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ŒUVRES COMPLÈTES
DE
SAINT FRANÇOIS
DE SALES
I
ŒUVRES COMPLÈTES
DE
SAINT FRANÇOIS
DE SALES
• A
EVEQUE ET PRINCE DE GENÈVE
1 4
PUBLIKES D APRES
LES MANUSCRITS ET LES ÉDITIONS LES PLUS CORRECrES
AVKC UN GRAND NOMBRK DK PIKCES INÉDITES
PRÉCÉDÉES DE SA VIE
Et ornées do son portrait et d'un fac-siniile de son écriture
HUITIÈME EDITION
TOME VI
OPO»CTL«S «KLATirS A LA ▼!■ PUBLIQUE DC SAIWT, A l'aDMINISTRATIOW DE SON DIOCÈSI
«T A LA DHICTION DB BIVBRSIS COMJIONAnTÉ» HKLIGtHBSlS
PARIS
LOUIS VIVES, LTBRAIRE-ÉDITEUR
13, RUE DELA MERE, 13
1899
OCT -4 1933
G3G5
SEP 6 1955
AVERTISSEMENT.
D'après le Programme qui nous était d'avance tracé, cette
troisième Classe des CEuvues de «aint François de Sales devait
comprendre et ce qu'il a écrit spécialement pour le diocèse
» de Genève, et les Règles et Constitutions qu'il a données à
» diverses Communautés religieuses. » Mais en nous bornant
strictement à ce dessein, et en ne faisant entrer dans cette
nouvelle Classe que les pièces officielles destinées par leur
nature à faire loi, soit pour le diocèse de Genève, soit pour
kf Communautés religieuses, nous aurions eu peine à trouver
la matière de plus de la moitié d'un volume.
Il nous a donc fallu y joindre celles des lettres de notre
Saint qui pouvi^ient avoir un rapport quelconque , soit à Fad-
ministration du diocèse de Genève, soit à la direction des
Communautés religieuses. Nous aurons recours au même pro-
cédé pour la Classe qui suivra celle-ci, et qui embrassera
particulièrement les ouvrages de Controverse. De cette ma-
nière, la cinquième Classe, c^ui doit être spécialement con-
sacrée à reproduire les Lettres de saint François de Sales,
se trouvera à peu près réduite aux seules Lettres de Spiri-
tualité': ce qui, à notre avis, doublera l'intérêt de ces der-
nières , comme celui des Lettres d'Affaires pour cette troisième
VI ÂVERTISSEÎMENT,
Classe des OEuvres de notre Saint, et des Lettres de Controvem
pour la suivante.
Nous nous sommes d'ailleurs attaché à suivre presque par-
tout Tordre chronologique; et de plus, la Classe qui com-
prendra spécialement les Lettres présentera dans le même
ordre le Tableau général de toutes les lettres sans exception,
disséminées dans les divers volumes de cette collection. On
ne pourra donc nous savoir mauvais gré d'avoir adopté un
plan, dont l'effet immédiat sera de rendre plus agréable et
tout à la fois plus fructueuse la lecture des Lettres du saint
Évêque de Genève.
Nous avions cru d'abord pouvoir réduire à un seul volume
toute la matière qui devait entrer dans cette troisième Classe;
mais insensiblement cette matière s'est étendue, et alors,
pour faire égal au premier le deuxième volume devenu né-
cessaire, il nous a fallu augmenter cet autre de plusieurs
pièces des premières années de saint François de Sales, et
relatives à sa vie privée autant pour le moins qu'à sa vie
publique. Nous avons rangé les matériaux de ce nouveau
volume dans leur ordre chronologique, comme ceux qui com-
posent celui-ci ; et on fera bien , si l'on veut suivre cet ordre,
d'avoir sous les yeux les deux tomes à la fois : l'un sera
comme le pendant de l'autre .
Nous ne pouvons nous refuser à dire ici un mot des Con-
stitutions de la VisitatiGn, par lesquelles nous terminerons, ou
à peu près, cette troisième classe des œuvres de S- François de
Sales. Quelques-uns ont douté de leur authenticité ; mais pour
dissiper de pareils doutes, il nous suffiroit de ces paroles du
Saint lui-même, contenues dans une de ses lettres à sainte
AVERTISSEMENT. VU
ieanne-Françoise de Chantai en date de 1622, etra[.[)ortéc par
celle-ci dans la lettre de sa main qu'elle fît mettre en tête i\u
Coutumier à l'usage de sa congrégation : « Yoyla nos Consti-
» tutions que je ne puis nrendre le loysir de revoir. Il y a
ï) plusieurs fautes. Il faut que tout ce que je fais se ressente
» de mes empressemens et de mes accablemens ordinaires. »
L'approbation dont le saint évoque de Genève revêtit ces
mêmes Constitutions en date du 9 octobre 1618, prouve éga-
lement qu'il s'en reconnoissoit Fauteur, puisqu'il y déclaroit
expressément que c'étoit lui qui les ay oit dressées. Nous ferons
précéder ces Constitutions d'un précieux fragment jusqu'ici
inédit, dont l'autographe nous a été confié par madame la
Supérieure de la Visitation de Rennes, sur la recommandation
de son oncle le vénérable abbé Meslé, curé de Notre-Dame , et
où le savant Prélat établit avec précision les droits respectifs
du Pape et des Evèques dans l'érection des congrégations reli-
gieuses.
En fait de pièces inédites nous signalerons également lepost-
scrijrum de la lettre à M. de Bérulle du 18 décembre 1602,
rapporté à la fin de ce voliurie-ci , et une autre lettre au même du
11 août 1617, devenue momentanément notre propriété, et
passée à ce mèm.e titre à M. Saubinet, de Reims.
Los pièces ci-devant inédites que renferme la collection de
niaise, et que iîous aurons à reproduire pour la plupart dans
ces deux volumes, ont exigé de nous un travail toutparticulier.
Nous avons eu à y rétablir bien des textes latins altérés, et
sans autre secours pour le faire que nos propres conjectures;
à corriger bien des contre-sens dont les traductions de ces
mêmes textes fourmillent, et qui supposent dans le traducteur
▼m AVERTISSEMENT.
bien peu de connaissance de la Tangue latine comme Je i'his^
toire ecclésiastique. Nous avons de notre mieux corrigé ces
fautes, rétabL'ces textes, le plus souvent sans en avertir le lec-
teur, pour ne pas trop distraire son attention ; mais il sera facile
à qui voudra s'en rendre compte de comparer notre édition sur
ce point en particulier avec celle de Biaise, et de juger si nos
aperçus ont anqué de justesse, ou si la critique que noua
nous permettons ici peut être taxée d'un excès de sévérité.
UmDs, le 29 juillet im.
A. C. FELTIER.
Chanoine honoraire.
USCULES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
RELATIFS
A SA VIE PUBLIQUE, A L'ADMINISTRATION DE SON DIOCESE
ET A LA DIRECTION DE DIVERSES COMMDNACTÉS RELIGIEUSES.
L
HARANGUE
De saint François DE SALES aux docteurs de Padoue, dans laquelle il les re-
mercie de lui avoir donné le bonnet de docteur. (C'était le 5 septembre 1591;
il était alors dans sa vingt-quatrième année.)
«c Quoy que je pense assez à part moy, combien il y va de
ma réputation que je tasche de vous rendre grâces selon que
le bienfait que j'ay receu de vous aujourd'huy les requiert
très-grandes, Monseigneur revcrendissi me, vénérable Prieur,
et vous Pères Conscripls , toutesfois , ne me sentant pas ca-
pable de vous les rendre telles , et sçachant que de plus sé-
rieuses occupations vous empeschent d'arrester commodé-
Etsi satis apud me reputo quantum existimationis meae intersit ut
eas vobis gratias agere enitar, quas exigit à me maximas sacro-sanc-
tum illud quod hodiernâ die in me collocastis beneficium, reveren-
dissime Proantistes, venerande Prior, Patres Conscripti ; cùm tamen
lis agendis, ut par est, neque me satis esse, et vos gravissimis
occupationibus intentes interesse commode non possc, cognoscam;
VI. 1
2 OPÎISCULFS
ment plus longtemps , aymant mieux ma commodité que
vostre reputpition propre , je me fusse volontiers abstenu de
ce devoir de gratitude , si je n'eusse aussi creu que vostre
réputation , aussi bien que la mienne , seroit intéressée en
ce silence , ayant esgard à l'occasion , au lieu , et au temps
où nous sommes : car si ceste tres-noble assemblée me ju-
geoit estre si négligent, lourd et ingrat, que je ne cogneusse
point la grandeur de ce bienfaict , quels juges vous diroit-
elle estre , qui avez rendu tout maintenant un si illustre
jugement de moi?
» J'yrai donc au devant de ces pensées qu'on pourroit
faire de vous et de moy. Je recognois fort bien, spectables
auditeurs , que ce bienfaict qui m'a esté conféré par ces trois
excellens Pères est de telle sorte , qu'on ne peut pas en atten-
dre un plus grand en ceste vie mortelle. Car tous les autres
ornemens sont de la fortune ou du corps ; mais cestuy-cy
du doctorat orne la vertu mesme , qui de soy est tres-ornée ,
et je l'estime d'autant plus grand et plus illustre , que non
seulement la couronne m'a esté baillée par ce collège , mais
encore le laurier mesme dont elle est composée ; c'est à dire,
vestrse commoditatis quàm meae ipsius existimalionis amantior_, ab
hoc debito grati animi officio libenter abstiuuissera. Verùm meum
hoc tam alieno loco et tempore silentium ejusmodi esse censeo , ut
in 60 cum meâ vestra quoque conjuncta sit existimatio. Si etenim
me adeô negligentem , ingratum ac stupidum , ut prœsens ac tantum
munus non cognoscerem ^ nobilissimus iste consessus judicaret,
quales vos esse judices diceret, qui lam prœciarum iamjani de me
tulistis judicium?
Occurram ergo iis de vobis ac de me cogitalionibus. Agnosco,
spectabiles Auditores , hoc in me collatcm ab iis eximiis Patribus
beneficium ejus esse generis, ut majus expectari in hâc mortalitate
n.on possit. Caetera enim vel fortunae vel corporis sunt oinamenta;
hue unum doctoratûs ipsam exornat virtutem^ quae per se ornatissima
est; atque eô majus splendidiusque munus hoc existimo, quod non
«olùm laurea, sed laurus ipsa mihi per hoc gyranasium collata est ;
DE S. FRANÇOIS DE SALKS. 3
il ne m'a pas seulement fait docteur, mais de plus il m'a dé-
claré digne d'estre appelle tel,
» Certes, ma tres-chere patrie m^a adjousté les commen-
cemens des bonnes lettres à la nature , et mon père voyant
<jue j'en estois aucunement instruit , concevant une bonne
espérance de me voir de jour en jour plus docte , m'envoya
en l'université de Paris , en ce temps-là tres-fleurissante et
tres-frequentée ; mais maintenant, ô Dieu ! quelle vicissitude
^es choses î cette eschole de Paris , tant renommée mère
<ies bonnes lettres, est toute désolée par la terreur des
guerres , et menace de ruine et de solitude. En ceste univer-
sité , j'ay premièrement estudié les lettres humaines , avec
le plus de diligence qu'il m'estoit possible , et puis en phi-
losophie , avec d'autant plus de fruict et de facilité , que
ses toicts mesmes et ses murailles semblent de vouloir
philosopher, tant elle est addonnée à la philosophie et
théologie.
» Or jusques alors je n'avois point estudié en la saincte et
sacrée science du droict ; mais de puis que je résolus de m'y
employer, je n'eus point besoin d'aller en conseil pour sça-
hoc est, non me solùm doctorem fecit^ sed etiam dignum qui doctor
forem et nuncuparer.
Initia sanè litterarum patria carissima ad naturam addidit, quibus
instructura parens optimus, optimâspemein dies doctiorem videndi
conceptâ;, in academiam Parisiensem misit_, eo tempore florentissimam
ac frequentissimam. Jam verô, heu! quœ rerum est vicissitudo !
belU terroribus tabescit inclyta litterarum parens Lutetiana schola,
■ac solitudinem^ quam Dens optimus avertat , prima fronte minitatur.
In liâc humanioribus litteris primo operam navavi sedulus, tùm
iiniversse pbilosophioe, eô faciliori negotio ac uberiori fructu, quôd
philosophisÊ ac theologiee schola illa iia sit addicta, ut ejus tecta
propemodùm ac parietes pliilosophari velle ^ideantur.
Verùm hucusque nullam sacro-sanctae juris scientiaî operam posue-
ram : at ubi ponendam posteà decrevi, nuUo fuit opus consilio, quô
me verterem^ quô me conferrem j ad se statim hoc Patavinum gym-
4 OPUSCULES
- >
voir où yjYoi?, et de quel costé je me tournerois. Ce collège
de Padoue nrattira incontinent par sa célébrité ; heureuse-^
ment certes, parce qu'en ce temps il avoit des regens et doc-
teurs si célèbres, que jamais il n'en a eu ny aura de plus
grands : Guy Pancirole ' , le prince de la jurisprudence;
vostre lumière, vostre honneur, Pères, qui ne périra jamais.
Il me fut encore permis d'entendre les voix vives de Jacqueà
Menochius % duquel les voix mortes , c'est à dire , les beaux
i Guy Pancirole (Paiiziruolo), jurisconsulte célèbre, naquit l'an 1523 à
Reggio, ville de l'état de Modène, où sa famille tenoit un des premiers rangs.
Il étudia dans les principales villes d'Italie , à Ferrare, à Pavie, à Boulogne et
à Padoue, où il acheva son cours de droit après y avoir employé sept années,
et où il fit de grar>ds progrès. Sa réputation engagea le sénat de Venise à le
nommer en 1547 second professeur dans l'université de Padoue, ce qui l'obli-
gea à se faire recevoir docteur. Pancirole remplit successivement plusieurs
chaires dans cette université, et toujours avec distinction. La science du droit
n'ctoit pas la seule qui l'occupât : il lisoit les saints Pères, et s'attachoit aux
belles-lettres. Philibert-Emmanuel, duc de Savoie, qui avoit une estime par-
ticulière pour le mérite de ce savant homme , l'attira dans l'université de
Turin en 1571. Pancirole s'y fit admirer comme à son ordinaire, et y com-
posa cet ingénieux traité, De rébus inventis et de perditis, sur lequel Henri
Salmilh a fait depuis des commentaires. Il perdit presque entièrement un œil
à Turin, et fut en danger de perdre l'autre. La peur qu'il en eut l'obligea de
revenir, l'an 1582, à Padoue, où il continua d'enseigner le droit. Peu de temps
après, S. François de Sales, étant dans cette ville, prit ses leçons; et ce i.'cst
pas un petit avantage pour sa gloire d'avoir formé un sujet tel que celui-là.
Ce jurisconsulte mourut à Padoue l'an 1599, âgé de soixante-seize ans. Il fut
enterré dans leglise de Saint-^-Justine , et laissa après lui ces excellents ou-
vrages : Commentarius in notitiom dignitatum utriusque imperii ; De mogis»
tratihus municipalihîis: et corporibus artificum ; Thésaurus variarum lectio-
num_, etc.
2 Jacques Menochius, fameux jurisconsulte , né à Pavie d'une famille peu
considérable, se rendit si habile dans l'étude du droit, qu'on le surnomma le
Balde et le Bariole de son siècle. Il enseigna en Piémont , à Pise, puis à Padoue,
nasium me suâ celebritate pertraxit, plané faustis ominibus; quo-
niam per id tempus doctores ac lectionl jus prœfectos habebat eos
«uibus nunquam habuit nec deinceps est habitura majores ; Gui-
dum Pancirolum , jurisprudentise principem , lumen ac decus ves-
trum , Patres, nullâ unquam tempestate periturum. Tune mihi Jacobi
Meaochii voces audire vivas licuit^ cujus mortuas^ id est prs&clarè
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 5'
escrits, ravissent un chacun en admiration, ^ et la retraite
duquel eust apporté un grand dommage à ceste académie ,
si Ange Matheace * , homme tres-versé en toutes sortes de
sciences , n'eus t esté mis en sa place par une délibération
meure et par une juste permutation.
» Que me pouvoit-il arriver de plus beau? Il m'estoit
permis de puiser la science du droit can'^n dérivée de ce
monticule duquel le sommet, comme un autre Parnasse, est
habité des neuf Muses. Apres luy , ceste université a eu le
ires docte Otellius % qui sçait si bien mesler la solidité de la
où il fut vingt-trois ans de suite , et où il eut aussi pour disciple , pendant
quelques années, le grand évêque de Genève : enfin il se retira à Pavie, où
on lui donna la chaire de professeur de Nicolas Gratiani , mort depuis peu.
Philippe H, roi d'Espagne, le fit conseiller, puis président au conseil de Milan.
Ce jurisconsulte a rendu son nom célèbre par les ouvrages qu*il a laissés. Les
principaux sont : De recuperandâ possessione; De adipiscendâ possessione;
De prœscnptiombus ; De arbitrariis judicum quœstiombits , et causis concilich-
rum, tom. XllI. Il mourut le 10 août 1607, âgé de soixante-quinze ans, et
fut enterré dans l'église des clercs réguliers de Pavie, où l'on voit son tom-
beau avec son épitaphe.
1 Ange Matheace (Angelo Matheaci), professeur en droit de l'université de
Padoue, et successeur de Jacques Menochius dans sa chaire, étoit né à Mares-
tica, forteresse du domaine de Venise, en Italie, dans les montagnes du Vicen-
tin. 11 avoit beaucoup de connoissance en philosophie et en mathématiques.
Le pape Sixte V et l'empereur Rodolphe le consultèrent souvent, et le com-
blèrent de biens et d'honneurs. S. François de Sales étudia sous lui, et en
faisoit un très- grand cas. On a de lui, De via et ratione artificiosè universt
Juris, etc. ; De fidei-commissis y etc. il mourut âgé de soixante-quatre ans,
l'an 1600, et fui enterré dans l'église de S. Antoine de Padoue.
« Marc-Antoine Ottelius, Otellius, Ottellius ou Othelius (Othello) , né àUdine
dans le Frioul, se rendit si habile dans le droit civil et canonique, que le
sénat de Venise lui donna une chaire dans l'université de Padoue : il la rem»
scripta , cunct.' miranlur ac suspiciunt, et cujus recessus academiaB
inagno futurus erat utique detrimento, nisi in ejus locum Angélus
Matheaceus, vir omni disciplinarum génère cumulatissimus, raaturo
plané consilio , non iniquâ permutatione suflectus fuisset.
Quid pulchrius ? juris canonici disciplinam ex eo monticulo
derivatam hauriie licebat, cujus verticem veluti Parnassum alium
sorores musée, dubioprocul, incolunt. Posteà doctissimum Otellium
6 oprsrTXES
doctrine avec le plaisir qu'on a de l'entendre, qu'il semble
avoir emporté tous les suffrages ; c'est à sçavoir , parce qu'il
mesle l'utile avec le doux. Le très-excellent Castillan ensei-
gnoit aussi, lequel me semble enseigner extraordinairement,
tant seulement parce qu'il est extraordinairement docte.
Enfin , pour en laisse? un ^and nombre d'autres , le Tie-
visan * jettoit W> fondemens de la jurisprudence avec beau-
coup d'honneuf et de réputation. De tels maistres et de ce
collège est dérivé tout ce qui est en moy de science civile ,
Pères , que vous avez jugé estre assez pour lascher la sen-
tence de pouvoir mériter la courone ; sentence , dis-je , qui
passe en chose jugée. J'ay donc receu deux bienfaictsde ceste
eschole , et je ne sçay pas lequel est plus grand, quoy que je
plit jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans, avec un succès et un applaudissement-
universel. Il étoit si bon, que ses écoliers lui donnoient ordinairement le nom
de père. C'est apparemment ce qu'a voulu insinuer S. François de Sales, qui
fut son disciple , en lui appliquant ce passage de l'Art poétique d'Horace^
vers 343 :
Omne tiilit pnnctura qui rniscuit utile dulci ,
Lectorem delectando , pariterque monendo.
Son grand âge fut cause qu'on le dispensa d'enseigner, mais on lui conserva
sa pension. II mourut l'an 1628, et laissa des consultations, des commentaires-
sur le droit civil et canonique , etc.
* Le Trevisan y a enseigné les premiers éléments de la jurisprudence.
habuit, « qui ita doctrinse soliditatem jucunditate condire sciat^.
» ut omne punctum tulisse videatur^ qui scilicet misceat utile dulci.»
Docebat pnetereà excellentissimus Casteilanus, qui mihi eo tantum
Domine extra ordinem docere videtur, quod extra praeterque ordi-
nem, ac captum communem doctus sit et doceat. \*rimis denique^
ut c9eteros omittam qv^àm plurimos, juris scientiœ jaciendis funda-
mentis optimè prœerat Trevisanus.
Hisce prœceptoribus ferè omnibus quidquid in me est civilis dis-
ciplinaî, ab hoc veslro collegio. Patres, ad me derivatum est, quod
taie judicastis, ut ad lauream consequendam satis esse sententiâ
vestrâ pronuntiaveritis, sententiâ, mquam, ea quœ iranseat m rena,
judicatam. Duplicem ergô ab hâcscholà benelicentiam àum consecu-
PE S. FRANÇOIS HE SALES. 7
sçache bien que tous deux sont très-grands : c'est à sçavoir,
que je sois docteur, et que j'aye peu estre docteur. De là est
que ce temps et ce lieu desireroient de moy une très-grande
démonstration de gratitude; mais paiTc que je n'ay pas assez
d'éloquence , et que vous estes appelles ailleurs , recevez en
la place d'un plus long discours ceste protestation que je
fay du meilleur de mon cœur devant ceste noble assemblée.
Je me dois tout , tel que je suis, à ( ■> *ves-celebre collège de
docteurs, spectables auditeurs : aiîi>*i je le tesmoigne, ainsi
je le proteste. Qu'à jamais soit bonneur, louange , bénédic-
tion et action de grâces à vous, Dieu immortel , Jesus-Cbrist,
à vostre tres-glorieuse mère , à l'Ange gardien et au glorieux
saint François, du nom duquel je me resjouy et glorifie gran-
dement d'estre appelle. 0 loi éternelle , règle de toutes les
loix ! Mettez vostre loy au milieu de mon cœur, et que le
chemin de vos justifications soit ma loy , parce que glorieux
est celuy que vous instruirez, Seigneur, et auquel vous en-
seignerez vostre loy. Quant à ce qui reste, faites-le de grâce,
tres-illustre Pancirole, mon tres-honnoré Maistre , et, par
tus, quarum utra major sit nescio, utramque maximam esse non
ignoro; nimirum ut doctor sim, et ut doctor esse potuerim.
Hinc quantam possem maximam grati animi significationem tempus
hoc locusque postularet; sed quoniam pro tanti beneficii dignitate,
nec eloquentja mihi, née vobis otium suppetit, longioris orationis
instar coram hoc nobilissimo consessu hanc animi contestationem
recipite libenter ac bénigne. E'^<5 huic celeberrimo doctorum colle-
gio, qualiscumque sum, me totum debeo, spectabiles Auditores : ità
testor^ ità profiteor.
Tibi, Chrisle, Deus immortalis; gloriosissimae Matri, Angelo prae-
sidi^ beato Francisco cujus nomine vocari plurimùm delector, laus,.
honor, benedictio , et gratiarum actio. Tu, lex ceterna, legum om-
nium régula, legern pone mihi viam justificationum tuarum in
rnedio cordis 7nei : quoniam beatus est quem tu erudieris , Do^
mine y et de lege tuâ docueris eum.
Quod reliquum est âge, quaeso , illustrissime Pancirole, Praeceg toi
8 OPUSCULES
VOS tres-piires et très- vénérables mains, embellîssez-moy de
ces ornemens desquels ce collège a de coustume de renvoyer
illustrez ces nourrissons qu'il constitue au lieu où je suis. »
Extrait de la vie de S. François de Sales , par Auguste
de Sales , Tome 1*', page 40 et suiv.
colendissime, purissimis ac beneficentissimis illis tuis manibus iij
me ornamentis insîgnitum facias, quibus tali loco constitutos gym'
nasium hoc alumnos suos difi^itiere consuevit exornaios.
TE S. FRA^XOIS DE SALES.
IL
HARANGUE
De saint François DE SA!. ES, lorsqu'il prit possession *^e la prévôté de l'é-
glise cathédrale de Saint-Pierre de Genève.
Ces ïe^ies passées, vevereiuls Pères, que la solennité des
jours me faisoit recueillir Fesprit à la considération de moy-
mesme, pensant à passer cbrestiennement et sainctement le
temps qui me reste de cette vie mortelle; entre plusieurs
■dilficultez qui se presentoient pour naviger sur ceste mer,
ceste-cy, comme la plus proche, fut aussi la première et la
plus grande : que j'estois fait prevost de l'Eglise de S. Pierre
de Genève, par le bon plaisir du souverain Pontife.
Car il me semhloit que c'estoit une chose bien nouvelle et
bien périlleuse, qu'estant si nouveau, sans expérience, et
sans m'estre aucunement signalé en la milice chrestienne,
je possédasse la prevosté au beau commencement de mon
apprentissage, de sorte que je sois plustost préposé que posé,
prefect que faict, et qu'une grande dignité reluise en une
Prœteritis festis, revcrendi Paires, cùm ipsa dienim solemnitas
animum ad suî ipsiiis soliicilndineni revocîii'et, de reJKjuo mortalis
huJLis vitae tempuie chrisliaiiè ac sanctè traiisigendo cogitabiindus,
inter alla qua; mare istud navigatiti diliicilia occurrebanl, illud fuit
omnium et gravi laie et vicinitate primiim, me praipositum ecclesi*
.iMicli Pétri Gebeniiensis ex placito snmmi Pontificis fuisse renuii-
Hatum.
^ovum enim ac summoperè periculosum videbatur^ me riidem,
inexperlum, ac nullius anteà nota; militem christianum, in ipso
lyrociiiii limine prœpositurâdonatum, ut anteà lerè si;n pra?.positii3
quàm posilus , piicfcctus quàm faclus, et ut in magnà indigiiitate^
1 0 opuscurES
grande indignité, comme un escarboucle au milieu d'un
bourbier. Sur quelle pensée je me ressouvins du dire de
cet emmiellé prevost de Clairvaux , saint Bernard : «Malheur
w au jeune homme qui est plustost faict profez que novice ; »
et du dire semblable, mais de plus grande considération , du
rov David : a Cest une chose vaine de vous lever avant <;ue
la lumière ; levez-vous après que vous aurez été assis, ô \ ous
» tous qui mangez le pain de douleur ^ » Ce qui se rapporte
par l'esprit qui vivifie à ceux qui cherchent plustost de pré-
sider pour gouverner que d'estre assis pour apprendre , quoi-
qu'au pied de la lettre il s'entende autrement. Et certes les
ruits printaniers et mal meurs ne peuvent pas estre long-
temps gardés sans se pourrir.
Ce n'est pas donc sans raison que je me reprenois moy-
mesme en ceste sorte : Est-ce ainsi, ô François, que tu penses
d'estre préféré aux premiers, toi qui devois estre postposé à
tous, si l'on avoit esgard à tes mérites , à ton esprit et à tes
façons de vivre? Ne sçays-tu pas que les honneurs sont très-
pleins de charges et de périls? A la vérité ces parolles me
baillèrent bien de l'estonnement en mon intérieur; et je
» Ps. CXXVI, 2.
veluti carbunculus in cœno, magna dignitas illucescat. Quo loco su-
bibat illiid Rernardi mellilissimi Clarsevalienis prœpositi : « Vœ juvcni
qui anteà lit peritus quàm novitius: » illudque simile, sed majoris
momenti, Davidis régis : Yanum est vobis anle lucem surgere :
surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris. Quod
licet ex litterâ aliter intelligalur, ex spiritu tamen qui vivificat, ad
eos qui quœrunt anteà prœsidere quàm sedere, traducendum velin-
quitur; atque sanè fruclus prœcoces el vernales non diù asservari
possunt^ quin putrescant.
Non immeritô ergo ea urgebat mentem increpalio : Siccine^ ô
Francisée^ qui omnibus, meritis, ingenio ac moribus, postponcndus
eras, primoribus praeponendum ducis? An nescis honores periculis
aconeribus esseplenissimos? Hisce vocibus inleriùs diù perienitus,:
DE S. FRANÇOIS DE SALES. il
reclîsoîs avec David : « Seigneur, j'ay ouy ce que vous m'a-
» vez fait dire et ay crainte» Cependant voicy le jour au-
quel vostre aggreahle et suave présence, révérends Pères,
este beaucoup de ma crainte , et adjouste beaucoup à la
confiance que je dois avoir en Dieu; présence, dis-je, qui
me recrée si fort, que si l'on faict comparaison du con-
tentement que je reçois à ceste heure avec la crainte qui
m'avoit saisy par cy-devant, il vous sera difficile à juger
qu'est-ce qui m'occupe et tient plus; si bien que je sens en-
core en moy l'efFect de ceste parole : ce Sers Dieu avec crainte
•» et te resjouis en luy avec tremblement^. » Car ainsi la
resjouissance ou exultation repond au contentement , et la
crainte à l'anxiété.
Or, ce qui me bailloit de l'anxiété , c'est ce que je viens de
r'apporter ; mais maintenant je m'apperçoy bien à^ avoir
tremblé de crainte où il n'y avoit rien à craindre^» Car il
y auroit eu à craindre un prevost qui eust esté prevost de
ceux qui difficilement peuvent estre contenus en leur devoir;
mais à moy qui suis prevost de ceux qui ont toute la mo-
destie, force, prudence et diariié qui est requise en chaque
» Habac, III, 1. ~ a Ps. II, 11. — 3 Ps. XIII, 5.
propheticum illud volvebam : Deus , audivi auditiones tuas, et
timui. Cùm intérim ea mihi hodiè illuxit dies in quâ et terrori mul-
tùm detrahit, et reclse in Deum (iducice mullùm addit mihi, vestra
omnium,, venerandi Patres, tam jucunda a suavis prœsentia, quse
me adeô reficit et recréât, ut si terrorem jam anteà perceptum, cum
-eâ voluptate quam sentie, conferatis, quid me magis afiiciat, dif-
licile sit ad judicandum, ut in me etiam illud sentiam : Servias
Domino cum timoré, et exultes ei cum iremore : sic enim exultatia
est ad Isetitiam , timor autem ad anxietatem.
Anxietatem faciebant quae jamjam desino recensere; at verô nùnc
video wie trépidasse timoré ubi non erat timor. Timendum enim
erat illi prœposito qui iis prsepositus est qui diflicilè in otiicio conti-
nen possunt ; mihi autem iis prseposito qui eâ pollent modestiâ, for-
titudine, prudentiâ, ac charitate quœ in quolibet prœlato desiderari
1*^ OPUSCULES
prélat, de manière que chacun d'eux mérite d'estre prevost,
qu'est-ce qu'il y avoit à craindre? Et à quel propos m'ar-
rester en la considération de mon enfance , de mon igno-
rance et de la foiblesse de mon esprit ; puis que en ceste
charge , je n'auray point besoin n'y d'avertissemens , ny
d'instruction, ny de correction, sinon que quelqu'un vou-
lust ce que les anciens disoient enseigner Minei^ve, ou bien,
selon nostre commun proverbe , ^resc/zer saint Bernard y et
parler latin pour nestre pas entendu devant les Cordeliers,
entre lesquels nous sommes. Celui-là n'a point faute de
maistre, qui n'a rien à apprendre, et quand les vents sont
favorables, chaque mattelot indifféremment peut tenir le
gouvernail avec facilité.
C'est bien la vérité que je prens assez garde qu'estant
accoustumés d'avoir des prevosts qui jusques à présent ont
esté tres-doctes, très-graves et tres-fortunés , il ne se peut
que vous ne ressentiez fascherie et degoust en un si grand
changement et déclin de cette dignité qui est îa première du
chapitre , et vous pourriez bien penser ce que certain poëte
dit : « Quel est ce nouvel hoste qui vient prendre séance
potest, ut eorum quilibet prsepositus esse mereatur, quid in liâc
causa metuendum est? Quid enim memoretur infantia, imperilia ac
mentis imbecillitas, cùm nec monitis, née disciplina, nec correc-
tione, in hoc munere mihi futurum sit opus? nisi quis velit, quod
dixerunt veteres, Minervam docere, aut ut *more nostrorum
é\ç,diV[i) sanctum Bernardum hortari, vet inle' C hordigeros, ut inm
suinus, conceptum teyere lalinitate. Non opus est prccceptore, oui
nihil ad discendum est : facile, flanlibus ventis secundis, guber-
nacula à quolibet nauclero tenentur.
Illud quidoin satis adverlo, vos prœpositis doctissimis, gravissimis,
felicissimis hactenùs assuetos, in tantà ejus, quœ hnjus consessûs
prima est, dignitatis mutatione ac declinatione, non posse quin ali-
quod sentiatisfastidium; illudqueanimosubibit quoddixitquispiam:
« Quis novus hic nostris successit sedibus hospes?
» luclyla quis Pétri tocta superbus adit? »
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 13
i> parmy nous? Et quel est ce lemeraire qui ose s'ingerer
)) dans l'auguste mûson de saint Pierre?» Ouy certes, révé-
rends Pères, vous pourriez dire tout cela. Mais pour vostre
soûlas et le mien, je vous prie aussi de considérer avec moy
que Dieu a cou^tame de choisir les choses plus basses et plus
infirmes de ce monde pour confondre les fort es\ et de tirer
sa louange la plus parfaite de la bouche des enfans^ , voive
de ceux qui pendent encore aux mammelles, affin qu'on luy
rapporte plus facilement tous les biens qu'on a reçus, et qui
procèdent tous de luy.
ilCor., I,27.--«Ps. Vlir, 8.
Meritô sanè. Patres, hœc omnia. Verùm et illud in solatium anim»
mecum repetatis, quœso : Deum eligere solitum infirma hvjus
mundi, ut confundat foriia, et ex ore plerumquè infantium et
lactentiumperficere ImuUm m^m\ ut ei faciliùs accepta referanlur
bona, quae ab eo cuncta proceduot.
J4 OPUSCULES
III.
REQUÊTES
Présentées par saint François DE SALES, alors prévôt de Téglise cathédrale
de Saint-Pierre de Genève , au souverain Pontife CLÉMENT VIII , au nom
et comme procureur tant de l'évêque de Genève que de ses chanoines,
vers la fin de mars 1599. {Vie du Saint, par Auguste de Sales, liv. IV,
pag. 255.)
Tres-sainct Père ,
La dévote créature de vostre Saincteté , Claude de Granier,
evesque de Genève , luy expose tres-humblement comme
autresfois , à l'instance d'Emanuel Philibert , duc de Savoye,
tout les bénéfices simples , cures , monastères , prieurez , et
autres, des baillages de Gex, Ternier et Chablais, estans
unis à la milice des saincts Maurice et Lazare, sous pré-
texte que les habitans de ces bailliages estoyent hérétiques ,
et pource que l'exercice de la religion catholique ne pou-
voit pas y estre faict , ceste union fust limitée avec une clause
par laquelle le pape Grégoire treiziesme, de glorieuse me-
h
Pro relaxatione benefîciorum Lazarianae militias unitorum.
Beatissime Pater^ exponit humillimè Tuse Sanctitati Claudius Gra-
ïiierius, episcopus Gebennensis, cùm allas, ad instantiam Emma-
nuelis-Philiberti, tùnc Sabaudiœ ducis, unita fuerint militiee sanc-
torum Mauricii et Lazari omnia benefieia simplicia, curionia,
monasteria, prioratus et alla, agroriim Gexinsis , Terniacensis et
Gaballiani, sub prsetextâ causa quôd eorum lyactuum incolse Lulhe-
rani seu Calviniani essent, nec divinus idcircô in ils cultus exercer!
posset; praîlinita fuit hsec unio cum clausulâ, per quam Grcgorins
felicis recordationis papa decimus tertius, uti quandocumquc earum
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 15
moire, déclara expressément qu'en cas que les habitants de
ces bailliages vinssent à se convertir à la saincte foy, les
chevalliers deussent donner à chasque curé des paroisses de
ces bailliages au moins cinquante ducats par an , lesquels
curez devroyent estre esleus et establis par l'Evesque. Or
estant que ces jours passez, par le moyen des prédications:
continuelles qui ont esté faictes en ces quartiers, les habitans :
de deux de ces bailliages , c'est à sçavoir, Ternier et Chablais, .
en nombre de soixante quatre paroisses, sont retournez au
giron de la saincte Eglise , il est nécessaire de leur prouvoii
de curez sutFisaus et doctes pour les enseigner et catéchiser,
et , outre cela , il sera besoing d'avoir pour le moins huict
prestres pour l'Eglise de Tonon, principale ville de ces
bailliages, tant pour confesser que pour administrer les
saincts sacremens; comme encore trois puissans prédicateurs,
qui ne fassent rien autre que prescher ; et d'ailleurs il
faudra reparer les églises, qui sont presque toutes ruynées,
et supporter plusieurs autres charges de très-grande despence..
C'est pourquoy il supplie tres-humblement vostre Sainc-
teté qu'elle daigne annullei' et relascher l'union de tous ces
bénéfices , de quelque sorte et condition qu'ils soyent , et les
ditioniim incolfE ad sanctam fidem converterentur, Lazariani équités
unicuique curioni quera episnopus elegisset, quinquaginta diicatos
dare deberentanniialim, declaravit. Cùm autem diebuspraiteritis^ per
continuas prœdicationes, Terniacenses etCaballian^ ^nnes in sacrc-
sanctcC Ecclesice gremium redierint, numéro pexaginta quatuor parœ-
ciarum_, quibus idonei et doeti constiluendi 3unt rectoreS;, praîter
quos necessarii sunt in EcclesiâTononensej primariâ ditionum illa-
rum urbe , octo saltem sacerdotes qui cop*''"ssiones audiant, et
sacrumenta administrent; necnon très val^^U concionatores, qui ab
apostoheo prœdicandi munere nunquàm cessent. Prœtereàque restau-
randee sunt dirutae penè omnes sacrae sedes^ et ferenda alla non
sine magnis expensis onera.
Supplicat Sanctitati Tuae humililer, uti unionem illam relaxare et
penitùs abrogare dignetur^ quô benelicia illa omria, qua3cumciu«
f6 OPUSCULES
appliquer à ces recteurs , chappellains , prédicateurs , répa-
rations et autres charges , pour la manutention de la foy , '
attendu que le Serenissime Duc de Savoye , grand Maistre
d'icelle Religion des saincts Maurice et Lazare, y consent,
baillant toute permission au seigneur Evesque de pouvoir,
pour ceste première fois, disposer et prouvoir de ces Eglises
paroissiales eV bénéfices unis, les distribuant ainsi qu'il
verra estre nécessaire ; comme encore , de choisir trois prédi-
cateurs, de quelque Ordre et Religion qu'ils so5^ent.
Parce que la pauvreté du pays, ou plustost la petitesse
des fruicts des prébendes théologales du diocèse de Genève,
faict qu'il ne se treuve point de théologiens qui veuillent les
accepter ; et que cependant ces théologiens sont nécessaires
pour prescher la parolle de Dieu en un diocèse si misérable ,
et tellement environné d'heretiques ; le mesme Claude de
Granier, evesque d'iceluy , supplie pareillement vostre Sainc-
teté qu'elle daigne luy bailler permission de pouvoir suppri-
mer une prébende monachale des monastères et prieurez
tandem sint, curionibus, rectoribus, concionatoribus, reparationibus,
aliisque ad conservandam religionem sanctam necessariis oneribus
applicentur, quandoquidem serenissimus Allobrogum dux, qui ejus
militice magnus magister est, suum in eam rem consensum prœbet,
licenliameidem episcopo concedendo instituendi parœciales rectores,
beneliciaque dislribuendi, prout viderit necessarium esse, necnon
très validos concionatores è quovis ordine seu religione eligendi.
11.
Pro théologal! seu ecclesiaste.
Exponit humillimè Tuae Beatitudini Claudius Granierius, episco-
pus Gebennerisis (quôd) ob provinciœ paupertatem, fructuumque prœ-
bendarum theologalium tenuitatem, non inveniuntur tlieologi qui
eo8 acceptare velint, cùm nihilominus ad spargendum divini verbi
semen in eâ diœcesi maxime sint necessarii.
Supplicat idcircô Sanctitati Tuœ, uti sibi licentiam dignetur con-
cedere preebendam unam monachalem supprimendi in monasteriis et
DE S. FnANCOTS DE SALES. 17
convent]?els de sa diocèse , vaquante ou à vncquer, à fin
qu'il en puisse assigner à chaque théologien deux , selon
qu'il verra estre expédient; et, au deffaut des prébendes,
pouvoir de supprimer quelques bénéfices simples des Eglises
esquelles la prr-hende théologale sera constituée, h fin d'y
appliquer les fruicts ; puis 'jue par ce moyen le service
divin ne sera point diminué en ces monastères , prieurez et
églises, mais plustost croistra et s'augmentera de jour en
jour.
Attendu que la pluspart des curez du diocèse de Genève
sont tellement pauvres qu'ils sont contraincts d'abandonner
leurs enfans spirituels , au grand détriment de leurs âmes ,
le mesme evesque Claude de Granier supplie V. S. qu'elle
daigne luy bailler permission que toutesfois et quantes qu'il
en sera requis, et jugera estre nécessaire, mesme hors de la
visite générale , il puisse leur assigner une portion congrue
sur les dismes, primices et oblation possédées par les abbez,
prioratibus conventualibus suœ diœcesis, vacantem aut vacaturam,
id hoc ut unicuique theologo prœbendas duas, prout expedire vide-
bitur, assignare possit, et deticientibusprsebendis^ potestatem aliqua
bénéficia simplicia earum Ecclesiarum in quibus hujusmodi pri3c-
benda conslituetur, supprimendi, et eorum fructus eidem theologaîi
applicandi; quandoquidem bac ratione in iis monasteriis, prioratibus
et Ecclesiis divinus cultus minime minuetur, imô verô majus ac
majus sumet in dies incrementum.
III.
Pro coKgruarum portionum assignatione.
Exponit humillimè Claudius Granierius, episcopus Gebennensis,
cùm majori ex parte suae diœcesis curiones adeô pauperes existant,
ut saepenumerô suos iri Christo fdios magno cum animarum detrimento
cogantur deserere ;
Supplicat idcircô Sanctitati Tuae , uti ei licentiam dignetur imper-
tiri iis curionibus congruam assignandi portionem, etiam extra visi-
tationem generalem super decimis, primitiis,et çblationibus ab abba^
yu 2
18' OPUSCULES
prieurs, et autres ecclésiastiques, nonobstant opposition et
appellation quelconque.
Il y a plusieurs îitux ai' diocèse de Genève où tous les
habitans sont joincts de coI^sanguinité ou affinité ; et ainsi ,
pour estre tres-pauvres , et les dottes très-petites, ils ne
peuvent point se marier hors de leurs lieux ^ pour n'employer
pas ce peu de dotte à visiter l'espouse et porteries autres
charges des nopces; encor moins ont-ils le moyen demander
à Home pour obtenir la dispense. C'est pourquoy le mesme
Evesque supplie V. S. qu'elle daigne luy permettre de dis-
penser avec tels du quatriesme degré de consanguinité ou
affinité , et d'absoudre ceux qui , nonobstant ce degré , auront
contracté mariage, avec déclaration que leurs enfans seront
légitimes. Et cecy pour le moins quant au parquet de cons-
cience, puis qu'ils sont empeschez d'envoyer à Rome pour,
leur pauvreté, et contraincts de contracter ensenible à cause
de l'angustie du lieu.
tibus, prioribus, aliisve Ecclesiasticis possessis, prout judicabit
necessarmm, non obstante oppositione quâvis vel appellatione.
IV.
Pro dispensationibus in matrimoniis.
Exponit humillimè idem episcopus, quàmplures siint in sua
diœcesi loci, quorum incolseconsanguinitate vel affmitate junguntnr,
qui tamen, cùm pauperrimi existant^ tenuissimasque expectent dotes^
difficillimè extra possunt matrimonium contrahere, ne scilicet exi-
guam illam dotem visitationibus sponsaD, nuptiarumque oneribus
insumant, née habeant undè ad obtinendam ab apostolicâ sede dis-
pensationem Romam mittant.
Quapropter supplicat Sanctitati Tua? uti sibi coiîcedere dignetur
licentiam in quarto consanguinitatis vel affmilatis gradu dispensandi,
eosque qui hactenùs, eo non obstante quarto gradu, matrimonium
contraxerunt^ absolvendi, cum potestate prolem tali modo suscep-
tam legitimara declaraiidi, hocque saltem ia conscifintiœ foro; quan-
doquidem et paupertate, ne Romam mittant, impedluntur^ et
angustiâ loci coguntur simul conlrahere.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 19
Parce que plusieurs Luthériens, Calvinistes, ou relaps,
4Îesireux de revenir à la lumière de la foy , laissent de ce;
faire, pour ne vouloir ou n'oser pas se présenter devant
l'Evesque; le mesme Claude de Granier supplie V. S. de
bailler permission à perpétuité , tant à luy et à son vicaire
qu'à dix ou douze personnes doctes et habiles , telles qu'il
les eslira , pour absoudre ces hérétiques et relaps de quelque
hérésie que ce soit ; et pour cet effect, et à fin de pouvoir
respondre à leurs mensonges et finesses, permettre encore
aux niesmes de pouvoir, sans scrupule de conscience, lire et
tenir de toutes sortes de livres défendus, et sur tout de ceux,
que les hérétiques mettent en lumière tous les jours, attendu
qu'on ne peut pas facilement les convaincre autrement. Et
ceste permission est demandée perpétuelle, parce que, quand
elle est baillée pour un temps tant seulement, iceluy estant
fîny , et ne treuvant pas des commoditez pour mander à Rome,-
plusieurs de ceux qui veulent se convertir, treuvans de la
résistance en l'Evesque, se rafroidissent, et retournent à leur
' — ■ ■ ■ ^
V.
Pro absolutione ab haeresi.
Exponit humillimè : cùm multi sint lutherani seu calviniani in ejus
direcesi^ sive relapsi. qui ad veras lîdei redire lumen cupientes,
tam pium et salutare opus iniermittuut^ quia ad episcopum venire
nolunt.
Supplicat Sanctitati Tuae uti non sibi tantùm et generali -vicario,
sed et deeem aut duodecim viris doctis et perspicacibus eligendis eos
li3ÊFeticos seu relapsos ab omni haeresi absolveudi licentiam dignetur
concedere.; et im hune, eilectum , utque illorum objectionibus res-
pondère ii sacerdotes queant, potestatem absque conscientise scrupulo
habendi et legendi libros prohibitos, eos auteni maxime quos quo-
tidiè hffireliei ij« îucem emittuBî ; quandoquideiîï non ilà facile pos-
sunt aliter convinci. Hœc autem* licentia petitur perpétua, quia cùm
dâtur ad tempu&j iindto eo, ubi statiiai nova n&m potest ©btineri,
pleriq^ue non &^^eaam<t madû> sed fri^ùtU iiu&t xQàeimiiq^ue ad wmi-
20 OPUSCULÎîS
vomissement; ou bien, cependant qu'on procure d'avoir
une telle permission, viennent à mourir en ce désir, au
srand détriment de leurs âmes.
Les fruicts de la ^able episcopale sont si petits qu'à peine
peuvent-ils suffire pour la décente sustentation de l'Evesque,
ef sur tout à ceste occasion etconjoincture, qu'illuy convient
de faire de très-grandes despences pour aller consacrer et
bénir les églises et les autels : il supplie V. S. qu'elle daigne
l'exempter de toute sorte de payement de décimes concédées
au serenissime duc de Savoye , remettant la part qui le re-
garde à estre payée par les autres evesques et bénéficiez de
Savoye, qui sont plus riches que luy, et qui ne doivent
pas supporter tant de charges et despences.
Claude de Granier, evesque de Genève, supplie V. S.
qu'il luy plaise de dispenser avec les chanoines de son Eglise
cathédrale qu'ils puissent tenir, ensemble avec les canoni-
tum, vel dùm haec expectatur licentia, non sine gravi animarum
detrimento moriuntur.
VI.
Pro eximendo à decimarum persolutione episcopo.
Exponithumillimè : episcopalis mensse fructus adeô tenues sunt, ut
vix ad decentem sustentationem , hoc misero praesertim tempore,
suflîciant, quo magnis expensis eum onerari necesse est, eundo
fedeundoque ad ecclesiarum et altarium consecrationem benedic-
tionemve.
Supplicat Sanctitati Tuée uti eum ab omni et quâvis decimarum
Sabaudiœ duci conc^^sarum solutione dignetur eximere, partem
illam quaB ei convenit, in alios Allobrogicos episcopos vel bénéficia
possidentes multô se ditiores et minus oneratos, remittendo.
VII.
Ut canonici Gebennenses^ reteiito canonicatu, l}eneâcia parœcîalia
possideanti*
Supplicat humillimè Sanctitati Tuse Claudius Granierius, episcopus
Gebennensis^ uti eum «anouicis ecclesias suse cathedralis dispensare
DE S. FRANÇOIS T)E SALES. 21
^'ats, rips Eî-Tli?^os parroissiales, en y mettant des vicaires
capal)îes et siilïisans pour exercer la charge des âmes ; attendu
que la pliispart d'iceux chanoines sont docteurs et gentils-
hommes, et ne peuvent pas vivre décemment et selon leur
qualité des fruicts de leur canonicat, qui n'excèdent pas la
valeu r de soixante ducats ; et ne peuvent pas aspirer à d'autres
bénéfices, puis qu'estans presque tous du ûroict de patron-
nage, ils ne peuvent pas estre obtenus sans la présentation
<les p itrons, qui la font à qui bon leur semble : autrement
;ces pauvres chanoine? seront contraincts de se séparer les
uns des autres , pour n'avoir pas dequoy vivre , et laisseront
ainsi de travailler à la vigne du Seigneur auprès des âmes
converties, attendu qu'ils sont presque tous docteurs.
Parce que Fevesché de Genève a plusieurs subjects ou
tailîables qui sont obligez à une infinité de servitudes qui
ressentent plus le paganisme que le christianisme : comme
est que, tels venans à mourir sans enfans, leurs biens tom-
bent et reviennent à FEvesque, et , n'ayans point d'enfans ,
ne peuvent point tester d'aucun de leurs biens; et ne peuvent
* ■ ■ I— I .- ■ -.— — .M ■ I ■■ Mil - III 11 ■W— — ■■— i I I I >■■■—— .1 ■ Il - —■■—■■■ ■ I I I ■■■■■■■ I III ■ I ■ ———a
digneturadobtinendasretinendasqueunàcumcanonicalibusecciesias
parffcialcs, collocando in ih idoneos vicarios^ et qui ad animarum
-habendaiii ciiram sufficiarit; quandoquidem omnes sunt vei nobiles
\t1 doctoros, et nequeuntcum canonicatûs fructibus^ qui sexaginta
ducatorum summam non excedunt, decenter vivere^ née ad alla
possunt adspirare bénéficia^ cùm omnia ferè de jure patronatùs sint,
nec possinî, idcircô absque prtesentatione patroni obtineri. Aliter
eniin liet ui dispergantur hi canonici, desinantque in vineâ Domini
laborare, eô quèd vivere nequeant
VllI.
Pro liberandis episcopatûs tributariis.
Exponit huinillimè Tuée San clitati episcopu? Cebennensis ; quàm-
plures iiabetsubditosseu Iributariosinnumerisastrictos servitutibus,
qua3 plus etbnicismum quàm chrisiianismum sapiunt. Veluti cùm
/ibac^ue iiliis raanuutur, m iiuiuus iiiYOï:em testamentum condere
22 OPUFriTT.T^
point eslre vestus de drap noir, uy encore porter en Iptits-
habits le moindre orle de quelque couleur que ce soit; il y
en a mesmes quelques-uns qui sont obligez de faire taire les-
grenoùilles cependant que le seigneur dort ; lesquelles choses
sont entièrement indignes d'un homme chrestien : c'est
pourquoy le mesme Evesque supplie Y. S. qu'elle daigne
luy bailler permission d'affranchir et délivrer ses subjects
d'une telle servitude, moyennant une somme de deniers,
selon ce qu'ils seront d'accord ; laquelle se payera à l'Evesque
et sera convertie en l'évidente utilité de la table episco-
pale, comme il jugera estre nécessaire, convertissant les
iîefs et terriers ainsi subjects et taillables en fiefs et biens
d'emphytheose.
Presque tous les monastères, tant d'hommes que de
femmes, et prieurez conventuels de Savoye et de Genevois,
et autres lieux de là les monts , des Estais du Duc , sont
tellement descheus de la discipline régulière et observance
delareigleetordre de leur monastère ou prieuré, qu'à peine
peut-on discerner les réguliers des séculiers , parce que les
posse;, nec nigro panPxO vestiri, ne quidem tenuem eliginum limbi ex
colorato panno gestare. Sunt et nonnulli quibus servitus est curaiidi
per noctem, dùm Dominus dormit, ne ranse coaxent; quae quànL
indigna sint homine christiano nemo est qui non videat.
Quamobrem supplicat Sanctitati Tuée uti sibi dignetur iinpertiri
licentiam hujusmodi hominei? mediantibus nummis liberare, prout
inler ipsos conventum fuentj et quaB quidem pecunioe in evidentem
episcopalis mensaï utilitatem, aut ^'undi ejusmodi in emphyteutica
boi7a convertantur.
IX.
Pro religiosorum utriusque sexûs reformai ione.
Exponit humiL'imè : omnia ferè tùm virorum tùm. mulierum mo-
nasteria et puoratus conventuales in Sabaudiâ, Gebennesio, aliisve
serenissimi Allobrogum ducis ditionibus et regionibus ultrainon-
tauis, adeè ab reguiari et antiquâ disciplina decideruot, ut vix
reguiares à beecularibus dignoscantur : alii enim hùc et iiiùc palan-
DE S. FKANÇOIS DE SALES. 2J
tins vagabonclent par le inonde, elles autres, qui demeuTHiU
dans leurs cloistrcs, vivent assez dissolument, avec uû
très-grand scandale du peuple. C/est pourquoy on supplie
sa Saincteté qu'il luy plaise de bailler une commission à
quelqu'un des prélats de céi Estât de delà les monts, qui,
avec une bonne information , et l'assistance de deux Pères
Jésuites ou Capucins, mesme (s'il est de besoing) du bras
séculier, doive et puisse corriger les desobeyssans , selon
qu'il verra estre expédient pour le salut de leurs âmes et
spéciale consolation des peuples , nonobstant appellation ou
opposition quelconque ; attendu que les supérieurs de ces-
ordres endurent de tels desordres, pour n'y apporter point
de remèdes.
Tres-sainct Père, les dévots orateurs de V. S., Prévost,
Chanoines et Chapitre de l'Eglise cathédrale de sainct PiexTe
de Genève , luy exposent en toute humilité comme depuis
tes discurrunt; alii autem in claustris degentes gravissimo populis^
sunt scandalo.
Quapropter suppllcat Sanctitati Tuse uti commissionem alicui ex
ultramontanis prœlatis de rébus omnibus benè inslructo dignetur
dare , qui cum duobus ex socielate Jesu vel Capucinorum ordine
patribus^ addito etiam brachii SGecularis auxilio, si opus fuerit,
debeat, possitque libéré et absolutè ejusmodi monasteria visitare, et
in veterem ordinenri reducere, et inobedientes corrigere, et rebelles
coercere, prout expedire viderit ad animarum ipsorum salutem
populique consolationem, appellatione quâvis neglectâ et oppositione ;
quandoquidem illorum monasteriorum superiores hujusmodi disso-
lutiones ferunt et patiuntur, eô quôd remedium nuUum adhibeant.
X.
Libellus supplex pro canonicis ecclesiae cathedralis Gebeimensis, nomiiie
totius capituli à sancto Francisco oblatus.
Beatissime Pater, devotissimi Tuse Sanctitatis oratores, Praepositus,
Capitulum, et Canonici Ecclesiae Cathedralis S. Pétri Gebennensis,
exponunt humillimè, cùm abhinc annis sexaginta à GeueTeusi civi-r
24 OPUSCULES
soixante ans en çà et davantage , estaiis chassez de la cité de
Genève, et retirez avec l'Evesque en la ville d'Anicy, du
mesme diocèse , où jusques à ceste heure le siège episcopal a
esté, et eux ont faict leur résidence et célébré les divins
offices, il est arrivé que les mois passez, par la vertu du
sainct Esprit , et par le moyen des continuelles prédications
qui ont esté faictes es bailliages de Chablais et Ternier, en ce
temps-là hérétiques, des Etats -je Savoye, presque tous les
habitans de ces contrées se sont convertis à la foy catholique,
et principalement la plu spart de la ville de Tonon , princi-
pale de ces baillinges, avec soixante quatre paroisses : à
rayson dequoy, ponc maintenir ceux qui sont nouvelle-
ment convertis en leurs bons propos, et réduire les autres à
en faire de mesme, tant le Reverendissime Evesque que les
susdicts Prévost et Chanoines ont délibéré d'aller habiter et
faire résidence en icelle ville de Tonon , et là travailler de
telle sorte en la vigne du Seigneur qu'en peu de temps on
voye des fleurs et des fruicts en ces nouveaux convertis , et
non convertis. Mais , parce qu'ils n'ont pas le moyen de se
maintenir et se sustenter décemment, pour n'avoir pas
soixante ducats par an de chaque canonicat, et qu'en icelle
ville de Tonon estoit anciennement une église et couvent de
tatc expulsi fuerint, et unà cum episcopo in urbem Anicienslum ad
residendum, celebrandaque divina oflicia recesserint;, evenit ut
prœteritis mensibus, per virtutem L.iJirit''"s Saneti et continuas verbi
Dei prœdicationes factas, omnes fevè qui Caballium et Terniacum
ditiones Sabaudicas incolunt^ sacro-sanctam fidem catlialicîcvr. am*
plexi sint, ii maxime qui Tononum inhabitant, primariam provinciae
urbem, cum sexaginta quat'-ov parœciis circùm circù longé latèque
diflusis. Quare ad confirmandos conversos reduceiivusque cœteros,
tùm ipse episcopus, tùm prœpositus et canonici in eani Tononensem
urbem se transferre statuerunt, ibique cum taritâ animorum conten-
tione in vincâ Domini laborare, ut brevi flores fructusque appareant.
Verùm quia non habent quo decenler vivant, non enim quilibet
eorum canonicatus sexaginta ducatorum est; Tononi autem erat
DE S. FRANrOrS T)E SALES. 25
Porrlre des Hermites de sainot Augustin , qui valîoit annuel-
lement cent escus, et laquelle fut supprimée et unie à la
Milice des saincts Maurice et Lazare par le pape Grégoire
treiziesme, sous prétexte que ces peuples estoyent bien es-
loignez de se convertira TEglise romaine, et Hontle couvent
est ruyné de telle sorte que les frères Heriultes n'auront
jamais dequoy le rebastir : pour toutes ces raisons, ils sup-
plient tres-humblement V. S. qu'eii dissolvant et relaschant
ceste union, elle daigne la renonveller à la table capitulaire,
et Iny appliquer les fruicts de ce couvent, imposant un per-
pétuel silence aux chevaliers, attendu que le serenissime duc
de Savoye y consent , et que les chanoines sont pour la plus-
part docteurs et puissans prédicateurs, et par ce moyen
pourront se transporter là, et restaurer l'église pour y rési-
der, et faire le fruict que l'on doit attendre de TefFect de la
parolle divine ; ordonnant toutesfois que tous les chappel-
lains, bénéficiez, altariens, et autres fondez en l'Eglise de
Genève, principalement les douze prestres de la chapelle
qu'on appelle des Macchabées, qui par leur fondation sont
aiiti([iiitùs ccclesia cum conventu ordinis eremitarum sancti Augus-
tiai, valoris anoui centum nummorum circiter, unita mililice sanc-
torum Mauricii et Lazari à Grcgorio fœlicis recordationis papa decimo
tertio, sub 'practextà causa quôd populus ille longé à conversione
esset, coriventus autem ille destructus, et ecclesia multas patitur
ruinas, uridè impossibile ferè esset Iratribus illis restruere;
8upplicant igitiir humillirnè Sari^fitatiTuge, uti dissolvendo etrela-
xando unionem illam, capitulari meusae renovare dignetur^ et eidem
fructus et reditus conventûs applicaie, militibus etiam perpetuum
imporiendo sileritium, quandoquidem serenissimus Sabaudiœ dus
consentit^ et canonici pro inajori parte doctores suiit validique
coiicionatores. îlàc vatione potcruut Torionum se traiisienej sacram
icdem restaurare, fructumque facere qui ex divini verbi elîecUi expcc-
taii potest, cum decuUo tamen ut omiies bénéficia qusBvisin ecclesia
Gel)eiiuersi fundata possidentes, duodecimprœserlim sacelii saiicto-
ium Muchabtcoiuai sacerdules qui vi i'undationis ad resideiiliaai in
2S OPUSCULES
obligez h la résidence , doivent et soyent tenus , sans onposi-
lion ny exception quelconque, de se transférer ensemble avec
le Chapitre et chanoines pour faire la résidence en ce mesme
lieu de Tonon , 'tOus peine que les absens seront privez du
chapitre, \:t qu'on en mettra d'autres en leur place; et, en cas
qu'il ne s't^ treuve point qui veuille faire une telle résidence
que tous les fruicts et revenus de ces chappelles seront ap-
pliquez à la table capitulaire, pour la réparation de l'église et
manutention des autres chapelles qui seront dressées en icelle.
eo sacello faciendam obligantur, debeant absque ullâ vel oppositione
Ycl exceptione capitulum et canonicos sequi et comitari _, sub pœnâ
privationis ab eodem capitulo; quo casu alii in eorum locum suffi-
ciantur. Quôd si nulli inveniantur qui ad eam residentiam obligare
se velint, tune illius sacelli fructus et reditus'inensae capitulari appli-
centur.
DE S. FRANÇOIS DE SALES* 27
IV.
ENOUÉT
Des bénéfices du Chablais, faite par le seignf ar prévôt DE SALES, le primi-
cier (le S. Jef;*^ .-Baptiste de la Roche , mes^ire Claude D'ANGEVILLE, et le
si^ur MARIN , procureur-fiscal , avec le grefiler, suivant les ordres de son
altesse sérénissime le duc de Savoie. {Vie du saint, par Auguste de Sales,
tom. I", pag. 22L)
( Avant le 12 novembre 1598. )
Au bailliage de Chablais deçà de la rivière de la Durance,
estoyent anciennement les Eglises parroissiales , qui avoyent
chacune un recteur particulier ; et en quelques-unes y avoit
des monastères d'hommes et de femmes, et des prieurez ré-
guliers; quelques autres encore estoyent perpétuellement
unies : c'est à sçavoir :
L'Eglise de sainct Hyppolite , martyr , en la ville de To-
non, en laquelle estoit aussi alors un prieuré de trois moines
de l'ordre de sainct Benoist, et plusieurs chappelles, avec son
Eglise perpétuellement unie de sainct Marcel, martyr, du lieu
de Marcla, maintenant entièrement ruynée. Toutes deux n'ont
point de maison curatiale : car celle de la ville, tous les
dismes et autres biens immeubles, tant siens que du prieuré,
sont entièrement aliénez par les Bernois , ou par ceux qui
avoyent pouvoir d'eux, et sont possédez par l'université de
la ville , qui a vendu et aliéné quelques dismes , et presque
tous les biens stables. L'église toutesfois est demeurée en
son entier , les autels en estant levez (comme c'est la cous-
tume des hérétiques) et maintenant le grand autel est re-
dressé avec deux autres. En la mesme ville estoit autresfois
une maisoii de Frères Hermites de sainct Augustin, dotée de
beaucoup de revenus , consistans en biens stables et pieux
28 OFiisr.îTr.KS
légats : mais son église , avec une partie de certains biens ,
subsiste encore; tout le reste a esté aliéné.
L'Eglise de sainct Estienne, martyr, du village do Tully,
avec son unie de sainct Jean Baptiste du village de Concise
(en ceste-cy toutesfois il n'y avoit point de fonts baptismaux,
et le sainct Sacremen t n'y esloi t point gardé poi u les malades) .
Les maisons de toutes deuxsfînt aliénées et possédées par des
laïcs, avec leurs dismes et biens stables. Dans les limites de
cette paroisse estoit autresfois le célèbre prieuré conventuel
de Ripaille, maintenant bruslé.
L'Eglise de sainct Pierre, apostre, du village d'Armoy,
avec son unie de sainct Maurice, martyr, du lieu de Rey vroz,
et l'autre de sainct Nicolas, confesseur, du lieu de Lyau, en
laquelle estoit autrefois un cemetiere : mais on n'y adminis-
troit point les sacremens, et n'y tenoit-on point la saincte
Eucharistie pour les malades. Ces trois parroissiales estoyent
annexées au chapitre de l'Eglise cathédrale de S. Pierre de
Genève par le pape Alexandre sixiesme, le dix-septiesme de
janvier de l'an mille quatre cens nouante quatre , le troi-
siesme de son pontificat ; et depuis l'invasion du Chablais
jusques à l'an mille cinq cens nouante, les Genevois les ont
usurpées avec tous leurs biens, desquels ils en ont aliénez
quelques stables , qui ne sont pas d'une petite valeur. La
première a une maison curatiale , les autres deux n'en ont
point. Il y a encore des dismes, des censés, et quelques
biens stables, suiïisans pour l'entretien des vicaires perpé-
tuels.
L'Eglise de nostre Dame du village de Bellevaux , avec
son unie d'ancienneté de sainct Jean Baptiste , du village de
Lullin , qui sont distantes l'une de l'autre d'nn^^ lieuë. En
la première estoit autresfois fondé un prieuré de aois moines
de l'ordre de sainct Benoist, uny perpétuellement au monas-
tère d'Aisnay du mesme ordre , de la cité de Lyon ; duquel
la maison, dismes, rentes et autres biens stables, sont encorâ
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 29
en leur entier; les maisons curiales ruinées, et leurs biens
stables en partie vendus par les Bernois , et partie aliénez
sous des censés annuelles. En la paroisse de Bellevaux , et
au lieu de Vallon , estoit autresfois un monastère de Char-
treux , qui est maintenant ruiné avec son église ; les censés,
la jurisdiction temporelle, et tous les biens stables ont esté
vendus en partie par les Bernois , en partie ont esté aliénez
sous des rentes annuelles, et sont pacifiquement possédez.
par des laies.
L'Eglise de sainct George , martyr, du village de Vvalîy ,
n'a point maintenant de revenu , ny de maison presbyte-
raie • car tous les dismes et tous les biens stables ont esté
aliénez.
L'Eglise de sainct Jacques, apostre, du village d'Orsier.
La maison d'icelle, les dismes et tous les biens stables ont
esté aliénez à perpétuité à certains laies, sous une censé an-
nuelle de soixante florins, monnoye de Savoye; et mainte-
nant sont possédez par Claude de Prez , docteur es droicts ,
qui a promis de les lascher, pourveu qu'on luy rende les
deniers qu'il a payez aux Bernois.
La maison de l'Eglise de sainct Pierre, apostre, du. vil-
lage de Draillans, est destruite, tous les biens stables aliénez
aux Genevois. Là estoit autresfois fondé un prieuré rural
de l'ordre de Cluny, duquel la maison subsiste , avec les
dismes et rentes; mais quelques biens stables ont esté
aliénez. ^
L'Eglise de nostre Dame du village des Allinges ( en la-
quelle estoit autresfois un doyenné rural), avec son unie de
sainct Maurice , martyr , du lieu de Mezinge. Toutes deux
n'ont point de maison. La première a quelques biens stables;
les autres ont esté aliénez sous des censés annuelles. Les
dismes sont possédez par le prevost de l'hospital des saincts
Kicolas et Bernard de Mont-Jou, de la diocèse de S von.
La maisen presbyterale de l'Eglise de saint Sylvestre^
«
30 OPUSCULES
confesseur, du village de Penigny, est destruicte; les biens
stables ont esté en partie vendus, et en partie aliénez par les
Bernois. La sixiesme part des disraes appartenoit autresfois
au recteur , les autres cinq à Fabbé du monastère de Filly ,
des chanoines réguliers de l'ordre de sainct Augustin : main-
tenant tous ces dismes ord esté baillez par le pape Grégoire
treiziesme aux chevalliers des saincts Maurice et Lazare.
L'Eglise de sainct Nicolas , confesseur , du village de Bra-
corans. Devant l'invasion du pays , il y avoit en icelle un
monastère de religieuses de l'ordre de Cisteaux, que l'on
appelloit du Lieu , duquel l'église subsiste, avec une partie
du monastère. La maison sacerdotale et quelques biens
stables ont esté aliénez par les Bernois, sous une certaine
rente annuelle. Les dismes estovent divisez autresfois en
cinq parts, desquelles les deux appartenoyent aux curez, les
autres trois à l'abbé du monastère de nostre Dame d'Aux ,
de l'ordre de Cisteaux, qui les possède encore maintenant,
et les chevalliers de sainct Maurice ont celle du recteur.
L'Eglise de sainct Estienne, martyr, du village de Ser-
vens, a sa maison presbyterale, avec quelques biens stables;
les autres ont esté aliénez sous une rente annuelle. Les
dismes sont possédez par les chevalliers de sainct Mau-
rice.
L'Eglise de sainct Jean Baptiste, du village de Fessy, a sa
maison curatiale , avec quelques biens stables et quelques
rentes; le reste est aliéné. Certaine part des dismes apparte-
noit autresfois au recteur; les autres sont encore possédées
par l'abbé d'Aux , et les chevalliers de sainct Maurice pos-
sèdent celle du curé.
L'Eglise de sainct Maurice , martyr , du village de Lully ,
a quelques censés et dismes, qui appartenoyent autresfois au
curé, maintenant aux chevalliers de sainct Maurice. La
maison et quelques biens stables sont aliénez sous une rente
annuelle*
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 31 '
L'Eglise de sainct Maurice , martyr, du village de Bren-
tona, avec son unie de sainct Ours, martyr, du lieu de
Vigny. Ceste-cy est en partie destruite, celle-là a sa maison
et quelques biens stables, les autres sous une rente annuelle
sont vendus et aliénez. D'icelle dépendent encore certaines
censés et dismes de froument, par indivis avec le prevost de
Montjou et quelques laies. Les chevalliers possèdent tout ce
qui appartient à la parroissiale.
L'Eglise de sainct Sylvestre , confesseur , du village
d'Avully, est entièrement destruicte, et n'a point de maison.
Les biens stables sont en partie vendus sons la censé ap-
nuelle , et en partie aliénez. L'abbé d'Aux perçoit avec
quelques laies les dismes et censés par indivis et esgales
portions.
L'Eglise de sainct Pierre , apostre , du village de Bons , a
sa maison, avec quelques biens stables; tout le reste est
aliéné avec rente. Elle a outre cela quelques censés, et la
troisiesme part des dismes de tous bleds , par indivis ,
pour les deux restantes, avec le monastère des religieuses
du Lieu ; et tout cela est encore possédé par les chevalliers.
L'Eglise de sainct Didier, martyr, du village du mesrne
nom , est de pareille condition que celle de Bons , comme
aussi l'Eglise de saincte Marie Magdeleine, du village de
S'issel.
L'Eglise de sainct Maurice , martyr, du village de Brens,
a sa maison et presque tous ses biens stables aliénez. Ses
dismes sont divisez en trois parts, desquelles elle a îa troi-
siesme ; pour les deux autres, elle est en indivis, en partie
avec la chapelle de nostre Dame de Compassion, fondée
autresfois en l'église de Bons, en partie avec certains gentils-
hommes laies. Elle a outre cela des censés; et le tout est pos-
sédé par les chevalliers.
La maison et les biens stables de l'Eglise de sainct Pierre,
apostre , du village de Machilly, sont en partie vendus , et
^
32 OPUSCULES
partie aliénez avec rente ; elle perçoit tous les dismes , tanl
de bled que de vin. Toutesfois les chevalliers ont cela main-
tenant.
La maison presbyterale de l'Eglise de sainct Sergue , du
village du mesme nom , est ruinée , les biens en partie ven-
dus, en partie aliénez ; elle a quelques censés. Le curé per-
çoit une part des dismes, tant de bled que de vin, par indi-
vis avec Fabbé d'Aux. Certain prestre en est légitimement
prouveu.
L'Eglise de nostre Dame du village de Genevry, avec
son unie de sainct Eustache, martyr, du village de Buringe.
Toutes deux sont sans maison. Elles ont quelques biens
stables ; les autres sont en partie vendus, en partie aliénez.
Outre cela elle possède quelques dismes par indivis avec
l'abbé d'Aux.
L'Eglise de sainct George, martyr, du village de Vegy , a
sa maison , en partie ruynée , et quelques biens stables , les
autres en partie vendus , en partie aliénez ; outre quelques
censés et dismes de tous bleds et vin par indivis avec quel-
ques gentilshommes laies, qui sont maintenant possédez par
les Frères Prescheurs de l'ordre de sainct Dominique, de la
ville de Chambery, et diocèse de Grenoble, par l'octroy de
S. A. S.
L'Eglise de sainct Loup , confesseur, du village de Do-
vaine , avec son unie de sainct Apre , aussi confesseur, du
lieu de Loisin, Ceste-cy n'a point de maison : l'autre avec
quelques biens est aliénée ; et en icelle estoit autresfois un
prieuré rural de l'ordre de sainct Benoist, duquel dépendent
tous ^s dismes, tant de bled que de vin, avec quelques
biens stables. Ce prieuré a sa maison , qu'un certain gen-
tilhomme laie tient, avec ses revenue, par la concession
de S. A.
L'Eglise de sainct Estienne , martyr, du village de Ba-
leyson, a sa maison et ses biens aliène?^ elle perçoit les
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 33
^îîsmes de tous bleds par indivis avec certains gentils-
hommes laies , que son recteur possède , en estant légitime-
ment pruQveu.
Quelques biens de l'Eglise de sainct Jean Baptiste, du
village de Massongy, ont esté en partie vendus , et en partie
aliénez. Elle a toutesfois quelques censés , la maison sacer-
dotale et quelques biens stables , que ses curez légitimement
prouveus ont possédés jusques à présent; ensemble les
<lismes du bled et du vin par indivis avec certains gentils-
hommes laies.
L'Eglise de nostre Dame du bourg de Filly, en laquelle
estoit autresfois un monastère de huict chanoines réguliers
de Tordre de sainct Augustin , qui a esté aliéné par les Ber-
nois à certain gentilhomme laie ; et duquel , comme de la
parroissiale , les biens stables ont esté en partie vendus , en
^partie aliénez. Les dismes , censés et autres biens , sont pos-
sédez par les chevalliers.
L'Eglise de sainct Maurice , martyr, du village de Sier,
avec son unie de nostre Dame , du lieu de Chavanay. Elle a
sa maison et quelques biens stables ; tout le reste est aliéné.
Les dismes dépendent de l'abbaye de Filly, et sont possédez
par les chevalliers.
L'Eglise des saine ts Ferreol et Ferruce, martyrs, du village
de Margencel, a sa maison et quelques biens stables; le
reste est en partie vendu , en partie aliéné. Mais outre cela ,
elle a quelques censés et dismes, que les chevalliers possèdent
par indivis avec le doyen des Allinges.
L'Eglise de sainct Barthele jy , apostre , du village d'An-
':hy. Sa maison , tous ses biens stables , tous les dismes , tant
de bled que de vin , appartenans autresfois au doyen des
Allinges, ont esté en partie vendus, en partie aliénez par les
Bernois ; et pource n'a point de revenus.
L'Eglise de sainct Symphorian , martyr, du village d'Es-
che venay, a sa maison et quelques biens aliénez par les Ber-
VI. 3
34 OPUSCULES
nois. Il y en a toutesfois quelques-uns de stables, et certaine
partie des dismes; les autres dépendent de Tabbaye de Filly,
et sont possédez par des chevalliers.
L'Eglise de sainct Pancrace , martyr, de la ville d'Yvoire,
avec son unie de sainct Martin , confesseur, du village de
Narny . Toutes deux sont sans maison : celle d' Yvoire est pres-
que destruicte : elle a quelques biens stables; le^ autres sont
en partie vendus , en partie aliénez. Les dismes dépendent
en partie de l'abbaye de Filly, que les chevalliers possèdent,
en partie sont perçeuz par certains gentilshommes laies.
L'Eglise de sainct Pierre , apostre, du village de Messery,
a sa maison avec quelques biens stables; le reste est aliéné.
Certaine partie des dismes appartient au prieuré de Dovaine ;
certaine autre au chapitre de l'Eglise cathédrale de sainct
Pierre de Genève, usurpée par les hérétiques Genevois;
l'autre partie est possédée par certains gentilshommes, et une
autre encore dépend de l'abbaye de Filly.
L'Eglise de nostre Dame , du village de Gusy, a sa maison
qui menace de ruine; ses biens stables sont aliénez. Les
dismes appartiennent à l'abbé du monastère de nostre Dame
d'A^bondance, des chanoines réguliers de Tordre de sainct
Augustin, lequel abbé a payé jusques à présent ime pension
annuelle au curé , que les Jacobins de Chambery possèdent
par la concession du Duc.
L'Eglise de sainct George, martyr, de la ville d'Her-
mance, a sa maison presque ruinée, et quelques biens
stables , les autres estans ou '''^ndus ou aliénez ; outre cela ,
quelques censés. Les dismes sont possédez par l'abbé d'Abon-
dance et quelques laies,
L'Eglise de nostre Dam^, ciu village d'Asnieres, et l'E-
glise de sainct Jean Baptiste , du village de Corsier , sont
d'une mesme condition l'une et l'autre. Leurs maisons sont
destruictes; leurs biens stables, ou vendus ou aliénez. Ld
recteur légitimement prouveu possède les dismes.
DE S. FRANÇOIS hf. SALES. 35
L'Eglise de nostre Damcî , <lvi village de Marsilly , delà de
la Durance, est toute aliénée à des gentilshommes : maisons,
biens stables et dismes.
L'Eglise de sainct Jacques , apostre , du village de Marti-
gny, autresfois filleule et unie à l'Eglise de sainct Pierre ,
■apostre , du village de Lugrin , delà de la Durance , n'a ny
maison , ny biens stables, ny dismes, ny censés ; mais tout
est aliéné à des gentilshommes laies.
' Et tel est Testât des Eglises du Chabîais, deçà la Durance»
Maintenant quant au bailliage de Ternier :
BAILLIAGE DE TERNIER.
L'Eglise de sainct Maurice , martyr, du village de Very,
sous la montagne de Saleve, a sa maison et quelques biens
stables, quelques censés et quelques dismes; le reste est
aliéné. Elle perçoit une pension annuelle des dismes delà
paroisse de Troine , appartenans au chapitre de l'Eglise ca-
thédrale , usurpez par les hérétiques de Genève. Les autres
revenus sont possédez par les chevalliers.
L'Eglise de sainct Martin , confesseur, du village de Col-
longes, sous le mont de Salleve, avec son unie de sainct Ma-
mert, du village d'Erchant. Ceste-cy n'a point de maison,
celle-là en a une, mais presques ruinée, avec quelques biens
stables : les autres biens de l'une et de l'autre ont esté en
partie vendus, en partie aliénez par les Bernois. Elle a,
outre cela , quelques censés et dismes de la paroisse de Col-
longes : car ceux d'Erchant , appartenans au prieur de Lul-
lier, sont usurpez par les hérétiques de Genève, qui d'iceux
payent une certaine pension au recteur canoniquement
prouveu.
L'Eglise de sainct Estienne martyr, du village de Beau-
mont. Sa maison est aliénée , avec quelques biens stables ;
elle a la troisiesme partie des dismes , par indivis avec le
prieur de sainct Jean auprès et au dehors des murs de la cité
30 OPTISCrLES
de Genève pour les autres daux parts; lequel prieuré est
possédé par les chevalliers.
La maison parroissiale, qui est maintenant ruinée, de l'E-
glise de nostrc Dame, du village de Yers. Les biens stables,
dismes et autres revenus, sont aliénez à certain gentilhomme.
Il en est de mesme de l'Eglise de nostre Dame, du village de
Clienex.
La nef de l'Eglise de sainct Eusebe, confesseur, du village
d'Humilly, menace de ruine. Elle a sa maison avec quelques
biens stables , les prémices luy sont deuës par les parrois-
siens ; tous les autres biens sont aliénez.
L'Eglise de sainct Jean Baptiste , du village de Mallagny,
est rtiinée , et sa maison pareillement. Elle a quelques biens
stables et quelques censés , perçoit des parroissiens les pri-
znices , et tous les ans les nouvellets ; les autres dismes ap-
partiennent au chapitre de l'Eglise cathédrale , mais ils sont
usurpez par les Genevois.
L'Eglise de sainct Martin , confesseur, du village d'Exer-
tet , est entièrement destruicte avec sa maison. Elle a quel-
ques biens stables ; certain gentilhomme a usurpé les dismes
et les retient. De mesme que la maison , dismes , censés et
biens stables de l'Eglise de sainct Maurice , martyr, du vil-
lage de Yiry ( auquel lieu estoit autresfois une Eglise collé-
giale de dix chanoines séculiers, avec un doyen), et son unie
du mesme tiltre, du village de Leluyset, est aussi de mesme
condition. Elle tire certains revenus en la parroisse de Ser-
nex , riere le Genevois.
L'Eglise de sainct Lazare , confesseur, du village de Fe-
geres , a maison , dismes , censés et biens stables ; mais tout
cela est aliéné à certain gentilhomme,
L'Eglise de sainct Brice , confesseur, du village de There-
rier, est sans maison; ses biens stables sont aliénez à des
l^ics ; elle a toutesfois encore quelques dismes et prémices |
dont son recteur jouyt paisiblement.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 37
L'Eglise de sninct Julian , uu huarg du mesme nom , a sa
uiaisoii , SCS dismes et ses prémices , dont le recieur est eik
possession ; tout le reste est aliéné.
L'Eglise de nostre Dame , du village de Bardonnex , est
convertie en pressoir, et la maison sacerdotale en chasteau ;
tous ses biens stables sont aliénez. Elle a des dismes, des
prémices et des censés ; mais tout cela est possédé par un
certain gentilhomme, qui dict en avoir la concession de S.A.
La maison de l'Eglise de sainct Sylvesti'e , confesseur, du
village d.' Compesieres, est destruicte, les biens stables alié-
nez ; les dismes sont perçeus par le commandeur de Gene-
vois , de l'hospital de sainct Jean de Hierusalem ; les pri-
niices , rediiictes en censé annuelle , sont payées par les par-
roissiens aux chevalliers de sainct Maurice.
L'Eglise de sainct Jean Baptiste , du village de Lullier,
est ruinée avec sa maison , ses biens stables aliénez : les
dismes appartiennent au prieuré rural de Tordre de sainct
Benoist , qui autresfois y estoit fondé , et perpétuellement
uny à la chappelle de nostre Dame auprès et hors des murs
de l'Eglise cathédrale , érigée et dotée par Jean , cardinal
d'Hostie , que les citoyens de Genève usurpent.
La maison et les biens de l'Eglise de sainct Pierre et de
sainct Paul, apostres, du village de Gonsignon, sont aliénez;
elle a les dismes de tous bleds et du vin par indivis avec le
prieur de sainct Jean , auprès et hors des murs de la cité de
Genève, maintenant possédez par les chevalliers.
L'Eglise de sainct Matthieu, apostre, du village deVullio-
nex , est entièrement rasée avec sa maison , ses biens stables
aliénez à plusieurs personnes, les dismes usurpez par un
gentilhomme laie.
L'Eglise de sainct Maurice, martyr, du village de Bernex,
a sa maison presbyterale , quelques biens stables , les dismeJ
de tous bleds et vin , et quelques censés ; mais cela est pos-
sédé par les chevalliers. Tout le reste est aliéné.
33 ' OPUSCULES
Ontï'eces Eglises, il y en a encore douze antres au mesnie
bailliage de Ternier, desquelles les parroissiens n'ont paS
encore embassé la foy catholique , parce qu'elles ^ont usur-
pées par les Genevois, et que les minisfres hérétiques y
preschent encvore : Vallerier, Lancy, Onay, Caitigny , Laco- '
nex, Chancy, Avusies, Troines , Sieines, Bossay, Cuordcs
^t Yierdens.
Et tel est Testai des Eglises du bailliage de Ternier,
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 39
/ w»
V.
MÉMOIRE
SUR LES BÉNÉFICES SITUÉS EN CHABLAÏS ,
QUE DEifflANDE L'eVESQUE DE GENEVE *.
(L'original existe aux archives de la Religion des saints Maurice et Lazare,
à Turin.)
1621.
Outre tout ce que les ecclésiastiques tiennent maintenant,
l'Evesque de Genève demande :
Les censés de Bellerive pour deux ans ;
Les prétentions que les dits seigneurs chevalliers pour-
royent avoir sur Vulliomiex avec tout ce qui dépend du dit
Vulliomiex ou en dependoit ;
Pouvoir de rachetter tous les biens dependans des cures et
chapelles, de quelle nature qu'ils puissent estre. Et parce que
les seigneurs chevalliers rachetans les biens des autres béné-
fices pourroyent ou par mes2;arde ou autrement prendre les
biens des cures en guise des .xutres, seront obligés de monstrer
les contracts aux députés de TEvesque , par lesquels il sera
regardé si les dits sont ou aux cures ou aux autres bene-
iices.
* Se trouve parmi les Lettres inédites de la collection Biaise, lettre 2791
40 OPUSCULES
VI.
^ RÉPONSE
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A LA REQUÊTE DES CHEVALIERS.
(Tiré de la Vie du Saint, tom. Te*", page 270.)
(!«' mai 1SS9.)
Premièrement. Le prevost de Sales proteste de n'avoir
ny prétendre aucun droict sur les biens mentionnez en la
requeste , et partant ne vouloir en aucune façon se porter
pour partie contre les supplians.
Secondement. Que le bref rapporté par luy du sainct
Siège a esté demandé, accordé et obtenu pour le service de
Dieu, de TEglise et de S. A., à laquelle il touche de le
soustenir, et non à celuy qui, comme simple serviteur, le
porte et produict, et qui n'a en ceste affaire autre interest
que le gênerai de l'advancement du royaume de Dieu.
Troisiesmement. Que neantmoins , s'il plaist à S. A. qu'i»
celuy prevost, comme serviteur, rende raison de la volonté
du Pape, porté par le bref ol>'*>nu , il dira :
Quatriesmement. Que le bref de nostre sainct Père Clé-
ment huictiesme est en conformité de celuy de Grégoire
treiziesme, allégué par les supplians, auquel le mesme Pape,
prévoyant au cas heureusement advenu en nos jours sou»
l'authorité de S. A., baille les bénéfices des bailliages à la
Milice (comme inutiles alors à leur naturel usage, qui estoit.
indubitablement le maintie;: iss gens d'Eglise) avec ceste^
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 4!
condition : De sorte toutesfois qu'aussi tost que les habi-
tans de ces lieux viendroyent à recevoir la lumière de la
foy , par la miséricorde du Seigneur, en quelle part que
cela arrivast, les Ordinaires des lieux ausquels ils estoyent
subjects instituassent des églises parroissiales , et autres lieux
ecclésiastiques propres pour IV^ercice de la charge des âmes,
avec une dote non moindre, des proprietez des mesmes
biens, en nombre juste etcompetant, et leur fust yrouveu
par les mesmes Ordinaires de recteurs et pasteurs capables,
ensuite de la dispense du concile de Trente , et autres décrets
canoniques. Lesquelles conditions sont apposées en faveur
de nostre cause.
Cinquiesmement. Et quand telle condition ne seroit point
apposée au bref de Grégoire treiziesme , le Pape d'aujour-
d'huy, qui peut disposer absolument en cet endroict, dispose
en faveur des peuples et de l'advancement de la religion
cbrestienne , comme il appert par son bref;
Sixiesmement. Auquel neantmoins il n'y a aucun poinct
préjudiciable à la Milice plus qu'en la condition insérée en
celuy de Grégoire, de laquelle il n'est qu'une déclaration
pour lever toutes les occasions de douter;
Septiesmement. Car ce qu'il semble que la Milice treuve
de dur en ce bref postérieur est, en premier lieu, que la Reli-
gion est spoliée de toutes sortes de bénéfices. Mais la condition ^_^
dict indistinctement : « des proprietez des mesmes biens, »
et le Concile de Trente , par le droict mesme , donne le pou-
voir des portions congrues sur tous les bénéfices. En second
lieu , que cela se fasse sous prétexte de l'entretenement. Mais
cela n'est en aucune façon pr texte ; car c'est une pure et
saincte réalité , à laquelle non seulement Clément , mais
Grégoire prouvoit par la condition. En troisicsme lieu, qu<»
la détermination de l'entretenement soit remise à l'Evesque.
Mais et le Concile de Trente exprés , et la condition de Gré-
goire, remet tout cela à la cognoissance des evesques. Ea
42 OPUSCULES
quatriesme lieu , du nombre des gens nécessaires , voulant
que cela se fasse selon le nombre qui fut estably lors que
S. A. estoit à Tonon. Mais on ne le surpasse pas, et à peine
y aura-il qui suffise. Et si l'expérience avoit apprins qu'il
en fallust davantage, faudroit-il Tempescher? Mesmement
qu'on avoit réduit au moindre nombre pour laisser quelque
moyen , s'il estoit possible, pour rebastir, faire des paremens,
et autres choses nécessaires ; lesquelles faictes, et le peuple
estant accreu, on pensoit aussi de multiplier les curez ou
vicaires. En cinquiesme lieu , que le bref ayt esté accordé
sans que leur Milice ayt esté ouye. Mais la condition apposée
par Grégoire, à laquelle ils ont consenty, les relevoit de
ceste peine. Et quelle raison pouvoyent-iîs apporter pour
empescher ce bref? Certes , elle ne pouvoit estre qu'en faict
ou en droict. En droict, c'est la production du bref de Gré-
goire : mais le Pape Clément l'insère presque tout au sien,
er. n'ignoroit rien de ce qu'il contient, ayant procédé avec
certaine science. En faict, niant la réduction de ces peuples :
mais cela ne se pouvoit pas; et de plus, quand il n'y en eust
que dix de chaque paroisse avec liberté, It Pape eust tous-
jours disposé (comme il a faict) en leur faveur.
Iluictiesmement. Mais la Milice allègue deux raisons :
l'une, crainte d'abus eu l'exécution. Mais on respond à cela
qu'il luy demeurera toujours lieu de s'en plaindre, sans
qu'il soit nécessaire dt retarder le cours d'une si nécessaire
exécution. En second n'a, elle craint le droict de nomina-
tion. Mais ce seront* des serviteurs et subjects de S. A. La
moindre ame ou messe vaut plus que toutes les nominations
pour la conservation de S. A. Au reste, c'est un ordre du
Concile de prendre les portions congrues sur tous les bé-
néfices.
Neufviesmement. Quant aux revenus, il n'y en a pas assez
cour faire ce qu'il faudroii.
* C'cit'U-dire , les curés.
DE S. FRANÇOIS DE SALES.
Dixiesmement. Il eus* anieux vallu de ne rien faire que
<îe faire froidement.
Onziesmement. La Religion ne sçauroit pas mieux faire
pour sa profession.
Douziesmement. En fin le bien du peuple doit estre sou-
veraine loy. Pas un particulier n'en prend pour soy, ny
Monsieur de Genève, ny moy. On fera exactement le calcul
de tout le revenu, en l'assistance d'un officier de S. A., ou
de plusieurs. Partant le Prévost de Sales, comme tres-humble
serviteur, subject et orateur de V. A., supplie pour l'amour
de Dieu que l'exécution ne soit aucunement retardée , mais
plustost avancée , maintenue et soustenue par les grâces né-
cessaires d'icelle ; et, comme humble serviteur et orateur de
la Milice , la supplie de se contenter avec l'œil ouvert pour
voir s'il se fera aucun abus, et de ne prendre point pour
estre fait contre son service ce qu'il a faict pour servir la
cause de la religion , sans aucune mauvaise affection contre
l'honneur et service quHl doit à tous les chevalliers.
^
44 OPUSCULES
VIL
DISCOURS
De saint François DE SALES au duc de Savoie, en conséquence de la re-
quête et des réponses précédentes. (Tiré de la Vie du Saint, tome Ie%
page 273.)
(Au commencement du mois de mal 1599.
Monseigneur, V. A. avoit donné main levée , par manière
de provision, attendant la déclaration du sainct Siège, de
tous les bénéfices de Chablais et Ternier,pouî 'rentretenement
des ecclésiastiques nécessaires pour l'exercice de la religion
catholique , r'establie depuis peu en ces pays-là par le bon
zèle de V. A. Son sénat, et sa Chambre des Comptes n'ont
point voulu encore interiner les patentes expédiées pour cet
ejffect. Sa Saincteté, suyvant la saincte intention de V. A., a
donné plein pouvoir au reverendissime Evesque de Genève
de desunir et desmembrer les bénéfices unis à la Milice des
saincts Maurice et Lazare (laquelle tient la pluspart de ceux
de Chablais et Ternier), autant qu'il jugera expédient pour
l'intruction de ces peuples convertis, réparations des églises,
autels, et autres nécessitez. V. A. commande par un décret
du vingt neufviesme avril de ceste année qu'on sursoye à
toute exécution : si que ces pauvres convertis demeurent
desprouveuz et privez de tous les moyens requis à la conti-
nuation de la saincte religion qu'ils ont embrassée par la
saincte conduite de V. A. avec tant de bon exemple pour
tous ceux qui en ont eu le:, advis. Dont moy, auquel V, A.
a commandé d'attendre et demander sa bonne volonté sur
cela , supplie tres-humblement que, faisant considération sur
la qualité de l'affaire, qui ne peut astre retardée sans estre
DE S. FRANÇOTSDE SALES. 4S
raynée , îl luy plaise , ou de commander absolument et effi-
cacement que le bref de S. S. soit mis en exécution sans
aucun delay (sauf à la Milice de recourir en cas d'abus, et
se prouvoir comme et vers qui elle verra affaire), ou de
commander expressément à l'un des sieurs de son Sénat,
ou Chambre des Comptes de Savoye , d'assister à Fexecutiou
qui se fera par le reverendissime Evesque de Genève , à la-
quelle pourra aussi entrevenir un député par le conseil de la
Milice , h Un que toute accusation d'abus soit évitée. Or j'as-
seure V. A., Monseigneur, qu'en l'exécution de ce bref, le
reverendissime Evesque de Genève observera tres-estroicte-
ment ces conditions : de n'outrepasser pas le nombre juste
et competant des gens nécessaires à l'œuvre , lequel neant-
moins ne peut pas estre précisément déterminé sans une
particulière cognoissance des circonstances des lieux, d'as-
sembler en un srros tous les bénéfices des baillia2:es con-
vertis, tant affectez cy- devant à la Milice qu'autres quel-
conques (ceux-là exceptez desquels V. A. auroit autrement^
prouveu depuis la conversion de ces peuples), afin que de
ce tout soyent levées les parties nécessaires pour le service
de Dieu , de faire une juste estimation de chaque bénéfice,
et de n'outrepasser l'usage requis et juste employ d'iceux,
tant en l'assignation des portions congrues qu'autres œuvres
nécessaires à la manutention de la foy. Et quoy que tout le
revenu du Chablais qui est en estre malaisément puisse suf-
fire à ce qu'il seroit besoin^ de faire en ce commencement,
auquel on ne sçauroit faire. que trop peu , si est-ce que le
mesme Evesque, quant à ce qui touche à son devoir, se con-
tentera de ce qui est nécessairement nécessaire; laissant au
surplus à la piété deV. A. de prouvoir au collège des Jésuites
desja conclu et destiné par elle avec le Père General de
l'Ordre, et autres amplifications du service de Dieu, qui sont
dételle importance que son zèle sçaura bien luy représenter.
Je supplie donc tres-humblement V. A. qu'il luy plaise de
45 ' OPUSCULES
me r'envover au pliistost despesches sur ce subject; et elle
attirera sur soy et sur ses desseins la l)enediction divine,
que luy souhaitteront perpétuellement tant d'ames faictes
et maintenues Catholiques par son soing et prouvoyance
Chrestienne.
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 47
VIII.
ÉRECTION
De la Confrérie des pénitents de la Sainte Croix , de l'un et l'autre sexe,
étalilie ù Annecy le \^^ jour de septembre 1593, par S. François DE SALES,
alors prévôt de l'église de Saint-Pieire de Genève, et seulement sous-diacre.
(Tiré de la Vie du Saint, par Auguste de Sales, liv. l^', pag. 65.;
Premièrement, il voulut qu'elle fust appellée du nom de
la saincte Croix, parce, clisoit-il, que socs les salutaires
enseignes de la Croix la relig^ion Catholique est conservée ,
Fancien ennemy du genre humain , semeur de zizanie , en
est terry, et, au temps passé, non seulement les bien-heureux
Pères s'en sont servis pour chasser les tentations, mais encore
les Empereurs , les Roys et les Princes pour combaltre les
intîdelles et subjuguer les hérétiques , non sans de grandes
victoires et triomphes. Il luy bailla aussi le nom de la Con-
ception de la glorieuse Yierge Marie, parce, disoit-il, que la
tres-pure et tres-sacrée Vierge , mère de nostre Sauveur,
conçeuë sans aucune tache de péché originel , prie incessa-
ment pour le peuple , entrevient pour le clergé , intercède
pour le dévot sexe féminin , donne secours aux oppressez ,
reprime les efforts des hérétiques et intîdelles , et délivre les
bons de tous maux. Finalement, il voulut encore qu'elle
fust appellée du nom de sainct Pierre et sainct Paul Apostres,
les glorieux Princes de la terre; dont cestuy-cy a esté
docteur des gentils, et T autre, vicaire de Jésus- Christ ,
fondement de l'Eglise , et la foy duquel no viendra jamais à
défaillir ; parce , disoit41 , que tous deux ont illustré par
leur propre mort la saincte Eglise Romaine, Mère et Mais-
Ij'csse de toutes les autres Eglises, et, estans les patrons titu-
48 orusciTLES
Taire de l'illustre Eglise de Genève , l'ont conservée avec sa
ville , sa diocèse et ses peuples dans la profession de la foy
orthodoxe , sans la moindre *ache d'heresie , quasi depuis le
berceau de l'Eglise jus^uer "â l'an mille cinq cens trente et
cinq , que Sathan , autneur de tous maux , infecta tellement
la cité et une partie de la diocèse par la contagion de plusieurs
diverses et contraires erreurs, et par de tres-violens troubles
d'heresies, — chassant le sacré prélat, ses chanoines , tout le
clergé et les autres observateurs de la vraye foy, destruisant
les églises , rasant les autels , fracassant les images , pillant
les ornemens , dispersant et foulant aux pieds les reliques
des Saincts , et polluant en fin toutes les choses divines, —
que de là ceste misérable cité est devenue la nourrice des
guerres et homicides, Finventeresse des trahisons, lo sentine
et l'esgoust des embrasemens et rapines , l'azile des plus
pervers et criminels de toute l'Europe : si que l'on peut dire
à bonne raison qu'elle est l'origine de tous les malheurs qui
ont affligé jusques à présent la France et la Savoye. Partant,
disoit le pieux François, il est à espérer que si, à l'invocation
de ce signe salutaire de la Croix , et implorant les suffrages
de la glorieuse Vierge et des saincts Apostres , nous nous
convertissons au Dieu des miséricordes avec une vraye com-
punction de cœur, par des gemissemens, des prières, des
jeusnes , de fréquentes confessions de nos péchez , des com-
munions , et autres bonnes œuvres vrayement chrestiennes ;
ce mesme grand Dieu, lequel (quoy que tres-clement et
doux) veut estre prié, contrainct, et quasi comme vaincu
par certaine importunito et prière continuelle , nous retirera
et délivrera de toute vexation des hérétiques, des incursions
vit insolences des soldats , de la famine qui nous presse , des
maladies qui nous afïligent, des guerres qui nous accablent,
et tels autres dangers qui sont à nos portes, et, esteignant en
la misérable cité 3t> Genève les ennemis de sa divine Majesté,
de la nature humaine et des hommes, y fera refleurir la
DE S. FRANÇOTS DE SALES. 49
saÎTicte et sacrée religion catholique , et nous remettra dans
nos propres sièges et dans nostre propre église , de laquelle
ayant esté chassez il y a plus de cinquante ans , nous avons
résidé en cette ville d'Anicy comme advenaires et pèlerins en
une église mendiée. Donc, puis que la continuelle prière de
plusieurs est tres-agreable à Dieu, et que le plus grand moyeii
d'implorer son secours est si les esprits de plusieurs fidelles,
congregez et assemblez au nom de nostre Seigneur Jésus
Christ (lequel a promis de se freuver au milieu d'eux), con-
sentent à une mesme dévotion par la coopération du sainct
Esprit; à l'imitation des autres provinces et citez, qui se
sont treuvées allégées , avec beaucoup de consolation , de
semblables nécessitez et dangers par des érections de diverses
Confréries et Congrégations, sous divers noms toutesfois, et
sous diverses invocations ; François de Sales, Prévost de l'E.
glise de Genève, avec ses Chanoines, à la plus grande gloire
de Dieu , et honneur de toute la cour céleste , érigea et ins-
titua à perpétuité ceste salutaire Confrairie de penitens de
l'un et de l'autre sexe , à l'autel de la saincte Croix , situé
dans Feglise de Genève , et pour le temps à l'autel de sainct
Germain en l'église de sainct François d'Anicy, du consente-
ment et authorité de reverendissime Père en Dieu Claude de
Granier, Evesque et Prince de Genève, et avec le bon plaisir
du souverain Pontife et du sainct Siège apostolique, so:25 de
tels statuts et constitutions ;
STATUTS ET CONSTITUTIONS
DE LA CONFRERIE DE LA SAINTE CROIX,
\)RESSÉS PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES.
Parce qu'il est nécessaire , dit-il , d'avoir un lieu entière-
ment libre dehors de l'église en laq,uelle Tautel de l'érection
VI. 4
Sn OPUSCULES
est situé, tant pour chanter et célébrer les divins offices et
exercer d'autres œuvres pies que pour traicter des affaires de
la Confrérie, ainsi que c'est par tout la coustume de faire, et
que Teglise de sainct Jean Baptiste de la commanderie de
Genevois, de Tordre de sainct Jean de Hierusalem, située en
lieu public de la ville d'Anicy, n'est pas gueres fréquentée,
tant par le defaur de prestres qui y soyent affectez que par
l'injure du temps , et que neantmoins il est à espérer que les
habitans , comme très- catholiques qu'ils sont, la visiteront
et fréquenteront , si d'ores-en-avant on y célèbre des messes
et autres divins offices , et y faict-on souvent des predications-
et exhortations ; partant l'oratoire de la Gonfrairie a esté
député en ceste église de sainct Jean tandis que les Chanoines
de Genève résideront à Anicy, du consentement de Denys de
Sacconay, baron des Clets, et procureur gênerai de son
frère Pierre de Sacconay, chevallier de l'ordre de sainct Jean
de Hierusalem , grand prieur d'x\uvergne , et commandeur
de Genevois.
II.
Que s'il arrivoit que l'Eglise cathédrale fust transférée en
quelque autre lieu que la cité de Genève, la Confrérie comme
perpétuellement et indissolublement unie et incorporée à
icelle , sera transférée en mesme temps eu ce mesme lieu
avec toutes ses enseignes , vases sacrez , livres et ornemens ;
de laquelle toutesfois pourra demeurer un membre perpé-
tuellement dépendant , selon qu'il sera jugé estre expédiant
et à propos.
m.
Lesfestes spéciales et perpétuelles de la Confrairie seront:
l'Exaltation de la saincte Croix, la Conception de la glorieuse
Vierge Marie , l'Invention de la mesme saincte Croix , et la
feste^de sainctPierre et sainct Paul, apostres; età fin qu'elles
soyent plus solemnellement célébrées, on exposera publi-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. M
quement et honorablement le Ires-sainct Sacrement de l'Eu-
charistie su r l'autel de l'oratoire chaque jour d'icelle , et le
gardera-on le jour tout entier, avec la révérence denë ; ce
qui se fera encore chaque second dimanche du mois (on a
depuis transféré au troisiesme), excepté en septembre, dé-
cembre, may et juin , à cause de telles festes solemnelles qui
arrivent en ces mois.
IV.
Or en ces jours-là, deux des Confrères, députez par le
Piieur et ses Assesseurs , seront obligez de faire une heure
alternativement, en. habit, et à genoux devant l'autel, prians
et meditans chacun selon sa dévotion, spécialement pour
nostre sainct Père le Pape, pour tous les Prélats de la saincte
Eglise, pour tout le Clergé, pour la tranquillité de la repu*
blique Chrestienne, pour la conservation de la foy Catho-
lique , pour la paix et concorde entre les Princes et peuplés
Chrestiens, et encore pour la conservation et accroissement
de la Confrérie, et à fin que de jour en jour elle produise des
fruicts spirituels qui soyent aggreahles à la divine Majesté.
Sur le tard on fera la bénédiction , et puis remettra-on le
sainct Sacrement dans son tabernacle ordinaire.
V.
Ces mesmes jours solemnels , et la nuict du Jeudi sainct ,
on fera des processiouG publiques , selon la commodité du
lieu et opportunité du temps , esquelles tous et un chacun
des Confrères de l'un et de l'autre sexe seront Cbligez d'as-
sister en habit, et marcher deux à deux dévotement, grave-
ment, modestement et avec silence , chantans (ceux qui
sçauront) distinctement les prières qui auront esté au preal-
labl e ordonnées , . et des au très recitans à i voix basse le chap-
^llet de nostre Dame. C'est pourquoy ,,à l'heure assignée ,
tous-les -Confrères. se^rendrontà llorutoiraauquel les^roces*-
52 orrsruT.-ES
sions commenceroiJ t et retourneront , et en icelles un député
exprés portera une grande Croix au milieu de deux autres ,
qui porteront des cierges ou bien des lanternes ou fallots
allumés.
Les Confrères recevront le corps de nostre Seigneur ces
quatre jours soîemnels, et chaque second dir inche du mois
(depuis changé en troisiesme) dans l'oratoire, s'il se peut, ou
bien en une autre église, après s'estre purgez par la confession
sacramentelle, qu'ils pourront faire là où bon leur semblera;
les Prestres tascheront d'y célébrer la saincte messe. Que sa
quelqu'un se treuvoit légitimement empesché, il pourra
satisfaire à ce statut un autre jour, pourveu qu'il signifie
son empeschement au Prieur, qui sera tenu d'y prouvoir-
Cela s'estendra encore aux absens, pourveu qu'ils commis
nient une fois le mois.
VIL
Tous les dimanches il se dira une messe en l'oratoire par
un Prestre qui soit Confrère , tel qu'il plaira au Prieur de
députer, et tous les autres Confrères seront tenus d'y assister,
s'il se peut, et tascheront d'aider et accompagner le Célébrant
par leurs prières.
VIIL
Tous et un chacun des Confrères seront obligez de reciter
tous les jours cinq fois l'oraison dominicale , et cinq fois la
salutation angelique, à genoux et teste nuë, ayans la mesme
intention qui est requise pour gaigner les indulgences.
IX.
Afin d'observer la coustume ancienne de saluer la glo-
rieuse Vierge à genoux et teste nuë toutesfois et quantes qu#
l'on sonne à l'aube du jour, à midy , et sur le tard , selc
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 53
l*aîicipnne tradition de l'Eglise universelle , les Confrères
reciteront tous les jours la salutation angelique de la mesme
façon , c^est à sçavoir, à genoux et teste nuë , en quel lieu
qu'ils se treuvent ( quand ce seroit bien au milieu des rues
et places publiques), toutesfois et quantes que Ton sonnera
en la grande église (comme à Anicy en celle de nostre Dan ^),
à fin qu'outre Je gain des indulgences que les souverains
Pontifes ont concédées à ceux qui reciteront telle salutation,
par cet humble service rendu à la glorieuse Vierge les pro-
vinces de toute la Savoye puissent estre délivrées et exemptes
-de maladies , de pestes , de tempestes , de gresles , et autres
-corruptions et perturbations de l'air.
X.
Quand les Confrères rencontreront le sainct Sacrement que
l'on porte aux malades, sinon qu'ils fussent grandement
empeschez, ils seront tenus de l'accompagner et suivre, avec
prières pour la santé du malade , comme encore de visiter
les malades et prisonniers, quand ils sçauront qu'il y en aura.
XL
Aussi tost qu'on s'appercevra de quelque procez ou dis-
sension entre les Confrères , tant petite soit elle , et pour
quelle cause que ce soit, on en advertira le Prieur, lequel
avec ses Assesseurs et Conseillers tascliera de les accommo'fer
incontinent, et devant que la discorde s'allume davanta^B,
cependant '"ue les autres feront des prières particulières à
Dieu pour tel g ccommodement.
XII.
Aussi tost qu'on aura appris la nouvelle de la mort de
quelque Confrère, de l'un et de l'autre sexe , on mettra à la
porte de l'oratoire l'enseigne de la Croix sur un drap noir,
^ opuscuniiis
avec un escriteau qui marquera Tlieure et le nom de l'église-
en laquelle le defunct devra estie ensevely, afin que les
autres Frères se treuvent pour accompagner le corps et prier
Dieu pour le repos de son ame; à quoy ils seront obligez,
sinon que la nécessité les rétinst autre part ; et le lendemain
on célébrera une messe des morts en Toratoire pour le salut
ie ceste ame, et à fin qu'elle soit délivrée des peines da
purgatoire.
XIII.
Outre cela , à. fin que tous les ans on fasse quelque mé-
moire générale des Confrères defuncts, le jour plus proche »
et non empesché, après la feste de l'Exaltation de lasaincte
Croix , il faudra faire un anniversaire gênerai en l'oratoire ,,
et tous les Confrères y assisteront en habit pour ouyr la messe,,
que le Prieur dira, s'il est Prestre, et les autres prières qu'on
y chantera.
l^IV.
A l'imitation des autres Confréries, mais principalement
de l'archiconfrairie du tres-sainct Crucifix , d'ancienneté
érigée à Rome , en l'église de sainct Marcel , de l'ordre des
Frères Servants , l'habit de ceste-cy sera un sac de toile
noire ou bien de treillis, couvrant tout le corps , depuis le
col jusqu'aux talons, simple , sans fente ny ouverture, ny
soye , ny ornement , ny travail quelconque , avec le ca-
puce de mesme toile et couleur, voilant la teste et toute
la face ; de plus un cordon de filet de mesme, médiocrement
espais, et tout faict à nœuds, comme celuy que les Cor-
deliers portent , duquel pendra un chappelet , non pas
toutesfois précieux ; et cet habit sera baillé par le Prieur,
à quiconque entrera dans la Compagnie, avec une ce;''*monie
particulière ; et tous les Confi?eres , de quelle condition et
qualité qu'ils soyent , seront tenus et obligez de le porter
•en oratoire et processions , et en toutes autres actions pu*
DE S. FRANÇOIS DR SALES. F55
Cliques, quand la Confrérie s'assemblera. Les femmes, sur
UR habit blanc, seront obligées au seul port du cordon et du
chappelet.
XV.
Usera permis d'entrer en la Confrairie (outre les Chanoines
dé l'Eglise cathédrale) à toutes personnes de l'un et de l'autre
sexe, Catholiques néant moins et de bonne réputation, faisant
au preallable la profession de foy, et selon les autres céré-
monies qu'on a de coustume d'observer. Le Secrétaire tiendra
un livre dans lequel seront escrits les noms , surnoms , et
qualitez des Confrères , avec désignation du jour de leur ré-
ception, et de l'argent qu'ils auront offert de leur bon gré.
XVL
Les ofEciers de la Confrérie seront changez tous les ans au
chapitre gênerai qui se tiendra le jour plus proche des ca-
lendes de septembre, non empesché de quelque feste.
XYIL
Le premier et principal otïicier, et en quelque façon chef,
fiera nommé Prieur; et le prendra-on tousjours du corps de
l'Eglise cathédrale , tant qu'il se pourra faire. Lui seul de
tous les Confrères portera le surpelis en l'oratoire, es proces-
sions et assemblées , et autres actions publiques , où il aura
par tout la prééminence. Sa charge sera de commencer les
divins Offices , de reciter les prières et oraisons publiques ,
de marcher tout seul après la procession entre les deux As-
sesseurs de la Confrérie, de t'aire la bénédiction du sainct
Sacrement dans l'oratoire , de remarquer ceux qui célébre-
ront des messes ordinaires et extraordinaires , d'eslire les
directeurs des processions et les Chantres, de députer les visi-
teurs des malades et des prisonniers , et les accommodeurs
des querelles, de recevoir ceux cfvï voudront entrer dans
/
o6 oruscuLES
la Compagnie, de faire la paix, concilier les ennemis et ter-
miner les procez, de convoquer les assemblées extraordi-
naires , de présider en icelles et de recueillir les voix , entre
lesquelles la sienne vaudra deux ; et auquel tous les Con-
frères , de quelque condition qu'ils soyent , doivent porter
honneur, rev(irence et obeyssance. Il aimera la justice et
fera le jugement , et quand il y aura cause légitime , pourra
substituer un autre Chanoine , qui portera le nom de sous-
prieur.
XYIII.
Les Assesseurs assisteront au Prieur en tout ce qui sera
nécessaire , toutesfois avec l'habit de la confrérie ; et es pro-
cessions chacun d'eux portera le baston de pèlerinage , mar-
chans , le premier à la droicte , et le second à la gauche du
Prieur.
XIX.
Le Thresorier recevra l'argent que les Confrères offriront
à leur réception et autrement , exigera les légats , fournira
tout ce qui sera nécessaire , tant pour le service divin que
pour le secours des pauvres et malades , et pour l'adminis-
tration des choses temporelles ( toutesfois p?»' un mandat
spécial du Prieur, qui soit signé de sa main propre , et non
pas autrement ) , et rendra compte au bout de l'an de tout ce
qu'il aura receu et despensé.
XX.
Le Secrétaire escrira les actes , ordonnances et délibéra-
tions de la Confrairie , et fera toutes les autres choses çii
eeront jugée- par la Congrégation devoir estre de sa charge.
XXI.
Outre cela, il y aura douze Conseillers, partie clercs, partie
DE S. FBANÇOTS DE SALES. 57
laies ; entre lesquels seront le Prieur , les Assesseurs , le
Thresorier et le Secrétaire de la précédente année.
XXII.
Si par fortune il arrivoit qu'es assemblées de la Confrairie
on ne peust pas bonnement se résoudre de quelque affaire
difficile et de grande importance , on s'addressera au cha-
pitre de l'Eglise cathédrale , et tout ce qui sera résolu en
iceluy tiendra absolument , et s'observera par tous les Gon«
frères.
Voilà les chefs principaux de ceste érection , que le tres-
sage et tres-devot François fit pour prémices de sa saincteté
en la ville d'Anicy , et qu'il ferma et establit en présence
légitime de Jean Choppel , de Michel Servan , de Jacques
Chappe , Prestres , et de Jean Guichon , Notaire public ; et à
l'acte de laquelle il se souscrivit par son authorité de Prévost
cathedral , priant ses Chanoines de vouloir se signer après
luy ; ce qu'ils firent en cet ordre : Jean Tissot , protonotaire
apostolique , Jean Goppier, Louys Reydet , Louys de Sales ,
François de Ghissé , François de Ronys , Jaques Bally , Jean
Portier , Estienne de la Gombe , Janus Regard , Jaques
Brunet , Jean d'Kloyse , Charles Louys Pernet , Charles
Grosset , Antoine Bo^^hut , Claude d'Angeville , Eustache
Mugnier, et Jean Deage , tous chanoines du l'Eglise cathé-
drale , les autres oihj^q estans ubsens.
5«^ • OPUSCULES
IX.
CONSTITUTIONS
Des prêtres de la sainte maison de Notre-Dame de Thoiion, dressées par salut
Fbançois de sales, écrites et signées de sa propre main. {Vie du Saint ^
par Auguste de Sales, liv. IV, pag. 282 et suiv.)
(A la fia de l'année 1599.)
Le Prefect et les Prestres de l'Oratoire de nostre Dame de
Compassion de la ville de Tonon chanteront *ous les jours
des, festes solemnelles de la première classe, et de toutes
celles de la glorieuse Yierge, le divin Office du Bréviaire
Romain tout entier, au Chœur, en chant composé ; commen-
çant à l'aube du jour depuis la feste de tous Saincts jusques
à Pasques, et à quatre heures de malin depuis Pasques
jusques à la feste de tous Saincts. Les autres jours, parce
qu'ils sont occupez le plus souvent aux exercices de la charge
pastorale , ils chanteront au chœur tant seulement tierce ,
sexte, none, la messe, vespres, et complies.
De divine ofïicio.
Prœfectus et sacerdotes oratorii beatse Marise Compassionis oppidi
Tliononiensis, omnibus et singulis festis solemnibus primae classis^
singulisque beata» Marias Vivginis, inlegrum divinum ofllcium Ro-
mani breviarii modulato cantu in choro persolvant, incipientes ad
auroram à festo omnium Sanctorum ad Dominicam usque Resurrec-
ïionis, et ad horam quartam mafutinam à Dominicâ Resurrectioiiis
ysque ad festum omnium Sanctorum : reliquis verô diebus, quia
quamplurimis pastoralis muneris exercitiis s^pissiniè distraluintur,
tcTiiam duntaxat, sextam, nonam, missam, vespera« cl compiu-
toi^'uiu, iii choro cantent.
\
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 59
Cliasqiie jour de hnuly premier du mois, ils chanteront
une messe pour les defuncls , qui tiendra lieu de la grande
du jour, selon les rubriclies du Messel.
Tierce se dira à huict heures de matin, et consécutivement
la messe après les Heures ; vespres à trois heures après midy,
complies consécutivement. Mais en Caresme, les vespres se
diront après la grand'messe, et complies à cinq heures après
midy.
Tous les jours de samedy de toute l'année , et les veilles
des festes d^^ iioslre Dame, ils chanteront sur le soir les Lita-
nies de la mesrae Vierge.
Depuis les calendes de mars jusques aux calendes de no-
vembre, on dira tous les jours une messe à quatre heures de
matin; et depuis les calendes de novembre jusques à celles
de mars , à cinq heures : de telle sorte neantmoins qu'au
gros de l'hyver elle se commence tant seulement à la pre-
mière aube. La seconde messe se dira à sept heures ; la troi-
siesme sera la grande; la quatriesme se dira à neuf heures et
demy, ou à dix.
Singulis primis diebus luna3 cujusque mensis missam unani jiro
defunctis, qiice magnaî missEe diei locum Imbeat, secundum Missalis
rubricas cantent.
De horis ofiiciorum.
Dicaliir tertia horâ octavâ matutinà, et consequenter post koras
Missa.Yesper9ehoràtertiâpostmeridiem,compietoriumconseqLienter.
Sed in quadragesimà vesperas postmagnani missam, et completoriuai
horà quinlâ post meridiem.
Singulis diebus Sabbati per annum, et vigiliis beata; Mariai,
litanise ejusdem Virginis ad solis occasum decantentur.
A calendis martii usque ad calendas novembvis, diebus Singc^'s.
horâ quartâ raaîutinâ dicatur unamissajà calendis veio novembrjt,'^
iisque ad calendas niartii, horâ quintàj ita tamen ut medià hy^me ad
primam tanlùm auroram incipiatur. Secunda missa horâ sepiimâp
tertia magna erit, quarta horâ sesquinonâ aut decimà.
^)0 opuscurFS
Il ne sera permis à personne , cependant qu'on fera îe?
divins Offices, de eomparoislre autrement qu'en habit et
tonsure ; c'est à sçavoir, avec la soutane jusques aux talons,
le bonnet carré , la couronne de la teste remarquable , et le
surpelis de toule blanche, que chacun sera obligé d'avoir à
ses despens. Quiconque paroistra autrement sera tenu pour
absent.
Ils observeront par tout l'honnesteté , netteté et civilité ,
principalement on leurs habits et en l'église.
Es jours solemnels, (juiconque n'assistera pas à mâtine-^
perdra six sols; à la messe, trois; à vespres, trois : les auti^es
jours, à tierce, un sol ; à la messe, deux; à vespres, deux;
à complies en Caresme, un ; aux Litanies des jours de samedy
et veilles de festes de noslre Dame, deux.
Quiconque , ayant esté assigné pour célébrer les messes ,
ne les célébrera pas, ou ne les fera pas célébrer, perdra pour
chacune, si c'est une petite, un florin; et si c'est une grande,
vingt trois sols.
De vestibus ecclesiasticis.
Nemiiii liceat, dùm dlvina peraguntur, aliter in choro quàm in
habita et tonsurâ comparere ; scilicet cum talari togâ, quadrangulari
pileolo, coronâ capitis quai dignosci possit, et supparo ex telâ albâ,
quod uuusquisque suis sumptibus habere tenebitur. Qui aliter compa_
ruent, censeatur absens. Decorem, munditiam et urbanitatem in
vesitibus ubique, sed in ecclesiâ prœsertim observent.
De mulctis absentium.
Quicumque diebus solenmibûs maïutinis non interfuerit, sex ass?i
smittat, missœ très, vesperis très; diebus reliquis, tertiae assem,
missae duos, .esperis duos, completorio in quadra^esimà unum,
litaniis diebus sabbati et \igiliis beatte Mariœ, duos. Quicumque
ai ceiebrandas missas assignatus , ea? non celebraverit, vei celebrari
curaverit, pro unaquàque, si parvasu, florenuin amittat; si magna,
Tisenti très asses.
DE S. FFANÇOIS DE SALES. 6Î
De six en six mois on eslira le Normateur, ou bien il sera
continué , lequel à mesme temps prestera serment en plein
Chapitre de faire sa charge soigi eusement et fidellement,
sans acception de personnes, marquant la présence d'un cha-
cun en un livre destiné pour cela tant seulement.
