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Full text of "Oeuvres Completes Volume 6"

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ŒUVRES    COMPLÈTES 


DE 


SAINT   FRANÇOIS 


DE    SALES 


I 


ŒUVRES  COMPLÈTES 


DE 


SAINT  FRANÇOIS 


DE    SALES 


•  A 


EVEQUE  ET  PRINCE  DE  GENÈVE 


1  4 


PUBLIKES    D  APRES 

LES  MANUSCRITS  ET  LES  ÉDITIONS  LES  PLUS  CORRECrES 

AVKC   UN    GRAND   NOMBRK    DK    PIKCES    INÉDITES 
PRÉCÉDÉES  DE  SA  VIE 

Et  ornées  do  son  portrait  et  d'un  fac-siniile  de  son  écriture 


HUITIÈME   EDITION 


TOME  VI 


OPO»CTL«S    «KLATirS  A    LA    ▼!■   PUBLIQUE    DC  SAIWT,    A    l'aDMINISTRATIOW    DE  SON    DIOCÈSI 
«T  A    LA    DHICTION  DB    BIVBRSIS    COMJIONAnTÉ»  HKLIGtHBSlS 


PARIS 

LOUIS    VIVES,    LTBRAIRE-ÉDITEUR 

13,     RUE     DELA  MERE,    13 


1899 


OCT  -4  1933 

G3G5 


SEP  6    1955 


AVERTISSEMENT. 

D'après  le  Programme  qui  nous  était  d'avance  tracé,  cette 
troisième  Classe  des  CEuvues  de  «aint  François  de  Sales  devait 
comprendre  et  ce  qu'il  a  écrit  spécialement  pour  le  diocèse 
»  de  Genève,  et  les  Règles  et  Constitutions  qu'il  a  données  à 
»  diverses  Communautés  religieuses.  »  Mais  en  nous  bornant 
strictement  à  ce  dessein,  et  en  ne  faisant  entrer  dans  cette 
nouvelle  Classe  que  les  pièces  officielles  destinées  par  leur 
nature  à  faire  loi,  soit  pour  le  diocèse  de  Genève,  soit  pour 
kf  Communautés  religieuses,  nous  aurions  eu  peine  à  trouver 
la  matière  de  plus  de  la  moitié  d'un  volume. 

Il  nous  a  donc  fallu  y  joindre  celles  des  lettres  de  notre 
Saint  qui  pouvi^ient  avoir  un  rapport  quelconque ,  soit  à  Fad- 
ministration  du  diocèse  de  Genève,  soit  à  la  direction  des 
Communautés  religieuses.  Nous  aurons  recours  au  même  pro- 
cédé pour  la  Classe  qui  suivra  celle-ci,  et  qui  embrassera 
particulièrement  les  ouvrages  de  Controverse.  De  cette  ma- 
nière, la  cinquième  Classe,  c^ui  doit  être  spécialement  con- 
sacrée à  reproduire  les  Lettres  de  saint  François  de  Sales, 
se  trouvera  à  peu  près  réduite  aux  seules  Lettres  de  Spiri- 
tualité':  ce  qui,  à  notre  avis,  doublera  l'intérêt  de  ces  der- 
nières ,  comme  celui  des  Lettres  d'Affaires  pour  cette  troisième 


VI  ÂVERTISSEÎMENT, 

Classe  des  OEuvres  de  notre  Saint,  et  des  Lettres  de  Controvem 
pour  la  suivante. 

Nous  nous  sommes  d'ailleurs  attaché  à  suivre  presque  par- 
tout Tordre  chronologique;  et  de  plus,  la  Classe  qui  com- 
prendra spécialement  les  Lettres  présentera  dans  le  même 
ordre  le  Tableau  général  de  toutes  les  lettres  sans  exception, 
disséminées  dans  les  divers  volumes  de  cette  collection.  On 
ne  pourra  donc  nous  savoir  mauvais  gré  d'avoir  adopté  un 
plan,  dont  l'effet  immédiat  sera  de  rendre  plus  agréable  et 
tout  à  la  fois  plus  fructueuse  la  lecture  des  Lettres  du  saint 
Évêque  de  Genève. 

Nous  avions  cru  d'abord  pouvoir  réduire  à  un  seul  volume 
toute  la  matière  qui  devait  entrer  dans  cette  troisième  Classe; 
mais  insensiblement  cette  matière  s'est  étendue,  et  alors, 
pour  faire  égal  au  premier  le  deuxième  volume  devenu  né- 
cessaire, il  nous  a  fallu  augmenter  cet  autre  de  plusieurs 
pièces  des  premières  années  de  saint  François  de  Sales,  et 
relatives  à  sa  vie  privée  autant  pour  le  moins  qu'à  sa  vie 
publique.  Nous  avons  rangé  les  matériaux  de  ce  nouveau 
volume  dans  leur  ordre  chronologique,  comme  ceux  qui  com- 
posent celui-ci  ;  et  on  fera  bien ,  si  l'on  veut  suivre  cet  ordre, 
d'avoir  sous  les  yeux  les  deux  tomes  à  la  fois  :  l'un  sera 
comme  le  pendant  de  l'autre . 

Nous  ne  pouvons  nous  refuser  à  dire  ici  un  mot  des  Con- 
stitutions de  la  VisitatiGn,  par  lesquelles  nous  terminerons,  ou 
à  peu  près,  cette  troisième  classe  des  œuvres  de  S-  François  de 
Sales.  Quelques-uns  ont  douté  de  leur  authenticité  ;  mais  pour 
dissiper  de  pareils  doutes,  il  nous  suffiroit  de  ces  paroles  du 
Saint  lui-même,  contenues  dans  une  de  ses  lettres  à  sainte 


AVERTISSEMENT.  VU 

ieanne-Françoise  de  Chantai  en  date  de  1622,  etra[.[)ortéc  par 
celle-ci  dans  la  lettre  de  sa  main  qu'elle  fît  mettre  en  tête  i\u 
Coutumier  à  l'usage  de  sa  congrégation  :  «  Yoyla  nos  Consti- 
»  tutions  que  je  ne  puis  nrendre  le  loysir  de  revoir.  Il  y  a 
ï)  plusieurs  fautes.  Il  faut  que  tout  ce  que  je  fais  se  ressente 
»  de  mes  empressemens  et  de  mes  accablemens  ordinaires.  » 
L'approbation  dont  le  saint  évoque  de  Genève  revêtit  ces 
mêmes  Constitutions  en  date  du  9  octobre  1618,  prouve  éga- 
lement qu'il  s'en  reconnoissoit  Fauteur,  puisqu'il  y  déclaroit 
expressément  que  c'étoit  lui  qui  les  ay oit  dressées.  Nous  ferons 
précéder  ces  Constitutions  d'un  précieux  fragment  jusqu'ici 
inédit,  dont  l'autographe  nous  a  été  confié  par  madame  la 
Supérieure  de  la  Visitation  de  Rennes,  sur  la  recommandation 
de  son  oncle  le  vénérable  abbé  Meslé,  curé  de  Notre-Dame ,  et 
où  le  savant  Prélat  établit  avec  précision  les  droits  respectifs 
du  Pape  et  des  Evèques  dans  l'érection  des  congrégations  reli- 
gieuses. 

En  fait  de  pièces  inédites  nous  signalerons  également  lepost- 
scrijrum  de  la  lettre  à  M.  de  Bérulle  du  18  décembre  1602, 
rapporté  à  la  fin  de  ce  voliurie-ci ,  et  une  autre  lettre  au  même  du 
11  août  1617,  devenue  momentanément  notre  propriété,  et 
passée  à  ce  mèm.e  titre  à  M.  Saubinet,  de  Reims. 

Los  pièces  ci-devant  inédites  que  renferme  la  collection  de 
niaise,  et  que  iîous  aurons  à  reproduire  pour  la  plupart  dans 
ces  deux  volumes,  ont  exigé  de  nous  un  travail  toutparticulier. 
Nous  avons  eu  à  y  rétablir  bien  des  textes  latins  altérés,  et 
sans  autre  secours  pour  le  faire  que  nos  propres  conjectures; 
à  corriger  bien  des  contre-sens  dont  les  traductions  de  ces 
mêmes  textes  fourmillent,  et  qui  supposent  dans  le  traducteur 


▼m  AVERTISSEMENT. 

bien  peu  de  connaissance  de  la  Tangue  latine  comme  Je  i'his^ 
toire  ecclésiastique.  Nous  avons  de  notre  mieux  corrigé  ces 
fautes,  rétabL'ces  textes,  le  plus  souvent  sans  en  avertir  le  lec- 
teur, pour  ne  pas  trop  distraire  son  attention  ;  mais  il  sera  facile 
à  qui  voudra  s'en  rendre  compte  de  comparer  notre  édition  sur 
ce  point  en  particulier  avec  celle  de  Biaise,  et  de  juger  si  nos 
aperçus  ont  anqué  de  justesse,  ou  si  la  critique  que  noua 
nous  permettons  ici  peut  être  taxée  d'un  excès  de  sévérité. 

UmDs,  le  29  juillet  im. 

A.  C.  FELTIER. 

Chanoine  honoraire. 


USCULES 


DE 


SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 


RELATIFS 


A  SA  VIE  PUBLIQUE,  A  L'ADMINISTRATION  DE  SON  DIOCESE 

ET  A  LA  DIRECTION  DE  DIVERSES  COMMDNACTÉS  RELIGIEUSES. 


L 


HARANGUE 

De  saint  François  DE  SALES  aux  docteurs  de  Padoue,  dans  laquelle  il  les  re- 
mercie de  lui  avoir  donné  le  bonnet  de  docteur.  (C'était  le  5  septembre  1591; 
il  était  alors  dans  sa  vingt-quatrième  année.) 

«c  Quoy  que  je  pense  assez  à  part  moy,  combien  il  y  va  de 
ma  réputation  que  je  tasche  de  vous  rendre  grâces  selon  que 
le  bienfait  que  j'ay  receu  de  vous  aujourd'huy  les  requiert 
très-grandes,  Monseigneur  revcrendissi me,  vénérable  Prieur, 
et  vous  Pères  Conscripls ,  toutesfois ,  ne  me  sentant  pas  ca- 
pable de  vous  les  rendre  telles ,  et  sçachant  que  de  plus  sé- 
rieuses occupations  vous  empeschent  d'arrester  commodé- 


Etsi  satis  apud  me  reputo  quantum  existimationis  meae  intersit  ut 
eas  vobis  gratias  agere  enitar,  quas  exigit  à  me  maximas  sacro-sanc- 
tum  illud  quod  hodiernâ  die  in  me  collocastis  beneficium,  reveren- 
dissime  Proantistes,  venerande  Prior,  Patres  Conscripti  ;  cùm  tamen 
lis  agendis,  ut  par  est,  neque  me  satis  esse,  et  vos  gravissimis 
occupationibus  intentes  interesse  commode  non  possc,  cognoscam; 
VI.  1 


2  OPÎISCULFS 

ment  plus  longtemps ,  aymant  mieux  ma  commodité  que 
vostre  reputpition  propre  ,  je  me  fusse  volontiers  abstenu  de 
ce  devoir  de  gratitude ,  si  je  n'eusse  aussi  creu  que  vostre 
réputation  ,  aussi  bien  que  la  mienne ,  seroit  intéressée  en 
ce  silence ,  ayant  esgard  à  l'occasion ,  au  lieu ,  et  au  temps 
où  nous  sommes  :  car  si  ceste  tres-noble  assemblée  me  ju- 
geoit  estre  si  négligent,  lourd  et  ingrat,  que  je  ne  cogneusse 
point  la  grandeur  de  ce  bienfaict ,  quels  juges  vous  diroit- 
elle  estre ,  qui  avez  rendu  tout  maintenant  un  si  illustre 
jugement  de  moi? 

»  J'yrai  donc  au  devant  de  ces  pensées  qu'on  pourroit 
faire  de  vous  et  de  moy.  Je  recognois  fort  bien,  spectables 
auditeurs ,  que  ce  bienfaict  qui  m'a  esté  conféré  par  ces  trois 
excellens  Pères  est  de  telle  sorte ,  qu'on  ne  peut  pas  en  atten- 
dre un  plus  grand  en  ceste  vie  mortelle.  Car  tous  les  autres 
ornemens  sont  de  la  fortune  ou  du  corps  ;  mais  cestuy-cy 
du  doctorat  orne  la  vertu  mesme ,  qui  de  soy  est  tres-ornée , 
et  je  l'estime  d'autant  plus  grand  et  plus  illustre ,  que  non 
seulement  la  couronne  m'a  esté  baillée  par  ce  collège  ,  mais 
encore  le  laurier  mesme  dont  elle  est  composée  ;  c'est  à  dire, 


vestrse  commoditatis  quàm  meae  ipsius  existimalionis  amantior_,  ab 
hoc  debito  grati  animi  officio  libenter  abstiuuissera.  Verùm  meum 
hoc  tam  alieno  loco  et  tempore  silentium  ejusmodi  esse  censeo ,  ut 
in  60  cum  meâ  vestra  quoque  conjuncta  sit  existimatio.  Si  etenim 
me  adeô  negligentem ,  ingratum  ac  stupidum ,  ut  prœsens  ac  tantum 
munus  non  cognoscerem  ^  nobilissimus  iste  consessus  judicaret, 
quales  vos  esse  judices  diceret,  qui  lam  prœciarum  iamjani  de  me 
tulistis  judicium? 

Occurram  ergo  iis  de  vobis  ac  de  me  cogitalionibus.  Agnosco, 
spectabiles  Auditores ,  hoc  in  me  collatcm  ab  iis  eximiis  Patribus 
beneficium  ejus  esse  generis,  ut  majus  expectari  in  hâc  mortalitate 
n.on  possit.  Caetera  enim  vel  fortunae  vel  corporis  sunt  oinamenta; 
hue  unum  doctoratûs  ipsam  exornat  virtutem^  quae  per  se  ornatissima 
est;  atque  eô  majus  splendidiusque  munus  hoc  existimo,  quod  non 
«olùm  laurea,  sed  laurus  ipsa  mihi  per  hoc  gyranasium  collata  est  ; 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALKS.  3 

il  ne  m'a  pas  seulement  fait  docteur,  mais  de  plus  il  m'a  dé- 
claré digne  d'estre  appelle  tel, 

»  Certes,  ma  tres-chere  patrie  m^a  adjousté  les  commen- 
cemens  des  bonnes  lettres  à  la  nature ,  et  mon  père  voyant 
<jue  j'en  estois  aucunement  instruit ,  concevant  une  bonne 
espérance  de  me  voir  de  jour  en  jour  plus  docte ,  m'envoya 
en  l'université  de  Paris ,  en  ce  temps-là  tres-fleurissante  et 
tres-frequentée  ;  mais  maintenant,  ô  Dieu  !  quelle  vicissitude 
^es  choses  î  cette  eschole  de  Paris ,  tant  renommée  mère 
<ies  bonnes  lettres,  est  toute  désolée  par  la  terreur  des 
guerres ,  et  menace  de  ruine  et  de  solitude.  En  ceste  univer- 
sité ,  j'ay  premièrement  estudié  les  lettres  humaines ,  avec 
le  plus  de  diligence  qu'il  m'estoit  possible  ,  et  puis  en  phi- 
losophie ,  avec  d'autant  plus  de  fruict  et  de  facilité ,  que 
ses  toicts  mesmes  et  ses  murailles  semblent  de  vouloir 
philosopher,  tant  elle  est  addonnée  à  la  philosophie  et 
théologie. 

»  Or  jusques  alors  je  n'avois  point  estudié  en  la  saincte  et 
sacrée  science  du  droict  ;  mais  de  puis  que  je  résolus  de  m'y 
employer,  je  n'eus  point  besoin  d'aller  en  conseil  pour  sça- 

hoc  est,  non  me  solùm  doctorem  fecit^  sed  etiam  dignum  qui  doctor 
forem  et  nuncuparer. 

Initia  sanè  litterarum  patria  carissima  ad  naturam  addidit,  quibus 
instructura  parens  optimus,  optimâspemein  dies  doctiorem  videndi 
conceptâ;,  in  academiam  Parisiensem  misit_,  eo  tempore  florentissimam 
ac  frequentissimam.  Jam  verô,  heu!  quœ  rerum  est  vicissitudo  ! 
belU  terroribus  tabescit  inclyta  litterarum  parens  Lutetiana  schola, 
■ac  solitudinem^  quam  Dens  optimus  avertat ,  prima  fronte  minitatur. 
In  liâc  humanioribus  litteris  primo  operam  navavi  sedulus,  tùm 
iiniversse  pbilosophioe,  eô  faciliori  negotio  ac  uberiori  fructu,  quôd 
philosophisÊ  ac  theologiee  schola  illa  iia  sit  addicta,  ut  ejus  tecta 
propemodùm  ac  parietes  pliilosophari  velle  ^ideantur. 

Verùm  hucusque  nullam  sacro-sanctae  juris  scientiaî  operam  posue- 
ram  :  at  ubi  ponendam  posteà  decrevi,  nuUo  fuit  opus  consilio,  quô 
me  verterem^  quô  me  conferrem  j  ad  se  statim  hoc  Patavinum  gym- 


4  OPUSCULES 

-   > 

voir  où  yjYoi?,  et  de  quel  costé  je  me  tournerois.  Ce  collège 
de  Padoue  nrattira  incontinent  par  sa  célébrité  ;  heureuse-^ 
ment  certes,  parce  qu'en  ce  temps  il  avoit  des  regens  et  doc- 
teurs si  célèbres,  que  jamais  il  n'en  a  eu  ny  aura  de  plus 
grands  :  Guy  Pancirole  '  ,  le  prince  de  la  jurisprudence; 
vostre  lumière,  vostre  honneur,  Pères,  qui  ne  périra  jamais. 
Il  me  fut  encore  permis  d'entendre  les  voix  vives  de  Jacqueà 
Menochius  %  duquel  les  voix  mortes  ,  c'est  à  dire  ,  les  beaux 

i  Guy  Pancirole  (Paiiziruolo),  jurisconsulte  célèbre,  naquit  l'an  1523  à 
Reggio,  ville  de  l'état  de  Modène,  où  sa  famille  tenoit  un  des  premiers  rangs. 
Il  étudia  dans  les  principales  villes  d'Italie ,  à  Ferrare,  à  Pavie,  à  Boulogne  et 
à  Padoue,  où  il  acheva  son  cours  de  droit  après  y  avoir  employé  sept  années, 
et  où  il  fit  de  grar>ds  progrès.  Sa  réputation  engagea  le  sénat  de  Venise  à  le 
nommer  en  1547  second  professeur  dans  l'université  de  Padoue,  ce  qui  l'obli- 
gea à  se  faire  recevoir  docteur.  Pancirole  remplit  successivement  plusieurs 
chaires  dans  cette  université,  et  toujours  avec  distinction.  La  science  du  droit 
n'ctoit  pas  la  seule  qui  l'occupât  :  il  lisoit  les  saints  Pères,  et  s'attachoit  aux 
belles-lettres.  Philibert-Emmanuel,  duc  de  Savoie,  qui  avoit  une  estime  par- 
ticulière pour  le  mérite  de  ce  savant  homme ,  l'attira  dans  l'université  de 
Turin  en  1571.  Pancirole  s'y  fit  admirer  comme  à  son  ordinaire,  et  y  com- 
posa cet  ingénieux  traité,  De  rébus  inventis  et  de  perditis,  sur  lequel  Henri 
Salmilh  a  fait  depuis  des  commentaires.  Il  perdit  presque  entièrement  un  œil 
à  Turin,  et  fut  en  danger  de  perdre  l'autre.  La  peur  qu'il  en  eut  l'obligea  de 
revenir,  l'an  1582,  à  Padoue,  où  il  continua  d'enseigner  le  droit.  Peu  de  temps 
après,  S.  François  de  Sales,  étant  dans  cette  ville,  prit  ses  leçons;  et  ce  i.'cst 
pas  un  petit  avantage  pour  sa  gloire  d'avoir  formé  un  sujet  tel  que  celui-là. 
Ce  jurisconsulte  mourut  à  Padoue  l'an  1599,  âgé  de  soixante-seize  ans.  Il  fut 
enterré  dans  leglise  de  Saint-^-Justine ,  et  laissa  après  lui  ces  excellents  ou- 
vrages :  Commentarius  in  notitiom  dignitatum  utriusque  imperii  ;  De  mogis» 
tratihus  municipalihîis:  et  corporibus  artificum  ;  Thésaurus  variarum  lectio- 
num_,  etc. 

2  Jacques  Menochius,  fameux  jurisconsulte ,  né  à  Pavie  d'une  famille  peu 
considérable,  se  rendit  si  habile  dans  l'étude  du  droit,  qu'on  le  surnomma  le 
Balde  et  le  Bariole  de  son  siècle.  Il  enseigna  en  Piémont ,  à  Pise,  puis  à  Padoue, 

nasium  me  suâ  celebritate  pertraxit,  plané  faustis  ominibus;  quo- 
niam  per  id  tempus  doctores  ac  lectionl  jus  prœfectos  habebat  eos 
«uibus  nunquam  habuit  nec  deinceps  est  habitura  majores  ;  Gui- 
dum  Pancirolum ,  jurisprudentise  principem ,  lumen  ac  decus  ves- 
trum ,  Patres,  nullâ unquam tempestate  periturum.  Tune  mihi  Jacobi 
Meaochii  voces  audire  vivas  licuit^  cujus  mortuas^  id  est  prs&clarè 


DE   S.    FRANÇOIS   DE  SALES.  5' 

escrits,  ravissent  un  chacun  en  admiration,  ^  et  la  retraite 
duquel  eust  apporté  un  grand  dommage  à  ceste  académie , 
si  Ange  Matheace  * ,  homme  tres-versé  en  toutes  sortes  de 
sciences ,  n'eus t  esté  mis  en  sa  place  par  une  délibération 
meure  et  par  une  juste  permutation. 

»  Que  me  pouvoit-il  arriver  de  plus  beau?  Il  m'estoit 
permis  de  puiser  la  science  du  droit  can'^n  dérivée  de  ce 
monticule  duquel  le  sommet,  comme  un  autre  Parnasse,  est 
habité  des  neuf  Muses.  Apres  luy ,  ceste  université  a  eu  le 
ires  docte  Otellius  %  qui  sçait  si  bien  mesler  la  solidité  de  la 

où  il  fut  vingt-trois  ans  de  suite ,  et  où  il  eut  aussi  pour  disciple ,  pendant 
quelques  années,  le  grand  évêque  de  Genève  :  enfin  il  se  retira  à  Pavie,  où 
on  lui  donna  la  chaire  de  professeur  de  Nicolas  Gratiani ,  mort  depuis  peu. 
Philippe  H,  roi  d'Espagne,  le  fit  conseiller,  puis  président  au  conseil  de  Milan. 
Ce  jurisconsulte  a  rendu  son  nom  célèbre  par  les  ouvrages  qu*il  a  laissés.  Les 
principaux  sont  :  De  recuperandâ  possessione;  De  adipiscendâ  possessione; 
De  prœscnptiombus  ;  De  arbitrariis  judicum  quœstiombits ,  et  causis  concilich- 
rum,  tom.  XllI.  Il  mourut  le  10  août  1607,  âgé  de  soixante-quinze  ans,  et 
fut  enterré  dans  l'église  des  clercs  réguliers  de  Pavie,  où  l'on  voit  son  tom- 
beau avec  son  épitaphe. 

1  Ange  Matheace  (Angelo  Matheaci),  professeur  en  droit  de  l'université  de 
Padoue,  et  successeur  de  Jacques  Menochius  dans  sa  chaire,  étoit  né  à  Mares- 
tica,  forteresse  du  domaine  de  Venise,  en  Italie,  dans  les  montagnes  du  Vicen- 
tin.  11  avoit  beaucoup  de  connoissance  en  philosophie  et  en  mathématiques. 
Le  pape  Sixte  V  et  l'empereur  Rodolphe  le  consultèrent  souvent,  et  le  com- 
blèrent de  biens  et  d'honneurs.  S.  François  de  Sales  étudia  sous  lui,  et  en 
faisoit  un  très- grand  cas.  On  a  de  lui,  De  via  et  ratione  artificiosè  universt 
Juris,  etc.  ;  De  fidei-commissis y  etc.  il  mourut  âgé  de  soixante-quatre  ans, 
l'an  1600,  et  fui  enterré  dans  l'église  de  S.  Antoine  de  Padoue. 

«  Marc-Antoine  Ottelius,  Otellius,  Ottellius  ou  Othelius  (Othello) ,  né  àUdine 
dans  le  Frioul,  se  rendit  si  habile  dans  le  droit  civil  et  canonique,  que  le 
sénat  de  Venise  lui  donna  une  chaire  dans  l'université  de  Padoue  :  il  la  rem» 

scripta ,  cunct.'  miranlur  ac  suspiciunt,  et  cujus  recessus  academiaB 
inagno  futurus  erat  utique  detrimento,  nisi  in  ejus  locum  Angélus 
Matheaceus,  vir  omni  disciplinarum  génère  cumulatissimus,  raaturo 
plané  consilio ,  non  iniquâ  permutatione  suflectus  fuisset. 

Quid  pulchrius  ?  juris  canonici  disciplinam  ex  eo  monticulo 
derivatam  hauriie  licebat,  cujus  verticem  veluti  Parnassum  alium 
sorores  musée,  dubioprocul,  incolunt.  Posteà  doctissimum  Otellium 


6  oprsrTXES 

doctrine  avec  le  plaisir  qu'on  a  de  l'entendre,  qu'il  semble 
avoir  emporté  tous  les  suffrages  ;  c'est  à  sçavoir ,  parce  qu'il 
mesle  l'utile  avec  le  doux.  Le  très-excellent  Castillan  ensei- 
gnoit  aussi,  lequel  me  semble  enseigner  extraordinairement, 
tant  seulement  parce  qu'il  est  extraordinairement  docte. 
Enfin ,  pour  en  laisse?  un  ^and  nombre  d'autres ,  le  Tie- 
visan  *  jettoit  W>  fondemens  de  la  jurisprudence  avec  beau- 
coup d'honneuf  et  de  réputation.  De  tels  maistres  et  de  ce 
collège  est  dérivé  tout  ce  qui  est  en  moy  de  science  civile  , 
Pères ,  que  vous  avez  jugé  estre  assez  pour  lascher  la  sen- 
tence de  pouvoir  mériter  la  courone  ;  sentence ,  dis-je  ,  qui 
passe  en  chose  jugée.  J'ay  donc  receu  deux  bienfaictsde  ceste 
eschole ,  et  je  ne  sçay  pas  lequel  est  plus  grand,  quoy  que  je 

plit  jusqu'à  l'âge  de  quatre-vingts  ans,  avec  un  succès  et  un  applaudissement- 
universel.  Il  étoit  si  bon,  que  ses  écoliers  lui  donnoient  ordinairement  le  nom 
de  père.  C'est  apparemment  ce  qu'a  voulu  insinuer  S.  François  de  Sales,  qui 
fut  son  disciple ,  en  lui  appliquant  ce  passage  de  l'Art  poétique  d'Horace^ 
vers  343  : 

Omne  tiilit  pnnctura  qui  rniscuit  utile  dulci , 
Lectorem  delectando ,  pariterque  monendo. 

Son  grand  âge  fut  cause  qu'on  le  dispensa  d'enseigner,  mais  on  lui  conserva 
sa  pension.  II  mourut  l'an  1628,  et  laissa  des  consultations,  des  commentaires- 
sur  le  droit  civil  et  canonique  ,  etc. 
*  Le  Trevisan  y  a  enseigné  les  premiers  éléments  de  la  jurisprudence. 


habuit,  «  qui  ita  doctrinse  soliditatem  jucunditate  condire  sciat^. 
»  ut  omne  punctum  tulisse  videatur^  qui  scilicet  misceat  utile  dulci.» 
Docebat  pnetereà  excellentissimus  Casteilanus,  qui  mihi  eo  tantum 
Domine  extra  ordinem  docere  videtur,  quod  extra  praeterque  ordi- 
nem,  ac  captum  communem  doctus  sit  et  doceat.  \*rimis  denique^ 
ut  c9eteros  omittam  qv^àm  plurimos,  juris  scientiœ  jaciendis  funda- 
mentis  optimè  prœerat  Trevisanus. 

Hisce  prœceptoribus  ferè  omnibus  quidquid  in  me  est  civilis  dis- 
ciplinaî,  ab  hoc  veslro  collegio.  Patres,  ad  me  derivatum  est,  quod 
taie  judicastis,  ut  ad  lauream  consequendam  satis  esse  sententiâ 
vestrâ  pronuntiaveritis,  sententiâ,  mquam,  ea  quœ  iranseat  m  rena, 
judicatam.  Duplicem  ergô  ab  hâcscholà  benelicentiam  àum  consecu- 


PE   S.    FRANÇOIS    HE   SALES.  7 

sçache  bien  que  tous  deux  sont  très-grands  :  c'est  à  sçavoir, 
que  je  sois  docteur,  et  que  j'aye  peu  estre  docteur.  De  là  est 
que  ce  temps  et  ce  lieu  desireroient  de  moy  une  très-grande 
démonstration  de  gratitude;  mais  paiTc  que  je  n'ay  pas  assez 
d'éloquence  ,  et  que  vous  estes  appelles  ailleurs ,  recevez  en 
la  place  d'un  plus  long  discours  ceste  protestation  que  je 
fay  du  meilleur  de  mon  cœur  devant  ceste  noble  assemblée. 
Je  me  dois  tout ,  tel  que  je  suis,  à  (  ■>  *ves-celebre  collège  de 
docteurs,  spectables  auditeurs  :  aiîi>*i  je  le  tesmoigne,  ainsi 
je  le  proteste.  Qu'à  jamais  soit  bonneur,  louange ,  bénédic- 
tion et  action  de  grâces  à  vous,  Dieu  immortel ,  Jesus-Cbrist, 
à  vostre  tres-glorieuse  mère ,  à  l'Ange  gardien  et  au  glorieux 
saint  François,  du  nom  duquel  je  me  resjouy  et  glorifie  gran- 
dement d'estre  appelle.  0  loi  éternelle ,  règle  de  toutes  les 
loix  !  Mettez  vostre  loy  au  milieu  de  mon  cœur,  et  que  le 
chemin  de  vos  justifications  soit  ma  loy  ,  parce  que  glorieux 
est  celuy  que  vous  instruirez,  Seigneur,  et  auquel  vous  en- 
seignerez vostre  loy.  Quant  à  ce  qui  reste,  faites-le  de  grâce, 
tres-illustre  Pancirole,  mon  tres-honnoré  Maistre ,  et,  par 


tus,  quarum  utra  major  sit  nescio,  utramque  maximam  esse  non 
ignoro;  nimirum  ut  doctor  sim,  et  ut  doctor  esse  potuerim. 

Hinc  quantam  possem  maximam  grati  animi  significationem  tempus 
hoc  locusque  postularet;  sed  quoniam  pro  tanti  beneficii  dignitate, 
nec  eloquentja  mihi,  née  vobis  otium  suppetit,  longioris  orationis 
instar  coram  hoc  nobilissimo  consessu  hanc  animi  contestationem 
recipite  libenter  ac  bénigne.  E'^<5  huic  celeberrimo  doctorum  colle- 
gio,  qualiscumque  sum,  me  totum  debeo,  spectabiles  Auditores  :  ità 
testor^  ità  profiteor. 

Tibi,  Chrisle,  Deus  immortalis;  gloriosissimae  Matri,  Angelo  prae- 
sidi^  beato  Francisco  cujus  nomine  vocari  plurimùm  delector,  laus,. 
honor,  benedictio ,  et  gratiarum  actio.  Tu,  lex  ceterna,  legum  om- 
nium régula,  legern  pone  mihi  viam  justificationum  tuarum  in 
rnedio  cordis  7nei  :  quoniam  beatus  est  quem  tu  erudieris ,  Do^ 
mine  y  et  de  lege  tuâ  docueris  eum. 

Quod  reliquum  est  âge,  quaeso ,  illustrissime  Pancirole,  Praeceg toi 


8  OPUSCULES 

VOS  tres-piires  et  très- vénérables  mains,  embellîssez-moy  de 
ces  ornemens  desquels  ce  collège  a  de  coustume  de  renvoyer 
illustrez  ces  nourrissons  qu'il  constitue  au  lieu  où  je  suis.  » 
Extrait  de  la  vie  de  S.  François  de  Sales ,  par  Auguste 
de  Sales ,  Tome  1*',  page  40  et  suiv. 


colendissime,  purissimis  ac  beneficentissimis  illis  tuis  manibus  iij 
me  ornamentis  insîgnitum  facias,  quibus  tali  loco  constitutos  gym' 
nasium  hoc  alumnos  suos  difi^itiere  consuevit  exornaios. 


TE    S.    FRA^XOIS    DE    SALES. 


IL 


HARANGUE 

De  saint  François  DE  SA!. ES,  lorsqu'il  prit  possession  *^e  la  prévôté  de  l'é- 
glise cathédrale  de  Saint-Pierre  de  Genève. 

Ces  ïe^ies  passées,  vevereiuls  Pères,  que  la  solennité  des 
jours  me  faisoit  recueillir  Fesprit  à  la  considération  de  moy- 
mesme,  pensant  à  passer  cbrestiennement  et  sainctement  le 
temps  qui  me  reste  de  cette  vie  mortelle;  entre  plusieurs 
■dilficultez  qui  se  presentoient  pour  naviger  sur  ceste  mer, 
ceste-cy,  comme  la  plus  proche,  fut  aussi  la  première  et  la 
plus  grande  :  que  j'estois  fait  prevost  de  l'Eglise  de  S.  Pierre 
de  Genève,  par  le  bon  plaisir  du  souverain  Pontife. 

Car  il  me  semhloit  que  c'estoit  une  chose  bien  nouvelle  et 
bien  périlleuse,  qu'estant  si  nouveau,  sans  expérience,  et 
sans  m'estre  aucunement  signalé  en  la  milice  chrestienne, 
je  possédasse  la  prevosté  au  beau  commencement  de  mon 
apprentissage,  de  sorte  que  je  sois  plustost préposé  que  posé, 
prefect  que  faict,  et  qu'une  grande  dignité  reluise  en  une 


Prœteritis  festis,  revcrendi  Paires,  cùm  ipsa  dienim  solemnitas 
animum  ad  suî  ipsiiis  soliicilndineni  revocîii'et,  de  reJKjuo  mortalis 
huJLis  vitae  tempuie  chrisliaiiè  ac  sanctè  traiisigendo  cogitabiindus, 
inter  alla  qua;  mare  istud  navigatiti  diliicilia  occurrebanl,  illud  fuit 
omnium  et  gravi  laie  et  vicinitate  primiim,  me  praipositum  ecclesi* 
.iMicli  Pétri  Gebeniiensis  ex  placito  snmmi  Pontificis  fuisse  renuii- 
Hatum. 

^ovum  enim  ac  summoperè  periculosum  videbatur^  me  riidem, 
inexperlum,  ac  nullius  anteà  nota;  militem  christianum,  in  ipso 
lyrociiiii  limine  prœpositurâdonatum,  ut  anteà  lerè  si;n  pra?.positii3 
quàm  posilus ,  piicfcctus  quàm  faclus,  et  ut  in  magnà  indigiiitate^ 


1 0  opuscurES 

grande  indignité,  comme  un  escarboucle  au  milieu  d'un 
bourbier.  Sur  quelle  pensée  je  me  ressouvins  du  dire  de 
cet  emmiellé  prevost  de  Clairvaux ,  saint  Bernard  :  «Malheur 
w  au  jeune  homme  qui  est  plustost  faict  profez  que  novice  ;  » 
et  du  dire  semblable,  mais  de  plus  grande  considération  ,  du 
rov  David  :  a  Cest  une  chose  vaine  de  vous  lever  avant  <;ue 
la  lumière  ;  levez-vous  après  que  vous  aurez  été  assis,  ô  \  ous 
»  tous  qui  mangez  le  pain  de  douleur  ^  »  Ce  qui  se  rapporte 
par  l'esprit  qui  vivifie  à  ceux  qui  cherchent  plustost  de  pré- 
sider pour  gouverner  que  d'estre  assis  pour  apprendre ,  quoi- 
qu'au  pied  de  la  lettre  il  s'entende  autrement.  Et  certes  les 
ruits  printaniers  et  mal  meurs  ne  peuvent  pas  estre  long- 
temps gardés  sans  se  pourrir. 

Ce  n'est  pas  donc  sans  raison  que  je  me  reprenois  moy- 
mesme  en  ceste  sorte  :  Est-ce  ainsi,  ô  François,  que  tu  penses 
d'estre  préféré  aux  premiers,  toi  qui  devois  estre  postposé  à 
tous,  si  l'on  avoit  esgard  à  tes  mérites ,  à  ton  esprit  et  à  tes 
façons  de  vivre?  Ne  sçays-tu  pas  que  les  honneurs  sont  très- 
pleins  de  charges  et  de  périls?  A  la  vérité  ces  parolles  me 
baillèrent  bien  de  l'estonnement  en  mon  intérieur;  et  je 

»  Ps.  CXXVI,  2. 


veluti  carbunculus  in  cœno,  magna  dignitas  illucescat.  Quo  loco  su- 
bibat  illiid  Rernardi  mellilissimi  Clarsevalienis  prœpositi  :  «  Vœ  juvcni 
qui  anteà  lit  peritus  quàm  novitius:  »  illudque  simile,  sed  majoris 
momenti,  Davidis  régis  :  Yanum  est  vobis  anle  lucem  surgere  : 
surgite  postquam  sederitis,  qui  manducatis  panem  doloris.  Quod 
licet  ex  litterâ  aliter  intelligalur,  ex  spiritu  tamen  qui  vivificat,  ad 
eos  qui  quœrunt  anteà  prœsidere  quàm  sedere,  traducendum  velin- 
quitur;  atque  sanè  fruclus  prœcoces  el  vernales  non  diù  asservari 
possunt^  quin  putrescant. 

Non  immeritô  ergo  ea  urgebat  mentem  increpalio  :  Siccine^  ô 
Francisée^  qui  omnibus,  meritis,  ingenio  ac  moribus,  postponcndus 
eras,  primoribus  praeponendum  ducis?  An  nescis  honores  periculis 
aconeribus  esseplenissimos?  Hisce  vocibus  inleriùs  diù  perienitus,: 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  il 

reclîsoîs  avec  David  :  «  Seigneur,  j'ay  ouy  ce  que  vous  m'a- 
»  vez  fait  dire  et  ay  crainte»  Cependant  voicy  le  jour  au- 
quel vostre  aggreahle  et  suave  présence,  révérends  Pères, 
este  beaucoup  de  ma  crainte  ,  et  adjouste  beaucoup  à  la 
confiance  que  je  dois  avoir  en  Dieu;  présence,  dis-je,  qui 
me  recrée  si  fort,  que  si  l'on  faict  comparaison  du  con- 
tentement que  je  reçois  à  ceste  heure  avec  la  crainte  qui 
m'avoit  saisy  par  cy-devant,  il  vous  sera  difficile  à  juger 
qu'est-ce  qui  m'occupe  et  tient  plus;  si  bien  que  je  sens  en- 
core en  moy  l'efFect  de  ceste  parole  :  ce  Sers  Dieu  avec  crainte 
•»  et  te  resjouis  en  luy  avec  tremblement^.  »  Car  ainsi  la 
resjouissance  ou  exultation  repond  au  contentement ,  et  la 
crainte  à  l'anxiété. 

Or,  ce  qui  me  bailloit  de  l'anxiété ,  c'est  ce  que  je  viens  de 
r'apporter  ;  mais  maintenant  je  m'apperçoy  bien  à^ avoir 
tremblé  de  crainte  où  il  n'y  avoit  rien  à  craindre^»  Car  il 
y  auroit  eu  à  craindre  un  prevost  qui  eust  esté  prevost  de 
ceux  qui  difficilement  peuvent  estre  contenus  en  leur  devoir; 
mais  à  moy  qui  suis  prevost  de  ceux  qui  ont  toute  la  mo- 
destie, force,  prudence  et  diariié  qui  est  requise  en  chaque 

»  Habac,  III,  1.  ~  a  Ps.  II,  11.  —  3  Ps.  XIII,  5. 

propheticum  illud  volvebam  :  Deus ,  audivi  auditiones  tuas,  et 
timui.  Cùm  intérim  ea  mihi  hodiè  illuxit  dies  in  quâ  et  terrori  mul- 
tùm  detrahit,  et  reclse  in  Deum  (iducice  mullùm  addit  mihi,  vestra 
omnium,,  venerandi  Patres,  tam  jucunda  a  suavis  prœsentia,  quse 
me  adeô  reficit  et  recréât,  ut  si  terrorem  jam  anteà  perceptum,  cum 
-eâ  voluptate  quam  sentie,  conferatis,  quid  me  magis  afiiciat,  dif- 
licile  sit  ad  judicandum,  ut  in  me  etiam  illud  sentiam  :  Servias 
Domino  cum  timoré,  et  exultes  ei  cum  iremore  :  sic  enim  exultatia 
est  ad  Isetitiam ,  timor  autem  ad  anxietatem. 

Anxietatem  faciebant  quae  jamjam  desino  recensere;  at  verô  nùnc 
video  wie  trépidasse  timoré  ubi  non  erat  timor.  Timendum  enim 
erat  illi  prœposito  qui  iis  prsepositus  est  qui  diflicilè  in  otiicio  conti- 
nen  possunt  ;  mihi  autem  iis  prseposito  qui  eâ  pollent  modestiâ,  for- 
titudine,  prudentiâ,  ac  charitate  quœ  in  quolibet  prœlato  desiderari 


1*^  OPUSCULES 

prélat,  de  manière  que  chacun  d'eux  mérite  d'estre  prevost, 
qu'est-ce  qu'il  y  avoit  à  craindre?  Et  à  quel  propos  m'ar- 
rester  en  la  considération  de  mon  enfance ,  de  mon  igno- 
rance et  de  la  foiblesse  de  mon  esprit  ;  puis  que  en  ceste 
charge ,  je  n'auray  point  besoin  n'y  d'avertissemens ,  ny 
d'instruction,  ny  de  correction,  sinon  que  quelqu'un  vou- 
lust  ce  que  les  anciens  disoient  enseigner  Minei^ve,  ou  bien, 
selon  nostre  commun  proverbe ,  ^resc/zer  saint  Bernard  y  et 
parler  latin  pour  nestre  pas  entendu  devant  les  Cordeliers, 
entre  lesquels  nous  sommes.  Celui-là  n'a  point  faute  de 
maistre,  qui  n'a  rien  à  apprendre,  et  quand  les  vents  sont 
favorables,  chaque  mattelot  indifféremment  peut  tenir  le 
gouvernail  avec  facilité. 

C'est  bien  la  vérité  que  je  prens  assez  garde  qu'estant 
accoustumés  d'avoir  des  prevosts  qui  jusques  à  présent  ont 
esté  tres-doctes,  très-graves  et  tres-fortunés ,  il  ne  se  peut 
que  vous  ne  ressentiez  fascherie  et  degoust  en  un  si  grand 
changement  et  déclin  de  cette  dignité  qui  est  îa  première  du 
chapitre ,  et  vous  pourriez  bien  penser  ce  que  certain  poëte 
dit  :  «  Quel  est  ce  nouvel  hoste  qui  vient  prendre  séance 

potest,  ut  eorum  quilibet  prsepositus  esse  mereatur,  quid  in  liâc 
causa  metuendum  est?  Quid  enim  memoretur  infantia,  imperilia  ac 
mentis  imbecillitas,  cùm  nec  monitis,  née  disciplina,  nec  correc- 
tione,  in  hoc  munere  mihi  futurum  sit  opus?  nisi  quis  velit,  quod 
dixerunt  veteres,  Minervam  docere,  aut  ut  *more  nostrorum 
é\ç,diV[i) sanctum  Bernardum  hortari,  vet  inle'  C hordigeros,  ut inm 
suinus,  conceptum  teyere  lalinitate.  Non  opus  est  prccceptore,  oui 
nihil  ad  discendum  est  :  facile,  flanlibus  ventis  secundis,  guber- 
nacula  à  quolibet  nauclero  tenentur. 

Illud  quidoin  satis  adverlo,  vos  prœpositis  doctissimis,  gravissimis, 
felicissimis  hactenùs  assuetos,  in  tantà  ejus,  quœ  hnjus  consessûs 
prima  est,  dignitatis  mutatione  ac  declinatione,  non  posse  quin  ali- 
quod  sentiatisfastidium;  illudqueanimosubibit  quoddixitquispiam: 

«  Quis  novus  hic  nostris  successit  sedibus  hospes? 
»  luclyla  quis  Pétri  tocta  superbus  adit?  » 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  13 

i>  parmy  nous?  Et  quel  est  ce  lemeraire  qui  ose  s'ingerer 
))  dans  l'auguste  mûson  de  saint  Pierre?»  Ouy  certes,  révé- 
rends Pères,  vous  pourriez  dire  tout  cela.  Mais  pour  vostre 
soûlas  et  le  mien,  je  vous  prie  aussi  de  considérer  avec  moy 
que  Dieu  a  cou^tame  de  choisir  les  choses  plus  basses  et  plus 
infirmes  de  ce  monde  pour  confondre  les  fort  es\  et  de  tirer 
sa  louange  la  plus  parfaite  de  la  bouche  des  enfans^ ,  voive 
de  ceux  qui  pendent  encore  aux  mammelles,  affin  qu'on  luy 
rapporte  plus  facilement  tous  les  biens  qu'on  a  reçus,  et  qui 
procèdent  tous  de  luy. 

ilCor.,  I,27.--«Ps.  Vlir,  8. 

Meritô  sanè.  Patres,  hœc  omnia.  Verùm  et  illud  in  solatium  anim» 
mecum  repetatis,  quœso  :  Deum  eligere  solitum  infirma  hvjus 
mundi,  ut  confundat  foriia,  et  ex  ore  plerumquè  infantium  et 
lactentiumperficere  ImuUm  m^m\  ut  ei  faciliùs  accepta  referanlur 
bona,  quae  ab  eo  cuncta  proceduot. 


J4  OPUSCULES 


III. 

REQUÊTES 

Présentées  par  saint  François  DE  SALES,  alors  prévôt  de  Téglise  cathédrale 
de  Saint-Pierre  de  Genève ,  au  souverain  Pontife  CLÉMENT  VIII ,  au  nom 
et  comme  procureur  tant  de  l'évêque  de  Genève  que  de  ses  chanoines, 
vers  la  fin  de  mars  1599.  {Vie  du  Saint,  par  Auguste  de  Sales,  liv.  IV, 
pag.  255.) 

Tres-sainct  Père , 
La  dévote  créature  de  vostre  Saincteté ,  Claude  de  Granier, 
evesque  de  Genève ,  luy  expose  tres-humblement  comme 
autresfois ,  à  l'instance  d'Emanuel  Philibert ,  duc  de  Savoye, 
tout  les  bénéfices  simples ,  cures ,  monastères ,  prieurez ,  et 
autres,  des  baillages  de  Gex,  Ternier  et  Chablais,  estans 
unis  à  la  milice  des  saincts  Maurice  et  Lazare,  sous  pré- 
texte que  les  habitans  de  ces  bailliages  estoyent  hérétiques , 
et  pource  que  l'exercice  de  la  religion  catholique  ne  pou- 
voit  pas  y  estre  faict ,  ceste  union  fust  limitée  avec  une  clause 
par  laquelle  le  pape  Grégoire  treiziesme,  de  glorieuse  me- 

h 

Pro  relaxatione  benefîciorum  Lazarianae  militias  unitorum. 

Beatissime  Pater^  exponit  humillimè  Tuse  Sanctitati  Claudius  Gra- 
ïiierius,  episcopus  Gebennensis,  cùm  allas,  ad  instantiam  Emma- 
nuelis-Philiberti,  tùnc  Sabaudiœ  ducis,  unita  fuerint  militiee  sanc- 
torum  Mauricii  et  Lazari  omnia  benefieia  simplicia,  curionia, 
monasteria,  prioratus  et  alla,  agroriim  Gexinsis ,  Terniacensis  et 
Gaballiani,  sub  prsetextâ  causa  quôd  eorum  lyactuum  incolse  Lulhe- 
rani  seu  Calviniani  essent,  nec  divinus  idcircô  in  ils  cultus  exercer! 
posset;  praîlinita  fuit  hsec  unio  cum  clausulâ,  per  quam  Grcgorins 
felicis  recordationis  papa  decimus  tertius,  uti  quandocumquc  earum 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  15 

moire,  déclara  expressément  qu'en  cas  que  les  habitants  de 
ces  bailliages  vinssent  à  se  convertir  à  la  saincte  foy,  les 
chevalliers  deussent  donner  à  chasque  curé  des  paroisses  de 
ces  bailliages  au  moins  cinquante  ducats  par  an ,  lesquels 
curez  devroyent  estre  esleus  et  establis  par  l'Evesque.  Or 
estant  que  ces  jours  passez,  par  le  moyen  des  prédications: 
continuelles  qui  ont  esté  faictes  en  ces  quartiers,  les  habitans  : 
de  deux  de  ces  bailliages ,  c'est  à  sçavoir,  Ternier  et  Chablais, . 
en  nombre  de  soixante  quatre  paroisses,  sont  retournez  au 
giron  de  la  saincte  Eglise ,  il  est  nécessaire  de  leur  prouvoii 
de  curez  sutFisaus  et  doctes  pour  les  enseigner  et  catéchiser, 
et ,  outre  cela ,  il  sera  besoing  d'avoir  pour  le  moins  huict 
prestres  pour  l'Eglise   de  Tonon,  principale  ville  de  ces 
bailliages,  tant  pour  confesser  que  pour  administrer  les 
saincts  sacremens;  comme  encore  trois  puissans  prédicateurs, 
qui  ne  fassent  rien  autre  que  prescher  ;  et  d'ailleurs  il 
faudra  reparer  les  églises,  qui  sont  presque  toutes  ruynées, 
et  supporter  plusieurs  autres  charges  de  très-grande  despence.. 
C'est  pourquoy  il  supplie  tres-humblement  vostre  Sainc- 
teté  qu'elle  daigne  annullei'  et  relascher  l'union  de  tous  ces 
bénéfices ,  de  quelque  sorte  et  condition  qu'ils  soyent ,  et  les 

ditioniim  incolfE  ad  sanctam  fidem  converterentur,  Lazariani  équités 
unicuique  curioni  quera  episnopus  elegisset,  quinquaginta  diicatos 
dare  deberentanniialim,  declaravit.  Cùm  autem  diebuspraiteritis^  per 
continuas  prœdicationes,  Terniacenses  etCaballian^  ^nnes  in  sacrc- 
sanctcC  Ecclesice  gremium  redierint,  numéro  pexaginta  quatuor  parœ- 
ciarum_,  quibus  idonei  et  doeti  constiluendi  3unt  rectoreS;,  praîter 
quos  necessarii  sunt  in  EcclesiâTononensej  primariâ  ditionum  illa- 
rum  urbe  ,  octo  saltem  sacerdotes  qui  cop*''"ssiones  audiant,  et 
sacrumenta  administrent;  necnon  très  val^^U  concionatores,  qui  ab 
apostoheo  prœdicandi  munere  nunquàm  cessent.  Prœtereàque  restau- 
randee  sunt  dirutae  penè  omnes  sacrae  sedes^  et  ferenda  alla  non 
sine  magnis  expensis  onera. 

Supplicat  Sanctitati  Tuae  humililer,  uti  unionem  illam  relaxare  et 
penitùs  abrogare  dignetur^  quô  benelicia  illa  omria,  qua3cumciu« 


f6  OPUSCULES 

appliquer  à  ces  recteurs ,  chappellains ,  prédicateurs ,  répa- 
rations et  autres  charges ,  pour  la  manutention  de  la  foy ,  ' 
attendu  que  le  Serenissime  Duc  de  Savoye ,  grand  Maistre 
d'icelle  Religion  des  saincts  Maurice  et  Lazare,  y  consent, 
baillant  toute  permission  au  seigneur  Evesque  de  pouvoir, 
pour  ceste  première  fois,  disposer  et  prouvoir  de  ces  Eglises 
paroissiales  eV  bénéfices  unis,  les  distribuant  ainsi  qu'il 
verra  estre  nécessaire  ;  comme  encore ,  de  choisir  trois  prédi- 
cateurs, de  quelque  Ordre  et  Religion  qu'ils  so5^ent. 

Parce  que  la  pauvreté  du  pays,  ou  plustost  la  petitesse 
des  fruicts  des  prébendes  théologales  du  diocèse  de  Genève, 
faict  qu'il  ne  se  treuve  point  de  théologiens  qui  veuillent  les 
accepter  ;  et  que  cependant  ces  théologiens  sont  nécessaires 
pour  prescher  la  parolle  de  Dieu  en  un  diocèse  si  misérable , 
et  tellement  environné  d'heretiques  ;  le  mesme  Claude  de 
Granier,  evesque  d'iceluy ,  supplie  pareillement  vostre  Sainc- 
teté  qu'elle  daigne  luy  bailler  permission  de  pouvoir  suppri- 
mer une  prébende  monachale  des  monastères  et  prieurez 

tandem  sint,  curionibus,  rectoribus,  concionatoribus,  reparationibus, 
aliisque  ad  conservandam  religionem  sanctam  necessariis  oneribus 
applicentur,  quandoquidem  serenissimus  Allobrogum  dux,  qui  ejus 
militice  magnus  magister  est,  suum  in  eam  rem  consensum  prœbet, 
licenliameidem  episcopo  concedendo  instituendi  parœciales  rectores, 
beneliciaque  dislribuendi,  prout  viderit  necessarium  esse,  necnon 
très  validos  concionatores  è  quovis  ordine  seu  religione  eligendi. 

11. 

Pro  théologal!  seu  ecclesiaste. 

Exponit  humillimè  Tuae  Beatitudini  Claudius  Granierius,  episco- 
pus  Gebennerisis  (quôd)  ob  provinciœ  paupertatem,  fructuumque  prœ- 
bendarum  theologalium  tenuitatem,  non  inveniuntur  tlieologi  qui 
eo8  acceptare  velint,  cùm  nihilominus  ad  spargendum  divini  verbi 
semen  in  eâ  diœcesi  maxime  sint  necessarii. 

Supplicat  idcircô  Sanctitati  Tuœ,  uti  sibi  licentiam  dignetur  con- 
cedere  preebendam  unam  monachalem  supprimendi  in  monasteriis  et 


DE   S.    FnANCOTS   DE   SALES.  17 

convent]?els  de  sa  diocèse ,  vaquante  ou  à  vncquer,  à  fin 
qu'il  en  puisse  assigner  à  chaque  théologien  deux ,  selon 
qu'il  verra  estre  expédient;  et,  au  deffaut  des  prébendes, 
pouvoir  de  supprimer  quelques  bénéfices  simples  des  Eglises 
esquelles  la  prr-hende  théologale  sera  constituée,  h  fin  d'y 
appliquer  les  fruicts  ;  puis  'jue  par  ce  moyen  le  service 
divin  ne  sera  point  diminué  en  ces  monastères ,  prieurez  et 
églises,  mais  plustost  croistra  et  s'augmentera  de  jour  en 
jour. 

Attendu  que  la  pluspart  des  curez  du  diocèse  de  Genève 
sont  tellement  pauvres  qu'ils  sont  contraincts  d'abandonner 
leurs  enfans  spirituels ,  au  grand  détriment  de  leurs  âmes , 
le  mesme  evesque  Claude  de  Granier  supplie  V.  S.  qu'elle 
daigne  luy  bailler  permission  que  toutesfois  et  quantes  qu'il 
en  sera  requis,  et  jugera  estre  nécessaire,  mesme  hors  de  la 
visite  générale ,  il  puisse  leur  assigner  une  portion  congrue 
sur  les  dismes,  primices  et  oblation  possédées  par  les  abbez, 

prioratibus  conventualibus  suœ  diœcesis,  vacantem  aut  vacaturam, 
id  hoc  ut  unicuique  theologo  prœbendas  duas,  prout  expedire  vide- 
bitur,  assignare  possit,  et  deticientibusprsebendis^  potestatem  aliqua 
bénéficia  simplicia  earum  Ecclesiarum  in  quibus  hujusmodi  pri3c- 
benda  conslituetur,  supprimendi,  et  eorum  fructus  eidem  theologaîi 
applicandi;  quandoquidem  bac  ratione  in  iis  monasteriis,  prioratibus 
et  Ecclesiis  divinus  cultus  minime  minuetur,  imô  verô  majus  ac 
majus  sumet  in  dies  incrementum. 

III. 

Pro  coKgruarum  portionum  assignatione. 

Exponit  humillimè  Claudius  Granierius,  episcopus  Gebennensis, 
cùm  majori  ex  parte  suae  diœcesis  curiones  adeô  pauperes  existant, 
ut  saepenumerô  suos  iri  Christo  fdios  magno  cum  animarum  detrimento 
cogantur  deserere  ; 

Supplicat  idcircô  Sanctitati  Tuae ,  uti  ei  licentiam  dignetur  imper- 
tiri  iis  curionibus  congruam  assignandi  portionem,  etiam  extra  visi- 
tationem  generalem  super  decimis,  primitiis,et  çblationibus  ab  abba^ 
yu  2 


18'  OPUSCULES 

prieurs,  et  autres  ecclésiastiques,  nonobstant  opposition  et 
appellation  quelconque. 

Il  y  a  plusieurs  îitux  ai'  diocèse  de  Genève  où  tous  les 
habitans  sont  joincts  de  coI^sanguinité  ou  affinité  ;  et  ainsi , 
pour  estre  tres-pauvres ,  et  les  dottes  très-petites,  ils  ne 
peuvent  point  se  marier  hors  de  leurs  lieux  ^  pour  n'employer 
pas  ce  peu  de  dotte  à  visiter  l'espouse  et  porteries  autres 
charges  des  nopces;  encor  moins  ont-ils  le  moyen  demander 
à  Home  pour  obtenir  la  dispense.  C'est  pourquoy  le  mesme 
Evesque  supplie  V.  S.  qu'elle  daigne  luy  permettre  de  dis- 
penser avec  tels  du  quatriesme  degré  de  consanguinité  ou 
affinité ,  et  d'absoudre  ceux  qui ,  nonobstant  ce  degré ,  auront 
contracté  mariage,  avec  déclaration  que  leurs  enfans  seront 
légitimes.  Et  cecy  pour  le  moins  quant  au  parquet  de  cons- 
cience, puis  qu'ils  sont  empeschez  d'envoyer  à  Rome  pour, 
leur  pauvreté,  et  contraincts  de  contracter  ensenible  à  cause 
de  l'angustie  du  lieu. 

tibus,  prioribus,  aliisve  Ecclesiasticis  possessis,  prout  judicabit 
necessarmm,  non  obstante  oppositione  quâvis  vel  appellatione. 

IV. 

Pro  dispensationibus  in  matrimoniis. 

Exponit  humillimè  idem  episcopus,  quàmplures  siint  in  sua 
diœcesi  loci,  quorum  incolseconsanguinitate  vel  affmitate  junguntnr, 
qui  tamen,  cùm  pauperrimi  existant^  tenuissimasque  expectent  dotes^ 
difficillimè  extra  possunt  matrimonium  contrahere,  ne  scilicet  exi- 
guam  illam  dotem  visitationibus  sponsaD,  nuptiarumque  oneribus 
insumant,  née  habeant  undè  ad  obtinendam  ab  apostolicâ  sede  dis- 
pensationem  Romam  mittant. 

Quapropter  supplicat  Sanctitati  Tua?  uti  sibi  coiîcedere  dignetur 
licentiam  in  quarto  consanguinitatis  vel  affmilatis  gradu  dispensandi, 
eosque  qui  hactenùs,  eo  non  obstante  quarto  gradu,  matrimonium 
contraxerunt^  absolvendi,  cum  potestate  prolem  tali  modo  suscep- 
tam  legitimara  declaraiidi,  hocque  saltem  ia  conscifintiœ  foro;  quan- 
doquidem  et  paupertate,  ne  Romam  mittant,  impedluntur^  et 
angustiâ  loci  coguntur  simul  conlrahere. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE  SALES.  19 

Parce  que  plusieurs  Luthériens,  Calvinistes,  ou  relaps, 
4Îesireux  de  revenir  à  la  lumière  de  la  foy ,  laissent  de  ce; 
faire,  pour  ne  vouloir  ou  n'oser  pas  se  présenter  devant 
l'Evesque;  le  mesme  Claude  de  Granier  supplie  V.  S.  de 
bailler  permission  à  perpétuité ,  tant  à  luy  et  à  son  vicaire 
qu'à  dix  ou  douze  personnes  doctes  et  habiles ,  telles  qu'il 
les  eslira ,  pour  absoudre  ces  hérétiques  et  relaps  de  quelque 
hérésie  que  ce  soit  ;  et  pour  cet  effect,  et  à  fin  de  pouvoir 
respondre  à  leurs  mensonges  et  finesses,  permettre  encore 
aux  niesmes  de  pouvoir,  sans  scrupule  de  conscience,  lire  et 
tenir  de  toutes  sortes  de  livres  défendus,  et  sur  tout  de  ceux, 
que  les  hérétiques  mettent  en  lumière  tous  les  jours,  attendu 
qu'on  ne  peut  pas  facilement  les  convaincre  autrement.  Et 
ceste  permission  est  demandée  perpétuelle,  parce  que,  quand 
elle  est  baillée  pour  un  temps  tant  seulement,  iceluy  estant 
fîny ,  et  ne  treuvant  pas  des  commoditez  pour  mander  à  Rome,- 
plusieurs  de  ceux  qui  veulent  se  convertir,  treuvans  de  la 
résistance  en  l'Evesque,  se  rafroidissent,  et  retournent  à  leur 

'  — ■         ■  ■  ^ 

V. 

Pro  absolutione  ab  haeresi. 

Exponit  humillimè  :  cùm  multi  sint  lutherani  seu  calviniani  in  ejus 
direcesi^  sive  relapsi.  qui  ad  veras  lîdei  redire  lumen  cupientes, 
tam  pium  et  salutare  opus  iniermittuut^  quia  ad  episcopum  venire 
nolunt. 

Supplicat  Sanctitati  Tuae  uti  non  sibi  tantùm  et  generali  -vicario, 
sed  et  deeem  aut  duodecim  viris  doctis  et  perspicacibus  eligendis  eos 
li3ÊFeticos  seu  relapsos  ab  omni  haeresi  absolveudi  licentiam  dignetur 
concedere.;  et  im  hune,  eilectum ,  utque  illorum  objectionibus  res- 
pondère  ii  sacerdotes  queant,  potestatem  absque  conscientise  scrupulo 
habendi  et  legendi  libros  prohibitos,  eos  auteni  maxime  quos  quo- 
tidiè  hffireliei  ij«  îucem  emittuBî  ;  quandoquideiîï  non  ilà  facile  pos- 
sunt  aliter  convinci.  Hœc  autem*  licentia  petitur  perpétua,  quia  cùm 
dâtur  ad  tempu&j  iindto  eo,  ubi  statiiai  nova  n&m  potest  ©btineri, 
pleriq^ue  non  &^^eaam<t  madû>  sed  fri^ùtU  iiu&t  xQàeimiiq^ue  ad  wmi- 


20  OPUSCULÎîS 

vomissement;  ou  bien,  cependant  qu'on  procure  d'avoir 
une  telle  permission,  viennent  à  mourir  en  ce  désir,  au 
srand  détriment  de  leurs  âmes. 

Les  fruicts  de  la  ^able  episcopale  sont  si  petits  qu'à  peine 
peuvent-ils  suffire  pour  la  décente  sustentation  de  l'Evesque, 
ef  sur  tout  à ceste occasion  etconjoincture,  qu'illuy  convient 
de  faire  de  très-grandes  despences  pour  aller  consacrer  et 
bénir  les  églises  et  les  autels  :  il  supplie  V.  S.  qu'elle  daigne 
l'exempter  de  toute  sorte  de  payement  de  décimes  concédées 
au  serenissime  duc  de  Savoye ,  remettant  la  part  qui  le  re- 
garde à  estre  payée  par  les  autres  evesques  et  bénéficiez  de 
Savoye,  qui  sont  plus  riches  que  luy,  et  qui  ne  doivent 
pas  supporter  tant  de  charges  et  despences. 

Claude  de  Granier,  evesque  de  Genève,  supplie  V.  S. 
qu'il  luy  plaise  de  dispenser  avec  les  chanoines  de  son  Eglise 
cathédrale  qu'ils  puissent  tenir,  ensemble  avec  les  canoni- 

tum,  vel  dùm  haec  expectatur  licentia,  non  sine  gravi  animarum 
detrimento  moriuntur. 

VI. 

Pro  eximendo  à  decimarum  persolutione  episcopo. 

Exponithumillimè  :  episcopalis  mensse  fructus  adeô  tenues  sunt,  ut 
vix  ad  decentem  sustentationem  ,  hoc  misero  praesertim  tempore, 
suflîciant,  quo  magnis  expensis  eum  onerari  necesse  est,  eundo 
fedeundoque  ad  ecclesiarum  et  altarium  consecrationem  benedic- 
tionemve. 

Supplicat  Sanctitati  Tuée  uti  eum  ab  omni  et  quâvis  decimarum 
Sabaudiœ  duci  conc^^sarum  solutione  dignetur  eximere,  partem 
illam  quaB  ei  convenit,  in  alios  Allobrogicos  episcopos  vel  bénéficia 
possidentes  multô se  ditiores  et  minus  oneratos,  remittendo. 

VII. 

Ut  canonici  Gebennenses^  reteiito  canonicatu,  l}eneâcia  parœcîalia 

possideanti* 

Supplicat  humillimè  Sanctitati  Tuse  Claudius  Granierius,  episcopus 
Gebennensis^  uti  eum  «anouicis  ecclesias  suse  cathedralis  dispensare 


DE    S.    FRANÇOIS   T)E    SALES.  21 

^'ats,  rips  Eî-Tli?^os  parroissiales,  en  y  mettant  des  vicaires 
capal)îes  et  siilïisans  pour  exercer  la  charge  des  âmes  ;  attendu 
que  la  pliispart  d'iceux  chanoines  sont  docteurs  et  gentils- 
hommes, et  ne  peuvent  pas  vivre  décemment  et  selon  leur 
qualité  des  fruicts  de  leur  canonicat,  qui  n'excèdent  pas  la 
valeu  r  de  soixante  ducats  ;  et  ne  peuvent  pas  aspirer  à  d'autres 
bénéfices,  puis  qu'estans  presque  tous  du  ûroict  de  patron- 
nage,  ils  ne  peuvent  pas  estre  obtenus  sans  la  présentation 
<les  p  itrons,  qui  la  font  à  qui  bon  leur  semble  :  autrement 
;ces  pauvres  chanoine?  seront  contraincts  de  se  séparer  les 
uns  des  autres ,  pour  n'avoir  pas  dequoy  vivre ,  et  laisseront 
ainsi  de  travailler  à  la  vigne  du  Seigneur  auprès  des  âmes 
converties,  attendu  qu'ils  sont  presque  tous  docteurs. 

Parce  que  Fevesché  de  Genève  a  plusieurs  subjects  ou 
tailîables  qui  sont  obligez  à  une  infinité  de  servitudes  qui 
ressentent  plus  le  paganisme  que  le  christianisme  :  comme 
est  que,  tels  venans  à  mourir  sans  enfans,  leurs  biens  tom- 
bent et  reviennent  à  FEvesque,  et ,  n'ayans  point  d'enfans , 
ne  peuvent  point  tester  d'aucun  de  leurs  biens;  et  ne  peuvent 

*      ■  ■  I—  I     .-  ■  -.— —    .M    ■  I      ■■  Mil       -        III     11     ■W— — ■■— i     I  I     I     >■■■—— .1        ■  Il       -  —■■—■■■  ■     I       I        I    ■■■■■■■     I  III  ■  I     ■  ———a 

digneturadobtinendasretinendasqueunàcumcanonicalibusecciesias 
parffcialcs,  collocando  in  ih  idoneos  vicarios^  et  qui  ad  animarum 
-habendaiii  ciiram  sufficiarit;  quandoquidem  omnes  sunt  vei  nobiles 
\t1  doctoros,  et  nequeuntcum  canonicatûs  fructibus^  qui  sexaginta 
ducatorum  summam  non  excedunt,  decenter  vivere^  née  ad  alla 
possunt  adspirare  bénéficia^  cùm  omnia  ferè  de  jure  patronatùs  sint, 
nec  possinî,  idcircô  absque  prtesentatione  patroni  obtineri.  Aliter 
eniin  liet  ui  dispergantur  hi  canonici,  desinantque  in  vineâ  Domini 
laborare,  eô  quèd  vivere  nequeant 

VllI. 

Pro  liberandis  episcopatûs  tributariis. 

Exponit  huinillimè  Tuée  San clitati  episcopu?  Cebennensis  ;  quàm- 
plures  iiabetsubditosseu  Iributariosinnumerisastrictos  servitutibus, 
qua3  plus  etbnicismum  quàm  chrisiianismum  sapiunt.  Veluti  cùm 
/ibac^ue  iiliis  raanuutur,  m  iiuiuus  iiiYOï:em  testamentum  condere 


22  OPUFriTT.T^ 

point  eslre  vestus  de  drap  noir,  uy  encore  porter  en  Iptits- 
habits  le  moindre  orle  de  quelque  couleur  que  ce  soit;  il  y 
en  a  mesmes  quelques-uns  qui  sont  obligez  de  faire  taire  les- 
grenoùilles cependant  que  le  seigneur  dort  ;  lesquelles  choses 
sont  entièrement  indignes  d'un  homme  chrestien  :  c'est 
pourquoy  le  mesme  Evesque  supplie  Y.  S.  qu'elle  daigne 
luy  bailler  permission  d'affranchir  et  délivrer  ses  subjects 
d'une  telle  servitude,  moyennant  une  somme  de  deniers, 
selon  ce  qu'ils  seront  d'accord  ;  laquelle  se  payera  à  l'Evesque 
et  sera  convertie  en  l'évidente  utilité  de  la  table  episco- 
pale,  comme  il  jugera  estre  nécessaire,  convertissant  les 
iîefs  et  terriers  ainsi  subjects  et  taillables  en  fiefs  et  biens 
d'emphytheose. 

Presque  tous  les  monastères,  tant  d'hommes  que  de 
femmes,  et  prieurez  conventuels  de  Savoye  et  de  Genevois, 
et  autres  lieux  de  là  les  monts ,  des  Estais  du  Duc ,  sont 
tellement  descheus  de  la  discipline  régulière  et  observance 
delareigleetordre  de  leur  monastère  ou  prieuré,  qu'à  peine 
peut-on  discerner  les  réguliers  des  séculiers ,  parce  que  les 

posse;,  nec  nigro  panPxO  vestiri,  ne  quidem  tenuem  eliginum  limbi  ex 

colorato  panno  gestare.  Sunt  et  nonnulli  quibus  servitus  est  curaiidi 

per  noctem,  dùm  Dominus  dormit,  ne  ranse  coaxent;  quae  quànL 

indigna  sint  homine  christiano  nemo  est  qui  non  videat. 

Quamobrem  supplicat  Sanctitati  Tuée  uti  sibi  dignetur  iinpertiri 

licentiam  hujusmodi  hominei?  mediantibus  nummis  liberare,  prout 

inler  ipsos  conventum  fuentj  et  quaB  quidem  pecunioe  in  evidentem 

episcopalis  mensaï  utilitatem,  aut  ^'undi  ejusmodi  in  emphyteutica 

boi7a  convertantur. 

IX. 

Pro  religiosorum  utriusque  sexûs  reformai ione. 

Exponit  humiL'imè  :  omnia  ferè  tùm  virorum  tùm.  mulierum  mo- 
nasteria  et  puoratus  conventuales  in  Sabaudiâ,  Gebennesio,  aliisve 
serenissimi  Allobrogum  ducis  ditionibus  et  regionibus  ultrainon- 
tauis,  adeè  ab  reguiari  et  antiquâ  disciplina  decideruot,  ut  vix 
reguiares  à  beecularibus  dignoscantur  :  alii  enim  hùc  et  iiiùc  palan- 


DE   S.    FKANÇOIS   DE   SALES.  2J 

tins  vagabonclent par  le  inonde,  elles  autres,  qui  demeuTHiU 
dans  leurs  cloistrcs,  vivent  assez  dissolument,  avec  uû 
très-grand  scandale  du  peuple.  C/est  pourquoy  on  supplie 
sa  Saincteté  qu'il  luy  plaise  de  bailler  une  commission  à 
quelqu'un  des  prélats  de  céi  Estât  de  delà  les  monts,  qui, 
avec  une  bonne  information ,  et  l'assistance  de  deux  Pères 
Jésuites  ou  Capucins,  mesme  (s'il  est  de  besoing)  du  bras 
séculier,  doive  et  puisse  corriger  les  desobeyssans ,  selon 
qu'il  verra  estre  expédient  pour  le  salut  de  leurs  âmes  et 
spéciale  consolation  des  peuples ,  nonobstant  appellation  ou 
opposition  quelconque  ;  attendu  que  les  supérieurs  de  ces- 
ordres  endurent  de  tels  desordres,  pour  n'y  apporter  point 
de  remèdes. 

Tres-sainct  Père,  les  dévots  orateurs  de  V.  S.,  Prévost, 
Chanoines  et  Chapitre  de  l'Eglise  cathédrale  de  sainct  PiexTe 
de  Genève ,  luy  exposent  en  toute  humilité  comme  depuis 


tes  discurrunt;  alii  autem  in  claustris  degentes  gravissimo  populis^ 
sunt  scandalo. 

Quapropter  suppllcat  Sanctitati  Tuse  uti  commissionem  alicui  ex 
ultramontanis  prœlatis  de  rébus  omnibus  benè  inslructo  dignetur 
dare ,  qui  cum  duobus  ex  socielate  Jesu  vel  Capucinorum  ordine 
patribus^  addito  etiam  brachii  SGecularis  auxilio,  si  opus  fuerit, 
debeat,  possitque  libéré  et  absolutè  ejusmodi  monasteria  visitare,  et 
in  veterem  ordinenri  reducere,  et  inobedientes  corrigere,  et  rebelles 
coercere,  prout  expedire  viderit  ad  animarum  ipsorum  salutem 
populique  consolationem,  appellatione  quâvis  neglectâ  et  oppositione  ; 
quandoquidem  illorum  monasteriorum  superiores  hujusmodi  disso- 
lutiones  ferunt  et  patiuntur,  eô  quôd  remedium  nuUum  adhibeant. 

X. 

Libellus  supplex  pro  canonicis  ecclesiae  cathedralis  Gebeimensis,  nomiiie 
totius  capituli  à  sancto  Francisco  oblatus. 

Beatissime  Pater,  devotissimi  Tuse  Sanctitatis  oratores,  Praepositus, 
Capitulum,  et  Canonici  Ecclesiae  Cathedralis  S.  Pétri  Gebennensis, 
exponunt  humillimè,  cùm  abhinc  annis  sexaginta  à  GeueTeusi  civi-r 


24  OPUSCULES 

soixante  ans  en  çà  et  davantage ,  estaiis  chassez  de  la  cité  de 
Genève,  et  retirez  avec  l'Evesque  en  la  ville  d'Anicy,  du 
mesme  diocèse ,  où  jusques  à  ceste  heure  le  siège  episcopal  a 
esté,  et  eux  ont  faict  leur  résidence  et  célébré  les  divins 
offices,  il  est  arrivé  que  les  mois  passez,  par  la  vertu  du 
sainct  Esprit ,  et  par  le  moyen  des  continuelles  prédications 
qui  ont  esté  faictes  es  bailliages  de  Chablais  et  Ternier,  en  ce 
temps-là  hérétiques,  des  Etats -je  Savoye,  presque  tous  les 
habitans  de  ces  contrées  se  sont  convertis  à  la  foy  catholique, 
et  principalement  la  plu  spart  de  la  ville  de  Tonon ,  princi- 
pale de  ces  baillinges,  avec  soixante  quatre  paroisses  :  à 
rayson  dequoy,  ponc  maintenir  ceux  qui  sont  nouvelle- 
ment convertis  en  leurs  bons  propos,  et  réduire  les  autres  à 
en  faire  de  mesme,  tant  le  Reverendissime  Evesque  que  les 
susdicts  Prévost  et  Chanoines  ont  délibéré  d'aller  habiter  et 
faire  résidence  en  icelle  ville  de  Tonon ,  et  là  travailler  de 
telle  sorte  en  la  vigne  du  Seigneur  qu'en  peu  de  temps  on 
voye  des  fleurs  et  des  fruicts  en  ces  nouveaux  convertis ,  et 
non  convertis.  Mais ,  parce  qu'ils  n'ont  pas  le  moyen  de  se 
maintenir  et  se  sustenter  décemment,  pour  n'avoir  pas 
soixante  ducats  par  an  de  chaque  canonicat,  et  qu'en  icelle 
ville  de  Tonon  estoit  anciennement  une  église  et  couvent  de 

tatc  expulsi  fuerint,  et  unà  cum  episcopo  in  urbem  Anicienslum  ad 
residendum,  celebrandaque  divina  oflicia  recesserint;,  evenit  ut 
prœteritis  mensibus,  per  virtutem  L.iJirit''"s  Saneti  et  continuas  verbi 
Dei  prœdicationes  factas,  omnes  fevè  qui  Caballium  et  Terniacum 
ditiones  Sabaudicas  incolunt^  sacro-sanctam  fidem  catlialicîcvr.  am* 
plexi  sint,  ii  maxime  qui  Tononum  inhabitant,  primariam  provinciae 
urbem,  cum  sexaginta  quat'-ov  parœciis  circùm  circù  longé  latèque 
diflusis.  Quare  ad  confirmandos  conversos  reduceiivusque  cœteros, 
tùm  ipse  episcopus,  tùm  prœpositus  et  canonici  in  eani  Tononensem 
urbem  se  transferre  statuerunt,  ibique  cum  taritâ  animorum  conten- 
tione  in  vincâ  Domini  laborare,  ut  brevi  flores  fructusque  appareant. 
Verùm  quia  non  habent  quo  decenler  vivant,  non  enim  quilibet 
eorum  canonicatus  sexaginta   ducatorum  est;  Tononi  autem  erat 


DE   S.    FRANrOrS    T)E    SALES.  25 

Porrlre  des  Hermites  de  sainot  Augustin ,  qui  valîoit  annuel- 
lement cent  escus,  et  laquelle  fut  supprimée  et  unie  à  la 
Milice  des  saincts  Maurice  et  Lazare  par  le  pape  Grégoire 
treiziesme,  sous  prétexte  que  ces  peuples  estoyent  bien  es- 
loignez  de  se  convertira  TEglise  romaine,  et  Hontle  couvent 
est  ruyné  de  telle  sorte  que  les  frères  Heriultes  n'auront 
jamais  dequoy  le  rebastir  :  pour  toutes  ces  raisons,  ils  sup- 
plient tres-humblement  V.  S.  qu'eii  dissolvant  et  relaschant 
ceste  union,  elle  daigne  la  renonveller  à  la  table  capitulaire, 
et  Iny  appliquer  les  fruicts  de  ce  couvent,  imposant  un  per- 
pétuel silence  aux  chevaliers,  attendu  que  le  serenissime  duc 
de  Savoye  y  consent ,  et  que  les  chanoines  sont  pour  la  plus- 
part  docteurs  et  puissans  prédicateurs,  et  par  ce  moyen 
pourront  se  transporter  là,  et  restaurer  l'église  pour  y  rési- 
der, et  faire  le  fruict  que  l'on  doit  attendre  de  TefFect  de  la 
parolle  divine  ;  ordonnant  toutesfois  que  tous  les  chappel- 
lains,  bénéficiez,  altariens,  et  autres  fondez  en  l'Eglise  de 
Genève,  principalement  les  douze  prestres  de  la  chapelle 
qu'on  appelle  des  Macchabées,  qui  par  leur  fondation  sont 


aiiti([iiitùs  ccclesia  cum  conventu  ordinis  eremitarum  sancti  Augus- 
tiai,  valoris  anoui  centum  nummorum  circiter,  unita  mililice  sanc- 
torum  Mauricii  et  Lazari  à  Grcgorio  fœlicis  recordationis  papa  decimo 
tertio,  sub  'practextà  causa  quôd  populus  ille  longé  à  conversione 
esset,  coriventus  autem  ille  destructus,  et  ecclesia  multas  patitur 
ruinas,  uridè  impossibile  ferè  esset  Iratribus  illis  restruere; 

8upplicant  igitiir  humillirnè  Sari^fitatiTuge,  uti  dissolvendo  etrela- 
xando  unionem  illam,  capitulari  meusae  renovare  dignetur^  et  eidem 
fructus  et  reditus  conventûs  applicaie,  militibus  etiam  perpetuum 
imporiendo  sileritium,  quandoquidem  serenissimus  Sabaudiœ  dus 
consentit^  et  canonici  pro  inajori  parte  doctores  suiit  validique 
coiicionatores.  îlàc  vatione  potcruut  Torionum  se  traiisienej  sacram 
icdem  restaurare,  fructumque  facere  qui  ex  divini  verbi  elîecUi  expcc- 
taii  potest,  cum  decuUo  tamen  ut  omiies  bénéficia  qusBvisin  ecclesia 
Gel)eiiuersi  fundata  possidentes,  duodecimprœserlim  sacelii  saiicto- 
ium  Muchabtcoiuai  sacerdules  qui  vi  i'undationis  ad  resideiiliaai  in 


2S  OPUSCULES 

obligez  h  la  résidence ,  doivent  et  soyent  tenus ,  sans  onposi- 
lion  ny  exception  quelconque,  de  se  transférer  ensemble  avec 
le  Chapitre  et  chanoines  pour  faire  la  résidence  en  ce  mesme 
lieu  de  Tonon ,  'tOus  peine  que  les  absens  seront  privez  du 
chapitre,  \:t  qu'on  en  mettra  d'autres  en  leur  place;  et,  en  cas 
qu'il  ne  s't^  treuve  point  qui  veuille  faire  une  telle  résidence 
que  tous  les  fruicts  et  revenus  de  ces  chappelles  seront  ap- 
pliquez à  la  table  capitulaire,  pour  la  réparation  de  l'église  et 
manutention  des  autres  chapelles  qui  seront  dressées  en  icelle. 


eo  sacello  faciendam  obligantur,  debeant  absque  ullâ  vel  oppositione 
Ycl  exceptione  capitulum  et  canonicos  sequi  et  comitari  _,  sub  pœnâ 
privationis  ab  eodem  capitulo;  quo  casu  alii  in  eorum  locum  suffi- 
ciantur.  Quôd  si  nulli  inveniantur  qui  ad  eam  residentiam  obligare 
se  velint,  tune  illius  sacelli  fructus  et  reditus'inensae  capitulari  appli- 
centur. 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES*  27 


IV. 


ENOUÉT 

Des  bénéfices  du  Chablais,  faite  par  le  seignf  ar  prévôt  DE  SALES,  le  primi- 
cier  (le  S.  Jef;*^  .-Baptiste  de  la  Roche ,  mes^ire  Claude  D'ANGEVILLE,  et  le 
si^ur  MARIN ,  procureur-fiscal ,  avec  le  grefiler,  suivant  les  ordres  de  son 
altesse  sérénissime  le  duc  de  Savoie.  {Vie  du  saint,  par  Auguste  de  Sales, 
tom.  I",  pag.  22L) 

(  Avant  le  12  novembre  1598.  ) 

Au  bailliage  de  Chablais  deçà  de  la  rivière  de  la  Durance, 
estoyent  anciennement  les  Eglises  parroissiales ,  qui  avoyent 
chacune  un  recteur  particulier  ;  et  en  quelques-unes  y  avoit 
des  monastères  d'hommes  et  de  femmes,  et  des  prieurez  ré- 
guliers; quelques  autres  encore  estoyent  perpétuellement 
unies  :  c'est  à  sçavoir  : 

L'Eglise  de  sainct  Hyppolite ,  martyr ,  en  la  ville  de  To- 
non,  en  laquelle  estoit  aussi  alors  un  prieuré  de  trois  moines 
de  l'ordre  de  sainct  Benoist,  et  plusieurs  chappelles,  avec  son 
Eglise  perpétuellement  unie  de  sainct  Marcel,  martyr,  du  lieu 
de  Marcla,  maintenant  entièrement  ruynée.  Toutes  deux  n'ont 
point  de  maison  curatiale  :  car  celle  de  la  ville,  tous  les 
dismes  et  autres  biens  immeubles,  tant  siens  que  du  prieuré, 
sont  entièrement  aliénez  par  les  Bernois ,  ou  par  ceux  qui 
avoyent  pouvoir  d'eux,  et  sont  possédez  par  l'université  de 
la  ville ,  qui  a  vendu  et  aliéné  quelques  dismes ,  et  presque 
tous  les  biens  stables.  L'église  toutesfois  est  demeurée  en 
son  entier  ,  les  autels  en  estant  levez  (comme  c'est  la  cous- 
tume  des  hérétiques)  et  maintenant  le  grand  autel  est  re- 
dressé avec  deux  autres.  En  la  mesme  ville  estoit  autresfois 
une  maisoii  de  Frères  Hermites  de  sainct  Augustin,  dotée  de 
beaucoup  de  revenus ,  consistans  en  biens  stables  et  pieux 


28  OFiisr.îTr.KS 

légats  :  mais  son  église ,  avec  une  partie  de  certains  biens , 
subsiste  encore;  tout  le  reste  a  esté  aliéné. 

L'Eglise  de  sainct  Estienne,  martyr,  du  village  do  Tully, 
avec  son  unie  de  sainct  Jean  Baptiste  du  village  de  Concise 
(en  ceste-cy  toutesfois  il  n'y  avoit  point  de  fonts  baptismaux, 
et  le  sainct  Sacremen  t  n'y  esloi  t  point  gardé  poi  u  les  malades) . 
Les  maisons  de  toutes  deuxsfînt  aliénées  et  possédées  par  des 
laïcs,  avec  leurs  dismes  et  biens  stables.  Dans  les  limites  de 
cette  paroisse  estoit  autresfois  le  célèbre  prieuré  conventuel 
de  Ripaille,  maintenant  bruslé. 

L'Eglise  de  sainct  Pierre,  apostre,  du  village  d'Armoy, 
avec  son  unie  de  sainct  Maurice,  martyr,  du  lieu  de  Rey  vroz, 
et  l'autre  de  sainct  Nicolas,  confesseur,  du  lieu  de  Lyau,  en 
laquelle  estoit  autrefois  un  cemetiere  :  mais  on  n'y  adminis- 
troit  point  les  sacremens,  et  n'y  tenoit-on  point  la  saincte 
Eucharistie  pour  les  malades.  Ces  trois  parroissiales  estoyent 
annexées  au  chapitre  de  l'Eglise  cathédrale  de  S.  Pierre  de 
Genève  par  le  pape  Alexandre  sixiesme,  le  dix-septiesme  de 
janvier  de  l'an  mille  quatre  cens  nouante  quatre ,  le  troi- 
siesme  de  son  pontificat  ;  et  depuis  l'invasion  du  Chablais 
jusques  à  l'an  mille  cinq  cens  nouante,  les  Genevois  les  ont 
usurpées  avec  tous  leurs  biens,  desquels  ils  en  ont  aliénez 
quelques  stables ,  qui  ne  sont  pas  d'une  petite  valeur.  La 
première  a  une  maison  curatiale ,  les  autres  deux  n'en  ont 
point.  Il  y  a  encore  des  dismes,  des  censés,  et  quelques 
biens  stables,  suiïisans  pour  l'entretien  des  vicaires  perpé- 
tuels. 

L'Eglise  de  nostre  Dame  du  village  de  Bellevaux ,  avec 
son  unie  d'ancienneté  de  sainct  Jean  Baptiste ,  du  village  de 
Lullin ,  qui  sont  distantes  l'une  de  l'autre  d'nn^^  lieuë.  En 
la  première  estoit  autresfois  fondé  un  prieuré  de  aois  moines 
de  l'ordre  de  sainct  Benoist,  uny  perpétuellement  au  monas- 
tère d'Aisnay  du  mesme  ordre ,  de  la  cité  de  Lyon  ;  duquel 
la  maison,  dismes,  rentes  et  autres  biens  stables,  sont  encorâ 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  29 

en  leur  entier;  les  maisons  curiales  ruinées,  et  leurs  biens 
stables  en  partie  vendus  par  les  Bernois ,  et  partie  aliénez 
sous  des  censés  annuelles.  En  la  paroisse  de  Bellevaux ,  et 
au  lieu  de  Vallon ,  estoit  autresfois  un  monastère  de  Char- 
treux ,  qui  est  maintenant  ruiné  avec  son  église  ;  les  censés, 
la  jurisdiction  temporelle,  et  tous  les  biens  stables  ont  esté 
vendus  en  partie  par  les  Bernois ,  en  partie  ont  esté  aliénez 
sous  des  rentes  annuelles,  et  sont  pacifiquement  possédez. 
par  des  laies. 

L'Eglise  de  sainct  George ,  martyr,  du  village  de  Vvalîy , 
n'a  point  maintenant  de  revenu ,  ny  de  maison  presbyte- 
raie  •  car  tous  les  dismes  et  tous  les  biens  stables  ont  esté 
aliénez. 

L'Eglise  de  sainct  Jacques,  apostre,  du  village  d'Orsier. 
La  maison  d'icelle,  les  dismes  et  tous  les  biens  stables  ont 
esté  aliénez  à  perpétuité  à  certains  laies,  sous  une  censé  an- 
nuelle de  soixante  florins,  monnoye  de  Savoye;  et  mainte- 
nant sont  possédez  par  Claude  de  Prez ,  docteur  es  droicts , 
qui  a  promis  de  les  lascher,  pourveu  qu'on  luy  rende  les 
deniers  qu'il  a  payez  aux  Bernois. 

La  maison  de  l'Eglise  de  sainct  Pierre,  apostre,  du.  vil- 
lage de  Draillans,  est  destruite,  tous  les  biens  stables  aliénez 
aux  Genevois.  Là  estoit  autresfois  fondé  un  prieuré  rural 
de  l'ordre  de  Cluny,  duquel  la  maison  subsiste ,  avec  les 
dismes  et  rentes;  mais  quelques  biens  stables  ont  esté 
aliénez.  ^ 

L'Eglise  de  nostre  Dame  du  village  des  Allinges  (  en  la- 
quelle estoit  autresfois  un  doyenné  rural),  avec  son  unie  de 
sainct  Maurice ,  martyr ,  du  lieu  de  Mezinge.  Toutes  deux 
n'ont  point  de  maison.  La  première  a  quelques  biens  stables; 
les  autres  ont  esté  aliénez  sous  des  censés  annuelles.  Les 
dismes  sont  possédez  par  le  prevost  de  l'hospital  des  saincts 
Kicolas  et  Bernard  de  Mont-Jou,  de  la  diocèse  de  S  von. 

La  maisen  presbyterale  de  l'Eglise  de  saint  Sylvestre^ 


« 


30  OPUSCULES 

confesseur,  du  village  de  Penigny,  est  destruicte;  les  biens 
stables  ont  esté  en  partie  vendus,  et  en  partie  aliénez  par  les 
Bernois.  La  sixiesme  part  des  disraes  appartenoit  autresfois 
au  recteur ,  les  autres  cinq  à  Fabbé  du  monastère  de  Filly , 
des  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  sainct  Augustin  :  main- 
tenant tous  ces  dismes  ord  esté  baillez  par  le  pape  Grégoire 
treiziesme  aux  chevalliers  des  saincts  Maurice  et  Lazare. 

L'Eglise  de  sainct  Nicolas ,  confesseur ,  du  village  de  Bra- 
corans.  Devant  l'invasion  du  pays ,  il  y  avoit  en  icelle  un 
monastère  de  religieuses  de  l'ordre  de  Cisteaux,  que  l'on 
appelloit  du  Lieu ,  duquel  l'église  subsiste,  avec  une  partie 
du  monastère.  La  maison  sacerdotale  et  quelques  biens 
stables  ont  esté  aliénez  par  les  Bernois,  sous  une  certaine 
rente  annuelle.  Les  dismes  estovent  divisez  autresfois  en 
cinq  parts,  desquelles  les  deux  appartenoyent  aux  curez,  les 
autres  trois  à  l'abbé  du  monastère  de  nostre  Dame  d'Aux , 
de  l'ordre  de  Cisteaux,  qui  les  possède  encore  maintenant, 
et  les  chevalliers  de  sainct  Maurice  ont  celle  du  recteur. 

L'Eglise  de  sainct  Estienne,  martyr,  du  village  de  Ser- 
vens,  a  sa  maison  presbyterale,  avec  quelques  biens  stables; 
les  autres  ont  esté  aliénez  sous  une  rente  annuelle.  Les 
dismes  sont  possédez  par  les  chevalliers  de  sainct  Mau- 
rice. 

L'Eglise  de  sainct  Jean  Baptiste,  du  village  de  Fessy,  a  sa 
maison  curatiale ,  avec  quelques  biens  stables  et  quelques 
rentes;  le  reste  est  aliéné.  Certaine  part  des  dismes  apparte- 
noit autresfois  au  recteur;  les  autres  sont  encore  possédées 
par  l'abbé  d'Aux ,  et  les  chevalliers  de  sainct  Maurice  pos- 
sèdent celle  du  curé. 

L'Eglise  de  sainct  Maurice ,  martyr ,  du  village  de  Lully , 
a  quelques  censés  et  dismes,  qui  appartenoyent  autresfois  au 
curé,  maintenant  aux  chevalliers  de  sainct  Maurice.  La 
maison  et  quelques  biens  stables  sont  aliénez  sous  une  rente 
annuelle* 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  31  ' 

L'Eglise  de  sainct  Maurice ,  martyr,  du  village  de  Bren- 
tona,  avec  son  unie  de  sainct  Ours,  martyr,  du  lieu  de 
Vigny.  Ceste-cy  est  en  partie  destruite,  celle-là  a  sa  maison 
et  quelques  biens  stables,  les  autres  sous  une  rente  annuelle 
sont  vendus  et  aliénez.  D'icelle  dépendent  encore  certaines 
censés  et  dismes  de  froument,  par  indivis  avec  le  prevost  de 
Montjou  et  quelques  laies.  Les  chevalliers  possèdent  tout  ce 
qui  appartient  à  la  parroissiale. 

L'Eglise  de  sainct  Sylvestre ,  confesseur ,  du  village 
d'Avully,  est  entièrement  destruicte,  et  n'a  point  de  maison. 
Les  biens  stables  sont  en  partie  vendus  sons  la  censé  ap- 
nuelle ,  et  en  partie  aliénez.  L'abbé  d'Aux  perçoit  avec 
quelques  laies  les  dismes  et  censés  par  indivis  et  esgales 
portions. 

L'Eglise  de  sainct  Pierre ,  apostre  ,  du  village  de  Bons ,  a 
sa  maison,  avec  quelques  biens  stables;  tout  le  reste  est 
aliéné  avec  rente.  Elle  a  outre  cela  quelques  censés,  et  la 
troisiesme  part  des  dismes  de  tous  bleds ,  par  indivis , 
pour  les  deux  restantes,  avec  le  monastère  des  religieuses 
du  Lieu  ;  et  tout  cela  est  encore  possédé  par  les  chevalliers. 

L'Eglise  de  sainct  Didier,  martyr,  du  village  du  mesrne 
nom ,  est  de  pareille  condition  que  celle  de  Bons ,  comme 
aussi  l'Eglise  de  saincte  Marie  Magdeleine,  du  village  de 
S'issel. 

L'Eglise  de  sainct  Maurice ,  martyr,  du  village  de  Brens, 
a  sa  maison  et  presque  tous  ses  biens  stables  aliénez.  Ses 
dismes  sont  divisez  en  trois  parts,  desquelles  elle  a  îa  troi- 
siesme ;  pour  les  deux  autres,  elle  est  en  indivis,  en  partie 
avec  la  chapelle  de  nostre  Dame  de  Compassion,  fondée 
autresfois  en  l'église  de  Bons,  en  partie  avec  certains  gentils- 
hommes laies.  Elle  a  outre  cela  des  censés;  et  le  tout  est  pos- 
sédé par  les  chevalliers. 

La  maison  et  les  biens  stables  de  l'Eglise  de  sainct  Pierre, 
apostre  ,  du  village  de  Machilly,  sont  en  partie  vendus ,  et 


^ 


32  OPUSCULES 

partie  aliénez  avec  rente  ;  elle  perçoit  tous  les  dismes ,  tanl 
de  bled  que  de  vin.  Toutesfois  les  chevalliers  ont  cela  main- 
tenant. 

La  maison  presbyterale  de  l'Eglise  de  sainct  Sergue ,  du 
village  du  mesme  nom ,  est  ruinée ,  les  biens  en  partie  ven- 
dus, en  partie  aliénez  ;  elle  a  quelques  censés.  Le  curé  per- 
çoit une  part  des  dismes,  tant  de  bled  que  de  vin,  par  indi- 
vis avec  Fabbé  d'Aux.  Certain  prestre  en  est  légitimement 
prouveu. 

L'Eglise  de  nostre  Dame  du  village  de  Genevry,  avec 
son  unie  de  sainct  Eustache,  martyr,  du  village  de  Buringe. 
Toutes  deux  sont  sans  maison.  Elles  ont  quelques  biens 
stables  ;  les  autres  sont  en  partie  vendus,  en  partie  aliénez. 
Outre  cela  elle  possède  quelques  dismes  par  indivis  avec 
l'abbé  d'Aux. 

L'Eglise  de  sainct  George,  martyr,  du  village  de  Vegy ,  a 
sa  maison ,  en  partie  ruynée  ,  et  quelques  biens  stables ,  les 
autres  en  partie  vendus ,  en  partie  aliénez  ;  outre  quelques 
censés  et  dismes  de  tous  bleds  et  vin  par  indivis  avec  quel- 
ques gentilshommes  laies,  qui  sont  maintenant  possédez  par 
les  Frères  Prescheurs  de  l'ordre  de  sainct  Dominique,  de  la 
ville  de  Chambery,  et  diocèse  de  Grenoble,  par  l'octroy  de 
S.  A.  S. 

L'Eglise  de  sainct  Loup ,  confesseur,  du  village  de  Do- 
vaine  ,  avec  son  unie  de  sainct  Apre ,  aussi  confesseur,  du 
lieu  de  Loisin,  Ceste-cy  n'a  point  de  maison  :  l'autre  avec 
quelques  biens  est  aliénée  ;  et  en  icelle  estoit  autresfois  un 
prieuré  rural  de  l'ordre  de  sainct  Benoist,  duquel  dépendent 
tous  ^s  dismes,  tant  de  bled  que  de  vin,  avec  quelques 
biens  stables.  Ce  prieuré  a  sa  maison ,  qu'un  certain  gen- 
tilhomme laie  tient,  avec  ses  revenue,  par  la  concession 
de  S.  A. 

L'Eglise  de  sainct  Estienne ,  martyr,  du  village  de  Ba- 
leyson,  a  sa  maison  et  ses  biens  aliène?^  elle  perçoit  les 


DE   S.    FRANÇOIS  DE  SALES.  33 

^îîsmes  de  tous  bleds  par  indivis  avec  certains  gentils- 
hommes laies ,  que  son  recteur  possède ,  en  estant  légitime- 
ment pruQveu. 

Quelques  biens  de  l'Eglise  de  sainct  Jean  Baptiste,  du 
village  de  Massongy,  ont  esté  en  partie  vendus ,  et  en  partie 
aliénez.  Elle  a  toutesfois  quelques  censés ,  la  maison  sacer- 
dotale et  quelques  biens  stables ,  que  ses  curez  légitimement 
prouveus  ont  possédés  jusques  à  présent;  ensemble  les 
<lismes  du  bled  et  du  vin  par  indivis  avec  certains  gentils- 
hommes laies. 

L'Eglise  de  nostre  Dame  du  bourg  de  Filly,  en  laquelle 
estoit  autresfois  un  monastère  de  huict  chanoines  réguliers 
de  Tordre  de  sainct  Augustin ,  qui  a  esté  aliéné  par  les  Ber- 
nois à  certain  gentilhomme  laie  ;  et  duquel ,  comme  de  la 
parroissiale ,  les  biens  stables  ont  esté  en  partie  vendus ,  en 
^partie  aliénez.  Les  dismes  ,  censés  et  autres  biens ,  sont  pos- 
sédez par  les  chevalliers. 

L'Eglise  de  sainct  Maurice ,  martyr,  du  village  de  Sier, 
avec  son  unie  de  nostre  Dame ,  du  lieu  de  Chavanay.  Elle  a 
sa  maison  et  quelques  biens  stables  ;  tout  le  reste  est  aliéné. 
Les  dismes  dépendent  de  l'abbaye  de  Filly,  et  sont  possédez 
par  les  chevalliers. 

L'Eglise  des  saine ts  Ferreol  et  Ferruce,  martyrs,  du  village 
de  Margencel,  a  sa  maison  et  quelques  biens  stables;  le 
reste  est  en  partie  vendu ,  en  partie  aliéné.  Mais  outre  cela , 
elle  a  quelques  censés  et  dismes,  que  les  chevalliers  possèdent 
par  indivis  avec  le  doyen  des  Allinges. 

L'Eglise  de  sainct  Barthele  jy ,  apostre  ,  du  village  d'An- 
':hy.  Sa  maison ,  tous  ses  biens  stables ,  tous  les  dismes ,  tant 
de  bled  que  de  vin ,  appartenans  autresfois  au  doyen  des 
Allinges,  ont  esté  en  partie  vendus,  en  partie  aliénez  par  les 
Bernois  ;  et  pource  n'a  point  de  revenus. 

L'Eglise  de  sainct  Symphorian ,  martyr,  du  village  d'Es- 
che venay,  a  sa  maison  et  quelques  biens  aliénez  par  les  Ber- 
VI.  3 


34  OPUSCULES 

nois.  Il  y  en  a  toutesfois  quelques-uns  de  stables,  et  certaine 
partie  des  dismes;  les  autres  dépendent  de  Tabbaye  de  Filly, 
et  sont  possédez  par  des  chevalliers. 

L'Eglise  de  sainct  Pancrace ,  martyr,  de  la  ville  d'Yvoire, 
avec  son  unie  de  sainct  Martin ,  confesseur,  du  village  de 
Narny .  Toutes  deux  sont  sans  maison  :  celle  d' Yvoire  est  pres- 
que destruicte  :  elle  a  quelques  biens  stables;  le^  autres  sont 
en  partie  vendus ,  en  partie  aliénez.  Les  dismes  dépendent 
en  partie  de  l'abbaye  de  Filly,  que  les  chevalliers  possèdent, 
en  partie  sont  perçeuz  par  certains  gentilshommes  laies. 

L'Eglise  de  sainct  Pierre ,  apostre,  du  village  de  Messery, 
a  sa  maison  avec  quelques  biens  stables;  le  reste  est  aliéné. 
Certaine  partie  des  dismes  appartient  au  prieuré  de  Dovaine  ; 
certaine  autre  au  chapitre  de  l'Eglise  cathédrale  de  sainct 
Pierre  de  Genève,  usurpée  par  les  hérétiques  Genevois; 
l'autre  partie  est  possédée  par  certains  gentilshommes,  et  une 
autre  encore  dépend  de  l'abbaye  de  Filly. 

L'Eglise  de  nostre  Dame ,  du  village  de  Gusy,  a  sa  maison 
qui  menace  de  ruine;  ses  biens  stables  sont  aliénez.  Les 
dismes  appartiennent  à  l'abbé  du  monastère  de  nostre  Dame 
d'A^bondance,  des  chanoines  réguliers  de  Tordre  de  sainct 
Augustin,  lequel  abbé  a  payé  jusques  à  présent  ime  pension 
annuelle  au  curé ,  que  les  Jacobins  de  Chambery  possèdent 
par  la  concession  du  Duc. 

L'Eglise  de  sainct  George,  martyr,  de  la  ville  d'Her- 
mance,  a  sa  maison  presque  ruinée,  et  quelques  biens 
stables  ,  les  autres  estans  ou  '''^ndus  ou  aliénez  ;  outre  cela , 
quelques  censés.  Les  dismes  sont  possédez  par  l'abbé  d'Abon- 
dance et  quelques  laies, 

L'Eglise  de  nostre  Dam^,  ciu  village  d'Asnieres,  et  l'E- 
glise de  sainct  Jean  Baptiste ,  du  village  de  Corsier ,  sont 
d'une  mesme  condition  l'une  et  l'autre.  Leurs  maisons  sont 
destruictes;  leurs  biens  stables,  ou  vendus  ou  aliénez.  Ld 
recteur  légitimement  prouveu  possède  les  dismes. 


DE   S.    FRANÇOIS   hf.   SALES.  35 

L'Eglise  de  nostre  Damcî ,  <lvi  village  de  Marsilly ,  delà  de 
la  Durance,  est  toute  aliénée  à  des  gentilshommes  :  maisons, 
biens  stables  et  dismes. 

L'Eglise  de  sainct  Jacques ,  apostre  ,  du  village  de  Marti- 
gny,  autresfois  filleule  et  unie  à  l'Eglise  de  sainct  Pierre , 
■apostre ,  du  village  de  Lugrin ,  delà  de  la  Durance ,  n'a  ny 
maison ,  ny  biens  stables,  ny  dismes,  ny  censés  ;  mais  tout 
est  aliéné  à  des  gentilshommes  laies. 

'     Et  tel  est  Testât  des  Eglises  du  Chabîais,  deçà  la  Durance» 
Maintenant  quant  au  bailliage  de  Ternier  : 

BAILLIAGE  DE  TERNIER. 

L'Eglise  de  sainct  Maurice  ,  martyr,  du  village  de  Very, 
sous  la  montagne  de  Saleve,  a  sa  maison  et  quelques  biens 
stables,  quelques  censés  et  quelques  dismes;  le  reste  est 
aliéné.  Elle  perçoit  une  pension  annuelle  des  dismes  delà 
paroisse  de  Troine  ,  appartenans  au  chapitre  de  l'Eglise  ca- 
thédrale ,  usurpez  par  les  hérétiques  de  Genève.  Les  autres 
revenus  sont  possédez  par  les  chevalliers. 

L'Eglise  de  sainct  Martin  ,  confesseur,  du  village  de  Col- 
longes,  sous  le  mont  de  Salleve,  avec  son  unie  de  sainct  Ma- 
mert,  du  village  d'Erchant.  Ceste-cy  n'a  point  de  maison, 
celle-là  en  a  une,  mais  presques  ruinée,  avec  quelques  biens 
stables  :  les  autres  biens  de  l'une  et  de  l'autre  ont  esté  en 
partie  vendus,  en  partie  aliénez  par  les  Bernois.  Elle  a, 
outre  cela ,  quelques  censés  et  dismes  de  la  paroisse  de  Col- 
longes  :  car  ceux  d'Erchant ,  appartenans  au  prieur  de  Lul- 
lier,  sont  usurpez  par  les  hérétiques  de  Genève,  qui  d'iceux 
payent  une  certaine  pension  au  recteur  canoniquement 
prouveu. 

L'Eglise  de  sainct  Estienne  martyr,  du  village  de  Beau- 
mont.  Sa  maison  est  aliénée ,  avec  quelques  biens  stables  ; 
elle  a  la  troisiesme  partie  des  dismes  ,  par  indivis  avec  le 
prieur  de  sainct  Jean  auprès  et  au  dehors  des  murs  de  la  cité 


30  OPTISCrLES 

de  Genève  pour  les  autres  daux  parts;  lequel  prieuré  est 
possédé  par  les  chevalliers. 

La  maison  parroissiale,  qui  est  maintenant  ruinée,  de  l'E- 
glise de  nostrc  Dame,  du  village  de  Yers.  Les  biens  stables, 
dismes  et  autres  revenus,  sont  aliénez  à  certain  gentilhomme. 
Il  en  est  de  mesme  de  l'Eglise  de  nostre  Dame,  du  village  de 
Clienex. 

La  nef  de  l'Eglise  de  sainct  Eusebe,  confesseur,  du  village 
d'Humilly,  menace  de  ruine.  Elle  a  sa  maison  avec  quelques 
biens  stables ,  les  prémices  luy  sont  deuës  par  les  parrois- 
siens  ;  tous  les  autres  biens  sont  aliénez. 

L'Eglise  de  sainct  Jean  Baptiste ,  du  village  de  Mallagny, 
est  rtiinée ,  et  sa  maison  pareillement.  Elle  a  quelques  biens 
stables  et  quelques  censés ,  perçoit  des  parroissiens  les  pri- 
znices ,  et  tous  les  ans  les  nouvellets  ;  les  autres  dismes  ap- 
partiennent au  chapitre  de  l'Eglise  cathédrale ,  mais  ils  sont 
usurpez  par  les  Genevois. 

L'Eglise  de  sainct  Martin ,  confesseur,  du  village  d'Exer- 
tet ,  est  entièrement  destruicte  avec  sa  maison.  Elle  a  quel- 
ques biens  stables  ;  certain  gentilhomme  a  usurpé  les  dismes 
et  les  retient.  De  mesme  que  la  maison ,  dismes  ,  censés  et 
biens  stables  de  l'Eglise  de  sainct  Maurice ,  martyr,  du  vil- 
lage de  Yiry  (  auquel  lieu  estoit  autresfois  une  Eglise  collé- 
giale de  dix  chanoines  séculiers,  avec  un  doyen),  et  son  unie 
du  mesme  tiltre,  du  village  de  Leluyset,  est  aussi  de  mesme 
condition.  Elle  tire  certains  revenus  en  la  parroisse  de  Ser- 
nex ,  riere  le  Genevois. 

L'Eglise  de  sainct  Lazare ,  confesseur,  du  village  de  Fe- 
geres ,  a  maison ,  dismes ,  censés  et  biens  stables  ;  mais  tout 
cela  est  aliéné  à  certain  gentilhomme, 

L'Eglise  de  sainct  Brice ,  confesseur,  du  village  de  There- 
rier,  est  sans  maison;  ses  biens  stables  sont  aliénez  à  des 
l^ics  ;  elle  a  toutesfois  encore  quelques  dismes  et  prémices  | 
dont  son  recteur  jouyt  paisiblement. 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  37 

L'Eglise  de  sninct  Julian  ,  uu  huarg  du  mesme  nom ,  a  sa 
uiaisoii ,  SCS  dismes  et  ses  prémices  ,  dont  le  recieur  est  eik 
possession  ;  tout  le  reste  est  aliéné. 

L'Eglise  de  nostre  Dame ,  du  village  de  Bardonnex ,  est 
convertie  en  pressoir,  et  la  maison  sacerdotale  en  chasteau  ; 
tous  ses  biens  stables  sont  aliénez.  Elle  a  des  dismes,  des 
prémices  et  des  censés  ;  mais  tout  cela  est  possédé  par  un 
certain  gentilhomme,  qui  dict  en  avoir  la  concession  de  S.A. 

La  maison  de  l'Eglise  de  sainct  Sylvesti'e ,  confesseur,  du 
village  d.'  Compesieres,  est  destruicte,  les  biens  stables  alié- 
nez ;  les  dismes  sont  perçeus  par  le  commandeur  de  Gene- 
vois ,  de  l'hospital  de  sainct  Jean  de  Hierusalem  ;  les  pri- 
niices ,  rediiictes  en  censé  annuelle ,  sont  payées  par  les  par- 
roissiens  aux  chevalliers  de  sainct  Maurice. 

L'Eglise  de  sainct  Jean  Baptiste ,  du  village  de  Lullier, 
est  ruinée  avec  sa  maison ,  ses  biens  stables  aliénez  :  les 
dismes  appartiennent  au  prieuré  rural  de  Tordre  de  sainct 
Benoist ,  qui  autresfois  y  estoit  fondé ,  et  perpétuellement 
uny  à  la  chappelle  de  nostre  Dame  auprès  et  hors  des  murs 
de  l'Eglise  cathédrale ,  érigée  et  dotée  par  Jean ,  cardinal 
d'Hostie ,  que  les  citoyens  de  Genève  usurpent. 

La  maison  et  les  biens  de  l'Eglise  de  sainct  Pierre  et  de 
sainct  Paul,  apostres,  du  village  de  Gonsignon,  sont  aliénez; 
elle  a  les  dismes  de  tous  bleds  et  du  vin  par  indivis  avec  le 
prieur  de  sainct  Jean ,  auprès  et  hors  des  murs  de  la  cité  de 
Genève,  maintenant  possédez  par  les  chevalliers. 

L'Eglise  de  sainct  Matthieu,  apostre,  du  village  deVullio- 
nex ,  est  entièrement  rasée  avec  sa  maison  ,  ses  biens  stables 
aliénez  à  plusieurs  personnes,  les  dismes  usurpez  par  un 
gentilhomme  laie. 

L'Eglise  de  sainct  Maurice,  martyr,  du  village  de  Bernex, 
a  sa  maison  presbyterale ,  quelques  biens  stables ,  les  dismeJ 
de  tous  bleds  et  vin  ,  et  quelques  censés  ;  mais  cela  est  pos- 
sédé par  les  chevalliers.  Tout  le  reste  est  aliéné. 


33  '  OPUSCULES 


Ontï'eces  Eglises,  il  y  en  a  encore  douze  antres  au  mesnie 
bailliage  de  Ternier,  desquelles  les  parroissiens  n'ont  paS 
encore  embassé  la  foy  catholique ,  parce  qu'elles  ^ont  usur- 
pées par  les  Genevois,  et  que  les  minisfres  hérétiques  y 
preschent  encvore  :  Vallerier,  Lancy,  Onay,  Caitigny ,  Laco-  ' 
nex,  Chancy,  Avusies,  Troines ,  Sieines,  Bossay,  Cuordcs 
^t  Yierdens. 

Et  tel  est  Testai  des  Eglises  du  bailliage  de  Ternier, 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  39 


/  w» 


V. 

MÉMOIRE 

SUR  LES  BÉNÉFICES  SITUÉS  EN  CHABLAÏS , 

QUE  DEifflANDE  L'eVESQUE  DE  GENEVE  *. 

(L'original  existe  aux  archives  de  la  Religion  des  saints  Maurice  et  Lazare, 

à  Turin.) 

1621. 

Outre  tout  ce  que  les  ecclésiastiques  tiennent  maintenant, 
l'Evesque  de  Genève  demande  : 

Les  censés  de  Bellerive  pour  deux  ans  ; 

Les  prétentions  que  les  dits  seigneurs  chevalliers  pour- 
royent  avoir  sur  Vulliomiex  avec  tout  ce  qui  dépend  du  dit 
Vulliomiex  ou  en  dependoit  ; 

Pouvoir  de  rachetter  tous  les  biens  dependans  des  cures  et 
chapelles,  de  quelle  nature  qu'ils  puissent  estre.  Et  parce  que 
les  seigneurs  chevalliers  rachetans  les  biens  des  autres  béné- 
fices pourroyent  ou  par  mes2;arde  ou  autrement  prendre  les 
biens  des  cures  en  guise  des  .xutres,  seront  obligés  de  monstrer 
les  contracts  aux  députés  de  TEvesque ,  par  lesquels  il  sera 
regardé  si  les  dits  sont  ou  aux  cures  ou  aux  autres  bene- 
iices. 

*  Se  trouve  parmi  les  Lettres  inédites  de  la  collection  Biaise,  lettre  2791 


40  OPUSCULES 


VI. 

^  RÉPONSE 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  LA  REQUÊTE  DES  CHEVALIERS. 

(Tiré  de  la  Vie  du  Saint,  tom.  Te*",  page  270.) 

(!«'  mai  1SS9.) 

Premièrement.  Le  prevost  de  Sales  proteste  de  n'avoir 
ny  prétendre  aucun  droict  sur  les  biens  mentionnez  en  la 
requeste ,  et  partant  ne  vouloir  en  aucune  façon  se  porter 
pour  partie  contre  les  supplians. 

Secondement.  Que  le  bref  rapporté  par  luy  du  sainct 
Siège  a  esté  demandé,  accordé  et  obtenu  pour  le  service  de 
Dieu,  de  TEglise  et  de  S.  A.,  à  laquelle  il  touche  de  le 
soustenir,  et  non  à  celuy  qui,  comme  simple  serviteur,  le 
porte  et  produict,  et  qui  n'a  en  ceste  affaire  autre  interest 
que  le  gênerai  de  l'advancement  du  royaume  de  Dieu. 

Troisiesmement.  Que  neantmoins ,  s'il  plaist  à  S.  A.  qu'i» 
celuy  prevost,  comme  serviteur,  rende  raison  de  la  volonté 
du  Pape,  porté  par  le  bref  ol>'*>nu ,  il  dira  : 

Quatriesmement.  Que  le  bref  de  nostre  sainct  Père  Clé- 
ment huictiesme  est  en  conformité  de  celuy  de  Grégoire 
treiziesme,  allégué  par  les  supplians,  auquel  le  mesme  Pape, 
prévoyant  au  cas  heureusement  advenu  en  nos  jours  sou» 
l'authorité  de  S.  A.,  baille  les  bénéfices  des  bailliages  à  la 
Milice  (comme  inutiles  alors  à  leur  naturel  usage,  qui  estoit. 
indubitablement  le  maintie;:  iss  gens  d'Eglise)  avec  ceste^ 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  4! 

condition  :  De  sorte  toutesfois  qu'aussi  tost  que  les  habi- 
tans  de  ces  lieux  viendroyent  à  recevoir  la  lumière  de  la 
foy ,  par  la  miséricorde  du  Seigneur,  en  quelle  part  que 
cela  arrivast,  les  Ordinaires  des  lieux  ausquels  ils  estoyent 
subjects  instituassent  des  églises  parroissiales ,  et  autres  lieux 
ecclésiastiques  propres  pour  IV^ercice  de  la  charge  des  âmes, 
avec  une  dote  non  moindre,  des  proprietez  des  mesmes 
biens,  en  nombre  juste  etcompetant,  et  leur  fust yrouveu 
par  les  mesmes  Ordinaires  de  recteurs  et  pasteurs  capables, 
ensuite  de  la  dispense  du  concile  de  Trente ,  et  autres  décrets 
canoniques.  Lesquelles  conditions  sont  apposées  en  faveur 
de  nostre  cause. 

Cinquiesmement.  Et  quand  telle  condition  ne  seroit  point 
apposée  au  bref  de  Grégoire  treiziesme ,  le  Pape  d'aujour- 
d'huy,  qui  peut  disposer  absolument  en  cet  endroict,  dispose 
en  faveur  des  peuples  et  de  l'advancement  de  la  religion 
cbrestienne ,  comme  il  appert  par  son  bref; 

Sixiesmement.  Auquel  neantmoins  il  n'y  a  aucun  poinct 
préjudiciable  à  la  Milice  plus  qu'en  la  condition  insérée  en 
celuy  de  Grégoire,  de  laquelle  il  n'est  qu'une  déclaration 
pour  lever  toutes  les  occasions  de  douter; 

Septiesmement.  Car  ce  qu'il  semble  que  la  Milice  treuve 
de  dur  en  ce  bref  postérieur  est,  en  premier  lieu,  que  la  Reli- 
gion est  spoliée  de  toutes  sortes  de  bénéfices.  Mais  la  condition  ^_^ 
dict  indistinctement  :  «  des  proprietez  des  mesmes  biens,  » 
et  le  Concile  de  Trente ,  par  le  droict  mesme ,  donne  le  pou- 
voir des  portions  congrues  sur  tous  les  bénéfices.  En  second 
lieu ,  que  cela  se  fasse  sous  prétexte  de  l'entretenement.  Mais 
cela  n'est  en  aucune  façon  pr  texte  ;  car  c'est  une  pure  et 
saincte  réalité ,  à  laquelle  non  seulement  Clément ,  mais 
Grégoire  prouvoit  par  la  condition.  En  troisicsme  lieu,  qu<» 
la  détermination  de  l'entretenement  soit  remise  à  l'Evesque. 
Mais  et  le  Concile  de  Trente  exprés ,  et  la  condition  de  Gré- 
goire, remet  tout  cela  à  la  cognoissance  des  evesques.  Ea 


42  OPUSCULES 

quatriesme  lieu ,  du  nombre  des  gens  nécessaires ,  voulant 
que  cela  se  fasse  selon  le  nombre  qui  fut  estably  lors  que 
S.  A.  estoit  à  Tonon.  Mais  on  ne  le  surpasse  pas,  et  à  peine 
y  aura-il  qui  suffise.  Et  si  l'expérience  avoit  apprins  qu'il 
en  fallust  davantage,  faudroit-il  Tempescher?  Mesmement 
qu'on  avoit  réduit  au  moindre  nombre  pour  laisser  quelque 
moyen ,  s'il  estoit  possible,  pour  rebastir,  faire  des  paremens, 
et  autres  choses  nécessaires  ;  lesquelles  faictes,  et  le  peuple 
estant  accreu,  on  pensoit  aussi  de  multiplier  les  curez  ou 
vicaires.  En  cinquiesme  lieu ,  que  le  bref  ayt  esté  accordé 
sans  que  leur  Milice  ayt  esté  ouye.  Mais  la  condition  apposée 
par  Grégoire,  à  laquelle  ils  ont  consenty,  les  relevoit  de 
ceste  peine.  Et  quelle  raison  pouvoyent-iîs  apporter  pour 
empescher  ce  bref?  Certes ,  elle  ne  pouvoit  estre  qu'en  faict 
ou  en  droict.  En  droict,  c'est  la  production  du  bref  de  Gré- 
goire :  mais  le  Pape  Clément  l'insère  presque  tout  au  sien, 
er.  n'ignoroit  rien  de  ce  qu'il  contient,  ayant  procédé  avec 
certaine  science.  En  faict,  niant  la  réduction  de  ces  peuples  : 
mais  cela  ne  se  pouvoit  pas;  et  de  plus,  quand  il  n'y  en  eust 
que  dix  de  chaque  paroisse  avec  liberté,  It  Pape  eust  tous- 
jours  disposé  (comme  il  a  faict)  en  leur  faveur. 

Iluictiesmement.  Mais  la  Milice  allègue  deux  raisons  : 
l'une,  crainte  d'abus  eu  l'exécution.  Mais  on  respond  à  cela 
qu'il  luy  demeurera  toujours  lieu  de  s'en  plaindre,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  dt  retarder  le  cours  d'une  si  nécessaire 
exécution.  En  second  n'a,  elle  craint  le  droict  de  nomina- 
tion. Mais  ce  seront*  des  serviteurs  et  subjects  de  S.  A.  La 
moindre  ame  ou  messe  vaut  plus  que  toutes  les  nominations 
pour  la  conservation  de  S.  A.  Au  reste,  c'est  un  ordre  du 
Concile  de  prendre  les  portions  congrues  sur  tous  les  bé- 
néfices. 

Neufviesmement.  Quant  aux  revenus,  il  n'y  en  a  pas  assez 
cour  faire  ce  qu'il  faudroii. 

*  C'cit'U-dire ,  les  curés. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES. 

Dixiesmement.  Il  eus*  anieux  vallu  de  ne  rien  faire  que 
<îe  faire  froidement. 

Onziesmement.  La  Religion  ne  sçauroit  pas  mieux  faire 
pour  sa  profession. 

Douziesmement.  En  fin  le  bien  du  peuple  doit  estre  sou- 
veraine loy.  Pas  un  particulier  n'en  prend  pour  soy,  ny 
Monsieur  de  Genève,  ny  moy.  On  fera  exactement  le  calcul 
de  tout  le  revenu,  en  l'assistance  d'un  officier  de  S.  A.,  ou 
de  plusieurs.  Partant  le  Prévost  de  Sales,  comme  tres-humble 
serviteur,  subject  et  orateur  de  V.  A.,  supplie  pour  l'amour 
de  Dieu  que  l'exécution  ne  soit  aucunement  retardée ,  mais 
plustost  avancée ,  maintenue  et  soustenue  par  les  grâces  né- 
cessaires d'icelle  ;  et,  comme  humble  serviteur  et  orateur  de 
la  Milice ,  la  supplie  de  se  contenter  avec  l'œil  ouvert  pour 
voir  s'il  se  fera  aucun  abus,  et  de  ne  prendre  point  pour 
estre  fait  contre  son  service  ce  qu'il  a  faict  pour  servir  la 
cause  de  la  religion ,  sans  aucune  mauvaise  affection  contre 
l'honneur  et  service  quHl  doit  à  tous  les  chevalliers. 


^ 


44  OPUSCULES 


VIL 


DISCOURS 

De  saint  François  DE  SALES  au  duc  de  Savoie,  en  conséquence  de  la  re- 
quête et  des  réponses  précédentes.  (Tiré  de  la  Vie  du  Saint,  tome  Ie% 
page  273.) 

(Au  commencement  du  mois  de  mal  1599. 

Monseigneur,  V.  A.  avoit  donné  main  levée ,  par  manière 
de  provision,  attendant  la  déclaration  du  sainct  Siège,  de 
tous  les  bénéfices  de  Chablais  et  Ternier,pouî  'rentretenement 
des  ecclésiastiques  nécessaires  pour  l'exercice  de  la  religion 
catholique ,  r'establie  depuis  peu  en  ces  pays-là  par  le  bon 
zèle  de  V.  A.  Son  sénat,  et  sa  Chambre  des  Comptes  n'ont 
point  voulu  encore  interiner  les  patentes  expédiées  pour  cet 
ejffect.  Sa  Saincteté,  suyvant  la  saincte  intention  de  V.  A.,  a 
donné  plein  pouvoir  au  reverendissime  Evesque  de  Genève 
de  desunir  et  desmembrer  les  bénéfices  unis  à  la  Milice  des 
saincts  Maurice  et  Lazare  (laquelle  tient  la  pluspart  de  ceux 
de  Chablais  et  Ternier),  autant  qu'il  jugera  expédient  pour 
l'intruction  de  ces  peuples  convertis,  réparations  des  églises, 
autels,  et  autres  nécessitez.  V.  A.  commande  par  un  décret 
du  vingt  neufviesme  avril  de  ceste  année  qu'on  sursoye  à 
toute  exécution  :  si  que  ces  pauvres  convertis  demeurent 
desprouveuz  et  privez  de  tous  les  moyens  requis  à  la  conti- 
nuation de  la  saincte  religion  qu'ils  ont  embrassée  par  la 
saincte  conduite  de  V.  A.  avec  tant  de  bon  exemple  pour 
tous  ceux  qui  en  ont  eu  le:,  advis.  Dont  moy,  auquel  V,  A. 
a  commandé  d'attendre  et  demander  sa  bonne  volonté  sur 
cela ,  supplie  tres-humblement  que,  faisant  considération  sur 
la  qualité  de  l'affaire,  qui  ne  peut  astre  retardée  sans  estre 


DE   S.    FRANÇOTSDE  SALES.  4S 

raynée ,  îl  luy  plaise ,  ou  de  commander  absolument  et  effi- 
cacement que  le  bref  de  S.  S.  soit  mis  en  exécution  sans 
aucun  delay  (sauf  à  la  Milice  de  recourir  en  cas  d'abus,  et 
se  prouvoir  comme  et  vers  qui  elle  verra  affaire),  ou  de 
commander  expressément  à  l'un  des  sieurs  de  son  Sénat, 
ou  Chambre  des  Comptes  de  Savoye ,  d'assister  à  Fexecutiou 
qui  se  fera  par  le  reverendissime  Evesque  de  Genève ,  à  la- 
quelle pourra  aussi  entrevenir  un  député  par  le  conseil  de  la 
Milice ,  h  Un  que  toute  accusation  d'abus  soit  évitée.  Or  j'as- 
seure  V.  A.,  Monseigneur,  qu'en  l'exécution  de  ce  bref,  le 
reverendissime  Evesque  de  Genève  observera  tres-estroicte- 
ment  ces  conditions  :  de  n'outrepasser  pas  le  nombre  juste 
et  competant  des  gens  nécessaires  à  l'œuvre ,  lequel  neant- 
moins  ne  peut  pas  estre  précisément  déterminé  sans  une 
particulière  cognoissance  des  circonstances  des  lieux,  d'as- 
sembler en  un  srros  tous  les  bénéfices  des  baillia2:es  con- 
vertis,  tant  affectez  cy- devant  à  la  Milice  qu'autres  quel- 
conques (ceux-là  exceptez  desquels  V.  A.  auroit  autrement^ 
prouveu  depuis  la  conversion  de  ces  peuples),  afin  que  de 
ce  tout  soyent  levées  les  parties  nécessaires  pour  le  service 
de  Dieu ,  de  faire  une  juste  estimation  de  chaque  bénéfice, 
et  de  n'outrepasser  l'usage  requis  et  juste  employ  d'iceux, 
tant  en  l'assignation  des  portions  congrues  qu'autres  œuvres 
nécessaires  à  la  manutention  de  la  foy.  Et  quoy  que  tout  le 
revenu  du  Chablais  qui  est  en  estre  malaisément  puisse  suf- 
fire à  ce  qu'il  seroit  besoin^  de  faire  en  ce  commencement, 
auquel  on  ne  sçauroit  faire. que  trop  peu  ,  si  est-ce  que  le 
mesme  Evesque,  quant  à  ce  qui  touche  à  son  devoir,  se  con- 
tentera de  ce  qui  est  nécessairement  nécessaire;  laissant  au 
surplus  à  la  piété  deV.  A.  de  prouvoir  au  collège  des  Jésuites 
desja  conclu  et  destiné  par  elle  avec  le  Père  General  de 
l'Ordre,  et  autres  amplifications  du  service  de  Dieu,  qui  sont 
dételle  importance  que  son  zèle  sçaura  bien  luy  représenter. 
Je  supplie  donc  tres-humblement  V.  A.  qu'il  luy  plaise  de 


45  '  OPUSCULES 

me  r'envover  au  pliistost  despesches  sur  ce  subject;  et  elle 
attirera  sur  soy  et  sur  ses  desseins  la  l)enediction  divine, 
que  luy  souhaitteront  perpétuellement  tant  d'ames  faictes 
et  maintenues  Catholiques  par  son  soing  et  prouvoyance 
Chrestienne. 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES,  47 


VIII. 


ÉRECTION 

De  la  Confrérie  des  pénitents  de  la  Sainte  Croix ,  de  l'un  et  l'autre  sexe, 
étalilie  ù  Annecy  le  \^^  jour  de  septembre  1593,  par  S.  François  DE  SALES, 
alors  prévôt  de  l'église  de  Saint-Pieire  de  Genève,  et  seulement  sous-diacre. 
(Tiré  de  la  Vie  du  Saint,  par  Auguste  de  Sales,  liv.  l^',  pag.  65.; 

Premièrement,  il  voulut  qu'elle  fust  appellée  du  nom  de 
la  saincte  Croix,  parce,  clisoit-il,  que  socs  les  salutaires 
enseignes  de  la  Croix  la  relig^ion  Catholique  est  conservée  , 
Fancien  ennemy  du  genre  humain  ,  semeur  de  zizanie ,  en 
est  terry,  et,  au  temps  passé,  non  seulement  les  bien-heureux 
Pères  s'en  sont  servis  pour  chasser  les  tentations,  mais  encore 
les  Empereurs ,  les  Roys  et  les  Princes  pour  combaltre  les 
intîdelles  et  subjuguer  les  hérétiques  ,  non  sans  de  grandes 
victoires  et  triomphes.  Il  luy  bailla  aussi  le  nom  de  la  Con- 
ception de  la  glorieuse  Yierge  Marie,  parce,  disoit-il,  que  la 
tres-pure  et  tres-sacrée  Vierge ,  mère  de  nostre  Sauveur, 
conçeuë  sans  aucune  tache  de  péché  originel ,  prie  incessa- 
ment  pour  le  peuple ,  entrevient  pour  le  clergé  ,  intercède 
pour  le  dévot  sexe  féminin  ,  donne  secours  aux  oppressez  , 
reprime  les  efforts  des  hérétiques  et  intîdelles  ,  et  délivre  les 
bons  de  tous  maux.  Finalement,  il  voulut  encore  qu'elle 
fust  appellée  du  nom  de  sainct  Pierre  et  sainct  Paul  Apostres, 
les  glorieux  Princes  de  la  terre;  dont  cestuy-cy  a  esté 
docteur  des  gentils,  et  T autre,  vicaire  de  Jésus- Christ , 
fondement  de  l'Eglise ,  et  la  foy  duquel  no  viendra  jamais  à 
défaillir  ;  parce ,  disoit41 ,  que  tous  deux  ont  illustré  par 
leur  propre  mort  la  saincte  Eglise  Romaine,  Mère  et  Mais- 
Ij'csse  de  toutes  les  autres  Eglises,  et,  estans  les  patrons  titu- 


48  orusciTLES 

Taire  de  l'illustre  Eglise  de  Genève ,  l'ont  conservée  avec  sa 
ville ,  sa  diocèse  et  ses  peuples  dans  la  profession  de  la  foy 
orthodoxe  ,  sans  la  moindre  *ache  d'heresie  ,  quasi  depuis  le 
berceau  de  l'Eglise  jus^uer  "â  l'an  mille  cinq  cens  trente  et 
cinq ,  que  Sathan  ,  autneur  de  tous  maux  ,  infecta  tellement 
la  cité  et  une  partie  de  la  diocèse  par  la  contagion  de  plusieurs 
diverses  et  contraires  erreurs,  et  par  de  tres-violens  troubles 
d'heresies,  —  chassant  le  sacré  prélat,  ses  chanoines ,  tout  le 
clergé  et  les  autres  observateurs  de  la  vraye  foy,  destruisant 
les  églises  ,  rasant  les  autels  ,  fracassant  les  images  ,  pillant 
les  ornemens ,  dispersant  et  foulant  aux  pieds  les  reliques 
des  Saincts  ,  et  polluant  en  fin  toutes  les  choses  divines,  — 
que  de  là  ceste  misérable  cité  est  devenue  la  nourrice  des 
guerres  et  homicides,  Finventeresse  des  trahisons,  lo  sentine 
et  l'esgoust  des  embrasemens  et  rapines ,  l'azile  des  plus 
pervers  et  criminels  de  toute  l'Europe  :  si  que  l'on  peut  dire 
à  bonne  raison  qu'elle  est  l'origine  de  tous  les  malheurs  qui 
ont  affligé  jusques  à  présent  la  France  et  la  Savoye.  Partant, 
disoit  le  pieux  François,  il  est  à  espérer  que  si,  à  l'invocation 
de  ce  signe  salutaire  de  la  Croix ,  et  implorant  les  suffrages 
de  la  glorieuse  Vierge  et  des  saincts  Apostres ,  nous  nous 
convertissons  au  Dieu  des  miséricordes  avec  une  vraye  com- 
punction  de  cœur,  par  des  gemissemens,  des  prières,  des 
jeusnes ,  de  fréquentes  confessions  de  nos  péchez ,  des  com- 
munions ,  et  autres  bonnes  œuvres  vrayement  chrestiennes ; 
ce  mesme  grand  Dieu,  lequel  (quoy  que  tres-clement  et 
doux)  veut  estre  prié,  contrainct,  et  quasi  comme  vaincu 
par  certaine  importunito  et  prière  continuelle  ,  nous  retirera 
et  délivrera  de  toute  vexation  des  hérétiques,  des  incursions 
vit  insolences  des  soldats  ,  de  la  famine  qui  nous  presse  ,  des 
maladies  qui  nous  afïligent,  des  guerres  qui  nous  accablent, 
et  tels  autres  dangers  qui  sont  à  nos  portes,  et,  esteignant  en 
la  misérable  cité  3t>  Genève  les  ennemis  de  sa  divine  Majesté, 
de  la  nature  humaine  et  des  hommes,  y  fera  refleurir  la 


DE    S.    FRANÇOTS   DE    SALES.  49 

saÎTicte  et  sacrée  religion  catholique  ,  et  nous  remettra  dans 
nos  propres  sièges  et  dans  nostre  propre  église  ,  de  laquelle 
ayant  esté  chassez  il  y  a  plus  de  cinquante  ans  ,  nous  avons 
résidé  en  cette  ville  d'Anicy  comme  advenaires  et  pèlerins  en 
une  église  mendiée.  Donc,  puis  que  la  continuelle  prière  de 
plusieurs  est  tres-agreable  à  Dieu,  et  que  le  plus  grand  moyeii 
d'implorer  son  secours  est  si  les  esprits  de  plusieurs  fidelles, 
congregez  et  assemblez  au  nom  de  nostre  Seigneur  Jésus 
Christ  (lequel  a  promis  de  se  freuver  au  milieu  d'eux),  con- 
sentent à  une  mesme  dévotion  par  la  coopération  du  sainct 
Esprit;  à  l'imitation  des  autres  provinces  et  citez,  qui  se 
sont  treuvées  allégées ,  avec  beaucoup  de  consolation ,  de 
semblables  nécessitez  et  dangers  par  des  érections  de  diverses 
Confréries  et  Congrégations,  sous  divers  noms  toutesfois,  et 
sous  diverses  invocations  ;  François  de  Sales,  Prévost  de  l'E. 
glise  de  Genève,  avec  ses  Chanoines,  à  la  plus  grande  gloire 
de  Dieu ,  et  honneur  de  toute  la  cour  céleste ,  érigea  et  ins- 
titua à  perpétuité  ceste  salutaire  Confrairie  de  penitens  de 
l'un  et  de  l'autre  sexe  ,  à  l'autel  de  la  saincte  Croix ,  situé 
dans  Feglise  de  Genève ,  et  pour  le  temps  à  l'autel  de  sainct 
Germain  en  l'église  de  sainct  François  d'Anicy,  du  consente- 
ment et  authorité  de  reverendissime  Père  en  Dieu  Claude  de 
Granier,  Evesque  et  Prince  de  Genève,  et  avec  le  bon  plaisir 
du  souverain  Pontife  et  du  sainct  Siège  apostolique,  so:25  de 
tels  statuts  et  constitutions  ; 

STATUTS  ET  CONSTITUTIONS 
DE  LA  CONFRERIE  DE  LA  SAINTE  CROIX, 

\)RESSÉS  PAR  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES. 


Parce  qu'il  est  nécessaire ,  dit-il ,  d'avoir  un  lieu  entière- 
ment libre  dehors  de  l'église  en  laq,uelle  Tautel  de  l'érection 
VI.  4 


Sn  OPUSCULES 

est  situé,  tant  pour  chanter  et  célébrer  les  divins  offices  et 
exercer  d'autres  œuvres  pies  que  pour  traicter  des  affaires  de 
la  Confrérie,  ainsi  que  c'est  par  tout  la  coustume  de  faire,  et 
que  Teglise  de  sainct  Jean  Baptiste  de  la  commanderie  de 
Genevois,  de  Tordre  de  sainct  Jean  de  Hierusalem,  située  en 
lieu  public  de  la  ville  d'Anicy,  n'est  pas  gueres  fréquentée, 
tant  par  le  defaur  de  prestres  qui  y  soyent  affectez  que  par 
l'injure  du  temps ,  et  que  neantmoins  il  est  à  espérer  que  les 
habitans ,  comme  très- catholiques  qu'ils  sont,  la  visiteront 
et  fréquenteront ,  si  d'ores-en-avant  on  y  célèbre  des  messes 
et  autres  divins  offices ,  et  y  faict-on  souvent  des  predications- 
et  exhortations  ;  partant  l'oratoire  de  la  Gonfrairie  a  esté 
député  en  ceste  église  de  sainct  Jean  tandis  que  les  Chanoines 
de  Genève  résideront  à  Anicy,  du  consentement  de  Denys  de 
Sacconay,  baron  des  Clets,  et  procureur  gênerai  de  son 
frère  Pierre  de  Sacconay,  chevallier  de  l'ordre  de  sainct  Jean 
de  Hierusalem ,  grand  prieur  d'x\uvergne ,  et  commandeur 
de  Genevois. 

II. 

Que  s'il  arrivoit  que  l'Eglise  cathédrale  fust  transférée  en 
quelque  autre  lieu  que  la  cité  de  Genève,  la  Confrérie  comme 
perpétuellement  et  indissolublement  unie  et  incorporée  à 
icelle ,  sera  transférée  en  mesme  temps  eu  ce  mesme  lieu 
avec  toutes  ses  enseignes ,  vases  sacrez ,  livres  et  ornemens  ; 
de  laquelle  toutesfois  pourra  demeurer  un  membre  perpé- 
tuellement dépendant ,  selon  qu'il  sera  jugé  estre  expédiant 
et  à  propos. 

m. 

Lesfestes  spéciales  et  perpétuelles  de  la  Confrairie  seront: 
l'Exaltation  de  la  saincte  Croix,  la  Conception  de  la  glorieuse 
Vierge  Marie ,  l'Invention  de  la  mesme  saincte  Croix ,  et  la 
feste^de  sainctPierre  et  sainct  Paul,  apostres;  età  fin  qu'elles 
soyent  plus  solemnellement  célébrées,  on  exposera  publi- 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  M 

quement  et  honorablement  le  Ires-sainct  Sacrement  de  l'Eu- 
charistie su  r  l'autel  de  l'oratoire  chaque  jour  d'icelle ,  et  le 
gardera-on  le  jour  tout  entier,  avec  la  révérence  denë  ;  ce 
qui  se  fera  encore  chaque  second  dimanche  du  mois  (on  a 
depuis  transféré  au  troisiesme),  excepté  en  septembre,  dé- 
cembre, may  et  juin ,  à  cause  de  telles  festes  solemnelles  qui 
arrivent  en  ces  mois. 

IV. 

Or  en  ces  jours-là,  deux  des  Confrères,  députez  par  le 
Piieur  et  ses  Assesseurs ,  seront  obligez  de  faire  une  heure 
alternativement,  en.  habit,  et  à  genoux  devant  l'autel,  prians 
et  meditans  chacun  selon  sa  dévotion,  spécialement  pour 
nostre  sainct  Père  le  Pape,  pour  tous  les  Prélats  de  la  saincte 
Eglise,  pour  tout  le  Clergé,  pour  la  tranquillité  de  la  repu* 
blique  Chrestienne,  pour  la  conservation  de  la  foy  Catho- 
lique ,  pour  la  paix  et  concorde  entre  les  Princes  et  peuplés 
Chrestiens,  et  encore  pour  la  conservation  et  accroissement 
de  la  Confrérie,  et  à  fin  que  de  jour  en  jour  elle  produise  des 
fruicts  spirituels  qui  soyent  aggreahles  à  la  divine  Majesté. 
Sur  le  tard  on  fera  la  bénédiction ,  et  puis  remettra-on  le 
sainct  Sacrement  dans  son  tabernacle  ordinaire. 

V. 

Ces  mesmes  jours  solemnels ,  et  la  nuict  du  Jeudi  sainct , 
on  fera  des  processiouG  publiques ,  selon  la  commodité  du 
lieu  et  opportunité  du  temps ,  esquelles  tous  et  un  chacun 
des  Confrères  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  seront  Cbligez  d'as- 
sister en  habit,  et  marcher  deux  à  deux  dévotement,  grave- 
ment, modestement  et  avec  silence ,  chantans  (ceux  qui 
sçauront)  distinctement  les  prières  qui  auront  esté  au  preal- 
labl  e  ordonnées , .  et  des  au  très  recitans  à  i  voix  basse  le  chap- 
^llet  de  nostre  Dame.  C'est  pourquoy  ,,à  l'heure  assignée , 
tous-les -Confrères. se^rendrontà llorutoiraauquel  les^roces*- 


52  orrsruT.-ES 

sions  commenceroiJ  t  et  retourneront ,  et  en  icelles  un  député 
exprés  portera  une  grande  Croix  au  milieu  de  deux  autres , 
qui  porteront  des  cierges  ou  bien  des  lanternes  ou  fallots 
allumés. 

Les  Confrères  recevront  le  corps  de  nostre  Seigneur  ces 
quatre  jours  soîemnels,  et  chaque  second  dir  inche  du  mois 
(depuis  changé  en  troisiesme)  dans  l'oratoire,  s'il  se  peut,  ou 
bien  en  une  autre  église,  après  s'estre  purgez  par  la  confession 
sacramentelle,  qu'ils  pourront  faire  là  où  bon  leur  semblera; 
les  Prestres  tascheront  d'y  célébrer  la  saincte  messe.  Que  sa 
quelqu'un  se  treuvoit  légitimement  empesché,  il  pourra 
satisfaire  à  ce  statut  un  autre  jour,  pourveu  qu'il  signifie 
son  empeschement  au  Prieur,  qui  sera  tenu  d'y  prouvoir- 
Cela  s'estendra  encore  aux  absens,  pourveu  qu'ils  commis 
nient  une  fois  le  mois. 

VIL 

Tous  les  dimanches  il  se  dira  une  messe  en  l'oratoire  par 
un  Prestre  qui  soit  Confrère ,  tel  qu'il  plaira  au  Prieur  de 
députer,  et  tous  les  autres  Confrères  seront  tenus  d'y  assister, 
s'il  se  peut,  et  tascheront  d'aider  et  accompagner  le  Célébrant 
par  leurs  prières. 

VIIL 

Tous  et  un  chacun  des  Confrères  seront  obligez  de  reciter 
tous  les  jours  cinq  fois  l'oraison  dominicale  ,  et  cinq  fois  la 
salutation  angelique,  à  genoux  et  teste  nuë,  ayans  la  mesme 
intention  qui  est  requise  pour  gaigner  les  indulgences. 

IX. 

Afin  d'observer  la  coustume  ancienne  de  saluer  la  glo- 
rieuse Vierge  à  genoux  et  teste  nuë  toutesfois  et  quantes  qu# 
l'on  sonne  à  l'aube  du  jour,  à  midy ,  et  sur  le  tard ,  selc 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  53 

l*aîicipnne  tradition  de  l'Eglise  universelle ,  les  Confrères 
reciteront  tous  les  jours  la  salutation  angelique  de  la  mesme 
façon  ,  c^est  à  sçavoir,  à  genoux  et  teste  nuë ,  en  quel  lieu 
qu'ils  se  treuvent  (  quand  ce  seroit  bien  au  milieu  des  rues 
et  places  publiques),  toutesfois  et  quantes  que  Ton  sonnera 
en  la  grande  église  (comme  à  Anicy  en  celle  de  nostre  Dan  ^), 
à  fin  qu'outre  Je  gain  des  indulgences  que  les  souverains 
Pontifes  ont  concédées  à  ceux  qui  reciteront  telle  salutation, 
par  cet  humble  service  rendu  à  la  glorieuse  Vierge  les  pro- 
vinces de  toute  la  Savoye  puissent  estre  délivrées  et  exemptes 
-de  maladies  ,  de  pestes ,  de  tempestes ,  de  gresles ,  et  autres 
-corruptions  et  perturbations  de  l'air. 

X. 

Quand  les  Confrères  rencontreront  le  sainct  Sacrement  que 
l'on  porte  aux  malades,  sinon  qu'ils  fussent  grandement 
empeschez,  ils  seront  tenus  de  l'accompagner  et  suivre,  avec 
prières  pour  la  santé  du  malade ,  comme  encore  de  visiter 
les  malades  et  prisonniers,  quand  ils  sçauront  qu'il  y  en  aura. 

XL 

Aussi  tost  qu'on  s'appercevra  de  quelque  procez  ou  dis- 
sension entre  les  Confrères ,  tant  petite  soit  elle ,  et  pour 
quelle  cause  que  ce  soit,  on  en  advertira  le  Prieur,  lequel 
avec  ses  Assesseurs  et  Conseillers  tascliera  de  les  accommo'fer 
incontinent,  et  devant  que  la  discorde  s'allume  davanta^B, 
cependant  '"ue  les  autres  feront  des  prières  particulières  à 
Dieu  pour  tel  g  ccommodement. 

XII. 

Aussi  tost  qu'on  aura  appris  la  nouvelle  de  la  mort  de 
quelque  Confrère,  de  l'un  et  de  l'autre  sexe ,  on  mettra  à  la 
porte  de  l'oratoire  l'enseigne  de  la  Croix  sur  un  drap  noir, 


^  opuscuniiis 

avec  un  escriteau  qui  marquera  Tlieure  et  le  nom  de  l'église- 
en  laquelle  le  defunct  devra  estie  ensevely,  afin  que  les 
autres  Frères  se  treuvent  pour  accompagner  le  corps  et  prier 
Dieu  pour  le  repos  de  son  ame;  à  quoy  ils  seront  obligez, 
sinon  que  la  nécessité  les  rétinst  autre  part  ;  et  le  lendemain 
on  célébrera  une  messe  des  morts  en  Toratoire  pour  le  salut 
ie  ceste  ame,  et  à  fin  qu'elle  soit  délivrée  des  peines  da 
purgatoire. 

XIII. 

Outre  cela ,  à.  fin  que  tous  les  ans  on  fasse  quelque  mé- 
moire générale  des  Confrères  defuncts,  le  jour  plus  proche  » 
et  non  empesché,  après  la  feste  de  l'Exaltation  de  lasaincte 
Croix ,  il  faudra  faire  un  anniversaire  gênerai  en  l'oratoire ,, 
et  tous  les  Confrères  y  assisteront  en  habit  pour  ouyr  la  messe,, 
que  le  Prieur  dira,  s'il  est  Prestre,  et  les  autres  prières  qu'on 
y  chantera. 

l^IV. 

