aux Français de 1829. Son alphabet,
qu'il a cru à tort complet, suffît dans sa simplicité à l'enseignement
rapide de la lecture aux habitants pauvres et complètement il-
lettrés de nos campagnes, ainsi qu'aux Arabes. D'ailleurs M. Fé-
line lui-même a dû être convaincu, après l'insuccès de sa méthode
comme écriture usuelle, qu'elle ne pourrait être considérée que
comme un système pédagogique, destiné, à l'exemple de la mné-
monique, à rendre moins aride et moins longue l'étude de la
langue française. C'est pourquoi, dans la seconde partie de sa
Méthode pour apprendre à lire, il passe, dans une série d'exercices
habilement gradués, de l'écriture purement phonétique aune
orthographe de plus en plus compliquée, pour arriver enfin à
celle qui a été adoptée par l'Académie.
Aj cet égard M. Féline a droit à la reconnaissance de tous les
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - FÉLINE. 331
gens de bien qui s'intéressent au sort de nos populations rurales
au point de vue intellectuel, car la pratique a parfaitement dé-
montré l'utilité de sa méthode.
Voici cet alphabet, avec lequel il espérait représenter tous les
sons du français ;
\
VOYELLES.
Valeurs.
CONSONNES.
gnes.
Signes.
Valeurs.
Signes.
Valeurs.
a
a
P
P
1
ill, il
a
â
b
b
y
y
a
an, en
m
m
f
f,ph
e
é
t
t
V
V
é
è, ê, ai, et
d
d
w
w
£
e
n
n
s
s, c, t
ê
eu
k
k, q, c
z
z, s
i
i,y
g
g.gu
h
ch
i
in
g
gn
j
j,g
0
0
1
1
r
r
ô
ô, au
0
on
u
u
û
ou
u
un
On voit au premier coup d'œil la grande supériorité de cet al-
phabet sur celui de Domergue. Son auteur supprime le c, dont le
son est ambigu, le g, qu'on est habitué à voir escorté de son u ser-
vile, Vx, et Vy devant les consonnes. Par contre, il y a huit lettres
nouvelles, z [e muet), e (ew), a (aw), i {in), o {on), u {un), g [gn), l
[l mouillé}. S'il eût mieux approfondi l'ouvrage de Volney et qu'il
eût étudié l'alphabet polonais, il eût reconnu que, pour les voyel-
les nasales, la cédille est un signe plus commode que le trait infé-
rieur, puisque dans l'écriture elle n'exige pas une levée de la main.
Ce n'est point non plus le g qu'il fallait tilder^ mais le n, comme
le font les Espagnols. L'adoption delà lettre k à la place de c donne
à son ekritur u kû d'd sovaj (un coup d'œil sauvage) qu'il eût pu
facilement éviter, et qui a prêté le flanc aux plaisanteries du jour-
nalisme, plus enclin à rechercher le côté plaisant que le côté utile
de toute chose nouvelle.
Quoi qu'il en soit de ces imperfections de détail du système,
332 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — FÉLINE.
faciles d'ailleurs à corriger, beaucoup d'instituteurs primaires
sont convaincus que son adoption dans les salles d'asile et les
écoles de village serait un grand bienfait. Un adolescent appren-
drait à lire et à écrire en trois mois au lieu de trois ans. Il serait
toujours à môme de passer plus tard à l'écriture savante et diffi-
cile des lettrés, pour laquelle l'auteur a d'ailleurs préparé des
exercices gradués très-bien conçus.
Le Dictionnaire de la prononciation de M. Féline éiait destiné
à répondre à une objection souvent faite aux réformateurs phono-
graphes : «Vous prétendez écrire suivant la prononciation; mais
quelle prononciation? Il y a la prononciation gasconne, la pronon-
ciation marseillaise, la prononciation normande, la prononciation
parisienne. Dans votre système, n'y aufa-t-il pas autant d'or-
thographes diverses qu'il y a d'accents étrangers dans l'idiome
national? »
Il est manifeste, répondent les réformateurs, qu'il doit y avoir
une prononciation modèle, un dictionnaire delà vraie prononcia-
tion, qui rappelle à l'ordre les prononciations vicieuses, lesquelles
engendrent des orthographes également vicieuses. Cette pronon-
ciation modèle ramènerait peu à peu les accents et les patois à un
type normal et unique.
Le Dictionnaire de M. Féline, précieux déjà pour les étrangers,
pourrait, à l'aide de quelques corrections, rendre de très-grands
services. On devrait s'inspirer, pour le perfectionner, du beau tra-
vail de Volney sur les voyelles européennes ; car M. Féline, dans
l'intérêt de la multitude, sans doute, a négligé certaines nuances
de prononciation qui constituent la délicatesse de notre langue.
Il me paraît avoir confondu des valeurs distinctes de Ve dit muet
(voir plus haut, p. 313) , et mal représenter la diphthongue oi par
les signes ûa {oua). Pour les consonnes, M. Féline aurait dû dis-
tinguer le w anglais, véritable voyelle, du iv allemand, qui doit
élre représenté par notre v simple.
Le Mémoire qui précède son Dictionnaire, et qui relate les
travaux d'une commission de savants formée pour déterminer la
valeur et le signe de tous nos sons, est un travail plein d'intérêt.
Dans cet écrit, M. Féline développe les avantages de lasimpHfica-
tion de notre orthographe et aussi de notre alphabet.
« Pourquoi, dit-il, ne pas perfectionner l'alphabet, l'instrument
le plus usilé du travail, comme on perfectionne les autres? Pour-
quoi ne le «)umettrait-on pas à ce rationalisme auquel la civilisa-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — FÉLINE. 333
tion moderne doit ses succès? li existe sans doute une diffé-
rence : c'est que chaque fabricant, chaque ouvrier, est libre de
modifier comme il l'entend une machine ou un outil, et qu'il n'en
est pas de môme de l'alphabet; mais pourquoi le gouvernement,
les académies, les administrations, refuseraient-ils de perfection-
ner l'instrument de travail de toute la nation, ainsi que le ferait le
dernier des ouvriers, ainsi que l'exigerait tout fabricant, .ainsi que
l'a fait la Convention pour les poids et mesures ?
« Le gouvernement, qui fait plus d'efforts que jamais pour éten-
dre l'instruction du peuple; les philanthropes de toutes les opi-
nions qui le secondent; ceux qui veulent son bien-être, son amé-
lioration matérielle et morale, tous doivent désirer une réforme
qui peut seule généraliser l'instruction primaire. Jamais on n'aura
fait autant de bien à si peu de frais.
« Les économistes qui savent que le temps est la richesse de
l'homme, les administrateurs qui veulent l'uniformité du langage,
les hommes politiques qui veulent rapprocher les nations, enfin,
tous les amis de l'humanité, tous les hommes de progrès, doivent
appuyer cette réforme.
(( Plusieurs exemples doivent nous servir de guide et nous en-
courager. N'a-t-on pas, dans un siècle de barbarie, remplacé les
chiffres romains par la numération arabe , l'une des plus simples
inventions de l'esprit humain, puisqu'elle ne consiste qu'en deux
points : avoir un signe pour chaque nombre jusqu'à neuf et décu-
pler la valeur du chiffre en le reculant d'un^'ang? Cette idée n'en
est pas moins sublime; car, sur des milliards d'individus qui avaient
passé sur la terre, un seul l'a conçue; car elle a eu les conséquences
les plus heureuses pour la civilisation.
« De ce qu'une innovation a été mal présentée, de ce qu'elle l'a
été dans un but purement scientifique, s'ensuit-il que toute inno-
vation de ce genre soit impossible à réaliser? »
Charles La Loy. Balance orthographique et grammaticale
de la langue française : ou cours de philologie grammati-
cale^ ouvrage au moyen duquel disparaissent toutes les in-
certitudes , sources de difficultés , relatives à nos règles
grammaticales et à nos formes orthographiques. Deuxième
édition. Paris, Maire-Nyon, 18o3, 2 vol. grand in-8, con-
tenant :
334 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LA LOY.
« 1° Des règles d'accentuation qui dispensent d'avoir recours au Dic-
tionnaire ; — 2° La liste complète des homonymes français ; — 3" La
liste, si utile dans renseignement, des dérivations inexactes; — 4« Des
principes d'orthographe étymologique; — 5« Des principes de francisa-
tion des mots; — 6° Des principes de néologie; — 7° Des règles sur
la formation des noms et adverbes en ment; — 8° Des principes sur
l'orthographe et la prononciation des noms propres et des noms de
baptême, avec la signification des plus connus; — 9» L'indication du
pluriel des adjectifs en al; — lO*' L'indication du pluriel de tous les
noms composés et des noms pris des langues étrangères ou des langues
anciennes, partie orthographique restée douteuse jusqu'à ce jour; —
11» Des règles sur l'orthographe des mots réduplicatifs; — 12° Un
moyen de reconnaître désormais Vh aspiré de Vk muet, et le cà dur du
ch français; — 13° De nouveaux signes de ponctuation qui n'exigent
aucune nouvelle étude; — 14*^ Des règles sur l'emploi des doubles con-
sonnes, partie si importante de notre orthographe, etc., etc. »
Ce long titre, que j'ai copié presque in extenso, donne une idée
du vaste ensemble de questions que l'auteur a embrassées dans
le cadre de ses deux volumes.
Il rapporte sur chaque mot embarrassant du Dictionnaire les
diverses leçons fournies par les lexicographes et recherche ce
qu'il appelle une balance, c'est-à-dire une solution tirée de l'es-
sence même des principes qu'il a posés en commençant. On con-
çoit qu'en face d'un nombre aussi immense de questions délicates
à résoudre, Tauteur ait pu souvent s^arréter à un parti qui ne sa-
tisfasse pas une critique sévère. Néanmoins son ouvrage sera
consulté avec fruit de ceux qui, par position, sont aux prises avec
les difficultés de notre orthographe. Ce vaste travail, fruit de longs
efforts et d'une patience vraiment méritoire, est à lui seul une
démonstration suffisante de l'absolue nécessité de perfectionner
notre orthographe et de soumettre la grammaire, avec ses con-
tradictions et ses exceptions innombrables, à une analyse, à une
discussion, à une révision sérieuse et approfondie.
Alexandre Erdan (Al. -André Jacob). Congrès linguistique.
Les révolutionnaires de l'A-B-C. Paris, Coulon-Pineauj
1854, in-8 de 282 pp.
Dans cet opuscule, M. Erdanaparlé de beaucoup de choses à
propos de la réforme orthographique. Il a introduit dans une scm-
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — ERDAIN. 335
blable polémique plus de passion que la question ne me semble en
comporter. Je ne le suivrai donc pas dans les parties de sa discus-
sion qui s'écartent du sujet, et je renverrai à l'analyse de l'ouvrage
de M. Raoux l'exposition des motifs proposés en faveur de l'écri-
ture phonétique.
Voici ce que dit M. Erdan (p. 72) contre le respect de l'étymo-
logie dans l'écriture française. Après avoir rappelé les arguments
de Domergue et de Voltaire., il continue ainsi :
« Mais, d'ailleurs, à quoi bon ces raisonnements? La question
étymologique n'en est réellement pas une. Les étymologistes
croient défendre un principe et, en réalité, ce qu'ils défendent,
ce n'est qu'un accident dans la langue.
« Si à chaque mot de notre langue était attachée l'étiquette de
son origine, certainement celui qui proposerait d'enlever à la fois
toutes ces étiquettes, toutes ces marques caractéristiques, propo-
serait une révolution difficile ; mais cela n'est pas.
(( Nous avons, cela est démontré et admis par les grammai-
riens (1) :
Mots dont l'étyraologie est tout à fait inconnue 3,000
Mots dont l'étymologie est douteuse 1,500
Mots qui n'ont plus leurs lettres étymologiques, dont ils
se sont dépouillés successivement 10,000
Mots dont l'orthographe est contraire à l'étymologie .... 500
Total 15,000
a Ainsi, en proposant d'abandonner Porthographe étymolo-
gique, on ne propose point, à proprement parler, une révolution
de principe dans l'idiome national. On ne fait que régulariser une
langue en désordre qui écrit tantôt suivant l'étymologie, tantôt
selon le caprice. »
Tout en adhérant au principe de la phonographie absolue, l'au-
teur désire qu'on avance par degrés.
« Il faut donc tout simplement^ dit-il, pour commencer, pour
établir un premier jalon, revenir aux modifications prudentes,
faciles, commodément vulgarisables^ qu^adoptèrent et prati^
quèrent les Du Marsais, les Duclos, les Beauzée^ etc.
(1) Ce calcul est emprunté par M. Erdan à M. Marie dans V Appel aux Fran.'
cais.
336 LA. RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - ERDAK.
« Il faut accepter, suivant la théorie de Port-Royal, quelques
petits signes très-simples pour faire disparaître certaines anoma-
lies du genre des suivantes : fusil ^ où 17 ne se prononce pas, et fil,
où il se prononce; nid, où d ne se prononce pas, et David, où il
se prononce; répugnance^ où gn est doux, elstagnation, où g?i est
très-dur, etc.
« Il est très-facile pour ces différents cas, et pour d'autres ana-
logues, de convenir d'un petit signe, d'un tiret,, d'un accent, tout
ce qu'on voudra, qui indique la prononciation. »
« Voici donc une série d'applications actuelles que je propose-
rais volontiers, d'une manière formelle, à tous les amis de la ré-
forme : 1** Retranchement de Vh muet [Omère). — 2° Retranche-
ment des lettres doubles {abé, tranquile, éfet, etc.). — 3° Emploi
d'une seule consonne où il y en a deux inutilement {alfabet,
ortografe, téâtre, etc.). — 4° Expulsion de Vm où l'on ne pro-
nonce que n {anfibie, etc.). — o" Expulsion de Vx comme mar-
quant le pluriel [eus, veus, ceus, etc.). — 6° Abandon de l'usage
absurde et sans prétexte étymologique, qui double la consonne
dans les mots homme, venant de homo, donner, de donare, honneur,
de honor (orne, doner, oneur). — 7° Expulsion du ^ ayant le
son de Vs (aiension, etc.). h
Dans un ouvrage en 2 vol. in-8, intitulé la France mistique, pu-
blié un an plus tard, M. Erdan a mis. en pratique sa réforme.
Ces deux volumes sont imprimés en entier d'après son système.
Voici comme il en explique le fonctionnement :
« Règles suivies dans la grafie de ce livre. Nous n'avons point
visé à la fonografie absolue, c'est-à-dire à l'écriture exactement
conforme à la parole. Il est trop évident à nos.yeuz que, si nous
devons obtenir des réformes ortografiques (et nous en obtien-
drons), nous ne les obtiendrons que par une série de modifications
et de simplifications lentes et successives. D'ailleurs, des expé-
riences célèbres sont là pour montrer jusqu'à quel point est im-
praticable et impossible une transformation subite.
« Nous avons donc fait uniquement de la néografie; nous avons
simplifié les choses facilement simplifiables; nous avons modifié
ce qui pouvait l'être sans choquer et éfaroucher les lecteurs; nous
avons même, autant que possible, tenu à ne pas sortir des limites
que s'étaient tracées les néografes modérés du dis -huitième
siècle. Nous en somes sortis néanmoins par la substitution de Vs
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — POITRVI^. 337
au t dans les mots où ce t sonait .s, et était précédé d'une con-
sone; dans les cas où le t est entre deuz voyèles, nous avons cm
devoir le laisser^ au moins quant à présent. Mais cela même a été
pratiqué, avec des choses bien plus hardies, par l'abé de Saint-
Pierre et par quelques autres.
« Nous avons aussi préféré le z à Vs dans les pluriels académi-
ques terminés par x. La prononciation réèle, en éfet, est s, non s,
quand èle a lieu : le vrai signe du pluriel est donc s, non s.
a Nous n'avons pas toujours été rigoureuz et logique. Ainsi
nous avons écrit mettre et permètre, pour éviter, par ecsès de pré-
caution, les homograties — qui n'auraient pas nui sans doute à la
clarté — mais qui auraient prêté à une ataque contre notre ré-
forme, sous le prétexte que mètre (verbe) aurait pu se confondre
avec mètre (substantif). Nous avons donc momentanément sacrifié
la logique. »
P. Poitevin. Grammane générale et historique de la langue
française. Paris, 1856, 2 vol. in-8.
Au chapitre de VOrthographe, M. Poitevin, après avoir cilé
Topinion sur la simplification de l'orthographe que j'avais émise
en 1855, dans mon Rapport sur l'Exposition universelle de Lon-
dres, s'exprime ainsi :
{( Ces observations sont fort justes, et il est fâcheux que M. Am-
broise Firmin Didot se soit borné à exprimer un vœu ; il lui appar-
tenait de donner l'exemple des réformes raisonnables et d'ouvrir
la voie dans laquelle PAcadémie ne peut entrer la première; rien
ne lui eût été plus facile assurément que de faire sortir de ses
nombreuses publications tout un système nouveau d'orthographe;
c'était une œuvre digne de lui, et nous regrettons qu'il ne l'ait pas
accomplie. »
Mais le respect que l'on doit aux décisions de l'Académie, et
qui m'est plus particulièrement imposé, comme ayant l'honneur
d'être son imprimeur, m'interdisait plus qu'à tout autre de songer
à rien innover. C'est à l'Académie, en raison même de l'autorité
suprême qu'on lui reconnaît, de répondre, dans la limite qu'elle
jugera convenable, au vœu général.
M. Poitevin fait ensuite une rapide énumération des tentatives
de réforme depuis le seizième siècle, puis il ajoute :
22
338 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LÉGER NOËL.
« Disons en terminant qu'il est impossible qu'on ne voie point,
dans un temps très-prochain, se produire les réformes suivantes :
c( 1° Suppression de toute lettre inutile ou nulle dans la pro-
nonciation ;
« 2° Adoption des mêmes signes pour les sons identiques (1). »
Dans cette Grammaire, plus complète et plus détaillée que
toutes celles qui avaient paru jusqu'alors, Tauteur fait connaître
quelques-unes des raisons historiques de nos formes orthographi-
ques actuelles; il donne à l'occasion le tableau des pronoms et de
la conjugaison des verbes dans le vieux français. Ses listes de
substantifs dont le genre est douteux, des homonymes, des plu-
riels des noms composés, etc., ajoutent à son travail beaucoup
d'intérêt et une utilité incontestable pour la fixation future de
l'orthographe française.
Léger Noël. Les anomalies de la langue française, ou la né-
cessité démontrée d'une révolution grammaticale, Paris,
Ferdinand Sartorius, 1857, in-8 de 240 pp.
Cet ouvrage est le résultat d'un travail très-pénible et vraiment
consciencieux. Mais la disposition typographique tout allemande,
l'absence de table et d'index, en rendent l'étude très-pénible, et la
méthode d'exposition adoptée par l'auteur ne contribue pas à la
clarté. M. Noël a consacré deux cent vingt pages d'une impres-
sion très-fine aux détails de l'orthographe du substantif et du
genre; c'est assez dire que son œuvre se refuse à une analyse
complète.
L'auteur a été amené à reconnaître et à classer les anomalies ,
malheureusement très-nombreuses, dans la formation du genre
de nos substantifs.
La première loi, c'est que le féminin se distingue par la présence
de l'e muet à la fin du nom; exemple : le dieu, la déesse; le lioUi
la lionne ; le mulet, la 7nule, etc.
Mais les cas d'exception sont presque aussi nombreux que ceux
qui sont conformes à la règle : tantôt le féminin s'applique aux
deux sexes : la girafe, lai gazelle, la chouette, la tortue, etc. —Tantôt
(1) Ce programme est celui de Port-Royal (voir p. 22B), adopté depuis deux
siècles par presque tous ceux qui ont fait une étude approfondie de notre langue.
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LÉGER NOËL. 339
des noms masculins conservent Ve muet final, signe du féminin :
ex. amulette, arbuste, chêne, hêtre, doute, incendie, angle, anti-
moine, antipode, centime, inventaire, etc. — D'autres fois un même
mot est tantôt masculin , tantôt féminin , selon le sens qu'on y
applique; ex.: aide, barbe, barde, basque, carpe, crêpe, décime,
enseigne, faune, garde, orge, etc.
Déjà La Bruyère, membre de l'Académie française, mort en
1696, dans son chapitre intitulé De quelques usages, proteste
à ce sujet contre ce qu'on appelle l'usage :
«...Le même usage fait, selon l'occasion, d'habile, d'utile^ de
docile, de mobile et de fertile, sans y rien changer, des genres
différents : au contraire, de vil, vile, de subtil, subtile, selon leur
terminaison, masculins ou féminins (i). Il a altéré les terminaisons
anciennes : de scel il a fait sceau; de mantel, w.anteau; de capel,
chapeau, etc., et cela sans que Ton voie guère ce que la langue
françoise gagne à ces différences et à ces changements. Est-ce
donc vouloir le progrès d'une langue que de déférer à l'usage?»
M. Léger Noël constate en passant quelques irrégularités qui
ont échappé à la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie :
ex.: hydrocèle, pneumatocèle , varicocèle, féminins ; sarcocèle ^
masculin; univalve, bivalve du féminin; multivalve, du. masculin;
aggrave, métopes, palestre, du féminin, et réaggrave, opes, orchestre,
du masculin. Il aurait pu ajouter ode, ce mot introduit en français
par Ronsard, du féminin, et épisode du masculin.
S'appuyant sur le principe de l'analogie, M. Léger Noël pro ^
pose que :
à cause de :
on écrive :
au lieu de :
bac, bissac, bivouac, cornac, esto-
mac, havresac, lac, ressac, sac,
sumac, tabac, trictrac
(
!
un abac
un lombac
un zodiac
un abaque
un tombaque
un zodiaque
agaric, alambic, arsenic, aspic, ba-
silic, cric
\
un critic
le tropic
un critique
le tropique
trois cents adjectifs} ou substantifs
en if
1
un hippogrif
un calif
un pontif
un hippogriffe
un calife
un pontife
(l) Le poison a remplacé la poison; et, par contre, on a fait masculin la navire,
tandis que nef est resté féminin.
340 Lk RÉFORME ORTHOG
à cause de :
avril, babil, béril, péril, grésil
cerfeuil , accueil, bouvreuil, cercueil,
deuil, écureuil, treuil, fauteuil.
œil, orgueil, recueil, écueil, seuil
bazar, car, caviar, cbar, coquemar,
nénuphar, par, czar, escobar,
nectar
amer, cancer, cher, enfer, élher,
lier, frater, gaster, hier, hiver,
mâchefer, magister, mer, outre-
mer, stathouder, ver
trois cents mots environ terminés
en al
soixante mots environ terminés
en el
accul, archiconsul, calcul, consul,
cul, nul, proconsul, recul
quatre cents mots environ terminés
enir
butor, castor, condor, cor, corrégi-
dor, essor, for, major, or, simi-
lor, thermidor, trésor, Labrador
azur, dur, futur, impur, mûr, obs-
cur, pur, sûr, sur
quarante mots environ en our
deux cent cinquante mots environ
terminés en oir
RA.PHIQIIE. — LÉGER INOEL.
OH écrive :
au lieu de :
1
1
un reptil
un volatil
un h il
un crocodil
un reptile
volatile
. un hile
un crocodile
)
)
un chèvrefeuil
un portefeuil
un chèvrefeuille
un portefeuille
i
un pbar
un tartar
un phare
un tartare
1
un belveder
un calorifer
un caracler
un belvédère
un calorifère
un caractère
1
un adversair
un exemplair
un adversaire
un exemplaire
j
le chrysocal
le final
un oval
le chrysocale
le finale
un ovale
i
!
un polichinel
un violoncel
le vermicel
un polichinelle
un violoncelle
le vermicelle
un capitui
un versicul
un préambul
un globul
un capitule
un versicule
un préambule
un globule
/
un cachemir
un cachemire
i
un empir
le zéphyr
un empire
le zéphke
1
J
un éphor
tricolor (drapeau)
un éphore
tricolore
(
\
un carbur
un sulfur
un carbure
un sulfure
un murmur
un murmure
un pandour
un pandoure
un auditoir
le conservatoir
un promontoir
le vomitoir
un auditoire
le conservatoire
un promontoire
le vomitoire
Ou écrira de même, dit Fauteur, au masculin les adjectifs :
agit
facil
fluviatil
habil
aquatil
docii
fossil
servit
débit
fertil
fragil
tidel
QUE. -
LÉGER NOËL. Zi
prosper
hypocondriac
pir
opac
bicolor
critic
inodor
pacifie
sonor
magnifie
élégiac
ventriloc
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. -
infîdel barbar
parallel Ignar
rebel ovipar
bénévol vivipar
frivol éphémer
crédul lanifer
avar
Il est inutile de développer davantage ces tableaux, qui font
connaître le genre de régularisation auquel l'auteur s'est plus
spécialement attaché. Lorsque les lois de la prosodie française
s'opposent à ce que l'on modifie l'orthographe de la désinence,
il propose de changer le genre; exemple : une squelette, une satel-
lite, une aéroliihe, une phytolithe, une osiéolithe.
Les changements de cette nature, qui intéressent roreille, sont
plus difficiles à introduire que des modifications dans récriture.
D'ailleurs un certain nombre d'entre eux altèrent sensiblement
l'euphonie de la prononciation en faisant porter l'accent tonique
non plus uniquement sur la voyelle de la syllabe pénultième des
mots à terminaison féminine, mais en même temps sur la con-
sonne qui suit. Exemple : dans le système de M. Noël, nous ne
dirions plus un homme crédlUe, servFle, mais crédUL, servit^
bref. Cest donc méconnaître le rôle de l'e muet, cette bulle d'air
sonore, comme dit Fauteur, qui communique à notre langue
tant de charme, de légèreté et de douceur.
M. Noël veut aussi qu'on écrive la foie (fides) et le foi {hepar), le
nef ou la nève (navis), le soif et une cuillère au lieu de cuiller. La
rectification de ce dernier mot est unanimement réclamée.
Le mot voix [vox) devrait, selon lui, être écrit voije pour lui
donner une terminaison féminine, tout en le distinguant de voie
(via), attendu que « cette forme le rapprocherait de son dérivé
voyelle et lui donnerait bien plus d'ampleur et d'harmonie. )>
« Les grammairiens, ajoute-t-il, en portant le marteau sur Vy, si
sonore dans des mots tels que paye, payement, etc., pour le rem-
placer par cet i fêlé, qui est en si grande faveur auprès d'eux,
ont-ils rendu service à la langue? Doit-on prononcer égayé, bégaye
et faire rimer ces mots avec baie; il faudrait alors écrire égaie,
bégaie. C'est donc un peu comme s'il y avait -eïe, résonnance
vraiment féminine, qu'il faut que l'on prononce^ et non pase,
son sec et bref, désinence toute masculine. »
Les 240 pages de M. Noël présentent le même intérêt, la même
342 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — HENRICY.
originalité dans un sujet qu'on aurait pu croire épuisé, et c'est à
lui qu'on devait (page 205 et suivantes) le travail le plus étendu
sur le pluriel des noms composés.
Casimir Henricy. Traité de la réforme de l'orthographe^ com-
prenant les origines et les transformations de la langue
française^ dans la Tribune des linguistes f 1" année, 1858-
1859. Paris, gr. in-8. — Gramère fransèze d'après la ré-
forme ortografiqe. 1 1 livraisons . faisant suite au Diction-
naire français illustré de Maurice La Châtre. Paris, in-4.
M. Henricy s'est livré à de grandes et consciencieuses recher-
ches sur l'histoire de l'orthographe, et présente sur la réforme
des idées fort sages :
«Il y aurait folie, dit-il (1), à penser que ma Gramère fransèze
d'après la réforme ortografiqe puisse servir de règle à la généra-
tion actuelle. Ce qu'on peut suivre comme un guide sûr au-
jourd'hui, c'est ma Grammaire française d'après l'orthographe
académique. Le Traité de la réforme de V orthographe est à
l'adresse des gens qui veulent s'éclairer sur cette importante
question et qui pensent qu'une réforme serait utile. Ils trouveront
là un plan complet de réforme divisée en cinq degrés ; et je ne
leur propose que l'adoption du premier degré, réforme bien
simple, déjà pratiquée par les écrivains les pluséminents des deux
derniers^siècles, notamment par Du Marsais, dans son Traité des
tropes, réimprimé en 1804 avec cette même orthographe. »
« La conséquence de la constitution vicieuse de notre écriture,
ajoute- t-il plus loin (p. 126), est que pas un homme ne peut à
bon droit_se flatter de connaître parfaitement l'orthographe, de
ne jamais broncher dans ses sentiers tortueux. Les gens qui la
connaissent le mieux ne rougissent pas de l'avouer. En fit-on la
seule étude de sa vie, on ne parviendrait pas à l'apprendre, môme
à l'aide d'une intelligence exceptionnelle. On ne parviendrait qu'à
s'abrutir. L'écriture ne constitue en effet qu'un instrument, mais
c!est l'instrument indispensable pour arriver à la connaissance des
sciences Or l'intelligence de l'homme le mieux doué a des
bornes, et il est évident que, s'il l'emploie toute à apprendre ou à
(1) Tribune des linguistes^ p. 60.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - LEGOARANT, ETC. 343
retenir l'orthographe, il ne lui en reste plus pour l'étude des
sciences. Celui qui, grâce à de longs et pénibles travaux et à une
attention soutenue, parvient à écrire correctement quelques pages,
sans le secours d'un dictionnaire, n'a donc pas lieu d'être si fier!
Du reste, les plus experts en pareille matière ont toujours reculé
devant le défi de subir victorieusement une épreuve.» (Voir p. 320.)
Il résulte du travail très-étendu et très-approfondi de M. Hen-
ricy qu'il reconnaît la nécessité de ne procéder à la réforme
qu'avec mesure et successivement. Il fixe même cinq degrés, sé-
parés par deux ans d'intervalle, pour atteindre une réforme telle
qu'il la conçoit possible. Mais, d'une part, les catégories qu'il
propose feraient Tobjet de longues discussions, et, d'autre part,
dix années sont un terme insuffisant pour permettre d'espérer
un pareil résultat.
B. Legoarant. Nouveau Dictionnaire critique de la langue
française^ ou examen raisonné et projet d amélioration de
la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie^ de son
complément^ du Dictionnaire national et d'autres princi-
paux lexiques, y compris le nouveau Dictionnaire univer-
sel de la langue française par M. Poitevin. Paris, Berger-
Levrault, 1858, in4 à 3 col. de xiv et 667 pp.
B. Pautex. Remarques sur le Dictionnaire de F Académie,
Paris, 1856, iii-12 de 1 16 pp. Considérablement augmentées
et réimprimées sous ce titre : Errata du Dictionnaire de
V Académie française, ou Remarques critiques sur les irré-
gularités qu il présente avec ï indication de certaines règles
à établir, Paris, Gherbuliez, 1862, in-8 de xxxii et 352 pp.
F. -P. Terzuolo , ancien imprimeur, correcteur d'imprime-
rie. Études sur le Dictionnaire de r Académie, Deuxième
édition (la première est de 1858), accompagnée de quelques
remarques sur les six premières livraisons du Dictionnaire
de M. Littré. Paris, Mesnel, 1864, in-i2 de 142pp.
Le Dictionnaire d'une langue est son livre par excellence. Non-
344 LA RRFORME ORTHOGRAPHIQUE. — LEGOARAIST, ETC.
seulement il la maintient, il la conserve, mais il ouvre les voies et
indique le sens dans lesquels elle peut s'épurer, s^enrichir et ac-
complir de nouveaux progrès. Nul ne s'étonnera donc de Tim-
portance que le public attache à chacune des éditions du Diction-
naire de l'Académie , ni de la longueur du temps et des soins
minutieux que la compagnie consacre à cette œuvre capitale. Mais
cette tâche est compliquée de tant de difficultés de toute na-
ture, dont la principale est l'incertitude qu'offre pour la coordi-
nation l'absence complète d'une véritable grammaire de la langue
française, qu'on ne s'étonnera pas qu'on ait pu reconnaître dans
la dernière édition de ce Dictionnaire^ aussi bien que dans les
ouvrages du même genre, des fautes matérielles, des contradic-
tions, des lacunes, des définitions hasardées ou insuffisantes. La
partie orthographique, dont l'irrégularité s'expHque, comme on
Ta vu dans tout ce qui précède, par l'action du double courant où
s'est formé notre vocabulaire et l'influence des idées dominantes
en grammaire au moment où de nouvelles couches de mots ont
été successivement admises, cette partie n'est pas celle qui laissait
le moins à désirer.
Heureusement , pour assurer la perfection à l'édition que l'A-
cadémie prépare, des ressources précieuses lui sont réservées. En
dehors des matériaux importants que plusieurs de ses membres
ont pu réunir, de ceux qu'elle saura puiser dans les travaux des
membres les plus distingués des autres classes de l'Institut, il s'est
rencontré des hommes d'une persévérance admirable qui ont fait
de la dernière édition du Dictionnaire l'objet d'une critique mi-
nutieuse et de l'examen le plus approfondi.
Tels sont MM. Legoarant, Paulexet Terzuolo, qui ont consacré
à ce travail un peu aride de la confrontation et de la discussion des
mots, de leur forme et de leurs définitions, la plus grande partie
de leur longue carrière. Les trois ouvrages que j'ai cités en tête de
cet article sont rédigés sous forme de dictionnaire, c'est assez dire
qu'ils échappent à toute espèce d'analyse. Je puis seulement cons-
tater ici qu'ils ne font nullement double emploi. M. Legoarant a
envisagé son vaste sujet plutôt en lexicographe et en savant ,
M. Pautex en grammairien et en typographe consommé; M. Ter-
zuolo a suivi l'exemple de ce dernier.
M. Pautex a réuni aux mots Accent, Conjugaison, Majuscule,
Mentor, Terminaison, Tiret, et dans un chapitre de la Pronon-
ciation et des Doubles lettres placé à la fin, des dissertations
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUi:. - TELL. 34:,
spéciales sur les questions de Torthographe typographique , les
plus délicates et les plus négligées par les grammairiens. A ce
titre, son livre restera d'une utilité incontestable, môme après la
nouvelle édition du Dictionnaire, pour tous ceux qui se préoccu-
pent de la bonne exécution des livres et particulièrement pour les
imprimeurs.
Le travail de M. Terzuolo contient des remarques en général
très-judicieuses sur les questions grammaticales et philologiques.
Il ne s'occupe de l'orthographe que pour signaler quelques contra-
dictions qui se trouvent dans le Dictionnaire de l'Académie, comme
dans les mots assonance et consonnance, persiflage et siffler, etc.
11 est d'avis d'écrire baronet avec un seul n, chevauléger en un
seul mot, et clielin (scheling) à la manière française avec un ch,
comme on écrit châle dérivé de shall. Pour les mots paiement,
dévouement, et autres substantifs terminés en ment, il demande
qu'on leur conserve les voyelles caractéristiques de Tinfinitif dont
ils dériventen changeant l'ren 7nent; ex. : emporter, emportement^
fourvoijer, fourvoijement, payer, payement, dernier, dénuement, etc.
Tell. Exposé général de la langue française^ avec les idées,
les systèmes et les principes de l'ancienne et de la nouvèle
école, les projets de réforme^ la codification et la langue
universèle. Paris, 1863, in-i8 de 109 pp.
Dans ce petit écrit, que l'auteur aurait voulu réduire à une
feuille d^impression, les questions énoncées sur le titre sont abor-
dées avec clarté et d'une manière piquante, tant celles de la
grammaire que celles de l'orthographe, à laquelle l'auteur s'at-
tache principalement; ce qui lui fait dire dès le début de son ex-
posé « que l'enfant qui l'a apprise n'est nullement préparé pour
recevoir les leçons des professeurs de logique, de rhétorique et
de philosophie. »
C'est ainsi qu'il commence son livre, et c'est ainsi qu'il le ter-
mine : « Toutes les sciences doivent avoir une science élémen-
taire pour base; cette base est naturèlement le langage, et il
serait difficile d'en établir une autre qui s'accorde mieux avec'
l'enfance. L'enfant fait des progrès considérables jusqu'à quatre
ans, parce qu'il n'est distrait par aucun préjugé; si son intelli-
gence s'affaiblit alors, il faut attribuer cette cause aux préjugés, et
surtout à l'enseignement faux du langage^ tandis que, si cet ensei-
;)46 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — TELL.
gnément était logique, son intelligence de quatre ans, au lieu de
s'affaiblir, grandirait toujours ; il vaudrait à dix ans ce que nos
jeunes gens ne sont qu'à vingt ans et plus. Si Ton veut bien exa-
miner un enfant de quatre à cinq ans, on verra plus de perspica-
cité chez lui que dans un enfant de huit à dix ans. Ce phénomène
doit avoir une came (p. 103). »
M. Tell n'en reconnaît pas moins la supériorité de la langue
française sur les autres, et les modifications qu'il propose à l'or-
thographe, pour la simplicité et la régularité, n'ont rien d'exa-
géré; il réunit en un seul les mots composés toutafait^ apeuprès,
aucontraire. Les réformateurs modérés peuvent donc se trouver
d'accord avec lui sur la plupart des points, sauf la question des
participes, qu'il voudrait rendre invariables.
Son opinion sur la réforme de l'orthographe par des améliora-
tions et simpHfications successives est ainsi motivée par ce qu'il
fait dire à un interlocuteur.
« L'Académie française paraît indifférente aux progrès de la
langue^ parce qu'elle craint la précipitation et l'engouement ; et
cependant elle enregistre tous les trente ou quarante ans les pro-
grès réels, sanctionné(5) par l'expérience. C'est ainsi que son Dic-
tionnaire se modifie de quart de siècle en quart de siècle. Sa
marche est lente, mais elle est assuré(e), elle va toujours en avant.
« Que fait l'Université? Elle exécute et fait exécuter le progrès
positif du Dictionnaire de l'Académie. C'est par ce parfait accord
entre le gouvernement, l'Académie et l'Université que la langue
française a beaucoup gagné depuis deux cents ans. Il est bien vrai
que l'Université est toujours de trente ans en arrière sur les bons
grammairiens, et que, dans ce qu'on enseigne aujourd'hui, il y a
cent ou deux cents erreurs, préjugés ou absurdités, constatés de-
puis dix ou vingt ans; mais cet inconvénient est malheureusement
indestructible dans l'état des choses établies.
« On a dit que l'Académie n'a point fait de grammaire et que
l'Université n'a point pubhé un seul volume sur la langue ; ce fait
prouve le respect de l'autorité poiir la volonté nationale. En effet,
si l'Académie eût fait une grammaire, chacun se serait cru con-
traint à suivre le code grammatical du corps savant. Si l'Université
eût publié un ouvrage quelconque sur la langue, on aurait pu
considérer ce livre comme étant obligatoire dans l'enseignement.
« Voilà les motifs qui ont retenu l'Académie et l'Université ;
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - TELL. 347
elles n'ont publié aucun ouvrage sur la langue que pour mieux
faire comprendre que chacun, en France, est libre de parler et
d'écrire comme il Tentend. Je termine en disant que Pautori té
dans l'enseignement s'est toujours conduit (e) avec sagesse et di-
gnité. »
Ces réflexions sont fort justes et méritent d'être prises en
grande considération., En effet, bien que Richelieu eût imposé à
FAcadémie l'obligation de publier une Grammaire et un Diction-
naire de la langue, et qu'on puisse considérer la Grammaire de
Régnier des Marais comme une tentative de l'Académie pour se
conformer à cet ordre, on voit combien cette grammaire, malgré
tout le respect qui lui est dû, est devenue presque inintelligible
et surannée dans ses complications. Cependant il eût été désirable
qu'à l'apparition de chaque édition d'un de ses Dictionnaires,
l'Académie l'eût accompagné d'une grammaire qui naturellement
eût été modifiée selon le progrès des temps. La vue seule de tant
de règles et d'exceptions eût engagé l'Académie à la simpHfier (1).
L'intérêt que Napoléon I""" apportait à tout ce qui touche à l'édu-
cation est signalé par M. Tell, qui le place au nombre de ceux
qui ont voulu établir une langue universelle, moyenne, commfc
voulut aussi Rivarol que fût la langue française (2). Dans un
ordre du jour Napoléon s'exprime ainsi :
Paris, janvier 1811.
« Les conquêtes des langues suivent les conquêtes des armes ;
mais si les idiomes, les usages et les mœurs des peuples réunis de
nos jours à la France, peuvent enrichir notre langue, ces causes
diverses peuvent aussi en altérer la pureté. Jamais il ne fut donc
plus nécessaire d'y veiller que dans notre siècle. »
Et c'est dans ce but que Napoléon I" a fait de grands efforts
(0 M. Tell signale les inconvénients de la multitude des grammaires, qui va
toujours croissant, et rappelle que déjà, en 1806, dans un rapport fait par Van
Praet à Napoléon !«"•, il est dit « qu'il existe un tel monceau de grammaires que
seize chevaux attelés pourraient à peine le traîner. » Il est probable que le
rapporteur a compris sous le titre de grammaire les dictionnaires, les traités,
les critiques, les manuels, rudiments, méthodes, journaux pédagogiques, etc.
(2) «La langue française, dit Rivarol, est une géométrie formée avec une ligne
droite, tandis que le latin et le grec sont formés avec des courbes. »
Il aurait pu ajouter l'allemand, et jusqu'à un certain point les autres langues.—
Suivons donc cette ligne, du moins pour Torlhographe , p. 27.
348 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - DlJBlNER.
pour susciter le zèle général en faveur d'études sur la langue
dont son génie appréciait l'importance.
E.-A. G. Esai de sinplificacion du français^ en vue de le
fair accepter corne langue internacionale. Lyon, 1863,
in-8 de x et 292 pp.
Ce volume contient l'exposé très-développé d'une réforme
beaucoup trop radicale pour être acceptée du public actuel,
et je renvoie pour sa critique à ce qui a été dit à propos de
M. Marie et à l'analyse du travail de M. Raoux.
Frédéric Dubner. Examen du programme officiel des huma-
nités^ année scolaire 1863-64. Paris, Paul Dupont, 1863,
in-8.
Notre orthographe semble, sans doute, chose bien pénible et
bien difficile au conseil impérial de l'instruction publique, puis-
cfii'il établissait ainsi le programme de l'enseignement du français
pour Pannée scolaire 1863-64 :
1. Classe prépakatoire. Grammaire française : noms, adjectifs, verbes. Exercices
A' orthographe.
"?.. Classe de huitième. Grammaire française : révision et continuation. Exercices
^^orthographe.
3. Classe de septième. Grammaire française : lévision et continuation. Exercices
A' orthographe. Exercices «l'analyse grammaticale.
4. Classe de sixième. Grammaire française. Exercices de grammaire et d'or/ho-
graphe,
5. Classe de cinquième. Grammaire française. Exercices de grammaire et d'or-
thographe.
G. Classe de quatrième. Grammaire française. Exercices de grammaire et d'or-
thogrophe.
7. Classe de troisième. Exercices français : récits et lettres d'un genre simple.
En relatant cette classification, le savant philologue M. Dubner
s'écriait : « Pour la langue maternelle et dans les lycées impé-
riaux, six années d'exercices de grammaire et d'orthographe avant
de pouvoir être admis, dans une septième année d'étude, à com-
poser des lettres d'un ç'fîwre siwp/e.'))^
LX RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - .NÉGRIN. 349
Emile Negrin. Grammaire française des gens du monde.
Édition princeps. Nice, 1864, in-8 de 116 pp. — De la
fixation de la langue française à propos de r instruction
primaire rendue obligatoire. Nice, Caisson et Mignon,
mars 1865, in-16 de 39 pp.
« La France a 36 millions d'habitants. Sur ce nombre, 35 mil-
lions 500 mille ne soupçonnent pas même l'existence du grec; les
autres, dans leur jeune âge, à force de fatiguer les dictionnaires,
sont parvenus à comprendre tout le contraire de ce qu'ont dit
Démosthènes et Platon; dix à douze savants lisent le grec à livre
ouvert. Eh bien ! c'est pour faire plaisir à cette douzaine de ci-
toyens que notre langue est grevée du rh, du th et dupA.
« Aussi, c'est ordinairement à ces trois signes composés que
s'en prennent les détracteurs du français.
« Certes, je suis loin de blâmer ces derniers. Il est évident-que
les personnes lettrées d'Italie, d'Espagne, de Portugal et de tant
d'autres pays, savent comme nous que 'philosophie vient de ©iXo-
oro^ia et cependant elles ont le bon esprit d'écrire filosofo; nous-
mêmes, en dépit du cp originaire, nous avons déjà commencé à
écrire' flegme, flegmon, flegmatique ^ etc.; et je battrai des pieds
et des mains le jour où l'Académie agira partout avec le même
« flegme » .
« Cependant le mal n'est pas si grand, car il suffit de prévenir
les étrangers que rh vaut r, th vaut t^ et ph vaut /*; c'est une fausse
richesse, voilà tout.
« Deux .signes pour le même son ne sont que superflus ; deux
sons avec le même signe sont un véritable malheur.
« La dernière lettre h sert à empêcher les liaisons en tête des
mots :
le héros, les haricots, le homar.
« On a toujours eu tort de dire qu'elle marque l'aspiration. L'as-
piration n'existe pas dans notre langue.
c( On la met aussi par pure déférence pour Fétymologie, en tête
de certains autres mots où elle est inutile : l'histoire, V homme,
Vhôtel. Il serait à désirer qu'on pointât le hache répulsif pour le
distinguer de ce hache inutile ou muet : le 'héros, les 'haricots,
le -homar, ou mieux qu'on l'accentuât d'un esprit, comme les
Grecs, les héron, les 'haricots. »
350 LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. - NÉGRIN.
Le projet conçu en 4865 par M. Duruy, ministre de rinstriiction
publique, projet non réalisé, de rendre l'enseignement primaire
obligatoire, a inspiré à M. Negrin une boutade humoristique sur
la nécessité de la réforme de l'orthographe. Je crois devoir en
transcrire un passage pour donner une idée du système ortho-
graphique de son auteur :
« Ma proposition est, pour ainsi dire, le complément delà grande
mesure qui se prépare. On forcera les prolétaires à fréquenter pen-
dant deux années une école, mais les amènera-t-on en deux ans à
déchiffrer des hiéroglyphes sans logique ? J'en doute. C'est ce qui
m'enhardit à prendre la plume.
« Nous sommes actuellement spectateurs de deux scènes qui se
déroulent sur le théâtre de l'humanité : la vulgarisation et la dé-
cadence du français.
« La vulgarisation se constate chez tous les peuples; elle aug-
mente chaque jour avec l'amendement social, dont elle est un des
agents providentiels; nul ne songe à la nier; je ne songe donc pas
à la démontrer. Elle est du reste une conséquence tou^ rationnelle
de la nature claire et s/stématique de notre idiome, de la multi-
plicité des chefs d'oeuvre qu'il a contribué à éterniser, de la valeur
légendaire de nos soldats qui, sous la République et sous l'Empire,
Font parlé à travers toutes les métropoles de l'Europe.
et La décadence ne se manifeste pas moins.... Je ne veux parler
que de la décadence de la forme. Elle s'engendre partout, elle se
montre partout, elle menace partout; les esprits observateurs la
remarquent; les esprits spéculatifs s'en affligent et les esprits po-
hcés la redoutent. Jetons en effet les /eux autour de nous. On com-
pose les feuilletons avec la phraséologie des coulisses, on dialogue
les vaudevilles avec le glossaire des boulevards; on rédige les
bulletins de la presse avec des mots anglais, des mots allemands,
des mots grotesques. Est-ce là du français? Qui de nous peut se
vanter de comprendre d'un bout à l'autre la dissertation la meil-
leure de la meilleure des gazettes? Est-ce là notre langue?
« Je sais bien les causes du mal, et chacun les sait comme moi...
Mais que nous font les causes, quand la blessure saigne ?
c( Néanmoins, à ce torrent de mauvais goût une digue peut être
opposée : c^est la fixation de la langue*
« C'est au sein d'une commission spéciale présidée par Na*
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX. 351
poléon in, en tant que littérateur, ou par vous, Monsieur le Mi-
nistre, en tant qu'historien, que pourraient être vérifiées les criti-
ques déjà publiées, que pourraient être discutées les méthodes,
les définitions et les règles ; que pourraient être déterminés l'em-
ploi des majuscules et celui des signes; que pourrait être fixé le
pluriel des noms composés et des noms d'origine étrangère ; qu'en-
fin pourraient être tranchés tant de différends qui divisent les pré-
cepteurs et embarrassent les élèves
« Nous aurions ainsi une espèce de constitution orthogra-
phique. »
Edouard Raoux, professeur à l'Académie de Lausanne. Or-
thographe rationnelle, ou écriture phonétique^ moyen (Tu-
niversaliser rapidement la lecture^ l'écriture^ la bonne pro-
nonciation et r orthographe^ et de réduire considérablement
le prix des journaux et des livres. Paris, à la libi'airie de la
Suisse romande, 1865, gr. in-16. — Supplément à l'or-
thographe rationnelle^ ou ré forme graphique sans nouveaux
signes. Id., «é., j866, p. 279-316.
Ce petit traité (278 pages seulement) est fort intéressant, et, ce
qui est rare dans les ouvrages de ce genre, se laisse lire d'un bout
à l'autre sans fatigue et sans ennui. Il est le catéchisme de la ré* \
forme radicale en matière d'orthographe.
M. Raoux, venu le dernier parmi les phonographes, a su habile-
ment profiter des travaux de ses nombreux devanciers. J'ai donc
cru devoir, comme je l'ai fait pour Beauzée, le représentant le
plus important de l'autre école, celle des néographes, lui consa-
crer une attention plus particulière. Les reproches qu'encourra
son système s'appliqueront naturellement , pour une grande part,
à tous les autres.
•L'ouvrage se compose d'une partie critique et d'une partie dog-
matique. Je ne reproduirai pas, parmi les critiques que Fauteur
adresse à l'ancien système orthographique, celles qui ont été déjà
faites par ses devanciers, bien qu'il ait su leur donner un tour
nouveau, les accentuer et les développer davantage. Je dois me
borner à la part d'idées neuves, et elles sont assez nombreuses,
que M. Raoux a présentées dans son livre.
Comme Louis Meigret, son devancier, le professeur de Lausanne
352 TA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOl'X.
(travaille pour le commun peuple : son livre est dédié aux travail-
leurs de tous les pays. La réforme orthographique aura pour con-
séquence, selon lui, d'élever le niveau intellectuel des masses; de
mettre à la portée de tous le prix dos journaux et des livres; de
multiplier le nombre des esprits supérieurs; de faciliter les rela-
tions internationales par la préparation ou la création d'une lan-
{•ue universelle; de placer des habitudes logiques k la base de la
première éducation; de faire monter vers les plaisirs intellectuels
des millions d'hommes qui descendent chaque jour plus bas dans
les jouissances de la matière.
L'auteur expose ainsi ses principes :
« De toutes les merveilles dues au génie de l'homme, les deux
plus fécondes, en même temps que les plus méconnues, sont assu-
rément le langage et Vécriture. Traduire^ en déplaçant un peu
d'air, tout le monde invisible du sentiment et de la pensée; fixer,
en traçant quelques signes , tous les sons fugitifs de la parole ;
saisir au vol ces ondes sonores et les emprisonner pour toujours
dans quelques caractères alphabétiques : voilà deux miracles qui
ne lasseront jamais l'admiration des siècles. L'écriture surtout,, qui
permet d'entendre une voix parlant à deux mille lieues, ou éteinte
depuis trois mille ans; l'écriture, qui permet d'accumuler toutes
les conquêtes de l'esprit humain dans ces temples lumineux qu'on
appelle des bibliothèques; l'écriture^ enfantement laborieux des
génies de cent générations, a des droits particuliers à cette admi-
ration et à notre reconnaissance.
(( L'écriture est, en effet, l'immense et merveilleux réservoir de
la pensée humaine. C'est là que viennent s'accumuler, une à une et
de siècle en siècle, les découvertes du savant, les méditations du
philosophe, le monde idéal de l'artiste et du poëte, le monde réel
des vulgarisateurs de la science pratique. Chez les peuples où l'é-
criture n'existe pas encore, tous ces trésors disparaissent presque
à mesure qu'ils se produisent. Toutes ces brillantes manifestatiops
du talent et du génie s'envolent avec la voix, et il ne reste, pour
les générations suivantes, que des fragments défigurés par les in-
fidéUtés de la mémoire, les fantaisies de l'imagination ou les aber-
rations de l'ignorance. Dans les pays où l'écriture apparaît, l'au-
rore commence, et, à mesure que les systèmes graphiques se
perfectionnent, le niveau de Pintelligence publique s'élève, le jour
fait reculer la nuit.
r
lA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX. 353
c( ...L'abîme qui existe aujourd'hui entre la langue parlée et la /
langue écrite n'existait pas à l'origine. Les lettres servaient alors
à représenter des sons, et non à favoriser le fastueux étalage de
Pérudition linguistique. On écrivait pour exprimer sa pensée et
non pour faire savoir à Tunivers que Ton avait appris les langues/
mortes et les idiomes septentrionaux (1).
«On trouve la preuve de cette écriture presque entièrement
phonétique dans tous les documents de la langue gallo-ligurienne
ou provençale et des patois romans qu'on parlait au nord de la
Loire, sous le nom de langue d'oïl. Cette première phase s'étend
du neuvième au treizième siècle.
« Mais, à partir de cette dernière époque, l'ennemi commença à
pénétrer dans la place. Les alphabets grec, latin et septentrionaux
s'insinuèrent sournoisement dans l'écriture française. Les lettres
inutiles ou muettes vinrent peu à peu étaler leur vaniteuse oisiveté
au milieu des lettres actives ou phonétiques. »
M. Raoux attribue à Joinville, qui vivait à la fin du treizième
siècle (2), à Froissart, à la fin du quatorzième, et surtout à Philippe
de Gomines, au quinzième siècle, le tort d'avoir ainsi surchargé
(1) Cette proposition, juste en principe, ne saurait s'appliquer d'une façon
absolue à la langue française, qui est d'origine presque exclusivement latine.