Toutesfois et quantes que le dernier signe de FOlTice sera
Jdnné, s'ils se treuvent quatre au Chœur, ils commenceront
l'Office , sans attendre les autres.
Quiconque ne se treuvera pas pour le moins à la fin du
premier psalme , et devant que l'on commence le second, ou
qui ne persévérera pas jusques à la fin de l'Office, sera tenv
pour absent. Quiconque, à la messe, n'aura pas ouy le com-
mencement de l'Epistre , ou qui n'attendra pas la bénédic-
tion , sera pareillement tenu pour absent. Toutesfois ceux
qui seront empeschez dans les exercices de la charge pasto-
rale , ou qui feront d'autres choses nécessaires , desquelles
tous auront une certaine science, seront tenus pour presens.
Toutes les cérémonies et coustumes de l'Eglise cathe-
De depuiictore.
Sexto quoque mense depunctor eligetur, vel coiitinuabitur, qui
statim in omnium consessu juramentum praîstet se fideliter et stu-
diosè functurum officio absque personarum acceptione, prœsentiam
omnium illico notando in libro in hune finem parato. Quandocumque
ultimô ad officium pulsatum fuerit , si quatuor in choro sint, caeteris
minime expectatis^ officium inchoent. Quicumque in fine saltcm
primi psa^mi, et antequàm incipiatur secundus, nori'adfuerit, vel
qui usque ad officii linem non perseveraverit, abesse censeatur. Qui-
cumque in missâ initium epistolae non audierit;, veJ in eâ benedic-
tionem non expectaverit, ut absens habeatur. Verumtamen qui pas-
torali munere detinebuntur, vel aliter necessaria agent, necin choro
adeçse poterunt, vel si adsint, egrediendum forte erit, dummodô de
omnibus constet, adesse censeantur.
De ritibus.
Omnes ceremoniae et ritus m ecciesiâ cathedraii observan soiiti.
62 OPITSICULES
draîe de' gaînct Pierre de Genève seront oî)Servées par les
Prestres de la Congrégation, mais piincipalement celles-cy i
Tons demeureront h teste nuë depuis le commencement
dé l'Office jusques à ce que le premier psalme soit commencé.
Sîâis toutesfois et quantes qu'on dira le Gloria Patii, ou
Gloria tihi, Domine, ou Léo Patri sit gloria, ou Sit nomeri
Domini henedictum au psalme Laiidate piœri Dominum, ou
Pater noster, ou les absoulutions à matines , ou les prières ,
ou le Magnificat , ou le Nunc dimittis, ou les bénédictions
aux chapitres, petits responsoires, oraisons et hymnes ; alors
tous demeureront à teste nuë.
Toutesfois et quantes que l'on commencera un psalme,
tous se découvriront tant seulement ; mais celuy qui com-
mencera ou les antiennes, ou le psalme, non seulement se
descouvrira, mais encore se tiendra debout.
Il ne sera permis à personne de se couvrir cependant qu'on
célébrera la messe, sinon quand on chantera l'Epistre.
En faisant l'Office , on assignera les premiers tons , tant
des antiennes que des pseaumes, à ceux qui devront les
commencer, à fin que toutes choses se fassent bien.
Quant au reste , il faudra voir le livre des coustumes de
l'Eglise cathédrale, et en avoir une copie.
sed hi prœcipuè, observentur. Stent omnes détecte capile ab initio
officii quousque primas psalmus incœptus sit. Sed quotiescumque
dicetur Gloria Patri, vel Gloria tihi. Domine, vel, Deo Patri sit
yloria, vel Sit nomen Domini henedictum in psalmo Laudate,
pueri, Dominum, vel Pater noster, vel absolutiones in matutinis,
vel preces, vel Magnificat , \e\ ]Su7ic dimittis, vel beneedictiones
ad capitula^ responsoria parva, orationes et hymnes, tune omaes
stent detecti. Quotiescumque incipietur psalmus, omnes tantùm
caput detegant;.sed qui incipit vel antiphonas, vel psalmos, non
modo caput detegat, sed et stet. Nemini liceat, d'im celebratur
missa, cooperiri, nisi dùm cantatur epistola. In officio assignentur
primi toni tùm antiphonarum tum psalmorum, iis qui debebunt
incipere , ut rectè omnia fiant. De Cteteris videndu§ est rituum ca-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 63
Les jours solemnels de la première classe, et les festes de
Tiostre Dame , le Prefect célébrera; en son absence le Pie-
bain ; et si le Plebain nVest pas encore, le plus ancien selon
Tordre de réception; les autres jours, le Prestre qui sera
assigné , semaine par semaine , excepté toutesfois les messes
et bénédictions des fonts ba])tismaux es veilles de Pasques
et de Pentecoste , parce que cela regarde l'office du Plebaiaa
Tous seront escrits par ordre en une table, le Prefect auss*
bien que les autres, tant pour les petites messes que pour les
grandes.
Le semainier de la grande messe aura charge de l'admi-
nistration des sacremens, pourveu qu'il soit admis de l'E-
vesque ou de son vicaire gênerai. Le Prefect toutesfois sera>
exempt de ceste charge , à cause de la grande multitudé>
d'affaires dont il est presques tousjours occupé : c'est pour-
quoy, en sa semaine, l'administration des sacremens se fera
par ordre par les autres six prestres.
Tous viendront ouyr la prédication en habit, et seronti
assis en un banc faict exprés, selon l'ûrdre . de réception ,
après le Prefect et le Plebain.
thedralis ecclesise liber_, ethabeatur apographum. Prgefectus, et eo
absente, plebanus, ut vocant, seu curie, et iis absentibus, ordine.
receptionis senior celebret diebus solemnibus primse classis et festis
beatee Marise, reliquis assignatus sacerdos quem hebdomadarium
appellant, exceptis tamen missis, et benedictionibus fontiiim baptis-
malium in vigiliis paschatis et pentecostes, quae ad plebani oflicium
spectant. Ca^terùm omnes ordine, ipse etiam praefectus, pro missis
tàm parvis quàm magnis, in tabula describantur. jlagnae oiissag
hebdomadarius sacramentorum administrationis curam habeat,
diimmodô ab episcopo seu ejus vicario admissus fuerit : prœfectus
tamen ab hâc cura eximatur, ob negotiorum, quse aliundè :.uper-
veniun fci, multitudinem. Quare in suâ hebdomade sacrameritorum
administratio per reliquos sex sacerdotes ordine dat. Omnes in habitu
sacram concionem audituri^ et ordine receptionis post prœfectumet
plebanum super scamnuio adid deslinatum sedeant...
4 OPUSCULES
Tous les jours de mercredy, après vespres, ils s'asscmbïe-
ront en la sacristie, et là, après avoir imploré l'aide et
assistance du sainct Esprit , traicteront de Pobservation des
reigles , et des choses tant ecclésiastiques et spirituelles
qu'œconomiques et temporelles.
Il y aura un secrétaire estably, qui rédigera par escrit
tous les décrets , ordonnances , resolutions et desseins du
Chapitre.
Ceiuy qui sera absent de ces assemblées perdra pour
chaque fois trois sols.
Tous les jours de lundy, aussi tost qu'une heure après
midy sera sonnée , ils s'assembleront pour conférer des cas
de eonscience et des cérémonies ecclésiastiques l'espace de
demy-heure. Quiconque sera absent de ces conférences , s'i?
n'a une cause légitime, perdra un sol.
Ils prendront tous leur réfection en une table commune ,
et seront assis comme les Religieux , d'un costé tant seule-
ment, et l'on baillera à chacun sa portion.
Durant le repas on lira continuellement : au commence-
De conventibus seu capitulis.
Singulis diebus mercurii post vesperas cum habitu pariter in sacra-
rium conveniant, ubi Saneti Spiritûs ope imploratâ, de regulis
observandis, de rébus tùm ecclesiasticis et spiritualibus, tùm œco-
nomicis et temporal ibus, agant. A secretis unus, qui décréta et conci-
lia in conventu habita describat, constituatur. Quandocumquè quis
ab bis conventibus abfuerit^ très asses amittat. Singulis diebus lunœ,
elapsâ post prandium horâ, de casibus conscientite et cseremoniis
ecclesiasticis semi-horae spatio conférant. Quandocumqu^ quis ab
his cc/^ationibus, nisi legitimarn habeat causam, abfuerit, amittat
assem.
De ref^otorio.
Omnes simul et ex communi mensâ cibum capiant; sedeantque
Religiosorum in morem^ ex unâ tantùm parte,, et unicuique sua portio
detur. Inter vescendum continua habeatur lectio, princimo qy' :^?iu
DK F. FRANÇOIS DE SALE?. 68
ment, des livres historiques de la saincte Escriture, Pespace
(l'un quart d'heure; pour le surplus, de quelque livre de
dévotion, selon qu'il aura esté ad visé en Chapitre,
La bénédiction de- la table et l'action de grâces se feront
selon qu'il est marqué à ja fin du Bréviaire pour les clercs.
Elles seront faictes par celuy qui aura célébré la grande
messe.
Les enfants du séminaire prendront leur repas tous en-
semble, et un d'eux fera la lecture. Un des prestres corri-
gera le lecteur quand il lira mal. La leçon se fera posément
et intelligiblement.
Après le repas , les enfans s'en iront à la reci^eation , à fin
de laisser les prestres seuls , qui feront une saincte et chres-
tienne conversation.
Le Prefect aura l'authorité et charge que les statuts,
reigles , et la discipline cléricale soyent bien observez en la
congrégation et dehors. Il corrigera et admonestera les dé-
faillants ; lesquels estans rebelles, il les appellera en Chapitre
ex historicis sacrae Scripturae libris, spatio quadrantis horae, reliquo
tempore ex pio aliquo iibro , prout in conventu videbitur ; benedictio
mensae et gratiarum actio post eam liant, prout in fine breviariorum
pro clericis notatum est; idque ab eo qui magnam missam ^ele-
braverit. Discumbant pariter seminarii adolescentes, et unus ex hi>
légat. Unus autem ex sacerdotibus, cùm opus fuerit, malè legentes
corrigat : fiatque lectio lentè et inteiligibiliter.
De recieaf'ione.
Post cibum adolescentes in locuaj ad recrealionem, uti vocant, des-
tinatum recédant, ut sacerdotes simul relinquant solos, qui sanctè
et christianè conversabuntur.
De Piofecto et correccione.
Praefectus auctoritatem et curam habeat, ut statuta, leges et cleri-
calis disciplina in congregatione observentur et extra. Corrigat et
admoneat delinquentesj qui si rebelles luerint, in congregationem
VI. ô
Ç6 OPUSCULES
et les chastiera, s'il est de besoing, après avoir pris les voix^
par quelque pénitence salutaire , voire niesme pécuniaire ^
applicable aux œuvres pies , qui toutesfois n'excédera pas la
somme de cinq florins. Si le défaillant ainsi chastié persévère
en sa contumace , ou commet quelque grand crime et t;can-
dale , le Prefect en advertira amplement le Supérieur ordi»
naire. Si le scandale estoit fort grand, et qu'on doutast de la
fuite ^ le Prefect , selon qu'il sera délibéré en Chapitre , en
attendant que l'ordonnance de l'Ordinaire soit venue, aura
droict d'emprisonner.
Le Prefect estant malade ou absent, la charge de faire la
correction appartiendra au Plebain, et après luy au plus an-
cien, selon l'ordre de la réception.
Le mesme Prefect disposera de ceux qui devront estre
destinez pour les choses du service de Dieu , les jours solem-
nels.
Le Plebain aura charge de tout ce qui appartient à l'admi-
nistration des sacremens ; recitera le prosne , ou l'institution
chrestienne, à l'offertoire de la grande messe, selon le
ab eodem vocatif votis captis, aliquâ salutari pœniteniiâ aut eliam
pecuniariâ pœnâ operibus piis applicanda, quœ tamen quinque flore-
norum summam non excédât , mulclentur. Si delinquens ita casti-
gatus, contumax perseveraverit , vel grave aliquod scelus perpetra-
veritj prœfectus superiorem ordinarium totius rei certiorem reddat.
ïn gravi scandalo, et cùm de fugâ timebitur, pfcefectus, prout in-
congrégations deliberatum t'ueri% doi'iec ab ordinario decretum
venerit, incarcerandi jus habeat. Prœt'ecto œgrotante vel absente, ad
plebanum, et sic ad seniorem, receptioms ordine, hœc corrigendi
cura spectet. Idem prœfectus de iis qui ad divina pera^enda diebur
solemnibus destinandi erunt, disponat.
De curione seu plebano.
Plebanus omnibus quae ad sacramentorum administrationem per-
tinent incumbatj christianam instructionem populo inter missarura
soiemnia recitet; catechismum omnibus et singulis diebus domi-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. C7
Rituel de TEvesché : sera obligé (sinon qu'il soit malade ou
légitimement empesché) d'enseigner le catéchisme tous les
jours de dimanche : autrement le Prefect y prouvoirra en
Chapitre. C'est pourquoy le Plebain pourra exercer l'admi-
nistration des sacremens tousjours quand il luy semblera
estre expédient, et ne pourra jamais refuser en estant prié.
Le Sacristain enseignera et corrigera les enfans qui servi-
ront aux messes, à fin qu'ils soyent bien revestus, modestes,
assidus, et qu'ils observent les cérémonies; il tiendra inven-
taire de tous les habits et ornemens d'église, et en rendra
compte tous les ans ; il fera ballier l'église tous les jours de
samedy et de lundy. Il résidera toute la matinée en sa sacristie,
à fin d'estre tousjours prompt et prest pour ceux qui voudront
célébrer. Il lavera les calices quatre fois l'an, exposera au
soleil les habits et ornemens aussi quatre fois , fera reblan-
chir de deux en deux mois les nappes , tous les mois les
aubes, de quinze en quinze jours les amicts, et de huict en
huict les purificatoires.
nicis, nisi seger aut légitime impeditus, docere teneatur : aliàs prae-
fectus in congregatione provideat. ïdeoque plebanus, quandocumque
congruum judicaverit, sacramentorum administrationem exercere
possit^ nec unquàm rogatus r-ecusare.
De sacristâ.
Sacrista pueros missis inservientes doceat et corrigat, ut rectè
indiiantur, ritus observent, sintque modesti et assidui. Vestium sa-
crarum suppellectiliumque omnium ecclesiasticarum indicem par- -
scribat^et quotannis rationem reddat. Ecclesiam singulis diebus"
sabbati et lunae decenter verri curet. Tôto matutino tempore, ut ceie-
brare volentibus promptus sit, sue in sacrario resideat. Calices quater
in anno lavet Yestiaria et ornamenta quater etiam ad solem exponat :
secundo quoque mense mappas, singulis mensibus aibas, secundt*'
quoque hebdomadâ amictus, octave quoque die purificatoria, deal-
bari curet.
68 O 'USCULKS
La Congrégation députera un portier, qui sera vestu d'une
robbe de couleur bleue, lequel n'ouvrira à point d'estraiiger
sans que le Prefect en soit adverty.
Aussi tost ([ue Ton aura baillé le signe de la salutatioa
angelique sur le .;oir, tous les prestresde l'Oratoire se retire-
ront en la maison , et ne vagabonderont poinct de nuict , ny
sortiront, sinon qu'il y ayt quelque urgente nécessité.
Quand ils sortiront de jour, ils diront au portier le lieu où
ils voudront aller , à fin que si quelqu'un les demande , on
puisse sçavoir où les treuver.
Il n'y aura qu'une porte en la maison , et en icelle qu'une
clef, qui sera gardée, le jour par le portier, et la nuict parle
Prefect.
Il ne sera point permis de retenir personne de nuict sans
l'expresse et spéciale permission du Prefect.
Les femmes seront absolument chassées de la maison.
Les prestres estrangers qui auront travaillé à ouyr les
confessions, ou faire d'autres offices, seront reçeuz comme
s'ils estoyent domestiques.
Tous porteront révérence et obeyssance au Prefect.
De ostiario, ingressibus et egressibus.
Congregatio constituât ostiarium_, qui parvâ togâ cœruleâ induatur.
ïs antequàm extraneis aperiat, praefectum admoneat. Sacerdotes
oratorii, date salutationis x\ngeiic6e signe serotino, in domum se
recipiant; nec nocte vagentur exeantve, nisi nécessitas urgeat. Die
cîim egredientur^ ostiario quô eant dicant, ut si forte postmodùm
ab aliquibus petantur, jbinam sint docere possit. Sit unicum in
domo ostium, et unica clavis qua3 die ab ostiario servetur, nocte à
prapfecto. Nemini .icitum sit nocte quemquam extraneum, nisi spe-
ciali cum veniâ, retinere. Fœmina3 omninô à domo arceantur.
Extranei sacerdotes, qui in audiendis confessionibus , aliisve exer-
cendis officiis laboraverint, velut domestici excipiantur*
De praesidentiâ et çuffragiis in conventibus.
Prœfecto reverentiam et obedientiam déférant omnes. Is in coq-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 69
îceîny aura deux voix en Chapitre.
Le Plebain présidera en son absence, et alors aura une
V(iix et demie ; c'est à dire, quand les voix seront esgales, le
cosfé duquel il panchera l'emportera. Tous les autres , quoy
qu'il arriveroit quelque fois qu'ils présidassent, n'auront
qu'une voix simplt^.
Quand il faudra s'assembler extraordinairement, la con-
vocation du Chapitre se fera par le Prefect.
On députera deux prestres de la Congrégation , qui au-
ront soing que l'on fasse bien les aumosnes , sans aucune
tromperie.
Un chacun pourra s'absenter de la Congrégation, sansestre
repris , trente jours continuels ou discontinuels. Toutesfois
la Congrégation en sera au preallable advertie, à fin que plu-
sieurs ne s'absentent pas tout en un temps , et que le divin
Office ne soit diminué. Que si la nécessité veut que quelqu'un
sorte d'autres fois, il demandera congé à la Congrégation.
Il ne sera permis à personne de posséder ((uelqu'autre
bénéfice qui requière résidence plus outre que trois mois ,
ventibus liabeat duo votaj plebanus^ eo absente, prœsideat, habeat-
que tune volum et dimidium voti; scilicet, cùm par erit votorum
numerus, ea pars vincat in quam inclinaverit. Reliqui omnes,
etiamsi eis aliquando contingat ut praesideant, nonnisl simples
votum habeant. Cùm opus fuerit prœter ordinem convenire , prae-
fectus conventum cogat.
De eleemosynariis.
Duo ex congregatione constïtuantur sacerdotes, qui erogandis rite
et absque fraude stipibus invigilent. Poteril unusquisque trigenta
diebus, vel continuis vpI discontinuis, à congregatione absque repre-
hensione abesse. Moneatur tamen anteà congregatio ^ fie plures simul
abesse contingat, atque ità divinus cullus minuatur. Aliàs si ex
necessitate alicui exeundum sit, licentiam à congregatione petat.
De benefîciis.
Is'emini liceat ultra très menses beneticium aliud quod residentiam
TO OPUSCULES
sinon que peut-estre le souverain Pontife ayt dispensé pour
quelque cause; autrement il sera privé de sa place par la
Congrégation.
Outre la commune despen^-e de la Congrégation , le pre-
fect prendra pour ses gages cent escus d'or ; le Plebain , cent
ducatons; le Sacristain, trois cens florins; tous les autres ,
chacun deux cens et cinquante floriixs; et, selon que la Con-
grégation verra estre de faire, quarante ducatons seront dis-
tribuez entre les serviteurs.
Il ne sera permis à personne de manger de la chair en la
maison les veilles des f estes de nostre Dame ; et tous obser-
veront absolument le jeusne la veille de la Nativité de la
mesme glorieuse Yierge, parce que c'est la feste la plus
solemnelle de la Congrégation.
Les manquemens du Prefect seront rapportez aux Supé-
rieurs ordinaires.
Il devra estre esleu par la Congrégation, docteur en théo-
logie ou en droict, et aagé de trente ans.
requirat, possidere, nisi forte ex causa summus pontifex dispensas-
set : alioquin loco à congregalione privetur.
De honorariis et mercedibus
Praeter communem impensam congregationis, preefectus sua pro
mercede accipiat centum aureos nummos; plebanus, centum ducatos;
sacrista, trecentos florenos; reliqui omnes, duceritos quinquagenta
florenos. Inter famulos, prout congregatio viderit, quadragenta
ducati distribuantur.
De jejuniis et abstinenliis.
Nemini liceat vigiliis festoi'um beatce Mariœ Virginis carnes in
domo edere.Yigiliâ autem nativitatisejusdem, quippè cùm sit festum
in congregatione solemnJus^ omnes omninô jejunium observent.
Ouales eligendi sint congregationis sacerdotes.
Prœfecti errores ad superiores ordinarios deferantur. Is à congre-
gatione eligatur; et vel theologiee vel jurium doctor esse debeat^
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 7j
Le Plebain sera esleu au concours, tout de mesme que les
mitres Curez du diocèse , selon les décrets du sainct Concile
de Trente ; auquel concours toutesfois les prestres de la Con-
grégation seront préférez aux autres quand ils se treuveront
pareils; et lesquels prestres seront esleuz par la Congréga-
tion. Ils subiront Fexamen , pour sçavoir s'ils sont capables
de l'administration des sacremens.
On députera un Thresorier gênerai , qui aura charge de
tout ce qui regarde Foeconomie ; il posera compte en Chapitre
■de six en six mois.
Ouant au Collesfe, si les Pères Jésuites viennent, comme il
est presque conclu, on leur baillera, comme pour gages,
quatre cens escus d'or. Que s'ils ne viennent pas , il faudra
avoir quatre regens, sans celuy c{ui apprendra à lire aux en-
fans. On donnera au premier pour gages cent ducatons ; au
second, cinq cens florins; au troisiesme et quatriesme, à cha-
cun quatre cens et cinquante florins.
Les enfans du Séminaire seront vestus d'une robbe bleue,
longue jusques aux talons.
retatisque annorum trigeiita. Plebanus in concursu, ut alii curiones,
secundùm statuta coiicilii ïridentini, eligatur. Sacerdotes tamen
congregationis caeteris paiibus pra^ferantur; eligantur hi à congre-
galione. Kxameii subeant an ad sacramentorum administrationem
idonei sint.
De qnaestore seu procuratore.
Constituatur quœstor generalis^ qui rerum omnium quae ad œcono-
miam spectant , curam babeat. Is in conventu singulis sextis men-
sibus rationem reddat.
De scholis. *
Quod ad gymnasium attinet, si patres societatis Jesu , ut ferè
•conclusumest, veniant, dabuntur eis, valut pro mercede, quadrin-
genti aurei nummi. Sin minus, habeantur quatuor scholarum mode-
ratores, praeter eum qui pueros docebit légère. Primo dentur pro
inercede centum ducati , secundo quingenti floreni, tertio et quarto
unicuique quadringenti quiquagenta floreni. Adolescentes seminarii
caeruleà talari togâ induantur.
72 OPUSCULES
X.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
AU ROI HENRI IV,
(Tirée de la Vie du Saint ^ par le P. la Rivière )
U le remercie de l'offre d'une pension que sa majesté lui avoit faite
en attendant qu'il vaquât un bénéfice digne de lui.
Sire,
Je remercie de tout mon cœur vostre Majesté du souvenir
qu^elle a daigné avoir de ma petitesse. J'accepte, ouï, j'ac-
cepte avec un très-grand playsir vostre royale libéralité ;
mais vous me permettrés, Sire, de vous parler franchement:
grâces à nostre Seigneur, je suis maintenant dans une telle
situation , que je n'ay point besoin de cette pension : c'est
pourquoy je supplie tres-humblement vostre Majesté d'avoir
pour aggreable qu'elle me soit conservée entre les mains de
vostre Trésorier des espargnes, pour m'en servir quand j'ea
auray besoin*.
i C'est la lettre 40^ de la collection Biaise.
• Le roi répondit à cette lettre, qu'il n'a voit jamai? ^-lé refusé de si bonne-
grâce, et-ne laissa point cependant de solliciter le Saint d'accepter un béné-
fice. Mais il répliqua qu'appelé à l'évèché de Genève, il devoit à sa patrie d«
ne Ift point abandonner.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 73
XI.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A LA COMMUNArié DES FILLES-DIEU DE PARIS, OUDRE DE FONTEVRAULT «,
(Tirée de la Vie du Saint, par Ch.-Aug. de Sales.)
Il les engage à réformer certaines pratiques qui s'étoicnt introduites dans leur
communauté, et dont il voyoit avec regret l'établissement.
De Sales, b 22 novembre 1602.
Mes tres-reverendes Dames et chères Seurs,
J'ay pris une telle confiance en vostre charité , qu'il ne
me semble plus avoir besoin de préface ou avant-propos pour
vous parler, soit en absence, comme je suis contraint de
faire maintenant, soit en présence, si jamais Dieu dispose
de moy en sorte que j'aye le bien de vous revoir. J'ayme
en tout la simplicité et la candeur : je croy que vous l'ay-
més aussi; ce que je vous supplie de continuer, parce que
cela est fort séant à vostre profession : je pense que les tu-
niques blanches que vous portés en sont le signe. Je vous
diray donc simplement ce qui m'a esmeu à vous escrire à
toutes ensemble.
» C'est la 4le des édit. Biaise.
* L'ordre de Fontevrault fut fondé par le bienheureux Robert d*ArbrisseI,
Archidiacre de Rennes, vers l'an 1100; il lui doni/ \a règle de S, Benoit,
avec quelques constitutions particulières que le pape SiXte IV réforma et ré-
tablit en partie. Cet ordre a compté parmi ses abbesses jusques à quatorze
princesses, dont cinq de la branche royale des Bourbons. Le couvent de cet
ordre qui existoit à Paris, et auquel s'adresse cette lettre, ayant été fondé en
1485, dans un monastère précédemment occupé par les filles-Dieu, il con-
serva ce dernier nom*
,
74 , OPUSnTTLFS
Croyés-moi, jp vous supplie, je suis fort importuné de
raffoction extrême que je porte au bien de vostre maison ;
car icy, où je ne puis vous rendre que fort peu de services,
elle ne laisse pas que de me sug^^erer une infinité de désirs,
qui vous sont inutiles et à moy. Je n'ose pas pourtant rejeter
ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sincères, mais
sur tout parce que je crois fermement que c'est Dieu qui me
les a données. Que si elles me mettent en danger de quel-
ques inquiétudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par
la foiblesse de mon esprit qui est encore sujet au mouvement
des vents et de la marée. Or c'est un vent qui agile mainte-
nant mon esprit en l'affection qu'il vous porte, et ne sçaurois
m'empescher de vous le nommer; car c'est le seul subjetqui
m'a fait desrober ce loisir pour vous escrire à la presse d'un
monde d'affaires qui m'environnent en ce commencement
de ma charge \
Je partis de Paris avec ce contentement de vous avoir en
quelque sorte tesm oigne l'estime que je faisois de la vertu
de vostre Mayson , de laquelle l'opinion me donnoit beau-
coup de consolation et me profitoit intérieurement, m'ani-
mant au désir de ma perfection. La sainte parole dit que
Jonas se consola à l'ombre du lierre et de l'arbre^ . Mais un
vent chaud et cuisant desseijcha fresque tout en un moment
cet arbrisseau^. Un vent fit presque le mesme effet en la
consulatiou que j'avois en vous; mais pensés, je vous sup-
plie, que ce fut un vent du midi d'une entière charité-
' S. François de Sales étoit alors évèque do, Genève, par la mort de M. d^
Granier son prédécesseur, arrivée le 17 septembre précédent; mais il n'éloi;
pas encore sacré , et ne le l'ut que le 8 de décembre suivant.
2 Praeparavit Dominus Deus hederam, et asceadit super caput Jonae, ut
esset umbra super caput '"jus, et protegeret eum (laboravere t enim) ; et Ise-
talus est Jonas super hedera /'detitiâ magnâ. Jonae, IV, V, 6.
3 Et cùm ortus fuisset sol, praecepit Dominus vento valide et urenti. Et
percussit sol super caput Jonae, et aestuabal. Et petivit aniraae suae ut more-
relur. Ibid. 8.
DE S. FRANÇOIS DE SALES; 75
Ce liît un rapport auquel je fus obligé de donner créance
par la considération de toutes les cifconstances. Seigneur
Dieu! que je fus marri, et de ce que Ton me disoit , et de
l'avoir sceu seulement en un tems auquel je n'avois pas loisir
d'en traiter avec vous ! car je ne sçay si mon affection me
trompe , mais je me persuade que vous m'eussiés donné une
favorable audience, et n'eussiés sceu trouver mauvaise aucune
remonstrance que je vous eusse faite, puisque vous n'eussiés
jamais découvert en mon ame ny en tous ses mouvemens ,
sinon une entière et pure affection à vostre avancement spi-
rituel et au bien de vostre May son.
Mais n'ayant pas deu ar rester pour cela , estant appelé icy
pour un bien plus grand , je me suis mis à vous escrire sur
ce subjet , bien que j'aye quelque tems débattu en moy-
mesme si cela seroit à propos ou non : car il me sembloit
presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroil
subjette à recevoir des répliques, et m'en feroit donner;
, qu'elle arriveroit peut-estre bors de saison ; qu'elle ne vous
representeroit pas naïvement ny mon attention ny mon affec-
tion ; que vous estes en lieu oii vous serés conseillées de vive
voix par un monde de personnes qui vous doivent estre en
plus grand respect que moy ; et que si vous ne croyés à Moïse
et aux prophètes qui vous parleront , malaysément croirés-
vous à ce pauvre pécheur qui ne peut que vous escrire; et,
outre cela , qu'à ce qu'on m'a dit , quelques autres prédica-
teurs meilleurs et plus expérimentés à la conduite des âmes
que je ne suis, vous en ont parlé sans effet.
Néanmoins il a fallu que toutes ces raysons ayent cédé à
mon affection et au devoir que l'extrême désir de vostre bien
m'impose. Dieu employé bien souvent les plus foibles pour
les plus grands effets Que puis-je sçavoir s'il veut porter son
inspiration dans vos cœurs sur les parolles qu'il me donnera
pour vous escrire? J'ay prié; je dirois bien plus, et je ne di-
irois que la vérité; mais cecy suffira; j'ay arrousé ma bouche
70 OPUSCULES
du sang de Jesus-Christ à la messe, pour vous pouvoir en-
voyer des paroles convenables et preignantes. Je les porteray
donc icy sur ce papier : Dieu les vueille conduire et addres-
ser en vos esprits pour y servir à sa gloire!
Mes chères Sears, on m'a dit qu'il ^ a en vostre Mayson
des pensionnettes particulières et des propriétés dont les ma-
lades ne sont pas esgalement secourues ; que les saines ont
des particularités aux viandes et habits sans nécessité, et que
les entretiens et récréations n'y sont pas fort dévotes. On m'a
dit tout cela et beaucoup d'autres choses qui s'ensuivent.
J'aurois aussi beaucoup de choses à vous dire sur ce subjet;
mais ayés la patience, je vous supplie, faites-moy cet hon-
neur de lire attentivement et doucement ce que je vous en
représente. Gratifiés en cela mon zèle à vous servir.
Mes bonnes Dames, vous devés corriger vostre Mayson
de tous ces défauts , qui sont sans doute contraires à la per-
fection de la vie religieuse. L'agneau paschal doit estre sans
macule; vous estes des agneaux de la Pasque, c'est à dire du
passage ; car vous avés passé de l'Egypte du monde au désert
de la Religion, pour vous acheminer en la terre de promis-
sion. Certes, il faut que vous soyés sans tache ou macule
apparente. Mais ne sont-ce pas des macules bien noires et
manifestes , que ces défauts et grands manquemens que j'ay
marqués cy-devant, et principalement en une telle Mayson?
Il les faut donc corriger. Vous les devés corriger à mon ad-
vis, parce qu'ilz sont petits, ce semble, et partant il les faut
combattre pendant qu'ilz le sont; car, si vous attendes qu'ils
croissent , vous ne les pourrés pas aysement guérir. Il est
aysé de destourner les fleuves en leur origine , où ilz sont
encore foibles ; mais plus avant ilz se rendent indomptables,
Prenés-moi/y dit le cantique, ces petits renardeatix qui
ruinent les vignes\ Hz sont petits, n'attendes pas qu'ilz
soient grands; car, si vous attendes, non seulement il na
* Gapite nobis vulpesparvula^^ quje demoliuntur vineâs. Gant. If, 15*
DE S. FRANÇOIS DR SALES. 77
sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudrés
prendre, ce sera lorsqu'ilz auront desja tout gasté. Les enfans
d'Israël disent en un psaume : Filia Babylonis misera;,,,
heatus qui tenchif et allidet parvulos tuos ad "petram */ La
Fille de Babylone est misérable;, . . 6 que bienheureux estceluy
que écrase et brise ses petits contre lajnerrel Le desordre, le
dérèglement des Religions est vrayement une liîle de Baby-
lone et de confusion. Ah \ que bienheureux sont les esprits
qui n'en souffrent que les commencemens , ou plustost les
terrassent ou fracassent à la pierre de la reformation !
L'aspic de dissolution et de dérèglement n'est pas encore
enclos en vostre mayson; mais prenés bien garde à vous,
ces défauts en sont les œufs ; si vous les couvés en vostre
sein , ilz écloront un jour à vostre ruine et perdition, et vous
n'y penserés pas. Mais si ces défauts sont petits , comme il
peut sembler à quelques-unes, n'estes-vous pas beaucoup
moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misère, di-
soit aujourd'hui S. Chrysostome, dans l'homélie de l'Evan-
gile de sainte Cécile, de laquelle nous faysons la f este ; quelle
misère de voir une troupe de filles avoir combattu , battu et
vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair,
et néanmoins se laisser vaincre à ce chetif ennemy, Mam-
mon , dieu des richesses ! Et certes toutes propriétés et parti-
cularités de moyens en religion se réduisent à Ma m mon de
l'iniquité. C'est pourquoy, disoit-il, ces pauvres vierges sont
toutes appellées folles, parce qu'après avoir dompté le plus
fort, elles se rendeni au plus foible '.
Vostre Mayson excelle en beaucoup d'autres perfections ,
et est incomparable en icelles à toutes autres : ne sera-ce pas
»Psal. GXXXVI, 8.
* Non est corporum et pecuniae par cupiditas ; sed acrior multô atque vehe-
mentior illa corporum est. Quarito igitur cum imbecilliore luctantur, tantd
minus venià dignae sunt. Idcircb etiam fatuas appellavit, quoniam, majori
ccrtamine sup'^rato, in faciliore totum perdiderunt. S. Chysost. Homil. LXXIX
in I^latt.. mst initium»
78 OPUSCULES
un grand reproclie d'en laisser ternir la gloire par ces cîk^-
tives imperfections? On vous appelle, par une ancienne es-
time et prérogative de vostre Mayson, Filles de Dieu; vou-
lez-vous perdre cet honneur par le défaut d'une reformation
en ces petites défectuosités, pour un potage de lentillt-s
perdre la primogeniture que vostre nom semble vous avoir
donnée par le consentement de toute la France?
C'est à la vérité une marque de très-grande imperfection
au lion et à l'elephant, qu'après avoir vaincu les tigres, les
bœufs, les rhinocéros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et tré-
moussent , le premier devant un petit poulet , et l'autre de-
vant un rat, dont la seule vue leur fait perdre courage : cela
est un grand déchet de leur générosité ; et est aussi une
grande tare* (qui signiiie défaut) à la bonté de vostre May-
son , d'y avoir des pensions particulières et semblables dé-
fauts, après que l'on y a veu tant d'autres qualités ïotiables.
Soyés donc fidelles en la reformation de ces menues imper-
fections; alïin que vostre Espoux vous constitue sur beau-
coup de perfections, et qu'il vous appelle un jour à sa gloire*.
Mais après tout cela, permettés-moy, je vous supplie, de
vous dire mon opinion touchant ces défauts. Hz sont à la
vérité petits , si on les met en comparaison des plus grands :
car ce ne sont que commencemens , et tout commencement ,
soit en mal , soit en bien, est toujours petit. Mais si vous les
considérés en comparaison de la vraye et entière perfection
religieuse, à laquelle vous devés aspirer, ilz sont sans doute
très-grands et tres-dangerev^- . Est-ce, je vous supplie, un
petit mal que celuy qui attaque et gaste une partie noble de
vostre Corps, à savoir le vœu de pauvreté? On peut estre
bonne Religieuse sans chanter au Chœur, sans porter tel ou
1 Tare est une défectuosité qui se trouve en quelque chose , soit au poids,
au compte ou à la substance. Quand or f^^nd les métaux, il y a toujouir de
la tare, de la diminution, par ce qui o <dpore ou se tourne en scorie.
*Euge, serve bone etfidelis: quia i iper pauca fuisti fidelis, super muIU
te constituam ; intra îii gaudiura Don ini tui. Matth. XXV, 21.
DF S. FRANÇOIS DE SALES. 79
tel habit, sans telle ou telle abstinente; mais sans la pau-
vreté et communauté, nulle ne le peut estre.
Le vermisseau qui rongea la' courge de Jonas sembloit
estre petit; mais sa malice estoit si grande, que l'arbrisseau
en périt K Les défauts de vostre Mayson semblent bien
minces; mais leur malice est si grande, qu'elle gaste vostre
vœu de pîiuvreté.
Ismaël estoit petit garçon, mais incontinent qu'il com-
mença à picquer et agacer Isaac, la sage Sara le fît eschapper,
avec Agar sa mère, hors la mayson d'Abraham 2, c'est à
dire, du grand Père céleste. Il y a eu une Sara et une Agar;
cette partie supérieure et en certaine façon surhumaine, et
l'autre plus basse et humaine ; l'esprit et l'intérieur, et le
corps avec son extérieur. L'esprit a engendré le bon Isaac :
c'est le vœu que vous a^^és fait comme un sacrifice volon-
taire sur la montagne de la Religion, ainsi qu'Isaac, sur
la montagne de Vision , s'offrit de volonté en sacrifice. La
chair et partie corporelle n'engendre qu'Ismaël : c'est le soin
et le désir des choses extérieures et temporelles. Pendant
que cet Ismaël, ce soin et désir, n'attaque point vostre Isaac,
c'est à dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure
chez vous et en vostre Mayson , j'en suis content , et , ce qui
est le principal. Dieu n'en est point offensé; mais quand il
agace vostre vœu, vostre pauvreté, vostre profession, je vous
supplie, mais je vous conjure, chassés-le et le bannisses.
Qu'il soit tant petit qu'on voudra, qu'il soit tant enfant qu'il
vous plaira, qu'il ne soit pas plus grand qu'une fourmi; mais
' Prœparavit Dominus Deus hederam , et aTs-cendit super caput Jonae , ut
esset iimbra super caput ejus, et protegeret eu m (laboraverat enim) ; et lae-
tatus est Jonas super hederâ iaetilià magnâ. Et paravit Deus vermera ascensu
diiuculi in crastinum, et percussit hederam, et exaruit. Jonae IV, 6 et 7.
2 Cum vidisset Sara filium Agar iEgyptiae ludentem cum Isaac filio suo .
dixit ad Abraham : Ejice ancillam haiic et filium ejus; non enim hseres erit fr-
lius ancillae cum filio meo Isaac. Gènes XXI, 9. Quomodè tùnc is qui secuo-
dùm cariiem natus fuerat persequebatur eum qui secundùm spiritum, ità el
nùnc, etc. Galat. IV 20.
80 OPUSCITLF.S
il est mauvais, il ne vaut rien, il vous ruinera, il gastera
vostre May son.
Encore trouvé-je ce mal en vostre Mayson bien grand ,
parce qu'il y est maintenu , parce qu'il y est en repos , et
qu'il y séjourne comme habitant ordinaire. C'est le grand
mal que j'y voy, que ces particularités sont meshuy bour-
geoises. Les mouches nourantes , dit le Sage * , 'perdent la
suavité du baume et onguent. Si elles ne faysoient que passer
sur l'onguent, et le succer en passant, elles ne le gasteroient.
pas ; mais y demeurant mortes et comme ensevelies , elles le
" corrompent. Je veux que les manquemens et défauts de
vostre mayson ne soient autre que mouches ; mais le mal est
qu'elles s'arrestent sur vostre onguent; elles s'y arrestent, et
y sont ensevelies avec faveur. Pour petit que soit le mal , il
croist aysement quand on le flatte et qu'on le maintient.
Nul ennemy, disent les soldats, n'est petit quand il est mes-
prisé. Ce sont les raysons que Dieu m'a données pour vous
prier de vouloir reformer vostre Mayson touchant ces petites
ou grandes fautes que l'on m'a dit y estre; mais je ne puis
assouvir le désir que j'en ay.
J'ay encore voulu considérer quelz empeschemens vous
pourroient rendre ce saint œuvre malaysé , et vous en dire
mon advis. Je me doute que vous n'estimés pas qu'en ces
pensions et autres particuliarités il y ait aucune propriété
contraire à vostre vœu , parce qu'à l'adventure tout s'y fait
sous la permission et licence de la Supérieure. C'est desjd
un mauvais mot que celui de permission et licence parmi
Vesprit de perfection. Il seroit mieux de vivre sous les lois et
ordonnances , que d'avoir exemptions , licence? et permis-
sions. Vous voy es (le.sja un subjet de reformation.
Moyse avoit donné une permission et licence touchant
l'intégrité du mariage. Nostre Seigneur, reformant ce saint
sacrement et le remettant en sa pureté , protesta que Moyse
* MusccB morientes perdunt suavitatem ungueuli. Eccles. X, 1,
DE S. FRANÇOIS DE SALE» 81
ne Tavoit permis qu'à foi ce et contrainte, pour la dureté
de leurs cœurs ^ Bien souvent les Supérieures plient ce
qu'elles ne peuvent rompre, et permettent ce qu'elles ne
peuvent empescher ; et la permission par après a esté ruse et
malice , qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire ;
et au contraire des choses qui vieillisent, elle se renforce
et semble peidi j petit à petit sa laideur et sa difformité. Les
permissions a' tntrent jamais que par grâce dans les mo-
nastères; mais y ayant pris pied , elles y vont demeurer par
force , et nen sortent jamais que par rigueur.
Mais , outre cela , je dis qu'il n'est rien de si semblable
que deux gouttes d'eau : néanmoins l'une peut estre de rose ,
et l'autre de ciguë ; l'une guérit , et l'autre tuë. Il y a des
permissions qui peuvent estre aucunement bonnes; mais
celle-cy ne l'est pas : car c'est enfin une propriété , quoy
que voilée et cachée ; c'est l'idole que Rachel tenoit cachée
sous sa robe. On dit que la Supérieure le permet , et que
c'est sous son bon playsir ; voyla Rachel qui parle. Mais ce
sont les pensions d'une telle Seur, et non pas d'une autre ;
voyla l'idole de la propriété. Si ce n'est pas propriété que
l'une a plus de commodité sans nécessité , et l'autre plus de
nécessité sans commodité , que veut dire qu'estant toutes
Seurs , vos pensions ne sont pas Seurs ? L'une souffre , et
l'autre ne souffre point; l'une a faim, diray-je presque
comme S. Paul ^, Vautre abonde. Ce n'est pas là une Com-
munauté de nostre Seigneur. Appelez-la comme vous vou-
drez; mais c'est une pure propriété ; car là où il n'y a point
de propriété , il n'y a point de mien et de tien , qui sont les
deux motz qui ont produit le malheur du monde. Le Reli-
gieux qui a un liard ne vaut pas un liard , disoient les
anciens.
1 Moyses ad duritiara cordis vestri permisit vobis dimittere uxores vestras;
«b initio autem non fuit sic. Matth., XIX, 8.
* Alius quidem esurit, alius autem ebrius est. l. Gor.^ XI, 21.
VI, ô
82? OPUSCULES
L'amour et tendre affection que vous portés à vostre
maison peut aussi estre un grand empeschement à la refor-
mation d'icelle ; parce que cette passion ne peut permettre
que vous pensiés mal d'elle , ni que vous oyés de bon cœur
les reprehensions qu'on vous en fait. Mais prenés garde , je
vous supplie ; car l'amour propre est rusé , il se fourre et
glisse par tout, et nous fait accroire que ce n'est pas luy. Le
vray amour de nos maisons nous rend jaloux de leurs per-
fections réelles, et non de leur réputation seulement. La
femme du bon Tobie prit à point d'hormeur un advertisse-
ment de son mary, parce qu'il sembloit révoquer en doute
l'estime de sa famille *. Elle es toit trop pointilleuse : si
ce mal n'y estoit pas, elle en devoit loiier Dieu ; s'il y estoit,
elle le devoit corriger. 11 nous faut manger le beurre et le miel
avec nostre Seigneur, adoucir nos esprits, et nous bumilier,
choisissant le bien et rejettant le mal^. Les abeilles ayment
leurs ruches, qui sont comme leurs maysons ; je vous dis un
jour que c'estoit comme des Religieuses naturelles entre les
animaux ; mais elles ne laissent pas d'esplucber par le menu
ce qui y est, et de les purger à certains tems.
Rien n'est si constant sous le ciel qu'il ne périsse ; rien»
de si pur qu'il ne recueille quelque poussière ^. C'est bieni
fait de ne point dire inutilement les défauts que l'on voit
dans les maysons , et de ne les point manifest'"T ; mais de na
les vouloir pas reconnoistre, ny confesser à ceux qui peuvent
estre utiles pour y donner remède , c'est un amour desoiN
' Anna, uxor Tobiae, ibat ad opus textrinum quotidiè , et de labore mat»
Buum suamm victum, quem coiisequi poterat, defêrebat. Undè factum est)'
ut haaclum. cagrorum accipiens, detulisset domi. Gujus, cùiïi vocem balaiiLis vir
ejus audisset, dixit : Videte ne forte furtivus slt.... Ad hœc uxor ejiis irata
respondit ; Manifesté vana est spes tua , et eleemosynse tuae modo apparue-
runt. Atque his et aliis hujuscemodi verbis exprobrabat ei. Tobiae II, 19. et seq.
2 Butyrum et niel coniedet , ut sciât reprobare malura et eligere bonum,
Isaïô,,. VU, 15.
» Necesse est de mundano pulvere etiam religiosa ODcda sordescere. S. Léo,
Serm. iV^ de ii^uâdrageâiiiaài.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 83
ilonTié. L'Espouse au Cantique, confesse son imperfection.
Je suis noire , dit-elle ' , encore que belle. . . iVe prenés pas
garde à ce que je suis brune, cest le soleil qui ma haslée. Je
pense que vous en pouvés bien dire autant de vostre Mayson :
elle est belle et vertueuse , c'est la vérité ; mais la longueur
du tems et des années a un petit altéré son teint. Pourquoy
ne luy redonnerés-vous pas ses couleurs par une sainte
reformation? Quand il y a quelque défaut passager dans
une mayson, on le peut dissimuler; mais quand il est
permanent et par manière de coustume, il le faut chasser
alors. Tl suffit d'y appeler ceux qui y peuvent servir. Ce fut
Tin amour démesuré en David * , de ne vouloir pas qu^on
defîst Absaîom , tout mauvais et rebelle qu'il estoit. Quicon-
que ayme sa mayson, en procure la santé, la pureté et refor-
mation.
Je pense qu'il y a un autre empeschement à la reforma-
tion de vostre Mayson ; c^est qu'à l'adventure vous estimés
qu'elle ne pourroit se maintenir sans ces pensions , parce
qu'elle est pauvre. Au contraire , je pense que ce Monastère
est pauvre, parce que ces pensions y sont. Il y a en Italie
deux nobles republiques , Venise et Gènes. A Venise , les
particuliers ne sont pas si riches qu'à Gènes La richesse
d'es particuliers empesche celle du public. Si une fois vous
estiés à bon escient pauvres en particulier, vous sériés par
après riches en commun.
Dieu veut que l'on se fie en luy, chacun selon sa vocation.
Il n'est pas requis en un homme laïque et mondain de s'ap-
* Nigra sum, sed formosa.... Nolite me considerare quod fusca sim, quia
4Îecoloravit me sol. Gantic, I, 4 et 5.
2' Praecepit rex (David) Joab, et Abizaï, et Ethaï, dicens : Servate mitii
puerum Absalom.... Dixit rex ad Chusi : Est-ne pax puero Absalom? Gui res-
pondens Ghusî : Piaiït, inquit, sicut puer, inimici domini mei régis.. . Gontris-
tatus itaque rex ascendit cœnaculum portas, et tïevit. Et sic loquebatur,
va^Jens : Filî mi Absatonr, Absalora' fîlî rai ! quis mtîii tribaat ut ego moriar
fro te-, Absalom M mi, fili mi Absalom î IF. Reg-., XVin, 5, 32 et 33.
81 OPUSCULES
puyer en la providence de Dieu en la sorte que nous autres
ecclésiastiques devons faire ; car il nous est défendu de '^e-
sauriser et faire marchandises , mais il n'est pas défendu
aux mondains : ny les ecclésiastiques séculiers ne sont pas
obligés d'espérer en cette mesme providence comme les Re-
ligieux ; car les Religieux y doivent espérer si fort , qu'il/,
n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens.
Or, entre les Religieux , ceux de S. François excellent en
cet endroit , qui est la confiance et résignation qu'ilz ont en
la Providence divine , n'ont nul moyen ni en particulier ni
en gênerai , pratiquant pleinement la parole du Psalmiste :
Jacta cogitatum tuum in Domino , et ipse te enutriet *. Jette
tout ton soing en nostre Seigneur, et il te nourrira.
Chacun doit jetter tout son soing en Dieu , et aussi il
nourrit tout le monde ; mais chacun ne le jette pas en mesme
degré de résignation : les uns l'y jettent sous le travail et
industrie que Dieu leur a donnée , et par laquelle Dieu les
nourrit; les autres, plus purement, sans l'entremise d'au-
cune industrie , tendent à cela. Hz ne sèment ny ne re-
cueillent, et le Père céleste les nourrit ^. Or vostre condition
religieuse vous oblige à vous resigner en la providence de
Dieu, sansl'aydeny faveur d'aucunes pensions ny propriétés^
particulières : c'est pourquoy vous devés les rejetter.
David admire comme Dieu nourrit les petits poussins des
corbeaux ^ : aussi est-ce chose admirable. Mais ne nourrit-it
pas les autres animaux? Si fait; mais non pas de la sorte ,
ny immédiatement, dautant que les autres sont aydés de
leurs pères et mères, et n'ont d'ailleurs moyen de travailler.
* S. François cite le psaume selon les anciens psautiers. Dans la Vulgate on
lit : Jacta super Dominum curam tuam, et ipse te enutriet. Ps. LIV, 23,
* Respicite volatilia cœli, quoniam non serunt, neque metunt, nequecoiK
gregant in horrea, et Pater vester cœlestis pascit illa. Matth. VI, 26.
5 Prœcinite Domino in confessione, psallite Dec nostroin citharâ.... quidat
jumentis escam ipsorum, et puUis corvorum invocantibus eum. Psalm. GXLVI^.
DE S. FRANÇOIS DR SALES. 85
Nostrp Spi.':î:neur les iKiiuiit presque miraculeusement; aussi
nourrit-il tousjours ses dévotes servantes et créatures, les-
quelles, par la condition de leur estât et profession, se
sont dévouées à la Communauté et pauvreté particulière,
sans Pentremise d'aucun moyen contraire à leur condition.
Les Cordeliers ont estimé qu'ilz ne pouvoient vivre en
cette estroitè pauvreté que leur règle primitive requeroit :
les Capucins leur ont fait voir clairement que si. Pendant
que S. Pierre * se fia en celuy qui Tappelloit, il fut asseuré;
quand il commença à doubter et perdre la confiance , il en-
fonça dans les eaux. Faisons ce que nous devons , chacun
«elon sa condition et profession , et Dieu ne lous manquera
point. Pendant que les enfants d'Isiaël estoient en Egypte,
il les nouriissoit de la viande que les Egyptiens donnoient ;
lorsqu'ilz furent au désert oii il n'y en avoit aucune , il leur
donna la manne ^ , viande commune à tous et particulière à
jiul, et la({uelle, si je ne me trompe, représente une certaine
Commimauté. Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous
estes au désert de la Religion : ne recherchés plus les moyens
mondains; espérés fermement en Dieu; il vous nourrira
«ans douhte , quand il devroit faire pleuvoir la manne.
Je me double encore qu'il y ayt un autre empeschement
à vosti e j< formation ; c'est qu'à l'adventure ceux qui vous
Font pi()[Misée ont manié la playe un peu asprement : mais
voudnes-v us pour cela rejetter vostre guerison? Les chi-
rui giens sont (^ ^elquefois contraints d'agrandir la playe pour
amoindrir le mal, lorsque, sous une petite playe, il y a beau-
coup de meurtrissures et concassures : c'a e»lé peut estre cela
* Pelrus dixit (Jesu) : Domine, si tu es, jubé me ad te venire super aquas.
At ipseait : Veni. Et descendens Petrus de naviculâ, ambulabat super aquara
ut \eiiirei ad Josum. Videns verô veutum validum, tiuiuit; et cùm cœpisset
niergi. clauiavit, dicens : Domine, salvum me fac. Et continua Jésus, ex-
tendeus manum, apprehendit eum,et ait illi; Modicae fidei, quare dubitastif
Mali h., XIV, 28otseq.
»Exod.,iYL
.^6 OPUSCTTL'FS
qui leur a fait porter le rasoir im petit bien avant dnns le
vif. Je loue leur méthode , bien que ce n'est pas la mienne ,
sur tout à l'endroit des esprits nobles et bien nourris, comme
sont les vostres. Je croy qu'il est mieux de leur montrer
simplement le mal, et leur mettre le fer en main, afin qu'ilz.
fassent eux-mesmes l'incision. Néanmoins, ne laissés pas
pour cela de vous reformer. J'ay accoustumé de dire que
nous devons recevoir le pain de correction avec hmxicoiip
d^ estime , encore que celui qui le porte soit desaggreable et
fascheux , puisque Elie mangeoit le pain porté par les cor-^
beaux ^ Ainsy celuy nous doit aggreer qui procure nostre
bien , soit qu'il en soit de tout autre point desaggreable et
fascheux. Job racloit l'ordure et suppuration de ses idccres
avec une pièce de pot cassé ^ ; c'estoit une dure abjection ;
mais elle estoit utile. Le bon conseil doit estre receu , soit
qu'il soit trempé au fiel, ou qu'il soit confit au miel.
Que tous ces empeschemens ne soient point assés forts ,
je vous prie , pour vous retarder de faire le voyage de cette
vostre et nécessaire reformation. Je prie Dieu c\}iHl envoyé
ses Anges pour vous porter entre leurs mains , afin que vous
ne heur tiés point aux pierres d! achoppement ^. Il me reste à.
vous dire mon advis touchant l'ordre que vous devés tenir.
Priés Dieu , par des oraysons communes et distinctes , à
cet effet qu'il vous fasse voir les défauts de vostre Mayson ,
et les moyens pour y remédier et pour recevoir la grâce.
Puisqu'il est le Dieu de paix , appaisés vos esprits , mettez-^
les en repos ; ne permettes pas que la contention que vos
esprits auront peut-estre faite contre ceux qui vous auront
* Abiit (Elias) et fecit juxtà verbum Domini , cùmque abiisset , sedit in tor-
reiite Carith.... Corvi quoque deferebant ei panem et carnes manè, àimiliter
panem et carnes vesperè, et bibebat de torrente. III. Reg., XVII, 5.
2 Sathan.... percussit Job ulcère pessimo , à planta pedis usque ad verticem
ejus; qui testa saniem radebat, sedens in sterquilinio. Job, II , 7 et 8.
* Angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus "viis tuis. In ma-
nibus portabunt ;e, ne forte offendas ad lapidem pedenn tuuna. Ps. XG, 11, 1*.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 87
cy-devant voulu corriger , iassc au'',{in préjugé contre hi
lumière céleste; ne tenés pins vostre party, ny celuy de
vostre Mayson; faites tout ainsyque si vous vouliés instituer
une nouvelle Congrégation. Selon vostre ordre et vostre
règle, traités-en les unes avec les autres en esprit de douceur
et de charité. Lhors vostre Espoux vous r(igai'dera avec ses
Ansres , comme nous favsorjs les abeilles cuand elles sont
doucement empressées à la confection de loar n^:el , et je ne
doubte point que ce saint Espoux ne parle à vostre cœnr. pour
vous dire ce qu'il dit à son serviteur Abraham : Clœminés
devant 7noy, et soy es parfait *. Entrés plus avant au désert
de la perfection : vous avés desja fait la première journée
par l'exacte chasteté , et la seconde par l'obeyssance, et une
partie de la troisième par quelque sorte de pauvreté et com-
munauté; mais pourquoy vous arrestés-vous en si beau che-
min, et pour si peu de chose , comme sont les pensions par-
ticulières? Marchés plus avant, achevés la journée , mettes
tout en commun , renonces à la particularité, aiïin que , se-
lon la sainte parolle , vous fassiés une sainte immolation et
entier sacrifice en esprit et en bien.
Apres que vous aurés traité de vostre affaire avec vostre
Espoux et par ensemble , appelles à vostre secours et pour
vostre conduite quelques-uns des plus spirituels qui sont à
l'entour de vous; ilz ne vous manqueront pas. J'en nomme-
rois quelques-uns; mais vous les nommerés mieux que moy,
et ceux-là mesmes à Fadventure que je voudrois nommer; ce
sont gens extresmement bons à cela , des esprits doux et
gracieux , condes(^,endans quand ce vient à l'effet , bien que
leurs reprehensions semblent un petit a.spres et mordicantes.
A ceux-là vous devés confier vostre affaire , afïin qu'ils
jugent de ce qui sera plus convenable ; car vostre sexe est
subjet dés la création à la condition de l'obeyssance *, et ne
* Ambula coramme, et eslo perfectus. Gènes., XVll, 1.
' Sub viri potesiate eris, etipss domiiiciDitur lui. Geues., III, 16*
88 OPUSCULES
réussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant à la con-
duitte et instruction. Voyés toutes les excellentes dames * de
la Mère de miséricorde jusques à présent, et vous trouvères
que je dis vray. Mais en tout je présuppose que l'autorité de
madame de Fontevrault tienne son rang.
C'est peut-estre trop parler et trop escrire d'un subjet
duquel vous avés à l'adventure des oreilles desja trop battues ;
mais Dieu, devant lequel je vous excite, sçayt que j'ay beau-
coup plus d'affection que de parolles en cet endroit. Je suis
indigne d'estie escouté; mais j'estime vostre charité si
grande , que vous ne mespriserés point mon advis , et croy
que le bon Jésus ne m'a pas donné tant d'amour et de con-
fiance en vostre endroit, qu'il ne vous ayt donné une affec-
tion réciproque de prendre en bonne part ce que je vous
propose pour le service de vostre mayson , laquelle je prise
et honore à l'égal de toute autre , et l'estime une des bonnes
que j'ay veues. C'est cela qui m'a fait désirer qu'elle soit
meilleure et parfaite. Il me fasche de voir de si grandes qua-
lités , comme sont celles de vostre Maj^son , esclaves sous les
menues imperfections , et , comme parle l'Escriture , de voir
vostre vertu réduite en captivité, et vostre beauté spirituelle
entre les mains des ennemis *. C'est pitié de voir une pré-
cieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite
souillure , et un vin exquis par le meslange de l'eau. Ton
vin % dit un prophète, est meslé d'eau.
Je vous diray comme vostre saint patron, S. Jean, qui
receut commandement d'escrire aux Prélats d'Orient : Je sçay
vos œuvres, qui sont presque toutes boMies : vous estes
presque telles , bonnes Religieuses; mais j'ay quelque petite
*0n doit entendre par ces dames les religieuses de Fontevrault, qui regar-
daient la Mère de niisericorde comme leur mère et première ahbesse.
> Tradidit in captivitatem virtutem eorum , et pulchritudiiiem eorum m
manus inimici. Ps. LXXVII, 61.
•Vinum tuum mixtum est aqua. Is... fl, 23.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 8î)
cîwse à dire contre vous ^ il vous manque quelque chose.
Je vous loue en toutes choses, dit S. Paul à ses Corintliiens ';
mais en cela je ne vous loue pas. Je vous supplie et conjure
par la charité qui est entre nous , ostés de vestre Mayson ce
qui est de trop , et ajoutés ce qui y defaui Donnés-moy , je
vous prie tres-humblement , cette consolation de lire cette
lettre en repos et tranquillité d'esprit , et de la priser, non
au poids du vulgaire , mais au poids du sanctuaire et de la
charité ; et je prie Dieu qu'il vous donne les resolutions ne-
ces^^^ires à vostre bien , pour la plus grande sanctification de
son saint nom en vous, ann que vous soyés de nom et d'effet
ses vrayes filles. Je me promets l'assistance de vos oraysons
pour toute ma vie, et plus particulièrement pour cette entrée
que je fais en la laborieuse et dangereuse charge d'Evesque,
affin que , preschant le salut aux autres , je ne sois reprouvé
à damnation ^
Dieu soit nostre paix et consolation.
Je suis et seray toute ma vie , mes révérendes Dames et
tres-cheres Seurs en Jesus-Christ , vostre , etc.
iNovi opéra tua, el fidem, et charitatera tuam, et ministerium , et patien-
tiam tuam, et opéra tua novissima, plura prioribus; sei Aabeo adversùs tê
pauca. Apec, II, 19 et 20.
* Quid dicam vobis ? Laudo vos : in hoc non laudo. I. Cor., XI, 22.
• Ne forte, cum aliis preedicaverim, ipse reprobus efficiar. I Cor.» IX, S7«
90
OPUSCULES
XIL
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
AUX CHANOINES DE SAINT-PIERRE DE GENÈVE.
ILl€yr écrit au sujel de sa nouvelle promotion à l'évêché de Genève.
Au chasteau de Sales, fin de novembre 1602.
Messieurs ,
Je voudrois voir en moy autant de subjet de la joye que
vous avés de ma promotion comme j'en voy en l'amitié
que vous me portés; j'aurois beaucoup moins d'appréhension
de la pesanteur du devoir auquel je me voy porté. Je me
confie néanmoins en la bonté de Dieu ( laquelle ne nous
défaut jamais es choses nécessaires ) qu'il me donnera la
grâce de sa sainte instance , pour vous rendre le service que
je désire , et auquel mon éducation et ma naissance m'in-
vitent. Si vous me faittes ce bien de l'en supplier avec moy,
vous aurés tousjours plus de raysons de vous le promettre ,
et moy de l'espérer, comme l'un des plus grands contente-
mens que jamais j'aye souhaittés. Permettés-moy cependant
que je vous salue dés icy, attendant que bientost j'aye le
bonheur de vous voir en vostre ville , à laquelle je désire
la paix et la consolation du saint Esprit, et de laquelle je suis
entièrement , comme de vous , Messieurs , le serviteur, etc.
• C'est la 54« du liv. VII des anciennes édit., et la 42e de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 91
Xllï.
RÈGLEMENT DE VÎE
Que dressa pour lui-même saint François DE SALES pendant la retraite où
il se prépara à son sacre, lorsqu'il fut évéque de Genève par la mort de
M. deGranier. {Vie de S. François de Sales, par Auguste de Sales, p. 327.)
(Vers la lin de novembre 1G02.)
Manière de s'habiller.
Premièrement. Quant à l'extérieur, dit-il , François de
Sales, Evesque de Genève, ne portera point d'habits desoye,
ny qui soyent plus précieux que ceux qu'il a portez par cy
devant ; toutesfois ils seront nets et bien proprement accom-
modez autour de son corps. Il ne portera point à ses pieds
d'escarpins avec les mules ou galloches, tant parce que cela
ressent la vanité du monde , que parce qu'il est défendu par
les statuts de son Eglise. Jamais il n'ira en point d'église
sans le rochet et camail, ny par la ville, et mesmes observera
«ela par la maison , quant au camail , autant qu'il se pourra
faire. En la maison, en l'église et par la ville, autant que la
commodité du temps le luy permettra , il portera tousjours
son bonnet carré. Il ne portera au doigt que le seul anneau
qu'on appelle pastoral , et que les Evesques doivent porter
pour marque de l'alliance qu'ils ont contractée , et qui les
tient liez et oblige/: à leur Eglise non moins estroictement
que les maris à leurs espouses. Il ne portera point de gands
qui soyent parfumez ou de grand prix , ny de manchons de
soye et fourrez , mais il prendra ce qui sera de la civilité ,
honnesteté et nécessité. Sa ceincture pourra estre de soye ,
non pas toutesfois précieuse, et en icelle il portera son chap-
^2 OPUSCULES
pellet attaché. Les attaches de ses soulliers ne seront point
(le soye , ny ses bas de chausse. Sa tonsure sera tous] ours
en estât d'estre fort bien recogneué, sa barbe ronde, non
pointue, et sans aucunes moustaches qui passent la lèvre
supérieure.
Ses serviteurs.
2. Il taschera de n'avoir point de serviteurs inutiles et
superflus. Il y en aura deux ecclésiastiques, Fun desquels
aura charge de toutes les affaires , et l'autre luy assistera
aux Offices : et encore suffiroit-il d'un; mais maintenant
il en prend deux en considération d'André de Sauzea , doc-
teur en droict canon et bachellier en théologie, lequel,
estant bon prédicateur, pourra faire beaucoup de profit en
ceste diocèse.
Ils seront habillez à la romaine , s'il se peut faire , avec
toute sorte de modestie; ou bien comme les prostrés du sémi-
naire de Milan , parce que ceste sorte d'habillemens couste
moins et est plus commode. Un secrétaire, deux valets de
chambre, l'un pour soy, l'autre pour la famille; un cuisi-
nier avec son garçon; et un laquais, qui sera vestu de tanné
avec les bords violets.
Point de ses serviteurs ne portera des pennaches, ny
d'espée, ny des habits de couleur esclattante , ny de grands
cheveux , ny des moustaches par trop relevées.
Exercices des serviteurs.
3. Ils se confesseront et communieront tous les seconds di-
manches du mois , selon les statuts de la confrérie des Peni-
tens de la saincte Croix , en laquelle ils s'enrooleront , et
communieront à la Messe de l'Evesque. Ils entendront tous
les jours la Messe; et les dimanches et festes tout le divin
Office en l'église cathédrale. Ils se lèveront tous du lict à
cinq heures du matin ; mais les jours solemnels, quand il
DE S. FRANÇOIS DE SAT.ES. 93
faudra aller à matines, à quatre heures. Ils se coucheront à
dix heures du soir ; mais ils s'a'^sembieront au preallable en
la sale pour reciter les litanies : le dimanche, du nom de
Jésus ; le lundy, de tous les Saincts ; le mardy, des Anges;
le mercredy, de sainct Pierre Apostre , patron de TEglise de
Genève; le jeudx, du tres-sainct Sacrement; le vendredy,
de la Passion de nostre Seigneur; le samedy, de la glorieuse
Vierge Marie nostre Dame ; sinon qu'à l'occasion de quelque
feste, ces litanies doivent estre transférées. L'Evesque dira
l'oraison ; on fera l'examen de conscience , et après cela tOii^
se retireront.
Les chambres.
4. En chaque chambre il y aura un oratoire ; et en iceluy
de Feau beniste , avec quelque dévote image et Agnus Dei.
Deux chambres seront tapissées , une pour les estrangers , et
l'autre pour recevoir les affaires , c'est à sçavoir, la sale. Il
y aura tousjours quelqu'un qui aura soin de recevoir et in-
troduire ceux qui viendront ; et celuy-là sera courtois et
gracieux, taschant de ne fascher personne quelle qu'elle soit.
C'est une trop grande audace aux serviteurs des Prélats de
mespriser les ecclésiastiques inférieurs. Tous ceux qui ser-
viront à l'Evesque de Genève seront advertis et accoustumez
de traicter honnestement avec tous, mais principalement
avec les prestres.
Table.
5. Quant à la table , elle soit modérée , et , comme dit le
Concile, frugale, mais toutesfois propre et nette. Les prestres
y seront assis , et, autant qu'il se pourra faire, tiendront les
premières places. Chaciiu bénira la table à son tour, et dira
pareillement les grâces , excepté les festes solemnelles : car
alors l'Evesque fera la bénédiction et l'action de grâces ;
comme aussi tous les jours il dira l'oraison : « Seigneur be-
uissez-nous , » parce que le uioindre doit recevoir la bene*
94 OPtTSCULES
diction du plus grand. On lira quelque livre de dévotion
jusques à moitié disner ou soupper ; le reste sera donné à des
discours honnestes. L'heure du disner sera à dix , celle du
soupper à six; les jours de jeusnes on ne s'assira point à la
collation, et alors le disner sera à onze heures sonnées, la
collation à sept.
L'aumône.
6. Quant à Taumosne, il faudra observer les jours que feu
Monseigneur le Reverendissime avoit choisis, à fin qu'elle se
fasse publiquement. Il faudra ttischer qu'elle soit plus grosse
en hyver qu'en esté, principalement depuis lafeste des Roys:
car alors les pauvres en ont plus de besoing: et pource l'on
distribuera des légumes. Je ne sçay s'il seroit expédient que
l'Evesque baillast l'aumosne de sa main propre quand il
verroit que cela se pourroit faire commodément , comme le
mercredy de la grande semaine ' , ou le jeudy sainct , ou le
vendredy sainct de la Passion. Le jeudy sainct au Mandat *,
on baillera à disner aux pauvres devant que leur laver les
pieds ; ou bien après, si le Mandat se faict de matin, comme
feu Monseigneur le Reverendissime le faisoit. Il faudra tas-
cher que les aumosues qu'on distribuera aux Frères Mineurs,
aux Jacobins, aux Capucins, aux Religieuses de saincte Claire
et à l'hospital soyent remarquées , tant pour l'exemple que
pour une plus grande efficace envers le peuple. Quant aux
aumosues particulières et extraordinaires , l'onction ensei-
gnera ce qu'il faudra faire.
L'Office divin.
7. Quant aux divins Offices, toutes les f estes de comman-
dement , l'Evesque assistera aux premières vespres , aux se-
condes, à la grande Messe,, et à l'Office qui se faict devant ou
1^ C'est-à-dire de la semaine saintei
* C'est la cérémonie du lavement des pieds , nommée ainsi , parce qu'elle
commence par l'antienne, Mandatum novum do vobis.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 9o
après; mais les jours solemiiels , outre cela., à matines. Il
célébrera et fera TOffice la imict et le jour de la Nativité de
nostre SeigrvMir,à lafestedes Roys, le dimanche de Pasques,
le dimanche vV^ Pentecoste, à la Feste Dieu , à la feste de
sainct Pierre ei sainct Paul , à la feste de sainct Pierre aux
liens , patroL de TEglise de Genève , à la feste de l'Assomp-
tion de noslrt Dame , à la feste de Toussaincts , et le jour
anniversaire de son sacre. Toute l'octave de la Feste Dieu ,
il assistera à rOiïice , et preschera le dimanche précèdent ,
pour advertir le peuple de son office , à fin qu'il gaigne les
indulgences. Le jour de la feste , le dimanche dans l'octave,
et le jour de Foctave, il fera la bénédiction dans Feglise
des Religieuses de saincte Claire , tant à fin de les consoler
que parce que ceste église est coustumierement toute pleine
de peuple , et que c'est la dernière bénédiction qui se faict
en la ville. Il assistera (autant qu'il se pourra faire le plus.
souvent) aux Offices et exercices des Confrères de la saincte
Croix, du très- sainct Sacrement, du sainct Rosaire , du
Cordon , mais principalement de la saincte Croix , à cause de
la communion qui s'y faict , et qu'il taschera.de faire le plus
souvent.
Etnda
8. Voyla quant à l'extérieur.
Maintenant quant à l'intérieur : Et premièrement quant
à l'estude , il fera en sorte qu'il puisse apprendre quelqae
chose tous les jours , utile neantmoins , et qui soit coave--
nable à sa profession. Ordinairement il pourra avoir pour
estudier les deux heures qui sont entre sept et neuf de matin ;
après souper, il fera lire quelque livre de dévotion Fespace
d'une heure , qui servira en partie pour l'estude , en partie
pour l'oraison.
La méditation et l'oraison.
9. Le malin , agrès Faction de grâce accoustumée , i'invo-
96 OPUSCULES
cation de l'aide de Dieu, et dedication de soy-mesme , îî mé-
ditera l'espace d'une heure , selon qu'il aura auparavant
disposé. Il se tiendra tousjours en la présence de Dieu , et
l'invoquert. à toutes occasions. Quant aux oraisons jacula-
toires , il les arera ou de la méditation du matin , ou de
divers ohjects qui se présenteront. Elles seront ou vocales ou
mentales, selon qu'il sera mené du sainct Esprit; et il s'en
fera un bref recueil pour aspirer à Dieu , à la Yierge , aux
Anges, et aux Saincts ausc{uels il aura une particulière dé-
votion.
Il recitera ordinairement l'Office debout, ou à genoux :
matines et laudes sur le soir, après la lecture du livre de dé-
votion; prime, tierce, sexte et none , entre six et sept heures
de matin , c'est à sçavoir , après la méditation ; vespres et
compiles devant souper, et le chappellet après vespres , avec
les méditations*, d'autant qu'il est obligé par vœu de le reci-
ter. Quand il preverra quelque urgente affaire , il pourra
prévenir l'heure de vespres et du chappellet. Les jours de
feste il recitera les heures et vespres avec le Choeur, et le
chappellet pendant la grande Messe.
La Messe.
10. Il sortira le matin à neuf heures pour offrir le tres-
sainct sacrifice de la Messe , laquelle il celobrera tous les
jours , sinon qu'il soit empesché par quelque extrême néces-
sité ; et à fin de la célébrer avec plus de dévotion , il fera un
recueil et abbregé de diverses considérations et affections,
par lesquelles la pieté peut estre excitée envers ce grand
mystère , et s'y occupera et entretiendra en sortant de sa
chambre, et en allant à l'autel.
Quand il sera arrivé à la sacristie , il fera sa préparation ,
ny trop courte ny trop longue , pour n'attedier ny attiédir
ceux qui attendront; l'action de grâces sera de mesme.
» Apparemment la lecture des points de la méditation.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 97
Apres la Messe , en laquelle il se comportera avec une douce
gravité , ne parlera avec personne , au moins en allant â la
Messe, et principalement d'affaires séculières, à fin que l'es-
prit soit entièrement recueilly en soy-mesme.
Il ne sera point mal à propos que les jours qu'on appelle
de dévotion , il célèbre la Messe es églises où elle sera , à fin
que le peuple y venant treuve tousjours son Evesque en
teste ; comme les festes solemnelles de ces églises, et quand il
y a des indulgences : le ooir il fera l'exercice avec le reste de
la famille.
La Confession.
H . Il se confessera de deux en deux , ou de trois en trois
jours, sinon que la nécessité portast autrement , vers le pics
capable Confesseur qu'il pourra commodément avoir, c': le-
quel il ne changera sans nécessité. Il se confessera quJ uo
fois en l'église à la vue de tous, pour servir d'exemplu ,
tous.
Le jeune et la récollection.
12. Outre les jours de jeusne que l'Eglise a commandez, il
jeusnera toutes les veilles des festes de nostre Dame, et tous
les jours de vendredy et samedy.
Tous les ans par l'espace de huict jours , et davantage
auand il pourra , il fera la recollection et purgation de son
ame , et ce temps pendant examinera ses succez et progrez
depuis l'année passée , et après avoir marqué les principales
oifences, il les accusera à son (^oniesseur, avec lequel il con-
férera de ses mauvaises inclinations et diiïîcultez au bien.
Quoy faict , il fera beaucoup de prières , principalement
mentales, avec application des Messes qu'il célébrera et fera
célébrer en ce temps , pour obtenir de Dieu la grâce néces-
saire à son régime et de son Eglise , et renouvellera tous les
bons propos et desseins que J^ion luy avoit baillez ; et pour
■cet eifect, il relira devant que j^e prt^seater à la confession les»
vi. 7
98 OPUSCULES
mémoires de toutes ses resolutions , et les remarquera dere«
chef, à fin qu'il puisse adjouster ce que l'expérience luy
aura appris.
Le temps de ceste recollection m' peut pas bonnement
estre déterminé, sinon que les semaines de carnaval semblent
y estre très-propres , tant pour n'estre pas tesmoing de l'in-
solence et dissolution du peuple , que pour sortir du désert
à la prédication et aux grandes œuvres , à l'imitation de
nostre Sauveur et Rédempteur Jesus-Christ , et de son pré-
curseur saint Jean Baptiste. Si toutesfois il y avoit espérance
de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable
exercice (dont il sera parlé es acticles de la republique), alors
il faudra choisir pour ceste recollection quelqu'une des se-
maines qui sont entre Pasques et Pentecostes, à fin que
l'Esprit de Dieu , que l'on y aura acquis , opère le bien à ce&
festes solemnelles, et octave du tres-sainct Sacrement; pource
encore qu'alors on est »ioins pressé d'affaires , et que la
saison est fort propre pour la purgation de l'ame, aussi bieïi
que du corps; voire que la purgation du corps pourra servir
de prétexte à la purgation de l'ame.
DE S. FRANCOrS DE SALES. 99
XIV.
LETTBï^;^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES,
A UNE PERSONNE DE CONFIANCE.
(Tirée de la Vie du Saint, par Maupas.)
Il rend compte des résolutions qu'il prend pour la suite de sa vie, et des bon»
sentiments qu'il a dans sa retraite. Avantage de cet exercice.
Fin de novembre 1602.
Je fais la revue de mon ame *, et sens au fond de moa
cœur une nouvelle confiance de mieux, servir Dieu ^ en
sainteté et en justice , tous les jours de ma vie. J*ay eu de
grands sentimens des infinies obligations que je luy ay ; j'ay
résolu de m'y sacrifier avec toute la fidélité qu'il me sera
possible, tenant incessamment mon ame en sa divine présence,
avec une allégresse non point impétueuse , mais , ce me
semble , efficace pour le bien aymer : car rien du monde
ifest digne de nostre amour; ille faut tout à ce Sauveur,
qui nous a tout donné le sien. Je voys tous les contentemens
terrestres un vray rien auprès de ce régnant amour , pour
lequel je voudrois volontiers mourir, ou tout au moins vivre
pour luy seul. Qu'il me tarde que ce cœur que Dieu m'a
donné luy soit inséparablement et éternellement lié ! C'est
pourquoyje finis mon occupation avec un grand désir de
* C'est la 43» de la collection Biaise.
' Notre Saint étoit alors en retraite au château de Sales, pour se préparer
à son sacre.
3 Serviamus illi in sanctitate et justitiâ, coram ipso, omnibus diebus nos-
tris. Luc, I, 74 et 75.
{ 00 OPUSCULES
m'avancer en cette précieuse dilection. Et pour m'y dis-
poser :
Le matin , après que j'auray invoqué le nom de Dieu, et
m'y seray dédié, je feray une heure de méditation selon que
je Fauray prémédité. Je produiray force oraysons jacula-
loiics pendant la journée, selon que le saint Esprit m'inspi-
rera; comme aussi , pour célébrer plus dévotement la sainte
Messe, je m'occuperay, jusques a ce que je sois à l'autel,
dans toutes les considérations et affections par lesquelles la
pieté peut estre excitée envers ce grand mystère.
Je feray tous les ans huit ou dix jours de retraitte, pour
examiner les progrés de mon ame, ses inclinations, ses diffi-
cultés, ses défauts. C'est en cette retraitte où on regarde le
Ciel de bien prés, et oii on trouve la terre bien esloignée de ses
yeux et de son goust; et lorsque les saintes âmes qui sont
engagées pour le public ne peuvent jouyr de cette félicité,
elles font un cabinet en leur cœur , où elles vont estudier la
loy de leur Maistre , et la reçoivent de sa propre main. De
plus , en cette montagne , qui est si eslevée qu'on n'y en-
tend point le bruit des créatures , on gouste * , comme dit le
Prophète, que Dieu est doux et suave. C'est par la prattique
de cet exercice , que nous apprenons si nous avançons à la
vertu, où l'on prend les saintes et solides resolutions de
vivre selon les lois de la véritable et éternelle sagesse.
» Gustate et videte quouiam suavis est Domiuus. Ps. XXXIIl, ».
DE S. FRAINTOÎS DK SALES, 101
XV.
LETTRE
A M. DE BÉRULLE*.
ui SdiLi j'engage beaucoup à tenir la promesse qu'il lui avoit faite de venir
passer le temps de la retraite à Annecy, et lui fait part de son sacre.
Annecy, le 18 décembre 1602.
Monsieur , la vostre que M. Santrul m'apporta , m'a ex-
tresmement consolé par le tesmoignage qu'elle me rend , de
la continuation de vostre bienveillance en mon endroit, bien
que je n'en eusse aucun doute. Assuré de vostre bonté et
constance , j'ay veu que vous penchés encore à l'opinion que
vous me communiquastes de venir quelque tems à la recol-
lection et retraitte en ces quartiers. Dieu vous vueille dire luy
mesme en vostre cœur ce qu'il en désire. Mais si ce bonheur
m'arrivoit, je le mettrois au premier rang de ceux que j'ay
eus, cy-devant tout auprès de celluy que j'ay receu en vostre
connoisscince, car aussi en seroit-ce l'accroissement et perfec-
tion. Les deux conditions que vous mettes pour l'exécution
de ce dessein ne me sembleroif i, revenir qu'à une seule, d'au-
tant que si vous avés la liberté, je ne doute point que N. S.
ne vous fasse connoistre qu'il se veut servir de vous pour
l'administration de son saint Evangile. Je suis Evesque con-
sacré dés le jour N. D. 8 de ce mois, qui me fait vous conju-
rer de m'ayder toujours plus chaudement par vos prières,
comme de ma part je ne vous oublie pas, surtout en la re-
* Cette lettre fait partie de la collection des autographes de M. le marquis
de Chôteaugiïon , publiée dans l'Isographie des hommes célèbres. Paris, 1828,
S vol. in-fol. C'est la 886e cle la collection de Biaise.
^02 OPUSCULES
commandation de la Messe. J'ay eu le bien de faire un peu
de recollection et exercice en Passistance du P, Forier, l'un des
excellens Jésuites que j'aye rencontrés, avant mon sacre. Ce
que je vous dis parce que je vous veux rendre compte de
mon esprit, comme vous me faites du vostre, disant, que
vous continués en une grande variété d'occupations et mul-
titude d'imperfections. Il n'y a remède. Nous aurons tous-
jours besoin du lavement des piedz, puis que nous cheminons
sur la poussière. Nostre bon Dieu nous face la grâce de vivre
et mourir en son service. Je vous supplie , Monsieur , de
croire entièrement qu'il n'y « *»omme au monde qui vous soit
plus dédié et affectionné que je suis et seray toute ma vie
cour demeurer. Monsieur,
Votre très humble et très affectionné serviteur.
François de Sales, Evesque de Genève.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 403
XVI.
MANDEMENT^
EN FAVEUR DE l'iFMUNITÉ d'uNE ÉGLISE.
(L'original en étoit conservé chez la marquise de Camerana, née de Tornon,
à Turin. )
Nous, François de Sales, par la grâce de Dieu et du Siège
Apostolique, à tous ceux qu'il appartiendra :
Nous avons appris avec une extrême douleur, qu'au mé-
pris de notre mandement, un militaire qui s'étoit réfugié
dans l'église de Faverges pour y jouir de l'immunité accordée
depuis long-temps aux églises et à elles acquise par un droit
irrévocable, a été arraché et enlevé de force de ce saint
lieu.
A ces causes , par les présentes , au nom du Seigneur, nous
ordonnons très-expressément à tous ceux qui ont aidé ou
favorisé un acte de cette nature, et particulièrement à ceux
qui l'ont ordonné en violation des immunités de l'Eglise,
1 C'est la 71^ lettre parmi les inédites de la collection Biaise.
Annessi, die 21 dec. 1602.
Nos Franciscus de Sales, Dei et Apostolicae Sedis gratia Episcopus
et Princeps Gebennensis, omnibus ad quos spectaverit :
Intelleximus non sine gravi molestià, militem quemdam qui ad
. ecclesiam Fabricarum sa contulerat, ut immunitate ecclesiis dudùm
-et jure irrevocabili concessâ frueretur, à quibusdam vi, et in con-
lempium mandati nostri, abstractum et avulsum fuisse à sacro loco.
Quare, per présentes nostras litteras, omnibus qui hujusmodi actui
adjutorium, favoremve dederint, ac praecipuè iis, qui ita se contra
Ecclesiae immunitatem, et mandatum gesserunt, districtè prsecipimus
104 OPUSCULES
de restituer ce militaire à ladite église de Faverges , et de Iiri
laisser la liberté de se servir, de jouir et de profiter de cette
immunité , et ce dans les vingt-quatre heures ; passé lequel
delay, faute par eux d'obtempérer à nos ordres (ce qu'àDLu
ne plaise) ou de nous faire connoître le motif de leur refus ^
il^ seront frappés de la sentence d'excommunication encourue
ipso facto. Et de fait, pour celle-ci, sans qu'il en soit besoia
d'autres, nous les déclarons excommuniés et excommu-
nions.
En foi de quoi nous avons signé les présentes, et nous avons
ordonné qu'il y soit apposé le sceau de nostre évêché.
in Domino ;, ut eumdem militem praedictae ecclesiae restituant, et
illius iminunitate uti, frui_, et gaudere sinant^ idque prœstent intra
viginti quatuor horas, quibus elapsis, si huie mandato nostro (quod
absit) non obtemperaverint , vel apud nos causam , curnon tenean-
tur obtemperare , non dixerint, sententia excommunicationis, ipso
facto^ incurrendae noverint se percussos. Sic «nim eos per praesentes
excommunicatos, eo casu, declaramus, et censemus.
In quorum fidem^ manu propriâ subscripsimus, et «igillo Episco-
patûs nostri, preesentes obsignari mandavimus *.
' La suscriptioQ du Saint a été efHacée.
DE S. FRANCOîS DE SALES. 105
rx/v/V\/\^>-»%^\«'>-'W^\/\/\/\/\/\/V
xvn.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES,
A SA SAINTETÉ LE PAPE CLÉMENT VHÎ.
iilui fait part du dessein de madame la duchesse de Longue ville, de fondef
à Paris un monastère de Carmélites , et d'établir cet ordre en France, Il
pense que cette entreprise est digne d'être appuyée par l'autorité apostolique.
Au commencement de 1603.
Très-saint Père ,
Etant, à Paris pour l'affaire au sujet de laquelle j'ai eu
l'honneur d'écrire il n'y a pas long-temps à votre Sainteté,
je no pus éviter de prêcher devant le roi , les princes et le
peuple. A cette occasion, madame Catherine d'Orléans, du-
chesse de Longueville, princesse très-illustre, non-seule-
ment par la noblesse de son sang et des princes de sa maison,
mais encore par la charité de Jésus-Christ qui règne dans
* C'est la 3» du livre I*» des anciennes éditions, et la 4 4e de la collection
Biaise.
Ostendit consilium à Catharinâ Aurelianensi de fundandis Ordinis Carmeli-
tarum virginibus susceptuni dignum esse quod auctoritate apostolicâ ful-
ciatur.
Beatissime Pater,
Cùm essem Lutetiae Parisiorum, ejus rei gerendas gratiâ, de eu jus
exitu non ità pridem ad Beatitudinem veslram litteras dedi , facere
non potui quin plures conciones haberem , cùm ad populum , tùm
ad Regem Ipsum et Principes. Eâ autem occasione, Catharinâ Aure-
lianensis, Princeps à Longavillâ, virgo non tantùm magnorum
Principum sanguine^ sed etiam « quod caput est, Cbxisti chariUte
î 06 OPUSCULES
son cœur, ayant dessein de fonder dans Paris un monastère
de Carmélites, me fit appeler avec d'autres théologiens d'une
piété éminente et d'un profond savoir, pour délibérer ensem-
ble sur cette fondation.
Nous nous assemblâmes pour cet effet pendant quelques
jours ; et la chose étant mûrement examinée, les raisons de
part et d'autre bien pesées et considérées, nous trouvâmes
que ce dessein étoit inspiré de Die^, et qu'il tourneroit à sa
plus grande gloire et au salut d'un grand nombre de per-
sonnes. Une seule chose nous fit de la peine, et sembloit
devoir tout arrêter ; c'étoit la difficulté de faire venir en
France des Pères (Carmes) de la réforme de sainte Thérèse,
pour gouverner ces religieuses. Mais ayant fait réflexion
qu'il s'est établi tout récemment à Rome un monastère de
Carmélites déchaussées, cjui est dirigé par un père de la con-
grégation de l'Oratoire \ la difficulté s'anéantit aussitôt.
On a donc jeté les yeux sur trois hommes distingués par
leur sainteté et par l'intégrité de leurs mœurs, et très-versés
1 La congrégation de l'Oratoire dont il est parlé dans cette lettre, est celle
de Rome, qui a pour auteur saint Philippe de Néri; et il ne faut pas la con-
fondre avec celle de France, fondée par M. de Bérulle.
perillustris, quœ per id tempus monasterium fœminarum Ordinis
Carmelitarum reformatarum in ipsà Parisieiisi civitate fuiidareanimo
inoliebatur, me aliquot excellenti pietate etdoctrinà tlieologis adjun-
gendum duxit, quorum sentcntiis animi su] consilium et sensum
expenderet et probaret.
Itaque converiimus omnes aiiquot diebus; eâque re exacte per-
pensâ, vidimus perspicuè consilium boc à Deo originem duxisse^ et
ad ejusgloriam mullorumque sakitem quàm maxime spectare. An-,
gebat tamen quôd fieri posse non videbatur, ut fratresejusdem ordi-
nis, qui monasterii hujusmodi gubernacula susciperent, in Galham
facile inducerentur : verùm huic diflicultati obviàm itum est, ex re-
centi excmplo cjus Monasterii illius ejusdemque Ordinis, quod in
Urbc unius ex Paîribus Congregationis Oratorii curœcommissum est.
ii.uat.e selecti irunt viri très, doctruià, morum integritate uc rerum
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 107
flans la conduite des affaires, pour prendre soin des biens de
cette communauté, et pour présider à cette bonne œuvre. Par
ce moyen on a obvié aux inconvénients qui pourroient arriver
dans la suite par l'injure des temps et la caducité des lieux.
Il ne reste rien maintenant à désirer, sinon que le saint
Siège Apostolique donne les raainî\ \ cette entreprise , et l'a-
bandonne à la volonté du roi qui i déjà donné son consen-
tement, contre l'attente de presqiia tout le monde. C'est
pourquoi, très-saint Père, ce courrier va se jeter aux pieds
de votre Sainteté, pour la supplier d'accorder ses bulles apos-
toliques , afin d'achever heureusement et cimenter à per-
pétuité cet établissement.
Pour moi , quoique très-indigne que mon témoignage
soit entendu, cependant, parce que j'ai été présent à toutes
les délibérations que l'on a faites sur cette affaire , et que je
me suis engagé à déclarer ce que j'en pense à votre Sainteté,
je ne puis m'empêcher, très-saint Père, de vous assurer,
autant qu'il est en moi, que cette fondation, qui vient d'un
mouvement de l'esprit de Dieu , étant accompagnée de votre
bénédiction et appuyée de votre autorité , ne peut être que
très-utile à la Chrétienté, eu égard aii temps où nous vivons,
-■■ ■! I ■ I I ■ - ■ ■' I ■ !■ I ■ I ■■ ■ ■ !■■ I III ■ I.. ■ ■IIM.MI ■— — ^— ^^^— .^ Il M ■ .1 I ■■ I >
gerendarum peritiâ conspieui, qui, maximo Monasterii bono , operi
praefici possent, atque ità deinceps omnibus difficultatibus quae ex
locorum et temporum injuria orirentur sïgillatîm ( occurrere).
Ità factum est satis, ut aliud superesse non videretur, quàm ut
sacrum hoc negotium sanctse Sedis Apostolicse judicio fulciretur, et
Régis voUmtati permitteretur : ac Régis quidem, prseter multorum
spem, statîm consensus accessit. Quare nunc ad Beatitudinis vestrse
pedes mittitur hic nuntius, qui supphcJ^er ab eâ petat Apostolica
mandata, quibus res constet et perllciatur.
Ego verô, beatissime Pater, qui omnibus propemodùm hâc de re
consiliis interfui, etsi dignus non sum cujus testimonium audiatur,
non possum mihi temperare quin, quemadmodùm facturum mç
recepi, testatum faciam , quoad per me fieri potest, è re Ghristianâ
tore, ut hi cœlestes motus, hoc tempore, et eo prœsertîm loco.
108 OPUSCULES
et au lieu où elle se fera. C'est la grâce que vous demande
très-humblement cette vertueuse princesse, aux supplica-
tions de laquelle grand nombre de personnes du même mé-
rite et du même rang joignent les leurs, et moi principalement
qui supplie aussi la divine Majeafé de vous conserver long-
temps en santé pour ma consolation particulière et celle de
tous les gens de bien. J'ai l'honneur d'être , avec un très-
profond respect *, très-saint Père , etc.
» M. de BéruUe, depuis cardinal , et fondateur des prêtres de l'Oratoire en
France, joignit ses sollicitations à celles de notre Saint, et le succès répondit
à l'attente de ces deux grands hommes; car ils obtinrent un bref du pape
Clément VllI, et ensuite les lettres patentes de Henri IV. L'installation du
monastère se fit en 1604.
vestrsB Beatitudinis apostolicis benedictionibus promoveantur. Id
Princeps hsec virgo, id permultse aliae, id ego cum eis, humillimis
petimus precibus. Deus autem optimus maximus Beatitudinem ves-
tram nobis et bonis omnibus quàm diutissimè scrvet incolumem !
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 109
xviir.
acte' de FIDtiLITÉ
Que saint François, comme évêque de Genève, prêta à S. A. Charles Emma-
nuel 1er et à son fils Philippe Emmanuel, prince de Piémont, pour les fiefs
de TégUse de Genève.
(1" mai 1603.)
Je , François de Sales , par la grâce de Dieu et du Saint-
Siège Apostolique, Evesque de Genève, estahly en personne
et en la présence de Monseigneur le Serenissime S. Charles
Emanuel duc de Savoye, et vicaire du Saint-Empire Romain,
et de Monseigneur le Serenissime S. Philippe Emanuel,
prince de Piedmont son fils aisné, de ma propre volonté cer-
taine science et meure délibération, ayant les Evangiles devant
mes yeux, promets et jure, mettant la main sur ma poictrine,
à la façon des Prelatz , la fidélité liège et hommage que je
doibs audit Serenissime Duc , et au Serenissime Prince sus-
nommé avec le consentement de S . A. et ce à l'occasion et pour
raison des liefs de l'Eglise mesme de Genève et de tous autres
fiefs se mouvans et dependans d'icelle, les droicts neantmoins,
jurisdictions et preeminenjces de ma dite Eglise demeurant
sauves et entiers , et de plus que je seray tousjours fidelle
audit Serenissime Seigneur Duc et Serenissime Prince , et à
leurs successeurs et descendans, et que je conserveray et def-
fendray de tout mon pouvoir saufs la qualité de mon rang ,
Testât , honneur et commodité de leurs Altesses et de leurs
successeurs, et u'attenteray ny feray chose quelconque contre
leurs personnes, vies, estât. H honneur, ny consentiray à
' Tiré de la copie authentique conserv(lP aux Archives de la Cour de Turio.
Cest la Ti^ des lettres inédites de la coUectioa Biaise.
iîO OPUSCULES
ceulx qui le voudroient faire , ains resisteray et m'oppo-
seray à tous ceulx qui le voudroient entreprendre aultant
qu'il me sera possible, et reveleray à leurs Altesses, ou à leurs
ministres principaulx tous les traicts , machinations qui me
viendront à notice se faire contre leurs personnes , vies ,
honneur et estât, et généralement observer et accomplir tout
ce qui est contenu en l'ancienne et novelle forme de fidélité
comprises es coustumes féodales , civiles et canoniques , et
spécialement au chapitre de forma XXII C. S. et au chapitre
Ego de jure jurando , finalement je reconetray comme je
reconnois ledit Serenissime Seigneur Duc et le Serenissime
Prince son fils susnommé et leurs successeurs pour mes sou-
verains seigneurs in temporalihm.
Et outre ce que dessus promets, jure et asseure leurs dites
A A. que pour raison de tous les autres biens et droicts de ladite
Eveschée que je possède et pourrois posséder riere les estats
de S. A. et pour touttes autres raisons à lui deues, que je
serai tousjours ma vie durant fidelle à S. A. et après luy à
Monseigneur le Prince Philippe Emanuel son fils aisné
présent , et à ses légitimes successeurs Ducs de Savoye , et
que je n'attenteray ny maquineray pour moi ny pour autre,
choses aucunes contre leurs personnes , vies , estats et hon-
neurs, ny consentiray à chose semblable, mais plustost Fem-
pescheray et m'y opposeray contre ceux qui y vouldro^ent
conspirer. Promettant aussy et jurant que tous les traictes,
conspirations, et machinations qui me pourroient venir à
notice estre faicts contre les personnes de leurs Altesses ou
de leurs légitimes successeurs, leurs vies» estats et honneurs^
je les leur reveleray et manifesteray ou à leurs ministres et
officiers , et ne pouvant le feray fere par autruy pour n'en-
îcorir l'irrégularité , et en ce que dessus presteray toutte l'as-
sistance qu'il me sera possible. Protestant neantmoins que
pour les choses susdites je n'entends de décliner, ny prejudi-
cier en rien en Tobeissance _^ue je doibs à la Sainte Eglise
T>E S. FRANÇOIS DE SALES, 11 il
Catholique et Apostolique Romaine , et de ne déroger au
droict et aucthorité d'icelle, lesquelles choses susdites je
promets et jure comme dessus de les vouloir toui-^ours gar-
der et maintenir fermes et stables et de ne jamais y contrevenir
ny consentir à aucune personne qui le voulust faire secrète-
ment ou publiquement soubs quelque prétexte que ce soit et
généralement pour l'une et pour l'autre fidélité y dessus
faictes , je jure et promets d'observer tout ce qui est contenu
aux serments de mes prédécesseurs comme s'ils estoient icy
insérés. De quoy S. A. m'a commandé, et ledit Seigneur
Evesque prie d'en reçoivre le présent acte.
Faict en la citté du Mondevis , le premier de may mil six
cents et trois, au palais de ladite citté, oii loge le gouverneur
d'icelle , et en la chambre oii dort S. A. et Princes que
dessus; et de niessire Charles, comte de Lucerne , grand
maistre d'hostel de la maison de messeigneurs les princes ,
du comte Yille, marquis de Saint-Michel, tous deux conser-
vateurs d'estat et chevaliers de l'ordre de l'Annonciation-
Notre-Dame; du marquis deBagnano, gouverneur pour S. A.
en la dite citté; de messire Lois Mourouz, conseiller d'estat
et premier président au Sénat deçà les monts ; et du cornte
de Cremieu , premier escuyer de S. A. , gentilhomme de
sa chambre et capitaine de chevaulx de ses ordonnances,
tesmoins ; par moy Pierre Lois Bourcier deChambery, se-
crétaire de l'Ordre, susdit conseiller secrétaire d'estat des
finances et commandements de S. A. qui me suis soubsignô.
Bourcier.
!12
OPUSCULES
XIX.
LETTRE*
A UN GENTILHOMME EMPLOYÉ,
Sur un projet ayant pour prétexte de décharger les Ecclésiastiques dn
logement militaire.
Aneci, le 1 juin 1603.
Monsieur,
J'ay considéré l'expédient que le sieur capitaine de Mogron
propose pour descharger les Ecclésiastiques du logement de
guerre , et y ay veu plusieurs inconveniens , et entre les
autres celuy que je crains le plus qui est que la liberté et
immunité ecclésiastique en seroit ce me semble directement
violée. C'est pourquoyj 'envoyé le porteur auprès devons,
Monsieur, pour vous les représenter, estimant de n'y treuver
pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en avons
tousjours treuvé et que je me promets d'en treuver en après.
Cependant et moy et tous les Ecclésiastiques qui sonticy,
nous prierons Dieu pour vostre santé , et je demeureray,
Monsieur,
Vostre serviteur tres-liumble ,
François de Sales , Evesque de Genève *,
* C'est la 74« des lettres inédites de la collection Biaise ; l'autographe en
appartenoit à l'Evêque de Sienne en Toscane.
2 Personne n'ignore que nosseigneurs les évéques ne se servent que de leurs
prénoms, et jamais de leurs noms de famille, pour signer les mandements,
lettres ou différents écrits qui émanent de leur juridiction : saint François de
Sales, dans cette conjoncture comme dans plusieurs autres circonstances, a
dérogé à l'usagd établi, sans pouvoir nous expliquer le motif de cette ano-
mahe. Quoi qu'il en soit, et sans attacher à cette observation plus d'impor-
tance qu'elle ne doit en avoir, il nous suffira d'annoncer que cette lettre a
été copiée et authentiquée par l'évêque même de Sienne, qui la déclare par-
faitement conforme à l'original. {Note cl: ''édition Biaise.)
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 113
XX.
AVIS
SUR LA CONDUITE INTÉRIEURF ET SUR LA DIGNITÉ ET LES DETOiRS
D'UN ÉVÊQUE ',
A UN ECCLÉSIASTIQUE NOMMÉ A UN ÉVÉCHÉ.
Annecy, 3 juin 1608*
Monsieur,
J'ay receu deux de vos lettres , ausquelles je n'ay pas
encore fait response, parce que, quand elles arrivèrent icy, je
n'y estois pas , mais en Piedmont, où j'ay esté contraint de
faire un voyage pour les biens temporels de cet Evesché.
Maintenant, Monsieur, je vous envoyé la provision de Rome
que vous desirez , laquelle j'ay ouverte , pour sçavoir si
tout ce dont vous avez besoin y estoit; et je voy que tout y
est, et quelque chose davantage, dont vous n'avez que faire,
ne prejudiciant en rien la provision pour le reste qui vous
est requis. Voyla donc ma promesse accomplie pour ce par-
ticulier. Que s'il vous reste quelque difficulté , prenés-en la
mesme confiance avec moy. Je vous asseure , Monsieur, que
jamais je ne me lasseray de rendre du service à vostre con-
solation et à vostre esprit , lequel j'espère que Dieu addres-
sera pour le service de plusieurs autres.
L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysée à
mettre en effet , pour les infinies occupations qui m'acca-
blent; car je pense estre en la plus fascheuse charge qu'au-
cun autre de cette qualité. Néanmoins voicy un abrégé de ce
que j'ay à vous proposer.
i C'est la lettre 37^ du Uv. !«', ancieftûe éOit., et la 49« do rédition Biaise,
VI. ô
ff^ OPUSCULES
Vous entrés en Testât ecclésiastique, et tout ensemble à la
cime de cet estât : je vous diray ce qui fut dit à un berger
qui fut choisy pour estre Roy sur Israël iMutaberis in virum
alterum. Il faut que vous soyés tout autre en vostre intérieur
et en vostre extérieur ; et pour faire cette grande et solen-
nelle mutation , il faut renverser vostre esprit et le remuer
partout; et pleust à Dieu que nos charges , plus tempes-
teuses que la mer, eussent aussi la propriété de la mer, de
faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs à ceux
qui s'y embarquent î Mais il n'en est pas ainsy ; car bien
souvent nous nous embarquons , et mettons la voile au vent
estant tres-cacochymes , et plus nous voguons et avançons
en la haute mer, plus nous acquérons de mauvaises humeurs.
Helas! Dieu soit loue, qui vous a donné le désir de n'en faire
pas de mesme; j'espère qu'il vous en donnera encore le pou-
voir, afin que son œuvre soit parfaitte en vous.
Pour vous ayder à ce changement, il faut que vous em-
ployés les vivans et les morts ; les vivans , car il vous faut
trouver un ou deux hommes bien spirituels , de la conver-
sation desquels vous puissiés vous prévaloir. C'est un ex-
trême soulagement que d'avoir des conlidens pour l'esprit.
Je laisse à part M. du Val , qui est bon à tout , et universel-
lement propre pour semblables offices. Je vous en nomme
Tin autre , M. Galemant , curé d'Aumale ; si par fortune il
estoit à Paris , je sçay qu'il vous ayderoit beaucoup. Je vous
en nomme un troisième, homme à qui Dieu a beaucoup
donné et qu'il est impossible dVpprocher sans beaucoup pro-
fiter; c'est M. de Berulle. Il est tout tel que je sçaurois
désirer estre moy-mesme ; je n'ay guère veu d'esprit qui
me revienne comme celuy-là, ains je n'en ay pas veu ni
rencontré : mais il y a ce mal , c'es^t qu'il est extrêmement
occupé; il faut s'en prévaloir avec autant de confiance que
de nul autre, mais avec quelques respects à ses affaires. J'ay
un très-grand amy, que M. Raubon connoist, c'est M. de Soûl-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 115
V
fonr ; il peut beaucoup eu ces occasions : je desirerois que
TOUS le connussiez , estimant que vous en auriés beaucoup
^e consolation.
Quant aux morts , il faut que vous ayés une petite biblio-
thèque de livres spirituels de deux sortes; les uns pour vous,
en tant que vous serés Ecclésiastique ; les autres pour vous ,
en tant que vous serés Evesque, De la première sorte, vous
en devés avoir avant que d'entrer en charge , et les lire et
mettre en usage; car il faut commencer par la vie monas-
tique, avant que de venir à Fœconomique et politique. Ayés,
je vous prie , Grenade tout entier, et que ce soit vostre se-
cond bréviaire ; le cardinal Borromée n'avoit point d'autre
Théologie pour prcscher que celle-là , et néanmoins il pres-
choit très-bien : mais ce n'est pas là son principal usage ;
c'est qu'il dressera vostre esprit à l'amour de la vraye dévo-
tion, et à tous les exercices spirituels qui vous sont néces-
saires. Mon opinion seroit que vous commençassiez à le lire
par la grande Guide des pécheurs , puis que vous passassiés
au Mémorial , et enfin que vous le leussiés tout ; mais pour
le lire fructueusement, il ne le faut pas gourmander, ains
il faut le peser et priser, et chapitre après chapitre le ru-
lûiner et appliquer à l'ame , avec beaucoup de considéra-
tions et de prières à Dieu. Il faut le lire avec révérence
et dévotion , comme un livre qui contient les plus utiles
inspirations que l'ame peut recevoir d'en^ lut; et par là
reformer toutes les puissances de l'ame , les purgeant par
detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les
adressant à leur vraye fin par de fermes et grandes reso-
lutions.
Après Grenade, je vous conseille fort les œuvres de Stella,
motamment de la vanité du monde, et toutes les œuvres
«de François Arias , Jésuite. Les Confessions de S. Augustin
vous seront extrêmement utiles; et, si vous m'en croyés, vous
Jes prendrés en francois de la traduclioû da M» ïïennequia,
«
116 OPUSCULES
Evesque de Rennes. Bellentani, Capucin , est encore propre
pour y voir distinctement plusieurs belles considérations sur
tous les mystères de nostre foy, et les œuvres de Costerus ,
Jésuite. Mais, après tout, il me souvient de vous recom-
mander les Roistres spirituelles de Jean Avila, esquelles
je suis asseuré que vous verres plusieurs belles considé-
rations et leçons pour vous et pour les autres; et, tout
d'un train, je vous recommande les EpistresdeS. Hierosme,
en son excellent latin.
En tant qu'Evesque , pour vous ayder à la conduite de vos
affaires, ayés le livre de Cas de conscience du Cardinal
Tolet, et le voyés fort : il est court , aysé et asseuré ; il vous
suffira pour le commencement. Lises les Morales de S. Gré-
goire , et son Pastoral ; S. Bernard en ses Epistres , et es
livres de 2a Considération. Que s'il vous plaist d'avoir un
abbregé de Tun et de Pautre, ayés le livre intitulé Stimulus
Pastorum , de Tarchevesque Braccarense en latin, im-
primé chés Keruer. Le Décréta Ecclesiœ Mediolanensis
vous est nécessaire; mais je ne sçay s'il est imprimé à Paris.
Item, je désire que vous ayés la Vie du bienheureux cardinal
Borromée, escrite par Charles à Basiîica Pétri, en latin;
car vous y verres le modèle d'un vray Pasteur; mais sur-
tout ayés tousjours es mains le Concile de Trente et son Ca-
téchisme.
Je ne pense pas que cela ne vous suffise pour la premier?
année, pour laquelle seule je parle ; car pour le reste vous
serés mieux conduit que cela , et par cela mesme que vous
aurés avancé en la première année , si vous vous renfermés^
dans la simplicité que je vous propose. Mais excusés-moi , je
vous supplie, si je traite avec cette confiance; car je ne sçau-
rois rien en autre façon , pour la grande opinion que j'ay de
vostre bonté et amitié.
J'adjousteray encore ces deux motz : l'un est qu'il vous
importe infiniment de recevoir le sacre avec une grande rç-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 117
verenre et dévotion , et avec l'appréhension entière de ^a
grandeur du ministère. S'il vous estoit possible d'avoir l'o-
rayson qu'en a faite Stanislaùs Scolonius , intitulée , De
sacm Episcopomm consecratione etînmiguratione, au moins
selon mon exemplaire, cela vous serviroit beaucoup; car,
è la vérité , c'est une belle pièce Vous sçavés que le com-
mencement en toutes choses est fort considérable ; et peut-
on bien dire : Primum in unoquoque génère est mensura
cœtcrorvm.
L'autre poinct est que je vous désire beaucoup de con-
fiance et une particulière dévotion à l'endroit du saint Ange
gardien et protecteur de vostre Diocèse, car c'est une grande
consolation d'y recourir en toutes les difficultés de sa charge.
Tous les Pères etTheologiens sont d'accord que lesEvesques,
outre leur Ange particulier, ont l'assistance d'un autre,
commis pour leur office et charge. Vous devés avoir beau-
coup de contîance en l'un et en l'autre , et , par la fréquente
invocation d'iceux , contracter une certaine familiarité avec
eux , et spécialement pour les affaires avecceluy du Diocèse,
-comme aussi avac le saint Patron de vostre Cathédrale. Pour
le superflu , Monsieur, vous m'oblige rés de m'aymer estroi-
tement et de me donner la consolation de m'escrire familiè-
rement ; et croyés que vous avés en moy un serviteur et
frère de vocation autant fîdelle que nul autre.
J'oubliois de vous dire que vous devés en toute façon
preTuhv esolution de prescher vostre peuple. Le tres-saint
-connie de Trente, après tous les anciens, a déterminé que
le prci].. ;• et \ .incipal office de l'Evesque est de prescher, ei
ne voiir liasses emporter à pas une considération. Ne le
faites pas pour devenir grand prédicateur, mais simplement
parce qiie vous le devés et que Dieu le veut : le Sermon pa-
ternel d'un Evesque vaut mieux que tout Fartilice des Ser-
mons elabourés des Prédicateurs d'autre sorte. Il faut bien
{>eu de choses pour bien prescher, à un Evesque : car ses
1 i 8 OPUSCULE?
Sermons doivent estre de choses nécessaires et utiles, non ew—
rieuses ni recherchées; ses paroles simples, non affectées ; soa
action paternelle et naturelle, sans art ny soin ; et pour court
qu'il soit et peu qu'il dise, c'est tousj ours beaucoup. Toutceey
soit dit pour le commencement; car le commencement vous
enseignen par après le reste. Je voy que vous escrivés si
bien vos lettres , et fluidement , qu'à mon advis , pour peu
que vous ayés de resolution, vous ferés bien les Sermons;
et néanmoins je vous dis , Monsieur, qu'il ne faut pas avoir
peu de resolution , mais beaucoup , et de la bonne et invin-
cible. Je vous supplie de me recommander à Dieu : je vous
rendray le contre-change , et seray toute ma vie , Monsieur^,
vostre , etc.
DE S. yKANCOIS DE SALES. 1 Î9-
XXI.
STATUTS SYNODAUX
De révêché de Genève, dressés par monsei£?neiir François DE SALES, évêque
et prince de Genève, le 11 octobre 1603, imprimés h Thonon par Marc de
la Rue, signés François, évêque de Genève, et contresignés Decomba.
Nous avons intimé et derechef publié les canons des anciens
conciles, qui défendent aux personnes ecclésiastiques de tenir
en leurs maisons et logis aucunes femmes desquelles la de-
meure et séjour avec eux puisse justement estre suspect; et^
en tant que de besoin , avons faict de nouveau la mesme
prohibition sous peine de rigoureuse punition.
Nous avons donné et donnons pouvoir aux révérends sur-
veillans de ce Diocèse de dispenser de l'observation des festes
commandées es Parroisses qui leur sont commises, selon la
nécessité ; inhibans à tous Curés et autres quelconques , no-
tamment aux officiers laies, de ne point donner telles li-
cences.
I. Dei antiqui» conciliis.
Aiitiquorum conciliorum sacri canones, quibus ecclesiasticis per-
souis, ne suis in domibus suspectas mulîeres retineant, prohibetur,
denunciantor, et iterum promulgantor, et, quantum opus erit, ad
rigidœ punitionis pœnam nova prohibitio lata esto.
II. De dispensationibus.
Supervigilibus diœcesanis, super observatione festorum in parœ-
ciis sibicommissis^ubi nécessitas fuerit^ dispensandi facultas data
esto, omnibus curionibus et quibusvis aliis, preesertim verô officia:-
libus laïcis, ne dent dispensaliones hujusmodi, inhibetor.
120 OPUSCULES
Sur les difFerens qui pourroyent naistre entre les Curez
pour les aumosnes , aux sépultures des fîdelles qui meurent
en une Parroisse et sont enterrés en Fautre, il a esté ordonné
que les luminaires seront partagez esgalement entre les Cu-
rez , qui aussi d'autre part feront des prières et sacrifices pour
le defFunct. Neantmoins le service annuel se fera par le Curé
qui aura ensevely le corps ; au moyen dequoy , le linceul et ,
autres aumosnes des funérailles luy demeureront ; tous au-
tres difFerens estant remis au jugement des surveillans.
Tous Curez enseigneront le Catéchisme de Tillustrissirae
cardinal Bellarmin , les dimanches et festes commandées , à
l'heure qui sera jugée plus propre selon la condition des
lieux; et, pour cet efFect, s'essayeront les jours ouvriers
d'apprendre le mesme Catéchisme aux petits enfants, à fin
qu'ils en puissent respondre.
Les Curez feront vuider leurs Eglises, et notamment les
chœurs d'icelles, des meubles prophanes qui pendant la
III. De exequiis.
Super controversia quge oriri posset inter curiones pro eleemosynis
in exequiis fidelium qui in unâ parœciâ moriuntur, et sepeliuntur itt
altéra, dari solitis, luminaria inter curiones, qui etiam pro defuncto
preces fundent et sacrilicabunt, œquaiiter dividuntor. Curio niliilo-
minus qui corpus sepelierit, annuum officiun» celebrato; et hoc
pacto syndon cœterœque funeraiium eleemosynaB illi remanento. Aliae
quœcumque controveriiisn supervigilum judicio remittuntor.
IV. De Catechismo.
Curiones omnes populum suum Ro'r rii cardinalis Bellarmini Ca»
techismum, dominicis et festis diebus, liurâ opportunà, docento; et
in hanc rem feriatis diebus pueros qui res[Mîadere queant, instruunto.
V. De evacuandis ecclesiis supellectilibus profaris.
Ecclesias suas, prrxsertim choros^ profanis supellectilibus illùe
BE S. FRANÇOIS DE SALES. 12!
guerre y ont été mis en asseurance, et ne permettront par
cy après telles choses y estre mises sans évidente néces-
sité.
Tous Ecclésiastiques suy vront en tout et par tout les décrets
du tres-sainct concile de Trente , et spécialement en ce qui
est de l'Office divin et célébration de laMt- e; et nul ne
sera reçudoresenavant à l'examen pour estre ordonné prestre,
qu'il n'apporte attestation du surveillant de son îieu de sça-
voir exacte m ert les sainctes cérémonies de la Messe selon
i'usage de Trente.
Tout les Curez fourniront ou procureront pour leurs
Eglises des tabernacles , avec des ciboires propres pour re-
poser le tres-sainct Sacrement sur l'Autel; changeront tous
les premiers dimanches du mois les communions qui sont
réservées pour les malades , et ne garderont le sainct Sacre-
ment qui aura esté exposé le jour de la feste Dieu que jus-
ques au jour suivant immédiatement l'octave, auquel ils le
consumeront.
bellorum tempore asportatis vacuari curanto ; nec quidquam deinceps^
absque evidenti necessitate, reponi permittunto.
VI. De observantià decretorum et usuum sancti concilii Tridentini.
Ecclesiastici omnes sacrosancti Tridentini concilii décréta in om-
nibus et per omnia, pecuiiariter autem in iis quœ ad divini oi'licii et
misscfî celebrationem speçtaut, observante. Neim^ in posterum ad
examen pro presbyteratùs ordine, nisi qui supervi^iiis testimonium
circa perfectam usuum sacri concilii scientiara alï'erat, recipitor.
VIL De tabernaculis, ciboriis, et reservatione Eucharistiaî.
Omnes curiones suis ecclesiis ad reponendum augustissimum Eu-
charisliae sacramentum tabernacula et alabastroîs procuranto. Reser-
vatas pro infirmis sacras communiones prima quâque mcnsis domi-
nicù mutanto. Sacramentum quod in festo corporis Christi exposi-
tum i'uerit, postera octavai die consumunto.
122 OPUSCULES
La residance est intimée à tous Curez et ayarjs charge
d'ames (s'ils ne sont légitimement excusez) à peine de priva-
tion de leurs bénéfices ; ceste servant pour la dernière som-
mation.
Est enjoinct à tous Ecclésiastiques de se maintenir en habit
convenable , et d'avoir toujours la tonsure et couronne clé-
ricale en teste , et la barbe couppée sur la lèvre supérieure.
Les tavernes et cabarets sont interdicts à tous Ecclésias-
tiques es lieux de leur residance , sans aucune exception de
quelque prétexte que ce soit , mesmes des appointemens ; et
par tout ailleurs, sinon en cas d'évidente nécessité, auquel
ils s'y comporteront en toute modestie et sobriété.
Leur sont défendus les jeux illicites en tous lieux, et les
licites et autres passe temps es places, carrefours, rues, che-
mins, et autres lieux publics; comme aussi la chasse qui se
faict à course de chiens et avec l'arquebuse, de laquelle le
pcxrt leur est totalement inhibé; et de plus toutes autres
VIII. De residentiâ.
Curionibus omnibus et curam animarum habentibus^ nisi iegiiimè
cxcusentur, sub pœnâ privationis suorum beneficiorum , residentiâ
denunciator.
IX. De'babitu ecclesiastico .
Ecclesiastici omnes habitum modestum et decentem, tonsuram et
coronam clericalem, et barbam insuperiori labro tonsam, gestanto,
X. De cauponis.
Ad cauponas et œnopolia ne accedunto , nec a^^ id ulla exceptio
yiei praitexta causa , eliam litium compositionis suffragator, quod de
loco residentiôe intelligitor : alibi cùm ex necessitate in diversorio
cibum capere continget, modesti et sobrii sunto.
XI. De iusibus et venatione.
Nullibiillicitis Iusibus ludunlo. A licitis in plateis, compitiSj vicis,
ws^ et aliis locis pubiicis, abslinento.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 125
chasses qui se treTiveronl défendues aux laies mesmes , selon
la diversité des lieux.
Tous Curez prendront les huillcs chasque année des mains
de ceux qui sont establis pour les leur distribuer, et les
tiendront en des vases honnestes et non fragiles ; et cens
qui les distribueront, tiendront foole de ceux qui les auront
prises.
Nul Ecclésiastique ne demandera sous aucun prétexte,
quel qu'il soit, tant pieux et dévot puisse-il païuistre, aucun
argent, pour l'exhibition de la tres-saincte Communion, ny
directement ny indirectement , en quelque sorte que ce soit ,
sous peine d'estre cliastié exemplairement.
Nul ne fera au prosne aucune publication des cboses et
négociations séculières et prophanes , ains seulement de celles
qui concernent le service de Dieu et des âmes.
Les Curez ne permettront cy après aux Dames et autres
Cum canibus et catapulta nunquam et nullibi venantor, nec cata-
pultam ullo modo deferunto.
XII. De r^ncto oleo.
Omnes curiones sanctum oleum quotanxiis ab iis qui ad distri-
buendum constituti sunt^ accipiunto, et in vasis mundis nec fra-
gilibus tenento. Et constituti eos qui acceperint , in codicillum
referunto.
XIII. De administrations Eucharistiae.
NuUus ecclesiasticus pro sanctissimse Communionis exhibitione,
sub quovis prœlextu quantumvis pio, pecuniam directe vel indirecte
ullo modo, sub rigidœ et exemplaris castigationis pœnâ, petito.
XIV. De pronao.
Nullus in eâ sacra monitiumculâ seu lectione quam preeconium
Tocant, res et negotiationes sseculares et profanas, sed eas tantiàna
quae Deum et animarum salutem spectant, publicato.
XV. De scamnis ecclesiarum , et vitreaminibus.
Curiones non deinceps nobilibus et aliis fœmîpis^ ut in ecclesia-
i 24 OPUSCULES
femmes de dresser leurs bancs dans les chœurs des églises ,
et procureront de faire oster ceux qui par abus y auroyent
esté mis; comme aussi que les châssis ou vitres de leurs
églises soyent entiers et fermés, notamment ceux qui res-
pondent aux autels, pendant qu'on y célèbre la saincte
Messe.
Nul n'exorcisera doresenavant , s'il n'est spécialement et
de nouveau approuvé; et est deffendn à tous exorcistes gé-
néralement de commander au malin qu'il aye à révéler les
sorciers et sorcières par leurs noms , ny aucune autre sorte
de péché.
Les foires et marchez sont défendus aux Ecclésiastiques,
sinon en cas de nécessité , qui arrive peu souvent ; et en ce
cas se comporteront selon leur qualité , non en marchands et
négociateurs.
Est enjoinct à tous ayans charge d'ames de tenir en bon
estât les registres des baptesmes , mariages et enterremens ,
rum choris sua scamna habeant, aut nova erigant, permittunto. Ut
tollantur ea quae ex abusu erecta fuerunt, procuranto.