A  l'imitation  des  autres  Confréries,  mais  principalement 
de  l'archiconfrairie  du  tres-sainct  Crucifix ,  d'ancienneté 
érigée  à  Rome ,  en  l'église  de  sainct  Marcel ,  de  l'ordre  des 
Frères  Servants ,  l'habit  de  ceste-cy  sera  un  sac  de  toile 
noire  ou  bien  de  treillis,  couvrant  tout  le  corps ,  depuis  le 
col  jusqu'aux  talons,  simple  ,  sans  fente  ny  ouverture,  ny 
soye ,  ny  ornement ,  ny  travail  quelconque ,  avec  le  ca- 
puce  de  mesme  toile  et  couleur,  voilant  la  teste  et  toute 
la  face  ;  de  plus  un  cordon  de  filet  de  mesme,  médiocrement 
espais,  et  tout  faict  à  nœuds,  comme  celuy  que  les  Cor- 
deliers  portent ,  duquel  pendra  un  chappelet ,  non  pas 
toutesfois  précieux  ;  et  cet  habit  sera  baillé  par  le  Prieur, 
à  quiconque  entrera  dans  la  Compagnie,  avec  une  ce;''*monie 
particulière  ;  et  tous  les  Confi?eres ,  de  quelle  condition  et 
qualité  qu'ils  soyent ,  seront  tenus  et  obligez  de  le  porter 
•en  oratoire  et  processions ,  et  en  toutes  autres  actions  pu* 


DE   S.    FRANÇOIS   DR    SALES.  F55 

Cliques,  quand  la  Confrérie  s'assemblera.  Les  femmes,  sur 
UR  habit  blanc,  seront  obligées  au  seul  port  du  cordon  et  du 
chappelet. 

XV. 

Usera  permis  d'entrer  en  la  Confrairie  (outre  les  Chanoines 
dé  l'Eglise  cathédrale)  à  toutes  personnes  de  l'un  et  de  l'autre 
sexe,  Catholiques  néant  moins  et  de  bonne  réputation,  faisant 
au  preallable  la  profession  de  foy,  et  selon  les  autres  céré- 
monies qu'on  a  de  coustume  d'observer.  Le  Secrétaire  tiendra 
un  livre  dans  lequel  seront  escrits  les  noms ,  surnoms ,  et 
qualitez  des  Confrères ,  avec  désignation  du  jour  de  leur  ré- 
ception, et  de  l'argent  qu'ils  auront  offert  de  leur  bon  gré. 

XVL 

Les  ofEciers  de  la  Confrérie  seront  changez  tous  les  ans  au 
chapitre  gênerai  qui  se  tiendra  le  jour  plus  proche  des  ca- 
lendes de  septembre,  non  empesché  de  quelque  feste. 

XYIL 

Le  premier  et  principal  otïicier,  et  en  quelque  façon  chef, 
fiera  nommé  Prieur;  et  le  prendra-on  tousjours  du  corps  de 
l'Eglise  cathédrale  ,  tant  qu'il  se  pourra  faire.  Lui  seul  de 
tous  les  Confrères  portera  le  surpelis  en  l'oratoire,  es  proces- 
sions et  assemblées  ,  et  autres  actions  publiques  ,  où  il  aura 
par  tout  la  prééminence.  Sa  charge  sera  de  commencer  les 
divins  Offices ,  de  reciter  les  prières  et  oraisons  publiques , 
de  marcher  tout  seul  après  la  procession  entre  les  deux  As- 
sesseurs de  la  Confrérie,  de  t'aire  la  bénédiction  du  sainct 
Sacrement  dans  l'oratoire  ,  de  remarquer  ceux  qui  célébre- 
ront des  messes  ordinaires  et  extraordinaires ,  d'eslire  les 
directeurs  des  processions  et  les  Chantres,  de  députer  les  visi- 
teurs des  malades  et  des  prisonniers ,  et  les  accommodeurs 
des  querelles,  de  recevoir  ceux  cfvï  voudront  entrer  dans 


/ 


o6  oruscuLES 

la  Compagnie,  de  faire  la  paix,  concilier  les  ennemis  et  ter- 
miner les  procez,  de  convoquer  les  assemblées  extraordi- 
naires ,  de  présider  en  icelles  et  de  recueillir  les  voix ,  entre 
lesquelles  la  sienne  vaudra  deux  ;  et  auquel  tous  les  Con- 
frères ,  de  quelque  condition  qu'ils  soyent ,  doivent  porter 
honneur,  rev(irence  et  obeyssance.  Il  aimera  la  justice  et 
fera  le  jugement ,  et  quand  il  y  aura  cause  légitime  ,  pourra 
substituer  un  autre  Chanoine  ,  qui  portera  le  nom  de  sous- 
prieur. 

XYIII. 

Les  Assesseurs  assisteront  au  Prieur  en  tout  ce  qui  sera 
nécessaire ,  toutesfois  avec  l'habit  de  la  confrérie  ;  et  es  pro- 
cessions chacun  d'eux  portera  le  baston  de  pèlerinage ,  mar- 
chans ,  le  premier  à  la  droicte ,  et  le  second  à  la  gauche  du 
Prieur. 

XIX. 

Le  Thresorier  recevra  l'argent  que  les  Confrères  offriront 
à  leur  réception  et  autrement ,  exigera  les  légats  ,  fournira 
tout  ce  qui  sera  nécessaire  ,  tant  pour  le  service  divin  que 
pour  le  secours  des  pauvres  et  malades ,  et  pour  l'adminis- 
tration des  choses  temporelles  (  toutesfois  p?»'  un  mandat 
spécial  du  Prieur,  qui  soit  signé  de  sa  main  propre  ,  et  non 
pas  autrement  ) ,  et  rendra  compte  au  bout  de  l'an  de  tout  ce 
qu'il  aura  receu  et  despensé. 

XX. 

Le  Secrétaire  escrira  les  actes ,  ordonnances  et  délibéra- 
tions de  la  Confrairie ,  et  fera  toutes  les  autres  choses  çii 
eeront  jugée-  par  la  Congrégation  devoir  estre  de  sa  charge. 

XXI. 

Outre  cela,  il  y  aura  douze  Conseillers,  partie  clercs,  partie 


DE   S.    FBANÇOTS   DE  SALES.  57 

laies  ;  entre  lesquels  seront  le  Prieur ,  les  Assesseurs ,  le 
Thresorier  et  le  Secrétaire  de  la  précédente  année. 

XXII. 

Si  par  fortune  il  arrivoit  qu'es  assemblées  de  la  Confrairie 
on  ne  peust  pas  bonnement  se  résoudre  de  quelque  affaire 
difficile  et  de  grande  importance ,  on  s'addressera  au  cha- 
pitre de  l'Eglise  cathédrale  ,  et  tout  ce  qui  sera  résolu  en 
iceluy  tiendra  absolument ,  et  s'observera  par  tous  les  Gon« 
frères. 

Voilà  les  chefs  principaux  de  ceste  érection ,  que  le  tres- 
sage et  tres-devot  François  fit  pour  prémices  de  sa  saincteté 
en  la  ville  d'Anicy ,  et  qu'il  ferma  et  establit  en  présence 
légitime  de  Jean  Choppel ,  de  Michel  Servan ,  de  Jacques 
Chappe ,  Prestres ,  et  de  Jean  Guichon ,  Notaire  public  ;  et  à 
l'acte  de  laquelle  il  se  souscrivit  par  son  authorité  de  Prévost 
cathedral ,  priant  ses  Chanoines  de  vouloir  se  signer  après 
luy  ;  ce  qu'ils  firent  en  cet  ordre  :  Jean  Tissot ,  protonotaire 
apostolique  ,  Jean  Goppier,  Louys  Reydet ,  Louys  de  Sales , 
François  de  Ghissé ,  François  de  Ronys ,  Jaques  Bally ,  Jean 
Portier ,  Estienne  de  la  Gombe ,  Janus  Regard ,  Jaques 
Brunet ,  Jean  d'Kloyse ,  Charles  Louys  Pernet ,  Charles 
Grosset ,  Antoine  Bo^^hut ,  Claude  d'Angeville ,  Eustache 
Mugnier,  et  Jean  Deage ,  tous  chanoines  du  l'Eglise  cathé- 
drale ,  les  autres  oihj^q  estans  ubsens. 


5«^  •  OPUSCULES 


IX. 


CONSTITUTIONS 

Des  prêtres  de  la  sainte  maison  de  Notre-Dame  de  Thoiion,  dressées  par  salut 
Fbançois  de  sales,  écrites  et  signées  de  sa  propre  main.  {Vie  du  Saint ^ 
par  Auguste  de  Sales,  liv.  IV,  pag.  282  et  suiv.) 

(A  la  fia  de  l'année  1599.) 

Le  Prefect  et  les  Prestres  de  l'Oratoire  de  nostre  Dame  de 
Compassion  de  la  ville  de  Tonon  chanteront  *ous  les  jours 
des, festes  solemnelles  de  la  première  classe,  et  de  toutes 
celles  de  la  glorieuse  Yierge,  le  divin  Office  du  Bréviaire 
Romain  tout  entier,  au  Chœur,  en  chant  composé  ;  commen- 
çant à  l'aube  du  jour  depuis  la  feste  de  tous  Saincts  jusques 
à  Pasques,  et  à  quatre  heures  de  malin  depuis  Pasques 
jusques  à  la  feste  de  tous  Saincts.  Les  autres  jours,  parce 
qu'ils  sont  occupez  le  plus  souvent  aux  exercices  de  la  charge 
pastorale ,  ils  chanteront  au  chœur  tant  seulement  tierce , 
sexte,  none,  la  messe,  vespres,  et  complies. 


De  divine  ofïicio. 

Prœfectus  et  sacerdotes  oratorii  beatse  Marise  Compassionis  oppidi 
Tliononiensis,  omnibus  et  singulis  festis  solemnibus  primae  classis^ 
singulisque  beata»  Marias  Vivginis,  inlegrum  divinum  ofllcium  Ro- 
mani breviarii  modulato  cantu  in  choro  persolvant,  incipientes  ad 
auroram  à  festo  omnium  Sanctorum  ad  Dominicam  usque  Resurrec- 
ïionis,  et  ad  horam  quartam  mafutinam  à  Dominicâ  Resurrectioiiis 
ysque  ad  festum  omnium  Sanctorum  :  reliquis  verô  diebus,  quia 
quamplurimis  pastoralis  muneris  exercitiis  s^pissiniè  distraluintur, 
tcTiiam  duntaxat,  sextam,  nonam,  missam,  vespera«  cl  compiu- 
toi^'uiu,  iii  choro  cantent. 


\ 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  59 

Cliasqiie  jour  de  hnuly  premier  du  mois,  ils  chanteront 
une  messe  pour  les  defuncls  ,  qui  tiendra  lieu  de  la  grande 
du  jour,  selon  les  rubriclies  du  Messel. 

Tierce  se  dira  à  huict  heures  de  matin,  et  consécutivement 
la  messe  après  les  Heures  ;  vespres  à  trois  heures  après  midy, 
complies  consécutivement.  Mais  en  Caresme,  les  vespres  se 
diront  après  la  grand'messe,  et  complies  à  cinq  heures  après 

midy. 

Tous  les  jours  de  samedy  de  toute  l'année ,  et  les  veilles 
des  festes  d^^  iioslre  Dame,  ils  chanteront  sur  le  soir  les  Lita- 
nies de  la  mesrae  Vierge. 

Depuis  les  calendes  de  mars  jusques  aux  calendes  de  no- 
vembre, on  dira  tous  les  jours  une  messe  à  quatre  heures  de 
matin;  et  depuis  les  calendes  de  novembre  jusques  à  celles 
de  mars ,  à  cinq  heures  :  de  telle  sorte  neantmoins  qu'au 
gros  de  l'hyver  elle  se  commence  tant  seulement  à  la  pre- 
mière aube.  La  seconde  messe  se  dira  à  sept  heures  ;  la  troi- 
siesme  sera  la  grande;  la  quatriesme  se  dira  à  neuf  heures  et 
demy,  ou  à  dix. 


Singulis  primis  diebus  luna3  cujusque  mensis  missam  unani  jiro 
defunctis,  qiice  magnaî  missEe  diei  locum  Imbeat,  secundum  Missalis 
rubricas  cantent. 

De  horis  ofiiciorum. 

Dicaliir  tertia  horâ  octavâ  matutinà,  et  consequenter  post  koras 
Missa.Yesper9ehoràtertiâpostmeridiem,compietoriumconseqLienter. 
Sed  in  quadragesimà  vesperas  postmagnani  missam,  et  completoriuai 
horà  quinlâ  post  meridiem. 

Singulis  diebus  Sabbati  per  annum,  et  vigiliis  beata;  Mariai, 
litanise  ejusdem  Virginis  ad  solis  occasum  decantentur. 

A  calendis  martii  usque  ad  calendas  novembvis,  diebus  Singc^'s. 
horâ  quartâ  raaîutinâ  dicatur  unamissajà  calendis  veio  novembrjt,'^ 
iisque  ad  calendas  niartii,  horâ  quintàj  ita  tamen  ut  medià  hy^me  ad 
primam  tanlùm  auroram  incipiatur.  Secunda  missa  horâ  sepiimâp 
tertia  magna  erit,  quarta  horâ  sesquinonâ  aut  decimà. 


^)0  opuscurFS 

Il  ne  sera  permis  à  personne ,  cependant  qu'on  fera  îe? 
divins  Offices,  de  eomparoislre  autrement  qu'en  habit  et 
tonsure  ;  c'est  à  sçavoir,  avec  la  soutane  jusques  aux  talons, 
le  bonnet  carré  ,  la  couronne  de  la  teste  remarquable  ,  et  le 
surpelis  de  toule  blanche,  que  chacun  sera  obligé  d'avoir  à 
ses  despens.  Quiconque  paroistra  autrement  sera  tenu  pour 
absent. 

Ils  observeront  par  tout  l'honnesteté  ,  netteté  et  civilité , 
principalement  on  leurs  habits  et  en  l'église. 

Es  jours  solemnels,  (juiconque  n'assistera  pas  à  mâtine-^ 
perdra  six  sols;  à  la  messe,  trois;  à  vespres,  trois  :  les  auti^es 
jours,  à  tierce,  un  sol  ;  à  la  messe,  deux;  à  vespres,  deux; 
à  complies  en  Caresme,  un  ;  aux  Litanies  des  jours  de  samedy 
et  veilles  de  festes  de  noslre  Dame,  deux. 

Quiconque ,  ayant  esté  assigné  pour  célébrer  les  messes , 
ne  les  célébrera  pas,  ou  ne  les  fera  pas  célébrer,  perdra  pour 
chacune,  si  c'est  une  petite,  un  florin;  et  si  c'est  une  grande, 
vingt  trois  sols. 

De  vestibus  ecclesiasticis. 

Nemiiii  liceat,  dùm  dlvina  peraguntur,  aliter  in  choro  quàm  in 
habita  et  tonsurâ  comparere  ;  scilicet  cum  talari  togâ,  quadrangulari 
pileolo,  coronâ  capitis  quai  dignosci  possit,  et  supparo  ex  telâ  albâ, 
quod  uuusquisque  suis  sumptibus  habere  tenebitur.  Qui  aliter  compa_ 
ruent,  censeatur  absens.  Decorem,  munditiam  et  urbanitatem  in 
vesitibus  ubique,  sed  in  ecclesiâ  prœsertim  observent. 

De  mulctis  absentium. 

Quicumque  diebus  solenmibûs  maïutinis  non  interfuerit,  sex  ass?i 
smittat,  missœ  très,  vesperis  très;  diebus  reliquis,  tertiae  assem, 
missae  duos,  .esperis  duos,  completorio  in  quadra^esimà  unum, 
litaniis  diebus  sabbati  et  \igiliis  beatte  Mariœ,  duos.  Quicumque 
ai  ceiebrandas  missas  assignatus ,  ea?  non  celebraverit,  vei  celebrari 
curaverit,  pro  unaquàque,  si  parvasu,  florenuin  amittat;  si  magna, 
Tisenti  très  asses. 


DE   S.    FFANÇOIS   DE   SALES.  6Î 

De  six  en  six  mois  on  eslira  le  Normateur,  ou  bien  il  sera 
continué  ,  lequel  à  mesme  temps  prestera  serment  en  plein 
Chapitre  de  faire  sa  charge  soigi  eusement  et  fidellement, 
sans  acception  de  personnes,  marquant  la  présence  d'un  cha- 
cun en  un  livre  destiné  pour  cela  tant  seulement. 

Toutesfois  et  quantes  que  le  dernier  signe  de  FOlTice  sera 
Jdnné,  s'ils  se  treuvent  quatre  au  Chœur,  ils  commenceront 
l'Office ,  sans  attendre  les  autres. 

Quiconque  ne  se  treuvera  pas  pour  le  moins  à  la  fin  du 
premier  psalme ,  et  devant  que  l'on  commence  le  second,  ou 
qui  ne  persévérera  pas  jusques  à  la  fin  de  l'Office,  sera  tenv 
pour  absent.  Quiconque,  à  la  messe,  n'aura  pas  ouy  le  com- 
mencement de  l'Epistre ,  ou  qui  n'attendra  pas  la  bénédic- 
tion ,  sera  pareillement  tenu  pour  absent.  Toutesfois  ceux 
qui  seront  empeschez  dans  les  exercices  de  la  charge  pasto- 
rale ,  ou  qui  feront  d'autres  choses  nécessaires ,  desquelles 
tous  auront  une  certaine  science,  seront  tenus  pour  presens. 

Toutes  les  cérémonies  et  coustumes  de  l'Eglise  cathe- 

De  depuiictore. 

Sexto  quoque  mense  depunctor  eligetur,  vel  coiitinuabitur,  qui 
statim  in  omnium  consessu  juramentum  praîstet  se  fideliter  et  stu- 
diosè  functurum  officio  absque  personarum  acceptione,  prœsentiam 
omnium  illico  notando  in  libro  in  hune  finem  parato.  Quandocumque 
ultimô  ad  officium  pulsatum  fuerit ,  si  quatuor  in  choro  sint,  caeteris 
minime  expectatis^  officium  inchoent.  Quicumque  in  fine  saltcm 
primi  psa^mi,  et  antequàm  incipiatur  secundus,  nori'adfuerit,  vel 
qui  usque  ad  officii  linem  non  perseveraverit,  abesse  censeatur.  Qui- 
cumque in  missâ  initium  epistolae  non  audierit;,  veJ  in  eâ  benedic- 
tionem  non  expectaverit,  ut  absens  habeatur.  Verumtamen  qui  pas- 
torali  munere  detinebuntur,  vel  aliter  necessaria  agent,  necin  choro 
adeçse  poterunt,  vel  si  adsint,  egrediendum  forte  erit,  dummodô  de 
omnibus  constet,  adesse  censeantur. 

De  ritibus. 
Omnes  ceremoniae  et  ritus  m  ecciesiâ  cathedraii  observan  soiiti. 


62  OPITSICULES 

draîe  de'  gaînct  Pierre  de  Genève  seront  oî)Servées  par  les 
Prestres  de  la  Congrégation,  mais  piincipalement  celles-cy  i 

Tons  demeureront  h  teste  nuë  depuis  le  commencement 
dé  l'Office  jusques  à  ce  que  le  premier  psalme  soit  commencé. 
Sîâis  toutesfois  et  quantes  qu'on  dira  le  Gloria  Patii,  ou 
Gloria  tihi,  Domine,  ou  Léo  Patri  sit  gloria,  ou  Sit  nomeri 
Domini  henedictum  au  psalme  Laiidate  piœri  Dominum,  ou 
Pater  noster,  ou  les  absoulutions  à  matines ,  ou  les  prières , 
ou  le  Magnificat ,  ou  le  Nunc  dimittis,  ou  les  bénédictions 
aux  chapitres,  petits  responsoires,  oraisons  et  hymnes  ;  alors 
tous  demeureront  à  teste  nuë. 

Toutesfois  et  quantes  que  l'on  commencera  un  psalme, 
tous  se  découvriront  tant  seulement  ;  mais  celuy  qui  com- 
mencera ou  les  antiennes,  ou  le  psalme,  non  seulement  se 
descouvrira,  mais  encore  se  tiendra  debout. 

Il  ne  sera  permis  à  personne  de  se  couvrir  cependant  qu'on 
célébrera  la  messe,  sinon  quand  on  chantera  l'Epistre. 

En  faisant  l'Office ,  on  assignera  les  premiers  tons ,  tant 
des  antiennes  que  des  pseaumes,  à  ceux  qui  devront  les 
commencer,  à  fin  que  toutes  choses  se  fassent  bien. 

Quant  au  reste  ,  il  faudra  voir  le  livre  des  coustumes  de 
l'Eglise  cathédrale,  et  en  avoir  une  copie. 


sed  hi  prœcipuè,  observentur.  Stent  omnes  détecte  capile  ab  initio 
officii  quousque  primas  psalmus  incœptus  sit.  Sed  quotiescumque 
dicetur  Gloria  Patri,  vel  Gloria  tihi.  Domine,  vel,  Deo  Patri  sit 
yloria,  vel  Sit  nomen  Domini  henedictum  in  psalmo  Laudate, 
pueri,  Dominum,  vel  Pater  noster,  vel  absolutiones  in  matutinis, 
vel  preces,  vel  Magnificat ,  \e\  ]Su7ic  dimittis,  vel  beneedictiones 
ad  capitula^  responsoria  parva,  orationes  et  hymnes,  tune  omaes 
stent  detecti.  Quotiescumque  incipietur  psalmus,  omnes  tantùm 
caput  detegant;.sed  qui  incipit  vel  antiphonas,  vel  psalmos,  non 
modo  caput  detegat,  sed  et  stet.  Nemini  liceat,  d'im  celebratur 
missa,  cooperiri,  nisi  dùm  cantatur  epistola.  In  officio  assignentur 
primi  toni  tùm  antiphonarum  tum  psalmorum,  iis  qui  debebunt 
incipere ,  ut  rectè  omnia  fiant.  De  Cteteris  videndu§  est  rituum  ca- 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  63 

Les  jours  solemnels  de  la  première  classe,  et  les  festes  de 
Tiostre  Dame ,  le  Prefect  célébrera;  en  son  absence  le  Pie- 
bain  ;  et  si  le  Plebain  nVest  pas  encore,  le  plus  ancien  selon 
Tordre  de  réception;  les  autres  jours,  le  Prestre  qui  sera 
assigné  ,  semaine  par  semaine ,  excepté  toutesfois  les  messes 
et  bénédictions  des  fonts  ba])tismaux  es  veilles  de  Pasques 
et  de  Pentecoste  ,  parce  que  cela  regarde  l'office  du  Plebaiaa 

Tous  seront  escrits  par  ordre  en  une  table,  le  Prefect  auss* 
bien  que  les  autres,  tant  pour  les  petites  messes  que  pour  les 
grandes. 

Le  semainier  de  la  grande  messe  aura  charge  de  l'admi- 
nistration des  sacremens,  pourveu  qu'il  soit  admis  de  l'E- 
vesque  ou  de  son  vicaire  gênerai.  Le  Prefect  toutesfois  sera> 
exempt  de  ceste  charge ,  à  cause  de  la  grande  multitudé> 
d'affaires  dont  il  est  presques  tousjours  occupé  :  c'est  pour- 
quoy,  en  sa  semaine,  l'administration  des  sacremens  se  fera 
par  ordre  par  les  autres  six  prestres. 

Tous  viendront  ouyr  la  prédication  en  habit,  et  seronti 
assis  en  un  banc  faict  exprés,  selon  l'ûrdre . de  réception , 
après  le  Prefect  et  le  Plebain. 

thedralis  ecclesise  liber_,  ethabeatur  apographum.  Prgefectus,  et  eo 
absente,  plebanus,  ut  vocant,  seu  curie,  et  iis  absentibus,  ordine. 
receptionis  senior  celebret  diebus  solemnibus  primse  classis  et  festis 
beatee  Marise,  reliquis  assignatus  sacerdos  quem  hebdomadarium 
appellant,  exceptis  tamen  missis,  et  benedictionibus  fontiiim  baptis- 
malium  in  vigiliis  paschatis  et  pentecostes,  quae  ad  plebani  oflicium 
spectant.  Ca^terùm  omnes  ordine,  ipse  etiam  praefectus,  pro  missis 
tàm  parvis  quàm  magnis,  in  tabula  describantur.  jlagnae  oiissag 
hebdomadarius  sacramentorum  administrationis  curam  habeat, 
diimmodô  ab  episcopo  seu  ejus  vicario  admissus  fuerit  :  prœfectus 
tamen  ab  hâc  cura  eximatur,  ob  negotiorum,  quse  aliundè  :.uper- 
veniun  fci,  multitudinem.  Quare  in  suâ  hebdomade  sacrameritorum 
administratio  per  reliquos  sex  sacerdotes  ordine dat.  Omnes  in  habitu 
sacram  concionem  audituri^  et  ordine  receptionis  post  prœfectumet 
plebanum  super  scamnuio  adid  deslinatum  sedeant... 


4  OPUSCULES 

Tous  les  jours  de  mercredy,  après  vespres,  ils  s'asscmbïe- 
ront  en  la  sacristie,  et  là,  après  avoir  imploré  l'aide  et 
assistance  du  sainct  Esprit ,  traicteront  de  Pobservation  des 
reigles ,  et  des  choses  tant  ecclésiastiques  et  spirituelles 
qu'œconomiques  et  temporelles. 

Il  y  aura  un  secrétaire  estably,  qui  rédigera  par  escrit 
tous  les  décrets ,  ordonnances ,  resolutions  et  desseins  du 
Chapitre. 

Ceiuy  qui  sera  absent  de  ces  assemblées  perdra  pour 
chaque  fois  trois  sols. 

Tous  les  jours  de  lundy,  aussi  tost  qu'une  heure  après 
midy  sera  sonnée ,  ils  s'assembleront  pour  conférer  des  cas 
de  eonscience  et  des  cérémonies  ecclésiastiques  l'espace  de 
demy-heure.  Quiconque  sera  absent  de  ces  conférences ,  s'i? 
n'a  une  cause  légitime,  perdra  un  sol. 

Ils  prendront  tous  leur  réfection  en  une  table  commune , 
et  seront  assis  comme  les  Religieux ,  d'un  costé  tant  seule- 
ment, et  l'on  baillera  à  chacun  sa  portion. 

Durant  le  repas  on  lira  continuellement  :  au  commence- 


De  conventibus  seu  capitulis. 

Singulis  diebus  mercurii  post  vesperas  cum  habitu  pariter  in  sacra- 
rium  conveniant,  ubi  Saneti  Spiritûs  ope  imploratâ,  de  regulis 
observandis,  de  rébus  tùm  ecclesiasticis  et  spiritualibus,  tùm  œco- 
nomicis  et  temporal ibus,  agant.  A  secretis  unus,  qui  décréta  et  conci- 
lia in  conventu  habita  describat,  constituatur.  Quandocumquè  quis 
ab  bis  conventibus  abfuerit^  très  asses  amittat.  Singulis  diebus  lunœ, 
elapsâ  post  prandium  horâ,  de  casibus  conscientite  et  cseremoniis 
ecclesiasticis  semi-horae  spatio  conférant.  Quandocumqu^  quis  ab 
his  cc/^ationibus,  nisi  legitimarn  habeat  causam,  abfuerit,  amittat 

assem. 

De  ref^otorio. 

Omnes  simul  et  ex  communi  mensâ  cibum  capiant;  sedeantque 
Religiosorum  in  morem^  ex  unâ  tantùm  parte,,  et  unicuique  sua  portio 
detur.  Inter  vescendum  continua  habeatur  lectio,  princimo  qy'  :^?iu 


DK   F.    FRANÇOIS   DE   SALE?.  68 

ment,  des  livres  historiques  de  la  saincte  Escriture,  Pespace 
(l'un  quart  d'heure;  pour  le  surplus,  de  quelque  livre  de 
dévotion,  selon  qu'il  aura  esté  ad  visé  en  Chapitre, 

La  bénédiction  de-  la  table  et  l'action  de  grâces  se  feront 
selon  qu'il  est  marqué  à  ja  fin  du  Bréviaire  pour  les  clercs. 
Elles  seront  faictes  par  celuy  qui  aura  célébré  la  grande 
messe. 

Les  enfants  du  séminaire  prendront  leur  repas  tous  en- 
semble, et  un  d'eux  fera  la  lecture.  Un  des  prestres  corri- 
gera le  lecteur  quand  il  lira  mal.  La  leçon  se  fera  posément 
et  intelligiblement. 

Après  le  repas ,  les  enfans  s'en  iront  à  la  reci^eation ,  à  fin 
de  laisser  les  prestres  seuls ,  qui  feront  une  saincte  et  chres- 
tienne  conversation. 

Le  Prefect  aura  l'authorité  et  charge  que  les  statuts, 
reigles  ,  et  la  discipline  cléricale  soyent  bien  observez  en  la 
congrégation  et  dehors.  Il  corrigera  et  admonestera  les  dé- 
faillants ;  lesquels  estans  rebelles,  il  les  appellera  en  Chapitre 


ex  historicis  sacrae  Scripturae  libris,  spatio  quadrantis  horae,  reliquo 
tempore  ex  pio  aliquo  iibro ,  prout  in  conventu  videbitur  ;  benedictio 
mensae  et  gratiarum  actio  post  eam  liant,  prout  in  fine breviariorum 
pro  clericis  notatum  est;  idque  ab  eo  qui  magnam  missam  ^ele- 
braverit.  Discumbant  pariter  seminarii  adolescentes,  et  unus  ex  hi> 
légat.  Unus  autem  ex  sacerdotibus,  cùm  opus  fuerit,  malè  legentes 
corrigat  :  fiatque  lectio  lentè  et  inteiligibiliter. 

De  recieaf'ione. 

Post  cibum  adolescentes  in  locuaj  ad  recrealionem,  uti  vocant,  des- 
tinatum  recédant,  ut  sacerdotes  simul  relinquant  solos,  qui  sanctè 
et  christianè  conversabuntur. 

De  Piofecto  et  correccione. 

Praefectus  auctoritatem  et  curam  habeat,  ut  statuta,  leges  et  cleri- 
calis  disciplina  in  congregatione  observentur  et  extra.  Corrigat  et 
admoneat  delinquentesj  qui  si  rebelles  luerint,  in  congregationem 
VI.  ô 


Ç6  OPUSCULES 

et  les  chastiera,  s'il  est  de  besoing,  après  avoir  pris  les  voix^ 
par  quelque  pénitence  salutaire ,  voire  niesme  pécuniaire  ^ 
applicable  aux  œuvres  pies ,  qui  toutesfois  n'excédera  pas  la 
somme  de  cinq  florins.  Si  le  défaillant  ainsi  chastié  persévère 
en  sa  contumace ,  ou  commet  quelque  grand  crime  et  t;can- 
dale ,  le  Prefect  en  advertira  amplement  le  Supérieur  ordi» 
naire.  Si  le  scandale  estoit  fort  grand,  et  qu'on  doutast  de  la 
fuite  ^  le  Prefect ,  selon  qu'il  sera  délibéré  en  Chapitre ,  en 
attendant  que  l'ordonnance  de  l'Ordinaire  soit  venue,  aura 
droict  d'emprisonner. 

Le  Prefect  estant  malade  ou  absent,  la  charge  de  faire  la 
correction  appartiendra  au  Plebain,  et  après  luy  au  plus  an- 
cien, selon  l'ordre  de  la  réception. 

Le  mesme  Prefect  disposera  de  ceux  qui  devront  estre 
destinez  pour  les  choses  du  service  de  Dieu  ,  les  jours  solem- 
nels. 

Le  Plebain  aura  charge  de  tout  ce  qui  appartient  à  l'admi- 
nistration des  sacremens  ;  recitera  le  prosne ,  ou  l'institution 
chrestienne,  à  l'offertoire  de  la  grande  messe,  selon  le 


ab  eodem  vocatif  votis  captis,  aliquâ  salutari  pœniteniiâ  aut  eliam 
pecuniariâ  pœnâ  operibus  piis  applicanda,  quœ  tamen  quinque  flore- 
norum  summam  non  excédât ,  mulclentur.  Si  delinquens  ita  casti- 
gatus,  contumax  perseveraverit ,  vel  grave  aliquod  scelus  perpetra- 
veritj  prœfectus  superiorem  ordinarium  totius  rei  certiorem  reddat. 
ïn  gravi  scandalo,  et  cùm  de  fugâ  timebitur,  pfcefectus,  prout  in- 
congrégations  deliberatum  t'ueri%  doi'iec  ab  ordinario  decretum 
venerit,  incarcerandi  jus  habeat.  Prœt'ecto  œgrotante  vel  absente,  ad 
plebanum,  et  sic  ad  seniorem,  receptioms  ordine,  hœc  corrigendi 
cura  spectet.  Idem  prœfectus  de  iis  qui  ad  divina  pera^enda  diebur 
solemnibus  destinandi  erunt,  disponat. 

De  curione  seu  plebano. 

Plebanus  omnibus  quae  ad  sacramentorum  administrationem  per- 
tinent incumbatj  christianam  instructionem  populo  inter  missarura 
soiemnia  recitet;  catechismum  omnibus  et  singulis  diebus  domi- 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  C7 

Rituel  de  TEvesché  :  sera  obligé  (sinon  qu'il  soit  malade  ou 
légitimement  empesché)  d'enseigner  le  catéchisme  tous  les 
jours  de  dimanche  :  autrement  le  Prefect  y  prouvoirra  en 
Chapitre.  C'est  pourquoy  le  Plebain  pourra  exercer  l'admi- 
nistration des  sacremens  tousjours  quand  il  luy  semblera 
estre  expédient,  et  ne  pourra  jamais  refuser  en  estant  prié. 
Le  Sacristain  enseignera  et  corrigera  les  enfans  qui  servi- 
ront aux  messes,  à  fin  qu'ils  soyent  bien  revestus,  modestes, 
assidus,  et  qu'ils  observent  les  cérémonies;  il  tiendra  inven- 
taire de  tous  les  habits  et  ornemens  d'église,  et  en  rendra 
compte  tous  les  ans  ;  il  fera  ballier  l'église  tous  les  jours  de 
samedy  et  de  lundy.  Il  résidera  toute  la  matinée  en  sa  sacristie, 
à  fin  d'estre  tousjours  prompt  et  prest  pour  ceux  qui  voudront 
célébrer.  Il  lavera  les  calices  quatre  fois  l'an,  exposera  au 
soleil  les  habits  et  ornemens  aussi  quatre  fois ,  fera  reblan- 
chir de  deux  en  deux  mois  les  nappes ,  tous  les  mois  les 
aubes,  de  quinze  en  quinze  jours  les  amicts,  et  de  huict  en 
huict  les  purificatoires. 


nicis,  nisi  seger  aut  légitime  impeditus,  docere  teneatur  :  aliàs  prae- 
fectus  in  congregatione  provideat.  ïdeoque  plebanus,  quandocumque 
congruum  judicaverit,  sacramentorum  administrationem  exercere 
possit^  nec  unquàm  rogatus  r-ecusare. 

De  sacristâ. 

Sacrista  pueros  missis  inservientes  doceat  et  corrigat,  ut  rectè 
indiiantur,  ritus  observent,  sintque  modesti  et  assidui.  Vestium  sa- 
crarum  suppellectiliumque  omnium  ecclesiasticarum  indicem  par-  - 
scribat^et  quotannis  rationem  reddat.  Ecclesiam  singulis  diebus" 
sabbati  et  lunae  decenter  verri  curet.  Tôto  matutino  tempore,  ut  ceie- 
brare  volentibus  promptus  sit,  sue  in  sacrario  resideat.  Calices  quater 
in  anno  lavet  Yestiaria  et  ornamenta  quater  etiam  ad  solem  exponat  : 
secundo  quoque  mense  mappas,  singulis  mensibus  aibas,  secundt*' 
quoque  hebdomadâ  amictus,  octave  quoque  die  purificatoria,  deal- 
bari  curet. 


68  O  'USCULKS 

La  Congrégation  députera  un  portier,  qui  sera  vestu  d'une 
robbe  de  couleur  bleue,  lequel  n'ouvrira  à  point  d'estraiiger 
sans  que  le  Prefect  en  soit  adverty. 

Aussi  tost  ([ue  Ton  aura  baillé  le  signe  de  la  salutatioa 
angelique  sur  le  .;oir,  tous  les  prestresde  l'Oratoire  se  retire- 
ront en  la  maison ,  et  ne  vagabonderont  poinct  de  nuict ,  ny 
sortiront,  sinon  qu'il  y  ayt  quelque  urgente  nécessité. 

Quand  ils  sortiront  de  jour,  ils  diront  au  portier  le  lieu  où 
ils  voudront  aller ,  à  fin  que  si  quelqu'un  les  demande  ,  on 
puisse  sçavoir  où  les  treuver. 

Il  n'y  aura  qu'une  porte  en  la  maison ,  et  en  icelle  qu'une 
clef,  qui  sera  gardée,  le  jour  par  le  portier,  et  la  nuict  parle 
Prefect. 

Il  ne  sera  point  permis  de  retenir  personne  de  nuict  sans 
l'expresse  et  spéciale  permission  du  Prefect. 

Les  femmes  seront  absolument  chassées  de  la  maison. 

Les  prestres  estrangers  qui  auront  travaillé  à  ouyr  les 
confessions,  ou  faire  d'autres  offices,  seront  reçeuz  comme 
s'ils  estoyent  domestiques. 

Tous  porteront  révérence  et  obeyssance  au  Prefect. 

De  ostiario,  ingressibus  et  egressibus. 

Congregatio  constituât  ostiarium_,  qui  parvâ  togâ  cœruleâ  induatur. 
ïs  antequàm  extraneis  aperiat,  praefectum  admoneat.  Sacerdotes 
oratorii,  date  salutationis  x\ngeiic6e  signe  serotino,  in  domum  se 
recipiant;  nec  nocte  vagentur  exeantve,  nisi  nécessitas  urgeat.  Die 
cîim  egredientur^  ostiario  quô  eant  dicant,  ut  si  forte  postmodùm 
ab  aliquibus  petantur,  jbinam  sint  docere  possit.  Sit  unicum  in 
domo  ostium,  et  unica  clavis  qua3  die  ab  ostiario  servetur,  nocte  à 
prapfecto.  Nemini  .icitum  sit  nocte  quemquam  extraneum,  nisi  spe- 
ciali  cum  veniâ,  retinere.  Fœmina3  omninô  à  domo  arceantur. 
Extranei  sacerdotes,  qui  in  audiendis  confessionibus ,  aliisve  exer- 
cendis  officiis  laboraverint,  velut  domestici  excipiantur* 

De  praesidentiâ  et  çuffragiis  in  conventibus. 

Prœfecto  reverentiam  et  obedientiam  déférant  omnes.  Is  in  coq- 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  69 

îceîny  aura  deux  voix  en  Chapitre. 

Le  Plebain  présidera  en  son  absence,  et  alors  aura  une 
V(iix  et  demie  ;  c'est  à  dire,  quand  les  voix  seront  esgales,  le 
cosfé  duquel  il  panchera  l'emportera.  Tous  les  autres ,  quoy 
qu'il  arriveroit  quelque  fois  qu'ils  présidassent,  n'auront 
qu'une  voix  simplt^. 

Quand  il  faudra  s'assembler  extraordinairement,  la  con- 
vocation du  Chapitre  se  fera  par  le  Prefect. 

On  députera  deux  prestres  de  la  Congrégation ,  qui  au- 
ront soing  que  l'on  fasse  bien  les  aumosnes ,  sans  aucune 
tromperie. 

Un  chacun  pourra  s'absenter  de  la  Congrégation,  sansestre 
repris ,  trente  jours  continuels  ou  discontinuels.  Toutesfois 
la  Congrégation  en  sera  au  preallable  advertie,  à  fin  que  plu- 
sieurs ne  s'absentent  pas  tout  en  un  temps ,  et  que  le  divin 
Office  ne  soit  diminué.  Que  si  la  nécessité  veut  que  quelqu'un 
sorte  d'autres  fois,  il  demandera  congé  à  la  Congrégation. 

Il  ne  sera  permis  à  personne  de  posséder  ((uelqu'autre 
bénéfice  qui  requière  résidence  plus  outre  que  trois  mois , 

ventibus liabeat  duo  votaj  plebanus^  eo  absente,  prœsideat,  habeat- 
que  tune  volum  et  dimidium  voti;  scilicet,  cùm  par  erit  votorum 
numerus,  ea  pars  vincat  in  quam  inclinaverit.  Reliqui  omnes, 
etiamsi  eis  aliquando  contingat  ut  praesideant,  nonnisl  simples 
votum  habeant.  Cùm  opus  fuerit  prœter  ordinem  convenire ,  prae- 
fectus  conventum  cogat. 

De  eleemosynariis. 

Duo  ex  congregatione  constïtuantur  sacerdotes,  qui  erogandis  rite 
et  absque  fraude  stipibus  invigilent.  Poteril  unusquisque  trigenta 
diebus,  vel  continuis  vpI  discontinuis,  à  congregatione  absque  repre- 
hensione  abesse.  Moneatur  tamen  anteà  congregatio  ^  fie  plures  simul 
abesse  contingat,  atque  ità  divinus  cullus  minuatur.  Aliàs  si  ex 
necessitate  alicui  exeundum  sit,  licentiam  à  congregatione  petat. 

De  benefîciis. 

Is'emini  liceat  ultra  très  menses  beneticium  aliud  quod  residentiam 


TO  OPUSCULES 

sinon  que  peut-estre  le  souverain  Pontife  ayt  dispensé  pour 
quelque  cause;  autrement  il  sera  privé  de  sa  place  par  la 
Congrégation. 

Outre  la  commune  despen^-e  de  la  Congrégation  ,  le  pre- 
fect  prendra  pour  ses  gages  cent  escus  d'or  ;  le  Plebain ,  cent 
ducatons;  le  Sacristain,  trois  cens  florins;  tous  les  autres , 
chacun  deux  cens  et  cinquante  floriixs;  et,  selon  que  la  Con- 
grégation verra  estre  de  faire,  quarante  ducatons  seront  dis- 
tribuez entre  les  serviteurs. 

Il  ne  sera  permis  à  personne  de  manger  de  la  chair  en  la 
maison  les  veilles  des  f estes  de  nostre  Dame  ;  et  tous  obser- 
veront absolument  le  jeusne  la  veille  de  la  Nativité  de  la 
mesme  glorieuse  Yierge,  parce  que  c'est  la  feste  la  plus 
solemnelle  de  la  Congrégation. 

Les  manquemens  du  Prefect  seront  rapportez  aux  Supé- 
rieurs ordinaires. 

Il  devra  estre  esleu  par  la  Congrégation,  docteur  en  théo- 
logie ou  en  droict,  et  aagé  de  trente  ans. 

requirat,  possidere,  nisi  forte  ex  causa  summus  pontifex  dispensas- 
set  :  alioquin  loco  à  congregalione  privetur. 

De  honorariis  et  mercedibus 

Praeter  communem  impensam  congregationis,  preefectus  sua  pro 
mercede  accipiat  centum  aureos  nummos;  plebanus,  centum  ducatos; 
sacrista,  trecentos  florenos;  reliqui  omnes,  duceritos  quinquagenta 
florenos.  Inter  famulos,  prout  congregatio  viderit,  quadragenta 
ducati  distribuantur. 

De  jejuniis  et  abstinenliis. 

Nemini  liceat  vigiliis  festoi'um  beatce  Mariœ  Virginis  carnes  in 
domo  edere.Yigiliâ  autem  nativitatisejusdem,  quippè  cùm  sit  festum 
in  congregatione  solemnJus^  omnes  omninô  jejunium  observent. 

Ouales  eligendi  sint  congregationis  sacerdotes. 

Prœfecti  errores  ad  superiores  ordinarios  deferantur.  Is  à  congre- 
gatione eligatur;  et  vel  theologiee  vel  jurium  doctor  esse  debeat^ 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  7j 

Le  Plebain  sera  esleu  au  concours,  tout  de  mesme  que  les 
mitres  Curez  du  diocèse ,  selon  les  décrets  du  sainct  Concile 
de  Trente  ;  auquel  concours  toutesfois  les  prestres  de  la  Con- 
grégation seront  préférez  aux  autres  quand  ils  se  treuveront 
pareils;  et  lesquels  prestres  seront  esleuz  par  la  Congréga- 
tion. Ils  subiront  Fexamen  ,  pour  sçavoir  s'ils  sont  capables 
de  l'administration  des  sacremens. 

On  députera  un  Thresorier  gênerai ,  qui  aura  charge  de 
tout  ce  qui  regarde  Foeconomie  ;  il  posera  compte  en  Chapitre 
■de  six  en  six  mois. 

Ouant  au  Collesfe,  si  les  Pères  Jésuites  viennent,  comme  il 
est  presque  conclu,  on  leur  baillera,  comme  pour  gages, 
quatre  cens  escus  d'or.  Que  s'ils  ne  viennent  pas  ,  il  faudra 
avoir  quatre  regens,  sans  celuy  c{ui  apprendra  à  lire  aux  en- 
fans.  On  donnera  au  premier  pour  gages  cent  ducatons  ;  au 
second,  cinq  cens  florins;  au  troisiesme  et  quatriesme,  à  cha- 
cun quatre  cens  et  cinquante  florins. 

Les  enfans  du  Séminaire  seront  vestus  d'une  robbe  bleue, 
longue  jusques  aux  talons. 

retatisque  annorum  trigeiita.  Plebanus  in  concursu,  ut  alii  curiones, 

secundùm  statuta  coiicilii  ïridentini,  eligatur.   Sacerdotes  tamen 

congregationis  caeteris  paiibus  pra^ferantur;  eligantur  hi  à  congre- 

galione.  Kxameii  subeant  an  ad  sacramentorum  administrationem 

idonei  sint. 

De  qnaestore  seu  procuratore. 

Constituatur  quœstor  generalis^  qui  rerum  omnium  quae  ad  œcono- 

miam  spectant ,  curam  babeat.  Is  in  conventu  singulis  sextis  men- 

sibus  rationem  reddat. 

De  scholis.  * 

Quod  ad  gymnasium  attinet,  si  patres  societatis  Jesu ,  ut  ferè 
•conclusumest,  veniant,  dabuntur  eis,  valut  pro  mercede,  quadrin- 
genti  aurei  nummi.  Sin  minus,  habeantur  quatuor  scholarum  mode- 
ratores,  praeter  eum  qui  pueros  docebit  légère.  Primo  dentur  pro 
inercede  centum  ducati ,  secundo  quingenti  floreni,  tertio  et  quarto 
unicuique  quadringenti  quiquagenta  floreni.  Adolescentes  seminarii 
caeruleà  talari  togâ  induantur. 


72  OPUSCULES 


X. 


LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AU   ROI   HENRI   IV, 

(Tirée  de  la  Vie  du  Saint  ^  par  le  P.  la  Rivière  ) 

U  le  remercie  de  l'offre  d'une  pension  que  sa  majesté  lui  avoit  faite 
en  attendant  qu'il  vaquât  un  bénéfice  digne  de  lui. 

Sire, 

Je  remercie  de  tout  mon  cœur  vostre  Majesté  du  souvenir 
qu^elle  a  daigné  avoir  de  ma  petitesse.  J'accepte,  ouï,  j'ac- 
cepte avec  un  très-grand  playsir  vostre  royale  libéralité  ; 
mais  vous  me  permettrés,  Sire,  de  vous  parler  franchement: 
grâces  à  nostre  Seigneur,  je  suis  maintenant  dans  une  telle 
situation ,  que  je  n'ay  point  besoin  de  cette  pension  :  c'est 
pourquoy  je  supplie  tres-humblement  vostre  Majesté  d'avoir 
pour  aggreable  qu'elle  me  soit  conservée  entre  les  mains  de 
vostre  Trésorier  des  espargnes,  pour  m'en  servir  quand  j'ea 
auray  besoin*. 

i  C'est  la  lettre  40^  de  la  collection  Biaise. 

•  Le  roi  répondit  à  cette  lettre,  qu'il  n'a  voit  jamai?  ^-lé  refusé  de  si  bonne- 
grâce,  et-ne  laissa  point  cependant  de  solliciter  le  Saint  d'accepter  un  béné- 
fice. Mais  il  répliqua  qu'appelé  à  l'évèché  de  Genève,  il  devoit  à  sa  patrie  d« 
ne  Ift  point  abandonner. 


DE  S.    FRANÇOIS  DE  SALES.  73 


XI. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  LA  COMMUNArié  DES  FILLES-DIEU  DE  PARIS,  OUDRE  DE  FONTEVRAULT  «, 

(Tirée  de  la  Vie  du  Saint,  par  Ch.-Aug.  de  Sales.) 

Il  les  engage  à  réformer  certaines  pratiques  qui  s'étoicnt  introduites  dans  leur 
communauté,  et  dont  il  voyoit  avec  regret  l'établissement. 

De  Sales,  b  22  novembre  1602. 

Mes  tres-reverendes  Dames  et  chères  Seurs, 

J'ay  pris  une  telle  confiance  en  vostre  charité ,  qu'il  ne 
me  semble  plus  avoir  besoin  de  préface  ou  avant-propos  pour 
vous  parler,  soit  en  absence,  comme  je  suis  contraint  de 
faire  maintenant,  soit  en  présence,  si  jamais  Dieu  dispose 
de  moy  en  sorte  que  j'aye  le  bien  de  vous  revoir.  J'ayme 
en  tout  la  simplicité  et  la  candeur  :  je  croy  que  vous  l'ay- 
més  aussi;  ce  que  je  vous  supplie  de  continuer,  parce  que 
cela  est  fort  séant  à  vostre  profession  :  je  pense  que  les  tu- 
niques blanches  que  vous  portés  en  sont  le  signe.  Je  vous 
diray  donc  simplement  ce  qui  m'a  esmeu  à  vous  escrire  à 
toutes  ensemble. 

»  C'est  la  4le  des  édit.  Biaise. 

*  L'ordre  de  Fontevrault  fut  fondé  par  le  bienheureux  Robert  d*ArbrisseI, 
Archidiacre  de  Rennes,  vers  l'an  1100;  il  lui  doni/  \a  règle  de  S,  Benoit, 
avec  quelques  constitutions  particulières  que  le  pape  SiXte  IV  réforma  et  ré- 
tablit en  partie.  Cet  ordre  a  compté  parmi  ses  abbesses  jusques  à  quatorze 
princesses,  dont  cinq  de  la  branche  royale  des  Bourbons.  Le  couvent  de  cet 
ordre  qui  existoit  à  Paris,  et  auquel  s'adresse  cette  lettre,  ayant  été  fondé  en 
1485,  dans  un  monastère  précédemment  occupé  par  les  filles-Dieu,  il  con- 
serva ce  dernier  nom* 


, 


74  ,  OPUSnTTLFS 

Croyés-moi,  jp  vous  supplie,  je  suis  fort  importuné  de 
raffoction  extrême  que  je  porte  au  bien  de  vostre  maison  ; 
car  icy,  où  je  ne  puis  vous  rendre  que  fort  peu  de  services, 
elle  ne  laisse  pas  que  de  me  sug^^erer  une  infinité  de  désirs, 
qui  vous  sont  inutiles  et  à  moy.  Je  n'ose  pas  pourtant  rejeter 
ces  inclinations,  parce  qu'elles  sont  bonnes  et  sincères,  mais 
sur  tout  parce  que  je  crois  fermement  que  c'est  Dieu  qui  me 
les  a  données.  Que  si  elles  me  mettent  en  danger  de  quel- 
ques inquiétudes,  ce  n'est  pas  par  leurs  qualités,  mais  par 
la  foiblesse  de  mon  esprit  qui  est  encore  sujet  au  mouvement 
des  vents  et  de  la  marée.  Or  c'est  un  vent  qui  agile  mainte- 
nant mon  esprit  en  l'affection  qu'il  vous  porte,  et  ne  sçaurois 
m'empescher  de  vous  le  nommer;  car  c'est  le  seul  subjetqui 
m'a  fait  desrober  ce  loisir  pour  vous  escrire  à  la  presse  d'un 
monde  d'affaires  qui  m'environnent  en  ce  commencement 
de  ma  charge  \ 

Je  partis  de  Paris  avec  ce  contentement  de  vous  avoir  en 
quelque  sorte  tesm oigne  l'estime  que  je  faisois  de  la  vertu 
de  vostre  Mayson ,  de  laquelle  l'opinion  me  donnoit  beau- 
coup de  consolation  et  me  profitoit  intérieurement,  m'ani- 
mant  au  désir  de  ma  perfection.  La  sainte  parole  dit  que 
Jonas  se  consola  à  l'ombre  du  lierre  et  de  l'arbre^ .  Mais  un 
vent  chaud  et  cuisant  desseijcha  fresque  tout  en  un  moment 
cet  arbrisseau^.  Un  vent  fit  presque  le  mesme  effet  en  la 
consulatiou  que  j'avois  en  vous;  mais  pensés,  je  vous  sup- 
plie, que  ce  fut  un  vent  du  midi  d'une  entière  charité- 


'  S.  François  de  Sales  étoit  alors  évèque  do,  Genève,  par  la  mort  de  M.  d^ 
Granier  son  prédécesseur,  arrivée  le  17  septembre  précédent;  mais  il  n'éloi; 
pas  encore  sacré ,  et  ne  le  l'ut  que  le  8  de  décembre  suivant. 

2  Praeparavit  Dominus  Deus  hederam,  et  asceadit  super  caput  Jonae,  ut 
esset  umbra  super  caput  '"jus,  et  protegeret  eum  (laboravere t  enim) ;  et  Ise- 
talus  est  Jonas  super  hedera  /'detitiâ  magnâ.  Jonae,  IV,  V,  6. 

3  Et  cùm  ortus  fuisset  sol,  praecepit  Dominus  vento  valide  et  urenti.  Et 
percussit  sol  super  caput  Jonae,  et  aestuabal.  Et  petivit  aniraae  suae  ut  more- 
relur.  Ibid.  8. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES;  75 

Ce  liît  un  rapport  auquel  je  fus  obligé  de  donner  créance 
par  la  considération  de  toutes  les  cifconstances.  Seigneur 
Dieu!  que  je  fus  marri,  et  de  ce  que  Ton  me  disoit ,  et  de 
l'avoir  sceu  seulement  en  un  tems  auquel  je  n'avois  pas  loisir 
d'en  traiter  avec  vous  !  car  je  ne  sçay  si  mon  affection  me 
trompe ,  mais  je  me  persuade  que  vous  m'eussiés  donné  une 
favorable  audience,  et  n'eussiés  sceu  trouver  mauvaise  aucune 
remonstrance  que  je  vous  eusse  faite,  puisque  vous  n'eussiés 
jamais  découvert  en  mon  ame  ny  en  tous  ses  mouvemens , 
sinon  une  entière  et  pure  affection  à  vostre  avancement  spi- 
rituel et  au  bien  de  vostre  May  son. 

Mais  n'ayant  pas  deu  ar rester  pour  cela ,  estant  appelé  icy 
pour  un  bien  plus  grand ,  je  me  suis  mis  à  vous  escrire  sur 
ce  subjet ,  bien  que  j'aye  quelque  tems  débattu  en  moy- 
mesme  si  cela  seroit  à  propos  ou  non  :  car  il  me  sembloit 
presque  que  cela  seroit  inutile,  d'autant  que  ma  lettre  seroil 
subjette  à  recevoir  des  répliques,  et  m'en  feroit  donner; 
,  qu'elle  arriveroit  peut-estre  bors  de  saison  ;  qu'elle  ne  vous 
representeroit  pas  naïvement  ny  mon  attention  ny  mon  affec- 
tion ;  que  vous  estes  en  lieu  oii  vous  serés  conseillées  de  vive 
voix  par  un  monde  de  personnes  qui  vous  doivent  estre  en 
plus  grand  respect  que  moy  ;  et  que  si  vous  ne  croyés  à  Moïse 
et  aux  prophètes  qui  vous  parleront ,  malaysément  croirés- 
vous  à  ce  pauvre  pécheur  qui  ne  peut  que  vous  escrire;  et, 
outre  cela ,  qu'à  ce  qu'on  m'a  dit ,  quelques  autres  prédica- 
teurs meilleurs  et  plus  expérimentés  à  la  conduite  des  âmes 
que  je  ne  suis,  vous  en  ont  parlé  sans  effet. 

Néanmoins  il  a  fallu  que  toutes  ces  raysons  ayent  cédé  à 
mon  affection  et  au  devoir  que  l'extrême  désir  de  vostre  bien 
m'impose.  Dieu  employé  bien  souvent  les  plus  foibles  pour 
les  plus  grands  effets  Que  puis-je  sçavoir  s'il  veut  porter  son 
inspiration  dans  vos  cœurs  sur  les  parolles  qu'il  me  donnera 
pour  vous  escrire?  J'ay  prié;  je  dirois  bien  plus,  et  je  ne  di- 
irois  que  la  vérité;  mais  cecy  suffira;  j'ay  arrousé  ma  bouche 


70  OPUSCULES 

du  sang  de  Jesus-Christ  à  la  messe,  pour  vous  pouvoir  en- 
voyer des  paroles  convenables  et  preignantes.  Je  les  porteray 
donc  icy  sur  ce  papier  :  Dieu  les  vueille  conduire  et  addres- 
ser  en  vos  esprits  pour  y  servir  à  sa  gloire! 

Mes  chères  Sears,  on  m'a  dit  qu'il  ^  a  en  vostre  Mayson 
des  pensionnettes  particulières  et  des  propriétés  dont  les  ma- 
lades ne  sont  pas  esgalement  secourues  ;  que  les  saines  ont 
des  particularités  aux  viandes  et  habits  sans  nécessité,  et  que 
les  entretiens  et  récréations  n'y  sont  pas  fort  dévotes.  On  m'a 
dit  tout  cela  et  beaucoup  d'autres  choses  qui  s'ensuivent. 
J'aurois  aussi  beaucoup  de  choses  à  vous  dire  sur  ce  subjet; 
mais  ayés  la  patience,  je  vous  supplie,  faites-moy  cet  hon- 
neur de  lire  attentivement  et  doucement  ce  que  je  vous  en 
représente.  Gratifiés  en  cela  mon  zèle  à  vous  servir. 

Mes  bonnes  Dames,  vous  devés  corriger  vostre  Mayson 
de  tous  ces  défauts ,  qui  sont  sans  doute  contraires  à  la  per- 
fection de  la  vie  religieuse.  L'agneau  paschal  doit  estre  sans 
macule;  vous  estes  des  agneaux  de  la  Pasque,  c'est  à  dire  du 
passage  ;  car  vous  avés  passé  de  l'Egypte  du  monde  au  désert 
de  la  Religion,  pour  vous  acheminer  en  la  terre  de  promis- 
sion. Certes,  il  faut  que  vous  soyés  sans  tache  ou  macule 
apparente.  Mais  ne  sont-ce  pas  des  macules  bien  noires  et 
manifestes ,  que  ces  défauts  et  grands  manquemens  que  j'ay 
marqués  cy-devant,  et  principalement  en  une  telle  Mayson? 
Il  les  faut  donc  corriger.  Vous  les  devés  corriger  à  mon  ad- 
vis,  parce  qu'ilz  sont  petits,  ce  semble,  et  partant  il  les  faut 
combattre  pendant  qu'ilz  le  sont;  car,  si  vous  attendes  qu'ils 
croissent ,  vous  ne  les  pourrés  pas  aysement  guérir.  Il  est 
aysé  de  destourner  les  fleuves  en  leur  origine ,  où  ilz  sont 
encore  foibles  ;  mais  plus  avant  ilz  se  rendent  indomptables, 
Prenés-moi/y  dit  le  cantique,  ces  petits  renardeatix  qui 
ruinent  les  vignes\  Hz  sont  petits,  n'attendes  pas  qu'ilz 
soient  grands;  car,  si  vous  attendes,  non  seulement  il  na 
*  Gapite  nobis  vulpesparvula^^  quje  demoliuntur  vineâs.  Gant.  If,  15* 


DE   S.    FRANÇOIS   DR  SALES.  77 

sera  pas  aysé  de  les  prendre,  mais  quand  vous  les  voudrés 
prendre,  ce  sera  lorsqu'ilz  auront  desja  tout  gasté.  Les  enfans 
d'Israël  disent  en  un  psaume  :  Filia  Babylonis  misera;,,, 
heatus  qui  tenchif  et  allidet  parvulos  tuos  ad  "petram  */  La 
Fille  de  Babylone  est  misérable;, . .  6  que  bienheureux  estceluy 
que  écrase  et  brise  ses  petits  contre  lajnerrel  Le  desordre,  le 
dérèglement  des  Religions  est  vrayement  une  liîle  de  Baby- 
lone et  de  confusion.  Ah  \  que  bienheureux  sont  les  esprits 
qui  n'en  souffrent  que  les  commencemens ,  ou  plustost  les 
terrassent  ou  fracassent  à  la  pierre  de  la  reformation  ! 

L'aspic  de  dissolution  et  de  dérèglement  n'est  pas  encore 
enclos  en  vostre  mayson;  mais  prenés  bien  garde  à  vous, 
ces  défauts  en  sont  les  œufs  ;  si  vous  les  couvés  en  vostre 
sein ,  ilz  écloront  un  jour  à  vostre  ruine  et  perdition,  et  vous 
n'y  penserés  pas.  Mais  si  ces  défauts  sont  petits ,  comme  il 
peut  sembler  à  quelques-unes,  n'estes-vous  pas  beaucoup 
moins  excusables  de  ne  les  pas  corriger?  Quelle  misère,  di- 
soit  aujourd'hui  S.  Chrysostome,  dans  l'homélie  de  l'Evan- 
gile de  sainte  Cécile,  de  laquelle  nous  faysons  la  f este  ;  quelle 
misère  de  voir  une  troupe  de  filles  avoir  combattu ,  battu  et 
vaincu  le  plus  fort  ennemy  de  tous,  qui  est  le  feu  de  la  chair, 
et  néanmoins  se  laisser  vaincre  à  ce  chetif  ennemy,  Mam- 
mon ,  dieu  des  richesses  !  Et  certes  toutes  propriétés  et  parti- 
cularités de  moyens  en  religion  se  réduisent  à  Ma  m  mon  de 
l'iniquité.  C'est  pourquoy,  disoit-il,  ces  pauvres  vierges  sont 
toutes  appellées  folles,  parce  qu'après  avoir  dompté  le  plus 
fort,  elles  se  rendeni  au  plus  foible  '. 

Vostre  Mayson  excelle  en  beaucoup  d'autres  perfections , 
et  est  incomparable  en  icelles  à  toutes  autres  :  ne  sera-ce  pas 

»Psal.  GXXXVI,  8. 

*  Non  est  corporum  et  pecuniae  par  cupiditas  ;  sed  acrior  multô  atque  vehe- 
mentior  illa  corporum  est.  Quarito  igitur  cum  imbecilliore  luctantur,  tantd 
minus  venià  dignae  sunt.  Idcircb  etiam  fatuas  appellavit,  quoniam,  majori 
ccrtamine  sup'^rato,  in  faciliore  totum  perdiderunt.  S.  Chysost.  Homil.  LXXIX 
in  I^latt..  mst  initium» 


78  OPUSCULES 

un  grand  reproclie  d'en  laisser  ternir  la  gloire  par  ces  cîk^- 
tives  imperfections?  On  vous  appelle,  par  une  ancienne  es- 
time et  prérogative  de  vostre  Mayson,  Filles  de  Dieu;  vou- 
lez-vous perdre  cet  honneur  par  le  défaut  d'une  reformation 
en  ces  petites  défectuosités,  pour  un  potage  de  lentillt-s 
perdre  la  primogeniture  que  vostre  nom  semble  vous  avoir 
donnée  par  le  consentement  de  toute  la  France? 

C'est  à  la  vérité  une  marque  de  très-grande  imperfection 
au  lion  et  à  l'elephant,  qu'après  avoir  vaincu  les  tigres,  les 
bœufs,  les  rhinocéros,  ilz  s'effrayent,  s'espouvantent  et  tré- 
moussent ,  le  premier  devant  un  petit  poulet ,  et  l'autre  de- 
vant un  rat,  dont  la  seule  vue  leur  fait  perdre  courage  :  cela 
est  un  grand  déchet  de  leur  générosité  ;  et  est  aussi  une 
grande  tare*  (qui  signiiie  défaut)  à  la  bonté  de  vostre  May- 
son ,  d'y  avoir  des  pensions  particulières  et  semblables  dé- 
fauts, après  que  l'on  y  a  veu  tant  d'autres  qualités  ïotiables. 
Soyés  donc  fidelles  en  la  reformation  de  ces  menues  imper- 
fections; alïin  que  vostre  Espoux  vous  constitue  sur  beau- 
coup de  perfections,  et  qu'il  vous  appelle  un  jour  à  sa  gloire*. 

Mais  après  tout  cela,  permettés-moy,  je  vous  supplie,  de 
vous  dire  mon  opinion  touchant  ces  défauts.  Hz  sont  à  la 
vérité  petits ,  si  on  les  met  en  comparaison  des  plus  grands  : 
car  ce  ne  sont  que  commencemens ,  et  tout  commencement , 
soit  en  mal ,  soit  en  bien,  est  toujours  petit.  Mais  si  vous  les 
considérés  en  comparaison  de  la  vraye  et  entière  perfection 
religieuse,  à  laquelle  vous  devés  aspirer,  ilz  sont  sans  doute 
très-grands  et  tres-dangerev^- .  Est-ce,  je  vous  supplie,  un 
petit  mal  que  celuy  qui  attaque  et  gaste  une  partie  noble  de 
vostre  Corps,  à  savoir  le  vœu  de  pauvreté?  On  peut  estre 
bonne  Religieuse  sans  chanter  au  Chœur,  sans  porter  tel  ou 

1  Tare  est  une  défectuosité  qui  se  trouve  en  quelque  chose ,  soit  au  poids, 
au  compte  ou  à  la  substance.  Quand  or  f^^nd  les  métaux,  il  y  a  toujouir  de 
la  tare,  de  la  diminution,  par  ce  qui  o   <dpore  ou  se  tourne  en  scorie. 

*Euge,  serve  bone  etfidelis:  quia  i  iper  pauca  fuisti  fidelis,  super  muIU 
te  constituam  ;  intra  îii  gaudiura  Don  ini  tui.  Matth.  XXV,  21. 


DF    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  79 

tel  habit,  sans  telle  ou  telle  abstinente;  mais  sans  la  pau- 
vreté et  communauté,  nulle  ne  le  peut  estre. 

Le  vermisseau  qui  rongea  la'  courge  de  Jonas  sembloit 
estre  petit;  mais  sa  malice  estoit  si  grande,  que  l'arbrisseau 
en  périt  K  Les  défauts  de  vostre  Mayson  semblent  bien 
minces;  mais  leur  malice  est  si  grande,  qu'elle  gaste  vostre 
vœu  de  pîiuvreté. 

Ismaël  estoit  petit  garçon,  mais  incontinent  qu'il  com- 
mença à  picquer  et  agacer  Isaac,  la  sage  Sara  le  fît  eschapper, 
avec  Agar  sa  mère,  hors  la  mayson  d'Abraham 2,  c'est  à 
dire,  du  grand  Père  céleste.  Il  y  a  eu  une  Sara  et  une  Agar; 
cette  partie  supérieure  et  en  certaine  façon  surhumaine,  et 
l'autre  plus  basse  et  humaine  ;  l'esprit  et  l'intérieur,  et  le 
corps  avec  son  extérieur.  L'esprit  a  engendré  le  bon  Isaac  : 
c'est  le  vœu  que  vous  a^^és  fait  comme  un  sacrifice  volon- 
taire sur  la  montagne  de  la  Religion,  ainsi  qu'Isaac,  sur 
la  montagne  de  Vision  ,  s'offrit  de  volonté  en  sacrifice.  La 
chair  et  partie  corporelle  n'engendre  qu'Ismaël  :  c'est  le  soin 
et  le  désir  des  choses  extérieures  et  temporelles.  Pendant 
que  cet  Ismaël,  ce  soin  et  désir,  n'attaque  point  vostre  Isaac, 
c'est  à  dire  vostre  vœu  et  profession,  bien  qu'il  demeure 
chez  vous  et  en  vostre  Mayson ,  j'en  suis  content ,  et ,  ce  qui 
est  le  principal.  Dieu  n'en  est  point  offensé;  mais  quand  il 
agace  vostre  vœu,  vostre  pauvreté,  vostre  profession,  je  vous 
supplie,  mais  je  vous  conjure,  chassés-le  et  le  bannisses. 
Qu'il  soit  tant  petit  qu'on  voudra,  qu'il  soit  tant  enfant  qu'il 
vous  plaira,  qu'il  ne  soit  pas  plus  grand  qu'une  fourmi;  mais 

'  Prœparavit  Dominus  Deus  hederam ,  et  aTs-cendit  super  caput  Jonae ,  ut 
esset  iimbra  super  caput  ejus,  et  protegeret  eu  m  (laboraverat  enim)  ;  et  lae- 
tatus  est  Jonas  super  hederâ  iaetilià  magnâ.  Et  paravit  Deus  vermera  ascensu 
diiuculi  in  crastinum,  et  percussit  hederam,  et  exaruit.  Jonae  IV,  6  et  7. 

2  Cum  vidisset  Sara  filium  Agar  iEgyptiae  ludentem  cum  Isaac  filio  suo . 
dixit  ad  Abraham  :  Ejice  ancillam  haiic  et  filium  ejus;  non  enim  hseres  erit  fr- 
lius  ancillae  cum  filio  meo  Isaac.  Gènes  XXI,  9.  Quomodè  tùnc  is  qui  secuo- 
dùm  cariiem  natus  fuerat  persequebatur  eum  qui  secundùm  spiritum,  ità  el 
nùnc,  etc.  Galat.  IV  20. 


80  OPUSCITLF.S 

il  est  mauvais,  il  ne  vaut  rien,  il  vous  ruinera,  il  gastera 
vostre  May  son. 

Encore  trouvé-je  ce  mal  en  vostre  Mayson  bien  grand , 
parce  qu'il  y  est  maintenu ,  parce  qu'il  y  est  en  repos ,  et 
qu'il  y  séjourne  comme  habitant  ordinaire.  C'est  le  grand 
mal  que  j'y  voy,  que  ces  particularités  sont  meshuy  bour- 
geoises. Les  mouches  nourantes ,  dit  le  Sage  * ,  'perdent  la 
suavité  du  baume  et  onguent.  Si  elles  ne  faysoient  que  passer 
sur  l'onguent,  et  le  succer  en  passant,  elles  ne  le  gasteroient. 
pas  ;  mais  y  demeurant  mortes  et  comme  ensevelies ,  elles  le 
"  corrompent.  Je  veux  que  les  manquemens  et  défauts  de 
vostre  mayson  ne  soient  autre  que  mouches  ;  mais  le  mal  est 
qu'elles s'arrestent  sur  vostre  onguent;  elles  s'y  arrestent,  et 
y  sont  ensevelies  avec  faveur.  Pour  petit  que  soit  le  mal ,  il 
croist  aysement  quand  on  le  flatte  et  qu'on  le  maintient. 
Nul  ennemy,  disent  les  soldats,  n'est  petit  quand  il  est  mes- 
prisé.  Ce  sont  les  raysons  que  Dieu  m'a  données  pour  vous 
prier  de  vouloir  reformer  vostre  Mayson  touchant  ces  petites 
ou  grandes  fautes  que  l'on  m'a  dit  y  estre;  mais  je  ne  puis 
assouvir  le  désir  que  j'en  ay. 

J'ay  encore  voulu  considérer  quelz  empeschemens  vous 
pourroient  rendre  ce  saint  œuvre  malaysé  ,  et  vous  en  dire 
mon  advis.  Je  me  doute  que  vous  n'estimés  pas  qu'en  ces 
pensions  et  autres  particuliarités  il  y  ait  aucune  propriété 
contraire  à  vostre  vœu  ,  parce  qu'à  l'adventure  tout  s'y  fait 
sous  la  permission  et  licence  de  la  Supérieure.  C'est  desjd 
un  mauvais  mot  que  celui  de  permission  et  licence  parmi 
Vesprit  de  perfection.  Il  seroit  mieux  de  vivre  sous  les  lois  et 
ordonnances ,  que  d'avoir  exemptions  ,  licence?  et  permis- 
sions. Vous  voy  es  (le.sja  un  subjet  de  reformation. 

Moyse  avoit  donné  une  permission  et  licence  touchant 
l'intégrité  du  mariage.  Nostre  Seigneur,  reformant  ce  saint 
sacrement  et  le  remettant  en  sa  pureté  ,  protesta  que  Moyse 

*  MusccB  morientes  perdunt  suavitatem  ungueuli.  Eccles.  X,  1, 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALE»  81 

ne  Tavoit  permis  qu'à  foi  ce  et  contrainte,  pour  la  dureté 
de  leurs  cœurs  ^  Bien  souvent  les  Supérieures  plient  ce 
qu'elles  ne  peuvent  rompre,  et  permettent  ce  qu'elles  ne 
peuvent  empescher  ;  et  la  permission  par  après  a  esté  ruse  et 
malice  ,  qu'ayant  duré  quelque  tems  elle  s'en  fait  accroire  ; 
et  au  contraire  des  choses  qui  vieillisent,  elle  se  renforce 
et  semble  peidi  j  petit  à  petit  sa  laideur  et  sa  difformité.  Les 
permissions  a' tntrent  jamais  que  par  grâce  dans  les  mo- 
nastères; mais  y  ayant  pris  pied ,  elles  y  vont  demeurer  par 
force  ,  et  nen  sortent  jamais  que  par  rigueur. 

Mais ,  outre  cela ,  je  dis  qu'il  n'est  rien  de  si  semblable 
que  deux  gouttes  d'eau  :  néanmoins  l'une  peut  estre  de  rose  , 
et  l'autre  de  ciguë  ;  l'une  guérit ,  et  l'autre  tuë.  Il  y  a  des 
permissions  qui  peuvent  estre  aucunement  bonnes;  mais 
celle-cy  ne  l'est  pas  :  car  c'est  enfin  une  propriété ,  quoy 
que  voilée  et  cachée  ;  c'est  l'idole  que  Rachel  tenoit  cachée 
sous  sa  robe.  On  dit  que  la  Supérieure  le  permet ,  et  que 
c'est  sous  son  bon  playsir  ;  voyla  Rachel  qui  parle.  Mais  ce 
sont  les  pensions  d'une  telle  Seur,  et  non  pas  d'une  autre  ; 
voyla  l'idole  de  la  propriété.  Si  ce  n'est  pas  propriété  que 
l'une  a  plus  de  commodité  sans  nécessité  ,  et  l'autre  plus  de 
nécessité  sans  commodité ,  que  veut  dire  qu'estant  toutes 
Seurs ,  vos  pensions  ne  sont  pas  Seurs  ?  L'une  souffre ,  et 
l'autre  ne  souffre  point;  l'une  a  faim,  diray-je  presque 
comme  S.  Paul  ^,  Vautre  abonde.  Ce  n'est  pas  là  une  Com- 
munauté de  nostre  Seigneur.  Appelez-la  comme  vous  vou- 
drez; mais  c'est  une  pure  propriété  ;  car  là  où  il  n'y  a  point 
de  propriété  ,  il  n'y  a  point  de  mien  et  de  tien ,  qui  sont  les 
deux  motz  qui  ont  produit  le  malheur  du  monde.  Le  Reli- 
gieux qui  a  un  liard  ne  vaut  pas  un  liard ,  disoient  les 
anciens. 

1  Moyses  ad  duritiara  cordis  vestri  permisit  vobis  dimittere  uxores  vestras; 
«b  initio  autem  non  fuit  sic.  Matth.,  XIX,  8. 
*  Alius  quidem  esurit,  alius  autem  ebrius  est.  l.  Gor.^  XI,  21. 
VI,  ô 


82?  OPUSCULES 

L'amour  et  tendre  affection  que  vous  portés  à  vostre 
maison  peut  aussi  estre  un  grand  empeschement  à  la  refor- 
mation  d'icelle  ;  parce  que  cette  passion  ne  peut  permettre 
que  vous  pensiés  mal  d'elle ,  ni  que  vous  oyés  de  bon  cœur 
les  reprehensions  qu'on  vous  en  fait.  Mais  prenés  garde  ,  je 
vous  supplie  ;  car  l'amour  propre  est  rusé ,  il  se  fourre  et 
glisse  par  tout,  et  nous  fait  accroire  que  ce  n'est  pas  luy.  Le 
vray  amour  de  nos  maisons  nous  rend  jaloux  de  leurs  per- 
fections réelles,  et  non  de  leur  réputation  seulement.  La 
femme  du  bon  Tobie  prit  à  point  d'hormeur  un  advertisse- 
ment  de  son  mary,  parce  qu'il  sembloit  révoquer  en  doute 
l'estime  de  sa  famille  *.  Elle  es  toit  trop  pointilleuse  :  si 
ce  mal  n'y  estoit  pas,  elle  en  devoit  loiier  Dieu  ;  s'il  y  estoit, 
elle  le  devoit  corriger.  11  nous  faut  manger  le  beurre  et  le  miel 
avec  nostre  Seigneur,  adoucir  nos  esprits,  et  nous  bumilier, 
choisissant  le  bien  et  rejettant  le  mal^.  Les  abeilles  ayment 
leurs  ruches,  qui  sont  comme  leurs  maysons  ;  je  vous  dis  un 
jour  que  c'estoit  comme  des  Religieuses  naturelles  entre  les 
animaux  ;  mais  elles  ne  laissent  pas  d'esplucber  par  le  menu 
ce  qui  y  est,  et  de  les  purger  à  certains  tems. 

Rien  n'est  si  constant  sous  le  ciel  qu'il  ne  périsse  ;  rien» 
de  si  pur  qu'il  ne  recueille  quelque  poussière  ^.  C'est  bieni 
fait  de  ne  point  dire  inutilement  les  défauts  que  l'on  voit 
dans  les  maysons  ,  et  de  ne  les  point  manifest'"T  ;  mais  de  na 
les  vouloir  pas  reconnoistre,  ny  confesser  à  ceux  qui  peuvent 
estre  utiles  pour  y  donner  remède ,  c'est  un  amour  desoiN 

'  Anna,  uxor  Tobiae,  ibat  ad  opus  textrinum  quotidiè ,  et  de  labore  mat» 
Buum  suamm  victum,  quem  coiisequi  poterat,  defêrebat.  Undè  factum  est)' 
ut  haaclum.  cagrorum  accipiens,  detulisset  domi.  Gujus,  cùiïi  vocem  balaiiLis  vir 
ejus  audisset,  dixit  :  Videte  ne  forte  furtivus  slt....  Ad  hœc  uxor  ejiis  irata 
respondit  ;  Manifesté  vana  est  spes  tua ,  et  eleemosynse  tuae  modo  apparue- 
runt.  Atque  his  et  aliis  hujuscemodi  verbis  exprobrabat  ei.  Tobiae  II,  19.  et  seq. 

2  Butyrum  et  niel  coniedet ,  ut  sciât  reprobare  malura  et  eligere  bonum, 
Isaïô,,.  VU,  15. 

»  Necesse  est  de  mundano  pulvere  etiam  religiosa  ODcda  sordescere.  S.  Léo, 
Serm.  iV^  de  ii^uâdrageâiiiaài. 


DE  S.    FRANÇOIS  DE  SALES.  83 

ilonTié.  L'Espouse  au  Cantique,  confesse  son  imperfection. 
Je  suis  noire ,  dit-elle  ' ,  encore  que  belle. . .  iVe  prenés  pas 
garde  à  ce  que  je  suis  brune,  cest  le  soleil  qui  ma  haslée.  Je 
pense  que  vous  en  pouvés  bien  dire  autant  de  vostre  Mayson  : 
elle  est  belle  et  vertueuse  ,  c'est  la  vérité  ;  mais  la  longueur 
du  tems  et  des  années  a  un  petit  altéré  son  teint.  Pourquoy 
ne  luy  redonnerés-vous  pas  ses  couleurs  par  une  sainte 
reformation?  Quand  il  y  a  quelque  défaut  passager  dans 
une  mayson,  on  le  peut  dissimuler;  mais  quand  il  est 
permanent  et  par  manière  de  coustume,  il  le  faut  chasser 
alors.  Tl  suffit  d'y  appeler  ceux  qui  y  peuvent  servir.  Ce  fut 
Tin  amour  démesuré  en  David  * ,  de  ne  vouloir  pas  qu^on 
defîst  Absaîom  ,  tout  mauvais  et  rebelle  qu'il  estoit.  Quicon- 
que ayme  sa  mayson,  en  procure  la  santé,  la  pureté  et  refor- 
mation. 

Je  pense  qu'il  y  a  un  autre  empeschement  à  la  reforma- 
tion de  vostre  Mayson  ;  c^est  qu'à  l'adventure  vous  estimés 
qu'elle  ne  pourroit  se  maintenir  sans  ces  pensions ,  parce 
qu'elle  est  pauvre.  Au  contraire ,  je  pense  que  ce  Monastère 
est  pauvre,  parce  que  ces  pensions  y  sont.  Il  y  a  en  Italie 
deux  nobles  republiques ,  Venise  et  Gènes.  A  Venise ,  les 
particuliers  ne  sont  pas  si  riches  qu'à  Gènes  La  richesse 
d'es  particuliers  empesche  celle  du  public.  Si  une  fois  vous 
estiés  à  bon  escient  pauvres  en  particulier,  vous  sériés  par 
après  riches  en  commun. 

Dieu  veut  que  l'on  se  fie  en  luy,  chacun  selon  sa  vocation. 
Il  n'est  pas  requis  en  un  homme  laïque  et  mondain  de  s'ap- 

*  Nigra  sum,  sed  formosa....  Nolite  me  considerare  quod  fusca  sim,  quia 
4Îecoloravit  me  sol.  Gantic,  I,  4  et  5. 

2' Praecepit  rex  (David)  Joab,  et  Abizaï,  et  Ethaï,  dicens  :  Servate  mitii 
puerum  Absalom....  Dixit  rex  ad  Chusi  :  Est-ne  pax  puero  Absalom?  Gui  res- 
pondens  Ghusî  :  Piaiït,  inquit,  sicut  puer,  inimici  domini  mei  régis..  .  Gontris- 
tatus  itaque  rex  ascendit  cœnaculum  portas,  et  tïevit.  Et  sic  loquebatur, 
va^Jens  :  Filî  mi  Absatonr,  Absalora'  fîlî  rai  !  quis  mtîii  tribaat  ut  ego  moriar 
fro  te-,  Absalom  M  mi,  fili  mi  Absalom î  IF.  Reg-.,  XVin,  5,  32  et  33. 


81  OPUSCULES 

puyer  en  la  providence  de  Dieu  en  la  sorte  que  nous  autres 
ecclésiastiques  devons  faire  ;  car  il  nous  est  défendu  de  '^e- 
sauriser  et  faire  marchandises ,  mais  il  n'est  pas  défendu 
aux  mondains  :  ny  les  ecclésiastiques  séculiers  ne  sont  pas 
obligés  d'espérer  en  cette  mesme  providence  comme  les  Re- 
ligieux ;  car  les  Religieux  y  doivent  espérer  si  fort ,  qu'il/, 
n'ayent  aucun  soin  de  leur  particulier  pour  avoir  des  moyens. 
Or,  entre  les  Religieux ,  ceux  de  S.  François  excellent  en 
cet  endroit ,  qui  est  la  confiance  et  résignation  qu'ilz  ont  en 
la  Providence  divine  ,  n'ont  nul  moyen  ni  en  particulier  ni 
en  gênerai ,  pratiquant  pleinement  la  parole  du  Psalmiste  : 
Jacta  cogitatum  tuum  in  Domino ,  et  ipse  te  enutriet  *.  Jette 
tout  ton  soing  en  nostre  Seigneur,  et  il  te  nourrira. 

Chacun  doit  jetter  tout  son  soing  en  Dieu ,  et  aussi  il 
nourrit  tout  le  monde  ;  mais  chacun  ne  le  jette  pas  en  mesme 
degré  de  résignation  :  les  uns  l'y  jettent  sous  le  travail  et 
industrie  que  Dieu  leur  a  donnée ,  et  par  laquelle  Dieu  les 
nourrit;  les  autres,  plus  purement,  sans  l'entremise  d'au- 
cune industrie ,  tendent  à  cela.  Hz  ne  sèment  ny  ne  re- 
cueillent, et  le  Père  céleste  les  nourrit  ^.  Or  vostre  condition 
religieuse  vous  oblige  à  vous  resigner  en  la  providence  de 
Dieu,  sansl'aydeny  faveur  d'aucunes  pensions  ny  propriétés^ 
particulières  :  c'est  pourquoy  vous  devés  les  rejetter. 

David  admire  comme  Dieu  nourrit  les  petits  poussins  des 
corbeaux  ^  :  aussi  est-ce  chose  admirable.  Mais  ne  nourrit-it 
pas  les  autres  animaux?  Si  fait;  mais  non  pas  de  la  sorte , 
ny  immédiatement,  dautant  que  les  autres  sont  aydés  de 
leurs  pères  et  mères,  et  n'ont  d'ailleurs  moyen  de  travailler. 

*  S.  François  cite  le  psaume  selon  les  anciens  psautiers.  Dans  la  Vulgate  on 
lit  :  Jacta  super  Dominum  curam  tuam,  et  ipse  te  enutriet.  Ps.  LIV,  23, 

*  Respicite  volatilia  cœli,  quoniam  non  serunt,  neque  metunt,  nequecoiK 
gregant  in  horrea,  et  Pater  vester  cœlestis  pascit  illa.  Matth.  VI,  26. 

5  Prœcinite  Domino  in  confessione,  psallite  Dec  nostroin  citharâ....  quidat 
jumentis  escam  ipsorum,  et  puUis  corvorum  invocantibus  eum.  Psalm.  GXLVI^. 


DE   S.    FRANÇOIS   DR    SALES.  85 

Nostrp  Spi.':î:neur  les  iKiiuiit  presque  miraculeusement;  aussi 
nourrit-il  tousjours  ses  dévotes  servantes  et  créatures,  les- 
quelles, par  la  condition  de  leur  estât  et  profession,  se 
sont  dévouées  à  la  Communauté  et  pauvreté  particulière, 
sans  Pentremise  d'aucun  moyen  contraire  à  leur  condition. 

Les  Cordeliers  ont  estimé  qu'ilz  ne  pouvoient  vivre  en 
cette  estroitè  pauvreté  que  leur  règle  primitive  requeroit  : 
les  Capucins  leur  ont  fait  voir  clairement  que  si.  Pendant 
que  S.  Pierre  *  se  fia  en  celuy  qui  Tappelloit,  il  fut  asseuré; 
quand  il  commença  à  doubter  et  perdre  la  confiance  ,  il  en- 
fonça dans  les  eaux.  Faisons  ce  que  nous  devons ,  chacun 
«elon  sa  condition  et  profession  ,  et  Dieu  ne  lous  manquera 
point.  Pendant  que  les  enfants  d'Isiaël  estoient  en  Egypte, 
il  les  nouriissoit  de  la  viande  que  les  Egyptiens  donnoient  ; 
lorsqu'ilz  furent  au  désert  oii  il  n'y  en  avoit  aucune  ,  il  leur 
donna  la  manne  ^ ,  viande  commune  à  tous  et  particulière  à 
jiul,  et  la({uelle,  si  je  ne  me  trompe,  représente  une  certaine 
Commimauté.  Vous  estes  sorties  de  l'Egypte  mondaine,  vous 
estes  au  désert  de  la  Religion  :  ne  recherchés  plus  les  moyens 
mondains;  espérés  fermement  en  Dieu;  il  vous  nourrira 
«ans  douhte  ,  quand  il  devroit  faire  pleuvoir  la  manne. 

Je  me  double  encore  qu'il  y  ayt  un  autre  empeschement 
à  vosti  e  j<  formation  ;  c'est  qu'à  l'adventure  ceux  qui  vous 
Font  pi()[Misée  ont  manié  la  playe  un  peu  asprement  :  mais 
voudnes-v  us  pour  cela  rejetter  vostre  guerison?  Les  chi- 
rui  giens  sont  (^  ^elquefois  contraints  d'agrandir  la  playe  pour 
amoindrir  le  mal,  lorsque,  sous  une  petite  playe,  il  y  a  beau- 
coup de  meurtrissures  et  concassures  :  c'a  e»lé  peut  estre  cela 

*  Pelrus  dixit  (Jesu)  :  Domine,  si  tu  es,  jubé  me  ad  te  venire  super  aquas. 
At  ipseait  :  Veni.  Et  descendens  Petrus  de  naviculâ,  ambulabat  super  aquara 
ut  \eiiirei  ad  Josum.  Videns  verô  veutum  validum,  tiuiuit;  et  cùm  cœpisset 
niergi.  clauiavit,  dicens  :  Domine,  salvum  me  fac.  Et  continua  Jésus,  ex- 
tendeus  manum,  apprehendit  eum,et  ait  illi;  Modicae  fidei,  quare  dubitastif 
Mali  h.,  XIV,  28otseq. 

»Exod.,iYL 


.^6  OPUSCTTL'FS 

qui  leur  a  fait  porter  le  rasoir  im  petit  bien  avant  dnns  le 
vif.  Je  loue  leur  méthode ,  bien  que  ce  n'est  pas  la  mienne  , 
sur  tout  à  l'endroit  des  esprits  nobles  et  bien  nourris,  comme 
sont  les  vostres.  Je  croy  qu'il  est  mieux  de  leur  montrer 
simplement  le  mal,  et  leur  mettre  le  fer  en  main,  afin  qu'ilz. 
fassent  eux-mesmes  l'incision.  Néanmoins,  ne  laissés  pas 
pour  cela  de  vous  reformer.  J'ay  accoustumé  de  dire  que 
nous  devons  recevoir  le  pain  de  correction  avec  hmxicoiip 
d^ estime ,  encore  que  celui  qui  le  porte  soit  desaggreable  et 
fascheux ,  puisque  Elie  mangeoit  le  pain  porté  par  les  cor-^ 
beaux  ^  Ainsy  celuy  nous  doit  aggreer  qui  procure  nostre 
bien ,  soit  qu'il  en  soit  de  tout  autre  point  desaggreable  et 
fascheux.  Job  racloit  l'ordure  et  suppuration  de  ses  idccres 
avec  une  pièce  de  pot  cassé  ^ ;  c'estoit  une  dure  abjection  ; 
mais  elle  estoit  utile.  Le  bon  conseil  doit  estre  receu ,  soit 
qu'il  soit  trempé  au  fiel,  ou  qu'il  soit  confit  au  miel. 

Que  tous  ces  empeschemens  ne  soient  point  assés  forts , 
je  vous  prie  ,  pour  vous  retarder  de  faire  le  voyage  de  cette 
vostre  et  nécessaire  reformation.  Je  prie  Dieu  c\}iHl  envoyé 
ses  Anges  pour  vous  porter  entre  leurs  mains ,  afin  que  vous 
ne  heur tiés  point  aux  pierres  d! achoppement  ^.  Il  me  reste  à. 
vous  dire  mon  advis  touchant  l'ordre  que  vous  devés  tenir. 

Priés  Dieu  ,  par  des  oraysons  communes  et  distinctes ,  à 
cet  effet  qu'il  vous  fasse  voir  les  défauts  de  vostre  Mayson  , 
et  les  moyens  pour  y  remédier  et  pour  recevoir  la  grâce. 
Puisqu'il  est  le  Dieu  de  paix ,  appaisés  vos  esprits  ,  mettez-^ 
les  en  repos  ;  ne  permettes  pas  que  la  contention  que  vos 
esprits  auront  peut-estre  faite  contre  ceux  qui  vous  auront 

*  Abiit  (Elias)  et  fecit  juxtà  verbum  Domini ,  cùmque  abiisset ,  sedit  in  tor- 
reiite  Carith....  Corvi  quoque  deferebant  ei  panem  et  carnes  manè,  àimiliter 
panem  et  carnes  vesperè,  et  bibebat  de  torrente.  III.  Reg.,  XVII,  5. 

2  Sathan....  percussit  Job  ulcère  pessimo ,  à  planta  pedis  usque  ad  verticem 
ejus;  qui  testa  saniem  radebat,  sedens  in  sterquilinio.  Job,  II ,  7  et  8. 

*  Angelis  suis  mandavit  de  te,  ut  custodiant  te  in  omnibus  "viis  tuis.  In  ma- 
nibus  portabunt  ;e,  ne  forte  offendas  ad  lapidem  pedenn  tuuna.  Ps.  XG,  11, 1*. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  87 

cy-devant  voulu  corriger ,  iassc  au'',{in  préjugé  contre  hi 
lumière  céleste;  ne  tenés  pins  vostre  party,  ny  celuy  de 
vostre  Mayson;  faites  tout  ainsyque  si  vous  vouliés  instituer 
une  nouvelle  Congrégation.  Selon  vostre  ordre  et  vostre 
règle,  traités-en  les  unes  avec  les  autres  en  esprit  de  douceur 
et  de  charité.  Lhors  vostre  Espoux  vous  r(igai'dera  avec  ses 
Ansres ,  comme  nous  favsorjs  les  abeilles  cuand  elles  sont 
doucement  empressées  à  la  confection  de  loar  n^:el ,  et  je  ne 
doubte  point  que  ce  saint  Espoux  ne  parle  à  vostre  cœnr.  pour 
vous  dire  ce  qu'il  dit  à  son  serviteur  Abraham  :  Clœminés 
devant  7noy,  et  soy es  parfait  *.  Entrés  plus  avant  au  désert 
de  la  perfection  :  vous  avés  desja  fait  la  première  journée 
par  l'exacte  chasteté  ,  et  la  seconde  par  l'obeyssance,  et  une 
partie  de  la  troisième  par  quelque  sorte  de  pauvreté  et  com- 
munauté; mais  pourquoy  vous  arrestés-vous  en  si  beau  che- 
min, et  pour  si  peu  de  chose ,  comme  sont  les  pensions  par- 
ticulières? Marchés  plus  avant,  achevés  la  journée  ,  mettes 
tout  en  commun  ,  renonces  à  la  particularité,  aiïin  que  ,  se- 
lon la  sainte  parolle ,  vous  fassiés  une  sainte  immolation  et 
entier  sacrifice  en  esprit  et  en  bien. 

Apres  que  vous  aurés  traité  de  vostre  affaire  avec  vostre 
Espoux  et  par  ensemble  ,  appelles  à  vostre  secours  et  pour 
vostre  conduite  quelques-uns  des  plus  spirituels  qui  sont  à 
l'entour  de  vous;  ilz  ne  vous  manqueront  pas.  J'en  nomme- 
rois  quelques-uns;  mais  vous  les  nommerés  mieux  que  moy, 
et  ceux-là  mesmes  à  Fadventure que  je  voudrois  nommer;  ce 
sont  gens  extresmement  bons  à  cela ,  des  esprits  doux  et 
gracieux  ,  condes(^,endans  quand  ce  vient  à  l'effet ,  bien  que 
leurs  reprehensions  semblent  un  petit  a.spres  et  mordicantes. 
A  ceux-là  vous  devés  confier  vostre  affaire  ,  afïin  qu'ils 
jugent  de  ce  qui  sera  plus  convenable  ;  car  vostre  sexe  est 
subjet  dés  la  création  à  la  condition  de  l'obeyssance  *,  et  ne 

*  Ambula  coramme,  et  eslo perfectus.  Gènes.,  XVll,  1. 

'  Sub  viri  potesiate  eris,  etipss  domiiiciDitur  lui.  Geues.,  III,  16* 


88  OPUSCULES 

réussit  jamais  devant  Dieu  qu'en  se  sousmettant  à  la  con- 
duitte  et  instruction.  Voyés  toutes  les  excellentes  dames  *  de 
la  Mère  de  miséricorde  jusques  à  présent,  et  vous  trouvères 
que  je  dis  vray.  Mais  en  tout  je  présuppose  que  l'autorité  de 
madame  de  Fontevrault  tienne  son  rang. 

C'est  peut-estre  trop  parler  et  trop  escrire  d'un  subjet 
duquel  vous  avés  à  l'adventure  des  oreilles  desja  trop  battues  ; 
mais  Dieu,  devant  lequel  je  vous  excite,  sçayt  que  j'ay  beau- 
coup plus  d'affection  que  de  parolles  en  cet  endroit.  Je  suis 
indigne  d'estie  escouté;  mais  j'estime  vostre  charité  si 
grande ,  que  vous  ne  mespriserés  point  mon  advis ,  et  croy 
que  le  bon  Jésus  ne  m'a  pas  donné  tant  d'amour  et  de  con- 
fiance en  vostre  endroit,  qu'il  ne  vous  ayt  donné  une  affec- 
tion réciproque  de  prendre  en  bonne  part  ce  que  je  vous 
propose  pour  le  service  de  vostre  mayson  ,  laquelle  je  prise 
et  honore  à  l'égal  de  toute  autre ,  et  l'estime  une  des  bonnes 
que  j'ay  veues.  C'est  cela  qui  m'a  fait  désirer  qu'elle  soit 
meilleure  et  parfaite.  Il  me  fasche  de  voir  de  si  grandes  qua- 
lités ,  comme  sont  celles  de  vostre  Maj^son ,  esclaves  sous  les 
menues  imperfections ,  et ,  comme  parle  l'Escriture ,  de  voir 
vostre  vertu  réduite  en  captivité,  et  vostre  beauté  spirituelle 
entre  les  mains  des  ennemis  *.  C'est  pitié  de  voir  une  pré- 
cieuse liqueur  perdre  son  prix  par  le  meslange  d'une  petite 
souillure ,  et  un  vin  exquis  par  le  meslange  de  l'eau.  Ton 
vin  %  dit  un  prophète,  est  meslé  d'eau. 

Je  vous  diray  comme  vostre  saint  patron,  S.  Jean,  qui 
receut  commandement  d'escrire  aux  Prélats  d'Orient  :  Je  sçay 
vos  œuvres,  qui  sont  presque  toutes  boMies  :  vous  estes 
presque  telles ,  bonnes  Religieuses;  mais  j'ay  quelque  petite 

*0n  doit  entendre  par  ces  dames  les  religieuses  de  Fontevrault,  qui  regar- 
daient la  Mère  de  niisericorde  comme  leur  mère  et  première  ahbesse. 

>  Tradidit  in  captivitatem  virtutem  eorum ,  et  pulchritudiiiem  eorum  m 
manus  inimici.  Ps.  LXXVII,  61. 

•Vinum  tuum  mixtum  est  aqua.  Is...  fl,  23. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  8î) 

cîwse  à  dire  contre  vous  ^  il  vous  manque  quelque  chose. 
Je  vous  loue  en  toutes  choses,  dit  S.  Paul  à  ses  Corintliiens  '; 
mais  en  cela  je  ne  vous  loue  pas.  Je  vous  supplie  et  conjure 
par  la  charité  qui  est  entre  nous  ,  ostés  de  vestre  Mayson  ce 
qui  est  de  trop ,  et  ajoutés  ce  qui  y  defaui  Donnés-moy ,  je 
vous  prie  tres-humblement ,  cette  consolation  de  lire  cette 
lettre  en  repos  et  tranquillité  d'esprit ,  et  de  la  priser,  non 
au  poids  du  vulgaire ,  mais  au  poids  du  sanctuaire  et  de  la 
charité  ;  et  je  prie  Dieu  qu'il  vous  donne  les  resolutions  ne- 
ces^^^ires  à  vostre  bien ,  pour  la  plus  grande  sanctification  de 
son  saint  nom  en  vous,  ann  que  vous  soyés  de  nom  et  d'effet 
ses  vrayes  filles.  Je  me  promets  l'assistance  de  vos  oraysons 
pour  toute  ma  vie,  et  plus  particulièrement  pour  cette  entrée 
que  je  fais  en  la  laborieuse  et  dangereuse  charge  d'Evesque, 
affin  que ,  preschant  le  salut  aux  autres ,  je  ne  sois  reprouvé 
à  damnation  ^ 

Dieu  soit  nostre  paix  et  consolation. 

Je  suis  et  seray  toute  ma  vie  ,  mes  révérendes  Dames  et 
tres-cheres  Seurs  en  Jesus-Christ ,  vostre  ,  etc. 

iNovi  opéra  tua,  el  fidem,  et  charitatera  tuam,  et  ministerium ,  et  patien- 
tiam  tuam,  et  opéra  tua  novissima,  plura  prioribus;  sei  Aabeo  adversùs  tê 
pauca.  Apec,  II,  19  et  20. 

*  Quid  dicam  vobis  ?  Laudo  vos  :  in  hoc  non  laudo.  I.  Cor.,  XI,  22. 

•  Ne  forte,  cum  aliis  preedicaverim,  ipse  reprobus  efficiar.  I  Cor.»  IX,  S7« 


90 


OPUSCULES 


XIL 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AUX   CHANOINES  DE   SAINT-PIERRE  DE  GENÈVE. 

ILl€yr  écrit  au  sujel  de  sa  nouvelle  promotion  à  l'évêché  de  Genève. 

Au  chasteau  de  Sales,  fin  de  novembre  1602. 
Messieurs , 

Je  voudrois  voir  en  moy  autant  de  subjet  de  la  joye  que 
vous  avés  de  ma  promotion  comme  j'en  voy  en  l'amitié 
que  vous  me  portés;  j'aurois  beaucoup  moins  d'appréhension 
de  la  pesanteur  du  devoir  auquel  je  me  voy  porté.  Je  me 
confie  néanmoins  en  la  bonté  de  Dieu  (  laquelle  ne  nous 
défaut  jamais  es  choses  nécessaires  )  qu'il  me  donnera  la 
grâce  de  sa  sainte  instance ,  pour  vous  rendre  le  service  que 
je  désire ,  et  auquel  mon  éducation  et  ma  naissance  m'in- 
vitent. Si  vous  me  faittes  ce  bien  de  l'en  supplier  avec  moy, 
vous  aurés  tousjours  plus  de  raysons  de  vous  le  promettre , 
et  moy  de  l'espérer,  comme  l'un  des  plus  grands  contente- 
mens  que  jamais  j'aye  souhaittés.  Permettés-moy  cependant 
que  je  vous  salue  dés  icy,  attendant  que  bientost  j'aye  le 
bonheur  de  vous  voir  en  vostre  ville ,  à  laquelle  je  désire 
la  paix  et  la  consolation  du  saint  Esprit,  et  de  laquelle  je  suis 
entièrement ,  comme  de  vous ,  Messieurs ,  le  serviteur,  etc. 

•  C'est  la  54«  du  liv.  VII  des  anciennes  édit.,  et  la  42e  de  la  collection  Biaise. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  91 


Xllï. 


RÈGLEMENT  DE  VÎE 

Que  dressa  pour  lui-même  saint  François  DE  SALES  pendant  la  retraite  où 
il  se  prépara  à  son  sacre,  lorsqu'il  fut  évéque  de  Genève  par  la  mort  de 
M.  deGranier.  {Vie  de  S.  François  de  Sales,  par  Auguste  de  Sales,  p.  327.) 

(Vers  la  lin  de  novembre  1G02.) 
Manière  de  s'habiller. 

Premièrement.  Quant  à  l'extérieur,  dit-il ,  François  de 
Sales,  Evesque  de  Genève,  ne  portera  point  d'habits  desoye, 
ny  qui  soyent  plus  précieux  que  ceux  qu'il  a  portez  par  cy 
devant  ;  toutesfois  ils  seront  nets  et  bien  proprement  accom- 
modez autour  de  son  corps.  Il  ne  portera  point  à  ses  pieds 
d'escarpins  avec  les  mules  ou  galloches,  tant  parce  que  cela 
ressent  la  vanité  du  monde ,  que  parce  qu'il  est  défendu  par 
les  statuts  de  son  Eglise.  Jamais  il  n'ira  en  point  d'église 
sans  le  rochet  et  camail,  ny  par  la  ville,  et  mesmes  observera 
«ela  par  la  maison ,  quant  au  camail ,  autant  qu'il  se  pourra 
faire.  En  la  maison,  en  l'église  et  par  la  ville,  autant  que  la 
commodité  du  temps  le  luy  permettra ,  il  portera  tousjours 
son  bonnet  carré.  Il  ne  portera  au  doigt  que  le  seul  anneau 
qu'on  appelle  pastoral ,  et  que  les  Evesques  doivent  porter 
pour  marque  de  l'alliance  qu'ils  ont  contractée ,  et  qui  les 
tient  liez  et  oblige/:  à  leur  Eglise  non  moins  estroictement 
que  les  maris  à  leurs  espouses.  Il  ne  portera  point  de  gands 
qui  soyent  parfumez  ou  de  grand  prix ,  ny  de  manchons  de 
soye  et  fourrez ,  mais  il  prendra  ce  qui  sera  de  la  civilité , 
honnesteté  et  nécessité.  Sa  ceincture  pourra  estre  de  soye , 
non  pas  toutesfois  précieuse,  et  en  icelle  il  portera  son  chap- 


^2  OPUSCULES 

pellet  attaché.  Les  attaches  de  ses  soulliers  ne  seront  point 
(le  soye ,  ny  ses  bas  de  chausse.  Sa  tonsure  sera  tous] ours 
en  estât  d'estre  fort  bien  recogneué,  sa  barbe  ronde,  non 
pointue,  et  sans  aucunes  moustaches  qui  passent  la  lèvre 

supérieure. 

Ses  serviteurs. 

2.  Il  taschera  de  n'avoir  point  de  serviteurs  inutiles  et 
superflus.  Il  y  en  aura  deux  ecclésiastiques,  Fun  desquels 
aura  charge  de  toutes  les  affaires ,  et  l'autre  luy  assistera 
aux  Offices  :  et  encore  suffiroit-il  d'un;  mais  maintenant 
il  en  prend  deux  en  considération  d'André  de  Sauzea ,  doc- 
teur en  droict  canon  et  bachellier  en  théologie,  lequel, 
estant  bon  prédicateur,  pourra  faire  beaucoup  de  profit  en 
ceste  diocèse. 

Ils  seront  habillez  à  la  romaine ,  s'il  se  peut  faire ,  avec 
toute  sorte  de  modestie;  ou  bien  comme  les  prostrés  du  sémi- 
naire de  Milan ,  parce  que  ceste  sorte  d'habillemens  couste 
moins  et  est  plus  commode.  Un  secrétaire,  deux  valets  de 
chambre,  l'un  pour  soy,  l'autre  pour  la  famille;  un  cuisi- 
nier avec  son  garçon;  et  un  laquais,  qui  sera  vestu  de  tanné 
avec  les  bords  violets. 

Point  de  ses  serviteurs  ne  portera  des  pennaches,  ny 
d'espée,  ny  des  habits  de  couleur  esclattante ,  ny  de  grands 
cheveux ,  ny  des  moustaches  par  trop  relevées. 

Exercices  des  serviteurs. 

3.  Ils  se  confesseront  et  communieront  tous  les  seconds  di- 
manches du  mois ,  selon  les  statuts  de  la  confrérie  des  Peni- 
tens  de  la  saincte  Croix ,  en  laquelle  ils  s'enrooleront ,  et 
communieront  à  la  Messe  de  l'Evesque.  Ils  entendront  tous 
les  jours  la  Messe;  et  les  dimanches  et  festes  tout  le  divin 
Office  en  l'église  cathédrale.  Ils  se  lèveront  tous  du  lict  à 
cinq  heures  du  matin  ;  mais  les  jours  solemnels,  quand  il 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SAT.ES.  93 

faudra  aller  à  matines,  à  quatre  heures.  Ils  se  coucheront  à 

dix  heures  du  soir  ;  mais  ils  s'a'^sembieront  au  preallable  en 

la  sale  pour  reciter  les  litanies  :  le  dimanche,  du  nom  de 

Jésus  ;  le  lundy,  de  tous  les  Saincts  ;  le  mardy,  des  Anges; 

le  mercredy,  de  sainct  Pierre  Apostre ,  patron  de  TEglise  de 

Genève;  le  jeudx,  du  tres-sainct  Sacrement;  le  vendredy, 

de  la  Passion  de  nostre  Seigneur;  le  samedy,  de  la  glorieuse 

Vierge  Marie  nostre  Dame  ;  sinon  qu'à  l'occasion  de  quelque 

feste,  ces  litanies  doivent  estre  transférées.  L'Evesque  dira 

l'oraison  ;  on  fera  l'examen  de  conscience ,  et  après  cela  tOii^ 

se  retireront. 

Les  chambres. 

4.  En  chaque  chambre  il  y  aura  un  oratoire  ;  et  en  iceluy 
de  Feau  beniste ,  avec  quelque  dévote  image  et  Agnus  Dei. 
Deux  chambres  seront  tapissées ,  une  pour  les  estrangers ,  et 
l'autre  pour  recevoir  les  affaires ,  c'est  à  sçavoir,  la  sale.  Il 
y  aura  tousjours  quelqu'un  qui  aura  soin  de  recevoir  et  in- 
troduire ceux  qui  viendront  ;  et  celuy-là  sera  courtois  et 
gracieux,  taschant  de  ne  fascher  personne  quelle  qu'elle  soit. 

C'est  une  trop  grande  audace  aux  serviteurs  des  Prélats  de 
mespriser  les  ecclésiastiques  inférieurs.  Tous  ceux  qui  ser- 
viront à  l'Evesque  de  Genève  seront  advertis  et  accoustumez 
de  traicter  honnestement  avec  tous,  mais  principalement 

avec  les  prestres. 

Table. 

5.  Quant  à  la  table ,  elle  soit  modérée  ,  et ,  comme  dit  le 
Concile,  frugale,  mais  toutesfois  propre  et  nette.  Les  prestres 
y  seront  assis  ,  et,  autant  qu'il  se  pourra  faire,  tiendront  les 
premières  places.  Chaciiu  bénira  la  table  à  son  tour,  et  dira 
pareillement  les  grâces  ,  excepté  les  festes  solemnelles  :  car 
alors  l'Evesque  fera  la  bénédiction  et  l'action  de  grâces  ; 
comme  aussi  tous  les  jours  il  dira  l'oraison  :  «  Seigneur  be- 
uissez-nous ,  »  parce  que  le  uioindre  doit  recevoir  la  bene* 


94  OPtTSCULES 

diction  du  plus  grand.  On  lira  quelque  livre  de  dévotion 
jusques  à  moitié  disner  ou  soupper  ;  le  reste  sera  donné  à  des 
discours  honnestes.  L'heure  du  disner  sera  à  dix ,  celle  du 
soupper  à  six;  les  jours  de  jeusnes  on  ne  s'assira  point  à  la 
collation,  et  alors  le  disner  sera  à  onze  heures  sonnées,  la 
collation  à  sept. 

L'aumône. 

6.  Quant  à  Taumosne,  il  faudra  observer  les  jours  que  feu 
Monseigneur  le  Reverendissime  avoit  choisis,  à  fin  qu'elle  se 
fasse  publiquement.  Il  faudra  ttischer  qu'elle  soit  plus  grosse 
en  hyver  qu'en  esté,  principalement  depuis  lafeste  des  Roys: 
car  alors  les  pauvres  en  ont  plus  de  besoing:  et  pource  l'on 
distribuera  des  légumes.  Je  ne  sçay  s'il  seroit  expédient  que 
l'Evesque  baillast  l'aumosne  de  sa  main  propre  quand  il 
verroit  que  cela  se  pourroit  faire  commodément ,  comme  le 
mercredy  de  la  grande  semaine  ' ,  ou  le  jeudy  sainct ,  ou  le 
vendredy  sainct  de  la  Passion.  Le  jeudy  sainct  au  Mandat  *, 
on  baillera  à  disner  aux  pauvres  devant  que  leur  laver  les 
pieds  ;  ou  bien  après,  si  le  Mandat  se  faict  de  matin,  comme 
feu  Monseigneur  le  Reverendissime  le  faisoit.  Il  faudra  tas- 
cher  que  les  aumosues  qu'on  distribuera  aux  Frères  Mineurs, 
aux  Jacobins,  aux  Capucins,  aux  Religieuses  de  saincte  Claire 
et  à  l'hospital  soyent  remarquées ,  tant  pour  l'exemple  que 
pour  une  plus  grande  efficace  envers  le  peuple.  Quant  aux 
aumosues  particulières  et  extraordinaires ,  l'onction  ensei- 
gnera ce  qu'il  faudra  faire. 

L'Office  divin. 

7.  Quant  aux  divins  Offices,  toutes  les  f estes  de  comman- 
dement ,  l'Evesque  assistera  aux  premières  vespres  ,  aux  se- 
condes, à  la  grande  Messe,, et  à  l'Office  qui  se  faict  devant  ou 

1^  C'est-à-dire  de  la  semaine  saintei 

*  C'est  la  cérémonie  du  lavement  des  pieds ,  nommée  ainsi ,  parce  qu'elle 
commence  par  l'antienne,  Mandatum  novum  do  vobis. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  9o 

après;  mais  les  jours  solemiiels  ,  outre  cela.,  à  matines.  Il 
célébrera  et  fera  TOffice  la  imict  et  le  jour  de  la  Nativité  de 
nostre  SeigrvMir,à  lafestedes  Roys,  le  dimanche  de  Pasques, 
le  dimanche  vV^  Pentecoste,  à  la  Feste  Dieu  ,  à  la  feste  de 
sainct  Pierre  ei  sainct  Paul ,  à  la  feste  de  sainct  Pierre  aux 
liens ,  patroL  de  TEglise  de  Genève  ,  à  la  feste  de  l'Assomp- 
tion  de  noslrt  Dame  ,  à  la  feste  de  Toussaincts ,  et  le  jour 
anniversaire  de  son  sacre.  Toute  l'octave  de  la  Feste  Dieu  , 
il  assistera  à  rOiïice ,  et  preschera  le  dimanche  précèdent , 
pour  advertir  le  peuple  de  son  office  ,  à  fin  qu'il  gaigne  les 
indulgences.  Le  jour  de  la  feste  ,  le  dimanche  dans  l'octave, 
et  le  jour  de  Foctave,  il  fera  la  bénédiction  dans  Feglise 
des  Religieuses  de  saincte  Claire  ,  tant  à  fin  de  les  consoler 
que  parce  que  ceste  église  est  coustumierement  toute  pleine 
de  peuple ,  et  que  c'est  la  dernière  bénédiction  qui  se  faict 
en  la  ville.  Il  assistera  (autant  qu'il  se  pourra  faire  le  plus. 
souvent)  aux  Offices  et  exercices  des  Confrères  de  la  saincte 
Croix,  du  très- sainct  Sacrement,  du  sainct  Rosaire ,  du 
Cordon ,  mais  principalement  de  la  saincte  Croix ,  à  cause  de 
la  communion  qui  s'y  faict ,  et  qu'il  taschera.de  faire  le  plus 
souvent. 

Etnda 

8.  Voyla  quant  à  l'extérieur. 

Maintenant  quant  à  l'intérieur  :  Et  premièrement  quant 
à  l'estude  ,  il  fera  en  sorte  qu'il  puisse  apprendre  quelqae 
chose  tous  les  jours ,  utile  neantmoins ,  et  qui  soit  coave-- 
nable  à  sa  profession.  Ordinairement  il  pourra  avoir  pour 
estudier  les  deux  heures  qui  sont  entre  sept  et  neuf  de  matin  ; 
après  souper,  il  fera  lire  quelque  livre  de  dévotion  Fespace 
d'une  heure ,  qui  servira  en  partie  pour  l'estude ,  en  partie 
pour  l'oraison. 

La  méditation  et  l'oraison. 

9.  Le  malin ,  agrès  Faction  de  grâce  accoustumée ,  i'invo- 


96  OPUSCULES 

cation  de  l'aide  de  Dieu,  et  dedication  de  soy-mesme  ,  îî  mé- 
ditera l'espace  d'une  heure  ,  selon  qu'il  aura  auparavant 
disposé.  Il  se  tiendra  tousjours  en  la  présence  de  Dieu ,  et 
l'invoquert.  à  toutes  occasions.  Quant  aux  oraisons  jacula- 
toires ,  il  les  arera  ou  de  la  méditation  du  matin ,  ou  de 
divers  ohjects  qui  se  présenteront.  Elles  seront  ou  vocales  ou 
mentales,  selon  qu'il  sera  mené  du  sainct  Esprit;  et  il  s'en 
fera  un  bref  recueil  pour  aspirer  à  Dieu ,  à  la  Yierge ,  aux 
Anges,  et  aux  Saincts  ausc{uels  il  aura  une  particulière  dé- 
votion. 

Il  recitera  ordinairement  l'Office  debout,  ou  à  genoux  : 
matines  et  laudes  sur  le  soir,  après  la  lecture  du  livre  de  dé- 
votion; prime,  tierce,  sexte  et  none ,  entre  six  et  sept  heures 
de  matin ,  c'est  à  sçavoir ,  après  la  méditation  ;  vespres  et 
compiles  devant  souper,  et  le  chappellet  après  vespres ,  avec 
les  méditations*,  d'autant  qu'il  est  obligé  par  vœu  de  le  reci- 
ter. Quand  il  preverra  quelque  urgente  affaire ,  il  pourra 
prévenir  l'heure  de  vespres  et  du  chappellet.  Les  jours  de 
feste  il  recitera  les  heures  et  vespres  avec  le  Choeur,  et  le 
chappellet  pendant  la  grande  Messe. 

La  Messe. 

10.  Il  sortira  le  matin  à  neuf  heures  pour  offrir  le  tres- 
sainct  sacrifice  de  la  Messe ,  laquelle  il  celobrera  tous  les 
jours ,  sinon  qu'il  soit  empesché  par  quelque  extrême  néces- 
sité ;  et  à  fin  de  la  célébrer  avec  plus  de  dévotion ,  il  fera  un 
recueil  et  abbregé  de  diverses  considérations  et  affections, 
par  lesquelles  la  pieté  peut  estre  excitée  envers  ce  grand 
mystère ,  et  s'y  occupera  et  entretiendra  en  sortant  de  sa 
chambre,  et  en  allant  à  l'autel. 

Quand  il  sera  arrivé  à  la  sacristie ,  il  fera  sa  préparation , 
ny  trop  courte  ny  trop  longue  ,  pour  n'attedier  ny  attiédir 
ceux  qui  attendront;  l'action  de  grâces  sera  de  mesme. 
»  Apparemment  la  lecture  des  points  de  la  méditation. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  97 

Apres  la  Messe ,  en  laquelle  il  se  comportera  avec  une  douce 
gravité ,  ne  parlera  avec  personne  ,  au  moins  en  allant  â  la 
Messe,  et  principalement  d'affaires  séculières,  à  fin  que  l'es- 
prit soit  entièrement  recueilly  en  soy-mesme. 

Il  ne  sera  point  mal  à  propos  que  les  jours  qu'on  appelle 
de  dévotion  ,  il  célèbre  la  Messe  es  églises  où  elle  sera ,  à  fin 
que  le  peuple  y  venant  treuve  tousjours  son  Evesque  en 
teste  ;  comme  les  festes  solemnelles  de  ces  églises,  et  quand  il 
y  a  des  indulgences  :  le  ooir  il  fera  l'exercice  avec  le  reste  de 
la  famille. 

La  Confession. 

H .  Il  se  confessera  de  deux  en  deux ,  ou  de  trois  en  trois 
jours,  sinon  que  la  nécessité  portast  autrement ,  vers  le  pics 
capable  Confesseur  qu'il  pourra  commodément  avoir,  c':  le- 
quel il  ne  changera  sans  nécessité.  Il  se  confessera  quJ  uo 
fois  en  l'église  à  la  vue  de  tous,  pour  servir  d'exemplu  , 
tous. 

Le  jeune  et  la  récollection. 

12.  Outre  les  jours  de  jeusne  que  l'Eglise  a  commandez,  il 
jeusnera  toutes  les  veilles  des  festes  de  nostre  Dame,  et  tous 
les  jours  de  vendredy  et  samedy. 

Tous  les  ans  par  l'espace  de  huict  jours ,  et  davantage 
auand  il  pourra ,  il  fera  la  recollection  et  purgation  de  son 
ame ,  et  ce  temps  pendant  examinera  ses  succez  et  progrez 
depuis  l'année  passée ,  et  après  avoir  marqué  les  principales 
oifences,  il  les  accusera  à  son  (^oniesseur,  avec  lequel  il  con- 
férera de  ses  mauvaises  inclinations  et  diiïîcultez  au  bien. 
Quoy  faict ,  il  fera  beaucoup  de  prières ,  principalement 
mentales,  avec  application  des  Messes  qu'il  célébrera  et  fera 
célébrer  en  ce  temps ,  pour  obtenir  de  Dieu  la  grâce  néces- 
saire à  son  régime  et  de  son  Eglise ,  et  renouvellera  tous  les 
bons  propos  et  desseins  que  J^ion  luy  avoit  baillez  ;  et  pour 
■cet  eifect,  il  relira  devant  que  j^e  prt^seater  à  la  confession  les» 
vi.  7 


98  OPUSCULES 

mémoires  de  toutes  ses  resolutions  ,  et  les  remarquera  dere« 
chef,  à  fin  qu'il  puisse  adjouster  ce  que  l'expérience  luy 
aura  appris. 

Le  temps  de  ceste  recollection  m'  peut  pas  bonnement 
estre  déterminé,  sinon  que  les  semaines  de  carnaval  semblent 
y  estre  très-propres  ,  tant  pour  n'estre  pas  tesmoing  de  l'in- 
solence et  dissolution  du  peuple  ,  que  pour  sortir  du  désert 
à  la  prédication  et  aux  grandes  œuvres ,  à  l'imitation  de 
nostre  Sauveur  et  Rédempteur  Jesus-Christ ,  et  de  son  pré- 
curseur saint  Jean  Baptiste.  Si  toutesfois  il  y  avoit  espérance 
de  retirer  le  peuple  de  ceste  dissolution  par  quelque  notable 
exercice  (dont  il  sera  parlé  es  acticles  de  la  republique),  alors 
il  faudra  choisir  pour  ceste  recollection  quelqu'une  des  se- 
maines qui  sont  entre  Pasques  et  Pentecostes,  à  fin  que 
l'Esprit  de  Dieu ,  que  l'on  y  aura  acquis ,  opère  le  bien  à  ce& 
festes  solemnelles,  et  octave  du  tres-sainct  Sacrement;  pource 
encore  qu'alors  on  est  »ioins  pressé  d'affaires ,  et  que  la 
saison  est  fort  propre  pour  la  purgation  de  l'ame,  aussi  bieïi 
que  du  corps;  voire  que  la  purgation  du  corps  pourra  servir 
de  prétexte  à  la  purgation  de  l'ame. 


DE  S.  FRANCOrS  DE  SALES.  99 


XIV. 

LETTBï^;^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES, 

A  UNE  PERSONNE   DE   CONFIANCE. 

(Tirée  de  la  Vie  du  Saint,  par  Maupas.) 

Il  rend  compte  des  résolutions  qu'il  prend  pour  la  suite  de  sa  vie,  et  des  bon» 
sentiments  qu'il  a  dans  sa  retraite.  Avantage  de  cet  exercice. 

Fin  de  novembre  1602. 

Je  fais  la  revue  de  mon  ame  *,  et  sens  au  fond  de  moa 
cœur  une  nouvelle  confiance  de  mieux,  servir  Dieu  ^  en 
sainteté  et  en  justice  ,  tous  les  jours  de  ma  vie.  J*ay  eu  de 
grands  sentimens  des  infinies  obligations  que  je  luy  ay  ;  j'ay 
résolu  de  m'y  sacrifier  avec  toute  la  fidélité  qu'il  me  sera 
possible,  tenant  incessamment  mon  ame  en  sa  divine  présence, 
avec  une  allégresse  non  point  impétueuse ,  mais ,  ce  me 
semble ,  efficace  pour  le  bien  aymer  :  car  rien  du  monde 
ifest  digne  de  nostre  amour;  ille  faut  tout  à  ce  Sauveur, 
qui  nous  a  tout  donné  le  sien.  Je  voys  tous  les  contentemens 
terrestres  un  vray  rien  auprès  de  ce  régnant  amour ,  pour 
lequel  je  voudrois  volontiers  mourir,  ou  tout  au  moins  vivre 
pour  luy  seul.  Qu'il  me  tarde  que  ce  cœur  que  Dieu  m'a 
donné  luy  soit  inséparablement  et  éternellement  lié  !  C'est 
pourquoyje  finis  mon  occupation  avec  un  grand  désir  de 

*  C'est  la  43»  de  la  collection  Biaise. 

'  Notre  Saint  étoit  alors  en  retraite  au  château  de  Sales,  pour  se  préparer 
à  son  sacre. 

3  Serviamus  illi  in  sanctitate  et  justitiâ,  coram  ipso,  omnibus  diebus  nos- 
tris.  Luc,  I,  74  et  75. 


{ 00  OPUSCULES 

m'avancer  en  cette  précieuse  dilection.  Et  pour  m'y  dis- 
poser : 

Le  matin  ,  après  que  j'auray  invoqué  le  nom  de  Dieu,  et 
m'y  seray  dédié,  je  feray  une  heure  de  méditation  selon  que 
je  Fauray  prémédité.  Je  produiray  force  oraysons  jacula- 
loiics  pendant  la  journée,  selon  que  le  saint  Esprit  m'inspi- 
rera; comme  aussi ,  pour  célébrer  plus  dévotement  la  sainte 
Messe,  je  m'occuperay,  jusques  a  ce  que  je  sois  à  l'autel, 
dans  toutes  les  considérations  et  affections  par  lesquelles  la 
pieté  peut  estre  excitée  envers  ce  grand  mystère. 

Je  feray  tous  les  ans  huit  ou  dix  jours  de  retraitte,  pour 
examiner  les  progrés  de  mon  ame,  ses  inclinations,  ses  diffi- 
cultés, ses  défauts.  C'est  en  cette  retraitte  où  on  regarde  le 
Ciel  de  bien  prés,  et  oii  on  trouve  la  terre  bien  esloignée  de  ses 
yeux  et  de  son  goust;  et  lorsque  les  saintes  âmes  qui  sont 
engagées  pour  le  public  ne  peuvent  jouyr  de  cette  félicité, 
elles  font  un  cabinet  en  leur  cœur ,  où  elles  vont  estudier  la 
loy  de  leur  Maistre ,  et  la  reçoivent  de  sa  propre  main.  De 
plus ,  en  cette  montagne ,  qui  est  si  eslevée  qu'on  n'y  en- 
tend point  le  bruit  des  créatures ,  on  gouste  * ,  comme  dit  le 
Prophète,  que  Dieu  est  doux  et  suave.  C'est  par  la  prattique 
de  cet  exercice  ,  que  nous  apprenons  si  nous  avançons  à  la 
vertu,  où  l'on  prend  les  saintes  et  solides  resolutions  de 
vivre  selon  les  lois  de  la  véritable  et  éternelle  sagesse. 

»  Gustate  et  videte  quouiam  suavis  est  Domiuus.  Ps.  XXXIIl,  ». 


DE   S.    FRAINTOÎS   DK    SALES,  101 


XV. 

LETTRE 

A    M.    DE    BÉRULLE*. 

ui  SdiLi  j'engage  beaucoup  à  tenir  la  promesse  qu'il  lui  avoit  faite  de  venir 
passer  le  temps  de  la  retraite  à  Annecy,  et  lui  fait  part  de  son  sacre. 

Annecy,  le  18  décembre  1602. 

Monsieur ,  la  vostre  que  M.  Santrul  m'apporta ,  m'a  ex- 
tresmement  consolé  par  le  tesmoignage  qu'elle  me  rend ,  de 
la  continuation  de  vostre  bienveillance  en  mon  endroit,  bien 
que  je  n'en  eusse  aucun  doute.  Assuré  de  vostre  bonté  et 
constance ,  j'ay  veu  que  vous  penchés  encore  à  l'opinion  que 
vous  me  communiquastes  de  venir  quelque  tems  à  la  recol- 
lection et  retraitte  en  ces  quartiers.  Dieu  vous  vueille  dire  luy 
mesme  en  vostre  cœur  ce  qu'il  en  désire.  Mais  si  ce  bonheur 
m'arrivoit,  je  le  mettrois  au  premier  rang  de  ceux  que  j'ay 
eus,  cy-devant  tout  auprès  de  celluy  que  j'ay  receu  en  vostre 
connoisscince,  car  aussi  en  seroit-ce  l'accroissement  et  perfec- 
tion. Les  deux  conditions  que  vous  mettes  pour  l'exécution 
de  ce  dessein  ne  me  sembleroif  i,  revenir  qu'à  une  seule,  d'au- 
tant que  si  vous  avés  la  liberté,  je  ne  doute  point  que  N.  S. 
ne  vous  fasse  connoistre  qu'il  se  veut  servir  de  vous  pour 
l'administration  de  son  saint  Evangile.  Je  suis  Evesque  con- 
sacré dés  le  jour  N.  D.  8  de  ce  mois,  qui  me  fait  vous  conju- 
rer de  m'ayder  toujours  plus  chaudement  par  vos  prières, 
comme  de  ma  part  je  ne  vous  oublie  pas,  surtout  en  la  re- 

*  Cette  lettre  fait  partie  de  la  collection  des  autographes  de  M.  le  marquis 
de  Chôteaugiïon ,  publiée  dans  l'Isographie  des  hommes  célèbres.  Paris,  1828, 
S  vol.  in-fol.  C'est  la  886e  cle  la  collection  de  Biaise. 


^02  OPUSCULES 

commandation  de  la  Messe.  J'ay  eu  le  bien  de  faire  un  peu 
de  recollection  et  exercice  en  Passistance  du  P,  Forier,  l'un  des 
excellens  Jésuites  que  j'aye  rencontrés,  avant  mon  sacre.  Ce 
que  je  vous  dis  parce  que  je  vous  veux  rendre  compte  de 
mon  esprit,  comme  vous  me  faites  du  vostre,  disant,  que 
vous  continués  en  une  grande  variété  d'occupations  et  mul- 
titude d'imperfections.  Il  n'y  a  remède.  Nous  aurons  tous- 
jours  besoin  du  lavement  des  piedz,  puis  que  nous  cheminons 
sur  la  poussière.  Nostre  bon  Dieu  nous  face  la  grâce  de  vivre 
et  mourir  en  son  service.  Je  vous  supplie ,  Monsieur ,  de 
croire  entièrement  qu'il  n'y  «  *»omme  au  monde  qui  vous  soit 
plus  dédié  et  affectionné  que  je  suis  et  seray  toute  ma  vie 
cour  demeurer.  Monsieur, 

Votre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

François  de  Sales,  Evesque  de  Genève. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  403 


XVI. 

MANDEMENT^ 

EN  FAVEUR  DE   l'iFMUNITÉ   d'uNE   ÉGLISE. 

(L'original  en  étoit  conservé  chez  la  marquise  de  Camerana,  née  de  Tornon, 

à  Turin.  ) 

Nous,  François  de  Sales,  par  la  grâce  de  Dieu  et  du  Siège 
Apostolique,  à  tous  ceux  qu'il  appartiendra  : 

Nous  avons  appris  avec  une  extrême  douleur,  qu'au  mé- 
pris de  notre  mandement,  un  militaire  qui  s'étoit  réfugié 
dans  l'église  de  Faverges  pour  y  jouir  de  l'immunité  accordée 
depuis  long-temps  aux  églises  et  à  elles  acquise  par  un  droit 
irrévocable,  a  été  arraché  et  enlevé  de  force  de  ce  saint 
lieu. 

A  ces  causes ,  par  les  présentes ,  au  nom  du  Seigneur,  nous 
ordonnons  très-expressément  à  tous  ceux  qui  ont  aidé  ou 
favorisé  un  acte  de  cette  nature,  et  particulièrement  à  ceux 
qui  l'ont  ordonné  en  violation  des  immunités  de  l'Eglise, 

1  C'est  la  71^  lettre  parmi  les  inédites  de  la  collection  Biaise. 

Annessi,  die  21  dec.  1602. 

Nos  Franciscus  de  Sales,  Dei  et  Apostolicae  Sedis  gratia  Episcopus 
et  Princeps  Gebennensis,  omnibus  ad  quos  spectaverit  : 

Intelleximus  non  sine  gravi  molestià,  militem  quemdam  qui  ad 

.  ecclesiam  Fabricarum  sa  contulerat,  ut  immunitate  ecclesiis  dudùm 

-et  jure  irrevocabili  concessâ  frueretur,  à  quibusdam  vi,  et  in  con- 

lempium  mandati  nostri,  abstractum  et  avulsum  fuisse  à  sacro  loco. 

Quare,  per  présentes  nostras  litteras,  omnibus  qui  hujusmodi  actui 
adjutorium,  favoremve  dederint,  ac  praecipuè  iis,  qui  ita  se  contra 
Ecclesiae  immunitatem,  et  mandatum  gesserunt,  districtè  prsecipimus 


104  OPUSCULES 

de  restituer  ce  militaire  à  ladite  église  de  Faverges ,  et  de  Iiri 
laisser  la  liberté  de  se  servir,  de  jouir  et  de  profiter  de  cette 
immunité ,  et  ce  dans  les  vingt-quatre  heures  ;  passé  lequel 
delay,  faute  par  eux  d'obtempérer  à  nos  ordres  (ce  qu'àDLu 
ne  plaise)  ou  de  nous  faire  connoître  le  motif  de  leur  refus  ^ 
il^  seront  frappés  de  la  sentence  d'excommunication  encourue 
ipso  facto.  Et  de  fait,  pour  celle-ci,  sans  qu'il  en  soit  besoia 
d'autres,  nous  les  déclarons  excommuniés  et  excommu- 
nions. 

En  foi  de  quoi  nous  avons  signé  les  présentes,  et  nous  avons 
ordonné  qu'il  y  soit  apposé  le  sceau  de  nostre  évêché. 


in  Domino ;,  ut  eumdem  militem  praedictae  ecclesiae  restituant,  et 
illius  iminunitate  uti,  frui_,  et  gaudere  sinant^  idque  prœstent  intra 
viginti  quatuor  horas,  quibus  elapsis,  si  huie  mandato  nostro  (quod 
absit)  non  obtemperaverint ,  vel  apud  nos  causam ,  curnon  tenean- 
tur  obtemperare ,  non  dixerint,  sententia  excommunicationis,  ipso 
facto^  incurrendae  noverint  se  percussos.  Sic  «nim  eos  per  praesentes 
excommunicatos,  eo  casu,  declaramus,  et  censemus. 

In  quorum  fidem^  manu  propriâ  subscripsimus,  et  «igillo  Episco- 
patûs  nostri,  preesentes  obsignari  mandavimus  *. 

'  La  suscriptioQ  du  Saint  a  été  efHacée. 


DE  S.    FRANCOîS   DE   SALES.  105 


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xvn. 
LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES, 

A  SA   SAINTETÉ  LE   PAPE   CLÉMENT  VHÎ. 

iilui  fait  part  du  dessein  de  madame  la  duchesse  de  Longue  ville,  de  fondef 
à  Paris  un  monastère  de  Carmélites ,  et  d'établir  cet  ordre  en  France,  Il 
pense  que  cette  entreprise  est  digne  d'être  appuyée  par  l'autorité  apostolique. 

Au  commencement  de  1603. 
Très-saint  Père , 

Etant,  à  Paris  pour  l'affaire  au  sujet  de  laquelle  j'ai  eu 
l'honneur  d'écrire  il  n'y  a  pas  long-temps  à  votre  Sainteté, 
je  no  pus  éviter  de  prêcher  devant  le  roi ,  les  princes  et  le 
peuple.  A  cette  occasion,  madame  Catherine  d'Orléans,  du- 
chesse de  Longueville,  princesse  très-illustre,  non-seule- 
ment par  la  noblesse  de  son  sang  et  des  princes  de  sa  maison, 
mais  encore  par  la  charité  de  Jésus-Christ  qui  règne  dans 

*  C'est  la  3»  du  livre  I*»  des  anciennes  éditions,  et  la  4 4e  de  la  collection 
Biaise. 


Ostendit  consilium  à  Catharinâ  Aurelianensi  de  fundandis  Ordinis  Carmeli- 
tarum  virginibus  susceptuni  dignum  esse  quod  auctoritate  apostolicâ  ful- 
ciatur. 

Beatissime  Pater, 

Cùm  essem  Lutetiae  Parisiorum,  ejus  rei  gerendas  gratiâ,  de  eu  jus 
exitu  non  ità  pridem  ad  Beatitudinem  veslram  litteras  dedi ,  facere 
non  potui  quin  plures  conciones  haberem  ,  cùm  ad  populum ,  tùm 
ad  Regem  Ipsum  et  Principes.  Eâ  autem  occasione,  Catharinâ  Aure- 
lianensis,  Princeps  à  Longavillâ,  virgo  non  tantùm  magnorum 
Principum  sanguine^  sed  etiam  «  quod  caput  est,  Cbxisti  chariUte 


î  06  OPUSCULES 

son  cœur,  ayant  dessein  de  fonder  dans  Paris  un  monastère 
de  Carmélites,  me  fit  appeler  avec  d'autres  théologiens  d'une 
piété  éminente  et  d'un  profond  savoir,  pour  délibérer  ensem- 
ble sur  cette  fondation. 

Nous  nous  assemblâmes  pour  cet  effet  pendant  quelques 
jours  ;  et  la  chose  étant  mûrement  examinée,  les  raisons  de 
part  et  d'autre  bien  pesées  et  considérées,  nous  trouvâmes 
que  ce  dessein  étoit  inspiré  de  Die^,  et  qu'il  tourneroit  à  sa 
plus  grande  gloire  et  au  salut  d'un  grand  nombre  de  per- 
sonnes. Une  seule  chose  nous  fit  de  la  peine,  et  sembloit 
devoir  tout  arrêter  ;  c'étoit  la  difficulté  de  faire  venir  en 
France  des  Pères  (Carmes)  de  la  réforme  de  sainte  Thérèse, 
pour  gouverner  ces  religieuses.  Mais  ayant  fait  réflexion 
qu'il  s'est  établi  tout  récemment  à  Rome  un  monastère  de 
Carmélites  déchaussées,  cjui  est  dirigé  par  un  père  de  la  con- 
grégation de  l'Oratoire  \  la  difficulté  s'anéantit  aussitôt. 

On  a  donc  jeté  les  yeux  sur  trois  hommes  distingués  par 
leur  sainteté  et  par  l'intégrité  de  leurs  mœurs,  et  très-versés 

1  La  congrégation  de  l'Oratoire  dont  il  est  parlé  dans  cette  lettre,  est  celle 
de  Rome,  qui  a  pour  auteur  saint  Philippe  de  Néri;  et  il  ne  faut  pas  la  con- 
fondre avec  celle  de  France,  fondée  par  M.  de  Bérulle. 


perillustris,  quœ  per  id  tempus  monasterium  fœminarum  Ordinis 
Carmelitarum  reformatarum  in  ipsà  Parisieiisi  civitate  fuiidareanimo 
inoliebatur,  me  aliquot  excellenti  pietate  etdoctrinà  tlieologis  adjun- 
gendum  duxit,  quorum  sentcntiis  animi  su]  consilium  et  sensum 
expenderet  et  probaret. 

Itaque  converiimus  omnes  aiiquot  diebus;  eâque  re  exacte  per- 
pensâ,  vidimus  perspicuè  consilium  boc  à  Deo  originem  duxisse^  et 
ad  ejusgloriam  mullorumque  sakitem  quàm  maxime  spectare.  An-, 
gebat  tamen  quôd  fieri  posse  non  videbatur,  ut  fratresejusdem  ordi- 
nis, qui  monasterii  hujusmodi  gubernacula  susciperent,  in  Galham 
facile  inducerentur  :  verùm  huic  diflicultati  obviàm  itum  est,  ex  re- 
centi  excmplo  cjus  Monasterii  illius  ejusdemque  Ordinis,  quod  in 
Urbc  unius  ex  Paîribus  Congregationis  Oratorii  curœcommissum  est. 

ii.uat.e  selecti  irunt  viri  très,  doctruià,  morum  integritate  uc  rerum 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  107 

flans  la  conduite  des  affaires,  pour  prendre  soin  des  biens  de 
cette  communauté,  et  pour  présider  à  cette  bonne  œuvre.  Par 
ce  moyen  on  a  obvié  aux  inconvénients  qui  pourroient  arriver 
dans  la  suite  par  l'injure  des  temps  et  la  caducité  des  lieux. 

Il  ne  reste  rien  maintenant  à  désirer,  sinon  que  le  saint 
Siège  Apostolique  donne  les  raainî\  \  cette  entreprise ,  et  l'a- 
bandonne à  la  volonté  du  roi  qui  i  déjà  donné  son  consen- 
tement, contre  l'attente  de  presqiia  tout  le  monde.  C'est 
pourquoi,  très-saint  Père,  ce  courrier  va  se  jeter  aux  pieds 
de  votre  Sainteté,  pour  la  supplier  d'accorder  ses  bulles  apos- 
toliques ,  afin  d'achever  heureusement  et  cimenter  à  per- 
pétuité cet  établissement. 

Pour  moi ,  quoique  très-indigne  que  mon  témoignage 
soit  entendu,  cependant,  parce  que  j'ai  été  présent  à  toutes 
les  délibérations  que  l'on  a  faites  sur  cette  affaire ,  et  que  je 
me  suis  engagé  à  déclarer  ce  que  j'en  pense  à  votre  Sainteté, 
je  ne  puis  m'empêcher,  très-saint  Père,  de  vous  assurer, 
autant  qu'il  est  en  moi,  que  cette  fondation,  qui  vient  d'un 
mouvement  de  l'esprit  de  Dieu ,  étant  accompagnée  de  votre 
bénédiction  et  appuyée  de  votre  autorité ,  ne  peut  être  que 
très-utile  à  la  Chrétienté,  eu  égard  aii  temps  où  nous  vivons, 

-■■    ■!  I  ■     I      I      ■    -       ■  ■'    I  ■  !■        I    ■       I        ■■  ■  ■  !■■    I  III  ■    I..     ■     ■IIM.MI  ■— — ^— ^^^— .^  Il  M  ■    .1    I  ■■       I  > 

gerendarum  peritiâ  conspieui,  qui,  maximo  Monasterii bono ,  operi 
praefici  possent,  atque  ità  deinceps  omnibus  difficultatibus  quae  ex 
locorum  et  temporum  injuria  orirentur  sïgillatîm  (  occurrere). 

Ità  factum  est  satis,  ut  aliud  superesse  non  videretur,  quàm  ut 
sacrum  hoc  negotium  sanctse  Sedis  Apostolicse  judicio  fulciretur,  et 
Régis  voUmtati  permitteretur  :  ac  Régis  quidem,  prseter  multorum 
spem,  statîm  consensus  accessit.  Quare  nunc  ad  Beatitudinis  vestrse 
pedes  mittitur  hic  nuntius,  qui  supphcJ^er  ab  eâ  petat  Apostolica 
mandata,  quibus  res  constet  et  perllciatur. 

Ego  verô,  beatissime  Pater,  qui  omnibus  propemodùm  hâc  de  re 
consiliis  interfui,  etsi  dignus  non  sum  cujus  testimonium  audiatur, 
non  possum  mihi  temperare  quin,  quemadmodùm  facturum  mç 
recepi,  testatum  faciam ,  quoad  per  me  fieri  potest,  è  re  Ghristianâ 
tore,  ut  hi  cœlestes  motus,  hoc  tempore,  et  eo  prœsertîm  loco. 


108  OPUSCULES 

et  au  lieu  où  elle  se  fera.  C'est  la  grâce  que  vous  demande 
très-humblement  cette  vertueuse  princesse,  aux  supplica- 
tions de  laquelle  grand  nombre  de  personnes  du  même  mé- 
rite et  du  même  rang  joignent  les  leurs,  et  moi  principalement 
qui  supplie  aussi  la  divine  Majeafé  de  vous  conserver  long- 
temps en  santé  pour  ma  consolation  particulière  et  celle  de 
tous  les  gens  de  bien.  J'ai  l'honneur  d'être ,  avec  un  très- 
profond  respect  *,  très-saint  Père ,  etc. 

»  M.  de  BéruUe,  depuis  cardinal ,  et  fondateur  des  prêtres  de  l'Oratoire  en 
France,  joignit  ses  sollicitations  à  celles  de  notre  Saint,  et  le  succès  répondit 
à  l'attente  de  ces  deux  grands  hommes;  car  ils  obtinrent  un  bref  du  pape 
Clément  VllI,  et  ensuite  les  lettres  patentes  de  Henri  IV.  L'installation  du 
monastère  se  fit  en  1604. 


vestrsB  Beatitudinis  apostolicis  benedictionibus  promoveantur.  Id 
Princeps  hsec  virgo,  id  permultse  aliae,  id  ego  cum  eis,  humillimis 
petimus  precibus.  Deus  autem  optimus  maximus  Beatitudinem  ves- 
tram  nobis  et  bonis  omnibus  quàm  diutissimè  scrvet  incolumem  ! 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  109 


xviir. 
acte'  de  FIDtiLITÉ 

Que  saint  François,  comme  évêque  de  Genève,  prêta  à  S.  A.  Charles  Emma- 
nuel 1er  et  à  son  fils  Philippe  Emmanuel,  prince  de  Piémont,  pour  les  fiefs 
de  TégUse  de  Genève. 

(1"  mai  1603.) 

Je ,  François  de  Sales  ,  par  la  grâce  de  Dieu  et  du  Saint- 
Siège  Apostolique,  Evesque  de  Genève,  estahly  en  personne 
et  en  la  présence  de  Monseigneur  le  Serenissime  S.  Charles 
Emanuel  duc  de  Savoye,  et  vicaire  du  Saint-Empire  Romain, 
et  de  Monseigneur  le  Serenissime  S.  Philippe  Emanuel, 
prince  de  Piedmont  son  fils  aisné,  de  ma  propre  volonté  cer- 
taine science  et  meure  délibération,  ayant  les  Evangiles  devant 
mes  yeux,  promets  et  jure,  mettant  la  main  sur  ma  poictrine, 
à  la  façon  des  Prelatz  ,  la  fidélité  liège  et  hommage  que  je 
doibs  audit  Serenissime  Duc ,  et  au  Serenissime  Prince  sus- 
nommé avec  le  consentement  de  S .  A.  et  ce  à  l'occasion  et  pour 
raison  des  liefs  de  l'Eglise  mesme  de  Genève  et  de  tous  autres 
fiefs  se  mouvans  et  dependans  d'icelle,  les  droicts  neantmoins, 
jurisdictions  et  preeminenjces  de  ma  dite  Eglise  demeurant 
sauves  et  entiers ,  et  de  plus  que  je  seray  tousjours  fidelle 
audit  Serenissime  Seigneur  Duc  et  Serenissime  Prince  ,  et  à 
leurs  successeurs  et  descendans,  et  que  je  conserveray  et  def- 
fendray  de  tout  mon  pouvoir  saufs  la  qualité  de  mon  rang , 
Testât ,  honneur  et  commodité  de  leurs  Altesses  et  de  leurs 
successeurs,  et  u'attenteray  ny  feray  chose  quelconque  contre 
leurs  personnes,  vies,  estât.  H  honneur,  ny  consentiray  à 

'  Tiré  de  la  copie  authentique  conserv(lP  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turio. 
Cest  la  Ti^  des  lettres  inédites  de  la  coUectioa  Biaise. 


iîO  OPUSCULES 

ceulx  qui  le  voudroient  faire ,  ains  resisteray  et  m'oppo- 
seray  à  tous  ceulx  qui  le  voudroient  entreprendre  aultant 
qu'il  me  sera  possible,  et  reveleray  à  leurs  Altesses,  ou  à  leurs 
ministres  principaulx  tous  les  traicts ,  machinations  qui  me 
viendront  à  notice  se  faire  contre  leurs  personnes ,  vies , 
honneur  et  estât,  et  généralement  observer  et  accomplir  tout 
ce  qui  est  contenu  en  l'ancienne  et  novelle  forme  de  fidélité 
comprises  es  coustumes  féodales ,  civiles  et  canoniques ,  et 
spécialement  au  chapitre  de  forma  XXII  C.  S.  et  au  chapitre 
Ego  de  jure  jurando ,  finalement  je  reconetray  comme  je 
reconnois  ledit  Serenissime  Seigneur  Duc  et  le  Serenissime 
Prince  son  fils  susnommé  et  leurs  successeurs  pour  mes  sou- 
verains seigneurs  in  temporalihm. 

