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ODILON
ODILON REDON
ANDRÉ MELLERIO
ODILON REDON
Peintre, Dessinateur et Graveur
henrl,rLouï>)
(l
H. FLOURY, ÉDITEUR
2. RUE SAINT-SULPICE & 4. RUE DE CONDÉ
PARIS (VIO
1923
11 a été tiré de cet ouvrage CENT Exemplaires sur papier
du Japon, numérotés de I à 100 et contenant une
épreuve avant la lettre de la couverture.
Les Cent exemplaires sont, en outre, accompagnés d'une
suite, sur Vélin du Marais, des neuf compositions
originales d'OoiLON Redon, pour Les Fleurs du Mal
de Ch. Baudelaire.
NE
ODILON REDON (1914)
INTRODUCTION
Quand nous fut confiée la tâche de rendre à Odilon Redon l'honneur
que sa mémoire et son art étaient en droit d'attendre, nous avons éprouvé
une hésitation compréhensible devant telle responsabilité.
Cependant, la pensée s est imposée à nous : que presque trente années
d amicales relations et de conversations intimes avec l'artiste, la perpé-
tuelle fréquentation de ses œuvres, aussi d'antérieurs travaux à leur égard,
nous créaient une véritable obligation.
Mais ce qui nous a rassuré principalement, c'est que d'abondants
témoignages, tant publiés qu'inédits, demeuraient, émanant de Redon
lui-même. De plus, fut connue et approuvée de sa bienveillante attention,
l Etude mise par nous en tête d'un précédent Catalogue de ses estampes.
Avant tout, nous nous sommes appuyé scrupuleusement sur ces documents
authentiques, d autant plus précieux que la voix qui, jadis vivante, pouvait
parler et redresser les erreurs, s est éteinte dans le suprême silence.
Enfin, la femme d'intelligence et de cœur, pendant tant d'années sa
compagne inlassablement dévouée, a bien voulu mettre à notre disposition
non seulement les manuscrits qu'elle conserve pieusement, mais par .surcroît
les commentaires de sa mémoire personnelle. Ici, qu elle agrée l hommage
de notre respectueuse gratitude.
Nous remercions aussi bien vivement les Musées, ainsi que les amateurs
et amis de Redon qui nous ont ouvert libéralement leurs collections — plus
encore, ont permis des reproductions, lesquelles sont l ornement et le
complément expressif du présent livre.
A défaut de toutes les qualités en des ordres différents d idées, qui eussent
été requises pour mener complètement à bien une semblable tâche, nous y
avons apporté du moins un entier labeur, le souci de la méthode et la sincé-
rité de l'émotion. Notre ambition serait satisfaite si, contribuant à une
meilleure compréhension de Redon, nous pouvions davantage le faire aimer
et admirer.
A. M.
ABRÉVIATIONS
EMPLOYÉES DANS LES NOTES
DE CE VOLUME.
Od. R., a s. m. --= Odilon Redon. A Soi-Même. Paris,
H. Floury. 1922.
Letl. d'Od. R. à Edm. P. = Lettre d'Odilon Redon à Edmond
Picard (13 juin 1894). Reproduite dans L'Art Moderne
(Bruxelles). 23 août 1894.
Letf. d'Od. R.à A. M. = Lettre d'Odilon Redon à André Mellerio.
Man. de R. = Manuscrits de Redon.
A. M. Et. s. R. ^= André Mellerio. Odilon Redon. Société pour
l'Etude de la Gravure Française. Paris, 1913. Étude sur Redon.
A. M. Préf. d'Exp. Od. R. -'^ André Mellerio. Préface pour
l'Exposition Odilon Redon (Galeries Durand-Ruel, 1894).
A. M. Gaz. d. B. A. =^ André Mellerio. Odilon Redon. La
Gazette des Beaux-Arts. Aoiit-septembre 1920.
App. — Appendice du volume.
ODILON REDON
I
L'HOMME ET SA VIE
Odilon Redon naquit à Bordeaux, le 20 avril 1840.
De ses origines, voici ce qu'il nous a fait connaître — et plus
spécialement de son père : '^ Né dans les environs de la petite
ville de Libourne, où quelques villages et maintes familles portent notre
nom, il était parti jeune pour la Nouvelle-Orléans, au moment des
guerres du Premier Empire, fils aîné d'une famille aisée, mais appauvrie
par les duretés du temps. Son ambition était d'y acquérir de la fortune
pour revenir au foyer natal afin d'y mettre une aisance atteinte ou qui
n'y était plus. Il nous a confié bien des fois qu'il débarqua là-bas sans
ressources et qu'il dût faire, pour parer aux besoins matériels immédiats,
divers métiers d'expédient, que la chance toujours accompagnait.
Après avoir exploré et défriché des forêts, il devint rapidement posses-
seur d'une fortune assez grande. Il fut colon, il eut des nègres (1). »
C'est alors qu'il épousa une créole de la Nouvelle-Orléans, dont la
famille était d'origine française. Il devait en avoir cinq enfants, qui
furent : Ernest, Odilon, Marie, Léo, Gaston.
Bertrand Redon, se trouvant à la tête d'une large aisance acquise
par son intelligence et son travail, résolut de revenir se fixer, avec sa
famille, dans son pays natal. « C'était — nous dit Redon — quelque
cinq ou SIX années après son mariage, moi déjà conçu et presque à naître,
second fruit de son union. Les voyages sur mer étaient alors longs
(I) Od. R., a s. m., p. 12. Voir : App. Note I.
et hasardeux... J'eusse aimé, par le hasard ou le destin, naître au milieu
de ces flots... un lieu sans patrie sur un abîme (1). »
Du chef de son ascendance maternelle et des circonstances précitées,
ne faut-il pas voir chez Redon, bien qu'issu d'une bonne souche de
vieille France, quelque mélange d'Outre-Atlantique? Et qui sait si
Coll R. B.. Winterthur
Paysage (Pastel).
l'artiste qui illustra Edgar Poe ne sera point revendiqué un jour par les
Américains comme un peu leur.
A Bordeaux, Odilon vint au monde dans un logis que sa famille
occupait 26, rue des Allées-d'Amour. Mais l'enfant était de complexion
peu vigoureuse, et l'on crut même qu'on ne pourrait l'élever. Il fallut
presque immédiatement l'envoyer, à peine âgé de deux jours, en nourrice
à la campagne, dans les Landes. Quand il en revint, cette faiblesse native
persista pendant toute la première partie de son enfance : " J'étais
(I) Od. R., a s. m., p. 12.
— 10 ^
Études (Dessin à l'encre de Chine).
— II —
maladif et débile, entouré toujours de soins, on avait prescrit de m'éviter
les fatigues cérébrales (1). »
L'atmosphère familiale, durant les séjours à Bordeaux et ceux
passés longuement dans la propriété rurale de Peyrelebade, apparaît
paisible, ordonnée, jouissant du confort matériel. Les arts y étaient
cultivés, principalement la musique, où se distinguait déjà Ernest, le
fils aîné. Pourtant, si Odilon ne connut pas les âpretés d'une condition
pauvre, il ne trouvait point parmi les siens ces nuances de tendresse,
ces appels à l'expansion qui l'eussent porté à se librement épanouir.
Les natures sensibles ont des délicatesses raffinées, d'impondérables
besoins, lesquels réclament davantage que les soins communs d'une
affection ordinaire.
Certes il vénérait son père, il l'aimait aussi, mais avec un respect
craintif, et en quelque sorte distant : « ...Il m'apparaissait comme un
être impérieux, indépendant de caractère et même dur, devant qui
j ai toujours tremblé. Bien qu'aujourd'hui à lointaine et confuse distance,
et avec tout ce qui reste de lui dans mes yeux, je vois bien au fond des
siens qui, facilement, s'humectaient aussi de larmes, une sensibilité
miséricordieuse et douce que ne réprimaient guère les dehors de sa
fermeté. — Il était grand, droit et fier, avec beaucoup de distinction
native (2). »
Dans une lettre écrite douloureusement après la mort de ce père
qui, dans le fond, porta toujours une prédilection secrète envers Odilon,
celui-ci déplorera cette sorte de malentendu indéfinissable. Ne fut-ce
point pour deux âmes tendres par nature, mais d'une pudeur
effarouchée, se masquant chez l'un de dureté extérieure, et d'une
retenue froide chez l'autre, l'obstacle à communier en pleine
sympathie ?
Par surplus, sa mère, ayant un peu de la frivolité de goûts propre
souvent aux créoles, ne possédait ni valeur intellectuelle, ni caractère
ferme. D'ailleurs, l'attrait de son sentiment la portait davantage vers
Ernest qui, plus tard, lorsqu'elle fut devenue veuve, continua de vivre
à ses côtés.
(1) Od. R., a s. m., p. 16.
(2) Od. R.. a s. m., p. 12.
LA COURONNE
(Paslel)
Peut-être Léo et Marie auraient-ils pu entretenir avec Odilon
d affectueuses relations, étant d'une nature mieux rapprochée de la sienne,
mais tous deux, malheureusement, moururent relativement jeunes.
Entre son frère Gaston, le dernier-né de la famille et lui, il
n exista jamais aucun lien de sympathie. En outre, tous deux menèrent
Troupeau dans le Médoc (Peinture).
leur vie en des milieux bien différents et même hostiles : 1 un revêtu des
honneurs officiels, l'autre dans le monde des artistes libres.
Enfin il y avait aussi à Peyrelebade '• un vieil oncle, régisseur alors
du domaine, et dont la physionomie débonnaire aux yeux bleus tient
grande place dans les souvenirs de mon enfance (1) ».
Mais ce fut la Nature qui, dès le premier éveil de Redon, le saisit et
le domina pleinement, le marquant d'une ineffaçable empreinte : " Je
fus porté en nourrice à la campagne, dans un heu qui eut sur mon enfance
(I) Od. R.. a s. m., p. 13.
1.3
et ma jeunesse, et même sur ma vie, beaucoup d influence. C était
alors bien désert et bien sauvage; les lieux ont changé; je vous parle de
ce qui fut. On y allait alors en diligence et même en voiture à bœufs,
locomotion monotone, d'une lenteur paisible et engourdissante. Mais
l'esprit libre, les yeux dispos, on s'allongeait sur les bancs du char pour
ne plus voir que le déroulement du paysage, doucement, délicieusement,
à peine remué sur place, en état fixe de suggestive contemplation.
V>'
Coll. de M"" Redon.
Etudes (Dessin à la mine de plomh).
« On traversait ainsi sans bruit, ni les surexcitations d un voyage
d'aujourd'hui, et même sans fatigue, la route longue et triste qui s'allonge
indéfiniment de Bordeaux à Lesparre, droite et seule, coupant des
landes sans fin de sa ligne uniforme et haute de beaux peupliers. La
vue s'y étend jusqu'à l'horizon, par-delà des genêts, ainsi que sur un océan
de terre : un infini...
« Dans la région dont je vous parle, située entre les vignes du Médoc
et la mer, on y est seul. L'océan, qui couvrait autrefois ces espaces
— 14 —
LE PAPILLON BLANC
(Peinture)
déserts, a laissé dans l'aridité de leurs sables un souffle d'abandon,
d'abstraction. De loin en loin, un groupe de quelques pins, faisant
entendre un continuel bruissement de tristesse, entoure et désigne un
hameau ou quelque parc
pour des moutons. C'est
une sorte d'oasis autour
de laquelle de tranquilles
bergers dessinent, avec
de hautes échasses, leur
étrange silhouette sur le
ciel. Ces petits villages
n ont point d églises.
Partout l'humanité
qu on y trouve semble
s anéantir, éteinte et
dissoute, chacun les
yeux navrés, dans
l'abandon de soi-même
et du lieu.
" C'est à travers ces
arides plaines que j'ai
passé la première fois
enfant, avant l'éveil de ma conscience, presque en deçà de ma vie,
] avais deux jours.
« Je les ai traversées bien des fois depuis : les bœufs furent remplacés
par des chevaux, ceux-ci par le fer dur sur les voies et les engins du
monde moderne — je ne récrimine pas. il reste toujours là 1 esprit de
l'espace et des lieux déserts, et le bruissement harmonieux des pins
sous le vent du large, et les bruyères, et le silence et l'admirable
éclat de la lumière dans le clair azur.
« Sur la lisière de cette lande, longeant le beau fleuve, s'allonge,
étroit et resserré de vignes, le Médoc, avec ses résidences nettes, ses
chemins étroits, son luxe de culture traditionnelle... (1) »
Tel est, esquissé en large fresque, le fond du décor général. Mais
Titan (Dessin à la
Coll. de M Rcdo:
lie plomb).
(1) Od. R„ .4 S. A'/., p. 12 et sur
— 15
un site plus restreint se trouvait davantage connu et aimé : Peyrele-
bade (1). Si longtemps la propriété familiale des Redon, encore leur
foyer central après la mort du père, et jusqu'au jour où la vente en
devint forcée après des circonstances douloureuses. « Un ancien domaine
entouré de vignes et de terres incultes, avec de grands arbres, des genêts
toujours, des bruyères tout près du château... On ne voyait au delà du
seuil que des terrains vagues garnis de ronces, de fougères, et des restes
de larges allées plantées d'ormeaux et de chênes, routes abandonnées, à
demi-sauvages, qu'on réservait autrefois pour le service de tout domaine :
un reste de solennelle grandeur, décor naturel, sans convention et sans
lignes, taillé sans pénurie à larges coupes, en plein bois ou forêt vierge
peut-être, à travers des terres qu'on ne mesurait pas (2). »
C'est là que l'enfant, chétif de naissance, isolé moralement parmi les
siens, pousse, moins dru sans doute, mais aussi spontanément que les
sauvageons issus du sol fruste. « Les sensations reçues et dont il me reste
un souvenir lointain sont celles de mes jeux avec les petits enfants
de la maison, au milieu desquels on me laissait fort libre. Période confuse
d où la mémoire me sert assez mal, et qui ne refléterait d'ailleurs ici
que peu de chose, sinon les ébats éternels de l'enfance, loin des
contraintes de la ville et de ses gênes (3). »
Peut-être un tempérament plus robuste fut ainsi devenu énergique,
brutal même. Il n'en est rien pour une nature sensitive que rebutent
les mouvements violents, et qu'effraye le premier apprentissage com-
mencé déjà de la lutte rude pour la vie. « J'étais tranquille, point batail-
leur, inhabile aux entreprises de vagabondage par les champs où les
autres me conduisaient. J'étais plutôt confiné dans les cours ou le jardin,
et occupé de jeux paisibles (4). »
Combien il importe de regarder et scruter de près ces impres-
sions de la prime enfance. Et qu'il est heureux que Redon nous ait
conservé et si bien décrit les siennes! C'est qu'elles sont essentiellement
révélatrices d'une personnalité, source même de sa genèse. Or, cette
(1) La propriété de Peyrelebade était située à peu de distance de Listrac (Gironde). Le nom
signifie : Pierre levée, — sans doute en raison de quelque souvenir mégalithique.
(2) Od. R.. a s. m., p. 14.
(3) Od. R.. a s. m., p. 15.
(4) Od. r., a s. m., p. 13.
— i6 —
Coll. <lc Dometv.
La Souffrance (Pastel).
émotion devant la lumière, cette attirance aussi pour les coins obscurs,
suggestifs de la rêverie où se complaît une âme reployée en sa vie inté-
rieure, ne sont-ce pas les éléments, tant spirituels que matériels,
qui plus tard aideront l'artiste à constituer son œuvre ?
Dans cette période se place un épisode
imprévu et formant contraste. Vers l'âge de
sept ans, Odilon se trouve amené à Pans, et
y fait un séjour de plusieurs mois. Là encore
ce n'était point la mère qui s'occupait de l'en-
fant, mais une vieille bonne aimante et pleine
de soins. Elle l'emmenait en de longues pro-
menades à travers la grande ville. Mais — et
le fait était assez inattendu, elle le conduisit
même dans les Musées. C'est là qu'il put con-
templer pour la première fois des œuvres plasti-
ques, et qui plus est les chefs-d'œuvre des
maîtres. Peut-être alors, dans l'éveil de puis-
sances latentes et insoupçonnées, s'est murmuré
contusément aux profondeurs de cette âme
encore inconsciente, le fatidique : " Anch'io
son pittore ! >'
Cependant, au retour dans le Médoc,
quelques années se continuent dans l'ambiance
et les conditions que nous avons décrites.
Mais la première enfance s'achève, et voici qu'il faut songer à
éduquer le sauvageon. Afin de ménager sa faible constitution
physique, on avait attendu et l'on s'y prit assez tardivement. Pour
1 enfant jusqu'alors développé en pleine liberté, la contrainte des
études et de la géhenne scolaire parut une torture véritable, dont il
garda le plus pénible souvenir : « Je fus mis tard à l'école, à onze ans,
je crois. Cette période est la plus triste et la plus lamentable de
ma jeunesse. Externe cependant ; mais je ne me vois que tardif
aux classes, travaillant avec un effort qui m'attristait. Que de
larmes j ai versées sur des livres d'ennui que l'on me prescrivait
d apprendre mot à mot. Je crois pouvoir dire que de onze à dix-
huit ans, je n'ai ressenti que de la rancœur d'études. Elles furent
— i8
inégales, sans suite, sans méthode, faites dans deux pensions de
Bordeaux (I). »
On présumera quels fruits devait produire une éducation ainsi
donnée et reçue. De fait, nous pouvons le noter ici, l'esprit grec et
latm n'a contribué en rien à la formation intellectuelle de Redon.
Soit dans les écrits émanés de lui, comme au cours des fréquents entre-
tiens que nous eûmes ensemble, il ne nous souvient pas qu'il ait fait
une citation des auteurs de l'antiquité classique, ni même allusion
à leurs œuvres.
Comme évé-
nement à cette
époque se place la
première commu-
nion de l'enfant.
Plus tard il en a
remémoré les in-
fluences ressenties.
Elles paraissent
bien avoir été plus
d'ordre esthétique
et sensible, que
profondément mo-
rales ou mystiques.
« La grande émo-
tion est à l'heure
de ma première
communion, sous
les voûtes de Saint-
Seurin, les chants
m'exaltaient... Je
fus le visiteur radieux des églises, le dimanche, ou bien je m appro-
chais au dehors des absides, sous l'attirance irrésistible des chants divins,
j'allais de préférence dans les quartiers pauvres de la banlieue où les
temples sont populeux, la piété plus naturelle et vraie. Ce sont- là des
(I) Od. R.. a s. m., p. 16.
19
heures dont je me souviens comme ayant ressenti une vie à son
comble, haute et suprême, inouïe. Etait-ce par l'art ? Etait-ce de
communion avec le peuple que j'aimais ?... Les chants sacrés me
révèlent entièrement alors un infini sans mélange, découvert comme
un absolu réel, le contact même de l'au delà (1). »
Cependant au cours des années de ce travail infructueux des classes,
Odilon montre déjà un don natif, et qui ne tardera pas à se développer.
Le dessin l'attire et il y réussit. Tout d'abord par des manifestations
spontanées et bien rudimentaires, suffisantes cependant pour éveiller
l'attention de son entourage, et engager à le pousser dans cette voie.
Au sein des ténèbres scolaires,
c'est le rayon qui luit et déjà
éclaire une voie d'avenir. « Je ne
revivais et n'étais heureux que
les jours de sortie durant
lesquels je m'occupais... (2) » On
lui avait fait prendre des leçons
particulières. " J'ai gardé un
souvenir tendre et pieux de mon
premier maître et des heures
ferventes d'étude et de douceur
passées en son atelier... entouré
à profusion des fleurs d un jardin
hors ville, dans le silence de la
solitude, et sous le jour d une
large baie donnant lumière à la
lisière d'un petit bois (3). » Puis
c'était, vers sa quinzième année,
cette heure aurorale et confuse
de l'éveil ardent de notre être,
moment décisif où se dévoilent nos facultés, où s orientent nos
inspirations, et peut-être notre destinée. " La divine adolescence »,
ainsi qu'il l'exprime si bien.
Coll M A Lebiond
Eve (Peinture).
(1) Od. R., a s. m , p. 16 et
(2) Od. R.. a s. m., p. 16.
U) Od. r., a s. m., p. 19.
Cependant, l'éduca-
tion scolaire sommairement
faite et hâtivement menée,
a pris fin. Maintenant
l'enfant n'est plus, et le
jeune homme doit se
préoccuper d'une carrière.
Le choix lui en était pour
ainsi dire naturellement
imposé déjà : Odilon sera
artiste. Dans sa famille, s'il
ne trouve point un assenti-
ment spontané, car d'autres
projets avaient été formés
à son égard, du moins ne
rencontre-t-il pas de veto
péremptoire, ni même ;
d obstruction. Le père, l
doué lui-même d'une per-
sonnalité forte, avait en
quelque sorte le respect A la vieillesse (Lithographie).
de celle de ses enfants. Et (PUnche tirée de laibum /.« .\w.)
ce n est point là chose si
commune ! Il ne se contenta donc pas d'un acquiescement de tolérance,
mais accorda encore de subvenir aux frais matériels que devait entraîner
pour un temps assez long, la profession choisie.
Alors, pendant une douzaine d'années, va se poursuivre pour Redon
une vie que l'on peut dire véritablement en partie double, tantôt en sa
région native, et tantôt à Paris. Nous eûmes l'occasion jadis, analysant
l'existence rurale et celle des grandes villes, de proposer cette remarque :
« Peut-être, à notre époque, seul apparaîtra fondamentalement complet,
l'homme qui comprend et goiàte ces deux modes de vivre en ce qu ils
ont chacun de caractéristique et d'essentiel. Pour celui-là, résulte une
complexité qui le rend supérieur à l'individualité homogène... mais
bornée à la compréhension d'une seule de ces existences. Et certai-
nement l'inspiration créatrice de l'esprit que nous étudions ici, se
nuance d'influences opposées, provenant directement de ses séjours
à Paris ou à la campagne (1). »
En premier lieu, nous envisagerons son existence à Bordeaux et à
Peyrelebade, car elle est le prolongement naturel des commencements
que déjà nous connaissons. « Et d'abord il faut bien tenir compte que
l'artiste originaire d'une campagne vraie, presque d'un pays sauvage,
en a toujours gardé le souvenir et le contact. Ce n'est certes point
un déraciné de cœur, ni même de fait. Chaque année, tant qu'il l'a pu,
il s'en retourna dans le Médoc, sous son ciel à lui, respirer l'air natal (2). »
Cette existence, elle était « calme, toute de terroir et de tradition fami-
liale, avec ses aspects connus et ses coutumes anciennes. N'était-ce
point elle qui avait constitué ses premières impressions, marquant
d'un sceau indélébile sa sensibilité intime? En province, Redon ne se
retrouvait pas un étranger. Il n'était plus, comme à Pans, un atome infinité-
simal perdu dans le nombre immense. Mais, il redevenait une personnalité
effective, possédant en sa sphère déterminée d'action, une autorité morale,
un rayonnement d'influence respectée. Puis les effluves de la grande na-
ture, en le pénétrant, le pacifiaient et l'élevaient à des hauteurs sereines (3)."
D'autant plus qu'il ne vécut jamais à la campagne qu'en désinté-
ressé. Nous entendons par ce terme : qu'aux émotions humaines, d'ordre
sentimental et esthétique, il n'eut point à joindre les tracas absorbants, le
matériel souci de celui qui exploite sa terre. C'est là ce qui donne au paysan
souvent ce côté farouchement obstiné, ce je ne sais quoi de presque bestial,
courbant sans rémission ses membres au labeur sur la glèbe. Comment
avoir le temps, ni même l'idée, de jeter un regard de pensée ou de rêverie
vers les lueurs douces de l'aube ou les splendeurs du couchant !
Et cet amour de la nature vint s'élargir encore pour Redon. Car
il ne reste plus confiné seulement à Peyrelebade, en son coin de terre
intime. Voici qu'il fait un séjour dans les Basses-Pyrénées, à Uhart-Mixe,
près de Saint-Palais, où la famille de son ami d'enfance Henri Berdoly,
possédait un château entouré de vastes domaines. Ce fut une révélation
pour cette âme SI sensible aux beautés du sol, que le spectacle soudain de
(1) A. M.. Et. s. R.. p. 31.
(2) A. M., Et. s. R., p. 30.
(3) A. M., Et. s. R., p. 30.
— 22 —
0-
ces hautes montagnes élevant dans un ciel bleu leurs sommets aux neiges
étincelantes. L'entassement chaotique des rochers, le bruit des torrents, la
pureté transpa-
rente de l'air —
tout cela 1 em-
plissait de sensa-
Z/'"''^. tions nouvelles
et profondes.
Puis aussi les
1/ êtres qu'il con-
i'' templait : cette
,! race des Basques
V ' \ très ancienne en
-^' sesoriginesauto-
\ chtones encore
, '. mystérieuses,
~^ V demeurée si par-
. j ticulière dans sa
langue comme
■^^ ses usages, et
dont les femmes
par surplus of-
fraient un type
remarquable de
Coll de M"" Redon. 1 i ' C C
Portrait de Déodat de Séverac (Dessin à la mine de plomh).
une excursion
poussée au cirque de Gavarnie, 1 entraînait plus loin à travers les cimes
escarpées, jusqu'en Espagne, où li visita Pampelune. Les émotions alors
éprouvées, laissèrent à Redon d'ineffaçables souvenirs, dont la trace
devait se retrouver dans ses œuvres...
A Bordeaux, où le jeune artiste faisait souvent aussi des séjours
durables, se continuaient les études commencées et les travaux entrepris
à Pans. Toutefois il jouissait en j^rovince d'une ambiance plus calme
qui lui permettait davantage le recueillement. Il avait là d'amicales
relations, notamment son ancien professeur de dessin qu'il estimait et
ne cessa jamais de revoir avec affection.
24
Mais deux personnalités entrèrent alors dans son cercle intime,
que nous devons tout particulièrement signaler. C'est que, à des titres
différents, elles exercèrent sur la formation générale de Redon, aussi
bien comme homme que comme artiste, une réelle influence.
La première, celle qui peut-être eut la part la plus grande sous ce
rapport, fut le botaniste Armand Clavaud. D'une complexion originale
et vive, il appartenait à la catégorie rare des esprits qu'on peut dire
complets, lesquels
ne se contentent
pomt — ce qui
pourtant est beau-
coup déjà, de se
montrer mstruits
et actifs dans leur
spécialité, mais
s'ouvrent encore
largement à toutes
les vues humaines.
De semblables in-
tellectualités, vi-
sant à l'encyclopé-
die synthétique se
retrouvent surtout
au Moyen-Age et
à la Renaissance.
C est la tendance
qui permet d a-
grandir et de mieux
faire fructifier le
champ d'un labeur
particulier. Ces
hommes, égaux à
leurs pairs dans le
cercle donné des mêmes observations, leur deviennent supérieurs,
parce qu'ils peuvent et savent s'éclairer de la comparaison
avec d'autres domaines. Ainsi s'enchaînent mutuellement par relation
Le bouquet blanc.
ces éléments si variés constituant le grand tout qu on appelle
l'Univers.
« Clavaud était extraordinairement doué. Nature de savant autant
qu'artiste (ce qui est rare), toujours apitoyé sur les révélations du micros-
cope, toujours à ses collections d herbiers qu il visitait, soignait et
classait sans cesse, il s adonnait encore avec passion à la lecture et à
des recherches littéraires, avec une érudition éclairée. Ainsi il avait pu
former dans le silence, les difficultés et l'isolement de la vie de province,
une bibliothèque qui ne comptait que les chefs-d'œuvre, ceux des lit-
térateurs de tous les temps. Il me parlait des poèmes indous, qu'il admi-
rait et adorait par-dessus tout, et qu'il se procurait onéreusement, en
s imposant des privations dans sa pauvreté. Très avisé, il était au courant
de tout. Lorsque parurent les premiers livres de Flaubert, il me les
désignait déjà avec clairvoyance. Il me fit lire Edgar Poe et Baudelaire,
Les Fleurs du Mal, a 1 heure même de leur émission. Il professait pour
Spinoza une admiration quasi-rehgieuse. Il avait une manière de pro-
noncer ce nom avec une sensibilité et une douceur dans la voix qu'on
ne pouvait entendre sans émotion (1). » A tant de points de vue, pour
Redon prédisposé à la pensée, mais de culture restreinte et si mal
ordonnée dans le passé, Clavaud était un véritable révélateur.
Avec une incomparable aisance, ce maître vivant et passionné
évoluait à travers les âges littéraires, depuis les chefs-d'œuvre des primi-
tives civilisations, en passant par l'antiquité classique et l'époque
médiévale, jusqu'au Romantisme moderne. Il appréciait les mani-
festations les plus variées, montrant un attrait de prédilection pour
Shakespeare, cet esprit lui aussi tellement universel. Plus haut dans les
siècles, les recherches sur le sanscrit, les Védas, la religion bouddhique,
retenaient sa curiosité et 1 émouvaient ardemment. De tous ces enthou-
siasmes partagés l'aspiration de Redon se formait, et plus tard il
devait en retrouver l'élan dans le domaine d'art qui fut sien.
Mais la littérature n était point le seul mode d'esthétisme dont se
préoccupa Clavaud. « Dans les arts plastiques, il goûtait la vision
sereine de la Grèce autant que le rêve expressif du Moyen-Age. Dela-
croix, dont la peinture rencontrait encore beaucoup de réfractaires, était
(I) Od. R„ a s. m., p. 19.
— 26
GERMINATION
(Lithographie)
défendu par lui avec véhémence; et j'entends encore la démonstration
qu'il me faisait de ce sens de la vie et de la passion qu'il y sentait, me
parlant de l'irradiation vitale qui s'épand des attitudes de ses guerriers,
amants ou héros ; de la vie
passionnelle qu'il y voyait ■ '~
et qu il comparait au génie
de Shakespeare, me disant
qu un seul mot du drama-
turge anglais dessine immé-
diatement et en entier le
personnage. De même
chez Delacroix : une main,
un bras aperçus dans un
fragment de la scène
traduisent aussi toute la
personne (I). »
L'intérêt éprouvé par
Redon était tel que sou-
vent, dès son retour chez
lui, il notait avec soin les
propos et les jugements
entendus (2). On peut con-
cevoir la capitale influence
que put exercer une intel-
hgence aussi lucide et vaste sur la personnalité à peine naissante du
jeune artiste. Surtout si l'on joint aux connaissances variées du mentor
et à sa pensée originale, une chaleur d'attraction, une vivacité de
parole et son courant de sympathie. Leur amitié, même lorsque plus
tard ils furent séparés, ne cessa jamais. Et la mort de Clavaud, survenue
rapide et prématurément, en 1890, dans de pénibles circonstances,
fut un coup cruellement subi : ...Je sentis soudain qu un appui
me manquait. Sa mort me laissa un malaise. Je fus dans un litige, litige
douloureux et sans issue devant l'inexorable. Je voudrais maintenant
Voici la bonne dtesse, I idcunnc ilcs luoiitjgi
( Lithographie. J
(PLinche lirée de l-a TcnLilion J, Sa,nl-Anl«mf.)
(1) Od. R.. a s. m., p. 20.
(2) Voir ; App. Noie 2.
lui donner ma pensée plus résolue, et plus sûre qu'autrefois. Il ne connut
de moi que la sensibilité d'un être flottant, contemplatif, tout enveloppé
de ses rêves. Lui, plus âgé que moi, dont l'instruction était forte et
solidifiée de sciences, malgré son idéalisme, il était comme un bloc, je
1 écoutais (1). » A la mémoire de son ami Armand Clavaud, Odilon
Redon a dédié l'album intitulé : Songes.
C est à Bordeaux encore, qu'il connut un curieux et intéressant
(I) Od. R., a s. m. p. 21.
— 28
personnage : le graveur Bresdin (1). L'arliste vieilli déjà s'était retiré
dans cette ville, après une existence aventureuse mêlée de complexes
vicissitudes. Pauvre, chargé de famille, il y menait une vie solitaire et
pour amsi dire ignorée, tout entière
consacrée à son art. Pittoresque figure,
attachante aussi et digne de sympathie.
Ses œuvres, d'une inspiration naïve
mais d'une exécution compliquée,
n'eurent longtemps qu'un petit cercle
d'amateurs. Depuis un certain
nombre d années, elles paraissent
jouir d'un regain d'estime légitime-
ment mérité. A ce résultat, quelques
écrits de Redon sur ce sujet ont
pu contribuer (2). Leurs relations
commencées vers 1863 devinrent
rapidement intimes, et malgré les
interruptions causées par l'éloigne-
ment, durèrent jusqu'à la fin de la
vie de Bresdin.
Quelques traits puisés dans les
souvenirs de Redon évoquent les débuts de leur liaison, ainsi que la
nature de leurs rapports : « Je le vis à Bordeaux dans une extrême
détresse qu'il oubliait dans un labeur forcené. Sa rue, d'appellation
ancienne, ne porte plus aujourd'hui ce nom de rue Fosse-aux-Lions,
qu il me faisait remarquer en plaisantant, avec un sourire. Elle était
proche du beau cimetière de la Chartreuse que je traversais quelque-
C;oM. de M"" Redon,
Etude pour " Silence ".
i Dessin à la mine de plonth.)
(1) Le littérateur Champfleury lui créa une certaine popularité par l'une de ses œuvres,
dont il l'avait fait le héros sous le surnom bizarre de Chien-Caillou. — Voir : CnAMPFLEOfY,
Chien-Caillou, Paris, E. Dentu, 1882. Le titre du volume provient de celui de la première des
nouvelles qui composent 1 ouvrage. Plus récemment, une réédition en fut faite : ClIAMPFLEURV,
Qien-Cai7/ou. (Nouvelle illustrée par Paul GllIGNEBAULl), Paris. H. F1.0UKY. 1903.
(2) Voir : Odilon Redon, Rodolphe Bresdin : Dessins sur pierre, eaux-fortes, dessins originaux.
La Gironde, 10 janvier 1869. - A une date ultérieure : Odilon I^EDON, Rodolphe 6r«</in (1822-1883).
Prélace pour V Exposition rélrospeclive d'œuvres de Bresdin, organisée par M. J. Perrichon. Salon
d'Automne, 6'' Exposition, 1900. On pourra aussi consulter utilement: Robert DE MoNTESQUiOl),
L'Inextricable traceur, Rodolphe Bjesdin. Paris. H. FlOURV, 1913.
■^y
fois en allant chez lui, le matin à la première heure. C'était au
printemps. Cette saison, à Bordeaux, a des douceurs délicieuses ;
l'atmosphère y est humide et chaude sous un ciel clair, la lumière
limpide. Je ne sais si c est le recul du temps qui amplifie ainsi
les impressions de la jeunesse, mais nulle part et jamais je n'ai goûté
si fortement la vivifiante souplesse de mes marches le long des
petites rues solitaires aux trottoirs étroits qui me conduisaient chez lui.
C'étaient des quartiers à demi faits, sans agglomération humaine, où
des arbres émergeaient des jardins par-dessus des murs bas ou des palis-
sades, où des fleurs d'aubépine tombées sur les trottoirs, et que je foulais,
me plongeaient dans de singulières rêveries... (1) "
Voici maintenant le portrait esquissé de Bresdin : " C'était un
homme de moyenne taille, trapu et puissant, les bras courts. La figure
aux yeux clairs et fins. Un front placide et haut qu'aucune ride ne rayait...
Il était de 1822. Et le petit village où il est né ne lui avait mis sous les
yeux, en son enfance, que les paisibles tableaux agrestes de la campagne...
Il m a dit que sa mère était du monde de la noblesse, et cette origine
expliquerait peut-être les traits disparates du caractère qu'on voyait
en lui. Il était peuple et aristocrate. Il tenait sans doute de cette naissance
les particularités de sa nature étrange, fantasque, enfantine, brusque et
bonne, subitement repliée, subitement ouverte et enjouée... Il était
pauvre et entouré d'objets bien précaires, mais tout ce qu'il touchait de
ses belles mains fines donnait à l'esprit l'idée d'une chose rare et pré-
cieuse. Quand il travaillait, ses doigts en fuseau semblaient prolongés de
fluides qui les liaient à ses outils... Des mains artistes. Elles révélaient
bien, comme toute sa personne d'ailleurs, l'être à part et de destination
fatale, l'être prédestiné que doivent faire souffrir sourdement, douloureu-
sement, les heurts journaliers de la vie ordinaire contre celle de sa
dilection. L'artiste, cet accident, cet être que rien n'attend dans le monde
social, sauf l'amour et l'admiration de quelques êtres, au hasard des affi-
nités, l'artiste est bien condamné, quand il naît sans fortune, à subir
toutes les duretés du désenchantement. Mais Bresdin, par un don naturel
d enjouement et d'allégresse, portait hautement les blessures du sort :
ses dehors à qui savait voir exprimaient la bonté (2). >'
(1) Od. R., a s. m., p. 131.
(2) Od. R., a s. m., p. 123 à 129.
— 30 —
LA FLEUR DU MARECAGE
(Lilhosralthic)
Lorsque Redon écrivait sur les soufïrances qui presque toujours
viennent assaillir un véritable artiste dans sa vocation, ces lignes
empreintes de mélancolie profonde, sans doute il faisait un pensif
retour sur lui-même. Par combien de points, sa propre destinée ne se
rapprocha-t-elle pas, surtout en certaines périodes cruelles, des traits
âpres qu'il marquait douloureusement, hélas ! et si justement.
Mais le vieux graveur avait aussi des particularités, de petites
manies, pourrait-on dire, oîi l'on retrouve des concordances avec
son faire artistique : « Il jardinait volontiers et avec la minutie d'un
Chinois. Subtil en tout et méticuleux, il apportait là sa finesse, sa
délicatesse, ses curiosités d'analyse et d'observation. C'était alors, plus
qu'à tout autre moment, qu'il avait l'esprit alerte et qu'il s'épanchait
en jets de paroles subits et saisissants qui me laissaient pensif (1). »
Que de longues conversations entre eux ! Non comme celles avec
Clavaud, planantes et vastes sur les sujets les plus variés, mais davantage
circonscrites à 1 art plastique, spécialement la gravure, sa technique et
ses maîtres. D ailleurs, sans préjudice d'envolées vers la rêverie venant
illuminer souvent ces précisions de métier. Redon, par surplus, travaillait
matériellement sous la direction de ce guide d'une expérience si avertie
et d'inspiration sincère. De Bresdin il a donné plus tard une effigie, un
peu idéalisée, dans sa belle estampe lithographique : Le Liseur...
Nous 1 avons indiqué précédemment, une autre partie de l'exis-
tence de Redon — et non la moindre, se passe dans des conditions
opposées, en un heu très différent. C'est à Pans « ce grand centre civi-
lisé, où des intelligences vives et variées subissent l'excitation émanée
de ce rapprochement. Ville plus prenante encore pour les caractères
neufs qui lui sont arrivés de province jeunes, et en quelque sorte vierges
de toute empreinte brûlante. Ceux-ci, Pans les tue ou les féconde !
Si peu qu'on éprouve la trépidation ambiante, même cherchant à
s'en abstraire, sa fièvre nous pénètre toujours par une sorte d'endosmose.
Apre courant de production, d'élan à vaincre les autres, à se surpasser
soi-même, à la face d'une foule nombreuse et où, par surcroît, se trouve
une élite. De là découle une sorte de supériorité pour 1 homme qui a
connu, partagé et, malgré tout, aimé ce mouvement intense (2) ».
(1) Od. R., a s. m., p. 126.
(2) A. M.. Et. s. R.. p. 30.
31
De cette influence complexe Redon se rend compte, et l'avoue
explicitement. S'il lui arrive, tandis qu'il est à la campagne, d'écrire à
un ami : « Je m'oublie un peu ici... — bientôt quatre mois de calme
et de recueillement absolu ; le contraste est grand après l'existence
de Pans... Si n était nos bonnes causeries qui me manquent ici pour me
ranimer et me soutenir un peu, j'aimerais fort la solitude entière dont
on jouit dans ce coin retiré... (I) ». D'autre part en une lettre
postérieure de quelques mois, dans laquelle il analyse la crise de for-
mation personnelle où il se trouve, nous rencontrons cette constatation :
« Mon naturel est faible, défaillant : je le reconnais et j'en souffre. Pans
m est plus salutaire pour soutenir ma volonté de chaque jour, celle qui
fait la vie. Je n agis ici que par bonds et secousses, et ces réveils
intermittents me fatiguent et m'accablent (2). »
Quelle était donc l'existence de Redon, à cette époque, dans la
grande ville ? Celle d'un jeune homme libre partageant, malgré la
spécialité de ses travaux d'artiste, les habitudes courantes des étudiants
en droit ou en médecine. Plutôt resserré dans ses ressources, il n'en
était point toutefois dépourvu, car sa famille, sans lui permettre de
mener larges ébats, lui fournit du moins toujours le nécessaire. Au reste
Redon ne se montre point dépensier, il est ordonné même. Jamais il ne
fît partie intégrante de la bohème, dont Murger poétisa les fantai-
sistes mais au fond assez piètres aventures. D'autant que cette période
romantique déclinait, dernier vestige affaibli des temps lointains du
Moyen-Age, où la corporation universitaire formait une petite cité
avec son aspect, ses mœurs et ses curiosités particulières.
D ailleurs si Redon fréquenta le quartier latin, il ne l'habitait pas.
C est à Montparnasse où nichait une colonie d'artistes, faisant pendant
à celle des Batignolles, qu'il avait établi ses pénates. Il pouyait là jouir
d un calme relatif au sein de la ville agitée. Il aimait cette quasi-solitude,
les longues flâneries paisibles dans le jardin du Luxembourg, resté beau
encore malgré que bien diminué. Cette région de la rive gauche, même
après son mariage, fut longtemps la sienne. Et quand plus tard, son
existence étant avancée déjà, sa notoriété établie et ses relations
(1) Man. de R. Broujllon non daté d'une lettre antérieure à 1870.
(2) Man. de R. Brouillon d'une autre lettre.
FLEURS
(Pastel)
s'élarglssant le forceront de traverser les ponts et d'aller loger sur la
rive droite, il lui semblera accomplir un événement grave, presque
symbolique (j).
Coll. M.-A. Lcbiond.
La Pensée (Peinture).
Nous avons dit qu'il n'existait plus de véritable cité universitaire,
mais il y avait toujours le groupement nombreux et très vivant des
(I) L'influence ressentie a été notée par I artiste: Je ne saurais vous dire le tourment profond
que me cause un simple déplacement, un changement de demeure... Il me faut pour reprendre vie
et goût au labeur au nouveau gîte où je vais être, du temps, beaucoup de temps, des saisons mcmc. '
Mon. de R. — Et il ajoute cette réflexion empreinte de psychologie : Quitter un lieu habituel
participe de la mort. De là l'effroi d'un recommencement ailleurs. ■ D'". — En ce qui concerne les
divers logis habités par Redon, voir : App. Note 3.
33
étudiants, qu'on appelait, à 1 époque de Napoléon III, la jeunesse des
Ecoles. Elle était bruyante et gaie, privilège naturel de son âge,
mais de plus assez effervescente sous le rapport des manifestations
politiques. C'était la protestation contre le système autoritaire
jusqu à la compression, qui avait succédé aux secousses incohérentes
de 1848, et se continua jusque vers la fin du second Empire. Dans les
manuscrits de Redon et sa correspondance d'alors, on trouve des traces
de cette ébuilition qui agitait souvent le quartier latin. Mais si ses
opinions étaient foncièrement hostiles au régime, sa part d'activité
réelle ne paraît point avoir été grande. Jamais d'ailleurs, au cours de sa
vie entière, les intrigues compliquées, les manœuvres d'une moralité
parfois SI différente de l'honnêteté
ordinaire qui constituent trop souvent
le fond de ce qu'on appelle la poli-
tique, n'attirèrent ou même ne purent
intéresser cette âme élevée, dont la
probité était souverainement scru-
puleuse.
Redon avait parmi ses compa-
gnons plusieurs jeunes gens de la
région bordelaise. Entre eux ils
aimaient à se retrouver, avec 1 accent
de là-bas, leurs souvenirs familiaux,
et jusqu'à de pareils goûts culi-
naires. Le meilleur ami fut Henri
Berdoly, celui-là même qui l'invitait
et le recevait si hospitalièrement à
Uhart (1). Alors étudiant en droit,
ensuite avocat, plus tard il devint sé-
nateur. Etrange contraste qu'offrait
avec le jeune artiste ce bon vivant,
gaillard et inlassable coureur du beau sexe, demandant avec exubérance à
la vie insoucieuse tout ce qu'elle peut donner de jouissances maté-
Passage d'une âme (Eau-for le).
(I) La famille Berdoly était propriétaire, à Bordeaux, de la maison, 26, rue des Allées-d'Amour
où naquit Odllon, et dans laquelle demeurèrent pendant de longues années les Redon.
— 34
rielles. Il avait connu Redon à Bordeaux,
dès l'enfance, s'était pris pour lui d'une
affection sincère et profondément attachée,
qui ne se démentit jamais. Des carrières
très différentes, et l'éloignement de rési-
dences qu'elles comportaient, espacèrent
plus tard leurs relations, mais jusqu'à la
mort de Berdoly, tous deux conservèrent
fidèlement le souvenir des premières
années.
Certes il est curieux de lire les lettres
que Redon avait voulu garder de son ami.
Plus intéressant encore serait de connaître
celles de l'artiste — mais, que sont-elles
devenues ? Le joyeux étudiant se peint
lui-même en sincère franchise. Cependant,
il fait en outre des allusions au travers
desquelles on entrevoit aussi le portrait de
celui auquel il écrit, en donnant des détails
sur leur vie d'alors. Redon apparaît, —
ce sont des caractéristiques marquées dé)à et qui ne feront que
s'accentuer, comme un être foncièrement plus sage et pondéré que son
entourage, d'une sensibilité supérieure, et surtout d'un irrésistible
penchant à la rêverie. De là une physionomie particulière, disons même
originale au milieu de ses compagnons de jeunesse. Non point d ailleurs
qu'il se posât en misanthrope morose. Il avait à l'occasion la gaîté
franche et se montrait bon camarade. Mais les extériorités bruyantes,
chères à la pétulance juvénile, loin de l'absorber comme les autres, lui
causaient plutôt une impression de futilité et de vide. N'est-ce pas là
le sentiment définitif dont le monde ambiant, davantage expérimenté
et subi, remplira le fond de son âme (1).
Coll. He M" R.doi
Ornement décoratif.
(Dessin à l'encre de Chine.)
(I) Que si l'on avait la curiosité de connaître physiquement Redon à cette époque, il est
un document qui. malgré sa banalité courante et son côté superficiel, ne laisse pas que d'apporter
quelques indications. C'est le signalement énoncé dans un passeport à lui délivré en 1862 par la
Préfecture de Bordeaux. Il en fallait alors pour circuler, même à l'intérieur du pays. Voir le
libellé de cette pièce : App. Note 4.
35
Cependant, au cours de ce laps de temps, Redon ne néglige point
les occupations ainsi que les études afférentes à sa carrière d artiste.
Nous l'avons vu, son père n'avait point entravé sa vocation, mais
par un reste de prudence bourgeoise, il avait d'abord mis comme condi-
Coll. de M"" Redon.
Etudes (Dessin à ta mine de plomh).
tion qu'elle viserait un but pratique : Odilon devait être architecte.
C'est dans ce sens qu'il travailla d'abord. Mais il sentait bien que ce
n'était point là sa véritable voie. 11 obtint, alors de sa famille de pou-
voir se consacrer entièrement à la peinture. Toutefois, derechef on
lui imposa la traditionnelle formation de l'atelier académique. Après
un essai loyal, mais qui resta vain, de se conformer à un enseigne-
ment SI opposé à son tempérament, le jeune artisan conquit enfin sa
pleine liberté. Et c'est désormais seul qu'il cherche, dans des efforts
confus et souvent pénibles, à dégager l'énigme de sa personnalité et
de son avenir.