Dans le Cantique de sainte Eulalie, du dixième siècle, dans les Lois de
Guillaume le Conquérant, du onzième, dans la Chanson de Holand, du
douzième, on trouve nombre de lettres étymologiques qui certes ne se pronon-
çaient pas. Les scribes, affiliés en général au clergé ou à l'Université, ont bien
rarement fait abstraction du latin; mais leur ortbographe, variable et indécise ,
était beaucoup plus simple et plus rapprochée de la prononciation que la nôtre.
Cette prononciation et cette orthographe variaient, au (juatorzième siècle , selon les
dialectes : <f ... Et pour ceu que nulz ne tient en son parleir ne rigle certenne, me-
« sure ne raison, est laingue romance si corrompue, qua poinne h uns entent
« laultre ; et a poinne puet-on trouveir a jourdieu persone qui saiche escrire ,
« anteir, ne prononcieir en une nieisraes semblant menieire , mais escript , ante
« et prononce li uns en une guise et H aultre en une autre. » (l'réface des Psaumes
de David en langue romane de Lorraine, citée par M. Le Roux de Lincy, intro-
duction des Quatre livres des rois, p. xlu. Ce texte est de la fin du xiv^ siècle.)
(2) On n'a point le texte original de Joinville ; le plus ancien manuscrit de
ses Mémoires que l'on connaisse est celui que possède notre Bibliothèque impé-
riale. Celte copie, cependant, ne saurait être postérieure au xiv*' siècle. Mais elle
ne reproduit pas, très -probablement, l'orthographe de l'original. On la croit géné-
ralement écrite vers 1350, c'est-à-dire environ trente ans après la mort de Joinville,
qui écrivit (ou du moins fit écrire) ses Mémoires en 1309, ainsi qu'il l'indique
lui-même à la fin de son texte : « Ce fut escript en lan de grâce Mr.ccix ou moys
doctoure. »
23
354 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX.
l'orthographe de lettres inutiles. Au seizième, Marot, Despériers^
Rabelais, Montaigne, suivirent plus ou moins la même route.
, « Alors commença le fatal divorce entre le son et le signe, entre
/ la langue parlée et la langue écrite. Alors aussi commença la cé-
lèbre croisade de la réforme orthographique, qui devait se conti-
nuer jusqu'à ce jour. »
Je citerai en passant un curieux calcul de M. Féline [Dict.
de la prononciation, p. 13), cité par M. Raoux, mais que je crois
un peu exagéré , sur les résultats économiques de la réforme
phonétique.
« J'ai cherché, dans plusieurs phrases, quelle serait la diminu-
tion des lettres employées, et celle que j'ai trouvée est de près
d'un tiers ; supposons seulement un quart. Si l'on admet que sur
35 millions de Français, un million, en terme moyen, consacrent
leur journée à écrire; si Ton évalue le prix moyen de ces journées
à 3 francs seulement, on trouve un milliard, sur lequel on écono-
miserait 250 millions par année.
« La librairie dépense bien une centaine de millions en papier,
composition, tirage, port, etc., sur lesquels on gagnerait encore
25 millions.
a Mais le nombre des gens sachant lire et écrire décuplerait ;
les Hvres coûtant un quart moins cher, il s'en vendrait, par cela
seul, le double, et le double encore parce que tout le monde lirait.
De sorte que ce profit de 275 millions serait doublé ou quadruplé,
et l'économie imperceptible d'une lettre par mot donnerait un bien
plus grand bénéfice que les plus sublimes progrès de la mécani-
que On s'inquiétera pour les chefs-d'œuvre de notre littéra-
ture. Mais il ne s'agit pas de supprimer l'alphabet actuel; il con-
tinuerait encore pendant longtemps d'être employé par les lettrés,
comme la langue latine a été pendant tant de siècles la langue
savante et seule écrite, comme les chiffres romains dont on fait
encore usage. Il s'agit seulement, pour ceux qui ne peuvent rece-
voir une éducation complète et suivre les écoles secondaires,
d'acquérir par l'étude la plus sommaire une seconde manière d'é-
crire qui les mette en rapport avec la masse du peuple et leur fasse
gagner une heure de travail sur quatre. »
La deuxième partie de l'ouvrage de M. Raoux, intitulée : Cri-
tique du système graphique actuel, est un travail solide et vraiment
r
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX. 356
remarquable. L'auteur signale d'abord les vices suivants : lettres
à double et à triple emploi; — lettres surérogatoires; — voyelles
s'écrivant chacune de dix, vingt, trente et cinquante manières dif-
férentes (ch. ni, § 1) ; — voyelles et consonnes changeant arbitrai-
rement de valeur phonétique suivant leur entourage; réunion de
lettres identiques se prononçant différemment et de lettres diffé-
rentes se prononçant d'une manière identique ; —sons simples ou
monophones s'écrivant avec deux, trois et même six lettres ; —
mots dans lesquels on ne prononce pas une seule lettre avec
le son que lui assigne l'alphabet; — sons qu'on ne prononce
pas et qu'on écrit avec le même scrupule que les signes non
muets; — quatre signes différents pour indiquer le pluriel;— les
mêmes signes pour représenter le singulier et le pluriel; — un
enchevêtrement inextricable de règles, d'exceptions, de sous-ex-
ceptions, de subtilités scolastiques, d'abstractions inintelligibles.
« Voilà, dit M. Raoux, cette célèbre écriture, vaniteusement
baptisée correcte et orthodoxe (orthographe); voilà le haut et sa-
vant grimoire qui nous a été légué par les fétichistes gréco-latins,
par ceux qui ont voulu repétrir une langue vivante avec les détri-
tus de deux langues mortes. Merveilleux labyrinthe, en effet, où
l'on se perd encore après vingt ans d'étude; admirable système
qu'on emploie un quart de siècle à ne pas apprendre ! C'est un peu
moins mal, pourtant qu'en Chine, où Ton passe sa vie à n'apprendre
que cela. »
Passant à l'étude de l'alphabet, l'auteur annonce que la cri-
tique qu'il en va faire n'a pas pour but de rejeter toutes les
lettres de l'alphabet français et d'en couler d'autres dans des
moules entièrement nouveaux, comme le fait la sténographie,
mais seulement de les ramener à des principes rationnels, quant
à leuf nombre, à leur nature, à leur valeur phonétique et à leur
forme.
« Personne ne contestera cet axiome : que le nombre des signes
d'un alphabet rationnel ne doit être ni supérieur ni inférieur au
nombre des sons fondamentaux de la langue à laquelle il appar-
tient. 0 II suffit de rapprocher, à cet égafd, les principes posés,
dès 1660, par Port-Royal. Voy, ci-dessus, p; 226.
(( Or l'alphabet français est en pleine révolte contre cet axiome,
car il possède six lettres entièrement superflues, et manque d'une
douzaine de signes simples pour représenter des sons élémentaires^
Qjv
vj/f
35(5 LA RÉFORMK ORTHOGRAPHIQUE. - IIAOLX.
(( I« Il possède six lettres superflues, parce qu'au lieu de repré-
senter chaque son élémentaire par un seul signe , il a coniuiis la
faute d'en employer plusieurs.
« Ainsi, au lieu de traduire le son simple QE par un seul signe
ou par une seule lettre, notre alphabet ne lui en assigne pas moins
dequalre^ savoir : C, R, Q, GH {col^ Jdlo, queue et choral). N'est-il
pas évident qu'il y en a trois de trop ?
« Le son I est actuellement représenté par (rois lettres I, ï, Y
[image, haïr, yeu.r). Ne devrait-on pas en retrancher deux?
« L'articulation S est aujourd'hui gratifiée de trois signes, sa-
voir : G doux, G cédille et S {Cécile, reçu, son). Un seul ne suffi-
rait-il pas k l'écriture ordinaire, quand il suffit aux écritures sté-
nographique, italienne et espagnole (1)?
a La lettre H représente un son qui n'existe pas, puisqu'il n'y a
pas d'aspiration dans la langue française : pourquoi donc embar-
rasser notre alphabet de cette lettre parasite, surtout lorsqu'il lui
en manque une douzaine?
« La lettre X fait double emploi avec S, Z, GZ et QS {dix,
deuxième, examen, index). Pourquoi occupe-t-elle inutilement
la place qui serait si convenablement remplie par l'une des douze
lettres qui attendent à la porte?
«Enfin, le double W, signe intrus, maladroitement emprunté
aux alphabets septentrionaux, se permet aussi de jouer sur le cla-
vier de? variations phonétiques, et se prononce tantôt V, tantôt
OU, tantôt EU [Wolga, William, Neiv -York).
« Voici donc six plantes parasites sur le vieux tronc de l'alpha-
bet, six lettres parfaitement superflues, G, K, H, X, Y, W, dont il
serait grand temps de faire l'amputation.
c( Après s'être donné le luxe de six lettres superflues, le vieil al-
phabet nous présente le spectacle d'une indigence dont le chiffre
est double. Douze lettres lui font défaut lorsqu'il veut traduire les
douze sons simples, ou les douze notes nouvelles de la gamme
alphabétique. Aussi est-il obligé de recourir, pour combler cette
lacune, au stratagème des accents et des signes binaires, qui vien-
nent jeter d'innombrables complications dans l'orthographe et de
nouvelles ténèbres dans la lecture, l'écriture et la prononciation.
« L'accent aigu et l'accent grave jetés sur Ye muet devront le
(l; M. Raoïix aurait pu ajoulor (|ue Vs usurpe trop .souvent la place du s, ce
qui est fort regreUable.
LA REFORjNLK ORïHOCxRAPHlQUE. - RAOIJX. 057
transformer en e fermé el en e ouvert (1^:, K), et les paires de lettres
(digrammes) EU, AU, OU, GH, GN, LL, AN, EN, IN, ON, UN,
seront chargées de représenter des voyelles et des articulations
simples.
c( Si, du moins, chacune de ces lettres et chacun de ces cou-
ples, ou digrammes, n'avait qu'une seule valeur phonétique ! Mais
non. La lettre G traduit les quatre sons qk, se, gue et eu [corart/e,
Cécile, second, vermicelle (1)]; —G, les quatre articulations gue,
JE, NiEU et c»E {digue, gerbe, agneau, sang, rang élevé)', X, les
articulations QS, Gz, s, z, ghe [index, examen, Aix, deuxième. Xi-
menés (2) ] ; — la voyelle U représente les trois sons u, o et ou [urne,
punch, minimum, équateur, aquatique) ; — la consonne D, les deux
articulations d et t [don, profond abîme)', — lalettreF, celles-ci : f
et v {fier, dix-neuf ans] ; Z correspond à z, s, dz, ts [zéphir, Rodez,
mezzo, piazza) (3) . »
« Les différences de valeur des digrammes eu (j'ai u, un peu),
eh (charité, archange, almanuch), gn {stagnation , agneau), etc.,
ne sont pas moins nombreuses que celles des lettres simples. «
Tout ce travail du professeur de Lausanne est intéressant, et il
serait bon de s'y reporter, si l'on voulait constituer un alphabet
normal pour la transcription de nos patois, ou des langues orien-
tales, ou même simplement pour fixer un type uniforme de figu-
ration de la prononciation dans nos -dictionnaires, soit français,
soit bilingues.
Toutefois l'auteur aurait dû citer les savants académiciens qui
l'ont précédé, Beauzée , Domergue , et surtout Volney, qui, l'un,
en 1767, l'autre, en 4806, le dernier, en 1820, ont traité à fond
cette matière. Le troisième surtout a placé, dans soft ouvrage
intitulé : VAlfabet européeri appliqué aux langues asiatiques, une
discussion excellente et approfondie de la valeur et de la distinc-
tion de nos voyelles et de nos consonnes. Après un si docte
travail, il ne restait plus guère qu'à glaner et à perfectionner (4).
(1) Ou prononce maintenant, confonnéinent a récriture, vermicelle et vio-
loncelle.
(2) Dans cejnot, du xérès, c'est-à-dire du vin récolté à Xérès, on prononce
Vx d'une quatrième manière, comme s'il y avait kércs, par un U.
(3) M. Raoux aurait pu ajouter la lettre Y, qui représente les sons suivants :
I. î, i:r, II, m {La Haye, style, abbaye, paysan, citoyen).
(4) Tl aurait dû aussi mentionner MM. Marie el Féline.
358 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX.
Dans le chapitre suivant, intitulé : Vices des combinaisons binaires
et ternaires des lettres, ou des bases de récriture, Fauteur étudie les
effets de la combinaison des lettres de notre alphabet deux à deux
et trois à trois pour former les éléments de l'écriture. On ne peut
donner ici que quelques exemples du singulier effetde ces unions.
lA garde le son naturel de ses composants (1), mais AI devient
E, È {fai, naître). — UA donne le son oua ou A [équateur, qua-
drille)', k\} donne le son o {autre), — 10 ne produit pas de
son nouveau, mais 01 donne un son voisin de oa [roi). — YO
est stérile ; mais OY offre trois sons : ou, a, i [voyelle, rotjawne,
moijen) ; — EU a la même valeur que UE {peur , cueillir) (2) ;
— S entre deux voyelles se transforme en z [trésor, aisance) ;
mais il y a des exceptions : vraisemblance, préséance.
L'auteur a réuni d'autres exemples, en assez grand nombre,
de vices analogues de nos combinaisons alphabétiques. Le son A
s'écrit, d'après M. Marie, de 25 manières; le son AN, de 52; le
son 0, de 30 ; le son ON, de 26 ; le son OU, de 28 ; le son 01 , de 25 ;
le son È, de 55 ; le son É, de 25 ; le son EU, de 20; le son I, de 29 ;
le son IN, de 34, etc., etc. En tout, 540 manières d'écrire 31
sons. M. Dégardin, qui a refait ce compte, trouve 568 variantes.
Dans les articles suivants, M. Raoux passe en revue les sons
différents s' écrivant de la même manière. Ex. : jeu Qi gageure;
diagnostic et agneau-, allier et balbutier -, fier verbe et /?er adjectif;
fille et ville; il est, de l'est ; dans un même mot,' le digramme en
figurant deux sons différents : chiendent ; — puis les sons iden-
tiques s'écrivant avec des signes différents. Ex. : vingt, vin, vain,
vint; cène, saine, Seine, scène; — les sons nuls s'écrivant avec des
annexes ou signes muets; ex. : bah, choral, honneur, ]}lomb,
chaud, froid, clefs, œufs, bourg, fusil, baril, etc.
Dans les derniers chapitres de la deuxième partie, l'auteur s'oc-
cupe des vices de l'écriture dite orthographe de principes. Nous
avons six marques différentes du pluriel : S, Z, X, T, NT, ENT
(les gens, vous aimez, les deux, ils vont, ils ouvrent, ils aimaient).
Sur ces six marques, cinq sont en même temps des signes em-
ployés au singulier : bras, nez, doux, vent, pont (3). Certains mots
(1) La diphthongue ia ne se prononce pas de même dans diable, dont la pre-
mière syllabe est monosyllabique, et diamant, où elle est dissyllabe.
(2) Et en outre le son u : j'eus, gageure.
(3) Il est regrettable que pour le mot fils le singulier ne puisse se distinguer
du pluriel comme dans le latin, films, filii, comme en italien, figlio, figlj, en
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX. 359
tirés des langues étrangères prennent notre marque du pluriel
[altos, erratas, opéras, pianos, quatuors, villas, zéros, etc.) ; d'au-
tres ne la prennent pas (des alibi, les critérium, les choléra, les
crescendo, etc.). 11 passe en revue ensuite les différentes irrégula-
rités que l'on peut signaler dans l'orthographe des verbes, de
leurs temps et des participes.
L'auteur termine cette seconde partie par un tableau très-animé
des inconvénients, pour la nation tout entière, qui résultent de
l'impossibilité (qu'il s'est efforcé d'établir) d'apprendre la gram-
maire et l'orthographe.
La troisième partie est consacrée à Pexposition du système
phonétique, que je ne saurais dire être celui de M. Raoux, car la
part de ses devanciers, depuis Meigret et Ramus jusqu'à Domer-
gue, Volney, Marie et Féline, est si grande, dans l'édification des
diverses parties de la méthode, qu'elle devient de jour en jour une
œuvre impersonnelle à laquelle chacun se contente d'apporter une
assise,, soit même une simple pierre.
(( Tous les éléments phonétiques, dit-il, dont se composent les
150,000 ou 200,000 mots de la langue française et les autres mil-
liers de mots appartenant aux idiomes méridionaux se réduisent
au chiffre de 43, dont 25 primitifs ou fondamentaux (voyelles), et
18 modifications (consonnes', articulations). »
Voici son alphabet phonétique (alphabet des sons) complet pour
les langues du nord et du midi de la France :
8 voyelles mères : a, è, é, i, e, o, ou, u,
8 modifications nasales : an, ain, en, in, eun, on, oun, un.
9 modifications orales : a, ê, ë, î, ï, eu, ô, oû,û{i).
9 articulations dures : p, f,t, q, l, r, ch, s, n,
9 articulations douces : b, v, d, g, II, j, z, gn, m.
espagnol Mjo, hijos. Ainsi, dans le cas de la raison sociale d'une maison de com-
merce, comment savoir lorsqu'on lit Firmin Didot frères et fils, par exemple, s'il
y a un ou plusieurs fils ? Il serait désirable qu'on pût, au pluriel, recourir à
l'emploi de la lettre s longue (/) pour le distinguer du singulier.
(1) M. Raoux néglige deux voyelles distinctes reconnues par Volney (voir p. 313) ;
eu, clair, guttural : cœur^ peur, bonheur, différent de eu profond, creux : eux,
deux, ceux ; et l'e que le savant académicien appelle e gothique, sensible dans ces
mots : que je me repente, tandis que l'e muet ou féminin se rencontre dans
borne, ronde, grande. L'auteur a modifié, dans un supplément publié en 1866,
son alphabet de 1865 : je ne connaissais pas cet opuscule lors de ma précédente
édition. J'en donne l'analyse plus loin.
300 TA RÉFORME ORïHOGRAPHIQUi:. - RAOUX.
<( La linguistique comparée dira ce qui manque à cet alphabet
pour exprimer fidèlement les sons de tous les idiomes anciens et
modernes, c'est-à-dire pour être réellement universel. Ce qui est
certain^ c'est que, malgré sa richesse, le languedocien actuel ou
h' gallo-provençal contient trois sons de moins, Ve muet, Vampli-
/ication eu et la nasale eun. La langue française a rejeté ou laissé
perdre les trois nasales en, oun, un (1) et Ve double aigu, qu'elle
confond avec \'i. Et comme Ve et l'è ne sont pas pour elle deux
sons réellement distincts, puisque ces deux accents se substituent
fréquemment Tun à l'autre (2), il en résulte que le nombre des
éléments phonétiques du français se réduit à 37, savoir, 26 pro-
prement dits (dont 8 voyelles et 18 consonnes), plus 5 modifica-
tions nasales et 6 orales. »
Pour former son alphabet phonographique, destiné à représenter
dans l'écriture l'alphabet des sons, ou phonétique, quMl vient d'éta-
blir, Fauteur a recours à deux principes qui servent de base à la
sténographie : un seul signe simple pour chaque son simple, et réci-
proquement, des signes modifiés pour des sons modifiés, ou des
modifications de signe pour des modifications de son. Ces princi-
pes, qui sont ceux de Port-Royal, ont été admis par presque tous
les réformateurs précédents.
Après avoir éHminé de l'alphabet nouveau les six lettres : c, k,
//, X, g, w, dont les unes représentent chacune plusieurs sons,
dont les autres sont affectées à un même son, et dont l'autre n'en
représente aucun (voir p. 356), Fauteur conserve de l'ancien alpha-
bet les 20 signes suivants : a, h, d, e, f, g, i,j, /, 7n, n, o, p, q, r,
s, t. II, V, z. Les six autres sons simples sont représentés, dans
l'ancien alphabet, par quatre signes binaires : ou, ch, gn, II, et
(1) Il ne s'agit pas ici de notre son un dans chacun. M. Raoux l'appelle eun
ou e nasal , et le représente par en. Un exemple éclaircira ce passage, un peu
obscur dans son livre : dans charmant, tourment, coefficient, ennuyer, c'est
Va nasal {an de M. Raoux ;; dans jarrfm, il tienty c'est l'è nasal (éw de M. Raoux ;
dans immortet, c'est ^^ nasal (m de M. Raoux; ; dans chacun, c'est Ve muet
nasal {en de M. Raoux). Nous n'avons pas, dit-il, dans notre langue Vu nasal qui
apparaît dans les patois du Midi.
J'avoue que, n'étant pas familier avec les patois du Midi, je ne puis me rendre
compte de la valeur de cet u nasal, distinct, selon le professeur de Lausanne, de
notre son un dans quelqu'un, chacun. Mais je suis fondé à penser que^ puisque
^^. Raoux inler()rète ce dernier son par e nasal, et qu'il le nomme eun, c'est qu'il
prononce e muet comme eu, ce qui est chez nous une prononciation vicieuse.
(2) Exemple de l'è dit ouvert : succès, caisse, fer, mer, fêle,, faite.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX
:^(il
par deux signes modifiés c et è. L'auteur adopte pour le son ou W
.igné proposé par Uamus et par Volney : o). Lech, articulation Ibrle
du,/, est figuré par cette même lettre sans boucle et sans point su-
périeur,./, le j avec boucle conservant sa valeur ancienne de^'.
La distinction entre les deux signes .; pour ch et / pour 7
est bien légère, surtout dans l'écriture : l'auteur, aurait dû,
ce nie semble, conserver au moins le point supérieur à ce dernier.
M. Raoïix repousse pour r/w le signe n tilde (w) adopté par But-
tler, Volney, Marie, Féline et Henricy. Il propose ce signe /; , qui
rappelle également la lettre 71, et rentre dans la règle de symétrie
qu'il préconise, c'est-à-dire remploi de boucles pour représenter
les sons doux (1). Il repousse également le l proposé par le P. Buf-
tier pour / ou // mouillé , et , en vertu du principe ci-dessus,
adopte le / à boucle, réservant le / sans boucle pour le / or-
dinaire.
Ce système des boucles me paraît ingénieux en théorie, mais
sujet à inconvénients dans la pratique. L'alphabet réformé ne doit
pas seulement être appliqué dans l'impression ; il doit aussi ser-
vir à l'écriture cursive, et les boucles n'y constituent pas une
notation suffisamment distincte.
L'auteur a reculé devant l'introduction de nouveaux signes
pour c, c, et pour ses voyelles nasales an, en, m, on, en. Il donne
au signe é la valeur phonétique de eu, au groupe m la valeur de
im, et au groupe en l'ancienne valeur de eun.
Ces changements d'emploi de signes anciens paraissent une
transaction malheureuse : il fallait, dans un système qui aspire
à une complète rénovation graphique, éviter toute capitulation,
toute équivoque avec l'ancienne écriture passée en habitude et
que les novateurs voudraient proscrire. Et quant aux voyelles na-
sales, qui se rencontrent de 8 à 10 fois en 30 mots, il n'aurait
pas dû leur conserver le signe binaire qui a encouru toutes ses
sévérités. En les remplaçant par un signe simple, il eût obtenu une
économie notable dans l'écriture et l'impression, et eût restitué à
ces voyelles^ encore méconnues de nos grammairiens, le carac-
tère de voyelle simple. Domergue et Féline n'avaient pas ainsi
sacrifié sur l'autel des anciens dieux. Il est vrai que la suppression
(1) M. Raoux aurait pu dire que cette règle est empruntée de Ramus, qui
dès 1562 (voir p. 192), l'avait mise en prati(iue, ot «|ue son n à jambage a été in-
venté par Meii;rel.
3G2 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — RAOUX.
de ces n parasites, leur remplacement par un trait diacritique, don-
nait à leurspages une apparence hétéroclite devantlaquelle M. Raoux
aura sans doute reculé. Cependant, durant trois siècles, l'œil des
lecteurs du latin et du français était accoutumé à voir ainsi écrits
ou imprimés : bote, iëps^ chàgemët ^ côditiô, amàt, veniùt, les mots
que nous figurons par : bonté, temps, changement^ condition,
amant, veniunt. Reprendre cette forme archaïque de la voyelle na-
sale eût mieux valu,, ce me semble, que toute airtre combinaison,
et ce système ancien, si simple et si rationnel, mérite d'être pris
en grande considération.
« En résumé , dit l'auteur, l'alphabet phonographique con-
serve : 20 lettres de l'alphabet actuel ; — 2 lettres modifiées par
des accents {é. è)\ — 2 signes modificateurs de sons (accent cir-
conflexe et n nasal).
« Il élimine : 6 lettres proprement dites (c, h, k, x, w, y); —
6 signes binaires {eu, ou, au, ch, gn. II); — 2 signes modificateurs
(cédille et tréma).
ail dédouble les formes du j et du / pour représenter leurs
deux sons similaires; — il rectifie trois signes binaires {en,
in. en).
« Enfin, il ajoute deux signes nouveaux pour // mouillé et le
son ou, ))
Voici le nouvel alphabet complet , avec l'indication des valeurs
nouvelles :
a
bl
(1
e
è
/ (J)
j W
1
/ (mouillé)
m
I'
q
r
s
t
î
ê (eu)
ô
û
an
é
n
^ (g")
0
u
v
^1
en (in)
in (im)
on
i
w (ou)
à
en (eur
Dans le nouveau système, les 26 caractères de l'alphabet ne
changent jamais de valeur phonétique, quels que soient les si-
gnes qui les précèdent ou les suivent dans la composition des
mots. Exemple :
habit abi ôter oté agneau anô
anneau ano chapeau japô heureux êrê
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX. 3G3
boule bt^le anguille angine sexagénaire seqsagvnèrc
homme orne chiquenaude jiqenode construction qonstruqsion
femme famé pré aux clercs pré 6 qler stricteinent siriqteman
chacun jaqen chocolatier joqolatié strychnine striqnine
oiseau oyazo perplexité perpléqsité emprunteuse anprentêze
L'auteur pose (p. d94) ce principe, sur lequel je crois devoir
appeler toute Fattention des novateurs en orthographie : Maintien
de tous les signes utiles pour Pintelligence des mots et des phrases
et pour l'euphonie de la langue parlée ; élimination de tous les
autres signes.
c( On écrira donc, continue M. Raoux, toutes les lettres gramma-
ticales qui servent à éclaircir le sens des mots et des phrases, à
lever des doutes, à faire disparaître des équivoques ou à prévenir
des hiatus et des consonnances désagréables. Toutefois, on dis-
tinguera les lettres actives ou phonétiques des lettres passives ou
muettes, en les séparant par un tiret indiquant que ces dernières
n'ont pas droit aux honneurs de la prononciation, et ne sont que
des signes additionnels dont la destinée est de disparaître lorsque
la langue parlée aura comblé ses fâcheuses lacunes et réduit le
nombre exorbitant de ses homophones.
c( Ainsi Pon écrira le r de l'infinitif et le z de Pimpératif (en les
séparant par un tiret) toutes les fois que le sens de la phrase no
permettra pas de les distinguer Pun de Pautre, ainsi que du par-
ticipe passé, c'est-à-dire lorsqu'on hésitera entre les trois homo-
phones éy er, ez des verbes de la première conjugaison : aimé ^
aime-r, aime-z, travaillé, travaille-r, travaille-z. On écrira en-
core : montez à cheval ; il bolT et mange bien; je voudrais qu'il
allâT avec vous^ etc., afin d'éviter des hiatus et des consonnances
peu agréables pour l'oreille, mais on ne séparera pas ces lettres
euphoniques par un tiret, comme les signes affectés de mutisme.»
Cette citation suffit pour faire écrouler tout le système de
M. Raoux, et il prononce lui-même, sans s'en apercevoir, la con-
damnation de la phonographie comme écriture usuelle de la
langue française, comme méthode même d'enseignement dans les
classes élémentaires.
En effet, Pauteur reconnaît, avec une bonne foi parfaite, la né-
cessité de fixer le sens des mots ainsi que des phrases, de lever tous
les doutes, de faire disparaître les équivoques, de prévenir les hia-
tus et les consonnances désagréables. N'est-ce pas là, je le de-
364 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — RAOUX.
mande, une tâche impossible à quiconque n'a pas préalablement
acquis la connaissance la plus approfondie, la plus minutieuse
de la langue française? Nous voici ramenés, avant d'nhorder
Tétude de la nouvelle écriture, à cette grammaire si complexe,
avec ses milliers d'exceptions et de sous-exceptions, objet de
tant de malédictions de la part des novateurs. Bien plus,
pour accorder ces temps de verbes, ces participes, ces substantifs,
ces adjectifs ; pour leur conserver sur le papier 'ces marques eu-
phoniques exigées par notre oreille ; pour figurer en phonogra-
pbie les nombreux homonymes avec l'orthographe étymologique
qui les dislingue (1) , l'étude de la grammaire française ne suffit
plus : la connaissance complète du latin et de la basse latinité est
indispensable, ainsi qu'une teinture du grec. Quel trouble pour les
adeptes de cette nouvelle tachygraphie^, auxquels on prescrit de
figurer uniquement le son, s'il leur faut combiner les deux sys-
tèmes, Tancien et le nouveau, et s'arrêter avant d'écrire une
phrase pour tenir compte des difficultés de l'élymologie et des
exigences de la syntaxe !
Que deviennent alors les 50 millions d'artisans, de pauvres en-
fants, de manouvriers des villes et des campagnes qui, en France,
en Belgique, en Suisse, dans tous les pays de langue française,
devaient être émancipés de fignorance en une ou deux saisons
d'école? Les voilà ramenés aux difficultés de la grammaire et
aux études grecques et latines dont on prétendait les dispenser.
Quant à ceux qui ont reçu cette instruction si pénible à conqué-
rir, peut-on espérer qu'ils adoptent jamais une nouvelle manière
d'écrire, môme simplifiée, si elle ne les dispense pas de ,se rappeler
continuellement l'ancienne, pour la solution des cas litigieux?
L'étranger instruit, mais peu exercé à la prononciation, le savant,
le législateur, ne croiront jamais parvenir à être bien compris dans
celte écriture figurative des sons. Chacun des mots anciens, par sa
configuration devenue familière, par les radicaux si souvent trans-
parents sous l'enveloppe graphique, réveille pour nous le souvenir
de ses congénères et de sa signification (2).
Sans doute, s'il s'agissait uniquement de former un peuple
(1) Voir ce que j'ai dit plus haut, p. 96, de l'ortliographe des homonymes,
saint, sein, etc., et la discussion de M. Vanier sur le même sujet, p. 326. J'ajou-
terai que dans tout système phonographique on devra conserver l'ancienne or-
thographe pour les noms propres, les noms de lieux, etc.
,2) Voir aussi p. 96 et 374.
f
LA RKFORMK ORTHOGRAPHIQUE. - RAOUX. :^^sô
ignorant, sans passé littéraire, à une rapide connaissance de )a
lecture et de l'écriture française, la méthode phonétique aurait de
grands avantages; mais pour une nation riche d'une littérature qui
date de huit siècles, ses vocables, ses syllabes même, font, pour
ainsi dire, partie intégrante de son histoire intellectuelle; les
transformer de fond en comble, c'est rompre la chaîne non inter-
rompue des traditions où s'est formé son génie.
Dans les chapitres suivants, M. Raoux applique son système de
phônographie à plusieurs langues de l'Europe. En ajoutant à son
alphabet les signes de Ve double aigu (ë), Vi mouillé (f), et les
trois nasales en, mu, un, il possède, d'après Tauteur, la gamme
complète des sons du bel idiome des troubadours. Quant à la
transcription de l'italien, je n'en vois pas trop l'utilité pour nous,
surtout quand on renonce à figurer l'accent tonique.
J'en dirai autant de l'espagnol et du latin, à récriture phono-
graphique desquels Fauteur consacre quelques pages. Sa trans-
cription de l'allemand, pour être tidèle, nécessiterait l'addition de
nouveaux signes pour le h et le cli fortement aspirés. Mais c'est
pour nous transcrire fidèlement la prononciation de l'anglais que
la nouvelle méthode serait inappréciable. Elle remplacerait avec
une supériorité incontestable le système de voyelles chiffrées usité
dans les meilleurs dictionnaires anglais-français.
Il serait donc désirable qu'en tête des dictionnaires anglais_,
arabes, turcs, aussi bien que de ceux des patois des langues de
l'Europe, on représentât la prononciation dans un système phono-
graphique perfectionné et convenu entre les linguistes. Une page,
placée en tête de chacun de ces lexiques, suffirait pour tracer
toutes les règles de lecture de cet alphabet véritablement phoné-
tique. Avec l'aide du temps, les personnes studieuses en pren-
draient l'habitude, et le pas, difficile à franchir, pour la constitu-
tion d'un alphabet européen et d'une écriture européenne serait
plus tôt accompli. Je m'unis donc, pour cette application impor-
tante, aux vues de l'auteur, si bien développées dans ses dernières
pages, que je dois renoncer à analyser. Cet art nouveau , auquel il
s'est voué , n'a pas encore dit son dernier mot; il est en instance
devant les corps savants^ les universités et les académies. Loin
de faire reculer la philologie comparée et la science rationnelle
du langage, il ne peut que leur procurer de nouveaux moyens
d'analyse.
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aOH LA RÉFORME OKTUUGKAPHIQUI:. — KAOLIX.
[campagne), ce qui le distinguera clairemenl du douJ>lc son r/uene,
qui s'écrira gen (Agnès, Agnès ; gnomon, genomon).
Le signe binaire // se trouvant dans le niême cas, et la juxtapo-
sition de Vi ne suffisant pas à distinguer ses deux valeurs phoné-
tiques, représentera uniquement le / redoublé dur {ilUcUe^ illimité,
ville). Le / mouillé (dans fille, bille) qui, en sa qualité de mono-
plione, fait réellement partie de l'alphabet, sera représenté par un
/ pointé en-dessous, afin que la typographie n'«it point de signe
nouveau à créer, puisqu'un j renversé remplira parfaitement le but-
L'auteur termine ce supplément par quelques exemples de la
nouvelle orthographe, que les phonographes intitulent réforme
scripturale :
Orthographe :iciuelle
. l'honogr;ii)liie.
Orthographe
ictuclle. Plionographie
physique
fiziqc
hennir
unir
philosopliie
filozofie
prompt
prun
rhytlirae
ritme
fille
file
chronique
qroniqe
illettré
métré
chrétien
grétièn
homme
orne
ichthyologie
iqtiolojie
femme
famé
harangue
arange
catarrhe
qatare
Uiéopliilantliropie
téofilantropip
Jeanne
Jane
accueillir
aqeulir
hasard
azar
quand
qan
quincaillier
qènqalé
heureux
eureu
hygiène
ijiène'
temps
tan
agneau
agnô
oiseau
ouazô
gnomon
genomon
quiproquo
q'tproqo
hareng
aran
haïr
air
« L'ignoranse du vouazèn è t un danjé q'on devrè qonjuré, ne
fuse qe par égoizme, qome on va ô seqour de sa mèzon qan t èle
brute. » (Jules Macé.)
« Le jeune z èntellijanse son qome de bouton de fleur qe Ion
orè plonjé dan lô boulante; èle z on perdu leur forse vitale dan le
chôdron fuman de la moderne éduqasion. » (A. de Humboldt.)
« Tan qe l'ijiène publiqe é la morale universèle ne seron pa sé-
rieuzeman t anségnée dan toute le z éqole primère, le flô du mal
montera toujour. » (Raoux.)
Celte écriture, ainsi dépouillée des signes nouveaux que l'auteur
avait proposés dans le corps de son livre, ressemble beaucoup à
celle que M. Marie avait adoptée en 1829 dans son Appel aux
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. -É. de GIRARDIN. 369
Français, Elle offre les mêmes avantages et encourt les mêmes
reproches, sur lesquels il me semble inutile de revenir.
Albert Hetrel, correcteur d'imprimerie. Code orthogra-
phique, monographique et grammatical. Nouvelle mé-
thode doîinant immédiatement la solution de toutes les
difficultés de la langue française. Deuxième édition. Paris,
Larousse et Boyer, 1867, in-12 de xxtii et 276 pp.
M. Emile de Girardin a accepté la dédicace de cet intéressant
ouvrage. De la lettre qu'il adresse à l'auteur à ce sujet, je crois
devoir extraire les passages suivants :
« Je n'accepte pas l'expression de votre reconnaissance, mais
j'accepte la dédicace de votre livre. Il est curieux, ce qui le rendra
instructif. Du désir qu'il donne de le. parcourir naîtra bientôt
l'habitude de le consulter.
c( Que d'innombrables fautes journellement commises il relève!
Que d'inexplicables contradictions, passant généralement ina-
perçues, il signale !
c( Mais ce qu'il révèle surtout, c'est à quel point l'arbitraire
règne encore, en France, dans le langage. Où les exceptions à la
règle sont si nombreuses, ne peut-on pas dire de la règle qu'elle
n'est qu'une exception à l'exception et qu'il n'y a pas de règle? Le
langage est un art; il n'est pas encore une science. Ce qu'il fau-
drait, c'est qu'il en devînt une. L'art vaut ce que vaut l'artiste; la
science vaut par elle-même. Ce qui caractérise l'art, c'est la per-
sonnalité, c'est la diversité; ce qui caractérise la science, c'est
l'universalité, c'est l'unité. Ce qui la caractérise encore, c'est
d'être essentiellement progressive, c'est de tendre constamment à
convertir les obstacles en moyens et les problèmes en solutions.
Si, au lieu d'être un art, le langage était une science, il n'épar-
gnerait rien pour devenir de plus en plus simple, de plus en plus
précis, de plus en plus facilement correct. La règle ne fléchirait
plus sous l'exception ; ce serait l'exception qui disparaîtrait sous
la règle. Si la science du langage était moins imparfaite, croit-on
que l'art du langage y perdît? Je ne le crois pas.
a Partout, en Europe, les peuples abaissent maintenant les bar-
rières qu'ils s'appliquaient autrefois à rendre infranchissables...
Une barrière qui ne s'est pas abaissée, c'est celle que met entre
24
370 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — É. de GIRARDIJN.
les nations la différence des langues. Arrivera-t-on, un siècle ou
l'autre, à Tadoption d'une langue universelle? Je n'en doute
point... Chemins de fer et télégraphes électriques, ces inventions
d*hier, mènent chacune des grandes parties du monde à l'unité
d'usages et de lois, de mœurs et de modes, de mesures et de
monnaies . A son tour, cette unité mènera à l'unité de langue,
comme une conséquence mène à une autre conséquence. Cette
langue commencera par n'être qu'une langue auxiliaire, deviendra
la langue internationale, et finira par être la langue définitive. De
cette langue, que la nécessité s'appliquera à rendre aussi simple
que possible, disparaîtront tous les mots qui n'ont plus de sens,
tous les mots qui n'ont pas de sens, tous les mots qui ont plusieurs
sens. Il y aura un mot pour chaque chose, mais pour chaque
chose il n'y aura plus qu'un seul mot. Formation, déclinaison,
genre, orthographe et prononciation des mots, conjugaison des
verbes, seront assujettis à des règles invariables, faciles à ap-
prendre, faciles à retenir.
« Il fut un temps où généralement le paysan français ne savait
parler que le patois de sa province. Il est rare maintenant, et il
devient chaque jour plus rare, que ce paysan ne sache pas à la
Jois et le patois de « son pays » et la langue de sa patrie. On peut
même ajouter que, depuis que le paysan apprend l'une, il désap-
prend l'autre. Les patois s'en vont; je me trompe, il faut dire : ils
se succèdent; car un temps viendra où, l'Europe ayant sa langue
commune, parler allemand, parler anglais, parler espagnol,
parler français, parler italien, ce sera parler patois. Mais jusqu'à
ce que ce temps arrive, temps qui peut être proche, mais temps
aussi qui peut être loin, tout ce qui aura pour but et pour effet de
dévoiler les difficultés et les irrégularités dont les langues actuelles
sont hérissées méritera d'être hautement et chaudement encou-
ragé. »
L'auteur du Code orthographique ne s'est pas donné pour but
de redresser les contradictions et les vices de notre écriture, mais
seulement de présenter en bon ordre et d'une façon claire et faci-
lement saisissable la solution de toutes les difficultés qui se ren-
contrent dans Pemploi de nos meilleurs lexiques. Il s'exprime
ainsi à ce sujet : « Pendant sa longue carrière de correcteur d'im-
primerie, l'auteur n'a pas manqué de se convaincre qu'il y a dans
la langue un grand nombre de points douteux, au sujet desquels
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - A. HETREL. 37i
les écrivains les plus habiles sont exposés à faire des fautes. Né-
cessairement ces fautes ont dû passer des milliers de fois sous ses
yeux, comme sans doute le prêtre, pendant la durée de son sa-
cerdoce, entend chaque jour, au tribunal de la pénitence, confes-
ser à peu près les mêmes péchés. Il arrive parfois aux littérateurs
d'employer des expressions condamnées par l'Académie ou de
s'écarter des règles qu'elle a exposées et consacrées. Les diction-
naires sont si incomplets, si fatigants à consulter, que le plus sou-
vent les gens de lettres hésitent à entreprendre des recherches
PRESQUE TOUJOURS INUTILES, et préfèrent s'en rapporter au correc-
teur, qui, par profession, est obligé de connaître imperturbable-
ment toutes les espèces de difficultés.
« Et pourquoi la plupart des recherches sont-elles infruc*
tueuses? C'est qu'un grand nombre de solutions manquent dans
ces livres, et que celles qui s'y trouvent sont rarement classées à
l'endroit même où Técrivain qui en a besoin pourrait être tenté
de les chercher. On les a semées au hasard, un peu partout, et
comme personne n'a le temps de lire en entier un volumineux dic-
tionnaire, personne ne les connaît, et chacun se fait à soi-même
sa langue, selon son caprice ou selon son goût. »
M. Hetrel s'est proposé d'apporter un remède efficace à ce grave
inconvénient. Pendant une vingtaine d'années passées à corriger
des épreuves, il a soigneusement pris note des cas douteux^ à
mesure qu'ils se présentaient dans ses lectures. Étudiant sans
cesse les dictionnaires et les grammaires, cherchant des exemples
dans les écrivains les plus célèbres et comparant entre elles les di-
verses autorités en matière d'orthographe et de langage, il s'est
enfin arrêté aux solutions qu'il publie aujourd'hui.
Le Code orthographique est divisé en six catégories :
L Difficultés GRAMMAticALEs et syntaxiques. Singulier et plu-
Hel. Conjugaison des verbes irréguliers et de certains autres.
Prononciation. Participes. Adjectifs verbaux. Inversions. Mé-
decine. Chimie. Botanique. Principales omissions de l'Académie.
Gacologie, ou omnibus de l'écriture et du langage.
ÏI. Singulier et pluriel de tous les substantifs qui prennent le
tirait d'unidn, — l'apostrophe, — de ceux qui s'écrivent en un
âeul mot, — des mots autrefois unis par le tiret qui maintenant
doivent être séparés par une espace.
itl. Accentuation. Accent aigu. Accent grave. Accent circon-
372 LA RÉFORMK ORTHOGRAPHIQUE. — A. HETREL.
tlexe. Tréma. Élision. Résumé. Mots qui ne prennent point d'ac-
cent. Mots accentués.
IV. Doubles et simples. Adverbes terminés par mment et meni:
Certains mots qui se prononcent de même, ou à peu près, dont
l'orthographe est différente. Ch se prononçant k. Mots qui prennent
deux h. H intérieure. H aspirée. Place que Vh doit occuper dans
plusieurs mots. / après deux /. L mouillées ou non. Leur pro-
nonciation. Verbes en eler et eter. Mots en otte et ote. Verbes
en otter et oter. Mots prenant Vy. Place de Vy et de iH dans
certains mots.
V. Genre embarrassant. Mots étrangers ou francisés.
VI. Majuscules et minuscules.
On voit par ce sommaire de quel intérêt doit être cet ouvrage
pour les personnes qui s'occupent, comme les écrivains soigneux
et les imprimeurs, des détails de l'orthographe. 11 pourra servir
utilement à perfectionner les dictionnaires et les grammaires.
Bernard Jullien, docteur es lettres, licencié es sciences, se-
crétaire de la Société des méthodes d'enseignement. De
l'Orthographe et des systèmes néographiques. (Cours supé-
rieur de grammaire. Paris, Hachette, 2 vol. gr. in-8, t. I,
p. 44-S2.) — Thèses de Grammaire. Paris, Hachette,
18S5, in-8 de viii-508 pp. ^pages 107-141). — Les Prin-
cipales étijmologies de la langue française. Paris, Hachette,
1862, in-12 de vni-323 pp. — De la Nécessité de quelques
réformes dans V orthographe française. (Revue de l'instruc-
tion publique, 5 mai 1864, p. 83.)
M. Jullien est auteur d'un grand nombre d'ouvrages et d'écrits
sur la grammaire justement estimés. En ce qui concerne l'ortho-
graphe, il se montre sage partisan d'une réforme modérée et pro-
gressive.
Au début de son premier article sur l'orthographe, cité ci-
dessus, il revendique pour la science d'écrire correctement son
vrai nom : orthographie. Cette demande, réitérée presque par tous
ceux qui ont écrit sur la langue française, prouve suffisamment
l'opportunité du changement en question, réclamé par la logique
et l'accord avec d'autres termes scientitiques de la même catégo-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN. 373
rie, géographie, calligraphie, typographie. Dans plusieurs traités
de grammaire on voit déjà apparaître les mots graphie et ortho-
graphie.
M. Jullien, sans partager sur tous les points les opinions des
néographes, ne méconnaît pas ce qull y a de bon dans leurs sys-
tèmes, et s'élève avec force contre tous ceux qui, à l'exemple de
Charles Nodierjugent ces questions avec prévention et légèreté.
«Nous nous rappellerons, pour nous, dit-il, que la langue
« française et son orthographe intéressent quarante millions de
« personnes, et nous ne croirons jamais que des changements
« qui s'opèrent graduellement depuis trois siècles puissent être
(( combattus par des épigrammes ou condamnés comme de
« pures folies. »
Mais, dans ce travail, M. Jullien se borne à donner un résumé
très-succinct des systèmes de Régnier des Marais, de Dangeau,
de Buffier, de Du Marsais, de Pabbé Girard, de Duclos, de Reau-
zée, dont il est fervent admirateur, de Domergue et de Marie ; et
comme'conclusion de ce chapitre, il exprime son opinion sur l'en-
semble des propositions de ces néographes. Il approuve le re-
tranchement d'une des doubles lettres non étymologiques {Du
Marsais), et même étymologiques {Duclos); la substitution des /"et
des t aux ph et th (Duclos) et le remplacement des x et des 5
comme marque du pluriel par le signe caractéristique et uni-
forme : la lettre s.
Ses idées personnelles sur la réforme de l'orthographe se trou-
vent plus développées dans un article spécial, faisant partie de
ses Thèses de grammaire. Cet article est sous forme de dialogue et
porte pour litre : La Partie de dominos, A cet égard nous prenons
la liberté d'exprimer notre regret que le récit principal soit entre-
coupé de dialogues relatifs au jeu, qui troublent Tattention et ne
peuvent intéresser personne.
Dans ce travail on remarque un passage où Fauteur oppose une
objection fort grave aux idées purement phonographiques. Le
lecteur va en juger :
« Vous voyez par là que, chez nous, c'est réellement l'écriture
qui est le principe de la prononciation correcte dans la bonne
compagnie; et cela seul vous montre combien sont réellement
ignorants du français ceux qui posent le principe contraire, qui
374 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — B. JULLIEN.
croient bonnement que les langues en sont encore au point où
elles étaient avant ^invention de l'alphabet. C'est vraiment leur
faire trop d'honneur que de discuter sérieusement leurs proposi-
tions. Mais ce qu'il y a de curieux, c'est qu'eux-mêmes ne savent
pas du tout où leur principe les mène; que, tout en niant l'action
de l'écriture, non-seulement ils ôtent ou remettent les lettres que
récriture seule nous fait prononcer dans quelques circonstances,
mais qu^encore ils séparent les uns des autres des mots ou groupes
de sons qui n'ont d'existence individuelle qu'en vertu de nos ha-
bitudes d'écrire. Pour l'oreille, les articles ne se séparent jamais
de leurs substantifs, ni les compléments placés avant le verbe, du
verbe qui les régit, ni le pronom du verbe dont il est le sujet, ni
la préposition de son complément. Il est donc ridicule, dans ce
système, de faire deux ou plusieurs mots de je dors, nous aimonsy
jusqu'à lui, qu'est-ce à dire ; il faut écrire en un seul jedor, nouzé^
mon, juskaluiy kèsadir, etc.
« Tout le monde connaît l'extrême mobilité de notre accent (1),
et, qu'en se portant toujours sur la dernière syllabe sonore des
sections de nos phrases, il coupe celles-ci en un certain nombre
de petites prolations dont notre oreille est uniquement frappée, et
dans lesquelles elle ne distingue aucunement ces divisions artifi-
cielles que nous appelons des mots, que la plume seule nous fait
sur le papier détacher les uns des autres. Cette horrible écriture
sanscrite, où tous les sons d'un discours sont écrits exactement
à la suite sans aucun intervalle, est donc le type de perfection que
nous offrait en fin de compte V Appel aux Français, quoique les
autres n'aient pas osé le dire, ou que plutôt ils ne Paient pas com-
pris : et, en admettant, si vous le voulez, l'accentuation finale des
sections de phrase comme des points naturels de séparation dans
le langage et l'écriture, les premiers vers de VArt poétique, par
exemple, devraient être représentés ainsi :
Sètanvin qôparna suntèmèrè rôteur
Pan sedelardèver zatin drelaôteur ;
et non pas comme l'auraient donné nos réformateurs {Appel aux
Français, p. 13 à 48) :
S'et an vin q'ô pâmasse un tèmèrère ôteur
Panse de Par de vers ateindre.la hôteur.
(1) L'accent oratoire. L'accent tonique dans les vers cités porte aussi sur les
roots c'est et art compris dans les groupes.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN. 375
En le divisant ainsi, ils ont certes rendu plus facile la lecture et
l'intelligence de leur transcription, mais ils ont par cela même
menti à leur principe, puisqu'ils ont introduit des divisions, exi-
gées par le dictionnaire, que la voix ni l'oreille ne reconnaissent
aucunement. »
Je donnerai plus loin Tanalyse du système de M. Jullien, qu'il
a reproduit dans d'autres écrits. Je ne toucherai ici qu'une parti-
cularité que Tauteur a eu raison d'abandonner ensuite.
M. Jullien dit « que la réforme de l'orthographe, pour être rai-
sonnable, doit comprendre deux mouvements : l'un de retour om
de recul, l'autre à'allée ou de progrès, » Ce mouvement de re-
tour consisterait à rétablir les lettres caractéristiques, radicales,
d'abord ajoutées à tort par les s*avants, et ensuite supprimées dans
un certain nombre de mots de la même famille.
En émettant cette proposition M. Jullien a pour but de conser-
ver aux mots d'une origine commune le signe caractéristique de
leur parenté. D'après ce système, il faudrait rétablir la lettre éty-
mologique s dans les verbes écrire, décrire, récrire et dans les
dérivés [écriture, écrivain, etc., pour les mettre d'accord avec ms-
crire, description, etc. ; il faudrait écrire respondre, à cause de
responsable, correspondre, etc. ; destruire, à cause de destruction ;
souspçon, souspçonner, à cause de suspect; coulpahle, à cause de
inculper, etc.
Il faut savoir gré à M. Jullien d'avoir abandonné plus tard cette
idée. Autrement il aurait fallu renchérir sur l'orthographe de la
première édition du Dictionnaire de l'Académie et écrire : eschelle, à
cause de escalier, escalader; arrest, à cause de arrestation; escole, à
cause de scolaire, scolastique ', contract, à cause de contracter, etc.
Il serait difficile de démontrer les avantages de ce recul, tandis
que les désavantages en sont évidents. Le perfectionnement d'une
orthographe doit avoir pour but la représentation fidèle de la
bonne prononciation , consacrée par l'usage , tout en tenant
compte des terminaisons grammaticales et des signes de gram-
maire ; par conséquent son rôle est de supprimer les lettres inu-
tiles, muettes, si toutefois leur retranchement n'apporte pas une
confusion nuisible, en empêchant de reconnaître la véritable si-
gnification des mots, comme si, par exemple, on écrivait les cors
au lieu de les corps. M. Jullien, qui dit que notre orthographe
intéresse quarante millions de personnes, paraît oublier que les
370 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — B. JULLTEIN'.
lettrés n'en composent qu'une faible partie, et pourtant il est évi-
dent qu'il faudrait avoir étudié l'histoire de notre langue et être
latiniste consommé pour savoir écrire d'après ce système, heureu-
sement tombé en désuétude depuis 1740. Nos paysans, nos ou-
vriers, connaissent le mot école^ mais il y en a qui ignorent même
l'existence des mots scolaire et scolasfique; il en est de même
pour écrire et proscrire y prescrire^ etc. ; la multitude serait donc
exposée à écrire mal, et pourtant récriture correcte ne doit pas
être le monopole d^une minorité. Pour ceux qui se soucient de la
parenté des mots, je ne vois pas de difficulté, et ils ne seront pas
embarrassés pour reconnaître que décrire et description ont une
origine commune , bien que formés dans des conditions diffé-
rentes.