Et  outre  ce  que  dessus  promets,  jure  et  asseure  leurs  dites 
A  A.  que  pour  raison  de  tous  les  autres  biens  et  droicts  de  ladite 
Eveschée  que  je  possède  et  pourrois  posséder  riere  les  estats 
de  S.  A.  et  pour  touttes  autres  raisons  à  lui  deues,  que  je 
serai  tousjours  ma  vie  durant  fidelle  à  S.  A.  et  après  luy  à 
Monseigneur  le  Prince  Philippe  Emanuel  son  fils  aisné 
présent ,  et  à  ses  légitimes  successeurs  Ducs  de  Savoye  ,  et 
que  je  n'attenteray  ny  maquineray  pour  moi  ny  pour  autre, 
choses  aucunes  contre  leurs  personnes ,  vies ,  estats  et  hon- 
neurs, ny  consentiray  à  chose  semblable,  mais  plustost  Fem- 
pescheray  et  m'y  opposeray  contre  ceux  qui  y  vouldro^ent 
conspirer.  Promettant  aussy  et  jurant  que  tous  les  traictes, 
conspirations,  et  machinations  qui  me  pourroient  venir  à 
notice  estre  faicts  contre  les  personnes  de  leurs  Altesses  ou 
de  leurs  légitimes  successeurs,  leurs  vies»  estats  et  honneurs^ 
je  les  leur  reveleray  et  manifesteray  ou  à  leurs  ministres  et 
officiers ,  et  ne  pouvant  le  feray  fere  par  autruy  pour  n'en- 
îcorir  l'irrégularité ,  et  en  ce  que  dessus  presteray  toutte  l'as- 
sistance qu'il  me  sera  possible.  Protestant  neantmoins  que 
pour  les  choses  susdites  je  n'entends  de  décliner,  ny  prejudi- 
cier  en  rien  en  Tobeissance  _^ue  je  doibs  à  la  Sainte  Eglise 


T>E    S.    FRANÇOIS    DE    SALES,  11  il 

Catholique  et  Apostolique  Romaine  ,  et  de  ne  déroger  au 
droict  et  aucthorité  d'icelle,  lesquelles  choses  susdites  je 
promets  et  jure  comme  dessus  de  les  vouloir  toui-^ours  gar- 
der et  maintenir  fermes  et  stables  et  de  ne  jamais  y  contrevenir 
ny  consentir  à  aucune  personne  qui  le  voulust  faire  secrète- 
ment ou  publiquement  soubs  quelque  prétexte  que  ce  soit  et 
généralement  pour  l'une  et  pour  l'autre  fidélité  y  dessus 
faictes  ,  je  jure  et  promets  d'observer  tout  ce  qui  est  contenu 
aux  serments  de  mes  prédécesseurs  comme  s'ils  estoient  icy 
insérés.  De  quoy  S.  A.  m'a  commandé,  et  ledit  Seigneur 
Evesque  prie  d'en  reçoivre  le  présent  acte. 

Faict  en  la  citté  du  Mondevis  ,  le  premier  de  may  mil  six 
cents  et  trois,  au  palais  de  ladite  citté,  oii  loge  le  gouverneur 
d'icelle ,  et  en  la  chambre  oii  dort  S.  A.  et  Princes  que 
dessus;  et  de  niessire  Charles,  comte  de  Lucerne  ,  grand 
maistre  d'hostel  de  la  maison  de  messeigneurs  les  princes , 
du  comte  Yille,  marquis  de  Saint-Michel,  tous  deux  conser- 
vateurs d'estat  et  chevaliers  de  l'ordre  de  l'Annonciation- 
Notre-Dame;  du  marquis  deBagnano,  gouverneur  pour  S.  A. 
en  la  dite  citté;  de  messire  Lois  Mourouz,  conseiller  d'estat 
et  premier  président  au  Sénat  deçà  les  monts  ;  et  du  cornte 
de  Cremieu ,  premier  escuyer  de  S.  A. ,  gentilhomme  de 
sa  chambre  et  capitaine  de  chevaulx  de  ses  ordonnances, 
tesmoins  ;  par  moy  Pierre  Lois  Bourcier  deChambery,  se- 
crétaire de  l'Ordre,  susdit  conseiller  secrétaire  d'estat  des 
finances  et  commandements  de  S.  A.  qui  me  suis  soubsignô. 
Bourcier. 


!12 


OPUSCULES 


XIX. 

LETTRE* 

A  UN   GENTILHOMME  EMPLOYÉ, 

Sur  un  projet  ayant  pour  prétexte  de  décharger  les  Ecclésiastiques  dn 

logement  militaire. 

Aneci,  le  1  juin  1603. 
Monsieur, 

J'ay  considéré  l'expédient  que  le  sieur  capitaine  de  Mogron 
propose  pour  descharger  les  Ecclésiastiques  du  logement  de 
guerre ,  et  y  ay  veu  plusieurs  inconveniens ,  et  entre  les 
autres  celuy  que  je  crains  le  plus  qui  est  que  la  liberté  et 
immunité  ecclésiastique  en  seroit  ce  me  semble  directement 
violée.  C'est  pourquoyj 'envoyé  le  porteur  auprès  devons, 
Monsieur,  pour  vous  les  représenter,  estimant  de  n'y  treuver 
pas  moins  de  faveur  pour  nostre  droit  que  nous  y  en  avons 
tousjours  treuvé  et  que  je  me  promets  d'en  treuver  en  après. 
Cependant  et  moy  et  tous  les  Ecclésiastiques  qui  sonticy, 
nous  prierons  Dieu  pour  vostre  santé ,  et  je  demeureray, 

Monsieur, 

Vostre  serviteur  tres-liumble , 

François  de  Sales  ,  Evesque  de  Genève  *, 

*  C'est  la  74«  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise  ;  l'autographe  en 
appartenoit  à  l'Evêque  de  Sienne  en  Toscane. 

2  Personne  n'ignore  que  nosseigneurs  les  évéques  ne  se  servent  que  de  leurs 
prénoms,  et  jamais  de  leurs  noms  de  famille,  pour  signer  les  mandements, 
lettres  ou  différents  écrits  qui  émanent  de  leur  juridiction  :  saint  François  de 
Sales,  dans  cette  conjoncture  comme  dans  plusieurs  autres  circonstances,  a 
dérogé  à  l'usagd  établi,  sans  pouvoir  nous  expliquer  le  motif  de  cette  ano- 
mahe.  Quoi  qu'il  en  soit,  et  sans  attacher  à  cette  observation  plus  d'impor- 
tance qu'elle  ne  doit  en  avoir,  il  nous  suffira  d'annoncer  que  cette  lettre  a 
été  copiée  et  authentiquée  par  l'évêque  même  de  Sienne,  qui  la  déclare  par- 
faitement conforme  à  l'original.  {Note  cl:  ''édition  Biaise.) 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  113 


XX. 


AVIS 

SUR  LA  CONDUITE  INTÉRIEURF  ET  SUR  LA  DIGNITÉ  ET  LES  DETOiRS 

D'UN  ÉVÊQUE  ', 

A  UN  ECCLÉSIASTIQUE  NOMMÉ  A  UN  ÉVÉCHÉ. 

Annecy,  3  juin  1608* 
Monsieur, 

J'ay  receu  deux  de  vos  lettres ,  ausquelles  je  n'ay  pas 
encore  fait  response,  parce  que,  quand  elles  arrivèrent  icy,  je 
n'y  estois  pas ,  mais  en  Piedmont,  où  j'ay  esté  contraint  de 
faire  un  voyage  pour  les  biens  temporels  de  cet  Evesché. 
Maintenant,  Monsieur,  je  vous  envoyé  la  provision  de  Rome 
que  vous  desirez ,  laquelle  j'ay  ouverte ,  pour  sçavoir  si 
tout  ce  dont  vous  avez  besoin  y  estoit;  et  je  voy  que  tout  y 
est,  et  quelque  chose  davantage,  dont  vous  n'avez  que  faire, 
ne  prejudiciant  en  rien  la  provision  pour  le  reste  qui  vous 
est  requis.  Voyla  donc  ma  promesse  accomplie  pour  ce  par- 
ticulier. Que  s'il  vous  reste  quelque  difficulté ,  prenés-en  la 
mesme  confiance  avec  moy.  Je  vous  asseure ,  Monsieur,  que 
jamais  je  ne  me  lasseray  de  rendre  du  service  à  vostre  con- 
solation et  à  vostre  esprit ,  lequel  j'espère  que  Dieu  addres- 
sera  pour  le  service  de  plusieurs  autres. 

L'autre  partie  de  ma  promesse  m'est  plus  malaysée  à 
mettre  en  effet ,  pour  les  infinies  occupations  qui  m'acca- 
blent; car  je  pense  estre  en  la  plus  fascheuse  charge  qu'au- 
cun autre  de  cette  qualité.  Néanmoins  voicy  un  abrégé  de  ce 
que  j'ay  à  vous  proposer. 

i  C'est  la  lettre  37^  du  Uv.  !«',  ancieftûe  éOit.,  et  la  49«  do  rédition  Biaise, 
VI.  ô 


ff^  OPUSCULES 

Vous  entrés  en  Testât  ecclésiastique,  et  tout  ensemble  à  la 
cime  de  cet  estât  :  je  vous  diray  ce  qui  fut  dit  à  un  berger 
qui  fut  choisy  pour  estre  Roy  sur  Israël  iMutaberis  in  virum 
alterum.  Il  faut  que  vous  soyés  tout  autre  en  vostre  intérieur 
et  en  vostre  extérieur  ;  et  pour  faire  cette  grande  et  solen- 
nelle mutation ,  il  faut  renverser  vostre  esprit  et  le  remuer 
partout;  et  pleust  à  Dieu  que  nos  charges ,  plus  tempes- 
teuses  que  la  mer,  eussent  aussi  la  propriété  de  la  mer,  de 
faire  jetter  et  vomir  toutes  les  mauvaises  humeurs  à  ceux 
qui  s'y  embarquent  î  Mais  il  n'en  est  pas  ainsy  ;  car  bien 
souvent  nous  nous  embarquons ,  et  mettons  la  voile  au  vent 
estant  tres-cacochymes ,  et  plus  nous  voguons  et  avançons 
en  la  haute  mer,  plus  nous  acquérons  de  mauvaises  humeurs. 
Helas!  Dieu  soit  loue,  qui  vous  a  donné  le  désir  de  n'en  faire 
pas  de  mesme;  j'espère  qu'il  vous  en  donnera  encore  le  pou- 
voir, afin  que  son  œuvre  soit  parfaitte  en  vous. 

Pour  vous  ayder  à  ce  changement,  il  faut  que  vous  em- 
ployés les  vivans  et  les  morts  ;  les  vivans ,  car  il  vous  faut 
trouver  un  ou  deux  hommes  bien  spirituels ,  de  la  conver- 
sation desquels  vous  puissiés  vous  prévaloir.  C'est  un  ex- 
trême soulagement  que  d'avoir  des  conlidens  pour  l'esprit. 
Je  laisse  à  part  M.  du  Val ,  qui  est  bon  à  tout ,  et  universel- 
lement propre  pour  semblables  offices.  Je  vous  en  nomme 
Tin  autre ,  M.  Galemant ,  curé  d'Aumale  ;  si  par  fortune  il 
estoit  à  Paris ,  je  sçay  qu'il  vous  ayderoit  beaucoup.  Je  vous 
en  nomme  un  troisième,  homme  à  qui  Dieu  a  beaucoup 
donné  et  qu'il  est  impossible  dVpprocher  sans  beaucoup  pro- 
fiter; c'est  M.  de  Berulle.  Il  est  tout  tel  que  je  sçaurois 
désirer  estre  moy-mesme  ;  je  n'ay  guère  veu  d'esprit  qui 
me  revienne  comme  celuy-là,  ains  je  n'en  ay  pas  veu  ni 
rencontré  :  mais  il  y  a  ce  mal ,  c'es^t  qu'il  est  extrêmement 
occupé;  il  faut  s'en  prévaloir  avec  autant  de  confiance  que 
de  nul  autre,  mais  avec  quelques  respects  à  ses  affaires.  J'ay 
un  très-grand  amy,  que  M.  Raubon  connoist,  c'est  M.  de  Soûl- 


DE  S.    FRANÇOIS  DE  SALES.  115 

V 

fonr  ;  il  peut  beaucoup  eu  ces  occasions  :  je  desirerois  que 
TOUS  le  connussiez ,  estimant  que  vous  en  auriés  beaucoup 
^e  consolation. 

Quant  aux  morts ,  il  faut  que  vous  ayés  une  petite  biblio- 
thèque de  livres  spirituels  de  deux  sortes;  les  uns  pour  vous, 
en  tant  que  vous  serés  Ecclésiastique  ;  les  autres  pour  vous , 
en  tant  que  vous  serés  Evesque,  De  la  première  sorte,  vous 
en  devés  avoir  avant  que  d'entrer  en  charge ,  et  les  lire  et 
mettre  en  usage;  car  il  faut  commencer  par  la  vie  monas- 
tique, avant  que  de  venir  à  Fœconomique  et  politique.  Ayés, 
je  vous  prie  ,  Grenade  tout  entier,  et  que  ce  soit  vostre  se- 
cond bréviaire  ;  le  cardinal  Borromée  n'avoit  point  d'autre 
Théologie  pour  prcscher  que  celle-là ,  et  néanmoins  il  pres- 
choit  très-bien  :  mais  ce  n'est  pas  là  son  principal  usage  ; 
c'est  qu'il  dressera  vostre  esprit  à  l'amour  de  la  vraye  dévo- 
tion,  et  à  tous  les  exercices  spirituels  qui  vous  sont  néces- 
saires. Mon  opinion  seroit  que  vous  commençassiez  à  le  lire 
par  la  grande  Guide  des  pécheurs ,  puis  que  vous  passassiés 
au  Mémorial ,  et  enfin  que  vous  le  leussiés  tout  ;  mais  pour 
le  lire  fructueusement,  il  ne  le  faut  pas  gourmander,  ains 
il  faut  le  peser  et  priser,  et  chapitre  après  chapitre  le  ru- 
lûiner  et  appliquer  à  l'ame ,  avec  beaucoup  de  considéra- 
tions et  de  prières  à  Dieu.  Il  faut  le  lire  avec  révérence 
et  dévotion ,  comme  un  livre  qui  contient  les  plus  utiles 
inspirations  que  l'ame  peut  recevoir  d'en^  lut;  et  par  là 
reformer  toutes  les  puissances  de  l'ame ,  les  purgeant  par 
detestation  de  toutes  leurs  mauvaises  inclinations,  et  les 
adressant  à  leur  vraye  fin  par  de  fermes  et  grandes  reso- 
lutions. 

Après  Grenade,  je  vous  conseille  fort  les  œuvres  de  Stella, 
motamment  de  la  vanité  du  monde,  et  toutes  les  œuvres 
«de  François  Arias ,  Jésuite.  Les  Confessions  de  S.  Augustin 
vous  seront  extrêmement  utiles;  et,  si  vous  m'en  croyés,  vous 

Jes  prendrés  en  francois  de  la  traduclioû  da  M»  ïïennequia, 

« 


116  OPUSCULES 

Evesque  de  Rennes.  Bellentani,  Capucin ,  est  encore  propre 
pour  y  voir  distinctement  plusieurs  belles  considérations  sur 
tous  les  mystères  de  nostre  foy,  et  les  œuvres  de  Costerus , 
Jésuite.  Mais,  après  tout,  il  me  souvient  de  vous  recom- 
mander les  Roistres  spirituelles  de  Jean  Avila,  esquelles 
je  suis  asseuré  que  vous  verres  plusieurs  belles  considé- 
rations et  leçons  pour  vous  et  pour  les  autres;  et,  tout 
d'un  train,  je  vous  recommande  les  EpistresdeS.  Hierosme, 
en  son  excellent  latin. 

En  tant  qu'Evesque ,  pour  vous  ayder  à  la  conduite  de  vos 
affaires,  ayés  le  livre  de  Cas  de  conscience  du  Cardinal 
Tolet,  et  le  voyés  fort  :  il  est  court ,  aysé  et  asseuré  ;  il  vous 
suffira  pour  le  commencement.  Lises  les  Morales  de  S.  Gré- 
goire ,  et  son  Pastoral  ;  S.  Bernard  en  ses  Epistres ,  et  es 
livres  de  2a  Considération.  Que  s'il  vous  plaist  d'avoir  un 
abbregé  de  Tun  et  de  Pautre,  ayés  le  livre  intitulé  Stimulus 
Pastorum ,  de  Tarchevesque  Braccarense  en  latin,  im- 
primé chés  Keruer.  Le  Décréta  Ecclesiœ  Mediolanensis 
vous  est  nécessaire;  mais  je  ne  sçay  s'il  est  imprimé  à  Paris. 
Item,  je  désire  que  vous  ayés  la  Vie  du  bienheureux  cardinal 
Borromée,  escrite  par  Charles  à  Basiîica  Pétri,  en  latin; 
car  vous  y  verres  le  modèle  d'un  vray  Pasteur;  mais  sur- 
tout ayés  tousjours  es  mains  le  Concile  de  Trente  et  son  Ca- 
téchisme. 

Je  ne  pense  pas  que  cela  ne  vous  suffise  pour  la  premier? 
année,  pour  laquelle  seule  je  parle  ;  car  pour  le  reste  vous 
serés  mieux  conduit  que  cela ,  et  par  cela  mesme  que  vous 
aurés  avancé  en  la  première  année ,  si  vous  vous  renfermés^ 
dans  la  simplicité  que  je  vous  propose.  Mais  excusés-moi ,  je 
vous  supplie,  si  je  traite  avec  cette  confiance;  car  je  ne  sçau- 
rois  rien  en  autre  façon ,  pour  la  grande  opinion  que  j'ay  de 
vostre  bonté  et  amitié. 

J'adjousteray  encore  ces  deux  motz  :  l'un  est  qu'il  vous 
importe  infiniment  de  recevoir  le  sacre  avec  une  grande  rç- 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  117 

verenre  et  dévotion  ,  et  avec  l'appréhension  entière  de  ^a 
grandeur  du  ministère.  S'il  vous  estoit  possible  d'avoir  l'o- 
rayson  qu'en  a  faite  Stanislaùs  Scolonius ,  intitulée ,  De 
sacm  Episcopomm  consecratione  etînmiguratione,  au  moins 
selon  mon  exemplaire,  cela  vous  serviroit  beaucoup;  car, 
è  la  vérité  ,  c'est  une  belle  pièce  Vous  sçavés  que  le  com- 
mencement en  toutes  choses  est  fort  considérable  ;  et  peut- 
on  bien  dire  :  Primum  in  unoquoque  génère  est  mensura 
cœtcrorvm. 

L'autre  poinct  est  que  je  vous  désire  beaucoup  de  con- 
fiance et  une  particulière  dévotion  à  l'endroit  du  saint  Ange 
gardien  et  protecteur  de  vostre  Diocèse,  car  c'est  une  grande 
consolation  d'y  recourir  en  toutes  les  difficultés  de  sa  charge. 
Tous  les  Pères  etTheologiens  sont  d'accord  que  lesEvesques, 
outre  leur  Ange  particulier,  ont  l'assistance  d'un  autre, 
commis  pour  leur  office  et  charge.  Vous  devés  avoir  beau- 
coup de  contîance  en  l'un  et  en  l'autre  ,  et ,  par  la  fréquente 
invocation  d'iceux ,  contracter  une  certaine  familiarité  avec 
eux ,  et  spécialement  pour  les  affaires  avecceluy  du  Diocèse, 
-comme  aussi  avac  le  saint  Patron  de  vostre  Cathédrale.  Pour 
le  superflu ,  Monsieur,  vous  m'oblige rés  de  m'aymer  estroi- 
tement  et  de  me  donner  la  consolation  de  m'escrire  familiè- 
rement ;  et  croyés  que  vous  avés  en  moy  un  serviteur  et 
frère  de  vocation  autant  fîdelle  que  nul  autre. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  vous  devés  en  toute  façon 
preTuhv  esolution  de  prescher  vostre  peuple.  Le  tres-saint 
-connie  de  Trente,  après  tous  les  anciens,  a  déterminé  que 
le  prci]..  ;•  et  \  .incipal  office  de  l'Evesque  est  de  prescher,  ei 
ne  voiir  liasses  emporter  à  pas  une  considération.  Ne  le 
faites  pas  pour  devenir  grand  prédicateur,  mais  simplement 
parce  qiie  vous  le  devés  et  que  Dieu  le  veut  :  le  Sermon  pa- 
ternel d'un  Evesque  vaut  mieux  que  tout  Fartilice  des  Ser- 
mons elabourés  des  Prédicateurs  d'autre  sorte.  Il  faut  bien 
{>eu  de  choses  pour  bien  prescher,  à  un  Evesque  :  car  ses 


1  i  8  OPUSCULE? 

Sermons  doivent  estre  de  choses  nécessaires  et  utiles,  non  ew— 
rieuses  ni  recherchées;  ses  paroles  simples,  non  affectées  ;  soa 
action  paternelle  et  naturelle,  sans  art  ny  soin  ;  et  pour  court 
qu'il  soit  et  peu  qu'il  dise,  c'est  tousj ours  beaucoup.  Toutceey 
soit  dit  pour  le  commencement;  car  le  commencement  vous 
enseignen  par  après  le  reste.  Je  voy  que  vous  escrivés  si 
bien  vos  lettres ,  et  fluidement ,  qu'à  mon  advis ,  pour  peu 
que  vous  ayés  de  resolution,  vous  ferés  bien  les  Sermons; 
et  néanmoins  je  vous  dis ,  Monsieur,  qu'il  ne  faut  pas  avoir 
peu  de  resolution ,  mais  beaucoup ,  et  de  la  bonne  et  invin- 
cible. Je  vous  supplie  de  me  recommander  à  Dieu  :  je  vous 
rendray  le  contre-change ,  et  seray  toute  ma  vie ,  Monsieur^, 
vostre ,  etc. 


DE   S.   yKANCOIS   DE   SALES.  1  Î9- 


XXI. 


STATUTS  SYNODAUX 

De  révêché  de  Genève,  dressés  par  monsei£?neiir  François  DE  SALES,  évêque 
et  prince  de  Genève,  le  11  octobre  1603,  imprimés  h  Thonon  par  Marc  de 
la  Rue,  signés  François,  évêque  de  Genève,  et  contresignés  Decomba. 

Nous  avons  intimé  et  derechef  publié  les  canons  des  anciens 
conciles,  qui  défendent  aux  personnes  ecclésiastiques  de  tenir 
en  leurs  maisons  et  logis  aucunes  femmes  desquelles  la  de- 
meure et  séjour  avec  eux  puisse  justement  estre  suspect;  et^ 
en  tant  que  de  besoin ,  avons  faict  de  nouveau  la  mesme 
prohibition  sous  peine  de  rigoureuse  punition. 

Nous  avons  donné  et  donnons  pouvoir  aux  révérends  sur- 
veillans  de  ce  Diocèse  de  dispenser  de  l'observation  des  festes 
commandées  es  Parroisses  qui  leur  sont  commises,  selon  la 
nécessité  ;  inhibans  à  tous  Curés  et  autres  quelconques ,  no- 
tamment aux  officiers  laies,  de  ne  point  donner  telles  li- 
cences. 


I.  Dei  antiqui»  conciliis. 

Aiitiquorum  conciliorum  sacri  canones,  quibus  ecclesiasticis  per- 
souis,  ne  suis  in  domibus  suspectas  mulîeres  retineant,  prohibetur, 
denunciantor,  et  iterum  promulgantor,  et,  quantum  opus  erit,  ad 
rigidœ  punitionis  pœnam  nova  prohibitio  lata  esto. 

II.  De  dispensationibus. 

Supervigilibus  diœcesanis,  super  observatione  festorum  in  parœ- 
ciis  sibicommissis^ubi  nécessitas  fuerit^  dispensandi  facultas  data 
esto,  omnibus  curionibus  et  quibusvis  aliis,  preesertim  verô  officia:- 
libus  laïcis,  ne  dent  dispensaliones  hujusmodi,  inhibetor. 


120  OPUSCULES 

Sur  les  difFerens  qui  pourroyent  naistre  entre  les  Curez 
pour  les  aumosnes ,  aux  sépultures  des  fîdelles  qui  meurent 
en  une  Parroisse  et  sont  enterrés  en  Fautre,  il  a  esté  ordonné 
que  les  luminaires  seront  partagez  esgalement  entre  les  Cu- 
rez ,  qui  aussi  d'autre  part  feront  des  prières  et  sacrifices  pour 
le  defFunct.  Neantmoins  le  service  annuel  se  fera  par  le  Curé 
qui  aura  ensevely  le  corps  ;  au  moyen  dequoy ,  le  linceul  et , 
autres  aumosnes  des  funérailles  luy  demeureront  ;  tous  au- 
tres difFerens  estant  remis  au  jugement  des  surveillans. 

Tous  Curez  enseigneront  le  Catéchisme  de  Tillustrissirae 
cardinal  Bellarmin ,  les  dimanches  et  festes  commandées ,  à 
l'heure  qui  sera  jugée  plus  propre  selon  la  condition  des 
lieux;  et,  pour  cet  efFect,  s'essayeront  les  jours  ouvriers 
d'apprendre  le  mesme  Catéchisme  aux  petits  enfants,  à  fin 
qu'ils  en  puissent  respondre. 

Les  Curez  feront  vuider  leurs  Eglises,  et  notamment  les 
chœurs  d'icelles,  des  meubles  prophanes  qui  pendant  la 

III.  De  exequiis. 

Super  controversia  quge  oriri  posset  inter  curiones  pro  eleemosynis 
in  exequiis  fidelium  qui  in  unâ  parœciâ  moriuntur,  et  sepeliuntur  itt 
altéra,  dari  solitis,  luminaria  inter  curiones,  qui  etiam  pro  defuncto 
preces  fundent  et  sacrilicabunt,  œquaiiter  dividuntor.  Curio  niliilo- 
minus  qui  corpus  sepelierit,  annuum  officiun»  celebrato;  et  hoc 
pacto  syndon  cœterœque  funeraiium  eleemosynaB  illi  remanento.  Aliae 
quœcumque  controveriiisn  supervigilum  judicio  remittuntor. 

IV.  De  Catechismo. 

Curiones  omnes  populum  suum  Ro'r  rii  cardinalis  Bellarmini  Ca» 
techismum,  dominicis  et  festis  diebus,  liurâ  opportunà,  docento;  et 
in  hanc  rem  feriatis  diebus  pueros  qui  res[Mîadere  queant,  instruunto. 

V.  De  evacuandis  ecclesiis  supellectilibus  profaris. 
Ecclesias  suas,  prrxsertim  choros^  profanis  supellectilibus  illùe 


BE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  12! 

guerre  y  ont  été  mis  en  asseurance,  et  ne  permettront  par 
cy  après  telles  choses  y  estre  mises  sans  évidente  néces- 
sité. 

Tous  Ecclésiastiques  suy  vront  en  tout  et  par  tout  les  décrets 
du  tres-sainct  concile  de  Trente ,  et  spécialement  en  ce  qui 
est  de  l'Office  divin  et  célébration  de  laMt-  e;  et  nul  ne 
sera  reçudoresenavant  à  l'examen  pour  estre  ordonné  prestre, 
qu'il  n'apporte  attestation  du  surveillant  de  son  îieu  de  sça- 
voir  exacte  m  ert  les  sainctes  cérémonies  de  la  Messe  selon 
i'usage  de  Trente. 

Tout  les  Curez  fourniront  ou  procureront  pour  leurs 
Eglises  des  tabernacles ,  avec  des  ciboires  propres  pour  re- 
poser le  tres-sainct  Sacrement  sur  l'Autel;  changeront  tous 
les  premiers  dimanches  du  mois  les  communions  qui  sont 
réservées  pour  les  malades  ,  et  ne  garderont  le  sainct  Sacre- 
ment qui  aura  esté  exposé  le  jour  de  la  feste  Dieu  que  jus- 
ques  au  jour  suivant  immédiatement  l'octave,  auquel  ils  le 
consumeront. 


bellorum  tempore  asportatis  vacuari  curanto  ;  nec  quidquam  deinceps^ 
absque  evidenti  necessitate,  reponi  permittunto. 

VI.  De  observantià  decretorum  et  usuum  sancti  concilii  Tridentini. 

Ecclesiastici  omnes  sacrosancti  Tridentini  concilii  décréta  in  om- 
nibus et  per  omnia,  pecuiiariter  autem  in  iis  quœ  ad  divini  oi'licii  et 
misscfî  celebrationem  speçtaut,  observante.  Neim^  in  posterum  ad 
examen  pro  presbyteratùs  ordine,  nisi  qui  supervi^iiis  testimonium 
circa  perfectam  usuum  sacri  concilii  scientiara  alï'erat,  recipitor. 

VIL  De  tabernaculis,  ciboriis,  et  reservatione  Eucharistiaî. 

Omnes  curiones  suis  ecclesiis  ad  reponendum  augustissimum  Eu- 
charisliae  sacramentum  tabernacula  et  alabastroîs  procuranto.  Reser- 
vatas  pro  infirmis  sacras  communiones  prima  quâque  mcnsis  domi- 
nicù  mutanto.  Sacramentum  quod  in  festo  corporis  Christi  exposi- 
tum  i'uerit,  postera  octavai  die  consumunto. 


122  OPUSCULES 

La  residance  est  intimée  à  tous  Curez  et  ayarjs  charge 
d'ames  (s'ils  ne  sont  légitimement  excusez)  à  peine  de  priva- 
tion de  leurs  bénéfices  ;  ceste  servant  pour  la  dernière  som- 
mation. 

Est  enjoinct  à  tous  Ecclésiastiques  de  se  maintenir  en  habit 
convenable  ,  et  d'avoir  toujours  la  tonsure  et  couronne  clé- 
ricale en  teste ,  et  la  barbe  couppée  sur  la  lèvre  supérieure. 

Les  tavernes  et  cabarets  sont  interdicts  à  tous  Ecclésias- 
tiques es  lieux  de  leur  residance ,  sans  aucune  exception  de 
quelque  prétexte  que  ce  soit ,  mesmes  des  appointemens  ;  et 
par  tout  ailleurs,  sinon  en  cas  d'évidente  nécessité,  auquel 
ils  s'y  comporteront  en  toute  modestie  et  sobriété. 

Leur  sont  défendus  les  jeux  illicites  en  tous  lieux,  et  les 
licites  et  autres  passe  temps  es  places,  carrefours,  rues,  che- 
mins, et  autres  lieux  publics;  comme  aussi  la  chasse  qui  se 
faict  à  course  de  chiens  et  avec  l'arquebuse,  de  laquelle  le 
pcxrt  leur  est  totalement  inhibé;  et  de  plus  toutes  autres 

VIII.  De  residentiâ. 

Curionibus  omnibus  et  curam  animarum  habentibus^  nisi  iegiiimè 

cxcusentur,  sub  pœnâ  privationis  suorum  beneficiorum ,  residentiâ 

denunciator. 

IX.  De'babitu  ecclesiastico . 

Ecclesiastici  omnes  habitum  modestum  et  decentem,  tonsuram  et 
coronam  clericalem,  et  barbam  insuperiori  labro  tonsam,  gestanto, 

X.  De  cauponis. 

Ad  cauponas  et  œnopolia  ne  accedunto ,  nec  a^^  id  ulla  exceptio 
yiei  praitexta  causa ,  eliam  litium  compositionis  suffragator,  quod  de 
loco  residentiôe  intelligitor  :  alibi  cùm  ex  necessitate  in  diversorio 
cibum  capere  continget,  modesti  et  sobrii  sunto. 

XI.  De  iusibus  et  venatione. 

Nullibiillicitis  Iusibus  ludunlo.  A  licitis  in  plateis,  compitiSj  vicis, 
ws^  et  aliis  locis  pubiicis,  abslinento. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  125 

chasses  qui  se  treTiveronl  défendues  aux  laies  mesmes ,  selon 
la  diversité  des  lieux. 

Tous  Curez  prendront  les  huillcs  chasque  année  des  mains 
de  ceux  qui  sont  establis  pour  les  leur  distribuer,  et  les 
tiendront  en  des  vases  honnestes  et  non  fragiles  ;  et  cens 
qui  les  distribueront,  tiendront  foole  de  ceux  qui  les  auront 
prises. 

Nul  Ecclésiastique  ne  demandera  sous  aucun  prétexte, 
quel  qu'il  soit,  tant  pieux  et  dévot  puisse-il  païuistre,  aucun 
argent,  pour  l'exhibition  de  la  tres-saincte  Communion,  ny 
directement  ny  indirectement ,  en  quelque  sorte  que  ce  soit , 
sous  peine  d'estre  cliastié  exemplairement. 

Nul  ne  fera  au  prosne  aucune  publication  des  cboses  et 
négociations  séculières  et  prophanes ,  ains  seulement  de  celles 
qui  concernent  le  service  de  Dieu  et  des  âmes. 

Les  Curez  ne  permettront  cy  après  aux  Dames  et  autres 

Cum  canibus  et  catapulta  nunquam  et  nullibi  venantor,  nec  cata- 
pultam  ullo  modo  deferunto. 

XII.  De  r^ncto  oleo. 

Omnes  curiones  sanctum  oleum  quotanxiis  ab  iis  qui  ad  distri- 

buendum  constituti  sunt^  accipiunto,  et  in  vasis  mundis  nec  fra- 

gilibus  tenento.  Et  constituti  eos  qui  acceperint ,  in  codicillum 

referunto. 

XIII.  De  administrations  Eucharistiae. 

NuUus  ecclesiasticus  pro  sanctissimse  Communionis  exhibitione, 
sub  quovis  prœlextu  quantumvis  pio,  pecuniam  directe  vel  indirecte 
ullo  modo,  sub  rigidœ  et  exemplaris  castigationis  pœnâ,  petito. 

XIV.  De  pronao. 

Nullus  in  eâ  sacra  monitiumculâ  seu  lectione  quam  preeconium 
Tocant,  res  et  negotiationes  sseculares  et  profanas,  sed  eas  tantiàna 
quae  Deum  et  animarum  salutem  spectant,  publicato. 

XV.  De  scamnis  ecclesiarum ,  et  vitreaminibus. 

Curiones  non  deinceps  nobilibus  et  aliis  fœmîpis^  ut  in  ecclesia- 


i  24  OPUSCULES 

femmes  de  dresser  leurs  bancs  dans  les  chœurs  des  églises , 
et  procureront  de  faire  oster  ceux  qui  par  abus  y  auroyent 
esté  mis;  comme  aussi  que  les  châssis  ou  vitres  de  leurs 
églises  soyent  entiers  et  fermés,  notamment  ceux  qui  res- 
pondent  aux  autels,  pendant  qu'on  y  célèbre  la  saincte 
Messe. 

Nul  n'exorcisera  doresenavant ,  s'il  n'est  spécialement  et 
de  nouveau  approuvé;  et  est  deffendn  à  tous  exorcistes  gé- 
néralement de  commander  au  malin  qu'il  aye  à  révéler  les 
sorciers  et  sorcières  par  leurs  noms ,  ny  aucune  autre  sorte 
de  péché. 

Les  foires  et  marchez  sont  défendus  aux  Ecclésiastiques, 
sinon  en  cas  de  nécessité ,  qui  arrive  peu  souvent  ;  et  en  ce 
cas  se  comporteront  selon  leur  qualité ,  non  en  marchands  et 
négociateurs. 

Est  enjoinct  à  tous  ayans  charge  d'ames  de  tenir  en  bon 
estât  les  registres  des  baptesmes ,  mariages  et  enterremens , 


rum  choris  sua  scamna  habeant,  aut  nova  erigant,  permittunto.  Ut 
tollantur  ea  quae  ex  abusu  erecta  fuerunt,  procuranto. 

Ut  Ecclesiarum  cancelli  vitrei  integri  sint,  ii  preecipuè  qui  altaria 
respiciunt,  solliciti  et  providi  sunto. 

XVI.  De  exorcismis. 

Nemo  deincep?^  ^isi  peculiariter  etrursùmapprobatus^  exorcismis 
utitor.  Nemo  exorcistarum  diabolo  uti  sortilegos  nominibus  propriis 
aut  aliquod  peccatum  revelet,  imperato. 

XVII.  De  nundinis. 

Nundinas,  nisi  in  necessitate  quae  rarôcQntingit,  ecclesiastici  f\t 
çiunto.  Cùm  adesse  oportu^mf ,  non  ut  iiegotiatores  et  mercatores, 
sed  ut  veri  sacerdotes  se  geraniO. 

XVIII.  De  ccinmentariis  curionalibus. 

Graaesanmiarum  curam  habentes,  baptismatum,  matrimoniorum. 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  125 

et  d^en  r'apporfer  à  chaque  synode  des  coppies  signées  dans 
nostre  greffe. 

Les  Curez  feront  publier  par  trois  diverses  fois  que  les 
recteurs  ou  fondateurs  des  Chappelles  qui  sont  en  leurs  Par- 
roisses  ayent ,  dans  un  mois  après  la  dernière  publication,  à 
comparoistre  par  devant  nostre  vicaire  gênerai,  pour  l'in- 
struire du  service  et  moyen  d'entretenir  les  Chappelles  ;  à 
faute  de  quoy  elles  seront  rasées,  et  le  revenu  qui  se  treu- 
vera ,  appliqué  au  maistre  Autel  de  la  Parroisse ,  ou  à  quel- 
qu'autre ,  selon  qu'il  sera  plus  convenable. 

Les  Curez  tiendront  main  à  ce  que  les  Chappelains  rendent 
leur  devoir,  et  les  recevront  aussi  charitablement,  leur  com- 
muniquaus  les  choses  nécessaires  à  la  célébration  des  Messes, 
qu'ils  leur  permettront  de  sonner  à  heure  et  en  manière 
compétente. 

Les  Curez  feront  au  plustost  venir  par  devant  eux  les 
sages  femmes  de  leurs  Parroisses,  pour  les  examiner  de  la 
forme  et  matière  du  Baptesme,  et,  si  elles  l'ignorent,  la  leur 

et  sepulturarum  commentaria  faciunto,  et  providè  conservanto,  et 
ad  synodum  signata  apographa  curiee  iiostrae  deferunto. 

XIX.  De  sacellorum  rectoribus. 

Curiones  tribus  diversis  diebus  Dominicis  in  praeconio,  uti  rectores 
oir.nes  et  fundatores  sacellorum  in  suis  parœciis  existentium,  intra 
mensem  à  die  ultimse  publicationis,  coràm  \icariq  generali  compa- 
reant,  eum  de  offieio  et  modo  ea  sacella  conservaridi  /nstructuri  (ali- 
ter solo  œquabuntur,  et  reditus  summo  altari  parœcise  aut  alteri ,. 
prout  congruum  erit,  applicabitur),  publicanto. 

Curiones  uti  sacellorum  rectores  suo  fungantur  officio,  curante; 
eosque  bénigne,  et  sfcundum  christianam  charitatem  necessaria  ce- 
lebrationi  missse,  ad  quam  dari  campanae  signum  rite  permittent 
communicando,  recipiunto. 

XX.  De  obstetricibus, 

.   Curiones  quantô  citiùs  suarum  parœciarum  obstetrices,  ut  de 
forma  etmateriâbaptismiexaminentur,  advocant:.  Si  ignoraveiint. 


f26  OPUSCULES 

apprendront ,  à  ce  qu'en  cas  d'extrême  nécessité  elles  puissent 
baptiser  avec  la  matière ,  la  forme  et  l'intention  requises. 

Est  prohibé  Tusage  des  parolles  incogneuës,  caractères 
et  signes  superstitieux,  aux  prières  et  adjurations  qui  se 
font  contre  la  tempeste. 

Toute  autre  façon  de  prosne  que  celle  qui  a  esté  publiée 
par  feu  monseigneur  nostre  prédécesseur  (que  Dieu  absolve) 
est  entièrement  prohibée ,  comme  aussi  toute  autre  sorte  de 
forme  d'absolution  que  celle  qui  s'ensuit  : 


PRIERES  AVANT   l' ABSOLUTION. 


Misereatur  tid,  Indidgentiam ,  etc, 

ABSOLUTION. 

Notre  Seigneur  Jesus-Christ ,  qui  est  le  souverain  pontife, 
t'absolve  ;  et  moy,  par  son  authorité  qui  m'a  esté  concédée 
(quoyque  tres-indigne)  je  t'absous  premièrement  de  tout  liea 
d'excommunication,  en  tant  que  je  puis  et  que  tu  en  as 
besoing.  Je  t'absous  de  tes  péchez,  au  nom  du  Père,  du  Fils, 
et  du  sainct  Esprit.  Ainsi  soit-il. 

ot  in  extremâ  necessitate ,  cum  materiâ,  forma  et  intentione  baptizare 
queant ,  eas  docento. 

XXI.  De  adjurationibus,  et  de  praeconii  forma,  et  de  absolutione. 

Nemo  incognitis  verbis  aut  caracteribus,  signisve  superstitiosis,  in 
precibus  et  adjurationibus  quœ  contra  tempestatem  fiunt^  utitor. 

Nemo  aliam  praeconii  formam  ab  eâ  quœ  ab  illustrissimo  prœde- 
cessore  nostro  publicatafuit,  adriibeto.  Nemo  item  aliam  absolutionis 
formam,  prseter  hanc  :  Misereatur  lui,  etc,  Indulgentiam ,  etc» 

Absolutio. 

Dominus  noster  Jésus  Christus ,  qui  est  summus  pontifex ,  te  ab« 
«olvatj  et  ego  auctoritate  ipsius  mihi  hcet  indignissimo  concessâ, 
absolvo  te  in  primis  ab  omni  vinculo  excommunicationis,  in  quantum 
poesum  et  tu  indiges;  deindè  ego  te  absolvo  à  peccatis  tuis,  in  no- 
Biine  Patris,  et  Filii,  et  Spiritûs  sancti.  Amen. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES.  127 


PRIERES   APRES   l' ABSOLUTION. 


La  Passion  de  nostre  Seigneur  Jesus-Christ,  la  communion 
de  la  bien-heureuse  Vierge  Marie  et  de  tous  lesSaincts,  tout 
ce  que  tu  auras  faict  de  bon,  et  souffert  patiemment  de  mal, 
te  soit  à  la  remission  de  tes  péchez,  augment  de  grâce,  et 
recompense  de  la  vie  éternelle.  Ainsi  soit-il. 

Il  est  en  fin  commandé  à  tous  Curez  et  Vicaires  d'avoir  les 
présentes  constitutions,  et  les  alïiger  en  leurs  sacristies,  ou 
autre  lieu  de  leurs  Eglises  oii  ils  les  puissent  souvent  voir  et 
considérer. 


Preces  post  absolutionem. 

Passio  Domini  nostri  Jesu  Christi^  communie  beatae  Marise  semper 
■virginis,  et  omnium  sanctorum;  quidquid  boni  feceris,  et  mali 
patienter  sustinueris,  si^  tibi  in  remissionem  peccatorum  tuorum , 
in  augmentum  gratise ,  et  prœmium  vitae  seternae.  Amen. 

Denique  curiones  omnes  et  vicarii  horum  statutorum  apographa 
habento  ;  et  suis  in  sacrariis,  aut  aliis  ecclesiarum  locis  in  quibu» 
sœpiùs  legi  et  considerarî  possint,  affîgunto. 


128  OPUSCULES 


XXII. 

SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AUX  CURÉS  ET  CONFESSEURS  DU  DIOCÈSE  DE  GENÈVE  '. 

Mes  tres-chers  Frères , 

L'office  que  vous  exercez  est  excellent ,  puis  que  vous 
estes  establis  de  la  part  de  Dieu  pour  juger  les  âmes  avec 
tant  d'autorité ,  que  les  sentences  que  vous  prononcez  droi- 
tement  en  terre  sont  ratifiées  au  Ciel.  Vos  bouches  sont  des 
canaux  par  lesquels  la  paix  coule  du  Ciel  en  terre  sur  les 
hommes  de  bonne  volonté  ;  vos  voix  sont  les  trompettes  du 
grand  Jésus,  qui  renversent  les  murailles  de  l'iniquité,  qui 
<îst  la  mystique  Jéricho. 

C'est  un  honneur  extrême  aux  hommes  d'estre  eslevés  à 
cette  dignité,  à  laquelle  les  Anges  mesmes  ne  sont  point 
appelles.  Car  auquel  des  Ordres  Angéliques  fut-il  oncques 
dit  :  Recevez  le  saint  Esprit  ;  de  ceux  desquels  vous  remet- 
terez  les  péchés,  ils  seront  remis?  Cela  néanmoins  fut  dit  aux 
Apostres,  et  en  leurs  personnes  à  tous  ceux  qui,  par  succes- 
sion légitime,  recevroient  la  mesme  autorité.  Estant  donc 
employés  pour  cet  admirable  office ,  vous  y  devez  nuict  et 
jour  appliquer  vostre  soin,  et  moy  une  grande  partie  de  mon 
attention.  A  cette  cause,  ayant,  il  y  a  quelque  temps,  fait  un 
amas  de  plusieurs  remarques  que  j'estime  propres  pour  vous 
ayder  en  cet  exercice ,  j'en  ay  extrait  ce  petit  mémorial  que 
je  vous  présente,  estimant  qu'il  vous  sera  bien  utile. 

*  Cette  lettre  est  la  644*  de  la  collection  de  Biaise. 


VK   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  129 


%<V*VV>\/V/\A> 


XXIII. 

ADVERTISSEMENT  AUX  CONFESSEURS*. 


CHAPITRE  PREMIER. 

DE  LA  DISPOSITION  DU  CONFESSEUR. 

ARTICLE  PREMIER. 

IM  ia  disposition  intérieure  du  Confesseur  à  l'égard  de  luy-mesme 

et  à  l'égard  des  Penitens. 

Ayez  une  grande  netteté  et  pureté  de  conscience,  puis  que 
VOUS  prétendez  de  nettoyer  et  purger  celle  des  autres  ,  afin 
que  l'ancien  proverbe  ne  vous  serve  de  reproche  ;  Médecin , 
gueris-toy  toy-mesme;  et  le  dire  de  l'Apostre  :  En  ce  que  tu 
juges  les  autres,  tu  te  condamnes  toy-mesme. 

Si  doncques  estant  appelle  pour  confesser  vous  vous  trou- 
vez en  péché  mortel,  ce  que  Dieu  ne  veuille,  vous  devez  pre- 
mièrement aller  à  confesse,  recevoir  l'absolution;  ou,  si  vous 
ne  pouvez  avoir  ce  bien  faute  de  Confesseur,  vous  devez 
exciter  en  vous  la  sainte  contrition. 

Ayez  un  ardent  désir  du  salut  des  âmes ,  et  particulière- 
ment de  celles  qui  se  présentent  à  la  pénitence ,  priant  Dieu 
qu'il  luy  plaise  de  coopérer  à  leur  conversion  et  avancement 
spirituel. 

Souvenez-vous  que  les  pauvres  Penitens,  au  commence- 
ment de  leurs  confessions ,  vous  nomment  Père ,  et  qu'en 

1  Cet  avertissement  et  les  suivants  f  irent  dressés  dans  un  synode  général 
que  S.  François  de  Sales  tint  au  mois  d'octobre  1603,  où  il  fit  plusieurs  règle- 
ments pour  le  bon  ordre  de  son  clergé,  et  furent  mis  au  jour  la  même  année. 
(  Voyez  les  Statuts  du  premier  synode,  pag.  119  et  sui^,) 

YI.  9 


f30  OPUSOELES 

effet  vous  devoî  avoir  vn  cœur  patv3rne\  «n  leu  iHidioli. 
les  recevant  avec  un  extrême  amour,  supportant  patiem- 
ment leur  ruiticité ,  ignorance ,  imbécillité ,  tarJiveté  el 
autres  imperfections;  ne  vous  lassant  jamais  de  les  ayder  et 
secourir,  tant  qu'il  y  a  quelque  espérance  d'amendement  en 
•eux.  Suivant  le  dire  de  S.  Bernard ,  la  charge  des  Pasteurs 
n'est  pas  des  âmes  ^)rtes ,  mais  des  foibles  et  débiles  ;  car  les 
fortes  vont  assez  d'elles-mesmes ,  mais  il  faut  porter  les 
foibles.  Ainsi,  quoyque  l'enfant  prodigue  revinst  tout  nud, 
crasseux  et  puant  d'entre  les  pourceaux ,  son  bon  père  néan- 
moins l'embrasse,  le  baise  amoureusement,  et  pleure  de.^sus 
lui  ;  pa'xe  qu'il  estoit  son  père ,  et  que  le  cœur  des  pères  est 
tendre  sur  celuy  des  enfants. 

Art.  u.  De  la  conduite  qu'il  faut  tenir  à  l'égard  des  différentes  espèces 

de  Penitens. 

Avez  la  prudence  d'un  médecin ,  puis  qu'aussi  les  péchés 
sont  les  maladies  et  blessures  spirituelles;  et  considère! 
attentivement  la  disposition  de  vostre  pénitent,  pour  le 
traiter  selon  icelle. 

§  1.  De  la  manière  de  traiter  ceux  que  la  honte  retient. 

Si  donc ,  par  exemple ,  vous  le  voyez  travaillé  de  honte  et 
de  vergongne ,  donnez-luy  asseurance  et  confiance  que  vous 
n'estes  pas  ange  non  plus  que  luy  ;  que  vous  ne  trouvez 
point  estrange  que  les  hommes  pèchent  ;  que  la  confession  et 
pénitence  rendent  infiniment  plus  honnorable  ^'homme,  que 
le  péché  ne  Tavoit  rendu  blasmable;  que  Dieu  première- 
ment ,  ny  les  Confesseurs  n'estiment  pas  les  hommes  selon 
qu'ils  ont  esté  par  le  passé,  mais  selon  ce  qu'ils  sont  à  pré- 
sent ;  que  les  péchés  en  la  confession  sont  ensevelis  devant 
Dieu  et  le  Confesseur,  en  sorte  que  jamais  ils  ne  soient  remdr 
morés. 


DE   SAINT   rnANÇOIS    DE   SALES.  131 

§  2.  De  cenx  ^ui  n'ont  point  de  honte  et  de  crainte  de  Dieu. 

Si  vous  le  voyez  effronté  et  sans  appréhension ,  faites-luy 
Men  entendre  que  c'est  devant  Dieu  qu'il  se  vient  proster- 
ner ;  qu'en  cette  action  il  s'agit  de  son  salut  éternel  ;  qu'à 
rheure  de  la  mort  il  ne  rendra  compte  d'aucune  cliose  si 
estroitement ,  que  des  confessions  qu'il  aura  faites  ;  qu'en 
l'aLsolution  on  employé  le  prix  et  le  mérite  de  la  mort  et 
passion  de  nostre  Seigneur. 

§  3.  De  ceux  qui  manquent  de  confiance  et  perdent  courage. 

Si  vous  le  voyez  craintif,  abbatu,  et  en  quelque  défiance 
robtenir  le  pardon  de  ses  péchés,  relevez-le,  en  luy  mon- 
trant le  grand  playsir  que  Dieu  prend  à  ia  pénitence  des 
-grands  pécheurs;  que  nostre  misère  estant  plus  grande,  la 
miséricorde  de  Dieu  en  est  plus  glorifiée  ;  que  nostre  Sei- 
gneur pria  Dieu  son  Père  pour  ceux  qui  le  crucilîoient,  pour 
nous  faire  connoistre  que ,  quand  nous  l'aurions  crucifié  de 
nos  propres  mains,  il  nous  pardonneroit  fort  libéralement  ; 
que  Dieu  fait  tant  d'estime  de  la  pénitence ,  que  la  moindre 
pénitence  du  monde,  pourveu  qu'elle  soit  vraye,  luy  fait  ou- 
blier toutes  sortes  de  péchés  ;  de  façon  que  si  les  damnés  et 
les  diables  mesmes  la  pouvoient  avoir,  tous  leurs  péchés 
leur  seroient  remis  :  que  les  plus  grands  Saints  ont  esté 
grands  pécheurs  :  S.  Pierre,  S.  Mathieu,  Sainte  Magdelaine, 
David,  etc.  ;  et  enfin,  que  le  plus  grand  tort  qu'on  peut 
faire  à  la  bonté  de  Dieu  et  à  la  mort  et  passion  de  Jesus- 
Christ,  c'est  de  n'avoir  pas  confiance  d'obtenir  le  pardon  de 
aos  iniquités  ;  et  que  par  article  de  foi  nous  sommes  obligés 
de  croire  la  remission  des  péchés ,  afin  que  nous  ne  doutions 
|KHût  de  îa  recevoir ,  lors  que  nous  recourons  au  Sacrement 
jque  nostre  Seigneur  a  institué  pour  cet  effet. 

§  4.  Des  personnes  scrupuieuses  qui  ne  se  souviennent  pas  de  leurs  péchés. 

Si  vous  le  voyez  en  perplexité  pour  ne  sçavoir  pas  bien 


fj2  OPUSCULES 

dire  ses  péchés,  ou  pour  n'avoir  sceu  examiner  sa  conscience^ 
promettez-luy  vostre  assistance  ,  et  Tasseurez  que,  moyen- 
nant Tayde  de  Pieu,  vous  ne  laisserez  pas  pour  cela  de  luy 
faire  faire  une  bonne  et  sainte  confession. 

Sur  tout  soyez  charitable  et  discret  envers  tous  les  peni- 
tens,  mais  spécialement  envers  les  femmes,  pour  les  ayder 
en  la  confession  des  péchés  honteux. 

§  5.  De  ceux  qui  se  servent  d'expressions  grossières  et  obscures. 

S'ils  s'accusent  d'eux-mesmes,  quelques  paroles  deshon- 
nestes  qu'ils  prononcent,  ne  faites  nullement  le  délicat  ny^ 
aucun  semblant  de  les  trouver  estranges ,  jusqu'à  ce  que  la 
confession  soit  achevée ,  et  lors  doucement  et  amiablement , 
vous  leur  enseignerez  une  façon  plushonneste  de  s'exprimer 
en  ces  matieres-là. 

§  6.  De  ceux  qui  embrouillent  leur  accusation  par  des  excuses  et  des 

histoires  inutiles. 

Si  en  ces  péchés  honteux  ils  embrouillent  leur  accusation 
d'excuses ,  de  prétextes  et  d'histoires ,  ayei^  patience  et  ne  les 
troublez  nullement,  jusqu'à  ce  qu'ils  ayent  tout  dit;  et  alor& 
vous  commencerez  à  les  interroger  sur  le  péché ,  pour  leur 
faire  faire  plus  parfaitement  et  distinctement  la  déclaration 
de  leurs  fautes,  leur  monstrant  amiablement  et  faisant  con- 
noistre  leurs  superfluités ,  impertinences^  jt  imperfections 
qu'ils  avoient  commises  en  s' excusant ,  paL.ant  et  déguisant 
leur  accusation  ;  sans  toutefois  les  tancer  en  aucune  façon. 

§  7.  Comment  il  faut  en  user  à  l'égard  de  «ieux  qui  n'osent  s'accuser 

des  péchés  honteux. 

Si  vous  vovez  cni'ils  avent  de  la  difficulté  de  s'accuser 
eux-mesmes  de  ces  /..ciiés  honteux,  vous  commencerez  à  les 
interroger  des  choses  les  plus  légères,  comme  d'avoir  pris 
plaisir  à  ouïr  parler  de  choses  deshonnestes,  d'en  avoir  eu  des 
pensées  ;  et  ainsi  petit  à  petit  descendant  de  l'un  à  l'autre,  à 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  '  133 

fçavoii'  de  l'ouïe  aux  pensées  et  des  pensées  aux  désirs ,  aux 
volontés,  aux  actions  :  à  mesure  qu'ils  se  descouvriront,  vous 
les  ii'f'Z  encourageant  à  tonsjours  passer  plus  avant,  leur 
<liFrn!  pnr  telles  ou  semblables  paroles  :  Que  vous  estes 
hciucux  do  vous  bien  confesser  !  Crnyrz  que  Dieu  vous  fait 
une  grande  grâce.  Je  cQunois  que  le  saii.t  Esprit  vous  touche 
au  cœur,  pour  vous  faire  faire  une  bonne  confession;  ayez 
bon  courage,  mon  enfant;  dites  hardiment  vos  péchés,  et 
ne  vous  mettez  nullement  en  peine  :  vous  aurez  tantost  un 
grand  contentement  de  vous  estre  bien  confessé,  et  ne  vou- 
driez pour  chose  du  monde  n'avoir  si  entièrement  deschargé 
vostre  conscience  :  ce  vous  sera  une  grande  consolation  à 
l'heure  de  la  mort,  d'avoir  fait  cette  humble  confession. 
Dieu  bénisse  vostre  cœur  qui  est  si  bien  disposé  à  se  bien 
iiccuser.  Eî;  ainsi  vous  presserez  tout  bellement  et  douce- 
ment leurs  belles  âmes  à  faire  une  bonne  et  parfaite  con- 
fession. 

§  8.  De  ceux  qui  sont  chargés  de  péchés  énormes. 

Quand  vous  rencontrerez  des  personnes  qui ,  pour  des 
'énormes  péchés,  comme  sànt  les  sorcelleries,  accointances 
diaboliques ,  bestialité  ,  massacres  ,  et  autres  telles  abomi- 
nations ,  sont  excessivement  espouvantées  et  travaillées  en 
leur  conscience  ,  vous  devez  par  tous  moyens  les  relever  et 
•consoler,  les  asseiu^ant  de  la  grande  miséricorde  de  Dieu,  qui 
est  iniînimeiil  plus  grande  pour  leur  pardonner,  que  tous  les 
péchés  du  monde  pour  damner;  cf  leur  promettez  de  les 
assister  en  tout  ce  qu'ils  auront  besoin  de  vous  pour  le  salut 
de  leurs  âmes. 

CHAP.  11.  De  la  lisposition  extérieure  du  Confesseur  et  du  Pénitent. 

S'il  y  a  aucun  Sacrement  en  l'administration  duquel  il 
faille  paroistre  en  gravité  et  majesté ,  c'est  celuy  de  la  péni- 
tence, puis  qu'en  iceluy  nous  sommes  juges  députés  de  la 


134  OPUSCULES 

part  de  Dieu.  Vous  y  serez  donc  en  robbe  et  surplis ,  et  Tes» 
tôle  au  cou  et  le  bonnet  en  testé  ,  assis  en  lieu  apparent  de 
l'église  ,  avec  une  face  amiable  et  grave  ,  laquelle  vous  ne 
devez  jamais  changer  par  aucuns  gestes  ou  signes  extérieurs 
qui  puissent  tesmoigner  de  Fennuy  ny  du  chagrin  ,  de  peur 
de  donner  quelque  occasion  à  ceux  qui  vous  verront ,  de 
soupçonner  que  le  pénitent  vous  dit  quelque  chose  de  fas- 
cheux  et  exécrable. 

Vous  ferez  que  vostre  pénitent  tourne  son  visage  à  costé 
du  vostre  ,  en  sorte  qu'il  ne  vous  voye ,  ni  ne  vous  parle  pas 
droit  dans  l'oreille ,  ains  à  costé  d'iceîle. 

CHAP.  III.  Des  interrogations  qu'il  faut  faire  au  Pénitent  avant  la  v^onfession. 

Le  pénitent  estant  arrivé ,  il  faut  avant  toutes  choses 
s'enquérir  de  luy  quel  est  son  estât  et  condition ,  c'est  à 
dire  s'il  est  marié  ou  non ,  Ecclésiastique  ou  non,  Religieux 
ou  séculier,  Advocat  ou  Procureur,  artisan  ou  laboureur  ;  car 
selon  sa  vocation  il  faudra  procéder  diversement  avec  luy. 

Il  faudra  voir  après  cela ,  s'il  n'a  pas  intention  de  bien 
s'accuser  de  toutes  ses  fautes  sans  rien  celer  à  son  escient ,. 
comme  aussi  de  quitter  et  détester  entièrement  le  péché  ,  et 
de  faire  ce  qui  luy  sera  enjoint  pour  son  salut  :  que  s'il  n'a 
pas  cette  volonté,  il  faut  s'arrester  là,  et  l'y  disposer,  si  fair« 
se  peut  :  que  s'il  ne  se  peut  faire ,  il  le  faut  rer^  oyer,  après 
luy  avoir  fait  entendre  le  dangereux  et  misérable  fcstat  auquel. 
il  est. 

CHAP.  IV.  Des  choses  dont  le  pénitent  doit  s'accuser. 

C'est  un  abus  intolérable ,  que  les  pécheurs  ne  s'accusent 
de  nul  péché  d'evx-mesmes,  sinon  en  tant  qu'on  les  inter- 
roge. Il  leur  faut  c^onc  apprendre  à  s'accuser  premièrement 
eux-mesmes  en  ce  qu'ils  pourront  ;  et  puis  les  ayder  et  se- 
courir par  les  demandes  et  interrogations. 


DK  SAINT  FRANÇOIS    DF  SAL-ES  135' 

Ai;t    F.  Des  (lifTôrcntes  espèces  de  péchés  dans  chaque  genre,     on  des 
ci;  cuti-Lances  qui  i-egardent  l'espèce  e  l  qui  la  clKiiigcu 

Il  ne  suifil  pas  que  le  pénitent  accuse  seulement  le  genre 
de  ses  péchés,  comme  seroit  à  dire  d'avoir  esté  homicide, 

fuxurieux  ,  larron  ;  mais  est  requis  qu'il  nomme  l'espèce  : 
comme,  par  exemple  ,.s'il  a  esté  meurlrior  de  son  père  ou  dp 
sa  mère,  car  c'est  une  espèce  d'homicide  différente  des 
autres,  et  s'appelle  parricide  ;  s'il  a  tué  dans  l'Eglise,  car  en 
celai!  y  a  sacrilège  ;  ou  bien  s'il  a  meurtry  un  Ecclésiastique^ 
car  c'est  un  parricide  spirituel,  et  est  excommunié.  De  mesme 
au  péché  de  luxure ,  s'il  a  defleuré  une  vierge ,  car  c'est  un 
isiupre  ;  s'il  a  connu  une  femme  mariée  ,  c'est  un  adultère  ; 
et  ainsi  des  autres. 

Akt.  II.  De  1j  circonstance  du  nombre. 

Non  seulement  on  doit  s'enquérir  de  l'espèce  du  péché  y 
mais  aussi  du  nombre  d'iceilx,  afin  que  le  Pénitent  s'en 
accuse,  disant  combien  de  fois  il  a  commis  tel  péché  ou 
environ  plus  ou  moins ,  au  plus  prés  qu'il  pourra  selon  sa 
souvenance  ;  ou  au  moins  disant  combien  de  temps  il  a  per- 
sévéré en  son  péché ,  et  s'il  y  est  fort  adonné  ;  car  il  y  a  bien 
de  la  différence  entre  celuy  qui  n'aura  blasphémé  qu'une 
fois ,  et  celuy  qui  aura  blaspbemé  cent  fois ,  ou  qui  en  fait 
mestier. 

Art.  m.  Des  différents  degrés  d'un  mesme  péché. 

Il  faut  de  plus  examiner  le  Pénitent  sur  la  diversité  des 
degrés  du  péché.  Par  exemple  il  y  a  bien  de  la  différence 
entre  se  courroucer,  injurier,  frapper  du  uoing  ou  avec  un 
i)aston ,  ou  avec  l'espée ,  qui  sont  divers  péchés  de  colère» 
Item ,  il  y  a  bien  à  dire  entre  le  regard  charnel  et  l'attou- 
chement deshonneste ,  et  la  conjonction  charnelle ,  qui  sont 
divers  degrés  d'un  mesme  péché.  Il  est  vray  que  celuy 
gai  a  confessé  une  action  mauvaise ,  n'a  besoin  de  confesser 


136  '  OPUSCULES 

les  autres  qui  sont  nécessairement  requises  pour  faire  celle- 
là  :  ainsi ,  celny  qui  s'est  accusé  d'avoir  violé  une  fille  une 
seule  fois ,  n'est  pas  obligé  de  dire  les  baisers  et  attouche- 
mens  qu'il  a  faits  parmi  cela  et  à  cette  occasion ,  car  cela 
s'entend  assez  sans  qu'on  le  dise;  et  l'accusation  de  tels 
péchés  est  comprise  en  la  confession  de  r~»ction  finale  du 
péché. 

'.RT.  IV.  De  la  multiplication  des  péchés  dans  un  seul  acte,  et  du  scandale. 

J'en  dis  an  mosme  des  péchés  desquels  la  malice  se  peut 
redoubler  et  multiplier  en  une  seule  action.  Par  exemple, 
ceîuy  qui  dérobe  un  escu  fait  un  péché  ,  et  celuy  qui  en  de- 
robe  deux  ne  fait  aussi  qu'un  péché  ;  et  tout  de  mesme  es- 
pèce ;  mais  toutefois  la  malice  de  ce  second  péché  est  double 
au  prix  du  premier.  De  mesme  il  se  peut  faire  qu'avec  un 
mauvais  exemple  on  scandalisera  une  seule  personne ,  et 
avec  un  autre  mauvais  exemple  de  mesme  espèce  on  en 
scandalisera  trente  ou  quarante;  et  n'y  a  point  de  proportion 
en  l'un  et  en  l'autre  péché.  C'est  pourquoy  il  faut  particula- 
riser, tant  qu'il  se  peut  bonnement  faire,  la  quantité  de  ce 
qu'on  adesrobé,  et  des  gens  qu'on  a  scandalisés  par  une  seule 
action  ;  et  ainsi  consécutivement  des  autres  péchés,  desquels 
îa  malice  croist  et  decroist  selon  la  quantité  de  l'objet  et  de 
la  matière 

A  AT.  V.  Des  désirs  et  des  péchés  de  pure  volonté. 

Encore  faut-il  pénétrer  plus  avant ,  et  examiner  le  péni- 
tent touchant  les  désirs  et  volontés  purement  intérieurs, 
comme  seroit  s'il  a  désiré  ou  voulu  faire  qucilque  vengeance, 
det'honnesteté ,  ou  semblables  choses  ;  <^ar  ces  mauvaises 
affections  sont  péché. 

Art.  VI.  Des  péchés  de  pensées  volontaires  ou  deliherées. 

'    ïl  faut  passer  plus  outre ,  et  esplucher  les  mauvaises 
pensées ,  encore  qu'elles  n'ayent  esté  suivies  de  désirs  et 


:'7o  In  voîoTité.  Par  exemple,  ce!  ti  y  qui  prend  playsir  à  p('n- 
svv  en  sov-mesnie  à  la  mort,  ruine  et  desastre  de  son  en- 
fiemv  ,  encore  qu'il  ne  désire  point  tels  effets  ,  néanmoins, 
s'il  a  volontairem-^nt  et  h  son  escient  pris  délectation  et 
resjonissance  en  telles  imagination?  et  pensées ,  il  a  péché 
contre  la  charité  ,  et  doit  s'en  accnser  rigOTn^^i^sement.  C'est 
tout  de  mesme  de  celoy  qui  volontairenx'.il  a  pris  playsir 
aux  pensées  et  imaginations  des  voluptés  charnelles;  car  il 
a  péché  intérieurement  contre  la  chasteté ,  dont  il  se  doit 
.confesser,  d'autant  que  s'il  n'a  pas  voulu  appliquer  son  corps 

"au  péché  ,  il  y  a  néanmoins  appliqué  son  cœur  et  son  ame  : 
or,  le  péché  consiste  plus  h  l'application  du  cœur  qu'à  celle 
du  corps;  et  n'est  nullement  loisible  de  prendre  à  son  escient 
playsii'  et  contentemejit  au  péché,  ny  parles  actions  du  corps, 
ny  parcelles  du  cœur. 

J'ay  Hit ,  à  son  escient,  d'autant  que  les  mauvaises  pen- 

'  sées  qui  îioiis  arrivent  contre  nostre  gré,  ou  sans  que  nous  y 
prenions  entièrement  garde  ,  ne  sont  nullement  péchés ,  ou 
ne  sont  pas  péchés  mortels. 

Art.  vil.  Des  péchés  d'autruy  dont  on  est  cause. 

Outre  tout  cela ,  encore  faut-il  que  le  Pénitent  s'accuse 
des  péchés  d'autruy,  à  l'exemple  de  David  :  car  si  par 
mauvais  exemple  ou  autrement  il  a  provoqué  quelqu'un 
à  pécher,  il  en  est  coupable  ;  et  cela  s'appelle  proprement 
scandale. 

Au  contraire  ,  il  faut  empescher  le  Pénitent  de  ne  point 
nommer,  ny  donner  à  connoistre  ses  complices  au  péché , 
tant  que  faire  se  pourra. 

CHAP.  V.  Du  soin  que  doit  avoir  le  Confesseur  de  ne  point  absoudre  ceux 
qui  ne  sont  point  capables  de  )a  grâce  de  Dieu. 

Le  Confesseur  après  cela  doit  connoistre  si  le  Pénitent  est 
capable  de  recevoir  l'absolution ,  laquelle  ne  doit  estre  coa- 
f'erée  à  certaines  sortes  de  personnes,  desquelles  je  vouspro- 


138  OPUSCULES 

nf^^'ornv  nnolqn's  exemples, qui  vous  servironl  de  lumières 
pour  îoiiL  l(?  l'esie. 

Art    j.  Des  excommuniés. 

Ceux  qui  sont  euexcommunicdtion  majeure, le  Confesseui- 
îie  les  en  peut  absoudre  sans  l'autorité  duSupérieui',sinûti 
qu'elle  i\e  t'ust  point  réservée  par  iceluy. 

Art.  II.  Des  personne.s  qui  ont  des  cas  réserves. 

Item ,  ceux  %\{\  ont  quelque  péché  réservé  au  Pape ,  ou 
à  l'Evesque  ,  ne  peuvent  estre  absous  sans  leur  autorité  :  il 
les  faut  donc  renvoyer  à  ceux  qui  ont  pouvoir,  ou  bien  les 
faire  attendre  jusques  à  ce  qu'on  Fait  obtenu,  si  cela  se  peut 
ayséinent. 

Art.  .^ri.  De  ceux  ^i  sont  dans  le  cas  de  quelque  restiti'''ion  ou  reparatioôL 

Item  y  les  faussaires,  faux  tesmoins,  larrons,  usuriers, 
usurpateurs ,  détenteurs  des  biens ,  tiltres ,  droits  et  hon- 
neurs d'autruy  ;  et  de  mesme  les  détenteurs  de  legs  pieux , 
an mosnes,  primes  ,  décimes ,  plaideurs  iniques ,  calomnia- 
teurs, détracteurs;  et  gei^eralement  tous  ceux  qui  tiennent 
tort  au  prochain ,  ne  peuvent  estre  absous  ,  s'ils  ne  font  ré- 
paration du  tort  'ît  dommage  en  la  meilleure  façon  que 
faire  se  pourra  ;  ati  moins  qu'ils  promettent  de  satisfaire  par 
effet. 

Art.  IV.  Des  personnes  mariées  qui  font  mauvais  ménage  ou  qui  soss^ 

séparées. 

Item,  les  mariés  qui  vivent  en  dissension  l  un  sans  l'autre, 
ou  qui  ne  veulent  se  rendre  les  devoirs  du  mariage  ,  ne 
doivent  estre  absous,  pendant  qu'ils  t^erseverent  cji  cette 
mauvaise  volonté. 


Art.  V.  Des  Ecclésiastiques  pourvcus  de  bénéfice?  contre  les  régies,  et  de  ce»>or. 
qui  ne  s'acquittent  pas  fie  \ey^^  «J^voir». 


Les  Ecclésiastiques  mal  pourr«us  de  letaïAs  .Wnefiôe^,  ô« 


DS  S.    FRA-VÇSTS  DE  î^ràLEâ.' 

qui  en  ont  d'incumpatibles  sans  légitime  dispense,  on  qm  n»î 
résident  pas  sans  suffisantes  excuses .  ou  qui  font  mestier  àe 
ne  point  dire  rOffice,  et  ne  se  vestir  eccîesiastiquement;  t®us 
'•«ux-îà  ne  doivent  estrs  absous,  qu'ils  n^  pïioinsttent  d'y 
mettre  ordre ,  et  corriger  tous  ces  défauts. 

Art.  VI.  De  ceux  qui  sont  dans  des  h^oitudes  criminelles. 

Ifem,  les concubinaires ,  adultères,  yvrognes,  ne  doivei^ 
estre  absous,  s'ils  ne  tesmoignent  un  ferme  propos,  noii 
seulement  de  laisser  leurs  péchés,  mais  aussi  de  quitter 
les  occasions  d'iceux,  comme  sont  aux  concubinaires  ei 
adultères  leurs  garces,  lesquelles  ils  doivent  esîoigner  d'e-ux; 
aux  yvrognes  les  tavernes ,  aux  blasphémateurs  les  jeux  : 
c«  qui  s'entend  de  ceux  qui  font  coutume  de  tels  péchés. 

Abt.  vu.  Des  personnes  qui  ont  des  rancunes  ou  des  inimitiés. 

Eniin  ,  les  querelleurs  qui  ont  des  rancune*  et  inimitiés  » 
ne  peuvent  recevoir  l'absolution  s'ils  ne  veulent  de  leur 
costé  pardonner  et  se  reconcilier  avec  leurs  ennemis. 

CHAP.  VI.  De  la  prudence  avec  laquelle  il  faut  ordonner  les  restitutioos 

et  les  réparations  d'honneur. 

Apres  donc  que  le  Confesseur  a  bien  connu  Testât  de  là 
conscience  du  Pénitent,  il  doit  disposer  et  ordonner  ce  qu'U 
voit  estre  nécessaire  pour  rendre  capable  de  la  grâce  de  Dieu, 
tant  en  ce  qui  concerne  la  restitution  du  W  a  d'autruy,  et  la 
réparation  des  torts  et  injures  qu'il  a  faites ,  comme  aussi 
en  ce  qui  regarde  l'amendement  de  sa  vie ,  et  fuite  ou  esloi- 
gnement  des  occasions. 

Art.  I.  Qu'il  faut  ménager  la  réputation  /3u  Pénitent. 

Et  pour  le  regard  des  réparations  et  restitutions  que  l'on 
doit  faire  au  prochain ,  il  faut  trouver  moyen  ,  s'il  est  pos- 
sible ,  de  les  faire  secrettement ,  sans  que  le  Pénitent  puisse 
«stre  diffamé  ;  et  par  ainsi ,  si  c'est  un  larcin ,  il  le  faut  faire 


140  OPUSCULES 

rendre ,  ou  choses  équivalentes  ,  par  quelque  personne  dis- 
creUe,  qui  ne  nomme  ni  décelé  en  aucune  façon  le  restituant. 
Si  c'est  une  fausse  accusation  ou  imposture ,  il  faut  procurer 
dextrement.  que  le  Pénitent  donne ,  sans  en  faire  semblant, 
contraire  impression  à  ceux  devant  lesquels  il  avoit  commis 
ia  faute ,  disant  le  contraire  de  ce  qu'il  avoit  dit,  sans  faire 
semblant  d'autre  chose. 

Art.  II.  Des  conjonctures  où  la  réparation  est  plus  difficile. 

Mais  quant  aux  usures ,  faux  procès  et  autres  semblables 
embrouillements  de  conscience  ,  il  est  besoin  d'en  ordonner 
]es  réparations  avec  une  exquise  prudence  ,  de  laquelle  si  le 
Confesseur  ne  se  trouve  pas  pourveu  suffisamment ,  il  doit 
doucement  demander  au  Pénitent  quelque  loisir  pour  y  pen- 
ser, puis  s'addresser  aux  plus  doctes,  comme  sont  les  députés 
des  quartiers,  lesquels ,  si  le  cas  le  mérite  ,  prendront  nostre 
avis  ou  de  nostre  Vicaire  gênerai. 

Mais  sur  toutes  choses ,  il  faut  prendre  garde  que  ceux 
desquels  on  prend  le  conseil,  ne  puissent  en  façon  quel- 
conque connoistre  ou  deviner  le  Pénitent,  si  ce  n'est  par  son 
congé  tres-exprés  :  encore  ne  le  faut-il  faire  avec  son  congé, 
si  ce  n'est  pas  une  grande  nécessité ,  et  qu'il  en  prie  le  Con- 
fesseur hors  ei  après  la  confession. 

CHAP.  VII.  Qui  sont  les  cas  réservés  au  Pape,  et  ceux  du  Diocèse  de  Genève. 
Deux  règles  à  observer  à  l'égard  des  Penitens  qui  ont  des  reserves. 

Art.  I.  Des  cas  réservés  au  pape. 

Or,  les  cas  réservés  à  sa  Sainteté  sont  en  assez  grand 
nombre  ;  mais  néanmoins  la  plus  part  sont  tels  ,  qu'ils  n'ad- 
viennent  presque  point  deçà  les  Monts  ■  et  quant  à  ceux  qui 
peuvent  arriver,  ils  ne  sont  pas  en  granù  nombre.  Il  y  en  a 
cinq  hors  la  Bulle  in  Cœiia  Domini. 

1 .  ïuer  ou  frapper  griefvement  une  personne  Ecclésias- 
tique ;  parce  que ,  quand  le  coup  est  léger  et  le  mal  de  peu 
U'importance ,  il  peut  estre  absous  par  l'Evesque  ;  sinon  que 


DE   S.    FRANÇOIS    T»E    SALES.  141 

Ip  roT7p ,  quoy  que  léger  de  soy-mesme ,  fust  grandemeiît 
ficandaîeiix,  comme  par  exemple  ,  estant  dc/nné  à  un  Prestie 
faisant  TOffice,  ou  en  un  lieu  et  compagnie  de  grand  respect 
et  conDÎder.^ble. 

2.  La  simonie  fit  confidence  réelle. 

3.  Le  péché  du  duel  en  ceux  qui  appellent,  qui  provoquent 
et  aui  font  le  combat. 

4.  Les  violateurs  de  la  closture  des  Monastères  et  des 
Religieuses  enfermées,  quand  telle  violation  se  fait  à  mau- 
vaise fin. 

5.  La  violation  des  immunités  de  l'Eglise;  lequel  cas 
cinquième  estant  difficile  à  discerner,  et  n'arrivant  guère 
souvent,  ettousjours  par  des  actions  publiques,  ne  se  décide 
presque  point  en  Confession,  qu'il  n'ait  esté  décidé  hors 
d'icelle  par  les  Evesques  ou  leurs  "Vicaires.  Les  cas  de  la 
Bulle  in  Cœna  Domini  qui  peuvent  arriver,  sont  aussi  pea 
en  nombre. 

6.  L'heresie,  le  schisme,  avoir  et  lire  des  livres  hérétiques, 
la  falsifisation  des  Bulles  et  lettres  Apostoliques. 

7.  La  violation  des  libertés  et  privilèges  de  l'Eglise,  biens 
et  personnes  Ecclésiastiques,  qui  se  fait  volontairement; 
l'usurpation  des  biens  des  Ecclésiastiques,  en  tant  qu'Ecclé- 
siastiques. 

Art.  II.  Des  cas  réservés  dans  le  diocèse  de  Genève 

Les  cas  que  nous  nous  sommes  réservés  sont  peu  en 
nombre. 

1 .  Quant  au  premier  commandement,  nous  avons  réservé 
la  sorcellerie  et  les  charmes ,  ou  nouëmens  d'éguillettes  qui 
se  font  contre  Tetfet  d^i  mariage. 

2.  Quant  au  quatrième,  nous  avons  reserve  le  parricide, 
qui  se  fait  tuant  ou  battant  père,  mère,  beau-pere,  belle- 
mère. 

3.  Quant  au  cinquième  commandement,  nous  avons  ré- 
servé le  meurtre  effectué  volontairement. 


142  OPUSCULES 

4.  Onant  au  sixième,  nous  avons  réservé  la  bestialité  et 
tsodomie,  l'inceste  au  premier  et  second  degré,  et  le  sacrilège 
qui  se  commet  avec  les  Nonàins  et  Religieuses,  violence  et 
forcement  des  filles  et  femmes. 

5.  Qoant  an  septième  commandement,  nous  avons  réservé 
le  bi'uslement  olontairement  fait  des  maisons  d'aatruy,  le 
pillement  et  larcin  des  choses  sacrées. 

Art.  m.  Or  pour  tous  ces  cas  réservés  vous  devez  observer  deux  règles. 
§  1.  Première  règle  :  consoler  les  Penitens. 

1.  C'est  de  consoler  les  Penitens  qui  les  auront  commis, 
'*ît  ne  point  les  désespérer;  ains  les  renvoyer  doucement  à 
ceux  ausquels  nous  avons  donné  le  pouvoir,  que  nous  avons 
mis  en  grand  nombre  en  tous  les  endroits  du  Diocèse.  Car 
encore  qu'ils  ne  puissent  pas  absoudre  des  cas  réservés  au 
Pape,  si  est-ce  néanmoins  qu'ils  leur  donneront  toujours 
•idresse  pour  obtenir  l'absolution. 

§  2.  Seconde  règle  qui  regarde  les  moribonds. 

2-  En  cas-  d'extrême  nécessité  et  en  l'article  de  la  mort, 
*oui  Prestre,  encore  qu'il  ne  soit  point  admis,  de  quelque 
sorte  ou  qualité  qu'il  soit,  peut  et  doit  absoudre  de  tout 
péché  généralement. 

Mesme  celuy  qui  estant  malade  a  demandé  le  Confesseur, 
si  après  cela  il  perd  la  parole ,  et  ne  peut  donner  aucun  signe, 
il  doit  estre  absous  sur  le  simple  désir  qu'il  a  eu  de  se  con- 
fesser. 

Et  de  plus  on  doit  absoudre  celuy  lequel,  bien  qu'il  n'ait 
pas  demandé  le  Prestre ,  le  voyant  néanmoins  et  Tescoutant, 
donne  signe  de  vouloir  l'absolution. 

CHAP.  VIII.  Comment  il  faut  imposer  les  pénitences,  et  des  coiiseils  qu'on 

doit  donner  aux  Penitens. 

Art.  I.  Se  servir  de  paroles  douces  et  engageantes. 

Le  Confesseur  doit  imposer  la  pénitence  avec  des  paroles 


M   S.    FRAKÇOIS   DE    SATXS.  î-43 

doiic*^s  et  consolatoires,  sur  îoni  qiiarul  il  voit  Te  pécheur  bien 
repentant,  et  luy  doit  toujours  demander  s'il  ne  la  fera  pas 
volontiers  ;  car  en  cas  qu'il  le  veit  en  peine ,  il  feroit  mier'» 
\Le  luy  en  donner  une  autre  plus  aisée  ;  estant  beauconp 
Rieilleur  pour  l'ordinaire  de  traitter  les  Penitens  avec  amour 
ei  bénignité  (sans  toutefois  les  flatter  dans  leurs  péchés)  que 
non  pas  de  les  traitler  asprement  ;  et  néanmoins  il  ne  faut 
pas  oublier  de  faire  connoistre  au  Pénitent  que  y  selon  la 
gravité  de  ses  péchés,  il  meriteroit  une  plus  forte  peallence, 
afîr  qu'il  fasse  ce  qu'on  luy  enjoint  plus  humblement  et  dé- 
votement. 

Art.  11.  Que  les  pénitences  ne  soient  point  embrouillées. 

Les  pénitences  ne  doivent  point  estro  embrouillées  et  mes- 
iangées  de  diverses  sortes  de  prières  et  oraysons ,  comme  par 
exemple,  de  dire  trois  Pater,  une  hymne ,  des  oraysons,  des 
collectes,  des  antiennes ,  des  pseaumes;  ny  ne  doivent  point 
estre  données  en  variété  d'actions,  comme  par  exemple,  de 
donner  trois  jours  l'aumosne,  de  jeusner  trois  vendredis, 
de  laire  dire  une  Messe,  de  se  discipliner  cinq  fois  :  car  il  ar- 
rive deux  inconveniens  de  cet  amas  d'actions  ou  oravsons  : 
l'un,  que  le  Pénitent  s'en  oublie,  et  puis  demeure  en  scru- 
pule ;  l'autre ,  c'est  qu'il  pense  plus  à  ce  qu'il  a  à  dire  ou  à 
faire ,  que  non  pas  à  ce  qu'il  dit  ou  fait;  et  cependant  qu'il 
va  cherchant  en  sa  mémoire  ce  qu'il  doit  faire,  ou  dedans 
ses  Heures  ce  qu'il  doit  dire ,  sa  dévotion  se  refroidit.  Il  est 
donc  mieux  d'enjoindre  des  prières  toutes  d'une  mesme  sorte, 
comme  tout  de?  Paier,  ou  tout  des  pseaumes  qui  soient  de 
suite,  qu'il  ne  faille  pas  aller  chercher  ça  et  là  les  uns  âpre» 
les  autres. 

Art.  m.  Que  les  pénitences  soient  preiiervativcs. 

Et  mesme  il  sera  bon  de  donner  quelques-unes  de  ces 
choses  en  pénitence ,  comme  de  lire  un  tel  ou  tel  livre,  qu'oa 
^ge  propre  pour  ayder  le  Pénitent;  de  se  confesser  toiijs  kt 


144  cprscuLES 

mois,  un  an  durant:  de  jc  mettre  d'une  Confi'eri-  f^  et  sem- 
blables actkns,  lesquelles  ne  servent  pas  seulement  de  pu- 
nition pour  les  péchés  passés ,  mais  de  préservatif  contre  les 
futurs. 

Art.  IV.  Conseils  qu'il  faut  donner  aux  Pénitents. 

Et  pour  le  regard  des  conseils  que  le  Confesseur  doit  donner 
au  Pénitent  en  gênerai,  voicy  les  plus  utiles  à  toutes  sortes 
de  personnes  : 

Se  confesser  et  communier  très-souvent, 

Et  de  choisir  un  bon  Confesseur  ordinaire, 

Hanter  les  sermons  et  prédications , 

Avoir  et  lire  de  bons  livres  de  dévotion,  comme  entre 
autres  ceux  de  Grenade , 

Fuir  les  mauvaises  compagnies,  et  suivre  les  bonnes, 

Prier  Dieu  bien  souvent , 

Faire  l'examen  de  conscience  le  soir, 

Penser  à  la  mort,  au  Jugement,  au  Paradis,  à  l'Enfer. 

Avoir  et  baiser  souvent  de  saintes  images,  comme  de 
Crucifix ,  et  autres. 

CHAP.  IX.  Comment  il  faut  donner  l'absolution. 
Art.  I.  Exciter  le  Pénitent  à  la  contrition. 

Cela  fait,  avant  que  de  donner  la  sainte  absolution,  vous 
demanderez  au  Pénitent  s'il  ne  requiert  pas  humblement 
que  ses  péchés  luy  soient  remis ,  s'il  n'attend  pas  cette  grâce 
du  mérite  de  la  mort  et  passion  de  nostre  Seigneur,  s'il  n*a 
pas  volonté  de  vivre  désormais  en  la  crainte  et  obeyssance 
de  Dieu. 

Art.  II.  Advis  ponr  bien  user  du  fruit  de  l'absolution. 

Apres  cela,  vous  luy  pouvez  faire  savoir  que  la  sentence 
de  son  absolution,  que  vous  prononcerez  en  terre,  sera  ad  vouée 
et  ratifiée  au  Ciel  ;  que  les  Anges  et  les  Saints  de  Paradis  se 
resjouiront  de  le  voir  revenu  en  îa  grâce  de  Dieu;  et  que 


DE   S.    FRANÇOIS   DE  SALES.  145 

partant  il  vive  désormais  en  sorte  qu'à  l'heure  de  la  mort  il 
puisse  jouir  du  fruict  de  cette  confession;  et  puis  qu'il  a  lavé 
sa  conscience  au  sang  de  l'Agneau  immaculé  Jesus-Christ, 
il  prenne  garde  de  ne  la  plus  souiller. 

Art.  iu.  Cérémonies  et  rit  de  l'absolution. 

Telles  ou  semblables  paroles  de  consolation  estant  dites, 
vous  osterez  le  bonnet  por  r  dire  les  prières  qui  précèdent 
Tabsolution.  Et  ayant  proféré  ces  paroles,  Dominus  noster 
Jésus  Christus,  vous  vous  couvrirez  et  estendrez  la  main 
droite  vers  la  teste  du  Pénitent,  poursuivant  l'absolution, 
ainsi  qu'elle  est  mise  au  Rituel. 

Art.  IV.  En  quel  cas  on  peut  retrancher  des  prières. 

§  1.  De  ceux  qui  se  confessent  souvent. 

Il  est  vray,  comme  le  dit  le  docteur  Emmanuel  Sa,  es 
Confessions  de  ceux  qui  se  confessent  souvent ,  on  peut  re- 
trancher toutes  les  prières  qu'on  fait  devant  et  après  l'abso- 
lution ,  disant  simplement  :  Ego  te  ahsolvo  ab  omnibus 
peccatis  tuîs,  in  nomine  Patris,  et  Filii,  et  Spiritûs  Sancti. 

§  2.  Du  grand  concours  de  Penitens. 

On  en  doit  dire  de  mesme ,  aaand  il  y  a  une  multitude  de 
Penitens,  et  que  le  temps  est  court;  car  on  peut  prudemment 
abréger  l'absolution,  ne  disant  sinon  :  Dominus  noster  Jésus 
Christus  te  absolvat ,  et  ego  auctoritate  ipsius  absolvo  te  ab 
omnibus  peccatis  tuis.  In  nomine  Patris ,  et  Filii,  et  Spi- 
ritûs Sancti.  Amen, 

§  3.  Les  Penitens  peuvent  dire  le  uonjrreor  avant  que  d'entrer  dans 

le  confessionnal. 

Comme  aussi  quand  il  y  a  presse  de  Penitens  qui  se  con- 
fessent souvent ,  on  peut  les  avertir  qu'ils  disent  le  Confiteor 
à  part  eux,  avant  que  de  se  présenter  au  Confesseur,  afin 
^[u'immediatement  estant  arrivés  devant  luy,  et  fait  le  signe 

yi.  10 


i46  OPUSCULES 

de  la  Croix ,  ils  commencent  à  s'accuser.  Car  ainsi  il  ne  se 
fait  nulle  omission,  et  Ton  gaigne  beaucoup  de  temps. 

Art.  V.  Livre  utile  aux  Confesseurs. 

Le  Père  Valere  Reginald,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  Lec- 
teur en  Théologie  à  Dole,  a  nouvellement  mis  en  lumière  un 
livre  de  la  Prudence  des  Confesseurs,  qui  sera  grandement 
utile  à  ceux  qui  le  liront. 

Art.  VI.  Conclusion. 

Voilà,  mes  chers  Frères,  vingt-cinq  articles  que  j'ay  jugés 
dignes  de  vous  estre  proposés ,  pendant  que ,  distrait  à  plu- 
sieurs autres  occupations,  je  n'ay  sceu  ni  les  mieux  agencer, 
ni  mettre  en  escrit  le  reste.  Recommandez  toujours  mon 
ame  à  la  miséricorde  de  Dieu,  comme  de  mon  costéje  vous 
;   esire  sa  sainte  bénédiction. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES,  14T 


XXIV. 

AD  VIS 

AUX  CONFESSEURS  ET  DIRECTEURS, 

Pour  discerner  les  opérations  de  l'esprit  de  Dieu  et  celles  du  malin  esprit 

dans  les  âmes. 

Mes  Frères ,  si  Dieu  vous  a  destinés  à  la  conduite  des  amas, 
vous  devez  continuellement  lui  demander  ses  lumières,  pour 
bien  connoistre  les  véritables  opérations  de  son  esprit.  Si 
donc  vous  avez  la  direction  de  quelques  personnes  favorisée» 
de  ses  dons  extraordinaires  et  relevés ,  prenez  garde. 

Premièrement ,  si  elles  se  portent  plus  au  sens  le  moins 
reçu  de  FEscriture,  qu'à  celuy  qui  pour  estre  le  plus  com- 
mun est  le  moins  dangereux ,  parce  que  FEscriture  sainte 
est  la  règle  de  conduite  de  Dieu  sur  les  âmes. 

•2.  C'est  encore  un  effet  de  Fesprit  de  Dieu,  de  jeter  ime 
grande  crainte  avec  une  extrême  confiance  en  ceux  qu'il  ché- 
rit :  Fune  vient  de  la  connoissance  de  nostre  infirmité,  el 
Fautre  découle  du  saint  amour.  Le  diable,  au  contraire,  porté 
à  de  bantes  pensées,  et  à  des  sentiments  bien  relevés  de  verta 
et  (ftrne  lionne  Tie ,  persuadant  de  se  reposer  en  sa  propre 
suffisance  et  en  ses  bonnes  œuvres. 

3.  Mais  l'a  pierre  de  touche  pour  esprouver  le  bon  d'avec 
lie  mauvais  esprit,  et  faire  la  différence  de  celuy  qui  commence 
d^vec  Fautre  qui  estbien  avancé,  c'est  d'estre  prompt  à  souf- 
firr;  car  le  mauvais  devient  pire  par  les  afflictions  et  mur- 

»  M.  Maupas  Dateur  évèqnej  -du  Puy,  dit ,  pag.  217  de  la  Vie  du  Saii^ 
qu'il  a  composé  les  a-vis  suivants  ensuiu  dos  averlissemeûts  aux  confesseurs, 
qu'il  a  beaucoup  abrégés. 


148  OPUSCULES 

mures  contre  la  providence  de  Dieu.  Celuy  qui  commence, 
56  fasche  d'endurer,  et  puis  il  a  regret  de  s'estre  laissé  saisir 
à  rimpatience;  celuy  qui  avance ,  traisne  d'abord  un  peu  sa 
Croix  ;  toutefois,  quand  il  regarde  son  Sauveur  et  son  Maistre 
portant  la  sienne  au  Calvaire ,  il  la  releva ,  il  prend  courage, 
il  se  résout  à  la  patience  et  à  bénir  Dieu.  • 

Le  parfait ,  qui  est  un  uiseau  plus  rare  en  ce  siècle  que  le 
Phénix  en  l'Arabie ,  uon  seulement  attend  les  affronts ,  les 
persécutions  et  les  calomnies,  mais  mesme  va  au  devant  sans 
témérité,  et  y  court  comme  au  festin  des  nopces,  jugeant 
encore  qu'il  est  indigne  d'avoir  des  livrées  qui  le  font  prendre 
pour  un  serviteur  de  la  maison  de  Dieu. 

4.  C'est  encore  une  marque  de  l'esprit  de  Dieu,  d'estre 
doux  et  miséricordieux  à  son  prochain,  lors  mesme  qu'il 
est  plus  proche  de  tomber  sous  la  rigueur  de  la  justice ,  de 
peur  de  l'ensevelir  sous  ses  ruines.  C'est  aussi  le  signe  d'un 
esprit  trompé  du  diable  en  ses  dévotions  ou  en  sa  conduite, 
lors  que  sous  certain  zèle  il  fait  l'exact  juge  de  tout ,  et  veut 
tout  chastier,  sans  user  de  pitié,  et  sans  aucune  clémence. 

5.  Ne  pas  qui  cr  l'exercice  des  vertus  pour  les  difficultés 
qui  s'y  rencontrent,  est  encore  le  signe  d'une  ame  dont  le  sa- 
crifice est  aggreable  à  Dieu  ;  parce  que  cette  bonté  infinie  ne 
présente  point  d'espées  flamboyantes ,  pour  empescher  l'en- 
trée de  son  Paradis  à  ceux  qui  le  cherchent  purement  ;  et 
bien  qu'il  permette  que  ses  eslus  soient  dans  les  rigueurs, 
dans  les  souffrances,  et  dans  les  Croix,  il  les  remplit  de  tant 
de  grâces ,  de  force  et  de  douceur,  qu'ils  s'estiment  tres-heu- 
reux  et  avantagés  de  patir  pour  l'amour  de  luy.  Le  diable , 
au  contraire,  leur  fait  voir  une  vengeance  effroyable  en  Dieu , 
pour  punir  leurs  moindres  défauts;  il  leur  présente  une 
colère  et  une  rigueur  extrême  en  celuy  qui  ne  peut  entendre 
crier  la  moindre  de  ses  créatures,  sans  luy  donner  du  secours, 
et  qui  se  rend  à  la  première  larme  qui  sort  d'un  cœur  véri- 
tablement contrit.  Mais  prenez  gardo  à  la  ruse  de  nostre 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  i  49 

eriT^omy  :  avant  que  de  les  avoir  portés  au  péché,  il  leur 
présente  Dieu  sans  mains  et  sans  foudre  ;  et  quand  il  les  a 
renversés  par  terre ,  il  le  fait  venir  en  leur  imagination  en- 
vironné d'éclairs  et  de  flammes,  et  tout  couvert  de  feu 
pour  les  réduire  en  cendre. 

6.  Examinez  encore  si  ces  personnes  se  perdent  en  leur 
propre  estime,  en  relevant  leurs  grâces  et  leurs  propres  dons, 
et  lesquelles  au  contraire  traitent  avec  mespris  ou  tiennent 
pour  suspectes  les  faveurs  que  Dieu  départ  aux  autres ,  car 
la  marque  la  plus  asseurée  de  la  sainteté,  c'est  quand  elle  est 
fondée  sur  une  vraye  et  profonde  humilité  et  une  ardente 
charité.  Les  opérations  surnaturelles,  dit  S.  Bernard,  se 
peuvent  aussi  bien  faire  par  les  personnes  hypocrites  que  par 
les  Saints.  Les  humbles  de  cœur  en  font  reconnoistre  la  so- 
lidité et  la  vérité. 

7.  Et  pour  ce  qui  regarde  les  personnes  trompées,  Dieu 
mesme  (si  vous  les  en  croyez)  leur  sert  de  garant  et  de  couver- 
ture. Mais  observez  leurs  paroles  spirituelles  :  en  matière  de 
ces  expressions  extraordinaires,  soyez  bien  sur  vos  gardes. 
Par  exemple  ,  quand  elles  disent  :  Je  suis  assurée  de  ce  que 
Dieu  veut  de  moy  ;  il  vous  avertit  par  ma  bouche  de  ce  qui  est 
nécessaire  à  vostre  salut  et  à  vostre  conduite;  faites  cela  par 
mon  advis;  j'en  responds  devant  Dieu;  et  semblables  paroles 
qui  marquent  un  esclaircissement  des  choses  intérieures,  et 
une  conversation  dans  les  Cieux  :  jugez  avec  discrétion  si 
leurs  actions  sont  conformes  è  iqs>  hautes  lumières. 

8.  Voyez  aussi  si  le  rapport  qu'on  fait  à  ces  personnes  de 
l'infirmité  d'autruy ,  leur  donne  plus  de  mouvement  d'in- 
dignation et  d'horreur,  que  de  compassion  et  de  pitié  de 
leur  misère  ;  parce  que  c'est  un  faux  zèle  de  s'escrier  contre 
la  vice  de  son  frère ,  d'en  descouvrir  les  défauts  sans  neces- 
^té ,  et  contre  la  charité.  Telles  personnes  d'ordinaire  pen- 
sent faire  admirer  leur  vertu ,  en  publiant  les  fautes  du 
prochain. 


i50  OPUSCULES 

9.  De  plus,  examinez  si,  lorsqu'on  parle  de  Dieu ,  ces  per- 
lonnes  s'esgarent  en  des  termes  affectés ,  voulant  faire  voir 
çue  leur  feu  ne  peut  demeurer  sous  la  cendre ,  et  que  par 
cette  estincelle  on  pourra  découvrir  les  brasiers  qui  sont  en 
leur  intérieur. 

10.  Si  vous  voulez  probablement  juger  si  ces  âmes  ont  de 
vrais  sentiments  de  Dieu ,  et  si  les  grâces  qu'elles  disent  re- 
cevoir de  sa  bonté  sont  véritables ,  voyez  si  elles  ne  sont  point 
attachées  à  leur  propre  jugement  et  à  leur  propre  volonté , 
et  à  ces  mesmes  faveurs;  mais  au  contraire,  si  elles  leur 
donnent  du  soupçon,  et  les  laissent  irrésolues  jusqu'à  tant 
que  par  l'advis  de  leurs  Directeurs  et  de  plusieurs  personnes 
pieuses,  doctes,  et  expérimentées,  elles  soient  confirmées  en 
la  créance  de  ce  qu'elles  doivent  estimer  de  tout  cela  :  car  le 
saint  Esprit  chérit  sur  toutes  choses  les  âmes  humbles  et 
obeyssantes;  il  se  plaist  merveilleusement  à  la  condescen- 
dance et  à  la  sousmission,  estant  Prince  de  paix  et  de  con- 
torde.  Au  contraire,  l'esprit  de  superbe  donne  de  l'asseurance, 
€t  rend  ceux  qu'il  veut  tromper,  fiers,  opiniastres,  et  fort  ré- 
solus; et  leur  fait  tellement  aimer  leur  mal,  qu'ils  ne  crai- 
gnent rien  à  l'égal  de  leur  guerison,  leur  persuadant  que  ceux 
qui  leur  parlent  portent  plus  d'envie  à  leur  bonheur  que 
i'affection  à  leur  salut.  Tel  est  le  génie  des  novateurs. 

11.  Enfin,  pour  conclure  tout  ce  discours,  voyez  si  ces 
personnes  sont  simpleb  '^t  véritables  en  leurs  paroles  et  en 
leurs  actions;  si  elles  ne  recherchent  point  de  produire 
leurs  grâces,  sans  qu'il  soit  nécessaire  ;  si  elles  désirent  ce 
qui  éclate  à  l'extérieur. 

12.  C'est,  tout  au  contraire,  un  effet  de  l'heureuse  con- 
duite du  Père  des  lumières,  d'inspirer  par  des  sentimens 
mterieurs ,  se  couler  doucement  dans  l'ame ,  et  y  descendra 
comme  la  pluye  sur  la  toison.  Saint  Jean  Chrysostome  dit 
qu'à  la  vérité,  Dieu  fit  entendre  aux  Hébreux  ses  commande* 
ments  avec  de  grands  effrois  ei plusieurs  bruits  de  tonnerre» 


\ 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  tM^ 

IVIais  il  le  falloît ,  pour  espouvanter  des  gens  qui  ne  se  fusssent 
pas  rendus  à  composition  que  par  crainte  ;  et  que  d'autres 
part  nostre  Seigneur  vint  doucement  à  ses  Apostres ,  qui 
cstoient  plus  dociles  et  moins  ignorants  des  mystères  divins. 
Il  est  vray  qu'il  y  eut  quelque  son  et  un  petit  bruit  ;  mais 
Dieu  le  permit  à  cause  des  Juifs,  et  pour  des  raisons  mar* 
quées  en  l'Escriture  Sainte 


152 


OPUSCULES 


XXV. 
MANIÈRE 

DE  FAIRE  LE  CATECHISME, 

DONNÉE  PAR  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES. 

On  convoquera  le  peuple  par  le  son  de  la  cloche  avant 
vespres,  d'assez  bonne  heure  pour  que  le  catéchisme  puissa 
employer  deux  heures,  surtout  en  esté. 

Le  signal  de  la  cloche  estant  donné ,  le  portier  ouvrira 
l'escole  ou  Teglise,  arrangera  les  bancs,  et  attendra  à  la 
porte  ceux  qui  viendront  ;  il  introduira  les  enfans,  et  leur 
apprendra  la  façon  de  saluer,  en  sorte  qu'ils  sçachent  dire^ 
Dieu  nous  donne  sa  paix ,  et  former  le  signe  de  la  Croix 
avec  de  Peau  bénite ,  comme  aussi  reciter  l'orayson  domi- 
nicale et  la  salutation  angelique;  ou,  s'ils  ne  sont  pas  cap»- 
blés  de  cela,  il  taschera  pour  le  moins  qu'ils  fassent  la  génu- 
flexion au  tres-saint  Sacrement  devant  le  grand  autel  ;  âpre* 
cela  il  les  enverra  à  leurs  bancs. 

I.  De  horâ  Catechismi. 

Convocabitur  populus  ante  vesperas  campanee  signo ,  adeô  mature 
Ht  catechismus  duashoras  habere  possit,  sestivis  prsesertim  diebus.. 

II.  De  Janitore. 

Dato  campanse  signo,  janitor  scholam  sive  ecclesiam  aperiet,  dis^ 
ponet  scamna,  et  ad  januam  venientes  exspectabit  ;  introducet  can- 
didates, docebit  eos  salutandi  morem,  ut  dicant,  Deus  det  nobis 
suam  pacem,  et  ad  formandum  cum  aquâ  luslrali  signum  cruciS; 
recitandamque  orationem  dominicam  et  angelicam  salutationem; 
?el,  si  idonei  non  sint,  curabit  ut  coràm  augustissimo  Sacramento 
ante  majus  altare  genuflectant>  vUnndè  eos  ad  sua  scamna  mittet. 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  153 

Le  Prieur  chargera  quelques  autres  frères  de  secourir  le 
portier;  ceux-cy  feront  la  mesme  chose  que  luy.  Ce  Prieur  et 
les  autres  officiers  feront  en  sorte  de  se  trouver  de  honne 
heure  à  l'escole,  et  auront  soin  que  les  enfans  soient  ins- 
truits, et  observent  le  silence.  On  les  enseignera  autant  de 
temps  que  le  Prieur  le  jugera  à  pr-'^os.  Il  prendra  garde 
que  chacun  fasse  bien  sa  charge  et  uu..e;  il  désignera  ceux 
qui  doivent  respondre  et  disputer,  choississant  toujours  les 
aiieux  instruits  et  les  plus  capables. 

Le  sous-pri^ur  et  le  moniteur  prendront  garde  pareille- 
flaent  qu'il  ne  se  fasse  point  de  bruit  ;  et  lorsqu'ils  s'en 
apercevront ,  ils  feront  un  signe  au  silencier  pour  qu'il  y 
mette  ordre.  C'est  pourquoi  ceux-ci  se  tiendront  en  divers 
endroits  de  l'escole,  et  y  demeureront,  à  moins  que  le  Prieur 
n'eust  à  conférer  avec  eux  pendant  que  les  autres  enseignent. 
Lors  qu'on  aura  ainsi  employé  quelque  temps,  et  que  les 
maistres ,  qui  pour  l'ordinaire  auront  quatre  ou  six  enfants, 
auront  en  une  entière  liberté  de  les  instruire,  le  Prieur  don- 

MW<*WlllllWl      I  II     ■■!■»■■      Ml*—— MWi—— —Il   ■!■■!■    Mi»il     »m>n     ^^^>^l.  ii^ii^lw.—^— ■■»■—■■  .«IM —  M  W       ■      »    ■  ii     ^W» 

III,  De  Priore. 

Ad  janitoris  auxilium  constituet  Prior  fratres  alios,  qui  idem 
faciant  ;  et  is  Prior  aliique  operarii  meturè  ad  scholam  ire  debent,  et 
esse  solliciti ,  ut  venieutes  pueri  doceantur,  observentque  silentium. 
Tanto  tempore  docebitur  quanto  Priori  videbitur  ;  qui  observabit  ut 
omnes  munus  suum  exerceant  ;  et  nisi  ab  ofticio  suc  impedialur, 
consignabit  lesponsuros  et  disputatores ,  eligetque  semper  perspi 
caciores  et  magis  idoneos. 

IV.  De  Sub-Priore,  Admonitore ,  Silentiario,  Magistris,  ac  de  initie» 

Catechismi. 

Sub  prior  et  admonitor  invigilabunt  pariter  ne  quis  rumor  fiât ,  et 
cùm  adverterint,  tacite  silentiario  signum  dabunt.  Quamobrem  h 
manebunt  in  diversis  scholse  partibus,  nisi  forte  ,,.dùm  alii  docent, 
prier  cum  iis  aliquâ  de  re  confene  vellet.  Post  aliquod  temporis  spa- 
timn  sic  insumptum,  ità  ut  magistris  intégra  docendi  libertasfuerit, 
qui  quatuor  aut  sex  ex  more  pucros  habebunt ^  Prior  siguum  dabit 


154t.  OPUSCULES 

nera  le  signal  avec  la  sonnette ,  et  se  mettant  à  genoux  il  en 
fera  faire  autant  aux  autres  ;  après  quoy  il  recitera  l'orayson 
qu'on  a  coutume  de  dire  avant  la  dispute;  et  ayant  pris  avec 
ses  enfans  la  bénédiction  du  Prestre ,  s'il  y  en  a  quelqu'un , 
il  les  fera  monter  en  un  lieu  eminent  d'oii  ils  puissent  estre 
veus ,  les  uns  d'un  costé,  les  autres  d®  l'autre. 

Ces  enfans  ayant  fait  le  signe  de  la  Croix ,  et  prononcé  les 
paroles  à  haute  voix,  reciteront  la  partie  du  catéchisme  qui 
leur  aura  été  assignée,  ceux-cy  en  interroge^mt,  ceux-là 
en  respondant.  Il  les  fera  quelquefois  arrester,  et  leur  de- 
mandera ce  qu'il  voudra,  pour  les  rendre  parce  moyen  plus 
advisés  el  plus  attentifs.  Qu'il  prenne  garde,  au  reste,  que 
la  dispute  se  fasse  sur  les  choses  qui  auront  esté  dites  ;  et 
pour  cette  raison  tous  les  enfants  d'un  mesme  ordre  ou  d'une 
mesme  classe  seront  assis  dans  un  mesme  lieu ,  afin  que  sans 
perdre  de  temps  il  puisse  interroger  chacun  selon  ce  qui 
eschéera.  En  suite ,  prenant  occasion  de  parler  de  ce  qui  aura 
esté  recité,  il  fera  un  petit  discours  et  un  abbregé  de  tout 
cela,  afin  que  tous  puissent  mieux  imprimer  cette  doctrine 


cum  campanulâ^  et  genuflectens^  tùm  orationem  fieri  ante  disputa- 
tionem  soUtam  recitabit;  et  accepta  suis  cum  pueris  à  Sacerdote,  si 
aderit,  benedictione,  jubebit  illos  in  aliquem  locum  undè  videri  ab 
omnibus  possint,  ascendere,  ex  unâ  parte  et  ex  altéra. 

V.  De  Recreatiorie,  Disputatione  et  Sermone. 

Hi,  formato  signo  crucis,  et  prolaîis  altâ  voce  verbis,  eam  cate- 
cliismi  partem  quœ  assignata  fuent  rccitabunt;  isti  interrogando, 
illi  respondendo.  Aliquando  jubebit  sistere,  et  quod  libebit  petet, 
ut  eâ  ratione  cautiores  et  magia  attentos  efficiat.  Advertat  nihilominùs 
ut  disputatio  de  iis  quœ  dicta  fuerint  liât  :  quare  omnes  ejusdem 
ordinis  et  classis  candidati  sedebunt  in  eodem  loco,  ut  absque  tem- 
poris  jacturâ  ab  unoquoque  petere  possit,  prout  accidet.  Et  occa- 
sione  capta  eorura  quai  recilata  fuerint,  brevem  sernionem  faciet  et 
compendium,  que  faciliù^  omae^i  doclriuam  iilum  suis  imprimant 


DE   s.    FRANÇOIS  DE  SALES.  155 

dans  leurs  espiils  ;  et  s'il  ne  peut  pas  le  faire,  il  en  priera 
quelqu'un  des  maistres  ou  des  officiers. 

Cela  estant  fait,  on  lira  les  petits  règlements  qui  regardent 
les  bonnes  mœurs ,  et  qui  sont  à  la  portée  de  tous  ;  après 
quoy  on  fera  la  prière  en  la  manière  qui  aura  esté  ordonnée. 
Enfin,  si  l'on  n'est  pas  obligé  de  marquer  les  absents,  ou 
corriger  quelqu'un ,  il  renverra  ses  enfans ,  en  les  advertis- 
sant  d'estre  modestes,  de  se  ressouvenir  des  cboses  qui 
auront  esté  dites ,  et  de  revenir  de  bonne  heure  ou  premier 
jour  de  feste  suivant.  Il  donnera  des  recompenses  à  ceux  qui 
auront  esté  diligens  et  modestes,  par  exemple,  des  images 
lie  dévotion ,  des  chapelets ,  des  médailles ,  et  autres  choses 
semblables  ;  car  il  fera  par  ce  moyen  qu'ils  se  comporteront 
toujours  de  mieux  en  mieux. 

Le  chancelier  marquera  les  absents  dans  un  catalogue  ; 
ou,  s'ils  sont  malades,  il  en  fera  le  rapport  au  Prieur  et  aux 
autres  officiers.  Apres  cela  on  entendra  le  sermon  ou  l'ex* 
iortation  qui  se  fera  par  le  Prestre. 


mentibus  :  si  hoc  ipse  prœstare  nequiverit ,  ab  uno  ex  administris  aut 
magistris  fieri  curet. 

VI.  De  Lectione  Constitutionum ,  Oratione,  Monitionibus,  Praemiis,  etc. 

Quo  facto ,  legentur  constitutiones  parvae  bonorum  morum ,  quas 
omnes  iiitelligunt  :  deinde  fiet  oratio  prout  prœscriptum  fuerit.  No- 
Tissimè,  nisi  notandi  absentes  essent^  vel  corrigendus  ahquis,  pue- 
ros  suos  dimittet,  monendo  ut  modesU  sint,  eorum  quee  dicta  fuerunt 
recordentur,  et-çroximo  sequenti  Cre  festo  mature veniant.  lis  qui 
studiosi  fuerint  et  modesti,  prœmia  tradet,  ut  pias  imagines,  ro- 
saria,  numismata^  et  his  simiha  :  hoc  enim  pacto  fiet  ut  meUùs 
•emper  se  gérant. 

VII.  De  Catalogo,  Cancellario,  et  Exhortatione  seu  Sermone. 

Cancellarius  notabit  in  catalcgo  absentes ,  vel  si  iniirmentur, 
deferet  ad  Priorem  et  aUos.  Post  hœc  audietur  sermo  seu  exhortatio 
qnœ  à  Sacerdote  fiet. 


156  OPUSCULES 

Une  fois  tous  les  mois,  pour  le  moins,  le  Prieur  enverra 
quelqu'un  des  officiers  ou  des  maîstres  à  la  Congrégation 
générale  ou  diocésaine,  pour  faire  le  rapport  de  Pestât  et 
des  nécessités  de  son  escole.  Toutes  les  escoles  se  visiteront 
pareillement  les  unes  les  autres  par  commission  donnée  à 
quelqu'un  des  leurs,  afin  qu'il  se  fasse  une  sincère  et  sainte 
communication  de  tous  leurs  avantages  et  utilités  spirituelles, 
à  la  plus  grande  gloire  de  Dieu. 


VIII.  De  Visitationibus  reciprocis. 

Singulis  mensibus  semel  ut  minimum,  Prior  mittet  aliquem  ex 
administris  vel  magistris  ad  Congregationem  generalem  seu  diœce- 
sanam ,  qui  suae  scholse  statum  et  nécessitâtes  déférât.  Sicut  et  sin- 
gulas  singulas  scholae  visitabunt  per  aiiquos  ex  suis  candidatis,  ut 
fructuum  et  utilitatum  spiritualium ,  ad  majoiem  Dei  gloriam,  sin- 
ceia  et  pia  possit  asse  communication 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  157 


XXVI. 

LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  QUELQ'yES   DIOCESAINS. 

Instructions  sur  certaines  pratiques  dans  l'administration  des  sacrements 
d'Eucharistie  et  de  Mariage,  et  en  particulier  sur  l'usage  de  la  coupe. 

1603. 

Messieurs ,  ayant  sceu  que  vous  prennes  quelque  sorte  de 
scandale  de  quoy  Ton  vous  donne  l'ablution  dans  un  verre 
après  que  vous  aves  communié ,  et  parce  que  Ton  conduit 
les  espoux'  et  espouses  devant  l'autel  pour  célébrer  le  ma- 
riage ,  je  vous  ay  voulu  faire  ces  deux  motz ,  pour  vous  ex- 
horter de  ne  point  vous  faire  ce  tort  à  vous-mesmes ,  que  de 
croire  que  ce  que  l'Eglise  nostre  Mère  ordonne  puisse  estre 
mauvais  ou  inutile. 

Or,  elle  ordonne  que  les  laïcques  reçoivent  la  communion 
sous  l'espèce  du  pain  seulement,  en  laquelle  ils  participent 
neantmoins  parfaitement  au  corps  et  au  sang  de  nostre  Sei- 
gneur, tout  autant  comme  s'ils  le  reçoivent  encore  sous 
l'espèce  du  vin  ;  puis  que  ce  mesme  Sauveur  a  dit  :  Qui  me 
mange,  il  vivra  pou?'  moy  ;  et,  Qui  mange  ce  pain  vivra  eter' 
nellement^.  En  sorte  que  ce  qui  se  boit  après  la  Commu- 
nion parle  peuple,  ce  n'est  pas  le  sang  du  Sauveur,  mais 
seulement  du  vin ,  qui  se  prend  pour  laver  la  bouche ,  et 
faire  plus  entièrement  avaler  le  précieux  corps  et  sang  desja 

*  C'est  la  48e  de  la  collection  Biaise ,  et  la  63«  du  liv.  II.  des  anciennes  édit, 
»Jean,  VI,  58,69. 


158  OPUSCULES 

receu  en  la  tres-saînte  Communion.  C'est  pourquoy  ceia  ne 
doit  pas  estre  présenté  dans  le  calice ,  mais  dans  un  autre 
vase ,  ou  de  verre>  ou  autrement.  Que  si  par  cy-devant  il  a 
esté  autrement  fait ,  c'a  esté  par  abus ,  et  par  la  nonchalance 
et  paresse  des  officiers  de  ï  F^lise ,  et  contre  Fintention  de 
l'Eglise  mesme. 

Et  quant  au  Mariage ,  il  n'est  pas  raisonnable  de  le  célé- 
brer ailleurs  que  devant  l'Autel,  puis  que  c'est  un  sacrement 
si  grand  *,  et  que  ceux  qui  le  reçoivent  ne  sont  pas  hors 
de  l'Eglise ,  comme  les  petits  enfans  qu'on  apporte  au  Bap- 
tesme ,  ains  sont  desja  baptisés ,  et  par  conséquent  introduits 
en  l'Eglise  et  à  l'autel. 

Laissés-vous  donc  conduire,  mes  Amis  et  Frères,  comme 
de  bonnes  brebis ,  à  ceuv  aui ,  sous  mon  autorité  et  celle  du 
saint  Siège  Apostolique,  vous  ont  esté  donnés  pour  Pasteurs  ; 
et  Dieu  vous  bénira ,  ainsy  que  je  l'en  prie ,  estant  de  tout 
mon  cœur,  vostre,  etc. 

t  Sacramentum  hoc  magoum  «st.  Ephes.^  V«  %'< 


LE   S.    FBANCOTS  BE    SALES.  'iZ9 


XXVII. 

LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A   SA   SAINTETÉ  LE   PAPE   CLÉMENT  TIII. 

il  rend  compte  au  saint  Père  de  l'état  de  la  religion  dans  son  diocèse  ;  et, 
reprenant  de  plus  loin  le  fil  de  sa  nari-ation ,  il  décrit  les  irruptions  des 
Luthériens  de  Berne  et  de  Savoie ,  l'henreux  succès  des  négociations  dans 
les  affaires  de  la  foi;  il  loue  le  zèle  du  duc  de  Savoie. 

Annecy,  15  novembre  1603. 

Tres-saint  Père, 

Puisque  raffermissement  de  la  république  chrétienne 
dépend,  après  Dieu,  du  soin  toujours  vigilant  du  Saint-Siégfe 
apostolique ,  il  importe  aussi  beaucoup  qu'on  lui  fasse  un 
Odèle  rapport  de  tout  ce  qui  se  fait  dans  tous  les  lieux  de  sa 
juridiction,  pour  le  bien  et  Fhonneur  de  la  sainte  Eglise  ;  de 
peur  qu'abusant  de  la  charité  inséparable  de  la  dignité  du 
souverain  Pontife,  et  de  la  multitude  innombrable  de  ses 
occupations ,  on  ne  surprenne  sa  religion ,  faisant  passer  à 

*  C'est  la  2*  du  livre  I"  des  anciens  recueils,  et  la  49^  de  la  collection 
Biaise. 


Repetito  altiîis  principio,  Bernejisium  Lutheranorum  irruptionem  in  Sabau- 
diam;  res  benè  et  féliciter  in  causa  fidei  gestas;  multa  capitum  millia  ai 
Pétri  caulas  revocata  ;  Carolum  Emmanueiem  non  raod6  imperatorem  in- 
victissimum,  sed  etiam  coûcionatorem  potentissimum,  describit. 

iBeatissime  Patfff. 

Cùm  rerum  christianarum  firmitas  à  Sanctae  Sedis  Apostolicse  soHh 
citadine,  secundùm  Deum,  pendeat,  multùm  sanè  interest,  ut  qu» 
in  rem  Ecclesiaidi&linctisj^ai>siin4ocsigeruiitur,  verè  et  ex  lide  apii4 


^  fiO  OPUSCULES 

son  tribunal  pour  vrai  ce  qui  est  faux  ,  et  pour  faux  ce  qui 
est  vrai. 

C'est  pourquoi,  comme  dans  ce  diocèse,  dont  la  charge 
m'a  été  confiée  par  le  Saint-Siège,  il  s'est  fait  de  nos  jours  un 
très-grand  et  très-heureux  changement  dans  les  affaires  de 
la  religion,  je  ne  crois  pas  pouvoir  me  dispenser  d'en  faire  à 
votre  Sainteté  un  récit  naïf,  exact  et  particularisé;  et,  pour 
la  mettre  encore  mieux  i^-'-  fait  de  cette  narration ,  il  est  né- 
cessaire que  je  reprenne  les  choses  de  plus  haut,  afin  qu'il 
n'y  manque  rien  pour  la  rendre  intéressante. 

Dans  le  temps  que  François  I",  roi  de  France ,  s'empara 
de  la  Savoie,  les  Suisses  du  canton  de  Berne,  qui  depuis  peu 
étoient  infectés  du  poison  de  l'hérésie  luthérienne  et  zuin- 
glienne ,  firent  une  irruption  dans  les  contrées  de  la  Savoie 
les  plus  voisines  de  la  Suisse ,  et  engagèrent  le  peuple  de 
Genève  à  secouer  l'aimable  joug  de  Jésus-Christ,  et  se  révol- 
ter contre  leur  légitime  souverain,  et  à  changer  la  forme  de 
leur  gouvernement  en  une  malheureuse  démocratie.  Or, 
cette  république ,  qui  est  la  retraite  de  tous  les  brigands  et 
de  tous  les  gens  bannis  de  leur  pays,  est  aujourd'hui  le  sap- 


eam  proferantur;  ne  scilicet,  objecta  summaB  illius  curae  pastorah, 
vera  pro  falsis,  aut  falsa  pro  veris  exponantur. 

Quamobrem ,  cùm  in  hâc  diœcesi,  quœ  mihi  Sedis  ApostoHcœ 
voUintate  commissa  est,  maxima  facta  sit  his  nostris  temporibus 
rerum  in  melius  rnutatio;  na.  debeo  committere  quin  de  vero  illa- 
rum  statu,  quàm  potero,  cic^'è  et  distincte,  omninô  autem  ex  veri- 
tate,  apud  Sedem  Apostolicam  neinùtionem  deferam.  Ea  autem  ut 
plena  sit,  paulô  altiiàs  ordiar  necesse  est. 

Quo  tempore  Gàliorum  rex  Franciscus  ï  omnem  propemodùm 
Sabaudiam  occupavit,  Berncnses  Hehetii,  Lutheranâ  ac  Zuinglianâ 
lue  non  ità  pridem  int'ecti,  in  partem  Sabaudiœ  sibi  viciniorem 
irruptionem  fecerunt ,  animosque  civibus  Gebennensibus  addiderunt, 
ut  Christi  suavissimum  jugum  ac  proprii  principis  imperium  excute- 
rent,  ac  in  istain  seditiosam  democratiam  quâ  nunc  vexantur,  spe- 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  iCl 

pîice  de  ses  propres  citoyens,  par  les  séditions  qui  l'agitent 
continuellement. 

Mais  comme  les  armes  des  François  avoient  donné  lieu  à 
cette  irruption  et  à  cette  tyrannie  des  Bernois,  par  la  même 
raison  la  paix ,  qui  se  fit  entre  le  roi  de  France  Henri  II,  fik 
de  François  P%  et  Emmanuel-Philibert,  duc  de  Savoie,  et  la 
condition  du  traité,  que  tout  ce  qui  avoit  été  pris  sur  l'enne- 
^li  seroit  rendu  ,  furent  cause  que  If^s  Suisses  songèrent  à 
restituer  les  provinces  qu'ils  avoient  envahies. 

Néanmoins  ils  ne  purent  se  résoudre  à  une  entière  restitu- 
tion ;  et  s'ils  en  rendirent  une  partie,  ce  ne  fut  qu'à  des  con- 
•ditions  désavantageuses  au  duc  de  Savoie,  qui ,  n'étant  pas 
•en  état  de  se  faire  droit  par  la  force  des  armes,  fut  contraint 
d'accepter  les  conditions  qu'on  lui  offroit,  et  de  terminer  le 
différend  à  l'amiable.  Il  fut  donc  conclu  que  le  duc  repren- 
droit  les  quatre  bailliages  de  Thonon ,  de  Ternier ,  de  Gail- 
lard et  de  Gex ,  qui  environnent  la  ville  de  Genève,  avec 
'Cette  clause  expresse,  qu'il  ne  s'y  feroit  aucun  exercice  de  la 
religion  catholique  :  condition  tout-à-fait  injuste;  mais,  eu 


luncam  scilicet  latronum  et  exulum ,  infelici    mutatione    dege^ 
perarent. 

Verùm,  ut  à  Gallorum  armis  initium  duxerat  Bernensium  irruptife 
et  tyrannis  in  nostros  Sabaudos,  ità  etiam  pax,  cum  condilione 
rerum  restituendarum  in  integrum,  inter  Henricmn  II,  Francisci 
Tegis  filium,  et  Emmanuelem  Philibertuni  Sabaudia?.  duceni,  ansani 
dédit  Bernensibus  de  restitutione  provinciarum  quas  occupavevan!^ 
seriô  cogitandi. 

Adduci  tamen  non  potuerunt,  ut  omnia  qiun  ceperant  redderent, 
nec  ut  ea  quœ  restituere  parati  erant  sine  injiistà  conditione  remit- 
terent.  Quare  cùm  res  non  ferret,  iit  tune  cum  eis  armis  decernev 
retur,  actum  factumque  est,  ut  dux  reciperet  quatuor  illa  quaB  vocant 
balliagia,  Thononense,  Terniense ,  Galliardense  et  Gaianum,  sive 
Gexense,  quse  quatuor  ex  partibus  civitatem  Gebennensem  cingunt, 
illique  circùm  circà  obvolvuntur;  boc  tamen  addito  pacto,  nulia  ut 
in  eis  calholicaî  religionis  officia  celebrarentur  :  iniqua  plané  coa- 
Vi.  11 


162  OPLSGTILES 

égard  à  l'état  présent  des  affaires,  et  dans  l'espérance  d'ane 
meilleure  conjonclure,  elle  parut  encore  tolérable,  et  on  ea 
demeura  dans  ces  termes. 

Cependant  le  duc  Philibert,  qui  étoit  un  prince  catholique^, 
pensoit  incessamment  au  moyen  d'anéantir  cet  article  du 
traité  ;  mais  en  vain  ,  parce  que  la  divine  providence  n'en 
vouloit  pas  faire  Tinstrument  de  ses  miséricordes  :  elle  avoit 
réservé  cette  gloire  à  son  lils  Charles-Emmanuel.  Voici 
comme  la  chose  arriva. 

Il  y  avoit  quelques  années  que  les  Suisses  du  canton  de 
Berne  et  les  Genevois  avoient  fait  alliance  avec  la  France. 
Ayant  rompu,  en  conséquence  de  leur  traité,  la  foi  donnée 
antécédemment  à  la  dernière  paix,  ils  sont  venus  fondre  de 
nouveau  sur  les  quatre  bailliages  dont  j'ai  déjà  parlé,  par  la 
plus  noire  periidie  ;  mais  cette  pertîdie-là  même  a  causé  un 
grand  bien ,  puisque  le  duc  de  Savoie  en  a  su  profiter  pour 
faire  revenir  ces  peuples  de  leurs  égarements.  Néanmoins, 
con)me  cette  affaire  dépendoit ,  selon  l'ordre  de  la  Provi- 
dence ,  des  efforts  et  des  lumières  d'un  grand  nombre  de 
personnes,  elle  ne  put  être  terminée  qu'après  beaucoup  de 
travaux  et  des  guerres  longues  et  sanglantes,  où  l'on  com- 

ditio,  sed  spe  melioris  eventûs  toleranda^  et  illorum  temporum  ac 
rerum  conslitutioni  congruens. 

inter  hœc  Emmanuel  PliiUbertus  dux,  ut  erat  apprimè  cathoHcus^ 
nulliim  cogKandi  finem  facit  quânam  demùm  ratione  iUius  coiidi- 
tionis  vexationem  redimere  queat;  sed  frustra  _,  cùm  divina  provi-- 
deiîtia  non  illi  tantum  honorera^  sed  Carolo  Emmanueli  fdio  desti- 
nasset. 

(>ùm  ergô ,  ante  ahquot  annos ,  Bernenses  et  Genevenses  cum 
Galiis  copias  conjunxissent,  iide  priorum  contractuum  fractâ,  iterùm 
in  eadem  balhagia  impetum  armis  faciunt,  pertidiâ  sanè,  quoad 
dici  potest,  plané  faustâ  et  opporiunâ_,  quandô  dux,  violatae  lidei 
occasione,  invioiatai  fidei  populos  illos  restituit.  Gui  tamen  operi  ne 
multorum  hominum  mérita  deessent,  illud  sine  multis  ac  diuturnis 
beiiorum  iaboribus,  multoque  sparso  hinc  indè  sanguine,  perfici? 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  10.1 

battît  de  part  et  crautie  avec  des  succèi^  bien  différents^ 
selon  le  caprice  des  armes.  Enfin  on  convint  d'une  trêve 
entre  les  parties,  lorsque  le  duc  étoit  déjà  en  possession  des 
deux  bailliages  de  Thonon  et  de  Ternier. 

Aussitôt  que  son  Altesse  vit  les  affaii'es  changer  de  face,  et 
prendre  un  air  de  consistance,  se  sentant  délivrée  de  l'injuste 
condition  ci-dessus  mentionnée,  elle  fît  savoir,  presque  dans 
le  temps  même  de  la  conclusion  de  la  trêve,  à  mon  prédéces- 
seur, de  sainte  mémoire,  que  son  intention  étoit  qiiïï  en- 
voyât des  prédicateurs  orthodoxes,  pour  travailler  à  la  con- 
version des  peuples  des  deux  bailliages,  parce  qu'elle  vou- 
loit  que  la  religion  catholique  y  fût  rétablie. 

Ce  digne  prélat  reçut  cette  nouvelle  avec  une  joie  qui  ne 
peut  s'exprimer ,  et  envoya  sur-le-champ  au  bailliage  de 
Ternier  deux  missionnaires,  l'un  desquels  étoit  de  l'ordre  de 
S. -Dominique,  et  l'autre  de  la  société  de  Jésus;  et  au  bail- 
liage de  Thonon  deux  autres  pris  de  son  église  cathédrale , 
savoir  Louis  de  Sales,  maintenant  prévôt  de  ladite  église,  et 
moi ,  qui  en  suis  aujourd'hui  l'évêque  bien  indigne  ,  et  qui 
en  étois  pour  lors  prévôt. 


non  potuit,  dùm,  pro  arnrorunT  vicissdtndine^  varie  ab  utrâque 
parte  decertatum  est.  At  tandem  aliquando  induciee  fiunt^  cùm  dux 
balliagia  duo,  Thononense  et  Temiense,  jam  teneret. 

Nulla  mora  :  rébus  vix  stantibus,  Carolus  Emmanuel,  iniquâ 
conditione  liberatum  se  sentiens,  in  ipso  propemodùm  induciarum 
articulo,  episcopum  pra^decessorem  meum(  cujus  memoria  in  bene- 
dictione  est)  statim  monet  ut  caiholicos  concionatores  illis  populis 
convertendis  immittatj  velle  se  omninô  catholicam  religionem  illis 
restitui. 

Episcopus,  minim  in  modum  gavisus,  Terniensi  balliagio  duos 
concionatores,  unum  ex  Dominicanâ  familià,  alterum  è  societate 
Jesu  addicit;  Thononiensi  autem  duos  è  sua  cathedrali,  Ludovicum. 
de  Sales,  qui  nunc  pra;positus  et  ipsius  ccclesiœ,  etme,  nunc  quiclem;.^ 
episcopum  indignum,lunc  autem  prœpositum. 


16-1  npT-SCTTT.nS 

Je  parle  donc  de  ce  que  i';n  \  u  ,  et  pour  ainsi  dire  ,  de  ce 
que  mes  mains  onf  touché.-  eu  sorte  qu'il  faudroit  que 
j'eusse  perdu  tout  honneur  si  je  ne  disois  pas  la  vérité  ,  ou 
que  je  n'eusse  pas  l'ombre  du  bon  sens  si  j'en  ignorois  la 
moindre  circonstance 

Nous  n'eûmes  pas  plus  tôt  mis  le  pied  dans  ces  champs 
évangéliques ,  que  nous  aperçûmes  de  .toutes  parts  les  ra- 
vages de  l'hérésie.  Dans  toute  l'étendue  de  soixante-cinq  pa- 
roisses ,  qui  contenoient  bien  des  milliers  d'âmes ,  l'on  n'eût 
pas  trouvé  seulement  cent  catholiques,  si  l'on  excepte  cepen- 
dant les  officiers  de  son  Altesse,  qui  n'en  vouloit  point  avoir 
à  sou  service  qui  ne  professassent  la  véritable  religion. 

On  ne  voyoit  que  des  églises  désertes,  pillées  ou  détruites, 
que  des  croix  abattues,  pulvérisées,  anéanties,  que  des 
autels  profanés  et  renversés  :  à  peine  pouvoit-on  trouver 
quelque  vestige  de  l'ancienne  religion  et  de  la  foi  orthodoxe: 
les  ministres,  c'est-à-dire  les  docteurs  de  l'hérésie ,  n'étoienf 
occupés  partout  qu'à  troubler  les  familles,  en  y  introduisant 
leur  doctrine ,  et  s'emparant  des  chaires  dans  la  vue  d'un 
gain  sordide  et  d'une  infâme  avarice. 

Les  Bernois  et  les  Genevois ,  et  autres  semblables  enfants 


Jam  ergô  de  eo  quod  vidi  loquor,  et  quod ,  ut  ità  dicam ,  manus 
mese  contrectaverunt,  ut  sim  impudentissimus  si  mentior,  impru- 
dentissimus  si  rem  nescio. 

Igitur  cùm  balliagia  illa  ingressi  sumus,  misera  ubique  rerum 
faciès  apparebat.  \idebamus  enim  sexaginta  quinque  parochias^  in 
quibus,  exceptis  duels  oflicïariis,  quos  semper  habuit  catholicos,  ne 
centum  quidem  ex  toi  hominum  miliibus  catho-''''i  inveniebantur. 

Templa  partim  diruta,  partini  nuda;  nulUbi  crucis  signa,  nullibi 
altariaj  ac  ubique  ferè  omnia  antiquœ  et  verœ  fidei  deleta  vestigia., 
ubique  ministri,  ut  vocant,  hoc  est,  haeresis  doctores ,  domos  ever- 
tentes,  sua  dogmata  ingerentes,  cathedras  occupantes,  turpis  lucri 
grali:!. 

Berneases,  Genevenses,  et  id  genus  perditionis  fiiii,  per  suoi 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  165 

de  perclition ,  menaçoient  Iv-  pciîpÎG  [)ar  leurs  émissaires,  à 
aessein  de  le  détourner  d'entendre  nos  prédications.  Ils 
cnoient  incessamment  que  les  trêves  n'avoient  rien  de  solide 
ni  de  durable  ;  que  la  paix  n'étoit  point  faite  ;  que  bientôt 
on  chasseroit  du  pays  et  le  duc  et  les  prêtres  ;  que  leur  parti 
enfin  prendroit  le  dessus  avec  plus  de  force  que  jamais ,  et 
seroit  désormais  à  couvert  de  toute  insulte. 

Loin  que  nos  missionnaires  fussent  découragés  par  tant 
d'etïorts  de  l'enfer,  ils  redoublèrent  leurs  soins  et  leurs  tra- 
vaux ;  et  s'attachant  d'abord  aux  plus  qualifiés  et  aux  prin- 
cipaux seigneurs  des  contrées  infectées ,  ils  vinrent  à  bout , 
avec  le  secours  de  Dieu,  d'en  retirer  quelques-uns  du  gouffre 
ile  l'hérésie ,  et  de  les  ramener  au  port  de  la  communion 
catholique.  Au  moyen  de  cela,  on  parvint  à  ériger  six  pa- 
roisses seulement ,  à  savoir,  trois  dans  le  pays  de  Thonon , 
et  trois  dans  celui  de  Ternier ,  tant  à  cause  du  petit  nombre 
des  ouvriers  évangeliques ,  que  parce  qu'il  ne  se  trou  voit 
pas  assez  de  fonds  pour  en  faire  subsister  davantage  ;  mais 
surtout  parce  que,  la  paix  n'étant  pas  affermie,  les  choses 
paroissoient  être  encore  dans  l'incertitude. 

Deux  années  se  passèrent  de  la  sorte ,  après  lesquelles 
l'ordre  des  pères  capucins  envoya  dans  le  champ  du  Sei- 


exploratores  minis  populum  deterrere  ab  audiendis  nostrorum  con- 
cionibus  :  inducias  nimirùm  istas  inducias  esse,  pacem  nondùm 
constitutam,  mox  ducem  alque  sacerdotes  expellendos  armis,  hœ- 
resim  sartam  tectam  remansuram. 

Nostri  tamen  rem  pro  virili  promovent,  ac  primarios  primùm  viros 
aliquot  ex  hœresis  vorticibus  in  communionis  catholicee  portum 
reci'piunt;  sexque  variis  locis  erectce  catholicae  parochi*,  très  in 
Thononensi ,  très  item  in  Terniensi  agro.  Cur  autem  plures  non 
erigerentur,  in  causa  erat  parum  operariorum  paucitas,  partim 
quôd  non  suppeteret  undè  commode  sustentari  possent^  partim  quia, 
pace  nondùm  lirmâ,  res  adhuc  incertae  videbantur. 

Atque  ilà  biennium  traducitur,  et  è  patrum  capucinorum  ordine 


Î66  OPUSCULES 

gneur,  à  nostre  secours,  de  nouveaux  moissonneurs,  sî  zélés 
et  si  ardents,  que  l'un  d'entre  eux  faisoit  l'ouvrage  de 
plusieurs.  Mais,  malgré  cela,  le  prince  n'étoit  pas  content, 
il  ne  supportoit  qu'avec  la  dernière  impatientée  le  moindre 
retardement  à  une  affaire  qu'il  avoit  si  fort  à  cœur  ;  c'est 
ce  qui  lui  fit  prendre  le  parti  de  se  transporter  à  Tlio- 
non ,  poui*  traiter  lui-même  en  personne  avec  ceux  qui 
paroissoient  être  les  principaux  et  les  plus  distingués  du 
parti. 

Ce  fut  en  l'année  1598  qu'il  entreprit  ce  voyage,  et  il 
réussit  avec  tant  de  bénédiction ,  que  l'illustrissime  et  révé- 
rendissime  cardinal  de  Florence,  légat  à  latere  du  saint-siége 
apostolique ,  y  arrivant  quelques  jours  après ,  fut  témoin  de 
la  conversion  de  plusieurs  milliers  de  personnes.  Son  Emi- 
nence  eut  la  bonté  de  recevoir  l'abjuration  de  plusieurs; 
pour  les  autres ,  il  les  envoya  à  l'évêque,  mon  prédécesseur, 
et  à  moi-même,  le  nombre  des  pénitents  étant  si  grand  qu'il 
ne  pou  voit  y  suffire.  Il  étoit  même  nécessaire  qu'il  y  eût 
toujours  quelque  ecclésiastique  tout  prêt  pour  réconcilier 
ces  pauvres  brebis  qui  revenoient  en  foule  à  la  bergerie  de 
Jésus-Christ. 


novi  ac  strenui  advenerunt  messores ,  qui  alacritate  ac  zelo  multorum 
opéras  supplebant  :  cùm  dux^  in  re  quam  suis  gerebat  prsecordiis 
impatiens  morarum,  ipsemet  venire,  Thononenses  qui  prœcipui 
videbantur  convenire,  ac  cum  eis  coràm  agere ,  constituit. 

ïdque  accidit  anno  millesimo  quingentesimo  nonagesimo  octavo, 
adeôque  féliciter  successit^  ut  illustris«'miis  ac  reverendissimus 
cardinalis  Florentinus^  à  latere  sanctœ  spdis  apostolici»  legatus, 
dîebus  aliquot  interpositis  adveniens,  multa  jam  horainum  millia 
vjderit  conversa  esse;  quibus  quidem  ipse  partîm  absolutionera 
contulit,  partim  ab  episcopo  prœdecessore  meo,  partim  etiam  à  me 
dari  voluit,  cùm  scilicet^  in  tantâ  pœnitentium  copia,  omnibus  diei 
lioris  paratus  esse  deberet  aliquis,  qui  ad  caulas  Christi  redeuntes 
Teciperet. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE  SALES.  167 

S'il  est  juste  de  rapporter  cet  événement  admirable  et  ce 
prodigieux  changement  des  cœurs  et  des  esprits  à  la  bonté 
toute-puissante  du  Créateur,  qui  change  tout  quand  il  veut, 
sans  être  changé  en  lui-même ,  on  ne  peut  au  moins  se  dis- 
simuler que  le  duc  de  Savoie  fut  son  instrument,  et  que  son 
zèle  fît  des  miracles.  En  effet ,  pendant  le  temps  que  son 
Altesse  travailla  à  cette  conversion  ,  et  séjourna  à  Thonon  , 
son  cœur,  par  une  grâce  smgulière ,  sembloit  être  entre  les 
mains  de  Dieu ,  vu  qu'il  en  suivoit  tout  les  mouvements  et 
toutes  les  impressions.  Tantôt  il  faisoit  publiquement  des  ex- 
hortations au  peuple ,  et  disoit  des  choses  vraiment  dignes 
d'une  grande  âme  et  d'un  prince  orthodoxe  ;  tantôt  il  conféroit 
en  particulier,  d'une  façon  toute  paternelle,  avec  ceux  que  l'on 
regardoit  comme  les  colonnes  de  l'hérésie;  surtout  il  prêchoit 
d'exemple,  s' efforçant  d'attirer  les  âmes  à  l'Eglise  catholique 
par  une  infinité  de  bonnes  œuvres;  ou  bien  il  entroit  en  lice, 
devant  tout  le  peuple,  avec  tous  ceux  qui  se  présentoient,  fai- 
sant tète  à  tous  dans  des  disputes  réglées,  où  il  ne  manquoit 
pas  de  convaincre  ses  adversaires  par  la  force  de  ses  raisons,  et 
de  gagner  les  cœurs  par  la  douceur  et  l'éloquence  de  ses  dis- 
cours. Enfin  il  parloit  comme  un  homme  envoyé  de  Dieu 
pour  gouverner  son  peuple  et  pour  lui  annoncer  ses  vérités. 

Quem  profectô  tam  insignem  et  ingentem  animorum  motum^  ut  in 
supremum  rerum  omnium  motorem  immobilem  referre  dignum  et 
justum  est,  sic  quoque  ingénue  fatendum,  illum  ducis  zelo,  tan- 
quàm  optimo  instrumento ,  vel  maxime  usum  fuisse.  Illis  enim  afi- 
quot  mensibus,  quibus  dux  huie  conver.sioni  procuranda;  incubuit_, 
atque  adeô  Thonone  moratus  est,  cor  ejus,  pecuUari  quâdam  gratiâ, 
in  manu  Dei  esse  videbatur,  ut  ad  quodeumque  veliet  converteret 
illud,  cùm,  si\e  publicis  cohortationibus  ac  vocibus  catholico  prin- 
cipe dignis,  sive  privatis  monitis  ad  eos  qui  vid^bantur  hseresis 
majores  columnaB,  sive  exemplis  bonorum  operum,  omnibus  animi 
dotibus  ac  viribus  cum  populo  illo  universo  contenderet  ut  illum 
Ecclesiœ  catholicœ  inferret  referretque,  constitutus  scilicet  à  Deo 
^lux  super  plebem  illam ,  prœdicans  praeceptum  ejus. 


i68  OPUSCULES 

Ce  grand  prince  ne  se  donna  point  de  relâche  qu'il  n'eût 
fait  replanter  de  toutes  parts  l'arbre  vivifiant  de  la  croix, 
qu'il  n'eût  entendu  retentir  les  airs  du  chant  de  l'Eglise , 
cette  chaste  tourterelle  ,  dans  cette  terre  désolée  ,  oA  que  ces 
vignes  renouvelées  et  refleurissantes  ne  rendissent  partout 
une  odeur  de  salut.  En  un  mot,  il  eut  la  satisfaction  de  voir 
les  affaires  changer  de  face ,  comme  un  beau  printemps  qui 
f'uccède  à  un  affreux  hiver. 

Je  puis  dire  avec  assurance  qu'il  n'y  a  point  eu  de  nos 
jours  en  aucun  endroit  du  monde  un  si  grand  nombre  d.^ 
personnes  converties^, la  vraie  foi,  avec  tant  de  douceur  et 
plus  d'efficacité.  Néanmoins  il  y  a  toujours  eu  jusqu'à  ce 
temps  quelques  hérétiques  de  l'un  et  l'autre  sexe  mêlés- 
avec  ces  nouveaux  catholiques.  Ces  gens-là ,  plus  obstinés- 
que  les  autres ,  croupissent  dans  leurs  erreurs.  Or  son  Al* 
tesse,  craignant  qu'ils  n'infectassent  le  reste  de  leurs  compa- 
triotes ,  ne  trouva  point  d'expédient  plus  propre  pour  em- 
pêcher ce  désordre ,  que  de  rendre  un  édit  par  lequel  il  leur 
commanda  de  sortir  du  pays.  Quelques-uns ,  redoutant  la 
sévérité  de  cette  ordonnance ,  se  sont  enfin  reconnus  ;  et  il 
leur  est  arrivé  la  même  chose  qu'au  Prophète  royal,  lorsqu'il 
disoit  :  Je  me  suis  converti  à  Dieu  au  milieu  de  mes  peines^ 


Née  destitit  unquàm,  donec  immutatâ  rerum  facie,  veluti  exactâ 
hieme,  et  redeunte  vere,  ubique  appareret  arbor  décora  et  fulgida 
viviticœ  crucis^  ubique  Ecclesiœ  cantus,  ut  vox  turturis,  audiretur 
in  terra  illâ,  et  vineae  illis  instaurata?  recenterque  florentes  dareni 
odorem  suum. 

Dicam  intrépide, nusquàmsuaviùs,  nusquàm  efficaeiijs hoc  nostro 
tempore  hœreticorum  tanta  copia  ad  sacram  fidem  adducta  est  : 
hucusque  tamen  pars  ista  inaxima  illorum  popuiorum  ad  Ecclesiam 
reversa  aliquot  habebat  immixtos  utriusque  sexûs  heereticos,  qui^ 
cœteris  obstinatiores  in  errore  permanebant  ;  quibus  cùm  mederi 
aliter  non  posset  dux ,  ne  rrliquam  plebem  inficerent,  eos  demiim 
edicto  publico  discedere  praecepit.  Hujus  edicti  terrore  perculsi^ 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SA  TES.  169 

tandis  que  les  épines  me  faisoient  sentir  leurs  pointes.  En 
effet,  comme  dit  Isaïe ,  l'affliction  donne  de  l'intelligence. 

Pour  revenir  à  notre  propos ,  il  est  aisé  de  concevoir  que 
ce  duc  si  religieux  n'a  rien  épargné  de  tout  ce  qui  étoit  en 
sa  puissance  pour  la  conversion  de  ces  pauvres  peuples, 
soit  caresses ,  ^oit  menaces  ;  mais  ce  qui  mérite  encore  plus 
nos  éloges ,  c'est  qu'il  agissoit  de  la  sorte  lorsque  ses  mi- 
nistres lui  conseilloient  le  contraire.  Car  je  me  souviens 
qu'assistant  par  son  ordre  à  son  conseil  pour  cette  affaire ,  et 
les  entendant  opiner,  plusieurs  jugèrent  pour  des  raisons 
d'état  qu'il  n'étoit  pas  temps  de  rien  entreprendre ,  ni  de 
mettre  au  jour  ce  dessein.  Cependant  il  passa  outre,  préfé- 
rant les  intérêts  de  Dieu  et  l'avancement  de  la  foi  à  toute 
autre  considération  ;  et  il  le  fît  à  la  face  même  des  députés 
du  canton  de  Berne,  qui  avoient  été  envoyés,  avec  toutes 
les  solemnités  requises ,  à  dessein  de  parer  ce  coup ,  et  qui 
demeurèrent  interdits  et  tremblants  de  la  résolution  du 
prince. 


aiiquot  etiam  conversi  sunt  :  nimirùm  dura  configitur  spina  * ,  et 
ajflictio  dat  intellectum  auditui  ^. 

Ut  niillum  lapidera  reliquerit  dux  religiosissimus,  quem  ipsemet 
suis,  ut  ità  dicam ,  manibus  non  moverit,  per  blanditias,  per  minas, 
ut,  quoad  per  eum  fieri  posset,  populi  illi  converterentur;  et,  quod 
laude  dignius  est,  magna  sui  consilii  parte  contra  sentiente  et  con- 
sulente.  Nam  et  rectè  memini  interfuisse  me  consilio  super  eâ  re 
habito,  speciali  nimirùm  mandate  principis  accersitus,  in  quo  ple- 
rique  consiliariorum  rem  illam  tùm  aggrediendi  tempus  non  esse, 
resque  non  ferre,  mordicus  asserebant;  neque  sanè  sine  probabili 
illaruro,  quas  status  appellant,  rationum  momento  :  quibus  tamen 
omnibus  unam  religionis  rationem  dux.  sanctissimè  prœposui*:  a  3 
prœtulit;  idque  videntibus,  spectantibus,  ac  trementibus  Bernensium 
legatis,  qui  illis  ipsis  diebus,  ut  id  averterent,  solemnem  egerunt 
legationem. 

»  Psal.  XXXI ,  4.  —  *  Isaïe,  XXVIII,  1». 