A cette époque, il tenta quelque peu d'écrire. Non qu'il songeât à
sacrifier au démon littéraire celte plastique pour laquelle il se sentait une
- 36 - ,
PROFIL DE LUMIERI
vocation arrêtée et sans cesse fortifiée — mais par idée de se créer en
plus un autre mode d'expression d'art. Ces premiers essais, demeurés
dans ses manuscrits, apparaissent d'une juvénilité incertaine, portant
surtout des traces d'influence romantique. Mais leur intérêt est de
nous faire connaître les débats intimes qui s'agitaient alors au fond de
lui-même. Car ce sont moins des œuvres liées et composées, qu'une
sorte d autobiographie, répétée sous des formes variées, de ses impres-
sions et sentiments, ainsi que de ses vagues aspirations. Et sa tendance
essentielle se manifeste bien dans le choix de ce pseudonyme par lui
adopté : // rêve.
Redon, toutefois, ne
vivait pas en complet isolé
de ses contemporains d'art.
Il en connut plusieurs et
certains même notables,
avec lesquels il entretint
quelques personnelles re-
lations : Corot, principale-
ment Chintreuil, aussi
Courbet. Mais sa grande
occupation était de fré-
quenter assidûment les
Musées. C'est là qu'il se
mettait en communion avec
les maîtres, méditant leur
esprit, analysant aussi leur
métier dont il pénétrait les
secrets par les copies atten-
tives qu'il faisait de leurs
œuvres.
Ainsi se passent des
années assez nombreuses
de lente et secrète incu-
bation, que corroborent des études faites en toute liberté, mais avec
intelligence et une conscience sérieuse. En outre quelques réalisations
effectives, modestes d'ailleurs et peu abondantes, le présentent déjà
Les prêtresses furent en attente (Lithographie).
(Planche lircc de lalhum La \ml.)
— 37
au public. C est ainsi qu'il figure au Salon officiel de 1867, dans la sec-
tion de gravure, avec une petite eau-forte sous ce simple titre : Paysage ( I ).
A Bordeaux, où se tenaient alors des expositions régionales importantes
et suivies, il se manifestait plus amplement par des œuvres de peinture.
Et même son Roland à Roncevaux attirait déjà l'attention grâce à des
qualités réelles d'originalité naissante (2).
Mais nous devons signaler très particulièrement une série d'articles
de critique sur le Salon de 1868, écrits par Redon pour le journal La
Gironde (3). Non point seulement à cause de la valeur de leurs jugements
empreints d'un esprit pénétrant et compréhensif, qu'appuient en outre
de solides considérations techniques. C'est qu'à notre avis, ils montrent
que Redon avait pris conscience déjà, au moins pour les principes essen-
tiels, de l'art si personnel qui sera le sien, lorsque plus tard il aura trouvé
le mode expressif capable de rendre plastiquement son inspiration.
A l'égard de notre assertion nous considérons comme probantes des
affirmations de sa part telles que les suivantes : " ...Quelques-uns veulent
absolument restreindre l'art du peintre à ne reproduire que ce qu il voit.
Ceux qui restent dans ces limites bornées se condamnent à un idéal infé-
rieur. Les maîtres nous prouvent que l'artiste une fois en possession
de son langage, une fois qu'il a pris dans la nature les moyens nécessaires
d'expression, est libre, légitimement libre d'emprunter ses sujets à
l'histoire, aux poètes, à son imagination... (4) » " Tout en reconnaissant
comme base la nécessité de la réalité vue... l'art véritable est dans la
réalité sentie. (5) >' « ...A nous maintenant de nous livrer à notre fantaisie,
à nous de créer librement... Les imitations épuisées de 1 art antique,
depuis longtemps condamnées par leur absence de vie, doivent faire
place au règne de l'expression de Vaccent moral... embellir toujours
d'une poésie bienfaisante, luxe magnifique, inépuisable trésor de
l'imagination humaine, hors de laquelle il n'y a point de salut (6). »
(1) Plus tard, dans son œuvre, elle sera dénommée différemment : Le Gué. Elle datait d ailleurs
de 1863.
(2) A lire l'appréciation favorable de FÉLIX LÉAL, Salon Bordelais, 19* Exposition de la
Société des Amis des Arts. La Gironde. 14 mai 1870.
(3) La Gironde, numéros des 19 mai, 9 juin et i*^' juillet 1868.
(4) Dilo, 19 mai 1868.
(3) Dite. 9 iuin.
(6) Dilo, 2 août.
- 38 -
Roland (Dessin à la plume J.
39
A cette époque, Redon commence à n être plus complètement un
débutant mconnu. Aussi un de ses amis, l'architecte A. Carré, n'hésite-
t-il pas à lui confier la décoration dune chapelle à Arras. Le jeune artiste,
dont c est la première composition d'envergure, accepte le travail,
s'y met aussitôt et l'achève rapidement.
Nous sommes en 1870. C'est alors que « brusquement éclate un
événement imprévu, non pas afïérent seulement à 1 artiste, mais d effet
puissant sur la société et le pays où il vit... dont le retentissement à
vaste portée entraîne chacun et tous dans son orbe perturbatrice.
Date qui fait dire, bien longtemps encore après : 1 Année de la guerre,
— comme d'une terrible hégire, dressée sanglante et ineffaçable (1) ».
Quelle était la situation de Redon au point de vue militaire, et dans
quelle mesure prit-il part aux événements ?
A l'époque du second Empire, le service militaire obligatoire et
égal pour tous n'existait point. Après le recensement et le tirage au sort
des conscrits, se trouvait seulement appelé sous les armes le contingent
reconnu nécessaire. Celui-ci était formé avec les numéros les plus bas.
Les autres — qu'on appelait les bons numéros, demeuraient
exonérés de tout service. Néanmoins les premiers avaient la faculté de se
racheter, c'est-à-dire de trouver, moyennant une somme d argent qui
variait selon l'offre et la demande, un exempté qui voulût bien partir
à leur place.
Dans les conditions de recrutement que nous venons d exposer,
Redon appelé au tirage avec sa classe, et favorisé d'un bon numéro (2),
n'avait eu par conséquent aucun service militaire à faire.
C'est le 19 juillet que l'Empire déclarait officiellement la guerre
à la Prusse, dans des circonstances historiques sur lesquelles nous n avons
point à nous étendre ici. Au bout d'un mois la malheureuse France
avait vu se consommer sa déchéance militaire et perdait sa suprématie
(1) A. M.. Et. 5. R., p. 27.
(2) Il était porté au recensement de la classe 1860 (2'' Arr' de la Justice de Paix de Bor-
deaux), tira au sort le 3 mars 1861 et eut le numéro 135, non compris dans le contingent.
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en Europe. Malgré d'hércïques efforts et de sanglants sacrifices, une
série ininterrompue de revers dus à des négligences antérieures, à l'in-
suffisance du haut commandement et à une malchance obstinée, abou-
tissait à la catastrophe de Sedan (2 septembre). Celle-ci, après la reddition
et la capture de Napoléon III, entraînait la chute de sa dynastie et du
régime impérial. Le 4 septembre la République était proclamée, et ses
représentants voulurent continuer la lutte. Gambetta surtout incarna
cette résistance sans issue qui, si elle paraît insensée au regard de la
froide logique, eut du moins ce suprême effet de nous relever devant le
monde. Les souffrances, supportées jusqu'au delà de l'extrême limite,
rendirent moralement à la France la grandeur, que lui faisaient perdre
politiquement ses erreurs, sa légèreté et l'impéritie de celui à qui elle
avait confié sa destinée.
Le nouveau gouvernement dit de Défense nationale, afin d'atteindre
son but de combattre à outrance, dut faire état des forces totales du
pays. Notamment « on avait appelé sous les drapeaux ce qui restait
des réservistes, les anciens militaires au-dessous de trente-cinq ans,
les jeunes gens de la classe de 1870, tous les gardes mobiles, et ceux qu'on
nomma les mobilisés ou les vieux garçons, tous les gardes nationaux
célibataires ou veufs sans enfants, au-dessous de quarante ans (1) ».
Redon, à peine âgé de trente ans et non marié, se trouvait donc compris
parmi les mobilisables, et fut effectivement appelé.
C'était pour la vie que menait l'artiste, avant tout intime et consacrée
à de paisibles études, un complet bouleversement, moral aussi bien que
matériel. On en retrouve le contre-coup, les nuances psychologiques et
la noble acceptation dans les pages qu'il écrivit alors, seulement pour
lui-même, sous forme d'abord de méditation et d'examen de conscience,
puis comme journal de route.
Avant tout domine chez lui la haute appréciation du devoir à
remplir — le Devoir, cette règle suprême qui décide sans appel pour
un caractère véritable et une âme élevée. « L'heure est impérative...
J'exposerai mes jours pour l'honneur du grand nombre, j avancerai
avec confiance (2). » Redon avait, dès le début, ressenti profondément
(1) A. ChuquET. (Histoire générale du IV'- siècle à nos Jours, par E. Lavisse et A. Rambai'd).
chap. XXI. La Guerre de 1870-1871. (La Défense nationale), p. 812.
(2) A/an. de R.
— 41 —
les défaites du pays. En outre, le régime impérial, pour lequel la jeunesse
d alors dont il faisait partie ne professait guère d'estime, venait de
sombrer dans la tourmente. Il ne restait donc plus que la Patrie — et il
I aimait d une passion admirative : " Tes malheurs, pauvre France,
comme tes succès, ont quelque chose d'extraordinaire. L'Europe
est inquiète, il semble que tout s'arrête, comme obscurci par la pénombre
où tu passes (I). » C'est qu'il la considère comme un flambeau du monde,
et " on ne peut pas tuer la lumière (2) ».
Cependant si Redon est franchement patriote, il ne témoigne point
de chauvinisme puérilement démonstratif. Surtout il n'éprouve aucun
penchant démesuré, comme certains de ses jeunes compagnons d'armes,
pour la gloriole du panache et des grades, sans comprendre la lourde et
sérieuse responsabilité qu'ils imposent. Ce qu'il veut, c'est servir modes-
tement dans le rang à côté des humbles, du paysan et de l'ouvrier, qui
donnent leur sang simplement et sans ambition : « Après de mûres
réflexions ou plutôt sans réflexion, spontanément... aisément, je me
mets dans les rangs des soldats. — Je n'ai point de génie militaire. Je ne
crois pas non plus être sur le champ de I action à la hauteur de tout ce
que demande mon espérance... Je reste simple soldat, je pars simple
soldat, je reviendrai, s'il plaît à Dieu, simple et humble soldat (3). »
II pourra dire dans toute la sincérité de sa conscience : « Je pars
aujourd hui le cœur bien léger et l'âme souverainement attendrie (4). »
Puis au fond de lui-même s éveille cette attirance, instinctive
pour tout esprit jeune, vers le mystère de l'inconnu. « ...Quelque chose
me pousse d ailleurs, la confuse curiosité de voir la bataille; le danger
stimule l'âme, allons-y. Je verrai du pays... (5) » Et, ce qui marque
bien son caractère de penseur, il songe qu'il va explorer encore de
« nouveaux points de la conscience humaine (6) ». A peine un murmure
lui échappera-t-il, car son abnégation est entière, mais elle doit revêtir
parfois une forme particulièrement pénible à son extrême sensibilité :
« Mes compagnons d'armes sont d'un entrain et d'une exubérance de
(1) Mon.
de R.
(2) Man.
de R.
(3) Man.
de R
(4) Man.
de R.
(3) Man.
de R.
(6) Man.
de R.
4-'
tempérament sans mesure : ils chantent, ils rient... Au milieu de tant de
bruit, je me sens ahuri, fatigué. Cela n'est pas de la lourdeur, de la
rudesse de la tâche. Ce qui m écrase et m abîme est de ne point avoir une
heure, un instant, où je puisse me recueillir ( I ). » Ainsi le sacrifice consenti,
le même en apparence et pour tous égal, devient-il à certains, du fait
de leur nature, davantage ardu et aussi, dirons-nous, plus méritoire.
Donc Redon est
appelé, sommairement
équipé, et à peine exercé
il est désigné pour aller en -^
avant. Le voici " sous l'uni-
forme, sac au dos... une vie
matérielle énergiquement
menée, forcé d'obéir avec
passivité à des ordres
péremptoires, dont on
Ignore souvent la portée. Il
faut avoir faim, marcher,
souffrir, supporter le
contact d'êtres inférieurs,
même brutaux, qui parfois
se revêtent d'héroïsme (2)".
Le corps auquel il appar-
tenait fut presque immé-
diatement engagé dans la
lutte (3) : " Ah ! la journée
du 20 ou 22 décembre, où
je me suis battu près de
Tours, à Monnaie (ou
Monay). Je l'ai dite tout entière avec toute ma curiosité et mon exal-
tation en une ou deux lettres écrites à mon frère Ernest Redon... Ce
tlle t
s,i luictrine une éponge foule noire, la
couvre de baisers... " ( Lithographie).
(Planche liicc- de La T.nlalio,, d^ Suinl-Anloinc)
(1) Man. de R.
(2) A. M.. El. s. R.. p. 2S. . , j , ■ . D j
(3) L'Insuffisance des documents qui restent sur cette période de la vie de Kedon. ne nous
a pas permis d'Identifier exactement les opérations militaires auxquelles il prit part. Sans doute,
celles de la 2-^ Armée de la Loire, dont le général Chanzy avait reçu le commandement en cl.el au
commencement de décembre, et qui manœuvra dans la région d'Orléans. Tours et Le Mans.
— a:, -
sont des impressions sur le vif, écrites sur le coin d'une table de
cantine, au ralliement quelques jours après : récit de deux journées,
que je voudrais bien relire (1). » Pour lui quel souvenir inoubliable!
Et la raison en est sans doute que « dans certaines heures, telles celles
du combat, il est possible qu'il se produise un afflux nerveux décuplant
la personnalité, lui révélant une énergie et des ressorts qu'elle ne con-
naissait point en elle-même. Ou bien est-ce encore qu'un voile se déchire
devant les yeux offrant soudain, dans le frisson de la mort qui plane,
des aspects nouveaux donnant leur signification véritable et très haute
aux gestes humains (2) >'. Redon sortit de la mêlée sans blessure, mais dans
un tel état d'affaiblissement physique qu'il dût être évacué (3).
Après une assez longue convalescence passée d'abord à Cherbourg,
puis à Niort, il était renvoyé le 3 mars de cette ville pour rejoindre son
dépôt à Bordeaux (4). Pendant que sa santé se remettait tant bien que
mal, ne lui permettant plus une participation active, il faisait des
démarches pour rester encore de quelque utilité, en entrant dans un
service auxiliaire. Mais la paix de Francfort survenait (10 mai 1871)
terminant tristement cette guerre désastreuse.
Nous avons insisté avec quelques détails sur cette période de la vie
de Redon, car elle eut en lui un grand retentissement. Certainement
« plus que tout autre l'artiste fortement imaginatif qu'il était se trouvait-
il apte à vibrer de façon complète sous des émotions si diverses. Peut-
être sur le moment n'a-t-il pas analysé le détail de ses sentiments, lors-
qu il était ardent acteur du drame joué. Mais la transformation secrète et
profonde opérée en lui, il put s'en rendre compte postérieurement.
Dans sa voie une ligne de démarcation s'était tracée, au delà de laquelle
il se trouvait... changé, comme élevé au-dessus de lui-même (5) ».
D ailleurs il en eut parfaitement conscience et à maintes fois le constate
(1) Lettre d'Odilon Redon à André Melterio (Peyrelebade, 2 octobre 1898).
Combien il est à regretter que la correspondance si intéressante de Redon à ce moment, ait
disparu, lors de la mort de son frère Ernest, sans que l'on ait pu savoir ce qu'elle était devenue.
(2) A. M., Et. s. R., p. 27.
(3) Un certificat médical de l'autorité militaire, en date du 21 février 1871, mentionne :
" affaiblissement général, suite de fièvre ".
(4) Sur la feuille de route qui lui fut alors délivrée, Redon est qualifié : ' Soldat de la garde
mobilisée de la Gironde ".
(3) A. M , El. s. R.. p. 28.
44
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AQUARELLE
COLLEC. A '■'
expressément : « La guerre, un moment où ma vision fut comme décu-
plée (1). " Et encore : " La vie de soldat fui pour moi d'un grand repos,
elle a mis fin à une recherche inquiète. J'ai eu en ce moment conscience
de mes dons naturels. Les momdres croquis ou grifïonnements que j'avais
Fantôme.
laissés dans mes cartons prnent un sens à mes yeux. — Et c'est ma date
véritable du vouloir (2). "
Voilà donc dissipée la tourmente qui, saisissant brusquement
(1) Lelt. d'Od. R. à A. M. (2 octobre 1898).
(2) Un. dVd. R. à Fdi: p. (15 juin 1894.)
-4.5
Redon, l'avait arraché à lui-même, à ses reploiements mtimes et à ses
rêveries sans but défini, pour le jeter dans une vie d activité intense et
aussi de réflexions décisives.
De nouveau il vient séjourner à Paris, avec des retours intermittents
auMédoc natal. Mais il n'est plus l'adolescent, m même le jeune homme
de naguère, il entre maintenant dans la plénitude virile, fortifiée encore
par les études faites et les événements traversés, Déjà il a un passé vécu.
Et le voici qui reprend ses travaux. Dans le cercle de société
qu'il fréquente, et qui va s'agrandissant, il commence à tenir une certaine
place. Car c'est un point de commun que Redon eut, dans son existence
extérieure, avec Delacroix. Comme le grand peintre qu'il admirait, il
était né de bonne famille, et formé tôt aux usages de la société
où, sans toutefois s'y absorber, il ne se déplaisait point. A cette
époque on le voyait fréquenter le salon mondain, mais intellectuel
aussi et artistique, de M"'° de Rayssac. Il rencontrait là Chenavard,
Jeanmot, d'autres encore. Il échangeait avec ces esprits instruits et
portés parfois aux théories, des conversations susceptibles de 1 inté-
resser, de le faire réfléchir, même de l'inciter à la discussion.
Puis aussi, comme dès son enfance, et ce fut toujours ainsi jus-
qu'au bout de sa vie, la musique le passionnait. Il était 1 assidu des
grands concerts, prenant part aux manifestations d'un public spécial
et d'élite qui applaudissait les œuvres d'une originalité neuve.
Mais la mort de son père survient. Il en résulte pour son existence
un notable changement. Pans devient alors véritablement sa résidence
principale et il y établit son domicile stable. La propriété de Peyrelebade
restée indivise entre la mère et les enfants se trouvait confiée à I aîné
des fils : Ernest, pour une gérance, qui d'ailleurs fut peu heureuse.
Redon y retournait bien, toutefois en des séjours espacés et moins longs,
où ne revivait plus entière 1 atmosphère de sa jeunesse.
Cependant, en même temps que s'achevait la formation de sa
personnalité d'homme, il poursuivait son éducation professionnelle
d'artiste. Mais en toute liberté. Si l'enseignement académique avait été
pour lui un achoppement plutôt qu'une aide et une direction, il
continuait à faire de longues stations dans les musées, demandant aux
grands Maîtres — les seuls pour lui désormais, la lumière que ne lui
avaient point dispensée les années de son stérile apprentissage.
- 4'' - .
Puis il produisait aussi, et cherchait à se présenter devant le public.
Mais, sous ce rapport, la scission déjà consommée entre sa fiensée et le
■ftttiùoN »^,Eh(5N^
^-%
/
La Roue (Lithographie).
(?Unche lirie d<- |-»lb„m Oo,.! U «cVt.)
monde dit o//rcie/ s'accentuait, par surplus, dans le domaine matériel.
Ce fut la méconnaissance qu'il rencontra d'abord, aggravée bientôt
- 47
d une hostilité voulue et persistante. Les quelques dessins ou gravures
qu'il avait pu glisser timidement dans les sections spéciales moins
encombrées, furent désormais refusés. Ainsi vers la solitude et l'indé-
pendance, qui lui étaient chères déjà, se voyait-il rejeté définitivement,
et brutalement mêm.e. S'il en résulta pour lui des heurts et des souf-
frances, ce fut incontestablement un grand bien, car ainsi put être
sauve son entière originalité.
Ces difficultés rencontrées le poussèrent notamment à utiliser le
procédé lithographique, où, très vite, il devait révéler une véritable
maîtrise. Son premier album publié date de 1879. Il porte ce titre émi-
nemment suggestif : Dans le Rêve.
Entre temps il accomplissait quelques voyages ou séjournait
dans des contrées diverses. C'est ainsi qu'il parcourut « la Hollande...
par vénération, comme en pèlerinage aux lieux saints où vécut
Rembrandt (1) ". Puis il retournait à Uhart, dont les sites et la popu-
lation basque qui l'avaient dès la première fois surpris et enchanté
ne cessaient point de l'attirer. En 1877, il passait un été à Barbizon,
tant fréquenté par les peintres de sa génération, et, comme eux, il
faisait études et croquis agrestes dans cette belle forêt de Fontainebleau,
alors plus sauvage et solitaire...
Cependant l'âge mûr approchait pour Redon. Malgré qu'il eût
pris conscience de sa personnalité comme homme et comme artiste,
l'indécision demeurée dans son esprit ne cessait point de le tour-
menter. C était comme une sorte de flottement l'empêchant d'arrêter
définitivement sa ligne directrice.
Alors se produisit I événement qui devait solidifier son existence :
le mariage. Epreuve toujours grave, davantage ardue et redoutable
pour un artiste, tant sa carrière réclame de spécial ménagement. Le
sort se trouve jeté qui, selon l'occurrence, peut rendre l'avenir meilleur
ou plus néfaste !
Mais pour une nature comme celle de Redon, un double écueil se
présentait. S il rencontrait un caractère pareil au sien, il risquait d'aug-
menter encore ses tendances rêveuses, et de sombrer dans I inaction du
non-réalisé. Par contre, un être tout différent et de plus d'énergie
(1) Lell. dVd. R. à Edm. P. (15 iuln 1894)
- 48 ■
s I
Coll. Je M - KcJ„
Portrait de M""" 0. Redon (Dessin à la mine de plomh).
49 —
matérielle ne chercherait-il pas, méconnaissant son idéalisme, à le
pousser aux besognes lucratives ou vers de vains honneurs.
Or, par une chance difficile à espérer, cette exceptionnelle réunion
de qualités opposées, Redon, pour son bonheur, la rencontra. Chez
M"^^ de Rayssac, où il fréquentait beaucoup, il avait remarqué une
Coll. de M"'" Redon.
Etudes (Dessins à l'encre violelle).
jeune fille venue de l'Ile Bourbon avec sa mère et sa sœur. Elle se nom-
mait Camille Faite (1). Nature d'élite, mêlant au respect de l'art et de
l'intellectualité, un caractère enjoué, une sensibilité affectueuse, en
même temps qu'un sens net et pratique de la vie.
C'est elle que Redon, après l'avoir distinguée et appréciée, épousait,
à Pans, le 1^"^ mai 1880. Il écrira plus tard, lui rendant un plein et
conscient témoignage : " J'ai trouvé dans M'"^' Redon, comme un fil
sacré, la parque de vie, qui m'a fait passer sans mourir les heures les
(I) Voir les renseignements concernant la famille Faite : App. Note 5.
— 50 —
plus tragiques... Je crois que le oui que j'ai prononcé le jour de notre
mariage, fut l'expression de la certitude la plus entière et sans mélange
que j'ai ressentie... (I) »
Nous avons tenté jadis d'esquisser l'atmosphère nouvelle et bien-
faisante dont fut enveloppé l'artiste : " Certes, au milieu d'épreuves
diverses et répétées, on
peut dire que Redon n'a
cessé de trouver joie et
réconfort dans la compagne
de sa vie. Celle-ci, créole,
originaire de l'Ile Bour-
bon (2), n avait conservé du
lieu de sa naissance qu'un
souvenir de ciel ardent et
de beaux sites. Elle gardait
aussi certaines habitudes
nutritives, tel ce fameux
kari, composé d'un riz
relevé de piment aigu et
coloré de jaune safran.
Mais elle n'avait point
l'apathique nonchalance
des blanches affadies sous
leciel tropical. Au contraire
déployant une activité
continue, elle se montrait
dans son intérieur, organisatrice logique et vive. De plus elle accom-
plissait au dehors maintes courses et démarches chez les marchands
et les imprimeurs, se défendant avec lucidité et énergie parmi les âpres
questions pécuniaires. Elle s'efforçait d'épargner à son mari les
obstacles extérieurs qui, pour les natures extrêmement sensitives et
renfermées, constituent parfois d'insurmontables pierres d'achoppement.
Ainsi l'artiste, délivré des pertes de temps, comme des contacts ennuyeux
Portrait de Jeun
Cliché H. De Bois
Femme.
(1) Leil. d'Od. R. à A. M. (Peyrelebade. 2 octobre 18'
(2) A la Possession, commune de Samt-Paul (Réunion).
et des SOUCIS opprimants, pouvait s'absorber tout entier, calme et
méditativement laborieux, dans sa sphère supérieure (1). »
Puis ce fut la paternité. A cet égard, Redon a laissé dans ses manus-
crits des pages d'une analyse lucide et infiniment tendre. Elles ne sont
point seulement l'écho de sentiments personnels, mais une expression
de portée plus générale. C'est l'Hosannah de l'homme qui voit se
continuer la race dont il est issu, la fierté, comme aussi 1 impression
de devoir que ressent l'être puissant et vigoureux envers celui faible
et débile, auquel il a donné la vie.
« Après des journées d'appréhension infinie, d'inquiétudes et de
troubles incessants (car ]e n'avais jamais vu naître autour de moi...),
novice enfin de cette angoisse, je vis naître... mon fils Jean. — Je l'aimai
d'emblée, à la minute même de sa vie que je sentais fragile... — Qu il était
peu de chose et humain. Et dans
mon cœur quelle pitié ! — Je crois
pouvoir dire que tout l'amour
paternel dépend de cet instant
suprême où nous est révélée une
vie en sa condition la plus pi-
toyable. C'est vraiment, durant
plusieurs jours et des mois, 1 in-
fime faiblesse ... — Ce fut une
joie. Une joie forte et saine et
vraie. Une secousse ressentie aux
entrailles, comme si ma force lasse
et usée eut repris nouvel essor...
La conscience de cet être qui
va être, cet attachement subit et
nécessaire me domina entière-
ment... Le dévouement spontané
qui naît au cœur à une telle heure
nécessité. On ne peut pas laisser
éteindre la vie ; et tout en le nouveau-né appelle secours ... —
Ce premier mois... de Jean me donna le souci calme et toujours
Coll. Gobln.
Saint-Sébastien (Pastel).
est une chose subie, une loi de
(1) A.
R.. p. 32.
— 5^
PÉGASE
(Peinture)
présent de son souffle. La maison tout entière me semblait emplie
d'un mystère... Puis le premier sourire... (1) »
Hélas ! cette joie pure et si profonde, donnée pour un temps bien
court, lui réservait une cruelle épreuve. Ce petit être, tellement chéri, et
sur lequel s'illusionnaient déjà tant d'espérances, fut enlevé, n'ayant
que quelques mois à peine.
Et c'est seulement plusieurs années après, qu'un autre fils étant
venu — et qui vécut, compléta la trilogie sainte de la famille. Existence
normale et vraie de l'homme,
SI quelque mysticisme supérieur
ne le réclame, l'accaparant tout
entier. Cette nouvelle paternité
fut d abord anxieuse, combien
remplie de soins répétés,
tant le passé faisait encore
peser de crainte. Jusqu'au
jour où, dépassant l'âge de son
aîné disparu, le second enfant
se montra de croissance vigou-
reuse. Il porta le nom d'Ari (2).
Cependant, après son
mariage, Redon commença de
déployer une activité plus pro-
noncée. Cet effort résultait en
partie de la quiétude morale
de sa vie enfin établie, mais
également des nécessités maté-
rielles provenant de ses charges
familiales.
Puisque le monde académique le repoussait, sa résolution
était prise. De même que sa personnalité avait dû se former seule,
c'est seule aussi qu'il voulut la produire devant le public. A cet égard
les circonstances ambiantes devenaient plus propices. Pareille tentative
^
wvr^ JSÊ^^KL
■.'.-'.Ji^'. - ,-flÊÊM
^B
Des Esseintes (Lithographie).
(1) Man. de R.
(2) Ari-Robert, né en \t
53
n'avait-elle pas été accomplie, et avec succès, par des artistes de
talent qu'un ostracisme injustifié contraignait à présenter leurs œuvres
en dehors des manifestations officielles.
Alors, coup sur coup, Redon fit deux expositions particulières : la
première dans les salles de la Vie Moderne, en 1881, la seconde au
journal Le Gaulois, en 1882. C'étaient avant tout des dessins, et
notamment des fusains. Ces manifestations suscitèrent immédiatement
une attention mêlée de controverses. Chez une grande partie du public
ce fut une surprise faite d'incompréhension et d'hostilité, tant les
œuvres contemplées, échappant à la banalité courante, présentaient
une spéciale originalité. Par contre elles valurent à l'artiste, parmi
des esprits intelligents et notoires, une sympathie admirative qui
combattit pour lui.
Au rang de ces clairvoyants et courageux défenseurs, proclamant
en Redon une véritable et très personnelle inspiration, il faut citer tout
d'abord: J.-K. Huysmans et Emile Hennequm. Le long article que
ce dernier consacra alors à Redon est certainement la première étude
développée où son art soit saisi compréhensivement dans ses traits
essentiels : « Cet artiste, plus original, plus nouveau, d'un talent
plus saisissant que nous ne l'espérions... M. Odilon Redon doit être
considéré désormais comme un de nos maîtres... — Cette œuvre est
bizarre ; elle touche au grandiose, au délicat, au subtil, au pervers,
au séraphique... — Seul de tous nos artistes, peintres, littérateurs et
musiciens, il nous paraît avoir atteint cette originalité absolue qui
aujourd'hui, dans notre monde si vieux, est aussi le mérite absolu.
Assurément M. Odilon Redon n'est fait ni pour plaire aux masses, ni
pour peindre l'actualité... Il recherche ardemment en art... des beautés
inconnues, l'étrangeté, la création, le rêve; des moyens d expression
neufs, précieux, saisissants (1). »
Cependant, malgré tant d'impressions contradictoires, peut-être
même à cause de leur opposition si tranchée, résultait envers Redon un
éveil de curiosité. 11 se trouvait très discuté certes, mais commençait
à être connu. En outre, non seulement il produisait de nouveaux dessins.
(1) Emile Hennequin, Odilon Redon. Dans la Revue Littéraire et Artistique, numéro du
4 mars 1882. Au sujet de cet écrivam, voir : App. Note 6.
54
mais ses publications lithographiques se continuant (1) diffusaient,
par la multiplicité des épreuves, plus abondamment son nom.
" Gloire et louange à toi, Satan...
(Planche tirée de Lfs FIcms du Mal.)
Puis un pays qui, souventes fois, salua dès la première heure les
manifestations neuves de l'art français : la Belgique, 1 accueillait effica-
(1) Après Dans le Rêve, qui date de 1879, parurent d'autres albums : A EJgar Poe (1882):
Les Ori'^ines (1883), témoignant d'une préoccupation scientifique; Hommage à Goi/a (1885); La Nuil
(1886). — Aussi des pièces séparées : le beau Profil de Lumière (1886). et en 1887 : Jeune fille,
Christ, Araignée.
55 —
cernent. Ce n'était pas assez de lui ouvrir avec honneur, à Bruxelles,
1 entrée des Expositions des XX, restreintes et très sélectionnées (I).
Voici que des poètes et des littérateurs se disputaient à l'envi le pri-
vilège recherché d'un frontispice de lui pour leurs œuvres (2), plus
encore, un ensemble d'illustrations (3). Même l'un d'eux, Jules Destrée,
publiait le premier Catalogue de ses lithographies (4). Enfin un éditeur
réputé : Deman, lui commandait des suites entières consacrées à Flaubert
et à Baudelaire (5). On peut dire qu'en Belgique, puis aussi en Hol-
lande (surtout par la constante action du vieil et fidèle ami Bouger),
la notoriété de Redon fut alors établie
plus largement qu'elle ne l'était encore
en France.
Ce n est point que, dans son pays
d'origine, l'artiste n'eut rencontré déjà,
nous l'avons vu, des sincères et ardents
admirateurs. A ces esprits d'élite se
joignaient graduellement des amateurs
convaincus, heureux de posséder les
œuvres, et dont plusieurs devenaient,
par surcroît, d amicales relations pour
leur auteur. Il lui arrivait même de figurer
— oh ! bien modestement toujours et seu-
lement avec quelques estampes, au Salon
des Artistes Français en 1885, 1886 et
1888. En somme l'avenir pour Redon
Les Débâcles (Liihographk). paraissait s'éclairer d'espérance !
(1) Dès 1886, et les années qm suivirent.
(2) Pour: Emile Verhaeren, Les 5o(>s (1888), Les ûeiâc/es (1 889) et Les Flambeaux noiVs (1890).
— Edmond Picard, £/Mo^/ire/)-e/-/l/i:sa (1889). — Ywan Gilkin, La Damnation de l'Artiste {\SS9).
— Jules Destrée, Les Chimères (1889).
(3) Edmond Picard, Le Juré, monodrame en cinq actes. Sept interprétations originales par
Odilon Redon et deux portraits, Bruxelles, Veuve Monnom, M.D.CCC.LXXXVl.
(4) Jules Destrée, L'Œuvre lithographique de Odilon Redon (Catalogue descriptiO. Bruxelles,
Edmond Deman, M.D.CCC.XC.I.
(3) Tentation de Saint-Antoine, Première série, texte de GuSTAVE Flaubert. Dix lithographies
et un frontispice par Odilon Redon, Bruxelles, Deman, 1888.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal. Interprétations par Odilon Redon (neuf dessins,
dont une couverture-frontispice et un cul-de-lampe), Bruxelles, Deman (1890). (Tirage par le procédé
sur cuivre d'Evely).
56
Or, c est vers cette époque environ que nous connûmes l'artiste.
On nous pardonnera d'évoquer ici un souvenir personnel, qui demeurera
toujours gravé — et pour tant de motifs, au fond même de notre
mémoire.
En janvier 1889, s'ou-
vrait chez Durand-Ruel,
rue Laffitte, la première
Exposition des Peintres-
Graveurs. Visiteur assidu
des galeries, nous nous
rendîmes à cette manifes-
tation qui promettait d'être
intéressante. A peine entré,
nos regards tombèrent sur
une lithographie portant
ce titre : La Fleur du Ma-
récage{\), et qu'entouraient
quelques autres estampes
du même graveur : Odilon
Redon. Bien que, par goût
et comme écrivain d'art,
nous fussions assez rensei-
gné, le nom nous était
complètement inconnu.
D emblée nous demeu-
râmes frappé et conquis,
tant par la perfection
technique que l'imprévu
et intense effet qui se
dégageait de ces œuvres.
Nous pûmes en acquérir
facilement, car les prix
étaient alors véritablement infimes.
Mais, nous voulûmes plus encore. Remué profondément dans notre
ë
d'homme sur un corps de poisson...» (Lithographie).
(Planche lirce de La Ttnialion de Sainl-Anloine.)
(\) La Fleur du Marécage, une tête humaine et (rrs/c. Planche II de V Hommage à Goya.
émotion esthétique, incité en outre par tant de nouveauté originale, nous
voulûmes connaître l'artiste lui-même. Cependant un doute inquiet nous
faisait hésiter. N'allions-nous pas au-devant d'une déception, et rencon-
trant un caractère fantasque, des goûts hétéroclites, ne regretterions-
nous point, en face de l'auteur, de n'être point demeuré à la jouissance
seule et si complètement passionnante de ses œuvres ?
" Combien de gens se sont forgé de sa personne l'idée la plus
cauchemardesque et, ajoutons tout de suite, la plus erronée. Volontiers
ils lui présument l'aspect de ses monstrueuses créations. Au moral
l'artiste leur semblerait, pour le moins, devoir être un maniaque
quelque peu délirant. Quant aux occupations capables de lui complaire,
on envisage le spiritisme et l'occultisme, sinon la magie tout à fait noire.
Enfin cet évocateur de larves et de terrifiantes apparitions est
soupçonné vivre dans quelque pandémonium fantastique.
«Or, en prenant l'absolu contre-pied de ces hypothèses... on aura
la très exacte vérité. En effet, Redon, né ainsi qu'élevé bourgeoi-
sement, comme nous l'avons indiqué, a toujours mené 1 existence la
plus réglée. Son esprit droit et scrupuleux, ne peut entrevoir les
moindres manques de délicatesse dans cette mêlée des intérêts —
où les pires choses, hélas ! sont quotidiennes, sans éprouver une
stupeur pleine d'indignation. D une pudeur extrême d affection, il
s'est caché pour rendre à des amis de délicats services... (1) "
Tel est l'essai de portrait que nous pûmes tracer, quand d amicales
relations nous eurent permis de connaître amplement celui qui en était
le sujet. Ajoutons ce complément : « Redon ne fut jamais — et c'est un
fait déroutant pour les curieux passagers, l'homme de 1 interview à tout
venant, non plus qu'un caractère à fîeur d'être, facilement saisissable.
S'il apparaît de prime aspect un homme doux et de relations polies,
aux manières simples, il cache un fond plus complexe, un esprit cultivé
et une extrême ténacité en art. Sa conversation, sa gaîté même, qui est
franche, demandent pour s'épanouir la bonne et chaude intimité.
Là seulement, il se redresse, comme dans une légitime et consciente
fierté de lui-même; il s'abandonne à parler, émet ses inspirations,
s'épanche en un mot, avec une entière sincérité.
(I) A. M., El. s. R.. p. 31.
LE MASQUE DE LA MORT ROUGI.
« L homme se rend sympathique, il attire vers sa personne par une
raison claire et une âme généreuse. On s'intéresse à ses jugements très
appuyés, aussi bien qu'on aime son enthousiasme inébranlable pour les
maîtres anciens. Il retient fortement dans son orbe par l'amitié, en même
temps solide et affectueuse, qu'il témoigne pour les intimes que le temps
a triés et groupés autour de lui. Les gens férus d'artificiel et de singula-
rité outrancière, ont passé vite chez lui, et se sont écoulés d'eux-mêmes.
Par contre sont demeurés attachés invinciblement à sa personnalité
saine et empreinte de noblesse, ceux-là qui l'ont véritablement recherchée
et pénétrée. Esprits loyaux et convaincus, qui graduellement ont formé
un noyau de fidèles, passionnés de l'homme comme de l'artiste. En
même temps qu'ils recueillaient les fruits d une conversation intellec-
tuellement esthétique, très précise au point de vue technique, ils ont
éprouvé le réconfort qui vient d'un haut caractère entrevu, sans petitesse
ni compromission, planant dans une atmosphère pure (I). "
Que, sans doute, on sera curieux de connaître physiquement
l'homme, ainsi que le cadre dans lequel il apparaissait. A cet égard,
nous donnerons trois ou quatre brèves descriptions émanant, à quelques
années d'intervalle, d'amis différents.
« Odilon Redon habite rue de Rennes, au premier étage, au fond
d'une cour silencieuse. L'atelier, éclairé par deux larges fenêtres, est
une pièce carrée dont les rideaux et les meubles verts tranchent sur
les tentures brunes. Grand, mince, l'artiste travaille à son chevalet ou
devant sa table de lithographe. Des yeux couleur tabac d'Espagne et
légèrement divergents, éclairent sa face oblongue, terminée par une barbe
en pointe d'un brun roussâtre. Ayant coutume de vivre seul et médi-
tatif... (2) » « Je trouvai un homme d'une trentaine d'années (3), haut,
mince, pâle, d'une figure intellectuelle et un peu ascétique qui me parut
s'exprimer avec le calme, le choix des mots, la justesse d un esprit
solide et subtil (4). "
(1) A. M.. Et. s. R.. p. 29 et 30.
(2) Triolet (Emile Hennequin). (Au haut de la lorgnette). Odilon Redon. Le Gaulois.
2 mars 1882.
(3) Redon en avait exactement près de quarante-deux, étant ne en avril 1840. Sans doute,
il paraissait alors plus jeune que son âge.
(4) Emile Hennequin. (Beaux-.Arts). Odilon Redon. Revue Litlcraire et Artistique. 4 mars 1882.
59
Et plus tard, en Belgique, on le représentait comme « ne se dis-
tinguant du premier venu que par l'énergie d'un visage placide qu'anime
un regard implacablement décidé. — La bonhomie, la bienveillance
d'Odilon Redon, sa vie laborieuse partagée entre son art, sa femme et son
fils, tantôt dans le rustique asile d'une maisonnette plantée à l'orée de la
forêt de Fontainebleau, tantôt et durant la grande partie de l'année, en
ce solitaire appartement de la rive gauche d oui artiste ne sort guère que
pour faire une promenade méditative — presque une oraison ! — sous
les ombrages du Luxembourg, étranger au Pans qui bout à ses pieds,
confiné dans son rêve... (1) »
Enfin : « un homme d une cinquantaine d'années, le front largement
découvert, les cheveux grisonnants, d'apparence placide. Le parler lent
ne rappelle en rien la vivacité du Midi bordelais d'où il est issu, une
grande, très grande modestie, beaucoup d'indulgence. Parfois seulement
une flamme 1 anime, n augmentant qu'à peine la vibration de sa voix,
quand il parle d'une œuvre de maître ou de la belle épreuve sur Chine
mirifique, pas celui du commerce, le vrai, presque introuvable. — C est
Odilon Redon. En son appartement du 40 de la rue d'Assas, une petite
pièce lui sert d'atelier. Un gros bébé blond et rose, à la tête forte, aux
cheveux frisottants, y roule perpétuellement, bouleversant les cartons,
cachant la clef de la bibliothèque. — Voilà l'homme, paisible et paternel,
très doux... (2) »
C'est peu de temps après que nous eûmes fait la connaissance,
bientôt affectueusement intime, de Redon, et lorsque luisaient pour
lui quelques légitimes espérances, que commença la période sans doute
la plus douloureuse de sa vie. Elle devait durer plusieurs années. On
eût dit que les épreuves venues de côtés et dans les genres les plus
divers, s'unissaient véritablement pour l'accabler. Tout esprit un peu
superstitieux n'aurait pu s'empêcher d'être frappé en voyant s abattre,
et sur un homme qui certes ne le méritait point, un tel ensemble
continu de souffrances.
D'abord Ihostilité du monde officiel se manifestait entièrement.
(1) Extrait d'un article paru dans : Y Art Moderne (Bruxelles), 2 mars 1890.
(2) A. M. (André Mellerlo), Les Artistes à l'atelier, Odilon Redon, L'Art dans les Deux
Mondes, 4 juillet 1891.
— 60 — ■
Araignée ( Lithographie J.
— 6i
Bien compréhensible d'ailleurs, car dans cette sphère spéciale, on n est
pas seulement troublé par une originalité neuve, mais on s'ofïusque
également de rencontrer une personne fière, manquant de souplesse
obséquieuse. Puis, il faut le dire, le succès comporte à sa suite des avan-
tages matériels, auxquels beaucoup de rivaux avides tiennent avant
tout, et dont ils se considèrent comme frustrés. Cet ostracisme avait
revêtu une forme, peut-être la plus pénible pour un artiste, non le doute
et la discussion, mais le silence obscur et voulu sur ses œuvres.
En outre, l'incompréhension qui régnait dans le public et chez la
majeure partie des critiques, s'était faite agressive. Les dépréciations
aveugles et les plaisanteries sans pitié se multipliaient. Redon était
à tel point méconnu que les ouvriers typographes, de simples manœuvres
de métier, se refusaient parfois à sa direction et prétendaient lui imposer,
en matière de technique, leurs vues routinières et bornées.
Or, si persévérant et certain de lui-même que soit un homme,
si plein d'ardente foi en ses inspirations que demeure un réel artiste,
une telle atmosphère de contradiction ne laisse point à la longue, d exer-
cer sur lui une influence déprimante. La lassitude vient de 1 effort perpé-
tuellement tendu dans une lutte de tous les instants et qui paraît sans
issue.
Puis, qui ne sait aussi qu'une âme haute, susceptible d'entreprendre
et de soutenir de grandes envolées, s'épuise péniblement aux obstacles
mesquins ? Les mille coups menus mais chaque jour répétés, viennent
à bout de celui que n'aurait point abattu un revers terrible de la
destinée.
D'autre côté, après la situation sans soucis matériels de sa jeunesse,
puis ensuite l'aisance même provenant de l'héritage paternel : » voici
que des revers pécuniaires avaient surgi... Il en résultait une diminution
de la position extérieure... en même temps que la nécessité de pourvoir
immédiatement par soi-même à la vie quotidienne. Toutes épreuves
plus péniblement ressenties, quand elles succèdent à la possession
depuis la naissance d'une situation indépendante et aisée. D'autant plus
qu'une honnêteté très stricte, des habitudes de ponctuelle existence
n'auraient pu s'accommoder du laisser-aller... de la bohème (I) ».
(I) A. M.. El. s. R.. p. 33.
Collcctiun <lc Do
LA DÉSESPÉRANCE
(Peinture sur bois)
Ce qui rendait cette gêne davantage douloureuse, c'est qu'elle
provenait pour majeure partie de difficultés en famille. La propriété
de Peyrelebade, plantée beaucoup en vignes et déjà diminuée de valeur
à cause du phylloxéra, s'était trouvée, après la mort du père, incon-
sidérément gérée, pour ne pas dire plus, par le frère aîné, qui en avait
assumé la charge. Bien des illusions furent enlevées à l'âme confiante
de Redon. Le coup suprême vint le frapper, lorsqu'on dût, après
ce qu'il qualifia très énergiquement de « putréfaction d'un indivis
familial (I) ", procéder à la licitation forcée du domaine, pour
faire face, et encore insuffisamment, à une situation obérée. Peyre-
lebade ! le heu sacré d'enfance, si plein de chers souvenirs, le seul
asile où se retremper, chaque année, au sein d'une nature solitaire et
pacifiante, contre les irritantes âpretés de la lutte artistique ! Peyrele-
bade passé en des mains étrangères, c'était un lien du cœur, combien
puissant et salutaire, qui se brisait irrémédiablement !
Nous avons vu qu'après la mort d'un enfant à peine apparu, un
autre était venu, plein de vitalité. Source de joie sans doute, mais aussi
d inquiétudes journalières, souvent exagérées même. Ceux-là, qui ont
eu l'atroce chagrin de perdre leur premier-né, connaissent seuls ce
qu'on peut ressentir d'angoisses, tant que le petit être qui suit n a
pas grandi, et pris un développement avancé. C'est qu ils savent par
expérience, que cette aube de vie si rayonnante d avenir et d espérance
peut s'éteindre brusquement. Or cela, les autres parents, malgré les
difficultés éprouvées, n'arrivent même point à se I imaginer, tant
c'est chose qui paraît contre nature. — Et puis, pour les Redon, c était
un fils unique !
Nous devions faire connaître et pénétrer dans leur tréfond tant
d'éléments divers se rencontrant < pour meurtrir infiniment la sensibi-
lité si délicate de Redon (2) ». Car ces épreuves n'affectèrent pas seu-
lement son existence d'homme, mais eurent aussi leur répercussion
sur son art. En effet, pendant cette fatale période, sa presque totale
production fut consacrée, quasi symboliquement, à l'austère blanc et
noir de l'estampe. Tout, moralement et matériellement, l'y poussait
(1) Man. de R.
(2) A. M.. Et. sur R., p. 33.
63
— on pourrait dire presque forcément. Pourquoi faut-il que nos
jouissances esthétiques, comme aussi l'inspiration profonde d'un
artiste aient trop souvent comme cause initiale, le ferment de sa
douleur ?
Cependant, même au cours de cette longue et sombre oppression,
quelques lueurs ne cessèrent point de briller pour Redon, lui apportant
au moins un peu de ce réconfort que donne l'espoir en des jours
meilleurs.