Mais outre le trouble dans la rhémoire qui résulterait de cette
introduction de lettres inutiles, il y a une autre question plus
grave encore : c'est celle de la prononciation. M. Julli^n ne
se dissimule pas que cette orthographe amènerait avec le temps
à prononcer ces lettres radicales ; on prononcerait donc escrire^
coulpahle, contracta etc. Or, la formation des mots obéit à une
autre loi que celle de la conservation servile des lettres caracté-
ristiques; elle est soumise aux exigences de l'euphonie, a l'har-
monie de sons propre à chaque langue. Ainsi l'on peut constater
que Vou ne souffre pas la lettre / suivie d'une ou plusieurs con-
sonnes , tandis que cette agglomération peut avoir lieu après
Vu ; c'est pourquoi on a coupable et inculper ^ soufre et sulfureux^
voûte et évolution^ etc. Le et sonnerait mal à la fin du mot contracta
mais la voyelle suivante en facilite la prononciation dans le verbe
contracter. Il serait peu harmonieux de prononcer à la lettre le
mot souspçon où se heurtent trois consonnes de suite. Dans le vieux
français on écrivait et sans doute on prononçait souspeçon (voir le
tableau, page 112), mais dès l'instant qu'obéissant au génie ab-
bréviatif de notre langue la voyelle e tomba, elle entraîna forcé-
ment dans sa chute la lettres pour rendre la prononciation plus
douce. Notre langue actuelle se compose, comme on sait, de deux
couches de mots dont la démarcation est très-sensible ; il serait
téméraire de vouloir ramener les mots éclos sous l'influence du
génie national, comme écrire^ soupçon, à revêtir l'uniforme des
mots calqués par les savants sur le latin, tels que scribe, proscrip-
tion, suspect, suspicion. Or l'introduction des radicales muettes
ne suffirait même pas, il faudrait encore changer très-souvent les
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ~ B. JULLIEN. 377
voyelles qui les précèdent, et par conséquent dénaturer les vo-
cables. Il faudrait donc, sacrifiant les mots vraiment français aux
mots forgés par les savants, accueillir : culpable, suspçon, sut-
fre, etc. Cette unification arbitraire dénaturerait à la fin l'essence
même de la langue.
Son traité des Principales étymologies de la langue française
est un dictionnaire des racines qui entrent dans la composition
des mots de notre langue, précédé dune étude de la formation
des vocables. Ce travail intéressant, devenu utile depuis que l'on
a renoncé aux dictionnaires disposés par racines, jette quelque
lumière sur plus d'une question orthographique. Nous en ex-
trayons un passage relatif aux doubles consonnes , du moins à
celles qui n'ont aucune raison de subsister dorénavant dans notre
langue :
« Les consonnes ont été doublées, surtout quand il s'est agi d?s
nasales ou des dentales, par des raisons tout à fait étrangères à
l'étymologie proprement dite, et qui n'ont pas moins contribué à
rendre la formation des mots irrégulière en apparence. Ainsi
homme, femme, avec deux m, viennent de homo et de femina, qui
n'en ont qu'une; bona a formé bonne, donare, donner, et chris-
tiana, chrétienne, si l'on n'aime mieux tirer ce dernier du mascu-
lin chrétien. La raison de tout cela, c'est que les syllabes dont il
s'agit étaient nasales en latin ou du moins ont été prononcées na-
sales chez nous pendant la formation de notre langue ; et c'est
pour conserver dans l'écriture la nasalité entendue qu'on a écrit
homme, femme, donner, chrétienne. C'est qu'alors on prononçait
un hon-me, une fan-me, don-né, chrétiain-ne, etc. Aujourd'hui
que nous prononçons avec les voyelles orales et ouvertes ho-me,
fa-me, do-né, crétiè-ne, etc., nous nous étonnons à bon droit
d'une orthographe qui contrarie également l'étymologie et notre
prononciation.
« D'autres consonnes ont été doublées ou dédoublées par des
raisons qu'on peut nommer d'épellaiion, parce que les règles
données à cet égard viennent de la manière dont nous épelons
les lettres pour les assembler dans les syllabes. Je prends pour
exemple le verbe appeler, tiré du latin appellare; il n'a qu'une
seule /, tandis que le latin en a deux ; au présent de l'indicatif
il reprend les deux //, Rappelle, comme l'indique le latin ap-
pello ; mais il en perd une de nouveau au pluriel , nous appe-
lons. Tout le monde comprend d'où vient cette marche singu-
378 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - R. JULLIEN.
lière. Quand la dernière syllabe est sonore , la pénultième est
muette ; et alors Ve ne doit être suivi que d'une consonne. Au
contraire, quand la dernière est muette, la pénultième est so-
nore; et Fon sait qu'un moyen fort ancien chez nous de marquer
Ve ouvert, a été de doubler la consonne suivante, surtout h l'é-
poque où les accents étaient inusités, c'est-à-dire jusqu'à la fin du
dix-septième siècle. C'est pour cela qu'on écrit j'appelle^ eifap-
pelleraif et d'un autre côté appelant et f appelais. L'orthographe
latine n'a eu sur ce changement qu'une très-faible influence, puis-
que nous avons quelquefois mis deux consonnes où il n'y en avait
qu'une en latin, comme dans cruelle, venu de crudelis, 7nuette
venu de muta, fidèle même, qu'on écrivait fidelle au temps de
Louis XIV, quoiqu'il fût venu directement de fidelis, où il n'y a
jamais eu qu'une seule l (i).»
Les considérations émises par M. JuUien dans la Revue de l'Ins-
truction publique ont trop d'importance pour ne pas être repro-
duites intégralement.
Questions universitaires. — De la nécessité de quelques réformes
dans l'orthographe française.
« Par un arrêté royal en date du 25 janvier dernier, le roi des
Belges a nommé une commission qui doit s'occuper de ramener à
l'uniformité l'orthographe de la langue flamande. Cet arrêté, pris
en lui-même, n'intéresse que ceux qui parlent ou écrivent le fla-
mand ; il ne nous occuperait donc pas s'il n'était précédé d'un rap-
port du ministre de l'intérieur, dont quelques considérants s'ap-
pliquent d'une manière toute spéciale à la langue française et
méritent ainsi l'attention des hommes sérieux de tous les pays.
« Je transcris ces lignes importantes :
" En vous faisant cette proposition, Sire, mon intention n'est nullement d'im-
<( poser une orthographe officielle, mais il importe qu'il y ait accord entre le
« système orthographique enseigné dans les établissements de l'État, et le sys-
« tème adopté par les philologues et les hommes de lettres qui sont les seuls
'i juges compétents de la matière. La commission dont j'ai l'honneur de proposer
« l'institution aura donc à continuer l'œuvre commencée en 1836 et à recher-
« cher les moyens d'arriver à l'unité désirable. Le gouvernement, après avoir
« pris connaissance de son travail, et tout en respectant la liberté individuelle,
(1) Voir p. 403, la manière dont la Bruyère orthographie ce mot.'
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — B. JULLIEN. 379
c pourra adopter et préconiser, dans les limites de ses attributions, les règles
.. établies par la commission. L'autorité morale de cette commission suffira, j'en
« ai la conviction, pour rallier les opinions les plus divergentes et ramener à
<( un système uniforme tous ceux qui s'occupent de la culture des lettres
K flamandes. »
a Mettez françaises à la place de ce dernier mot, et les principes
qui ne touchent dans la proposition belge qu'à un petit peuple et
à un petit coin de terre, vont s'adresser au monde entier. Ils inté-
resseront surtout les Français, dont l'écriture est tellement irré-
gulière qu'il n'y a pas de règle pour un tiers peut-être de leurs
mots; ou que les règles, si l'on consent à prendre pour régulateur
le Dictionnaire de TAcadémie, sont tellement capricieuses qu'il n'y
a pas un homme au monde qui les puisse posséder.
a Ajoutez qu'à l'entrée de toutes les carrières, et surtout des car-
rières administratives, des devoirs sont dictés aux aspirants pour s'as-
surer de la connaissance qu'ils ont de Forthographe de leur langue;
qu'il n'y a pas pour eux d'autre moyen de se tirer d'affaire que de
connaître par Fusage ou de savoir par cœur les mots qui leur sont
donnés ; et que si quelqu'un s'amusait à faire entrer dans la dictée
des mots choisis exprès parmi les inusités, les juges ne seraient
pas plus capables de corriger les copies que les concurrents de les
écrire sans faute.
« Cette assertion peut sembler exagérée à ceux qui n'ont pas
étudié de près la question. Elle n'est que rigoureusement vraie.
On connaît l'ouvrage intitulé : Remarques sur le Dictionnaire de
l'Académie, où feu Pautex relevait les contradictions et erreurs
matérielles qui fourmillent dans cet ouvrage. M. Littré, dans son
Dictionnaire de la langue française, signale atout moment à l'Aca-
démie des contradictions formelles dans l'écriture des mots dérivés
ou composés des mêmes éléments. On peut surtout reconnaître
l'étendue du mal dans le volume de M. Blanc intitulé : Enseigne-
ment méthodique de l'orthographe d'usage sans le secours du grec
et du latin. Cet auteur prend pour base de son travail le Diction-
naire de FAcadémie; il n'a aucun désir de le critiquer ; mais à pro-
pos des diverses catégories de mots qu'il établit pour en favoriser
Fétude mnémonique, licite les exceptions; et celles-ci sont si nom-
breuses qu'on ne saurait quelquefois dire où est la règle. J'en citerai
deux ou trois exemples, car cela vaut mieux pour convaincre les
lecteurs que des assertions générales comme celles que je viens
d'écrire. Parmi les substantifs en ment tirés des verbes en ier ou
380 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. — B. JULLIEN.
yer (p. 102), il y en a seize qu'on peut écrire avec ou sans e intérieur :
aboiement et abome?it, etc. ; il y en a vingt et un où Ve reste tou-
jours : balbutiement, etc. ; il y en a quatre où Ve reste, mais pré-
cédé de Vy : délayement, etc.; il y en a trois enfin où Ve ne doit
pas paraître : châtiment, dénûment, éternument. Remarquez même
que, de ces trois, le second prend l'accent circonflexe que les deux
autres rejettent. Parmi les verbes en oter, qui sont au nombre de
quatre-vingt-quatre, soixante et un seulement ont un t simple;
les vingt-trois autres le doublent sans qu'aucun changement dans
le son ni aucune raison étymologique justifient ce changementd'or-
thographe.
« Je voudrais trouver une liste des verbes en eter et eler (1). Je
ne sais pas précisément combien nous en avons, mais il y en au-
rait deux ou trois cents que je n'en serais pas surpris. Or ces verbes
présentent cette particularité, que partout où la dernière syllabe
est muette, Ve qui la précède doit devenir ouvert. Cet è ouvert se
marque soit par un accent grave comme dans geler, ]Q gèle, acheter,
l'achète', soit en doublant la consonne intermédiaire : appeler ,
y appelle, jeter, Rejette; et chacun voit déjà combien il est difficile
de se rappeler, sans aucune raison déterminante, le choix qu'il
faut faire entre ces deux orthographes. Mais il y a plus; pour un
grand nombre de ces verbes, TAcadémie ne donne pas d'exemple
où le dernier e soit muet, de sorte que l'écrivain restant libre de
choisir entre les deux méthodes, le juge, à son tour, est libre de le
condamner, quelque voie qu'il ait suivie.
« Sans doute, selon l'expression du ministre belge : « il n'est
pas du tout ici question d'imposer une orthographe ofticielle, h cha-
cun reste libre d'écrire comme il lui plaira, à la seule condition
de passer pour un ignorant si son écriture s'écarte trop des ha-
bitudes reçues : mais, dans un pays comme la France, où l'admi-
nistration étend ses branches jusqu'aux plus extrêmes limites, où
les écritures jouent un rôle si étendu, selon quelques-uns môme
si exagéré, au moins serait-il bon que notre orthographe courante
fût soumise à un système régulier, et ne dépendît pas unique-
ment du caprice de quelques académiciens, si ce n'est plutôt,
comme on Pa dit avec raison, de celui des correcteurs de Tim-
primerie où le dictionnaire est mis sous presse.
« Notez que ce dont il s'agit ici s'est déjà fait ailleurs. L'Italie
(1) Voir le Code orthographique de M. Hetrel, p. 219 et 224.
b
LA REFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEK. 381
a un système d'orthographe qui ne laisse à peu près aucune iiésita-
tion à qui entend prononcer un mot; l'Académie espagnole a fait
le môme travail sur sa langue. Tout le monde reconnaît aujour-
d'hui l'immense avantage de ce changement à l'ancienne coutume :
en a-t-on pu montrer un seul inconvénient, si petit qu'il fût? Non,
il en serait d'un système régulier d'orthographe comme de notre
système métrique, comme des billets de banque de cent francs
et des coupures inférieures qu'on va nous donner. Avant l'es-
sai, il se trouve quantité de gens pour s'effrayer des malheurs
que ces créations vont amener; et Ton s'étonne quand elles sont
accomplies qu'elles n'aient fait que du bien et que personne n'ait
songé à s'en plaindre.
« Je sais que chez nous toutes les fois qu'il est question d'une
réforme orthographique, on se figure une tentative comme celle
qui fut faite en 1829, sous la direction de M. Marie, par une frac-
tion de la Société grammaticale de Paris. Cette écriture, dont les
modèles se trouvent dans le petit volume intitulé Appel aux Fran-
çais^ fut reproduite alors dans tous les journaux, et la proposition
succomba bientôt et justement sous le ridicule, parce que c'était,
non pas une réforme, mais un renversement total de notre manière
d'écrire.
« Une réforme est tout autre chose. Elle se compose de modi-
fications, fort peu sensibles quand on les prend une à une, et
qui toutes ensemble produisent pourtant une différence notable.
J'ouvre la grammaire de Régnier des Marais, imprimée en 1706,
mais qui représente l'orthographe du dix-septième siècle: je trouve
en quelques lignes auroit\ que nous écrivons aujourd'hui aurait \
celuy, et nous mettons celui; receu où nous mettons reçu; desja, où
nous mettons déjà; esté, pour été ; cy-dessus^ i^our ci-dessus, etc. (1).
Tous ces mots ont subi la réforme : y a-t-il quelqu'un qui le re-
grette aujourd'hui ? Et qu'on se garde bien de croire que cette ré-
forme se soit arrêtée depuis ; elle a continué sa marche insensible,
mais constante. Au commencement de ce siècle, on écrivait ap-
percevoir, agyréger,\esenfms; nous écrivons apercevoir, agréger,
les enfants, etc. Et dans vingt ans, sans doute, on écrira beaucoup
de mots autrement que nous ne le faisons.
c( 11 ne faut donc pas croire qu'une réforme soit toujours une
révolution, ni la condamner par cela seul. Cette façon de se jeter
(1) Voir plus liairt, p. 256.
382 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN.
dans les extrêmes empêche d'apprécier avec équité les proposi-
tions nouvelles et de comprendre ce qu'elles ont d'avantageux.
En fait, ceux qui ont voulu maintenir envers et contre tous ré-
criture ancienne comme le faisait Régnier des Marais à la fin du
dix-septième siècle, et ceux qui ont voulu la sacrifier entièrement
à la prononciation, comme au seizième siècle Ramus, Meigret,
Pelletier, comme Domergue en i805 dans son Manuel des étran-
gers amateurs de la langue française, ou en 1829 les auteurs de
V Appel aux Français^ ne devaient avoir et n'ont eu aucun succès.
Ces derniers faisaient rire à leurs dépens, et avec raison, parce
qu'ils écrivaient un jargon qu'on ne pouvait comprendre ; ceux-là
dans le temps même qu'ils soutenaient le z comme marque du
pluriel après les e fermés, les beautez, les trépassez, ou la distinc*
tion nominale de 1'?' voyelle et de 1'/ consonne, de Vu voyelle et
de Vu consonne, voyaient s'introduire d'une part lej et le v qui
supprimaient leur distinction, de l'autre les accents qui permet-
taient d'écrire avec une 5 les beautés, les trépassés.
(( Mais si les uns et les autres se perdaient dans des propositions
insensées et impraticables, les grammairiens philosophes deman-
daient tout simplement que les changements inévitables de notre
orthographe fussent dirigés par des règles fondées sur la raison,
au lieu d'être abandonnés aux caprices de l'usage. DuMarsais pro-
posait de dédoubler les consonnes doubles quand elles ne se pro-
nonçaient pas et qu'elles contrariaient Tétymologie. 11 écrivait
home, de homo, doner, de donare, persone, de persona, et de même
anciène, naturèle, d'après les masculins.
« Duclos allait un peu plus loin que Du Marsais. Il retranchait
une des consonnes doublées quand elle ne se prononçait pas,
quelle que fût l'étymologie. Il écrivait donc ocasion, comun^
corigtry malgré le latin occasio, communis, corrigerez et cette
suppression n'a rien qui doive effrayer : car l'étymologie est suf-
fisamment indiquée par une seule consonne, d'autant plus que,
dans les composés surtout, la première n'est pas une lettre radi-
cale, mais unfe lettre changée le plus souvent par euphonie. Dans
occasio^ oc est pour oh ; dans corrigerez cor est pour cum; et ainsi
le double c, le double r, nous représentent non pas une étymologiè
téelle, mais une habitude reçue chez les Latins, qui n'a jamais
existé chez nous, et que^ par conséquent, nous n'avons aucune rai-
son de maintenir.
« Il en est de même des nasales doublées au féminin de nos ad-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN. 383
jectifs ou dans nos verbes, comme bon, bonne, ancien, ancienne,
don, donner, qui représentaient autrefois une prononciation nasale,
laquelle subsiste encore chez quelques vieillards, chez ceux surtout
qui ont vécu longtemps dans la province. Bonne, ancienne et tous
les autres féminins analogues, se prononçaient comme le masculin
suivi de la négation ne, bon ne, ancien ne ; et c'était pour peindre
ce son nasal qu'on avait doublé Vn, Donner se prononçait de même
don né; homme, on me; femme, fan me. Dans nos adverbes en
mment, savamment, prudemment, le son du masculin était aussi
conservé; on entendait savant ment, prudent ment, comme gram-
maire se prononçait grand'inère, ainsi que le montre le mot de
Martine dans les Femmes savantes. Dans ces conditions, le dou-
blement de Vn ou de Vm était rationnel; il est déraisonnable au-
jourd'hui que nous avons renoncé à cette prononciation nasale
si multipliée dans notre ancienne langue; et puisque nous di-
sons bone, anciène, savament, prudament , ne serait-il pas conve-
nable de supprimer le signe d'urie nasalité qui existait autrefois,
qui n'est plus aujourd'hui et ne se rattache d'ailleurs à rien du
tout?
c( Duclos substituait encore des fei des t simples aux ph et th.
Il écrivait fantaisie, fantôme, frénésie, trône, trésor, au lieu de
phantaisie, phantôme,phrénésie, thrône, thrésor. Ces changements
sont maintenant adoptés partout ; et il faut bien reconnaître que
personne ne s'en plaint. L'usage a résisté pour philosophie, phy-
sique, diphthongue et beaucoup d'autres. Mais les exemples précé-
dents font facilement prévoir un temps où l'on étendra Pemploi
des mêmes signes à toutes les choses semblableSà
« Les terminaisons en ant eient sont très-communes chez nous;
elles ont avec le même son la même signification. Aussi Dangeau
avait-il pris le parti de les écrire sans exception par ant; et j'avoue
que quand Ve n'est pas une lettre radicale, je ne vois aucune raison
pour le préférer à Va. Ainsi tous nos participes présents s'écri-
vent par a, qu'ils viennent de participes latins en ans ou en ens^
Scribeîis nous a donné écrivant, comme amans nous a donné ai-
mant, eipr3esidens,présidant.U.3i\si^our ce dernier et une quaran-
taine d'autres, il faut bien distinguer : le mot est-il participe ? est-il
substantif? est-il simple adjectif? Le sens fondamental est toujours
le mêmej l'orthographe diffère. Dans le premier cas seulement on
met un a, dans les autres c'est un e. Ainsi un sénateur présidant
une assemblée en est par cela même le président : mais il faut
384 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEJN.
écrire ce même moi de deux manières ; comme des ruisseaux af-
fluant dans une rivière^ el qui en sont les affluents. Je serais bien
obligé à qui me donnerait une bonne raison de cette irrégularité
gratuite. Du moins, dira-t-on, absurde ou sensée, cette règle est
générale. Non pas du tout : gérant est le participe de gérer ; ré-
pondant celui de répondre; et quand vous prenez ces mots subs-
tantivement, vous les écrivez de même, un gérant , un répon-
dant, etc., quoiqu'ils se rattachent comme les précédents à des
participes latins en ens, gerens, respondens. Rien n'y manque donc;
la règle en elle-même est insensée comme celle qui nous fait
indiquer certains pluriels par Yx au lieu de Vs ; quelle qu'elle soit,
on a trouvé le moyen d'y mettre des exceptions^ sans autre résultat
que d'augmenter la difficulté de l'étude.
(( Beauzée, qui fut comme Duclos de TAcadémie française et qui
voulait aussi introduire dans notre orthographe des réformes uti-
les, mettait au premier rang pour cet objet le juste emploi des
signes orthographiques, c'est-à-dire des accents, de l'apostrophe,
du tréma, de la cédille, du trait d^union. Il ne s'agissait pour
lui que d^en étendre et d'en régulariser l'usage; et il a donné
un exemple aussi utile qu'ingénieux de l'emploi qu'on en pou-
vait faire, quand il a proposé de mettre une cédille sous le t, pro-
noncé comme Vs, dans minutie, portion, ambitieux, etc. N'est-il
pas, en effet, un peu honteux pour notre écriture que nous ayons
tant de mots qui s'écrivent de même et se prononcent différem-
ment? des inventions et nous inventions; un négligent et \h négli-
gent; tu as et un an; arguer, tirer un argument, et arguer , terme
de tireur d'or, faire passer l'or et l'argent dans Targue. Et chose
curieuse ! nous n'avons par- devers nous aucun moyen de les faire
distinguer. Un signe orthographique mis à propos suffirait souvent
à dissiper toute indécision ; et il était impossible d'en trouver un
plus convenable pour indiquer le son sifflant dans le t, que celui
qui indique le même son dans le c.
« Beauzée, à l'aide du même signe, résolvait une autre difficulté
de notre orthographe. Le son chuintant de chat, cher, chien, etc.,
s'exprime chez nous par le digramme ch. Ce digramme, à son tour,
représente-t-il toujours le son chuintant fort? Hélas! non: archange,
Chersonnèse, chirographaire, archiépiscopal, chrétien, chlamide, Ba-
ruch, Munich, etc., doivent être prononcés comme s'il y avait un k :
arkange,Kersonnèse,kirographaire, etc.Beauzée proposait donc de
conserver le ch ordinaire pour ce dernier cas ; et puisque le son
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN. 385
chuintant est une espèce de son sifflant^ de le marquer avec un c
CL'dille : chat, cher, chien.
« Quoi qu'il en soit, les règles de Du Marsais et de Duclos et le
bon emploi des signes orthographiques recommandé par Beauzée
seront nécessairement la base de toute réforme rationnelle, c'est-
à-dire où l'on voudra conserver dans récriture les analogies d'i-
dées indiquées par les lettres semblables dans les familles des
mots, et en même temps se rapprocher de la prononciation, comme
on a toujours cherché à le faire.
« Il serait bien à désirer que l'Académie française se fût dès
longtemps occupée de cette partie importante de ses attributions.
Malheureusement elle s'est bornée à recueillir les faits ou, comme
elle le dit, à constater Fusage, sans même examiner toujours
si cet usage était bon. D'un autre côté, quoiqu'elle ait eu dans
son sein la plupart de nos bons grammairiens, Régnier des Marais,
Dangeau, Girard, Duclos^ Condillac, Beauzée, de Tracy, Silvestre
de Sacy et même Domergue, si on peut le compter, les questions
purement grammaticales l'ont fort peu intéressée; et c'est à cela
qu'on doit en partie les fautes considérables qu'elle a laissé sub-
sister dans son livre, et que M. Littré, dans le sien, a trop souvent
l'occasion de relever.
« Pour en citer quelques exemples (car les lecteurs de cette Re-
vue savent combien je déteste les lieux communs et les accusations
générales sans preuves à l'appui), si l'Académie eût obéi aux inspi-
rations de la science, aurait-elle toléré des mots aussi mal écrits que
dessiller, qui vient de cil et devait, par conséquent, s'écrire décillerl
que forcené, qui semble ici venir de force, tandis qu'il est fait de
fors et de sens (hors de sens), et devait, par conséquent, s'écrire
for séné (1)? que contraindre, qui comme astreindre, étreindre,
restreindre, vient du latin stringere ou de son composé, et devait,
comme tous les autres mots de la même famille, s'écrire par un
e et non par un a ? qu'enfreindre qui devait au contraire s'écrire
par un a, puisqu'il se rattache à frangere et que dans toute sa fa-
mille on voit cet a reparaître, fraction, infraction, effraction^
diffraction, réfraction, frange, réfrangihlel
« L'Académie française, prise en corps, n'offre donc aucune
garantie quant à la bonne écriture des mots ; mais une commission
(1) En 1420 Firmin le Ver écrit dans son Dictionnaire aux mots AmeiNtia :
Forsenerie ; Amens : Hors de sens ; Furialiter : Forseneement.
380 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIKN.
dans le genre de celle qu'a établie le roi des Belges, dans laquelle
entreraient naturellement d'ailleurs tous les académiciens qui
s'occupent du Dictionnaire, en compagnie avec d'autres savants qui,
comme M. Le Clerc, M. Littré, M. Ampère, aujourd'hui si regretté,
se sont profondément occupés de la langue française, proposerait
certainement un système rationnel, dont le résultat immédiat serait
de faire écrire correctement tous ceux qui sauraient la grammaire,
et subsidiairement de maintenir la langue dans sa pureté par l'in-
fluence réciproque de l'écriture et de la prononciation.
« J'ai entre les mains des ouvrages d'hommes qui enseignent le
français à l'étranger : il est facile de voir que leur prononciation
n'est pas du tout celle du français de notre époque; et comment
le serait-elle? ils n'ont pour se guider, en dehors de l'usage et de
la conversation qui leur manquent, qu'une écriture fautive, char-
gée de lettres parasites qu'ils croient devoir être prononcées et qui
sont en effet muettes. C'est là le défaut qu'un bon système d'or-
thographe devrait faire disparaître. Sans doute il ne donnerait pas,
soit aux étrangers, soit aux provinciaux, la prononciation si déli-
cate et si douce de la bonne compagnie française ; mais en con-
servant soigneusement toutes les lettres caractéristiques de l'éty-
mologie ou des familles des mots et celles qui indiquent leurs
relations grammaticales, il écarterait les signes qui ne signifient
rien ou signifient le contraire de ce qu'ils devraient indiquer. De
là ce double avantage, que la prononciation serait représentée
exactement sinon dans ses finesses, au moins dans son ensemble,
et que les changements que le temps y introduit sans cesse et qui
altèrent la langue malgré nous, seraient sensiblement ralentis une
fois qu'on aurait dans les livres imprimés un type partout accepté
de la prononciation normale. »
En rendant compte de mon premier écrit sur l'orthographe (1),
M. JuUien a résumé les idées qu'il a développées dans ses divers
écrits. Voici article par article les points qu'il a touchés :
I. Il déclare en principe qu'il est impossible de figurer exacte-
ment la prononciation avec notre alphabet incomplet et que, du
reste, il faut respecter l'étymologie.
Je ne crois pas possible de rien changer à notre système alpha-
bétique ; il faut se borner à tirer le meilleur parti de ce que nous
avons.
(1) Revue de V Instruction publique, 12 et 19 mars 1868, nos 50 et ôl.
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN. 387
H. M. Jullien ne partage pas l'avis des néographes d'écrire de la
manière suivante les mots pindre, pintre, pinture, astrindre, res-
trindre, findre (J), etc., à cause des participes présents et leurs
dérivés, où le son in se change en ei. Cependant, les partisans de
l'écriture étymologique devraient désirer cette modification qui
rapprocherait davantage ces mots de leurs primitifs latins. Je crois
qu'il n'y aurait pas d'inconvénient d'adopter l'orthographe con-
forme à la prononciation, d'autant qu'elle s'accorderait avec l'é-
tymologie et les dérivés, comme astriction, astringent^ restriction,
fiction y fictif , etc. Cette raison me paraît préférable au désir de
maintenir la concordance avec quelques formes parfois irrégu*
Hères dans leurs terminaisons, comme les adjectifs verbaux com-
parés aux participes présents et aux temps des verbes. Or, on sait
que la permutation des sons se présente assez fréquemment. On
écrit faire et je ferai, voir et je verrai^ boire et buvons, venir et
viendrons, je crois et nous croyons, joindre ei jonction (2), et on
emploie pour chaque son le signe qui lui est propre : on pourrait
donc écrire Je pins, et 7ious peignons, je fi.7is et nous feignons. Du
reste, ce n'est qu'une affaire de convention. Si Pon persistait à
conserver partout la voyelle e, on devrait la mettre alors dans les
adjectifs et les substantifs correspondants et écrire exteinction,
astreingent, exteinguible. D'un autre côté, puisqu'on écrit con-
traindre, craindre, plaindre (il faudrait y ajouter encore en-
fraindre, venu, de frangere), on pourrait aussi régler l'orthographe
de ces verbes en substituant partout ain à ein et in et écrire uni-
formément paindre , painture , astraindre , faindre, joaindre, ad^
joaindre comme le fait Firmin Le Ver dans son Dictionnaire
latin- français, sans aucune exception.
m. M. iuUien juge trop sévèrement ma proposition relative à
la distinction du g dur d'avec le g devant les voyelles e et i. 11 en
avait émis une, moins pratique, à mon avis. Il propose de suppri-
mer la boucle supérieure du g romain (g) chaque fois que cette
consonne doit conserver le son dur. Or, cette boucle est trop peu
apparente pour bien distinguer l'une des formes du g, et comme
elle se casse facilement sous presse, il en résulterait de fré-
quentes confusions.
M. Jullien a exprimé le désir de voir étendre l'emploi de la cé-
(1) C'est l'orthographe qu'a réguUèreraent suivie Jacques Dubois (Sylvius).
(2) Pourquoi donc, en vue d'une régularité chimérique, n'écrit-on pas joinc-
tion, où Vi resterait muet comme il l'est dans poignard, empoigner, oignon?
388 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLIEN.
dille sous le c à tous les cas où cette dernière a le son chuintant,
et par conséquent devant les voyelles e, i, y; mais, par une sin-
gulière contradiction, il trouve que la présence de Ve muet après
le g indique suffisamment que cette consonne s'écarte de la pro-
nonciation ordinaire, sans tenir compte que cet e muet joue le
même rôle après le c. Pourquoi donc a-t-on préféré d'écrire com-
mençons, au lieu de commenceons, si ce n'est pour simplifier l'or-
thographe, et, par conséquent, pourquoi ne chercherait-on pas à
éliminer le même e euphonique après le ^? La cédille ne pou-
vant pas être appliquée à une lettre à jambage inférieur, il faut
recourir à un autre moyen, et je pense que le g italique, proposé
par moi dans la première édition de cet ouvrage n'est pas une
nouvelle figure, comme le qualifie M. Jullien, et qu'il serait tou-
jours préférable à son g sans boucle. D'ailleurs, pour établir une
distinction plus apparente encore, surtout pour le manuscrit,
je me range définitivement à l'opinion de de Wailly et je propose
le^ ordinaire surmonté d'un point, ^*dont l'aspect rappelle le 7.
IV et XVII. Je ne saurais approuver la proposition de M. Jullien
de mettre une cédille sous le c dans le digramme ck pour distin-
guer ainsi le son français du ch, c'est-à-dire le son chuintant dans
les mots cheval, chariot, au lieu de cheval, chariot en opposition
aux mots archiépiscopal, chronologie, etc.
Pour remédier à ces irrégularités, j'ai indiqué (p. 35 à 38) un
système très-simple, appuyé sur les modifications déjà accomplies.
Il consiste à ranger le petit nombre de ces mots les uns dans la
série des mots comme caractère, carte, écrits autrefois charactère
et charte, les autres dans la série ch, en adoptant pour ce digramme
la prononciation française : on continuerait donc à écrire archié-
piscopal, mais on le prononcerait comme archidiacre. De cette
manière toute difficulté disparaîtrait.
La préoccupation constante de M. JuUien est de conserver Fideu-
tité graphique avec le radical à tous les mots de la même famille ;
c'est pourquoi il trouve qu'il vaudrait mieux écrire monarchie, mo-
narche, au lieu de monarchie, monarque. Il soutient avec raison que
l'écriture concourt à fixer la prononciation, mais il ne faut pas en-
tendre, par ce mot fixer, la consécration d'une prononciation vi-
cieuse qui n'est pas justifiée par les lois de Peuphonie française.
Rien ne s'opposerait à prononcer chirographe, archétype, comme
on prononce chirurgien, archiduc, d'autant plus que les mots de
cette catégorie sont d'un usage restreint, et que quelques-uns
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - B. JULLïEN. 389
d'entre eux sont déjà prononcés à la française. Si, d'un autre côté,
le changement de la prononciation élait contraire à Peuphonie,
comme celle de monarquique au lieu de monarchique, tacliquien
au lieu de tacticien, pourquoi alors ne pas conformer récriture à
la prononciation? Pourquoi, en vue d'une régularité superficielle,
compliquer les difficultés inévitables de la lexicographie? Et remar-
quons encore que cette soi-disant régularité ne pourrait pas s'é-
tendre à toutes les familles de notre langue; elle ne serait donc que
partielle. La permutation des consonnes est commune à toutes les
langues, et elle est très-logique. Nous prononçons mécanique et
mécanicien, car mécaniquien est impossible ; devrions-nous pour-
tant écrire mécaniche pour conserver le c radical? La complète
identité du dérivé avec le radical étant souvent impossible dans
la prononciation, il ne semble pas rationnel de la désirer dans
l'écriture.
V. L'opinion de M. Jullien sur l'emploi du tréma est très-juste,
mais seulement pour un nombre restreint de cas, comme dans les
mots arguer pour le distinguer de arguer; Guïse en opposition à
guise, etc. Quant aux mots équitatio?i, équestre, quiétude en op-
position à inquiétude, anguille en opposition à aiguille, c'est leur
prononciation plutôt que leur orthographe qui devrait être régula-
risée, et je crois qu'avec le temps l'usage en fera justice, d'autant
que la tendance de prononcer qu comme k et ui comme i se
manifeste de plus en plus. La présence du tréma ne serait qu'un
obstacle à une régularisation progressive.
Il en est de même pour les noms propres venus de l'hébreu et
terminés en am, comme Adam, Abraham, Balaam, etc., dont la
finale est, par une singulière bizarrerie, nasale dans Adam et so-
nore dans Abraham. L^usage en rendra la prononciation uniforme.
VI. M. Jullien propose d'introduire le trait d'union dans les
mots de-sus, de-sous, di-syllahe, dys-entérie. Cette opinion, tout en
étant logique et conforme à la prononciation, me paraît difficile à
être mise en pratique, vu la tendance générale de toutes les langues
à réunir en un seul les mots composés, ce qui évite la difficulté de
les écrire au pluriel.
VIL La différence qu'il établit dans la prononciation de la di-
phthongue ai dans je bois et du bois, etc., me paraît trop faible
pour nécessiter l'accent dans je b&is et autres mots semblables.
VIIL La substitution de l'accent grave à l'accent circonflexe dans
les mots extrême, thème, suprême ne me semble pas indispensable.
390 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ~ B. JULLTEN,
L'accent circonflexe suffit très-bien à la fonction de marquer les
voyelles à la fois longues et toniques.
IX. L'addition d'une apostrophe placée devant Vh quand elle
n'est pas aspirée serait une innovation utile, mais il serait préfé-
rable de supprimer cette h du moment où elle n'indique aucune
aspiration : c'est ainsi que Corneille écrit alte, où nous avons au-
jourd'hui une forte aspiration, et que le mot aleine, du latin hali-
tus, est écrit dans le manuscrit de Le Ver.
X et XI. Il blâme avec raison les phonographes qui voudraient
voir les mots bateau, chapeau, écrits comme zéro, et il fait obser-
ver que l'écriture correcte de dessiller et forcené est déciller, for-
séné {fors ou hors de sens),
XII. M. Jullien pense comme moi que la difficulté de distinguer
les désinences en ant et en ent devrait engager à adopter la forme
ant pour tous les participes, adjectifs et substantifs verbaux.
«C'est, dit-il, un labyrinthe perpétuel où il est impossible de
trouver un fil pour se guider. »
XIII. Il voudrait qu'on écrivît tous les pluriels par s et qu'on
supprimât les x qui ont usurpé la place de Vs. On écrivait autrefois
beautez, dignités; on écrit aujourd'hui beautés, dignités; il fau-
drait généraliser ce progrès et écrire heureus, animaus, etc.
XIV. Il préfère l'accent grave à la réduphcation des consonnes,
et voudrait qu'on écrivît /ap/îè/e, jejète, comme on le fait pour
je gèle, j'achète.
Je suis aussi de cet avis, mais bien qu'un certain nombre de
mots soient ainsi écrits, et qu'il conviendrait d'en augmenter le
nombre jusqu'au moment où tous seront écrits uniformément,
cependant ce serait apporter, quant à présent, un trouble trop
grand aux habitudes.
XV. Il approuve le retranchement des doubles lettres dans l'in-
térieur des mots, lorsqu'elles ne sont pas nécessaires pour indiquer
la prononciation.
XVL M. Jullien appuie ma proposition de remplacer les ph et
les th par les/" et les t, « M. Didot, dit-il, propose d'adopter cette
notation qui n'aurait, en effet, aucun inconvénient. Pourquoi ne
pas écrire, téorie, téologie, quand on écrit trône, trésor, au lieu
de thrône, thrésor? Pourquoi ne pas écrire fysique quand on écrit
fantaisie, fantùmel Voltaire dans son Dictionnaire encyclopédique
commence son article philosophie par ces mots : « Ècr\\ezjilosofie
ou philosophie comme il vous plaira. »
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ^ B. JULLIEN. 391
a n a bien raison; le français doit avoir son orthographe à lui,
indépendante des langues auxquelles il emprunte quelques mots, li
est déraisonnable, si l'on écrit fantôme et fantaisie, par des f, de
ne pas écrire de même diafane et Épifanie qui dérivent également
de ^atvoj... n ne s'agit pas ici des mots grecs d'où les mots fran-
çais sont tirés, il s'agit des mots français entre lesquels se trouve
l'analogie représentée par la syllabe fan qu'il faut conserver par-
tout la même, puisque c'est elle qui exprime Tidée principale.
« De même si vous écrivez frénétique, frénésie, écrivez fréno-
logie, Eufrosine : mettez, en un mot, partout des yh ou partout
des f. Rien n'est plus important pour la régularité des langues et la
satisfaction de l'esprit que des règles générales. »
Pour terminer cet article, dont l'étendue permet de mieux ap-
précier le mérite des travaux de M. Jullien, je transcris un pas-
sage important tiré de ses Principales étymologies de la langue
française. Il se rapporte à la double formation de nos mots:
l'une, originale, nationale ; l'autre, imitative, scolastique.
« La raison de l'irrégularité de la plupart de nos racines, c'est
que nos mots français ont été tirés du latin selon deux systèmes
fort différents. Pour bien comprendre cette difficulté, il faut se
rappeler que, quand on prononce, des mots isolés, il y a toujours
dans ces mots une syllabe prononcée plus fortement que les
autres. On dit que cette syllabe porte l'accent, ou qu'elle est ac-
centuée. Chez nous rien de plus simple que la théorie de l'accent :
il tombe toujours sur la dernière syllabe sonore du mot; et par
conséquent, lorsque la dernière syllabe est muette, il recule sur
la pénultième qui devient aussi la dernière sonore. Dans aimé,
venir, opportun, les syllabes fortes sont mé, nir, iun, les der-
nières du mot, parce qu'elles sont sonores. Dans aimable, attein-
dre, ils importunent, les syllabes accentués sont ma, tein, tu, pé-
nultièmes dans les mots donnés, parce que les dernières sont
muettes.
« La règle latine n'était pas tout à fait aussi simple que chez
nous. L'accent portait en général sur la pénultième syllabe,
comme dans rosa, lupus ; et si cette pénultième était brève, dans
les mots de plus de deux syllabes, l'accent reculait sur l'antépénul-
tième : dominus, concipere; do et ci étaient ces syllabes fortes.
c( Personne n'ignore que, quand une langue est prononcée, c'est
392 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - R. TUIXIEN.
la syllabe accentuée des mots qui est la plus apparente^ et celle
qui se conserve le mieux dans les divers changements que le mot
éprouve. Il s'ensuit que, quand notre ancienne langue s'est formée
du latin, c'est-à-dire pendant les dix ou douze premiers siècles de
notre ère, c'est l'accent, ou, si on l'aime mieux, c'est la syllabe
accentuée qui a joué le principal rôle dans ce passage. Soient,
par exemple, les mots latins tabula qui signifie table^ fabula qui
veut dire fable, te^nplum qui veut dire temple^ etc., etc. Si nous
lisons ces mots à la française, nous appuyons sur les dernières
syllabes, la ou plum ; mais les Latins appuyaient sur les pre-
mières, ta, fa, tem : celles qui les suivaient ne s'entendaient pres-
que pas, et nous les avons en effet remplacées par des e muets,
table, fable, temple.
« La même chose se verra mieux encore sur le verbe dire venu
du latin dicere, sur faire venu de facere, et sur mille autres que je
pourrais citer ici. On ne reconnaît pas facilement cette dérivation
quand on prononce ces mots latins à la française : di-cè-ré,fa-cè-ré.
Mais c'est là une prononciation tout à fait fausse. Les Romains
appuyaient sur di et sur fa-, les deux syllabes suivantes sonnaient
très-peu, à peu près comme cre dans sacre, ocre, sucre. Il a donc
suffi d'adoucir cette forme cre en re pour avoir les verbes dire et
faire, au lieu de dicre et facre ; c'est de même que ftndere nous a
donné fendre; légère, lire; solvere, soudre; conficere, confire, etc.
« Tant que le français s'est formé sur le latin par l'usage et la
parole, c'est ainsi qu'on a opéré. Les mots étaient prononcés, l'o-
reille seule en jugeait. La syllabe accentuée dominait tout le
reste; et l'écriture n'était à peu près rien, puisque ce n'était pas
sur des mots écrits, mais bien sur les mots prononcés que se fai-
saient les changements.
a Mais à partir du quatorzième siècle, et surtout vers le quin-
zième et le seizième, les livres intervinrent. Le latin n'était plus
parlé du tout : on l'étudiait comme une langue morte sur des
textes écrits. La syllabe accentuée, n'étant plus entendue, perdit
toute sa supériorité sur les autres, et les lettres qui n'avaient eu
que peu de valeur auparavant, en prirent une plus grande qu'on
ne l'aurait jamais pensé, c'est-à-dire que l'on tira alors du latin
une foule de mots français, où l'on conservait aussi fidèlement que
possible l'orthographe latine, bien entendu aux dépens de la pro-
nonciation, puisqu'on y déplaçait l'accent et qu'on le portait à la
ifsâîiçaise sur les dernières syllabes des mots où il n'était pas na-
LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. ^ B. JlILLIEN. 393
turellement. Je prends pour exemple le mot, d'ailleurs très -peu
usité, adminicule, qui s'est formé du latin adminiculum. On voit
qu'en français la syllabe forte est Tavant-dernière ai, tandis que
chez les Latins c'était rantépénullième ni. Si ce mot se fût formé
d'après la langue parlée, il eût été adminide, comme nous avons
eu spectacle de spectaculum, obstacle de ohstaculum, oracle de
oraculum, etc. Comme il s'est formé de la langue écrite, on n'a
tenu compte que des lettres, et on nous a donné adminicule. C'est
ainsi que exprimere et imprimere qui, par l'accent, nous avaient
donné épreindre et empreindre, nous ont, par les lettres, fourni
exprimer et imprimer.
(( Je ne donne cet exemple que pour montrer comment cette
double origine de notre langue a pu augmenter les difficultés
qu'il y avait déjà à passer d'un idiome à un autre. On conçoit en
effet qu'ainsi le même primitif a pu produire des dérivés diffé-
rents ; que, de plus, des mots admis pendant les premiers siècles
ont pu disparaître plus tard et laisser cependant des traces de
leur existence premJère. J'en trouve un exemple frappant dans la
famille de concevoir, décevoir, recevoir, etc. Recevoir était autre-
fois reçoivre, et ce mot était très-bien formé de recipere, qui avait
l'accent sur Vi. Beçoivre a disparu, mais le présent je reçois, le pré-
térit je reç^^s et le participe reçu se déduisent mieux de la pre-
mière forme que de la forme allongée recevoir. Voilà donc des
conjugaisons tout entières qui, rapportées à leur infinitif actuel,
semblent donner la preuve d'une irrégularité, laquelle n'existait
pourtant pas dans la première forme du langage.
« N'est-ce pas là un exemple bien remarquable des difficultés
que le cours des siècles a successivement ajoutées à l'étude éty-
mologique de notre langue? »
EcxGER, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. No-
tions élémentaires de grammaire comparée. Paris, Aug.
Durand, 186S, sixième édition, in-12.
Ce savant écrit joint au mérite de la clarté celui de la sobriété
et donne avec précision l'exposé des faits qui constituent les rap-
ports existant entre la langue grecque, la langue latine et la langue
française. Je me bornerai à citer ici ce qui concerne V orthographie,
car M. Egger regrette que ce mot ait été défiguré contre toute ana-
logie par le barbarisme orthographe.
394 LA RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE. - E. EGGER.
« Comme la langue française^ formée d'éléments assez divers,
n'a pas eu de grammairiens proprement dits avant le xvi^ siècle^
et que l'orlhographe en fut, jusqu'à cette époque, abandonnée à
tous les caprices de Tusage, on comprend que cette partie de notre
grammaire soit aujourd'hui une des plus irrégulières et en même
temps une des plus épineuses à réformer. Plusieurs auteurs ont
cherché à rapprocher l'orthographe française de la prononciation,
tantôt par des essais partiels, tantôt par des innovations générales
et systématiques.^ Les piremières réfornxes^qui sûnlles plus mo-
destes, ont eu aussi plus de succès; les autres, pour lesquelles on
a inventé le nom de néographie, ou néograpÀiwie, ont toufours
échoué; elles échoueront toujours contre la force invincible de
l'habitude et contre quelque chose de plus respectable encore que
Fhabitude, je veux dire la tradition même de la langue française
et la loi de ses étymologies. Aussi Voltaire a réussi à faire con-
sacrer Tusage de la diphthongue «/pour oi dans les noms, comme
français, et dans les verbes, comme avait^ pour exprimer le son
d'un e ouvert; changement dont, au reste, il n'avait pas eu la pre-
mière idée. Mais ni Ramus au xvi^ siècle, ni Expilly au xvii% ni
l'abbé Dangeau au xviii% ni Domergue et Marie au xix*', n'ont
réussi à faire admettre leurs systèmes de réforme absolue^ et l'on^
prédira facilement le même échec à tous ceux quiiésliriiteront. » J
M. Egger, lorsqu'il écrivait ce passage, n'avait pas connaissance
des transformations successives que les mots ont reçues dans les
différentes éditions du Dictionnaire de l'Académie. Il aurait vu
que ce qui reste à opérer est peu de chose comparé à ce qui a été
fait, et que ce qu'il appelle « la tradition de la langue française et
la loi de ses étymologies » est en opposition avec la vraie et na-
tionale tradition de notre vieille langue. Quant à l'adoption d'un
système de réforme absolue, j'en suis aussi éloigné que lui, mais
pour tout ce qui est conforme à la raison, au génie de notre langue
et aux analogies, ije suis sûr qu'il partagera mes opinions, qui
d'ailleurs sont celles de lant hommes éminents dont j'ai voulu
m'appuyer pour donner plus d'autorité à ma faible voix.
ORTHOGRAPHE DES AUTETTRS CLASSIQUES. 395
APPENDICE E.
J'ai cru devoir eatrer dans ces détails historiques pour montrer
quels sont les points sur lesquels se sont concentrés les efforts
tentés pour la rectification de l'orthographe et quels sont ceux ,
qui méritent d'être pris en considération. On a pu ^oir aussi
combien il serait difficile de concilier la réforme dite phono-
graphique avec le système orthographique des langues néo-
latines, particulièrement avec notre langue. De cet examen il
résulte que notre alphabet, tout incomplet qu'il est, peut, avec
de légères modifications, suffire à l'expression de tous les sons
de notre langue.
Abréger et simplifier sont des besoins impérieux de notre
époque ; le système métrique a remplacé l'ancien système, si
compliqué et si irrégulier, de même que la numération des
Arabes a remplacé la pénible numération des Romains. Déjà
même lorsque l'on compare l'orthographe du Dictionnaire de
l'Académie de 1694 avec celle d'aujourd'hui, on voit qu'il
reste peu de chose à faire pour compléter l'œuvre de 1740.
S'il est regrettable qu'en 1740, l'Académie française ne se
soit pas montrée aussi hardie que le furent l'Académie de la
Gruscaen 1612, F Académie de Madrid en 1726, et le grand Vo-
cabulario portuguez de Goïmbre en 1712, qui ont rapproché
l'orthographe de la prononciation autant qu'il était possible
de le faire avec notre alphabet, et que, dans son Dictionnaire,
elle se soit arrêtée à moitié chemin, du moins, en ouvrant la
voie aux améliorations qu'elle-même y a introduites à chaque
nouvelle édition, elle l'a débarrassée des entraves d'un grand
nombre de lettres inutiles et d'anomalies qui fatiguent la
mémoire, rebutent l'enfance et surchargent la grammaire de
règles et d'exceptions.
Toute modification qui ne touche en rien à la langue et
396 ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. — MONTAIGNE.
ne porte aucune atteinte à nos chefs-d'œuvre, môme poétiques,
contribuera, bien plus qu'on ne saurait le croire, à maintenir
et prolonger la vie de notre idiome, qui n'est que la simplifi-
cation du latin ; par là nos chefs-d'œuvre deviendront de plus
en plus accessibles à tous.
Quelques autres petites régularisations de détail, qui ne dé-
rangeraient en rien l'ensemble de notre système orthogra-
phique, lui donneraient successivement le degré de perfection
désirable.
Je veux cependant aller au-devant de cette objection, tant
de fois répétée à propos de toute tentative de réforme, si peu
grave qu'elle soit : toucher à notre écriture actuelle, c'est
poser une main profane sur les œuvres de nos grands écri-
vains et les trahir en altérant la forme extérieure qu'ils ont
prétendu donner à leurs pensées.
Nos plus grands écrivains ont abandonné la plupart du
temps à leurs imprimeurs le soin d'orthographier leurs œuvres,
contrairement même à l'écriture de leurs manuscrits ; ceux de
Bossuet et d'autres en sont la preuve ; mais les imprimeurs
trouvèrent plus commode d'appliquer à tous uniformément
Torthographe consignée dans les éditions successives du Dic-
tionnaire de l'Académie. Les exemples suivants prouveront
que les manuscrits de nos grands auteurs du seizième et
du dix-septième siècle sont écrits d'une tout autre manière
qu'ils ont été imprimés de nos jours. Il est donc regrettable,
sous bien des rapports , qu'on ne se soit pas conformé aux
originaux : les réformateurs les plus hardis y trouveraient
souvent de nombreux arguments en leur faveur :
Montaigne , dans son manuscrit autographe des Essais con-
servé à la bibliothèque de Bordeaux, adopte l'orthographe
suivante :
« Nous devons la subjection et l'obéissance esgalement à tous
roys, car elle regarde leur office; mais Testimation non plus que
ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - LA FONTAINE. 3U7
Taffection, nous ne la devons qu'à leur vertu. Douons à Tordre po-
litique de les souffrir patiammant indignes, de celer leurs vices,
d'aider de notre recomandation leurs actions indifférentes, pen-
dant que leur autorité a besoing de nostre appuy; nfiais nostre
commerce fini, ce n'est pas raison de refuser à la justice et à nostre
liberté Texpression de nos vrays ressentimans\ et nommeemant de
refuser ans bons subjets la gloire d'avoir reverrammant et fidèle-
mant servi un maistre, les imperfections duquel leur estoint si bien
conues.
(( J'honore le plus ceux que j'honore le moins; et, où mon âme
marche d'une grande aleigresse, j'oublie les pas de la contenance.
(( A bienveigner, à prandre congé, à remercier, à saluer, à
presanier mon service et tels complimants wevbeus des lois cérémo-
nieuses de nostre civilité, je ne conois persone si sottement stérile
de lengage que moi; et n'ai jamais esté emploie à faire des lettres
de faveur et recomandation j que celuy pour qui c'estoit n'aye
trouvées sèches et lasches. » {Essais, 1. I, ch. m, manuscrit de
Bordeaux.)
Voir plus haut, p. 206, les indications orthographiques qu'il
adresse à son imprimeur.
La Fontaine.
Voici, d'après l'exemplaire que je possède et que je crois
unique, la reproduction de la belle et noble supplique adressée au
roi par la Fontaine en faveur de Fouquet. Elle contient des va-
riantes non reproduites dans aucune édition.
Cette épître forme trois pages petit in-folio fort bien imprimées
en gros caractères italiques. Sur la marge de cet exemplaire est
écrit Fouquet (1).
— Dans^jette pièce, antérieure d'une trentaine d'années àPappari-
tion du premier Dictionnaire de l'Académie, l'orthographe est
remarquable, et probablement nous représente celle même de la
Fontaine que Timprimeur (il n'est pas nommé) aura suivie fidè-
lement.
Mais ce que cette édition princeps offre de plus remarquable,
c'est la répétition de la qualification de Grand donnée deux fois à
(1) D'après quelques autographes qe la Fontaine que je possède, je ne crois
pas que ce mot soit écrit de sa main.