Î70  OFUSCCLE^ 

Selon  les  articles  de  la  trêve ,  le  bailliage  de  Gaillard 
^emeuroit  encore  sous  la  puisance  des  Genevois ,  et  par  con- 
séquent la  foi  catholique  ne  pouvoit  y  avoir  d'entrée  ;  mais 
comme ,  par  le  traité  de  paix,  il  fut  rendu  au  duc  de  Savoie, 
ce  prince  envoya  à  ses  dépens  des  missionnaires  de  la  com- 
pagnie de  Jésus  et  des  prêtres  séculiers,  qui  en  peu  de  temps, 
et  par  un  travail  infatigable  et  un  ôèle  enflammé  ,  mais  sur- 
tout par  l'efFet  de  la  grande  miséricorde  du  Seigneur,  ont 
porté  les  choses  presque  à  leur  perfection. 

Pour  en  faire  le  récit  en  peu  de  mots ,  il  n^  a  que  douze 
ans  que  l'hérésie  étoit  enseignée  publiquement  dans  soixante- 
einq  paroisses  aux  environs  de  Genève ,  en  sorte  que  la  reli- 
gion romaine  en  étoit  tout- à-fait  bannie;  et  maintenant 
l'Eglise  a  étendu  ses  branches  en  autant  de  lieux,  et  y  a  tel- 
lement pris  racine  que  l'hérésie  n'ose  plus  s'y  montrer.  En 
effet ,  on  auroit  assez  de  peine  à  trouver  cent  hérétiques  en 
ces  lieux  où  auparavant  on  n'auroit  pas  trouvé  cent  catho- 
liques. Il  n'y  en  a  pas  un  où  l'on  ne  célèbre  aujourd'hui  le 
saint  sacrifice  de  la  messe  et  tout  le  reste  du  service  divin  ; 


Verùm  balliagium  Galliardense  remanebat  in  potestate  Geneven- 
sium  ex  induciarum  coiiditionibus  ;  atque  adeô  ad  illud  nullus  catho- 
licae  fidei  patebat  aditus.  At  cum  paiilô  post  per  pacis  décréta  red- 
ditum  etiam  fuisset  duci ,  in  illud  iiiimisai  operarii,  duels  expensis, 
ex  societate  Jesu,  et  cleri  siccularis  sacerdotes,  qui  exiguo  lempore, 
magnis  laboribus,  maximâ  Dei  gratlâ,  rem  propemodùm  oninem 
perfecerunt. 

Itaque ,  ut  rem  magnam  paucis  d'icam  ,  ante  duodecim  annos  in 
sexaginta  quinque  parochiis  urbis  Genevœ  vicinioribus,  murlsque 
illius,  ut  ità  dicam  adjacentibus,  hœre&is  publiée  docebatur,  ac 
ità  universa  occupabat,  ut  nullus  catholicoe  religioni  locus  super- 
esset.  Nunc  autem  totidem,  lisdemque  loeis,  Ecclesia  eaihollca  exten- 
dit  palmites  suos^ac  itàviget,  ut  nullus  hceresi  locus  sit  relictus; 
cùmque  anteà  ne  centum  quidem  viri  in  tôt  parochiis  catholici  appa- 
lerent,  nunc  ne  centum  quidem  hœretici  videntur  :  sed  ubique 
catholicœ  fidei  sacra  fiunt^  celebranturque^  adhibitis   unieuique 


DE    S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  171 

et  chaque  paroisse  est  desservie  par  son  curé.  Enfin  ces  trois 
bailliages ,  qui  par  le  traité  de  paix  appartiennent  à  présent 
sans  contradiction  au  duc  de  Savoie,  sont  entièrement  con- 
vertis  et  revenus  à  l'Eglise  ;  et  ce  qu'il  y  a  de  mieux  encorcj» 
c'est  qu'ils  ont  persévéré  constamment  dans  leur  résolution, 
malgré  les  persécutions  qu'ils  ont  souffertes  et  les  horreurs 
de  la  guerre.  Voilà  sans  doute  un  grand  avantage  que  ce 
iléau  a  procuré  à  ce  diocèse  ;  aussi  est-il  presque  le  seul. 

Il  n'y  a  plus  qu'une;  chose  à  désirer,  très-saint  Père  ,  c'est 
que  le  Saint-Siège  prenne  à  cœur  cette  affaire,  et  y  apporte 
tons  ses  soins  ,  n'y  ayant  rien  de  plus  grand  ,  de  plus  digne 
et  de  plus  important  ;  et  que  votre  Sainteté  donne  toutes 
sortes  de  marques  de  bienveillance  et  de  tendresse  à  son  Al- 
tesse sérénissinie  monseigneur  le  duc  de  Savoie ,  qui  a  été 
l'instrument  de  la  bonté  divine ,  et  qui  a  travaillé  si  effica- 
<;ement  au  salut  de  son  peuple  ;  en  un  mot,  que  votre  cha- 
rité se  signale  envers  ce  diocèse ,  pour  le  consoler,  et  lui 
faire  perdre,  s'il  est  possible  ,  jusqu'au  souvenir  de  ses  mal- 
heurs :  grâces  que  je  demande  avec  toutes  sortes  d'instances 
et  la  plus  profonde  humilité,  et  que  j'attends  de  votre  clé- 
mence avec  une  confiance  parfaite,  suppliant  notre  Seigneur 
Jésus-Christ  de  vous  être  toujours  propice. 


parochicG  propriis  curionibus  :  sicque  factum,  ut  illa  tria  balliagia, 
quœ  ex  pacis  conditionibus  duci  obtigerunt,  omninô  Ecclesiœ  restituta 
siiit^  ac,  quod  caput  est,  ità  in  lide  et  religione  receptâ  persévèrent, 
at  nuUis  extremorum  bellorum  persecutionibus_,  nullis  haereticorum 
minis  ab  eâ  se  dimoveri  passi  sinl.  Qui  sanè  unicus  et  ferè  solus 
bellorum  exactorum  fructus  huic  diœcesi  contigit. 

Superest  ve'>,  Pater  beatissime,  ut  opus  hoc,  magnum  profectô 
«t  acceptione  dignum,  ducem  tanti  operis  instrumentum  eflicax, 
diœcesim  liane  universam ,  multis  nominibus  miserandam,  Sedes 
Apostolica  intima  sollicitudine  ac  gratiâ  complectatur  ac  foveat.  Idque 
imis  summisque  precibus  humiiiimè  à  vestrœ  sanctitatis  clementiâ 
expeto  pariter  et  expecto,  Chrisiumque  semper  illi  propitium  precor. 


Î72  OPUSCULES 

Mais,  pour  donner  une  entière  créance  à  ce  que  j'avance 
dans  cette  lettre,  comme  ne  contenant  rien  que  de  très-avéré, 
j'ai  souscrit  mon  nom  au  bas ,  et  j'y  ai  fait  apposer  le  sceau 
de  l'évêché  de  Genève.  Outre  cela ,  plusieurs  chanoines  de 
mon  église  cathédrale ,  et  autres  personnages  d'une  probité 
reconnue ,  ayant  été  témoins  oculaires  des  choses  que  je 
viens  de  raconter,  et  même  avant  travaillé  à  l'instruction 
des  mêmes  peuples  avec  autant  de  succès  que  de  gloire ,  j'ai 
cru  qu'il  étoit  à  propos  qu'ils  signassent  aussi ,  aiûn  que  la 
vl^rité  des  faits  étant  constatée  par  le  témoignage  de  plu- 
sieurs, il  ne  put  rester  aucun  doute  dans  les  esprits. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  un  très-profond  respect,  très- 
fiaint  Père ,  etc. 


Ut  autem  omnia  quse  hîc  scripta  sunt ,  omninô  ex  veritate  et  sin- 
cerâ  religions  narrata  esse  non  sit  dubium ,  ils  subscripsi,  sigillum- 
que  hujus  episcopatûs  Gebennensis  imprimendum  curavi  :  et  quia 
plerique  meee  ecclesise  cathedralis  canonici ,  et  alii  spectatfe  fidei  et 
doctrinae  viri  ea  ipsa  viderunt,  imô  etiam  tetigerunt,  cùip  illis  po- 
pulis  erudiendis  operam  suam  in  Domino  coliocaverint,  rtrumque 
rectè  gestarum  pars  magna  fuerint;  eos  quoque  subscripsisse  opéras 
pretium  duxi,  ut  veritati  plurimorum  testiraonio  roboratee  plurima 
quoque  ac  constans  iides  adhibeatur. 


DF    S.    rPANCOTS    T)E    SALES.  173 


XXVIII. 

LETTRE* 

SUR  L'IMMUxNlTÈ  PERSONNELLE  ECCLESIASTIQUE. 

(L'criginal  appartient  maintenant  à  la  maison  Clerici  de  Milan,  après  avcir 
appartenu  au  monastèrede  la  Visitation  de  Turin.) 

AU   NONCE    DU   PAPE,    A   TURIN. 

1603. 

Illustrissime  et  reverendissime  Monseigneur, 

Les  officiers  de  rillustrissime  duc  de  Nemours  et  de  Ge- 
nevois commençoient  à  faire  la  recherche  des  péchés  d'usure 
commis  par  les  personnes  ecclésiastiques  dans  le  diocèse  de 
Genève  et  de  mesme  de  toute  contravention  à  un  édit  annuel 
de  S.  A.  S.  défendant  la  vente  des  blés  et  autres  grains, 
hors  du  marché.  Ces  officiers  laïques  croyoient  pouvoir 
chastier  indifféremment  pour  ces  péchés  et  les  laïques  et  les 
ecclésiastiques ,  et  cela  en  vertu  d'un  privilège  spécial  ac- 
cordé par  Sa  Sainteté  aux  serenissimes  prédécesseurs  de 

*  Cest  la  78»  parmi  les  inédites  de  la  collection  Biaise. 


lllustrissimo  e  Reverendissimo  Monsignore, 

Cominciavano  gli  ofiiciali  deir  lllustrissimo  duca  di  Nemours  et 
de  Genevois  afar  ricerca  dé  peccati  delF  usura  cominessi  dalle  persone 
ecclesiastiche  nella  diocesi  di  Genevra,  et  anco  dplla  contraventione 
fatta  di  un'  editto  annuale  di  S.  A.  serenissima  quai  proliibiva  la  ven- 
dita  di  frumenti  et  altri  gvani  fuor  del  mercatn ,  credendo^  elli  offi- 
ciali  laici ,  potere  castigare  indiflerentemente  per  cotesti  peccati  et 
laici  et  ecclesiastici ,  etquesto  per  privilegio  spéciale  di  Sua  Santità 
concesso  a  serenissimi  predecessori  di  S.  A.  Monsignore  reverendissimo 


i  74  OPUSCULES 

s.  A.  Monseigneur  le  reveiendissime  Evesque  cle  Genève^ 
voyant  que  Tune  et  l'autre  raison  offensoieni  la  liberté 
ecclésiastique ,  et  ne  voyant  rien  de  ce  privilège,  m'a  envoyé 
icy  à  Chambery  auprès  du  suprême  sénat  de  S.  A.  affin  que 
l'on  pust  s'informer  du  fait  et  en  donner  advis  à  V.  S.  111.  et 
Rev.  Le  sénat  ne  trouvant  aucun  semblable  privilège  dans 
les  archives  ducales ,  et  sçachanl  que  depuis  peu  ,  en  pareil 
cas,  son  Altesse  avoit  défendu  à  ses  ministres  de  porter 
la  main  sur  l'arche  du  Seigneur,  et  mesme  avoit  ordonné 
que  l'on  laissast  un  semblable  soing  aux  prélats ,  le  sénat 
a  escrit  encore  sur  cela  à  S.  A.  pour  connoistre  en  gênera^ 
sa  volonté. 

J'ay  cru  à  propos  de  donner  promptement  connoissance  de 
cela  à  Y.  S.  111.  et  Rev.  affin  qu'elle  puisse  prendre  le  fait 
en  main,  auprès  de  S.  A.  parce  que  vous  estes  nostre  refuge 
et  le  protecteur  de  la  liberté  ecclésiastique. 

Il  ne  sera  pas  difficile  que  S.  A.  défende  de  nouveau  de 
telz  actes  à  ses  ministres  et  subordonnés  ,  parce  qu'elle  en  a 
desja  fait  la  prohibition  une  fois  et  qu'elle  a  la  sainte  Eglise  en 
révérence.  L'illustrissime  duc  de  Nemours  n'v  mettra  aucun 


Vescovo  di  Genevra  vedendo  esser  Tuna  et  Tallra  ragioiie  contra 
la  libevtà  ecclesiastica,  non  vedendo  punto  cli  questo  privilégie  m'a 
mandato  qui  in  Chiambery  dal  supremo  senato  di  S.  A.  acciô  cliè 
se  cène  fosse  o  potesse  veder  per  poi  darne  avviso  a  V.  S.  111.  et  Uev. 
Il  senato  adunque  no  ritrovando  nelle  archivi  ducali  alcun  simile 
privilegio,  et  sapendo  cliè  in  simile  caso  fa  poco  S.  A.  haveva  proibito 
a  suoi  ministri  di  por  niano  sopra  FArcha  di  Dio^  anzi  haveva  com- 
mandato  chè  lasciasseio  questo  negolio  a  prelati ,  ha  sciitto  anchora 
sopra  di  cio  a  S.  A.  persaperne  generalmente  sua  voluntà 

Dil  chè  ho  giudicato  dover  dac  avviso  prontamente  a  V.  S.  111.  et 
Rev.  acciô  si  degnî  pigliar  in  fatto  il  mano  appresso  di  S.  A.  comm' 
essendo  il  refugio  nostro  et  protectrice  délia  libertà  ecclesiastica.  Ne 
sarà  cosa  difficile  chè  S.  A.  prohibisca  di  nuovo  tali  atti  a  ministri 
suoi  et  inferiori,  poichè  già  una  ne  ha  fatta  la  prohibitione  et  chéa 
havuto  sempce,  in  gran  reverenza  la  santa  Chiesa.  L'illustrissimo  poi 


DE    S.    FRANÇOTS    DE    SALES.  175' 

empeschement;  au  contraire,  il  nous  aydera  de  tonte  ma- 
nière, estant  de  conscience  et,  personne  fort  timorée.  Il  m*a 
dit  que  si  on  ne  trouvoit  pas  le  privilège  du  saint-siege  apos- 
tolique tres-clair  et  tres-positif ,  il  ne  venlt  ny  s'en  servir  ny 
s'en  prévaloir.  Je  pense  que  monseigneur  TEvesque  de  Ge- 
nève ayant  connoissance  de  ce  qne  noi^s  avons  fait  icy  avec 
le  sénat,  escrira  tres-amplement  sur  cela  à  V.  S.  111.  et  Rev. 
Néanmoins  i'ay  voulu  vous  escrire  affin  que  S.  A.  ne  don- 
iiast  pas  une  response  à  son  sénat  avant  que  V.  S.  111.  fust 
informée.  Nons  prions  nostre  Seigneur  Dieu  de  vous  en- 
voyer le  contentement  ;  je  vous  haise  humblement  les  mains 
sacrées ,  et  je  suis  de  V.  S.  111.  et  Rev. 

Le  dévoué  et  intime  serviteur, 
François  de  Sales  , 
Prévost  indi2:ne  de  la  cathédrale  de  Genève. 


duca  di  Nemours  non  solo  non  darù  impediinento  nessuno,  chè  piii 
tosto  ci  gioverà  in  ogni  modo,  essendo  di  coscienza,  er.  persoia 
moho  timorata^,  conciosiachc  cgli  mi  ha  detto ,  chè  se  non  si  trovor;\ 
il  privilégie  délia  santissima  sede  apostolica  cliiarissimo  et  apertis- 
simo,  iion  ne  vuol  godere  ne  prevalere.  Ho  dubbio  chè  monsignor 
Vescovo  di  Genevra  havendo  avviso  di  questo  habhiam  fatto  qui  col  se- 
nato^  scriverà  sopra  di  cio  amplissimamente  a  V.  S.  111.  e  lîev.,  ne 
I)er  questo  ho  voluto  lasciar  di  scrJverne  io,  acciô  ne  dia  risposta  S- 
A.  al  suo  senato  ,  innanz'i  chè  lo  sappia  V.  S.  ïll.  a  cui  progando  dal 
nostrosignoriddio  ogni  vero  contento^  basciogli  hiimilissimamente  1« 
reverendeman*  etresto  di  sua  Signoria  illustrissima  et  reverendissima 

Divotissimo  et  infime  servitore , 

Francesco  di  Sales, 
Prevosto  indegno  délia  cattedrale  di  Genevra. 


176 


OPUSCULES 


XXIX. 


LETTRE* 


DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 


A  SON  ALTESSE  SERENISSIME  LE  DUC  DE  SAVOIE. 


îl  le  remercie  de  ce  qu'il  lui  a  permis  de  prêcher  le  carême  à  Dijon,  parce  que 
cela  pourra  être  favorable  aux  affaires  ecclésiastiques  de  son  diocèse. 

Janvier  ou  février  1604. 

Monseigneur, 

Il  y  a  quelque  temps  que  monsieur  de  Villette  m'asseura 
de  la  part  de  vostre  Altesse  qu'elle  auroit  aggreable  que  j'al^ 
lasse  à  Dijon  ce  Caresme ,  et  que  j'y  preschasse,  pour  y  avoir 
plus  de  faveur  aux  affaires  ecclésiastiques  de  Gex,  et  que  je 
dois  traitter  avec  la  cour  du  parlement  de  ce  pays-là.  Sur 
cette  asseurance  je  m'y  en  vais ,  Monseigneur,  toujours  égal 
à  moy-mesme  au  désir  extrême  que  j'ay  de  rendre  tres- 
humble  service  et  obéissance  à  vostre  Altesse ,  avec  toutes 
les  preuves  d'une  inviolable  fidélité.  Je  n'y  seray  que  le 
moins  que  je  pourray,  comme  estant  hors  de  l'air  de  ma 
tranquillité.  Que  plust  à  Dieu,  Monseigneur,  que  les  nou- 
velles qui  coururent,  il  y  a  quatre  mois  deçà,  de  la  restitution 
de  Gex  à  vostre  Altesse,  fussent  autant  certaines  qu'elles  sonf 
considérables.  J'en  aurois  ce  particulier  contentement,  de 
voir  la  sainte  religion  asseurée  en  tout  mon  diocèse ,  sans- 
employer  ny  tant  de  peines  ny  tant  de  soins ,  comme  je  suis 
obligé  de  faire  maintenant.  Je  fais  en  toute  humilité  la  révé- 
rence à  vostre  Altesse ,  et  prie  Dieu  pour  sa  prospérité,  dési- 
rant l'honneur  d'estre  toute  ma  vie ,  etc. 

*  C'est  la  5o«  du  liv.  1er  dans  les  anc.  édit.,  et  la  52«  de  la  collection  BiaisQ. 


DE    S.    FT^A^îÇOTS   T)E    SALES.  177 


XXX. 

LETTRE 

AU   PAPE   CLÉMENT   VHI  *. 

Saint  François  supplie  Sa  Sainteté  de  trouver  bon  qu'il  s'absente  pour  quelque 
temps  de  son  diocèse,  afin  d'ader  prêcher  le  carême  à  Dijon,  où  sa  présence 
est  nécessaire  pour  les  affaires  ecclésiastiques. 

Février  ou  mars  1604. 
Très-saint  Père , 

Entre  plusieurs  misères  de  ce  diocèse,  une  des  principales 
est  la  division  de  la  juridiction  temporelle.  Car,  quoique  la 
plus  grande  partie  de  son  territoire  soit  sous  la  domination 
du  sérénissime  duc  de  Savoie,  il  y  en  a  cependant  une  autre 
très-notable  qui  appartient  à  la  Couronne  de  France.  Cette  di- 
versité de  puissances  fait  qu'il  me  faut  nécessairement  traiter 
avec  toutes  les  deux  ,  et  les  ménager ,  aussi-bien  que  leurs 
lieutenants  et  leurs  parlements  ou  sénats.  Ainsi  je  n'ai  pas 
peu  d'embarras,  principament  du  côté  de  la  France,  parce 
que  je  suis  originaire  et  feudataire  de  la  Savoie  ,  ce  que  les 

'  Se  trouve  parmi  les  lettres  de  l'édition  Biaise  de  is?34 ,  lettre  51*. 


Reverendissimo  Padre, 

Frà  le  moite  miserie  di  questa  diocesi,  una  è  la  divizione  délia  jurls- 
dizione  temporali  di  ella,  essendo  che,  sebbene  la  maggior  parte  è 
sottoposta  al  serenissimo  duca  di  Savoja,  nientedimanco  una  parte 
notabilissima  è  sotto  alla  corona  di  Francia;  e  da  questa  diversità 
di  principi,  nasce  in  me  una  nécessita  di  trattar  e  star  bene  con 
ambidue ,  e  con  li  loro  luogotenenti  e  parlamenti ,  o  vero  senati  ; 
nel  che  non  ho  poca  difficultà ,  massime  délia  banda  di  Francia, 
essendo  che  loro  sanno  ch'io  sono  »^avojaido^  e  che  délia  Savoja 
VI.  12 


1 T8  OrTJSClTLES 

François  n'ignorent  pas  ;  et  parce  que  le  parlement  de  Dijon 
étend  sa  iuridiction  sur  m  partie  de  ce  diocèse  qui  appar- 
tient à  la  France ,  cela  forme  cinq  difficultés 

La  première  regarde  les  biens  ecclésiastiques  du  bailliage 
^e  Gex  ;  car,  quoiqu'ils  soient  peu  considérables ,  vu  que 
Texercice  de  la  religion  catholique  n  y  a  lieu  que  dans  trois 
endroits  ,  nous  ne  laissons  pas  d'être  obligés  de  plaider  pour 
lesdits  biens  avec  un  conseiller  au  parlement  de  Dijon. 

La  seconde  difficulté  consiste  dans  la  façon  de  procéder  à 
la  visite  de  cette  partie  du  diocèse  ;  parce  qu'il  nous  est  défendu 
de  tirer  aucune  contribution  du  peuple  ,  ni  pour  la  fabrique 
des  églises,  ni  sous  quelque  autre  prétexte  que  ce  soit. 

La  troisième  difficulté  naît  de  ce  que  ces  peuples ,  nou- 
vellement démembrés  de  la  Savoie,  demandent  un  vicaire 
forain. 

La  quatrième  est  qu'encore  que ,  grâce  à  la  diligence  de 
l'illustrissime  nonce  apostolique  de  France,  on  ne  parle  plu^ 
d'établir  l'exercice  de  l'hérésie  à  Seissel  ;  on  me  fait  savoir  néan- 
moins que,  si  je  ne  donne  des  informations  particulières  sur 

sono  feudatario;  e  perche  il  parlamento  di  Digione  è  superiore  di 
quella  parte  délia  diocesi  che  è  in  Francia,  cinque  difficoltà  in 
questa  mutatîone  ho  da  trattare  con  esso. 

La  prima  è  per  conto  del  bailliagio  di  Gex,  per  gli  heni  eccle- 
siastici  del  quale  (sehbene  sono  pochi,  perché  in  ira  luoghi  soli  v 
si  fa  esercizio  cattolico)  bisogna  litigare  con  un  consiglier  di  esso 
padamento. 

La  seconda,  del  modo  di  visitare  quella  parte  délia  diocesi,  per- 
ché è  proibito  di  cavare  alcun  denaro  del  pcijolo ,  né  per  fabbriche 
di  chiesa,  ne  per  altro. 

La  terza,  che  quelli  popoli  nuovameute  separati  délia  Savoja 
domandano  un  vicario  foraneo. 

La  quarta,  che  sebbene,  per  li  ufficii  fatti  con  diligenza  deir  illus- 
triss.  sign.  nunzio  appostolico  di  Francia^  no>i.  si  traita  più  di  sta- 
bilir  l'esercizio  eretico  nel  luogo  di  Seissel,  tuttavia  \engo  avvertito 
ehe^  se  io  non  dô  particolare  informazioue  ddle  circonstanze  che 


DE  S.    FRANÇOIS  DE  SALES."  179 

les  Circonstances  qui  doivent  en  empêcher  l'établissement,  le 
projet  n'en  sera  point  bien  assuré,  mais  seulement  différé 
pour  l'exécution. 

Enfin  le  dernier  inconvénient  est  qu'un  nombre  de  catho- 
liques de  Gcx,  qui,  à  la  faveur  de  Tédit  qui  accorde  la  liberté 
dite  de  conscience ,  pourront  facilement  obtenir  l'exercice 
de  la  religion  dans  leurs  paroisses,  n'ont  personne  qui  pré- 
sente leurs  requêtes ,  et  qui  sollicite  pour  eux. 

C'est  pourquoi,  très-saint  Père,  après  avoir  obtenu  la 
permission  de  son  Altesse  sérénissime  ,  je  suis  forcé  d'aller 
à  Dijon,  ville  qui  est  à  la  vérité  hors  de  mon  diocèse  ,  mais 
dont  relève  la  partie  qui  est  maintenant  de  la  France.  J'y  tra* 
vaillerai  à  arranger  les  choses  selon  toute  l'étendue  du  pou- 
voir que  Dieu  me  donnera,  et  j'en  rendrai  compte  aux  illus- 
trissimes nonces  de  France  et  de  Savoie. 

Je  m'assure  que  Votre  Sainteté  approuvera  la  courte  ab- 
sence que  je  suis  obligé  de  faire  pour  les  besoins  de  ce  dio- 
cèse, que  je  laisse  abondamment  pourvu  des  secours  spirituels, 
et  que  j'espère  revoir  dans  deux  mois;  vu  principalement 


debbono  impedire  tal  &tabilimento,  non  sarà  la  cosa  sradicata,  ma 
fiolamente  quietata. 

E  la  quinta^  che  molti  cattolici  di  Gex,  che  per  via  delF  édite 
délia  libertà_,  che  chiamano,  potrebboiio  aver  Tezercizio  cattolico 
nelle  loro  parocchie,  non  hanno  chi  proponga  le  loro  suppliche,  ne 
chi  ne  faccia  la  soUicitazione. 

Per  questo^  beatissimo  Padre,  son  sforzato  di  andare,  dopo  di 
averavuta  licenza  da  S.  Altezza  diSavoJa,  in  detto  Digione,,  fuon 
délia  diûcesi_,  ma  capo  délia  parte  délia  diocesi  che  ora  è  in  Francia, 
dove  io  farô  quel  tanlo  che  Iddio  mi  coucedeLà  in  servizio  di  quelle 
negoziaziuni  sopra  scritte ,  et  del  tutto  daro  raguaglio  ad  ambidue 
rillustriss.  signori  nunzii  di  V.  S.  di  Francia  e  di  Savoja. 

îNon  credero  giammai  che  V.  B.  debba  riprovar  questa  poca 
assenza,  che  son  sforzato  di  fare  per  lilîisogni  délia  diocesi ,  la  quale 
io  lascio  molto  ben  provvista  nelle  cose  spiritual!,  espero  di  rividere 
frà  due  mesi^  massime  perché  quelii  sig.  di  quella  città,  sapeudo  U 


iSO  OPUSrULES 

que  messieurs  les  principaux  habitants  de  cette  ville,  sachant 
la  nécessité  que  j'avois  d'y  aller ,  m'ont  invité  d'y  prêcher  le 
îarême. 

Je  n'ai  pas  hésité  à  me  rendre  à  leurs  instances ,  espérant 
que  ce  voyage  pourra  contribuer  beaucoup  à  terminer  avec 
plus  de  promptitude  et  d'avantage  mes  atfaires  qu'ils  ont 
entre  leurs  mains.  Néanmoins,  je  n'ai  pas  voulu  partir 
sans  le  faire  savoir  à  Votre  Sainteté ,  désirant  lui  rendre 
compte  de  cela,  comme  de  tout  le  reste  de  mes  actions, 
que  je  veux  toujours  régler  selon  le  vouloir  du  successeur 
du  Prince  des  apôtres.  Demandant  donc  Votre  sainte  béné- 
diction ,  je  me  prosterne  très-humblement  pour  baiser  Vos 
pieds  sacrés.  J'ai  l'honneur  d'être  avec  le  plus  profond  res- 
pect ,  etc. 

nécessita  mia  di  andare  costî,  mi  hanno  pregato  di  volervi  fare  le  pre- 
diche  quadragesimali. 

E  stimando  che  quella  fatfîca  giovarebbe  a  cavar  con  più  prestezza 
e  favore  H  negozii  miei  dalle  mani  loro,  ho  liberamente  acconsentito. 
Nientedimeno  non  ho  voluto  lasciar  di  darne  conto  à  V  S.  si, 
corne  io  desidero  di  fare  di  tiitte  mie  azioni,  le  quali  da  beneplacito 
appostolico  in  tutto  e  poi  tutto  hanno  da  esser  regolate  :  e  cosi  chie- 
dendo  la  santa  benedizione  d«  V*  B.^  bacioli  cou  humilité  li  santi 
piedi. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  181 


XXXL 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRAFÇOIS  DE  SALES 

A  MADAME  ROSE  BOURGEOIS,   ABBES^  L:'i  L'aBBAYE   ROYALE  DU  PUITS-D'ORBE, 

En  quoi  consiste  la  dévotion .  et  les  moyens  pour  y  parvenir  ; 
énumération  des  devoirs  d'une  abbesse. 

Avant  le  3  mai  1604. 

Vous  avés ,  Madame  ma  chère  fille ,  deux  qualités  :  car 
vous  estes  Religieuse,  et  vous  estes  Abbesse;  il  faut  servir 
Dieu  en  l'une  et  l'autre ,  et  à  cela  doivent  estre  rapportés 
tous  vos  desseins ,  et  exercices ,  et  affections. 

Ressouvenés-vous  qu'il  n'est  rien  de  si  heureux  qu'une 
Religieuse  dévote ,  rien  de  si  malheureux  qu'une  Religieuse 
sans  dévotion. 

La  dévotion  n'est  autre  chose  que  la  promptitude,  ferveur, 
affection  et  mouvement  que  l'on  a  au  service  de  Dieu  ;  et  y 
a  différence  entre  un  homme  de  bien  et  un  homme  dévot  : 
«ar  celuy-là  est  homme  de  bien ,  qui  garde  les  commanr 
démens  de  Dieu ,  encore  que  ce  ne  soit  pas  avec  une  grande 
promptitude  ni  ferveur;  mais  celuy-là  est  dévot,  qui  non 
seulement  les  observe,  ains  les  observe  volontiers,  prompte- 
ment,  et  de  grand  c(i'  rage. 

La  vraye  Religieuse  doit  estre  dévote ,  et  procurer  d'avoir 
une  grande  promptitude  et  ferveur. 

Pour  ce  faire ,  il  faut  premièrement  prend^^  garde  de 
n'avoir  point  la  conscience  chargée  d'aucun  péché  ;  car  le 

*  C'est  la  31«  du  lir^  V  atM  a«c.  «éditions,  et  la  65*  de  la  collection  Biaise. 


182  OPUSCULE» 

péché  est  un  pesant  fardeau ,  que  qui  le  porte  ne  peut 
acheminer  contre  mont.  C'est  pourquoy  il  se  faut  confesser 
souvent ,  et  ne  jamais  laisser  dormir  le  péché  dans  nostre 
sein. 

Secondement ,  il  faut  oster  tout  ce  qui  peut  entraver  les 
pieds  de  nostre  ame,  qui  sont  les  affections,  lesquelles  il  faut 
retirer  et  déprendre  de  tout  objet  non  seulement  mauvais , 
mais  de  celuy  qui  n'est  pas  bien  bon;  car  un  cheval  entravé 
ou  piqué  ne  peut  courir. 

Outre  cela,  il  faut  demander  cette  promptitude  à  nostra 
Seigneur  ;  et  partant ,  il  faut  s'exercer  à  la  prière  et  médita- 
tion, ne  laissant  passer  aucun  jour  sans  la  faire  l'espace 
d'une  petite  heure. 

Et  touchant  la  prière ,  je  vous  advertis  que  premièrement 
vous  ne  devés  jamais  laisser  l'office  ordinaire  qui  est  com- 
mandé de  l'Eglise ,  et  plustost  il  faut  laisser  toutes  autres^ 
prières. 

Secondement,  il  faut,  après  l'office,  préférer  la  méditation 
à  toutes  autres  prières  ;  car  elle  vous  sera  plus  utile  et  plus 
aggreable  à  Dieu. 

Troisièmement,  ayés  l'usage  des  oraysons  jaculatoires ^ 
qui  sont  des  souspirs  d'amour  que  Ton  jette  devant  Dieu 
pour  requérir  son  ayde  et  son  secours. 

A  quoy  vous  servira  beaucoup  de  garder  en  vostre  imagi- 
nation le  poinct  de  la  méditation  que  vous  aurés  le  plus 
gousté,  pour  le  remascher  le  long  de  la  journée,  comme  l'on 
fait  les  tablettes  pour  le  corps.  A  cela  mesme  vous  servira 
une  Croix ,  ou  une  image  dévote  pendue  à  vostre  cou  ou  à. 
vostre  chapelet,  la  maniant  et  baysant  souvent  en  l'honneur 
4e  celuy  qu'elle  représente  ;  et,  lors  que  l'horloge  sonne ,  de 
iire  un  petit  mot  de  cœur  ou  de  bouche ,  comme  seroit  Vive 
Jésus ,  ou  bien ,  Voicy  l'heure  de  se  resveiller,  ou  bien  Mon 
àeure  s'approche,  et  semblables. 

Quatrièmement,  ne  passer  aucun  jour,  s'il  est  possible,: 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  i^J 

sans  lire  quelque  peu  dans  quelque  livre  spirituel ,  mesrnes 
avant  la  méditation,  pour  reveiller  en  vous  l'esprit  spirituel. 

Prenés  pour  coustume  de  vous  mettre  en  la  présence  de 
Dieu  le  soir  avant  vostre  repos ,  le  remerciant  de  ce  qu'i! 
vous  a  conservée  ;  en  faysant  Pexamen  de  conscience  ,  ainsy 
que  les  livres  spirituels  vous  l'enseignent. 

Le  matin,  faites-en  de  mesme,  vous  préparant  à  servir 
Dieu  le  long  du  jour,  vous  offrant  à  son  amour,  et  luy  of- 
frant le  vostre. 

Je  suis  d'advis  que  vostre  méditation  se  fasse  le  matin,  et 
que  le  jour  précèdent  vous  lisiés  le  poinct  que  vous  voudrés 
méditer,  dans  Grenade ,  Bellintany,  ou  quelqu'autre  sem- 
blable. 

Pour  acquérir  la  sainte  promptitude  à  bien  prattiquer  la 
vertu ,  ne  laissés  passer  aucun  jour  sans  en  prattiquer  quel- 
que action  particulière  à  cette  intention  ;  car  l'exercice  sert 
merveilleusement  pour  se  rendre  un  chemin  aysé  à  toutesb- 
Bortes  d'opérations. 

Ne  manques  jamais,  pour  ce  commencement,  de  commu- 
nier tous  les  premiers  dimanches  du  mois,  outre  les  bonnes 
festes ,  et  le  soir  de  devant  confessés-vous,  et  excités  en  vous- 
une.  sainte  révérence  et  joye  spirituelle,  de  devoir  estre  si  heu- 
reuse que  de  recevoir  vostre  doux  Sauveur;  et  faittes  alors 
une  nouvelle  resolution  de  le  servir  fervemment ,  laquelle ,  , 
l'ayant  receu ,  il  faut  confirmer  non  par  vœu  ,  mais  par  un 
bon  et  ferme  propos. 

Le  jour  de  vostre  Communion ,  tenés-vous  le  plus  dévote 
que  vous  pourrez? ,  souspirant  à  celuy  qui  sera  en  vous  et  à 
vous  ;  et  le  regardés  perpétuellement  de  l'œil  intérieur  > 
gisant  ou  assis  dans  vostre  propre  cœur  comme  dans  son 
:hrone  ;  et  lui  faittes  venir  l'un  après  l'autre  vos  sens  et  vos 
puissances  pour  ouïr  ses  commandemens ,  et  lui  promettre  - 
fidélité  :  cecy  se  doit  faire  après  la  Communion ,  par  une-- 
petite  méditation  de  demy-heure^ 


184  OPUSCULES 

Gardés-vous  de  vous  rendre  melancholique  et  importune 
à  ceux  qui  sont  auprès  de  vous  ,  de  peur  qu'ilz  n'attribuent 
cela  à  la  dévotion  ,  et  qu'ilz  ne  la  mesprisent  ;  au  contraire , 
rendés-leur  le  plus  que  vous  pourrés  de  consolation  et  de 
contentement,  aiïin  que  cela  leur  fasse  honnorer  et  estimer  la 
dévotion,  et  la  leur  fasse  désirer. 

Procurés  en  vous  Tesprit  de  douceur,  jo}^  ^t  humilité, 
qui  sont  les  plus  propres  à  la  dévotion,  comme  aussi  la 
tranquillité ,  sans  vous  empresser  ny  pour  cecy  ny  pour 
cela  ;  mais  allés  vostre  chemin  de  dévotion  avec  une  entière 
confiance  en  la  miséricorde  de  Dieu  ,  qui  vous  conduira  par 
la  main  jusques  au  pays  céleste  ;  et  partant,  gardés-vous  des 
chagrins  et  disputes. 

Touchant  vostre  qualité  d'Abhesse ,  c'est  à  dire  de  mère 
d'un  Monastère,  elle  vous  oblige  à  procurer  le  bien  de 
toutes  vos  Religieuses  pour  la  perfection  de  leurs  âmes ,  et 
par  conséquent  à  reformer  leurs  mœurs  et  toute  la  maison. 

1"  Le  moyen  de  ce  faire ,  en  ce  commencement ,  doit  estre 
doux,  gracieux  et  joyeux ,  sans  commencer  par  la  reprehen- 
sion  des  choses  qui  ont  esté  supportées  jusques  à  présent  ; 
ains  vous  devés  vous-mesme ,  sans  leur  dire  mot ,  monstrer 
tout  le  contraire  en  vostre  vie  et  conversation,  vous  occupant 
devant  elles  à  de  saints  exercices,  comme  seroit,  faysant 
quelquefois  des  prières  en  l'église ,  ou  bien  mesme  la  médi- 
tation, disant  le  chapelet,  faysant  lire  quelque  livre  spirituel 
pendant  que  vous  travaillés  de  l'aiguille;  et  les  caressant 
plus  doucement  et  modestement  que  jamais ,  faysant  une. 
spéciale  amitié  avec  celles  qui  se  rangeront  à  la  lîevotion  :  ne 
baissés  pourtant  de  bien  carresser  les  autres ,  pour  les  attirer 
et  gagner  en  mesme  chemin. 

2.  Tenés-vous  courte  avec  les  conversations  mondaines^ 
et  ne  permettes ,  que  le  moins  que  vous  pourrés ,  qu'elles 
soient  en  vostre  chambre  particulière,  pour  petit  à  petit  pro- 
aflxer  que  le  dortoir  des  Dames  er»  soit  entièrement  exempt; 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  1 S5 

ce  qui  seroit  bien  requis  ,  et  vostre  exemple  est  un  grand 

moyen. 

3°  A  la  table,  procurés  que  Ton  lise  quelque  beau  livre 
spirituel ,  comme  de  Grenade  ,  De  la  vanité  du  monde,  Ger- 
son ,  Bellintany,  et  tels  autres  ;  et  mettes  en  ooustume  que 
ce  soit  tous  les  jours. 

4°  En  l'Office ,  il  faut  que  vostre  contenance  dévote  donne 
loy  à  toutes  les  Religieuses  de  modestie  et  révérence  ;  ce  que 
vous  f3rés  aisément,  si  vous  vous  mettes  en  la  présence  de 
Dieu  au  commencement  de  chaque  Office.  J'estime  que  d'in- 
troduire le  Bréviaire  du  Concile  de  Trente  sera  une  chose 
utile  et  profitable. 

5°  Ne  faites  point  trop  Tau  stère  pour  le  commencement; 
mais  soyés  gracieuse  à  tout  le  monde ,  hors  mis  aux  per- 
sonnes bien  mondaines ,  avec  lesquelles  il  faut  estre  courbt 
et  retirée.  * 

6°  Il  sera  bon  que  vous  employés  quelqu'une  de  vos 
Religieuses  pour  vous  ayder  en  la  conduitte  des  choses  tem- 
porelles ,  affin  que  vous  ayés  tant  plus  de  commodités  pour 
vous  addonner  au  spirituel  et  aux  offices  de  charité. 

7»  En  fin  ne  vous  empressés  point  pour  ce  commence- 
ment; mais  faittes  tout  ce  que  vous  ferés  si  gayement  et 
avec  tant  de  douceur,  que  toutes  filles  ayent  occasion  de 
vouloir  embrasser  la  dévotion  petit  à  petit  ;  et  lorsque  vous 
les  y  verres  embarquées,  il  faudra  traitter  plus  entièrement 
du  restablissement  de  la  perfection  de  la  Règle,  qui  sera  le 
plus  grand  service  que  vous  pu  issiés  faire  à  nostre  Sauveur* 
mais  tout  cela  doit  procéder  non  tant  de  vostre  autorite 
comme  de  vostre  exemple  et  douce  conduitte. 

8"  Dieu  vous  appelle  à  toutes  ces  saintes  besongnes  ;  écou-r 
tés-le  et  obeyssés.  iN't^stimés  jamais  d'avoir  trop  de  peine  ni 
de  patience  à  la  poursuitte  d'un  si  grand  bien.  Que  vous 
serés  heureuse ,  si  à  la  fin  de  vos  jours  vous  pouvés  dire 
comme  nostre  Seigneur  :  f'ai  consommé  et  parlait  l'œuvrti 


186  OPUSCULE? 

ip.œ  vous  m'avés  mis  en  main  *  /  Desirés-le ,  procurés-ïe  ^ 
pene^és  à  cela ,  priés  pour  cela  ;  et  Dieu ,  qui  vous  a  donné 
la  volonté  pour  désirer,  vous  donnera  des  forces  pour  le  bien 
faire, 

*  Opus  coiisnmmavi  quod  cledisti  mihi  ut  faciam.  Joan.,  XVII,  4. 

A  la  suite  de  cette  lettre  se  trouvoit  une  Méditation  pour  le  commence» 
ment  de  chaque  mois,  qui  dans  cette  édition- ci  a  sa  place  au  tome  III» 
^age  100  et  suiv. 


DE   S.   FBANCOIS   DE   SALES.  l'S? 


1XX[I. 

LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  D&  SALES 

A  MADAME   ROSE   BOURGEOIS. 

(Tirée  de  la  congrégation  du  collège  Louis  le  Grand,  à  Paris.) 
Il  l'exhorte  à  la  réforme  de  son  monastère. 

Annessy,  le  jour  de  la  Sainte  Croix,  3  mai  1604, 
Madame , 

J'ay  envoyé  à  Madame  la  présidente  Brulart,  vostre  sœur, 
un  escrit  que  je  désire  vous  estre  communiqué  ;  non  pas  que 
celuy  que  je  vous  ay  donné  ne  subsiste  pour  vous  et  pour  ce 
lems,  mais  alfîn  que  vous  ayés  tousjours  plus  d'esclaircisse- 
ment  en  vostre  esprit,  à  l'avancement  duquel  je  me  sens  tant 
obligé,  que  je  ne  suis  de  rien  plus  désireux  en  ce  monde, 
non  seulement  pour  cette  grande  confiance  que  Dieu  vous  a 
donnée  en  mon  endroit,  mais  aussi  pour  celle  qu'il  me  donne 
que  vous  servirés  beaucoup  à  sa  gloire  :  n'en  doutés  point. 
Madame ,  et  ayés  bon  courage.  Je  suis  infiniment  consolé  du 
playsir  que  vous  prenés  à  lire  la  vie  et  les  œuvres  de  la  mère 
Thérèse  ^  :  car  vous  verres  le  grand  courage  qu'elle  eut  à 
reformer  son  Ordre,  et  cela  vous  animera  sans  doute  à  refor- 
mer vostre  Monastère  ;  ce  qui  vous  sera  bien  plus  aysé  qu'il 
ne  fut  pas  à  elle,  puis  que  vous  estes  Supérieure  perpétuelle. 
Mais  tenés  la  méthode  que  je  vous  ay  dite ,  de  commencer 
par  l'exemple;  et,  bien  qu'il  vous  semblera  profiter  peu  aL 

1  C'est  la  56e  ^Q  la  collection  Biaise. 
•  Saiale  Thérèse. 


188  ©PUSCULES 

commencement,  ayés  néanmoins  de  la  patience,  et  vous  ver- 
res ce  que  Dieu  fera.  Je  vous  recommande  sur  tout  l'esprit 
de  douceur,  qui  est  celuy  qui  ravit  les  cœurs  et  gaigne  les 
âmes.  Tenés  bon  et  ferme,  en  ce  commencement,  à  bien 
faire  tous  vos  exercices,  et  preparés-vous  auç  tentations  et 
contradictions  ;  car  le  malin  esprit  vous  en  suscitera  infini- 
ment, pour  empescher  le  bien  qu'il  prévoit  devoir  sortir  de 
vostre  resolution  :  mais  Dieu  sera  vostre  protecteur  ;  je  Fen 
supplie  de  tout  mon  cœur,  et  l'en  supplieray  tous  les  jours 
de  ma  vie.  Je  vous  prie  de  me  recommander  à  sa  miséricorde, 
et  croire  que  je  suis  autant  que  vous  le  sauriés  désirer,  et 
que  je  puis ,  Madame ,  vostre ,  etc. 

Mon  compagnon  m'a  dit  en  chemin  que  vous  desiriés 
Tenir  à  Saint-Claude ,  et  qu'à  ceste  occasion  j'auray  le  bien 
de  vous  voir.  Je  vous  prie  qu'en  ce  cas  là  je  le  sçache  avant 
le  tems,  affin  que  je  me  puisse  trouver  en  lieu  et  loisir 
propre  à  vostre  consolation- 


LE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  189 

XXXIII. 

ÈDïT' 

De  saint  François  DE  SALES,  évêque  et  prince  de  Genève,  touchant  la  pro- 
cession .solennelle  de  la  Fête-Dieu.  (Tiré  de  la  Vie  du  saint  prélat,  par 
Auguste  de  Sales,  livre  VI,  page  391.) 

(Vers  le  17  juin  1604.) 

Approchant  ce  sainct  jour  auquel  l'Eglise  catholique  nosf  re 
mère  veut  que  Ton  célèbre  avec  une  solemnité  toute  parti- 
culière le  très-haut  et  vénérable  Sacrement  de  l'Eucharistie , 
et  qu'on  le  porte  en  procession  par  les  rues  et  lieux  publics 
avec  toute  sorte  d'honneur  et  révérence,  à  fin  qu'elle  monstre 
ouvertement ,  par  une  si  grande  resjouyssance,  que  la  victo- 
rieuse vérité  triomphe  du  mensonge  et  de  Fheresie  ;  il  appar- 
tient à  nous ,  que  le  sainct  Esprit  a  establis  par  Fauthorité 
du  souverain  Siège  apostolique  pour  régir  et  gouverner  l'E- 
glise de  Dieu,  en  laquelle  nous  sommes,  et  c'est  principale- 
ment de  nostre  charge ,  qu'en  une  telle  célébrité  tout  se  fasse 
convenablement  et  décemment. 

*  Cet  édit  fut  rendu  à  l'occasion  d'un  différend  qu'eurent  les  chanoines 
de  la  cathédrale  de  Genève  et  ceux  de  Notre-Dame  d'Annecy,  pour  le  pas. 


Appetente  et  jamjam  imminente  stato  illo  festo  die  quo  Ecclesia 
catholica  mater  nostra  prsecelsum  et  venerabile  Eucharistiae  sacra- 
mentum  singulari  solemnitate  celebrandum,  ac  «n  processionibus 
reverenter  e,  rionorilicè  per  vias  et  ioea  publica  circumferendum 
constituit_,ut  sic  victricem  veritatem  de  mendacio  et  haeresi  triumphum 
agereextantâiœtitiâpalàm  ostêmlat^  nobis^  quos^  asserente  supremâ 
Sede  apostolicâ,  Spiritus  sanclus  posuit  regere  hanc  in  quâ  sumus 
Ecclesiam^  illud  prœcipuilî  incumbit  cura,  ut  omnia  congrue  et  de- 
center  in  tantâ  celcbritate  liant  et  constent. 


190  OPUSCULES 

Mais ,  parce  que  toutes  les  choses  qui  sont  de  Dieu  sont 
©rdonnées  (comme  dit  TApostre  escrivant  aux  Romains)  et 
qu'elles  doivent  estre  toutes  faictes  honnestement  et  selon 
l'ordre  (comme  il  dict  escrivaiU  eux  Corinthiens),  certes, 
cela,  doil  estre  principalement  observé  en  /a  sainte  Eglise  de 
Dieu,  qui  doit  tousjoui'^  niarcher  comme  une  armée  rangée 
en  bataille.  Et  il  ne  faut  pas  croire  à  tout  esprit  en  Festablis' 
sèment  de  cet  ordre ,  mais  à  cet  Esprit  sainct  qui  est  espanchè 
par  tout  le  corps  de  FEglise ,  et  qui  manifeste  sa  volonté  et 
ses  intentions  par  les  conciles ,  surtout  généraux»  et  par  les 
souverains  Pontifes  du  Siège  apostolique ,  vicaires  de  Jesus- 
Christ. 

C'est  pourquoy  par  ce  présent  edict  nous  ordonnons  qu'entre 
les  personnes  ecclésiastiques,  les  Frères  de  l'Ordre  de  sainct 
François  Capucins  marcheront  les  premiers,  suy  vis  des  Frères 
Mineurs  de  sainct  François  de  l'Observance  ;  après  lesquels 
iront  les  Frères  de  l'Ordre  de  sainct  Dominique,  et  puis  les 
Frères  Religieux  du  sainct  Sepulchre  ,  ausquels  succédera 
l'Eglise  collégiale  de  nostre  Dame,  en  laquelle  celuy  qui 
laict  l'ofEce  du  Curé  adjoustera  l'estole  à  ses  autres  habits 


Verùm  cùm  omnia  quse  à  Deo  sunt  ordinata  sint,  ait  Apostolus  ad 
Romanos,  et  omnia  honestè  et  secundùm  ordinem  facienda,  ait  idem 
ad  Corinthios,  tùm  maxime  id  omninô  servandum  est  in  Ecclesiâ 
sanctâ  Dei  ^  quae  scilicet  procédera  semper  débet  ut  castrorum  acies 
ordinata.  Neque  verô  unicuique  spiritui  in  eo  ordine  statuendo  cre- 
dendum,  sed  Spiritui  iUi  sancto,  qui  per  totum  Ecclesiae  corpus  dif- 
iunditur,  et  placita  sua  per  concilia,  masimè  generalia,  ac  perSedis 
apostolicee  summos  Pontillces  Christi  vicarios,  manifestât. 

Quare  nos  ita  per  pra^seus  edictum  slatuimus,  ut  ocilicet  inter  ec- 
clesiasticas  personas  piimi  procédant  fratres  ordinis  sancti  Francisci 
capucinorum,  quos  sequantur  fratres  ordinis  sancti  Francisci  obseï^ 
vantium,  tùm  fcatres  ordinis  sancti  Dominici,  posteà  fratres  sancti 
Sepulchri,  quibus  succédât  ecclesiâ  collegiata  beatae  Mariai  lœtœ,  in 
quâ  qui  ofiicio  curionis  fuaifitur^  stolam  ad  reliquum  ôâçrai'um 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  191 

d'Eglise,  et  luy  tant  seulement.  En  dernier  lieu  marchera 
nostre  Eglise  cathédrale,  en  laquelle  (avec l'aide  de  Dieu) 
nous  porterons  le  tres-auguste  et  Bedoutable  Sacrement  avec 
le  plus  de  gravité,  de  pompe  et  de  magnificence  qu'il  se 
pourra  faire.  Après  le  sacrement  viendront  tous  les  fîdelles 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe ,  avec  le  mesme  ordre  et  solem- 
nité  qu'ils  ont  accoustumé  jusques  à  présent  d'assister  à 
ceste  procession ,  selon  leur  dévotion  envers  un  si  granâ 
mystère. 

Or,  attendu  que  cet  ordre  est  selon  le  Cérémonial  Romain 
et  les  décrets  des  souverains  Pontifes  et  du  droict  commusi, 
nous  commandons  absolument,  en  vertu  de  saincle  obeys- 
sance ,  qu'il  soit  exactement  observé  par  tous  les  ecclésias- 
tiques, tant  séculiers  que  réguliers,  sans  contradiction  et 
contention  quelconque.  Qui  fera  autrement ^  qu'il  encoure 
de  faict  la  peine  d'excommunication  de  sentence  laschée  ; 
nonobstant  appellation,  et  sans  préjudice  des  droicts,  s'il  yen 
a ,  et  prétentions  de  l'Eglise  collégiale  de  nostre  Dame ,  que 
nous  voulons  et  déclarons  leur  estre  conservez,  estans  prests 


vestium  ornatum  addat,  isque  solus.  Ultimo  loco  procédât  ecclesia 
nostra  cathedrahs,  in  quà  nos,  Dec  propitio,  augustissimum  ac  Ire- 
mendum  Sacramentum  portabimus,  apparatu,  quoad  lieri  poterit, 
bonestissimo  et  magnifieentissinio.  Post  Sacramentum  verô  veniant 
omnes  utriusque  sexûs  fidèles  eo  ordine  et  apparatu  quo  bac  tenus  ^ 
pro  suâ  in  tantum  mysterium  devotione,  consueverunt  buic  proces- 
r-ioni  interesse. 

àtque  ordo  prœdictus  cùm  sit  secundùm  Caeremoniale  Romanum , 
Cl  juris  communis  pontificumque  décréta,  ut  perquàm  accuratè  ab 
omnibus  ecclesiasticis  tàni  regularibus  quàm  saecularibus  sine  ullâ 
contentione  servetur,  in  virtute  sanctee  obedientiai  omninô  prœcipi- 
mus.  Qui  autem  secùs  fecerit,  excommunicationis  latss  sententiae 
pœnam  ipso  facto  incurrat,  non  obstantibus  quibuscumque,  amotâ 
etiam  omni  appellatione,  sine  prsejudicio  nibilominùs  jurium,  sa 
quse  sint,  et  praitentionum  ecclesiae  collegiatse  beatai  Mariœ  lactœ,  quse 
omnia  illi  salva  esse  voluraus  et  declaramus,  parati,  ubi  de  ilii* 


192  OPUSCULES 

de  révoquer  le  présent  edict,  en  tant  qu'il  leur  prejudiciera, 
aussi  test  qu'il  nous  apparoistra  d'iceux. 

Au  reste,  en  faveur  du  peuple,  et  à  fin  d'accroistre  sa 
dévotion  à  Teglise  parroissiale  de  sainct  Maurice  autant 
qu'il  est  en  nostre  pouvoir,  nous  avons  jugé  estre  à  propos 
d'y  célébrer  le  solemnel  office  de  la  messe,  qui  sera  respondu 
par  les  deux  corps  de  nostre  cathédrale  et  de  la  collégiale  ;  et 
là ,  tous  seront  obligez  de  s'assembler  pour  commencer  et 
finir  la  procession. 


constiterit,  praesens  edictum,  quatenùsilli  officiât,  omninô  revocare 
et  irritum  declarare. 

Ceeterùm  in  gratiam  populi,  et  ut  ejus  devotionem  erga  parœcialem 
saneti  Mauritii  ecclesiam,  quantum  in  nobis  est,  promoveamus^  cen- 
suimus  in  eâ  ecclesiâ  solemne  missse  officium  à  nobis  ut  par  est  ce- 
lebrandum ,  oui  respondebunt  omnes  tùm  cathedralis  tùm  collegiatae 
clerici  j  et  ibidem  ut  omnes  ad  processionem  ineundam  et  finiendam 
conveniant. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  193 


XXXIV. 

LETTRE* 

SUR  L'IMMUNITÉ  LOCALE. 
(L'original  appartient  à  M.  Ange  Chigi,  à  Rome.) 

A  M.  d'Albignès,  chevalier  de  l'ordre  de  S.  A.,  et  son  lieutenant  gênerai 

en  deçà  des  monts. 

20  juin  1604. 

Monsieur, 

Le  désir  que  vous  avez  que  les  soldats  puissent  estre  tirés 
des  lieux  sacrés  pour  estre  chastiés  selon  leur  démérites ,  est 
fort  juste  et  propre  à  la  conservation  du  bien  public.  J'ay  eu 
tant  de  distractions  pour  ne  l'avoir  pas  voulu  permettre,  que 
j'ay  bien  occasion  aussi  de  mon  costé  de  souhaitter  que  les 
lois  de  l'immunité  des  églises  soient  modérées  à  ce  subjet. 
C'est  pourquoy  j'ay  supplié  monsieur  le  Nonce  de  m'en  faire 
venir  un  petit  mot  de  déclaration  qui  me  descharge  de  leur 
rigueur,  laquelle  ce  me  semble  n'est  pas  sortable  en  ce  tems, 
■en  ce  lieu ,  en  ces  occasions. 

Je  vous  supplie,  Monsieur,  d'avoir  aggreable  que  j'attende, 
puis  que  ma  condition  le  requiert,  en  laquelle  je  prie  Dieu 
tous  les  jours  pour  vous,  et  suis, 

Monsieur, 

Vostre  serviteur  plus  humble, 

François  ,  Evesque  de  Genev^. 

*  C'est  la  86»  parmi  les  jjnéditw  de  la  collection  Biaise. 


VI. 


13  / 


19i  OPUSCULES 


XXXV. 

RÈGLEMENTS 

EN  FORME  DE  CONSTITUTIONS, 

DRESSÉS  PAR  S.  FRANÇOIS  DE  SALES, 

POUR  LES  RELIGIEUX  DE  L'ABBAYE  DE  SIX. 

(Vers  le  mois  d'août  1604.) 

Saint  François  de  Sales  ayant  été  prié  par  deux  chanoines  réguliers  de  l'abbaye 
de  Six,  de  l'Ordre  de  Saint-Augustin,  située  dans  le  Faucigny,  qu'il  daignât 
visiter  leur  monastère  et  réformer  leurs  constitutions,  le  saint  évèque,  qui 
étoit  toujours  prêt  à  faire  le  bien ,  s'y  transporta  le  â4  septembre  1603,  et 
assembla  le  chapitre  avec  Tabbé.  Ayant  déclaré  ses  intentions ,  et  les  Reli- 
gieux ayant  reconnu  le  droit  qu'il  avoit  de  les  visiter  et  corriger,  il  ordonna 
pour  101*8  ce  qu'il  crut  être  nécessaire  et  suffisant,  eu  attendant  que  les  cir- 
constances lui  permissent  d'aller  plus  avant.  L'abbé,  qui  ne  s'accommodoit 
pas  de  ces  règlements,  regimba  contre  lui,  et  en  appela  comme  d'abus  au 
sénat  de  Ghambéry,  au  commencement  de  l'année  suivante  1604.  Mais  le 
saint  évêque  fit  si  bien  valoir  ses  droits,  qu'il  en  demeura  victorieux  ;  c'est 
pourquoi ,  environ  au  mois  d'août ,  il  mit  la  dernière  main  à  sa  réforme 
par  ces  règlements,  qu'il  laissa  par  écrit. 

Les  Constitutions  suivantes  sont  tirées  de  la  Vie  da  S.  François  de  Sales,  i^ar 
M.  Maupas,  évèqi^^-  du  Puy,  part.  IV,  chap.  IX,  sect.  ii,  pag.  237.  Voyez 
aussi  Auguste  de  Sales,  tome  1er,  pag.  360-3G3. 

Ce  Monastère  des  Chanoines  de  Saint-Augustin  estant  sous 
nostre  charge  et  juridiction,  selon  la  règle  sacrée  de  l'ancien 
droit  ecclésiastique;  connoissant  que  Tabhé  et  les  chanoines 
désirent  passionnément  le  restablissement  parfait  de  l'obser- 
vance régulière;  nous  devons  et  voulons  y  travailler,  et  affer- 
mir de  tout  nostre  pouvoir,  par  l'intervention  de  nostre  au- 
torité ordinaire,  un  œuvre  si  favorable.  C'est  pourquoy, 
après  avoir  vu,  pesé  et  examiné  toutes  choses ,  nous  avons 
dressé  les  Ordonnances  et  Constitutions  suivantes. 

«Premièrement,  nous  commandons  tres-expiessement  que 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  î9o 

fout  ce  qui  a  esté  marqué  en  nostre  visite  soit  observé  de 
poinct  en  poinct. 

»  2.  Si  les  novices  cy-apres  ne  sont  trouvés  capables  au  bout 
de  leur  année ,  ils  seront  renvoyés ,  n'estoit  qu'ils  ne  don» 
nassent  espérance  de  mieux  faire  dans  quelque  temps,  efe 
mesrae  dans  une  seconde  année  touî,  entière,  selon  qu'ila 
esté  iui?;é  dans  la  Con2;re2:ation  des  Cardinaux. 

y)  3.  Désormais  on  establira  un  Religieux  profez  du  mesmfr 
Ordre  pour  Prieur,  et  un  sous-prieur  qui  puisse  religieuse- 
ment présider  et  faire  observer  exactement  la  règle ,  servants 
d'exemple  aux  frères ,  qui  luy  obeyront  comme  à  leur  père. 
L'on  commettra  l'un  des  plus  réguliers  pour  avoir  soin  des 
novices  ;  et  tous  les  jours  on  leur  lira  le  Catéchisme  du  Con- 
cile de  Trente,  dont  ils  rendront  compte;  et  ils  seront  instruits 
par  un  autre  Religieux,  destiné  pour  cela,  de  l'OlBce,  des 
cérémonies,  et  autres  devoirs  de  leur  estât. 

))  4.  Tons  les  Samedis  le  Prieur,  ou  le  sous-prieur  en  son 
absence,  tiendra  le  Chapitre,  où  l'on  lira  un  article  des  Règles,, 
corrigeant  les  manquements  qui  seront  faicts  contre  elles, 
ou, es  Offices,  ou  dans  quelques  actions  et  deportements  dest 
Religieux, en  joignant  des  pénitences  selon  qu'il  seraà  propos. 

»  5.  S'il  faut  faire  ou  commander  quelque  chose  de  grande 
importance,  et  qu'il  n'y  ait  point  de  danger  au  retardement, 
le  Prieur  en  conférera  avec  son  Chapitre  ;  pour  les  diffi- 
cultés qui  ne  pourroient  estre  résolues  par  le  Prieur  ou  le 
Chapitre,  on  aura  recours  à  l'Evesque. 

»  6.  Tous  les  Religieux  prendront  leur  réfection  en  commun. 
On  fera  la  lecture  tout  le  long  du  repas,  d'une  voix  claire  et 
intelligible,  en  observant  les  pauses,  pour  donner  lieu  de 
faire  application  à  ce  qu'on  lit. 

»  7.  Il  n'y  aura  point  dans  le  Monastère  de  livres  sans  la  li- 
cence du  Prieur,  qui  prendra  garde  de  n'en  point  recevoir  de 
ceux  qui  sont  défendus  par  FEglise,  ou  de  science  curieùge  et 
inutile;  mais  un  nombre  suffisant  de  spirituels,  des  cas  de 


OPUSCULES 

conscience,  et  de  Théologie.  Les  Religieux  liront  et  est 
ront  tous  les  jours  au  temps  que  la  Règle  l'ordonne . 

))  8.  L'on  prendra  garde  que  te  us  les  bastiments 
conformes  à  Tobservance  régulière. 

))  En  fin  nous  asseurons  de  la  bénédiction  et  protection  de 
Dieu  tous  ceux  gui  embrasseront  et  pratiqueront  avec  amour 
ces  Ordonnances,  que  le  seul  àesïr  du  règne  de  Dieu  en  vous, 
et  l'amplification  de  sa  gloire,  me  fait  vous  donner;  espérant 
qtie  par  l'accompli ssement  d'icelles,  cette  famille  religieuse 
reprendra  sa  première  splendeur,  et  respandra  partout  la 
souëfve  odeur  dont  elle  a  parfumé  autrefois  tout  le  pays. 
C'est  la  grâce,  ô  mon  Dieu,  que  j'attends  de  vostre  miséricor- 
dieuse bonté,  que  je  vous  demande  de  toute  l'estendue  de 
mes  affections,  pour  ces  âmes  et  pour  celles  qui  doivent  leur 
succéder.  » 

1°  Il  s'enquesta  des  droicts  et  de  leurs  tiltres,  et  ordonna 
tout  ce  qui  estoit  nécessaire  pour  cela  ;  et  en  suitte ,  du 
nombre  des  Religieux,  qu'il  voulust  estre  de  douze,  selon 
l'ancienne  institution. 

2°  Il  ordonna  que  l'on  reciteroit  le  divin  Office  selon  l'u- 
sage du  tres-sainct  Concile  de  Trente,  tant  en  particulier  que 
publiquement  au  Chœur;  que  les  pseaumes  penitentiaux ,  à 
cause  de  la  coustume,  pourroyent  estre  recitez  devant  l'office 
du  jour  ;  mais  toutesfois  que  personne  n'y  seroit  obligé  dehors 
du  Chœur ,  sinon  en  suitte  des  rubriches  du  Bréviaire  de 
Trente  ; 

3''  Que  tous  les  jours  on  celebreroit  pour  le  moins  quatre 
messes,  et  quelques  autres  certains,  cinq. 

Il  treuva  en  l'autel,  auprès  des  formes,  de  vieilles  images 
toutes  rongées  et  vermoluës,  qu'il  fîst  oster  et  brusler  en  un 
lieu  honneste  dans  les  cloistres 

4°  Que  les  murailles  du  Monastère ,  tout  premièrement 
nécessaires  pour  la  discipline  religieuse,  seroyent  refaictes  et 
lermées  de  deux  portes  tant  seulement;  cependant,  que  les 


DE   S.    T^ANCOTS   T>E    S\T.F.5.  197 

femmes  n'*entreroyent  point  dans  l'enclos  de  TAbbaye,  ou 
marques  des  murailles  rnynées  ; 

5°  Qu'il  ne  seroit  permis  à  aucun  des  Religieux ,  sous 
quelque  prétexte  que  ce  fust,  de  sortir  désormais  de  PAbbaye 
sans  le  con2:é  du  Prieur,  ny  au  Prieur  sans  avoir  au  preallabe 
adverty  le  plus  ancien  Religieux ,  quoy  qu'il  ne  fust  pas 
tenu  de  luy  demander  permission ,  ou  de  la  prendre  de  luy. 

Il  attendit  d'ordonner  de  r'establir  la  table  commune 
quand  le  Monastère  auroit  les  moyens  nécessaires  pour  cet 
effect ,  comme  aussi  de  faire  le  vœu  exprés  quand  on  seroit 
d'accord  des  constitutions,  qu'il  leur  bailla  depuis  tres- 
aainctes. 


198  OPUSCULES 


XXXVI. 

LETTRE* 

A  MADAME   l'aBBESSE   DU   PUITS-d'oRBE. 

Conseils  sur  quelques  exercices  religieux  à  l'usage  des  communautés  de 
femme?,  sur  les  réformes  qu'une  abbesse  peut  introduire,  et  les  pratiques 
••qu'elle  doit  faire  observer,  etc. 

A  Sales,  le  jour  de  Saint-Denis,  9  octobre  1604. 

Madame , 

J^ay  longuement  retenu  vostre  laquais  Philibert;  mais  c'a 
esté  parce  que  je  n'ay  jamais  eu  un  seul  jour  à  moy,  encor 
que  je  fusse  aux  champs;  car  la  charge  que  j'ay  porte  tout 
par  tout  son  martyre  avec  soy,  et  ne  puis  pas  dire  qu'aucune 
fjeule  heure  de  mon  temps  soit  à  moy,  sinon  celles  auxquelles 
je  suis  à  l'Office  :  tant  plus  desiré-je  d'estre  tres-estroitement 
recommandé  à  vos  prières. 

Je  vous  envoyé ,  ma  chère  fille  (  et  voila  le  mot  que  vous 
voulez,  et  que  mon  cœur  me  dicte),  un  escrit  touchant  la 
façon  de  faire  l'orayson  mentale ,  qui  me  semble  la  plus 
aisée  et  utile.  Je  vous  y  ay  mis  quelques  exercices  et  des 
oraysons  jaculatoires.  Cela  suffira  bien  pour  enseigner  la 
forme  qu'il  faut  tenir  à  passer  la  jourk-Ce.  Je  désire  que  vous 
la  communiquiez  à  madame  la  présidente  ^,  vostre  seur, 
ef  à  madame  de  Chantai;  car  je  pense  qu'elle  leur  sera  utile. 

Quant  à  la  matière  de  vos  méditations,  je  désire  que  pour 
r  ordinaire  ce  soit  sur  la  vie  et  mort  de  nostre  Seigneur;  car 
ce  sont  les  plus  aisées  et  les  plus  profitables. 

t  Tirée  du  monastère  de  la  Visitation  du  Puits-d'Orbe.  C'est  la  6 S»  de  la 
collection  Biaise. 
>  Madame  BrularU 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  i99 

Les  livres  que  je  vous  conseille  ,  ce  sont  Bruno ,  Jésuite  ; 
Capidia  ,  Chartreux  ;  Bellintany  ,  Capucin  ;  mais  sur  tout 
Grenade,  a^i  Vray  Chemin  ',  pour  le  commencement.  Bruno 
et  Capi-lia  vous  pourront  servir  pour  les  festes  et  dimanches, 
les  autres  deux  le  long  de  l'année.  Mais  quoy  que  fous  voyiez 
ces  auteurs  qui  sont  excellents ,  ne  vous  départez  pomt  de  la 
forme  que  je  vous  ay  envoyé  \ 

Faites  tousjours  l'entrée  de  Torayson  en  vous  mettant  en 
la  présence  de  Dieu,  Truvoquant  et  proposant  le  mystère  ;  et 
après  les  considérations  ,  faites  tousjours  les  actes  des  alfec- 
tions ,  non  pas  de  toutes ,  mais  de  quelques-unes ,  et  les  re- 
solutions ;  après  cela  l'action  de  grâces ,  Toffre  ,  la  prière  ; 
enfin  lisez  bien  le  petit  mémorial  que  je  vous  envoyé  ,  et  le 

pratiquez. 

Quant  à  la  méditation  de  la  mort ,  du  jugement  et  de 
l'enfer,  elle  vous  sera  fort  utile  ;  et  vous  en  trouverez  les 
matières  en  Grenade  ,  bien  au  long.  Mais ,  ma  fille,  je  vous 
prie  que  toutes  ces  meditations-là  des  quatre  fins  se  finissent 
toutes  par  l'espérance  et  la  confiance  en  Dieu,  et  non  pas  par 
la  crainte  et  l'eifroy;  car  quand  elles  finissent  par  la  crainte, 
elles  sont  dangereuses,  sur  tout  celle  de  la  mort  et  de  l'enfer, 
il  faut  donc,  qu'ayant  considéré  la  grandeur  des  peines 
et  reternilé  ,  et  vous  estant  excitée  à  la  crainte  d'icelles  ,  et 
fait  resolution  de  mieux  servir  Dieu,  vous  vous  représentiez 
le  Sauveur  en  Croix ,  et ,  recourant  à  luy  les  bras  estendus , 
-A^ous  l'alliez  embrasser  par  les  pieds,  avec  des  acclamations 
intérieures  pleines  d'espérance  :  O  port  de  mes  espérances! 
ahlvostresanrj  me  garantira  ;  je  suis  vostre,  Seigneur,  et 
vous  me  sauverez  %•  et  retirez-vous  en  cette  affection,  remer- 
ciant nostre  Seigneur  de  son  sang  ,  l'offrant  à  son  Père  pour 
vous  délivrer,  et  le  priant  qu'il  vous  l'applique.  Mais  ne 
îaillez  pas  à  tousjours  finir  par  l'espérance ,  autrement  vous 


C'est  sans  doute  la  Guide  des  pécheurs. 

Tuus  sura  ego,  salvum  nae  lac.  Ps.  GXVillj  84 


200  OPUSCULES 

ne  retireriez  nul  profit  de  telles  méditations  :  et  tenez  cette 
règle  perpétuellement,  que  jamais  vous  ne  devez  linir  vostre 
crayson  qu'avec  confiance;  car  c'est  la  vertu  la  plus  requise 
pour  impetrer  de  Dieu  ,  et  celle  qui  l'honore  le  plus.  Vous 
pourrez  donc  faire  ces  méditations  des  quatre  fins  tous  les 
trois  mois  une  fois,  et  ce  en  quatre  jours. 

Pour  l'ordre  de  prier  la  journée ,  il  me  semble  de  vous 
avoir  assez  eclaircie  en  ce  petit  mémoire  que  je  vous  envoyé. 
Je  vous  le  diray  néanmoins  icy  un  peu  plus  particulièrement. 

Sçachant  que  vous  estes  fort  matineuse,  je  dis  que  le 
matin  ,  estant  levée  ,  vous  devez  faire  vostre  méditation  et 
l'exercice  du  matin,  que  j'ay  appelé  préparation,  à  la  charge 
que  le  tout  ne  durera  au  plus  que  trois  quarts  d'heure  ,  ne 
désirant  pas  que  la  méditation  et  l'exercice  arrivent  à  une 
heure.  Apres  cela  vous  pouvez  disposer  de  vos  affaires  dé  ce 
jour-là ,  jusqu'à  l'Office  s'il  y  a  du  temps. 

A  la  Messe,  je  vous  conseille  plustost  de  dire  vostre  cha- 
pelet qu'aucune  autre  prière  vocale;  et,  le  disant ,  vous  le 
pourrez  rompre  quand  il  faudra  observer  les  points  que  je 
vous  ay  marquez,  à  l'Evangile,  au  Credo,  à  l'Eslevation,  et 
puis  reprendrez  où  vous  aurez  laissé  ;  et  ne  doutez  nulle- 
ment qu'il  n'en  sera  que  mieux  dit  pour  toutes  ces  interrup- 
tions ;  et  si  vous  ne  le  pouvez  achever  à  la  Messe  ,  ce  sera  à 
quelque  heure  du  jour,  et  ne  sera  besoin  que  de  poursuivre 
où  vous  aurez  laissé. 

Au  repas,  j'approuverois  que  vous  observassiez  de  faire 
dire  le  Benedicite,  et  les  grâces  ecclésiastiques  qui  sont  à 
la  fin  du  Bréviaire;  et  cela  vous  pouvez  introduire  au 
niesme  temps  que  vous  introduirez  le  Bréviaire  de  Trente  ^ 
ou  devant,  s'il  vous  semble;  et  petit  à  petit  faire  que  chaque 
dame  le  dise  à  son  tour  ;  car  l'Eglise  ne  l'a  pas  fait  mettre , 
sinon  afin  que  nous  l'observions.  Estant  à  Annecy,  je  l'ob- 
serve tousjours. 

Un  petit  devant  le  souper,  il  vou3  ^«i-oit  fort  utile  dft 

ST.    MIOHAEL'S 
COLLEGE 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  201 

prendre  un  demi-quart  d'heure  de  recueillement  à  remasclier 
la  méditation  du  matin ,  sinon  qu'à  cette  heure-là  l'on  dist 
Complies  au  Monastère. 

Le  soir  avant  que  d'aller  coucher,  j'approuve  que  si  l'é- 
glise n'est  point  esloignée  de  vos  chambres,  ni  trop  incom- 
mode ,  vous  y  alliez  toutes  ensemble  ;  et  qu'y  estant  arrivées 
e*  mises  à  genoux  ,  et  en  la  présence  de  Dieu  ,  la  semainiere 
fasse  l'office  do  l'examen  de  conscience ,  en  cette  sorte  : 
Pater  noster,  et  dire  secrètement  le  reste  ;  Ave  Maria ,  et 
Credo ,  et  à  la  fin  ,  carnis  resurrectionem ,  vitam  œternam. 
Amen.  Puis  toutes  ensemble  le  Confîteor  jusqu'à  meâ  culpâ, 
et  s'arrester  un  demi-quart  d'heure  à  faire  l'examen ,  puis 
achevez  le  meâ  culpâ ,  et  le  reste  ;  Misereatur  et  Indulcjen- 
tiam  :  après  cela  les  litanies  de  nostre  Dame  ;  et  après , 
l'orayson  de  nostre  Dame  ,  ou  celle  qui  est  après ,  Visita , 
quœsumus,  Domine,  habitationem  istam,  et  ce  qui  s'ensuit; 
les  autres  respondent,  Dormiam  et  requiescam.  v.  Benedi- 
camus  Domino,  r.  Deo  gratias.  v.  Requiescant  in  pace.  Et 
dés  cette  heure-là  que  chacune  se  retire  à  sa  cellule  ,  après 
s'estre  entre-saluées  toutes  ensemble. 

Au  demeurant,  ma  chère  Dame,  sur  tout  il  faut  que  vous 
la  première  teniez  un  ordre,  non  seulement  pour  les  OlFices, 
mais  aussi  pour  s'aller  coucher  et  lever  ;  autrement  vous  ne 
pourrez  pas  continuer  en  santé  :  et  cela  s'observe  en  toutes 
assemblées.  Les  veilles  du  ,soir  sont  dangereuses  pour  la 
teste  et  l'estomac.  Je  vous  conseillerois  que  le  disner  ne  fust 
pas  plus  tard  que  dix  heures ,  ny  le  souper  que  six ,  ny  le 
coucher  que  neuf  à  dix  ,  et  le  lever  entre  quatre  et  cinq ,  si 
quelque  complexion  particulière  ne  requière  davantage  de 
temps  pour  dormir,  ou  n'en  puisse  pas  tant  dormir.  Mais  il 
faut  que ,  pour  n'en  pas  tant  dormir,  la  cause  soit  bien  re- 
connue :  car  entre  les  filles ,  il  semble  que  six  heures  soient 
presque  requises;  et  voulant  faire  autrement,  on  demeurera 
sans  vigueur  le  long  de  la  journée-. 


202  OPUSCULES 

Ne  faites  point  l'orayson  mentale  après  le  disner,  si  ce 
n'est  pour  le  moins  quatre  heures  après ,  ny  jamais  après 
souper.  Aux  jours  de  jeusne  on  peut  faire  collation  à  sept 
heures;  et  pour  le  regard  du  jeusne,  pour  vous,  il  suffira 
de  commencer  par  le  Vendredy,  et  vous  en  contenter  pour 
^quelque  temps,  et  mesmement  parce  qu'il  faut  que  vous 
soyez  avec  les  autres,  et  qu'il  ïiiut  les  conduire  petit  à  petit. 

Estant  malade,  ne  faites  pas  d'autre  orayson  que  jacu- 
latoire. Ayez  soin  de  vous ,  obeyssant  soigneusement  au 
médecin ,  et  croyez  que  c'est  une  mortification  agréable  à 
Dieu  ,  et  quand  vos  seurs  le  seront,  soyez  fort  afFectionnée 
à  les  visiter,  secourir,  et  faire  servir  et  consoler.  Mesme  s'il 
y  en  a  de  maladives ,  montrez-leur  une  tendre  compassion , 
les  dispensant  aisément  de  leur  charge  de  l'Olïîce,  selon  que 
vous  jugerez  convenable,  car  cela  les  gagnera  infiniment. 

Pour  le  regard  des  communions  et  confessions ,  je  trouve 
bon  que  ce  soit  tous  les  huit  jours,  et  que  le  soir  du  samedi, 
vous  ajoustiez  au  Visita  l'orayson  du  saint  Sacrement. 

Je  vous  envoyé  un  petit  formulaire  de  Confession ,  que 
j'ay  dressé  exprés  pour  vous.  Je  n'y  mets  pas  tout,  mais 
seulement  ce  que  j'ay  cru  à  propos  pour  vostre  instruction. 
Yous  pourrez  le  communiquer  à  mesdames  Brulart  et  de 
Chantai ,  et  aux  Religieuses  que  vous  verrez  disposées  à  en 
faire  profit.  Je  n'ay  pas  icy  les  livres  qui  en  traitent,  et 
peut-estre  le  disent-ils  mieux  que  nioy  :  mais  il  n'importe; 
si  vous  le  trouvez  ailleurs ,  tant  mieux. 

Quant  à  la  reformation  de  vostre  Maison,  ma  chère  fille  , 
il  faut  que  vous  ayez  un  cœur  grand  ,  et  qui  dure.  Je  vous 
vois  dedans  sans  doute ,  si  Dieu  vous  donne  sa  grâce  et 
quelques  années  de  vie.  Ce  sera  vous  qui  serez  employée  de 
la  divine  Providence  à  cette  sacrée  besogne,  et  sans  beaucoup 
de  peines.  Cela  me  plaist  que  vous  estes  peu  de  tilles.  La 
multitude  engendre  confusion.  Mais  comment  commencerez- 
vous  ?  Yoicy  mes  pensées. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE    SALïïS.  203 

L'exacte  reformation  d'un  Monastère  de  filles  consiste  en 
l'obédience  bien  observée,  la  pauvreté  et  la  chasteté.  Il  vous 
faut  bien  garder  de  donner  ny  peu  ny  prou  aucune  alarme 
de  vouloir  reformer;  car  cela  feroit  que  tous  les  esprits 
chatouilleux  dresseroient  leurs  armes  contre  vous ,  et  se  roi- 
iiroient.  Savez-vous  ce  qu'il  faut  faire?  Il  faut  que  d'elles- 
mesmes  elles  se  reforment  sous  vostre  conduite  ,  et  qu'elles 
se  lient  à  Fobeyssance  et  pauvreté.  jMais  comme  quoy?  Allez 
de  loin  en  loin,  gagnez  ces  jeunes  plantes  qui  sont  là,  et  leur 
inspirez  l'esprit  d'obeyssance  ;  et  pour  ce  faire ,  usez  de  trois 
ou  quatre  artifices. 

Le  premier,  c'est  de  leur  commander  souvent,  mais  des 
choses  fort  petites,  douces  et  légères,  et  ce  devant  les  autres; 
et  puis  là-dessus  les  en  louer  modestement ,  et  les  appeler  à 
Tobeyssance  avec  des  termes  d'amour  :  Ma  chère  seur,  ou 
fille,  et  semblables;  et  plustost  leur  dire  avant  que  de  le 
faire  :  Si  je  vous  prie  de  cecy  ou  de  cela,  le  ferez-vous  pas 
bien  pour  l'amour  de  Dieu  ? 

Le  second  ,  c'est  de  leur  jeter  devant  des  livres  propres  à 
cela ,  et  entre  autres  il  y  en  a  trois  admirables  que  je  vous 
conseille  d'avoir,  et  quelquefois  leur  en  lire  à  part  les  points 
les  plus  sortables.  Ce  sont  Platus ,  Du  bien  de  restât  reli- 
gieux^ lequel  est  imprimé  en  françois  à  Paris  ;  Le  Gei^son 
des  Religieux,  composé  parle  Père  Pinel,  imprimé  à  Lyon  et 
à  Paris  :  La  Désirant ,  ou  Trésor  de  Dévotion,  imprimé  à 
Paris  et  à  Lyon.  Item ,  parler  souvent  de  l'obédience ,  non 
■pas  comme  la  désirant  d'elles ,  mais  comme  désirant  de  la 
rendre  à  quelqu'un.  Par  exemple  :  Mon  Dieu  î  que  les  Ab- 
besses  qui  ont  des  Supérieures  t^ai  leur  commandent,  ou 
bien  des  Supérieurs,  sont  bien  plus  aises  !  elles  ne  craignent 
point  de  faillir,  toutes  leurs  actions  sont  bien  plus  agréables 
à  -Dieu  ;  et  semblables  petites  amorces. 

Le  troisième  ,  c'est  de  commander  si  doucement  et  araia- 
blement,  qu'on  rende  l'obej^ssance  a^^mable;  et,  après  qu'elles 


201  OPUSCULES 

vous  auront  oLey,adjouster  :  Dieu  vous  veuille  recompenser 
de  cette  obeyssance  !  et  ainsi  vous  tenir  fort  humble. 

Le  quatrième,  c'est  de  faire  profession  vous-mesme  de  ne 
vouloir  rien  faire  que  par  l'advis  et  conseil  de  vostre  père 
spirituel ,  auquel  néanmoins  vous  n'attribuerez  nullement 
aucun  tiltre  de  commandement,  ny  à  ce  que  vous  ferez  par 
sa  direction  aucun  tiltre  d'obeyssani"3 ,  de  peur  d'exciter 
«{les  contradictions ,  et  que  les  malins  ne  suscitent  des  ja- 
lousies en  Tesprit  de  ceux  qui  sont  Supérieurs  de  vostre  Mo- 
nastère, car  cela  gasteroit  tout ,  et  je  suis  expérimenté  en  de 
semblables  accidents  ,  pour  les  avoir  vus  arriver  en  France  ^ 
en  des  Monastères  où  il  n'y  a  pas  eu  peu  de  peine  d'apaiser 
ces  orages. 

J'en  dis  de  mesme  de  la  pauvreté  :  il  faut  les  y  conduire 
petit  à  petit;  en  sorte  qu'inspirées  en  cette  douce  façon,  dans 
quelque  temps  toutes  leurs  pensions  soient  mises  ensemble 
en  une  bourse  ,  de  laquelle  on  tirera  tout  ce  qui  sera  néces- 
saire ,  esgalement  et  à  propos ,  selon  la  nécessité  d'une 
chacune,  comme  il  se  fait  en  plusie  irs  Monastères  de  France 
que  je  sçay.  Mais  sur  tout  il  ne  faut  donner  nulle  alarme  de 
tout  cela,  ains  les  y  conduire  par  de  douces  et  souefves  inspi- 
rations, à  quoy  aussi  serviront  les  livres  susdits. 

Quant  à  la  chasteté ,  ii  faut  commencer  ainsi  :  tesmoigner 
vous-mesme  que  vous  n'estes  jamais  si  contente  que  quand 
vous  estes  seule  avec  elles  ;  qu'il  vous  semble  que  c'est  la 
plus  grande  consolation  d'estre  ainsi  en  vostre  conversation 
particulière  entre  vous  autres  seurs;  que  vous  voudriez 
que  chacun  demeurast  en  son  lieu ,  les  mondains  chez  eux , 
et  vous  avec  elles  ;  qu'aussi  bien  les  mondains  ne  viennent 
aux  Monastères  que  pour  en  tirer  ou  pour  faire  des  contes 
çà  et  là  ;  ^t  semblables  petites  inspirations  ;  mais  que  ce  soit 
en  sorte  qv\'il  semble  que  vous  ne  le  dites  que  pour  vostre  par- 
ticulier ;  et  vous  verrez  que  petit  à  petit  elles  seront  bien 
aises  de  retrancher  ks  sorties  au  monde  et  les  entrées  des 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  205 

mondains  :  et  en  fin  un  jour  (il  suffira  bien  si  c'est  après  une 
année,  voire  deux),  vous  ferez  passer  cela  en  coniititution 
et  en  ordre  ;  car  c'est  en  lin  la  gardienne  de  la  chasteté ,  que 
la  closure. 

.le  me  console  de  sçavoir  que  presque  tout  est  de  jeu- 
nesse; car  cet  aage  est  propre  à  recevoir  les  impressions.  Au 
Monastère  de  Montme.:Hre ,  près  Paris ,  les  jeunes ,  avec  leur 
Abbesse  encore  plus  jeune,  ont  fait  la  reformation. 

Quand  vous  rencontrerez  des  difficultez  et  des  contradic- 
tions ,  ne  vous  essayez  pas  de  les  rompre  ;  mais  gauchissez 
dextrement ,  et  pliez  avec  la  douceur  et  le  temps  :  si  touteâ 
ne  se  disposent  pas  ,  ayez  patience,  et  avancez  le  plus  que 
vous  pourrez  avec  les  autres.  Ne  tesmoignez  pas  de  vouloir 
vaincre  ;  excusez  en  Tune  son  incommodité  ,  en  l'autre  son 
aage  ;  et  dites  le  moins  qu'il  vous  sera  possible  que  c'est  faute 
d'obeyssance. 

Mais,  dites-moy  ,  eslimez-vous  peu  ce  que  vous  avez 
desja  fait  pour  rOlFice  ,  pour  le  voile,  et  semblables  choses? 
Seigneur  Jésus!  Nostre  Seigneur  demeura  trois  ans  et 
demy  à  former  le  Collège  de  ses  douze  Apostres ,  encore  y 
avoit-il  un  traistre  et  beaucoup  d'imperfections  quand  il 
mourut.  Il  faut  avoir  un  cœur  de  longue  haleine;  les  grands 
desseins  ne  se  font  qu'à  force  de  patience  et  de  longueur  de 
temps.  Les  choses  qui  croissent  en  un  jour  se  perdent  en  un 
autre.  Couraue  donc  ,  ma  bonne  fille  !  Dieu  sera  avec  vous. 

Ma  fille ,  j'approuve  la  charité  que  vous  voulez  faire  à 
cette  pauvre  créature  égarée  ,  pourvu  qu'elle  revienne  avec 
l'esprit  de  reconaoissancp  et  pénitence  ;  et  si  elle  vient  en 
cette  sorte  ,  elle  trouvera  doux  comme  sucre  et  miel ,  d'estre 
reculée  au  dernier  rang  ,  et  de  ne  point  avoir  part  aux  hon- 
neurs de  la  Maison,  jusqu'à  ce  que  les  vertus  qu'elle  pourra 
faire  paroistre  en  contre-eschange  des  fautes  passées  la  puis- 
sent relever  aux  autres  honneurs,  hors  mis  le  rang  qu'il  est 
bien  raisonnable  qu'elle  pei-dt?  aJ)solument.  En  particulier, 


206  OPUSCULES 

je  suis  bien  d'advis  que  vous  releviez  son  esprit  avec  dou- 
ceur, et  que  vous  invitiez  toutes  les  Dames  à  en  f:dre  de 
mesme,  car  l'Apostre  dit  tout  net  que  les  plus  spirituels 
doivent  relever  les  def cillants,  en  esprit  de  douceur,  quand 
Hz  viennent  en  esprit  de  pénitence  *.  Ainsi  faut-il  mesler  la 
justice  avec  la  bonté ,  à  la  façon  de  nostre  bon  Dieu ,  afin 
que  la  charité  soit  exercée,  et  la  discipline  observée. 

Je  trouverois  bon  que  l'exercice  de  l'examen  ne  se  fîst 
qu'une  grosse  demy- heure  ou  trois  quarts  d'heure  après 
souper,  et  que  pendant  les  trois  quarts  d'heure  on  fîst  un 
peu  de  récréation  à  deviser  honnestement ,  voire  à  chanter 
des  chansons  spirituelles,  au  moins  pour  ce  commencement. 

Vos  jeunes  filles  doivent  estre  communiées  pour  le  plus 
tard  à  onze  ans ,  présupposant  qu'elles  ayent  la  connois- 
sance  qu'ordinairement  l'on  a  en  ce  temps-là.  Et  la  première 
fois  qu'elles  communient ,  il  est  bon  de  prendre  vous-mesme 
la  peine  de  les  bien  instruire  de  la  révérence  qu'elles  y 
doivent  porter,  et  de  leur  faire  marquer  le  jour  et  l'an  en 
leur  Bréviaire,  pour  en  remercier  Dieu  toutes  les  années 
suivantes. 

Yoilà ,  ce  me  semble,  que  je  vous  ay  repondu  à  tout  ce 
que  vous  me  demandiez,  Madame  ma  chère  seur.  Il  me 
reste  à  vous  dire  que  sans  cérémonie  je  suis  extresmement 
vostre,  et  à  toute  vostre  Abbaye,  où  j'espère  voir  un  jour 
fleurir  de  toutes  parts  la  sainte  dévotion;  en  ce  que  je 
pourray,  je  contribueray,  et  ce  que  Dieu  me  donnera  d'es- 
prit ,  et  mes  foibles  nrieres.  Je  ne  manque  jamais  de  vous 
loger  amplement  en  la  mémoire  de  la  sainte  Messe  ;  et  croyez 
que  si  vous  vous  desirez  prés  de  moy,  je  me  désire  bien  aussi 
prés  de  vous.  Mais  nous  sommes  assez  prés  ,  puis  que  Dieu 
nous  joint  au  désir  de  le  servir/ Demeurons  en  Dieu,  et  nous 

*  Fratres,  et  si  prœoccupatus  fuerit  homo  in  aliquo  delicto,  vos,  qui  spk- 
ritualesestis,  hujusmodi  instruite  in  spiritu  lenitatis^,  considerans  teipsum^ 
ne.et  tu  tenteris.  Gahj,  YXj^l* 


DE   S.    FRANÇOIS   LE   SALES.  20T/. 

gérons  ensemble.  Je  le  prie  de  tout  mon  cœur  qu'il  vous  for- 
tifie de  plus  en  plus  en  son  amour,  avec  toutes  mesdames 
vos  Religieuses,  que  je  salue,  et  prie  de  ne  me  jioint  oublier 
en  leurs  oraysons,  mais  de  me  donner  quelques-uns  des 
souspirs  de  dévotion  qu'elles  jettent  au  Ciel,  oii  est  leur 
espérance.  Amen. 


208  OPUSCULES 


XXXVII. 

STATUTS  SYNODAUX 

Publiés  par  saint  François  DE  SALES  dans  le  synode  de  l'année  1605,  le  mer- 
credi de  la  seconde  semaine  d'après  Pâques,  28e  jour  du  mois  d'avril. 
(Auguste  de  Sales,  liv.  VI,  pag.  AOO.) 

La  négligence  que  la  plu  spart  des  Ecclésiastiques  sousmis 
à  nostre  charge  a  monstrée  à  robservation  de  nos  premières 
ordonnances ,  et  la  nécessité  que  nous  avons  cognu  estre  au 
commencement  de  nostre  visite  générale ,  à  fin  d^obvier  aux 
contentions  et  disputes  qui  pourroyent  arriver  entre  les 
Curez  '»t  les  parroissiens,  nous  ont  poussé  à  faire  ces  Consti- 
tutions. 

Premièrement ,  nous  avons  ordonné  que  les  Constitutions 
par  nous  faictes  au  Synode  du  second  d'octobre,  l'an  mille  six 
cens  et  trois,  seront  derechef  publiées,  mesmes  en  ce  qui  est 
des  taverne^ et  cabarets,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit, 
i^our  estre  observées  avec  les  présentes. 

Que  tous  possedans  des  bénéfices  ayans  charge  d'ames 

Negligentia  qimm  ex  ecclesiasticis  nobis  subditis,  in  observandisiis 
qucG  nuper  statueramus^  nonnulli .  imô  plurimi  ostenderunt^  et  néces- 
sitas quam  esse  cognovlmus  ut  initio  visitationis  nostrge,  scilicet 
controversiis  qua^  inler  curiones  et  parœcianos  nasci  possent  cave- 
œmusj  ad  lerenda  hœc  statuta  compulerunt. 

De  renovatione  priorum  statutorum. 

Primo  igitur  slatuimus  constitiitiones  synodi  anni  millesimi  sexcen- 
tesimi  tertii,  prœserlim  vcrô  in  iis  quœ  ad  cauponas  et  œnopolia 
speclant^  ut  cum  his  accuratè  observontur^  iterùm  esse  promulgandas. 

De  residentiâ. 

Universos  et  singuios  quicumque  bcnclicia  curam  animaruin  ha- 


DE   S.    FRA^X01S   DE   SALES.  209 

» 

ayent  -à  résider  en  personne  dans  six  semaines,  à  peine  d'ex- 
communication ,  s'ils  ne  sont  deuëment  dispensez  ;  dequoy 
ils  seront  tenus  de  faire  apparoir  par  devant  nous ,  ou  par 
devant  nostre  Vicaire  gênerai,  dans  le  mesme  temps;  et  à  fin 
que  les  possesseurs  de  ces  bénéfices  ne  pretepdent  cause 
d'ignorance  \\  est  enjoinct  à  leurs  Vicaires  de  les  en  ad  ver  tir, 
et  leur  notifier  la  présente  Ordonnance ,  de  bouche  ou  par 
escrit ,  et  de  r'apporter  dans  le  mois  à  nostre  vicaire  gênerai 
un  acte  par  lequel  il  apparoisse  de  leur  diligence ,  à  peine 
contre  chaque  défaillant  de  cinquante  livres. 

Il  est  inhibé  à  tous  Ecclésiastiques  de  n'exorcizer  par  cy 
après,  sinon  qu'ils  soyent  de  nouveau  admis  par  Nous  ou  par 
nostre  Vicaire  ;  et  l'admission  sera  donnée  par  escrit  à  ceux 
qui  seront  treuvez  capables  d'exercer  telle  charge  :  ausquels 
nous  deffendons ,  à  peine  d'excommunication ,  d'exorcizer 
sinon  dans  les  églises ,  et  de  tenir  les  possédez  dans  leurs 
maisons,  sur  tout  les  femmes  et  filles,  et  de  faire  des  voyages 


bentia  possident ,  sub  excommunicationis  pœnâ,  intra  sex  hebdo- 
madas  personaliter  residere  debere^  nisi  légitimé  cum  illis  dispen- 
satum  sit^  quod  vel  nobis  ^  vel  vicario  nosiro  generali  intra  idem 
tempus  constare  debeat.  Et  ne  eorum  beneliciorum  pcssessores 
ignorantise  causam  prœtendant,  prœcipimus  eorum  vicariis  uti  eos 
certiores  reddant^  hocque  statutum  eis  sive  verbo  sive  scripto  de- 
nuntient,  necnon  utintrAmensemad  \icarium  nostrum  suse  diligentiee 
testimonium  référant,  sub  pœnâ  quinquaginta  librarum  adversùs 
unumquemque  delinquentem. 

De  Exorcisiis. 

Cùm  multos  intellexenmus  committi  ab  exorcistis  abusas,  prohi- 
bemus  omnibus  ecclesiasticis  ne  deinceps  exorcizent,  nisi  vel  à  nobis 
vel  à  vicario  nostro  rursiàm  admittanturj  etadmissioquidem  in  scrip- 
tis  dabitur  iis  qui  ad  id  muneris  idonei  censebuntur.  lis  autem  sub 
excommunationis  pœnâ  prohibemus  ne  extra  ecclesias  exorcizent,  ne 
possessos  suis  in  domibus  sive  curioniis  retineant^  prœsertim  si  iriu- 
VI.  14 


210  OI'USC.Uf.ES 

cl  pèlerinages  avec  elles,  à  peine  «le  vingt  cinq  livres,  et 
autre  arbitraire. 

Il  ne  sera  loisible  à  aucuns  Religieux ,  de  quel  Ordre 
qu'ils  soyent ,  de  prescher  riere  nostre  Diocèse ,  s'ils  n'ont  la 
permission  par  escrit  de  nous  ou  de  nostre  Vicaire  ;  laquelle 
ils  seront  tenus  de  monstrer  aux  Curez  des  lieux  où  ils  vou- 
dront prescher,  et  de  les  en  ad  ver  tir  avant  qu'ils  commencent 
leurs  grandes  Messes ,  à  fin  qu'ils  ayent  loisir  d'en  advertir 
les  parroissiens  pour  y  assister. 

Tous  les  parroissiens  seront  tenus  de  se  confesser  à  Pas- 
ques  vers  leurs  Curez ,  ou  autres  qui  auront  pouvoir  d'ouyr 
les  Confessions  ;  et,  pour  la  saincte  Communion,  seront  tenus 
de  la  prendre  en  leur  parroisse  de  la  main  de  leurs  Curez  , 
ou  autres  par  eux  députez.  Que  s'il  s'en  treuvoit  quelques 
uns  qui  ne  voulussent  pas  se  communier  de  la  main  de  leurs 
Curez ,  ils  seront  tenus  de  les  en  advertir ,  et  de  leur  deman- 
der licence  d'aller  ailleurs  ;  laquelle  leur  sera  donnée  par  le 
Curé,  sans  s'informer  autrement  de  l'occasion;  et  les  mesmes 


lieres  sint,  et  ne  cum  illis  peregrinationes  ineant,  sub  pœnâ  vigintt 
quinque  librarum,  et  alterius  arbitrariâ  contra  delinquentes. 

De  Concionatoribus. 

Nemini  religioso,  cujuscumque  tandem-  ordinis^  licitum  sit  in 
diweesi  nostrà  concionem  habere,  nisi  facultatcm  in  scriptis  habeat 
tel  à  nobis,  vel  à  vicario  nostro,  quam  cunon»bus  exhibere  tenebitar 
abicoDcionari  volet ^  itemqire  eos  admonere,  inteq'  àm  ad  magnam 
missam  accingantur,  ut  parœcianos suos  queant  hâc  de're  common»- 

facere. 

ne  Confessione  et  Communione  paschali. 

Tenebuntur  parœciani  omnes  paschali  tempore  apud  curiones  suos 
aut  alios  ab  eis  potestatem  habentes  confiteri,  itemque  in  parœciali 
ecclesiâ  eorum  manibus  seu  ab  eis  constitutorum  communicare.  SL 
tamen  essent  aiiqui  qui  nollent  eorum  communicare  manibus ,  tene- 
buntur ii  admonere  et  aliô  eundi  faeultatem  petere,  quam  quidem 
iacultatem  eo  ipso  curiones  dabunt^  et  çarœciani  intra  dies  octo  pos^ 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  21  i 

parroissiens  r'apporteront  attestation  dans  huict  jours  après 
Pasques  du  Prestre  qui  les  aura  communiez,  à  peine  d'estxe 
tenus  pour  hérétiques. 

Pour  ce  qui  est  de  ceux  qui  freauentent  parmy  les  terres 
<îes  hérétiques  voisins  de  nostre  Diocèse ,  ou  bien  qui  sont 
«ontraincts  d'y  demeurer  pour  gaigner  leur  vie,  nous  avcris 
donné  pouvoir  à  tous  Curez  et  autres  qui  ont  permission  de 
confesser  de  les  ouyr  en  Confession ,  et  absoudre  de  n'avoir 
pas  célébré  les  festes  commandées  par  nostre  mère  la  saincte 
Eglise,  de  n'avoir  pas  jeusné  les  jours  de  Yigiles,  de  quatre 
Temps  et  de  Caresme,  comm'aussi  d'avoir  mangé  de  la  chair 
-ces  mesmes  jours ,  exceptez  les  vendredis  et  samedys  ;  et  pa- 
reillement d'avoir  esté  aux  presches  des  ministres ,  pourveu 
qu'ils  n'ayent  pas  pris  la  Cène. 

Pour  éviter  plusieurs  diiferens  et  disputes  qui  arrivent 
entre  les  Curez  et  les  parroissiens  de  nostre  Diocèse  à  l'occa- 
sion du  linceul  qui  se  met  sur  les  deffuncts  nous  avons 
ordonné  qu'il  sera  au  chois  des  heiiliers  du  deffunct,  ou 
autres  qui  auront    charge  des  funérailles,   de  laisser  ce 

Pascha testimonium  ab  eo  sacerdote réfèrent,  cujus manibus  cociaiu- 
micaverint,  alioquin  censebuntur  ut  haerelici. 

De  iis  qui  cum  hœreticis  mauere  coguntur 

Quod  ad  eos  qui  in  hecreticornm  regionibus  diœcesi  nostrae  fini- 
timis  versantur,  vel  qui  ut  habeant  quô  vivant  cue)  Us  coguntur  habi- 
tare,  facultatem  facimus  omnibus  curionibus,  et  aliis  rite  admissis, 
*»ios  confitentes  audiendi  et  absolvendi,  quôd  statutos  Ecclesise festos 
ûies  non  celebraverint^  vigiliis^  quatuor  temporib as,  et  quadragesimâ 
non  jejuïiaverint,  aut  quôd  diebus  illis  (exceptits  veneris  et  sabbati) 
carnes  comederint,  sicut  etiam  quôd  ministrorura  concionibus  inter- 
fiierint,  dummodô  cœnara  non  sumpserint. 

î>e  Syndone  defunctorum. 

Ad  vitandas  altercationes  quae  soient  inter  curiones  et  parœciano» 
esse  pro  syndone  defunciorum,  statuimus  iuturum  deinceps  ad  haa* 
cedum^  vel  aliorum  Ëxeqularuxn  cujcam  hiibealium  arbitj:ium  uti 


212  OPUSCULES 

linceul  au  sieur  Curé ,  ou  de  le  reprendre  en  luy  payant  six 
florins ,  et ,  pour  le  couvrechef  ou  toilette  qui  se  met  sur  les 
petits  enfans,  deux  florins. 

Sur  les  plaintes  qui  nous  ont  esté  faictes  que  plusieurs 
Curez  retiennent  le  luminaire  aue  l'on  porte  aux  funérailles 
et  obsèques  le  jour  ae  l'enterrement,  sans  en  vouloir  fournir 
pour  les  Mccses  qn?  se  disent  le  lendemain,  mais  en  deman- 
dent d'autre,  nous  avons  ordonné  que  les  Curez  seront  tenus 
de  représenter  le  luminaire  le  lendemain  et  pendant  les  trois 
jours  que  l'on  a  accoustumé  de  faire  prier  pour  les  defFuncts^ 
si  tant  est  que  ce  luminaire  puisse  suffire  ;  passé  lesquels 
trois  jours,  ce  qui  restera  appartiendra  aux  Curez  :  et  adve- 
nant que  l'on  ne  fasse  pas  dire  les  Messes  le  lendemain ,  ils 
ne  seront  nullement  tenus  de  représenter  le  luminaire. 

Parce  qu'en  plusieurs  Eglises  de  nostre  Diocèse,  les  Curez 
sont  priez  de  fournir  le  luminaire  des  sépultures,  et,  quand 
il  vient  au  payement,  sont  contraincts  bien  souvent  d'en 
tomber  en  procez  avec  leurs  parroissiens;  desirans  d'y  obvier, 
'«ou s  avons  ordonné  que  les  Curez  fournissans  le  luminaire 


syndonem  curioni  relinquant,  vel  référant  persolvendo  ei  sex  flore- 
nos^  et  pro  nciniolo  puerorum,  duos  florenos. 

De  Luminaribus  in  Exequiis. 

Super  querimoniis  ad  nos  relatis,  quod  multi  curiones  luminaria 
quai  in  exequiis  die  sepulturœ  deferuntur^  retineant,  nec  velint  ad 
missas  quœ  die  postera  celebrantur^  prœbere,  sed  alia  pétant^  statui- 
mus  ut  curiones  teneantur  luminaria  die  poster;!  reprœsentare,  et 
diebus  tribus  quibus  consuetum  est  preces  pro  defunctis  fundere,  si 
luminaria  illa  sufficiant  -  quibus  verô  tribus  diebus  prœteritis,  quod 
ex  iis  luminaribus  residuum  erit,  spcctabit  ad  curiones  :  et  si  missae 
die  crastinâ  non  celebrentur^  tune  curiones  luminaria  reprœsentare 
minime  teneantur.  Et  quandoquidem  in  multis  diœcesis  nostraî  eccle- 
siis  rogantur  curiones  uti  prœbere  dignentur  luminaria,  et  cùm  ad 
debiti  numerationem  venitur,  plerumquè  intentare  suis  cum  parœ- 
cianis  lites  coguntur;  ut  iis  occummu^^  ëtatuimus  pQnder^nda  ^m 


DE    S.    FRANÇOIS   RE    SALES.  213 

le  pèseront,  en  présence  de  ceux  qui  le  leur  feront  fournir, 
avant  que  de  le  donner,  comm'aussi  quand  ils  le  repren- 
dront ,  et  leur  sera  payé  de  la  cire  qui  se  treuvera  usée  à 
raison  de  cinq  florins  pour  livre  du  poids  d'Anicy;  et  à  mesme 
prix  leur  sera  payé  le  luminaire  qu'on  leur  fera  fournir  tout 
le  long  de  l'année. 

iVyant  recogneu  qu'il  y  a  plusieurs  chappelles  de  peu  de 
revenu,  et  chargées  par  la  fondation  de  grand  service,  auquel 
les  Recteurs  ne  peuvent  pas  satisfaire,  aou s  avons  ordonné 
que  le  Recteur  d'une  chappelle  qui  n'aura  (pour  exemple) 
que  dix  florins  de  revenu,  ne  sera  obligé  de  dire  que  vingt 
Messes  par  an ,  à  raison  de  six  sdIs  pour  Messe ,  et  ainsi  des 
aul;;'es;  n'entendant  pas  toutesfois  d'obliger  ceux  qui  pos- 
sèdent des  chappelles  de  bon  revenu  à  plus  de  service  qu'elles 
ne  se  treuvent  chargées  par  leur  fondation. 

Nous  commandons  à  tous  Ecclésiastiques  demeurans  riere 
nostre  Diocèse  de  faire  par  cy  après  célébrer  la  feste  de 
sainct  Pierre  aux  liens,  avec  son  octave,  comme  estant  le 


lurninaria  coram  lis  à  quibus  praebere  rogabuntur^  antequàm  remit- 
tant,  sicut  etiam  cùm  reddentur;  et  pro  insumptâ  cerâ  solvendos 
esse  ad  unamquamque  libram  ponderîs  Aniciensis  quinque  florenos, 
eodemque  pretio  solvenda  lurninaria  quœ  anni  decursu  prœbuerint. 

De  Sacellis. 

Cùm  noverimus  multa  esse  sacella  exigui  reditùs,  et  multis  one- 
rata  officiis  quibus  rectores  satisfacere  uequeunt,  statuimus  ut  rector 
«acefli,  qui^  Aeinpli  gratiâ,  decem  tantùm  florenos  annui  reditùs 
percipiet,  ad  vigenti  tantùm  missas  in  anno  obligetur,  ratione  sex 
assium  pro  missâ ,  et  sic  de  cœteris;  non  intelligentes  tamen  eos  qui 
opimi  reditùs  sacella  possident,  ad  amplius  et  majus  officium  quàm 
ex  fundatione  teneantur,  obiigare. 

De  Festo  sancti  Pétri  ad  Vincula,  et  Dedicationis. 

Imperamus  et  prœcipimus  omnibus  ecclesiasticis  diœcesim  nos- 
tram  incolentibus  uti  deinceps  lestum  sancti  Pétri  ad  Vincula  cum 


214  OPUSCULES 

patron  âe  nostre  Eglise  cathédrale;  comme  aussi  le  jour  «le- 
la  Dédicace  d'icelle,  qui  est  le  huictiesme  d'octobre. 

Nous  estant  venu  à  notice  que  plusieurs  Curez  et  autri^ 
possedans  des  bénéfices  riere  nostre  Diocèse  intentent  des 
procès  contre  leurs  parroissiens,  quelquesfois  plustost  par 
animosité  que  pour  zèle  qu'ils  ayent  de  maintenir  les  biens 
ide  leurs  Eglises  et  bénéfices,  et  lesquels  il  seroit  facile  d'ap- 
pointer au  commencement  ;  nous  avons  defFendu  à  tous  Curez 
et  autres  bénéficiez  d'intenter  par  cy  après  des  procès  avec 
leurs  parroissiens  qu'au  preallable  ils  n'en  ayent  conféré 
avec  leur  surveillant,  lequel,  ayant  entendu  les  parties^ 
taschera  de  les  mettre  d'accord  :  que  s'il  voit  le  tort  estre  du 
coslé  des  parroissiens,  et  qu'ils  ne  veuillent  pas  se  mettre  k 
3a  raison,  il  sera  permis  aux  Curez  de  poursuivre  leur  droict 
par  justice. 

Sur  la  remonstrance  qui  nous  a  esté  faicte  par  nostre  Pro- 
cureur fiscal,  que,  bien  que  toutes  aliénations  des  biens 
d'Eglise  soyent  delFenduës  de  droict;  sinon  qu'elles  soyent 

^  '  ■!  I     I      I       1^— ^^^— ^.^^  M^— B^— ^—^111         MMIII      I       I  ,  lll—— ■     Il  .11  .1    1,1    ■    MM.I    ■■      I       1^.1     I  ■  Il  I      ,         n^...    -■— I     .    .         ■  I    ■  .    .1.    ,    il 

octavâ^  tanquam  patroni  ecclesiaî  nostrse  cathedralis  _,  itemque  dieni: 
dedicationis  ejusdem,  quai  est  octavâ  octobris,,  célèbrent. 

De  Litibus  inter  Parochos  et  Parochianos  componendis. 

Cùm  ad  aures  nostras  pervenerit  cunonu'i  ^^  aliorum  bénéficia: 
possidentium  plurimos  lites  adversùs  parœcicinos  suos  inlendere^ 
plerumque  ex  contentione  potiùs  et  œmulatione,  quàm  studio  suarum 
ecclesiarum  bona  tuendi,  quas  facile  esset  initio  comuonerc;  prohi- 
fcemus  idcircô  curionibus  omnibus,  et  aliis  quibuscumque  ecclesias- 
licis,  ne  quid  simile  intendant,  vel  suos  parœcianos  in  jus  arcessant, 
^uin  priùs  cum  supervigrli  contulerint,  qui,  audilis  partibus,  ren» 
componere  conr  /)itur  .  si  tamen  parœcianos  viderit  esse  injurios,  nec 
Telle  ad  œquuiii  rectumque  intelligere,  tune  curionibus  jus  suur» 
prosequendi  facultas  dabitur. 

De  alienatione  bouorum  ecclesiasticorura. 

Super  expositione  nobis  à  procuralore  liscali  nostro  factâ,  quod 
Jicet  ex  jure  ipso  oranes  bonorum  ecclesiaslicorum  alien«itiones,  nis|^ 


DE    S.    FRANÇOIS    mr    SALES.  'îîS 

évidemment  au  proffif  -t  utilité  d'icelle,  auquel  cas  faut-il 
avoir  encore  la  permission  des  Supérieurs,  plusieurs  béné- 
ficiez, tant  Curez,  Recteurs  des  chappelles,  qu'autres,  sans 
nostre  sçeu  et  consentement,  ou  de  nostre  Vicaire  gênerai, 
vendent,  eschangent  et  aliènent  les  fonds  de  leur  bénéfice; 
ce  qui  donne  occasion  à  beaucoup  de  procès  :  ausquels  desi- 
rans  obvier,  nous  avons  déclaré  nuls  tons  les  contrats  d'alié- 
nation et  escli.âjge  des  biens  ecclésiastiques  faicts  et  qui  se 
feront  par  cy  après  sans  nostre  sçeu,  ou  de  nostre  Vicaire; 
enjoignant  aux  possesseurs  des  bénéfices  de  remettre  dans  six 
mois  ce  qui  se  ireuvera  aliéné  de  la  façon ,  à  peine  de  cin- 
quante livres;  avec  inhibitions  à  tous  bénéficiez  de  n'aliéner 
les  biens  dependans  de  leurs  bénéfices  sans  nostre  permis- 
sion,  à  peine  de  cent  livres  ;  commandant  aux  surveillans 
d'y  tenir  la  main  chacun  riere  sa  surveillance,  et  d'advertir 
nostre  Procureur  fiscal  de  ceux  qui  contreviendront,  pour  y 
estre  par  après  pourveu  amsi  que  de  raison. 


in  evidentem  Ecclesiae  utilitatem  cédant  (quo  casu  etiam  superiorum 
licentia  necessaria  est),  prohibitœ  sint,  niliilominùs  ecclesiastici 
multi  tùm  curiones  cùm  sacellorum  rectores,  nobis  vel  vicario  nostrô 
insciis^beneficiorum  suorum  fundos  vendant,  permutant,  aliénant, 
quodmultarum  deindèlitium  materiam  praebet.  Ut  iis  malis  occurra- 
inus,omnes  contractas  alienationis  aut  permutationis  eorum  bonorum 
factcs,  aut  qui  deinceps  nobis  aut  vicario  nostro  insciis  fient,  irrites 
et  nulles  declaramus.  Beneficiatis  ne  quid  simile  committant  ^  SJ^tb 
pœnâ  centuiu  librarum  inhibantes,  et,  si  commiserint,  prœcipientes 
ut  intra  sex  menses  omnia  in  pristinum  statum  restituant.  Mandantes 
proptereâ  supervigilibus  ut  seriô  in  eam  rem  advertant,  adiuoneant- 
que  procuratorem  nostrum  fiscalem,  quotiescumque  aliquem  peo- 
cati  in  nostrum  hoc  statutum  reum  cognoverint. 


216  OPUSCULES 


XXXVIII. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS   DE  SALES 

A  SA  SAINTETÉ  LE  PAPE  PAUL  V. 

Félicitalion  sur  sa  promotion  au  Souverain  Pontificat. 

Annecy,  le  16  juillet  1605. 
Très-saint  Père , 

Quoique  je  ne  cède  en  rien  à  qui  que  ce  soit  dans  Fobéis- 
sance ,  la  fidélité  et  le  respect  qui  sont  dus  à  votre  Sainteté, 
cependant,  pour  ce  qui  regarde  les  mérites ,  ma  personne  a 
si  peu  de  relief,  qu'étant  mise  en  parallèle  avec  les  autres,  elle 
s'évanouit  et  disparoît.  C'est  ce  qui  fait  que  je  n'ai  pas  cru 
pouvoir  me  mêler  parmy  la  multitude  de  ces  grands  person- 
nages qui,  à  l'entrée  de  votre  pontificat,  se  sont  empressés 
d'aller  se  jetter  aux  pieds  de  votre  Sainteté,  pour  lui  renare 
leurs  devoirs. 

Mais  maintenant ,  très-saint  Père ,  que  toute  cette  foule 

*  C'est  la  6*  du  livre  P'  des  anciennes  éditions,  et  la  79»  de  la  collection 
Biaise. 


Ostendit  quantis  nominibus  Paulo  V,  ad  pontificatura  recens  erecto ,  gratulan 
teneatur.  Diœcesim  Gebennensem  nobilium  ejus  curarum  partem  cupit  non 
'  esse  postremam. 

Beatissime  Pater, 

In  lantâ  salut  an  tium  contentione,  qui,  hoc  pontificatûs  initie  ad 
pedes  Sanctitatis  tuée  venerabundi  accesserunt,  nor  «kbuî,  credo, 
meam  ingerere  tenuitatem,  quse  etsi  obedientiâ,  fide  ac  pietateerga 
beatitudinem  tuam  nuUi  inferior  est ,  meritis  tamen  adeô  depressa 
jacet,  ut  vix  in  comparatione  conspici  ac  notari  potuisset. 

Sed  nùuc,  beatissime  Pater^  cùm  majorum  omnium  ardor  expletus 


DE   S.     FRANÇOIS    DE    SALES.  217 

est  passée  ,  et  que  le  zèle  des  grands  s'est  satisfait ,  je  pense 
que  jp  ne  puis  me  taire  avec  honneur,  ni  me  dispenser  rai- 
sonnablement de  témoigner  la  joie  dont  la  nouvelle  de  votre 
élection  m'a  comblé  avec  tout  mon  diocèse. 

Je  dois  cette  déférence  au  Saint-Siège  apostolique  en  le 
congratulant  du  choix  qu'il  a  fait  d'un  si  grand  pape  ,  et  à 
vous,  très-saint  Père,  qui  illustrez  la  chaire  de  vos  prédé- 
cesseurs. Je  la  dois  aux  fidèles,  tant  àe  la  ville  de  Rome  que 
de  tout  l'univers,  qui  sont  embaumés  de  l'odeur  de  vos 
vertus  ;  je  la  dois  en  particulier  à  cette  province ,  qui ,  battue 
de  toutes  parts ,  et  presque  brisée  des  Ilots  et  des  orages 
excités  par  les  hérétiques ,  a  conçu  de  grandes  espérances  de 
votre  sagesse  et  de  votre  charité. 

Enfin  ,  très-saint  Père  ,  je  dois  me  féliciter  moi-même , 
ayant  déjà  éprouvé  les  effets  merveilleux  de  votre  bonté , 
lorsque  vous  n'étiez  encore  que  cardinal,  mais  déjà  si  proche 
du  souverain  pontificat,  et  que  je  n'étois  que  prévôt  de  cette 
Eglise.  Car  vous  m'aidâtes  puissamment  auprès  du  saint  Père 
votre  prédécesseur  pour  faire  réussir  ma  négociation  tou- 
chant la  réédification  des  églises  tombées  en  ruine  et  démo» 

deferbuit,  non  rectè  faciam,  si  lacuero,  et  noluero  nuntiare  quàm 
boni  nuntii  dies  assumplionis  tuœ  fuerit ,  et  me  totamque  hanc  diœce- 
fiim  maximâ  perfuderit  lœtitiâ. 

Debeo  namque  hoc  gaudii  teslimonium  cathedrae  apostolicœ,  oui 
4e  tanti  porxiilicis  sessioue  congratulor  :  debeo  et  tibi  Pontifici 
maximo,  qui  'antam  cathedrani  exurnas  :  debeo  urbis  et  orbis  lid*- 
libus  universis  ,  qui  suavissimo  virlutum  tuarurn  odoie  rccreantur; 
debeo  huic  provincia;,  quai,  uudique  fluctibus  ac  jactalionibus 
hccrclicorum  quassata  propemodùin  ac  ccnlrita,  plurimaui  spem  ex 
perspectâ  tua  providentià  concepii. 

Debeo  et  mihi,  qui  mirilicam  illam  tuam  benignil;>'eui  janipridem 
«uni  expertus,  dùm  tu,  beatissime  Pater,  in  ultimu  /"/u  et  ad  ponti- 
licatum  proximo  cardinalatùs  gradu  tantisper  haereres,  et  ego  huic 
Kcclesiaî  prœpositus  negotium  de  ecclesiis,  hœreticoruiri  longissimà 
cccupaùone  dirutis,  catholicorum  iimi  "estituendis,  apud  sanctam 


2i8  OPUSCULES 

lies  par  los  hérétiques,  et  pour  faire  i^emettie  les  catholiques- 
en  possession  de  ces  saints  lieux  si  long-temps  occupés  par 
ces  ennemis  de  la  religion. 

Ce  fut  alors  que  j'annonçai  à  sa  Sainteté  Theureuse  nou- 
velle de  la  conversion  de  plusieurs  milliers  de  personnes.  Si 
j'eus  le  bonheur,  tr*^,s-saint  Père ,  de  vous  trouver  si  Iavo- 
rable  dans  un  temps  oii  je  pouvois  vous  être  plus  iiuliîiô- 
rent,  parce  que  vous  n'étiez  que  cardinal,  n'ai-je  pas  lieu 
d'attendre  les  meilleurs  traitements  de  votre  Sainteté,  dep:ns 
que  vous  êtes  devenu  le  père  commun  des  fidèles  et  le  pre- 
mier de  tous  les  pontifes. 

Le  cœur,  cette  partie  si  noble  du  corps  humain ,  a  cou- 
tume de  départir  avec  plus  d'abondance  ses  esprits  vitaux  à 
celles  qui  lui  sont  les  plus  intimes;  et  le  soleil  darde  ses 
xayons  avec  plus  de  force ,  et  répand  sa  lumière  avec  plus 
de  profusion ,  à  proportion  qu'il  s'élève  et  qu'il  domine  da- 
vantage sur  notre  horizon. 

C'est  ce  que  nous  voyons  arriver  en  vous,  très-saint  Père  ; 
Vous  êtes  le  cœur  et  le  soleil  de  tout  l'état  ecclésiastique; 
t'est  pourquoi  nous  ne  pouvons  douter  qu'outre  le  soin  que 
vous  prenez  de  toutes  les  Eglises  en  général ,  vous  ne  vous 
appliquiez  particulièrement  à  affermir  le  bien  qui  a  été  com- 
mencé dans  ce  diocèse ,  qui  est  le  plus  exposé  de  tous  aux 


fieden:  zractarem .  nuntiumque  gratissimum  deferrem  de  muUis  lio- 
minum  miUibus  ad  Christi  caulas  iiuperrimè  reductis;  ut  me  nùnc 
propitium  habiturum  pontificem  et  patrem  sperare  par  sit ,  quem 
tam  beneficum  jam  indè  nactus  sum  cardinalem. 

Et  sanè  cor,  humani  corporis  princeps,  in  affectas  partes  majore 
iiuorum  vitahum  spiritum  fluxu  beneficentiam  suam  derivare  solet. 
SOi  cuoque  eô  abundaiitiùs  ac  pressiùs  radios  suos  elîundit  in  hocc 
aosira  intinora,  quô  altius  horizonti  insidet  ac  dominatur. 

Tu  autem,  beatissime  Pater^  cor  es  et  sol  totius  ministerii  ecclc- 
fiastici  :  non  dubium  igiturquin,  prœter  omnium  Ecclesiarnm  sollici- 
Kidinem,  singularem  providentiam  buic  Uiopcesi  instauranda3  atliii— 


DE   S     FRANÇOIS   DE   SALES.  21^ 

persécutions  des  hérétiques  ;  et  qu'il  ne  se  ressente  d'autant 
plus  de  vos  bienfaits ,  que  vous  êtes  plus  élevé  au-dessus  de 
nous. 

Car  Jésus-Christ  même ,  le  prince  des  évêques ,  que  vous 
représentez  sur  la  terre ,  répand  une  surabondance  de  orâce 
où  le  péché avoit  abondé^.  C'est  pour  cela,  très-saint  x'ere, 
que  je  révère  avec  tant  d<^  joie  le  souverain  degré  de  la  di- 
gnité apostolique  dont  votre  Sainteté  est  revêtue,  et  que,  les 
yeux  baissés  vers  la  terre  ,  je  me  prosterne  humblement  à 
ses  pieds  pour  les  baiser  ;  et  s'il  falloit  vous  ériger  un  trône 
des  vêtements  de  vos  inférieurs,  comme  l'Ecriture  nous 
l'apprend  du  premier  trône  de  Jéhu  ^ ,  je  volerois  sur-le- 
champ,  j'étendrois  mes  habits  sous  vos  pieds,  je  sonnerois 
de  la  trompette,  et  je  crierois  de  toutes  mes  forces  :  Règne 
Paul  cinquième  !  vive  le  souverain  Pontife  que  le  Seigneur 
a  oint  sur  l'Israël  de  Dieu  !  ayant  l'honneur  d'être  avec  le 
plus  profond  respect ,  etc. 

1  Rom.,  V,  20.  —  s  IV.  Reg.,  IX,  13. 

beas^  quee  omnium  maxinè  et  pessimè  ab  hœreticis  vexatur;  idque 
tantô  uberiùs  pra^stes .  quo  altiùs  nobis  prœes  et  immines. 

Nam  et  Christus,  episcoporum  princeps^  cujus  tu  vices  sustines 
in  terriSj  ubi  abundavit  delictum,  superabundare  faclt  gratiam.  Sic 
ïummum  m  te  apostolica3  dignitatis  splendorem  lœtus  et  gratula- 
bundus  veneror,  ac  demisso  in  terram  vultu,  ad  pedum  tuorum 
oscula  prostratus^  humilHmè  colo;  et  si  tuae  si.  ..îita'iif  iolium  ex 
inferiorum  vestimentis  erigendum  esset,  sicut  de  prima  sede  Jehu 
docet  Scriptura,  festinarem  utique,  et  tollens  vestes  substernerem 
pedibus  tuis ,  canerem  tuba,  atque  dicerem  :  RegnetPaulus  Y!  vivat 
pontifex  maxiraus  quem  unxit  Dominus  super  Israël  Dei  I 


?20 


OPUSCULES 


XXXIX. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DF   SALES, 

A  MADAME  l'aBBESSE  DU  PUITS -d'ORBE. 

n  faut  faire  le  bien  avec  joie ,  et  sans  se  décourager  ds  ses  défauts.  Avis 
généraux  sur  la  clôture  des  Religieuses,  sur  les  ConfesSh.vrs  extraordinaires, 
sur  le  maniement  des  Pensions,  sur  les  Chapitres,  et  la  charité  mutuelle; 
sur  la  nécessité  et  la  manière  de  faire  revenir  au  Monastère  les  Religieuses. 
Avis  particuliers  à  une  Abbesse  sur  plusieurs  points  importants. 

(le»  mai  1606.) 

Oui,  ma  Fille,  je  vous  le  dis  pa'l*  escrit  aussi  bien  que  de 
bouche ,  resjouissés-vous  tant  que  vous  pourrés  en  bien  fai- 
sant ;  car  c'est  une  double  grâce  aux  bonnes  œuvres ,  d'estre 
bien  faites,  et  d'estre  faites  joyeusement.  Et  quand  je  dis,  en 
bien  faisant,  je  ne  veux  pas  dire  que  s'il  vous  arrive  quelque 
défaut  vous  vous  adonniés  à  la  tristesse  pour  cela  :  non ,  de 
par  Dieu,  car  ce  seroit  joindre  défaut  à  défaut;  mais  je  veux 
dire  que  vous  perseveriés  à  vouloir  bien  faire ,  et  que  vous 
retourniés  tousjours  au  bien ,  soudain  que  vous  connoistrés 
vous  en  estre  esloignée ,  et ,  moyennant  cette  fidélité ,  que 
vous  viviés  joyeuse  pour  le  gênerai. 

J'ay  à  vous  dire,  outre  l'ancien  escrit  que  je  vous  envoyé, 
que  vous  devés  tenir  le  Cloistre  et  le  Dortoir  fermés  aux 
hommes  .*  ainsi  la  closture  s'en  fera  doucement. 

Le  Concile  de  Trente  ordonne  à  tout^  les  Supérieurs  et 
Supérieures  des  Monastères,  qu'au  moins  trois  fois  l'année 

*  C'est  la  98e  de  la  collection  Biaise,  et  la  33e  du  livre  IV  des  ancienoes 
éditions,  ' 


DE  ~S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  221 

ilz  fassent  confesser  ceux  qu'ilz  ont  sous  leurs  charges,  à  des 
Confesseurs  extraordinaires  ;  ce  qui  est  grandement  requis 
pour  mille  bonnes  raisons.  C'est  pourquoy  vous  Pobserverés, 
faisant  venir  quelque  bon  Moine,  ou  quelque  bien  dévot 
Prestre,  auquel  toutes  ayent  à  se  confesser  cette  fois-là.  Je 
vous  ay  dit  la  raison  pourquoy  toutes  s'y  doivent  confesser, 
ce  qui  ne  sera  point  grief  à  aucune  ;  car  celles  qui  voudront 
ne  se  confesseront  que  d'un  jour  ou  deux,  s'estant  preala- 
Mement  confessées  ;  et  celles  qui  voudront  pourront  en  user 
autrement. 

Il  faut  que  ce  soit  vous,  ma  fille  bien-aymée,  qui  ayés 
l'administration  des  pensions;  mais  députés  une  des  Dames, 
qui  ait  soin  de  tenir  compte  de  ce  qui  s'en  employé. 

Il  sera  à  propos,  dans  vos  petits  Chapitres,  de  recomman- 
der la  mutuelle  et  tendre  dilection  des  unes  aux  autres,  et  de 
tesmoigner  que  vous  l'avés  en  leur  endroit,  mais  particuliè- 
rement envers  celle  de  laquelle  vous  m'escrivés ,  laquelle  il 
faut,  par  charité,  révoquer  à  une  bonne  et  douce  intelligence 
et  confiance  avec  les  autres.  Je  luy  escris  un  petit  mot. 

Yous  trouvères  bien,  crcis-je,  les  premiers  advisque  je 
vous  escrivis ,  il  y  a  cinq  ans ,  sur  la  façon  avec  laquelle  vous 
déviés  doucement  réduire  tous  ces  esprits  à  vostre  bon  des- 
sein. Vous  y  verres  beaucoup  de  choses  que,  pour  brièveté, 
je  ne  diray  pas  maintenant. 

Quant  à  celle  qui  est  absente,  il  faut  escrire  à  elle  ou  à 
son  frère ,  que ,  pour  la  plus  grande  gloire  de  Dieu ,  le  salut 
de  vos  âmes ,  l'édification  du  prochain  et  l'bonneur  de  vostre 
Monastère,  vous  avés  pris  resolution  avec  toutes  les  Seurs 
Religieuses ,  de  vivre  plus  retirées  dans  vostre  Maison  qu'on 
n'a  pas  fait  cy-devant  ;  que  la  chose  estant  si  raisonnable  et 
si  honneste ,  vous  ne  doutés  pas  qu'elle  ne  s'y  vueille  ranger; 
dont  vous  la  conjurés  et  sommés  par  l'obeyssance  qu'elle 
vous  a  vouée,  hors  laquelle  elle  ne  peut  faire  son  salut;  luy 
promettant  qu'elle  ne  trouvera,  ny  en  "nous  ny  es  autres^ 


ÏM  OPUSCULES 

sinon  une  f^ouce  et  tres-amiable  conversation,  laquelle  seule, 
outre  son  devoir,  peut  la  semondre  à  une  sainte  retraite;  et 
choses  semblables.  Si  pour  cela  elle  ne  revient,  il  faudra 
l'arraisonner  deux  autres  fois,  avec  des  intervalles  de  trois 
semaines.  Que  si  enfin  elle  ne  revient,  vous  luy  manderés 
qu'elle  se  détermine  donc  de  n'estre  plus  reçue,  et  d'estre 
forclose  de  sa  p^  ce.  Mais  je  crois  que  ses  parents  la  feront 
revenir;  et,  estaut  revenue,  vous  la  traiterés  doucement  et 
avec  grande  patience. 

Si  j'oublie  quelque  chose,  je  le  diray  à  nostre  Seur,  qui 
vous  ira  voir  infailliblement,  et  elle  vous  chérit  bien  fort. 
Pour  vostre  particulier,  ne  faites  point  faute  de  faire  l'oray- 
son  mentale  tous  les  jours ,  à  la  mesme  heure  qu'elle  se  fait 
au  Chœur,  si  vous  ne  pouvés  y  aller;  et  ce  pour  demy-heure. 
Ne  vous  tourmentés  pas ,  encore  que  vous  ne  puis>siés  pas 
avoir  des  sentiments  aussi  forts  que  vous  le  desireriés ,  car 
c'est  la  bonne  volonté  que  Dieu  requiert.  Lises  tous  les  jours 
un  quart  d'heure  dans  les  livres  spirituels,  et  ce  devant 
qu'aller  à  Vespres,  ou  avant  de  les  dire  quand  vous  n'y 
pourrés  pas  aller. 

Vous  vous  coucherés  tous  les  jours  à  dix  heures,  et  vous 
vous  leverés  à  six.  Quand  vous  serés  contrainte  d'estre  au 
lict ,  faites  lire  quelqu'une  de  tems  en  tems,  selon  vostre  com- 
modité. Baisés  souvent  vostre  Croix  que  vous  portés;  renou- 
velés les  bons  propos  que  vous  avés  faits  d'estre  tout  àDieu^ 
immédiatement  avant  le  coucher,  ou  en  y  allant,  ou  dans 
vostre  oratoire ,  ou  ailleurs;  et  faites  un  plus  giand  renou- 
vellement par  demy-douzaine  d'aspirations  et  d'humiliations 
devant  Dieu. 

Je  vous  donne  pour  vostre  spécial  patron  de  cette  année, 
le  glorieux  S.  Joseph,  et  pour  vostre  patronne,  sainte  Scho- 
lastique ,  seur  de  saint  Benoist ,  de  laquelle  vous  trouvères 
beaucoup  d'actions  en  sa  vie,  comme  en  celle  de  S.  Benoist^ 
dignes  d'estre  imitées. 


DE   S.    FRANÇOIS.  DE   SALES.  223 

Voyés-vous,  ma  Ires-chere  et  bonne  Fille,  entreprenés  de 
TOUS  acquérir  un  grand  courage  au  service  de  nostre  Sei- 
gneur; car,  pour  asseuré  ,  sa  bonté  vous  a  choisie  pour  se 
servir  de  vous,  pourveu  que  vous  le  vouliés,  pour  le  véri- 
table restablissement  de  sa  gloire  et  de  celle  des  âmes.  En 
vostre  Maisor.  vous  ne  saliriés  tenir  un  chemin  plus  asseuré 
que  celuy  de  la  sainte  obeyssance  :  c'est  pourquoy  je  me  res- 
jouis  grandement  que  vous  y  soyés  affectionnée,  pour  l'in- 
tention que  vous  me  marqués;  mais  ressouvenés-vous  donc 
bien  de  ce  que  je  vous  ay  recommandé  de  la  part  de  nostre 
Seigneur,  auquel  je  vous  recommande,  le  suppliant,  par  sa 
mort  et  sa  Passion ,  qu'il  vous  comble  de  son  saint  amour, 
et  vous  rende  de  plus  en  plus  toute  sienne. 

Pour  moy,  ma  tres-chere  Seur,  ma  fille  bien-a^'mée,  j'ay 
une  volonté  fort  entière  à  vous  chérir,  honnorer  et  servir;  et 
jamais  /ien  ne  m'ostera  cette  affection ,  puis  que  c'est  en  ce 
mesme  Sauveur  et  pour  luy  que  je  l'ay  prise,  estant  à  jamais 
vostre  humble  frère  et  serviteur,  etc. 


224  OPUSCULES 


XL. 

LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A   SA   SAINTETÉ  LE   PAPE  PAUL  V. 

Il  s'excuse  auprès  de  lui  de  ce  qu'il  ne  va  pas  à  Rome,  parce  qu'il  en  est 

empêché  par  quelques  affaires. 

23  novembre  1606. 
Très-saint  Père, 

Touchant  de  fort  près  au  terme  que  votre  Sainteté  a  assi- 
gné à  tous  les  évêques  qui  sont  hors  de  l'Italie ,  pour  visiter 
les  sacrés  tombeaux  de  S.  Pierre  et  de  S.  Paul ,  je  prends  la 
liberté  de  substituer  en  ma  place  mon  frère ,  prêtre  et  cha- 
noine de  cette  église,  pour  remplir  cette  obligation  ;  d'autant 
que  mon  peu  de  revenu,  la  difficulté  des  chemins,  et  le  bien 
de  ce  diocèse ,  ne  me  permettent  pas  d'entreprendre  un  si 
long  voyage. 

4  C'est  la  7«  du  livre  le'  dans  les  anciennes  éditions,  et  la  112»  de  la  col- 
lection Biaise. 


Excusât  se  qu6d  nonnullis  diflTicultatibus  implicitus,  Romam  non  pro- 

ficiscatur. 

Beatissime  Pater, 
Appeténte  stato  illo  tanipore,  quo  iis  qui  extra  Italiam  episcopale 
munus  obeunt,  liminurrt' sacrorum  beatorum  apostolorum  Pétri  et 
Pauli  visitationem  sancta  veslra  sedes  apostolica  indixit ,  germanum 
meum,  sacerdotem,  et  ecclesiae  hujus  canonicum  destino^  qui  meo 
nomine  id  exequatur;  quandoquldem  censuum  tenuitas,  itinerum 
difficultas ,  ac  ipsius  diœcesis  utilitas ,  ne  peregrinationem  tam  loa- 
ginquam  instituam,  minime  paliuntur. 


DE    s.    FRANrOIS    DE    SALES.  '2£5 

J'envoie  par  la  même  voie  à  votre  Sainteté  Tétat  de  mon. 
•évêehé,  qne  j'ai  dressé  avec  la  plus  grande  exactitude  qui 
m'a  été  possible  ,  et  dont  le  sommaire  est  que  ,  le  territoire 
étant  très-étendu  ,  la  charge  en  est  fort  grande  ;  cfue  les  ra- 
vages de  riiérésie  ont  réduit  la  province  dans  une  pitoyable 
situation  ,  et  qu'il  y  a  bien  des  choses  à  désirer  pour  la  re- 
mettre sur  pied.  Nous  ne  pouvons  attendre  de  secours  que 
de  votre  Sainteté  :  c'est  aussi ,  très-saint  Père ,  ce  que  je  lui 
demande  très-instamment ,  avec  sa  bénédiction  et  sa  bien- 
veillance paternelle ,  dont  elle  a  coutume  d'être  libérale 
envers  ses  chers  enfants,  qui  lui  sont  soumis  en  toutes  choses 
par  une  crainte  respectueuse,  comme  j'ai  l'honneur  d'être, 
très- saint  Père  ,  de  votre  Sainteté,  le  très-humble  et  très- 
obéissant  serviteur 

François,  évêque  de  Genève. 

D'Annecy,  lieu  de  notre  pèlerinage  et  de  notre  exil ,  oiî 
est  notre  siège  épiscopal ,  et  où  nous  versons  des  larmes  au 
souvenir  de  notre  pauvre  Genève ,  après  laquelle  nous  aspi- 
rons, jusqu'à  ce  que  notre  Seigneur  change  notre  bannisse- 
ment avec  la  même  rapidité  qu'un  torrent  du  midi  précipite 
^es  eaux  dans  la  mer. 


Statum  diœcesis  quàm  potui  distinctissimè  et  accuratissimè  de- 
scriptum  mitto^  cujus  summa  est,  provinciam  vastam,  pariier  ac 
•vastatissimam  esse;  et  multa  ad  ejus  instaurationem  reqiiiri,  quœ 
nonnisi  à  Sedis  Apostolicœ  prd  fidentià  manare  qiieant,  cujus  opem 
îmis  ac  siimmis  votis  exposco,  cum  paternâ  il  là  benedictione  ac 
benevolentia  quam  libenter  iis  impertitur,  quos  habct  tUios  subditos 
in  omni  timoré. 

Ex  oppido  Annessiacensi,  loco  peregrinationis  nostrai  et  exilii, 
in  quo  sedemus  et  tlemus,  dùm  recordaiimr  Genevaî  nostrœ,  donec 
convertat  Dominus  ejectionem  nostram,  sicut  torrens  in  austro. 


VI. 


226  OPUSCULES 


XLI. 


ÉTAT  DE  L'ÉGLISE  DE  GENÈVE , 

Porté  de  la  part  de  saint  François  DE  SALES  au  Souverain  Pontife,  l'an  1607, 
par  M.  Jean-François  de  Sales,  son  frère,  chanoine  de  sa  cathédrale,  qui 
alloit  à  Rome  visiter  les  seuils  des  saints  apôtres,  au  nom  du  saint  prélat, 
(Tiré  de  la  Vie  de  saint  François  de  Sales,  par  Auguste  de  Sales,  tome  I^', 
pag.  434.) 

Il  y  a  des-ja  septante  et  un  an  que  TEvesque  de  Genève 
avec  tout  son  clergé  a  esté  Chassé  de  sa  cité,  et,  par  une 
très-grande  perfidie ,  despoûillé  de  tous  ses  biens  meubles  et 
de  presque  tous  ses  immeubles  ;  c'est  pourquoy  il  réside  main- 
tenant en  la  ville  d'Anicy  du  duché  de  Genevois ,  attendant 
que  sa  réduction  vienne. 

Les  revenus  de  la  table  episcopale  sont  forts  petits ,  et  à 
grand  peine  peuvent  ils  monter  à  la  somme  de  mille  escus 
d'or  ;  de  sorte  qu'après  avoir  distraict  les  gages  des  officiers 
de  l'Evesché ,  il  ne  reste  pas  à  l'Evesque  dequoy  s'entretenir 


Quo  anno  pulsus  est  Genevâ  episcopus. 

Septuagesimus  primus  j>m  excurrit  annus,  ex  quo  Gebennensis 
episcopus,  cum  clero  suo  civuu*^  suâ  pulsus,  et  per  summam  inju* 
riam  bonis  omnibus  mobilibus  ac  immobilium  parte  maximâ  spolia* 
tus,  extitit.  Quare  sedem  in  oppido  Aniciensi  ducatûs  Gebennesii 
nunc  habet,  expectans  donec  veniat  reductio  sua. 

Mensa  episcopalis. 

Census  episcopalis  mensœ  admodùm  tenues,  qui  scilicet  vix  ac  ne 
\ix  quidem  ad  summam  mille  scutorum  auri  ascendunt  j  ut,  detractis 
ofliciariorum  episcopatûs  stipendiis ,  minime  supersit  quo  decenter 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  22T 

honnestement  avec  sa  famille  :  mais  celny  qui  n'a  pas  appris 
d'abonder  sçache  comme  il  faut  endurer  la  pauvreté. 

L'Evesque  qui  vit  maintenant,  François  de  Sales,  est  le 
sixiesme  de  ceux  qui  ont  présidé  dehors  de  la  cité  de  Genève, 
originaire  du  Diocèse,  et  pris  du  corps  de  l'Eglise  cathédrale, 
de  laquelle  il  a  esté  Prévost  par  l'espace  de  dix  ans.  Il  réside, 
et  y  a  quatre  ans  qu'il  a  esté  promeu  et  consacré  Evesque; 
et,  ayant  esté  empesché  les  deux  premières  années  par  les 
injures  des  temps  et  des  guerres  de  visiter  son  Diocèse  ,  ces 
deux  dernières  années  il  a  visité  en  personne  deux  cens  et 
soixante  parroisses,  rompant  le  pain  de  la  parolle  de  Dieu  au 
peuple,  autant  qu'il  luy  a  esté  possible,  et  conférant  le  sa- 
crement de  Confirmation  aux  fidelles;  estant  en  dessein,  avec 
l'aide  de  Dieu  ,  de  visiter  le  reste  de  son  Diocèse  l'année 
prochaine  suyvante. 

Il  a  eu  pour  prédécesseur  Claude  de  Granier,  prélat  digne 
d'une  éternelle  mémoire,  qui  assembloit  tous  les  ans  le  Sy- 

se  suamque  familiam  sustentât.  Verùm  qui  non  didicit  abundare, 
noscat  penuriam  pati. 

Episcopus  vivens ,  quis. 

Qui  nunc  vivit  episcopus  Franciscus  Salesius  sextus  est  eorum  qui 
extra  Gebennensem  civitatem  prœfuerunt.  Ex  ipsâ  diœcesi  oriundus, 
et  è  gremio  cathedralis  Ecclesiœ,  cujus  per  decem  annos  praepositus 
fuit,  assumptus.  Residet,  et  q:  irtum  suai  ad  episcopatum  promo- 
tionis  ac  consecrationis  aunum  agit.  Cumque  bellorum  œstu  ac  tem- 
pestate  duobus  primis  annis  impeditus  fuerit  ne  diœcesim  visitaret, 
duobus  hisce  posterioribus  ad  ducentas  et  sexaginta  parœciales 
ecclesias  p^rsonaliter  visitavit,  et  per  seipsum  verbi  Dei  panem  ubi- 
que  (quantum  per  suam  tenuitatem  licuit)  populo  porrexit  ac  fregit, 
gacramentumque  Confirmationis  innumeris  liclelibus  conlulit,  cœte- 
ram  diœcesim  anno  sequenli_,  Deo  propitio_,  vlsitaturus. 

Qais  episcopus  prsedecessor. 

Preedecessorem  habuit  Claudium  Granieriuni;,  praesulem  œternâ 
dignum  memoriâ,  qui  ex  decretis  ecclesiasticis  synodum  quotannis 


228  '  OPUSCULES 

node  selon  les  décrets  ecclesiasticj[ues ,  conferoit  les  cures  des 
Eglises  paiToissiales  par  l'examen  aux  plus  dignes,  selon 
l'ordonnance  du  tres-sainct  Concile  de  Trente ,  celebroit  les 
Ordres  aux  quatre  Temps,  et  prenoit  soigneusement  garde 
que  le  divin  Office  fust  par  tout  célébré  selon  l'usage  romain. 
Son  successeur,  quoy  qu'indigne,  tasclie  le  mieux  qu'il  peut 
de  suivre  ses  vestiges 

En  l'Eglise  de  Genève ,  qui  est  dédiée  au  nom  et  miracle 
de  sainct  P>erre  délivré  des  liens,  il  y  a  trente  Chanoines^ 
comprenant  le  Prévost,  qui  possède  dignité,  et  le  Chantre  et 
Sacristain,  qui  n'ont  que  des  offices,  et  qui  tous  et  un  chacun 
perçoivent  une  prébende  esgale  ;  de  sorte  que  le  Prevosf 
ayant  esté  spolié  par  les  hérétiques ,  ne  perçoit  rien  de  plui» 
que  les  autres.  Il  y  a  six  enfans  de  chœur  avec  leur  maistre, 
huict  habilitez  ou  habituez ,  c[ui  s'addonnent  au  chant  et  à  la 
musique,  et  autres  quatre  qui  servent  pour  porter  la  croix , 
sonner  les  cloches,  ordonner  les  cérémonies,  et  conserver 
les  sacrez  habits. 


cogebat_,  ad  ecclesiarum  parœcialium  curam_,  ex  prrcscripto  sacro- 
saneti  concilii  Tridentini,  per  examen  digiiiores  promovebat^  shi- 
guhs  ferè  quatuor  temporibiis  ordiriationem  sr.cram  faciebat,  ac  ofli- 
cium  ubiquè  ad  iisiim  Romaniim  persolvi  curabat.  Hujus  vestigiis 
quoad  potest  prœstissimè  insistit,  indignus  licet^  siiccessor. 

Glerus  ecclesiîe  catlitdraîis  quibus  componatur. 

In  Ecclesiâ  Gebennensi,  quœ  beati  Pétri  à  vineuhs  liberati  mira- 
culo  ac  nomine  dedicala  est^  sunt  triginta  canonici,  prirposito  qui 
dignitatem  habet,  majorem,  ac  cantore  et  sacrista,  qui  duntaxat  offi- 
cia habent,  inclusis;  quorum  singuli  unam  prœbendam  œqualem 
omniîiô  percipiunt  :  ita  ut  prœpositus  (quippè  ab  hœreticis  SDolia- 
tus),  nibilè  plus  cœteris  excipiat.  Sunt  in  «a  sex  pueri  chon  cum 
magistro,  octo  mansionarii^  qui  cantui  et  musicai  incumbunt^  ac 
alii  quatuor,  qui  tùm  cruel  por^^rldœ,  campanis  pulsandis,  cœre- 
moniis  dirigendis,  ac  aacris  vestibu*  conservandis ,  dant  operam. 