Tout d abord, ses lithographies commençaient à se répandre, dif-
fusant son nom et sa réputation. Ses dessins, les fusains surtout, peu
à peu sortaient de
ses cartons, acquis
par des marchands
ou des collection-
neurs. Aux amis
anciens venaient
s'en joindre de
nouveaux, formant
un groupe de
fidèles qui entou-
raient Redon de
leur admiration
affectueusement
dévouée. C'étaient
alors chez lui :
J.-K. Huysmans,
déjà préoccupé
d'une conversion
qui devait l'absor-
ber tout entier;
Stéphane Mallar-
Cnll M. -A. Leblond , ,
Portrait de M. Marius Leblond (Sanguine). me, chef reCOnUU
de l'abstrus Sym-
bolisme, par ailleurs d'une conversation si limpide et pleine de
charme; Ernest Chausson, musicien d'un talent sérieux, et qu'en-
leva trop tôt une mort accidentelle ; Ambroise Vollard, alors à ses
- 64 -
débuts dans le commerce des tableaux; le peintre Scbuffenecker ;
MM. Maurice Fabre, Fayet, Charles Destrée, Alain d'Assay, Robert
de Domecy, Antoine de La Rochefoucauld, de Gonet, René
Philippon — puis
nous-même. Aussi,
une femme de
cœur ardent et
d'intelligence i^?*-- ^■
cultivée, d'origine
russe. M""" Hols-
tein. Parfois on se '.
retrouvait à jour '^
fixe, en d'intimes
et cordiales réu-
nions où, tout en
prenant une tasse
de thé, on agitait,
en de longues
causeries, d'inté-
ressantes questions '■■•-.
d'art.
Plus tard ce
fut encore l'entière portrait de M. Ary Leblond (Sansmnc).
pléiade des jeunes
artistes formant le Mouvement Idéaliste : Sérusier, Maurice Denis,
Pierre Bonnard, Ed. Vuillard, K.-X. Roussel, Ranson. Alors venaient
aussi : deux littérateurs, les frères Marius et Ary Leblond; le pianiste
Vines ; Parent, violoniste réputé; le D' Sabouraud; 0. Sainsère;
Arthur Fontaine; le peintre Lerolle, etc.
Cependant, en 1894, un coup réel avait été j)orté. Profitant
de la libérale hospitalité dont MM. Durand-Ruel furent toujours
coutumiers envers les peintres audacieux et novateurs, Redon avait
fait (du 29 mars au 14 avril), dans leurs Galeries de la rue Laffitte,
une exposition importante. C'était la première qui présenta un ensemble
de son œuvre déjà ample et fécond. L'artiste, comme dans toute tenta-
tive de ce genre, risquait une forte partie. Sa personnalité en ressortit
Coll. M A. Lclilond.
cf/
affirmée et son talent abondamment démontré. Malgré une hostilité
qui, dans le gros public, ne désarmait point : " la curiosité... fut vive,
mais empreinte cette
fois chez plusieurs,
critiques ou amateurs,
d intérêt et même de
sympathie (I) ».
M''i. Ainsi le courant
|l;i, I. SI âpre devenait moins
I ^j^ difficile à surmonter.
Devant la force inhé-
rente à toute origina-
lité vraie, aussi par
la persistance calme
mais inébranlable de
1 artiste, les obstacles,
,' , ' lentement il est vrai,
^j ' n'en arrivaient pas
W«* • V J II
moins a se graciuelle-
-^' " - ment aplanir.
On peut dire
i que c'est dans les
environs de 1900 que
s'inaugura pour Re-
don, et à tous points
Coll. Sabourat.d. j , , ■
Portrait de M. le D'^ Sabouraud (Sanguine). ^^ ^ue. Une ère Véri-
tablement nouvelle.
La période de l'estampe, dont les débuts datent de 1879, se clôture
d une manière générale en 1899. En effet les œuvres de ce genre qui
suivirent — - et encore sont-elles en petit nombre, forment une série
à part de portraits.
A la grande exhibition mondiale de V Exposition universelle une
consécration quasi-officielle échoit bien légitimement à l'artiste. En
effet, il est représenté à la Centennale Je l'Art Français par trois
(I) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 140.
— 66
/
r
œuvres : d'abord Profil de Lumière; puis une pièce extraite de l'album
intitulé : Hommage à Goya, et une autre enfin de Y Hommage à
Flaubert. N'avait-il pas d'ailleurs figuré déjà à VExposition générale de
la lithographie en 1891, ainsi qukV Exposition du Centenaire de la litho
graphie en 1 893 ?
La notoriété
comme aussi la si-
tuation pécuniaire
de Redon s amé-
lioraient sensible-
ment, et ne cessaient
de progresser. Même
un témoignage hono-
rifique en marquait
extérieurement le
degré, imposant au
gros public sinon la
compréhension, au
moins un peu plus
de retenue dans ses
manifestations d'iro-
nie acerbe. En 1903,
à la suite d'une parti-
cipation à I Exposition
artistique d'Hanoï
(Indo-Chine), Re-
don était fait cheva-
lier de la Légion
d honneur.
Puis c'était l'Etat qui, au cours de 1904, lui achetait, pour le Musée
du Luxembourg, une peinture : Les Yeux clos.
En outre de jeunes artistes, novateurs eux aussi, venaient à lui,
respectueux de son caractère et admirateurs de son talent. L'expres-
sion des sentiments qui les animaient demeure dans un tableau de
Maurice Denis : L'Hommage à Cézanne, où Redon occupe une place
de premier plan.
/.
A
'A'
\
Portrait de
Coll. A. Par.
A. Parent (Sangtiim).
b^
Les amateurs, tant en France qu'à l'étranger, se multipliaient.
Tandis que des marchands de plus en plus nombreux et importants (I)
s'occupaient de l'artiste, achetant ses œuvres. Il pouvait légitimement
en hausser les prix. Ainsi lui devenait-il loisible d assurer aux siens une
existence suffisante, qui bientôt confinait même à l'aisance. Enfin il sor-
tait de son isolement des dernières années et, comme autrefois, fréquen-
tait le monde. Non point celui frivole et dissipé, dont il fut toujours
contempteur, mais une société choisie, dont les réunions de bon ton
s'animaient encore de la présence d'artistes, de littérateurs et de musi-
ciens. C'était la vieille tradition française avec tout ce qu'elle comporte
de manières affinées, d'agrément de conversation, et aussi d intelli-
gence sans prétention.
Du changement accompli sous tant de rapports, il existait un signe
matériel que Redon faisait remarquer en souriant, car il le considérait
comme quasi-symbolique. Il avait dû quitter la paisible rive gauche
dont il était, depuis ses débuts à Paris, l'hôte fidèle et fervent, pour établir
ses pénates plus aisées dans un quartier avoisinant l'Arc de Triomphe.
Il se rapprochait ainsi du centre effervescent d'activité, où 1 appelaient
davantage ses affaires, ainsi que des relations plus étendues. Ce ne fut
pas toutefois sans une émotion sensible mêlée de regret intime qu il
accomplît cette sorte d'émigration. Il lui semblait se ?éparer sans retour
des souvenirs de sa jeunesse rêveuse, comme aussi des longues années
de travail et de lutte, presque toute une vie déjà passée.
Alors, grâce à l'appoint de sa nouvelle position, il put revoir sa
région girondine, en passant quelques saisons à Royan et à Saint-Georges
de Didonne. Il ne se lassait point d'y contempler 1 immense Océan,
évocateur des hautes pensées. Combien il lavait aimé déjà, pendant un
séjour à Morgat, sur la baie de Douarnenez en « la douce et mélanco-
lique Bretagne (2) », pays des landes et des grèves où l'on dirait que
" dans l'air celtique, il s'est accumulé un long dépôt de 1 âme humaine,
pleine de jours et de temps, comme un esprit des choses, de légende
aussi (3) ». Jadis encore, après son mariage, il était retourné auprès de la
(1) Voir la désignation de ces marchands à VApp. Note 7.
(2) Lellre dOo. R. à Edm. P. (13 juin 1894).
(3) Od. r.. a s. m., p. 13.
— 68 —
forêt de Fontainebleau, non plus à Barbizon, mais à Samois, proche de
la Seine. Il y voisinait avec son ami Stéphane Mallarmé, villégiaturant
à Valvins, où le poète se montrait féru de sport nautique. La fille de
ce dernier, Geneviève (qu'on appelait familièrement Vève), fut choisie
comme marraine, l'avocat belge Picard étant le] parrain, lorsqu'on
baptisa le jeune Ari.
Cuil. M -A. l.tblond.
La Mer à Morgot (Peinture).
Entre temps, Redon faisait aussi quelques voyages. Il retournait
en Belgique et en Hollande, pays qui l'entourèrent toujours d une
respectueuse admiration, où de fidèles amitiés l'accueillaient, lui et les
siens, d'une hospitalité cordiale. Puis c'était encore Robert de Domecy
qui l'emmenait en sa compagnie, visiter le Nord de I Italie. Redon
pouvait contempler à Milan la sublime Cène de Léonard de Vinci,
goûter le charme si particulièrement extraordinaire de Venise, et, dans
Florence, atmosphère de lumière et d'art, pénétrer l'âme même de
la Renaissance. Plus tard, en un nouveau voyage, il traversa la région
69
des beaux lacs, clairs miroirs où se reflètent les hautes cimes des
Alpes.
Ainsi pour lui la vie devenait meilleure.
C est alors, sous l'influence de ces conditions nouvelles et bien-
faisantes, que se produisit en l'homme âgé déjà qu'était Redon, un
inattendu et curieux rajeunissement. On eut dit comme l'épanouisse-
ment tardif d'une nature longtemps comprimée par l'hostilité de forces
adverses, et qui, enfin
libérée, pouvait vivre et
œuvrer en toute facilité et
joie.
Voici que, soudaine-
ment presque, sa produc-
tion en noir, prépondérante
depuis tant d'années,
prenait fin. Et de façon
SI absolue que, lorsqu'en
1913 nous établissions de
concert avec lui le Cata-
logue de ses estampes, nous
pouvions lui tenir, mi-
séneusement mi- plaisan-
tant, ce propos qui l'amu-
sait, mais dont il recon-
naissait la justesse : " Nous
avons connu jadis, vous et
moi, un Redon graveur. Il
n'est plus et rejjose... sans
doute sous une pierre lithographique. "
Maintenant la couleur, la séduisante couleur, qui l'avait attiré
déjà à ses débuts, mais alors restrictivement pratiquée, le ressaisissait,
l'exaltait, le dominait entièrement. Et pour surplus, il voulait, ne se
contentant point seulement de la matière huileuse, manier aussi le pastel.
Coll R
Rose (Peinture).
— 70
cette poudre impalpable et brillante, qui semble ravie aux ailes diaprées
des papillons.
Nous pouvons certainement attribuer, pour une bonne partie,
cette tendance empreinte d'une activité joyeuse, à l'aisance matérielle
enfin conquise, ainsi qu à une quiétude morale succédant à de multiples
et douloureuses épreuves. Cependant, à l'examiner de près, le phéno-
mène apparaît plus intimement com-
plexe. Redon en a suggéré une expli-
cation d'ordre physiologique, mais
relevant aussi de la psychologie,
qui serait intéressante à vérifier
comme portée générale. Dans tous
les cas, elle demeure valable pour
lui-même d'après son témoignage
exprès et conscient : " Le noir prend
surtout son exaltation et sa vie,
I avouerai-je? aux sources discrètes et
profondes de la santé. Du bon régime
et du repos, ou disons mieux, de la
plénitude de la force physique dépend
la sourde ardeur vitale que donnera
le fusain. C'est dire qu'il apparaîtra
dans sa pleine et meilleure beauté, au , , , ,)^ g^,,
cœur même de notre carrière, courte I-lilette nue.
ou longue, il est un épuisant, plus tard,
dans la vieillesse, quand la nourriture s'assimile moins. On pourra
toujours, à ce terme, étaler de la matière noire sur une surface, mais le
fusain reste charbon, le crayon du lithographe ne transmet rien; c est en
un mot que la matière reste à nos yeux ce qu'elle paraît, chose inerte
et sans vie; tandis qu'à l'heure heureuse de l'effervescence et de la
force propices, c'est la vitalité même d'un être qui jaillira d elle, son
énergie, son esprit, quelque chose de son âme, le reflet de sa sensibilité,
un résidu de sa substance en quelque sorte (I). »
Et, notons-le, combien aussi les sujets auxquels s'attachera I artiste
(I) Od, R.. a s. m., p. 119.
,0^
désormais, ne sont-ils point eux-mêmes complètement changés! Les
monstres et la terreur qu'ils engendrent, la douleur des faces convulsées,
ces effrayantes visions du chaos primordial et d'une création bouillon-
nante, tout cela s évanouit comme un pénible et térébrant cauchemar à
)amais disparu.
A présent, ses attirances vont, avec une préférence presque exclu-
sive, à la femme, à l'enfance et aux fleurs. A ce qui, dans la nature et
l'humanité, brille d éclat et de fraîcheur, d'aube douce et de joie légère.
Toutes les clartés jetant sur la trame obscure du monde comme
un réseau doré, grâce auquel la vie peut devenir non seulement sup-
portable, mais encore douée d'attrait et de
beauté.
La double affection pour la femme et
l'enfant, Redon n'avait jamais cessé de la
ressentir, même pendant l'époque de sa
production austère et la plus angoissée (1).
Dans le courant de la vie il éprouvait pour
ces êtres de faiblesse et de charme une sensi-
bilité voilée de respect, et qui se témoignait
par de délicats égards. Mais surtout sa prédi-
lection était marquée envers la jeune fille,
où l'ingénuité première se mêle à la naissante
séduction féminine près de bientôt épanouir.
Rayonnement fugitif d'énigme virginale, qui
toujours fit rêver les esprits élevés, et battre
les cœurs animés d'une pure tendresse !
Quant aux fleurs, il lui était loisible de
fréquemment en contempler les corolles écla-
tantes et variées, voire même de. les faire
naître et de scruter leur vie intime. En effet,
après la perte si cruelle du Peyrelebade familial, il avait pu du moins
se reconstituer un asile champêtre plus stable que les villégiatures
annuelles en des lieux différents. C'était aux environs de Pans, non
l'f
Coll. de M"" Redon.
Dessin à l'encre violette.
(1) Voir : André Mellerio, La Femme et l'Enfant dans l'œuvre d'Odilon Redon, L'£srampe
tl l'Affiche, 13 février 1898.
72
loin deVersailles, dans le site paisible de la petite et pittoresque vallée de
Jouy-en-Josas. A Bièvres, il disposait depuis 1909, d'une villa modeste,
mais commode et avec un
grand jardin, que la mort
prématurée de sa belle-sœur
Juliette Dodu, avait laissée
vacante. A chaque retour
de la belle saison, Redon
et les siens venaient s'y
établir pour un séjour jdIus
ou moins prolongé. Au
bout de la propriété, l'ar-
tiste avait fait construire
un atelier où s'isoler, et,
dans le recueillement de
ce décor agreste et riant,
rêver et travailler.
Cependant, la majeure
partie de son temps, se pas-
sait au logis confortable-
ment aménagé, qu'il occu-
pait maintenant dans une
grande avenue parisienne,
large et bien aérée, d'un
calme reposant (1). A défaut de son vieux et très aimé Luxembourg, li
retrouvait au parc Monceau un coin de verdure discret et ombragé, où diri-
ger souvent sa promenade méditative. II y rencontrait encore des enfants,
et aussi des oiseaux (2). Puis, de retour au logis, il se livrait à son labeur
d'art, non point fardeau imposé, mais à son libre gré, et dans l'intime joie
de produire. De bons amis le venaient voir fréquemment, l'entourant de
respect et d'affection. Ce sont eux qui formaient également le cercle des
quelques réunions mondaines, d'une élégance aimable et sans vain apparat,
qu'il aimait, et où l'on goûtait fort son affabilité ainsi que l'intérêt et le
leurs dans un v
(1) Ce fut la demeure définitive de Redon : 129, avenue de Wagram.
(2) Voir une anecdote à cet égard : App. Note 8.
73 —
charme de sa conversation. Enfin, quand dans notre ville au ciel souvent
brumeux, l'hiver se montrait avec persistance revêche et gris, l'artiste
natif d un pays ensoleillé, faisait une fugue vers le Midi, pour lui deman-
_ der cette lumière et cette
! chaleur qui sont l'essence
même de la vie.
Ce furent pour Redon
^"S^ quelques belles années —
mSS^fc comme la revanche d'un
/l«n 4» m^ longetdurdestin, enfin lassé
^i^_ .jR^ ^^ ^°" injustice. Au bout
^liwP^'^l^V^ d'une existence avancée
i lïï nli^ déjà, s il n'avait plus les illu-
I 's ' /M'-W sions doucement rêveuses
i i ^''' § ^^ ^^ jeunesse, il goûtait
i II 1; du moins le sentiment de
' \ ' ^/ \ force d'un idéal mûri, la
' \ "y pleine confiance de sa puis-
sance artistique et morale.
'^ D'autant qu'en lui
/' résidait un esprit de pen-
seur, meurtri souvent mais
aussi élevé et complété par
l'expérience de sa carrière
,_ ^ humaine. Toujours son
« L'Intelligence fut à mol ! Je devins le Bouddha... ■ âme " fut Sincèrement et
(Planche ,irée l^ifZ^S.ol'j! '^ain, 4„,o,„c profoudément spirîtualiste.
Non toutefois qu'il ait cru
devoir, pendant son existence, s'astreindre à l'observation stricte d'un
dogme au rite exactement établi. Si l'intellectualité transcendante de la
sagesse antique, mêlée de stoïcisme, ne paraît pas l'avoir essentiellement
retenu, il montra une incessante attirance pour la pitié miséricordieuse
de 1 Evangile, et la douceur mystiquement résignée du Bouddha (1).
(I) Ses fantaisies d'ostéologie eurent, il nous le dit textuellement, " un sentiment quasi chrétien
pour assise». Leit. d'Od. R. à Edm. P. (15 juin 1894^ — Quant aux effigies du Bouddha, elles
sont nombreuses dans son œuvre.
— 74
PAbL StKLbILk
l'IKRKI. H(),N\ \Ki'
malkicl: uems
(Lilhooraphics)
Aussi sa philosophie morale, innée si l'on peut dire, est-elle empreinte de
sereine clarté et de sympathie attendrie pour toute souffrance (I)».
Or, il semblait, en sa robuste vieillesse, que cette période dût se
prolonger. C'était le couronnement victorieux d'âpres luttes soute-
nues et des pénibles épreuves courageusement supportées. Au sein
d'un foyer familial heureux et paisible, que son travail ornait d'ai-
sance, entouré d'amis choisis et fidèles, il jouissait enfin d'une noto-
riété légitime, s'accroissant de jour en jour...
C est alors que le coup de tonnerre qui ébranla la France, l'Europe,
et l'on peut dire le monde entier, éclata soudain. En août 1914, avec une
rapidité inconcevable, dans un bouleversement général pareil à une
catastrophe géologique, se déchaînait l'effroyable lutte qui devait être
la Grande Guerre !
La guerre ! Redon était de ceux qui l'avaient connue — et plus,
qui 1 avaient faite. Il savait tout ce que ce seul mot contient d'horreurs
multiples, de désarroi moral, de sang versé, comme aussi de haut
devoir et de mâle effort. Jamais il n'avait cru la revoir. Sa pensée si
noble, son cœur toujours apitoyé de la souffrance humaine, sa confiance
enfin dans les progrès d'une civilisation, hélas! plus apparente que
réellement profonde, ne lui permettaient point de présumer le retour
d une telle barbarie. D'autant que cette fois, il n en allait pas seulement
pour la France, comme dans la lutte de 1870, de son prestige euro-
péen et d'une situation hégémonique, mais bien de son existence même
en tant que nation.
Cependant, il y avait plus encore pour Redon. Si personnellement,
la première épreuve s'était trouvée par lui durement ressentie, celle-ci
s'annonçait davantage poignante. Ce n'était plus lui qui entrait
dans la fournaise, avec au moins l'entrain et le mouvement de 1 action,
mais son enfant, sa chair vivante, pour qui son angoisse ne pouvait
rien ! Et par surcroît un fils unique, élevé depuis sa naissance avec
tant de soins inquiets, aimé passionnément et méritant de 1 être !
Pourtant Redon ni sa femme n'eurent un moment de faiblesse,
qui eut été si compréhensible. Ils maîtrisèrent leur émotion profonde,
la refoulant en eux-mêmes, par crainte d'amollir le courage de
(I) A. M.. Gaz. des B.-A., p. 143.
— 75
celui qui partait avec tant de volonté et de conviction. Mais après
la séparation d'An, quel vide immense à leur foyer ! Et cela, ce fut
l'héroïsme des familles françaises !
C est à Bièvres, où la famille s'était installée dès les beaux jours,
dans le repos de la campagne, que la tourmente l'avait saisie. Les parents
y restèrent, vivant avec anxiété les premières heures fiévreuses de la
guerre. Dans le modeste village passait la ligne de Grande Ceinture,
mise en intense activité par la mobilisation, et oij se ressentait le contre-
coup des formidables événements accomplis au loin : trains bondés de
soldats partis en chantant et qu'on acclamait, puis bientôt convois de
blessés et de prisonniers. Chez Redon, l'artiste ne pouvait rester inactif,
il s intéressait à ce spectacle mouvementé sans cesse se renouvelant,
et il trouvait moyen d'en faire des dessins.
Cependant le cours des choses se précipitait. Aux éphémères succès
du début avaient succédé les revers, et bientôt de redoutables éven-
tualités menacèrent Pans et ses environs. Vers la fin d'août, Redon et
sa femme, emmenés par des amis avertis, purent s'éloigner de Bièvres
et aller s installer à Royan. C'est là que, pendant plusieurs semaines, ils
demeurèrent tourmentés d'inquiétude, sans recevoir aucune nouvelle
de leur his. Quel soulagement de 301e, quand enfin leur parvint tardi-
vement la première missive !
Or, la glorieuse victoire de la Marne avait éclairci l'horizon,
sauvant Pans et donnant au pays de grandes espérances. Redon et sa
femme purent rejoindre leur foyer, dans la capitale. Lui se remit au
travail, seul effort capable de le distraire des angoisses d'une guerre
si terrible dès le début, et qui par surplus menaçait d'être longue.
Ainsi échappait-il un peu à l'incessante préoccupation des destinées
de la France et du sort de l'enfant qui combattait pour elle (I).
Alors commença pour les Redon cette vie intimement douloureuse
et aussi de courage endurant, que menèrent les familles ayant quelqu'un
des leurs exposé au front. Ceux-là seulement qui ont subi l'épreuve pour
leur compte, peuvent la mesurer dans son étendue de souffrance, et en
pénétrer jusqu'au fond la véritable agonie morale. L'esprit comme
le cœur, étaient invinciblement et uniquement concentrés sur la lutte
(1) Au sujet d'Ari Redon, pendant la guerre, voir : App. Note 9.
- 76 -
LA MORT : Mon ironie dépasse foutes les autres !
(Lithographie)
lointaine soutenue sans répit par ceux qui combattaient pour le salut
de tous.
La correspondance de Redon avec Ari, demeure éminemment
suggestive de cet état d ame. Que de force de caractère dans ces encou-
ragements virils donnés au jeune soldat qui se bat ! Mais que d'efïusions
aussi d une tendresse infinie, qui cherche à se contenir, et voudrait se
voiler sous l'apparent souci de menus détails matériels. Elle éclate
à chaque ligne écrite par le père à son fils dans lequel il revit,
devenu un homme à son tour et de plus un héros qu'il admire. Enfin
combien de hautes pensées sur l'heure présente, et pour l'issue finale
quelle confiance soutenue par une inaltérable droiture : "...Les idées font
d'invincibles bataillons (I) ».
Après les premières semaines d'alternative, on avait renoncé à la
croyance dans un dénouement proche, si sanglant dût-il être. On sup-
puta ensuite des mois, et c'était des années qu'il fallait compter !
Alors par degrés s'imposa l'acceptation résignée d'une lutte démesu-
rément longue, dont on ne pouvait prévoir, même par approxima-
tion, la date ultime.
Et l'existence se continua dans la vibration quotidienne des
communiqués, 1 attente sans fin avec 1 intermittente consolation des
lettres du cher combattant. Puis ce furent les permissions, la joie
ardente et presque folle de se revoir, hélas ! trop vite passée, et dès
l'arrivée même obnubilée déjà par la poignante pensée du prochain
départ. Ainsi vécut Redon, se réfugiant dans le travail de son art,
seul consolateur possible. Parfois, malgré tout, en ses moments de
rêverie, lui souriait l'espoir intime du retour de son fils sain et sauf, à
l'heure glorieuse de la France enfin délivrée et triomphante ! Cette
double joie, si profondément méritée, il ne devait pas 1 avoir.
Au commencement de 1916, après une période longue sans
nouvelles d'Ari, son père allait voir une famille amie, où il pensait
recueillir sur lui au moins quelques renseignements indirects. La saison
était inclémente, il prit alors un refroidissement et dut s'aliter. Le mal
qui ne paraissait point inquiétant d'abord, ne tarda pas à s aggraver.
Malgré son âge avancé, il avait alors soixante-seize ans, telle était la
(1) Lellre d'Od. R. à son fils (Bièvres, 10 juillet 191 S).
— 77 —
robustesse de sa constitution, qu'elle résista assez longtemps, même
avec des Intermittences de relèvement. Puis de quels soins attentifs
et inlassés n'était-il pas entouré par celle qui fut la compagne de toute
sa vie, et que secondaient en outre de fidèles amis. Mais vainement,
— et le 6 juillet sans que son fils, appelé en hâte du front, pût recevoir
son suprême adieu, il s'éteignait doucement.
Malgré les anxiétés de l'heure si tourmentée, ce fut une foule
nombreuse qui voulut lui rendre le témoignage d'une haute estime et
d'une admiration sincère (1). De tels sentiments s avivaient encore,
pour ceux qui l'avaient approché de près, d'un intime regret au pro-
fond de leur cœur, tant étaient forts les liens d'affection par lesquels
il avait su les attacher et les retenir à sa personne...
Au sommet d'une colline dominant, sous le ciel clair, les campagnes
pondérées de l'Ile-de-France, s'étend le modeste cimetière de Bièvres.
C'est dans ce dernier asile calme et solitaire que, son existence achevée,
mais son œuvre lui survivant, repose l'homme, 1 artiste et le penseur
que fut Odilon Redon.
(I) Les obsèques de Redon eurent lieu à Paris, dans l'église Saint-Charles-de-Monceau,
puis son corps fut transporté ensuite à Bièvres pour l'inhumation.
78
- '^^
ié-
n
Ijot
II
L'ARTISTE ET SON ŒUVRE
Nous avons vu les faits qui composent la trame vitale de Redon.
Elle apparaît en somme d une grande simplicité, sans que surgisse
aucun événement particulièrement dramatique ou extraordinaire.
Mais est-ce bien là 1 homme tout entier? N'existe-t-il pas aussi une
sphère intérieure, où se meuvent librement nos aspirations secrètes,
et qu'anime le sentiment des activités que nous aurions souhaitées?
Ce rêve qui se réaliserait sans les obstacles incessants et divers du monde
matériel, ne doit-il pas compter au fond, comme le vrai but pour lequel
chacun de nous avait été essentiellement créé? Or, cette vie cachée, on
peut dire que Redon l'a intensément vécue. Recueillons-en de lui-même
le conscient témoignage : " C'est dans la solitude que 1 artiste se sent
vivre énergiquement, en profondeur secrète, et que rien du dehors
mondain ne le sollicite et ne l'oblige au déguisement. C'est là qu li se
sent, se découvre, qu'il voit, trouve, désire, aime, et se sature de naturel
aux sources initiales de l'instinct; c'est là, plus qu'en tout autre heu
social que lui est donné le pouvoir de s'exalter purement, et d illuminer
de son esprit la matière qu'il ouvre et qu il déploie (1). "
Cet œuvre de l'artiste, où se révèle en s'exténorisant le mystère
des forces latentes contenues en lui, nous allons essayer d en accom-
plir l'exploration.
Et d'abord, il importera de connaître l'enseignement reçu direc-
tement par Redon, comme aussi la voie indépendante qu il a voulu suivre
pour sa formation personnelle. Nous aurons à nous préoccuper corol-
lairement des sources où parfois son inspiration a puisé. Ensuite nous
(I) Od. R.. a s. m., p. 121.
-- 79 —
examinerons en détail les différents modes techniques dont il a fait
usage, nous efforçant de les caractériser et commenter.
C'est seulement après ce double travail d'analyse, que nous pour-
rons tenter une synthèse de l'art de Redon, en montrant les assises sur
lesquelles il repose, son originalité propre, et les effets frappants qui
en résultent.
Enfin ne devrons-nous pas situer la place de l'artiste en 1 esthétique
contemporaine, et proposer, dans la mesure du possible, un jugement
conclusif ?
L'ÉDUCATION ET LA FORMATION ARTISTIQUES
DE REDON
A cet égard, rappelons tout d'abord, en les développant, quelques
détails de son existence : " Fort jeune, j'ai dessiné; à onze ans j obtenais
un prix de dessin lorsque je ne savais guère lire ( I ) ". Non seulement dès
son enfance il a griffonné comme tout jeune être, peut-on dire, à qui
tombe sous la main un crayon, mais encore il l'a fait avec plus de suite
et de réussite déjà. Au cours de ses médiocres études, où il peinait sans
goût ni résultats, son unique succès est remporté dans la branche qui
doit devenir la vocation de sa vie. Ce n'était pourtant encore que de
bien infimes notions qu'il recevait, et fort banalement inculquées :
« J'avais copié les lithographies d'alors selon les premiers modes
de la hachure (2). "
Mais ultérieurement, il lui sera donné un enseignement davantage
développé, et notamment de plus de valeur. Par un hasard heureux, celui
qui fut appelé à devenir vraiment son premier maître, sans être un
grand artiste, possédait du moins quelque talent et connaissait son
métier. Puis surtout, chose rare, sa pédagogie demeurait soucieuse de
respecter la personnalité chez le jeune élève qu'on lui avait confié.
Il s'efforçait, non de le plier à de rigides théories doublées de pratique
routinière, mais bien plutôt de l'aider à se dégager lui-même en lui
(1) Lett. dOo. R. à Edm. P. (13 juin 1894).
(2) Od. r.. a s. m., p. 16.
Étude (Dessin à l'encre de Chine).
— 8l —
ouvrant les vastes horizons de l'art. " Vers l'âge de quinze ans, on
me donna pour le dessin un professeur libre, chez qui j allais travailler
les jours de sortie. Il était aquarelliste distingué et très artiste. Son
premier mot — je m'en souviendrai toujours — fut de m'aviser que je
l'étais moi-même, et de ne me permettre jamais de donner un seul trait
de crayon sans que ma sensibilité et ma raison ne fussent présentes.
^0 A-^
. ^=^^ ^
s-t,:: ■■■■
Morgat (Dessin à la mine de plomb).
Coll. de M'"- Redon.
Il me fit faire des études qu'il appelait études sur nature, où je ne devais
traduire que ce qui m'était motivé par les lois de la lumière et de la
statique. Il avait horreur de ce qui s'exécute de pratique. Il apportait
dans 1 analyse des copies qu'il me faisait faire un sens pénétrant et subtil
des procédés, une clairvoyance à les décomposer et les expliquer, qui
m étonnaient beaucoup alors, et que je comprends aujourd'hui. Il
possédait des aquarelles des maîtres anglais qu'il admirait beaucoup.
Il m en fit faire des copies.
" Très indépendant, il me laissait aller à mes sympathies. Il considé-
rait comme un bon augure les frissons et les fièvres que me donnaient les
— 82 —
toiles exaltées et passionnées de Delacroix. En ce temps-là, il y avait
en province des expositions ouvertes à des envois nombreux des grands
artistes. C'est ainsi que je pus voir à Bordeaux des œuvres de Millet,
Corot, Delacroix, les débuts de Gustave Moreau. Mon professeur me
parlait devant elles en poète qu'il était, et ma ferveur en redoublait. Je
dois à mon enseignement libre beaucoup des premières poussées de
^5
■ih
Coll. de M"' Redon.
Etude de centaures (Dessin à la mine de plomb).
mon esprit, les meilleures sans doute, les plus fraîches, les plus décisives ;
et je crois bien qu'elles valurent pour moi beaucoup mieux que l'ensei-
gnement d'une école d'Etat (1). »
Telle était la substance de cette initiation intelligente, et par cela
même féconde, dont les principes demeurèrent indélébiles dans le
souvenir de l'élève devenu homme et à son tour artiste. " Je ne me suis
guère départi, depuis, des influences de ce premier maître romantique
et enthousiaste, pour qui l'expression était tout, et Veffet une attirance
(I) On. R., A S. Al, p. 17.
- 83 —
ou subterfuge d'art indispensable. C'est avec lui que j'ai connu la loi
essentielle de création; j'entends la loi de constitution, ses mesures,
ses rythmes, cet organisme d'art qui ne peut être appris par règles ni
formules, mais qui se transmet et se communique par la communion
du maître à 1 élève ensemble au travail. Le bon démon me prit ainsi.
Quand ce sens me fut révélé, j'eus hâte de me laisser aller à la joie de
m épancher en des esquisses. Et c'était vraiment par un effort de raison,
de devoir, presque de vertu, quand il fallait me mettre objectivement
à l'étude; je préférais tenter la représentation des choses imaginaires qui
me hantaient et où j'échouais infructueusement au début. J en fis
cependant beaucoup : paysages, batailles, évocations d'êtres épars dans
des plaines rocheuses, tout un monde de désespérance, noires fumées
du romantisme qui m'embrumaient encore.
« Je fis aussi des dessins d'après des estampes, ceux-ci avec un
réel plaisir (1). »
Et ce travail plein d'enthousiasme s'accomplissait dans un cadre
autrement seyant que la sombre géhenne de ses études classiques si
mornes et peu fructueuses. C'est allègrement qu'il se dirigeait vers
r « atelier entouré à profusion des fleurs d'un jardin hors ville, dans
le silence de la solitude, et sous le jour d'une large baie donnant
lumière à la lisière d un petit bois (2) ».
Ce premier maître se nommait Gorin. Il ne fut point notable à son
époque, et n'a guère laissé de souvenir. A Pans, où il avait tenté la
fortune, elle ne dut pas lui être propice, car il avait abandonné sans
esprit de retour la capitale " et ses fatigues après quelques déboires (3) ».
Puis retiré définitivement à Bordeaux, il partageait son temps entre
l'enseignement et un labeur sans éclat. Redon, lors de ses séjours dans
cette ville, ne manquait jamais d'aller voir son ancien professeur,
auquel l'attachait une reconnaissance mêlée d'estime et d'affection.
Ce fut certainement pour le jeune artiste futur une bienfaisance du
destin d'avoir rencontré à ses débuts un pareil guide. Entre quinze et
dix-huit ans, à l'heure décisive de l'existence, où s'éveille la person-
(1) Od. R., a s. m., p. 18.
(2) Od. R..A S. M., p. 19.
(3) Od. r., a s. m., p. 19.
- 84
L'oeil, comme un ballon bizarre, se dirige vers I iiiliiii... tLithu^rupliic.)
(Plancbt tirée de lalbum A iVjor Por)
nalité, il put de la sorte acquérir quelques bases solides. Et sur celles-ci
viendra s appuyer son effort, lorsque plus tard, s'évadant d'un stérile
enseignement officiel, il poursuivra, solitaire et incertain, l'acfiè-
vement de son entière formation.
Ainsi que nous l'avons vu, si la famille de Redon ne mit point
d opposition à sa carrière d'artiste, elle avait imposé tout au moins un
but précis, qui lui paraissait susceptible de résultats profitables : il
devait être architecte. De là pour le jeune homme, lorsqu'il vint à Pans,
la nécessité d'un enseignement spécial, qu'il suivit d'ailleurs réguliè-
rement. « A dix-sept ans j'entrepris, avec peu de foi et seulement au gré
de mes parents, l'étude de l'architecture. J'ai travaillé journellement chez
un architecte de talent, quelque temps aussi chez Lebas (1). J'ai fait
beaucoup de géométrie descriptive, des masses dépures, toute une
préparation en vue de l'Ecole dite des Beaux-Arts, où j'ai échoué dans
les examens oraux (2). » Entre temps, quelques tentatives aussi " de
sculpture durant une année à Bordeaux, dans l'atelier particulier du
professeur de la ville. J'ai touché là cette matière exquise, douce et
souple qu est la terre glaise, en m'essayant à des copies de morceaux
antiques (3) ».
Alors succéda une période pénible de son apprentissage d'artiste.
Ce fut 1 essai loyal mais douloureusement infructueux, de se conformer
aux méthodes qu'imposait la pédagogie officielle." ...A l'atelier X. (4), je
fis un grand effort dans l'application à rendre des formes; ces efforts
furent vains, inutiles, sans portée ultérieure pour moi... J'étais mû, en
allant à 1 Académie, par le désir sincère de me ranger à la suite des autres
peintres, élève comme ils l'avaient été et attendant des autres l'appro-
bation et la justice. Je comptais sans la formule d'art qui devait me
conduire, et j'oubliais aussi mon propre tempérament. Je fus torturé
par le professeur. Soit qu'il reconnût la sincérité de ma disposition
sérieuse à 1 étude, soit qu'il vît un sujet timide de bonne volonté, il
cherchait visiblement à m'inculquer sa propre manière de voir et à
(1) Lf.bas (Hippolyte), architecte français, né à Paris (1782-1867).
(2) Od. R., a s. m., p. 22.
(3) Od. R., a s. m., p. 22.
(4) C était l'atelier du peintre Gérome.
— 86 —
LA PREMIERE CONSCIENTE ni' CHAdS
faire un disciple — ou à me dégoûter de l'art même. Il me surmena,
fut sévère; ses corrections étaient véhémentes à tel point que son
approche à mon chevalet éveillait chez mes camarades une émotion.
Tout fut vam.
Il me préconisait d'enfermer dans un contour une forme que je
voyais, moi, palpitante. Sous prétexte de simplification (et pourquoi?),
il me faisait fermer les yeux à la lumière et négliger la vision des subs-
tances. Je n'ai jamais pu m'y contraindre. Je ne sens que les ombres,
les reliefs apparents; tout contour étant sans nul doute une abstraction.
L'enseignement qu'on me donna ne convenait pas à ma nature. Le pro-
fesseur eut de mes dons naturels la plus obscure, la plus entière mécon-
naissance. Il ne me comprit en rien. Je voyais que ses yeux volontaires
étaient clos devant ce que voyaient les miens. Deux mille ans d'évolution
ou de transformation dans la manière de comprendre l'optique sont
d ailleurs peu de chose à côté de l'écart créé par nos deux âmes contraires.
J étais là, jeune, sensible et fatalement de mon temps, à écouter je ne sais
quelle rhétorique issue on ne sait comment des œuvres d'un certain
passé. Ce professeur dessinait avec force une pierre, un fût de colonne,
une table, une chaise, un accessoire inanimé, un roc et toute la nature
inorganique. L'élève ne voyait que l'expression, que l'expansion du
sentiment triomphant des formes. Impossible lien entre eux deux,
impossible union ; soumission qui eût amené 1 élève à être un saint,
ce qui était impossible (I). »
Or, dans cette rébellion qu'on peut dire tout instinctive, rien
qui soit, remarquons-le bien, prémédité ni consciemment voulu. Ce
n'est pas à plaisir que l'élève résiste et se redresse. De sa part, aucun défi
audacieux et insolent d'un orgueil anarchique : " Peu d'artistes ont dû
souffrir ce que j'ai vraiment souffert dans la suite, doucement, pa-
tiemment, sans révolte, pour me ranger, ainsi que les autres, dans la lignée
ordinaire. Les envois au Salon qui suivirent cet enseignement, ou
plutôt, cet égarement d'atelier, eurent, vous le pensez bien, le même
sort que mes travaux d'élève. J'ai persévéré dans cette impasse
(1) Od. R., a s. m., p. 22. — Voir sur l'enseignement professé par Gérome : App.
Note 10.
- 87 -
trop longtemps ; la conscience d'une conduite ne m était pas encore
venue (1). "
Cette faculté de se diriger lui vint petit à petit, grâce à la puis-
sance d'un tempérament qu'on pouvait comprimer mais non réduire.
Les propensions qui étaient vraiment siennes ne cessèrent jamais, secrè-
tement d'abord puis ouvertement, de s'affirmer et de s accentuer.
Car si Redon n'était point de parti-pris le contempteur de toute auto-
rité, il lui semblait ne devoir en accepter aucune dépourvue de titre
réel et légitime. Il possédait la force simple, toutefois très grande,
des âmes qui, dans leur profondeur, sentent une foi ardente et invin-
cible, capable, à un moment donné, de prononcer son : non possumus
sans réplique. Non, en toute sincérité, il ne pouvait pas. Et un élan,
supérieur même à son effort voulu d'application, 1 empêchait de s anni-
hiler! De plus en plus, abandonnant la route vulgaire et ingratement
stérile, le voici qui s'engage dans sa voie véritable, davantage ardue
certes, mais entièrement à lui. « On m'a fait, par cet éloignement où
l'on m'a laissé, distinct des autres et indépendant... J'ai été amené à
l'isolement où je suis par l'impossibilité absolue de faire autrement
l'art que j'ai toujours fait. Je ne comprends rien à ce qu'on appelle des
concessions ; on ne fait pas l'art qu'on veut (2). »
Plus tard, c'est nettement et très consciemment qu'il pourra résumer
ainsi la genèse de sa personnalité : « En somme je me suis fait seul,
comme j'ai pu, et parce que je ne trouvais pas, dans 1 enseignement que
j'essayais de recevoir, mon vrai régime (3). »
Mais déjà quelques idées directrices, pour ainsi dire innées en lui,
servent de phares éclairants à cet autodidactisme involontaire. Tout
d'abord il a le sentiment de l'appel mystérieux d'en haut, qui enfante
et justifie une vocation irrésistible : « On ne sait point, on ne saura
jamais, ce qui fait que celui-ci devient un artiste, cet autre un finan-
cier, ou un fonctionnaire, bien que partis ensemble, auréolés des
mêmes virtualités. C'est là un point insondable, irréductible. La
fortune ou la pauvreté n'y sont pas un obstacle : on a son âme
(1) Od. R., a s. m., p. 24.
(2) Od. R.. a s. m., p. 24.
(3) Od. r.. a s. m., p. 22.
partout; on dispose d'une matière partout. C'est affaire de conduite
intérieure, hors des faiblesses de la vanité ou des égarements de l'orgueil.
Il y a des artistes de génie dans la misère, il y en a d'autres dans l'opu-
Un étrange Jongleur I Lithographie)-
(Planche tirée de Y Hommagf à Goya.)
lence. La fin d'une destinée est en soi-même; elle suit des chemins
cachés que le monde ne sait pas; ils sont remplis de fleurs ou
d'épines (1). >'
(I) Od. R.. a s. m., p. 26.
89
Or, cet élu, à quelles marques le reconnaîtra-t-on, et en quoi sera-
t-il difïérent des autres ? « L'artiste est, au jour le jour, le réceptacle
des choses ambiantes; il reçoit du dehors des sensations qu'il transforme
par voie fatale, inexorable et tenace, selon soi seul. Il n'y a vraiment
production que lorsqu'on a quelque chose à dire, par nécessité d expan-
sion (I). »
Et quand Redon aura vécu, œuvré aussi par lui-même, il pourra en
toute vérité, se rendre ce témoignage : " Je crois avoir eu le souci de la
conduite de mes facultés; je me suis cherché avec conscience sous les
éveils et la croissance de ma propre création, et dans le désir de la pré-
senter parfaite, c'est-à-dire entière, autonome, ainsi qu'elle devait
l'être pour elle-même (2). "
A ses tout premiers travaux, sous la direction de Gorin, le jeune
artiste s'était livré beaucoup et avec un penchant intime, à des ébau-
ches purement Imaginatives. Mais, ses forces grandissant, il eut
l'ambition d'atteindre aussi l'expression analytique et précise du monde
objectif. De là une véritable lutte entre deux courants opposés
dont il ne devait que bien plus tard, dans son œuvre mûrie, opérer
l'entière synthèse. Et ce lui fut un pénible dissentiment d aspirations,
tant il est difficile de s'équilibrer entre ces pôles extrêmes, lorsqu'on
prétend tout ensemble s'appuyer fortement sur l'un et 1 autre. Des
essais alors tentés, du but poursuivi et lentement dégagé, le processus
a été par Redon lui-même, exactement retracé.
" Qu'est-ce qui me rendit, au début, la production difficile et la fit
SI tardive? Serait-ce une optique ne concordant pas avec mes dons?
Une sorte de conflit entre le cœur et la tête? je ne sais (3). " " ... Avais-je
un tempérament de dessinateur ou de peintre (4) ? A quoi bon le chercher
maintenant? Le discernement assez vain qu'a fait la pédagogie de ces
deux modes importe assez peu. Cependant, par analyse, nous les dis-
tinguons. La pratique du dessin me vint plus tard, appelée par la volonté,
lentement, presque douloureusement. J'entends ici, par dessin le
(1) Od. R., a s. m., p. 24.
(2) Od. R., a s. m., p. 24.
(3) Od. r., a s. m., p. 26.
(4) Nous devrons noter que ceci fut écrit avant la dernière période de la vie de l'artiste, où
ses qualités de peintre éclatèrent si vivement.
90
pouvoir de formuler objectivement la représentation des choses ou des
personnes selon leur caractère en soi. J'yai toujours tendu à titre d'exer-
cice, et parce qu'il est néces-
saire d évoluer dans l'élément
le plus essentiel de l'art qu'on
exerce; mais j'obéissais aussi
à 1 incitation de la ligne seule
— de même que je cédais au
charme du clair-obscur. Je
me SUIS encore efforcé de réa-
liser par le menu, avec la
plus grande part de détails
visibles, et avec relief, un
morceau, un détail fragmen-
taire. C'était l'étude qui
m attirait le plus sans me
préoccuper de son utilité.
Ces fragments m'ont servi
bien des fois depuis, à
reconstituer des ensembles,
et même à en imaginer.
C'est là le mystérieux che-
min de l'effort, et du pro-
duit, dans l'acheminement
d'une destinée, il est quel-
quefois décisif et très déter-
miné chez les uns; il fut
souvent troublé et inquiet
chez moi ; mais jamais je
ne perdis de vue une fin
plus haute (I). " Et il affirme derechef, indiquant même la date
précise de cette crise intérieure : " Mon aptitude contemplative me
rendit douloureux mes efforts vers une optique. A quel moment
Petite Madone ( Eau-forlc).
(1) Od. R.. a s. m., p. 24.
91
suis-je devenu objectif, c'est-à-dire assez regardeur des choses,
assez voyant de la nature en soi, pour aller à mes fins et m'ap-
proprier des formes visibles? Ce fut vers 1865 (1). » Encore cette
évolution obscure et longue ne se termina-t-elle qu'au bout de
plusieurs années, et sous le coup d'événements dont nous avons
indiqué tout le retentissement dans la vie de l'artiste : « Mon ori-
ginalité... parut plus tard, après trente ans, c'est-à-dire après la guerre
de 1870 (2). »
Mais tandis que Redon s'appliquait avec effort et persévérance
à discerner ce qu'il sentait bouillonner en lui confusément, il ne demeu-
rait point dans une oisiveté inactive. A défaut d une direction vivante
qu'il ne rencontrait pas chez ses contemporains, il en recherchait avi-
dement une autre, plus élevée certes, mais difficile à saisir et à suivre,
SI bien doué que soit un artiste, quand il est jeune encore et isolé. C'est
l'éducation qui émane des Maîtres du passé. Dans les musées, devenus
pour le jeune disciple comme des sanctuaires, il se livrait à de longues
contemplations ainsi qu à des méditations réfléchies des chefs-d'œuvre,
afin de pénétrer 1 essence même de leur inspiration. De plus, il faisait
avec attention et scrupule de soigneuses copies, afin de mieux analyser
et comprendre toutes les ressources techniques du métier.