398 ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - LA FONTAINE.
Henri IV et qui a été remplacée dans toutes les éditions par ma-
gnanime, épithète faible comparativement à cette réduplication du
mot Grand; ce qui me porte à croire que lorsque cette supplique
fut lue à Louis XIV, ces vers
Du Grand, du Grand Henry qu'il contemple la vie ;
Dès qu'il pût se vanger, il en perdit l'envie :
un froncement de sourcil avertit que Louis le Grand s'en trouvait
offensé.
ÉLÉGIE.
Remplisses l'Air de cris, et vos Grotes profondes (l),
Pleures Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes;
Et que l'Anqueûil enflé ravage les trézors
Dont les regars de Flore ont embelly ses hors.
On ne blâmera point vos larmes innocentes ;
Vous pouvés donner cours à vos douleurs pressantes ;
Chacun atend de vous ce devoir généreux :
Les Destins sont contens, Oronte est malhûreux.
Vous l'avez vu n'aguére au bord de vos Fontaines,
Qui, sans craindre du Sort les faveurs incertaines,
Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des Mortels,
Recevoit des honneurs qu'on ne doit qu'aux Autels.
Hélas qu'il est déchu de ce bon-heur suprême !
Que vous le trouveriés diférent de luy-mesme !
Pourluy les plus beaux jours sont de secondes nuits;
Les soucis dévorans, les regrets, les ennuis,
Hostes infortunés de sa triste demeure.
En des goufres de maux le plongent à toute heure.
Voila le précipice où l'ont enfin jette
Les atraits enchanteurs de la prospérité !
Dans les palais des Roys cette plainte est commune;
On n'y conoît que trop les jeux de la Fortune,
Ses trompeuzes faveurs, ses apas inconstans :
Mais on ne les conoît que quand il n'est plus temps*
Lors-que sur cette Mer on vogue à pleines voiles,
Qu'on croit avoir pour soy les Vens et les Estoiles,
Il est bien mal-aizé de régler ses dézirs ;
Le plus Sage s'endort sur la foy des Zéphirs.
Jamais un Favory ne borne sa carière;
Il ne regarde point ce qu'il laisse en arière :
Et tout ce vain amour des Grandeurs et du bruit,
Ne le sçauroit quiter qu'après l'avoir détruit.
(1) Toutes les éditions portent, « en vos grottes profondes. »
ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - BOSSUET. 399
Tant d'exemples fameux, que l'Histoire eu raconte,
Ne sufizoient-ils pas sans la perte d'Oronte?
Hâ si ce faux éclat n'ût point fait ses plaizirs!
Si le séjour de Vaux eut borné ses dézirs !
Qu'il pouvoit doucement laisser couler son âge!
Vous n'avés pas chés-vous ce brillant équipage,
Cette foule de Gens qui s'en vont chaque jour
Saluer à Ions flols le Soleil de la Cour :
Mais la faveur du Ciel vous donne en récompence,
Du repos, du loizir, de l'ombre et du silence,
Un tranquile sommeil, d'innocens entretiens,
Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.
Mais quitons ces pensers, Oronte nous apelle :
Vous, dont il a rendu la demeure si belle,
Nymphes, qui lui devez vos plus charmans apas,
Si le long de vos hors Louys porte ses pas,
Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage;
Il aime ses sujets, il est juste, il est sage ;
Du titre de clément rendez-le ambitieux :
C'est par-là que les Roys sont semblables aux Dieux.
Du Grand, du Grand Henry qu'il contemple la vie;
Dés qu'il pût se vanger, il en perdit l'envie :
Inspirés à Louis cette mesme douceur ;
La plus belle victoire est de vaincre son Cœur.
Oronte est à prézent un objet de clémence ;
S'il a crû les conseils d'une aveugle puissance, , i
Il est assés puny par son sort rigoureux,
Et c'est être innocent que d'être malhûreux (1).
BossuET, dans son manuscrit des Sermons (t. II, p. 261 ,
Bibl. Imp.), écrit de sa main :
« Sa vangeance nous poursuiura a la vie et a la mort et ny en
ce monde ny en l'autre iamais elle ne nous laissera aucun repos.
Ainsi n'atandons pas Iheure de la mort pour pardonner à nos en-
nemis, mais plustost pratiquons ce que dit l'apostre, que le soleil
(1) Fouquet fut arrêté en 1661. L'élégie ne parut dans les Recueils publiés par
la Fontaine qu'en 1671. Cependant on la trouve imprimée dans le Recueil de
quelques pièces nouvelles et galantes, tant en prose qu'en vers, in-18, Co-
logne, 1667, t. II, p. 195, sous le titre ^''Élégie pour le malheureux Oronte.
Mais, ajoute Walckenaer, « il est probable que la Fontaine fit d'abord imprimer
cette pièce séparément et sur une feuille volante comme il a fait pour beaucoup
d'autres de ses ouvrages. » (Histoire de la vie et des ouvrages de J. de la
Fontaine, 1. 1, p. 100.) Ce que présumait Walckenaer se trouve donc réalisé par
la présence de cet exemplaire.
400 ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. — RACINE.
ne se couche pas sur vostre colère (ce cœur tandre^ ce cœur pa-
ternel), Tapostre ne peut comprendre qu'un chrestien, enfant de
paix, puisse dormir d'un sommeil tranquille ayant le cœur ulcéré
et aigri contre son frère, ni qu'il puisse gouster du repos uoulant
du mal a son prochain dont Dieu prend en main la querelle et les
interests. Mes frères, le iour décline, le soleil est sur son pan-
chant, lapostre ne nous donne guère de loisir et nous nauez plus
guère de tems pour lui obéir; ne différons pas dauantage une
œuvre si nécessaire, hastons-nous de donner a Dieu nos ressenti-
mens : le iour de la mort sur lequel on reiette toutes les affaires du
salut n'en aura que trop de pressées ; commancons de bonne heure
a nous préparer les grâces qui nous seront nécessaires en ce der-
nier iour et en pardonnant sans délai asseurons-nous leternelle
miséricorde du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »
J'ajouterai ici aux exemples cités précédemment p. 5-4, p. o5 et
73, les caractères suivants de son écriture. Souvent il supprime les
doubles lettres ; ainsi, dans le début du Sermon de la Pénitence
au temps du Jubilé, on lit dans son manuscrit : « Quelle merveil-
leuse nouvelle nous aprenons aujourd'hui, » et p. 4 et 5, âpre-
nons^ el aprendre, p. 92. Il écrit aussi atendre, abatre, atantif,
flater, froter. Ailleurs il écrit une tandre éducation, p. 99; il écrit
aussi sépulcre sans ^, p. 27 des Sermons. Voyez pour son opinion
au sujet de l'orthographe, plus haut p. 130 et suiv.
Racine et Boileau.
A M^^ le maréchal de Luxembourg, — Félicitations sur la victoire
de Fleurus.
(i Au milieu des louanges et des complimens que vous receués
de tous costés pour le grand seruice que vous venés de rendre à la
France, Irouués bon. Monseigneur, qu'on vous remercie aussi du
grand bien que vous aués faict à l'Histoire, et du soin que vous
prenés de l'enrichir. Personne jusqu'ici n'y a trauaillé avec plus
de succez que vous, et la bataille que vous venés de gagner fera
sans doute un de ses plus magnifiques ornemens. Jamais il n'y en
eut de si propre à estre racontée, et tout s'y rencontre à la fois,
la grandeur de la querele, l'animosité des deux partis, Faudace et
la multitude des combattans , une résistance de plus de six
heures, un carnage horrible, et enfin une déroute entière des en-
ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - RACINE. 401
nemis. Jugés donc quel agrément c'est pour des historiens d'avoir
de telles choses à escrire, surtout quand ces historiens peuuent
espérer d'en apprendre de vostre houche mesme le détail. C'est
de quoi nous osons nous flatter. Mais, laissant là l'Histoire à part,
sérieusement, Monseigneur, il n'y a point de gens qui soient si
véritablement touchés que nous de l'heureuse victoire que vous
aués remportée; car, sans conter l'interest gênerai que nous y
prenons avec tout le royaume, figurés vous quelle est notre joie
d'entendre publier partout que nos affaires sont restabhes, toutes
les mesures des ennemis rompues, la France, pour ainsi dire,
sauuée, et de songer que le héros qui a faict tous ces miracles est
ce mesme homme d'un commerce si agréable, qui nous honore de
son amitié, et qui nous donna à disner le jour que le Roi lui donna
le' commandement de ses armées.
« Nous sommes avec un profond respect. Monseigneur,
« Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,
« Racine, Despréaux.
« A PariSj'Se de juillet 1690. »
Parmi les notes que j'ai prises en parcourant les manuscrits
de Racine déposés à la Bibliothèque impériale, j'ai remarqué
ce passage dans sa lettre à l'abbé Levasseur, 1661 :
« Je lis des vers, je tasche d'en faire, je lis les avantures de l'A-
rioste ; je ne suis pas moi-môme sans avanture Mais voilà les
massons qui arrivent. »
Et ailleurs, dans sa correspondance avec Boileau :
«Je vas au cabaret deux fois par jour; je commande à des
massons. »
M""" de Sévigné.
Dans une de ses lettres à M™' de Grignan, je vois écrits de
sa main le mot tandresse quatre fois, et aussi par un a les
mots commancement, entandre^ contante. Voici cette lettre :
A Angers, mercredy29 septembre.
« l'arive hier à cinq heures au pont de Se, après auoir veu le
matin a Saumur ma nièce de Busy, et entandu la messe a la
bonne Nostre Dame, ie trouue sur le bort de ce pont vn carosse
26
402 ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. — M-^ DE SÉVIGNÉ.
a six cheuaux qui me parut estre mon fils. Cestoit son carosse et
labé Charyer quil a enuoyé me receuoir, parcequil est vn peu
malade aux Rochers. Cet abé me fut agréable, il a vne petite
impression de Grignan par son père et par vous auoir veue, qui
luy donne un pris au dessus de tout ce qui pouuoit venir audeuant
de moy. Il me donna vostre lettre ecritte de Versailles, et ie ne
me contraignis point deuant luy de répandre quelques larmes
tellement ameres que ie serois etoufée sil auoit falu me contrain-
dre. Ha ma bonne et très aymable, que le comancement a esté
bien vangé. Vous affectes de paroistre vne véritable Dulcinée, ha
que vous lestes peu, et que iay veu au travers de la peine que
vous prenes a vous contraindre cette mesme douleur et cette
mesme tandresse qui nous fit répandre tant de larmes en nous sé-
parant. Ha ma bonne, que mon cœur est pénétré de vostre amitié,
que ien suis bien parfaitement persuadée, et que vous me fâches
quand, mesme en badinant, vous dittes que ie deurois auoir vne
fille corne M"® Daleral et que vous estes imparfaite. Cette Aleral
est aymable de me regretter come elle fait, mais ne me souhaittes
iamais rien que vous. Vous estes pour moy toutes choses, et
iamais on a esté aymee sy parfaitement dvne fille bien aymee que
je le suis de vous. Ha quels trésors infinis mauez vous quelquefois
cachés, ie vous assure pourtant, ma très chère bonne, que ie nay
iamais douté du fons, mais vous me combles presentemant de
toutes ces richesses, et ie nen suis digne que par la très parfaite
tandresse que iay pour vous, qui passe au delà de tout ce que
pourois vous en dire. Vous me paroisses asses mal contante de
vostre voyage et du dos de M. de Brancas, vous aues trouué bien
des portes fermées, vous aues, ce me semble, fort bien fait den-
voyer vostre lettre. On mande icy que le voyage de la cour est
retardé, peut estre poures vous reuoir M. de Lerme. Enfin Dieu
conduira cela come tout le reste. Vous saves bien come ie suis
pour ce qui vous touche, ma chère bonne, vous aures soin de me
mander la suitte. le viens denvoyer la lettre que vous ecriues a
mon fils; quelle tandresse vous y faites voir pour moy, quels
soins , que ne vous dois ie point, ma chère bonne. le consens que
vous luy fassies valoir mon départ dans cette saison; mais Dieu
scait sy l'impossibilité et la crainte dvn desordre honteux dans
mes affaires nen a pas esté la seule raison. Seuigné (i). »
(1) Extrait de V Isographie des hommes célèbres publiée par Delarue, t. IV.
ORTHOGRA.PHE DES CLASSIQUES. - LA BRUYÈRE. 403
La Bruyère.
La Bruyère, parlant des progrès de la langue, remarque « que
depuis vingt ans que l'on écrit régulièrement, on a secoué le
joug du latinisme et réduit le style à la phrase purement fran-
çaise , et qu'on a mis enfin dans le discours tout l'ordre et
toute la netteté dont il est capable, ce qui conduit insensiblement
à y mettre de l'esprit. »
Sans être novateur en fait d'orthographe La Bruyère cependant
donna l'exemple de quelques améliorations, contrairement au Dic-
tionnaire de l'Académie qui venait de paraître quand il publia sa
dernière édition (la huitième, en 1694).
Comme Corneille, Fénelon, Bossuet, il écrit donc toujours
vanger (i), avanture, avanturier, resfraindre; il écrit sonpante,
paranthèse, paitrie {ame paifrie de boue).
Il supprime la double lettre dans si/ler, aranger, flater^ écha-
per^ regreter^ chaufer.
Il supprime l'y dans stile, perùtille, hiperhole, patetique, tim,
onix, phùionomie, synonime. Mais il en met à parmy, emploi/, en-
nemy^ pourquoy^ luy, soy, celvy, aujourdhuy, etc.
Il emploie le z dans magnzin, carrousel, embrazement, cizelé.
Il écrit avec raison un homme pratic, un homme Jîdele, une
femme fidelle , et comme Racine prétension et masson. Il écrit
avec la double consonne les mots terminés par e muet, duppe,
secrette, platte, diette.
Comme ce système d'orthographe se reproduit dans toutes les
éditions qu'il a publiées et qu'il revoyait avec le plus grand soin,
on doit admettre que ces mots ainsi écrits l'ont été par sa vo-
lonté.
(1) Cependant il écni vengeance. « C'est par faiblesse que l'on liait un ennemi
et que l'on songe à s'en vanger et c'est par elle que l'on s'appaise et que l'on ne
*e venge point. » (P. 179.)
Peut-être la Bruyère aurait-il désiré simplifier l'orthographe des participes ; car
je trouve dans tontes ses éditions ce passage ainsi écrit : « Il leur envoya tous
les éloges qu'il n'a pas cherché par le travail et par ses veilles. » (P. 79.)
Conformément à l'orthographe du temps il éditée sçay, sçû, vuide, prosneur,
nous sommes seurs (sûrs), beautez, loiiez, extremiiez, les mieux flattez, les
mieux entourez et les mieux caressez, convents (et non couvents), hien-seanccy
la vûë, fauteûiL
404 ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. — VOLTAIRE.
Voltaire, dans sa Correspondance (1752-So), a employé
une orthographe qui varie souvent, mais qui prouve son désir
de voir prédominer une orthographe plus simple, conformément
aux opinions de ses prédécesseurs, Dangeau, d'Olivet, Duclos,
Beauzée, de Wailly et autres académiciens, et conformément
aux tendances des collaborateurs de l'Encyclopédie, d' Alembert
et Diderot.
Dans les lettres inédites de Voltaire publiées par M. Hénin en
1825 et par M. Th. Foisset en 1836, son orthographe est figurée
conformément à ses manuscrits. Les variations , les erreurs
mêmes prouvent combien son esprit supérieur attachait peu
d'importance à ces règles fastidieuses et incohérentes qui fati-
guent l'attention et la mémoire et qui arrêtent la plume au dé-
triment de la pensée, entravée sans cesse dans sa liberté et sa
rapidité. Ainsi lorsqu'on lui voit écrire (Lettres au Président de
Brosse et au PrésidentRuffey) dix fois chatAV et sept fois chatEAv,
d'autres fois teaïre et théâtre, parentese, autentique, il sait bien
d'où dérivent ces mots et qu'ils sont écrits en grec avec 6 ; mais
soit désir d'abréger le temps qui arrête sa plume, soit de simplifier
récriture, il supprime les h inutiles : bien plus, si deux fois le mot
hippotequés et celui d'hippotèse s'offrent dans ses lettres (1), il sait
fort bien que leurs radicaux sont ôtco et Ti6r]ijLi, mais, préoccupé qu'il
est de son idée, la réflexion lui fait défaut et il commet deux bar-
barismes qui l'eussent fait exclure de tout concours littéraire et
empêché même de devenir instituteur primaire. Qu'importe après
tout? le temps perdu à de telles minuties Teût été aussi pour la
postérité. Si, mieux inspiré, il eût écrit ipotequés et ipotèse, il n'eût
pas hésité et il eût économisé quatre lettres. Ne sommes-nous pas
arrêtés aussi quand il nous faut écrire Hippohjte , hyperbole, hip-
piatrique, hijpogée, esthétique, apathique, etc. ?
11 écrit sans exception avaniures, bien qu'il sache, comme Féne-
lon et Racine, que le mot dérive d'advenire, mais tous l'ont ainsi
écrit. Les doubles lettres, il les supprime dans sotise, reconu, chau-
(1) Lettre à M. Liebault, 12 novembre 1761. Lettre à M. de La Marche, 18 dé-
cembre 1762. Si l'on trouve prophane dans une lettre sans date adressée à
M. Rufley, c'est par la même inadvertance causée par l'irréflexion : il sait bien
que ce mot provient de la préfixe pro pour pro5 et de fanum. le temple.
ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - VOLTAIRE. 405
fer, efrayer, raporter, nourir, aprobation, acorder, suplier, embe-
lissement, échaper, afaire, ilpoura, il a falu; il écrit même quel-
quefois le tems. 11 supprime Vy dans sindic, sindicaf, enciclopedie,
stile, et de môme quil écrit chatau, il écrit potau, ionnau (i),
fordau. Le z remplace aussi le «dans mazure, écrazer, lézé, lézine,
scandalizé, eau roze, aprez, procez, délabrez, etc. Enfin, on re-
marque souvent le mot ynasson, celui de sausse et le moi érecsion
ainsi écrits.
Voici la transcription exacte de quatre de ses lettres à d'Alem-
bert, toutes d'après les originaux que je possède; la dernière est
inédite :
« A Potsdam , 5 septembre 1752.
« Vraiment, monsieur, c'est a vous a dire, «je rendray grâce au
ciel et resterai dans Rome. » Quand je parle de rendre grâce au
ciel, ce n'est pas du bien qu'on vous a fait dans votre patrie, mais
de celuy que vous luy ftiittes. Vous et M' Didrot vous faites
un ouvrage qui sera la gloire de la France, et la honte de ceux
qui vous ont traversez. Paris abonde de barbouilleurs de papier.
Mais de philosophes éloquents je ne connais que vous et luy. II
est vrai qu'un tel ouvrage devait être fait loin des sots et des fa-
natiques sous les yeux d'un roy aussi philosofe que vous. Mais les
secours manquent icy totalement. Il y a prodigieusement de bayo-
netes et fort peu de livres. Le roy a fort embelli Sparte, mais il n'a
transporté Athene que dans son cabinet, et il faut avouer que ce
n'est qu'a Paris que vous pouvez achever cette grande entreprise :
j'ay assez bonne opinion du ministère pour espérer que vous ne
serez pas réduit a ne trouver que dans vous môme la recompense
dun travail si utile. Jay le bonheur d'avoir chez moy monsieur
labbé de Prades, et jespere que le Roy a son retour de la Silesie
luy aportera les provisions d'un bon bénéfice. Il ne s'attendait pas
que sa tèse dut le faire vivre du bien de l'église, quand elle luy
attirait de si violentes persécutions. Vous voyez que cette église
est comme la lance d'Achille qui guérissait les blessures qu'elle
avait faittes. Heureusement les bénéfices ne sont point en Silesie
a la nomination de Boyer ny de Couturier. Je ne scai pas si labbé
de Prade est hérétique, mais il me parait honnête homme, aiuia-
ble et guai. Comme je suis toujours très malade, il poura bien
(1) Quatre fois tonnau et une fois tonneau.
406 ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - VOLTAIRE.
mexhorter a mon agonie, il l'eguaiera et ne me demandera point
de billet de confession. Adieu, monsiem% s'il y a peu de Socrates
en France, il y a trop d'Anitus et trop de Melitus, et surtout trop
de sots, mais je veux faire comme Dieu qui pardonait à Sodonie
en faveur de cinq justes. Je vous embrasse de tout mon cœur.
V.
Aux Délices, 18 avril.
«Ce ne sont pas aujourdui des /zVwr^/es que je vous envoie, mon
cher philosofe, ce sont trois brochures de la relligion vangée ,
comme elle -doit l'être par Bertier et consorts. Je vous prie insta-
ment de vouloir bien faire rendre à Briasson ce libelle dont je
n'ay a me reprocher que d'auoir lu la première page.
« Vos articles de VEnciclopedie seront l'école de la postérité.
Tout ce qui est de philosofie nouvelle dans ce dictionaire est ad-
mirable, du moins tout ce que jen ai lu. » V.
Au Chêne, par Lausane, 1"^ septembre.
« Manne me parait assez bon quoy qu'un peu rabiniste. Je
crois que les philosofes et les curieux pouront être contants de
l'article. Cependant un bon apoticaire en eut dit davantage, et
aurait démontré apoticairement la supériorité de manne grasse
sur manne maigre.
« Mon très-cher philosofe^ je suis fort fâché d^être à Lausane
au milieu des plâtras quand votre teologal est à Genève. On dit
que \ous pouviez bien revoir le lac cet hiver, vous savez si je le
souhaitte; nous vous donnerions la comédie à Lausane. Amenés
M. Didrot et nous luy jouerons son Fils naturel.
« Pouriez-Yous, si jamais vous aviez du temps, me dire si vous
voiez M™" du Deffant, ^owne^-vous luy dire que je pense toujourz
a elle quoyque je ne luy écrive point? Pouriez-\'ous faire mes
compliments au P. Henaut? n
Intérim vale. V.
Aux Délices, 15 décembre (1756-60).
« Mon cher maitre, vous ne m'avez point acusé la réception de
mon petit tribut. Je ne reçois ny mon article Histoire , ny ordre
de vous. J'ay peur davoir parlé trop librement des Fem?nes, mais
la franchise doit plaire aux philosofes. J'ay encor peur de ne vous
i
ORTHOGRAPHE DES CLASSIQUES. - VOLTAIRE. 407
avoir envoyé que des sottises. Une autre peur, c'est de traitter
fort mal Idées. Il y a grande aparence que Fun de vous deux s'est
chargéde cet article importantou que M. labbéde Condillaclefera.
« J'ay oublié de vous dire que je ne pouvais traitter l'article
de littérature grecque : l"'^"^ parceque je scais très peu de grec,
2ment parccquc je suis sans livres grecs, a'»^"^ parceque je suis
ignorant surtout en cette partie.
« Employez moy a boucher des trous, a faire les articles dont
vos amis de Paris se seront dispensez, et qui pouront être de
ma compétence. Je suis a vos ordres. M°^« Denis vous fait mille
compliments. Nous souhaittons, mon cher philosofe, que toutes
vos pensions soient toujours payées. Souvenez vous des deux
hermites qui vous aiment. ». V.
Parmi les autres lettres de la correspondance de Voltaire avec
d'Alembert, dontjep^ossède les autographes, je remarque ces mots
écrits ainsi :
Lettre du 13 novembre. — Aux Délices, où nous voudrions l)ien vous voir;
entousiasme, répété trois fois, enciclopedie.
Lettre du 29 novembre 1756. — Je m'aperçois, apartenant, enciclopedie.
Lettre du 4 février. — Enciclopedie, philosofe, deux fois, cristianisme.
Lettre du 29 février. — Enciclopedie.
Lettre du 22 décembre. — Philosofe, etimologie, biblioteque.
Lettre du 27, aux Délices. — Dictionaire, teologie, metaphisique.
Lettre du 8 juillet. — Philosofe, estomac, teologien.
Lettre du 23 juillet. — Philosofe, deux fois.
Lettre du 2 décembre. — Philosofe, quatre fois^ citoien, filosofe, enciclopedie.
Lettre du 6 décembre. — Apuyé, vangé, tirannie_, philosofe, deux fois.
Lettre du 29 décembre. — Philosofe, téologien_, catécumène, historiografe.
Lettre du 3 janvier. — Piramide, metafisique.
Lettre du 9 janvier. — Biblioteque, teologien, cretien.
Lettre du 8 juillet. — Philosofe, estomac, teologien.
Lettre du 23 juillet. — Philosofe, deux fois, citoien, filosofe, teologien, enciclo-
pedie, bayonete.
Lettre du 29 décembre. — Philosofe, teologien, catéchumène, historiograplie.
Lettre du 3 janvier. — Piramides, metaphisicien, teologien, cretien, biblioteque.
Lettre du 21 octobre 1771. — Avantures (1).
(1) On voit par cet exemple que le mot avanture, ainsi écrit et imprimé dans
les œuvres de Corneille, de Fénelon, de la Bruyère, de Racine et autres, était en-
core ainsi écrit avec a au temps de Voltaire ; et en effet, si l'on voulait se con-
former à rétymologie on devrait aussi écrire aventage qui dérive égalemetit
d'advenire.
408 PLURIEL DES MOTS COMPOSÉS.
Je n'ai cru devoir citer ici que l'orlhographe personnelle d'un
petit nombre de nos auteurs classiques les plus éminents; mais
j'ai pu m'assurer que l'écriture de la majorité des écrivains dis-
tingués du dix-septième et du dix-huitième siècle est non moins
hétérodoxe au point de vue académique.
Si nous ne possédons aucun autographe de Molière pour nous
édifier en ce qui le concerne, on peut croire qu'il partageait le
sentiment si spirituellement exprimé par Henriette dans les Fem-
mes savantes.
On voit, en effet, par la correspondance de M"'^ de Sévigné que
les femmes les plus spirituelles et les plus élégantes de cette
époque ne se piquaient nullement de purisme orthographique.
Leur négligence^ sous ce rapport, semblait une grâce de plus.
APPENDICE F, *
DES MOTS COMPOSÉS.
J'ai signalé rapidement , dans mes Observations sur l'ortho-
graphe'française, page 58, le mode de composition des mots
susceptibles d'union adopté par les Grecs et les Latins, et les
régularisations qu'on pourrait opérer, dès à présent, dans notre
système de figuration de ce genre de locutions. Je crois devoir re-
venir ici sur ce sujet pour exposer les différentes théories des gram-
mairiens sur la matière, et, d'abord, les principes mis en usage
par les étrangers dans les autres langues.
Tandis qu'yen France l'orthographe des mots composés avec
ou sans trait d'union réclamerait presque une étude de plusieurs
années, elle est d'une simplicité merveilleuse et souvent d'un
emploi très-ingénieux dans toutes les langues de l'Europe.
Les Italiens et les Espagnols ne connaissent l'emploi (\\i trait
d'union que dans le troisième cas ci-dessous des Allemands. Ainsi
les Italiens écrivent : Dizionario italiano-francese ; potitico-sociale ;
mais ils emploient la séparation, ou plus souvent l'agglutination,
dans tous les autres cas : après - soupée , il dopocena; après-
demain , imsdomani ; contre - poids , contrappeso ; arc - en - ciel ,
arcobateno, etc. En espagnol, on emploie les mêmes procé-
dés : Diccionario frances-espanol ; un entr'acte, entreacto; un
t
PLURIEL DES MOTS COMPOSÉS. 409
bas-relief, bajo relieve; un arc-en-ciel, arco iris; un porte-drapeau,
portaestandarte, etc. Donc, dans ces deux langues néo-latines^
point de difficulté orthographique.
En allemand: 1" cas. Sprachkunst, art du langage, grammaire;
Sprachlehre, étude du langage, grammaire; Springzeit, le temps
de l'accouplement des bêtes.
Ainsi, deux substantifs joints, sans tiret : point de difficulté
pour le pluriel.
De môme, s'il y a trois mots : Sprachwissenschaft , mot a mot,
création de la connaissance des langues, la philologie.
2« cas. Haûs- und Familien-Lexikon, dictionnaire de la maison
et de la famille. Le trait d'union après Haus tient lieu du mot Lexi-
kon et en épargne le double emploi, en dispensant également de
l'article.
3^ cas. Theoretisch-praktische Grammatik^ grammaire théorique
et pratique. Les deux adjectifs sont unis pour éviter Pemploi de
la conjonction und, et le premier demeure invariable.
Le HOLLANDAIS s'cst modelé sur l'allemand.
Le POLONAIS écrit : Grammatijka teoretyczno-praktyczna, gram-
maire théorique etpratique. Kolorperlowo-szarij, couleur gris-perle.
Le premier composant est un mot invariable.
Le RUSSE : PyccKo-^îpaHixysKaa FpaMMaTHKa, grammaire russe-
française. MarasHHij-BaxTep'b, un garde-magasin; MarasnH-b-Baxxepw,
des gardes-magasin : le premier composant est toujours invariable;
donc, pas de difficulté.
L'anglais possède le trait d'union, dont il fait un emploi aussi
simple qu^ingénieux :
North-wind, vent du Nord ; herring-woman, femme au hareng,
harengère; eye-service, service qu'on rend sous les yeux du ma\-
{re;jew-like, mol à mot, à la manière juive; Jews-ears, oreille de
Judas.-L^variabilité du premier mot ne permet jamais d'embarras
pour Porthographe du pluriel.
En résumé : aucune hésitation pour l'emploi du trait d'union
et l'orthographe des mots composés dans les diverses langues de
l'Europe.
Nous sommes moins heureux en français :
Au lieu de la simplicité des procédés de composition de l'an-
410 PLURIEL DES MOTS COMPOSES.
cien français qui agglutinait les mots, en les fondant au besoin,
ou les laissait séparés, mais ne connaissait pas le trait d'union,
voici DIX règles, accompagnées d'exceptions, règles sur lesquel-
les on n'est pas d'accord, et dont quelques-unes contredisent l'or-
thographe académique. Je les extrais de la Grammaire générale de
la langue française de M. Poitevin, tome P% p. 74 et suivantes.
« I. Lorsqu'un nom composé est formé ^de deux substantifs dont
l'un qualifie l'autre, ils prennent tous deux la marque du pluriel :
i\e^ faucons pèlerins (sans tiret), des oiseaux-înouches (avec tiret).
« II. Mais si le second substantif ne peut être considéré comme
qualificatif de l'autre, l'emploi du nombre est alors subordonné
pour chacun d'eux au sens particuHer qu'il éveille. Ex. : un appui-
wain, des appuis-main^ \\n Hôtel- Dieu, des Hôtels-Dieu^ un garde-
côte^ des gardes-côtes^ un bain-marie^ des bains-marte, un colin-
maillard, des colin-maillard, un brèche-dents, des brèche-dents,
un porc 'épies, des porcs-épics. »
{( m. Quand un nom est formé d'un substantif et d'un adjectif
qui le qualifie, ils prennent l'un et l'autre la marque du pluriel.
Ex. : des basses-cours, des bouts-rimés.
« Exceptions : des grarid'mères, des grand'messes, des grande-
rues, etc. ; des blanc-seings, un terre-plein, des terre-pleins, un
chevau-léger, des chevau- légers, un cent-suisses, des cent-suisses,
un quinze-vingts, des quinze-vingts, un courte-haleine, des courte-
haleine.
« IV. S'il entre dans la formation du nom composé un mot pris
adjectivement qui ne s'emploie plus seul, il prend, comme le
substantif, le signe du pluriel. Ex. : un loup-garou, des loups-
garous, une porte cocher e, des portes cochères (sans tiret) ; une
piegrièche, des pies-gr lèches, un loup-cervier, des loups-cerviers ,
un orang-outang, des orangs-outangs.
« V. Quand un nom composé est formé de deux substantifs unis
par une préposition, le premier prend le signe du pluriel , et le
second substantif, qui sert de complément au premier, reste le
plus souvent 'm\diV\di\AQ.'£,\. : une belle-de-nuit , des belles -de-nuit,
un chef-d'œuvre^ des chefs-d'œuvre.
« VI. Mais quand le terme complémentaire éveille une idée de
pluralité, ou est le plus ordinairement usité au pluriel, il prend
I
PLURIEL DES MOTS COMPOSÉS. 411
un A- môme au singulier. Ex. : un serpent-à-sonnettes, un haut-de-
chausses,
« VIL Les noms unis par une préposition sont invariables quand
ils forment une expression où ne figurent que des termes acces-
soires et complémentaires du terme principal sous-eutendu. Ex.:
des coq-à-Vdne, des pied-à-terre, des tête-à-tête,
« VIIL Quand un nom est formé d'un substantif ou d'un quali-
ficatif et d'un mot invariable, le substantif ou le qualificatif s'écrit
avec ou sans .v, selon qu'il éveille une idée d'unité ou de pluralité.
Ex. : des contre-coups, des arrière-saisons, des après-dinées, etc.;
mais on écrira : des abat-Jour, des chasse-marée, des coupe-gorge,
des casse-tête, des après-midi, des hors-d' œuvre.
« IX. Les substantifs composés suivants, dans lesquels le se-
cond terme éveille toujours l'idée de pluralité, devraient prendre,
au singulier comme au pluriel, un s à la fin de leur terme complé-
mentaire, et il serait logique d'écrire : pu brèche-dents, un casse-
noisettes, UQ chasse-chiens, un chasse-înouches, un cent-gardes, un
cure-dents, un cure-oreilles^ un essuie-mains, un garde-fous, un
porte-mouchettes, un croque-notes, etc.
c( Si ce n'est pas, ajoute M. Poitevin, l'orthographe de l'Acadé-
mie, c'est du moins une orthographe essentiellement rationnelle,
qui subordonne l'expression à l'idée, et, sans considérer l'emploi
matériel du terme, la met en accord avec l'idée qu'il traduit. »
« X. Lorsqu'un mot composé ne renferme que des mots inva-
riables de leurnature, aucun d'eux ne prend le signe du pluriel :
des in-douze, des ouï-dire, des pourboire (sans tiret), des qu'en-
dira-t-on, des passe-passe, »
Tout cela est fort ingénieux et très-bien dit; mais, je le de-
mande aux hommes pratiques, aux instituteurs de la jeunesse,
lorsqu'on dictera une phrase dans laquelle se présente un de ces
singuliers à accord controversé, un de ces pluriels si épineux, ac-
cordera-t-on à l'élève dix minutes de réflexion, et doit-on surchar-
ger sa mémoire d'aussi puériles minuties? D'ailleurs, ce trait d'union,
si multiplié dans nos dictionnaires et cause de tant d'embarras pour
le pluriel, est-il aussi utile que nosgrammairiens semblent le croire?
Dans le discours parlé, on n'en tient jamais compte, et personne,
sans doute, ne s'est aperçu qu'il en résultât la moindre obscurité.
M. Léger Noël, dans l'ouvrage dont nous avons parlé, p. 187, a
412 PLURIEL DES MOTS COMPOSES.
émis sur remploi du trait d'union des idées toutes différentes de
celles de nos grammairiens. En voici l'analyse :
« II faut bien distinguer, dit-il, p. 184, les noms composés, c'est-
à-dire les noms qui, quoique formés de plusieurs mots, ne dési-
gnent pourtant qu'un seul objet, comme arc-en-ciel, cul-de-sac,
qui équivalent à iris, impasse, d'avec certaines locutions analo-
gues, certains assemblages de mots qui gardent chacun leur sens
direct et présentent à l'esprit deux idées successives, comme robe
de chambre, billet de logement, billet d'hôpital , aide de camp, ma-
réchal de camp, garde du corps, pied de mouton, ver à soie, etc.
« Le irait d'union n'est ainsi nommé que parce qu'il sert à
marquer l'union des parties intégrantes d'un nom composé, lors-
qu'elles sont de nature à ne pouvoir être mises en contact immé-
diat. Or, partout où il n'y a pas fusion complète des parties, le
trait d'union est plus qu'inutile, il est nuisible.
« Des locutions telles que : barbe-de-bouc, dent-de-loup, etc.,
lorsqu'elles sont détournées de leur signification directe, et appli-
quées, par analogie, à certaines plantes, à certains instruments, etc. ,
sont des noms composés, ne présentant qu'une idée unique sous
plusieurs mots, et prennent en conséquence le trait d'union. Il ne
s'agit ici, en effet, ni de barbe, ni de bouc, ni de dent, ni de loup;
il ne s'agit que de la plante appelée autrement salsifis sauvage, et
d'une espèce de cheville de fer qui a quelque analogie avec une
dent de loup. Dans le sens direct et propre, on voit qu'il faut écrire
sans trait d'union.
« D'après ce principe, l'Académie a tort d'écrire eau-de-vie,
esprit-de-vin, belle-de-jour, écuelle-d'eau, coq-des-jardins, etc. (1).
En effet, quelle différence y a-t-il, au point de vue de la gram-
maire, entre eau-de-vie et eau de rose, eau de Cologne, eau de sen-
teur "i entre esprit-de-vin et esprit de soufre, esprit de sel, esprit
de vitriolai Si vous ne considérez eau-de-vie que comme un seul
mot, si vous y attachez un autre sens que celui d'une eau, d'une
liqueur qui donne de la vie, c'est-à-dire qui excite les esprits vitaux,
qui ranime, alors pourquoi , dans la formation du pluriel , en iso-
lez-vous les termes? Pourquoi n'écrivez-vous pas des eau-de-vies,
sans égard au sens particulier de chaque mot?
« Les mots dévie, de vin, dans eau-de-vie, esprit-de-vin, comme
de senteur, de soufre, dans eau de senteur, esprit de soufre, ne sont
(1) On devrait écrire piéplat, comme on écrit piédestal au lieu de pied d'estal.
V
PLURIEL DES MOTS COMPOSÉS. 413
pas autre chose que le complément déterminatif des mots eau et
esprit. Ces locutions ne sont donc pas plus des noms composés
que cul d'artichaut, ciel de lit, bouton d'or, arc de triomphe, etc.,
parce que chacun des termes qui les composent est employé,
sinon dans le sens propre, au moins dans un sens naturel et
direct.
« Écrivez donc sans trait d'union tout assemblage de mots na-
turellement construits, qui ne s'absorbent pas complètement l'un
dans l'autre, de manière à n^en faire absolument qu'un ; qui ne
présentent pas dans leur ensemble un sens tout autre que celui
qui paraît devoir résulter de leurs divers sens particuliers.
« Mais, si les expressions sont détournées de leur sens naturel,
de leur sens direct ; si le verbe, si l'adverbe est pris substantive-
ment; si les adjectifs ne se rapportent plus que d'une manière
indirecte au substantif qui les accompagne ; suitout s'il y a renver-
sement, transposition forcée, contraction, etc., alors, à défaut
d'une intimité plus grande entre les parties , le trait d'union est
indispensable. Exemples : un haut-le-pied , un pied-plat {i) , un
tout'OU-rien, etc.
(( Dans le cas où la réunion des composants semble indiquée, il
ne faut pas oublier que les consonnes ont entre elles plus ou moins
d'affinité et qu'elles ne s'accolent pas indistinctement l'une à l'au-
tre; qu'il n'est pas dans la nature des organes de la parole de
pouvoir prononcer rapidement une faible avec une forte, comme d,
par exemple, avec t, h avec p. Toute consonne immédiatement
précédée d'une autre consonne la veut du même degré qu'elle :
acquérir, abside, somptueux , etc. De là la nécessité du trait d'u-
nion , dans certains noms composés, pour tenir à distance respec-
tueuse certaines consonnes antipathiques.
x( Pourquoi l'Académie écrit-elle en un seul mot sangsue, hautbois,
longtemps, contrairement à tous les principes? puisque alors il
faudrait prononcer sankeçu, hautebois, lonketan^ attendu que
toutes les consonnes se prononcent dans le corps des mots (Acad.).
La simplification de ces mots ne pourrait s'opérer qu'en suppri-
mant la consonne finale du premier mot composant, ainsi qu'il
suit : sansue, lontemps, haubois, etc. ; ce qui est du reste tout à fait
(1) Jejne partage pas sur ce point l'avis de M. L. Noël. Tous ces composés, étant'
détournés de leur sens naturel et direct, doivent, selon moi, garder le trait d'union,
ou mieux être agglutinés en un seul mot. Voyez mon observation à ce sujet,
p. 415.
414 LISTE GÉNÉRALE DES MOTS COMPOSÉS.
conforme au génie de notre langue, comme le prouvent les sim-
plifications suivantes, tout à fait analogues : voici, soutenir^ sou-
lever, souligner, soumetlre, soupeser, soutirer, souterrain, soucoupe,
béjaune, chafouin, puîné, etc.
« Mais il faut éviter avec le plus grand soin de mettre en con-
tact les parties intégrantes d'un nom composé, quand on prévoit
que de leur choc il pourra résulter quelque perturbation sensible
dans le système de la prononciation ou de l'orthographe, déjà
compliqué d'assez de difficultés. N'écrivez donc pas bouteselle,
entresol, tournesol, havresac, contreseing, parasol (1)^ etc., parce
qu'on serait induit à prononcer le s, entre deux voyelles, comme z,
et que d'ailleurs il est impossible de doubler le s sans rendre fermé
Vé final du premier mot , lequel nécessairement doit rester muet.
(( Quand, des deux mots composants, le premier finit par un c
muet et que le second commence par une voyelle, le rapproche-
ment ne peut avoir lieu, à cause de l'élision nécessaire de Ve muet,
qui de porte, par exemple, ferait port, et changerait ainsi la phy-
sionomie propre du nom entier, de manière à le rendre mécon-
naissable. Il faut donc écrire morte-eau , porte-aiguille, etc.
« Mais, chaque fois que rien ne s'oppose au rapprochement des
parties intégrantes d'un nom composé, rien de mieux que d'opé-
rer ce rapprochement, comme Ta fait l'Académie dans hochequeue,
hochepot, tournebride, toumehroche, entremets, entretaille, entrela-
cer, entremêler, portebal/e, portecollet, portecrayon, portefeuille,
portemanteau, parterre, atout, trictrac, flonflon, etc. Pourquoi
donc écrit-elle encore : chausse-pied , couvre-pied , couvre-chef ,
chausse-trape, coupe- cul, coupe-gorge, entre-luire, entre-ligne, entre-
nœud, passe-droit, passe-port, porte-voix, à-compte, cric-crac, etc.,
mots parfaitement analogues aux premiers? »
J'ai encore présente à mon souvenir la discussion qui eut
lieu en 1825 au sujet de l'orthographe qu'il conviendrait d'a-
dopter dans le Dictionnaire de l'Académie pour les mots com-
(1) Dans ces mots, la lettre s conserve toujours son véritable son. On ne saurait
écrite autrement parasol, qiii ne peut être divisé en deux mots, l'un grec, l'autre
français; et l'on doit écrire de même entresol, sousol.
t
LISTE GÉNÉRALE DES MOTS COMPOSÉS. nr,
posés. On reconnaissait que les mots au nombre de deux, de
trois et même de quatre, dont l'ensemble ne représente qu'un
seul objet , qu'une seule idée , ne devaient pas être laissés
écrits séparés les uns des autres, puisque le sens de chaque
mot, pris isolément, offrait une idée tout autre que celle qu'ex-
primait leur ensemble. Les grouper en un seul aurait fait
cesser cet inconvénient; mais quoiqu'on eût déjà l'exemple de
plusieurs mots composés ainsi agglutinés, on crut devoir se
borner à les réunir par un tiret plutôt que de les laisser sépa-
rés. C'était un acheminement pour n'en faire plus tard qu'un
seul mot, système que je crois le meilleur. Il est, en elïet, le
plus logique, et l'Académie, dans ses diverses éditions, paraît
avoir voulu s'y conformer.
Je donne ici, d'après le Dictionnaire de l'Académie, la liste
générale des mots, avec ou sans trait d'union, qui jouent le
rôle de mots composés ou qui méritent véritablement cette dé-
nomination. On jugera des difficultés qu'offre cette question si
comphquée, par l'examen des contradictions qui ressortent de
la comparaison des cas analogues. Il semble, en y réfléchis-
sant, qu'il soit impossible de sortir d'un pareil dédale, sans
avoir préalablement ramené la théorie de la composition des
mots à des principes simples tirés des lois mêmes qui ont pré-
sidé à la formation de notre langue.
La première colonne de ces tableaux se compose du singu-
lier des noms composés ou pseudo-composés. Les mots mar-
qués d'un astérisque ne figurent pas au Dictionnaire de l'Aca-
démie. D'après les lexiques récents, on aurait pu facilement
en doubler le nombre.
La seconde colonne contient les pluriels sur lesquels l'Aca-
démie s'est prononcée dans sa dernière édition de 1835.
La troisième colonne renferme les pluriels donnés par
M* Poitevin dans sa Grammaire générale, édition de 1856^
tome P^ p. 80. Je les ai marqués du signe P. Ceux donnés par
M. Littré, dans son grand Dictionnaire historique en cours de
416 LISTE GÉNÉRALE DES MOTS COMPOSÉS.
publication, sont marqués de l'abréviation L. Enfin ceux que
j'ai fait suivre de la lettre H. sont tirés du Code orthographique
de M. Albert Hétrel, qui a fait de cette question une recherche
approfondie.
La date 1659, que j'ai fait figurer dans quelques cas, se ré-
fère au Dictionnaire français-italien^ de Nath. Duez, im-
primé à Leyde, chez Jean Elsevier, cette même année, ouvrage
exécuté avec beaucoup de soin et qui représente fidèlement
l'état de l'orthographe française avant que l'Académie se saisît
de cette question.
La quatrième colonne contient les rectifications qu'on pour-
rait, peut-être, introduire dès à présent et quelques remarques
historiques.
l
LISTE GÉNÉRALE
MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS
.\DM1S AU DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE.
Le^ mots marqués d'un * ne figurent pas au Dictionnaire de l'Académie. Le ? indique les mots inutiles.
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
il
abandon
*abat-faim (un)
*abat-foin (un)
abat-jour (un)
abat-vent (un)
abat-voix (un)
à-compte (un)
à-coup (un) .
acquit-à-caution (un). . .
acquit-patent
adjudant général (un) . .
adjudant-major (un) . . .
adjudant s.-offîcier (un) .
agnus-castus (un) . . . .
aide-chirurgien (un) . . .
aide de camp (un). . . .
aide-maçon (un)
aide-major (un)
aigre-doux, ouce . , . .
aigrefin (un)
aigue-marine (une), pierre
alentour (d')
amour-propre (1') ....
*annonce-omnibus (une) .
antechrist (un)
Anti-Liban (V)
antipape » .
*Anti-Taurus (1')
aparté (un)
à peu près
aplomb (d')
appui-main (un)
après-demain
après-dînée (une) . . . .
après-midi (une)
après-soupée (une). . . .
à-propos (un)
arc-boutant (un)
arc de triomphe (im). . ,
arc-doubleau (un) . . . .
arc-en-ciel (un)
archidiaconé (un) . . . .
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
abat-jour (des)
abat-vent (des)
à-compte (des).
à-coup (des). .
adjudants généraux (des)
aides de camp (des)
aides-majors (des)
aigres-doux, ouces.
aigrefins (des)
alentours (les)
amours-propres (les)
antipapes (des)
aparté (les).. .
après-dînées (des)
après-soupées (les)
à-propos (des) ....
arcs-boutants (des) . .
arcs de triomphe (des)
arcs-doubleaux (des) .
arcs-en-ciel (des) . .
archidiaconés (des)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
abat-faim (des), P.
abat-foin (des), P.
abat-voix (des), P.
acquits-à-caution (des) .
acquits-patents
adjudants-majors (des), L.
adjudants s. officiers (des)
agnus-castus (des) . , . .
aides-chirurgien (des) . .
aides-de-camp (des), P.
aides-maçon (des), aides-
maçons (des), H.
aigues-marines (des), P.
annonces-omnibus (des)
antechrists (des). . . .
appuis-main (des), P. L.
après-midi (les), P.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
écrit autrefois à bandon.
acompte, Li
acoup
acquit à caution.
agnus castus
aide-chirurgiens (des) ."
aide-raaçons (des)
aigredoux, aigredouces
aiguë marine
anlichrist
apartés (les)
appuimain
apropo»
arcboutant
arc doubleau
arc en ciel (
27
418
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DC DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
arrache-pied (d'). . . •
arrête-bœuf (un). . . •
arrière-ban (!')
arrière-bec (un) ....
arrière-bouche (une). .
arrière-boutique (une) .
arrière-corps (un). . .
arrière-cour (une) . . .
arrière-faix (un). . . .
arrière-fief (un) ....
arrière-garant (un) . . .
arrière-garde (une). . .
arrière-goat (un) . . .
arrière-ligne (une). . .
arrière-main (un et une)
arrière-neveu (un). . .
arrière-pensée (une) . .
arrière-peiit-fils (un) . .
arrière-point (un) . . .
arrière-saison (une) . .
arrière-train (1') ....
arrière-vassal (un), . .
arrière-voussute (une) .
atout ;un)
attrape-lourdaud (un). .
attrape-mouche (un). . .
attrape-nigaud (un) . . .
au deçà
au dedans
au dehors
au delà
au-dessous
au-dessus
au-devant
aujourd'hui
auparavant
auprès
auto-da-fé (un)
autrefois
autre fois (une)
auvent (un)
avant-bec (un)
avant-bras (un) .....
avant-corps (un). . . . .
avant-cour (une)
avant-coureur (un),rt'ière
avant-dernier, ière. . . .
*avant-duc (un) . . . . .
avant faire droit (un). . .
*avanl-fosse (une) . . . .
avant-garde (une). . . .
arrière-fiefs (des)
arrière-neveux (des)
arrière-pensées (des)
arrière-points (des)
atouts (des)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
arrète-bœuf (des), H. . .
rière-ban (les), P. . . .
arrière-becs (des),L.
arrière- bouches (des),L.H.
arrière-boutiques (des), P.
arrière-corps (des), P.
arrière-cours (des), L.
arrière-faix (des). L.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
arrachepied (d')
arrêtebœuf
arrière-bans, au pluriel, L.
arrière-bouche (de
arrière-garants (des), L.
arrière-gardes (des), P.
arrière-goûts (des), P.
arrière-lignes (des), P.
arrière-mains (des), P.
arrière-peiits-fils (des), P.
arrière-saisons (des), P.
arrière-trains (des)
arrière-vassaux (des), P.
arrière-voussures (des)
attrape-lourdaud (des)
attrape-mouche (des)
attrape-nigaud (des), H.
auto-da-fé (des)
autres fois (les)
auvents (des)
avant-cours (les)
avant-coureurs(Ies),rrières
avant-gardes (des)
avant-becs (des), P.
avant-bras (les), P.
avant-corps (les), P.
av. -derniers, ières, P.
avant-ducs (des), P,
avant-faire-droit (des), P,
avant-fosses (des), P.
audeçà
audedan?
audelior?
audelà
audessou?
audessus
audevanl
autodafé
avant-counere
avant-faire-droit (un)
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
419
MOTS
UU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
avant-goût (un) .
avant-hier
avant-main (un) .
avant-mur (un) .
avant-pêche (une)
*avant-piecl (!') .
avant-port (un) .
avant-poste (un),
avant-propos (un)
avant-quart (un),
avant-scène (une
avant-toit (un). .
avant-train (un),
avant-veille (une)
à vau-l'eau . . .
A.vé Maria (un) .
à verse
aveugle-né, née .
ayant cause (un).
ayant droit (un) .
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
avant-goûts (des)
avant-pêches (des)
avant-postes (des)
bâbord (à)
bain-marie (un)
baisemain (le)
banvin (le)
barbe-de-bouc, plante . .
barbe-de-capucin, plante,
barbe-de-chèvre, plante .
barbe-de-Jupiter, plante ,
barbe-de-moine, plante. .
barbe-de-renard, plante. .
bas bleu (un)
bas Breton
bas-dessus (un I
Bas-Empire (le)
bas- fond (un)
bas officier (un)
bas-relief (un)
basse-contrè (une). . . .
basse-cour (une)
basse-fosse (une)
basse lisse
Avé Maria (d(
ayants cause (des)
ayants droit (des)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
avant-mains (des), P.
avant-murs (des), P.
avant-pieds (les), P.
avant-ports (des), L.
A
avant-propos (des), P.
avant-quarts (des), P.
avant-scènes (des), P.
avant- toits (des), P.
avant-trains (des), P.
avant-veilles (des), P.
baisemains (des),m.et fém,
banvins (les)
bas bleus (des)
bas Bretons (des)
bas-fonds (des)
bas officiers (des)
bas-reliefs (des)
basse-taille (uiif).
*basse terre (une)
*basse voile (uni!)
basses-fosses (des)
Basses- Alpes (départ, des)
aveugles-nés, ées (des), L,
bains-marie (des), P. L. H.
barbes-de-bouc (des), P. ,
barbes-de-capucin (des),P.
barbes-de-chèvre (des), P.
barbes-de-Juplter (des)
barbes -de-moine (des), P.
barbes-de-renard (des), P.
bas-dessus (des)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
avauleau, à cause de aval et
amont.
Il pleut à verse,
pi. aveugle-nés, comme mort-
nés, nouveau-nés.
bainmarie
Comme l'Acad. En 1659, baibf
de bouc.
basses-contre (des), P,
basses-cours (des), P.
bas- ventre (le). .
bateau-porte (un)
bateau-poste (un)
basses-lisses (des), P. L.
basses- tailles (des), P. L.
basses terres (des) . . ,
basses voiles (des) . , .,
bas- ventre (des), P', , ,
bateaux-portes (des), H,
bateaux-poste (des). . .
Pas de pi.
bassecontre
bassecour
basse fosse
basselisse
bassetaille
M. P. écrit basse-terre,
basse voile. MM. L. cl P. écri-
vent basse -voile.
PI. bas-ventres.
Voirlirabres-poste.