Ut Ecclesiarum cancelli vitrei integri sint, ii preecipuè qui altaria
respiciunt, solliciti et providi sunto.
XVI. De exorcismis.
Nemo deincep?^ ^isi peculiariter etrursùmapprobatus^ exorcismis
utitor. Nemo exorcistarum diabolo uti sortilegos nominibus propriis
aut aliquod peccatum revelet, imperato.
XVII. De nundinis.
Nundinas, nisi in necessitate quae rarôcQntingit, ecclesiastici f\t
çiunto. Cùm adesse oportu^mf , non ut iiegotiatores et mercatores,
sed ut veri sacerdotes se geraniO.
XVIII. De ccinmentariis curionalibus.
Graaesanmiarum curam habentes, baptismatum, matrimoniorum.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 125
et d^en r'apporfer à chaque synode des coppies signées dans
nostre greffe.
Les Curez feront publier par trois diverses fois que les
recteurs ou fondateurs des Chappelles qui sont en leurs Par-
roisses ayent , dans un mois après la dernière publication, à
comparoistre par devant nostre vicaire gênerai, pour l'in-
struire du service et moyen d'entretenir les Chappelles ; à
faute de quoy elles seront rasées, et le revenu qui se treu-
vera , appliqué au maistre Autel de la Parroisse , ou à quel-
qu'autre , selon qu'il sera plus convenable.
Les Curez tiendront main à ce que les Chappelains rendent
leur devoir, et les recevront aussi charitablement, leur com-
muniquaus les choses nécessaires à la célébration des Messes,
qu'ils leur permettront de sonner à heure et en manière
compétente.
Les Curez feront au plustost venir par devant eux les
sages femmes de leurs Parroisses, pour les examiner de la
forme et matière du Baptesme, et, si elles l'ignorent, la leur
et sepulturarum commentaria faciunto, et providè conservanto, et
ad synodum signata apographa curiee iiostrae deferunto.
XIX. De sacellorum rectoribus.
Curiones tribus diversis diebus Dominicis in praeconio, uti rectores
oir.nes et fundatores sacellorum in suis parœciis existentium, intra
mensem à die ultimse publicationis, coràm \icariq generali compa-
reant, eum de offieio et modo ea sacella conservaridi /nstructuri (ali-
ter solo œquabuntur, et reditus summo altari parœcise aut alteri ,.
prout congruum erit, applicabitur), publicanto.
Curiones uti sacellorum rectores suo fungantur officio, curante;
eosque bénigne, et sfcundum christianam charitatem necessaria ce-
lebrationi missse, ad quam dari campanae signum rite permittent
communicando, recipiunto.
XX. De obstetricibus,
. Curiones quantô citiùs suarum parœciarum obstetrices, ut de
forma etmateriâbaptismiexaminentur, advocant:. Si ignoraveiint.
f26 OPUSCULES
apprendront , à ce qu'en cas d'extrême nécessité elles puissent
baptiser avec la matière , la forme et l'intention requises.
Est prohibé Tusage des parolles incogneuës, caractères
et signes superstitieux, aux prières et adjurations qui se
font contre la tempeste.
Toute autre façon de prosne que celle qui a esté publiée
par feu monseigneur nostre prédécesseur (que Dieu absolve)
est entièrement prohibée , comme aussi toute autre sorte de
forme d'absolution que celle qui s'ensuit :
PRIERES AVANT l' ABSOLUTION.
Misereatur tid, Indidgentiam , etc,
ABSOLUTION.
Notre Seigneur Jesus-Christ , qui est le souverain pontife,
t'absolve ; et moy, par son authorité qui m'a esté concédée
(quoyque tres-indigne) je t'absous premièrement de tout liea
d'excommunication, en tant que je puis et que tu en as
besoing. Je t'absous de tes péchez, au nom du Père, du Fils,
et du sainct Esprit. Ainsi soit-il.
ot in extremâ necessitate , cum materiâ, forma et intentione baptizare
queant , eas docento.
XXI. De adjurationibus, et de praeconii forma, et de absolutione.
Nemo incognitis verbis aut caracteribus, signisve superstitiosis, in
precibus et adjurationibus quœ contra tempestatem fiunt^ utitor.
Nemo aliam praeconii formam ab eâ quœ ab illustrissimo prœde-
cessore nostro publicatafuit, adriibeto. Nemo item aliam absolutionis
formam, prseter hanc : Misereatur lui, etc, Indulgentiam , etc»
Absolutio.
Dominus noster Jésus Christus , qui est summus pontifex , te ab«
«olvatj et ego auctoritate ipsius mihi hcet indignissimo concessâ,
absolvo te in primis ab omni vinculo excommunicationis, in quantum
poesum et tu indiges; deindè ego te absolvo à peccatis tuis, in no-
Biine Patris, et Filii, et Spiritûs sancti. Amen.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 127
PRIERES APRES l' ABSOLUTION.
La Passion de nostre Seigneur Jesus-Christ, la communion
de la bien-heureuse Vierge Marie et de tous lesSaincts, tout
ce que tu auras faict de bon, et souffert patiemment de mal,
te soit à la remission de tes péchez, augment de grâce, et
recompense de la vie éternelle. Ainsi soit-il.
Il est en fin commandé à tous Curez et Vicaires d'avoir les
présentes constitutions, et les alïiger en leurs sacristies, ou
autre lieu de leurs Eglises oii ils les puissent souvent voir et
considérer.
Preces post absolutionem.
Passio Domini nostri Jesu Christi^ communie beatae Marise semper
■virginis, et omnium sanctorum; quidquid boni feceris, et mali
patienter sustinueris, si^ tibi in remissionem peccatorum tuorum ,
in augmentum gratise , et prœmium vitae seternae. Amen.
Denique curiones omnes et vicarii horum statutorum apographa
habento ; et suis in sacrariis, aut aliis ecclesiarum locis in quibu»
sœpiùs legi et considerarî possint, affîgunto.
128 OPUSCULES
XXII.
SAINT FRANÇOIS DE SALES
AUX CURÉS ET CONFESSEURS DU DIOCÈSE DE GENÈVE '.
Mes tres-chers Frères ,
L'office que vous exercez est excellent , puis que vous
estes establis de la part de Dieu pour juger les âmes avec
tant d'autorité , que les sentences que vous prononcez droi-
tement en terre sont ratifiées au Ciel. Vos bouches sont des
canaux par lesquels la paix coule du Ciel en terre sur les
hommes de bonne volonté ; vos voix sont les trompettes du
grand Jésus, qui renversent les murailles de l'iniquité, qui
<îst la mystique Jéricho.
C'est un honneur extrême aux hommes d'estre eslevés à
cette dignité, à laquelle les Anges mesmes ne sont point
appelles. Car auquel des Ordres Angéliques fut-il oncques
dit : Recevez le saint Esprit ; de ceux desquels vous remet-
terez les péchés, ils seront remis? Cela néanmoins fut dit aux
Apostres, et en leurs personnes à tous ceux qui, par succes-
sion légitime, recevroient la mesme autorité. Estant donc
employés pour cet admirable office , vous y devez nuict et
jour appliquer vostre soin, et moy une grande partie de mon
attention. A cette cause, ayant, il y a quelque temps, fait un
amas de plusieurs remarques que j'estime propres pour vous
ayder en cet exercice , j'en ay extrait ce petit mémorial que
je vous présente, estimant qu'il vous sera bien utile.
* Cette lettre est la 644* de la collection de Biaise.
VK S. FRANÇOIS DE SALES. 129
%<V*VV>\/V/\A>
XXIII.
ADVERTISSEMENT AUX CONFESSEURS*.
CHAPITRE PREMIER.
DE LA DISPOSITION DU CONFESSEUR.
ARTICLE PREMIER.
IM ia disposition intérieure du Confesseur à l'égard de luy-mesme
et à l'égard des Penitens.
Ayez une grande netteté et pureté de conscience, puis que
VOUS prétendez de nettoyer et purger celle des autres , afin
que l'ancien proverbe ne vous serve de reproche ; Médecin ,
gueris-toy toy-mesme; et le dire de l'Apostre : En ce que tu
juges les autres, tu te condamnes toy-mesme.
Si doncques estant appelle pour confesser vous vous trou-
vez en péché mortel, ce que Dieu ne veuille, vous devez pre-
mièrement aller à confesse, recevoir l'absolution; ou, si vous
ne pouvez avoir ce bien faute de Confesseur, vous devez
exciter en vous la sainte contrition.
Ayez un ardent désir du salut des âmes , et particulière-
ment de celles qui se présentent à la pénitence , priant Dieu
qu'il luy plaise de coopérer à leur conversion et avancement
spirituel.
Souvenez-vous que les pauvres Penitens, au commence-
ment de leurs confessions , vous nomment Père , et qu'en
1 Cet avertissement et les suivants f irent dressés dans un synode général
que S. François de Sales tint au mois d'octobre 1603, où il fit plusieurs règle-
ments pour le bon ordre de son clergé, et furent mis au jour la même année.
( Voyez les Statuts du premier synode, pag. 119 et sui^,)
YI. 9
f30 OPUSOELES
effet vous devoî avoir vn cœur patv3rne\ «n leu iHidioli.
les recevant avec un extrême amour, supportant patiem-
ment leur ruiticité , ignorance , imbécillité , tarJiveté el
autres imperfections; ne vous lassant jamais de les ayder et
secourir, tant qu'il y a quelque espérance d'amendement en
•eux. Suivant le dire de S. Bernard , la charge des Pasteurs
n'est pas des âmes ^)rtes , mais des foibles et débiles ; car les
fortes vont assez d'elles-mesmes , mais il faut porter les
foibles. Ainsi, quoyque l'enfant prodigue revinst tout nud,
crasseux et puant d'entre les pourceaux , son bon père néan-
moins l'embrasse, le baise amoureusement, et pleure de.^sus
lui ; pa'xe qu'il estoit son père , et que le cœur des pères est
tendre sur celuy des enfants.
Art. u. De la conduite qu'il faut tenir à l'égard des différentes espèces
de Penitens.
Avez la prudence d'un médecin , puis qu'aussi les péchés
sont les maladies et blessures spirituelles; et considère!
attentivement la disposition de vostre pénitent, pour le
traiter selon icelle.
§ 1. De la manière de traiter ceux que la honte retient.
Si donc , par exemple , vous le voyez travaillé de honte et
de vergongne , donnez-luy asseurance et confiance que vous
n'estes pas ange non plus que luy ; que vous ne trouvez
point estrange que les hommes pèchent ; que la confession et
pénitence rendent infiniment plus honnorable ^'homme, que
le péché ne Tavoit rendu blasmable; que Dieu première-
ment , ny les Confesseurs n'estiment pas les hommes selon
qu'ils ont esté par le passé, mais selon ce qu'ils sont à pré-
sent ; que les péchés en la confession sont ensevelis devant
Dieu et le Confesseur, en sorte que jamais ils ne soient remdr
morés.
DE SAINT rnANÇOIS DE SALES. 131
§ 2. De cenx ^ui n'ont point de honte et de crainte de Dieu.
Si vous le voyez effronté et sans appréhension , faites-luy
Men entendre que c'est devant Dieu qu'il se vient proster-
ner ; qu'en cette action il s'agit de son salut éternel ; qu'à
rheure de la mort il ne rendra compte d'aucune cliose si
estroitement , que des confessions qu'il aura faites ; qu'en
l'aLsolution on employé le prix et le mérite de la mort et
passion de nostre Seigneur.
§ 3. De ceux qui manquent de confiance et perdent courage.
Si vous le voyez craintif, abbatu, et en quelque défiance
robtenir le pardon de ses péchés, relevez-le, en luy mon-
trant le grand playsir que Dieu prend à ia pénitence des
-grands pécheurs; que nostre misère estant plus grande, la
miséricorde de Dieu en est plus glorifiée ; que nostre Sei-
gneur pria Dieu son Père pour ceux qui le crucilîoient, pour
nous faire connoistre que , quand nous l'aurions crucifié de
nos propres mains, il nous pardonneroit fort libéralement ;
que Dieu fait tant d'estime de la pénitence , que la moindre
pénitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait ou-
blier toutes sortes de péchés ; de façon que si les damnés et
les diables mesmes la pouvoient avoir, tous leurs péchés
leur seroient remis : que les plus grands Saints ont esté
grands pécheurs : S. Pierre, S. Mathieu, Sainte Magdelaine,
David, etc. ; et enfin, que le plus grand tort qu'on peut
faire à la bonté de Dieu et à la mort et passion de Jesus-
Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de
aos iniquités ; et que par article de foi nous sommes obligés
de croire la remission des péchés , afin que nous ne doutions
|KHût de îa recevoir , lors que nous recourons au Sacrement
jque nostre Seigneur a institué pour cet effet.
§ 4. Des personnes scrupuieuses qui ne se souviennent pas de leurs péchés.
Si vous le voyez en perplexité pour ne sçavoir pas bien
fj2 OPUSCULES
dire ses péchés, ou pour n'avoir sceu examiner sa conscience^
promettez-luy vostre assistance , et Tasseurez que, moyen-
nant Tayde de Pieu, vous ne laisserez pas pour cela de luy
faire faire une bonne et sainte confession.
Sur tout soyez charitable et discret envers tous les peni-
tens, mais spécialement envers les femmes, pour les ayder
en la confession des péchés honteux.
§ 5. De ceux qui se servent d'expressions grossières et obscures.
S'ils s'accusent d'eux-mesmes, quelques paroles deshon-
nestes qu'ils prononcent, ne faites nullement le délicat ny^
aucun semblant de les trouver estranges , jusqu'à ce que la
confession soit achevée , et lors doucement et amiablement ,
vous leur enseignerez une façon plushonneste de s'exprimer
en ces matieres-là.
§ 6. De ceux qui embrouillent leur accusation par des excuses et des
histoires inutiles.
Si en ces péchés honteux ils embrouillent leur accusation
d'excuses , de prétextes et d'histoires , ayei^ patience et ne les
troublez nullement, jusqu'à ce qu'ils ayent tout dit; et alor&
vous commencerez à les interroger sur le péché , pour leur
faire faire plus parfaitement et distinctement la déclaration
de leurs fautes, leur monstrant amiablement et faisant con-
noistre leurs superfluités , impertinences^ jt imperfections
qu'ils avoient commises en s' excusant , paL.ant et déguisant
leur accusation ; sans toutefois les tancer en aucune façon.
§ 7. Comment il faut en user à l'égard de «ieux qui n'osent s'accuser
des péchés honteux.
Si vous vovez cni'ils avent de la difficulté de s'accuser
eux-mesmes de ces /..ciiés honteux, vous commencerez à les
interroger des choses les plus légères, comme d'avoir pris
plaisir à ouïr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des
pensées ; et ainsi petit à petit descendant de l'un à l'autre, à
DE S. FRANÇOIS DE SALES. ' 133
fçavoii' de l'ouïe aux pensées et des pensées aux désirs , aux
volontés, aux actions : à mesure qu'ils se descouvriront, vous
les ii'f'Z encourageant à tonsjours passer plus avant, leur
<liFrn! pnr telles ou semblables paroles : Que vous estes
hciucux do vous bien confesser ! Crnyrz que Dieu vous fait
une grande grâce. Je cQunois que le saii.t Esprit vous touche
au cœur, pour vous faire faire une bonne confession; ayez
bon courage, mon enfant; dites hardiment vos péchés, et
ne vous mettez nullement en peine : vous aurez tantost un
grand contentement de vous estre bien confessé, et ne vou-
driez pour chose du monde n'avoir si entièrement deschargé
vostre conscience : ce vous sera une grande consolation à
l'heure de la mort, d'avoir fait cette humble confession.
Dieu bénisse vostre cœur qui est si bien disposé à se bien
iiccuser. Eî; ainsi vous presserez tout bellement et douce-
ment leurs belles âmes à faire une bonne et parfaite con-
fession.
§ 8. De ceux qui sont chargés de péchés énormes.
Quand vous rencontrerez des personnes qui , pour des
'énormes péchés, comme sànt les sorcelleries, accointances
diaboliques , bestialité , massacres , et autres telles abomi-
nations , sont excessivement espouvantées et travaillées en
leur conscience , vous devez par tous moyens les relever et
•consoler, les asseiu^ant de la grande miséricorde de Dieu, qui
est iniînimeiil plus grande pour leur pardonner, que tous les
péchés du monde pour damner; cf leur promettez de les
assister en tout ce qu'ils auront besoin de vous pour le salut
de leurs âmes.
CHAP. 11. De la lisposition extérieure du Confesseur et du Pénitent.
S'il y a aucun Sacrement en l'administration duquel il
faille paroistre en gravité et majesté , c'est celuy de la péni-
tence, puis qu'en iceluy nous sommes juges députés de la
134 OPUSCULES
part de Dieu. Vous y serez donc en robbe et surplis , et Tes»
tôle au cou et le bonnet en testé , assis en lieu apparent de
l'église , avec une face amiable et grave , laquelle vous ne
devez jamais changer par aucuns gestes ou signes extérieurs
qui puissent tesmoigner de Fennuy ny du chagrin , de peur
de donner quelque occasion à ceux qui vous verront , de
soupçonner que le pénitent vous dit quelque chose de fas-
cheux et exécrable.
Vous ferez que vostre pénitent tourne son visage à costé
du vostre , en sorte qu'il ne vous voye , ni ne vous parle pas
droit dans l'oreille , ains à costé d'iceîle.
CHAP. III. Des interrogations qu'il faut faire au Pénitent avant la v^onfession.
Le pénitent estant arrivé , il faut avant toutes choses
s'enquérir de luy quel est son estât et condition , c'est à
dire s'il est marié ou non , Ecclésiastique ou non, Religieux
ou séculier, Advocat ou Procureur, artisan ou laboureur ; car
selon sa vocation il faudra procéder diversement avec luy.
Il faudra voir après cela , s'il n'a pas intention de bien
s'accuser de toutes ses fautes sans rien celer à son escient ,.
comme aussi de quitter et détester entièrement le péché , et
de faire ce qui luy sera enjoint pour son salut : que s'il n'a
pas cette volonté, il faut s'arrester là, et l'y disposer, si fair«
se peut : que s'il ne se peut faire , il le faut rer^ oyer, après
luy avoir fait entendre le dangereux et misérable fcstat auquel.
il est.
CHAP. IV. Des choses dont le pénitent doit s'accuser.
C'est un abus intolérable , que les pécheurs ne s'accusent
de nul péché d'evx-mesmes, sinon en tant qu'on les inter-
roge. Il leur faut c^onc apprendre à s'accuser premièrement
eux-mesmes en ce qu'ils pourront ; et puis les ayder et se-
courir par les demandes et interrogations.
DK SAINT FRANÇOIS DF SAL-ES 135'
Ai;t F. Des (lifTôrcntes espèces de péchés dans chaque genre, on des
ci; cuti-Lances qui i-egardent l'espèce e l qui la clKiiigcu
Il ne suifil pas que le pénitent accuse seulement le genre
de ses péchés, comme seroit à dire d'avoir esté homicide,
fuxurieux , larron ; mais est requis qu'il nomme l'espèce :
comme, par exemple ,.s'il a esté meurlrior de son père ou dp
sa mère, car c'est une espèce d'homicide différente des
autres, et s'appelle parricide ; s'il a tué dans l'Eglise, car en
celai! y a sacrilège ; ou bien s'il a meurtry un Ecclésiastique^
car c'est un parricide spirituel, et est excommunié. De mesme
au péché de luxure , s'il a defleuré une vierge , car c'est un
isiupre ; s'il a connu une femme mariée , c'est un adultère ;
et ainsi des autres.
Akt. II. De 1j circonstance du nombre.
Non seulement on doit s'enquérir de l'espèce du péché y
mais aussi du nombre d'iceilx, afin que le Pénitent s'en
accuse, disant combien de fois il a commis tel péché ou
environ plus ou moins , au plus prés qu'il pourra selon sa
souvenance ; ou au moins disant combien de temps il a per-
sévéré en son péché , et s'il y est fort adonné ; car il y a bien
de la différence entre celuy qui n'aura blasphémé qu'une
fois , et celuy qui aura blaspbemé cent fois , ou qui en fait
mestier.
Art. m. Des différents degrés d'un mesme péché.
Il faut de plus examiner le Pénitent sur la diversité des
degrés du péché. Par exemple il y a bien de la différence
entre se courroucer, injurier, frapper du uoing ou avec un
i)aston , ou avec l'espée , qui sont divers péchés de colère»
Item , il y a bien à dire entre le regard charnel et l'attou-
chement deshonneste , et la conjonction charnelle , qui sont
divers degrés d'un mesme péché. Il est vray que celuy
gai a confessé une action mauvaise , n'a besoin de confesser
136 ' OPUSCULES
les autres qui sont nécessairement requises pour faire celle-
là : ainsi , celny qui s'est accusé d'avoir violé une fille une
seule fois , n'est pas obligé de dire les baisers et attouche-
mens qu'il a faits parmi cela et à cette occasion , car cela
s'entend assez sans qu'on le dise; et l'accusation de tels
péchés est comprise en la confession de r~»ction finale du
péché.
'.RT. IV. De la multiplication des péchés dans un seul acte, et du scandale.
J'en dis an mosme des péchés desquels la malice se peut
redoubler et multiplier en une seule action. Par exemple,
ceîuy qui dérobe un escu fait un péché , et celuy qui en de-
robe deux ne fait aussi qu'un péché ; et tout de mesme es-
pèce ; mais toutefois la malice de ce second péché est double
au prix du premier. De mesme il se peut faire qu'avec un
mauvais exemple on scandalisera une seule personne , et
avec un autre mauvais exemple de mesme espèce on en
scandalisera trente ou quarante; et n'y a point de proportion
en l'un et en l'autre péché. C'est pourquoy il faut particula-
riser, tant qu'il se peut bonnement faire, la quantité de ce
qu'on adesrobé, et des gens qu'on a scandalisés par une seule
action ; et ainsi consécutivement des autres péchés, desquels
îa malice croist et decroist selon la quantité de l'objet et de
la matière
A AT. V. Des désirs et des péchés de pure volonté.
Encore faut-il pénétrer plus avant , et examiner le péni-
tent touchant les désirs et volontés purement intérieurs,
comme seroit s'il a désiré ou voulu faire qucilque vengeance,
det'honnesteté , ou semblables choses ; <^ar ces mauvaises
affections sont péché.
Art. VI. Des péchés de pensées volontaires ou deliherées.
' ïl faut passer plus outre , et esplucher les mauvaises
pensées , encore qu'elles n'ayent esté suivies de désirs et
:'7o In voîoTité. Par exemple, ce! ti y qui prend playsir à p('n-
svv en sov-mesnie à la mort, ruine et desastre de son en-
fiemv , encore qu'il ne désire point tels effets , néanmoins,
s'il a volontairem-^nt et h son escient pris délectation et
resjonissance en telles imagination? et pensées , il a péché
contre la charité , et doit s'en accnser rigOTn^^i^sement. C'est
tout de mesme de celoy qui volontairenx'.il a pris playsir
aux pensées et imaginations des voluptés charnelles; car il
a péché intérieurement contre la chasteté , dont il se doit
.confesser, d'autant que s'il n'a pas voulu appliquer son corps
"au péché , il y a néanmoins appliqué son cœur et son ame :
or, le péché consiste plus h l'application du cœur qu'à celle
du corps; et n'est nullement loisible de prendre à son escient
playsii' et contentemejit au péché, ny parles actions du corps,
ny parcelles du cœur.
J'ay Hit , à son escient, d'autant que les mauvaises pen-
' sées qui îioiis arrivent contre nostre gré, ou sans que nous y
prenions entièrement garde , ne sont nullement péchés , ou
ne sont pas péchés mortels.
Art. vil. Des péchés d'autruy dont on est cause.
Outre tout cela , encore faut-il que le Pénitent s'accuse
des péchés d'autruy, à l'exemple de David : car si par
mauvais exemple ou autrement il a provoqué quelqu'un
à pécher, il en est coupable ; et cela s'appelle proprement
scandale.
Au contraire , il faut empescher le Pénitent de ne point
nommer, ny donner à connoistre ses complices au péché ,
tant que faire se pourra.
CHAP. V. Du soin que doit avoir le Confesseur de ne point absoudre ceux
qui ne sont point capables de )a grâce de Dieu.
Le Confesseur après cela doit connoistre si le Pénitent est
capable de recevoir l'absolution , laquelle ne doit estre coa-
f'erée à certaines sortes de personnes, desquelles je vouspro-
138 OPUSCULES
nf^^'ornv nnolqn's exemples, qui vous servironl de lumières
pour îoiiL l(? l'esie.
Art j. Des excommuniés.
Ceux qui sont euexcommunicdtion majeure, le Confesseui-
îie les en peut absoudre sans l'autorité duSupérieui',sinûti
qu'elle i\e t'ust point réservée par iceluy.
Art. II. Des personne.s qui ont des cas réserves.
Item , ceux %\{\ ont quelque péché réservé au Pape , ou
à l'Evesque , ne peuvent estre absous sans leur autorité : il
les faut donc renvoyer à ceux qui ont pouvoir, ou bien les
faire attendre jusques à ce qu'on Fait obtenu, si cela se peut
ayséinent.
Art. .^ri. De ceux ^i sont dans le cas de quelque restiti'''ion ou reparatioôL
Item y les faussaires, faux tesmoins, larrons, usuriers,
usurpateurs , détenteurs des biens , tiltres , droits et hon-
neurs d'autruy ; et de mesme les détenteurs de legs pieux ,
an mosnes, primes , décimes , plaideurs iniques , calomnia-
teurs, détracteurs; et gei^eralement tous ceux qui tiennent
tort au prochain , ne peuvent estre absous , s'ils ne font ré-
paration du tort 'ît dommage en la meilleure façon que
faire se pourra ; ati moins qu'ils promettent de satisfaire par
effet.
Art. IV. Des personnes mariées qui font mauvais ménage ou qui soss^
séparées.
Item, les mariés qui vivent en dissension l un sans l'autre,
ou qui ne veulent se rendre les devoirs du mariage , ne
doivent estre absous, pendant qu'ils t^erseverent cji cette
mauvaise volonté.
Art. V. Des Ecclésiastiques pourvcus de bénéfice? contre les régies, et de ce»>or.
qui ne s'acquittent pas fie \ey^^ «J^voir».
Les Ecclésiastiques mal pourr«us de letaïAs .Wnefiôe^, ô«
DS S. FRA-VÇSTS DE î^ràLEâ.'
qui en ont d'incumpatibles sans légitime dispense, on qm n»î
résident pas sans suffisantes excuses . ou qui font mestier àe
ne point dire rOffice, et ne se vestir eccîesiastiquement; t®us
'•«ux-îà ne doivent estrs absous, qu'ils n^ pïioinsttent d'y
mettre ordre , et corriger tous ces défauts.
Art. VI. De ceux qui sont dans des h^oitudes criminelles.
Ifem, les concubinaires , adultères, yvrognes, ne doivei^
estre absous, s'ils ne tesmoignent un ferme propos, noii
seulement de laisser leurs péchés, mais aussi de quitter
les occasions d'iceux, comme sont aux concubinaires ei
adultères leurs garces, lesquelles ils doivent esîoigner d'e-ux;
aux yvrognes les tavernes , aux blasphémateurs les jeux :
c« qui s'entend de ceux qui font coutume de tels péchés.
Abt. vu. Des personnes qui ont des rancunes ou des inimitiés.
Eniin , les querelleurs qui ont des rancune* et inimitiés »
ne peuvent recevoir l'absolution s'ils ne veulent de leur
costé pardonner et se reconcilier avec leurs ennemis.
CHAP. VI. De la prudence avec laquelle il faut ordonner les restitutioos
et les réparations d'honneur.
Apres donc que le Confesseur a bien connu Testât de là
conscience du Pénitent, il doit disposer et ordonner ce qu'U
voit estre nécessaire pour rendre capable de la grâce de Dieu,
tant en ce qui concerne la restitution du W a d'autruy, et la
réparation des torts et injures qu'il a faites , comme aussi
en ce qui regarde l'amendement de sa vie , et fuite ou esloi-
gnement des occasions.
Art. I. Qu'il faut ménager la réputation /3u Pénitent.
Et pour le regard des réparations et restitutions que l'on
doit faire au prochain , il faut trouver moyen , s'il est pos-
sible , de les faire secrettement , sans que le Pénitent puisse
«stre diffamé ; et par ainsi , si c'est un larcin , il le faut faire
140 OPUSCULES
rendre , ou choses équivalentes , par quelque personne dis-
creUe, qui ne nomme ni décelé en aucune façon le restituant.
Si c'est une fausse accusation ou imposture , il faut procurer
dextrement. que le Pénitent donne , sans en faire semblant,
contraire impression à ceux devant lesquels il avoit commis
ia faute , disant le contraire de ce qu'il avoit dit, sans faire
semblant d'autre chose.
Art. II. Des conjonctures où la réparation est plus difficile.
Mais quant aux usures , faux procès et autres semblables
embrouillements de conscience , il est besoin d'en ordonner
]es réparations avec une exquise prudence , de laquelle si le
Confesseur ne se trouve pas pourveu suffisamment , il doit
doucement demander au Pénitent quelque loisir pour y pen-
ser, puis s'addresser aux plus doctes, comme sont les députés
des quartiers, lesquels , si le cas le mérite , prendront nostre
avis ou de nostre Vicaire gênerai.
Mais sur toutes choses , il faut prendre garde que ceux
desquels on prend le conseil, ne puissent en façon quel-
conque connoistre ou deviner le Pénitent, si ce n'est par son
congé tres-exprés : encore ne le faut-il faire avec son congé,
si ce n'est pas une grande nécessité , et qu'il en prie le Con-
fesseur hors ei après la confession.
CHAP. VII. Qui sont les cas réservés au Pape, et ceux du Diocèse de Genève.
Deux règles à observer à l'égard des Penitens qui ont des reserves.
Art. I. Des cas réservés au pape.
Or, les cas réservés à sa Sainteté sont en assez grand
nombre ; mais néanmoins la plus part sont tels , qu'ils n'ad-
viennent presque point deçà les Monts ■ et quant à ceux qui
peuvent arriver, ils ne sont pas en granù nombre. Il y en a
cinq hors la Bulle in Cœiia Domini.
1 . ïuer ou frapper griefvement une personne Ecclésias-
tique ; parce que , quand le coup est léger et le mal de peu
U'importance , il peut estre absous par l'Evesque ; sinon que
DE S. FRANÇOIS T»E SALES. 141
Ip roT7p , quoy que léger de soy-mesme , fust grandemeiît
ficandaîeiix, comme par exemple , estant dc/nné à un Prestie
faisant TOffice, ou en un lieu et compagnie de grand respect
et conDÎder.^ble.
2. La simonie fit confidence réelle.
3. Le péché du duel en ceux qui appellent, qui provoquent
et aui font le combat.
4. Les violateurs de la closture des Monastères et des
Religieuses enfermées, quand telle violation se fait à mau-
vaise fin.
5. La violation des immunités de l'Eglise; lequel cas
cinquième estant difficile à discerner, et n'arrivant guère
souvent, ettousjours par des actions publiques, ne se décide
presque point en Confession, qu'il n'ait esté décidé hors
d'icelle par les Evesques ou leurs "Vicaires. Les cas de la
Bulle in Cœna Domini qui peuvent arriver, sont aussi pea
en nombre.
6. L'heresie, le schisme, avoir et lire des livres hérétiques,
la falsifisation des Bulles et lettres Apostoliques.
7. La violation des libertés et privilèges de l'Eglise, biens
et personnes Ecclésiastiques, qui se fait volontairement;
l'usurpation des biens des Ecclésiastiques, en tant qu'Ecclé-
siastiques.
Art. II. Des cas réservés dans le diocèse de Genève
Les cas que nous nous sommes réservés sont peu en
nombre.
1 . Quant au premier commandement, nous avons réservé
la sorcellerie et les charmes , ou nouëmens d'éguillettes qui
se font contre Tetfet d^i mariage.
2. Quant au quatrième, nous avons reserve le parricide,
qui se fait tuant ou battant père, mère, beau-pere, belle-
mère.
3. Quant au cinquième commandement, nous avons ré-
servé le meurtre effectué volontairement.
142 OPUSCULES
4. Onant au sixième, nous avons réservé la bestialité et
tsodomie, l'inceste au premier et second degré, et le sacrilège
qui se commet avec les Nonàins et Religieuses, violence et
forcement des filles et femmes.
5. Qoant an septième commandement, nous avons réservé
le bi'uslement olontairement fait des maisons d'aatruy, le
pillement et larcin des choses sacrées.
Art. m. Or pour tous ces cas réservés vous devez observer deux règles.
§ 1. Première règle : consoler les Penitens.
1. C'est de consoler les Penitens qui les auront commis,
'*ît ne point les désespérer; ains les renvoyer doucement à
ceux ausquels nous avons donné le pouvoir, que nous avons
mis en grand nombre en tous les endroits du Diocèse. Car
encore qu'ils ne puissent pas absoudre des cas réservés au
Pape, si est-ce néanmoins qu'ils leur donneront toujours
•idresse pour obtenir l'absolution.
§ 2. Seconde règle qui regarde les moribonds.
2- En cas- d'extrême nécessité et en l'article de la mort,
*oui Prestre, encore qu'il ne soit point admis, de quelque
sorte ou qualité qu'il soit, peut et doit absoudre de tout
péché généralement.
Mesme celuy qui estant malade a demandé le Confesseur,
si après cela il perd la parole , et ne peut donner aucun signe,
il doit estre absous sur le simple désir qu'il a eu de se con-
fesser.
Et de plus on doit absoudre celuy lequel, bien qu'il n'ait
pas demandé le Prestre , le voyant néanmoins et Tescoutant,
donne signe de vouloir l'absolution.
CHAP. VIII. Comment il faut imposer les pénitences, et des coiiseils qu'on
doit donner aux Penitens.
Art. I. Se servir de paroles douces et engageantes.
Le Confesseur doit imposer la pénitence avec des paroles
M S. FRAKÇOIS DE SATXS. î-43
doiic*^s et consolatoires, sur îoni qiiarul il voit Te pécheur bien
repentant, et luy doit toujours demander s'il ne la fera pas
volontiers ; car en cas qu'il le veit en peine , il feroit mier'»
\Le luy en donner une autre plus aisée ; estant beauconp
Rieilleur pour l'ordinaire de traitter les Penitens avec amour
ei bénignité (sans toutefois les flatter dans leurs péchés) que
non pas de les traitler asprement ; et néanmoins il ne faut
pas oublier de faire connoistre au Pénitent que y selon la
gravité de ses péchés, il meriteroit une plus forte peallence,
afîr qu'il fasse ce qu'on luy enjoint plus humblement et dé-
votement.
Art. 11. Que les pénitences ne soient point embrouillées.
Les pénitences ne doivent point estro embrouillées et mes-
iangées de diverses sortes de prières et oraysons , comme par
exemple, de dire trois Pater, une hymne , des oraysons, des
collectes, des antiennes , des pseaumes; ny ne doivent point
estre données en variété d'actions, comme par exemple, de
donner trois jours l'aumosne, de jeusner trois vendredis,
de laire dire une Messe, de se discipliner cinq fois : car il ar-
rive deux inconveniens de cet amas d'actions ou oravsons :
l'un, que le Pénitent s'en oublie, et puis demeure en scru-
pule ; l'autre , c'est qu'il pense plus à ce qu'il a à dire ou à
faire , que non pas à ce qu'il dit ou fait; et cependant qu'il
va cherchant en sa mémoire ce qu'il doit faire, ou dedans
ses Heures ce qu'il doit dire , sa dévotion se refroidit. Il est
donc mieux d'enjoindre des prières toutes d'une mesme sorte,
comme tout de? Paier, ou tout des pseaumes qui soient de
suite, qu'il ne faille pas aller chercher ça et là les uns âpre»
les autres.
Art. m. Que les pénitences soient preiiervativcs.
Et mesme il sera bon de donner quelques-unes de ces
choses en pénitence , comme de lire un tel ou tel livre, qu'oa
^ge propre pour ayder le Pénitent; de se confesser toiijs kt
144 cprscuLES
mois, un an durant: de jc mettre d'une Confi'eri- f^ et sem-
blables actkns, lesquelles ne servent pas seulement de pu-
nition pour les péchés passés , mais de préservatif contre les
futurs.
Art. IV. Conseils qu'il faut donner aux Pénitents.
Et pour le regard des conseils que le Confesseur doit donner
au Pénitent en gênerai, voicy les plus utiles à toutes sortes
de personnes :
Se confesser et communier très-souvent,
Et de choisir un bon Confesseur ordinaire,
Hanter les sermons et prédications ,
Avoir et lire de bons livres de dévotion, comme entre
autres ceux de Grenade ,
Fuir les mauvaises compagnies, et suivre les bonnes,
Prier Dieu bien souvent ,
Faire l'examen de conscience le soir,
Penser à la mort, au Jugement, au Paradis, à l'Enfer.
Avoir et baiser souvent de saintes images, comme de
Crucifix , et autres.
CHAP. IX. Comment il faut donner l'absolution.
Art. I. Exciter le Pénitent à la contrition.
Cela fait, avant que de donner la sainte absolution, vous
demanderez au Pénitent s'il ne requiert pas humblement
que ses péchés luy soient remis , s'il n'attend pas cette grâce
du mérite de la mort et passion de nostre Seigneur, s'il n*a
pas volonté de vivre désormais en la crainte et obeyssance
de Dieu.
Art. II. Advis ponr bien user du fruit de l'absolution.
Apres cela, vous luy pouvez faire savoir que la sentence
de son absolution, que vous prononcerez en terre, sera ad vouée
et ratifiée au Ciel ; que les Anges et les Saints de Paradis se
resjouiront de le voir revenu en îa grâce de Dieu; et que
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 145
partant il vive désormais en sorte qu'à l'heure de la mort il
puisse jouir du fruict de cette confession; et puis qu'il a lavé
sa conscience au sang de l'Agneau immaculé Jesus-Christ,
il prenne garde de ne la plus souiller.
Art. iu. Cérémonies et rit de l'absolution.
Telles ou semblables paroles de consolation estant dites,
vous osterez le bonnet por r dire les prières qui précèdent
Tabsolution. Et ayant proféré ces paroles, Dominus noster
Jésus Christus, vous vous couvrirez et estendrez la main
droite vers la teste du Pénitent, poursuivant l'absolution,
ainsi qu'elle est mise au Rituel.
Art. IV. En quel cas on peut retrancher des prières.
§ 1. De ceux qui se confessent souvent.
Il est vray, comme le dit le docteur Emmanuel Sa, es
Confessions de ceux qui se confessent souvent , on peut re-
trancher toutes les prières qu'on fait devant et après l'abso-
lution , disant simplement : Ego te ahsolvo ab omnibus
peccatis tuîs, in nomine Patris, et Filii, et Spiritûs Sancti.
§ 2. Du grand concours de Penitens.
On en doit dire de mesme , aaand il y a une multitude de
Penitens, et que le temps est court; car on peut prudemment
abréger l'absolution, ne disant sinon : Dominus noster Jésus
Christus te absolvat , et ego auctoritate ipsius absolvo te ab
omnibus peccatis tuis. In nomine Patris , et Filii, et Spi-
ritûs Sancti. Amen,
§ 3. Les Penitens peuvent dire le uonjrreor avant que d'entrer dans
le confessionnal.
Comme aussi quand il y a presse de Penitens qui se con-
fessent souvent , on peut les avertir qu'ils disent le Confiteor
à part eux, avant que de se présenter au Confesseur, afin
^[u'immediatement estant arrivés devant luy, et fait le signe
yi. 10
i46 OPUSCULES
de la Croix , ils commencent à s'accuser. Car ainsi il ne se
fait nulle omission, et Ton gaigne beaucoup de temps.
Art. V. Livre utile aux Confesseurs.
Le Père Valere Reginald, de la Compagnie de Jésus, Lec-
teur en Théologie à Dole, a nouvellement mis en lumière un
livre de la Prudence des Confesseurs, qui sera grandement
utile à ceux qui le liront.
Art. VI. Conclusion.
Voilà, mes chers Frères, vingt-cinq articles que j'ay jugés
dignes de vous estre proposés , pendant que , distrait à plu-
sieurs autres occupations, je n'ay sceu ni les mieux agencer,
ni mettre en escrit le reste. Recommandez toujours mon
ame à la miséricorde de Dieu, comme de mon costéje vous
; esire sa sainte bénédiction.
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 14T
XXIV.
AD VIS
AUX CONFESSEURS ET DIRECTEURS,
Pour discerner les opérations de l'esprit de Dieu et celles du malin esprit
dans les âmes.
Mes Frères , si Dieu vous a destinés à la conduite des amas,
vous devez continuellement lui demander ses lumières, pour
bien connoistre les véritables opérations de son esprit. Si
donc vous avez la direction de quelques personnes favorisée»
de ses dons extraordinaires et relevés , prenez garde.
Premièrement , si elles se portent plus au sens le moins
reçu de FEscriture, qu'à celuy qui pour estre le plus com-
mun est le moins dangereux , parce que FEscriture sainte
est la règle de conduite de Dieu sur les âmes.
•2. C'est encore un effet de Fesprit de Dieu, de jeter ime
grande crainte avec une extrême confiance en ceux qu'il ché-
rit : Fune vient de la connoissance de nostre infirmité, el
Fautre découle du saint amour. Le diable, au contraire, porté
à de bantes pensées, et à des sentiments bien relevés de verta
et (ftrne lionne Tie , persuadant de se reposer en sa propre
suffisance et en ses bonnes œuvres.
3. Mais l'a pierre de touche pour esprouver le bon d'avec
lie mauvais esprit, et faire la différence de celuy qui commence
d^vec Fautre qui estbien avancé, c'est d'estre prompt à souf-
firr; car le mauvais devient pire par les afflictions et mur-
» M. Maupas Dateur évèqnej -du Puy, dit , pag. 217 de la Vie du Saii^
qu'il a composé les a-vis suivants ensuiu dos averlissemeûts aux confesseurs,
qu'il a beaucoup abrégés.
148 OPUSCULES
mures contre la providence de Dieu. Celuy qui commence,
56 fasche d'endurer, et puis il a regret de s'estre laissé saisir
à rimpatience; celuy qui avance , traisne d'abord un peu sa
Croix ; toutefois, quand il regarde son Sauveur et son Maistre
portant la sienne au Calvaire , il la releva , il prend courage,
il se résout à la patience et à bénir Dieu. •
Le parfait , qui est un uiseau plus rare en ce siècle que le
Phénix en l'Arabie , uon seulement attend les affronts , les
persécutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans
témérité, et y court comme au festin des nopces, jugeant
encore qu'il est indigne d'avoir des livrées qui le font prendre
pour un serviteur de la maison de Dieu.
4. C'est encore une marque de l'esprit de Dieu, d'estre
doux et miséricordieux à son prochain, lors mesme qu'il
est plus proche de tomber sous la rigueur de la justice , de
peur de l'ensevelir sous ses ruines. C'est aussi le signe d'un
esprit trompé du diable en ses dévotions ou en sa conduite,
lors que sous certain zèle il fait l'exact juge de tout , et veut
tout chastier, sans user de pitié, et sans aucune clémence.
5. Ne pas qui cr l'exercice des vertus pour les difficultés
qui s'y rencontrent, est encore le signe d'une ame dont le sa-
crifice est aggreable à Dieu ; parce que cette bonté infinie ne
présente point d'espées flamboyantes , pour empescher l'en-
trée de son Paradis à ceux qui le cherchent purement ; et
bien qu'il permette que ses eslus soient dans les rigueurs,
dans les souffrances, et dans les Croix, il les remplit de tant
de grâces , de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres-heu-
reux et avantagés de patir pour l'amour de luy. Le diable ,
au contraire, leur fait voir une vengeance effroyable en Dieu ,
pour punir leurs moindres défauts; il leur présente une
colère et une rigueur extrême en celuy qui ne peut entendre
crier la moindre de ses créatures, sans luy donner du secours,
et qui se rend à la première larme qui sort d'un cœur véri-
tablement contrit. Mais prenez gardo à la ruse de nostre
DE S. FRANÇOIS DE SALES. i 49
eriT^omy : avant que de les avoir portés au péché, il leur
présente Dieu sans mains et sans foudre ; et quand il les a
renversés par terre , il le fait venir en leur imagination en-
vironné d'éclairs et de flammes, et tout couvert de feu
pour les réduire en cendre.
6. Examinez encore si ces personnes se perdent en leur
propre estime, en relevant leurs grâces et leurs propres dons,
et lesquelles au contraire traitent avec mespris ou tiennent
pour suspectes les faveurs que Dieu départ aux autres , car
la marque la plus asseurée de la sainteté, c'est quand elle est
fondée sur une vraye et profonde humilité et une ardente
charité. Les opérations surnaturelles, dit S. Bernard, se
peuvent aussi bien faire par les personnes hypocrites que par
les Saints. Les humbles de cœur en font reconnoistre la so-
lidité et la vérité.
7. Et pour ce qui regarde les personnes trompées, Dieu
mesme (si vous les en croyez) leur sert de garant et de couver-
ture. Mais observez leurs paroles spirituelles : en matière de
ces expressions extraordinaires, soyez bien sur vos gardes.
Par exemple , quand elles disent : Je suis assurée de ce que
Dieu veut de moy ; il vous avertit par ma bouche de ce qui est
nécessaire à vostre salut et à vostre conduite; faites cela par
mon advis; j'en responds devant Dieu; et semblables paroles
qui marquent un esclaircissement des choses intérieures, et
une conversation dans les Cieux : jugez avec discrétion si
leurs actions sont conformes è iqs> hautes lumières.
8. Voyez aussi si le rapport qu'on fait à ces personnes de
l'infirmité d'autruy , leur donne plus de mouvement d'in-
dignation et d'horreur, que de compassion et de pitié de
leur misère ; parce que c'est un faux zèle de s'escrier contre
la vice de son frère , d'en descouvrir les défauts sans neces-
^té , et contre la charité. Telles personnes d'ordinaire pen-
sent faire admirer leur vertu , en publiant les fautes du
prochain.
i50 OPUSCULES
9. De plus, examinez si, lorsqu'on parle de Dieu , ces per-
lonnes s'esgarent en des termes affectés , voulant faire voir
çue leur feu ne peut demeurer sous la cendre , et que par
cette estincelle on pourra découvrir les brasiers qui sont en
leur intérieur.
10. Si vous voulez probablement juger si ces âmes ont de
vrais sentiments de Dieu , et si les grâces qu'elles disent re-
cevoir de sa bonté sont véritables , voyez si elles ne sont point
attachées à leur propre jugement et à leur propre volonté ,
et à ces mesmes faveurs; mais au contraire, si elles leur
donnent du soupçon, et les laissent irrésolues jusqu'à tant
que par l'advis de leurs Directeurs et de plusieurs personnes
pieuses, doctes, et expérimentées, elles soient confirmées en
la créance de ce qu'elles doivent estimer de tout cela : car le
saint Esprit chérit sur toutes choses les âmes humbles et
obeyssantes; il se plaist merveilleusement à la condescen-
dance et à la sousmission, estant Prince de paix et de con-
torde. Au contraire, l'esprit de superbe donne de l'asseurance,
€t rend ceux qu'il veut tromper, fiers, opiniastres, et fort ré-
solus; et leur fait tellement aimer leur mal, qu'ils ne crai-
gnent rien à l'égal de leur guerison, leur persuadant que ceux
qui leur parlent portent plus d'envie à leur bonheur que
i'affection à leur salut. Tel est le génie des novateurs.
11. Enfin, pour conclure tout ce discours, voyez si ces
personnes sont simpleb '^t véritables en leurs paroles et en
leurs actions; si elles ne recherchent point de produire
leurs grâces, sans qu'il soit nécessaire ; si elles désirent ce
qui éclate à l'extérieur.
12. C'est, tout au contraire, un effet de l'heureuse con-
duite du Père des lumières, d'inspirer par des sentimens
mterieurs , se couler doucement dans l'ame , et y descendra
comme la pluye sur la toison. Saint Jean Chrysostome dit
qu'à la vérité, Dieu fit entendre aux Hébreux ses commande*
ments avec de grands effrois ei plusieurs bruits de tonnerre»
\
DE S. FRANÇOIS DE SALES. tM^
IVIais il le falloît , pour espouvanter des gens qui ne se fusssent
pas rendus à composition que par crainte ; et que d'autres
part nostre Seigneur vint doucement à ses Apostres , qui
cstoient plus dociles et moins ignorants des mystères divins.
Il est vray qu'il y eut quelque son et un petit bruit ; mais
Dieu le permit à cause des Juifs, et pour des raisons mar*
quées en l'Escriture Sainte
152
OPUSCULES
XXV.
MANIÈRE
DE FAIRE LE CATECHISME,
DONNÉE PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES.
On convoquera le peuple par le son de la cloche avant
vespres, d'assez bonne heure pour que le catéchisme puissa
employer deux heures, surtout en esté.
Le signal de la cloche estant donné , le portier ouvrira
l'escole ou Teglise, arrangera les bancs, et attendra à la
porte ceux qui viendront ; il introduira les enfans, et leur
apprendra la façon de saluer, en sorte qu'ils sçachent dire^
Dieu nous donne sa paix , et former le signe de la Croix
avec de Peau bénite , comme aussi reciter l'orayson domi-
nicale et la salutation angelique; ou, s'ils ne sont pas cap»-
blés de cela, il taschera pour le moins qu'ils fassent la génu-
flexion au tres-saint Sacrement devant le grand autel ; âpre*
cela il les enverra à leurs bancs.
I. De horâ Catechismi.
Convocabitur populus ante vesperas campanee signo , adeô mature
Ht catechismus duashoras habere possit, sestivis prsesertim diebus..
II. De Janitore.
Dato campanse signo, janitor scholam sive ecclesiam aperiet, dis^
ponet scamna, et ad januam venientes exspectabit ; introducet can-
didates, docebit eos salutandi morem, ut dicant, Deus det nobis
suam pacem, et ad formandum cum aquâ luslrali signum cruciS;
recitandamque orationem dominicam et angelicam salutationem;
?el, si idonei non sint, curabit ut coràm augustissimo Sacramento
ante majus altare genuflectant> vUnndè eos ad sua scamna mittet.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 153
Le Prieur chargera quelques autres frères de secourir le
portier; ceux-cy feront la mesme chose que luy. Ce Prieur et
les autres officiers feront en sorte de se trouver de honne
heure à l'escole, et auront soin que les enfans soient ins-
truits, et observent le silence. On les enseignera autant de
temps que le Prieur le jugera à pr-'^os. Il prendra garde
que chacun fasse bien sa charge et uu..e; il désignera ceux
qui doivent respondre et disputer, choississant toujours les
aiieux instruits et les plus capables.
Le sous-pri^ur et le moniteur prendront garde pareille-
flaent qu'il ne se fasse point de bruit ; et lorsqu'ils s'en
apercevront , ils feront un signe au silencier pour qu'il y
mette ordre. C'est pourquoi ceux-ci se tiendront en divers
endroits de l'escole, et y demeureront, à moins que le Prieur
n'eust à conférer avec eux pendant que les autres enseignent.
Lors qu'on aura ainsi employé quelque temps, et que les
maistres , qui pour l'ordinaire auront quatre ou six enfants,
auront en une entière liberté de les instruire, le Prieur don-
MW<*WlllllWl I II ■■!■»■■ Ml*—— MWi—— —Il ■!■■!■ Mi»il »m>n ^^^>^l. ii^ii^lw.—^— ■■»■—■■ .«IM — M W ■ » ■ ii ^W»
III, De Priore.
Ad janitoris auxilium constituet Prior fratres alios, qui idem
faciant ; et is Prior aliique operarii meturè ad scholam ire debent, et
esse solliciti , ut venieutes pueri doceantur, observentque silentium.
Tanto tempore docebitur quanto Priori videbitur ; qui observabit ut
omnes munus suum exerceant ; et nisi ab ofticio suc impedialur,
consignabit lesponsuros et disputatores , eligetque semper perspi
caciores et magis idoneos.
IV. De Sub-Priore, Admonitore , Silentiario, Magistris, ac de initie»
Catechismi.
Sub prior et admonitor invigilabunt pariter ne quis rumor fiât , et
cùm adverterint, tacite silentiario signum dabunt. Quamobrem h
manebunt in diversis scholse partibus, nisi forte ,,.dùm alii docent,
prier cum iis aliquâ de re confene vellet. Post aliquod temporis spa-
timn sic insumptum, ità ut magistris intégra docendi libertasfuerit,
qui quatuor aut sex ex more pucros habebunt ^ Prior siguum dabit
154t. OPUSCULES
nera le signal avec la sonnette , et se mettant à genoux il en
fera faire autant aux autres ; après quoy il recitera l'orayson
qu'on a coutume de dire avant la dispute; et ayant pris avec
ses enfans la bénédiction du Prestre , s'il y en a quelqu'un ,
il les fera monter en un lieu eminent d'oii ils puissent estre
veus , les uns d'un costé, les autres d® l'autre.
Ces enfans ayant fait le signe de la Croix , et prononcé les
paroles à haute voix, reciteront la partie du catéchisme qui
leur aura été assignée, ceux-cy en interroge^mt, ceux-là
en respondant. Il les fera quelquefois arrester, et leur de-
mandera ce qu'il voudra, pour les rendre parce moyen plus
advisés el plus attentifs. Qu'il prenne garde, au reste, que
la dispute se fasse sur les choses qui auront esté dites ; et
pour cette raison tous les enfants d'un mesme ordre ou d'une
mesme classe seront assis dans un mesme lieu , afin que sans
perdre de temps il puisse interroger chacun selon ce qui
eschéera. En suite , prenant occasion de parler de ce qui aura
esté recité, il fera un petit discours et un abbregé de tout
cela, afin que tous puissent mieux imprimer cette doctrine
cum campanulâ^ et genuflectens^ tùm orationem fieri ante disputa-
tionem soUtam recitabit; et accepta suis cum pueris à Sacerdote, si
aderit, benedictione, jubebit illos in aliquem locum undè videri ab
omnibus possint, ascendere, ex unâ parte et ex altéra.
V. De Recreatiorie, Disputatione et Sermone.
Hi, formato signo crucis, et prolaîis altâ voce verbis, eam cate-
cliismi partem quœ assignata fuent rccitabunt; isti interrogando,
illi respondendo. Aliquando jubebit sistere, et quod libebit petet,
ut eâ ratione cautiores et magia attentos efficiat. Advertat nihilominùs
ut disputatio de iis quœ dicta fuerint liât : quare omnes ejusdem
ordinis et classis candidati sedebunt in eodem loco, ut absque tem-
poris jacturâ ab unoquoque petere possit, prout accidet. Et occa-
sione capta eorura quai recilata fuerint, brevem sernionem faciet et
compendium, que faciliù^ omae^i doclriuam iilum suis imprimant
DE s. FRANÇOIS DE SALES. 155
dans leurs espiils ; et s'il ne peut pas le faire, il en priera
quelqu'un des maistres ou des officiers.
Cela estant fait, on lira les petits règlements qui regardent
les bonnes mœurs , et qui sont à la portée de tous ; après
quoy on fera la prière en la manière qui aura esté ordonnée.
Enfin, si l'on n'est pas obligé de marquer les absents, ou
corriger quelqu'un , il renverra ses enfans , en les advertis-
sant d'estre modestes, de se ressouvenir des cboses qui
auront esté dites , et de revenir de bonne heure ou premier
jour de feste suivant. Il donnera des recompenses à ceux qui
auront esté diligens et modestes, par exemple, des images
lie dévotion , des chapelets , des médailles , et autres choses
semblables ; car il fera par ce moyen qu'ils se comporteront
toujours de mieux en mieux.
Le chancelier marquera les absents dans un catalogue ;
ou, s'ils sont malades, il en fera le rapport au Prieur et aux
autres officiers. Apres cela on entendra le sermon ou l'ex*
iortation qui se fera par le Prestre.
mentibus : si hoc ipse prœstare nequiverit , ab uno ex administris aut
magistris fieri curet.
VI. De Lectione Constitutionum , Oratione, Monitionibus, Praemiis, etc.
Quo facto , legentur constitutiones parvae bonorum morum , quas
omnes iiitelligunt : deinde fiet oratio prout prœscriptum fuerit. No-
Tissimè, nisi notandi absentes essent^ vel corrigendus ahquis, pue-
ros suos dimittet, monendo ut modesU sint, eorum quee dicta fuerunt
recordentur, et-çroximo sequenti Cre festo mature veniant. lis qui
studiosi fuerint et modesti, prœmia tradet, ut pias imagines, ro-
saria, numismata^ et his simiha : hoc enim pacto fiet ut meUùs
•emper se gérant.
VII. De Catalogo, Cancellario, et Exhortatione seu Sermone.
Cancellarius notabit in catalcgo absentes , vel si iniirmentur,
deferet ad Priorem et aUos. Post hœc audietur sermo seu exhortatio
qnœ à Sacerdote fiet.
156 OPUSCULES
Une fois tous les mois, pour le moins, le Prieur enverra
quelqu'un des officiers ou des maîstres à la Congrégation
générale ou diocésaine, pour faire le rapport de Pestât et
des nécessités de son escole. Toutes les escoles se visiteront
pareillement les unes les autres par commission donnée à
quelqu'un des leurs, afin qu'il se fasse une sincère et sainte
communication de tous leurs avantages et utilités spirituelles,
à la plus grande gloire de Dieu.
VIII. De Visitationibus reciprocis.
Singulis mensibus semel ut minimum, Prior mittet aliquem ex
administris vel magistris ad Congregationem generalem seu diœce-
sanam , qui suae scholse statum et nécessitâtes déférât. Sicut et sin-
gulas singulas scholae visitabunt per aiiquos ex suis candidatis, ut
fructuum et utilitatum spiritualium , ad majoiem Dei gloriam, sin-
ceia et pia possit asse communication
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 157
XXVI.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A QUELQ'yES DIOCESAINS.
Instructions sur certaines pratiques dans l'administration des sacrements
d'Eucharistie et de Mariage, et en particulier sur l'usage de la coupe.
1603.
Messieurs , ayant sceu que vous prennes quelque sorte de
scandale de quoy Ton vous donne l'ablution dans un verre
après que vous aves communié , et parce que Ton conduit
les espoux' et espouses devant l'autel pour célébrer le ma-
riage , je vous ay voulu faire ces deux motz , pour vous ex-
horter de ne point vous faire ce tort à vous-mesmes , que de
croire que ce que l'Eglise nostre Mère ordonne puisse estre
mauvais ou inutile.
Or, elle ordonne que les laïcques reçoivent la communion
sous l'espèce du pain seulement, en laquelle ils participent
neantmoins parfaitement au corps et au sang de nostre Sei-
gneur, tout autant comme s'ils le reçoivent encore sous
l'espèce du vin ; puis que ce mesme Sauveur a dit : Qui me
mange, il vivra pou?' moy ; et, Qui mange ce pain vivra eter'
nellement^. En sorte que ce qui se boit après la Commu-
nion parle peuple, ce n'est pas le sang du Sauveur, mais
seulement du vin , qui se prend pour laver la bouche , et
faire plus entièrement avaler le précieux corps et sang desja
* C'est la 48e de la collection Biaise , et la 63« du liv. II. des anciennes édit,
»Jean, VI, 58,69.
158 OPUSCULES
receu en la tres-saînte Communion. C'est pourquoy ceia ne
doit pas estre présenté dans le calice , mais dans un autre
vase , ou de verre> ou autrement. Que si par cy-devant il a
esté autrement fait , c'a esté par abus , et par la nonchalance
et paresse des officiers de ï F^lise , et contre Fintention de
l'Eglise mesme.
Et quant au Mariage , il n'est pas raisonnable de le célé-
brer ailleurs que devant l'Autel, puis que c'est un sacrement
si grand *, et que ceux qui le reçoivent ne sont pas hors
de l'Eglise , comme les petits enfans qu'on apporte au Bap-
tesme , ains sont desja baptisés , et par conséquent introduits
en l'Eglise et à l'autel.
Laissés-vous donc conduire, mes Amis et Frères, comme
de bonnes brebis , à ceuv aui , sous mon autorité et celle du
saint Siège Apostolique, vous ont esté donnés pour Pasteurs ;
et Dieu vous bénira , ainsy que je l'en prie , estant de tout
mon cœur, vostre, etc.
t Sacramentum hoc magoum «st. Ephes.^ V« %'<
LE S. FBANCOTS BE SALES. 'iZ9
XXVII.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A SA SAINTETÉ LE PAPE CLÉMENT TIII.
il rend compte au saint Père de l'état de la religion dans son diocèse ; et,
reprenant de plus loin le fil de sa nari-ation , il décrit les irruptions des
Luthériens de Berne et de Savoie , l'henreux succès des négociations dans
les affaires de la foi; il loue le zèle du duc de Savoie.
Annecy, 15 novembre 1603.
Tres-saint Père,
Puisque raffermissement de la république chrétienne
dépend, après Dieu, du soin toujours vigilant du Saint-Siégfe
apostolique , il importe aussi beaucoup qu'on lui fasse un
Odèle rapport de tout ce qui se fait dans tous les lieux de sa
juridiction, pour le bien et Fhonneur de la sainte Eglise ; de
peur qu'abusant de la charité inséparable de la dignité du
souverain Pontife, et de la multitude innombrable de ses
occupations , on ne surprenne sa religion , faisant passer à
* C'est la 2* du livre I" des anciens recueils, et la 49^ de la collection
Biaise.
Repetito altiîis principio, Bernejisium Lutheranorum irruptionem in Sabau-
diam; res benè et féliciter in causa fidei gestas; multa capitum millia ai
Pétri caulas revocata ; Carolum Emmanueiem non raod6 imperatorem in-
victissimum, sed etiam coûcionatorem potentissimum, describit.
iBeatissime Patfff.
Cùm rerum christianarum firmitas à Sanctae Sedis Apostolicse soHh
citadine, secundùm Deum, pendeat, multùm sanè interest, ut qu»
in rem Ecclesiaidi&linctisj^ai>siin4ocsigeruiitur, verè et ex lide apii4
^ fiO OPUSCULES
son tribunal pour vrai ce qui est faux , et pour faux ce qui
est vrai.
C'est pourquoi, comme dans ce diocèse, dont la charge
m'a été confiée par le Saint-Siège, il s'est fait de nos jours un
très-grand et très-heureux changement dans les affaires de
la religion, je ne crois pas pouvoir me dispenser d'en faire à
votre Sainteté un récit naïf, exact et particularisé; et, pour
la mettre encore mieux i^-'- fait de cette narration , il est né-
cessaire que je reprenne les choses de plus haut, afin qu'il
n'y manque rien pour la rendre intéressante.
Dans le temps que François I", roi de France , s'empara
de la Savoie, les Suisses du canton de Berne, qui depuis peu
étoient infectés du poison de l'hérésie luthérienne et zuin-
glienne , firent une irruption dans les contrées de la Savoie
les plus voisines de la Suisse , et engagèrent le peuple de
Genève à secouer l'aimable joug de Jésus-Christ, et se révol-
ter contre leur légitime souverain, et à changer la forme de
leur gouvernement en une malheureuse démocratie. Or,
cette république , qui est la retraite de tous les brigands et
de tous les gens bannis de leur pays, est aujourd'hui le sap-
eam proferantur; ne scilicet, objecta summaB illius curae pastorah,
vera pro falsis, aut falsa pro veris exponantur.
Quamobrem , cùm in hâc diœcesi, quœ mihi Sedis ApostoHcœ
voUintate commissa est, maxima facta sit his nostris temporibus
rerum in melius rnutatio; na. debeo committere quin de vero illa-
rum statu, quàm potero, cic^'è et distincte, omninô autem ex veri-
tate, apud Sedem Apostolicam neinùtionem deferam. Ea autem ut
plena sit, paulô altiiàs ordiar necesse est.
Quo tempore Gàliorum rex Franciscus ï omnem propemodùm
Sabaudiam occupavit, Berncnses Hehetii, Lutheranâ ac Zuinglianâ
lue non ità pridem int'ecti, in partem Sabaudiœ sibi viciniorem
irruptionem fecerunt , animosque civibus Gebennensibus addiderunt,
ut Christi suavissimum jugum ac proprii principis imperium excute-
rent, ac in istain seditiosam democratiam quâ nunc vexantur, spe-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. iCl
pîice de ses propres citoyens, par les séditions qui l'agitent
continuellement.
Mais comme les armes des François avoient donné lieu à
cette irruption et à cette tyrannie des Bernois, par la même
raison la paix , qui se fit entre le roi de France Henri II, fik
de François P% et Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, et la
condition du traité, que tout ce qui avoit été pris sur l'enne-
^li seroit rendu , furent cause que If^s Suisses songèrent à
restituer les provinces qu'ils avoient envahies.
Néanmoins ils ne purent se résoudre à une entière restitu-
tion ; et s'ils en rendirent une partie, ce ne fut qu'à des con-
•ditions désavantageuses au duc de Savoie, qui , n'étant pas
•en état de se faire droit par la force des armes, fut contraint
d'accepter les conditions qu'on lui offroit, et de terminer le
différend à l'amiable. Il fut donc conclu que le duc repren-
droit les quatre bailliages de Thonon , de Ternier , de Gail-
lard et de Gex , qui environnent la ville de Genève, avec
'Cette clause expresse, qu'il ne s'y feroit aucun exercice de la
religion catholique : condition tout-à-fait injuste; mais, eu
luncam scilicet latronum et exulum , infelici mutatione dege^
perarent.
Verùm, ut à Gallorum armis initium duxerat Bernensium irruptife
et tyrannis in nostros Sabaudos, ità etiam pax, cum condilione
rerum restituendarum in integrum, inter Henricmn II, Francisci
Tegis filium, et Emmanuelem Philibertuni Sabaudia?. duceni, ansani
dédit Bernensibus de restitutione provinciarum quas occupavevan!^
seriô cogitandi.
Adduci tamen non potuerunt, ut omnia qiun ceperant redderent,
nec ut ea quœ restituere parati erant sine injiistà conditione remit-
terent. Quare cùm res non ferret, iit tune cum eis armis decernev
retur, actum factumque est, ut dux reciperet quatuor illa quaB vocant
balliagia, Thononense, Terniense , Galliardense et Gaianum, sive
Gexense, quse quatuor ex partibus civitatem Gebennensem cingunt,
illique circùm circà obvolvuntur; boc tamen addito pacto, nulia ut
in eis calholicaî religionis officia celebrarentur : iniqua plané coa-
Vi. 11
162 OPLSGTILES
égard à l'état présent des affaires, et dans l'espérance d'ane
meilleure conjonclure, elle parut encore tolérable, et on ea
demeura dans ces termes.
Cependant le duc Philibert, qui étoit un prince catholique^,
pensoit incessamment au moyen d'anéantir cet article du
traité ; mais en vain , parce que la divine providence n'en
vouloit pas faire Tinstrument de ses miséricordes : elle avoit
réservé cette gloire à son lils Charles-Emmanuel. Voici
comme la chose arriva.
Il y avoit quelques années que les Suisses du canton de
Berne et les Genevois avoient fait alliance avec la France.
Ayant rompu, en conséquence de leur traité, la foi donnée
antécédemment à la dernière paix, ils sont venus fondre de
nouveau sur les quatre bailliages dont j'ai déjà parlé, par la
plus noire periidie ; mais cette pertîdie-là même a causé un
grand bien , puisque le duc de Savoie en a su profiter pour
faire revenir ces peuples de leurs égarements. Néanmoins,
con)me cette affaire dépendoit , selon l'ordre de la Provi-
dence , des efforts et des lumières d'un grand nombre de
personnes, elle ne put être terminée qu'après beaucoup de
travaux et des guerres longues et sanglantes, où l'on com-
ditio, sed spe melioris eventûs toleranda^ et illorum temporum ac
rerum conslitutioni congruens.
inter hœc Emmanuel PliiUbertus dux, ut erat apprimè cathoHcus^
nulliim cogKandi finem facit quânam demùm ratione iUius coiidi-
tionis vexationem redimere queat; sed frustra _, cùm divina provi--
deiîtia non illi tantum honorera^ sed Carolo Emmanueli fdio desti-
nasset.
(>ùm ergô , ante ahquot annos , Bernenses et Genevenses cum
Galiis copias conjunxissent, iide priorum contractuum fractâ, iterùm
in eadem balhagia impetum armis faciunt, pertidiâ sanè, quoad
dici potest, plané faustâ et opporiunâ_, quandô dux, violatae lidei
occasione, invioiatai fidei populos illos restituit. Gui tamen operi ne
multorum hominum mérita deessent, illud sine multis ac diuturnis
beiiorum iaboribus, multoque sparso hinc indè sanguine, perfici?
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 10.1
battît de part et crautie avec des succèi^ bien différents^
selon le caprice des armes. Enfin on convint d'une trêve
entre les parties, lorsque le duc étoit déjà en possession des
deux bailliages de Thonon et de Ternier.
Aussitôt que son Altesse vit les affaii'es changer de face, et
prendre un air de consistance, se sentant délivrée de l'injuste
condition ci-dessus mentionnée, elle fît savoir, presque dans
le temps même de la conclusion de la trêve, à mon prédéces-
seur, de sainte mémoire, que son intention étoit qiiïï en-
voyât des prédicateurs orthodoxes, pour travailler à la con-
version des peuples des deux bailliages, parce qu'elle vou-
loit que la religion catholique y fût rétablie.
Ce digne prélat reçut cette nouvelle avec une joie qui ne
peut s'exprimer , et envoya sur-le-champ au bailliage de
Ternier deux missionnaires, l'un desquels étoit de l'ordre de
S. -Dominique, et l'autre de la société de Jésus; et au bail-
liage de Thonon deux autres pris de son église cathédrale ,
savoir Louis de Sales, maintenant prévôt de ladite église, et
moi , qui en suis aujourd'hui l'évêque bien indigne , et qui
en étois pour lors prévôt.
non potuit, dùm, pro arnrorunT vicissdtndine^ varie ab utrâque
parte decertatum est. At tandem aliquando induciee fiunt^ cùm dux
balliagia duo, Thononense et Temiense, jam teneret.
Nulla mora : rébus vix stantibus, Carolus Emmanuel, iniquâ
conditione liberatum se sentiens, in ipso propemodùm induciarum
articulo, episcopum pra^decessorem meum( cujus memoria in bene-
dictione est) statim monet ut caiholicos concionatores illis populis
convertendis immittatj velle se omninô catholicam religionem illis
restitui.
Episcopus, minim in modum gavisus, Terniensi balliagio duos
concionatores, unum ex Dominicanâ familià, alterum è societate
Jesu addicit; Thononiensi autem duos è sua cathedrali, Ludovicum.
de Sales, qui nunc pra;positus et ipsius ccclesiœ, etme, nunc quiclem;.^
episcopum indignum,lunc autem prœpositum.
16-1 npT-SCTTT.nS
Je parle donc de ce que i';n \ u , et pour ainsi dire , de ce
que mes mains onf touché.- eu sorte qu'il faudroit que
j'eusse perdu tout honneur si je ne disois pas la vérité , ou
que je n'eusse pas l'ombre du bon sens si j'en ignorois la
moindre circonstance
Nous n'eûmes pas plus tôt mis le pied dans ces champs
évangéliques , que nous aperçûmes de .toutes parts les ra-
vages de l'hérésie. Dans toute l'étendue de soixante-cinq pa-
roisses , qui contenoient bien des milliers d'âmes , l'on n'eût
pas trouvé seulement cent catholiques, si l'on excepte cepen-
dant les officiers de son Altesse, qui n'en vouloit point avoir
à sou service qui ne professassent la véritable religion.
On ne voyoit que des églises désertes, pillées ou détruites,
que des croix abattues, pulvérisées, anéanties, que des
autels profanés et renversés : à peine pouvoit-on trouver
quelque vestige de l'ancienne religion et de la foi orthodoxe:
les ministres, c'est-à-dire les docteurs de l'hérésie , n'étoienf
occupés partout qu'à troubler les familles, en y introduisant
leur doctrine , et s'emparant des chaires dans la vue d'un
gain sordide et d'une infâme avarice.
Les Bernois et les Genevois , et autres semblables enfants
Jam ergô de eo quod vidi loquor, et quod , ut ità dicam , manus
mese contrectaverunt, ut sim impudentissimus si mentior, impru-
dentissimus si rem nescio.
Igitur cùm balliagia illa ingressi sumus, misera ubique rerum
faciès apparebat. \idebamus enim sexaginta quinque parochias^ in
quibus, exceptis duels oflicïariis, quos semper habuit catholicos, ne
centum quidem ex toi hominum miliibus catho-''''i inveniebantur.
Templa partim diruta, partini nuda; nulUbi crucis signa, nullibi
altariaj ac ubique ferè omnia antiquœ et verœ fidei deleta vestigia.,
ubique ministri, ut vocant, hoc est, haeresis doctores , domos ever-
tentes, sua dogmata ingerentes, cathedras occupantes, turpis lucri
grali:!.
Berneases, Genevenses, et id genus perditionis fiiii, per suoi
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 165
de perclition , menaçoient Iv- pciîpÎG [)ar leurs émissaires, à
aessein de le détourner d'entendre nos prédications. Ils
cnoient incessamment que les trêves n'avoient rien de solide
ni de durable ; que la paix n'étoit point faite ; que bientôt
on chasseroit du pays et le duc et les prêtres ; que leur parti
enfin prendroit le dessus avec plus de force que jamais , et
seroit désormais à couvert de toute insulte.
Loin que nos missionnaires fussent découragés par tant
d'etïorts de l'enfer, ils redoublèrent leurs soins et leurs tra-
vaux ; et s'attachant d'abord aux plus qualifiés et aux prin-
cipaux seigneurs des contrées infectées , ils vinrent à bout ,
avec le secours de Dieu, d'en retirer quelques-uns du gouffre
ile l'hérésie , et de les ramener au port de la communion
catholique. Au moyen de cela, on parvint à ériger six pa-
roisses seulement , à savoir, trois dans le pays de Thonon ,
et trois dans celui de Ternier , tant à cause du petit nombre
des ouvriers évangeliques , que parce qu'il ne se trou voit
pas assez de fonds pour en faire subsister davantage ; mais
surtout parce que, la paix n'étant pas affermie, les choses
paroissoient être encore dans l'incertitude.
Deux années se passèrent de la sorte , après lesquelles
l'ordre des pères capucins envoya dans le champ du Sei-
exploratores minis populum deterrere ab audiendis nostrorum con-
cionibus : inducias nimirùm istas inducias esse, pacem nondùm
constitutam, mox ducem alque sacerdotes expellendos armis, hœ-
resim sartam tectam remansuram.
Nostri tamen rem pro virili promovent, ac primarios primùm viros
aliquot ex hœresis vorticibus in communionis catholicee portum
reci'piunt; sexque variis locis erectce catholicae parochi*, très in
Thononensi , très item in Terniensi agro. Cur autem plures non
erigerentur, in causa erat parum operariorum paucitas, partim
quôd non suppeteret undè commode sustentari possent^ partim quia,
pace nondùm lirmâ, res adhuc incertae videbantur.
Atque ilà biennium traducitur, et è patrum capucinorum ordine
Î66 OPUSCULES
gneur, à nostre secours, de nouveaux moissonneurs, sî zélés
et si ardents, que l'un d'entre eux faisoit l'ouvrage de
plusieurs. Mais, malgré cela, le prince n'étoit pas content,
il ne supportoit qu'avec la dernière impatientée le moindre
retardement à une affaire qu'il avoit si fort à cœur ; c'est
ce qui lui fit prendre le parti de se transporter à Tlio-
non , poui* traiter lui-même en personne avec ceux qui
paroissoient être les principaux et les plus distingués du
parti.
Ce fut en l'année 1598 qu'il entreprit ce voyage, et il
réussit avec tant de bénédiction , que l'illustrissime et révé-
rendissime cardinal de Florence, légat à latere du saint-siége
apostolique , y arrivant quelques jours après , fut témoin de
la conversion de plusieurs milliers de personnes. Son Emi-
nence eut la bonté de recevoir l'abjuration de plusieurs;
pour les autres , il les envoya à l'évêque, mon prédécesseur,
et à moi-même, le nombre des pénitents étant si grand qu'il
ne pou voit y suffire. Il étoit même nécessaire qu'il y eût
toujours quelque ecclésiastique tout prêt pour réconcilier
ces pauvres brebis qui revenoient en foule à la bergerie de
Jésus-Christ.
novi ac strenui advenerunt messores , qui alacritate ac zelo multorum
opéras supplebant : cùm dux^ in re quam suis gerebat prsecordiis
impatiens morarum, ipsemet venire, Thononenses qui prœcipui
videbantur convenire, ac cum eis coràm agere , constituit.
ïdque accidit anno millesimo quingentesimo nonagesimo octavo,
adeôque féliciter successit^ ut illustris«'miis ac reverendissimus
cardinalis Florentinus^ à latere sanctœ spdis apostolici» legatus,
dîebus aliquot interpositis adveniens, multa jam horainum millia
vjderit conversa esse; quibus quidem ipse partîm absolutionera
contulit, partim ab episcopo prœdecessore meo, partim etiam à me
dari voluit, cùm scilicet^ in tantâ pœnitentium copia, omnibus diei
lioris paratus esse deberet aliquis, qui ad caulas Christi redeuntes
Teciperet.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 167
S'il est juste de rapporter cet événement admirable et ce
prodigieux changement des cœurs et des esprits à la bonté
toute-puissante du Créateur, qui change tout quand il veut,
sans être changé en lui-même , on ne peut au moins se dis-
simuler que le duc de Savoie fut son instrument, et que son
zèle fît des miracles. En effet , pendant le temps que son
Altesse travailla à cette conversion , et séjourna à Thonon ,
son cœur, par une grâce smgulière , sembloit être entre les
mains de Dieu , vu qu'il en suivoit tout les mouvements et
toutes les impressions. Tantôt il faisoit publiquement des ex-
hortations au peuple , et disoit des choses vraiment dignes
d'une grande âme et d'un prince orthodoxe ; tantôt il conféroit
en particulier, d'une façon toute paternelle, avec ceux que l'on
regardoit comme les colonnes de l'hérésie; surtout il prêchoit
d'exemple, s' efforçant d'attirer les âmes à l'Eglise catholique
par une infinité de bonnes œuvres; ou bien il entroit en lice,
devant tout le peuple, avec tous ceux qui se présentoient, fai-
sant tète à tous dans des disputes réglées, où il ne manquoit
pas de convaincre ses adversaires par la force de ses raisons, et
de gagner les cœurs par la douceur et l'éloquence de ses dis-
cours. Enfin il parloit comme un homme envoyé de Dieu
pour gouverner son peuple et pour lui annoncer ses vérités.
Quem profectô tam insignem et ingentem animorum motum^ ut in
supremum rerum omnium motorem immobilem referre dignum et
justum est, sic quoque ingénue fatendum, illum ducis zelo, tan-
quàm optimo instrumento , vel maxime usum fuisse. Illis enim afi-
quot mensibus, quibus dux huie conver.sioni procuranda; incubuit_,
atque adeô Thonone moratus est, cor ejus, pecuUari quâdam gratiâ,
in manu Dei esse videbatur, ut ad quodeumque veliet converteret
illud, cùm, si\e publicis cohortationibus ac vocibus catholico prin-
cipe dignis, sive privatis monitis ad eos qui vid^bantur hseresis
majores columnaB, sive exemplis bonorum operum, omnibus animi
dotibus ac viribus cum populo illo universo contenderet ut illum
Ecclesiœ catholicœ inferret referretque, constitutus scilicet à Deo
^lux super plebem illam , prœdicans praeceptum ejus.
i68 OPUSCULES
Ce grand prince ne se donna point de relâche qu'il n'eût
fait replanter de toutes parts l'arbre vivifiant de la croix,
qu'il n'eût entendu retentir les airs du chant de l'Eglise ,
cette chaste tourterelle , dans cette terre désolée , oA que ces
vignes renouvelées et refleurissantes ne rendissent partout
une odeur de salut. En un mot, il eut la satisfaction de voir
les affaires changer de face , comme un beau printemps qui
f'uccède à un affreux hiver.
Je puis dire avec assurance qu'il n'y a point eu de nos
jours en aucun endroit du monde un si grand nombre d.^
personnes converties^, la vraie foi, avec tant de douceur et
plus d'efficacité. Néanmoins il y a toujours eu jusqu'à ce
temps quelques hérétiques de l'un et l'autre sexe mêlés-
avec ces nouveaux catholiques. Ces gens-là , plus obstinés-
que les autres , croupissent dans leurs erreurs. Or son Al*
tesse, craignant qu'ils n'infectassent le reste de leurs compa-
triotes , ne trouva point d'expédient plus propre pour em-
pêcher ce désordre , que de rendre un édit par lequel il leur
commanda de sortir du pays. Quelques-uns , redoutant la
sévérité de cette ordonnance , se sont enfin reconnus ; et il
leur est arrivé la même chose qu'au Prophète royal, lorsqu'il
disoit : Je me suis converti à Dieu au milieu de mes peines^
Née destitit unquàm, donec immutatâ rerum facie, veluti exactâ
hieme, et redeunte vere, ubique appareret arbor décora et fulgida
viviticœ crucis^ ubique Ecclesiœ cantus, ut vox turturis, audiretur
in terra illâ, et vineae illis instaurata? recenterque florentes dareni
odorem suum.
Dicam intrépide, nusquàmsuaviùs, nusquàm efficaeiijs hoc nostro
tempore hœreticorum tanta copia ad sacram fidem adducta est :
hucusque tamen pars ista inaxima illorum popuiorum ad Ecclesiam
reversa aliquot habebat immixtos utriusque sexûs heereticos, qui^
cœteris obstinatiores in errore permanebant ; quibus cùm mederi
aliter non posset dux , ne rrliquam plebem inficerent, eos demiim
edicto publico discedere praecepit. Hujus edicti terrore perculsi^
DE S. FRANÇOIS DE SA TES. 169
tandis que les épines me faisoient sentir leurs pointes. En
effet, comme dit Isaïe , l'affliction donne de l'intelligence.
Pour revenir à notre propos , il est aisé de concevoir que
ce duc si religieux n'a rien épargné de tout ce qui étoit en
sa puissance pour la conversion de ces pauvres peuples,
soit caresses , ^oit menaces ; mais ce qui mérite encore plus
nos éloges , c'est qu'il agissoit de la sorte lorsque ses mi-
nistres lui conseilloient le contraire. Car je me souviens
qu'assistant par son ordre à son conseil pour cette affaire , et
les entendant opiner, plusieurs jugèrent pour des raisons
d'état qu'il n'étoit pas temps de rien entreprendre , ni de
mettre au jour ce dessein. Cependant il passa outre, préfé-
rant les intérêts de Dieu et l'avancement de la foi à toute
autre considération ; et il le fît à la face même des députés
du canton de Berne, qui avoient été envoyés, avec toutes
les solemnités requises , à dessein de parer ce coup , et qui
demeurèrent interdits et tremblants de la résolution du
prince.
aiiquot etiam conversi sunt : nimirùm dura configitur spina * , et
ajflictio dat intellectum auditui ^.
Ut niillum lapidera reliquerit dux religiosissimus, quem ipsemet
suis, ut ità dicam , manibus non moverit, per blanditias, per minas,
ut, quoad per eum fieri posset, populi illi converterentur; et, quod
laude dignius est, magna sui consilii parte contra sentiente et con-
sulente. Nam et rectè memini interfuisse me consilio super eâ re
habito, speciali nimirùm mandate principis accersitus, in quo ple-
rique consiliariorum rem illam tùm aggrediendi tempus non esse,
resque non ferre, mordicus asserebant; neque sanè sine probabili
illaruro, quas status appellant, rationum momento : quibus tamen
omnibus unam religionis rationem dux. sanctissimè prœposui*: a 3
prœtulit; idque videntibus, spectantibus, ac trementibus Bernensium
legatis, qui illis ipsis diebus, ut id averterent, solemnem egerunt
legationem.
» Psal. XXXI , 4. — * Isaïe, XXVIII, 1».
Î70 OFUSCCLE^
Selon les articles de la trêve , le bailliage de Gaillard
^emeuroit encore sous la puisance des Genevois , et par con-
séquent la foi catholique ne pouvoit y avoir d'entrée ; mais
comme , par le traité de paix, il fut rendu au duc de Savoie,
ce prince envoya à ses dépens des missionnaires de la com-
pagnie de Jésus et des prêtres séculiers, qui en peu de temps,
et par un travail infatigable et un ôèle enflammé , mais sur-
tout par l'efFet de la grande miséricorde du Seigneur, ont
porté les choses presque à leur perfection.
Pour en faire le récit en peu de mots , il n^ a que douze
ans que l'hérésie étoit enseignée publiquement dans soixante-
einq paroisses aux environs de Genève , en sorte que la reli-
gion romaine en étoit tout- à-fait bannie; et maintenant
l'Eglise a étendu ses branches en autant de lieux, et y a tel-
lement pris racine que l'hérésie n'ose plus s'y montrer. En
effet , on auroit assez de peine à trouver cent hérétiques en
ces lieux où auparavant on n'auroit pas trouvé cent catho-
liques. Il n'y en a pas un où l'on ne célèbre aujourd'hui le
saint sacrifice de la messe et tout le reste du service divin ;
Verùm balliagium Galliardense remanebat in potestate Geneven-
sium ex induciarum coiiditionibus ; atque adeô ad illud nullus catho-
licae fidei patebat aditus. At cum paiilô post per pacis décréta red-
ditum etiam fuisset duci , in illud iiiimisai operarii, duels expensis,
ex societate Jesu, et cleri siccularis sacerdotes, qui exiguo lempore,
magnis laboribus, maximâ Dei gratlâ, rem propemodùm oninem
perfecerunt.
Itaque , ut rem magnam paucis d'icam , ante duodecim annos in
sexaginta quinque parochiis urbis Genevœ vicinioribus, murlsque
illius, ut ità dicam adjacentibus, hœre&is publiée docebatur, ac
ità universa occupabat, ut nullus catholicoe religioni locus super-
esset. Nunc autem totidem, lisdemque loeis, Ecclesia eaihollca exten-
dit palmites suos^ac itàviget, ut nullus hceresi locus sit relictus;
cùmque anteà ne centum quidem viri in tôt parochiis catholici appa-
lerent, nunc ne centum quidem hœretici videntur : sed ubique
catholicœ fidei sacra fiunt^ celebranturque^ adhibitis unieuique
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 171
et chaque paroisse est desservie par son curé. Enfin ces trois
bailliages , qui par le traité de paix appartiennent à présent
sans contradiction au duc de Savoie, sont entièrement con-
vertis et revenus à l'Eglise ; et ce qu'il y a de mieux encorcj»
c'est qu'ils ont persévéré constamment dans leur résolution,
malgré les persécutions qu'ils ont souffertes et les horreurs
de la guerre. Voilà sans doute un grand avantage que ce
iléau a procuré à ce diocèse ; aussi est-il presque le seul.
Il n'y a plus qu'une; chose à désirer, très-saint Père , c'est
que le Saint-Siège prenne à cœur cette affaire, et y apporte
tons ses soins , n'y ayant rien de plus grand , de plus digne
et de plus important ; et que votre Sainteté donne toutes
sortes de marques de bienveillance et de tendresse à son Al-
tesse sérénissinie monseigneur le duc de Savoie , qui a été
l'instrument de la bonté divine , et qui a travaillé si effica-
<;ement au salut de son peuple ; en un mot, que votre cha-
rité se signale envers ce diocèse , pour le consoler, et lui
faire perdre, s'il est possible , jusqu'au souvenir de ses mal-
heurs : grâces que je demande avec toutes sortes d'instances
et la plus profonde humilité, et que j'attends de votre clé-
mence avec une confiance parfaite, suppliant notre Seigneur
Jésus-Christ de vous être toujours propice.
parochicG propriis curionibus : sicque factum, ut illa tria balliagia,
quœ ex pacis conditionibus duci obtigerunt, omninô Ecclesiœ restituta
siiit^ ac, quod caput est, ità in lide et religione receptâ persévèrent,
at nuUis extremorum bellorum persecutionibus_, nullis haereticorum
minis ab eâ se dimoveri passi sinl. Qui sanè unicus et ferè solus
bellorum exactorum fructus huic diœcesi contigit.
Superest ve'>, Pater beatissime, ut opus hoc, magnum profectô
«t acceptione dignum, ducem tanti operis instrumentum eflicax,
diœcesim liane universam , multis nominibus miserandam, Sedes
Apostolica intima sollicitudine ac gratiâ complectatur ac foveat. Idque
imis summisque precibus humiiiimè à vestrœ sanctitatis clementiâ
expeto pariter et expecto, Chrisiumque semper illi propitium precor.
Î72 OPUSCULES
Mais, pour donner une entière créance à ce que j'avance
dans cette lettre, comme ne contenant rien que de très-avéré,
j'ai souscrit mon nom au bas , et j'y ai fait apposer le sceau
de l'évêché de Genève. Outre cela , plusieurs chanoines de
mon église cathédrale , et autres personnages d'une probité
reconnue , ayant été témoins oculaires des choses que je
viens de raconter, et même avant travaillé à l'instruction
des mêmes peuples avec autant de succès que de gloire , j'ai
cru qu'il étoit à propos qu'ils signassent aussi , aiûn que la
vl^rité des faits étant constatée par le témoignage de plu-
sieurs, il ne put rester aucun doute dans les esprits.
J'ai l'honneur d'être avec un très-profond respect, très-
fiaint Père , etc.
Ut autem omnia quse hîc scripta sunt , omninô ex veritate et sin-
cerâ religions narrata esse non sit dubium , ils subscripsi, sigillum-
que hujus episcopatûs Gebennensis imprimendum curavi : et quia
plerique meee ecclesise cathedralis canonici , et alii spectatfe fidei et
doctrinae viri ea ipsa viderunt, imô etiam tetigerunt, cùip illis po-
pulis erudiendis operam suam in Domino coliocaverint, rtrumque
rectè gestarum pars magna fuerint; eos quoque subscripsisse opéras
pretium duxi, ut veritati plurimorum testiraonio roboratee plurima
quoque ac constans iides adhibeatur.
DF S. rPANCOTS T)E SALES. 173
XXVIII.
LETTRE*
SUR L'IMMUxNlTÈ PERSONNELLE ECCLESIASTIQUE.
(L'criginal appartient maintenant à la maison Clerici de Milan, après avcir
appartenu au monastèrede la Visitation de Turin.)
AU NONCE DU PAPE, A TURIN.
1603.
Illustrissime et reverendissime Monseigneur,
Les officiers de rillustrissime duc de Nemours et de Ge-
nevois commençoient à faire la recherche des péchés d'usure
commis par les personnes ecclésiastiques dans le diocèse de
Genève et de mesme de toute contravention à un édit annuel
de S. A. S. défendant la vente des blés et autres grains,
hors du marché. Ces officiers laïques croyoient pouvoir
chastier indifféremment pour ces péchés et les laïques et les
ecclésiastiques , et cela en vertu d'un privilège spécial ac-
cordé par Sa Sainteté aux serenissimes prédécesseurs de
* Cest la 78» parmi les inédites de la collection Biaise.
lllustrissimo e Reverendissimo Monsignore,
Cominciavano gli ofiiciali deir lllustrissimo duca di Nemours et
de Genevois afar ricerca dé peccati delF usura cominessi dalle persone
ecclesiastiche nella diocesi di Genevra, et anco dplla contraventione
fatta di un' editto annuale di S. A. serenissima quai proliibiva la ven-
dita di frumenti et altri gvani fuor del mercatn , credendo^ elli offi-
ciali laici , potere castigare indiflerentemente per cotesti peccati et
laici et ecclesiastici , etquesto per privilegio spéciale di Sua Santità
concesso a serenissimi predecessori di S. A. Monsignore reverendissimo
i 74 OPUSCULES
s. A. Monseigneur le reveiendissime Evesque cle Genève^
voyant que Tune et l'autre raison offensoieni la liberté
ecclésiastique , et ne voyant rien de ce privilège, m'a envoyé
icy à Chambery auprès du suprême sénat de S. A. affin que
l'on pust s'informer du fait et en donner advis à V. S. 111. et
Rev. Le sénat ne trouvant aucun semblable privilège dans
les archives ducales , et sçachanl que depuis peu , en pareil
cas, son Altesse avoit défendu à ses ministres de porter
la main sur l'arche du Seigneur, et mesme avoit ordonné
que l'on laissast un semblable soing aux prélats , le sénat
a escrit encore sur cela à S. A. pour connoistre en gênera^
sa volonté.
J'ay cru à propos de donner promptement connoissance de
cela à Y. S. 111. et Rev. affin qu'elle puisse prendre le fait
en main, auprès de S. A. parce que vous estes nostre refuge
et le protecteur de la liberté ecclésiastique.
Il ne sera pas difficile que S. A. défende de nouveau de
telz actes à ses ministres et subordonnés , parce qu'elle en a
desja fait la prohibition une fois et qu'elle a la sainte Eglise en
révérence. L'illustrissime duc de Nemours n'v mettra aucun
Vescovo di Genevra vedendo esser Tuna et Tallra ragioiie contra
la libevtà ecclesiastica, non vedendo punto cli questo privilégie m'a
mandato qui in Chiambery dal supremo senato di S. A. acciô cliè
se cène fosse o potesse veder per poi darne avviso a V. S. 111. et Uev.
Il senato adunque no ritrovando nelle archivi ducali alcun simile
privilegio, et sapendo cliè in simile caso fa poco S. A. haveva proibito
a suoi ministri di por niano sopra FArcha di Dio^ anzi haveva com-
mandato chè lasciasseio questo negolio a prelati , ha sciitto anchora
sopra di cio a S. A. persaperne generalmente sua voluntà
Dil chè ho giudicato dover dac avviso prontamente a V. S. 111. et
Rev. acciô si degnî pigliar in fatto il mano appresso di S. A. comm'
essendo il refugio nostro et protectrice délia libertà ecclesiastica. Ne
sarà cosa difficile chè S. A. prohibisca di nuovo tali atti a ministri
suoi et inferiori, poichè già una ne ha fatta la prohibitione et chéa
havuto sempce, in gran reverenza la santa Chiesa. L'illustrissimo poi
DE S. FRANÇOTS DE SALES. 175'
empeschement; au contraire, il nous aydera de tonte ma-
nière, estant de conscience et, personne fort timorée. Il m*a
dit que si on ne trouvoit pas le privilège du saint-siege apos-
tolique tres-clair et tres-positif , il ne venlt ny s'en servir ny
s'en prévaloir. Je pense que monseigneur TEvesque de Ge-
nève ayant connoissance de ce qne noi^s avons fait icy avec
le sénat, escrira tres-amplement sur cela à V. S. 111. et Rev.
Néanmoins i'ay voulu vous escrire affin que S. A. ne don-
iiast pas une response à son sénat avant que V. S. 111. fust
informée. Nons prions nostre Seigneur Dieu de vous en-
voyer le contentement ; je vous haise humblement les mains
sacrées , et je suis de V. S. 111. et Rev.
Le dévoué et intime serviteur,
François de Sales ,
Prévost indi2:ne de la cathédrale de Genève.
duca di Nemours non solo non darù impediinento nessuno, chè piii
tosto ci gioverà in ogni modo, essendo di coscienza, er. persoia
moho timorata^, conciosiachc cgli mi ha detto , chè se non si trovor;\
il privilégie délia santissima sede apostolica cliiarissimo et apertis-
simo, iion ne vuol godere ne prevalere. Ho dubbio chè monsignor
Vescovo di Genevra havendo avviso di questo habhiam fatto qui col se-
nato^ scriverà sopra di cio amplissimamente a V. S. 111. e lîev., ne
I)er questo ho voluto lasciar di scrJverne io, acciô ne dia risposta S-
A. al suo senato , innanz'i chè lo sappia V. S. ïll. a cui progando dal
nostrosignoriddio ogni vero contento^ basciogli hiimilissimamente 1«
reverendeman* etresto di sua Signoria illustrissima et reverendissima
Divotissimo et infime servitore ,
Francesco di Sales,
Prevosto indegno délia cattedrale di Genevra.
176
OPUSCULES
XXIX.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A SON ALTESSE SERENISSIME LE DUC DE SAVOIE.
îl le remercie de ce qu'il lui a permis de prêcher le carême à Dijon, parce que
cela pourra être favorable aux affaires ecclésiastiques de son diocèse.
Janvier ou février 1604.
Monseigneur,
Il y a quelque temps que monsieur de Villette m'asseura
de la part de vostre Altesse qu'elle auroit aggreable que j'al^
lasse à Dijon ce Caresme , et que j'y preschasse, pour y avoir
plus de faveur aux affaires ecclésiastiques de Gex, et que je
dois traitter avec la cour du parlement de ce pays-là. Sur
cette asseurance je m'y en vais , Monseigneur, toujours égal
à moy-mesme au désir extrême que j'ay de rendre tres-
humble service et obéissance à vostre Altesse , avec toutes
les preuves d'une inviolable fidélité. Je n'y seray que le
moins que je pourray, comme estant hors de l'air de ma
tranquillité. Que plust à Dieu, Monseigneur, que les nou-
velles qui coururent, il y a quatre mois deçà, de la restitution
de Gex à vostre Altesse, fussent autant certaines qu'elles sonf
considérables. J'en aurois ce particulier contentement, de
voir la sainte religion asseurée en tout mon diocèse , sans-
employer ny tant de peines ny tant de soins , comme je suis
obligé de faire maintenant. Je fais en toute humilité la révé-
rence à vostre Altesse , et prie Dieu pour sa prospérité, dési-
rant l'honneur d'estre toute ma vie , etc.
* C'est la 5o« du liv. 1er dans les anc. édit., et la 52« de la collection BiaisQ.
DE S. FT^A^îÇOTS T)E SALES. 177
XXX.
LETTRE
AU PAPE CLÉMENT VHI *.
Saint François supplie Sa Sainteté de trouver bon qu'il s'absente pour quelque
temps de son diocèse, afin d'ader prêcher le carême à Dijon, où sa présence
est nécessaire pour les affaires ecclésiastiques.
Février ou mars 1604.
Très-saint Père ,
Entre plusieurs misères de ce diocèse, une des principales
est la division de la juridiction temporelle. Car, quoique la
plus grande partie de son territoire soit sous la domination
du sérénissime duc de Savoie, il y en a cependant une autre
très-notable qui appartient à la Couronne de France. Cette di-
versité de puissances fait qu'il me faut nécessairement traiter
avec toutes les deux , et les ménager , aussi-bien que leurs
lieutenants et leurs parlements ou sénats. Ainsi je n'ai pas
peu d'embarras, principament du côté de la France, parce
que je suis originaire et feudataire de la Savoie , ce que les
' Se trouve parmi les lettres de l'édition Biaise de is?34 , lettre 51*.
Reverendissimo Padre,
Frà le moite miserie di questa diocesi, una è la divizione délia jurls-
dizione temporali di ella, essendo che, sebbene la maggior parte è
sottoposta al serenissimo duca di Savoja, nientedimanco una parte
notabilissima è sotto alla corona di Francia; e da questa diversità
di principi, nasce in me una nécessita di trattar e star bene con
ambidue , e con li loro luogotenenti e parlamenti , o vero senati ;
nel che non ho poca difficultà , massime délia banda di Francia,
essendo che loro sanno ch'io sono »^avojaido^ e che délia Savoja
VI. 12
1 T8 OrTJSClTLES
François n'ignorent pas ; et parce que le parlement de Dijon
étend sa iuridiction sur m partie de ce diocèse qui appar-
tient à la France , cela forme cinq difficultés
La première regarde les biens ecclésiastiques du bailliage
^e Gex ; car, quoiqu'ils soient peu considérables , vu que
Texercice de la religion catholique n y a lieu que dans trois
endroits , nous ne laissons pas d'être obligés de plaider pour
lesdits biens avec un conseiller au parlement de Dijon.
La seconde difficulté consiste dans la façon de procéder à
la visite de cette partie du diocèse ; parce qu'il nous est défendu
de tirer aucune contribution du peuple , ni pour la fabrique
des églises, ni sous quelque autre prétexte que ce soit.
La troisième difficulté naît de ce que ces peuples , nou-
vellement démembrés de la Savoie, demandent un vicaire
forain.
La quatrième est qu'encore que , grâce à la diligence de
l'illustrissime nonce apostolique de France, on ne parle plu^
d'établir l'exercice de l'hérésie à Seissel ; on me fait savoir néan-
moins que, si je ne donne des informations particulières sur
sono feudatario; e perche il parlamento di Digione è superiore di
quella parte délia diocesi che è in Francia, cinque difficoltà in
questa mutatîone ho da trattare con esso.
La prima è per conto del bailliagio di Gex, per gli heni eccle-
siastici del quale (sehbene sono pochi, perché in ira luoghi soli v
si fa esercizio cattolico) bisogna litigare con un consiglier di esso
padamento.
La seconda, del modo di visitare quella parte délia diocesi, per-
ché è proibito di cavare alcun denaro del pcijolo , né per fabbriche
di chiesa, ne per altro.
La terza, che quelli popoli nuovameute separati délia Savoja
domandano un vicario foraneo.
La quarta, che sebbene, per li ufficii fatti con diligenza deir illus-
triss. sign. nunzio appostolico di Francia^ no>i. si traita più di sta-
bilir l'esercizio eretico nel luogo di Seissel, tuttavia \engo avvertito
ehe^ se io non dô particolare informazioue ddle circonstanze che
DE S. FRANÇOIS DE SALES." 179
les Circonstances qui doivent en empêcher l'établissement, le
projet n'en sera point bien assuré, mais seulement différé
pour l'exécution.
Enfin le dernier inconvénient est qu'un nombre de catho-
liques de Gcx, qui, à la faveur de Tédit qui accorde la liberté
dite de conscience , pourront facilement obtenir l'exercice
de la religion dans leurs paroisses, n'ont personne qui pré-
sente leurs requêtes , et qui sollicite pour eux.
C'est pourquoi, très-saint Père, après avoir obtenu la
permission de son Altesse sérénissime , je suis forcé d'aller
à Dijon, ville qui est à la vérité hors de mon diocèse , mais
dont relève la partie qui est maintenant de la France. J'y tra*
vaillerai à arranger les choses selon toute l'étendue du pou-
voir que Dieu me donnera, et j'en rendrai compte aux illus-
trissimes nonces de France et de Savoie.
Je m'assure que Votre Sainteté approuvera la courte ab-
sence que je suis obligé de faire pour les besoins de ce dio-
cèse, que je laisse abondamment pourvu des secours spirituels,
et que j'espère revoir dans deux mois; vu principalement
debbono impedire tal &tabilimento, non sarà la cosa sradicata, ma
fiolamente quietata.
E la quinta^ che molti cattolici di Gex, che per via delF édite
délia libertà_, che chiamano, potrebboiio aver Tezercizio cattolico
nelle loro parocchie, non hanno chi proponga le loro suppliche, ne
chi ne faccia la soUicitazione.
Per questo^ beatissimo Padre, son sforzato di andare, dopo di
averavuta licenza da S. Altezza diSavoJa, in detto Digione,, fuon
délia diûcesi_, ma capo délia parte délia diocesi che ora è in Francia,
dove io farô quel tanlo che Iddio mi coucedeLà in servizio di quelle
negoziaziuni sopra scritte , et del tutto daro raguaglio ad ambidue
rillustriss. signori nunzii di V. S. di Francia e di Savoja.
îNon credero giammai che V. B. debba riprovar questa poca
assenza, che son sforzato di fare per lilîisogni délia diocesi , la quale
io lascio molto ben provvista nelle cose spiritual!, espero di rividere
frà due mesi^ massime perché quelii sig. di quella città, sapeudo U
iSO OPUSrULES
que messieurs les principaux habitants de cette ville, sachant
la nécessité que j'avois d'y aller , m'ont invité d'y prêcher le
îarême.
Je n'ai pas hésité à me rendre à leurs instances , espérant
que ce voyage pourra contribuer beaucoup à terminer avec
plus de promptitude et d'avantage mes atfaires qu'ils ont
entre leurs mains. Néanmoins, je n'ai pas voulu partir
sans le faire savoir à Votre Sainteté , désirant lui rendre
compte de cela, comme de tout le reste de mes actions,
que je veux toujours régler selon le vouloir du successeur
du Prince des apôtres. Demandant donc Votre sainte béné-
diction , je me prosterne très-humblement pour baiser Vos
pieds sacrés. J'ai l'honneur d'être avec le plus profond res-
pect , etc.
nécessita mia di andare costî, mi hanno pregato di volervi fare le pre-
diche quadragesimali.
E stimando che quella fatfîca giovarebbe a cavar con più prestezza
e favore H negozii miei dalle mani loro, ho liberamente acconsentito.
Nientedimeno non ho voluto lasciar di darne conto à V S. si,
corne io desidero di fare di tiitte mie azioni, le quali da beneplacito
appostolico in tutto e poi tutto hanno da esser regolate : e cosi chie-
dendo la santa benedizione d« V* B.^ bacioli cou humilité li santi
piedi.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 181
XXXL
LETTRE*
DE SAINT FRAFÇOIS DE SALES
A MADAME ROSE BOURGEOIS, ABBES^ L:'i L'aBBAYE ROYALE DU PUITS-D'ORBE,
En quoi consiste la dévotion . et les moyens pour y parvenir ;
énumération des devoirs d'une abbesse.
Avant le 3 mai 1604.
Vous avés , Madame ma chère fille , deux qualités : car
vous estes Religieuse, et vous estes Abbesse; il faut servir
Dieu en l'une et l'autre , et à cela doivent estre rapportés
tous vos desseins , et exercices , et affections.
Ressouvenés-vous qu'il n'est rien de si heureux qu'une
Religieuse dévote , rien de si malheureux qu'une Religieuse
sans dévotion.
La dévotion n'est autre chose que la promptitude, ferveur,
affection et mouvement que l'on a au service de Dieu ; et y
a différence entre un homme de bien et un homme dévot :
«ar celuy-là est homme de bien , qui garde les commanr
démens de Dieu , encore que ce ne soit pas avec une grande
promptitude ni ferveur; mais celuy-là est dévot, qui non
seulement les observe, ains les observe volontiers, prompte-
ment, et de grand c(i' rage.
La vraye Religieuse doit estre dévote , et procurer d'avoir
une grande promptitude et ferveur.
Pour ce faire , il faut premièrement prend^^ garde de
n'avoir point la conscience chargée d'aucun péché ; car le
* C'est la 31« du lir^ V atM a«c. «éditions, et la 65* de la collection Biaise.
182 OPUSCULE»
péché est un pesant fardeau , que qui le porte ne peut
acheminer contre mont. C'est pourquoy il se faut confesser
souvent , et ne jamais laisser dormir le péché dans nostre
sein.
Secondement , il faut oster tout ce qui peut entraver les
pieds de nostre ame, qui sont les affections, lesquelles il faut
retirer et déprendre de tout objet non seulement mauvais ,
mais de celuy qui n'est pas bien bon; car un cheval entravé
ou piqué ne peut courir.
Outre cela, il faut demander cette promptitude à nostra
Seigneur ; et partant , il faut s'exercer à la prière et médita-
tion, ne laissant passer aucun jour sans la faire l'espace
d'une petite heure.
Et touchant la prière , je vous advertis que premièrement
vous ne devés jamais laisser l'office ordinaire qui est com-
mandé de l'Eglise , et plustost il faut laisser toutes autres^
prières.
Secondement, il faut, après l'office, préférer la méditation
à toutes autres prières ; car elle vous sera plus utile et plus
aggreable à Dieu.
Troisièmement, ayés l'usage des oraysons jaculatoires ^
qui sont des souspirs d'amour que Ton jette devant Dieu
pour requérir son ayde et son secours.
A quoy vous servira beaucoup de garder en vostre imagi-
nation le poinct de la méditation que vous aurés le plus
gousté, pour le remascher le long de la journée, comme l'on
fait les tablettes pour le corps. A cela mesme vous servira
une Croix , ou une image dévote pendue à vostre cou ou à.
vostre chapelet, la maniant et baysant souvent en l'honneur
4e celuy qu'elle représente ; et, lors que l'horloge sonne , de
iire un petit mot de cœur ou de bouche , comme seroit Vive
Jésus , ou bien , Voicy l'heure de se resveiller, ou bien Mon
àeure s'approche, et semblables.
Quatrièmement, ne passer aucun jour, s'il est possible,:
DE S. FRANÇOIS DE SALES. i^J
sans lire quelque peu dans quelque livre spirituel , mesrnes
avant la méditation, pour reveiller en vous l'esprit spirituel.
Prenés pour coustume de vous mettre en la présence de
Dieu le soir avant vostre repos , le remerciant de ce qu'i!
vous a conservée ; en faysant Pexamen de conscience , ainsy
que les livres spirituels vous l'enseignent.
Le matin, faites-en de mesme, vous préparant à servir
Dieu le long du jour, vous offrant à son amour, et luy of-
frant le vostre.
Je suis d'advis que vostre méditation se fasse le matin, et
que le jour précèdent vous lisiés le poinct que vous voudrés
méditer, dans Grenade , Bellintany, ou quelqu'autre sem-
blable.
Pour acquérir la sainte promptitude à bien prattiquer la
vertu , ne laissés passer aucun jour sans en prattiquer quel-
que action particulière à cette intention ; car l'exercice sert
merveilleusement pour se rendre un chemin aysé à toutesb-
Bortes d'opérations.
Ne manques jamais, pour ce commencement, de commu-
nier tous les premiers dimanches du mois, outre les bonnes
festes , et le soir de devant confessés-vous, et excités en vous-
une. sainte révérence et joye spirituelle, de devoir estre si heu-
reuse que de recevoir vostre doux Sauveur; et faittes alors
une nouvelle resolution de le servir fervemment , laquelle , ,
l'ayant receu , il faut confirmer non par vœu , mais par un
bon et ferme propos.
Le jour de vostre Communion , tenés-vous le plus dévote
que vous pourrez? , souspirant à celuy qui sera en vous et à
vous ; et le regardés perpétuellement de l'œil intérieur >
gisant ou assis dans vostre propre cœur comme dans son
:hrone ; et lui faittes venir l'un après l'autre vos sens et vos
puissances pour ouïr ses commandemens , et lui promettre -
fidélité : cecy se doit faire après la Communion , par une--
petite méditation de demy-heure^
184 OPUSCULES
Gardés-vous de vous rendre melancholique et importune
à ceux qui sont auprès de vous , de peur qu'ilz n'attribuent
cela à la dévotion , et qu'ilz ne la mesprisent ; au contraire ,
rendés-leur le plus que vous pourrés de consolation et de
contentement, aiïin que cela leur fasse honnorer et estimer la
dévotion, et la leur fasse désirer.
Procurés en vous Tesprit de douceur, jo}^ ^t humilité,
qui sont les plus propres à la dévotion, comme aussi la
tranquillité , sans vous empresser ny pour cecy ny pour
cela ; mais allés vostre chemin de dévotion avec une entière
confiance en la miséricorde de Dieu , qui vous conduira par
la main jusques au pays céleste ; et partant, gardés-vous des
chagrins et disputes.
Touchant vostre qualité d'Abhesse , c'est à dire de mère
d'un Monastère, elle vous oblige à procurer le bien de
toutes vos Religieuses pour la perfection de leurs âmes , et
par conséquent à reformer leurs mœurs et toute la maison.
1" Le moyen de ce faire , en ce commencement , doit estre
doux, gracieux et joyeux , sans commencer par la reprehen-
sion des choses qui ont esté supportées jusques à présent ;
ains vous devés vous-mesme , sans leur dire mot , monstrer
tout le contraire en vostre vie et conversation, vous occupant
devant elles à de saints exercices, comme seroit, faysant
quelquefois des prières en l'église , ou bien mesme la médi-
tation, disant le chapelet, faysant lire quelque livre spirituel
pendant que vous travaillés de l'aiguille; et les caressant
plus doucement et modestement que jamais , faysant une.
spéciale amitié avec celles qui se rangeront à la lîevotion : ne
baissés pourtant de bien carresser les autres , pour les attirer
et gagner en mesme chemin.
2. Tenés-vous courte avec les conversations mondaines^
et ne permettes , que le moins que vous pourrés , qu'elles
soient en vostre chambre particulière, pour petit à petit pro-
aflxer que le dortoir des Dames er» soit entièrement exempt;
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 1 S5
ce qui seroit bien requis , et vostre exemple est un grand
moyen.
3° A la table, procurés que Ton lise quelque beau livre
spirituel , comme de Grenade , De la vanité du monde, Ger-
son , Bellintany, et tels autres ; et mettes en ooustume que
ce soit tous les jours.
4° En l'Office , il faut que vostre contenance dévote donne
loy à toutes les Religieuses de modestie et révérence ; ce que
vous f3rés aisément, si vous vous mettes en la présence de
Dieu au commencement de chaque Office. J'estime que d'in-
troduire le Bréviaire du Concile de Trente sera une chose
utile et profitable.
5° Ne faites point trop Tau stère pour le commencement;
mais soyés gracieuse à tout le monde , hors mis aux per-
sonnes bien mondaines , avec lesquelles il faut estre courbt
et retirée. *
6° Il sera bon que vous employés quelqu'une de vos
Religieuses pour vous ayder en la conduitte des choses tem-
porelles , affin que vous ayés tant plus de commodités pour
vous addonner au spirituel et aux offices de charité.
7» En fin ne vous empressés point pour ce commence-
ment; mais faittes tout ce que vous ferés si gayement et
avec tant de douceur, que toutes filles ayent occasion de
vouloir embrasser la dévotion petit à petit ; et lorsque vous
les y verres embarquées, il faudra traitter plus entièrement
du restablissement de la perfection de la Règle, qui sera le
plus grand service que vous pu issiés faire à nostre Sauveur*
mais tout cela doit procéder non tant de vostre autorite
comme de vostre exemple et douce conduitte.
8" Dieu vous appelle à toutes ces saintes besongnes ; écou-r
tés-le et obeyssés. iN't^stimés jamais d'avoir trop de peine ni
de patience à la poursuitte d'un si grand bien. Que vous
serés heureuse , si à la fin de vos jours vous pouvés dire
comme nostre Seigneur : f'ai consommé et parlait l'œuvrti
186 OPUSCULE?
ip.œ vous m'avés mis en main * / Desirés-le , procurés-ïe ^
pene^és à cela , priés pour cela ; et Dieu , qui vous a donné
la volonté pour désirer, vous donnera des forces pour le bien
faire,
* Opus coiisnmmavi quod cledisti mihi ut faciam. Joan., XVII, 4.
A la suite de cette lettre se trouvoit une Méditation pour le commence»
ment de chaque mois, qui dans cette édition- ci a sa place au tome III»
^age 100 et suiv.
DE S. FBANCOIS DE SALES. l'S?
1XX[I.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS D& SALES
A MADAME ROSE BOURGEOIS.
(Tirée de la congrégation du collège Louis le Grand, à Paris.)
Il l'exhorte à la réforme de son monastère.
Annessy, le jour de la Sainte Croix, 3 mai 1604,
Madame ,
J'ay envoyé à Madame la présidente Brulart, vostre sœur,
un escrit que je désire vous estre communiqué ; non pas que
celuy que je vous ay donné ne subsiste pour vous et pour ce
lems, mais alfîn que vous ayés tousjours plus d'esclaircisse-
ment en vostre esprit, à l'avancement duquel je me sens tant
obligé, que je ne suis de rien plus désireux en ce monde,
non seulement pour cette grande confiance que Dieu vous a
donnée en mon endroit, mais aussi pour celle qu'il me donne
que vous servirés beaucoup à sa gloire : n'en doutés point.
Madame , et ayés bon courage. Je suis infiniment consolé du
playsir que vous prenés à lire la vie et les œuvres de la mère
Thérèse ^ : car vous verres le grand courage qu'elle eut à
reformer son Ordre, et cela vous animera sans doute à refor-
mer vostre Monastère ; ce qui vous sera bien plus aysé qu'il
ne fut pas à elle, puis que vous estes Supérieure perpétuelle.
Mais tenés la méthode que je vous ay dite , de commencer
par l'exemple; et, bien qu'il vous semblera profiter peu aL
1 C'est la 56e ^Q la collection Biaise.
• Saiale Thérèse.
188 ©PUSCULES
commencement, ayés néanmoins de la patience, et vous ver-
res ce que Dieu fera. Je vous recommande sur tout l'esprit
de douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les
âmes. Tenés bon et ferme, en ce commencement, à bien
faire tous vos exercices, et preparés-vous auç tentations et
contradictions ; car le malin esprit vous en suscitera infini-
ment, pour empescher le bien qu'il prévoit devoir sortir de
vostre resolution : mais Dieu sera vostre protecteur ; je Fen
supplie de tout mon cœur, et l'en supplieray tous les jours
de ma vie. Je vous prie de me recommander à sa miséricorde,
et croire que je suis autant que vous le sauriés désirer, et
que je puis , Madame , vostre , etc.
Mon compagnon m'a dit en chemin que vous desiriés
Tenir à Saint-Claude , et qu'à ceste occasion j'auray le bien
de vous voir. Je vous prie qu'en ce cas là je le sçache avant
le tems, affin que je me puisse trouver en lieu et loisir
propre à vostre consolation-
LE S. FRANÇOIS DE SALES. 189
XXXIII.
ÈDïT'
De saint François DE SALES, évêque et prince de Genève, touchant la pro-
cession .solennelle de la Fête-Dieu. (Tiré de la Vie du saint prélat, par
Auguste de Sales, livre VI, page 391.)
(Vers le 17 juin 1604.)
Approchant ce sainct jour auquel l'Eglise catholique nosf re
mère veut que Ton célèbre avec une solemnité toute parti-
culière le très-haut et vénérable Sacrement de l'Eucharistie ,
et qu'on le porte en procession par les rues et lieux publics
avec toute sorte d'honneur et révérence, à fin qu'elle monstre
ouvertement , par une si grande resjouyssance, que la victo-
rieuse vérité triomphe du mensonge et de Fheresie ; il appar-
tient à nous , que le sainct Esprit a establis par Fauthorité
du souverain Siège apostolique pour régir et gouverner l'E-
glise de Dieu, en laquelle nous sommes, et c'est principale-
ment de nostre charge , qu'en une telle célébrité tout se fasse
convenablement et décemment.
* Cet édit fut rendu à l'occasion d'un différend qu'eurent les chanoines
de la cathédrale de Genève et ceux de Notre-Dame d'Annecy, pour le pas.
Appetente et jamjam imminente stato illo festo die quo Ecclesia
catholica mater nostra prsecelsum et venerabile Eucharistiae sacra-
mentum singulari solemnitate celebrandum, ac «n processionibus
reverenter e, rionorilicè per vias et ioea publica circumferendum
constituit_,ut sic victricem veritatem de mendacio et haeresi triumphum
agereextantâiœtitiâpalàm ostêmlat^ nobis^ quos^ asserente supremâ
Sede apostolicâ, Spiritus sanclus posuit regere hanc in quâ sumus
Ecclesiam^ illud prœcipuilî incumbit cura, ut omnia congrue et de-
center in tantâ celcbritate liant et constent.
190 OPUSCULES
Mais , parce que toutes les choses qui sont de Dieu sont
©rdonnées (comme dit TApostre escrivant aux Romains) et
qu'elles doivent estre toutes faictes honnestement et selon
l'ordre (comme il dict escrivaiU eux Corinthiens), certes,
cela, doil estre principalement observé en /a sainte Eglise de
Dieu, qui doit tousjoui'^ niarcher comme une armée rangée
en bataille. Et il ne faut pas croire à tout esprit en Festablis'
sèment de cet ordre , mais à cet Esprit sainct qui est espanchè
par tout le corps de FEglise , et qui manifeste sa volonté et
ses intentions par les conciles , surtout généraux» et par les
souverains Pontifes du Siège apostolique , vicaires de Jesus-
Christ.
C'est pourquoy par ce présent edict nous ordonnons qu'entre
les personnes ecclésiastiques, les Frères de l'Ordre de sainct
François Capucins marcheront les premiers, suy vis des Frères
Mineurs de sainct François de l'Observance ; après lesquels
iront les Frères de l'Ordre de sainct Dominique, et puis les
Frères Religieux du sainct Sepulchre , ausquels succédera
l'Eglise collégiale de nostre Dame, en laquelle celuy qui
laict l'ofEce du Curé adjoustera l'estole à ses autres habits
Verùm cùm omnia quse à Deo sunt ordinata sint, ait Apostolus ad
Romanos, et omnia honestè et secundùm ordinem facienda, ait idem
ad Corinthios, tùm maxime id omninô servandum est in Ecclesiâ
sanctâ Dei ^ quae scilicet procédera semper débet ut castrorum acies
ordinata. Neque verô unicuique spiritui in eo ordine statuendo cre-
dendum, sed Spiritui iUi sancto, qui per totum Ecclesiae corpus dif-
iunditur, et placita sua per concilia, masimè generalia, ac perSedis
apostolicee summos Pontillces Christi vicarios, manifestât.
Quare nos ita per pra^seus edictum slatuimus, ut ocilicet inter ec-
clesiasticas personas piimi procédant fratres ordinis sancti Francisci
capucinorum, quos sequantur fratres ordinis sancti Francisci obseï^
vantium, tùm fcatres ordinis sancti Dominici, posteà fratres sancti
Sepulchri, quibus succédât ecclesiâ collegiata beatae Mariai lœtœ, in
quâ qui ofiicio curionis fuaifitur^ stolam ad reliquum ôâçrai'um
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 191
d'Eglise, et luy tant seulement. En dernier lieu marchera
nostre Eglise cathédrale, en laquelle (avec l'aide de Dieu)
nous porterons le tres-auguste et Bedoutable Sacrement avec
le plus de gravité, de pompe et de magnificence qu'il se
pourra faire. Après le sacrement viendront tous les fîdelles
de l'un et de l'autre sexe , avec le mesme ordre et solem-
nité qu'ils ont accoustumé jusques à présent d'assister à
ceste procession , selon leur dévotion envers un si granâ
mystère.