De ces gloires vénérées, il en est trois pour qui Redon éprouva
toujours une admiration passionnée, presque un culte : « Léonard
de Vinci, Rembrandt et Durer. Grands génies qu'on peut creuser
sans cesse plus avant sans en jamais trouver le fond !
« Vinci fut dévoré de curiosités intellectuelles. Ses énigmatiques,
mais cependant très réelles figures, d'un fini si soigné, demeurent
fascinatrices. N'a-t-il pas su mettre sur des lèvres demi-closes de femme,
un sourire mystérieux et divin qui fit rêver tant de générations... Et
ses personnages vivent dans le sfiimato, sorte de pénombre subtile qui,
tout ensemble, les révèle et les dissimule. — ...Esprit de penseur
avant tout, ce Vinci qui fut à la fois — et savant et artiste.
« Rembrandt! Chez le maître hollandais, quelle profonde humanité
se mêle au mystérieux de l'ambiance! Lui aussi réfléchit et médite, mais
(1) Od. R., a s. m., p. 25.
(2) Lell. dVd. R. à Edm. P. (13 juin 1894).
— 92 —
r^i^
ANGK DECHU
avec quelle émotion grave, tandis que joue une lueur blonde à travers
les opacités des sombres logis d'Amsterdam. Combien apparaît magi-
quement sublimisateur ce rayon de soleil, qui fait reluire jusqu'à des
détritus comme transmués en pierres précieuses. Car si les sujets furent
simples, pris tout à côté de l'artiste, parfois même dans l'humble vulga-
rité, ils revêtent l'empreinte magnifiante d'un sentiment biblique et
essentiellement chrétien. C'est là ce qui donne une vie palpitante au clair-
obscur où se déroulent en péripéties infiniment nuancées les oppositions
de la lumière et de l'ombre. Ainsi luttent ensemble dans un duel iné-
luctable et éternel, le Bien et le Mal, la Science et l'Ignorance, le Beau
et la Laideur. Comme on révère le haut pontife d'une religion suprême,
Redon s'incline devant le grand artiste...
« La trilogie se complète par un homme au tempérament concentré,
ayant parfois de puissantes envolées : Albrecht Diirer... L'œuvre célèbre :
la Mélancolie. C'est une figure de femme assise, et gravement rêveuse,
tandis qu autour d elle sont amoncelés des objets nombreux et dispa-
rates, d un dessin précis et incisif comme le ciselé d'une armure. On y
retrouve ce mélange d esprit bien allemand où voisinent une réalité
terre-à-terre et la songerie éthérée. Puis, c est l'intérêt profond porté
à ce mystère final de la mort souveraine, cachée mais toujours présente
sous l'aspect des choses les plus banales et familières (I). »
Ajoutons qu'à côté des anciens, un maître lui aussi parmi les
modernes eut le privilège d'émouvoir profondément Redon et de con-
tribuer à sa formation : c'est Delacroix. « ...Ame toute de mouvement
et de fougue, dont la passion allait jusqu'à la fièvre. Cependant très
connaisseur et soucieux des ressources techniques de l'art, demeurant
ordonné même dans les plus grands élans de son imagination... Esprit
très largement compréhensif et qui, dans son Journal, apparaît à tous
points de vue comme une des personnalités éminentes du siècle (2). »
Enfin, il est un artiste dont l'exemple et la conversation influèrent
certainement sur Redon — c'est Bresdin. Nous avons vu comment se
nouèrent entre eux d'intimes relations, qui furent principalement fré-
quentes à Bordeaux, entre 1863 et 1870.
(1) A. M., El. s. R.. p. 35 à 37.
(2) A. M., El. s. R.. p. 37.
— 93
» Bresdin me dit une fois, sur un ton d autorité douce : " Voyez ce
" tuyau de cheminée, que vous dit-il ? Il me raconte à moi une légende.
« Si vous avez la force de le bien observer et de le comprendre, ima-
« ginez le sujet le plus étrange, le plus bizarre, s il est basé et s'il
« reste dans les limites de ce simple pan de mur, votre rêve sera
« vivant. L'art est là. >' Bresdin me tenait ce propos en 1864. J'en note
la date parce que ce n'est pas ainsi qu on enseignait en ce moment-là.
" Je me déclare heureux aujourd'hui d'avoir entendu jeune, d'un
artiste très original et entier que j aimais et admirais, ces paroles peu
subversives que je comprenais si bien, et qui confirmaient ce que je
pressentais moi-même. Elles donnent, sous une forme apparemment
bien simple, les préliminaires du haut enseignement. Elles ouvrent la
vue du peintre sur les deux mondes de la vie, sur deux réalités qu il
est impossible de séparer sans amoindrir notre art et le priver de ce
qu il peut donner de noble et de suprême. — Les artistes de ma géné-
ration, pour la plupart, ont assurément regardé le tuyau de cheminée.
Et ils n ont vu que lui. Tout ce qui peut s'ajouter au pan de mur par
le mirage de notre propre essence, ils ne l'ont pas donné (1). '
Puis c était la manière d'inculquer de tels conseils, non pédante et
formaliste, mais si libre et vivante : " Le naturel de ses propos donnait de
bons avis qu on recueillait sans les fatigues d'un enseignement grave.
Tout prenait avec lui une forme légère pour vous amener à réfléchir
et souvent même avec un sourire. C'était un véritable humour (2). >'
Or que préconisait encore Bresdin? " Il ne comprenait et n'aimait
pas 1 art académique. Il s'indignait qu'un certain maître eût parlé de
probité a propos du dessin (3). ""La couleur, c'est la vie même, disait-il,
elle anéantit la ligne sous son rayonnement. » Et l'on sentait que ses
convictions sur ce point ne relevaient que de lui seul, et du culte qu'il
portait à l'invention naturelle, instinctive (4).
De semblables souvenirs amènent Redon, très naturellement, à
exposer ses idées sur ce que doit être une éducation artistique vrai-
(1) Od. R., a s. m., p. 126.
(2) Od. R, a s. m, p. 129.
(3) Redon fait ici allusion au mot que Ton cite souvent de la part d'Ingres : " Le dessin, c'est
la probité de l'art. '
(4) Od. r.. a s. m.-, p. 129.
94
...^ell. ■^.
> .'^^
PORTRAIT DE M. O. SAINSÈRE
ment féconde : " Hélas, comme ce que j'écoutais auprès de lui
contrastait avec ce qu'on entendait dans les écoles ! Quel enseigne-
ment avons-nous reçu?... Est-il possible, au cours de la tournée que fait
le professeur à I atelier, parmi les élèves devant le modèle, est-il pos-
sible de donner à chacun la bonne parole, la fertile parole, celle qui
ensemencera chaque front selon sa loi particulière? Non, difficilement.
En tout élève, en tout enfant, n'y a-t-il pas un mystère, le mystère
surprenant de ce qui va être? Et le professeur aura-t-il le tact assez
docile, la perspicacité assez fine et divinatrice pour mettre en floraison
fertile les premiers bégaiements de son élève?
« Celui qui professe, après tout, ne veut que continuer l'action des
maîtres, mais, hélas! et même seulement pour la transmettre, il n'a pas
leurs procurations. Il se les octroie bien comme il peut, tant bien que
mal, comme le grammairien, par l'analyse de belles œuvres du passé
que le temps a consacrées, mais il n'acquiert là qu'une expérience
abstraite, toute en formules, où il manque l'autorité prenante de l'amour.
Or il faut aimer pour croire, et il faut croire pour agir : le meilleur ensei-
gnement sera donc reçu de celui seul qui aura déjà touché l'apprenti
d'une sorte de révélation créatrice, issue de la beauté de ses propres
œuvres.
« Il n'en est pas ainsi aujourd'hui (I). "
C'est ainsi pourtant qu'il en fut jadis, et — nous émettons ce
souhait — qu'il peut en être de nouveau dans 1 avenir. Pour ce qui
touche Redon, il est loisible de dire que l'enseignement qu'il indique
comme seul profitable, il le reçut, sinon d'une façon suivie et complète,
au moins partiellement. Et cela par deux fois : la première, à ses
débuts avec Gorin ; la seconde, quand plus âgé déjà il en pouvait
mieux profiter encore, de la part de Bresdin.
Mais cette instruction, en quelque sorte limitée à la sphère d'un
métier spécial, n'est point tout ce qui contribue à former la personnalité
entière d'un artiste. Il éprouve des curiosités, subit des attractions.
(I) Od. R.. a s. m., p. 129.
— 95
ressent des jouissances dans des domaines différents, et celles-ci
peuvent influer plus ou moins directement sur son œuvre.
Or, ce iurent pour Redon, nous semble-t-il : la Nature, la Musique,
la Science et la Littérature.
Au premier plan, il faut mettre la Nature. C'est elle qui l'accueillit
dès son entrée dans la vie, à laquelle il revint sans cesse, et jusqu'au bout
de son existence. Sublime spectacle où les lois fondamentales de la
cosmogonie se révèlent, sous des apparences infiniment variées ! Dès
son début le jeune artiste la reproduisait amoureusement de son
pinceau novice, puis il en fit le décor imposant où surgissent les êtres
de sa conception fantastique, et elle fîeurira encore, merveilleusement
épanouie, dans la dernière période de peinture. Il ne la comprenait
pas impassible et détachée de nous, mais tout humaine et mêlée à nos
sentiments les plus profonds. S'il la connut et l'étudia — ses dessins
et ses croquis le témoignent, jusqu'en ses intimes et menus détails, c'est
surtout dans ses grandes lignes qu'il voulut la retenir et prétendit
la rendre. Horizons sans fin, onde fluide, ciels aux nuages colorés,
ondoyants comme notre âme, robustesse vivante de l'arbre, solidité de
la roche impénétrable ! Mais surtout l'émouvait le rythme périodique
du jour et de la nuit, opposant éternellement l'ombre et la lumière.
A ce trésor de spectacles contemplés ont contribué tous les pays qu'il
a connus, stablement ou en rapide passage. Ainsi demeurent dans
son souvenir, les landes et les bois du Médoc natal, les sites hautains
et neigeux des Pyrénées, la grève mélancolique de Bretagne, et ces
paysages fins et nuancés de l'Ile-de-France. Ce qu'ont vu ses yeux est
passé en son âme, pour s exprimer enfin dans son œuvre.
Et l'influence était si forte, qu'elle agissait même physiologique-
ment. En effet, Redon émet, à propos de l'artiste en général, cette
remarque certainement émanée de son expérience particulière : "■ Je dirai
même que les saisons agissent sur lui ; elles activent ou amortissent
sa sève : tel effort, tel essai tenté hors de ces influences, que les
tâtonnements et l'expérience lui révèlent, sont infructueux pour lui,
s il les néglige (I). »
Cette Nature, il l'aima tant, y trouva un tel réconfort, que parfois
(I) Od. R., a s. m., p. 24.
— «6
il lui vint le souhait de se livrer à elle tout entier et sans partage. Non
point en l'abîmement intense du Nirvana rêvé sous l'opprimante fécon-
dité tropicale, mais au
sein de la vie calme et
laborieuse de nos cli-
mats plus pondérés :
« Quel baume eut ja-
mais sur moi, sur mon
esprit et même sur
mes peines, une action
plus subite, plus bien-
faisante que l'herbe
verte, ou le contact de
tout autre élément in-
conscient. Quitter la
ville, aller aux champs,
approcher d un village
en sa tranquillité rusti-
que, c'est là toujours
que ] ai senti les se-
cousses d'un petit bat-
tement de cœur qui
m'ont rendu grave, et
que, recueilli subite-
ment dans un retour Christ (Lithographie).
sur moi-même, j'ai
balbutié, distrait, que la vérité de la vie était de vivre là, peut-être (1)...»
Mais, dès les jeunes années de Redon, une autre attirance fut puis-
sante également sur lui : la Musique : '<■ Je suis né sur une onde sonore.
Pas un souvenir de la première enfance qui ne se mêle à un chant
musical, à une musique de qualité. — Plus tard, adolescent, j entendis les
œuvres alors peu connues de Berlioz, Schumann, Chopin. La maison de
famille en était remplie. Elle imprima assurément à mon âme un pli (2). »
(1) Letl. d'Od. R. à Edm. P. (13 juin 1894).
(2) D-".
97
On peut dire plus encore, un véritable sillon tracé au profond de lui-
même. Car la musique ne lui apporte pas seulement les joies, délec-
tables déjà, du dilettante, elle avive et affine sa sensibilité, enfin elle
constitue pour lui une incitation féconde et sans cesse renouvelée à
produire dans l'art plastique, son domaine personnel.
A ses premières admirations ressenties pour des maîtres classiques
et romantiques, Redon demeura fidèle toute sa vie, avec une prédi-
lection pour Beethoven. Par la suite, sans doute, il se montra sympa-
thique envers d'autres écoles, notamment celle de Bayreuth, mais
toutefois, paraît-il, " sans s'abandonner avec une très profonde émotion
au torrentueux courant wagnénen. Cependant, certains personnages
du génial dramaturge lyrique 1 intéressèrent vivement : ainsi Parsifal et
Briinnhilde. Durant de longues années Redon fut un habitué des grands
concerts. Il s'y trouvait en contact avec d'excellents amateurs, dont il
partagea la lutte en faveur d'admirations audacieuses. Puis il eut pour
ami, le fréquentant souvent et familièrement, un musicien sérieux dont
la fatale mort accidentelle fut si prématurée : Ernest Chausson (1). «
Nous avons dit que son frère aîné fut un compositeur bien doué.
Enfin 1 amour de 1 artiste pour la musique s'étendait même en amicale
affection aux virtuoses qui nous la font vivre par une belle exécution.
C est ainsi que l'on voyait chez lui dans l'intimité, principalement en
la dernière période de sa vie : le violoniste Parent, le pianiste Vinès et
le guitariste Llobet.
Mais Redon doit plus encore à VArt céleste (tel est le titre d'une
estampe où il représente un auditeur religieusement absorbé en les
sons entendus). Car pénétrant dans leur mystère son but et ses moyens,
il a pu concevoir le projet, en apparence non possible, de rivaliser avec
son emprise vague mais si puissante sur les âmes...
En ce qui concerne le penchant pour la Science, on peut dire que,
sous ce rapport, 1 artiste suivait bien 1 un des courants généraux qui ont
caractérisé son époque : " Redon semble profondément frappé de cette
vision du Cosmos et de l'Humanité, telle que le XIX'' siècle l'a évoquée.
Grande et inquiétante en sa vérité découverte, que sans cesse la science
(I) A. M., El. .s. R., p. 38.
ET L'HOMME PARUT.
(Lithographie)
cherche à élucider ainsi qu'à étendre (1). Et comme chaque époque
accompht sa tâche particuhère, cet espace de cent ans marquera par des
caractéristiques spéciales dans la filière ininterrompue des investigations
de l'esprit... Ainsi le Préhistorique et la Microbie, si l'on y ajoute la
théorie de l'Evolution (2), jetèrent sur l'énigme mystérieuse de notre
origine des lueurs soudaines. Notre entité apparut pour ainsi dire sous
un angle nouveau... (3) "
Le grand initiateur en cette matière fut Clavaud, dont nous avons
signalé déjà la pro-
ronde influence sur
la formation de la
personnalité intégrale
de Redon. N'était-il
pas en sa spécialité, un
botaniste notable et
de valeur originale.
A 1 artiste encore
jeune, le savant déjà
mûri exposait ses
observations et ses
vues d'hypothèse. ■' Il
travaillait dans l'infi-
niment petit. Il cher-
chait— je ne sais trop
vous dire — sur les
confins du monde
imperceptible, cette
vie intermédiaire
entre l'animalité et
la plante, cette fleur
Fleur illuminée.
(!) On peut se demander quelle curiosité ressentirait actuellement Redon envers les travaux
d'un Lebon, sur les propriétés de la matière et de la force, ainsi que leur identification entrevue —
ou bien 1 essai de synthèse mathématique de l'Univers, proposé par un Einstein, f'-t quelles œuvres
plastiques produirait-il en corrélation ?
(2) A laquelle se rattache le Darwinisme avec la sélection naturelle.
(3) A. M., El. s. R.. p. 14.
— 99
ou cet être, ce mystérieux élément qui est animal durant quelques
heures du jour et seulement sous l'action de la lumière (I). »
Ainsi Clavaud lui ouvrait d'immenses horizons sur 1 essence même
de la vitalité et ses obscures origines. Il lui révélait le sens profond des
lois qui régissent la matière, lui enseignant aussi ce que sont la méthode
analytique et la synthèse. Par là s'agrandissait pour 1 esprit de l'ar-
tiste, la portée du monde extérieur qui, sublimé ensuite par l'imagi-
nation, devenait en quelque sorte infini
Certainement- Redon s'est intéressé à la Littérature. Mais l'influence
ressentie paraît moins capitale et décisive que les trois autres. Non pas
qu'il ne fît des lectures abondantes et variées dont il retirait un véritable
fruit. Cependant, contrairement à ce que d aucuns ont pu croire — et
même écrire, l'action exercée, en dehors de sujets l'incitant occasionnel-
lement à produire, n a pas influencé essentiellement l'inspiration qui
anime son œuvre plastique. C'est plutôt pour la formation générale de
l'homme, sa culture intellectuelle — et ceci d ailleurs n'est point négli-
geable, que sa curiosité des livres a pu servir.
" En ce qui concerne ses goûts littéraires, Redon se montrait prin-
cipalement classique. Toutefois, parmi les maîtres de notre passé, il
avouait une particulière attirance pour ceux dont l'originalité marquée
s'accompagnait d'une langue savoureuse : ainsi Montaigne (2) et Saint-
Simon. Mais avant tout et surtout son livre de chevet fut Pascal, cet
abîme de pensée, si l'on peut dire, ce visionnaire logique, qui éprouve et
sait nous communiquer, en un style d'une inimitable profondeur, le
vertige de l'Infini.» Ajoutons que «dans le siècle dont il était, Redon
s attacha de préférence à des littérateurs d'exception : Edgar Poe, som-
nambule d'un rêve étrange, mais demeurant toujours clairvoyant des
exactitudes scientifiques de la vie matérielle ; Baudelaire, âprement
ironique et tout ensemble douloureusement exacerbé ; Flaubert enfin,
évocateur en phrases sonores et imagées des prestigieuses visions de la
Tentation de Saint-Antoine (3) ».
(1) Od. R., a s. m., p. 19. — Au sujet de Clavaud, voir aussi : App., note 11.
(2) A 1 égard de l'auteur des Essaie, faut-il voir chez Redon un attrait de plus provenant
de la communauté de Terroir En effet, le grand écrivain né dans le Périgord, vécut aussi de
longues années à Bordeaux, où il occupa d'importantes fonctions municipales.
(3) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 143 et 144.
' A travers ses longs cheveux qui lui couvraient la figure, )'ai cru reconnaître Ammonaria.,
(Lithographie.)
(Planche tirif de VHmnmagc à Fhukcil.)
Dirons-nous encore l'intérêt de sympathie qu'il portait aux ten-
tatives, vers ou prose, de la jeune littérature contemporaine qui, sous le
nom d'ailleurs un peu vague de «Symbolisme», visait au raffinement des
sensations et au renouvellement du verbe. Le grand chef reconnu de
l'Ecole était alors Mallarmé, intime ami de Redon. L'artiste aimait aussi
Verlaine. Il feuilletait les œuvres d'André Gide, d'Adrien Remacle, de
F. Hérold, surtout de Remy de Gourmont (l),et suivait le mouvement
de publications d'avant-garde, telles que : le Mercure de France, la
Revue indépendante, la Revue blanche.
Nous ne saunons manquer de répéter ici une observation faite
jadis par nous, et qu'il est loisible de vérifier en un volume récemment
paru (2) : •> Qui sait si l'auteur de Dans le Rêve, ne sera pas reconnu lui-
même, et légitimement, comme un écrivain? Pour notre part nous consi-
dérons, outre les légendes mises par lui comme un piédestal à ses
estampes, qu il a laissé des pages, pouvant être confrontées comme élé-
vation de pensée avec le Journal de Delacroix, comme réflexions sur
1 art avec la critique savante et raisonnée de Fromentin (3). "
En effet, si les essais restés manuscrits de la jeunesse de l'artiste
apparaissent hésitants, confus, portant en leur esprit comme dans
leur forme un cachet romantique, il n'en fut pas de même par la suite (4).
Au fur et à mesure des expériences de la vie, sa pensée se clarifiait et
se haussait, son style mûri se concentrait. De sorte que c est précisé-
ment quand Redon abandonna le juvénile dessein, conçu bien fugi-
tivement, d'être littérateur, qu'il nous paraît, dans les pages écrites
seulement pour épancher sa méditation ou satisfaire la curiosité de
ses amis, mériter vraiment le titre d écrivain.
(1) Pour certains d'enlre eux. comme il l'avait fait à l'égard de ses amis de Belgique,
Redon composa des frontispices. Voir : Adrien Remacle, La Passante (roman d'une âme), Paris.
Bibliothèque artistique et littéraire, 1892. — F. Herold, Chevaleries senlimentales.
(2) Odii,on Redon, .4 Soi-Même (Journal, 1867-1915). Notes sur la Vie, l'Art et les Artistes.
(Introduction de Jacques Morland). Paris, H. Floury. 1922.
(3) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 144.
(4) Les premières pages publiées de lui qui méritent attention sont les éludes concernant le
Salon de 1868, parues à la Gironde, et. dans le même journal, l'article sur Brcsdin, en 1869.
L'ŒUVRE DE REDON
Après 1 étude préliminaire qui vient d'être faite, on peut aborder
avec plus de clarté 1 œuvre même de Redon. Nous le diviserons, afin
de conduire méthodiquement notre examen, en ses diverses parties
techniques, nous efforçant ainsi de mieux pénétrer et comprendre
chacune d'entre elles.
LES ESTAMPES
N'est-ce point par l'estampe que Redon s'est fait connaître d'abord,
et a commencé vraiment de se répandre parmi le public? Elle constitue
dans l'ensemble de sa production, et surtout pendant la maturité de son
âge, toute une floraison éminemment expressive de 1 artiste, tant au
point de vue de 1 originalité d'inspiration, que du parfait usage des
procédés employés. On peut donc dire que si elle ne représente point
la totalité de son art, elle en contient au moins les caractéristiques
essentielles.
Nous considérerons l'estampe chez Redon, successivement selon
ses deux modes matériels : la Gravure et les Lithographies.
§ I. La Gravure.
C'est avec Bresdin — et par lui, que Redon encore jeune fut initié
à la gravure.
— it>3 —
Certes, le vieux maître était passionnément curieux et subtile-
ment connaisseur de la technique sur cuivre, qu'il pratiquait assidûment.
Non seulement il en avait approfondi les ressources, mais il savait les
utiliser de manière très personnelle. Expert en les cuisines (c est le terme
d'argot du métier) fort compliquées des mordants, il déployait également
une habile dextérité dans les tours de main du tirage qu'il effectuait
lui-même. Il inculquait encore à son disciple, et lui démontrait par
l'exemple, ce que Rembrandt prouva si magistralement — à savoir
qu'en une simple planche de métal taillée directement ou creusée à
l'acide, on peut enfermer tout un monde de pensées et des trésors de
sensibilité. De lui émanait « le goût en même temps que la science des
triturations méticuleuses et richement expressives (1) ».
Redon se dit alors — il signe même expressément : Elève de
Bresdin (2). Mais, bien que jeune encore, malgré qu'admirateur et
affectueux ami du maître, il laisse déjà percer, presque inconsciemment
peut-on croire, sa propre personnalité. Prenez en effet une gravure de
Bresdin, et mettez-la à côté du Gué, essai bien modeste du débutant,
tout de suite le contraste frappera. C'est que « le faire de l'élève encore
qu'incertain et gauche, revêt néanmoins plus de force et d'ampleur
que les raffinements parfois trop poussés de son maître (3)». En effet,
Bresdin " est un graveur d'esprit vraiment curieux, mais dont le travail
minutieux se complaît surtout en le fouillis des accessoires. Cependant
ses compositions fantaisistes : villes irréelles, forêts grandioses aux ciels
tourmentés, lointains naïfs et premiers plans pullulant de bizarres
bestioles, cette imagination vagabonde put inciter le jeune artiste à
se libérer d'une trop exacte reproduction de l'ambiance réelle (4) ».
C'est là, semble-t-il, l'élément essentiel et fécond que s'assimilera
surtout Redon.
Assurément l'originalité de ce dernier, pour naissante à peine
qu'elle fût alors, existait déjà irréductiblement. Même si son sujet
voisine un de ceux qu'a traités Bresdin — et alors plus encore peut-
(1) A. M., Et. s. R.. p. 38.
(2) C'est la formule respectueuse qu'il incise dans le cuivre, au bas d'une de ses premières
gravures : Le Gué (1865).
(3) A. M., Ga::. Jes B.-A.. p. 146.
(4) A. M.. Et. s. R., p. 37.
— 104 —
Sciapode (Eau-forte).
105
être, apparaît la difïérence fondamentale qui les sépare. C'est à la
simplicité que vise Redon, au grand efïet large, à l'opposition vigou-
reuse du clair-obscur. Il agence sa composition nettement et avec
clarté, sobrement aussi, sans s'arrêter ni se compliquer à un monde
touflu, si séduisants qu'en soient les détails.
D ailleurs, cette incursion dans le domaine de la gravure est limitée
en grande partie aux années de relations intimes entretenues avec Bres-
din. Redon y reviendra au cours de sa carrière d'art, mais de façon
toujours restreinte, et qui compte peu, du moins numériquement,
dans l'ensemble de son œuvre (1). C'est qu'une autre technique de
l'estampe devait l'attirer plus tard, où se trouverait le mode adéquat,
tout ensemble fort et souple, qui convenait le mieux à son inspiration.
§ II. Les Lithographies.
« Les lithographies forment la plus abondante part dans la pro-
duction de Redon. Ce sont elles qui, se dispersant nombreuses — près de
200 planches tirées à 25 ou 50 exemplaires, quelquefois 100 et au-
dessus (2), ont contribué le plus à répandre son nom et son art, lui sus-
citant par degré la curiosité étonnée, l'attirance involontaire, et enfin
la compréhension admirative. On ne sait s'il faut louer davantage
I extraordinaire fécondité d'inspiration ou bien la perfection si originale,
avec laquelle fut employé le procédé graphique. Sous ce dernier rapport,
ceux-là mêmes que la conception surprend et déconcerte ne peuvent s'em-
pêcher de rendre, en parfaite sincérité, un hommage au maître litho-
(1) Notons cependant un fait curieux. Vers la fin de sa vie, en 1914, à Blèvres, pendant les
premières angoisses de la guerre, Redon voulut se remettre à la gravure. L'austérité du noir et
blanc lui semblait-elle convenir aux terribles circonstances alors traversées ? Il commença un
cuivre qui, non entièrement terminé, était assez poussé pour qu'on essayât, après sa mort, d'en
tirer des épreuves. Ce ne fut d'ailleurs possible qu'à très petit nombre. En voici le sujet : Dans
I obscure profondeur d'un temple dont on devine le vitrail lumineux, s'avance un personnage
indéterminé, d'une expression étrange et saisissante.
(2) Ce dernier chiffre, d'ailleurs, est rare. Les bornes où se limite d'ordinaire le tirage ont
permis de lui assurer le maximum de soins et une belle homogénéité.
— io6 —
graphe (1). C'est que
Redon connaît à fond
les ressources de la
pierre, mais en se les
appropriant toutes,
i! prétend non s'y
asservir, mais au
contraire les dominer
et les faire concourir à
son but expressif (2). »
Rappelons que :
" Pendant dix années
de sa vie, il en a fait
son presque unique,
en tout cas son plus
important agent d'ex-
pression. Cet œuvre...
plus que les peintures
et les fusains mêmes,
a contribué durant
cette période à la dif-
fusion de son art...
Chacune de ces
estampes a été col-
lectionnée passionné-
ment, jalousement ; nombre de pièces sont devenues rares, quelques-
unes quasi-introuvables! C'est en somme avec elles que 1 artiste a, sinon
livré ses plus retentissantes batailles, du moins pénétré profondément
dans le public. Ce sont elles qui lui ont suscité ses admirateurs et ses
amateurs, comme aussi ses adversaires les plus passionnés » (3).
tis|>iiP (ie i .Mbu
I Lilhographie ) .
- \
l.cs Uuv
(1) A cet égard, demeure typique le jugement du regretté Henri BoiCHOT (La Lilhosraphie .
Paris, Librairies-Imprimeries réunies), — lorsqu'il signale de l'artiste ses ' noirs veloutés ■' (chapitre V,
La Lithographie contemporaine en France, le " nouveau jeu ■', p. 196). Dans le même ouvrage figure
à la page 203, une reproduction du Bouddha, publié par Redon en VEslampe originale de l'éditeur
Marty.
(2) A. M., Gaz. des B.-A., p. 146.
(3) A. M., F.i. s. R. p. 21.
— 107
Nous constaterons, fait curieux et qui vaut d'être noté, que ce
furent des causes occasionnelles plutôt qu'une directe volonté d'art, qui
amenèrent Redon à utiliser le procédé sur pierre : « ... je puis vous dire
pourquoi j'ai fait de la lithographie ; c'est que j'avais avant, vainement
essayé de produire dans les salons officiels les nombreux fusains que
j'avais crayonnés et qui dormaient dans mes cartons... J'ai donc fait
mes premières lithographies j30ur multiplier mes dessins (1). » L'idée
n'en vint qu'au cours d'une rencontre fortuite : " Fantin-Latour me
donna 1 excellent conseil de... reproduire au crayon gras; il me passa
même de bonne grâce, une feuille de papier report, pour le calque (2). »
Mais presque aussitôt, comme ajoute Redon : " prenant goût au
procédé nouveau que j essayais, j'ai fait pour le terminer (i7 s'a^// ici
de son premier recueil : Dans le Rêve), de la lithographie de jet (3). »
CejDendant il nous paraît qu'à ces motifs matériels, il faut en adjoindre
d'autres, et ceux-là dans l'ordre moral. En effet, l'on voudra bien consi-
dérer que la période de 1 estamjDe a correspondu principalement à
cette longue suite d épreuves que nous avons signalée dans l'existence
de Redon. Alors : " tout contribua pour que, par le simple blanc et noir
de la pierre, il s efforçât de traduire le poème concentré d'une vie reployée
contre 1 hostilité des événements du dehors. Et c'est à ce double concours
d un tempérament d'artiste et de contingences spécialement propres à
le développer que se doit l'œuvre particulier, douloureux et profond,
qu un autre n aurait jjas su enfanter... (4) » Ajoutons que lui-même
ne fut plus dans la possibilité de continuer semblable production,
quand les circonstances ambiantes se trouvèrent changées. Aux années
davantage favorables qui suivirent correspondit lefHoraison d'une
couleur lumineusement sereine.
(1) Lcllrc d'OJ. R. à A. M. 21 juillet 1898.
(2) D'". Fantin-Latour a usé pour lui-même, très largement, de la lithographie, et laissé,
sous ce rapport, un œuvre abondant et apprécié.
D autre part, il est à remarquer que, bien que Bresdm ait produit des œuvres par ce pro-
cédé, Redon ne fit jamais à ses côtés que travailler le cuivre. Le vieux graveur, en effet, ne fut point
véritablement lithographe, au sens complet du terme. En intitulant d'ailleurs les œuvres qu'il
exécuta par ce procédé : Dessins sur pierre, il indiquait bien son but de ne demander uniquement à
celle-ci que la transmission, aussi exacte que possible, de ce qui avait été conçu en dehors et sans
souci d elle-même.
(3) Ldlre d'Od. R. à A. M., 21 juillet 1898.
(4) A. M., Et. s. R., p. 33.
— io8 —
Or, dès le recueil de début : Dans le Rêve, paru en 1879, Redon
se révélait d'emblée maître en la matière qu'il employait nouvellement.
Tout ce qu il devait développer par la suite se trouvait concentré là, comme
dans un résumé pré-
ventif, et sous une
appellation très sym-
boliquement expres-
sive. L'artiste s'en est
bien rendu compte, et
toujours a conservé
pour ce premier-né,
si complètement
représentatif de son
œuvre, une prédilec-
tion spéciale et justi-
fiée : ' Cet album est
peut-être l'un de mes
préférés, parce qu'il
est façonné sans aucun
alliage de littérature.
Le titre de Dans le
Rêve n'était, en quel-
que sorte, qu'une clé
d'ouverture (I). "
Et c'est ici le lieu
de dissiper une erreur
parfois commise.
D'aucuns, en effet,
ont voulu voir dans
les légendes placées
depuis par Redon
sous certaines de ses
estampes, une préoccupation intellectuelle se mêlant à la plastique pure.
Mais l'artiste, en commentant le fait, s'est chargé de remettre toutes choses
^■r
.- . . ; i '',
'fVt/
/ 1 \-
Sur la coupe (Lithographie).
(Planche tirée de lalbum Dans le «M
1 r ■
: "v^
" \
.— V-
V.—
(1) Lciirc d'Od. R. à A. M.. 21 juillet 1898.
— 109 —
au point. Dès le second album : A Edgar Poe, nous dit-il, « ...je vis qu'on
ne touchait pas impunément à la pierre sans être amené à la surcharger
d un mot d'écrit : tous les grands lithographes l'ont fait(l) ». Cette
remarque est fort exacte pour les Raflet, les Daumier, les Gavarni, les
Willette, les Forain et combien d'autres, chez qui souvent le mot fait
corps avec l'image, l'explique, et la complète pour ainsi dire nécessaire-
ment. Cependant, observe encore très justement Redon : < ...Chez moi
tort différemment rien de contingent (2). » Il s'agit là comme d'«un
qualificatif sur une sonate... La désignation par un titre à mes dessins est
quelquefois de trop pour ainsi dire. Le titre n'y est justifié que lorsqu'il
est vague, indéterminé, et visant même confusément à l'équivoque (3)".
C est qu un but est intrinsèquement poursuivi : « Je voudrais vous
convaincre que tout ne sera qu'un peu de liquide noir, huileux, transmis
par le corps gras et la pierre, sur un papier blanc, à seule fin de pro-
duire chez le spectateur une sorte d'attirance diffuse et dominatrice dans
le monde obscur de l'indéterminé, et prédisposant à la pensée (4). »
Ainsi Redon a constaté la place très importante que tenait l'es-
tampe dans son œuvre, et il a voulu nous faire connaître également les
raisons profondes qui l'y ont incité, puis longuement retenu : « J'ai...
regardé et scruté mes noirs, et c'est surtout dans les lithographies que
ces noirs ont leur éclat intégral, leur éclat sans mélange (5). " L'artiste
ajoute, comme s'exaltant sur la haute mission réservée à l'opposition
fondamentale de l'ombre et de la lumière : " Le noir est la couleur la plus
essentielle... Il faut respecter le noir. Rien ne le prostitue. Il ne plaît
pas aux yeux et n'éveille aucune sensualité. Il est agent de l'esprit bien
plus que la belle couleur de la palette ou du prisme (6). »
A ce mode austère, mais souverainement expressif, ne convient pas
un public léger ni fugitivement regardeur. Quand il est utilisé par un
artiste digne de ce nom, on lui doit une contemplation longue et appro-
fondie, presque religieuse : » ... la bonne estampe sera... goûtée plutôt
(1) Lettre d'Od. R. à A. M.. 21 juillet
(2) Û-".
(3) D":
(4) û'«.
(3) Od. R..A S. M., p. 119.
(6) D'».
en pays grave, où la nature au dehors peu clémente contraint Ihomme
à se confiner chez soi, dans la culture de sa propre pensée, ainsi que dans
L_.
Sainte Thérèse f Pointe-sèche).
les régions du nord, par exemple, et non celles du midi, où le soleil
nous extériorise et nous enchante (I). » De cela Redon n a-t-il point
(I) Od. R., a s. m., p. 120.
fait la plus personnelle expérience : '< ...Ces étranges lithographies,
souvent sombres, abstruses, et disons-le, peu séductrices d'aspect,
s adressent... à des esprits de silence, et même ayant encore en eux les
ressources si rares de l'ingénuité naturelle — sorte de grâce. Pour dire
ICI toute ma pensée, j'ai toujours cru que mon public était loin de ces
lieux, ainsi que le prouva d'ailleurs la première attention qui me fut
donnée : c est tout d'abord au delà de la frontière qu'on aima et rechercha
mes travaux (I). » Mais il est un pays oîi l'artiste fut particulièrement
compris et hautement estimé. " Tant de difficultés vaincues, d'aussi
étonnantes réussites n'ont-elles pas incité les admirateurs hollandais
de Redon à le qualifier amicalement de : Rembrandt français (2). "
Certainement beaucoup de ses effets doivent leur puissance au
vigoureux clair-obscur. Mais le lithographe sait aussi, quand il lui plaît,
varier très heureusement le faire de ses estampes. Quelques-unes
sont entièrement traitées dans la lumière, tandis que d'autres s'es-
tompent de toutes les gradations du gris. Ce qui fait que si l'on
feuillette d'affilée cet ensemble abondant, le souple changement exclut
la monotonie et, par sa richesse sans cesse renouvelée, forme un trésor
d aspects incomparablement variés.
Cet œuvre de Redon, il nous échut, en 1913, la charge difficile,
1 honneur aussi, d'en dresser, grâce à la Société pour l'Etude de la Gravure
Française, le Catalogue complet et raisonné. De l'essai de classification,
alors tenté, nous devons rappeler ici les idées principales.
Tout d abord nous observions une démarcation presque entière-
ment d ordre matériel, mais suscitant quelques réflexions : « Les
Pièces séparées, conçues sans aucun rapport entre elles, possèdent
chacune leur autonomie complète. Les Albums, par contre, font res-
sortir un autre caractère. Ce sont de petites entités, où la liaison intime
des diverses parties constitue un tout organisé. Comme autant de micro-
cosmes dans l'ensemble plus vaste de l'œuvre lithographique, dont ils
partagent d ailleurs les caractères essentiels.
« L artiste sait composer un Album, résultat qu'on n'atteint point
sans difficultés. Ne faut-il pas, en effet, éviter d'une part l'excessif relâ-
(1) Oo. R. A S. M., p. 120.
(2) A, M,, Gaz. desB.-A.. p. 130.
Parsifal (LilhographieJ.
— II', —
défectueux d > illustration », vous ne le trouverez pas en mes catalogues.
C est un mot à trouver : je ne vois que ceux de transmission, d'inter-
prétation, et encore,
ils ne sont pas exacts
pour dire tout à fait
le résultat d'une de
mes lectures, passant
par mes noirs orga-
nisés (I) ". — De là
résulte que "si... l'on
établit comparaison
avec 1 ancienne illus-
tration, tenue en des
limites beaucoup plus
strictes, on admettra
que Redon a, dans ce
genre, apposé, comme
dans tout ce qui
émane de son initia-
tive créatrice, un
sceau lui appartenant
véritablement. Les
grands noms, les
hautes œuvres : litté-
raires, symphoniques,
picturales même,
invoquées ou évoquées, sont moins les causes efficientes de la produc-
tion de I artiste, que d'occasionnelles incitations pour lui à exprimer
les conceptions personnelles de son esprit. Que les appellations limi-
naires ne fassent donc point illusion (2) ».
Nous écrivions à ce sujet : « Certes Flaubert fut un écrivain
d expressivité tendant à susciter des impressions plastiques. Dans son
œuvre existe éminemment une vision du monde extérieur qu il trans-
\
•\
Briinnhllde (Lithographie).
(1) Lettre d'Od. R. à A. M.. 21 juillet
(2) A. M.. Et. s. R., p. 9.
1898.
115
forme et magnifie. Sa plume sait douer les objets d'une vie colorée, leur
créer une atmosphère d'ambiance vibrante, en son style sonore, imagé,
parfois grandiloquent. Mais de telles caractéristiques s'appliquent sur-
tout à ce livre si spécial : La Tentation de Saint- Antoine. Amalgame
confus et trouble, d'une étrange attraction prenante, où se rencontre
1 ossature d une érudition qui veut être savante et précise, en même
temps que s'ajoute une surabondance inépuisable et toute orientale
d évocation. L immense désert étend ses insondables profondeurs sous
un ciel sans fin que convulsé l'agonie du couchant. Décor grandiose où
1 anachorète mystique, travaillé par le jeûne et la tentation, dans ses
heures de fièvre hallucinatnce, subit douloureusement, curieusement
aussi, des visions chimériques et monstrueuses. En ce pandémonium
surgissent les formes incroyablement variées des divinités du Paganisme
qui finit, prolongeant son écho, et luttant encore dans les multiples hérésies
détachées du Christianisme naissant. Celles-ci pullulent, équivoques bour-
geons tendant à accaparer la substance même du dogme, pour nourrir et
épanouir de sa moelle vivante leurs pustuleuses difformités. D'innom-
brables spectacles se succèdent, des fantômes vagues apparaissent, se con-
densent un moment, puis s'évanouissent à l'horizon, en un baroque et in-
interrompu défilé, passionnant, obsédant parfois jusqu'à devenir horrifiant.
«On pouvait présumer qu'un tel terrain dût être propice à Redon (I).
Et de fait, la Tentation de Saint-Antoine est une mine qu'il se plaît à
creuser, où il revient sans cesse, comme si loin de l'épuiser, il la retrou-
vait à chaque fois plus richement féconde. Cependant, les impressions
qu il en éprouve restent intimement siennes. Il les exprime par ses
moyens personnels et dans le domaine des j^rocédés purement plastiques.
Les descriptions précises, aux lapidaires vocables de l'écrivain, n'ont
point asservi l'artiste. Ce poids, qui eut écrasé tout autre, lui semble
léger. Il demeure original avec la plus entière liberté.
" Que SI nous envisageons les œuvres d'autres littérateurs où s'est
complu Redon, nous le verrons toujours rester lui-même, identique en
(I) Nous connaissons dans quelle occasion l'artiste se trouva induit à s'occuper de la curieuse
œuvre littéraire : " Quant à Flaubert, ce fut mon très regretté ami, Emile Hennequin, qui m'apporta
la Tenlalion de Saint- Antoine, lorsqu'il eut vu les Origines. Il me dit que je trouverais, dans ce livre,
des monstres nouveaux. J'ai été vite séduit par la partie descriptive de cet ouvrage, par le relief et la
couleur de toutes ces résurrections d'un passé ". Lettre d'Oil. R. à A. M., 21 juillet 1898.
ses facultés. S'agit-il de Baudelaire dont les raffinements parfois visent
à la subtilité, qui ajoure la broderie du style avec un sentiment de
/
/
>»^
Le cirur a ses raisons... ' (Pasc.\l). (De.
ù la ,
Je plnrnh.)
1 artificiel poussé jusqu à l'aigu? Le dessinateur n'en mamtient pas moins
hautement la simplicité de lignes et de lumière, les fortes oppositions
essentielles de ses effets coutumiers. Tout autant gardera-t-il sa large
pitié douloureuse, quand il voisinera l'Américain Edgar Poe, mathé-
matiquement déductif, inexorable en sa démonstration de I horrible.
Remémorons, pour constatation semblable, l'Apocalypse, prophétie
obscurément mystérieuse et surhumame, qui inspira l'un de ses Albums.
Puis le Juré, œuvre dramatiquement conduite de l'avocat et écrivain
belge Picard (1). Aussi, les figures évoquées du grand cycle musical
de Wagner : Brùnnhilde, Parsifal... (2) '>
^-
'^ jAv^i- ■«'"-i-^ ■^
Dessin à la mine de plomb.
Mais un projet encore plus audacieux hanta l'esprit de l'artiste :
« Quel autre que Redon eut pu seulement concevoir l'idée d'une illus-
tration de Pascal? (3) » Ajoutons d'ailleurs qu'il y renonça plus tard : « Je
(1) Il y a lieu d'ajouter : La Maison banlée, Texte de Bulwer-Lytton (Traduction de René
Philippon). — Encore les planches d'essai pour : Le Coup de Dés, du poète Stéphane Mallarmé.
(2) A. M., Et. s. R.. p. 7 et suiv.
(3) A. M.. Gaz. des B.-A. p. 143.
— iiS
n ai fait pour les Pensées de Pascal, qu'apposer une phrase de cet écrivain
sur l'une de mes mines de plomb, elle s'adaptait un peu. Je doute
que je donne suite à mon idée d'en produire d'autres. C'est un
texte trop abstrait, pour en tirer un << blanc et noir " qui y corresponde,
même pour moi (I). »
Notons cependant que :
« De ce projet incomplè-
tement réalisé demeu-
rent deux dessins à la "^ ,
mine de plomb. « Le ^^ '
silence de ces espaces
infinis... » est entré, par le
généreux don de M. Zuba-
lofî, au Petit Palais. >< Le
cœur a ses raisons... » se
trouve dans notre collec-
tion (2). »
Nous devrons encore
noter qu'un groupe d'es-
tampes, en quelque sorte
posthumes à la période de
pleine floraison, forme un
ensemble particulier. C'est
" toute une série de por-
traits d hommes, exécutés
sur pierre, en noir, bistre
ou sanguine, de 1900 à
1908. L'effigie s'y impose par un caractère constant de simplicité et
d'expression. Ce sont les peintres : Bonnard, Maurice Denis,
K.-X. Roussel, Sérusier, Vuillard ; les musiciens Llobet et Ricardo
Vines ; le critique d'art Roger Marx. Puis aussi une femme, l'héroïne
M"^' Juliette Dodu (Lithographie).
(1) Lettre d'Od. R. à .A. M.. 21 juillet 1898.
(2) A. M., Gaz. des B.-A. p. 143.
Nous possédons en outre la préparation au crayon lithographique et sur papier report, établie
par Redon daprès le second de ces dessins, en vue dune estampe sur pierre dont le tirage ne fut
jamais réalisé.
119
française de la guerre de 1870 : M"' Juliette Dodu, qui était la sœur de
M-^Odilon Redon »(1).
Enfin, on ne saurait être complet sans mentionner 1 incursion,
d'ailleurs restreinte, qui fut tentée dans le domaine de 1 estampe en
couleurs. C'était vers 1892, la chromographie alors très en faveur
séduisait nombre de bons artistes, et l'on pouvait augurer une production
aussi féconde qu'intéressante. Mais le mouvement, malgré d'appréciables
réussites, s'arrêta sans avoir donné tout ce que 1 on avait espéré (2).
En ce qui le concerne personnellement, Redon — et pourtant ses essais
offrent du charme, considérait la lithographie comme " appauvrie
par la couleur, résultat autre, qui anéantit l'estampe et 1 avoisine à
l'image (3). "
Mais il est un point selon notre estimation à envisager très parti-
culièrement : la technique.
C'est que la matière est appelée tout ensemble à commander
et à obéir. Commander, avons-nous dit, — ce terme n'est point ici stric-
tement exact. On devra entendre qu'à l'égard du substratum il existe
des lois générales, dont les applications d'ailleurs se particularisent
selon les éléments divers qui sont employés. Bois, cuivre ou pierre ont
leurs possibilités personnelles, leurs facilités séductrices même, venant
solliciter l'artiste et lui servir d'auxiliaires. Par contre, en leur essence
résident aussi des rédhibitions, si l'on peut dire, aux efforts qui ne
tiennent point compte de leur nature. Ce sont des propriétés caracté-
ristiques qu'il faut connaître bien, car elles constituent la base sur
laquelle s'édifiera l'œuvre réalisée extérieurement. Mais, une fois le
grand principe observé, l'artiste créateur, s'il ne peut asservir complè-
tement la substance, doit arriver néanmoins à en faire une compagne
docile et fidèle. Ce n'est que par elle qu'il peut s'élever au-dessus
(1) A. M.. Gaz. des B.-A. p. 149.