DE   S.    FKAN<'>j:3   iJE    SALSS.  22§ 

En  fin ,  toutes  charges  et  despences  nécessaires  portées,  ce 
qui  peut  appartenir  à  chasqiie  Chanoine  de  vahmr  annuelle 
ne  monte  pas  à  la  somme  de  quarante  escus  d'or;  prébende, 
à  la  vérité,  qui  m  est  pas  suilisante  pour  nourrir  le  moindre 
homme.  Or  c'est  une  merveille  en  une  si  grande  pauvreté 
combien  les  Offices  se  font  dévotement  et  magnifiquement  en 
ceste  Eglise;  ^i  qu'elle  n'a  point  pendu  ses  orgues  aux  saules 
pour  tout  son  exil,  mais  chante  un  hymne  des  cantiques  de 
Sion  ,  et  le  cantique  du  Seigneur  en  une  terre  estrangere  ! 
car  elle  célèbre  ses  Offices  en  l'église  des  Frères  Mineurs  de 
l'Observance  de  la  ville  d'Anicy.  Tous  les  Chanoines  sont  ou 
nobhîs  de  père  et  de  mère,  ou  docteurs,  selon  leur  ancien 
statut,  confirmé  par  le  sainct  Siège  apostolique;  et  entre 
lesquels  il  y  en  a  maintenant  dix  puissans  prédicateurs  de  la 
parolle  de  Dieu. 

Quant  au  Clergé ,  en  l'Evesché  de  Genève  il  y  a  quatre 
Eglises  collégiales  :  celle  d'Anicy,  de  douze  Chanoines  et  tout 
autant  de  benetîciez  ;  celle  de  Sallanche,  de  treize  Chanoines 

De  poïtionc  canonicorum,  de  divinis  officiis,  et  de  qualitatibus  canonicorura. 

PorrO;,  omnibus  dcdiictis  oneribus  ac  expensis  necessariis,  qucB 
cuilibet  canonico  porlioconlingit,  valorem  annuum  quadraginta  scu- 
lOruin  auri  non  aUmgit^  impar  oninmô  vel  minime  homini  alend» 
prœbenda.  Mirum  autem  quàm  concinnô  et  devotè  in  tanta  penuriît 
otïicia  divina  ab  luic  ccclesià  celebrcntur,  ut  non ,  in  salicibus  sus- 
pendis organis,  obmutucritob  exilium,  sed  hymnum  cantet  de  can- 
ticis  Sion^  et  canticuin  Domini  in  tcrrâ  aliéna  :  oflicia  enim  ejus- 
jnodi  persolvi  in  ecclesiâ  fratruin  minorum  de  observantiâ  oppidi 
Âniciensis.  Onmes  autem  canonici  aut  ex  utroque  parente  nobiles, 
aut  doctores,  i\  .'.ntiquo  eorum  statuto  à  sanctâ  Sede  confirniato, 
^xistunt .  intci'  \[uos  ctiam  nùm  decem  sunt  verbi  Dei  concionatorcs 
"cregii.  Jain  quod  ad  cierura. 

vlerus  diœcesis  Gebennensis^  ac  1^  pcclesise  coliegiatœ. 

In  dicecesi  Gebennensi  quatuor  sunt  collegiatsn  ecclesiœ  :  Aniciensis^ 
duodecim  canonicorum,  et  totidem  beneficiatoiam  j  Sallanchiensis, 


230  OPUSCULES 

et  qualre  beiieliciez;  celle  de  la  Roclie,  de  quinze  chanoines: 
et  celle  de  Samoën ,  de  dix  :  en  toutes  lesquelles  on  célèbre 
tous  les  jours  avec  chant  tous  les  divins  Oliices;  mais  toutes 
pareillement  sont  fort  pauvres. 

Il  y  a  après  cela  six  Abbayes  d'hommes  :  Aux,  Ilautecombe, 
Chesery,  de  l'Ordre  de  Gisteaux  ,  Abondance,  Six  ,  des  cha- 
noines réguliers  de  sainct  Augustm ,  et  Entremont  des  Cha- 
noines de  sainct  Ruf  ;  toutes  possédées  par  des  î',ommanda- 
taires. 

Cinq  Prieurez  conventuels  :  du  sainct  Sépulcre  d'Anicy; 
de  nostre  Dame  de  Pellionex ,  de  Chanoines  réguliers  ;  de 
Talloires ,  de  FOrdre  de  Savigny  ;  de  Contamines  et  de  Bel- 
levaux,  de  l'Ordre  de  Cluny,  desquels  le  seul  dernier  est 
possédé  en  tiltre. 

Quatre  Monastères  de  Chartreux  :  de  Pommiers,  du  Repo- 


tredecim  canonicorum,  et  quatuor  beneficiatorum;  Rupensis,  quin- 
decim  caiîonicorumj  et  Samoensis,  decemj  in  quibus  omnibus 
omnia  divina  officia  cum  cantu  quotidiè  celebrantur;  sed  omnes 
pariter  tenues  admodùm  habent  annuos  redilus. 

Abbaliœ. 

Sunt  prœtereà  sex  virorum  abbatiae  :  Alpensis^  Altacombana, 
Ceseriacensis  ordinis  Cisterciensis,  Abundaritiana,  Sixensis  canoni- 
corum  regularium  sancti  Augustini,  et  Inter-Montana  canonicorum 
-Sancti  Ruphi  -,  quae  omnes  à  commendatariis  possidentur. 

Prioratus  conventuales. 

Sunt  etiam  quinque  prioratus  conventuales  :  sancti  Sepulchri 
Aniciensis,  Deatse  Maria?  Pellionensis^  ambo  canonicorum  regula- 
rium; Talloriensis  ordinis  Savigniacensis,  Conlaminensis^  et  Bellœ- 
\allensis  ordinis  Cluniacensis;  quorum  omnium  solus  postremus 
possidetur  in  titulum.  , 

Carthusiae  Prioratus,  et  alii  rurales. 

Sunt  quatuor  cœnobia  Carthusianoriîm  :  Pomeriense,  Reposoriense. 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  231 

«oir,  de  Yallon  et  d'Arviere;  trente  cinq  Prieurez  ruraux  de 
divers  Ordres,  douze  desquels  sont  unis  à  diverses  Eglises, 
les  autres  onze  sont  possédez  en  tiltre,  douze  en  commande. 

Il  y  a  quatre  Couvents  de  Mendians  :  un  à  Seissel ,  de  sainct 
Augustin;  le  second  à  Anicy,  de  sainct  Dominique;  le  troi- 
siesme  aussi  à  Anicy,  et  le  quatriesme  à  Cluses,  des  Frères 
Mineurs  de  l'Observance  ;  ausquels  depuis  dix  ans  a  esté 
adjousté  le  cinquiesme  des  Frères  Capucins  à  Anicy. 

Les  Eglises  parroissiales  sont  en  nombre  de  cinq  cens  et 
nouante,  mais  quatre  cens  cinquante  esquelles  les  sacre- 
mens  sont  administrez  et  le  peuple  instruit  de  la  religion 
catholique. 

Il  y  a  deux  Monastères  de  femmes  recluses  de  saincte 
Claire,  un  à  Anicy  et  l'autre  à  Evian;  deux  Monastères  ou 
Abbayes,  de  saincte  Catherine  auprès  d*Anicy ,  et  de  Bonlieu, 
de  rOrdre  de  Cisteaux;  et  en  fin  un  de  Chartreuses  à  Melan. 

Vallonense,  et  Arveriense.  Item  triginta  quinque  prioratus  rurales 
diversorum  ordinum,  ex  quibus  duodecim  diversis  ecclesiis,  tàm 
ipsius  diœcesis,  quàm  aliarum  uniti^  reperiuntur  :  ex  reliquis  autem, 
vundecim  in  titulum ,  duodecim  in  commendam  possidentur. 

Conventus  Mendicanlium. 

Sunt  quatuor  conventus  Mendicantium  :  Sesselli  unus  sancti  Augus- 
tinij  secundus  Anicii  fratrum  Praedicatorum  ^  tertius  item  Anicii, 
et  quartus  Clusis  fratrum  Minorum  de  Observantiâ,  quibus  ante 
decennium  additus  est  quintus  fratrum  Capucinorum  Anicii. 

Parœciales  Ecclesiae. 

Parœciales  ecclesise  omninô  numéro  sunt  quingenlae  nonaginta, 
sed  quadringintae  quinquaginta  in  quibus  sacramenta  administran- 
tur,  et  plèbes  de  religionis  catholicae  capitîbus  erudiunluE 

Mulierum  Monasteria. 

Mulierum  autem  reclusarum  duo  sunt  cœnobia  sanctse  Clarae, 
unum  Anicii^  alterum  Aquiani.  Duo  item  monasteria  mulierum,  sive 
abbatiae,  sanctee  Catharinee  prope  urbem  Anicii ,  et  Boni-Loci  oïdinis 
■Ciiterciensis  ;  unum  porrô  Carthusianarum  Melani. 


232  OPUSCULES 

Tout  le  peuple  de  ces  quatre  cent  parroisses  est  véritable- 
ment catholique  et  observateur  de  l'ancienne  pieté ,  quoy 
qu'en  septante  d'icelles  Flieresie  de  Calvin  fust  en  vigueur  il 
n'y  a  pas  dix  ans  :  car  par  l'authorité  du  serenissime  Duc^ 
et  predical  ions  de  plusieurs  Ecclésiastiques  en  partie  sécu- 
liers, et  en  partie  réguliers  de  divers  Ordres,  nommément  de 
la  Compai^nie  de  Jésus  et  des  Capucins,  ils  se  cont  convertis 
au  Pasteur  de  leurs  âmes  ;  et  ceux  qui  marchoyent  dans  les 
ténèbres  des  erreurs  ont  veu  une  grande  lumière,  et,  retirez 
de  l'ombre  obscure  de  la  mort,  marchent  maintenant  comme 
enfans  de  lumière. 

Il  y  a  quinze  escolles  oii  la  jeunesse  est  instruicte  de  la 
grammaire  et  des  lettres  humaines ,  mais  principalement  de 
la  doctrine  chrestienne  catechistiquement.  En  dix  villes,  on 
presche  tout  le  temps  de  Caresme  la  parolle  de  Dieu. 

Populus  Diœcesis  Gebenneiisis,  et  Religio  ejus. 

Populus  universus  praedictarum  qiiadragintarum  quinquaginta 
parœciarum  verè  catholicus  est,  et  antiquae  pietatis  cultor^  quamvis  in 
septuaginta  parœciis  ex  praîdictis  an  te  an  nos  decem  haîresis  Calvi- 
niana  vigeret  :  nam  serenissimi  ducis  auctoritate,  et  muUorum  con- 
cionatorum,  partim  ssecularium,  partim  variorum  ordinum  ^  sîgil- 
ktim  societatis  Jesu  et  Capucinorum  prœdicationibus,  conversi  sunt 
ad  pastorem  animarum  suarum,  et  qui  ambulabantin  tenebriserro- 
Tum,  viderunt  lucem  magnani/et  erepli  de  obscurâ  mortis  umbrâ, 
nune  ut  Hlii  lucis  ambulant  :  itaut^  cùm  tuerint  non  ita  pridem 
tenebrœ.  nune  sint  lux  in  Domino. 

Scholge. 

^unt  qumdecim  puerorum  scholœ,  in  quibus  grammaticâ  et  litte- 
fishumaD^.uribus  juYonuni  animi  imbuuntur,  ac  imprimis  doctrinâ 
christianà  catechisticè  iniliantur.  In  decem  vero  oppidis  quotidiè 
toto  Quadragesimaî  tempore  verbum  Dei  pncdicatur. 


DE    S.    FRANÇCTS    DE    SALES.  233" 

DES  BESOINS  DU  DIOCÈSE  DE  GENEVE, 

ET  DES  MOYENS  d'y  POURVOIR.  (Ibidem,  p.  437.) 

11  n'y  a  point  de  diocèse  en  toute  la  Chrestienté  ,  dit-il , 
qui  ayt  plus  besomg  d'un  séminaire  de  clercs  que  reste  cy 
de  Genève.  Toutesfois  jusques  à  présent  on  a  travaillé  en 
vain  pour  l'ériger  :  car  la  table  episcopale  est  trop  pauvre 
pour  en  retrancher  quelque  chose  ;  la  table  du  Chapitre 
cathedral  est  aussi  tres-pauvre  ,  et  ne  peut  pas  su  iFire  pour 
l'entretien  des  Chanoines  ;  il  en  est  de  mesme  des  autres 
Eglises  séculières  collégiales  :  des  Abbayes  et  Prieurez , 
quelques  riches  qu'ils  soyent,  on  n'en  peut  du  tout  rieu  tirer, 
parce  que  ceux  qui  les  tiennent ,  tiennent ,  et  souvent  sont 
bien  saignez  par  de  diverses  pensions  qu'on  leur  impose, 
Toutesfois  si  le  Siège  apostolique ,  par  autliorité  souveraine, 
destmoit  quelques  Prieurez  ruraux  pour  l'érection  de  ce 
séminaire ,  à  la  vérité  la  chose  reùsciroit  fort  bien  ;  et  certes 
il  est  entièrement  nécessaire  que  cela  se  fasse  ou  de  ceste 
manière,  ou  par  la  commune  contribution  du  clergé. 

De  Seminario  erigendo. 

Nulla  in  orbe  chrisliano  diœcesis  clericoriim  seminario  magis 
indiget  quàm  liaec  Gebennensis  j  attamen  hactenùs  in  eo  erigendo 
perperàm  laboratum  est.  Mensa  enim  eplscopalis  tenuior  est ,,  quàm 
ut  ex  eà  quidquam  amputari  aut  re^ecari  debeat  :  mensa  cai)ituli 
cathedralis  pauperrima  nec  alendis  canonicis  suflicit,  ut  et  aha^  pa- 
ritcr'  ^cc-esiœ  sœtuiares  coilegiatic.  Ex  abbatiis  autem  vel  prioraîibus, 
quantumvis  pinguibus,  nihil  ornnino  extorqueri  poteslj  qu6d  qui 
ea  tenent_,  teneant.  st  plerumquè  variis  impositis  pensionibus  salis 
reddantur  exangues.  Si  tamen  Sedes  apostolica  aUquot  prioratus 
rurales  primo  vacaturos_,  summâ  auctoritate  ad  seminarii  erectiuneni 
destinaret^  sine  dubio  res  optimè  cessura  esset.  Ornnino  tamen  _,  vel 
isto  modo,  vel  per  communem  cleri  contributionem,  opus  hoc  erigi 
par  est. 


234  OPUSCULES 

En  la  seule  Eglise  cathédrale,  un  Maistre  en  théologie 
perçoit  une  prébende  théologale,  et  le  Pénitencier  une  autre 
pour  vacquer  à  ouyr  les  Confessions;  mais  ceux-cy,  parce 
qu'ils  ne  peuvent  pas  se  sustenter  de  leurs  prébendes ,  d'au- 
tant qu'elles  ne  montent  pas  à  la  somme  de  quarante  escus 
d'or  de  valeur  annuelle,  ne  peuvent  pas  aussi  bien  satis- 
faire à  leurs  charges.  On  pourroit  obvier  à  ce  mal ,  si  le 
Siège  apostolique  unissoit  à  ces  prébendes  théologales  et 
presbiterales  deux  autres  prébendes  laicales  des  plus  voisins 
Monastères. 

C'est  une  merveille ,  combien  la  discipline  de  tous  les 
Réguliers  est  dissipée  en  toutes  les  Abbayes  et  Prieurez 
de  ce  Diocèse  :  j'excepte  les  Chartreux  et  les  Mendians  : 
l'argent  de  tous  les  autres  est  tout  réduit  en  ordure ,  et  leur 
vin  meslé  d'eau  ,  voire  mesme  il  est  changé  en  venin  ,  d'où 
ils  font  blasphémer  les  ennemis  du  Seigneur,  quand  ils 
disent  tous  les  jours  :  Où  est  le  Dieu  de  ces  gens  icy?  On 
pourroit  remédier  à  ce  mal  en  mettant  de  meilleurs  Reli- 


De  Théologal!  et  pœnitentiario. 

In  solâ  ecclCGiâ  cathedrali  theologitC  magister  theologalem  habet 
praibendam,  et  pœnitentiarius  aliarn,  ut  confessionibus  audiendis 
vacet.  At  isti,  quia  suis  prœbendis  sustentari  non  possiint,  quando- 
quidem  ad  valorem  annuum  quadraginta  scutorum  liaud  ascendant, 
saaetiam  rite  nequeunt  obive  munera.  Huic  malo  occurri  posset,  si 
Sedes  apostolica  ex  vicinionbus  monasteriis  duas  prœbendas  laïcales 
prœdictis  praîbendis  Iheologah  et  pœnitentiali  uniret. 

De  Rcguidribus  rcformandis. 

Miruni  (est)  quàm  dissipata  sit  omnium  Regularium  disciplina  in 
abbatiis  et  prioratibus  hujus  diœcesis  (Cartusianos  et  Mciulicantes 
excipio  ).  Reliquorum  omnium  argentum  \ersum  est  in  scoriam ,  et 
Yinum  mixtum  est  aquâ,  imô  versum  est  in  venenuni;  undè  biasphe- 
mare  faciunt  inimicos  Domini,  dùm  dicuizt  per  singulos  dies  :  Ubi 
est  Deus  istorum  ? 

Huic  malo  occurri  potett ,  vel  immittendo  meliores  aliorum  ordi- 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  235 

gîeiix  d'autres  Ordres  ;  ou  bien  en  visitant  cenx-cy  tons  les 
ans  et  les  réprimant;  ou  bien  en  fin  en  establissant  en  leur 
place  des  Chanoines  séculiers  :  ce  qui  seroit  très  à  propos  en 
plusieurs ,  quoy  qu'en  quelques  uns  cela  sembleroit  peut- 
estre  un  peu  dur  ;  car  les  Chanoines  réguliers  ne  sont  en 
rien  difFerens  des  séculiers  en  ce  Diocèse,  sinon  qu'ils  portent 
le  scapulaire;  et  ce  que  leschanuuies  séculiers  perçoivent  par 
les  distnl)utioi]s  journalières ,  ceux-là  le  prennent  par  pré- 
bendes, lesquelles  estant  perceuës ,  ils  assistent  aux  Offices 
quand  ils  veulent;  si  moins,  ils  n'en  sont  point  plus  pauvres 
pourtant.  Au  reste,  il  n'y  a  point  parmy  eux  d'observance  de 
la  discipline  régulière,  point  de  Constitutions  escrites,  point 
d'expresses  émissions  de  vœu.  Pourquoy  donc  ne  pourront- 
ils  pas  estre  changez  en  séculiers  beaucoup  plus  utiles  à  la 
republique  chrestienne?  Joinctàcecy,  qu'il  y  a  un  grand 
nombre  de  gentilshommes  en  Savoye  destituez  de  revenus 
salfisans,  aux  enfans  desquels,  qui  suivent  la  profession 
ecclésiastique,  on  prouvoirroit  fort  commodément  en  ceste 
manière.  Et  si  l'on  faisoit  encore  le  mesme  de  quelques  autres 
Moines,  ce  seroit  une  très-bonne  chose,  selon  mon  jugement. 

num^  vel  istos  visitando  quotannis,  etcoërcendo^  vel  denique  in 
eorum  locum  sœculares  canonicos  sufficiendo,  quod,  etsi  forsan  in 
omnibus  iieri  duriusculum  videretur,  in  plerisque  tamen  opportunum 
esset  :  nam  canonici  regulares  nihilo  distant  à  sœcularibus  in  liàc 
diœcesi^  prœterquàm  quôd  scapulare  gérant^  et  qiiod  canonici 
•sœculares  per  quotidianas  distrilsutiones  percipiunt,  ipsi  per  prœ- 
bendas  soient  accipere ,  quibus  perccpUs,  cùm  volunt  ofllciis  in- 
tersunt  ;  sin  minus,  nihilô  pauperiores  efllciuntur.  Cœterùm  nulla 
inter  ces  discipluiai  regularis  observant ia^  nuUa^  scriptœ  cunsti- 
tutiunes,  nullius  voti  cxpressa  emissio.  Cur  ergo  isli  non  mul^entur 
in  SLTCculares,  reipublicschristanœ  longé  utiliores?  Eô  etiam  maxime 
-quôd  magna  copia  est  in  hâc  Sabaudiâ  nobiiium  hominum  qui  cen- 
sibus  idoneis  carent,  quorum  tiliis  qui  ecclcsiasticam  profe?sionem 
;sequuntur,hoc  modo  commode  provideri  posset  ;  atque  si  iiiem  de  ali- 
iinoi  aliis  monachis  fieret^  rcs  meo  quidenfjudicio  feliciterse  haberet. 


23  G  OPUSCULES 

Or  quant  à  la  visite ,  il  ne  seroit  point  à  propos  qu'elle 
fust  faicte  par  les  Supérieurs  de  ces  Ordres -là  :  car  les 
Moines  et  les  Abbez  de  Cluny,  de  Savigny  et  de  sainct  Ruf 
ne  sçavent  pas  seulement  ce  que  e'est  que  reformation  ; 
et  puis  qu'ils  sont  du  sel  gasté  ,  comment  pourront-ils  servir 
pour  saller  et  accommoder  les  inférieurs?  Les  Chanoines 
réguliers  ,  en  ces  quartiers  icy,  ïie  sont  de  point  de  Congré- 
gation 5  ne  tiennent  point  de  Chapitres ,  n'usent  de  poiut  de 
îisite,  et  n'ont  point  de  Reigle  ;  et  bien  que  le  Monastère  de 
Pellionex  soit  visité  par  FOrdinaiie,  auquel  il  est  subject 
Je  droict  ancien,  quoy  que  jusques  à  présent  à  peine  ayt-il 
VGtîiu  obeyr,  nous  n'avons  rien  faict  pourtant  avec  les  Cha- 
jioines  d'iceluy,  parce  qu'ils  n'ont  ny  Reigle  ny  Constitutions, 
et  se  comportent  assez  modestement ,  quant  à  ce  qui  regarde 
Ja  profession  cléricale  :  c'est  pourquoy  ils  devroyent  estre 
visitez  par  un  autre  Visiteur.  Mais,  pour  dire  la  vérité, 
ie  premier  remède  est  ti  es-facile  ,  le  troisiesme  très-utile , 
et  qui  tend  grandement  à  la  gloire  de  Dieu  ,  ayant  esgard 
à  la  nécessité  de  ceste  Province  ;  le  second  très-difficile  et 
très-incertain  ,  car  ce  qui  se  faict  par  force  à  peine  se  faict. 


Quod  aiitem  ad  visitationem  spectat^  eam  à  superioribus  ordinum 
illorum  (leri  minime  par  esset  ;  nam  Cluniaceriscs,  Savigniacenses, 
Rupliiani  monacbi  et  abbates,  iieqiie  qiiid  sit  reformatio  nôruntjet 
cùm  siiit  sal  infatuatum,  quomodô  condiendis  inferioribus  adbibeii 
possLint  ?  Caiionicorum  \erô  reguhirium  in  bis  partibus  monasteria 
nullius  sunt  congregationis^  neqiie  ulla  célébrant  capitula,  nullis 
\'isitationibus ,  nuUâ  régula  uluntur.  Eisi  verô  monasterium  Pell»';^- 
nense  ab  Ordinario  visitetur,  oui  antiquo  jure  subjacet  (  Vicet  bac- 
tenus  vix  obedire  voluerit),  nibii  Uimen  à  nobis  cum  illius  canonicis 
actum  est,  quia  régula  et  constitution ibns  carent,  et  satis  modeste  sé 
gerunt,  quod  ad  clericalem  professionem  attinet.  Itaque  visilari  ab 
aliC'  ^isitatore  deberent  :  sed  ut  verum  falear,  primum  remedium 
longe  lacillimum,  îertium  utilissimum,  et  ad  n  ajorem  Dei  gloriam, 
inspecta  hujus  provinciaî  necessitate,  prœstantissimum;  secundum 
difficillimum  et  incertissimum  :  nam  quod  vi  iï\  p  vix  lit. 


DE    S.    FRANÇOrS    DE    SALES-  237 

Oi^iant  à  ce  qui  regarde  les  Religieuses ,  certainement 
les  deux  Monastères  de  saincte  Claire  sont  très -Lien.  Les 
portes  de  celles  de  Cisteaux  sont  ouvertes  à  qui  que  ce  soit , 
aux  Religieuses  pour  sortir,  et  aux  hommes  pour  entrer.  Or 
je  ne  vois  point  qu'elles  puissent  estre  reformées ,  sinon  en 
les  réduisant  dans  les  villes  et  leur  baillant  d'autres  Supé- 
rieurs, qui  ayent  plus  de  soing  de  leurs  âmes  et  consciences. 
Tant  celles  de  Cisteaux  que  de  saincte  Claire  sont  privées  de 
ceste  consolation  que  le  sacré  Concile  de  Trente ,  non  sans 
l'instinct  du  Saint  Esprit,  veut  estre  concédée,  c'est  à  sçavoir, 
qu'elles  ayent  tous  les  ans  un  Confesseur  extraordinaire  : 
car  elles  sont  contrainctes  de  se  confesser  tousjours  à  un 
mesme ,  et  ne  leur  est  jamais  libre  de  demander  l'assistance 
d'un  autre;  avec  quel  danger  de  leurs  âmes,  je  n'en  sçay 
rien ,  Dieu  le  sçait.  Jamais  elles  ne  présentent  les  filles  à 
l'Evesque  ou  à  son  Vicaire ,  qui  puisse  apprendre  leur  vo- 
lonté pour  embrasser  les  vœux  de  la  Religion. 

Geste  diocèse  de  Genève  est  posée  au  milieu  de  tres- 

De  monialibus  reformandis. 

Jam  quod  ad  moniales  attinet,  monasteria  duo  sanctœ  Claras 

optimè  sanè  se  liabent.  Cisterciensium  porta?  omnibus  omnmô  patent, 

et  monialibus  ad  egressum,  et  Yiris  ad  ingressum.  NuUâ  autem  ratione 

reformari  posse  arbitrer,  nisi  in  urbes  reducantur,  et  aliis  subdantur 

superioribus ,  qui   earum    animabus  tractandis  majorera  operani 

adhibeant.  Omnibus  verô  tam  Cisterciensibus  quàm  sanctœ  Clarœ, 

iilud  solatium  deest,  quod  sacrum  Tridentinum  concilium,  non  sins 

sancti  Spiritûs  instinetu,  illis  vultconcedi^  ut  scilicet  ter  saltein 

quotannis  illis  extraordinarius  confessarius  conslituatur  :  coguntur 

enim  uni  eidemque  semper  conliteri ,  neque  unquam  illis  liberum  est 

alterius  operam  expetere,  quod  quanto  animaium  illarum  periculo 

liât,  nescio.  Peus  scit.  Item  nunquam  puellas  sistunt  aut  episcopo  aut 

ejus  vicario,  qui  earum  voluntatem  ad  religionis  amplectenda  vota  ei- 

plorare  possit. 

De  numéro  parœciarnra  augendo. 

Est  bœc  Gebennensis  diœcesis  in  medio  altissimorum  moritium 


238  oruscuLES 

hautes  montagnes,  au  sommet  desquelles  il  y  a  pour  la 
pluspart  des  villages  fort  peuplez ,  pour  la  consolation  des- 
quels ,  au  faict  de  la  religion ,  les  devanciers  ont  basty  des 
églises,  ausquelles  les  Pasteurs  demeuransaux  basses  vallées 
deussent  aller  tous  les  jours  des  festes  pour  célébrer  le  tres- 
sainct  sacrifice  de  la  Messe.  Mais  en  ce  commencement,  qu'il 
n'y  avoit  pas  beaucoup  de  familles  en  ces  lieux  si  aspres,  ceste 
extraordinaire  visite  des  Pasteurs  leur  devoit  estre  plus  que 
sufBsante,  puis  qu'à  cause  du  peu  de  champs  et  de  labou- 
reurs, ils  ne  pouvoyent  pas  entretenir  des  Près  très  qui  rési- 
dassent parmy  eux  ;  mais  maintenant  que  Dieu  a  multiplié 
ce  peuple ,  et  que ,  par  le  travail  et  industrie  des  habitans , 
les  déserts  sont  changez  en  champs  et  prez,  il  seroit  à  désirer 
u'  on  leur  establist  des  Recteurs  de  leurs  âmes,  et  les  dismes 
qu'ils  percevroyent  tous  les  ans  seroyent  bien  suffisants  pour 
les  entretenir. 

Or  que  cela  ne  se  fasse  pas ,  la  cause  est  que  presque  tous- 
jours  les  dismes  de  ces  lieux  appartiennent  aux  Abbez  et  Mo- 
nastères ,  leur  ayans  esté  attribuez  lors  qu'ils  estoyent  abon- 


posita,  in  quorum  tamen  plerumque  cacuminibus  et  prccruptis  pagos 
numerosissimis  familiis  refertos  videre  est;  quibus  ut  de  religione 
provideretur,  majores  ecclesias  œdilîcaverunt^  ad  quas  pastores  in 
imis  vallibus  commorantes,  singulis  diebus  festis  accédèrent^  pie- 
hem  sacratissimo  missœ  sacrificio  recreaturi.  Verùm  cùm  initio  raraî 
admodîim  incolarum  in  tam  asperis  locis  familiœ  essent_,  extem- 
poraria  illapastorum  visitatio  satis  superque  esse  debeat^  quando- 
quidem  ob  agrorum  et  agricolarum  paucitatem^  non  possent  ex 
illoruni  decimis  ali  ac  sustentari  clerici  qui  inler  eos  résidèrent.  At 
nunc  cùm  Deus  et  gentem  illam  multiplicaverit,  et  déserta _,  gentis 
labore  ac  industriâ,  in  arva  et  prata  mutata  sint^  desiderandum 
esset  illis  quoque  addici  rectores  animarum,  quibus  alendis  decimtB 
quas  quotanms  persolvunt^  sufficerent. 

Quominùs  autem  id  liât  causa  hœc  est  :  plerumque  semper  illorum 
locorum  décimas  ad  abbates  et  monasteria  spectant,  quibus  scilicet 
tune  attribuebantur^  cùm  promptuaria  spiritualia  monasterioriim 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  239 

dans ,  voire  regorgeans  en  secours  spirituels ,  et  que  les 
Moines ,  comme  des  brebis  fertiles ,  abondoyent  en  leurs 
sorties  ;  mais  maintenant  que  l'on  ne  peut  remarquer  autre 
chose  en  leurs  successeurs  que  le  seul  habit,  ces  pauvres  ha- 
bitans  des  monta2:nes  crient  comme  des  brebis  destituées  de 
pasquis  :  <(  Pourquoy  est-ce  que  ceux-cy  se  nourrissent  de 
nostre  laict,  et  se  couvrent  de  nostre  laine,  et  ne  nous  paissent 
point,  ny  par  eux  ny  par  des  autres?  »  et  certes,  il  semble 
qu'ils  ayent  raison. 

J'ay  veu  moy-mesme  et  visité  une  église  parroissiale 
située  sur  une  tres-baute  montagne ,  à  laquelle  personne 
ne  pouvoit  aller  sinon  en  rampant  de  pieds  et  de  mains,  dis- 
tante de  six  mille  italiques  de  l'autre  église ,  pour  lesquelles 
deux  il  n'y  avoit  qu'un  et  seul  pasteur,  qui  celebroit  la 
Messe  en  l'une  et  en  l'autre  tous  les  dimanches;  avec  quelle 
peine,  avec  quel  danger,  avec  quelle  ignominie  et  indécence, 
il  n'est  point  besoing  que  je  le  dise,  principalement  en  temps 
d'byver,  lors  qu'en  ces  quartiers  icy  tout  est  couvert  de 
glace  et  de  neige.  Je  ne  fus  pas  plustost  arrivé,  que  me  voilà 


plena  essent,  eructantia  ex  hoc  in  illud  ^  et  monachi^  velut  oves  fœ- 
tosse,  abundarent  in  egressibus  suis.  Nunc  verô,  cùm  passim  in  suc- 
cessoribus  solùm  vestimentum  animadverti  queat^  clamant  pauperes 
illi  montium  habitatores ,  velut  oves  pascuis  destitutse  :  Quare  lacté 
nostro  nutriuntur  isti^  et  lanis  operiuntur^  gregem  autem  nostrum 
non  pascunt  nec  per  se^  nec  per  alios?  Et  justa  videtur  eorum  oratio. 

Res  perquàm  notanda,  et  zelus  S.  Francisci. 

Vidi  ego  et  visitavi  parœcialem  ecclesiam  in  altissimo  monte  po- 
sitam,  ad  quam  nemo,  nisi  pedibus  ac  manibus  reptans,  accedere 
queat,  per  sex  milliaria  Itaiica  distantem  ab  aliâ  ecclesiâ  cujus  pas- 
lor  unicus  et  solus  utramque  regebat ,  ac  in  utrâque  singulis  Domi- 
nicis  diebus  missam  celebrabat,  quo  labore,  quo  periculo,  quo 
dedecore  non  est  quod  dicam^  prœsertim  hieme,  cùm  omnia  glacie 
ac  n!?o  îstîs  in  partibus  sint  obruta.  Ubi  appuli.  statim  ad  me  cla- 


240  OPUSCULES 

des  plaintes  de  tous  costez ,  des  hommes  ,  des  femmes  ,  des 
petits  et  des  grands  :  ce  Que  veut  dire  que  nous  observons 
tous  les  commandesnens  de  l'Eglise ,  que  nous  payons  les 
dismes  et  les  prémices,  et  on  ne  nous  baille  point  de  Pas- 
teurs, mais  sommes  comme  des  moutons  qui  ne  treuvent 
point  de  pasquiages  ?  »  C'est  que  l'Abbé  du  voisinage  perce- 
voit  le  tout. 

Il  est  bien  vray  qu'en  ce  faict  il  appartient  aux  Evesques 
d'y  mettre  de  l'ordre  ;  mais  difficilement  cela  se  peut-il  faire  : 
car  premièrement ,  on  suscite  des  procès  pour  le  possessoire 
devant  les  juges  laies;  que  si  leur  faict  ne  succède  pas,  ils 
ont  recours  à  diverses  appellations,  desquelles  ils  n'usent 
pas,  mais  abusent,  non  qu'ils  soyent  grevez  (comme  dict 
sainct  Bernard  ) ,  mais  à  fin  de  grever.  Or  pleust  à  Dieu ,  et 
pleust  à  Dieu  derechef ,  que  le  sainct  Siège  apostolique  en- 
voyast  un  Visiteur  prudent  et  fîdelle,  qui  distribuast  à  chaque 
Eglise,  comme  à  chaque  famille,  la  juste  et  nécessaire  mesure 
de  froment  î 

Outre  les  quatre  cens  et  cinquante  parroisses  que  nous 

mores  undiquè,  à  \'iris^  à  mulieribus^  à  majoribus,  à  minoribiis  : 
Quid  est  quôd  jura  ecclesiastica  oiniiia  servamus^  décimas  ac  prirni- 
tias  persoh'imus^  et  nullus  nobis  pastor  conceditur,  sod  sumus  sicut 
arietes  non  in\enientes  pascua?  ]Nimirùm  ab  abbate  propinquiori 
omnia  percipiebantur. 

Et  quidem  episcoporum  est  in  bis  decernere  quid  expédiât;  sed 
hoc  Yix  fieri  potest.  Nam  primùm  Htes  excitantur  pro  posscssorio 
coràm  laïcis  :  tùm  si  res  non  succodit.  appellationibus  variis  one- 
rant  dccernentum_,  quibus  non  utuntur^,  sed  abutuntur;  non  quôd 
'^raventur^,  inquit  sanctus  Bernardus^  sed  ut  gravent.  Utinam  vero, 
atque  utinam  aliquis  auctoritate  apostolicà  visitotor  veniret_,  fidelis 
€t  prudenSj  qui  singulis  ecclesiis^  veluti  familiis,,  darettritici  neces- 
sariam  cuique  mensuram, 

De  h;Bre!ici?« 

Prœter   quadringintas  quioquaginta  illas  parœcias  quas  à  veris 


DE    S.    FRANÇOIS   BE    SALES.  241 

avons  dicl  estre  habitées  par  de  vrayes  catholiques,  il  en 
reste  autres  cent  et  quarante  qui  en  partie  sont  sous  la  puis- 
sance tyrannique  des  Bernois,  en  partie  sous  la  subjection 
du  Roy  tres-Chrestien.  Et  quant  à  celle  qui  sont  occupées  par 
les  Bsî-nois ,  il  .n'y  a  point  d'espérance  jusques  à  ce  que  la 
ville  de  Berne  soit  reduitte. 

Quant  aux  autres,  qui  sont  possédées  par  le  Roy  tres- 
Chrestien,  c'est  la  vérité  que  sa  Majesté  me  dict  tousjours 
que  j'aye  bonne  espérance  ;  et  certes  il  y  a  quatre  ans  que 
par  son  commandement  j'ay  tousjours  espéré,  mais  mainte- 
nant mes  yeux  manquent  quasi  en  sa  parolle,  disant  :  ce  Quand 
sera-ce  qu'il  me  consolera  ?  ))  De  toute  ceste  affaire  le  car- 
dinal Bufalo  est  très-bien  instruict ,  lequel  estant  Nonce  du 
Siège  apostolique  en  France ,  selon  son  zèle  à  la  gloire  de 
Dieu  ,  ne  laissa  rien  en  derrière  pour  faire  que  le  Roy  nous 
laissast  le  mesme  droict  de  remettre  l'exercice  catholique  en 
ces  parroisses  qu'il  a  laissé  à  tout  le  reste  du  Royaume ,  et  à 
tous  les  Evesques  et  Ecclésiastiques. 

catholicis  incoli  dicimus,,  supersunt  alise  centum  quadraginta  numéro, 
quaB  partim  in  potestate  tyrannicâ  Bernensium  sunt,  partim  in  di- 
tione  Régis  Christianissimi.  Et^  quidem  quod  ad  illas  attinet_,  qua?, 
à  Bernensibus  occupantur  _,  nihil  sperandum  est,  donec  urbs  ipsa 
Bernensisin  ordinem  redigatur. 

Quod  autem  speclat  ad  alias,  quœ  à  Rege  Christianissimo  possi- 
dentur,  rectè  quidem  ipse  Rex  semper  sperare  jubet,  et  ejus  jussu 
hactenùs  toto  quadriennio  spera\i;  sed  nunc  deliciunt  propemodùm 
ocuii  mei  in  ejus  eloquium,  dicentes  :  Quandô  consolabitur  me?  Hâc 
de  re  totâ  scientissimus  est  <^.ardinalis  Bubalius,  qui  dùm  sanctaî  Sedis 
Nuntius  esset  in  Gai  Va,  viagnâ  contentione,  pro  suo  erga  Dei  gloriam 
zelo,  conatus  est  Regem  adducere,  ut  nobis  in  illis  paroociis  idem  jus 
faceret  ecclesiastica  bona  recipiendi,  ac  quod  caput  est,  catholicae 
religionis  munera  obeundi,  quod  alibi  toto  regno  caeteris  episcopis 
ac  clericis  constitutura  est. 


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212  OPUSCULES 

Je  ne  dirav  rien  de  Genève  :  car  elle  est  aux  diables  et  aux 
hérétiques  ce  que  Rome  est  aux  Anges  et  aux  Catholiques.  Ce 
doit  estre  tout  le  soing  de  tous  ceux  qui  font  profession  de  la 
îoy  et  Religion  Romaine,  c'est  à  dire,  orthodoxe,  mais  prin- 
cipalement iu  Pape  et  de  tou  5  les  Princes,  que  cesteBabylon 
soit  renversée  ou  qu'elle  se  i  onvertisse,  mais  plustost  qu'elle 
se  convertisse  et  vive ,  et  qu'ainsi  elle  lotie  le  Dieu  qui  vit 
aux  siècles  des  siècles. 


De  Genevâ. 

De  Genevâ  autem  nihil  addam  ;  ciim  enim  quod  Roma  est  angelis 
et  catholicis,  illasit  idem  diabolis  et  haereticis.  Omnibus  qui  Roma- 
nam,  id  est  orthodoxam  fidem  colunt^  ac  maxime  summo  Pcntifici  et 
Principibus  cura  sit,  ut  scilicet  aut  evertatur  Babylon  illa^  aut  con- 
vertatur^  sed  magis  ut  convertatur,  et  vivat,  laudetque  viventera  in 
secula  seculorum. 


I 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  243 


XLII. 

LETTRE* 

SUR  LES  REVENUS  DE  LA  MENSE  ÉPISCOPJVLE 

^DE  VÉVÉCRÉ  DE  GENÈVE. 

(L'autographe  en  appartenait  à  feu  Monseigneur  Rey,  évêque  d'Annecy.) 

En  vertu  du.4éGVet  de  Thiez ,  elle  perçoit  une  rente  de 

florins  7,500 

Le  secrétariat  lui  rapporte  fl.  700 

Elle  ne  possède  rien  de  plus,  pas  même  iipe  humble  clic^u- 

inière  qu'elle  puisse  habiter. 

Charges  de  la  Mense  épiscovale  de  Genève, 

Au  vicaire-général  et  au  secrétaire,  elle  pa,ie  annuellement 

à  titre  d'honoraires,  fl.  450 

Pour  loyer  de  la  maison  de  résidence  de  Févêque,  fl.  500 

Pour  loyer  de  la  prison ,  il.  40 

,^:  C'est  la  321*  4e  la  coUection  Biaise. 


Summa  totius  redditus  mensse  episcopalis  Gebennensis. 

Habet  mandamentum  vulgô  nuncupatum  ide  Thi^z,  çx  que  per- 

<a|>it  florenos  hujus  monette.  7_,^Q0 

Deinde  ex  scribania  episcopatûs  fl.  700 

Nihil  prifitereà  habet^  ne  quidem  quam  pQssit  humilem  habitare 

casam. 

Onera  mensae  episcopalis  Gebennensis. 

Vicario  generali  et  sigillifero  loco  stipendii  persolvit  quetan- 

Àlûsn,  450 

Pro"  locatlone  domûs  residentiae  episcopalis  ^fl.  500 

Pro  locatione  domûs  carceris,  fl.  40 


244  OPUSCULES 

Pour  repas  des  jours  de  fête  solennelle  offerts  à  tous  les 
chanoines  et  aux  membres  du  clergé  qui  assistent  l'évêcpë  à 
l'autel,  quand  il  officie ,  fl.  100 

Item,  oucre  les  aumônes  volontaires  que  Féveque  s'im- 
pose ,  la  coutume  l'oblige  à  donner  aux  pauvres  un  quart  de 
froment  par  semaine  :  cette  dépense  s'élève  bon  an,  mal  an, 
àfl.  150 

Item,  pour  renouveler,  comme  on  le  fait  en  ce  moment , 
les  livres  relatifs  au  susdit  décret  de  Thiez  et  portant 
pour  titre  ;  Reconnaissance  des  Vassaux,  il  faut  dépenser, 
florins  3,000 

Ces  livres  n'ont  pas  besoin  d'être  renouvelés  tous  les  ans , 
mais  seulement  tous  les  trente  ans. 

Ainsi,  déduction  faite  des  sommes  consacrées  aux  frais 
précédens ,  et  qui  s'élèvent  à  prés  de  sept  mille  florins,  il  ne 
reste  pour  les  dépenses  personnelles  de  l'évêque,  de  172  écus 
d'or  environ  *,  ou  fl.  860 

Mais  il  faut  remarquer  en  outre  que  si ,  par  suite  d'un 
hiver  rigoureux ,  ou  des  chaleurs  excessives  de  l'été  ;  si ,  par 

*  On  voit  par  celte  supputation  que  l'écu  d'or  valoit  5  florins. 


Pro  conviviis  quœ  solemnioribus  festis  fieri  debent  omnibus  cano- 
nicis,  altari  et  episcopo  celebranti  inservientibus_,  fl.  IGO 

Item  prccter  eleemosynas  spontaneas  et  arbitrio  episcopi  facieiidas, 
tenetur  ex  consuetudine  singulis  liebdomaclis  saltem  iinum  quartum 
frumenti  mendicis  dividere  :  constat  autem  summa  Irumenti  quotan- 
nis  circiter  fl.  ioO 

Item  renovandis  libris  quos  yoCiini  Recognitionem  Feiidalium  prœ- 
fati  mandamenti  àe  Thiez^  ut  nunc  fit^  expendendi  erunt  fl.     3_,000 

Non  autem  reno\andi  sunt  quotannis ,  sed  tngesimo  saltem  quo- 
que  anno. 

Rémanent  itaque^  deductis  prœdictis  necessariis  expensis,  circiter 
floreni  ad  septem  millia  pro  episcopi  sustentatione ,  id  est  i72 
nummi  aurei ,  circiter.  •      860 

Sed  rursus  notandum  est^  quod  si  vel  hyeme  nimio,  vel  œstu 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  245 

l'efFet  d'un  ouragan  ou  de  la  peste,  les  campagnes  sont  rava- 
gées ou  demeurent  en  friche ,  alors  les  revenus  de  l'évêque 
sont  réduits  ;  mais  les  charges ,  loin  d'être  diminuées ,  aug- 
mentent ,  à  moins  qu'on  ne  se  montre  plus  cruel  que  l'au- 
truche du  désert. 

Si  l'église  a  besoin  de  l'appui  des  tribunaux ,  les  frais  du 
procès  sont  encore ,  comme  de  raison ,  à  la  charge  de  l'é- 
vêque. Toutes  ces  supputations  sont  exactes,  et  je  les  ga- 
rantis en  conscience.  Aussi  le  saint  Concile  de  Trente  a-t-il 
décidé  sagement  qu'aucune  taxe  ne  devoit  être  imposée  aux 
évêchés  dont  les  revenus  n'excèdent  pas  deux  cent  mille 
florins  ;  il  n'est  donc  pas  juste  que  l'évêque  de  Genève  paie 
la  dîme ,  puisqu'il  n'a  pour  son  entretien  et  pour  celui  de  sa 
maison  que ,  fl.  860 

Eniin  ,  l'évêque  a  l'administration  de  600  églises  parois- 
siales, administration  difficile,  épineuse,  et  qui  occasionne 
mille  faux-frais  :  ce  n'est  qu'à  grand'peine  que  les  modiques 
revenus  de  ces  paroisses  peuvent  balancer  les  dépenses 
qu'elles  entraînent  inévita])lenient.  Si  à  celui  qui  ne  possède 


vehenitiitiori,  vel  tempestate,  vel  peste,  arva  et  agri  Tel  Iscdantur 
\el  iriculta  remaneantj  tune  minuuntur  quidam  censusEpiscopi^sed 
iKii  Miera  quaî  tune  temporis  maxime  potiiis  augentur,  nisi  velit 
■osse  crudelior  struthione  in  deserto. 

Si  litibus  jus  Ecclesiœ  prosequendum,  id  omne  Episcopi  expensis 
fit,  ut  par  est.  Ilœc  autem  omnia  verissima  esse  compertum  ettesta- 
tissimum  facio.  Quare  cùm  jure  merito  Sacratissimum  Concilium 
Tridentinum  cc.ouerit  nullam  imponi  debere  pensionem  Episcopis 
quorum  mensaî  valorem  annuum  mille  ducentorum  non  excédèrent, 
œquum  sanè  non  est  ut  Episcopus  Gebennensis  decimœ  solutione 
gravetur;  quandoquidem  Episcopo  Gebennenst  pro  ejus  sustenta- 
tionC;,  et  familioe  Episcopalis,  non  remaneat,  nisi  86(? 

Et  regimen  illi  incumbit  600  Ecclesiarum  parochialium ,  regimet 

•difTicillimum,  gravissimum  ac  variis  expensis  maxime  obnoxium 

et  cùm  œgrè  admodùm,  ac  ne  vix  quidem  necessariis  sumptibus 
«beundis,  censuum  tenuttas,  qualem  recensui,  par  esse  possit,  si 


246  OPUSCULES 

rien ,  on  enlève  encore  ce  qu'il  a ,  non-seulement  le  tena^ 
porel  ecclésiastique  de  ce  diocèse  se  soutiendra  dilïicilemenl, 
mais  il  ne  peut  échapper  à  une  ruine  complète  :  à  moins 
que  le  Seigneur^  nous  voyant  privés  du  froment  de  l'Egypte, 
ne  nous  envc^  ^  de  nouveau  la  manne  du  liaut  des  cieux . 

François  ,  Evêque  de  Genève. 


deinceps  non  hatentî  auferatur  etiam  qiiod  habet,  non  modo  publica 
tes  eccïesiasticà  diffîciliùs  conservabitur  iii  hâc  drœcesi,  sed  omninè 
éorruat  necés'se  sit  :  nisi  Deus  farina  JEgypti  carentibus  manna  de 
coelo  iterùm  prcestare  dignetur. 

Fiu^xiscus^  Ëpiscopus  Gebeonensis. 


P 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  217 


XLIII. 

PROCURATION  *  DE  S.  FRANÇOIS 

FOUR  PRÊTER  LE  SERMENT  DE  FIDÉLITÉ  AU  PRlfJÇE  DE  pigMONT  VICTOR  AMÉDÉIii. 

14  janvier  i6Ôt. 

Vùïi  mil  six  cent  et  sept  et  le  quatorzième  janvier,  devant 
moy  notaire  et  les  tesmoins  estably  en  sa  personne  111.  et  Rev. 
S'.  François  de  Sales,  par  la  grâce  de  Dieu  et  duSaint-Slé-i!; 
Apostolique,  Evesque  et  Prince  de  Genève,  lequel  agréable- 
ment et  sans  revocation  de  ses  aultres  procureurs  ci-devant , 
constitue  de  nouveau,  faict,  crée  et  constitue  ses  procureurs    • 
spéciaux  et  généraux,  l'une  des  qualités  ne  dérogeant  à    ' 
l'autre  ny  au  contraire.  Sçavoir,  Reverendissime  Monsei- 
gneur Nicolas  Goltry,  chanoine  de  l'église  cathédrale  de 
saint  Pierre  de  Genève  ,  Rarthollome  Flocard  ,  chanoine  de 
l'église  collégiale  de  nostre  Dame  d'Annecy,  et  Claude  de  - 
Blonnay,  curé  de  Gis,  au  bailliage  de  Chablais,  et  à  Fung; 
d'eux  seul  pour  le  tout  icy  présent  et  la  charge  acceptant ,  ef 
c'est  au  nom  de  mon  dit  Seigneur  le  Reverendissime  Evesque^ 
pre^ter  la  fidélité  à  Serenissime  Monseigneur  le  Prince  de 
Piémont,  et  c'est  suivant  et  à  la  forme  et  teneur  de  la  fidélité-, 
preste  personnellement  par  mon  dict  Seigneur  le  Reveren- 
dissime  le  premier  may  mil  six  cent  et  trois  par  l'acte  signé 
Borsier,  à  feu  de  très -heureuse  mémoire  Monseigneur  le 
Piinee  que  Dieu  absolve  Philippe  Emanuel,  et  fere  touti 
ahisy  que  si  mon  dict  Seigneur  le  Reverendissime  il  estoitx 
présent,  et  de  telle  fidélité  en  retirer  acte  duement  signé  et  t 
^ultreiaent  faire  comme  le  fait  le  requière  en  la  personjce 

*  Elle  5e  trouve  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise,  lettre  i05. 


248  OPUSCULES 

desquels  procureurs  et  de  Fung  d'eux  le  dict  Seigneur  l\eve- 
rendissime  a  eslu  son  domicile ,  promettant  mon  dict  Sei- 
gneur Reverendissime ,  par  serment  preste  more  prœlato- 
rum ,  avoir  agréé  ce  que  par  les  dicts  procureurs  ou  Fung 
d'eux  sera  fait  avec  toutes  aultres  promissions,  serment  preste^ 
relevations ,  renonciations  et  clausules  requises. 

Faict  à  Annessy,  dans  la  maison  d'habitation  de  mon  dict 
Seigneur  le  Reverendissime  ,  présents  les  Rev.  Messsir  Es- 
tienne  de  La  Combe  ,  chanoine  de  la  dicte  église  cathédrale 
de  saint  Pierre  de  Genève ,  Messir  Jacob  Chambour  et  Fran- 
çois Fabre ,  du  dict  Annessy,  tesmoins  requis ,  combien  que 
par  et  aultres  mains  soit  escript ,  et  moy  notaire  subsigné , 
à  ce  recepvoir  requis,  corroborées  par  signature  de  mon  dict 
Seigneur  le  Reverendissime ,  scellées  du  scel  de  mou  dict 
Seigneur  François ,  Evesque  de  Genève. 

DUMONT. 


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DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  ?i9 


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XLIV. 

MANDEMENT  SUR  LA  CELEBRATION  DU  JUBILÉ'. 

(  L'original  en  est  conservé  chez  Sa  Grandeur  l'évêque  d'Annecy.  ) 

A  Thonon,  le  8  mai  1607. 

François  de  Sales ,  par  la  grâce  de  Dieu  et  du  Saint  Siège 
Apostolique ,  Evesque  et  Prince  de  Genève,  aux  RR.  Curés 
et  autres  aj  ant  charge  des  églises  de  nostre  Diocèse  :  affin 
que  les  pei  pies  qui  nous  sont  commis  ne  perdent  point  la 
favorable,  occasion  de  prendre  les  grâces  du  saint  jubilé 
•qui  se  célèbre  maintenant  en  cette  ville  de  Thonon ,  ainsi 
que  cy-devant  il  a  esté  publié. 

Nous  ordonnons  par  ces  présentes  que  vous  ayez  à  repeter 
la  publication  d'iceluy,  exhortant  de  rechef  un  chacun  d'em- 
ployer cette  bénédiction  au  profit  et  salut  de  son  ame,  asseu- 
rant  de  nostre  part,  qu'en  ladite  ville  de  Thonon,  ny  es  lieux 
circonvoysins ,  il  n'y  a  aucune  sorte  pas  mesme  de  soupçon 
de  maladie  contagieuse  ,  ni  incommodité  qui  puisse  empes- 
cher  le  libre  et  désirable  accès  à  cette  sainte  dévotion.  Si 
supplions  tous  les  seigneurs  Rev"^^^  ordinaires  des  autres 
lieux  de  vouloir  prendre  la  mesme  asseurance  sur  ce  tes- 
moignage  que  nous  en  faysons,  et  la  faire  donner  aux 
peuples  de  leurs  Diocèses ,  afïin  que  ceux  qui  auroient  l'in- 
tention désirable  de  venir  puiser  en  cette  pleine  source  les 
saintes  indulgences ,  n'en  soyent  point  divertis  par  les  faux 
bruits  que  l'ennemi  des  âmes  fidelles  a  respandus  à  cette 

intention. 

François,  Ev.  de  Genève. 

Par  commandement  de  mon  dit  seigneur, 

Maniglier. 

*  Ce  Mandement  se  trouve  parmi  les  lett.  inéd.  de  la  collect.  Claise,  lett.  108«^ 


250  OPUSCULE» 


XLV. 

AUTRE 

MANDEMENT  POUR  LA  PUBLICATION  D'UN  JUBllÉ  '. 

<yiré  du  monastère  de  la  Visitation  de  la  ville  de  Lyon.) 

Aux  Curés ,  Vicaires  et  autres  Ecclésiastiques  du  Diocèse 
de  Genève. 

François  de  Sales,  par  la  grâce  de  Dieu,  Evesque  et  Prince 
de  Genève ,  aux  révérends  Curés ,  Vicaires  et  autres  Ecclé- 
siastiques ayant  charge  des  âmes  en  son  Diocèse  :  ayant  receu 
la  Bulle  du  jubilé ,  de  laquelle  le  présent  sommaire  est  ex- 
trait ,  nous  vous  recommandons  et  ordonnons  de  le  publier 
en  toutes  vos  églises  aux  peuples  qui  vous  sont  commis,, 
vous  resjouissant  mesme ,  de  nostre  part,  avec  eux  de  cette 
grande  commodité  qu'ils  auront  de  profiter  spirituellement,, 
recueillant  avec  dévotion  et  charité  les  grâces  qui  si  libéra* 
lement  leur  sont  départies  en  leur  propre  Di^  ese ,  à  quoy 
vous  les  convierez  et  exhorterez  le  plus  qu'il  vous  sera  pos- 
sible ,  au  nom  de  nostre  Seigneur,  duquel  je  vous  souhaitt» 
la  sainte  bénédiction. 

*  C'est  la  643e  des  lettres  de  l'édition  Biaise^  1834. 


DE  S.   FKANCOIS  DE   SALES.  251 


XLVL 

SUR  LES  STATIONS  DES  MORTS*. 

(L'original  eîi  appartenait  à  feti  Mgr....,  évêqne  d'Annecy;) 

Sur  la  remonslrance  à  nous  faite  à  Tonoii  tendante  aux 
fins  que  les  ecclésiastiques  de  la  congrégation  de  N.  D.  de 
Tonon  ayent  à  faire  célébrer  la  sainte  Messe ,  et  fassent  la 
station  accoustumée  dans  le  Diocèse  pour  les  fîdelles  tres- 
passés  dont  les  corps  reposent  au  cimetière  de  saint  Bon  ; 
nous  commettons  les  sieurs  de  Blonnay ,  prefect,  et  de  Cha- 
tillon  Plebain  pour  voir  ce  qui  sera  plus  à  la  gloire  de  Dieu, 
et  ordonner  de  nostre  part  ce  qui  devra  estre  observé  pour 
ce  regard ,  et  s'il  y  a  de  la  difficulté ,  nous  renvoyer  leur 
advis  sur  lequel  nous  puissions  prouvoir, 

i  C'est  la  320»  lettre  inédite  de  l'édition  Blaiso. 


252  OPUSCULES 


Vrvi 


XLVII. 

SENTIMENTS 

De  saint  François  DE  SALES  sur  la  collation  des  bénéfices  aux  personnes  les 
plus  dignes.  (Tirés  de  la  Vie  du  Saint ^  par  M.  Maupas  du  Tour,  Partie  IV, 
chap.  IV,  pag.  200.) 

Il  est  bien  raisonnable  de  remettre  le  soin  d'une  charge  à 
celui  qui  en  peut  le  moins  abuser.  Si  j'avois  de  la  créance 
auprès  des  rois,  des  princes  et  des  grands  seigneurs,  je  les 
porterois  à  préférer  tousjours  aux  bénéfices  un  homme  d'une 
bonne  conscience,  suffisamment  docte,  à  un  autre  d'une 
science  plus  sublime,  et  moins  consciencieux;  et  si,  aucun 
n'auroit  charge  dans  l'Eglise ,  qu'il  ne  fust  deschargé  des 
vices  qui  l'ont  misérablement  ébranlée.  Guy,  je  ne  distri- 
buerois  jamais  les  dignités  ny  les  tiltres,  avec  les  revenus  de 
l'Eglise,  qu'à  ceux  qui  les  fuyent,  et  non  pas  à  ceux  qui  les 
recherchent.  Ainsi,  pour  quelque  considération  que  ce  fust, 
je  ne  voudrois  avancer  un  prestre  qui  ne  s'employeroit  pas 
au  salut  des  âmes  :  car  tous  ces  poursuivans  qui  cherchent 
leur  fortune  au  domaine  de  Jesus-Christ,  tesmoignent  assez 
qu'ils  sont  autant  incapables  de  servir  à  l'autel ,  c'est  à  dire 
de  travailler  à  l'avancement  du  christianisme ,  que  coupables 
d'ambition;  parce,  dit  l'Apostre,  qu'ils  ne 'cherchent  pas  la 
justice  de  Dieu,  mais  leur  propre  interest.  Tous  ceux  qui 
disent  qu'il  faut  remplir  les  sièges  vacans  à  l'Eglise ,  et  don- 
ner les  rangs ,  les  prééminences  et  les  bénéfices  aux  hommes 
doctes,  ne  disent  pas  assez,  s'ils  n'y  adjoustent,  humbles, 
zélés  et  craignant  Dieu;  à  raison  que  la  science  enfle,  et  ne 
doit  estre  estimée  qu'autant  qu'elle  est  fructueuse  au  salut  des 
fidèle  u 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES,  253 


XLVIIL 

CONSTITUTIONS 

De  l'académie  florimontaine  *,  érigée  à  Annecy  par  saint  François  de  Sales, 
évêque  de  Genève,  et  par  M.  Antoine  Favre,  président  du  Genevois, 
l'an  1607  2. 

La  fijj  de  l'académie  sera  l'exercice  de  toutes  les  vertus , 
la  souveraine  gloire  de  Dieu,  le  service  des  serenissimes 
Princes  et  l'utilité  publique. 

Les  seuls  gens  de  bien  et  doctes  y  seront  receus.  Qui- 
conque devra  estre  receu  sera  présenté  par  quelqu'un  des 
académiciens.  On  escrira  au  catalogue  le  nom,  surnom,  la 
patrie  et  les  qualitez  de  celuy  qui  sera  receu ,  lequel  sera 
tenu  de  faire  preuve  de  sa  doctrine  et  capacité ,  ou  par  escrit 
ou  par  parolle ,  ou  en  prose  ou  en  vers ,  devant  les  acadé- 
miciens. 

Tous  les  académiciens  prendront  des  noms  et  des  devises 
à  leur  fantaisie,  qui  toutesfois  soyent  convenables;  et  le  cen- 

1  Le  duc  de  Nemours  Henri  de  Savoie  fut  établi  le  prince  et  le  protecteur 
de  cette  académie,  et  saint  François  de  Sales,  avec  M.  Favre,  ses  deux  asses- 
seurs, l'un  pour  la  philosophie  et  la  théologie,  l'autre  pour  la  jurisprudence, 
et  tous  les  deux  ensemble  pour  les  belles-lettres. 

2  Tirées  de  la  Vie  du  Saipt  par  Auguste  de  Sales,  tom.  II,  pag.  2  et  suiv. 


Finis  academiae  vJ.rtutum  omnium  exercitium  esto^  suprema  Dei 
gloria^  serenissimorum  principum  obsequium_,  et  utilitas  publica. 
Soli  probi  et  docti  recipiuntor.  Quicumque  recipiendus  erit^  ab  ali- 
quo  ex  academicis  praesentator.  Et  recepti  nomen_,  cognomen^  patria, 
conditiones,  in  catalogum  referuntor.  Recipiendus,  vel  verbo,  sive 
libéra,  sive  solutâ  oratione  coram  academicis  suae  doctrinae  pro- 
bationem  facito   Academici  omnes  et  singuli  nomina  ad  placitum 


254  ^  OPUSCULES 

seur  prendra  garde  qu'elles  soyent  bien  prises ,  et  qu'on  ne 
les  change  point.  Après  qu'elles  auront  esté  dépeintes ,  on 
les  affigera  selon  Tordre  de  la  réception. 

Les  consultations  de  ceux  qui  auront  à  parler  publique- 
ment se  feront  avec  un  jugement  meur  et  exactement.  On 
admettra  aux  assemblées  générales  tous  les  braves  maistres 
des  arts  honnestes,  comme  peintres,  sculpteurs,  menuisiers, 
architectes  et  semblables. 

Chaque  leçon  comprendra,  autant  qu'il  se  pourra  faire, 
un  traicté  entier  de  quelque  matière  ;  si  moins ,  on  laschera 
de  faire  une  bonne  conclusion  de  tout  ce  qui  aura  esté  dict 
en  la  première  leçon.  Le  stil  de  parler  ou  de  lire  sera  grave, 
exquis ,  plein ,  et  ne  ressentira  en  point  de  façon  la  pédan- 
terie. Les  leçons  se  feront  ou  de  théologie  ,  ou  de  politique, 
ou  de  philosophie  ,  ou  de  rhétorique ,  ou  de  cosmographie , 
ou  de  géométrie ,  ou  d'arithmétique.  On  y  traictera  de 
l'ornement  des  langues  et  surtout  de  la  françoise.  Les  acade*- 
fniciens  destinez  pour  faire  les  leçons  promettront  de  n'ab»- 
senter  jamais  sans  nécessité. 

On  affigera  à  la  porte  de  l'académie  un  billet,  auquel  sera 


cum  symboliscongruis  assumunto.  Censoribus  ?utem  ut  rectè  nomina 
et  symbola  sumantur,  eura  esto.  Symbola  ubi  depicta  fuerint,  recep- 
tionis  ordine  at'figuntor. 

Consultationes  maturo  judicio  et  accuratè  de  dicturis  fiunto.  Ad 
générales  conventus  generosi  quique  artium  magistri,  ut  pictores, 
scuipîores,  fabri,  architeeti,  et  his  similes  fidmittuntor. 

Lectio  quEEvis  integrum  ahqua  de  materid^  si  fieri  possit_,  tractatujni 
comprehendito;  sin  minus,  eorum  quoe  in  prima  lectione  tracta- 
buntur,  optima  conolusio  habetor.  Dicendi,  legendive  stylus  gravis, 
excultus  ,ac  plenus  esto ,  ncc  ullo  modo  rhemaianum  sapito.  Lcctiones 
vel  arithmetiese,  Yel  geometricse,  vcl  cosmographicaî,  vel  phiioso- 
phiccG,  vel  rhetoricaî,  si  non  theologicœ,  aut  politic-.,  sunto.  De 
linguarum  ornatu,  ac  prœcipuè  Gallicae ,  tractator.Aci  em ici  lectio- 
Dibus  destinati  nunquàm  sine  nccessitate  abess.  promittunto. 

Ad  academise  januara  syngraphus ,  quo  lectionum  maleria,  locus 


DE   S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  2^ 

marqué  le  temps  et  la  matière  des  leçons.  Les  lecteurs  tasche- 
ront  (^e  tout  leur  pouvoir  d'enseigner  bien  ,  beaucoup  et  ea 
peu  de  temps.  Les  auditeurs  apporteront  leur  attention,  leur 
pensée  et  leur  soing  à  ce  que  Ton  enseignera  ;  et  s'il  y  a 
quelque  cbose  qu'ils  n'entendent  pas,  ils  en  feront  des  inter- 
rogats  après  que  la  leçon  sera  faicte.  Les  discours  et  ha- 
rangues se  feront  avec  plus  d'éloquence  que  la  leçon,  et  l'oa 
s'y  servira  de  l'art  oratoire. 

On  n'y  admettra  point  d'heretique,  scbismatique ,  înfî- 
délie ,  apostat ,  ennemy  de  la  patrie  ou  des  serenissimes 
Princes ,  perturbateur  du  repos  public ,  ou  marqué  de  quel- 
que infamie  publique.  Tous  les  académiciens  entretiendront 
un  amour  mutuel  et  fraternel.  On  taschera  d'esloigner  de 
l'académie  tout  ce  qui  pourroit  en  quelque  façon  nourrir  la 
discorde.  Quand  il  y  aura  quelque  dissention  ou  querelle, 
le  Prince ,  ou  son  lieutenant ,  ordonnera  tres-prudemment 
ce  qu'il  verra  estre  nécessaire. 

Tous  iront  à  qui  mieux  fera.  Ceux  qui  arriveront  l'aca- 
démie estant  commencée,  s'assiéront  sans  cérémonie,  et  sans 
aucune  dispute  de  presseance.  Toutesfois  il  y  aura  une  place 

iDt  tempus  notentur,  affigitor.  Lectores  benè,  multum,  etbrevi  tem- 
pore  docere  totis  viribus,  conantor.  AuOitores  ab  ea  quœ  doce- 
buntur,  attentionem  ^  cogitationem  et  cur^m  conferunto.  De  iis  quae 
non  intellexerint,  lectione  habita,  interroganto.  Sermones  et  dis- 
curcus  majori  cum  eloqueiitià  quàm  lectiones  fiunto,  et  in  iis  ars 
orotcria  adhi'^etor. 

Nemo  hœreticus,  schismaticus,  infidelis,  aposlata,  patriœ  aut 
.jerenissimorum  principurn  inimicus,  quietis  publicae  pert  rbator,  aut 
aliqua  publicâ  infamiâ  notatus,  admittitor. 

Omnes  et  singuli  academici  mutuum  et  fraternum  amorem  nu- 
triunto.  Omnis  discordiœ  fomes  ab  academiâ  abigitor.  Ortis  forte 
controversiis  et  dissensionibus ,  Princcps  aut  ejus  gerens  vices  pru- 
dentissimè  quid  agendum  fuerit^  decernito. 

Omnes  meliora  charismata  remulantor.  'Advenientes ,  incœplâ 
academiâ,  absque  cœremoniis  aut  prcurogalivee  drsputatione  sedcnto. 


256  OPUSCULES 

particulière  pour  les  grands,  comme  princes,  prélats  et  sem- 
blables. Nul  des  académiciens  ne  fera  aucun  signe  de  légèreté 
d'esprit,  quelque  petit' qu'il  puisse  estre,  autrement  il  sera 
corrigé  par  les  censeurs. 

Le  prince  de  l'académie  sera  tous] ours  choisi  quelque 
homme  illustre ,  vertueux  et  porté  au  bien  de  Facademie. 

Les  collatéraux  ou  assesseurs  seront  sages,  prudens,  doctes 
et  experts. 

Le  secrétaire  sera  d'un  esprit  clair,  subtil ,  expeditif  et 
généreux,  et  bien  versé  aux  lettres  humaines.  Il  n'envoyera 
point  de  lettres ,  qu'au  preallable  il  ne  les  ayt  faict  voir  au 
Prince,  aux  collatéraux  et  censeurs. 

Les  censeurs  seront  tres-versez  en  toutes  choses ,  autant 
qu'il  se  pourra  faire  ,  et  approcheront  de  l'encyclopédie  ; 
toutesfois  il&  communiqueront  au  Prince  et  collatéraux  les 
pièces  qui  devront  estre  examinées. 

Le  thresorier  sera  choisi  un  homme  prudent ,  équitable  et 
soigneux.  Les  académiciens  ne  devront  point  estre  grevez  de 
contribuer  pour  les  choses  qui  seront  nécessaires  ,  selon  la 


Magnatibus  tamen^  ut  principibus,  pra:latis,  et  hujusmodi,,  pecu- 
iiaris  locus  esto.  Academicorum  iiemo  levitatis  animi  ullum  vel  mi- 
nimum signum  edito,  alioquin  à  censoribus  corrigitor. 

Academiaî  princeps  illustris  vir^  virtutibus  prœditus^  et  academico 
bono  propensus  eligitor. 

Collatérales  seu  assessores  sapienteS;,  prudentes,  docti  et  experti 
sunto. 

Secretarius ,  perspicui ,  subtilis ,  expediti  et  generosi  ingenii,  et 
humaniorum  litterarum  sciensesto.  Nullas  epistolas  ille,  nisi  priùs 
Principi,  collateralibus  et  censoribus  benè  \isas ,  millito. 

Censores  in  rébus  omnibus,  quantum  fieri  poterit,  versatissimi , 
et  enclyclopedise  proximi  sunto  :  examinandas  tamen  compositiones 
Principi  et  collateralibus  communicanto. 

Quœstor  vir  prudens ,  œquus  et  studiosus  eligitor.  Academici  pro 
lis  quai  necessaria  erunt ,  quantum  rationi  consonum  erit ,  contri- 
buere  ne  gravantor.  Avari  in  academiam  ne  accedunto. 


DE  S.    t'RANCOlS  DE   SALES*  257 

raison.  Que  les  avaricieux  ne  mettent  point  le  pied  clans 
l'Académie. 

On  créera  un  huissier  à  gage,  lequel  sera  obligé  d'appeller 
les  Académiciens  à  propos  ,  et,  selon  le  temps,  de  conduis, 
€t  reconduire  le  Prince  et  les  collatéraux  à  l'Académie ,  de 
préparer  la  sale  et  disposer  les  sièges. 

Les  autres  choses  seront  ordonnées  selon  que  les  affaires 
et  les  temps  enseigneront. 


Accensus  cum  ri>  arcede  creator.  Hic ,  cùm  opus  fuerit ,  acade- 
micos  YOeato.  Principem  ^.t  collatérales  ad  academiam  conducito, 
€t  reducito,  aulam  ])arato^  et  sedes  disponito. 

Caetera,  proùt  res  et  tempora  doctura  sunt,  decernunlorf 


258 


OPUSCULES 


XLIX. 


-  •\/v/\A/N/v\/vnA/v 


LETTRE* 

SUR  UNE  AFFAIRE  CONCERNANT  LE  CHAPITRE  DE  LA  CATHÉDRALE  D'aNNECT» 

ffirée  du  registre  des  lettres  de  saint  François  de  Sales,  conservé  au  monastère 
(ie  la  Visitation  de  Pignerol,  à  un  de  ses  amis.) 

Saint  François  se  plaint  de  la  conduite  des  syndics  et  des  habitants  de.»* 

contre  son  chapitre. 

Le  10  mars  1608. 
Monsieur  mon  cher  frère  tant  aymt  ^ 

Depuis  que  je  suis  en  charge  d'evesque,  rien  ne  m'a  tant 
affligé  que  les  mouvemens  indiscrets  des  sindics  et  hahitans 
de... contre  mon  chapitre , contre  lequel  ils  plaident;  tascbez 
de  les  accorder  amiablement ,  ils  ne  veulent  subir  ny  sentence 
ny  expédient ,  ils  mesprisenr  tous  mes  advis,  et  tesmoignent 
une  passion  furieuse  contre  les  curés  et  les  ecclésiastiques  ; 
je  suis  donc  affligé  si  cette  violence  n'est  reprimée,  car  elle 
croistroit  tous  les  jours  ;  d'ailleurs  je  suis  affligé  qu'on  chas- 
tie  ces  mutineries ,  parce  que  les  mutins  sont  mes  diocésains 
et  mes  enfans  spirituels  ;  mais  toutes  choses  bien  considérées, 
il  faut  un  peu  d'affliction  aux  enfans ,  alfm  qu'ils  se  cor- 
rigent ,  quand  on  void  que  les  remontrances  n'ont  servy  de 
rien;  il  vaut  mieux  que  je  pleure  leurs  tribulations  tempo- 
relles, que  s'ils  se  precipitoient  dans  l'éternelle.  Je  ne  désire, 
sinon  que  mon  église  demeure  dans  ses  droits  et  que  ces  gens 
demeurent  dans  leur  devoir. 

»  Cette  lettre  est  la  110»  parmi  les  inédites  de  la  collection  Biaise, 


LE   S.   FRANÇOIS   LE   SALES.  ,    259 


L. 

AVIS  DU  SAINT  ÉVÈQUE 

A  madame  Rose  "Bourgeois,   abhesse   du  Puits-d'Orbe,   Ordre   de    Saint- 
Benoît,  sur  la  manière  dont  elle  devoit  gouverner  sa  Communauté.  (Tiré 
de  la  Vie  de  saint  François  de  Sales,  par  M.  Maupas,  évêque  du  Puy^. 
Part.  IV,  chap.  xv,  pag.  286.) 

(Vers  le  25  d'août  î  608.) 

Voulez-vous  que  je  vous  c*se  ce  qu'il  m'en  semble ,  Ma- 
dame? L'humilité,  la  simplicife  de  cœur  et  d'afïection,  et  la 
soumission  d'esprit,  sont  les  solides  fondements  de  la  vie  re- 
ligieuse. J'aimerois  mieux  que  les  cloîtres  ftissent  remplis  de 
tous  les  vices,  que  du  péché  d'orgueil  et  de  vanité;  parce 
que,  avec  les  autres  offenses,  on  peut  se  repentir  et  obtenir 
pardon  ;  mais  l'ame  superbe  a  dans  soi  les  principes  de  tous 
les  vices,  et  ne  fait  jamais  pénitence,  s'estimant  en  bon  état, . 
et  méprisant  tous  les  avis  qu'on  lui  donne.  On  ne  sauroit 
rien  faire  d'un  esprit  vain  et  plein  de  l'esprit  de  soi-même; . 
il  n'est  bon  ni  à  soi  ni  aux  autres. 

Il  faut  encore ,  pour  faire  un  bon  gouvernement ,  que  les  • 
Supérieurs  et  Supérieures  ressemblent  aux  pasteurs  qui 
paissent  les  agneaux,  et  qu'ils  ne  négligent  le  moindre  exemple 
pour  éfJîOer  le  prochain;  pa^ce  que,  tout  ainsi  qu'il  n'y  a  si 
petit  ruisseau  qui  ne  mène  à  la  mer,  aussi  n'y  a-t-il  trait  qui 
ne  conduise  l'ame  en  ce  grand  océan  des  merveilles  de  la 
bonté  de  Dieu. 

Madame,  le  soin  que  vous  devez  avoir  à  ce  saint  ouvrage 
doit  être  doux,  gracieux,  compatissant,  simple  et  débon- 
naire. Et  croyez-moi ,  la  conduite  la  plus  parfaite  est  celle 
qui  approche  le  plus  près  de  l'ordre  de  Dieu  sur  nous ,  (jui 
est  plein  de  tranquillité,  de  quiétude  et  de  repos ,  et  qui,  en 


2G0  OPUSCULES 

sa  plus  grande  activité,  n'a  pourtant  aucune  émotion,  et  se 
fait  tout  à  toutes  choses. 

De  plus,  la  dilig'  ie  des  Supérieurs  doit  être  grande  pour 
Temédier  aux  plus  petits  murmures  d^  la  Communauté.  Car 
somme  les  grands  orages  se  forment  aes  vapeurs  invisibles, 
de  même  aux  Religions  les  grands  troubles  viennent  de  causes 
fort  légères.  Rien  aussi  ne  perd  tant  les  Ordres  que  le  peu  de 
som  qu'on  apporte  à  examiner  les  esprits  de  ceux  qui  so 
jettent  au  Cloître.  On  dit  :  Il  est  de  bonne  maison,  c'est  un 
grand  esprit;  mais  l'on  oublie  qu'il  ne  se  soumettra  qu'avec 
grande  difficulté  à  la  discipline  religieuse. 

Avant  que  de  les  admettre ,  on  doit  leur  représenter  la 
vraie  mortification  et  la  soumission  que  la  Religion  demande, 
et  ne  leur  point  figurer  si  avantageusement  tant  de  consola- 
tions spirituelles.  Car  tout  ainsi  que  la  pierre ,  encore  que 
vous  la  jetiez  en  haut,  retombe  en  bas  de  son  propre  mou- 
vemeiit,  aussi  p);^s  une  ame  que  Dieu  veut  à  son  service  sera 
repoussée ,  plus  elle  s'élancera  à  ce  que  Dieu  voudra  d'elle. 
D'ailleurs,  ceux  qui  prennent  ce  parti  comme  par  dépit  d'a- 
voir un  courage  haut  avec  une  basse  fortune,  apportent: 
d'ordinaire  bien  plus  de  désordre  dans  les  Cloîtres  que  dd 
bon  ordre  en  eux. 


LE   S.    FRÂ>XOîS    DE    SALES.  261 


•  ,/v/vv/\>%/\/%/\/Ny\/\/>/ 


LI. 


ORDRE 

Qne  saint  François  DE  SALES  mit  dans  re  monastère  du  Puits-d'Orbe,  Ordre 
de  Saint-Benoît ,  lorsqu'il  s'y  transporta  vers  le  25  du  mois  d'août  1608,  par 
ordre  du  Pape,  pour  y  établir  la  réforme.  (Auguste  de  Sales,  tome  II, 
page  22.) 

I.  Quant  à  la  closture,  il  est  requis,  dit-il,  que  nul 
homme  n'entre  dans  le  Chœur,  ny  dans  le  Cloistre ,  ny  dans 
le  Dortoir  des  Religieuses,  sinon  pour  les  causes  que  les 
Confesseurs ,  Médecins ,  Chirurgiens ,  Charpentiers  et  autres 
peuvent  entrer  aux  Monastères  les  plus  reformez,  c'est  à 
dire  quand  la  vraye  nécessité  le  requiert.  Les  femmes  neant- 
moins  y  pourront  entrer  aussi  par  tout,  mais  non  pour  cou- 
cher dans  le  Dortoir. 

IL  Les  Religieuses  pourront  sortir  dans  l'enclos  du  Mo- 
nastère ,  pourveu  qu'elles  sortent  pour  le  moins  deux  en- 
semble ,  et  qu'elles  n'entrent  point  dans  les  logis  où  habitent 
les  Prestres  ,  Receveurs  et  autres  hommes ,  attendu  qu'il  ne 
peut  y  a^'oir  aucune  nécessité  de  ce  faire ,  et  tousjours  quel- 
que sorte  de  danger.  Elles  pourront  aussi  sortir  du  Monastère 
aux  champs  et  pourmenades  qui  sont  autour  d'iceluy  pour 
leur  récréation ,  pourveu  qu'elles  soyent  au  moins  la  moitié 
ensemblement,  sans  se  séparer  les  unes  des  autres. 

III.  Mais  quant  à  entrer  et  demeurer  au  Chœ'  y  des  Reli- 
gieuses pendant  que  l'on  y  faict  l'OfEce ,  il  ne  le  i!:^ut  per- 
mettre qu'à  quelques  femmes  de  respect. 

IV.  Et  pour  les  visites  des  parens,  amis,  et  autres  qui 
voudront  voir  les  Religieuses,  il  faudra  députer  quelque 
chambre  hors  le  Cloistre ,  en  laçLuelle  telle  visite  puisse  estre 


262  OPUSCULES 

faici'i-,  où  neantmoins  les  Religieuses  n'aillent  point  qu'ac- 
conipignées  de  deux  autres  pour  la  bienséance.  Le  jardin 
;]);o('!ie  du  logis  de  Madame  l'Abbesse  peut  servir  à  cela,  et 
l'eiilise  du  costé  de  l'autel,  selon  la  diversité  des  occurrences, 
en  observant  toujours  la  bienséance  de  n'estre  seules  en  un 
lieu,  bien  qu'elles  parlent  seules  à  ceux  qui  les  viennent 
voir,  pendant  que  celles  qui  viendront  avec  elles  s'entretien- 
dront à  part  ffv<^c  toute  modestie. 

V.  Quant  à  la  sortie  des  Religieuses  aux  maisons  de  leurs 
proches  et  autres  lieux ,  il  seroit  requis  qu'elle  fust  du  tout 
retranchée;  mais  cela  semblant  trop  dur  à  quelques  unes, 
il  faut  pour  le  moins  que  ce  soit  le  plus  rarement  qu'il  sera 
possible ,  puis  que  telles  sorties  ne  se  font  guieres  sans  une 
notable  distraction  d'esprit,  et  murmuration  de  ceux  qui  les 
voyent  dehors ,  et  que  les  parens  mesmes  desireroyent  que 
ieuis  Religieuses  demeurassent  en  paix  dans  leurs  Monas- 
tères, ainsi  que  quelques  uns  ont  librement  dict. 

VI.  Il  seroit  requis  qu'il  y  eust  un  Confessional  en  quelque 
lieu  visible  dés  le  Chœur,  ou  qui  fust  mesme  dans  le  Chœur, 
et  que  ce  Confessional  fust  faict  en  sorte  que  le  Confesseur 
ne  vist  point  les  Dames  qui  se  confessent,  ny  elles  luy,  pour 
plusieurs  raisons.  Il  faut  ester  l'autel  qui  est  dedans  le 
Chœ.ur,  et  tirer  tout  au  long  une  séparation  entre  le  Chœur 
et  le  maistre  autel ,  qui  soit  faicte  à  colomne  de  bois  ou  de 
fer,  et  où  il  y  ayt  une  porte,  par  laquelle  ou  les  Religieuses 
puissent  sortir  pour  se  présenter  è  la  Gûnimunion ,  ou  le 
Prestre  puisse  entrer  pour  la  leur  porter  dans  le  Chœur,  si- 
non que  la  séparation  fust  faicte  en  sorte  que  les  Religieuses 
«e  disposans  en  rang  le  Jong  d'icelle,  le  Prestre  puisse  les 
communier  commodément  entre  les  colomnes  ;  ce  qui  sem- 
bleroit  plus  séant  et  propre,  et  fort. aisé  pour  la  gravité  de 
l'action ,  commi'aussi  il  sembleroit  plus  propre  et  plus  séant 
que  le  Confessionallust  mis  en  sorte  que  les. Dames  fussent 
en  iceluy  dedans  le  Chœur  «t  le  Confesseur  dehors,  comme  il 


DE    S.    l'RANÇOIS    DE    SALES.  263 

■se  peut  faire ,  et  qu'il  se  faict  en  tous  les  Monastères  bien 
reiglez.  Or  cela  sera  si  l'on  faict  le  Confessionnal  en  l'un  des 
deux  bouts  de  la  séparation. 

VIL  II  est  requis  qu'il  se  fasse  une  Prieure,  laquelle, 
comme  lieutenante  de  l'Abbesse,  soit  obeye  ny  plus  ny  moins 
que  l'Abbesse  en  l'absence  d'icelle;  et,  pour  la  faire,  il  est 
expédient  que  les  Religieuses  en  fassent  élection,  et  que  l'i^b- 
tesse  l'accepte  et  confirme  pcar  telle.  Que  si  les  Religieuses 
n'en  vouloient point  faire  d'élection,  l'Abbesse  la  pourroit  es- 
tablir  sans  cela.  Or  il  la  faut  choisir  telle  que  les  Religieuses 
^yent  sujet  de  luy  obéir  et  de  Thonorer.  Elle  tiendra  tousjours 
le  premier  rang  après  l'Abbesse,  en  l'absence  de  laquelle 
toutefois  elle  ne  se  mettra  pas  en  sa  place ,  mais  en  la  première 
après  celle  de  l'Abbesse. 

VIIÏ.  Le  Chapitre  ou  Calenae  se  doit  tenir  tous  les  vendre- 
dis do  l'année ,  si  la  solemnité  de  quelque  feste  occurrente 
n'empesche,  et  lors  il  faudra  s'assembler  le  jour  précèdent. 
On  lira  quelque  chapitre  ou  article  desReigles,  ou  mesme  de 
quelque  livre  qui  traicte  de  la  discipline  religieuse  ;  puis 
on  conférera  par  ensemble  des  défauts  et  manquemens  qui  se 
seront  commis  es  offices  et  observances  régulières,  si  on  en 
a  remarqué,  et  des  moyens  d'y  remédier,  avec  toute  la  f-ha* 
l'ilé  qu'il  sera  possible. 

IX.  Quant  aux  pensions,  toutes  sont  exhortées  de  les  re- 
mettre à  la  disposition  de  la  Supérieure,  qui  moyennant  cela 
aura  somg  de  faire  fournir  à  toutes  les  nécessités  de  celles 
qui  les  remettront;  et  quant  à  celles  qui  ne  voudront  pas  les 
remettre  présentement ,  il  faudra  attendre  que  Dieu  les  en 
inspire* 


261  OPUSCULES 


LIL 
QUESTION 

D'IMMUNITÉ  ECCLÉSIASTIQUE  PERSONNELLE. 

(Parmi  les  lettres  inédites  de  Tédition  Blaiss,  118°  lettre  ;  l'original  se  conserve* 
au  monastère  de  la  Visitation  a 'Annecy.) 

AU  ROI   HENRY  IV. 

Saint  François  prie  Sa  Majesté  d'exempter  du  paiement  des  décimes 
les  curés  du  bailliage  du  Bugey, 

1609, 

Sire; 

J'ay  cinquante  ou  soixante  Curés  sous  ma  charge  au  bail- 
liage du  Bugey,  sur  lesquels  nulle  décime  n'a  esté  cy  devant 
imposé  de  la  part  de  vostre  Majesté,  à  la  bonté  de  laquelle  je 
recours  maintenant  pour  eus,  et  eux  avec  moy,  afïin  qu'il  luy 
plaise  les  exempter  encore  cy  après.  Le  fondement  de  cette 
supplication.  Sire,  est  à  la  vérité  bien  mauvais,  mais  il  n'en 
est  que  plus  solide  ;  car,  c'est  leur  extrême  pauvreté,  puis  que 
presque  tous  sont  si  chetifs  en  moyens ,  qu'ils  n'en  ont  que 
pour  vivre  misérablement  ;  si  que  vostre  Majesté  comman 
dant  qu'on  les  laisse  aller,  leur  fera  une  excellente  aumosne^ 
car  elle  leur  donnera  le  repos,  seule  condilir-îi  qui  peut 
rendre  leur  disette  aucunement  supportable ,  du  milieu  de 
laquelle  ils  prier^^at  Dieu  qu'il  prospère  vostre  Majesté ,  etc. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  265 


LUI. 
LETTRE^ 

A   UN   GENTILHOiVIME   EN   DIGNITÉ* 

(L'original  est  conservé  au  monastère  de  la  Visitation  d'Annecy.) 

Saint  Fraa<;ciis  le  prie  de  faire  en  soile  aiie,  dans  le  traité  avec  la  république 
de  Genève ,  on  n'oublie  point  ce  stipuler,  en  faveur  de  la  cathédrale  de 
Genève,  la  jouissance  de  ses  biens  qui  sont  dans  les  états  du  duc  de  Savoie. 

Monsieur, 

Il  plut  à  S.  A.  il  y  a  quelque  temps  ,  depuis  ces  guerres, 
déclarer  pour  Teglise  de  ce  diocèse  estre  de  son  intention  et 
plaisir  que  tous  les  biens  qui  se  trouveroient  en  ses  estats  avoir 
esté  de  l'Eglise  anciennement  devant  que  Genève  eust  chassé 
les  Ecclésiastiques,  retournassent  à  l'Eglise  comme  vray  pa- 
trimoine de  J.-C,  ce  c[ui  a  fait  que  le  Chapitre  de  Saint- 
Pierre  ayant  advisé  qu'il  se  devoit  tenir  quelque  journée  à 
Turin  touchant  ce  bailliage  et  autres  affaires ,  il  a  pris  reso- 
lution en  l'asseurance  de  vostre  zèle  et  pieté  de  vous  supplier 
très  humblement  de  leur  faire  aumosne  de  vostre  crédit  et 
intercession  en  cet  endroit,  afin  que  si  le  cas  de  quelque  resti- 
tution de  pays  escheoit  en  traité,  ils  ressentent  le  profit  de  la 
dévote  intention  de  sa  dite  Altessn ,  et  que  les  biens  qui  se 
trouveront  avoir  esté  dudit  Chapitre  Au  ^mps  de  la  subver- 
sion de  Genève  leur  soient  restitués. 

Ils  vous  supplient  donc  ,  Monsieur,  très  humblement  tous 
en  gênerai,  et  moy  en  particulier  comme  ayant  cet  honneur 
d'estre  prevost  en  leur  Compagnie,  de  prendre  cette  leur  af- 
faire en  main ,  se  promettant  que  si  la  bonne  intention  de 

&  Cest  la  26«  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


266  OPUSCULES 

s.  A.,  dressée  sur  îa  pieté  de  la  cause,  est  aidée  de  vostre 
faveur  etauthorilé,  elle  sortira  en  son  effet  a.vee  grand  nieritis, 
de  sa  dite  Altesse,  qui  nous  aura  remis  nostre  pain  en  la  main, 
et  de  vous  ,  Monsieur,  qui  nous  aurez  procuré  ce  bien  ,  du- 
quel je  puis  vous  asseurer  avec  vérité  que  nous  avons  bon 
besoin ,  pour  s'estre  la  pauvreté  de  celte  église  cathédrale  de 
trente  Chanoines,  quasi  tous  gentilshommes  ou  gradués, 
fort  rengregée  par  ces  guerres  ,  sans  avoir  voulu  jamais  di- 
minuer aucune  chose  de  ce  qui  s'observoit  pour  la  décoration 
du  service  divin. 

Vous  suppliant  donc  nous  avoir  pour  recommandés,  nous 
recommanderons  de  toute  nostre  dévotion  vostre  santé  et 
prospérité  à  N.  S.,  et  demeurerons  obligés  à  jamais  de  prier 
plus  particulièrement  sa  divine  bonté  qu'elle  vous  comble 
de  ses  bénédictions.  Et  poiu-  mon  regard,  Monsieur,  con- 
tinuant en  la  condition  de  M.  de  Boisy,  mon  pare,  je  deœeu- 
rerav  vostre  très  humble  serviteux^ 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  267 


. '^/v.'^y^.'^./'\<'^<'v/\ 


LIV. 

LETTRE* 

AU  RÉVÉREND  PÈRE  EN  N.  S.,   LE  PÈRF  DOM  ,   PRIEUR  DE  POllVIERS, 

EN   FAVEUR  DES  DROITS  DE   l'ÉCLISE   DE   BEAUMONT. 

(L'original  eu  appartenoit  à  madame  la  comtesse  Puliini,  née  Mareschal 

de  Chaumont,  à  Turin.) 

Saint  François  le  prie  d'user  de  son  autorité  pour  que  les  sujets  de  sa  maiso** 
paient  les  prémices  au  curé  de  Beaumont,  leur  curé. 

,r       T^         _  27  août  1609. 

Mon  nev.  Père, 

Les  remostrances  que  me  fait  le  sieur  Curé  de 

Beaumont,  que  plusieurs  des  sujets  de  vostre  maison  refusent 
do  luy  payer  les  prémices,  les  quelles  néanmoins  ils  luy  doi- 
vent comme  estant  ses  paroissiens;  avant  que  de  prendre 
aucun  autre  expédient  pour  l'aider  en  sa  juste  intention  selon 
mon  devoir,  j'ay  voulu  vous  supplier  d'user  de  l'authorité 
que  vous  avez  sur  ces  refusans,  pour  les  réduire  à  la  raison  : 
espérant  que  vostre  sage  entremise  aura  tout  le  pouvoir  re- 
quis pour  l'effet  de  mon  équitable  désir,  comme  la  mienne  aura 
le  crédit  envers  vostre  bienveillance  d'en  obtenir  le  secours 
qae  je  souhaite  à  cet  honneste  et  bon  Curé ,  le  quel  je  m'atî- 
seure  vous  est  desja  assez  recommandable  :  comme  aussi  il 
m'a  tesmoigné  qu'il  vous  honore  e*  révère  de  tout  son  cœur. 
Je  n'employeray  pas  davantage  de  ^/aroles  pour  vous  expri- 
mer mon  affection  en  ce  point,  non  plus  pour  vous  offrir  de 
xechef  mon  humble  service,  que  je  \i;ûs  supplie  accepter, 
€t  tenir  tousj ours  pour  tant  asseuré.  Nostre  Seigneur  vous 
conserve ,  mon  révérend  Père,  et  je  suis 

Vostre  humble  serviteur  et  confrère  en  nostre  Seigneur, 

François  ,  evesque  de  Genève, 

»  C'est  la  il4e  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


26S  OPUSCULES 


VVAA/VW 


LV. 

LETTRE* 

A   M.    FRANÇOIS   KANZO^, 

Gentilhomme  et  conseiller  de  Son  Altesse,  à  Turin,  pour  la  canonisation 

du  bienheureux  Am/4 

(Tirée  de  la  copie  authentique  conservée  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.) 

Très  illustre  Seigneur, 

La  lettre  que  votre  Seigneurie  très  illustre  m*a  écrite  pour 
faire  donner  commencement  à  quelque  sorte  de  solennité 
pour  le  jour  du  passage  du  Bienheureux  Amé,  est  arrivée 
entre  mes  mains  le  jour  qui  a  suivi  la  fête ,  ainsi  on  n'a  pas 
pu  faire  ce  que  j'aurois  vivement  désiré,  mais  on  le  fera,  s'il 
plaît  à  Dieu  ,  l'année  prochaine. 

On  ne  sait  rien  autre  de  Mantoue  ni  de  Borgio,  parce  que 
les  fondations  qui  ont  été  faites  sont  du  Comte-  Vert  ^  et  non 
pas  de  nostre  Bienheureux. 

^  C'est  la  124*  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 

*  François  Kanzo  a  écrit  la  vie  du  bienheureux  Amé  ;  saint  François  entre- 
tenoit  avec  lui  une  correspondance  relative  à  la  canonisation  du  prince.  Voyez 
la  32e  lettre  contenue  dans  le  recueil  des  lettres  inédites.  (Edit.  Biaise.) 

*  Amédée  VI  tut  appelé  le  Comte-Vert, 

-- 

Annessi,  alli  6  maggio  1610. 
MoUo  Ul.  Sig.  mio, 

La  letlera  che  V.  S.  molto  111.  mi  scrisse  per  far  dar  principia 
a  qualche  sorte  di  solemnità  per  il  giorno  del  tran.?ito  del  B.  Amedeo 
capitô  nelle  mie  mani  il  giorno  dopo  la  festa ,  onde  non  si  feca 
quel  che  io  avrei  sommamente  desiderato^,  ma  si  farà^  piacendo  at 
Signore,  Tanno  seguente. 

Da  Mantua  non  s,i  ha  altro  ne  da  Borgo,  perche  le  fondazioni  ivl 
fatte  sono  del  conte  verde  e  non  del  nostro  bei^to* 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  269 

• 

Je  remercie  V.  S.  très  111.  de  l'image,  et  je  désire  beau- 
coup voir  la  vie,  et  que  l'alfaire  de  la  canonisation  marche 
r:ii  avant. 

il  m'est  venu  dans  la  pensée  une  chose  qui ,  si  Y.  S.  la 
trouve  à  propos,  pourra  beaucoup  contribuera  l'honneur  du 
Bienheureux.  On  commencera  à  établir  à  la  fête  prochaine 
de  la  Pentecôte  une  congrégation  de  dames  nobles  douées 
d'un  grand  esprit  et  de  grandes  qualités ,  dans  laquelle 
on  pratiquera  beaucoup  d'œuvres  de  charité  envers  les 
pauvres  et  les  malades ,  au  service  desquels  ces  bonnes  âmes 
se  veulent  dédier  suivant  ce  que  pratiquent  les  femmes  en 
te  pavî  ultramontain  :  elles  auront  unr  liaison  dans  la- 
quelle elles  vivront  en  commun ,  et  un  oratoire  de  grande 
dévotion. 

Actuellement  il  dépend  de  moi  de  faire  dédier  cet  oratoire 
et  cette  maison  au  Saint  qui  me  paroîtra  plus  à  propos ,  et 
voyant  que  la  dévotion  de  ces  dames  nobles  se  dirige  vers 
les  pauvres  et  les  malades  auxquels  notre  Bienheureux  fut 
si  affectionné,  que  son  exemple  est  publié  dans  toutes  les 


Ringratio  V.  S.  111.  delF  imagine,  e  desidero  sommamente  di  ve- 
der  la  vita^  e  chè  le  cose  délia  canonisazione  vadano  inanzi. 

Mi  è  Ycnuto  in  pensierc  una  cosa,  la  quai  se  V.  S.  molto  111.  trova 
a  propositOj  potrà  molto  ben  riuscire  ad  honor  di  detto  beato.  Si  darà 
principio  a  questa  festa  prossima  di  Pentecoste  ad  ima  congregazîone 
di  gentildonne  di  gran  spirito,  qimlilà  e  nelh  quale  si  adopraranno 
moite  opère  di  carità  verso  li  povcri,  et  HiTimalati,  di  ô'ervitio  de 
quali  quelle  benedette  anime  si  vogliono  in  parte  dedicare  secondo 
chè  in  queste  parti  ultramontane  quel  esercizio  si  suol  fare  fra  le 
donne ,  et  elle  havranno  una  casa  nella  quale  viveranno  insieme  et 
un  oratorio  di  gran  devozione. 

Ora  stcà  in  man  mia  di  f^r  dedicare  quell'  oratorio ,  e  quella  casa, 
al  santo  che  mi  parera  piu  a  proposito,  e  vedendo  cliè  la  divozione 
di  quellegentil  donnée  circa  h  poveri,,  et  ammalali,  alli  quali  il 
nostro  beato  fa  tanto  aflezionato,  chè  l'esscmpio  suo  è  pubblicato  ia 
tuUi  lipulpiti^  Yorrei  volontieri  chè  detta  casa  al  suo  beato  nome 


270  OPUSCULES 

chaires,  je  votidrois  bien  que  cette  maison  fut  mise  sons 
rinvocation  de  ce  bienheureux.  Ilseroit  convenable,  puiscin'il 
est  né  dans  ce  tÎM)€èse ,  qu'il  eut  dans  le  même  diocèse  sa 
première  maison  et  son  premier  oratoire. 

Afin  que  je  puisse  fai»^?  cela,  il  seroit  convenable  que  son 
Altesse  l'approuvât  et  fît  en  sorte  que  sa  Sainteté  Feut  pour 
agréable.  Il  me  semble,  d'après  ce  que  je  pense,  que  ce  seroit 
chose  très  facile  à  son  Altesse  ,  si  elle  oixionnoit  qu'à  Rome 
on  en  fit  la  demande,  d'autant  plus  que  depuis  long-temps 
ce  Bienheureux  est  si  honoré  dans  ce  diocèse. 

Votre  Seigneurie  très  illustre  y  pensera ,  et  si  elle  me  fait 
part  de  la  volonté  de  son  Altesse  ,  je  ne  manquerai  pas  de 
faire,  de  mon  côté,  tout  ce  qui  sera  convenable.  Je  vous  prie 
de  tâcher  que  cela  s'obtienne  le  plus  tôt  possible  pour  ma 
satisfaction. 

Je  supplie  le  Seigneur  qu'il  donne  tout  vrai  contentement 
à  V.  S.  très  illustre, 

Votre  très  affectionné  serviteur, 
François  ,  Evêque  de  Genève. 


fosse  dedicata,  è  sarebbe  convenevole  ch'essendo  egli  nato  in  questa 
diocesi^  in  questa  havesse  la  sua  prima  casa  et  oratorio  j  ma  acciô  io 
potessi  far  questo,  sarebber  conveniente  chè  S.  A.  ne  fosse  contenta, 
e  facesse  chè  S.  S'"*  cio  havesse  grato  ,  il  chè  secondo  chè  io  penso 
sarebbe  cosa  facilissima  a  S.  A.  se  comandasse  chè  in  Roma  se  ne 
facesse  instanlia,  atteso  chè  già  anticamente  è  stato  tanto  riverito 
questo  beato  in  questa  diocesi. 

V.  S.  molto  m.  vi  pensarà,  e  se  me  avvisam  dell'  intenzione  di 
S.  A.  io  non  mancarô  di  quanto  ^^al  canto  mio  sarà convenevole,  ma 
.  la  supplico  bene  chè  sia  quanto  prima  per  mia  consolazione.  In  tanto 
gupplico  N.  S.  chè  a  Y.  S.  molto  ïll.  dia  ogni  vero  contento. 

Di  V.  S.  molto  111. 

Affect™*»  servi  tore, 

Francisco,  Yescovo  di  Geneva. 


DE    S.    FRANCOTS    DE    SALES,  271 


LVl. 

LETTRE* 

A  M.   ROSETAM,  VICA'r.Y   FORAIN    DE    l'ÉVÈCIIÉ    DE    GRNÈVE   EN    BIGEY,   VALORMET 

ET   GEX. 

(L'original  en  est  conservé  au  monastère  de  la  Visitation  de  Turin.) 

S.  François  lui  recommande  une  affaire  relative  à  la  cathédrale  de  Genève. 

Aneci,  7  nov.  1610. 
Monsieur, 

Voyla  que  ces  messieurs  d^.  nostre  église  cathédrale  re- 
courent ^  moy  eu  une  personne  qui  représente  par  delà  la 
mienne,  pou»  une  affaire  qu'ilz  ont  à  mon  advis  grande  rai- 
son d'affectionner.  Hz  ne  doutent  nullement  que  vous  ne 
leur  rendrez  bonrie,  briefve  et  fidèle  justice  :  mais  je  doy 
vous  recommander  leurs  affaires  comme  les  miennes  propres, 
puis  que  Dieu  m'a  joint  plus  particulièrement  à  eux,  et  m'a 
enjoint  la  conservation  de  leurs  droits.  Je  le  fais  donq  autant 
qu^il  m'est  possible,  et  sur  l'advis  que  vous  me  donnastes 
l'autre  jour,  j'enverray  lundi  monsieur  Rollant  à  Monsieur 
4e  Mont-Saint-Jean,  puisque  je  suis  forcé  de  passer  jusques 
en  Faucigny,  pour  affaire  qui  presse,  et  retourneray  icy 
pour  quelques  jours,  passés  les  quelz  je  m'en  iray  à  Gex, 
mais  vous  en  serez  advertit,  et  tandis,  je  demeure, 

Monsieur, 

Yostre  très  humble  et  très  affectionné  confrère, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

«  C'est  la  127e  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


272 


OPUSCULES 


LVir. 
LETTRE* 

A  M.  LE  JUROUIS  DE  LANS,  LlEUTEy\NT-GÉNÉRAL  DE  S.  A.,  EN  DE  ÇA  LES  MONTS. 

(Tirée  de  l'original  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.) 

Saint  François  lui  donne  connoissance  d'une  excursion  qu'il  fait  dans  une 
bourgade  du  pays  de  Gex  qui  est  hors  de  l'obéissance  de  S.  A. 

30  avril  1611. 

Monsieur , 

Estant  appelé  pour  restablir  le  saint  exercice  de  la  foy  en 
une  bourgade  du  pais  de  Gex,  qui  est  de  mon  diocèse,  mais 
hors  de  l'obeyssance  de  S.  A.  S"%  j'ay  voulu  avant  mon  de- 
part,  donner  connoissance  à  V.  £.  de  ce  petit  voyage,  auquel 
ma  charge  m'oblige,  affin  qu'en  toutes  occasions  j'observe, 
tant  qu'il  me  sera  possible,  les  loix  de  mon  devoir.  Dieu 
veuille  à  jamais  bénir  V.  E.,  de  la  quelle  je  suis , 

Monsieur , 
Très  humble  et  très  affectionné  serviteur  en  N.  S.^ 

François,  Ev.  de  Genève. 
»  Cest  la  128»  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    rr.ANCOIS   DE   SALESr  273 


^  rv\/\/\/\/vN/\/\ 


LVIII. 

LETTRE* 

A   S.    A.    CHARLES   EMMANUEL   l" ,   DUC    DE   SAVOIE. 

(L'original  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.) 

3aint  François  se  justifie  auprès  du  duc  de  Savoie  de  Taccasation  calomnieuse 

d'ourdir  des  trames  contre  son  Etat. 

Aneci,  11  juin  1611, 

MonseigQeur, 

Ayant  esté  adverti  que  l'on  m'avoit  chargé  auprès  de 
Y.  A.  de  fayre  certains  mauvais  mesnages  d'estat  avec  les 
estrangers,  j'en  ay  esté  le  plus  estonné  du  monde ,  ne  pou- 
vant m'imaginer  sur  quell'  apparence  de  fondement  on  peut 
bastir  cette  calomnie  :  Car  encor  que  ces  jours  mon  devoir 
m'ayt  nécessité  d'aller  à  Gex  et  y  arrester  quelque  temps , 
si  est-ce  que  non  plu*  là  qu'ailleurs  je  ne  me  suis  meslé  de 
fayre  ou  dire  chose  aucune  ,  que  selon  ma  profession,  pres- 
chant,  disputant,  reconciliant  les  esglises,  consacrant  les 
autelz,  administrant  les  sacrementz.  Et  non-seulement  je 
n'ay  point  fait  de  mesnage  contre  le  service  de  V.  A.,  ce 
qui  ne  m'est  jamais  arrivé  ,  ni  ne  m'arrivera  jamais  ni  en 
effect ,  ni  en  pensée  ;  mais  au  contraire  autant  que  la  discré- 
tion et  le  respect  que  je  doy  à  ma  qualité  me  lo  permettent , 
j'ay  observé  tout  ce  que  j'estimois  estre  considérable  pour  le 
service  de  Y.  A.  afïin  de  luy  en  donner  advis,,  comme  j'eusse 
fait  par  escrit,  si  à  mon  retour  je  n'eusse  treuvé  le  comman- 
dement qu'elle  me  donnoit,  de  les  porter  de  bouche  à  M.  le 
marquis  de  Lans,  auquel  je  parlay  en  toute  franchise  et 

*  C'est  la  I3ie  parmi  les  lettres  inédUos  de  la  collection  Biaise. 

VI.  18 


^74  OPUSCULES 

naïfvelé  ;  rasseurant  entr' autres  choses  que  les  hruitz  lou- 
chant le  dessein  des  François  sur  Genève  n'estoyent  que  des 
vrayes  chimères  que  quelques-uns  avoyent  peut-estre  fa- 
briquées pour  rendre  probables  leurs  prétendus  services.  Car 
en  vraye  vérité  les  François  n'avoyent  eu  aucun'  intention 
de  surprendre  à  force  cette  ville  là  ;  ayant  trop  d'appréhen- 
sion de  mouvoir  les  l<i meurs  des  hérétiques  de  France  et  de 
leur  faire  prendre  les  armes  comm'  ilz  feront  s'ilz  peuvent 
toutesfois  et  quantes,  qu'on  fera  de  telz  coups  contr'  eux^ 
Tellement  que  ni  M.  le  Grand  de  Bellegarde  ni  M.  de  Lux 
n'osèrent  jamais  y  aller  quoiqu'ilz  y  fussent  invités,  de  peur 
d'accroistre  le  soupçon  que  quelques-uns  en  avoyent,  Vray 
est  que  le  sieur  de  la  Notie  proposa  là  dedans  par  manière 
de  conseil ,  qu'il  seroit  expédient  de  remettre  les  murailles 
au  Roy  de  France  pour  éviter  les  perilz  qu'elles  couroyent  à 
tous  momens.  Mays  soit  qu'il  donnast  cette  atteinte  par  le 
commandement  de  la  Reyne,  soie  qu'il  la  fîst  de  son  propre 
mouvement,  de  quoy  je  n'ay  rien  sçeu  apprendre  de  certain, 
elle  fut  si  mal  reçeue  que  ceux  de  la  ville  en  diverses  occur- 
rences disoyent  tout  haut  qu'ilz  se  donneroyent  plustost  au 
malin  qu'à  V.  A.  et  plustost  à  V.  A.  qu'au  Roy  ;  d'autant 
que  non  seulement  V.  A.  les  recevroit  à  meilleur  marché 
que  le  Roy  ;  mais  quand  elle  voudroit  altérer  les  conditions 
de  leur  donation ,  ils  auroyent  plus  de  moyens  de  la  rompre 
par  l'assistance  des  voisins ,  que  quand  elle  seroit  faite  en 
faveur  du  Roy.  Et  ne  sçai  si  pour  ce  regard  il  vint  point 
à  propos  qu'à  mesme  temps  les  Souisses  qui  revenoyent 
d'auprès  de  V.  A.  dirent  en  passant  des  merveilles  en  fa- 
Teur  des  droictz  qu'elle  a  sur  le  pays  de  Vaux,  dequoy  ceux 
de  Genève  furent  extrêmement  esmeuz.  Et,  sur  ce  propos, 
j'appris  de  divers  discours  des  François  que  si  nostre  Saint- 
Pere  se  remuoyt  un  peu  vivement  envers  les  Souisses  catho- 
liques et  la  Reyne,  comm'  il  le  doit  faire  en  considération  de 
la  religion ,  il  n'y  auroit  point  de  difficulté  de  faire  heureu- 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES.  275 

«ement  réussir  les  prétentions  de  V.  A.  contre  les  Bernoys , 
desquelz  la  grandour  est  de  longue  main  ennuyeuse  aux 
Souisses  catholiques  ;  et  puisque  la  Reyne  doit  plus  désirer 
ramoindrissement  du  parti  huguenot  que  soupçonner  Fag- 
2:randissement  de  V.  A.. 

Je  dis  plusieurs  autres  particularités  à  M.  le  marquis  de 
Lanz  des  quelles  sans  doute  il  aura  eu  honne  mémoire, 
^our  les  représenter  à  Y.  A.,  laquelle  je  supplie  très  hum- 
blement de  croire  que  j'ay  gravé  trop  avant  en  mon  cœur  le 
devoir  que  je  luy  ay,  pour  jamais  me  relascher  à  faire  chose 
<jui  puisse  tant  soit  peu  nuyre  au  service  de  ses  affaires  ;  et 
quej'ay  une  trop  grande  aversion  au  tracas  des  choses  d'estat 
pour  jamais  y  vouloir  penser  d'un'  attention  délibérée.  Ni 
moy,  Monseigneur,  ni  pas  un  de  mes  proches  n'avons  ni  en 
effect  ni  en  prétention  aucune  chose  hors  l'obeyssance  de  V.  A, 
Je  ne  sçay  doncq  comment  la  calomnie  ose  me  représenter 
avec  des  affections  estrangeres,  puis  que  mesme  je  vis,  Dieu 
merci,  de  telle  sorte  que  comme  je  ne  mérite  voyrement  pas 
d'estre  en  la  bonne  grâce  de  V.  A,  n'ayant  (rien)  qui  puisse 
dignement  correspondre  à  cet  honneur-là;  s.ussi  merité-je  de 
n'estre  jamais  en  sa  disgrâce ,  ne  faysant  ni  n'affectionnant 
rien  qui  me  puisse  porter  à  ce  malheur,  que  je  ne  crains 
aussi  nullement  moyennant  l'ayde  de  nostre  Seigneur,  qui 
en  faveur  de  la  véritable  fidélité  que  je  conserve  à  V.  A. 
ne  permettra  jamais  que  les  brouillons  et  calomniateurs 
m'ostent  la  gloire  que  j'ay  d'estre  advoué. 

Monseigneur, 

Invariable  ,  très  humble ,  très  fîdele  et  très  obeys- 
sant  serviteur  et  orateur  de  V.  A., 

François  ,  Evesque  de  Genève. 


276  OPUSCULES 


UX. 

LETTRE* 

A  LA  REINE  MÈRE,   MARIE   DE   MÉDICIS. 

n  lui  envoie  un  religieux  pour  lui  rendre  compte  des  affaires  de  Gei, 

et  le  lui  recommande. 

Annecy,  le  12  février  161i. 

Madame , 

Ce  porteur  est  le  prédicateur  ordinaire  de  Gex ,  Religieux 
fort  zélé ,  dévot ,  discret ,  extrêmement  sortable  au  lieu  et  à 
la  cause  qu'il  sert.  Ce  petit  peuple  catholique  et  moy  le  pré- 
sentons en  toute  humilité  à  vostre  majesté,  comme  un  cahier 
animé ,  contenant  les  moyens  les  plus  convenables  pour  la 
réduction  de  ceux  de  la  religion  prétendue,  et  pour  Paccrois- 
sèment  de  la  foy  catholique  au  bailliage  de  Gex  ;  afin  que  si 
tel  est  le  bon  plaisir  de  vostre  Majesté  ,  dont  je  la  supplie 
tres-humblement,  elle  en  sçache  par  luy  toutes  les  particula- 
rités plus  clairement;  et  tandis,  j 'invoquerai  nostre  Seigneur,. 
à  ce  qu'il  soit  la  couronne  et  la  gloire  de  vostre  Majesté ,  au 
ciel  et  en  la  terre ,  selon  le  continuel  désir ,  Madame ,  de 
vostre ,  etc. 

1  Cestla  46«du  !«'  livre  des  Lettres  dans  les  anciennes  éditions,  et  la  256* 
de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES. 


277 


LX. 


AUTRE  LETTRE* 

A   LA   MÊME. 

11  la  remercie  d'avoir  remis  l'église  de  Gex  en  possession  des  lieux  et  des  ïïîens 
envahis  par  les  ministres  de  la  religion  prétendue  réformée. 

En  1612. 

Madame , 

Apres  avoir  rendu  grâces  à  Dieu  du  reslablisement  de  son 
€glise  es  lieux  et  biens  cy-devan\  occupez  et  détenus  par  les 
ministres  de  la  religion  preten  me  au  bailliage  de  Gex ,  j'en 
remercie  tres-humblement  vo^tre  Majesté ,  de  la  royale  pro- 
vidence et  pieté  de  laquelle  ro  bonbeur  nous  est  arrivé.  Dieu 
éternel  vtûille  à  jamais  establir  la  volonté  duroy  vostre  fils, 
puis  que  vous  avez  si  grand  soin  du  restablissement  de  celle 
de  son  Fils ,  Roy  des  roys.  Dieu  remplisse  vostre  royale  per- 
sonne de  ses  bénédictions,  puis  que,  par  Tau  thori té  qu'il  vous 
a  donnée,  vous  faites  bénir  son  saint  nom  en  tant  d'endroits, 
esquels  il  estoit  profané.  Ce  sont  les  continuels  soubaits  que, 
par  une  immortelle  obligation ,  fait  et  "lera  tousjours ,  Ma- 
dame ,  vostre ,  etc. 

»  C'est  la  470  du  I"  livre  des  Lettres  dans  les  anciennes  éditions,  et  la  255« 
de  la  collection  Biaise, 


V 


278  OPUSCULES 


LX[. 

AUTRE  LETTRE  * 

A   LA   REINE   MÈRE  ,    MARIE   DE   MÉDICIS. 

U  lui  demande  le  rétablissement  du  monastère  des  pères  Carmes  en  la  "ville 

de  Gex. 

1612. 

Madame , 

Les  Catholiques  de  Gex ,  qui  ne  peuvent  respirer  qu'en 
l'air  de  vostre  royale  faveur,  sçachant  qu'en  leur  ville  il  y 
avoit  jadis  un  Monastère  de  Carmes ,  lequel  estant  restabli 
rendroit  beaucoup  de  bons  effets  pour  l'accroissement  de  la 
foy,  ils  supplient  tres-humlidement  vostre  Majesté  d'agréer 
les  poursuites  qu'ils  en  font,  ^t  de  les  faire  réussir  selon  le 
saint  zèle  dont  elle  est  animée;  et  je  joins  ma  tres-humble' 
supplication  à  la  leur,  avec  mille  souhaits  qu'il  plaise  à 
nostre  Seigneur  combler  de  ses  grâces  et  bénédictions  vostre- 
Majesté ,  de  laquelle  je  suis  sans  lin ,  Madame ,  etc. 

»  C'est  la  48*  du  I«»  livre  des  Lettres  dans  les  anciennes  éditions,  et  la  257»^ 
de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  279 


LXTl. 

LETTRE* 

A  SON  ALTESSE  LE  DUC  DE  SAVOIE. 

n  lui  représente  Tobligation  où  il  est  de  procurer  la  canonisation  du 
bienheureux  Amédée  III,  duc  de  Savoie. 

Mars  1612. 

Monseigneur, 

Il  y  a  quelque  temps  que  j'envoyay  à  vostre  Altesse  sere- 
nissime  plusieurs  Mémoires  touchant  l'estime  et  véritable 
opinion  que  tout  ce  pays  de  deçà  avoit  tousjours  eue  de  la 
sainteté  du  bienheureux  duc  Amedée  troisième;  et  je  croyois 
que  vostre  Altesse,  considérant  ces  honorables  tesmoignages 
de  l'eminente  sainteté  d'un  Prince  auquel  elle  appartient 
de  si  près ,  seroit  suffisamment  incitée  à  en  désirer  la  cano- 
nisation. 

Mais ,  attendant  de  jour  à  autre  qu'on  fîst  quelque  bon 
dessein  pour  cela ,  et  n'ayant  point  de  telles  nouvelles ,  je 
supplie  tres-humblement  vostre  Altesse  de  pardonner  si  avec 
un  peu  de  chaleur  je  luy  représente  ma  pensée  sur  ce  sujet;, 
car  en  une  grande  affection  on  ne  se  peut  pas  bien  retenir. 

Ce  grand  saint  et  vostre  Altesse  avez  un  devoir  mutuel 
l'un  à  l'autre  ;  car  vostre  Altesse  lui  succédant,  et  selon  le 
mesme  sang,  et  selon  le  mesme  sceptre,  elle  luy  appartient 
comme  un  fils  à  son  père.  Vostre  Altesse  donc  le  doit  honorer 
en  tout  ce  qu'elle  peut,  comme  sa  charité  l'oblige  de  proté- 
ger, secourir  et  élever  votre,  altesse  :ny  ces  liens  réciproques. 

1.  C'est  la  50'  du  1"  livre  dans    les  anciennes  éditions,  et  la  258*  de  la 
collection  Biaise. 


280  '  OPUSCULES 

De  sont  point  rompus  par  la  mort  ;  car  ce  sont  des  liens  de 
Pamour  sacré  ,  qui  est  aussi  fort  pour  les  conserver  que  la 
mort  pour  les  dissoudre. 

Or,  les  miracles  que  Dieu  a  faits  en  faveur  de  ce  grand 
Prince,  la  grande  estime  delà  sainteté  d^celuy,  que  sa  divine 
Providence  d  nourrie  dans  le  cœur  des  peuples  qui  ont  le 
bonheur  d'estre  sous  sa  Couronne,  et  de  plusieurs  autres  cir- 
convoisins ,  les  histoires  qui  célèbrent  si  hautement  la  pieté 
de  sa  vie  ;  ce  sont ,  Monseigneur,  tout  autant  de  sommations 
que  ce  saint  Prince  vous  fait  de  luy  faire  les  honneurs  qui 
sont  dus  à  son  excellente  sainteté.  Nul  ne  luy  a  ce  devoir  en 
pareil  degré  avec  vostre  Altesse,  nul  n'a  le  pouvoir  si  grand 
de  le  luy  rendre,  ny  par  conséquent  nul  n'en  doit  avoir  un 
Couloir  si  ardent. 

Je  prie  Dieu  qu'il  comble  de  célestes  bénédictions  vostre 
Altesse,  de  laquelle  je  suis  infinimeBt,  Monseigneur,  etc. 


DE   S.    FRANÇOIS   LE    SALEF.  28) 


LXIII. 

LETTRE* 

AU   SOUVERAIN    PONTIFE    PAUL   V. 

(liréft  de  la  Vie  du  Saint,  par  Ch.-Aug.  de  Sales. 

II  le  supplie  d'ériger  un  évêché  à  Chambéri ,  et  lui  expose  les  raisons  qui 

engagent  à  cette  érection. 

Avant  le  7  mars  1G12, 

La  ville  de  Chambery,  ayant  esté  de  tous  temps  la  capitale 
^e  Savoye,  où  réside  le  souverain  sénat  et  le  Conseil  d'Estat, 
et  qui  est  ornée  d'un  grand  collège  et  de  plusieurs  églises  , 
tant  séculières  que  régulières ,  et  en  laquelle  se  faict  un 
Ires-grand  abbord  pour  le  passage  des  François,  Anglois 
*ît  Flamands  en  Italie ,  il  est  certain  que  non  seulement  la 
jienseance ,  mais  aussi  la  nec*^ssité  requiert  qu'il  y  ayt  un 
ivesque  ,  qui  par  sa  résidence  ordinaire  tienne  en  ordre  e> 
en  respect  tout  Testât  ecclésiastique  en  une  ville  de  telle 
«sonsequence  ,  et  à  laquelle  concourent  tant  de  nations. 

Car  un  vicaire  forain  ,  estably  seulement  pour  les  choses 

*  C'est  la  2o9e  des  lettres  de  ia  colli^cJion  Biaise. 


CiJin  Camberium  semper  Sabaudiœ  fiierit  melropolis^  in  quâ  se- 
aatus  resulct  et  consilium  status,  amplo  ornatagymnasio,  multisi|u? 
^clesiis,  sive  sœcu/aribus,  sive  regularibus;  in  qiià  multus  sit  con- 
cursus,  ratione  transitùs  Francorum,  Anglorum  et  Belgarum  in  Ita^ 
îiam  :  noii  est  modo  congruum,  sed  necessarium ,  ut  in  eâ  sit 
«piscopus  residensj  qui  statum  ecclesiasticum  in  urbe  tam  celebri 
Coerceai. 

\icarius  enim  foraneus  ^  pro  ils  tantùm  rébus  quaî  ad  forum  con- 


28!2  OPUSCULES 

qui  regardent  le  parquet  contentieux ,  n'a  pas  assez  d'au- 
thorité  pour  tenir  le  peuple  en  révérence ,  ny  les  ecclésias- 
tiques en  devoir;  outre  qu'en  la  pluspart  des  occurrences,  il 
faut  qu'il  recoure  tousjours  à  Grenoble  pour  apprendre  l'in- 
tention de  l'Evesque;  ce  qui  ne  se  peut  faire  sans  une  grande 
incommodité  es  choses  pressantes;  et  mesme  Vevesclié  de 
Grenoble  estant  de  si  difficile  administration,  pour  la  grande 
estenduë  de  pays  et  diversité  de  provinces  qu'il  comprend , 
qui  faict  que  souvent  les  affaires  du  quartier  de  Savoye  sont 
différées. 

De  plus ,  la  diversité  des  dominations  temporelles  appor- 
tant tousjours  entre  les  peuples  quelque  différence  d'hu- 
meurs et  de  façon  de  procéder,  et  encore  aucunes  fois  des 
jalousies ,  reproches ,  mes-intelligences ,  la  despendance  spi- 
rituelle en  est  aussi  souvent  altérée  et  rendue  incommode. 

Outre  que  Chambery  estant  distant  de  Grenoble  de  plus 
d'une  journée ,  en  laquelle  il  y  a  de  mauvais  passages  en 
temps  d'hyver,  à  cause  des  torrents ,  il  est  difficile  ,  es  occa- 
sions des  sacremens  de  Confirmation  et  des  Ordres,  et  des 
consécrations  des  églises,  calices  et  sainctes  huiles,  de  se 

tentiosum  spectant  constitutus,  non  sat  habet  auctoritatis,  ut  po- 
piilum  in  reverentiâ  et  ecclesiasticos  in  officio  contineat.  Prœterquàm 
quôd  sœpisshnè  opus  est  ut  recurrat  Gratianopolim,  ad  accipiendam 
episcopi  intenlioner^^  quod  iiî  rébus  urgentibus  sinemagnis  incom- 
modis  fieri  nequit.  Gratianopofitanus  autem  episcopatus  adeô  vastus 
est,  et  in  diversas  diffusus  provincias,  tamque  admfnistratione  dit'- 
ficilis,  ut  differri  plerumquè  Sabau*ica  negotia  necessum  sit. 

Gravissimum  prœtereà  incommodum  (exsurgit)  ex  eo  quôd  domi- 
nationes  temporales  diversai  sint;  undè  fit  ut  in  populis  morum  et 
modi  agendi  differentia  sit,  neenon  sœpè  invidiœ,  exprobrationes, 
ctfacinorosœrixœ. 

Incommodum  (est)  ex  eo  quôd  nimiùm  distet  Camberio  Gratiai70- 
polis;  quippe  per  iter  plurium  dierum  et  difficillimum,  pra?sfîrfim 
hieme,  ratione  torrentum,  itur.  Undè  fit  ut  sacramenta  confirma- 
tionis  et  ordinis,  sicut  et  ecclesiarum  et  calicum  consecrauones  » 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  283 

prévaloir  du  soing  et  de  Tassistance  de  TEvesque  de  Gre- 
noble ,  ordinairement  assés  empesché  es  affaires  de  sa  cité  et 
de  sa  province  de  Dauphiné  ,  en  laquelle  mesme  estant  chef 
des  Estais  et  des  assemblées  séculières  et  temporelles,  er 
tous  les  troubles  et  rencontres  de  guerre  ou  de  mauvaises 
intelligences  qui  peuvent  arriver  entre  les  deux  couronnes 
de  France  et  de  Savoye ,  voyre  mesme  entre  les  deux  gou- 
verneurs de  Savoye  et  de  Dauphiné  ,  le  commerce  entre  les 
peuples  et  des  deux  provinces  est  rendu  grandement  incom- 
mode, et  le  passage  de  l'Evesque  suject  à  de  grands  soupçons 
de  part  et  d'autre ,  n'estant  pas  regardé  seulement  comme 
pasteur  commun  de  l'un  et  de  Tautre  peuple,  mais  comme 
partial  et  intéressé  en  celuy  de  sa  résidence  et  duquel  il  est 
chef  d'Estat. 

Ces  considérations  sont  de  telle  importance  qu'il  semble 
que  nul  effort  légitime  ne  doit  estre  espargné  pour  l'establis- 
sement  d'un  evesché  en  la  ville  de  Chambery,  non  seulement 
de  la  part  de  son  Altesse  serenissime  ,  mais  aussi  de  la  part 
du  sainct  Siège  apostolique,  auquel  il  appartient  de  prouvoir 
aux  villes  principales  et  aux  provinces  qui  en  despendent 
des  moyens  convenables  pour  la  conservation  de  la  dévotion, 

sanctumque  oleum ,  vix  ab  episcopo  Gratianopolitano ,  in  sua  jam 
civitate  satis  occupato^  accipi  queant. 

Incommodum  ex  eo  quôd  cùn?  Gratianopolitanus  episcopus  caput 
sit  et  prœpositus  comitiorum  et  conventuum  sœcularium  et  tempora- 
5ium  Delphinalûs,  indè  lit^  ut  quandocumquè  malè  habebunt  coro- 
Tise  Francica  et  Sabaudica ,  imniô  etiam  gubernatores  SabaudisB  et 
Delphinatûs,  populorum  commercium  valdè  sit  difficile,  et  episcopi 
tiansitus  magnis  suspicionibus  obnoxius  ex  utrâque  parle,  cùin  non 
tantùm  ut  communis  utriusque  popuh  pastor ,  sed  ut  seclarius  et  ei 
apud  qucm  residet,  estque  princeps,  addictus  consideretur. 

Qu8e  Fixtiones  tanti  sunt  momenti,  ut  nuUa  légitima  vis  praetermitvl 

debeat  ad  erectionem  episcopatiis  in  eâ  urbe,  tiàm  ex  parte  serenis- 

.  simi  ducis,  cùm  sedis  apostolicai,  ad  quam  pertinet  prœcipuis  urbi- 

bus  et  provinciis  de  eis  congruentibus  conservandae  pietati,  et  exer- 


284  OPUSCULES 

et  pour  la  bienséance  de  l'exercice  de  la  saincte  religion  ca- 
tholique, par  la  constitution  des  Evesques  où  il  est  requis. 
Et  mesme  il  est  à  croyre  que  le  reverendissime  Evesque  de 
Grenoble  doit  désirer  d'estre  deschargé  de  ceste  partie  de 
son  evesché  ,  pour  avec  plus  de  profit  et  d'exacte  solicitude 
soigner  au  reste  de  sa  charge ,  qui  sera  encore  bien  grande , 
pour  ne  dire  pas  très-grande. 


citii  religionis  cathoUcse  per  episcoporum  constitutionem  decentise 
rationibus  providere. 

Postremô  credibile  est  reverendissimum  Gratianopolitanum  epis- 
copum  in  e^  <!.sse  mente^  ut  cupiathâc  sugb  diœcesis  parle  çxonerari, 
quô  faciliùs  et  accuratiùs  reliquae^  qu8e  etiamnum  magna  ^  ne  'lica- 
turmaxima,  erit,  possit  incumber^, 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  285 


■\/\A/\<rvW 


LXIV. 

LETTRE* 

A   SA   SAINTETÉ   LE   PAPE    PATIT    V. 

n  lui  représente  qu'il  est  de  la  justice  de  canoniser  le  bienheureux 

Amédée  III ,  duc  de  Savoie. 

Annecy,  le  7  mars  1612. 
Très-saint  père , 

Il  a  toujours  été  à  propos  que  ceux  qui  ont  servi  Dieu 
plus  fidèlement ,  et  dont  la  sainteté  a  éclaté  davantage  pen- 
dant leur  vie ,  fussent  mis  après  leur  mort  au  nombre  des 
sxints,  et  honorés  d'un  culte  solennel  par  l'autorité  publique 
de  l'Eglise.  Par  ce  moyen  Dieu  est  plus  glorifié  dans  ses 
saints,  les  peuples  racontent  plus  librement  leurs  glo- 
rieuses actions,  et  l'Eglise  publie  plus  magnifiquement  leur? 
louanges;  nous  ressentons  aussi  les  effets  de  leur  interces- 
sion ,  à  proportion  de  la  confiance  avec  laquelle  nous  les 

*  C'est  la  9e  du  livre  I^r  dans  les  anciennes  éditions,  et  la  260^  de  la  coir 
îection  Biaise. 


Beatum  Ainedeeum ,  Sabaudiee  ducem  tertiura ,  in  sanctorum  numeruin 

référendum  docet. 

Beatissime  Pater , 
Semper  quidem  operaî  pretium  fuit  homines  qui  peculiari  ac  illus- 
triori  vitœ  sanctimoniâ  Deum  coluerunt,  in  sanctorum  numerum  pu- 
blicâ  Ecclesiae  auctoritate^  solemnique  ritu  referri  :  «ic  enim  Deus 
in  sanctis  suis  uberiùs  laudatur,  sanctorum  gloriam\iï)entiiis  enar- 
rant  populi,  et  laudem  eorumsplendidiùs  annuntiat  Ecclesia.  Cùm- 
n-K:  majore  iiduciâ  sanctorum  mérita  recolimus^  majore  quoque 
fructu  eorum  intercessionibus  adjuvamur;.  ac  denique  eorum  exeia- 


28  Ô  OPUSCULES 

honorons;  enfin  les  exemples  de  ceux  sur  la  sainteté  des- 
quels il  ne  peut  venir  aucun  doute,  nous  excitent  plus  puis- 
samment et  plus  efficacement  à  la  vertu. 

Or,  très-saint  Père  ,  ce  qui  a  été  juste  et  louable  dans  tous 
les  temps  et  dans  tous  les  lieux  ,  semble ,  au  temps  où  nous 
sommes ,  non-seulement  utile ,  mais  nécessaire ,  parce  que 
l'iniquité  ayan'  été  grande,  la  charité  de  plusieurs,  et 
même  de  la  plupart  des  chrétiens,  s'est  refroidie.  Puis 
donc  qu'il  n'y  a  plus  de  saints  sur  la  terre,  il  faut,  parmi 
ceux  qui  en  ont  été  rachetés  ,  rappeler  en  notre  mémoire  ,  et 
faire  revenir  ici-bas  ,  pour  ainsi  dire ,  quelques-uns  de  ceux 
qui  s'y  sont  distingués  jusqu'à  présent  par  une  plus  grande 
sainteté  ;  afin  qu'ils  soient ,  comme  l'un  d'entre  eux  s'est 
exprimé  ,  le  miroir,  l'exemple  ,  et  l'assaisonnement  en  quel- 
que sorte  de  la  vie  des  hommes  sur  la  terre;  en  sorte  qu'ils 
vivent  au  milieu  de  nous  après  leur  mort ,  et  qu'ils  ressusci- 
tent à  la  vraie  vie  beaucoup  de  chrétiens  qui  sont  morts, 
quoique  vivants. 

Sachant  donc ,  très-saint  Père ,  qu'un  nombre  considé- 
rable de  personnes  de  différents  états  ont  demandé  avec  in- 

pla  yehementiùs  nos  provocant,  de  quorum  sanctitate  mentes  nos- 
tree  nullatenùs  dubitant. 

At  verô,  beatissime  Pater,  hoc  quod  semper  et  ubique  dignum  et 
justum  est,  hisce  nostris  temporibus,  non  equidem  salutare  tantùm, 
sed  ferè  necessarium  videri  débet 5  cùm  sciHcet  abundavit  iniquitas, 
refrigescit  charitas  multorum,  imo  propemodùm  omnium  ;  undè 
quoniam  defecit  sanctus  à  terra,  ex  ils  qui  redempli  sunt  de  terra, 
revocandi  sunt  in  memoriam  et  in  médium  Ecclesiaî  reducendi  illi 
qui  hactcaùs  majore  sanctitatis  splendore  claruerunt;  utsint,  quem- 
admodùn  eorum  nonnemo  dixit,  in  spéculum  et  exemplum,  ac 
quoddam  reluti  condimentum  vitœ  hominum  super  terram ,  sicque 
apud  nos  etiam  post  mortem  vivant,  et  multos  ex  ils  qui  vi ventes 
mortui  sunt  ad  veram  provocent  et  revocent  vitam. 

Cùm  igitur  scirem ,  beatissime  Pater,  permultos  ex  istis  omnium 
crdinum  vires ,  à  beatitudine  veslrâ  expetisse  ut  beatum  Amedaium  , 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  287 

stance  h  votre  Sainteté  ,  qu'il  lui  plut  d'écrire  au  catalogue 
des  saints  le  bienheureux  Amédée  III ,  duc  de  Savoie ,  je 
n''ai  ni  voulu  ni  dû  manquer  de  lui  faire  la  même  suppli- 
cation. 

Il  me  semble  que  tout  m'invite  à  le  faire ,  et  y  travaille 
avec  moi. 

La  majesté  de  Dieu  tout-puissant,  qui  doit  éclater  plus 
évidemment  par  les  miracles  de  ce  bienheureux  prince ,  le 
demande,  non  par  des  prières,  mais  par  un  droit  qui  ne  peut 
lui  être  contesté. 

La  Jérusalem  céleste,  notre  mère,  le  désire  aussi,  à  cause 
de  la  part  qu'elle  prend  à  la  gloire  de  son  citoyen  ,  et  de  la 
joie  cju'elle  aura  des  honneurs  que  nous  lui  rendrons. 

Notre  Jérusalem  inférieure,  à  laquelle  vous  présidez, 
très-saint  Père ,  en  fait  de  même  ,  et  sera  charmée  de  glo- 
rifier sur  la  terre  le  nom  d'un  tel  fils,  déjà  écrit  dans  le 
ciel. 

La  suite  des  belles  actions  que  votre  Sainteté  a  faites  jus- 
qu'à présent  exige  qu'ayant  canonisé  depuis  peu  un  prince 
de  l'Eglise,  qui  est  S.  Charles  Borromée,  elle  tienne  la  même 
conduite  à  T égard  d'un  prince  du  siècle,  afin  que  les  per- 


Sabaiidiae  dueem  îertium,  sanctorum  catalogo  adscribere  dignaretur; 
noiui  sanè  neque  debui  committere  quin  humillimis  precibus  id  ip- 
sum  ab  apostolicâ  beatitudinis  vestrse  providentiâ  postularem. 

Quod  dùm  facio,  idem  omnia  mecum  agere  vider/tur. 

Postulat  id,  non  precibus,  sed  jure,  Dei  omnipotenlis  majestas, 
quœ  in  hoc  beato  principe  clariùs  miraculis  apparebii. 

Postulat  Hierusalem  illa  cœlestis,  mater  nostra_,  quee  suum  civem 
à  nobis  debitis  honoribus  celebrari  lœtabitur. 

Postulat  hœc  nostra  Hierusalem  inferior,  oui  béatitude  vestra  praB- 
é,i,  qucE  tanti  lilii  nomen  scriptum  in  cœlis^  gaudebit  sanctificari  in 
terris. 

Postulat  rerum  prceclarè  à  sanctitate  vestrâ  gestarum  séries,  ul 
quia  nuper  ex  principibus  ecclesiasticis  divum  Carolum  sanctis  an- 


288  OPUSCULES 

sonnes  de  Tune  et  de  Tautre  condition  aient  un  modèle  à 
imiter. 

Vous  en  êtes  encore  sollicité,  très-saint  Père,  par  la  famille 
des  sérénissimes  ducs  de  Savoie ,  laquelle  par  sa  constance 
dans  la  foi  et  par  ses  glorieux  exploits ,  a  autrefois ,  et  dans 
toute  la  suite  des  temps,  apporté  comme  elle  apportera  encore 
de  grancfs  avantages  à  l'Eglise. 

Ajoutez  à  toTi-  cela  toute  la  Savoie  et  ses  dépendances , 
mais  principalement  le  diocèse  de  Genève ,  qui ,  ennobli  par 
la  naissance  d'un  si  grand  prince,  mettra,  non  sans  raison^ 
une  grande  partie  de  son  espérance  dans  ses  prières. 

En  fin,  c'est  ce  que  demandent  les  mérites  et  les  miracles 
du  bienheureux  Amédée  ,  qm  sont  très-considérables ,  tant 
par  leur  qualité  que  par  leur  nombre. 

Laissez-vous  donc  gagner,  très-saint  Père  ;  ne  souffrez  pas 
que  cette  lampe  embrasée  d'un  feu  tout  divin  demeure  plus 
long-temps  cachée  sous  le  boisseau  ;  mais  placez-la  sur  le 
chandelier,  afin  qu'elle  éclaire  tous  ceux  qui  sont  dans  la 
maison  de  l'Eglise  ;  exaltez  le  nom  de  celui  qui  a  sanctifié  le 
nom  de  Dieu  par  le  zèle  si  actif  de  sa  charité,  et  qui  en  a  étendu 
la  gloire  par  une  multitude  de  miracles  ;  annoncez  à  toute 

numcravit,  hune  quoque  ex  saecularibus  acljungat,  ut  utriusque  sortis 
homines  habeant  quod  imitentur. 

Postulat  serenissimorum  Sabaudiœducumfamifia,  qua3  non  soU'im 
fidei  constantiâ,  sed  préeclaris  etiam  fortitudinis  operibus ,  magnum 
j)lim  et  deinceps  Ecclesiaî  attulit  et  aiïeret  soiatium. 

Postulat  hœc  universa  Sabaudorum  provmcia/^  maxime  vero  rs^ 
diœcesis  Gebennensis^  qum  tanti  principis  nobihtaia  natalibus,  ma- 
gnam  in  ejus  precibus  spem  meritô  collocabit. 

Postulant  denique  ipsius  beati  Amedssi  mérita  et  miracula,  qu» 
pondère  et  numéro  maxima  sunt  et  illustrissima. 

Age  ergô,  beatissimc  Pater^  et  hanc  quoque  lucernam  igné  divino 
accensam  ne  diutiùs  sub  modio  relinquas;  sed  poneeam  super  can- 
delabrum ,  ut  luceat  omnibus  qui  in  domo  sunt  :  nomen  ejus  sanc- 
tifica,  qui  nomcu  Dei  tantâ  charitate  sanctificavit  ^  ac  miraculorum 


DE  S.   FRANÇOIS  DE  SALES.  289 

l'assemblée  des  fidèles  qui  sont  sur  la  terre,  que  le  Seigneur 
a  glorifié  son  saint  dans  le  ciel ,  pour  nous  exaucer  lorsque 
nous  réclamerons  son  assistance. 

Ce  sont  là  les  vœux  de  celui  qui  désire  de  tout  son  cœur 
que  votre  Samteté  préside  long- temps  et  heureusement  à 
l'Eglise  chrétienne  ,  pour  le  bien  de  tous  ses  enfants.  Je  suis 
avec  le  plus  profond  respect ,  très-saint  Père ,  de  votre  Sain- 
teté ,  etc. 


multitudine  collustravit  :  annuntia  toti  EcclesisB  quae  est  in  terris, 
quia  Dominus  mirificavit  sanctum  suum  in  cœlis,  ut  exaudiat  nos 
cùm  clamaverimus  ad  eum. 

Hacc  sunt  vota  ejus  qui  beatitudinem  veslram  diù  ac  féliciter  Chris- 
tianis  omnibus  praeesse  ac  prodesse  omnibus  animi  viribus  exoptaU 


3898  ©puscotgs" 


LXV. 

LETTRE^ 

A  MESSEÎGNËURS  DE  LA  CONGRÉGATION  DES  RITS* 

-Saint  François  de  Sales  les  supplie  de  se  rendre  favorables  à  la  canonisation 
du  bienheureux  Amédée,  troisième  duc  de  Savoie  *. 

Annecy,  2  juin  1612. 
Messeigneurs , 

Le  mépris  des  saints  qui  régnent  avec  Jésus-Christ  dans 
'le  ciel ,  fut  une  de  ces  maudites  et  détestables  opinions  que 
rimpie  Calvin  enseigna  dans  la  malheureuse  ville  de  Genève 
avec  plus  de  force  et  d'impudence.  Ce  perdu  mit  tout  en 
œuvre  pour  effacer  jusqu'au  souvenir  de  leurs  noms,  pour 
profaner  leurs  reliques,  et  pour  tourner  en  ridicule  leur 
intercession  ;  et  il  vomissoit  mille  blasphèmes  contre  leurs 
mérites  et  le  culte  que  nous  leur  rendons. 

C'est  pourquoi  les  peuples  catholiques  qui  sont  restés  dans 
ce  diocèse,  par  une  conduite  tout  opposée,  s'unissent  avec  une 

1  C'est  1j  '6e  des  lettres  du  liv.  I^r,  anc.  édit.,  et  la  268^  de  l'édit.  Biaise. 
*  Ce  prince  Amédée  ou  Amé  IX  du  nom  étoit  le  troisième  duc  de  Savoie, 
les  autres  qui  a\^,ieEt  précédé  ayant  porté  le  titre  de  comtes. 


Frà  le  maledette  ed  anatematisate  opinioni,  che  dal  nefando  Cal- 
vino  furono  insegnate  con  maggior  ,veemenza  ed  impudenza  nella 
misera  città  di  Ginevra,  una  fu  il  dispregio  di  saiiti^  che  con  Cristo 
regnano  in  cielo ,  onde  il  nome  loro  cercô  con  ogni  modo  possibile 
di  métier  fuor  di  memoria,  di  profanare  le  reliquie  loro,  burlarsi 
délie  loro  intercessioni  e  bestemmiare  contro  di  loro  meriti  e  gli 
onori  che  ad  essi  si  devono. 

Per  questo ,  corne  per  via  affatto  opposta  nel  restante  di  questa 
diocesi  11  DopoU  cattolici,con  fervore  particulare  si  esercitano  in 


DE   S.   FRANÇOIS  DE   SALES*  291 

ferveur  admirable  pour  célébrer  et  invoquer  les  saints,  entre 
lesquels  nos  prédécesseurs  ont  eu  une  très-grande  dévotion 
au  bienheureux  Amédée,  troisième  duc  de  Savoie.  Nous  en 
avons  des  preuves  par  ses  images  que  l'on  voit  dans  plu- 
sieurs églises,  avec  Jes  attributs  qui  désignent  la  béatitude. 

Mais  parce  qu'i',  n'est  pas  encore  canonisé ,  on  ne  lui  rend 
pas  encore  l'honneur  public  et  solennel  qui  est  dû  à  la  gran- 
deur et  à  la  certitude  de  sa  sainteté;  et,  bien  qu'un  grand 
nombre  de  personnes  ayant  eu  recours  à  ses  prières  avec  une 
vraie  confiance  en  Dieu,  éprouvent  journellement  en  di- 
verses occurrences  quel  est  le  pouvoir  de  son  intercession ,  il 
y  en  a  d'autres  néanmoins  qui  ne  l'invoquent  pas,  parce  que 
le  Saint-Siège  ne  l'a  pas  mis  au  nombre  des  saints. 

Voyant  donc  avec  quel  empressement  et  quelle  affection 
le  demandent  les  Etats  du  sérénissime  duc  de  Savoie,  et 
principalement  les  révérendissimes  prélats  l'archevêque  de 
Turin  et  l'évêque  de  Verceil ,  j'ai  supplié  de  tout  mon  pou- 
voir le  Saint-Siège  apostolique  qu'il  daignât  faire  cette  grâce 
à  tous  les  peuples  circon voisins.  Or,  comme  il  n'est  point 


celebrare  ed  invocare  li  santi.  frà  quali  li  predecessori  nostri  ebbero 
grandissima  divozione  al  B.  Amedeo  duca  terzo ,  comme  dalle  oixo- 
rate  immagini  sue  in  parecchi  luogli  sivede,  che  cpn  le  insegne  di 
santità  nelle  chiese  si  vedono. 

Ma  perché  egli  non  è  canonizato,  non  se  gli  fà  queir  onor  pubbliço 
e  soleone^  che  ail'  altezza  et  verità  délia  santità  sua  è  debito.  E 
quantunque  in  varie  occorrenze  abbiano  provato^  quanto  sià  la  sua 
intercessione  giavevole  a  chi  con  vera  fede  in  Dio,  aile  sue  oraziopi 
ricorre  ;,  tuttavia  altri  non  ardiscono  invocarlo  ,  sin  tanto  che  dalla 
santa  Chiesa  venga  annumerato  frà  santi. 

11  cbe  vedendo  che  da  tutto  lo  stato  del  serenissimo  duca  di  S?i- 
voja  vien  con  sommo  affetto  desiderato,  e  massime  dalli  reverendiss. 
arcivescovo  di  Torino  et  vescovo  di  Vercelli ,  vengo  anch'io  con  tutjte 
le  forze  deir  animo  mio  a  supplicare  la  santa  sede  appostolica,  che 
si  degni  far  questa  grazia  a  tutti  questi  popoli  circonvicini  :  e  perché 
in  queste  occasioni  S.  Beatitudine  non  suole  fare  cosa  veruna  senza 


292  OPUSCULES 

d'usage  que  sa  Sainteté  fasse  rien  en  semblable  occasion 
sans  le  conseil  et  l'assentiment  de  la  sacrée  Congrégation  de 
vos  Seigneuries  illustrissimes  et  révérendissimes ,  je  la  sup- 
plie qu'elle  daigne  favoriser  cette  œuvre  si  sainte,  œuvre 
qui  rendra  confus  les  ennemis  des  saints,  sera  de  grande 
consolation  aux  âmes  dévotes,  éveillera  dans  les  princes  une 
pieuse  émulation,  et  sera  un  sujet  de  joie  et  de  bénédiction 
pour  toute  l'Eglise,  mais  principalement  pour  ce  diocèse 
désolé,  dans  lequel  naquit  et  fut  élevé  ce  grand  prince,  qui, 
comme  le  porte  son  nom ,  fut  tant  aimé  et  si  grand  ami  de 
Dieu. 