Or, attendu que cet ordre est selon le Cérémonial Romain
et les décrets des souverains Pontifes et du droict commusi,
nous commandons absolument, en vertu de saincle obeys-
sance , qu'il soit exactement observé par tous les ecclésias-
tiques, tant séculiers que réguliers, sans contradiction et
contention quelconque. Qui fera autrement ^ qu'il encoure
de faict la peine d'excommunication de sentence laschée ;
nonobstant appellation, et sans préjudice des droicts, s'il yen
a , et prétentions de l'Eglise collégiale de nostre Dame , que
nous voulons et déclarons leur estre conservez, estans prests
vestium ornatum addat, isque solus. Ultimo loco procédât ecclesia
nostra cathedrahs, in quà nos, Dec propitio, augustissimum ac Ire-
mendum Sacramentum portabimus, apparatu, quoad lieri poterit,
bonestissimo et magnifieentissinio. Post Sacramentum verô veniant
omnes utriusque sexûs fidèles eo ordine et apparatu quo bac tenus ^
pro suâ in tantum mysterium devotione, consueverunt buic proces-
r-ioni interesse.
àtque ordo prœdictus cùm sit secundùm Caeremoniale Romanum ,
Cl juris communis pontificumque décréta, ut perquàm accuratè ab
omnibus ecclesiasticis tàni regularibus quàm saecularibus sine ullâ
contentione servetur, in virtute sanctee obedientiai omninô prœcipi-
mus. Qui autem secùs fecerit, excommunicationis latss sententiae
pœnam ipso facto incurrat, non obstantibus quibuscumque, amotâ
etiam omni appellatione, sine prsejudicio nibilominùs jurium, sa
quse sint, et praitentionum ecclesiae collegiatse beatai Mariœ lactœ, quse
omnia illi salva esse voluraus et declaramus, parati, ubi de ilii*
192 OPUSCULES
de révoquer le présent edict, en tant qu'il leur prejudiciera,
aussi test qu'il nous apparoistra d'iceux.
Au reste, en faveur du peuple, et à fin d'accroistre sa
dévotion à Teglise parroissiale de sainct Maurice autant
qu'il est en nostre pouvoir, nous avons jugé estre à propos
d'y célébrer le solemnel office de la messe, qui sera respondu
par les deux corps de nostre cathédrale et de la collégiale ; et
là , tous seront obligez de s'assembler pour commencer et
finir la procession.
constiterit, praesens edictum, quatenùsilli officiât, omninô revocare
et irritum declarare.
Ceeterùm in gratiam populi, et ut ejus devotionem erga parœcialem
saneti Mauritii ecclesiam, quantum in nobis est, promoveamus^ cen-
suimus in eâ ecclesiâ solemne missse officium à nobis ut par est ce-
lebrandum , oui respondebunt omnes tùm cathedralis tùm collegiatae
clerici j et ibidem ut omnes ad processionem ineundam et finiendam
conveniant.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 193
XXXIV.
LETTRE*
SUR L'IMMUNITÉ LOCALE.
(L'original appartient à M. Ange Chigi, à Rome.)
A M. d'Albignès, chevalier de l'ordre de S. A., et son lieutenant gênerai
en deçà des monts.
20 juin 1604.
Monsieur,
Le désir que vous avez que les soldats puissent estre tirés
des lieux sacrés pour estre chastiés selon leur démérites , est
fort juste et propre à la conservation du bien public. J'ay eu
tant de distractions pour ne l'avoir pas voulu permettre, que
j'ay bien occasion aussi de mon costé de souhaitter que les
lois de l'immunité des églises soient modérées à ce subjet.
C'est pourquoy j'ay supplié monsieur le Nonce de m'en faire
venir un petit mot de déclaration qui me descharge de leur
rigueur, laquelle ce me semble n'est pas sortable en ce tems,
■en ce lieu , en ces occasions.
Je vous supplie, Monsieur, d'avoir aggreable que j'attende,
puis que ma condition le requiert, en laquelle je prie Dieu
tous les jours pour vous, et suis,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble,
François , Evesque de Genev^.
* C'est la 86» parmi les jjnéditw de la collection Biaise.
VI.
13 /
19i OPUSCULES
XXXV.
RÈGLEMENTS
EN FORME DE CONSTITUTIONS,
DRESSÉS PAR S. FRANÇOIS DE SALES,
POUR LES RELIGIEUX DE L'ABBAYE DE SIX.
(Vers le mois d'août 1604.)
Saint François de Sales ayant été prié par deux chanoines réguliers de l'abbaye
de Six, de l'Ordre de Saint-Augustin, située dans le Faucigny, qu'il daignât
visiter leur monastère et réformer leurs constitutions, le saint évèque, qui
étoit toujours prêt à faire le bien , s'y transporta le â4 septembre 1603, et
assembla le chapitre avec Tabbé. Ayant déclaré ses intentions , et les Reli-
gieux ayant reconnu le droit qu'il avoit de les visiter et corriger, il ordonna
pour 101*8 ce qu'il crut être nécessaire et suffisant, eu attendant que les cir-
constances lui permissent d'aller plus avant. L'abbé, qui ne s'accommodoit
pas de ces règlements, regimba contre lui, et en appela comme d'abus au
sénat de Ghambéry, au commencement de l'année suivante 1604. Mais le
saint évêque fit si bien valoir ses droits, qu'il en demeura victorieux ; c'est
pourquoi , environ au mois d'août , il mit la dernière main à sa réforme
par ces règlements, qu'il laissa par écrit.
Les Constitutions suivantes sont tirées de la Vie da S. François de Sales, i^ar
M. Maupas, évèqi^^- du Puy, part. IV, chap. IX, sect. ii, pag. 237. Voyez
aussi Auguste de Sales, tome 1er, pag. 360-3G3.
Ce Monastère des Chanoines de Saint-Augustin estant sous
nostre charge et juridiction, selon la règle sacrée de l'ancien
droit ecclésiastique; connoissant que Tabhé et les chanoines
désirent passionnément le restablissement parfait de l'obser-
vance régulière; nous devons et voulons y travailler, et affer-
mir de tout nostre pouvoir, par l'intervention de nostre au-
torité ordinaire, un œuvre si favorable. C'est pourquoy,
après avoir vu, pesé et examiné toutes choses , nous avons
dressé les Ordonnances et Constitutions suivantes.
«Premièrement, nous commandons tres-expiessement que
DE S. FRANÇOIS DE SALES. î9o
fout ce qui a esté marqué en nostre visite soit observé de
poinct en poinct.
» 2. Si les novices cy-apres ne sont trouvés capables au bout
de leur année , ils seront renvoyés , n'estoit qu'ils ne don»
nassent espérance de mieux faire dans quelque temps, efe
mesrae dans une seconde année touî, entière, selon qu'ila
esté iui?;é dans la Con2;re2:ation des Cardinaux.
y) 3. Désormais on establira un Religieux profez du mesmfr
Ordre pour Prieur, et un sous-prieur qui puisse religieuse-
ment présider et faire observer exactement la règle , servants
d'exemple aux frères , qui luy obeyront comme à leur père.
L'on commettra l'un des plus réguliers pour avoir soin des
novices ; et tous les jours on leur lira le Catéchisme du Con-
cile de Trente, dont ils rendront compte; et ils seront instruits
par un autre Religieux, destiné pour cela, de l'OlBce, des
cérémonies, et autres devoirs de leur estât.
)) 4. Tons les Samedis le Prieur, ou le sous-prieur en son
absence, tiendra le Chapitre, où l'on lira un article des Règles,,
corrigeant les manquements qui seront faicts contre elles,
ou, es Offices, ou dans quelques actions et deportements dest
Religieux, en joignant des pénitences selon qu'il seraà propos.
» 5. S'il faut faire ou commander quelque chose de grande
importance, et qu'il n'y ait point de danger au retardement,
le Prieur en conférera avec son Chapitre ; pour les diffi-
cultés qui ne pourroient estre résolues par le Prieur ou le
Chapitre, on aura recours à l'Evesque.
» 6. Tous les Religieux prendront leur réfection en commun.
On fera la lecture tout le long du repas, d'une voix claire et
intelligible, en observant les pauses, pour donner lieu de
faire application à ce qu'on lit.
» 7. Il n'y aura point dans le Monastère de livres sans la li-
cence du Prieur, qui prendra garde de n'en point recevoir de
ceux qui sont défendus par FEglise, ou de science curieùge et
inutile; mais un nombre suffisant de spirituels, des cas de
OPUSCULES
conscience, et de Théologie. Les Religieux liront et est
ront tous les jours au temps que la Règle l'ordonne .
)) 8. L'on prendra garde que te us les bastiments
conformes à Tobservance régulière.
)) En fin nous asseurons de la bénédiction et protection de
Dieu tous ceux gui embrasseront et pratiqueront avec amour
ces Ordonnances, que le seul àesïr du règne de Dieu en vous,
et l'amplification de sa gloire, me fait vous donner; espérant
qtie par l'accompli ssement d'icelles, cette famille religieuse
reprendra sa première splendeur, et respandra partout la
souëfve odeur dont elle a parfumé autrefois tout le pays.
C'est la grâce, ô mon Dieu, que j'attends de vostre miséricor-
dieuse bonté, que je vous demande de toute l'estendue de
mes affections, pour ces âmes et pour celles qui doivent leur
succéder. »
1° Il s'enquesta des droicts et de leurs tiltres, et ordonna
tout ce qui estoit nécessaire pour cela ; et en suitte , du
nombre des Religieux, qu'il voulust estre de douze, selon
l'ancienne institution.
2° Il ordonna que l'on reciteroit le divin Office selon l'u-
sage du tres-sainct Concile de Trente, tant en particulier que
publiquement au Chœur; que les pseaumes penitentiaux , à
cause de la coustume, pourroyent estre recitez devant l'office
du jour ; mais toutesfois que personne n'y seroit obligé dehors
du Chœur , sinon en suitte des rubriches du Bréviaire de
Trente ;
3'' Que tous les jours on celebreroit pour le moins quatre
messes, et quelques autres certains, cinq.
Il treuva en l'autel, auprès des formes, de vieilles images
toutes rongées et vermoluës, qu'il fîst oster et brusler en un
lieu honneste dans les cloistres
4° Que les murailles du Monastère , tout premièrement
nécessaires pour la discipline religieuse, seroyent refaictes et
lermées de deux portes tant seulement; cependant, que les
DE S. T^ANCOTS T>E S\T.F.5. 197
femmes n'*entreroyent point dans l'enclos de TAbbaye, ou
marques des murailles rnynées ;
5° Qu'il ne seroit permis à aucun des Religieux , sous
quelque prétexte que ce fust, de sortir désormais de PAbbaye
sans le con2:é du Prieur, ny au Prieur sans avoir au preallabe
adverty le plus ancien Religieux , quoy qu'il ne fust pas
tenu de luy demander permission , ou de la prendre de luy.
Il attendit d'ordonner de r'establir la table commune
quand le Monastère auroit les moyens nécessaires pour cet
effect , comme aussi de faire le vœu exprés quand on seroit
d'accord des constitutions, qu'il leur bailla depuis tres-
aainctes.
198 OPUSCULES
XXXVI.
LETTRE*
A MADAME l'aBBESSE DU PUITS-d'oRBE.
Conseils sur quelques exercices religieux à l'usage des communautés de
femme?, sur les réformes qu'une abbesse peut introduire, et les pratiques
••qu'elle doit faire observer, etc.
A Sales, le jour de Saint-Denis, 9 octobre 1604.
Madame ,
J^ay longuement retenu vostre laquais Philibert; mais c'a
esté parce que je n'ay jamais eu un seul jour à moy, encor
que je fusse aux champs; car la charge que j'ay porte tout
par tout son martyre avec soy, et ne puis pas dire qu'aucune
fjeule heure de mon temps soit à moy, sinon celles auxquelles
je suis à l'Office : tant plus desiré-je d'estre tres-estroitement
recommandé à vos prières.
Je vous envoyé , ma chère fille ( et voila le mot que vous
voulez, et que mon cœur me dicte), un escrit touchant la
façon de faire l'orayson mentale , qui me semble la plus
aisée et utile. Je vous y ay mis quelques exercices et des
oraysons jaculatoires. Cela suffira bien pour enseigner la
forme qu'il faut tenir à passer la jourk-Ce. Je désire que vous
la communiquiez à madame la présidente ^, vostre seur,
ef à madame de Chantai; car je pense qu'elle leur sera utile.
Quant à la matière de vos méditations, je désire que pour
r ordinaire ce soit sur la vie et mort de nostre Seigneur; car
ce sont les plus aisées et les plus profitables.
t Tirée du monastère de la Visitation du Puits-d'Orbe. C'est la 6 S» de la
collection Biaise.
> Madame BrularU
DE S. FRANÇOIS DE SALES. i99
Les livres que je vous conseille , ce sont Bruno , Jésuite ;
Capidia , Chartreux ; Bellintany , Capucin ; mais sur tout
Grenade, a^i Vray Chemin ', pour le commencement. Bruno
et Capi-lia vous pourront servir pour les festes et dimanches,
les autres deux le long de l'année. Mais quoy que fous voyiez
ces auteurs qui sont excellents , ne vous départez pomt de la
forme que je vous ay envoyé \
Faites tousjours l'entrée de Torayson en vous mettant en
la présence de Dieu, Truvoquant et proposant le mystère ; et
après les considérations , faites tousjours les actes des alfec-
tions , non pas de toutes , mais de quelques-unes , et les re-
solutions ; après cela l'action de grâces , Toffre , la prière ;
enfin lisez bien le petit mémorial que je vous envoyé , et le
pratiquez.
Quant à la méditation de la mort , du jugement et de
l'enfer, elle vous sera fort utile ; et vous en trouverez les
matières en Grenade , bien au long. Mais , ma fille, je vous
prie que toutes ces meditations-là des quatre fins se finissent
toutes par l'espérance et la confiance en Dieu, et non pas par
la crainte et l'eifroy; car quand elles finissent par la crainte,
elles sont dangereuses, sur tout celle de la mort et de l'enfer,
il faut donc, qu'ayant considéré la grandeur des peines
et reternilé , et vous estant excitée à la crainte d'icelles , et
fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous représentiez
le Sauveur en Croix , et , recourant à luy les bras estendus ,
-A^ous l'alliez embrasser par les pieds, avec des acclamations
intérieures pleines d'espérance : O port de mes espérances!
ahlvostresanrj me garantira ; je suis vostre, Seigneur, et
vous me sauverez %• et retirez-vous en cette affection, remer-
ciant nostre Seigneur de son sang , l'offrant à son Père pour
vous délivrer, et le priant qu'il vous l'applique. Mais ne
îaillez pas à tousjours finir par l'espérance , autrement vous
C'est sans doute la Guide des pécheurs.
Tuus sura ego, salvum nae lac. Ps. GXVillj 84
200 OPUSCULES
ne retireriez nul profit de telles méditations : et tenez cette
règle perpétuellement, que jamais vous ne devez linir vostre
crayson qu'avec confiance; car c'est la vertu la plus requise
pour impetrer de Dieu , et celle qui l'honore le plus. Vous
pourrez donc faire ces méditations des quatre fins tous les
trois mois une fois, et ce en quatre jours.
Pour l'ordre de prier la journée , il me semble de vous
avoir assez eclaircie en ce petit mémoire que je vous envoyé.
Je vous le diray néanmoins icy un peu plus particulièrement.
Sçachant que vous estes fort matineuse, je dis que le
matin , estant levée , vous devez faire vostre méditation et
l'exercice du matin, que j'ay appelé préparation, à la charge
que le tout ne durera au plus que trois quarts d'heure , ne
désirant pas que la méditation et l'exercice arrivent à une
heure. Apres cela vous pouvez disposer de vos affaires dé ce
jour-là , jusqu'à l'Office s'il y a du temps.
A la Messe, je vous conseille plustost de dire vostre cha-
pelet qu'aucune autre prière vocale; et, le disant , vous le
pourrez rompre quand il faudra observer les points que je
vous ay marquez, à l'Evangile, au Credo, à l'Eslevation, et
puis reprendrez où vous aurez laissé ; et ne doutez nulle-
ment qu'il n'en sera que mieux dit pour toutes ces interrup-
tions ; et si vous ne le pouvez achever à la Messe , ce sera à
quelque heure du jour, et ne sera besoin que de poursuivre
où vous aurez laissé.
Au repas, j'approuverois que vous observassiez de faire
dire le Benedicite, et les grâces ecclésiastiques qui sont à
la fin du Bréviaire; et cela vous pouvez introduire au
niesme temps que vous introduirez le Bréviaire de Trente ^
ou devant, s'il vous semble; et petit à petit faire que chaque
dame le dise à son tour ; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre ,
sinon afin que nous l'observions. Estant à Annecy, je l'ob-
serve tousjours.
Un petit devant le souper, il vou3 ^«i-oit fort utile dft
ST. MIOHAEL'S
COLLEGE
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 201
prendre un demi-quart d'heure de recueillement à remasclier
la méditation du matin , sinon qu'à cette heure-là l'on dist
Complies au Monastère.
Le soir avant que d'aller coucher, j'approuve que si l'é-
glise n'est point esloignée de vos chambres, ni trop incom-
mode , vous y alliez toutes ensemble ; et qu'y estant arrivées
e* mises à genoux , et en la présence de Dieu , la semainiere
fasse l'office do l'examen de conscience , en cette sorte :
Pater noster, et dire secrètement le reste ; Ave Maria , et
Credo , et à la fin , carnis resurrectionem , vitam œternam.
Amen. Puis toutes ensemble le Confîteor jusqu'à meâ culpâ,
et s'arrester un demi-quart d'heure à faire l'examen , puis
achevez le meâ culpâ , et le reste ; Misereatur et Indulcjen-
tiam : après cela les litanies de nostre Dame ; et après ,
l'orayson de nostre Dame , ou celle qui est après , Visita ,
quœsumus, Domine, habitationem istam, et ce qui s'ensuit;
les autres respondent, Dormiam et requiescam. v. Benedi-
camus Domino, r. Deo gratias. v. Requiescant in pace. Et
dés cette heure-là que chacune se retire à sa cellule , après
s'estre entre-saluées toutes ensemble.
Au demeurant, ma chère Dame, sur tout il faut que vous
la première teniez un ordre, non seulement pour les OlFices,
mais aussi pour s'aller coucher et lever ; autrement vous ne
pourrez pas continuer en santé : et cela s'observe en toutes
assemblées. Les veilles du ,soir sont dangereuses pour la
teste et l'estomac. Je vous conseillerois que le disner ne fust
pas plus tard que dix heures , ny le souper que six , ny le
coucher que neuf à dix , et le lever entre quatre et cinq , si
quelque complexion particulière ne requière davantage de
temps pour dormir, ou n'en puisse pas tant dormir. Mais il
faut que , pour n'en pas tant dormir, la cause soit bien re-
connue : car entre les filles , il semble que six heures soient
presque requises; et voulant faire autrement, on demeurera
sans vigueur le long de la journée-.
202 OPUSCULES
Ne faites point l'orayson mentale après le disner, si ce
n'est pour le moins quatre heures après , ny jamais après
souper. Aux jours de jeusne on peut faire collation à sept
heures; et pour le regard du jeusne, pour vous, il suffira
de commencer par le Vendredy, et vous en contenter pour
^quelque temps, et mesmement parce qu'il faut que vous
soyez avec les autres, et qu'il ïiiut les conduire petit à petit.
Estant malade, ne faites pas d'autre orayson que jacu-
latoire. Ayez soin de vous , obeyssant soigneusement au
médecin , et croyez que c'est une mortification agréable à
Dieu , et quand vos seurs le seront, soyez fort afFectionnée
à les visiter, secourir, et faire servir et consoler. Mesme s'il
y en a de maladives , montrez-leur une tendre compassion ,
les dispensant aisément de leur charge de l'Olïîce, selon que
vous jugerez convenable, car cela les gagnera infiniment.
Pour le regard des communions et confessions , je trouve
bon que ce soit tous les huit jours, et que le soir du samedi,
vous ajoustiez au Visita l'orayson du saint Sacrement.
Je vous envoyé un petit formulaire de Confession , que
j'ay dressé exprés pour vous. Je n'y mets pas tout, mais
seulement ce que j'ay cru à propos pour vostre instruction.
Yous pourrez le communiquer à mesdames Brulart et de
Chantai , et aux Religieuses que vous verrez disposées à en
faire profit. Je n'ay pas icy les livres qui en traitent, et
peut-estre le disent-ils mieux que nioy : mais il n'importe;
si vous le trouvez ailleurs , tant mieux.
Quant à la reformation de vostre Maison, ma chère fille ,
il faut que vous ayez un cœur grand , et qui dure. Je vous
vois dedans sans doute , si Dieu vous donne sa grâce et
quelques années de vie. Ce sera vous qui serez employée de
la divine Providence à cette sacrée besogne, et sans beaucoup
de peines. Cela me plaist que vous estes peu de tilles. La
multitude engendre confusion. Mais comment commencerez-
vous ? Yoicy mes pensées.
DE S. FRANÇOIS DE SALïïS. 203
L'exacte reformation d'un Monastère de filles consiste en
l'obédience bien observée, la pauvreté et la chasteté. Il vous
faut bien garder de donner ny peu ny prou aucune alarme
de vouloir reformer; car cela feroit que tous les esprits
chatouilleux dresseroient leurs armes contre vous , et se roi-
iiroient. Savez-vous ce qu'il faut faire? Il faut que d'elles-
mesmes elles se reforment sous vostre conduite , et qu'elles
se lient à Fobeyssance et pauvreté. jMais comme quoy? Allez
de loin en loin, gagnez ces jeunes plantes qui sont là, et leur
inspirez l'esprit d'obeyssance ; et pour ce faire , usez de trois
ou quatre artifices.
Le premier, c'est de leur commander souvent, mais des
choses fort petites, douces et légères, et ce devant les autres;
et puis là-dessus les en louer modestement , et les appeler à
Tobeyssance avec des termes d'amour : Ma chère seur, ou
fille, et semblables; et plustost leur dire avant que de le
faire : Si je vous prie de cecy ou de cela, le ferez-vous pas
bien pour l'amour de Dieu ?
Le second , c'est de leur jeter devant des livres propres à
cela , et entre autres il y en a trois admirables que je vous
conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire à part les points
les plus sortables. Ce sont Platus , Du bien de restât reli-
gieux^ lequel est imprimé en françois à Paris ; Le Gei^son
des Religieux, composé parle Père Pinel, imprimé à Lyon et
à Paris : La Désirant , ou Trésor de Dévotion, imprimé à
Paris et à Lyon. Item , parler souvent de l'obédience , non
■pas comme la désirant d'elles , mais comme désirant de la
rendre à quelqu'un. Par exemple : Mon Dieu î que les Ab-
besses qui ont des Supérieures t^ai leur commandent, ou
bien des Supérieurs, sont bien plus aises ! elles ne craignent
point de faillir, toutes leurs actions sont bien plus agréables
à -Dieu ; et semblables petites amorces.
Le troisième , c'est de commander si doucement et araia-
blement, qu'on rende l'obej^ssance a^^mable; et, après qu'elles
201 OPUSCULES
vous auront oLey,adjouster : Dieu vous veuille recompenser
de cette obeyssance ! et ainsi vous tenir fort humble.
Le quatrième, c'est de faire profession vous-mesme de ne
vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre père
spirituel , auquel néanmoins vous n'attribuerez nullement
aucun tiltre de commandement, ny à ce que vous ferez par
sa direction aucun tiltre d'obeyssani"3 , de peur d'exciter
«{les contradictions , et que les malins ne suscitent des ja-
lousies en Tesprit de ceux qui sont Supérieurs de vostre Mo-
nastère, car cela gasteroit tout , et je suis expérimenté en de
semblables accidents , pour les avoir vus arriver en France ^
en des Monastères où il n'y a pas eu peu de peine d'apaiser
ces orages.
J'en dis de mesme de la pauvreté : il faut les y conduire
petit à petit; en sorte qu'inspirées en cette douce façon, dans
quelque temps toutes leurs pensions soient mises ensemble
en une bourse , de laquelle on tirera tout ce qui sera néces-
saire , esgalement et à propos , selon la nécessité d'une
chacune, comme il se fait en plusie irs Monastères de France
que je sçay. Mais sur tout il ne faut donner nulle alarme de
tout cela, ains les y conduire par de douces et souefves inspi-
rations, à quoy aussi serviront les livres susdits.
Quant à la chasteté , ii faut commencer ainsi : tesmoigner
vous-mesme que vous n'estes jamais si contente que quand
vous estes seule avec elles ; qu'il vous semble que c'est la
plus grande consolation d'estre ainsi en vostre conversation
particulière entre vous autres seurs; que vous voudriez
que chacun demeurast en son lieu , les mondains chez eux ,
et vous avec elles ; qu'aussi bien les mondains ne viennent
aux Monastères que pour en tirer ou pour faire des contes
çà et là ; ^t semblables petites inspirations ; mais que ce soit
en sorte qv\'il semble que vous ne le dites que pour vostre par-
ticulier ; et vous verrez que petit à petit elles seront bien
aises de retrancher ks sorties au monde et les entrées des
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 205
mondains : et en fin un jour (il suffira bien si c'est après une
année, voire deux), vous ferez passer cela en coniititution
et en ordre ; car c'est en lin la gardienne de la chasteté , que
la closure.
.le me console de sçavoir que presque tout est de jeu-
nesse; car cet aage est propre à recevoir les impressions. Au
Monastère de Montme.:Hre , près Paris , les jeunes , avec leur
Abbesse encore plus jeune, ont fait la reformation.
Quand vous rencontrerez des difficultez et des contradic-
tions , ne vous essayez pas de les rompre ; mais gauchissez
dextrement , et pliez avec la douceur et le temps : si touteâ
ne se disposent pas , ayez patience, et avancez le plus que
vous pourrez avec les autres. Ne tesmoignez pas de vouloir
vaincre ; excusez en Tune son incommodité , en l'autre son
aage ; et dites le moins qu'il vous sera possible que c'est faute
d'obeyssance.
Mais, dites-moy , eslimez-vous peu ce que vous avez
desja fait pour rOlFice , pour le voile, et semblables choses?
Seigneur Jésus! Nostre Seigneur demeura trois ans et
demy à former le Collège de ses douze Apostres , encore y
avoit-il un traistre et beaucoup d'imperfections quand il
mourut. Il faut avoir un cœur de longue haleine; les grands
desseins ne se font qu'à force de patience et de longueur de
temps. Les choses qui croissent en un jour se perdent en un
autre. Couraue donc , ma bonne fille ! Dieu sera avec vous.
Ma fille , j'approuve la charité que vous voulez faire à
cette pauvre créature égarée , pourvu qu'elle revienne avec
l'esprit de reconaoissancp et pénitence ; et si elle vient en
cette sorte , elle trouvera doux comme sucre et miel , d'estre
reculée au dernier rang , et de ne point avoir part aux hon-
neurs de la Maison, jusqu'à ce que les vertus qu'elle pourra
faire paroistre en contre-eschange des fautes passées la puis-
sent relever aux autres honneurs, hors mis le rang qu'il est
bien raisonnable qu'elle pei-dt? aJ)solument. En particulier,
206 OPUSCULES
je suis bien d'advis que vous releviez son esprit avec dou-
ceur, et que vous invitiez toutes les Dames à en f:dre de
mesme, car l'Apostre dit tout net que les plus spirituels
doivent relever les def cillants, en esprit de douceur, quand
Hz viennent en esprit de pénitence *. Ainsi faut-il mesler la
justice avec la bonté , à la façon de nostre bon Dieu , afin
que la charité soit exercée, et la discipline observée.
Je trouverois bon que l'exercice de l'examen ne se fîst
qu'une grosse demy- heure ou trois quarts d'heure après
souper, et que pendant les trois quarts d'heure on fîst un
peu de récréation à deviser honnestement , voire à chanter
des chansons spirituelles, au moins pour ce commencement.
Vos jeunes filles doivent estre communiées pour le plus
tard à onze ans , présupposant qu'elles ayent la connois-
sance qu'ordinairement l'on a en ce temps-là. Et la première
fois qu'elles communient , il est bon de prendre vous-mesme
la peine de les bien instruire de la révérence qu'elles y
doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en
leur Bréviaire, pour en remercier Dieu toutes les années
suivantes.
Yoilà , ce me semble, que je vous ay repondu à tout ce
que vous me demandiez, Madame ma chère seur. Il me
reste à vous dire que sans cérémonie je suis extresmement
vostre, et à toute vostre Abbaye, où j'espère voir un jour
fleurir de toutes parts la sainte dévotion; en ce que je
pourray, je contribueray, et ce que Dieu me donnera d'es-
prit , et mes foibles nrieres. Je ne manque jamais de vous
loger amplement en la mémoire de la sainte Messe ; et croyez
que si vous vous desirez prés de moy, je me désire bien aussi
prés de vous. Mais nous sommes assez prés , puis que Dieu
nous joint au désir de le servir/ Demeurons en Dieu, et nous
* Fratres, et si prœoccupatus fuerit homo in aliquo delicto, vos, qui spk-
ritualesestis, hujusmodi instruite in spiritu lenitatis^, considerans teipsum^
ne.et tu tenteris. Gahj, YXj^l*
DE S. FRANÇOIS LE SALES. 20T/.
gérons ensemble. Je le prie de tout mon cœur qu'il vous for-
tifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames
vos Religieuses, que je salue, et prie de ne me jioint oublier
en leurs oraysons, mais de me donner quelques-uns des
souspirs de dévotion qu'elles jettent au Ciel, oii est leur
espérance. Amen.
208 OPUSCULES
XXXVII.
STATUTS SYNODAUX
Publiés par saint François DE SALES dans le synode de l'année 1605, le mer-
credi de la seconde semaine d'après Pâques, 28e jour du mois d'avril.
(Auguste de Sales, liv. VI, pag. AOO.)
La négligence que la plu spart des Ecclésiastiques sousmis
à nostre charge a monstrée à robservation de nos premières
ordonnances , et la nécessité que nous avons cognu estre au
commencement de nostre visite générale , à fin d^obvier aux
contentions et disputes qui pourroyent arriver entre les
Curez '»t les parroissiens, nous ont poussé à faire ces Consti-
tutions.
Premièrement , nous avons ordonné que les Constitutions
par nous faictes au Synode du second d'octobre, l'an mille six
cens et trois, seront derechef publiées, mesmes en ce qui est
des taverne^ et cabarets, sous quelque prétexte que ce soit,
i^our estre observées avec les présentes.
Que tous possedans des bénéfices ayans charge d'ames
Negligentia qimm ex ecclesiasticis nobis subditis, in observandisiis
qucG nuper statueramus^ nonnulli . imô plurimi ostenderunt^ et néces-
sitas quam esse cognovlmus ut initio visitationis nostrge, scilicet
controversiis qua^ inler curiones et parœcianos nasci possent cave-
œmusj ad lerenda hœc statuta compulerunt.
De renovatione priorum statutorum.
Primo igitur slatuimus constitiitiones synodi anni millesimi sexcen-
tesimi tertii, prœserlim vcrô in iis quœ ad cauponas et œnopolia
speclant^ ut cum his accuratè observontur^ iterùm esse promulgandas.
De residentiâ.
Universos et singuios quicumque bcnclicia curam animaruin ha-
DE S. FRA^X01S DE SALES. 209
»
ayent -à résider en personne dans six semaines, à peine d'ex-
communication , s'ils ne sont deuëment dispensez ; dequoy
ils seront tenus de faire apparoir par devant nous , ou par
devant nostre Vicaire gênerai, dans le mesme temps; et à fin
que les possesseurs de ces bénéfices ne pretepdent cause
d'ignorance \\ est enjoinct à leurs Vicaires de les en ad ver tir,
et leur notifier la présente Ordonnance , de bouche ou par
escrit , et de r'apporter dans le mois à nostre vicaire gênerai
un acte par lequel il apparoisse de leur diligence , à peine
contre chaque défaillant de cinquante livres.
Il est inhibé à tous Ecclésiastiques de n'exorcizer par cy
après, sinon qu'ils soyent de nouveau admis par Nous ou par
nostre Vicaire ; et l'admission sera donnée par escrit à ceux
qui seront treuvez capables d'exercer telle charge : ausquels
nous deffendons , à peine d'excommunication , d'exorcizer
sinon dans les églises , et de tenir les possédez dans leurs
maisons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages
bentia possident , sub excommunicationis pœnâ, intra sex hebdo-
madas personaliter residere debere^ nisi légitimé cum illis dispen-
satum sit^ quod vel nobis ^ vel vicario nosiro generali intra idem
tempus constare debeat. Et ne eorum beneliciorum pcssessores
ignorantise causam prœtendant, prœcipimus eorum vicariis uti eos
certiores reddant^ hocque statutum eis sive verbo sive scripto de-
nuntient, necnon utintrAmensemad \icarium nostrum suse diligentiee
testimonium référant, sub pœnâ quinquaginta librarum adversùs
unumquemque delinquentem.
De Exorcisiis.
Cùm multos intellexenmus committi ab exorcistis abusas, prohi-
bemus omnibus ecclesiasticis ne deinceps exorcizent, nisi vel à nobis
vel à vicario nostro rursiàm admittanturj etadmissioquidem in scrip-
tis dabitur iis qui ad id muneris idonei censebuntur. lis autem sub
excommunationis pœnâ prohibemus ne extra ecclesias exorcizent, ne
possessos suis in domibus sive curioniis retineant^ prœsertim si iriu-
VI. 14
210 OI'USC.Uf.ES
cl pèlerinages avec elles, à peine «le vingt cinq livres, et
autre arbitraire.
Il ne sera loisible à aucuns Religieux , de quel Ordre
qu'ils soyent , de prescher riere nostre Diocèse , s'ils n'ont la
permission par escrit de nous ou de nostre Vicaire ; laquelle
ils seront tenus de monstrer aux Curez des lieux où ils vou-
dront prescher, et de les en ad ver tir avant qu'ils commencent
leurs grandes Messes , à fin qu'ils ayent loisir d'en advertir
les parroissiens pour y assister.
Tous les parroissiens seront tenus de se confesser à Pas-
ques vers leurs Curez , ou autres qui auront pouvoir d'ouyr
les Confessions ; et, pour la saincte Communion, seront tenus
de la prendre en leur parroisse de la main de leurs Curez ,
ou autres par eux députez. Que s'il s'en treuvoit quelques
uns qui ne voulussent pas se communier de la main de leurs
Curez , ils seront tenus de les en advertir , et de leur deman-
der licence d'aller ailleurs ; laquelle leur sera donnée par le
Curé, sans s'informer autrement de l'occasion; et les mesmes
lieres sint, et ne cum illis peregrinationes ineant, sub pœnâ vigintt
quinque librarum, et alterius arbitrariâ contra delinquentes.
De Concionatoribus.
Nemini religioso, cujuscumque tandem- ordinis^ licitum sit in
diweesi nostrà concionem habere, nisi facultatcm in scriptis habeat
tel à nobis, vel à vicario nostro, quam cunon»bus exhibere tenebitar
abicoDcionari volet ^ itemqire eos admonere, inteq' àm ad magnam
missam accingantur, ut parœcianos suos queant hâc de're common»-
facere.
ne Confessione et Communione paschali.
Tenebuntur parœciani omnes paschali tempore apud curiones suos
aut alios ab eis potestatem habentes confiteri, itemque in parœciali
ecclesiâ eorum manibus seu ab eis constitutorum communicare. SL
tamen essent aiiqui qui nollent eorum communicare manibus , tene-
buntur ii admonere et aliô eundi faeultatem petere, quam quidem
iacultatem eo ipso curiones dabunt^ et çarœciani intra dies octo pos^
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 21 i
parroissiens r'apporteront attestation dans huict jours après
Pasques du Prestre qui les aura communiez, à peine d'estxe
tenus pour hérétiques.
Pour ce qui est de ceux qui freauentent parmy les terres
<îes hérétiques voisins de nostre Diocèse , ou bien qui sont
«ontraincts d'y demeurer pour gaigner leur vie, nous avcris
donné pouvoir à tous Curez et autres qui ont permission de
confesser de les ouyr en Confession , et absoudre de n'avoir
pas célébré les festes commandées par nostre mère la saincte
Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Yigiles, de quatre
Temps et de Caresme, comm'aussi d'avoir mangé de la chair
-ces mesmes jours , exceptez les vendredis et samedys ; et pa-
reillement d'avoir esté aux presches des ministres , pourveu
qu'ils n'ayent pas pris la Cène.
Pour éviter plusieurs diiferens et disputes qui arrivent
entre les Curez et les parroissiens de nostre Diocèse à l'occa-
sion du linceul qui se met sur les deffuncts nous avons
ordonné qu'il sera au chois des heiiliers du deffunct, ou
autres qui auront charge des funérailles, de laisser ce
Pascha testimonium ab eo sacerdote réfèrent, cujus manibus cociaiu-
micaverint, alioquin censebuntur ut haerelici.
De iis qui cum hœreticis mauere coguntur
Quod ad eos qui in hecreticornm regionibus diœcesi nostrae fini-
timis versantur, vel qui ut habeant quô vivant cue) Us coguntur habi-
tare, facultatem facimus omnibus curionibus, et aliis rite admissis,
*»ios confitentes audiendi et absolvendi, quôd statutos Ecclesise festos
ûies non celebraverint^ vigiliis^ quatuor temporib as, et quadragesimâ
non jejuïiaverint, aut quôd diebus illis (exceptits veneris et sabbati)
carnes comederint, sicut etiam quôd ministrorura concionibus inter-
fiierint, dummodô cœnara non sumpserint.
î>e Syndone defunctorum.
Ad vitandas altercationes quae soient inter curiones et parœciano»
esse pro syndone defunciorum, statuimus iuturum deinceps ad haa*
cedum^ vel aliorum Ëxeqularuxn cujcam hiibealium arbitj:ium uti
212 OPUSCULES
linceul au sieur Curé , ou de le reprendre en luy payant six
florins , et , pour le couvrechef ou toilette qui se met sur les
petits enfans, deux florins.
Sur les plaintes qui nous ont esté faictes que plusieurs
Curez retiennent le luminaire aue l'on porte aux funérailles
et obsèques le jour ae l'enterrement, sans en vouloir fournir
pour les Mccses qn? se disent le lendemain, mais en deman-
dent d'autre, nous avons ordonné que les Curez seront tenus
de représenter le luminaire le lendemain et pendant les trois
jours que l'on a accoustumé de faire prier pour les defFuncts^
si tant est que ce luminaire puisse suffire ; passé lesquels
trois jours, ce qui restera appartiendra aux Curez : et adve-
nant que l'on ne fasse pas dire les Messes le lendemain , ils
ne seront nullement tenus de représenter le luminaire.
Parce qu'en plusieurs Eglises de nostre Diocèse, les Curez
sont priez de fournir le luminaire des sépultures, et, quand
il vient au payement, sont contraincts bien souvent d'en
tomber en procez avec leurs parroissiens; desirans d'y obvier,
'«ou s avons ordonné que les Curez fournissans le luminaire
syndonem curioni relinquant, vel référant persolvendo ei sex flore-
nos^ et pro nciniolo puerorum, duos florenos.
De Luminaribus in Exequiis.
Super querimoniis ad nos relatis, quod multi curiones luminaria
quai in exequiis die sepulturœ deferuntur^ retineant, nec velint ad
missas quœ die postera celebrantur^ prœbere, sed alia pétant^ statui-
mus ut curiones teneantur luminaria die poster;! reprœsentare, et
diebus tribus quibus consuetum est preces pro defunctis fundere, si
luminaria illa sufficiant - quibus verô tribus diebus prœteritis, quod
ex iis luminaribus residuum erit, spcctabit ad curiones : et si missae
die crastinâ non celebrentur^ tune curiones luminaria reprœsentare
minime teneantur. Et quandoquidem in multis diœcesis nostraî eccle-
siis rogantur curiones uti prœbere dignentur luminaria, et cùm ad
debiti numerationem venitur, plerumquè intentare suis cum parœ-
cianis lites coguntur; ut iis occummu^^ ëtatuimus pQnder^nda ^m
DE S. FRANÇOIS RE SALES. 213
le pèseront, en présence de ceux qui le leur feront fournir,
avant que de le donner, comm'aussi quand ils le repren-
dront , et leur sera payé de la cire qui se treuvera usée à
raison de cinq florins pour livre du poids d'Anicy; et à mesme
prix leur sera payé le luminaire qu'on leur fera fournir tout
le long de l'année.
iVyant recogneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de
revenu, et chargées par la fondation de grand service, auquel
les Recteurs ne peuvent pas satisfaire, aou s avons ordonné
que le Recteur d'une chappelle qui n'aura (pour exemple)
que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt
Messes par an , à raison de six sdIs pour Messe , et ainsi des
aul;;'es; n'entendant pas toutesfois d'obliger ceux qui pos-
sèdent des chappelles de bon revenu à plus de service qu'elles
ne se treuvent chargées par leur fondation.
Nous commandons à tous Ecclésiastiques demeurans riere
nostre Diocèse de faire par cy après célébrer la feste de
sainct Pierre aux liens, avec son octave, comme estant le
lurninaria coram lis à quibus praebere rogabuntur^ antequàm remit-
tant, sicut etiam cùm reddentur; et pro insumptâ cerâ solvendos
esse ad unamquamque libram ponderîs Aniciensis quinque florenos,
eodemque pretio solvenda lurninaria quœ anni decursu prœbuerint.
De Sacellis.
Cùm noverimus multa esse sacella exigui reditùs, et multis one-
rata officiis quibus rectores satisfacere uequeunt, statuimus ut rector
«acefli, qui^ Aeinpli gratiâ, decem tantùm florenos annui reditùs
percipiet, ad vigenti tantùm missas in anno obligetur, ratione sex
assium pro missâ , et sic de cœteris; non intelligentes tamen eos qui
opimi reditùs sacella possident, ad amplius et majus officium quàm
ex fundatione teneantur, obiigare.
De Festo sancti Pétri ad Vincula, et Dedicationis.
Imperamus et prœcipimus omnibus ecclesiasticis diœcesim nos-
tram incolentibus uti deinceps lestum sancti Pétri ad Vincula cum
214 OPUSCULES
patron âe nostre Eglise cathédrale; comme aussi le jour «le-
la Dédicace d'icelle, qui est le huictiesme d'octobre.
Nous estant venu à notice que plusieurs Curez et autri^
possedans des bénéfices riere nostre Diocèse intentent des
procès contre leurs parroissiens, quelquesfois plustost par
animosité que pour zèle qu'ils ayent de maintenir les biens
ide leurs Eglises et bénéfices, et lesquels il seroit facile d'ap-
pointer au commencement ; nous avons defFendu à tous Curez
et autres bénéficiez d'intenter par cy après des procès avec
leurs parroissiens qu'au preallable ils n'en ayent conféré
avec leur surveillant, lequel, ayant entendu les parties^
taschera de les mettre d'accord : que s'il voit le tort estre du
coslé des parroissiens, et qu'ils ne veuillent pas se mettre k
3a raison, il sera permis aux Curez de poursuivre leur droict
par justice.
Sur la remonstrance qui nous a esté faicte par nostre Pro-
cureur fiscal, que, bien que toutes aliénations des biens
d'Eglise soyent delFenduës de droict; sinon qu'elles soyent
^ ' ■! I I I 1^— ^^^— ^.^^ M^— B^— ^—^111 MMIII I I , lll—— ■ Il .11 .1 1,1 ■ MM.I ■■ I 1^.1 I ■ Il I , n^... -■— I . . ■ I ■ . .1. , il
octavâ^ tanquam patroni ecclesiaî nostrse cathedralis _, itemque dieni:
dedicationis ejusdem, quai est octavâ octobris,, célèbrent.
De Litibus inter Parochos et Parochianos componendis.
Cùm ad aures nostras pervenerit cunonu'i ^^ aliorum bénéficia:
possidentium plurimos lites adversùs parœcicinos suos inlendere^
plerumque ex contentione potiùs et œmulatione, quàm studio suarum
ecclesiarum bona tuendi, quas facile esset initio comuonerc; prohi-
fcemus idcircô curionibus omnibus, et aliis quibuscumque ecclesias-
licis, ne quid simile intendant, vel suos parœcianos in jus arcessant,
^uin priùs cum supervigrli contulerint, qui, audilis partibus, ren»
componere conr /)itur . si tamen parœcianos viderit esse injurios, nec
Telle ad œquuiii rectumque intelligere, tune curionibus jus suur»
prosequendi facultas dabitur.
De alienatione bouorum ecclesiasticorura.
Super expositione nobis à procuralore liscali nostro factâ, quod
Jicet ex jure ipso oranes bonorum ecclesiaslicorum alien«itiones, nis|^
DE S. FRANÇOIS mr SALES. 'îîS
évidemment au proffif -t utilité d'icelle, auquel cas faut-il
avoir encore la permission des Supérieurs, plusieurs béné-
ficiez, tant Curez, Recteurs des chappelles, qu'autres, sans
nostre sçeu et consentement, ou de nostre Vicaire gênerai,
vendent, eschangent et aliènent les fonds de leur bénéfice;
ce qui donne occasion à beaucoup de procès : ausquels desi-
rans obvier, nous avons déclaré nuls tons les contrats d'alié-
nation et escli.âjge des biens ecclésiastiques faicts et qui se
feront par cy après sans nostre sçeu, ou de nostre Vicaire;
enjoignant aux possesseurs des bénéfices de remettre dans six
mois ce qui se ireuvera aliéné de la façon , à peine de cin-
quante livres; avec inhibitions à tous bénéficiez de n'aliéner
les biens dependans de leurs bénéfices sans nostre permis-
sion, à peine de cent livres ; commandant aux surveillans
d'y tenir la main chacun riere sa surveillance, et d'advertir
nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y
estre par après pourveu amsi que de raison.
in evidentem Ecclesiae utilitatem cédant (quo casu etiam superiorum
licentia necessaria est), prohibitœ sint, niliilominùs ecclesiastici
multi tùm curiones cùm sacellorum rectores, nobis vel vicario nostrô
insciis^beneficiorum suorum fundos vendant, permutant, aliénant,
quodmultarum deindèlitium materiam praebet. Ut iis malis occurra-
inus,omnes contractas alienationis aut permutationis eorum bonorum
factcs, aut qui deinceps nobis aut vicario nostro insciis fient, irrites
et nulles declaramus. Beneficiatis ne quid simile committant ^ SJ^tb
pœnâ centuiu librarum inhibantes, et, si commiserint, prœcipientes
ut intra sex menses omnia in pristinum statum restituant. Mandantes
proptereâ supervigilibus ut seriô in eam rem advertant, adiuoneant-
que procuratorem nostrum fiscalem, quotiescumque aliquem peo-
cati in nostrum hoc statutum reum cognoverint.
216 OPUSCULES
XXXVIII.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A SA SAINTETÉ LE PAPE PAUL V.
Félicitalion sur sa promotion au Souverain Pontificat.
Annecy, le 16 juillet 1605.
Très-saint Père ,
Quoique je ne cède en rien à qui que ce soit dans Fobéis-
sance , la fidélité et le respect qui sont dus à votre Sainteté,
cependant, pour ce qui regarde les mérites , ma personne a
si peu de relief, qu'étant mise en parallèle avec les autres, elle
s'évanouit et disparoît. C'est ce qui fait que je n'ai pas cru
pouvoir me mêler parmy la multitude de ces grands person-
nages qui, à l'entrée de votre pontificat, se sont empressés
d'aller se jetter aux pieds de votre Sainteté, pour lui renare
leurs devoirs.
Mais maintenant , très-saint Père , que toute cette foule
* C'est la 6* du livre P' des anciennes éditions, et la 79» de la collection
Biaise.
Ostendit quantis nominibus Paulo V, ad pontificatura recens erecto , gratulan
teneatur. Diœcesim Gebennensem nobilium ejus curarum partem cupit non
' esse postremam.
Beatissime Pater,
In lantâ salut an tium contentione, qui, hoc pontificatûs initie ad
pedes Sanctitatis tuée venerabundi accesserunt, nor «kbuî, credo,
meam ingerere tenuitatem, quse etsi obedientiâ, fide ac pietateerga
beatitudinem tuam nuUi inferior est , meritis tamen adeô depressa
jacet, ut vix in comparatione conspici ac notari potuisset.
Sed nùuc, beatissime Pater^ cùm majorum omnium ardor expletus
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 217
est passée , et que le zèle des grands s'est satisfait , je pense
que jp ne puis me taire avec honneur, ni me dispenser rai-
sonnablement de témoigner la joie dont la nouvelle de votre
élection m'a comblé avec tout mon diocèse.
Je dois cette déférence au Saint-Siège apostolique en le
congratulant du choix qu'il a fait d'un si grand pape , et à
vous, très-saint Père, qui illustrez la chaire de vos prédé-
cesseurs. Je la dois aux fidèles, tant àe la ville de Rome que
de tout l'univers, qui sont embaumés de l'odeur de vos
vertus ; je la dois en particulier à cette province , qui , battue
de toutes parts , et presque brisée des Ilots et des orages
excités par les hérétiques , a conçu de grandes espérances de
votre sagesse et de votre charité.
Enfin , très-saint Père , je dois me féliciter moi-même ,
ayant déjà éprouvé les effets merveilleux de votre bonté ,
lorsque vous n'étiez encore que cardinal, mais déjà si proche
du souverain pontificat, et que je n'étois que prévôt de cette
Eglise. Car vous m'aidâtes puissamment auprès du saint Père
votre prédécesseur pour faire réussir ma négociation tou-
chant la réédification des églises tombées en ruine et démo»
deferbuit, non rectè faciam, si lacuero, et noluero nuntiare quàm
boni nuntii dies assumplionis tuœ fuerit , et me totamque hanc diœce-
fiim maximâ perfuderit lœtitiâ.
Debeo namque hoc gaudii teslimonium cathedrae apostolicœ, oui
4e tanti porxiilicis sessioue congratulor : debeo et tibi Pontifici
maximo, qui 'antam cathedrani exurnas : debeo urbis et orbis lid*-
libus universis , qui suavissimo virlutum tuarurn odoie rccreantur;
debeo huic provincia;, quai, uudique fluctibus ac jactalionibus
hccrclicorum quassata propemodùin ac ccnlrita, plurimaui spem ex
perspectâ tua providentià concepii.
Debeo et mihi, qui mirilicam illam tuam benignil;>'eui janipridem
«uni expertus, dùm tu, beatissime Pater, in ultimu /"/u et ad ponti-
licatum proximo cardinalatùs gradu tantisper haereres, et ego huic
Kcclesiaî prœpositus negotium de ecclesiis, hœreticoruiri longissimà
cccupaùone dirutis, catholicorum iimi "estituendis, apud sanctam
2i8 OPUSCULES
lies par los hérétiques, et pour faire i^emettie les catholiques-
en possession de ces saints lieux si long-temps occupés par
ces ennemis de la religion.
Ce fut alors que j'annonçai à sa Sainteté Theureuse nou-
velle de la conversion de plusieurs milliers de personnes. Si
j'eus le bonheur, tr*^,s-saint Père , de vous trouver si Iavo-
rable dans un temps oii je pouvois vous être plus iiuliîiô-
rent, parce que vous n'étiez que cardinal, n'ai-je pas lieu
d'attendre les meilleurs traitements de votre Sainteté, dep:ns
que vous êtes devenu le père commun des fidèles et le pre-
mier de tous les pontifes.
Le cœur, cette partie si noble du corps humain , a cou-
tume de départir avec plus d'abondance ses esprits vitaux à
celles qui lui sont les plus intimes; et le soleil darde ses
xayons avec plus de force , et répand sa lumière avec plus
de profusion , à proportion qu'il s'élève et qu'il domine da-
vantage sur notre horizon.
C'est ce que nous voyons arriver en vous, très-saint Père ;
Vous êtes le cœur et le soleil de tout l'état ecclésiastique;
t'est pourquoi nous ne pouvons douter qu'outre le soin que
vous prenez de toutes les Eglises en général , vous ne vous
appliquiez particulièrement à affermir le bien qui a été com-
mencé dans ce diocèse , qui est le plus exposé de tous aux
fieden: zractarem . nuntiumque gratissimum deferrem de muUis lio-
minum miUibus ad Christi caulas iiuperrimè reductis; ut me nùnc
propitium habiturum pontificem et patrem sperare par sit , quem
tam beneficum jam indè nactus sum cardinalem.
Et sanè cor, humani corporis princeps, in affectas partes majore
iiuorum vitahum spiritum fluxu beneficentiam suam derivare solet.
SOi cuoque eô abundaiitiùs ac pressiùs radios suos elîundit in hocc
aosira intinora, quô altius horizonti insidet ac dominatur.
Tu autem, beatissime Pater^ cor es et sol totius ministerii ecclc-
fiastici : non dubium igiturquin, prœter omnium Ecclesiarnm sollici-
Kidinem, singularem providentiam buic Uiopcesi instauranda3 atliii—
DE S FRANÇOIS DE SALES. 21^
persécutions des hérétiques ; et qu'il ne se ressente d'autant
plus de vos bienfaits , que vous êtes plus élevé au-dessus de
nous.
Car Jésus-Christ même , le prince des évêques , que vous
représentez sur la terre , répand une surabondance de orâce
où le péché avoit abondé^. C'est pour cela, très-saint x'ere,
que je révère avec tant d<^ joie le souverain degré de la di-
gnité apostolique dont votre Sainteté est revêtue, et que, les
yeux baissés vers la terre , je me prosterne humblement à
ses pieds pour les baiser ; et s'il falloit vous ériger un trône
des vêtements de vos inférieurs, comme l'Ecriture nous
l'apprend du premier trône de Jéhu ^ , je volerois sur-le-
champ, j'étendrois mes habits sous vos pieds, je sonnerois
de la trompette, et je crierois de toutes mes forces : Règne
Paul cinquième ! vive le souverain Pontife que le Seigneur
a oint sur l'Israël de Dieu ! ayant l'honneur d'être avec le
plus profond respect , etc.
1 Rom., V, 20. — s IV. Reg., IX, 13.
beas^ quee omnium maxinè et pessimè ab hœreticis vexatur; idque
tantô uberiùs pra^stes . quo altiùs nobis prœes et immines.
Nam et Christus, episcoporum princeps^ cujus tu vices sustines
in terriSj ubi abundavit delictum, superabundare faclt gratiam. Sic
ïummum m te apostolica3 dignitatis splendorem lœtus et gratula-
bundus veneror, ac demisso in terram vultu, ad pedum tuorum
oscula prostratus^ humilHmè colo; et si tuae si. ..îita'iif iolium ex
inferiorum vestimentis erigendum esset, sicut de prima sede Jehu
docet Scriptura, festinarem utique, et tollens vestes substernerem
pedibus tuis , canerem tuba, atque dicerem : RegnetPaulus Y! vivat
pontifex maxiraus quem unxit Dominus super Israël Dei I
?20
OPUSCULES
XXXIX.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DF SALES,
A MADAME l'aBBESSE DU PUITS -d'ORBE.
n faut faire le bien avec joie , et sans se décourager ds ses défauts. Avis
généraux sur la clôture des Religieuses, sur les ConfesSh.vrs extraordinaires,
sur le maniement des Pensions, sur les Chapitres, et la charité mutuelle;
sur la nécessité et la manière de faire revenir au Monastère les Religieuses.
Avis particuliers à une Abbesse sur plusieurs points importants.
(le» mai 1606.)
Oui, ma Fille, je vous le dis pa'l* escrit aussi bien que de
bouche , resjouissés-vous tant que vous pourrés en bien fai-
sant ; car c'est une double grâce aux bonnes œuvres , d'estre
bien faites, et d'estre faites joyeusement. Et quand je dis, en
bien faisant, je ne veux pas dire que s'il vous arrive quelque
défaut vous vous adonniés à la tristesse pour cela : non , de
par Dieu, car ce seroit joindre défaut à défaut; mais je veux
dire que vous perseveriés à vouloir bien faire , et que vous
retourniés tousjours au bien , soudain que vous connoistrés
vous en estre esloignée , et , moyennant cette fidélité , que
vous viviés joyeuse pour le gênerai.
J'ay à vous dire, outre l'ancien escrit que je vous envoyé,
que vous devés tenir le Cloistre et le Dortoir fermés aux
hommes .* ainsi la closture s'en fera doucement.
Le Concile de Trente ordonne à tout^ les Supérieurs et
Supérieures des Monastères, qu'au moins trois fois l'année
* C'est la 98e de la collection Biaise, et la 33e du livre IV des ancienoes
éditions, '
DE ~S. FRANÇOIS DE SALES. 221
ilz fassent confesser ceux qu'ilz ont sous leurs charges, à des
Confesseurs extraordinaires ; ce qui est grandement requis
pour mille bonnes raisons. C'est pourquoy vous Pobserverés,
faisant venir quelque bon Moine, ou quelque bien dévot
Prestre, auquel toutes ayent à se confesser cette fois-là. Je
vous ay dit la raison pourquoy toutes s'y doivent confesser,
ce qui ne sera point grief à aucune ; car celles qui voudront
ne se confesseront que d'un jour ou deux, s'estant preala-
Mement confessées ; et celles qui voudront pourront en user
autrement.
Il faut que ce soit vous, ma fille bien-aymée, qui ayés
l'administration des pensions; mais députés une des Dames,
qui ait soin de tenir compte de ce qui s'en employé.
Il sera à propos, dans vos petits Chapitres, de recomman-
der la mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de
tesmoigner que vous l'avés en leur endroit, mais particuliè-
rement envers celle de laquelle vous m'escrivés , laquelle il
faut, par charité, révoquer à une bonne et douce intelligence
et confiance avec les autres. Je luy escris un petit mot.
Yous trouvères bien, crcis-je, les premiers advisque je
vous escrivis , il y a cinq ans , sur la façon avec laquelle vous
déviés doucement réduire tous ces esprits à vostre bon des-
sein. Vous y verres beaucoup de choses que, pour brièveté,
je ne diray pas maintenant.
Quant à celle qui est absente, il faut escrire à elle ou à
son frère , que , pour la plus grande gloire de Dieu , le salut
de vos âmes , l'édification du prochain et l'bonneur de vostre
Monastère, vous avés pris resolution avec toutes les Seurs
Religieuses , de vivre plus retirées dans vostre Maison qu'on
n'a pas fait cy-devant ; que la chose estant si raisonnable et
si honneste , vous ne doutés pas qu'elle ne s'y vueille ranger;
dont vous la conjurés et sommés par l'obeyssance qu'elle
vous a vouée, hors laquelle elle ne peut faire son salut; luy
promettant qu'elle ne trouvera, ny en "nous ny es autres^
ÏM OPUSCULES
sinon une f^ouce et tres-amiable conversation, laquelle seule,
outre son devoir, peut la semondre à une sainte retraite; et
choses semblables. Si pour cela elle ne revient, il faudra
l'arraisonner deux autres fois, avec des intervalles de trois
semaines. Que si enfin elle ne revient, vous luy manderés
qu'elle se détermine donc de n'estre plus reçue, et d'estre
forclose de sa p^ ce. Mais je crois que ses parents la feront
revenir; et, estaut revenue, vous la traiterés doucement et
avec grande patience.
Si j'oublie quelque chose, je le diray à nostre Seur, qui
vous ira voir infailliblement, et elle vous chérit bien fort.
Pour vostre particulier, ne faites point faute de faire l'oray-
son mentale tous les jours , à la mesme heure qu'elle se fait
au Chœur, si vous ne pouvés y aller; et ce pour demy-heure.
Ne vous tourmentés pas , encore que vous ne puis>siés pas
avoir des sentiments aussi forts que vous le desireriés , car
c'est la bonne volonté que Dieu requiert. Lises tous les jours
un quart d'heure dans les livres spirituels, et ce devant
qu'aller à Vespres, ou avant de les dire quand vous n'y
pourrés pas aller.
Vous vous coucherés tous les jours à dix heures, et vous
vous leverés à six. Quand vous serés contrainte d'estre au
lict , faites lire quelqu'une de tems en tems, selon vostre com-
modité. Baisés souvent vostre Croix que vous portés; renou-
velés les bons propos que vous avés faits d'estre tout àDieu^
immédiatement avant le coucher, ou en y allant, ou dans
vostre oratoire , ou ailleurs; et faites un plus giand renou-
vellement par demy-douzaine d'aspirations et d'humiliations
devant Dieu.
Je vous donne pour vostre spécial patron de cette année,
le glorieux S. Joseph, et pour vostre patronne, sainte Scho-
lastique , seur de saint Benoist , de laquelle vous trouvères
beaucoup d'actions en sa vie, comme en celle de S. Benoist^
dignes d'estre imitées.
DE S. FRANÇOIS. DE SALES. 223
Voyés-vous, ma Ires-chere et bonne Fille, entreprenés de
TOUS acquérir un grand courage au service de nostre Sei-
gneur; car, pour asseuré , sa bonté vous a choisie pour se
servir de vous, pourveu que vous le vouliés, pour le véri-
table restablissement de sa gloire et de celle des âmes. En
vostre Maisor. vous ne saliriés tenir un chemin plus asseuré
que celuy de la sainte obeyssance : c'est pourquoy je me res-
jouis grandement que vous y soyés affectionnée, pour l'in-
tention que vous me marqués; mais ressouvenés-vous donc
bien de ce que je vous ay recommandé de la part de nostre
Seigneur, auquel je vous recommande, le suppliant, par sa
mort et sa Passion , qu'il vous comble de son saint amour,
et vous rende de plus en plus toute sienne.
Pour moy, ma tres-chere Seur, ma fille bien-a^'mée, j'ay
une volonté fort entière à vous chérir, honnorer et servir; et
jamais /ien ne m'ostera cette affection , puis que c'est en ce
mesme Sauveur et pour luy que je l'ay prise, estant à jamais
vostre humble frère et serviteur, etc.
224 OPUSCULES
XL.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A SA SAINTETÉ LE PAPE PAUL V.
Il s'excuse auprès de lui de ce qu'il ne va pas à Rome, parce qu'il en est
empêché par quelques affaires.
23 novembre 1606.
Très-saint Père,
Touchant de fort près au terme que votre Sainteté a assi-
gné à tous les évêques qui sont hors de l'Italie , pour visiter
les sacrés tombeaux de S. Pierre et de S. Paul , je prends la
liberté de substituer en ma place mon frère , prêtre et cha-
noine de cette église, pour remplir cette obligation ; d'autant
que mon peu de revenu, la difficulté des chemins, et le bien
de ce diocèse , ne me permettent pas d'entreprendre un si
long voyage.
4 C'est la 7« du livre le' dans les anciennes éditions, et la 112» de la col-
lection Biaise.
Excusât se qu6d nonnullis diflTicultatibus implicitus, Romam non pro-
ficiscatur.
Beatissime Pater,
Appeténte stato illo tanipore, quo iis qui extra Italiam episcopale
munus obeunt, liminurrt' sacrorum beatorum apostolorum Pétri et
Pauli visitationem sancta veslra sedes apostolica indixit , germanum
meum, sacerdotem, et ecclesiae hujus canonicum destino^ qui meo
nomine id exequatur; quandoquldem censuum tenuitas, itinerum
difficultas , ac ipsius diœcesis utilitas , ne peregrinationem tam loa-
ginquam instituam, minime paliuntur.
DE s. FRANrOIS DE SALES. '2£5
J'envoie par la même voie à votre Sainteté Tétat de mon.
•évêehé, qne j'ai dressé avec la plus grande exactitude qui
m'a été possible , et dont le sommaire est que , le territoire
étant très-étendu , la charge en est fort grande ; cfue les ra-
vages de riiérésie ont réduit la province dans une pitoyable
situation , et qu'il y a bien des choses à désirer pour la re-
mettre sur pied. Nous ne pouvons attendre de secours que
de votre Sainteté : c'est aussi , très-saint Père , ce que je lui
demande très-instamment , avec sa bénédiction et sa bien-
veillance paternelle , dont elle a coutume d'être libérale
envers ses chers enfants, qui lui sont soumis en toutes choses
par une crainte respectueuse, comme j'ai l'honneur d'être,
très- saint Père , de votre Sainteté, le très-humble et très-
obéissant serviteur
François, évêque de Genève.
D'Annecy, lieu de notre pèlerinage et de notre exil , oiî
est notre siège épiscopal , et où nous versons des larmes au
souvenir de notre pauvre Genève , après laquelle nous aspi-
rons, jusqu'à ce que notre Seigneur change notre bannisse-
ment avec la même rapidité qu'un torrent du midi précipite
^es eaux dans la mer.
Statum diœcesis quàm potui distinctissimè et accuratissimè de-
scriptum mitto^ cujus summa est, provinciam vastam, pariier ac
•vastatissimam esse; et multa ad ejus instaurationem reqiiiri, quœ
nonnisi à Sedis Apostolicœ prd fidentià manare qiieant, cujus opem
îmis ac siimmis votis exposco, cum paternâ il là benedictione ac
benevolentia quam libenter iis impertitur, quos habct tUios subditos
in omni timoré.
Ex oppido Annessiacensi, loco peregrinationis nostrai et exilii,
in quo sedemus et tlemus, dùm recordaiimr Genevaî nostrœ, donec
convertat Dominus ejectionem nostram, sicut torrens in austro.
VI.
226 OPUSCULES
XLI.
ÉTAT DE L'ÉGLISE DE GENÈVE ,
Porté de la part de saint François DE SALES au Souverain Pontife, l'an 1607,
par M. Jean-François de Sales, son frère, chanoine de sa cathédrale, qui
alloit à Rome visiter les seuils des saints apôtres, au nom du saint prélat,
(Tiré de la Vie de saint François de Sales, par Auguste de Sales, tome I^',
pag. 434.)
Il y a des-ja septante et un an que TEvesque de Genève
avec tout son clergé a esté Chassé de sa cité, et, par une
très-grande perfidie , despoûillé de tous ses biens meubles et
de presque tous ses immeubles ; c'est pourquoy il réside main-
tenant en la ville d'Anicy du duché de Genevois , attendant
que sa réduction vienne.
Les revenus de la table episcopale sont forts petits , et à
grand peine peuvent ils monter à la somme de mille escus
d'or ; de sorte qu'après avoir distraict les gages des officiers
de l'Evesché , il ne reste pas à l'Evesque dequoy s'entretenir
Quo anno pulsus est Genevâ episcopus.
Septuagesimus primus j>m excurrit annus, ex quo Gebennensis
episcopus, cum clero suo civuu*^ suâ pulsus, et per summam inju*
riam bonis omnibus mobilibus ac immobilium parte maximâ spolia*
tus, extitit. Quare sedem in oppido Aniciensi ducatûs Gebennesii
nunc habet, expectans donec veniat reductio sua.
Mensa episcopalis.
Census episcopalis mensœ admodùm tenues, qui scilicet vix ac ne
\ix quidem ad summam mille scutorum auri ascendunt j ut, detractis
ofliciariorum episcopatûs stipendiis , minime supersit quo decenter
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 22T
honnestement avec sa famille : mais celny qui n'a pas appris
d'abonder sçache comme il faut endurer la pauvreté.
L'Evesque qui vit maintenant, François de Sales, est le
sixiesme de ceux qui ont présidé dehors de la cité de Genève,
originaire du Diocèse, et pris du corps de l'Eglise cathédrale,
de laquelle il a esté Prévost par l'espace de dix ans. Il réside,
et y a quatre ans qu'il a esté promeu et consacré Evesque;
et, ayant esté empesché les deux premières années par les
injures des temps et des guerres de visiter son Diocèse , ces
deux dernières années il a visité en personne deux cens et
soixante parroisses, rompant le pain de la parolle de Dieu au
peuple, autant qu'il luy a esté possible, et conférant le sa-
crement de Confirmation aux fidelles; estant en dessein, avec
l'aide de Dieu , de visiter le reste de son Diocèse l'année
prochaine suyvante.
Il a eu pour prédécesseur Claude de Granier, prélat digne
d'une éternelle mémoire, qui assembloit tous les ans le Sy-
se suamque familiam sustentât. Verùm qui non didicit abundare,
noscat penuriam pati.
Episcopus vivens , quis.
Qui nunc vivit episcopus Franciscus Salesius sextus est eorum qui
extra Gebennensem civitatem prœfuerunt. Ex ipsâ diœcesi oriundus,
et è gremio cathedralis Ecclesiœ, cujus per decem annos praepositus
fuit, assumptus. Residet, et q: irtum suai ad episcopatum promo-
tionis ac consecrationis aunum agit. Cumque bellorum œstu ac tem-
pestate duobus primis annis impeditus fuerit ne diœcesim visitaret,
duobus hisce posterioribus ad ducentas et sexaginta parœciales
ecclesias p^rsonaliter visitavit, et per seipsum verbi Dei panem ubi-
que (quantum per suam tenuitatem licuit) populo porrexit ac fregit,
gacramentumque Confirmationis innumeris liclelibus conlulit, cœte-
ram diœcesim anno sequenli_, Deo propitio_, vlsitaturus.
Qais episcopus prsedecessor.
Preedecessorem habuit Claudium Granieriuni;, praesulem œternâ
dignum memoriâ, qui ex decretis ecclesiasticis synodum quotannis
228 ' OPUSCULES
node selon les décrets ecclesiasticj[ues , conferoit les cures des
Eglises paiToissiales par l'examen aux plus dignes, selon
l'ordonnance du tres-sainct Concile de Trente , celebroit les
Ordres aux quatre Temps, et prenoit soigneusement garde
que le divin Office fust par tout célébré selon l'usage romain.
Son successeur, quoy qu'indigne, tasclie le mieux qu'il peut
de suivre ses vestiges
En l'Eglise de Genève , qui est dédiée au nom et miracle
de sainct P>erre délivré des liens, il y a trente Chanoines^
comprenant le Prévost, qui possède dignité, et le Chantre et
Sacristain, qui n'ont que des offices, et qui tous et un chacun
perçoivent une prébende esgale ; de sorte que le Prevosf
ayant esté spolié par les hérétiques , ne perçoit rien de plui»
que les autres. Il y a six enfans de chœur avec leur maistre,
huict habilitez ou habituez , c[ui s'addonnent au chant et à la
musique, et autres quatre qui servent pour porter la croix ,
sonner les cloches, ordonner les cérémonies, et conserver
les sacrez habits.
cogebat_, ad ecclesiarum parœcialium curam_, ex prrcscripto sacro-
saneti concilii Tridentini, per examen digiiiores promovebat^ shi-
guhs ferè quatuor temporibiis ordiriationem sr.cram faciebat, ac ofli-
cium ubiquè ad iisiim Romaniim persolvi curabat. Hujus vestigiis
quoad potest prœstissimè insistit, indignus licet^ siiccessor.
Glerus ecclesiîe catlitdraîis quibus componatur.
In Ecclesiâ Gebennensi, quœ beati Pétri à vineuhs liberati mira-
culo ac nomine dedicala est^ sunt triginta canonici, prirposito qui
dignitatem habet, majorem, ac cantore et sacrista, qui duntaxat offi-
cia habent, inclusis; quorum singuli unam prœbendam œqualem
omniîiô percipiunt : ita ut prœpositus (quippè ab hœreticis SDolia-
tus), nibilè plus cœteris excipiat. Sunt in «a sex pueri chon cum
magistro, octo mansionarii^ qui cantui et musicai incumbunt^ ac
alii quatuor, qui tùm cruel por^^rldœ, campanis pulsandis, cœre-
moniis dirigendis, ac aacris vestibu* conservandis , dant operam.
DE S. FKAN<'>j:3 iJE SALSS. 22§
En fin , toutes charges et despences nécessaires portées, ce
qui peut appartenir à chasqiie Chanoine de vahmr annuelle
ne monte pas à la somme de quarante escus d'or; prébende,
à la vérité, qui m est pas suilisante pour nourrir le moindre
homme. Or c'est une merveille en une si grande pauvreté
combien les Offices se font dévotement et magnifiquement en
ceste Eglise; ^i qu'elle n'a point pendu ses orgues aux saules
pour tout son exil, mais chante un hymne des cantiques de
Sion , et le cantique du Seigneur en une terre estrangere !
car elle célèbre ses Offices en l'église des Frères Mineurs de
l'Observance de la ville d'Anicy. Tous les Chanoines sont ou
nobhîs de père et de mère, ou docteurs, selon leur ancien
statut, confirmé par le sainct Siège apostolique; et entre
lesquels il y en a maintenant dix puissans prédicateurs de la
parolle de Dieu.
Quant au Clergé , en l'Evesché de Genève il y a quatre
Eglises collégiales : celle d'Anicy, de douze Chanoines et tout
autant de benetîciez ; celle de Sallanche, de treize Chanoines
De poïtionc canonicorum, de divinis officiis, et de qualitatibus canonicorura.
PorrO;, omnibus dcdiictis oneribus ac expensis necessariis, qucB
cuilibet canonico porlioconlingit, valorem annuum quadraginta scu-
lOruin auri non aUmgit^ impar oninmô vel minime homini alend»
prœbenda. Mirum autem quàm concinnô et devotè in tanta penuriît
otïicia divina ab luic ccclesià celebrcntur, ut non , in salicibus sus-
pendis organis, obmutucritob exilium, sed hymnum cantet de can-
ticis Sion^ et canticuin Domini in tcrrâ aliéna : oflicia enim ejus-
jnodi persolvi in ecclesiâ fratruin minorum de observantiâ oppidi
Âniciensis. Onmes autem canonici aut ex utroque parente nobiles,
aut doctores, i\ .'.ntiquo eorum statuto à sanctâ Sede confirniato,
^xistunt . intci' \[uos ctiam nùm decem sunt verbi Dei concionatorcs
"cregii. Jain quod ad cierura.
vlerus diœcesis Gebennensis^ ac 1^ pcclesise coliegiatœ.
In dicecesi Gebennensi quatuor sunt collegiatsn ecclesiœ : Aniciensis^
duodecim canonicorum, et totidem beneficiatoiam j Sallanchiensis,
230 OPUSCULES
et qualre beiieliciez; celle de la Roclie, de quinze chanoines:
et celle de Samoën , de dix : en toutes lesquelles on célèbre
tous les jours avec chant tous les divins Oliices; mais toutes
pareillement sont fort pauvres.
Il y a après cela six Abbayes d'hommes : Aux, Ilautecombe,
Chesery, de l'Ordre de Gisteaux , Abondance, Six , des cha-
noines réguliers de sainct Augustm , et Entremont des Cha-
noines de sainct Ruf ; toutes possédées par des î',ommanda-
taires.
Cinq Prieurez conventuels : du sainct Sépulcre d'Anicy;
de nostre Dame de Pellionex , de Chanoines réguliers ; de
Talloires , de FOrdre de Savigny ; de Contamines et de Bel-
levaux, de l'Ordre de Cluny, desquels le seul dernier est
possédé en tiltre.
Quatre Monastères de Chartreux : de Pommiers, du Repo-
tredecim canonicorum, et quatuor beneficiatorum; Rupensis, quin-
decim caiîonicorumj et Samoensis, decemj in quibus omnibus
omnia divina officia cum cantu quotidiè celebrantur; sed omnes
pariter tenues admodùm habent annuos redilus.
Abbaliœ.
Sunt prœtereà sex virorum abbatiae : Alpensis^ Altacombana,
Ceseriacensis ordinis Cisterciensis, Abundaritiana, Sixensis canoni-
corum regularium sancti Augustini, et Inter-Montana canonicorum
-Sancti Ruphi -, quae omnes à commendatariis possidentur.
Prioratus conventuales.
Sunt etiam quinque prioratus conventuales : sancti Sepulchri
Aniciensis, Deatse Maria? Pellionensis^ ambo canonicorum regula-
rium; Talloriensis ordinis Savigniacensis, Conlaminensis^ et Bellœ-
\allensis ordinis Cluniacensis; quorum omnium solus postremus
possidetur in titulum. ,
Carthusiae Prioratus, et alii rurales.
Sunt quatuor cœnobia Carthusianoriîm : Pomeriense, Reposoriense.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 231
«oir, de Yallon et d'Arviere; trente cinq Prieurez ruraux de
divers Ordres, douze desquels sont unis à diverses Eglises,
les autres onze sont possédez en tiltre, douze en commande.
Il y a quatre Couvents de Mendians : un à Seissel , de sainct
Augustin; le second à Anicy, de sainct Dominique; le troi-
siesme aussi à Anicy, et le quatriesme à Cluses, des Frères
Mineurs de l'Observance ; ausquels depuis dix ans a esté
adjousté le cinquiesme des Frères Capucins à Anicy.
Les Eglises parroissiales sont en nombre de cinq cens et
nouante, mais quatre cens cinquante esquelles les sacre-
mens sont administrez et le peuple instruit de la religion
catholique.
Il y a deux Monastères de femmes recluses de saincte
Claire, un à Anicy et l'autre à Evian; deux Monastères ou
Abbayes, de saincte Catherine auprès d*Anicy , et de Bonlieu,
de rOrdre de Cisteaux; et en fin un de Chartreuses à Melan.
Vallonense, et Arveriense. Item triginta quinque prioratus rurales
diversorum ordinum, ex quibus duodecim diversis ecclesiis, tàm
ipsius diœcesis, quàm aliarum uniti^ reperiuntur : ex reliquis autem,
vundecim in titulum , duodecim in commendam possidentur.
Conventus Mendicanlium.
Sunt quatuor conventus Mendicantium : Sesselli unus sancti Augus-
tinij secundus Anicii fratrum Praedicatorum ^ tertius item Anicii,
et quartus Clusis fratrum Minorum de Observantiâ, quibus ante
decennium additus est quintus fratrum Capucinorum Anicii.
Parœciales Ecclesiae.
Parœciales ecclesise omninô numéro sunt quingenlae nonaginta,
sed quadringintae quinquaginta in quibus sacramenta administran-
tur, et plèbes de religionis catholicae capitîbus erudiunluE
Mulierum Monasteria.
Mulierum autem reclusarum duo sunt cœnobia sanctse Clarae,
unum Anicii^ alterum Aquiani. Duo item monasteria mulierum, sive
abbatiae, sanctee Catharinee prope urbem Anicii , et Boni-Loci oïdinis
■Ciiterciensis ; unum porrô Carthusianarum Melani.
232 OPUSCULES
Tout le peuple de ces quatre cent parroisses est véritable-
ment catholique et observateur de l'ancienne pieté , quoy
qu'en septante d'icelles Flieresie de Calvin fust en vigueur il
n'y a pas dix ans : car par l'authorité du serenissime Duc^
et predical ions de plusieurs Ecclésiastiques en partie sécu-
liers, et en partie réguliers de divers Ordres, nommément de
la Compai^nie de Jésus et des Capucins, ils se cont convertis
au Pasteur de leurs âmes ; et ceux qui marchoyent dans les
ténèbres des erreurs ont veu une grande lumière, et, retirez
de l'ombre obscure de la mort, marchent maintenant comme
enfans de lumière.
Il y a quinze escolles oii la jeunesse est instruicte de la
grammaire et des lettres humaines , mais principalement de
la doctrine chrestienne catechistiquement. En dix villes, on
presche tout le temps de Caresme la parolle de Dieu.
Populus Diœcesis Gebenneiisis, et Religio ejus.
Populus universus praedictarum qiiadragintarum quinquaginta
parœciarum verè catholicus est, et antiquae pietatis cultor^ quamvis in
septuaginta parœciis ex praîdictis an te an nos decem haîresis Calvi-
niana vigeret : nam serenissimi ducis auctoritate, et muUorum con-
cionatorum, partim ssecularium, partim variorum ordinum ^ sîgil-
ktim societatis Jesu et Capucinorum prœdicationibus, conversi sunt
ad pastorem animarum suarum, et qui ambulabantin tenebriserro-
Tum, viderunt lucem magnani/et erepli de obscurâ mortis umbrâ,
nune ut Hlii lucis ambulant : itaut^ cùm tuerint non ita pridem
tenebrœ. nune sint lux in Domino.
Scholge.
^unt qumdecim puerorum scholœ, in quibus grammaticâ et litte-
fishumaD^.uribus juYonuni animi imbuuntur, ac imprimis doctrinâ
christianà catechisticè iniliantur. In decem vero oppidis quotidiè
toto Quadragesimaî tempore verbum Dei pncdicatur.
DE S. FRANÇCTS DE SALES. 233"
DES BESOINS DU DIOCÈSE DE GENEVE,
ET DES MOYENS d'y POURVOIR. (Ibidem, p. 437.)
11 n'y a point de diocèse en toute la Chrestienté , dit-il ,
qui ayt plus besomg d'un séminaire de clercs que reste cy
de Genève. Toutesfois jusques à présent on a travaillé en
vain pour l'ériger : car la table episcopale est trop pauvre
pour en retrancher quelque chose ; la table du Chapitre
cathedral est aussi tres-pauvre , et ne peut pas su iFire pour
l'entretien des Chanoines ; il en est de mesme des autres
Eglises séculières collégiales : des Abbayes et Prieurez ,
quelques riches qu'ils soyent, on n'en peut du tout rieu tirer,
parce que ceux qui les tiennent , tiennent , et souvent sont
bien saignez par de diverses pensions qu'on leur impose,
Toutesfois si le Siège apostolique , par autliorité souveraine,
destmoit quelques Prieurez ruraux pour l'érection de ce
séminaire , à la vérité la chose reùsciroit fort bien ; et certes
il est entièrement nécessaire que cela se fasse ou de ceste
manière, ou par la commune contribution du clergé.
De Seminario erigendo.
Nulla in orbe chrisliano diœcesis clericoriim seminario magis
indiget quàm liaec Gebennensis j attamen hactenùs in eo erigendo
perperàm laboratum est. Mensa enim eplscopalis tenuior est ,, quàm
ut ex eà quidquam amputari aut re^ecari debeat : mensa cai)ituli
cathedralis pauperrima nec alendis canonicis suflicit, ut et aha^ pa-
ritcr' ^cc-esiœ sœtuiares coilegiatic. Ex abbatiis autem vel prioraîibus,
quantumvis pinguibus, nihil ornnino extorqueri poteslj qu6d qui
ea tenent_, teneant. st plerumquè variis impositis pensionibus salis
reddantur exangues. Si tamen Sedes apostolica aUquot prioratus
rurales primo vacaturos_, summâ auctoritate ad seminarii erectiuneni
destinaret^ sine dubio res optimè cessura esset. Ornnino tamen _, vel
isto modo, vel per communem cleri contributionem, opus hoc erigi
par est.
234 OPUSCULES
En la seule Eglise cathédrale, un Maistre en théologie
perçoit une prébende théologale, et le Pénitencier une autre
pour vacquer à ouyr les Confessions; mais ceux-cy, parce
qu'ils ne peuvent pas se sustenter de leurs prébendes , d'au-
tant qu'elles ne montent pas à la somme de quarante escus
d'or de valeur annuelle, ne peuvent pas aussi bien satis-
faire à leurs charges. On pourroit obvier à ce mal , si le
Siège apostolique unissoit à ces prébendes théologales et
presbiterales deux autres prébendes laicales des plus voisins
Monastères.
C'est une merveille , combien la discipline de tous les
Réguliers est dissipée en toutes les Abbayes et Prieurez
de ce Diocèse : j'excepte les Chartreux et les Mendians :
l'argent de tous les autres est tout réduit en ordure , et leur
vin meslé d'eau , voire mesme il est changé en venin , d'où
ils font blasphémer les ennemis du Seigneur, quand ils
disent tous les jours : Où est le Dieu de ces gens icy? On
pourroit remédier à ce mal en mettant de meilleurs Reli-
De Théologal! et pœnitentiario.
In solâ ecclCGiâ cathedrali theologitC magister theologalem habet
praibendam, et pœnitentiarius aliarn, ut confessionibus audiendis
vacet. At isti, quia suis prœbendis sustentari non possiint, quando-
quidem ad valorem annuum quadraginta scutorum liaud ascendant,
saaetiam rite nequeunt obive munera. Huic malo occurri posset, si
Sedes apostolica ex vicinionbus monasteriis duas prœbendas laïcales
prœdictis praîbendis Iheologah et pœnitentiali uniret.
De Rcguidribus rcformandis.
Miruni (est) quàm dissipata sit omnium Regularium disciplina in
abbatiis et prioratibus hujus diœcesis (Cartusianos et Mciulicantes
excipio ). Reliquorum omnium argentum \ersum est in scoriam , et
Yinum mixtum est aquâ, imô versum est in venenuni; undè biasphe-
mare faciunt inimicos Domini, dùm dicuizt per singulos dies : Ubi
est Deus istorum ?
Huic malo occurri potett , vel immittendo meliores aliorum ordi-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 235
gîeiix d'autres Ordres ; ou bien en visitant cenx-cy tons les
ans et les réprimant; ou bien en fin en establissant en leur
place des Chanoines séculiers : ce qui seroit très à propos en
plusieurs , quoy qu'en quelques uns cela sembleroit peut-
estre un peu dur ; car les Chanoines réguliers ne sont en
rien difFerens des séculiers en ce Diocèse, sinon qu'ils portent
le scapulaire; et ce que leschanuuies séculiers perçoivent par
les distnl)utioi]s journalières , ceux-là le prennent par pré-
bendes, lesquelles estant perceuës , ils assistent aux Offices
quand ils veulent; si moins, ils n'en sont point plus pauvres
pourtant. Au reste, il n'y a point parmy eux d'observance de
la discipline régulière, point de Constitutions escrites, point
d'expresses émissions de vœu. Pourquoy donc ne pourront-
ils pas estre changez en séculiers beaucoup plus utiles à la
republique chrestienne? Joinctàcecy, qu'il y a un grand
nombre de gentilshommes en Savoye destituez de revenus
salfisans, aux enfans desquels, qui suivent la profession
ecclésiastique, on prouvoirroit fort commodément en ceste
manière. Et si l'on faisoit encore le mesme de quelques autres
Moines, ce seroit une très-bonne chose, selon mon jugement.
num^ vel istos visitando quotannis, etcoërcendo^ vel denique in
eorum locum sœculares canonicos sufficiendo, quod, etsi forsan in
omnibus iieri duriusculum videretur, in plerisque tamen opportunum
esset : nam canonici regulares nihilo distant à sœcularibus in liàc
diœcesi^ prœterquàm quôd scapulare gérant^ et qiiod canonici
•sœculares per quotidianas distrilsutiones percipiunt, ipsi per prœ-
bendas soient accipere , quibus perccpUs, cùm volunt ofllciis in-
tersunt ; sin minus, nihilô pauperiores efllciuntur. Cœterùm nulla
inter ces discipluiai regularis observant ia^ nuUa^ scriptœ cunsti-
tutiunes, nullius voti cxpressa emissio. Cur ergo isli non mul^entur
in SLTCculares, reipublicschristanœ longé utiliores? Eô etiam maxime
-quôd magna copia est in hâc Sabaudiâ nobiiium hominum qui cen-
sibus idoneis carent, quorum tiliis qui ecclcsiasticam profe?sionem
;sequuntur,hoc modo commode provideri posset ; atque si iiiem de ali-
iinoi aliis monachis fieret^ rcs meo quidenfjudicio feliciterse haberet.
23 G OPUSCULES
Or quant à la visite , il ne seroit point à propos qu'elle
fust faicte par les Supérieurs de ces Ordres -là : car les
Moines et les Abbez de Cluny, de Savigny et de sainct Ruf
ne sçavent pas seulement ce que e'est que reformation ;
et puis qu'ils sont du sel gasté , comment pourront-ils servir
pour saller et accommoder les inférieurs? Les Chanoines
réguliers , en ces quartiers icy, ïie sont de point de Congré-
gation 5 ne tiennent point de Chapitres , n'usent de poiut de
îisite, et n'ont point de Reigle ; et bien que le Monastère de
Pellionex soit visité par FOrdinaiie, auquel il est subject
Je droict ancien, quoy que jusques à présent à peine ayt-il
VGtîiu obeyr, nous n'avons rien faict pourtant avec les Cha-
jioines d'iceluy, parce qu'ils n'ont ny Reigle ny Constitutions,
et se comportent assez modestement , quant à ce qui regarde
Ja profession cléricale : c'est pourquoy ils devroyent estre
visitez par un autre Visiteur. Mais, pour dire la vérité,
ie premier remède est ti es-facile , le troisiesme très-utile ,
et qui tend grandement à la gloire de Dieu , ayant esgard
à la nécessité de ceste Province ; le second très-difficile et
très-incertain , car ce qui se faict par force à peine se faict.
Quod aiitem ad visitationem spectat^ eam à superioribus ordinum
illorum (leri minime par esset ; nam Cluniaceriscs, Savigniacenses,
Rupliiani monacbi et abbates, iieqiie qiiid sit reformatio nôruntjet
cùm siiit sal infatuatum, quomodô condiendis inferioribus adbibeii
possLint ? Caiionicorum \erô reguhirium in bis partibus monasteria
nullius sunt congregationis^ neqiie ulla célébrant capitula, nullis
\'isitationibus , nuUâ régula uluntur. Eisi verô monasterium Pell»';^-
nense ab Ordinario visitetur, oui antiquo jure subjacet ( Vicet bac-
tenus vix obedire voluerit), nibii Uimen à nobis cum illius canonicis
actum est, quia régula et constitution ibns carent, et satis modeste sé
gerunt, quod ad clericalem professionem attinet. Itaque visilari ab
aliC' ^isitatore deberent : sed ut verum falear, primum remedium
longe lacillimum, îertium utilissimum, et ad n ajorem Dei gloriam,
inspecta hujus provinciaî necessitate, prœstantissimum; secundum
difficillimum et incertissimum : nam quod vi iï\ p vix lit.
DE S. FRANÇOrS DE SALES- 237
Oi^iant à ce qui regarde les Religieuses , certainement
les deux Monastères de saincte Claire sont très -Lien. Les
portes de celles de Cisteaux sont ouvertes à qui que ce soit ,
aux Religieuses pour sortir, et aux hommes pour entrer. Or
je ne vois point qu'elles puissent estre reformées , sinon en
les réduisant dans les villes et leur baillant d'autres Supé-
rieurs, qui ayent plus de soing de leurs âmes et consciences.
Tant celles de Cisteaux que de saincte Claire sont privées de
ceste consolation que le sacré Concile de Trente , non sans
l'instinct du Saint Esprit, veut estre concédée, c'est à sçavoir,
qu'elles ayent tous les ans un Confesseur extraordinaire :
car elles sont contrainctes de se confesser tousjours à un
mesme , et ne leur est jamais libre de demander l'assistance
d'un autre; avec quel danger de leurs âmes, je n'en sçay
rien , Dieu le sçait. Jamais elles ne présentent les filles à
l'Evesque ou à son Vicaire , qui puisse apprendre leur vo-
lonté pour embrasser les vœux de la Religion.
Geste diocèse de Genève est posée au milieu de tres-
De monialibus reformandis.
Jam quod ad moniales attinet, monasteria duo sanctœ Claras
optimè sanè se liabent. Cisterciensium porta? omnibus omnmô patent,
et monialibus ad egressum, et Yiris ad ingressum. NuUâ autem ratione
reformari posse arbitrer, nisi in urbes reducantur, et aliis subdantur
superioribus , qui earum animabus tractandis majorera operani
adhibeant. Omnibus verô tam Cisterciensibus quàm sanctœ Clarœ,
iilud solatium deest, quod sacrum Tridentinum concilium, non sins
sancti Spiritûs instinetu, illis vultconcedi^ ut scilicet ter saltein
quotannis illis extraordinarius confessarius conslituatur : coguntur
enim uni eidemque semper conliteri , neque unquam illis liberum est
alterius operam expetere, quod quanto animaium illarum periculo
liât, nescio. Peus scit. Item nunquam puellas sistunt aut episcopo aut
ejus vicario, qui earum voluntatem ad religionis amplectenda vota ei-
plorare possit.
De numéro parœciarnra augendo.
Est bœc Gebennensis diœcesis in medio altissimorum moritium
238 oruscuLES
hautes montagnes, au sommet desquelles il y a pour la
pluspart des villages fort peuplez , pour la consolation des-
quels , au faict de la religion , les devanciers ont basty des
églises, ausquelles les Pasteurs demeuransaux basses vallées
deussent aller tous les jours des festes pour célébrer le tres-
sainct sacrifice de la Messe. Mais en ce commencement, qu'il
n'y avoit pas beaucoup de familles en ces lieux si aspres, ceste
extraordinaire visite des Pasteurs leur devoit estre plus que
sufBsante, puis qu'à cause du peu de champs et de labou-
reurs, ils ne pouvoyent pas entretenir des Près très qui rési-
dassent parmy eux ; mais maintenant que Dieu a multiplié
ce peuple , et que , par le travail et industrie des habitans ,
les déserts sont changez en champs et prez, il seroit à désirer
u' on leur establist des Recteurs de leurs âmes, et les dismes
qu'ils percevroyent tous les ans seroyent bien suffisants pour
les entretenir.
Or que cela ne se fasse pas , la cause est que presque tous-
jours les dismes de ces lieux appartiennent aux Abbez et Mo-
nastères , leur ayans esté attribuez lors qu'ils estoyent abon-
posita, in quorum tamen plerumque cacuminibus et prccruptis pagos
numerosissimis familiis refertos videre est; quibus ut de religione
provideretur, majores ecclesias œdilîcaverunt^ ad quas pastores in
imis vallibus commorantes, singulis diebus festis accédèrent^ pie-
hem sacratissimo missœ sacrificio recreaturi. Verùm cùm initio raraî
admodîim incolarum in tam asperis locis familiœ essent_, extem-
poraria illapastorum visitatio satis superque esse debeat^ quando-
quidem ob agrorum et agricolarum paucitatem^ non possent ex
illoruni decimis ali ac sustentari clerici qui inler eos résidèrent. At
nunc cùm Deus et gentem illam multiplicaverit, et déserta _, gentis
labore ac industriâ, in arva et prata mutata sint^ desiderandum
esset illis quoque addici rectores animarum, quibus alendis decimtB
quas quotanms persolvunt^ sufficerent.
Quominùs autem id liât causa hœc est : plerumque semper illorum
locorum décimas ad abbates et monasteria spectant, quibus scilicet
tune attribuebantur^ cùm promptuaria spiritualia monasterioriim
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 239
dans , voire regorgeans en secours spirituels , et que les
Moines , comme des brebis fertiles , abondoyent en leurs
sorties ; mais maintenant que l'on ne peut remarquer autre
chose en leurs successeurs que le seul habit, ces pauvres ha-
bitans des monta2:nes crient comme des brebis destituées de
pasquis : <( Pourquoy est-ce que ceux-cy se nourrissent de
nostre laict, et se couvrent de nostre laine, et ne nous paissent
point, ny par eux ny par des autres? » et certes, il semble
qu'ils ayent raison.
J'ay veu moy-mesme et visité une église parroissiale
située sur une tres-baute montagne , à laquelle personne
ne pouvoit aller sinon en rampant de pieds et de mains, dis-
tante de six mille italiques de l'autre église , pour lesquelles
deux il n'y avoit qu'un et seul pasteur, qui celebroit la
Messe en l'une et en l'autre tous les dimanches; avec quelle
peine, avec quel danger, avec quelle ignominie et indécence,
il n'est point besoing que je le dise, principalement en temps
d'byver, lors qu'en ces quartiers icy tout est couvert de
glace et de neige. Je ne fus pas plustost arrivé, que me voilà
plena essent, eructantia ex hoc in illud ^ et monachi^ velut oves fœ-
tosse, abundarent in egressibus suis. Nunc verô, cùm passim in suc-
cessoribus solùm vestimentum animadverti queat^ clamant pauperes
illi montium habitatores , velut oves pascuis destitutse : Quare lacté
nostro nutriuntur isti^ et lanis operiuntur^ gregem autem nostrum
non pascunt nec per se^ nec per alios? Et justa videtur eorum oratio.
Res perquàm notanda, et zelus S. Francisci.
Vidi ego et visitavi parœcialem ecclesiam in altissimo monte po-
sitam, ad quam nemo, nisi pedibus ac manibus reptans, accedere
queat, per sex milliaria Itaiica distantem ab aliâ ecclesiâ cujus pas-
lor unicus et solus utramque regebat , ac in utrâque singulis Domi-
nicis diebus missam celebrabat, quo labore, quo periculo, quo
dedecore non est quod dicam^ prœsertim hieme, cùm omnia glacie
ac n!?o îstîs in partibus sint obruta. Ubi appuli. statim ad me cla-
240 OPUSCULES
des plaintes de tous costez , des hommes , des femmes , des
petits et des grands : ce Que veut dire que nous observons
tous les commandesnens de l'Eglise , que nous payons les
dismes et les prémices, et on ne nous baille point de Pas-
teurs, mais sommes comme des moutons qui ne treuvent
point de pasquiages ? » C'est que l'Abbé du voisinage perce-
voit le tout.
Il est bien vray qu'en ce faict il appartient aux Evesques
d'y mettre de l'ordre ; mais difficilement cela se peut-il faire :
car premièrement , on suscite des procès pour le possessoire
devant les juges laies; que si leur faict ne succède pas, ils
ont recours à diverses appellations, desquelles ils n'usent
pas, mais abusent, non qu'ils soyent grevez (comme dict
sainct Bernard ) , mais à fin de grever. Or pleust à Dieu , et
pleust à Dieu derechef , que le sainct Siège apostolique en-
voyast un Visiteur prudent et fîdelle, qui distribuast à chaque
Eglise, comme à chaque famille, la juste et nécessaire mesure
de froment î
Outre les quatre cens et cinquante parroisses que nous
mores undiquè, à \'iris^ à mulieribus^ à majoribus, à minoribiis :
Quid est quôd jura ecclesiastica oiniiia servamus^ décimas ac prirni-
tias persoh'imus^ et nullus nobis pastor conceditur, sod sumus sicut
arietes non in\enientes pascua? ]Nimirùm ab abbate propinquiori
omnia percipiebantur.
Et quidem episcoporum est in bis decernere quid expédiât; sed
hoc Yix fieri potest. Nam primùm Htes excitantur pro posscssorio
coràm laïcis : tùm si res non succodit. appellationibus variis one-
rant dccernentum_, quibus non utuntur^, sed abutuntur; non quôd
'^raventur^, inquit sanctus Bernardus^ sed ut gravent. Utinam vero,
atque utinam aliquis auctoritate apostolicà visitotor veniret_, fidelis
€t prudenSj qui singulis ecclesiis^ veluti familiis,, darettritici neces-
sariam cuique mensuram,
De h;Bre!ici?«
Prœter quadringintas quioquaginta illas parœcias quas à veris
DE S. FRANÇOIS BE SALES. 241
avons dicl estre habitées par de vrayes catholiques, il en
reste autres cent et quarante qui en partie sont sous la puis-
sance tyrannique des Bernois, en partie sous la subjection
du Roy tres-Chrestien. Et quant à celle qui sont occupées par
les Bsî-nois , il .n'y a point d'espérance jusques à ce que la
ville de Berne soit reduitte.
Quant aux autres, qui sont possédées par le Roy tres-
Chrestien, c'est la vérité que sa Majesté me dict tousjours
que j'aye bonne espérance ; et certes il y a quatre ans que
par son commandement j'ay tousjours espéré, mais mainte-
nant mes yeux manquent quasi en sa parolle, disant : ce Quand
sera-ce qu'il me consolera ? )) De toute ceste affaire le car-
dinal Bufalo est très-bien instruict , lequel estant Nonce du
Siège apostolique en France , selon son zèle à la gloire de
Dieu , ne laissa rien en derrière pour faire que le Roy nous
laissast le mesme droict de remettre l'exercice catholique en
ces parroisses qu'il a laissé à tout le reste du Royaume , et à
tous les Evesques et Ecclésiastiques.
catholicis incoli dicimus,, supersunt alise centum quadraginta numéro,
quaB partim in potestate tyrannicâ Bernensium sunt, partim in di-
tione Régis Christianissimi. Et^ quidem quod ad illas attinet_, qua?,
à Bernensibus occupantur _, nihil sperandum est, donec urbs ipsa
Bernensisin ordinem redigatur.
Quod autem speclat ad alias, quœ à Rege Christianissimo possi-
dentur, rectè quidem ipse Rex semper sperare jubet, et ejus jussu
hactenùs toto quadriennio spera\i; sed nunc deliciunt propemodùm
ocuii mei in ejus eloquium, dicentes : Quandô consolabitur me? Hâc
de re totâ scientissimus est <^.ardinalis Bubalius, qui dùm sanctaî Sedis
Nuntius esset in Gai Va, viagnâ contentione, pro suo erga Dei gloriam
zelo, conatus est Regem adducere, ut nobis in illis paroociis idem jus
faceret ecclesiastica bona recipiendi, ac quod caput est, catholicae
religionis munera obeundi, quod alibi toto regno caeteris episcopis
ac clericis constitutura est.
k
mm^'
212 OPUSCULES
Je ne dirav rien de Genève : car elle est aux diables et aux
hérétiques ce que Rome est aux Anges et aux Catholiques. Ce
doit estre tout le soing de tous ceux qui font profession de la
îoy et Religion Romaine, c'est à dire, orthodoxe, mais prin-
cipalement iu Pape et de tou 5 les Princes, que cesteBabylon
soit renversée ou qu'elle se i onvertisse, mais plustost qu'elle
se convertisse et vive , et qu'ainsi elle lotie le Dieu qui vit
aux siècles des siècles.
De Genevâ.
De Genevâ autem nihil addam ; ciim enim quod Roma est angelis
et catholicis, illasit idem diabolis et haereticis. Omnibus qui Roma-
nam, id est orthodoxam fidem colunt^ ac maxime summo Pcntifici et
Principibus cura sit, ut scilicet aut evertatur Babylon illa^ aut con-
vertatur^ sed magis ut convertatur, et vivat, laudetque viventera in
secula seculorum.
I
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 243
XLII.
LETTRE*
SUR LES REVENUS DE LA MENSE ÉPISCOPJVLE
^DE VÉVÉCRÉ DE GENÈVE.
(L'autographe en appartenait à feu Monseigneur Rey, évêque d'Annecy.)
En vertu du.4éGVet de Thiez , elle perçoit une rente de
florins 7,500
Le secrétariat lui rapporte fl. 700
Elle ne possède rien de plus, pas même iipe humble clic^u-
inière qu'elle puisse habiter.
Charges de la Mense épiscovale de Genève,
Au vicaire-général et au secrétaire, elle pa,ie annuellement
à titre d'honoraires, fl. 450
Pour loyer de la maison de résidence de Févêque, fl. 500
Pour loyer de la prison , il. 40
,^: C'est la 321* 4e la coUection Biaise.
Summa totius redditus mensse episcopalis Gebennensis.
Habet mandamentum vulgô nuncupatum ide Thi^z, çx que per-
<a|>it florenos hujus monette. 7_,^Q0
Deinde ex scribania episcopatûs fl. 700
Nihil prifitereà habet^ ne quidem quam pQssit humilem habitare
casam.
Onera mensae episcopalis Gebennensis.
Vicario generali et sigillifero loco stipendii persolvit quetan-
Àlûsn, 450
Pro" locatlone domûs residentiae episcopalis ^fl. 500
Pro locatione domûs carceris, fl. 40
244 OPUSCULES
Pour repas des jours de fête solennelle offerts à tous les
chanoines et aux membres du clergé qui assistent l'évêcpë à
l'autel, quand il officie , fl. 100
Item, oucre les aumônes volontaires que Féveque s'im-
pose , la coutume l'oblige à donner aux pauvres un quart de
froment par semaine : cette dépense s'élève bon an, mal an,
àfl. 150
Item, pour renouveler, comme on le fait en ce moment ,
les livres relatifs au susdit décret de Thiez et portant
pour titre ; Reconnaissance des Vassaux, il faut dépenser,
florins 3,000
Ces livres n'ont pas besoin d'être renouvelés tous les ans ,
mais seulement tous les trente ans.
Ainsi, déduction faite des sommes consacrées aux frais
précédens , et qui s'élèvent à prés de sept mille florins, il ne
reste pour les dépenses personnelles de l'évêque, de 172 écus
d'or environ *, ou fl. 860
Mais il faut remarquer en outre que si , par suite d'un
hiver rigoureux , ou des chaleurs excessives de l'été ; si , par
* On voit par celte supputation que l'écu d'or valoit 5 florins.
Pro conviviis quœ solemnioribus festis fieri debent omnibus cano-
nicis, altari et episcopo celebranti inservientibus_, fl. IGO
Item prccter eleemosynas spontaneas et arbitrio episcopi facieiidas,
tenetur ex consuetudine singulis liebdomaclis saltem iinum quartum
frumenti mendicis dividere : constat autem summa Irumenti quotan-
nis circiter fl. ioO
Item renovandis libris quos yoCiini Recognitionem Feiidalium prœ-
fati mandamenti àe Thiez^ ut nunc fit^ expendendi erunt fl. 3_,000
Non autem reno\andi sunt quotannis , sed tngesimo saltem quo-
que anno.
Rémanent itaque^ deductis prœdictis necessariis expensis, circiter
floreni ad septem millia pro episcopi sustentatione , id est i72
nummi aurei , circiter. • 860
Sed rursus notandum est^ quod si vel hyeme nimio, vel œstu
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 245
l'efFet d'un ouragan ou de la peste, les campagnes sont rava-
gées ou demeurent en friche , alors les revenus de l'évêque
sont réduits ; mais les charges , loin d'être diminuées , aug-
mentent , à moins qu'on ne se montre plus cruel que l'au-
truche du désert.
Si l'église a besoin de l'appui des tribunaux , les frais du
procès sont encore , comme de raison , à la charge de l'é-
vêque. Toutes ces supputations sont exactes, et je les ga-
rantis en conscience. Aussi le saint Concile de Trente a-t-il
décidé sagement qu'aucune taxe ne devoit être imposée aux
évêchés dont les revenus n'excèdent pas deux cent mille
florins ; il n'est donc pas juste que l'évêque de Genève paie
la dîme , puisqu'il n'a pour son entretien et pour celui de sa
maison que , fl. 860
Eniin , l'évêque a l'administration de 600 églises parois-
siales, administration difficile, épineuse, et qui occasionne
mille faux-frais : ce n'est qu'à grand'peine que les modiques
revenus de ces paroisses peuvent balancer les dépenses
qu'elles entraînent inévita])lenient. Si à celui qui ne possède
vehenitiitiori, vel tempestate, vel peste, arva et agri Tel Iscdantur
\el iriculta remaneantj tune minuuntur quidam censusEpiscopi^sed
iKii Miera quaî tune temporis maxime potiiis augentur, nisi velit
■osse crudelior struthione in deserto.
Si litibus jus Ecclesiœ prosequendum, id omne Episcopi expensis
fit, ut par est. Ilœc autem omnia verissima esse compertum ettesta-
tissimum facio. Quare cùm jure merito Sacratissimum Concilium
Tridentinum cc.ouerit nullam imponi debere pensionem Episcopis
quorum mensaî valorem annuum mille ducentorum non excédèrent,
œquum sanè non est ut Episcopus Gebennensis decimœ solutione
gravetur; quandoquidem Episcopo Gebennenst pro ejus sustenta-
tionC;, et familioe Episcopalis, non remaneat, nisi 86(?
Et regimen illi incumbit 600 Ecclesiarum parochialium , regimet
•difTicillimum, gravissimum ac variis expensis maxime obnoxium
et cùm œgrè admodùm, ac ne vix quidem necessariis sumptibus
«beundis, censuum tenuttas, qualem recensui, par esse possit, si
246 OPUSCULES
rien , on enlève encore ce qu'il a , non-seulement le tena^
porel ecclésiastique de ce diocèse se soutiendra dilïicilemenl,
mais il ne peut échapper à une ruine complète : à moins
que le Seigneur^ nous voyant privés du froment de l'Egypte,
ne nous envc^ ^ de nouveau la manne du liaut des cieux .
François , Evêque de Genève.
deinceps non hatentî auferatur etiam qiiod habet, non modo publica
tes eccïesiasticà diffîciliùs conservabitur iii hâc drœcesi, sed omninè
éorruat necés'se sit : nisi Deus farina JEgypti carentibus manna de
coelo iterùm prcestare dignetur.
Fiu^xiscus^ Ëpiscopus Gebeonensis.
P
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 217
XLIII.
PROCURATION * DE S. FRANÇOIS
FOUR PRÊTER LE SERMENT DE FIDÉLITÉ AU PRlfJÇE DE pigMONT VICTOR AMÉDÉIii.
14 janvier i6Ôt.
Vùïi mil six cent et sept et le quatorzième janvier, devant
moy notaire et les tesmoins estably en sa personne 111. et Rev.
S'. François de Sales, par la grâce de Dieu et duSaint-Slé-i!;
Apostolique, Evesque et Prince de Genève, lequel agréable-
ment et sans revocation de ses aultres procureurs ci-devant ,
constitue de nouveau, faict, crée et constitue ses procureurs •
spéciaux et généraux, l'une des qualités ne dérogeant à '
l'autre ny au contraire. Sçavoir, Reverendissime Monsei-
gneur Nicolas Goltry, chanoine de l'église cathédrale de
saint Pierre de Genève , Rarthollome Flocard , chanoine de
l'église collégiale de nostre Dame d'Annecy, et Claude de -
Blonnay, curé de Gis, au bailliage de Chablais, et à Fung;
d'eux seul pour le tout icy présent et la charge acceptant , ef
c'est au nom de mon dit Seigneur le Reverendissime Evesque^
pre^ter la fidélité à Serenissime Monseigneur le Prince de
Piémont, et c'est suivant et à la forme et teneur de la fidélité-,
preste personnellement par mon dict Seigneur le Reveren-
dissime le premier may mil six cent et trois par l'acte signé
Borsier, à feu de très -heureuse mémoire Monseigneur le
Piinee que Dieu absolve Philippe Emanuel, et fere touti
ahisy que si mon dict Seigneur le Reverendissime il estoitx
présent, et de telle fidélité en retirer acte duement signé et t
^ultreiaent faire comme le fait le requière en la personjce
* Elle 5e trouve parmi les lettres inédites de la collection Biaise, lettre i05.
248 OPUSCULES
desquels procureurs et de Fung d'eux le dict Seigneur l\eve-
rendissime a eslu son domicile , promettant mon dict Sei-
gneur Reverendissime , par serment preste more prœlato-
rum , avoir agréé ce que par les dicts procureurs ou Fung
d'eux sera fait avec toutes aultres promissions, serment preste^
relevations , renonciations et clausules requises.
Faict à Annessy, dans la maison d'habitation de mon dict
Seigneur le Reverendissime , présents les Rev. Messsir Es-
tienne de La Combe , chanoine de la dicte église cathédrale
de saint Pierre de Genève , Messir Jacob Chambour et Fran-
çois Fabre , du dict Annessy, tesmoins requis , combien que
par et aultres mains soit escript , et moy notaire subsigné ,
à ce recepvoir requis, corroborées par signature de mon dict
Seigneur le Reverendissime , scellées du scel de mou dict
Seigneur François , Evesque de Genève.
DUMONT.
■rb'
DE S. FRANÇOIS DE SALES. ?i9
r-.yw
XLIV.
MANDEMENT SUR LA CELEBRATION DU JUBILÉ'.
( L'original en est conservé chez Sa Grandeur l'évêque d'Annecy. )
A Thonon, le 8 mai 1607.
François de Sales , par la grâce de Dieu et du Saint Siège
Apostolique , Evesque et Prince de Genève, aux RR. Curés
et autres aj ant charge des églises de nostre Diocèse : affin
que les pei pies qui nous sont commis ne perdent point la
favorable, occasion de prendre les grâces du saint jubilé
•qui se célèbre maintenant en cette ville de Thonon , ainsi
que cy-devant il a esté publié.
Nous ordonnons par ces présentes que vous ayez à repeter
la publication d'iceluy, exhortant de rechef un chacun d'em-
ployer cette bénédiction au profit et salut de son ame, asseu-
rant de nostre part, qu'en ladite ville de Thonon, ny es lieux
circonvoysins , il n'y a aucune sorte pas mesme de soupçon
de maladie contagieuse , ni incommodité qui puisse empes-
cher le libre et désirable accès à cette sainte dévotion. Si
supplions tous les seigneurs Rev"^^^ ordinaires des autres
lieux de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tes-
moignage que nous en faysons, et la faire donner aux
peuples de leurs Diocèses , afïin que ceux qui auroient l'in-
tention désirable de venir puiser en cette pleine source les
saintes indulgences , n'en soyent point divertis par les faux
bruits que l'ennemi des âmes fidelles a respandus à cette
intention.
François, Ev. de Genève.
Par commandement de mon dit seigneur,
Maniglier.
* Ce Mandement se trouve parmi les lett. inéd. de la collect. Claise, lett. 108«^
250 OPUSCULE»
XLV.
AUTRE
MANDEMENT POUR LA PUBLICATION D'UN JUBllÉ '.
<yiré du monastère de la Visitation de la ville de Lyon.)
Aux Curés , Vicaires et autres Ecclésiastiques du Diocèse
de Genève.
François de Sales, par la grâce de Dieu, Evesque et Prince
de Genève , aux révérends Curés , Vicaires et autres Ecclé-
siastiques ayant charge des âmes en son Diocèse : ayant receu
la Bulle du jubilé , de laquelle le présent sommaire est ex-
trait , nous vous recommandons et ordonnons de le publier
en toutes vos églises aux peuples qui vous sont commis,,
vous resjouissant mesme , de nostre part, avec eux de cette
grande commodité qu'ils auront de profiter spirituellement,,
recueillant avec dévotion et charité les grâces qui si libéra*
lement leur sont départies en leur propre Di^ ese , à quoy
vous les convierez et exhorterez le plus qu'il vous sera pos-
sible , au nom de nostre Seigneur, duquel je vous souhaitt»
la sainte bénédiction.
* C'est la 643e des lettres de l'édition Biaise^ 1834.
DE S. FKANCOIS DE SALES. 251
XLVL
SUR LES STATIONS DES MORTS*.
(L'original eîi appartenait à feti Mgr...., évêqne d'Annecy;)
Sur la remonslrance à nous faite à Tonoii tendante aux
fins que les ecclésiastiques de la congrégation de N. D. de
Tonon ayent à faire célébrer la sainte Messe , et fassent la
station accoustumée dans le Diocèse pour les fîdelles tres-
passés dont les corps reposent au cimetière de saint Bon ;
nous commettons les sieurs de Blonnay , prefect, et de Cha-
tillon Plebain pour voir ce qui sera plus à la gloire de Dieu,
et ordonner de nostre part ce qui devra estre observé pour
ce regard , et s'il y a de la difficulté , nous renvoyer leur
advis sur lequel nous puissions prouvoir,
i C'est la 320» lettre inédite de l'édition Blaiso.
252 OPUSCULES
Vrvi
XLVII.
SENTIMENTS
De saint François DE SALES sur la collation des bénéfices aux personnes les
plus dignes. (Tirés de la Vie du Saint ^ par M. Maupas du Tour, Partie IV,
chap. IV, pag. 200.)
Il est bien raisonnable de remettre le soin d'une charge à
celui qui en peut le moins abuser. Si j'avois de la créance
auprès des rois, des princes et des grands seigneurs, je les
porterois à préférer tousjours aux bénéfices un homme d'une
bonne conscience, suffisamment docte, à un autre d'une
science plus sublime, et moins consciencieux; et si, aucun
n'auroit charge dans l'Eglise , qu'il ne fust deschargé des
vices qui l'ont misérablement ébranlée. Guy, je ne distri-
buerois jamais les dignités ny les tiltres, avec les revenus de
l'Eglise, qu'à ceux qui les fuyent, et non pas à ceux qui les
recherchent. Ainsi, pour quelque considération que ce fust,
je ne voudrois avancer un prestre qui ne s'employeroit pas
au salut des âmes : car tous ces poursuivans qui cherchent
leur fortune au domaine de Jesus-Christ, tesmoignent assez
qu'ils sont autant incapables de servir à l'autel , c'est à dire
de travailler à l'avancement du christianisme , que coupables
d'ambition; parce, dit l'Apostre, qu'ils ne 'cherchent pas la
justice de Dieu, mais leur propre interest. Tous ceux qui
disent qu'il faut remplir les sièges vacans à l'Eglise , et don-
ner les rangs , les prééminences et les bénéfices aux hommes
doctes, ne disent pas assez, s'ils n'y adjoustent, humbles,
zélés et craignant Dieu; à raison que la science enfle, et ne
doit estre estimée qu'autant qu'elle est fructueuse au salut des
fidèle u
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 253
XLVIIL
CONSTITUTIONS
De l'académie florimontaine *, érigée à Annecy par saint François de Sales,
évêque de Genève, et par M. Antoine Favre, président du Genevois,
l'an 1607 2.
La fijj de l'académie sera l'exercice de toutes les vertus ,
la souveraine gloire de Dieu, le service des serenissimes
Princes et l'utilité publique.
Les seuls gens de bien et doctes y seront receus. Qui-
conque devra estre receu sera présenté par quelqu'un des
académiciens. On escrira au catalogue le nom, surnom, la
patrie et les qualitez de celuy qui sera receu , lequel sera
tenu de faire preuve de sa doctrine et capacité , ou par escrit
ou par parolle , ou en prose ou en vers , devant les acadé-
miciens.
Tous les académiciens prendront des noms et des devises
à leur fantaisie, qui toutesfois soyent convenables; et le cen-
1 Le duc de Nemours Henri de Savoie fut établi le prince et le protecteur
de cette académie, et saint François de Sales, avec M. Favre, ses deux asses-
seurs, l'un pour la philosophie et la théologie, l'autre pour la jurisprudence,
et tous les deux ensemble pour les belles-lettres.
2 Tirées de la Vie du Saipt par Auguste de Sales, tom. II, pag. 2 et suiv.
Finis academiae vJ.rtutum omnium exercitium esto^ suprema Dei
gloria^ serenissimorum principum obsequium_, et utilitas publica.
Soli probi et docti recipiuntor. Quicumque recipiendus erit^ ab ali-
quo ex academicis praesentator. Et recepti nomen_, cognomen^ patria,
conditiones, in catalogum referuntor. Recipiendus, vel verbo, sive
libéra, sive solutâ oratione coram academicis suae doctrinae pro-
bationem facito Academici omnes et singuli nomina ad placitum
254 ^ OPUSCULES
seur prendra garde qu'elles soyent bien prises , et qu'on ne
les change point. Après qu'elles auront esté dépeintes , on
les affigera selon Tordre de la réception.
Les consultations de ceux qui auront à parler publique-
ment se feront avec un jugement meur et exactement. On
admettra aux assemblées générales tous les braves maistres
des arts honnestes, comme peintres, sculpteurs, menuisiers,
architectes et semblables.
Chaque leçon comprendra, autant qu'il se pourra faire,
un traicté entier de quelque matière ; si moins , on laschera
de faire une bonne conclusion de tout ce qui aura esté dict
en la première leçon. Le stil de parler ou de lire sera grave,
exquis , plein , et ne ressentira en point de façon la pédan-
terie. Les leçons se feront ou de théologie , ou de politique,
ou de philosophie , ou de rhétorique , ou de cosmographie ,
ou de géométrie , ou d'arithmétique. On y traictera de
l'ornement des langues et surtout de la françoise. Les acade*-
fniciens destinez pour faire les leçons promettront de n'ab»-
senter jamais sans nécessité.
On affigera à la porte de l'académie un billet, auquel sera
cum symboliscongruis assumunto. Censoribus ?utem ut rectè nomina
et symbola sumantur, eura esto. Symbola ubi depicta fuerint, recep-
tionis ordine at'figuntor.
Consultationes maturo judicio et accuratè de dicturis fiunto. Ad
générales conventus generosi quique artium magistri, ut pictores,
scuipîores, fabri, architeeti, et his similes fidmittuntor.
Lectio quEEvis integrum ahqua de materid^ si fieri possit_, tractatujni
comprehendito; sin minus, eorum quoe in prima lectione tracta-
buntur, optima conolusio habetor. Dicendi, legendive stylus gravis,
excultus ,ac plenus esto , ncc ullo modo rhemaianum sapito. Lcctiones
vel arithmetiese, Yel geometricse, vcl cosmographicaî, vel phiioso-
phiccG, vel rhetoricaî, si non theologicœ, aut politic-., sunto. De
linguarum ornatu, ac prœcipuè Gallicae , tractator.Aci em ici lectio-
Dibus destinati nunquàm sine nccessitate abess. promittunto.
Ad academise januara syngraphus , quo lectionum maleria, locus
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 2^
marqué le temps et la matière des leçons. Les lecteurs tasche-
ront (^e tout leur pouvoir d'enseigner bien , beaucoup et ea
peu de temps. Les auditeurs apporteront leur attention, leur
pensée et leur soing à ce que Ton enseignera ; et s'il y a
quelque cbose qu'ils n'entendent pas, ils en feront des inter-
rogats après que la leçon sera faicte. Les discours et ha-
rangues se feront avec plus d'éloquence que la leçon, et l'oa
s'y servira de l'art oratoire.
On n'y admettra point d'heretique, scbismatique , înfî-
délie , apostat , ennemy de la patrie ou des serenissimes
Princes , perturbateur du repos public , ou marqué de quel-
que infamie publique. Tous les académiciens entretiendront
un amour mutuel et fraternel. On taschera d'esloigner de
l'académie tout ce qui pourroit en quelque façon nourrir la
discorde. Quand il y aura quelque dissention ou querelle,
le Prince , ou son lieutenant , ordonnera tres-prudemment
ce qu'il verra estre nécessaire.
Tous iront à qui mieux fera. Ceux qui arriveront l'aca-
démie estant commencée, s'assiéront sans cérémonie, et sans
aucune dispute de presseance. Toutesfois il y aura une place
iDt tempus notentur, affigitor. Lectores benè, multum, etbrevi tem-
pore docere totis viribus, conantor. AuOitores ab ea quœ doce-
buntur, attentionem ^ cogitationem et cur^m conferunto. De iis quae
non intellexerint, lectione habita, interroganto. Sermones et dis-
curcus majori cum eloqueiitià quàm lectiones fiunto, et in iis ars
orotcria adhi'^etor.