A cette époque, Redon, de plus en plus absorbé par la peinture, n'usa guère encore de
la lithographie que pour multiplier par le tirage quelques-uns des portraits originaux à la
sanguine, qu'il fit en assez grand nombre. Parmi les dessins non reproduits sur pierre, nous citerons :
le D'' Sabouraud: le D'' Well; le Conseiller d'Etat et amateur d'art, Olivier Sainsère; le composi-
teur Ernest Chausson ; le violoniste A. Parent ; deux littérateurs, les frères Marius et Ary Leblond, etc.
(2) Voir : André Mellerio, La Lithographie originale en couleurs (Couverture et Estampe
en couleurs de Pierre Bonnard). Publication de V Estampe et l'Affiche, 1898.
(3) Od. R.. a s. m., p. 120.
LE LISKUK
( Lithographie t
d elle. Et mieux il respectera les liens qui le retiennent, pour une part
du moins, inéluctablement au sol, plus il aura chance d'envoler haut sa
pensée dans le ciel de l'idéal. Profonde et mystérieuse vérité, impres-
criptible destin des choses ici-bas. Si l'esprit pouvait s'affranchir de
la matière, il deviendrait l'absolu, il serait Dieu !
Tout cela, combien Redon le sait et le comprend intimement :
« Je crois que l'art suggestif tient beaucoup des incitations de la matière
elle-même sur l'artiste. Un artiste vraiment sensible ne trouve pas la
même fiction dans des matières différentes, parce qu'il est par elles
différemment impressionné (1). "Nous ajouterons corollairement que,
SI une inspiration vient animer l'esprit de l'artiste, l'intelligence et
le tact de celui-ci devront s'efforcer de choisir pour la réaliser, des
matériaux d'une nature vraiment adéquate.
Cette importance du suhstratum a tellement frappé Redon, elle lui
paraît si capitale qu'il y revient, et dans des termes encore plus expli-
cites : « Outre les dispositions reçues sous l'influence du monde et du
lieu qui l'entourent, l'artiste cède aussi, dans une certaine mesure, aux
exigeants pouvoirs de la matière qu'il emploie : crayon, charbon, pastel,
pâte huileuse, noirs d'estampe, marbre, bronze, terre ou bois, tous ces
produits sont des agents qui l'accompagnent, collaborent avec lui, et
disent aussi quelque chose dans la fiction qu'il va fournir. La matière
révèle des secrets ; elle a son génie ; c'est par elle que 1 oracle parlera.
Quand le peintre donne de son rêve, n'oubliez pas l'action de ces
linéaments secrets qui le lient et le tiennent au sol, avec I esprit lucide
et bien éveillé tout au contraire (2). >'
Or, qu'est-ce donc que la Lithographie? Quelles sont ses ressources
et ses difficultés? « Le crayon gras du lithographe opère indirectement :
il est l'intermédiaire qui transmet et multiplie l'ouvrage (3). » Dans
ces conditions l'avantage est de donner, comme pour tout mode de
gravure, un certain nombre d'exemplaires d'un unique original. Par
contre, la rançon obligée c'est que l'extériorisation matérielle de 1 (Euvre
ne s'opère plus aussi directement que par le pinceau, le fusain ou la
6 août M
(1) Letti
■e d'Od.
R.
à A
. M
., 16
(2) Od.
R.,
A
S.
M..
p-
123.
(3) Od.
R.,
A
S.
M..
p-
123.
plume. En effet, il intervient une seconde opération : le tirage. Par
analogie, on pourra voir la même différence qu'entre le livre qui va
droit de l'auteur au lecteur, et la pièce de théâtre nécessitant la mise en
scène et le jeu des acteurs. Or, davantage il existe d'intermédiaires entre
le jaillissement de la sensibilité créatrice et sa définitive expression,
plus il y a crainte d'atténuation, voire même de déformation.
En ce qui concerne spécialement la Lithographie, voici l'appré-
ciation de Redon, très à retenir, car il y fut un maître. La pierre «... est
impressionnable, elle subit les influences les plus mobiles et variées
du temps. S'il pleut, s il neige, si la température est chaude ou froide,
autant de conditions décevantes ou heureuses, fertiles en agréables ou
désagréables surprises, et dictant l'attitude qu'il faut avoir avec elle
quand on imprime (1) ». Or, nous pouvons le dire : « ...pour rendre
le monde intérieur de la pensée, notre artiste... a su trouver une plastique
vibrante, à la fois souple, sévère et profonde (2) ». Puis, comme l'écri-
vait si justement de lui un critique ami : " Ajoutez à cette haute valeur
idéale, une étonnante maîtrise d'exécution qui fait paraître toutes ces
lithographies et ces fusains plus lumineux et plus puissants que des
eaux-fortes... (3) »
Redon, par la lithographie " a su s'exprimer avec abondance, mar-
quant toujours le procédé qu'il employait de son sceau personnel...
la matière était sévère, plus restreinte même sous certains rapports que
le fusain, car elle ne pouvait en avoir les imperceptibles et vivantes
nuances d original direct, sensible au moindre frémissement de la
main. La pierre forme un intermédiaire avec lequel on doit compter.
Parfois aussi, elle offre des séductions matérielles, grâce à ses tours de
métier appris, ses invites au laisser-aller. C'étaient d'autres écueils où
Redon eut garde de ne se point perdre... S'il acceptait de la lithographie
toutes les ressources connues, c'était à la condition de les utiliser
avec la plus extrême indépendance, et en leur adjoignant d'efficaces
innovations (4) ».
En effet : " La pierre était traitée non en maîtresse au grain souverain.
(1) Od. R., a s. m., p. 124.
(2) A. M.. Préf. d'Exp. dVd. R.. 1894.
(3) Emile Hennequin, Odilon Redon. Revue Littéraire et Artistique, 4 mars
(4) A. M., Et. s. R.. p. 19 et 20.
^
plutôt au contraire en servante souple et docile, par une main consciem-
ment volontaire. Et toujours dominait l'émotion ardente de l'artiste, lui
faisant considérer les procédés qu'il connaissait à fond, et modifiait sans pré-
jugé.jamais comme
un but de virtuosité
mais ainsi qu un
simple intermé-
diaire d'expression.
— Le métier chez
Redon est extrê-
mement curieux et
varié. Choix des
papiers de Chine
ou autres, charge-
ment de la pierre
à noirs redoublés,
emploi de la plume,
coups de grattoir,
et le reste. L'ar-
tiste a usé parfois,
et dans des condi-
tions très spéciales
du papier report (1).
plaçant la feuille,
pendant le travail,
sur des surfaces
lisses ou rugueuses
destinées à pro-
duire des effets très différents (2) ». A ce sujet, voici quelques expli-
cations complémentaires : « Le papier report est excellent pour
l'improvisation. Je l'aime beaucoup parce qu'il obéit mieux que la
pierre... celle-ci ne permet guère les aventureuses entreprises de ma
Mq,lustu.
(1) C'est un papier spécial, sur lequel on travaille tilrectement avec le crayon lithographique.
Puis, le dessin ainsi obtenu, est appliqué par pression, reporte sur la pierre, où il se fixe. On opère
alors le tirage dans les conditions ordinaires.
(2) A. M, El. s. R.. p. 20.
— 123
fantaisie. Le papier cède, la pierre résiste. Je ne la comprends
qu'après le premier coup de feu, après les chaudes fumées de l'impro-
visation initiale et sur le papier (I).»
Que devait-il résulter de telles entreprises, Redon nous 1 expose :
« Je savais ces essais façonnés irrégulièrement, hors des méthodes habi-
tuellement suivies pour le travail sur pierre : mais je cherchais, j'ai
cherché. Et je crois avoir mis abandonnément, et sans contrainte, mon
imagination à même d'exiger des ressources de la lithographie, tout
ce qu'elles pouvaient donner. Toutes mes planches, depuis la première
jusqu'à la dernière, n'ont été qu'une analyse curieuse, attentive, inquiète
et passionnée de ce que contenait de pouvoir d'expression le crayon gras
du lithographe, aidé du papier (2) et de la pierre. " (3)
Ces innovations audacieuses ne pouvaient se manifester de la
part d'un artiste inconnu, dépourvu de prestige et d'autorité, sans
rencontrer des difficultés, des protestations, voire même de l'obstruc-
tion : " Par de telles façons, non seulement Redon causait une surprise,
mais encore il bouleversait les manouvriers commerciaux, ainsi que les
reproducteurs plus ou moins habiles, végétant dans les arrière-fonds des
expositions officielles... Cette saveur profonde des blancs et des noirs,
d'une vigueur intense égalant l'eau-forte, n'était pas plus comprise que
les nuancements estompés et gradués avec une suprême finesse (4) ».
Que de souvenirs d'une lutte longuement et douloureusement sou-
tenue : " Vous parlez... des lithographes officiels. Je ne connais de leur
pensée que le soin qu'ils ont pris de m'éliminer jadis des expositions qu ils
organisaient. Après examen fait en ma maturité, je crois pouvoir dire
qu'ils ont écarté mes meilleures lithographies. Ils sont copistes d'ailleurs,
je ne pouvais donc pas traiter mes ouvrages comme ils traitaient les
leurs. C était impossible. J'ai vu autrefois quelques-uns de ces litho-
graphes à l'imprimerie Lemercier ; mais nous n'avons guère échangé de
propos sur nos diverses cuisines. Nos abords étaient d'ailleurs tempérés
par une atmosphère assez fraîche qui se répandait quand j'approchais
(1) Lellre dVJ. R. à A. M.. 16 août 1898.
(2) C est encore le papier report auquel Redon fait ici allusion.
(3) Od. R.. a s. m., p. 124.
(4) A. M.. Et. 5. R.. p. 20.
— 124
UN MASQUE SONNE LE GLAS FUNÈBRE
(Lithographie)
d eux ; je sais qu ils parlaient du " grain " avec quelque mystère...
— Tous les lithographes connaissent et traitent avec beaucoup d'égard
cet élément essentiel d'une bonne pierre ; mais le résultat qu'il donne
n'est pas le but (I). "
Or, la cause de ce malentendu était profonde et devait fatale-
ment 1 amener à dégénérer en un vrai conflit : " ... Les lithographes
de profession... ont tort de témoigner contre moi qui n'ai jamais
fait ni désiré faire leur besogne. Ils ont un point de vue, j'en
ai un autre (2). " Et le but poursuivi par Redon, le voici : " Je n'ai jamais
le souci de faire donner à la pierre ce qu'elle a en soi, mais de me
transmettre moi-même... toutes mes planches ne sont guère qu'un
dessin transposé et multiplié, avec la pierre pour humble agent de
transmission (3). »
On peut dire que cette hostilité s'étendait du haut en bas du monde
lithographique. Certainement, si elle était déjà une épreuve morale-
ment pénible venant des confrères de l'estampe, elle constituait un
véritable obstacle de la part des ouvriers de métier : " Mon Dieu ! ai-je
souffert dans les imprimeries, ai-je éprouvé intérieurement des sursauts
de colère à la constatation de la confuse incompréhension que 1 im-
primeur montrait toujours de mes essais (4). " En effet, quiconque
s'est intéressé un peu au travail lithographique, ne saurait ignorer
l'importance réelle du tireur (qu'on ajDpelle aussi en terme technique :
. essayeur). C'est l'ouvrier déjà élevé en grade, connaisseur de son métier,
et autant que possible d'intelligence adroite, qui procède à la mise en
train selon les conditions jugées par lui les plus favorables à reproduire
le dessin original. En outre, il surveille le roulement de la presse, et
remédie aux accidents fortuits : " ... La sensibilité de l'artiste devra
compter aussi (hélas) avec la promiscuité obligée de l'imprimeur. On
lui confie le fruit précieux de son esprit, il le faut bien ; mais rien de
bon, rien de complet ne sera possible sans la collaboration attentive et
soumise de cet acolyte, simple opérateur, dont la participation est pré-
cieuse quand elle est intuitive, néfaste et déplorable quand elle ne pres-
(1) Od. R., Lettre o A. M.. 16 aoCit 1898.
(2) Od. R.. Lettre à A. M. 16 août 1898.
(3) Lett. lOd. R. à Edm. p.. 15 juin 1894.
(4) Od. r., a s. m., p. 124.
123 —
sent ou ne devine rien. On fait avec lui une union temporaire mal
assortie, où il faut par raison s entendre, s'accorder. Mais on ne fait
pas œuvre d'art à deux. Il faut qu'il y en ait un qui se ploie (1). "
Or Redon, comme on pouvait s'y attendre, tint bon. Il déploya
une fois de plus cette fermeté intérieure, cette patience inébranlable,
qui toujours, dans sa vie d'artiste, furent contre les pressions hostiles
du dehors, sa protestation silencieusement persévérante et finalement
victorieuse.
Parmi les imprimeurs et ouvriers lithographes, auxquels il eut
affaire, et dont certains arrivèrent à lui donner satisfaction, nous cite-
rons : <| Lemercier, Becquet, Duchâtel, Clôt si adroit, et surtout le très
expert mais bien fantasque Blanchard (2). " A titre de renseignement,
ajoutons encore les noms suivants : Monrocq, Furstein, etc.
« Cependant, il est une considération importante... que nous devons
faire valoir. Lorsque Redon vint à choisir comme moyen d expression
la Lithographie, dans quel état se trouvait celle-ci? Il faut bien le cons-
tater, ce mode artistique, datant du commencement du XIX^ siècle, et
qui, dans sa première moitié, fut triomphant, pour ainsi dire prépon-
dérant, avait énormément décru. Tombé généralement à des besognes
infîmes, végétant sans notoriété, il ne demeurait guère que comme une
simple utilité commerciale, quand l'artiste lui apporta un mouvement de
réimpulsion... — Ce procédé, dans ce qu'il a d'original et de puissant,
lui doit, après une période d'abaissement, sa rénovation, nous dînons
presque son ressuscitement. Depuis, il a été réemployé souventes fois,
non plus mécaniquement mais expressivement, par de véritables
artistes... (3) »
Certainement on sera curieux de connaître l'opinion de Redon sur
la Lithographie qu'il a tant approfondie et aimée — comme aussi
l'avenir qu'il pensait pouvoir être réservé à celle-ci : « Je suis étonné que
les artistes n'aient pas donné plus d'expansion à cet art souple et riche,
(1) Od. R., a s. m., p. 123.
(2) A. M., Gaz. des B.-A., p. 149.
Au sujet des imprimeurs de Redon, on pourra consulter, outre ses manuscrits et ses
publications : Jeanne Doin, OJilon Redon {Mercure le France. I'' juillet 1914), p. 18, — et AndrÉ
Mellerio, La Lithographie originale en couleurs, p. 25 et 26.
(3) A. M.. El. s. R.. p. 2! et 22.
— 126 —
^^
Tète cl'exp*ession (Dessin).
127 —
obéissant aux plus subtiles impressions de la sensibilité. Il faut que le
temps où j ai vécu ait été bien préoccupé d'imitation et de naturalisme
directs, pour que ce procédé n'ait pas captivé plus souvent les esprits
inventifs de fiction et tenté de les conduire à déployer les richesses
suggestives qu il réserve. Il provoque et fait apparaître l'inattendu. —
Je parle ici du papier dit report bien plus que de la pierre (1). » Et sur
ce dernier point, il insistait : " Tout l'avenir de la lithographie (s'il y
en a) gît dans les ressources encore à découvrir du papier, qui transmet
si parfaitement sur la pierre les plus fines et mobiles inflexions de
l'esprit (2). »
Néanmoins, dans les conversations que nous eûmes plus d'une
fois avec 1 artiste, relativement à la Lithographie, — qui nous a toujours
personnellement intéressé, et pour laquelle nous éprouvons de la pré-
dilection, — il nous confiait, qu'à son sentiment, on devait redouter
un écueil prochain. Les vieux praticiens disparaissaient, et l'on ne
voyait plus de jeunes se former. Aussi, tenant compte de l'importance
du tireur, précédemment exposée, Redon estimait que les artistes
futurs qui voudraient reprendre le procédé, rencontreraient certai-
nement de ce chef, un sérieux obstacle à la réalisation matérielle de
leurs œuvres en belles épreuves.
LES DESSINS : FUSAIN, PLUME, CRAYON, etc.
Redon a beaucoup et passionnément dessiné.
Avant tout doit-on mentionner son emploi fréquent du fusain,
grâce auquel, d'ailleurs, il commença de se révéler vraiment. C'est par
lui « qu'il connut la joie des premiers enfantements où se cherchait et
se mûrissait sa personnelle originalité (3). >' Il le dit : « Vers 1875, tout
m arriva sous le crayon, sous le fusain, cette poudre volatile, impal-
pable, fugitive sous la main. Et c'est alors que ce moyen, parce qu'il
m exprimait mieux, me resta. Cette matière quelconque, qui n'a
(1) Od. R., a s. m., p. 124.
(2) Od. R., a s. m., p. 125.
(3) A. M.. Gaz. da^ B.-A.. p. 150.
— 128
aucune beauté en soi, facilitait bien mes recherches du clair-obscur
et de l'invisible (I). »
Ainsi que
nous avons eu
1 occasion déjà de
1 écrire : " ... les
fusains de Redon
sont réellement
uniques. Ils ont
un aspect lointain
et mystérieux qui
suggère l'infîni. La
matière semble
disparaître, ou
plutôt elle s'incor-
pore intimement à
1 inspiration pour
former une vision
intense. Cette
supériorité ne sera
jamais mieux saisie
qu'en mettant côte
à côte les œuvres dv
l'artiste et celles des
fusinistes les plus
en renom. Pour ob-
tenir un tel résultat,
il faut posséder une
forte émotion intuitive des êtres et des choses, l'exprimer largement et par
grandes masses de clair-obscur, où passent parfois de très soujjles nuancc-
ments... (2) " Certes ■ " du simple fusain il a fait un évoquement grandiose,
avec du blanc et du noir, il a créé vraiment de l'ombre et de la lumière (3).»
Pégase blanc ( Peinture j.
(1) Un. lOd. R. à Edm. P.. 13 juin 1894.
(2) A. M., Et. s. R.. p. 19.
(3) A. M., Préf. d'Exp. d'Od. R.. 1894.
129
Cependant, pour atteindre un tel but que de difficultés à vaincre !
« C'est une matière mal vue chez les artistes, et négligée. Que je le dise
pourtant, le fusain ne permet pas d'être plaisant : il est grave. On ne peut
tirer bon parti de lui qu'avec le sentiment même. Tout ce qui ne suggère
rien à l'esprit ne vaut rien qui vaille avec le charbon. Il est sur la lisière
de quelque chose de désagréable, de laid. Je vous le dis, c est la matière
qui supporte le moins la négligence du déshabillé, rien n est à tirer d elle
seule. Il lui faut la tenue, elle a besoin plus que toutes les autres d'être
élevée à la dignité d'expression. Elle exige de l'artiste qui l'emploie,
à la minute heureuse où l'agent passionnel fournit une égale dose de
clairvoyance et de logique, un tact, un goût minutieux toujours en éveil
et présent (1). "
Certainement, en énonçant tant d'obstacles divers, Redon a dé-
montré indirectement et sans y prendre garde toute sa maîtrise, puisqu'il
en a su triompher. Les fusains formaient la base d ensemble des deux
premières expositions que l'artiste présenta à la Vie Moderne en 1881 et
au Gaulois en 1882. Outre la constatation faite alors de la savoureuse
puissance de leur clair -obscur, venait s'ajouter encore cette juste
remarque : " ...Un dessin impeccable qui contraint 1 œil à accepter les
déformations les plus bizarres des êtres réels et l'on conçoit ce que de
pareilles œuvres peuvent susciter d'admiration (2). »
De l'inspiration de ces fusains nous n'avons rien à dire qui la diffé-
rencie de celle des lithographies, dont ils furent d'ailleurs « les pro-
dromes, souvent même la source initiale (3) ". Tantôt la nature avec ses
grands ciels et ses horizons vastes, forme le décor de fond. Tantôt
ce sont des structures monumentales, tout ensemble fantastiques et
précises. A ce dernier effet contribuèrent les travaux de géométrie et de
dessins linéaires que Redon, encore jeune homme, avait dû effectuer
dans un but bien différent. C'est que : » rien n est perdu d une étude...
celles que je fis comme aspirant architecte des projections des ombres
qu'un professeur éclairé me fit faire avec une attention méticuleuse,
appuyant l'abstraction de la théorie et des démonstrations sur des corps
(1) L'M. d'Od. R. à Edm. p., 15 juin 1894.
(2) Em. Hennequin, jam cit.
(3) A. M.. Et. s. R.. p. 19.
— 130
-T
'■■i
^;v(jj|jï<jjg|5jj_.
tangibles, et me proposant, dans les problèmes à résoudre, des cas
spéciaux d'ombres projetées sur des sphères ou autres solides. Cela
m a servi plus tard : j'ai plus aisément rapproché l'invraisemble du
vraisemblable, et j'ai pu donner de la logique visuelle aux éléments ima-
ginaires que j'entrevoyais (1). »
Et sur ces fonds, qu'il s'agisse de nature ou d'architecture, c'est
— fusains et lithographies, un pareil monde multiple et divers, les mêmes
formes étranges, jailhes pour ainsi dire du néant et appelées à la vie
par la puissance d'un démiurge créateur...
En ce qui concerne le côté purement technique, quelques remarques
doivent être retenues : " Redon emploie un papier tantôt bleuâtre,
tantôt et le plus souvent jauni. Par un fixatif, mixture à lui particulière,
il donne à ses dessins un fondu général comme doré sourdement, équi-
valant à cette patine d'ensemble que prennent au vieillissement les
peintures de Rembrandt (2). "
On a voulu parfois comparer Redon à deux artistes avec lesquels
nous n estimons point qu'on puisse lui établir d'affinités véri-
tables. « Malgré qu'on en ait dit..., et bien qu'un album lithogra-
phique soit dédié à Goya, il semble que ce soit un simple hommage
plutôt qu un rapprochement effectif. Les tendances satiriques dans
l'ordre politique et religieux, le côté réaliste et brutal du grand Espa-
gnol n'ont, au fond, guère de rapport avec l'œuvre de notre artiste.
Dans un autre ordre d'idées, il ne serait pas plus loisible d'établir
comparaison avec un dessinateur plus moderne, Gustave Doré. De celui-
ci les effets moyenâgeux souvent d'un |:)ittoresque indéniaf)le, la verve
très abondante mais j^arfois se répétant, ne sauraient être mis en parallèle
avec le tempérament moins exubérant et plus profond de Redon (3)... >'
Notons que l'artiste eut toujours la haute estime du dessin. En même
temps qu'il regrettait que l'estampe ne fût généralement point mise à sa
juste valeur, il ajoutait : » Le crayon n'est guère plus apprécié. Il y a
au Louvre, dans les galeries des dessins, une somme d art bien plus
grande et plus pure que dans les galeries de peinture : on y va peu ;
(I)Od
. R.
. A S.
M..
P-
22.
(2) A.
M.,
El. s.
R;
P-
19.
(3) A.
M.,
Et. s.
R;
P-
37.
— 131 -
on visite préférablement les tableaux. C'est que le plaisir est là. Voilà
le clair indice de I analogue indifïérence qui accueillera toujours en
France l'œuvre de l'artiste qui se complaît dans l'austérité du noir ())...«
Non seulement c'est un œuvre abondant au fusain que Redon
a laissé, mais encore de " nombreux croquis, certains très poussés, à
la plume, au crayon noir, à la mine de plomb, à la sanguine. L'artiste ne
pouvait manquer de s'attacher profondément au dessin, ce pain des
forts, SI l'on nous permet de dire. Il savait par expérience tout ce qu'on y
met d impression directe, de vision analytique, aussi d'expression
spontanée (2). «
Cette partie presque entièrement ignorée de sa production n'a
commencé à être révélée vraiment que depuis sa mort, lorsque des
spécimens sont entrés, les uns dans l'asile stable des grands Musées,
les autres en des collections particulières. Et la raison de cette non-
connaissance antérieure provient de ce que " c'était pour lui un véri-
table répertoire où il allait puiser les éléments de ses compositions
importantes. Aussi, de son vivant, déroba-t-il jalousement ce trésor
précieux à la curiosité de son entourage même le plus fidèle, tant
il craignait de s attirer l'obsession d'un amateur trop passionné à le
vouloir acquérir (3). "
LA PEINTURE DE REDON
Nous aurons à envisager sous cette désignation générale : la peinture
proprement dite et les pastels — puis les œuvres décoratives.
^ I. Peinture et Pastels.
" ... Redon fut peintre aussi. — En ce domaine de son art, où il
affirme également une personnalité marquée, deux périodes distinctes
doivent être considérées (4). « Elles sont nettement séparées l'une de l'autre
(1) Od. R.
, A S. M., p.
120.
(2) A. M.,
Gaz. des B.-A.,
p. 151.
(3) A. M..
Gaz. des B.-A..
p. 131.
(3) A. M.,
Gaz. des B.-A.,
p. 151.
132
par le long intervalle d années, où l'artiste se consacra presque uni-
quement au blanc et noir, surtout lithographique. Mais de plus elles
apparaissent différentes d'inspiration, d'aspect et de métier. La première
commence aux essais de jeunesse, et se prolonge encore un peu après la
guerre de 1870. La seconde, par contre, est afférente à la dernière
époque d existence, lorsque l'âge mûr était déjà fini. On peut en dater
les prodromes caractérisés aux environs de 1900. Elle se poursuivra
sans interruption jusqu'à la fin de la vie de Redon.
Au début, l'influence certainement ressentie est celle du roman-
tisme, surtout émanant de Delacroix. Quoi d'étonnant d'ailleurs? Si
originale que soit nativement une personnalité, il lui faut encore, en ses
œuvres naissantes, se chercher par tâtonnement, en un mot s'orienter.
Elle subira fatalement l'effet de ses curiosités et de ses admirations,
qui souvent sont révélatrices déjà de ses tendances profondes bien que
confusément inconscientes. Les attirances éprouvées alors aideront par
degrés l'artiste à s'éclairer sur ses facultés, jusqu au jour où, pleinement
dégagé, il pourra voler de ses propres ailes.
Or, sans doute, l'homme vers qui Redon, à ses premiers com-
mencements, se sentait entraîné, auquel il devait s'attacher, et cela
presque nécessairement : c'était bien Delacroix, il avait contemplé
ses œuvres, et les admirait avec une émotion passionnée. Même,
cherchant à pénétrer plus intimement leur esprit et leur métier, il
en faisait des copies. Témoin celle peinte d'après une Chasse au
lion du Musée de Bordeaux, toile superbe du grand romantique, et
qui, dans un incendie, fut malheureusement détruite. De cette première
période on peut citer comme typique : Roland, toile originale du jeune
artiste, laquelle figura à l'exposition du Salon Bordelais en 1870. Certes
l'influence se constate, mais pourtant Redon n'est point servilement
impressionné par Delacroix. Comme nous l'avons dit au sujet de
ses premières gravures avec Bresdin, si l'élève respecte ses maîtres et
les aime, il n'est point annihilé dans leur orbe puissant, et fait preuve
déjà de qualités personnelles, comme de recherches indépendantes.
A cette époque, un critique d'art se montrait perspicace, lorsqu'il
écrivait : « Le Roland de M. Redon avec sa couleur sombre voulue, et
qui ne messied point trop, du reste, à ce sujet qui doit avoir dans l'inten-
tion bien évidente de l'artiste et l'intérêt de l'histoire et la saveur de la
— 133 —
légende — a dans ses proportions exiguës une grande et belle allure
qui plaît... petit tableau, fort original... (I) » Cette appréciation favo-
rable est d'autant plus intéressante qu'elle indique bien les visées
voulues de l'artiste, en même temps qu'elle reconnaît sa personnalité
comme déjà apparente.
Mais à côté de sujets de même ordre, Redon prenait plaisir, et
nous retrouvons là son penchant profond pour la nature, à s'adonner au
paysage. Après la guerre de 1870, il y revint même assez fréquemment :
" ...Vers 1865... j avais un ami qui m'initiait, en théorie et par 1 exemple,
à toutes les sensualités de la palette. Il fut pour moi comme le pôle
opposé; de là des discussions sans fin. Nous faisions ensemble du
paysage où je m'efforçais cependant à la représentation du ton réel.
J'ai réussi des études à ce moment-là qui sont sans aucun doute de la
peinture, incontestablement (2). " Puis encore : " J'ai fait comme les
autres... des fonds de boîtes en Bretagne ou à Barbizon (3). » Si quelque
influence se démêle dans le choix de valeurs fines, le métier simple et
sobre, la recherche du sentiment poétique, c est évidemment celle de
Corot, surtout en ses toiles d'Italie. D'ailleurs Redon connut person-
nellement le Maître paysagiste et, sans être son élève direct, reçut de
lui au moins quelques conseils.
Cependant, là encore, pour peu qu'on y regarde assez près, l'origi-
nalité se fait sentir. Dans les œuvres de cette époque qui nous sont
connues : « L'artiste montre déjà cette tendance, plus tard consciente
et pleinement développée, à rechercher dans le spectacle offert
à ses yeux, moins l'objet d'une reproduction directe et précise,
que matière à épancher ses sentiments intérieurs et sa libre fantaisie
créatrice (4). » De la nature ce qu'il voudrait rendre avant tout, ce n est
point ce qu'elle dit expressément, mais bien plutôt ce qu'elle peut
laisser deviner de son mystère intime et profond. Seuls les grands
intuitifs perspicaces, attentifs à soulever le voile jaloux des apparences
arrivent à en pénétrer l'essence même.
(1) Félix LÉai., Salon Bordelais, 19'-' Exposition de la Société des Amis des Arts, IV, La Gironde.
14 mai 1870.
(2) Od. R., a s. m., p. 25.
(3) Letl. d'Od. R. à Edm. p., 15 juin 1894.
(4) A. M., Gaz. des B.-.i.. p. 151.
134
ffAl^l',
, .' ' r^W. IP^ ' '"^' if" .^. '^
•/^'^!>rrr...^V/JSi&^
im^ï^rp'^?^^ .,
Étuae po.r "Roger e. Angélique" (Dc^m ù /Wrc Je Chine).
Or "...toute cette première production picturale fut par Redon
tenue secrètement réservée, amsi que nous l'avons vu agir à 1 égard de
ses dessms (!) ». Et cela, pour les mêmes raisons : " Aussi estimons-nous
qu'il y a là des parties de son œuvre qui réclameront un examen attentif
et approfondi (2). >' Il fut loisible de le commencer, lors de quelques
expositions faites récemment...
Nous en venons à l'autre courant de sa peinture : " Cette seconde
période, très différente, est beaucoup plus connue. C'est elle qui pendant
les dernières années de l'artiste, suscita chez un public nombreux plus
que de la sympathie, presque un engouement, d'ailleurs très justifié.
Cette production correspond à l'époque enfin rassérénée de sa vie
quand on constata chez lui, au lieu de la normale lassitude de 1 âge,
une jouvence de la sensibilité, en même temps que de la vision (3). »
De cet état à la fois moral et physique « nous trouvons le témoi-
gnage expressif dans une peinture et des pastels rayonnant de clarté
et d'opulent coloris. Or, choix bien corrélatif, ce qu'il représente, ce
sont des sujets de grâce et d'élégance, tout ce qui est jeune, séduisant,
empreint de fraîcheur et de charme : la femme, 1 enfant et les fleurs.
« Rappelons les portraits de : M""' Bouger, A. de La Rochefoucauld,
de Gonet, Fayet, de Cystria, Odilon Redon ; M' " Simone et Yseult
Fayet, de Gonet, M"' H..., nièce de M. Kapferer ; d'autres encore.
Aussi, dans leur prime éclat de vie : Marcel Mellerio, Jacques Mithouard,
le jeune Bernheim, etc. (4). "
Quant aux fleurs, qu'il eut toujours en amour et admiration,
il pouvait à loisir, dans son jardin de Bièvres, contempler leur grâce ingé-
nue et les suivre en leur développement. Elles se revêtaient à ses yeux
qu'elles charmaient d'une énigme aussi étrange et profonde que le
visage humain — mais ne vivent-elles pas aussi ? Et « ce sont de rouges
géraniums, des mimosas d'or, des anémones mauves ou d'un violet pour-
pre, parfois même des germinations entièrement féeriques. Toute cette
flore se dispose en gerbes épanouies, d'où l'élancement des tiges vient
aboutir au bouquet d'artifice savamment irradié des corolles éblouis-
(1) A. M.,
Gaz. des B.-A..
P-
131.
(2) A. M.,
Gaz. des B.-A.,
, P-
151.
(3) A. M..
Gaz. des B.-A..
P-
132.
(4) A. M.,
, Gaz. des B.-A..
P-
152.
— 136 —
Coltrcllon dr GonrI.
QUADRIGE
(Pastel)
santés. Mais que l'on veuille bien y regarder de près, et sous l'aspect
objectivement rendu, on retrouvera toujours — c'est la marque iné-
luctable de Redon, un " je ne sais quoi " de subtil, mystérieux reflet de
l'âme même des êtres et des choses (1) ".
Cependant il s évadera plus loin encore, en un pays entièrement
de rêve : « ...L'évocation d'une irréelle et prestigieuse mythologie oij
dominent les Pégases aux allures nobles et fières, soudain cabrés comme
pour un essor. Maintes fois aussi l'artiste s'est complu dans l'aventure
de Phaéton, imprudent conducteur des coursiers du soleil qui l'em-
portent follement à travers l'espace empourpré d'aurore (2). "
Ne faut-il point rappeler ici qu'envers le cheval, Redon, qui le
pratiqua de fait et passionnément dans sa jeunesse, éprouvait et conserva
toujours comme artiste, une attirance mêlée de curiosité et d'admiration.
C est que, dans » la plus noble conquête que l'homme ait jamais faite »
selon 1 expression enthousiaste d'un naturaliste qui fut également
grand littérateur (3) — semblent s'être condensées, en des muscles
vigoureux aux mouvements agiles et élégants, toutes les forces les plus
souples de la vie. Au cours du mois d'août 1914, malgré les terribles
préoccupations de l'heure guerrière, l'artiste s'intéressait encore à
dessiner des groupes de cavaliers campés momentanément dans le village
de Bièvres.
De toute cette période abondante en belles peintures, les carac-
téristiques de l'apport particulier dû à Redon, les effets cherchés et les
heureuses réussites, entrevus fragmentairement jadis à des expositions
diverses, apparaissaient pleinement dans l'ensemble, — posthume, hélas!
qu'on put réunir aux Galeries Barbazanges, en 1920. Pour une partie du
public ce fut certainement une véritable révélation. Mais ceux-là même
qui connaissaient déjà les œuvres, trouvèrent un enseignement d études
ainsi qu'un surcroît d'admiration vérifiée, devant cette fécondité écla-
tante et variée.
(1) A. M., Gaz. des B.-A., p. 152. En ce qui concerne la fleur chez Redon, consulter
notamment : AndrÉ Salmon, OJilon Redon (L'Arl décoratif, janvier 1913). — ArsÈNK ALEXANDRE.
Floralies (Comœdia, \" novembre 1913). — JeaNNE Doin, Odilon Redon (Mercure de France.
1"^ juillet 1914, p. 19 et suiv.).
(2) A. M, Gaz. des B.-A., p. 153.
(3) Buffon.
137 —
Que SI, et c est une juste et légitime préoccupation, on s'intéresse
au métier d un artiste dont bien des peintres actuels considèrent inter-
rogativement la production, nous donnerons, à titre curieux, un ren-
seignement susceptible de paraître instructif. C'est une indication,
d ailleurs de date assez ancienne, que nous avons recueillie en marge
d'un cahier manuscrit de Redon, perdue qu'elle se trouvait au milieu
de notations très diverses. Peut-être lavait-il seulement copiée pour
mémoire ?
« Une bonne palette.
" Blanc de plomb.
« Jaune Mars.
« Ocre jaune.
« Ocre de... (I), terre d'Italie naturelle.
« Jaune antimoine.
« Orangé Mars.
" Sienne brûlée.
« Rose Mars.
« Ocre rouge.
« Laque fine.
« Violet Mars.
'< Violet de cobalt (2).
« Bleu d'outremer.
'< Vert émeraude.
'< Terre verte.
« Terre d'ombre naturelle.
« Noir de pêche.
" Jaune de Naples et vermillon, sans mélange aucun de blanc
de plomb (3) ».
Ne devons-nous pas — puisque nous sommes ici en examen de
questions techniques, signaler le probe souci, digne des vieux maîtres
d autrefois, qu'avait Redon, de n'employer : couleurs à l'huile ou à
(1) Mot Illisible.
(2) Celte couleur a été raturée dans l'original.
(3) A la suite de cette dernière mention, Redon avait rajouté au crayon : " Se servir du
blanc de zinc ».
- 138 -
ci Y
r
S
4
Coll. de M"" Rtdo
Études de chevaux (Dessin à la mine de plomb).
139
leau, et pastel également, pour ses œuvres que des matériaux de
premier choix. Il ne regardait jamais à la difficulté de se les procurer,
non plus qu'au prix élevé qui en résultait. Tel est le respect qu'un
artiste vrai aura toujours pour ses œuvres, quand il y a mis toute son
âme et son talent, afin de leur assurer le maximum de perfection
matérielle, et aussi cette durée qu'il souhaiterait assurée à jamais. Or
Redon sous ce rapport, ne voulait se fier qu'à l'expérimentation.
C'est pourquoi, dans son atelier de Bièvres, tout isolé au fond du
jardin, il étalait sur du papier ou sur des toiles, les éléments colorés,
puis il les exposait longuement au soleil d'été. Et ce n était qu après
la certitude entière de leur pleine solidité, qu'il les employait. Car
il savait combien l'altération d'un ton risquait de détruire, dans
l'avenir, toute harmonie d'ensemble savamment dosée et synthétique-
ment établie.
Nous n'avons, à l'égard des pastels, point d'autres considérations
à développer que pour la peinture. Ce sont sujets semblables : » Même
inspiration et pareille facture, avec plus de vivante fraîcheur encore
SI possible, tenant à la pureté de la matière employée que n alourdit aucun
véhicule étranger destiné à la fixer... (I) »
§ II. Œuvres décoratives.
Nous indiquons à part les œuvres réalisées par 1 artiste dans le
domaine spécial de la décoration.
" Redon a fait quelques ensembles décoratifs. D'abord une chapelle
à Arras, qu'il achevait lorsqu'éclata la guerre de 1870. Ensuite, pen-
dant sa dernière période, toute une pièce avec fîeurs et figures allé-
goriques au Château de Domecy, à Sermizelles (Yonne), en 1900;
une loge dans le salon de M"' Chausson, à Pans (2) ; la décoration de
la bibliothèque de l'ancienne abbaye de Fontfroide, dans le Midi,
(1) A. M.. Gaz. des B.-A., p. 153.
(2) Dans une paroi de cette vaste pièce consacrée à la musique, souvre la petite loggia en
retrait, comprenant un large panneau de fond, et deux autres plus étroits sur les côtés. Les motifs
ornementaux se composent d'une végétation fleurie, mi-réelle et mi-partie idéalisée, dans le même
esprit que celui où Redon exécuta plusieurs de ses œuvres de chevalet. On peut considérer cet
ensemble comme caractéristique de la conception décorative de I artiste.
— 140 —
devenue la propriété de M. Fayet. Ajoutons des paravents pour
M. Sainsère, M""" de Cystria, prince Bibesco, etc.. (1) '
Mais « une mention particulière est due à rameublement entier :
fauteuils, chaises et écrans, commandé et exécuté par les Gobelins.
Avec une fantaisie toute moderne de création, Redon sut néanmoins
observer ce principe fondamental, trop souvent oublié ou négligé de
nos jours, que décorer un objet c'est l'embellir en respectant sa desti-
nation utilitaire, et sans surcharge alourdissante. De plus, se gardant
également des séductions matérielles qu'ont apportées les découvertes
de la chimie dans la teinture mille fois nuancée des lames et des soies,
il a conservé à la tapisserie son caractère à la fois solide et souple de
trame tissée, sans viser au trompe- l'œil, rival de la peinture de
chevalet (2) ".
Il existe également de l'artiste quelques beaux cartons, notamment
pour des tapis, mais qui n'ont pas encore été exécutés.
(1) A. M.. Gaz. des B.-A.. p. 153.
(2) A. M., Gaz. Jss B.-A.. p. 154.
141
142
III
L'ART DE REDON
Nous avons montré en sa genèse la formation artistique de Redon,
comme aussi les mflucnces qui ont pu agir sur sa personnalité. Nous nous
sommes ensuite livré à une analyse détaillée des diverses parties de son
œuvre. C'est maintenant seulement que nous pouvons tenter un essai
de synthèse. Quel est dans son essence même l'art de Redon, quelles
en sont les caractéristiques, quel est enfin le but poursuivi? Et comme
corollaire, nous chercherons à définir les émotions ressenties au contact
de son inspiration, ainsi que la nature de l'admiration qu'on en peut
éprouver.
L art de Redon : " Cette seule dénomination éveille tout un monde !
— Dès le premier choc on est désorienté, emporté, aussi comme hypno-
tisé. C'est qu'on ne trouve pas là les ressources d'un talent plus ou moins
expressif, mais bien la singularité complète, l'étrangeté bouleversante
du non-vu, sorte de rafale formée on ne sait où ni comment, et nous
courbant sur son passage, qu'on le veuille ou qu on lui résiste. Cette
émotion spontanée, tous la ressentent et s'en rendent compte. Les uns
la proclament laudativement, admirant la main qui terrasse, tandis que
les autres protestent, se rebellent même contre cette destruction de
leurs habitudes courantes. En sorte que par leur indignation et leurs
critiques les plus emportées, ils rendent encore un involontaire témoi-
gnage au tempérament de 1 artiste.
" Que si l'on veut aller plus loin que cette prime impression, puis-
sante mais vague... ce travail que peu d'ennemis, ou même d'amis de
l'œuvre ne tentent d'ordinaire, demeure cependant indispensable pour
en posséder la compréhension, Odilon Redon n'est point facile à pénétrer
en ses replis secrets. Il faut à cet effet apporter un esprit sérieux de
143
recherche, en même temps qu'une âme capable d'éprouver, au moins
à quelque degré, le frisson qu'a subi l'artiste. Nous ajouterons une
contemplation suffisamment longue et réfléchie de l'œuvre... (I) »
Avant tout, quel but s'est proposé l'artiste, instinctivement d'abord,
puis à mesure de son avance dans la vie et de son mûrissement intellec-
tuel, avec une clairvoyance consciente et des moyens perfectionnés,
sans cesse plus adéquats? Nous avons de lui-même sur ce sujet des
déclarations multiples et explicites, de nature à nous éclairer.
" J'ai fait un art selon moi seul. Je l'ai fait avec les yeux ouverts sur
les merveilles du monde visible, et quoi qu on en ait pu dire, avec le souci
constant d'obéir aux lois du naturel et de la vie. — Je l'ai fait aussi avec
l'amour de quelques maîtres qui m'ont induit au culte de la beauté...
Je croîs avoir cédé docilement aux lois secrètes qui m'ont conduit à
façonner tant bien que mal, comme j'ai pu et selon mon rêve, des choses
où je me suis mis tout entier (2). » — « ...Laissez-moi vous dire... que nulle
forme plastique, j entends perçue objectivement, pour elle-même, sous
les lois de l'ombre et de la lumière, par les moyens conventionnels du
modelé, ne saurait être trouvée en mes ouvrages. Tout au plus ai-je
tenté souvent, au début, et parce qu'il faut autant que possible tout
savoir, de reproduire ainsi les objets visibles selon ce mode d'art de
l'optique ancienne... Mais je vous le dis aujourd'hui, en toute maturité
consciente, et j y insiste, tout mon art est limité aux seules ressources
du clair-obscur et il doit aussi beaucoup aux effets de la ligne abstraite...
agissant directement sur l'esprit. L'art suggestif ne peut rien fournir ]/
sans recourir uniquement aux jeux mystérieux des ombres et du rythme
des lignes mentalement conçues (3) ».
Mais VOICI une définition plus développée encore et dont il faut peser,
pour ainsi dire, chaque terme : " L'art suggestif est comme une irradiation
des choses pour le rêve où s'achemine aussi la pensée... Disons... qu'il
est croissance, évolution de l'art pour le suprême essor de notre propre
vie, son expansion, son plus haut point d'appui ou de maintien moral
par nécessaire exaltation. — Cet art suggestif est tout entier dans l'art
(1) A. M., El. .. R.. p. 5.
(2) Od. R.. a s. m., p. 11.
(3) Od. r.. a s. m., p. 26.
— 144
excitateur de la musique, plus librement, radieusement ; mais il
est aussi le mien par une combmaison de divers éléments rapprochés,
de formes transposées ou transformées, sans aucun rapport avec les
contmgences (1) ». A cet égard rappelons un trait caractéristique :
Tête de jeune Fille.
" ... La musique, Redon l'a toujours et passionnément goûtée... à tel
pomt que, venant à Pans, il se qualifia : Peintre symphonique. Entendant
de la sorte, non qu'il cherchait par la plastique à évoquer la sonorité,
mais bien que ses œuvres, en une compréhension plus large et profonde
(1) Od, R., a s. m. p. 27.
145
des contingences, tendaient à exprimer, telle la musique, le monde des
sentiments indéfinis et grandioses (1) ».
C'est l'imprévue en même temps qu extraordinaire audace du but
que se proposait Redon, qui certainement a dérouté beaucoup des esprits
prétendant à juger son œuvre : ' Toutes les erreurs de la critique
commises à mon égard, à mes débuts, furent qu elle ne vit pas qu'il ne
fallait rien définir, rien comprendre, rien limiter, rien préciser, parce
que tout ce qui est sincèrement et docilement nouveau — comme
le beau d'ailleurs — porte sa signification en soi-même... Mes dessins --^
inspirent et ne se définissent pas. Ils ne déterminent rien. Ils nous
placent... dans le monde ambigu de l'indéterminé. — Ils sont une sorte
de métaphore, a dit Remy de Gourmont, en les situant à part, loin de
tout art géométrique. Il y voit une logique Imaginative. Je crois que cet
écrivain a dit en quelques lignes plus que tout ce qui fut écrit
autrefois sur mes premiers travaux (2) ».
Et comment va procéder l'artiste : " Imaginez des arabesques ou
méandres variés se déroulant, non sur un plan, mais dans l'espace, avec
tout ce que fourniront pour l'esprit les marges profondes et indéter-
minées du ciel; imaginez le jeu de leurs lignes projetées et combinées
avec les éléments les plus divers, y compris celui d'un visage humain ;
SI ce visage a les particularités de celui que nous apercevons quoti-
diennement dans la rue, avec sa vérité fortuite immédiate toute réelle,
vous aurez, là, la combinaison de beaucoup de mes dessins.
Ils sont donc, sans autre explication qui ne se peut guère plus pré-
cise, la répercussion d'une expression humaine, placée, par fantaisie
permise, dans un jeu d'arabesque, où, je croîs bien, l'action qui en déri-
vera dans l'esprit du spectateur l'incitera à des fictions dont les signi-
fications seront grandes ou petites, selon sa sensibilité, et selon son
aptitude Imaginative à tout agrandir ou à tout rapetisser (3) ».
Cependant la nature a des lois essentielles et primordiales, qu on ne
saurait transgresser. Redon qui les connaît, en formule ainsi ce qu'elles
ont d'impératif et d'imprescriptible : " ... Tout dérive de la vie univer-
(1) A. M., El. s. R.. p. 23 et 26.
(2) Od. R.. a s. m., p. 28.
(3) Od. r., a s. m., p. 28.
146
— 147
selle : un peintre qui ne dessinerait pas verticalement une muraille,
dessinerait mal, parce qu'il détournerait l'esprit de l'idée de stabilité.
Celui qui ne ferait pas l'eau horizontale ferait de même (pour ne
citer que des phénomènes très simples). Mais il y a dans la nature
végétale, par exemple, des tendances secrètes et normales de la vie
qu'un paysagiste sensitif ne saurait méconnaître : un tronc d arbre,
avec son caractère de force, lance ses rameaux selon des lois d'expansion
et selon sa sève, qu'un artiste véritable doit sentir et représenter.