S'il  a  exalté  et  béni  son  nom  de  tout  son  cœur,  à  son  tour 
la  divine  Majesté  a  exalté  le  sien  par  une  telle  multitude  de 
miracles  avérés,  que  lorsque  les  informations  s'en  feront , 
on  verra  clairement  que  c'est  par  un  effet  de  la  divine  pro- 
vidence que  sa  canonisation  a  été  renvoyée  à  ces  temps-ci , 
où  le  mépris  des  saints  est  grand  parmi  les  bérétiques  de  ces 
contrées,  afin  qu'on  ne  leur  en  mette  sous  les  yeux  que  plus 
à  propos  cette  lampe  ardente  et  luisante ,  qui  éclaira  autre- 


il  consiglio  ed  assenso  délia  sacra  Congregazione  délie  Signorie  vostre 
illustrissime  e  reverendissime ,  per  questo  vengo  anco  a  supplicare 
che  vogliano  giovare  e  favorire  quesf  opéra  tanto  pia. 

Opéra  che  agi'  inimici  de'  santi  farà  gran  confusione ,  alli  devoti 
sarà  di  gran  consolazione,  alli  principi  sveglierà  Tappetito  d'imita- 
zione,  ed  a  tutta  la  Chiesa  darà  materia  di  allegrezza  e  benedizione  ; 
ma  in  particolare  a  questa  desolata  diocesi ,  nella  quale  nacque  e  fu 
allevato  quel  gran  principe,  il  quale,  secondo  il  nomesuo,  fu  tanto 
amato  ed  amatore  d'Iddio. 

Che  si  corne  egli  con  tutto  il  fervore  magnificô  il  home  divino^ 
cosi  anco  sua  divina  maestà  esaltô  il  suo  con  tanta  multitudine  di 
veri  miracoli ,  che  quando  se  ne  faranno  le  informazioni ,  si  vederà 
chiaro  che  è  providenza  d'Iddio ,  che  questa  canonizzazione  sia  stata 
differita  sin'  adesso ,  air  eccesso  abondando  il  dispreggio  de'  santi 
frà  gli  heretici  di  questi  contorni. 

Molto  a  proposito  si  metterà  innanzi  agi'  occhi  loro  questa  lam- 


T)E   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  293 

fois  leurs  ancêtres,  en  leur  faisant  voir  une  vie  d'une  admi- 
rable piété  et  des  miracles  d'un  merveilleux  éclat.  Ainsi  ne 
doutant  nullement  que  vos  Seigneuries  illustrissimes  et  ré- 
vérendissimes  n'aient  la  bonne  volonté  de  faire  avancer  cette 
œuvre  si  désirable,  je  leur  fais  une  très-humble  rc  :érence, 
et  prie  notre  Seigneur  Dieu  qu'il  leur  donne  la  plénitude 


de  ses  grâces. 


pada  che  fu  accesa  frà  li  predecessori  loro ,  nella  quale  videro  una 
vita  di  mirabile  pietade^  e  miracoli  di  mirabile  chiarezza.  E  cosî  non 
dubbitando  punto  che  le  Signorie  loro  illustriss.  et  révérend,  ab- 
biano  piacere  di  promovere  un'  opéra  tanto  desiderabile^  facendole 
umile  riverenza^  prego  nostro  Signore  ïddio  che  le  dia  la  santa  pie- 
oezza  délie  sue  grazie. 


294  OPUSCULE» 


LXVI. 

LETTRE  * 

A    UNE    DAME. 

(L'autographe  en  appartient  à  madame  la  comtesse  de  Pampara, 

née  Demaria,  à  Turin.) 

Ordre  donné  par  S.  François  de  Sales  d'ôter  du  chœur  de  Téglise  les  bancs- 

de  femmes. 

Annessy,  22  novembre  1012» 

Il  est  vray  que  nous  fîsmesun  décret  il  y  a  environ  trois..., 
ma  tres-chere  fille ,  que  tant  qu'on  pourroit  »  on  osteroit  les 
bancs  à  femmes  des  chœurs  de  toutes  les  églises,  parce 
que  cela  est  juste ,  bien  séant ,  et  conforme  aux  anciennes 
coustumes  des  Chrestiens.  Mais  il  ne  fut  pas  dit,  ni  ne  le  de- 
voit  estre,  que  les  femmes  n'entrassent  pas  au  chœur  :  car,, 
pour  plusieurs  occasions  il  est  raysonnable  qu'elles  y  entrent,, 
pourveu  que  ce  soit  avec  la  modestie  que  la  sainteté  du  lieu 
requiert.  Prenez-donc  discrettement  la  place  pour  vos  prières 
qui  vous  sera  plus  propre,  pourveu  que  ce  soit  sans  banc, 
car  je  ne  voudrois  pas  que  vostre  banc  fust  auprès  de  l'autel 
à  cause  de  la  messeance.  Vous  sçavez  bien  qu'en  cette  ville 
et  en  nostre  office  le  plus  solemnel ,  les  femmes  se  mettent 
bien  dans  le  chœur  et  aux  treilles. 

La  bonne  madame  de  Chantai  se  va  remettant,  mais  fort 
foiblement,  elle  fut  hier  à  la  messe  et  à  l'exhortation.  Elle 
a  un  cœur  admirable  envers  Dieu,  et  vous  chérit  parfai- 
tement. 

La  petite  congrégation  va  croyssant ,  ce  semble ,  en  vertu 
*  C'est  la  151»  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.^  295^ 

.  « 

comme  en  nombre  des  filles;  nous  avons  accommodé  les- 
iïffer^nds  du  cher  rrt&vy  et  beau-pere  au  mieux  que  nous 
avons  sceu.  Il  est  mieux  d'avoir  moins  et  de  Favoir  en  paix,. 
Dieu  vous  bénisse ,  ma  tres-ehere  fille ,  et  je  suis  en  luy, 

Vostre  plus  humble  et  tres-affectionné  serviteur, 

FiàANçois ,  Evesque  de  Genève, 


'4 


296  OPUSCULES 


►  A/VVNA 


LXVII. 

LETTRE* 

A   S.    A.    CHARLES   EMMANUEL   1*',    DUC   DE   SAVOIE. 

Saint  François  demande  les  ordres  de  S.  A.  avant  de  punir  l'abbé  de  La  Tour, 
son  ambassadeur,  pour  avoir  battu  M.  Berthelot. 

Annecy,  4  mars  Î615. 
Monseigneur, 

Sur  les  plaintes  qui  me  furent  faites  de  M.  FaLbé  de  la 
four,  à  raison  des  bastonnades  qu'il  avoyt  données  au  sieur 
Berthelot,  la  grandeur  du  respect  que  je  doys  à  V.  A.  me 
suggéra  de  ne  point  entreprendre  de  justice  sur  la  per- 
sonne dudit  sieur  abbé ,  puis  qu'il  estoit  ambassadeur  ordi- 
naire de  V.  A.,  et  n'estoit  icy  que  par  manière  de  passage, 
et  de  jour  à  jour  en  attente  de  retourner  à  l'exercice  de  son 
ambassade  2.  Maintenant,  V.  A.  pourra  voir  les  informations 
prises  à  charge  et  descharge  dudit  sieur  abbé,  que  ce  porteur 
a  en  main ,  et  me  donner  sur  cela  ses  commandemens ,  aus- 
quels  j'obeyray  avec  la  fidélité  qui  me  fait  incessamment  sup- 
plier Dieu  pour  la  prospérité  de  V.  A.,  de  la  quelle  je  suis, 

Monseigneur, 

Très  humble,  très  obeyssant,  très  fidelle  servite';?  et  orateur^' 

François,  Evesque  de  Genève. 

*  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est 
la  152*  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 

»  L'abbé  de  La  Tour  avait  été  ambassadeur  de  S.  A.  à  Madrid ,  ensuite  son 
envoyé  à  Milan. 


DÇ    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  207 


LXVIII. 

LETTRE^ 

DE   SAINT   FRANÇOIS    A   M.    DESHAYES. 

n  lui  maTidc  le  déplaisir  qu'il  avoit  reçu  de  ce  qu'on  avait  accusé  M»  de  Char- 
moisy,  l'un  de  ses  parents,  d'avoir  conseillé  de  donnera  une  autre  personne 
(£S  coups  de  bâton,  et  de  ce  que  pour  ce'a  l'accusé  eut  ordre  de  sortir  de 
la  ville ,  et  de  ce  qu'un  des  frères  du  Saint  fut  impliqué  dans  cette  affaire, 
et  pensa  être  mis  en  prison. 

Annecy,  28  mai  1613. 
Monsieur, 

Yous  verres,  je  m'asseure ,  par  la  lettre  que  M.  de  Char- 
moisy  vous  escrit,  comme  dés  le  départ  de  M.  de  Charmoisy, 
il  a  receu  le  desplaysir  de  se  voir  comme  banny  de  cette  ville 
par  un  expiez  commandement  que  S.  A.  luy  a  fait  de  s'en 
retirer  et  de  ne  plus  y  venir,  sur  l'impression  la  plus  fausse 
du  monde ,  que  M.  de  Nemours  a  receuê  de  la  part  de  quel- 
ques calomniateurs,  que  les  bastonnades  données  au  sieur 
Berthelot  avoient  esté  conseillées  par  M.  de  Charmoisy,  dont 
mondit  sieur  de  Nemours  a  entrepris  le  ressentiment  si  chau- 
dement, que  nous  en  sommes  tous  estonnés. 

Et  peu  s'en  faut  que  l'un  de  mes  frères,  chevalier  de 
Malte ,  n'ayt  esté  ordonné  à  la  prison,  bien  que  tout  le  tems 
de  la  querelle  il  fut  avec  moy  à  Sales,  seulement  parce 
qu'il  est  grand  amy  du  sieur  abbé  de  Talloircs,  et  qu'il 
Tavoit  fort  visité  après  les  bastonnades.  Or  néanmoins  j'es- 
père que  dans  peu  de  jours  tout  cela  se  passera,  et  mon- 
seigneur de  Nemours,  selon  sa  bonté,  sera  marry  d'avoir  fait 
faire  du  mal  à  M.  de  Charmoisy ,  et  d'en  avoir  désiré  à  tant 

»  Tirée  du  monastère  de  la  Visitation  de  la  ville  de  Rouen.  C'est  la  291* 
{plias  278  e)  de  la  collection  Biaise. 


298  OPUSCULES 

d'autres  ses  plus  fidèles  et  affectionnés  serviteurs  et  sujets^ 
Mais  cependant  il  faut  que  madame  de  Charmoisy  tienne 
bonne  contenance ,  et  ne  fasse  nulle  sorte  de  plaintes  qui 
puissent  venir  à  la  connoissance  de  M.  Jacot;  ains  que ,  luy 
parlant,  elle  tesmoigne  une  grande  asseurance  que  la  bonté 
de  son  Altesse  et  de  monseigneur  de  Nemours  regardera 
i^ientost  favorablement  son  mary,  et  sera  offensée  contre 
ceux  qui  luy  ont  voulu  procurer  du  mal.  Ce  que  je  vous  dis, 
Monsieur,  parce  que  vous  pourries  mieux  dire  à  cette  bonne 
dame  comme  elle  se  devra  comporter  quejenesauroisle  luy 
escrire,  bien  que  je  luy  en  touche  un  mot. 

Enfin  tout  nostre  Caresme  s'est  passé  en  nostre  petite  ville 
à  nous  défendre  presque  tous  des  calomnies  qu'on  jettoit  in- 
différemment sur  le  tiers  et  le  quart ,  à  raison  de  ces  misé- 
rables bastonnades.  Eussé-je  pas  esté  mieux,  si  mon  bon- 
heur eust  permis  l'effet  de  vostre  volonté ,  et  que  j'eusse 
presché  en  vostre  chaire ,  et  jouy  de  la  douceur  de  vostre 
conversation,  et  de. la  présence  de  M.  vostre  Evesque  qui 
est  là? 

J'espère  dans  le  mois  partir  pour  Turiu,  où  je  feray  tout 
ce  qui  me  sera  possible  affin  d'avoir  ma  liberté  pour  l'année 
suivante  ;  car  le  désir  du  bien  que  j'attens  de  vostre  veuë^ 
et  du  rencontre  de  tant  de  gens  d'honneur  qui,  pour  vostre 
considération  me  recevront  en  vostrec  conversation ,  est 
extrême  dedans  mon  cœur.  La  volonté  néanmoins  de  Dieu 
en  soit  faite,  et  iuy  plaise  vous  combler  de  toute  sainte  et 
vraye  félicité  avec  Madame  vostre  chère  digne  compagne  et 
toute  vostre  Mayson.  C'est  le  souhait  perpétuel,  Monsieur, 
de  vostre,  etc. 

Monsieur,  j'escris  en  sursaut;  c'est  pourquoyje  ne  vous 
envoyé  pas  les  papiers  du  compte  faif;  entre  mes  frères  et  les 
agents  de  madame  la  duchesse  de  Mercoeur ,  comme  je  feray 
bien  tost,  puis  que  vostre  bonté  s'estend  à  vouloir  en  rece- 
voir la  peine. 


BE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  299 


"JV\A/>««\/\/VV» 


LXIX. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  M.    LE  DUC   DE   NEMOURS 

n  le  supplie  de  faire  mettre  à  exécution  Félargissement  de  deux  personnes, 

que  ce  prince  lui  avoit  promis. 

Annecy,  9  juin  1613. 
Monseigneur, 

Puis  qu'il  vous  a  pieu  m'accorder  la  liberté  de  monsieur  de 
Charmoisy  mon  parent,  je  Tattens  infailliblement  de  vostre 
bonté,  laquelle  j'aydesj a  supplié  tres-humblement,  par  quatre 
diverses  lettres,  d'en  avoir  la  mémoire  qu'elle  a  accoustumé 
de  tenir  en  faveur  de  ses  tres-obeyssants  serviteurs,  entre 
lesquels  je  suis  des  plus  certains.  M.  du  Soyeret  aussi  est  en 
la  mesme  attente,  ayant  escrit  la  lettre  de  la  sousmission^ 
qu'il  ne  peut  jamais  rendre  assez  grande,  laquelle  estoit 
désirée  pour  cet  efiFet. 

Je  supplie  donc  tres-humblement  vostre  Grandeur,  Mon- 
seigneur ,  de  m' exaucer  pour  l'un  et  pour  l'autre ,  et  de  re- 
cevoir la  multitude  des  plaintes  qui,  par^^^'^iifices,  pourront 
estre  faites  contre  tous  les  sujets  de  cette  ville,  sans  préjudice 
des  défenses  et  légitimes  allégations  des  accusés  ;  car  ainsi 
Dieu  sera  obéy,  et  respandra,  selon  mon  continuel  désir,  ses 
plus  chères  grâces  sur  vostre  Grandeur,  à  laquelle  faisant 
tres-humblement  la  révérence,  je  suis  en  toute  fidélité,  Mon- 
seigneur, etc. 

»  Tirée  du  premier  monastère  de  Sainte-Marie  de  la  \ilie  de  Lyon.  C'est 
la  292»  de  la  collection  Biaise* 


300  OPUSCULES 


LXX. 

LETTRE' 

A  SON  EXCELLENCE  LE  MARQUIS  DE  LANS  ,   GOUVERNEUR 

DE   LA  SAVOIE. 

Saint  François  donne  connoissance  à  S.  Exe.  des  mouvemens  des  troupes 

françaises  dans  le  pays  de  G  ex. 

Annecy,  31  juillet  1613. 

Monsieur, 

Comme  je  vous  donnay  connoissance  de  ce  petit  voyage 
de  Gex,  aussi  veux-je  donner  advis  à  V.  E.  de  mon  retour,  et 
qu'hier  environ  les  trois  heures  que  j'en  partis,  je  laissay  le 
Laillif  de  Nion  et  quelques  autres  Bernois ,  qui  vindrent  prier 
M.  Le  Grand  de  France  défaire  revenir  ses  trouppes,  attendu 
qu'ils  estoj^ent  asseurés  que  vous ,  Monsieur,  ne  desarmiés 
point  et  que  les  troupes  piedmontoises  et  espagnoles  passoyent 
les  Mons.  A  quoy  M.  Le  Grand  respondit,  qu'il  les  remer- 
cioit  de  l'advertissement,  mais  qu'avant  que  rien  remuer  il 
attendroit  M.  Damanzé  qu'il  avoit  envoyé  par  de  ça  auprès 
de  V.  E.  pour  apprendre  ce  qui  est  du  désarmement. 

Je  n'estois  pas  présent  quand  cecy  se  passa,  mais  je  le 
sceus  soudain.  Au  reste  il  est  impossible  que  ceux  qui  ont 
veu  l'honneur  et  le  respect  que  ce  Seigneur  porte  au  nom  de 
S.  A.  S.  puissent  le  taire.  Il  a  couché  ce  soir  à  Saint-Claude, 
ce  matin  il  y  a  fait  ses  Pasques ,  ce  soir  il  coucha  à  Chas- 
lillon ,  dimanche  il  doit  estre  à  Belley  pour  l'accommodement 
de  quelques  difficultés  publiques,  et  sa  compaignie,  qui 

*  L'autographe  en  appartient  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est 
&  15Ge  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  301 

estoit  la  dernière  demeurée  à  Gex ,  se  retire  du  coslé  de 
Bourgoigne. 

Je  prie  N.  S.  qu'il  comble  Y.  E.  de  toutes  bénédictions  et 
suis,  Monsieur, 

Yostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur, 
François  ,  Evesque  de  Gîep  ;îve. 

i>.  S,  Monsieur,  et  quant  au  sujet  de  mon  voyage  nos 
ecclésiastiques  et  catholiques  sont  demeurés  consolés  par 
raccommodement  que  nous  avons  fait  de  toutes  les  difficultés 
suscitées  par  nos  adversaires ,  grâces  à  Dieu. 


302  OPUSCULES 


LXXI. 

LETTRE  ^ 

A  MONSEIGNEUR  DE  BEIXEY, 
Sur  la  renonciation  à  la  dignité  épiscopale. 

Anjieci,  le  14  août  1613. 
Monseigneur, 

Il  y  a  environ  un  mois  seulement  que  je  receus  la  lettre 
qu'il  vous  pleust  de  m'escrire  le  second  du  mois  de  juillet; 
depuis  j'ay  tousjours  esté  ou'en  voyage  ou  malade  ,  et  n'ay 
sceu  vous  rendre  la  response  que  vous  desiriés ,  ou ,  pour 
mieux  dire,  la  response  que  vous  ne  desiriés  pas,  si  j'ay 
bien  sceu  connoistre  l'inclination  en  laquelle  vous  estiés, 
lorsque  vous  me  fîstes  la  faveur  de  m'escrire.  Maintenant 
vous  pouvez  penser  si  je  puis  bien  satisfaire  à  vostre  demande, 
puis  que  à  la  foiblesse  ordinaire  de  mon  esprit ,  l'extraordi- 
naire de  mon  corps  accablé  des  lassitudes  que  la  fièvre  m'a 
laissées,  apporte  un  nouveau  surcroist  d'imbécillité.  Mais  un 
si  bon  entendeur,  comme  vous  estes,  verra  assez  mon  inten- 
tion quoy  que  mal  estallée. 

te  Prima  proposilio.  Yelle  deponere  onus  épiscopale  ob 
»  causas  rationi  congruas,  non  modo  nullum  est  peccatum, 
To  sed  etiam  actio  est  virtutis,  vel  modestise  vel  bumilitatis, 
»  vel  justitiae,  vel  charitatis*. 

y)  2*  propositio.  Is  censetur  rationibus  veris  moveri  ad 

*  Conservée  au  monastère  de  la  Visitation  de  Chambéry.  C'est  la  157e  des 
lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 

'  Première  proposition  :  Vouloir  se  décharger  du  fardeau  de  Tépiscopat  par 
des  raisons  de  convenance,  c'est  un  acte  de  vertu,  ou  de  modestie,  ou  d'hu- 
milité, ou  de  justice,  ou  de  charité}  et  je  ne  vois  en  ce  fait  aucun  péché. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES, 

»  episcopatum  deponendum,  qui  bonâ  lide  suum  de  se  judi- 
Y)  cium,  suum  da  deponendo  episcopatu  desiderium-,  suasque 
»  denique  quibus  nititur  rationes,  vel  consilio  prudentis^ 
»  vel  saltem  judicio  superiorum  paratus  est  submittere ,  ac 
»  in  utramque  partem  eadem  alacritate  suum  obsequium.; 
»  conferre  ^ 

»  3^  propositio.  Quamvis  cogitatio  desideriumve  episeo- 
»  patum  deserendi  eo  quo  licet  modo  nullum  sitpeccatum^ 
))  plerumque  tamen  non  caret  hujus  modi  propositum  magna 
»  tentatione,  accedit^que  frequentissimè  daemonum  opeudy 
»  ratio  est,  quia  dum  in  procurandâ  oneris  depositione 
»  tempus  impenditur,  vix  ac  ne  vix  quidem  in  eo  susti?- 
»  nendo  satis  operaB  insumitur,  et  qui  de  repudiandâ  uxore 
»  cogitât,  vix  intérim  de  eâ  rectè  diligendâ  sollicitus  est; 
y)  satius  ergô  fuerit  se  ipsum  ad  meliorem  navandam  operam 
)>  deinceps  excitare ,  quàm ,  quia  tibi  non  videris  rectè  hacte- 
))  nùs  navasse ,  omnem  operam  velle  abjicere.  Porrô  melius 
ï)  est  levare  ocnlos  in  montes,  unde  veniat  auxilium  nobis, 
»  et  sperare  in  Domino,  libenterque  gloriari  in  infîrmitatibus 
»  nostris ,  ut  inhabitet  in  nobis  virtus  Christi ,  quàm  more 
y>  fîliorum  Epbrem  converti  retrorsùm  in  die  belli  :  qui  enim 
ï>  confidunt  in  Domino  assument  pennas  velut  aquilse,  vola- 
»^^  bunt  et  non  déficient;  déficientes  autem  quemadmodum 
»  fumus  déficient  :  et  qui  ad  sarcinas  formidolosus  reverti- 
»  tur,  otium  quidem  babet,  sed  non  majorem  quàm  qui 
yy  prseliatur  securitatem  *. 

'  2e  proposition  :  Celui-là  est  censé  n'être  mû  que  par  des  causes  justes, 
qui  est  de  bonne  foi  dans  le  jugement  qu'il  porte  de  lui-même  et  dans  le 
tlésir  qu'il  forme  de  se  démettre,  s'il  s'étaye  d'ailleurs  sur  des  motifs  plau- 
sibles, ou  sur  les  conseils  d'un  homme  prudent,  et  s'il  est  prêt  à  se  soumettre 
au  jugement  de  ses  supérieurs  et  à  supporter  son  sort ,  quel  qu'il  soit ,  avec 
îâ  même  tranquillité. 

2  3e  proposition  :  Quoique  nous  venions  d'établir  qu'il  n'y  a  aucun  péché 
dans  la  pensée  ou  le  désir  de  quitter  l'épiscopat,  cependant  il  arrive  souvent 
qu'une  pareille  proposition  peut  être  l'effet  d'une  grande  tentation  et  une  in- 
spiration du  démon.  La  raison  en  est,  que  tandis  qu'on  perd  le  temps  à  cher* 


304  OPUSCULES 

»  4^  propositio.  Yideor  mihi  audire  Christum  dicentem  : 
»  Simon  Joannis,  aut  Petre  Joannes,  diligis  me?  Petrum- 
»  que  Joannem  respondentem  :  Tu  scis  quia  amo  te  ;  tùui 
»  demùm  Dominum  graviter  prsecipientem  :  Pasce  oves 
»  meas  :  nulla  major  probatio  dilectionis  quàm  exhibitio 

»  hujus  operis  .  » 

Au  demeurant,  une  jeune  fille  de  Chambery  s'estant  laissée 
porter  trop  avant  en  l'amour  d'un  jeune  homme  de  vostre 
ville,  et  se  deffîant  que  les  père  et  mère  d'iceluy  n'apportent 
quelque  difliculté  au  mariage  nécessaire  pour  couvrir  son 
honneur  et  pour  accomplir  les  mutuelles  promesses  sous  les- 
quelles elle  proteste  d'avoir  encouru  le  hasard  de  sa  répu- 
tation, elle  m'a  fait  prier  d'intercéder  vers  vous.  Monsei- 
gneur ,  alFin  qu'il  vous  plaise  d'employer  vostre  charité  vers 
les.......  père  et  mère  du  jeune  homme,  pour  les  disposer  à 

consentir  à  un'  honnorable  conclusion  de  l'amour  d'iceluy 
et  d'elle,  attendu  mesme  qu'elle  est  d'une  parenté  fort  racco- 
mandable,  fille  de  la  seur  de  M.  Boursier,  ancien  secrétaire 

cher  les  moyens  de  se  défaire  d'un  tel  fardeau,  on  néglige  en  attendant  d'en 
soutenir  la  charge;  de  même  que  celui  qui  songe  à  répudier  sa  femme,  ne 
s'occupe  guère  pendant  ce  temps-là  à  lui  rendre  le  devoir  de  l'amour  conjugal. 
Il  seroit  donc  plus  expédient  de  s'exciter  soi-même  à  remplir  mieux  qu'on 
ne  l'a  fait  jusque-là  le  devoir  de  sa  charge,  que  de  vouloir  s'en  décharger 
tout-à-fait,  sous  prétexte  qu'on  ne  le  rempUt  pas  comme  il  faut.  En  vérité, 
il  est  encore  mieux  de  lever  les  yeux  vers  les  montagnes,  d'espérer  en  Dieu, 
de  nous  glorifier  enfin  en  nos  infirmités,  pour  que  la  vertu  du  Christ  habite 
en  nous  (II.  Cor.,  Xll,  9),  que  de  retourner  en  arrière  au  your  du  combat, 
à  la  manière  des  enfans  d'Ephrem  (Ps.  LXXVII,  9);  car  ceux  qui  mettent  leur 
confiance  dans  le  Seigneur,  s'élèveront  sur  des  ailes  comme  l'aigle  (Isai., 
XL,  31),  ils  porteront  haut  leur  vol,  et  ne  tomberont  pas  en  défaillance; 
ceux,  au  contraire,  qui  manquent  de  confiance,  s'évanouiront  comme  la  fu- 
zaée  (Ps.  XXXVI,  20);  et  celui  que  la  crainte  fait  hattre  en  retraite,  peut 
Touir  à  la  vérité  de  quelque  repos,  mais  jamais  d'une  plus  grande  sécurité 
que  celut-qui  combat; 

1  4«  proposition  :  Il  me  semble  entendre  le  Christ  dire  ces  paroles  ;  «  Simon, 
fils  de  Jean,  ou  Pierre-Jean,  m'aimez-vous?  »  et  Pierre- Jean  répondre  :«  Voua 
savez  combien  je  vous  aime;  »  et  le  Seigneur  de  lui  répliquer  avec  le  ton  du 
commandement  :  «  Paissez  mes  brebis  ;  il  n'y  a  point  de  meilleure  preuve  à 
mp  donner  d«  votre  amour  que  de  vous  acquitter  de  ce  ministère.  » 


DE   5;.    FRANÇOIS   DE   SALES.  305 

* 

de  S.A.  f.e  p;entilliomme  son  cousin  germain  vous  déduira 
mieux  que  je  ne  vous  sçaurois  escrire  ses  intentions,  les- 
quelles estant  ])onnes  et  raisonnables,  à  mon  advis,  je  ne  fay 
nulle  difficulté  de  vous  supplier  de  rechef  de  les  avoir  en 
recommandation,  et  moy  sur  tout  en  vos  saints  sacrifices, 
puis  que  je  suis  plus  que  nul  homme  du  monde, 

Monseigneur, 

Yostre  très  humble ,  très  obeyssant  frère  et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

P,  S.  Helas!  Monseigneur,  on  m'a  advertit  que  le  grand 
ancien  archevesque  di^  Vienne  est  trespassé  ;  de  medio  terras 
sublatus  est  justus^  justus  vivat  et  requiescat,  et  pro  illo  alius 
superveniat.  -Te  me  resjouis  de  U  réciproque  consolation  que 
vous  et  M.  Le  Grand  aurez  eue  en  vostre  entreveuê. 


306  OPUSCULES 


LXXil. 


i 


LETTRE 

AU    DUC    DE    NEMOURS. 

Il  le  remercie  de  l'élargissement  de  deux  personnes,  et  le  supplie  d'accorder 
leur  grâce  tout  entière  en  leur  permettant  de  rentrer  dans  Annecy. 

Annecy,  4  octobre  1613. 

Monseigneur, 

Je  remercie  en  toute  humilité  vostre  Grandeur,  pour  la 
liberté  en  laquelle  il  luy  a  pieu  remettre  les  sieurs  de  Char- 
moisy  et  du  Noyeret ,  selon  la  promesse  qu'elle  m'en  avoit 
faite  :  elle  ne  favorisera  jamais  homme  qui  vive  avec  plus 
de  fidélité  et  d'affection  que  moy ,  qui  espère  et  attens  de  voir 
encore  bien  tost  l'accès  à  cette  ville  ouvert  à  ces  deux  gentils 
hommes  :  caria  bonté  et  -quité  de  vostre  Grandeur,  Mon- 
seigneur, pressera  et  sollicitera  son  cœur  à  le  faire,  sans, 
qu'aucune  autre  entremise  y  soit  nécessaire  :  et  tandis,  je- 
supplie  nostre  Seigneur  qu'il  respande  abondamment  toutes 
sortes  de  saintes  prospérités  sur  vostre  Grandeur,  de  laquelle 
je  suis   Monseigneur ,  tres-humble ,  etc. 

1  Tirée  du  premier  monastère  de  la  Visitation  de  la  yille  de  Lvon.  C'est 
la  30 Q«  lettre  de  la  collection  de  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  307 


LXXIII. 

lettre' 

A.    s.    A.    CHARLES   EMMANUEL   l",    DUC   DE   SAVOIE, 

Sur  l'union  du  prieuré  du  Saint-Sénulcre  d'Annecy  au  chapitre  de  l'églisê 

cathédrale. 

7  octobre  1613. 

Monseigneur, 

Le  pauvre  Chapitre  de  Teglise  cathédrale  de  Genève  a  de- 
meuré ,  il  y  a  tantost  un  siècle ,  en  cette  ville  de  Neci ,  sans 
y  avoir  ni  mayson  ni  église  que  de  lotiage  :  maintenant  il  se 
présente  une  occasion  de  luy  faire  avoir  l'église  et  le  prieuré 
du  sepulchre,  par  la  résignation  de  celuy  qui  en  est  pourveu  : 
mays,  Monseigneur,  avant  toutes  choses,  le  bon  playsir  de 
Y.  A.  est  requis ,  lequel  ledit  Chapitre  la  supplie  très  hum- 
blement de  luy  octroyer ,  comm'  un'  aumosne  à  des  pauvres 
bannis  et  dejettés  de  leur  siège  par  les  ennemis  de  Dieu  et 
de  V.  A.  S.,  laquelle  certes  pour  cela  ne  les  rendra  pas  ri- 
ches ,  puis  que  ledit  prieuré  n'est  que  de  cent  ducatons  de 
revenu,  mais  elle  les  accommodera  beaucoup,  ce  bénéfice 
estant  en  cette  ville  et  fort  \  la  bienséance  de  cette  com- 
paignie  qui  ne  cessera  jamais  non  plus  quemoy  de  souspirer 
et  aspirer  devant  la  Divine  Majesté  jusques  à  ce  que  sous  les 
auspices  de  V.  A.  elle  retourne  en  son  ancien  séjour.  Ce 

sont  les  souhaits  perpétuels, 

Monseigneur, 

de  vostre  tres^humble ,  tres-obeyssant  et  tres-fîdele 

orateur  et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

*  L'original  en  est  conser^  é  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  158» 
lies  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


308  OPUSCULES 


^V/\/\/VN/N^  . 


LXXIV. 


LETTRE^ 


DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  M.   l'ÉVÊQUE  de  MONTPELLIER, 
Il  s'excuse  de  ne  pouvoir  prêcher  à  Toulouse. 

10  janvier  1G14. 

Monseigneur , 
Je  vous  vais  rencontrer  en  esprit  au  passage  que  vous  devés 
faire  à  Lyon  :  et  ces  quatre  paroles  vous  asseureront ,  s'il 
vousplaist,  que  s'il  m'estoit  aussi  aysé  de  me  porter  moy- 
mesme  sur  le  lieu  en  effet ,  comme  il  l'est  à  ce  porteur,  vous 
me  verriés  plein  de  joye  et  d'amour,  le  plus  empressé  de 
tous  autour  de  vous.  Il  n'y  a  remède;  il  faut  accommoder 
nos  souhaits  à  nos  nécessités ,  d'où  qu'elles  viennent. 

J'ay  toute  ma  vie  grandement  prisé  la  ville  de  Tholose , 
non  pour  sa  grandeur  et  noblesse ,  mais ,  comme  dit  saint 
Chrysostome  de  son  Constantinople ,  à  cause  du  service  do 
Dieu  qui  y  est  si  constamment  et  religieusement  maintenu. 
Et  pensés,  Monseigneur,  de  quel  cœur  je  voudrois  les 
servir,  mais  vous  sçavés  mes  liens,  que  rien  jusques  à  présent 
n'a  pu  rompre.  S'il  vousplaist  donc^  respondés  à  la  demande 
qu'ilz  vous  ont  faite  de  moy.  Je  vous  supplie  très -humble- 
ment de  leur  faire  sçavoir  que  ce  n'est  ny  faute  d'estime  que 
je  fasse  de  leurs  mérites ,  ausquels  je  ne  seau  rois  jamais  cor- 
respondre, ny  faute  de  pouvoir  que  vous  ayés  sur  moy,  qui 
suis  très- entièrement  vostre,   mais  faute  de  pouvoir  que 

»  Tirée  du  monastère  de  la  Visitation  du  faubourg  St.-Jacques.  C'est  la  303* 
de  la  collection  Biaise. 


DE    8.    FRANÇOIS    DE    SALES.  309 

j'aye  moy-mesme  sur  moy-mesme,  que  je  ne  seconde  pas 
leurs  désirs ,  plus  honnorables  cent  fois  pour  moy  que  je  ne 
devrois  prétendre. 

Au  demeurant,  Monseigneur,  quand  vous  serés  avec  le 
grand  et  le  par'-  '  amy,  ressouvenez -vous  parfois  de  moy; 
car  ce  m'est  un  plaisir  incomparable  de  m'imaginer  que  ne 
pouvant  jouir  du  bonheur  de  vostre  présence,  je  ne  laisse 
pas  de  vivre  en  vostre  bienveillance  de  t(vjs  lems.  J'escris 
sans  loisir,  mais  plein  de  Tin  variable  affection  que  j'ay 
d'estre  sans  fin ,  Monseigneur,  vostre ,  etc. 


2i0  OPUSCULES 


LXXV. 

lettre' 

A  s.  A.  CHARLES   EM.MANUEL,  l",,  DUC   DE  SAVOIE. 
Sur  l'établissement  de  la  Congrégation  des  Pères  Barnabites  â  Annecy. 

Anneci,  le  25  janvier  1614. 
Monseigneur  « 

L'espérance  que  ce  peuple  de  Neci  et  de  Geneveys  a  con- 
==ceuë  de  voir  ce  collège,  qui  est  maintenant  presque  en  friche, 
remis  à  la  Congrégation  des  Pères  Barnabites,  n'a  ny  rayson 
ny  fondement  que  sur  la  bonté  paternelle  de  V.  A.  S.,  la- 
quelle en  a  eu  aggreable  le  projet;  non  seulement  parce 
qu'il  estoit  propre  pour  le  prolFit  publiq  temporel  de  ses  très 
liumbles  sujetz,  mais  aussi  pour  l'utilité  qu'il  rapporteroit 
au  salut  des  âmes.  A  cett'  occasion,  Monseigneur,  je  supplie 
de  rechef  V.  A.  S.,  en  toute  humilité,  de  le  faire  puissam- 
ment réussir  à  la  ^oire  de  Dieu ,  que  je  prie  incessamment 
la  vouloir  à  jamais  prospérer ,  et  suis , 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur , 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

«  L'original  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  ia  164e  parmi 
-l«s  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  311 


/\j\/\j^\^\/' . 


LXXVI. 

LETTRE* 

AU    DUC    DE"   SAVOIE. 

Il  lui  témoigne  sa  satisfaction  de  ce  qu'ayant  consenti  à  établir  les  Chartreux 
dans  son  diocèse,  il  leur  destine  l'abbaye  de  Ripaille,  et  il  le  presse  d'exé- 
cuter au  plustôt  ce  projet. 

Annecy,  12  juin  16U. 

Monseigneur, 

Lors  que  j'eus  l'honneur  de  faire  la  révérence  à  vostre 
Altesse,  il  y  a  un  an,  je  luy  proposay  de  faire  loger  les  révé- 
rends Pères  Chartreux  en  Tabbaye  de  Filly  en  Chablaix, 
pour  l'accroissement  de  la  dévotion  qu'un  si  grand  Ordre 
feroit  en  ce  pays-là,  et  pour  l'ornement  que  la  réparation 
d'un  abbaye  si  remarquable  y  apporteroit.  Mays  depuis, 
ayant  sceu  que  V.  A.  avoit  jette  ses  yeux  et  son  désir  sur 
Ripaille  pour  le  mesme  effet,  je  m'en  suis  infiniment  resjoui  ; 
et  en  toute  humilité  je  la  supplie  d'en  ordonner  au  plus  tost 
l'exécution ,  afïin  que  nous  voyons  en  nos  jours  la  pieté 
restablie  en  un  lieu  qui  a  esté  rendu  tant  signalé  par  celle 
que  nosseigneurs  les  prédécesseurs  mesmes  de  V.  A.  y  ont 
saintement  et  honorablement  pratiquée. 

Asseurant  qu'en  meilleures  mains  le  généreux  et  pieux 
dessein  de  cette  restauration  ne  pourroit  estre  confié  qu'en 
celles  d'un  Ordre  si  ferme  et  constant ,  comme  est  celuy  des 
Chartreux,  lequel ^  ayant  toujours  esté  dés  son  commence- 
ment fort  obligé  à  la  serenissime  Mayson  de  V.  A.,  luy  a 

»  C'est  la  3H*  {aliàs  298e)  de  la  collection  Biaise,  et  la  53«  du  liv.  I«'  de» 
anciennes  éditions 


^^^'^  OPUSCULES 


aussi  réciproquement  tousjours  esté  et  très -affectionné  et 
dedié.  Et  tandis,  je  continue  de  supplier  incessamment  la 
Divine  Maiesté  qu'elle  respande  à  jamais  toutes  .es  plus 
chères  bénédiction  sur  la  personne  et  la  couronne  de  V.  A» 
de  laquelle  ie  suLd^  Monseigneur;  ^'-^s-liumblô ^  etç. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  311 


LXXVV. 

LETTRE  * 

AS.    A.    CHARLES   EMMANUEL   l*^"",   DUC   DE   SAVOIE. 
Sur  l'établissement  des  Pères  Barnabites  à  Annecy. 

Annessi,  8  juillet  1614. 

Monseigneur, 

Le  bien  de  la  venue  des  Pères  Barnabites  en  celte  ville  est 
de  si  grande  considération,  que  Y.  A.,  la  quelle  Va  si  saii*- 
tement  désiré ,  le  fera  sans  aoute  puissamment  réussir  noa 
obstant  les  petites  difficultés  qui  se  présentent,  qui  ne  pro- 
cèdent que  d'une  bonne  affection,  à  la  quelle  V.  A.  donnera, 
s'il  luy  plaist ,  la  mesure  et  discrétion ,  en  sorte  que  si  k 
Père  General  des  Barnabites  ne  pouvoit  octroyer  la  dispense 
qu'on  requiert,  sa  Congrégation  ne  laissast  pas  pour  ceU 
d'estre  introduitte  dans  ce  collège ,  oii  en  tous  evenemens 
eir  apportera  un'  utilité  incomparablement  plus  desira]>le 
que  tout  ce  qui  s'y  est  fait  jusques  à  présent.  J'en  supplie 
donq  en  toute  humilité  V.  A.  S.,  que  Dieu  fasse  à  jamais 
prospérer  selon  l'extrême  et  continuel  souhait , 

Monseigneur, 

de  vostre  tres-humble ,  et  très  obeyssant  serviteur 

et  orateur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

1  L'original  en  est  conservé  srax  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  168* 
ées  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


StM  OPUSCULES 


LXXVIIL 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AU  ROI  DE  FRANCE  kJVlS  XIÎU 

H  le  remercie  d'une  gratification  de  trois  cents  écus  que  Sa  Majesté  avoit 
donnés  pour  la  réparation  de  quelques  églises  du  bailliage  de  Gex. 

Annecy,  31  juillet  1614. 

Sire ,  les  Catholiques  de  Gex  et  moy  avons  reçeu  les  trois 
cents  escus  d'aumosne  que  vostre  Majesté  a  donnés  pour  la 
réparation  des  églises,  avec  une  tres-humble  révérence  et 
action  de  grâces,  non  seulement  parce  que  les  faveurs  qui 
proviennent  de  si  haut  lieu  sont  tousjours  de  grand'estime , 
mais  aussi  parce  que  ce  sont  comme  des  arrhes  de  plus 
grands  liienfails  pour  l'avenir,  dont  nous  en  espérons  que  la 
royale  bonté  de  vostre  Majesté  regardera  de  son  œil  propice 
la  misère  à  laquelle  Fheresie  a  réduit  ce  pauvre  baillia.cije , 
pour  respandre  à  son  secours  les  gi'iu-.'.'s  et  assistances,  qui 
luy  peuvent  servir  de  remède.  Ainsi  Dieu  ^oil  à  jamais  le 
protecteur  de  vostre  Majesté,  Sire,  pour  la  combler  des  saintes 
bénédictions  que  luy  souhaitle  vostre  tres-humble,  etc. 

»  Tirée  du  séminaire  d'I^sy  près  de  Paris.  C'est  la  310»  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES. 


LXXIX. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A   UNE    ABBESSE. 

11  la  félicite  de  ce  qne  l'exercice  de  l'oraison  mentale  a  été  introduit  dans 
son  monastère,  parce  que  sans  cela  les  trois  vœux  de  religion  ne  peuvent 
êtro  que  mal  gardés.  Avantage  de  la  lecture  des  œuvres  de  sainte  Thérèse. 
Un  bon  confesseur  peut  faire  un  grand  bien  dans  une  communauté. 

Annecy,  18  août  1614. 

Ma  tres-cliere  Seur,  à  cette  première  fois  que  je  vous 
escris,  je  vous  veux  dire  deux  ou  trois  motz  de  préface,  qui 
puissent  servir  pour  toutes  les  lettres  que  je  vous  enverray 
désormais  selon  les  occurrences. 

1.  Que  ny  vous  ny  moy  n'y  fassions  plus  aucune  préface; 
car  Tamour  de  Dieu  que  vous  avés  sera  une  préface  envers 
vous;  et  le  désir  que  j'ay  de  l'avoir  sera  vostre  préface  en- 
vers moy. 

2.  En  vertu  de  ce  mesme  amour  ou  possédé  ou  désiré, 
assurés-vous,  ma  chère  Seur,  que  vous  et  toutes  vos  filles 
trouvères  tousjpurs  mon  ame  ouverte  et  dédiée  au  service 
des  vostres. 

3.  Mais  tout  cela  sans  cérémonies ,  sans  artifices ,  d'autant 
qu'encore  que  nos  vocations  soient  différentes  en  rang.,, 
<:e  saint  amour  auquel  nous  aspirons  nous  esgale  et  unit  en 
luy. 

Certes,^  maiU-esrcJiere  Seur,  et  vous  at,  vos  filles  estes 

1  C'est  la  318*  dé  la  collection  biaise,  et  la  65»  dû  livre  ïi:  dis  ancienneiv 

-éditions. 


316  OPUSCULES 

tres-heureuses  d'avoir  enfin  rencontré  la  veine  de  cette  eau 
vivante  qui  rejaillit  à  la  vie  éternelle  *,  et  de  vouloir  en 
boire  de  îa  main  de  nostre  Seigneur ,  auquel ,  avec  Sainte 
Catherine  de  Gènes,  et  la  bienheureuse  mère  Thérèse,  il  me 
semble  que  vous  faites  cette  prière  :  Seigneur,  donnés-moy 
de  cette  eau  ^ 

Qu'à  jamais  cette  bonté  divine  soit  louée,  qui  luy-mesme 
s'est  rendu  une  source  d'eau  vive  au  milieu  de  vostre  com- 
paignie  :  car  à  ceux  qui  s'adonnent  à  la  tres-sainte  orayson, 
nostre  Seigneur  est  une  fontaine  en  laquelle  on  puise  par 
Torayson  l'eau  de  lavement,  de  réfrigère,  de  fertilité  et  de 
suavité. 

Dieu  sçait,  ma  tres-chere  Seur,  quelz  sont  les  monastères 
esquels  ce  saint  exercice  n'est  point  pratiqué;  Dieu  sçait 
quelle  obeyssance,  quelle  pauvreté  et  quelle  chasteté  y  est 
observée  devant  les  yeux  de  sa  divine  providence ,  et  si  les 
assemblées  des  filles  ne  sont  pas  plustost  des  compaignies  de 
prisonnières  que  de  vrayes  amoureuses  de  Jesus-Christ. 

Mais  nous  n'avons  pas  tant  besoin  de  considérer  ce  mal-là^ 
que  de  peser  au  juste  poids  le  grand  bien  que  les  âmes  reçoi- 
vent de  la  tres-sainte  orayson.  Vous  n'estes  donc  point  trom- 
pées de  ravoir  embrassée;  mais  trompées  sont  les  âmes  qui 
s'y  pouvant  appliquer,  ne  le  font  pas. 

Et  néanmoins  en  certaine  façon  (à  ce  que  je  voy)  le  doux 
Sauveur  de  vos  âmes  vous  a  trompées  d'une  tromperie 
amoureuse ,  pour  vous  tirer  à  sa  communication  plus  parti- 
culière, vous  ayant  liées  par  dec  moyens  que  luy  seul  a  sceu 
trouver,  et  conduites  par  des  voyes  que  luy  seul  avoit  con- 
nues. Relevés  donc  bien  haut  vostre  courage ,  pour  suivre 
soigneusement  et  saintement  ses  attraits;  et,  tandis  que  la 

*  Qui  biberit  ex  aquâ  quam  ego  dabo  ei,  non  sitiet  in  œteraum;  sed 
aqua  quam  ego  dabo  ei,  fiet  in  eo  fons  aquse  salientis  in  vitam  œlernanu 
Joan^  IV,  13  et  14. 

>  Di  it  ad  eum  mulier  :  Domine    da  mihi  hanc  aquam.  Ibid.,  15. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  31? 

vrave  douceur  et  humilité  de  cœur  régneront  parmi  vous, 
ne  craignes  point  d'estre  trompées. 

Le  freie  N.  est  un  vray  ignorant,  mais  ignorant  qui  sçait 
plus  que  beaucoup  de  sçavans  :  il  aies  vrais  fondemensde  la 
vie  spirituelle,  et  «a  communication  ne  vous  peut  qu'estre 
utile  ;  je  m'asseuTe  que  son  Supérieur  ne  vous  le  refusera  pas, 
tandis  que  vous  en  userés  avec  discrétion,  et  sans  luy  donner 
trop  de  distraction. 

Je  n'ai  peu  encore  lire  les  livrets  que  vous  m'avés  envoyés, 
ce  sera  à  mon  premier  loisir. 

Vous  avés  bien  fait  de  vous  apprivoiser  avec  1^  bienheu- 
reuse mère  Thérèse ,  car  en  vérité  ses  livres  sont  un  thresor 
d'enseignements  spirituels  :  sur  tout,  faites  régner  entre 
vous  la  diîcction  mutuelle,  franche  et  spirituelle;  la  com- 
munauté parfaite  tant  ay niable  et  si  peu  aymée  en  ce  siècle, 
mesme  es  monastères  que  le  monde  admire;  la  sainte  sim- 
plicité, la  douceur  de  cœur  et  l'amour  de  la  propre  abjection  : 
mais  ce  soin,  ma  tres-chere  Seur,  il  faut  qu'il  soit  diligent 
et  ferme ,  et  non  empressé ,  ny  à  secousses. 

Je  seray  bien  aise  de  sçavoir  souvent  de  vos  nouvelles,  et 
ne  doutés  point  que  je  ne  vous  responde.  M.  N.  me  fera 
tenir  prou  vos  lettres. 

En  particulier,  ce  m'a  esté  de  la  consolation  de  sçavoir 
la  bonté  et  vertu  de  vostre  Père  Confesseur,  qui,  avec  un 
esprit  vrayement  de  père  envers  vous,  coopère  à  vos  bons 
désirs,  et  est  encore  bien  aise  que  les  autres  y  contribuent. 
Pleust  à  Dieu  (^le  tous  les  autres  de  vostre  Ordre  fussent 
ftussi  charitable^^et  affectionnés  à  la  gloire  de  Dieu  ;  les  mo- 
>iasteres  qui  sont  en  leur  charge  seroient  plus  parfaits  et 
plus  purs. 

Je  resalue  mes  chères  S^urs  Anne  et  Marie  Salomé,  et  me 
resjouis  dequoy  elles  sont  entrées  en  cette  Religion  en  un 
tems  auquel  la  vraye  et  parfaite  pieté  commence  à  y  relieurir  ; 
et  pour  leur  consolation,  je  leur  dis  que  leur  parente  Madame 


3i  8  OPUSCULES 

Descrilles ,  qui  est  maintenant  novice  à  la  Visitation ,  tasche 
aussi  fort  de  son  costé  de  s'avancer  en  nostre  Seigneur. 

Ma  tres-chere  Seur ,  je  vous  escris  sans  loisir ,  mais  non 
pas  sans  une  infinie  affection  envers  vous  et  toutes  vos 
fille? ,  que  je  supplie  toutes  de  recorai^^ander  mon  ame  à  la 
miséricorde  de  Dieu,  comme  de  ma  part  je  ne  cesseray  point 
d.e  vous  s^uhaitter  bénédiction  sur  bénédiction,  et  que  la 
source  de  toute  bénédiction  vive  et  règne  à  jamais  au  milieu 
de  vos  cœurs.  Amen. 

Je  suis,  d'un  amour  tout  cordial,  vostre  tres-humble,  etc. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  5!^ 


LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  M.  JEAÎl-PIERRE  CAMUS,  ÉVÊQDE  DE  BELLEY. 

IFl'encovsrage  à  soutenir  l'embarras  des  procès  pour  la  conservation  des  hierm 
et  des  libertés  ecclésiastiques,  et  lui  recommande  les  intérêts  du  diocèse  dd 
Genève  aux  Etats  de  Bourgogne,  où  il  alloit  assister. 

Annecy,  22  août  1614. 

Monseigneur, 

Je  me  resjouis,  certes,  de  vos  victoires;  car,  quoy  que 
l'on  sçache  dire,  c'est  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  que 
nostre  ordre  episcopal  soil  reconnu  pour  ce  qu'il  est,  et  que 
cette  mousse  des  exemptions  soit  arrachée  de  l'arbre  de 
l'Eglise  où  l'on  voit  qu'elle  a  fait  tant  de  mal,  ainsi  que  le 
saint  concile  de  Trente  a  fort  bien  remarqué. 

Mais  je  regrette  pourtant  que  vostre  esprit  pâtisse  tant  en 
cette  guerre,  en  laquelle,  sans  doute,  il  n'y  a  presque  que 
les  Anges  qui  puissent  conserver  l'innocence  :  et  qui  tient  la 
modération  emmi  les  procès,  le  procès  de  sa  canonisation  est 
tout  fait  pour  luy,  ce  me  semble.  Saj)ere  et  amare  vix  diis 
conceditur  ;  mais  je  dirois  plus  volontiers  :  Litigare  et  non 
insanire  vix  sanctis  conceditur.  Néanmoins,  quand  la  néces- 
sité le  requiert,  et  que  l'intention  est  bonne,  il  faut  s'em- 
barquer sous  l'espérance  que  la  Providence  mesme,  qui 
vous  oblige  à  la  navigation,  s'obligera  elle-mesme  à  vous 
conduire. 

«  C'est  la  319e  de  la  collection  Biaise,  et  la  87«  du  livre  1"  des  ancieunei 

éditions. 


waiÊÊSÊsm 


320  OPUSCULES 

Tout  mon  plus  grand  deplaysir,  c'est  de  voir  qu'enfin  cette 
amertume  de  cœur,  que  vous  me  dépeignés,  vous  ravira 
d'auprès  de  nous,  et  me  ravira  une  des  plus  précieuses  con- 
solations que  j'eusse,  et  à  ce  peuple  un  ])ien  inestimable  : 
car  des  prélats  affectionnés ,  il  y  en  a  si  peu  :  Apparent  rari 
nantes  'm  gurgiîe  vasto^.  Salvum  me  fac,  Domine ,  quo- 
liam  defecit  sanctu  s  ^ 

Je  voy  bien,  Monseigneur,  par  vostre  lettre  et  par  celle 
de  M.  de  N.,  qui,  ei\  vérité,  est  fort  mon  amy,  et  bon  père 
ires-singulier,  que  nous  ne  sçaurions  conserver  les  libertés 
ecclésiastiques,  que  les  Ducs  nous  avoient  laissées,  es  pays 
cstrangers.  0  !  Dieu  bénisse  la  France  de  sa  grande  bénédic- 
tion ,  et  y  fasse  renaistre  la  pieté  qui  regnoit  du  temps  de 
S.  Louis  ! 

Mais  cependant.  Monseigneur,  puisque  ce  pauvre  petit 
Qergé  de  vostre  evesché  et  du  mien  a  le  bonbeur  que  vous 
parliés  en  son  nom  aux  Estats ,  nous  serons  délivrés  de  tout 
scrupule,  si  après  nos  remonstrances  nous  sommes  réduits 
en  la  servitude;  car  que  pourroit-on  faire  davantage,  sinon 
crier  au  nom  de  l'Eglise  :  Vide,  Domine,  et  considéra,  quo- 
Tiiajn  facta  sum  vilis?  Quelle  abjection  que  nous  ayons  le 
glaive  spirituel  en  main,  et  que,  comme  simples  exécuteurs 
des  volontés  du  magistrat  temporel,  il  nous  faille  frapper 
quand  il  l'ordonne,  et  cesser  quand  il  nous  le  commande; 
et  que  nous  soyons  privés  ôp  la  principale  clef  de  celles  que 
nostre  Seigneur  nous  a  données ,  qui  est  celle  du  jugement, 
du  discernement  et  de  la  science  en  lusage  de  nostre  glaive? 
Manum  suam  misithosf^  ad  o.ninia  desiderabilia  ejiis;  quia 
,vidit  gentes  ingressas  sanctuarium  tuum,  de  qidhus  p'œce- 
;peras  ne  intrarent  in  ecclesiam  tuam  ^. 

Ce  n'est  pas  avec  un  esprit  d'impatience  ni  de  murmura- 
lion  que  je  dis  cecy;  je  me  j^oi^souviens  tousjours  que  ista 
mala  invenerunt  nos,  quia  peccavimus,  injuste  egimiisK  Or 

«Virg.,  ^neid.  —  2  Psalm.  XI,  1.  ~  3  TSiren.,  I,  10.  —  *  Ces  maux  sont 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  321 

SUS  pourtant,  Monseigneur,  vous  verres  nos  articles,  et  ferès, 
je  m'asseure,  tout  ce  qui  se  pourra  pour  la  conservation  des 
droits  de  Dieu  et  de  son  Eglise;  et  tandis  que  nostre  Josué 
sera  là,  nous  tiendrons  les  mains  haussées  ,  et  prierons qu^il 
ait  une  spéciale  assistance  du  saint  Esprit;  nous  invoquerons 
les  Anges  protecteurs,  et  les  saints  Evesques  qui  nous  ont 
précédé,  qu'ilz  soient  autour  de  vous,  qu'ilz  animent  vos 
remonstrances. 

De  vous  envoyer  quelqu'un  de  la  part  de  mon  Diocèse ,  il 
n'en  fut  jamais  question.  Mon  Diocèse  n'est-il  pas  vostre, 
puis  que  je  le  suis  si  parfaitement  :  Populus  meus ,  populus 
^i^w5.  Vous  verres  le  Père  Dom  Jean  de  Saint-Malachie  à  Saint- 
Bernard;  si  vous  le  hantés,  vous  trouvères  en  luy  une  veine 
féconde  de  pieté,  de  sagesse,  et  d'amitié  pour  moy,  qui 
rhonnore  réciproquement  hien  fort.  De  Madame  Falin  dites- 
xnoy  un  jour  à  loisir  l'histoire,  parce  que  gloriam  régis 
anmmtiare  jiistum  est.  Dit  a  soit  à  jamais  le  cœur  de  nos 
âmes.  Je  suis.  Monseigneur,  vostre,  etc. 

venus  nous  trouver,  parce  que  nouç  avons  péché,  et  que  nous  avons  cumrnis 
l'iniquité,  Ps,  CV«  6. 


322  OPUSCULES 


LXXXL 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  SON  ALTESSE  MADAME  MARGUERITE^  INFANTE  DE  SAVOIE,  VEUVE  DE  M.  LE  DUC 

DE  MASTOUE. 

II  la  supplie  de  prendre  sous  sa  protection  spéciale  les  dames  de  la  Visitation 
de  la  ville  d'Annecy,  de  leur  procurer  les  lettres-patentes,  et  de  permettre 
que  la  première  pierre  de  leur  oratoire  soit  posée  en  son  nom. 

Avant  le  18  septembre  1614. 

Madame, 

Nous  avons  en  cette  ville  d'Annecy  une  congrégation  de 
très-honorables  dames,  les  unes  veuves,  les  autres  filles, 
qui  n'ayant  que  du  dégoût  pour  le  monde ,  s'adonnent  au 
service  de  Dieu  avec  une  très-grande  piété  et  une  singulière 
édification.  Elles  récitent  toutes  ensemble  au  chœur  les  heures 
de  la  très-sainte  Vierge,  font  l'oraison  mentale,  et  vivent 
dans  l'obéissance  sous  le  gouvernement  d'une  supérieure 
qu'elles  ont  élue.  De  plus,  elles  observent  une  très-grande 

*  C'est  la  322e  de  la  collection  Biaise,  et  la  23e  du  livre  le'  des  anciennes 
éditions. 


Serenissima  Signera, 

Si  è  fatta  in  Annecy  una  congregazione  di  dame  honoratissime, 
parte  vedove,  parte  zittelle,  le  quali  scariche  délie  cose  del  mondo, 
attendono  con  grandissima  pietà  e  edificazione  al  servizio  del  Signor 
Iddio, recitando  ogni  dile ore  délia  sacratissima  Vergine  insieme  nel 
suo  coro^  facendo  ogni  di  Torazione  mentale,  vivendo  in  ubedienza 
sotto  il  governo  di  una  superiore,  che  esse  hanno  eletta_,  e  osservando 
una  esattissima  abnegazione  délie  cose  terrene ,  corne  si  suole  nelli 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  32J 

abnégation  des  biens  de  la  terre ,  comme  il  se  pratique  dans 
les  monastères  les  plus  réguliers.  Les  jeunes  ne  sortent  point 
de  la  maison  (où  les  hommes,  d'ailleurs,  n'entrent  jamais 
sous  aucun  prétexte  ) ,  mais  seulement  les  plus  âgées  et  les 
plus  sages ,  et  c'est  pour  le  secours  des  infirmes ,  principale-* 
ment  des  pauvres  femmes,  qui,  ayant  de  grands  besoins,  ont 
beaucoup  à  souffrir  en  cette  ville,  où  il  n'y  a  qu'un  pauvre  hô- 
pital, qui  n'a  pas  assez  de  revenu  pour  faire  de  grandes  charités. 
Celte  congrégation  s'est  formée  sur  le  modèle  d'autres 
semblables  établies  dans  Milan  par  ce  grand  serviteur  de 
Dieu ,  le  glorieux  saint  Charles.  Elles  ont  déjà  une  maison  ; 
mais,  désirant  néanmoins  faire  construire  un  oratoire  en 
l'honneur  de  la  très -sainte  Visitation  de  la  bienheureuse 
Vierge ,  dans  lequel  il  y  aura  une  chapelle  sous  le  nom  du 
bienheureux  Amédée ,  lorsqu'il  sera  canonisé ,  votre  Altesse 
sérénissime  est  très- humblement  suppliée  de  prendre  cette 
congrégation  sous  sa  protection  spéciale,  afin  qu'à  l'ombre 
de  son  nom  et  à  la  faveur  de  sa  charité ,  elle  puisse  vaquer 
aux  choses  célestes  avec  tranquillité,  n'ayant  rien  qui  la 
trouble  ni  au-dedans  ni  au-dehors. 


mouasterii  più  riformati.  Legiovani  non  escono  mai  dalla  casa,  nellaî 
quale  non  v'entrano  uomini,  ma  solamente  le  vecchie  e  mature,  per 
soccorso  degrinfermi,  massime  donne,  le  quah  quando  sono  po— 
vere ,  patiscono  molto  in  quella  cita,  non  essendovi  se  non  un  povero 
ospitale ,  che  non  ha  modo  di  fare  molta  carità  a  dette  inferme. 

Ora  essendosi  formata  quella  congregazlone  a  similitudine  d'altre 
îimiW,  stabilité  in  Milano  dal  gran  servo  d'Iddio  S.  Carlo,  ed  avendo 
comprata  una  casa,  e  desiderando  tuttavia  fabbricar  un  oratorio  al 
nome  délia  sanlissima  Yisitazione  della  beatissima  Vergine,  nel  quale 
pur  vi  sia  una  capella^  che  si  dedicherà  sotto  il  nome  del  beato  Ame- 
deo,  quando  sarà  canonizato,  si  supplica  V.  A.  serenissima,  che  si 
degni  accettare,  et  ricevere  detta  congregazione  nella  sua  specialis- 
sima  protezione,  acciô  che  sotto  Tombra  del  suo  serenissimo  nome, 
ecol  favor  della  sua  carità,  possa  con  tranquillità  e  pace  interiore  et 
esteriore  attendere  aile  cose  celesti,  per  il  che  sarebbe  necessario,. 


324  OPUSCULES 

A  quoi  il  sera  nécessaire  , 

1°  Que  votre  Altesse  sérénissime  déclare  par  lettres  pa- 
tentes ,  ou  par  lettres  de  cachet ,  qu'elle  reçoit  et  prend  sous 
sa  protection  cette  congrégation  en  entier,  et  chacun'^  des 
sœurs  ou  dames  en  particulier,  tant  pour  le  présent  que  pour 
l'aveuir; 

2"  One  votre  Altesse  sérénissime  fasse  savoir  son  intention 
à  M.  le  marquis  de  Lans  et  an  sénat  de  Savoie,  afin  que 
dans  les  occurrences  ils  prennent  les  intérêts  de  ladite  con- 
grégation. 

3°  Il  seroit  encore  à  propos  que  son  Altesse  sérénissime 
monseigneur  le  duc  de  Savoie  envoyât  de  semblables  lettres^ 
par  lesquelles  il  signifiât  que  cette  congrégation  s'étant  mise 
sous  la  protection  de  votre  Altesse,  c'est  aussi  sa  volonté 
qu'elle  soit  favorisée  et  conservée  en  ses  Etats. 

Et  cela  est  d'autant  plus  raisonnable,  que  cette  congréga- 
tion ne  mendie  point  d'aumônes,  mais  s'établit  aux  frais  des 
dames  qui  y  sont  entrées,  et  qu'elle  ne  prétend  pas  avoir 
jamais  de  revenus  pour  d'autres  fins ,  pour  pourvoir  à  Tentre- 
tiens,  tant  des  bâtiments  et  de  la  sacristie,  que  du  chapelain 


1°  Clie  V.  A.  serenissima,  o  per  iettere  patenti,  o  per  lettere  chiuse, 
:nanifestasse  che  ella  riceve  e  piglia  in  protezione  detta  congrega- 
ïione  8  ciasclieduna  délie  sorelle ,  o  siano  dame^  che  in  essa  sa- 
Tanno ,  adesso  e  per  ravvenire. 

2°  Che  V.  A.  serenissima  faccia  con  lettere  saper  questa  sua  inten- 
zione  al  signor  march.  di  Lans^  e  al  senato  di  Savoja,  acciô  dove 
occorrerà  cssi  abbiano  cura  di  detta  congregazione. 

3^  Sarebbe  anco  conveniente,  che  simili  lettere  si  scrivessero  d'alî* 
jltezza  del  sérénissime  signor  duca  noslro  signore,  per  le  quali  fa- 
«esse  sapere  che  detta  congregazione  essendo  per  ordine  suo  nella 
protezione  di  V.  A.,  vuole  che  sia  negli  stati  suoi  favorita  e  con- 
servata. 

Il  cheè  tanto  più  raggionevole,  che  detta  congregazione  non  men- 
dica^  anzi  si  stabilisée  a  spese  délie  dame  congrci;;nte,  ne  prétende 
giammai  aver  entrata,  se  non  per  mantener  gU  odilicii ,  la  sacristia. 


DE    S.    IT.ANÇOIS    DE    SALES.  325 

f)t.  (iu  médecin,  soit  au  moyen  de  rentes  perpétuelles,  soit  par 
toute  autre  voie  seml)lal)le,  qui  ne  fasse  aucun  dommage  à 
personne,  et  qni  ne  mette  nul  empècliement  aux  gahèles  ou 
tuillcs  du  sérénissime  eaQc;  et  même  ladite  coni:'Téii:ation  sera, 
(  ommej 'espère,  dans  peu  d'années,  dotée  de  revenus sutFisants 
pour  l'entretien  de  la  coinmunauté  :  si  bien  que  les  veuves 
qui  seront  sans  enfants,  et  les  tilles  qui  voudront  servir  Dieu 
dans  la  chasteté  ,  Fobéissance  et  la  piété ,  auront  une  grande 
facilite  à  y  entrer,  y  étant  reçues  moyennant  une  pension 
([ue  leur  famille  leur  assignera  leur  vie  durant,  sans  qu'on 
en  exige  rien  de  plus. 

Cela  étant  ainsi,  votre  Altesse  sérénissime  fera  une  chose 
très-agréable  à  la  divine  Majesté  et  à  sa  très-sainte  Mère 
Notre-Dame ,  si ,  recevant  cette  dévote  congrégation  entre  les 
bras  de  sa  chanté,  elle  daigne  s'en  avouer  la  dame,  la  pa- 
tronne et  la  mère. 

Et  parce  que  ladite  congrégation  espère  bientôt  bâtir  l'o- 
ratoire, ce  lui  sera  un  grand  honneur  et  une  grande  con- 
solation que  la  première  pierre  soit  posée  au  nom  de  votre 


il  cnpcllano,  e  pagar  il  medico  loro,  o  per  via  de  censi  perpetui,  o 
in  nltre  manière  che  non  facciano  aggravio  a  nessuno ,  ne  diano  im- 
pedimento  atcuno  alli  dazii,  overo  taglic  del  serenissimo  duca.  Anzi 
delta  coiîgregazione  essendo^  corne  si  spera^  frà  pochi  anni  dotafa 
di  (jiiclia  cnlrata  per  quelle  cose  communi,  le  vedove  scariclie  di 
tig'iicili^  e  le  vcrgini  che  vorrano  in  castità^  ubedienza_,  e  pietà  servir 
il  Signor  Iddio  j  avranno  grandissinia  commodità  di  ciô  fare^  perché 
'-•nranno  riceviite  in  detlacongregazicnc,  mediante  una  sola  pensione 
r.s-cgiialale  dalla  casa  loro^mentre  vlveranno. 

Onde  V.  A.  serenissiina  tara  cosa  gratissim?  ulla  Maeslà  divina^- 
0  \\\\\\  sua  santissima  Madré  nostra  Signora,  se  ricevendo  questa  pia 
CL  !,grogazione  nelle  braccia  délia  sua  protezione,  essa  si  degna  chia- 
mare  signera,  palrona  e  madré. 

i:  pcixhè  ben  presto  spera  detta  congregazione  di  fabbricare  IV 
ratorio  suo ,  e  che  le  sarobbe  un'  onor  e  consolazione  d'importanza, 
che  a  nome  di  Y.  A.  s^itK^issima  si  mettesse  la  prima  pielra;  si  sup- 


3"!^  OPUSCULES 

Altesse  sérénissime;  c'CvSt  pourquoi  je  la  supplie,  en  finis- 
•saut ,  (pi'elle  daii:!;ne  envoyer  quelque  dame  de  sa  cour  pour 
riosister  à  la  céiémonie,  et  y  mettre  la  médaille  accoutumée, 
ielle  qu'il  plaii'a  à  votre  Altesse  de  la  marquer. 

Ainsi  elle  aura  toujours  la  r  cilleure  part  dans  toutes  les 
abonnes  œuvres  qui  se  feront  en  ladite  congrégation  et  dane 
Foi'aloire,  principalement  aux  oraisons  de  ces  dames,  qui 
jour  et  nuit  invoquent  le  saint  Esprit  pour  l'éternelle  con- 
solation de  votre  Altesse,  de  laquelle  j'ai  l'honneur  d'être. 
Madame,  le  très-humble,  etc. 


plica  per  fine,  clie  rlegni  commandar  a  qualche  dama  di  quelle 
bande,  di  venir  costi  da  parte  di  V.  A.  ed  assistere  alla  posizione  di 
detta  pietra,  mettendovi  la  medaglia  soiita,  taie  che  V.  A.  si  com- 
piacerà  di  notare. 

Che  cosi  V.  A.  avrà  sempre  ottima  parte  in  tutte  le  bone  opère  che 
in  detta  congregazione,  e  detto  oratorio  si  faranno,  massime  nelle 
^orazioni  di  quelle  dame ,  che  giorno  e  notte  invocheranno  lo  Soirito 
janto  per  Teterna  consolazione  di  V,  A. 


DE   S.    rRAN'COIS   DE   SAUÎS.  327 


INSCRIPTION 

DE  LA  PREMIÈRE  PIERRE  DU  BATIMENT  DE  LA  VISITATION, 
QUI  FUT  COMMENCÉ  L'aN  '1(M4. 

A  Dieu  très-bon  et  très-grand,  à  Jésus-Christ,  et  à  sa  très-sainte 
Mère,  sous  le  titre  de  la  Visitation. 

Charles- Emmanuel  étant  duc  de  Savoie,  Henri  de  Savoie  étant 
duc  de  Nemours  et  de  Genevois,  l'an  mil  six  cent  quatorze,  le 
dix-huitième  jour  du  mois  de  septembre,  sous  la  protection  de 
Marguerite,  Injante  de  Savoie,  veuve  du  duc  de  Mantoue,  et 
.sous  l'épiscopat  de  monseigneur  François,  présent  et  officiant  à 
cette  cérémonie,  a  été  jetée  et  bénie  cette  première  pierre,  mo- 
nument consacré  à  la  dévotion  de  la  congrégation  des  sœurs  oblates 
de  la  Visitation. 

Deo  optimo  maximo,  Jesu  Christo,  sanctissimœ  Matri  Virgini 
Marine  Yisitanti. 

Carolo  Emmanuele  Sabaudiœ,  Benrico  Gebennensium  ducibus, 

anno  millesimo  sexcentesimo  decimo-quarto  ^  decimâ-octavâ  sep* 

iembris,  Margaride  infante  Sabaudiœ,  viduâ  ducis   Mantuœ , 

protectrice,  Francisco  episcopo,  congregationi  sororum  oblatarum 

Visitationis  devotioni  sacrum. 


328  OPUSCULES 


LXXXÎI. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  M.  DE  FORAXj  GENTILHOMME  DE  LA  CHAMRRE  DE  M.  LE  DUC  DE  NEMOURS. 

11  le  prie  de  s'entremettre  dans  l'échange  projeté  par  notre  Saint,  d'un  ter- 
rain qui  appartenoit  aux  Dominicains  d'Annecy,  en  faveur  des  Religieuses 
de  la  Visitation. 

Vers  le  18  septembre  1614. 

Monsieur, 

L'extrême  nécessité  que  la  Visitation  a  d'une  partie  dri 
jardin  de  Saint-Dominique,  sur  lequel  le  bastiment  nouvea^i 
regardera ,  fait  que  plusieurs  gens  d'honneur  ont  pensé  de 
proposer  que  les  Pères  de  saint  Dominique  prissent  une 
partie  d'un  jardin  du  Collège  sur  lequel  ilz  regardent ,  et 
moyennant  une  recompense  que  l'on  donneroit  au  Collège , 
que  les  Dames  de  la  Visitation  fourniroient ,  et  qu'en  cettt^ 
sorte  les  Pères  de  saint  Dominique  lascheroient  la  partie  re- 
quise de  leur  jardin  en  faveur  de  la  Visitation ,  dont  deux 
maisons ,  saint  Dominique  et  la  Visitation ,  demeureroient 
infiniment  accommodées ,  et  le  Collège  nullement  incom- 
modé. 

Or,  j'en  paiiay  l'autre  jour  à  Monsieur  * ,  qui  trouva  bou: 
de  le  recommander  aux  administrateurs  du  Collège,  par 
l'entremise  de  M.  du  Fresne.  Mais  m.nntenant  que  les  Pères 
Barnabites  sont  remis ,  cela  despendra  aussi  d'eux  :  c'est 
pourquoy,  s'il  plaisoit  à  Monsieur  de  leur  tesmoigner  qu'il 

1  Tirée  de  l'abbaye  de  Saint-Denis  près  Paris.  C'est  ia  323e  de  la  collectioa 
Biaise, 

>  Le  duc  de  Ndraours  at  ie  Olc^nevc>i«s 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  3z9 

désire  ce  commun  accommodement,  il  y  a  de  l'apparence  qjie 
l'a  chose  reûsciroit,  pourveu  que  le  tesmoignage  de  son  désir 
fust  un  peu  bien  exprimé  ;  ce  que  sa  Grandeur  fera  facile- 
ment, puis  qu'elle  peut  prier  lesdits  Barnabites  de  voir  avec 
messieurs  de  son  conseil  si  cela  se  pourra  bonnement  faire , 
et  que  s'il  se  peut  sans  grande  incommodité ,  il  désire  fort 
affectueusement  que  cela  se  fasse  ,  et  qu'il  les  en  prie. 

Il  reste  que  je  vous  supplie  d'en  parler  à  Monsieur,  ce  que 
je  feray  présentement  sans  attendre  davantage  que  les  Pères 
Barnabites  montent  si  haut ,  pour  parler  à  sa  Grandeur  ;  et 
il  sera  à  propos  qu'elle  fasse  ce  bon  office  en  cette  occasion. 
Je  serois  allé  moy-mesme  l'en  supplier;  mais  je  n'ay  pas  cm- 
que  cela  fust  bien ,  puis  que  je  me  fusse  rendu  soupçonné; 
et  peùt-estre  devrois-je  en  venir  en  cette  bop ne  affaire  comme 
médiateur  avec  Messieurs  du  Conseil.  Excusés-moy  ;  j'es- 
père cette  confiance^  Monsieiîr»  c'est  en  cette  qualité  de 
vostre,et<.% 


330  OPUSCULES 


LXXXÏII. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  MONSEIGNEUR  LE  DUC  DE  NEMOURS  *. 
(Tirée  du  second  monast.  de  k  Visitation  de  la  ville  de  Rouen.) 

Il  le  conjure,  par  les  raisons  les  plus  pressantes,  de  ne  pas  s'éloigner  long- 
temps de  la  Savoie,  qui  avoit  besoin  de  son  secours  dans  une  guerre  dont 
elle  étoit  affligée. 

Annecy,  6  novembre  16i4» 
Monseigneur, 

Les  tesmoignages  de  la  bienveillance  en  mon  endroit  qu'il 
pleut  à  vostre  Grandeur  de  me  donner  à  son  départ  de  cette 
ville,  la  pieté  qu'elle  pratiqua,  demandant  la  bénédiction 
céleste  à  cet  indigne  pasteur  ;  la  naturelle  inclination  forti- 
fiée de  plusieurs  obligations  que  mon  ame  a  tousjours  sain- 
tement nourries  envers  vostre  bonté.  Monseigneur;  tout  cela 
et  plusieurs  autres  considérations  que  ma  fidélité  me  sugge- 
roit,  me  toucha  vivement  au  cœur,  et  ne  sceust  m'empescher 
d'en  rendre  des  signes  à  ceux  que  je  rencontray  sur  le  champ 
après  avoir  perdu  de  veiië  vostre  Grandeur. 

Cette  touche ,  avec  quelque  sorte  d'espérance  que  vostre 
Grandeur  me  commanda  deco:^.  ^M'ver  de  son  prochain  retour, 
m'ont  fait  penser  plus  d'une  fois  aux  raysons  qu'elle  avoit  de 

*  C'est  la  326»  parmi  les  inédites  oe  la  collection  Biaise. 

*  Henri  de  Savoie,  duc  de  Nemours,  de  Genevois,  dn  Chartres  et  d'Aumale, 
marquis  de  Saint-Sorlin  et  de  Saint-Rambert ,  o.omte  de  Gisors,  etc.,  chevalier 
de  l'Annonciade.  11  descendoit  de  Philippe  de  Savoie,  duc  de  Nemours,  troi- 
âème  fils  de  Philippe,  duc  de  Savoie,  surnommé  Sans-terre,  et  de  Claudine 
de  Brosse ,  sa  seconde  femme. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES. 

revenir,  pour  agrandir  ce  reste  de  consolation  qu'elle  m'avoit 
laissé,  me  signifiant  que  la  privation  de  sa  présence  ne  seroit 
pas  de  si  longue  durée,  ains  beaucoup  plus  courte  que  nostre 
desplaisir  ne  nous  fesoit  imaginer. 

Et  j'ay  treuvé  Monseigneur,  que  c'estoit  le  vray  service  de 
vostre  Grandeur  qui  requeroit  vostre  retour,  et  non  seule- 
ment le  gênerai  désir  de  tous  vos  très  humbles  sujets,  qui 
prendroient  sa  présence  à  soulager  lent  après  beaucoup  de 
peines  qu'ilz  ont  souffertes.  En  vérité,  Monseigneur,  vous 
ne  recevrés  jamais  des  afFectionssi  fidellos  en  lieu  du  monde, 
comme  vous  ferés  icy ,  où  elles  naissent  avec  les  hommes, 
vivent  avec  eux,  croissent  sans  bornes  ni  limites  quant  et 
eux  envers  la  Maison  serenissime  de  Savoye,  de  lacpielîe  les 
Princes  se  peuvent  vanter  d'estre  les  plus  respectueusement 
aymés  et  amoureusement  respectés  de  tout  le  monde  par  leurs 
peuples;  bénédiction  en  laquelle  vostre  Grandeur  a  la  part 
qu'elle  a  peu  voir  et  remarquer  en  toutes  occurrences. 

Ici  vostre  Grandeur  a  sa  maison  paternelle,  et  sanscompa- 
rayson  lieaucoup  mieux  accompagnée  des  commodités  re- 
quises à  son  séjour  que  pas  une  des  autres,  puis  qu'elle  y 
peut  fournir  sans  les  autres,  et  pas  une  des  autres  sans 
•celle-cv. 

Que  si  j'osois  dire  mes  pensées  sur  les  autres  sujetz  que 
vostre  Grandeur  auroit  de  revenir,  je  luy  marqueroisle  desir 
ardent  que  son  Altesse  serenissime  a  eu  qu'elle  demeurast, 
auquel  vostre  Grandeur,  correspondant  par  son  retour,  c'est 
sans  doute  qu'elle  l'obligeroit  non  seii''Mnent  à  persévérer  en 
ramour  plus  que  fraternel  qu'elle  a  tousjours  protesté  envers 
icelle ,  mais  elle  en  accroistroit  extrêmement  les  causes,  efc 
par  conséquent  les  elfets. 

Je  lui  marquerois  encore,  qu'en  cas  que  la  guerre  que  son 
Altesse  serenissime  a  sur  les  bras  se  rendist  plus  active,  et 
qu'elle  passast  jusques  à  quelque  ardeur,,  ce  (|ue  Dieu  ne 
vueille,  vostre  Grandeur,  comme  je  pense,  ne  pouiToit  alors 


332  OPUSCULES 

retenir  son  courage ,  qu'il  ne  la  rapportast  à  la  défense  de  ce 
sang,  de  cette  Mayson,  de  cette  Couronne ,  de  cet  Estât  dont 
elle  est,  et  en  quoy  elle  a  tant  de  part  et  tant  d'interest,  et 
où  manifestement  vostre  réputation,  Monseigneur,  pres- 
seroit  vostre  courage,  si  vostre  courage  grand  et  bien 
nourry  ne  prevenoit  toute  autre  considération,  voire  mesmft 
celle  de  la  réputation. 

Et  donc  vostre  Grandeur  ne  seroit-elle  pas  infiniment 
marrie  de  se  treuver  tant  esloignée  de  son  ALtesse  et  de  ses 
Estais  ?  Elle  a  voirement  commandé  que  le  Sieur  de  la 
Grange fist  passer  ses  troupes  delà  les  monts,  qui  est  un  bon 
tesmoignage  de  la  persévérance  de  vostre  Grandeur  au  devoir 
qu'elle  a  envers  sadite  Altesse.  Mais  d'en  esloigner  sa  per- 
sonne ,  tandis  que  la  fièvre  de  la  guerre  est  en  ses  Estais ,  et 
qu'on  ne  sçait  si  Dieu  permettra  que  nous  y  voyons  arriver 
des  accès  périlleux,  je  ne  sçay ,  Monseigneur,  ce  que  l'on  en 
pourra  juger  au  préjudice  de  l'affection  que  je  sçay  bien 
néanmoins  estre  immuable  dans  vostre  cœur. 

Je  dirois  encore,  qu'estant  icy  pendant  que  cette  guerre  du- 
rera, quoy  que  vostre  Grandeur  ne  fust  pas  dans  l'armée, 
l'ennemy  auroit  toujours  opinion,  ou  qu'elle  iroit  en  tems 
de  nécessité,  ou  qu'elle  prepareroit  de  nouvelles  forces  pour 
assister  son  Altesse  ;  et  ces  pensées  ne  pourroient  estre  que 
fort  utiles  aux  affaires  d'icelle.  Que  si  vostre  Grandeur  se 
retire  plus  loin  en  un  tems  d'orages ,  certes,  cela  ressentira 
un  abandonnement  absolu  du  pilote  et  de  la  barque,  à  la 
conservation  de  îacn^elle  toute  rayson  humaine  et  divine 
oblige  vostre  Gro"  ueur,  et  laissera  un  certain  sujet  de  plainte 
à  tout  cet  arbre  (  (ont  vous,  Monseigneur,  estes  une  branche, 
à  laquelle  je  ne  sçay  ce  que  l'on  pourra  respondre. 

Je  proteste,  Monseigneur,  que  je  n'e?  pensois  pas  tant 
dire;  mais,  escrivant,  la  chaleur  de  ma  fidélité  envers  vostre 
Grardeur  m'a  emporté  au  delà  des  limites  que  je  m'estois 
pro|  »BCes.  Car  enfin  je  suis  pressé  de  la  crainte  tpe  le  sou- 


A-ï'ëïi 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  333 

venir  de  cet  abandonnement  de  son  Altesse  en  un  tel  lenis 
ne  soit  pour  durer  longuement  et  pour  servir  de  motif  à 
quelqu':  ^'scipioque  séparation  ,/p3i  ne  pourra  jamais  estre 
avantaî'.- 'se ,  et  pourra  en  cent  occasions  estre  desavanta- 
s^eiise  Vi  \ ostre  Grandeur  :  au  moins  ne  manquera-il  pas 
d'esprits  qui  la  conseilleront,  et  peut-estre  avec  tant  de  cou- 
leurs et  d'artifices  qn'ilz  la  rendront  probable. 

Si  la  fidélité  de  ce  porteur,  mais  sur  tout  la  bonté  de 
vostre  Grandeur,   ne  me  donnoit  asseurance ,  je  n'aurois 
garde  d'envoyer  une  lettre  escrime  avec  cette  liberté;  mais  je 
sçay  d'un  costé  qu'elle  ne  sera  point  esgarée ,  et  d'ailleurs 
qu'elle  ne  sera  leue  que  par  des  yeux  cloux  et  bénins  envers 
.  moy,  qui  aussi  l'escris  ainsy,  Dieu  tout-puissant  me  soit  en 
.aide,  sans  en  avoir  communiqué  le  dessein  qu'à  deux  des 
1res  humbles  et  fîdelles  serviteurs,  sujetz  et  vassaux  de  vostre 
Grandeur:  comme  aussi,  si  j'estois  si  heureux  que  d'estre 
exaucé,  je  n'en  voudrois  recevoir  autre  fruit  que  celuy  du 
.mutuel  contentement  de  son  Altesse  et  de  vostre  Grandeur, 
et  de  la  commune  joye  de  ses  peuples  et  de  tous  ses  vrais  ser- 
viteurs. Je  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur  qu'il  remplisse  celuy 
de  vostre  Grandeur  de  ses  grâces,  et  suis  sans  fin.  Mon-, 
seigneur,  vostre ,  etc. 

Oseray-je,  Monseigneur,  supplier  vostre  Grandeur  de  rece- 
voir cette  lettre  comme  en  confession  ;  et ,  si  elle  ne  luy  est 
pas  aggreable  ,  de  la  puni,  par  son  exterminement,  en  con- 
servant néanmoins  son  autheur,  à  cause  de  l'innocence  et 
bonne  foy  avec  laquelle  il  l'a  escrite,  en  qualité  d'invariable, 
tres-obeyssant  serviteur  de  vostnj  Grandeur. 


334  OPUSCULES 


EXXXIV. 

LETTRE* 

A  M.  LE  MARQUIS  DE  LANS.  v'"^4JVI,  HNEUR  DE  LA  SAVOIE,  A  MOMMÉLIAN. 

Sur  les  efforts  du  gouverneur  de  lr:mn  pour  attirer  le  pays  de  Valais 

au  parti  ae  l'Espagne. 

A  Thonon,  en  haste,  13  décembre  1614» 

Monsieur, 

Je  vous  donnay  advis  à  mon  départ  d'Annessi  comme  je 
venois  en  Yalley  pour  la  consécration  de  Monseigneur  FEves- 
que  de  Sion  qui ,  dés  il  y  a  long-tems ,  m'y  avoit  convié  ;  et 
à  la  célébration  de  la  quelle  j'estois  nécessaire  en  quelque 
sorte ,  puis  qu'il  n'y  avoit  point  d'Evesque  plus  proche  qui 
luy  peust  rendre  ce  service  avec  moins  d'incommodité  que 
moy.  Or,  revenant  de  delà,  je  me  suis  treuvé  obligé  de 
donner  advis  à  S.  A.  de  l'effort  que  le  seigneur  Gouverneur 
de  Milan  fait  pour  attirer  le  pais  de  Yaley  au  parti  d'Es- 
pagne, et  soustraire  cett'  alliance  à  S.  A.,  de  quoi  les  fers 
sont  si  avant  au  feu,  que  si  S.iditte  Altesse  n'y  remédie  promp- 
tement,  je  ne  sçay  comm'  on  en  pourra  empescher  les  effects. 
Et  desjà  les  dizains  de  Cosfize  ,  de.Varagne  ,  de  Bringhen  et 
Yespia,  sont  gaignés ,  et  auroient  fait  faire  le  coup,  si  n'eust 
esté  la  vive  résistance  de  Monseigneur  de  Syon  et  des  autres 
troys  dizains. 

Cest  advis.  Monsieur,  est  d'importance,  comme  V.  E.  ju- 
gera trop  mieux,  c'est  pourquoy  je  la  supplie  d'envoyer  ma 
lettre  cy-j ointe  au  plus  tost  à  saditte  Altesse,  à  laquelle  je 
ne  dis  pas  que  ces  gens-là  sont  merveilleusement  ombrageux 

1  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  Cest  la  169« 
des  lettres  in^tes  de  la  collection  Biaisa* 


DE    S.    FBANÇOIS    DE    SALES.  33S 

et  délicats  à  entretenir,  car  elle  le  sçait  bien;  mais  je  luj 
eusse  volontier  dit  qu'en  suite  de  cela  ils  ont  treuvé  estrange 
que  le  Seigneur  Valdenghe  n'ayt  pas  comparu  au  sacre  de 
leur  Evesque  et  à  l'assemblée  qui  estoit  assignée  à  ce  jour-là, 
puis  que  mesme  on  leur  en  avoit  donné  intention ,  comm' 
aussi  à  Monseigneur  de  Syon ,  que  Monseigneur  le  Prince 
Cardinal  luy  envoyeroit  son  anneau  episcopal.  Que  si  le  dit 
seigneur  Valdenghe  ou  quelque  autre  de  la  part  de  S.  A.,  ne 
se  treuve  mardi  16  de  ce  moys,  ou  soudain  après,  en  l'assem- 
blée générale  des  dizains  qui  se  doit  célébrer,  je  crains  infi- 
niment que  l'alliance  de  S.  A.  ne  se  convertisse  en  celle 
d'Espagne.  Au  reste,  il  ne  se  peut  dire  combien  de  carous 
on  a  fait  à  la  santé  de  S.  A.,  de  Messeigneurs  les  Princes  et 
de  V.  E.,  mays  mesmes  dimanche  passé  au  festin  solennel, 
qui  ne  dura  sinon  despuis  une  heure  après  mydi  jusques  à 
sept  heures  et  demie  du  soir;  et  V.  E.  peut  penser  si  passé  la 
première  heure,  les  autres  devoyent  estre  longues  à  ceux  qui 
ne  s'estoyent  jamais  treuvés  en  tell'  histoire.  Le  bon  Monsei- 
gneur l'Archevesque  de  Vienne  et  moy  fusmes  exempts  de 
carroux,  horsmis  de  quatre  ,  à  la  santé  de  S.  A.,  de  Messei- 
gneurs les  Princes,  des  sept  Gantons  Catholiques,  et  de  Mon- 
seigneur le  Prince  et  Seigneur  dizains  du  pais  de  Valey. 
Mais  nous  le  fîsmes  encor  dans  des  verres  et  selon  la  mesure 
que  nous  voulusmes.  Toutes  les  autres  santés  ne  nous  furent 
point  présentées,  mais  elles  ne  demeurèrent  pas  sans  porteurs. 
Il  falloit  bien ,  Monsieur,  vous  dire  tout ,  en  gardant  pour 
la  bonne  bouche ,  que  ce  nouveau  Prince  et  Evesque  (car  ilz 
l'appellent  ainsi  )  est  tout  brave ,  dévot ,  sçavant ,  gentil  et 
-/)urageux,  fort  serviteur  de  S.  A.,  et  amy  de  la  Savoye.  Je 
prie  Dieu  qu'il  vous  comble.  Monsieur,  de  ses  plus  désirables 

bénédictions ,  et  suis  sans  fin , 

DeV.E., 

Très  humble  et  très  affectionné  serviteur , 
François  ,  Evesque  de  Genève. 


336  OPUSCULES 


LXXXV. 

< 

lettre' 

A  S.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  s'entretient  avec  S.  A.  cîes  intelligences  secrètes  du  gouverneur 
de  Milan  pour  attirer  le  Valais  au  parti  de  l'Espagne ,  et  du  dévouement 
des  habitans  à  la  personne  de  S.  A, 

A  Thonon,  le  13  décembre  1614. 
Monseigneur, 

Ayant  esté  ces  sept  ou  huit  jours  passés  en  Valey  pour  la 
consécration  de  Monseigneur  de  Syon  ,  j'ay  remarqué  beau- 
coup de  bonn'  affection  au  service  de  V.  A.  S.  en  plusieurs 
de  ce  païs-là,  mays  parmi  cela,  j'ay  apperceu  que  le  seigneur 
Gouverneur  de  Milan  a  de  grandes  prattiques  pour  attirer 
cet  Estât  au  party  d'Espagne,  et  a  presque  desja  tout  gaigné 
pour  cet  effet  les  vœux  et  les  voix  des  quatre  dizains  qu'ilz 
appellent  d'en  haut,  Yaragne ,  Vespia ,  Bringhen  et  Comze , 
qui  auroyent  desja  fait  passer  leur  inclination  en  resolution, 
si  Monseigneur  de  Syon  et  les  troys  dizains  d'enbas,  Syon , 
Sierre  et  Loeitze,  ne  se  fussent  grandement  opposés  pour  em- 
pescher  ce  coup,  lequel,  toutefois ;»  il  sera  mal  aysé  de  des- 
tourner, si  quelqu'un  n'arrive  prompte  ment  entr'eux  de  la 
part  de  Y.  A.,  avec  les  provisions  requises  pour  reasseurer 
ces  esprits-là  fort  esbranlés.  Et  par  ce,  Monseigneur,  que  le 
Yalley  estant  si  proche  de  Savoye  et  Piedmont,  ne  peut  estre 
qu'extrêmement  utile  aux  affaires  de  Y.  A.,  quand  elle  en 
aura  l'alliance  et  correspondance ,  j'ay  pensé  que  cet  ad  vis 
estoit  d'importance,  et  que  je  le  devois  donner  à  Y.  A.,  la 

'  *  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est 
la  170«  des  lettres  inédites  vie  la  collection  Blaiço. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  337 

quelle  je  supplie  très  humblement  de  l'avoir  aggn^able, 
comm'encore  que  je  luy  die  que  ce  jeune  prélat  que* nous 
venons  de  sacrer,  est  de  fort  bonne  espérance,  dévot,  actif, 
de  bon  esprit  et  plus  gentil  que  sa  nation  n'a  pas  accoushmié 
d'en  produire,  fort  affectionné  à  V.  A.,  et  qui  attendoit  avec 
honneur  un  anneau  episcopal ,  en  présence  de  Monseigneur 
le  Prince  Cardinal ,  ainsy  qu'on  luy  avoit  fait  espérer.  Et 
quant  au  cappitaine  Yaldin  ,  il  fait  par-dessus  tous  profes- 
sion expresse  d'estre  tout  affecté  au  service  de  V.  A.,  à  la- 
quelle je  fay  très  humblement  la  révérence ,  et  luy  souhai- 
tant toute  sainte  prospérité ,  je  demeure  infiniment ^ 

Monseigneur, 

Son  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle  ser- 
viteur et  orateur, 
•  Fkançois,  Ev.  de  Genève, 


33B  OPUSCULES 


Lxxrsi: 
LETTKE* 

A    MADAME     DE    CHANT  AL. 

gaiat  François  lui  parle  de  son  voyage  à  Lyon ,  pour  y  établir  les  Sœurs 

de  la  Visitation. 

1614. 

Madame , 

La  pensée  m'est  venue  en  escrivant  à  M.  Berger  que  peut- 
estre  Monseigneur  le  Cardinal  *  le  rendra  vostre  père  spiri- 
tuel à  Paris ,  puisque  il  se  va  vendre  ecclésiastique  aux  quatre 
temps  des  Cendres,  et  je  crois  que  la  mayson  en  seroit  bien  et 
cordialement  assistée.  Je  vous  prie  qu'en  entrant  ou  sortant 
d'Orléans  vous  preniez  occasion  de  voir  la  mère  prieure 
des  Carmelines,  fille  aynée  de  la  seur  Marie  de  Tlncar- 
nation,  laquelle  tandis  que  je  fus  à  Paris,  il  y  a  ving* 
ans,  estoit  non-seulement  ma  fille  spirituelle ,  mais  ma  par- 
tiale, aagée  d'environ  treize  ans,  et  qui  avoit  un  naturel 
bon,  franc  et  naïf,  comm'  aussi  la  mère  supérieure  qui  Ê*: 
€n  ce  tems-là  son  premier  vœu  de  virginité  et  sa  confessic- 
generale  devant  moy.  Je  me  trompe  si  vous  ne  trouvés  à 
Moulins  quelque  sorte  de  tentation  à  cause  de  la  singula- 
rité de  ma  seur  Marie-Aymée,  mais  je  pense  pourtant  que 
te  ne  sera  qu'une  tentation  liumaiue  et  digne  de  charité. 
M.  Boucher,  chancelier  et  théologal  d'Orléans,  est  mon 
ancien  compagnon  d'estude  qui  m'a  toujours  grandement 
aymé. 

'  L'original  en  appartenoit  à  S.  G.  Monseigneur  André  Jourdain,  évéque 
tfAoste.  C'est  la  171  •  inédite  de  la  collection  Biaise. 
*  Le  cardiEal  de  Marquemont,  archevêaue  de  Lyon* 


DE   S.    FRAXÇOTS   DE    SALES.  339 

Puis  que  la  conduite  de  vostre  chemin  de  Paris  à  Dijon, 
pour  passer  par  les  monastères,  requiert  que  vous  veniés  à 
Moulins,  et  que  les  seurs  que  Ton  prendra  icy  et  à  Grenoble 
vous  aillen!  pre  idre  là,  il  faudra  donc  sçavoir  à  point 
nommé  le  temps  auquel  il  les  faudroit  envoyer,  et  comme 
quoy  les  chop-c  passeront,  c'est  à  dire  d'où  \âen(ira  Tadvis 
que  nous  devons  recevoir ,  mais  il  me  semble  pourtant  que 
n'y  ayant  que  quarante  lijuës  d'icy  à  Dijon,  ce  sera  grande- 
ment allonger  le  chemin  de  passer  à  Moulins.  Je  ne  sçay  pas 
bonnemc^nt  combien  il  y  a  de  Moulins  à  Montferrant,  mais 
si  cela  est  assez  commode,  je  pense  que  ce  seroit  de  la  conso- 
lation à  ces  filles  que  vous  les  allassiés  prendi'e....  leur  su- 
périeure pour  Dijon,  laquelle,  comme  je  prevoy,  il  y  aura 
peine  de  tirer,  selon  que  vous  verres  par  la  Lettre  qu'elle 
m'escritcy-jointe.  J'ay  desjàadverti  ma  seur  Marie  Marguerite 
Milletot,  outre  laquelle  il  seroit  peut-estre  bon  d'envoyer 
encor  là  la  seur  Bernarde  Marguerite,  laquelle  s'est  tel- 
lement amendée  qu'enfîn  elle  est  receuë  à  la  profession. 

Je  suis  de  l'advis  de  M.  de  Marillac  que  iros  seurs  allant 
par  les  champs  portent  leur  crucifix  avec  elles. 

J'ay  veu  l'histoire  de  la  consultation  faite  pour  nostre  très 
chère  fille  madame  de  Port-Royal,  sur  laquelle  il  n'y  a  rien 
à  dire,  sinon  que  je  voys  un  examen  merveilleusement 
ponctuel  en  ce^que  on  y  a  pensé  que  la  longueur  dn  tems, 
et  la  Diultitude  des  actions  de  supériorité,  nonobstant  la 
protestation  et  le  continuel  desadveu  intérieur,  cette  fille 
soit  tellement  obligée  de  demeurer  qu'elle  ne  puisse  pas  faire 
autrement,  car  bien  que  cela  soit  probable  en  teime  de 
conscience,  si  est-ce  que  cela  n'est  pas  advoué  de  tous,  et  de 
plus  le  Pape  en  peut  dispenser.  Je  tiens  aussi  la  comparayson 
de  la  perfection  de  la  règle  de  saint  Benoist  avec  l'institut  de 
la  Visitation  un  peu  rigoureuse  et  desavantageuse;  car  il 
faudroit  faire  la  comparayson  de  la  règle  de  saint  Benoist 
avec  la  règle  de  saint  Augustin,  et  bien  que  peut-estre  la 


340  OPUSCULES 

règle  de  saint  Benoist  demeurast  encore  supérieure  en  per- 
fection, si  est-ce  que  la  comparayson  empescheroit  tout 
mespris  pour  la  Visitation,  c'est  à  dire  toute  tentation  de 
mespris.  Mais  tout  cecy  que  je  vous  dis  sur  cette  consultation, 
ne  doit.estre  nullement  allégué,  ains  simplement  considéré 
avec  humilité,  et  laisser  en  sincérité  la  décision  à  Rome.  Et 
partant  il  faut  bienadvertir  cette  cliere  fille  qu'elle  n'est  pas 
de  la  vivacité  de  son  esprit  pour  répliquer  et  respondre ,  et 
qu'au  moins  à  cela  elle  suive  l'institut  de  la  Visitation,  et 
comme  que  ce  soit,  elle  pourra  de  tems  en  tems  soulager  son 
esprit  puis  qu  elle  a  la  permission  d'entrer  à  la  Visitation, 
et  si  j'espère  que  s' accommodant  doucement  au  bon  playsir 
de  Dieu ,  il  la  consolera  finalement. 

Si  vous  sçaviés ,  ma  chère  mère ,  combien  il  m'arrive  de 
destour  en  cette  ville  du  départ  de  M.  Rolland,  vous  ne 
sériés  pas  estonnée  si  je  n'escris  pas  aux  chères  âmes  que  la 
mienne  et  la  vostre  ayment  tant.  Madame  la  présidente  Amelot 
sçait  bien,  je  m'assure,  que  mon  cœur  est  tout  sien  devant 
Dieu  et  ses  Anges,  je  me  resjouis  avec  elle  de  l'honneur  (et) 
du  bonheur  que  sa  chère  fille  Marie  aura  à  ceste  feste  de 
Pasques  en  sa  première  communion,  et  si  j'estois  là,  je  pren- 
drois  bien  à  faveur  d'estre  son  instituteur  à  cette  action  qui, 
à  la  vérité,  est  bien  importante;  le  petit  livret  du  pereFulve 
Androce  de  la  Confession  et  Communion  contient  plusieurs 
petits  points  propres  à  cela,  mais  puis  que,  comme  je  croy, 
le  révérend  père  Sufîren  est  à  Paris,  rien  ne  luy  peut 
manquer. 

Nous  envoyerons  donc,  quand  vous  le  marquerés  et  ainsy 
vous  l'ordonnerés,  des  filles  pour  vous  accompagner  à  Dijon 
selon  le  nombre  que  vous  nous  diriés  estre  nécessaire,  nous 
avons  pensé  pour  cela  à  ma  seur  Marie- Adrlenne  Fichet, 
laquelle  est  de  bon  esprit  et  de  bon  cœur  comme  vous  sçavés, 
à  ma  seur  Françoise  Augustine  de  Moyran  près  Saint-Claud, 
que  je  confesse  estre  une  fille  grandement  à  mon  gré,  et  si 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  34!: 

je  ne  me  trompe,  tout  à  fait  irrépréhensible  en  l'intérieur  et 
en  l'extérieur,  à  ma  seur  Marguerite  Scholastique  de  Bour- 
goigne  qui  est  douce,  maniable  et  de  bon  esprit,  cousine 
germaine  de  vostre  assistante,  à  ma  seur  Marguerite  Agnes  qui 
Ast  d'auprès  de  Vienne,  qui  est  de  bonne  maison,  de  bonne 
observance  et  d'une  aggreable  simplicité,  à  ma  seur  Perenne 
Marie  Benod  seur  domestique  grandement  douce  et  pliable, 
outre  ma  seur  Marie  Marguerite  Milleto'  qui  viendra  de 
Grenoble,  que  vous  connoissés,  et  ma  senr  Bernarde  Mar- 
guerite qui  est  celle  de  Dijon,  que  vous  nous  envoyastes,  de 
la  capacité  de  laquelle  bien  qu'on  ayt  douté  quelques  moys 
durant,  on  a  depuis  eu  bonne  satisfaction.  Il  est  à  consi- 
dérer si  vous  trouvères  plus  à  propos  qu'on  la  fasse  Professe 
icy,  ou  qu'on  l'envoyé  pour  faire  profession  à  Dijon  sur 
l'attestatioi  qu'on  luy  feroit  icy  de  sa  capacité,  car  nous 
avons  pense  que  peut-estre  seroit-on  bien  ayse  que  cette 
action  se  fîst  là  en  présence  de  ses  parens,  et  amys  et  la 
rendre  ainsy  la  première  fille  de  ce  monastère.  Or  ce  sera 
donc  à  vous,  rua  très  chère  mère,  de  nous  adverlrr  si  vous 
voudrés  ou  moins  ou  plus  de  filles ,  et  quand  elles  devront 
partir. 


342  OPUSCULES 


Lxxxvir. 
LETTRE^ 

A  S.  A.   CHARLES  EMMANUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  recommande  à  S.  A.  les  habitans  de  la  ville  d'Annecy. 

Annecy,  15  mars  1615. 

Monseigneur. 

La  ville  d'Annessi  recourt  à  la  bonté  de  S.  A.  pour  une 
gratification,  laquelle  cy-devant  luy  a  voit  desja  esté  accordée 
et  de  laquelle  la  continuation  luy  est  d'autant  plus  nécessaire 
que  ses  incommodités  ont  pris  beaucoup  d'accroissement.  Or 
elle  espère  principalement  à  l'entremise  de  S.  A.  Ser.,  Mon-^ 
seigneur,  pour  obtenir  ce  soulagement,  et  je  joins  ma  très 
humble  supplication  à  celle  que  son  premier  sindique  pré- 
sentera, afïin  qu'il  plaise  à  la  douceur  de  V.  A.  de  favoriser 
ce  pauvre  bon  peuple ,  qui  avec  moy  ne  cespo  point  d'invo- 
quer la  divine  majesté  sur  la  personne  et  les  intentions  de 

S.  A.  et  de  la  vostre , 

Monseigneur, 
De  laquelle  je  suis , 

Très  humble  et  très  obeyssant  serviteur  et  orateur. 

François  ,  Evesque  de  Genève, 

*  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turiu.  ««st 
i  172«  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DR   S.    FRANÇOIS    DE   SALES,  343 

LXXXVIII. 

LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  MONSEIGNEU»  LE  PRINCE  DE  PIÉMONT  (VICTOR- AMÉDÉe). 

Le  Saint  l'instruit  du  bien  que  doit  procurer  aux  peuples  de  Thonon  et  des 
environs  l'établissement  des  pères  Barnabites  dans  cette  ville  ;  il  lui  expose 
en  même  temps  les  vœux  qu'ils  font  pour  la  canonisation  du  bienheureux 
Âmédée. 

3  septembre  1615. 

Monseigneur, 

Suivant  le  commandement  de  vostre  Altesse,  je  suis  venu 
içy  pour  procurer  l'introduction  des  Pères  Barnabites  en  la 
sainte  Maison  de  nostre  Dame  de  Compassion ,  et  en  finie 
traité  de  cette  affaire  est  parvenu  jusques  à  l'arresté  cy- 
joint  *. 

Or,  il  ne  se  peut  dire  combien  l'advancement  des  Peres- 
Barnabites  en  ces  contrées  de  deçà  sei^a  utile  pour  celuy  de 

1  C'est  là '3B0*  de  la  collection  Biaise ,  et  la  57e  du  livre  I*' des  anciennes 

«iiëâitions. 
"*  L'arrêté  dont  il  est  parlé  ici  étoit  que  le  prieuré  conventuel  de  Contamina 

"ienieureroit  aux  clercs  réguliers  de  Saint-Paul,  dits  Barnabites,  avec  tous  ses 
'droits,  fruits,  revenus  et  appartenances  quelconques;  que  les  Pères  Barnabites- 
«uroient  soin  du  collège,  et  tiendroient  pour  les  lettre''  Uumaines  quatre  pro- 
fesseurs, qui  enseigneroient  jusqu'à  la  rhétorique  inclusivement,  iustruiroient 
ks  enfants  du  séminaire,  célébreroient  les  offices  divins,  selon  leurs  constitu- 
"ions,  dans  l'église  de  Saint-Augustin,  entendroient  les  confessions,  feroient 

raes  catéchismes,  et  prècheroient  selon  leur  coutume,  etc.  C'est  pourquoi  saint 
ïrançois  leur  remit  l'église  de  Sain t- Augustin ,  avec  sa  maison,  sa  place,  ses 
jardins  et  son  cimetière.  Quant  au  reste ,  ils  furent  obligés  à  toutes  les  charges 

:du  prieuré,  et  à  donner,  quand  il  seroit  à  propos,  des  Pères  de  leur  ordre, 
pour  enseigner  la  philosophie  et  la  théologie,  etc.  {Vie  de  saint  Franf^ois  ds 
Sales,  par  Aug,  de  Sales,  liv.  VIII,  tom.  11^  p.  112  et  suiv. 


344  OPUSCULES 

la  gloire  de  Dieu ,  non  seulement  pour  la  confirmation  de  la 
foy  parmi  ces  bons  peuples,  qui,  à  la  faveur  de  riiicompa- 
rable  courage  et  rare  pieté  de  Monseigneur,  père  de  vo.stre 
Altesse,  ont  esté  remis  dans  le  giron  de  la  sainte  Eglise  Ca- 
tholique; mais  aussi  pour  la  confusion  des  ennemis  de  la  foi, 
qui  environnent  de  t^j^jtes  parts  cette  province,  de  laquelle 
il  ne  se  peut  faire  qi^e  le  bien  spirituel  ne  s'escoule  petit  à 
petit  sur  le  voisinage,  qui  par  ce  moyen  pourra  recevoir 
insensiblement  de  graades  dispositions  pour  se  convertir  et 
réduire  au  devoir. 

Mais  encore,  Monseigneur,  je  ne  puis  me  retenir  que  je  ne 
tesmoigne  lajoye  que  je  sens  dequoy,  par  la  venue  de  ces 
bous  Pères  en  cette  ville,  nous  verrons  refleurir  le  saint 
service  divin  dans  l'Eglise  de  saint  Augustin,  fondée  par  le 
fameux  Amedée,  grand  aïeul  de  vostre  Altesse,  et  en  une 
ville  honnorée  de  la  naissance  de  cet  excellent  serviteur  de 
Dieu,  le  bienheureux  Amedée,  duquel  nous  respirons  la 
canonisation  avec  des  désirs  nompareils  ;  espérant  que  par  la 
publique  invocation  de  son  secours  nous  obtiendrons  la 
fin  de  tant  d'afflictions,  de  pestes  et  tempestes,  desquelles, 
depuis  quelques  années,  il  a  pieu  à  Dieu  de  visiter  ce 
peuple. 

Yostre  Altesse,  Monseigneur,  a  pour  le  partage  de  la 
splendeur  héréditaire  et  tousjours  croissante  de  sa  serenissime 
origine,  la  gloire  des  œuvres  de  sa  douce  et  immortelle 
pieté  :  et  pour  cela,  comme  elle  est  l'un  des  fleurons  de 
la  couronne  de  Monseigneur  son  père ,  elle  est  aussi  l'une 
des  plus  précieuses  colonnes  du  temple  de  Dieu  le  Père 
éternel. 

Doneques  pour  Tune  et  l'autre  qualités ,  je  prends  la  con- 
fiance d'implorer  la  bonté  de  vostre  Altesse  en  toutes  les 
occurrences  qui  regardent  les  affaires  de  la  sainte  religion 
catholique ,  entre  lesquelles  celle  de  l'amplification  de  ces 
bons  Pères  Barnabites,  et  le  restablissement  du  service  divin 


dp:    s.    FRANÇOIS    DE    SALES.  345 

en  tons  les  monastères  de  deçà,  estant,  l'un  des  pins  impor- 
tans,  je  le  recommande  ties-bnmblement  au  zel*^  de  vostre 
Altesse,  à  laquelle  je  fais  tres-linmblement  révérence,  ne 
cessant  point  de  Iny  souhaiter  le  comble  des  faveurs  célestes 
et  demeure,  Monseigneur,  vostre^  etc. 


546  OPUSCULES 


LXXXIX. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AH.  JEAN-FRANÇOIS  DE   SALES,   SON   FRÈRE,   ALORS  CHAN01N3  DE   LA   CATHÉDRAXB 

DE  SAINT-PIERRE  DE  GENÈVE  *. 

Le  Saint  lui  annonce  qu'il  Ta  choisi  pour  être  son  grand- vicaire. 

Thonon,  h  septembre  1615. 

J'ai  regretté  dés  hier  au  soir  la  perte  que  nous  avons  faite,, 
mon  cher  frère,  de  nostre  bon  monsieur  le  vicaire;  car  j'en 
sceus  la  nouvelle  par  une  lettre  de  monsieur  le  premier  Pré- 
sident. L'amitié  fraternelle  que  ce  pauvre  défunt  nous  por- 
toit  à  tous  m'obligera  à  jamais  de  chérir  et  honnorer  sa  mé- 
moire, et  de  prier  souvent  pour  son  ame  comme  j'ay  fait 
dés  aujourd'huy.  Il  y  a  long-temps  quejeprevoyois  cet  acci- 
dent, en  la  mauvaise  conduite  qu'il  tenoit  pour  sa  santé  ,  et 
ayant  pensé,  depuis  que  j'ay  sceu  plus  particulièrement 
qu'il  estoit  en  estât  de  nous  quitter  bientost,  qui  je  pourrais 
rendre  successeur  en  sa  charge  ;  en  fin ,  après  plusieurs  con- 
sidérations, j'ay  résolu  de  vous  y  appeler,  et  ce  seul  motif 
vous  suffira  pour  l'accepter ,  et  à  tout  le  monde  pour  l'ap- 
prouver ,  que  de  cette  charge  despend  une  grande  partie  du 
bien  de  ce  Diocèse  et  de  mon  honneur,  dont  vostre  proximité 

*  Tirée  du  monastère  de  la  Visitation  de  la  Valdotte.  C'est  la  351«  de  la  col- 
lection Biaise. 

2  M.  Jean-François  de  Sales,  frère  du  saint  évëque,  qui  étoit  d'une  humeur 
austère,  se  jeta  dans  l'ordre  des  Capucins,  et  porta  leur  habit  plus  de  dix 
mois;  mais  sa  santé  ne  lui  permit  pas  d'y  rester.  En  étani  sorti,  il  fut  fait, 
chanoine  de  Saint-Pierre  de  Genève.  Puis  saint  François  de  Sales  le  nomm» 
son  grand-vicaire. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  ^!^f7 

VOUS  pressera  d'avoir  plus  de  soin  et  de  jalousie  que  nul 
autre  n'en  sçauroit  prendre;  ni  vous  ne  devés  pas  alléguer 
au  contraire  que  vous  n'avés  pas  la  connoissance  des  choses 
ûes  procès ,  car  c'est  la  moindre  des  fonctions  du  grand  vi- 
caire ,  et  pour  le  bon  succès  de  laquelle  il  suffit  qu'il  ait  de 
la  vigilance  et  du  zèle ,  pour  faire  que  les  autres  officiers 
fassent  bien  leurs  devoirs,  et  qu'il  establisse  un  bon  substitut 
et  de  bons  assesseurs.  Mais  de  cela,  nous  en  parlerons  à 
mon  retour,  Dieuaydant  ;  cependant,  faites  pour  moy  comme 
si  desja  vous  estiez  estably  ;  et  sera  bon  de  mettre  la  cure  de 
Boussi  au  concours  au  plus  tost.  Je  pense  partir  d'aujourd'huy 
en  huit  jours ,  et  d'arrester  trois  ou  quatre  jours  en  chemin, 
estant  prié  par  monsieur  d'Angeville  de  passer  à  la  Roche, 
pour  voir  certain  différend  qu'il  a  avec  ses  chanoines. 

La  contagion  ne  fait  nul  progrés,  grâces  à  nostre  Seigneur, 
sinon  dans  Genève ,  où  elle  moissonne  rudement.  Dieu  vous 
ybenissa,  et  je  suis  tout  en  luy  vostre  ^  etc. 


348 


OPUSCULES 


xc. 
LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  UNE  ABBESSE  DE  L'orDRE  DE  SAINTE-CLAIRE. 

Les  Religieuses  doivent  renoncer  à  toute  propriété.  L'oraison  doit  être  pra- 
tiquée dans  les  communautés  religieuses,  et  l'usage  de  la  confession  et  de 
la  communion  y  doit  être  fréquent.  Importance  des  confesseurs  extraor- 
dinaires; objection  frivole  sur  ce  sujei,  avec  ba'réponse.  Utilité  des  com- 
munications spirituelles  :  la  manière  d'en  bien  user. 

Thonon,  12  septembre  1615. 

Ne  pensés  jamais,  ma  tres-cliere  Seur,  que  je  puisse  ou- 
blier vostre  personne ,  ni  les  nécessités  temporelles  de  vostre 
monastère,  que  j'ay  trouvées,  certes,  encor  plus  grandes 
qu'on  ne  m'avoit  dit.  Je  prévois  seulement  qu'il  nous  faudra 
attendre  que  ces  soupçons  de  contagion  cessent  pour  faire 
faire  plus  fructueusement  la  queste,  et  cependant  je  feray 
faire  les  patentes  requises.  Au  reste,  mon  cœur  amoureux 
de  la  sainteté  de  vostre  assemblée ,  quoy  que  je  ne  l'aye  veuë 
qu'en  passant,  et  plustost  entreveuë  que  veuë,  ne  me  permet 
pas  de  partir  sans  vous  exhorter  en  N.  S.  de  poursuivre 
constamment  l'exécution  de  la  sacrée  inspiration  que  Dieu 
vous  a  donnée  de  perfectionner  de  plus  en  plus  cette  ver- 
tueuse compagnie,  par  une  pure  et  simple  privation  de 
toute  propriété ,  par  les  exercices  de  la  sainte  Oraison  men- 
tale, et  par  une  fervente  fréquentation  des  divins  Sacre- 
ments. 

»  C'est  la  352e  de  la  collection  Biaise,  et  la  64e  du  livre  II  des  anciennes 
éditions. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES»  349 

Et  ne  doutés  point ,  ma  chère  Seur,  que  le  Père  Garinus 
ne  vous  soit  favorable ,  si  vous  luy  représentés  naïfvement 
et  humblement  vos  dignes  prétentions  ;  car  c'est  un  docteur 
de  grand  jugement  et  longue  expérience,  grandement  zélé 
aux  Constitutions  Ecclésiastiques,  et  à  Testablissement  du 
Concile  de  Trente,  comme  sont  tous  les  gens  de  bien.  Yous 
luy  pourrés  donc  confidemment  dire  que  vous  m'avés  touché 
un  mot  de  vos  affaires;  car  je  sçais  bien  qu'il  ne  le  treuvera 
pas  mauvais,  estant,  comme  il  est,  de  mes  meilleurs  amis, 
et  qui  sçait  bien  que  je  n'ay  pas  accoustumé  de  rien  gaster, 
et  que  je  ne  suis  point  un  entrepreneur  d'autorité,  ains 
homme  qui  ne  trouble  rien  ;  et  pourrés  encore  luy  dire  tout 
ce  que  j'ay  dit;  dequoy,  pour  vous  rafraischir  la  mémoire, 
je  vous  feray  une  répétition. 

Premièrement,  que  le  renoncement  de  toute  propriété  et 
l'exacte  communauté  de  toutes  choses  est  un  point  de  très- 
grande  perfection,  et  qui  doit  estre  désiré  en  tous  les  monas- 
tères, et  suivy  par  tout  où  les  Supérieurs  le  veulent  :  car,  encor 
que  les  Religieuses  qui  n'en  ont  pas  l'usage  en  leurs  maysons, 
ne  laissent  pas  d'estre  saintes,  la  coutume  les  dispensant,  si 
est-ce  qu'elles  sont  en  extrême  danger  de  cesser  d'estre 
saintes,  quand  elles  contredisent  à  l'introduction  d'une  si 
sainte  observance  tant  aymable  et  tant  recommandée  par  le 
Père  saint  François  et  la  Mère  sainte  Claire,  et  qui  rend  les 
Religions  riches  en  leur  pauvreté ,  et  parfaitement  pauvres 
en  leurs  richesses,  le  mien  et  le  tien  estant  les  deux  mots 
qui,  comme  disent  les  Saints,  ont  ruiné  la  charité  ;  et  ne  sert 
à  rien  de  dire,  nostre  voile,  nostre  robbe,  nos  chemisettes, 
ou  nos  mutandes,  si  en  effet  leur  usage  n'est  pas  indiffèrent 
et  commun  à  toutes  les  Seurs,  les  paroles  estant  peu  de  chose, 
si  les  effets  ne  correspondent.  Et  comme  peut  estre  dite  com- 
mune une  chose  que  nul  n'employé  que  moy?  Or,  j'ai  veu 
en  un  monastère  où  j'avois  un«  forte  proche  parente,  que 
toute  la  difficulté  de  cet  article  ostoit  en  la  douilletterie  de 


350  OPUSCULES 

quelques  Senrs ,  en  ce  qui  regarde  les  chemisettes  et  Tes 
linges;  j'admiray  que  la  lessive  ne  suffit  pas  pour  ce  sujet 
à  des  filles  de  celuy  qui  baisoit  tendrement  les  ladres,  et 
de  celle  qui  baisoit  les  pieds  des  Seurs  revenantes  de 
dehors. 

Certes,  qui  es^  douillet  de  porter  un  linge  ou  un  drap 
lavé ,  parce  qu'il  a  esté  auparavant  le  lavement  porté  par  son 
frère  Chrestien ,  je  ne  sçais  pas  comme  il  ose  dire  qu'il  ayme 
son  prochain  comme  soy-mesme;  et  faut  qu'il  ait  un  grand 
amour  propre,  qui  le  fasse  estimer  si  net  en  comparaison  des 
autres. 

Or,  la  façon  de  mettre  tout  en  commun  est  bien  aysée, 
quand  tout  est  ensemble  en  un  coffre  ou  en  une  garde  robbe, 
et  qu'une  distribue  à  toutes,  selon  leurs  nécessités,  indis- 
tinctement ce  qu'il  leur  faut,  sans  avoir  esgard  à  autre  chose 
qu'à  la  nécessité ,  et  à  la  volonté  de  la  Supérieure.  En  quel- 
ques Congrégations  mesme  *  on  change  les  chapellets  et 
tous  les  petits  meubles  de  dévotion,  au  sort,  à  chaque  com- 
mencement d'année. 

Quant  à  l'oraison  et  à  la  fréquence  des  Sacremens,  il  n'y 
a  point  de  difficulté ,  ce  me  semble ,  sinon  pour  le  dernier, 
de  gagner  le  Père  Confesseur,  aflin  qu'il  ne  se  lasse  pas  de 
faire  la  charité  aux  Seurs,  les  oyant  en  Confession,  quand 
il  en  sera  requis  par  la  Supérieure. 

Mais  il  y  a  un  point  d'importance  duquel  je  vous  touchay 
un  mot,  que  pour  le  bien  de  voslre  famille  vous  devez  de- 
mander à  vos  Supérieurs,  et  qu'ils  ne  peuvent  en  bonne 
conscience  vous  refuser  :  c'est  que  deux  ou  trois  fois  chaque 
année  ils  vous  ayent  à  offrir  des  autres  Confesseurs  extraor- 
dinaires (  suivant  le  commandement  du  sacré  Concile  de 
Trente  ) ,  qui  oyent  les  Confessions  de  toutes  les  Seurs»  Et 
la  Congrégation  des  Cardinaux  a  déclaré  que,  les  Supérieure 
estans  negligens  en  cet  article ,  les  Evesques  le  fassent  eux* 
*  La  Visitation  observe  cette  pratique. 


DE    S.    FRANGOÎS    1>E    SALES.  3oV 

mesmes,  et  que  cela  se  fasse  mesme  plusieurs  autres  fois 
l'année,  s'il  est  requis.  Or,  il  est  requis,  quand  la  Supé- 
rieure void  des  Seurs  grandement  troublées  et  difficiles  ou 
répugnantes  à  se  confesser  au  Coniesseur  ordinaire,  pourveu 
que  ce  ne  soit  pas  tousjours,  ains  par  fois  seulement  et  sans^ 
:abus. 

Mais,  pour  ce  dernier  point,  il  semble  qu'il  ne  soit  pas 
convenable  de  le  demander,  puis  que  l'ordre  mis  par  le 
•Concile  suffit  [  jur  la  satisfaction  de  vostre  Congrégation.. 
Et  ne  faut  nullement  recevoir  les  allégations  au  contraire;, 
car  rien  ne  se  fait  en  ce  monde,  qui  ne  soit  contredit  par  les 
■esprits  minces  et  fascheux  ;  et  de  toutes  choses ,  pour  bonnes 
qu'elles  soient,  on  en  tire  des  inconveniens  quand  on  veut 
les  piquotter.  Il  se  faut  arrester  à  ce  que  Dieu  ordonne  et  son 
Eglise,  et  à  ce  que  les  Saints  et  Saintes  enseignent,  ny  il 
ne  faut  pas  dire  que  vostre  Ordre  soit  exempt  des  Constitu- 
tions du  sacré  Concile  :  car,  outre  que  le  Concile  est  sur  tous 
les  Ordres,  s'il  y  a  aucun  Ordre  qui  doive  obeyr  aux  Con- 
ciles et  à  l'Eglise  Romaine ,  c'est  le  vostre ,  puis  que  le  Père 
saint  François  l'a  si  souvent  inculqué. 

Mais ,  ce  dit-on ,  il  se  pourroit  faire  qu'une  fille  sçachant 
qu'elle  pourra  avoir  un  Confesseur  extraordinaire,  elle 
gardera  ses  péchés  jusques  à  sa  venue ,  là  où ,  si  elle  n'avoit 
point  d'espérance  d'autre  Confesseur,  elle  ne  les  garde- 
roit  pas. 

Il  est  vray  que  cela  pourroit  arriver;  mais  il  est  vray  aussi 
qu'une  fille  qui  sera  si  malheureuse  que  de  fcàire  des  mau- 
vaises Confessions  et  des  Communions  indignes  pour  attendre- 
l'extraordinaire,  elle  ne  fera  pas  grand  scrupule  d'en  faire 
plusieurs,  et  plusieurs  mauvaises,  pour  attendre  la  mutation 
<iu  Confesseur,  ou  la  venue  du  Supérieur.  Et,  en  somme, 
cet  inconvénient  n'est  pas  comparable  à  mille  et  mille  pertes 
d'ames  que  la  sujettion  de  ne  se  confesser  jamais  qu'à  un 
seul  peut  apporter,  comme  l'expérience  le  fait  connoistres' 


352  OPUSCULES 

et,  en  somme,  c'est  une  présomption  insupportable  à  qui 
que  ce  soit,  de  penser  mieux  entendre  les  nécessités  spiri- 
tuelles des  Fidèles,  et  de  s'imaginer  d'estre  plus  sage  que 
le  Concile.  Il  vous  faut  donc  tenir  bon  à  ce  point,  et  ne 
se  laisser  point  emporter  aux  considérations  de  l'esprit 
humain. 

Restent  les  communications  spirituelles ,  lesquelles  aussi 
je  vous  dis  estre  fort  utiles ,  pourveu  qu'elles  soient  faites  à 
propos.  Et  premièrement,  nul,  comme  je  pense,  ne  les  vous 
peut  défendre  ;  car,  tant  quej'aysceu  voir  en  la  règle  de 
S.  François  et  de  Ste.  Claire,  il  n'y  a  rien  qui  les  empesclie; 
ains  seulement  ce  qui  y  est  dit  empesche  toute  sorte  d'abus. 
Et  je  vous  diray  comme  on  les  fait  entre  les  filles  de  la  Mère 
Thérèse,  qui  sont  à  mon  advis  les  plus  retirées  de  toutes.  Elles 
se  font  donc  en  cette  sorte  : 

La  fille  qui  désire  communiquer  quelque  chose ,  le  dit  à 
la  Supérieure  :  la  Supérieure  considère  si  la  personne  à  la- 
quelle on  veut  communiquer  est  de  bonne  qualité,  et  propre 
à  consoler  ;  et  si  elle  est  telle ,  on  la  mande  prier  de  venir  ; 
et  estant  venue,  on  meine  la  fille  qui  veut  communiquer  à 
la  treille,  et  le  rideau  demeure  sur  la  treille  ;  et  puis  on  donne 
tout  à  l'aise  loisir  de  communiquer,  chacun  se  retirant  eu 
lieu  d'où  on  ne  puisse  ouïr  ce  que  dit  celle  qui  communique, 
pourveu  seulement  qu'on  la  puisse  voir.  Que  si  on  void  une 
fille  qui  vueille  trop  souvent  communiquer  avec  un  mesme, 
passé  trois  fois,  on  luy  refuse,  sinon  que  l'on  veid  une  grande 
apparence  de  beaucoup  de  fruit,  et  que  les  personnes  fussent 
hors  de  soupçon  de  vanité ,  meures  d'aage  06  exercées  en 
vertu. 

Vous  avés  veu,  je  m'asseure,  ce  que  la  bienheureuse 
mère  Thr^^'^e  en  dit,  et  cela  suffira  pour  respondre  à  tous 
les  inconveniens  qu'on  en  pourroit  alléguer.  Et  jamais  ce  ne 
fut  l'intention  des  Saints  de  priver  les  âmes  de  telles  saintes 
conférences,  qui  servent  infiniment  à  beaucoup  de  vertus, 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  353 

et  sont  sans  danger,  estant  bien  faites.  C'est  grand  cas,  comme 
c'est  une  subtile  tentation  :  nous  voulons  garder  la  liberté 
de  la  propriété  qiii  est  contre  la  perfection,  et  ne  voulons 
pas  recevoir  la  lii'Jé  des  communications,  laquelle  estant 
bien  entendue  nous  ayde  à  la  perfection.  Nous  trouvons  des 
inconveniens  où  les  Saints  n'en  trouvent  point,  et  n'en  trou- 
vons point  où  les  Saints  en  trouvent  tant. 

Or,  ces  communications  ne  «e  doivent  pas  faire  pour 
apprendre  de  diverses  manières  de  vivre  en  un  Monastère, 
mais  pour  apprendre  à  mieux  et  plus  ])arf alternent  pratiquer 
celle  à  laquelle  on  est  obligé;  et  si  elles  n'empeschent  point 
les  conférences  publiques ,  ains  elles  servent  pour  les  mieux 
diriger ,  et  appliquer  une  cbacune  en  son  particulier. 

J'avois  oublié  de  dire  que  quand  le  Confesseur  extraor- 
ilinaire  vient,  il  faut  que  toutes  les  filles  se  confessent  à  luy, 
rxfm  que  celles  qui  en  ont  besoin  ne  soient  pas  découvertes, 
et  que  le  malin  ne  semé  point  de  reproclies  parmi  la  maison. 
Mais  celles  qui  ne  veulent  pas  prendre  confiance  à  l'extraor- 
dinaire, pourront,  avant  que  de  se  confesser  à  luy,  faire 
leur  Confession  à  l'ordinaire,  et,  par  après,  dire  seulement 
quelques  pecbés  jà  confessés  a  l'extraordinaire,  pour  servir 
-de  matière  à  J 'absolution. 

J'ay  esté  bien  long,  ma  tres-cbere  Sœur;  mais  j'ay  voulu 
en  cecy  vous  bien  déclarer  mon  sentiment,  afin  que  vous  le 
sçeussiez  plus  distinctement;  et  tenez  bon  hardiment,  pour 
introduire  en  vostre  makon  la  sainte  et  vrayement  religieuse 
liberté  d'esprit ,  et  pour  en  banair  la  fausse  et  superstitieuse 
liberté  terrestre.  Ramenés  ces  bénites  âmes  aux  observances 
<Ies  saints  Conciles,  et  vousserés  bienheureuse.  Nostre  maistre 
Garinus,  et  tous  vos  Supérieurs  majeurs,  gens  discrets  et 
raisonnables,  vous  ayderont,  je  n'en  doute  point,  et  mesme 
vostre  bon  Confesseur,  qui  est  bien  vertueux  et  sage  Reli- 
gieux, ainsi  que  je  puis  connoistre,  et  qui  entendra  bien  la 
raison ,  quand  elle  lui  sera  bien  remonstrée, 

VI.  23 


354  OPUSCULES 

Je  vous  salue  mille  et  mille  fois  es  entrailles  de  la  miserî- 
eoràe  de  nostre  Seigneur,  auquel  je  vous  supplie  de  me  re- 
commander continuellement  avec  toute  vostre  chère  et  ver- 
tueuse Compagnie. 

Vostre  plus  humble  en  N.  Seigneur, 

F.  Ë.  de  Genève^ 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  355 


Vw^/vw 


XCI. 

LETTRE*    . 

A  S.   A.   CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

Sur  le  fruit  spirituel  que  les  Pères  Barnabites  ont  recueilli  à  Annecy,  et  sur 
Tunion  à  leur  couvent  des  prieurés  de  Silingre  et  de  Saint-Clair. 

Annecy,  29  février  1616. 

Monseigneur, 

II  y  a  deux  ans  que  ,  par  commandement  de  V.  A.,  les 
Pères  Barnabites  ont  esté  receus  en  cette  ville  pour  la 
direction  du  collège,  et  ne  se  peut  dire  combien  de  fruit  spi- 
rituel ils  y  ont  fait ,  et  en  toute  cette  province ,  qui  a  donné 
un  grand  sujet  à  tous  les  gens  de  bien ,  de  souhaiter  plus 
ardemment  toute  sorte  de  prospérité  à  V.  A.,  de  la  quelle 
l'authorité  nous  a  prouveus  de  ce  bonheur  :  mais,  Monsei- 
gneur, puisque  la  providence  de  Y.  A.  a  planté  ce  bon  arbre 
fruitier  en  cette  province  ,  c'est  à  elle-mesme  de  Tarrouser, 
afin  que,  par  la  grâce  de  Dieu ,  il  puisse  croistre.  Le  col- 
lège est  extrêmement  pauvre  pour  la  grandeur  des  charges 
qui  y  sont,  et  si  on  ne  le  secourt  par  addition  de  quelques 
revenus ,  ces  bons  Pères  y  vivront  avec  tant  d'incommodités,, 
que  non  seulement  ils  n'y  pourront  pas  faire  le  progrés  que 
leur  pieté  et  les  nécessités  de  ce  païs  requi-'-ront....  Or  les 
moyens  de  leur  accommodement  seront  fort  aysés,  pour  peu 
qu'il  plaise  à  V.  A.  d'affectionner  cet  saint  œuvre  :  car  nous^^ 
avons  icy  deux  prieurés  ruraux,  dont  le  plus  grand  n'excède 

1  L'original  en  appartient  à  M.  François  Benoit  d'Auvergne,  prêtre  séculier 
de  la  congrégation  de  l'Oratoire  à  Turin.  C'est  la  179^  des  lettres  inédites  de^ 

tacoUection  Biaise. 

« 


^^"  OPUSCULES 

pas  la  valeur  de  cent  ducats  annuels  ,  par  l'union  desquels 
ce  collège  seroit  fort  soulagé,  ^t  ce  qui  est  plus  considérable, 
comme  ces  prieurés  seroyent  utiles  à  Fentretenement  de 
ces  Pères,  ces  Pères  seroyent  réciproquement  extrêmement 
îitiles  à  Fentretenement  des  prieurés,  qui  comme  la  pliipart 
des  bénéfices  réguliers  de  co  pais,  s'en  vont  -u  ruines,  quant 
aux  choses  temporelles  devant  les  hommes,  et  quant  aux 
services  spirituels  devant  Dieu ,  qui  sans  doute  en  est  gran- 
dement offencé.  Et  non  est  qui  recogitet  corde.  L'un- de  ces 
prieurés  s'appelle ^ilingre,  et  l'autre  Saint-Clair,  tous  deux 
à  une  lieuë  d'icy,  fort  propres  à  l'intention  que  je  repré- 
sente à  V.  A.,  laquelle  je  supplie  très  humblement,  et  sous 
Fadveu  de  sa  bonté,  je  la  conjure  par  Famour  qu'elle  porte 
au  service  de  Dieu  et  de  l'Eglise,  et  parla  paternelle  affec 
tion  qu'elle  a  envers  ce  pais,  de  vouloir  estroitement  embras- 
ser et  presser  le  bien  de  ce  pauvre  collège ,  qui  est  au  cœur 
de  la  Savoye  et  vis  k  vis  comme  antagoniste  de  celuy  de 
Genève ,  et  qui  est  la  première  retraitte  que  cette  vénéra- 
ble Congrégation  des  Pères  Barnabites  a  en  deçà  les  monts 
sous  les  favorables  auspices  de  V.  A. ,  la  quelle  en  aura  beau- 
coup de  gloire  en  ce  monde  entre  les  serviteurs  de  Dieu , 
et  en  l'autre  encor  davantage  entre  les  Anges  et  les  Saints 
de  Paradis.  Cependant  sur  cet  heureux  présage ,  je  fay  très 
humblement  la  révérence  à  V.  A.  comme  estant , 

Monseigneur , 

Son  très  humble  et  très  obeyssant  orateur 
«t  serviteur , 

François,  Ev.  de  Genève, 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  .^57 


XCII. 

LETTRE^ 

A  MONSEIGNEUR   LE   CARDINAL   FRÉDÉRIC   BORROMÊO| 

ARCHEVÊQUE  DE  MILAN, 

Saint  François  remercie  S.  G.  de  lui  avoir  envoyé  âes-^*»bqnes  du  grand  saint 
Charles,  et  l'informe  du  redoublement  de  ferveur  ^ui  se  manifeste  en  Sa- 
voie pour  le  Saint. 

111.  et  Rev.  Seigneur, 

Elle  a  été  très-suave  pour  moi  la  sainte  charité  de  Y.  S.  IlL, 
qui  a  daigné  conserver  la  mémoire  d'un  sujet  aussi  indigne 
que  je  suis,  et  de*  m'en  donner  une  preuve  aussi  aimable,  en 
m'envoyant  le  présent  de  vénérables  reliques  du  grand  saint 
Chai'les.  Je  les  ai  reçues  par  le  moyen  de  monseigneur  l'évê- 
que  de  Belley ,  prélat  de  grande  vertu.  Je  ne  sais  pas  com- 
ment je  pourrai  jamais  remercier  convenablement  V.  S.  111., 
sinon  en  m'inclinant  humblement  devant  elle,  et  gardant  le 

'  Cette  lettre  traduite  en  latin  a  été  publiée  dans  l'ouvrage  :  De  vita  et  ré- 
bus gkstis  sancti  Cavoli  Borromei ,  libri  septem. —  Mediolani ,  pag.  1135  in 
notis.  L'autographe  en  est  conservé  d.^ns  la  bibliothèque  Ambrosiana  de  Milan. 
C'est  la  180^  inédite  de  la  collection  Biaise. 


'T-Annessi,  29  fehb.  1616. 

111.  et  Rev.  signore  padroii  mio  coltissimo, 

Suavissima  è  stala  verso  di  me  la  carità  santa  di  V.  S.  111.  che  si 
ê  degnata  di  conservar  memoria  di  soggetto  tanto  indegiio  corne  io 
sono ,  et  di  darne  un  segno  tanto  amabile  comef  stato  il  dono  sacro 
dellc  venerandissime  reliquie  del  gran  S.-Carlo  ricevute  da  me  per 
via  di  monsignor  di  Belley  prelato  di  gran  virtù.  Et  non  so  corne  io 
possa  mai  ringratiarne  corne  si  conviene  V.  S.  I.  se  non  facendoli  hu- 
milissima  riverentia  et  restando  oel  silentio  quanto  a  questo;  con 


3'i8  OPUSCULES 

silence  (|nant  à  cela.  Cependant  je  lui  annoncerai  que  dans 
nos  pays  et  dans  toute  la  franco  ,  la  gloire  de  ce  Saint  et  la 
dévotion  qu'on  lui  porte  s'étendent  et  se  propagent  avec  une 
-admiration  et  une  tendresse  toute  cordiale  pour  sa  sainteté 
si  parfaite.  Ici,  en  particulier,  le  jour  de  sa  fête,  monsei- 
gneur l'archevêque  de  Lyon  étant  venu  pour  m'honorer  de 
sa  présence,  il  a  fait  un  sermon  dans  l'église  de  nos  Pères 
Barnabites  "wec  tant  d'éloquence  apostolique ,  que  c'a  été 
pour  nous  tous  comme  un  parfum  de  douceur  et  de  suavité  , 
ei  l'on  ne  peut  exprimer  avec  quel  plaisir  on  a  entendu  les 
louanges  de  ce  Saint.  Par  le  moyen  de  sa  relique  ,  beaucoup 
xie  malades  ont  reçu  du  soulagement.  Dieu  veut  donc,  à  ce 
que  nous  devons  croire,  que  la  vénération  pour  son  serviteur 
croisse  et  tleuriss<î  dans  ces  contrées.  Si  j'avois  un  usage  plus 
habituel  et  plus  riche  de  la  langue  italienne,  et  que  je  ne 
craignisse  pas  d'être  importuna  V.  S.  IlL,  je  m'étendroissur 
d'autres  particularités.  Mais  il  est  raisonnable  que  je  de- 
meure dans  les  termes  du  respect  du  à  votre  excellentissime 
dignité,  et  qu'en  vous  baisant  humblement  les  mains  sacrées 


darglie  pero  questo  grato  raguaglio  chè  in  questi  paesi  di  quà  e  per 

tutta  la  Francia  si  dilata  et  amplifica  excellentamente  la  gloria  et  di- 

AOtioiie  di  qupî  beatissimo  Santo  con  ammiratione  et  stima  cordia- 

lissima  délia  sua  perfeclissiina  santità.  E  qui  in  particolare  il  giorno 

délia  sua  Testa  monsignor  arcivescovo  di  Lione  essendo  venulo  per 

sfavorirme  délia  sua  presenza  fece  il  sermone  nella  cliiesa  di  nostri 

padri  Barnabiti  con  tanta  eloquentia  aposLolica,  chè  tutti  ne  restas- 

rsimo  rapiti  di  dolcezza  et  suavità^  e  non  si  puô  dire  con  che  gusto 

'furono  scntite  le  latidi  di  quel  santo.  E  col  mezzo  délie  rellquie  sue 

sono  seguite  gratie  in  molti  infermi,  il  che  fa  credere  chè  Iddio 

\uole  chè  la  veneralione  di  quel  suo  servo  cresca  et  liorisca  in  queste 

bande.  Se  io  a^iessî  copia  et  uso  maggiore  délia  lingua  italiana,  e  non 

/temessi  di  esser  importu'Ho  a  V.  S.  I.,  mi  stenderei  in  altre  partico- 

larità.  Ma  è  anohe  ragi0ne\'ole  chè  io  stia  nelli  termini  del  rispetto 

dcv-iflo  aU*  exceUenitâsarnia  dignità  sua  et  chè  bacsdandoli  humilissi- 


DE   ».    FRANÇOIS   DE   SALES.  359 

>et  en  vous  souhaitant  toute  vraie  prospérité ,  je  finisse  par 

fléclarer  éternellement,  votre  très-humble  et  très-dévoué 

serviieur^ 

François,  Evêque  de  Genève. 


mamcnie  le  sacratissime  mani  et  pregandoli  ogni  vera  prospérité, 
iinisca  protestando  di  restar  eternamente^ 

m  V.  s.  m.  et  Rev., 

Humilissimo  et  divotissimo  servo, 

Francesco  f  Yescoyo  di  Geney*. 


360 


\A/\/V> 


OPUSCULES 


xcra. 
LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AU  PÈRE  EN  NOTRE-SEIGNEUR,   LE   PÈRE   DOM   JUSTE   GUERINr  ,   BARNABITE, 

A    SAN-DALMAZO. 

II  rassure  qu'il  sollicitera,  en  faveur  des  Barnabites,  la  protection  des  princes 

de  Savoie. 

Annecy,  10  mars  1616. 

Mon  révérend  Père  ,  nos  bons  Pères  d'icy  ont  esté  d'advis 
que  je  fisse  une  recharge  à  son  Altesse  et  à  messeigneurs  les 
Princes,  pour  les  affaires  de  Thonon;  ce  que  je  fay  fort  à 
propos ,  ce  me  semble ,  sur  l'occasion  que  Monseigneur  le 
Prince  Cardinal  m'a  donnée  de  le  remercier  de  l'advis  qu'il  m'a 
envoyé  du  bon  commencement  qu'il  y  a  en  la  négociation 
faite  pour  la  canonisation  du  bienheureux  Amé  ;  car,  d'autant 
que  ce  bienheureux  Prince  naquit  à  Thonon,  je  prends  sujet 
de  recommander  l'introduction  des  Pères  en  ce  lieu-là. 

J'en  fay  de  mesme  avec  son  Altesse  et  Monseigneur  le 
Prince  ,  me  trouvant  obligé  de  leur  tesmoigner  la  joie  que 
j'ay  en  l'espérance  de  cette  canonisation. 

Que  si  vous-mesme  donnés  les  lettres ,  vous  pourrés  adjous- 
ter  que  l'an  passé  ,  sur  l'eminent  danger  auquel  Thonon  fut 
de  la  contagion  ,  quand  je  dis  à  ces  peuple  la  confiance  qu'il 
doit  avoir  aux  prières  du  bienheureux  Prince,  de  la  naissance 
duquel  leur  ville  avoit  esté  honorée ,  il?  ^n  tesmoignerent 
tous  un  ressentiment  .et  une  espérance  extrêmes.  Fratanto, 
me  recommandant  à  vos  oraysons  et  bonnes  grâces,  je  suis 
sans  fin  de  tout  mon  cœur ,  mon  révérend  Père ,  vostre,  etc. 
»  Communiquée  par  les  dames  de  Miramion.  C'est  la  368«  de  la  coUect.  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  3SI 


XCIV. 

LETTRE* 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  SON  ÉMINEKCE  LE  C3DINAL  DE  SAVOIE. 

n  lui  témoigne  la  joie  de  la  nouvelle  dignité  de  ce  prince,  et  il  lui  recoia» 

mande  les  Barnabites. 

Annecy,  10  mars  1616. 

Monseigneur , 

Je  loue  Dieu  et  bénis  son  saint  nom ,  du  bon  achemLB#- 
ment  qu'on  a  donné  à  la  canonisation  du  glorieux  et  bieït> 
heureux  Amé.  Nul,  comme  je  pense,  ne  sauroit  désirer  la. 
perfection  de  ce  saint  projet  avec  plus  d'affection  que  mof, 
qui  prévois  que  tout  ce  peuple  de  deçà  en  recevra  une  ex- 
trême consolation  et  un  grand  accroissement  de  dévotion;, 
spécialement  à  Tlionon ,  lieu  de  la  naissance  de  ce  graiîfl 
Prince ,  où  Tannée  passée,  lors  des  premières  apprehensioiss 
de  la  peste  de  Genève ,  je  remarquay  un  mouvement  univer- 
sel de  confiance  es  intercessions  de  ce  bienheureux  amy  de 
Dieu ,  lors  que  je  leur  representay  le  juste  sujet  qu'ils  em 
avoient ,  pour  l'honneur  que  leur  air  avoit  eu  d'avoir  servi 
à  la  première  respiration  de  ^e  grand  Prince. 

Et  pleust  à  Dieu  que  le  très  saint  Père  cust  esté  suppiil 
d'accorder  une  troisième  messe  solennelle  avec  indulgence 
pleniere  pour  ce  lieu-là  ;  car  je  m'asseurp  qu'en  cette  coar 
templation  sa  Sainteté  i'eust  volonliers  accordée.  Mais  puk 
que  cela  n'a  pas  esté  fait ,  je  veux  espérer  en  la  bonté  efe 

*  C'est  la  369«  de  la  collection  Slaise,  et  la  31«»  du  livre  !«'  des  ancie^iàaE 
éditions. 


362  OPUSCULES 

équité  de  vostre  Altesse  ,  que  nous  ne  serons  pas  laissés  en 
oubly  pour  la  distribution  des  médailles;  et  cependant.  Mon- 
seigneur, je  la  supplie  tres-humblement  d'embrasser  ferme- 
ment la  protection  de  l'introduction  des  Pères  Barnabites  en 
la  sainte  Mayson  de  ce  lieu-là  de  Thonon  et  au  prieuré  de 
Contamine.  Vostre  Altesse  fera  sans  doute  en  cela  un  œuvre 
grandement  aggreable  à  la  divine  Majesté  ,  et  lequel  il  me 
semble  que  le  bienbeureux  esprit  du  glorieux  Prince  Amé 
luy  recommande  dés  le  ciel  très  saintement;  estimant  que 
comme  par  ses  prières  Dieu  fortifia  le  cœur  de  son  Altesse 
pour  establir  la  sainte  dévotion  par  le  moyen  de  ces  bons  Reli- 
gieux qui  assisteront  et  arroseront  les  vieux  arbres  afïin 
qu'ilz  multiplient  en  fruits  de  pieté,  et  esleveront  les  enfans 
comme  jeunes  plantes,  à  ce  que  la  postérité  devance,  s'il  se 
peut ,  les  prédécesseurs,  et  sçacbent  tant  mieux  révérer  leur 
saint  Prince  Amé  ,  et  obeyr  en  toute  sousmission  au  sceptre 
et  à  la  couronne  qu'il  a  laissée  en  sa  serenissime  Mayson, 
que  Dieu  vueille  faire  à  jamais  prospérer.  Monseigneur, 
selon  les  soubaits  continuels  du  très  humble ,  etc. 


/ 


DE    S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  363 


^/\/\^\/^\ 


xcv. 

lettre' 

A   SON   ALTESSE    CHARLES    EMMANUEL   l",    DUC   DE   SAVOIE. 

(L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.) 
^Question  de  la  canonisation  du  bienheureux  Amé ,  et  affaire  des  Barnabites. 

Annessy,  12  mars  1616, 

Monseigneur , 

Je  sçay  que  la  charité  et  pieté  de  V.  A.  est  Lien  ferme  au 
projet  qu'elle  a  pour  Fintroduction  des  Pères  Barnabites  à 
Thonon  ,  à  laquelle  est  attachée  la  conservation  du  prieuré 
^e  Contamine  à  la  sainte  Mayson  de  ce  lieu-là ,  pour  l'usage 
jtentretenement  desdits  Pères  et  de  leur  collège.  Néanmoins 
puis  que  c'est  mon  devoir,  je  fay  derechef  ma  très  humble 
supplication  à  Y.  A.  pour  ces  mesmes  fins,  luy  ramentevant 
seulement,  que  Thonon  est.le  lieu  de  la  naissance  du  bienheu- 
reux Amé,  de  la  prochaine  canonisation  duquel  je  me  resjouis 
infiniment ,  présageant  en  icelle  beaucoup  de  très  sainctes 
bénédictions  sur  la  couronne  qu'il  porte  en  ce  monde,  et 
sous  laquelle  il  alla  si  heureusement  estre  couronné  en 
Pautre. 