Nemo hœreticus, schismaticus, infidelis, aposlata, patriœ aut
.jerenissimorum principurn inimicus, quietis publicae pert rbator, aut
aliqua publicâ infamiâ notatus, admittitor.
Omnes et singuli academici mutuum et fraternum amorem nu-
triunto. Omnis discordiœ fomes ab academiâ abigitor. Ortis forte
controversiis et dissensionibus , Princcps aut ejus gerens vices pru-
dentissimè quid agendum fuerit^ decernito.
Omnes meliora charismata remulantor. 'Advenientes , incœplâ
academiâ, absque cœremoniis aut prcurogalivee drsputatione sedcnto.
256 OPUSCULES
particulière pour les grands, comme princes, prélats et sem-
blables. Nul des académiciens ne fera aucun signe de légèreté
d'esprit, quelque petit' qu'il puisse estre, autrement il sera
corrigé par les censeurs.
Le prince de l'académie sera tous] ours choisi quelque
homme illustre , vertueux et porté au bien de Facademie.
Les collatéraux ou assesseurs seront sages, prudens, doctes
et experts.
Le secrétaire sera d'un esprit clair, subtil , expeditif et
généreux, et bien versé aux lettres humaines. Il n'envoyera
point de lettres , qu'au preallable il ne les ayt faict voir au
Prince, aux collatéraux et censeurs.
Les censeurs seront tres-versez en toutes choses , autant
qu'il se pourra faire , et approcheront de l'encyclopédie ;
toutesfois il& communiqueront au Prince et collatéraux les
pièces qui devront estre examinées.
Le thresorier sera choisi un homme prudent , équitable et
soigneux. Les académiciens ne devront point estre grevez de
contribuer pour les choses qui seront nécessaires , selon la
Magnatibus tamen^ ut principibus, pra:latis, et hujusmodi,, pecu-
iiaris locus esto. Academicorum iiemo levitatis animi ullum vel mi-
nimum signum edito, alioquin à censoribus corrigitor.
Academiaî princeps illustris vir^ virtutibus prœditus^ et academico
bono propensus eligitor.
Collatérales seu assessores sapienteS;, prudentes, docti et experti
sunto.
Secretarius , perspicui , subtilis , expediti et generosi ingenii, et
humaniorum litterarum sciensesto. Nullas epistolas ille, nisi priùs
Principi, collateralibus et censoribus benè \isas , millito.
Censores in rébus omnibus, quantum fieri poterit, versatissimi ,
et enclyclopedise proximi sunto : examinandas tamen compositiones
Principi et collateralibus communicanto.
Quœstor vir prudens , œquus et studiosus eligitor. Academici pro
lis quai necessaria erunt , quantum rationi consonum erit , contri-
buere ne gravantor. Avari in academiam ne accedunto.
DE S. t'RANCOlS DE SALES* 257
raison. Que les avaricieux ne mettent point le pied clans
l'Académie.
On créera un huissier à gage, lequel sera obligé d'appeller
les Académiciens à propos , et, selon le temps, de conduis,
€t reconduire le Prince et les collatéraux à l'Académie , de
préparer la sale et disposer les sièges.
Les autres choses seront ordonnées selon que les affaires
et les temps enseigneront.
Accensus cum ri> arcede creator. Hic , cùm opus fuerit , acade-
micos YOeato. Principem ^.t collatérales ad academiam conducito,
€t reducito, aulam ])arato^ et sedes disponito.
Caetera, proùt res et tempora doctura sunt, decernunlorf
258
OPUSCULES
XLIX.
- •\/v/\A/N/v\/vnA/v
LETTRE*
SUR UNE AFFAIRE CONCERNANT LE CHAPITRE DE LA CATHÉDRALE D'aNNECT»
ffirée du registre des lettres de saint François de Sales, conservé au monastère
(ie la Visitation de Pignerol, à un de ses amis.)
Saint François se plaint de la conduite des syndics et des habitants de.»*
contre son chapitre.
Le 10 mars 1608.
Monsieur mon cher frère tant aymt ^
Depuis que je suis en charge d'evesque, rien ne m'a tant
affligé que les mouvemens indiscrets des sindics et hahitans
de... contre mon chapitre , contre lequel ils plaident; tascbez
de les accorder amiablement , ils ne veulent subir ny sentence
ny expédient , ils mesprisenr tous mes advis, et tesmoignent
une passion furieuse contre les curés et les ecclésiastiques ;
je suis donc affligé si cette violence n'est reprimée, car elle
croistroit tous les jours ; d'ailleurs je suis affligé qu'on chas-
tie ces mutineries , parce que les mutins sont mes diocésains
et mes enfans spirituels ; mais toutes choses bien considérées,
il faut un peu d'affliction aux enfans , alfm qu'ils se cor-
rigent , quand on void que les remontrances n'ont servy de
rien; il vaut mieux que je pleure leurs tribulations tempo-
relles, que s'ils se precipitoient dans l'éternelle. Je ne désire,
sinon que mon église demeure dans ses droits et que ces gens
demeurent dans leur devoir.
» Cette lettre est la 110» parmi les inédites de la collection Biaise,
LE S. FRANÇOIS LE SALES. , 259
L.
AVIS DU SAINT ÉVÈQUE
A madame Rose "Bourgeois, abhesse du Puits-d'Orbe, Ordre de Saint-
Benoît, sur la manière dont elle devoit gouverner sa Communauté. (Tiré
de la Vie de saint François de Sales, par M. Maupas, évêque du Puy^.
Part. IV, chap. xv, pag. 286.)
(Vers le 25 d'août î 608.)
Voulez-vous que je vous c*se ce qu'il m'en semble , Ma-
dame? L'humilité, la simplicife de cœur et d'afïection, et la
soumission d'esprit, sont les solides fondements de la vie re-
ligieuse. J'aimerois mieux que les cloîtres ftissent remplis de
tous les vices, que du péché d'orgueil et de vanité; parce
que, avec les autres offenses, on peut se repentir et obtenir
pardon ; mais l'ame superbe a dans soi les principes de tous
les vices, et ne fait jamais pénitence, s'estimant en bon état, .
et méprisant tous les avis qu'on lui donne. On ne sauroit
rien faire d'un esprit vain et plein de l'esprit de soi-même; .
il n'est bon ni à soi ni aux autres.
Il faut encore , pour faire un bon gouvernement , que les •
Supérieurs et Supérieures ressemblent aux pasteurs qui
paissent les agneaux, et qu'ils ne négligent le moindre exemple
pour éfJîOer le prochain; pa^ce que, tout ainsi qu'il n'y a si
petit ruisseau qui ne mène à la mer, aussi n'y a-t-il trait qui
ne conduise l'ame en ce grand océan des merveilles de la
bonté de Dieu.
Madame, le soin que vous devez avoir à ce saint ouvrage
doit être doux, gracieux, compatissant, simple et débon-
naire. Et croyez-moi , la conduite la plus parfaite est celle
qui approche le plus près de l'ordre de Dieu sur nous , (jui
est plein de tranquillité, de quiétude et de repos , et qui, en
2G0 OPUSCULES
sa plus grande activité, n'a pourtant aucune émotion, et se
fait tout à toutes choses.
De plus, la dilig' ie des Supérieurs doit être grande pour
Temédier aux plus petits murmures d^ la Communauté. Car
somme les grands orages se forment aes vapeurs invisibles,
de même aux Religions les grands troubles viennent de causes
fort légères. Rien aussi ne perd tant les Ordres que le peu de
som qu'on apporte à examiner les esprits de ceux qui so
jettent au Cloître. On dit : Il est de bonne maison, c'est un
grand esprit; mais l'on oublie qu'il ne se soumettra qu'avec
grande difficulté à la discipline religieuse.
Avant que de les admettre , on doit leur représenter la
vraie mortification et la soumission que la Religion demande,
et ne leur point figurer si avantageusement tant de consola-
tions spirituelles. Car tout ainsi que la pierre , encore que
vous la jetiez en haut, retombe en bas de son propre mou-
vemeiit, aussi p);^s une ame que Dieu veut à son service sera
repoussée , plus elle s'élancera à ce que Dieu voudra d'elle.
D'ailleurs, ceux qui prennent ce parti comme par dépit d'a-
voir un courage haut avec une basse fortune, apportent:
d'ordinaire bien plus de désordre dans les Cloîtres que dd
bon ordre en eux.
LE S. FRÂ>XOîS DE SALES. 261
• ,/v/vv/\>%/\/%/\/Ny\/\/>/
LI.
ORDRE
Qne saint François DE SALES mit dans re monastère du Puits-d'Orbe, Ordre
de Saint-Benoît , lorsqu'il s'y transporta vers le 25 du mois d'août 1608, par
ordre du Pape, pour y établir la réforme. (Auguste de Sales, tome II,
page 22.)
I. Quant à la closture, il est requis, dit-il, que nul
homme n'entre dans le Chœur, ny dans le Cloistre , ny dans
le Dortoir des Religieuses, sinon pour les causes que les
Confesseurs , Médecins , Chirurgiens , Charpentiers et autres
peuvent entrer aux Monastères les plus reformez, c'est à
dire quand la vraye nécessité le requiert. Les femmes neant-
moins y pourront entrer aussi par tout, mais non pour cou-
cher dans le Dortoir.
IL Les Religieuses pourront sortir dans l'enclos du Mo-
nastère , pourveu qu'elles sortent pour le moins deux en-
semble , et qu'elles n'entrent point dans les logis où habitent
les Prestres , Receveurs et autres hommes , attendu qu'il ne
peut y a^'oir aucune nécessité de ce faire , et tousjours quel-
que sorte de danger. Elles pourront aussi sortir du Monastère
aux champs et pourmenades qui sont autour d'iceluy pour
leur récréation , pourveu qu'elles soyent au moins la moitié
ensemblement, sans se séparer les unes des autres.
III. Mais quant à entrer et demeurer au Chœ' y des Reli-
gieuses pendant que l'on y faict l'OfEce , il ne le i!:^ut per-
mettre qu'à quelques femmes de respect.
IV. Et pour les visites des parens, amis, et autres qui
voudront voir les Religieuses, il faudra députer quelque
chambre hors le Cloistre , en laçLuelle telle visite puisse estre
262 OPUSCULES
faici'i-, où neantmoins les Religieuses n'aillent point qu'ac-
conipignées de deux autres pour la bienséance. Le jardin
;]);o('!ie du logis de Madame l'Abbesse peut servir à cela, et
l'eiilise du costé de l'autel, selon la diversité des occurrences,
en observant toujours la bienséance de n'estre seules en un
lieu, bien qu'elles parlent seules à ceux qui les viennent
voir, pendant que celles qui viendront avec elles s'entretien-
dront à part ffv<^c toute modestie.
V. Quant à la sortie des Religieuses aux maisons de leurs
proches et autres lieux , il seroit requis qu'elle fust du tout
retranchée; mais cela semblant trop dur à quelques unes,
il faut pour le moins que ce soit le plus rarement qu'il sera
possible , puis que telles sorties ne se font guieres sans une
notable distraction d'esprit, et murmuration de ceux qui les
voyent dehors , et que les parens mesmes desireroyent que
ieuis Religieuses demeurassent en paix dans leurs Monas-
tères, ainsi que quelques uns ont librement dict.
VI. Il seroit requis qu'il y eust un Confessional en quelque
lieu visible dés le Chœur, ou qui fust mesme dans le Chœur,
et que ce Confessional fust faict en sorte que le Confesseur
ne vist point les Dames qui se confessent, ny elles luy, pour
plusieurs raisons. Il faut ester l'autel qui est dedans le
Chœ.ur, et tirer tout au long une séparation entre le Chœur
et le maistre autel , qui soit faicte à colomne de bois ou de
fer, et où il y ayt une porte, par laquelle ou les Religieuses
puissent sortir pour se présenter è la Gûnimunion , ou le
Prestre puisse entrer pour la leur porter dans le Chœur, si-
non que la séparation fust faicte en sorte que les Religieuses
«e disposans en rang le Jong d'icelle, le Prestre puisse les
communier commodément entre les colomnes ; ce qui sem-
bleroit plus séant et propre, et fort. aisé pour la gravité de
l'action , commi'aussi il sembleroit plus propre et plus séant
que le Confessionallust mis en sorte que les. Dames fussent
en iceluy dedans le Chœur «t le Confesseur dehors, comme il
DE S. l'RANÇOIS DE SALES. 263
■se peut faire , et qu'il se faict en tous les Monastères bien
reiglez. Or cela sera si l'on faict le Confessionnal en l'un des
deux bouts de la séparation.
VIL II est requis qu'il se fasse une Prieure, laquelle,
comme lieutenante de l'Abbesse, soit obeye ny plus ny moins
que l'Abbesse en l'absence d'icelle; et, pour la faire, il est
expédient que les Religieuses en fassent élection, et que l'i^b-
tesse l'accepte et confirme pcar telle. Que si les Religieuses
n'en vouloient point faire d'élection, l'Abbesse la pourroit es-
tablir sans cela. Or il la faut choisir telle que les Religieuses
^yent sujet de luy obéir et de Thonorer. Elle tiendra tousjours
le premier rang après l'Abbesse, en l'absence de laquelle
toutefois elle ne se mettra pas en sa place , mais en la première
après celle de l'Abbesse.
VIIÏ. Le Chapitre ou Calenae se doit tenir tous les vendre-
dis do l'année , si la solemnité de quelque feste occurrente
n'empesche, et lors il faudra s'assembler le jour précèdent.
On lira quelque chapitre ou article desReigles, ou mesme de
quelque livre qui traicte de la discipline religieuse ; puis
on conférera par ensemble des défauts et manquemens qui se
seront commis es offices et observances régulières, si on en
a remarqué, et des moyens d'y remédier, avec toute la f-ha*
l'ilé qu'il sera possible.
IX. Quant aux pensions, toutes sont exhortées de les re-
mettre à la disposition de la Supérieure, qui moyennant cela
aura somg de faire fournir à toutes les nécessités de celles
qui les remettront; et quant à celles qui ne voudront pas les
remettre présentement , il faudra attendre que Dieu les en
inspire*
261 OPUSCULES
LIL
QUESTION
D'IMMUNITÉ ECCLÉSIASTIQUE PERSONNELLE.
(Parmi les lettres inédites de Tédition Blaiss, 118° lettre ; l'original se conserve*
au monastère de la Visitation a 'Annecy.)
AU ROI HENRY IV.
Saint François prie Sa Majesté d'exempter du paiement des décimes
les curés du bailliage du Bugey,
1609,
Sire;
J'ay cinquante ou soixante Curés sous ma charge au bail-
liage du Bugey, sur lesquels nulle décime n'a esté cy devant
imposé de la part de vostre Majesté, à la bonté de laquelle je
recours maintenant pour eus, et eux avec moy, afïin qu'il luy
plaise les exempter encore cy après. Le fondement de cette
supplication. Sire, est à la vérité bien mauvais, mais il n'en
est que plus solide ; car, c'est leur extrême pauvreté, puis que
presque tous sont si chetifs en moyens , qu'ils n'en ont que
pour vivre misérablement ; si que vostre Majesté comman
dant qu'on les laisse aller, leur fera une excellente aumosne^
car elle leur donnera le repos, seule condilir-îi qui peut
rendre leur disette aucunement supportable , du milieu de
laquelle ils prier^^at Dieu qu'il prospère vostre Majesté , etc.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 265
LUI.
LETTRE^
A UN GENTILHOiVIME EN DIGNITÉ*
(L'original est conservé au monastère de la Visitation d'Annecy.)
Saint Fraa<;ciis le prie de faire en soile aiie, dans le traité avec la république
de Genève , on n'oublie point ce stipuler, en faveur de la cathédrale de
Genève, la jouissance de ses biens qui sont dans les états du duc de Savoie.
Monsieur,
Il plut à S. A. il y a quelque temps , depuis ces guerres,
déclarer pour Teglise de ce diocèse estre de son intention et
plaisir que tous les biens qui se trouveroient en ses estats avoir
esté de l'Eglise anciennement devant que Genève eust chassé
les Ecclésiastiques, retournassent à l'Eglise comme vray pa-
trimoine de J.-C, ce c[ui a fait que le Chapitre de Saint-
Pierre ayant advisé qu'il se devoit tenir quelque journée à
Turin touchant ce bailliage et autres affaires , il a pris reso-
lution en l'asseurance de vostre zèle et pieté de vous supplier
très humblement de leur faire aumosne de vostre crédit et
intercession en cet endroit, afin que si le cas de quelque resti-
tution de pays escheoit en traité, ils ressentent le profit de la
dévote intention de sa dite Altessn , et que les biens qui se
trouveront avoir esté dudit Chapitre Au ^mps de la subver-
sion de Genève leur soient restitués.
Ils vous supplient donc , Monsieur, très humblement tous
en gênerai, et moy en particulier comme ayant cet honneur
d'estre prevost en leur Compagnie, de prendre cette leur af-
faire en main , se promettant que si la bonne intention de
& Cest la 26« parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
266 OPUSCULES
s. A., dressée sur îa pieté de la cause, est aidée de vostre
faveur etauthorilé, elle sortira en son effet a.vee grand nieritis,
de sa dite Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main,
et de vous , Monsieur, qui nous aurez procuré ce bien , du-
quel je puis vous asseurer avec vérité que nous avons bon
besoin , pour s'estre la pauvreté de celte église cathédrale de
trente Chanoines, quasi tous gentilshommes ou gradués,
fort rengregée par ces guerres , sans avoir voulu jamais di-
minuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la décoration
du service divin.
Vous suppliant donc nous avoir pour recommandés, nous
recommanderons de toute nostre dévotion vostre santé et
prospérité à N. S., et demeurerons obligés à jamais de prier
plus particulièrement sa divine bonté qu'elle vous comble
de ses bénédictions. Et poiu- mon regard, Monsieur, con-
tinuant en la condition de M. de Boisy, mon pare, je deœeu-
rerav vostre très humble serviteux^
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 267
. '^/v.'^y^.'^./'\<'^<'v/\
LIV.
LETTRE*
AU RÉVÉREND PÈRE EN N. S., LE PÈRF DOM , PRIEUR DE POllVIERS,
EN FAVEUR DES DROITS DE l'ÉCLISE DE BEAUMONT.
(L'original eu appartenoit à madame la comtesse Puliini, née Mareschal
de Chaumont, à Turin.)
Saint François le prie d'user de son autorité pour que les sujets de sa maiso**
paient les prémices au curé de Beaumont, leur curé.
,r T^ _ 27 août 1609.
Mon nev. Père,
Les remostrances que me fait le sieur Curé de
Beaumont, que plusieurs des sujets de vostre maison refusent
do luy payer les prémices, les quelles néanmoins ils luy doi-
vent comme estant ses paroissiens; avant que de prendre
aucun autre expédient pour l'aider en sa juste intention selon
mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité
que vous avez sur ces refusans, pour les réduire à la raison :
espérant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir re-
quis pour l'effet de mon équitable désir, comme la mienne aura
le crédit envers vostre bienveillance d'en obtenir le secours
qae je souhaite à cet honneste et bon Curé , le quel je m'atî-
seure vous est desja assez recommandable : comme aussi il
m'a tesmoigné qu'il vous honore e* révère de tout son cœur.
Je n'employeray pas davantage de ^/aroles pour vous expri-
mer mon affection en ce point, non plus pour vous offrir de
xechef mon humble service, que je \i;ûs supplie accepter,
€t tenir tousj ours pour tant asseuré. Nostre Seigneur vous
conserve , mon révérend Père, et je suis
Vostre humble serviteur et confrère en nostre Seigneur,
François , evesque de Genève,
» C'est la il4e des lettres inédites de la collection Biaise.
26S OPUSCULES
VVAA/VW
LV.
LETTRE*
A M. FRANÇOIS KANZO^,
Gentilhomme et conseiller de Son Altesse, à Turin, pour la canonisation
du bienheureux Am/4
(Tirée de la copie authentique conservée aux Archives de la Cour de Turin.)
Très illustre Seigneur,
La lettre que votre Seigneurie très illustre m*a écrite pour
faire donner commencement à quelque sorte de solennité
pour le jour du passage du Bienheureux Amé, est arrivée
entre mes mains le jour qui a suivi la fête , ainsi on n'a pas
pu faire ce que j'aurois vivement désiré, mais on le fera, s'il
plaît à Dieu , l'année prochaine.
On ne sait rien autre de Mantoue ni de Borgio, parce que
les fondations qui ont été faites sont du Comte- Vert ^ et non
pas de nostre Bienheureux.
^ C'est la 124* parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
* François Kanzo a écrit la vie du bienheureux Amé ; saint François entre-
tenoit avec lui une correspondance relative à la canonisation du prince. Voyez
la 32e lettre contenue dans le recueil des lettres inédites. (Edit. Biaise.)
* Amédée VI tut appelé le Comte-Vert,
--
Annessi, alli 6 maggio 1610.
MoUo Ul. Sig. mio,
La letlera che V. S. molto 111. mi scrisse per far dar principia
a qualche sorte di solemnità per il giorno del tran.?ito del B. Amedeo
capitô nelle mie mani il giorno dopo la festa , onde non si feca
quel che io avrei sommamente desiderato^, ma si farà^ piacendo at
Signore, Tanno seguente.
Da Mantua non s,i ha altro ne da Borgo, perche le fondazioni ivl
fatte sono del conte verde e non del nostro bei^to*
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 269
•
Je remercie V. S. très 111. de l'image, et je désire beau-
coup voir la vie, et que l'alfaire de la canonisation marche
r:ii avant.
il m'est venu dans la pensée une chose qui , si Y. S. la
trouve à propos, pourra beaucoup contribuera l'honneur du
Bienheureux. On commencera à établir à la fête prochaine
de la Pentecôte une congrégation de dames nobles douées
d'un grand esprit et de grandes qualités , dans laquelle
on pratiquera beaucoup d'œuvres de charité envers les
pauvres et les malades , au service desquels ces bonnes âmes
se veulent dédier suivant ce que pratiquent les femmes en
te pavî ultramontain : elles auront unr liaison dans la-
quelle elles vivront en commun , et un oratoire de grande
dévotion.
Actuellement il dépend de moi de faire dédier cet oratoire
et cette maison au Saint qui me paroîtra plus à propos , et
voyant que la dévotion de ces dames nobles se dirige vers
les pauvres et les malades auxquels notre Bienheureux fut
si affectionné, que son exemple est publié dans toutes les
Ringratio V. S. 111. delF imagine, e desidero sommamente di ve-
der la vita^ e chè le cose délia canonisazione vadano inanzi.
Mi è Ycnuto in pensierc una cosa, la quai se V. S. molto 111. trova
a propositOj potrà molto ben riuscire ad honor di detto beato. Si darà
principio a questa festa prossima di Pentecoste ad ima congregazîone
di gentildonne di gran spirito, qimlilà e nelh quale si adopraranno
moite opère di carità verso li povcri, et HiTimalati, di ô'ervitio de
quali quelle benedette anime si vogliono in parte dedicare secondo
chè in queste parti ultramontane quel esercizio si suol fare fra le
donne , et elle havranno una casa nella quale viveranno insieme et
un oratorio di gran devozione.
Ora stcà in man mia di f^r dedicare quell' oratorio , e quella casa,
al santo che mi parera piu a proposito, e vedendo cliè la divozione
di quellegentil donnée circa h poveri,, et ammalali, alli quali il
nostro beato fa tanto aflezionato, chè l'esscmpio suo è pubblicato ia
tuUi lipulpiti^ Yorrei volontieri chè detta casa al suo beato nome
270 OPUSCULES
chaires, je votidrois bien que cette maison fut mise sons
rinvocation de ce bienheureux. Ilseroit convenable, puiscin'il
est né dans ce tÎM)€èse , qu'il eut dans le même diocèse sa
première maison et son premier oratoire.
Afin que je puisse fai»^? cela, il seroit convenable que son
Altesse l'approuvât et fît en sorte que sa Sainteté Feut pour
agréable. Il me semble, d'après ce que je pense, que ce seroit
chose très facile à son Altesse , si elle oixionnoit qu'à Rome
on en fit la demande, d'autant plus que depuis long-temps
ce Bienheureux est si honoré dans ce diocèse.
Votre Seigneurie très illustre y pensera , et si elle me fait
part de la volonté de son Altesse , je ne manquerai pas de
faire, de mon côté, tout ce qui sera convenable. Je vous prie
de tâcher que cela s'obtienne le plus tôt possible pour ma
satisfaction.
Je supplie le Seigneur qu'il donne tout vrai contentement
à V. S. très illustre,
Votre très affectionné serviteur,
François , Evêque de Genève.
fosse dedicata, è sarebbe convenevole ch'essendo egli nato in questa
diocesi^ in questa havesse la sua prima casa et oratorio j ma acciô io
potessi far questo, sarebber conveniente chè S. A. ne fosse contenta,
e facesse chè S. S'"* cio havesse grato , il chè secondo chè io penso
sarebbe cosa facilissima a S. A. se comandasse chè in Roma se ne
facesse instanlia, atteso chè già anticamente è stato tanto riverito
questo beato in questa diocesi.
V. S. molto m. vi pensarà, e se me avvisam dell' intenzione di
S. A. io non mancarô di quanto ^^al canto mio sarà convenevole, ma
. la supplico bene chè sia quanto prima per mia consolazione. In tanto
gupplico N. S. chè a Y. S. molto ïll. dia ogni vero contento.
Di V. S. molto 111.
Affect™*» servi tore,
Francisco, Yescovo di Geneva.
DE S. FRANCOTS DE SALES, 271
LVl.
LETTRE*
A M. ROSETAM, VICA'r.Y FORAIN DE l'ÉVÈCIIÉ DE GRNÈVE EN BIGEY, VALORMET
ET GEX.
(L'original en est conservé au monastère de la Visitation de Turin.)
S. François lui recommande une affaire relative à la cathédrale de Genève.
Aneci, 7 nov. 1610.
Monsieur,
Voyla que ces messieurs d^. nostre église cathédrale re-
courent ^ moy eu une personne qui représente par delà la
mienne, pou» une affaire qu'ilz ont à mon advis grande rai-
son d'affectionner. Hz ne doutent nullement que vous ne
leur rendrez bonrie, briefve et fidèle justice : mais je doy
vous recommander leurs affaires comme les miennes propres,
puis que Dieu m'a joint plus particulièrement à eux, et m'a
enjoint la conservation de leurs droits. Je le fais donq autant
qu^il m'est possible, et sur l'advis que vous me donnastes
l'autre jour, j'enverray lundi monsieur Rollant à Monsieur
4e Mont-Saint-Jean, puisque je suis forcé de passer jusques
en Faucigny, pour affaire qui presse, et retourneray icy
pour quelques jours, passés les quelz je m'en iray à Gex,
mais vous en serez advertit, et tandis, je demeure,
Monsieur,
Yostre très humble et très affectionné confrère,
François , Evesque de Genève.
« C'est la 127e des lettres inédites de la collection Biaise.
272
OPUSCULES
LVir.
LETTRE*
A M. LE JUROUIS DE LANS, LlEUTEy\NT-GÉNÉRAL DE S. A., EN DE ÇA LES MONTS.
(Tirée de l'original conservé aux Archives de la Cour de Turin.)
Saint François lui donne connoissance d'une excursion qu'il fait dans une
bourgade du pays de Gex qui est hors de l'obéissance de S. A.
30 avril 1611.
Monsieur ,
Estant appelé pour restablir le saint exercice de la foy en
une bourgade du pais de Gex, qui est de mon diocèse, mais
hors de l'obeyssance de S. A. S"% j'ay voulu avant mon de-
part, donner connoissance à V. £. de ce petit voyage, auquel
ma charge m'oblige, affin qu'en toutes occasions j'observe,
tant qu'il me sera possible, les loix de mon devoir. Dieu
veuille à jamais bénir V. E., de la quelle je suis ,
Monsieur ,
Très humble et très affectionné serviteur en N. S.^
François, Ev. de Genève.
» Cest la 128» des lettres inédites de la collection Biaise.
DE S. rr.ANCOIS DE SALESr 273
^ rv\/\/\/\/vN/\/\
LVIII.
LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL l" , DUC DE SAVOIE.
(L'original existe aux Archives de la Cour de Turin.)
3aint François se justifie auprès du duc de Savoie de Taccasation calomnieuse
d'ourdir des trames contre son Etat.
Aneci, 11 juin 1611,
MonseigQeur,
Ayant esté adverti que l'on m'avoit chargé auprès de
Y. A. de fayre certains mauvais mesnages d'estat avec les
estrangers, j'en ay esté le plus estonné du monde , ne pou-
vant m'imaginer sur quell' apparence de fondement on peut
bastir cette calomnie : Car encor que ces jours mon devoir
m'ayt nécessité d'aller à Gex et y arrester quelque temps ,
si est-ce que non plu* là qu'ailleurs je ne me suis meslé de
fayre ou dire chose aucune , que selon ma profession, pres-
chant, disputant, reconciliant les esglises, consacrant les
autelz, administrant les sacrementz. Et non-seulement je
n'ay point fait de mesnage contre le service de V. A., ce
qui ne m'est jamais arrivé , ni ne m'arrivera jamais ni en
effect , ni en pensée ; mais au contraire autant que la discré-
tion et le respect que je doy à ma qualité me lo permettent ,
j'ay observé tout ce que j'estimois estre considérable pour le
service de Y. A. afïin de luy en donner advis,, comme j'eusse
fait par escrit, si à mon retour je n'eusse treuvé le comman-
dement qu'elle me donnoit, de les porter de bouche à M. le
marquis de Lans, auquel je parlay en toute franchise et
* C'est la I3ie parmi les lettres inédUos de la collection Biaise.
VI. 18
^74 OPUSCULES
naïfvelé ; rasseurant entr' autres choses que les hruitz lou-
chant le dessein des François sur Genève n'estoyent que des
vrayes chimères que quelques-uns avoyent peut-estre fa-
briquées pour rendre probables leurs prétendus services. Car
en vraye vérité les François n'avoyent eu aucun' intention
de surprendre à force cette ville là ; ayant trop d'appréhen-
sion de mouvoir les l<i meurs des hérétiques de France et de
leur faire prendre les armes comm' ilz feront s'ilz peuvent
toutesfois et quantes, qu'on fera de telz coups contr' eux^
Tellement que ni M. le Grand de Bellegarde ni M. de Lux
n'osèrent jamais y aller quoiqu'ilz y fussent invités, de peur
d'accroistre le soupçon que quelques-uns en avoyent, Vray
est que le sieur de la Notie proposa là dedans par manière
de conseil , qu'il seroit expédient de remettre les murailles
au Roy de France pour éviter les perilz qu'elles couroyent à
tous momens. Mays soit qu'il donnast cette atteinte par le
commandement de la Reyne, soie qu'il la fîst de son propre
mouvement, de quoy je n'ay rien sçeu apprendre de certain,
elle fut si mal reçeue que ceux de la ville en diverses occur-
rences disoyent tout haut qu'ilz se donneroyent plustost au
malin qu'à V. A. et plustost à V. A. qu'au Roy ; d'autant
que non seulement V. A. les recevroit à meilleur marché
que le Roy ; mais quand elle voudroit altérer les conditions
de leur donation , ils auroyent plus de moyens de la rompre
par l'assistance des voisins , que quand elle seroit faite en
faveur du Roy. Et ne sçai si pour ce regard il vint point
à propos qu'à mesme temps les Souisses qui revenoyent
d'auprès de V. A. dirent en passant des merveilles en fa-
Teur des droictz qu'elle a sur le pays de Vaux, dequoy ceux
de Genève furent extrêmement esmeuz. Et, sur ce propos,
j'appris de divers discours des François que si nostre Saint-
Pere se remuoyt un peu vivement envers les Souisses catho-
liques et la Reyne, comm' il le doit faire en considération de
la religion , il n'y auroit point de difficulté de faire heureu-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 275
«ement réussir les prétentions de V. A. contre les Bernoys ,
desquelz la grandour est de longue main ennuyeuse aux
Souisses catholiques ; et puisque la Reyne doit plus désirer
ramoindrissement du parti huguenot que soupçonner Fag-
2:randissement de V. A..
Je dis plusieurs autres particularités à M. le marquis de
Lanz des quelles sans doute il aura eu honne mémoire,
^our les représenter à Y. A., laquelle je supplie très hum-
blement de croire que j'ay gravé trop avant en mon cœur le
devoir que je luy ay, pour jamais me relascher à faire chose
<jui puisse tant soit peu nuyre au service de ses affaires ; et
quej'ay une trop grande aversion au tracas des choses d'estat
pour jamais y vouloir penser d'un' attention délibérée. Ni
moy, Monseigneur, ni pas un de mes proches n'avons ni en
effect ni en prétention aucune chose hors l'obeyssance de V. A,
Je ne sçay doncq comment la calomnie ose me représenter
avec des affections estrangeres, puis que mesme je vis, Dieu
merci, de telle sorte que comme je ne mérite voyrement pas
d'estre en la bonne grâce de V. A, n'ayant (rien) qui puisse
dignement correspondre à cet honneur-là; s.ussi merité-je de
n'estre jamais en sa disgrâce , ne faysant ni n'affectionnant
rien qui me puisse porter à ce malheur, que je ne crains
aussi nullement moyennant l'ayde de nostre Seigneur, qui
en faveur de la véritable fidélité que je conserve à V. A.
ne permettra jamais que les brouillons et calomniateurs
m'ostent la gloire que j'ay d'estre advoué.
Monseigneur,
Invariable , très humble , très fîdele et très obeys-
sant serviteur et orateur de V. A.,
François , Evesque de Genève.
276 OPUSCULES
UX.
LETTRE*
A LA REINE MÈRE, MARIE DE MÉDICIS.
n lui envoie un religieux pour lui rendre compte des affaires de Gei,
et le lui recommande.
Annecy, le 12 février 161i.
Madame ,
Ce porteur est le prédicateur ordinaire de Gex , Religieux
fort zélé , dévot , discret , extrêmement sortable au lieu et à
la cause qu'il sert. Ce petit peuple catholique et moy le pré-
sentons en toute humilité à vostre majesté, comme un cahier
animé , contenant les moyens les plus convenables pour la
réduction de ceux de la religion prétendue, et pour Paccrois-
sèment de la foy catholique au bailliage de Gex ; afin que si
tel est le bon plaisir de vostre Majesté , dont je la supplie
tres-humblement, elle en sçache par luy toutes les particula-
rités plus clairement; et tandis, j 'invoquerai nostre Seigneur,.
à ce qu'il soit la couronne et la gloire de vostre Majesté , au
ciel et en la terre , selon le continuel désir , Madame , de
vostre , etc.
1 Cestla 46«du !«' livre des Lettres dans les anciennes éditions, et la 256*
de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES.
277
LX.
AUTRE LETTRE*
A LA MÊME.
11 la remercie d'avoir remis l'église de Gex en possession des lieux et des ïïîens
envahis par les ministres de la religion prétendue réformée.
En 1612.
Madame ,
Apres avoir rendu grâces à Dieu du reslablisement de son
€glise es lieux et biens cy-devan\ occupez et détenus par les
ministres de la religion preten me au bailliage de Gex , j'en
remercie tres-humblement vo^tre Majesté , de la royale pro-
vidence et pieté de laquelle ro bonbeur nous est arrivé. Dieu
éternel vtûille à jamais establir la volonté duroy vostre fils,
puis que vous avez si grand soin du restablissement de celle
de son Fils , Roy des roys. Dieu remplisse vostre royale per-
sonne de ses bénédictions, puis que, par Tau thori té qu'il vous
a donnée, vous faites bénir son saint nom en tant d'endroits,
esquels il estoit profané. Ce sont les continuels soubaits que,
par une immortelle obligation , fait et "lera tousjours , Ma-
dame , vostre , etc.
» C'est la 470 du I" livre des Lettres dans les anciennes éditions, et la 255«
de la collection Biaise,
V
278 OPUSCULES
LX[.
AUTRE LETTRE *
A LA REINE MÈRE , MARIE DE MÉDICIS.
U lui demande le rétablissement du monastère des pères Carmes en la "ville
de Gex.
1612.
Madame ,
Les Catholiques de Gex , qui ne peuvent respirer qu'en
l'air de vostre royale faveur, sçachant qu'en leur ville il y
avoit jadis un Monastère de Carmes , lequel estant restabli
rendroit beaucoup de bons effets pour l'accroissement de la
foy, ils supplient tres-humlidement vostre Majesté d'agréer
les poursuites qu'ils en font, ^t de les faire réussir selon le
saint zèle dont elle est animée; et je joins ma tres-humble'
supplication à la leur, avec mille souhaits qu'il plaise à
nostre Seigneur combler de ses grâces et bénédictions vostre-
Majesté , de laquelle je suis sans lin , Madame , etc.
» C'est la 48* du I«» livre des Lettres dans les anciennes éditions, et la 257»^
de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 279
LXTl.
LETTRE*
A SON ALTESSE LE DUC DE SAVOIE.
n lui représente Tobligation où il est de procurer la canonisation du
bienheureux Amédée III, duc de Savoie.
Mars 1612.
Monseigneur,
Il y a quelque temps que j'envoyay à vostre Altesse sere-
nissime plusieurs Mémoires touchant l'estime et véritable
opinion que tout ce pays de deçà avoit tousjours eue de la
sainteté du bienheureux duc Amedée troisième; et je croyois
que vostre Altesse, considérant ces honorables tesmoignages
de l'eminente sainteté d'un Prince auquel elle appartient
de si près , seroit suffisamment incitée à en désirer la cano-
nisation.
Mais , attendant de jour à autre qu'on fîst quelque bon
dessein pour cela , et n'ayant point de telles nouvelles , je
supplie tres-humblement vostre Altesse de pardonner si avec
un peu de chaleur je luy représente ma pensée sur ce sujet;,
car en une grande affection on ne se peut pas bien retenir.
Ce grand saint et vostre Altesse avez un devoir mutuel
l'un à l'autre ; car vostre Altesse lui succédant, et selon le
mesme sang, et selon le mesme sceptre, elle luy appartient
comme un fils à son père. Vostre Altesse donc le doit honorer
en tout ce qu'elle peut, comme sa charité l'oblige de proté-
ger, secourir et élever votre, altesse :ny ces liens réciproques.
1. C'est la 50' du 1" livre dans les anciennes éditions, et la 258* de la
collection Biaise.
280 ' OPUSCULES
De sont point rompus par la mort ; car ce sont des liens de
Pamour sacré , qui est aussi fort pour les conserver que la
mort pour les dissoudre.
Or, les miracles que Dieu a faits en faveur de ce grand
Prince, la grande estime delà sainteté d^celuy, que sa divine
Providence d nourrie dans le cœur des peuples qui ont le
bonheur d'estre sous sa Couronne, et de plusieurs autres cir-
convoisins , les histoires qui célèbrent si hautement la pieté
de sa vie ; ce sont , Monseigneur, tout autant de sommations
que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui
sont dus à son excellente sainteté. Nul ne luy a ce devoir en
pareil degré avec vostre Altesse, nul n'a le pouvoir si grand
de le luy rendre, ny par conséquent nul n'en doit avoir un
Couloir si ardent.
Je prie Dieu qu'il comble de célestes bénédictions vostre
Altesse, de laquelle je suis infinimeBt, Monseigneur, etc.
DE S. FRANÇOIS LE SALEF. 28)
LXIII.
LETTRE*
AU SOUVERAIN PONTIFE PAUL V.
(liréft de la Vie du Saint, par Ch.-Aug. de Sales.
II le supplie d'ériger un évêché à Chambéri , et lui expose les raisons qui
engagent à cette érection.
Avant le 7 mars 1G12,
La ville de Chambery, ayant esté de tous temps la capitale
^e Savoye, où réside le souverain sénat et le Conseil d'Estat,
et qui est ornée d'un grand collège et de plusieurs églises ,
tant séculières que régulières , et en laquelle se faict un
Ires-grand abbord pour le passage des François, Anglois
*ît Flamands en Italie , il est certain que non seulement la
jienseance , mais aussi la nec*^ssité requiert qu'il y ayt un
ivesque , qui par sa résidence ordinaire tienne en ordre e>
en respect tout Testât ecclésiastique en une ville de telle
«sonsequence , et à laquelle concourent tant de nations.
Car un vicaire forain , estably seulement pour les choses
* C'est la 2o9e des lettres de ia colli^cJion Biaise.
CiJin Camberium semper Sabaudiœ fiierit melropolis^ in quâ se-
aatus resulct et consilium status, amplo ornatagymnasio, multisi|u?
^clesiis, sive sœcu/aribus, sive regularibus; in qiià multus sit con-
cursus, ratione transitùs Francorum, Anglorum et Belgarum in Ita^
îiam : noii est modo congruum, sed necessarium , ut in eâ sit
«piscopus residensj qui statum ecclesiasticum in urbe tam celebri
Coerceai.
\icarius enim foraneus ^ pro ils tantùm rébus quaî ad forum con-
28!2 OPUSCULES
qui regardent le parquet contentieux , n'a pas assez d'au-
thorité pour tenir le peuple en révérence , ny les ecclésias-
tiques en devoir; outre qu'en la pluspart des occurrences, il
faut qu'il recoure tousjours à Grenoble pour apprendre l'in-
tention de l'Evesque; ce qui ne se peut faire sans une grande
incommodité es choses pressantes; et mesme Vevesclié de
Grenoble estant de si difficile administration, pour la grande
estenduë de pays et diversité de provinces qu'il comprend ,
qui faict que souvent les affaires du quartier de Savoye sont
différées.
De plus , la diversité des dominations temporelles appor-
tant tousjours entre les peuples quelque différence d'hu-
meurs et de façon de procéder, et encore aucunes fois des
jalousies , reproches , mes-intelligences , la despendance spi-
rituelle en est aussi souvent altérée et rendue incommode.
Outre que Chambery estant distant de Grenoble de plus
d'une journée , en laquelle il y a de mauvais passages en
temps d'hyver, à cause des torrents , il est difficile , es occa-
sions des sacremens de Confirmation et des Ordres, et des
consécrations des églises, calices et sainctes huiles, de se
tentiosum spectant constitutus, non sat habet auctoritatis, ut po-
piilum in reverentiâ et ecclesiasticos in officio contineat. Prœterquàm
quôd sœpisshnè opus est ut recurrat Gratianopolim, ad accipiendam
episcopi intenlioner^^ quod iiî rébus urgentibus sinemagnis incom-
modis fieri nequit. Gratianopofitanus autem episcopatus adeô vastus
est, et in diversas diffusus provincias, tamque admfnistratione dit'-
ficilis, ut differri plerumquè Sabau*ica negotia necessum sit.
Gravissimum prœtereà incommodum (exsurgit) ex eo quôd domi-
nationes temporales diversai sint; undè fit ut in populis morum et
modi agendi differentia sit, neenon sœpè invidiœ, exprobrationes,
ctfacinorosœrixœ.
Incommodum (est) ex eo quôd nimiùm distet Camberio Gratiai70-
polis; quippe per iter plurium dierum et difficillimum, pra?sfîrfim
hieme, ratione torrentum, itur. Undè fit ut sacramenta confirma-
tionis et ordinis, sicut et ecclesiarum et calicum consecrauones »
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 283
prévaloir du soing et de Tassistance de TEvesque de Gre-
noble , ordinairement assés empesché es affaires de sa cité et
de sa province de Dauphiné , en laquelle mesme estant chef
des Estais et des assemblées séculières et temporelles, er
tous les troubles et rencontres de guerre ou de mauvaises
intelligences qui peuvent arriver entre les deux couronnes
de France et de Savoye , voyre mesme entre les deux gou-
verneurs de Savoye et de Dauphiné , le commerce entre les
peuples et des deux provinces est rendu grandement incom-
mode, et le passage de l'Evesque suject à de grands soupçons
de part et d'autre , n'estant pas regardé seulement comme
pasteur commun de l'un et de Tautre peuple, mais comme
partial et intéressé en celuy de sa résidence et duquel il est
chef d'Estat.
Ces considérations sont de telle importance qu'il semble
que nul effort légitime ne doit estre espargné pour l'establis-
sement d'un evesché en la ville de Chambery, non seulement
de la part de son Altesse serenissime , mais aussi de la part
du sainct Siège apostolique, auquel il appartient de prouvoir
aux villes principales et aux provinces qui en despendent
des moyens convenables pour la conservation de la dévotion,
sanctumque oleum , vix ab episcopo Gratianopolitano , in sua jam
civitate satis occupato^ accipi queant.
Incommodum ex eo quôd cùn? Gratianopolitanus episcopus caput
sit et prœpositus comitiorum et conventuum sœcularium et tempora-
5ium Delphinalûs, indè lit^ ut quandocumquè malè habebunt coro-
Tise Francica et Sabaudica , imniô etiam gubernatores SabaudisB et
Delphinatûs, populorum commercium valdè sit difficile, et episcopi
tiansitus magnis suspicionibus obnoxius ex utrâque parle, cùin non
tantùm ut communis utriusque popuh pastor , sed ut seclarius et ei
apud qucm residet, estque princeps, addictus consideretur.
Qu8e Fixtiones tanti sunt momenti, ut nuUa légitima vis praetermitvl
debeat ad erectionem episcopatiis in eâ urbe, tiàm ex parte serenis-
. simi ducis, cùm sedis apostolicai, ad quam pertinet prœcipuis urbi-
bus et provinciis de eis congruentibus conservandae pietati, et exer-
284 OPUSCULES
et pour la bienséance de l'exercice de la saincte religion ca-
tholique, par la constitution des Evesques où il est requis.
Et mesme il est à croyre que le reverendissime Evesque de
Grenoble doit désirer d'estre deschargé de ceste partie de
son evesché , pour avec plus de profit et d'exacte solicitude
soigner au reste de sa charge , qui sera encore bien grande ,
pour ne dire pas très-grande.
citii religionis cathoUcse per episcoporum constitutionem decentise
rationibus providere.
Postremô credibile est reverendissimum Gratianopolitanum epis-
copum in e^ <!.sse mente^ ut cupiathâc sugb diœcesis parle çxonerari,
quô faciliùs et accuratiùs reliquae^ qu8e etiamnum magna ^ ne 'lica-
turmaxima, erit, possit incumber^,
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 285
■\/\A/\<rvW
LXIV.
LETTRE*
A SA SAINTETÉ LE PAPE PATIT V.
n lui représente qu'il est de la justice de canoniser le bienheureux
Amédée III , duc de Savoie.
Annecy, le 7 mars 1612.
Très-saint père ,
Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu
plus fidèlement , et dont la sainteté a éclaté davantage pen-
dant leur vie , fussent mis après leur mort au nombre des
sxints, et honorés d'un culte solennel par l'autorité publique
de l'Eglise. Par ce moyen Dieu est plus glorifié dans ses
saints, les peuples racontent plus librement leurs glo-
rieuses actions, et l'Eglise publie plus magnifiquement leur?
louanges; nous ressentons aussi les effets de leur interces-
sion , à proportion de la confiance avec laquelle nous les
* C'est la 9e du livre I^r dans les anciennes éditions, et la 260^ de la coir
îection Biaise.
Beatum Ainedeeum , Sabaudiee ducem tertiura , in sanctorum numeruin
référendum docet.
Beatissime Pater ,
Semper quidem operaî pretium fuit homines qui peculiari ac illus-
triori vitœ sanctimoniâ Deum coluerunt, in sanctorum numerum pu-
blicâ Ecclesiae auctoritate^ solemnique ritu referri : «ic enim Deus
in sanctis suis uberiùs laudatur, sanctorum gloriam\iï)entiiis enar-
rant populi, et laudem eorumsplendidiùs annuntiat Ecclesia. Cùm-
n-K: majore iiduciâ sanctorum mérita recolimus^ majore quoque
fructu eorum intercessionibus adjuvamur;. ac denique eorum exeia-
28 Ô OPUSCULES
honorons; enfin les exemples de ceux sur la sainteté des-
quels il ne peut venir aucun doute, nous excitent plus puis-
samment et plus efficacement à la vertu.
Or, très-saint Père , ce qui a été juste et louable dans tous
les temps et dans tous les lieux , semble , au temps où nous
sommes , non-seulement utile , mais nécessaire , parce que
l'iniquité ayan' été grande, la charité de plusieurs, et
même de la plupart des chrétiens, s'est refroidie. Puis
donc qu'il n'y a plus de saints sur la terre, il faut, parmi
ceux qui en ont été rachetés , rappeler en notre mémoire , et
faire revenir ici-bas , pour ainsi dire , quelques-uns de ceux
qui s'y sont distingués jusqu'à présent par une plus grande
sainteté ; afin qu'ils soient , comme l'un d'entre eux s'est
exprimé , le miroir, l'exemple , et l'assaisonnement en quel-
que sorte de la vie des hommes sur la terre; en sorte qu'ils
vivent au milieu de nous après leur mort , et qu'ils ressusci-
tent à la vraie vie beaucoup de chrétiens qui sont morts,
quoique vivants.
Sachant donc , très-saint Père , qu'un nombre considé-
rable de personnes de différents états ont demandé avec in-
pla yehementiùs nos provocant, de quorum sanctitate mentes nos-
tree nullatenùs dubitant.
At verô, beatissime Pater, hoc quod semper et ubique dignum et
justum est, hisce nostris temporibus, non equidem salutare tantùm,
sed ferè necessarium videri débet 5 cùm sciHcet abundavit iniquitas,
refrigescit charitas multorum, imo propemodùm omnium ; undè
quoniam defecit sanctus à terra, ex ils qui redempli sunt de terra,
revocandi sunt in memoriam et in médium Ecclesiaî reducendi illi
qui hactcaùs majore sanctitatis splendore claruerunt; utsint, quem-
admodùn eorum nonnemo dixit, in spéculum et exemplum, ac
quoddam reluti condimentum vitœ hominum super terram , sicque
apud nos etiam post mortem vivant, et multos ex ils qui vi ventes
mortui sunt ad veram provocent et revocent vitam.
Cùm igitur scirem , beatissime Pater, permultos ex istis omnium
crdinum vires , à beatitudine veslrâ expetisse ut beatum Amedaium ,
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 287
stance h votre Sainteté , qu'il lui plut d'écrire au catalogue
des saints le bienheureux Amédée III , duc de Savoie , je
n''ai ni voulu ni dû manquer de lui faire la même suppli-
cation.
Il me semble que tout m'invite à le faire , et y travaille
avec moi.
La majesté de Dieu tout-puissant, qui doit éclater plus
évidemment par les miracles de ce bienheureux prince , le
demande, non par des prières, mais par un droit qui ne peut
lui être contesté.
La Jérusalem céleste, notre mère, le désire aussi, à cause
de la part qu'elle prend à la gloire de son citoyen , et de la
joie cju'elle aura des honneurs que nous lui rendrons.
Notre Jérusalem inférieure, à laquelle vous présidez,
très-saint Père , en fait de même , et sera charmée de glo-
rifier sur la terre le nom d'un tel fils, déjà écrit dans le
ciel.
La suite des belles actions que votre Sainteté a faites jus-
qu'à présent exige qu'ayant canonisé depuis peu un prince
de l'Eglise, qui est S. Charles Borromée, elle tienne la même
conduite à T égard d'un prince du siècle, afin que les per-
Sabaiidiae dueem îertium, sanctorum catalogo adscribere dignaretur;
noiui sanè neque debui committere quin humillimis precibus id ip-
sum ab apostolicâ beatitudinis vestrse providentiâ postularem.
Quod dùm facio, idem omnia mecum agere vider/tur.
Postulat id, non precibus, sed jure, Dei omnipotenlis majestas,
quœ in hoc beato principe clariùs miraculis apparebii.
Postulat Hierusalem illa cœlestis, mater nostra_, quee suum civem
à nobis debitis honoribus celebrari lœtabitur.
Postulat hœc nostra Hierusalem inferior, oui béatitude vestra praB-
é,i, qucE tanti lilii nomen scriptum in cœlis^ gaudebit sanctificari in
terris.
Postulat rerum prceclarè à sanctitate vestrâ gestarum séries, ul
quia nuper ex principibus ecclesiasticis divum Carolum sanctis an-
288 OPUSCULES
sonnes de Tune et de Tautre condition aient un modèle à
imiter.
Vous en êtes encore sollicité, très-saint Père, par la famille
des sérénissimes ducs de Savoie , laquelle par sa constance
dans la foi et par ses glorieux exploits , a autrefois , et dans
toute la suite des temps, apporté comme elle apportera encore
de grancfs avantages à l'Eglise.
Ajoutez à toTi- cela toute la Savoie et ses dépendances ,
mais principalement le diocèse de Genève , qui , ennobli par
la naissance d'un si grand prince, mettra, non sans raison^
une grande partie de son espérance dans ses prières.
En fin, c'est ce que demandent les mérites et les miracles
du bienheureux Amédée , qm sont très-considérables , tant
par leur qualité que par leur nombre.
Laissez-vous donc gagner, très-saint Père ; ne souffrez pas
que cette lampe embrasée d'un feu tout divin demeure plus
long-temps cachée sous le boisseau ; mais placez-la sur le
chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la
maison de l'Eglise ; exaltez le nom de celui qui a sanctifié le
nom de Dieu par le zèle si actif de sa charité, et qui en a étendu
la gloire par une multitude de miracles ; annoncez à toute
numcravit, hune quoque ex saecularibus acljungat, ut utriusque sortis
homines habeant quod imitentur.
Postulat serenissimorum Sabaudiœducumfamifia, qua3 non soU'im
fidei constantiâ, sed préeclaris etiam fortitudinis operibus , magnum
j)lim et deinceps Ecclesiaî attulit et aiïeret soiatium.
Postulat hœc universa Sabaudorum provmcia/^ maxime vero rs^
diœcesis Gebennensis^ qum tanti principis nobihtaia natalibus, ma-
gnam in ejus precibus spem meritô collocabit.
Postulant denique ipsius beati Amedssi mérita et miracula, qu»
pondère et numéro maxima sunt et illustrissima.
Age ergô, beatissimc Pater^ et hanc quoque lucernam igné divino
accensam ne diutiùs sub modio relinquas; sed poneeam super can-
delabrum , ut luceat omnibus qui in domo sunt : nomen ejus sanc-
tifica, qui nomcu Dei tantâ charitate sanctificavit ^ ac miraculorum
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 289
l'assemblée des fidèles qui sont sur la terre, que le Seigneur
a glorifié son saint dans le ciel , pour nous exaucer lorsque
nous réclamerons son assistance.
Ce sont là les vœux de celui qui désire de tout son cœur
que votre Samteté préside long- temps et heureusement à
l'Eglise chrétienne , pour le bien de tous ses enfants. Je suis
avec le plus profond respect , très-saint Père , de votre Sain-
teté , etc.
multitudine collustravit : annuntia toti EcclesisB quae est in terris,
quia Dominus mirificavit sanctum suum in cœlis, ut exaudiat nos
cùm clamaverimus ad eum.
Hacc sunt vota ejus qui beatitudinem veslram diù ac féliciter Chris-
tianis omnibus praeesse ac prodesse omnibus animi viribus exoptaU
3898 ©puscotgs"
LXV.
LETTRE^
A MESSEÎGNËURS DE LA CONGRÉGATION DES RITS*
-Saint François de Sales les supplie de se rendre favorables à la canonisation
du bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie *.
Annecy, 2 juin 1612.
Messeigneurs ,
Le mépris des saints qui régnent avec Jésus-Christ dans
'le ciel , fut une de ces maudites et détestables opinions que
rimpie Calvin enseigna dans la malheureuse ville de Genève
avec plus de force et d'impudence. Ce perdu mit tout en
œuvre pour effacer jusqu'au souvenir de leurs noms, pour
profaner leurs reliques, et pour tourner en ridicule leur
intercession ; et il vomissoit mille blasphèmes contre leurs
mérites et le culte que nous leur rendons.
C'est pourquoi les peuples catholiques qui sont restés dans
ce diocèse, par une conduite tout opposée, s'unissent avec une
1 C'est 1j '6e des lettres du liv. I^r, anc. édit., et la 268^ de l'édit. Biaise.
* Ce prince Amédée ou Amé IX du nom étoit le troisième duc de Savoie,
les autres qui a\^,ieEt précédé ayant porté le titre de comtes.
Frà le maledette ed anatematisate opinioni, che dal nefando Cal-
vino furono insegnate con maggior ,veemenza ed impudenza nella
misera città di Ginevra, una fu il dispregio di saiiti^ che con Cristo
regnano in cielo , onde il nome loro cercô con ogni modo possibile
di métier fuor di memoria, di profanare le reliquie loro, burlarsi
délie loro intercessioni e bestemmiare contro di loro meriti e gli
onori che ad essi si devono.
Per questo , corne per via affatto opposta nel restante di questa
diocesi 11 DopoU cattolici,con fervore particulare si esercitano in
DE S. FRANÇOIS DE SALES* 291
ferveur admirable pour célébrer et invoquer les saints, entre
lesquels nos prédécesseurs ont eu une très-grande dévotion
au bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie. Nous en
avons des preuves par ses images que l'on voit dans plu-
sieurs églises, avec Jes attributs qui désignent la béatitude.
Mais parce qu'i', n'est pas encore canonisé , on ne lui rend
pas encore l'honneur public et solennel qui est dû à la gran-
deur et à la certitude de sa sainteté; et, bien qu'un grand
nombre de personnes ayant eu recours à ses prières avec une
vraie confiance en Dieu, éprouvent journellement en di-
verses occurrences quel est le pouvoir de son intercession , il
y en a d'autres néanmoins qui ne l'invoquent pas, parce que
le Saint-Siège ne l'a pas mis au nombre des saints.
Voyant donc avec quel empressement et quelle affection
le demandent les Etats du sérénissime duc de Savoie, et
principalement les révérendissimes prélats l'archevêque de
Turin et l'évêque de Verceil , j'ai supplié de tout mon pou-
voir le Saint-Siège apostolique qu'il daignât faire cette grâce
à tous les peuples circon voisins. Or, comme il n'est point
celebrare ed invocare li santi. frà quali li predecessori nostri ebbero
grandissima divozione al B. Amedeo duca terzo , comme dalle oixo-
rate immagini sue in parecchi luogli sivede, che cpn le insegne di
santità nelle chiese si vedono.
Ma perché egli non è canonizato, non se gli fà queir onor pubbliço
e soleone^ che ail' altezza et verità délia santità sua è debito. E
quantunque in varie occorrenze abbiano provato^ quanto sià la sua
intercessione giavevole a chi con vera fede in Dio, aile sue oraziopi
ricorre ;, tuttavia altri non ardiscono invocarlo , sin tanto che dalla
santa Chiesa venga annumerato frà santi.
11 cbe vedendo che da tutto lo stato del serenissimo duca di S?i-
voja vien con sommo affetto desiderato, e massime dalli reverendiss.
arcivescovo di Torino et vescovo di Vercelli , vengo anch'io con tutjte
le forze deir animo mio a supplicare la santa sede appostolica, che
si degni far questa grazia a tutti questi popoli circonvicini : e perché
in queste occasioni S. Beatitudine non suole fare cosa veruna senza
292 OPUSCULES
d'usage que sa Sainteté fasse rien en semblable occasion
sans le conseil et l'assentiment de la sacrée Congrégation de
vos Seigneuries illustrissimes et révérendissimes , je la sup-
plie qu'elle daigne favoriser cette œuvre si sainte, œuvre
qui rendra confus les ennemis des saints, sera de grande
consolation aux âmes dévotes, éveillera dans les princes une
pieuse émulation, et sera un sujet de joie et de bénédiction
pour toute l'Eglise, mais principalement pour ce diocèse
désolé, dans lequel naquit et fut élevé ce grand prince, qui,
comme le porte son nom , fut tant aimé et si grand ami de
Dieu.
S'il a exalté et béni son nom de tout son cœur, à son tour
la divine Majesté a exalté le sien par une telle multitude de
miracles avérés, que lorsque les informations s'en feront ,
on verra clairement que c'est par un effet de la divine pro-
vidence que sa canonisation a été renvoyée à ces temps-ci ,
où le mépris des saints est grand parmi les bérétiques de ces
contrées, afin qu'on ne leur en mette sous les yeux que plus
à propos cette lampe ardente et luisante , qui éclaira autre-
il consiglio ed assenso délia sacra Congregazione délie Signorie vostre
illustrissime e reverendissime , per questo vengo anco a supplicare
che vogliano giovare e favorire quesf opéra tanto pia.
Opéra che agi' inimici de' santi farà gran confusione , alli devoti
sarà di gran consolazione, alli principi sveglierà Tappetito d'imita-
zione, ed a tutta la Chiesa darà materia di allegrezza e benedizione ;
ma in particolare a questa desolata diocesi , nella quale nacque e fu
allevato quel gran principe, il quale, secondo il nomesuo, fu tanto
amato ed amatore d'Iddio.
Che si corne egli con tutto il fervore magnificô il home divino^
cosi anco sua divina maestà esaltô il suo con tanta multitudine di
veri miracoli , che quando se ne faranno le informazioni , si vederà
chiaro che è providenza d'Iddio , che questa canonizzazione sia stata
differita sin' adesso , air eccesso abondando il dispreggio de' santi
frà gli heretici di questi contorni.
Molto a proposito si metterà innanzi agi' occhi loro questa lam-
T)E S. FRANÇOIS DE SALES. 293
fois leurs ancêtres, en leur faisant voir une vie d'une admi-
rable piété et des miracles d'un merveilleux éclat. Ainsi ne
doutant nullement que vos Seigneuries illustrissimes et ré-
vérendissimes n'aient la bonne volonté de faire avancer cette
œuvre si désirable, je leur fais une très-humble rc :érence,
et prie notre Seigneur Dieu qu'il leur donne la plénitude
de ses grâces.
pada che fu accesa frà li predecessori loro , nella quale videro una
vita di mirabile pietade^ e miracoli di mirabile chiarezza. E cosî non
dubbitando punto che le Signorie loro illustriss. et révérend, ab-
biano piacere di promovere un' opéra tanto desiderabile^ facendole
umile riverenza^ prego nostro Signore ïddio che le dia la santa pie-
oezza délie sue grazie.
294 OPUSCULE»
LXVI.
LETTRE *
A UNE DAME.
(L'autographe en appartient à madame la comtesse de Pampara,
née Demaria, à Turin.)
Ordre donné par S. François de Sales d'ôter du chœur de Téglise les bancs-
de femmes.
Annessy, 22 novembre 1012»
Il est vray que nous fîsmesun décret il y a environ trois...,
ma tres-chere fille , que tant qu'on pourroit » on osteroit les
bancs à femmes des chœurs de toutes les églises, parce
que cela est juste , bien séant , et conforme aux anciennes
coustumes des Chrestiens. Mais il ne fut pas dit, ni ne le de-
voit estre, que les femmes n'entrassent pas au chœur : car,,
pour plusieurs occasions il est raysonnable qu'elles y entrent,,
pourveu que ce soit avec la modestie que la sainteté du lieu
requiert. Prenez-donc discrettement la place pour vos prières
qui vous sera plus propre, pourveu que ce soit sans banc,
car je ne voudrois pas que vostre banc fust auprès de l'autel
à cause de la messeance. Vous sçavez bien qu'en cette ville
et en nostre office le plus solemnel , les femmes se mettent
bien dans le chœur et aux treilles.
La bonne madame de Chantai se va remettant, mais fort
foiblement, elle fut hier à la messe et à l'exhortation. Elle
a un cœur admirable envers Dieu, et vous chérit parfai-
tement.
La petite congrégation va croyssant , ce semble , en vertu
* C'est la 151» parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES.^ 295^
. «
comme en nombre des filles; nous avons accommodé les-
iïffer^nds du cher rrt&vy et beau-pere au mieux que nous
avons sceu. Il est mieux d'avoir moins et de Favoir en paix,.
Dieu vous bénisse , ma tres-ehere fille , et je suis en luy,
Vostre plus humble et tres-affectionné serviteur,
FiàANçois , Evesque de Genève,
'4
296 OPUSCULES
► A/VVNA
LXVII.
LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL 1*', DUC DE SAVOIE.
Saint François demande les ordres de S. A. avant de punir l'abbé de La Tour,
son ambassadeur, pour avoir battu M. Berthelot.
Annecy, 4 mars Î615.
Monseigneur,
Sur les plaintes qui me furent faites de M. FaLbé de la
four, à raison des bastonnades qu'il avoyt données au sieur
Berthelot, la grandeur du respect que je doys à V. A. me
suggéra de ne point entreprendre de justice sur la per-
sonne dudit sieur abbé , puis qu'il estoit ambassadeur ordi-
naire de V. A., et n'estoit icy que par manière de passage,
et de jour à jour en attente de retourner à l'exercice de son
ambassade 2. Maintenant, V. A. pourra voir les informations
prises à charge et descharge dudit sieur abbé, que ce porteur
a en main , et me donner sur cela ses commandemens , aus-
quels j'obeyray avec la fidélité qui me fait incessamment sup-
plier Dieu pour la prospérité de V. A., de la quelle je suis,
Monseigneur,
Très humble, très obeyssant, très fidelle servite';? et orateur^'
François, Evesque de Genève.
* L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est
la 152* des lettres inédites de la collection Biaise.
» L'abbé de La Tour avait été ambassadeur de S. A. à Madrid , ensuite son
envoyé à Milan.
DÇ S. FRANÇOIS DE SALES. 207
LXVIII.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS A M. DESHAYES.
n lui maTidc le déplaisir qu'il avoit reçu de ce qu'on avait accusé M» de Char-
moisy, l'un de ses parents, d'avoir conseillé de donnera une autre personne
(£S coups de bâton, et de ce que pour ce'a l'accusé eut ordre de sortir de
la ville , et de ce qu'un des frères du Saint fut impliqué dans cette affaire,
et pensa être mis en prison.
Annecy, 28 mai 1613.
Monsieur,
Yous verres, je m'asseure , par la lettre que M. de Char-
moisy vous escrit, comme dés le départ de M. de Charmoisy,
il a receu le desplaysir de se voir comme banny de cette ville
par un expiez commandement que S. A. luy a fait de s'en
retirer et de ne plus y venir, sur l'impression la plus fausse
du monde , que M. de Nemours a receuê de la part de quel-
ques calomniateurs, que les bastonnades données au sieur
Berthelot avoient esté conseillées par M. de Charmoisy, dont
mondit sieur de Nemours a entrepris le ressentiment si chau-
dement, que nous en sommes tous estonnés.
Et peu s'en faut que l'un de mes frères, chevalier de
Malte , n'ayt esté ordonné à la prison, bien que tout le tems
de la querelle il fut avec moy à Sales, seulement parce
qu'il est grand amy du sieur abbé de Talloircs, et qu'il
Tavoit fort visité après les bastonnades. Or néanmoins j'es-
père que dans peu de jours tout cela se passera, et mon-
seigneur de Nemours, selon sa bonté, sera marry d'avoir fait
faire du mal à M. de Charmoisy , et d'en avoir désiré à tant
» Tirée du monastère de la Visitation de la ville de Rouen. C'est la 291*
{plias 278 e) de la collection Biaise.
298 OPUSCULES
d'autres ses plus fidèles et affectionnés serviteurs et sujets^
Mais cependant il faut que madame de Charmoisy tienne
bonne contenance , et ne fasse nulle sorte de plaintes qui
puissent venir à la connoissance de M. Jacot; ains que , luy
parlant, elle tesmoigne une grande asseurance que la bonté
de son Altesse et de monseigneur de Nemours regardera
i^ientost favorablement son mary, et sera offensée contre
ceux qui luy ont voulu procurer du mal. Ce que je vous dis,
Monsieur, parce que vous pourries mieux dire à cette bonne
dame comme elle se devra comporter quejenesauroisle luy
escrire, bien que je luy en touche un mot.
Enfin tout nostre Caresme s'est passé en nostre petite ville
à nous défendre presque tous des calomnies qu'on jettoit in-
différemment sur le tiers et le quart , à raison de ces misé-
rables bastonnades. Eussé-je pas esté mieux, si mon bon-
heur eust permis l'effet de vostre volonté , et que j'eusse
presché en vostre chaire , et jouy de la douceur de vostre
conversation, et de. la présence de M. vostre Evesque qui
est là?
J'espère dans le mois partir pour Turiu, où je feray tout
ce qui me sera possible affin d'avoir ma liberté pour l'année
suivante ; car le désir du bien que j'attens de vostre veuë^
et du rencontre de tant de gens d'honneur qui, pour vostre
considération me recevront en vostrec conversation , est
extrême dedans mon cœur. La volonté néanmoins de Dieu
en soit faite, et iuy plaise vous combler de toute sainte et
vraye félicité avec Madame vostre chère digne compagne et
toute vostre Mayson. C'est le souhait perpétuel, Monsieur,
de vostre, etc.
Monsieur, j'escris en sursaut; c'est pourquoyje ne vous
envoyé pas les papiers du compte faif; entre mes frères et les
agents de madame la duchesse de Mercoeur , comme je feray
bien tost, puis que vostre bonté s'estend à vouloir en rece-
voir la peine.
BE S. FRANÇOIS DE SALES. 299
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LXIX.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A M. LE DUC DE NEMOURS
n le supplie de faire mettre à exécution Félargissement de deux personnes,
que ce prince lui avoit promis.
Annecy, 9 juin 1613.
Monseigneur,
Puis qu'il vous a pieu m'accorder la liberté de monsieur de
Charmoisy mon parent, je Tattens infailliblement de vostre
bonté, laquelle j'aydesj a supplié tres-humblement, par quatre
diverses lettres, d'en avoir la mémoire qu'elle a accoustumé
de tenir en faveur de ses tres-obeyssants serviteurs, entre
lesquels je suis des plus certains. M. du Soyeret aussi est en
la mesme attente, ayant escrit la lettre de la sousmission^
qu'il ne peut jamais rendre assez grande, laquelle estoit
désirée pour cet efiFet.
Je supplie donc tres-humblement vostre Grandeur, Mon-
seigneur , de m' exaucer pour l'un et pour l'autre , et de re-
cevoir la multitude des plaintes qui, par^^^'^iifices, pourront
estre faites contre tous les sujets de cette ville, sans préjudice
des défenses et légitimes allégations des accusés ; car ainsi
Dieu sera obéy, et respandra, selon mon continuel désir, ses
plus chères grâces sur vostre Grandeur, à laquelle faisant
tres-humblement la révérence, je suis en toute fidélité, Mon-
seigneur, etc.
» Tirée du premier monastère de Sainte-Marie de la \ilie de Lyon. C'est
la 292» de la collection Biaise*
300 OPUSCULES
LXX.
LETTRE'
A SON EXCELLENCE LE MARQUIS DE LANS , GOUVERNEUR
DE LA SAVOIE.
Saint François donne connoissance à S. Exe. des mouvemens des troupes
françaises dans le pays de G ex.
Annecy, 31 juillet 1613.
Monsieur,
Comme je vous donnay connoissance de ce petit voyage
de Gex, aussi veux-je donner advis à V. E. de mon retour, et
qu'hier environ les trois heures que j'en partis, je laissay le
Laillif de Nion et quelques autres Bernois , qui vindrent prier
M. Le Grand de France défaire revenir ses trouppes, attendu
qu'ils estoj^ent asseurés que vous , Monsieur, ne desarmiés
point et que les troupes piedmontoises et espagnoles passoyent
les Mons. A quoy M. Le Grand respondit, qu'il les remer-
cioit de l'advertissement, mais qu'avant que rien remuer il
attendroit M. Damanzé qu'il avoit envoyé par de ça auprès
de V. E. pour apprendre ce qui est du désarmement.
Je n'estois pas présent quand cecy se passa, mais je le
sceus soudain. Au reste il est impossible que ceux qui ont
veu l'honneur et le respect que ce Seigneur porte au nom de
S. A. S. puissent le taire. Il a couché ce soir à Saint-Claude,
ce matin il y a fait ses Pasques , ce soir il coucha à Chas-
lillon , dimanche il doit estre à Belley pour l'accommodement
de quelques difficultés publiques, et sa compaignie, qui
* L'autographe en appartient aux Archives de la Cour de Turin. C'est
& 15Ge parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 301
estoit la dernière demeurée à Gex , se retire du coslé de
Bourgoigne.
Je prie N. S. qu'il comble Y. E. de toutes bénédictions et
suis, Monsieur,
Yostre très humble et très affectionné serviteur,
François , Evesque de Gîep ;îve.
i>. S, Monsieur, et quant au sujet de mon voyage nos
ecclésiastiques et catholiques sont demeurés consolés par
raccommodement que nous avons fait de toutes les difficultés
suscitées par nos adversaires , grâces à Dieu.
302 OPUSCULES
LXXI.
LETTRE ^
A MONSEIGNEUR DE BEIXEY,
Sur la renonciation à la dignité épiscopale.
Anjieci, le 14 août 1613.
Monseigneur,
Il y a environ un mois seulement que je receus la lettre
qu'il vous pleust de m'escrire le second du mois de juillet;
depuis j'ay tousjours esté ou'en voyage ou malade , et n'ay
sceu vous rendre la response que vous desiriés , ou , pour
mieux dire, la response que vous ne desiriés pas, si j'ay
bien sceu connoistre l'inclination en laquelle vous estiés,
lorsque vous me fîstes la faveur de m'escrire. Maintenant
vous pouvez penser si je puis bien satisfaire à vostre demande,
puis que à la foiblesse ordinaire de mon esprit , l'extraordi-
naire de mon corps accablé des lassitudes que la fièvre m'a
laissées, apporte un nouveau surcroist d'imbécillité. Mais un
si bon entendeur, comme vous estes, verra assez mon inten-
tion quoy que mal estallée.
te Prima proposilio. Yelle deponere onus épiscopale ob
» causas rationi congruas, non modo nullum est peccatum,
To sed etiam actio est virtutis, vel modestise vel bumilitatis,
» vel justitiae, vel charitatis*.
y) 2* propositio. Is censetur rationibus veris moveri ad
* Conservée au monastère de la Visitation de Chambéry. C'est la 157e des
lettres inédites de la collection Biaise.
' Première proposition : Vouloir se décharger du fardeau de Tépiscopat par
des raisons de convenance, c'est un acte de vertu, ou de modestie, ou d'hu-
milité, ou de justice, ou de charité} et je ne vois en ce fait aucun péché.
DE S. FRANÇOIS DE SALES,
» episcopatum deponendum, qui bonâ lide suum de se judi-
Y) cium, suum da deponendo episcopatu desiderium-, suasque
» denique quibus nititur rationes, vel consilio prudentis^
» vel saltem judicio superiorum paratus est submittere , ac
» in utramque partem eadem alacritate suum obsequium.;
» conferre ^
» 3^ propositio. Quamvis cogitatio desideriumve episeo-
» patum deserendi eo quo licet modo nullum sitpeccatum^
)) plerumque tamen non caret hujus modi propositum magna
» tentatione, accedit^que frequentissimè daemonum opeudy
» ratio est, quia dum in procurandâ oneris depositione
» tempus impenditur, vix ac ne vix quidem in eo susti?-
» nendo satis operaB insumitur, et qui de repudiandâ uxore
» cogitât, vix intérim de eâ rectè diligendâ sollicitus est;
y) satius ergô fuerit se ipsum ad meliorem navandam operam
)> deinceps excitare , quàm , quia tibi non videris rectè hacte-
)) nùs navasse , omnem operam velle abjicere. Porrô melius
ï) est levare ocnlos in montes, unde veniat auxilium nobis,
» et sperare in Domino, libenterque gloriari in infîrmitatibus
» nostris , ut inhabitet in nobis virtus Christi , quàm more
y> fîliorum Epbrem converti retrorsùm in die belli : qui enim
ï> confidunt in Domino assument pennas velut aquilse, vola-
»^^ bunt et non déficient; déficientes autem quemadmodum
» fumus déficient : et qui ad sarcinas formidolosus reverti-
» tur, otium quidem babet, sed non majorem quàm qui
yy prseliatur securitatem *.
' 2e proposition : Celui-là est censé n'être mû que par des causes justes,
qui est de bonne foi dans le jugement qu'il porte de lui-même et dans le
tlésir qu'il forme de se démettre, s'il s'étaye d'ailleurs sur des motifs plau-
sibles, ou sur les conseils d'un homme prudent, et s'il est prêt à se soumettre
au jugement de ses supérieurs et à supporter son sort , quel qu'il soit , avec
îâ même tranquillité.
2 3e proposition : Quoique nous venions d'établir qu'il n'y a aucun péché
dans la pensée ou le désir de quitter l'épiscopat, cependant il arrive souvent
qu'une pareille proposition peut être l'effet d'une grande tentation et une in-
spiration du démon. La raison en est, que tandis qu'on perd le temps à cher*
304 OPUSCULES
» 4^ propositio. Yideor mihi audire Christum dicentem :
» Simon Joannis, aut Petre Joannes, diligis me? Petrum-
» que Joannem respondentem : Tu scis quia amo te ; tùui
» demùm Dominum graviter prsecipientem : Pasce oves
» meas : nulla major probatio dilectionis quàm exhibitio
» hujus operis . »
Au demeurant, une jeune fille de Chambery s'estant laissée
porter trop avant en l'amour d'un jeune homme de vostre
ville, et se deffîant que les père et mère d'iceluy n'apportent
quelque difliculté au mariage nécessaire pour couvrir son
honneur et pour accomplir les mutuelles promesses sous les-
quelles elle proteste d'avoir encouru le hasard de sa répu-
tation, elle m'a fait prier d'intercéder vers vous. Monsei-
gneur , alFin qu'il vous plaise d'employer vostre charité vers
les....... père et mère du jeune homme, pour les disposer à
consentir à un' honnorable conclusion de l'amour d'iceluy
et d'elle, attendu mesme qu'elle est d'une parenté fort racco-
mandable, fille de la seur de M. Boursier, ancien secrétaire
cher les moyens de se défaire d'un tel fardeau, on néglige en attendant d'en
soutenir la charge; de même que celui qui songe à répudier sa femme, ne
s'occupe guère pendant ce temps-là à lui rendre le devoir de l'amour conjugal.
Il seroit donc plus expédient de s'exciter soi-même à remplir mieux qu'on
ne l'a fait jusque-là le devoir de sa charge, que de vouloir s'en décharger
tout-à-fait, sous prétexte qu'on ne le rempUt pas comme il faut. En vérité,
il est encore mieux de lever les yeux vers les montagnes, d'espérer en Dieu,
de nous glorifier enfin en nos infirmités, pour que la vertu du Christ habite
en nous (II. Cor., Xll, 9), que de retourner en arrière au your du combat,
à la manière des enfans d'Ephrem (Ps. LXXVII, 9); car ceux qui mettent leur
confiance dans le Seigneur, s'élèveront sur des ailes comme l'aigle (Isai.,
XL, 31), ils porteront haut leur vol, et ne tomberont pas en défaillance;
ceux, au contraire, qui manquent de confiance, s'évanouiront comme la fu-
zaée (Ps. XXXVI, 20); et celui que la crainte fait hattre en retraite, peut
Touir à la vérité de quelque repos, mais jamais d'une plus grande sécurité
que celut-qui combat;
1 4« proposition : Il me semble entendre le Christ dire ces paroles ; « Simon,
fils de Jean, ou Pierre-Jean, m'aimez-vous? » et Pierre- Jean répondre :« Voua
savez combien je vous aime; » et le Seigneur de lui répliquer avec le ton du
commandement : « Paissez mes brebis ; il n'y a point de meilleure preuve à
mp donner d« votre amour que de vous acquitter de ce ministère. »
DE 5;. FRANÇOIS DE SALES. 305
*
de S.A. f.e p;entilliomme son cousin germain vous déduira
mieux que je ne vous sçaurois escrire ses intentions, les-
quelles estant ])onnes et raisonnables, à mon advis, je ne fay
nulle difficulté de vous supplier de rechef de les avoir en
recommandation, et moy sur tout en vos saints sacrifices,
puis que je suis plus que nul homme du monde,
Monseigneur,
Yostre très humble , très obeyssant frère et serviteur,
François , Evesque de Genève.
P, S. Helas! Monseigneur, on m'a advertit que le grand
ancien archevesque di^ Vienne est trespassé ; de medio terras
sublatus est justus^ justus vivat et requiescat, et pro illo alius
superveniat. -Te me resjouis de U réciproque consolation que
vous et M. Le Grand aurez eue en vostre entreveuê.
306 OPUSCULES
LXXil.
i
LETTRE
AU DUC DE NEMOURS.
Il le remercie de l'élargissement de deux personnes, et le supplie d'accorder
leur grâce tout entière en leur permettant de rentrer dans Annecy.
Annecy, 4 octobre 1613.
Monseigneur,
Je remercie en toute humilité vostre Grandeur, pour la
liberté en laquelle il luy a pieu remettre les sieurs de Char-
moisy et du Noyeret , selon la promesse qu'elle m'en avoit
faite : elle ne favorisera jamais homme qui vive avec plus
de fidélité et d'affection que moy , qui espère et attens de voir
encore bien tost l'accès à cette ville ouvert à ces deux gentils
hommes : caria bonté et -quité de vostre Grandeur, Mon-
seigneur, pressera et sollicitera son cœur à le faire, sans,
qu'aucune autre entremise y soit nécessaire : et tandis, je-
supplie nostre Seigneur qu'il respande abondamment toutes
sortes de saintes prospérités sur vostre Grandeur, de laquelle
je suis Monseigneur , tres-humble , etc.
1 Tirée du premier monastère de la Visitation de la yille de Lvon. C'est
la 30 Q« lettre de la collection de Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 307
LXXIII.
lettre'
A. s. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE,
Sur l'union du prieuré du Saint-Sénulcre d'Annecy au chapitre de l'églisê
cathédrale.
7 octobre 1613.
Monseigneur,
Le pauvre Chapitre de Teglise cathédrale de Genève a de-
meuré , il y a tantost un siècle , en cette ville de Neci , sans
y avoir ni mayson ni église que de lotiage : maintenant il se
présente une occasion de luy faire avoir l'église et le prieuré
du sepulchre, par la résignation de celuy qui en est pourveu :
mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de
Y. A. est requis , lequel ledit Chapitre la supplie très hum-
blement de luy octroyer , comm' un' aumosne à des pauvres
bannis et dejettés de leur siège par les ennemis de Dieu et
de V. A. S., laquelle certes pour cela ne les rendra pas ri-
ches , puis que ledit prieuré n'est que de cent ducatons de
revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce bénéfice
estant en cette ville et fort \ la bienséance de cette com-
paignie qui ne cessera jamais non plus quemoy de souspirer
et aspirer devant la Divine Majesté jusques à ce que sous les
auspices de V. A. elle retourne en son ancien séjour. Ce
sont les souhaits perpétuels,
Monseigneur,
de vostre tres^humble , tres-obeyssant et tres-fîdele
orateur et serviteur,
François , Evesque de Genève.
* L'original en est conser^ é aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 158»
lies lettres inédites de la collection Biaise.
308 OPUSCULES
^V/\/\/VN/N^ .
LXXIV.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A M. l'ÉVÊQUE de MONTPELLIER,
Il s'excuse de ne pouvoir prêcher à Toulouse.
10 janvier 1G14.
Monseigneur ,
Je vous vais rencontrer en esprit au passage que vous devés
faire à Lyon : et ces quatre paroles vous asseureront , s'il
vousplaist, que s'il m'estoit aussi aysé de me porter moy-
mesme sur le lieu en effet , comme il l'est à ce porteur, vous
me verriés plein de joye et d'amour, le plus empressé de
tous autour de vous. Il n'y a remède; il faut accommoder
nos souhaits à nos nécessités , d'où qu'elles viennent.
J'ay toute ma vie grandement prisé la ville de Tholose ,
non pour sa grandeur et noblesse , mais , comme dit saint
Chrysostome de son Constantinople , à cause du service do
Dieu qui y est si constamment et religieusement maintenu.
Et pensés, Monseigneur, de quel cœur je voudrois les
servir, mais vous sçavés mes liens, que rien jusques à présent
n'a pu rompre. S'il vousplaist donc^ respondés à la demande
qu'ilz vous ont faite de moy. Je vous supplie très -humble-
ment de leur faire sçavoir que ce n'est ny faute d'estime que
je fasse de leurs mérites , ausquels je ne seau rois jamais cor-
respondre, ny faute de pouvoir que vous ayés sur moy, qui
suis très- entièrement vostre, mais faute de pouvoir que
» Tirée du monastère de la Visitation du faubourg St.-Jacques. C'est la 303*
de la collection Biaise.
DE 8. FRANÇOIS DE SALES. 309
j'aye moy-mesme sur moy-mesme, que je ne seconde pas
leurs désirs , plus honnorables cent fois pour moy que je ne
devrois prétendre.
Au demeurant, Monseigneur, quand vous serés avec le
grand et le par'- ' amy, ressouvenez -vous parfois de moy;
car ce m'est un plaisir incomparable de m'imaginer que ne
pouvant jouir du bonheur de vostre présence, je ne laisse
pas de vivre en vostre bienveillance de t(vjs lems. J'escris
sans loisir, mais plein de Tin variable affection que j'ay
d'estre sans fin , Monseigneur, vostre , etc.
2i0 OPUSCULES
LXXV.
lettre'
A s. A. CHARLES EM.MANUEL, l",, DUC DE SAVOIE.
Sur l'établissement de la Congrégation des Pères Barnabites â Annecy.
Anneci, le 25 janvier 1614.
Monseigneur «
L'espérance que ce peuple de Neci et de Geneveys a con-
==ceuë de voir ce collège, qui est maintenant presque en friche,
remis à la Congrégation des Pères Barnabites, n'a ny rayson
ny fondement que sur la bonté paternelle de V. A. S., la-
quelle en a eu aggreable le projet; non seulement parce
qu'il estoit propre pour le prolFit publiq temporel de ses très
liumbles sujetz, mais aussi pour l'utilité qu'il rapporteroit
au salut des âmes. A cett' occasion, Monseigneur, je supplie
de rechef V. A. S., en toute humilité, de le faire puissam-
ment réussir à la ^oire de Dieu , que je prie incessamment
la vouloir à jamais prospérer , et suis ,
Monseigneur,
Vostre très humble , très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur ,
François , Evesque de Genève.
« L'original en existe aux Archives de la Cour de Turin. C'est ia 164e parmi
-l«s lettres inédites de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 311
/\j\/\j^\^\/' .
LXXVI.
LETTRE*
AU DUC DE" SAVOIE.
Il lui témoigne sa satisfaction de ce qu'ayant consenti à établir les Chartreux
dans son diocèse, il leur destine l'abbaye de Ripaille, et il le presse d'exé-
cuter au plustôt ce projet.
Annecy, 12 juin 16U.
Monseigneur,
Lors que j'eus l'honneur de faire la révérence à vostre
Altesse, il y a un an, je luy proposay de faire loger les révé-
rends Pères Chartreux en Tabbaye de Filly en Chablaix,
pour l'accroissement de la dévotion qu'un si grand Ordre
feroit en ce pays-là, et pour l'ornement que la réparation
d'un abbaye si remarquable y apporteroit. Mays depuis,
ayant sceu que V. A. avoit jette ses yeux et son désir sur
Ripaille pour le mesme effet, je m'en suis infiniment resjoui ;
et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost
l'exécution , afïin que nous voyons en nos jours la pieté
restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle
que nosseigneurs les prédécesseurs mesmes de V. A. y ont
saintement et honorablement pratiquée.
Asseurant qu'en meilleures mains le généreux et pieux
dessein de cette restauration ne pourroit estre confié qu'en
celles d'un Ordre si ferme et constant , comme est celuy des
Chartreux, lequel ^ ayant toujours esté dés son commence-
ment fort obligé à la serenissime Mayson de V. A., luy a
» C'est la 3H* {aliàs 298e) de la collection Biaise, et la 53« du liv. I«' de»
anciennes éditions
^^^'^ OPUSCULES
aussi réciproquement tousjours esté et très -affectionné et
dedié. Et tandis, je continue de supplier incessamment la
Divine Maiesté qu'elle respande à jamais toutes .es plus
chères bénédiction sur la personne et la couronne de V. A»
de laquelle ie suLd^ Monseigneur; ^'-^s-liumblô ^ etç.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 311
LXXVV.
LETTRE *
AS. A. CHARLES EMMANUEL l*^"", DUC DE SAVOIE.
Sur l'établissement des Pères Barnabites à Annecy.
Annessi, 8 juillet 1614.
Monseigneur,
Le bien de la venue des Pères Barnabites en celte ville est
de si grande considération, que Y. A., la quelle Va si saii*-
tement désiré , le fera sans aoute puissamment réussir noa
obstant les petites difficultés qui se présentent, qui ne pro-
cèdent que d'une bonne affection, à la quelle V. A. donnera,
s'il luy plaist , la mesure et discrétion , en sorte que si k
Père General des Barnabites ne pouvoit octroyer la dispense
qu'on requiert, sa Congrégation ne laissast pas pour ceU
d'estre introduitte dans ce collège , oii en tous evenemens
eir apportera un' utilité incomparablement plus desira]>le
que tout ce qui s'y est fait jusques à présent. J'en supplie
donq en toute humilité V. A. S., que Dieu fasse à jamais
prospérer selon l'extrême et continuel souhait ,
Monseigneur,
de vostre tres-humble , et très obeyssant serviteur
et orateur,
François , Evesque de Genève.
1 L'original en est conservé srax Archives de la Cour de Turin. C'est la 168*
ées lettres inédites de la collection Biaise.
StM OPUSCULES
LXXVIIL
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
AU ROI DE FRANCE kJVlS XIÎU
H le remercie d'une gratification de trois cents écus que Sa Majesté avoit
donnés pour la réparation de quelques églises du bailliage de Gex.
Annecy, 31 juillet 1614.
Sire , les Catholiques de Gex et moy avons reçeu les trois
cents escus d'aumosne que vostre Majesté a donnés pour la
réparation des églises, avec une tres-humble révérence et
action de grâces, non seulement parce que les faveurs qui
proviennent de si haut lieu sont tousjours de grand'estime ,
mais aussi parce que ce sont comme des arrhes de plus
grands liienfails pour l'avenir, dont nous en espérons que la
royale bonté de vostre Majesté regardera de son œil propice
la misère à laquelle Fheresie a réduit ce pauvre baillia.cije ,
pour respandre à son secours les gi'iu-.'.'s et assistances, qui
luy peuvent servir de remède. Ainsi Dieu ^oil à jamais le
protecteur de vostre Majesté, Sire, pour la combler des saintes
bénédictions que luy souhaitle vostre tres-humble, etc.
» Tirée du séminaire d'I^sy près de Paris. C'est la 310» de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES.
LXXIX.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A UNE ABBESSE.
11 la félicite de ce qne l'exercice de l'oraison mentale a été introduit dans
son monastère, parce que sans cela les trois vœux de religion ne peuvent
êtro que mal gardés. Avantage de la lecture des œuvres de sainte Thérèse.
Un bon confesseur peut faire un grand bien dans une communauté.
Annecy, 18 août 1614.
Ma tres-cliere Seur, à cette première fois que je vous
escris, je vous veux dire deux ou trois motz de préface, qui
puissent servir pour toutes les lettres que je vous enverray
désormais selon les occurrences.
1. Que ny vous ny moy n'y fassions plus aucune préface;
car Tamour de Dieu que vous avés sera une préface envers
vous; et le désir que j'ay de l'avoir sera vostre préface en-
vers moy.
2. En vertu de ce mesme amour ou possédé ou désiré,
assurés-vous, ma chère Seur, que vous et toutes vos filles
trouvères tousjpurs mon ame ouverte et dédiée au service
des vostres.
3. Mais tout cela sans cérémonies , sans artifices , d'autant
qu'encore que nos vocations soient différentes en rang.,,
<:e saint amour auquel nous aspirons nous esgale et unit en
luy.
Certes,^ maiU-esrcJiere Seur, et vous at, vos filles estes
1 C'est la 318* dé la collection biaise, et la 65» dû livre ïi: dis ancienneiv
-éditions.
316 OPUSCULES
tres-heureuses d'avoir enfin rencontré la veine de cette eau
vivante qui rejaillit à la vie éternelle *, et de vouloir en
boire de îa main de nostre Seigneur , auquel , avec Sainte
Catherine de Gènes, et la bienheureuse mère Thérèse, il me
semble que vous faites cette prière : Seigneur, donnés-moy
de cette eau ^
Qu'à jamais cette bonté divine soit louée, qui luy-mesme
s'est rendu une source d'eau vive au milieu de vostre com-
paignie : car à ceux qui s'adonnent à la tres-sainte orayson,
nostre Seigneur est une fontaine en laquelle on puise par
Torayson l'eau de lavement, de réfrigère, de fertilité et de
suavité.
Dieu sçait, ma tres-chere Seur, quelz sont les monastères
esquels ce saint exercice n'est point pratiqué; Dieu sçait
quelle obeyssance, quelle pauvreté et quelle chasteté y est
observée devant les yeux de sa divine providence , et si les
assemblées des filles ne sont pas plustost des compaignies de
prisonnières que de vrayes amoureuses de Jesus-Christ.
Mais nous n'avons pas tant besoin de considérer ce mal-là^
que de peser au juste poids le grand bien que les âmes reçoi-
vent de la tres-sainte orayson. Vous n'estes donc point trom-
pées de ravoir embrassée; mais trompées sont les âmes qui
s'y pouvant appliquer, ne le font pas.
Et néanmoins en certaine façon (à ce que je voy) le doux
Sauveur de vos âmes vous a trompées d'une tromperie
amoureuse , pour vous tirer à sa communication plus parti-
culière, vous ayant liées par dec moyens que luy seul a sceu
trouver, et conduites par des voyes que luy seul avoit con-
nues. Relevés donc bien haut vostre courage , pour suivre
soigneusement et saintement ses attraits; et, tandis que la
* Qui biberit ex aquâ quam ego dabo ei, non sitiet in œteraum; sed
aqua quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquse salientis in vitam œlernanu
Joan^ IV, 13 et 14.
> Di it ad eum mulier : Domine da mihi hanc aquam. Ibid., 15.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 31?
vrave douceur et humilité de cœur régneront parmi vous,
ne craignes point d'estre trompées.
Le freie N. est un vray ignorant, mais ignorant qui sçait
plus que beaucoup de sçavans : il aies vrais fondemensde la
vie spirituelle, et «a communication ne vous peut qu'estre
utile ; je m'asseuTe que son Supérieur ne vous le refusera pas,
tandis que vous en userés avec discrétion, et sans luy donner
trop de distraction.
Je n'ai peu encore lire les livrets que vous m'avés envoyés,
ce sera à mon premier loisir.
Vous avés bien fait de vous apprivoiser avec 1^ bienheu-
reuse mère Thérèse , car en vérité ses livres sont un thresor
d'enseignements spirituels : sur tout, faites régner entre
vous la diîcction mutuelle, franche et spirituelle; la com-
munauté parfaite tant ay niable et si peu aymée en ce siècle,
mesme es monastères que le monde admire; la sainte sim-
plicité, la douceur de cœur et l'amour de la propre abjection :
mais ce soin, ma tres-chere Seur, il faut qu'il soit diligent
et ferme , et non empressé , ny à secousses.
Je seray bien aise de sçavoir souvent de vos nouvelles, et
ne doutés point que je ne vous responde. M. N. me fera
tenir prou vos lettres.
En particulier, ce m'a esté de la consolation de sçavoir
la bonté et vertu de vostre Père Confesseur, qui, avec un
esprit vrayement de père envers vous, coopère à vos bons
désirs, et est encore bien aise que les autres y contribuent.
Pleust à Dieu (^le tous les autres de vostre Ordre fussent
ftussi charitable^^et affectionnés à la gloire de Dieu ; les mo-
>iasteres qui sont en leur charge seroient plus parfaits et
plus purs.
Je resalue mes chères S^urs Anne et Marie Salomé, et me
resjouis dequoy elles sont entrées en cette Religion en un
tems auquel la vraye et parfaite pieté commence à y relieurir ;
et pour leur consolation, je leur dis que leur parente Madame
3i 8 OPUSCULES
Descrilles , qui est maintenant novice à la Visitation , tasche
aussi fort de son costé de s'avancer en nostre Seigneur.
Ma tres-chere Seur , je vous escris sans loisir , mais non
pas sans une infinie affection envers vous et toutes vos
fille? , que je supplie toutes de recorai^^ander mon ame à la
miséricorde de Dieu, comme de ma part je ne cesseray point
d.e vous s^uhaitter bénédiction sur bénédiction, et que la
source de toute bénédiction vive et règne à jamais au milieu
de vos cœurs. Amen.
Je suis, d'un amour tout cordial, vostre tres-humble, etc.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 5!^
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A M. JEAÎl-PIERRE CAMUS, ÉVÊQDE DE BELLEY.
IFl'encovsrage à soutenir l'embarras des procès pour la conservation des hierm
et des libertés ecclésiastiques, et lui recommande les intérêts du diocèse dd
Genève aux Etats de Bourgogne, où il alloit assister.
Annecy, 22 août 1614.
Monseigneur,
Je me resjouis, certes, de vos victoires; car, quoy que
l'on sçache dire, c'est la plus grande gloire de Dieu que
nostre ordre episcopal soil reconnu pour ce qu'il est, et que
cette mousse des exemptions soit arrachée de l'arbre de
l'Eglise où l'on voit qu'elle a fait tant de mal, ainsi que le
saint concile de Trente a fort bien remarqué.
Mais je regrette pourtant que vostre esprit pâtisse tant en
cette guerre, en laquelle, sans doute, il n'y a presque que
les Anges qui puissent conserver l'innocence : et qui tient la
modération emmi les procès, le procès de sa canonisation est
tout fait pour luy, ce me semble. Saj)ere et amare vix diis
conceditur ; mais je dirois plus volontiers : Litigare et non
insanire vix sanctis conceditur. Néanmoins, quand la néces-
sité le requiert, et que l'intention est bonne, il faut s'em-
barquer sous l'espérance que la Providence mesme, qui
vous oblige à la navigation, s'obligera elle-mesme à vous
conduire.
« C'est la 319e de la collection Biaise, et la 87« du livre 1" des ancieunei
éditions.
waiÊÊSÊsm
320 OPUSCULES
Tout mon plus grand deplaysir, c'est de voir qu'enfin cette
amertume de cœur, que vous me dépeignés, vous ravira
d'auprès de nous, et me ravira une des plus précieuses con-
solations que j'eusse, et à ce peuple un ])ien inestimable :
car des prélats affectionnés , il y en a si peu : Apparent rari
nantes 'm gurgiîe vasto^. Salvum me fac, Domine , quo-
liam defecit sanctu s ^
Je voy bien, Monseigneur, par vostre lettre et par celle
de M. de N., qui, ei\ vérité, est fort mon amy, et bon père
ires-singulier, que nous ne sçaurions conserver les libertés
ecclésiastiques, que les Ducs nous avoient laissées, es pays
cstrangers. 0 ! Dieu bénisse la France de sa grande bénédic-
tion , et y fasse renaistre la pieté qui regnoit du temps de
S. Louis !
Mais cependant. Monseigneur, puisque ce pauvre petit
Qergé de vostre evesché et du mien a le bonbeur que vous
parliés en son nom aux Estats , nous serons délivrés de tout
scrupule, si après nos remonstrances nous sommes réduits
en la servitude; car que pourroit-on faire davantage, sinon
crier au nom de l'Eglise : Vide, Domine, et considéra, quo-
Tiiajn facta sum vilis? Quelle abjection que nous ayons le
glaive spirituel en main, et que, comme simples exécuteurs
des volontés du magistrat temporel, il nous faille frapper
quand il l'ordonne, et cesser quand il nous le commande;
et que nous soyons privés ôp la principale clef de celles que
nostre Seigneur nous a données , qui est celle du jugement,
du discernement et de la science en lusage de nostre glaive?
Manum suam misithosf^ ad o.ninia desiderabilia ejiis; quia
,vidit gentes ingressas sanctuarium tuum, de qidhus p'œce-
;peras ne intrarent in ecclesiam tuam ^.
Ce n'est pas avec un esprit d'impatience ni de murmura-
lion que je dis cecy; je me j^oi^souviens tousjours que ista
mala invenerunt nos, quia peccavimus, injuste egimiisK Or
«Virg., ^neid. — 2 Psalm. XI, 1. ~ 3 TSiren., I, 10. — * Ces maux sont
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 321
SUS pourtant, Monseigneur, vous verres nos articles, et ferès,
je m'asseure, tout ce qui se pourra pour la conservation des
droits de Dieu et de son Eglise; et tandis que nostre Josué
sera là, nous tiendrons les mains haussées , et prierons qu^il
ait une spéciale assistance du saint Esprit; nous invoquerons
les Anges protecteurs, et les saints Evesques qui nous ont
précédé, qu'ilz soient autour de vous, qu'ilz animent vos
remonstrances.
De vous envoyer quelqu'un de la part de mon Diocèse , il
n'en fut jamais question. Mon Diocèse n'est-il pas vostre,
puis que je le suis si parfaitement : Populus meus , populus
^i^w5. Vous verres le Père Dom Jean de Saint-Malachie à Saint-
Bernard; si vous le hantés, vous trouvères en luy une veine
féconde de pieté, de sagesse, et d'amitié pour moy, qui
rhonnore réciproquement hien fort. De Madame Falin dites-
xnoy un jour à loisir l'histoire, parce que gloriam régis
anmmtiare jiistum est. Dit a soit à jamais le cœur de nos
âmes. Je suis. Monseigneur, vostre, etc.
venus nous trouver, parce que nouç avons péché, et que nous avons cumrnis
l'iniquité, Ps, CV« 6.
322 OPUSCULES
LXXXL
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A SON ALTESSE MADAME MARGUERITE^ INFANTE DE SAVOIE, VEUVE DE M. LE DUC
DE MASTOUE.
II la supplie de prendre sous sa protection spéciale les dames de la Visitation
de la ville d'Annecy, de leur procurer les lettres-patentes, et de permettre
que la première pierre de leur oratoire soit posée en son nom.
Avant le 18 septembre 1614.
Madame,
Nous avons en cette ville d'Annecy une congrégation de
très-honorables dames, les unes veuves, les autres filles,
qui n'ayant que du dégoût pour le monde , s'adonnent au
service de Dieu avec une très-grande piété et une singulière
édification. Elles récitent toutes ensemble au chœur les heures
de la très-sainte Vierge, font l'oraison mentale, et vivent
dans l'obéissance sous le gouvernement d'une supérieure
qu'elles ont élue. De plus, elles observent une très-grande
* C'est la 322e de la collection Biaise, et la 23e du livre le' des anciennes
éditions.
Serenissima Signera,
Si è fatta in Annecy una congregazione di dame honoratissime,
parte vedove, parte zittelle, le quali scariche délie cose del mondo,
attendono con grandissima pietà e edificazione al servizio del Signor
Iddio, recitando ogni dile ore délia sacratissima Vergine insieme nel
suo coro^ facendo ogni di Torazione mentale, vivendo in ubedienza
sotto il governo di una superiore, che esse hanno eletta_, e osservando
una esattissima abnegazione délie cose terrene , corne si suole nelli
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 32J
abnégation des biens de la terre , comme il se pratique dans
les monastères les plus réguliers. Les jeunes ne sortent point
de la maison (où les hommes, d'ailleurs, n'entrent jamais
sous aucun prétexte ) , mais seulement les plus âgées et les
plus sages , et c'est pour le secours des infirmes , principale-*
ment des pauvres femmes, qui, ayant de grands besoins, ont
beaucoup à souffrir en cette ville, où il n'y a qu'un pauvre hô-
pital, qui n'a pas assez de revenu pour faire de grandes charités.
Celte congrégation s'est formée sur le modèle d'autres
semblables établies dans Milan par ce grand serviteur de
Dieu , le glorieux saint Charles. Elles ont déjà une maison ;
mais, désirant néanmoins faire construire un oratoire en
l'honneur de la très -sainte Visitation de la bienheureuse
Vierge , dans lequel il y aura une chapelle sous le nom du
bienheureux Amédée , lorsqu'il sera canonisé , votre Altesse
sérénissime est très- humblement suppliée de prendre cette
congrégation sous sa protection spéciale, afin qu'à l'ombre
de son nom et à la faveur de sa charité , elle puisse vaquer
aux choses célestes avec tranquillité, n'ayant rien qui la
trouble ni au-dedans ni au-dehors.
mouasterii più riformati. Legiovani non escono mai dalla casa, nellaî
quale non v'entrano uomini, ma solamente le vecchie e mature, per
soccorso degrinfermi, massime donne, le quah quando sono po—
vere , patiscono molto in quella cita, non essendovi se non un povero
ospitale , che non ha modo di fare molta carità a dette inferme.
Ora essendosi formata quella congregazlone a similitudine d'altre
îimiW, stabilité in Milano dal gran servo d'Iddio S. Carlo, ed avendo
comprata una casa, e desiderando tuttavia fabbricar un oratorio al
nome délia sanlissima Yisitazione della beatissima Vergine, nel quale
pur vi sia una capella^ che si dedicherà sotto il nome del beato Ame-
deo, quando sarà canonizato, si supplica V. A. serenissima, che si
degni accettare, et ricevere detta congregazione nella sua specialis-
sima protezione, acciô che sotto Tombra del suo serenissimo nome,
ecol favor della sua carità, possa con tranquillità e pace interiore et
esteriore attendere aile cose celesti, per il che sarebbe necessario,.
324 OPUSCULES
A quoi il sera nécessaire ,
1° Que votre Altesse sérénissime déclare par lettres pa-
tentes , ou par lettres de cachet , qu'elle reçoit et prend sous
sa protection cette congrégation en entier, et chacun'^ des
sœurs ou dames en particulier, tant pour le présent que pour
l'aveuir;
2" One votre Altesse sérénissime fasse savoir son intention
à M. le marquis de Lans et an sénat de Savoie, afin que
dans les occurrences ils prennent les intérêts de ladite con-
grégation.
3° Il seroit encore à propos que son Altesse sérénissime
monseigneur le duc de Savoie envoyât de semblables lettres^
par lesquelles il signifiât que cette congrégation s'étant mise
sous la protection de votre Altesse, c'est aussi sa volonté
qu'elle soit favorisée et conservée en ses Etats.
Et cela est d'autant plus raisonnable, que cette congréga-
tion ne mendie point d'aumônes, mais s'établit aux frais des
dames qui y sont entrées, et qu'elle ne prétend pas avoir
jamais de revenus pour d'autres fins , pour pourvoir à Tentre-
tiens, tant des bâtiments et de la sacristie, que du chapelain
1° Clie V. A. serenissima, o per iettere patenti, o per lettere chiuse,
:nanifestasse che ella riceve e piglia in protezione detta congrega-
ïione 8 ciasclieduna délie sorelle , o siano dame^ che in essa sa-
Tanno , adesso e per ravvenire.
2° Che V. A. serenissima faccia con lettere saper questa sua inten-
zione al signor march. di Lans^ e al senato di Savoja, acciô dove
occorrerà cssi abbiano cura di detta congregazione.
3^ Sarebbe anco conveniente, che simili lettere si scrivessero d'alî*
jltezza del sérénissime signor duca noslro signore, per le quali fa-
«esse sapere che detta congregazione essendo per ordine suo nella
protezione di V. A., vuole che sia negli stati suoi favorita e con-
servata.
Il cheè tanto più raggionevole, che detta congregazione non men-
dica^ anzi si stabilisée a spese délie dame congrci;;nte, ne prétende
giammai aver entrata, se non per mantener gU odilicii , la sacristia.
DE S. IT.ANÇOIS DE SALES. 325
f)t. (iu médecin, soit au moyen de rentes perpétuelles, soit par
toute autre voie seml)lal)le, qui ne fasse aucun dommage à
personne, et qni ne mette nul empècliement aux gahèles ou
tuillcs du sérénissime eaQc; et même ladite coni:'Téii:ation sera,
( ommej 'espère, dans peu d'années, dotée de revenus sutFisants
pour l'entretien de la coinmunauté : si bien que les veuves
qui seront sans enfants, et les tilles qui voudront servir Dieu
dans la chasteté , Fobéissance et la piété , auront une grande
facilite à y entrer, y étant reçues moyennant une pension
([ue leur famille leur assignera leur vie durant, sans qu'on
en exige rien de plus.
Cela étant ainsi, votre Altesse sérénissime fera une chose
très-agréable à la divine Majesté et à sa très-sainte Mère
Notre-Dame , si , recevant cette dévote congrégation entre les
bras de sa chanté, elle daigne s'en avouer la dame, la pa-
tronne et la mère.
Et parce que ladite congrégation espère bientôt bâtir l'o-
ratoire, ce lui sera un grand honneur et une grande con-
solation que la première pierre soit posée au nom de votre
il cnpcllano, e pagar il medico loro, o per via de censi perpetui, o
in nltre manière che non facciano aggravio a nessuno , ne diano im-
pedimento atcuno alli dazii, overo taglic del serenissimo duca. Anzi
delta coiîgregazione essendo^ corne si spera^ frà pochi anni dotafa
di (jiiclia cnlrata per quelle cose communi, le vedove scariclie di
tig'iicili^ e le vcrgini che vorrano in castità^ ubedienza_, e pietà servir
il Signor Iddio j avranno grandissinia commodità di ciô fare^ perché
'-•nranno riceviite in detlacongregazicnc, mediante una sola pensione
r.s-cgiialale dalla casa loro^mentre vlveranno.
Onde V. A. serenissiina tara cosa gratissim? ulla Maeslà divina^-
0 \\\\\\ sua santissima Madré nostra Signora, se ricevendo questa pia
CL !,grogazione nelle braccia délia sua protezione, essa si degna chia-
mare signera, palrona e madré.
i: pcixhè ben presto spera detta congregazione di fabbricare IV
ratorio suo , e che le sarobbe un' onor e consolazione d'importanza,
che a nome di Y. A. s^itK^issima si mettesse la prima pielra; si sup-
3"!^ OPUSCULES
Altesse sérénissime; c'CvSt pourquoi je la supplie, en finis-
•saut , (pi'elle daii:!;ne envoyer quelque dame de sa cour pour
riosister à la céiémonie, et y mettre la médaille accoutumée,
ielle qu'il plaii'a à votre Altesse de la marquer.
Ainsi elle aura toujours la r cilleure part dans toutes les
abonnes œuvres qui se feront en ladite congrégation et dane
Foi'aloire, principalement aux oraisons de ces dames, qui
jour et nuit invoquent le saint Esprit pour l'éternelle con-
solation de votre Altesse, de laquelle j'ai l'honneur d'être.
Madame, le très-humble, etc.
plica per fine, clie rlegni commandar a qualche dama di quelle
bande, di venir costi da parte di V. A. ed assistere alla posizione di
detta pietra, mettendovi la medaglia soiita, taie che V. A. si com-
piacerà di notare.
Che cosi V. A. avrà sempre ottima parte in tutte le bone opère che
in detta congregazione, e detto oratorio si faranno, massime nelle
^orazioni di quelle dame , che giorno e notte invocheranno lo Soirito
janto per Teterna consolazione di V, A.
DE S. rRAN'COIS DE SAUÎS. 327
INSCRIPTION
DE LA PREMIÈRE PIERRE DU BATIMENT DE LA VISITATION,
QUI FUT COMMENCÉ L'aN '1(M4.
A Dieu très-bon et très-grand, à Jésus-Christ, et à sa très-sainte
Mère, sous le titre de la Visitation.
Charles- Emmanuel étant duc de Savoie, Henri de Savoie étant
duc de Nemours et de Genevois, l'an mil six cent quatorze, le
dix-huitième jour du mois de septembre, sous la protection de
Marguerite, Injante de Savoie, veuve du duc de Mantoue, et
.sous l'épiscopat de monseigneur François, présent et officiant à
cette cérémonie, a été jetée et bénie cette première pierre, mo-
nument consacré à la dévotion de la congrégation des sœurs oblates
de la Visitation.
Deo optimo maximo, Jesu Christo, sanctissimœ Matri Virgini
Marine Yisitanti.
Carolo Emmanuele Sabaudiœ, Benrico Gebennensium ducibus,
anno millesimo sexcentesimo decimo-quarto ^ decimâ-octavâ sep*
iembris, Margaride infante Sabaudiœ, viduâ ducis Mantuœ ,
protectrice, Francisco episcopo, congregationi sororum oblatarum
Visitationis devotioni sacrum.
328 OPUSCULES
LXXXÎI.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A M. DE FORAXj GENTILHOMME DE LA CHAMRRE DE M. LE DUC DE NEMOURS.
11 le prie de s'entremettre dans l'échange projeté par notre Saint, d'un ter-
rain qui appartenoit aux Dominicains d'Annecy, en faveur des Religieuses
de la Visitation.
Vers le 18 septembre 1614.
Monsieur,
L'extrême nécessité que la Visitation a d'une partie dri
jardin de Saint-Dominique, sur lequel le bastiment nouvea^i
regardera , fait que plusieurs gens d'honneur ont pensé de
proposer que les Pères de saint Dominique prissent une
partie d'un jardin du Collège sur lequel ilz regardent , et
moyennant une recompense que l'on donneroit au Collège ,
que les Dames de la Visitation fourniroient , et qu'en cettt^
sorte les Pères de saint Dominique lascheroient la partie re-
quise de leur jardin en faveur de la Visitation , dont deux
maisons , saint Dominique et la Visitation , demeureroient
infiniment accommodées , et le Collège nullement incom-
modé.
Or, j'en paiiay l'autre jour à Monsieur * , qui trouva bou:
de le recommander aux administrateurs du Collège, par
l'entremise de M. du Fresne. Mais m.nntenant que les Pères
Barnabites sont remis , cela despendra aussi d'eux : c'est
pourquoy, s'il plaisoit à Monsieur de leur tesmoigner qu'il
1 Tirée de l'abbaye de Saint-Denis près Paris. C'est ia 323e de la collectioa
Biaise,
> Le duc de Ndraours at ie Olc^nevc>i«s
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 3z9
désire ce commun accommodement, il y a de l'apparence qjie
l'a chose reûsciroit, pourveu que le tesmoignage de son désir
fust un peu bien exprimé ; ce que sa Grandeur fera facile-
ment, puis qu'elle peut prier lesdits Barnabites de voir avec
messieurs de son conseil si cela se pourra bonnement faire ,
et que s'il se peut sans grande incommodité , il désire fort
affectueusement que cela se fasse , et qu'il les en prie.
Il reste que je vous supplie d'en parler à Monsieur, ce que
je feray présentement sans attendre davantage que les Pères
Barnabites montent si haut , pour parler à sa Grandeur ; et
il sera à propos qu'elle fasse ce bon office en cette occasion.
Je serois allé moy-mesme l'en supplier; mais je n'ay pas cm-
que cela fust bien , puis que je me fusse rendu soupçonné;
et peùt-estre devrois-je en venir en cette bop ne affaire comme
médiateur avec Messieurs du Conseil. Excusés-moy ; j'es-
père cette confiance^ Monsieiîr» c'est en cette qualité de
vostre,et<.%
330 OPUSCULES
LXXXÏII.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A MONSEIGNEUR LE DUC DE NEMOURS *.
(Tirée du second monast. de k Visitation de la ville de Rouen.)
Il le conjure, par les raisons les plus pressantes, de ne pas s'éloigner long-
temps de la Savoie, qui avoit besoin de son secours dans une guerre dont
elle étoit affligée.
Annecy, 6 novembre 16i4»
Monseigneur,
Les tesmoignages de la bienveillance en mon endroit qu'il
pleut à vostre Grandeur de me donner à son départ de cette
ville, la pieté qu'elle pratiqua, demandant la bénédiction
céleste à cet indigne pasteur ; la naturelle inclination forti-
fiée de plusieurs obligations que mon ame a tousjours sain-
tement nourries envers vostre bonté. Monseigneur; tout cela
et plusieurs autres considérations que ma fidélité me sugge-
roit, me toucha vivement au cœur, et ne sceust m'empescher
d'en rendre des signes à ceux que je rencontray sur le champ
après avoir perdu de veiië vostre Grandeur.
Cette touche , avec quelque sorte d'espérance que vostre
Grandeur me commanda deco:^. ^M'ver de son prochain retour,
m'ont fait penser plus d'une fois aux raysons qu'elle avoit de
* C'est la 326» parmi les inédites oe la collection Biaise.
* Henri de Savoie, duc de Nemours, de Genevois, dn Chartres et d'Aumale,
marquis de Saint-Sorlin et de Saint-Rambert , o.omte de Gisors, etc., chevalier
de l'Annonciade. 11 descendoit de Philippe de Savoie, duc de Nemours, troi-
âème fils de Philippe, duc de Savoie, surnommé Sans-terre, et de Claudine
de Brosse , sa seconde femme.
DE S. FRANÇOIS DE SALES.
revenir, pour agrandir ce reste de consolation qu'elle m'avoit
laissé, me signifiant que la privation de sa présence ne seroit
pas de si longue durée, ains beaucoup plus courte que nostre
desplaisir ne nous fesoit imaginer.
Et j'ay treuvé Monseigneur, que c'estoit le vray service de
vostre Grandeur qui requeroit vostre retour, et non seule-
ment le gênerai désir de tous vos très humbles sujets, qui
prendroient sa présence à soulager lent après beaucoup de
peines qu'ilz ont souffertes. En vérité, Monseigneur, vous
ne recevrés jamais des afFectionssi fidellos en lieu du monde,
comme vous ferés icy , où elles naissent avec les hommes,
vivent avec eux, croissent sans bornes ni limites quant et
eux envers la Maison serenissime de Savoye, de lacpielîe les
Princes se peuvent vanter d'estre les plus respectueusement
aymés et amoureusement respectés de tout le monde par leurs
peuples; bénédiction en laquelle vostre Grandeur a la part
qu'elle a peu voir et remarquer en toutes occurrences.
Ici vostre Grandeur a sa maison paternelle, et sanscompa-
rayson lieaucoup mieux accompagnée des commodités re-
quises à son séjour que pas une des autres, puis qu'elle y
peut fournir sans les autres, et pas une des autres sans
•celle-cv.
Que si j'osois dire mes pensées sur les autres sujetz que
vostre Grandeur auroit de revenir, je luy marqueroisle desir
ardent que son Altesse serenissime a eu qu'elle demeurast,
auquel vostre Grandeur, correspondant par son retour, c'est
sans doute qu'elle l'obligeroit non seii''Mnent à persévérer en
ramour plus que fraternel qu'elle a tousjours protesté envers
icelle , mais elle en accroistroit extrêmement les causes, efc
par conséquent les elfets.
Je lui marquerois encore, qu'en cas que la guerre que son
Altesse serenissime a sur les bras se rendist plus active, et
qu'elle passast jusques à quelque ardeur,, ce (|ue Dieu ne
vueille, vostre Grandeur, comme je pense, ne pouiToit alors
332 OPUSCULES
retenir son courage , qu'il ne la rapportast à la défense de ce
sang, de cette Mayson, de cette Couronne , de cet Estât dont
elle est, et en quoy elle a tant de part et tant d'interest, et
où manifestement vostre réputation, Monseigneur, pres-
seroit vostre courage, si vostre courage grand et bien
nourry ne prevenoit toute autre considération, voire mesmft
celle de la réputation.
Et donc vostre Grandeur ne seroit-elle pas infiniment
marrie de se treuver tant esloignée de son ALtesse et de ses
Estais ? Elle a voirement commandé que le Sieur de la
Grange fist passer ses troupes delà les monts, qui est un bon
tesmoignage de la persévérance de vostre Grandeur au devoir
qu'elle a envers sadite Altesse. Mais d'en esloigner sa per-
sonne , tandis que la fièvre de la guerre est en ses Estais , et
qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver
des accès périlleux, je ne sçay , Monseigneur, ce que l'on en
pourra juger au préjudice de l'affection que je sçay bien
néanmoins estre immuable dans vostre cœur.
Je dirois encore, qu'estant icy pendant que cette guerre du-
rera, quoy que vostre Grandeur ne fust pas dans l'armée,
l'ennemy auroit toujours opinion, ou qu'elle iroit en tems
de nécessité, ou qu'elle prepareroit de nouvelles forces pour
assister son Altesse ; et ces pensées ne pourroient estre que
fort utiles aux affaires d'icelle. Que si vostre Grandeur se
retire plus loin en un tems d'orages , certes, cela ressentira
un abandonnement absolu du pilote et de la barque, à la
conservation de îacn^elle toute rayson humaine et divine
oblige vostre Gro" ueur, et laissera un certain sujet de plainte
à tout cet arbre ( (ont vous, Monseigneur, estes une branche,
à laquelle je ne sçay ce que l'on pourra respondre.
Je proteste, Monseigneur, que je n'e? pensois pas tant
dire; mais, escrivant, la chaleur de ma fidélité envers vostre
Grardeur m'a emporté au delà des limites que je m'estois
pro| »BCes. Car enfin je suis pressé de la crainte tpe le sou-
A-ï'ëïi
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 333
venir de cet abandonnement de son Altesse en un tel lenis
ne soit pour durer longuement et pour servir de motif à
quelqu': ^'scipioque séparation ,/p3i ne pourra jamais estre
avantaî'.- 'se , et pourra en cent occasions estre desavanta-
s^eiise Vi \ ostre Grandeur : au moins ne manquera-il pas
d'esprits qui la conseilleront, et peut-estre avec tant de cou-
leurs et d'artifices qn'ilz la rendront probable.
Si la fidélité de ce porteur, mais sur tout la bonté de
vostre Grandeur, ne me donnoit asseurance , je n'aurois
garde d'envoyer une lettre escrime avec cette liberté; mais je
sçay d'un costé qu'elle ne sera point esgarée , et d'ailleurs
qu'elle ne sera leue que par des yeux cloux et bénins envers
. moy, qui aussi l'escris ainsy, Dieu tout-puissant me soit en
.aide, sans en avoir communiqué le dessein qu'à deux des
1res humbles et fîdelles serviteurs, sujetz et vassaux de vostre
Grandeur: comme aussi, si j'estois si heureux que d'estre
exaucé, je n'en voudrois recevoir autre fruit que celuy du
.mutuel contentement de son Altesse et de vostre Grandeur,
et de la commune joye de ses peuples et de tous ses vrais ser-
viteurs. Je prie Dieu de tout mon cœur qu'il remplisse celuy
de vostre Grandeur de ses grâces, et suis sans fin. Mon-,
seigneur, vostre , etc.