« Il en est de même de la vie animale ou humaine. Nous ne pouvons
pas bouger la main sans que tout notre être ne se déplace, par obéis-
sance aux lois de la pesanteur. Un dessinateur sait cela. Je croîs avoir
obéi à ces intuitives indications de l'instinct dans la création de certains
monstres (1) ».
Et ceci nous amène à la conception que Redon se fait de la
manière de dessiner, tout au moins en ce qui concerne son personnel
usage : '< il y a un mode de dessin que l'imagination a libéré du souci
embarrassant des particularités réelles, pour ne servir, avec liberté,
qu à la représentation des choses conçues. J'ai fait quelques fantaisies
avec la tige d une fleur, ou la face humaine, ou bien encore avec des
éléments dérivés des ossatures, lesquels, je crois, sont dessinés,
construits et bâtis comme il fallait qu'ils le fussent. Ils le sont parce
qu ils ont un organisme. Toutes les fois qu'une figure humaine ne peut
donner l'illusion qu'elle va, pour ainsi dire, sortir du cadre pour marcher,
agir ou penser, le dessin vraiment moderne n'y est pas. On ne peut
m enlever le mérite de donner l'illusion de la vie à mes créations les
plus irréelles. Toute mon originalité consiste donc à faire vivre humai-
nement des êtres invraisemblables selon les lois du vraisemblable, en
mettant, autant que possible, la logique du visible au service de l'invi-
sible (2) ...
Mais n'existe-t-il pas un prototype d'une telle façon d'agir,
au moins pour l'entière liberté de l'imagination? Il semble bien que nous
le rencontrions, soit provenant du sommeil véritable, ou bien comme
état de veille méditatif et absorbant, dans ce qu'on appelle d'un nom
148
(1) Od.
R.,
A
S.
M..
p-
29.
(2) Od.
R.
A
S.
M.,
p-
29.
.^
LES PAVOTS NOIRS
générique : le rêve. Et de celui-ci, notre artiste se réclame d'ailleurs
expressément. Dès sa prime enfance, il y était initié déjà, d'une façon
particulièrement évocatrice : " Mon père me disait souvent : " Vois
« ces nuages, y discernes-tu, comme moi, des formes changeantes? »
Et il me montrait alors dans le ciel muable, des apparitions d'êtres
bizarres, chimériques et merveilleux (I). » Puis, lors de ses essais litté-
raires, presque tous restés en manuscrit, Redon ne choisit-il point ce
pseudonyme significatif : // rêve (2) ? C'est enfin le titre de son premier
album lithographique : Dans le Rêve, appellation si justement symbo-
lique, qu'elle pourrait servir d'épigraphe à son œuvre entier.
Nous avons jadis tenté une définition : " Là règne cette apparente
incohérence, constituant la logique particulière de l'état de sommeil,
où le mécanisme de l'association des idées fonctionne en toute indépen-
dance, sans le contrôle régulateur qui, pendant la veille, apprécie,
élimine et coordonne. Alors 1 imagination vertiginée évoque, combien
rapidement et avec quelle incroyable fécondité, les aspects les plus inat-
tendus et les plus divers. Des figures multiples, hétéroclites, se ren-
contrent, se séparent, évoluent de façon étrange et contradictoire. Ces
apparitions se silhouettent sur un fond confus où grouillent d'innom-
brables entités pressenties et devinées plutôt qu'entrevues. Parfois
émerge du chaos, selon le hasard, ou par l'effort quasi-automatique de la
volonté, une forme qui vient se mettre en pleine lumière, envahissant
le champ de l'espace, dominatrice et comme obsédante. La liaison attrac-
tive des êtres et des objets entre eux demeure secrète, fondée souvent sur
des analogies si ténues et si lointaines, que l'esprit pour les saisir est
obligé de faire un compliqué travail. Encore cette recherche ne peut-
elle s'effectuer qu'en des méditations ultérieures, car la vélocité fugi-
tive et l'intensité des sensations n'en laissent ni le temps ni la possibilité
durant l'action du Rêve (3) ».
Que si nous contemplons l'œuvre de Redon, et cherchons à nous
(1) Od. R., a s. m., p. 11.
(2) Ajoutons un détail assez piquant. Après 1870. dans le salon de M'""' de Rayssac, où Tartute
fréquentait. quelques personnes amies, connaissant son irrésistible penchant, l'avaient, par plaisanterie
sympathique, qualifié : Le Prince du Rêve. Et si jamais surnom mérite de lui rester, certes c'est bien
celui-là.
(3) A. M., Et. s. R.. p. 10.
— 149 —
en rendre un compte exact, nous pourrons vérifier combien ces carac-
téristiques s'y retrouvent amplement et à un degré élevé : •< C'est comme
un drame successif qui sort des limbes pour fixer curieusement nos yeux
et impressionner fortement notre esprit. En ce travail de 1 artiste, comme
dans le Rêve que nous avons décrit, mêmes prodromes et semblable
évolution. D'abord des noirs profonds s'amoncellent, masse sombre,
trame indéfinie, où demeurent latentes les réserves innombrables des
mirages futurs. Mais, sur ce fond d'horizon, voici que soudain émergent
des êtres. Ils s'organisent fabuleusement et bizarrement sous des clartés
parues au ciel, blanchissements qui traînent en zébrures fulgurantes.
Les formes se multiplient, permanent, s'accentuent. Figures insolites
qui brusquement s'imposent, avec une incroyable netteté, aux regards
qu'elles surprennent et fascinent, sans qu'ils puissent s'en arracher.
Ce sont bien là les sautes rapides, les accouplements, invraisemblables
de pensées lâchées en liberté qui, dépourvues du frein de la raison,
galopent et s'ébrouent en une incessante activité. Des objets, extrê-
mement disparates d'essence, s'appellent et se groupent entre eux.
Les plus légers et imperceptibles points d'un contact accidentel suffisent
à leur aimantation. C'est ainsi qu'une circonférence éveillera l'idée d'un
ballon, qui lui-même suscitera I image d'une face humaine détachée,
s envolant dans l'espace nocturne. Et toute cette étrange ruée se préci-
pite vers l'inconnu en un tourbillon bouleversant (I) ».
Mais Redon n'est point un simple hypnotique, esclave de ses visions.
La haute raison consciente de l'artiste demeure toujours, bien que
secrètement cachée parfois, la souveraine ordonnatrice de cet inextri-
cable chaos. En effet " ... si l'on examine de près ces entités extraordi-
naires, personnifiées et représentées par des apparences plastiques, on
s aperçoit qu elles ne sont point forgées de toutes pièces en leurs plus
intimes éléments. Il y réside — et c'est là un terrain de forte assise,
un fond d observations multiples, de sensations éprouvées au cours de
la réalité... Analysez certaines de ces physionomies si imprévues et
bizarres, vous serez étonné, malgré les transformations subies, de leur
ressemblance avec des visages rencontrés dans l'existence ordinaire.
(I) A. M., El. s. R.. p. 11.
— 150
C est que les plus fantastiques et désordonnées visions du Rêve ont leur
début premier dans des matérialités tangibles à l'état de veille. Telles, les
complexes et innombrables combinaisons du Kaléidoscope rendent pres-
que méconnaissables les fragments simples dont elles sont composées (1) ».
Qu'on veuille bien se remémorer la vie de Redon, et maintes
comparaisons aussi mtéressantes qu'instructives pour la compréhension
vraie de son art, se feront en quelque sorte d'elles-mêmes : "... Dans les
sites où 1 homme a résidé longuement, comme ceux où il a vibré
passagèrement, nous retrouvons les éléments du décor que l'artiste a
dressé. Sous l'aspect dramatisé par l'imagination qui transpose et
magnifie, 1 œuvre conserve... les réalités extérieures observées et expéri-
mentées. Celles-ci... sont facilement vérifiables chez Redon. En ses
noirs vigoureux aussi bien que dans les estampes vaporeusement
lumineuses, réapparaissent les nuits opaques, les brouillards vespéraux
ou les légères brumes matinales que l'artiste contempla avec émotion,
avant de les rendre féeriquement (2). Sur cet horizon parfois se détache
une silhouette, un objet, avec cette importance envahissante et domi-
natrice que prennent dans la nature, aux heures de songerie, un être
humain, quelque arbre isolé, ou même un simple brin d'herbe considéré
de près. Voilà le point initial d'où le rêve prend essor, pour planer à
son gré. Si, dans certains paysages de Redon, surgissent, erratiques et
formidables, des blocs de rochers, ou bien encore de grandioses pans
de montagnes aux arêtes quasi-géométriques (3) », c'est que ses yeux
n oublient point qu'ils ont : " vu le Nord de l'Espagne. Il y a là des rocs
brûlés par le soleil, des sables tristes, des solitudes désolées (4) ».
Combien d'êtres lamentables et de mélancolie profonde, qu'ex-
plique un pays sauvage, se rencontrent parmi la population des
Landes végétant * laide, triste, comprimée entre le fîeuve et la mer..
J'y ai vu des regards en détresse, des souffrances réduites. J'ai entendu
conter des légendes superstitieuses — il y a encore là des sorciers (5) ».
(1) A. M.. Et. s. R.. p. 12.
(2) N"a-t-il point dit de son Médoc natal : L'automne y est toujours superbe. La mer et 1rs
marais v font le ciel et les brouillards féeriques '. Lett. d Od. R., à Edm. P., 1894.
6) A. M.. Et. s. R., p. 24 et 25.
(4) Uti. dOd. R. à Edm. P. 13 juin 1894.
(5) D-.
— 151 —
Qui n évoquerait dans l'œuvre, certaines faces navrées aux yeux
démesurément dilatés par la douleur. — Et si, par contre, le Profil de
lumière vous frappe en l'expression intense de sa silhouette lumineuse,
Redon vous dira qu'en Biscaye "les femmes ont un grand éclat (1) »
Mais, peut-être s'intéressera-t-on à connaître comment l'artiste
travaillait, et quelles phases traversaient son esprit et sa main avant
de parvenir au résultat final.
« A ce propos,
voici, nous paraît-
il, les deux occur-
rences qui se peu-
vent rencontrer.
"Parfois, en proie
à l'attirance vague
mais inéluctable de
s'exprimer exté-
rieurement, 1 ar-
tiste s en vient à
son chevalet. Que
fera-t-il au juste, ii
ne le sait. D une
main incertaine il
crayonne confusé-
ment, dans une
prise de possession
du champ vierge
que lui livre le
subjectile. Pour lui
c'est une satisfac-
tion, un premier
soulagement d'é-
craser le grain du crayon, de voir la matière noire se masser.
Comme si cette simple salissure était le commencement du travail
Coll. M. -A. Leblond.
L'Enfant prédestinée (Peinture).
(1) Leit. d'Od. R. à Edm. P.. 15 juin 1894.
— 152
Collrction Chu
VIERGE D'AURORE
(Sansiiine)
effectif. Puis l'artiste cherche à augmenter l'intensité, la diversité
aussi de ce premier fond ; or, voici que dans cet horizon largement
esquissé apparaît un détail. C'est un rien, peut-être même l'œil est-il
joué, mais il a cru entrevoir... Cependant la main de l'artiste accentue
ce que le regard a pensé percevoir. Bientôt son imagination se prend
et s'échauffe à ce travail, l'évocation se précise et s'amplifie davantage,
maintenant les contours apparaissent. Alors se présentent, successive-
ment sollicités, les trésors de sa mémoire enrichie jadis de visions et
d'observations réelles. Ce sont des sites contemplés, des physionomies
analysées, de simples jeux de lumières notés. Ces éléments, empruntés
directement à la nature matérielle et qui viennent fortifier la première
esquisse, donnent un point d appui. Ainsi se construit graduellement
un tout complet de ces parties diverses, provenues souvent de points
très lointains. L art les enchaîne par une logique qui lui est propre,
les subordonnant entre elles pour produire un effet central.
"Ad autres occasions, le chemin suivi semble avoir été tout diffé-
rent. L'artiste, au hasard de la vie, rencontre une forme dont
l'aspect l'attire et le retient. Son esprit subit, sans pouvoir, dirait-
on, s'en défendre, une invite lancinante et impérieuse à la reproduire.
Lorsqu'il se trouve à son chevalet, il n'éprouve plus la sensation vague
que nous décrivions tout à l'heure. Mais il contemple une vision déter-
minée, dont les traits précis s'éclairent en une silhouette hallucinatrice.
A mesure que cette obsession qui le hante se traduit plastique-
ment, il jouit d'un sentiment croissant de libération. Cependant,
le fait matériel qui éveilla la puissance créatrice de l'artiste ne lui suffit
point. Comme autour d'un centre, il groupe des détails accessoires,
dresse un décor de fond, établit une atmosphère qui agrandit la
scène et la prolonge. Mais tout ce travail aboutira en fin de compte, à
l'unité de l'effet.
'< De sorte que ces deux manières de procéder, opposées en leur
marche d'action, produisent des résultats identiques aussi bien pour
l'inspiration générale que comme aspect. A moins de révélations émanées
de Redon, on ne saurait spécifier quel mode fut employé. Ainsi offrent-ils
chacun la réunion homogène des qualités qui caractérisent I artiste (1) «.
(I) A. M., El. s. R.. p. 12 à 14.
— 153
Mais, dans ce monde indéterminé du rêve si multiplement
diversifié il règne à travers 1 œuvre, deux courants dont la synthèse
forme la trame substantielle de l'inspiration. Pour comprendre le premier,
nous nous souviendrons de
l'impression profonde que
causèrent à Redon les inves-
tigations hardies de la science
au XIX" siècle, quand elle
voulut scruter l'aube même
de la vie. Les Origines,
n est-ce point le titre, à
cet égard bien suggestif, de
l'un de ses plus anciens
albums lithographiques ? A
un haut degré, il éprouva
" ces frissons nouveaux »
ressentis par la génération
d'alors : " et il prétendit
les rendre non en savant
précis... mais en artiste
vibrant. Il ne s'arrêta point
à mesurer les dimensions
exactes, compter les pattes
et les antennes, mais plutôt
il s'efforça de restituer l'émo-
(Planche tirée de l'album L« Oi/s.ncs.) .• f J '„ ' J„
tion proionde émanée de
cette Création puissante. Ne
nous fait-il point entrevoir des formes rudimentaires où s'éveillent les
ébauches d'organes, tressauts de la vie boursouflant la matière inerte,
et cherchant à s en dégager. Ainsi une lave ardente soulève et crevasse
l'écorce terrestre, qui ne peut la maintenir tout en l'oppressant. Appa-
raissent encore... des essais haletants de la primitivité hésitant entre
l'avortement et l'aboutissement. Parfois, il semble que l'artiste n'ait pas
voulu définir davantage que par de brèves lignes schématiques, circon-
férences ou courbes sinueuses, les organismes... non encore formés. Et
tout cela inépuisablement naît, se développe, fait luire sur le fond
■'i"4*.v4Wif«« <
y eut peut-être une vision première essayée dans
la fleur... •• (Lithographie.)
154 —
d ombre de 1 éternel abîme la silhouette accidentelle qui sera leur vie
momentanée (1) ».
Cependant, voulant plus encore '< l'artiste, comme enivré par le
spectacle des époques primordiales, ainsi que du monde microbique,
en est arrivé, parailélisant avec la féconde nature, à créer lui aussi des
monstres (2) ". Et, de manière telle qu'il parvient « à donner aux
apparences purement Imaginatives, dont il peut revendiquer la totale
paternité, une conformation rationnelle, qui fait que si elles ne sont
pas, elles pourraient être. Machines parfaitement agencées, pour
l'action, qu'une étincelle vitale suffirait à mettre en branle et qui fonc-
tionneraient (3) ». C'est ce que Redon indique fort bien : " La pensée
d en créer à ma fantaisie vint bientôt. Il ne s'agissait plus que d'atro-
phier, de réduire ou développer des parts de l'être, à ma guise. Je ne
voudrais pas prononcer le mot " monstres », mais plutôt ceux de fantaisie
humaine sur le clavier de l'ostéologie... (4) »
Et cette dernière définition soulève une question bien intéressante,
celle de la Tératologie. Les tendances de la science moderne sont
actuellement de voir dans les anomalies du type habituel, non une
déviation à un plan préconçu de la nature, mais bien une action normale
des forces agissantes qui, ne rencontrant point les conditions ordinaires
d'ambiance, aboutissent de ce fait à un résultat différent (5).
Toutefois l'artiste, s'il a éprouvé une intense curiosité dans ce
domaine, et même effectué quelques études sous ce rapport, n a jamais
prétendu — et nous y insistons à nouveau, faire de la science pure.
Comme le remarquait excellemment J.-K. Huysmans, il y avait là :
« un nouveau point de départ, presque une issue neuve, elle paraît
(1) A. M., Et. s. R., p. 16.
(2) A. M., Et. s. R.. p. 16.
(3) A. M.. El. s. R., p. 16. — A cet égard, voici une curieuse anecdote que nous tenons
de M""' Odilon Redon :
L'artiste avait adressé en hommage à Pasteur, qu'il ne connaissait point personnellement,
mais pour lequel il professait beaucoup d'admiration, un exemplaire de l'album : Les Origines. Le
grand savant le feuilleta avec curiosité. Or, quelque temps après, comme on lui avait offert une table,
œuvre de Carabin, avec sculptures représentant des êtres fantastiques, il lui arriva de dire : Il aiir.iit
fallu le cravon d'Odilon Redon pour donner la vie à ces monstres.
(4) Lit. d'Od. R. à Edm. P.. 15 Juin 1894.
(5) Voir : .4pp. Note 12
avoir été découverte par le seul peintre qui soit maintenant épris du
fantastique, par M. Odilon Redon (1) ». Néanmoins, par ailleurs, le
subtil critique a commis une erreur vis-à-vis de ces créations, relevant
de la seule imagination, sans recourir, comme il semble le croire, au
secours du microscope. " Non — (ainsi nous 1 affirme Redon), —
j'avais en les faisant, le souci plus important d organiser leur struc-
ture (2).» Ce sont donc les libres conceptions de son esprit que l'artiste
a toujours et uniquement rendues. Telle fut sa fécondité, pour ainsi
dire illimitée et tant caractéristique, qu'elle nous a permis d'avancer
que : " Si l'on affirme littérairement l'existence d'un monde balzacien,
on peut dire que plastiquement fut évoqué un monde redonnesque (3). »
Cependant, il est un autre pôle où confine cet " œuvre grand qui
part des époques primaires pour aboutir au mysticisme suprême (4). »
Et l'auteur lui-même le fait remarquer, lorsqu'il assigne à ses fan-
taisies d'ostéologie « un sens quasi-chrétien pour assise (5). » En effet,
à côté de ces êtres monstrueux, protagonistes, pourrait-on dire, d une
épopée darwinienne ou pasteunenne, rayonnent les apparitions d une
sphère supérieure : « Dans des faces extasiées éclatent les lueurs
d'un rêve divin, des faces de martyrs pour qui le bûcher devient des
roses (6). »
Mais le sentiment « qui chez Redon forme la base continue de tout :
Ignorance, bestialité, perversité, sublimité — c est la souffrance. Il y a
dans telles de ses physionomies un summum d'intensité expressive qui
attire et qui effraie comme un vertige. C'est l'abîme entrevu à travers
la prunelle claire des yeux dilatés. Redon nous a montré la Nature inapte,
ridicule ou terrible, parfois les deux ensemble dans ses premiers essais
rudimentaires. Puis, parvenue au point culminant dans la face humaine
affinée, où frissonne l'âme prête à s'envoler vers un degré supérieur.
Devant une telle compréhension de la misère et de la grandeur de notre
(1) J.-K. HUYSMANS, Certains, Paris, Tresse et Stock, 1889, Le Monstre, p. 150.
(2) Od. R.. a s. m., p. 29.
(3) André Mellerio. Lettre publiée parmi celles émanées de personnalités diverses, et qui
lurent réunies sous le titre général d' ■ Hommage à Redon ». La Vie, numéros des 30 novembre et
7 décembre 1912.
(4) A. M., PréJ. de ÏExp. R., 1894.
(5) Letl. d'Od. R. à Edm. P.. 15 Juin 1894.
(6) A. M., Préj. de l'Exp. R., 1894.
— 156 —
être, involontairement on se reporte à ces Pensées de Pascal, où l'huma-
nité douloureusement analyse cette double face d'elle-même, essayant
de sonder à la fois le mystère de sa basse origine et celui de sa haute
destinée (1). »
Aussi combien juste apparaît ce jugement bref, mais si plein
de compréhension, porté par un admirateur de Redon : « La grandeur
dans 1 effroi, la tristesse, voilà les trois sentiments dominants de cet art»
en y adjoignant " la simple... la bonne pitié (2). »
(1) A. M., Préf. de fExp. R.. 1894.
(2) Jules DestrÉE, L'Œuvre lUhographiqut de Odilon Redon. A Bruxelles, cliez Edmond
Deman, MDCCCXCI, p. 78.
157
Cliché Vollard.
Tête.
158
IV
ODILON REDON
SA PLACE DANS L'ART CONTEMPORAIN
L'AVENIR DE SON ŒUVRE
« Odilon Redon occupe dans l'art contemporain une place à
part. »
Telle est 1 affirmation par laquelle nous ouvrions la préface de sa
première Exposition d'ensemble, en 1894. Elle se vérifie, pensons-
nous, SI l'on veut bien prendre la peine d'examiner les mouvements
variés qu il a pu voir se succéder au cours d'une vie qui fut longue.
Certainement, nous n'avons point à faire ici une histoire esthétique
de la fin du XIX'^ siècle et du commencement du XX^. Toutefois, une vue
générale et quelques notions sommaires sont indispensables pour
situer exactement Redon, et comprendre la portée de son œuvre.
" On peut dire qu'en France, depuis Louis XIV, secondé par
Lebrun, et la fondation de 1 Ecole de Rome, il y a tendance à une centra-
lisation officielle directrice, à un art d Etat. Le XVIII^ siècle semble y
échapper un moment avec Watteau, Boucher, Chardin. Mais sur la
fin, le retour préconisé vers l'antiquité (la copiant sans en comprendre
l'esprit, la faussant même) ramène le dogmatisme (I). Il devient tyrannie
avec David, sous l'Empire qui, renouvelant Louis XIV, introduit en
peinture l'autoritarisme administratif. Et tout le Xix'' siècle est l'histoire
de l'indépendance artistique sans cesse revendiquée par des générations
nouvelles. C'est le Romantisme et Delacroix, ce sont les Paysagistes
de 1830. La lutte se continue avec Courbet, Millet, Manet, qui
(I) En adjoignant à ce pseudo gréco-ronnanisme des recettes empruntées aux maîtres italiens:
mais sans conserver la flamme qui les animait, on forgea la doctrine factice quel on dénomme souvent .
Académisme.
— 159
engendrent dans une suite ininterrompue de talents divers et de
combats identiques : Monet, Pissarro, Renoir, Degas, etc. (1)."
Lorsque Redon,
né en 1840, arrivait à
ses vmgt ans, le Ro-
mantisme, commencé
sous la Restauration ,
avait complètement
achevé sa carrière.
Delacroix, son plus
illustre protagoniste,
allait mourir en 1863.
Nous avons dit que
notre artiste l'admirait
passionnément et Té-
tudiait avec conscience.
Même, en ses œuvres
de début, on perçoit une
part d'influence éprou-
vée. Mais aussi, déjà sa
personnalité naissante
montrait d'autres ten-
dances, et qui devaient
de plus en plus s'accen-
tuer. On s'en rendra
compte précisément lorsque certains personnages chers aux romanti-
ques, tels : Méphistophélès, Caliban, Ophélie, apparaissent — et le fait
est fréquent, parmi les sujets qu'affectionne Redon. Il les traite d'une
façon tellement différente, qu'on peut affirmer que chez lui ceux-ci
n ont vraiment de commun que le nom.
Au Romantisme avait succédé l'école dite des Paysagistes de
1830. Avec ceux-là il semblait que Redon fût susceptible d'avoir des
liens plus étroits. N'aimaient-ils point la nature, ne s'attachant presque
Le Diable f Lithographie).
irce de ralijum L'Apocalycse de SmnI-Jc,
(I) André Mellerio. L' Exposition de 1900 et l'Impressionnisme. (Couverture de Ranson).
Paris, H. Floury. 1900, p. 13.
Ifxj
AQUARELLE
Coii.f-c A Pai<[
exclusivement qu'à elle ? De plus, notre artiste « approcha l'un de ses
maîtres les plus justement réputés... et reçut même de lui quelques
conseils (1). » Nous avons signalé certaines similitudes de métier entre
les premières toiles de Redon et les paysages faits par Corot en
Italie. « Enfin une amitié sincère 1 unissait avec Chintreuil, esprit dis-
tingué et technicien de fines valeurs. Pourtant, si Redon goûtait en eux,
comme chez Rousseau, Daubigny, Dupré, le simple et grand Millet, un
amour loyal et vif pour la nature, il ne pouvait partager leur état d'âme non
plus que leur vision, dans la façon de la comprendre et de l'exprimer (2). «
Mais où le divorce apparaît absolu, c'est avec le Réalisme. Redon
connut personnellement " Courbet, duquel le séparait d ailleurs un véri-
table abîme intellectuel (3) ». Il eut avec lui des conversations où s'avivait
l'antithèse radicale de leurs principes. Non pas que 1 artiste, jeune alors,
ne rendît lustice à la saine et forte peinture, à la plénitude de métier
du Maître d'Ornans. Mais, quelle liaison d'idées pouvait s'établir entre
le pontife du dogme réaliste si borné en des limites étroites, et 1 ardent
défenseur du rêve, le protagoniste de la fantaisie Imaginative pour
laquelle était réclamée la souveraine prépondérance ? Car telle est
bien la théorie essentielle soutenue par Redon, en ses articles de
critique publiés de 1868 à 1870.
Non plus, ne s'indiquera une emprise sur lui, quand, après Manet
<< s'instaurèrent les recherches d'intensité lumineuse qui sont à la base
même du groupement de beaux peintres qu'on a qualifiés d' « impres-
sionnistes ». Et le fait apparaîtra d autant plus frappant que Redon se
trouvait être de leur génération — bien plus : qu'il prit part matérielle-
ment à leurs premières manifestations collectives (4). Toutefois c'était
l'indépendance révoltée contre le joug oppresseur de lacadémisme qui
le joignait à eux, plutôt que les tendances admises et la poursuite d un
(1) A. M., Gaz. des B.-A., p. 134.
(2) A. M., Gaz. des B.-A., p. 154.
(3) A. M.. Gaz. des B.-A., p. 154.
(4) En 1886, du l*' mai au 15 juin : 8^ Exposition. — Ce fut la dernière d'ailleurs où
s'affirmèrent ensemble, sinon tous, au moins un bon nombre des artistes Impressionnistes.
Nous rappellerons également un fait. — En 1884, Redon prit une part assez active à la
formation de la Société des Artistes Indépendants. Mais le principe d'absolue liberté, base de cette
association, n'impliquait aucune théorie d'esthétique, ni adhésion quelconque à des tendances
déterminées.
— 162 —
but identique (I) "■ Du groupe, il se séparait nettement » par une tradi-
tion plus équilibrée, par son goût pour le dessin pur, aussi pour l'estampe
lithographique, mais surtout par son imagination illimitément libre (2) ».
On pourra vérifier ces différences, même dans la dernière période pictu-
rale de Redon où le rapprochement aurait dû, semble-t-il, très facile-
Frontispice pour Le Mouvement idéaliste en Peinture (Lithographie).
ment s'effectuer. Comme chez les Impressionnistes on constate bien une
palette claire et joyeusement éclatante, mais l'artiste poursuit moins les
vibrations de l'atmosphère lumineuse que l'assise d'une composition,
où le contraste des couleurs s harmonise par le moyen de gradations
subtiles. Enfin et surtout, insoucieux de l'effet mobile et passager, si
séduisant soit-il, c'est 1 essence même de la vie et comme une âme pro-
fonde qu'il veut donner à ses ffeurs, d'un aspect absolument particulier.
(1) A. M, Gaz. des B.-A.. p. 154
(2) A. M., El. s. R., p. 42. Au sujet de l'Impressionnisme, voir : App., note 13.
— 163
Cependant un dernier essor se produisit dans les arts plastiques,
vers la fin du xix'' siècle. Très différent de ceux qui l'avaient précédé,
il est loisible même de dire qu'il prenait comme point de départ
des principes opposés. On le qualifia de Symbolisme ou Néo-Tradi-
tionnisme. Malgré la défectuosité de telles dénominations, peut lui
être appliquée encore celle — dont, pour notre part personnelle,
nous avons fait usage, de : Mouvement Idéaliste (I). « Il ne paraît point
contestable que 1 œuvre de Redon n ait... aidé de jeunes artistes à
s éclairer eux-mêmes sur leurs aspirations... Mais il ne fit pas partie
effective de leur groupe, non plus, bien qu on 1 ait cru souvent à tort,
de la petite phalange de la Rose-Croix (2). L'action exercée et l'ensei-
gnement direct provinrent de la vue des peintures de Cézanne et de
Van Gogh, comme aussi des théories de Gauguin. L'auteur de Dans le
Rêve, par l'attraction émanée de sa personne et dans d'amicales
conversations, a surtout rappelé d'une manière générale aux Maurice
Denis, Sérusier, Bonnard, Vuillard, K.-X. Roussel, le souci éternel de
1 idéal et la haute mission qui incombe à tout véritable artiste (3). »
Or, de même que Redon ne peut être rangé dans les groupements
plus ou moins exactement établis et catalogués, mais du moins reconnus,
on ne saurait davantage le rapprocher de personnalités particulières
telles que, par exemple : Puvis de Chavannes ou Carrière.
N est-ce point encore vainement qu'on essaya parfois d'apparenter
son œuvre à diverses manifestations du fantastique à travers les âges ?
Ainsi, prenez l'Art Chinois avec ses élucubrations bizarres et difformes,
par ailleurs curieusement ornementales, d'esprit très éloigné de notre
conception d occidentaux. Ou bien encore, plus près de nous, les cocas-
series plaisantes, mais au fond bien peu terribles, des vieux maîtres
flamands et hollandais. Quel rapport essentiel peut-on véritablement
établir? Plus intéressante certainement serait à étudier l'assertion de
M. Jules Destrée, lorsqu'il pense trouver quelque rapprochement avec
1 inspiration du moyen-âge, dont la foi profonde et l'imagination
(1) i^u sujet du Mouvement Idéaliste, voir : App.. note 14.
(2) Redon n'a cessé d'insister sur ce point : " Je n'ai jamais envoyé aux expositions de la
Rose-Croix, c'est un fait certain. Et ce fut volontairement et consciemment ". Man. de R.
(3) A. M., Gaz. des B.-A.. p. 155.
— 164 —
exaltée enfantèrent, dans la décoration sculptée des cathédrales, tout
un monde étrange, grouillant d'une vie ardente et si expressive.
Quant aux assimilations concernant Goya ou Gustave Doré, nous
avons dit précédem-
ment ce qu'il fallait en
juger. Enfin les œuvres
d une archéologie éru-
dite, aux rutilances
méticuleusement do-
sées, de Gustave Mo-
reau, ne sont point
de nature comparable
aux libres fantaisies de
mythologie féerique,
qu on rencontre en la
dernière période de no-
tre artiste. D'ailleurs,
lorsque tous deux, et
seulement vers la fin
de leur vie, se connu-
rent personnellement
et se visitèrent, ils
« causèrent non de
théories ou de hautes
spéculations, mais uni-
quement des procédés
de la peinture, tant ancienne que moderne (1) ».
Ainsi, le voit-on clairement : « C'est dans sa solitude qu'il faut
admettre et comprendre Redon (2). »
Petit prélat ( Pointe sèche J .
Quelle peut-être dans l'avenir la place occupée par l'artiste ?
Tout pronostic de rang déterminé et de dignité définitive demeure,
(1) A. M., Et. 5. R.. p. 38.
(2) A. M., Gaz. (/« B.-A.. p. 156.
i().î
à ce sujet, oiseux autant que puéril. Ce que pensera et jugera la postérité
— c'est son secret. Mais encore, après l'émotion éprouvée par les contem-
porains, les discussions soulevées, peut-être aussi les explications éluci-
dantes que nous avons tenté de présenter... certains faits paraîtront-
ils acquis (1).
Redon nous semble devoir être rangé dans la catégorie des esprits
qu'on a dénommés : Mystiques.
« Qu'on nous entende bien toutefois, à propos de ce mot qui, pour
les uns, possède une valeur strictement limitée à la sphère religieuse (2),
tandis que pour les autres, il constitue une sonorité imprécise... et dont
on abuse à tort et à travers. Au sens large où nous voulons nous placer,
il semble que le Mysticisme ne soit pas autre chose que le sentiment de
l'Au delà, de l'incompréhensible, de l'infini. A ce point de vue, tout
être humain paraît susceptible de partager, au moins à quelque degré,
si infime soit-il, ce frisson intime et profond... La puissance de cette
faculté quand elle s'élève au-dessus de la moyenne ordinaire, son impor-
tance dans la formation de la personnalité, sa répercussion sur les
manières d'être ainsi que les décisions dans la vie, voilà ce qui constitue
le véritable mystique. Les caractéristiques en seront donc 1 intérêt
porté au mystère en lui-même, l'inquiétude intense qui en résulte, la
propension à s'en préoccuper avant tout. En revanche, plus l'esprit
est vulgaire et étroitement borné aux représentations immédiates, qui
lui sont davantage accessibles et où il se complaît, moins il a le
sentiment de l'infini recouvert pour lui d'un voile épais.
On peut juger par là que les esprits réellement mystiques sont peu
nombreux. Plus rares encore se comptent les artistes capables d avoir
exprimé ces hautes aspirations. De telles envolées ne semblent appartenir
qu'à des organisations particulières, dont l'audace choque et terrifie
les mentalités ordinaires. Mais la réussite est éminemment ardue. En
effet, la réalité objective bien observée et soigneusement reproduite
donnera toujours des résultats appréciables. Par contre, si l'on tend au
(1) A. M., El. s. R., p. 46.
(2) A I égard du mysticisme religieux, on peut lire un livre récent de M''"^ Albert Farges ;
Les Phénomènes mqsliques distingués de leurs contrefaçons humaines et diaboliques (Traité de Théologie
mystique à Tusage </es Séminaires, du Clergé et des gens du Monde), Pans, 3, rue Bayard, 1920.
— i66 —
>\\
y ir
^/>
Le Sphinx.
Collection Ani. de La Rochefoucauld.
- 167
Mysticisme, surtout par le fantastique, qui est la transformation ultime
et indéfinie que se permet un tempérament à l'égard des matérialités
visibles, il n'existe point de milieu. Ou les œuvres produites sont élevées
et vraiment impressionnantes, ou bien, demeurant froides et stériles
conceptions, elles choquent et tombent au-dessous de la moyenne.
C'est le domaine de l'art où se peut le moins supporter le défaut d'inspi-
ration et de sincérité.
A notre pensée, Redon est mystique au sens que nous venons de
définir. En effet, son objectif supérieur et sans cesse poursuivi n'est-il
pas de faire surgir l'inconnu vague que nous pressentons sous les aspects
contingents, comme une énigme d'absolu résidant au fond de tout être
et de toute chose. Ce fut le propre de l'artiste de s'exprimer en recourant
à des moyens entièrement plastiques, c est-à-dire par l'emploi des
formes, ainsi que 1 énergique puissance du clair-obscur et les innom-
brables gammes diluées de la lumière (1).
Peut-être pensera-t-on aussi qu'en la fin de ce XIX*^ siècle, tourmentée
« par la recherche des origines primaires, hantée par l'aspiration des
perfectionnements futurs, faisant de ses vices une litière où s'épanouit
l'inguérissable souffrance — cet homme s'est rencontré : Odilon Redon.
Dans sa sérénité de penseur, dans son imagination d'artiste, dans ses
secrètes douleurs, il a puisé les éléments d'une vision haute, qu'il a
formulée sincèrement, sans théorie préconçue. Et si l'on recherche
jamais dans 1 histoire plastique 1 image de cette époque inquiète et
troublée... partagée entre la science et le mysticisme, ne pouvant pas
plus nier les découvertes positives de l'une qu'étouffer l'ardente aspi-
ration de l'autre, n'est-ce pas à l'œuvre d'un Redon qu'il faudra en
demander, dans une synthèse d'art — le symbole et l'expression (2) ».
Et sur lui la conclusion s'imposera que " comme tout véritable et
profond artiste, il eut le don de retrouver l'Humanité à travers les formes
de son époque. L'Humanité ! essence toujours la même sous le pro-
téisme successif d aspects sans cesse diversifiés. Le problème qu'elle
suscite peut sembler reculer plus loin ses données à chaque découverte
conquise, mais il reste, au fond, identique dans son angoisse confuse
(1) A. M„ El. s. R.. p. 44 et suiv.
(2) A. M., Pré/. d'Exp. d'Od. R, 1894.
— i68 —
et troublante. Vainement en la forêt épaisse et obscure de la Vie, des
routes neuves sont inlassablement tentées vers la clairière lumineuse
des conceptions définitives. Toujours, après l'implacable déception
raillant les ambitions vaincues, et ravivant pourtant une inépuisable
curiosité d'espoir, apparaît sur le ciel d'horizon, sombre et rayé de
minces clartés, l'éternel Sphinx à la silhouette imposante et énigmatique.
Sonder ce mystère, tout au moins l'éprouver et chercher à faire partager
son émotion. Avoir la foi, l'audace et la force d'un tel but, malgré les
incompréhensions et souvent les huées de la foule grossière, demeure
certes l'apanage d'un petit nombre d'esprits d élite.
'I Quelle que soit la place réservée par l'avenir à l'œuvre d'Odilon
Redon, ce fut le partage et nous dirons la gloire de l'artiste, d'avoir
lui aussi — essayé la grande tentative (I) ».
(I) A. M., El. s. R.. p. 46.
169 —
Et dans le disque même du Soleil rayonne la face
de Jésus-Christ... " (Lithographie.)
(Planche tiice de La Tenlalwn de Sainl-Anloine.)
Odilon Redon en 1894.
APPENDICE
(1) D'après les actes officiels, son prénom exact est : Bertrand, — porté déjà par son père.
C'était une coutume dans la famille Redon que de donner aux enfants, lors de leur baptême,
un autre nom que celui inscrit à l'état civil. Cette seconde appellation demeurait ensuite la seule
usitée au cours de leur existence.
La mère de Redon, élevée dans une famille où se retrouvait la même habitude, avait vu son
prénom de Marie remplacé par celui d'Odile — d'où fut emprunté Odilon, pour son second fils.
Au sujet de cette dernière, voici quelques renseignements plus détaillés, contenus dans un
acte authentique :
D'après un : • Extrait du Registre des Baptêmes des Blancs, Livre neuvième, page 153, n" 844
de l'Eglise Cathédrale et Paroissiale de la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis d'Amérique, Louisiane),
fut baptisée le 16 novembre 1820, Marie, fille légitime de Jean-Gabriel- Jérôme CuÉRlN et d'Antoi-
nette ChapUS, natifs de France et résidant à la Nouvelle-Orléans. ' — En ce qui concerne les enfants :
171
L'aîné, Ernest, né à la Louisiane, s'occupait de musique. Il liabita Bordeaux, où il
s'éteignit assez âgé.
Marie, restée jeune fille, mourut peu après 1870; ainsi que, vers la même époque, Léo, qui
était médecin, et ne se maria point.
Le dernier, Gaston, ancien Prix de Rome, et architecte connu, ultime survivant de la famille,
est décédé récemment en décembre 1921.
(2) Nous donnons, à titre d exemple, quelques pensées typiques de Clavaud dont Redon
avait été particulièrement frappé et qu il avait transcrites, par habitude déjà de faire une sorte de
journal des idées et des faits qui le frappaient au cours de sa vie :
« Le beau est l'évolution libre, aisée de la force (force considérée ici comme bienfaisante).
« Le laid est le triomphe de l'obstacle, ou le triomphe de la force malfaisante.
« Il y a l'élément statique et l'élément dynamique : la beauté peut être calme et représenter
le repos ou bien représenter le mouvement et la vie.
« Si je dis que le beau est le libre essor de la vie, la définition n'est pas rigoureusement juste,
parce que si je regarde un soleil couchant, une belle ligne de montagnes, ces objets ne sont pas vivants
dans la parfaite acception du mot : le mot force convient mieux à la définition, le terme est plus général.
« Le sublime est une évolution de la force bienfaisante mêlée à lidée de réussite, de bien
général, de justice.
L apothéose (ou faux sublime) est l'essor de la personne humaine dans un sens personnel,
égoïste, limitée dans le moi : c'est du pur égoïsme.
« Le sublime est de I altruisme ; l'apothéose est le contraire.
" Il y a une subordination dans les divers modes de la beauté. Une œuvre d'art est d autant
plus belle qu'elle a d'importance dans la durée et l'espace.
" La grâce est la beauté en mouvement. " Voir : Od. R., A S. M., p. 21.
(3) Nous avons retrouvé dans les manuscrits de Redon, les indications suivantes qu il avait
groupées sous ce titre :
MES DIVERSES DEMEURES
72, rue d'Assas. en 1872.
104, id. nov. 1873.
Boulevard Montparnasse, nov. 1874. (Sans indication de numéro.)
76, rue de Rennes, juillet 1877.
Rue de Rennes, 1880-1887. (Sans indication de numéro.)
18, rue Saint-Romain, 1887-1890.
40. rue d'Assas, 1890.
27. rue de Fleurus. 1892.
10. rue du Regard, 1893-1896.
32. avenue Wagram, avril 1895.
129. id.
Redon installé en dernier lieu à cette adresse, mourut là en 1916.
Certainement il serait intéressant d'écrire au sujet de l'artiste une étude équivalente à
l'opuscule documentaire publié récemment par M.-C. PoiNSOT et G.-U. LanCî : L'is logis de
Huysmans, Paiis, La Maison Française d'Art et d'Edition, 1919.
(4) PASSEPORT DÉLIVRÉ A REDON PAR LA PRÉFECTURE DE BORDEAUX, EN 1862
« Le s. Redon. Odilon-Jean-Bertrand, profession d'étudiant architecte...
Agé de 22 ans.
Taille d un mètre 73 centimètres.
Front moyen.
Sourcils noirs.
Yeux hruns.
Nez moyen.
Barbe châtain.
Menton rond.
Visage ovale.
1 eint ordinaire.
Signes particuliers néant. »
(3) M""' Faite avait eu de son premier mariage une fille : Camille, — et un fils, brillant
officier de marine, qui fut tué dans la défense des forts, au cours du siège de Paris.
Devenue veuve, elle eut d'un second mariage, une autre fille. Celle-ci, Juliette Dodu,
fut connue par sa conduite héroïque, quand elle n'était que simple employée des Postes à Pithiviers,
pendant la guerre de 1870. Deux distinctions, rares pour une femme : la Médaille militaire et la Légion
d honneur récompensèrent son courage.
(6) Hennequin était un esprit intelligent, très cultivé, de tournure scientifique en même temps
que littéraire. Il promettait beaucoup par la valeur de ses premières publications, lorsqu'il fut enlevé
prématurément et d'une mort tragique. Pendant rété,'il était allé voir Redon, avec lequel il s'étai
lié intimement, et alors en villégiature à Samois, non loin de Fontainebleau. Hennequin voulu
se baigner dans la Seine, en des conditions imprévoyantes, et se noya sous les yeux mêmes de l'artiste,
impuissant à le sauver malgré tous ses efforts.
Outre de nombreux articles écrits dans les journaux et les revues, il reste d'EMiLC Henne-
quin, comme principaux ouvrages :
Traduction d'EoGAR PoE, Conte grotesques (avec une vignette par Odilon Redon), Paris,
P. Ollendorff. 1882.
La Critique scientifique. Pans, Perrin et C''. 1888.
Ecrivains francises. Etudes de critique scientifique (Dickens, Heine, Tourguenef, Poe,
Dostoiewski, Tolstoï), Paris, Perrin et C'', 1889.
(7) Comme marchands principaux s'étant occupé de Redon, nous devons citer : DuMONT,
quai Malaquais d'abord, puis ensuite rue Laffitte, et qui, l'un des premiers, mit en vente des
estampes de l'ariiste ; Van Gogh, frère du peintre, et directeur de la succursale de la Maison
Goupil, boulevard des Italiens ; Vanier, quai Saint-Michel ; Bailly, à la librairie de I Art
Indépendant ; Ambroise Vollard ; MM. DuRAND-RuEL; PelLET ; MoLINE. Plus tard : MM. BernhEIM
frères, et tout notamment J. HessÈle.
En Angleterre : Gravel, et en Hollande : DebgIS.
(8) Au sujet de l'affection de Redon pour les oiseaux, voici une petite anecdote amusante.
L'article ci-dessous (daté manuscritement : 4 janvier 1914), fut découpé dans un journal ou
une revue dont nous ignorons le titre, et remis à Redon :
— 1/3
L'AMI DES OISEAUX
« Chaque jardin de Paris a son ornithophile ou, si Ton préfère une expression moins pédante
et plus jolie : son ami des oiseaux. On connaît, aux Tuileries et au Luxembourg, maints donneurs
de petites miettes. Et les moineaux, chers à Coppée, les connaissent mieux que nous.
" Le Parc Monceau a, lui aussi, son porteur de pain quotidien, chargé sans doute par l'Eternel
de donner la pâture à qui vous savez. Les enfants l'appellent le " monsieur décoré " et accourent
sitôt qu'ils voient son pardessus fleuri de rouge et sa cape marron.
« Ils Ignorent (et leurs gardiennes ne savent pas davantage) que le monsieur décoré, peintre
charmant de fleurs de rêve, est M. Odilon Redon. '
Et l'artiste, avec cette pointe d'ironie malicieuse, dont il savait user finement à l'occasion,
disait que, dans sa vie, beaucoup d'articles l'étaient venus contrister, quelques-uns le satisfaire un
peu, mais que celui-là seul lui avait causé un plaisir sans mélange.
(9) Arl Redon était alors âgé de 25 ans. Il avait fait son service militaire dans la Section des
ballons qu'organisait le colonel (depuis général) Hlrschauer. A l'égard de l'aéronautique, il possédait
donc une instruction sérieuse et une réelle compétence. C'est dans cette arme que, parti sergent,
dès le deuxième jour de la mobilisation, il fit toute la guerre, se distinguant en diverses occasions,
et notamment dans les dures offensives allemandes de la première moitié de 1918. 11 revint indemne,
avec le grade de sous-lieutenant.
(10) Au sujet de l'enseignement pratiqué par Gérôme, voici quelques détails complémentaires,
et qui feront plus pleinement comprendre en quoi il devait fatalement répugner à toute nature
spontanée et indépendante : " Gérôme engageait les jeunes gens à simplifier leur palette ; c était un
avis excellent : une palette trop chargée est un bagage encombrant qui gêne 1 œil. Mais il leur pres-
crivait aussi de faire leurs tons d avance et ceci était moins bon. C est devant le modèle que 1 artiste
doit préparer ses tons, au moment même de les appliquer, sinon, il ne fait rien de sincère et de personnel.
La peinture, selon les prescriptions de Gérôme, n est plus que 1 enluminure à la manière de I imagerie
d Epinal.
" Dans le programme de travail hebdomadaire, figurait encore la confection d une esquisse
que le patron corrigeait avec sa conscience habituelle. Le principe n était pas mauvais, puisqu il
avait pour but d'habituer les élèves à composer un tableau. Cependant, dans la pratique, il n aboutissait
qu'à donner naissance à une quantité de compositions conformes au goût du maître et dans lesquelles
la recherche archéologique la plus puérile tenait une place prépondérante ". Georges RlviÈRE, Renoir
et ses amis, Paris, H. Floury, 1921, p. 54.