Je  fay  très  humblement  la  révérence  à  V.  A.  et  suis  im- 

mortellemenl , 

Monseigneur, 

Son  très  humble  ,  très  obyessant  et  très  fidèle 

orateur  et  serviteur , 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

*  C'est  la  183«  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise.  Elle  est  la 
même  pour  le  fond  que  la  51*  du  livre  1"  des  aiiCiennes  éditions. 


364  OPUSCULES 


XCVI. 

LETTRE^ 

A  S.  A.   CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  recommande  à  S.  A.  les  habitants  de  la  Savoie,  et  lui  témoigne 
sa  reconnoissance  pour  Tintroduction  de  l'industrie  de  la  soie. 

Anneci,  le  V«ndredi-Saint  29  mars  1616^ 
Monseigneur, 

La  charité  et  bonté  queV.  A.  atesmoignées  envers  ces  bons 
peuples  de  deçà,  par  le  soin  qu'elle  a  eu  de  faire  réussir  les 
projets  de  l'introduction  de  l'art  de  la  soye  en  ces  pais,  et  des 
PP.  Barnabites  à  Thonon,  ne  peut  jamais  estre  assez  digne- 
ment remerciée;  mays,  à  la  faveur  de  la  sainteté  de  ce  jour, 
j'en  fay  néanmoins  tres-humblement  la  révérence  et  Faction 
de  grâces  à  Y.  A.,  la  suppliant  de  continuer  sa  dilection  et 
protection  sur  cette  province,  en  laquelle  l'advancement  de 
la  gloire  de  Dieu  est  de  si  grande  conséquence  et  plein  de 
mérite  pour  V.  A.,  que  sa  Divine  Majesté  fasse  à  jamais 
prospérer  es  bénédictions  que  luy  soubaitte, 

Monseigneur, 

Yostre  très  humble  et  très  obeyssant  orateur  et  serviteur, 

François,  Evesque  de  Genève. 

5  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  184* 
es  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  365 

XCVII. 

LETTRE* 

A  UN  GENTILHOMME  DE  LA  COUR  LU  DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  lui  parle  des  entretiens  qu'il  a  avec  les  ecclésiastiques  qui  vont 
le  visiter  :  il  le  prie  de  le  protéger  auprès  de  S.  A.  contre  les  calomnieuses 
accusations. 

Anneci,  4  avril  1616. 
Monsieur, 

J'ay  receu  la  lettre  de  S.  A.  par  laquelle  elle  tesmoigne 
d'aggréer  que  je  fasse  les  sermons  du  Caresme  venant  à  Gre- 
noble ;  et  ay  veu  par  celle  qu'il  vous  a  pieu  ni'escrire  le  soin 
que  vous  avés  eu  de  lire  ce  que  j'escrivois  à  sadite  A.  sur  le 
sujet  de  la  venue  de  Monsieur  FArclievesque  de  Lyon  en 
cette  ville.  Dont  je  vous  rends  grâces,  Monsieur,  d'autant 
plus  afïectionnément  et  humblement,  que  ces  bons  offices 
n'ont  origine  que  de  vostre  bonté  et  courtoysie,  la  quelle  je 
vous  supplie  de  vouloir  exercer  en  toutes  telles  occasions  qui 
m^arrivent  plus  souvent  que  je  ne  desirerois  pas;  plusieurs 
prélats  de  France  me  faysant  l'honneur  de  m'aymer,  et  de 
me  vouloir  visiier  encore  qu'ilz  ne  me  connoissent  pas,  peut 
estre  par  ce  qu  ilz  ne  me  connoissent  pas.  Mays,  Monsieur, 
ce  sont  visites  de  simple  pieté  et  affection  spirituelle,  n'ayant, 
grâces  à  Dieu,  jamais  rien  eu  à  demesler  avec  homme  du 
monde ,  ni  ne  m'estant  jamais  meslé  de  chose  quelconque, 
qui  regarde  les  affaires  séculières  ;  et  en  vérité ,  oncques  il  ne 
m'est  advenu  d'avoi'^  <ts\A  seulement  essayé  par  homme  qui 
vive,  ni  qui  ayt  esto  de  ce  costé-là,  qui  me  rend  d'autant 
plus  estonné  quand  on  me  dit  que  les  visites  de  ces  seigneurs 

'  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  185* 
des  lettres  médites  de  la  collection  Biaise 


366  OPUSCULES 

ecclésiastiques  sont  considérées  comme  suspectes,  ne  pouvant 
seulement  deviner  ny  f»ourquoy  ny  en  quoy,  puis  que  mesme 
je  suis  en  toutes  façons  Savoyard,  et  de  naissance  et  d'obli- 
gation ,  qui  n'ay  ny  n'eus  jamais ,  ny  pas  un  des  miens ,  ny 
office ,  ny  bénéfice  ,  ny  chose  quelconque  hors  de  cet  estât, 
et  qui  ay  vescu  tellement  lié  aux  exercices  ecclésiastiques, 
qu'on  ne  m'a  jamais  treuvé  hors  de  ce  train,  et  qui  suis 
meshuy  tantost  envielly  dans  la  naturelle  et  inviolable  fidé- 
lité que  j'ay  vouée  et  jurée  à  S.  A. 

Or,  Monsieur,  je  vous  donne  la  peine  de  lire  tout  ceci ^ 
affin  que  s'il  vous  plaist  de  me  favoriser  en  ces  occurrences, 
vous  sachiés  ces  généralités  de  mes  conditions ,  qui  sont  fon- 
daments  comme  je  croy  bien  solides  pour  bastir  sur  iceux 
les  défenses  dont  j'auray  besoin  si  ce  malheur  continue,  qui 
m'a  desja  si  souvent  fasché  tousjours  sans  ma  coulpe,  grâces 
à  Dieu ,  ainsi  que  le  tems  a  fait  voir,  qui  de  plus  en  plus 
descouvrira  l'invariable  ingénuité  et  franchise  que  j'ay  en 
mon  devoir  de  sujettion  naturelle  envers  la  couronne  sous 
laquelle  je  suis  né  et  nourry. 

Ces  jours  passés  Monsieur  l' Arche vesque  de  Bourges,  es- 
tant à  Nantua ,  vint  icy  me  visiter  et  une  sœur  religieuse 
qu'il  y  a.  Dequoy  j'advertis  soudain  Monsieur  le  Marquis  de 
Lans ,  et  je  croy  qu'il  aura  fait  passer  l'advis  vers  S.  A.  Tout 
cela ,  Monsieur,  sont  offices  d'amitié ,  de  civilité  et  de  pieté 
rendus  à  la  bonne  foy  par  ces  prélats,  et  que  je  ne  puis  em- 
pescher  par  aucune  sorte  de  légitime  prétexte,  puis  que  je 
n'oserois  seulement  penser  de  leur  fai\e  semblant  de  la  peine 
que  mon  esprit  a  dequoy  leur  visite  me  fait  regarder.  Yostre 
charité.  Monsieur,  me  protégera,  s'il  luy  plaist,  et  je  l'en 
conjure  par  celle  de  nostre  Seigneur,  que  je  supplie  vous  estre 
propice  et  vous  combler  de  ses  bénédictions,  demeurant  pour 
tousjours,  Monsieur, 

Yotre  très  humble  et  aûectionné  serviteur, 
François,  Evesque  de  Genève. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  36* 


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xcvin. 
LETTRE' 

A  S.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l"',   DUC  DE  SAVOIE, 
6ur  le  prieuré  de  Contamine  pour  dotation  des  pères  Barnabites  de  Thonon. 

Anneci,  16  avril  1616. 
Monseigneur, 

Les  grâces  que  la  bonté  de  V.  A.  nous  a  faites  me  donnent 
confiance  d'en  requérir  tousjours  de  nouvelles,  puis  que 
mesme  elles  tendent  toutes  à  la  gloire  de  Dieu ,  que  vostre 
pieté  ne  se  lasse  jamais  de  servir  et  accroistre.  Les  PP.  Bar- 
nabites sont  establiz  à  Thonon;  reste  de  les  y  conserver,  et 
pour  cela  il  est  requis  que  le  prieuré  de  Contamine,  sur  lequel 
leur  entretenement  est  principalement  assigné ,  soit  mis  en 
asseurance  pour  eux ,  et  délivré  de  la  conteste  que  le  sieur 
abbé  Scaglia  en  fait ,  ce  que  la  prudence  de  V.  A.  fera  fort 
aysement  par  les  moyens  convenables.  Dieu  soit  à  jamais  au 
milieu  du  cœur  de  Y.  A.  pour  le  remplir  de  bénédictions,  et 
je  suis  invariablement , 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble,  très  fidèle  et  très  obeyssanf 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

*  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  àà  Turin.  C'est  la  18$ 
ies  lettres  inédites  de  la  coHection  Biaise. 


158  OPUSCULES 


XCIX. 

I 

MÉMOIRE 

Pour  la  Réformation  des  Religieux  et  Religieuses,  présenté  par  saint  François 
DE  SALES  A  M.  LE  piiiNCE  DE  PIÉMONT,  à  Annecy  *.  (Tiré  de  la  Vie  du  Saint 
par  Auguste  de  Sales,  tom.  II,  liv.  VIII,  pag.  130.) 

(Vers  le  mois  d'avril  1616.) 

La  dépendance  que  les  Religieux  ont  de  leurs  Abbez  et 
Prieurs  commendataires  engendre  continuellement  des  pro- 
eez,  noises  et  riottes  scandaleuses  entr'eux.  Il  seroit  donc 
peut  estre  à  propos  de  séparer  le  lot  et  la  portion  des  biens 
lequis  à  l'entretenement  des  Religieux,  Monastère  et  Eglise, 
â'avec  le  lot  et  la  portion  qui  pourroit  rester  à  l'Abbé  ou 
Prieur  commendataire  ;  en  sorte  que  les  religieux  n'eussent 
aien  à  faire  avec  F  Abbé,  n'y  l'Abbé  avec  eux,  puis  que  char.un 
é'eux  auroit  son  faict  à  part ,  comme  l'on  a  faict  tres-utiîe- 
laent  à  Paris ,  des  abbayes  de  sainct  Victor  et  de  sainct  Ger- 
main. Et  par  ce  moyen  les  Supérieurs  cioistriers  auroyent 
ioute  l'authorité  convenable  pour  bien  reformer  les  Monas- 
tères, réduisant  la  portion  des  Religieux  en  communauté. 

Et  pourroit-on  aussi  changer  les  Supérieurs ,  par  élection, 
ée  trois  ans  en  trois  ans. 

Et  à  fin  que  la  reformation  se  fîst  plus  aisément,  il  seroit 
Tequis  que  cet  ordre  se  mist  premièrement  à  Talloires,  où  il 
j  a  des-ja  un  bon  c'ommencement  de  reformation ,  et  par 

*  La  guerre  étant  allumée  dans  le  Genevois  par  le  duc  de  Nemours,  qui,  après 
ifHie  retiré  mécontent  d'auprès  de  Son  Altesse  le  duc  de  Savoie ,  avoit  résolu. 
ées'eu  rendre  maître  souverain,  et  la  ville  d'Annecy  étant  en  danger  d'être 
|iîse,  le  prince  de  Piémont,  Victor  Amédée,  vint  à  son  secours,  et  descendit 
fMt  droit  à  la  maison  du  saint  évêque,  lequel  profita  de  l'occasion,  et  lui 
jBésenta  ce  Mémoire  pour  la  Réformation  des  Religieux  et  Religieuses. 


DE    S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  369 

après  il  faudroit  sousmetlre  à  Talloires  tous  les  monastères 
de  rOrdre  de  saiiict  Benoist,  à  fin  qu'on  y  instalast  la  mesmç 
reformation.  Mais  quant  aux  monastères  de  l'Ordre  àb 
Cisteaux  ,  je  ne  vois  pas  qu'aucune  reformation  s'y  puisse 
faire,  sinon  en  y  mettant  des  Religieux  Feuillens,  comme 
on  a  faict  à  la  Consolate  de  Turin ,  à  Pignerol  et  en  Abon- 
dance. 

Il  y  a  de  plus  des  monastères  de  chanoines  réguliers  de 
sainct  Augustin  qui  n'ont  pas  moins  besoing  d'estre  refor- 
mez ;  ce  qui  malaisément  se  pourra  faire ,  sinon  par  change- 
ment d'Ordre.  Et  semble  qu'il  seroit  expédient  d'en  retirer 
quelques  uns  dans  les  villes,  comme  pour  exemple,  le  mo- 
nastère d'Entremont  à  la  Roche,  pour  accroistre  là  le  nombre 
des  chanoines ,  et  y  establir  un  notable  service,  avec  un  théo- 
logal et  un  pénitencier,  ayant  esgard  au  voisinage  et  continuel 
commerce  de  ceux  de  Genève  avec  ceux  de  la  Roche.  On 
pourroit  aussi  en  convertir  d'autres  en  des  congrégations  de 
prestres  de  l'Oratoire ,  comme ,  pour  exemple  ,  le  monastère 
du  saint  Sépulcre  de  la  ville  d'Anicy  ;  et  les  autres,  les  an- 
nexer au  collège  de  la  mesme  ville ,  comme  le  prieuré  de 
Pellionex. 

Or  ce  qui  est  dict  de  retirer  quelques  monarsteres  dans  les 
villes  pour  accroistre  le  nombre  des  chanoines  regarde  le  bien 
de  la  noblesse  de  tout  le  païs  de  Savoye ,  laquelle  est  nom- 
breuse en  quantité ,  mais  la  pluspart  pauvre ,  et  laquelle  n'a 
aucun  moyen  da  loger  honorablement  ses  enfans  qui  veu- 
lent estre  d'Eglise,  sinon  es  bénéfices  qui  se  distribuent 
dans  le  paîs,  comme  sont  les  cures  et  les  canonicaux,  lesquels 
on  pourroit  introduire  sainctement  de  ne  devoir  estre  distri- 
buez que  par  le  concours  aux  gentilshommes  ou  docteurs. 
Son  Altesse  donc,  pour  ce  regard,  pourroit  faire  uneinstruc-. 
tion  à  son  ambassadeur  pour  obtenir  de  sa  Saincteté  une 
commission  à  FArchevesque  de  Tarentaise ,  [à  TEvesque]  de 
Maurienne  et  àceluy  de  Genève, pour  procéder  aux  establis- 
VI.  24 


370  OPUSCULES 

semenssiisdicts,  en  sorte  neantmoins que,  l'un  de  ces  prélats 
se  treuvant  absent,  les  deux  autres  puissent  procéder;  et  les 
procureurs  gênerai  et  patrimonial  chargez  de  tenir  main  en 
toutes  occurrences  à  Texecution,  avr^  expresse  recommanda- 
tion au  sénat  d'assister  en  toutes  les  occasions  qui  le  requer- 
royPBt. 

Quant  aux  Religieuses,  il  seroit  aussi  requis  qu'on  retirast 
les  trois  monastères  de  Cisteaux  dans  les  villes,  à  lin  que 
leurs  deportemens  fussent  veuz  journellement,  qu'elles  fus- 
sent mieux  assistées  spirituellement,  et  qu'elles  ne  demeu- 
rassent pas  exposées  aux  courses  des  ennemis  de  la  foy  ou  de 
TEstat,  à  l'insolence  des  voleurs,  et  au  desordre  de  tant  de 
visites  vaines  et  dangereuses  des  parens  et  amis;  joinct  que 
de  les  enfermer  aux  champs  esloignez  d'assistance ,  c'est  les 
faire  prisonnières  misérables,  mais  non  pas  Religieuses,  ainsi 
que  l'on  prétend  de  faire  par  les  bonnes  exhortations  qu'elles 
recevront  dans  les  villes  :  et  aussi  le  sainct  concile  de  Trente 
ordonne  qu'on  les  y  réduise  pour  ces  mesmes  causes.  On 
pourroit  donc  réduire  celles  de  saincte  Catherine  en  la  ville 
d'Anicy,  celles  de  Ron-lieuà  Rumilly,  et  celles  du  Betton  à 
sainct  Jean  de  Maurienne,  ou  à  Mont-meillan  ;  et  quant  à 
celles  de  saincte  Claire  hors  ville  de  Chambery,  on  pourroyt 
aussi  les  réduire  dans  la  ville  mesme  de  Chambery. 

Mais  à  fin  qu'à  mesme  temps  qu'on  les  reduiroit  toutes  es 
villes  la  reformation  se  fist,  il  seroit  requis  que  sa  Saincteté 
commist  quelque  prélat  qui  establist  es  monastères  tous  les 
reiglemens  ordonnez  par  le  concile  de  Trente ,  et  leur  don- 
nast  des  Supérieurs  ausquels  on  peust  avoir  recours  facile- 
ment. Son  Altesse  donc,  pour  ce  subject ,  pourroit  faire 
dresser  une  instruction  à  son  ambassadeur,  à  fin  qu'il  obtinst 
^ux  commandemens  de  sa  Saincteté,  l'un  à  l'abbé  de  Cis- 
teaux ,  gênerai  de  FOrdre ,  à  ce  que  promptement  il  fist  re- 
tirer les  Religieuses  des  monastères  de  Savoye  dans  les  vilj^ 
voisines,  en  îieru  propre  à  leur  demeure,  en  attendant 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  371 

qu'elles  eussent  faict  un  nouveau  monastère;  l'autre  à  FEves- 
que  de  Maurienne  et  à  TEvesque  de  Genève ,  à  ce  qu'ils  tins- 
sent main  que  tous  les  reiglemens  ordonnez  par  le  Concile 
fussent  establis ,  non  seulement  es  monastères  de  Cisteaux, 
mais  en  tous  les  autres  monastères  de  femmes  qui  sont  eu 
Savoye;  et  le  procureur  gênerai  chargé  de  tenir  giain  à  Fexe» 
cution  de  l'intention  de  son  Altesse, 


372  OPUSCULES 


LETTRE* 

AU    CARDINAL    BELLARMIN. 

Il  sollicite  le  nom  de  religion  et  quelques  autres  grâces  pour  les  Dames  de 
la  Visitation ,  et  entre,  à  cet  etfet,  dans  le  détail  des  principaux  exercices 
de  cet  institut. 

Annecy,  10  juillet  1616. 

Quoique  je  ne  sois  pas  connu  dans  le  monde  ni  dans  la 
Tille  de  Rome,  et  que  pour  cette  raison,  je  n'aie  aucun  crédit, 
ee  qui  me  console  ,  c'est  que  celui  à  qui  j'ai  l'honneur  d'a- 
dresser mes  présentes  supplications ,  est  bien  connu  et  sin- 
gulièrement aimé,  non -seulement  dans  cette  capitale  du 
monde  chrétien,  mais  encore  par  toute  la  terre  ;  et  malgré  le 
respect  que  m'inspire  la  dignité  de  votre  illustrissime  et  ré- 
vérendissime  seigneurie ,  je  fais  cette  démarche  avec  d'au- 
tant plus  de  confîanee,  que  j'agis  par  le  motif  de  charité  qui 
est  en  notre  Seigneur. 

Nous  avons ,  tant  ici  qu'à  Lyon ,  deux  Communautés  de 
filles  et  de  veuves ,  lesquelles ,  sans  être  Religieuses ,  ou , 
pour  mieux  m'expliqu^,r ,  étant   simplement  oblates,  ne 

1'  C'est  la  13e  du  livre  I^'  dans  les  anciennes  éditions,  et  la  375*  de  la  col- 
lection Biaise. 


Urbi  et  orbi  ignotus,  orbi  et  urbi  notissimum  et  amantissimum 
cardinalem,  secuiîdùm  eam  quae  in  Christo  est  charitatem,  precibus 
confidenter  aggredior. 

Habemus  hîc  et  Lugduni  unam  et  alteram  virginum  et  viduarum 
congregationem ,  quaî,  licet  veriùs  oblatae  quàm  veri  nomiriis  reli- 
giosœ  aut  moniales  censendai  sint^  lumen  castitatem  ac  sacram  pu 


s 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  373 

laissent  pas  d'observer  très-religieusement  et  très-saintement 
la  chasteté,  la  pauvreté  et  l'ohéissance.  Elles  ne  sont  pas  non 
plus  obligées  à  la  clôture,  et  cependant  on  peut  dire  qu'elles 
la  gardent  perpétuellement  avec  une  grande  ferveur,  vu 
qu'elles  ne  sortent  jamais  que  pour  des  causes  très-graves, 
très-saintes  et  très-nécessaires.  Elles  ont  des  heures  assignées 
chaque  jour  pour  réciter  ensemble,  d^ns  le  chœur,  le  petit 
oirice  de  la  bienheureuse  Yierge.  Gela  se  fait  avec  une  si 
nnlile  décence ,  et  d'un  ton  qui  respire  tant  la  piété ,  que 
Ton  seroit  en  peine  de  dire  laquelle  des  deux,  de  là  douceur 
du  chant  ou  de  la  gravité,  l'emporte  sur  l'autre.  Elles  em- 
ploient à  l'exercice  angélique  de  l'oraison  mentale  deux 
heures  par  jour,  une  le  matin  et  l'autre  le  soir,  et  en  retirent 
un  fruit  merveilleux.  En  un  mot ,  elles  me  remettent  dans 
la  mémoire  ces  saintes  femmes  dont  S.  Grégoire  de  Na- 
zianze  ,  écrivant  à  Hellénius,  ne  lit  point  de  difficulté  de 
aire,  dans  des  termes  magnifiques,  qu'elles  étoient  des  astres 
du  firmament  et  de  très-brillantes  étoiles  de  Jésus-Ghrist. 
Il  n'y  a  pas  long-temps  qu'étant  allé  saluer  M.  le  révé- 


dicitiam  sanctissimè  colunt,  obedientiam  simplicissimè  amplec 
tuiitur,  paupertatem  religiosissimè  sequuntur;  et  quamvis  ex  eariim 
ritu  clausurœ  non  sint  addictœ,  eam  nihilominùs  ex  animi  fervore 
propemodùm  servant  perpetuam,  quandoquidem  nunquàm,  nisi  gra- 
yissimis  et  piissimis  causis  impelientibus^  extra  domum  pedem  eiïe- 
runt;  sed  slatutis  hovis,  iisque  apte  per  totum  diem  dispositiS;,  offi- 
cium  parvum  beatissimrc  Yirginis  simul  in  choro  recitant,  cantii  ad 
pictalis  regiiius  tam  féliciter  formato,  ut  vix  dici  qiieat  -  num  gra- 
\itatem  siiavitas,  vel  suavitatem  gravitas  siiperet.  Orationi  verô  illt 
angelicLC,  quam  inentalem  vocant,  duabus  item  horis,  arià  matulinà, 
ahà  vespcrtinàj  maximo  cum  fructu  operam  navant,  ac,  ut  uno  verÎDO 
coDcliidam,  iilas  mihi  roferre  videntur  foeminaS;,  de  quibus  sanctus 
Gregorius  Nazianzenus  ad  Ilellenium  tam  magnificè  loquitur,  ut  eas 
cœlestia  et  pulcherrima  Christi  sidéra  nominare  non  vcreatur. 

Yerùni  cùm  non  ità  pridem  reverendissimum  dominum  archiepis- 
copum  Lugdunensem  s:îlutaKdi  gratiâ  adiissem,  verbaque  simul  de 


374  OPTSCLXES 

dissime  archeTeqae  de  L  s  discours  qoe 

nons  tînmes  sur  nos  affa.-  .-  _  .  ^  _^._— ,  _.  js  tombâmes 
SUT  ces  deux  Gommnnaatés  de  femmes,  qui  sont  en  si  bonne 
odeur  ai  l'un  et  l'autre  diocèse ,  à  cause  de  leur  piété ,  que 
l'on  juge  qu 'il  est  de  la  dernière  importance  qu'elles  soient 
gouvemées  sagement. 

n  me  fit  entendre  qu'il  seroit  à  propos  qu'elles  prissent 
quelqu'une  des  r^les  qui  sont  approuvées  par  l'Église, 
qu'elles  gardassent  la  clôture ,  et  qu'elles  fissent  des  vœux 
solennels.  Je  consentis  volontiers  à  ses  propositions ,  tant  à 
cause  de  l'autorité  que  ce  grand  bomme  a  sur  mon  esprit, 
de  sa  science  et  de  sa  piélé ,  qui  le  font  admirer  de  tout  le 
monde ,  qu'à  cause  de  la  gloire  attachée  au  titre  de  religion, 
que  j^ai  toujours  estimé  très-honorable  à  ces  dévotes  congré- 
gations. 

Ce  fut  dcMic  là  notre  conclusion  ;  et  quand  ce  vint  à  Texé- 
cntion  de  ce  dessein ,  et  que  nous  eûmes  conunencé  à  j  iTar- 
i^aiHer,  nous  trouvâmes  en  elles  une  très-grande  prompti- 
tude et  une  admirable  facilité  à  obéir. 

£ntre  leurs  exercices  de  piété ,  il  y  en  a  trois  qui  leur 


reroffl  nostramm  ecelesiasticamm  stata  miscêremas ,  incidît  inter 
alîa  senno  de  istîs  duabos  congregationibus  molienim ,  qnaram  odor 
suaTÎssîiDiis  est  in  otràque  dicEcesi^  ot  proindè  earom  recta  guber- 
natio  maximi  omnlDÔ  Tideatur  esse  momenti. 

Cùmqae  ille  saggereret  operx  pi?tiam  fore,  ut  imprimis  eas  ad 
fegiilam  aliqaam  religiosam,  ei  iis  qu«  ab  Ecclesiâ  approbats  sont, 
et  ad  clansoram^  ac  vota  solemnia  amplectenda,  iDdaceremns;  ega 
quoqae  in  eam  s^tentiam  facile  descendi,  tom  ob  Tin  singolarem 
in  me  anctoritatem ,  alqae  perspectam  omnîbns  peritiam  et  pieta- 
tem,  tnm  ob  nominis  religiosi  sploidorem,  qoem  magno  omamento 
Mtis,  alioqoîn  pii^mis,  congregationibus  futurum  eiistimabam. 

Ità  ergp  inter  nos  statutum  est  :  atque  ubi  id  aggredi  cœpimns^ 
mîram  in  eis  et  suaTÎsamam  ad  obediradum  animorum  ^omptitu* 
dÉMm  et  facilititem  inrenimus. 

Tdatantùm  habent  in  usa  peculiaria  pietatis  ofi&âa,  qos  sammo» 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  375 

tiennent  fort  au  cœur.  Si  le  Saint-Siège  daigne  les  leur  per- 
mettre ,  il  n'y  aura  rien  de  dur  ni  de  désagréable  dans  ce  chan- 
gement d'état  :  ils  sont  tels  qu'ils  ne  répugnent  nullement, 
à  mon  avis,  à  la  clôture  et  la  à  vie  reliiiieuse  des  femmes; 
et  tous  ceux  qui  savent  comment  on  se  gouverne  en  France, 
jugeront  que  la  piété  en  recevra  un  irrand  accroissement, 
bien  loin  qu'elle  en  reçoive  la  moindre  diminution. 

Le  premier  de  ces  exercices  est  la  récitation  du  petit  oiEce 
de  ?sotre-Dame;  car  elles  ne  sont  pas  obligées  au  grand 
office.  La  raison  de  cela  est  qu'elles  reçoivent  souvent  des 
femmes  âgées  qui  ne  peuvent  apprendre  le  grand  bréviaire 
avec  toutes  ses  rubriques ,  ni  le  réciter  distinctement  avec 
les  pauses  et  les  accents  convenables ,  au  lieu  qu'elles  pra- 
tiquent tout  cela  facilement  en  récitant  le  petit  office.  Cette 
raison  est  sans  doute  digne  de  ccmsidération ,  parce  que , 
parmi  le  grand  nombre  de  monastères  de  femmes  qui  sont 
répandus  par  tout  le  monde  ,  il  n'y  en  a  pas  qui  prononcent 
plus  mal  le  latin  que  les  Françoises.  Il  seroit  donc  impossible 


perè  illis  cordi  sunt  ;  et  quae  si  ab  apostolicà  sede  concedantur,  nihil 
in  hàc  status  mutatioDe  durum  ^  nibil  insuave  futunim  est.  £a  autem 
sunt  ejusmodi,  quae,  quantum  e\istimo,  cum  clausurà,  aut  statu  re- 
ligioso  mulierum,  minime  pugnent;  quaeque  peritis  rerum  nostrarun^ 
Gallicarum  sestimatoribus  non  solùm  non  inmiinuere,  sed  etiam  plu- 
rimùm  promovere  pietatem  Tideantur. 

Prinium  est,  ut  ad  ofûcium  cléricale,  quod  magnum  vocant,noa 
obligentur,  sed  tanlùm  ad  ofticium  parvum  beatissimaB  Yirginis- 
Hujus  autem  barum  desideri»  ratio  est,  quia  in  illis  congregationibus 
plerumquè  recipiuutur  mulieres  jam  adultae,  qu*  ofticium  magnum, 
cum  illius  rubricis,  vix  ac  ne  vii  quidem  addiscere  possent;  deindè 
quia  brève  illud  officium  beat<e  Tirginis,  magnà  vocum ,  accentuuin^ 
pausaruraque  distinctione  célébrant,  quod  nequaquam,  si  longius' 
officium  recitandum  foret,  pnestarepoKent.  Quod  ideô  maximà  con- 
sideratione  dignum  est,  quia  inter  omnes  totius  orbis  mulieres,  nulls 
sunt  quie  inepîiore  latini  sermonis  pronuntiatione  utantur  quàm  Gal- 
licae  ;  quas  proindè  impossibile  esset  accentuum ,  quantitatum ,  et 


376  OPUSCULES 

qu'elles  observassent  les  l'ègles  de  la  prononciation  dans  une 
si  grande  variété  d'olFices,  de  leçons  et  de  psaumes.  En  effet, 
c'est  une  grande  pitié  que  l'ignorance  de  la  prononciation 
latine  dans  la  plupart  des  couvents  de  femmes  :  car  elle  va 
si  loin  que  les  plus  dévots  même  ont  de  la  peine  à  s'empêcher 
de  rire ,  et  que  les  impies  et  les  demi-savants  s'en  moquent 
et  s'en  scandalisent. 

La  seconde  espèce  d'obligation  consiste  à  permettre  aux 
v.'nves  de  demeurer  quelquefois  des  années  entières  avec 
elles,  et  do  faire  les  offices  de  la  congrégation  en  habit  sécu- 
lier, mais  très-modeste.  Au  reste  ,  elles  ne  font  point  cette 
faveur  à  toutes  sortes  de  veuves,  mais  seulement  à  celles  qui, 
désirant  entrer  en  religion,  pondant  qu'elles  songent  se' ieu- 
sement  à  mettre  ordre  à  leurs  affaires  temporelles ,  à  renon- 
cer au  monde ,  à  éviter  la  poursuite  de  ceux  qui  les  vou- 
droient  faire  passer  à  de  secondes  noces ,  tâchent  de  cacher 
avec  prudence  le  trésor  de  leur  chasteté ,  qu'elles  gardent 
dans  des  vases  d'argile,  de  peur  qu'en  les  portant  dans  leurs 
mains  à  la  vue  des  enfants  des  hommes ,  elles  ne  l'exposent 
à  devenir  la  proie  des  voleurs. 


rectse  pronuntiationis  loges,  in  tan  ta  officiorum,  lectionum  et  psal- 
morum  varietate,  observare.  Undè  dolendum  est,  tantam  in  pie- 
risque  monastenis  mulierum  pronuntiationis  imperitiam  audiri,  ut 
etiam  alioquin  cordatis  auditoribus  interdùm  risum,  scioJis  verè  et 
hœresi  infectis  cachinnum  moveant  et  scandalum. 

Secundum  est,  quod  viduas  interdùm  etiam  aii  (uot  aim^s,  in  ha- 
bitu  sœculari,  sed  tamen  modestissimo,  secum  ad  congregationis 
pia  officia  exercenda  habitare  permittant  :  verùm  non  «anè  quidera 
om.nes  viduas,  sed  eas  tantùm  quaî,  cùm  religionem  ingredi  cupiant, 
intérim  dùm  de  nuntio  sœculo  ac  nuptiarum  interpellatoribus  re- 
mittendo  scriô  cogitant,  thesaurum  castitatis,  quem  in  vasis  ficti- 
libus  portant,  abscondere  prudenter  quœrunt ,  ne  in  manibus  illuni 
portantes  ii:  conspectu  filiorum  hominum,  latronum  deprœdaticni 
objiciant. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  377 

Le  fondement  de  cette  pratique  est  que  ,  dans  ces  pays-ci, 
les  hommes  tendent  des  pièges  aux  veuves,  et  même  aux 
plus  dévotes,  avec  une  telle  liberté  et  dissolution,  par  les  ca- 
joleries et  les  amorces  ordinaires  aux  gens  du  monde ,  que , 
bien  qu'elles  soient  résolues  à  demeurer  dans  l'état  d'une 
parfaite  viduité,  à  grande  peine  peuvent-elles  en  exécuter  le 
dessein.  C'est  pour  remédier  à  ces  inconvénients  qu'on  leur 
procure  un  moyen  si  sak taire;  et  comme  elles  observent 
l'obéissance  et  une  exacte  clôture  (  car  à  peine  sortent-elles 
une  ou  deux  fois  l'année  pour  régler  leurs  affaires  domes- 
tiques ) ,  il  n'en  peut  arriver  de  dommage ,  mais ,  au  con- 
traire ,  il  résulte  un  grand  bien  de  cette  conduite.  On  peut 
même  avancer  qu'il  y  a  moins  de  péril  en  cela  qu'en  ce  qui 
se  pratique  dans  un  grand  nombre  des  plus  saints  monas- 
tères,  où  les  sœurs  converses  sortent  et  rentrent,  vont  et 
viennent  pour  les  affaires  de  leurs  maisons.  Il  y  a  aussi 
moins  d'inconvénients  que  de  recevoir  déjeunes  tilles  pouf 
les  instruire,  ce  qui  est  néanmoins  très-commun.  Au  reste, 
il  est  assez  indifférent  à  une  Communauté ,  qu'une  jeune 
enfant  y  soit  admise  pour  y  être  instruite ,  ou  qu'une  veuve 
y  demeure  pour  mettre  à  couvert  sa  chasteté  :  ceux  qui  con- 


Hujus  autem  desiderii  ratio  est,  quia  in  istis  regionibus  tantàli- 
bertate  viri  viduas,  quaravis  piissimas,  colloquiiset  irritamentis  sse- 
cularibiis  infestant^  ut  qate  veram  viduitatem  colère  volunt,  vix  id 
tutô  prœstare  possint;  qiiibus  bac  via  optimè  corisulilur.  Gùmque 
hujusmodi  viduae  obedientiam  et  exactani  propemodùm  clausuram 
observent  (vix  enim  seniel  bisque  quotannis^  ad  domestica  n(>gotia 
componenda  ^  illis  egredi  contingit),  nibil  onininô  dispendii,  plt- 
rimum  vero  compendii  huic  consuetudiu".  ina^sy  existimandutn  est. 
Iir.mo  verô  multo  minus  ea  periculum  habet,  quàni  qua^  in  pleris- 
que  piissimis  monastcriis  viget,  ut  sorores  conversLC ,  negotiorum 
gerendorum  gratià,  egredi  etregredi  possint;  neque  multo  plus  dit- 
Licultalis  quàm  illa,  qua)  tam^n  satis  Irita  est^  ut  puclhc  educationis 
gratia  in  monasteriis  recipiantur.  Quid  enim  interest  nùm  pueila 
«ducationis^  vel  vidua  castiUitis  ^ïiliâ,  in  monasterio  degatVQa.e 


378  OPUSCULES 

noissent  les  mœurs  et  le  génie  des  François,  confesseront 
que  tout  ceci  est  dans  l'exacte  verilë. 

La  troisième  espèce  de  devoirs  se  rapporte  non-seulement 
aux  veuves  qui  ont  un  vrai  dessein  de  renoncer  au  siècle , 
mais  encore  aux  femmes  mariées  ,  qui ,  voulant  mener  une 
nouvelle  vie  en  Jésus-Christ ,  et  faire  des  confessions  géné- 
rales après  quelques  jours  d'exercices  spirituels ,  ont  besoin 
de  se  retirer  pendant  ce  peu  de  temps  dans  un  lieu  éloigné 
des  embarras  des  choses  séculières.  Et ,  certes ,  on  ne  peut 
exprimer  dignement  les  fruits  abondants  que  produit  cette 
sainte  hospitalité  ;  car,  par  ce  moyen  ,  on  pourvoit  non-seu- 
lement au  repos  de  ces  personnes ,  mais  aussi  à  la  honte 
qu'elles  ont  de  se  faire  connoître ,  honte  assez  ordinaire  aux 
personnes  du  sexe  ;  et  on  met  à  couvert  l'honneur  et  la  pu- 
deur. Pour  cet  effet  on  les  envoie  à  une  petite  fenêtre 
munie  d'un  treillis  de  fer,  qui  a  été  pratiquée  tout  exprès 
pour  la  confession  des  Sœurs ,  et  où  ces  étrangères  peuvent 
se  confesser  sans  voir,  n'y  être  vues  de  personne  ;  et  après 
y  avoir  reçu  les  instructions  salutaires  qui  leur  conviennent, 
elles  vont  les  méditer  à  loisir  avec  quelqu'une  des  Sœurs. 


omnia  maxime  vera  existimabit ,  quisquis  harum  regionum  gallica- 
rum  mores  et  ingénia  rectè  perspexerit. 

Tertium  est,  quôd  non  solùm  vidiias  hujusmodi,  quœ  serio  sœ- 
culo  renuntiare  intendant,  sed  interdùm  alias  etiam  conjugalas  ad- 
mittunt,  cas  scilicet,  quœ  cùm  velint  novam  in  Cliristo  vitam  insti- 
tuera, atque  adeo  confessiones ,  quas  vocant  générales,  praniis 
aliquot  exercitiis  spiritualibus,  facere,  opus  habent  in  remotum  ù 
saecularibus  locum  tantisper  iiquot  diebus  secedere.  Et  sanè,  quàm 
uberes  fructus  hœc  sacra  pauuorum  dierum  hospilalitas  aiïerat,  ncmo 
satis  pro  merito  dixerit.  Per  eam  enim  non  quieti  tantùm,  sed  et 
pudori,  verecundioî  ac  honestali  muiierum  consulitur,  dùm  ad  fe- 
ncstellam  craticulis  ferrei?  munitam,  pro  confessionibus  sororum 
audiendis  efl'ormatam  contessarios  acceisunt,  ibique  documenta  sa- 
liitis  audiunt,  quse  posteà  per  quietem  cum  aliquù  ex  sororibusanimo- 
revolvunt. 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  37^ 

Or,  s'il  y  a  quelques  pieux  motifs  pour  lesquels  les  femmes 
puissent  entrer  dans  les  monastères,  tes  deux -ci  doivent 
être  du  nombre  ;  bien  entendu  qu'on  doit  demander  et  obte- 
nir par  écrit  l'approbation  de  l'Ordinaire  ,  ou  de  son  vicaire 
général ,  et  que  cela  ne  peut  avoir  lieu  qu'au  cas  qu'il  n'en 
arrive  aucun  préjudice  à  la  discipline  régulière. 

Que  si  on  peut  tirer  du  passé  une  conje'^ture  pour  le  pré- 
sent et  l'avenir,  il  n'y  a  rien  de  plus  saintement  établi  ni  de 
plus  utile  que  cette  pratique;  car,  comme  jusqu'à  cette  heure 
elle  a  eu  un  très-heureux  succès,  on  doit  espérer  qu'elle 
l'aura  encore  par  la  suite. 

Au  reste,  monseigneur  le  révérendissime  archevêque  de 
Lyon  a  un  très-puissant  intercesseur  auprès  de  sa  Sainteté , 
savoir  l'ambassadeur  du  roi  très-chrétien  ;  les  Sœurs  de  cette 
ville,  qui  on  gagné  l'affection  de  la  sérénissime  duchesse  de 
Mantoue,  sont  soutenues  de  ses  prières,  qui  sont  d'un  grand 
poids  ;  et  moi ,  très-illustre  cardinal ,  je  ne  veux  que  vous 
poTjr  intercesseur,  tant  parce  qu'il  n'y  a  que  vous  du  sacré 
collège  que  j'aie  l'honneur  de  connoître,  que  parce  que  vous 


Porrô  si  aliqua  causa  piasubsit,  propter  quam  mulieres  monialium 
claustra  ingredi  possint  (  sunt  autem  aliquot),  hse  duse  intei  prœci- 
puas  numerand.Te  sunt  ;  quas  tamen  ita  obtinere  œquum  est,  si  ab 
ordinario  ejusve  \icario  generali  scripto  probentur,  et  quamdiù  ex 
hujusmodi  praxi  nihil  detrimenti  disciplinse  regulari  accedet. 

Quôd  si  ex  prseterito  de  prœseiitibus  et  futuris  conjectura  sumenda 
sit,  nihil  omninô  sanctius,  nihil  utiHus;  quin  immô,  quia  res  feli- 
cissimum  hactenùs  habuit  successum ,  in  posterum  eumdem  habi- 
turam  sperandum  est. 

Cseterùm  habet  reverendissimus  dominus  archiepiscopus  Lugdu- 
Tiensis  interressorem  potentissimum,  christianissimi  scilicet  régis 
oratorem.  Hùbent  etiam  sorores  hujus  civitatis  validissimas  [Meces 
serenissimse  ducisssB  Mantuaî  viduœ,  quœ  eas  plurimùm  diligit.  Ego 
verô,  cardinalis  amplissime,  te  unico  intercessore  utor,  tum  quia  te 
solum  ex  augustissimo  illo  apostolico  coUegio  novi,  tum  quia  de 
rébus  istis  nostris  cis-montanis  optimè  judicare  potes,  et  plerisque 


380  OPUSCULES 

êtes  instruit  et  en  état  de  juger  parfaitement  des  affaires  de 
C£s  contrées  qui  sont  en  deçà  des  monts  ,  et  de  faire  sentir 
au  plus  grand  nombre  de  nos  seigneurs  vos  confrères,  qu'on 
doit  traiter  les  affaires  de  la  religion  diversement ,  suivant 
la  diversité  des  mœurs  et  la  différence  des  régions.  De  plus, 
Totre  livre  des  .controverses  me  répond  de  votre  charité 
compatissante  pour  ce  pauvre  diocèse  ,  et  cet  aimable  Benja- 
î3ain  que  vous  venez  de  mettre  au  jour  ne  me  permet. pas  de 
douter  de  votre  bienveillance  envers  les  âmes  dévotes. 

C'est  pourquoi,  m'appuyant  sur  cette  forte  inclination  de 
votre  illustrissime  et  révérendissime  Seigneurie  à  favoriser  les 
pieuses  entreprises,  je  la  supplie  très-humblement,  et  je  la 
conjure  d'employer  toute  sa  prudence  et  toute  son  autorité 
pour  faire  réussir  celle-ci ,  pour  laquelle  je  m'intéresse.  Je 
TOUS  prie  de  m'excuser  et  de  m'aimer  pour  l'amour  de  Jésus- 
Christ ,  très -grand,  très -illustre  et  très -excellent  prélat, 
Totre,  etc. 


îîïud  suggérera,  aliter  hîc,  aliter  ibi  rem  divinam  esse  promovendam, 
jrro  morum  ac  regioimm  varietate;  tum  quia  de  tuâ  erga  hanc  diœ- 
«esim  miserabilem  commiseratione;  libri  tui  Controversiarum ,  de 
tuâ  \erô  erg(à  pias  animas  benevolentià  novissimus  ille  et  amabilis 
nimis  tuus  Benjamin,  dubitore  non  sinunt. 

Quare  de  eximiâ  illâ  illustrissimœ  dominationis  vestrse  in  bonos 
tonorumque  conatus  confisus,  eam  enixè  rogo  et  obtestor^  ut  pro 
suâ  prudenliâ,  negotium,  sua,  qua  pollet,  auctoritate  proiEOveat  et 
conficiàt.  Vale,  clarissime,  amplissime  et  illustrissime  praesulj  et 
me  Jesu  Christi  amore  excusatum  et  amatum  velis,  rogo  supplex  et 
©blestor. 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  381 


a. 
LETTRE  * 

A  s.   A.  VICTiQSl   AMÉDÉE,    PRLNCE   DU   PIÉMONT, 

Sur  l'introduction  des  Pères  de  l'Oratoire  dans  la  sainte  maison  de  N.-D-«îe 
Compassion  pour  eu  empêcher  la  décadence ,  et  sur  leur  établissement  à. 
Rumilly. 

Annecy,  31  août  1616. 

Monseigneur, 

Puis  que  M.  le  président  de  Lescheraine  aura  l'honneur 
de  vous  faire  la  révérence  et  qu'il  fut  l'autre  jour  à  Tonom 
pour  voir  de  la  part  de  S.  A.  Testât  de  la  sainte  maysoii<ie 
N.-D.  de  Compassion  ,  je  m'asseure  que  V.  A.  désirera  de 
sçavoir  toutes  les  particularités  des  defautz  qu'il  y  aura  re- 
marquez. Et  je  ne  doute  point  qu'il  ne  représente  à  V.  A. 
qu'entre  tous  les  remèdes  par  lesquelz  on  peut  le  mieux  em- 
pescher  la  décadence  de  ce  lieu  de  pieté ,  l'introduction  des 
PP.  de  l'Oratoire  seroit  le  plus  propre,  ainsy  qu'estant  à  To- 
non  ensemblement,  nous  l'avions  jugé  ;  dont  j'ay  desja  donné 
advis  à  V.  A.  S.,  laquelle  je  supplie  très  humblement  de 
protéger  tousjours  cette  sainte  mayson,  comme  un  œuvre  de 
grande  qualité  pour  la  gloire  de  Dieu,  et  le  lustre  du  nom 
de  la  serenissime  mayson  de  S.A.  de  la  main  de  laquelle 
est  sortie  cette  pièce  de  dévotion,  afin  qu'elle  ne  périsse  pas, 
ou  du  moins  qu'elle  ne  perde  pas ,  faute  de  bon  ordre ,  la 
grande  réputation  sous  laquelle  elP  a  esté  fondée  contre  Ph©- 
resie  et  pour  l'accroissement  de  la  sainte  religion  catholique. 
Je  supplie  encor  V.  A.  S.  de  se  ressouvenir  de  l'establisse- 

■  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  isap 
inidite  de  la  collection  Biaise. 


382  OPUSCULES 

mont  des  prestres  de  TOratoire  en  l'église  de  Rumilly ,  en 

l'occasion  qui  se  présente  maintenant ,  que  le  sieur  de  Sau- 

naz ,  sujet  de  S.  A.,  un  jeune  gentilhomme  des  plus  savans 

îheologiens  de  son  aage ,  y  désire  contribuei  sa  personne 

desja  vouée  à  cette  congrégation  et  son  prieuré  de  Chindrieu, 

et  que  le  curé  de  Rumilly  descrepité  et  extrêmement  malade 

est  jugé  à  mort  par  les  médecins  qui  asseurent  que  dans  bien 

peu  de  jours  il  décédera;  je  supplie  encor  Y.  A.  dejetter  les 

yeux  de  sa  bonté  et  de  son  zèle  sur  les  monastères  des  moines 

de  Cisteaux  de  Saint-Benoist  et  de  Saint- Augustin,  de  deçà 

les  Montz ,  où  la  Règle  n'est  point  observée ,  et  où  elle  ne 

peut  estre  restablie  ,  ni  mesme  es  Religions  des  filles  où  elle 

s3st  si  nécessaire ,  sans  l'exécution  des  projets  que  V.  A.  fit 

ici  en  cette  ville  dont  je  luy  envoyay  le  Mémoire  l'année 

passée  :  et  faysant,  en  toute  humilité  ,  la  révérence  à  V.  A., 

je  demeure , 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
serviteur  et  orateur, 

François,  Ey.  de  Genève. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  383 


'  »/vy\y\yw«»' 


Cil. 

LETTRE* 

A  S.   A.  CHARLES  E3LMANUEL  I*"",   DUC   DE   SAVOIE. 

5aint  François  supplie  S.A.  de  s'informer  du  président  de  Le?cheraine  des  abui 
qui  se  sont  introduits  dans  la  sainte  maison  de  Thonon. 

Anneci,  31  août  1616. 

Monseigneur, 

Entre  toutes  les  œuvres  de  pieté  par  lesquelles  V.  A.  a  si- 
gnalé sa  dévotion  envers  la  très  sainte  Vierge ,  mère  de 
nostre  Sauveur,  il  n'y  en  a  peut-estre  point  de  plus  illustre 
que  celle  de  la  fondation  de  la  sainte  mayson  de  Thonon, 
Mais  pour  l'affermir,  il  faut  remédier  à  quelques  defautz  qui 
y  sont ,  et  parce  que  monsieur  le  président  de  Lescheraine 
qui  vint  sur  le  lieu  aux  f estes  de  Pentecoste  de  la  part  de 
V.  A.,  en  sçait  toutes  les  particularités,  je  la  supplie  très 
humblement  de  l'ouïr  ou  faire  ouïr  sur  cela ,  et  de  seconder 
de  sa  protection  une  si  digne  fondation ,  qui  suis  invaria- 
blement , 

Monseigneur, 

Vostre  ti.^  humble ,  très  obeyssant  et  très  tidele 
orateur  et  serviteur, 

François,  Ev.  de  Genève - 

î  l'autographe  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  193« 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


384  OPUSCULES 


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cm. 
LETTRE  * 

AM0N5IEURLEC0MTEVIE0. 

Saint  François  l'entreti'^nt  d'une  affaire  qui  a  été  portée  en  cour  de  Rome,  et 
pour  laquelle  il  demanue  la  protection  de  S.  A.^  et  Tassistance  de  M.  Boschi. 

1"  octobre  1G16. 

Monsieur, 

Yous  sçaurés  par  ce  porteur  que  toute  TafFaire  ici  avance  : 
il  nous  faut  changer  de  méthode  et  recourir  à  Rome  ,  où  il 
va  luy  mesme  en  qualité  de  député  du  Collège.  Or  il  y  aura 
besoin  donc  peut-estre  de  la  faveur  de  S.  A.  à  laquelle  aussi 
je  la  demande  très  humblement  par  une  lettre  ,  et  croy  cpie 
selon  sa  bonté  ,  et  la  Providence  par  laquelle  elle  veut  et 
peut,  elle  Taccordera  très  volontiers.  Reste  que  monsieur 
Boschi  nous  gratifie  aussi  de  son  assistance,  laquelle  je  re- 
quiers par  vostre  entremise  ,  le  saluant  humblement  de  tout 
mon  cœur  ;  car  quant  à  vous  ,  Monsieur,  je  ne  veux  pas  en 
cett'  occasion  employer  mes  prières  pour  impetrer  vostre 
courtoysie  ,  sçachant  que  Tamour  du  bien  de  la  patrie  vous 
donnera  assez  d'affection.  Mais  je  vous  supplie  de  continuer 
envers  moy  vostre  bienveuillance,  qui  suys 

Yostre  humble,  très  affectionné  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

*  Copiée  sur  2'autographe  par  M.  Pierre  Joseph  Gervetti,  juge  au  tribunal 
de  préfecture,  séant  à  Acqui.  C'est  la  lOS*  inédite  de  la  collection  Biaise. 


PE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  385 


\AA/\^^' 


'  w^yv/v^v/v/v" 


.CIV. 

LETTRE* 

A   S.    A.    CHARLES   EMMANUEL   I*',    DUC   DE   SAVOIE, 
Sur  la  résignation  du  clergé  aux  ordres  de  S.  A. 

21  octobre  1616. 
Monseigneur, 

Ce  Clergé  s'est  accommodé  avec  toute  sorte  d'humilité  et 
de  respect  à  ce  qu'il  a  pieu  à  V.  A.  de  me  commander,  mar-  ' 
ris  que  nous  sommes  tous  de  ne  pouvoir  assez  dignement 
tesmoigner  l'infinie  affection  que  nous  avons  à  son  service. 
Dieu  néanmoins  la  sçait ,  et  la  voit  es  continuelz  souhaitz 
que  nous  faysons,  affin  qu'il  luy  playse  de  combler  Y.  A. 
de  prospérité ,  et  sur  tout ,  que  sa  dilection  règne  à  jamais 
au  milieu  de  vostre  cœur, 

Monseigneur, 

C'est  le  souverain  bonheur  que  peut  demander  pour  V.  A, 

Son  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle  ora- 
teur et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

«  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Gouï  4«  Twi».  C'est  la  199» 
médite  de  la  coUectioxi  Biaise. 


VI.  25 


386  OPUSCULES 


A/\/vr\/\/V . 


LiîTTRË' 

A  S.  A.  CHARLES  EMMANUEL  1*',  DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  intercède  en  faveur  des  Religieux  de  Talloyres,  pour  que  le  blé 
du  prieuré  ne  soit  pas  entièrement  employé  pour  le  service  de  l'armée. 

Anneci,  26  octobre  1616. 

Monseigneur, 

Les  Religieux  de  Talloyres  sçachàrit  que  le  fermier  de  letiï 
prieur  commendataire  a  promis  de  fournir  trois  eeilts  couppes 
de  froment  pour  l'armée  ,  et  qu'il  prétend  à  cet  effect  em- 
ployer le  bled  de  sa  ferme ,  ils  supplient  très  humblement 
Y.  A.  qu'il  luy  plaise  de  commander  qu'avant  toute  chose 
les  prébendes  destinées  à  la  nourriture  des  ReligieUî^  siôroïèt 
réservées,  affin  que  le  divin  service  soit  cdritinné';  altendti 
que  ledit  fermier  n'a  peu  promettre  ce  qui  estant  Religieux, 
et  moy  j'intercède  pour  eiiX;,  estimant  que  V.  A.  l'aura  ag- 
greable ,  commo , 

Monseigneur, 

De  son  tre&  humble ,  très  obeyssant  et  très  lidele 
serviteur  et  orateur, 

François  ,  Ev,  de  Goneve. 

*  L'original  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  197«  inédile 
de  U  collection  Biaise. 


DE  S.    FRANÇOIS  »E   SALES.  387 


CVI. 

LETTRF* 

A  s.  A.  CHARLES  EJVDLàNUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  supplie  S.  A.  d'appuyer  ae  son  autarité  le  collège  d'Anneqf 
fondé  à  Avignon,  dans  les  démarches  qu'il  fait  auprès  de  la  cour  de  Rome. 

lAnnetâ ,  29  octdbre  4616. 
Monseigneur, 

Le  Collège  d'Anneei  fondé  en  Avignon  recourt  par  un 
sien  député,  natif  de  Chamberi,  à  nostre  saint  Père  le  Pape 
alin  d'obtenir  de  S.  S.  quelque  digne  remède  contre  les  de- 
sordres qui  y  sont  survenus  au  préjudice  des  sujets  de  V.  A. 
qui  est  le  mesme  sujet  pour  lequel  elle  avoit  escrit  ces  jours 
passés  au  vice-legat  du  comtat  d'Avignon.  Qui  me  fait  la 
supplier  très  îiumblement  d'employer  pour  ce  bon  œuvre  la 
mesme  faveur  à  Rome  qu'elle  avoit  accordé  pour  Avignon , 
et  tandis ,  je  prie  Dieu  qu'il  comble  V.  A.  de  toute  sainte 
prospérité,  et  luy  faysant  la  deue  révérence ,  je  demeure , 

Monseigneur, 

Son  très  humble ,  très  obejssajit  et  Ires  fidèle 
serviteur  et  orateur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

•  l.'aiïtograpte  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  Cesl 
lift  il9*8«  inédite  de  h  collection  Biaise. 


38S  OPUSCULES 


v\AiAy^Wj^ 


cvn. 
LETTRE  ^ 


.ïvu. 


A  MONSIEUR   BOSCHI ,    CONSEILLER  D  ETAT   ET   SECRETAIRE 
DES  COMMANDEMENS  DE   S.   A. 

Saint  François  implore  son  assistance  pour  obtenir  en  faveur  du  couvent  de 
Saint-Clair  le  payement  de  300  ducatons  assignés  par  S.  A. 

Anneci,  18  novembre  1616. 

Monsieur, 

Il  pleut  à  S.  A;  de  me  commettre  pour  voir  Testât  des 
bastimens  de  saint  Clair  de  cette  ville,  et  sur  le  rapport  que 
je  luy  fis  de  la  ruyne  dont  ils  estoient  menacés ,  sa  bonté 
s'estendit  à  leur  vouloir  donner  trois  cents  ducatons  pour 
îa  réparation  nécessaire,  et  pour  l'assignation  de  celte  somme 
là ,  M.  de  Monthou  me  dit  avant-hier  que  S.  A.  avoit  ac- 
cordé le  rappel  des  galères  en  faveur  d'un  certain  notaire 
ou  chastelain  que  je  pense  estre  de  quartier  d'Aiguebelle  ;  à 
la  charge  qu'il  donneroit  les  trois  cents  ducatons  dont  il  est 
question  pour  cet  œuvre  pie ,  et  qu'il  serviroit  deux  ans  aux 
bastimens  de  la  sainte  maison  de  Thonon.  C'est  pourquoy 
ce  bon  Père ,  confesseur  des  Dames  de  saint  Clair,  va  pour 
voir  s'il  pourra  tirer  Fasseurance  de  ladite  somme ,  en  quoy 
je  vous  supplie  tres-humblement  de  l'assister,  comme  aussi 
de  luy  faire  del^/rer  le  mandat  de  trente  vaisseaux  que  ladite 
A.  a  octroyés  pour  le  couvent  de  saint  François.  Je  sça7 
^ue  vostre  pieté  vous  portera  assez  à  tous  ces  bons  offices . 
sans  que  j 'employé  mon  intercession,  mais  puis  que  elle 

*  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  199» 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


à 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  389 

m'est  demandée  ,  je  ne  la  puis  refuser,  mesme  sachant  que 
vous  me  faites  l'honneur  de  m'aymer,  lequel  je  vous  con- 
jure de  me  continuer,  ainsy  que  je  veux  estre  à  jamais, 

Monsieur, 

Vostre  humhle  et  très  affectionné 
serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève* 


300  OPUSCULES 

CVIII. 

LETTRE  * 

A  S.  A.   CHARLES  EMMANUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE. 

Sur  les  remercîments  que  les  PP.  Barnabites  irendent  à  S.  A.  pour  leur 

établissement  dans  le  Chablais. 

Anneci,  19  novembre  1616. 

Monseigneur, 

Ces  Pères  vont  pour  rendre  grâces  à  V.  A.  du  soin  qu'elle 
a  de  bien  establir  leur  congrégation  en  ce  pais.  Et  parce  que 
je  vois  combien  Dieu  en  sera  glorifié ,  et  le  peuple  édifié , 
j'en  remercie  très  humblement  derechef  Y.  A.  avec  eux , 
la  suppliant  de  continuer  en  ce  très  saint  zèle,  comme  je  no 
cesseray  jamais  de  luy  souhaiter  la  perfection  des  grâces  ce- 
lestes,  non  plus  que  d'estre , 

Monseigneur , 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur  de  V.  A., 

François,  Evesque  de  Genève 

I  L'autographe  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  201» 
infidite  de  la  collection  Biaise. 


DE  S.   FRAJfÇOIS  DE  SALES.  391 


CIX. 

RÉPONSE* 

jr      DU  CARDINAL  BELLARMIN  A  S.  FRANÇOIS  DE  SALES. 


i-'>*i 


Réponse  à  la  lettre  du  10  juillet  1616.  Le  cardinal  fait  connoître  à  notre  S^aihr 
que  sa  demande  a  des  dilïicultés;  il  ajoute  cependant  qu'il  s'y  intéressera 
de  tont  son  pouvoir. 

Rome,  â9  décembre  1616. 

Quoique  peut-être  peu  de  personnes  dans  Rome  connois- 
sent  votre  Seigneurie  révérendissime,  je  ne  laisse  pas  d'avoir 
depuis  long-temps  connoissance  de  la  grandeur  et  de  la 
multitude  de  vos  vertus  ;  et  je  ne  suis  pas  seul ,  car  le  Saint- 
Père  (Paul  V)  est  instruit  de  voire  vigilance  pastorale,  et 
de  la  charité  avec  laquelle  vous  gouvernez  votre  troupeau. . 

Pour  venir  aux  vierges  et  aux  veuves  que  votre  Seigneurie 
me  recommande ,  je  vous  avoue  que  je  suis  fort  en  peine, 
parce  qu'il  n'y  a  personne  ici,  que  je  sache ,  qui  s'intéresse 
dans  cette  négociation.  Outre  cela,  il  est  certain  qu'on  ne 

1  C^est  la  14*  lettre  du  1er  livre  des  lettres  de  S.  François  de  Sales  dans  les 
anciennes  é«l.itions,  et  la  384^  de  la  collection  Biaise, 


Qttid  super  re  sibi  propositâ  sentiat ,  rem  intérim  totam  se  pro  virlbus  . 

curaturum. 

Etsi  fortassè  non  multis  in  Urbe  reverendissima  amplitude  vestra - 
nota  sit ,  mihi  tamen  à  multis  annis  virtules  vestrae  multse  et  magna& 
notissimae  sunt  :  neque  mihi  tantùm,  sed  etiam  sanctissimo  Patri 
nostro  nota  est  vigilantia  pastoral is  et  charitas  in  gregem  proprium. 
TeverendissimaB  Dominationis  vestrae. 

Sed  quod  attinet  ad  negolium  virginum  et  viduarum ,  quod  mihÎL^ 
amplitude  vestra  commendat^  non  scio  prorsùs  quid  agam;  turo  ^ 
quia  nemo  hic  est^  quod  sciam^  qui  causam  sollicitet;  tùm  quia  cer< 


392  OPUSCULES 

pourra  jamais  obtenir  du  Saint-Siège  l'établissement  des  con- 
grégations en  titre  de  religion  aux  clauses  et  conditions  énon- 
cées dans  votre  lettre.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  suis  prêt  à 
3ntrer  de  tout  mon  pouvoir  dans  les  vues  de  votre  révéren- 
lissime  Seigneurie,  pourvu  que  quelqu'un  vienne  ici  sol- 
liciter cette  affaire  ;  car  jusqu'à  présent  je  n'ai  vu  personne^ 
et  je  ne  sais  même  à  qui  confier  la  lettre  que  j'écris. 

Je  veux  cependant  vous  donner  un  conseil ,  que  je  pren» 
drois  pour  moi-même  ■.  ]  j'étois  dans  le  cas  où  vous  êtes  :  je  lais- 
serois  ces  filles  et  ces  veuves  dans  l'état  où  elles  sont,  et  je 
ne  changerois  point  ce  qui  est  bien  fait.  Avant  Boniface  VIK 
il  y  avoit  des  Religieuses  tant  en  Orient  qu'en  Occident.  Nous 
en  avons  pour  garants  les  saints  Pères;  à  savoir,  parmi  les 
Latins,  S.  Cyprien,  S.  Ambroise,  S.  Jérôme,  et  S.  Augus- 
tin; entre  les  Grecs,  S.  Athanase,  S.  Chrysostorae,  S.  Bazile 
et  plusieurs  autres.  Or,  ces  Religieuses  n'étoient  point  telle- 
ment enfermées  dans  leurs  monastères,  qu'elles  ne  sortis- 
sent dehors  quand  il  étoit  nécessaire.  Et  votre  révéren- 
dissime  Seigneurie  n'ignore  point  que  les  vœux  simples 
n'obligent  pas  moins  et  ne  sont  pas  de  moindre  mérite  devant 


tum  est  cum  illis  tribus  conditionibus  obtineri  non  posse  ab  Aposto- 
licâ  Sede,  ut  confirmetur  vera  monastica  professio.  Ego  quidem  pa- 
ratus  sum  pro  viribus  adjuvare  propositum  reverendissimœ  domina- 
tionis  vestrae^  si  quis  sit  qui  ad  me  veniat^  et  negotium  urgeat.  Hac- 
tenus  enim  neminem  vidi,  nec  satis  soie  oui  litteras  tradam  qaas 
nune  scribo. 

Sed  tamen  intérim  consilium  dabo,  quod  mihi  ipse  acciperem,  si 
res  mea  ageretur.  Ego  igitur  retinerem  virgines  et  viduas  istasin  statu 
in  quo  suiit,  nec  mutarem  quod  benè  se  habet.  Nam  ante  tempora 
^onifacii  VIIÏ,  erant  in  Ecclesiâ  sanctimoniales,  tum  ni  Oriente, 
tnm  in  Occidente,  quarum  sîrpè  mentionem  fariunt  sancti  Patres; 
ex  Latinis,  Cyprianus,  Ambrosius,  Hieronymu,s  Augustinus;  et  ex 
Graîcis,  Athanasius,  Basilius,  Chrysostomus,  et  ulii.  Sed  iîlœ  non 
erant  ità  clausae  in  monasteriis,  ut  non  exireut  quandô  opus  erat, 
^ec  ignorât  amplitude  Testra.  conm  T>oo  vota  iàimplicia  uoa  minus 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  393 

Dieu  que  les  vœux  solennels,  puisque  la  solennité,  aussi 
bien  que  la  clôture,  a  commencé  depuis  le  décret  ecclésiasti- 
que du  même  pape. 

Aujourd'hui  même  le  monastère  des  nobles  Daines  ,  insti- 
tué par  Ste.  Françoise  Romaine,  qui  fleurit  merveilleusement 
dans  Rome,  nous  fournit  un  exemple  de  cet  ancien  usage: 
car  ces  Religieuses  n'ont  ni  clôture  ni  profession  solennelle. 

C'est  pourquoi ,  si  dans  votre  pays  les  filles  et  les  veuves 
vivent  aussi  saintement,  et  peuvent  être  aussi  utiles  aux  per- 
sonnes dn  siècle  par  leur  charité  et  leurs  bonc;  exemples, 
•ans  être  enfermées  ou  cloîtrées,  je  ne  vois  pas  pourquoi 
cette  façon  de  vivre  doit  être  changée.  Toutefois,  si  quel- 
qu'un a  un  meilleur  avis  à  vous  donner,  j'y  soumets  volon- 
tiers le  mien. 

En  écrivant  cette  lettre ,  j'en  ai  reçu  de  votre  part  qui  re- 
gardent l'atFaire  d'Avignon  ;  je  m'y  emploierai  de  tout  mon 
pouvoir.  Je  désire  que  Dieu  conserve  votre  Seigneurie  révé- 
rend issime  ,  et  je  la  prie  de  se  souvenir  de  moi  dans  ses  saintes 
prières,  étant,  Monseigneur,  votre,  etc. 


obligare,nec  minoris  meriti  esse,  quàm  solemnia;  solemnitas  enim, 
ut  etiam  clausura,  inchoata  est  ecclesiaslico  instituto  ab  eodem 
Bonifacio  VHI. 

Et  II  une  etiam  Roniae  floret  valdè  monasterium  nobilium  femina- 
rum  à  sanctâ  Franciscâ  Romanâ  institutum;  in  quo  tamen,  neque 
clausiira  est,  iiec  solemnis  illa  professio. 

Proindè  si  in  istâ  rcgione  sine  clausuiâ  etsine  professione  virgi- 
nes  et  viduœ  tam  sanctè  \ivunt,  ut  audio,  et  simul  prodesse  pos- 
sunt  Stccularibiis,  non  video  cur  ista  ratio  vivcndi  mutari  debeaU 
iloc  tamen  consilium  meum  meliuri  jiidicio  libentcr  submilfo. 

Accepi ,  dùm  hanc  epistolam  scriberem  ,  alias  lilteras  veverendis- 
fimic  dominationis  vestras  pro  negotio  Avenionensi ,  pio  quo  labo- 
«aho  quantum  polero.  His  benè  valeat  reverendissima  dominatio 
vestra,  meî  memor  in  sanctis  precibus  suis.  Admodum  illustrissimsE 
et  reverendissimse  dominationis  v^'strae  adJ?ctissimus,  atque  ad  obe» 
diendum  promptissimuS' 


394  OPUSCULES 


\ù2m.»v 

lettre' 

A  S.  A.   CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

n  recommande  la  ville  d'Annecy  pour  la  continuation  de  ses  privilèges. 

Annessi ,  le  18  janvier  161T. 
Monseigneur, 

Je  joins  ma  très  humble  supplication  à  celle  que  cette- 
ville  d' Annessi  fait  à  V.  A.  pour  la  continuation  des  privilèges 
dont  eir  a  cy  devant  jouy  :  attestant  que  si  la  fidélité  et 
ardente  affection  des  sujetz  doit  attirer  les  faveurs  du  Prince, 
cette  Communauté ,  Monseigneur ,  sera  donc  en  singulière 
recommandation  auprès  de  Y.  A.,  pour  la  prospérité  de  la 
quelle  je  prie  continuellement  la  Divine  Majesté  comme  je 

dois,  estant, 

Monseigneur , 

Vostre  très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidèle- 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

»  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  'ïOG»- 
inédite  de  la  collection  Biaise, 


DE  S.    FRANCOiS  IXE   SALES.  39S 


CXI. 

LETTRE  * 


A  s.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  supplie  S.  A.  de  lui  accor^t^r  l'autorisation  de  prêcher  de 

nouveau  le  carême  à  Grenoble. 


Annessy,  18  février  1617. 

Monseigneur, 

Comme  l'année  passée,  sur  la  demande  que  le  Parlement 
de  cette  ville  me  fit  de  mes  prédications,  je  pris  la  resolu- 
lution  et  response  dans  le  commandement  de  Y.  A.  :  de 
mesme  maintenant  estant  de  rechef  prié  par  ceste  mesme 
Cour  de  revenir  encor  prescher  le  Câresme  suivant,  je  n'ay 
voulu  rien  dire ,  en  attendant  que  V.  A.  me  fasse  pour  cela 
le  commandement  qu'il  luy  plaira;  estant ,  comme  je  doy , 

Monseigneur, 

Son  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur , 

François  ,  Evesque  de  Genève, 

*  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  207» 
Inédite  de  la  collection  Biaise. 


33Cp 


OPUSCULES 


CXII. 


LETTRE* 

A  s.   A.   VICTOR  AMÉDÉE,   PRINCE   DU   PIÉMONT, 

ftop  un  prêtre  qui  suivoit  habituellement  l'armée ,  quoique  doyen  de  Sa- 
lanche ,  et  qui  continuoit  à  en  percevoir  les  revenus  comme  s'il  y  eût  fait 
sa  résidence. 

5  mars  1617. 

Monseigneur, 

Il  y  a  longtems  que  le  doyen  de  Choisy,  Prestre,  fait  pro- 
fession de  conduire  des  soldatz ,  et  suivre  l'armée ,  voulant 
néanmoins  tirer  les  fruitz  de  son  decanat  sur  le  Chapitre  et 
Eglise  de  Salanclie,  comme  s'il  faysoit  la  résidence  à  laquelle 
il  est  obligé.  Et  parce  qu'il  sçait  que  ledit  Chapitre  ne  peut 
en  conscience  les  luy  distribuer  ni  moy  permettre  qu'il  en 
jouisse  de  la  sorte,  il  obtient  de  tems  en  tems  des  lettres,  par 
lesquelles  son  A.  Ser.  commande  audit  Chapitre  de  délivrer 
}es  ditz  fruitz.  Mais  je  suis  asseuré ,  Monseigneur,  que  si  S. 
A.  sçavoit  la  qualité  de  l'homme  ,  elle  le  renvoyeroit  à  son 
devoir,  et  ne  voudroit  pas  que  l'ordre  Ecclésiastique  fnst 
Tiolé  à  son  occasion ,  puis  que  mesme  il  n'a  rien  de  si  recom- 
mandable  en  la  profession  militaire,  que  S.  A.  en  puisse  at- 
tendre aucun  notable  oervice.  Et  d'autant  que  j'en  parlay  à 
Y.  A.  lors  que  nous  avions  le  bonheur  de  sa  présence  de  deçà, 
et  qu'elle  tesmoigna  de  treuver  mes  remontrances  dignes 
d'estre  protégées,  je  la  supplie  très  humblement  de  me  com- 
mander ce  que  j'auray  à  respondre,  avec  ce  Chapitre  là,  aux 
lettres  réitérées  de  S.  Altesse  que  ce  mauvais  prestre  obtient, 

■  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  20^ 
ÎBédite  de  la  collection  BUse. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES.  39? 

et  par  les  quelles  il  presse  plus  ce  Chapitre  qu'il  ne  sçauroit 
faire  par  aucune  autre  voye.  La  seule  ombre  de  la  volonté  de 
sa  dite ,  nous  estant  en  extrême  révérence,  je  prie  Dieu  quH 
]a  conserve  et  la  vosire, 

Monseif^ueur, 

De  laquelle  je  suis, 

Très  humble  et  très  obeyssant  et  très  fidâe 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 


,3§8  OPUSCULES 

cxin. 
LETTRE* 

AS,   A.  CHARLES   EMIMANUEL   I*',   DUC  DE   SAVOIE. 

Sur  un  agent  de  la  sainte  maison  de  Thonon. 

Grenoble ,  5  mars  1617. 

Monseigneur, 

Les  affaires  de  la  sainte  mayson  de  Thonon  appellant  le 
sieur  Gilette ,  je  supplie  très  humblement  V.  A.  de  proté- 
ger et  favoriser  sa  poursuite;  qui  ne  peut  aussi  reuscir sinon 
par  cet  appuy,  auquel  nous  recourons  d'autant  plus  asseuré- 
ment ,  que  Y.  A.  nous  Fa  aussi  commandé  Thors  que  nous 
avions  le  bonheur  de  sa  présence.  Dieu  par  sa  bonté  vueille 
combler  Y.  A.  de  ses  bénédictions ,  souhait  continuel , 

Monseigneur, 

De  vostre  très  humble ,  très  obeyssant  et  très 
fidèle  orateur  et  serviteur , 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

*  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  Cest 
la  2iO<  inédite  de  la  collection  Biaise. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  399 


axiv. 
LETTRE* 

kVX  PÈRES  BARNABITES  DU  CHAPITRE  GÉNÉRAL  CONVOQUÉ  A  MILAN, 

Sur  l'ampliation  des  collèges  des  PP.  Barnabites  dans  la  Savoie. 

Très^Révérends  Pères  en  J.  C, 

Nous  avons  plusieurs  fois  entretenu  les  révérends  Pères 
de  votre  Congrégation  attachés  à  ces  collèges  d'Annecy  et  de 
Thonon ,  de  la  iraniere  de  multiplier  les  œuvres  de  cette 
Congrégation  dans  ce  pays  au-delà  des  Monts,  et  enfin  noi.s 
ne  trouvons  pas  de  voie  meilleure  que  celle  qui  est  indiques 
daiis  le  Ménwjrial  ci-joint.  Il  est  conforme  à  celui  que  j'ai 
remis  au  sérénissime  Prince  de  Piémont,  pour  augmeriter 
les  revenus,  et  avoir  à  Rumilly  quelques  bénéfices  pour 
le  Noviciat,  Son  Altesse  m'a  promis  toutes  sortes  d'assistsiuces 
de  son  côté.  Actuellement  il  convient  que  vos  Paternités 

1  Tirée  de  la  copie  authentique  conservée  dans  le  couvent  des  Barnabites 
à  Milan.  C'est  la  212«  inédite  de  la  collection  Biaise. 


In  Annessi,  6  april  1617. 

Mollo  reverendi  Padri  in  Christo  Off., 

TIabbiamo  spesst  voile ,  li  reverendi  padri  del  congregazione  vostra 
di  questi  collegii  di  Annessi  et  Thonone  trattato  insieme  e  di  concerto 
del  modo,  col  quale  si  potrebbe  amplificare  delta  Congregazione  in 
questi  paesi  di  qiia  dei  monti,  e  in  somma  non  troviamo  strada  me- 
gliore  di  quella  cbe  si  rappresenla  nel  Memoriale  qui  alligato,  con- 
forme al  quale  traitai  col  serenissimo  signer  Principe  di  Piemonle , 
acciô  si  potessero  anche  amplificare  V  entrate,  e  havere  in  Rumigli 
alcuni  beneficii  per  il  Novicialo.  E  S.  A.  mi  promise  ogni  sorte  di 
assistcnza  dal  canto  suc.  Hora  resta  chè  le  paternité  loro  abbracino 


400  OPUSCULES 

agréent  nos  propositions  avec  amour,  et  les  fassent  réussir 
en  ce  qui  les  concerne,  comme  moi  je  m'emploierai  de  touf 
cœur  là  oii  je  verrai  que  mon  concours  pourra  être  utile.  Yos 
Paternités  jugero»:«  facilement  que  la  propagation  de  leur 
Ordre  fera  obtenir  de  bons  progrès  à  la  gloire  de  Dieu ,  dans 
ces  pays.  Cette  propagation  ne  peut  se  faire  qu'avec  le  temps 
et  les  méthodes  convenables  selon  le  bon  plaisir  de  la  divine 
Providence.  Je  la  supplie  ,  moi ,  de  conserver,  d'accroître  ei 
de  perfect  onner  dans  sa  grâce  leurs  Paternités  et  leur  très- 
devote  Congrégation ,  aux  oraisons  et  aux  sacrifices  de  la 
quelle  je  me  recommande,  demeurant  de  tout  cœur, 

De  vos  Paternités  révérendissimes , 

L'humble  et  affectionné  frère  et  serviteur, 

François  ,  Evêque  de  Genève. 


le  proposizioni  nostre  con  amorevolezza  et  le  facciano  riuscir  dal 
canto  loro^  corne  io  dal  canto  mio  m^'adoprarô  con  tutto  il  cuore  dove 
vederô  V  opra  mia  poter  esser  utile.  Le  YV.  Paternità  giudicaranno 
facilmente  chè  la  dilatatione  de  la  religione  sua  sia  per  far  buonis- 
simo  progresse  a  gloria  d' Iddio  in  queste  regioni ,  e  chè  questa  di- 
latatione non  si  puô  fare  se  noj  €o\  tempo  et  methodo  conveniente 
secondo  il  beneplacito  délia  Providenza  divina.  La  quale  io  suppiico 
chè  conservi,  accresca  et  perfettioni  nella  sua  grazia  le  RR.  loro  t 
la  loro  devûtissima  Congregazione,  aile  orationi  et  sacrillcii  délia 
quale  humilissimainenle  rai  raccomando^  restando  ^on  tutto  il 
cuore;, 

Délie  paternità  vostre  molto  révérende, 

fiumile  et  affezionatissimo  corne  fratello  et  servitore ^ 
Fbancesco  .  Vescovo  di  Ginevra. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  401 


cxv. 
LETTRE* 

A   S.    A,   VICTOP    AMÉDÉE,    PRINCE   DU   PIÉMONT. 

Saint  François  recommande  à  S.  A.  la  ville  d'Annecy  pour  la  confirmation 

de  ses  privilèges. 

Annecy,  26  mai  1617. 
Monseigneur , 

Cette  petite  ville  d'Annessi  recourant  à  V.  A.  pour  la  con- 
firmation de  ses  privilèges ,  a  toute  son  espérance  en  vostre 
bonté.  C'est  pourquoy  elle  Fimplore  de  toutes  ses  forces  ;  et 
moy ,  Monseigneur,  j'accompaigne  d'autant  plus  hardiment 
sa  supplication,  que  V.  A.  me  tesmoigna  lorsqu'elle  estoit  de 
deçà,  qu'elle  nous  favoriseroit  tous  en  cett'occasion  ;  et  je  le 
croy,  Monseigneur,  puisque  votre  debonnaireté  se  plaist  aux 
bienfaitz ,  et  particulièrement  envers  les  peuples  fidelles , 
obeyssans  et  affectionnés  à  la  couronne  de  S.  A.,  tel  que  je 
puis  attester  estre  celuy-cy ,  qui  outre  cela  a  grand  besoin 
d'estre  en  quelque  sorte  allégé.  Ainsy  nous  prions  tous  Dieu 
<ju'il  bénisse ,  conserve  et  prospère  Y.  A.,  de  laquelle  je 

vivray  à  jamais, 

Monseigneur , 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  lidelle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

1  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin,  C'est  la  218» 
parmi  les  lettres  inédites  de  la  coUeetion  Biaise. 


•vi;  '  26 


402  OPUSCULES 


CXVî, 


LETTRE 


I 


A  8.    A.    CHARLES   EMMANUEL   l" ,    DUC   DE   SAVOIE. 

Nouvelle  recoramandation  pour  la  confirmation  des  privilèges  de  la  viTte 

d'Annecy. 

Annecy,  26  mai  1617, 

Monseigneur, 

Cette  ville  d'Annessi  recourt  à  la  debonnaireté  de  V.  A. 
pour  avoir  la  confirmation  des  privilèges  que  Messeigneurs  y 
ses  prédécesseurs ,  lui  ont  donné.  Je  joins  ma  très  humble 
supplication  à  la  sienne;  protestant  que  jamais  Y.  A.  ne 
gratifiera  aucuns  peuples  de  sa  sujettion  qui  ayt  plus  de  cœur, 
d'honneur,  de  fidélité  et  d'obeyssance  à  vostre  couronne. 
Monseigneur,  que  celuy-ci,  qui  au  reste  a  un  extrême  besoin 
d'estre  ravigoré  par  telz  bienfaitz,  tandis  qu'incessamment 
avec  moy ,  il  levé  les  mains  et  les  yeux  au  ciel  pour  la  pros- 
périté de  V.  A.  de  laquelle  je  seray  à  jamais , 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fîdelle 
orateur  et  serviteur , 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

'  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  219»' 
parmi  les  lettres  inédites  delà  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  4(B 


A/W/WNAr 


CXVII. 

LETTRE* 

AU     PAPE    PAUL    V. 

n  le  supplie  d'accorier  dispense  aux  Sœurs  de  Sainte-Claire,  afin  qu'elle! 
puissent  posséder  des  biens  en  commun. 

Annecy,  17  septembre  1617. 
Très-saint  Père, 

Il  y  a  dans  ce  diocèse  de  Genève  deux  monastères  de 
l'Ordre  de  Sainte-Claire  ,  l'un  desquels  a  été  transféré  de  la 
ville  de  Genève  en  celle  d'Annecy,  et  l'autre ,  de  la  ville 
d'Orbe  en  celle  d'Evian,  les  Religieuses  ayant  été  chassées  de 
leurs  maisons  par  la  fureur  des  hérétiques ,  il  y  a  plus  de 
soixante  ans. 

Ces  pauvres  filles ,  après  avoir  éprouvé  tout  ce  que  l'ex- 
trême pauvreté  et  la  mendicité  entraînent  de  misères  après 
elles,  étoient  venues  dans  ce  diocèse  dans  l'espérance  d'y 
trouver  quelque  soulagement  dans  leur  nécessité  ;  mais  ce 
pays  est  tellement  épuisé  lui-même  par  les  fréquentes  incur- 

*  C'est  la  407e  de  la  collection  Biaise,  et  la  11«  du  livre  I«  des  ancienne» 
éditions. 


Beatissime  Pater, 

Extant  in  hâc  diœcesi  Gebennensi  duo  monasteria  ordinis  sanctae 
Clarae,  quorum  unum  ex  civitate  Gebennensi  in  civitatem  Annecia- 
censem ,  alterum,  ex  oppido  Orbiensi  in  oppidum  Aquianense,  hai- 
reticorum  injuria  et  violentiàantesexagintaannosexpulsa^secessenin t. 

Cùmque  sorores  dictofum  monasteriorum,  inter  varias  et  frequeiw 
tissimas  paupertatis  et  mendicitatis  œrumnas,  vitam  hacteniis  utratn* 
que  traxerint  et  sustentaverint  ;  nùnc  tamen ,  post  tôt  hœreticorum 
incursionesj  ac  diuturmorum  bellorum  clades,  cùm  diœcesis  istaj 


404  OPUSCULES 

sioiis  des  hérétiques,  et  par  une  longue  suite  de  guerres, 
fléaux  toujours  accompagnés  de  ravages  et  de  ruines,  qu'elles 
-a'ont  plus  d'autre  ressource  que  votre  Sainteté. 

Prosternés  humblement  à  ses  pieds,  elles  implorent  sa  cha- 
rité apostolique ,  qui  sait  si  bien  pourvoir  à  tous  les  besohis 
le  ses  enfants,  à  ce  qu'il  lui  ;>iaise  leur  donner  dispense  pour 
posséder  en  commun  des  ter-^e^^  et  d'a^itres  biens  immeubles. 

C'est  ce  que  la  bonté  paternelle  du  Saint-Siège  a  déjà  ac- 
cordé aux  Religieuses  Glaristes  de  Givnoble ,  au  grand 
applaudissement  de  tous  les  casuistes  les  plus  éclairés  dans  la 
•vie  spirituelle  quoiqu'elles  fussent  moins  pauvres  et  moins  à 
plaindre  que  celles-ci. 

Par  ce  moyen,  affranchies  du  chagrin  qui  les  ronge,  et  de 
Pextrème  indigence  de  toutes  choses,  qui  éteint  presque 
l'esprit  de  Dieu,  elles  se  porteront  avec  joie  à  l'observa- 
tion de  leurs  autres  règles,  à  célébrer  le  divin  office,  et 
à  prier  Dieu  pour  toute  l'Église  ;  enfin  elles  persévéreront  à 
)ervir  Dieu  avec  plus  de  progrès ,  de  facilité  et  d'attention. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  le  plus  profond  respect,  très- 
saint  Père ,  etc. 


miserandâ  panpertate  vexata,  illariim  mendicitati  occiirrere  deinceps 
minime  valeat. 

Ad  pedes  beatitudinis  vestrœ  humiliter  prostratœ^  illius  providen- 
tiam  apostolicam  summis  votis  orant^  ut  in  posterum,  per  ejiis  pla- 
citum  et  dispensationem ,  iilis  liceat  prœdia  et  alia  bona  immobilia 
in  communi  possidere. 

Quemadmodiim  ciim  aliis  ejiisdem  ordinis  sororibus^Gratianopoli 
degentifous,  minùsqiie  egentibiis,  pro  apostolicaj  sedis  paternâ  cari- 
,ate,  dispensatum  esse  omnes  probi  rerum  spiritualium  aestimatores 
laudaverunt. 

Sic  enim  fiet  ut  molestissïmis  anxietatibus  animi^  quse  in  tantâ 
rerum  omnium  inopiâ  spiritum  propemodùm  extmguunt^  liberatœ  et 
solutœ,  alacriter  in  cœteris  regulis  sui  ordinis  adamussim  servandis, 
acDeilaudibus  celebrandis,  necnonproEcclesiœprecibus  fundendis, 
longé  feliciùs ,  faciliùs  et  attenliùs  incumbant  et  persévèrent. 


T)F.    S.    FHAXrOTS    T)V.    SALF.S.  40o 


\/V.'X'\/\/\/ 


CXVIII. 

LETTRE^ 

DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

AU    CARDINAL    BELLARMIN. 
Même  sujet  que  la  précédente. 

Annecy,  17  septembre  1617. 
Monseigneur, 

Nous  avons  ici  (  à  iVnnecy  )  un  monastère  de  Religieuses 
de  Sainte-Glaire,  et  un  autre  à  Evian,  dont  les  sœurs  servent 
Dieu  par  leurs  jeunes  et  leurs  veilles,  en  marchant  nu-pieds, 
et  pratiquant  plusieurs  autres  mortifications.  Elles  ont  jus- 
qu'à présent  traîné  une  vie  languissante ,  et  ont  été  affligées 
par  de  fréquentes  maladies;  ce  qui  n'est  pas  surprenant, 
n'ayant  d'autre  moyen  pour  vivre  que  des  aumônes  men- 
diées de  tous  côtés ,  qu'elles  n'arrachent  qu'avec  peine.  Mais 
à  présent  la  misère  est  si  grande,  qu'elles  sont  réduites  à 
mourir  de  faim  ,  à  moins  que  le  Saint-Siège  ne  veuille  bien 

^  C'esl  la  408*  de  la  collection  Biaise,  et  la  15*  du  livre  I^'  des  anciennes 
éditions. 


Habemus  hîc  monasterium  urium  sanctae  Clarœ,  et  alterum  Aquiani, 
in  quibus  sorores  jejuniis^  vigiliis,  pedum  nuditate,  ac  multis  aliis 
corporis  macerationibus  Deo  optimo  maximo  servire  conantur  :  cùm- 
que  mendicatis  hînc  iiidè  eleemosynis  hactenùs  quamvis  œgcrrimè, 
inter  multas  cl  froquentissimas  œgritudines  utcumquè  vixerint  ;  nunc 
demùm  res  ad  eum  statum  redacta  est,  ut  nuUâ  prorsùs  ratione  ea- 
rum  Yictui  provider!  possit,  nisi  sedes  apostolica  cum  eis  dispensart 


406  OPUSCULES 

leur  permettre  d'avoir  des  fonds  et  des  biens  immeubles  en 
commun. 

Le  fléau  d'une  gut^re  de  trente  ans,  et  les  violentes  in- 
cursions des  hérétiques,  sont  cause  que  ce  pauvre  diocèse  ne 
peut  plus  suffire  à  sustenter  et  nourrir  les  Religieuses  de  ces 
monastèr.i'i?^. 

Je  ne  parle  point  de  ce  que  l'expérience  nous  apprend 
de  la  mendicité  des  femmes  :  on  sait  qu'elle  est  toujours 
remplie  de  sollicitudes  continuelles,  de  gt)ins  immodérés, 
de  chagrins  aigus ,  et  de  pensées  mélancoliques  ;  on  n'i- 
gnore pas  les  moyens  fâcheux  qu'il  faut  employer  pour  se 
procurer  ses  besoins ,  et  le  trouble  qui  en  résulte  pour  la 
conscience. 

Voyant  donc  combien  cette  pauvreté  extrême  est  nuisible 
à  la  vie  intérieure,  et  que  ces  ileligieuses  ne  peuvent  persé- 
vérer long-temps  dans  la  sainteté  de  leur  profession,  à  moins 
^ue  le  Saint-Siège  n'y  pourvoie  d'une  manière  convenable  ; 
quoique  ces  tilles  ne  soient  point  sous  ma  juridiction ,  mais 
qu'elles  soient  dirigées  par  les  Frères  Mineurs  ,  je  n'ai  pas 
voulu  manquer  d'ajouter  mes  très-humbles  prières  à  celles 

dignetur^  ut  in  commuoi  prœdia  et  alia  bona  immobilia  possidere 
possint. 

Nam  triginta  annorum  bellum  diirissimum,  ac  crebrae  infestissi- 
mœque  hœrcticorum  nicursiones  olleceruut,  ut  in  hîic  Gebenncnsi 
diœcesi  deinccps  inveniri  non  possiat  '^Jecmosynét,  quœ  monasteriis 
istis  sustentaiidis  et  alendis  suriicere  /'ueant. 

Mitto  mendicitatem  l'eminarum,  utexperimento  certissimo  constat, 
acenimis  soliicitudinibus,  continuis,  immoderatis  ac  melancholicis 
cogitalionibus ,  importunis  de  modo  quœrendi  et  habendi  inventio- 
nibus^  et  inquietissiniis  arixietatibus,  plenissimam  esse. 

Quare  videns  paupertatem  hanc  extremam  interiori  vitaî  plurimùia 
obesse,  neque  posse  moniales  istas  diutiùs  in  proposito  perseverare, 
nisi  de  remédie  opportune  ilUs  àsede  apostoUcâ  provideatur,  quamvià 
lion  mihi,  sed  ordini  fratrura  minarum^  cura,  illarum  incumbat, 
nolui  tamen  committere  qiiin  earum  super  liâc  re  supphcationem  et 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  407 

qu'elles  présentent  à  sa  Sainteté  ,  et  de  recommander  cette 
affaire  à  votre  Eminence,  que  je  supplie  instamment  de  leur 
être  favorable. 

Je  me  sers  de  la  mêri.9  occasion  ,  Monseigneur,  pour  vous 
faire  savoir  qu'en  ces  monastères  de  cette  province  on  n  ob- 
^ferve  point  les  décrets  du  saint  concile  de  Trente  touchant 
le  confesseur  extraordinaire  que  Ton  doit  accorder  deux  ou 
trois  fois  Tannée  aux  Religieuses  ,  et  touchant  l'examen  des 
filles  par  l'évêque  ,  avant  qu'elles  fassent  profession.  A  l'é- 
gard du  premier  point ,  quoique  dans  le  temps  du  jubilé  il 
soit  permis  à  toutes  sortes  de  personnes  de  se  choisir  un  con- 
fesseur tel  qu'elles  le  jugent  à  propos  ,  on  a  la  méchanceté 
de  priver  ces  chères  filles  de  cette  consolation  ,  pour  l'acquit 
de  leur  conscience. 

Je  pense  qu'il  suffit  d'avoir  découvert  ces  abus  à  votre 
Eminence ,  pour  qu'elle  y  apporte  le  remède  convenable. 
Je  prie  Dieu  qu'il  vous  conserve  long-temps  dans  une  par- 
faite santé  ;  et ,  vous  baisant  les  mains  ,  je  demeure  avec  un 
profond  respect ,  Monseigneur,  de  votre  Eminence  ,  etc. 


preces,  quas  sanctissimo  domino  noslro  offerre  intendunt,  meis 
etiam  humillimis  votis  adjuvarem  apud  dominationis  vestrae  illus- 
trissime clementiam,  quam  illis  summoperè  cupio  propitiam. 

Eamdem  intérim  obiter  admonens,  in  istis  monasteriis  mulierum 
hujus  provinciœ  nullo  modo  observari  concihi  tridentini  saluberrima 
décréta  de  confessario  extraordinario  bis  terve  in  anno  moniaUbus 
dando ,  et  de  puellis  feminisve  anfe  professionem  ab  episcopo  pro- 
bandis.  Quin  etiam,  quando  per  jubilaeum  cuicumque  licet  quem  ma- 
luerint,  ab  ordinario  approbatum,  confessarium  eligere,  per  sum- 
mum nefas  istis  hœc  via  solandi  conscientias  suas  intercluditur. 

Atque  hoc  illustrissimce  dominationi  vestrse  aperuisse  satis  sit. 
Deus  autem  ipsam  quàm  diutissimo  servet  incolumem,  cujus  sacras 
inanus  humillimè  exosculor. 


403  OPUSCULES 


tyj\f 


cxix. 
LETTRE* 

AU     PAPE     PAUL    V. 

n  fait  réloge  du  Père  Ancina  ^,  que  le  Pape  songeoit  à  faire  béatifier,  et  aa 

sujet  duquel  il  avoit  consulté  le  Saint. 

Vers  la  mi-novembre  1617. 

J'ai  reçu  une  joie  et  une  satisfaction  incroyables,  lorsque 
j'ai  entendu  dire  qu'on  alloit  mettre  incessamment  au  jo'jr 
la  vie  et  le  détail  de  toute  la  conduite  du  très-illustre  et  ré- 
vérendissime  père  et  seigneur  Juvénal  Ancina.  Car,  comme 
selon  le  sentiment  du  grand  évêque  de  Nazianze,  saint  Gré- 
goire ,  les  évêques  sont  les  peintres  de  la  vertu  ,  et  qu'ils 
doivent  peindre  une  chose  si  excellente  par  leurs  paroles  et 

1  Tirée  de  la  Vie  du  Saint  par  Ch.-Aug.  de  Sales.  C'est  la  414^  de  la  collec- 
tion Biaise, 

2  Ancina  (Jean-Juvénal)  était  né  dans  la  ville  de  Fossano,  à  huit  milles  de 
Saluées,  en  Piémont.  Il  fut  médecin  de  Frédéric  Madruce,  ambassadeur  du 
duc  de  Savoie  auprès  de  Sa  Sainteté,  puis  de  l'empereur  Rodolphe.  Pendant 
le  séjour  qull  fit  à  Rome,  il  étudia  en  théologie,  et  s'y  rendit  fort  savant  en 
peu  de  temps  :  puis  il  reçut  l'ordre  de  prê;=-'"\^e ,  et  se  mit  sous  la  conduite  de 
S.  Philippe  de  Néri,  fondateur  de  la  congrégation  de  l'Oratoire  de  Rome.  Enfin 
le  pape  Clément  VIII  lui  ayaiit  commandé  d'accepter  un  des  évêchés  vacants, 
il  choisit  celui  de  Saluées,  parce  qu'il  étoit  de  moindre  revenu,  et  qu'il  y  avoit 
beaucoup  à  travailler  dans  ce  diocèse,  où  les  opinions  de  Calvin  s'étoient 
glissées. 


Gratissimtim  mihi  et  jucundissimum  est,  qiiod  audio  de  vitâ  et  Vi- 
vendi ratione  perillustris  et  reverendissimi  putris  et  domini  Juve- 
nalis  Ancina)  propedùm  in  lucem  emittendâ.  Cùm  enim  _,  ut  magnus 
Nazianzenorum  pontifex  Gregonus  dixit,  episcopi  sunt  pictores  vir- 
tutis^  rei  prœclarissimœ,  remque  tam  excellentem  verbis  ac  operibus 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  405 

par  leurs  œuvres,  je  ne  doute  point  que  dans  la  vie  de  notre 
très-illustre  et  très-admirable  Juvénal ,  nous  ne  voyions  une 
entière  et  parfaite  image  de  la  justice  chrétienne ,  c'est-à- 
dire  de  toutes  les  vertus. 

Et  véritablement  pendant  l'espace  de  quatre  ou  cinq  mois 
que  je  négociois  à  Rome  les  affaires  de  cet  évêché  ,  par  le 
commandement  de  mon  très-dévot.  p,t  très-vertueux  prédé- 
cesseur monseigneur  Claude  de  Granier,  j'ai  vu,  certes, 
plusieurs  hommes  excellents  en  sainteté  et  en  doctrine  ,  qui 
illustroient  par  leurs  travaux  la  ville  par  excellence,  et  dans 
elle  le  monde  entier  ;  mais  entre  tous  ces  grands  personnages, 
la  vertu  de  celui-ci  frappa  particulièrement  les  yeux  de  moa 
esprit. 

J'admirois  en  effet,  dans  la  science  profonde  de  cet  homme 
qui  embrassoit  tant  de  différents  objets ,  et  dans  une  si 
grande  érudition ,  un  égal  mépris  de  lui-même  ;  dans  la 
gravité  parfaite  de  son  extérieur,  de  ses  discours  et  de  ses 
mœurs  ,  autant  de  grâce  et  de  modestie  ;  dans  le  soin  qu'il 
prenoit  de  pratiquer  et  de  recommander  la  dévotion ,  une 
pareille  application  à  la  politesse ,  à  la  douceur  et  à  l'affa- 
bilité  :  en  sorte  qu'il  ne  foidoit  voint  aux  pieds  le  faste 

conciniiè,  etquoadfieri  potest,  accuratè  pingere  debeant,  non  du- 
bito  qum  in  nostri  clarissimi  et  spectatissimi  Juvenalis  vitâ_,  justitiae 
Christianae,  hoc  est  omnium  virtutum  omnibus  numeris  absolutam 
imaginem  conspecturi  simus. 

Et  quidem  cùm  Romae  quatuor  ilHs  vel  qii.»ique  mensibus^  quibus 
piissimi  ac  ornatissimi  preedecessoris  mei  Claudii  Granierii  jussu, 
hujus  diœcesis  aliquot  rébus  tractandis  operam  dedi,  plurimos  saaè 
vidi  eximiâ  sanctitate  et  doctrina  viras,  qui  Urhem,  et  in  Urbe  orbeiB 
suis  laboribus  exornarent;  sed  inter  eos  omnes  isiius  seorsim  yitim 
mentis  oculos  meae  vehementer  occupavit. 

Mirabar  etenimin  tantâ  viri  eruditione,  ac  variarum  rerum  scieit- 
tiâ,  tantam  suî  ipsius  despicientiam  j  in  tantâ  oris,  verborum  ac  mo- 
rum  gravitate,  tantum  leporem  tantamque  modestiam;  in  tantâ  pie- 
tatis  soUicitudine ,  tantam  urbanitutem  ac  suavitatem;  cùm  wec/at*- 


410  OPUSCULES 

r orgueil  par  un  autre  orgueil,  ce  qui  arrive  à  plusieurs;, 
mais  par  une  vraie  humilité  ;  et  qu'il  ne  faisoit  pas  valoir 
sa  charité  par  la  science  qui  enfle,  mais  qu'il  faisoit  fructifier 
la  science  par  la  charité  qui  édifie.  G'étoit  un  homme  chéri 
de  Dieu  et  des  hommes,  parce  qu'il  les  aimoit  d'une  charité 
très-pure.  Or,  j'appelle  une  charité  très-pure ,  celle  dans  la*- 
quelle  on  auroit  de  la  peine  à  trouver  la  moindre  trace 
d'amour-propre  ou  d'égoïsme ,  charité  rare  et  exquise , 
qui  ne  se  trouve  pas  facilement ,  même  dans  ceux  qui  font 
profession  de  piété ,  à  raison  de  quoi  elle  est  plus  précieuse 
et  plus  rare  que  toutes  les  curiosités  les  plus  extraordinaires 
qui  peuvent  venir  des  extrémités  du  monde» 

J'ai  remarqué  que ,  lorsque  l'occasion  s'en  présentoit ,  cet 
homme  de  Dieu  avoit  coutume  de  louer  sL  ouvertement ,  si 
sincèrement  et  si  amoureusement  les-  divers  instituts  des 
Religieux ,  des  ecclésiastiques ,  et  même  des  laïcs ,  leurs 
mœurs,  leur  doctrine  et  leur  méthode  de  servir  Dieu,  que  l'on 
eût  dit  qu'il  étoit  de  leurs  congrégations  et  de  leurs  compa- 
gnies. Et  quoiqu'il  eut  une  aiîection  très-douce  et  tout-à- 
fait  filiale  pour  sa  très-chère  congrégation  de  l'Oratoire ,  si 

tum,  quod  plerisquecontingit  ^  alio  fastu ,  sed  verâ  humilitate  m/- 
caret ,  nec  injlante  scientià^  charitatem  o&iQ.ïiidXQi,  sed  charitate 
œdificante  scientiam  instrueret;  dileclua  plané  Deo  et  homini- 
biis^,  qui  Deum  et  homines  purissimâ  dilectione  prosequeretur.  Pu- 
rissimam  autem  appelle  eam  dUeclioriem,  in  qiiâ  vix  qaidquam 
amoris  proprii,  sive  philautia),  r;>j  'lire  licebat  :  rara  et  exquisita 
dilectio  ista,  quœ  eUani  inter  pieUiiis  cullores  rarô  viget,  undè 
procul  et  de  ultimis  finibiis  pretiuin  ejus  ^. 

Observabam  verô  hominem  hune ,  cùm  scse  daret  occasio,  tara  la- 
culenter  j  lam  sincère,  tam  amanter  solitum  laudare  variorura  reli- 
giosoruni  et  ecclesiasticorura ,  imô  etiam  laïcorum  instituta,  mores, 
doctrinam  Deoque  inserviendi  methodum,  ac  si  ipse  eorum  congre- 
gatlonibus  aut  cœtibus  addictus  esset.  Cùmque  suam  sibique  dilec- 
tissimam  clarissimi  Oratorii  Congregalionem  dulcissimo  et  plané 

*  Cor.,  VIII,  1.  —  «  EccIp-s.,  XLV,  1.  —  »  Prov..  XXXI    10 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES.  41 1 

illustre  entre  les  antres ,  lorsqu'il  s'agissoit  des  autres  so- 
ciétés et  conf^agnies  des  serviteurs  de  Dieu  ,  il  n'en  parloit 
pas  pour  cela  plus  froidement,  comme  il  arrive  quelquefois, 
il  ne  les  aimoit  pas  avec  moins  d'ardeur,  ne  les  estimoit  pas 
moins  ,  et  ne  les  louoit  pas  plus  foiblement. 

C'est  pourquoi,  lorsqu'il  trouvoit  quelqu'un  qui ,  touché 
intérieurement  d'un  mouvement  de  l'amour  divin  ,  désiroit 
s'attacher  à  une  manière  de  vie  plus  pure  ,  et  dans  cette  in- 
tention venoit  lui  demander  conseil ,  il  ne  regardoit  que  la 
plus  grande  gloire  de  Dieu  :  il  le  conduisoit  pour  ainsi  dire 
par  la  main  ,  et  l'aidoit  avec  une  charité  incroyable  à  entrer 
dans  la  société  qu'il  croyoit  lui  être  la  plus  propre.  En  effet ^ 
ce  saint  homme  n'étoit  ni  à  Paul ,  ni  à  Céphas ,  ni  à  Apol- 
lon, mais  à  Jésus-Christ  seul  ;  et  il  ne  vouloit  point  entendre 
parler  de  ces  froides  expressions  de  mien  et  de  tien ,  soit 
dans  les  choses  temporelles ,  soit  dans  les  spirituelles  ;  mais 
il  pesoit  toutes  choses  sincèrement  en  Jésus-Christ  et  pour 
Jésus-Christ. 

J'ai  maintenant  en  main  un  exemple  de  cette  charité  si 
parfaite  en  cet  homme  apostolique.  Il  y  a  quelque  temps 
qu'il  mourut  au  collège  de  cette  ville  d'Annecy,  gouverné 

filiali  corde  complecteretur ,  non  tamen  proptereà  aîios  conventus 
cœtusque  Deo  servienlum  frigidiùs^  ut  pierumque  aGcidit,  niolliùs 
amabat,  œstimabat^  extollebat, 

Quamobrem  eos  qui  tacti  amore  cœlesti  intrinsecùs,  purioris  vitae 
rationem  sequi  cupiebant^  consiliumque  ejus  expetebant,  sohi  Dei 
majore  gloriâ  inspecta,  in  societatem  quam  illis  magis  congruam 
putabat,  manu  et  opéra  amantissimè  deducebat  :  honio  videUcetj 
qui  nec  Fauli  ^,  nec  Cephœ,  nec  ApoUinis,  sed  Jesu  Christi  erat-, 
quique  meiim  ettuum,  i'rigida  illa  verba,  nec  intemporalibus ,  née 
in  spiritualibus  audiebat  ^  sed  omnia  in  Chrisio^  ac  propter  Christuia,  - 
sincère  expendebat. . 

Cujus  quidem  tàm  perfecice  ctiaritatis  in  hoc  apostolico  vir^  exernr 
plum  nunc  ad  raanum*  hakeo.  Obiit  nuperriraè  in  collegio  hujua  ci* 


4i2  OPUSCULES 

par  les  clercs  réguliers  de  Saint-Paul ,  un  homme  très-reli- 
gieux, nommé  Guillaume  Cramoisy,  natif  de  Paris.  Or, 
comme  je  m'entretenois  familièrement  avec  luy,  mon  dis- 
cours tomba  sur  noire  révérendissime  Juvénal  Ancina.  Ce 
Religieux,  comblé  de  joie  tout-à-coup  ,  m'interrompit  et  rhe 
dit  :  0  que  la  mémoire  de  cet  bommo  me  doit  être  chère 
et  agréable  !  c'est  lui  qui  m'a  en  quelque  façon  engendré  de 
nouveau  à  Jésus-Christ.  Et  voyant  que  j'avois  conçu  le  désir 
de  savoir  un  peu  plus  amplement  ce  dont  il  vouloit  parler, 
il  continua  de  m'en  instruire  en  cette  sorte. 

J'avois  atteint ,  dit- il,  l'âge  de  ving-quatre  ans ,  quand  la 
divine  Providence  m'inspira  à  diverses  reprises  d'embrasser 
la  vie  religieuse.  Toutefois ,  eu  égard  à  ma  foiblesse  ,  je  me 
sentis  agité  de  tant  de  tentations  contraires  ,  que,  manquant 
tout-à-fait  de  courage  ,  je  pensai  sérieusement  à  me  marier, 
et  la  chose  étoit  tellement  avancée  de  la  part  de  mes  amis , 
qu'il  sembloit  déjà  qu'elle  fût  faite. 

Mais  combien  grande  est  la  bonté  de  Dieu  !  Etant  par 
hasard  entré  dans  l'oratoire  de  la  Vauxcelle  ,  je  m'arrêtai  à 
entendre  le  père  Juvénal  Ancina  qui  prêchoit  au  peuple ,  et 

vitatis  Aniciensis  clericorum  regularium  Sancti  Pauli,  virreligiosis- 
simus  Guilielmus  Cramoësius  Parisieiisis;  cum  quo,  ut  fit,  dum 
verba  miscerem,  incidi  in  mentionem  de  reverendissimo  Juvenali 
noslro  Ancina.  At  ille  subito  gaudio  perfusus  :  Quàm  grata,  inquit, 
hujus  viri-,  quàm  chara  mihi  esse  débet  recordatio!  Quippe  qui  me 
itemm  in  Christo  quodammodo  genni^  Cùmque  vidisset  me  deside- 
rium  concepisse  rem  totam  fusiûs  audiendi,  ità  narrare  perrexit. 

Annos  natus  viginti  quatuor,  inquit,  cùm  jam  multis  inspiration 
nibus  divina  Providentia  me  ad  vitam  religiosam  incitasse^  *  ità  ta- 
men  pro  meâ  imbecillitate,  contrariis  lentationibus  exagitatum  me 
sentiebam,  ut  despondens  prorsùs  animum,  de  matrimonio  ineunda 
seriô  cogitarem,  resque  jam  apud  amicos  ità  processerat,  ut  prope- 
modùm  acta  videretur. 

V'Vùm  quai  Dei  est  beniguilas!  Cîim  oratorium  Valhscellaî  m- 
grea  Vs  essem,  ecce  audio  patrem  Juvenalem  Ancinam  de  humant 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  413 

qui  fît  voir  premièrement  l'inconstance  et  la  foiblesse  de  l'es- 
prit humain,  et  ensuite  recommanda  fort  cette  magnanimité 
avec  laquelle  il  faut  mettre  à  exécution  les  inspirations  di- 
vines ;  ce  qu'il  traita  avec  tant  d'habilité  et  d'énergie,  et  en  un 
tel  choix  de  mots  et  de  sentences  ,  qu'il  me  sembla  presque 
porter  la  main  jusqu'à  mon  cœur  pour  en  secouer  et  faire 
tomber  la  triste  à  patliie  ;  en  sorte  qu'élevant  sa  voix 
comme  une  trompette ,  il  me  contraignit  de  me  rendre.  C'est 
pourquoi,  aussitôt  que  la  prédication  fut  achevée  ,  lorsqu'il 
prioit  Dieu ,  comme  je  pense  ,  pour  l'heureux  succès  de  son 
sermon,  et  qu'il  s'étoit  retiré  pour  cet  effet  dans  un  certain 
coin  de  l'Eglise  ,  je  m'approchai  de  lui  avec  crainte  et  trem- 
blement, et  lui  adressant  la  parole  ,  je  ne  manquai  pas  d'ex- 
poser tout  ce  que  je  roulois  dans  mon  esprit. 

Mais  il  me  dit  :  cette  affaire  mérite  d'être  traitée  un  peu 
plus  exactement ,  et  nous  n'en  aurions  pas  maint(!nant  le 
loisir,  parce  qu'il  se  fait  déjà  tard.  Mais  si  vous  voulez  venir 
me  trouver  demain  ,  nous  parlerons  de  tout  cela  plus  com- 
modément ;  et  cependant,  ''e  qui  est  la  chose  principale,  atti- 
rez sur  vous  la  lumière  céleste  par  vos  prières. 

Je  m'en  allai  donc  le  trouver  le  lendemain  ,  et  je  lui  dé- 


primùm  ingenii  inconstantiâ  et  infirmitate,  deinde  de  eâ  magnani- 
mitate  quâ  instinctus  divini  executioni  mandandi  sunt,  ad  populum 
verba  facientem  tantâ  sermonis  et  sententiarum  peritià,  ut  cordis 
mei  miserandam  pigrltiam,  quasi  manu  injecta,  excutere  videretur; 
ilà  ut  tandem  quasi  tuba  exaltans  vocem  mum^ ,  me  ad  dcdilio- 
nem  cogeret.  Quapropter,  statim  linito  sermone,  ad  eiim  in  oratorii 
quodam  angulo  preces  pro  sermonis  sui',  ut  reor,  t'elici  successu  fun- 
dentem,  hœsitans  et  anxius  accedo,  et  quid  animo  voherem  expono. 

111e  verô  :  Ues,  inquit,  liœc  paulô  accuratiùs  tractanda  est,  neque 
nunc  tempus  nobis  suppeteret,  advesperascente  jam  die.Itaque  cras, 
si  ad  me  veneris,  opportuniilis  de  re  totà  agemus.  Tu  intérim,  quod 
caput  est,  lumen  cœlesle  precibus  advoca. 

Voni  ergo  prostridie,  et  quidquid  in  utramque  pavtem  circa  voca- 

»  Isai.,  LVIII,  1. 


414  OPUSCULES 

couvris  sM^è rement  tout  ce  que  je  pensois  pour  et  contre 
ma  vocation  ;  mais  en  particulier,  que  je  redoutois  la  vit* 
religieuse ,  surtout  parce  quej'avoisun  corps  foible  et  uï 
tempérament  délicat. 

M'ayant  écouté  attentivement,  et  considéré  mûrement 
toutes  mes  raisons  :  C'est  pour  cela,  dit  le  serviteur  de  Dieu, 
que  la  divine  Providence  a  voulu  qu^il  y  eût  dans  l'Eglise  di- 
vers Ordres  Religieux,  atic  que  ceux  qui  ne  pourroient  sup- 
porter les  austérités  et  les  mortifications  extérieures  des  plus 
pénitents,  entrassent  dans  les  plus  doux.  Vous  avez  la  congré- 
gation des  clercs  réguliers  de  Saint-Paul,  où  la  discipline  et  la 
perfection  religieuse  sont  souverainement  en  vigueur,  et  oii 
il  n'y  a  pas  tant  d'austérités  corporelles  que  ses  coutumes  et 
ses  constitutions  ne  puissent  être  observées  ,  avec  la  grâce 
de  Dieu  ,  par  quelque  homme  que  ce  soit.  Allez- vous-en  à 
leur  collège ,  et  voyez  si  la  chose  n'esf  pas  telle  que  je  vous 
le  dis.  Dès-lors  cet  homme  de  Dieu  ne  cessa  de  me  presser 
jusqu'à  ce  qu'il  m'eût  vu  enrôlé  et  admis  dans  cette  véné- 
rable congrégation.  Yoilà  ce  que  m'a  raconté  le  Père  Dom 
Guillaume. 


tionem  meam  agitarem,  sincère  aperuij  seorsim  verô  me  ob  id  po- 
tissimùm  religiosam  vitam  formidare  _,  quôd  corpus  débile  ac  deli- 
catas  temperaturœ  nactus  essem. 

Quibus  attenté  auditis  et  expensis  :  Et  proptereà,  inquit  servus 
ille  Dei ,  divinâ  Providentiâ  factum  est,  ut  in  Ecclesià  varii  sint  or- 
dines  religiosorum;  ut  scilicet  qui  austeris  et  pœnitentice  exteriori 
addictis  non  possit  vitam  addicere ,  mitiores  ingrediatur.  Et  ecce  tibi 
Congregatio  clericorum  regularium  Sancti  Pauli,  in  quà  disciplina 
perfectionis  religiosae  summoperè  viget,  et  nullo  tamen  tanto  cor- 
poris  labore  premitur^  quin  à  quovis  propemodùm  homine  ejus 
mores  ac  constitutiones  facillimè^  Deo  propitio,  observari  possint  : 
accède  ad  eorum  collegmm,  et  vide  tu  ipse  num  îtà  se  res  habeat? 
Neque  deinceps  cessavit  vir  Dei  quousque  me  huic  colendissinice 
congregationi  adscriptum  videret  et  insertum.  Et  heec  quidera  nar- 
rabat  Guilielmus. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  415 

De  tout  cela ,  il  est  facile  de  conjecturer  combien  étdit 
puissante  la  parole  du  grand  Juvénal  Ancina,  quelle  étoit 
sa  prudence  et  sa  sagesse  à  donner  des  conseils  ,  et  sa 
constante  et  parfaite  charité  à  secourir  le  prochain.  Car  ce 
que  j'ai  rapporté  tout  à  Theure  par  manière  d'exemple, 
il  l'a  pratiqué  à  l'égard  de  bien  d'autres  :  et  pour  ce  qui 
me  concerne  en  particulier,  je  confesse  franchement  que 
les  lettres  qu'il  m'a  écrites  par  une  bienveillance  singu- 
lière ,  ont  beaucoup  excité  en  moi  l'amour  des  vertus  chré- 
tiennes. 

Mais  depuis  qu'il  eut  passé  de  l'excellente  manière  de 
vivre  de  la  congrégation  de  l'Oratoire  aux  très-saintes  fonc- 
tions de  l'épiscopat ,  sa  vertu  commença  à  briller  et  à 
rayonner  bien  davantage  ,  comme  il  étoit  très-raisonnable  ; 
et  il  fut  tel  qu'w?2e  lampe  ardente  et  luisante ,  qui  étant 
posée  sur  le  chandelier,  éclaire  tous  ceux  qui  sont  dans  la 
maison. 

En  effet,  lorsque ,  pour  le  saluer  en  l'année  1603  ,  je  me 
détournai  un  peu  de  mon  chemin ,  et  que  j'allai  à  Carma- 
gnole, ville  du  diocèse  de  Saluées,  où  il  faisoit  alors  sa  visite 

Ex  quibus  facile  est  conjicere  quanta  fuerit  magni  Juvenalis  An- 
cinœ  in  dicendo  efficacia^in  consalendo  sagacitas,  et  in  juvandis 
proximis  constans  et  perfecta  charitas.  Quod  enim  nunc  exempli 
gratiâ  à  me  recitatum  est ,  id  ipsum  cum  plerisque  ahis  actum  co- 
gnovimus;  et  quidam,  quod  ad  me  attinet,  ingénue  fateor,  plerisque 
quas  pro  sua  in  me  propensione  ab  eo  accepi  litteris,  vehementer  ad 
amorem  virtutis  christianae  incita tum  fuisse. 

Jam  autem  postquàm  à  prœclaro  Congregationis  Oratorii  vivendi 
modo  ad  sacro-sanctum  episcopal«»  munus  translatus  est,  tùm  verô 
maxime  ejus  \irtus  splendidiùs  niicare,  ac  clariiîs,  ut  par  erat,  splen- 
descere  cœpit,  ut  lucerna  nimirum  ardens  et  lucens^,quœ  suprà 
candelahrum  posita,  omnibus  lucet  qui  in  domo  sunt  ^. 

Et  quidem  ciàm  Carmaniolaî,  quod  oppidum  est  Salutiensis  diœ- 
cesis,  ubi  visitationis  pastoralis  officio  tune  incumbebat,  anno  mil- 

»  Joan.,  V,  35.  —  «  Matth.,  V^  15. 


If6  OPUSCULES 

ipiscopale,  je  m'aperçus  foit  bien  de  Tamoiir  et  de  la  vénéra- 
tion que  portoient  les  peuples  de  cette  ville  à  sa  piété  et  à  la 
multitude  de  ses  vertus.  Ceir  aussitôt  qu'ils  surent  que  j'étois 
arrivé  ,  il  n'est  pas  possible  d'exprimer  avec  cruelle  ardeur 
et  quelle  douce  violence  ils  me  tirèrent  de  l'auberge  où 
j'étois  logé ,  pour  me  mener  dans  la  maison  d'un  noble 
bourgeois  de  l'endroit  ;  parce  ,  disoient-ils  ,  qu'ils  auroient 
Toulu  j  s'il  leur  eût  été  possible  ,  mettre  dans  leur  cœur  un 
liomme  qui  s'étoit  détourné  pour  visiter  leur  cher  pasteur. 
Et  quoiqu'ils  donnassent  à  l'envi  mille  témoignages  de 
leur  joie  ,  soit  dans  leurs  discours,  soit  dans  l'air  de  leurs 
visages ,  pour  la  présence  d'un  si  grand  prélat ,  tout  cela 
^'étoit  rien  à  leur  gré  ;  parce  que  la  noble  affabilité  que  l'on 
remarquoit  en  lui ,  et  son  admirable  bonté  envers  tous , 
attiroit  sur  lui  les  yeux  et  les  cœurs  de  tous ,  et  que  comme 
on  tiès-bon  pasteur  il  appelait  toutes  ses  brebis  2^ ar  leur 
nom,  pour  les  conduire  à  des  pâturages  verdoyants ,  qu'il  les 
gUiroit ,  et  même  les  entraînoit  après  lui ,  ayant  ses  mains 
pleines  du  sel  de  la  sagesse. 


îesîmo  sexcentesimo-tertio,  ejus  salutandi  gratiâ,  relicto  tantisper 
ilinere,  venissem;  sensi  ego  tune  quantam  dilectione  mixtaiTi  vene- 
Talionem  ejus  pielas  et  Yirtutum  copia  ir  ;;>opulis  illis  excitaret.  Nam 
Hbi  me  appulisse  cognoverunt,  dici  salis  non  potest  quo  ardorc  men- 
tis^ amicà  quàtlam  vi  ex  hospitio  publico  in  domum  cujusdani  no- 
Mis  civis  invexerunt^  quando  '  ndein,  inquiebant^  hominem  qui  ho- 
noris gratiâ  ad  suum  dilectissimani  pastorem  diverteret,  vellent_,  si 
modo  possent,  in  medio  pectorum  recondere. 

Keque  unquam  sibi  Snfisfaciebantin  la^iitià,  quam  ob  tanli  pontificis 
prœsentiam  conceperanf.  verbis  ac  vultu  jucundè  exprimendà^  cùm 
ïlle  nobilissimâ  quadam  aiïabilitate  ac  suavissimà  erga  omnes  bene- 
Yolentiâ,  omnium  pariter  oculos  animosque  in  se  converterct,  ac 
lanquam  pastor  egregius  et  beneficus,  oves  suas  nominatim  ad  vi- 
««nlia  pascua  evocaret  ^ ,  manibusque  sale  sapientiœ  plenis,  ut 
|K)»i  se  venirent  aUiceret,  imô  et  tralieret. 

*  Joan.,  X,  3. 


DE  S.    FRANÇOIS  DE   SALIjS.  417 

Et  pour  tout  dire  en  un  mot ,  et  sans  offenser  personne, 
je  ne  me  souviens  pas  d'avoir  jamais  vu  aucun  homme  qui 
fût  plus  abondamment  rempli  et  plus  richement  orné  des 
qualités  que  TApôtre  désiroit  tant  aux  hommes  apostoliques. 


Uno  tandem  dicam  verbo,  oui  absit  invidia;  non  memini  me  \i- 
disse  hominem  qui  dotibus,  quas  Apostolus  apostolici.s  virjs  taaU>» 
perè  cupiebat,  cumulatiùs  ac  splendiçliùs  ornatus  esset. 


4i8  OPUSCULES 


cxx. 
LETTRE* 

A  S.  A.  CHAULES  EMMANUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE, 

Pour  la  confirmation  des  privilèges  accordés  aux  personnes  qui  s'occupent 

du  soin  de  préparer  la  soie. 

Annessi,  29  novembre  1617. 

Monseigneur, 

V.  A.  a  dés  le  commencement  favorisé  l'establissement  de , 
Tart  et  traffiq  de  la  soye  en  ces  quartiers  de  deçà  comme  une 
ceuvre  de  grande  utilité  au  pays  et  de  grande  importance 
pour  la  gloire  de  Dieu ,  affin  de  divertir  les  artisans  et 
ouvriers  d'aller  perdre  leurs  âmes  dans  Genève.  Playsedonq 
à  V.  A.  de  confirmer  les  orivileges  desja  accordés  aux 
maistres  et  apprentifs  et  autres  personnes  qui  font  profession 
de  cet  exercice;  je  l'en  supplie  très  humblement,  et  ne  cesse 
jamais  de  souhaitter  toute  sainte  prospérité ,  comme  je  suis 
obligé  de  faire,  puis  que  j'ay  l'honneur  d'estre, 

Monseigneur, 

Très  humble ,  et  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur  de  V.  i. 

François,  Ev.  de  Genève. 

»  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  2Î6* 
des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES,  419 


CXXI. 

LETTRE* 

ATT   SUPÉRIEUR    DES    PP.    BARNABITES. 

'Saint  François  l'informe  des  moyens  d'établir  sur  des  bases  solides  rinstitution 
des  PP.  Barnabites  dans  les. collèges  d'Annecy  et  de  Thonon. 

1617. 

Révérendissime  Père  en  J.  C, 

Je  remercie  humblement  Y.  P.  R.  de  raffection  avec  la- 
quelle elle  a  renvoyé  en  ces  lieux  le  père  Redempto.  J'espère 
qu^il  recueillera  des  fruits  dignes  de  sa  vocation,  et  agréables 
àV.  P. 

Yoilà  enfin  la  sainte  paix  désirée  !  Il  est  bien  temps  de 
Yoir  comment  nous  pourrons  faire  réussir  les  pieux  desseins 
du  sérénissime  Prince  du  Piémont ,  pour  la  solide  fondation 
de  ces  deux  collèges  d'Annecy  et  de  Thonon.  A  ce  sujet, 
traitant  avec  Son  Altesse ,  elle  a  permis  que  l*on  prît  tous 
les  revenus  du  monastère  de  Contamine,  en  supprimant  les 

1  L'original  en  appartient  à  M.  Roustet,  curé  de  Saint-Maurice  d'Annecy. 
C'est  la  226e  des  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


Rev.  in  Christo  Padre  off"». 

Ringrazio  humilmente  V.  P.  R.  dell'  amorevolezza  colla  quale  ha 
rimandato  in  questi  luoghi  il  P.  D.  Redempto,  il  quale  io  sperochè 
farà  frutti  degni  délia  sua  vocazione  e  grali  a  V.  P. 

Ecco  fpcà  tanto,  la  santa  e  desiderata  pace,  e  è  ftormai  tempo  di 
vedere  corne  potremo  far  riuscire  i  pii  disegni  dei  Ser.  Principe  di 
Piemonte ,  per  la  solida  fondazione  di  questi  duoi  collegii  di  An- 
nessii  eTonone;  pe quale  trattando  io  con  S.  A.,  Ella  si  con- 
tenté chè  si  pigliasse  lutta  l'enlrata  del  monastero  di  Contamina, 


420  OPUSCULES 

Religieux  pour  plusieurs  raisons ,  et  transférant  leurs  pré« 
hendes  partie  à  ce  collège  et  partie  à  celui  de  Tlionon,  avec 
la  convention  cependant  qu'on  mette  à  leur  place  autant  de 
Pères  Barnabites  dans  ces  collèges  qu'il  en  faudra  pour  célé- 
brer les  messes  auxquelles  cesdits  Religieux  étoient  obligés. 
Il  y  a  d'autres  conditions  que  le  Père  Juste  expliquera  à 
V.  P-  Je  les  luy  ai  données  par  écrit  en  détail.  J'ai  jugé  à 
propos ,  et  c'est  aussi  le  sentiment  du  Père  D.  Jean-Baptiste, 
Supérieur  de  ce  collège,  homme  judicieux,  et  qui  donne 
grande  satisfaction  à  ces  peuples ,  que  cette  affaire  se  traite 
par  le  Père  Dom  Juste,  non  seulement  en  nostre  Cour  près 
du  sérénissime  Prince  (ce  qui ,  si  je  ne  me  trompe,  sera  chose 
facile) ,  mais  encore  à  Rome  oii  ledit  Père  fera  instance  sur 
les  lieux,  près  de  l'ambassadeur  de  Son  Altesse  qui  fera  faire 
les  sollicitations  par  son  exprès  commandement,  sollicitations- 
qui  ne  se  feront  jamais  bien  que  par  ledit  Père ,  informé 
comme  il  l'est  des  circonstances  locales  et  de  tous  les  motifs 
qui  peuvent  déterminer  Sa  Sainteté  à  accorder  la  grâce.  Il 


supprimendo  11  monaci  per  più  ragioni ,  e  transferendo  le  lore  pré- 
bende, parte  in  questo  collegio,  e  parte  in  quello  di  Tonone;  con 
patto  perô,  chè  si  mettano  in  luogho  loro  altri  tanti  PP.  Barnabiti 
in  questi  collegii,  che  possano  celebrar  le  messe  aile  quali  detti  mo- 
naci erano  obbligati ,  e  con  cerf  altre  condilioni  le  quali  dal  P.  D.. 
Giusto  saranno  spiegate  a  V.  P.,  poicbè  iole  ho  poste  in  scritto  alla 
distesa.  Ma  ho  giudicato  bene,  si  corne  ancho  il  P.  D.  Gio-Battista 
superiore  di  questo  Collegio,  uomo  giudicioso  e  che  dû  a  questi  po- 
poli  gran  soddist'azione ,  chè  questo  negozio  si  debba  trattar  dal  P» 
D,  Giusto,  non  solamente  in  questa  nostra  Corte,  appresso  il  Ser. 
Principe,  il  che  (s'  lo  non  m'inganno)  sarà  cosa  facile,  ma  ancora 
in  Roma,  dove  detto  Padre  faccia  instanza  ivi  appresso  il  signore 
Ambasciatore  di  S.  A.  la  quale  ccn  nspresso  commandamento  farà 
fare  la  solUcitazione;  ma  sollicitazione  che  non  si  l'ara  mai  bene^ 
se  non  che  dal  detto  padre  informatissimo  délie  cose  di  quà  e  de 
tutti  li  motivi  e  circostanze  che  ponno  indurreS.  S*^  a  far  la  grazia. 
Onde  mi  pare  necessario  chè  detto  padre  vada  subito  di  una  Corte 


TE   S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  421 

"nie  p:ivoît  donc  nécessaire  que  ce  Religieux  aille  vite  d'une 
Cour  à  Tautre  ;  moi,  j'ai  aussi  une  couple  d'affaires  bonnes 
el  loiiables  auprès  do  la  Cour  de  Rome,  c'est-à-dire,  pour  un 
séminaire  en  ce  diocèse,  et  pour  le  compte  que  j'ai  à  rendre 
'de  mon  église  au  Saint-Siège.  Je  dois  toujours  envoyer  là 
exprès  une  personne  bien  qualifiée;  je  serois  donc  bien 
obligé  à  V.  P.  et  à  la  congrégation,  si  je  pouvois  employer 
ledit  Père  Dom  Juste.  Je  ferois  les  dépenses  du  voyage,  de 
manière  que  la  congrégation  n'en  éprouveroit  aucun  dom- 
mage. Ledit  Père  termineroit  encore  à  la  fois  deux  affaires: 
ce  seroit  d'obtenir  l'union  de  certains  bénéfices  non  conven- 
tuels pour  l'établissement  du  noviciat  à  Rumilly,  et  l'autre  de 
faire  venir  l'approbation  de  ces  sœurs  de  la  Visitation.  On 
poursuit  l'expédition  de  cette  affaire,  mais  lentement,  comme 
le  révérend  procureur  le  mande  :  c'est  parce  que  les  règles 
sont  rédigées  en  françois.  Le  Père  Juste  expédieroit  l'affaire 
tout  d'un  coup;  je  supplie  donc,  au  nom  du  Seigneur,  Y.  P. 
R.  de  vouloir  bien  consentir  à  ce  voyage. 

Actuellement  que  j'ai  parlé  de  ces  soeurs  de  la  Visitation, 
je  dirai  encore  quatre  paroles  sur  le  dernier  article  do  la 


neir  altra  :  et  havendo  io  un  par  d'altri  negozii  buoni,  c  laudabili 
îiella  Corle  di  Borna  ,  cioc  per  un  seminario  in  questa  diocesi  e  per 
rendere  conto  di  questa  niia  chiesa  alla  S.  Sede;  dovendo  in  ogni 
incdo  îrjaiidnr  ccsii  ^lersona  aposla  c  ben  quallQcala,  sarei  molto 
iibligLito  a  V.  l\  c  vViW  Gong.^  s  'io  potossi  adoprarc  detto  P.  D.  Giusto, 
c  io  t":i!ci  hi  s;  (-■  -^!  vingio,  in  maniera  cbè  la  Gong,  non  ne  senti- 
Tcb!  c  duino  ;•(:::  rîo^  et  per  l'istessa  via  detto  padre  farebbe  duoi 
aitri  negozj  iiiia^  sarebbe  procurar  l'unione  di  certi  benelicj  non  con- 
ventiiali  per  ii  stabilimento  del  noviziato  in  Uumigli,  et  Taitro,  far 
venive  l'aprovazione  di  queste  sorelle  dellc  Visit.  air  espedizione 
délia  qualc  si  attende,  ma  molto  lentamente,  corne  il  R.  P.  procu- 
ratore  scrive ,  per  csser  le  regole  in  lingua  francese,  e  il  P.  D.  Giusto 
?;pedirebbe  il  negozio  in  un  tratto.  Supplice  adunque  nel  nome  del 
«ignore  V.  P.  R.  di  volere  concédera  detto  viaggio. 
'     Et  già  elle  ho  parlato  di  Queste  sorelle  délia  Yisitazione,  dirô  anco 


422  OPUSCULES 

lettre  qui  m'a  été  envoyée  par  V.  P.,  pour  le  Père  Dom  Re- 
dempto. 

Je  supplie  V.  P.  de  croire  absolument  que  je  n'aurois- 
jamais  pensé  à  demander  cette  pièce  de  terre  du  collège,  dans 
laquelle  est  la  pêcherie  sans  poissons,  si  j'avois  vu  que  cet 
abandon  fût  préjudiciable  aux  Religieux,  surtout  pour  leur 
récréation.  La  santé  et  l'agrément  des  Pères  me  sont  aussi 
chers  que  les  miens  propres,  et  je  sais  dans  quelle  proportion 
on  doit  établir  les  maisons  des  Religieux  et  celles  des  Soeurs. 
Je  ne  voudrois  pas  incommoder  celles-ci  pour  accommoder 
celles-là. 

Pour  vous  parler  avec  liberté  et  sincérité,  le  prix  de  cette 
place  de  la  pêcherie ,  employé  comme  il  faut ,  seroit  plus 
utile  au  collège  que  la  place  elle-même.  Je  me  suis  étonné  de 
la  préoccupation  de  nos  Pères,  à  qui  je  n'ai  pas  voulu  en 
parler,  parce  que  voyant  que  la  seule  pensée  de  cette  affaire 
les  refroidissoit  sensiblement  à  mon  égard,  je  ne  voulois  pas- 
passer  outre.  Quoique  le  nouveau  Père  Supérieur  fût  préoc- 
cupé de  l'opinion  de  l'autre  dans  le  commencement ,  cepen- 


quatro  parole  sopra  Fultimo  articolo  délia  lettera  mandatami  da  V. 
P.  per  il  P.  D.  Redemto.  E  supplico  V.  P.  di  credere  saldamente , 
chè  io  non  havrei  giammai  pensato  di  domandare  quella  pezza  di 
terra ,  nella  quale  è  la  peschiera  senza  pesci ,  del  collegio  ,  s' io  ha- 
vessi  vediito  cbè  il  darla  fosse  stato  di  pregiudizio  alli  padri^  massime- 
per  la  loro  recreazione,  essendomi  la  sanità  e  giucundità  de  padri 
cara  quanto  la  mia  propria  ;  e  io  so  con  quale  proporzione  si  deb- 
bano  riguardare  le  case  de'  religiosi,  e  quelle  délie  sorelie;  onde 
non  vorreidar  incommodità  a  quella,  per  accommodar  questa. 

Ma  per  dirlo  alla  libéra  e  sinceramente,  il  prezzo  di  quella  piazza. 
délia  peschiera  essendo  adoprato  corne  si  conviene  sarà  molto  più 
utile  al  collegio  chè  la  piazza.  E  mi  son  stupito  délia  preocupazione 
di  questi  nostn  padri,  alli  quali  io  non  ho  voluto  parlarne,  per  chè 
vedendo  chè  il  solo  imaginar  questo  negozio,  li  dava  un  gran 
freddo  verso  dime,  non  voleva  passar  innanzi.  Ma  perô  quantunque 
il  P.  Superiore  moderne  fosse  preocupato  dall'  opinione  d'altro  al 


DE   S.    FRANÇOTS   DE    SALES,  423 

daut  considérant  que  c'étoit  lui  que  regardoit  l'affaire,  comme 
chef  du  collège ,  je  désirai  en  parler  avec  lui ,  non  pour  lui 
imposer  mon  sentiment,  mais  pour  lui  faire  comprendre  que 
cette  opinion  n'étoit  pas  aussi  extravagante  que  d'autres  le 
disoient. 

Ce  Supérieur,  à  présent,  a  reconnu  que  j'avois  raison; 
car  dans  les  places  du  collège  il  n'y  en  pas  de  plus  désavan- 
tageuse et  de  moins  utile  à  la  récréation.  Là,  les  Pères  Domi* 
nicains  ont  des  fenêtres  avec  la  vue  immédiate  sur  cette  pièce 
de  terre.  Le  Père  Prieur  de  ces  derniers ,  dans  le  mur  même 
qui  donne  sur  ce  lieu ,  prétend  faire  fabriquer  son  noviciat , 
avec  les  fenêtres  du  même  côté.  Je  ne  sais  comment  onpour- 
roit  lui  refuser  le  jus  luminis  et  fenestrarum  (le  droit  de  lu- 
mière et  de  fenêtres) ,  puisque  par  ces  deux  premières  fenê- 
tres les  Dominicains  en  ont  déjà  la  possession.  Actuellement 
Y.  P.  R.  peut  voir  si  c'est  un  grand  préjudice  au  collège 
d'abandonner  ce  lieu  ;  de  plus ,  si  on  n'élève  pas  les  murs  de 
cet  endroit,  qui  s'étendent  vers  le  reste  du  collège,  presque 
toot  le  collège  est  exposé  à  la  vue  des  Pères  Dominicains. 


principio;  tuttavia,  considerando  chè  a  lui  toccava  ilnegozio,  corne 
capo  del  collegio,  io  voisi  parlariie  con  lui,  non  per  persuaderli 
la  mia  opinione,  ma  solamente  per  farglieintendere  chè  il  mio  sen- 
tknento  non  era  tanto  extravagante  corne  altri  dicevano.  E  adosso  ha 
teccato  colla  mano,  chè  io  ho  ragione  ;  perché  fra  le  piazze  del  col- 
legio  non  ci  è  la  più  infruttuosa^  ne  la  manco  utile  alla  recreazione, 
havendo  due  fenestre  de'  padri  dominicani,  le  quali  sono  di  vista 
immédiat?  sopra  quella  pezza  di  terra,  e  il  P.  priore  nell'  istesso 
muro  che  è  immediatamente  sopra  quel  luogho,  prétende  di  fabricare 
il  noviziato  suo,  con  le  fmestre  délia  istessa  banda,  nella  quale  non 
so  come  si  possa  negarechè  habbiano  Jws  luminis  et  fenestrarum, 
poichè  di  fatto  ne  hanno  già  la  possessione  in  quelle  due  fenestre. 
Hora  veda  V.  P.  R.  se  sarà  gran  pregiudizio  al  collegio  di  dar  detto 
luogho;  anzi  se  non  si  alzano  le  mura  di  esso  luogho,  che  si  es- 
tendono  verso  il  restante  del  collegio,  quasi  tutto  il  collegio  è  sco- 
perto  alla  vista  de'  padri  dominicani. 


424  OPUSCULES 

Ainsi ,  comme  affectionné  au  collège  et  au  bien  de  la  con- 
grégation autant  que  mon  pareil  puisse  l'être ,  je  jugerois 
qu'il  seroit  expédient  que  cette  vente  eut  lieu,  et  je  ne  doute 
pas  que  V.  P.  R.,  voyant  le  plan  de  ce  collège,  ne  recon- 
noiscs  que  j'ai  raison  ,  comme  l'ont  confessé  finalement  le 
Père  Supérieur  et  le  Père  Simplicien. 

Maintenant  je  prie  de  nouveau  V.  P.  R.  de  permettre  le 
voyage  du  père  Dom  Juste ,  qui  me  coûtera  moins,  et  qui 
sera  d'une  plus  grande  utilité  à  la  Congrégation.  Je  n'ai  pas 
le  temps  d'en  écrire  plus  long  :  je  vous  prie  même  de  m'ex- 
cuser  si  je  me  suis  tant  étendu. 

En  souhaitant  à  V.  P.  R.  toute  sainte  félicité  dans  le  sein 
du  Seigneur,  je  suis 

Son  très-humble  et  affectionné  frère 
et  serviteur, 

François,  Ev.  de  Genève. 


Onde  corne  affezionato  al  collegio  e  al  bene  délia  Cong.  quanto 
altro  pare  mio  possa  esser ,  io  giudicarei  esser  espediente  chè  questa 
vendita  si  facesse.  E  non  dubito  chè  V.  P.  R.  vedendo  la  planta  o 
piano  di  questo  coUegio  non  giudicberà  chè  io  ho  ragione  sicome  in 
fine  il  P.  Superiore  e  il  P.  D.  Simpllclano  han  confessato. 

Hora  rltorno  a  supplicare  V.  P.  R.  di  concédera  i\  viaglo  al  P.  D. 
GlustO'  chè  mi  sarà  di  manco  spesa^  è  di  maglor  utilità  alla  Cong.  e 
non  av^endo  più  tempo  di  scrivere  più  diffusamente ,  anzi  avendo 
©ceasione  di  pregarla  chè  mi  scusi  se  cosi  mi  sor<  disteso ,  augurando 
a  V.  P.  R.  ogni  santa  félicita  nel  grembo  del  Signore,  reste  di  essa 
Humilisso  e  aff"""  fratello  e  serv., 

Francesco,  Vcscovo  di  fiinevr^. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  425 


CXXH. 

LETTRE* 

AV  PRIEUR  ET  AUX  CHANOINES  RÉGULIERS  DE  L*ABBAYE  DE  SIX  ,  ORDRE  DE 

SAINT-AUGUSTIN.  Tiret!  de  la  Vie  du  Saint  par  Gh.-Aiig   de  Sales. 

Il  leur  drmne  r.ilification  de  la  promesse  qu'ils  avoieni  faite,  par  acte  capi- 
tulaire,  de  reprendre  la  première  règle  et  forme  de  leur  institut. 

25  janvier  1G18. 

Il  y  a  lon2;tems  que  nous  avons  désiré  que  tous  les  Reli- 
gieux de  nostre  diocèse  vinssent  à  reprendre  la  première 
règle  et  forme  de  leur  institut,  mais  principalement  nous 
avons  désiré  et  tasché  par  exhortations  que  cela  se  fist  es 
monastères  qui  ont  esté  laissés  à  nostre  charge ,  sollicitude 
et  jurisdiction  ordinaire.  C'est  pourquoy  nous  avons  non  seu- 
î  lient  approuvé  et  ratifié  ,  approuvons  et  ratifions  cet 
acte  des  promesses  des  dévots  chanoines  de  saint  Augustin 
du  monastère  de  Six  »  mais  les  louons  et  a^^mons  de  tout 
nostre  pouvoir  dans  les  entrailles  de  Jesus-Christ  ;  et,  selon 
nostre  puissance  et  nostre  autorité  ordinaire  sur  ce  monas- 
tere  et  chanoines  réguliers  d'iceluy,  mandons  et  comman- 
dons qu'i\  soit  observé;  baillant  nostre  bénédiction  pater- 
nelle à  tous  ceux  qui  embrasseront  cette  pauvreté  qui  s'ob- 
serve.par  tous  ceux  qui  vivent  en  commun. 


^5  OPUSCULES 


•  vA/^>'^>^/^A* 


CXXIII. 

LETTRE* 

AS.  A.  CHARLES   EMMANUEL   l",    DUC   DE   SAVOIE, 
Sur  rétablisseiïient  des  PP.  Chartreux  à  Ripaille. 

Anneci,  11  février  1618. 

Monseigneur^ 

Entre  les  saintz  projetz  que  Dieu  inspira  à  Y.  A.  tandis^ 
qu'elle  fut  icy  pour  restablir  le  lustre  du  service  divin  en  ce 
pais  de  deçà ,  l'un  estoit  de  mettre  les  Pères  Chartreux  à  Ri- 
paille ,  qui  de  tous  tems  ont  une  très  particulière  obligation 
et  fîdelle  affection  à  la  Couronne  de  Savoye,  et  desquelz  la 
vie  et  les  offices  sont  d'une  merveilleuse  édification.  C'est 
pourquoy,  Monseigneur,  le  Père  don  Laurens  de  Saint  Sixt, 
estant  par  delà,  j'ay  creu  que  ce  seroit  à  propos  d'en  ramente- 
voir  V.  A.,  à  ce  qu'elle  oye  avec  confiance  ce  qu'il  luy  en 
représentera  ;  puis  que  non  seulement  il  a  pour  ce  sujet  la 
créance  de  son  gênerai ,  mais  aussi  une  spéciale  fidélité  au 
service  et  à  l'obeyssance  de  S.  A.,  de  laquel' J  il  est  né  sujet 
et  vassal  ;  et  cependant  je  prieray  Dieu  qu'ix  comble  de  ses 
grâces  V.  A.,  à  laquelle  faisant  très  humblement  la  reve- 

^    leace,  je  suis, 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle- 
orateur  et  serviteur, 

François,  Ev.  de  Genève. 

*  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  228»' 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


DE  S,   FBANÇOIS  DE   SALES;  &l 


cxxrv 
LETTRE  ' 

AU   MÊME. 

Saint  François  recommande  à  S.  A.  les  affaires  de  la  sainte  maison 

de  Thonon. 

A  Notre-Dame  de  Myans,  le  28  février  1618. 
Monseigneur, 

La  saincte  Mayson  de  Thonon  ne  peut  subsister  que  par 
la  bonté  et  libéralité  de  S.  A.  qui  en  est  la  fondatrice,  et 
laquelle  partant  est  suppliée  maintenant  sur  divers  articles 
desquelz  la  resolution  et  exécution  est  nécessaire  pour  main- 
tenir la  ditte  Mayson ,  ainsy  que  le  sieur  Gilette  présent  por- 
eur  représentera.  Playse  à  V.  A.  S.  d'estre  favorable  à  cette 
bonne  œuvre,  comme  elle  l'est  ordinairement  à  toutes  :  c'est 
la  supplication  seule  que  pour  le  présent  je  luy  fay,  et  qu'elle 
me  fasse  la  grâce  de  m'advouer  tousjours, 

Monseigneur, 

Son  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur , 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

•  L*original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  2Î9» 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


"nm 


A2S 


OPUSCULES 


,  w>^\/v-v^ , 


cxxv, 
LETTRE^ 

A  S.  A.  CHARLES   EM3IANUEL  I*',    DUC   DE   SAVOIE. 

Saint  François  intercède  auprès  de  S.  A.  pour  la  lib^'^té  (ju  Père  Angelo  Cal» 
cagnio,  gardien  des  Observantins  de  Plaisance ,  ûetenu  à  Chambéry. 

.  _  A  Grenoble,  8  mars  1618. 

Monseigneur, 

Le  Père  Frère  Angelo  Calcagnio,  gardien  des  Observantins 
de  Playsance,  est  prisonnier  dés  il  y  a  trois  moys  à  Chambery, 
et  parce  que  je  l'ay  souvent  veu  à  Annessi,  où  il  a  quelquefois 
demeuré  des  mois  entiers  avec  son  frère ,  et  n'ay  jamais  rien 
reconnu  en  luy  contraire  à  la  pieté  et  religion ,  je  l'ay  visité 
en  sa  prison  où  je  l'ay  treuvé  comme  un  homme  que  le  tes- 
moignage  de  sa  conscience  tient  asseuré,  et  parce  qu'il  m'a 
demandé  pour  l'amour  de  Dieu  mon  intercession  auprès  de 
V.  A.,  je  ne  la  luy  ay  peu  refuser;  c'est  pourquoy  croyant 
fermement  que  rien  ne  se  treuvera  contre  son  innocence,  je 
fay  très  humble  siipplication  à  V.  A.  de  luy  vouloir  départir 
sa  faveur  pour  sa  briefve  sortie,  et  son  renvoy  en  son  cloistre. 

Dieu  fasse  de  plus  en  plus  abonder  ses  grâces  sur  la  per- 
sonne de  V.  A.  de  laquelle  je  suis. 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle  orateur 

et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

*  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est 
la  239e  inédite  de  la  ccilection  Biaise. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  42f 


CXXVI. 

AUTRE  LETTRE* 

AU   MÊME. 

Saint  François  demande  à  S.  A.  le  payement  d'une  pension  de  cent  écus 
assignée  aux  curés  d'Armoy  et  de  Draillans. 