Oseray-je, Monseigneur, supplier vostre Grandeur de rece-
voir cette lettre comme en confession ; et , si elle ne luy est
pas aggreable , de la puni, par son exterminement, en con-
servant néanmoins son autheur, à cause de l'innocence et
bonne foy avec laquelle il l'a escrite, en qualité d'invariable,
tres-obeyssant serviteur de vostnj Grandeur.
334 OPUSCULES
EXXXIV.
LETTRE*
A M. LE MARQUIS DE LANS. v'"^4JVI, HNEUR DE LA SAVOIE, A MOMMÉLIAN.
Sur les efforts du gouverneur de lr:mn pour attirer le pays de Valais
au parti ae l'Espagne.
A Thonon, en haste, 13 décembre 1614»
Monsieur,
Je vous donnay advis à mon départ d'Annessi comme je
venois en Yalley pour la consécration de Monseigneur FEves-
que de Sion qui , dés il y a long-tems , m'y avoit convié ; et
à la célébration de la quelle j'estois nécessaire en quelque
sorte , puis qu'il n'y avoit point d'Evesque plus proche qui
luy peust rendre ce service avec moins d'incommodité que
moy. Or, revenant de delà, je me suis treuvé obligé de
donner advis à S. A. de l'effort que le seigneur Gouverneur
de Milan fait pour attirer le pais de Yaley au parti d'Es-
pagne, et soustraire cett' alliance à S. A., de quoi les fers
sont si avant au feu, que si S.iditte Altesse n'y remédie promp-
tement, je ne sçay comm' on en pourra empescher les effects.
Et desjà les dizains de Cosfize , de.Varagne , de Bringhen et
Yespia, sont gaignés , et auroient fait faire le coup, si n'eust
esté la vive résistance de Monseigneur de Syon et des autres
troys dizains.
Cest advis. Monsieur, est d'importance, comme V. E. ju-
gera trop mieux, c'est pourquoy je la supplie d'envoyer ma
lettre cy-j ointe au plus tost à saditte Altesse, à laquelle je
ne dis pas que ces gens-là sont merveilleusement ombrageux
1 L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. Cest la 169«
des lettres in^tes de la collection Biaisa*
DE S. FBANÇOIS DE SALES. 33S
et délicats à entretenir, car elle le sçait bien; mais je luj
eusse volontier dit qu'en suite de cela ils ont treuvé estrange
que le Seigneur Valdenghe n'ayt pas comparu au sacre de
leur Evesque et à l'assemblée qui estoit assignée à ce jour-là,
puis que mesme on leur en avoit donné intention , comm'
aussi à Monseigneur de Syon , que Monseigneur le Prince
Cardinal luy envoyeroit son anneau episcopal. Que si le dit
seigneur Valdenghe ou quelque autre de la part de S. A., ne
se treuve mardi 16 de ce moys, ou soudain après, en l'assem-
blée générale des dizains qui se doit célébrer, je crains infi-
niment que l'alliance de S. A. ne se convertisse en celle
d'Espagne. Au reste, il ne se peut dire combien de carous
on a fait à la santé de S. A., de Messeigneurs les Princes et
de V. E., mays mesmes dimanche passé au festin solennel,
qui ne dura sinon despuis une heure après mydi jusques à
sept heures et demie du soir; et V. E. peut penser si passé la
première heure, les autres devoyent estre longues à ceux qui
ne s'estoyent jamais treuvés en tell' histoire. Le bon Monsei-
gneur l'Archevesque de Vienne et moy fusmes exempts de
carroux, horsmis de quatre , à la santé de S. A., de Messei-
gneurs les Princes, des sept Gantons Catholiques, et de Mon-
seigneur le Prince et Seigneur dizains du pais de Valey.
Mais nous le fîsmes encor dans des verres et selon la mesure
que nous voulusmes. Toutes les autres santés ne nous furent
point présentées, mais elles ne demeurèrent pas sans porteurs.
Il falloit bien , Monsieur, vous dire tout , en gardant pour
la bonne bouche , que ce nouveau Prince et Evesque (car ilz
l'appellent ainsi ) est tout brave , dévot , sçavant , gentil et
-/)urageux, fort serviteur de S. A., et amy de la Savoye. Je
prie Dieu qu'il vous comble. Monsieur, de ses plus désirables
bénédictions , et suis sans fin ,
DeV.E.,
Très humble et très affectionné serviteur ,
François , Evesque de Genève.
336 OPUSCULES
LXXXV.
<
lettre'
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François s'entretient avec S. A. cîes intelligences secrètes du gouverneur
de Milan pour attirer le Valais au parti de l'Espagne , et du dévouement
des habitans à la personne de S. A,
A Thonon, le 13 décembre 1614.
Monseigneur,
Ayant esté ces sept ou huit jours passés en Valey pour la
consécration de Monseigneur de Syon , j'ay remarqué beau-
coup de bonn' affection au service de V. A. S. en plusieurs
de ce païs-là, mays parmi cela, j'ay apperceu que le seigneur
Gouverneur de Milan a de grandes prattiques pour attirer
cet Estât au party d'Espagne, et a presque desja tout gaigné
pour cet effet les vœux et les voix des quatre dizains qu'ilz
appellent d'en haut, Yaragne , Vespia , Bringhen et Comze ,
qui auroyent desja fait passer leur inclination en resolution,
si Monseigneur de Syon et les troys dizains d'enbas, Syon ,
Sierre et Loeitze, ne se fussent grandement opposés pour em-
pescher ce coup, lequel, toutefois ;» il sera mal aysé de des-
tourner, si quelqu'un n'arrive prompte ment entr'eux de la
part de Y. A., avec les provisions requises pour reasseurer
ces esprits-là fort esbranlés. Et par ce, Monseigneur, que le
Yalley estant si proche de Savoye et Piedmont, ne peut estre
qu'extrêmement utile aux affaires de Y. A., quand elle en
aura l'alliance et correspondance , j'ay pensé que cet ad vis
estoit d'importance, et que je le devois donner à Y. A., la
' * L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est
la 170« des lettres inédites vie la collection Blaiço.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 337
quelle je supplie très humblement de l'avoir aggn^able,
comm'encore que je luy die que ce jeune prélat que* nous
venons de sacrer, est de fort bonne espérance, dévot, actif,
de bon esprit et plus gentil que sa nation n'a pas accoushmié
d'en produire, fort affectionné à V. A., et qui attendoit avec
honneur un anneau episcopal , en présence de Monseigneur
le Prince Cardinal , ainsy qu'on luy avoit fait espérer. Et
quant au cappitaine Yaldin , il fait par-dessus tous profes-
sion expresse d'estre tout affecté au service de V. A., à la-
quelle je fay très humblement la révérence , et luy souhai-
tant toute sainte prospérité , je demeure infiniment ^
Monseigneur,
Son très humble , très obeyssant et très fidèle ser-
viteur et orateur,
• Fkançois, Ev. de Genève,
33B OPUSCULES
Lxxrsi:
LETTKE*
A MADAME DE CHANT AL.
gaiat François lui parle de son voyage à Lyon , pour y établir les Sœurs
de la Visitation.
1614.
Madame ,
La pensée m'est venue en escrivant à M. Berger que peut-
estre Monseigneur le Cardinal * le rendra vostre père spiri-
tuel à Paris , puisque il se va vendre ecclésiastique aux quatre
temps des Cendres, et je crois que la mayson en seroit bien et
cordialement assistée. Je vous prie qu'en entrant ou sortant
d'Orléans vous preniez occasion de voir la mère prieure
des Carmelines, fille aynée de la seur Marie de Tlncar-
nation, laquelle tandis que je fus à Paris, il y a ving*
ans, estoit non-seulement ma fille spirituelle , mais ma par-
tiale, aagée d'environ treize ans, et qui avoit un naturel
bon, franc et naïf, comm' aussi la mère supérieure qui Ê*:
€n ce tems-là son premier vœu de virginité et sa confessic-
generale devant moy. Je me trompe si vous ne trouvés à
Moulins quelque sorte de tentation à cause de la singula-
rité de ma seur Marie-Aymée, mais je pense pourtant que
te ne sera qu'une tentation liumaiue et digne de charité.
M. Boucher, chancelier et théologal d'Orléans, est mon
ancien compagnon d'estude qui m'a toujours grandement
aymé.
' L'original en appartenoit à S. G. Monseigneur André Jourdain, évéque
tfAoste. C'est la 171 • inédite de la collection Biaise.
* Le cardiEal de Marquemont, archevêaue de Lyon*
DE S. FRAXÇOTS DE SALES. 339
Puis que la conduite de vostre chemin de Paris à Dijon,
pour passer par les monastères, requiert que vous veniés à
Moulins, et que les seurs que Ton prendra icy et à Grenoble
vous aillen! pre idre là, il faudra donc sçavoir à point
nommé le temps auquel il les faudroit envoyer, et comme
quoy les chop-c passeront, c'est à dire d'où \âen(ira Tadvis
que nous devons recevoir , mais il me semble pourtant que
n'y ayant que quarante lijuës d'icy à Dijon, ce sera grande-
ment allonger le chemin de passer à Moulins. Je ne sçay pas
bonnemc^nt combien il y a de Moulins à Montferrant, mais
si cela est assez commode, je pense que ce seroit de la conso-
lation à ces filles que vous les allassiés prendi'e.... leur su-
périeure pour Dijon, laquelle, comme je prevoy, il y aura
peine de tirer, selon que vous verres par la Lettre qu'elle
m'escritcy-jointe. J'ay desjàadverti ma seur Marie Marguerite
Milletot, outre laquelle il seroit peut-estre bon d'envoyer
encor là la seur Bernarde Marguerite, laquelle s'est tel-
lement amendée qu'enfîn elle est receuë à la profession.
Je suis de l'advis de M. de Marillac que iros seurs allant
par les champs portent leur crucifix avec elles.
J'ay veu l'histoire de la consultation faite pour nostre très
chère fille madame de Port-Royal, sur laquelle il n'y a rien
à dire, sinon que je voys un examen merveilleusement
ponctuel en ce^que on y a pensé que la longueur dn tems,
et la Diultitude des actions de supériorité, nonobstant la
protestation et le continuel desadveu intérieur, cette fille
soit tellement obligée de demeurer qu'elle ne puisse pas faire
autrement, car bien que cela soit probable en teime de
conscience, si est-ce que cela n'est pas advoué de tous, et de
plus le Pape en peut dispenser. Je tiens aussi la comparayson
de la perfection de la règle de saint Benoist avec l'institut de
la Visitation un peu rigoureuse et desavantageuse; car il
faudroit faire la comparayson de la règle de saint Benoist
avec la règle de saint Augustin, et bien que peut-estre la
340 OPUSCULES
règle de saint Benoist demeurast encore supérieure en per-
fection, si est-ce que la comparayson empescheroit tout
mespris pour la Visitation, c'est à dire toute tentation de
mespris. Mais tout cecy que je vous dis sur cette consultation,
ne doit.estre nullement allégué, ains simplement considéré
avec humilité, et laisser en sincérité la décision à Rome. Et
partant il faut bienadvertir cette cliere fille qu'elle n'est pas
de la vivacité de son esprit pour répliquer et respondre , et
qu'au moins à cela elle suive l'institut de la Visitation, et
comme que ce soit, elle pourra de tems en tems soulager son
esprit puis qu elle a la permission d'entrer à la Visitation,
et si j'espère que s' accommodant doucement au bon playsir
de Dieu , il la consolera finalement.
Si vous sçaviés , ma chère mère , combien il m'arrive de
destour en cette ville du départ de M. Rolland, vous ne
sériés pas estonnée si je n'escris pas aux chères âmes que la
mienne et la vostre ayment tant. Madame la présidente Amelot
sçait bien, je m'assure, que mon cœur est tout sien devant
Dieu et ses Anges, je me resjouis avec elle de l'honneur (et)
du bonheur que sa chère fille Marie aura à ceste feste de
Pasques en sa première communion, et si j'estois là, je pren-
drois bien à faveur d'estre son instituteur à cette action qui,
à la vérité, est bien importante; le petit livret du pereFulve
Androce de la Confession et Communion contient plusieurs
petits points propres à cela, mais puis que, comme je croy,
le révérend père Sufîren est à Paris, rien ne luy peut
manquer.
Nous envoyerons donc, quand vous le marquerés et ainsy
vous l'ordonnerés, des filles pour vous accompagner à Dijon
selon le nombre que vous nous diriés estre nécessaire, nous
avons pensé pour cela à ma seur Marie- Adrlenne Fichet,
laquelle est de bon esprit et de bon cœur comme vous sçavés,
à ma seur Françoise Augustine de Moyran près Saint-Claud,
que je confesse estre une fille grandement à mon gré, et si
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 34!:
je ne me trompe, tout à fait irrépréhensible en l'intérieur et
en l'extérieur, à ma seur Marguerite Scholastique de Bour-
goigne qui est douce, maniable et de bon esprit, cousine
germaine de vostre assistante, à ma seur Marguerite Agnes qui
Ast d'auprès de Vienne, qui est de bonne maison, de bonne
observance et d'une aggreable simplicité, à ma seur Perenne
Marie Benod seur domestique grandement douce et pliable,
outre ma seur Marie Marguerite Milleto' qui viendra de
Grenoble, que vous connoissés, et ma senr Bernarde Mar-
guerite qui est celle de Dijon, que vous nous envoyastes, de
la capacité de laquelle bien qu'on ayt douté quelques moys
durant, on a depuis eu bonne satisfaction. Il est à consi-
dérer si vous trouvères plus à propos qu'on la fasse Professe
icy, ou qu'on l'envoyé pour faire profession à Dijon sur
l'attestatioi qu'on luy feroit icy de sa capacité, car nous
avons pense que peut-estre seroit-on bien ayse que cette
action se fîst là en présence de ses parens, et amys et la
rendre ainsy la première fille de ce monastère. Or ce sera
donc à vous, rua très chère mère, de nous adverlrr si vous
voudrés ou moins ou plus de filles , et quand elles devront
partir.
342 OPUSCULES
Lxxxvir.
LETTRE^
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François recommande à S. A. les habitans de la ville d'Annecy.
Annecy, 15 mars 1615.
Monseigneur.
La ville d'Annessi recourt à la bonté de S. A. pour une
gratification, laquelle cy-devant luy a voit desja esté accordée
et de laquelle la continuation luy est d'autant plus nécessaire
que ses incommodités ont pris beaucoup d'accroissement. Or
elle espère principalement à l'entremise de S. A. Ser., Mon-^
seigneur, pour obtenir ce soulagement, et je joins ma très
humble supplication à celle que son premier sindique pré-
sentera, afïin qu'il plaise à la douceur de V. A. de favoriser
ce pauvre bon peuple , qui avec moy ne cespo point d'invo-
quer la divine majesté sur la personne et les intentions de
S. A. et de la vostre ,
Monseigneur,
De laquelle je suis ,
Très humble et très obeyssant serviteur et orateur.
François , Evesque de Genève,
* L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turiu. ««st
i 172« des lettres inédites de la collection Biaise.
DR S. FRANÇOIS DE SALES, 343
LXXXVIII.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A MONSEIGNEU» LE PRINCE DE PIÉMONT (VICTOR- AMÉDÉe).
Le Saint l'instruit du bien que doit procurer aux peuples de Thonon et des
environs l'établissement des pères Barnabites dans cette ville ; il lui expose
en même temps les vœux qu'ils font pour la canonisation du bienheureux
Âmédée.
3 septembre 1615.
Monseigneur,
Suivant le commandement de vostre Altesse, je suis venu
içy pour procurer l'introduction des Pères Barnabites en la
sainte Maison de nostre Dame de Compassion , et en finie
traité de cette affaire est parvenu jusques à l'arresté cy-
joint *.
Or, il ne se peut dire combien l'advancement des Peres-
Barnabites en ces contrées de deçà sei^a utile pour celuy de
1 C'est là '3B0* de la collection Biaise , et la 57e du livre I*' des anciennes
«iiëâitions.
"* L'arrêté dont il est parlé ici étoit que le prieuré conventuel de Contamina
"ienieureroit aux clercs réguliers de Saint-Paul, dits Barnabites, avec tous ses
'droits, fruits, revenus et appartenances quelconques; que les Pères Barnabites-
«uroient soin du collège, et tiendroient pour les lettre'' Uumaines quatre pro-
fesseurs, qui enseigneroient jusqu'à la rhétorique inclusivement, iustruiroient
ks enfants du séminaire, célébreroient les offices divins, selon leurs constitu-
"ions, dans l'église de Saint-Augustin, entendroient les confessions, feroient
raes catéchismes, et prècheroient selon leur coutume, etc. C'est pourquoi saint
ïrançois leur remit l'église de Sain t- Augustin , avec sa maison, sa place, ses
jardins et son cimetière. Quant au reste , ils furent obligés à toutes les charges
:du prieuré, et à donner, quand il seroit à propos, des Pères de leur ordre,
pour enseigner la philosophie et la théologie, etc. {Vie de saint Franf^ois ds
Sales, par Aug, de Sales, liv. VIII, tom. 11^ p. 112 et suiv.
344 OPUSCULES
la gloire de Dieu , non seulement pour la confirmation de la
foy parmi ces bons peuples, qui, à la faveur de riiicompa-
rable courage et rare pieté de Monseigneur, père de vo.stre
Altesse, ont esté remis dans le giron de la sainte Eglise Ca-
tholique; mais aussi pour la confusion des ennemis de la foi,
qui environnent de t^j^jtes parts cette province, de laquelle
il ne se peut faire qi^e le bien spirituel ne s'escoule petit à
petit sur le voisinage, qui par ce moyen pourra recevoir
insensiblement de graades dispositions pour se convertir et
réduire au devoir.
Mais encore, Monseigneur, je ne puis me retenir que je ne
tesmoigne lajoye que je sens dequoy, par la venue de ces
bous Pères en cette ville, nous verrons refleurir le saint
service divin dans l'Eglise de saint Augustin, fondée par le
fameux Amedée, grand aïeul de vostre Altesse, et en une
ville honnorée de la naissance de cet excellent serviteur de
Dieu, le bienheureux Amedée, duquel nous respirons la
canonisation avec des désirs nompareils ; espérant que par la
publique invocation de son secours nous obtiendrons la
fin de tant d'afflictions, de pestes et tempestes, desquelles,
depuis quelques années, il a pieu à Dieu de visiter ce
peuple.
Yostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la
splendeur héréditaire et tousjours croissante de sa serenissime
origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle
pieté : et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de
la couronne de Monseigneur son père , elle est aussi l'une
des plus précieuses colonnes du temple de Dieu le Père
éternel.
Doneques pour Tune et l'autre qualités , je prends la con-
fiance d'implorer la bonté de vostre Altesse en toutes les
occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion
catholique , entre lesquelles celle de l'amplification de ces
bons Pères Barnabites, et le restablissement du service divin
dp: s. FRANÇOIS DE SALES. 345
en tons les monastères de deçà, estant, l'un des pins impor-
tans, je le recommande ties-bnmblement au zel*^ de vostre
Altesse, à laquelle je fais tres-linmblement révérence, ne
cessant point de Iny souhaiter le comble des faveurs célestes
et demeure, Monseigneur, vostre^ etc.
546 OPUSCULES
LXXXIX.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
AH. JEAN-FRANÇOIS DE SALES, SON FRÈRE, ALORS CHAN01N3 DE LA CATHÉDRAXB
DE SAINT-PIERRE DE GENÈVE *.
Le Saint lui annonce qu'il Ta choisi pour être son grand- vicaire.
Thonon, h septembre 1615.
J'ai regretté dés hier au soir la perte que nous avons faite,,
mon cher frère, de nostre bon monsieur le vicaire; car j'en
sceus la nouvelle par une lettre de monsieur le premier Pré-
sident. L'amitié fraternelle que ce pauvre défunt nous por-
toit à tous m'obligera à jamais de chérir et honnorer sa mé-
moire, et de prier souvent pour son ame comme j'ay fait
dés aujourd'huy. Il y a long-temps quejeprevoyois cet acci-
dent, en la mauvaise conduite qu'il tenoit pour sa santé , et
ayant pensé, depuis que j'ay sceu plus particulièrement
qu'il estoit en estât de nous quitter bientost, qui je pourrais
rendre successeur en sa charge ; en fin , après plusieurs con-
sidérations, j'ay résolu de vous y appeler, et ce seul motif
vous suffira pour l'accepter , et à tout le monde pour l'ap-
prouver , que de cette charge despend une grande partie du
bien de ce Diocèse et de mon honneur, dont vostre proximité
* Tirée du monastère de la Visitation de la Valdotte. C'est la 351« de la col-
lection Biaise.
2 M. Jean-François de Sales, frère du saint évëque, qui étoit d'une humeur
austère, se jeta dans l'ordre des Capucins, et porta leur habit plus de dix
mois; mais sa santé ne lui permit pas d'y rester. En étani sorti, il fut fait,
chanoine de Saint-Pierre de Genève. Puis saint François de Sales le nomm»
son grand-vicaire.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. ^!^f7
VOUS pressera d'avoir plus de soin et de jalousie que nul
autre n'en sçauroit prendre; ni vous ne devés pas alléguer
au contraire que vous n'avés pas la connoissance des choses
ûes procès , car c'est la moindre des fonctions du grand vi-
caire , et pour le bon succès de laquelle il suffit qu'il ait de
la vigilance et du zèle , pour faire que les autres officiers
fassent bien leurs devoirs, et qu'il establisse un bon substitut
et de bons assesseurs. Mais de cela, nous en parlerons à
mon retour, Dieuaydant ; cependant, faites pour moy comme
si desja vous estiez estably ; et sera bon de mettre la cure de
Boussi au concours au plus tost. Je pense partir d'aujourd'huy
en huit jours , et d'arrester trois ou quatre jours en chemin,
estant prié par monsieur d'Angeville de passer à la Roche,
pour voir certain différend qu'il a avec ses chanoines.
La contagion ne fait nul progrés, grâces à nostre Seigneur,
sinon dans Genève , où elle moissonne rudement. Dieu vous
ybenissa, et je suis tout en luy vostre ^ etc.
348
OPUSCULES
xc.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A UNE ABBESSE DE L'orDRE DE SAINTE-CLAIRE.
Les Religieuses doivent renoncer à toute propriété. L'oraison doit être pra-
tiquée dans les communautés religieuses, et l'usage de la confession et de
la communion y doit être fréquent. Importance des confesseurs extraor-
dinaires; objection frivole sur ce sujei, avec ba'réponse. Utilité des com-
munications spirituelles : la manière d'en bien user.
Thonon, 12 septembre 1615.
Ne pensés jamais, ma tres-cliere Seur, que je puisse ou-
blier vostre personne , ni les nécessités temporelles de vostre
monastère, que j'ay trouvées, certes, encor plus grandes
qu'on ne m'avoit dit. Je prévois seulement qu'il nous faudra
attendre que ces soupçons de contagion cessent pour faire
faire plus fructueusement la queste, et cependant je feray
faire les patentes requises. Au reste, mon cœur amoureux
de la sainteté de vostre assemblée , quoy que je ne l'aye veuë
qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet
pas de partir sans vous exhorter en N. S. de poursuivre
constamment l'exécution de la sacrée inspiration que Dieu
vous a donnée de perfectionner de plus en plus cette ver-
tueuse compagnie, par une pure et simple privation de
toute propriété , par les exercices de la sainte Oraison men-
tale, et par une fervente fréquentation des divins Sacre-
ments.
» C'est la 352e de la collection Biaise, et la 64e du livre II des anciennes
éditions.
DE S. FRANÇOIS DE SALES» 349
Et ne doutés point , ma chère Seur, que le Père Garinus
ne vous soit favorable , si vous luy représentés naïfvement
et humblement vos dignes prétentions ; car c'est un docteur
de grand jugement et longue expérience, grandement zélé
aux Constitutions Ecclésiastiques, et à Testablissement du
Concile de Trente, comme sont tous les gens de bien. Yous
luy pourrés donc confidemment dire que vous m'avés touché
un mot de vos affaires; car je sçais bien qu'il ne le treuvera
pas mauvais, estant, comme il est, de mes meilleurs amis,
et qui sçait bien que je n'ay pas accoustumé de rien gaster,
et que je ne suis point un entrepreneur d'autorité, ains
homme qui ne trouble rien ; et pourrés encore luy dire tout
ce que j'ay dit; dequoy, pour vous rafraischir la mémoire,
je vous feray une répétition.
Premièrement, que le renoncement de toute propriété et
l'exacte communauté de toutes choses est un point de très-
grande perfection, et qui doit estre désiré en tous les monas-
tères, et suivy par tout où les Supérieurs le veulent : car, encor
que les Religieuses qui n'en ont pas l'usage en leurs maysons,
ne laissent pas d'estre saintes, la coutume les dispensant, si
est-ce qu'elles sont en extrême danger de cesser d'estre
saintes, quand elles contredisent à l'introduction d'une si
sainte observance tant aymable et tant recommandée par le
Père saint François et la Mère sainte Claire, et qui rend les
Religions riches en leur pauvreté , et parfaitement pauvres
en leurs richesses, le mien et le tien estant les deux mots
qui, comme disent les Saints, ont ruiné la charité ; et ne sert
à rien de dire, nostre voile, nostre robbe, nos chemisettes,
ou nos mutandes, si en effet leur usage n'est pas indiffèrent
et commun à toutes les Seurs, les paroles estant peu de chose,
si les effets ne correspondent. Et comme peut estre dite com-
mune une chose que nul n'employé que moy? Or, j'ai veu
en un monastère où j'avois un« forte proche parente, que
toute la difficulté de cet article ostoit en la douilletterie de
350 OPUSCULES
quelques Senrs , en ce qui regarde les chemisettes et Tes
linges; j'admiray que la lessive ne suffit pas pour ce sujet
à des filles de celuy qui baisoit tendrement les ladres, et
de celle qui baisoit les pieds des Seurs revenantes de
dehors.
Certes, qui es^ douillet de porter un linge ou un drap
lavé , parce qu'il a esté auparavant le lavement porté par son
frère Chrestien , je ne sçais pas comme il ose dire qu'il ayme
son prochain comme soy-mesme; et faut qu'il ait un grand
amour propre, qui le fasse estimer si net en comparaison des
autres.
Or, la façon de mettre tout en commun est bien aysée,
quand tout est ensemble en un coffre ou en une garde robbe,
et qu'une distribue à toutes, selon leurs nécessités, indis-
tinctement ce qu'il leur faut, sans avoir esgard à autre chose
qu'à la nécessité , et à la volonté de la Supérieure. En quel-
ques Congrégations mesme * on change les chapellets et
tous les petits meubles de dévotion, au sort, à chaque com-
mencement d'année.
Quant à l'oraison et à la fréquence des Sacremens, il n'y
a point de difficulté , ce me semble , sinon pour le dernier,
de gagner le Père Confesseur, aflin qu'il ne se lasse pas de
faire la charité aux Seurs, les oyant en Confession, quand
il en sera requis par la Supérieure.
Mais il y a un point d'importance duquel je vous touchay
un mot, que pour le bien de voslre famille vous devez de-
mander à vos Supérieurs, et qu'ils ne peuvent en bonne
conscience vous refuser : c'est que deux ou trois fois chaque
année ils vous ayent à offrir des autres Confesseurs extraor-
dinaires ( suivant le commandement du sacré Concile de
Trente ) , qui oyent les Confessions de toutes les Seurs» Et
la Congrégation des Cardinaux a déclaré que, les Supérieure
estans negligens en cet article , les Evesques le fassent eux*
* La Visitation observe cette pratique.
DE S. FRANGOÎS 1>E SALES. 3oV
mesmes, et que cela se fasse mesme plusieurs autres fois
l'année, s'il est requis. Or, il est requis, quand la Supé-
rieure void des Seurs grandement troublées et difficiles ou
répugnantes à se confesser au Coniesseur ordinaire, pourveu
que ce ne soit pas tousjours, ains par fois seulement et sans^
:abus.
Mais, pour ce dernier point, il semble qu'il ne soit pas
convenable de le demander, puis que l'ordre mis par le
•Concile suffit [ jur la satisfaction de vostre Congrégation..
Et ne faut nullement recevoir les allégations au contraire;,
car rien ne se fait en ce monde, qui ne soit contredit par les
■esprits minces et fascheux ; et de toutes choses , pour bonnes
qu'elles soient, on en tire des inconveniens quand on veut
les piquotter. Il se faut arrester à ce que Dieu ordonne et son
Eglise, et à ce que les Saints et Saintes enseignent, ny il
ne faut pas dire que vostre Ordre soit exempt des Constitu-
tions du sacré Concile : car, outre que le Concile est sur tous
les Ordres, s'il y a aucun Ordre qui doive obeyr aux Con-
ciles et à l'Eglise Romaine , c'est le vostre , puis que le Père
saint François l'a si souvent inculqué.
Mais , ce dit-on , il se pourroit faire qu'une fille sçachant
qu'elle pourra avoir un Confesseur extraordinaire, elle
gardera ses péchés jusques à sa venue , là où , si elle n'avoit
point d'espérance d'autre Confesseur, elle ne les garde-
roit pas.
Il est vray que cela pourroit arriver; mais il est vray aussi
qu'une fille qui sera si malheureuse que de fcàire des mau-
vaises Confessions et des Communions indignes pour attendre-
l'extraordinaire, elle ne fera pas grand scrupule d'en faire
plusieurs, et plusieurs mauvaises, pour attendre la mutation
<iu Confesseur, ou la venue du Supérieur. Et, en somme,
cet inconvénient n'est pas comparable à mille et mille pertes
d'ames que la sujettion de ne se confesser jamais qu'à un
seul peut apporter, comme l'expérience le fait connoistres'
352 OPUSCULES
et, en somme, c'est une présomption insupportable à qui
que ce soit, de penser mieux entendre les nécessités spiri-
tuelles des Fidèles, et de s'imaginer d'estre plus sage que
le Concile. Il vous faut donc tenir bon à ce point, et ne
se laisser point emporter aux considérations de l'esprit
humain.
Restent les communications spirituelles , lesquelles aussi
je vous dis estre fort utiles , pourveu qu'elles soient faites à
propos. Et premièrement, nul, comme je pense, ne les vous
peut défendre ; car, tant quej'aysceu voir en la règle de
S. François et de Ste. Claire, il n'y a rien qui les empesclie;
ains seulement ce qui y est dit empesche toute sorte d'abus.
Et je vous diray comme on les fait entre les filles de la Mère
Thérèse, qui sont à mon advis les plus retirées de toutes. Elles
se font donc en cette sorte :
La fille qui désire communiquer quelque chose , le dit à
la Supérieure : la Supérieure considère si la personne à la-
quelle on veut communiquer est de bonne qualité, et propre
à consoler ; et si elle est telle , on la mande prier de venir ;
et estant venue, on meine la fille qui veut communiquer à
la treille, et le rideau demeure sur la treille ; et puis on donne
tout à l'aise loisir de communiquer, chacun se retirant eu
lieu d'où on ne puisse ouïr ce que dit celle qui communique,
pourveu seulement qu'on la puisse voir. Que si on void une
fille qui vueille trop souvent communiquer avec un mesme,
passé trois fois, on luy refuse, sinon que l'on veid une grande
apparence de beaucoup de fruit, et que les personnes fussent
hors de soupçon de vanité , meures d'aage 06 exercées en
vertu.
Vous avés veu, je m'asseure, ce que la bienheureuse
mère Thr^^'^e en dit, et cela suffira pour respondre à tous
les inconveniens qu'on en pourroit alléguer. Et jamais ce ne
fut l'intention des Saints de priver les âmes de telles saintes
conférences, qui servent infiniment à beaucoup de vertus,
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 353
et sont sans danger, estant bien faites. C'est grand cas, comme
c'est une subtile tentation : nous voulons garder la liberté
de la propriété qiii est contre la perfection, et ne voulons
pas recevoir la lii'Jé des communications, laquelle estant
bien entendue nous ayde à la perfection. Nous trouvons des
inconveniens où les Saints n'en trouvent point, et n'en trou-
vons point où les Saints en trouvent tant.
Or, ces communications ne «e doivent pas faire pour
apprendre de diverses manières de vivre en un Monastère,
mais pour apprendre à mieux et plus ])arf alternent pratiquer
celle à laquelle on est obligé; et si elles n'empeschent point
les conférences publiques , ains elles servent pour les mieux
diriger , et appliquer une cbacune en son particulier.
J'avois oublié de dire que quand le Confesseur extraor-
ilinaire vient, il faut que toutes les filles se confessent à luy,
rxfm que celles qui en ont besoin ne soient pas découvertes,
et que le malin ne semé point de reproclies parmi la maison.
Mais celles qui ne veulent pas prendre confiance à l'extraor-
dinaire, pourront, avant que de se confesser à luy, faire
leur Confession à l'ordinaire, et, par après, dire seulement
quelques pecbés jà confessés a l'extraordinaire, pour servir
-de matière à J 'absolution.
J'ay esté bien long, ma tres-cbere Sœur; mais j'ay voulu
en cecy vous bien déclarer mon sentiment, afin que vous le
sçeussiez plus distinctement; et tenez bon hardiment, pour
introduire en vostre makon la sainte et vrayement religieuse
liberté d'esprit , et pour en banair la fausse et superstitieuse
liberté terrestre. Ramenés ces bénites âmes aux observances
<Ies saints Conciles, et vousserés bienheureuse. Nostre maistre
Garinus, et tous vos Supérieurs majeurs, gens discrets et
raisonnables, vous ayderont, je n'en doute point, et mesme
vostre bon Confesseur, qui est bien vertueux et sage Reli-
gieux, ainsi que je puis connoistre, et qui entendra bien la
raison , quand elle lui sera bien remonstrée,
VI. 23
354 OPUSCULES
Je vous salue mille et mille fois es entrailles de la miserî-
eoràe de nostre Seigneur, auquel je vous supplie de me re-
commander continuellement avec toute vostre chère et ver-
tueuse Compagnie.
Vostre plus humble en N. Seigneur,
F. Ë. de Genève^
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 355
Vw^/vw
XCI.
LETTRE* .
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Sur le fruit spirituel que les Pères Barnabites ont recueilli à Annecy, et sur
Tunion à leur couvent des prieurés de Silingre et de Saint-Clair.
Annecy, 29 février 1616.
Monseigneur,
II y a deux ans que , par commandement de V. A., les
Pères Barnabites ont esté receus en cette ville pour la
direction du collège, et ne se peut dire combien de fruit spi-
rituel ils y ont fait , et en toute cette province , qui a donné
un grand sujet à tous les gens de bien , de souhaiter plus
ardemment toute sorte de prospérité à V. A., de la quelle
l'authorité nous a prouveus de ce bonheur : mais, Monsei-
gneur, puisque la providence de Y. A. a planté ce bon arbre
fruitier en cette province , c'est à elle-mesme de Tarrouser,
afin que, par la grâce de Dieu , il puisse croistre. Le col-
lège est extrêmement pauvre pour la grandeur des charges
qui y sont, et si on ne le secourt par addition de quelques
revenus , ces bons Pères y vivront avec tant d'incommodités,,
que non seulement ils n'y pourront pas faire le progrés que
leur pieté et les nécessités de ce païs requi-'-ront.... Or les
moyens de leur accommodement seront fort aysés, pour peu
qu'il plaise à V. A. d'affectionner cet saint œuvre : car nous^^
avons icy deux prieurés ruraux, dont le plus grand n'excède
1 L'original en appartient à M. François Benoit d'Auvergne, prêtre séculier
de la congrégation de l'Oratoire à Turin. C'est la 179^ des lettres inédites de^
tacoUection Biaise.
«
^^" OPUSCULES
pas la valeur de cent ducats annuels , par l'union desquels
ce collège seroit fort soulagé, ^t ce qui est plus considérable,
comme ces prieurés seroyent utiles à Fentretenement de
ces Pères, ces Pères seroyent réciproquement extrêmement
îitiles à Fentretenement des prieurés, qui comme la pliipart
des bénéfices réguliers de co pais, s'en vont -u ruines, quant
aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux
services spirituels devant Dieu , qui sans doute en est gran-
dement offencé. Et non est qui recogitet corde. L'un- de ces
prieurés s'appelle ^ilingre, et l'autre Saint-Clair, tous deux
à une lieuë d'icy, fort propres à l'intention que je repré-
sente à V. A., laquelle je supplie très humblement, et sous
Fadveu de sa bonté, je la conjure par Famour qu'elle porte
au service de Dieu et de l'Eglise, et parla paternelle affec
tion qu'elle a envers ce pais, de vouloir estroitement embras-
ser et presser le bien de ce pauvre collège , qui est au cœur
de la Savoye et vis k vis comme antagoniste de celuy de
Genève , et qui est la première retraitte que cette vénéra-
ble Congrégation des Pères Barnabites a en deçà les monts
sous les favorables auspices de V. A. , la quelle en aura beau-
coup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu ,
et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saints
de Paradis. Cependant sur cet heureux présage , je fay très
humblement la révérence à V. A. comme estant ,
Monseigneur ,
Son très humble et très obeyssant orateur
«t serviteur ,
François, Ev. de Genève,
DE S. FRANÇOIS DE SALES. .^57
XCII.
LETTRE^
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL FRÉDÉRIC BORROMÊO|
ARCHEVÊQUE DE MILAN,
Saint François remercie S. G. de lui avoir envoyé âes-^*»bqnes du grand saint
Charles, et l'informe du redoublement de ferveur ^ui se manifeste en Sa-
voie pour le Saint.
111. et Rev. Seigneur,
Elle a été très-suave pour moi la sainte charité de Y. S. IlL,
qui a daigné conserver la mémoire d'un sujet aussi indigne
que je suis, et de* m'en donner une preuve aussi aimable, en
m'envoyant le présent de vénérables reliques du grand saint
Chai'les. Je les ai reçues par le moyen de monseigneur l'évê-
que de Belley , prélat de grande vertu. Je ne sais pas com-
ment je pourrai jamais remercier convenablement V. S. 111.,
sinon en m'inclinant humblement devant elle, et gardant le
' Cette lettre traduite en latin a été publiée dans l'ouvrage : De vita et ré-
bus gkstis sancti Cavoli Borromei , libri septem. — Mediolani , pag. 1135 in
notis. L'autographe en est conservé d.^ns la bibliothèque Ambrosiana de Milan.
C'est la 180^ inédite de la collection Biaise.
'T-Annessi, 29 fehb. 1616.
111. et Rev. signore padroii mio coltissimo,
Suavissima è stala verso di me la carità santa di V. S. 111. che si
ê degnata di conservar memoria di soggetto tanto indegiio corne io
sono , et di darne un segno tanto amabile comef stato il dono sacro
dellc venerandissime reliquie del gran S.-Carlo ricevute da me per
via di monsignor di Belley prelato di gran virtù. Et non so corne io
possa mai ringratiarne corne si conviene V. S. I. se non facendoli hu-
milissima riverentia et restando oel silentio quanto a questo; con
3'i8 OPUSCULES
silence (|nant à cela. Cependant je lui annoncerai que dans
nos pays et dans toute la franco , la gloire de ce Saint et la
dévotion qu'on lui porte s'étendent et se propagent avec une
-admiration et une tendresse toute cordiale pour sa sainteté
si parfaite. Ici, en particulier, le jour de sa fête, monsei-
gneur l'archevêque de Lyon étant venu pour m'honorer de
sa présence, il a fait un sermon dans l'église de nos Pères
Barnabites "wec tant d'éloquence apostolique , que c'a été
pour nous tous comme un parfum de douceur et de suavité ,
ei l'on ne peut exprimer avec quel plaisir on a entendu les
louanges de ce Saint. Par le moyen de sa relique , beaucoup
xie malades ont reçu du soulagement. Dieu veut donc, à ce
que nous devons croire, que la vénération pour son serviteur
croisse et tleuriss<î dans ces contrées. Si j'avois un usage plus
habituel et plus riche de la langue italienne, et que je ne
craignisse pas d'être importuna V. S. IlL, je m'étendroissur
d'autres particularités. Mais il est raisonnable que je de-
meure dans les termes du respect du à votre excellentissime
dignité, et qu'en vous baisant humblement les mains sacrées
darglie pero questo grato raguaglio chè in questi paesi di quà e per
tutta la Francia si dilata et amplifica excellentamente la gloria et di-
AOtioiie di qupî beatissimo Santo con ammiratione et stima cordia-
lissima délia sua perfeclissiina santità. E qui in particolare il giorno
délia sua Testa monsignor arcivescovo di Lione essendo venulo per
sfavorirme délia sua presenza fece il sermone nella cliiesa di nostri
padri Barnabiti con tanta eloquentia aposLolica, chè tutti ne restas-
rsimo rapiti di dolcezza et suavità^ e non si puô dire con che gusto
'furono scntite le latidi di quel santo. E col mezzo délie rellquie sue
sono seguite gratie in molti infermi, il che fa credere chè Iddio
\uole chè la veneralione di quel suo servo cresca et liorisca in queste
bande. Se io a^iessî copia et uso maggiore délia lingua italiana, e non
/temessi di esser importu'Ho a V. S. I., mi stenderei in altre partico-
larità. Ma è anohe ragi0ne\'ole chè io stia nelli termini del rispetto
dcv-iflo aU* exceUenitâsarnia dignità sua et chè bacsdandoli humilissi-
DE ». FRANÇOIS DE SALES. 359
>et en vous souhaitant toute vraie prospérité , je finisse par
fléclarer éternellement, votre très-humble et très-dévoué
serviieur^
François, Evêque de Genève.
mamcnie le sacratissime mani et pregandoli ogni vera prospérité,
iinisca protestando di restar eternamente^
m V. s. m. et Rev.,
Humilissimo et divotissimo servo,
Francesco f Yescoyo di Geney*.
360
\A/\/V>
OPUSCULES
xcra.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
AU PÈRE EN NOTRE-SEIGNEUR, LE PÈRE DOM JUSTE GUERINr , BARNABITE,
A SAN-DALMAZO.
II rassure qu'il sollicitera, en faveur des Barnabites, la protection des princes
de Savoie.
Annecy, 10 mars 1616.
Mon révérend Père , nos bons Pères d'icy ont esté d'advis
que je fisse une recharge à son Altesse et à messeigneurs les
Princes, pour les affaires de Thonon; ce que je fay fort à
propos , ce me semble , sur l'occasion que Monseigneur le
Prince Cardinal m'a donnée de le remercier de l'advis qu'il m'a
envoyé du bon commencement qu'il y a en la négociation
faite pour la canonisation du bienheureux Amé ; car, d'autant
que ce bienheureux Prince naquit à Thonon, je prends sujet
de recommander l'introduction des Pères en ce lieu-là.
J'en fay de mesme avec son Altesse et Monseigneur le
Prince , me trouvant obligé de leur tesmoigner la joie que
j'ay en l'espérance de cette canonisation.
Que si vous-mesme donnés les lettres , vous pourrés adjous-
ter que l'an passé , sur l'eminent danger auquel Thonon fut
de la contagion , quand je dis à ces peuple la confiance qu'il
doit avoir aux prières du bienheureux Prince, de la naissance
duquel leur ville avoit esté honorée , il? ^n tesmoignerent
tous un ressentiment .et une espérance extrêmes. Fratanto,
me recommandant à vos oraysons et bonnes grâces, je suis
sans fin de tout mon cœur , mon révérend Père , vostre, etc.
» Communiquée par les dames de Miramion. C'est la 368« de la coUect. Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 3SI
XCIV.
LETTRE*
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A SON ÉMINEKCE LE C3DINAL DE SAVOIE.
n lui témoigne la joie de la nouvelle dignité de ce prince, et il lui recoia»
mande les Barnabites.
Annecy, 10 mars 1616.
Monseigneur ,
Je loue Dieu et bénis son saint nom , du bon achemLB#-
ment qu'on a donné à la canonisation du glorieux et bieït>
heureux Amé. Nul, comme je pense, ne sauroit désirer la.
perfection de ce saint projet avec plus d'affection que mof,
qui prévois que tout ce peuple de deçà en recevra une ex-
trême consolation et un grand accroissement de dévotion;,
spécialement à Tlionon , lieu de la naissance de ce graiîfl
Prince , où Tannée passée, lors des premières apprehensioiss
de la peste de Genève , je remarquay un mouvement univer-
sel de confiance es intercessions de ce bienheureux amy de
Dieu , lors que je leur representay le juste sujet qu'ils em
avoient , pour l'honneur que leur air avoit eu d'avoir servi
à la première respiration de ^e grand Prince.
Et pleust à Dieu que le très saint Père cust esté suppiil
d'accorder une troisième messe solennelle avec indulgence
pleniere pour ce lieu-là ; car je m'asseurp qu'en cette coar
templation sa Sainteté i'eust volonliers accordée. Mais puk
que cela n'a pas esté fait , je veux espérer en la bonté efe
* C'est la 369« de la collection Slaise, et la 31«» du livre !«' des ancie^iàaE
éditions.
362 OPUSCULES
équité de vostre Altesse , que nous ne serons pas laissés en
oubly pour la distribution des médailles; et cependant. Mon-
seigneur, je la supplie tres-humblement d'embrasser ferme-
ment la protection de l'introduction des Pères Barnabites en
la sainte Mayson de ce lieu-là de Thonon et au prieuré de
Contamine. Vostre Altesse fera sans doute en cela un œuvre
grandement aggreable à la divine Majesté , et lequel il me
semble que le bienbeureux esprit du glorieux Prince Amé
luy recommande dés le ciel très saintement; estimant que
comme par ses prières Dieu fortifia le cœur de son Altesse
pour establir la sainte dévotion par le moyen de ces bons Reli-
gieux qui assisteront et arroseront les vieux arbres afïin
qu'ilz multiplient en fruits de pieté, et esleveront les enfans
comme jeunes plantes, à ce que la postérité devance, s'il se
peut , les prédécesseurs, et sçacbent tant mieux révérer leur
saint Prince Amé , et obeyr en toute sousmission au sceptre
et à la couronne qu'il a laissée en sa serenissime Mayson,
que Dieu vueille faire à jamais prospérer. Monseigneur,
selon les soubaits continuels du très humble , etc.
/
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 363
^/\/\^\/^\
xcv.
lettre'
A SON ALTESSE CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
(L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin.)
^Question de la canonisation du bienheureux Amé , et affaire des Barnabites.
Annessy, 12 mars 1616,
Monseigneur ,
Je sçay que la charité et pieté de V. A. est Lien ferme au
projet qu'elle a pour Fintroduction des Pères Barnabites à
Thonon , à laquelle est attachée la conservation du prieuré
^e Contamine à la sainte Mayson de ce lieu-là , pour l'usage
jtentretenement desdits Pères et de leur collège. Néanmoins
puis que c'est mon devoir, je fay derechef ma très humble
supplication à Y. A. pour ces mesmes fins, luy ramentevant
seulement, que Thonon est.le lieu de la naissance du bienheu-
reux Amé, de la prochaine canonisation duquel je me resjouis
infiniment , présageant en icelle beaucoup de très sainctes
bénédictions sur la couronne qu'il porte en ce monde, et
sous laquelle il alla si heureusement estre couronné en
Pautre.
Je fay très humblement la révérence à V. A. et suis im-
mortellemenl ,
Monseigneur,
Son très humble , très obyessant et très fidèle
orateur et serviteur ,
François , Ev. de Genève.
* C'est la 183« parmi les lettres inédites de la collection Biaise. Elle est la
même pour le fond que la 51* du livre 1" des aiiCiennes éditions.
364 OPUSCULES
XCVI.
LETTRE^
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François recommande à S. A. les habitants de la Savoie, et lui témoigne
sa reconnoissance pour Tintroduction de l'industrie de la soie.
Anneci, le V«ndredi-Saint 29 mars 1616^
Monseigneur,
La charité et bonté queV. A. atesmoignées envers ces bons
peuples de deçà, par le soin qu'elle a eu de faire réussir les
projets de l'introduction de l'art de la soye en ces pais, et des
PP. Barnabites à Thonon, ne peut jamais estre assez digne-
ment remerciée; mays, à la faveur de la sainteté de ce jour,
j'en fay néanmoins tres-humblement la révérence et Faction
de grâces à Y. A., la suppliant de continuer sa dilection et
protection sur cette province, en laquelle l'advancement de
la gloire de Dieu est de si grande conséquence et plein de
mérite pour V. A., que sa Divine Majesté fasse à jamais
prospérer es bénédictions que luy soubaitte,
Monseigneur,
Yostre très humble et très obeyssant orateur et serviteur,
François, Evesque de Genève.
5 L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 184*
es lettres inédites de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 365
XCVII.
LETTRE*
A UN GENTILHOMME DE LA COUR LU DUC DE SAVOIE.
Saint François lui parle des entretiens qu'il a avec les ecclésiastiques qui vont
le visiter : il le prie de le protéger auprès de S. A. contre les calomnieuses
accusations.
Anneci, 4 avril 1616.
Monsieur,
J'ay receu la lettre de S. A. par laquelle elle tesmoigne
d'aggréer que je fasse les sermons du Caresme venant à Gre-
noble ; et ay veu par celle qu'il vous a pieu ni'escrire le soin
que vous avés eu de lire ce que j'escrivois à sadite A. sur le
sujet de la venue de Monsieur FArclievesque de Lyon en
cette ville. Dont je vous rends grâces, Monsieur, d'autant
plus afïectionnément et humblement, que ces bons offices
n'ont origine que de vostre bonté et courtoysie, la quelle je
vous supplie de vouloir exercer en toutes telles occasions qui
m^arrivent plus souvent que je ne desirerois pas; plusieurs
prélats de France me faysant l'honneur de m'aymer, et de
me vouloir visiier encore qu'ilz ne me connoissent pas, peut
estre par ce qu ilz ne me connoissent pas. Mays, Monsieur,
ce sont visites de simple pieté et affection spirituelle, n'ayant,
grâces à Dieu, jamais rien eu à demesler avec homme du
monde , ni ne m'estant jamais meslé de chose quelconque,
qui regarde les affaires séculières ; et en vérité , oncques il ne
m'est advenu d'avoi'^ <ts\A seulement essayé par homme qui
vive, ni qui ayt esto de ce costé-là, qui me rend d'autant
plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs
' L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 185*
des lettres médites de la collection Biaise
366 OPUSCULES
ecclésiastiques sont considérées comme suspectes, ne pouvant
seulement deviner ny f»ourquoy ny en quoy, puis que mesme
je suis en toutes façons Savoyard, et de naissance et d'obli-
gation , qui n'ay ny n'eus jamais , ny pas un des miens , ny
office , ny bénéfice , ny chose quelconque hors de cet estât,
et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclésiastiques,
qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis
meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidé-
lité que j'ay vouée et jurée à S. A.
Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci ^
affin que s'il vous plaist de me favoriser en ces occurrences,
vous sachiés ces généralités de mes conditions , qui sont fon-
daments comme je croy bien solides pour bastir sur iceux
les défenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui
m'a desja si souvent fasché tousjours sans ma coulpe, grâces
à Dieu , ainsi que le tems a fait voir, qui de plus en plus
descouvrira l'invariable ingénuité et franchise que j'ay en
mon devoir de sujettion naturelle envers la couronne sous
laquelle je suis né et nourry.
Ces jours passés Monsieur l' Arche vesque de Bourges, es-
tant à Nantua , vint icy me visiter et une sœur religieuse
qu'il y a. Dequoy j'advertis soudain Monsieur le Marquis de
Lans , et je croy qu'il aura fait passer l'advis vers S. A. Tout
cela , Monsieur, sont offices d'amitié , de civilité et de pieté
rendus à la bonne foy par ces prélats, et que je ne puis em-
pescher par aucune sorte de légitime prétexte, puis que je
n'oserois seulement penser de leur fai\e semblant de la peine
que mon esprit a dequoy leur visite me fait regarder. Yostre
charité. Monsieur, me protégera, s'il luy plaist, et je l'en
conjure par celle de nostre Seigneur, que je supplie vous estre
propice et vous combler de ses bénédictions, demeurant pour
tousjours, Monsieur,
Yotre très humble et aûectionné serviteur,
François, Evesque de Genève.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 36*
»\/>>ws^vr
xcvin.
LETTRE'
A S. A. CHARLES EMMANUEL l"', DUC DE SAVOIE,
6ur le prieuré de Contamine pour dotation des pères Barnabites de Thonon.
Anneci, 16 avril 1616.
Monseigneur,
Les grâces que la bonté de V. A. nous a faites me donnent
confiance d'en requérir tousjours de nouvelles, puis que
mesme elles tendent toutes à la gloire de Dieu , que vostre
pieté ne se lasse jamais de servir et accroistre. Les PP. Bar-
nabites sont establiz à Thonon; reste de les y conserver, et
pour cela il est requis que le prieuré de Contamine, sur lequel
leur entretenement est principalement assigné , soit mis en
asseurance pour eux , et délivré de la conteste que le sieur
abbé Scaglia en fait , ce que la prudence de V. A. fera fort
aysement par les moyens convenables. Dieu soit à jamais au
milieu du cœur de Y. A. pour le remplir de bénédictions, et
je suis invariablement ,
Monseigneur,
Vostre très humble, très fidèle et très obeyssanf
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
* L'original en est conservé aux Archives de la Cour àà Turin. C'est la 18$
ies lettres inédites de la coHection Biaise.
158 OPUSCULES
XCIX.
I
MÉMOIRE
Pour la Réformation des Religieux et Religieuses, présenté par saint François
DE SALES A M. LE piiiNCE DE PIÉMONT, à Annecy *. (Tiré de la Vie du Saint
par Auguste de Sales, tom. II, liv. VIII, pag. 130.)
(Vers le mois d'avril 1616.)
La dépendance que les Religieux ont de leurs Abbez et
Prieurs commendataires engendre continuellement des pro-
eez, noises et riottes scandaleuses entr'eux. Il seroit donc
peut estre à propos de séparer le lot et la portion des biens
lequis à l'entretenement des Religieux, Monastère et Eglise,
â'avec le lot et la portion qui pourroit rester à l'Abbé ou
Prieur commendataire ; en sorte que les religieux n'eussent
aien à faire avec F Abbé, n'y l'Abbé avec eux, puis que char.un
é'eux auroit son faict à part , comme l'on a faict tres-utiîe-
laent à Paris , des abbayes de sainct Victor et de sainct Ger-
main. Et par ce moyen les Supérieurs cioistriers auroyent
ioute l'authorité convenable pour bien reformer les Monas-
tères, réduisant la portion des Religieux en communauté.
Et pourroit-on aussi changer les Supérieurs , par élection,
ée trois ans en trois ans.
Et à fin que la reformation se fîst plus aisément, il seroit
Tequis que cet ordre se mist premièrement à Talloires, où il
j a des-ja un bon c'ommencement de reformation , et par
* La guerre étant allumée dans le Genevois par le duc de Nemours, qui, après
ifHie retiré mécontent d'auprès de Son Altesse le duc de Savoie , avoit résolu.
ées'eu rendre maître souverain, et la ville d'Annecy étant en danger d'être
|iîse, le prince de Piémont, Victor Amédée, vint à son secours, et descendit
fMt droit à la maison du saint évêque, lequel profita de l'occasion, et lui
jBésenta ce Mémoire pour la Réformation des Religieux et Religieuses.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 369
après il faudroit sousmetlre à Talloires tous les monastères
de rOrdre de saiiict Benoist, à fin qu'on y instalast la mesmç
reformation. Mais quant aux monastères de l'Ordre àb
Cisteaux , je ne vois pas qu'aucune reformation s'y puisse
faire, sinon en y mettant des Religieux Feuillens, comme
on a faict à la Consolate de Turin , à Pignerol et en Abon-
dance.
Il y a de plus des monastères de chanoines réguliers de
sainct Augustin qui n'ont pas moins besoing d'estre refor-
mez ; ce qui malaisément se pourra faire , sinon par change-
ment d'Ordre. Et semble qu'il seroit expédient d'en retirer
quelques uns dans les villes, comme pour exemple, le mo-
nastère d'Entremont à la Roche, pour accroistre là le nombre
des chanoines , et y establir un notable service, avec un théo-
logal et un pénitencier, ayant esgard au voisinage et continuel
commerce de ceux de Genève avec ceux de la Roche. On
pourroit aussi en convertir d'autres en des congrégations de
prestres de l'Oratoire , comme , pour exemple , le monastère
du saint Sépulcre de la ville d'Anicy ; et les autres, les an-
nexer au collège de la mesme ville , comme le prieuré de
Pellionex.
Or ce qui est dict de retirer quelques monarsteres dans les
villes pour accroistre le nombre des chanoines regarde le bien
de la noblesse de tout le païs de Savoye , laquelle est nom-
breuse en quantité , mais la pluspart pauvre , et laquelle n'a
aucun moyen da loger honorablement ses enfans qui veu-
lent estre d'Eglise, sinon es bénéfices qui se distribuent
dans le paîs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquels
on pourroit introduire sainctement de ne devoir estre distri-
buez que par le concours aux gentilshommes ou docteurs.
Son Altesse donc, pour ce regard, pourroit faire uneinstruc-.
tion à son ambassadeur pour obtenir de sa Saincteté une
commission à FArchevesque de Tarentaise , [à TEvesque] de
Maurienne et àceluy de Genève, pour procéder aux establis-
VI. 24
370 OPUSCULES
semenssiisdicts, en sorte neantmoins que, l'un de ces prélats
se treuvant absent, les deux autres puissent procéder; et les
procureurs gênerai et patrimonial chargez de tenir main en
toutes occurrences à Texecution, avr^ expresse recommanda-
tion au sénat d'assister en toutes les occasions qui le requer-
royPBt.
Quant aux Religieuses, il seroit aussi requis qu'on retirast
les trois monastères de Cisteaux dans les villes, à lin que
leurs deportemens fussent veuz journellement, qu'elles fus-
sent mieux assistées spirituellement, et qu'elles ne demeu-
rassent pas exposées aux courses des ennemis de la foy ou de
TEstat, à l'insolence des voleurs, et au desordre de tant de
visites vaines et dangereuses des parens et amis; joinct que
de les enfermer aux champs esloignez d'assistance , c'est les
faire prisonnières misérables, mais non pas Religieuses, ainsi
que l'on prétend de faire par les bonnes exhortations qu'elles
recevront dans les villes : et aussi le sainct concile de Trente
ordonne qu'on les y réduise pour ces mesmes causes. On
pourroit donc réduire celles de saincte Catherine en la ville
d'Anicy, celles de Ron-lieuà Rumilly, et celles du Betton à
sainct Jean de Maurienne, ou à Mont-meillan ; et quant à
celles de saincte Claire hors ville de Chambery, on pourroyt
aussi les réduire dans la ville mesme de Chambery.
Mais à fin qu'à mesme temps qu'on les reduiroit toutes es
villes la reformation se fist, il seroit requis que sa Saincteté
commist quelque prélat qui establist es monastères tous les
reiglemens ordonnez par le concile de Trente , et leur don-
nast des Supérieurs ausquels on peust avoir recours facile-
ment. Son Altesse donc, pour ce subject , pourroit faire
dresser une instruction à son ambassadeur, à fin qu'il obtinst
^ux commandemens de sa Saincteté, l'un à l'abbé de Cis-
teaux , gênerai de FOrdre , à ce que promptement il fist re-
tirer les Religieuses des monastères de Savoye dans les vilj^
voisines, en îieru propre à leur demeure, en attendant
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 371
qu'elles eussent faict un nouveau monastère; l'autre à FEves-
que de Maurienne et à TEvesque de Genève , à ce qu'ils tins-
sent main que tous les reiglemens ordonnez par le Concile
fussent establis , non seulement es monastères de Cisteaux,
mais en tous les autres monastères de femmes qui sont eu
Savoye; et le procureur gênerai chargé de tenir giain à Fexe»
cution de l'intention de son Altesse,
372 OPUSCULES
LETTRE*
AU CARDINAL BELLARMIN.
Il sollicite le nom de religion et quelques autres grâces pour les Dames de
la Visitation , et entre, à cet etfet, dans le détail des principaux exercices
de cet institut.
Annecy, 10 juillet 1616.
Quoique je ne sois pas connu dans le monde ni dans la
Tille de Rome, et que pour cette raison, je n'aie aucun crédit,
ee qui me console , c'est que celui à qui j'ai l'honneur d'a-
dresser mes présentes supplications , est bien connu et sin-
gulièrement aimé, non -seulement dans cette capitale du
monde chrétien, mais encore par toute la terre ; et malgré le
respect que m'inspire la dignité de votre illustrissime et ré-
vérendissime seigneurie , je fais cette démarche avec d'au-
tant plus de confîanee, que j'agis par le motif de charité qui
est en notre Seigneur.
Nous avons , tant ici qu'à Lyon , deux Communautés de
filles et de veuves , lesquelles , sans être Religieuses , ou ,
pour mieux m'expliqu^,r , étant simplement oblates, ne
1' C'est la 13e du livre I^' dans les anciennes éditions, et la 375* de la col-
lection Biaise.
Urbi et orbi ignotus, orbi et urbi notissimum et amantissimum
cardinalem, secuiîdùm eam quae in Christo est charitatem, precibus
confidenter aggredior.
Habemus hîc et Lugduni unam et alteram virginum et viduarum
congregationem , quaî, licet veriùs oblatae quàm veri nomiriis reli-
giosœ aut moniales censendai sint^ lumen castitatem ac sacram pu
s
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 373
laissent pas d'observer très-religieusement et très-saintement
la chasteté, la pauvreté et l'ohéissance. Elles ne sont pas non
plus obligées à la clôture, et cependant on peut dire qu'elles
la gardent perpétuellement avec une grande ferveur, vu
qu'elles ne sortent jamais que pour des causes très-graves,
très-saintes et très-nécessaires. Elles ont des heures assignées
chaque jour pour réciter ensemble, d^ns le chœur, le petit
oirice de la bienheureuse Yierge. Gela se fait avec une si
nnlile décence , et d'un ton qui respire tant la piété , que
Ton seroit en peine de dire laquelle des deux, de là douceur
du chant ou de la gravité, l'emporte sur l'autre. Elles em-
ploient à l'exercice angélique de l'oraison mentale deux
heures par jour, une le matin et l'autre le soir, et en retirent
un fruit merveilleux. En un mot , elles me remettent dans
la mémoire ces saintes femmes dont S. Grégoire de Na-
zianze , écrivant à Hellénius, ne lit point de difficulté de
aire, dans des termes magnifiques, qu'elles étoient des astres
du firmament et de très-brillantes étoiles de Jésus-Ghrist.
Il n'y a pas long-temps qu'étant allé saluer M. le révé-
dicitiam sanctissimè colunt, obedientiam simplicissimè amplec
tuiitur, paupertatem religiosissimè sequuntur; et quamvis ex eariim
ritu clausurœ non sint addictœ, eam nihilominùs ex animi fervore
propemodùm servant perpetuam, quandoquidem nunquàm, nisi gra-
yissimis et piissimis causis impelientibus^ extra domum pedem eiïe-
runt; sed slatutis hovis, iisque apte per totum diem dispositiS;, offi-
cium parvum beatissimrc Yirginis simul in choro recitant, cantii ad
pictalis regiiius tam féliciter formato, ut vix dici qiieat - num gra-
\itatem siiavitas, vel suavitatem gravitas siiperet. Orationi verô illt
angelicLC, quam inentalem vocant, duabus item horis, arià matulinà,
ahà vespcrtinàj maximo cum fructu operam navant, ac, ut uno verÎDO
coDcliidam, iilas mihi roferre videntur foeminaS;, de quibus sanctus
Gregorius Nazianzenus ad Ilellenium tam magnificè loquitur, ut eas
cœlestia et pulcherrima Christi sidéra nominare non vcreatur.
Yerùni cùm non ità pridem reverendissimum dominum archiepis-
copum Lugdunensem s:îlutaKdi gratiâ adiissem, verbaque simul de
374 OPTSCLXES
dissime archeTeqae de L s discours qoe
nons tînmes sur nos affa.- .- _ . ^ _^._— , _. js tombâmes
SUT ces deux Gommnnaatés de femmes, qui sont en si bonne
odeur ai l'un et l'autre diocèse , à cause de leur piété , que
l'on juge qu 'il est de la dernière importance qu'elles soient
gouvemées sagement.
n me fit entendre qu'il seroit à propos qu'elles prissent
quelqu'une des r^les qui sont approuvées par l'Église,
qu'elles gardassent la clôture , et qu'elles fissent des vœux
solennels. Je consentis volontiers à ses propositions , tant à
cause de l'autorité que ce grand bomme a sur mon esprit,
de sa science et de sa piélé , qui le font admirer de tout le
monde , qu'à cause de la gloire attachée au titre de religion,
que j^ai toujours estimé très-honorable à ces dévotes congré-
gations.
Ce fut dcMic là notre conclusion ; et quand ce vint à Texé-
cntion de ce dessein , et que nous eûmes conunencé à j iTar-
i^aiHer, nous trouvâmes en elles une très-grande prompti-
tude et une admirable facilité à obéir.
£ntre leurs exercices de piété , il y en a trois qui leur
reroffl nostramm ecelesiasticamm stata miscêremas , incidît inter
alîa senno de istîs duabos congregationibus molienim , qnaram odor
suaTÎssîiDiis est in otràque dicEcesi^ ot proindè earom recta guber-
natio maximi omnlDÔ Tideatur esse momenti.
Cùmqae ille saggereret operx pi?tiam fore, ut imprimis eas ad
fegiilam aliqaam religiosam, ei iis qu« ab Ecclesiâ approbats sont,
et ad clansoram^ ac vota solemnia amplectenda, iDdaceremns; ega
quoqae in eam s^tentiam facile descendi, tom ob Tin singolarem
in me anctoritatem , alqae perspectam omnîbns peritiam et pieta-
tem, tnm ob nominis religiosi sploidorem, qoem magno omamento
Mtis, alioqoîn pii^mis, congregationibus futurum eiistimabam.
Ità ergp inter nos statutum est : atque ubi id aggredi cœpimns^
mîram in eis et suaTÎsamam ad obediradum animorum ^omptitu*
dÉMm et facilititem inrenimus.
Tdatantùm habent in usa peculiaria pietatis ofi&âa, qos sammo»
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 375
tiennent fort au cœur. Si le Saint-Siège daigne les leur per-
mettre , il n'y aura rien de dur ni de désagréable dans ce chan-
gement d'état : ils sont tels qu'ils ne répugnent nullement,
à mon avis, à la clôture et la à vie reliiiieuse des femmes;
et tous ceux qui savent comment on se gouverne en France,
jugeront que la piété en recevra un irrand accroissement,
bien loin qu'elle en reçoive la moindre diminution.
Le premier de ces exercices est la récitation du petit oiEce
de ?sotre-Dame; car elles ne sont pas obligées au grand
office. La raison de cela est qu'elles reçoivent souvent des
femmes âgées qui ne peuvent apprendre le grand bréviaire
avec toutes ses rubriques , ni le réciter distinctement avec
les pauses et les accents convenables , au lieu qu'elles pra-
tiquent tout cela facilement en récitant le petit office. Cette
raison est sans doute digne de ccmsidération , parce que ,
parmi le grand nombre de monastères de femmes qui sont
répandus par tout le monde , il n'y en a pas qui prononcent
plus mal le latin que les Françoises. Il seroit donc impossible
perè illis cordi sunt ; et quae si ab apostolicà sede concedantur, nihil
in hàc status mutatioDe durum ^ nibil insuave futunim est. £a autem
sunt ejusmodi, quae, quantum e\istimo, cum clausurà, aut statu re-
ligioso mulierum, minime pugnent; quaeque peritis rerum nostrarun^
Gallicarum sestimatoribus non solùm non inmiinuere, sed etiam plu-
rimùm promovere pietatem Tideantur.
Prinium est, ut ad ofûcium cléricale, quod magnum vocant,noa
obligentur, sed tanlùm ad ofticium parvum beatissimaB Yirginis-
Hujus autem barum desideri» ratio est, quia in illis congregationibus
plerumquè recipiuutur mulieres jam adultae, qu* ofticium magnum,
cum illius rubricis, vix ac ne vii quidem addiscere possent; deindè
quia brève illud officium beat<e Tirginis, magnà vocum , accentuuin^
pausaruraque distinctione célébrant, quod nequaquam, si longius'
officium recitandum foret, pnestarepoKent. Quod ideô maximà con-
sideratione dignum est, quia inter omnes totius orbis mulieres, nulls
sunt quie inepîiore latini sermonis pronuntiatione utantur quàm Gal-
licae ; quas proindè impossibile esset accentuum , quantitatum , et
376 OPUSCULES
qu'elles observassent les l'ègles de la prononciation dans une
si grande variété d'olFices, de leçons et de psaumes. En effet,
c'est une grande pitié que l'ignorance de la prononciation
latine dans la plupart des couvents de femmes : car elle va
si loin que les plus dévots même ont de la peine à s'empêcher
de rire , et que les impies et les demi-savants s'en moquent
et s'en scandalisent.
La seconde espèce d'obligation consiste à permettre aux
v.'nves de demeurer quelquefois des années entières avec
elles, et do faire les offices de la congrégation en habit sécu-
lier, mais très-modeste. Au reste , elles ne font point cette
faveur à toutes sortes de veuves, mais seulement à celles qui,
désirant entrer en religion, pondant qu'elles songent se' ieu-
sement à mettre ordre à leurs affaires temporelles , à renon-
cer au monde , à éviter la poursuite de ceux qui les vou-
droient faire passer à de secondes noces , tâchent de cacher
avec prudence le trésor de leur chasteté , qu'elles gardent
dans des vases d'argile, de peur qu'en les portant dans leurs
mains à la vue des enfants des hommes , elles ne l'exposent
à devenir la proie des voleurs.
rectse pronuntiationis loges, in tan ta officiorum, lectionum et psal-
morum varietate, observare. Undè dolendum est, tantam in pie-
risque monastenis mulierum pronuntiationis imperitiam audiri, ut
etiam alioquin cordatis auditoribus interdùm risum, scioJis verè et
hœresi infectis cachinnum moveant et scandalum.
Secundum est, quod viduas interdùm etiam aii (uot aim^s, in ha-
bitu sœculari, sed tamen modestissimo, secum ad congregationis
pia officia exercenda habitare permittant : verùm non «anè quidera
om.nes viduas, sed eas tantùm quaî, cùm religionem ingredi cupiant,
intérim dùm de nuntio sœculo ac nuptiarum interpellatoribus re-
mittendo scriô cogitant, thesaurum castitatis, quem in vasis ficti-
libus portant, abscondere prudenter quœrunt , ne in manibus illuni
portantes ii: conspectu filiorum hominum, latronum deprœdaticni
objiciant.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 377
Le fondement de cette pratique est que , dans ces pays-ci,
les hommes tendent des pièges aux veuves, et même aux
plus dévotes, avec une telle liberté et dissolution, par les ca-
joleries et les amorces ordinaires aux gens du monde , que ,
bien qu'elles soient résolues à demeurer dans l'état d'une
parfaite viduité, à grande peine peuvent-elles en exécuter le
dessein. C'est pour remédier à ces inconvénients qu'on leur
procure un moyen si sak taire; et comme elles observent
l'obéissance et une exacte clôture ( car à peine sortent-elles
une ou deux fois l'année pour régler leurs affaires domes-
tiques ) , il n'en peut arriver de dommage , mais , au con-
traire , il résulte un grand bien de cette conduite. On peut
même avancer qu'il y a moins de péril en cela qu'en ce qui
se pratique dans un grand nombre des plus saints monas-
tères, où les sœurs converses sortent et rentrent, vont et
viennent pour les affaires de leurs maisons. Il y a aussi
moins d'inconvénients que de recevoir déjeunes tilles pouf
les instruire, ce qui est néanmoins très-commun. Au reste,
il est assez indifférent à une Communauté , qu'une jeune
enfant y soit admise pour y être instruite , ou qu'une veuve
y demeure pour mettre à couvert sa chasteté : ceux qui con-
Hujus autem desiderii ratio est, quia in istis regionibus tantàli-
bertate viri viduas, quaravis piissimas, colloquiiset irritamentis sse-
cularibiis infestant^ ut qate veram viduitatem colère volunt, vix id
tutô prœstare possint; qiiibus bac via optimè corisulilur. Gùmque
hujusmodi viduae obedientiam et exactani propemodùm clausuram
observent (vix enim seniel bisque quotannis^ ad domestica n(>gotia
componenda ^ illis egredi contingit), nibil onininô dispendii, plt-
rimum vero compendii huic consuetudiu". ina^sy existimandutn est.
Iir.mo verô multo minus ea periculum habet, quàni qua^ in pleris-
que piissimis monastcriis viget, ut sorores conversLC , negotiorum
gerendorum gratià, egredi etregredi possint; neque multo plus dit-
Licultalis quàm illa, qua) tam^n satis Irita est^ ut puclhc educationis
gratia in monasteriis recipiantur. Quid enim interest nùm pueila
«ducationis^ vel vidua castiUitis ^ïiliâ, in monasterio degatVQa.e
378 OPUSCULES
noissent les mœurs et le génie des François, confesseront
que tout ceci est dans l'exacte verilë.
La troisième espèce de devoirs se rapporte non-seulement
aux veuves qui ont un vrai dessein de renoncer au siècle ,
mais encore aux femmes mariées , qui , voulant mener une
nouvelle vie en Jésus-Christ , et faire des confessions géné-
rales après quelques jours d'exercices spirituels , ont besoin
de se retirer pendant ce peu de temps dans un lieu éloigné
des embarras des choses séculières. Et , certes , on ne peut
exprimer dignement les fruits abondants que produit cette
sainte hospitalité ; car, par ce moyen , on pourvoit non-seu-
lement au repos de ces personnes , mais aussi à la honte
qu'elles ont de se faire connoître , honte assez ordinaire aux
personnes du sexe ; et on met à couvert l'honneur et la pu-
deur. Pour cet effet on les envoie à une petite fenêtre
munie d'un treillis de fer, qui a été pratiquée tout exprès
pour la confession des Sœurs , et où ces étrangères peuvent
se confesser sans voir, n'y être vues de personne ; et après
y avoir reçu les instructions salutaires qui leur conviennent,
elles vont les méditer à loisir avec quelqu'une des Sœurs.
omnia maxime vera existimabit , quisquis harum regionum gallica-
rum mores et ingénia rectè perspexerit.
Tertium est, quôd non solùm vidiias hujusmodi, quœ serio sœ-
culo renuntiare intendant, sed interdùm alias etiam conjugalas ad-
mittunt, cas scilicet, quœ cùm velint novam in Cliristo vitam insti-
tuera, atque adeo confessiones , quas vocant générales, praniis
aliquot exercitiis spiritualibus, facere, opus habent in remotum ù
saecularibus locum tantisper iiquot diebus secedere. Et sanè, quàm
uberes fructus hœc sacra pauuorum dierum hospilalitas aiïerat, ncmo
satis pro merito dixerit. Per eam enim non quieti tantùm, sed et
pudori, verecundioî ac honestali muiierum consulitur, dùm ad fe-
ncstellam craticulis ferrei? munitam, pro confessionibus sororum
audiendis efl'ormatam contessarios acceisunt, ibique documenta sa-
liitis audiunt, quse posteà per quietem cum aliquù ex sororibusanimo-
revolvunt.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 37^
Or, s'il y a quelques pieux motifs pour lesquels les femmes
puissent entrer dans les monastères, tes deux -ci doivent
être du nombre ; bien entendu qu'on doit demander et obte-
nir par écrit l'approbation de l'Ordinaire , ou de son vicaire
général , et que cela ne peut avoir lieu qu'au cas qu'il n'en
arrive aucun préjudice à la discipline régulière.
Que si on peut tirer du passé une conje'^ture pour le pré-
sent et l'avenir, il n'y a rien de plus saintement établi ni de
plus utile que cette pratique; car, comme jusqu'à cette heure
elle a eu un très-heureux succès, on doit espérer qu'elle
l'aura encore par la suite.
Au reste, monseigneur le révérendissime archevêque de
Lyon a un très-puissant intercesseur auprès de sa Sainteté ,
savoir l'ambassadeur du roi très-chrétien ; les Sœurs de cette
ville, qui on gagné l'affection de la sérénissime duchesse de
Mantoue, sont soutenues de ses prières, qui sont d'un grand
poids ; et moi , très-illustre cardinal , je ne veux que vous
poTjr intercesseur, tant parce qu'il n'y a que vous du sacré
collège que j'aie l'honneur de connoître, que parce que vous
Porrô si aliqua causa piasubsit, propter quam mulieres monialium
claustra ingredi possint ( sunt autem aliquot), hse duse intei prœci-
puas numerand.Te sunt ; quas tamen ita obtinere œquum est, si ab
ordinario ejusve \icario generali scripto probentur, et quamdiù ex
hujusmodi praxi nihil detrimenti disciplinse regulari accedet.
Quôd si ex prseterito de prœseiitibus et futuris conjectura sumenda
sit, nihil omninô sanctius, nihil utiHus; quin immô, quia res feli-
cissimum hactenùs habuit successum , in posterum eumdem habi-
turam sperandum est.
Cseterùm habet reverendissimus dominus archiepiscopus Lugdu-
Tiensis interressorem potentissimum, christianissimi scilicet régis
oratorem. Hùbent etiam sorores hujus civitatis validissimas [Meces
serenissimse ducisssB Mantuaî viduœ, quœ eas plurimùm diligit. Ego
verô, cardinalis amplissime, te unico intercessore utor, tum quia te
solum ex augustissimo illo apostolico coUegio novi, tum quia de
rébus istis nostris cis-montanis optimè judicare potes, et plerisque
380 OPUSCULES
êtes instruit et en état de juger parfaitement des affaires de
C£s contrées qui sont en deçà des monts , et de faire sentir
au plus grand nombre de nos seigneurs vos confrères, qu'on
doit traiter les affaires de la religion diversement , suivant
la diversité des mœurs et la différence des régions. De plus,
Totre livre des .controverses me répond de votre charité
compatissante pour ce pauvre diocèse , et cet aimable Benja-
î3ain que vous venez de mettre au jour ne me permet. pas de
douter de votre bienveillance envers les âmes dévotes.
C'est pourquoi, m'appuyant sur cette forte inclination de
votre illustrissime et révérendissime Seigneurie à favoriser les
pieuses entreprises, je la supplie très-humblement, et je la
conjure d'employer toute sa prudence et toute son autorité
pour faire réussir celle-ci , pour laquelle je m'intéresse. Je
TOUS prie de m'excuser et de m'aimer pour l'amour de Jésus-
Christ , très -grand, très -illustre et très -excellent prélat,
Totre, etc.
îîïud suggérera, aliter hîc, aliter ibi rem divinam esse promovendam,
jrro morum ac regioimm varietate; tum quia de tuâ erga hanc diœ-
«esim miserabilem commiseratione; libri tui Controversiarum , de
tuâ \erô erg(à pias animas benevolentià novissimus ille et amabilis
nimis tuus Benjamin, dubitore non sinunt.
Quare de eximiâ illâ illustrissimœ dominationis vestrse in bonos
tonorumque conatus confisus, eam enixè rogo et obtestor^ ut pro
suâ prudenliâ, negotium, sua, qua pollet, auctoritate proiEOveat et
conficiàt. Vale, clarissime, amplissime et illustrissime praesulj et
me Jesu Christi amore excusatum et amatum velis, rogo supplex et
©blestor.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 381
a.
LETTRE *
A s. A. VICTiQSl AMÉDÉE, PRLNCE DU PIÉMONT,
Sur l'introduction des Pères de l'Oratoire dans la sainte maison de N.-D-«îe
Compassion pour eu empêcher la décadence , et sur leur établissement à.
Rumilly.
Annecy, 31 août 1616.
Monseigneur,
Puis que M. le président de Lescheraine aura l'honneur
de vous faire la révérence et qu'il fut l'autre jour à Tonom
pour voir de la part de S. A. Testât de la sainte maysoii<ie
N.-D. de Compassion , je m'asseure que V. A. désirera de
sçavoir toutes les particularités des defautz qu'il y aura re-
marquez. Et je ne doute point qu'il ne représente à V. A.
qu'entre tous les remèdes par lesquelz on peut le mieux em-
pescher la décadence de ce lieu de pieté , l'introduction des
PP. de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estant à To-
non ensemblement, nous l'avions jugé ; dont j'ay desja donné
advis à V. A. S., laquelle je supplie très humblement de
protéger tousjours cette sainte mayson, comme un œuvre de
grande qualité pour la gloire de Dieu, et le lustre du nom
de la serenissime mayson de S.A. de la main de laquelle
est sortie cette pièce de dévotion, afin qu'elle ne périsse pas,
ou du moins qu'elle ne perde pas , faute de bon ordre , la
grande réputation sous laquelle elP a esté fondée contre Ph©-
resie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique.
Je supplie encor V. A. S. de se ressouvenir de l'establisse-
■ L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la isap
inidite de la collection Biaise.
382 OPUSCULES
mont des prestres de TOratoire en l'église de Rumilly , en
l'occasion qui se présente maintenant , que le sieur de Sau-
naz , sujet de S. A., un jeune gentilhomme des plus savans
îheologiens de son aage , y désire contribuei sa personne
desja vouée à cette congrégation et son prieuré de Chindrieu,
et que le curé de Rumilly descrepité et extrêmement malade
est jugé à mort par les médecins qui asseurent que dans bien
peu de jours il décédera; je supplie encor Y. A. dejetter les
yeux de sa bonté et de son zèle sur les monastères des moines
de Cisteaux de Saint-Benoist et de Saint- Augustin, de deçà
les Montz , où la Règle n'est point observée , et où elle ne
peut estre restablie , ni mesme es Religions des filles où elle
s3st si nécessaire , sans l'exécution des projets que V. A. fit
ici en cette ville dont je luy envoyay le Mémoire l'année
passée : et faysant, en toute humilité , la révérence à V. A.,
je demeure ,
Monseigneur,
Vostre très humble, très obeyssant et très fidèle
serviteur et orateur,
François, Ey. de Genève.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 383
' »/vy\y\yw«»'
Cil.
LETTRE*
A S. A. CHARLES E3LMANUEL I*"", DUC DE SAVOIE.
5aint François supplie S.A. de s'informer du président de Le?cheraine des abui
qui se sont introduits dans la sainte maison de Thonon.
Anneci, 31 août 1616.
Monseigneur,
Entre toutes les œuvres de pieté par lesquelles V. A. a si-
gnalé sa dévotion envers la très sainte Vierge , mère de
nostre Sauveur, il n'y en a peut-estre point de plus illustre
que celle de la fondation de la sainte mayson de Thonon,
Mais pour l'affermir, il faut remédier à quelques defautz qui
y sont , et parce que monsieur le président de Lescheraine
qui vint sur le lieu aux f estes de Pentecoste de la part de
V. A., en sçait toutes les particularités, je la supplie très
humblement de l'ouïr ou faire ouïr sur cela , et de seconder
de sa protection une si digne fondation , qui suis invaria-
blement ,
Monseigneur,
Vostre ti.^ humble , très obeyssant et très tidele
orateur et serviteur,
François, Ev. de Genève -
î l'autographe en existe aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 193«
inédite de la collection Biaise.
384 OPUSCULES
rww\^
cm.
LETTRE *
AM0N5IEURLEC0MTEVIE0.
Saint François l'entreti'^nt d'une affaire qui a été portée en cour de Rome, et
pour laquelle il demanue la protection de S. A.^ et Tassistance de M. Boschi.
1" octobre 1G16.
Monsieur,
Yous sçaurés par ce porteur que toute TafFaire ici avance :
il nous faut changer de méthode et recourir à Rome , où il
va luy mesme en qualité de député du Collège. Or il y aura
besoin donc peut-estre de la faveur de S. A. à laquelle aussi
je la demande très humblement par une lettre , et croy cpie
selon sa bonté , et la Providence par laquelle elle veut et
peut, elle Taccordera très volontiers. Reste que monsieur
Boschi nous gratifie aussi de son assistance, laquelle je re-
quiers par vostre entremise , le saluant humblement de tout
mon cœur ; car quant à vous , Monsieur, je ne veux pas en
cett' occasion employer mes prières pour impetrer vostre
courtoysie , sçachant que Tamour du bien de la patrie vous
donnera assez d'affection. Mais je vous supplie de continuer
envers moy vostre bienveuillance, qui suys
Yostre humble, très affectionné serviteur,
François , Evesque de Genève.
* Copiée sur 2'autographe par M. Pierre Joseph Gervetti, juge au tribunal
de préfecture, séant à Acqui. C'est la lOS* inédite de la collection Biaise.
PE S. FRANÇOIS DE SALES. 385
\AA/\^^'
' w^yv/v^v/v/v"
.CIV.
LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL I*', DUC DE SAVOIE,
Sur la résignation du clergé aux ordres de S. A.
21 octobre 1616.
Monseigneur,
Ce Clergé s'est accommodé avec toute sorte d'humilité et
de respect à ce qu'il a pieu à V. A. de me commander, mar- '
ris que nous sommes tous de ne pouvoir assez dignement
tesmoigner l'infinie affection que nous avons à son service.
Dieu néanmoins la sçait , et la voit es continuelz souhaitz
que nous faysons, affin qu'il luy playse de combler Y. A.
de prospérité , et sur tout , que sa dilection règne à jamais
au milieu de vostre cœur,
Monseigneur,
C'est le souverain bonheur que peut demander pour V. A,
Son très humble , très obeyssant et très fidèle ora-
teur et serviteur,
François , Evesque de Genève.
« L'original en est conservé aux Archives de la Gouï 4« Twi». C'est la 199»
médite de la coUectioxi Biaise.
VI. 25
386 OPUSCULES
A/\/vr\/\/V .
LiîTTRË'
A S. A. CHARLES EMMANUEL 1*', DUC DE SAVOIE.
Saint François intercède en faveur des Religieux de Talloyres, pour que le blé
du prieuré ne soit pas entièrement employé pour le service de l'armée.
Anneci, 26 octobre 1616.
Monseigneur,
Les Religieux de Talloyres sçachàrit que le fermier de letiï
prieur commendataire a promis de fournir trois eeilts couppes
de froment pour l'armée , et qu'il prétend à cet effect em-
ployer le bled de sa ferme , ils supplient très humblement
Y. A. qu'il luy plaise de commander qu'avant toute chose
les prébendes destinées à la nourriture des ReligieUî^ siôroïèt
réservées, affin que le divin service soit cdritinné'; altendti
que ledit fermier n'a peu promettre ce qui estant Religieux,
et moy j'intercède pour eiiX;, estimant que V. A. l'aura ag-
greable , commo ,
Monseigneur,
De son tre& humble , très obeyssant et très lidele
serviteur et orateur,
François , Ev, de Goneve.
* L'original en existe aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 197« inédile
de U collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS »E SALES. 387
CVI.
LETTRF*
A s. A. CHARLES EJVDLàNUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François supplie S. A. d'appuyer ae son autarité le collège d'Anneqf
fondé à Avignon, dans les démarches qu'il fait auprès de la cour de Rome.
lAnnetâ , 29 octdbre 4616.
Monseigneur,
Le Collège d'Anneei fondé en Avignon recourt par un
sien député, natif de Chamberi, à nostre saint Père le Pape
alin d'obtenir de S. S. quelque digne remède contre les de-
sordres qui y sont survenus au préjudice des sujets de V. A.
qui est le mesme sujet pour lequel elle avoit escrit ces jours
passés au vice-legat du comtat d'Avignon. Qui me fait la
supplier très îiumblement d'employer pour ce bon œuvre la
mesme faveur à Rome qu'elle avoit accordé pour Avignon ,
et tandis , je prie Dieu qu'il comble V. A. de toute sainte
prospérité, et luy faysant la deue révérence , je demeure ,
Monseigneur,
Son très humble , très obejssajit et Ires fidèle
serviteur et orateur,
François , Evesque de Genève.
• l.'aiïtograpte en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. Cesl
lift il9*8« inédite de h collection Biaise.
38S OPUSCULES
v\AiAy^Wj^
cvn.
LETTRE ^
.ïvu.
A MONSIEUR BOSCHI , CONSEILLER D ETAT ET SECRETAIRE
DES COMMANDEMENS DE S. A.
Saint François implore son assistance pour obtenir en faveur du couvent de
Saint-Clair le payement de 300 ducatons assignés par S. A.
Anneci, 18 novembre 1616.
Monsieur,
Il pleut à S. A; de me commettre pour voir Testât des
bastimens de saint Clair de cette ville, et sur le rapport que
je luy fis de la ruyne dont ils estoient menacés , sa bonté
s'estendit à leur vouloir donner trois cents ducatons pour
îa réparation nécessaire, et pour l'assignation de celte somme
là , M. de Monthou me dit avant-hier que S. A. avoit ac-
cordé le rappel des galères en faveur d'un certain notaire
ou chastelain que je pense estre de quartier d'Aiguebelle ; à
la charge qu'il donneroit les trois cents ducatons dont il est
question pour cet œuvre pie , et qu'il serviroit deux ans aux
bastimens de la sainte maison de Thonon. C'est pourquoy
ce bon Père , confesseur des Dames de saint Clair, va pour
voir s'il pourra tirer Fasseurance de ladite somme , en quoy
je vous supplie tres-humblement de l'assister, comme aussi
de luy faire del^/rer le mandat de trente vaisseaux que ladite
A. a octroyés pour le couvent de saint François. Je sça7
^ue vostre pieté vous portera assez à tous ces bons offices .
sans que j 'employé mon intercession, mais puis que elle
* L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 199»
inédite de la collection Biaise.
à
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 389
m'est demandée , je ne la puis refuser, mesme sachant que
vous me faites l'honneur de m'aymer, lequel je vous con-
jure de me continuer, ainsy que je veux estre à jamais,
Monsieur,
Vostre humhle et très affectionné
serviteur,
François , Evesque de Genève*
300 OPUSCULES
CVIII.
LETTRE *
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Sur les remercîments que les PP. Barnabites irendent à S. A. pour leur
établissement dans le Chablais.
Anneci, 19 novembre 1616.
Monseigneur,
Ces Pères vont pour rendre grâces à V. A. du soin qu'elle
a de bien establir leur congrégation en ce pais. Et parce que
je vois combien Dieu en sera glorifié , et le peuple édifié ,
j'en remercie très humblement derechef Y. A. avec eux ,
la suppliant de continuer en ce très saint zèle, comme je no
cesseray jamais de luy souhaiter la perfection des grâces ce-
lestes, non plus que d'estre ,
Monseigneur ,
Très humble , très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur de V. A.,
François, Evesque de Genève
I L'autographe en existe aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 201»
infidite de la collection Biaise.
DE S. FRAJfÇOIS DE SALES. 391
CIX.
RÉPONSE*
jr DU CARDINAL BELLARMIN A S. FRANÇOIS DE SALES.
i-'>*i
Réponse à la lettre du 10 juillet 1616. Le cardinal fait connoître à notre S^aihr
que sa demande a des dilïicultés; il ajoute cependant qu'il s'y intéressera
de tont son pouvoir.
Rome, â9 décembre 1616.
Quoique peut-être peu de personnes dans Rome connois-
sent votre Seigneurie révérendissime, je ne laisse pas d'avoir
depuis long-temps connoissance de la grandeur et de la
multitude de vos vertus ; et je ne suis pas seul , car le Saint-
Père (Paul V) est instruit de voire vigilance pastorale, et
de la charité avec laquelle vous gouvernez votre troupeau. .
Pour venir aux vierges et aux veuves que votre Seigneurie
me recommande , je vous avoue que je suis fort en peine,
parce qu'il n'y a personne ici, que je sache , qui s'intéresse
dans cette négociation. Outre cela, il est certain qu'on ne
1 C^est la 14* lettre du 1er livre des lettres de S. François de Sales dans les
anciennes é«l.itions, et la 384^ de la collection Biaise,
Qttid super re sibi propositâ sentiat , rem intérim totam se pro virlbus .
curaturum.
Etsi fortassè non multis in Urbe reverendissima amplitude vestra -
nota sit , mihi tamen à multis annis virtules vestrae multse et magna&
notissimae sunt : neque mihi tantùm, sed etiam sanctissimo Patri
nostro nota est vigilantia pastoral is et charitas in gregem proprium.
TeverendissimaB Dominationis vestrae.
Sed quod attinet ad negolium virginum et viduarum , quod mihÎL^
amplitude vestra commendat^ non scio prorsùs quid agam; turo ^
quia nemo hic est^ quod sciam^ qui causam sollicitet; tùm quia cer<
392 OPUSCULES
pourra jamais obtenir du Saint-Siège l'établissement des con-
grégations en titre de religion aux clauses et conditions énon-
cées dans votre lettre. Quoi qu'il en soit, je suis prêt à
3ntrer de tout mon pouvoir dans les vues de votre révéren-
lissime Seigneurie, pourvu que quelqu'un vienne ici sol-
liciter cette affaire ; car jusqu'à présent je n'ai vu personne^
et je ne sais même à qui confier la lettre que j'écris.
Je veux cependant vous donner un conseil , que je pren»
drois pour moi-même ■. ] j'étois dans le cas où vous êtes : je lais-
serois ces filles et ces veuves dans l'état où elles sont, et je
ne changerois point ce qui est bien fait. Avant Boniface VIK
il y avoit des Religieuses tant en Orient qu'en Occident. Nous
en avons pour garants les saints Pères; à savoir, parmi les
Latins, S. Cyprien, S. Ambroise, S. Jérôme, et S. Augus-
tin; entre les Grecs, S. Athanase, S. Chrysostorae, S. Bazile
et plusieurs autres. Or, ces Religieuses n'étoient point telle-
ment enfermées dans leurs monastères, qu'elles ne sortis-
sent dehors quand il étoit nécessaire. Et votre révéren-
dissime Seigneurie n'ignore point que les vœux simples
n'obligent pas moins et ne sont pas de moindre mérite devant
tum est cum illis tribus conditionibus obtineri non posse ab Aposto-
licâ Sede, ut confirmetur vera monastica professio. Ego quidem pa-
ratus sum pro viribus adjuvare propositum reverendissimœ domina-
tionis vestrae^ si quis sit qui ad me veniat^ et negotium urgeat. Hac-
tenus enim neminem vidi, nec satis soie oui litteras tradam qaas
nune scribo.
Sed tamen intérim consilium dabo, quod mihi ipse acciperem, si
res mea ageretur. Ego igitur retinerem virgines et viduas istasin statu
in quo suiit, nec mutarem quod benè se habet. Nam ante tempora
^onifacii VIIÏ, erant in Ecclesiâ sanctimoniales, tum ni Oriente,
tnm in Occidente, quarum sîrpè mentionem fariunt sancti Patres;
ex Latinis, Cyprianus, Ambrosius, Hieronymu,s Augustinus; et ex
Graîcis, Athanasius, Basilius, Chrysostomus, et ulii. Sed iîlœ non
erant ità clausae in monasteriis, ut non exireut quandô opus erat,
^ec ignorât amplitude Testra. conm T>oo vota iàimplicia uoa minus
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 393
Dieu que les vœux solennels, puisque la solennité, aussi
bien que la clôture, a commencé depuis le décret ecclésiasti-
que du même pape.
Aujourd'hui même le monastère des nobles Daines , insti-
tué par Ste. Françoise Romaine, qui fleurit merveilleusement
dans Rome, nous fournit un exemple de cet ancien usage:
car ces Religieuses n'ont ni clôture ni profession solennelle.
C'est pourquoi , si dans votre pays les filles et les veuves
vivent aussi saintement, et peuvent être aussi utiles aux per-
sonnes dn siècle par leur charité et leurs bonc; exemples,
•ans être enfermées ou cloîtrées, je ne vois pas pourquoi
cette façon de vivre doit être changée. Toutefois, si quel-
qu'un a un meilleur avis à vous donner, j'y soumets volon-
tiers le mien.
En écrivant cette lettre , j'en ai reçu de votre part qui re-
gardent l'atFaire d'Avignon ; je m'y emploierai de tout mon
pouvoir. Je désire que Dieu conserve votre Seigneurie révé-
rend issime , et je la prie de se souvenir de moi dans ses saintes
prières, étant, Monseigneur, votre, etc.
obligare,nec minoris meriti esse, quàm solemnia; solemnitas enim,
ut etiam clausura, inchoata est ecclesiaslico instituto ab eodem
Bonifacio VHI.
Et II une etiam Roniae floret valdè monasterium nobilium femina-
rum à sanctâ Franciscâ Romanâ institutum; in quo tamen, neque
clausiira est, iiec solemnis illa professio.
Proindè si in istâ rcgione sine clausuiâ etsine professione virgi-
nes et viduœ tam sanctè \ivunt, ut audio, et simul prodesse pos-
sunt Stccularibiis, non video cur ista ratio vivcndi mutari debeaU
iloc tamen consilium meum meliuri jiidicio libentcr submilfo.
Accepi , dùm hanc epistolam scriberem , alias lilteras veverendis-
fimic dominationis vestras pro negotio Avenionensi , pio quo labo-
«aho quantum polero. His benè valeat reverendissima dominatio
vestra, meî memor in sanctis precibus suis. Admodum illustrissimsE
et reverendissimse dominationis v^'strae adJ?ctissimus, atque ad obe»
diendum promptissimuS'
394 OPUSCULES
\ù2m.»v
lettre'
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
n recommande la ville d'Annecy pour la continuation de ses privilèges.
Annessi , le 18 janvier 161T.
Monseigneur,
Je joins ma très humble supplication à celle que cette-
ville d' Annessi fait à V. A. pour la continuation des privilèges
dont eir a cy devant jouy : attestant que si la fidélité et
ardente affection des sujetz doit attirer les faveurs du Prince,
cette Communauté , Monseigneur , sera donc en singulière
recommandation auprès de Y. A., pour la prospérité de la
quelle je prie continuellement la Divine Majesté comme je
dois, estant,
Monseigneur ,
Vostre très humble, très obeyssant et très fidèle-
orateur et serviteur,
François , Evesque de Genève.
» L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 'ïOG»-
inédite de la collection Biaise,
DE S. FRANCOiS IXE SALES. 39S
CXI.
LETTRE *
A s. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François supplie S. A. de lui accor^t^r l'autorisation de prêcher de
nouveau le carême à Grenoble.
Annessy, 18 février 1617.
Monseigneur,
Comme l'année passée, sur la demande que le Parlement
de cette ville me fit de mes prédications, je pris la resolu-
lution et response dans le commandement de Y. A. : de
mesme maintenant estant de rechef prié par ceste mesme
Cour de revenir encor prescher le Câresme suivant, je n'ay
voulu rien dire , en attendant que V. A. me fasse pour cela
le commandement qu'il luy plaira; estant , comme je doy ,
Monseigneur,
Son très humble , très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur ,
François , Evesque de Genève,
* L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 207»
Inédite de la collection Biaise.
33Cp
OPUSCULES
CXII.
LETTRE*
A s. A. VICTOR AMÉDÉE, PRINCE DU PIÉMONT,
ftop un prêtre qui suivoit habituellement l'armée , quoique doyen de Sa-
lanche , et qui continuoit à en percevoir les revenus comme s'il y eût fait
sa résidence.
5 mars 1617.
Monseigneur,
Il y a longtems que le doyen de Choisy, Prestre, fait pro-
fession de conduire des soldatz , et suivre l'armée , voulant
néanmoins tirer les fruitz de son decanat sur le Chapitre et
Eglise de Salanclie, comme s'il faysoit la résidence à laquelle
il est obligé. Et parce qu'il sçait que ledit Chapitre ne peut
en conscience les luy distribuer ni moy permettre qu'il en
jouisse de la sorte, il obtient de tems en tems des lettres, par
lesquelles son A. Ser. commande audit Chapitre de délivrer
}es ditz fruitz. Mais je suis asseuré , Monseigneur, que si S.
A. sçavoit la qualité de l'homme , elle le renvoyeroit à son
devoir, et ne voudroit pas que l'ordre Ecclésiastique fnst
Tiolé à son occasion , puis que mesme il n'a rien de si recom-
mandable en la profession militaire, que S. A. en puisse at-
tendre aucun notable oervice. Et d'autant que j'en parlay à
Y. A. lors que nous avions le bonheur de sa présence de deçà,
et qu'elle tesmoigna de treuver mes remontrances dignes
d'estre protégées, je la supplie très humblement de me com-
mander ce que j'auray à respondre, avec ce Chapitre là, aux
lettres réitérées de S. Altesse que ce mauvais prestre obtient,
■ L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 20^
ÎBédite de la collection BUse.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 39?
et par les quelles il presse plus ce Chapitre qu'il ne sçauroit
faire par aucune autre voye. La seule ombre de la volonté de
sa dite , nous estant en extrême révérence, je prie Dieu quH
]a conserve et la vosire,
Monseif^ueur,
De laquelle je suis,
Très humble et très obeyssant et très fidâe
orateur et serviteur,
François , Evesque de Genève.
,3§8 OPUSCULES
cxin.
LETTRE*
AS, A. CHARLES EMIMANUEL I*', DUC DE SAVOIE.
Sur un agent de la sainte maison de Thonon.
Grenoble , 5 mars 1617.
Monseigneur,
Les affaires de la sainte mayson de Thonon appellant le
sieur Gilette , je supplie très humblement V. A. de proté-
ger et favoriser sa poursuite; qui ne peut aussi reuscir sinon
par cet appuy, auquel nous recourons d'autant plus asseuré-
ment , que Y. A. nous Fa aussi commandé Thors que nous
avions le bonheur de sa présence. Dieu par sa bonté vueille
combler Y. A. de ses bénédictions , souhait continuel ,
Monseigneur,
De vostre très humble , très obeyssant et très
fidèle orateur et serviteur ,
François , Evesque de Genève.
* L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. Cest
la 2iO< inédite de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 399
axiv.
LETTRE*
kVX PÈRES BARNABITES DU CHAPITRE GÉNÉRAL CONVOQUÉ A MILAN,
Sur l'ampliation des collèges des PP. Barnabites dans la Savoie.
Très^Révérends Pères en J. C,
Nous avons plusieurs fois entretenu les révérends Pères
de votre Congrégation attachés à ces collèges d'Annecy et de
Thonon , de la iraniere de multiplier les œuvres de cette
Congrégation dans ce pays au-delà des Monts, et enfin noi.s
ne trouvons pas de voie meilleure que celle qui est indiques
daiis le Ménwjrial ci-joint. Il est conforme à celui que j'ai
remis au sérénissime Prince de Piémont, pour augmeriter
les revenus, et avoir à Rumilly quelques bénéfices pour
le Noviciat, Son Altesse m'a promis toutes sortes d'assistsiuces
de son côté. Actuellement il convient que vos Paternités
1 Tirée de la copie authentique conservée dans le couvent des Barnabites
à Milan. C'est la 212« inédite de la collection Biaise.
In Annessi, 6 april 1617.
Mollo reverendi Padri in Christo Off.,
TIabbiamo spesst voile , li reverendi padri del congregazione vostra
di questi collegii di Annessi et Thonone trattato insieme e di concerto
del modo, col quale si potrebbe amplificare delta Congregazione in
questi paesi di qiia dei monti, e in somma non troviamo strada me-
gliore di quella cbe si rappresenla nel Memoriale qui alligato, con-
forme al quale traitai col serenissimo signer Principe di Piemonle ,
acciô si potessero anche amplificare V entrate, e havere in Rumigli
alcuni beneficii per il Novicialo. E S. A. mi promise ogni sorte di
assistcnza dal canto suc. Hora resta chè le paternité loro abbracino
400 OPUSCULES
agréent nos propositions avec amour, et les fassent réussir
en ce qui les concerne, comme moi je m'emploierai de touf
cœur là oii je verrai que mon concours pourra être utile. Yos
Paternités jugero»:« facilement que la propagation de leur
Ordre fera obtenir de bons progrès à la gloire de Dieu , dans
ces pays. Cette propagation ne peut se faire qu'avec le temps
et les méthodes convenables selon le bon plaisir de la divine
Providence. Je la supplie , moi , de conserver, d'accroître ei
de perfect onner dans sa grâce leurs Paternités et leur très-
devote Congrégation , aux oraisons et aux sacrifices de la
quelle je me recommande, demeurant de tout cœur,
De vos Paternités révérendissimes ,
L'humble et affectionné frère et serviteur,
François , Evêque de Genève.
le proposizioni nostre con amorevolezza et le facciano riuscir dal
canto loro^ corne io dal canto mio m^'adoprarô con tutto il cuore dove
vederô V opra mia poter esser utile. Le YV. Paternità giudicaranno
facilmente chè la dilatatione de la religione sua sia per far buonis-
simo progresse a gloria d' Iddio in queste regioni , e chè questa di-
latatione non si puô fare se noj €o\ tempo et methodo conveniente
secondo il beneplacito délia Providenza divina. La quale io suppiico
chè conservi, accresca et perfettioni nella sua grazia le RR. loro t
la loro devûtissima Congregazione, aile orationi et sacrillcii délia
quale humilissimainenle rai raccomando^ restando ^on tutto il
cuore;,
Délie paternità vostre molto révérende,
fiumile et affezionatissimo corne fratello et servitore ^
Fbancesco . Vescovo di Ginevra.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 401
cxv.
LETTRE*
A S. A, VICTOP AMÉDÉE, PRINCE DU PIÉMONT.
Saint François recommande à S. A. la ville d'Annecy pour la confirmation
de ses privilèges.
Annecy, 26 mai 1617.
Monseigneur ,
Cette petite ville d'Annessi recourant à V. A. pour la con-
firmation de ses privilèges , a toute son espérance en vostre
bonté. C'est pourquoy elle Fimplore de toutes ses forces ; et
moy , Monseigneur, j'accompaigne d'autant plus hardiment
sa supplication, que V. A. me tesmoigna lorsqu'elle estoit de
deçà, qu'elle nous favoriseroit tous en cett'occasion ; et je le
croy, Monseigneur, puisque votre debonnaireté se plaist aux
bienfaitz , et particulièrement envers les peuples fidelles ,
obeyssans et affectionnés à la couronne de S. A., tel que je
puis attester estre celuy-cy , qui outre cela a grand besoin
d'estre en quelque sorte allégé. Ainsy nous prions tous Dieu
<ju'il bénisse , conserve et prospère Y. A., de laquelle je
vivray à jamais,
Monseigneur ,
Très humble , très obeyssant et très lidelle
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
1 L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin, C'est la 218»
parmi les lettres inédites de la coUeetion Biaise.
•vi; ' 26
402 OPUSCULES
CXVî,
LETTRE
I
A 8. A. CHARLES EMMANUEL l" , DUC DE SAVOIE.
Nouvelle recoramandation pour la confirmation des privilèges de la viTte
d'Annecy.
Annecy, 26 mai 1617,
Monseigneur,
Cette ville d'Annessi recourt à la debonnaireté de V. A.
pour avoir la confirmation des privilèges que Messeigneurs y
ses prédécesseurs , lui ont donné. Je joins ma très humble
supplication à la sienne; protestant que jamais Y. A. ne
gratifiera aucuns peuples de sa sujettion qui ayt plus de cœur,
d'honneur, de fidélité et d'obeyssance à vostre couronne.
Monseigneur, que celuy-ci, qui au reste a un extrême besoin
d'estre ravigoré par telz bienfaitz, tandis qu'incessamment
avec moy , il levé les mains et les yeux au ciel pour la pros-
périté de V. A. de laquelle je seray à jamais ,
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fîdelle
orateur et serviteur ,
François , Ev. de Genève.
' L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 219»'
parmi les lettres inédites delà collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 4(B
A/W/WNAr
CXVII.
LETTRE*
AU PAPE PAUL V.
n le supplie d'accorier dispense aux Sœurs de Sainte-Claire, afin qu'elle!
puissent posséder des biens en commun.
Annecy, 17 septembre 1617.
Très-saint Père,
Il y a dans ce diocèse de Genève deux monastères de
l'Ordre de Sainte-Claire , l'un desquels a été transféré de la
ville de Genève en celle d'Annecy, et l'autre , de la ville
d'Orbe en celle d'Evian, les Religieuses ayant été chassées de
leurs maisons par la fureur des hérétiques , il y a plus de
soixante ans.
Ces pauvres filles , après avoir éprouvé tout ce que l'ex-
trême pauvreté et la mendicité entraînent de misères après
elles, étoient venues dans ce diocèse dans l'espérance d'y
trouver quelque soulagement dans leur nécessité ; mais ce
pays est tellement épuisé lui-même par les fréquentes incur-
* C'est la 407e de la collection Biaise, et la 11« du livre I« des ancienne»
éditions.
Beatissime Pater,
Extant in hâc diœcesi Gebennensi duo monasteria ordinis sanctae
Clarae, quorum unum ex civitate Gebennensi in civitatem Annecia-
censem , alterum, ex oppido Orbiensi in oppidum Aquianense, hai-
reticorum injuria et violentiàantesexagintaannosexpulsa^secessenin t.
Cùmque sorores dictofum monasteriorum, inter varias et frequeiw
tissimas paupertatis et mendicitatis œrumnas, vitam hacteniis utratn*
que traxerint et sustentaverint ; nùnc tamen , post tôt hœreticorum
incursionesj ac diuturmorum bellorum clades, cùm diœcesis istaj
404 OPUSCULES
sioiis des hérétiques, et par une longue suite de guerres,
fléaux toujours accompagnés de ravages et de ruines, qu'elles
-a'ont plus d'autre ressource que votre Sainteté.
Prosternés humblement à ses pieds, elles implorent sa cha-
rité apostolique , qui sait si bien pourvoir à tous les besohis
le ses enfants, à ce qu'il lui ;>iaise leur donner dispense pour
posséder en commun des ter-^e^^ et d'a^itres biens immeubles.
C'est ce que la bonté paternelle du Saint-Siège a déjà ac-
cordé aux Religieuses Glaristes de Givnoble , au grand
applaudissement de tous les casuistes les plus éclairés dans la
•vie spirituelle quoiqu'elles fussent moins pauvres et moins à
plaindre que celles-ci.
Par ce moyen, affranchies du chagrin qui les ronge, et de
Pextrème indigence de toutes choses, qui éteint presque
l'esprit de Dieu, elles se porteront avec joie à l'observa-
tion de leurs autres règles, à célébrer le divin office, et
à prier Dieu pour toute l'Église ; enfin elles persévéreront à
)ervir Dieu avec plus de progrès , de facilité et d'attention.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect, très-
saint Père , etc.
miserandâ panpertate vexata, illariim mendicitati occiirrere deinceps
minime valeat.
Ad pedes beatitudinis vestrœ humiliter prostratœ^ illius providen-
tiam apostolicam summis votis orant^ ut in posterum, per ejiis pla-
citum et dispensationem , iilis liceat prœdia et alia bona immobilia
in communi possidere.
Quemadmodiim ciim aliis ejiisdem ordinis sororibus^Gratianopoli
degentifous, minùsqiie egentibiis, pro apostolicaj sedis paternâ cari-
,ate, dispensatum esse omnes probi rerum spiritualium aestimatores
laudaverunt.
Sic enim fiet ut molestissïmis anxietatibus animi^ quse in tantâ
rerum omnium inopiâ spiritum propemodùm extmguunt^ liberatœ et
solutœ, alacriter in cœteris regulis sui ordinis adamussim servandis,
acDeilaudibus celebrandis, necnonproEcclesiœprecibus fundendis,
longé feliciùs , faciliùs et attenliùs incumbant et persévèrent.
T)F. S. FHAXrOTS T)V. SALF.S. 40o
\/V.'X'\/\/\/
CXVIII.
LETTRE^
DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
AU CARDINAL BELLARMIN.
Même sujet que la précédente.
Annecy, 17 septembre 1617.
Monseigneur,
Nous avons ici ( à iVnnecy ) un monastère de Religieuses
de Sainte-Glaire, et un autre à Evian, dont les sœurs servent
Dieu par leurs jeunes et leurs veilles, en marchant nu-pieds,
et pratiquant plusieurs autres mortifications. Elles ont jus-
qu'à présent traîné une vie languissante , et ont été affligées
par de fréquentes maladies; ce qui n'est pas surprenant,
n'ayant d'autre moyen pour vivre que des aumônes men-
diées de tous côtés , qu'elles n'arrachent qu'avec peine. Mais
à présent la misère est si grande, qu'elles sont réduites à
mourir de faim , à moins que le Saint-Siège ne veuille bien
^ C'esl la 408* de la collection Biaise, et la 15* du livre I^' des anciennes
éditions.
Habemus hîc monasterium urium sanctae Clarœ, et alterum Aquiani,
in quibus sorores jejuniis^ vigiliis, pedum nuditate, ac multis aliis
corporis macerationibus Deo optimo maximo servire conantur : cùm-
que mendicatis hînc iiidè eleemosynis hactenùs quamvis œgcrrimè,
inter multas cl froquentissimas œgritudines utcumquè vixerint ; nunc
demùm res ad eum statum redacta est, ut nuUâ prorsùs ratione ea-
rum Yictui provider! possit, nisi sedes apostolica cum eis dispensart
406 OPUSCULES
leur permettre d'avoir des fonds et des biens immeubles en
commun.
Le fléau d'une gut^re de trente ans, et les violentes in-
cursions des hérétiques, sont cause que ce pauvre diocèse ne
peut plus suffire à sustenter et nourrir les Religieuses de ces
monastèr.i'i?^.
Je ne parle point de ce que l'expérience nous apprend
de la mendicité des femmes : on sait qu'elle est toujours
remplie de sollicitudes continuelles, de gt)ins immodérés,
de chagrins aigus , et de pensées mélancoliques ; on n'i-
gnore pas les moyens fâcheux qu'il faut employer pour se
procurer ses besoins , et le trouble qui en résulte pour la
conscience.
Voyant donc combien cette pauvreté extrême est nuisible
à la vie intérieure, et que ces ileligieuses ne peuvent persé-
vérer long-temps dans la sainteté de leur profession, à moins
^ue le Saint-Siège n'y pourvoie d'une manière convenable ;
quoique ces tilles ne soient point sous ma juridiction , mais
qu'elles soient dirigées par les Frères Mineurs , je n'ai pas
voulu manquer d'ajouter mes très-humbles prières à celles
dignetur^ ut in commuoi prœdia et alia bona immobilia possidere
possint.
Nam triginta annorum bellum diirissimum, ac crebrae infestissi-
mœque hœrcticorum nicursiones olleceruut, ut in hîic Gebenncnsi
diœcesi deinccps inveniri non possiat '^Jecmosynét, quœ monasteriis
istis sustentaiidis et alendis suriicere /'ueant.
Mitto mendicitatem l'eminarum, utexperimento certissimo constat,
acenimis soliicitudinibus, continuis, immoderatis ac melancholicis
cogitalionibus , importunis de modo quœrendi et habendi inventio-
nibus^ et inquietissiniis arixietatibus, plenissimam esse.
Quare videns paupertatem hanc extremam interiori vitaî plurimùia
obesse, neque posse moniales istas diutiùs in proposito perseverare,
nisi de remédie opportune ilUs àsede apostoUcâ provideatur, quamvià
lion mihi, sed ordini fratrura minarum^ cura, illarum incumbat,
nolui tamen committere qiiin earum super liâc re supphcationem et
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 407
qu'elles présentent à sa Sainteté , et de recommander cette
affaire à votre Eminence, que je supplie instamment de leur
être favorable.
Je me sers de la mêri.9 occasion , Monseigneur, pour vous
faire savoir qu'en ces monastères de cette province on n ob-
^ferve point les décrets du saint concile de Trente touchant
le confesseur extraordinaire que Ton doit accorder deux ou
trois fois Tannée aux Religieuses , et touchant l'examen des
filles par l'évêque , avant qu'elles fassent profession. A l'é-
gard du premier point , quoique dans le temps du jubilé il
soit permis à toutes sortes de personnes de se choisir un con-
fesseur tel qu'elles le jugent à propos , on a la méchanceté
de priver ces chères filles de cette consolation , pour l'acquit
de leur conscience.
Je pense qu'il suffit d'avoir découvert ces abus à votre
Eminence , pour qu'elle y apporte le remède convenable.
Je prie Dieu qu'il vous conserve long-temps dans une par-
faite santé ; et , vous baisant les mains , je demeure avec un
profond respect , Monseigneur, de votre Eminence , etc.
preces, quas sanctissimo domino noslro offerre intendunt, meis
etiam humillimis votis adjuvarem apud dominationis vestrae illus-
trissime clementiam, quam illis summoperè cupio propitiam.
Eamdem intérim obiter admonens, in istis monasteriis mulierum
hujus provinciœ nullo modo observari concihi tridentini saluberrima
décréta de confessario extraordinario bis terve in anno moniaUbus
dando , et de puellis feminisve anfe professionem ab episcopo pro-
bandis. Quin etiam, quando per jubilaeum cuicumque licet quem ma-
luerint, ab ordinario approbatum, confessarium eligere, per sum-
mum nefas istis hœc via solandi conscientias suas intercluditur.
Atque hoc illustrissimce dominationi vestrse aperuisse satis sit.
Deus autem ipsam quàm diutissimo servet incolumem, cujus sacras
inanus humillimè exosculor.
403 OPUSCULES
tyj\f
cxix.
LETTRE*
AU PAPE PAUL V.
n fait réloge du Père Ancina ^, que le Pape songeoit à faire béatifier, et aa
sujet duquel il avoit consulté le Saint.
Vers la mi-novembre 1617.
J'ai reçu une joie et une satisfaction incroyables, lorsque
j'ai entendu dire qu'on alloit mettre incessamment au jo'jr
la vie et le détail de toute la conduite du très-illustre et ré-
vérendissime père et seigneur Juvénal Ancina. Car, comme
selon le sentiment du grand évêque de Nazianze, saint Gré-
goire , les évêques sont les peintres de la vertu , et qu'ils
doivent peindre une chose si excellente par leurs paroles et
1 Tirée de la Vie du Saint par Ch.-Aug. de Sales. C'est la 414^ de la collec-
tion Biaise,
2 Ancina (Jean-Juvénal) était né dans la ville de Fossano, à huit milles de
Saluées, en Piémont. Il fut médecin de Frédéric Madruce, ambassadeur du
duc de Savoie auprès de Sa Sainteté, puis de l'empereur Rodolphe. Pendant
le séjour qull fit à Rome, il étudia en théologie, et s'y rendit fort savant en
peu de temps : puis il reçut l'ordre de prê;=-'"\^e , et se mit sous la conduite de
S. Philippe de Néri, fondateur de la congrégation de l'Oratoire de Rome. Enfin
le pape Clément VIII lui ayaiit commandé d'accepter un des évêchés vacants,
il choisit celui de Saluées, parce qu'il étoit de moindre revenu, et qu'il y avoit
beaucoup à travailler dans ce diocèse, où les opinions de Calvin s'étoient
glissées.
Gratissimtim mihi et jucundissimum est, qiiod audio de vitâ et Vi-
vendi ratione perillustris et reverendissimi putris et domini Juve-
nalis Ancina) propedùm in lucem emittendâ. Cùm enim _, ut magnus
Nazianzenorum pontifex Gregonus dixit, episcopi sunt pictores vir-
tutis^ rei prœclarissimœ, remque tam excellentem verbis ac operibus
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 405
par leurs œuvres, je ne doute point que dans la vie de notre
très-illustre et très-admirable Juvénal , nous ne voyions une
entière et parfaite image de la justice chrétienne , c'est-à-
dire de toutes les vertus.
Et véritablement pendant l'espace de quatre ou cinq mois
que je négociois à Rome les affaires de cet évêché , par le
commandement de mon très-dévot. p,t très-vertueux prédé-
cesseur monseigneur Claude de Granier, j'ai vu, certes,
plusieurs hommes excellents en sainteté et en doctrine , qui
illustroient par leurs travaux la ville par excellence, et dans
elle le monde entier ; mais entre tous ces grands personnages,
la vertu de celui-ci frappa particulièrement les yeux de moa
esprit.
J'admirois en effet, dans la science profonde de cet homme
qui embrassoit tant de différents objets , et dans une si
grande érudition , un égal mépris de lui-même ; dans la
gravité parfaite de son extérieur, de ses discours et de ses
mœurs , autant de grâce et de modestie ; dans le soin qu'il
prenoit de pratiquer et de recommander la dévotion , une
pareille application à la politesse , à la douceur et à l'affa-
bilité : en sorte qu'il ne foidoit voint aux pieds le faste
conciniiè, etquoadfieri potest, accuratè pingere debeant, non du-
bito qum in nostri clarissimi et spectatissimi Juvenalis vitâ_, justitiae
Christianae, hoc est omnium virtutum omnibus numeris absolutam
imaginem conspecturi simus.
Et quidem cùm Romae quatuor ilHs vel qii.»ique mensibus^ quibus
piissimi ac ornatissimi preedecessoris mei Claudii Granierii jussu,
hujus diœcesis aliquot rébus tractandis operam dedi, plurimos saaè
vidi eximiâ sanctitate et doctrina viras, qui Urhem, et in Urbe orbeiB
suis laboribus exornarent; sed inter eos omnes isiius seorsim yitim
mentis oculos meae vehementer occupavit.