(11) Nous n'avons certes point la capacité professionnelle — et d ailleurs ce n'est pas Ici le
heu, pour analyser l'œuvre d'Armand Clavaud.
Mais peut-être nous saura-t-on gré de donner le résumé de quelques recherches que nous
avons effectuées sur ses travaux, à la Bibliothèque du Muséum, à Pans. Nous remercierons, à cette
occasion, M. de Nussac, bibliothécaire, de ses obligeantes indications.
Et d abord, voici par l'un de ses confrères, le porlrait esquissé du savant lors de sa mort,
survenue dans des conditions très tristes après une douloureuse maladie. " Nommé membre titulaire
le 17 février 1875... la Société (Llnnéenne de Bordeaux) avait pu apprécier... les qualités brillantes
de ce savant distingué.
" M. Clavaud était un travailleur infatigable, un observateur consommé, un homme d'un savoir
sûr et étendu. Aussi était-il tout désigné comme titulaire de la chaire municipale de botanique...
" Il déploya dans cette fonction cette clarté, cette méthode et en même temps cet humour spécial
qui rendait attrayants les sujets les plus arides...
" Botaniste par goût, il avait cette qualité maîtresse qui mène aux résultats féconds : je veux
parler du feu sacré. Qui de nous ne l'a vu dans ses nombreuses communications à la Société, alors
qu il s'enfonçait dans ces descriptions si sèches par elles-mêmes, s'animer, s'enflammer et faire vivre,
— 174 —
SI )e puis ainsi dire, ce monde qu'il connaissait si bien. Ce n'étaient pas de simples et banales énumé-
rations de caractères qu'il trouvait dans les grandes espèces végétales ; c'étaient en quelque sorte des
attributs qui faisaient de chaque plante une personnalité vivante. Grâce à une méthode rigoureuse
d'observation sagace. grâce à sa conception si originale de l'espèce, il était en train de renouveler la
systématique botanique présentée le plus souvent dans un esprit suranné et absolument terre-à-terre.
' Sous un titre modeste, sa Flore Je la Gironde, produit de longues années de recherches...
porte le cachet d'un esprit véritablement supérieur. Ce n'est pas, comme on pourrait s'y attendre,
une courte énumération des plantes rencontrées dans le département, mais bien une revision d'un
ordre bien plus élevé de la plupart des familles végétales indigènes.
"Son œuvre avançait... Dans nos dernières séances, il nous faisait part de ses recherches sur
un des genres les plus difficiles à étudier du règne végétal, le genre Callilrkhe, et nous apportait à
l'appui de ses observations, une quantité de planches dessinées par lui-même avec ce soin méticuleux
d'anatomiste, cette habileté consommée d'artiste, qui en font de véritables chefs-d'œuvre. Tout nous
faisait prévoir également un travail important sur les Rubus.
Malheureusement, la mort a tout fauché... ». Acles de la Société Linnéenne de Bordeaux.
Vol. XLIV, 5'' série, t. IV, 1890. Bordeaux, J. Durand, 1890. Extraits de Procès-verhaux des séances de
la Société... (Séance du 3 décembre 1890). Discours prononcé aux obsèques de M. Clavaud par le
Président de la Société, le 4 décembre 1890.
L'ouvrage principal auquel il est fait allusion fut publié comme suit : Flore de la Gironde,
\" fascicule, Thalamiffores. Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, vol. XXXV, 4'' série, t. V,
Bordeaux, Imp. Durand, 1881, p. 121 à 226, planches à la suite. — 2""^ fascicule, Cu/iciT/orcs (1'^' partie).
— D'°, 1884, p. 461 à 583, avec 4 planches. — Il a été fait également un petit nombre de
tirages à part.
On retrouvera dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, de très nombreuses commu-
nications de Clavaud sur des sujets divers.
(12) Les véritables créateurs de la Tératologie comme partie spéciale de la science sont
les Geoffroy Saint-Hilaire, qui lui ont consacré de nombreux travaux pendant la première partie
du Xix" siècle.
Voir notamment : Et. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique, t. II, Des monstruosités
humaines. Pans, 1822. — Id., Considérations générales sur les monstres. Dictionnaire classique d Histoire
naturelle, 1826.
Et : Isidore Geoffroy Saint-Hii^IRE, Histoire générale et particulière des .Anomalies de l'orga-
nisation chez l'homme et chez les animaux... ou Traité de la Tératologie. Pans. J.-B. Baillière, t. I, 1832.
— T. II et III, 1336. avec atlas.
On consultera utilement un livre paru au cours de ces dernières années : E. Rabaud (Encyclo-
pédie scienli/ique), La Tératogénèse, Pans, .4. Doin & fils, 1914. A la fin du volume, un abondant
Index bibliographique mentionne les principaux auteurs qui se sont occupés de la matière.
('3) Nous avons jadis essayé une définition de I Impressionnisme, laquelle, si on la considère
comme acceptable, fera ressortir la séparation bien marquée avec les tendances et l'art de Redon :
<i ]J Impressionnisme nous paraît : la revendication de la libre personnalité de l'artiste en dehors
de tout contrôle académique, par un groupe de peintres contemporains, dont la plupart se
filient à l'école des Paysagistes, dite de 1830... avec l'apport particulier de recherche d'effets plus
lumineux — et l'emploi d'une technique appropriée par l'usage d'une palette de couleurs pures et
la division des tons. » A. M., L'Exp. de 1900 et llmp., op. cit., p. 3.
A tenir compte également de la définition d'ordre plus philosophique, due à un critique très
compétent : " L'Impressionnisme, dans les œuvres qui le représentent le mieux, c'est une peinture
qui va vers le phénomène, vers l'apparition et la signification des choses dans 1 espace et qui veut
faire tenir la synthèse de ces choses dans l'apparition d'un moment. ' G. GefFROY, La Vie Artistique,
Paris, Denlu, 1894, troisième série. Histoire de TImpressionisme, p. 8.
— 1/5 —
(14) " Comment définjrons-nous le Mouvement Idéaliste?
La tendance d'artistes cherchant à échapper à la contingence par l'inspiration et le mode
d'expression. En d'autres termes : tandis que le rénlisle prend pour but final de reproduire la
nature dans la sensation directe qu elle fait éprouver, — 1 idéaliste ne veut y voir que le point de
départ éloigné de son œuvre. Tout réside pour lui dans la transformation cérébrale, entièrement
subjective, que lui fait subir notre esprit. Il ne s'agit plus de sensation, c'est-à-dire de la chose
perçue indépendamment de la volonté, mais de Vidée que nous en dégageons, pur concept que
l'artiste cherchera à exprimer uniquement, sans se préoccuper des exactes objectivités qui en ont
été la cause.
L'oeuvre d'art actuelle, a dit M. G.-Albert Aurier, critique autorisé (Le Symbolisme en peinture,
Paul Gauguin, article paru dans le Mercure de France, de mars 18''l), devra être :
" 1° Idéiste, puisque son idéal unique sera l'expression de l'idée;
« 2" Symboliste, puisqu'elle exprimera cette idée par des formes ;
" 3° Synthétique, puisqu'elle écrira ces formes, ces signes, selon un mode de compréhension
générale ;
• 4° Subjeclii'e, puisque l'objet n'y sera point considéré en tant qu'objet, mais en tant que
signe d'idée perçu par le sujet ;
' 3° (C'est une conséquence) Décoratiie... "
L écrivain ajoute encore à ces qualités, pour que l'artiste soit complet : « Le don d'Emotivité,
non point certes cette émotivité que sent tout homme devant les illusoires combinaisons passionnelles
des êtres et des objets... mais cette transcendantale émotivité, si grande et précieuse qui fait frissonner
l'âme devant le drame ondoyant des abstractions ■'.
Nous voici en présence d'un programme idéaliste bien différent du réalisme ». AndrÉ Mellerio,
Le Mouvement Idéaliste en peinture, H. Floury, Paris, 1896, p. 9 et 10.
- 1/6
CATALOGUE
DE L'ŒUVRE GRAVÉ ET LITHOGRAPHIE
D'ODILON REDON
CATALOGUE
DE L'ŒUVRE GRAVÉ ET LITHOGRAPHIE
D'ODILON REDON
Nous donnons la dimension des estampes en millimètres et par des chiffres tenant
uniquement compte de la partie recouverte par le dessin. Le premier indique la Hauteur ;
le second la Largeur.
L artiste signe habituellement : Odilon Redon, mais cette inscription est manus-
crite et tracée au crayon sur les exemplaires après l'impression effectuée, sauf rares exceptions.
Outre le tirage officiel, il faut tenir compte de deux exemplaires exigés par le
dépôt légal — et de deux autres attribués par les Imprimeurs à la collection de leur
maison. Pour chaque planche enfin, la moyenne habituelle des essais avant lettre
monte de quatre à sept épreuves.
L'ŒUVRE GRAVE
1. CH.4PELLE DES PYRÉNÉES
(H. 060, L. 140). Eau-forte. Tirage à
3 épreuves effectué à Bordeaux (?).
Cuivre perdu. [Vers 1861]
2. LE GUÉ (avec petits cavaliers) (H. 1 35,
L. 180). Eau-forte. Tirage à 15 ou
20 épreuves effectué à Bordeaux ; et à
Paris, chez Delâtre. Cuivre perdu.
[1865]
3. LES DEUX PETITS CAV.4LIERS
(H. 100, L. 080). Eau-forte. Tirage à
quelques épreuves effectué à Pans.
[1865]
4. LUTTE DE CAVALIERS (H. 083,
L. 120). Eau-forte. Tirage à 30 épreuves
effectué à Paris. |1865]
5. BATAILLE (H. 058. L. 132). Eau-
forte. Tirage à 23 épreuves effectué
à Paris. [1865]
6. LA PEUR (H. 1 12. L. 200). Eau-forte.
Tirage à 30 épreuves effectué à Pans.
[1865]
7. CAVALIER DANS L'ATTENTE
(H. 085. L. 110). Eau-forte. Tirage
d essai à 3 épreuves effectué à Bordeaux.
Cuivre effacé. [1866]
8. CAVALIER D.4NS LES MON-
T AGNES (H. 085, L. 113). Eau-forte.
Tirage d'essai à 3 épreuves effectué à
Bordeaux. Cuivre effacé. [1866]
9. CAVALIER SOUS UN CIEL
D'ORAGE (H. 056. L. 140). Eau-forte.
Tirage d essai de quelques épreuves
effectué à Bordeaux. Cuivre effacé. [1866]
10. CAVALIER GALOPANT (H. 065.
L. 135). Eau-forte. Tirage d'essai à
3 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre
effacé. [Vers 1866]
— 179
11. PAYSAGE DE MONTAGNES
(H. 040, L. 105). Eau-forte. Tirage
d'essai à 3 épreuves effectué à Bordeaux.
Cuivre effacé. [Vers 1866]
12. SAINT-JEAN-PfED-DE-PORT
(H. 110, L. 200). Eau-forte. Tirage à
4 épreuves effectué à Bordeaux. Cuivre
effacé. (1866]
13. CROQUIS (H. 120, L. 095). Eau-
forte. Tirage effectué à Paris, dont
épreuve unique dans la collection Redon,
[antérieurement à 1870]
14. DAVID (H. 095, L. 055). Eau-forte.
Tirage effectué à Paris dont 3 épreuves
dans la collection Redon. Cuivre effacé.
[Vers 1880]
15. TOBIE (H. 155, L. 120). Eau-forte.
Tirage effectué à Paris, dont 3 épreuves
dans la collection Redon. Cuivre effacé.
[Vers 1880]
16. VISION DE RÊVE (H. 090, L. 105).
Eau-forte. Tirage effectué à Paris, dont
2 ou 3 épreuves dans la collection
Redon. [Vers 1880]
\7. MAUVAISE GLOIRE (H. 093,
L. 050). Eau-forte. Tirage à 20 épreuves
effectué à Paris. [1886]
18. GAIN ET ABEL (H. 175, L. 119).
Eau-forte. Tirage à 20 épreuves effectué
à Paris. [1886]
19. PETIT PRÉLAT (H. 085, L. 046).
Pointe sèche. Tirage à 30 épreuves
effectué à Paris. [1888]
20. PERVERSITÉ (H. 160. L. 126).
Eau-forte. Tirage à 30 épreuves effectué
à Paris. [1891]
21. PASSAGE D'UNE AME (H. 034,
L. 053). Eau-forte. Frontispice pour un
volume de : Adrien Remâcle. La Pas-
sante, roman d'une âme. Pans. Biblio-
thèque artistique et littéraire, 1892.
Tome XII. Tirage à 420 exemplaires
(dont 400 sur Hollande et 20 sur Japon
Impérial). Il existe quelques épreuves à
part du frontispice sur grand papier.
Tirage effectué à Paris. [1891]
22. PRINCESSE MALEINE (connue
aussi sous ce titre : La petite Madone)
(H. 119, L. 064). Eau-forte. Tirage
à 8 épreuves effectué à Paris. [1892]
23. ÉNIGME (H. 085, L. 082). Pointe
sèche. Tirage effectué à Paris, dont
1 épreuve dans la collection Redon. [1892]
24. LE LIVRE (connue aussi sous le
titre de : Sainte-Thérèse) (H. 120, L. 083).
Pointe sèche. Tirage à 20 épreuves
effectué à Paris. [1892]
25. SCI APODE (H. 190, L. 140). Eau-
forte. Quelques épreuves tirées jadis
à Pans. Depuis 1912, la planche a été
rachetée par Artz et Debois, éditeurs
à La Haye, qui ont publié un tirage à
39 exemplaires. Le cuivre est mainte-
nant au Cabinet des Estampes d Ams-
terdam. [1892]
25 /./.s. EX-LIBRIS (H. 128, L. 088).
Eau-forte. Premier tirage effectué à
Pans vers 1893, dont 1 épreuve dans la
collection Redon. Depuis, le cuivre
retravaillé par Redon a servi de frontis-
pice pour : André Mellerio. Odilon
Redon. Société pour l'Etude de la Gra-
vure Française, Paris 1913. Tirage
effectué à Pans, par A. Porcabeuf,
à 550 exemplaires uniquement réservés
à l'ouvrage indiqué. [1913]
i8o
L'ŒUVRE LITHOGRAPHIE
DANS LE RÊVE. Dix lithographies
et un frontispice. Album tiré à 25
exemplaires. Format demi-colombier.
Planches sur Chine appliqué et une cou-
verture, imprimées par Lemercier et
C'', à Paris. Pierres effacées. [1879]
26. Couverture-frontispice (H. 302, L. 223).
27. I. Éclosion (H. 328, L. 257).
28. il. Germirtalion (H. 273, L. 194).
29. III. La Roue {H. 232. L. 196).
30. IV. Limbes (H. 307, L. 223).
31. V. Le Joueur (H. 270, L. 193).
32. VI. Gnome (H. 272, L. 220).
33. VII. Félinerie (H. 268, L. 203).
34. VIII. Visior, (H. 274. L. 198).
35. IX. Triste montée (H. 267. L. 200).
36. X. Sur la coupe (H. 244. L. 160).
A EDGAR POE. Six lithographies et un
frontispice. Album tiré à 50 exemplaires.
Format quart grand-colombier. Planches
sur Chine appliqué et une couverture,
imprimées par Lemercier et C'^, à Pans.
Pierres effacées. [1882]
37. Couverture-frontispice. Recto (H. 322,
L. 322). Verso (H. 165, L. 115).
38. I. L'Œil, comme un ballon bizarre se
dirige vers l'infini (H. 262, L. 198).
39. II. Devant le noir soleil de la mélan-
colie, Lénor apparaît (H. 168. L. 127).
40. III. Un masque sonne le glas funèbre
(H. 158, L. 219).
41. IV. A l'horizon, l'ange des certitudes,
et, dans le ciel sorribre, un regard interro-
gateur (H. 272. L. 208).
42. V. Le souffle qui conduit les êtres est
aussi dans les sphères (H. 273. L. 209).
43. VI. La Folie (H. 145. L. 200).
LES ORIGINES. Huit lithographies et
un frontispice. Album tiré à 25 exem-
plaires. Format demi-jésus. Planches
sur Chine appliqué et une couverture,
imprimées par Lemercier et C'*^, à
Pans. Pierres effacées. [1883]
44. Couverture-frontispice (H. 305. L. 225).
45. I. Quand s'éveillait la vie au fond de la
matière obscure (H. 275. L. 203).
46. II. // y eut peut-être une vision pre-
mière essayée dans la fleur (H. 223,
L. 172).
47. III. Le Polype difforme flottait sur les
rivages, sorte de cqclope souriant et
hideux (H. 213. L. 200).
48. IV. La Sirène sortit des flots, vêtue de
dards (H. 300. L. 235).
49. V. Le Satyre au cynique sourire (H. 240.
L. 207).
50. VI. // y eut des luttes et de vaines
victoires (H. 289, L. 222).
51. VII. L'Aile impuissante n'éleva point
la bête en ces noirs espaces (H. 295,
L. 220).
52. Vlll. Et l'homme parut, interrogeant
le sol doit il sort et qui l'attire, il se fraya
la voie vers de sombres clartés (H. 280,
L. 204).
53. CENTAURE VISANT LES NUES
(H. 298, L. 256). Pièce d'essai, n'ayant
point figuré dans l'Album précédent.
Reprise ultérieurement par Redon, elle
devint l'estampe que nous décrivons
ci-après sous le N" 133.
HOMMAGE A GOYA. Six lithographies.
Album tiré à 50 exemplaires. Format
quart grand-colombier. Planches sur
Chine appliqué, imprimées par Lemer-
cier et C'*-', à Paris. Pierres effacées.
[1885]
i8i -
54. I. Dans mon rêve, je vis au ciel, un
visage de mystère (H. 291, L. 238).
55. II. La Fleur du marécage, une tête
humaine et triste (H. 275. L. 205).
56. III. Un Fou dans un morne paysage
(H. 226. L. 193).
57. IV. // y eut aussi des êtres embryon-
naires (H. 238. L. 197).
58. V. Un étrange Jongleur {H. 199. L. 190).
59. VI. Au réveil, j'aperçus la déesse de
l'Intelligible au profil sévère et dur (H. 276.
L. 217).
60. L ŒUF. Pièce d'essai non mise dans
l'Album précédent.
61. PROFIL DE LUMIÈRE (H. 340.
L. 242). [1888]. Tirage à 50 exemplaire^
sur Chine appliqué, par Lemercier
et C'^. à Pans. Format demi-colombier.
Pierre effacée.
LA NUIT. Dix dessins lithographiques.
Album tiré à 50 exemplaires. Format
quart grand-colombier. Planches sur
Chine appliqué imprimées par Lemercier
et C''. à Paris. Pierres effacées. [1886]
62. I. A la Vieillesse (H. 245. L. 183).
63. II. L'Homme fut solitaire dans un
paysage de nuit (H. 293. L. 220).
64. III. L'.4nge perdu ouvrit alors ses ailes
noires (H. 258, L. 215).
65. IV. La Chimère regarda avec effroi
toutes choses (H. 250. L. 185).
66. V. Les Prêtresses furent en attente
(H. 287, L. 212).
67. VI. Et le Chercheur était à la recherche
infime (H. 276, L. 181).
es. BRÏINNHILDE (H. 118, L. 100).
(1886] Planche hors texte pour la Revue
wagnérienne. N° VII. 8 août 1886.
Impression à 300 exemplaires sur Chine
appliqué par Lemercier et C'** à Paris.
Epuisé. Quelques épreuves sur Japon et
d'autres sur papier blanc.
69. CIME NOIRE (H. 170, L. 090).
[1887]. Planche hors texte pour la Revue
indépendante. N° 6. Avril 1887. Edition
de luxe. Tirage à 100 exemplaires sur
Japon et 400 sur Chine appliqué, par
Lemercier et C'^, à Pans. Pierre effacée.
70. JEUNE FILLE (H. 300. L. 224).
[1887]. Tirage à 25 exemplaires sur
Chine appliqué. Impression par Lemer-
cier et C'*". à Pans. Format demi-colom-
bier. Pierre effacée.
71. CHRIST (H. 330. L. 270). [1887]
Tirage à 25 exemplaires sur Chine
appliqué par Lemercier et C'', à Pans.
Format demi-colombier. Epuisé
72. ARAIGNÉE {H. 260, L. 215). [1887]
Tirage à 25 exemplaires sur Chine
appliqué, par Lemercier et C''\ à
Pans. Format demi-colombier. Epuisé.
73. MENU POUR LE DINER DES
LITHOGRAPHES FRANÇAIS DU
l'"'- AVRIL 1887. (H. 050, L. 118).
[1887] Tirage sur Japon à quelques
rares exemplaires par Lemercier et C®,
à Pans.
74. L'IDOLE (H. 162, L. 094). [1887]
Frontispice pour : Emile Verhaeren.
Les Soirs. Bruxelles. Deman, 1888.
Tirage à 56 exemplaires sur Chine
appliqué par Becquet, à Pans. Pierre
barrée.
LE JURE. Sept interprétations originales
par Odilon Redon pour : Edmond
Picard. Le Juré. Monodrame en cinq
actes. Bruxelles. Veuve Monnom. 1886.
Tirage à 100 exemplaires sur Japon dans
le texte — et 20 sur Chine appliqué
hors texte. Impression par Becquet.
à Paris. Les 20 exemplaires hors texte
sur Chine ont été publiés sous couverture
en forme d'Album — et selon les indi-
cations ci-après données. [1887[
— 182
75. I. Un homme du peuple, un sauvage.
(H. 183. L. 136.
76. II. Dans le dédale des branches la
blême figure apparaissait... (H. 135,
L. 098). Signé en bas, à droite • Odilon
Redon.
77. III. Une cloche battait dans la tour...
(H. 205, L. 154). Signé en bas, à droite :
Odilon Redon.
78. IV. Par la fente du mur, une tête de
mort fut projetée (H. 180, L. 151).
79. V. N y a-t-il pas un monde invisible...
(H. 218, L. 169).
80. VI. Dramatique et grandiose avec sa
figure de prêtresse druidique... (H. 192,
L. 143).
81. VII. Le rêve s'achève par la mort
(H. 238, L. 1 87). Signé en haut, à droite :
Odilon Redon.
N.-B. — Le portrait de Redon par lui-
même (H. 112, L. 190) annexé à l'illus-
tration n est pas une lithographie ori-
ginale, mais une reproduction sur cuivre
par le procédé d Evely, d un croquis
sommaire de 1 artiste. Il existe quelques
épreuves en noir et un très petit nombre
en sanguine ou en bleu de Prusse.
82. DES ESSEINTES (H. 129. L. 092).
[1888] Frontispice hors texte pouvant
être joint au volume de J.-K. HuYSMANS :
A rebours. Tirage à 50 exemplaires sur
Chine appliqué par Becquet, à Pans.
TENTATION DE SAINT-ANTOINE.
Première série. Texte de Gustave Flau-
bert. Dix lithographies et un frontis-
pice. Paru à Bruxelles, chez Deman.
[1888] Tirage à 60 exemplaires (en réa-
lité 58 seulement) sur Chine appliqué
par Becquet, à Pans. Format quart
grand-colombier, il a été tiré aussi
quelques épreuves d'essai sans lettre,
format demi-colombier.
83. Couverture-frontispice (H. 198, L. 140).
84. I. D abord une flaque d'eau, ensuite une
prostituée, le coin d'un temple, une figure
de soldat, un char avec deux chevaux
blancs qui se cabrent (H. 291, L. 208).
85. II. C'est le diable, portant sous ses
deux ailes les sept péchés capitaux...
(H. 254, L. 200).
86. III. ...Et un grand oiseau qui descend
du ciel, vient s'abattre sur le sommet de
sa chevelure... {H. 190, L. 160).
87. IV. // hausse le Da.se d'airain (H. 274
L. 196).
88. V. Ensuite parait un être singulier,
ayant une tête d'homme sur un corps de
poisson (H. 275, L. 170).
89. Vi. C est une tête de mort, avec une
couronne de roses, elle domine un torse
de femme d une blancheur nacrée (H. 296,
L. 213).
90. VII. La Chimère aux yeux verts tour-
noie, aboie (H. 275, L. 160).
91 . VIII. Et toutes sortes de bêtes e0royables
surgissent (H. 312, L. 224).
92. IX. Partout des prunelles flamboient
(H. 204. L. 158).
93. A. ...Et dans le disque même du soleil
rayonne la face de Jésus-Christ (H. 282,
L. 230).
A GUSTAVE FLAUBERT. Deuxième
série de la Tentation de Saint-Antoine.
Six lithographies et un frontispice.
[1889] Tirage à 60 exemplaires sur
Chine appliqué par Becquet, à Paris.
Format demi-jésus.
94. Frontispice (H. 258, L. 203).
95. I. Saint-Antoine... A travers ses longs
cheveux qui lui couvraient la figure, j'ai
cru recormaitre Ammonaria (H. 287,
L. 232).
96. II. ...Une longue chrysalide couleur de
sang (H. 220, L. 185).
97. III. La Mort : Mon ironie dépasse
toutes les autres (H. 262, L. 197).
- 183
98. IV. Saint-Antoine : Il doit y avoir
quelque part des figures primordiales
dont les corps ne sont que les images
(H. 170. L. 124).
99. V. Le Sphinx : ...Mon regard que
rien ne peut dévier, demeure tendu à
travers les choses sur un horizon inacces-
sible. La Chimère : Moi, je suis légère
et joyeuse (H. 282, L. 202).
100. VI. Les Sciapodes : La tête le plus
bas possible, c'est le secret du bonheur
(H. 277. L. 210).
101. LES DÉB.4CLES (H. 149. L. 097).
[1889] Frontispice pour : Emile Ver-
HAEREN. Les Débâcles. Bruxelles, Deman,
1889. Il ne se trouve que dans 52 exem-
plaires. Tiré sur Chine appliqué par
Becquet. à Pans. Si^né en bas. à gauche :
Odilon Redon. Pierre efïacée.
102. PÉGASE CAPTIF: \''' État (H. 340.
L. 293). [1889] Tirage marqué à
100 exemplaires (mais dont 25 tout au
plus virent le jour) par Becquet. à Pans.
Format demi-colombier.
D'<=: 2'' État (H. 340. L. 293). La pierre
précédente fut. quelques anées après,
reprise et retouchée par Redon. Le tirage
marqué à 100 exemplaires, na pas été
atteint. Pierre effacée.
103. EL MOGHREB-AL-AKSA (H. 243.
L. 185). [1889] Frontispice pour :
Edmond PiCARD. El Moghreb-al-Aksa.
Larcier, Bruxelles. 1889. Tirage à
205 exemplaires sur Chine appliqué
par Becquet. à Pans. Pierre efïacée.
104. LA DAMNATION DE L'ARTISTE
(H. 190. L. 125). [1889] Frontispice
pour : Iwan GlLKIN La Damnation de
l'Artiste, Bruxelles, Deman. 1890. Tirage
à 152 exemplaires sur Chine appliqué
par Becquet. à Paris. Pierre effacée.
105. LES CHIMÈRES (H. 140. L. 097).
[1889] Frontispice pour : Jules Des-
TRÉE. Les Chimères, Bruxelles. Monnom,
1889. Tirage à 120 exemplaires (dont
105 sur Chine appliqué — et 15 sur
papier teinté) par Becquet. à Pans.
Pierre effacée.
106 LES FLAMBEAUX NOIRS {H. \7i,
L. 121). [1890] Frontispice pour :
Emile Verhaeren. Les Flambeaux noirs,
Bruxelles. Deman. 1891. Tirage pour
52 exemplaires seulement sur Chine
appliqué par Becquet, à Pans. Pierre
effacée.
107. YEUX CLOS (H. 312. L. 242).
[1890] Imprimé sur Chine appliqué par
Becquet. à Pans. Format demi-colom-
bier. 11 a été fait deux tirages : le premier
porte la mention suivante, en bas.
à droite : 50 exemplaires — et le second :
Yeux clos, 2'' tirage à 50 exemplaires.
Pierre effacée. Il a été tiré en outre de
très rares estampes où, la bande de
terrain ayant été supprimée, il ne reste
que le buste de femme Impression à
l'encre légèrement teintée de vert.
108. SERPENT-AURÉOLE (H. 302.
L. 226). [1890] Tirage à 50 exemplaires
sur Chine appliqué par Becquet. à Pans.
Format demi-colombier. Pierre effacée.
109. SAINTE ET CH.ARDON (H. 285,
L. 207). [1891] Tirage à 50 exemplaires
sur Chine appliqué par Becquet. à Paris.
Format demi-colombier Pierre effacée.
SONGES (.4 la mémoire de mon ami
Armand Clavaud). Six lithographies.
[1891] .Mbum tiré à 80 exemplaires
sur Chine appliqué par Becquet, à Paris.
Format quart grand-colombier. Il a été
fait en outre un rarissime tirage de
l'Album sur Chine volant. Pierres effa-
184
110. I. C'était un voile, une empreinte
(H. 188, L. 133).
111. II. Et là-has l'Idole astrale, l'apo-
théose (H. 277. L 192).
112. III. Lueur précaire, une tête à l'infini
suspendue (H. 275, L 208).
113. IV. Sous l'aile d'ombre, l'Etre noir
appliquait une active morsure (H. 225,
L. 172).
114. V. Pèlerin du monde suhlunaire (H. 275.
L. 205).
115. VI. Le Jour (H. 210, L. 158).
1 16. PARSIFAL (H. 322, L. 242). [1892]
Tirage à 50 exemplaires sur Chine
appliqué par Becquet, à Pans. Format
demi grand-colombier. Pierre effacée.
117. DRUIDESSE{H.230, L. 200). [18921
Tirage à 50 exemplaires sur Chine
appliqué par Becquet. à Paris. Format
demi grand-colombier. Pierre effacée.
118. ENTRETIEN MYSTIQUE (H. 134,
L. 098). [1892] Tirage à 50 exemplaires
sur Chine appliqué par Becquet, à Pans.
Format quart grand-colombier. Signé
au bas, à gauche : Odilon Redon. La
signature apparaît retournée. Pierre
effacée.
119. LE LI.SEUR (H. 310, L. 236).
[1892] Tirage à 50 exemplaires sur
Chine appliqué par Becquet. à Pans.
Format demi grand-colombier. Pierre
effacée.
120. .4RRRE (H. 480, L. 320). [1892]
Tirage à 25 exemplaires sur Chine
appliqué par Becquet, à Pans. Format
demi grand-colombier. Pierre effacée.
121. LES TÉNÈBRES (H. 198, L. 123).
[1892] Frontispice pour : Iwan GlI.KIN.
Les Ténèbres. Tirage sur Chine appliqué
par Becquet, à Paris. Il existe aussi
quelques épreuves d'essai en dehors
du livre, également sur Chine appliqué.
Pierre effacée.
122. L'AILE (H. 319. L. 245). [1893]
Tirage à 25 exemplaires sur Chine
appliqué par Becquet, à Pans. Format
demi grand-colombier. Signé en bas,
à droite : Odilon Redon. Pierre effacée.
123. LUMIÈRE (H. 302, L. 272). [1893]
Tirage à 50 exemplaires sur Chine
appliqué par Becquet, à Pans. Format
demi grand-colombier. Pierre effacée.
124. CHEVALERIES SENTIMEN-
TALES (H. 138, L. 083). [1893] Tirage
pour : F. Herold. Chevaleries senti-
mentales, sur Chine appliqué par Bec-
quet, à Pans. Signé en haut, à gauche,
du monogramme enlacé : 0. R. Quelques
épreuves d'essai sur Chine appliqué
quart grand-colombier ont été tirées
avant lettre. Pierre effacée.
125. MON ENFANT (H. 230, L. 217).
[1893] Tirage à quelques exemplaires
sur Chine appliqué par Becquet, à Pans.
Format demi grand-colombier. Pièce
non mise dans le commerce et réservée
par l'artiste seulement pour ses intimes.
Au bas du dessin sont lithographiées
en cursive les deux mentions suivantes :
à gauche, 25 exemplaires ; à droite,
d'après mon enfant. Pierre effacée.
126. CELLULE AURICULAIRE (H.im.
L. 250). [1894] Tirage à 100 exemplaires
sur Chine appliqué par Ancourt, à Pans.
Format demi grand-colombier. Cette
lithographie a fait partie de : L'Estampe
originale, publication fondée et dirigée
par André Marty. Pierre effacée.
127. CHEVAL AILÉ (H. 158. L. 118).
[1894] Tirage sur Chine appliqué par
Becquet. à Paris. Pièce publiée par la
Revue Blanche. Pierre effacée.
- 185 -
128. HANTISE (H. 361, L. 229) (V' et
2'^ états). [1894] Quelques explications
relativement à cette pièce sont nécessaires.
Premier état. Redon avait dessiné une
sorte de Marguerite de Faust, marchant
comme hypnotisée par Méphisto qu on
apercevait derrière elle, la poussant en
avant. Mais une retouche projetée après
désencrage de la pierre n'ayant pas
réussi, l'estampe qui s'annonçait comme
une des plus belles de l'artiste, fut pro-
fondément modifiée dans le sens indiqué
ci-après. Rarissimes épreuves imprimées
directement sur le papier.
Deuxième état. Sur un fond très opaque
une femme s'avance, vue de profil,
et semblant écouter les inspirations de
trois larves bizarres. Tirage à 23 épreuves
sur Chine appliqué par Monrocq, à
Paris. Format demi grand-colombier.
Pierre effacée.
129. LE COURSIER (H. 215, L. 188).
[1894] Tirage à 25 exemplaires sur
Chine appliqué par Monrocq, à Pans.
Format demi grand-colombier. Pierre
effacée.
130. BRUNNHILDE {CRÉPUSCULE
DES DIEUX) (H. 380, L. 292). [1894]
Tirage à 80 exemplaires sur Chine
appliqué par Monrocq, à Pans. Format
demi grand-colombier. Pierre effacée.
131. L'ART CÉLESTE (H. 315. L. 258).
[1894] Tirage à 50 exemplaires sur
Chine appliqué par Furstein, à Pans.
Format demi grand-colombier. Il a été
tiré aussi quelques très rares exemplaires
datis les conditions suivantes : toute la
moitié de gauche en longueur de 1 es-
tampe, partie où se trouve I ange musi-
cien, a été supprimée. Il reste : Tête
d'homme écoulant (H. 315, L. 136).
Pierre effacée.
132. LE BUDDHA (H. 324, L. 249).
[1895]. Tirage à 100 exemplaires sur
Chine appliqué par Clôt, à Pans. Format
demi grand-colombier. Cette pièce fait
partie de l'Estampe originale, publi-
cation fondée et dirigée par André
Marty. Pierre effacée.
133. CENTAURE VISANT LES NUES
(H. 314, L. 250). [1893] Tirage à
50 exemplaires sur Chine appliqué par
Clôt, à Paris. Format demi grand-colom-
bier. Quelques rares exemplaires avant
lettre sur Chine appliqué sont teintés
monochromes : soit vert, soit rouge un
peu groseille. Pierre effacée.
TENTATION DE SAINT-ANTOINE.
Troisième série. Texte de Gustave
Flaubert, 24 dessins sur pierre dont
un frontispice. [1896] Tirage à 50 exem-
plaires sur Chine appliqué (sauf le
frontispice sur papier du Japon) partie
par Clôt et partie par Blanchard, à Pans.
L'Album est contenu sous cartonnage
grenat portant en lettres dorées : Tenta-
tion de Saint-Antoine, 1896. Vollard qui
en fut l'éditeur, a effectué également
un tirage sur Hollande, destiné à illustrer
une édition éventuelle du livre.
134. I. Frontispice (H. 240, L. 165).
Imprimé monochrome sur papier du
Japon par Clôt. Il n'y a pas deux épreu-
ves exactement semblables.
135. II. Saint- Antoine : Au secours mon
Dieu! (H. 215, L. 130). Imprimé par
Blanchard.
136. III. Et partout ce sont des colonnes de
basalte... la lumière tombe des voûtes
(H. 243, L. 090). Imprimé par Clôt.
137. IV. Mes baisers ont le goût d'un fruit
qui se fondrait dans ton cœur:... Tu me
dédaignes ! Adieu ! (H. 203. L. 166).
Imprimé par Blanchard.
138. V. Des fleurs tombent, et la tête d'un
python paraît (H. 260, L. 198). Imprimé
par Blanchard.
i86 —
139. VI. Dans l'omhre des gens pleurent
et prient entourés d'autres qui les
exhortent... (H. 265. L. 216). Imprimé
par Blanchard.
140. VII. ...Et il distingue une plaine aride
et mamelonneuse (H. 248, L. 195). Imprimé
par Blanchard.
141. VIII. Elle tire de sa poitrine une
éponge toute noire, la couvre de baisers
(H. 193, L. 133). Imprimé par Clôt.
142. IX. ...Je me suis enfoncé dans la soli-
tude. J'habitais l'arbre derrière moi
(H. 300, L. 223). Imprimé par Blan-
chard.
143. X. Hélène (Ennoia) (H. 095. L. 085),
Imprimé par Blanchard.
144. XI. Immédiatement surgissent trois
déesses (H. 170, L 133). Imprimé par
Blanchard.
145. XII. L'Intelligence fut à moi. je devins
le Buddha (H. 320. L. 220). Imprimé
par Blanchard.
146. XIII. ...Et que des yeux sans tête
flottaient comme des mollusques (H. 310,
L. 224). Imprimé par Blanchard.
147. XIV. Oannès : Moi, la première
conscience du chaos, fai surgi de l abîme
pour durcir la matière, pour régler les
formes (H. 279, L. 217). Imprimé par
Blanchard.
148. XV. Voici la Bonne Déesse, l'ïdéenne
des montagnes (H. 148. L. 130). Imprimé
par Clôt.
149. XVI. Je suis toujours la grande Isis !
Nul n'a encore soulevé mon voile ! Mon
fruit est le soleil! (H. 282. L. 204). Im-
primé par Blanchard.
130. XVII. // tombe dans l'ahime. la tête
en bas (H. 278. L. 212). Imprimé par
Blanchard.
151. XVIII. Antoine : Quel est le but de
tout ceta ? Le Diable : Il n'y a pas de but !
(H. 311, L. 230). Mise sur pierre faite
par Clôt, et rimpression par Blanchard.
132. XIX. La Vieille : Que crains-tu?
Un large trou noir ! Il est vide peut-
être? (H. 162. L. 108). Imprimé par
Blanchard.
133. XX. La Mort : C'est moi qui te
rends sérieuse; enlaçc-ns-nous (H. 303,
L. 211). Imprimé par Blanchard.
134. XXI. ...J'ai quelquefois aperçu dans
le ciel comme des formes d'esprits (H. 261 ,
L. 182). Imprimé par Clôt.
135. XXII. ...Les Bêtes de la mer, rondes
comme des outres (H. 222. L. 190).
Imprimé par Blanchard.
156. XXIII. Des peuples divers habitent
les pays de l'Océan (H. 310. L. 230).
Imprimé par Blanchard.
157. XXIV. Le jour enfin parait ...Et dans
le disque même du soleil, rayonne la face
de Jésus-Christ (H. 270. L. 263). Im-
primé par Blanchard.
158. VIEUX CHEVALIER (H. 298.
L. 239). [1896] Tirage à 100 exemplaires
sur Chine appliqué par Blanchard, à
Paris. Format demi grand-colombier.
Cette estampe fait partie de V Album des
Peintres-Graveurs, édité par M. Vollard.
Pierre effacée.
159. LE MOUVEMENT IDÉALISTE
EN PEINTURE (H. 090, L. 080).
[1890]. Frontispice pour : André Mel-
LERIO. Le Mouvement idéaliste en pein-
ture, Paris, H. Floury, 1896. Tirage
à 350 exemplaires, (dont quelques volumes
sur Hollande), par Blanchard, à Pans.
En plus des exemplaires insérés dans
l'édition (papier teinté jaune pour la
plus grande partie, et Japon pour les
livres sur Hollande), il a été fait quelques
épreuves d'essai également sur papier
teinté et Japon. Enfin un tirage à part
sur Chine appliqué, format quart grand-
colombier. Signé en haut, à droite,
du monogramme enlacé : 0. R. i icrre
effacée.
iS/
LA MAISON HANTÉE. Six lithogra-
phies et un frontispice. [1896] Tirage
à 60 exemplaires sur Chine apphqué
par Clôt, à Pans. Format quart grand-
colombier. Album édité aux frais et
par les soins de M. René Philippon,
pour servir de commentaire à sa tra-
duction d'une œuvre de : BuLWER-
Lytton. La Maison hanlée. Pierres
effacées.
160. Frontispice (H. 320, L. 200).
161. I. Je vis dessus le contour vaporeux
d'une forme humaine (H. 253, L. 181).
Il a été tiré en outre de cette pièce 20
épreuves à part.
162. II. Je vis une lueur large et pâle
(H. 230, L. 170).
163. III. // tenait ses yeux fixés sur moi
avec une expression si étrange (H. 228,
L. 153). Signé en bas, à gauche : Odi. R.
164. IV. Selon toute apparence, c'était
une main de chair et de sang comme la
mienne (H. 245, L 178).
165. V. Des larves si hideuses (H. 179.
L. 1 70). Signé en bas, à gauche, du mono-
gramme enlacé : 0. R.
166. VI. La largeur de l'aplatissement de
l'os frontal (H. 140. L. 170). Signé vers
le bas, à gauche : Od. R.
167. LA SULAMITE (H. 245, L. 190).
[1897] Tirage à 50 exemplaires par
Ciot, à Pans. Impression en couleurs.
Certaines épreuves sont en noir, jaune
et violet — d'autres en bleu clair, jaune
et violet. Format demi grand-colombier.
Pierre effacée.
168. BÉATRICE (H. 335, L. 295). [1897]
Cette pièce fait partie de VAWum des
Peintres-Graveurs, édité par Vollard.
à Pans. Tirage en couleurs sur Chine
appliqué par Clôt, à Paris. Format demi
grand-colombier. Signé en haut, à
droite, dans la fleur, du monogramme
enlacé : 0. R. — Il existe aussi quelques
épreuves d'essai avant lettre sur Chine
volant (H. 250, L. 190) plus poussées
comme travail et coloris. Pierre effacée.
1 69. TÊTE D'ENFANT A VEC FLEURS
(H. 251, L. 2 13). [1892] Tirage à 50 exem-
plaires sur Chine appliqué par Duchâtel,
tireur d'art chez Lemercier et C"', à
Paris. Format demi grand-colombier. Le
tirage comprend : A. Epreuves mono-
chromes. B. Epreuves en noir, retou-
chées en couleur à la main. Ces rehauts
sont appliqués aux fleurs. C. Epreuve
unique sur papier vert. Il a été tiré en
outre quelques épreuves d'essai, rehaus-
sées ou non, sur Chine appliqué et sur
Chine volant. Pierre effacée.
170. ARI (H. 208, L. 125). [1898] Tirage
par Navier, à Pans. Cette pièce destinée
à L'Estampe et TAffiche ne fut point
exécutée. Epreuves rarissimes. Il en
existe deux états. Premier état. Titre,
en bas, lithographie d'après l'écriture de
l'artiste : Ari 1898, 0. R. — Deuxième
état. Avec retouches. Dans la marge
a été ajouté un croquis léger du profil de
l'enfant. Le titre et la date sont restés,
mais le monogramme a été remplacé par
la signature abrégée : Od. R., en écriture
cursive lithographiée. Pierre effacée.
171. HOMME SUR PÉGASE (H. 137,
L. 093). [1898] Tirage à 10 exemplaires
par Becquet, à Paris. Rares épreuves
d'essai sur papier blanc de cette pièce
non définitivement exécutée. Pierre
effacée.
172. LE SOMMEIL (Dans la pensée de
l'artiste, cette planche devait avoir pour
titre : Sulamite) (H. 130. L. 125).
[1898] Tirage annoncé à 510 exemplaires
(en réalité 300) sur Chine appliqué
par Duchâtel, tireur d'art chez Lemer-
cier et C'^, à Pans. Cette estampe fut
donnée en prime par la Revue d'art :
i88 —
L'Estampe et l'Affiche. N" 2 (2'' année),
13 février 1898. Il existe en outre,
quelques épreuves sur Japon, d autres
sur Chine volant, d'autres enfin sur
Chine appliqué, format quart grand-
colombier. Pierre effacée.
APOCALYPSE DE SAINT-JEAN.
Douze lithographies et un frontispice,
édités par Vollard, à Paris [1899].
Album tiré à 100 exemplaires sur Chine
appliqué par Blanchard, à Pans. Format
demi grand-colombier. Pierres effacées.
173. Couverture-frontispice (H. 202, L. 233)
174. I. Et il avait dans sa main droite
sept étoiles, et de sa bouche sortait une
épée aiguë à deux tranchants (H. 292,
L. 209). Signé au bas, à gauche : Odilon
Redon.
175. 11. Puis je vis dans la main droite de
celui qui était assis sur le trône, un livre
écrit dedans et dehors, scellé de sept
sceau.x (H. 322, L. 243). Signé vers le
bas, à gauche : Odilon Redon.
176. III. ...Et celui qui était monté dessus
se nommait la Mort (H. 310, L. 225).
Signé en bas. à droite, du monogramme
enlacé : 0. R.
i 77. IV. Puis l'Ange prit l'encensoir (H. 3 1 0,
L. 215). Signé en bas, vers le milieu,
deux fois. D'abord : Odilon Redon — puis
le monogramme enlacé : 0. R.
178. V. Et il tombe du ciel une grande étoile
ardente (H. 303, L. 233). Signé en bas, à
droite, du monogramme enlacé : 0. R.
179. VI. ...Une Femme revêtue du soleil
(H. 230, L. 286). Signé en bas, au milieu,
du monogramme enlacé : 0. R.
180. VII. Et un autre Ange sortit du
temple qui est au ciel, ayant lui aussi une
faucille tranchante (H. 313. L. 212).
Signé en bas. à droite, du monogramme
enlacé : 0. R.
181. VIII. Après cela je vis descendre
du ciel un Ange qui avait la clef de
l'abîme, et une grande chaîne en sa main
(H. 304, L. 232).
182. IX. ...Et le lia pour mille ans (H. 298.
L. 210).
183. X. Et le Diable qui les séduisait,
fut jeté dans l'étang de feu et de soufre,
oii est la Bêle et le faux Prophète) (H. 274.
L. 238). Signé en bas, au milieu :
Odilon Redon.
184. XI. Et moi, Jean, je vis la sainte cité,
la nouvelle Jérusalem, qui descendait du
ciel, d'auprès de Dieu (H. 300, L. 237).
Signé en bas, à droite, du monogramme
enlacé : 0. R.
185. XI!. C'est moi, Jean, qui ai Vu et qui
ai ouï ces choses (H. 158, L. 190). Signé
en bas, à droite, du monogramme
enlacé : 0. R.
PLANCHES D'ESSAL [1900] Quatre
planches d essai commandées à Redon
furent exécutées par lui. La pierre de
l'une d'elles fut égarée. Des trois autres
indiquées ci-dessous, quelques très rares
épreuves furent tirées à Pans.
186. I. Femme de profil vers la gauche,
coiffée d'un hennin (H. 300, L. 240).
Sur papier blanc. Signé vers le bas,
à droite, du monogramme enlacé : 0. R,
187. II. Tête d'enfant, de face, avec au-
dessus un arc-en-ciel (H. 120, L. 070).
Sur Chine. Signé en bas, à droite, du
monogramme enlacé : 0. R.
188. III. Femme coiffée d'une toque et
rejetant le buste en arrière (H. 260,
L. 240). Sur papier blanc.
189 TÊTE DE FEMME AVEC
FLEURS AU CORSAGE (H. 225.
L. 195). [19001 Tirage par Blanchard,
à Paris. De cette planche rarissime, il
n'existe que quatre exemplaires : A.
Deux sont tirés sur papier blanc ; B.
les deux autres sur papier gris.