420
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE l'académie.
battant-l'œil (un)?. . .
beau-dire (être sur son)
beau-fils (le)
beau-frère (un) . . . .
beau-père (un)
beaupré (le}. . . . . .
bec-de-cane (un), instr. .
bec-à-corbln (un), instr. .
bec-dc-corbin (un)
bec-de-cygne (un) ....
bec-de-gruc (un), plante .
bec- de-lièvre (un). . .• .
bec-de-vautoUr, instr. . .
becfigue (un)
béjaune (un), ou bec jaune
bel esprit (un)
belladone (une), plante. .
bella-donna (la), plante. .
belle-dame, plante. . . .
belle-de-jour (une), pi.. .
belle-de-nuil {une), pi.. .
belle-d'un-jour (la), pi. .
belle-fille (une)
belle-mère (une)
belle-sœur (une)
betterave (une)
b-fa-si (en)
bien-aimé, ée .
bien aise . . .
bien- dire (le) .
bien-disant, ante .
bien-être (le) . .
bienfaisant, ante.
bienfait (un). . .
bien-fonds (un) .
bienheureux, se .
bienséant, ante . .
bien-tenant, ante .
bientôt
bienveillant, ante
*bien-vivre (le) .
bigame (un), etc.
bis-blanc (pain) .
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
beaux-fils (des) .
beaux-frères (des)
beaux-pères (des)
beauprés (les)
beaux-arts (les)
becs-de-corbin (des)
becfigues (des)
béjaunes (des)
beaux esprits (de)
belladones (des)
belles-sœurs (des)
belles-lettres (les)
betteraves (des)
bien-aimés, ées.
bien aises. . .
bien-disants, antes.
bienfaisants, tes
bienfaits (des)
biens-fonds (des).
bienheureux, ses.
bienséants, antes
bien-tenants, antes.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
battant-l'œil (des), L.
becs-de-cane (des), P.
becs-à-corbin (des)
becs-de-cygne- (des)
becs-de-grue (des), P.
becs-de-lièvre (des), L.
becs-de-vautour (des), L.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
baltanlœil
beaufils
beaufrèrc
beaupère
bella-donna (des). . . .
belles-dames (d«4s), P. .
belles-de-jour (des), P..
belles-de-nuit (des), P. .
belles-d'un-jour (des), L.
belles-filles (des), P. . .
belles-mères (des), P. .
bienveillants, antes
bigames (des), etc.
bien-dire (des), P.
bien-être, P.
bis-blancs (pains)
belladonna
bélledame
belledejour
belledenuit
belledunjour
belleÛUe
bellemère
bellesœur.En 1659, belle sœur.
L'Académie écrit : Le bien faire
vaut mieux que le bien dire
. (sans trait d'union).
biendisant, à cause de bienfai-
' sont, bienséant
bienêtre
bienfond
Mais on écrit : Il est bien heu-
reux d'en sortir.
bientenant, à cause de bienfai-
sant.
Mais on écrit : Vous arrivt
bien tôt, bien tard.
bienvivre.
bis blanc, L.
vy
t
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
421
MOTS PLURIELS
DU DICTIONNAIRE DONNÉS
DE L'ACADÉMIE. PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS I CORRECTIONS
I
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
bissac (un) bissacs (des).
blancs de baleine (les)
blanc-bec (un). . .
blanc de baleine (le)
blanc-manger |
blanc seing (un) 'blarxs seings (des)
blanc signé (un) j
blé-froment (le)
bié-mouture (le). ...
blé-seigle (le)
bœuf gras (le). . . . .
bois gentil (le), arbre .
bon-chrétien (du), poire
bonduc (un), arbre. . .
bon-Henri (le), plante .
bœufs gras (les)
bonducs (des)
bonhomme (un)
bon homme (un) (V.prud'-
homme et gentilhomme.)
bonjour (le)
bonne aventure (dire la) .
bonne-dame (la), plante .
bonne fortune (en). . . .
bonnct-de-prêtre, fortifie,
bonne- voglie (un)?. . . .
bouledogues (des)
bourgmestres
borne-fontaine (une),
bouche-trou (un) . .
bouillon-blanc (le), plante
boule-de-neige (la), plante
bouledogue (un). ....
boule vue (à la)
bourgmestre (un) ....
bout- dehors ou bouîe-
hors (un) .......
boute-en- train (un) . . .
boute-feu (un)
boute-selle (le)
bouton-d'argent (un), pi.
boulon-d'or (un), plante .
bout-rimé (un^ jbouts-rimés (des)
branche-ursine (la) . . . |
brandevin (du) . . . .
branle-bas (un) ....
bras-le-corps (à)
brèche-dent (un ou une)
blancs-becs (des), L. . . .
blanc-manger (des), P.
blanc-seings (des), P. . .
blancs signés (des), 1659.
bois gentils (des)
bons-chrétiens (des), P. L.
bons-henris (les), P. . . .
bonjours (les)
bonnes fortunes (dc^)
bornes-fontaines (des)
bonnes-aventures, P.
bonnes-dames (des),L..
bonnes-fortunes, P.
bonnets-de-prêtre (des) .
bouche-trous (des), P. L.
bouillous-blancs (des)
boules-de-neige (des) . .
PROPOSKES
ET OBSERVATIONS.
De même en un root tons les
composés avec le préfixe la-
blancs- seings, an pi. I.
blé froment
blé mouture
blé seigle
bonhenri, à cause du plurii-l
inadmissible autrement.
L'Académie ne nous fixe pas
pour le pluriel. Jene crois
pas qu'on puisse dire comme
M. Th. Barrière : les faux
bonshommes ; mais les /aux
bonhomus (à cause de bon-
homie), et les enfants s'ex-
priment selon la loi de com-
position des mots en disiuit:
Faites-moi des honhommes.
bonnedame
M. L. écrit bonnet à prêtre.
Prononcez voille. Ce mot n'est
plus utile dans un diction-
naire de la littérature.
•rit boule de neige.
bouie-hors (des)
boute-en- train (des), P. L.
boute-feux (des).
brandeviiis (des
I boute-selles (des), L.. . .
boutons-d'argent (des), L.
I boutons-d'or (des), L. , .
îbranches-ursines (des), P.
branle-bas (des), L. . . .
brèche-dents (des), P. . .
boutefeu
boutesellc
bouton d't
bouts riuii'
brècbedent. M. L. écrit au pi.
brècbe-dents.
422
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DD DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
bredi-breda ? .
bric-à-brac (du)
*brise'Cou (un) . ,
brise-glace (un). .
brise-raison (un). .
brise-scellé (un). .
brise-tout (un). . .
brise-vent (un) . .
brûle-pourpoint (à)
brùle-tout (un) . .
çà et là
cache-cache (à) . . ,
*café-concert (un) . .
cahin-caha
caillebotte (une). . ,
caille-lait (le), plante,
caillot-rosat (du) . . .
cardinal-évêque (un).
carême-prenant (à)^ .
casse-cou (un) .
*casse-cul (un)
''casse-mottc (un)
casse-noisette (un
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
brise-glace (des),
brise-raison (des)
brise-vent (des)
brûIe-tout (des")
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
bric-à-brac (des), L. . .
brise-cou (des), P. L. H.
brise-sctliOs (des), P. M. .
brise tout (des), P
cailleboties (des)
cafOs-concorts (des), II.
I caille-lait (des), P.
icaillots-rosats (des), P.
cardinaux-évêques (des) .
! carême-prenant (les), P. H.
i casse -cou (des), P. II.
casse-cul (des), P. . .
casse- motte (des). P..
casse-noix (un) .
casse-tête (un). .
ceci
cela
celui-ci, celle-ci.
celui-là, celle-là .
*cent-gardes (un)
Cent-Suisse (un). .
cerf dix cors (un) .
cerf-volant (un) .
c'est-à-dire
champ clos (en) . .
ciiamp de mai (un) .
clianip de Mars (le)
champ de mars (un)
casse- tête [des]
ceux-ci, celles-ci
ceux-là, celles-là
Cenl-jours (les)
Cent -Suisses (des)
cerfs dix cors (des)
I casse- nijisettes (des), P.
I
casse-noix (des), P. . .
cent-gardes (les)
cerfs-volants (des), P. .
champs clos (les)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
bricabiMC, pour éviter le
bric..s-à-br;ic.5.
brisecou
briseglace
hriseraison
brii?ei?cellf
lirisetoiil
brisevent
champs de mai (des)
cahincahi
cardinal évêque
M. Littré écrit an pluriel de»
carêmes-prenants.— Care?iiie
prenant, 16b9.
cassecou. M. L. écrit au pi.
cas?e-cou ou casi^e-cous.
cas?ecu comme tapecu. Au pi.
M. L. écrit ra.s?e-cul ou ca??e-
casjemolte, 1659. M. L. écrit
au pi. casse-motte ou casse-
mottes.
cassenoiseite. Quelques - uns
écrivent, contrairement à
l'Acad. , un casse-noiseltf.i.
cassenoix
cassotête. L'Académie écrit ;
Ce problème est un casse
tête, sans trait d'union.
champs de mars (des)
champs Éiysées(les),myth.
Champ (le Mars, à Paris,
assemblée tenue on mars
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
423
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
chape-chute (chercher) .
char à bancs (un) . . .
*£hasse-chien (un) .
*chasse-coquin (un)
chasse-cousin (un).
chassé croisé (un) .
chasse-marée (un) .
chasse-mouche (un)
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
Champs-Élj'sées(les)à Paris
château fort (un) ....
*château-margaux ( boire
du)
chat-huant (un)
chauffe-cire (un) . . . .
*chauffe-linge (un). . . .
^^chauffc-litfun)
''chauffe-pieds un) ,
chausse-pied (un) . . .
chausse-trape (une) . .
chauve-souris (une) . .
chef-d'œuvre (un) . . .
chef-lieu (un)
*cliêne-liége (un) . . .
*chcvalde frise (un). .
chevau-léger (un) . . .
chèvrefeuille (un) , . .
chars-à-bancs (des), P. L.
chars à bancs (des), H.
chasse-chieu (des), P. . .
. . . I chasse-coquin (des), P. . .
. . .chasse-cousin (des). P.. .
'chasse-cousins (des), IL
chassés croisés (des) !
chasse-marées (des) .... chasse-marée (des), P. . .
chasse-mouches (des), P. .
C0RRECT10.\S
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
châteaux forts (des)
château-margaux (des)
cliats-huants (les)
! chauffe-cire (des), P. . . .
îchauffe-lingc (des), H. . ,
I chauffe-lit (des), P., chauf-
I fe-lits (des), IL
chaufle-pieds (des). P.. .
; chausse-pieds (des), P. . .
chausse-trapes (des
chauves-souris (des) . . . j . . . • •
chefs-d'œuvre (des)
chefs-lieux (des) . ,.....•••
chênes-liéges (des) . . .
chevaux de frise (des) j
chevau-légers (les) . . . . chevaux-légers (les), P.
chèvre-pied, adj. m. .
*chie-en-lit (un) . . .
chiendent (du). . . .
*chien-loup (un). . .
*chien marin (un). .
choléra-uiorbus (le) .
choucroute (la) . . .
chou-fleur (le), . . .
chou-navet (le)
chèvrefeuilles (des).
chèvre-pieds (dieux) .
, chèvres-feuilles (des), P.
chapechutc
charabîii. Au pi. on prononce,
dit M. Littré, cliaraban.
chassechien
chassecoqnin
chassecousin
cha^semarée
chassemouche.M. Poitevin écrit,
contrairement à l'Acad.^ un
chasse-mouche?.
hahuant, 1639.
chauffccire
chauffelinge
chauffelit
chauffepied. — Chauffe-pied,
1659.
chaussepied
chaussetrape. — Chaussetnppe,
1639.
c.hauvesouris, 1659.
chefdœuvre ou cliêdeuvre
cheflieu
chêne liéjro
chevaulés^er.— Chevaux légers,
1639.
Heureusement l'Académie a
réuni le? parties de ce com-
posé, car le pluriel proposé
par M. Poitevin est inadmis-
sible.
xhieen lit (des)
chiendents (des)
chiens-loups (des), P. .
chiens-marins (des). P..
choléra-morbus (des) . .
choucroutes (les)
choux-fleurs (les)
chou-pille (un) .
chou-rave (le) .
christe marine (une). . . christes marines (des)
choux-navets (les), P. L.
choux-pilie (des) . . .
choux-raves (les). P..
ehèvrepied. Chèvre-pied, 1639,
cliienlit
chien loup
chien marin
coléra
(leurs.
choufleur. — Choux
1639.
chou navet, ou plutôt chouna-
vel.
choupille, chien de chasse,
chou rave, ou chourave comme
betterave.
M. L. écrit à tort chrisle-marine
avec trait d'union.
u
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DD DICTIONNAIRE
DE L'âCÂDËHIE.
ci-après, ci-contre, ci-de-
vant, ci-dessus, ci-in-
clus, ci-joint, etc. , . .
ci-devant (un).
ciel de lit (un) ,
ci-gît, verbe. .
*clair-brun, brune. ,
claire-voie (à) , . . ,
clair-obscur (le), . ,
clair-semé, ée . . . ,
*claque-bois (un) .
claquedent (un) . .
claquemurer
*claque-oreilles (un)
cligne-musette (à la)
clin d'ceil ( un) . . .
cloche-pied (à)
clopin-clopant (aller). .
*clos-vougeot (boire du)
coassocié, ée,etc. ...
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQOES
GRAMMAIRIENS.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
ciels de lit (des) ....
ci-gisent
Cinq-Cents (conseil dis)
clair-bruns, brunes
ciair-semés, ées .
claque- bois (des),
ciaquedents (des)
, . . cicontre, cidessus, etc., mais
! ci inclus, ci joint.
ci-devant (des) j cidevant
ciels-de-lit (des), P. . . *. cieldelit, à cause du pluriel.
I Ciel de lit, 1659.
claires-voies (des), P. L. . Icialrevoie
clairs-obscurs (les) . . . . ' tiairobséur
elairsemé. — Clair semé, 1659.
claquebois
claque-oreilles (des), P. L.
coassociés, ées.
cœur joie (à) . . . .
coffre-fort (un) . .
cogne-fétu (un) . .
colin-maillard (un)
*colin-tampon
colle forte (la)
collet monté, adj.
commissaire-priseur (un)
commis voyageur (un) , ,
compte courant (un) . . .
compte rendu (un) . . . .
clins d'œil (des) jclins-d'œil (de.ç), P : c'est à tort que M. Poitevin
met un trait d'union, puisque
le sens est naturel.
clochepied
clopin dopant »
Il n'y a pas d'exception pour la
juxtaposition des mots avec
le préfixe eo. C'est à tort que
M. Poitevin fait trois ou qua-
tre distinctions : co- associé',
eo-état , co-êvèque, co-reli-
gionnaire.
cœur-joie (à)
coffrefort
cognefctu
colinmaillard, car ce pluriel
est un des cas les plus épi-
neux de la syntaxe des noms
composés. — Colin maillard,
1659.
colles fortes (les)
commis voyageurs (des)
comptes courants (des)
comptes rendus (des). ,
coffres- forts (des) . . .
cogne-fétu ou fétus (des)
colins-maillards (des),- P.
commissaires-priseurs(des)
commissaire prise ur
comté-pairie (un) .
contrapontiste (un)
contre-allée (une) .
contre-amiral lun) .
'^contre-appel (un).
comtés-pairies (des)
conlrapontistes (des),
contre-allées (les) . .
M. Arago a faitadopter à l'Aca-
démie des sciences cette
forme : compte-rendu.
Jamais dé disjonction avec le
préfixe latin contra.
contrallée. (De même tous les
composés formés avec la pré-
position contre.)
contre-amiraux (des) contramiral
contre-appels (des), p. . .{contrappel
t
DES MOTS COIMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
425
MOTS I PLURIELS
DU DICTIONNAIRE DONNÉS
DE L'ACADÉMIE. | par L'ACADEMIE.
contre-approches (des) .
contrebandes (les)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
CORREGllUAb
PROPOSKES
ET OBSERVATIONS.
contre-balancer
contrebande (la)
contre-bas (en) |
contre-basse (une) . . . . | contre-basses (des) . . . .1
contre-batterie (une). . .' contre-batteries (des) '
contre-boutant (un) . . . i Icontre-boutants (des), L.
contre-calquer !
contrecarrer
" ' ' contre-charges (des), P.
*contre-charge (une),
contre-charme (un)?,
contre-châssis (un) . .
contre-clef (une) , .
contre-cœur (un), serr
contre-cœur (èi). . .
contre-coup (un), . .
contre-courant (un) .
contredanse (une) . .
contredire
contredisant, ante. .
contredit (un) ; contredits (des)
contre-échange (un)
contre-courants (des)
conti edanses (des)
contredisants, antes
contre-enquête (une).
contre-épreuve (une).
contre-espalier (un) .
contrefaçon (la) . . .
contrefacteur (un). .
contrefaiseur (un) . .
*contre-fenêtre (une) .
contrefaçons (des)
contrefacteurs (des)
contrefaiseurs (des)
*contre-fente (une) . . .
contre-fiche (une) . . .
contre-finesse (une) . .
contre-fort (un) . . . .
contre-fugue (une) . . .
contre-garde (une). . .
contre-hachure (une). .
contre-hâtier (un) . . .
contre-indication (une),
contre-jour (un). .. . .
contre-latte (une) . . .
contre-lettre (une). . .
contre- fiches (des) .
contre-forts (des) .
contre-fugues (des), P.. .
contre-gardes (des), L.. .
contre-hachures (des), L,
contre-hàtiers (des), L.. .
contre-indicaiions(des),L.
contre-jour (des), P. . . .
contre-latles (des), L. . .
conire-Iettres (des). P.. .
contre-maître (un) |contre-maîtrfs (des), P. .
i
contremander I
contre-marche (une) contre-marches (des), P. .
contre-marée (une) j contre-marées (des), P. .
contre-marque (une). . . contre-marques (des), P. .
contre-mine (une) . . . ., j contre-mines (des), P, . ,
contre-charmes (des). L.
contre-châssis (des), L .
contre-clefs (des), P.. .
contre-cœurs (des), P. .
contre-coups (les), P.
contre-échanges (des), P.
contre-enquêtes (des). P.
contre-épreuves (des), P.
contre espaliers (des). .
contre-fenêtres (des), P.
conire-fentes (des), P. .
contre-finesses (des), P.
contrapproches
contrebalancer, 165^.
contrebas (en)
contrebasse, 1659.
conlrebatterie, 1659.
conlreboulant, 1659.
contrecalquer
contrecharge, 16."9.
coiitrecbarme
eontrechâssis
contreclef
contrecœur
contrecœur (.i), 1659.
contrecoup
conlrecouranl
conlréchange. — Contres
change, 1659.
contrenquête
contrépreuve
contrespalier, comme contre^
carpe.
contrefonêtre. — Contrefonos-
tre, 1659.
conlrefente
contrefiche
contrefinesse, 1659.
contrefort, 1659.
contrefugue
contregarde, 1659.
contrehachnre
conlrehâtier
contrindication
contrejour
contrelatte
contrelettre, 1669.
ontremaîlre, pour éviter le
pluriel illogique
■naître!).
contremarche, 1659.
contremarée
contremarque
contremine, 1659.
contre-
20
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉillE.
contre-mont, loc. adv. .
contre-mur (un) ....
contre-opposition (une) .
contre-ordre (un) . . .
*contre-ouverture [une)
*contre-pal (un). . . .
contre-partie (une). . .
contre-peser
contre-pied (le) ....
contre-platine (une)
contre-poids (un) .
contre-poil (à)
*contre-poinçon (un) . .
contre-point (le) ....
*contre-pointe (la). . .
conire-pointer
contre-poison (un). . .
contre-porte (une). . .
contre-révolution (une) .
*contre-ronde (une) . .
contre-ruse (une) . . .
*contre-saison (une). .
contre-sanglon (un) . .
contrescarpe (une) . . .
contre-scel (un) ....
contre-seing (un) . .
contre-sens (un). . .
contre-signer ....
*contretaille (une) . .
contre-temps (un) . .
contre-terrasse (une).
contre-tirer
contrevallation (une),
contrevenir
contrevent (un) : . .
contre-vérité (une) . .
copartageant (un) . .
copropriétaire (un) .
coq-à-l'àne (un) .
coq en pàl" (un).
cordon bleu (un),
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
contre-muis (des), P. . .
contre-oppositions (des),L.
contre-ordres (des), P. . .
contre-ouvertures (des),I^
contre-pals (des), P.. . .
contre-parties (des), P. .
contre-platines (des) .
contre-poids (des) . .
contre-poinçons (les).
contre-points (les), P.
contrescarpes (des)
contre-poisons (des), P. .
contre-portes (des). P.. .
contre-révolulions(des),P.
contre-rondes (des), P. . .
contre-ruses (des), P. . .
contre-saisons (des) . . .
contre-sanglons (des), .L. .
contre-scels (des). P.. . .
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
contreiiiont, 1659.
conireiDur
contropposition
contrordre
controuverliiic
contrepal
contrepartie
contrepeser
contrepied, 16a9. L'idée de pied
a disparu ; pas de pi.
contreplatine
On écrit généralement con-
trepoids.—Contrepoi?, 1659.
contrepoil (à), 1659.
contrepoinçon
contrepoint, 1659.
contrepointe
contrepointer, 1659.
contrepoison;»1659.
contreporte, 1659.
contrerévolution
contrcronde, 1639.
contreruse, 1659.
contresaison
contresanslon
contre-seings (des), L.
Contre-sens (des) ,
cOntre-temps (des) ,
contretailles (des;
contre-terrasses (des), L.
contrescel, pour qu'on ne soit
pas tenté par analogie avec
ce qui précède de former le
pluriel contre-sceaux.— Con-
trescel, 1659.
contreseing, 1659.
! contresens
contresigner
i
! contretemps, 1659.
contreterrasse
I contretirer, 1659,
contrevallatioiis (des'
contrevents (des)
contre-vérités (des). .
copartageants (des)
copropriétaires (des)
coq-à-l'âne (des)
COIS en pâte (des)
cordons bleus (des)
cordon bleu (un), cuisin., 'cordons bleus (des)
coreligionnaire (un) . . . coreligionnaires (de:
corps de garde (un). . . . corps de garde (des
corps de logis (un) .... corps de logis (des)
contre\éritp
C'est à tort que M. Poitevin
met ici le trait d'union.
C'e?t à tort que M. Poite
introduit le trait d'union.
cordonbleu
DES MOTS COMPOSES OU PSEUDO-COMPOSÉS.
42'i
MOTS
DD DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
corps franc (un),
corps-saint (un) .
couci-couci . . .
cou-de-pied (un) .
coup d'œil (un) .
coupe-cul (un). .
coupe-gorge (un)
coupe-jarret (un)
*coupe-pâte (un) . .
coupe-tête (un) . . .
court-bouillon (un)
courte-botte (un) ?.
courte paille (la) . .
courte-pointe (une)
courtier marron (un)
court-jointé, ée . . .
court vêtu, ue, adj. .
couvre-ctief (un) . .
couvre-feu (le) . . . .
couvre-pied (un) . .
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
corps francs (des)
corps-saints (des)
coups d'œil (des)
coupe-jarrets (des
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
CORRECTIONS
l'ROPOSf.ES
ET OBSERVATIONS,
'corps s.iint, sans trait d'union
le sens est direrl.
couci couci, comme flic fluc.
cou-de-pied (des), p., cous- cyndepicd, tlcanse dn pluriel
de-pied (des), L. et IL \ l''>!^
courtiers marrons (des
court-jointés, ées
court vêtus, ues
coupc-cuI (des) . .
coupe-gorge (des), P,
coupe-pàte (des), P. . . .
coiipe-têle (des). P., H.. .
courts-bouillons (des),P.L,
cburtes-bottos (des), P.
courtes-pailles (des), P. ,
courtes-pointes (des), P.
couvre-clief (des), P.. .
couvre-feu (des), P. . .
couvre-pieds (des), P. .
crête-de-coq (la), plante,
crève-cœur (un) ....
crie crac
crincrin (un)
crincrins (des)
croc-en-jambe (un)
croix-pile (à), . .
croque-mort (im)
croque-note (un)
cul-blanc (un), oiseau
cul de basse-fosse (un)
cul-de-jatte (un). . .
culs de basse-fosse (des)
cpupecuj comme lapecii.
coupegorge
cônpejarret. M. Poitevin écrit:
•un coupe- jarrets. Coupe jar-
ret, 1639.
coupepille
I conpctcte
{court liouillon, 1650.
P;is,de liait d'union, p;i? de
pluriel.
coutepointe, en latin : cuUi-
' ttapKnctn.
crôtes-de-coq (des), L
crève-cœur (des), P. .
crocs-en-jambes (des), P.
crocs-en-jambe (des), L.
croque-morts (des), L,
croque-notes (des), P.
culs-blancs (des), L. .
cûls-de-jatte (des), P.
coiivrechel'.
couvrefeu.
M- Poitevin écrit avec rai«on :
nn couvre-pieds; mais con-
vrepiedd'un seul mot est plus
simple.
un crèvecœur.des crèveccpurs.
MM. P. et L. mettent ici un
trait d'union ; je le crois inu-
tile.
PJuriel Utigieus. M. Poitevin a
tort d'écrire au singulier :
' croc-en-jambes, puisque le
• croc n'opère que sur une
. seule jambe, et personne ne
consentira à prononcer avec
' lui : des crozenjambes. Ce
mot serait mieux écrit cro-
canjambe.
croix ou pile (à)
croquemort : le pluriel est em-
barrassant, et ilyaévideni-
' ment ntétaphore.
croquenote. M. Poitevin écrit
au singulier croque-notes.
cublanc
Knsse fosse
cudejatte est plus convenable,
et le pluriel cudejaltes sans
difliculté.— Cul de jatte. 1659.
28
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'AGADËMIE.
cul-de-lampe (un) . .
cul de plomb (un) ....
cul de poule (un), serrur,
cul-dé-sac (un) . . . . ,
cure-dent (un)
cure-môle (un)
cure-oreille (un)
culs-de-Iampe (des)
culs de plomb (des)
culs de poule (des).
custodi-nos (un)'
dame-jeanne (une).
*danse de Saint-Guy .
de cl, de là, au delà, en
delà, par delà
déjà
demi-aune (une), etc. . .
demi-bain (un)
*demi-fortune (une), carr.
demi grand aigle (papier)
dent-de-lion (une), plante
dent-de-loup (une), instr.
derechef
dès-là
dès lors
désormais
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
cure-dents (des) ,
custodi-nos (des).
demi-bains (des)
deux-centième (un)
deux-points (un) ....
dissyllabe
docteur es sciences (un)
docteur-médecin (un)
doit et avoir (par) . . .
dorénavant
double-as (le), domino
Mouble-blanc (le), dom.
double croche (une). .
double feuille (une) . .
double-quarte (fièvre) .
douce-amère (la). . .
PLURIELS I CORRECTIONS
SELON QUELQUES PROPOSÉES
GRAMMAIRIENS. ! ET OBSERVATIONS.
culs-de-poule (des), L.
cnls-de-sac (des), P. .
cure-môles (des) , L.
cure-oreilles (des), P.
dames-jeannes(des),P,L.H.
dissyllabes
docteurs es sciences (des)
On écrirait mieux cudelampe et
cudelampes au pluriel : l'idéo
représentée par le premier
mot du composé n'étant pas
exacte.
cudeplonib
cudepoule
De même pour cudesac.
curedent, 1659. M. Poitevin
écrit un cui;e-dents.
M. Poitevin écrit un cure-
oreilles.
custodi-nos
daraejeanne, fiour la simplicité
et la logique. '
On pourrait peut-être éciire
danse de saint Gui.
deuii-aunes (des)
demi-fortunes (des) .
dents-de-lion (des).
dents-de-loup (des)
On écrit deçà et delà.
Contraction de dès jà
demifortune
dandélion, comme Pissenlit.
VoirCoMPL. PK l'Acad.
dès là, comme dès lors
deux-points (les)
docteurs-médecins (des)
dommages et intérêts (des)
dommages-intérêts (des)
doubles croches (des)
doubles-blancs (les)
double quartes
douces-amères (des), L
Contr. de : dès ore mais (mais
de magis).
On écrit : les deux centièmes
la deux centième partie.
disyllal)e
:, Poitevin met ici abusive-
ment des traits d'uniqn.
Contraction de de ore en avant.
M. Poitevin met ici abusive-
ment un trait d'union.
Quel sera le pluriel? Douces-
amères, sans doute. Puisqu'il
s'agit de traduire le latin
dulcamara, et non dtilcis
amara, que n'écrivons-nous
douçamère ?
i
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
429
MOTS
DU DICTIONIVAIRE
1)K l'académie.
duché-pairie (un) .
dure-mère (la), anat.
eau-de-vie (une).
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
eau-forte (une) eaux-fortes (des) . ,
eau mère (une) ! eaux mères (des)
j eaux et forêts (les)
ecce homo (un) |
écoute s'il pleut (un). . .!
*électro -aimant (un) . . .
*éleciro-chimique, adj. .
électrophore (un) . . . .
*électrotypie (T)
*encaisse (!')
*en cas (un)
en deçà, en delà, en de-
dans, en dehors, en des-
sus, en dessous
*entête (un)
entr'accorder (s')
entr'accuser (s')
entr'acte (un). . ' . . .
électrophorcs (des)
entr'admirer (s')
entr'aider (s') .
entr'aimer (s') .
entr'appeler (s')
entr'avertir (s')
entre autres
entre-bàiller. .
entre-baiser (s') . .
entrechat (un). . .
entrechoquer (s') .
entre-colonne (un).
entre-côte (un) . .
entrecouper
entre-croiser (s') . .
entre-déchirei- (s')
entre-détruire (s').
entie-deux (un) . .
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
duchés- pairies (des)
dures-mères (les)
eaux-de-vie (des), P..
ecce homo (des), P. .
écoute-s'il-pleut (des)
électro-aimants (des)
électro-chimiques . .
encaisses (les)
encas (des), IL
entêtes (des)
entr'acles (des
entrechats (des)
entre-colonnes (des)
entre-côtes (des), L.
entrè-dévorer (s')
entre-donner (s') .
entre eux
entrefaites (les)
entre-deux (des), L. .
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIO.NS.
oau de vie, 1659, ou int'nie
euudevie.
eauforte. Eau forte, 1639,
M. Poitevin metle trait d'union,
contrairement à l'Académie.
électrochiniique
Pas de pi.
entraccorder (s'j
entraccuser (s')
entracte. M. Poitevin écrit un
cntr'aetes.
enlradmirer (s')
entraider (s')
entbaimer (s')
enlrappeler (s')
dntravertir (s')
cntrebAiller. — Entrebaailler
1659.
entrebaiser (s'), 1659.
entrechoquer (s').— Enlrechoc-
. quer, 1659.
enirecolonnc (une). M. Poitevin
écrit un entre-colonnes,
entrecôte, fera. M. Poitevin
écrit une entre-côtes.
entrecroiser (s'), 1639.
entredéchirer (s')
entredétruire (s')
(?ntredeux, 1659. L'Académie
■ écrit aussi : entre -deux, dans
l'acception d'entre les deux,
entredévorer (s')
entredonner (s'), 1689.
30
LISTE GENERALE
MOTS
DU DICTIONNAIRK
DK L'ACADKMIE.
PLURIELS
DONNÉS
'Alî L'ACADÉMIK.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIEJNS.
*entre-filets (un) . . . |cinrc-filets(desl,
entre-frapper j .•
entregcnl [iinj j
entr'égorger (s'j.
entrelacer
I entrelacs [des)
entrelarder
entre-ligne
un).
entre-lignes (des)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
entrefilet
entre frapfier
entrégorçer (s')
entreli^ne. M. P. éciit
tre-lignes.
entreluire, 1639.
entremanger (s'), 1659.
entre-luire
entre-manger 's') *• •
entremêler
entremets (un) entremets (dos)
entremise (une) entremises (des)
entre-nœud (un] entre-nœuds (les) entrenœud
entre nuire (s') . . j entrenuire (s',
en trépas (un) ? en trépas (des)
entre-percer (s'}. ... ; 'enlrepercer (s')
entre-pont (un) [entre-ponts (les) entrepont
entreposer j j
entre-pousser (s') ' entrepousser (s'),
entreprendre (et ses dérivés)
entre-quereller (s'). . . .|
entre-répondre (s')
entre-secoiirir (s')
essuie-main (un).
entretailles (desj
entretaillures (des)
entré-temps (des) .
entretoilcs (desj
entretoises (des)
, , , , entre-sol des], P-,
entre-sol un ...... ) , ,, \ r
^ ^ sols (des), L.
entie-suivre (s') ....
entretaille (une). , . .
entre-tailler (s') ....
entretaiilure (une\ . .
entre-temps (un) ....
entretenir et ses dérivés
entretoile (une) ....
entretoise (une) ....
entre-vifs (donation).
*entrevoie (une),
entrevoir et ses dérivés
entr'ouïr
enir'ouverture (une). ".
entr'ouvrir
épine-vinette (une) . .
e-si-mi ?
es arts, es sciences, etc.
esprit de bois (P) ....
esprit-de-vin (P) ....
esprit de vitriol ....
esprit fort (un) ....
entre-
entrequereller (s')
|entreré^ndrc (s')
[entresecourir (s')
[entresol. On l'écrit ainsi par-
; tout, sans qu'on liésite sur la
f prononciation,
'entresuivre (s')
entr'oirvertures (des)
épines-vinettes (des), P.
esprits de bois (des)
esprits-de-\in (des) . .
esprits (le vitriol (des)
esprits forts (des)
essuie-mains(des),P.H.,ou
essuie-main ou mains, L.
;ntretailler (s'), 1659, à cause
de entretaille.
entretemps , connue
tretemps , 1659.
entre vif?
entrouir »
entrouverture
entrouvrir, en 1659.
épine vinette. — Espinevinette.
1659.
esprit de vin
essuie-mains, au singulier, se-
lon M. P. Ne pourrait-on pas
écrire essuimain et appui-
main? — EssuJ-main, 1659.
I
DES MOTS COÎMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
431
MOTS
DU DICTIOIVNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
PLURIELS PLURIELS
i>0>AKS SELON QUELQUES
PAR L'ACADÉMIE. 1 GRAMMAIRIENS.
état-nicijor fun) ....
état civil (un) états civils (des)
états généraux (les)
cxconinninication 'unv)
ex -député (un) . . . .
expert juré (un). . . .
r.v p7'o[esso
' \trajudiciaire, etc. . .
extième-onction (1') . .
États-Unis (les)
excommunications (des)
ex-députés (des)
experts jurts (des)
extrajudiciaires, etc.
états-niajors (dis', P.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
ex-voto (un) .ex-voto (des)
fac-similé (un)
faim-valle (la) *.'...
faire part (lettre de)
*faits-divers(un). . .
faubourg (un). . . .
faufiler (se)
fausse clef (une) . .
faux bond (faire)
faux-bourdon (en) . .
faux-fuyant (un). . .
faux-marcher (le) . .
faiix-monnayeur (un^
faux-saunier (un) . .
faux semblant (un) .
faux titre (un) ....
*felà-maréchal (un) .
feldspath (le) ....
fer-blanc (du) ....
ferblantier (un) . . .
fesse-cahier (un). .
fesse-mathieu (un) ,
fête-Dieu (la)
feuille-morte (couleur),
ficr-à-bras [un]
fil à plomb (un) .
fleurdelisé, ée. .
flic flac (faire)
flicflac (un) , . .
flint-glass (du) . .
flonflon (un) . .
faubourgs (des) .
fausses clefs (des)
fac-similé (des), L.
faits divers (des)
faux-fuyants (des\ P. L
faux-monnayeurs (des) .
faux semblants (des)
faux titres (des)
feld-maréchaux (des)
feldspaths (les)
ferblantiers (des)
fesse-maihieux (des).
faux-sauniers (des)
fers-blancs (des) .
fesse-cahier (des), P. L., >
fesse-cahiers, L.
fesse-mathieu (des), P.
fêtes-Dieu (les), P.
j fiers-à-bras (des), P.
I fier-à-bras (des), L. H*
fils à plomb (des)
fleurdelisés, ées
flicflacs (des)
flonflons (des)
état major
Les composés arec ex, comnic
ceux^vecco, extra, intra,eic.,
se réunissent : excroissance,
exhausser, exposé, extension;
il n'y a pas lieu de faire ex-
ception pour ex-dépulé, etc.
extrême onction, car le sens
n'est pas détourné de l'accep-
tion première.
ex voto (un)
facsimilé, le mol étant devenu
français.
faimvalle
Primitivement fors bourg, pui
forbourg, puis faux bourg.
fausse clé
faux bourdon
faufuyant
faux marcher
faux monnayeur
faux saunier
ferbjanc, à cause de ferblantier.
fessecahier. — Fesse -cayer,
1659.
En écrivant fessemaihieu, on
éviterait ce pluriel et l'em-
barras qui naît de la suppres-
sion de la majuscule. —Fesse-
matlhieu, 1659.
Voy. Hôtel-Dieu.
couleur de feuille morte sans
trait d'union,
fierabras, d'après un héros de
roman nommé Ferabras ou
Fierabras. Le pluriel de Der
est inadmissible.
flintglace, comme biftec.
432
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
folle enchère (une) . •
l'LURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
folles enchères (des)
forte-piano (un),
fort-vêtu (un) . ,
forte-piano (des) ,
fouille-au-pot (un)
fourmi-lion (un) .
franc- alleu (un) francs-alleux (des).
franc archer (un). . •
franc-bord (un) . . .
Franc-Comtois (un) .
Franc-Comtoise (une)
franc-fief (un) . . .
franc-maçon (un) . .
franc-maçonnerie (une) . .
franc parler (le)
franc-quartier (un), blason
franc-réal (un)
franc-salé (un) ? . . . .
fripe-sauce (un)
*fulmicoton (le)
francs archers (des)
Francs-Comtois (des)
Franc-Comtoises (des)
francs-fiefs (des) . . .
francs-maçons (des) .
gagne-denier (un)
gagne-pain (un). . .
gagne-petit (un) . . .
garçon-major (un) . .
garde-bois (un) . . .
garde-bourgeoise (la) ■
garde-boutique (un),
garde champêtre (un)
garde-chasse (un)
*garde-chiourme (un)
garde-corps (un). . .
garde-côte, adj. . . .
garde du corps (un) .
garde-étalon (un) . ,
garde-feu (un) . . .
garde forestier (un)
JI. Poitevin ajoute un trait
d'union inutile,
fortepiano
M. L. écrit forvêtu, de fors vêtu,
un homme vêtu hors de sa
condition.
fouille-au-pot (des), P.
fourmis -lions (les), P.
francs-alleus (des), L.
francs-bords (des), L.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
gagne-deniers (des)
franc-maçonnerie (des), P.
francs-quartiers (des) . .
francs-réals (des), P. L.
francs-salés (des),L.
fripe-sauce (des), P. . . .
fulmicotons (les), H.
fourmilion (le), comme écri-
vent les naturalistes.
franc alleu.— Franc aleu, 1659.
franc bord
franc fief
PI. franc-maçons, à cause de
franc-maçonnerie.
Ce pluriel est inadmissible,
franc quartier
fripesauec
gardes-bois (des) .
gagne-denier (des), P.
i gagne-deniers (des), L. H. \
gagne-pain (des), P. L. .
gagne-petit (des), L.. . .
garçons-majors (des), L,
garde-bois (des), L. . . .
gardes-bourgeoises (des), L.
garde-boutique (des). .
gardes champêtres (des)
garde-boutiques (des) , L.
gardes-côtes
gardes du corps (des)
gardes-étalon (des). .
gardes-chasse (des), P. H.
garde -chasse ou chasses
(des), L.
garde-chiourme (des), L..
garde-corps (des), L.. . .
garde-côles (des), L H. .
garde - étalon ou étalons
(des), L.
garde-feu (des), L. . . . .
! gardes forestiers (des)
gagnedenier
gagnepain
gagnepetil
gardebois
garde bourgeoise. Ecrit ains
au mot BouBGBois du Dict.
gardeboutique, 1659.
M. P. introduit ici à tort li
trait d'union.
gardechasse, à cause du pluriel.
gardechiourme
gardecorps
gardecôte
gardefeu
M. P. place ici à tort le trait
j i I d'union.
garde-fou (un). . ; . . .' garde-fous (des) j ' gardelou, 1659.
garde-française (un) • . . | gardes françaises (les) . . I ' M. L. écrit un garde française
p
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
433
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DK L'ACADÉMIK.
garde-magasin (un)
garde-malade (une)
garde-manche (un)
garde-manger (un)
garde-marine (un) .
garde-marteau (un)
garde-meuble (un) .
garde national (un)
garde nationale (la)
garde-noble (la) . .
garde-note (un) . .
garde-pêche (un)
garde-robe (une) .
garde-rôle (un) .
garde royal (un),
garde-sacs (un) .
garde-scel (un) .
garde-vaisselle (un)
garde-vente (un). .
garde-vue (un),
gâte-enfant (un)
gâte-métier (un) .
gâte-pâte (un) . .
*gâte-sauce (un).
gendarme (un) . . .
gentilhomme (un) .
gobe-mouches (un)
gomme copal (la) .
gomme-gutte (la) .
gomme laque (la) .
gomme-résine (la).
PLURIELS
DONNÉS
l^AU L'ACADÉMIE.
garde-manger (des) , .
gardes-marine (des) . .
gardes-marteau (des). .
garde-meubles (des) . .
gardes nationaux (des).
gardés-notes (des) .
gardes-pêche (des) .
garde-robes (des) .
gardes-rôle (des). .
gardes royaux (les)
gardes-sacs (des). .
gardes-scel (des) . .
gardes-vaisselle (des) .
gardes-vente (des) . .
gendarmes (des). .
gentilshommes (des)
gobe-mouches (des)
gommes laques (les)
gommes-résines (les) .
l'LURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
gardes-magasin (des), P. ,
garde- magasin ou maga-
sins (des), L., ou gardes-
magasins (gardiens), H.
garde-malade ou malades
(des), L
gardemagasin, à cause de r.
pluriel équivoque des mol:
composés avec gnrdc sut.-
stanlif et garde veihe.
garde-manches (des). .
gardes-marine (des),L.H.
garde - marteau ou mar-
teaux (des), L
garde-meuble ou meubles
(des),L
gardes-nobles (des) , L. .
garde-note ou notes (des),
L
garde - pêche ou pêches
(des) , L
garde-rôle ou rôles (des),
L
garde-sacs (des), L.
garde-scel (des), L.
garde-vaisselle (des), L. .
garde - vente ou ventes
(des),L
garde-vue (des), L, . . .
gâte - enfant ou enfants
(des),L
gâte-métier, H. ou métiers
(des), P
gâte-pâte (des), L. H. . .
gâte-sauce (des), P. L. H.,
ou gâte-sauces, L. . .
gommes copal (les)
gommes-guttes (les)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
gardemalade. M. P. écril abu-
sivement des gardes -malades.
— Garde de malades, 1639.
gardemanche
gardeuianger
gardcmarine
gardemarleau
gardemeuble
Le trait d'union, placé ici par
M. Poitevin, est inutile.
Idem,
garde noble
gardenote
gardepêche
garderobe.— Garderobbe, 16b9.
garderôle.
gardesac
gardescel, à cause du pluriel,
qui sans cela serait garde-
sceaux.
gardevaisselle
gardevente
gardevue
gâtenfant
gâtemétier
gâtepâtè
gâtesauce
Au XVe s. gens d
Comp. anomale
gobemouche
armes,
em. à teso.
;omme gutte,Jans trait d'unior
comme résine.
28
434
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
gorge-de-pigeon (couleur)
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
goutte-crampe (la). . . .
grand aigle (papier) . . .
grand aumônier , grand
maréchal, grand officier,
grand veneur, etc. . .
PLURIELS i CORRECTIONS
SELON QUELQUES PROPOSÉES
GRAMMAIRIENS. ET OBSERVATIONS.
gorge-de-pigeon.
gouttes-crampes (les), L..
grand aigle (papiers) . . .
gorge de pigeon , sans trait
d'union.
goutte crampe
grands aumôniers (des), etc.
grand'chambre, grand'chè'
re, grand'chose, grand^g^^^^.^j,^^,,^^
fête, grand'garde, grand'. ^^^^^^^^
messe, grandpitié, grand'»
tante
grand'
grand cordon (le) .
grand-cordon (un).
grand'croix (la)
grand-croix (un)
grand-duc (le), etc. . . .
*grand-duc (le), oiseau. .
grand'faim (avoir) . . . .
grand-livre (le)
grand merci (un) . . . .
grand raisin (du), papier .
grand vizir (le)
gras-cuit (pain)
gras-double (du). . .
gras-fondu (le),vétér.
gratte-cul (un) . . .
gratte-papier (un) . .
grippe-sou (un). . .
gros bec (un) .
guet-apens (un).
guide-âne (un)
hache-paille (un)
hausse-col (un) .
haut-à-bas (un) .
haut-à-haut (un)?
haut bord (vaisseau de) .
grands cordons (les)
grands-croix (les)
grands raisins (des)
grands vizirs (les)
gratte-culs (des).
hausse-cols (des) ,
grands-cordons (les)
grand'croix (les)
i L'apostrophe, dans ces mots,
constitue une orthographe vi-
cieuse. Dans l'ancien lan-
gage, d'où nous viennent ces
locutions, jrand représentait
les deux genres; on disiit
Rome la grant, grand i'aiin,
grand honte , grand ville,
etc. 11 en était de même
de tous les adjectirs formés
sur la troisième déclinaison
latine. 11 n'y avait donc pas
élision de Ve muet. On dit
aujourd'hui grande chère ,
grande-ttnte; grand'mère de-
vrait seul s'écrire grandmère.
La personne décorée du grand
cordon.
grands-ducs (les)
grands-ducs (les)
grands mercis (des)
gras-cuits (pains)
gras-double (des), II. . ,
gras-doubles (des), P. L.
gratte-cul (des), P. L. . .
gratte-papier ou papiers, L.
grippe-sou (des), P., grip-
pe-sous (des), H. . . .
gros-becs (les), H.
guets-apens (des), P. L.H.
guide-âne ou ânes (des), L.
hache-paille (des), L.
hausse-col (des), P. ,
haut-à-bas (des), L.
haut-à-bras (des), P.
hauts-bords (des), P<
grandcroix, pour éviter ce plu-
riel illogique.
une grande faim
Grand Livre
grand raisin (papiers)
gradouble
grafondu, grafondure
grattecu, comme tapecu.
grattepapier
grippesou
guétapens. Étymologie : de guet
apensé. — De guet à pens,
1659.
guidâne
hachepaille
haussecol. M.L. écrit des hausse-
col ou cols.
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
435
MOTS
DL' DICTIONNAIRE
DE l'académie.
haut-de-chausse (un) .
haute-contre (une) .
haute cour (la) . . .
haute futaie (une)
haute justice . .
haute lisse (de) .
*haute-lissicr(un)
haut-fond (un). .
haut-le-corps (un). .
haut-le-pied (un)
haut mal (le) . .
haute paye (une) .
haute-taille (une)
havre-sac (un). ....
hémicycle (un), etc. . .
héraut d'armes (un) . .
héroï-comique, adj, . .
hochepied (un) ... .
hochepot (un)
hochequeue (un) ....
hormis
hors-d'œuvre (un), cuisine
hôtel de ville (un) > .
hôtel-Dieu (un) . . .
huis clos (le)
huissier-priseur (un) ,
ici-bas . . .
in-douze (un)
in-folio (un).
interrègne (un), etc..
*intra-utérin, ine, adj.
in-lrente-deux (un) .
ivre mort, e, adj. . .
jardinier-fleuriste (un)
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'académie.
hauts-de-chausse ou hauts-
dc-chausses
hautes-contre (des)
hautes cours (les) .
hautes futaies (des)
hautes justices (les)
hauts-fonds (des) .
haut-le-corps (des) .
hautes payes (des) .
hautes œuvres (les)
havre-sacs (des) . . .
hémicycles (des), etc.
hérauts d'armes (des)
héroï-comiques
hochepieds (des)
hochepots (des)
hochequeues (des)
hors-d'œuvre (des)
hôtels de ville (des)
hôtels-Dieu (des) . .
in-douze (des) .
in-folio (des) .
interrègnes (des), etc.
in -trente-deux (des)
ivres morts, tes
PLURIELS
SELON quelques
GRAMMAIRIENS.
hautes-cours (les), P.
hautes-justices (les), P.
hautes-lices (des), P..
ha ifte -liciers (des), P.
haut-Ie-pied (des)
haut-mal (des), P. . .
hautes-payes (des), P.
hautes-tailles (des), L,
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
huissiers-priseurs (des) , L.
intra-utérins, ines
haudechausse, coRimc jiiMau-
corps. M. P. écrit un biiit-de-
chausfes. Avec celte ortho-
graphe, les ver» de Molière:
Que sa vertu se hausse
A connaître un pourpoint
d'avec tm haut-de-chausse,
ne seraient plus exact?. —
Haut de chausise, 1669.
hautecontre
Ce trait d'union ajouté par M. P.
est tout à fait inutile.
Idem.
Cette orthographe de M. P. est
archaïque. — De haute lice,
1659.
hautelissier
haufond, comme plafond, bil-
bord.
Beaucoup de gens disent haut-
de-cœur pour haut-le-cœur.
Pas de pluriel,
hautepaye
hautetaille
havresac, comme bissac.
Contr. de hors mi^.
hordeuvre. Hors d'oeuvre ,
terme d'architecture.
Mais écrivez l'Hôttl de ville à
Paris.
Idem. Au Xllles. li ostel Dieu;
ostel, cas suj.; Diai^ cas rcg.
huissier priseur
icibas
indouze
infolio, pour éviter ce pdnrael
équivoque et contradictoire
avec les autres composés de
jardiniers-fleuristes (des),.
jardinier tleurisle
36
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRi;
DE L'ACADÉMIE.
jet d'eau (un)
jets d'eau (des)!
joli cœur (faire le)
juge-commissaire (un
jusqu'alors . . .
jusqu'à présent
jusqu'aujourd'hui
jusque-là
jusques à quand
jusqu'ici, jusqu'oti
justaucorps (un). . .
juxtaposition (la), etc.
kirsch-wasser (le)
là -bas, là-dessus, là-haut,
là dedans , là dehors , là
auprès, là contre, etc.
laisser-aller (du)
laisser-courre (le) . .
laisser-passer (un). .
lait de poule (un) . . .
langue mère (une) . .
lapis-lazuli (du) . .
laurier-cerise (le) • .
l:iurier-rose (un) . . .
laurier-tiii (un) . . .
lèche-doigt (à) , , .
lèchefrite (une) . . .
légat-né (un) ....
lèse-majesté (de) . . .
lèse-nation (de) . . ,
lettre de change (une)
lever Dieu (le)
lei Paris
PLURIELS
DONNÉS
PAR l'académie.
juges-conunissaires (des)
justaucorps (des). . . .
juxtapositions (les), efc.
PLURIELS CORRECTIONS
SELON QUELQUES PROPOSÉES
GRAMMAIRIENS. ET OBSERVATIONS.
laits de poule (des).
langues mères (des)
lèchefrites (des)
lais.ser-courre (des)
laisser-passer (des)
lapis-lazuli (des), H. . .
lauriers-cerises (les)
lauriers-roses (des), P.
lauriers-tins (des)
légats-nés (des)
lettres de change (des)
lettres patentes (des)
lieutenant-colonel (un) .
lieutenant général (un) ,
long- jointe, adj. .
longue main (de) .
longue-vue (une)
loup-cervier (un).
loup-garou (un),
loup marin (un) .
luni-solaire, adj.
lieutenants-colonels (des)
lieutenants généraux (des)
lieux d'aisances (les)
long-jointés, ées
longues-vues (des), . .
loups-cerviers (des), P.
loups-garous (des), P.
loups-marins (des), P. .
luni-solaires
M. P. met à tort le trait d'u-
nion.
juge commissaire
jusque alors
jusqu'à aujourd'hui ou jusque
aujourd'hui,
jusque là
En 1639. jusleeori
kirschvasser, des kirschvassers.
ou mieux des kirsclis.
Supprimer le trait aux trois pre-
miers, comme aux suivants.
lait- de-poule
lapis lazuli
lèchedoigt, comme lèchefrite.
lèsemajesté. Lèse majesté, 1639.
lèsenation
Cette vieille préposition (du
lat. latus) pourrait s'écrire
auj. lis.
lieutenant colonel
lonjoinié
longuemain. On disait autre-
fois : de longuement.
longuevue
loup cervier
M. P. place ici un tirel inutile
lunisolaire
r
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
43
MOTS [^ PLURIELS
DU DICTIONNAIRE DONNÉS
DE L'ACADÉMIE. PAR L'ACADÉMIE.
mâchefer (du)
main basse (faire) . . , ,
main cliaude (jouer à la)
main courante (une). . .
main-d'œuvre (la) . . . .
main-forte
mainlevée (une)
mainmise (une) . . .
mainmorte (la) ....
main morte (aller de)
mainte fois
malhabile, adj. . .
malheureux, euse .
malhonnête, adj. .
malintentionné, ée.
mal-jugé (le) . . .
malle-posie (la) . .
malmené
malpeigné (un). . .
mal plaisant, an te .
mâchefers (des)
mams courantes (des)
maintenue (la)
maire adjoint (un) . . . .
maître-autel (le). . . . .
maître es arts (un) . . . .
maître d'hôtel (un) . . . .
maîtresse femme (une) . .
malaise (un)
mal-appris (un)
malavisé (un) ......
malbâti, tie, adj
malcontent, ente
maldisant, ante
malebête (une)
malefaim (une)
nialemort (une)
malencontre (une) . . . .
mal-en-point, adv
malentendu (un)
malepeste, interj.
mal-êire (un)
malfaçon (une)
malfaire, verbe
malfamé, ée
malgracieux, euse . . . .
malgré
mainlevées (des). .
mainmises (des)
mainmortes (les)
maintes fois. . . . ,
maintenues (les) .
maires adjoints (des)
maîtres es arts (des)
maîtres d'hôtel (des)
maîtresses femmes (des)
(des)
malavisés (des)
malbâtis, ties
raalcontents, entes
maidisants, antes
malebètes (des)
malefaims (des)
malemorts (des)
malencontres (des)
malentendus (des)
malfaçons (des)
malfamés, ées
malgracieux, eusos
malhabiles
malheureux, euses
malhonnêtes
malintentionnés, ées
raalpeignés (des)
malplaisants, antes
PLURIELS
.SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
mains-d'œuvre (les)
maîtres-autels (des)
mal-appris (des).
mal-être (des), P.
mal-jugés (les). .
malles-poste (les)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
iiiaiiicourante
iiiaindeuvrc, pour résoudre lo
pluriel. Les différentes niaiin-
d'œuvre, cela me paraît rlio-
quant.
niainforte, pas de pluriel. —
Main forte, 1659.