Mirabar etenimin tantâ viri eruditione, ac variarum rerum scieit-
tiâ, tantam suî ipsius despicientiam j in tantâ oris, verborum ac mo-
rum gravitate, tantum leporem tantamque modestiam; in tantâ pie-
tatis soUicitudine , tantam urbanitutem ac suavitatem; cùm wec/at*-
410 OPUSCULES
r orgueil par un autre orgueil, ce qui arrive à plusieurs;,
mais par une vraie humilité ; et qu'il ne faisoit pas valoir
sa charité par la science qui enfle, mais qu'il faisoit fructifier
la science par la charité qui édifie. G'étoit un homme chéri
de Dieu et des hommes, parce qu'il les aimoit d'une charité
très-pure. Or, j'appelle une charité très-pure , celle dans la*-
quelle on auroit de la peine à trouver la moindre trace
d'amour-propre ou d'égoïsme , charité rare et exquise ,
qui ne se trouve pas facilement , même dans ceux qui font
profession de piété , à raison de quoi elle est plus précieuse
et plus rare que toutes les curiosités les plus extraordinaires
qui peuvent venir des extrémités du monde»
J'ai remarqué que , lorsque l'occasion s'en présentoit , cet
homme de Dieu avoit coutume de louer sL ouvertement , si
sincèrement et si amoureusement les- divers instituts des
Religieux , des ecclésiastiques , et même des laïcs , leurs
mœurs, leur doctrine et leur méthode de servir Dieu, que l'on
eût dit qu'il étoit de leurs congrégations et de leurs compa-
gnies. Et quoiqu'il eut une aiîection très-douce et tout-à-
fait filiale pour sa très-chère congrégation de l'Oratoire , si
tum, quod plerisquecontingit ^ alio fastu , sed verâ humilitate m/-
caret , nec injlante scientià^ charitatem o&iQ.ïiidXQi, sed charitate
œdificante scientiam instrueret; dileclua plané Deo et homini-
biis^, qui Deum et homines purissimâ dilectione prosequeretur. Pu-
rissimam autem appelle eam dUeclioriem, in qiiâ vix qaidquam
amoris proprii, sive philautia), r;>j 'lire licebat : rara et exquisita
dilectio ista, quœ eUani inter pieUiiis cullores rarô viget, undè
procul et de ultimis finibiis pretiuin ejus ^.
Observabam verô hominem hune , cùm scse daret occasio, tara la-
culenter j lam sincère, tam amanter solitum laudare variorura reli-
giosoruni et ecclesiasticorura , imô etiam laïcorum instituta, mores,
doctrinam Deoque inserviendi methodum, ac si ipse eorum congre-
gatlonibus aut cœtibus addictus esset. Cùmque suam sibique dilec-
tissimam clarissimi Oratorii Congregalionem dulcissimo et plané
* Cor., VIII, 1. — « EccIp-s., XLV, 1. — » Prov.. XXXI 10
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 41 1
illustre entre les antres , lorsqu'il s'agissoit des autres so-
ciétés et conf^agnies des serviteurs de Dieu , il n'en parloit
pas pour cela plus froidement, comme il arrive quelquefois,
il ne les aimoit pas avec moins d'ardeur, ne les estimoit pas
moins , et ne les louoit pas plus foiblement.
C'est pourquoi, lorsqu'il trouvoit quelqu'un qui , touché
intérieurement d'un mouvement de l'amour divin , désiroit
s'attacher à une manière de vie plus pure , et dans cette in-
tention venoit lui demander conseil , il ne regardoit que la
plus grande gloire de Dieu : il le conduisoit pour ainsi dire
par la main , et l'aidoit avec une charité incroyable à entrer
dans la société qu'il croyoit lui être la plus propre. En effet ^
ce saint homme n'étoit ni à Paul , ni à Céphas , ni à Apol-
lon, mais à Jésus-Christ seul ; et il ne vouloit point entendre
parler de ces froides expressions de mien et de tien , soit
dans les choses temporelles , soit dans les spirituelles ; mais
il pesoit toutes choses sincèrement en Jésus-Christ et pour
Jésus-Christ.
J'ai maintenant en main un exemple de cette charité si
parfaite en cet homme apostolique. Il y a quelque temps
qu'il mourut au collège de cette ville d'Annecy, gouverné
filiali corde complecteretur , non tamen proptereà aîios conventus
cœtusque Deo servienlum frigidiùs^ ut pierumque aGcidit, niolliùs
amabat, œstimabat^ extollebat,
Quamobrem eos qui tacti amore cœlesti intrinsecùs, purioris vitae
rationem sequi cupiebant^ consiliumque ejus expetebant, sohi Dei
majore gloriâ inspecta, in societatem quam illis magis congruam
putabat, manu et opéra amantissimè deducebat : honio videUcetj
qui nec Fauli ^, nec Cephœ, nec ApoUinis, sed Jesu Christi erat-,
quique meiim ettuum, i'rigida illa verba, nec intemporalibus , née
in spiritualibus audiebat ^ sed omnia in Chrisio^ ac propter Christuia, -
sincère expendebat. .
Cujus quidem tàm perfecice ctiaritatis in hoc apostolico vir^ exernr
plum nunc ad raanum* hakeo. Obiit nuperriraè in collegio hujua ci*
4i2 OPUSCULES
par les clercs réguliers de Saint-Paul , un homme très-reli-
gieux, nommé Guillaume Cramoisy, natif de Paris. Or,
comme je m'entretenois familièrement avec luy, mon dis-
cours tomba sur noire révérendissime Juvénal Ancina. Ce
Religieux, comblé de joie tout-à-coup , m'interrompit et rhe
dit : 0 que la mémoire de cet bommo me doit être chère
et agréable ! c'est lui qui m'a en quelque façon engendré de
nouveau à Jésus-Christ. Et voyant que j'avois conçu le désir
de savoir un peu plus amplement ce dont il vouloit parler,
il continua de m'en instruire en cette sorte.
J'avois atteint , dit- il, l'âge de ving-quatre ans , quand la
divine Providence m'inspira à diverses reprises d'embrasser
la vie religieuse. Toutefois , eu égard à ma foiblesse , je me
sentis agité de tant de tentations contraires , que, manquant
tout-à-fait de courage , je pensai sérieusement à me marier,
et la chose étoit tellement avancée de la part de mes amis ,
qu'il sembloit déjà qu'elle fût faite.
Mais combien grande est la bonté de Dieu ! Etant par
hasard entré dans l'oratoire de la Vauxcelle , je m'arrêtai à
entendre le père Juvénal Ancina qui prêchoit au peuple , et
vitatis Aniciensis clericorum regularium Sancti Pauli, virreligiosis-
simus Guilielmus Cramoësius Parisieiisis; cum quo, ut fit, dum
verba miscerem, incidi in mentionem de reverendissimo Juvenali
noslro Ancina. At ille subito gaudio perfusus : Quàm grata, inquit,
hujus viri-, quàm chara mihi esse débet recordatio! Quippe qui me
itemm in Christo quodammodo genni^ Cùmque vidisset me deside-
rium concepisse rem totam fusiûs audiendi, ità narrare perrexit.
Annos natus viginti quatuor, inquit, cùm jam multis inspiration
nibus divina Providentia me ad vitam religiosam incitasse^ * ità ta-
men pro meâ imbecillitate, contrariis lentationibus exagitatum me
sentiebam, ut despondens prorsùs animum, de matrimonio ineunda
seriô cogitarem, resque jam apud amicos ità processerat, ut prope-
modùm acta videretur.
V'Vùm quai Dei est beniguilas! Cîim oratorium Valhscellaî m-
grea Vs essem, ecce audio patrem Juvenalem Ancinam de humant
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 413
qui fît voir premièrement l'inconstance et la foiblesse de l'es-
prit humain, et ensuite recommanda fort cette magnanimité
avec laquelle il faut mettre à exécution les inspirations di-
vines ; ce qu'il traita avec tant d'habilité et d'énergie, et en un
tel choix de mots et de sentences , qu'il me sembla presque
porter la main jusqu'à mon cœur pour en secouer et faire
tomber la triste à patliie ; en sorte qu'élevant sa voix
comme une trompette , il me contraignit de me rendre. C'est
pourquoi, aussitôt que la prédication fut achevée , lorsqu'il
prioit Dieu , comme je pense , pour l'heureux succès de son
sermon, et qu'il s'étoit retiré pour cet effet dans un certain
coin de l'Eglise , je m'approchai de lui avec crainte et trem-
blement, et lui adressant la parole , je ne manquai pas d'ex-
poser tout ce que je roulois dans mon esprit.
Mais il me dit : cette affaire mérite d'être traitée un peu
plus exactement , et nous n'en aurions pas maint(!nant le
loisir, parce qu'il se fait déjà tard. Mais si vous voulez venir
me trouver demain , nous parlerons de tout cela plus com-
modément ; et cependant, ''e qui est la chose principale, atti-
rez sur vous la lumière céleste par vos prières.
Je m'en allai donc le trouver le lendemain , et je lui dé-
primùm ingenii inconstantiâ et infirmitate, deinde de eâ magnani-
mitate quâ instinctus divini executioni mandandi sunt, ad populum
verba facientem tantâ sermonis et sententiarum peritià, ut cordis
mei miserandam pigrltiam, quasi manu injecta, excutere videretur;
ilà ut tandem quasi tuba exaltans vocem mum^ , me ad dcdilio-
nem cogeret. Quapropter, statim linito sermone, ad eiim in oratorii
quodam angulo preces pro sermonis sui', ut reor, t'elici successu fun-
dentem, hœsitans et anxius accedo, et quid animo voherem expono.
111e verô : Ues, inquit, liœc paulô accuratiùs tractanda est, neque
nunc tempus nobis suppeteret, advesperascente jam die.Itaque cras,
si ad me veneris, opportuniilis de re totà agemus. Tu intérim, quod
caput est, lumen cœlesle precibus advoca.
Voni ergo prostridie, et quidquid in utramque pavtem circa voca-
» Isai., LVIII, 1.
414 OPUSCULES
couvris sM^è rement tout ce que je pensois pour et contre
ma vocation ; mais en particulier, que je redoutois la vit*
religieuse , surtout parce quej'avoisun corps foible et uï
tempérament délicat.
M'ayant écouté attentivement, et considéré mûrement
toutes mes raisons : C'est pour cela, dit le serviteur de Dieu,
que la divine Providence a voulu qu^il y eût dans l'Eglise di-
vers Ordres Religieux, atic que ceux qui ne pourroient sup-
porter les austérités et les mortifications extérieures des plus
pénitents, entrassent dans les plus doux. Vous avez la congré-
gation des clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline et la
perfection religieuse sont souverainement en vigueur, et oii
il n'y a pas tant d'austérités corporelles que ses coutumes et
ses constitutions ne puissent être observées , avec la grâce
de Dieu , par quelque homme que ce soit. Allez- vous-en à
leur collège , et voyez si la chose n'esf pas telle que je vous
le dis. Dès-lors cet homme de Dieu ne cessa de me presser
jusqu'à ce qu'il m'eût vu enrôlé et admis dans cette véné-
rable congrégation. Yoilà ce que m'a raconté le Père Dom
Guillaume.
tionem meam agitarem, sincère aperuij seorsim verô me ob id po-
tissimùm religiosam vitam formidare _, quôd corpus débile ac deli-
catas temperaturœ nactus essem.
Quibus attenté auditis et expensis : Et proptereà, inquit servus
ille Dei , divinâ Providentiâ factum est, ut in Ecclesià varii sint or-
dines religiosorum; ut scilicet qui austeris et pœnitentice exteriori
addictis non possit vitam addicere , mitiores ingrediatur. Et ecce tibi
Congregatio clericorum regularium Sancti Pauli, in quà disciplina
perfectionis religiosae summoperè viget, et nullo tamen tanto cor-
poris labore premitur^ quin à quovis propemodùm homine ejus
mores ac constitutiones facillimè^ Deo propitio, observari possint :
accède ad eorum collegmm, et vide tu ipse num îtà se res habeat?
Neque deinceps cessavit vir Dei quousque me huic colendissinice
congregationi adscriptum videret et insertum. Et heec quidera nar-
rabat Guilielmus.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 415
De tout cela , il est facile de conjecturer combien étdit
puissante la parole du grand Juvénal Ancina, quelle étoit
sa prudence et sa sagesse à donner des conseils , et sa
constante et parfaite charité à secourir le prochain. Car ce
que j'ai rapporté tout à Theure par manière d'exemple,
il l'a pratiqué à l'égard de bien d'autres : et pour ce qui
me concerne en particulier, je confesse franchement que
les lettres qu'il m'a écrites par une bienveillance singu-
lière , ont beaucoup excité en moi l'amour des vertus chré-
tiennes.
Mais depuis qu'il eut passé de l'excellente manière de
vivre de la congrégation de l'Oratoire aux très-saintes fonc-
tions de l'épiscopat , sa vertu commença à briller et à
rayonner bien davantage , comme il étoit très-raisonnable ;
et il fut tel qu'w?2e lampe ardente et luisante , qui étant
posée sur le chandelier, éclaire tous ceux qui sont dans la
maison.
En effet, lorsque , pour le saluer en l'année 1603 , je me
détournai un peu de mon chemin , et que j'allai à Carma-
gnole, ville du diocèse de Saluées, où il faisoit alors sa visite
Ex quibus facile est conjicere quanta fuerit magni Juvenalis An-
cinœ in dicendo efficacia^in consalendo sagacitas, et in juvandis
proximis constans et perfecta charitas. Quod enim nunc exempli
gratiâ à me recitatum est , id ipsum cum plerisque ahis actum co-
gnovimus; et quidam, quod ad me attinet, ingénue fateor, plerisque
quas pro sua in me propensione ab eo accepi litteris, vehementer ad
amorem virtutis christianae incita tum fuisse.
Jam autem postquàm à prœclaro Congregationis Oratorii vivendi
modo ad sacro-sanctum episcopal«» munus translatus est, tùm verô
maxime ejus \irtus splendidiùs niicare, ac clariiîs, ut par erat, splen-
descere cœpit, ut lucerna nimirum ardens et lucens^,quœ suprà
candelahrum posita, omnibus lucet qui in domo sunt ^.
Et quidem ciàm Carmaniolaî, quod oppidum est Salutiensis diœ-
cesis, ubi visitationis pastoralis officio tune incumbebat, anno mil-
» Joan., V, 35. — « Matth., V^ 15.
If6 OPUSCULES
ipiscopale, je m'aperçus foit bien de Tamoiir et de la vénéra-
tion que portoient les peuples de cette ville à sa piété et à la
multitude de ses vertus. Ceir aussitôt qu'ils surent que j'étois
arrivé , il n'est pas possible d'exprimer avec cruelle ardeur
et quelle douce violence ils me tirèrent de l'auberge où
j'étois logé , pour me mener dans la maison d'un noble
bourgeois de l'endroit ; parce , disoient-ils , qu'ils auroient
Toulu j s'il leur eût été possible , mettre dans leur cœur un
liomme qui s'étoit détourné pour visiter leur cher pasteur.
Et quoiqu'ils donnassent à l'envi mille témoignages de
leur joie , soit dans leurs discours, soit dans l'air de leurs
visages , pour la présence d'un si grand prélat , tout cela
^'étoit rien à leur gré ; parce que la noble affabilité que l'on
remarquoit en lui , et son admirable bonté envers tous ,
attiroit sur lui les yeux et les cœurs de tous , et que comme
on tiès-bon pasteur il appelait toutes ses brebis 2^ ar leur
nom, pour les conduire à des pâturages verdoyants , qu'il les
gUiroit , et même les entraînoit après lui , ayant ses mains
pleines du sel de la sagesse.
îesîmo sexcentesimo-tertio, ejus salutandi gratiâ, relicto tantisper
ilinere, venissem; sensi ego tune quantam dilectione mixtaiTi vene-
Talionem ejus pielas et Yirtutum copia ir ;;>opulis illis excitaret. Nam
Hbi me appulisse cognoverunt, dici salis non potest quo ardorc men-
tis^ amicà quàtlam vi ex hospitio publico in domum cujusdani no-
Mis civis invexerunt^ quando ' ndein, inquiebant^ hominem qui ho-
noris gratiâ ad suum dilectissimani pastorem diverteret, vellent_, si
modo possent, in medio pectorum recondere.
Keque unquam sibi Snfisfaciebantin la^iitià, quam ob tanli pontificis
prœsentiam conceperanf. verbis ac vultu jucundè exprimendà^ cùm
ïlle nobilissimâ quadam aiïabilitate ac suavissimà erga omnes bene-
Yolentiâ, omnium pariter oculos animosque in se converterct, ac
lanquam pastor egregius et beneficus, oves suas nominatim ad vi-
««nlia pascua evocaret ^ , manibusque sale sapientiœ plenis, ut
|K)»i se venirent aUiceret, imô et tralieret.
* Joan., X, 3.
DE S. FRANÇOIS DE SALIjS. 417
Et pour tout dire en un mot , et sans offenser personne,
je ne me souviens pas d'avoir jamais vu aucun homme qui
fût plus abondamment rempli et plus richement orné des
qualités que TApôtre désiroit tant aux hommes apostoliques.
Uno tandem dicam verbo, oui absit invidia; non memini me \i-
disse hominem qui dotibus, quas Apostolus apostolici.s virjs taaU>»
perè cupiebat, cumulatiùs ac splendiçliùs ornatus esset.
4i8 OPUSCULES
cxx.
LETTRE*
A S. A. CHAULES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE,
Pour la confirmation des privilèges accordés aux personnes qui s'occupent
du soin de préparer la soie.
Annessi, 29 novembre 1617.
Monseigneur,
V. A. a dés le commencement favorisé l'establissement de ,
Tart et traffiq de la soye en ces quartiers de deçà comme une
ceuvre de grande utilité au pays et de grande importance
pour la gloire de Dieu , affin de divertir les artisans et
ouvriers d'aller perdre leurs âmes dans Genève. Playsedonq
à V. A. de confirmer les orivileges desja accordés aux
maistres et apprentifs et autres personnes qui font profession
de cet exercice; je l'en supplie très humblement, et ne cesse
jamais de souhaitter toute sainte prospérité , comme je suis
obligé de faire, puis que j'ay l'honneur d'estre,
Monseigneur,
Très humble , et très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur de V. i.
François, Ev. de Genève.
» L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 2Î6*
des lettres inédites de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 419
CXXI.
LETTRE*
ATT SUPÉRIEUR DES PP. BARNABITES.
'Saint François l'informe des moyens d'établir sur des bases solides rinstitution
des PP. Barnabites dans les. collèges d'Annecy et de Thonon.
1617.
Révérendissime Père en J. C,
Je remercie humblement Y. P. R. de raffection avec la-
quelle elle a renvoyé en ces lieux le père Redempto. J'espère
qu^il recueillera des fruits dignes de sa vocation, et agréables
àV. P.
Yoilà enfin la sainte paix désirée ! Il est bien temps de
Yoir comment nous pourrons faire réussir les pieux desseins
du sérénissime Prince du Piémont , pour la solide fondation
de ces deux collèges d'Annecy et de Thonon. A ce sujet,
traitant avec Son Altesse , elle a permis que l*on prît tous
les revenus du monastère de Contamine, en supprimant les
1 L'original en appartient à M. Roustet, curé de Saint-Maurice d'Annecy.
C'est la 226e des lettres inédites de la collection Biaise.
Rev. in Christo Padre off"».
Ringrazio humilmente V. P. R. dell' amorevolezza colla quale ha
rimandato in questi luoghi il P. D. Redempto, il quale io sperochè
farà frutti degni délia sua vocazione e grali a V. P.
Ecco fpcà tanto, la santa e desiderata pace, e è ftormai tempo di
vedere corne potremo far riuscire i pii disegni dei Ser. Principe di
Piemonte , per la solida fondazione di questi duoi collegii di An-
nessii eTonone; pe quale trattando io con S. A., Ella si con-
tenté chè si pigliasse lutta l'enlrata del monastero di Contamina,
420 OPUSCULES
Religieux pour plusieurs raisons , et transférant leurs pré«
hendes partie à ce collège et partie à celui de Tlionon, avec
la convention cependant qu'on mette à leur place autant de
Pères Barnabites dans ces collèges qu'il en faudra pour célé-
brer les messes auxquelles cesdits Religieux étoient obligés.
Il y a d'autres conditions que le Père Juste expliquera à
V. P- Je les luy ai données par écrit en détail. J'ai jugé à
propos , et c'est aussi le sentiment du Père D. Jean-Baptiste,
Supérieur de ce collège, homme judicieux, et qui donne
grande satisfaction à ces peuples , que cette affaire se traite
par le Père Dom Juste, non seulement en nostre Cour près
du sérénissime Prince (ce qui , si je ne me trompe, sera chose
facile) , mais encore à Rome oii ledit Père fera instance sur
les lieux, près de l'ambassadeur de Son Altesse qui fera faire
les sollicitations par son exprès commandement, sollicitations-
qui ne se feront jamais bien que par ledit Père , informé
comme il l'est des circonstances locales et de tous les motifs
qui peuvent déterminer Sa Sainteté à accorder la grâce. Il
supprimendo 11 monaci per più ragioni , e transferendo le lore pré-
bende, parte in questo collegio, e parte in quello di Tonone; con
patto perô, chè si mettano in luogho loro altri tanti PP. Barnabiti
in questi collegii, che possano celebrar le messe aile quali detti mo-
naci erano obbligati , e con cerf altre condilioni le quali dal P. D..
Giusto saranno spiegate a V. P., poicbè iole ho poste in scritto alla
distesa. Ma ho giudicato bene, si corne ancho il P. D. Gio-Battista
superiore di questo Collegio, uomo giudicioso e che dû a questi po-
poli gran soddist'azione , chè questo negozio si debba trattar dal P»
D, Giusto, non solamente in questa nostra Corte, appresso il Ser.
Principe, il che (s' lo non m'inganno) sarà cosa facile, ma ancora
in Roma, dove detto Padre faccia instanza ivi appresso il signore
Ambasciatore di S. A. la quale ccn nspresso commandamento farà
fare la solUcitazione; ma sollicitazione che non si l'ara mai bene^
se non che dal detto padre informatissimo délie cose di quà e de
tutti li motivi e circostanze che ponno indurreS. S*^ a far la grazia.
Onde mi pare necessario chè detto padre vada subito di una Corte
TE S. FRANÇOIS DE SALES. 421
"nie p:ivoît donc nécessaire que ce Religieux aille vite d'une
Cour à Tautre ; moi, j'ai aussi une couple d'affaires bonnes
el loiiables auprès do la Cour de Rome, c'est-à-dire, pour un
séminaire en ce diocèse, et pour le compte que j'ai à rendre
'de mon église au Saint-Siège. Je dois toujours envoyer là
exprès une personne bien qualifiée; je serois donc bien
obligé à V. P. et à la congrégation, si je pouvois employer
ledit Père Dom Juste. Je ferois les dépenses du voyage, de
manière que la congrégation n'en éprouveroit aucun dom-
mage. Ledit Père termineroit encore à la fois deux affaires:
ce seroit d'obtenir l'union de certains bénéfices non conven-
tuels pour l'établissement du noviciat à Rumilly, et l'autre de
faire venir l'approbation de ces sœurs de la Visitation. On
poursuit l'expédition de cette affaire, mais lentement, comme
le révérend procureur le mande : c'est parce que les règles
sont rédigées en françois. Le Père Juste expédieroit l'affaire
tout d'un coup; je supplie donc, au nom du Seigneur, Y. P.
R. de vouloir bien consentir à ce voyage.
Actuellement que j'ai parlé de ces soeurs de la Visitation,
je dirai encore quatre paroles sur le dernier article do la
neir altra : et havendo io un par d'altri negozii buoni, c laudabili
îiella Corle di Borna , cioc per un seminario in questa diocesi e per
rendere conto di questa niia chiesa alla S. Sede; dovendo in ogni
incdo îrjaiidnr ccsii ^lersona aposla c ben quallQcala, sarei molto
iibligLito a V. l\ c vViW Gong.^ s 'io potossi adoprarc detto P. D. Giusto,
c io t":i!ci hi s; (-■ -^! vingio, in maniera cbè la Gong, non ne senti-
Tcb! c duino ;•(::: rîo^ et per l'istessa via detto padre farebbe duoi
aitri negozj iiiia^ sarebbe procurar l'unione di certi benelicj non con-
ventiiali per ii stabilimento del noviziato in Uumigli, et Taitro, far
venive l'aprovazione di queste sorelle dellc Visit. air espedizione
délia qualc si attende, ma molto lentamente, corne il R. P. procu-
ratore scrive , per csser le regole in lingua francese, e il P. D. Giusto
?;pedirebbe il negozio in un tratto. Supplice adunque nel nome del
«ignore V. P. R. di volere concédera detto viaggio.
' Et già elle ho parlato di Queste sorelle délia Yisitazione, dirô anco
422 OPUSCULES
lettre qui m'a été envoyée par V. P., pour le Père Dom Re-
dempto.
Je supplie V. P. de croire absolument que je n'aurois-
jamais pensé à demander cette pièce de terre du collège, dans
laquelle est la pêcherie sans poissons, si j'avois vu que cet
abandon fût préjudiciable aux Religieux, surtout pour leur
récréation. La santé et l'agrément des Pères me sont aussi
chers que les miens propres, et je sais dans quelle proportion
on doit établir les maisons des Religieux et celles des Soeurs.
Je ne voudrois pas incommoder celles-ci pour accommoder
celles-là.
Pour vous parler avec liberté et sincérité, le prix de cette
place de la pêcherie , employé comme il faut , seroit plus
utile au collège que la place elle-même. Je me suis étonné de
la préoccupation de nos Pères, à qui je n'ai pas voulu en
parler, parce que voyant que la seule pensée de cette affaire
les refroidissoit sensiblement à mon égard, je ne voulois pas-
passer outre. Quoique le nouveau Père Supérieur fût préoc-
cupé de l'opinion de l'autre dans le commencement , cepen-
quatro parole sopra Fultimo articolo délia lettera mandatami da V.
P. per il P. D. Redemto. E supplico V. P. di credere saldamente ,
chè io non havrei giammai pensato di domandare quella pezza di
terra , nella quale è la peschiera senza pesci , del collegio , s' io ha-
vessi vediito cbè il darla fosse stato di pregiudizio alli padri^ massime-
per la loro recreazione, essendomi la sanità e giucundità de padri
cara quanto la mia propria ; e io so con quale proporzione si deb-
bano riguardare le case de' religiosi, e quelle délie sorelie; onde
non vorreidar incommodità a quella, per accommodar questa.
Ma per dirlo alla libéra e sinceramente, il prezzo di quella piazza.
délia peschiera essendo adoprato corne si conviene sarà molto più
utile al collegio chè la piazza. E mi son stupito délia preocupazione
di questi nostn padri, alli quali io non ho voluto parlarne, per chè
vedendo chè il solo imaginar questo negozio, li dava un gran
freddo verso dime, non voleva passar innanzi. Ma perô quantunque
il P. Superiore moderne fosse preocupato dall' opinione d'altro al
DE S. FRANÇOTS DE SALES, 423
daut considérant que c'étoit lui que regardoit l'affaire, comme
chef du collège , je désirai en parler avec lui , non pour lui
imposer mon sentiment, mais pour lui faire comprendre que
cette opinion n'étoit pas aussi extravagante que d'autres le
disoient.
Ce Supérieur, à présent, a reconnu que j'avois raison;
car dans les places du collège il n'y en pas de plus désavan-
tageuse et de moins utile à la récréation. Là, les Pères Domi*
nicains ont des fenêtres avec la vue immédiate sur cette pièce
de terre. Le Père Prieur de ces derniers , dans le mur même
qui donne sur ce lieu , prétend faire fabriquer son noviciat ,
avec les fenêtres du même côté. Je ne sais comment onpour-
roit lui refuser le jus luminis et fenestrarum (le droit de lu-
mière et de fenêtres) , puisque par ces deux premières fenê-
tres les Dominicains en ont déjà la possession. Actuellement
Y. P. R. peut voir si c'est un grand préjudice au collège
d'abandonner ce lieu ; de plus , si on n'élève pas les murs de
cet endroit, qui s'étendent vers le reste du collège, presque
toot le collège est exposé à la vue des Pères Dominicains.
principio; tuttavia, considerando chè a lui toccava ilnegozio, corne
capo del collegio, io voisi parlariie con lui, non per persuaderli
la mia opinione, ma solamente per farglieintendere chè il mio sen-
tknento non era tanto extravagante corne altri dicevano. E adosso ha
teccato colla mano, chè io ho ragione ; perché fra le piazze del col-
legio non ci è la più infruttuosa^ ne la manco utile alla recreazione,
havendo due fenestre de' padri dominicani, le quali sono di vista
immédiat? sopra quella pezza di terra, e il P. priore nell' istesso
muro che è immediatamente sopra quel luogho, prétende di fabricare
il noviziato suo, con le fmestre délia istessa banda, nella quale non
so come si possa negarechè habbiano Jws luminis et fenestrarum,
poichè di fatto ne hanno già la possessione in quelle due fenestre.
Hora veda V. P. R. se sarà gran pregiudizio al collegio di dar detto
luogho; anzi se non si alzano le mura di esso luogho, che si es-
tendono verso il restante del collegio, quasi tutto il collegio è sco-
perto alla vista de' padri dominicani.
424 OPUSCULES
Ainsi , comme affectionné au collège et au bien de la con-
grégation autant que mon pareil puisse l'être , je jugerois
qu'il seroit expédient que cette vente eut lieu, et je ne doute
pas que V. P. R., voyant le plan de ce collège, ne recon-
noiscs que j'ai raison , comme l'ont confessé finalement le
Père Supérieur et le Père Simplicien.
Maintenant je prie de nouveau V. P. R. de permettre le
voyage du père Dom Juste , qui me coûtera moins, et qui
sera d'une plus grande utilité à la Congrégation. Je n'ai pas
le temps d'en écrire plus long : je vous prie même de m'ex-
cuser si je me suis tant étendu.
En souhaitant à V. P. R. toute sainte félicité dans le sein
du Seigneur, je suis
Son très-humble et affectionné frère
et serviteur,
François, Ev. de Genève.
Onde corne affezionato al collegio e al bene délia Cong. quanto
altro pare mio possa esser , io giudicarei esser espediente chè questa
vendita si facesse. E non dubito chè V. P. R. vedendo la planta o
piano di questo coUegio non giudicberà chè io ho ragione sicome in
fine il P. Superiore e il P. D. Simpllclano han confessato.
Hora rltorno a supplicare V. P. R. di concédera i\ viaglo al P. D.
GlustO' chè mi sarà di manco spesa^ è di maglor utilità alla Cong. e
non av^endo più tempo di scrivere più diffusamente , anzi avendo
©ceasione di pregarla chè mi scusi se cosi mi sor< disteso , augurando
a V. P. R. ogni santa félicita nel grembo del Signore, reste di essa
Humilisso e aff""" fratello e serv.,
Francesco, Vcscovo di fiinevr^.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 425
CXXH.
LETTRE*
AV PRIEUR ET AUX CHANOINES RÉGULIERS DE L*ABBAYE DE SIX , ORDRE DE
SAINT-AUGUSTIN. Tiret! de la Vie du Saint par Gh.-Aiig de Sales.
Il leur drmne r.ilification de la promesse qu'ils avoieni faite, par acte capi-
tulaire, de reprendre la première règle et forme de leur institut.
25 janvier 1G18.
Il y a lon2;tems que nous avons désiré que tous les Reli-
gieux de nostre diocèse vinssent à reprendre la première
règle et forme de leur institut, mais principalement nous
avons désiré et tasché par exhortations que cela se fist es
monastères qui ont esté laissés à nostre charge , sollicitude
et jurisdiction ordinaire. C'est pourquoy nous avons non seu-
î lient approuvé et ratifié , approuvons et ratifions cet
acte des promesses des dévots chanoines de saint Augustin
du monastère de Six » mais les louons et a^^mons de tout
nostre pouvoir dans les entrailles de Jesus-Christ ; et, selon
nostre puissance et nostre autorité ordinaire sur ce monas-
tere et chanoines réguliers d'iceluy, mandons et comman-
dons qu'i\ soit observé; baillant nostre bénédiction pater-
nelle à tous ceux qui embrasseront cette pauvreté qui s'ob-
serve.par tous ceux qui vivent en commun.
^5 OPUSCULES
• vA/^>'^>^/^A*
CXXIII.
LETTRE*
AS. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE,
Sur rétablisseiïient des PP. Chartreux à Ripaille.
Anneci, 11 février 1618.
Monseigneur^
Entre les saintz projetz que Dieu inspira à Y. A. tandis^
qu'elle fut icy pour restablir le lustre du service divin en ce
pais de deçà , l'un estoit de mettre les Pères Chartreux à Ri-
paille , qui de tous tems ont une très particulière obligation
et fîdelle affection à la Couronne de Savoye, et desquelz la
vie et les offices sont d'une merveilleuse édification. C'est
pourquoy, Monseigneur, le Père don Laurens de Saint Sixt,
estant par delà, j'ay creu que ce seroit à propos d'en ramente-
voir V. A., à ce qu'elle oye avec confiance ce qu'il luy en
représentera ; puis que non seulement il a pour ce sujet la
créance de son gênerai , mais aussi une spéciale fidélité au
service et à l'obeyssance de S. A., de laquel' J il est né sujet
et vassal ; et cependant je prieray Dieu qu'ix comble de ses
grâces V. A., à laquelle faisant très humblement la reve-
^ leace, je suis,
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fidelle-
orateur et serviteur,
François, Ev. de Genève.
* L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 228»'
inédite de la collection Biaise.
DE S, FBANÇOIS DE SALES; &l
cxxrv
LETTRE '
AU MÊME.
Saint François recommande à S. A. les affaires de la sainte maison
de Thonon.
A Notre-Dame de Myans, le 28 février 1618.
Monseigneur,
La saincte Mayson de Thonon ne peut subsister que par
la bonté et libéralité de S. A. qui en est la fondatrice, et
laquelle partant est suppliée maintenant sur divers articles
desquelz la resolution et exécution est nécessaire pour main-
tenir la ditte Mayson , ainsy que le sieur Gilette présent por-
eur représentera. Playse à V. A. S. d'estre favorable à cette
bonne œuvre, comme elle l'est ordinairement à toutes : c'est
la supplication seule que pour le présent je luy fay, et qu'elle
me fasse la grâce de m'advouer tousjours,
Monseigneur,
Son très humble , très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur ,
François , Ev. de Genève.
• L*original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 2Î9»
inédite de la collection Biaise.
"nm
A2S
OPUSCULES
, w>^\/v-v^ ,
cxxv,
LETTRE^
A S. A. CHARLES EM3IANUEL I*', DUC DE SAVOIE.
Saint François intercède auprès de S. A. pour la lib^'^té (ju Père Angelo Cal»
cagnio, gardien des Observantins de Plaisance , ûetenu à Chambéry.
. _ A Grenoble, 8 mars 1618.
Monseigneur,
Le Père Frère Angelo Calcagnio, gardien des Observantins
de Playsance, est prisonnier dés il y a trois moys à Chambery,
et parce que je l'ay souvent veu à Annessi, où il a quelquefois
demeuré des mois entiers avec son frère , et n'ay jamais rien
reconnu en luy contraire à la pieté et religion , je l'ay visité
en sa prison où je l'ay treuvé comme un homme que le tes-
moignage de sa conscience tient asseuré, et parce qu'il m'a
demandé pour l'amour de Dieu mon intercession auprès de
V. A., je ne la luy ay peu refuser; c'est pourquoy croyant
fermement que rien ne se treuvera contre son innocence, je
fay très humble siipplication à V. A. de luy vouloir départir
sa faveur pour sa briefve sortie, et son renvoy en son cloistre.
Dieu fasse de plus en plus abonder ses grâces sur la per-
sonne de V. A. de laquelle je suis.
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fidelle orateur
et serviteur,
François , Ev. de Genève.
* L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est
la 239e inédite de la ccilection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 42f
CXXVI.
AUTRE LETTRE*
AU MÊME.
Saint François demande à S. A. le payement d'une pension de cent écus
assignée aux curés d'Armoy et de Draillans.
1618.
n y a dix-sept ans qu'à la poursuite de PEvesque de Ge-
nève, fut obtenu un arrest du Sénat par lequel les cures
d'Armoy et de Draillens furent adjugées à leurs Curés efc
légitimes titulaires. Mais soudain après, par commandement
exprès et absolu de S. A. Ser., pour certaines justes et extraor-
dinaires considérations, lesdites cures furent remises à la
ville de Genève , les Curés en demeurant privés , et parce
que S. A., selon sa pieté , voulut que néanmoins l'exercice
catholique fust continué esdites deux paroisses et à ces fins
ordonna que cent escus d'or seroient délivrés annuellement
aux deux prestres qui feroient ledit exercice , assignation
donnée sur la gabelle à sel, de laquelle somme néanmoins'
on n'a jamais peu estre payé que pour trois ans, de sorte que
les ecclésiastiques desservant es dits bénéfices ont esté con-
traints de s'entretenir d'emprunts faits tant par eux que par
ledit Evesque , et parce que la pieté, l'équité et la justice re-
quièrent qu'à l'avenir ledit exercice catholique soit continué
et par conséquent les Prestres entretenus :
Son Altesse est suppliée en toute humilité de faire posei
CQ payement au bilan pour cette année et les suivantes , et
comme encore pour les arrérages.
' L'original s'en conserve au monastère de la Visitation d'Annecy. C'est
la 23le inédite de la collection Biaise,
430 OPUSCULES
CXXVIL
AUTRE LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL 1*', DUC DE SAVOIE.
Saint François remercie S. A. pour avoir ordonné que les curés d'Armoy
et de Draillens fussent payés.
Annecy, le 26 avril 1618.
Monseigneur,
Jq fais en toute humilité action de grâces à V. A. de 1?»
lettre quel!' a escritte à M. le marquis de Lans, affîn qu'il
mist ordre à faire payer les curés d'Armoy et de Draillens^
qui de si longtems estoient en extrême disette , et pretz à
quitter leurs charges si je ne les eusse soulagés.
J'espère , Monseigneur, que ledit seigneur Marquis effec
tuera l'intention de V. A., ainsi qu'il m'a asseuré à mon
retour de Grenoble ; et ne me reste qu'à la supplier très hum-
blement de vouloir tousjours ainsy protéger les affaires du
service de Dieu , qui ensuite multipliera ses grâces sur la vie
et la personne de V. A. Ser. à laquelle je fay très humblement
la révérence et de laquelle ,
Monseigneur,
Je suis très humble , très obeyssant et très fîdelle
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève,
* L'original en existe aux Archives de la Cour de Turin, C'est la 233» iné-
dite de la col]3ction Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 131
<^>\•\/^y^/\^>;/^^"v/^/x/>ioi/v-^;A/v/^/^/\/^/\J^sr
Gxxvin.
AUTRE LETTRE*
AU MÊME.
Saint François supplie de nouveau S. A. d'ordonner le payement des cuiéi
d'Armoy et de Draillens.
Anneci, le 2B août 1618.
Monseigneur^
Quoyque V. A. Ser. ayt souvent commandé, comme la jus-
tice et pieté requeroit, que les curés d'Armoy et de Draillens
fussent payés de leurs pensions, néanmoins ils n'ont jamais
peu retirer un seul liard depuis quatre ans en ça , quelle
sollicitation qu'eux et moi en ayons sceu faire, et quelle re-
mous trance que nous ayons proposée de l'extrême nécessité
que ces paroisses ont d'estre assistées. C'est pourquoy, Mon*-
seigneur, je suis forcé de recourir de rechef à l'équité et
bonté de Y. A. , affin qu'il luy plaise d'user de sa providence
en cett' occasion et d'ordonner ces payemens , en sorte que
meshuy ces pauvres ecclésiastiques puissent en naix faire Le
service de Dieu en leurs églises ; et cette Divine iVlajesté. en
bénira de plus en plus Vostre Altesse,
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fidelle orateur
et serviteur,
François , Evesque de Genève.
1 L'original en est conservé aux Archives de la Coup die Turin. C'est la 2f5«
inédite de la collection Biaise.
432
OPUSCULES
fN/Ny\AA#
CXXIX.
AUTRE LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François recommande à S. A. les pauvres gens de la vallée d'Âui.
Annecy, 30 août 1618.
Monseigneur,
Ces pauvres gens de la val d'Aux, comme esperdus d'une
ruine présente qui les accable, n'ont sceu où se jetter à re-
fuge qu'aux pieds de V. A., et certes je ne voy nullement
qu'une main moins forte et une providence moins paternelle
que la vostre, Monseigneur, les puisse garantir. Car je pense
qu'ilz n'ont à se plaindre principalement que de leur mal-
heur, contre lequel rien ne peut leur donner allégement que
le bonheur d'estre regardés en pitié de V. A., à laquelle Dieu
qui voit leur extrême misère inspirera , comme ilz espèrent,
quelque moyen favorable pour les retirer de ce gouffre. C'est
ce en quoy j'implore avec eux la grâce de V. A., à la quelle
faisant très humblement la révérence et sGêihaittant ]c- comble
de toute sainte prospérité , je demeure ,
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fî délie orateur
et serviteur,
François , Evesque de Genève.
1 L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 237«
inédite de la collection Biaise.
T)E S. FRANÇOIS t^R gALES. 433
cxxx,
LETTRE
BN FAVEUR DU CHAPITRE. PE SA CATHÉDRALE»
^ M. I^ FROTBARAIN , CONSEILLEE AU PARLEMENT DE BOURGOGNE;
Le Saint lui recommande le Chapitre de sa cathédrale, dans une affaire
qu'il avait avec les habitants de Seyssel.
Annecy, 3 septembre 1618.
Monsieur,
J'ay un chapitre autant bien qualifié qu'il se peut dire ;
c'est pourquoy, outre le devoir que j'ay au service de Dieu
et de l'Eglise, j'en ay un bien particulier à mes chanoines,
qui, par un assez rare exemple, ne sont qu'un cœur et
qu'une ame avec moy au sein de ce diocèse.
Pour cela , Monsieur, j'implore avec eux vostre justice et
pieté , pour la conservation de leur droit en l'affaire qu'ils
ont avec messieurs les Syndic et habitans de Sessel, les-
quelz, si je ne suis grandement trompé, ont bon besoin
d'estre rangés et remis en devoir, tant envers les ecclésias-
tiques qu'envers les magip'^rats.
Mais de cela. Monsieur, vous en discernerés et jugerés,
tant que priant Dieu qu'il vous face de plus en plus abon-
der en sa grâce, je veux estre à jamais de tout mon cœur
vostre, etc.
* Tirée du monastère de la Visitation de la ville d'Amiens. C'est la 451*
lettre de rédiiion Biaise.
Vï.
28
'434 OPUSCULES
CXXXI.
NOUVELLES CONSTITUTIONS
DE L'ABBAYE DE SIX,
PLUS ÉTENDUES QUE CELLES QUI FURENT FAITES EN l' ANNÉE 1604.
15 septembre 1618.
Puis que le monastère du vénérable Ordre des chanoines
réguliers de sainct Augustin du lieu de Six a esté laissé
à la charge et jurisdiction de nos prédécesseurs et de nous^
selon les sacrées reigles de l'ancien droict ecclésiastique,
certes nous devons et voulons travailler de tout nostre pou-
voir, et mettre tout nostre soing à l'utilité d'iceluy et des
chanoines qui y servent. C'est pourquoy, cognoissant que
par l'inspiration divine les vénérables chanoines vouloient
dresser et restituer en entier l'ancienne observance regu*
liere, qui estoit descheuë et presque esteincte par l'injure
du tems, et que les illustres et révérends sieurs Jacques de
Mouxi , abbé ( quoy que commendataire ) , et Humbert de
Mouxi, son coadjuleur et esleu du mesme monastère, non
seulement appreuvoient ceg pieux desseins, mais encore
avoient résolu d'y apporter ijute leur aide, nous aussi, pour
intervenir de nostre authorité ordinaire , et fermer de nostre
pouvoir avec plus de facilité une besogne si louable et très-
désirée, venant icy, et ayant veu et considéré toutes choses,
en fin avons esté d'advis de faire ces ordonnances et consti-
tutions :
Et premièrement nous commandons et ordonnons tres-
.expressément que tout ce ^ue nous avons ordonné en nostre
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 435
demîere visite , comme estant tout raisonnable et conforme
au droict, soit observé et mis en exécution de poinct ea
poinct.
Parce qu'entre les chanoines qui sont maintenant il ny
en a point qui ait faict la profession expresse en suivant
l'intention et les parolles du sacré concile de Trente, nous
déclarons et ordonnons que tous iceux chanoines sont obligés
à la profession expresse, et pour ce pre figeons un an à tous
ceux qui p<^rtent maintenant Thabit, lequel an leur servira
comme de probation, après lequel ou bien qu'ils fassent
ceste profession, ou, s'ils ont quelques causes pour lesquelles
ils ne veuillent pas la faire , qu'ils nous les exposent. Mais
doresnavant, aussi tost que l'année de probation sera passée,
comme le mesme concile ordonne, ou que le novice soit
admis à la profession, s'il est treuvé propre et capable, ou
qu'il soit mis dehors du monastère. Mais si après Tannée de
probation il n'est pas treuvé capable, et que neantmoins il
y ayt de Fesperance probable qu'il pourra le devenir si on le
retient encore quelque tems , voire mesme la seconde année
tout entière, en ce cas la congrégation des cardinaux du
Concile a respondu qu'il estoit loisible, puisque le Concile
ordonne des propres et capables, et non des autres.
Que les novices soient distinguez des profés quant à l'ha-
bit, en ce que les profés porteront le camail en tous les divins
Offices, et les novices porteront le su rpelis tant seulement.
Puis que ceste abbaye est commandée , nous commandons
que désormais on fasse et establisse sur tous les chanoines
un du mesme Ordre expressément profés , qui soit appelle
prieur, et qui puisse deuëment et religieusement présider et
marcher devant, selon le concile de Trente au chapitre vingt-
uniesme de la session vingt-cinquiesmd. Iceluy, comme il
est porté par le sixiesme chapitre , soit esleu par le Chapitre
secrettement , et , comme l'on dit , par balottes , de sorte que
les noms de ceux qui l'esliront ne soient jamais publiés , et
436 OPUSCULES
celuy qui aura plus de voix soit absolument toriu pour bien
esleu, lequel aussi persévérera en ToUjce de prieur jusques
à la mort, pourveu qu'il se comporte tousjours bien.
Au reste il sera faict tout de mesme du sousprieur.
Que tous obeyssentàce prieur comme à leur père, ainsi
qu'il est commande par la reigle de sainct Augustin , et en
son absence au sousprieur.
Mais quand il faudra faire ou commander quelque chose
de grande importance, et qu'il n'y aura point de danger au
retardement, que le prieur ne. remue point, ny ordonne rien,
qu'au preallable il n'ayt conteré de tout avec son Chapitre.
Quand il arrivera des difficultez si grandes qu'elles ne
pourront point estre résolues par le prieur et Chapitre , que
l'on s'adresse à l'evesque, ou (s'il est absent^ au vicaire
gênerai , lequel ordonnera tout ce qui sera de faire par sa
puissance ordinaire, ainsi qu'il a esté observé jusques à
présent.
Tous les samtdys le prieur mettra en l'église une table
en laquelle seront marqués les noms de ceux qui devront
faire les Offices de l'autel et du chœur tout le long de la se-
maine; lesquels Offices se feront, autant qu'il sera possilde,
selon les coustumes et cérémonies de l'église cathédrale.
On ne tiendra point dans le monastère aucun livre saus
la licence du prieur ou sousprieur, lequel verra et prendra
..garde qu'on n'apporte point de livres défendus par la saincte
Eglise, ou de sciences curieuses ou inutiles, et aura soing
qu'il y ayt dans le monastorp xiii bon et suffisant ameulde-
, ment de livres spirituels, des cas de conscience, et de theo-
.logie, à fm que tous les jours les chanoines ayent moyen
• d'estudier à queique heure certaine , selon la reigle. Or
l'heure de lire sera devant vespres, entre vespres et compile,
.et entre complie et le souper.
Ce doit estre de la charge du prieur ou du sousprieur que
pendant le noviciat un chacun ^ise le catéchisme du ires-
DE S. FRAXÇOTS DE SALES. 437
samct concile cle Trente en latin ou en françois , et rende
raison de ce qu'il aura leu.
Tous les jours quelqu'un des chanoines, qui sera jugé
plus propre , instruise les novices et les autres , s'il est de
besoing , du chant et de la façon de chanter.
Aussi tost qu'il se pourra faire, il faudra que la table soit
disposée de manière que les chanoines soient assis d'un costé
tant seulement, et que chacun ay t sa poriion à part ; mais
la bénédiction de la table et l'action de grâces après la ré-
fection so fera par le semainier, sinon les jours des f es tes
solemnelles, que cet office appartiendra au prieur ou sous-
prieur ; et durant la réfection on lira tousjours d'une voix
claire et intelligible , et en observant les espaces entre les
poincts.
Tous les samedys le prieur, ou en son absence le sous-
prieur, assemblera le Chapitre, et en iceluy corrigera s'il
s'est commis quelque chose contre la reigle ou es offices, ou
en quelques: actions ou deportements des chanoines, m.esmes
en enjoignant des pénitences , selon qu'il verra estre à pro-
pos. Que s'il n'y a rien à corriger, on lira un article de la
reigle, et après l'oraison tous se retireront en paix.
Tous les droicts crient ce que nous avons ordonné en.
nostre djMiiiere visite, c'est à savoir, que les femmes ne
doivent pas habiter ny demeurer tant soit peu dans l'enclos
et murailles extérieures du monastère. C'est pourquoy nous
commandons tres-expressement à tous et un chacun ausquels
il appartient, en vertu de saincte obéissance , et sous peine
d'excommunication majeure , qu'ils ayent à repousser, de-
]etter et chasser absolument toutes les femmes du monastère,
s'il s'y en trouve quelques-unes, et ne les admettent en façon
quelconque par cy après , ny souffrent qu'elles s'arrestent
dans l'enclos du monastère.
Nous commandons, sous peine de la mesme excommuni-
lation, que dans un mois, à compter depuis ce jour, quin-
OPUSCULES
t'sme de septembre de Fan mille six cens dix et huict, tous
ceux qui ont des instruments ou (litres du monristere ayent
les remettre dans les archives.
Le sieur abbé sera tenu de payer tous les ans douze pre-
endes à la communauté des chanoines, de la mesme façon
qu'il est marqué en nostre preniiere visite; et la commu-
nauté entretiendra douze chanoinos capables, résidents ou
tenus de droict pour résidents, c'est à dire, leur fournira de
vivre et de vestement, et d'autres choses nécessaires à la vie.
Les édifices et bastiments de tout le monastère , selon qu'il
sera convenable et conforme à l'observance régulière, seront
restitués et conservés aux déspens de l'abbé.
Quant aux autres demandes des chanoines, parce qu'il
en a esté traicté et convenu amiablement entr'eux et le sieur
coadjuteur, nous avons jugé de ne rien devoir ordonner de
plus.
«
PE S. FRANÇOIS PE SALES. 439
CXXXII
LETTRE^
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
&iint François supplie S. A. d'accorder aux sœurs de Sainte-Claire d'Evian
la place et les masures du château d'Evian pour y bâtir leur couvent, et
il lui envoie le projet pour la réformation des monastères.
Anneci, 17 décembre 1C19.
Monseigneur,
Les seurs de sainte Claire d'Evian font supplication à V. A,
pour avoir la place et les masures du chasteau de ce lieu
affîn d'y bas tir leur couvent , puis que M. le marquis de
Lullin tesmoignera que cela ne peut en rien nuire à la
•conservation de la ville ; et puis qu'elles ont encore désiré
mon intercession auprès de V. A. , je le fais très humble-
ment, adjoustant qu'il n'y a comme je pense aucun monastère
de cet ordre-là qui fleurisse plus en véritable dévotion que
celuy-cy.
J'envoye aussi à V. A. le projet dressé par son comman?-
dement pour la reformation des monasteresde deçà les monts;
duquel la lecture ne sera point hors de saison parmi ces
festes, puis que tout le dessein regarde la plus grande gloire
du divin Enfant, la naissance iuauel on célèbre , et que je
ne cesseray jamais de supplier qu'il face de plus en plus
prospérer V. A.,
Monseigneur,
De laquelle je suis
Très humble, très obeyssant et très fidèle orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
« Tirée du registre des lettres de saint François de Sales, conservé aux Ar-
chives de la Cour de Turin. C'est la 250« inédite de la collection Biaise.
440 OPUSCULES
CXXXIIÏ.
LETTRE*
A S. A. VICTOR AMÉDÉE , PRINCE DU PIÉMONT.
Sur la nomination de son frère, Jean-François, à une coadjutoreria
Anneci, 6 mars 1620.
Monseigneur,
Je ne me puis taire sur la nomination de mon frère à une
coadjutorie, car les grands coups de la faveur, comme ceux
de la douleur, excitent qui que ce soit à parler; et si je ne
puis rien dire à V. A. sur ce sujet , qui ne soit grandement
au-dessous de mon sentiment. Et pour cela je me contente-
ray de luy en faire très humblement la reverance, et l'as-
seurer, que comme elle pouvoit gratifier grande multitude
de gens de plus de mérite , aussi n'eust-elle peu en regarder
de plus de fidélité et d'obeyssance que mon dit frère, et moy,
qui ne cesseront jamais de louer Dieu dequoy il m'a rendu
par tant de devoirs ,
Monseigneur,
Très humble, très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur,
François , Evesque de Genève.
* L'orï^nal en est conservé aux Archives de la Cour de Turiu. C'est la 251»
fiédite de la collection Blaiso.
DF. S. FRANÇOIS DE SALES. Itf
CXXXIV.
LETTRE*
A M. DE TARDT, CONSEILLER-D'ÉTAT DE S. A., PRÉSIDENT AU SOUVERAIN SÉNAT
DE SAVOIE.
Saint François loi recommande, les Religieux et les habitants de Six, qui oat
un procès à soutenir devai.t le Sénat.
Annecy, 18 mars 1620.
Monsieur,
Outre que les vénérables Religieux de Six , pour leur
bonne vie et affection à la reformation méritent d'estre pro-
tégés , TafiPaire qu'ils ont maintenant prenant son origine en
partie de la visite que j'y ay faite , et en laquelle je puis
bien prendre Dieu mesme à tesmoin d'avoir eu seulement
son service en veuë, et en laquelle de plus je n'ay presque
rien ordonné qu'après avoir par raysons tiré le consentement
amiable des parties ; je me sens obligé de faire avec lesdils
Religieux une mesme supplication auprès de vous, affiu
qu'il vous plaise de les favoriser en la conservation de leur
bon droit , en quoy vous ferés chose grandement aggreablc
à N. S. et qui m'obligera extrêmement , qui suis à jamais.
Monsieur,
Yostre serviteur très humble ,
François , Ev. de Genève.
P, S, Monsieur, les habitants de Six pour leur grande
misère , sont dignes de compassion , et pour leur pieté sont
dignes d'escre affectionnés; c'est pourquoy je ne fay point de
diMculté de vous supplier très humblement de leur départir
vostre justice et faveur en la conservation de leurs boas
droits.
1 L'autographe en appartient :"i M. Métrai, curé de Magland (252«inéd. Biaise).
4A2 OPUSCULES
Vvv^•^/v^/v^/^/^•\/^/^>"w^/^/^/^/^/^i^^/^/^•^^
cxxxv.
LETTRE*
MOTTSEIGNEUR LE CARDINAL FRÉDÉRIC BORROMÉO, ARCHEVÊQUE DE MlLAIf.
Saint François lui rend grâces pour l'envoi des reliques de saint Charles
Borromée.
J'ai reçu laf lettre très-suave que V. S. 111. et Rév. s'est
plu à m'écrire ces mois passés , en m^envoyant les reliques
de saint Charles. J'ai attendu jusqu'à ce moment pour en
faire mon très-humble remercÎQient. De bons PP. Barna-
bites allant à Milan , le Père Candide , porteur de la pré-
sente , m'a promis de s'interposer près de vous pour faire
excuser mon manquement. Cette intervention est très à pro-
pos , car je n'ai ni les moyens ni les manières de faire mes
excuses à V. S. 111. Quant à l'affection et au respect pour
elle , je ne crois pas devoir le céder à personne , et après lui
* L'original en est conservé dans la Bibliothèque Ambrosiana , de Milan.
C'est la 253= inédite de la collection Biaise.
ïn Annessi, alli 23 di aprile 1620.
Ili. et Rev. signor mio Col'^o,
Ho ricevuto la lettera suavissima che V. S. 111. et ReT. si compiace
di scrivermi questi mesi passati insieme colle reUquie dl S. Cario, e
ho aspettato in adesso di farne il dovuto humilissirao ringraziamento,
che andando costi quest' Tiostri buoni padri Barnabiti, il P. D. Can-
dide latore mi ha promesso di compire anco con lei per supplire al
mancamento mio. Il che è molto a proposito, non havendo io ne
senno ne modo di far con Y. S. 111. il debito mio, se bene io di af-
fetto et risçetto verso di lei n'>n r.redo di dovete; cedere a nessuna; c
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 443
avoir dit cette vérité si certaine, je la salue humblement,
et je demande pour elle à Dieu toute sainte prospérité ,
Votre très humble et très dévoué serviteur,
François , Evêque ae Genève.
con questa certissima verità glie faccio humilissima riverenza^ 6 U
^ipregho dal signor Iddio ogni santa prosperità,
Humilissimo e divotissimo servitore,
FftANCESco , Vescovo di Ginevr%^
444 OPUSCULES
GXXXVI.
1
LETTRE
A s. A. VICTOR AMÉDÉE, PRINCE DU PIÉMONT.
(L'original est conservé aux Archives de la Cour de Turin.)
Saint François répond à S. A. relativement à l'envoi qu'il avoit fait il y avoit
environ un an , du Mémorial sur la Restauration de la discipline ecclé*
siastique en Savoie.
1620.
Monseigneur,
V. A. Ser. me commande que je luy envoyé un mémo-
rial de ce qui est requis d'estre impetré à Rome pour I*
restauration de la discipline ecclésiastique en ce païs. Mais,
Monseigneur, V. A. Ta remis à M. Caron dés il y a environ
un an , que je Tenvoyay , ainsy que m'asseure mon frère
qui estoit lors en cour, et ne faut en cela que de le faire tra-
duyre en italien ; car quant à la forme , avec laquelle la
provision nécessaire doit estre demandée au Pape, il en faut
laisser le soin à ceux que monsieur F Ambassadeur de S, A.
employer a.
Dieu par sa bonté veuille bientost faire retiscir cette si
bonn' œuvre , pour ensuite combler de bonheur V. A. ,
Delaquelle je suis,
Monseigneur,
Très humble et très obevssant et très fidèle
orateur et serviteur,
François , Evesque de Genève.
t (Test Vn266* parmi les lettres inédites de ia collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 445
W\/VAi/V\/«
CXXXVII.
LETTRE*
A MONSIEUR CARRON.
(L'original est conservé aux Archives de la Cour de Turin.)
Saint François lui rappelle qu'il avoit envoyé l'année précédente le MémO'
n'ai sur la Restauration de la discipline ecclésiastique^ et le prie de le faire
chercher.
Monsieur,
Par la lettre que Monseigneur le Ser. Prince m'a fait des-
pecher, il me commande encor de luy envoyer un mei/ioire
des concessions qu'il faut obtenir à Rome pour la restaura-
tion de la discipline ecclésiastique décales monts. Mais M. de
Calcedonie mon frère , m'asseure que vous Monsieur, avés
receu les articles du projet qui en fut fait icy et que j'en-
voyay il y a bien long-temps et que Monseigneur le Ser.
Prince vous l'avoit remis pour les faire traduire en italien,
pour les donner à M. d'Aglié qui devoit aller à Rome ; il vous
playse doncq , Monsieur, de les faire chercher, et comme je
croy ils seront aysés à treuver, puisqu'ils sont en quatre ou
cinq feuilles jointes ensemble ; car, quant à la forme en la-
quelle la demande doit estre faite à Rome , c'est chose q.i'il
faut qui se fasse à Rome mesme; cependant, Monsieur, je
vous supplie très humblement d'avoir un soiu particulier do
rintroduction des PP.de l'Oratoire à Rumilly, par où il iaut
commencer, puysque c'est un' affaire qui ne peut souffrir
aucun delay ; et excusés mon importunité, puis que je suis de
tout mon cœur. Monsieur,
Yostre très humble et très affectionné serviteur,
François , f^vesque de Genève.
» C'est la 207e parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
446 OPUSCULES
LXXXVIIÏ.
LETTRE*
AU PÈRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DE SAINT- PAUL >
A MILAN.
Saint François le prie de lui renvoyer les prêtres destinés à célébrer
le Chapitre.
24 avril 1620.
Monseigneur,
Nos Pères allant au chapitre et à Fobédienee de votre Pa-
ternité révérendissime , je viens avec eux pour la saluer et
me déclarer son serviteur le plus affectionné. Je la supplie
de plus, si faire se peut, et si cela est convenable, de les ren-
voyer ici. Ils ont appris la langue et les usages du pays , et
pourront continuer leurs travaux dans ces lieux avec plus
d'utilité que d'autres qui arriveroient sans ces avantages né-
cessaires. Je dirai encore à votre Paternité, comme vrai ami
* L'autographe en est conservé dans l'église collégiale de Monza, près de
Milan. C'est la 254^ inédite de la collection Biaise.
24 aprile 1620.
Reverendissimo Padrein Christo osservandissimo.
Andando questi nostri Padri al Capitolo e alla obedienza di V. P.
Rev. vado ancora io con essi loro per salutarla e proferirmegll per
servitore affezzionatissimo , supplicandola di j)iù chè si degni, se
perô cosi far si puô e è spediente, rimandarli in quà, esseiido chè
avendo egli imparata la lingua e le usanze del paese, potraniio con
più utilità fatigar in questi luoghi chè altri che verrebbono senza tali
instrumenti & mezzi necessarii. E nientedimeno non lasciarô di dire
a V. P. Rev. corne in vero zelante del bene e honore délia sua Congre-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. I47
du I)ien et de l'honneur de sa congrégation , qu'il seroit à
propos qu'avec eux il vînt un de vos vieux Religieux dont
l'âge attireroit un nouveau respect à ces nouveaux collèges qui
peut-être bientôt en compteront un tiers sorti récemment du
noviciat. Avec la présence et l'autorité d'un personnage
blanchi dans ses devoirs , cette vénération sera constamment
observée. Je demande au Seigneur toute sainte prospérité
pour V. P. et je me déclare
Son humble frère et serviteur,
François , Evêque de Genève.
gazions^ chè sarebbe anco a proposito chè con essi loro venisseuno
di quei vecchi Padri Tetà del quale potesse produrre una nuova ve-
nerazione a questi nuovi collcgj , U quali forse presto ne avranno
un terzo di noviziato. E cosi tulte queste cose con la canuta presenza
et autorità di taie personnaggio verranno compile Fra tanto augu-
rando dal Signor ogni santa prosperità a Y. P. Rev. glie reste
Humilissimo frattello e servitore,
FRA^f^Esco, Yescovo di Ginevra.
m
OPUSCULES
CXXXIX.
CONSTITUTIONS
DES ERMITES DE VOIRON.
(6 mai 1620.)
I. Patron des ermites de Voiron.
D'autant que le saint, célèbre et ancien ermitage du mont
de. Voiron est fondé sous le vocable delà Visitation de la glo-
rieuse Vierge Marie Nostre Dame , les ermites qui y vivront
désormais invoqueront particulièrement et auront pour pa-
trons en premier lieu ( après nostre Sauveur et Rédempteur
Jesus-Cbrist , ange du grand conseil et médiateur de Dieu et
des hommes) les saints qui sont au mystère de la Visitation ;
c'est à savoir, la Vierge Marie mère de Dieu, S. Joseph,
S. Jean-Baptiste, patriarche des ermites, S. Zacharie, et
Sainte Elizabeth. En second lieu , tous les bons anges, spé-
cialement le chœur des Principautés ; et en troisième lieu ,
S. Paul , premier ermite , S. Antoine et S. Hilarion.
II. Habits des ermites.
Les ermites seront habillés d'une soutane de drap blanc
battant sur les talons ; sur la soutane , d'un manteau en
façon de rochet, jusqu'à mi-jambe ; et sur le manteau , d'un
camail , avec 1p capuce rond. Il leur est permis de porter du
linge, à cause de la mondicité , excepté au lit, sur lequel ils
se coucheront vestus de leur habit court, sinon qu'ils fussent
mouillés ou malades; car en cp ca.'* ils pourront se devestir.
Comme encore ils seront chaussais; parce qu'en leur mon-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 449
tagno leshyvers sont tres-rigoureux et les montées et les des-
centes tascheases.
m. Jeusnes des ermites.
Les ermites observeront le jeusne, outre les jours com-
mandés de l'Eglise , toutes les veilles de leurs patrons , tout
le tems de l'Avent ; et depuis le lendemain de l'Assomption
de nostre Dame inclusivement jusqu'à sa Nativité exclusive-
ment, tous les vendredis de l'année à l'honneur et mémoire
de la passion de nostre Seigneur, et s'abstiendront de la chair
lous les mercredis.
IV. Autres pénitences corporelles, et réfectoire de: ermites.
Les ermites prendront la discipline tous les vendredis après
l'oraison du matin , pendant qu'on recitera le psalme cin-
quantième de la pénitence de David , sinon qu'ils ayment
mieux porter la haire ou le cilice trois jours de la semaine ,
ou bien jeusner le vendredi et samedi en pain et en eau. Les
ermites disneront et souperont tousjours au réfectoire com-
mun, et disant leur coulpe, ou s'ils ont manqué à quelque
chose importante , se disciplineront sur les espaules devant
tous les frères. Mais ceux qui auront fait la montée le jour
auparavant ou qui reviendront de la queste des moissons ,
vendanges , et en temps d'hy ver, seront exceptés , et leur
fera permis de prendre un peu de repos.
V. Office des ermites.
Les ermites prestres, ou qui sçauront lire ou entendre le
îatin , reciteront le grand office du bréviaire romain ; et les
laïques qui ne sçauront 7 Ire, reciteront le rosaire, à l'imitation
des ursulincs, ajoutant neuf fois l'oraison dominicale, et
tout autant la salutation angelique , à l'honneur des neuf
chœurs des anges. Les ermites observeront en leur oiiice un
tel ordre :
Le sacristain sonnera en tout temps à quatre heures du
VI. 29
450 OPUSCULES
matin, après quoy îl fera bruire le resveil-matin par le dor-
toir l'espace de trois tours, et un peu après retournera son-
ner le dernier signe de l'office. Les frères laïques assisteront
à matines à genoux , jusqu'à la fin du premier psalme , puis
pourront sortir, si bon leur semble , pour dire le chapelrf
ou quelque autre oraison, prenant garde surtout de ne parler
point les uns avec les autres.
VI. L'oraison.
Aussitost que le sacristain aura clocbé deux coups sur la
fin de prime à la leçon du Martyrologe, ils retourneront tous
nécessairement au chœur pour faire l'oraison mentale , la-
quelle durera demy-heure, sinon qu'il y eust quelque cause
urgente de la faire plus courte ; et se commencera par les
litanies des saints. Etant achevée, si c'est en hyver, les
frères se chaufferont demy-heure , puis chacun s'en ira va-
quer à ce qu'il aura en charge.
vu. De la messe.
La première messe se dira à six heures , continuant jus-
qu'à midi, lorsqu'il y aura beaucoup de prestres : que s'il
n'y en a que trois ou quatre, la première se dira à sept
heures, la seconde à huit , la troisième à neuf , la quatrième
à dix ; et s'il est possible , les frères serviront tour-à-toar.
VIII. Des festes où il y a concours de peuple , et autres.
Quand on preverra des festes le jour desquelles le peuple a
accoustumé d'affluer, et que pour ce il faudra vaquer à ouïr les
confessions, les prestres diront matines le soir auparavant ,
depuis huit heures jusqu'à neuf , puis le matin les heures
de suite : mais quand rien ne pressera , on dira tierce et
sexte à neuf heures , noue à midi , vespres à trois heures , et
complies à six, finissant par l'oraison mentale de dcmy*
heure j laquelle , après que les frères seront assemblés as
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 451
son de la cloche , que le sacristain donnera au Cantique de
Simeon, se commencera par les litanies de nostre Dame.
IX. De l'hymne des joyes de la sainte "Vierge, et autres prières.
Tous les samedis après souper, les ermites chanteront au
chœur, devant l'image de la Vierge, l'hymne de ses joyes,
puis se retireront en leurs cellules, ou hien iront se chauffer
un peu, selon le temps : mais si quelquefois ils ne se trouvent
pas en nombre suffisant pour chanter, alors, si le restant est
prestre , il dira à haute voix les litanies des Saints; si c'est
un frère laïque , il recitera les litanies de nostre Dame , les-
quelles à tout le moins ne s'omettront jamais , et que tous
seront obligés de savoir par cœur.
Les jours feriaux et ouvriers, après l'action de grâces du
disner, les ermites iront à l'église pour reciter les litanies
de S. Michel et des SS. Anges, avec commémoration de
S. Paul , de S. Antoine, de S. Hilarion , de l'église triom-
phante , et ajouteront pour la militante l'oraison de S. Au-
gustin , qui se trouve au quarantième chapitre de ses Médi-
tations.
X. De la confession et communion.
Les ermites confesseront leurs péchés , et recevront le
tres-auguste sacrement de l'autel, tous les jours de dimanche -
et festes solemnelles. Les prestres tascheront de célébrer la
sainte messe tous les jours.
XI. Du silence, de l'hospitalité et de la retraite.
Les ermites observeront exactement le silence, sinon que-
la nécessité ou la civilité les fasse parler, en quel cas ils
prendront garde de modérer leurs discours, et ne rien dire,
de trop.
Les ermites auront en très-grande recommandation l'hos-
pitalité, et un soin tout particulier des pèlerins et estrangers,
les servant et traitant courtoisement , sans toutefois rompre
les règles de la juste œconomie.
452 OPUSCULES
Les ermites ne sortiront point de leurs cellules, sinon pour
les offices au son de là cloche , ou estant appelés pour quel-
ques nécessités , ou quand le père supérieur leur permettra
de se promener seuls parmi le bois pour tout autant de
temps qu'il prescrira.
XII. Du bon exemple.
Les ermites estant à la quesce ou à quelque négociation ,
éviteront tout ce qui pourroit donner le moindre sujet de
scandale , taschant de se comporter le plus conformément à
l'ordre de l'ermitage , qu'ils verront le plus judicieusement
estre possible, sans incommoder personne; et estant de retour
jureront de tout ce qu'ils auront reçu ou négocié,
XIII. De la réception et l'expulsion.
Pour recevoir quelqu'un et bailler l'habit après le temps
de la probation , il sera requis d'avoir le consentement de
tous les frères, l'opinion du révérend surveillant, et le
jugement ou commandement du reverendissime evesque,
de son vicaire-general : comme pareillement on ne mettra
personne dehors sans les mesnies précautions.
XIV. Des fonds de rentes.
Celui qui, désireux d'observer l'entière solitude, appor-
tera à joindre à la communauté suffisamment pour son en-
tretien , sera exempt de faire la queste. Que si avec le temps
les ermites pouvoient avoir des rentes suffisantes, par la
charité des gens de bien , ils s'arresteront sans plus , et de-
meureront en l'ermitage , pour vaquer avec plus de loisir à
la sainte méditation et réception des pèlerins.
XV. Des supérieurs.
Les ermites obeyront à un supérieur, qui soit pareille
ment ermite , ou autre tel qu'il plaira au reverendissime
evesque de commettre , lequel aura tout le ïnesme pouvoir
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 453
que les Ordres reformés donnent aux supérieurs. Quand il
se rendra intolérable , injuste , et passionné outre mesure ,
les frères conviendront par-devant le reverendissime evesque,
leur juge, ou son vicaire-general., toutefois sans forme ni
figure de procès , mais s'exciisant simplement l'un l'autre,
et s'accusant pareillement sans injure , ni animosité. Les
ermites se tiendront en l'obeyssanct; de l'evesque , tout de
mesme que les curés seront obligés de se trouver au synode
diocésain , et ne résoudront rien de grand et important en
leur chapitre, sans le communiquer au surveillant , et faire
approuver à l'evesque.
Les ermites observeront exactement toutes ces constitu-
tions, pour estre dignes du saint nom qu'ils portent, et à cet
effet les reliront souvent, taschant tousjours de faire mieux;
et selon les occasions et la raison en requerront l'evesque,
lequel s'est réservé et reserve le pouvoir d'adjouster et re-
trancher, selon qu'il verra estre expédient pour la plus grande
gloire de Dieu.
Ces Constitutions furent lues en plein synode , et approuvées par deux cé-
lèbres docteurs en théologie, savoir, messire Pierre-François Jayus, chanoine
théologal et grand pénitencier <•« l'église cathédrale da Saint-Pierre de Genève;
et messire Pierre Magrin, chanoine et sacristain de l'église collégiale de Notre-
Dame d'Annt:^y; et enfin ces bons ermites firent la profj^sion et vœux simples
entre les mains de messire Louis Queslan, docteur en théologie, pareillement
chanoine de l'église cathédrale, et surveillant député exprès par le saint
François de Sales, évêque et prince de Genève.
454 OPUSCULES
CXL.
LETTRE^
▲ LA MÈRE FAVRE , SUPÉRIEURE DE LA CONGRÉGaTID'N -DE LA VISITATION
A LYON.
Le Saint déclare , d'après le concile de Trente , quel est le temps déterminé
pour le noviciat des Religieux et Religieuses; que les Supérieurs peuvent
néanmoins le prolonger, mais pour de bonnes raisons, et non par caprice.
Anneci, 14 may 1620.
Croyés-moy, ma 1res chère Fille, ne faites point la discrète
avec moy pour ne m'oser pas escrire tous les jours quand vous
"Toudrés: car jamais je ne verray de vos lettres qu'avec très
grande consolation pour moy. Or, je respons à la vostre
dernière.
Je trouveray fort bon que vous venîés un peu à l'avantage
îcy, pour plusieurs raysons , el que vous passiés à Grenoble,
puis que mesme ainsy faysant vous gaignerés le passage de
Chambcry quand vous irés à Turin ; d'autant qu'y ayant
esté en venant, etveu monsieur vostre père, vous n'aurés pas
-sujet de vous destourner pour y repasser, ains irés le droit
chemin et avancerés d'une journée. Mais de vous dire bien
précisément quand vous irés à Turin , je ne le puis encore;
imon frère m'escrivoit dernièrement que ce seroit environ la
fin de juin ou le commencement de juillet.
Le Concile de Trente prefîge absolument une année de
noviciat; en sorte que nul ne peut en establir deux, ny
-iTiesme un seul mois davantage , sans spécial pï zvilege du
' Tirée du monastère de la Visitation -.lu ftijibourg St.-Jacques. C'est la 533*
'de la collection Biaise.
PE S. FRANÇOIS DE SALES. 455
Pape, bien qu'es cas particuliers le Supciieur, ains la Supé-
rieure et les Seurs, peuvent différer la profession quand il
y a cause légitime , comme ([uand avec un peu de loysir la
Novice pourra se rendre plus capable , ainsy qu'il est dict
4s Constitutions; mais ceste vérité il la faut doucement mes-
nager, et ne point l'aileguer par manière de résistance, mais
plustost la luy faire dire })ar quelque homme qui la sçache
dire avec dextérité.
Si d'Auvergne * on poursuivoit pour vous avoir un mois
au commencement de la fondation, je pense que cela seroit
bon et à propos pour la consolation des Seurs qui iront.
Cependant, ma très chère Fille, (vous) me voyés bien marry
d'estre réduit à l'impossible pour aller prescher àLyon, Son
Altesse voulant très absolument que j'accompagne Monsei-
gneur le Prince Cardinal à Rome, qui fera le voyage cest
automne. En ce regret néanmoins j'ay ce contentement de
devoir servir vostre petite Congrégation, et de vous voir
allant et revenant.
Je salue vostre ame de tout mon cœur, ma très chère et
très aymable Fille, et luy souhaitte incessamment les saintes
bénédictions du Ciel; et à ma Seur toute chère Marie Aymée
(de Blonny), Anne F. F. Hieruiiyme, et toutes nos Seurs, que
je chéri'' tres-parfaitement , 6t la malade , et tout à pari
iiostre M. Brin.
* On par'/^it alors de la fondation du mônsistère de la Visitation de Saiiit»
Marie à Montferrand , en Auvei^ti^
456 OPUSCULES
CXLI.
LETTRE*
A LA MÈRE SUPÉRIEURE DU MONASTÈRE PE LA VISITATION,
A GRENOBLE.
Les Religieuses de la Visitation peuvent recevoir chez elles de petites filles r
à quelles conditions. Rang et fonctions de leurs associées, etc. Du grand
Office et du petit. II n'y a pas de bien sans charge en ce monde.
16 may 1620.
Ma très chère Fille,
La fille de laquelle vous m'escrivés estant de telle consé-
quence, pourveu qu'elle eust environ douze ans, pourra
estre fort bien receue. Il est vray que ces jeunes gens don-
nent de la peine ; mais que fera-on là? Je ne treuve point de
bien sans charge en ce monde. Il faut tellement adjuster
nostre volonté, que ou elle ne prétende point de commo-
dités , ou si elle en prétend et désire , elle s'accommode aussi
doucement aux incommodités, qui sont indubitablement
attachées aux commodités. Nous n'avons point de vin sans
lie en ce monde. Il faut donc balancer : est-il mieux qu'en
nostre jardin il y ait des espines pour y avoir des roses, ou de
n'avoir point de roses pour n'avoir point d'espines ? Si cette
fille apporte plus de bien que de mal , il sera bon de la rece-
voir ; si elle apporte plus de mal que de bien, il ne la faut pai
recevoir.
Et à propos de petites filles, la sœur N. (Jeanne Marie
fille de madame la concierge), qui a eêté receue si jeune,
« r/est la 535« de la collection Biaise, et la 34» (a/. 31») du livre III de»
viciennes éditions.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 457
est malade d'une maladie douloureuse, et comme dit
M. Grandis *, mortelle ; car elle est pulmonique. Je la fus voii
Tautre jour avec une incroyable consolation , de voir une si
douce indifférence à la mort et à la vie , une patience si
suave, et un visage riant parmi une fièvre ardente, et beau-
coup de peines, ne demandant pour toute consolation que de
pouvoir faireiljla profession avant que de mourir.
Or, si vous recevés celle que vous dites, il est vray qu'il
ne la faut pas lier aux exercices; car cela la pourroit rebuter
en cette si tendre jeunesse , qui ne peut encore savourer ce
qui est de l'esprit, pour l'ordinaire.
Pour l'habit, il ne le luy faut pas donner avant l'aage,
mais ouy bien luy en procurer un fort simple, et une petite
escharpe qu'elle tienne sur sa teste ; en sorte qu'elle res-
semble en quelque sorte à une Religieuse , et sera bon
qu'il soit ou noir ou tanné, sans ornement, comme j'ar
veu à Saint- Paul de Milan, où il y avoit environ cent cin-
quante Religieuses , et vingt ou vingt-cinq Novices , et bien
autant de Prétendantes, qui y estoient en pension et attente^
et celles- cy estoient toutes vestues d'une mesme couleur
bleue , et des voiles de mesme , et tout leur appareil esgal.
J'en dis de mesme pour la petite Lambert; et c^ sera comme
une petite préparation à l'habit; lequel es filles bien dis-
posées on peut bien donner quelques mois avant le temps,
mais non pas la qualité de Novices, comme on a fait à la
seur Jeanne Marie : et toutefois il me semble qu'il ne k
faille pas faire, sinon pour des occasions pressantes. Un petit
habit tanné ou blanc ou de la couleu." que vous jugerés plus
propre, avec un peu de forme approchant de celle de la Reli-
gion, qui montreroit qu'elles sont en prétention et attendant
l'aage , les pourroit contenter.
Que les filles aillent à Lyon , ou ailleurs , il n'importe
nullement; et ne vous en mettes point en peine. Quand vous
» Ce M. Grandis étoit un médecii».
458 OPUSCULES
serés en nostre Monastère*, ses commodités fer^mt leur atlrae-
tion comme les autres , et les tilles y viendront comme les
colombes aux colombiers xjul sont blancs.Cependant^ ma très
chère fille , qui ne cherche que la gloire de Dieu , la treuve
dans la pauvreté comme dans les commodités. Ces bonnes
tilles n'ayment pas la pauvreté nécessiteuse , et nous, certeSf
n'en sommes pas non plus ravis d'amour. Laissés donc dou-
cement et paisiblement aller à Lyon qui voudra ; Dieu vous
garde mieux que tout cela.
Yous m'excuserés, ma tres-chere Fille; j'espère que Dieu
nous assistera, afin que le grand Olïice ne. soit jamais intro-
duit en cette Congrégation, et le pape mesme en donna quel-
que instruction ; et nonobstant cela ^, il est bon qu'il y aye des
Seurs associées pour faire la charité h tout pleinde; personnes
qui ne sçauroient dire l'Office , ou^ pour avoir la veuë trop
foible et basse, ou pour avoir manqnement.d'estomach^ou
pour quelque autre infirmité.
C'est pourquoy Ton n'a pas marqué les exercices qu^il
leur faut donner en lieu ;de l'Office au clMeui^ *. car. selon lear
infirmité il les faut pourvoir. Si elles <mtt fauta de veuë , on
leur peut donner des cliapelets. Si c'est infirmité d'estomach
ei non de veuë , elles pourront dire les Heures ; et la Supé-
rieure pourra disposer d'elles à quelque Office non incompa-
tible avec leur infirmité. Depuis peu j!ay leu la première Cons-
titution, où il est assés clairement dict que les Seurs associées,
comme les domestiques, diront des P^^e/^ et Ave en lieu de
l'Office f c'est en la page 1 18 et 1 19. C'est] pourquoy il ne
sera nul besoin qu'elles disent les Heures i aâns suffira qu'elles
fassent ce quiest porté en l'article de eeste Constitution , et
» Les Religieuses de la Visitation de Grenoble habitoient' alors une maison
qui ne leur appartenoit point, en attendant qu'elles eiissent un monastère.
* C'est-à-dire : et nonobstant que vous disiez le peJtit Olïiee seulement, A
est honfqWib y ait des! Sœurs associa»**, etc.
• Qui les emi)êche de cbantor aa ihœur
DE S. FRANÇOIS HE SALES. 459
qu'au reste la Supérieure les employé selon qu'elle verra
qu'elles pourront faire.
Il sera bon que nostre mère de J>yon* passe à Grenoble
pour vous voir; vous en recevrés de la consolation toutes
deux. Et ne vous mettes nullement «n peine de ceste petite
louche que vostre cœur en ressent : car cela n'est rien , et
sert beaucoup pour nous faire humilier doucement, pour
nous faire voir la misère de nostre nature, et pour nous faire
désirer parfaitement de vivre selon la grâce, selon l'Evan-
gile, selon l'esprit de nostre Seigneur. ParîéwS-moy tous-
jours hardiment; car je proteste devant Dieu et ses Saints
que je suis vostre, ma très chère et véritablement bien aymée
Fille.
Je salue nos Seurs tendrement , et ces bonnes Dames.
1 C'est la mère Kavre qui alk'it être supérieu»» » Montferrand, 'ville de la
basse Auvergne , et laisser à sa place la mère de Blonay, supérieure.
460 OPUSCULES
CXLII.
1
LETTRE
À s. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Sur le dessein d'employer les prébendes vacantes de Contamine à rétablisse-
ment des lectures de théologie, et du noviciat des PP. Barnabites.
Annecy, 2 juin 1620.
Monseigneur,
V. A. qui m'avoit commandé de faire recevoir le neveu
du sacristain Perret à Contamine, me commande par une
autre lettre de ne le point faire jusques à ce que luy aye
donné mon ad vis. Et partant , Monseigneur, je supplieray
V. A. de se ressouvenir de l'heureux dessein qu'elle a d'em-
ployer les prébendes de ce Prieuré-là , pour l'establissement
des lectures de Théologie, et du noviciat des PP. Barnabites,
puisque il est si malaysé de mettre la reforme en un lieu
où il n'y a pour encore aucun sujet capable de l'introduire,
et tout à fait destitué de bastimens. Et sur cela V. A. me fa-
vorisera de ses commandemens quej'attendray et recevray
avec l'obeyssance que je luy doy ,
Monseigneur,
Son très humble , très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur,
François, Evesque de Genève.
« L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turiu. G'esi
la 255* inédite de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 461
CXLIII.
AUTRE LETTRE *
AU MÊME.
Sur l'union du prieuré de Ghindrieu à la cure de Ruhiilly pour y ÉtaMfr
les pères de l'Oratoire.
Anneci, 7 octobre le'IO.
Monseigneur,
En attendant que V. A. fasse retiscir le projet du resta blis-
sement de la vraye pieté en tous les monastères et es autres
églises de cet Estât de deçà les Montz, voicy une digne occa-
sion qui se présente pour Rumilly : ïe sieur de Saunatz,
Prieur de Ghindrieu en Chautaigne , désire sans fin de con-
sacrer sa personne et son prieuré au service de Dieu et des
âmes, sous Finstitut des PP. de l'Oratoire; et parce que son
Prieuré est proche de Rsmilly , il a jette ses yeux sur ce
lieu-là , du quel la cure estant assez honne, icelle jointe au
Prieuré avec quelques autres petitz henefices pourroit suffire
à l'entretenement de dix ou douze bons Ecclésiastiques du
dit Oratoire qui auroyent un grand employ en cette ville-là
et en tout le voysinage. Mays pour avoir l'événement propice
il seroit reqîjgis, Monseigneur, que Y. A. nous tesmoignast
son consentement et contentement, et que par après elle favo-
risast les poursuites qu'il sera requis de faire à Rome : et de
tout cela je l'en supplie" très humblement comm' aussi de
commander que les pauvres Cures d'Armoy et de Draillens
soyent attestées de l'argent que tant de foys Y. A. leur a or-
' I/original en est con6<»rvé aux Archives de U Cour de Turin. C'est la 260«
inédite de la collection Biaise,
462 OPUSCULES
donné , n'estant pas en nostre pouvoir ni par prières , ni par
sousinissions, ni par importunité d'en rien avoir, des cinq ou
six ans en ça, sinon 50 escus, sans plus. V. A. sçait combien
cette supplication est juste ; qu'il soit donq son bon playsir
de la faire reûscii-. Tandis, nous, prions nostre Seigneur
qu'il la conserve et fasse de plus en plus prospérer.
Je suis,
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur de V. A. Ser.
Fbançois, Ev. de Genève,
DL S. FRANÇOIS DE SALES. 463
CXLIV.
LETTRE*
AS. A. CHARLES EmiANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Sur l'extrême misère de la sainte maison de Notre-Dame de Thonon, et sur
les moyens d'y porter remède.
11 décembre 1620.
Monseigneur^
L'extrême désolation qui est en la sainte Mayson de
nostre Dame de Thonon ne peut recevoir remède que de
Totre serenissime providence ; la pauvreté y est déme-
surée; etlesenfans du séminaire tout fin nu ds , deschaux
et transis de misère; le Prestre de la Maison, et les Pères
Barnabites n'ont justement que pour manger et habiter, et
non pour se veslîr; et lèreste va très mal en point; mays
ce qui est le pis, c'est que cette calamité y fait naistre une
lamentale desunion , tandis que chacun s'essaye de tirer à
soy le peu de moyens et d'argent qu'on y porte.
Le remède , Monseigneur, à ce mal qui , à la vérité , est
de plus grande conséquence qu'il ne semble , consiste en ces
pointz.
Le projet de cette Mayson a esté fait fort grand et ample ,
et falloit quatre mille escuz pour lesoustenir annuellement.
Despuys on a de beaucoup amoindry les moyens qui y de-
voyent estre employés , et pour un seul coup on a osté le
prieuré de Nantua , qui sont mille escus de revenus ; et t?n^
viron deux mille ducatons que S. A. par sa libéralité y a
» L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est
h. 264e inédite de la collection Blaisô-.
1 »■■■!- »■;
464 OPUSCULES
destines , ne sont pas touchés à commodité. Il est vray en-
core j avec tout cela , Monseigneur, que la mauvayse intelli-
gence des membres de cette Mayson, et la mauvayse conduite
de ses affaires l'appauvrit de plus en plus.
Monseigneur, si V. A. fait reùscir le projet d'establir là
des vrays Prestres de l'Oratoire , en lieu de ceux qui y sont,
on sauvera de ce costé là 300 ducatons , car faysant une vie
tout à fait comniune , il ne faudra aucun gage , comm' il en
faut aux autres, layssant à part le lustre et le proffit spiri-
tuel qu'ilz apporteront. Si V. A. fait reùscir le dessein d'ap-
pliquer toutes les prébendes de Contamine aux PP. Barna-
bites , hors mis cinq ou six ou mesme sept pour y faire faire
le service paroissial et célébrer les messes de fondation , on
sauvera cinq cents escus de revenus; et îes finances de S. A.
descbargées d'autant. Et puis, Monseigneur, si le projet de
la reformation des monastères et du clergé reùscit , on trou-
vera bien encore des bons et gracieux moyens d'accommoder
pour le reste. Mays tandis que tous ces biens s'acheminent
sous les auspices et par les soins de V. A. Ser., je croy qu'il
sera requis que pour le présent elle fasse recevoir l'argent
des assignations à ce porteur, le sieur Gillette, affin qu'il en
secoure les nécessités pressantes de la ditte sainte Mavson,
et je me promets de vostre bonté , Monseigneur, que Vc A.
me pardonnera aysémentl'importunité de cette lettre escritte
de la main et du cœur.,
Monseigneur,
De vostre très humble, 1res obeyssantet très fidèle
orateur et servi t*îur,
!:< RANÇois , Evesque de Genève,?
DE S. FRANÇOIS DR SALES. 4G5
CXLV.
LETTRE*
A UN GENTILH0M3IE DE LA COXTA DE S. A.
Saint François lui parle du désir de faire donner à M' ie Valbonne, fils da
premier président Favre, l'office de son père, sans gages pendant sa vie;
et l'entretient de la situation des bénéfices, curés, et des religieux de son
diocèse.
1620.
Vous verres par la lettre et le mémoire de nostre frère ,
la proposition qu'il désire estre faite à S. A. ou à Monsei-
gneur le Prince. Or, il a une grande espérance que par ce
moyen il rendra un bon et fructueux service à la Couronne,
car ceux qui entendent en l'affaire l'asseurent qu'elle est fort
bonne et digne d'estre entreprise. Pour moy, je le desirerois
bien fort, et croy que S. A. n'ayant rien à délivrer présente-
ment ni mesme à l'advenir, ains seulement à authoriser main-
tenant l'entreprise et tirer à l'advenir presque tout le fruit de ce
travail, elle accordera volontiers ce qu'on demande ; dequoy
ce garçon apportera response, puis qu'il va exprès pour cela.
Monsieur le premier Président , voyant que sa jambe ne
luy pourra guère meshuy permettre d'aller aux audiences ,
avoit fait une pensée de supplier S. A. de vouloir donner
son office à son filz Monsieur de Valbonne , qui l'exerceroit
dés à présent , et sans autres gages que ceux qu'il a pendant
la vie de son père, après laquelle il succedast aux gages
comme à Testât.
Or, pour parvenir à cela , u seroit requis d'user des pre-
paratif z ; en quoy vous pouvés obliger l'un et l'autre es
' L'original en est conservé dans le monastère de la Visitation de Turiiu
C'est la 268e inédite de la collectiop Biaise.
VI. 30
^66 opuscuijF^
occasions , comme seroit de faire naistre des propos parmi
les quelz vous puissiés , par ci , par là , jetter dans l'esprit
de leurs iVitesseset de Madame les conceptions suivantes :
Que Monsieur le premier Président est le plus grand juris-
consulte de ce tems , et que c'est dommage qu'il ne puisse
plus si aisémen* meshuy prononcer les arrestz et se treuver
à toutes occasions comm' il faysoit. Que sa maladie luy
donne également cette incommodité, et presque asseurance de
longue vie , puisque elle le descharge des humeurs peccantes.
Que c'estoit une belle chose es occurrences de le voir haran-
guer, et représenter le Sénat. Puys , que Monsieur de la
Valbonne paternise en cela , qu'il est grandement conscien-
tieux, qu'il harangue heureusement et fait fort bien toutes
sortes de complimens. Qu'il préside merveilleusement bien
et prononce avec beaucoup de grâce les arrestz , qu'il est
fort docte, qu'il a esté dix ans au Sénat, trois ans juge«.
magne et trois ans président icy, et que par ces degrés il
g'est acquis une grande habitude à bien distribuer la justice,
qu'il a environ 38 ans , aage de maturité et propre pour
rendre beaucoup de services. Et ainsy semblables choses,
les quelles sont fort véritables ; de sorte que sans doute
il n'y en a pas un au Sénat qui peust mieux succéder que
luy; car les uns sont si vieux qu'ilz n'en peuvent plus , les
autres sont bas de naissance et fort peu bien disans, les
autres n'ont pas tant d'estude ni tant d'habileté. En somme,
toutes choses bien considérées , il n'y en a pas un qui à tout
prendre puisse mieux ny certes si bien reiiscir en cette charge.
Car à ce qu'on me dit , M. de Montouz est désiré en la
/^mbre et ne veut pas prétendre ailleurs pour encor. Or,
tout cela doit estre discrètement, sagement et dextrement
semé comme pour préparatoire et disposition es occurrences.
Et Monsieur le Premier espère que Monsieur le Marquis de
Talroncey contribuera bien à cet effet de son costé. Et par-
iant vous pourrés bien en conférer avec luy, mays il faut
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 467
tenir le tout fort secret. Puis M. le Président estant icy où il
•espère tousjours de venir bien tost, il prendra resolution de ce
-qu'il aura à faire , et sur tout si vous me faites sçavoir s'il y
|)Ourroit avoir de l'apparence.
Je treuve M. le Prieur de mesme fort à mon gré, propre ,
bonne mine , oon langage et bon esprit et des moyens suffi-
sans pour honnorer l'office. M. l'Abbé que J'ay treuvé fort
refait et façonné , m'a grandement prié de vous recommander
monsieur le Prieur Curtes que son père et ses parens desi-
reroient grandement voir ausmonier de Madame. Si donc
vous le jugés à propos , ce seroit bien fait de leur procurer
ce contentement.
Ces Messieurs de N. D. ont par commune conspiration un
grand désir que vous acceptiés le doyenné , estimant qu'ilz
ne sçauroyent mieux relever leur Eglise. Leur désir ne peut
nuire, et qui pourroit transporter nostre Eglise en la leur,
par les moyens et avec les articles convenables , selon qu'on
en a parlé ci-devant, non seulement je ne verrois point d'in-
convénient en cela, mais j'y treuverois beaucoup de bien;
car comme Doyen vous gouverneriés l'un des Chapitres ,
■comme Chantre le Chœur de l'un et de l'autre unis, et
«omme Evesque tous deux, et tout le Clergé de la ville,
parmi le quel on pourroit faire renaistre toute sorte de bonne
discipline. Et vostre canonicat pourroit estre donné à mon
nepveu. Mais ce que je vous dis n'est que pour sçavoir
vostre pensée sur cette proposition , car cependant monsieur
le Doyen achèvera son noviciat.
Je suis grandement en peme des paroisses d'Armoy et Drail-
iens , pour les quelles on ne sçauroit avoir un liart , et ceux
qui les servoyent accablés de pauvreté et de dettes dont je suis
respondant , se sont retirés par force. Monsieur le président
d^Hostel qui me tesmoigne de l'amitié autant que jamais ,
me dit qu'à l'advenir on sera payé année par année , mais
que pour le passé il faut treuver quelque moyen, que pour-
468 OPUSCULES
tant il ne void pas. Si vous voyés lieu d'en parler à propos ,
j'en serai bien ayse : car Monseigneur le Prince m'a tousjours
asseuré qu'il vouloit que nous fussions payés. Et c'est mer-
veille que Cv^q cents escus coustent tant à retirer en un sujet
si plein de justice et de pieté.
J'ai bien envie, de sçavoir que deviendra le monastère de
Turin, encor que je sois bien ayse que ce retardement donne
loysir à ma seur Favre de fonder celuy de Clermont , et à
Madame de Chantai celuy d'Orléans et de Nevers. Nous
avons esté contraintz de destiner Madame de Monthouz à
Moulins, pour y estre Supérieure, parce que M. Grandis
dit que si elle ne changeoit d'air elle mourroit dans peu de
semaines, comm' elF a pensé faire ces jours passés; et l'office
de maistresse des novices occupoit trop son esprit , qui se
portera mieux des affaires extérieures.
Nous verrons si M. la Signora D. Geneva, ma très cherp
fille, viendra ; je voudrois bien pour le service de Leurs Al-
tesses et de nostre maistresse que Madame de Saint Georges
arrestast encor quelques années. Voylà un livre de l'Intro-
duction en françois. Le Père Antoniotti l'a bien mieux tra-
duit qu'on n'a pas fait à Rome; j'attends de sçavoir des
nouvelles de nostre P. General des Feuillans , comm' aussi
de nostre Monsieur l'Abbé d'Abondance , selon l'advis que
vous m'avés donné de son affaire que je luy ay fidèlement
envoyé. 0 mon Dieu! que Monseigneur le Serenissime Prince
aura de bénédictions si la reformation se fait! toutes ces
bonnes Religieuses sont alarmées de ce que M. l'Abbé de
Ceyserieu a dit à son retour qu'on les vouloit régler. Les
unes veulent prévenir en apparence , mays n'ayant pas de
Supérieurs reformés , je ne sçay comm' elles pourront faire.
Ce sont des tentations parfumées. Nous avons eu icy le Père
Alexandre Ficher, ces festes de Peutecoste , qui a de gran-
dissimes talens pour prescher exoeîlomment, je dis, mieux
que plusieurs dont on fait si grand estât.
DE S. FRANÇOIS ])E SALES. 469
\A/w\rv/
CXLVI.
LETTRE^
AU PÈRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DES PRÊTRES DE SAINT-PAUL,
A MILAN.
Saint François lui recomn:iande un jeune homme, eunuque de naissance, qui
désire d'entrer dans la Congrégation des Prêtres de Saint-Paul.
Annecy, 9 janvier 1621.
Très-Révérend Père,
Nous avons ici un jeune homme d'une maison honorable,
iequel m'est cher sous beaucoup de rapports, particulière-
ment parce qu'il est bon séculier et très-dévot. Actuelle-
ment il désire entrer dans votre congrégation religieuse, et
il craint de n'être pas reçu , parce que dès le sein de sa mère
il est eunuque ; il veut que je supplie V. P. Très-Révé-
rende , d'être favorable à ses pieux désirs. Comme je sais
que l'on a élevé au suprême pontificat un eunuque , et que
dans la compagnie de Jésus on compte actuellement le Père
* L'original en appartient à la maison Mantegazza de Monza, près de Milan.
C'est la 2G9e inédite de la collection Biaise.
In Annessi, 9 gennaio 1621.
Molto Rev. Padre ir-io oiï",
Habbiamo qui un giovine di casa honorata, il quaîe mi è caro per
piiî rispetti . wd 'nassinie per chè è buon secolare e molto divoto.
llova desidera SL_jmamente di potev entrare nella religiosa congre-
çazione vos.ra^e dubita di non esser l'icevulo, perché ab utero ma-
tris è eunuco. Onde vuole chè io supplichi V. P. molto Reverenda ad
esser propizio alli suoi tanto pli dcsiderii^ e perché io so chè etiandiù
è stato assunto al sommo pontificato un eunuco, e chè nella compa-
snia di Giesù vive pur adesso il Padre Yalerio Reginaldl autor dcl
470 OPUSCULKS
Valère Reginaldi , auteur du Thésaurus fori pœnitentialîs ^
qui est eunuque, je viens très-volontiers supplier V. P. R.
de vouloir bien être favorable à ce sujet , qui avec tant d'ar-
deur désire devenir Religieux , et qui est d'ailleurs d'un
esprit bon , doux , décidé et pieux. En priant Dieu qu'il
accorde à V. P. et à tout son Ordre un accroissement dfr
prospérité , je suis son très-humble frère et serviteur,
François , Ëvêque de Genève.
Thésaurus fori pœnitentialis chè è eunuco^ molto volentieri vengo
a supplicare V. P. M. R. di voler favorire questo che con tanto af-
fetto brama di esser admesso allô stato religioso , e che 7er altro è
di buono spirito, mansueto, allegro e pio. E cosi pregando il signor
Iddio chè a V. P. et a lutta la sua religione dia ogni vero accresci-
mento di prosperità, resto di lei,
Humilissimo corne fratello e servi tore,
Francesco y Vescovo di Ginevra
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 471"
wwrv/w^.
CXLVII.
LETTRE '
A SON ALTESSE CHARLES EaiMANUEL l", DUC DE SAVOIE >
Sur l'exécution de la réformation des monastères en Savoie.
Annecy, le 14 mars 1621.
Monseigneur,
Je feray au plus tost le voyage de Thonon selon le com-
mandement de V. A., ne me pouvant empescher de me res-
jouir avec elle du commencement qu'elle donne àrexecution
du saint projet qu'elle fît estant en cette ville pour la refor-
mation des Monastères et le bien publiq de l'Eglise en cette
Province ; ne doutant point que comme c'est un très grand
service de Dieu, aussi sa Divine Majesté n'en recompense
V. A . des très grandes bénédictions que je luy souhaitte
incessamment comme estant sans fin.
Monseigneur,
Yostre très humble , très obeyssant et très fidèle serviteur
et orateur,
François , Evesque de Genève.
P, S, Bien qu'il semble qu'il n'importe pas beaucoup d^'
sçavoir à qui les Prieurés et Abbayes que l'on veut unir
appartiennent, puis que on ne prétend pas d'unir les portions
des Abbés et Prieurs , ains seulement celles des Moynes , si
est-ce que pour obeyr à S. A., je marque ici les noms des
possesseurs des dittes Abbayes et des Prieurés :
1 L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 'ilZ^
inédite de la collection Biaise.
472 OPUSCULES
L'Abhaye d'Aux est à Monseigneur le Serenissiuie Prince
Cardinal ;
Cheyseri, à R. M. Gaspard Ballon, Aumosnier de Ma-
daii^e;
Tamié,àR. P. François-Nicolas de Riddes, Aumosnier de
S. A.jSc.iateur au Sénat de Savoie qui en est abbé titulaire;
Bellevaux, à M. Aymé Mermonio de Luirieu, Commen-
dataire ;
Contamine, à la Sainte Maison de Thonon ;
Chindrieu, à M. Louys de Gerbaix dict de Saunax, Clerc;
de l'Oratoire de Lyon ;
Rumilly, à R. P. F. Bernard de Graillier, titulaire;
Le Prieuré du Cliesne, à R. P. Robert Jacquerod de Bon-
Levaux, Religieux de Talloire titulaire;
Bonneguette, à la Sainte Mayson ;
Saint Paul, près Evian, à M. Jean-François de Blonnay,
commendataire ;
Silingie, à M. Berard Portier dit de Mieudri, commenda-
taire ;
Vaux , à M. Jacques de Losche , commendataire ;
L'abbaye d'Entremont, à M. Pierre Gaspard de Ronca,
commendataire ;
Saint Joive près Chamberi, à la Sainte Maison de Thonon;
L'Abbaye de Six, àM. Humbertde Mouxi, commendataire.
Pellionex, à M. Claude Reyder dit de Chqysi, commen-
dataire ;
Le Saint-Sepulcre-lés-Annessi, à M. Claude de Meuthon
]e Montrottier, commendataire;
L'Abbaye d'Autecombe, à M. l'Abbé de la Meute.
Les monastères des filles appartiennent comme s'ensuit :
Sainte Claire, hors ville de Chamberi, àDamedeRibod*^
Bonlieu , à Dame de Lucey ;
Sainte-Catherine-lés-Annessi, à Dame Peronne de Cyrisier;
Le Betton, à Dame Saint Agnes.
DE S. FRANÇOIS DE SAF.I-S. 473
cxLvni.
ADVIS PARTICULIER'
fOCR LES NÉCESSITÉS PRESENTES DE LA SAINTE MAYSON DE N.-D. DE COMPASSION,
FONDÉE PAR S. A. A THONON.
Les liir/ Prestres de la Congrégation qui font le service en
l'église de iN. D. et portent la charge des âmes, vivent vérita-
blement en bons ecclésiastiques séculiers sans scandale , et
ceîeluent les saintes messes journalières qui ont esté esta-
blies.
Mays premièrement Feglise n'est pas entretenue propre-
ment, ny assortie des meubles convenables , parce que les
ditz Prestres tirant un chacun son gage à part, il n'y a pas
dequoy fournir aux nécessités communes, lesquelles ensuite
sont négligées ; secondement l'Office des heures canonicales
n'y est pas fait avec la bienséance et dévotion extérieure qu'il
seioit requis, les ditz Ecclésiastiques n'estant pas duitz et
nourris à cela, ains seulement assemblés sous la condition des
gages.
Tiercement les maysons sont en mauvais estât, parce que
la dite Congrégation n'en a point de soin, et ce d'autant que
tout le revenu d'icelle s'employe à l'entretenement des per-
sonnes et payement des gages : de sorte que Ta.gent de S. A.,
manquant, il n'y a pas où prendre les commodités requises
aux réparations.
Quartement le revenu de la ditte Congrégation n'est pas
bien ramassé, parce que chascun y estant à gage particulier,
nul ne fait le mesnage commun, ains donnent tout le bien à
« L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 274*
parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
474
OPUSCULES
censé, cl Taiîmodiateurgaigne une grande partie, de laquelle
par consenuent la Congrégation est privée.
L'unique remède à ces inconveniens seroit de composer
cette Congrégation non de Prestre? à gages, mays de vrays
Prestres de l'Oratoire, ainsy que la bulle fondamentale delà
sainte Mayson porte , puis que mesmement il y en a en France
qui pour la communion du langage pourront faire convena-
blement la charge des âmes , et qu'il y en a qui sont sujetz
de S. A., et que tous demeurent entièrement sousmis à la
jurisdiction des Evesques, en sorte que l'Evesque de Ceneve
qui sera tousjours dépendant de S. A. aura l'authorité de les,
contenir sans qu'il soit nécessaire de recourir hors de Testât.
Et ainsy le revenu que possèdent à présent les Ecclesiasti(jues
séculiers de N. D. n'estant point employé en gages partie u^
liers, ains estant mis tout en commun, il y aura de quoy
faire une Congrégation de beaucoup davantage de Pères,
qui mesnageant par leurs frères les biens, auront de (]uoy
entretenir les meubles de l'église, les offices et ce qui despen-
dra d'eux en une grande révérence et politesse : et cette
partie de la Sainte Mayson qui est la fondamentale et la
quelle paroist le moins , paroistra indubitablement le plus et
ediQera infiniment. Et d'autant que les Prestres qui y sont
maintenant sont gens de bien , on pourra leur prouvoir d'en-
tretenement convenable leur vie durant, estans presque tous
vieux, cependant que l'on introduira les PP. de l'Oratoire
petit à petit par les moyens qui seront advisés.
Il y a encore un défaut notable en la Sainte Mayson , car
il n'y a point de refuge pour les convertis , qui néanmoins y
doit estre selon la première intention pour laquelle fut érigée
cett' œuvre : de sorte que mesme le sieur de Corsier converti
auquel on avoit assigné entretien , n'en a nulle sorte de com-
modité, et mourroit de faim, si d'autres gens que ceux de la
Sainte Mayson ne s'incommodoyent pour luy; et néanmoins
3 est gentilhomme de bon lieu, et duquel la parenté a beau-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 475
coup souffert pour le service de S. A. ; il est très homme de
bien et bon ecclésiastique, mais non pas propre pour la
charge des âmes. Et de plus il se convertit de tems en tems
des honnestes hommes , comme de nouveau le sieur de Prez
sujet de S. A. et homme de grande capacité , qui demeure
tout à fait rans secours de ce costé-là.
Or à cela il n^ a point de remède , si non en faysant biea
revenir les deniers de la fondation de S. A., et ordonner que
Ton fasse un estahlissement particulier pour ce membre de
la Sainte Mayson.
fîk6 OPUSCULES
CXLÎX.
LETTRE
1
A S. A. VICTOR AMÉDÉE, PRINCE DU PIÉMONT.
SBôxii François reco-mmande à S. A. le frère Adrian , la réformation des mo-
nastères, et i-'élablissement des frères de l'Oratoire, à Thonon.
Anneci, 30 avril 1621.
Monseigneur,
Ce porteur, frère Adrian, va auprès de Y. A. Ser., pour
des affaires de si bonne condition pour le service de Dieu et
du publiq, et lui mesme est si zélé sujet de S. A., qu'il n'est
Bul besoin que je le recommande à la bonté de V. A. Mais
puis qu'il le veut, je le fay très humblement. Monseigneur, et
;ivec luy encor l'affaire de la reformation des monastères de
deçà les Montz , et l'establissement si nécessaire des PP. de
J'Oratoire à Thonon et Kumilly , qui suis à jamais de V.
A. Ser.,
Monseigneur,
Très humble, très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur,
François, Evesque de Genève.
* L'ongtïïal en est conservé aux Aichives de la Cour de Turin. C'est la î.70»
inédite de la uoUectiou Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 477
CL.
LETTRE^
A s. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Sai::t François met sous les yeux de S. A. la pauvreté de la maison des ea-
fans de Bressieu-Rouer, et recommande une affaira que cette maison a es
Piémont.
Annecy, 13 mai 1621.
Monseigneur,
La multitude des enfants et notamment des filles, qui soirt
en la mayson de Bressieu-Roûer, est véritablement digne
d'extrême compc*5sion ; or ils ont une prétention en Piedmoat
laquelle ilz sollicitent il y a longtems; et ne peuvent ea
voir l'issue , qui retient toute cette famille en langueur, et
parce qu'ilz ont désiré mon intercession auprès de V. A,,
alFin qu'il luy playse d'ordonner au Magistrat de leur faire
bonne et briefve justice , je la supplie en toute humilité.
Monseigneur, de leur départir cette si juste et charitable
faveur, qu'elle ne refuse à personne, et que plus que nul
aultre je me prometz de la véritable bonté et équité de V. A.
Ser., de laquelle j'ai l'honneur d'estre.
Monseigneur,
Très humble , très obeyssan' et très fidèle
orateur et serviteur,
François, Ev. de Gène va
» L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la V»
Inédite de la collection Biaise.
478
OPUSCULES
'WVA/VW
CLI.
LETTRE'
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Sui son voyage à la sainte maison de Thonon.
-- . Annecy, 14 mai 1621.
Monseigneur,
Ayant receu le commandement de V. A. pour m'achemi-
«er à la sainte Mayson , je ne manqueray pas de me rendre
à Thonon au premier jour, et de luy rendre compte de tout
ce que j'y auray fait et treuvé , puis que je suis,
De Y. A. Serenissime,
Monseigneur,
Très humble, très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur,
François, Ev. de Genève,
* L'original en existe aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 271» iué»
iBte de la collectiou Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 47^
yi^^i/\/\/\J'\J'\/>^^<<J»m
CLII.
LETTRE*
A S. A. VICTOR AMÉDÉE, PRINCE DU PIÉMONT.
Saiut François recommande à S. A., M. de UEspine.
Thoiion , 1 juin 1621.
Monseigneur,
Ce porteur, le sieur de L'Espine, se treuvant accablé de la
recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz
et deniers des quelz feu son père estoit demeuré débiteur
et obligé , sans moyen quelconque ni espérance de pouvoir
exiger les ditz restatz qui sont deuz par les Communes les
quelles ont assés à faire de fournir aux charges présentes,
il recourt à l'unique remède , qui est la bonté et debonnai-
reté de S. A. et à la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy
playse d'estre propice à son impuissance, et le délivrer de
cette recherche , et parce qu'il est grandement chargé
d'enfans et d'ailleurs homme d'honneur , je Faccompaigne
de ma très humble supplication et recommandation auprès
de V. A. Ser., de la quelle je suis,
Monseigneur,
Très humble, très obeyssant et très fidèle
serviteur et orateur,
François, Ev. de Genève.
- L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 275*
àiédite ie la collection Biaise.
480
OPUSCULES
CLIII.
LETTRE^
A S. A. VICTOR AMÉDÉE, PRINCE DU PIÉMONT
gaint François envoie à S. A. le rapport sur la saintp maison de Thonon, éi.
lui parle du besoin de réformer Je clergjé, tant séculier que régulier de
la Savoie.
Annecy, 12 juin 1621.
Monseigneur,
V. A. verra par le résultat cy joint ce qui a esté treuvé
bon par les sieurs de Lescheraine et Bertier et moy touchant
Testât présent de la Mayson de Tlionon , en la visite que par
le commandement de S. A. et de la vostre, Monseigneur,
j'y ay faite ces jours passés.
Mais les moyens de remédier aux manquemens qui y
sont , je les ay mis à part en un feuillet que je joins à cette
lettre , laquelle je finis suppliant très humblement V. A. de
ne se point lasser en la poursuite et resolution que Dieu luy
a inspirée de faire au plus tost reformer Testât ecclésiastique
tant régulier que séculier de la Province de deçà , estant
chose très asseurée, que Dieu contre-eschangera ce soin de
V. A. de mille et mille bénédictions que luy souhaitte inces-
samment ,
Monseigneur,
Vostre très humble , très obeyssant et très fidèle
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
» L'original en appartient aux Archives de la Cour de Turin. G'e^t 'a iTÔ»
inédite de la collection Blaiso.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 481
CLIV.
LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL l*"", DUC DE SAVOIE,
Sur la sainte maison de Notre-Dame de Compassion , et sur les moyens
de la faire fleurir.
Annecy, 12 juin 1621.
Monseigneur,
Ayant visité la sainte Mayson de nostre Dame de Compas-
sion , elle en recevra la relation , qui est toute la mesme que
celle de Messieurs de la Chambre des Comptes , et verra , s'il
luy plaist, les nécessités qu'il y a d'y faire des establissemens
permanens pour la faire fleurir selon la très pieuse intention
de V. A. qui l'a fondée , de quoy escrivant un Mémoire à
part dans le paquet que j 'adresse à Monseigneur le Ser . Prince,
pour moins importuner Y. A., il ne me reste que de conti-
nuer mes supplications à Dieu qu'il fasse de plus en plus
abonder V. A. en ses saintes bénédictions, qui suis à jamais
et invariablement ,
Monseigneur,
Yostre très humble , très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
« L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'«*
la 277» inédite de la coUectiuû Biaise.
482 OPUSCITLES
€LVo
LETTRE*
AS. A. CHABLES EMMANUEL l"*, DUC DE SAVOIE.
^fiaint François parle a S. A. de la réformation âes Religieuses au-delà de»
monts, et de celle des Chartreux de Ripaille et d'Aux.
Annecy, 12 juin 1621.
Monseigneur,
Puis que j'ay occasion d'escrire à Y. A. Ser., je la supplie
très humblement d'avoir aggreable que je luy représente
Textreme besoin qu'ont les Religieuses de Cisteaux de deçà
les Mons , et celle de Sainte-Claire hors la ville de Cham-
beri (sujettes au gênerai des Conventuels surnommés de deçà
de la Grand'Manche) , d'estre ou reformées, ou changées
selon le projet ci-devant envoyé à V. A., et cela est d'autant
plus désirable que la plu spart des Religieuses mesme le dé-
sirent et souspirent après ce bien.
J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis
pour l'establissement des PP. Chartreux à R paille et en
l'Abbaye d'Aux , que V. A. commandast et fit commander
par leur gênerai au P. D. Laurensde Saiut-Sixt, leur procu-
reur en Savoye, de se rendre auprès d'elle terminer ce projet
ainsi qu'il est requis.
Car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui
y sont maintenant , il est impossible. M. l'Abbé de Tamie a
fait ce qu'il a peu pour cela ; et M. le Président de Lescheraine
ayant esté là cette semaine au retour de Tonon, y a trouvé
» I/original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 278»
inédite do la colleclion Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 483
un si extrême scandale, qu'il ne sçait plus qu'en dire. Et par
aventure, Monseigneur, qu'il seroit à propos que V. A. ou
Bionseigneur le Prince Cardinal appelast le dit sieur Prési-
dent pour ouyr plus de particularités sur ce sujet et sur
eeîuy de la sainte Mayson que les escritz n'en peuvent dé-
clarer, ce que je dis d'autant plus volontiers quej'ay reconnu
au dit sieur de Lescheraine une grande suffisance d'esprit
et beaucoup de bon zèle. Dieu par sa bonté fasse de plus en
flus prospérer V. A., de laquelle je suis tout à fait ,
Monseigneur,
Très humble, très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur,
François, Ev. de Genève.
484 OPUSCULES
CLVI.
LETTRE^
A s. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
Saint François recommande à S. A. l'affaire de la restauration de la discipline
ecclésiastique, et lui envoie la note du nécessaire pour établir les PP. de
l'Oratoire à Rumilly.
Anneci, 29 novembre 1621.
Monseigneur ,
Je loue Dieu dequoy V. A. persévère au dessein de la
restauration de la discipline ecclésiastique en cepaïs, asseuré
que je suys qu'à mesure que le zèle de V. A. fera croistre
en ses estatz la gloire de la Divine Majesté, vostre couronne^
Monseigneur, fleurira de plus en plus ; et selon qu'il a pieu
à V. A. de m'ordonner, je luy envoyé ce qui est présente-
ment requis pour Testablissement des PP. de l'Oratoire à^
Rumilly, qui est une chose pressante, et demeure cependant
de toutes mes affections ,
Monseigneur ,
Vostre tres-humble , treB-obeyssant et tres-fidelle
orateur et: serviteur,
François , Evesque de Genève.
• L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 28a*^
Inédite de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 483
CLVII.
LETTRE^
▲ MONSIEUR CARRON.
Sîinl François lui parle de la nécessité d'introduire les PP. de l'Oratoire à
Rimiilly, et de rintention de M. de Saunaz, prieur à Chindrieu, d'unir soa
i^rieuré à celui de Rumilly
,, . Anneci, 29 nov. 1621.
Monsieur ,
Je vous rends mille actions de grâces du soin qu'il vous
a pieu de prendre pour me faire avoir response de Monsei-
gneur le Ser. Prince, en faveur de l'introduction des PP. de
rOratoire à Rumilly , oia l'on ne sçauroit dire combien leur
venue est nécessaire ; car, Monsieur, imaginés- vous , qu'en
cette seule église il y a quatre diverses espèces d'Ecclesias-
ïiqv.Qs : IMe Prieur, qui est Religieux de l'Ordre de Cluny,
dépendant du prieuré deNantua qui est à présent en France;
2** le Sacristain , séculier qui est dépendant du pieuré ; 3° le
€uié et le Vicaire, et quatre, cinq, ou six altariens qui font
un petit corps à part. Il n'est pas croyable combien cette
petite troupe ainsy composée, m'a donné de peine depuis
20 ans, et ça à cause des continuels procès et altercats que
les uns ont eus perpétuellement avec les autres, avec un
«xtréme scandale du peuple ; or, par l'introduction des PP..
ée l'Oratoire, cette église demeure toute unie, et administrée
par un iiusi^ ^ esprit de paix et de douceur. Car les PP. de
rOratoire ne sont pas comme les autres Religieux qui ne
peuvent pas avoir la charge des paroisses , et de plus encore
iiz ne sont pas exempts de la juridiction des Evesques , ains
demeurent en leursujettion comme les Curés, de sorte qu'on
• L'autographe en existe aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 286*
âiiédite de la collection Biaise,
486 OPUSCULES
-n'a pas besoin, en cas de désordre, de sortir du païs pour les
ramener au devoir ; et de plus encor il se trouve desja des
.très-bons Ecclésiastiques du païs qui n'attendent que leur
venue à Rumilly pour s'associer à eux et se ranger à leur
Congrégation. Au reste, M. de Saunaz est fîlz de M. de Sau-
naz qui fut pendu à Genève pour le service de S. A. lors de
Tescalade , et va achever aux festes de Noël son noviciat en
la mesme Congrégation , et niesme de désir que son prieuré
de Chind^ieu soit uny à TEglise de Rumilly pour ce bon
œuvre. Et quant au Prieur de Rumilly, on pourra traiter
avec luy. Et ce qui est grandement à noter, c'est que le
prieuré de Rumilly dépend de Nantua qui en prouvoit. Ce
Nantua est hors de Testât de S. A., et encore ledit Nantua a
le droit de présenter le curé. Comme aussi le prieuré de
Chindrieu dépend de Cluny, et bien que le Prieur moderne
n'ayt pas esté institué de la part de M. de Cluny, c'a esté par
une grâce spéciale que lit le Pape Clément à ce jeune gentil-
homme qui estant lors un enfant, à ma remonstrance et sup-
plication , en considération de la mort du père qui mourut
à moytié martyr dans Genève, en faveur dequoy sa Sainteté
se contenta de donner ce morceau en commande pour cette
fois tant seulement. Or, Monsieur, je vous escris ainsy au
long tantost toutes ces particularités , afin que vous voyés
que cette introduction des PP. de l'Oratoire sera non seule-
ment utile au service de la gloire de Dieu et des âmes , mais
encore selon le service de S. A. S"* et l'utilité de nostre
patrie , qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier
de nous procurer au plustost les expéditions que je demande,
puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir
pour disposer de la cure de Rumilly , après lesquelz la pro-
vision tombera es mains du Pape. Monsieur , J3 suis tout à
^stit,
Vostre très humble et très affectionné serviteur,;
François , Evesque de Genève.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 487
CLVIII.
LETTRE^
A S. A. CHARLES EMMANUEL l", DUC DE SAVOIE.
&mt François marque à S. A. qu'il n'attend que les ordres nécessaires pour
remettre l'église de Rumilly aux PP. de l'Oratoire, qui seroient également
d'un grand secours à la sainte-maison de Thonon.
Anneci, 3 février 1622.
Monseigneur,
Je suis tousjours attendant les despeches nécessaires pour
remettre l'Eglise de Rumilly entre les mains des PP. de l'O-
ratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seize jouri?
de loysir pour disposer de la cure vacante , après quoy elle-
vacqueraen cour de Rome , et c*est sans doute qu'il ne man-
quera pas d'impetrans , qu'il sera par après malaysé de ran-
ger au salutaire dessein de V. A. Que si elle me permet de
joindre à cette remonstrance un mot pour la mayson de
Thonon , je luy diray , qu'elle n'a pas moins besoin de la
venue desmesmes PP. de l'Oratoire que l'Eglise de Rumilîy,
parce que sans cela tout ce qui regarde l'Eglise de nostre
Pâme et les bastimens qui en dépendent s'en va ruiné, ainsy
que MM. les députés de la chambre ont reconnu et ont tes—
moigné à V. A., la providence et pieté de laquelle je réclame-
en toute humilité , qui suis ,
» Monseigneur,
Vostre très humble , très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur ,
François , Evesque de Genève., ,
« L'autographe en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. Cést^
b 387e inédite de la collection Biaise.