— 189
PORTRAITS
190. EDOUARD VUILLARD (H. 200.
L. 152). 11900] Portrait du peintre
Vuillard, tiré à 12 exemplaires sur Chine
appliqué par Blanchard, à Pans. Format
grand-colombier. Pierre effacée.
191 . P/Ê/^/^£fîON/V/4/?D(H. 145, L. 123).
[1902] Portrait du peintre Bonnard,
tiré à 12 exemplaires sur Chine appliqué
par Blanchard, à Paris. Format grand-
colombier. En plus du tirage en noir,
il existe quelques épreuves à la sanguine.
Pierre effacée.
192. PAUL SÉRUSIER (H. 160, L. 135).
[1903] Portrait du peintre Sérusier, tiré
à 12 exemplaires sur Chine appliqué
par Blanchard, à Pans. Format grand-
colombier. Daté en bas, à gauche : 1903.
En plus du tirage en noir, il existe une
épreuve en bistre et quelques épreuves
à la sanguine. Pierre effacée.
193. MAURICE DENIS {H. 153, L. 135).
[1903] Portrait du peintre Denis, tiré
à 25 exemplaires sur Chine appliqué
par Blanchard, à Pans. Format grand-
colombier. Daté en bas. à droite : 1903.
Pierre effacée.
194. RICARDO VINES (H. 135, L. 1 14).
[1903] Portrait du pianiste Vinès. tiré
à 25 exemplaires sur Chine appliqué
par Blanchard, à Pans. Format grand-
colombier. Daté en bas, à droite : 1903.
Pierre effacée.
195. M"« JULIETTE DODU (H. 146,
L. 090). [1904] Portrait de Théroïne fran-
çaise de 1870, demi-sœur de M'"*" Odilon
Redon, tiré à 40 exemplaires sur Chine
appliqué par Clôt, à Paris. Format
grand-colombier. Daté en bas, à droite :
1904. Le total se décompose ainsi :
15 épreuves en rouge, 25 épreuves en
noir. Il existe aussi quelques très rares
épreuves d essais en noir, tirées par
Blanchard, à Paris. Pierre effacée.
196. ROGER MARX (H. 250, L. 145).
[1904] Portrait de l'écrivain d'art Roger
Marx, tiré à 20 exemplaires sur Chine
appliqué par Clôt, à Pans. Format
grand-colombier. Le total se décompose
ainsi : 15 épreuves en noir, 5 épreuves en
rouge. Pierre effacée.
197. LLOBET (H. 095, L. 095). [1909]
Portrait du guitariste Llobet, tiré à
15 exemplaires sur Chine appliqué par
Clôt, à Pans. Format grand-colombier.
Daté en bas, à droite : 1908. Pierre
effacée.
ANNEXE
LES FLEURS DU MAL. Neuf dessins
dont une couverture-frontispice et un
cul-de-lampe pour : Charles Baudelaire,
Les Fleurs du mal [1890]. Tirage par
le procédé sur cuivre d Evely, sans
aucune retouche des planches par Redon.
Le résultat est inférieur à celui que
donne une impression lithographique.
L'Album, bien qu'annoncé à 50 exem-
plaires, ne fut réellement tiré qu'à 43,
dont : 41 sur vélin teinté, I sur Chine et
1 avant lettre. Format quart de colom-
bier. Il existe deux ou trois épreuves,
d'essai en bistre.
De plus, l'éditeur Deman a fait imprimer
un tirage dans le format in-8'' pour
pouvoir être inséré dans : Charles Bau-
delaire, Les Fleurs du mal. Bruxelles,
Deman, 1890. C'est une réduction sur
cuivre par le procédé d Evely, des grandes
planches ci-dessus. Ce tirage comprend :
100 exemplaires, dont 80 sur vélin
teinté, 10 sur Chine et 10 sur Japon.
Dessins et cuivres demeurés chez 1 édi-
teur Deman, à Bruxelles.
198. I. Couverture-frontispice (H. 190,
L. 142).
199. II. Je t'adore à l'égal de la voûte
nocturne, ô vase de tristesse, ô grande
taciturne (H. 250, L. 179). Signé en bas,
à droite, du monogramme enlacé : 0. R.
igo
200. 111. Parfois on trouve un vieux flacon
qui se souvient, d où jaillit toujours vive
une âme qui revient (H. 245, L. 168).
Signé en bas, au milieu, du mono-
gramme enlacé : 0. R.
201. IV. Si par une nuit lourde et sombre,
un bon chrétien, par charité, derrière
quelque vieux décembre, enterre votre
corps voûté (H. 232, L. 183). Signé en
bas, à gauche, du monogramme enlacé :
0 R
202 V. Volupté, fantôme élastique ! {H. 178,
L. 1 15). Signé en bas, à droite, du mono-
gramme enlacé : 0. R.
203. VI. Sur le fond de nos nuits Dieu de
son doigt savant dessine un cauchemar
multiforme et sans trêve (H. 212, L. 187).
Signé en haut, à gauche, du mono-
gramme enlacé : 0. R.
204. Vil. Sans cesse à mes côtés s'agite
le démon (H. 214, L. 180). Signé en bas
au milieu, du monogramme enlacé :
0. R.
205. Vlll. Gloire et louange à toi Satan,
dans les hauteurs du ciel, où tu régnas, et
dans les profondeurs de l'enfer où. vaincu,
tu rêves en silence! (H. 174, L. 180).
Signé en bas, à droite, du monogramme
enlacé : 0. R.
206. Cul-de-lampe (H. 118, L. 090). Signé
en bas, à droite, du monogramme
enlacé : 0. R.
SUPPLEMENT AU CATALOGUE
N.-B. — Le Catalogue ci-dessus donné des gravures et lithographies d'Odilon Redon
est conforme, comme numération, à celui jadis édité par la SOCIÉTÉ POUR L Etude
DE LA Gravure française. Aussi peut-on se reporter facilement à ce dernier pour la
description et la reproduction documentaire des estampes, ainsi que les détails
relatifs aux épreuves d'essais, aux dessins antérieurs, etc.
Depuis la publication, en 1913, certaines corrections sont apparues comme devant
être effectuées. De plus, quelques pièces omises — en nombre très minime d ailleurs —
ont été retrouvées. Enfin, assez récemment. M""-' Odilon Redon a fait procéder au
Retirage, à nombre restreint d'exemplaires, de plusieurs gravures, ainsi qu'au PREMIER
Tirage de trois cuivres, dont deux considérés par l'artiste comme non encore absolument
achevés. De cet appoint, il était nécessaire d'établir l état exact.
Afin d'éviter toute confusion, nous avons adopté dans le SUPPLÉMENT ci-après, la
méthode suivante.
A. Sous le titre : ADDITIONS ET RETIRAGES sont réunis les rectifications et ADDENDA,
ainsi que les indications concernant les éditions supplémentaires. Nous donnons à
chaque pièce son NuMÉRO DE l'Ancien Catalogue, mais en y ajoutant ce mot : bis.
191
B. Puis, sous la rubrique : Estampes non encore Cataloguées, nous avons
groupé celles omises en 1913, ainsi que les cuivres gravés par Redon depuis celle date.
A ces pièces soni attribués des Numéros d'ordre NOUVEAUX, qui font immédiatement
suite au chiffrage des 206 pièces cataloguées précédemment.
ADDITIONS ET TIRAGES COMPLEMENTAIRES
GRAVURES
4 bis. LUTTE DE CAV.4LIERS (H. 083.
L. 120). Tirage nouveau en 1922, après
la mort de l'artiste. Impression à
30 épreuves sur papier par Louis Fort,
à Pans. Pas de signature manuscrite
de l'artiste.
5 ils. BATAILLE (H. 058, L. 120).
Tirage nouveau en 1922. Impression à
30 épreuves sur papier par Louis Fort,
à Pans. Pas de signature manuscrite.
6 bis. LA PEUR (H. 112, L. 200). Ti-
rage nouveau en 1922. Impression à
30 épreuves sur papier par Louis Fort,
à Pans. Pas de signature manuscrite.
12 bis. SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
(H. 110, L. 200). Le cuivre primitif,
dont nous venons de donner les dimen-
sions fut, dans la suite, coupé en
deux par Redon. La partie de gauche
ayant été détruite, il ne resta que celle
de droite, représentant : Un groupe de
maisons, et, à côté, deux petits personnages
assis.
De cette dernière moitié (H. 110,
L. 080) il a été fait deux tirages en 1922.
I" Impression à 3 épreuves sur papier
par Louis Fort, à Paris. Pas de signature
manuscrite.
Puis la demi-plaque ayant été aciérée :
2" Impression à 1 10 épreuves sur papier
par Porcabeuf, à Pans. Pas de signature
manuscrite.
13 Aïs. CROQUIS (H. 120. L. 095).
Tirage nouveau en 1922 dans les condi-
tions suivantes :
I" Impression en noir de quelques rares
épreuves dans les dimensions ci-dessus
indiquées, par Louis Fort, à Pans.
Pas de signature manuscrite.
2" Impression, supprimant le sommet
du cuivre jusqu'au front de la petite tête
du haut (H. 090, L. 080), à 30 épreuves
sur papier (dont 15 en noir et 15 en
rouge) par Louis Fort, à Paris. Pas de
signature manuscrite.
3" Enfin, la plaque ayant été aciérée,
impression, selon les secondes dimen-
sions, de 110 épreuves, en sanguine,
sur papier par Porcabeuf, à Paris. Pas
de signature manuscrite.
17 ils. MAUVAISE GLOIRE (H. 093,
L. 050). Tirage nouveau en 1922.
Impression à 30 épreuves sur papier
par Louis Fort, à Paris. Pas de signature
manuscrite.
— 192
18 bis. GAIN ET ABEL (H. 175. L. 1 19).
Tirage nouveau en juillet 1914, du vivant
de Redon, impression à 15 épreuves sur
papier par Porcabeuf, à Pans. Signées à
la main par l'artiste.
19 bis. PETIT PRÉLAT (H. 085, L. 046).
Tirage nouveau en 1922. Impression
à 30 épreuves sur papier par Louis
Fort, à Paris.
20 bis. PERVERSITÉ (H. 160, L. 126).
Tirage nouveau en 1922. impression
à 30 épreuves sur papier par Louis
Fort, à Pans. Pas de signature manus-
crite.
21 bis. PASSAGE D'UNE AME (H. OSA.
L. 053). Tirage nouveau en 1922.
Impression à 30 épreuves sur papier
par Louis Fort, à Pans. Pas de signa-
ture manuscrite.
22 bis. PRINGESSE MALEINE (connue
aussi sous ce titre : La petite Madone)
(H. 119, L. 064). Tirage nouveau en
1922, comme suit :
1" impression à 30 épreuves sur
papier par Louis Fort, à Pans. Pas de
signature manuscrite.
Puis, la plaque ayant été aciérée :
2" Impression à 1 10 épreuves sur papier
Japon par Louis Fort, à Pans. Pas de
signature manuscrite. Ce second tirage
effectué pour joindre aux exemplaires de
luxe du volume suivant : Odilon Rf.DON,
.4 Soi-même (Journal), Paris, H. Floury,
1922.
24 bis. LE LIVRE (connu aussi sous le
titre de : Sainte-Thérèse) (H. 120,
L. 083). Tirage nouveau en 1922.
impression à 15 épreuves sur papier par
Louis Fort, à Paris. Pas de signature
manuscrite. Le tirage n'ayant pas donné
le résultat qu'on espérait, 5 exemplaires
seulement ont été gardés et les autres
détruits.
ESTAMPES NON ENCORE CATALOGUEES
GRAVURES
207. MÉDITATION (H. 087, L. 062).
Eau-forte. [Antérieurement à 1870?]
Dans un site montagneux, sous un ciel
chargé de nuées, un personnage assis sur
un rocher parait s absorber en sa médi-
tation.
Tirage à 3 épreuves sur papier.
Pas de signature manuscrite par 1 ar-
tiste.
208. EX LIBRIS (H. 090, L. 035).
Eau-forte.
Quelques arabesques. En haut, à gauche,
une sorte de banderole rigide formant
la base d'un triangle dont le coin de la
gravure serait le sommet. On peut y
lire cette devise : " Gomprends et '.
Tirage à rares épreuves. Pas de signa-
ture manuscrite.
193
209. BAIGNEUSE (Ce titre a été donné
par Redon) (H. 134. L. 062). Eau-forte.
En un paysage irréel, émerge au milieu
de floraisons fantastiques une femme nue
debout, dont la tête inclinée laisse retomber
devant elle sa longue chevelure pendante.
Redon grava ce cuivre avant 1914.
Il ne le considérait point comme achevé,
et pensait y ajouter un paon.
Tirage posthume en 1 922, comme suit :
1° Impression à 20 épreuves (dont 6
en rouge brun) sur papier (quelques
exemplaires sont sur Japon) par Louis
Fort, à Paris. Pas de signature manus-
crite. En revanche, Redon a incisé,
sur le cuivre, ce qui est rare pour lui,
en bas à gauche et verticalement son
nom : 0. Redon. Les lettres majuscules
0 et R sont enlacées, formant mono-
gramme.
Puis la plaque ayant été aciérée :
2" Impression à 110 exemplaires sur
papier par Porcabeuf, à Pans. Pas de
signature manuscrite.
210. INTÉRIEUR DE CATHÉDRALE
(H. 122. L. 125). Pointe sèche.
Une crypte surbaissée aux lourds
piliers, oii dans l'ombre s'avance un
personnage mystérieux et dolent.
A ce cuivre, incisé seulement et non
mordu à l'eau-forte, Redon travailla
pendant la Guerre de 1914. Il ne put le
terminer.
Tirage en 1922. Impression à 2 exem-
plaires seulement sur papier par Louis
Fort, à Pans. Pas de signature manus-
crite. La plaque ne paraissant plus
pouvoir donner de résultats satisfai-
sants, on dut s'en tenir à cette double
épreuve.
— 194
BIBLIOGRAPHIE
EXPOSITIONS - MUSÉES & COLLECTIONS
BIBLIOGRAPHIE
Nous ne pouvions donner ici une Biblio-
graphie trop détallié: concernant Redon.
Mais il nous a paru indispensable de signaler
les livres, publications et articles offrant le
plus d intérêt à l égard de sa personne ou de
son œuvre.
Les documents particulièrement importants
sont précédés d'un astérisque.
Cette édition posthume a pu voir le jour
grâce aux soins pieux de M""^ Odilon
Redon. C'est un choix fait parmi les
manuscrits que l'artiste a laissés, et dont
lui-même avait l'intention de publier une
partie.
Livres et Publications
En toute première ligne doivent être
indiquées les œuvres publiées par l'artiste
lui-même.
Odilon Redon. Salon de 1868. La
Gironde (Bordeaux). N'*" des 19 mai,
9 juin, l*^"- juillet 1863.
Odilon Redon. Lettre à Edmond
Picard, du 13 juin 1894, reproduite sous
ce titre : Confidences d'artiste, dans la revue :
L'Art Moderne (Bruxelles), 25 aoiît 1894.
Odilon Redon. Rodolphe Bresdin (1822-
1885). Préface pour l'Exposition rétros-
pective d'œuvres de l'artiste. Catalogue
du Salon d'. Automne, 1908.
* Odilon Redon. A Soi-Même, Journal
(1867-1915). Notes sur la Vie, l'Art et les
Artistes. Introduction de Jacques Mor-
LAND. Paris, H. Floury, 1922. En plus du
tirage ordinaire, il a été imprimé 125
exemplaires de luxe sur papier spécial, et
enrichis d'une eau-forte originale de 1 ar-
tiste.
J.-K. HuvsMANS. L'Art moderne, Paris,
Charpentier, 1883. Appendice. P. 274 et
suiv.
* J.-K. HuYSMANS. Certains. Paris.
Tresse et Stock, 1889. Le Monstre. P. 150
et suiv.
* Jl'LES DestrÉE. L'Œuvre lithogra-
phique de Odilon Redon. Bruxelles, Edm.
Deman 1891. Tirage à 75 exemplaires.
Henri Beraldi. Les Graveurs du
Xix" siècle. (Guide de l'amateur d'es-
tampes modernes). Paris, L. Concjuet,
1891. Vol. XI. P. 172 et suiv.
André Mellerio. Préface pour \'E.xpo-
sition d'œuvres d'Odilon Redon. (Galeries
Durand-Ruel), 1894.
André Mellerio. Le Mouvement Idéa-
liste en Peinture (Frontispice d'ODILON
Redon. Couverture de H. Nocq). Paris,
Floury, 1896. Odilon Redon. P. 20 et suiv-
André Mellerio. La Lithographie ori-
ginale en couleurs. (Couverture et estampe
de P. Bonnard). Paris, Publication de
L'Estampe et l'. 4 fiche, 1889. P. 20 et suiv.
197
H. Bouchot. La Lithographie. (Biblio-
thèque de I Enseignement des Beaux-Arts).
Pans, Librairies -Imprimeries Réunies.
Chap. IV. La Lithographie contemporaine
en France. Le " nouveau jeu ". P. 296.
Odilon Redon. Dans : Figures contem-
poraines. Tirées de V Album Mariani (Auto-
graphes, Notes et Biographies rédigées
par Joseph Uzanne). II'' Vol. Paris,
Floury, 1904. (Avec le portrait de Redon).
* André Mellerio. Odilon Redon. Avec
une gravure originale de l'artiste. Société
pour l'Etude de la Gravure Française,
1913. Tirage à 550 exemplaires, dont 73
sur Japon et 425 sur papier véliii d Arches.
(L ouvrage contient le Catalogue détaillé
de VŒuvre gravé et lithographi' d'Odiion
Redon, avec la reproduction de toutes les
planches décrites).
Gustave Cgqjiot. Les Indépendants
(1884-1920) 5" éd. Paris, Ollendorfï. (1920).
Les Isolés. Redon. P. 71 et suiv.
Maurice Denis. Théories (1890-1910).
Du Symbolisme et de Gauguin vers un nouvel
ordre classique, 4*^ éd. Pans, L. Rouart et
J. Watelin, 1920. Exposition Odilon Redon.
P. 136 et SUIV.
Nous devons encore mentionner une
publication spéciale.
L'Œuvre graphique comp'et d'Odiion
Redon (192 planches en Phototypie d'après
toutes les lithographies et eaux-fortes
du Maître, précédées d'une notice chrono-
logique sur leur tirage. Edition limitée
à 300 exemplaires. Publication de MM. Artz
et Debois, b. Vijverberg, 14, à La Haye,
1913. In-folio. En deux portefeuilles
cartonnés et entoilés.
Journaux et Revues
Dans : L'Industrie (Bordeaux), 7 avril
1861 (Article non signé).
A. P. IAmédée Pigeon]. Dans : Le
Courrier républicain, 15 mai 1881.
Triolet [Emile Hennequin]. (Au bout
de la lorgnette). Odilon Redon. Le Gaulois,
2 mars 1882.
* Emile Hennequin (Beaux-Arts).
Odilon Redon. La Revue artistique et
littéraire. 4 mars 1882.
Gustave Geffroy. Odilon Redon. La
Justice, 6 mars 1885.
Charles Morice (La Semaine). L'Hom-
mage à Goya. La Petite Tribune républi-
caine, 2 avril 1885.
J.-K. Huys.MANS. Le nouvel album
d'Odiion Redon. (L'Hommage à Goya).
La Revue Indépendante, février 1885.
Robert Gaze. Dans le rêve. Lutèce,
11 février 1835.
Maurice Fabre. Odilon Redon, 1886.
(La revuz ou parut l'article n'a pu être
identifiée).
Jules DestrÉE. Odilon Redon. La Jeune
Belgique (Bruxelles), l'^'' février 1886.
Paul Guigou. Odilon Redon, 24 octobre
1886. (La revue où parut l'article n a pu être
identifiée).
LÉO Rouanet (Les Artistes nouveaux)
Odilon Redon. Le Petit Toulousain (Tou-
louse), 17 avril 1886.
Octave Mirbeau. L'Art et la Nature.
Le Gaulois, 26 avril 1886.
J.Staphorst. Odilon Redon. De nieuwe
Gids (Amsterdam), 1887.
Gustave Kahn. Dans : La Revue Indé-
pendante, janvier 1888.
J. Staphorst (Kunst). Impressies. il.
De nieuwe Gids (Amsterdam), avril 1888.
igS -
La Tenlalion Je Saint-Antoine pur
Odilon Redon. Dans : L'Art Moderne
(Bruxelles), 21 octobre 1888 (Article
non signé).
Gabriel Moure-i'. (L'Art). Trois dessins
d'Odilon Redon. Feu(7/e libre, 24 avril 1890.
Yeux clos. Dans : L'Art Moderne
(Bruxelles), 28 décembre 1890 (Article
non signé).
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Charles Morice (Les Hommes d'Au-
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Saint-Antoine (3*-' série) par Odilon Redon.
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Maurice Denis. Dans : L'Art et la lie.
octobre 1896.
199
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L'Estampe et l'Affiche, 15 février 1898.
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du Salon d'Automne, 1904.
M. FoUQUIER. Dans ■ Le Journal,
14 octobre 1904.
Gustave Babin. Dans : L'Echo de Paris,
14 octobre 1904.
Odilon Redon. Dans : Essais, novembre
1904 {Article non signé).
Visites au Salon d'Automne. Dans : Le
Journal des Débats. 4 novembre 1904.
{Article non signé.)
E. Sarradin. Salon d'Automne. Le
Petit Monégasque (Monte-Carlo), 6 no-
vembre 1904.
Toussaint-Martel. Salon d'Automne,
12 novembre 1904. (Le Journal où parut
cet article n'a pu être identifié)
Louis Cordonnier. Le Salon d'Automne
La Grande Revue, 15 novembre 1905.
Exposition Odilon Redon. Dans : New-
York Herald, l"mars 1906.
L. Vauxcelles. Exposition Odilon
Redon. Le Gil Blus, 6 mars 1906.
Henry Eon. Dans : Le Siècle, I 3 mars
1906.
Etienne Charles. Odilon Redon. La
Liberté, 24 mars 1906.
Jacques Morland. Article paru en
novembre 1908. {Le journal et la date
exacte n'ont pu être identifiés.)
Gabriel Mourey. Odilon Redon. L'Opi-
nion, novembre 1908. {La date exacte n'a
pu être identifiée.)
Pascal Forthuny. Odilon Redon. Le
Matin, 16 novembre 1908.
Eon. Odilon Redon. Le Siècle, 20 no-
vembre 1908.
Jean Claude. Dans : Le Petit Parisien,
25 novembre 1908.
Les Expositions. Dans : La Grande Revue,
10 décembre 1908 {L'auteur de l'article n'a
pu être identifié).
Georges Lecomte. Dans : Le Matin,
22 octobre 1912.
Hommage à Odilon Redon (Témoi-
gnages émanant de MM. Jacques Beltrand,
P. Bonnard, Maurice Denis, G. Desval-
lières, Kees van Dongen, Fagus, A. Fon-
tainas, Gayac, R. Gbil. H. de Groux,
Hermann-Paul, E. Herscher, G. Kahn,
H. Lacoste, P. Laprade, A. Mellerio, G. de
Monfreid, G. Sarrazin, P. .Sérusier, Louis
Valtat, C. Waltner.) La Vie. N'« des
30 novembre et 7 décembre 1912.
* André Salmon, Odilon Redon. L'Art
décoratif, janvier 1913.
Odilon Redon. Dans : Die Graphische
Kiiiste (Vienne), 1913.
* Arsène Alexandre. (La semaine artis-
tique.) Floralies. Comœdia, l'"^ novembre
1913.
* Jeanne Doin. Odilon Redon, Mer-
cure de France, !''■' juillet 1914.
Odilon Redon. Dans : L'Intransigeant,
7 juillet 1916 {.Article non signé).
Mort du graveur Odilon Redon. Dans
Le Temps, 7 juillet 1916 {Article non signé).
Marius Leblond. Odilon Redon.
L'Œuvre, 7 juillet 1916.
Odilon Redon. Dans Paris-Midi, 7 juil-
let 1916 {Article non signé).
Louis Vauxcelles. Odilon Redon. L'Évé-
mment, 8 juillet 1916.
Odilon Redon. Dans : Le Rappel, 8 juillet
1916 {Article non signé).
Odilon Redon. Dans : Le Siècle, 8 juillet
1916 {Article non signé).
Louis Vauxcelles. Odilon Redon, gra-
veur. L'Evénement, 12 juillet 1916.
Emile Bernard. Odilon Redon. La Vie,
1916. Juillet ? {La date n'a pu être identifiée
ex^ictement .)
J. S. Odilon Redon. Heria (Madrid)
22 juillet 1916.
JoAN Sacs. L'obra de l'Odilon Redon.
Revisla nova (Barcelone), 31 juillet 1916.
Odilon Redon. Dans : Daily mail,
13 août 1916 (Article non signé).
André FoNTAINAS. Odilon Redon. Mer-
cure de France, 16 août 1916.
* ThiÉBAULT-Sisson (La Vie artistique).
Un isolé : Odilon Redon. Feuilleton du
Temps, 12 novembre 1916.
Tr. LeclÈRE. Redon (Odilon). Larousse
mensuel illustré, 19 octobre 1917.
Arsène Alexandre. L'évolution du Petit
Palais et ses enrichissements pendant la
guerre. La Renaissance de l'Art Français et
des Industries de luxe, octobre 1919.
Paul SeruSIER (Les Arts et les Lettres).
Odilon Redon. La Vie, 13 mai 1920.
Charles Oulmont. Souvenirs sur Odi-
lon Redon. A propos de l'Exposition
rétrospective de son œuvre. Le Gaulois,
22 mai 1920 (Supplément du Dimanche).
Louis Vauxcelles. La rétrospective
d'Odilon Redon. Excelsior, 26 mai 1920.
André Michel. Exposition rétrospec-
tive d'œuvres d'Odilon Redon. Journal des
Débats, 29 mul 1920.
Louis Vauxcelles. Les Expositions do la
Quinzaine. L'Êc/û(V, 31 mai 1920.
Guillaume Janneau. Le dernier roman-
tique : Odilon Redon. La Renaissance
politique, littéraire, économique, 3 juin 1920.
Claude Roger-Marx. Odilon Redon
ou les droits de l'imagination. Les Feuillets
d'Art. H' 5. 1920. (Avec une eau-forte
originale de l'artiste.)
G. Jean Aubry. Odilon Redon. La
Renaissance de l'Art Français et des Indus-
tries de luxe, août 1920.
Robert Rey. Odilon Redon. Art et
Décoration, août 1920.
* André Mellerio. Odilon Redon.
La Gazette des Beaux-Arts, août-septem-
bre 1920.
* Walter Pach. The etchings and
lithographs of Odilon Redon. The prinl
Connaisseur (New-York). Vol. 1. N" I,
octobre 1920.
EXPOSITIONS
Abolis donnons les indicaticns concernant
les plus importantes expositions Je Redon,
notamment celles oit l artiste fut représenté
soit entièrement seul, soit par un groupement
nombreux d cBuVres.
EXPOSITION DE DESSINS
D'ODILON REDON faite à La Vie
Moderne, 1881.
DEUXIÈME EXPOSITION DE
DESSINS DE M. ODILON REDON.
Salle du journal Le Gaulois, 1882.
SOCIÉTÉ DES ARTISTES FRAN-
ÇAIS {Participation à l Exposition de la),
1885.
Aux Expositions de la même Société,
Redon fit des envois en 1886 et 1888.
EXPOSITION D'ARTISTES INDÉ-
PENDANTS (Participation à /'), 1886.
PREMIÈRE EXPOSITION DES
PEINTRES-GRAVEURS (Participation à
la). Galeries Durand-Ruel, 1889.
Redon fut représenté également à la :
Deuxième Exposition ( 1 890) . Troisième
Exposition (1891). Quatrième Exposition
(1892). Cinquième Exposition (1893).
EXPOSITION DES XX (Participation
à /■). A Bruxelles. 1890.
EXPOSITION GÉNÉRALE DE LA
LITHOGRAPHIE (Participation à ï).
A l'Ecole des Beaux-Arts, 1891.
EXPOSITION DU CENTEN.4IRE
DE LA LITHOGRAPHIE (1793-1893).
(Participation à /'), 1893. — -
EXPOSITION ODILON REDON
(Dessins, Portraits et Lithographies). Préface
du Catalogue par AndrÉ Mellerio. Galeries
Durand-Ruel. Du 29 mars au 4 avril 1894.
EXPOSITION AU CERCLE DES
ARTS DE LA HAYE (Hollande). 1894.
EXPOSITION DE DESSINS ET
PASTELS D'ODILON REDON. Galeries
Vollard, 1898.
EXPOSITION D'ARTISTES (Parti-
cipation à /'). Préface d'ANDRÉ Mellerio.
Galeries Durand-Ruel. 1899.
EXPOSITION D'ŒUVRES DE
PEINTRES - GRAVEURS ÉDITÉES
PAR VOLLARD (Participation à /')•
Galeries Vollard. 1899.
EXPOSITION CENTENNALE DE
L'ART FRANÇAIS (Participation à /').
Exposition Universelle de 1900.
EXPOSITION D'ŒUVRES AN-
CIENNES ET RÉCENTES D'ODILON
REDON. Galeries Durand-Ruel. 1900.
EXPOSITION DE DESSINS ET
PASTELS D'ODILON REDON. Galeries
Vollard. 1901.
EXPOSITION D'ŒUVRES D'ODI-
LON REDON. A Cracovie (Galicie).
(1902 ou 1903P)
PASTELS ET PEINTURES DE
ODILON REDON. Galeries Durand-Ruel,
1903.
SALON D'AUTOMNE (Participation
avec plusieurs œuvres groupées dans une
salle spéciale. Notice de Jean Pascal, 1904).
Au Salon d' .Automne, Redon fit encore
des envois, dans le cours des années 1905,
1906 et 1907.
EXPOSITION DE PEINTURES,
P.4STELS ET EAUX-FORTES DVDI-
LON REDON. Galeries Durand-Ruel.
1906.
PEINTURES, PASTELS. DESSINS
ET LITHOGRAPHIES PAR ODILON
REDON. Galeries Druet, 1908.
ASS0CI.4TI0N DES PEINTRES ET
SCULPTEURS .AMÉRICAINS iE.xpo-
sition Internationale organisée par / ). A
l'envoi de Redon était consacrée une salle
spéciale dans la rétrospective du XIX'' siècle.
L'Exposition eut lieu d abord à New-
York, puis fut transportée ensuite à Chi-
cago et Boston, 1913.
EXPOSITION DE PAYSAGES
D'APRES NATURE (PEINTURE A
L'HUILE). .AQUARELLES ET DES-
SINS P.AR ODILON REDON (1840-
1916). Galeries Bernheim-Jeune et G'"'
1917.
EXPOSITION RÉTROSPECTIVE
D'ŒUVRES D' ODILON REDON (1840-
1916). Galeries Barbazanges, 1920.
EXPOSITION RÉTROSPECTIVE
D'ODILON REDON. Galeries Georges
Giioux (Bruxelles). 1921.
EXPOSITION D'.AQUARELLES ET
DESSINS D'ODILON REDON. Galeries
Druet, 1921.
MUSEUM OF FRENCH ART DE
NEW-YORK (Exposition organisée au).
Exposition d ensemble d œuvres de Redon :
Peintures, Pastels, Dessins et Gravures.
MUSÉES ET COLLECTIONS
Nous donnons quelqms renseignements, qui
par force demeurent très wmmaiVe.s, car on
m saurait naturellement connaître tous les
possesseurs d'œuvre^ d'Odilon Redon.
MUSÉE DU LUXEMBOURG. Les
Yeux Clos (Peinture). Acquis par l'État
en 1904.
MUSÉE DE LA VILLE DE PARIS
(Petit Palais).
En 1906, M. Jacques Zubaloff, avec son
inépuisable générosité envers nos collec-
tions publiques, fit entrer au Petit Palais
un important ensemble, choisi avec discer-
nement, d'œuvres originales de Redon :
Peintures, Pastels et Dessins.
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
(Cabinet des Estampes).
Quelques années avant la Guerre,
M. René Philippon, amateur et ami de
203 —
Redon, effectua une précieuse donation
d'Estampes, comprenant notamment les
publications anciennes et les plus rares,
telles que les Albums : Dans le Rêve,
A Edgar Poe, Les Origines, Hommage à
Goya, etc., et les Pièces séparées : Profil
de Lumière, Christ, Araignée, etc.
BIBLIOTHÈQUE D'ART ET D'AR-
CHÉOLOGIE. (Fondation Doucet), rue
Spontini.
Le Cabinet des Estampes modernes,
dont M. Clément- Janin fut le zélé instal-
lateur et conservateur, acquit, en 1912, de
nombreuses pièces (surtout de la seconde
partie de la période des Estampes), pro-
venant principalement de la collection de
l'Artiste et de celle de M. Joseph Durand-
Ruel. Depuis, ce premier fonds s'est encore
enrichi.
En 1921, le MUSÉE DE CHICAGO
(U. S.) a racheté de Mme Odilon Redon,
la collection très complète d estampes que
l'Artiste avait établie soigneusement de son
vivant au fur et à mesure des publi-
cations. Cet ensemble contient, en ce qui
concerne les gravures antérieures à 1870,
des pièces uniques.
BRITISH MUSEUM (Angleterre).
MUSÉE D'AMSTERDAM (Hollande).
MUSÉE DE WINTHERTUR (Suisse).
MUSÉE DE CHICAGO. - MUSÉE
DES BEAUX-ARTS DE WORCESTER
(MASSACHUSSETTS), (Etats-Unis).
Les deux collections d Estampes de
Redon, les plus importantes qu'on con-
naisse, sont celles de : MM. André Melle-
RIO, à Paris — et A. BoNCER, à Amsterdam
(Hollande).
Au point de vue des Œuvres originales,
citons les collections: En France, de MM.
R. de Domecy, Marius et Ari Leblond,
A. Parent, Fayet, de Gonet. Arth. Fontaine,
D'' Sabouraud, Kapferer, Hessel, D'' Weil,
0. Sainsère ; M'"^ E. Chausson, etc.
En Suisse, de : MM. Hahnioser, Biih-
ler, etc.
Aux États-Uni^, de : MM. John Quinn,
Daniel H Morgan, Arthur B. Davies,
Irving F. Bush, Âlexander M. Bing, M""-'
H. V. Hardon, M'"^^-^ Lizzie P. Bliss,
Gertrude Watson, M.L. Villard, E. M-^
Kinney, Anna C. Pallew (à New-York ) .
- M'"'' Porter Norton (à Bujjalo). —
M. Ira Nelson Morris, M"'« Chadbourne
(à Chicago). — Etc.
204
INDEX DES NOMS CITÉS
INDEX DES NOMS CITÉS
Alexandre (Arsène). — 137.
AssAY (Alain d'). — 65.
AuRiER (G.-Albert). — 176.
BaiLLY, Editeur. — 173.
Barbazanges (Galeries). — 137.
Baudelaire (Charles). — 26, 56, 100,
117.
Becquet, Imprimeur. — 126.
Beethoven. — 98.
Berdoly (Henri). — 22, 34, 35.
Berlioz (Hector). — 97.
Bernheim Frères. — 173.
Bernheim Jeune. — 136.
BiBESCO (Prince). — 141.
BiÈVRES (Propriété — et village). —
136, 137.
Blanchard, Imprimeur. — 126.
Bonger. — 56.
BONGER (M""). — 136.
Bonnard (Pierre). - 65, 119. 120, 164.
Boucher (François). — 159.
Bouchot (H.). — 107.
Bresdin (Rodolphe). —
93, 94, 103, 104, 108,
BUFFON. — 137.
Bulwer-Lytton. — 118.
29, 30, 31
133.
Carabin (Rupert). — 155.
Carré (A.), Architecte. — 40.
Carrière (Eugène). — 164.
Cézanne (Paul). — 164.
Champfleury. — 29.
Chardin. — 159.
Chausson (Ernest). — 64, 98, 120.
Chausson (M'"'' E.). — 140.
Chenavard. — 46.
Chintreuil. — 37, 162.
Chopin. — 97.
Clavaud (Armand), Botaniste. — 25
à 28. 31, 99. 100, 172, 174, 175.
Clôt. Imprimeur. — 126.
Corot. - 37, 83, 134, 162.
Courbet. - 37. 159. 162.
Cystria (M""' de). — 136. 141.
Daubigny (Charles). — 162.
Daumier. — 108.
David (Louis). — 159.
De Bois (H.), Editeur. — 173.
Degas (Edgar). — 160.
Delacroix (Eugène). — 27, 46, 83,
93, 102, 133. 159, 160.
Deman (Edm.), Editeur. — 56.
Denis (Maurice). — 65. 67. 149, 162.
Destrée (Ch.). — 165.
Destrée (Jules). — 56. 157. 164.
Dodu (M"^" Juliette). - 73. 120. 173.
DoiN (M"^ Jeanne). — 126. 137.
DoMECY (R. de). — 65. 69, 140.
Doré (G.). — 131. 165.
Duchatel. Imprimeur. — 126.
DuMONT (Ern.). — 175.
DuPRÉ (Jules). — 162.
Durand-Ruel. — 57. 65. 173.
Durer (Albert). — 92. 93.
Einstein. — 99.
Fabre (Maurice). — 65.
Falte (M'"^')- — 173.
Fantin-Latour. — 108.
Farces (Mgr Albert). — 165.
Fayet. — 65. 142.
Fayet (M'"'-). — 136.
Fayet (M'"^^^ S. et Y.). — 136.
Flaubert (G.). — 26, 56, 100, 115,
116.
Fontaine (Arthur). — 65.
Forain. — 108.
Fromentin (Eugène). — 102.
Furstein. — 126.
Gauguin (Paul). — 164.
Gavarni. ^ 108.
Geffroy (Gustave). — 75, 175.
GEOFFROY-SAINT-HlLAIRE(Et.). — 175.
Geoffroy-Saint-Hilaire (Isidore). —
175.
GÉROME (J.-L.). — 86, 87, 174.
Gide (André). — 102.
GlLKlN (Ywan). — 56.
Goya. — 131, 165.
GoNET (de). — 65.
GoNET (M""" de). — 136.
GoNET (M"*- de). — 136.
GoRiN. — 84. 90.
Goupil, Editeur. — 173.
GouRMONT (R. de). — 102, 146.
Gravel. — 173.
H... (M'"- Violette). — 136.
Hennequin (Emile). — 54, 116, 122,
130, 175.
Herold (A.-F.). — 102.
Hessel. — 173.
208
HiRSCHAUER (Général). — 174.
HOLSTEIN (M""'). — 65.
HuYSMANs (J.-K.). — 54, 64, 155,
156.
94.
Jeanmot. — 46.
Langé (U.-G.). - 172.
La Rochefoucauld (Ant. de). — 65.
La Rochefoucauld (M"'*" Ant. de).
- 136.
LÉAL (Félix). - 38, 134.
LebAS (Hippolyte), Architecte. — 86.
Lebon (D^ J.). - 99.
Leblond (Marius et Ary). — 65, 120.
Lebrun. — 159.
LemerCIER, Imprimeur. — 124, 126.
Lerolle. — 65.
Llobet, Guitariste. — 98, 119.
Mallarmé (Stéphane). — 64. 69, 109,
118.
Mallarmé (M"*" Geneviève). — 69.
ManET (Edouard). — 159.
Marty (André). Editeur. — 107.
Mar.X (Roger). — 119.
Mellerio (André). — 60, 120. 126.
160. 176.
Mellerio (Marcel). — 136.
Millet (J.-F.). - 83, 155.
Mithouard (Jacques). — 136.
Moline. — 173.
Monet (Claude). — 160.
Monrocq. — 126.
Montaigne. — 100.
Montesquiou (R. de). — 29.
Moreau (Gustave). — 83, 165.
Morland (Jacques). — 102, 156.
Nussac (M. de).
174.
Parent (Armand). - 65. 98, 120.
Pascal. - 100. 118.
Pasteur. — 155.
Pellet (G.), Editeur. — 173.
Peyrelebade (Propriété de). — 12,
13. 16, 22. 46, 63. 79.
Philippon (René). — 65, 118.
Picard (Edmond), Avocat. — 56, 69,
118.
Pissarro (Camille). — 160.
Poe (Edgar). - 6, 100. 117.
PoiNSOT (M.-C). — 172.
Puvis DE Chavannes. — 164.
Rabaud (E.). - 175.
Raffet. — 108.
Ranson. — 65, 160.
209
Rayssac (M""' de). — 46, 50, 149.
Redon (Ari). - 53, 60. 76, 77, 174.
Redon (Bertrand). — 9.
Redon (M'"*" Bertrand). — 171.
Redon (Ernest). — 9, 12, 43, 44, 46,
172.
Redon (Gaston). — 13, 172.
Redon (Léo). — 9, 13, 172.
Redon (Marie). — 9, 13, 172.
Redon (M"><- Odilon). — 50, 120, 136,
155.
Remacle (Adrien). — 102.
Rembrandt. — 48, 92, 104.
Renoir (Aug.). — 160.
Rivière (Georges). — 174.
Rousseau (Théodore). — 162.
Roussel (K.-X.). - 65, 119, 164.
Sabouraud (Docteur). — 65, 120.
Sainsère (Olivier). — 65, 120, 141.
Saint-Simon. — 100.
Salmon (André). — 137.
SCHUFFENECKER. — 65.
SCHUMANN. — 97.
SÉRUSIER (Paul). — 65, 119, 164.
Van Gogh (Vincent). — 164.
Van Gogh, frère du précédent. —
VaniER, Editeur. — 173.
Verhaeren (E.). — 56.
Vinci (L. de). - 72.
Vines (Ricardo). — 65, 98, 119.
Vollard (Ambroise). — 64, 173.
Vuillard. - 65, 119, 164.
Wagner (Richard). — 118.
WattEAU (Antoine). — 159.
Willette (Adolphe). — 110.
Weil (Docteur). — 120
173.
ZOUBALOFF.
19.
TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE
Odilon Redon (1914) Frontispice
Paysage 1 0
Etudes Il
Troupeau dans le Médoc 1 3
Etudes 14
Titan 15
La Souffrance 1 7
Dessin 15
Etude 19
Eve 20
A la vieillesse 21
Hantise 23
Portrait de Déodat de Séverac 24
Le bouquet blanc 25
" Voici la bonne déesse, l'idéenne des montagnes... " 27
Silence 28
Etude pour " Silence " 29
La Pensée 33
Passage d'une âme 34
Ornement décoratif 33
Etudes 36
Les prêtresses furent en attente 37
Roland 39
" Elle tire de sa poitrine une éponge toute noire, la couvre de baisers... ' . . 43
Fantôme 45
La Roue 47
Portrait de Madame O. Redon 49
Etudes 50
Portrait de )eune femme 51
Saint Sébastien 52
Des Esselntes 53
" Gloire et louange à toi, Satan... " 55
Les débâcles 36
» Ensuite parait un être singulier, ayant une tête d'homme sur un corps de
poisson... " 37
Araignée 61
Portrait de Monsieur Marins Leblond 64
Portrait de Monsieur Ary Leblond 63
Portrait de Monsieur le Docteur Sabouraud 66
Portrait de Monsieur Armand Parent 67
La mer à Morsat 69
Rose '^ 70
Fillette nue 'I
Dessin à l'encre violette 72
Fleurs dans vase vert ' J
« Lintelligence fut à moi ! Je devins le Bouddha... " 74
Etude 81
Morgat 82
Etude de Centaures 83
« L'œil, comme un ballon bizarre, se dirige vers l'infini... » 83
Un étrange jongleur 89
Petite Madone 91
Christ 97
Fleur illuminée 99
" A travers ses longs cheveux qui lui couvraient la figure, j ai cru reconnaître
Ammonaria... " 101
Sciapode 1 05
Couverture-Frontispice de l'Album Les Origines 107
Sur la coupe 1 09
Sainte Thérèse III
Parsifal 113
Brunnhilde 115
" Le cœur a ses raisons... " 117
" Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie... " 118
Mademoiselle Juliette Dodu 119
Méphisto 123
Tête d'expression 1 27
Pégase blanc 1 29
Etude pour " Roger et Angélique " 133
Etudes de chevaux 1 39
Figure 1 42
Tête de jeune fille 145
Masque 1 47
L'enfant prédestinée 152
" Il y eut peut-être une vision première essayée dans la fleur... " 154
Tête 138
Le Diable 160
Les yeux clos 161
Frontispice pour Le Mouvement idéaliste en Peinture 1 63
Petit Prélat 165
Le sphinx 1 67
« ... Et dans le disque même du soleil rayonne la face de Jésus-Christ... ". . . . 170
Odilon Redon en 1894 171
TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE
Pages
Couverture, d'après l'original du Petit Palais .
La Couronne (Pastel), reproductions en couleurs 12-13
Le papillon blanc fPeinlure) 14- 15
Portrait de jeune homme (Dessin à la mine Je plomh). fac-similé, Collection
Redon 20-21
Germination (Lithographie) 26- 27
La Fieui du marécage (Lithographie) 30- 31
Fleurs (Pastel), reproduction en couleurs 32- 33
Profil de lumière (Fusain) Petit Palais 36-37
Le Calvaire (Dessin à la mine de plomh), fac-similé, COLLECTION Redon .. 40- 41
Papillons (Aquarelle), reproduction en couleurs 44- Al
Pégase (Peinture) 52-53
Le masque de la mort rouge (Fusain), Photo Boncer 58-59
La Désespérance (Peinture sur bois) 62- 63
Profil de jeune fille (Sanguine) '0- 71
P. Sérusier, Ed. Vuillard. M. Denis, P. Bonnard (Lithographies) 74-75
La mort (Lithographie) '^~ ''
Portrait de Redon par lui-même (Dessin sut pierre), COLLECTION Redon.. 78- 79
La première conscience du chaos (Fusain). COLLECTION M.-A. Leblond.. 86- 87
Portrait de Mademoiselle Violette H. (Pastel), reproduction en couleuis.. 88- 89
Ange déchu (Fusain). COLLECTION A. Mellerio 92-93
Portrait de Monsieur 0. Sainsère (Sanguine) 94- 93
Et l'Homme parut... (Lithographie) 98-99
Profils de Hollandaises (Aquarelle), reproduction en couleurs 106-107
Cain tuant .AbeUPcin/ureV 114-113
— 213 —
Le liseur (Lithographie) 120-121
Deux profils (Aquarelle), reproduction en couleurs 122-123
Un masque sonne le glas funèbre (Lithographie) 124-123
Femme sauvage (Fusain), fac-similé, COLLECTION RedoN 130-131
Pégase captif (Lithographie) 132-133
Quadrige (Peinture), reproduction en couleurs 136-137
Les pavots noirs (Fusain), Photo Boticm 148-149
Vierge d'aurore (Peinture) 152-153
Fleurs vivantes (Aquarelle), reproduction en couleurs 162-163
214
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
I. L'Homme ET SA Vie
II. L'Artiste et son Œuvre
L'éducation et la formation artistique de Redon.
L'œuvre de Redon
Les estampes. — § ] . La Gravure
§ 2. Les Lithographies
Les dessins, fusains, plume, crayon, etc
La peinture de Redon. — § I. Peinture et Pastels.
§ 2. Œuvres décoratives.
III. L'Art de Redon
IV. Odilon Redon. Sa place dans l'Art contemporain. L'Avenir
DE son Œuvre
Pages
7
9
79
81
103
103
106
128
132
140
143
159
171
APPENDICE
CATALOGUE de l'ŒUVRE GRAVÉ et LITHOGRAPHIE de REDON 1 77
SUPPLÉMENT AU CATALOGUE 191
BIBLIOGRAPHIE. - EXPOSITIONS. - MUSÉES ET COLLECTIONS 195
INDEX DE NOMS CITÉS 205
TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE 211
TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE 213
215
ACHEVÉ D'IMPRIMER
LE 30 Mai 1923
Par Jean LANGLOIS
IMPRIMEUR
A PARIS
-m-'
"'• JOW 0 1579
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
^ Mellerio, André
^ Odilon Redon