M. P. rétablit à tort le liail
li'iininn.
uiainlefois, comme quelquefois
toutefois, parfois.
maître autel ou maîlraittol
malappris
mulciipoint, comuie embon-
pointt
malêlre ainsi que bienêlre.
Cependant on écrit : bon irré,
mal gré.
maljngé
V. bateanx-posle , paqnebots-
posle, timbres -poste.
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
malpropre, adj
nalsain, e, adj
malséant, te
nalsonnant, ante
maltraiter
malvoulu, ue, adj
malpropres
malsains, nés
malséants, tes
malsonnants, antes
malvoulus, ues
mange-tout (des) ....
•
maries-salopes (des), H.
martins-pècheurs (des). .
martins-secs(des), P. . .
messire-jean (des), P. . .
meurt-de-faim (des), P. .
mezzo-termine (des), P. .
mezzo-tinto (des) ....
mi-août (aux), P
mi-carême (les), P.
niangelout
iiiartin pêcheur
marlinsec. Plus d'embarras au
pluriel. - Martin sec, 1659.
Un messirejean, des niessi-
rejeans.
meurdefaim
Nous avons en fr. moyen terme .
Nous avons : demi-teinte.
Prononcez mi-oût.
Tous le? subst. composés avec
mi , sauf minuit, prennent le
trait d'union.
millefeuilie. M. P. écrit la
mille-feuilles. En 1659, mil-
lefueille.
millepertuis, 16o9.
millepied. - En 1659, mil-
lepieds.
miparti
moinvalue
monjoie. — En 1659, monjoyc.
mort bois, 1659.
L'Ac, au mot Mourir, l 'indique
sans trait d'union.
morte paye. En 1659, morte-
paye.
morte saison, 1659.
mort gage
mouillebouche
îiappemonde (une). . . .
marchepied (un)
naréchalde camp(un). .
maréchal des logis (un) .
narie-salope (une), t. de
mappemondes (des)
marchepieds (des)
maréchaux de camp (des)
maréchaux des logis (des)
nartin-pêcheur (un). . .
"mariin-sec (poire de) . .
massepain (un)
nère nourrice (une) . . .
nère patrie (la)
massepains (des)
Menus Plaisirs (les)
mères nourrices (des)
mères patries (les)
mezzo-termine (un) . . .
mezzo-termine (des) . . .
mi-aoftt (la) . .
mi-carême (la) . .
mi-corps (à), etc.
mille-feuille (une)
mille-feuilles (des) P. H. .
mille-pertuis (les) ....
mille-pertuis (le)
mille-fleurs (eau de)
mille-pieds (un) .....
mille-pieds (des)
mi-parti, ie, adj
mi-parlis, ies
moins-value (la)
mont-de-piété (un). . . .
montjoie
monts-de-piété (des)
mort aux rats (la) ....
mort-bois (le) . . .
morts au rat (des)
morts-bois (les)
morte-eau (en) . .
morle-paye (?) . .
mortes-payes (des) ....
morle-saison (une) . .
mortes-saisons (des) . . .
mort-gage (un) . . .
morts-gages (des) ....
mouille-bouche (des) , P.
mouille-bouches (des), H.
mort-né, ée, adj
mouille-bouche (la)
mort-nés, ées
moyen âge (le)
V
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
439
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
nec plus ultra (le) .
"néo-chrétien (un)
*néoTlatin, e
nerf-férure (l<i
noli me tangere
non-activité (la)
nonchalant, ante
non-conformiste, adj. . .
non-jouissance (la) . . . .
*non-lieu (ordonnance de)
nonobstant, prép.
non-pair, e, adj
nonpareil, eille
non-payement (un) ....
non-plus-ultrà (le). . , ,
non-prix (à)
non-recevoir (fin de) . . .
non-résidence (la) . , . .
non-sens (un)
non-seulement
non-usage (le)
non-valeur (une)
non-vue, t. de mar. . . .
nord-est (le)
nouveau monde (le)
nouveau-né, ée
nouveau venu (un) ....
nue propriété (la) . . . .
nu-jambes, loc. inv,
nu-propriétaire (un). . .
nu-tète (aller)
nonchalants, anies
non-conformistes (des).
non-pairs, es . .
nonpareils, cilles
non-sens (des).
non-valeurs (des).
nouveau-nés , ées . .
nouveaux venus (des)
œil-de-bœuf (un) œils-de-bœuf (des;
œil-de-bouc (un), coquillage
œil-de-chat (un), pierre
œil-de-chèvre (un), plante
œil de dôme (un) ....
œil-de-perdrix (un). . . .
œil-de-serpent (un), pierre
oiseau-mouche (un) . . .
on-dit (un)
opéra-comique (un) . . .
œils de dôme (des)
on-dit (des)
opéras-comiques (des)
orang-outang (un)
oreille-d'ours (une), plante.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
néo-chrétiens (des)
néo-latins, es ... .
nerf-férure (des), P., nerfs
férures (des), H. .
non-jouissances (les) ,
non-payements (des), P.
non-résidences (les)
non-vues (les)
nues propriétés (les)
nu-propriét^ires (des)
nu-tête (des enfants), P.
œils-de-bouc (des)
œils-de-chat (des)
œils-de-chèvre (des)
œils-de-perdrix (des)
œils-dc-serpent (des)
oiseaux-mouches (des)
orangs-outangs (des)
oroillcs-d'ours (des)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS,
Au mot NoN-PLUS-I!LTRA le
Dict. donne le composé l'iec-
plus-ullra avec tirets.
neochrélien
gisine.
comme m-olo-
nonconformiste
nonjouissance
nonlieu
nonpair
nonpayement
non plus ultra (lel
nonprix
nonrecevoir
nonrésidence
nonsens
nonseulemeni
nonusage
nonvaleui-
nonvue
ordest
noiiveauné, comme puîné.
œil de bopiif, en 1659.
On écrit le théâtre de l'Opera-
Comiqne.
QuelqiJe?-uns écrivent orang-
outan.
oreilledour»
î
MO
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DD DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
oitie-grièche (une) . . .
oui (la
ouï-dire (un)
outrecuidance (une) . .
outremer (un), couleur,
outre-mer (voyage d') .
outre-passe (une) . . .
ouï-dire (des). . . .
outrecuidances (des)
outremers (des)
parachutes (des)
parapluies (des)
parasols (des)
paravents (des)
paille-en-cul (un), oiseau .
paille-en-queue (un), idem
Palais-Royal (le), à Paris,
palma-christi (un) ....
papier-arabesque (un) . .
papier-damas (un) ....
papier-granit (un) ....
papier-journal (un). . . .
papier-lambris (un) . . .
papier-marbre (un) . . .
papier-monnaie (un). . .
papier-tenture (un) ....
papier-tontisse (un) . . .
*paquebot-poste (un). . .
parachute (un)
parapluie (un)
parasol (un)
paravent (un)
par-ci, par-là
par deçà, par delà, par de-
hors
par dedans
par derrière
par-dessous
par-dessus
*pardessus (un), vêtem. .
par devant
par-devant notaire.
par-devers
parfois
par ici, par là (passer)
par le Roi (de)
parterre (un)
par terre (tomber)
partout
pas-d'âne (un), plante . .
passavant (un). [passavants (des)
passe-carreau (un).
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
outre-passes (des)
pardessus (des)
parterres (des)
passe-cheval (un)
passe-debout (un)
passe-dix (un). .
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
orties- grièches (des), P.
paille-en-cul (des) . .
paille-en-queue (des).
palma-Chrisfi (des)
papiers-arabesques (des)
papiers-damas (des)
papiers-granit (des)
papiers-journal (des)
papiers-lambris (des)
papiers-marbre (des)
papiers-monnaie (des)
papiers-tenture (des)
papiers-tontisse (des)
paquebots-poste (des) . .
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
ouida
ouidire
outre mer
outrepasse, 1659.
paillencu
paillenqueue
voir malle-poslp.
par ci, par là
j
Ipardeçà, etc.
! pardedans
parderrière
pardessous
pardessus
parde^ant
pardevant
I pardevers
de part le Roi,
pas-d'âne (des)
passe-carreau (des), passe-
carreaux (des), H. . .
passe -cheval (des) . , . .
passe-debout (des), P. . .
passe-dix (des), P
passecarrean
passecheval
passedeboul
passedix
I
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
44t
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
PLURIELS
DONNÉS
PAR l'académie.
PLURIELS
SELON QUELQUE»
GRAMMAIRIENS.
passe-droit (un) .*. . . . passe-droits (des!
passe-fleur (une) j
''passe-lacet (un) .
passe-iiiéteil (un),
passe-parole (un)
passe-partout (un)
passe-passe (un)
passe-pied (un)
passe-pierre (une). . . .
passe-poil (un)
passe-port (un)
passerage (une)
passerose (une)
passe-temps (un) . . , ,
passe-velours (un). . . .
passe-volant (un) . . . .
patte-d'oie (une)
paite-pelu (un), patte -
pelue (une)
paul5-post-futur (un) ? . .
passe-partout (des).
passe-poils (des) .
passe- ports (des),
passerages (des)
passerpses (des)
passe-temps (des)
passe-droit (des)
passe-fleur (des), passe-
fleurs (des), II
passe-lacet (des), passe-
lacets (des), H
passe-méteil (des) . . . .
passe-parole (des), P.
passe-passe (des), P. .
passe-pied (des) . . .
passe-pierre (des) . .
passe-poil (des), P., H.
passe-volants (des) .
pattes-d'oie (des). .
passe-velours (des)
rpatle-pelus (des),
/ peines (des). .
paties-
. . . .
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
passedroit
passefleur, 1659j
passelacet
paMcméleil
passe parole
passeparlout. Passe - par- tout,
en 16S9.
passepasse
passepied, 1659.
passepierre
passepoil
passeport, comme on l'édit
généralement.
passetemps
passevelours
passevolant
En 1659, patte d'oyo.
pattepelu
pêle-mêle ....
perce-bois (un) . ,
perce-feuille (un)
perce-forêt (un) .
perce-neige (une)
i Pays-Bas (les)
perce-bois (des) , .
perce- feuille (des) .
perce-forêt (des). .
perce-neige (des), P.
{ On s'étonne de trouver ce mot
au Dict. de l'Ac.
pêlemêle. .\iitref. peslemesle.
percebois
percefeuille
perceforêt
perceneige. M. Lamartine a dit :
« ... Mes bourgeons en pleurs
Ont de mes perceneige épanoui
[les fleurs.,,
perce-oreille (un) .
perce-pierre (une),
pèse-lait (un) . . .
pèse-liqueur (un)
pet-en-l'air (un).
^perce-oreille (des), perce-|s, p^ ^,,.^1 „„ perce-oreiiies,
Ml-- /j_-> T. des perce-oreilles,
percepierre
petite-maîtresse (une) . .
petite maison (une). Voy.
ACAD
1 oreilles (des), H.
perce-pierre (des) . , . .
j pèse-lait (des)
' pèse-liqiieur (des), pèse-
liqueurs (des), H. . , .
pets-en-l'air (des) ou pet-
en-l'air (des), H
petites-maîtresses (des), P.
pèselait
M. Poitevin écrit un pè?e-li-
} quHurs.
pétenlair. PI. imp. autreni.
petites maisons
Petites-Maisons (les), hô-
pital.
petites véroles (des)
petite-oie (la) . . .
petite vérole (la) . .
petit-fils (un) petits-fils (des)
*petit-four (un)
petit-gris (le) j
petits-fours (des), IL
petits-gris (les) . , .
En Hi59, petite oje.
En 1659. petit gri
442
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
petit-lait (un) . .
petit-maître (un) ,
petit-neveu (un),
petit pâté (un), .
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
petits pâtés (les)
petits pieds (des), cuisine.
petits-textes (des) . . . .
petit texte (le), imprimerie
peu à peu
peuple-roi (le)
peut-être i
*pick-pocket (un) . . . . |
pied-à-terre (un) j ...... .
pied bot (un) ! pieds-bols (des)
pied-d'alouette (un) . . .
pied-de-biche (un) . . , .
pied de bœuf (jouer au)
pied-de-chat (un), plante,
pied-de-cheval (un) . . .
pied-de-chèvre (un), instr.
pied-de-griffon (un) . . .
pied-de-lion (un), plante,
pied-de-mouche (un),typ.
pied-de-veau (un), plante
*pied de roi (un) , mesure
pied-d'œuvre (à)
pied-droit (un)
piédestal (un)
pied-fort (un), monnayage
pied plat (un)
pied poudreux (un) . . .
pie-grièche (une)
pie-mère (la), anatomie
pierre ponce (la)
pince-maille (un) . .
*pince-sans-rire (un),
pinne marine (une) ,
pique-assiette (un). .
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
petits-laits (des)
petits-maîtres (des), P.
petits-neveux (des), P.
petits-textes (des), H.
pick-pocket (des) . . .
pied-à-lerre (des), P., II.
pieds-d'alouette (des) ,
pieds-de-biche (des), P.
pieds-de-chat (des), P.
pieds-de-cheval (des)
pieds-de-chèvre (des)
pieds-dc-griffon (des)
pieds-de-lion (des) . .
pieds-de-mouche (des),
P.
pieds de mouche (des),
écriture
piédestaux (des)
pieds-forts (des) . . .
pieds plats (des) . . ,
pieds poudreux (des)
pierres ponces (les)
pinnes marines (des)
pique-nique (un) pique-niques (des)
I
pis aller (le) j pis aller (des) . .
pissenlit (un) pissenlits (des)
plafond (un) plafonds (des) . .
plain-chant (le) '
plain-pied (de) plain-pied (des) .
pieds-de-veau (des) . .
pieds-de-roi (des), P.
pieds-droits (des)
pies-grièches (des), P. .
pince -maille (des). P.,
pince-mailles (des), H. .
pince-sans-rire (des)
pique-assiette (des),pique-
assiettes (des), H. . . .
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
Ecrit à tort petits-pieds au mot
Petit du Dict.
peutêtre
Donne en français, pique-
poquet.
M. P. indique un trait d'union.
En 1659, piedbot.
En 1659, pied d'alouette.
M. P. met ' le trait d'union et
indique un pluriel : pieds-de-
bœuf.
En 1659, pied de chat.
En 1659, pied de lion.
Mieux patte de mouche.
pied de veau, en 1659.
M. P. indique à tort le trait
d'union.
piédroit. En 1659, pied droit.
piéfort
piéplat. En 1659, piedplat.
piegrièchf
pincemaiile
plains-chants (des), P.
piquassietle
piquenique. M. P. écrit des pi
que-nique,
pis-aller (un)
En 1659, platfond.
plainchant
plainpied
r
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
443
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
plat-bord (un). .
*plat-de-côte (un)
plate-bande (une)
plate-forme (une) , , . ,
plate-longe (une)
plat-pied (un)
pleure- misère (un). . . .
pleure-pain (un)
plupart (la)
plus-pétition (une). . . .
pUis-que-parfait (un) . .
plus tôt, plus tard, plutôt
mourir
plus-value (une)
poix-résine (la) "
pont-levis (un)
pont-neuf (un)
porc-épic (un).
porte-aiguille (un). .
porte-arquebuse (un)
porte-baguette (un) .
porteballe (un) . . .
porte-barres (un) . .
porte-bougie (un) , .
porte-carabine (un) . . .
*porte-caustique (un). . .
portechape (un)
portechoux (un). .^. . .
*porte-cigare (un), instr.
*porte-cigares (un), étui.
porte- clefs (un)
portecollet (un)
portecrayon (un) . . , .
porte-croix (un)
porte-crosse (un)
porte-Dieu (le)
porte-drapeau (un) . . . .
porte-enseigne (un) . . .
porte-épée (un)
porte-étendard (un) . . .
porte-étriers (un) . . . .
porte-étrivières (un) . . .
portefaix (un)
*porte-feaêtre (une) . . .
porte- fer (un)
portefeuille (un)
porte-hache (un)
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
plates-bandes (des) ,
plates-formes ;des) .
plats-pieds (des) . .
pleure-misère (des)
ponts-levls (des)
ponts-neufs (des)
ponts et chaussées
porteballes (des)
portechapes (des)
portechoux (des)
portecoUets (des)
portecrayons (des)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
plats-bords (des), P.
plats-de-côte (des), IL
plates.longes (des).
portefaix (des)
portefeuilles (des)
pleure-pain (des) . .
plus-pétitions (des) .
plus-que-parfaits (des)
plus-values (des) .
poix-résines (les)
porcs-épics (des) .
porte-aiguille (des)
porte-arquebuse (des)
porte-baguette (des) .
porte-barres (des) . .
porte-bougie (des) . .
porte-carabine (des) .
porte-caustique (des).
porte-cigare (des) .
porte-cigares (des).
porte-clefs (des) . .
porte-croix (des),
porte-crosse (des)
porte-drapeau (des) . .
porte-enseigne (des) . .
porte-épée (des). . . .
porte-étendard (des) . .
porte-étriers (des) . . .
porte-étrivières (des) . .
portes-fenêtres (des), IL
porte-fer (des)
porte-hache (des) . .
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
platubande. En 1659, pluUe
bande,
plateforme, 1659.
platelongti.
plapied
pleuremisère
pleut epain
pluspétition
plusqueparfait
pluvalue, comme plupart, plutôt
poix résint!
:. P. adopte un porr-épicis , Jo
porcs-épics.
portebafïuelte
portebarre
porlebougie, comme porteballe
et portechape.
portecarabine
portecaustique
M. Heirel a recueilli oet ingé-
nieux ex. de la subtilité de
l'emploi des mots composés.
porteclé
portecroix
portecrosse
Pas de pluriel.
portedrapeau
portenseigne, 1659.
porlépée. En 1659, porlespe
portétendard
porlétrier
portélrivière
portefer
porlehache
444
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
*porte-huilier (un). . .
porte-malheur (un) . .
portemanteau (un). . .
*porte-monnaie (un). .
porte-montre (un). . .
porte-mors (un). . . .
porte-mouchettes (un),
porte-mousqueton (un)
porte-page (un) . . . ,
porte-pierre (un) . . . .
*porteplume (un) . . ,
porte-respect (un). . ,
porte-tapisserie (un). ,
porte-trait (un) ...
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
portemanteaux (des)
porte-montres (des) .
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
porte-huilier (des) . . .
porte-malheur (des) . .
porte-monnaie (des)
porte-montre (des). ^ .
porte-mors (des) ....
porte-mouchettes (des) .
porte-mousqueton (des)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
porte-page (des)
porte-pierre (des) . . . .
portepi urnes (des)
porte-respect (des). . . .
porte-tapisserie (des). . .
porte-trait (des), porte-
I ! traits (des), H
porte-vent (un) ' j porte-vent (des)
porte-verge (un) | porte-verge (des) . . . .
porte-\is (un) ; porte-vis (des)
porte-voix (un) | porte-voix (des)
postface (une) ^ postfaces (des) |
postscénium (un) | postscéniums (des) j
post-scriptum (un),
pot à fleurs (un) . .
pot-au-feu (un)
post-scriptum (des)
pots à fleurs (des) .
pot-au-feu (des)
pot de chambre pots de chambre (des)
pot-de-vin (un) pots-de-vin (des)
pot pourri (un) j pots pourris (des) . . . .j .
potron-jaquet j !
potron-minet j j ,
pou-de-soie (le) I ; pous-de-soie (les), pou-
de-soie (des), H. . . ,
pourboire (un) pourboires (des)
pourparler (un) I pourparlers (des)
pourtant
pousse-cul (un) i pousse-cul$ (des)
pousse-pieds (un) .... pousse-pieds (des) ...
premier-né (un) premiers-nés (les) .... !
*premier-Paris (un) . . . | premier-Paris (des)
premier pris (un) . . . . I premiers pris (des) . . , .1
portehiiilier
portenialheur
portemontre
portetnors
portemouchettc
porteinousqueton
portepage
portepierre
porterespec.t
portetapisserie
porletrait
portevent
porteverge
portevis
portevoix
postscriptuni
M. P. écrit à tort un pot-à-
fleur, des pots-à-fleurs.
potaufeu. M. P. écrit des pots-
au-feu. L'Académie écrit
mettre le pot au feu, sans
tiret.
presqu'île (une) presqu'îles (des) . . .
prête-nom (un) I prête-noms (des) . . .
prie-Dieu (un) 1 prie-Dieu (des)
prime abord (de) !
prime saut (de)
prime-sautier, ière. . . . prime-sautiers, ières.
primevère (une) primevères (les)
podetin. Pot de vin, 1659.
popourri
Pas de pi.
Idem,
jpoudesoie. En 1659, pou de
soye.
poussecii, comme tapecu. M. P,
écrit des pousse-cul.
poussepied
premierné, comme puîné.
Indiqué avec tiret au mot Ppk-
MIES.
presquîle
prêtenom
Pas de pluriel.
primesaut
primesautier
i
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO- COMPOSÉS.
445
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DK L'ACADÉMIE,
*pnnce-époux (le)
prix courant (un)
procès-verbal (un)
prud'homie (la) .
prud'homme (un)
pseudo-acacia (un). .
pseudo-propliète (un)
puisque alors
puisqu'il, puisqu'un
quant-à-soi (son). .
quartier-maître (un)
quartier-mestre (un) ,
quasi-délit (un), etc.
quelquefois
quelqu'un, une ....
qu'en-dira-t-on (le). . .
queue-d'aronde (une) . .
queue-de-cheval (une), pi
queue-de-cochon (une), outil
queue-de-lion (une), plante
queue-de-pourceau (une)
queue-de-rat (une), outil
queue-de-renard (une) .
queue-de-souris (une), plante
*queue-du-chat (la), t. de
danse,
queue leu leu (à la)
queussi-queumi ?
Quinze-Vingt (un). .
quiproquo (un) .
qui-va-là
qui-vive (le). . .
quote-part (une).
quoique ici
quoiqu'il
quoi qu'il arrive
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
prix courants (des)
procès-verbaux (des) .
princes-époux (les)
prud'hommes (des) .
quatre-saisons (marchand
des)
Quatre-Temps (les)
quatre-vingts ....
quelques-uns, unes
Quinze-Vingts (les)
quiproquo (des)
I abat-joie (un).
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
pseudo-acacias (des), H.
pseudo-prophètes (des)
quartier -maîtres (des),
quartiers-maîtres (des)
H.
quartier-mestres (des)
quasi-délits (des), P.
qu'en dira-t-on (des), P.
queues-d'aronde (des) .
queucs-de-cheval (des)
queues-de -cochon (des)
queues-de-Iion (des)
queues-de-pourceau (des)
queucs-de-rat (des)
queues-de-rcnard (des) .
queues-de-souris (des)
qui-vive (les)
quotes-parts (des)
rabal-joic (des)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
piocci verbal
prudliuiiiip.
Piuilus, en \. IV. prude, (loii-
nerailprudetioiiiiiie ou prud-
hoiiuiie de pru(lhomiis,hai lai.
Pas de pluriel. — Quant à sov,
1639.
quatre saisons (uiarch. des)
Mais on écrit : «lualre-viiisjl ■
six.
En ]6a9, queue d'arondelle.
En 1659, queue de renard.
M. P. écrit un quinze viiigl.-
En 1659, les quinze vingts.
iibiljoie.Eti 16o9, ribbaljo»
446
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE l'académie.
*railway (un) . . .
rat de cave (un). .
rebrousse-poil (à)
reine-Claude (une).
reine marguerite (une) .
relève-quartier (un) . .
remue-ménage (un) . .
rendez-vous (un) .
réveille-matin (un) .
revenant -bon (un).
rMi\]ELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
rats de cave (des)
reines-Claude (des) .
reines marguerites (des)
rendez-vous (des)
revenants-bons (les) .
rez-de-chaussée (des)
rez-de-chaussée (un) .
rez terre !
ric-à-ric |
rogne-pied (un), instrum. j
ronde bosse (la) 'rondes bosses (les)
ronde-major (une). . . .!
rond-point (un) |
rose-croix (un) j rose-croix (les) . .
rose pompon (une). . . . roses pompons (des)
rosée-du-soleil (la), plante
rouge bord (un)
*rouge-cerise, adj
rouge-gorge (un) ....
rouge-queue (un) ....
rouges bords (des)
rouge-cerise (fers)
rouges-gorges (des)
Royaume - Uni (le), l'An- j
gle terre i
Royaume-uni de la Grande- ;
Bretagne 1
rue du faubourg Saint- Jac- j
ques (...-....
rubis balais (un) rubis balais (des)
sage-femme (une) . .
saint-augustin (corps)
sainte-barbe (la) . . ,
Saint-Barthélémy (la) '
sages-femmes (des)
sainte nitouche (une) . .
saint-esprit d'or (un). . .
Saint-Germain en Laye. .
saint-germain (un), poire.
Saint-Lazare (ordre de) . .
saint-office
saintes nitouches (des)
saint-esprit (des)
saint-père (le)
saint sacrement (le)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
raiiways (des)
relève-quartier (des).
remue-ménage (des) .
réveille-matin (des)
rogne-pieds (des) .
rondes-major (des) .
ronds-points (des)
rosées-du-soleil (des).
rouges-queues (des)
saint-augustins (des), H.
saintes-barbes (les) , . . .
saint-barthélemys (des) . .
saint-germains (des), H.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
reineclaude, jiour sauver l'ano-
malie du pluriel. — • M. P.
écrit une reine-claude, des
reincs-claudes.
relèvequarlier
remueménage. Eu 1689, reniuë-
Diénage.
réveilleinatin
revenantbon , ou levenanbou ,
coinuie plafond.
rès. Autr. res ou rez de rasum.
rie à rie. Rie, lerre inculte,
rognepied
rondemajor
En 1659, rosée du soleil.
rougegorgc
rougequeue.En 1689, rougecul
ou rougequeuë.
rue du faubourg saint Jacques
sagefemme
saintebarbe
M. Helrel l'écrit par y, mais il
me semble que cette forme
archaïque doit disparaître.
Saint Germain en Laye
saingermain
saint Lazare (ordre de)
'Académie l'écrit de deux ma-
nières différentes. Voir Of-
ricB, et Saitjt.
i
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
447
MOTS
DU DICTIONIVAIRE
t)E L'ACADÉMIE.
saint sépulcre (le)
saint-siége (le). . . .
*saint-siinonien (un),
saisie-arrêt (une) . .
salvanos (un) . . . .
san-benito (un) . . .
sang-de-dragon . . .
sang-froid (le)
sangsue (une)
*sans-culotte (un) . .
sans-dent (une) . . .
*sans-f<içon (le)
sans-fleur (une), fruit
*sans-gône (le)
sans-peau (une), fruit
sans-souci (un) . . .
sapeur-pompier (un). ,
sauf-conduit (un) . . .
saute-ruisseau (un) . . .
sauvegarde (une) . . . .
sauve qui peut (un) . .
sauve-vie (la), plante. .
savoir-faire (le) . . . .
savoir-vivre (le). . . .
semaine sainte (la) . .
semen-contra (du). . .
*semi-aulhentique, adj.
semi-double, acij. . . .
semi-pension (une) . . .
semi-preuve (une). . .
semi-ton (un)
semper virens, adj. . . .
sénatus-consulte (un) .
sens devant derrière. .
sergent de ville (un) . .
sergent-fourrier (un) . .
sergent-major (un) . . .
serre-file (un)
serre-papiers (un) . . .
*serre-point
serre-tête (un)
servante-maîtresse (une)
soi-disant
soixante et un
songe-creux (un) . . .
songe-malice (un) . . .
sot-l'y-laisse (un)?, . .
PLURIELS
DOANÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
saint-simoniens (des;,
stiisies-arrêts (des)
sangsues (des).
sans-dents (des)
san-benito (des) . . .
sang-de-dragon (des)
sangs-froids (des), H.
sans-culottes (des) .
sans-fleur (des)
sans-peau (des)
sans-souci (des)
sapeurs-pompiers (des) .
sauf-conduits (des). .
auvegardes (des)
sauve qui peut (des)
semaines saintes (des)
semi-anthentiques
semi- doubles . . ,
saute-ruisseau (des)
sauve-vie (des), IL.
sémenrcontra (des).
sénatus-consulies (des)
semi-pensions (des)
semi-preuves (des),
semi-tons (des) . .
semper virens. . .
sergents de ville (des)
serre-papiers (des).
serre-tête (des) . .
soi-disant.
sergents-fourriers (des)
sergents-majors (des). .
serre-file (des)
CORRECÏIO.NS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
i'aint siège
ainisimonien, ou sainsimonien.
salvanos
sanbenito
san;^ de dragon , ou mieux
sandragon.
En 1639. sangsno ou
sanfieur
sanpeau
sansouci , cimiinc soucoupe ,
souterrain.
ipeur pompier
saufconduit
sauteruisseau
serre-point (des)
servantes-maîtresses (des)
songe-creux (des) .
songe-malice (des) .
sot-l'y-laisse (des)
sauvevie
savoirfaire. Pas de pi,
savoirvivre. Pas de pi.
seraaine-sainte.liTre de prières.
semencontra
semidouble,comme béraispliére
semipcnsion
semipreuve
semiton, en 1659.
sempervirens >
On écrivait primitiTement ce
en devant derrière , ou c'en
devant derrière, 1659.
sergent major, 1659.
serre file
serrcpapier
serrepoint
serretêle
soidisant
L'Ac. écrit aussi soixante-un.
songecreux
songemaliee
448
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
PLURIELS
DONNÉS
PAK L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
soucoupe (une) soucoupes (des)
souffre-douleur (un) ' souffre-douleur (des) .
soulever j
souligner
soumettre
soupente (une) soupentes (des)
sourd-muet (un) sourds-tnuets (des).
sourire (un)
sous-aifermer
sous-aide (un). . . .
sous-amender
sous-arbrisseau (un).
sous- bail (un) . . . .
sourires (des)
sous-aides (des)
sous-baux (des)
sous-barbe (une) ....
sous-chef (un)
sous-clavier, ière sous-claviers, ères.
sous-délégué, ée. . . ,
sous-diacre (un). . .
sous-dominante (la) .
sous-double, adj
sous-entendu(un) . . .
sous-faîte (un). ...
sous-ferme (une). . . ,
sous-garde (une). . .
sous-gorge (une) . .
sous-lieutenant (un),
sous-locataire (un) . .
*sous-main (un). . .
sous-maître (un), esse
sous-marin, ine . . .
sbus-multiple ....
sous-officier (un) . .
sous-ordre (un) . . .
sous-pied (un) ....
sous-préfet (un) . .
*sous-secrétaire (un)
*sous-seing (un). . .
sous seing privé
soussigné, ée . . . .
sous-sol (un) . . . .
sous-tangente (une) .
sous-tendante (une) .
sous-traitant (un) . .
sousiylaire (une). . .
sous-ventrière (une).
sous-délégués, ées.
sous-doubles. . . .
sous-entendus (des)
sous-fermes (des) . .
sous-lieutenants (des)
sous-manns, mes .
sous-multiples . . .
sous-officiers (des)
sous-ordres (des)
sous-pieds (des) . ,
soussignés, ées
soustylaires (des)
sous-arbrisseaux (des), P.
sous-barbes (des) .
sous-chefs (des), P.
sous-diacres (des). P..
sous-dominantes (les) .
sous-faîtes (des)
sous-gardes (des) .
sous-gorges (des). .
sous-locataires (des)
sous-main (des), H.
sous-maîtres (des), c
sous-pieds (des), H. .
sous-préfets (des) . .
sous-secrétaires (des) ,
sous-seings (des), P. .
sous-sols (des). . . .
sous-tangentes (des)
sous-tendantes (des) ,
sous-traitants (des). .
sous-ventrières (des), P.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
souffredoukur
On iinpriine , Contr. à l'Ac.
l'Institution de» Sourds ■
' Muets. H.
soubail, comme soucoupe, sou-
pente, soupeser^sourire, sou-
tenir, souterrain, etc.
soubarbe. En 1659, sousbarbe.
souchef
souclavier. En 1659, souscli-
vière.
soudélégué
soudiacre. En 1659, sousdiacie
soudominanle
soudouble
soufaîte
souferme
sougarde
sougorge. En 1659, sousgorge.
soulocataire
soumain
souniaître, soumaitressc
sou marin
soumultiple
soupied. M. P. fait invariable
ce mot composé. En 1659,
souspied.
soupréfet
sousecrétaire. En 1659, sousst-
crétaire.
sousseing.
sousol
soutangenlc
soutendante
soutraitant
souventrièrc
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSÉS.
449
MOTS
DU DICTIOrVNAIHE
DE L'ACADÉMIE.
soutenir
souterrain (un) .
soutirer
spina-ventosa (le) ,
PLURIELS
DONNÉS
PAR l'académie.
sud-sud-est
sur-aller, vén. . ,
sur-andouiller (un)
souterrains (des)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
sur-andouillers (des).
sur-arbitre i sur-arbitres (des), P
sur-le-champ.
sq^taxe (une) . . .
surtout, adv.
surtout (un). . . .
susdit, ite
*sus-dominante, adj.
sus-énoncé, ée. . .
*sus-mentionné, ée
*sus-nommé, ée. .
"sus-visé, ée. . . .
taille-douce (une) . .
*taille-doucier. , . .
taille-mer (un) . . .
tambour-maître (un),
tambour-major (un) .
tam-tam (un) ....
tantôt
tapecu (un)
tâte-vin (un)
taupe-grillon (un) . . . .
Te Deum (un)
*tente-abri (une)
terre à terre (le)
terre ferme (la)
terre-neuvier (un). . . ,
terre-noix (une)
terre-plein (un)
terre sainte (la)
tête à tête, loc. adv.
tête-à-tête (un)
théâtre français (le), en
général.
Théâtre-Français (le), rue
Richelieu.
tic tac
tiers arbitre (un) ....
tiers état (le)
tiers ordre (le)
surtaxes (des)
surtouts (des)
susdits, dites
sus-énoncés, ées.
tambours- maîtres (des)
tambours-majors (des)
tapecus (des)
terres fermes (les)
sus-dominantes, P. .
sus-mentionnés, ées
sus-nommés, ées. .
sus-visés, ées . . .
tailles-douces (des), P.
taille-douciers (des) .
taille-mer (des) . . .
spiiia veniosa , sans tiret et
sans plur.
suraller, comme surajoiiler.
surandouiller
surarbilre, comme les autre-
composés avec sur.
surlechamp , comme siirlont.
— Sur le champ, 1659.
tam-tams (des),
tam
tâte-vin (des) . . . .
taupes-grillons (des) .
Te-Deum (des), P.
tentes-abris (des), II.
terre-neuviers (des), F.
terre-noix (des) . . . .
terre-pleins (des) . . ,
susdominante
susénoncé, comme siisdi
susmentionné
susnommé
susvisé
tailledouce.En 1659,tailledûuce.
tailledoucier
taillemer, à cause du pluriel.
tamtam, à cause de crincrin,
ilicflac, flonflon.
tStevin
Il fallait grillon taupe.
terreneuvier
terrenoix
terreplein
Pas de pi.
tête-à-tête (des)
'tic-tac (des), P.
tiers arbitres (des)
tiers états (les)
licfac. Voir tam-tam.
Pas de pi.
29
450
LISTE GÉNÉRALE
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE l'académie.
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
tiers-points (des), P.
timbres-poste (des) ....
Voir inaltes-poslo.
tjreballe
tirebotte, 1659, comme lireliro.
tirebouchon (coiffure en)
tirebourre
tireboulon. M. P. écrit un tire-
boutons.
tirefond, 1659.
tirelaine, 1659.
tirclaisse
tirelarigot, 1659. Cette expres-
sion ne comporte peut-être
pas le pluriel propoiJé par
M. P.
tireligne, et aussi entrelianc,
comme interligne,
tiremoelle
tirepied, 1659.
tiretêle
tohubohu
iorchecu (un), à cause de la-
pecu.
torcbenez
On écrivait autrefois la Tous-
saints.
toutcourani. L'Ac. donne ce
composé au mot Courait.
toutebonne
toutépice
tire-balle (un)
tire-bottes (des), P. . . .
tire-bouchon (des), P.
tire-bouchons (des), IL^ .
tire-bourre (des), P.
tire-bourres (des), H. . .
tire-bouton (des)
tire-boulons (des), II. . .
tire-fond (des), P
tirelaines (des)
tire-laisse (des), P
lire-larigot (des), F. . . .
tire-liard (des)
tire-ligne (des). P., tire-
lignes (des), II
tire-moelle (des), P. . . .
tire-pied (des). P., tire-
pieds (des), H
tirp.hniirrp fiin^
tire-d'aile (un)
tirp.fnnd OlIlV
tire-d'aile (des)
fir>p-laissp fnnl
tîrp-larieot (àl
tirelire (une)
tirelires (des)
tire-tête (un)
*iohu-bohu . . .
tire-têtes (des)
tohu-bohu (des)
torche-cul (des)
torche-nez (des)
tour à tour
tournebride (un)
tournebroche (un). . . .
tournemain (en un)
tournesol (un)
tournevis (un)
Toussaint (la)
tournebrides (des)
tournebroches (des)
tournesols (des)
tournevis (des)
tout à coup
tout à fait
tout à l'heure
tout-courant, adv.
toute-bonne (la), plante .
toute-bonnes (des), P. . .
toute-épice (des), P. . . .
toute-épice (une) ....
toutefois, adv
toute-saine (une), arbre .
toute-saines (des), P.
toutes-saines (des), H.
tou-tou (des), tou-tous
(des), II
et quanles.
toutou
On devrait dire toul-puis^ante.
tout-ou-rien (un)
tou-tou (un)
tout-puissant, toute-puis-
sante
tout -puissants, toutes-
puissantes
DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSES.
451
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
trachée-artère (la) .
tragi-comédie (une)
trancheflle (une) . .
tranchelard (un), .
tranche-montagne (un).
transsubstantiation (la)
tréfonds (le)
trente et quarante (le) .
*trente et un (le). . . .
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
tragi-comédies (des)
tranchefiles (des)
trancheiards (des) . .
très-bon, etc.
tré-sept (un).
trictrac (le)
trique-bale (une)
trique-madame (une) . . .
trois-mâts (un)
trois-quart (un), ou trocart
trompe-l'oeil (un) . . . .
trop-plein (le)
trouble-fête (un)
trou-madame (un) . . . .
irousse-étriers (un) . . . .
trousse-galant (un). . . .
trousse-pète (une). . . .
trousse-queue (un). . . .
tu-autem (le)
tue-chien (le)
tue-tête (à)
'^ultra-royaliste (un)
vade-mecum (un) . . .
va-et-vient (mouv. de)
valet-à-patin (un) . . .
trictracs (des)
trompe-l'œil (des)
veines caves (les)
veines portes (les)
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
trachées-artères (des)
! tranche-lard (des), P.
i tranche-montagne (des)
j tranche-montagnes (des),
( H
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
trente et quarante (les)
trente-et-un (des), P. .
tré-sept (des)
trique-bales (des) . . . ,
trique-madame (des). ,
trois-mâts (des)
trois-quarts (des) . . ,
trop-plein (les)
trouble-fête (des), P.
trous-madame (des), P.
trousse-étriers (des)
trousse-galant (des)
trousse-pète (des) . . .
trousse-queue (des) . .
tu-autem (des), P. . . .
tue-chien (des)
ultra-royalistes (des) ,
vade-mecum (des), P.
va-et-vient (des), P.
valets-à-patin (des)
valets-à-patins (des), H.
va-nu-pieds (des), P. . .
va-nu-pieds (un). .
va-l'en, vas-y. . .
va-tout(Ie) i |va.tout(des)
vau-de-route (à)
vau-l'eau (à)
veine cave (la) . . .
veine porte (la) . .
veni-mecum (un) .
ver à soie (un) vers à soie (des)
ver-coquin (un)
veni-mecum (des) .
vers-coquins (dos), P
tranchemontagne,corame tran-
chelard.
Ecrit autrefois très-fonds.
trente et un (jeu de), comnio
trente et quarante,
très bon, etc.
trésept (jouer au), comnie
trictrac.
triquebale
triquemadame, 1639.
On écrit portrait de trois qimrt«.
troussepète
troussequeue (une)
tu autem
L'Acad. écrit par abréviation
des ultra; ultras vaut mieux.
H.
vanupied
va-s-y
Tatou t
ercoquin , corame dans l'an-
cien français.
\
452
LISTE GÉNÉRALE DES MOTS COMPOSÉS OU PSEUDO-COMPOSES.
MOTS
DU DICTIONNAIRE
DE L'ACADÉMIE.
ver luisant (un)
vert-tle-gris (un)
*vert-dragon, adj
vert-pomme, adj
vert-pré, adj
vesse-de-loup (la), plante.
vice-amiral (un)
vice-bailli (un)
vice-chancelier (un) . . .
vice-consul (un)
vice-gérant (un)
vice-gérent (un)
vice-légat (un)
vice-président (un). . . .
vice-reine (une)
vice-roi (un)
vice-sénéchal (un). . . .
vice versa
vide-bouteille (un). . . .
•^vide-poche (un) .
vif-argent (le) . . .
virevolte (une) , .
virevousse ou virevouste
(une)
vis-à-vis (un) . . .
vive voix (de)
vol-au-vent (un) vol-au-vent (des) ,
PLURIELS
DONNÉS
PAR L'ACADÉMIE.
vers luisants (des)
vice-amiraux (des). .
vice-baillis (des). . .
vice-chanceliers (des)
vice-consuls (des) . .
vice-gérants (des) . .
vice-gérents (des) . .
vice-légats (des) . . .
vice-présidents (des),
vice-reines (des) . . ,
vice-rois (des) . . . .
vice-sénéchaux (des) .
virevoltes (des)
virevousses (des)
volte-face (faire).
PLURIELS
SELON QUELQUES
GRAMMAIRIENS.
vers-luisants (des), P.
verts-de-gris (des), P.
vesses-de-loup (des)
CORRECTIONS
PROPOSÉES
ET OBSERVATIONS.
verderis (1)
invariable.
in\aridblu.
invariable.
viçamiral
vicebailli, etc.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
id.
vide-bouteille (des), vide-
bouteilles (des), H. . . .
vide-poche (des) , vide-po
Ches (des), H j videpoche
vifs-argents (les) '. vifargent
videbouteille. M. P. écrit un
vide-bouteilles.
vis-à-vis (des)
volte-face (des), P.
!m. p. écrit vole-an-vent. On
pourrait adopter volauvent.
volteface
(1) Ce mot devrait être écrit verderis comme dans le dictionnaire de Nat. Duez, où on lit : « Verderis ou verd de gri?,
en italien verderame. » Rame en italien, abrégé de œramen, signifie le cuivre; vert-de-gris, corruption de verderis, est donc
le vert de cuivre.
ADHÉSIONS DIVERSES. - M. FOURNEL. 453
APPENDICE G.
Je terminerai cette longue revue des systèmes proposés, des
idées et des opinions émises depuis l'origine de la critique litté-
raire pour ou contre la réforme orthographique, par la citation de
quelques articles que ma première édition du présent ouvrage a
provoqués de la part d'écrivains distingués dans des journaux ou
des recueils importants. L'article si remarquable de M. Sainte-
Beuve a déjà été inséré en partie, p. 165-175. M. Victor Fournel
a publié, dans la Gazette de France du 28 janvier 1867, un
compte rendu dont j'extrais les passages les plus importants :
« L'orthographe française jouit d'une renommée redoutable, légitimement ac-
quise par ses anomalies, ses complications et ses incohérences. Elle est assuré-
ment la plus puissante barrière qui subsiste aujourd'hui contre la diffusion univer-
selle de notre langue, et c'est la langue elle-même qui l'a élevée, comme pour
racheter ainsi sa clarté proverbiale et faire payer sa conquête au prix qu'elle
vaut.
« Cette orthographe n'est pas seulement bizarre, elle est irrégulière dans ses
bizarreries et contradictoire dans ses irrégularités. Sa logique est entachée d'arbi-
traire : nous Talions montrer tout à l'heure. Il en est du code grammatical comme
de l'autre, où l'avocat général Servan se plaignait jadis qu'on ne pût se reconnaître
à travers ce dédale de lois sur des lois, de lois contre des lois, de lois sans objet,
de lois inutiles, insuffisantes, redondantes, oubliées, dangereuses, opposées, im-
possibles, et qu'on n'a cessé de conipliquer soigneusement depuis, jusque dans le»
moindres recoins de la jurisprudence, par des arrêts sur des arrêts ^ contre
des arrêts, autour des arrêts, pour les expliquer, pour les appuyer, pour les
casser, pour les élargir, pour les restreindre, pour les éclaircir et pour les em-
brouiller,
« Les causes de ces variations ne tiennent pas exclusivement à l'origine mixte de
notre langue : elles seraient trop longues à expliquer en détail, et il suffit d'en
constater le résultat. S'il est vrai, comme on l'a dit, que l'orthographe est une de
ces sciences qu'il n'y a aucune gloire à connaître, mais qu'il y a honte à ignorer,
avouons franchement que chacun de nous porte sa part de cette honte. Qui n'a été
obligé de recourir cent fois au Dictionnaire pour vérifier tel mot composé, pour
savoir si contre-coup ne prend point de trait d'union, comme contrebande, ou
en prend un comme contre-temps; s'il faut bien deux n à confessionnal, tandis
qu'il n'en faut qu'une à national ; comment s'écrit consonnance et comment
s'écrit dissonance; si le substantif clou, au pluriel, a 1'*, comme filou, ou l'a;,
comme hibou, etc., etc.? Ces cas sont innombrables, et déconcertent à chaque
pas les esprits les plus exacts comme les mémoires les plus tenaces.
a On assure que Chateaubriand ne savait pas l'orthographe ; il lui suflisaitde
savoir sa langue; pour le reste, il s'en remettait à son secrétaire ou à son impri-
454 ADHÉSIONS DIVERSES. — M. FOURNEL.
meur. Déranger a avoué lui-même que pendant longtemps il n'avait pu l'ap-
prendre. Tout le monde n'a point les privilèges de Béranger ou de Chateaubriand,
et, à les imiter, on risquerait beaucoup plus de se faire accuser d'ignorance que
de se faire soupçonner de génie. Le temps n'est plus où l'orthographe était con-
sidérée comme une science mesquine, faite pour les maîtres d'école et les pro-
fesseurs d'écriture, et où un hobereau pouvait dire fièrement :
« Je n'aime point la pédanterie. Pour moi, je mets l'orthographe en gentilhomme,
et non en académicien. «
« Il orthographiait en gentilhomme, bien qu'il fût acacJiémicien, cet illustre
maréchal de Richelieu, dont on conserve le discours de réception écrit de sa
propre main, et plus criblé de fautes que ne le fut jamais la dictée d'un écolier de
huitième. Et aussi ce glorieux maréchal de Saxe, qui eut du moins l'esprit de ne
point se laisser ranger au nombre des immortels, et dont on a une lettre toute
pleine de couleur locale et portant sa démonstration en elle-même, où se lit le
passage suivant : « Ils veule me fere de la Cadémie ; cela miret come une bage a
un chas. » Louis XIV avait l'orthographe. du premier gentilhomme de France, et
Napoléon celle d'un homme de génie. Orthographier correctement, c'était l'excep-
tion jadis, et, pour ainsi dire, le privilège des seuls savants. Rien n'était plus rare
dans le meilleur monde, quelquefois parmi les personnes les plus instruites, les
plus spirituelles et les plus lettrées : les amateurs d'autographes le savent bien.
Qui n'a, par exemple, péniblement déchiffré, à travers le charmant fouiUis de
leurs griffes de chat, quelques-uns de ces jolis billets écrits par les grandes dames
du dix-huitième siècle, souvent avec la grâce, la finesse et la verve d une Sévi-
gné, mais presque toujours aussi avec l'orthographe du maréchal de Saxe?
« Il n'y a plus guère aujourd'hui que les cuisinières qui aient i^ardé sur ce point
les traditions des duchesses du temps passé. Cette différence ne tient pas seule-
ment au progrès de l'instruction, mais au progrès de l'orthographe elle-même^
jadis flottante, maintenant fixée, simplifiée, rapprochée du type unique et de la
logique, vers laquelle il lui reste un dernier et assez large pas à faire encore, si
elle veut y toucher pleinement.
a L'enseignement de l'orthographe est l'une des parties les plus laborieuses de
l'éducation enfantine. On a recours à tous les expédients pour graver dans les
jeunes têtes ces règles souvent sans règle, et ces principes incohérents, violés
par de continuelles exceptions. On a même essiiyé de la réduire en jeux. En
1509, Ringmann publiait à Saint-Dié une Grammaire figurée, où toutes les par-
ties du discours sont symbolisées par autant de figures vivantes : le nom par un
curé, le verbe par un roi, le participe par un moine, la préposition par un mar-
guilUer et l'interjection par un fou. Cela valait bien ces ballets scolaires des
Jésuites où l'on voyait le Supin en u danser avec le Gérondif en do. A la fin du
siècle suivant, on inventa une façon d'apprendre l'orthographe «en jouant avec un
dé ou avec un rotin v. Barthélémy publia en 1787 \a, Cantatrice grammairienne,
ou méthode pour arriver au même résultat par le moyen de chansons, sans le
secours d'aucun maître. Je Hsais encore dernièrement, dans une revue destinée à
l'adolescence, une espèce de petit roman grammatical où le Substantif vient cau-
ser sur la scène avec son remplaçant le Pronom, comme un héros de tragédie
avec son confident, précédé de l'Article qui lui sert dehérault, et escorté de l'Ad-
jectif en guise de suivant.
« Mais ce qui, mieux que ces enfantillages, prouve la réalité du mal, c'est le
nombre et la vigueur des tentatives de réformation essayées depuis plus de trois
ADHÉSIONS DIVERSES. - M. FOURNEL. 455
siècles chez nous. Dans aucun autre pays, il ne s'en est produit autant. M.Firniin
Didot les a passées en revue dans un curieux et savant appendice du livre qui
nous a inspiré cette rapide excursion à travers les steppes grammaticales, rare-
ment visitées par !a critique. La première qu'il signale date de 1527, et l'a der-
nière de 1865. Entre ces deux dates se déroule une chaîne ininterrompue de
noms, où les plus obscurs se mêlent aux plus illustres, les mathématiciens aux
poètes, les bohèmes littéraires aux académiciens, et les esprits les plus aventu-
reux aux réformateurs les plus sages et les plus modérés. Les uns veulent boule-
verser entièrement l'orthographe et changer jusqu'à l'alphabet; les autres, — des
écrivains comme Corneille, Bossuet et Voltaire, des philosophes ou des granj-
mairiens autorisés comme Richelet, l'abbé de Dangeau, les auteurs de Port-Royal,
Beauzée, le père Buffier, Duclos, Du Marsais et Wailly , _ essaient simplemenl
d'en bannir les bizarreries et les incongruités les plus flagrantes. »
M. Fournel analyse ensuite les systèmes de réforme proposés
depuis Meigret jusqu'à nos jours, puis il constate l'importance des
pas que l'Académie a faits depuis sa première édition dans les
voies de Ja réforme.
« L'usage, dit-il, qu'elle reconnaissait, après Horace et Vaugelas, comme le
maître et l'arbitre suprême de la langue, lui avait imposé ces changements. Mais
M. Firmin Didot fait très-justement observer qu'elle ne peut plus attendre aujour-
d'hui les décisions de l'usagcpour les suivre, et qu'au lieu de se borner à lui
obéir, il lui appartient de le déterminer. Les conditions ne sont plus les mêmes
(ju'autrefois : tout écrivain s'est soumis à la loi du Dictionnaire, et les imprime-
ries le prennent pour règle absolue. Ce serait se corfdamner à l'immobilité peri)é-
tuellc, et tourner sans fin dans un cercle vicieux, que d'attendre le mot d'ordre
d'un monarque déchu ; et pour se refuser aux sages et légitimes réformes qui lui
sont réclamées, elle ne peut arguer de ce que l'usage ne les a point admises,
puisque l'usage, en ce qui concerne l'orthographe, a abdiqué entre ses mains.