488 OPUSCULES
CLIX.
1
LETTRE
A MADAME DE TREVERNEY,
Sur des affaires de famille.
17 février 162S.
Madame ma très chère fille ,
J'ay loué Dieu de vostre santé et du contentement gue
Madame la comtesse de saint Maurice vous a donné et àtoub
ceux qui Fhonnorent , par sa grossesse , et si mes voeux sont
exaucés, il reûscira à la parfaite jouissance du fruit que
vous en desirez.
Quant aux papiers que vous avés désirés de mes frères
pour les affaires qu'il z ont eues avec feu M. de Treverney,
puis qu'ilz ne les treuvent pas, il vous plaira d'en faire dres-
ser telle déclaration pour l'acquit que vostre conseil jugera
convenable , et ilz la passeront vous suppliant de croire que
l'égarement a esté fait sans dol ni dessein par seule inadver-
tance. Et pour lacedule des interetz remise à M. Rollant,
quand il sera revenu de Paris oii il est allé prendre Madame
de Chantai pour l'accompagner à son retour, je lesluy feray
chercher, et en tout je m'essayeray de vous tesmoigner que
c'est de toute mon affection que je suis à jamais,
Madame ,
Vostre très humble et très fidelle compère
et serviteur,
François , E?'tîsque de Genève.
* L'original s'en conserve au monastère de la Visitation de Turin. C'est
la 288e inédite de la collection Biaise.
DE S. i'-RANCOIS DE SALES. 489
CLX.
1
LETTRE
A S. A. CHARLES EMMANUEL l*', DTÎC DE SAVOIE.
Privilège de la confrérie de la -Sainte -Croix de Chamhéry, d'avoir le Jeudi-
Saint la délivrance d'un criminel. Saint François supplie cette année pour
un galérien d'Annecy.
Février 1622.
Monseigneur ,
Il a pieu à S. A. d'accorder à la confrairie de la sainte
Croix , autrement dite du Crucifix de Chamberi , la déli-
vrance d'un criminel prisonnier tel qu'elle nommeroit
<;hasque année le jeudi saint , en révérence de la mort et
passion de nostre Seigneur ; et la pitoyable famille d'un
homme de ce mandement d'Annessi a obtenu que il lust
nommé et demandé en grâce cette année par ladite con-
frairie pour estre libéré de la galère. Et parce, Monseigneur,
q 10 véritablement sa femme et ses enfans qui sont en grand
nombre sont dignes de compassion, et qu'en la grâce du père
est enclose la grâce des enfans , de la femme et de toute la
famille , qui ne peut vivre sans l'assistance actuelle de ce
pauvre homme, je joins à la très humble supplication que
la confrairie fait à V. A. pour ce sujet ma très humble re-
commandation , qui suys ,
Monseigneur
Vostre très humble , très obeyssant et très Cdeîle
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
« L'original en est conservé aux Archives da la Cour de Turin. C'est la 9.B9*
4fis lettres inédites de la coUectivWi Biaise.
490 OPUSCULES
\/\/» <WV/VA/V\A/* '
CLXI.
LETTRE *
A M. DE BLONAT, PRÉFET DE LA SAINTE MAISON DE THONOS.
Saint François lui annonce le bref du Pape de commission sur la sainte
Maison.
27 mars.
Monsieur,
J'attends tous les jours un Bref du Pape que mon hem
m'escrit avoir veu entre les mains de Monseigneur le Nonce,
par lequel je suis commis pour ranger au meilleur ordre
qu'il se pourra toutes afîaires de la sainte Maison, et je vous
prie que l'on attende jusques à ce temps là de remplir U
place que M. Thomas laisse , le quel il me fait mal de voir
partir de ce diocèse, par la vertu qu'il a tousjours tes-
moignée, bien que d'ailleurs je suis grandement consolé
qu'il aille en la vigne de Lyon qu'on me dit avoir tant besoia
de cultivateurs.
Je suis. Monsieur, vostre très humble confrère,
François , Ev. de Genève.
P, S. M. de Boys m'a dit que je ne pouvois faire autr»
décret sur la requeste de M. Bidal.
1
L'original en appartenoit à M. le baron Gh. Lombard, directeur principil
à la direction générale des postes, à Turin. C'est la 297« inédite de la cciJw
""ion Biaise.
DE S. FRANÇOIS XC SALES* 49t
CXXII.
LETTRE *
A S. A. CHARLES EMMANUEL 1*', DUC DE SAVOIE ,
Sur rétablissement des PP. de l'Oratoire à Rumilly et à Thonon.
Anneci, 25 avril 1622,
Monseigneur,
Le pauvre peuple de Rumilly attend tousjours en bonne
dévotion la venue des PP. de l'Oratoire en leur ville, et moy
j'attends de V. A. les expéditions nécessaires pour les faire
venir et là et à Thonon , où c'est la vérité que rien ne peut
remédier au mal qui y est quant au mauvais ordre qu'il y a
en l'administration des biens , que par cette venue de ces
Pères. V. A. me pardonne, si je luysuys aucunement impor-
tun. Mon excuse est toute faite au commandement qu'elle
m'a fait d'avoir le soin de cette affaire. Et priant Dieu qu'il
prospère de plus en plus la personne de V. A.,
Monseigneur,
Je demeure vostre très humble, très obeyssant et
très fidelle orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
* L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turia Cest la 29(K
parmi les lettres inédites de la collection Biaise.
492 OPUSCULES
CLXIII.
i
LETTRE
A S. A. VICTOR AMÉDÉË, PRINCE DE PIÉMONT,
Saint François infornne S. A. de Tqrdre qu'il a eu de S. S., de se trouver au
chapitre génénd des PP. Feuillantins à Pignerol, et s'excuse de ne pouvoir
lui faire révérence qu'après la célébration du chapitre.
Anneci, 17 mai 1622.
Monseigneur,
Ayant receu un brevet de Sa Sainteté , du 28 avril , par
l^îquel elle me commande de me trouver au chapitre gênerai
des PP. Feuillantins qui se doit célébrer d'aujourd'hui en
quinze jours à Pignerole, je prevoy qu'il me sera presqu'im-
possible de partir assez tost d'icy pour pouvoir aller faire,
comme je serois obligé , la révérence à S. A. S"^ et à vous ,
Monseigneur, et à Madame, avant que de me rendre au lieu
de l'assignation ; de sorte que je seray contraint de différer la
très humble reddition de ce devoir, jusques après la célébra-
tion de l'assemblée : ce que je supplie en toute humilité
Y. A. Ser. de vouloir aggreer et de m'honorer des comman-
demens de S. A. et des siens , si d'aventure j'estois si heu-
reux de luy pouvoir donner quelque contentement en cette
occasion , en laquelle comme en toute autre je seray inva-
riablement ,
Monseigneur,
Vostre très humble, ti^es obeyssant et très fidelle
orateur et servi teur^
François , Evesque de Genève.
* L'original en est conservé aux Archives de la Cour de Turin. C'est la 291»
jarmi les leUres inédites de la collectioa 131 lise.
LE S. ^RA^T.OTS DE SALES.
4^)5
CLXIV.
LETTRE *
A MONSIEUR DE SAUNAX , PRÊTRE DE l'ORATOIRE DE LYON.
Saint François lui annonce qu'il a retiré le brevet qui met la c^grégatioa
de M. de Saunax en p(,:;session de l'église de Rumilly, et qu'il approuve sa*
projet de se rendre à Paris, puisque le R. P. le juge nécessaire.
Anneci, 19 septembre 1622.
Monsieur,
J'ay retiré le brevet de nomination en faveur de vostre Con-
grégation pour l'Eglise de Rumilly, des prieurés deChiadrieu,
de Laumosne de Vaux et de sainte Agathe qui est le prieuré
de Rumilly, que S. A. a signé et fait expédier de très bon
cœur. î\ ne reste plus, sinon que le R. P. gênerai envoyé
des Pères pour commencer le service, et dans peu de jours
je recevray la lettre que S. A. luy fait à cette intention. Ce-
pendant, puis que le R. P. gênerai désire que vous alliés
avant toutes choses à Paris, je le trouve bon aussi, tandis
que quelqu'un de vos Pères pourra venir pour ne point re-
tarder l'effet de l'espérance que nous avons de voir vostre
Congrégation establie à Rumilly. Mais (lors que) je m'addres-
seray au P. Tiersant, sans doute que la lettre de S. A. au
P. gênerai m'aura esté rendue, et, en attendant, je vou»
prie de luy donner cet advis, affin que vous puissiés tout ainsy
commencer à donner Tordre qu'il jugera convenable pour
cette affaire , et lors que les Pères auront pris possession en
vostre nom de l'office de l'Eglise d« Rumilly, il faudn
moyenner à Rome l'union des bénéfices desquels S. A. 8
1 Communiquée par M. l'abbé Thomas, économe de l'institution, rue âm
Regard. C'est la 293e inédite de la collection Biaise,
4M OPUSCULES
nommé en faveur de vostre congrégation. Je prie Dieu, mon
R. P., qu'il vous fasse de plus en plus croistre en son saint
amour, qui suis ,
Yostre . etc.
P. S, Monsieur, on m'assure que le R. P. gênera' a mis
en lumière un livre excellent. S'il se trouve à Lyon , je vou-
4rois bien, par vostre entremise, en pouvoir avoir une copie.
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 495
»\<rwrwEW»
CLXV.
LETTRE*
A S. A. CHARLES EMMANUEL l"', DUC DE SAVOIE,
Sur les prébendes du prieuré de Contamine qui dévoient rester vacantes et
appliquées au collège des PP. Barnabiles, et qui ont été remplies par de
jeunes personnes.
Annecy, 24 septembre 1622.
Monseigneur,
A mon arrivée en ce païs, j'ay treuvé les sieurs sousprieur
ai sacristain de Contamine, pretz à remplir les quatre pre-
Êendes que V. A. avoit ordonné devoir demeurer vacantes ,
pour estre appliquées aux collèges des PP. Barnabites, et
«l'effet ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens
auxquels ilz ont mis l'habit de leur Religion, par l'autliorité
^e M. l'Abbé de Cluny qui en est le gênerai. V. A. avoit ju-
éicieusement estimé qu'il estoit expédient de transférer le
levenu de ce monastere-là à l'entretenement des collèges et
lecteurs Barnabites, attendu qu'il est un monastère tout à
lût ruiné , et qui ne peut bonnement estre reparé , et que la
^cipline monacale n'y est nullement observée, non plus
ipi'és autres lieux de cet ordre-là. Il reste que le juste dessein
çie V. A. en a si souvent fait soit exécuté , non seulement
«mpeschant que les prébendes soyent remplies , mais impe-
15rant de sa Sainteté les provisions requises pour la trans-
lation du revanu de l'Ordre de Cluny à celuy des PP. Barna-
lites, infiniment plus utile au service de Dieu et au bien
fublicq. V. A. demeura en cette resolution quand je partis
* L'original en est conservé au monastère de la Visitation de Turin. C'est
Si 294 e inédite de la collection Biaise.
496 OPUSCULES
de Turin ; il ne reste donq plus sinon quola sollicitation s'en
fasse , et c fe-t cela dont maintenant elP ©st très humblement
suppliée. Je suis tousjours invariablement ,
Monseigneur,
Très humble , très obeyssant et très fidelle
orateur et serviteur,
François , Ev. de Genève.
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 49'
1/v
CLXVI.
LETTRE *
A S. A. CHARLES EMIVIANUEL 1^% DUC DE SAVOIE.
•Çaint François supplie S. A. d'ordonner la suppression du couvent de Conta-
mine, et d'écrire au prince Thomas de mettre ordre aux affaires de la
sainte maison de Thonon.
Anneci, 17 octobre 1622.
Monseigneur,
Tousjours les vieux Religieux de Contamine taschent, par
divers moyens, de continuer la possession de leur Ordre de
Cluny et prébendes de ce Monastère , quoy qu'ils sçachent
bien que V. A. Ser. a résolu de les faire employer à l'entre-
tenement de.s collèges et du noviciat q ai sont establis en ce
pais pour les PP. Barnabites; pour cela, Monseigneur, le
P. Prévost du collège de Thonon qui y a le premier interest,
recourt à Y. A. affin qu'elle donne ordre que son intentioii
soit suivie, en la suppression des Moynes et prébendes de
ce Monastère là. Et parce que Y. A. m'a commandé que je
l'advertisse des choses qui regardent l'advancement de la
gloire de Dieu en ce Diocèse , je joins cet advis à la suppli-
cation dudit Père Prévost des Barnabites. Et de plus , Mon-
seigneur, je supplie très humblement Y. A. d'escrire à Mon-
seigneur le Ser. Prince Thomas qu'il fasse convenir par
•devant luy tous les principaux conseillers de la sainte Mayson
de Thonon , affin que par son authorité il soit mis ordre aux
affaires de cette Mayson là , qui sans cela s'en vont tout à
fait en ruine , qui seroit un extrême dommage , qu'une
» L'onginal en est conservé aux Archives de la O^ur de Turin. C'est la 295«
inédite de la collection Biaise.
VI. 32
498 OPUSCULES
œuvre de si sainte et grande conséquence , fondée avec tant
de pieté par S. A., périt faute de secours et d'ordre. Dieu
par sa bonté conserve longuement V. A.,
Monseigneur,
De laquelle je suis inviolablement très humble, très fidulô
ei très obeyssant orateur et serviteur.
François , Ev. de Genève.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 49^
V' «"V\/\/N/V\/\/\/\/N/V/\/>«^
CLxvn.
AVIS
Qae le Saint a laissés aux Supérieures de la maison de la Visitation de la r««
St.-Antoine de Paris pour leur conduite, et sur le prix et /e mérite de la
supériorité bien exercée *.
Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne
de conduire les âmes à Dieu , Taimant qui a attiré Jesus-
Clirist du ciel en terre pour y travailler, et consommer son
œuvre dans la mort et par la croix, il est aisé de juger que
celles qu'il employé à cette fonction se doivent tenir bien
honorées, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de
celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour,
couronné d'éspines parmi la troupe de ses eslus , les encou-
rageant à la guerre spirituelle , qu'il faut soutenir icy bas ,
pour arriver à la céleste patrie promise à ses enfans.
Ainsy, mes chères Filles, celles que Dieu appelle à la con-
duite des âmes se doivent tenir dans leurs ruches mystiques,
où sont assemblées les abeilles célestes, pour mesnager le miel
des saintes vertus ; et la Supérieure, qui est entre elles comme
leur Royne , doit estre soigneuse de s'y rendre présente ,
pour leur apprendre la façon de le former et conserver ; mais
il faut travailler cette œuvre et cette sainte besongne avec une
entière sousmission à la sainte Providence , et un parfait en-
couragement à se bien exercer à l'humilité , douceur , et de-
bonnaireté de cœur, qui sont les deux chères vertus que
nostre Seigneur recommandoit aux Apostres destinés à la
supériorité de l'univers, puisant dans le sein du Père céleste
les moyens convenables à cet employ.
* Edités par M. Biaise parmi les lettres, tom. IV, pag. 72, n» 688, d'aprèt
un manuscrit du monastère de la Visitation de la rue St.-Antoine.
500 OPUSCULES
Car ce n'est pas de vostre laict , ni de vos mammelles ,
que vous nourrissez les enfans de Dieu ; c'est du laict des
juammelles du divin espoux, ne faysant autre chose que les
.eur montrer , et dire : i^renez , sucez , tirez , vivez , et il
vous secondera de son secours , et fera vostre besongne avec
vous, si vous faites la sienne avec luy : or, la sienne est la
sanctificarion et la perfection des âmes, pciir lesquelles il
a'a pas trouvé juste de fuir le labeur requis à ia glorification
du nom de son Père.
Travaillez-y donc humblement, simplement, et confidem-
ment : il ne vous en arrivera jamais aucune distraction qui
vous soit nuisible ; car ce divin maistre , qui vous employé à
cet ouvrage , s'est obligé de vous prester sa tres-sainte main
en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous cor-
respondiez de vostre part, et par une tres-humble et coura-
geuse confiance en sa bonté, ce II appelle à son service les
» choses qui ne sont point, comme celles qui sont, et se sert
» d'un rien comme de beaucoup pour la gloire de son nom. »
C'est pourquoy vous devez faire de vostre propre abjec-
don la chaire et la chaisne de vostre supériorité, vous rendant
en vostre néant vaillamment humble et humblement vail-
lante en celuy qui fit le grand coup de sa toute-puissance en
l'humilité de sa croix.
Il vous a destiné un secours , un ayde et une grâce tres-
suffisante et abondante pour vostre soutien et appuy. Pensez-
vous qu'un si bon père comme Dieu voulust vous rendre
ourrico de ces filles , sans vous donner abondance de laict ,
beurre , et de miel ? Le Seigneur a mis dans vos bras et
sur vostre giron ces âmes , pour les rendre dignes d'estre ses
vrayes espouses, en leur apprenant à regarder seulement ses
yeux divins, à perdre petit à petit les pensées que la nature
leursuggerera d'elle-mesme pour les faire penser uniquement
en luy. Une fille destinée au gouvernement d'un Monastère
ihai:gée4^ne grande et importante affaire , surtout quand
DE S. FRANÇOIS Ï)K SALES. 501
c'est pour fonder et establir. Mais Dieu estend son bras tout
puissant à mesure de l'œuvre qu'il impose, et luy prépare de
grandes bénédictions pour cultiver et gouverner la sacrée
pépinière.
Vous estes les mères , les nourrices , et les dames d'atour
de ces filles du roi. Quelle dignitt? a cette digmtél Quelle
recompense, si vous faites cela avec l'amour ei les mammelles
de mères! C'est une couronne que vous façonnez, et dont
vous jouirez dans la félicité. Mais Dieu veut que vous la
portiez toute dans vostre cœur en cette vie , et puis il la
mettra sur vostre teste en l'autre. Les espouses anciennement
ne portoient point de couronnes et de chapeaux de fleurs,
qu'elles n'eussent elles-mesmes liées et agencées ensemble.
Ne plaignez point, mes chères Filles, la perte de vos commo-
dités spirituelles, et des contentemens particuliers que vous
recevriez en vos dévotions , pour bien cultiver ces chères
plantes ; ne vous lassant nullement d'estre mères, quoy que
les travaux et les soucis de la maternité soient grands : car.
Dieu vous en recompensera au jour de vos noces éternelles,
vous couronnant de luy-mesme, puisqu'il est la couronne de
ses Saints.
SUITE DU MÊME SUJET,
Où \e Saint enseigne les moyens de se bien acquitter de cet office.
Puisque vous tenez, mes chères Filles , la place de Dieu
dans la conduite des âmes , vous devez estre fort jalouses df*
vous y conformer. Observez ses voyes , et non les voîicr^s
soutenant fortement son attrait dans chacune^ en leur avdant
le suivre avec humilité etsousmission, non Uxciur façon, maii
à celle de Dieu , que vous connoistrez mieux qu'elles , tant
que l'amour propre ne sera pas anéanti ; car il fait souvent
prendre le change , et tourner l'attrait divin h nos caaieres
et suites de nos inclinations-
■ o02 OPUSCULES
Portez toasjours à cet effet sur vos lèvres et. sur vos langues
"le feu que vostre ardent espoux a apporte en terre dans les
cœurs, à ce qu'il consomme tout Fliomme extérieur, et en
reforme un intérieur tout pur , tout amoureux, tout simple,
•et tout fort à bien ^.outenir les espr'^jives et exercices que sou
cimour luy suggérera en leur faveur, pour les purifier, per-
fectionner et sanctifier ; et, afin de les y animer, montrez-
leur qu'il n'en est pas des rosiers spirituels comme des mate-
rriels : en ceux-cy les espines durent, et les roses passent; en
ceux-là les espines passeront , et les roses demeureront :
qu'elles n'ont des cœurs que pour estre les enfans de Dieu ,
en l'aymant, le bénissant, et le servant fidèlement en cette
vie mortelle; et qu'il les a unies ensemble, afin qu'elles soient
extraordinairement braves, hardies, courageuses, constantes,
et soigneuses d'entreprendre et d'accomplir les grandes et
, difficiles œuvres.
Car regardant meshui vos maisons comme la pépinière de
plusieurs autres, il faut y enraciner les grandes et parfaites
vertus d'une dévotion masle, forte et généreuse, de l'abnéga-
tion de l'amour propre, l'amour de son abjection, la mortifi-
cation des sens, et la sincère direction, leur ostant cette petite
"douilletterie et mollesse qui trouble le repos , et fait excuser
et flatter les humeurs et inclinations : à quoy serviront les
changements continuels que l'on exerce en vostre ordre ,
mesme des rangs , cellules , et officeries dans l'année , pour
les affianchir d'estre attachées à cet employ ou à cet autre,
et de l'imperfection d'une vaine et jalouse imitation , et les
affermir à ne vouloir pas faire tout ce que les autres font,
ains seulement tout ce que leurs Supérieures leur ordonne-
ront, les faysant marcher dans cette unique et simple pré-
tention d-e servir la divine Majesté d'une mesme volonté,
mesme entreprise, mesme projet, afin que nostre Seigneur
et -sa très-sainte Mère en soient glorifiés
.Huis si quelques-unes se rendoient contraires à cette con-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 503
<duite , vous pourriez , prenant sujet do les y exercer , leur
faire voir leur ignorance, leur peu de raison et de jugement,
de s'amuser aux présomptions et fausses imaginations qu»î
produit la nature dépravée , combien l'esprit humain est op-
posé à Dieu, dont les secrets ne sont révélés qu'aux humbles ;
qu'il n'est pas question en la religion de philosophes et de
teaux-esprits , mais de grâces et de vertus, non pour en
discourir, mais pour les pratiquer humblement, leur faysant
faire et ordonnant les choses difficiles à faire et comprendre,
et qui soient humiliantes, pour les destacher insensiblement
d'elles-mesmes , et les engager à une humble et parfaite
sousmission à l'ordre des Supérieures, lesquelles aussi doivent
avoir une grande discrétion à bien observer le tems , les
circonstances et les personnes.
Car c'est une chose bien dure, de se sentir destruire et mor-
tifier en toute rencontre : néanmoins l'addresse d'une suave
et charitable mère fait avaler les pilules ameres avec le laict
d'une sainte amitié , montrant continuellement à ses filles
une poictrine spirituelle pleine de bonnes veuës et de joyeux
et gracieux abords, afin qu'elles y accourent en gayeté, et se
laissent tourner par ce moyen comme des boules de cire,
qui s'amolliront sans doute au feu de cette ardente charité.
Je ne dis pas qu'elles soyent flatteuses , mais douces , amia-
bles , et affables , aymant leurs Sœurs d'un amour cordial ,
maternel, nourricier et pastoral, se faysant toutes à toutes,
mères à toutes, secourables à toutes , la joye de toutes , qui
sont les seules conditions qui suffisent, et sans lesquelles rien
ne suffi t.
Tenez la balance droitte entre vos filles , et que les dons
naturels ne vous fassent point distribuer iniquement vos
affections et vos bons offices. Combien y a-il de personnes
maussades extérieurement, qui sont très aggreables aux
yeux de Dieu? La beauté, bonne grâce, bien parler, donnent
souvent de grands attraits aux personnes qui vivent encore
5Q4 OPUSCULES
selon leurs inclinations ; et la charité regarde la vraye vertu,
et la beauté intérieure, et se respand cordialement sur toutes
sans particularité.
Ne vous estonnez point de vous voir controollées en vostre
gouvernement : vous devez doucement tout ouïr, et puis le
proposer à Dieu, et vous en conseiller avec vos coadjutrices;
après quoy faire ce qui est estimé à propos, et avec une sainte
confiance que la divine Providencp réduira tout à sa gloire.
Mais faites cela si suavement, que vos inférieures ne prennent
point occasion de perdre le respeo^ qui est deu à vos charges,
ni de penser que vous avez besoin d'elles pour gouverner,
ains pour suivre la règle de la modestie, humilité, et ce
qui est porté par les Constitutions. Car, voyez-vous, il faut,
autant qu'il est possible , faire que le respect de nos infé-
rieures envers nous, ne diminue point Tamour, ni Tamour
ne diminue point le respect, et si quelque seur ne vous
craignoit et traitoit pas avec assez de respect, remontrez-lu^
à part qu'elle doit honnorer votre office , et coopérer avec
les autres à conserver en dignité la charge qui lie toute la
Congrégation en un corps et en un esprit.
Tenez bon pour l'estroite observance des règles, pour la
bienséance de vos personnes et de vos maysons. Faites ob-
server un grand respect aux lieux et aux choses sacrées^
Ne disputez point du plus ou moins du temporel , puisque
cela est plus conforme à la douceur que nostre Seigneur en-
seigne à ses enfans. L'esprit de Dieu est généreux ; ce que
l'on gagneroit en ce rencontre , on le perdroit en réputation :
Bnfin la paix est une sainte marchandise , qui mérite d'estre
achetée chèrement. Conservez la douceur avec l'égalité d'hu-
meur, et suavité de cœur entre les tracas et la multiplicité
des affaires. Chacun attend de vous le bon exemple joint à
une charitable debonnaireié ; parce qu'à cette vertu, comme
à l'huile de la lampe, tien^ la flamme du bon exemple, n'y
ayant rien qui édifie tant quH la charitable debonnaireté.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 5(S
Servez-vous volontiers des conseils lorsqu'ils ne seront
point contraires au projet que nous avons résolu de suivre
en tout Tesprit d'une suave douceur, et de penser plusàrin-
terieur des âmes qu'à Texterieur : car enfin, la beauté des
filles du roi est au deda7is\ qu'il faut que les Supérieure»
cultivent, si elles n'ont elles-mesmes ce soin, crainte qu'elles
ne s'y endorment dans leur chemin , et ne laissent esteindre
leurs lampes par négligence; car il leur seroit dit indubita-
blement comme aux vierges folles se présentant pour entier
au festin nuptial : Je ne vous connois point ^. Ne me dites
point que vous estes imbéciles ; la charité , qui est la robe
nuptiale, couvrira tout. Les personnes qui sont en cet estât,
excitent ceux qui les connoissent à un saint support , et
donnent mesmes une tendresse de dilection particulière pour
elles , pourveu qu'elles tesmoignent de porter dévotement et
amiablement leur croix.
Je vous recommande à Dieu pour obtenir ses saintes grâces
dans vos conduites, afin que, tout à son gré et par vos mains,
il façonne les âmes, ou par le marteau , ou par le ciseau , on
par le pinceau , pour les former toutes selon son bon playsic^
vous donnant à ce dessein des cœurs de pères, solidesi,
fermes et constans, sans omettre les tendresses de mères,
qui font désirer les douceurs aux enfants suivant l'ordm
divin, qui gouverne tout avec une force toute suave et un»
suavité toute forte.
* Omnis gloria ejus filiae régis ab intùs. ^salm. XUV, 14.
» Nescio vos. Matlh., XXV, li
506 OPUSCULES
CLXVIIL
LETTRE
i
ou COPIE D UN MANUSCRIT, TIRE DU AIONASTERE DE LA VISITATION DE LA RUB
SAINT-ANTOINE.
Copie de quelques Avis spirituels donnés par le Saint à la mère Claude-Agnès
JoLY DE La Roche, neuvième Religieuse de l'ordre de la Visitation Sainte-
Marie, et première Supérieure du monastère de Rennes, écrits par elle-
même, dans un petit livre pour son usage particulier. Elle commence ainsi :
RECUEIL DES AVIS PARTICULIERS QUE MONSEIGNEUR m'a DONNÉS
POUR MON AMENDEMENT.
Tay jugé qu'il vous seroit extrêmement utile de tascher
de tenir vostre ame en paix et en tranquillité ; et pour cela
il faut que le matin en vous levant vous commenciez cet
exercice , faisant vos actions tout doucement , pensant à ce
que vous avez à faire dans l'exercice du matin, prenant
garde de ne point laisser espancher vostre esprit le long de
la journée : observez tousjours si vous estes en cet estât de
tranquillité; et sitost que vous vous en trouverez dehors ,
ayez un grand soin de vous y remettre, et cela sans discours
ni effort.
Je ne veux pas dire pourtant que vous vous bandiez con-
tinuellement l'esprit pour vous tenir en cette paix; car il
faut que tout cecy se fass^ avec une simplicité de cœur tout
amoureuse, vous tenant auprès de nostre Seigneur comme
un petit enfant auprès de son père; et quand il vous arrivera
de faire des fautes, quelles qu'elles soient, demandez- en
pardon tout doucement à nostre Seigneur, en luy disant que
* C'est la 689» de la collection-Biaise.
T)E S. FRANÇOIS DE SALES. 507
TOUS estes bien asseurée qu'il vous aime bien, et qu'il vous
pardonnera; et cela tousjours simplement et doucement.
Cecy doit estre vostre exercice continuel ; car celte tiimpli-
«ité de cœur vous empeschera de penser distinctement (car
itOTis ne sommes pas maistres de nos pensées, pour n'en avoir
que celles que nous voulons)^, qu'à ce que vous aurez à faire
tî à ce qui vous est marqué, sans espancher vostre ame, ni
à vouloir, ni à désirer autre chose; et fera que toutes ces
j»n»tentions de plaire , et ces craintes de desplaire à nostre
ïoere, s'esvanouiront, reservant le seul désir de plaire à
Dieu,, qui est et sera l'unique objet de nostre ame.
Lors qu'il vous arrivera de faire quelque chose qui pour-
wo'd fascher ou mal édifier les Sœurs, si c'estoit chose d'une
^ande iuiportance , excusez-vous, en disant que vous n'avez
^s eu mauvaise intention, s'il (îst vray; mais si c'est chose
^^eve et qui ne tire point de conséquence, ne vi^ns excusez
point, observant tousjours de faire cela ave^ Suceur et tran-
^illité d'esprit, comme aussi de recevoir les avertissemens.
Et si bien vostre partie inférieure s'esmeut et se trouble,
ne vous en mettez pas en peine, taschant à garder la paix
«nmi la guerre; car peut-estre ne sera-t'il jamais en vostre
pouvoir de n'avoir pas du sentiment estant reprise ; mais
TOUS sçavez très bien que les sentimens, non plus que toute
autre tentation , ne nous rendent pas moins aggreables à
Dieu , pourveu que nous n'y consentions pas.
Vous vous trompez en croyant que vous devriez faire des
actes vifs, pour vous desfaire de ces sentimens et troublefv
^e la partie inférieure ; c'est au contraire , il n'en faut faire
Buî estât , mais passer simplement chemin, sans lesregardei
sseulement. Que s'ils vous inportunent trop, il faut se niocqmeK
^e tout v^^'r» ^ rmHTiï ;çx: U ' t ieur faire. la moue ; et cela paar^
un simple regard de la partie supérieure; après. quay- il nly
feu t phis penser,, quoy qu'ils vueillentdipe«^
Et tout dje. mesme ea est-il des pensées de jalousie oa
r'03 OPUSCULES
d'envie , et mesme de ces attendrissemens que vous avez sur
vos commodités corporelles, et semblables tricheries, qui
vont ordinairement roulant autour de nos esprits, retranchant
à vostre ame tout autre soin que celui de se tenir en paix et
en tranquillité, je dismesmeceluydevostre propre perfection;
car je remarque que ce trop grand soin de vous perfectionner
vous nuit beaucoup , d'autant que dés qu'il vous arrive de
faire des fautes , vous vous en inquiétez , parce qu'il vous
semble que c'est toujours contre la prétention que vous avez
de vous amender.
Tout de mesme, si Ton vous monstre quelque défaut en
vous, vous entrez en descouragement ; et tout cecy , il ne le
faut plus faire , ains vous affermir à cela , de ne point vous
laisser troubler pour quoy que ce soit. Que si néanmoins il
vous arrive de le faire , nonobstant vostre resolution , ne
vous faschez pas pour,tant ; ains remettez-vous en tranquillité
tout aussitost que vous vous en apercevrez , et tousjours de
là mesme façon que je vous ay dit , tout simplement , sans
efforts ni secousse d'esprit.
Et ne pensez pas que cecy soit un exercice de quelques jours ;
oh! non, car il y faut bien du temps et du soin pour parvenir à
cette paix. Il est vray pourtant que , si vous vous y rendez
tidele, nostre Seigneur bénira vostre travail. Sa bonté vous
attire à cet exercice, c'est une chose toutasseurée : c'est pour-
quoy vous estes grandement obligée à vous y rendre fidèle ^
pour correspondre à sa volonté : il vous sera difficile, d'autant
que vous avez l'esprit vif, et qu'il s'arreste et s'amuse à chaque
objet qu'il rencontre ; mais la difficulté ne vous doit pas faire
entrer en descouragement , pensant de ne pouvoir parvenir
au but de vostre prétention. Faites tout bonnement et tout
simplement ce que vous pourrez, sans vous mettre en peine
d'autre chose.
Et tout de mesme, quand vous arrestez quelque chose quy
ne: era bien pris selon vostre intention, passez outre, pensant
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 509
à ce que vous avez à faire. Regardez nostre Seigneur, et
laschez d'aller au Dieu de toutes choses, multipliant le plus
que vous pourrez les oraisons jaculatoires, les vues inté-
rieures, les retours, les eslans fervens de vostre '^^piit en
Dieu , et je vous asseure que cecy vous sera fort utile.
Dieu vous veut toute et sans aucune reserve , et toute lîne
nue, et despouillée; c'est pourquoy il faut que vous ayez
grand soin de vous desfaire de vostre propre volonté , car il
n'y a que cela seul qui vous nuise , d'autant que vous l'avez
toujours extrêmement forte , et vous estes fort attachée à
vouloir ce que vous voulez.
Embrassez donc bien fidèlement cet exercice , puisque je
vous le dis avec la charité de Dieu et la connoissance que j'ay
de votre nécessité , c[ui est que vous regardiez la providence
de Dieu aux contradictions qui vous seront faites , Dieu les
permettant afin de vous destacher de toutes choses, pour vous
mieux serrer à sa bonté , et unir à luy; car je sçay qu'il veut
que vous soyez sienne, mais d'une façon toute particulière.
Rendez-vous donc bien indifférente, si on vcîis accordera,
ou non, ce que vous demanderez, et ne laissez pas de de-
mander tousjours avec confiance : et demeurez en l'indiffé-
rence d'avoir des biens spirituels , ou non ; et quand vous
sentirez que la confiance vous manque pour recourir à nostre
Seigneur, à cause de la multitude de vos inqieifections ,
faites alors jouer la partie supérieure de vostre ame, disant
des paroles de confiance et d'amour à nostre Seigneur, avec
le plus de ferveur, et le plus fréquemment qu'il se pourra.
Ayez un grand soin de ne vous point troubler lorsque
vous aurez fait qiu-lque faute, ni de vous laisser aller à des
attendrissemeub sur vous-mesme , car tout cela ne vient que
d'orgueil; mais humiliez -vous promptement devant Dieu,
et que ce soit d'une humilité douce et amoureuse , qui
,vous porte à la confiance de recourir soudain à sa bonté,
vous asseurant qu'elle vous aydera pour vous amender.
5i0 OPUSCULES
Je ne veux plus que vous soyez si tendre, ains que cornai?
uue fille forte vous serviez Dieu avec un grand courage, mt
regardant que luy seul ; et partant, quand ces pensées, si V^t
vous ayme ou non, vous arrivent, ne les regardez pas seuîe-
ment, vous asseurant que Ton vous aymera tousjours autâa»
que Dieu le voudra ; et que cela vous suffise , que la voloiili
de Dieu s'accomplisse en vous , qui estes obligée d'une obli-
gation particulière de vous perfectionner; car Dieu veut se
servir àe vous. Faites-le donc, et pour cela taschez à î<Mt
aimer vostre propre abjection, laquelle vous empescherade
vous troubler de vos défauts.
Prenez soin de tenir vostre esprit en paix et occupé des
choses hautes y le tirant fidèlement de l'attention que vous
faites sur vous-mesme, principalement quand vous avez dm.
chagrin, et que vous n'avez point de courage. Occupez- vous
à dire à nostre Seigneur que vous en voulez avoir, et que
vous ne consentirez jamais à ce que le chagrin vous suggei»;
vous feriez encore mieux de vous divertir , faisant accroii«à
vostre esprit qu'il n'en a point, n'en faysant non plus d^ estât
que si vous ne sentiez point l'effort de cette passion.
Plus vous vous sentez pauvre et destituée de toutes sortes
de vertus, ayez de plus grandes prétentions de bien faii^ Ne
vous estonnez point des mauvais sentimens que vous avez, |
pour grands qu'ils soient ; mais ayez soin en ce tems- là de
multiplier les oraisons jaculatoires, et retour de vostre esprit
en Dieu ; et , comme vous avez une grande nécessité de U
douceur et de l'humilité, prenez soin de mettre fort souvenÉ
emmi la journée vostre cœur en la posture» d'une humble
douceur.
Et quand vous serez reprise ou corrigée de quelque chos^
essayez-vous tout doucement d'aymer la correction , et m
vous faschez pas si la partie inférieure s'esmeut ; mais faitel
régner la partie supérieure, afin que vous fassiez ce que Toai
veut de vous en cette occasion.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 5!f
Ne soyez point tant amie de vostre paix que , quand en
vous i'ostera par quelque commandement, ou correction,
ou contradiction, vous en demeuriez troublée; car cette
paix qui ne veut point estre agitée est recherchée par Tamour
propre.
Or, maintenant je vous dis que vous ayez un soin très par-
ticulier de vous rendre esgale en vos humeurs , sans jamais
laisser paroistre en vostre extérieur aucun changemen^
Quelle apparence y a-t'il de monstrer ainsi vos imperfec-
tions , puis que cela empesche que Dieu ne soit servy de vous
ainsi qu'il le désire ? Cette esgalité de vostre maintien exte*
rieur manque à l'accomplissement des talens que Dieu vous a.
donnez. Considérez donc souvent quel desplaisir ce vous sera,
et ce vous doit estre, de voir que vous manquez de corres-
pondance à la volonté de Dieu , puis qu'il a laissé à vostre
pouvoir d'acquérir cela, qui doit perfectionner et accomplir
vostre talent.
Travaillez fidèlement pour cela j bandez toutes les forcée
de vostre esprit pour l'acquérir, et prenez garde que la mor^^
tifîcation reluise en vostre extérieur ; en sorte que les sécu-
liers trouvent plus de sujet de l'observer, que non pas de
bonne mine ïii de bonne façon.
Yous devez avoir un très grand soin de vous pencher
toute du costé de l'humilité, puis que vous avez une si grande
inclination à l'orgueil et à la propre estime. Ne doutez point
qu'ayant acquis cette vertu, vous n'ayez quand et quanf
toutes celle^^ dont vous avez nécessité. Approfondissez- voue
fort souvent ^^^ Vabysme de vostre néant devant nostre Sei-
gneur et devant isostre Dame. Mais ressouvenez-vous de es
que j'ay dit en Feûtretien de l'humilité; et toutes fois el
quantes qu'elle ne produit pas ce fruit, elle est suspecte et
indubitablement fausse. Aneantissez-vous en la connoissance
de vostre petitesse ; mais soudain après relevez vostre esprit;
pour considérer ce aue Dieu veut de vous.
512 OPUSCULES
AVIS POUR LA CHARGE DE SUPÉRIEURE.
Dieu veut que vous le serviez en la conduite des âmes ,
puis qu'il a arrangé les choses comme elles le sont , et qu'il
vous a donné la capacité de gouverner les autres.
Faites une très grande estime du ministère à quoy vous
estes appelée ; et pour le bien faire , tous les jours en vous
resveillant ne manquez jamais de dire cette parole que
S. Bernard disoit si souvent : Qu es-tu venu faire céans ^?
Qu'est-ce que Dieu veut de toy? Puis soudain après abandon-
nez-vous totalement à sa divine volonté , afin qu'il fasse de
vous et en vous tout ce qu'il luy plaira, sans aucune reserve.
Ayez une dévotion particulière à nostre Dame et vostre bon
Ange; puis, ma Fille, souvenez-vous qu'il faut avoir plus
d'humilité pour commander que non pas pour obeyr. Mais
prenez garde aussi de ne pas tant subtiliser sur tout ce que
vous ferez. Ayez une droite intention défaire tout pour Dieu
et pour son honneur et gloire, et vous destournez de tout ce
que la partie inférieure de vostre ame voudra faire : laissez-
la tracasser tant qu'elle voudra autour de vostre esprit , sans
combattre nullement tous ses assauts , ni mesme regarder ce
ce qu'elle fait ou ce qu'elle veut dire , ains tenez-vous ferme
en la partie supérieure de vostre ame , et en cette resolution
de ne vouloir rien faire que pour Dieu , et qui luy soit
aggreable.
De plus , il faut que vous fassiez grande attention sur
cette parole que j'ay mise dans les Constitutions, sçavoir que
la Supérieure n'esf dms tant pour les fortes que pour les
foibles , bien qu'il taille avoir soin de toutes , afin que les
plus avancées ne retournent point en arrière. Ayez à cœur
îe support des filles imparfaites qui seront en vostre charge :
ne faites jamais de Festonnée , quelque sorte de tentation ou
* Bernarde, ad quid venisti?
DE S. FRANÇOIS DE SALES. TJ v
d'imperfection qu'elles vous descouvrent; ains taschez à leur
donner confiance à vous bien dire tout ce qui les exercera.
Soyez grandement tendre à l'segard des plus imparfaites,
pour les ayder à faire grand profit de leur imperfection. Res-
souvenez-vous ju'une ame grandement impure peut parvenir
à une parfaite pureté , estant bien aydée. Dieu vous en ayant
donné h. charge et le moven , par sa grâce , de le pouvoir
faire , appliquez-vous soigneusement à le faire pour son
lîonneur et gloire. Remarquez que celles qui ont le plus de
mauvaises inclinations , sont celles qui peuvent parvenir à
une plus grande perfection. Gardez-vous de faire des affec-
tions particulières.
Ne vous estonnez nullement de voir en vous beaucoup de
fort mauvaises inclinations, puisque, par la bonté de Dieu ,
vous avez une volonté supérieure qui peut estre régente au-
dessus de tout cela.
Prenez un grand soin de maintenir vostre extérieur en une
sainte esgalité. Que si vous avez quelque peine dans l'esprit ,
qu'elle ne paroisse point au dehors. Maintenez-vous dans
une contenance grave , mais douce et humble , sans jamais
estre légère , principalement avec des jeunes gens.
Voilà , ce me semble , ce à quoi il faut que vous preniez
garde , pour rendre à Dieu le service qu'il a désiré de vous.
Mais je désire grandement que vous fassiez attention fort
souvent sur l'importance de la charge que vous aurez , non-
seulement d'estre Supérieure , i? iais d'estre au lieu que vous
serez. La gloire de Dieu est join te àcecy, et à la connoissance
de vostre Institut; c'est poun^joy il faut que vous releviez
fort vostre courage, en luy faysant entendit l'importance
de ce à quoy vous estes appellée
Anean tissez-vous fort profondément en vous-mesme , de
voir que Dieu veuille se servir de vostre petitesse pour luy
faire un service de si grande importance. Rccoimoissez-
vous fort honorée de cet hunneur, qï vous en allez courageu-
VI. 33
514 OPUSCULES
sèment supplier nostre Dame qu'il luy plaise vous offrir à son
Fils, comme une créature tout absolument abandonnée à
sa divine bonté , vous resolvant que moyennant sa grâce
vous vivrez désormais d'une vie toute nouvelle , favsanl
maintenant un renouvellement parfait de toute vostre ame,
détestant pour jamais vost?"^ vie passée , avec toutes vos
vieilles habitudes. Allez donc, ma chère Fille, pleine de con-
fiance qu'après avoir fait cet acte parfait du saint abandon-
nement de vous-mesme entre les bras de la tres-sainte Yierge,
pour vous consacrer et sacrifier de rechef au service de
l'amour de son Fils, elle vous gardera tout le temps de vostre
vie en sa protection, et vous présentera derechef à sa bonté
à l'heure de vostre mort.
Maintenant je vous dis : Ne parlez que le moins qu'il se
pourra de vous-mesme ; mays cecy, je le dis tout de bon , re-
tenez-le bien, et faites-y attention. Si vous estes imparfaite ,
humiliez- vous au fond de vostre cœur, et n'en parlez point ;
car cela n'est que l'orgueil , qui fait que vous pensez en dire
beaucoup, afin que l'on n'en trouve pas tant que vous dites.
Parlez peu de vous , mais je dis peu.
Ayez un grand soin de maintenir vostre extérieur parmi
vos filles en telle médiocrité entre la gravité, et la douceur
et l'humilité, que l'on reconnoisse que si bien vous les aimez
tendrement , que vous estes aussi la Supérieure ; car il ne
faut pas que l'affabilité empesche l'exercice de l'authorité.
J'approuve fort que les Supérieures soient Supérieures , se
faisant obeyr, pourveu que la modestie et le support soient
observés.
Ayez envers les séculiers une sainte gravité ; car tandis
que vous estes jeune, il faut observer soigneusement cela.
Que vostre rire soit modéré , et mesme envers les femmes ,
avec lesquelles on peut avoir un peu plus d'affabilité et de
cordialité.
Il ne faut pas entendre par cette gravité, qu'il faille estm
DE S. FRANÇOIS DE SALES» 51 S
severe ou renfrognée ; car il faut conserver tousjours une gra-
cieuse sérénité devant les jeunes gens, quoyque de profession
ecclésiastique. Ayez pour l'ordinaire vo» yeux rabaissés, et
soyez courte en paroles avec telles gens, observant tousjours de
profiter à leurs âmes, en faysant voir la perfection de vostre
Institut. Je ne dis pas la vnstre, ains celle de vostre Institut^,
non en paroles, que fort simplement, ne la louant que
comme on parle un chacun de soy-mesme, ou de ses parens,
c'est à dire courtement et simplement.
Louez grandement les autres Ordres et Religions , et le
vostre au dessous des autres choses , bien que vous ne deviez
pas cacher que vous vivez paisiblement, et disant, quand
l'occasion s'en présente , le bien qui se fait simplement.
Faites tousjours grand cas des Sœurs Carmélites , et vous
entretenez en leur amitié par tout oii vous serez, tesmoignant
tousjoursque vous en faite,< grande estime, et que vous les
aymez chèrement.
Entretenez-vous fort avrC les Pères Jésuites, et communi-
quez volontiers avec eus , comme aussi les Pères de l'Ora-
toire et les Pères MiniQ^es ; prenez conseil d'eux tous où
vous en aurez besoin, et particulièrement des Pères Jésuites.
Ne soyez pas du tout tant retenue à relever le voile,
comme les Sœurs Carmélites, mais pourtant usez de discrétion
pour cela, faisant voir, quand vous le lèverez, que c'est pour
gratifier ceux qui vou?. parlent , observant de ne gueres vous
avancer des treillis, ny moins d'y passer les mains, que pour
certaines personnes de qualité qui le desirenî ,
Pour ce qui est de l'oraison, il faut que vous observiez de
faire que les sujets sur quoy on la fera soient sur la mort ,
vie et passion de nostre Seigneur; car c'est une chose fort
rare , que l'on ne puisse profiter sur la considération de ce
que nostre Seigneur a fait. En fin, c'est le maistre souverain
que le Père éternel a envoyé au monde pour nous enseigner
ce que nous devons faire : et partant, outre l'obligation que
&l0 OPUSCULES
nous avons de nous former sur ce divin modèle pour ce sujet,
nous devons grandement estre excités à considérer ses œuvrea
pour les imiter, parce que c'est une des plus excellentes in-
tentions que nous puissions avoir pour tout ce que nouÀ
avons à faire, et ([ue nous faisons, que de les faire parce que
nostre Seigneur les a faites , c'est à dire pratiquer les vertus
parce que nostre Seigneur les a pratiquées , et comme il les
a pratiquées.
Ce que pour bien comprendre , il faut fidèlement peser,
voir, et considérer dans ce, parce que nostre père l'a fait en
telle façon, je le veux faire, en enclosant l'amour envers
nostre divin Sauveur et père tres-aymable ; car l'enfant qui
aime bien son bon père , a une grande affection de se rendre
fort conforme à ses humeurs , et de l'imiter en tout ce qu'il
fait.
Il se peut faire pourtant qu'il y ait certaines âmes exceptées
lesquelles ne peuvent s'arrester , ny occuper leur esprit sur
aucun mystère ; elles sont attirées à une certaine simplicité
devant Dieu, toute douce, qui les tient en cette simplicité,
sans autre considération que de sçavoir qu'elles sont devant
Dieu, et qu'il est tout leur bien , demeurant ainsi utilement.
Cela est bon ; mais il me semble qu'il est assez clairement
dit dans le livre de V Amour de Dieu , oii vous pourrez avoir
recours , si vous en avez besoin , et aux autres qui traitent
de l'oraison.
- Mais généralement parlant , il faut faire que toutes les
filles , tant qu'il se peut , se tiennent en Testât et méthode
d'oraison qui est la plus seure , qui est celle qui tend à la
reformation de vie et changemens de mœurs , qui est celle
que nous disions premièrement qui se fait autour des mys-
tères de la vie et de la mort de nostre Seigneur.
Et il ne faut pas tousjours croire les jeunes filles qui r^^
font que d'entrer en Religion , quand elles disent qu'eues
ont de si grandes choses; car bien souvent ce n'est que trou-
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 517
perie et amusement. C'est pourquoy il faut les mettre au
me'sme train et aux mesmes exercices que les autres : car si
elles ont une bonne oraison , elles seront bien aises d'estre
humiliées, et de se sousmettre à la conduite de ceux qui ont
du pouvoir sur elles. Il y a tout à craindre en ces manières
d'oraisons relevées; mais l'on peut marcher en asseurance
Jans la plus commune , qui est de s'appliquer tout à la bonne
foy autour de nostre Maislre , pour apprendre ce qu'il veut
que nous fassions.
La Supérieure peut en quelque grande et signalée occasion
faire faire deux ou trois jours de jeusne à la Communauté,
ou bien seulement aux filles qui sont plus robustes ; faire
quelque discipline , plus librement que de jeusner ; car c'est
une mortification qui ne nuit point à la santé , et partant ,
toutes la peuvent faire en la sorte qu'on la fait céans. Mais
il faut tousjours observer de n'introduire point les austérités
en vos Maisons; car ce seroit changer vostre Institut, qui
est principalement pour les infirmes.
La Supérieure doit sans doute de temps en temps visiter
les cellules des Sœurs, pour empescher qu'elles n'ayent rien
en propre; mais pourtant il faut faire cela si discrètement,
que les Sœurs ne puissent point avoir de juste raison de
penser que la Supérieure ait quelque defîiance de leur fidé-
lité , soit en cela, soit en autre chose ; car il le faut tousjours
observer discrètement , ne les tenant ni trop resserrées ni
trop en liberté ; car vous ne sçauriez croire combien c'est
une chose nécessaire de se tenir en cet entre-deux.
Pour moy, j'approuverois fort que vous ne fissiez rien que
de suivre simplement la Communauté en toutes choses , soit
aux mortifications, ou en quoy que ce soit. Il me semble qufe
ce devroit estre la pratique principale d'une Supérieure que
l'aller devant ses filles en cette simplicité , que de ne riec
faire ny de plus ny de moins qu'elles font. Car cela fait
qu'elle est grandement aimée, et qu'elle tient merveilleuse-
\
518 OPUSCULES
ment Tosprit de ses filles en paix. J'ay grandement envii
que riîistoire de Jacob soit tousjours devant vos yeux, afin
de faire comme luy, qui ne vouloit pas seulement s'accommo-
der au pas de ses enfans, mais encore à ceux-là mesme de
ses ai^nelels.
Et quant à ce qui est de la communion, je voudrois que
Ton suivist Tadvis des Confesseurs ; quand vous avez envie
de communier quelquefois extraordinairement, que vous
prissiez leurs advis. Pour communier une fois toutes les se-
maines de plus que la Communauté, vous le pouvez bien
faire , et à vostre tour comme les autres ; et mesme pour
communier plus souvent extraordinairement, vous ferez ce
que ceux qui auront soin de vous , trouveront bon , car il
leur faut laisser conduire cela. Il sera bon , ma cliere Tille,
que vous vous assujettissiez à rendre compte tous les mois,
ou les deux ou trois mois, si vous voulez, au Confesseur
extraordinaire, ou mesme au Confesseur ordinaire, s'il est
capable , ou tel autre que vous jugerez; car c'est un grand
bien que de ne rien faire que par l'advis d'autruy.
Il ne me semble pas que vous deviez maintenant faire plus
d'attention sur aucune autre pratique , que sur celle de la
tres-sainte charité à l'endroit du prochain; en le supportant
doucement, et le servant amoureusement; mais en sorte que
vous observiez tousjours de conserver l'authorité et gravité
de Supérieure, accompagnée d'une sainte humilité. Quand
vous aurez jugé que quelque cho.se se doit faire, marchez
:rseurement et sans rien craindre, regardant Dieu le plus sou-
■• vent que vous pourrez : je ne dis pas que vous soyez tousjours
attentive à la présence de Dieu , mais que vous multipliiez
le pluij qu'il se pourra les retours de vostie tsprit en />ieu :
c'est et dernier point que de tout mon cœur j'ay promis à
mon Dieu de pratiquer fidèlement, moyennant sa grâce,
ayant pris nostre Dame protectrice de cette mienne rcsolu tien.
DE S. FRANC0T5 DE SALES.
519
»\/v/
CLXIX.
AUTRES AVIS SPIRITUELS
ADRESSÉS
A LA PREMIÈRE SUPÉRIEURE TE LA VISITATION d'oRLÉANS.
Ce qui suit fut écrit de la propre main du Saint, dans le livre de la mère
Claude-Agnès Joly de La Roche , lorsqu'elle vint en France pour la fonda-
tion du monastère d'Orléans.
Allez, ma tres-cliere Fille, Dieu vous sera propice • trois
vertus vous sont chèrement recommandées, la debonnoireté
tres-humble, Thumilité très- courageuse, la parfaite con-
fiance à la providence de Dieu ; car quant à l'esgalité de l'es-
prit, et mesme du maintien extérieur, ce n'est pas une vertu
particulière, mais l'ornement intérieur et extérieur de l'es-
pouse du Sauveur. Vivez donc ainsi toute en Dieu et pour
Dieu, et que sa bonté soit à jamais vostre repos. Amen.
Faites cela, ma tres-chere fille; à Dieu soit la louange de
l'exercice que la Providence vous donne par cette affliction
de maladie, que vous rendrez sainte, mo3^ennant sa sainte
grâce. Car comme vous ne seiez jamais espouse de Jesus-
Christ glorifié, que vous ne l'ayez esté premièrement de
Jesus-Christ crucifié; vous ne jouirez jamais du lit nuptial
de son amour triomphant , que vous n'ayez senti l'amour
afBigeant du lit de la sainte Croix.
Cependant nous prierons Dieu qu'il soit tousjours vostre
force et vostre courage en la souffrance , comme vostre mo-
destie, douceur et humilité en ses consolations.
520 OPUSCULES
%^\/WV1
CLXX.
LETTRE
4
AVIS DU SAINT SUR LA VOCATION A l'ÉTAT RELIGIEUX.
La bonne vocation n'est autre chose qu'une ferme et
constante volonté que la personne appelée a db vouloir servir
Dieu en la manière et aux lieux ausquels sa divine Majesté
Ta. appelée : cela est la meilleure marque que Ton puisse
avoir pour connoistre quand une vocation est bonne. Non
qu'il soit nécessaire que telle ame fasse dés 1^ commence-
ment tout ce qu'il faut faire en sa vocation , avec une fer-
pieté et constance si grande, qu'elle soit exempte de toute
répugnance , difficulté ou degoust en ce qui est de sa voca-
tion , ni moins encor que cette fermeté et constance soit tellt^
qu'elle la rende exempte de faire des fautes , ni que pour cela
elle soit si ferme qu'elle ne vienne jamais à chanceler, n:
varier à l'entreprise qu'elle a faite de pratiquer les moyens
qui la peuvent conduire à la perfection ; attendu que tous
les hommes sont sujets à telle passion, à chantreme-^r , à
vicissitudes, et que ce n'est que par ces divers mouveii^ens
et accidens qu'il faut juger, la volonté demeurant ferme au
point de ne quitter le bien qu'elle a embrassé, encor qu'ell*
sente quelque degoust et refroidissement
Tellement que pour avoir une marque d'une bonne voca-
tion, il ne faut point une constance sensible, mais qui soit
effective. Pour sçavoir '^i Dieu veut qu'on soit Religieux ou
Religieuse, il ne faut pas attendre qu'il nous parle sensible-
» Tirée de la Vie du Saint par le père Jean (ie Saint François. C'est la 690»
des lettres de la coUoction Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 521
ment, ou qu'il nous envoyé un Ange du ciel pour nous si-
gnilier sa volonté ; ni moins est-il besoin d'avoir des révéla
lions sur ce subject. Il ne faut non plus l'examen de dix ou
douze docteurs de la Sorbonne pour examiner si l'inspiration
est bonne ou mauvaise , et s'il faut la suivre ou non ; mais il
faut bien cultiver et correspondre aw premier mouvement,
et puis ne se mettre point en peine s'il vient des degousts et
des refroidissemens sur cela.
Car si on tasclie tous] ours à tenir sa volonté bien ferme
à rechercher le bien que Dieu nous monstre , il ne manquera
pas de faire réussir le tout à sa gloire. De quelque part que
vienne le motif de la vocation, il suffit pourveu qu'on ait
senty l'inspiration, ou le mouvement dans le cœur pour la
recherche du bien auquel on se sent appelé , et que l'on de-
meure ferme et constant dans cette recherche, quoy que ce
soit avec degoust et refroidissement.
Et en cela on doit avoir un grand soin d'aymer les âmes,
et leur apprendre à ne se point estonner de ces changemens
et de ces vicissitudes , et les encourager à demeurer fermes
parmi eux , en leur disant qu'elles ne se doivent pas mettre
en peine de ces sentimens sensibles, ni les examiner tant; et
elles se doivent contenter de cette constante volonté, qui
parmi tout cela ne perd point l'affection de son premier des-
sein; qu'elles soient seulement soigneuses de le bien culti-
ver, et de correspondre à ce premier mouvement, sans se
goucier de que] costé il vient , veu que nostre Dieu a plu-
sieurs moyens d'appeler ses serviteurs et ses servantes à soa
service; qu'il se sert »)res des prédications, ores de la lecture
des bons livres, ores des ennuis, des desastres, des aiïlictions
et des traverses qui nous surviennent, ores du monde qui nous
donne sujet de nous despiter contre luy et de l'abandonner;
que de toutes ces sortes il en est reûscy de grands serviteur»
et servantes de Dieu.
D'autres encor viennent en Religion à cause de quelcjua
522 OPUSCULES
défaut naturel qui est en leur corps, comme pour estre boîs-
teux, borgnes et laids; d'autres y sdnt portés par leurs pères
et mères, pour ovancer leurs autres enfans par cette des-
cbarge : mais Dieu bien souvent fait voir la grandeur de
sa clémence et miséricorde, en se servant de telles inten-
tions, qui d'elles-mesmes ne sont nullement bonnes, pour
faire de telles personnes de grands serviteurs de sa divine
Majesté.
En somme , il fait entrer en son festin les boisteux et les
aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir
deux yeux et deux jambes pour aller en Paradis. Plusieurs
de ceux qui sont venus en Religion de cette sorte , ont fait
de grands fruicts , et persévéré fîdellement en leur vocation.
D'autres qui ont esté bien appelés, n'y ont pas néanmoins
persévéré; mais après avoir demeuré quelque temps, ils ont
tout quitté. Dont nous avons l'exemple de Judas, de la
bonne vocation duquel nous ne pouvons pas doubler, puisque
nostre Seigneur mesme i'avoit choisy et appelle comme les
autres , et qu'il ne se pouvoit tromper en le choisissant , car
il avoit le discernement des esprits.
C'est une chose certaine que quand Dieu appelle quel-
qu'un par prudence et providence divine, il s'oblige de four-
nir tous les aydes requis pour le rendre parfait en sa voca*
tion. Quand il appelle quelqu'un au christianisme, il s'oblige
à luy fournir tout ce qui est requis pour estre bon chrestien.
Tout de mesme, quand il appelle quelqu'un pour estre
Prestre ou Evesque , Pieli-ieux ou Religieuse , il s'oblige en
mesme temps à luy fournir tous les moyens requis pour estre
parfait en sa vocation.
En quoy toutefois il ne faut pas penser que ce soit nous
qui l'obligions à ce faire , en nous faisant Prestres ou Reli-
gieux, veu qu'on ne sçauroit obliger nostre Seigneur que
comme on s'oblige soy-mesme pour soy- mesme, provoqué
p^' .son infinie J^onté et miséricorde i tellement qu'en me
DE S. FRANÇOIS DE SALES. o23
faisant Religieux , nostre Seigneur est obligé de me fournir
tout ce qu'il faut que j'aye pour estre bon Religieux , non
point par devoir, mais par sa miséricorde et providence in-
finie : or la divine Majesté ne manque jamais de soin et de
providence touchant tout cecy.
Et pour nous le mieux faire croire, elle s'y est obligée,
€n sorte qu'il ne faut jamais entrei^ en opinion qu'il y ait de
sa faute quand nous ne reuscissons pas bien ; non qu'il ne
donne aussi quelquefois les mesmes aydes et secours à ceux-
là mesme qu'il n'a point appelles , tant est grande sa miséri-
corde et sa libéralité.
Et si bien il donne toutes les conditions requises pour
€stre parfaits en la vocation oii il nous appelle , ce n'est pas
à dire qu'il nous les donne tout à coup , en telle sorte que
ceux qu'il a appelles soient parfaits tout à l'instant de leur
entrée dans leur vocation : car les Religions ne seroient point
nommées des hospitaux , comme dans l'antiquité, elles es-
toient ainsi nommées, et les Religieux, du mot grec ©apaTreurai,
Thérapeutes, qui veut dire guérisseurs dans les hospitaux,
pour se guérir les uns les autres. Il ne faut donc pas penser
qu'en entrant en Religion, on soit parfait tout prompte-
ment , mais ouy bien qu'on y vient pour tendre à la per-
fection.
Ce ne sont donc point les mines tristes, ni les faces pleu-
reuses , ni les personnes souspireuses qui sont tousjours les
mieux appellées ; ni ceux qui mangent plus de crucifix , qui
ne veulent pas bouger des Eglises, et qui sont tousjours dans
les hospitaux ; ni encore ceux qui commencent avec grande
ferveur. Il ne faut point regarder ni les larmes des pleureux,
ni les soupirs des souspireux , ni les mines des cérémonies
extérieures , pour connoistre ceux qui sont bien appelés ;
mais ceux qui ont une volonté ferme et constante de vouloir
guérir, et qui pour cela travaillent avec fidélité pour recou-
vrer la santé spirituelle. Il ne faut pas aussi tenir pour
•^24 OPUSCULES
marque d'une bonne vocation les ferveurs qui font qu'on ne
se contente point dans sa vocation , mais qu'on s'amuse à
quelques désirs qui sont pour l'ordinaire vains , mais appa-
rens, d'une plus grande sainteté de vie ; car pendant qu'on
s'amuse à rechercher ce qui bien souvent n'est pas nostre
vocation , on ne fait pas ce qui nous peut rendre parfaits ea
celie que nous avons embrassée.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. ^',^3
CLXXI.
AVIS* DU SAINT
SUR tA RÉCEPTION ET LA PROBATION DES FILLES,
lo. Pour l'état de postulante.
Quant à la première réception dans le monastère en habit
sc-culier, comme on ne pourroit pas beaucoup lesconnoistreà
cause de leur bonne mine que toutes y apportent, et qu'elles se
montrent en paroles aussi promptes que S. Jacques et S. Jean
à boire le calice de nostre Seigneur, ainsy on ne les peut bon-
nement esconduire. Et en effet, on n'y doit pas faire trop grand
esgard pour les recevoir. Et tout ce qu'on peut faire , c'est
qu'on peut observer leur façon, et par la conversation qu'on
a avec elles, reconnoistre quelque chose de leur intérieur.
Pour ce qui est de la santé corporelle et autres infirmilés
de corps, on n'y doit point faire ou fort peu de considération ;
d'autant que dans la Visitation on peut y recevoir les in-
firmes et les imbéciles, comme les fortes et les robustes;
et elle a esté en partie faite pour elles, pourveu que ce ne
soient des infirmités si pressantes, qu'elles les rendent tout à
fait incapables d'observer la règle, et inhabiles à fair? ce qm
est de leur vocation.
2». Pour la prise d'habit ou veslure.
Quant à recevoir ^'^s tilles à l'habit et au noviciat, on doit
y apporter d'autant [^ius de diihculté et de considération,
qu'on a eu plus de moyens de remarquer leurs humeurs,
1 Tiré de la Vie du Saint, par D. Jean de S. François. C'est la GDI ^ lettre
ij ;i coUeclion-Blaise.
526 OPUSCULES
actions et habitudes. Pour estre encor tendres, ou choîeres,
ou subjectes à telle autre passion, cela ne doit point empes-
cher qu'elles soient admises au noviciat, pourveu qu'elles
ayent une bonne volonté de s'amender, de se sousmettre . de
se servir des médecines et meJicamens propres à leur gue-
rison; et, bien qu'elles y ayen* ^^e la répugnance, ou qu'elles
les prennent avec difficulté grande, cela ne veut rien dire,
pourveu qu'elles ne laissent point d'en user ; ny encore qu'elles
ayent la nature rude et grossière , pour avoir esté mal nour-
ries et mal civilisées , car cela ne doit point empescher leur
réception : car bien qu'elles ayent plus de peine et difïiculté
que les autres qui ont le naturel plus doux et plus traictable,
si toutesfois elles veulent bien estre guéries , et tesmoignent
une volonté ferme à vouloir recevoir la guerison, quoy qu'il
leur couste, à celles-là il ne faut pas refuser la voix, nonobs-
tant leurs cheutes : car ces personnes-là, après un long travail,
font de grands fruicts en la Religion , et deviennent grandes
servantes de Dieu , et acquièrent une vertu forte et solide ;
car la grâce de Dieu supplée au défaut , et d'ordinaire où il
y a moins de la nature , il y a plus de la grâce.
30. Pour la profession.
Quant à ce qui est de recevoir les filles à la profession , il
est requis une plus grande considération : il faut observer
trois choses.
La première , que les filles soient saines , non de corps ,
mais de cœur et d'esprit ; c'est-à-dire , qu'elles ayent le cœur
bien disposé à vivre dans une entière souplesse et sousmission.
La seconde , qu'elles ayent l'esprit bon , non pas de ces
grands esprits , qui sont pour l'ordinaire vains et pleins de
suffis,ance, et qui estant au monde estoient des boutiques de
vanité , et viennent en Religion non pas pour s'humilier,
mais comme si elles y venoient faire des leçons de philosophie
et théologie, voulant tout conduire et gouverner. A celles-là
DE S. FRANÇOIS DE SALES, 527
îlfaiit y prendre garde de fort pvés. Mais un esprit bon est un
esprit médiocre, qui n'est ni trov^ ^rand ni trop petit; celles-
cy sont à estimer, parce que ces esonts-là font toujsours beau-
coup, sans pourtant qu'ils le sçachent : ils s'appliquent à
faire , et s'adonnent aux vertus solides : ils sont traictables,
et on n'a pas beaucoup de peine à les conduire , car facile-
ment ils comprennent,
La troisième cbose qu'il faut observer, c'est si cette lîlle a
bien travaillé dans son année de noviciat; si elle a bien
souffert et profité des médecines qu'on lui a données, propres
à la rendre quitte de son mal ; si elle a bien fait valoir les
resolutions qu'elle fît en entrant en Religion, et depuis en son
noviciat , de changer et amender ses mauvaises habitudes,
humeurs et inclinations. Si l'on voit qu'elle persévère fidèle-
ment en sa resolution , et que sa volonté demeure ferme et
constante pour continuer, ayant remarqué qu'elle se soit
appliquée à se reformer et se former selon les Règles et Cons-
titutions , si cette volonté lui dure toujours, voire de vouloir
toujours mieux faire, c'est une bonne conduite pour estre
reçue, encore que par-cy, par-là elle ne laisse pas de faire
de grandes fautes , et mesme assez souvent , cela ne la doit
j)oint faire refuser.
Car, quoy qu'en l'année ^^- son noviciat elle ait deu travail-
ler à la reformation de ses mœurs et habitudes , ce n'est pas
à dire pour cela qu'elle ne doive point faire de cheutes , ny
qu'à la lin de son année elle doive estre parfaite : ainsi que les
Apostres , encor qu'ils fussent bien appelés et qu'ils eussent
longtemps? travaillé en la reformation de leur vie , ne lais-
soient pas de faire des fautes, et non-seulement en la pre-
mwrt année, mais encore en la seconde et en la troisième.
»*2S OPUSCULES
•vr«•^•Vu'V
CLXXII.
i
LETTRE
A UNE RELIGIEUSE, SUPÉRIEURE DE LA VISITATION.
Le Saint lui indique la manière de distinguer les fausses révélations d'avec
les bonnes. Il propose ensuite les remèdes à ces illusions. U parle après
cela de la vocation d'une demoiselle que ses parents avoient obligée de
renoncer à un mariage, et qui, pour cette raison, avoit pris le parti du
couvent. Il dit qu'on peut être appelé de Dieu en bien des manières diffé-
rentes; qu'il y a bien peu de vocations pures; comment on peut connoître
si une vocation est bonne.
Annecy.
Puisque je n'ay sceu plus tost, ma tres-chere Fille , je res-
pondray maintenant aux deux poincts principaux pour les-
quels vous m'avez cy devant escrit.
En tout ce que j'ay veu de cette fille, je ne trouve rien qui
me fasse penser qu'elle ne soit fort bonne fille, et partant
il la faut aimer et chérir de fort bon cœur ; mais quant à ses
visions , révélations et prédictions , elles me sont infiniment
suspectes , comme inutiles , vaines et indignes de considéra-
tion : car d'un costé elles sont si fréquentes , que la seule
fréquence et multitude les rend dignes de soupçon ; d'autre
part, elles portent des manifestations de certaines choses que
Dieu déclare fort rarement, comme l'asseurance du salut
éternel , la confirmation en grâce , le degré de sainteté de
plusieurs personnes , et cent autres choses pareilles qui ne
servent tout à fait à rien, de sorte que S. Grégoire ayant
esté interrogé par raie Dame d'honneur de rîm}.eratrice, qui
s'appeloit Grégoire , sur Testât de son futur salut, il iuy res-
pondit : Vostre douceur , ma fille , me demande une cnose
» C'est la 692» des lettres de la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. S 29 ■
qui est également et difficile et inutile. Or, de dire qu'à
Vadvenir on connoistra pourquoy ces révélations se font, c'est
un prétexte que celuy qui les fait prend pour éviter le blasme
des inutilités de telles choses.
Il y a plus : que quand Dieu se veut servir des révélations
qu'il donne aux créatures , il fait précéder ordinairement ou
des miracles véritables , ou une sainteté très particulière en
ceux qui les reçoivent. Ainsi le malin esprit , quand il veut
notablement tromper quelque personne , avant que de luy
faire faire des révélations fausses , il luy fait faire des pré-
sages faux , et luy fait tenir un train de vie faussement
sainte.
Il V eut du tems de la bienheureuse seur Marie de l'Incar-
nation, une iîlle de bas lieu, qui fut trompée d'une trom-
perie la plus extraordinaire qu'il est possible d'imaginer.
L'ennemy en forme de nostre Seigneur, dit fort long-temps
ses Heures avec elle, avec un chant si mélodieux qu'il la
ravissoit perpétuellement. Il la communioit fort souvent
sous l'apparence d'une nuée argentine et resplendissante, de-
dans laquelle il faisoit venir une fausse hostie dans sa bouche :
il la faysoit vivre sans manger chose quelconque. Quand elle
portoit l'aumosne à la porte , il multiplioit le pain dans son
tablier, de sorte que si elle ne portoit du pain que pour trois
pauvres , et il s'en trouvoit trente , il y avoit pour donner à
tous très largement , et du pain fort délicieux , duquel son con-
fesseur mesme , qui estoit d'un ordre très reformé, envoyoit
çà et là parmi ses amis spirituels par dévotion.
Cette fille avoit tant de révélations, qu'en fin cela la rendit
suspecte envers les gens d'esprit. Elle en eut une extrême-
ment dangereuse , pour laquelle il fut trouvé bon de faire
essay de la sainteté de cette créature , et pour cela on la mît
avec la bienheureuse seur Marie de rincarnation, lors en-
core mariée , où estant chambrière , et traictée un peu dure-
ment par feu M. Acario , on dosconvrit que cette fille n'estoit
VI. 34
^30 OPUSCULES
nullement sainte , et que sa douceur et humilité extérieure
n'estoit autre chose qu'une dorure extérieure que Fennemy
employoit pour faire prendre les pillules de son illusion , et
en fin on descouvrit qu'il n'y avoit chose du monde en elle,
qu'un amas de visions fausses: eJ; quant à elle, on connut
bien que non seulement elle ne trompoit pas malicieusement
le monde, mais qu'elle estoit la première trompée, n'y ayant
de son costé aucune autre sorte de faute , sinon la complai-
sance qu'elle prenoit ^ s'imaginer qu'elle estoit sainte , et la
contribution qu'elle faisoit de quelques simulations et dupli-
cités pour maintenir la réputation de sa vaine sainteté. Et
tout cecy m'a esté raconté par la bienheureuse seur Marie de
l'Incarnation.
Voyés, je vous prie, ma très chère fille, l'astuce et finesse
de Fennemy, et combien ces choses extraordinaires sont
dignes de soupçon : néanmoins, comme je vous ay dit, il ne
faut pas maltraitter cette pauvre fille , laquelle , comme je
crois, n'a point d'autre coulpe en son afî'aire que celle du vain
amusement qu'elle prend en ses vaines imaginations.
Seulement , ma très chère Seur , il luy faut tesmoigner
une totale négligence , et un parfait mespris de toutes ses
révélations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des
longes ou des resveries d'une fièvre chaude , sans s'amuser à
les réfuter ni combattre, ains au contraire, quand elle en
veut parler, il faut luy donner le change, 'Vest à dire,
changer de propos, et luy parler des solides vertus et perfec-
tions de la vie religieuse , et particulièrement de la simplicité
'de la foy, par laquelle les saints ont marché, sans visions ni
révélations particulières quelconques, se contentant de croire
fermement à la révélation de FEscriture sainte et de la doc-
trine apostolique et ecclésiastique ; inculquant bien souvent
sa sentence de nostre Seigneur , qu'il y aura plusieurs fay-
seurs de mîracîes et plusieurs prophètes auxquelz il dira à.
la fin du monde : « Retirez-vous de moi ouvriers d'iniquité :
DE S. PRÂNÇOIS DE SALES. 531
Je ne vous connois point*. » Mais pour l'ordinaire il faut
dire à cette fille : Parlons de nostre leçon que nostre Sei-
gneur nous a recommandé d'apprendre disant , « Apprenez
de moy que je suis doux et humble de cœur*.» Et en
«omme , il faut tesmoigner un mespris absolu de toutes ses
révélations.
Et quant au bon Père qui semble les approuver, il ne faut
pas le rejeter,' ny disputer contre luy, ains seulement tesmoi-
gner, que pour esprouver tout ce trafic de révélations , il
semble bon de les mespriser et n'en tenir compte. Yoyla donc
.mon avis pour le présent quant à ce poinct.
Or, quant à la vocation de cette damoiselle, je la tiens
•pour boane , bien qu'elle soit meslée de plusieurs imperfec-
tions du costé de soaa esprit , et qu'il seroit désirable qu'elle
ïust venue à Dieu simplement et purement, pour le bien qu'il
y a d'estre tout à faii à luy. Mais Dieu ne tire pas avec esgalité
de motifs tous ceux qu'il appelle à soy ; ains il s'en trouve
peu qui viennent tout à fait à son service , seulement pour
«stre siens et le servir.
Entre les filles desquelles la conversion esl; illustre en
l'Evangile , il n'y eut que la Magdalene qui vint par aaiour
-et avec amour : l'adultère y vint par confusion publique,
comme la Samaritaine par confusion particulière : la Ca-
nanée vint pour estre souslagée en son affliction temporelle :
S. Paul, premier hermite, aagé de quinze ans, se retira dans
5a spelonque pour éviter la persécution -, S. Ignace de Loyola
par la tribulation , et cent autres.
Il ne faut pas vouloir que tous commencent par la periec-
ûon: il importe peu comme l'on commence, pourveu que
l'on soit bien résolu de bien poursuivre et de bien finir. Certes,
*=Multi dicent mihi in illâ die : Domine, Domine, nonne in nomine tuo
prophetavimus, et in nomine tuo deemonia ejecimus, et in nomine tuo vir-
tutes multas fecimus? Et tune contitebor illis, Quia nunquam novi vos; dis-
cedite à me, qui operamini iniquitatem. Matth., Vil, 22 et 23.
'* Discite à me quia mitis sum et humilis corde. Matth,, XI, 29.
532 OPUSCULES
Lia entra fortuitement et contre la civilité dans le lict de
Jacob destiné à Rachel ; mais elle s'y comporta si bien, si
chastement et si amoureusement , qu'elle eut la bénédiction
d'estre la grand'mere de nostre Seigneur. Ceux qui furent
contraints d'entrer au festin nuptial de l'Evangile ne lais-
sèrent pas de bien manger et de bien boire.
Il faut regarder principalement les dispositions de ceux
qui viennent à la Religion par la suitte et persévérance; car
il V a des âmes lesquelles n'y entreroient point si le monde
leur faysoit bon visage, et que l'on voit néanmoins estrebien
disposées à véritablement mespriser la vanité du siècle. Il est
tout certain, ainsy qu'en raconte l'histoire, que cette pauvre
fille de laquelle nous parlons n'avoit pas assez de générosité
pour quitter l'amour de celuy qui la recherchoit en mariage^
si la contradiction de ses parens ne l'y eust contrainte : mais
il n'importe , pourveu qu'elle ayt assez d'entendement et de
valeur pour connoistre que la nécessité qui luy est imposée
par ses parens vaut mieux cent mille fois que le libre usage
de sa volonté et de sa fantaisie ( lisez en Platus , De r estât
religieux , ch. 36 , la response qu'il a faite à ceux qui disent
qu'ils ne peuvent connoistre s'ils sont appelés de Dieu ) , et
qu'enlin elle puisse bien dire : Je perdois ma liberté , si je
n'eusse perdu ma liberté.
Or, ma très chère Fille, le moyen d'ayder cet esprit, pour
luy faire connoistre son bonheur , c'est de le conduire îe
plus doucement que l'on pourra aux exercices de l'orayson
et des vertus, de luy tesmoigner un grand amour de vostrd
pari et de toutes nos seurs , sans faire nul semblant de l'im*
perfection du motif par lequel elle est entrée, de ne point
luy parier avec mespris de la personne qu'elle a aymée;
que SI elle en parle , il faut renvoyer le propos à Dieu ,
comme seroit de luy dire : Dieu le conduira par le chemin
qu'il çait estre le plus convenable.
Yous me demandez si on pourra permettre l'entreveuë
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 533
entre eux deux. Je dis qu'à mon advis il ne faut pas l'escon-
duire tout à fait, si elle est grandement désirée : mais pour le
conunencement il faut gauchir et biaiser le refus ; puis quand .
vous reconnoistrez que la fille est bien résolue au party
bienheureux de l'amour de Dieu , vous pourrez permettre
deux ou trois entreveuës, pourveu qu'ilz permettent la pré-
sence de deux ou trois tesmoins ; et si vous en estes l'une , il
faut avec de.:terité les ayder à se dire adiei., et à louer leurs
intentions passées , Jeui donner le change', et dire qu'ils sont
bien heureux de s'estre arrestés au chemin dans lequel la
raison les a conduits , et qu'une once du pur amour divin
qu'ils se porteront l'un à l'autre désormais, vaut mieux que
cent mille livres de l'amour par lequel ils avoient commencé
leurs affections.
Il y a une bonne histoire à ce propos es Confessions de
S. Augustin \ de deux gentilshommes qui avoient espousé
deux damoiselles , qui , après avoir renoncé aux prétentions
des noces, se firent à l'imitation les uns des autres, tous
quatre Religieux.
Et ainsy, sans faire semblant de craindre par trop leurs
entreveuës, il faut petit à petit les conduire de la voye de
l'amour en celle d'une sainte et pure dilection. Si cette fille
a Fesprit conditionné , comme Ton m'a dit de vostre part, je
m'asseure que bientost elle se trouvera toute transformée, et
qu'«'lle adnîirera la douceur avec laquelle nostre Seigneur
l'attire en soi» îict nuptial , parmi tant de fleurs et de fruits
^dorans tout à l'ait célestes.
Quanta ce que le monde dira de cette vocation, il n'y
faut faire nulle sorte de reflexion; car ce n'est pas aussi pour
liiy qu'on l'accepte. Je fay response à cette ame selon mon
sentiment; vous la ménagerez comme vous verrez le mieux
à faire.
Quanta madamoiselle N-, je dis de mesme qu'il la faut
Liv. VIII, chap- a..
534 OPUSCULES
laisservenir, bien que le choix du lieu tesmoigne quelque
imperfection de tendreté ou de motif meslé parmi sa vocation ;
comme réciproquement il y en peut avoir en l'aversion que
nostre seur S. de N. a par adventure de la voir venir de deçà :
mais gardez-vous bien de luy dire cette mauvaise pensée qui
me vient à Tesprit ; car, au reste , c'est une bien brave Seur,
que j'ayme parfaitement, parce que, comme je m'asseure,
elle ne vit pas selon ses sentimens, ses aversions et inclinations
qui luy font désirer l'esclat et la gloire de son monastère, ains
plustost selon l'esprit de la croix de nostre Seigneur, qui
luy fait perpétuellement renoncer aux saillies de l'amour
propre.
J'avois oublié de vous dire que les visions et révélations
de cette iille ne doivent pas estre trouvées estranges , parce
que la facilité et tendreté de l'imagination des filles les rend
beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les ho aunes :
c'est pourquoy leur sexe est plus addonné à la créance des-
songes , à la crainte des esprits, et à la crédulité des supers-
titions. Il leur est souvent advis qu'elles voyent ce qu'elles
ne voyent pas, qu'elles oyent ce qu'elles n'oyent pas, qu'elles
sentent ce qu'elles ne sentent point.
Plaisante histoire d'une de mes parentes de laquelle l&
mary estant mort en Piedmont, s'estant imaginée qu'il l'avoit
laissée grosse, elle demeura en ceste imaginaire grossesse
quatorze mois, avec des imaginaires douleurs et des ima-
ginaires sentimens des mouvemens de l'enfant , et à la lin
cria tout un jour et toute une nuict parmi des tranchées-
imaginaires d'un imaginaire enfantement ; et qui l'eust.
creuë à son serment, elle eust esté mère sans faire aucun
enfant.
Il faut donc traitter cest esprit-là avec le mespris de ses
imaginations, mais avec un mespris doux et sérieux, et non
point mocqueur ni desdaigneux. Il se peut bien faire que le
malin esprit ait quelque part en ces illusions. Mais je croi»-
DE S. FRANÇOIS TO5 SALES. 535
pînstost qu'il laisse agir l'imagination , sans y coopérer que
par de simples suggestions. La similitude apportée pour
l'explication du mystère de la sainte Trinité est bien jolie,
mais elle n'est pas hors de la capacité d'uïi esprit qui se com»
plaist en ses propres imaginations. '
536 OPUSCULES
K.'^^^.''\.^^.^ ^^J^^y^^^J'^.J
CLXXIÎî.
LETTRE*
A LA MÈRE FAVRE.
Le Saint blàine l'aitacheinent de quelques Religieuses à leurs emplois, et Viv
constance d'une autre qui ne'se plaisoit pas dans le lieu où elle étoit.
Je ne puis penser, ma tres-chere Fille , que Monseigneur
rAi'cheves([iie "^ apporte aucun surcroist de loys à vostre
mayson , pnis({u'il a veu que celles qu'on a prattiquées sonL
grâces à Dieu , bien receiies. Que s'il luy playsoit de faire
quelque notable changement , il le faudroit supplier qu'il
luy plust de rendre ses ordonnances compatibles à la sainte
correspondance que ces maysons doivent avoir toutes en-
semble en la forme de vivre ; à quoy ces messieurs que
vous scavés vous assisteront de leurs remonstrances et inter^
cessions.
Car, à la vérité, ce seroit chose, à mon advis, de mau-
vaise édification , de séparer et disjoindre l'esprit que Dieu a
voulu eslre un en toutes ces maysons. Mais j'espère en nostre
"èeï'j^ueuv quil vous donnera la bouche et la sagesse conve-
nable en cette occasion '\ pour respondre saintement, hum-
blement et doucement. Yivés toutes en cette sacrée col-
fiance , ma très chère fille.
J'escrivis Taiitre jour à nos Seurs de A' ab-nce ; et u" chère
petite douce fondatrice est h-pii heureuse (Tovnir à souiïrir
1 C'est la 24e du livre Vî des anciennes éditions, et la 694' de la collectiott
Biaise.
2 M. l'Archevêque de Lyon.
3 Dabo vobis os et sapientiam, ciii non poterunt resistere et contradicero
omnes adversarli vestri. Luc, XX!- î5
DB S. FRANÇOIS DE SALES. 537
quelque chose pour nostre Seigneur, qui , ayant fondé l'E-
glise militante et triomphante sur la croix , favorise tous-
jours ceux qui endurent la croix; et puisque cette petite
créature doit demeurer peu en ce monde , il est bon que son
loysir soit employé à la souffrance.
J'admire ces bonnes Seurs qui s'affectionnent si fort à
leurs charges. Quelle pitié , ma tres-chere Fille ! Qui n'affec-
tionne que le maistre le sert gayement, et presque esgalement
en toutes charges. Je pense que ces filles ainsy faites n'eussent
pas esté bonnes pour célébrer le mystère d'aujourd'huy,* : car
si nostre Dame leur eust donné nostre Seigneur entre leurs
bras, jamais elles ne l'eussent voulu rendre; mais S. Simeon
tesmoigne bien que , selon son nom ^ , il avoit la parfaite
obeyssance, recevant cette douce charge si doucement, et
la rendant si joyeusement.
J'admire bien encore cette autre Seur qui ne se peut
plaire où elle est. Ceux qui ont la santé forte ne sont point
sujets à l'air ; mais il y en a qui ne peuvent subsister qu'en
changeant de climat. Quand sera-ce que nous ne cherche-
rons que Dieu! 0 que nous serons heureux quand nous
serons arrivés à ce poinct-là ! car par tout nous aurons ce
que nous chercherons , et chercherons par te Jt ce que nous
aurons. Dieu vous fasse de plus en plus prospérer en son pur
amour, ma très chère Fille , avec toutes vos chères Seurs ^
que je salue , etc.
* La Présentation de Notre-Seigneur au temple.
• Siméon est un nom qui, en notre langue, signifie une personne qui é4;outii,
une personne ol^(^iR=antfi-^
538 OPUSCULES
CLXXIV.
AVIS
A UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION*.
CSioix de jeunes filles destinées pour être envoyées en France. Une Supérieure
de la Visitation ayant consulté le Saint à l'égard d'une fille qui avoit une
conduite extraordinaire, il répond qu'il faut l'examiner de près et avec
loisir, et l'éprouver par des emplois vils. Quand la présence du père spiri-
tuel est nécessaire pour les contrats. Il faut faire un juste choix des livres
i^qu'il convient de faire lire à la communauté. On doit parler avec retenue
des voies par lesquelles Dieu nous conduit. En quel cas les saillies de l'a-
mour-propre ne sont pas dangereuses. Pourquoi Dieu nous laisse nos mau-
vaises inclinations. Il ne veut pas d'empressement dans son service.
* Voyla que dés avant hier, nous sommes dans le choix des
filles qu'il faut envoyer en France, ma très chère Fille. Et
nostre mère m'escrit que vous luy en donnerés une , et la
mayson de Lyon une autre , qui avec les huit que nous en
fournirons , feront le nombre qu'elle désire. Mais je ne sçay
pas encore comme nous ferons pour aller prendre la vostre.
Or, on y pensera , et cependant parmi ce tracas , je vous
respons, ma très chère Fille, le plus courtement que je
pourray.
Je voy en cette Seur (Anne Marie) je ne sçay quoy de
bien bon , et qui me plaist. Il y a un peu d'extraordinaire
qui doit estre considéré sans empressement , alïin qu'il n'y
arrive point de surprise, ny du costé de la nature qui se flatte
souvent par l'imagination, ny du costé de l'ennemy qui nous
divertit souvent des exercices de la solide vertu, pour nous
occuper en ces actions spécieuses. Il ne faut pas trouver
* C'est la 704" lettre de la seconde édition Biaise, et la 17e du livre V[ des
anciennes éditions. Les trois alinéas marqués d'une étoile ont paru pour la
première fois dans l'édition Biaise.
DE S. FiJANCGiS DE SALES. 539
eslrange qu'elle ne soit pas si exacte à faire ce qu'elle fait i
car cela arrive souvent aux personnes qui sont attachées à
l'intérieur, et ne se peuvent tout à coup si bien ranger en
toutes choses; de sorte qu'en un mot il faut empescber
qu'elle ne fasse grand cas de ces vëus , de ces sentimens et
douleurs , ains que ^ sans faire beaucoup de reflexion sur
tout cela , elle fasse en simplicité les choses ausquelles on
l'employé. On k pourra retirer de la cuisine , après qu'elle
y aura encor servy quelque tems. 0 que cette cuisine est
excellente et ayniable , parce qu'elle est vile et abjecte î
On peut retirer les Seurs du Chœur au r<ing de associées ,
et les associées au rang de celles du Choeur, quand la rayson
le requiert, ainsy qu'il est dit des Seurs domestiques * au
premier chapitre des Constitutions.
* Si je vay à Rome , j« m'essayeray de servir Madame de
Sautereau en son désir.
De sçavoir qaand es contrats il est requis que le Père
spirituel soit présent ou non , cela dépend de la nature des
contrats ; car il y en a où cela est requis , et des autres où
cela n'est pas requis, comme l'Evesque en quelques contrats
a besoin de la présence de son Chapitre , en des autres non.
C'est aux gens d'intelligence de marquer cela es occasions ;
car on n'en sçauroit faire une règle générale.
* Il y a quelquefois de l'incommodité; mais on ne sçauroit
comme l'oster sans tomber en une plus grande. Que M. Bu-
tine se nomme vostre Père spirituel , ou non , dans les con-
trats , cela ne fait ni froid , ni chaud ; car ce nom-là se peut
entendre en diverses sortes.
On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques
au dernier , qui , estant assez inintelligible , pourroit estre
entendu mal à propos par l'imagination des lectrices , les-
quelles , désirant ces unions , s'imagineroient aysement de
les avoir, ne sçachant seulement pas ce que c'est.
* Des Sœurs converses.
540 OPUSCULES
J'ay veu des femmes religieuses, non pas de la Visitation,
qui , ayant leu les livres de la Mère Thérèse , trouvoyent
pour leur compte qu'elles avoyent tout autant de perfections
et d'actions d'esprit comme elle , bien qu'elles en fussent
bien esloignées, tant Famour propre nous trompe. Cettn
parole, a Nostre Seigneur soutfre en moy telle ou telle
chose, » est tou^ à fait extraordinaire; et bien que nostre
Seigneur ayt ditquelquesfois qu'il souffroit en la personne des
fciieiîs, pour les honnorer, si est-ce que nous ne devons parler
si avantageusement de nous-mesmes ; car nostre Seigneur
ne souffre qu'en la personne de ses amis et serviteurs fidèles;
et de nous vanter ou prescher pour telz, il y a un peu de
présomption ; souvent l'amour propre est bien aise de s'en
faire accroire.
Quand le médecin doit entrer dans le Monastère pour
quelque malade, il suffit qu'il ait licence au commencement
par escrit , et elle durera jusques à la fin de la maladie ; le
charpentier et le maçon, jusques à la fin de l'œuvre pour
laquelle il entre.
Vostre chemin est très bon , ma très chère Fille ; et n'y a
rien à dire , sinon que vous allez trop considérant vos pas ,
crainte de cheoir. Vous faites trop de reflexion sur les saillies
de vostre amour propre, qui sont sans doute fréquentes, mais
qui ne seront jamais dangereuses , tandi*=^ que tranquille-
ment , sans vous ennuyer de leur impoi'tunité , ni vous
estonner de leur multitude , vous dires non. Marchés sim-
plement, ne désirés pas tant le repos de l'esprit, et vous en
aurés davantage.
Dequoy vous mettés-vous en peine? Dieu est bon , il voit
bien qui vous estes : vos inclinations ne vous sçauroient
nuu^e , pour mauvaises qu'elles soient , puiï^qu'elles ne vous
sont laissées que pour exercer vostre volonté supérieure à
faire une union à celle de Dieu plus avantageuse. Tenés vos
yeux eslevés, ma très chère Fille, par une parfaite confiance
DE «. wnANCOlS DE SALES. 541
en la bonté de Dieu. Ne vous empressés point pour Joy ; car
il a dit à Marthe ^ qu'il ne le vouloit pas , ou du moins qu'il
trouvoit meilleur qu'on n'eust point d'empressement , non
pas mesme à bien faire.
N'examinés pa'i tant vostre ame de ses progrés. Ne veuilles
pas estre si pavfaitte, mais à la bonne foy faites vostre vie
dans vos exercices , et dans les actions qui vous occurrent
de tems en tems. Ne soyés point soigneuse du lendemain.
Quant à vostre chemin, Dieu qui vous a conduitte jusques à
présent , vous conduira jusques à la fin. Demeurés tout à
fait en paix , sur la sainte et amoureuse confiance que vous
devés avoir en la douceur de la Providence céleste.
Priés tousjours bien dévotement nostre Seigneur pour
moy qui ne cesse de vous souhaitter la suavité de son saint
amour, et en iceluy celle de la dilection bienheureuse du
prochain -, que cette souveraine majesté ayme tant. Je m'i-
magine que vous estes là en ce bel air , où vous regardés
comme d'un saint hermitage le monde qui est en bas , et
voyés le ciel, auquel vous aspirés, à descouvert. Je vous
asseure, ma très chère Fille, que je suis grandement vostre,
et croy que vous faites bien de vivre totalement dans le giron
de la Providence divine , hors de laquelle tout n'est qu'af-
fliction vaine et inutile.
Dieu soit à jamais au milieu de vostre cœur. Amen.
^ « Marina, Martha, «sollicita es et turbaris ergà plurima ; porrè unum est
nec^ssarium. » Luc.« X, 4i.
542 OPUSCULES
CLXXV.
LETTRE IFBACMNT)!.
Il ne faut pas recevoir à la profession avant Vige compétent. Des sorties
hors du monastère.
Qu'on ne reçoive pas avant Taage. Quant à celles que
les Pères Capucins présentent, il y a moins de hazard, parce
qu'on en sera quitte , les gardant quelque tems en leurs
habits mondains ; et cela tiendra lieu de première vëu.
Je disois , quant aux sorties extraordinaires , qu'il y fal-
loit enfermer les visites des proches parens malades de ma-
ladies de conséquence , la visite des Eglises es jubilés géné-
raux , et de venir à certains sermons célèbres , comme de la
Passion, et. de toutes autres occurrences que la Congrégation
des Seurs, avec l'advis du Père spirituel , jugeroit dignes de
sortir pour quelques insignes charités, comme d'aller visiter
quelque insigne bienfaitrice et amie.
» Tirée du monastère de la VîsUanon de la rue St.-Aatoine. C'est la 698* de
la collection Biaise.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 5OT
Vv^/\/w^A^'
CLXXVI.
LETTRE *
A UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION.
Les Religieuses de la Visitation peuvent faire entrer chez elles leurs bienfai-
trices; elles ne doivent point en bannir les iilles qui, ayant failli, se re«
pentent véritt\)lement.
Je ne trouve nul inconvénient qu'on reçoive Madame de 151.
et telle autre bienfaitrice , sur tout quand elles ne veulent
plus sortir du monastère, ou que du moins elles en veulent
sortir peu souvent; car en cela il n'y a rien de contraire à; la
bienséance.
Je ne croy pas que les monastères de la Visitation doivent
esconduire toutes les filles repentantes. Il faut modérer la
prudence par la douceur, et la douceur par la prudence ; il
y a quelquesfois tant à gagner es âmes pénitentes , qu'on ne
leur doit rien refuser.
11 me semble que les balustres doivent estre à la grille du
chœur comme à celle du parloir.
Je pense qu'ouy, ma très chère Mère , qu'il faudra dire
qu'avec un peu de loysir on pourra pourvoir à Marseille.
Nos Seurs vous auront escrit que l'on a envoyé des Seiirs
à Belley, et je vous dis que dans peu de tems il en faudra
pour Chambery.
Madame la Duchesse de Mantoue a de grands désirs pour
l'advancement de nostre institution ; c'est une très digne prin-
cesse , et ses Seurs aussi.
Nostre Seur N. m'escrit que quelques Religieuses, bonnes
* C'est la 13e du livre VI des anciennes éditions, et la 699^ de la collection
Biaise.
'vT
544 OPUSCULES
servantes de Dieu , la contrarient à descouvert. Je luy ay
escrit un billet, qu'elle demeure en paix. Je ne laisseray
jamais sortir de mon esprit , Dieu aydant , cette maxime,
« qu'il ne faut nullement vivre selon la prudence humaine ,
» mais selon la foy de l'Evangile. Ne vous défendes point»
» mes très chers *, dit S. Paul. Il faut combattre le mal
t> par le bien *, l'aigreur par la douceur, et demeurer en
n paix. y>
Et ne commettes jamais cette faute , de mespriser la sain-
teté d'un Ordre ni d'une personne pour la faute qui s'y com-
met sous Terreur d'un zèle immodéré. Ma très chère Mère,
Dieu soit à jamais vostre unique dilection.
1 Non vosmetipsos defendentes, carissimi, sed date locum irae. Rom.,
jtll, 19.
• Noii vinci à niîilo, sed vince in bono malum. Ibid., 3t.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 545
\/\/\/\/\/\/\/>y\/Vr ,
CLXXVII.
LETTRE^
A UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION.
les Religieuses doivent être soumises à la juridiction des évoques.
Ma très chère Mère ,
Je voy des gens de qualité qui pensent grandement, et j agent
•qu'il faudra que les monastères soient sous l'autorité des ordi-
naires, à la vieille mode restablie presque par toute l'Italie ,
ou sous l'autorité des religieux , selon l'usage introduit dés
il y a quatre ou cinq cens ans , observé presque en toute la
France. Pour moy, ma très chère mère , je vous confesse
franchement que je ne puis me ranger pour le présent à l'o-
pinion de ceux qui veulent que les monastères des filles
soient sousmis aux religieux, et sur tout de mesme ordre ,
suyvant en cela l'instinct du Saint Siège , qui , où il peut
bonnement le faire, empesche cette sousmission. Ce n'est
pas que cela ne se soit fait et ne se fasse encore à présent lotia-
Mement en plusieurs lieux; mais c'est qu'il seroit encore
plus lotiable s'il se faisoit autrement : sur quoi il y auroif;
plusieurs choses à dire.
De plus, il me semble qu'il n'y a non plus d'inconve-
niens que le pape exemte les filles d'un institut de la juris-
diction des religieux du mesme institut, qu'il y en a eu à
exemter les monastères de la jurisdiction ordinaire , qui
avoiî une si excellente origine et une si Jongue possession.
Et en fin il me semble que véritablement le pape a sousmis
* C'est la 14* {ai. 9e) du livre VI des anciennes édition^;, et la 700e de la col-
iectiou-Ilaise.
VI. Ai
.^
546 OPUSCULES
en effet ces bonnes religieuses de France au gouvernemeai
de ces messieurs ; et m'est advis que ces bonnes filles ne
sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles
la supériorité des religieux , lesquelz , à la vérité , sont des
excellens serviteurs de Dieu; mais c'est une chose tousjours
dure pour les filles , que d'estre gouvernées par les Ordres %
qui ont coustume de leur ester la sainte liberté de l'esprit.
0 ma très chère Mère ! je salue vostre cœur qui m'est pré-
cieux comme le mien propre. Vive Jésus.
1 Cest ce que portent toutes les éditions; mais il nous sembleroit plus na-
turel de lire ici les hommes.
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 54T'
CLXXVIII.
LETTRE*
A irXE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION.
Eloge de la sœur assistante d'un monastère de la Visitation. On peut recevoir^
contre le sentiment de la prudence humaine, une fille qui, ayant un ca-
ractère vicieux, se comporte par l'esprit de la grâce, et fait violence à-
la nature.
Ma très ehere Mère ,
En fin Dieu a voulu que ma Seur N. soit demeurée assis-
tante par la pluralité des voix, et il veut tousjours le mieux;
car c^est une bonne femme , sage , constante , et véritable
servante de nostie Seigneur ; un peu seiche et froide de
visage, mas bonne de cœur, courte en paroles, mais moel-
leuse. Nous ne faysons guère de préface elle et moy, ni d'ap-
pendices non plus.
Mais il faut que je vous die que nostre Seur N. est une
fille tout à fait admirable en paroles , en maintien, en effet;
car tout cela respire la vertu et pieté.
Je suys tout à fait de vostre advis et de celuy de^^^stre-
bon Père N., pour ma Seur N. Qu'une fille soit de tant mau-
vais naturel qu'on voudra : mais quand elle agit en ses essen-
tiels deportemens par la grâce , et non par la nature, selon
ia grâce , et non selon la nature , elle est digne d'estre re-
cueillie avec amour et respect , comme temple du saint Es-
prit , loup par nature , mais brebis par grâce. 0 ma Mère !
je crains souverainement la prudence naturelle au discerne-
ment des choses de la grâce : et si la prudence du serpent
* C'est la 15e [al. 10^) du livre VI des anciennes éditions, et ia 701^ de- la»-
collection-Bl lise.
548 OPUSCULES
n'est destrempée en la simplicité de la colombe du saint Es-
prit, elle est tout à fait vénéneuse.
J'admire ces bons Pères qui croyent qu'on doive adjouster
que l'on fait vœu aux Supérieurs : s'ilz voyoient la profes-
sion des Bénédictins , qui est la profession des plus anciens
et peuplés monastères , ilz auroient donc bien à discourir ;
car il n'y est fait mention quelconque, ni des Supérieurs, ni
des vœux de chasteté , pauvreté et obeyssance , ains seule-
ment de stabilité au monastère, et de la conversion des
mœurs selon la règle de saint Benoist. Qui promet l'obeys-
sance selon les constitutions de sainte Marie , pi^omet l'o-
beyssance et l'observance des vœux à l'Eglise et aux Supé-
rieurs de la congrégation ou monastère. En somme , il faut
demeurer en 'paix ; car qui voudra meshui ouïr tout ce qui
se dira, aura fort à faire.
DE S. FRANÇOIS DE SaLIv . 549
CLXXiX.
lettre'
A LA MÈRE FAVRE.
Le Saint l'instruit des avis qu'elle croit donner aux postulantes avant leur
vêture.
Je vous seconderay le plus doucemen* qu'il me sera pos-
sible , ma très chère Fille , en vostre juste intention ; bien
qu'entre nous il n'y a ni second ni premier, ains une simple
unité. J'ay pensé que peut-estre il seroit à propos demain ,
qu'avant de venir à la sainte Messe, vous fissiés appeller
toutes vos filles vei's vous , et puis que vous fissiés venir
les deux qui doivent estre receuës, et qu'en présence des
autres vous leur dissiés trois ou quatre parolles de ce sens :
Avertissomens aux postulantes de la Visitation de Sainte-Marie , que les Su-
périeures peuvent leur donner avant la messe devant toute la commu-
nauté, le jour qu'elles prennent l'habit.
Vous nous avés demandé d'estre receuës entre nous pour
y servir Dieu en unité de mesme esprit et de mesme volonté;
et , espérant en la bonté divine que vous vous rendrés bien
affectionnées à ce dessein , nous sommes pour vous recevoir
ce matin au nombre de nos Seurs novices , pour, selon l'ad-
vancement que vous ferés en la vertu , vous recevoir peir
a{)ies à la profession , dans le temps que nous adviserons.
Mais , avant que de passer plus outre , pensés derechef bien
en vous-mesmes à l'importance de ce que vous entreprenés,
v/dv il seroit bien mieux de n'entrer pas parmi nous, qu'âpre?
• C'est là 16* du livre VI des anm'finnes éditions, et la 702e de la coUectioa
Biaise.
'JI)0 OPUSCULES
-y estre entrées donner quelque occasion de n'estre pas re-
xeuës à la profession : que si vous avés bonne volonté , vous
devés espérer que Dieu vous favorisera.
Or, entrant céans, sçacliés que nous ne vous y recevons
que pour vous enseigner tant que nous pourrons, par
exemples et advertissemens , à crucifier vostre corps par la
mortification de vos sens et appétits de vos passions, humeurs
et inclinations, et propre volonté; en sorte que tout cela soit
de^^ormais sujet à la loy de Dieu et aux règles de cette con-
grégation.
Et à cet efFect, nous avons commis la peine et le soin par-
ticulier de vous exercer et instruire, à ma Seur de Brechart
icy présente, à laquelle partant vous serés obeyssante, et
.^rescoQterés avec respect et tel honneur, qu'on connoisse
' que ce n'est pas pour la créature que vous vous soumeUés à
la créature, mais pour l'amour du Créateur, que vous recon-
moissés en la créature ; et quand nous commettrions une
'autre, quelle qu'elle fust, pour estre vostre maistresse, vous
devriés luy obeyr avec toute humilité pour la mesme rayson,
sans regarder en la face de celle qui gouvernera , mais en la
face de Dieu qui l'a ainsy ordonné.
Yous entrerés donc dans cette eschole de nostre congréga-
tion , pour apprendre à l)ien porter la croix de nostre Sei-
gneur par abnégation , renoncement de vous-mesmes , rési-
gnation de vos volontés , mortification de vos sens ; et moy
je vous cheriray cordialement, comme vostre seur, mère, et
servante : toutes nos Seurs vous tiendront pour leurs Seurs
Ires-avmées.
t/
Cependant vous aurés ma seur de Brechart pour mais-
Yesse, à laquelle vous obeyrés, et suy vrés ses advertissemeiLS
jivec humilité , sincérité et simplicité , que nostre Seigneur
requiert en toutes celles qui se rangeront en cette congre-
gition.
Yous vous tromperies bien , si vous pensiés estre venues
DE S. FRANÇOIS DE SALES. 551
|K)ur avoir plus grand repos qu'au monde; car, au contraire,
nous ne sommes ici assemblés que pour travailler diligenî-
ment à desraciner nos mauvaises inclinations , corriger nos
défauts , acquérir les vertus. Mais bienheureux est le travail
qui nous donnera le repos éternel.
Suite de la lettre.
Or je ne dis pas , ma très chère Fille , que vous disiés m
ces parolles, ni tout cecy ; mais ce que vous verres à pro-
pos, plus pour Tedification et réveil des autres que pour
celles-cy.
Je treuverois encore bon qu'après que vous aurés tiré
quelque promesse d'elles, qu'elles se comporteront bien,
vous adjoustassiés :
Continuation des avis.
Bénies seront celles qui vous donneront bon exemple, et
qui vous consoleront dans vostre entreprise. Amen.
Goncinsion de la lettre. .
Voyla ce que j'ay pensé, dequoy vous pourrès vous ser-
vir si vous l'estimés à propos. Bon soir, ma très chère Mère,
ma fille vrayement. Vive Jésus et Marie. Amen.
552 OPUSCULES
f\/W
CLXXX.
1
REGLE
POUR LA SAINTE COMMUNION,
trouvée écrite de la main de S. François de Sales.
PREMIER POINT.
De si loin que je verray une église , je la salueray par ce
verset de David : Je vous salue , Eglise sainte dont Dieu
a mieux aymé les portes que tous les tabernacles de Jacob.
Delà, je passeray à la considération de l'ancien Temple^
et compareray combien est plus auguste la moindre de
toutes nos églises que n'estoit le temple de Salomon , parce
que sur nos autels le vray Agneau de Dieu est offert en hostie
pacifique pour nos péchés. Si je ne peux entrer dans l'église,
j'adoreray de loin le tres-saint Sacrement , mesme parquet
que acte extérieur, ostant mon chapeau et fléchissant le ge-
nouil, si l'église est proche, sans me soucier au'en diront mes
compagnons.
SECOND POINT.
Je communieray le plus souvent que je pourray , par
Tadvis de mon Père Confesseur. Au moins ne laisseray-je
point passer le Dimanche sans manger ce pain sans levain ,
vray pain du Ciel : car comme pourroit le Dimanche m'estre
un jour de sabbat et de repos , si je suis privé de recevoir
l'Autheur de mon repos éternel?
* Voyez le petit livre intitulé : Vrais Entretins spirituels dô S. Franco:»
de Sales, édit. de Périsse, 1851, pag. 490 et suiv.
DlE S. FRANÇOIS DE SALES, • 533
TROISIÈME POINT.
La veille du jour de ma communion , je msUray hors de
mon logis toutes les immondices de mes péchés par une soi-
gneuse Confession, à laquelle j'apporteray toute la diligence
requise pour n'estre point trouli:é de scrupules, inays d'autre
part, j'esviteray l'inutilité des recherches curieuses et em-
pressées.
QUATRIÈME POINT.
Si je m'esveille la nuict, je donneray de la joye à mon
ame, disant, pour la consoler dans les frayeurs nocturnes
qui me travaillent : Mon ame , pourquoy es-tu triste ? pour-
quoy me troubles-tu? Voicy ton Espoux, ta joye et ton salu-
taire qui vient ; allons au devant par une sainte allégresse et
amoureuse confiance.
CINQUIÈME POINT.
Le matin estant venu , je mediteray la grandeur de Dieu ,
et ma bassesse ; et d'un cœur humblement joyeux, je chan-
teray avec la sainte Eglise : 0 chose admirable ! le pauvre
et vil serviteur loge son Seigneur, le reçoit et le mange. Là
dessus, je feray divers actes de foy et confiance sur les parolles
du saint Evangile : Si quelqu'un mange ce pain, il vivra
éternellement,
SIXIÈME POINT.
Ayant receu le très saint Sacrement, je me donneray
tout à celuy qui s'est tout donné à moy; j'abandonneraj
d'affection toutes les choses f^' ciel et de la terre, disant:
Que veux-je au Ciel ? que me reste-il à désirer sur la terre^
puis que j'ay mon Dieu, qui est mon tout? Je luy diray
simplement, respectueusement et confîdemment tout ce que
son amour me suggérera , et me resoudray de vivre selon la
sainte volonté du Maistre qui me nourrit de luy-mesme.
554 OPUSCULES DE s. FRANÇOIS DE SALES.
SEPTIÈME POINT.
Finalement , quand je me sentiray sec et aride à la sainte
communion, je me serviray de l'exemple des pauvres, quand
ilz ont froid; car, n'^vans pas dequoy faire du feu, ilz
marchent et font de l'eA^ercice pour s'eschaufFer; je redou-
bleray mes prières et la lecture de quelque traité du très
saint Sacrement, que très humblement et d'une ferme foy
j'adore. Dieu soit beny.
w»
CLXXXI. '
POSTSCRIPTUM*
DE LA LETTRE A M. DE BERULLE
rapportée plus haut, page 101.
Avec v" congé ie vous supplie de me ramentevoir aux
prières de mad"" v" mère et de madame la lieutenante v"
tante. Je suis consolé que Edmond soit auprès de v" personne
asseuré qu'il y rendra le bon et fi délie service que ie vous
souhaitte.
ANecile 18 Dec. 16(i2,
* Copié sur l'autographe faisant autrefois partie de la collection do
M. Chateaugiron, et que possède en ce mon:ient M. Lavardet, rue Saint-
Lazare, no 24, à Paris. Ce postscriptum est publié ici pour la première fois,
bien que la lettre elle-même ait été publiée par Biaise ; ce qui vient sans
douie de ce qu'en tirant le fac siuiile de la lettre autographe, on a négligé
d'en reproduire en même temps le postscriptum.
FIN DU TOME SIXIÈME.
TABLE
DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME.
Avertissement préliminaire. T
Opuscules de Saint François de Sales relatifs à sa vie publique, à l'ad-
ministration de son diocèse et à la direction de diverses commu-
nautés Religieuses. 1
I. Harangue aux docteurs de Padoue. Ibid.
H. Harangue de S. François de Sales, lorsqu'il prit possession de la
pTiévôté de l'église qatKédrale de Saint-Pierre de Genève. &
m. Requêtes présentées au souverain Pontife Clément VUI. 14
IV. Enquêtes des bénéfices du Cbablais. 27
V. Mémoire sur les bénéfices situés en Chablais. S9
Vï. Réponse à là requête des chevaliers des saints Maurice et Lazare. 40
Vir, Discours au duc de Savoie, commencement de mai 1599. 44
VIIL Erection de la Confrérie des pénitents de la Sainte-Croix, 47
IX. Constitutions des prêtres de la sainte maison de Notre-Dame àa
Thon on. 58
X. Lettre au roi Henri IV. 72
XI. Lettre à la communauté des Filles-Dieu de Paris. 73
XII. Lettre aux chanoines de Saint-Pierre de Genève, fin de novembre
1G02. 90
XIH. Règlement de vie pour un évêque, fin de novembre 1602. 91
XIV. Lettre à une personne de confiance, fin de novembre 1G02. 99
XV. Lettre à M. de Berullc, 18 décembre îG02. 101 et 554
XVI. Mandement en faveur de rimmunité d'une église, 21 décembre
1602. 103
XVII. Lettre au Pape Clément VlIT, au commencement de 1603. 105
XVIII. Acte de fidélité, l'^^ mai 1603. 409
XIX Lettre à un gentilhomme entplové, 1er juin igo3. ~ 112
XX. Avis sur la conduite intérieure et sur la dignité et les devoirs
d'un évéque (adressés à M. Antoine Revcl, nommé à l'évéché de Dol), 113
XXL Statuts Synodaux du 11 octobre 1C03. 119
XXIL Saint François de Sales aux Curés et Confesseurs du diocèse de
Genève. 129
XXIIL Avertissements aux Confesseurs. 129
Chapitre L De la disposition intérieure du Confesseur. iUcL
Chapitre H. De la disposition extérieure du Confesseur et du-pénitant.. 133/
Chapitre IlL Des interrogations ^ qu'il faut faire au pénitent avant la
confession. lâi-
r>:G TABLE.
Chapitre IV. Des choses dont le pénitent doit s'accuseï*. 154
Chapitre V. Du soin que doit avoir le confesseur de ne point absoudre ceux
qui ne sont pas capables de la grâce de Dieu. 137
Chapitre VI. De la prudence avec laquelle il faut ordonner les restitutions et
les réparations d'honneur. 139
Chapitre VII. Qui sont les cas réservés au Pape, et ceux du diocèse de Ge-
nève. Deux règles à observer à l'égard de.^ pénitens. 140
Chapitre VIII. Comment il faut imposer les pénitences, et des conseils qu'on
doit donner aux pénitens. 142
Chapitre IX. Comment, il faut donner l'absolution. 144
XXIV. Avis aux confesseurs et directeurs. 147
XXV. Manière de faire le Catéchisme. 159.
XXVI. Lettre à quelques diocésains, 1603. 157
XXVII. Lettre au Pape Clément VIII, 15 novembre 1603. 159
XXVIII. Lettre au Nonce du Pape, 1603. 173
XXIX. Lettre au duc de Savoie , janvier ou février 1604. 176
XXX. Lettre au Pape Clément VIII, février ou mars 1604. 177
XXXI. Lettre à Tabbesse du puits d'Orbe, avant le 3 mai 1604. 181
XXXII. Autre lettre à la même, 3 mai 1604. 187
XXXIII. Edit pour la procession de la Fête-Dieu, vers le 17 juin 1604. 189
XXXIV. Lettre à M. d'Albigny, 20 juin 1 604. 19a
XXXV. Règlements pour les Religieux de l'abbaye de Six, vers le mois
d'août 1604. 194
XXXVI. Lettre à l'abbesse du Puits-d'Orbe, 9 octobre 1604. 198
XXXVII. Statuts Synodaux, 28 avril 1605. 208
XXXVIII. Lettre au Pape Paul V, 16 juillet 1605. 216
XXXIX. Lettre à l'abbesse du Puits-d'Orbe , 1" mai 1606. 220
XL. Lettre au Pape Paul V, 23 novembre 1C06. 224
XLI. Etat de l'Eglise de Genève, l'an 1606. 22G
XLIl. Lettre sur les revenus de l'évêché de Genève. 243
XLllI. Procuration pour serment de fidélité, 14 janvier 1606. 247
XLIV. Mandement pour la célébration d'un Jubilé, 8 mai 1607. 249
XLV. Autre Mandement pour la publication d'un Jubilé. 250
XLVl. Sur les Stations des morts. 251
XLVll. Sentiments de S. François de Sales sur la collation des bénéfices. 252
XLVIII. Constitutions de l'académie florimontaine , l'an 1607. 253
XLIX. Lettre concernant le chapitre de la cathédrale d'Annecy , 10 mars
1608. 258
I^ Avis à l'abbesse du Puits-d'Orbe, vers le 25 août 1608. 259
LI. Ordre que S. François de Sales mit dans l'abbaye du Puits-d'Orbe. 261
LIT. Lettre au roi Henri IV, 1609. 204
LUI. Lettre à un Gentilhomme en dignité, vers l'an 1600. 265
LIV. Lettre au Père Dom Prieur de Poimer?, , 27 août 1609. 267
LV. Lettre à M. François Kanzo, 6 mai 1610. 268
LVI. Lettre à M. Rosetam, 7 novembre 1610. 471
LVII. Lettre au marquis de Lans, 30 avril 1611. 27i
LVIII. Lettre au duc de SavDie, 11 juin 1611. »Î3
TABLE. 557
LTX. Lettre à la reine mère Marie de Médicis, le 12 février 1612. 276
LX. Lettre à la même, 1612. 277
LXL Autre lettre à la même , 1612. 278
LXII. Lettre au duc de Savoie , mars 1612. 279
LXIII. Lettre au Pape Pan' V, avant le 7 mars 1612. 281
LXIV. Autre lettre au même, 7 mars 1612. 283
LXV. Lettre à la Congrégation des Rites, 2 juin 1612. 290
LXVI. Lettre à une dame, 22 novembre 1612. 291
LXVII. Lettre au duc de Savoie, * mars 1613. 296
LXVlll. Lettre à M. Deshayes, 28 mai 1613. 2.^7
LXIX. Lettre au duc de Nemours, 9 juin 1613. 29.«»
LXX. Lettre au marquis de Lans, 31 juillet 1613. 300
LXXl. Lettre à l'Evéque de Belley , 14 août 1GI3. 30â
LXXII. Lettre au duc de Nemours, 4 octobre 1613. 306
LXXllI. Lettre au duc de Savoie, 7 octobre 1613. 301
LXXIV. Lettre à révêque de Montpellier, 10 janvier 1614. 308
LXXV. Lettre au duc de Savoie, 25 janvier 1614. 310
LXXVI. Autre lettre au même, 12 juin 1614. 311
LXXVII. Autre au même, 8 juillet 1614. 313
LXXVllI. Lettre au roi Louis XIII, 31 juillet 1614. 314
LXXIX. Lettre à une Abbesse, 18 août 1614. 315
LXXX. Lettre à Tévèque de Belley, 22 août 1614. 319
LXXXL Lettre à l'Infante de S?:Voie, 18 septembre 1614. 322
LXXXII. Lettre à M. de Forax, *^ers le 18 septembre 1614. 328
LXXXIII. Lettre au duc de Nemours, G novembre 1614. 330
LXXXIV. Lettre au Marquis de Lans, 13 décembre 1614. 334
LXXXV. Lettre au duc de Savoie, 13 décembre 1614. 33G
LXXXVI. Lettre à Mme de Chantai, 1614. 338
LXXXVII. Lettre au duc de Savoie , 15 mars 1615. 342
LXXXVIII. Lettre au prince de Piémont, 3 septembre 1615. 343
LXXXIX. Lettre à M. Jean-François de Sales, 8 septembre 1615. 346
XG. Lettre à une Abbesse de l'ordre de Sainte-Claire, 12 septembre 1615. 348
XCl. Lettre au duc de Savoie, 29 février 1616. 355
XCII. Lettre à l'archevêque de Milan , 29 février 1616. 357
XCIU. Lettre au P. Dom Juste Guerini, 10 mars 1616. 360
XCIV. Lettre au cardinal de Savoie, 10 mars 1616. 361
XCV. Lettre au duc de Savoie, 12 mars 1616. 363
XCVI. Lettre au même, 29 mars 1616. 364
XCVil. Lettre à un Gentilhomme de la cour du duc de Savoie, 4 avril
1016. 303
XCVril , lettre au duc de Savoie. 16 avril 1616. 367
XCIX. Mémoire pour la réformation des religieux et des religieuses, vers le
mois d'avril 1616. ;)jj8
C. Lettre au cardinal Bellarmin, 10 juillet 1616. 372
CI. Lettre au Prince de Piémont, 31 août 1616. 381
CIT. Lettre au duc de Savoi«». 31 août 1616, 383
cm. Lettre au comte Vil>o, 1er octobre 1616. 584
ERRATA.
ftige 216, lisez : a sa sainteté le pafe paul v, avant ces mots : Félicitation
sur sa promotion au souverain Pontificat.
Page 285, au lieu de : Amédée III, duc de Savoie, lisez : Amédée IX, troi-
sîème duc de Savoie.
Page 379, ligne 15, au lieu de i m gagné, lisez : ont gagné.
FRANÇOIS DB SALES. FQ
Oeurres. I623
.F7
▼.6.