«■ En principe, le projet propose par M. Didot, sous forme de respectueuse re-
quête à l'Académie, se justifie donc pleinement. Il sait qu'en fait de réformes dans
les règles consacrées par une longue prescription, tout ce qui n'est pas néces-
saire est condamné d'avance, et tout ce qui est superflu revêt une apparence tyran-
nique. Les meilleures même et les plus indispensables ont besoin de se produire
avec ménagement, par respect pour une tradition qui a pris force de loi, et afin de
ne pas. introduire le trouble et la confusion sur le terrain qu'elles prétendent dé-
brouiller. M. Didot se distingue des Meigret, des Ramus, des Rambaud, des
Marie, de M. Erdan et de M. Féline, en ce qu'il n'est pas un révolutionnaire,
mais un simple réformateur. Il se borne, du moins dans son plan général, au
strict nécessaire, en s'enfermant dans les Umites déterminées par les précédents
de l'Académie elle-même. Il intervient au moment opportun, et, ce semble, dans
les meilleures conditions de succès, grâce à l'influence que lui assurent la juste
autorité de son nom, de ses travaux, etc. »
« Quels sont les principaux inconvénients de lWthograi)he française, et les re-
proches sérieux qu'on est en droit de lui adresser.? Elle emploie beaucoup de
lettres surérogatoires, qui embarrassent et encombrent sa marche, des lettres qui
pourraient se remplacer par d'autres, des lettres à double et triple emploi, chan-
456 ADHÉSIONS DIVERSES. - M. FOURNEL.
géant arbitrairement de valeur suivant leur entourage, des lettres identiques se
prononçant différemment, et des lettres différentes se prononçant d'une façon
identique, des caractères dont elle n'a pas les sons, et des sons dont elle n'a pas le
caractère, une complication de lettres, accumulées parfois comme à plaisir pour
traduire les émissions les plus simples, la confusion du singulier avec le pluriel
dans beaucoup de cas, et, en une foule d'autres, la différence des signes em-
ployés pour exprimer le pluriel dans les mêmes catégories de mots, enfin un
inextricable enchevêtrement, un chaos de règles détruites, aussitôt qu'elles sont
posées, par des listes d'exceptions souvent aussi nombreuses, que les cas d'appli-
cation régulière.
« On ne peut pas espérer de porter remède d'un seul coup à toutes ces anoma-
lies; il y faudrait une véritable révolution. Les réformes proposées par M. Didot
se bornent aux points essentiels et s'attaquent aux incohérences les plus criantes.
Je commence toutefois par éliminer celle qui occupe le dernier rang dans son ca-
hier de doléances ; la distinction des deux g (g et g) employés à l'avenir, l'une
pour les sons durs comme dans fi?,ure^ l'autre pour les sons doux, comme dans
gageure, que l'on écrirait alors gagiire, en supprimant la lettre parasite e, qui a
le tort de donner à ce terme la même physionomie, sans lui donner le même son,
qu'au mot demeure. L'introduction de ce g doux serait quelque chose d'analogue
à la création de la cédille pour le c, et, comme elle, pourrait amener la suppres-
sion d'un grand nombre d'e surérogatoires, placés après le g actuel pour l'adoucir.
Mais, sous prétexte de simplification, c'est là une complication véritable, toute de
fantaisie, dont les avantages assez minces ne me paraissent pas suffisamment com-
pensés par les inconvénients, et qui charge l'alphabet d'une lettre de plus, ou du
moins d'une nouvelle forme de lettre, d'ailleurs absolument inutile, puisque son
emploi se confondrait avec celui du^ (1).
« Sur les autres points, les réclamations de M. Didot sont d'une incontestable
justesse, et ses réformes les unes nécessaires, les autres très-logiques et presque
toujours très-souhaitables. Il est évident, par exemple, qu'il y a toute une révi-
sion à accomplir dans les mots composés, labyrinthe plus embrouillé que celui
de Dédale, et où il est impossible de trouver un fil conducteur. On ne comprendra
jamais pourquoi l'Académie écrit clairvoyant ^ tandis qu'elle écrit clairsemé;
pourquoi, d'une part, contrebande et, de l'autre, contre-coup. Elle a déjà sup-
primé beaucoup de ces traits d'union, pour fondre en un seul les deux termes,
quelquefois en élidant ou en contractant le premier : qu'elle poursuive celte
tâche, qui, en effaçant une contradiction perpétuelle, fera disparaître en même
temps la difficulté insoluble de la formation du pluriel dans certains mots com-
posés î II n'est pas moins évident que rien n'est plus arbitraire et plus irrégulier
que l'emploi des doubles lettres. Comment, lorsqu'on ne met qu'un g dans
agression, agrandir, agréer, etc., en laisser subsister deux dans agglomérer j
agghitiner, aggraver, et faire une exception pour ces trois mots seuls? Les
mêmes variations existent dans les dérivés des mots terminés en on et en ion
{timonier etcanonnier, violoniste el bâtonnis te, donateur et ordonnateur); dans
l'emploi du double t à la finale des mots (démailloter et emmailloiier , contra-
diction vraiment intolérable), et le redoublement de certaines lettres, telles que
le/) dans appawunr, apf>laudir..., lorsqu'on écrit aplanir, apercevoir, etc. Les
tableaux dressés par M. Didot, avec une conscience et un soin scrupuleux, mettent
(1) J'ai fait droit à celte juste critique dans cette seconde édition.
t
ADHÉSIONS DIVERSES. - M. FOURNEL. 457
ces anomalies dans tout leur jour, et les rendent plus choquantes encore par le
rapprochement.
« Qui n'a entendu conter dix fois une charmante anecdote dont Nodier est le
liéros? Lisant à l'Académie des remarques sur la langue française, il disait que le
i entre deux i a d'ordinaire, et sauf quelques exceptions, le son de Vs :
« Vous vous trompez, Nodier ; la règle est sans excei)tion, lui cria Emmanuel Du-
paty. — Mon cher confrère, répliqua le malicieux grammairien avec une humilité
sarcastique, prenez picié de mon ignorance, et faites-moi l'amicié de me répéter
sf ulement la moicié de ce que vous venez de dire. >.
n L'Académie rit, et Dupaty resta convaincu qu'il y avait des exceptions. Au
fond, la réplique de Nodier était une épigramme contre le Dictionnaire. Qui dira
en vertu de quel principe le t suivi d'un i se prononce tanlôt ti et tantôt ci?
M. Didot propose de remédier à cette confusion soit par la substitution du c au
^, — car rien n'empêcherait d'écrire ambmeux comme on écni précieux, — soit
jiar l'emploi du t avec une cédille, pirticulièrement dans les s\ibstanlifs d'une
forme absolument identique à celle de verbes dont la prononciation n'est point
la même {nous éditions, les éditions; nous inspections, les inspections, etc.).
Cette dernière anomalie se retrouve, et appelle un remède analogue , dans les
substantifs en ent qui présentent une homographie complète, malgré .a différence
du son, avec la troisième personne plurielle du présent de l'indicatif {un affluent,
ils affluent ;2in équivalent, ils équivalent).
« Le chapitre sur la régularisation de l'orthographe étymologique est l'un des
()lus intéressants du livre. Nulle part les contradictions ne fourmillent pareille-
ment. Ainsi, dans les mots tirés du grec, le /est représenté tantôt par le c, ou le
k, ou le qu (acariâtre, kilo, monarque), tantôt par le ch dur {archéologue),
tanlôt par le ch doux {anarchie). Le th est censé représenter le 6 grec, mais
c'est dans notre langue un signe sans aucun son correspondant, comme le ph, qui
ré()ond au 9, mais qui se prononce /, et ne sert qu'à surcharger certains mots,
en leur donnant une physionomie barbare. Qu'est-ce donc quand le th et le ph
se trouvent réunis, quelquefois en double exemplaire {diphthongue,apophthegmc
ichthyopliage)? Assurément, il faut tenir grand compte de l'étymologie dans
l'orthographe, et c'est pour l'avoir méprisée que les révolutionnaires qui veulent
qu'on écrive comme on prononce ont échoué dans le ridicule. Mais l'Académie
elle-même a porté les premiers et les plu.s rudes coups à l'orthographe étymolo-
gique. Sur les 20,000 mots environ dont se compose le dictionnaire, il y en a,
d'après les calculs de Marie, 3,000 d'étymologie inconnue, 1,500 d'étymologle
douteuse, 10,000 qui se sont dépouillés successivement de leurs lettres étymolo-
giques, et 500 dont l'orthographe est absolument contraire à l'étymclogie. Pour-
quoi p«rfl</raphe et agrafe, phi^o^ophe et fantaisie, rhythme et eurythmie? La
logique la plus élémentaire exigerait qu'on écrivît fénomène comme fantôme, ou
qu'on revînt à l'ancienne orthographe, qui disait lûiantôme, comme phénomène.
Ce qu'on demande à l'Académie française , ce n'est pas d'effacer l'étiquette éty-
m.ologique des mots, c'est de se montrer conséquente avec elle-même, de mettre
de l'unité dans l'œuvre qu'elle a commencée, et de rayer de perpétuelles contra-
dictions qui déconcertent l'esprit.
« Puisqu'on a supprimé Vh étymologique dans trône, trésor (jadis throsne,
thrésor), il serait aussi logique de la supprimer dans analhème, athlète, etc.
Cependant je suis le premier à convenir qu'il ne faut pas pousser toujours la lo-
gique à l'extrême, et j'avoue que j'aurais la faiblesse de reculer devant quelques-
458 ADHÉSIONS DIVERSES. — M. A. BERNARD.
unes de ces simplificalions, auxquelles il est pourtant impossible de faire, en
théorie, la moindre objection sérieuse. Dans la pratique, il est des réformes qui
me paraissent plus urgentes que celte dernière, par exemple, la régularisation de
la marque du pluriel dans les mots en om, dont je m'étonne que M. Didol n'ait
pas fait l'objet d'une proposition formelle.
« Je suis obligé de tourner court : le sujet m'a déjà entraîné bien au-delà de
mes limites habituelles ; mais j'espère que le lecteur me pardonnera cette petite
conférence grammaticale, frugale orgie d'eau claire et de racines grecques. La
conclusion se déduit d'elle-même. Il y a évidemment quelque chose, il y a même
beaucoup à faire, de l'aveu unanime des grammairiens et des lexicographes.
L'occasion est propice : elle ne se retrouvera peut-être pas avant un siècle, car
les nouvelles éditions du Dictionnaire de l'Académie sont rares. M. Didot a dé-
blayé la route et tracé la marche : il ne reste plus qu'à suivre ce guide expéri-
menté, en tenant compte de tous les intérêts et de tous les besoins, en a{)pli-
quant les réformes dans les limites où elles peuvent se concilier avec le respect
des meilleures traditions, et améliorer le mécanisme de la langue sans trop bou-
leverser les habitudes jusqu'à présent consacrées par la loi. ».
M. Auguste Bernard, dans le journal Vlmprimeriey de jan-
vier 1868, a inséré une lettre qu'il a bien voulu nn'adresser et
dont j'extrais les passages qui ont trait à la doctrine.
« cher et honoré maitre,
« Rien ne pouvait m'être plus agréable que votre intéressant travail, car il y
a longtemps que ce sujet me préoccupe. J'annonçais, en effet, il y a bientôt
trente ans, dans ma préface A^?, Procès-verhaux des États généraux de 1593
(vol. in-4° de la Collection des documents inédits relatifs à l'histoire de France),
un livre sur l'histoire de l'orthographe française depuis l'invention de limpri-
merje.
<' Je me félicite aujourd'hui d'avoir été détourné par d'autres occupations de
la réalisation de ce projet; car votre nouveau travail aurait probablement rendu
mes peines inutiles. Personne ne pouvait aborder ce sujet avec plus d'autorité
que vous, qui réunissez à l'érudition d'un académicien toutes les connaissances
du typographe.
« Au reste, c'est chez vous-même, et en travaillant au Dictionnaire de V Aca-
démie de 1835, dont j'étais la cheville ouvrière, que cette idée m'était venue.
J'avais été souvent choqué des irrégularités qui se glissaient dans ce livre, faute
d'un praticien pour les relever, et si je n'avais pas été si jeune alors, j'aurais
peut-être hasardé quelques observations ; mais, n'osant pas le faire, je me mis
dès lors à étudier les progrès de l'orthographe depuis le commencement du
seizième siècle, progrès opérés par les imprimeurs, qui ont plus fait pour cela,
à mon avis, que les grammairiens et les académiciens ensemble. Et cela se con-
çoit facilement. Avant les travaux de l'Académie, l'orthographe était incertaine :
l'écrivain ne s'inquiétait pas, en poursuivant sa pensée, de la forme plus ou
moins régulière des mots qu'il employait, pourvu qu'ils fussent compris. Mais
le compositeur, ou pour mieux dire le correcteur, est obligé d'adopter un sys-
tème. Il ne pourrait laisser passer dans un livre soumis à son contrôle un mot
écrit de cinq manières différentes, comme cela se voit dans le Livre des Métiers
ADHÉSIONS DIVERSES. - M. A. BERNARD. ^59
«l'Estierme Boileau, que vous citez p. 195. Il faut qu'il adopte l'une ou l'aul.v
Or, avant d'adopter, il compare, il raisonne : de là la régularisation et l'amélio-
ration de l'orthographe.
« Voilà ce que fait un correcteur. Mais il faut s'entendre sur la valeur de ce
mot. Le véritable correcteur doit être à la fois érudit et typographe. Si ce n'est
(ju'un érudit, un déclassé, qui fait ce métier parce qu'il n'en trouve pas de meil-
leur, il ne remplira que la moitié de sa tâche
«c En parcourant l'analyse des livres des législateurs de Tortho-raphe, que
vous avez donnée dans la seconde partie de votre ouvrage, j'ai vu avec joie
qu'aucun ne pouvait être comparé à mon cher Tory pour rimporlancc de sa
réforme. En effet, lorsqu'il parut, le français était encore dans ses langes latins,
ne possédant aucun signe particulier pour représenter les sons qui lui étaient
propres. La création de l'accent aigu à elle seule fut toute une révolution dans
la langue. On a depuis inventé les accents grave et circonflexe, mais ces der-
niers, tout euphoniques, n'ont pas l'importance grammaticale de l'accent aigu,
qui, en distinguant, par exemple, le participe passé du présent de l'indicatif,
dans certains verbes, a permis au lecteur de se soustraire à une confusion déplo-
rable.
« Je citais naguère cette phrase qui, dans l'ancienne orthographe, pouvait
avoir deux sens opposés : « Un homme mange des vers. » Cet homme mangeail-
il des vers ou au contraire était-il mangé par eux ? Une simple virgule placée
sur la lettre e nous a tiré d'embarras, en distinguant Ve féminin de l'e masculin,
comme on disait alors, et en permettant de lire sans hésitation l'un ou l'autre.
Quelques auteurs avaient déjà signalé la nécessité de cette réforme ; mais aucun
ne l'avait réalisée ; et Tory ne l'a faite (de même que celle d(! la cédille et de
l'apostrophe) que parce qu'il était, comme vous le dites, « aussi habile artiste
([ue savant typographe ».
« Je ne regrette qu'une chose pour Tory, c'est qu'il n'ait pas la gloire d'avoir
distingué l'i et Vu consonnes (J et v) de Yi et de Vu voyelles. Cette amélioration
était bien facile, puisqu'il ne s'agissait* que d'appliquer à un usage spécial deux
lettres qui existaient déjà dans la typographie, Vu initial (v), et Vi final {j) ; elle
ne fut pourtant réalisée qu'un siècle après lui, et par les imprimeurs de Hollande
encore. Toutefois, il est juste de dire que les imprimeurs français avaient déjà en
partie paré à cet inconvénient en mettant un tréma sur Vu consonne. Ainsi le
mot boue était imprimé boue, pour empêcher de lire bove. De même nous met-
tons aujourd'hui un tréma sur le final des mots aiguë, et contiguë, etc., pour
qu'on ne lise pas gue. Cette innovation du tréma sur Vu voyelle fut adoptée par
toutes les personnes intelligentes du seizième siècle.
(( C'est ce que n'a pas compris l'académicien Berger de Xivrey, qui, dans la
collection des Lettres de Henri IV, a conservé cet u tréma partout où il l'a trouvé,
sans se douter que cette forme orthographique jurait dans son livre, où il a mis
les î; à la place des u consonnes, comme aujourd'hui. Cela rappelle un peu ces
braves gens qui, ayant vu le mot univers, par exemple, écrit jadis Vniuers,
c'est-à-dire avec un u initial au commencement (u), et un u médial (m) au milieu,
se figurent que nos pères mettaient toujours le v pour Vu, et réciproquement, et
ils ne manquent pas de suivre cette règle dans leurs essais d'archaïsme. Cela se
voit journellement dans les catalogues de librairie, et je ne jurerais pas qu'on
n'en puisse trouver des exemples dans le Manuel de Brunet. »
460 ADHÉSIONS DIVERSES. — M. MAURICE MEYER.
M. Maurice Meyer, Inspecteur de l'instruction primaire du dé-
partement de la Seine, a publié dans la Revue nationale et étran-
gère du 28 mars 1868, un article dont j'extrais le passage suivant :
<' Que de dictionnaires, combien de grammaires surtout, depuis quelques an-
nées, se sont multipliés, pour faire à notre langue une sorte de rempart et pour
rappeler aux saines doctrines les insurgés de la parole et les fauteurs du dé-
sordre, je ne pourrais le calculer exactement. Malgré tout^ il faut bien le con-
fesser, le but n'a été qu'imparfaitement atteint : on a plus écrit que sagement
écrit, et il y a eu plus de bonnes intentions que de bonnes grammaires.
« C'est que la composition d'une bonne grammaire française n'est pas d'une
médiocre difficulté. Outre qu'il lui faut l'appui et l'autorité d'un bon Dictionnaire
académique, le talent d'y mettre tout ce qu'il faut, et rien que ce qu'il faut, est
tout simplement un art véritable. Elle exige un don d'expérience, une métboae
rares. L'esprit de l'auteur, sa finesse peut s'y faire sentir, jamais voir. Il faut
qu'il comprenne la langue par le côté métaphysique et la fasse comprendre par le
côté vulgaire. Point de raisonnements quintessenciés, point d'ambages abstraits.
Tout cela peut se concentrer dans le démonstrateur, mais non se répandre dans
la démonstration, s'il veut qu'elle pénètre et se grave. Chercher le simple, éviter
le compliqué, voilà le secret; parce que le simple, en matière aussi abstraite,
annonce le plus souvent une vérité acquise, et le compliqué une vérité qui se
voile ou qu'on cherche. Le simple porte avec lui cette clarté rapide, sans la-
quelle l'esprit français refuse d'avancer, tandis que le compliqué produit le
trouble qui le met en défiance ou le rebute.
« La simplicité d'ailleurs n'est-ce pas la qualité maîtresse du parler français?
Notre langue n'est si simple^ si ennemie des inversions, que parce qu'elle place
la raison avant l'imagination. Dans la grande famille des langues, elle est un des
iîistruments de précision les mieux trempés pour la pensée, et elle ne dit si
parfaitement ce qu'elle veut dire que parée qu'elle est affamée de justesse. Mal-
heureusement la fantaisie et le chimérique menacent de la corrompre depuis long-
temps, et il est pressant, pour l'Académie, de les écarter au moyen d'un bon
Dictionnaire.
« Je cherche, par exemple, dans quelle catégorie elle classera le mot train ex-
press. Si express est un adjectif, pourquoi ne peut-il prendre ni la forme du fé-
minin, ni celle du pluriel ? S'il est un substantif, avec sa finale sifflante et bizarre,
comment l'écrirai-je au pluriel, et à quelle famille de mots le rattacher .^ De plus,
chacun sait-il bien la signification de ce mot express, qu'il ne faut pas confondre
avec exprès ? Même remarque pour timbres-poste, dont la deuxièmic partie est
invariable. Pourquoi n'avoir pas dit timbres de poste, comme on dit voitures de
poste, train de poste? pourquoi avoir accru, au grand dommage de la clarté,
cette race de noms composés et bâtards qui inquiètent notre orthographe et
troublent notre logique ?
« M. Didot a, là-dessus, tout un chapitre bien curieux et une nomenclature
finale des mots composés, qui se dresse comme une liste d'accusation contre les
complaisances de notre Académie. Il en est qu'elle a enregistrés quand ils avaient
pris rang, au lieu de les écarter d'autorité, avant leur intrusion définitive, ou-
bliant que les mots qui sont de mode finissent par devenir d'usage, et que l'usage
à son tour, même quand il a bravé la règle, ne tarde pas à en devenir une.
ADHÉSIONS DIVERSES. - MM. L. NOËL, LIEVIN. 461
M. Didot adopte ces mots mal venus, mais il propose d'eiïacer le trait d'.inion qui
les sépare, pour qu'on n'hésite plus sur leur orthographe. 11 lui est facile de
prouver que, l'Académie l'ayant effacé pour beaucoup d'entre eux, il y aurait
justice et harmonie à le faire pour toîis. Mais peut-être demande-t-il trop.
« Bien d'autres désordres d'orthographe, signalés dans cet excellent Mémoire,
appellent toute l'attention de l'Académie pour la publication d<; sa septième édi-
tion. M. Sainte-Beuve, avec son érudition piquante, en a relevé fmement un
grand nombre. Mais il n'a pu tout dire : c'eût été trop long, même sous sa
plume charmante. Je voudrais plus encore que ce que demandent M. Sainte-
Beuve et M. Didot : je désirerais que les mots, les locutions vicieuses fussent
aussi corrigés dans cette dernière édition.
« Tous ces vœux seront-ils écoutés par les académiciens qui sont à l'œuvre ?
Je ne sais, car je me souviens des résistances séculaires que les dictionnaires
antérieurs ont opposées aux nouveautés les plus légitimes. Toutefois, j'ai bon
espoir que l'Académie, mieux informée et plus juste cette fois, fera comme nous
et accueillera favorablement la plupart des Observations si sensées de M. Di-
dot. »
Je signalerai aussi Tarticle de M. Léger Noël, dans le Journal
de Rouen du 3 mars 1868, celui de M. Louis Lievin dans la fJberté
du 5 avril et ceux de plusieurs autres littérateurs distingués qui
ont donné, avec une extrême bienveillance, leur assentiment à
mes recherches.
L'imprimerie parisienne s'est associée à ce mouvement des lit-
térateurs et des érudits en faveur de la Réforme orthographique.
Il me suffira de signaler ici la Lettre de la Société des correcteurs
à l'Académie française^ dans laquelle, à la suite d'un vote unanime
(le 19 avril), la société supphe la docte compagnie de vouloir bien
admettre le principe de Tuniformité orthographique dans sa pro-
chaine édition.
Le mouvement d'adhésion s'est étendu jusqu'au-delà du détroit.
Un typographe instruit en même temps que linguiste distingué,
M. Théodore Kuster, a publié à Londres dans le Printer's Register
du 6 janvier 1868, un article dont je traduis les passages où
l'auteur, après avoir analysé mes propositions, émet ses vues
propres.
A propos des mots du Dictionnaire de TAcadémie empruntés
de l'anglais ou de l'allemand, comme vagon, cipaye, valse, paque-
bot, railwaij^ choucroute, etc., dont l'orthographe a été francisée,
il s'exprime ainsi :
« Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les mots où les th et les ph
figurent aussi désagréablement que les w et A des Saxons?
462 ADHÉSIONS DIVERSES. — M. KUSTER.
« A notre point de vue, dans toute réforme orthographique, soit en France,
soit en Angleterre ou dans tout autre pays, notre seul désir est de voir concilier,
par une sorte de compromis entre eux, les deux systèmes basés l'un sur l'étymo-
jogie seule, l'antre sur la prononciation seule. M. Didot, dans ses observations,
suggère quelque chose de fort juste à cet égard. Il fait deux listes de mots qu'il
range sous deux titres : « mots d'un usage ordinaire « et «■ mots d'un usage ex-
ceptionnel ^s et il propose de simplifier les premiers, lorsqu'ils sont entrés dans
le jangage usuel, et de laisser aux savants leurs termes scolastiques tels qu'ils
les ont formés. L'école grecque peut, si elle veut, forger des expressions tech-
niques et les écrire comme elle veut, mais elle n'a pas le droit d'embarrasser
le simple artisan avec des difficultés ; car une grande partie du public et môme
du public liseur ne sait ni grec ni latin, et sera par conséquent incapable de
distinguer les étymologies provenant de ces langues.
« Les remarques sur les doubles lettres sont très-justes, et on maintiendrait la
double consonne dans le cas où elle se fait entendre, comme dans correcteur ;
mais il est utile de supprimer l'une des consonnes dans des mots tels que riourrir
et de les écrire comme mourir.
« Les mots composés, en français, sont une source de grande perplexité, non-
seulement pour les étrangers, mais même pour les indigènes; car il existe une
grande diversité d'opinion relativement à la forme du pluriel dans les mots qui
s'écrivent avec un trait d'union. Si le trait d'union était omis (comme le propose
M. Didot), cette difficulté serait grandement diminuée ; au lieu de chefs-d'œuvre,
on écrirait chefdœuvres ou probablement chédœuvres. Nous mentionnerons à
ce propos que l'introduction d'une branche de l'industrie britannique en France
a doté ce pays d'un nouveau mot, pickpocket, qui, d'après la réforme ortho-
graphique, s'écrirait piquepoguet.
« En angTais l'emploi du trait d'union dans les mots composés est un peu incer-
tain. Malheureusement nous n'avons pas, pour décider les questions d'orthographe,
l'autorité d'un corps analogue à l'Académie française. Ce serait le devoir de la
société philologique, mais elle ne s'en acquitte pas.
« Le caractère distinctif de l'esprit français est une fine perception de
l'ordre et une tendance à introduire en tout une règle et une méthode. Les ten-
dances des nations saxonnes et teutoniques sont tout autres : là c'est l'action
individuelle. Nous, Anglais, nous sommes intolérants pour la centralisation, comme
ne pouvant s'accorder avec ce droit individuel. Nous laissons les choses suivre
leur cours, tandis que nos voisins d'outre- mer assignent aux choses le cours
qu'elles auront à suivre. Il est aisé de voir de quel côté est l'avantage dans l'emploi
des anomalies de la grammaire ou du dictionnaire. Dans cinquante ans ils auront
fait de leur langue une armée bien réglée et bien disciplinée, tandis que la nôtre
ressemblera à une foule énergique et indisciplinée, qui se pressant dans les rues
d'une grande ville, y cause de la confusion. »
M. Kuster critique ensuite ma proposition du t cédille :
<( Nous ne pouvons admettre, dit-il, cette innovation, par la raison que nous avons
plusieurs fois donnée dans le <^Prinier's i^egister^» que l'ensemble des caractères
restera toujours uniforme avec lui-même, attendu que pour se procurer de
nouveaux caractères, soit g, soit ^, les imprimeurs seraient entrâmes à des dépenses
qu'ils ne voudront pas plus faire pour ces lettres qu'ils ne l'ont fait pour l'A.
ADHÉSIONS DIVERSES. ^ LA GAZETTE SUISSE. 163
Ils sont forcés d'adopter le proverbe : .. i| fai.t travailler avec les outils que
l'on a (1). » '
« Nous sommes persuadé que beaucoup de personnes tenteront de s'opposer
aux changements proposés dans l'ouvrage que nous avons sous les yeux Files ont
appris le français d'après la méthode actuelle, et considéreront ces modifications
comme une félonie à leur égard; mais, quand nous mettons en balance les plus
grands inconvénients qui peuvent résulter de ces changements et l'énorme porte
de temps qu'entraîne, pour ceux qui étudient le français, le système actuel, il nous
semble que toute personne impartiale décidera eu faveur de la réforme.
« Nous avons consacré à cette analyse plus de place que nos colonnes ne nous le
permettraient à la rigueur ; mais ce travail sera probablement d'un tel poids dans
l'amélioration de l'orthographe française qu'il ne peut manquer d'avoir de l'innuence
môme sur notre orthographe. Il suffira de dire, pour conclure, que l'auteur a
déployé, dans ce volume, une vaste érudition, et il prouve ses propositions avec
tant de clarté et de force, que nous souhaitons sincèrement de voir l'Académie
adopter les changements qui lui sont proposés. Elle facilitera ainsi aux étrangers
l'étude de l'une des langues les plus belles et les plus utiles du monde entier. ..
Tm Patrie, gazette suisse, dans son numéro du 17 janvier, conclul
ainsi Tarticle qu'elle a consacré à ma première édition :
<c si l'orthographe phonétique, conforme, comme on l'a vu, aux origines et à
l'esprit de la langue française, présente d'incontestables avantages comme mé-
thode de lecture et d'écriture, conmie orthographe de ceux qui n'ont pas le
temps d'apprendre celle des lettrés, el comme moyen de figurer exactement la
prononciation de la langue française et de plusieurs langues étrangères, cette
écriture ne doit pas encore avoir ses entrées dans le Dictionnaire de l'Académie,
d'après M. Didot. Le peuple fera le sien quand il le jugera bon. Le savant im-
primeur-libraire de l'Institut de France ne pouvait évidemment parler à l'Acadé-
mie française que de l'orthographe des lettrés, et on doit lui savoir un gré infini
d'avoir si nettement posé la question, et pris si courageusement l'initiative des
importantes réformes indiquées dans son volume.
« Si l'on ajoute à cette publication du savant éditeur parisien les Rapports qui
viennent d'être faits à l'Institut genevois par deux de ses membres, rapports très-
favorables à la réforme orthographique, on verra que cette question mérite d'at-
tirer partout l'attention des lettrés aussi bien que celle des amis de l'instruction
populaire. »
M. 0. Havard, dans la Revue du monde catholique du 25 mai
dernier, adhère, avec de grandes réserves, au principe de la ré-
forme :
« Comme conclusion pratique, dit-il, M. Didot voudrait, avec M. Raoux, voir
(1) Quand on voit avec quel empressement on introduit dans les livres des caractères si
variés de forme et d'aspect, uniquement par caprice et pour satisfaire au d(^sir de nou-
veauté aussi général en Angleterre qu'en France, on ne conçoit pas ce motird'nne l'-cono
raie sordide; et l'on s'étonne qu'en Angleterre on réimprime encore des ouvrages ou pas-
sages de notre langue sans employer Va, sous prétexte que l'usage en est étranger à la
langue.
464 ADHÉSIONS DIVERSES. — M. HAVARD.
les lexicographes représenter la prononciation, en tête des dictionnaires anglais,
arabes et turcs, dans un système phonographique perfectionné et convenu entre
les linguistes.
« Mais, avant d'en arriver à ce développement, la méthode phonétique a besoin
de mûrir ; jusque-là il faut se défier des innovations désordonnées, imprudentes,
et ne pas éliminer une difficulté pour nous gratifier aussitôt d'une autre. Plus
tard alors pourra-t-on voir l'Académie française se montrer aussi hardie que
l'Académie de la Crusca en 1612, l'Académie de Madrid en 1726, le grand Voca-
bnlario portuguez de Coïmbre en 1712, et concilier, dans la mesure légitime,
le système phonographique avec le système orthographique des langues néo-la-
tines. Mais l'anarchie qui règne en France dans la prononciation de la langue
rendra toujours diflicile, et peut-être d'ici longtemps impraticable, le projet des
phonographes. Non- seulement entre les provinces du Nord et du Midi, mais dans
la même contrée, on se trouvera en présence de dialectes et d'idiomes qui mo-
difient singulièrement la prononciation littéraire. Il faudrait donc adopter une
méthode conventionnelle : mais avec l'éducation insuffisante des classes infé-
rieures, pourra-t-on la populariser ? »
ir
TABLE DES MATIÈRES,
Pages.
Introduction 1
Dictionnaire de l'Académie
et son orthographe :
Première édition 6
Deuxième édition lo
Troisième édition 1 1
Quatrième édition 13
Cinquième édition 17
Sixième édition 18
I. Orthographe étymologique :
De la lettre x-
Mots de la langue française
où la lettre 1 est figurée
par c, Ti ou qu et par ch. 35
De l'esprit rude et de la
lettre h 38
Des lettres 0 et <E> représentées
en latin par th etph 40
Mots d'un usage ' ordinaire
ayant conservé leth 43
Mots avec th d'un usage
exceptionnel 44
Du <ï> qui devrait toujours
être représenté par / Ibid.
Mots avec ph d'un usage
ordinaire 45
Mots avec ph d'un usage
exceptionnel 47
Mots avec th eiph réunis. Ibid.
Mots avec deux ph ou deux
th Ibid.
Pages.
II. Doubles lettres 48
III. Des tirets ou traits
d'union 58
IV. De l'orthographe et de
LA prononciation DES MOTS
TERMINÉS EN ANT OU ENT.
Adjectifs et substantifs ver-
baux provenant du parti-
cipe présent C7
Liste des adjectifs et sub-
stantifs verbaux formés
de participes latins en
ens (haute, moyenne et
basse latinité) provenant
de la 2*, 3** ou 4*^ conju-
gaison, et qui en français
se terminent en ant 69
Liste des adjectifs et sub-
stantifs verbaux prove-
nant des trois dernières
conjugaisons latines et
qui se terminent en ent. 71
Mots en ent prononcés diffé-
remment, bien qu'écrits
de même 72
De l'orthographe et de la pro-
nonciation des mots en
ance et ence 75
Mots en ance 78
Mots en ence Ibid.
V. Syllabes tiy tion 80
30
466
TABLE DES MATIÈRES.
VI. De l'F grec
VU. De la lettre g.
De la lettre X.
Conclusion
Pages.
85
88
90
91
Exposé des opinions et systè-
mes concernant l'orthogra-
phe FRANÇAISE DEPUIS 1527
jusqu'à NOS JOURS 99
APPENDICE A.
Les dictionnaires français an-
térieurs à celui de l'Acadé-
mie de 1694 :
Firmin Le Ver (Dictionnaire
manuscrit de 1420) 101
Catholicon abbreviatum . . 107
Vocabularius nehrissensis , 108
Robert Estienne Ibid.
Guillaume de Laimarie — 109
Jean Nicot Ibid.
Philibert Monet 110
Nathaniel Duez 111
César Oudin Ibid.
Pierre Richelet Ibid.
Tableau synoptique du
changement d'orthogra-
phe depuis le xv^ siècle •
dans les mots diffici-
les nib.
Orthographe de l'Académie
en 1694, date delà première
édition du dictionnaire .. . 113
Préface du dictionnaire de
l'Académie 114
Cahiers de remarques rédigés
pour le Dictionnaire de
1694 117
Grammaire de Régnier des
Marais 120
APPENDICE B.
Opinion de Ronsard sur l'or-
thographe étymologique.. 121
APPENDICE C.
Opinion de plusieurs mem-
bres de l'Académie fran-
çaise et de l'Académie des
belles^lettres sur l'ortho-
Pages.
graphe et la réforme ortho-
graphique :
Nicolas Perrotd' A blancourt. 124
Pierre Corneille 125
Jacques-Bénigne Bossuet. . i30
L'abbé de Dangeau 133
L'abbé de Choisy 134
L'abbé Girard - 139
Charles-Irénée Castel, abbé
de Saint-Pierre 143
Duclos 147
Nicolas Beauzée 148
Noël-François de V^ailly. . 150
Voltaire 154
François de Neufchateau . . 156
Urbain Domergue 157
Volney 158
Fortia d'Urban 159
Destutt de Tracy Ibid.
Jouy 160
Charles Nodier i6l
Andrieux Ibid.
Laromiguière 1 62
Daunou Ibid.
Littré 163
Max Mûller (correspondant). 164
L. Quicherat 165
Charles -Auguste Sainte-
Beuve 167
APPENDICE D.
Historique des réformes ortho-
graphiques proposées ou ac-
complies 175
XVl^ SIÈCLE :
Geoffroy Tory 177
Jean Salomon Ibid.
Très-utile et compendieux
traité de Vart et science
d'ortographie gallicane
(anonyme) 178
Gilles du Wès (ou Dewes,
ou du Guez) Ibid.
Jean Palsgrave 179
Jacques Sylvius (Dubois).. 181
Etienne Dolet Ibid.
Robert Estienne 182
TABLE DES MATIÈRES.
467
Pages.
Louis Meigret et Guillaume
des Autels 184
Joachim du Bellay 187
Jacques Pelletier 188
Joachim Périon 139
Jean Garuier 190
Jean Pillot ibid.
Abel Mathieu 19i
Pierre Ramus (La Ramée). 191
Etienne Pasquier 194
Henri Estienne 197
Jean-Antoine de Baïf 199
Honorât Rambaud 200
Laurent Joubert 203
Claude de Saint-Lien 204
Claude Mermet 206
Montaigne Md.
De Palliot 207
XVII* SIÈCLE :
Robert Poisson 209
Pierre le Gaygnard 212
Etienne Simon ibid.
Claude ExpiHy 213
Jean Godard ibid.
Charles Sorel 219
Pierre de la Noue 220
Antoine Oudin 221
Le P. Antoine Dobert 223
Du Tertre Ibid.
Le P. Laur. Chiflet Ibid.
Claude Lancelot {Gram-
maire de Port-Royal). . . 226
Antoine Bodeau de Somaize. Ibid.
Simon Moinet 230
Jacques d'Argent 231
De Bleigny Ibid.
Jacques de Gevry ........ Ibid.
Louis de l'Esclache Ibid.
De Mauconduit 232
Lartigaut 233
GillesMénage 236
François Charpentier 237
J.-B. Bossuet 239
Jean Hindret Ibid.
Jérôme- Ambroise Langen-
Mantel Ibid.
Pages.
De Soûle 240
René Milleran ibid.
Rodilard ibid,
Louis de Courcillon, abbé
de Dangeau 241
Alphabet ingénieux pour le
français (anonyme) 247
André Renaud ibid.
César-Pierre Richelet 248
XVIII* SIÈCLE :
Projet d'un Esei de gran-
mère francéze ( ano-
nyme) 248
L'abbé Régnier des Marais . 251
Nicolas de Frémontd'Ablan-
court 257
Le P. Claude Buffier 258
Pierre Panel 259
De Grimarest ibid.
Le P. Gilles Vaudelin 260
Nicolas Dupont 26I
L'abbé Girard ibid.
Plan d'une ortographe sui-
vie (anonyme) 264
Pierre Py-Poulain de Lau-
nay 265
L. Pierre de Longue 266
Ch.-Irénée Castel, abbé de
Saint-Pierre 267
Maurice Jacquier 270
Cheneau, sieur Du Marsais. 271
La Bibliotèque des enfans
ou les premiers elemens
des letres (anonyme) 273
Le Précepteur (anonyme). 274
De Wailly 276
Claude Lancelot ( Gram-
maire de Port-Royal) . . 283
Douchet 285
L'abbé Cherrier 287
Ortografe des dames pour
aprandre a écrire et a
lire corectemant (ano-
nyme) 288
Manière d'étudier les lan-
gues (anonyme)» * Ibidi
468
TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
DeVorthographe (anonyme) 289
Le grand vocabulaire fran-
çois, par une société de
gensdelettres(anonyme). 290
Viard Ibid.
J.-B. Roche 291
Brambilla 295
Boulliette Ibid.
Beauzée Ibid.
XIX® SIÈCLE.
Jean-Etienne-Judith Fores-
tier BoinvilUers- Desjar-
dins 305
Urbain Domergue 306
Girault-Duvivier 310
G.-F.Volney 311
P.-R.-Fr. Butet 314
-Marie 316
V.-A. Vanier 324
S. Faure 328
Joseph de Mal vin-Cazal 329
,— Adrien Féline 330
Charles La Loy , 333
Alexandre Erdan 334
P.Poitevin 337
Léger Noël 338
Casimir Henricy . . 342
B. Legoarant 343
B. Pautex Ibid.
F.-P. Terzuolo Ibid.
Tell 345
Esai de simplificacion du
français par E . A . C (1ère) . 3 4 8 |
Frédéric Diibner
Pages.
348
Emile Né'^rin
349
^ Edouard Raoux
351
Albert Hetrel
E. de Girardin
369
Ibid.
Bernard Jullien
372
Egger
393
APPENDICE E. •
Orthographe personnelle de
Montaigne
La Fontaine. . . ^
396
397
Bossuet
Racine
399
400
M"^ de Sévigné
La Bruyère
Voltaire
APPENDICE F.
Des mots composés
401
403
404
408
Liste générale des mots com-
posés ou pseudo-composés.
APPENDICE G.
Adhésions de quelques écri-
vains au principe de la ré-
forme :
Victor Fournel
417
453
Auguste Bernard
458
Maurice Meyer. . r
Léger Noël
Louis Lievin
460
461
Ibid.
Théodore Kiister
La Patrie (Gazette suisse).
0. Havard
Ibid.
463
Ibid.
INDEX.
A. Histoire de cette lettre: Godard, 214.
Abandonner (Histoire du mot), n'i bis,
Ablancourt (Nicolas de Frémont d').
Dialogue des lettres de l'alphabet;
question de l'F et du PH, ^5 7.
Ablancourt (Perrot d'), 9, 78. —
Son système orthographique sert d'ap-
pui àcelui deRichelet, 112. - Com-
ment dans la préface de sa traduction
de Thucydide il enlend la simplifica-
tion de l'orthographe, 124. — Sup-
prime les doubles lettres qui ne se
prononcent pas, et certaines lettres
étymologiques, 124.
Abréviation (Tendance constante du lan-
gage française 1'), 95.
Académie (1') est arbitre légitime des chan-
gements dans l'orthographe, i. —
Réformes qu'elle a déjà accomplies, (>
et suiv. — Elle était engagée dans
son système orthographique avant
l'apparition du Dictionnaire de Riche-
let, 112. — Ses idées sur l'orthographe
lors de sa première édition, ii3 elsuiv.
. — Son rôle en matière d'orthographe,
346.
Académie de L\CRUscA(r) réforme l'or-
thographe delà langue italienne, i53.
Académie de Madrid (1') simplifie et ré-
gularise l'orthographe espagnole, 39.
Accent. Mots où la double lettre a été
remplacée par un accent, 49. — Son
rôle en orthographie, 38o.
Accent tonique du français, découvert par
Palsgrave, 179. — Son rôle, 391. —
LÉ&ER NoEL, 341.
Accentuation. Sylvius, 181. — Dolet,
182. — Comme moyen de figurer la
prononciation, Beaxjzée, 298.
Adjectifs et substantifs verbaux prove-
nant des trois dernières conjugaisons
latines et qui se terminent en ant et
e«/, dans le Dictionnaire de l'Acadé-
mie, 67, 68, 69, 71, 72, 73.
Adverbes en ammanl et en emment ,
BeAUZÉE, 3ûI. JULLIEN, 383.
Agglutination. Voir Mots composés.
Alphabet (réforme de l') : Meigret, i85.
— Ramus, 192. — Baïf, 199. —
Rambaud, 201. — Poisson, aoj). —
DOMERGUE, 307. VOLNEY, l59, 3ll.
— FaURE, 328. FÉMNE, 33 1. —
Raoux, 362, 367.
Alphabet ingénieux pour le françois y
247-
Alphabet phonétique (Utilité de la créa-
tion d'un), 3i3, 359. — Utilité de
perfectionner l'alphabet phonétique,
332. — Étude critique sur cet alpha-
bet, 353, 354.
Alphabet phonographique, 362.
Ance (Orthographe des mots terminés
en), 75. — Les vocables latins en entia
sont représentés généralement.en fran-
çais par des mots en ance, 76. — Dans
Le Ver, ibid. — Dans les Quatre li-
vres des Rois et les Sermons de S. Ber-
nard, 78.
Andrieux, 20. — Sa lettre à Marle sur
l'orthographe, 161, Sao.
Ant. De l'orthographe et de la pronon-
ciation des adjectifs et substantifs
470
INDEX.
verbaux provenant du participe pré-
sent et terminés en ant, 67. — Liste
des adjectifs et des substantifs terminés
en ant et ne provenant pas du latin,
68. — Liste des mots terminés en ant
autres que le participe présent, 69, —
Motifs pour adopter la désinence
ant pour tous les adjectifs ou subs-
tantifs verbaux, 72. — Bossuet, 73,
i3o. — Dangeau, 383. — Pluriel des
mots terminés en ant^ D01.ET, 182;
JULHEN, 383.
Antoine de Lebrixa.. Son glossaire en-
richi du français par Eusx, 108.
Aphte ou Aphthe (ie mot), 22.
Apostrophe (le n:ot). L'étymologie ne
permet pas de préciser le sens de ce
mot, 27.
Apprenmolirey etc. Voy. Gàygnard.
Arabes (Enseignement du français aux),
4, 33o.
Arago, 21.
Archaïsmes bons à renouveler, i63.
Argent (Jacques d'), 23 1.
Arnaui.d condamne Tépellation vicieuse
de son temps, 16.
Assonance, Contradiction de l'orthogra-
phe de ce mot avec le mot disson-
nance^ 75.
Auguste (l'empereur). Son opinion sur
l'orthographe, 84.
Baïf (Jean -Antoine de). Son système
orthographique dans ses Etrénes de
poézie fransoeze an vers mezurés,iç)g.
— Il remplace le c dur par le /c. Il
remplace de même em, en, par ««,
200.
Beauzée (Nicolas). Son opinion sur la
réforme orthographique, 148. — Inu-
tilité pour le peuple et même pour les
savants de l'orthographe étymologique,
149. — Néograpliismc, 295. — Exposé
des motifs en faveur de l'écriture éty-
mologique. — Défense du néogra-
phisme. — Système orthographique ,
297. — De l'accentuation , 298, —
De 1'^ et duz dans la prononciation.
— Du ch et du Â-, 299. — Du t cé-
dille, 3oo. — Régularisation de l'or-
thographe des finales, 3oo. — Il éli-
mine la lettre x dans les finales, 3oi.
— Des adverbes formés par les adjec
tifs terminés en ant ou ent, 3or. -^
Régularisation des lettres caractéris-
tiques, 3o2. — Extension de l'emploi
de l'œ, 3o3. — De VI mouillé, 3o3.—
Discussion des droits de l'étymologie,
3o4. — Exemple de l'orthographe de
Beauzée, 3o5.
Bellay (Joachim du). La défense et /7-
liistration de la langue françoïse. —
Comment il s'exprime au sujet de l'or-
thographe, 187.
Béranger, 319.
Bernard (Auguste). Coup d'œil sur la
réforme de Tory. — Du tréma sur l'w
pour distinguer Vu du v, 459,
BÈzE (Théodore de), 87, 2 36.
Bibliothèque des enfans. Système ortho-
graphique de cet ouvrage , 273. —
Multij)licité des manières dont l'enfant
est contraint de figurer un son, 274.
BiOT, 21.
Bleigny (de). VOrtografe française,
234.
BoDEAii DE SoMAizE (Autoine). Le Grand
Dictionnaire des Prélieuses, 226.
Bœuf. Histoire de ce mot, 112 bis.
Boii-EAu écrivait lètre au lieu de lettre,
49, 400.
Boinvilliers-Desjàrdins (JeanÉtienne-
Judith Forestier). Grammaire raiso-
née, 3o5. — Son code orthographique,
3o6. — Se prononce contre les doubles
consonnes, 3o6.
Bonne (Histoire du mot), 112 bis.
BossuET (Jacques-Bénigne). Il cherche à
régulariser l'orthographe des mots ter-
minés en ant et ent, 78, i3o. — Ses
idées de progrès en matière d'ortho-
graphe exposées dans le manuscrit
intitulé : Bésolutions de l^ Académie
française touchant l'orthographe, i3o,
289. — Son orthographe, 399.
BouLLiETTE. Traité des sons de fa lan-
gue française, 295.
Brachet (Auguste). Grammaire histori-
que de la langue française, 167.
Brambilla. Nouveaux principes de la
langue française, 295.
Buffier (le P. Claude). Grammaire sur
un plan nouveau, 2 58. — Il s'oppose
aux réformes trop absolues. — Sys-
INDEX,
471
tème qu'il propose pour apprendre à
lire pins facilement, aSg. — H sup-
prime les doubles lettres, aSg.
RuTET (P.-R.-Fr.). Mémoire historique
et criliqiie dans lequel l'S se plaint
des irruptions orthographiques de l' X.
— Rôle de VX chez les Latins, 3i4.
C. Suppression de la lettre étymologique
c, 6, 12, 356. — Çintroduit par G,
Tory, 177. — Son rôle dans le sys-
tème de M. Jullien, 887, 388.
Cahiers de remarques sur l'orthographe
françoise rédigées pour le Dictionnaire
de 1694. — Analyse de quelques-unes
des principales remarques. — Des
consonnes qui sont doublées. — Sup-
pression de la consonne d dans ad-
vis, etc., 118. — L'Académie de 1740
décide contrairement aux règles des
Cahiers. — Du circonflexe, 119. —
De la division, 120.
Campenon, 21.
Caractère (Histoire du mot), 112 bis.
Caractéristiques (lettres). Argumentation
du P. Chiflet contre leur maintien,
124. — Opinion de Dangeau, 246,
275. — Raisons en faveur de leur
maintien, 296. — Régularisation de
leur emploi : Beattzée, 3o2. — Jul-
lien, 375, 386.
Cas (les deux) du français ; leur persis-
tance jusqu'au xv« siècle attestée par
le dictionnaire de Firmin Le Yer, 104.
— Définition des cas du français, 122.
Castel (Charles-Irénée)^ abbé de Saint-
Pierre, 143. — Son discours sur la
polysynodie. — Défense du néolo-
gisme, 144. — Exemples de quel-
ques-uns des nouveaux mots, 146. —
Discours pour perfectioner Corto-
graphe^ 267. — Des lettres qui ne se
prononcent pas, 268. — Causes des
dissidences orthographiques, 269.
Catholtcon ahhreuiatum de i5o6. — Or-
thographe de ce vocabulaire, 107.
Catholique (Histoire du mot), 112 bis.
Ch. Sa suppression dans un grand nom-
bre de mois , i5. — Douchet , 287.
— C/t, son rôle : Reauzée, 297. —
Jullien, 388.
Chapelain. Abus qu'il faisait du gré-
cisme et du latinisme, 8.
Charpentier (François). De l'excellence
de la langue française. — Il établit la
prccellence du langage français même
sur le latin, 237,238.
Chateaubriand s'oppose à la correction
de Voi des imparfaits, 19.
Chef-d'œuvre. Inconvénient dans l'écri-
ture du pluriel de ce mot, 60.
Cheneau , sieur Du Marsais. Voy. Du
Marsais.
Cherrier (l'abbé). Equivoques et bizare-
ries de l'orthographe fraticoise. —
Changements qu'il croit devoir opérer,
287.
Chiflet (le P. Laurent). Essny d'une
parfaite grammaire de la langue fran-
çoise^ 223. — Exposé de celles de ses
règles qui ont été admises dans la pre-
mière édition du Dictionnaire de l'A-
cadémie, 224.-,
Cliifre, chiffre y 109.
Choist (l'abbé de), i34. — Difficulté
qu'offrait la révision du Dictionnaire
de 1694. — I) propose de réserver le
zau verbe pour permettre de distinguer
le verbe du substantif et du participe,
i35. —Question du participe, 187.
Chrême (Histoire du mot), 112 bis.
Chrysocale est un barbarisme pour chry-
soïde, 35.
CrcÉRON, 8.
Cie. Observations sur l'orthographe des
mots terminés en cie, 81.
Circonflexe (accent). — Son emploi se-
lon les Cahiers, 119. — Extension de
son emploi. — De Wailly, 277. —
Vanier, 325. — Jullien, 889.
Classiques. Orthographe personnelje de
nos écrivains classiques, 895.
COMMINES, 363.
Composés. Voy. Mots composés.
Composition des mois en français. Ab-
sence de règles à cet égard, 41 5.
Conaître, conétre, 25.
Conclusion. Opportunité des réformes,
Conrart est ennemi du grécisme et du
latinisme en français, 8.
472
INDEX.
Consonnes (doubles). Voyez Lettres (dou-
bles).
Coq-à-Fâne. Remarque sur le pluriel de
ce mot, 60.
Corneille (Thomas). Son supplément à
la première édition de l'Académie, 10.
Corneille (Pierre), 5. — Il écrit sou-
vent/e //cm, ye vietiyjecroi, etc., 17.
— Innovations faites par lui dans l'or-
thographe, 125. — Il demande des
règles pour distinguer le sonde l'j, 127.
— L'emploi qu'il fait des trois sortes
d'e, 127. — Propose un signe particu-
lier pour Yl mouillée, 128.
Correcteurs (société des). Se prononce en
faveur de la réforme, 461. — Rôle
du correcteur dans la question de l'or-
thographe, i53, 458.
Courants (les deux) de formation du fran-
çais qui ont agi sur l'orthographe, 6,
Î68, 391.
Courier (Paul-Louis), 8.
Courte-pointe , barbarisme pour coute-
pointe, 425.
Cousin, 21, 27.
CuviER, 21.
Cylindre^ cilindre, 109.
Dangeau (Louis de Courcillon, abbé
de) , 5 , 9. — Son système gramma-
tical; sa détermination des voyelles,
i33. — Il distingue le premier les
voyelles nasales, i33. — Il demande la
substitution de Vfdiwpli, i34. — Ses
nombreux ouvrages sur l'orthographe,
241. — Ce que Saint-Simon dit dans
ses Mémoires en parlant de l'abbé de
Dangeau, 242. — Modifications in-
troduites par lui, 242. — Remèdes aus
défauts de la vieille ortJiografe, 243.
Conditions pour rendre l'écriture plus
conforme à la prononciation, 245. —
Des voyelles nasales dans les mots en
eut, 383.
Daru, 21.
Daumas (le général). Comment il appli-
que le système de Féline à l'enseigne-
ment des Arabes, 4.
Daunou. Demande la révision de tout
notre système orthographique, 162.
De par le Roi^ solécisme pour de part
le Roi^ 440.
Dessiller pour déciller, 385.
Destutt de Tracy. Voy. Tracy.
Dictionnaires (les) français antérieurs à
celui de l'Académie, loo. — Diction-
naire de Firmin Le Ver, ioi. — In-
térêt singulier de ce manuscmt pour
l'histoire de l'orthographe el de la
langue, 102. — Introduction tardive
de certains mots au dictionnaire, io3,
— Trace de la persistance des deux
cas dans ce dictionnaire, 104. — Plus
riche sous certains rapports que le
Glossaire de Du Cange, io5. — Exem-
ples de l'orthographe des anciens dic-
tionnaires, 107, 108, 109, iii. — Ta-
bleau synoptique de l'orthographe des
mots difficiles depuis le xv* siècle, 112.
Dictionnaire de l'Académie, v^ édi-
tion, 6. — 2'ne édition, 10. —
3™e édition : modifications apportées
à son orthographe, 11. — Suppres-
sion de r.y étymologique, 12. —
4™* édition, i3. — Préface de l'A-
cadémie
pour
édition, 14.
Nouveau mode d'épellation, 16. —
5™e édition : Loi de 1795 à ce sujet,
17. — 6""^ édition, i8. — Substitu-
tion de l'a à l'o, 19. — Exemples
des modifications apportées dans les
différentes éditions du Dictionnaire,
25. — Préface de cette édition par
M. ViLLEMAiN, p. 26. — Préface de
l'édition de 1694, p. 114. — Cahiers
de remarques \iO\\Y ceile édition, 117.
— Critique du Dictionnaire, 343.
DiDOT père. Son opinion sur le rempla-
cement du pli par l'/", 33.
Digamma éolique {F) figure légitime-
ment dans un mot tiré du grec, 33.
Diphthongues. Voyez Doubles lettres.
Diphthongue y diftongue , 28, 46. —
Diptongue, 41.
Dissyllabe. Observation sur l'ortho-
grapbe de ce mot, 62.
Division. Voyez Trait d'union.
Dix-neuvième siècle (réformateurs du),
3o4 et suiv.
DoBERT (Le P. Antoine), 223.
DoLET (Etienne). Son opinion sur l'ac-
cent enclitique, 09. — La manière
de bien traduire d'une langue en
aultre^ de la ponctuation francoyse,
des accens d''ycelle ^ 181. — Ex-
posé de sa réforme. — On lui doit
INDEX.
473
l'accent grave sur à, préposition
II rétablit le t au pluriel des mots
terminés en ant, 182.
DoMERGUE (Urbain). Son opinion sur
les conditions d'une réforme. — Il
demande que chaque son simple soit
représenté par un signe simple. —
Prosopopée qu'il adresse à Napo-
léon I^r, iS^, i58. — La prononcia-
tion françoise, 3o6. — Ses travaux
sur la langue française, 807. — Ta-
bleau des voyelles et des consonnes,
3o8. — Réforme de l'alphabet, 807.
Dompter. Histoire de ce mot, ni bis.
Dorénavant. Histoire de ce mot, 59.
Doubles lettres. Voyez Lettres doubles.
Doublets du français, 2 38,
DoucHET. Principes généraux et raison-
nés de l'orthographe^ 2 85. — De
Ve muet, 286. — De l'emploi du t,
du /?/«, du ch et du A-, 287.
Daoz, 21.
DÛBNER (Frédéric). Examen du pro-
gramme officiel des humanités, an-
née scolaire 1 863-1 864. — Six an-
nées de grammaire et d'orthographe
françaises ! 345.
DoBois. Voyez Sylvius.
Du Cange. Son glossaire comparé à
celui de Firmin Le Ver, 104.
Drcr.os. Son jugement sur l'écriture
étymologique, 147. — Son système
de réforme, 284.
Duez (Nathaniel). Dictionnaire fran-
cois-italien, m, 416.
Du MARSArs(CHENEAU, sieur). Des tropes.
— Opinion de Dalembert sur cet ou-
vrage, 271. — Errata du traité des
tropes, 271, 272. — Du Marsais se pro-
nonce contre les lettres doubles, 272.
Dumas, 273. — ■ Bibliothèque des en-
fans, ibid.
DupiN, 21.
Dupont (Nicolas). Examen critique du
traité de l'orthographe de M. Cabbé
Régnier des Marais, 261.
Du WÈs ou Dewes ou Du Guez
(Gilles). Grammaire d-estinée à ap-
prendre le Jrançais à Marie, fille de
Henri VIII d'Angleterre, 178. —
Spécimen de l'orthographe de cet
ouvrage, 179.
Dyssenterie. Correction indispensable
à ce mot, 54.
£. Distinction des différentes sortes d'e,
par Corneille, 127.
École (Histoire du mot), 112 bis.
Écriture française. Sa bizarrerie, 3i. —
Dangers de l'introduction d'une dou-
ble écriture, l'une vulgaire et l'autre
savante, 94.— Modifications proposées
n'apportant pas un grand trouble dans
l'écriture, 91.
Édit de Villers-Cotterets, 4.
Éditions récentes (Les modifications suc-
cessives de l'orthographe ne sauraient
causer préjudice aux), 24.
Egger regrette que l'on dise ortho-
graphe di\x lieu de orthographie, 394.
— Son opinion sur la réforme, 395.
Eler (verbes en), 54. — Wailly, 278.
— Vanier, 325. — JuLLiEN, 38o.
Ence (Orthographe des mots terminés
en), 75. — Le Ver, 76.
Enfants. Leurs progrès dans la lectm-eau
moyen d'une orthographe phonétique,
273.
Enseignement primaire (Simplification
de l'orthographe en vue de 1'), 4, 33o.
Ensemble (Histoire du mot), 112 bis.
Ent (De l'orthographe et de la pronon-
ciation des adjectifs et siibstanlifs
verbaux provenant du participe pré-
sent et terminés en), 67. — Liste des
adjectifs et substantifs verbaux pro-
venant des trois dernières conjugai-
sons latines et qui se terminent en
ent, 71. — Mots en ent prononcés
différemment quoique s'écrivanl de
la même manière, 72. — Mots aux-
quels on devrait conserver la dési-
nence ent, -4.
Entia. Liste de vocables latins en entia
traduits par des mots français en ance
dans le dictionnaire de Le Ver, 76.
Épellation vicieuse du français, 16, 2o3,
273.
Erdan (Alexandre). Congrès lin-
guistique. Les révolutionnaires de
l'A,B, C, 334- — Nieropportunitéde
l'étymologie dans l'écriture française,
335. — Sa réforme, 336. /
474
INDEX.
Esai de simplification du français en
•vue de le fair accepter corne langue
internacionale (par E. A. C), 346.
EscLACHE (Louis de 1'). Les véritables
règles de l'ortogr«fe Jrancèze, etc.,
a3r. — Ses idées et son orthographe,
232.
Espagnole (Simplification de l'orthogra-
phe de la langue), Sg.
Esprit rude (de 1') et de la lettre H, 38.
— Contradictions de l'orthographe des
mots où figure l'esprit rude, 89.
EsTiENNE (Robert). Dictionnaire fran-
cois-latin, autrement dict les mots
français, auec les manières duser di-
ceulx, tournez en latin^ 108, 182.
— Dictionarium puerorum, 109. —
Son influence sur l'orthographe ,
6, 109. — Son respect pour les formes
orthographiques du français consa-
crées par l'usage, 109. — Spécimen
de son orthographe, i83. — In-
fluence persistante de son orthographe
pendant deuxsiècles,iio.
EsTiENNE (Henri). Traicté de la confor-
mité du language français avec le
grec,e{c., 197. — Il reconnaît la né-
cessité de simplifier l'écriture "fran-
çaise, 198. — Il propose la suppres-
sion de certaines lettres muettes
étymologiques, 199. — Son intention
d'introduire quelques formes nou-
velles ou signes, 198.
Eter (Verbes en), 54. — Vanier, SaS.
— JULLIEN, 38o.
Élymologie (Contradictions de l'ortho-
graphe avec r), 53. — L'étymologie
des mots ne saurait être douteuse pour
ceux qui savent le latin et le grec, 92.
Étymologique (orthographe). Opposition
à son élablissement, 7. — Son inuti-
lité pour la recherche du sens des
mots, 26, 149, 349. — Contradiction
de l'usage actuel et de l'orthographe
étymologique, 32. — Orthographe
étymologique de la lettre ;(, 35. —
Opinions de : Meigret, i85. —
Perjon, 190. — EsTiENNE (Hcuri),
199. — Ronsard, 121. — Dtjclos,
147. — Beauzée, 149, 297. — Er-
dan , 335. jullien , 39o.
Sainte-Beuve, i68.
ExpiLLY (Claude). L'ortographe fran-
çaise selon la prononciation de notre
langue y 21 3.
F (Histoire de 1'), 214. ~ F faible,
F forte, 3o. — F double, 109. —
F devant remplacer le ç comme let-
tre de naturalisation, 45. — Les Latins
oui écrit avec f et non avec ph cer-
tains mots d'origine grecque, 45. —
Dangeau, i34. — Godart, 214. —
D'Ablancourt, 257. — Roche, 293.
JuLLiEN, 373, 3go.
Faisan (Histoire du mot), 112 bis.
Fantaisie, plianlaisie, ir8.
Fantastique (Histoire du mot), 112 bis.
Fantôme, 33.
Faure (S.). Essai sur la composition
d'un nouvel alphabet, etc., 828.
Feletz (de), 2 1 .
FÉLINE (Adrien). Son système mis en
pratique avec succès pour l'enseigne-
ment du français aux Arabes, 4. —
Mémoire sur la réforme de l'alpha-
bet, etc. — Dictionnaire de la pro-
nonciation de la langue française in-
diquée au moyen de caractères phoné-
tiques, 33o. — Sa réforme comme
méthode pédagogique, 33o. — Son
alphabet, 33 1. — But de son dic-
tionnaire, 332.
FÉNELON, 73.
Filosofe, 33. — Filosofie, 189.
Flamande (langue). Arrêté du roi des
Belges pour fixer son orthographe,
378.
Forcené au lieu àe, for séné, 385.
Forestier - Boinvilliers - Desjardins.
Voyez B01NVILLIERS.
FoRTiA d'Urban. Nouveau système de
bibliographie alphabétique ^ iSg.
FouRiER, 21.
FouRNEL (Victor). Bizarreries et contra-
diclions de la langue française. —
Embarras causés par les mots com-
posés et les lettres doubles, ainsi que
par la formation du pluriel des mots
en ou, 453-456. — Orthographe du
maréchal de Saxe. — Le progrès
opéré dans la connaissance de l'ortho-
graphe depuis le siècle dernier tient aux
simplifications qui s'y sont faites. —
Diverses tentatives pour faciliter l'é-
tude de l'orthographe, 454. —
I
INDEX.
475
Marche successive de l'Académie
dans la voie de la réforme depuis
la première édition de son Diction-
naire. — Des principatix inconvé-
nients de l'orthographe française, 455.
— M. Fournel rejette la proposition du
g doux, 456. — Des syllabes // se
prononçant ci. — Il approuve les pro-
positions relatives au /•, au th et au
ph, 457. — L'Académie a porté elle-
même les plus rudes coups à l'ortho-
graphe étymologique, 457.
Français (Histoire de la formation du),
92, 100, 167, 391.
Francisation des mots empruntés aux
langues vivantes, 3r, 87. — Franci-
sation des mots que le vieux français
a empruntés au latin, 78, 288.
Frémont d'Ablancourt. Voyez d'AsLAN-
COURT.
Frénésie. L'étymologie ne précise pas le
sens de ce mot, 28.
Froissard, 353.
FuRRTiÈRE. Dictionnaife universel, 11 3.
G doux, 387. — Artifice orthographique
employé primitivement pour le distin-
guer du ^ dur, 88. — Souvent em-
ployé indifféremment pour le y, 89.
g. Son emploi pour indiquer le g doux,
88. — Il supprimerait l'emploi de l'e
devant les voyelles a, o, «, 89. — De
Wailly, 281.
Garât, auteur de la préface de la 5^ édi-
tion du Dictionnaire, 17.
Garbin (Louis). Son glossaire imprimé
en 1487, aujourd'hui perdu, 106.
Garde-malade^ Pluriel embarrassant de
ce mot, 6r.
Garnier (Jehan). Institutio gallicx lin-
guse ad itsum juventutis germanîcœ,
190.
Gaygnard (Pierre le). L'Apprenmolire
français pour apprendre les ieunes
enfans et les eslrangers à lire en peu
de temps les mots des escritures fran-
çaises avec la'vraye ortagraphe fran-
CoizCy 212.
Gbnce, 18,
Genres (Orthographe des). Léger Noël,
339.
Gevry (Jacques de), 23r.
Girard (l'abbé). Synonymes francois,
leurs différentes significations et le
choix (juil faut en faire pour parler
avec justesse. — Justesse de la lan-
gue française. — L'ortografe fran-
çaise sans équivoques et dans ses
principes naturels, etc., 139, 26 1. —
Exposé de son projet de réforme. —
'L'Usage et la Raison, 140. — Il ex-
pose les inconvénients de notre or-
thographe tout embarrassée de lati-
nité. — Modifications qu'il propose,
262.
GiRARDiN (Emile de). Sa lettre à M. He-
trel où il critique l'arbitraire dans le
langage, 369.
GiRAULT-DiJViviER. Grammaire des
grammaires, etc. — Ignorance avec
laquelle il parle delà réforme, 3 10.
Glossaires (les plus anciens) latins-fran-
çais, io5. — Comparés à celui de
Firmin Le Ver, ihid.
Gobe-mouches et chasse-mouche. Dis-
tinctions dans l'orthographe du plu-
riel de ces mots, 61.
Godard (Jean). L'H française. — La
langue française de Jean Godard Pa-
risien, etc., 21 3. — L'A français. —
L'F française j 2 1 4.
Gothique. Orthographe de ce mot con-
tradictoire à celle du mot visigat, 43.
Grammaire française (Importance et dif-
ficulté d'une bonne), 460 eipassim.
Grimarest (de). Éclaircissements sur les
principes de la langue française, 239.
— Incertitude sur l'orthographe des
noms propres, 260.
H. Suppression de la lettre /i, représen-
tant l'esprit rude. — Son introduc-
tion abusive au commencement de
certains mots, 39, 237. — Le Ver,
2i3. — Godard, ibid. — Raoux,
356. — H aspirée. Proposition d'un
signe pour l'A aspirée, 288, 349.— De
la suppression de Y h muette , Baïp,
200 ; Erdan, 336 ; Raocx, 366.
Hache. Orthographe étymologique dé-
476
INDEX.
fectueuse du mot hache venant de
ascia, Sg.
Havard adhère avec de grandes réserves
au principe de la réforme, 463.
Henricy (Casimir). Traité de la réforme
de l'orthographe. — Gramère frari-
sèze d'après la réforme ortografique,
342.
Hetrel (A-lbert). Code orthographique,
monographique et grammatical. —
Lettre de ' M. Emile de Girardin à
l'auteur, 369. — Difficultés gramma-
ticales et syntaxiques, — Singulier et
pluriel des substantifs qui prennent
le trait d'union. — Accentuation,
371. — Doubles et simples. — Genre
embarrassant. — Majuscules et mi-
nuscules, 372. — Son orthographe des
noms composés, 417.
HiNDRET (Jean). L'Art de bien pronoU'
cer et de bien parler la langue fran-
çoïse. — Il se prononce en faveur de
la réforme, 239.
Hiver (Histoire du mot), 112 bis.
Homonymes, leur orthographe, 96, 326.
Honneur (Histoire du mot), 112 bis.
HospiTAL (Michel de i,'), 2 5.
Huile. Orthographe défectueuse et con-
traire à l'étymologie du mot huile,
venant de oleum, 39. — Ecrit sans h
se confondait avec vile, 237.
Huître (Histoire du mot), 1x2 bis, 237.
Hydrogène (Composition défectueuse du
mot), 38.
I, consonne. — Réclamation de Ronsard
en faveur de l'emploi du j et du v,
121. — Séparation de la voyelle / de
la consonne y, 123. — Ramus, 193.
— Liste des mois où la présence si-
multanée de \'i et de Yj est une
cause d'embarras, 87.
Idropisie. Idropique, 102.
leux. Orthographe des mots terminés
en ieuT, 81.
Imparlait du subjonctif en assions,
condamné par l'usage, 216.
Imprimeurs, leur influence sur l'ortho-
graphe, 1 5 3, 294, 343. —Ont beau-
coup fait pour le progrès de la lan-
gue, 458.
Indicatif présent (de la première per-
sonne de 1'). — Introduction vicieuse
de Vs à la première personne de cet in-
dicatif, 17.
Insu (Histoire du mot), 12.
Italiens et Espagnols. Leur orthographe,
242.
.1
Jacquier (Maurice). Méthode très-fa-
cile pour apprendre l'orthographe,
270.
J01NVIT.LE. Ses manuscrits, 353.
JouBERT (Laurent). Dialogue sur la
cacographie fransaise, 2o3.
JouY, 160. — Il signale l'inutilité des
doubles lettres dans les mots où l'on
n'en prononce qu'une, 161.
JuLLiEN (Bernard). De V orthographe et
des systèmes néographiques. — Thèses
de grammaire. — Les principales
étymologies de la langue française. —
De la nécessité de quelques réformes
dans l'orthographe française, 372. —
Il oppose un grave inconvénient aux
idées purement phonographiques dans
l'article intitulé la Partie de dominos,
373. — Cause de l'introduction des
lettres doubles, 377. — Il approuve
leur retranchement et la substitution
de Vf au ph, ibid. — Le mouvement
de retour, 375. — Inconséquences
dans l'orthographe des mots dessiller^
forcené, 385. — Contradictions dans
le Dictionnaire de l'Académie. — Il
demande que notre orthographe soit
soumise à un système régulier, 38o.
— Il rappelle les différents chan-
gements proposés par Duclos, Dan-
GEAu, Reauzée, 382. — Il ne partage
pas l'avis des néographes d'écrire :
pindre, pintre, 386. — Lettres
caractéristiques. — Ce qu'il propose
pour distinguer le g dur, 387. — Il
propose de mettre la cédille sous le c
du ch quand il a le son chuintant,
388. — Il blâme les phonographes
qui voudraient écrire chapo, bato,
et demande le remplacement du ys/f et
du th par Vf et le /, 390. — Cause
de l'irrégularité de la plupart de nos
racines. — L'accent tonique du fran-
çais, 391.
INDEX.
477
K (la lettre) remise en honneur par
Ronsard, 5; — par Raïf, 200. —
Son emploi pour remplacer le c dur
ou le ch. — Théodore de Bèze, 37.
. — Saint-Lien, 2o5. — Douchet,
287.— Beauzée, 299. — Suppression
proposée de la lettre A-, 356.
KusTER (Théodore). Il désire la sup-
pression du /A, ph, w, 461 ; — celle
du trait d'union dans les mots com-
posés. — De la méthode parliculière
à l'esprit français en matière ortho-
graphique, 462. — Il repousse l'em-
ploi du t cédille, ibid.
L double, 5. — Causes du redou-
blement de Vl. — JuLHEN, 377. —
L mouillé. — Ronsard réclame un
signe distinctif pour cet /, 12t. —
Pierre Corneille, id., 129. — Beau-
ZÉE, id., 3o3.
La Bruyère proteste contre l'usage en
fait d'orthographe, 339.
Lacretelle, 21.
La Fontaine. Sa supplique en faveur de
Fouquet. — Orthographe de cette
pièce dans l'édition princeps, 399.
Laimarie (Guill. de) donne une édition
améliorée du dictionnaire français-
latin de Robert Eslienne, 109.
La Loy (Charles). Balance orthogra-
phique, 333.
Lancelot, 16, 226. Voyez Port-Royal.
Langen-Mantel (Jérôme -Ambroise).
L'orthographe de la langue française^
239.
Langues vivantes (Mots empruntés aux),
3i, 87.
Langue française, défrancisée par la
formation des mots scientifiques, 21.
— Coup d'oeil sur l'histoire de la
langue française, 167. — Grammaire
historique de la langue française, 167.
Durée de son, enseignement d'après le
programme universitaire, 348.
La Noue. Ouvrage sur l'orthographe
qui lui est attribué, 220.
La Ramée, voy. Ramus.
Largmiguière. Lettre à M. Marie a pro
pos de son système, 162.
Lartigaut. Les progrès de la véritable
ortografe. — Extrait de Vavis impor-
tant phcé en tête de son livre, 233.
Spécunen de sou orthographe, 234.
— Aperçu de ses modifications. —
Il propose la suppression de l'a?
235.
Latinité. Son influence prédomine dans
la première édition du Dictionnaire,
9- — Son influence considérable sur
l'orthographe depuis la Renaissance,
6,92,168,391.
Launay (Py- Poulain de).
Poulain de Launay.
P'oy. Py-
Lausanne (société phonographique de),
366.
Lecture et écriture française accessibles
à tous (Moyen de rendre la), 97.
LÉGER Noël. Les anomalies de la lan-
gue française, ou la nécessité démon-
trée d'une révolution grammaticalcy
338. — Spécimen de l'orthographe
qu'il propose, 339. — Réclamation en
faveur de l'j, 341 Orthographe du
genre, 339. — Sa théorie du trait
d'union, 412. — Adhésion, 45i.
Lego*rant (B.). Nouveau dictionnaire
critique de la langue française, 343.
Lettre, lètre, voy. Boileau, 4g.
Lettres 0 et $ représentées en latin par
th et ph. — Différence de pronon-
ciation du 6 et du t, 3o; — du ç et
du digamma éolique, 3o.
Lettres caractéristiques, voy. Caracté-
ristiques (lettres).
Lettres doubles, 48. — Ronsard, 40.
— Elles sont souvent remplacées dans
notre orthographe par l'accent grave,
49. — Boileau, ibid. — On doit les
conserver au milieu des mots quand
la prononciation l'exige, 5o, 377. —
Contradiction dé l'emploi dans cer-
tains mots de lettres doubles, 54. —
Elles n'ont pas toujours fait partie du
système orthographique de la langue
française. — Tableau comparatif de
l'orthographe des quatre livres des
Rois, du dictionnaire de Le Ver et
de celui de Robert Estienne, 56. —
Écrivains contraires à l'emploi des let-
tres doubles : Perrot d'Ablancourt,
124. — JouY,i6r. — Montaigne, 207.
— Chifj[,et, 226. — Rodilard, 241.
478
INDEX.
— Régnier des Marais, aSa. — Le P.
15UFHER, aSg. — De Longue (Pierre),
267. — Du Marsais, 272. — De
Wailly, 278. — Roche, 294. —
Beauzée,297. — Volney, 3i2. — Er-
DAN, 336. — Hetrel, 372. — Lettres
doubles qui ne se prononcent pas con-
damnées par MÉNAGE, 236. — Causes
de leur introduction (Jcllien), 377,
382. — Règles de leur emploi dans les
Cahiers des remarques, ii8.
Lettres euphoniques, i, f, 65.
Le Ver (Firmin). Son dictionnaire latin-
français, 39, 101. — Orthographe
francisée des mots tirés du grec admis
dans son dictionnaire, 41. — Il traduit
par des mots français en ance des
vocables latins en entia, 76. — Lu-
mière que ce dictionnaire jette sur
l'état de l'écriture et de la pronon-
ciation au commencement du xv* siè-
cle, 102 et suivantes.
Lierre (Histoire du mot), 54.
LiEviN (Louis). Adhésion, 461.
Liste comparative de l'orthograjibe et du
mode de composition de certains mots
dans différents glossaires de la fin
du xve et du commencement du xvi^
siècle, io5.
Lithontriptiques (Mauvaise composition
du mot), 44.
LiTTRÉ. Histoire de la langue française^
164. — Ses idées sur les archaïsmes
bons à renouveler, 163,379. — Réac-
tion de l'écriture sur la prononcia-
tion, i64. — Son orthographe des
noms composés, 41 7.
LiVET (Ch.-L.). La grammaire fran-
çaise et les grammairiens au xvi* siè-
cle, 190.
Longue (L. Pierre de). Principes de l'or-
thographe françoise, 266. — Il se pro-
nonce contre les doubles lettres,
267.
M
Malviw-Cazal (Joseph de). Pronon-
ciation de la langue française au xix^
siècle^ etc., 329.
Manière d'étudier les langues^ a88.
Manuscrits (Orthographe des anciens),
76, 92, 102.
Marais (des), 'voy. Régnier.
Marle, Réforme orthographique et au-
tres ouvrages. — Exposé de sa réforme,
3 16. — Marche que l'auteur déclare
adopter, 3 18. — Lettre de M. An-
DRiEux, 320. — Réclamation de
M. Andrieux contre M. Marie, 32i.
— Diagraphie, 323. — Critique du
système de M. Marie, 326, S73.
Martyre, 102.
Mathieu (Abel). Devis de la langue
françoise, etc., J91.
Mauconduit (de). Traité de l'ortho-
graphe, etc., 232.
Meigret (Louis), 121. — Distinction
de 1'/ et duy, 123. — Ses ouvrages
sur l'orthographe, 184. — Sa réforme,
i85. — Les meigretistes , i85. —
Suppression des lettres étymologiques
qui ne se prononcent pas, 186.
Ménage (Gilles). Observations sur la
langue française. — Services rendus à
la langue par cet écrivain et ortho-
graphe de son ouvrage, 286.
Ment. Régularisation de l'orthographe
des mots en ment {aboiement, balbu-
tiement),^']^.
Mermet (Claude). La Pratique de l'or-
thographe françoise avec la manière
de tenir livre de raison, 206.
Meyer (Maurice). Précautions à prendre
dans l'admission des mots composés
au Dictionnaire^ 460.
Mim-eran (René). Ses ouvrages sur
l'orthographe, 240.
MoiNET (Simon). La Rome ridicule du
sieur de Saint-Amant , travestie à la
nouvêle ortografe, pure invantion de
Simon Moinét, Parisiin, 84, 23o.
Molière. Son orthographe des mots
Misanthrope et Psyché , 29. Voir
408.
MoNET (Le P. Philibert). Invantaire des
deus langues françoise et latine, 6, 7,
no. — Parallèle des deus langues
latine et françoise, no. — Premier
lexicographe réformateur, ib. — Son
système orthographique, ib.
Montaigne. Essais. — Son orthographe
personnelle, 206, 396. — Instruction
à son imprimeur au sujet de l'ortho-
graphe, ao6. — Suppression des
lettres doubles inutiles, 207.
Mots au bout des lignes (De la division
des), 65.
INDEX.
Mots avec ch, 35. — Moyeu de les ra-
mener à l'uniformité, 36.
Mots avec ph d'un usage ordinaire, 45.
— D'un usage exceptionnel, 47.
Mots d'un usage ordinaire ayant con-
servé le th, 43. — Mots avec th d'un
usage exceptionnel, 44.
Mots où le th et le pli sont réunis (Forme
barbare des), 46. — Mots avec ph et
th réunis, 47. — Mots avec deux ph
ou deux th^ 47.
Mots composés, chez les Latins et les
Grecs, 58. — Chez les Anglais et les
Italiens, 59. ^~ Anomalies dans l'écri-
ture des mots composés, 61. — Utilité
de la suppression du tiret pour sim-
plifier le pluriel des mots composés,
60 et 64. — Mots composés avec ou
sans tiret, 60. — Dii"ficulté de leur
recherche dans le Dictionnaire de
l'Académie, 64. — Utilité de leur
agglutination, ibid. — Agglutination
des mots composés d'origine étrangère,
169. — Mots composés dans l'ouvrage de
Paisgrave, 179. — Agglutination des
expressions prépositives et adver-
biales, Baïf, 200; — MÉNAGE, 237.
— Emploi du trait d'union dans l'ita-
lien, 409 ; — l'espagnol, ibid. ; — l'alle-
mand, ibid.\ — le hollandais, ibid.-^ —
le polonais, ibid.; — le russe, /^/W,; —
l'anglais, 410. — Les dix règles et les
exceptions dans l'emploi du trait d'u-
nion selon M. Poitevin, ibid. — Dis-
tinction des noms composés d'avec les
locutions analogues d'après M. Léger
Noël, 412. — Principes pour la com-
position des mots, 41 3. — Liste des
mots composés ou pseudo-composés
admis au Dictionnaire de l'Acadé-
mie, 417. — Mots composés du Dic-
tionnaire de l'Académie, ibid. — Plu-
riels donnés par l'Académie, ibid. —
Pluriels selon quelques grammairiens,
ibid. — Corrections proposées et ob
servations, ibid. — Précautions à ob-
server dans l'admission des mots
composés au Dictionnaire, 460.
Mots corrigés par les Précieuses (Liste
d'une partie des), 228.
Mots étrangers (les) admis dans la langue
devraient être francisés, 87, 169.
Mots inconnus aux lexicographes figu-
rant dans le Dictionnaire de Firmin
Le Yer, 104.
479
Voyez / mouille et
Mouillés (sons).
n mouillé.
MuLLER (Max). Son opinion sur la ré-
forme orthographique de M. Pitman
en Angleterre, 164. _ Son adhésion
a une reforme établie sur la pronon-
ciation, 164.
Mystère (Histoire du mot), rra bis.
N
N double. Liste des mots s'écrivant avec
un seul /t, et des mots s'écrivant avec
deux n, 5r. — Mots où le double
n devrait être supprimé, 52. ~ Causes
du redoublement de !'« selon M. Jul-
LiEN, 377. — Du double n dans les
verbes formés sur des substantifs en
ion, 57. — Mots dans lesquels il de-
vrait être supprimé, 58.
N mouillé d'après Ronsard, Buffier,
VoLNEY, Marle, Fé-line, Raoux,
36i. Voy. ces mots.
Napoléon P' . Ses efforts en faveur du
progrès de la langue française, 346.
NÉGRiN (Emile). Grammaire française
des gens du monde, 349. — Abus
de l'orthographe étymologique, 349.
Signe distinctif pour l'H aspirée, 349.
— Son système orthographique, 35o.
— Décadence de la langue française,
35o.
Néographes. Monet, 110. î— Richelet,
m. — Girard, 139. — Corneille,
125. — Castel, 144. — De Wailly,
i5o. — Beauzée, 295. — Jcllien,
373.
Néologisme (Droit de), 144.
Néolatines (langues). Simplicité ortho-
graphique dans les langues néolatines
autres que le français, 92.
Neufchateau (François de). Son opinion
sur la simplification de la lecture par
le perfectionnement de l'alphabet,
i56.
NicoT (Jean). Dictionnaire français-
latin et Thrésor de la langue fran-
çoyse, 109. — Se déclare conti-
nuateur de Robert Estienne, iio.
Nimphe, 122.
Nodier (Charles). Son sentiment sur la
réforme, 161. — Les dictionnaristes,
x6i.i — Son opinion sur la réforme
480
INDEX.
d'Honorat Rambaud, 202. — Anec-
dote, 457.
Noël (Léger). Voyez Léger Noël.
Noms propres. — Grimarest, 260, — •
Les noms propres résistent à l'emploi
de l'orthographe phonétique, 367,
Œ
OE. La-rtigaut propose sa suppression,
235. — Extension de l'emploi de l'œ,
3o3.
Oi remplacé par ai dans les impar-
faits, etc., 2, 19. — Difficultés sou-
levées à l'occasion de cette réforme,
172.
Olivet (l'abbé d'), chargé de régulariser
l'orthographe dans la troisième édi-
tion du Dictionnaire, opère une
large réforme, 12. — 11 regrette
de n'avoir pu établir partout l'uni-
formité désirée, i3. — Lettre au
président Bouhier, ibid.
Opinions et systèmes concernant l'ortho-
graphe française depuis 1627 jusqu'à
nos jours, 99.
Orphelin (Histoire du mot), 112 bis.
Orthographe ou orlogralie (voir le litre).
Influence sur l'orthographe du mou-
vement général des esprits et du déve-
loppement des sciences, 21. — Amé-
liorations proposées à l'orthographe
actuelle, 23. — Résumé de l'histoire
de l'orthographe française, 92. —
Orthographe de certains mots au
commencement du xv' siècle com-
parée avec leurs formes respectives
à la fin de ce même siècle, 10 5. —
Tableau des variations de l'ortho-
graphe de certains mots depuis le
xv» siècle et d'après différents auteurs,
112. — Orthographe de l'Académie
dans le Dictionnaire de 1694, ii3. —
Motifs allégués dans la préface de ce
dictionnaire, 114. — Opinions de plu-
sieurs membres de l'Académiefrançaise
et de l'Académie des belles-lettres sur
l'orthographe et la réforme ortho-
graphique , 124. — Ce qui est
dit de l' orthographe française à la
fin de l'ouvrage intitulé le Grand
Dictionnaire des rimes françaises ,
220. — Et de l'orthographe, ou des
moyens simples et raisonnes de dimi-
nuer les imperfections de notre ortho-
graphe, 289. — Seul moyen d'ap-
l)rendre l'orthographe, 289, 292. —
Caractère de l'orthographe au xiv»
siècle, 353. — Orthographe person-
nelle des écrivains classiques, 395.
Ortografe des dames (anonyme), 288.
Orthographie ou ortografie, 42, 204. —
Histoire de ce mot, 372, 112 bis.
Oler (contradiction orthographique des
verbes en), 54.
Ou. Réforme proposée du pluriel de
quelques mots terminés en au, 90,
279,453.
Oddin (Antoine). Grammaire française,
rapportée au langage du temps, 221.
— Ses arguments contre la réforme
phonographique, ibid.
OuDiN (César). Trésor des deux langues
française et espagnolle, m.
Oxygène (Composition défectueuse du
mot), 38.
P (double), 55.
Palliot (de). Le vray orthographe fran-
çais, 207. Il est ennemi de toute inno-
vation orthographique, 207.
Palsgrave (Jehan). Lesclarcissemcnt de
la langue françayse, composé par mais-
tre Jehan Palsgrave, anglays,natyf de
Londres et gradue de Paris, 179. La
table de ce livre peut être considérée
comme un glossaire du xv^ siècle, 107.
— A constaté le premier la position de
l'accent tonique en français, ib.
Panel (Pierre). Le tableau de l'ortho-
graphe française, 259.
Parrain (Histoire du mot), iia bis.
Participe passé (Discussion dans l'Aca-
démie sur l'accord du), 137. M. Tell
propose de le rendre invariable, 346.
Pasquier (Etienne) combat la réforme
de Ramus, 194.
Pastoret (de), 21.
Pautex. Errata du Dictionnaire de l'A'
cadémie française, 342. — Utilité de
son travail principalement pour les
imprimeurs, 343.
Peigné (M. -A), membre actif de la So-
INDEX.
fondée par
481
ciété de la Réforme
M, Marie, 323.
Pelletier (Jacques), du Mans. Dialogue
de l'ortografe e prononciation fran-
çoese, départi an deus Hures, i88.
PÉRiON (Joachim). Joaclùmi Perionii
Benedictini cormœriaceni dialogorum
de linguiv gallicœ origine, eiusque cum
grœca cognatione, librl quatuor, 189.
— Curieux exemple de l'abus de la
méthode étymologique en matière
d'orthographe, 190.
Perrot d'ABLAKcouRT, voyez Ablan-
COURT,
Ph. Sa prononciation chez les Grecs et
les Latins, 29. — Utilité de son rem-
placement par ly, 12, i5, 29. — Em-
ploi ànpk chez les Latins, 3o, 33. —
Question du ph, 4r, 43, 46, 118, 124,
- 218,342. — Dangeau, 134. — RODI-
LARD, 241.— d'ÂBLANCOURT, 257.
DoucHET, 287. — Roche, 293. —
DiDOT père, 33. — Négrin, 349. —
JULLIEN, 373, 390.
* (du), qui devrait toujours être repré-
senté par un F, 44.
Phantosme, 25, 33.
Philosophe^ filosofe^ 33, 400.
Phonétique (réforme). Motifs qui s'oppo-
sent à son. admission, 176. — Utilité
de son étude, 176. — Argumentation
contre son principe (Vanier), 326. —
JuLLiEN, 873. — Les résultats écono-
miques de cette réforme, 354.
Phonographes , absolus ou modelés ;
Meigret, i84. — Pelletier, 188.—
Ramus, igr. — Baïf, 199. — Ram-
BAtJD, 200. L'ESCLACHE, 23 1.
Lartigaut, 233. — Dangeau, 241.
— Le p. Vaudelin, 260. — Domer-
GUE, i37, 3o6. — Marle, 3i6. —
FÉLINE, 33o. — Hknricy, 342. —
Raoux, 35r.
Phonographie (Critique de la), 96, 30.6,
363, 373.
Phthisique (Histoire du mot), 112 bis.
Phtisie, phthisie, 11, 46, 112 bis.
Physicien (Histoire du mot), 112 bis.
Pickpocket devrait s'écrire en français
piquepoquet, 462.
PiLLOT (Jean) . Gallicœ lingusc institulio,
190.
Plan d'une or to graphe suivie, pour les
imprimeurs (anonyme). Réformes pro
posées dans cet ouvrage, 264.
Plein (Histoire du mot), 112 bis.
Poisson (Robert). Alfabet nouveau de la
■vrée et pure ortografefransoize et mo-
dèle sus iscluy en forme de dixionére,
209. — Changements qu'il indiquée! qui
furent adoptés plus tard, 209. — Qua-
trains indiquant la valeur et l'emploi
de chaque lettre de l'alphabet, 210.
Poitevin (P.). Grammaire générale et
historique de la langue française, 387.
— Il demande la suppression des let-
tres inutiles, 338. — Ses règles pour
1 emploi du trait d'union, 410. — Son
orthographe du pluriel des mots com-
posés, 417 et suiv.
Pomme (Histoire du mot), 112 bis.
Porl-Royal. Grammaire générale et rai-
sonnée, contenant les fondemens de
l'art de parler, expliqués d'une ma-
nière claire et naturelle, 226, 283.
Principes de sa réforme, 284. — Le
premier emploi du t pointé destiné au
même usage que le t cédille est indi-
qué dans cet ouvrage, 84.
Précepteur (ie), 274. —Nécessité de faire
concorder l'orthographe avec la pro-
nonciation, 275.
Précieuses (les). Leur réforme orthogra-
phique, 94, 227. — Liste de mots
écrits d'après leur orthographe, 228.
Présent de l'indicatif (Orthographe régu-
lière de la première personne du), 17.
Projet d'un esei de granmére francéze,
248. — Système de l'auteur. — Il ex-
pose les avantages d'une réforme pour
les étrangers et pour les dames, 249.
Prononciation. Influence fnneste d'une
écritiu'e contraire à la prononciation,
56. — Utilité historique des ouvrages
où la prononciation se trouve figurée,
192, 233. — De Wailly, 281.
Prosodie française. — Bossnet réclame
l'indication des règles de la prosodie
dans le Dictionnaire, i32. — Figura-
tion de la prosodie, 286.
Psychologie f 37.
Ptisanne, 25.
Py- Poulain de Launay (Pierre). Z.'<irf
d' apprendre à lire le français et le la •
tin. 265.
Q. Proscription de cette lettre par Baïf,
482
INDEX.
Quantité latine. — Son influence sur le
redoublement des consonnes, 53,
QuicHERAT, 62. — Préface de son Dic'
tîonnaire françals-îatin^ i65. — Cor-
rections au Dictionnaire de l'Acadé-
mie, 166.
QuiKTILlÉN, 29.
R double. Cas oîi l'on devrait le conser-
ver, 53.
Racine. Correction de la diphthongue
ai dans Yyindromaquey 19. — Son
orthographe dans la lettre au maré-
chal de Luxembourg, 400.
Radicaux grecs (les) en s'introduisant
dans l'ancien français ont subi l'in-
fluence de la latinité, 29. — Mots
forgés irrégulièrement avec des radi-
caux grecs, 177.
Rambaud (Honorât). La Déclaration des
abus que l'on commet en escriuant, et
le moyen de les éuiter et représenter
nayuement les paroles : ce que iamais
homme n'a faict, 200. — Comment il
expose ses principes, aoi. — C'est lui
qui le premier a proposé la nouvelle
épellation be^ ce, de, 2o3.
Ramus ou La Ramée (Pierre). Gramere,
191. — Son système, 192. — Spéci-
men de son orthographe, 192. —
Avantages et vices de son système,
Î93. — Le premier il a distingué le
V de VUf \ej de 1'/, ibid.
Raoux (Edouard). Ortlwgraphe ration-
nellcj ou écriture phonétique, 35 1. —
Exposé de ses principes, 352. — Ce
qu'étaient à l'origine la langue parlée
et la langue écrite, 353. — Résultats
économiques de la réforme phonétique,
354. — Critique du système graphi-
que actuel, 355. — Il propose la sup-
pression des lettres inutiles de l'al-
phabet, 356. — Sous différents s'écri-
vant de la même manière, 358. —
Sonalphabet phonétique complet, 359.
— Son alphabet phonographique
complet, 362, — Critique de sou
système, 363. — Application de la
phonographie à l'écrilure des langues
autres que le français, 365. — Sup-
plément à son ouvrage, 366.— Sou
nouvel alphabet phonétique pour le
français seulement, 867. — Son nou-
vel alphabet phonographique, 367. —
Exemple de son écriture, 368,
Raynouard, 20.
Réformes orthographiques (Avantages
des), 3. — La réforme modérée n'est
qu'un retour aux règles primitives du
français, 91. — Perrot d'Ablancoiirt,
124. — Beauzée, 148. — Max Mul-
LER, 164. — Histoire des réformes
proposées ou accompUes, 176.
Regnard, 60.
Régnier des Marais, Son influence sur
la rédaction du dictionnaire de 1694,
9. — Sa Grammaire, 76, 120. — Elle
tend à s'écarter de l'orlhographe des
Cahiers, 121. — L'auteur se prononce
contre l'écriture phonétique, 25 x. —
Du redoublement des lettres, 252. —
Règle suivie par l'Académie dans l'or-
thographe de son Dictionnaire, 2 54. — *
Contradictions dans le système de l'au-
teur, ibid. — Son texte même démon-
tre que l'écriture suit la loi du progrès,
256, 38i.
Renaissance grecque et latine. Son in-
fluence sur le système orthographique
du français, 93, 106, 168, 238.
Renaud (André). Traité de V orthographe
et de la prononciation française, 247.
Retour (Mouvement de) en Orthographie,
375.
Rh. De son inutilité, 38, 347.
RicHELET (César-Pierre). Particularités
de son système orthographique, 7,111.
— Son orthographe devance celle de
la première édition du Dictionnaire
de C Académie, 112, — Dictionnaire
françois, 248.
Richelieu (maréchal de). Son ortho-
graphe, 454.
Roche (J.-B-). Entretiens sur l'ortho-
graphe française, 290. — De Vy et de
ïi, du phf de Vf, 293. — Des lettres
doubles, 294.
RocHEFORT (César de). Dictionnaire gé-
néral et curieux, II 3,
RoDiLARD. Doutes sur l'ortographe
franceze. — Lettre aus maîtres impri-
meurs, 240, — Il propose la substitu-
tion de 1'/ au ph et la suppression des
lettres doubles, 241.
Roi des Belges. Son arrêté pour fixer
l'orthoçraphe de la langue flamande,
378.
INDEX.
Ronsard. La Fvanciade. — L'Art poé-
tique, 5, 123. — Son opinion sur les
diphthongues (lettres doubles), 40.
Partisan du système de Meigret, 121.
— Distinction de Vi et du y, 128. —
Orlhographe qu'il a suivie dans son
Abrégé de l'Art poétique, ibid.
ROYER-COI-LARD, 21.
Rythme, rkphme, eurythmie, 22.
483
S. Suppression de Vs du radical grec
et latin. Académie, 12. — S eupho-
nique, 65. — Substitution de Ys à l'a;
comme marque du pluriel dans cer-
tains mots, go. — BnTET, 3i5. — Dis-
tinction des diverses sortes d's propo-
sée par Corneille, 126, — S ayant
le son du z, 299.
Saint-Lien (Claude de). Claudii Sancto
a Vinculo de pronuntiatione lingux
gallicx, 204. — Ses idées orthogra-
phiques, 205.
Saint-Pierre (l'abbé de), voyez Castel.
Sainté-Béuvé (Charles-Auguste). Son
opinion sur la légitimité de la ré-
forme, 167. — Coup d'oeil sur l'histoire
du français, 167. — De la timidité ac-
tuelle en matière de réforme, 172. —
Inconséquences orthographiques du
Dictionnaire, 178.
Salomon (Jean). Briefue doctrine pour
duement escripre selon la propriété du
langage francoys, 177.
Sanadon (le P.). Son orthographe sim-
plifiée dans sa traduction d'Horace,
273.
Sansue, 109.
Saxe (maréchal de). Son orthographe,
454.
Sceau. Dérivation de ce mot, 296.
SÉGUR(de), 21.
Seizième siècle (Histoire de la réforme
pendant le), 1^7.
Sélis, 18.
SÉviGNÉ (M"** de). Orthographe d'une
de ses lettres à M"'* de Grignan, 40 x.
Sibille, 122.
Simon (Etienne). La vraje et ancienne
orthographe françoise restaurée, 212.
'-— Exemple de son Système, ibid.
•y<Ve(Étymologie du mot), 122,
Société. Voyez Correcteurs et Lausanne.
Société de la réforme fondée par
M. Marie, 323. *
Solvique et phonique, 3i5.
SoMAizE (BoDEAu de), voyez Bodkau.
Son an. Différentes manières dont il est
figuré. — Son in, 274. — Sons diffé-
rents s'écrivant de la même manière,
358.
SoREL (Charles). Histoire comique de
Francion, 219. — Où il est question
de la suppression des lettres inutiles,
220.
SouLE (de). Traité de V ortographe fran-
çaise ^ 240.
Sphère, sfère, 26.
Stile (Dérivation du mot), 86.
Strophe, strofe, 27.
Suisses du Dictionnaire (les), 145.
Syllabes' nasales, 358.
Sylvius (Jacques) (Dubois). Ses essais
pour faciliter l'étude du français. —
Accents pour déterminer la valeur des
diphthongues, 181.
T final. — Suppression du / final au plu-
riel des mots terminés en ant, 16. —
Son rétablissement, 18. — Régulari-
sation des désinences en ant et ent,
23.— - rdouble, 64. — Teuphonique,
65. — Mots où il conviendrait de faire
usage du t cédille afin d'éviter toute
confusion, 82, 83. — T ponctué em-
ployé par Port-Royal, 84. — Dou-
CHET, 287. — BEAVZÉE, 3oO.
Tableau synoptique des variations de
• l'orthographe de certains mots difficiles
du français depuis le xv** siècle, 112.
Tell. Exposé général de la langue fran-
çaise. — Il propose de rendre les par-
ticipes invariables, 846. — Du rôle de
l'Académie en matière d'orthographe,
346.
Tertre (du). Méthode universelle^ aaS.
Terzuolo (F.-P.). Études sur le Dic-
tionnaire de PAcadémie, 848.
Th. Sa prononciation chez les Grecs, 3o;
— chez les Anglais, 3o. — Son rempla-
cement par le /^ 12, i5, 28, 41* 43^
484
IlSDEX.
JUL-
46, 347. — Negrix, 349
LIEN, 390.
Tliédtre (Hisloire du mot), 1 12 bis.
ÏHENARD, 21.
Ti, tion (syllabes), 80. — Emploi du t
cédille pour en déterminer la pronon-
ciation, ibid. — Emploi uniforme du
c pour écrire les mots qui se pronon-
cent don, deux, de^ ciel, 82. — Liste
des mots écrits lion et prononcés diffé-
remment, ibid. — L'étymologie latine
n'indique pas toujours l'écriture et la
prononciation des mots en tion, 83.
Tie (Observation sur les mots terminés
en), 81.
Tiret. Voyez Trait d'union.
Tisane (Histoire du mot), 11 '2 bis.
Tonique (syllabe). Rôle considérable de
la syllabe tonique du latin dans la
formation primitive du français, 391.
Tory (Geofroy). Il fait le premier usage
du c cédille, 80. — Ses réformes, 177.
Tracy (Destutt de), 21. — Désordre de
notre alphabet et difficulté d'épella-
tion, r6o.
Tradition étymologique (Moyen de con-
server la), 3i.
Trait d'union. — Son apparition dans
l'écriture française, 20, 5g. — Les
Latins et les Grecs ne divisaient pas
les noms composés, 58. — Son
absence des anciens manuscrits, 59. —
T, s, 7, euphoniques entre deux traits
d'union, ^^. — Son rôle d'après les
Cahiers, 120. — Théorie du trait
d'union selon M, Poitevipc, 410 ; —
M. LÉGER NoEt, 412. — Anarchie
complète dans l'emploi du trait d'u-
nion, 41 5. Voir Mots composés.
Tranquille, tranquile, 129.
Trésor (Histoire du mot), 112 bis.
Tyran (Histoire du mot), 112 bis.
U
If. Séparation de la voyelle u de la con-
sonne V. Ramus, 193. — La lettre
u (u), représente l'j dans beaucoup de
mots tirés du grec, i23. — Explication
de l'emploi de VU tréma dans les vieux
manuscrits, 459.
^ Usage (!') en fait d'orthographe ne peut
être constaté qu'au moyen des lexi-
ques, 100. — A varié incessamment
depuis l'origine jusqu'à nos jours, ib.
— Sa définition par Duclos, 147. —
L'usage tend à faire disparaître les
doubles lettres, 48. — L'usage et la
raison, 140, 190. — Selon La Bruyère,
339.
Vanier (V.-A.). La Ré forme orthogra-
phique aux prises avec le peuple. —
Exposé de sa réforme, 324. — Dia-
logue entre la réforme et l'opposition,
326. — Difficultés qu'offrent pour
notre orthographe les verbes en eler
et eter, 824. — Il se prononce contre
les lettres doubles, 325. — Extension
d'emploi de l'accent circonflexe, SaS.
— Argumentation contre l'écriture
phonétique, 326.
Vaudelin (le P. Gilles). Nouvelle ma-
nière d'écrire comme on parle en
France. — Son alphabet phonétique,
261.
Vaugelas veut que chaque langue soit
maîtresse chez elle, 8.
Vauxelles (l'abbé de), i8.
Vert-de-gris (en italien verderame) de-
vrait être remplacé par verderis (vert
de cuivre), 452.
ViARD. Les Frais Principes de la lecture,
290.
Vllemain, 20. — Auteur de la préface
du Dictionnaire de i835, 26.
Villers-Cotterets (édit de), 4.
Vocabularius latinîs, galUcis et theuto-
nicis verbis scriptum, de i5i5, 107. —
Exemples de l'orthographe de ce re-
cueil, ibid.
Vocabularius nebrissensis de i524, 108.
— Orthographe de ce glossaire, ibid.
VotNEY. Alfabet européen appliqué aux
langues asiatiques, iSg. — Désordre
des alphabets des langues européennes,
159. — Alphabet commun aux langues
de l'Europe et de l'Asie, 3 1 1 . — Dis-
tinction des diphthongues et des di-
grammes, ihid. — Tableau des voyelles
reconnues par Yolney, 3i2.
Voltaire, 19, 34, i54, i55. — Trans-
cription de quatre de ses lettres à d'A-
lembert avecleur orthographe, 402.
INDEX.
485
Voyelles. Classification des voyelles :
Dangeau, i33. — DoMKRGUE, 3o8.
— VoLNEY, 3i2. — Féline, 33i.
— Raodx, 359.
W
fV. Suppression proposée de celle lellre,
356, 45i.
Wailly (Noël-François de). De l'ortho-
graphe. — V orthographe des dames
ou l'orthographe fondée sur la bonne
prononciation, démontrée la seule rai-
sonnable. Fragments de cet ouvrage,
32, i5o. — Plaidoyer des dames eu
faveur de la réforme, iSa. — Néces-
sité pour les proies et les compositeurs
d'une orthographe conforme à la bonne
prononciation, ibid. — Des doubles
consonnes, 276. — De l'accent circon-
flexe, ibid. — Suppression des lettres
inutiles, 277. — Mois écrits autre-
ment qu'ils ne se prononcent, 278. —
De l'jc comme marque du pluriel, 279.
— Exemple de la difficulté de la pro-
nonciation par suite de la bizarrerie
orthographique, 280. — De l'emploi
du g ponctué. — Pratique de l'ortho-
graphe fondée sur la bonne prononcia-
tion, 281. — Du c, 282.
Wey (Francis). Remarques sur la langue
française, 227.
X. (de la lettre). Critique de son em-
ploi comme marque du pluriel, 90. —
De son remplacement par 1'^ dans le
pluriel de certains mots, ibid. — Mé-
nage, 236. — Bkauzée, 3 14. — Ré-
clamations de VS contre 1'^ (Butkt),
3 14. — Travail de Wailly sur cette
lettre, 279. — Sa suppression pro-
posée (Baif), 200. — Raoux, 356.
Y. Son remplacement par T/, 12, 14, iS,
23. — Élimination de l'j- par l'AcAnic-
MIE, 85. — Par Ronsard, 122. — In-
troduction de Vy dans le français par
une influence calligraphique, 85, —
Emploi de l't au Heu de Vy dans beau-
coup demots. — Exemple de BossuET. —
Embarras causé par la présence simul-
tanée de 1*7 et de l'i dans certains mois,
86. — Mots avec f tirés de l'anglais, 87.
— Roche, 293. — Léger Noël, 34 i.
Yeux. Orthographe défectueuse de ce
mot due à la raison calligraphique
{jeux pouryeMj:), i23. -
Z. Restriction fâcheuse dans l'emploi de
' cette lettre en français. — Liste des
mots oîi elle figure, 62. — Z eupho-
nique, 65. — Son emploi comme finale
du participe passé, i35. »
ERRATA.
Page 106, ligne 6 en remontant, 1587, lisez 1487.
— 181. Les signes orthographiques adoptés par Sylvius et placés au-dessus des
lignes ne doivent être considérés que comme système pédagogique
pour indiquer la prononciation de son temps et non comme méthode
orthographique.
— 148. Ajoutez en titre après l'article de Richelet ces mots : Dix-HurrifcjiE
SIÈCLE.
|PlS^h#ll^\Ji
i>«uv ;^ «i ly/fi]
PLEASE DO NOT REMOVE
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PC Didot, Ambroise Firmln ^
214-3 Obsear^ations sur
05 l'orthographe ou
1868 ortografie française 2. éi
rev.