1618. 

n  y  a  dix-sept  ans  qu'à  la  poursuite  de  PEvesque  de  Ge- 
nève, fut  obtenu  un  arrest  du  Sénat  par  lequel  les  cures 
d'Armoy  et  de  Draillens  furent  adjugées  à  leurs  Curés  efc 
légitimes  titulaires.  Mais  soudain  après,  par  commandement 
exprès  et  absolu  de  S.  A.  Ser.,  pour  certaines  justes  et  extraor- 
dinaires considérations,  lesdites  cures  furent  remises  à  la 
ville  de  Genève ,  les  Curés  en  demeurant  privés ,  et  parce 
que  S.  A.,  selon  sa  pieté ,  voulut  que  néanmoins  l'exercice 
catholique  fust  continué  esdites  deux  paroisses  et  à  ces  fins 
ordonna  que  cent  escus  d'or  seroient  délivrés  annuellement 
aux  deux  prestres  qui  feroient  ledit  exercice ,  assignation 
donnée  sur  la  gabelle  à  sel,  de  laquelle  somme  néanmoins' 
on  n'a  jamais  peu  estre  payé  que  pour  trois  ans,  de  sorte  que 
les  ecclésiastiques  desservant  es  dits  bénéfices  ont  esté  con- 
traints de  s'entretenir  d'emprunts  faits  tant  par  eux  que  par 
ledit  Evesque ,  et  parce  que  la  pieté,  l'équité  et  la  justice  re- 
quièrent qu'à  l'avenir  ledit  exercice  catholique  soit  continué 
et  par  conséquent  les  Prestres  entretenus  : 

Son  Altesse  est  suppliée  en  toute  humilité  de  faire  posei 
CQ  payement  au  bilan  pour  cette  année  et  les  suivantes ,  et 
comme  encore  pour  les  arrérages. 

'  L'original  s'en  conserve  au  monastère  de  la  Visitation  d'Annecy.  C'est 
la  23le  inédite  de  la  collection  Biaise, 


430  OPUSCULES 


CXXVIL 

AUTRE  LETTRE* 

A  S.   A.  CHARLES   EMMANUEL  1*',    DUC   DE   SAVOIE. 

Saint  François  remercie  S.  A.  pour  avoir  ordonné  que  les  curés  d'Armoy 

et  de  Draillens  fussent  payés. 

Annecy,  le  26  avril  1618. 

Monseigneur, 

Jq  fais  en  toute  humilité  action  de  grâces  à  V.  A.  de  1?» 
lettre  quel!'  a  escritte  à  M.  le  marquis  de  Lans,  affîn  qu'il 
mist  ordre  à  faire  payer  les  curés  d'Armoy  et  de  Draillens^ 
qui  de  si  longtems  estoient  en  extrême  disette ,  et  pretz  à 
quitter  leurs  charges  si  je  ne  les  eusse  soulagés. 

J'espère ,  Monseigneur,  que  ledit  seigneur  Marquis  effec 
tuera  l'intention  de  V.  A.,  ainsi  qu'il  m'a  asseuré  à  mon 
retour  de  Grenoble  ;  et  ne  me  reste  qu'à  la  supplier  très  hum- 
blement de  vouloir  tousjours  ainsy  protéger  les  affaires  du 
service  de  Dieu ,  qui  ensuite  multipliera  ses  grâces  sur  la  vie 
et  la  personne  de  V.  A.  Ser.  à  laquelle  je  fay  très  humblement 
la  révérence  et  de  laquelle , 

Monseigneur, 

Je  suis  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fîdelle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève, 

*  L'original  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin,  C'est  la  233»  iné- 
dite de  la  col]3ction  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  131 


<^>\•\/^y^/\^>;/^^"v/^/x/>ioi/v-^;A/v/^/^/\/^/\J^sr 


Gxxvin. 
AUTRE  LETTRE* 

AU   MÊME. 

Saint  François  supplie  de  nouveau  S.  A.  d'ordonner  le  payement  des  cuiéi 

d'Armoy  et  de  Draillens. 

Anneci,  le  2B  août  1618. 

Monseigneur^ 

Quoyque  V.  A.  Ser.  ayt  souvent  commandé,  comme  la  jus- 
tice et  pieté  requeroit,  que  les  curés  d'Armoy  et  de  Draillens 
fussent  payés  de  leurs  pensions,  néanmoins  ils  n'ont  jamais 
peu  retirer  un  seul  liard  depuis  quatre  ans  en  ça ,  quelle 
sollicitation  qu'eux  et  moi  en  ayons  sceu  faire,  et  quelle  re- 
mous trance  que  nous  ayons  proposée  de  l'extrême  nécessité 
que  ces  paroisses  ont  d'estre  assistées.  C'est  pourquoy,  Mon*- 
seigneur,  je  suis  forcé  de  recourir  de  rechef  à  l'équité  et 
bonté  de  Y.  A. ,  affin  qu'il  luy  plaise  d'user  de  sa  providence 
en  cett'  occasion  et  d'ordonner  ces  payemens ,  en  sorte  que 
meshuy  ces  pauvres  ecclésiastiques  puissent  en  naix  faire  Le 
service  de  Dieu  en  leurs  églises  ;  et  cette  Divine  iVlajesté.  en 
bénira  de  plus  en  plus  Vostre  Altesse, 

Monseigneur, 
Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle  orateur 
et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

1  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Coup  die  Turin.  C'est  la  2f5« 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


432 


OPUSCULES 


fN/Ny\AA# 


CXXIX. 

AUTRE  LETTRE* 

A  S.  A.  CHARLES   EMMANUEL   l",    DUC   DE   SAVOIE. 

Saint  François  recommande  à  S.  A.  les  pauvres  gens  de  la  vallée  d'Âui. 

Annecy,  30  août  1618. 

Monseigneur, 

Ces  pauvres  gens  de  la  val  d'Aux,  comme  esperdus  d'une 
ruine  présente  qui  les  accable,  n'ont  sceu  où  se  jetter  à  re- 
fuge qu'aux  pieds  de  V.  A.,  et  certes  je  ne  voy  nullement 
qu'une  main  moins  forte  et  une  providence  moins  paternelle 
que  la  vostre,  Monseigneur,  les  puisse  garantir.  Car  je  pense 
qu'ilz  n'ont  à  se  plaindre  principalement  que  de  leur  mal- 
heur, contre  lequel  rien  ne  peut  leur  donner  allégement  que 
le  bonheur  d'estre  regardés  en  pitié  de  V.  A.,  à  laquelle  Dieu 
qui  voit  leur  extrême  misère  inspirera ,  comme  ilz  espèrent, 
quelque  moyen  favorable  pour  les  retirer  de  ce  gouffre.  C'est 
ce  en  quoy  j'implore  avec  eux  la  grâce  de  V.  A.,  à  la  quelle 
faisant  très  humblement  la  révérence  et  sGêihaittant  ]c-  comble 
de  toute  sainte  prospérité ,  je  demeure , 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fî délie  orateur 
et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

1  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  237« 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


T)E  S.   FRANÇOIS  t^R  gALES.  433 


cxxx, 
LETTRE 

BN  FAVEUR  DU  CHAPITRE.  PE  SA  CATHÉDRALE» 
^  M.  I^  FROTBARAIN ,  CONSEILLEE  AU  PARLEMENT  DE  BOURGOGNE; 

Le  Saint  lui  recommande  le  Chapitre  de  sa  cathédrale,  dans  une  affaire 
qu'il  avait  avec  les  habitants  de  Seyssel. 

Annecy,  3  septembre  1618. 

Monsieur, 

J'ay  un  chapitre  autant  bien  qualifié  qu'il  se  peut  dire  ; 
c'est  pourquoy,  outre  le  devoir  que  j'ay  au  service  de  Dieu 
et  de  l'Eglise,  j'en  ay  un  bien  particulier  à  mes  chanoines, 
qui,  par  un  assez  rare  exemple,  ne  sont  qu'un  cœur  et 
qu'une  ame  avec  moy  au  sein  de  ce  diocèse. 

Pour  cela ,  Monsieur,  j'implore  avec  eux  vostre  justice  et 
pieté ,  pour  la  conservation  de  leur  droit  en  l'affaire  qu'ils 
ont  avec  messieurs  les  Syndic  et  habitans  de  Sessel,  les- 
quelz,  si  je  ne  suis  grandement  trompé,  ont  bon  besoin 
d'estre  rangés  et  remis  en  devoir,  tant  envers  les  ecclésias- 
tiques qu'envers  les  magip'^rats. 

Mais  de  cela.  Monsieur,  vous  en  discernerés  et  jugerés, 
tant  que  priant  Dieu  qu'il  vous  face  de  plus  en  plus  abon- 
der en  sa  grâce,  je  veux  estre  à  jamais  de  tout  mon  cœur 
vostre,  etc. 

*  Tirée  du  monastère  de  la  Visitation  de  la  ville  d'Amiens.  C'est  la  451* 
lettre  de  rédiiion  Biaise. 


Vï. 


28 


'434  OPUSCULES 

CXXXI. 

NOUVELLES  CONSTITUTIONS 

DE  L'ABBAYE  DE  SIX, 

PLUS  ÉTENDUES  QUE  CELLES  QUI  FURENT  FAITES  EN  l' ANNÉE  1604. 

15  septembre  1618. 

Puis  que  le  monastère  du  vénérable  Ordre  des  chanoines 
réguliers  de  sainct  Augustin  du  lieu  de  Six  a  esté  laissé 
à  la  charge  et  jurisdiction  de  nos  prédécesseurs  et  de  nous^ 
selon  les  sacrées  reigles  de  l'ancien  droict  ecclésiastique, 
certes  nous  devons  et  voulons  travailler  de  tout  nostre  pou- 
voir, et  mettre  tout  nostre  soing  à  l'utilité  d'iceluy  et  des 
chanoines  qui  y  servent.  C'est  pourquoy,  cognoissant  que 
par  l'inspiration  divine  les  vénérables  chanoines  vouloient 
dresser  et  restituer  en  entier  l'ancienne  observance  regu* 
liere,  qui  estoit  descheuë  et  presque  esteincte  par  l'injure 
du  tems,  et  que  les  illustres  et  révérends  sieurs  Jacques  de 
Mouxi ,  abbé  (  quoy  que  commendataire  ) ,  et  Humbert  de 
Mouxi,  son  coadjuleur  et  esleu  du  mesme  monastère,  non 
seulement  appreuvoient  ceg  pieux  desseins,  mais  encore 
avoient  résolu  d'y  apporter  ijute  leur  aide,  nous  aussi,  pour 
intervenir  de  nostre  authorité  ordinaire ,  et  fermer  de  nostre 
pouvoir  avec  plus  de  facilité  une  besogne  si  louable  et  très- 
désirée,  venant  icy,  et  ayant  veu  et  considéré  toutes  choses, 
en  fin  avons  esté  d'advis  de  faire  ces  ordonnances  et  consti- 
tutions : 

Et  premièrement  nous  commandons  et  ordonnons  tres- 
.expressément  que  tout  ce  ^ue  nous  avons  ordonné  en  nostre 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  435 

demîere  visite ,  comme  estant  tout  raisonnable  et  conforme 
au  droict,  soit  observé  et  mis  en  exécution  de  poinct  ea 
poinct. 

Parce  qu'entre  les  chanoines  qui  sont  maintenant  il  ny 
en  a  point  qui  ait  faict  la  profession  expresse  en  suivant 
l'intention  et  les  parolles  du  sacré  concile  de  Trente,  nous 
déclarons  et  ordonnons  que  tous  iceux  chanoines  sont  obligés 
à  la  profession  expresse,  et  pour  ce  pre figeons  un  an  à  tous 
ceux  qui  p<^rtent  maintenant  Thabit,  lequel  an  leur  servira 
comme  de  probation,  après  lequel  ou  bien  qu'ils  fassent 
ceste  profession,  ou,  s'ils  ont  quelques  causes  pour  lesquelles 
ils  ne  veuillent  pas  la  faire ,  qu'ils  nous  les  exposent.  Mais 
doresnavant,  aussi  tost  que  l'année  de  probation  sera  passée, 
comme  le  mesme  concile  ordonne,  ou  que  le  novice  soit 
admis  à  la  profession,  s'il  est  treuvé  propre  et  capable,  ou 
qu'il  soit  mis  dehors  du  monastère.  Mais  si  après  Tannée  de 
probation  il  n'est  pas  treuvé  capable,  et  que  neantmoins  il 
y  ayt  de  Fesperance  probable  qu'il  pourra  le  devenir  si  on  le 
retient  encore  quelque  tems ,  voire  mesme  la  seconde  année 
tout  entière,  en  ce  cas  la  congrégation  des  cardinaux  du 
Concile  a  respondu  qu'il  estoit  loisible,  puisque  le  Concile 
ordonne  des  propres  et  capables,  et  non  des  autres. 

Que  les  novices  soient  distinguez  des  profés  quant  à  l'ha- 
bit, en  ce  que  les  profés  porteront  le  camail  en  tous  les  divins 
Offices,  et  les  novices  porteront  le  su rpelis  tant  seulement. 

Puis  que  ceste  abbaye  est  commandée ,  nous  commandons 
que  désormais  on  fasse  et  establisse  sur  tous  les  chanoines 
un  du  mesme  Ordre  expressément  profés ,  qui  soit  appelle 
prieur,  et  qui  puisse  deuëment  et  religieusement  présider  et 
marcher  devant,  selon  le  concile  de  Trente  au  chapitre  vingt- 
uniesme  de  la  session  vingt-cinquiesmd.  Iceluy,  comme  il 
est  porté  par  le  sixiesme  chapitre ,  soit  esleu  par  le  Chapitre 
secrettement ,  et ,  comme  l'on  dit ,  par  balottes ,  de  sorte  que 
les  noms  de  ceux  qui  l'esliront  ne  soient  jamais  publiés ,  et 


436  OPUSCULES 

celuy  qui  aura  plus  de  voix  soit  absolument  toriu  pour  bien 
esleu,  lequel  aussi  persévérera  en  ToUjce  de  prieur  jusques 
à  la  mort,  pourveu  qu'il  se  comporte  tousjours  bien. 
Au  reste  il  sera  faict  tout  de  mesme  du  sousprieur. 
Que  tous  obeyssentàce  prieur  comme  à  leur  père,  ainsi 
qu'il  est  commande  par  la  reigle  de  sainct  Augustin ,  et  en 
son  absence  au  sousprieur. 

Mais  quand  il  faudra  faire  ou  commander  quelque  chose 
de  grande  importance,  et  qu'il  n'y  aura  point  de  danger  au 
retardement,  que  le  prieur  ne.  remue  point,  ny  ordonne  rien, 
qu'au  preallable  il  n'ayt  conteré  de  tout  avec  son  Chapitre. 
Quand  il  arrivera  des  difficultez  si  grandes  qu'elles  ne 
pourront  point  estre  résolues  par  le  prieur  et  Chapitre ,  que 
l'on  s'adresse  à  l'evesque,  ou  (s'il  est  absent^  au  vicaire 
gênerai ,  lequel  ordonnera  tout  ce  qui  sera  de  faire  par  sa 
puissance  ordinaire,  ainsi  qu'il  a  esté  observé  jusques  à 
présent. 

Tous  les  samtdys  le  prieur  mettra  en  l'église  une  table 
en  laquelle  seront  marqués  les  noms  de  ceux  qui  devront 
faire  les  Offices  de  l'autel  et  du  chœur  tout  le  long  de  la  se- 
maine; lesquels  Offices  se  feront,  autant  qu'il  sera  possilde, 
selon  les  coustumes  et  cérémonies  de  l'église  cathédrale. 

On  ne  tiendra  point  dans  le  monastère  aucun  livre  saus 

la  licence  du  prieur  ou  sousprieur,  lequel  verra  et  prendra 

..garde  qu'on  n'apporte  point  de  livres  défendus  par  la  saincte 

Eglise,  ou  de  sciences  curieuses  ou  inutiles,  et  aura  soing 

qu'il  y  ayt  dans  le  monastorp  xiii  bon  et  suffisant  ameulde- 

,  ment  de  livres  spirituels,  des  cas  de  conscience,  et  de  theo- 

.logie,  à  fm  que  tous  les  jours  les  chanoines  ayent  moyen 

•  d'estudier  à  queique   heure  certaine  ,  selon  la  reigle.  Or 

l'heure  de  lire  sera  devant  vespres,  entre  vespres  et  compile, 

.et  entre  complie  et  le  souper. 

Ce  doit  estre  de  la  charge  du  prieur  ou  du  sousprieur  que 
pendant  le  noviciat  un  chacun  ^ise  le  catéchisme  du  ires- 


DE    S.    FRAXÇOTS    DE    SALES.  437 

samct  concile  cle  Trente  en  latin  ou  en  françois ,  et  rende 
raison  de  ce  qu'il  aura  leu. 

Tous  les  jours  quelqu'un  des  chanoines,  qui  sera  jugé 
plus  propre ,  instruise  les  novices  et  les  autres ,  s'il  est  de 
besoing  ,  du  chant  et  de  la  façon  de  chanter. 

Aussi  tost  qu'il  se  pourra  faire,  il  faudra  que  la  table  soit 
disposée  de  manière  que  les  chanoines  soient  assis  d'un  costé 
tant  seulement,  et  que  chacun  ay t  sa  poriion  à  part  ;  mais 
la  bénédiction  de  la  table  et  l'action  de  grâces  après  la  ré- 
fection so  fera  par  le  semainier,  sinon  les  jours  des  f es  tes 
solemnelles,  que  cet  office  appartiendra  au  prieur  ou  sous- 
prieur  ;  et  durant  la  réfection  on  lira  tousjours  d'une  voix 
claire  et  intelligible ,  et  en  observant  les  espaces  entre  les 
poincts. 

Tous  les  samedys  le  prieur,  ou  en  son  absence  le  sous- 
prieur,  assemblera  le  Chapitre,  et  en  iceluy  corrigera  s'il 
s'est  commis  quelque  chose  contre  la reigle  ou  es  offices,  ou 
en  quelques:  actions  ou  deportements  des  chanoines,  m.esmes 
en  enjoignant  des  pénitences ,  selon  qu'il  verra  estre  à  pro- 
pos. Que  s'il  n'y  a  rien  à  corriger,  on  lira  un  article  de  la 
reigle,  et  après  l'oraison  tous  se  retireront  en  paix. 

Tous  les  droicts  crient  ce  que  nous  avons  ordonné  en. 
nostre  djMiiiere  visite,  c'est  à  savoir,  que  les  femmes  ne 
doivent  pas  habiter  ny  demeurer  tant  soit  peu  dans  l'enclos 
et  murailles  extérieures  du  monastère.  C'est  pourquoy  nous 
commandons  tres-expressement  à  tous  et  un  chacun  ausquels 
il  appartient,  en  vertu  de  saincte  obéissance ,  et  sous  peine 
d'excommunication  majeure ,  qu'ils  ayent  à  repousser,  de- 
]etter  et  chasser  absolument  toutes  les  femmes  du  monastère, 
s'il  s'y  en  trouve  quelques-unes,  et  ne  les  admettent  en  façon 
quelconque  par  cy  après ,  ny  souffrent  qu'elles  s'arrestent 
dans  l'enclos  du  monastère. 

Nous  commandons,  sous  peine  de  la  mesme  excommuni- 
lation,  que  dans  un  mois,  à  compter  depuis  ce  jour,  quin- 


OPUSCULES 

t'sme  de  septembre  de  Fan  mille  six  cens  dix  et  huict,  tous 
ceux  qui  ont  des  instruments  ou  (litres  du  monristere  ayent 

les  remettre  dans  les  archives. 

Le  sieur  abbé  sera  tenu  de  payer  tous  les  ans  douze  pre- 
endes  à  la  communauté  des  chanoines,  de  la  mesme  façon 
qu'il  est  marqué  en  nostre  preniiere  visite;  et  la  commu- 
nauté entretiendra  douze  chanoinos  capables,  résidents  ou 
tenus  de  droict  pour  résidents,  c'est  à  dire,  leur  fournira  de 
vivre  et  de  vestement,  et  d'autres  choses  nécessaires  à  la  vie. 

Les  édifices  et  bastiments  de  tout  le  monastère ,  selon  qu'il 
sera  convenable  et  conforme  à  l'observance  régulière,  seront 
restitués  et  conservés  aux  déspens  de  l'abbé. 

Quant  aux  autres  demandes  des  chanoines,  parce  qu'il 
en  a  esté  traicté  et  convenu  amiablement  entr'eux  et  le  sieur 
coadjuteur,  nous  avons  jugé  de  ne  rien  devoir  ordonner  de 
plus. 


« 


PE    S.    FRANÇOIS   PE    SALES.  439 


CXXXII 

LETTRE^ 

A    S.    A.    CHARLES    EMMANUEL    l",    DUC    DE    SAVOIE. 

&iint  François  supplie  S.  A.  d'accorder  aux  sœurs  de  Sainte-Claire  d'Evian 
la  place  et  les  masures  du  château  d'Evian  pour  y  bâtir  leur  couvent,  et 
il  lui  envoie  le  projet  pour  la  réformation  des  monastères. 

Anneci,  17  décembre  1C19. 
Monseigneur, 

Les  seurs  de  sainte  Claire  d'Evian  font  supplication  à  V.  A, 
pour  avoir  la  place  et  les  masures  du  chasteau  de  ce  lieu 
affîn  d'y  bas  tir  leur  couvent ,  puis  que  M.  le  marquis  de 
Lullin  tesmoignera  que  cela  ne  peut  en  rien  nuire  à  la 
•conservation  de  la  ville  ;  et  puis  qu'elles  ont  encore  désiré 
mon  intercession  auprès  de  V.  A. ,  je  le  fais  très  humble- 
ment, adjoustant  qu'il  n'y  a  comme  je  pense  aucun  monastère 
de  cet  ordre-là  qui  fleurisse  plus  en  véritable  dévotion  que 
celuy-cy. 

J'envoye  aussi  à  V.  A.  le  projet  dressé  par  son  comman?- 

dement  pour  la  reformation  des  monasteresde  deçà  les  monts; 

duquel  la  lecture  ne  sera  point  hors  de  saison  parmi  ces 

festes,  puis  que  tout  le  dessein  regarde  la  plus  grande  gloire 

du  divin  Enfant,  la  naissance  iuauel  on  célèbre ,  et  que  je 

ne  cesseray  jamais  de  supplier  qu'il  face  de  plus  en  plus 

prospérer  V.  A., 

Monseigneur, 

De  laquelle  je  suis 

Très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidèle  orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

«  Tirée  du  registre  des  lettres  de  saint  François  de  Sales,  conservé  aux  Ar- 
chives de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  250«  inédite  de  la  collection  Biaise. 


440  OPUSCULES 


CXXXIIÏ. 

LETTRE* 

A  S.    A.   VICTOR  AMÉDÉE ,    PRINCE   DU   PIÉMONT. 

Sur  la  nomination  de  son  frère,  Jean-François,  à  une  coadjutoreria 

Anneci,  6  mars  1620. 

Monseigneur, 

Je  ne  me  puis  taire  sur  la  nomination  de  mon  frère  à  une 
coadjutorie,  car  les  grands  coups  de  la  faveur,  comme  ceux 
de  la  douleur,  excitent  qui  que  ce  soit  à  parler;  et  si  je  ne 
puis  rien  dire  à  V.  A.  sur  ce  sujet ,  qui  ne  soit  grandement 
au-dessous  de  mon  sentiment.  Et  pour  cela  je  me  contente- 
ray  de  luy  en  faire  très  humblement  la  reverance,  et  l'as- 
seurer,  que  comme  elle  pouvoit  gratifier  grande  multitude 
de  gens  de  plus  de  mérite ,  aussi  n'eust-elle  peu  en  regarder 
de  plus  de  fidélité  et  d'obeyssance  que  mon  dit  frère,  et  moy, 
qui  ne  cesseront  jamais  de  louer  Dieu  dequoy  il  m'a  rendu 
par  tant  de  devoirs , 

Monseigneur, 

Très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

*  L'orï^nal  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turiu.  C'est  la  251» 
fiédite  de  la  collection  Blaiso. 


DF.   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  Itf 


CXXXIV. 

LETTRE* 

A  M.  DE  TARDT,  CONSEILLER-D'ÉTAT  DE  S.  A.,  PRÉSIDENT  AU  SOUVERAIN  SÉNAT 

DE  SAVOIE. 

Saint  François  loi  recommande,  les  Religieux  et  les  habitants  de  Six,  qui  oat 

un  procès  à  soutenir  devai.t  le  Sénat. 

Annecy,  18  mars  1620. 

Monsieur, 
Outre  que  les  vénérables  Religieux  de  Six ,  pour  leur 
bonne  vie  et  affection  à  la  reformation  méritent  d'estre  pro- 
tégés ,  TafiPaire  qu'ils  ont  maintenant  prenant  son  origine  en 
partie  de  la  visite  que  j'y  ay  faite ,  et  en  laquelle  je  puis 
bien  prendre  Dieu  mesme  à  tesmoin  d'avoir  eu  seulement 
son  service  en  veuë,  et  en  laquelle  de  plus  je  n'ay  presque 
rien  ordonné  qu'après  avoir  par  raysons  tiré  le  consentement 
amiable  des  parties  ;  je  me  sens  obligé  de  faire  avec  lesdils 
Religieux  une  mesme  supplication  auprès  de  vous,  affiu 
qu'il  vous  plaise  de  les  favoriser  en  la  conservation  de  leur 
bon  droit ,  en  quoy  vous  ferés  chose  grandement  aggreablc 
à  N.  S.  et  qui  m'obligera  extrêmement ,  qui  suis  à  jamais. 

Monsieur, 

Yostre  serviteur  très  humble , 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

P,  S,  Monsieur,  les  habitants  de  Six  pour  leur  grande 
misère  ,  sont  dignes  de  compassion  ,  et  pour  leur  pieté  sont 
dignes  d'escre  affectionnés;  c'est  pourquoy  je  ne  fay  point  de 
diMculté  de  vous  supplier  très  humblement  de  leur  départir 
vostre  justice  et  faveur  en  la  conservation  de  leurs  boas 
droits. 

1  L'autographe  en  appartient  :"i  M.  Métrai,  curé  de  Magland  (252«inéd.  Biaise). 


4A2  OPUSCULES 

Vvv^•^/v^/v^/^/^•\/^/^>"w^/^/^/^/^/^i^^/^/^•^^ 

cxxxv. 
LETTRE* 

MOTTSEIGNEUR  LE  CARDINAL  FRÉDÉRIC  BORROMÉO,  ARCHEVÊQUE  DE    MlLAIf. 

Saint  François  lui  rend  grâces  pour  l'envoi  des  reliques  de  saint  Charles 

Borromée. 

J'ai  reçu  laf  lettre  très-suave  que  V.  S.  111.  et  Rév.  s'est 
plu  à  m'écrire  ces  mois  passés ,  en  m^envoyant  les  reliques 
de  saint  Charles.  J'ai  attendu  jusqu'à  ce  moment  pour  en 
faire  mon  très-humble  remercÎQient.  De  bons  PP.  Barna- 
bites  allant  à  Milan ,  le  Père  Candide ,  porteur  de  la  pré- 
sente ,  m'a  promis  de  s'interposer  près  de  vous  pour  faire 
excuser  mon  manquement.  Cette  intervention  est  très  à  pro- 
pos ,  car  je  n'ai  ni  les  moyens  ni  les  manières  de  faire  mes 
excuses  à  V.  S.  111.  Quant  à  l'affection  et  au  respect  pour 
elle ,  je  ne  crois  pas  devoir  le  céder  à  personne ,  et  après  lui 

*  L'original  en  est  conservé  dans  la  Bibliothèque  Ambrosiana ,  de  Milan. 
C'est  la  253=  inédite  de  la  collection  Biaise. 


ïn  Annessi,  alli  23  di  aprile  1620. 

Ili.  et  Rev.  signor  mio  Col'^o, 

Ho  ricevuto  la  lettera  suavissima  che  V.  S.  111.  et  ReT.  si  compiace 
di  scrivermi  questi  mesi  passati  insieme  colle  reUquie  dl  S.  Cario,  e 
ho  aspettato  in  adesso  di  farne  il  dovuto  humilissirao  ringraziamento, 
che  andando  costi  quest'  Tiostri  buoni  padri  Barnabiti,  il  P.  D.  Can- 
dide latore  mi  ha  promesso  di  compire  anco  con  lei  per  supplire  al 
mancamento  mio.  Il  che  è  molto  a  proposito,  non  havendo  io  ne 
senno  ne  modo  di  far  con  Y.  S.  111.  il  debito  mio,  se  bene  io  di  af- 
fetto  et  risçetto  verso  di  lei  n'>n  r.redo  di  dovete;  cedere  a  nessuna;  c 


DE    S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  443 

avoir  dit  cette  vérité  si  certaine,  je  la  salue  humblement, 
et  je  demande  pour  elle  à  Dieu  toute  sainte  prospérité , 

Votre  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 

François  ,  Evêque  ae  Genève. 


con  questa  certissima  verità  glie  faccio  humilissima  riverenza^  6  U 
^ipregho  dal  signor  Iddio  ogni  santa  prosperità, 

Humilissimo  e  divotissimo  servitore, 

FftANCESco ,  Vescovo  di  Ginevr%^ 


444  OPUSCULES 


GXXXVI. 


1 


LETTRE 

A  s.   A.   VICTOR  AMÉDÉE,    PRINCE   DU    PIÉMONT. 

(L'original  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.) 

Saint  François  répond  à  S.  A.  relativement  à  l'envoi  qu'il  avoit  fait  il  y  avoit 
environ  un  an ,  du  Mémorial  sur  la  Restauration  de  la  discipline  ecclé* 
siastique  en  Savoie. 

1620. 

Monseigneur, 

V.  A.  Ser.  me  commande  que  je  luy  envoyé  un  mémo- 
rial de  ce  qui  est  requis  d'estre  impetré  à  Rome  pour  I* 
restauration  de  la  discipline  ecclésiastique  en  ce  païs.  Mais, 
Monseigneur,  V.  A.  Ta  remis  à  M.  Caron  dés  il  y  a  environ 
un  an ,  que  je  Tenvoyay ,  ainsy  que  m'asseure  mon  frère 
qui  estoit  lors  en  cour,  et  ne  faut  en  cela  que  de  le  faire  tra- 
duyre  en  italien  ;  car  quant  à  la  forme ,  avec  laquelle  la 
provision  nécessaire  doit  estre  demandée  au  Pape,  il  en  faut 
laisser  le  soin  à  ceux  que  monsieur  F  Ambassadeur  de  S,  A. 
employer  a. 

Dieu  par  sa  bonté  veuille  bientost  faire  retiscir  cette  si 
bonn'  œuvre ,  pour  ensuite  combler  de  bonheur  V.  A. , 

Delaquelle  je  suis, 

Monseigneur, 

Très  humble  et  très  obevssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 
t  (Test  Vn266*  parmi  les  lettres  inédites  de  ia  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  445 


W\/VAi/V\/« 


CXXXVII. 

LETTRE* 

A    MONSIEUR     CARRON. 

(L'original  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.) 

Saint  François  lui  rappelle  qu'il  avoit  envoyé  l'année  précédente  le  MémO' 
n'ai  sur  la  Restauration  de  la  discipline  ecclésiastique^  et  le  prie  de  le  faire 
chercher. 

Monsieur, 
Par  la  lettre  que  Monseigneur  le  Ser.  Prince  m'a  fait  des- 
pecher,  il  me  commande  encor  de  luy  envoyer  un  mei/ioire 
des  concessions  qu'il  faut  obtenir  à  Rome  pour  la  restaura- 
tion de  la  discipline  ecclésiastique  décales  monts.  Mais  M.  de 
Calcedonie  mon  frère ,  m'asseure  que  vous  Monsieur,  avés 
receu  les  articles  du  projet  qui  en  fut  fait  icy  et  que  j'en- 
voyay  il  y  a  bien  long-temps  et  que  Monseigneur  le  Ser. 
Prince  vous  l'avoit  remis  pour  les  faire  traduire  en  italien, 
pour  les  donner  à  M.  d'Aglié  qui  devoit  aller  à  Rome  ;  il  vous 
playse  doncq  ,  Monsieur,  de  les  faire  chercher,  et  comme  je 
croy  ils  seront  aysés  à  treuver,  puisqu'ils  sont  en  quatre  ou 
cinq  feuilles  jointes  ensemble  ;  car,  quant  à  la  forme  en  la- 
quelle la  demande  doit  estre  faite  à  Rome  ,  c'est  chose  q.i'il 
faut  qui  se  fasse  à  Rome  mesme;  cependant,  Monsieur,  je 
vous  supplie  très  humblement  d'avoir  un  soiu  particulier  do 
rintroduction  des  PP.de  l'Oratoire  à  Rumilly,  par  où  il  iaut 
commencer,  puysque  c'est  un'  affaire  qui  ne  peut  souffrir 
aucun  delay  ;  et  excusés  mon  importunité,  puis  que  je  suis  de 
tout  mon  cœur.  Monsieur, 

Yostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur, 
François  ,  f^vesque  de  Genève. 
»  C'est  la  207e  parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


446  OPUSCULES 


LXXXVIIÏ. 

LETTRE* 

AU  PÈRE  GÉNÉRAL  DE  LA  CONGRÉGATION  DE  SAINT- PAUL > 

A  MILAN. 

Saint  François  le  prie  de  lui  renvoyer  les  prêtres  destinés  à  célébrer 

le  Chapitre. 

24  avril  1620. 

Monseigneur, 

Nos  Pères  allant  au  chapitre  et  à  Fobédienee  de  votre  Pa- 
ternité révérendissime ,  je  viens  avec  eux  pour  la  saluer  et 
me  déclarer  son  serviteur  le  plus  affectionné.  Je  la  supplie 
de  plus,  si  faire  se  peut,  et  si  cela  est  convenable,  de  les  ren- 
voyer ici.  Ils  ont  appris  la  langue  et  les  usages  du  pays ,  et 
pourront  continuer  leurs  travaux  dans  ces  lieux  avec  plus 
d'utilité  que  d'autres  qui  arriveroient  sans  ces  avantages  né- 
cessaires. Je  dirai  encore  à  votre  Paternité,  comme  vrai  ami 

*  L'autographe  en  est  conservé  dans  l'église  collégiale  de  Monza,  près  de 
Milan.  C'est  la  254^  inédite  de  la  collection  Biaise. 


24  aprile  1620. 

Reverendissimo  Padrein  Christo  osservandissimo. 

Andando  questi  nostri  Padri  al  Capitolo  e  alla  obedienza  di  V.  P. 
Rev.  vado  ancora  io  con  essi  loro  per  salutarla  e  proferirmegll  per 
servitore  affezzionatissimo ,  supplicandola  di  j)iù  chè  si  degni,  se 
perô  cosi  far  si  puô  e  è  spediente,  rimandarli  in  quà,  esseiido  chè 
avendo  egli  imparata  la  lingua  e  le  usanze  del  paese,  potraniio  con 
più  utilità  fatigar  in  questi  luoghi  chè  altri  che  verrebbono  senza  tali 
instrumenti  &  mezzi  necessarii.  E  nientedimeno  non  lasciarô  di  dire 
a  V.  P.  Rev.  corne  in  vero  zelante  del  bene  e  honore  délia  sua  Congre- 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  I47 

du  I)ien  et  de  l'honneur  de  sa  congrégation ,  qu'il  seroit  à 
propos  qu'avec  eux  il  vînt  un  de  vos  vieux  Religieux  dont 
l'âge  attireroit  un  nouveau  respect  à  ces  nouveaux  collèges  qui 
peut-être  bientôt  en  compteront  un  tiers  sorti  récemment  du 
noviciat.  Avec  la  présence  et  l'autorité  d'un  personnage 
blanchi  dans  ses  devoirs ,  cette  vénération  sera  constamment 
observée.  Je  demande  au  Seigneur  toute  sainte  prospérité 
pour  V.  P.  et  je  me  déclare 

Son  humble  frère  et  serviteur, 

François  ,  Evêque  de  Genève. 


gazions^  chè  sarebbe  anco  a  proposito  chè  con  essi  loro  venisseuno 
di  quei  vecchi  Padri  Tetà  del  quale  potesse  produrre  una  nuova  ve- 
nerazione  a  questi  nuovi  collcgj ,  U  quali  forse  presto  ne  avranno 
un  terzo  di  noviziato.  E  cosi  tulte  queste  cose  con  la  canuta  presenza 
et  autorità  di  taie  personnaggio  verranno  compile  Fra  tanto  augu- 
rando  dal  Signor  ogni  santa  prosperità  a  Y.  P.  Rev.  glie  reste 
Humilissimo  frattello  e  servitore, 

FRA^f^Esco,  Yescovo  di  Ginevra. 


m 


OPUSCULES 


CXXXIX. 


CONSTITUTIONS 

DES  ERMITES  DE  VOIRON. 


(6  mai  1620.) 


I.  Patron  des  ermites  de  Voiron. 


D'autant  que  le  saint,  célèbre  et  ancien  ermitage  du  mont 
de.  Voiron  est  fondé  sous  le  vocable  delà  Visitation  de  la  glo- 
rieuse Vierge  Marie  Nostre  Dame ,  les  ermites  qui  y  vivront 
désormais  invoqueront  particulièrement  et  auront  pour  pa- 
trons en  premier  lieu  (  après  nostre  Sauveur  et  Rédempteur 
Jesus-Cbrist ,  ange  du  grand  conseil  et  médiateur  de  Dieu  et 
des  hommes)  les  saints  qui  sont  au  mystère  de  la  Visitation  ; 
c'est  à  savoir,  la  Vierge  Marie  mère  de  Dieu,  S.  Joseph, 
S.  Jean-Baptiste,  patriarche  des  ermites,  S.  Zacharie,  et 
Sainte  Elizabeth.  En  second  lieu  ,  tous  les  bons  anges,  spé- 
cialement le  chœur  des  Principautés  ;  et  en  troisième  lieu , 
S.  Paul ,  premier  ermite  ,  S.  Antoine  et  S.  Hilarion. 

II.  Habits  des  ermites. 

Les  ermites  seront  habillés  d'une  soutane  de  drap  blanc 
battant  sur  les  talons  ;  sur  la  soutane ,  d'un  manteau  en 
façon  de  rochet,  jusqu'à  mi-jambe  ;  et  sur  le  manteau ,  d'un 
camail ,  avec  1p  capuce  rond.  Il  leur  est  permis  de  porter  du 
linge,  à  cause  de  la  mondicité ,  excepté  au  lit,  sur  lequel  ils 
se  coucheront  vestus  de  leur  habit  court,  sinon  qu'ils  fussent 
mouillés  ou  malades;  car  en  cp  ca.'*  ils  pourront  se  devestir. 
Comme  encore  ils  seront  chaussais;  parce  qu'en  leur  mon- 


DE    S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  449 

tagno  leshyvers  sont  tres-rigoureux  et  les  montées  et  les  des- 
centes tascheases. 

m.  Jeusnes  des  ermites. 

Les  ermites  observeront  le  jeusne,  outre  les  jours  com- 
mandés de  l'Eglise ,  toutes  les  veilles  de  leurs  patrons ,  tout 
le  tems  de  l'Avent  ;  et  depuis  le  lendemain  de  l'Assomption 
de  nostre  Dame  inclusivement  jusqu'à  sa  Nativité  exclusive- 
ment, tous  les  vendredis  de  l'année  à  l'honneur  et  mémoire 
de  la  passion  de  nostre  Seigneur,  et  s'abstiendront  de  la  chair 
lous  les  mercredis. 

IV.  Autres  pénitences  corporelles,  et  réfectoire  de:  ermites. 

Les  ermites  prendront  la  discipline  tous  les  vendredis  après 
l'oraison  du  matin ,  pendant  qu'on  recitera  le  psalme  cin- 
quantième de  la  pénitence  de  David ,  sinon  qu'ils  ayment 
mieux  porter  la  haire  ou  le  cilice  trois  jours  de  la  semaine , 
ou  bien  jeusner  le  vendredi  et  samedi  en  pain  et  en  eau.  Les 
ermites  disneront  et  souperont  tousjours  au  réfectoire  com- 
mun, et  disant  leur  coulpe,  ou  s'ils  ont  manqué  à  quelque 
chose  importante ,  se  disciplineront  sur  les  espaules  devant 
tous  les  frères.  Mais  ceux  qui  auront  fait  la  montée  le  jour 
auparavant  ou  qui  reviendront  de  la  queste  des  moissons , 
vendanges ,  et  en  temps  d'hy ver,  seront  exceptés ,  et  leur 
fera  permis  de  prendre  un  peu  de  repos. 

V.  Office  des  ermites. 

Les  ermites  prestres,  ou  qui  sçauront  lire  ou  entendre  le 
îatin  ,  reciteront  le  grand  office  du  bréviaire  romain  ;  et  les 
laïques  qui  ne  sçauront  7  Ire,  reciteront  le  rosaire,  à  l'imitation 
des  ursulincs,  ajoutant  neuf  fois  l'oraison  dominicale,  et 
tout  autant  la  salutation  angelique ,  à  l'honneur  des  neuf 
chœurs  des  anges.  Les  ermites  observeront  en  leur  oiiice  un 
tel  ordre  : 

Le  sacristain  sonnera  en  tout  temps  à  quatre  heures  du 
VI.  29 


450  OPUSCULES 

matin,  après  quoy  îl  fera  bruire  le  resveil-matin  par  le  dor- 
toir l'espace  de  trois  tours,  et  un  peu  après  retournera  son- 
ner le  dernier  signe  de  l'office.  Les  frères  laïques  assisteront 
à  matines  à  genoux ,  jusqu'à  la  fin  du  premier  psalme ,  puis 
pourront  sortir,  si  bon  leur  semble ,  pour  dire  le  chapelrf 
ou  quelque  autre  oraison,  prenant  garde  surtout  de  ne  parler 
point  les  uns  avec  les  autres. 

VI.  L'oraison. 

Aussitost  que  le  sacristain  aura  clocbé  deux  coups  sur  la 
fin  de  prime  à  la  leçon  du  Martyrologe,  ils  retourneront  tous 
nécessairement  au  chœur  pour  faire  l'oraison  mentale ,  la- 
quelle durera  demy-heure,  sinon  qu'il  y  eust  quelque  cause 
urgente  de  la  faire  plus  courte  ;  et  se  commencera  par  les 
litanies  des  saints.  Etant  achevée,  si  c'est  en  hyver,  les 
frères  se  chaufferont  demy-heure ,  puis  chacun  s'en  ira  va- 
quer à  ce  qu'il  aura  en  charge. 

vu.  De  la  messe. 

La  première  messe  se  dira  à  six  heures ,  continuant  jus- 
qu'à midi,  lorsqu'il  y  aura  beaucoup  de  prestres  :  que  s'il 
n'y  en  a  que  trois  ou  quatre,  la  première  se  dira  à  sept 
heures,  la  seconde  à  huit ,  la  troisième  à  neuf ,  la  quatrième 
à  dix  ;  et  s'il  est  possible ,  les  frères  serviront  tour-à-toar. 

VIII.  Des  festes  où  il  y  a  concours  de  peuple ,  et  autres. 

Quand  on  preverra  des  festes  le  jour  desquelles  le  peuple  a 
accoustumé  d'affluer,  et  que  pour  ce  il  faudra  vaquer  à  ouïr  les 
confessions,  les  prestres  diront  matines  le  soir  auparavant , 
depuis  huit  heures  jusqu'à  neuf ,  puis  le  matin  les  heures 
de  suite  :  mais  quand  rien  ne  pressera ,  on  dira  tierce  et 
sexte  à  neuf  heures ,  noue  à  midi ,  vespres  à  trois  heures ,  et 
complies  à  six,  finissant  par  l'oraison  mentale  de  dcmy* 
heure  j  laquelle ,  après  que  les  frères  seront  assemblés  as 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  451 

son  de  la  cloche ,  que  le  sacristain  donnera  au  Cantique  de 
Simeon,  se  commencera  par  les  litanies  de  nostre  Dame. 

IX.  De  l'hymne  des  joyes  de  la  sainte  "Vierge,  et  autres  prières. 

Tous  les  samedis  après  souper,  les  ermites  chanteront  au 
chœur,  devant  l'image  de  la  Vierge,  l'hymne  de  ses  joyes, 
puis  se  retireront  en  leurs  cellules,  ou  hien  iront  se  chauffer 
un  peu,  selon  le  temps  :  mais  si  quelquefois  ils  ne  se  trouvent 
pas  en  nombre  suffisant  pour  chanter,  alors,  si  le  restant  est 
prestre ,  il  dira  à  haute  voix  les  litanies  des  Saints;  si  c'est 
un  frère  laïque ,  il  recitera  les  litanies  de  nostre  Dame ,  les- 
quelles à  tout  le  moins  ne  s'omettront  jamais ,  et  que  tous 
seront  obligés  de  savoir  par  cœur. 

Les  jours  feriaux  et  ouvriers,  après  l'action  de  grâces  du 
disner,  les  ermites  iront  à  l'église  pour  reciter  les  litanies 
de  S.  Michel  et  des  SS.  Anges,  avec  commémoration  de 
S.  Paul ,  de  S.  Antoine,  de  S.  Hilarion ,  de  l'église  triom- 
phante ,  et  ajouteront  pour  la  militante  l'oraison  de  S.  Au- 
gustin ,  qui  se  trouve  au  quarantième  chapitre  de  ses  Médi- 
tations. 

X.  De  la  confession  et  communion. 

Les  ermites  confesseront  leurs  péchés ,  et  recevront  le 
tres-auguste  sacrement  de  l'autel,  tous  les  jours  de  dimanche  - 
et  festes  solemnelles.  Les  prestres  tascheront  de  célébrer  la 
sainte  messe  tous  les  jours. 

XI.  Du  silence,  de  l'hospitalité  et  de  la  retraite. 

Les  ermites  observeront  exactement  le  silence,  sinon  que- 
la  nécessité  ou  la  civilité  les  fasse  parler,  en  quel  cas  ils 
prendront  garde  de  modérer  leurs  discours,  et  ne  rien  dire, 
de  trop. 

Les  ermites  auront  en  très-grande  recommandation  l'hos- 
pitalité, et  un  soin  tout  particulier  des  pèlerins  et  estrangers, 
les  servant  et  traitant  courtoisement ,  sans  toutefois  rompre 
les  règles  de  la  juste  œconomie. 


452  OPUSCULES 

Les  ermites  ne  sortiront  point  de  leurs  cellules,  sinon  pour 
les  offices  au  son  de  là  cloche ,  ou  estant  appelés  pour  quel- 
ques nécessités ,  ou  quand  le  père  supérieur  leur  permettra 
de  se  promener  seuls  parmi  le  bois  pour  tout  autant  de 
temps  qu'il  prescrira. 

XII.  Du  bon  exemple. 

Les  ermites  estant  à  la  quesce  ou  à  quelque  négociation , 
éviteront  tout  ce  qui  pourroit  donner  le  moindre  sujet  de 
scandale ,  taschant  de  se  comporter  le  plus  conformément  à 
l'ordre  de  l'ermitage ,  qu'ils  verront  le  plus  judicieusement 
estre  possible,  sans  incommoder  personne;  et  estant  de  retour 
jureront  de  tout  ce  qu'ils  auront  reçu  ou  négocié, 

XIII.  De  la  réception  et  l'expulsion. 

Pour  recevoir  quelqu'un  et  bailler  l'habit  après  le  temps 
de  la  probation ,  il  sera  requis  d'avoir  le  consentement  de 
tous  les  frères,  l'opinion  du  révérend  surveillant,  et  le 
jugement  ou  commandement  du  reverendissime  evesque, 
de  son  vicaire-general  :  comme  pareillement  on  ne  mettra 
personne  dehors  sans  les  mesnies  précautions. 

XIV.  Des  fonds  de  rentes. 

Celui  qui,  désireux  d'observer  l'entière  solitude,  appor- 
tera à  joindre  à  la  communauté  suffisamment  pour  son  en- 
tretien ,  sera  exempt  de  faire  la  queste.  Que  si  avec  le  temps 
les  ermites  pouvoient  avoir  des  rentes  suffisantes,  par  la 
charité  des  gens  de  bien ,  ils  s'arresteront  sans  plus ,  et  de- 
meureront en  l'ermitage ,  pour  vaquer  avec  plus  de  loisir  à 
la  sainte  méditation  et  réception  des  pèlerins. 

XV.  Des  supérieurs. 

Les  ermites  obeyront  à  un  supérieur,  qui  soit  pareille 
ment  ermite ,  ou  autre  tel  qu'il  plaira  au  reverendissime 
evesque  de  commettre ,  lequel  aura  tout  le  ïnesme  pouvoir 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  453 

que  les  Ordres  reformés  donnent  aux  supérieurs.  Quand  il 
se  rendra  intolérable  ,  injuste  ,  et  passionné  outre  mesure , 
les  frères  conviendront  par-devant  le  reverendissime  evesque, 
leur  juge,  ou  son  vicaire-general.,  toutefois  sans  forme  ni 
figure  de  procès ,  mais  s'exciisant  simplement  l'un  l'autre, 
et  s'accusant  pareillement  sans  injure ,  ni  animosité.  Les 
ermites  se  tiendront  en  l'obeyssanct;  de  l'evesque ,  tout  de 
mesme  que  les  curés  seront  obligés  de  se  trouver  au  synode 
diocésain ,  et  ne  résoudront  rien  de  grand  et  important  en 
leur  chapitre,  sans  le  communiquer  au  surveillant ,  et  faire 
approuver  à  l'evesque. 

Les  ermites  observeront  exactement  toutes  ces  constitu- 
tions, pour  estre  dignes  du  saint  nom  qu'ils  portent,  et  à  cet 
effet  les  reliront  souvent,  taschant  tousjours  de  faire  mieux; 
et  selon  les  occasions  et  la  raison  en  requerront  l'evesque, 
lequel  s'est  réservé  et  reserve  le  pouvoir  d'adjouster  et  re- 
trancher, selon  qu'il  verra  estre  expédient  pour  la  plus  grande 
gloire  de  Dieu. 

Ces  Constitutions  furent  lues  en  plein  synode ,  et  approuvées  par  deux  cé- 
lèbres docteurs  en  théologie,  savoir,  messire  Pierre-François  Jayus,  chanoine 
théologal  et  grand  pénitencier  <•«  l'église  cathédrale  da  Saint-Pierre  de  Genève; 
et  messire  Pierre  Magrin,  chanoine  et  sacristain  de  l'église  collégiale  de  Notre- 
Dame  d'Annt:^y;  et  enfin  ces  bons  ermites  firent  la  profj^sion  et  vœux  simples 
entre  les  mains  de  messire  Louis  Queslan,  docteur  en  théologie,  pareillement 
chanoine  de  l'église  cathédrale,  et  surveillant  député  exprès  par  le  saint 
François  de  Sales,  évêque  et  prince  de  Genève. 


454  OPUSCULES 


CXL. 


LETTRE^ 

▲  LA  MÈRE  FAVRE  ,  SUPÉRIEURE  DE  LA  CONGRÉGaTID'N  -DE  LA  VISITATION 

A  LYON. 

Le  Saint  déclare ,  d'après  le  concile  de  Trente ,  quel  est  le  temps  déterminé 
pour  le  noviciat  des  Religieux  et  Religieuses;  que  les  Supérieurs  peuvent 
néanmoins  le  prolonger,  mais  pour  de  bonnes  raisons,  et  non  par  caprice. 

Anneci,  14  may  1620. 

Croyés-moy,  ma  1res  chère  Fille,  ne  faites  point  la  discrète 
avec  moy  pour  ne  m'oser  pas  escrire  tous  les  jours  quand  vous 
"Toudrés:  car  jamais  je  ne  verray  de  vos  lettres  qu'avec  très 
grande  consolation  pour  moy.  Or,  je  respons  à  la  vostre 
dernière. 

Je  trouveray  fort  bon  que  vous  venîés  un  peu  à  l'avantage 
îcy,  pour  plusieurs  raysons ,  el  que  vous  passiés  à  Grenoble, 
puis  que  mesme  ainsy  faysant  vous  gaignerés  le  passage  de 
Chambcry  quand  vous  irés  à  Turin  ;  d'autant  qu'y  ayant 
esté  en  venant,  etveu  monsieur  vostre  père,  vous  n'aurés  pas 
-sujet  de  vous  destourner  pour  y  repasser,  ains  irés  le  droit 
chemin  et  avancerés  d'une  journée.  Mais  de  vous  dire  bien 
précisément  quand  vous  irés  à  Turin  ,  je  ne  le  puis  encore; 
imon  frère  m'escrivoit  dernièrement  que  ce  seroit  environ  la 
fin  de  juin  ou  le  commencement  de  juillet. 

Le  Concile  de  Trente  prefîge  absolument  une  année  de 

noviciat;  en  sorte  que  nul  ne  peut  en  establir  deux,  ny 

-iTiesme  un  seul  mois  davantage ,  sans  spécial  pï  zvilege  du 

'  Tirée  du  monastère  de  la  Visitation  -.lu  ftijibourg  St.-Jacques.  C'est  la  533* 
'de  la  collection  Biaise. 


PE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  455 

Pape,  bien  qu'es  cas  particuliers  le  Supciieur,  ains  la  Supé- 
rieure et  les  Seurs,  peuvent  différer  la  profession  quand  il 
y  a  cause  légitime ,  comme  ([uand  avec  un  peu  de  loysir  la 
Novice  pourra  se  rendre  plus  capable  ,  ainsy  qu'il  est  dict 
4s  Constitutions;  mais  ceste  vérité  il  la  faut  doucement  mes- 
nager,  et  ne  point  l'aileguer  par  manière  de  résistance,  mais 
plustost  la  luy  faire  dire  })ar  quelque  homme  qui  la  sçache 
dire  avec  dextérité. 

Si  d'Auvergne  *  on  poursuivoit  pour  vous  avoir  un  mois 
au  commencement  de  la  fondation,  je  pense  que  cela  seroit 
bon  et  à  propos  pour  la  consolation  des  Seurs  qui  iront. 

Cependant,  ma  très  chère  Fille,  (vous)  me  voyés  bien  marry 
d'estre  réduit  à  l'impossible  pour  aller  prescher  àLyon,  Son 
Altesse  voulant  très  absolument  que  j'accompagne  Monsei- 
gneur le  Prince  Cardinal  à  Rome,  qui  fera  le  voyage  cest 
automne.  En  ce  regret  néanmoins  j'ay  ce  contentement  de 
devoir  servir  vostre  petite  Congrégation,  et  de  vous  voir 
allant  et  revenant. 

Je  salue  vostre  ame  de  tout  mon  cœur,  ma  très  chère  et 
très  aymable  Fille,  et  luy  souhaitte  incessamment  les  saintes 
bénédictions  du  Ciel;  et  à  ma  Seur  toute  chère  Marie  Aymée 
(de  Blonny),  Anne  F.  F.  Hieruiiyme,  et  toutes  nos  Seurs,  que 
je  chéri''  tres-parfaitement ,  6t  la  malade ,  et  tout  à  pari 
iiostre  M.  Brin. 

*  On  par'/^it  alors  de  la  fondation  du  mônsistère  de  la  Visitation  de  Saiiit» 
Marie  à  Montferrand ,  en  Auvei^ti^ 


456  OPUSCULES 

CXLI. 

LETTRE* 

A  LA  MÈRE   SUPÉRIEURE   DU  MONASTÈRE   PE  LA  VISITATION, 

A   GRENOBLE. 

Les  Religieuses  de  la  Visitation  peuvent  recevoir  chez  elles  de  petites  filles  r 
à  quelles  conditions.  Rang  et  fonctions  de  leurs  associées,  etc.  Du  grand 
Office  et  du  petit.  II  n'y  a  pas  de  bien  sans  charge  en  ce  monde. 

16  may  1620. 

Ma  très  chère  Fille, 

La  fille  de  laquelle  vous  m'escrivés  estant  de  telle  consé- 
quence, pourveu  qu'elle  eust  environ  douze  ans,  pourra 
estre  fort  bien  receue.  Il  est  vray  que  ces  jeunes  gens  don- 
nent de  la  peine  ;  mais  que  fera-on  là?  Je  ne  treuve  point  de 
bien  sans  charge  en  ce  monde.  Il  faut  tellement  adjuster 
nostre  volonté,  que  ou  elle  ne  prétende  point  de  commo- 
dités ,  ou  si  elle  en  prétend  et  désire ,  elle  s'accommode  aussi 
doucement  aux  incommodités,  qui  sont  indubitablement 
attachées  aux  commodités.  Nous  n'avons  point  de  vin  sans 
lie  en  ce  monde.  Il  faut  donc  balancer  :  est-il  mieux  qu'en 
nostre  jardin  il  y  ait  des  espines  pour  y  avoir  des  roses,  ou  de 
n'avoir  point  de  roses  pour  n'avoir  point  d'espines  ?  Si  cette 
fille  apporte  plus  de  bien  que  de  mal ,  il  sera  bon  de  la  rece- 
voir ;  si  elle  apporte  plus  de  mal  que  de  bien,  il  ne  la  faut  pai 
recevoir. 

Et  à  propos  de  petites  filles,  la  sœur  N.  (Jeanne  Marie 
fille  de  madame  la  concierge),  qui  a  eêté  receue  si  jeune, 

«  r/est  la  535«  de  la  collection  Biaise,  et  la  34»  (a/.  31»)  du  livre  III  de» 
viciennes  éditions. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  457 

est  malade  d'une  maladie  douloureuse,  et  comme  dit 
M.  Grandis  *,  mortelle  ;  car  elle  est  pulmonique.  Je  la  fus  voii 
Tautre  jour  avec  une  incroyable  consolation ,  de  voir  une  si 
douce  indifférence  à  la  mort  et  à  la  vie ,  une  patience  si 
suave,  et  un  visage  riant  parmi  une  fièvre  ardente,  et  beau- 
coup de  peines,  ne  demandant  pour  toute  consolation  que  de 
pouvoir  faireiljla  profession  avant  que  de  mourir. 

Or,  si  vous  recevés  celle  que  vous  dites,  il  est  vray  qu'il 
ne  la  faut  pas  lier  aux  exercices;  car  cela  la  pourroit  rebuter 
en  cette  si  tendre  jeunesse ,  qui  ne  peut  encore  savourer  ce 
qui  est  de  l'esprit,  pour  l'ordinaire. 

Pour  l'habit,  il  ne  le  luy  faut  pas  donner  avant  l'aage, 
mais  ouy  bien  luy  en  procurer  un  fort  simple,  et  une  petite 
escharpe  qu'elle  tienne  sur  sa  teste  ;  en  sorte  qu'elle  res- 
semble en  quelque  sorte  à  une  Religieuse ,  et  sera  bon 
qu'il  soit  ou  noir  ou  tanné,  sans  ornement,  comme  j'ar 
veu  à  Saint- Paul  de  Milan,  où  il  y  avoit  environ  cent  cin- 
quante Religieuses ,  et  vingt  ou  vingt-cinq  Novices ,  et  bien 
autant  de  Prétendantes,  qui  y  estoient  en  pension  et  attente^ 
et  celles- cy  estoient  toutes  vestues  d'une  mesme  couleur 
bleue ,  et  des  voiles  de  mesme ,  et  tout  leur  appareil  esgal. 
J'en  dis  de  mesme  pour  la  petite  Lambert;  et  c^  sera  comme 
une  petite  préparation  à  l'habit;  lequel  es  filles  bien  dis- 
posées on  peut  bien  donner  quelques  mois  avant  le  temps, 
mais  non  pas  la  qualité  de  Novices,  comme  on  a  fait  à  la 
seur  Jeanne  Marie  :  et  toutefois  il  me  semble  qu'il  ne  k 
faille  pas  faire,  sinon  pour  des  occasions  pressantes.  Un  petit 
habit  tanné  ou  blanc  ou  de  la  couleu."  que  vous  jugerés  plus 
propre,  avec  un  peu  de  forme  approchant  de  celle  de  la  Reli- 
gion, qui  montreroit  qu'elles  sont  en  prétention  et  attendant 
l'aage  ,  les  pourroit  contenter. 

Que  les  filles  aillent  à  Lyon  ,  ou  ailleurs ,  il  n'importe 
nullement;  et  ne  vous  en  mettes  point  en  peine.  Quand  vous 

»  Ce  M.  Grandis  étoit  un  médecii». 


458  OPUSCULES 

serés  en  nostre  Monastère*,  ses  commodités fer^mt  leur  atlrae- 
tion  comme  les  autres ,  et  les  tilles  y  viendront  comme  les 
colombes  aux  colombiers  xjul  sont  blancs.Cependant^  ma  très 
chère  fille  ,  qui  ne  cherche  que  la  gloire  de  Dieu ,  la  treuve 
dans  la  pauvreté  comme  dans  les  commodités.  Ces  bonnes 
tilles  n'ayment  pas  la  pauvreté  nécessiteuse ,  et  nous,  certeSf 
n'en  sommes  pas  non  plus  ravis  d'amour.  Laissés  donc  dou- 
cement et  paisiblement  aller  à  Lyon  qui  voudra  ;  Dieu  vous 
garde  mieux  que  tout  cela. 

Yous  m'excuserés,  ma  tres-chere  Fille;  j'espère  que  Dieu 
nous  assistera,  afin  que  le  grand  Olïice  ne.  soit  jamais  intro- 
duit en  cette  Congrégation,  et  le  pape  mesme  en  donna  quel- 
que instruction  ;  et  nonobstant  cela  ^,  il  est  bon  qu'il  y  aye  des 
Seurs associées  pour  faire  la  charité  h  tout pleinde;  personnes 
qui  ne  sçauroient  dire  l'Office ,  ou^  pour  avoir  la  veuë  trop 
foible  et  basse,  ou  pour  avoir  manqnement.d'estomach^ou 
pour  quelque  autre  infirmité. 

C'est  pourquoy  Ton  n'a  pas  marqué  les  exercices  qu^il 
leur  faut  donner  en  lieu ;de  l'Office  au  clMeui^  *. car. selon  lear 
infirmité  il  les  faut  pourvoir.  Si  elles  <mtt  fauta  de  veuë ,  on 
leur  peut  donner  des  cliapelets.  Si  c'est  infirmité  d'estomach 
ei  non  de  veuë ,  elles  pourront  dire  les  Heures  ;  et  la  Supé- 
rieure pourra  disposer  d'elles  à  quelque  Office  non  incompa- 
tible avec  leur  infirmité.  Depuis  peu  j!ay  leu  la  première  Cons- 
titution, où  il  est  assés  clairement  dict  que  les  Seurs  associées, 
comme  les  domestiques,  diront  des  P^^e/^  et  Ave  en  lieu  de 
l'Office  f  c'est  en  la  page  1 18  et  1 19.  C'est]  pourquoy  il  ne 
sera  nul  besoin  qu'elles  disent  les  Heures  i  aâns suffira  qu'elles 
fassent  ce  quiest  porté  en  l'article  de  eeste  Constitution ,  et 

»  Les  Religieuses  de  la  Visitation  de  Grenoble  habitoient' alors  une  maison 
qui  ne  leur  appartenoit  point,  en  attendant  qu'elles  eiissent  un  monastère. 

*  C'est-à-dire  :  et  nonobstant  que  vous  disiez  le  peJtit  Olïiee  seulement,  A 
est  honfqWib  y  ait  des!  Sœurs  associa»**,  etc. 

•  Qui  les  emi)êche  de  cbantor  aa  ihœur 


DE   S.    FRANÇOIS   HE   SALES.  459 

qu'au  reste  la  Supérieure  les  employé  selon  qu'elle  verra 
qu'elles  pourront  faire. 

Il  sera  bon  que  nostre  mère  de  J>yon*  passe  à  Grenoble 
pour  vous  voir;  vous  en  recevrés  de  la  consolation  toutes 
deux.  Et  ne  vous  mettes  nullement  «n  peine  de  ceste  petite 
louche  que  vostre  cœur  en  ressent  :  car  cela  n'est  rien ,  et 
sert  beaucoup  pour  nous  faire  humilier  doucement,  pour 
nous  faire  voir  la  misère  de  nostre  nature,  et  pour  nous  faire 
désirer  parfaitement  de  vivre  selon  la  grâce,  selon  l'Evan- 
gile, selon  l'esprit  de  nostre  Seigneur.  ParîéwS-moy  tous- 
jours  hardiment;  car  je  proteste  devant  Dieu  et  ses  Saints 
que  je  suis  vostre,  ma  très  chère  et  véritablement  bien  aymée 
Fille. 

Je  salue  nos  Seurs  tendrement ,  et  ces  bonnes  Dames. 

1  C'est  la  mère  Kavre  qui  alk'it  être  supérieu»»  »  Montferrand,  'ville  de  la 
basse  Auvergne ,  et  laisser  à  sa  place  la  mère  de  Blonay,  supérieure. 


460  OPUSCULES 


CXLII. 


1 


LETTRE 

À   s.    A.    CHARLES   EMMANUEL   l",    DUC   DE   SAVOIE. 

Sur  le  dessein  d'employer  les  prébendes  vacantes  de  Contamine  à  rétablisse- 
ment des  lectures  de  théologie,  et  du  noviciat  des  PP.  Barnabites. 

Annecy,  2  juin  1620. 
Monseigneur, 

V.  A.  qui  m'avoit  commandé  de  faire  recevoir  le  neveu 
du  sacristain  Perret  à  Contamine,  me  commande  par  une 
autre  lettre  de  ne  le  point  faire  jusques  à  ce  que  luy  aye 
donné  mon  ad  vis.  Et  partant ,  Monseigneur,  je  supplieray 
V.  A.  de  se  ressouvenir  de  l'heureux  dessein  qu'elle  a  d'em- 
ployer les  prébendes  de  ce  Prieuré-là ,  pour  l'establissement 
des  lectures  de  Théologie,  et  du  noviciat  des  PP.  Barnabites, 
puisque  il  est  si  malaysé  de  mettre  la  reforme  en  un  lieu 
où  il  n'y  a  pour  encore  aucun  sujet  capable  de  l'introduire, 
et  tout  à  fait  destitué  de  bastimens.  Et  sur  cela  V.  A.  me  fa- 
vorisera de  ses  commandemens  quej'attendray  et  recevray 
avec  l'obeyssance  que  je  luy  doy , 

Monseigneur, 

Son  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle 

orateur  et  serviteur, 

François,  Evesque  de  Genève. 

«  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turiu.  G'esi 
la  255*  inédite  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES,  461 


CXLIII. 

AUTRE  LETTRE  * 

AU  MÊME. 

Sur  l'union  du  prieuré  de  Ghindrieu  à  la  cure  de  Ruhiilly  pour  y  ÉtaMfr 

les  pères  de  l'Oratoire. 

Anneci,  7  octobre  le'IO. 
Monseigneur, 

En  attendant  que  V.  A.  fasse  retiscir  le  projet  du  resta blis- 
sement  de  la  vraye  pieté  en  tous  les  monastères  et  es  autres 
églises  de  cet  Estât  de  deçà  les  Montz,  voicy  une  digne  occa- 
sion qui  se  présente  pour  Rumilly  :  ïe  sieur  de  Saunatz, 
Prieur  de  Ghindrieu  en  Chautaigne  ,  désire  sans  fin  de  con- 
sacrer sa  personne  et  son  prieuré  au  service  de  Dieu  et  des 
âmes,  sous  Finstitut  des  PP.  de  l'Oratoire;  et  parce  que  son 
Prieuré  est  proche  de  Rsmilly ,  il  a  jette  ses  yeux  sur  ce 
lieu-là ,  du  quel  la  cure  estant  assez  honne,  icelle  jointe  au 
Prieuré  avec  quelques  autres  petitz  henefices  pourroit  suffire 
à  l'entretenement  de  dix  ou  douze  bons  Ecclésiastiques  du 
dit  Oratoire  qui  auroyent  un  grand  employ  en  cette  ville-là 
et  en  tout  le  voysinage.  Mays  pour  avoir  l'événement  propice 
il  seroit  reqîjgis,  Monseigneur,  que  Y.  A.  nous  tesmoignast 
son  consentement  et  contentement,  et  que  par  après  elle  favo- 
risast  les  poursuites  qu'il  sera  requis  de  faire  à  Rome  :  et  de 
tout  cela  je  l'en  supplie"  très  humblement  comm'  aussi  de 
commander  que  les  pauvres  Cures  d'Armoy  et  de  Draillens 
soyent  attestées  de  l'argent  que  tant  de  foys  Y.  A.  leur  a  or- 

'  I/original  en  est  con6<»rvé  aux  Archives  de  U  Cour  de  Turin.  C'est  la  260« 
inédite  de  la  collection  Biaise, 


462  OPUSCULES 

donné ,  n'estant  pas  en  nostre  pouvoir  ni  par  prières ,  ni  par 
sousinissions,  ni  par  importunité  d'en  rien  avoir,  des  cinq  ou 
six  ans  en  ça,  sinon  50  escus,  sans  plus.  V.  A.  sçait  combien 
cette  supplication  est  juste  ;  qu'il  soit  donq  son  bon  playsir 
de  la  faire  reûscii-.  Tandis,  nous,  prions  nostre  Seigneur 
qu'il  la  conserve  et  fasse  de  plus  en  plus  prospérer. 

Je  suis, 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur  de  V.  A.  Ser. 

Fbançois,  Ev.  de  Genève, 


DL   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  463 


CXLIV. 

LETTRE* 

AS.  A.  CHARLES  EmiANUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE. 

Sur  l'extrême  misère  de  la  sainte  maison  de  Notre-Dame  de  Thonon,  et  sur 

les  moyens  d'y  porter  remède. 

11  décembre  1620. 
Monseigneur^ 

L'extrême  désolation  qui  est  en  la  sainte  Mayson  de 
nostre  Dame  de  Thonon  ne  peut  recevoir  remède  que  de 
Totre  serenissime  providence  ;  la  pauvreté  y  est  déme- 
surée; etlesenfans  du  séminaire  tout  fin  nu ds ,  deschaux 
et  transis  de  misère;  le  Prestre  de  la  Maison,  et  les  Pères 
Barnabites  n'ont  justement  que  pour  manger  et  habiter,  et 
non  pour  se  veslîr;  et  lèreste  va  très  mal  en  point;  mays 
ce  qui  est  le  pis,  c'est  que  cette  calamité  y  fait  naistre  une 
lamentale  desunion ,  tandis  que  chacun  s'essaye  de  tirer  à 
soy  le  peu  de  moyens  et  d'argent  qu'on  y  porte. 

Le  remède ,  Monseigneur,  à  ce  mal  qui ,  à  la  vérité ,  est 
de  plus  grande  conséquence  qu'il  ne  semble ,  consiste  en  ces 
pointz. 

Le  projet  de  cette  Mayson  a  esté  fait  fort  grand  et  ample , 
et  falloit  quatre  mille  escuz  pour  lesoustenir  annuellement. 
Despuys  on  a  de  beaucoup  amoindry  les  moyens  qui  y  de- 
voyent  estre  employés ,  et  pour  un  seul  coup  on  a  osté  le 
prieuré  de  Nantua ,  qui  sont  mille  escus  de  revenus  ;  et  t?n^ 
viron  deux  mille  ducatons  que  S.  A.  par  sa  libéralité  y  a 

»  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est 
h.  264e  inédite  de  la  collection  Blaisô-. 


1   »■■■!- »■; 


464  OPUSCULES 

destines ,  ne  sont  pas  touchés  à  commodité.  Il  est  vray  en- 
core j  avec  tout  cela ,  Monseigneur,  que  la  mauvayse  intelli- 
gence des  membres  de  cette  Mayson,  et  la  mauvayse  conduite 
de  ses  affaires  l'appauvrit  de  plus  en  plus. 

Monseigneur,  si  V.  A.  fait  reùscir  le  projet  d'establir  là 
des  vrays  Prestres  de  l'Oratoire ,  en  lieu  de  ceux  qui  y  sont, 
on  sauvera  de  ce  costé  là  300  ducatons ,  car  faysant  une  vie 
tout  à  fait  comniune  ,  il  ne  faudra  aucun  gage  ,  comm'  il  en 
faut  aux  autres,  layssant  à  part  le  lustre  et  le  proffit  spiri- 
tuel qu'ilz  apporteront.  Si  V.  A.  fait  reùscir  le  dessein  d'ap- 
pliquer toutes  les  prébendes  de  Contamine  aux  PP.  Barna- 
bites  ,  hors  mis  cinq  ou  six  ou  mesme  sept  pour  y  faire  faire 
le  service  paroissial  et  célébrer  les  messes  de  fondation ,  on 
sauvera  cinq  cents  escus  de  revenus;  et  îes  finances  de  S.  A. 
descbargées  d'autant.  Et  puis,  Monseigneur,  si  le  projet  de 
la  reformation  des  monastères  et  du  clergé  reùscit ,  on  trou- 
vera bien  encore  des  bons  et  gracieux  moyens  d'accommoder 
pour  le  reste.  Mays  tandis  que  tous  ces  biens  s'acheminent 
sous  les  auspices  et  par  les  soins  de  V.  A.  Ser.,  je  croy  qu'il 
sera  requis  que  pour  le  présent  elle  fasse  recevoir  l'argent 
des  assignations  à  ce  porteur,  le  sieur  Gillette,  affin  qu'il  en 
secoure  les  nécessités  pressantes  de  la  ditte  sainte  Mavson, 
et  je  me  promets  de  vostre  bonté ,  Monseigneur,  que  Vc  A. 
me  pardonnera  aysémentl'importunité  de  cette  lettre  escritte 
de  la  main  et  du  cœur., 

Monseigneur, 

De  vostre  très  humble,  1res  obeyssantet  très  fidèle 
orateur  et  servi t*îur, 

!:<  RANÇois ,  Evesque  de  Genève,? 


DE   S.    FRANÇOIS   DR   SALES.  4G5 


CXLV. 

LETTRE* 

A   UN   GENTILH0M3IE   DE   LA  COXTA  DE   S.    A. 

Saint  François  lui  parle  du  désir  de  faire  donner  à  M'  ie  Valbonne,  fils  da 
premier  président  Favre,  l'office  de  son  père,  sans  gages  pendant  sa  vie; 
et  l'entretient  de  la  situation  des  bénéfices,  curés,  et  des  religieux  de  son 
diocèse. 

1620. 

Vous  verres  par  la  lettre  et  le  mémoire  de  nostre  frère , 
la  proposition  qu'il  désire  estre  faite  à  S.  A.  ou  à  Monsei- 
gneur le  Prince.  Or,  il  a  une  grande  espérance  que  par  ce 
moyen  il  rendra  un  bon  et  fructueux  service  à  la  Couronne, 
car  ceux  qui  entendent  en  l'affaire  l'asseurent  qu'elle  est  fort 
bonne  et  digne  d'estre  entreprise.  Pour  moy,  je  le  desirerois 
bien  fort,  et  croy  que  S.  A.  n'ayant  rien  à  délivrer  présente- 
ment ni  mesme  à  l'advenir,  ains  seulement  à  authoriser  main- 
tenant l'entreprise  et  tirer  à  l'advenir  presque  tout  le  fruit  de  ce 
travail,  elle  accordera  volontiers  ce  qu'on  demande  ;  dequoy 
ce  garçon  apportera  response,  puis  qu'il  va  exprès  pour  cela. 

Monsieur  le  premier  Président ,  voyant  que  sa  jambe  ne 
luy  pourra  guère  meshuy  permettre  d'aller  aux  audiences , 
avoit  fait  une  pensée  de  supplier  S.  A.  de  vouloir  donner 
son  office  à  son  filz  Monsieur  de  Valbonne  ,  qui  l'exerceroit 
dés  à  présent ,  et  sans  autres  gages  que  ceux  qu'il  a  pendant 
la  vie  de  son  père,  après  laquelle  il  succedast  aux  gages 
comme  à  Testât. 

Or,  pour  parvenir  à  cela  ,  u  seroit  requis  d'user  des  pre- 
paratif z  ;  en  quoy  vous  pouvés  obliger  l'un  et  l'autre  es 

'  L'original  en  est  conservé  dans  le  monastère  de  la  Visitation  de  Turiiu 
C'est  la  268e  inédite  de  la  collectiop  Biaise. 

VI.  30 


^66  opuscuijF^ 

occasions ,  comme  seroit  de  faire  naistre  des  propos  parmi 
les  quelz  vous  puissiés  ,  par  ci ,  par  là  ,  jetter  dans  l'esprit 
de  leurs  iVitesseset  de  Madame  les  conceptions  suivantes  : 

Que  Monsieur  le  premier  Président  est  le  plus  grand  juris- 
consulte de  ce  tems ,  et  que  c'est  dommage  qu'il  ne  puisse 
plus  si  aisémen*  meshuy  prononcer  les  arrestz  et  se  treuver 
à  toutes  occasions  comm'  il  faysoit.  Que  sa  maladie  luy 
donne  également  cette  incommodité,  et  presque  asseurance  de 
longue  vie  ,  puisque  elle  le  descharge  des  humeurs  peccantes. 
Que  c'estoit  une  belle  chose  es  occurrences  de  le  voir  haran- 
guer, et  représenter  le  Sénat.  Puys ,  que  Monsieur  de  la 
Valbonne  paternise  en  cela  ,  qu'il  est  grandement  conscien- 
tieux,  qu'il  harangue  heureusement  et  fait  fort  bien  toutes 
sortes  de  complimens.  Qu'il  préside  merveilleusement  bien 
et  prononce  avec  beaucoup  de  grâce  les  arrestz  ,  qu'il  est 
fort  docte,  qu'il  a  esté  dix  ans  au  Sénat,  trois  ans  juge«. 
magne  et  trois  ans  président  icy,  et  que  par  ces  degrés  il 
g'est  acquis  une  grande  habitude  à  bien  distribuer  la  justice, 
qu'il  a  environ  38  ans  ,  aage  de  maturité  et  propre  pour 
rendre  beaucoup  de  services.  Et  ainsy  semblables  choses, 
les  quelles  sont  fort  véritables  ;  de  sorte  que  sans  doute 
il  n'y  en  a  pas  un  au  Sénat  qui  peust  mieux  succéder  que 
luy;  car  les  uns  sont  si  vieux  qu'ilz  n'en  peuvent  plus  ,  les 
autres  sont  bas  de  naissance  et  fort  peu  bien  disans,  les 
autres  n'ont  pas  tant  d'estude  ni  tant  d'habileté.  En  somme, 
toutes  choses  bien  considérées  ,  il  n'y  en  a  pas  un  qui  à  tout 
prendre  puisse  mieux  ny  certes  si  bien  reiiscir  en  cette  charge. 

Car  à  ce  qu'on  me  dit ,  M.  de  Montouz  est  désiré  en  la 
/^mbre  et  ne  veut  pas  prétendre  ailleurs  pour  encor.  Or, 
tout  cela  doit  estre  discrètement,  sagement  et  dextrement 
semé  comme  pour  préparatoire  et  disposition  es  occurrences. 
Et  Monsieur  le  Premier  espère  que  Monsieur  le  Marquis  de 
Talroncey  contribuera  bien  à  cet  effet  de  son  costé.  Et  par- 
iant vous  pourrés  bien  en  conférer  avec  luy,  mays  il  faut 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  467 

tenir  le  tout  fort  secret.  Puis  M.  le  Président  estant  icy  où  il 
•espère  tousjours  de  venir  bien  tost,  il  prendra  resolution  de  ce 
-qu'il  aura  à  faire ,  et  sur  tout  si  vous  me  faites  sçavoir  s'il  y 
|)Ourroit  avoir  de  l'apparence. 

Je  treuve  M.  le  Prieur  de  mesme  fort  à  mon  gré,  propre , 
bonne  mine  ,  oon  langage  et  bon  esprit  et  des  moyens  suffi- 
sans  pour  honnorer  l'office.  M.  l'Abbé  que  J'ay  treuvé  fort 
refait  et  façonné ,  m'a  grandement  prié  de  vous  recommander 
monsieur  le  Prieur  Curtes  que  son  père  et  ses  parens  desi- 
reroient  grandement  voir  ausmonier  de  Madame.  Si  donc 
vous  le  jugés  à  propos ,  ce  seroit  bien  fait  de  leur  procurer 
ce  contentement. 

Ces  Messieurs  de  N.  D.  ont  par  commune  conspiration  un 
grand  désir  que  vous  acceptiés  le  doyenné ,  estimant  qu'ilz 
ne  sçauroyent  mieux  relever  leur  Eglise.  Leur  désir  ne  peut 
nuire,  et  qui  pourroit  transporter  nostre  Eglise  en  la  leur, 
par  les  moyens  et  avec  les  articles  convenables ,  selon  qu'on 
en  a  parlé  ci-devant,  non  seulement  je  ne  verrois  point  d'in- 
convénient en  cela,  mais  j'y  treuverois  beaucoup  de  bien; 
car  comme  Doyen  vous  gouverneriés  l'un  des  Chapitres , 
■comme  Chantre  le  Chœur  de  l'un  et  de  l'autre  unis,  et 
«omme  Evesque  tous  deux,  et  tout  le  Clergé  de  la  ville, 
parmi  le  quel  on  pourroit  faire  renaistre  toute  sorte  de  bonne 
discipline.  Et  vostre  canonicat  pourroit  estre  donné  à  mon 
nepveu.  Mais  ce  que  je  vous  dis  n'est  que  pour  sçavoir 
vostre  pensée  sur  cette  proposition ,  car  cependant  monsieur 
le  Doyen  achèvera  son  noviciat. 

Je  suis  grandement  en  peme  des  paroisses  d'Armoy  et  Drail- 
iens ,  pour  les  quelles  on  ne  sçauroit  avoir  un  liart ,  et  ceux 
qui  les  servoyent  accablés  de  pauvreté  et  de  dettes  dont  je  suis 
respondant ,  se  sont  retirés  par  force.  Monsieur  le  président 
d^Hostel  qui  me  tesmoigne  de  l'amitié  autant  que  jamais , 
me  dit  qu'à  l'advenir  on  sera  payé  année  par  année ,  mais 
que  pour  le  passé  il  faut  treuver  quelque  moyen,  que  pour- 


468  OPUSCULES 

tant  il  ne  void  pas.  Si  vous  voyés  lieu  d'en  parler  à  propos , 
j'en  serai  bien  ayse  :  car  Monseigneur  le  Prince  m'a  tousjours 
asseuré  qu'il  vouloit  que  nous  fussions  payés.  Et  c'est  mer- 
veille que  Cv^q  cents  escus  coustent  tant  à  retirer  en  un  sujet 
si  plein  de  justice  et  de  pieté. 

J'ai  bien  envie,  de  sçavoir  que  deviendra  le  monastère  de 
Turin,  encor  que  je  sois  bien  ayse  que  ce  retardement  donne 
loysir  à  ma  seur  Favre  de  fonder  celuy  de  Clermont ,  et  à 
Madame  de  Chantai  celuy  d'Orléans  et  de  Nevers.  Nous 
avons  esté  contraintz  de  destiner  Madame  de  Monthouz  à 
Moulins,  pour  y  estre  Supérieure,  parce  que  M.  Grandis 
dit  que  si  elle  ne  changeoit  d'air  elle  mourroit  dans  peu  de 
semaines,  comm'  elF  a  pensé  faire  ces  jours  passés;  et  l'office 
de  maistresse  des  novices  occupoit  trop  son  esprit ,  qui  se 
portera  mieux  des  affaires  extérieures. 

Nous  verrons  si  M.  la  Signora  D.  Geneva,  ma  très  cherp 
fille,  viendra  ;  je  voudrois  bien  pour  le  service  de  Leurs  Al- 
tesses et  de  nostre  maistresse  que  Madame  de  Saint  Georges 
arrestast  encor  quelques  années.  Voylà  un  livre  de  l'Intro- 
duction en  françois.  Le  Père  Antoniotti  l'a  bien  mieux  tra- 
duit qu'on  n'a  pas  fait  à  Rome;  j'attends  de  sçavoir  des 
nouvelles  de  nostre  P.  General  des  Feuillans ,  comm'  aussi 
de  nostre  Monsieur  l'Abbé  d'Abondance ,  selon  l'advis  que 
vous  m'avés  donné  de  son  affaire  que  je  luy  ay  fidèlement 
envoyé.  0  mon  Dieu!  que  Monseigneur  le  Serenissime  Prince 
aura  de  bénédictions  si  la  reformation  se  fait!  toutes  ces 
bonnes  Religieuses  sont  alarmées  de  ce  que  M.  l'Abbé  de 
Ceyserieu  a  dit  à  son  retour  qu'on  les  vouloit  régler.  Les 
unes  veulent  prévenir  en  apparence  ,  mays  n'ayant  pas  de 
Supérieurs  reformés  ,  je  ne  sçay  comm'  elles  pourront  faire. 
Ce  sont  des  tentations  parfumées.  Nous  avons  eu  icy  le  Père 
Alexandre  Ficher,  ces  festes  de  Peutecoste  ,  qui  a  de  gran- 
dissimes talens  pour  prescher  exoeîlomment,  je  dis,  mieux 
que  plusieurs  dont  on  fait  si  grand  estât. 


DE    S.    FRANÇOIS    ])E    SALES.  469 


\A/w\rv/ 


CXLVI. 

LETTRE^ 

AU  PÈRE  GÉNÉRAL  DE  LA  CONGRÉGATION  DES  PRÊTRES  DE  SAINT-PAUL, 

A  MILAN. 

Saint  François  lui  recomn:iande  un  jeune  homme,  eunuque  de  naissance,  qui 
désire  d'entrer  dans  la  Congrégation  des  Prêtres  de  Saint-Paul. 

Annecy,  9  janvier  1621. 

Très-Révérend  Père, 

Nous  avons  ici  un  jeune  homme  d'une  maison  honorable, 
iequel  m'est  cher  sous  beaucoup  de  rapports,  particulière- 
ment parce  qu'il  est  bon  séculier  et  très-dévot.  Actuelle- 
ment il  désire  entrer  dans  votre  congrégation  religieuse,  et 
il  craint  de  n'être  pas  reçu ,  parce  que  dès  le  sein  de  sa  mère 
il  est  eunuque  ;  il  veut  que  je  supplie  V.  P.  Très-Révé- 
rende ,  d'être  favorable  à  ses  pieux  désirs.  Comme  je  sais 
que  l'on  a  élevé  au  suprême  pontificat  un  eunuque ,  et  que 
dans  la  compagnie  de  Jésus  on  compte  actuellement  le  Père 

*  L'original  en  appartient  à  la  maison  Mantegazza  de  Monza,  près  de  Milan. 
C'est  la  2G9e  inédite  de  la  collection  Biaise. 


In  Annessi,  9  gennaio  1621. 
Molto  Rev.  Padre  ir-io  oiï", 

Habbiamo  qui  un  giovine  di  casa  honorata,  il  quaîe  mi  è  caro  per 
piiî  rispetti .  wd  'nassinie  per  chè  è  buon  secolare  e  molto  divoto. 
llova  desidera  SL_jmamente  di  potev  entrare  nella  religiosa  congre- 
çazione  vos.ra^e  dubita  di  non  esser  l'icevulo,  perché  ab  utero  ma- 
tris  è  eunuco.  Onde  vuole  chè  io  supplichi  V.  P.  molto  Reverenda  ad 
esser  propizio  alli  suoi  tanto  pli  dcsiderii^  e  perché  io  so  chè  etiandiù 
è  stato  assunto  al  sommo  pontificato  un  eunuco,  e  chè  nella  compa- 
snia  di  Giesù  vive  pur  adesso  il  Padre  Yalerio  Reginaldl  autor  dcl 


470  OPUSCULKS 

Valère  Reginaldi ,  auteur  du  Thésaurus  fori pœnitentialîs  ^ 
qui  est  eunuque,  je  viens  très-volontiers  supplier  V.  P.  R. 
de  vouloir  bien  être  favorable  à  ce  sujet ,  qui  avec  tant  d'ar- 
deur désire  devenir  Religieux  ,  et  qui  est  d'ailleurs  d'un 
esprit  bon ,  doux ,  décidé  et  pieux.  En  priant  Dieu  qu'il 
accorde  à  V.  P.  et  à  tout  son  Ordre  un  accroissement  dfr 
prospérité  ,  je  suis  son  très-humble  frère  et  serviteur, 

François  ,  Ëvêque  de  Genève. 


Thésaurus  fori  pœnitentialis  chè  è  eunuco^  molto  volentieri  vengo 
a  supplicare  V.  P.  M.  R.  di  voler  favorire  questo  che  con  tanto  af- 
fetto  brama  di  esser  admesso  allô  stato  religioso ,  e  che  7er  altro  è 
di  buono  spirito,  mansueto,  allegro  e  pio.  E  cosi  pregando  il  signor 
Iddio  chè  a  V.  P.  et  a  lutta  la  sua  religione  dia  ogni  vero  accresci- 
mento  di  prosperità,  resto  di  lei, 

Humilissimo  corne  fratello  e  servi  tore, 

Francesco  y  Vescovo  di  Ginevra 


DE  S.   FRANÇOIS  DE  SALES.  471" 


wwrv/w^. 


CXLVII. 

LETTRE  ' 

A  SON   ALTESSE    CHARLES   EaiMANUEL   l",    DUC   DE   SAVOIE  > 


Sur  l'exécution  de  la  réformation  des  monastères  en  Savoie. 

Annecy,  le  14  mars  1621. 

Monseigneur, 

Je  feray  au  plus  tost  le  voyage  de  Thonon  selon  le  com- 
mandement de  V.  A.,  ne  me  pouvant  empescher  de  me  res- 
jouir  avec  elle  du  commencement  qu'elle  donne  àrexecution 
du  saint  projet  qu'elle  fît  estant  en  cette  ville  pour  la  refor- 
mation des  Monastères  et  le  bien  publiq  de  l'Eglise  en  cette 
Province  ;  ne  doutant  point  que  comme  c'est  un  très  grand 
service  de  Dieu,  aussi  sa  Divine  Majesté  n'en  recompense 
V.  A .  des  très  grandes  bénédictions  que  je  luy  souhaitte 
incessamment  comme  estant  sans  fin. 

Monseigneur, 

Yostre  très  humble  ,  très  obeyssant  et  très  fidèle  serviteur 

et  orateur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

P,  S,  Bien  qu'il  semble  qu'il  n'importe  pas  beaucoup  d^' 
sçavoir  à  qui  les  Prieurés  et  Abbayes  que  l'on  veut  unir 
appartiennent,  puis  que  on  ne  prétend  pas  d'unir  les  portions 
des  Abbés  et  Prieurs ,  ains  seulement  celles  des  Moynes ,  si 
est-ce  que  pour  obeyr  à  S.  A.,  je  marque  ici  les  noms  des 
possesseurs  des  dittes  Abbayes  et  des  Prieurés  : 

1  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  'ilZ^ 
inédite  de  la  collection  Biaise. 


472  OPUSCULES 

L'Abhaye  d'Aux  est  à  Monseigneur  le  Serenissiuie  Prince 
Cardinal  ; 

Cheyseri,  à  R.  M.  Gaspard  Ballon,  Aumosnier  de  Ma- 
daii^e; 

Tamié,àR.  P.  François-Nicolas  de Riddes, Aumosnier  de 
S.  A.jSc.iateur  au  Sénat  de  Savoie  qui  en  est  abbé  titulaire; 

Bellevaux,  à  M.  Aymé  Mermonio  de  Luirieu,  Commen- 
dataire  ; 

Contamine,  à  la  Sainte  Maison  de  Thonon ; 

Chindrieu,  à  M.  Louys  de  Gerbaix  dict  de  Saunax,  Clerc; 
de  l'Oratoire  de  Lyon  ; 

Rumilly,  à  R.  P.  F.  Bernard  de  Graillier,  titulaire; 

Le  Prieuré  du  Cliesne,  à  R.  P.  Robert  Jacquerod  de  Bon- 
Levaux,  Religieux  de  Talloire  titulaire; 

Bonneguette,  à  la  Sainte  Mayson  ; 

Saint  Paul,  près  Evian,  à  M.  Jean-François  de  Blonnay, 
commendataire  ; 

Silingie,  à  M.  Berard  Portier  dit  de  Mieudri,  commenda- 
taire ; 

Vaux ,  à  M.  Jacques  de  Losche ,  commendataire  ; 

L'abbaye  d'Entremont,  à  M.  Pierre  Gaspard  de  Ronca, 
commendataire  ; 

Saint  Joive  près  Chamberi,  à  la  Sainte  Maison  de  Thonon; 

L'Abbaye  de  Six,  àM.  Humbertde  Mouxi,  commendataire. 

Pellionex,  à  M.  Claude  Reyder  dit  de  Chqysi,  commen- 
dataire ; 

Le  Saint-Sepulcre-lés-Annessi,  à  M.  Claude  de  Meuthon 
]e  Montrottier,  commendataire; 

L'Abbaye  d'Autecombe,  à  M.  l'Abbé  de  la  Meute. 

Les  monastères  des  filles  appartiennent  comme  s'ensuit  : 

Sainte  Claire,  hors  ville  de  Chamberi,  àDamedeRibod*^ 

Bonlieu ,  à  Dame  de  Lucey  ; 

Sainte-Catherine-lés-Annessi,  à  Dame  Peronne  de  Cyrisier; 

Le  Betton,  à  Dame  Saint  Agnes. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SAF.I-S.  473 


cxLvni. 
ADVIS  PARTICULIER' 

fOCR  LES  NÉCESSITÉS  PRESENTES  DE  LA  SAINTE  MAYSON  DE  N.-D.  DE  COMPASSION, 

FONDÉE  PAR  S.  A.  A  THONON. 

Les  liir/  Prestres  de  la  Congrégation  qui  font  le  service  en 
l'église  de  iN.  D.  et  portent  la  charge  des  âmes,  vivent  vérita- 
blement en  bons  ecclésiastiques  séculiers  sans  scandale ,  et 
ceîeluent  les  saintes  messes  journalières  qui  ont  esté  esta- 
blies. 

Mays  premièrement  Feglise  n'est  pas  entretenue  propre- 
ment, ny  assortie  des  meubles  convenables ,  parce  que  les 
ditz  Prestres  tirant  un  chacun  son  gage  à  part,  il  n'y  a  pas 
dequoy  fournir  aux  nécessités  communes,  lesquelles  ensuite 
sont  négligées  ;  secondement  l'Office  des  heures  canonicales 
n'y  est  pas  fait  avec  la  bienséance  et  dévotion  extérieure  qu'il 
seioit  requis,  les  ditz  Ecclésiastiques  n'estant  pas  duitz  et 
nourris  à  cela,  ains  seulement  assemblés  sous  la  condition  des 
gages. 

Tiercement  les  maysons  sont  en  mauvais  estât,  parce  que 
la  dite  Congrégation  n'en  a  point  de  soin,  et  ce  d'autant  que 
tout  le  revenu  d'icelle  s'employe  à  l'entretenement  des  per- 
sonnes et  payement  des  gages  :  de  sorte  que  Ta.gent  de  S.  A., 
manquant,  il  n'y  a  pas  où  prendre  les  commodités  requises 
aux  réparations. 

Quartement  le  revenu  de  la  ditte  Congrégation  n'est  pas 
bien  ramassé,  parce  que  chascun  y  estant  à  gage  particulier, 
nul  ne  fait  le  mesnage  commun,  ains  donnent  tout  le  bien  à 

«  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  274* 
parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


474 


OPUSCULES 


censé,  cl  Taiîmodiateurgaigne  une  grande  partie,  de  laquelle 
par  consenuent  la  Congrégation  est  privée. 

L'unique  remède  à  ces  inconveniens  seroit  de  composer 
cette  Congrégation  non  de  Prestre?  à  gages,  mays  de  vrays 
Prestres  de  l'Oratoire,  ainsy  que  la  bulle  fondamentale  delà 
sainte  Mayson  porte ,  puis  que  mesmement  il  y  en  a  en  France 
qui  pour  la  communion  du  langage  pourront  faire  convena- 
blement la  charge  des  âmes ,  et  qu'il  y  en  a  qui  sont  sujetz 
de  S.  A.,  et  que  tous  demeurent  entièrement  sousmis  à  la 
jurisdiction  des  Evesques,  en  sorte  que  l'Evesque  de  Ceneve 
qui  sera  tousjours  dépendant  de  S.  A.  aura  l'authorité  de  les, 
contenir  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  recourir  hors  de  Testât. 
Et  ainsy  le  revenu  que  possèdent  à  présent  les  Ecclesiasti(jues 
séculiers  de  N.  D.  n'estant  point  employé  en  gages  partie u^ 
liers,  ains  estant  mis  tout  en  commun,  il  y  aura  de  quoy 
faire  une  Congrégation  de  beaucoup  davantage  de  Pères, 
qui  mesnageant  par  leurs  frères  les  biens,  auront  de  (]uoy 
entretenir  les  meubles  de  l'église,  les  offices  et  ce  qui  despen- 
dra d'eux  en  une  grande  révérence  et  politesse  :  et  cette 
partie  de  la  Sainte  Mayson  qui  est  la  fondamentale  et  la 
quelle  paroist  le  moins ,  paroistra  indubitablement  le  plus  et 
ediQera  infiniment.  Et  d'autant  que  les  Prestres  qui  y  sont 
maintenant  sont  gens  de  bien ,  on  pourra  leur  prouvoir  d'en- 
tretenement  convenable  leur  vie  durant,  estans  presque  tous 
vieux,  cependant  que  l'on  introduira  les  PP.  de  l'Oratoire 
petit  à  petit  par  les  moyens  qui  seront  advisés. 

Il  y  a  encore  un  défaut  notable  en  la  Sainte  Mayson  ,  car 
il  n'y  a  point  de  refuge  pour  les  convertis ,  qui  néanmoins  y 
doit  estre  selon  la  première  intention  pour  laquelle  fut  érigée 
cett'  œuvre  :  de  sorte  que  mesme  le  sieur  de  Corsier  converti 
auquel  on  avoit  assigné  entretien ,  n'en  a  nulle  sorte  de  com- 
modité, et  mourroit  de  faim,  si  d'autres  gens  que  ceux  de  la 
Sainte  Mayson  ne  s'incommodoyent  pour  luy;  et  néanmoins 
3  est  gentilhomme  de  bon  lieu,  et  duquel  la  parenté  a  beau- 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  475 

coup  souffert  pour  le  service  de  S.  A.  ;  il  est  très  homme  de 
bien  et  bon  ecclésiastique,  mais  non  pas  propre  pour  la 
charge  des  âmes.  Et  de  plus  il  se  convertit  de  tems  en  tems 
des  honnestes  hommes ,  comme  de  nouveau  le  sieur  de  Prez 
sujet  de  S.  A.  et  homme  de  grande  capacité ,  qui  demeure 
tout  à  fait  rans  secours  de  ce  costé-là. 

Or  à  cela  il  n^  a  point  de  remède ,  si  non  en  faysant  biea 
revenir  les  deniers  de  la  fondation  de  S.  A.,  et  ordonner  que 
Ton  fasse  un  estahlissement  particulier  pour  ce  membre  de 
la  Sainte  Mayson. 


fîk6  OPUSCULES 


CXLÎX. 

LETTRE 


1 


A  S.    A.  VICTOR  AMÉDÉE,    PRINCE    DU   PIÉMONT. 

SBôxii  François  reco-mmande  à  S.  A.  le  frère  Adrian ,  la  réformation  des  mo- 
nastères, et  i-'élablissement  des  frères  de  l'Oratoire,  à  Thonon. 

Anneci,  30  avril  1621. 

Monseigneur, 

Ce  porteur,  frère  Adrian,  va  auprès  de  Y.  A.  Ser.,  pour 

des  affaires  de  si  bonne  condition  pour  le  service  de  Dieu  et 

du  publiq,  et  lui  mesme  est  si  zélé  sujet  de  S.  A.,  qu'il  n'est 

Bul  besoin  que  je  le  recommande  à  la  bonté  de  V.  A.  Mais 

puis  qu'il  le  veut,  je  le  fay  très  humblement.  Monseigneur,  et 

;ivec  luy  encor  l'affaire  de  la  reformation  des  monastères  de 

deçà  les  Montz ,  et  l'establissement  si  nécessaire  des  PP.  de 

J'Oratoire  à  Thonon  et  Kumilly ,  qui  suis  à  jamais  de  V. 

A.  Ser., 

Monseigneur, 

Très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur, 

François,  Evesque  de  Genève. 

*  L'ongtïïal  en  est  conservé  aux  Aichives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  î.70» 
inédite  de  la  uoUectiou  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  477 


CL. 

LETTRE^ 

A  s.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

Sai::t  François  met  sous  les  yeux  de  S.  A.  la  pauvreté  de  la  maison  des  ea- 
fans  de  Bressieu-Rouer,  et  recommande  une  affaira  que  cette  maison  a  es 
Piémont. 

Annecy,  13  mai  1621. 

Monseigneur, 

La  multitude  des  enfants  et  notamment  des  filles,  qui  soirt 
en  la  mayson  de  Bressieu-Roûer,  est  véritablement  digne 
d'extrême  compc*5sion  ;  or  ils  ont  une  prétention  en  Piedmoat 
laquelle  ilz  sollicitent  il  y  a  longtems;  et  ne  peuvent  ea 
voir  l'issue ,  qui  retient  toute  cette  famille  en  langueur,  et 
parce  qu'ilz  ont  désiré  mon  intercession  auprès  de  V.  A,, 
alFin  qu'il  luy  playse  d'ordonner  au  Magistrat  de  leur  faire 
bonne  et  briefve  justice ,  je  la  supplie  en  toute  humilité. 
Monseigneur,  de  leur  départir  cette  si  juste  et  charitable 
faveur,  qu'elle  ne  refuse  à  personne,  et  que  plus  que  nul 
aultre  je  me  prometz  de  la  véritable  bonté  et  équité  de  V.  A. 
Ser.,  de  laquelle  j'ai  l'honneur  d'estre. 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssan'  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur, 

François,  Ev.  de  Gène  va 

»  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  V» 

Inédite  de  la  collection  Biaise. 


478 


OPUSCULES 


'WVA/VW 


CLI. 

LETTRE' 

A  S.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE. 

Sui  son  voyage  à  la  sainte  maison  de  Thonon. 

--         .  Annecy,  14  mai  1621. 

Monseigneur, 

Ayant  receu  le  commandement  de  V.  A.  pour  m'achemi- 
«er  à  la  sainte  Mayson  ,  je  ne  manqueray  pas  de  me  rendre 
à  Thonon  au  premier  jour,  et  de  luy  rendre  compte  de  tout 
ce  que  j'y  auray  fait  et  treuvé ,  puis  que  je  suis, 
De  Y.  A.  Serenissime, 

Monseigneur, 

Très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur, 

François,  Ev.  de  Genève, 

*  L'original  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  271»  iué» 
iBte  de  la  collectiou  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  47^ 


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CLII. 

LETTRE* 

A  S.   A.   VICTOR  AMÉDÉE,    PRINCE   DU  PIÉMONT. 
Saiut  François  recommande  à  S.  A.,  M.  de  UEspine. 

Thoiion ,  1  juin  1621. 

Monseigneur, 

Ce  porteur,  le  sieur  de  L'Espine,  se  treuvant  accablé  de  la 
recherche  qui  se  fait  par  la  Chambre  des  Comptes  des  restatz 
et  deniers  des  quelz  feu  son  père  estoit  demeuré  débiteur 
et  obligé ,  sans  moyen  quelconque  ni  espérance  de  pouvoir 
exiger  les  ditz  restatz  qui  sont  deuz  par  les  Communes  les 
quelles  ont  assés  à  faire  de  fournir  aux  charges  présentes, 
il  recourt  à  l'unique  remède ,  qui  est  la  bonté  et  debonnai- 
reté  de  S.  A.  et  à  la  vostre,  Monseigneur,  affin  qu'il  luy 
playse  d'estre  propice  à  son  impuissance,  et  le  délivrer  de 
cette  recherche  ,  et  parce  qu'il  est  grandement  chargé 
d'enfans  et  d'ailleurs  homme  d'honneur ,  je  Faccompaigne 
de  ma  très  humble  supplication  et  recommandation  auprès 
de  V.  A.  Ser.,  de  la  quelle  je  suis, 

Monseigneur, 

Très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
serviteur  et  orateur, 

François,  Ev.  de  Genève. 

-  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  275* 
àiédite  ie  la  collection  Biaise. 


480 


OPUSCULES 


CLIII. 

LETTRE^ 

A  S.   A.   VICTOR  AMÉDÉE,    PRINCE   DU   PIÉMONT 

gaint  François  envoie  à  S.  A.  le  rapport  sur  la  saintp  maison  de  Thonon,  éi. 
lui  parle  du  besoin  de  réformer  Je  clergjé,  tant  séculier  que  régulier  de 
la  Savoie. 

Annecy,  12  juin  1621. 
Monseigneur, 

V.  A.  verra  par  le  résultat  cy  joint  ce  qui  a  esté  treuvé 
bon  par  les  sieurs  de  Lescheraine  et  Bertier  et  moy  touchant 
Testât  présent  de  la  Mayson  de  Tlionon ,  en  la  visite  que  par 
le  commandement  de  S.  A.  et  de  la  vostre,  Monseigneur, 
j'y  ay  faite  ces  jours  passés. 

Mais  les  moyens  de  remédier  aux  manquemens  qui  y 
sont ,  je  les  ay  mis  à  part  en  un  feuillet  que  je  joins  à  cette 
lettre ,  laquelle  je  finis  suppliant  très  humblement  V.  A.  de 
ne  se  point  lasser  en  la  poursuite  et  resolution  que  Dieu  luy 
a  inspirée  de  faire  au  plus  tost  reformer  Testât  ecclésiastique 
tant  régulier  que  séculier  de  la  Province  de  deçà ,  estant 
chose  très  asseurée,  que  Dieu  contre-eschangera  ce  soin  de 
V.  A.  de  mille  et  mille  bénédictions  que  luy  souhaitte  inces- 
samment , 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidèle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

»  L'original  en  appartient  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  G'e^t  'a  iTÔ» 
inédite  de  la  collection  Blaiso. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  481 


CLIV. 

LETTRE* 

A  S.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l*"",  DUC  DE  SAVOIE, 

Sur  la  sainte  maison  de  Notre-Dame  de  Compassion ,  et  sur  les  moyens 

de  la  faire  fleurir. 

Annecy,  12  juin  1621. 

Monseigneur, 

Ayant  visité  la  sainte  Mayson  de  nostre  Dame  de  Compas- 
sion ,  elle  en  recevra  la  relation ,  qui  est  toute  la  mesme  que 
celle  de  Messieurs  de  la  Chambre  des  Comptes ,  et  verra ,  s'il 
luy  plaist,  les  nécessités  qu'il  y  a  d'y  faire  des  establissemens 
permanens  pour  la  faire  fleurir  selon  la  très  pieuse  intention 
de  V.  A.  qui  l'a  fondée ,  de  quoy  escrivant  un  Mémoire  à 
part  dans  le  paquet  que  j 'adresse  à  Monseigneur  le  Ser .  Prince, 
pour  moins  importuner  Y.  A.,  il  ne  me  reste  que  de  conti- 
nuer mes  supplications  à  Dieu  qu'il  fasse  de  plus  en  plus 
abonder  V.  A.  en  ses  saintes  bénédictions,  qui  suis  à  jamais 
et  invariablement , 

Monseigneur, 

Yostre  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

«  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'«* 
la  277»  inédite  de  la  coUectiuû  Biaise. 


482  OPUSCITLES 


€LVo 

LETTRE* 

AS.    A.   CHABLES   EMMANUEL   l"*,    DUC  DE   SAVOIE. 

^fiaint  François  parle  a  S.  A.  de  la  réformation  âes  Religieuses  au-delà  de» 
monts,  et  de  celle  des  Chartreux  de  Ripaille  et  d'Aux. 

Annecy,  12  juin  1621. 

Monseigneur, 

Puis  que  j'ay  occasion  d'escrire  à  Y.  A.  Ser.,  je  la  supplie 
très  humblement  d'avoir  aggreable  que  je  luy  représente 
Textreme  besoin  qu'ont  les  Religieuses  de  Cisteaux  de  deçà 
les  Mons ,  et  celle  de  Sainte-Claire  hors  la  ville  de  Cham- 
beri  (sujettes  au  gênerai  des  Conventuels  surnommés  de  deçà 
de  la  Grand'Manche) ,  d'estre  ou  reformées,  ou  changées 
selon  le  projet  ci-devant  envoyé  à  V.  A.,  et  cela  est  d'autant 
plus  désirable  que  la  plu  spart  des  Religieuses  mesme  le  dé- 
sirent et  souspirent  après  ce  bien. 

J'adjousteray  de  plus,  Monseigneur,  qu'il  seroit  requis 
pour  l'establissement  des  PP.  Chartreux  à  R  paille  et  en 
l'Abbaye  d'Aux ,  que  V.  A.  commandast  et  fit  commander 
par  leur  gênerai  au  P.  D.  Laurensde  Saiut-Sixt,  leur  procu- 
reur en  Savoye,  de  se  rendre  auprès  d'elle  terminer  ce  projet 
ainsi  qu'il  est  requis. 

Car,  Monseigneur,  de  reformer  ces  Religieux  d'Aux  qui 
y  sont  maintenant ,  il  est  impossible.  M.  l'Abbé  de  Tamie  a 
fait  ce  qu'il  a  peu  pour  cela  ;  et  M.  le  Président  de  Lescheraine 
ayant  esté  là  cette  semaine  au  retour  de  Tonon,  y  a  trouvé 

»  I/original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  278» 
inédite  do  la  colleclion  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS  DE   SALES.  483 

un  si  extrême  scandale,  qu'il  ne  sçait  plus  qu'en  dire.  Et  par 
aventure,  Monseigneur,  qu'il  seroit  à  propos  que  V.  A.  ou 
Bionseigneur  le  Prince  Cardinal  appelast  le  dit  sieur  Prési- 
dent pour  ouyr  plus  de  particularités  sur  ce  sujet  et  sur 
eeîuy  de  la  sainte  Mayson  que  les  escritz  n'en  peuvent  dé- 
clarer, ce  que  je  dis  d'autant  plus  volontiers  quej'ay  reconnu 
au  dit  sieur  de  Lescheraine  une  grande  suffisance  d'esprit 
et  beaucoup  de  bon  zèle.  Dieu  par  sa  bonté  fasse  de  plus  en 
flus  prospérer  V.  A.,  de  laquelle  je  suis  tout  à  fait , 

Monseigneur, 

Très  humble,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur, 

François,  Ev.  de  Genève. 


484  OPUSCULES 


CLVI. 

LETTRE^ 

A  s.  A.  CHARLES  EMMANUEL  l",  DUC  DE  SAVOIE. 

Saint  François  recommande  à  S.  A.  l'affaire  de  la  restauration  de  la  discipline 
ecclésiastique,  et  lui  envoie  la  note  du  nécessaire  pour  établir  les  PP.  de 
l'Oratoire  à  Rumilly. 

Anneci,  29  novembre  1621. 

Monseigneur , 

Je  loue  Dieu  dequoy  V.  A.  persévère  au  dessein  de  la 
restauration  de  la  discipline  ecclésiastique  en  cepaïs,  asseuré 
que  je  suys  qu'à  mesure  que  le  zèle  de  V.  A.  fera  croistre 
en  ses  estatz  la  gloire  de  la  Divine  Majesté,  vostre  couronne^ 
Monseigneur,  fleurira  de  plus  en  plus  ;  et  selon  qu'il  a  pieu 
à  V.  A.  de  m'ordonner,  je  luy  envoyé  ce  qui  est  présente- 
ment requis  pour  Testablissement  des  PP.  de  l'Oratoire  à^ 
Rumilly,  qui  est  une  chose  pressante,  et  demeure  cependant 

de  toutes  mes  affections , 

Monseigneur , 

Vostre  tres-humble ,  treB-obeyssant  et  tres-fidelle 
orateur  et:  serviteur, 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

•  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  28a*^ 
Inédite  de  la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  483 


CLVII. 

LETTRE^ 

▲    MONSIEUR    CARRON. 

Sîinl  François  lui  parle  de  la  nécessité  d'introduire  les  PP.  de  l'Oratoire  à 
Rimiilly,  et  de  rintention  de  M.  de  Saunaz,  prieur  à  Chindrieu,  d'unir  soa 
i^rieuré  à  celui  de  Rumilly 

,,       .  Anneci,  29  nov.  1621. 

Monsieur , 

Je  vous  rends  mille  actions  de  grâces  du  soin  qu'il  vous 
a  pieu  de  prendre  pour  me  faire  avoir  response  de  Monsei- 
gneur le  Ser.  Prince,  en  faveur  de  l'introduction  des  PP.  de 
rOratoire  à  Rumilly ,  oia  l'on  ne  sçauroit  dire  combien  leur 
venue  est  nécessaire  ;  car,  Monsieur,  imaginés- vous ,  qu'en 
cette  seule  église  il  y  a  quatre  diverses  espèces  d'Ecclesias- 
ïiqv.Qs  :  IMe  Prieur,  qui  est  Religieux  de  l'Ordre  de  Cluny, 
dépendant  du  prieuré  deNantua  qui  est  à  présent  en  France; 
2**  le  Sacristain  ,  séculier  qui  est  dépendant  du  pieuré  ;  3°  le 
€uié  et  le  Vicaire,  et  quatre,  cinq,  ou  six  altariens  qui  font 
un  petit  corps  à  part.  Il  n'est  pas  croyable  combien  cette 
petite  troupe  ainsy  composée,  m'a  donné  de  peine  depuis 
20  ans,  et  ça  à  cause  des  continuels  procès  et  altercats  que 
les  uns  ont  eus  perpétuellement  avec  les  autres,  avec  un 
«xtréme  scandale  du  peuple  ;  or,  par  l'introduction  des  PP.. 
ée  l'Oratoire,  cette  église  demeure  toute  unie,  et  administrée 
par  un  iiusi^  ^  esprit  de  paix  et  de  douceur.  Car  les  PP.  de 
rOratoire  ne  sont  pas  comme  les  autres  Religieux  qui  ne 
peuvent  pas  avoir  la  charge  des  paroisses ,  et  de  plus  encore 
iiz  ne  sont  pas  exempts  de  la  juridiction  des  Evesques ,  ains 
demeurent  en  leursujettion  comme  les  Curés,  de  sorte  qu'on 

•  L'autographe  en  existe  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  286* 
âiiédite  de  la  collection  Biaise, 


486  OPUSCULES 

-n'a  pas  besoin,  en  cas  de  désordre,  de  sortir  du  païs  pour  les 
ramener  au  devoir  ;  et  de  plus  encor  il  se  trouve  desja  des 
.très-bons  Ecclésiastiques  du  païs  qui  n'attendent  que  leur 
venue  à  Rumilly  pour  s'associer  à  eux  et  se  ranger  à  leur 
Congrégation.  Au  reste,  M.  de  Saunaz  est  fîlz  de  M.  de  Sau- 
naz  qui  fut  pendu  à  Genève  pour  le  service  de  S.  A.  lors  de 
Tescalade  ,  et  va  achever  aux  festes  de  Noël  son  noviciat  en 
la  mesme  Congrégation ,  et  niesme  de  désir  que  son  prieuré 
de  Chind^ieu  soit  uny  à  TEglise  de  Rumilly  pour  ce  bon 
œuvre.  Et  quant  au  Prieur  de  Rumilly,  on  pourra  traiter 
avec  luy.  Et  ce  qui  est  grandement  à  noter,  c'est  que  le 
prieuré  de  Rumilly  dépend  de  Nantua  qui  en  prouvoit.  Ce 
Nantua  est  hors  de  Testât  de  S.  A.,  et  encore  ledit  Nantua  a 
le  droit  de  présenter  le  curé.  Comme  aussi  le  prieuré  de 
Chindrieu  dépend  de  Cluny,  et  bien  que  le  Prieur  moderne 
n'ayt  pas  esté  institué  de  la  part  de  M.  de  Cluny,  c'a  esté  par 
une  grâce  spéciale  que  lit  le  Pape  Clément  à  ce  jeune  gentil- 
homme qui  estant  lors  un  enfant,  à  ma  remonstrance  et  sup- 
plication ,  en  considération  de  la  mort  du  père  qui  mourut 
à  moytié  martyr  dans  Genève,  en  faveur  dequoy  sa  Sainteté 
se  contenta  de  donner  ce  morceau  en  commande  pour  cette 
fois  tant  seulement.  Or,  Monsieur,  je  vous  escris  ainsy  au 
long  tantost  toutes  ces  particularités ,  afin  que  vous  voyés 
que  cette  introduction  des  PP.  de  l'Oratoire  sera  non  seule- 
ment utile  au  service  de  la  gloire  de  Dieu  et  des  âmes ,  mais 
encore  selon  le  service  de  S.  A.  S"*  et  l'utilité  de  nostre 
patrie ,  qui  me  fait  d'autant  plus  hardiment  vous  supplier 
de  nous  procurer  au  plustost  les  expéditions  que  je  demande, 
puis  que  je  n'ay  plus  presque  que  deux  moys  de  loysir 
pour  disposer  de  la  cure  de  Rumilly ,  après  lesquelz  la  pro- 
vision tombera  es  mains  du  Pape.  Monsieur ,  J3  suis  tout  à 

^stit, 

Vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur,; 

François  ,  Evesque  de  Genève. 


DE  S.   FRANÇOIS  DE  SALES.  487 


CLVIII. 

LETTRE^ 

A  S.  A.   CHARLES  EMMANUEL  l",   DUC  DE  SAVOIE. 

&mt  François  marque  à  S.  A.  qu'il  n'attend  que  les  ordres  nécessaires  pour 
remettre  l'église  de  Rumilly  aux  PP.  de  l'Oratoire,  qui  seroient  également 
d'un  grand  secours  à  la  sainte-maison  de  Thonon. 

Anneci,  3  février  1622. 

Monseigneur, 
Je  suis  tousjours  attendant  les  despeches  nécessaires  pour 
remettre  l'Eglise  de  Rumilly  entre  les  mains  des  PP.  de  l'O- 
ratoire, bien  en  peyne  dequoy  je  n'ay  plus  que  seize  jouri? 
de  loysir  pour  disposer  de  la  cure  vacante  ,  après  quoy  elle- 
vacqueraen  cour  de  Rome  ,  et  c*est  sans  doute  qu'il  ne  man- 
quera pas  d'impetrans  ,  qu'il  sera  par  après  malaysé  de  ran- 
ger au  salutaire  dessein  de  V.  A.  Que  si  elle  me  permet  de 
joindre  à  cette  remonstrance  un  mot  pour  la  mayson  de 
Thonon  ,  je  luy  diray ,  qu'elle  n'a  pas  moins  besoin  de  la 
venue  desmesmes  PP.  de  l'Oratoire  que  l'Eglise  de  Rumilîy, 
parce  que  sans  cela  tout  ce  qui  regarde  l'Eglise  de  nostre 
Pâme  et  les  bastimens  qui  en  dépendent  s'en  va  ruiné,  ainsy 
que  MM.  les  députés  de  la  chambre  ont  reconnu  et  ont  tes— 
moigné  à  V.  A.,  la  providence  et  pieté  de  laquelle  je  réclame- 

en  toute  humilité  ,  qui  suis , 

»  Monseigneur, 

Vostre  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur , 

François  ,  Evesque  de  Genève.,      , 

«  L'autographe  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  Cést^ 
b  387e  inédite  de  la  collection  Biaise. 


488  OPUSCULES 


CLIX. 


1 


LETTRE 

A    MADAME    DE    TREVERNEY, 

Sur  des  affaires  de  famille. 

17  février  162S. 
Madame  ma  très  chère  fille , 

J'ay  loué  Dieu  de  vostre  santé  et  du  contentement  gue 
Madame  la  comtesse  de  saint  Maurice  vous  a  donné  et  àtoub 
ceux  qui  Fhonnorent ,  par  sa  grossesse ,  et  si  mes  voeux  sont 
exaucés,  il  reûscira  à  la  parfaite  jouissance  du  fruit  que 
vous  en  desirez. 

Quant  aux  papiers  que  vous  avés  désirés  de  mes  frères 
pour  les  affaires  qu'il z  ont  eues  avec  feu  M.  de  Treverney, 
puis  qu'ilz  ne  les  treuvent  pas,  il  vous  plaira  d'en  faire  dres- 
ser telle  déclaration  pour  l'acquit  que  vostre  conseil  jugera 
convenable ,  et  ilz  la  passeront  vous  suppliant  de  croire  que 
l'égarement  a  esté  fait  sans  dol  ni  dessein  par  seule  inadver- 
tance. Et  pour  lacedule  des  interetz  remise  à  M.  Rollant, 
quand  il  sera  revenu  de  Paris  oii  il  est  allé  prendre  Madame 
de  Chantai  pour  l'accompagner  à  son  retour,  je  lesluy  feray 
chercher,  et  en  tout  je  m'essayeray  de  vous  tesmoigner  que 
c'est  de  toute  mon  affection  que  je  suis  à  jamais, 

Madame , 

Vostre  très  humble  et  très  fidelle  compère 
et  serviteur, 

François  ,  E?'tîsque  de  Genève. 

*  L'original  s'en  conserve  au  monastère  de  la  Visitation  de  Turin.  C'est 
la  288e  inédite  de  la  collection  Biaise. 


DE    S.    i'-RANCOIS   DE   SALES.  489 


CLX. 


1 


LETTRE 

A  S.   A.   CHARLES  EMMANUEL  l*',   DTÎC  DE  SAVOIE. 

Privilège  de  la  confrérie  de  la -Sainte -Croix  de  Chamhéry,  d'avoir  le  Jeudi- 
Saint  la  délivrance  d'un  criminel.  Saint  François  supplie  cette  année  pour 
un  galérien  d'Annecy. 

Février  1622. 
Monseigneur , 

Il  a  pieu  à  S.  A.  d'accorder  à  la  confrairie  de  la  sainte 
Croix ,  autrement  dite  du  Crucifix  de  Chamberi ,  la  déli- 
vrance d'un  criminel  prisonnier  tel  qu'elle  nommeroit 
<;hasque  année  le  jeudi  saint ,  en  révérence  de  la  mort  et 
passion  de  nostre  Seigneur  ;  et  la  pitoyable  famille  d'un 
homme  de  ce  mandement  d'Annessi  a  obtenu  que  il  lust 
nommé  et  demandé  en  grâce  cette  année  par  ladite  con- 
frairie pour  estre  libéré  de  la  galère.  Et  parce,  Monseigneur, 
q  10  véritablement  sa  femme  et  ses  enfans  qui  sont  en  grand 
nombre  sont  dignes  de  compassion,  et  qu'en  la  grâce  du  père 
est  enclose  la  grâce  des  enfans ,  de  la  femme  et  de  toute  la 
famille ,  qui  ne  peut  vivre  sans  l'assistance  actuelle  de  ce 
pauvre  homme,  je  joins  à  la  très  humble  supplication  que 
la  confrairie  fait  à  V.  A.  pour  ce  sujet  ma  très  humble  re- 
commandation ,  qui  suys , 

Monseigneur 

Vostre  très  humble ,  très  obeyssant  et  très  Cdeîle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

«  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  da  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  9.B9* 
4fis  lettres  inédites  de  la  coUectivWi  Biaise. 


490  OPUSCULES 


\/\/»  <WV/VA/V\A/*  ' 


CLXI. 

LETTRE  * 

A  M.  DE  BLONAT,   PRÉFET  DE  LA  SAINTE  MAISON  DE  THONOS. 

Saint  François  lui  annonce  le  bref  du  Pape  de  commission  sur  la  sainte 

Maison. 

27  mars. 

Monsieur, 

J'attends  tous  les  jours  un  Bref  du  Pape  que  mon  hem 
m'escrit  avoir  veu  entre  les  mains  de  Monseigneur  le  Nonce, 
par  lequel  je  suis  commis  pour  ranger  au  meilleur  ordre 
qu'il  se  pourra  toutes  afîaires  de  la  sainte  Maison,  et  je  vous 
prie  que  l'on  attende  jusques  à  ce  temps  là  de  remplir  U 
place  que  M.  Thomas  laisse ,  le  quel  il  me  fait  mal  de  voir 
partir  de  ce  diocèse,  par  la  vertu  qu'il  a  tousjours  tes- 
moignée,  bien  que  d'ailleurs  je  suis  grandement  consolé 
qu'il  aille  en  la  vigne  de  Lyon  qu'on  me  dit  avoir  tant  besoia 
de  cultivateurs. 

Je  suis.  Monsieur,  vostre  très  humble  confrère, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

P,  S.  M.  de  Boys  m'a  dit  que  je  ne  pouvois  faire  autr» 
décret  sur  la  requeste  de  M.  Bidal. 


1 


L'original  en  appartenoit  à  M.  le  baron  Gh.  Lombard,  directeur  principil 
à  la  direction  générale  des  postes,  à  Turin.  C'est  la  297«  inédite  de  la  cciJw 
""ion  Biaise. 


DE  S.  FRANÇOIS  XC  SALES*  49t 

CXXII. 

LETTRE  * 

A  S.  A.  CHARLES  EMMANUEL  1*',  DUC  DE  SAVOIE  , 
Sur  rétablissement  des  PP.  de  l'Oratoire  à  Rumilly  et  à  Thonon. 

Anneci,  25  avril  1622, 

Monseigneur, 

Le  pauvre  peuple  de  Rumilly  attend  tousjours  en  bonne 
dévotion  la  venue  des  PP.  de  l'Oratoire  en  leur  ville,  et  moy 
j'attends  de  V.  A.  les  expéditions  nécessaires  pour  les  faire 
venir  et  là  et  à  Thonon ,  où  c'est  la  vérité  que  rien  ne  peut 
remédier  au  mal  qui  y  est  quant  au  mauvais  ordre  qu'il  y  a 
en  l'administration  des  biens ,  que  par  cette  venue  de  ces 
Pères.  V.  A.  me  pardonne,  si  je  luysuys  aucunement  impor- 
tun. Mon  excuse  est  toute  faite  au  commandement  qu'elle 
m'a  fait  d'avoir  le  soin  de  cette  affaire.  Et  priant  Dieu  qu'il 
prospère  de  plus  en  plus  la  personne  de  V.  A., 

Monseigneur, 

Je  demeure  vostre  très  humble,  très  obeyssant  et 
très  fidelle  orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 

*  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turia  Cest  la  29(K 
parmi  les  lettres  inédites  de  la  collection  Biaise. 


492  OPUSCULES 


CLXIII. 


i 


LETTRE 

A  S.  A.  VICTOR  AMÉDÉË,   PRINCE  DE  PIÉMONT, 

Saint  François  infornne  S.  A.  de  Tqrdre  qu'il  a  eu  de  S.  S.,  de  se  trouver  au 
chapitre  génénd  des  PP.  Feuillantins  à  Pignerol,  et  s'excuse  de  ne  pouvoir 
lui  faire  révérence  qu'après  la  célébration  du  chapitre. 

Anneci,  17  mai  1622. 

Monseigneur, 

Ayant  receu  un  brevet  de  Sa  Sainteté ,  du  28  avril ,  par 
l^îquel  elle  me  commande  de  me  trouver  au  chapitre  gênerai 
des  PP.  Feuillantins  qui  se  doit  célébrer  d'aujourd'hui  en 
quinze  jours  à  Pignerole,  je  prevoy  qu'il  me  sera  presqu'im- 
possible  de  partir  assez  tost  d'icy  pour  pouvoir  aller  faire, 
comme  je  serois  obligé ,  la  révérence  à  S.  A.  S"^  et  à  vous , 
Monseigneur,  et  à  Madame,  avant  que  de  me  rendre  au  lieu 
de  l'assignation  ;  de  sorte  que  je  seray  contraint  de  différer  la 
très  humble  reddition  de  ce  devoir,  jusques  après  la  célébra- 
tion de  l'assemblée  :  ce  que  je  supplie  en  toute  humilité 
Y.  A.  Ser.  de  vouloir  aggreer  et  de  m'honorer  des  comman- 
demens  de  S.  A.  et  des  siens  ,  si  d'aventure  j'estois  si  heu- 
reux de  luy  pouvoir  donner  quelque  contentement  en  cette 
occasion ,  en  laquelle  comme  en  toute  autre  je  seray  inva- 
riablement , 

Monseigneur, 

Vostre  très  humble,  ti^es  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  servi teur^ 

François  ,  Evesque  de  Genève. 

*  L'original  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  Cour  de  Turin.  C'est  la  291» 
jarmi  les  leUres  inédites  de  la  collectioa  131  lise. 


LE    S.    ^RA^T.OTS   DE    SALES. 


4^)5 


CLXIV. 

LETTRE  * 

A  MONSIEUR  DE  SAUNAX  ,   PRÊTRE  DE  l'ORATOIRE  DE  LYON. 

Saint  François  lui  annonce  qu'il  a  retiré  le  brevet  qui  met  la  c^grégatioa 
de  M.  de  Saunax  en  p(,:;session  de  l'église  de  Rumilly,  et  qu'il  approuve  sa* 
projet  de  se  rendre  à  Paris,  puisque  le  R.  P.  le  juge  nécessaire. 

Anneci,  19  septembre  1622. 
Monsieur, 

J'ay  retiré  le  brevet  de  nomination  en  faveur  de  vostre  Con- 
grégation pour  l'Eglise  de  Rumilly,  des  prieurés  deChiadrieu, 
de  Laumosne  de  Vaux  et  de  sainte  Agathe  qui  est  le  prieuré 
de  Rumilly,  que  S.  A.  a  signé  et  fait  expédier  de  très  bon 
cœur.  î\  ne  reste  plus,  sinon  que  le  R.  P.  gênerai  envoyé 
des  Pères  pour  commencer  le  service,  et  dans  peu  de  jours 
je  recevray  la  lettre  que  S.  A.  luy  fait  à  cette  intention.  Ce- 
pendant, puis  que  le  R.  P.  gênerai  désire  que  vous  alliés 
avant  toutes  choses  à  Paris,  je  le  trouve  bon  aussi,  tandis 
que  quelqu'un  de  vos  Pères  pourra  venir  pour  ne  point  re- 
tarder l'effet  de  l'espérance  que  nous  avons  de  voir  vostre 
Congrégation  establie  à  Rumilly.  Mais  (lors  que)  je  m'addres- 
seray  au  P.  Tiersant,  sans  doute  que  la  lettre  de  S.  A.  au 
P.  gênerai  m'aura  esté  rendue,  et,  en  attendant,  je  vou» 
prie  de  luy  donner  cet  advis,  affin  que  vous  puissiés  tout  ainsy 
commencer  à  donner  Tordre  qu'il  jugera  convenable  pour 
cette  affaire ,  et  lors  que  les  Pères  auront  pris  possession  en 
vostre  nom  de  l'office  de  l'Eglise  d«  Rumilly,   il  faudn 
moyenner  à  Rome  l'union  des  bénéfices  desquels  S.  A.  8 

1  Communiquée  par  M.  l'abbé  Thomas,  économe  de  l'institution,  rue  âm 
Regard.  C'est  la  293e  inédite  de  la  collection  Biaise, 


4M  OPUSCULES 

nommé  en  faveur  de  vostre  congrégation.  Je  prie  Dieu,  mon 
R.  P.,  qu'il  vous  fasse  de  plus  en  plus  croistre  en  son  saint 
amour,  qui  suis , 

Yostre .  etc. 

P.  S,  Monsieur,  on  m'assure  que  le  R.  P.  gênera'  a  mis 
en  lumière  un  livre  excellent.  S'il  se  trouve  à  Lyon ,  je  vou- 
4rois  bien,  par  vostre  entremise,  en  pouvoir  avoir  une  copie. 


DE  S.    FRANÇOIS  DE   SALES,  495 


»\<rwrwEW» 


CLXV. 

LETTRE* 

A  S.   A.  CHARLES  EMMANUEL  l"',   DUC  DE  SAVOIE, 

Sur  les  prébendes  du  prieuré  de  Contamine  qui  dévoient  rester  vacantes  et 
appliquées  au  collège  des  PP.  Barnabiles,  et  qui  ont  été  remplies  par  de 
jeunes  personnes. 

Annecy,  24  septembre  1622. 
Monseigneur, 

A  mon  arrivée  en  ce  païs,  j'ay  treuvé  les  sieurs  sousprieur 
ai  sacristain  de  Contamine,  pretz  à  remplir  les  quatre  pre- 
Êendes  que  V.  A.  avoit  ordonné  devoir  demeurer  vacantes , 
pour  estre  appliquées  aux  collèges  des  PP.  Barnabites,  et 
«l'effet ilz  les  ont  maintenant  remplies  de  quatre  jeunes  parens 
auxquels ilz  ont  mis  l'habit  de  leur  Religion,  par  l'autliorité 
^e  M.  l'Abbé  de  Cluny  qui  en  est  le  gênerai.  V.  A.  avoit  ju- 
éicieusement  estimé  qu'il  estoit  expédient  de  transférer  le 
levenu  de  ce  monastere-là  à  l'entretenement  des  collèges  et 
lecteurs  Barnabites,  attendu  qu'il  est  un  monastère  tout  à 
lût  ruiné  ,  et  qui  ne  peut  bonnement  estre  reparé ,  et  que  la 
^cipline  monacale  n'y  est  nullement  observée,  non  plus 
ipi'és  autres  lieux  de  cet  ordre-là.  Il  reste  que  le  juste  dessein 
çie  V.  A.  en  a  si  souvent  fait  soit  exécuté ,  non  seulement 
«mpeschant  que  les  prébendes  soyent  remplies ,  mais  impe- 
15rant  de  sa  Sainteté  les  provisions  requises  pour  la  trans- 
lation du  revanu  de  l'Ordre  de  Cluny  à  celuy  des  PP.  Barna- 
lites,  infiniment  plus  utile  au  service  de  Dieu  et  au  bien 
fublicq.  V.  A.  demeura  en  cette  resolution  quand  je  partis 

*  L'original  en  est  conservé  au  monastère  de  la  Visitation  de  Turin.  C'est 
Si  294  e  inédite  de  la  collection  Biaise. 


496  OPUSCULES 

de  Turin  ;  il  ne  reste  donq  plus  sinon  quola  sollicitation  s'en 
fasse ,  et  c  fe-t  cela  dont  maintenant  elP  ©st  très  humblement 
suppliée.  Je  suis  tousjours  invariablement , 

Monseigneur, 

Très  humble ,  très  obeyssant  et  très  fidelle 
orateur  et  serviteur, 

François  ,  Ev.  de  Genève. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES,  49' 


1/v 


CLXVI. 

LETTRE  * 

A  S.  A.   CHARLES  EMIVIANUEL  1^%   DUC  DE  SAVOIE. 

•Çaint  François  supplie  S.  A.  d'ordonner  la  suppression  du  couvent  de  Conta- 
mine, et  d'écrire  au  prince  Thomas  de  mettre  ordre  aux  affaires  de  la 
sainte  maison  de  Thonon. 

Anneci,  17  octobre  1622. 
Monseigneur, 

Tousjours  les  vieux  Religieux  de  Contamine  taschent,  par 
divers  moyens,  de  continuer  la  possession  de  leur  Ordre  de 
Cluny  et  prébendes  de  ce  Monastère ,  quoy  qu'ils  sçachent 
bien  que  V.  A.  Ser.  a  résolu  de  les  faire  employer  à  l'entre- 
tenement  de.s  collèges  et  du  noviciat  q ai  sont  establis  en  ce 
pais  pour  les  PP.  Barnabites;  pour  cela,  Monseigneur,  le 
P.  Prévost  du  collège  de  Thonon  qui  y  a  le  premier  interest, 
recourt  à  Y.  A.  affin  qu'elle  donne  ordre  que  son  intentioii 
soit  suivie,  en  la  suppression  des  Moynes  et  prébendes  de 
ce  Monastère  là.  Et  parce  que  Y.  A.  m'a  commandé  que  je 
l'advertisse  des  choses  qui  regardent  l'advancement  de  la 
gloire  de  Dieu  en  ce  Diocèse  ,  je  joins  cet  advis  à  la  suppli- 
cation dudit  Père  Prévost  des  Barnabites.  Et  de  plus ,  Mon- 
seigneur, je  supplie  très  humblement  Y.  A.  d'escrire  à  Mon- 
seigneur le  Ser.  Prince  Thomas  qu'il  fasse  convenir  par 
•devant  luy  tous  les  principaux  conseillers  de  la  sainte  Mayson 
de  Thonon ,  affin  que  par  son  authorité  il  soit  mis  ordre  aux 
affaires  de  cette  Mayson  là ,  qui  sans  cela  s'en  vont  tout  à 
fait  en  ruine ,  qui  seroit  un  extrême  dommage ,  qu'une 

»  L'onginal  en  est  conservé  aux  Archives  de  la  O^ur  de  Turin.  C'est  la  295« 
inédite  de  la  collection  Biaise. 

VI.  32 


498  OPUSCULES 

œuvre  de  si  sainte  et  grande  conséquence ,  fondée  avec  tant 
de  pieté  par  S.  A.,  périt  faute  de  secours  et  d'ordre.  Dieu 
par  sa  bonté  conserve  longuement  V.  A., 

Monseigneur, 
De  laquelle  je  suis  inviolablement  très  humble,  très  fidulô 
ei  très  obeyssant  orateur  et  serviteur. 

François  ,  Ev.  de  Genève. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  49^ 


V' «"V\/\/N/V\/\/\/\/N/V/\/>«^ 


CLxvn. 
AVIS 

Qae  le  Saint  a  laissés  aux  Supérieures  de  la  maison  de  la  Visitation  de  la  r«« 
St.-Antoine  de  Paris  pour  leur  conduite,  et  sur  le  prix  et  /e  mérite  de  la 
supériorité  bien  exercée  *. 

Puisque  c'est  le  haut  point  de  la  perfection  chrestienne 
de  conduire  les  âmes  à  Dieu ,  Taimant  qui  a  attiré  Jesus- 
Clirist  du  ciel  en  terre  pour  y  travailler,  et  consommer  son 
œuvre  dans  la  mort  et  par  la  croix,  il  est  aisé  de  juger  que 
celles  qu'il  employé  à  cette  fonction  se  doivent  tenir  bien 
honorées,  s'en  acquittant  avec  un  soin  digne  des  espouses  de 
celuy  qui  a  esté  crucifié  et  est  mort  comme  un  Roy  d'amour, 
couronné  d'éspines  parmi  la  troupe  de  ses  eslus ,  les  encou- 
rageant à  la  guerre  spirituelle ,  qu'il  faut  soutenir  icy  bas , 
pour  arriver  à  la  céleste  patrie  promise  à  ses  enfans. 

Ainsy,  mes  chères  Filles,  celles  que  Dieu  appelle  à  la  con- 
duite des  âmes  se  doivent  tenir  dans  leurs  ruches  mystiques, 
où  sont  assemblées  les  abeilles  célestes,  pour  mesnager  le  miel 
des  saintes  vertus  ;  et  la  Supérieure,  qui  est  entre  elles  comme 
leur  Royne ,  doit  estre  soigneuse  de  s'y  rendre  présente , 
pour  leur  apprendre  la  façon  de  le  former  et  conserver  ;  mais 
il  faut  travailler  cette  œuvre  et  cette  sainte  besongne  avec  une 
entière  sousmission  à  la  sainte  Providence ,  et  un  parfait  en- 
couragement à  se  bien  exercer  à  l'humilité ,  douceur ,  et  de- 
bonnaireté  de  cœur,  qui  sont  les  deux  chères  vertus  que 
nostre  Seigneur  recommandoit  aux  Apostres  destinés  à  la 
supériorité  de  l'univers,  puisant  dans  le  sein  du  Père  céleste 
les  moyens  convenables  à  cet  employ. 

*  Edités  par  M.  Biaise  parmi  les  lettres,  tom.  IV,  pag.  72,  n»  688,  d'aprèt 
un  manuscrit  du  monastère  de  la  Visitation  de  la  rue  St.-Antoine. 


500  OPUSCULES 

Car  ce  n'est  pas  de  vostre  laict ,  ni  de  vos  mammelles , 
que  vous  nourrissez  les  enfans  de  Dieu  ;  c'est  du  laict  des 
juammelles  du  divin  espoux,  ne  faysant  autre  chose  que  les 
.eur  montrer ,  et  dire  :  i^renez ,  sucez ,  tirez ,  vivez  ,  et  il 
vous  secondera  de  son  secours  ,  et  fera  vostre  besongne  avec 
vous,  si  vous  faites  la  sienne  avec  luy  :  or,  la  sienne  est  la 
sanctificarion  et  la  perfection  des  âmes,  pciir  lesquelles  il 
a'a  pas  trouvé  juste  de  fuir  le  labeur  requis  à  ia  glorification 
du  nom  de  son  Père. 

Travaillez-y  donc  humblement,  simplement,  et  confidem- 
ment  :  il  ne  vous  en  arrivera  jamais  aucune  distraction  qui 
vous  soit  nuisible  ;  car  ce  divin  maistre ,  qui  vous  employé  à 
cet  ouvrage  ,  s'est  obligé  de  vous  prester  sa  tres-sainte  main 
en  toutes  les  occasions  de  vostre  office,  pourveu  que  vous  cor- 
respondiez de  vostre  part,  et  par  une  tres-humble  et  coura- 
geuse confiance  en  sa  bonté,  ce  II  appelle  à  son  service  les 
»  choses  qui  ne  sont  point,  comme  celles  qui  sont,  et  se  sert 
»  d'un  rien  comme  de  beaucoup  pour  la  gloire  de  son  nom.  » 

C'est  pourquoy  vous  devez  faire  de  vostre  propre  abjec- 
don  la  chaire  et  la  chaisne  de  vostre  supériorité,  vous  rendant 
en  vostre  néant  vaillamment  humble  et  humblement  vail- 
lante en  celuy  qui  fit  le  grand  coup  de  sa  toute-puissance  en 
l'humilité  de  sa  croix. 

Il  vous  a  destiné  un  secours ,  un  ayde  et  une  grâce  tres- 
suffisante  et  abondante  pour  vostre  soutien  et  appuy.  Pensez- 
vous  qu'un  si  bon  père  comme  Dieu  voulust  vous  rendre 
ourrico  de  ces  filles  ,  sans  vous  donner  abondance  de  laict , 
beurre  ,  et  de  miel  ?  Le  Seigneur  a  mis  dans  vos  bras  et 
sur  vostre  giron  ces  âmes  ,  pour  les  rendre  dignes  d'estre  ses 
vrayes  espouses,  en  leur  apprenant  à  regarder  seulement  ses 
yeux  divins,  à  perdre  petit  à  petit  les  pensées  que  la  nature 
leursuggerera  d'elle-mesme  pour  les  faire  penser  uniquement 
en  luy.  Une  fille  destinée  au  gouvernement  d'un  Monastère 
ihai:gée4^ne  grande  et  importante  affaire ,  surtout  quand 


DE    S.    FRANÇOIS    Ï)K    SALES.  501 

c'est  pour  fonder  et  establir.  Mais  Dieu  estend  son  bras  tout 
puissant  à  mesure  de  l'œuvre  qu'il  impose,  et  luy  prépare  de 
grandes  bénédictions  pour  cultiver  et  gouverner  la  sacrée 
pépinière. 

Vous  estes  les  mères ,  les  nourrices ,  et  les  dames  d'atour 
de  ces  filles  du  roi.  Quelle  dignitt?  a  cette  digmtél  Quelle 
recompense,  si  vous  faites  cela  avec  l'amour  ei  les  mammelles 
de  mères!  C'est  une  couronne  que  vous  façonnez,  et  dont 
vous  jouirez  dans  la  félicité.  Mais  Dieu  veut  que  vous  la 
portiez  toute  dans  vostre  cœur  en  cette  vie ,  et  puis  il  la 
mettra  sur  vostre  teste  en  l'autre.  Les  espouses  anciennement 
ne  portoient  point  de  couronnes  et  de  chapeaux  de  fleurs, 
qu'elles  n'eussent  elles-mesmes  liées  et  agencées  ensemble. 
Ne  plaignez  point,  mes  chères  Filles,  la  perte  de  vos  commo- 
dités spirituelles,  et  des  contentemens  particuliers  que  vous 
recevriez  en  vos  dévotions ,  pour  bien  cultiver  ces  chères 
plantes  ;  ne  vous  lassant  nullement  d'estre  mères,  quoy  que 
les  travaux  et  les  soucis  de  la  maternité  soient  grands  :  car. 
Dieu  vous  en  recompensera  au  jour  de  vos  noces  éternelles, 
vous  couronnant  de  luy-mesme,  puisqu'il  est  la  couronne  de 
ses  Saints. 

SUITE  DU  MÊME  SUJET, 

Où  \e  Saint  enseigne  les  moyens  de  se  bien  acquitter  de  cet  office. 

Puisque  vous  tenez,  mes  chères  Filles ,  la  place  de  Dieu 
dans  la  conduite  des  âmes ,  vous  devez  estre  fort  jalouses  df* 
vous  y  conformer.  Observez  ses  voyes ,  et  non  les  voîicr^s 
soutenant  fortement  son  attrait  dans  chacune^  en  leur  avdant 
le  suivre  avec  humilité  etsousmission,  non  Uxciur  façon,  maii 
à  celle  de  Dieu  ,  que  vous  connoistrez  mieux  qu'elles ,  tant 
que  l'amour  propre  ne  sera  pas  anéanti  ;  car  il  fait  souvent 
prendre  le  change ,  et  tourner  l'attrait  divin  h  nos  caaieres 
et  suites  de  nos  inclinations- 


■  o02  OPUSCULES 

Portez  toasjours  à  cet  effet  sur  vos  lèvres  et.  sur  vos  langues 
"le  feu  que  vostre  ardent  espoux  a  apporte  en  terre  dans  les 
cœurs,  à  ce  qu'il  consomme  tout  Fliomme  extérieur,  et  en 
reforme  un  intérieur  tout  pur  ,  tout  amoureux,  tout  simple, 
•et  tout  fort  à  bien  ^.outenir  les  espr'^jives  et  exercices  que  sou 
cimour  luy  suggérera  en  leur  faveur,  pour  les  purifier,  per- 
fectionner et  sanctifier  ;  et,  afin  de  les  y  animer,  montrez- 
leur  qu'il  n'en  est  pas  des  rosiers  spirituels  comme  des  mate- 
rriels  :  en  ceux-cy  les  espines  durent,  et  les  roses  passent;  en 
ceux-là  les  espines  passeront ,  et  les  roses  demeureront  : 
qu'elles  n'ont  des  cœurs  que  pour  estre  les  enfans  de  Dieu  , 
en  l'aymant,  le  bénissant,  et  le  servant  fidèlement  en  cette 
vie  mortelle;  et  qu'il  les  a  unies  ensemble,  afin  qu'elles  soient 
extraordinairement  braves,  hardies,  courageuses,  constantes, 
et  soigneuses  d'entreprendre  et  d'accomplir  les  grandes  et 
,  difficiles  œuvres. 

Car  regardant  meshui  vos  maisons  comme  la  pépinière  de 
plusieurs  autres,  il  faut  y  enraciner  les  grandes  et  parfaites 
vertus  d'une  dévotion  masle,  forte  et  généreuse,  de  l'abnéga- 
tion de  l'amour  propre,  l'amour  de  son  abjection,  la  mortifi- 
cation des  sens,  et  la  sincère  direction,  leur  ostant  cette  petite 
"douilletterie  et  mollesse  qui  trouble  le  repos  ,  et  fait  excuser 
et  flatter  les  humeurs  et  inclinations  :  à  quoy  serviront  les 
changements  continuels  que  l'on  exerce  en  vostre  ordre , 
mesme  des  rangs  ,  cellules  ,  et  officeries  dans  l'année  ,  pour 
les  affianchir  d'estre  attachées  à  cet  employ  ou  à  cet  autre, 
et  de  l'imperfection  d'une  vaine  et  jalouse  imitation  ,  et  les 
affermir  à  ne  vouloir  pas  faire  tout  ce  que  les  autres  font, 
ains  seulement  tout  ce  que  leurs  Supérieures  leur  ordonne- 
ront, les  faysant  marcher  dans  cette  unique  et  simple  pré- 
tention d-e  servir  la  divine  Majesté  d'une  mesme  volonté, 
mesme  entreprise,  mesme  projet,  afin  que  nostre  Seigneur 
et -sa  très-sainte  Mère  en  soient  glorifiés 
.Huis  si  quelques-unes  se  rendoient  contraires  à  cette  con- 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  503 

<duite ,  vous  pourriez  ,  prenant  sujet  do  les  y  exercer  ,  leur 
faire  voir  leur  ignorance,  leur  peu  de  raison  et  de  jugement, 
de  s'amuser  aux  présomptions  et  fausses  imaginations  qu»î 
produit  la  nature  dépravée ,  combien  l'esprit  humain  est  op- 
posé à  Dieu,  dont  les  secrets  ne  sont  révélés  qu'aux  humbles  ; 
qu'il  n'est  pas  question  en  la  religion  de  philosophes  et  de 
teaux-esprits ,  mais  de  grâces  et  de  vertus,  non  pour  en 
discourir,  mais  pour  les  pratiquer  humblement,  leur  faysant 
faire  et  ordonnant  les  choses  difficiles  à  faire  et  comprendre, 
et  qui  soient  humiliantes,  pour  les  destacher  insensiblement 
d'elles-mesmes ,  et  les  engager  à  une  humble  et  parfaite 
sousmission  à  l'ordre  des  Supérieures,  lesquelles  aussi  doivent 
avoir  une  grande  discrétion  à  bien  observer  le  tems ,  les 
circonstances  et  les  personnes. 

Car  c'est  une  chose  bien  dure,  de  se  sentir  destruire  et  mor- 
tifier en  toute  rencontre  :  néanmoins  l'addresse  d'une  suave 
et  charitable  mère  fait  avaler  les  pilules  ameres  avec  le  laict 
d'une  sainte  amitié ,  montrant  continuellement  à  ses  filles 
une  poictrine  spirituelle  pleine  de  bonnes  veuës  et  de  joyeux 
et  gracieux  abords,  afin  qu'elles  y  accourent  en  gayeté,  et  se 
laissent  tourner  par  ce  moyen  comme  des  boules  de  cire, 
qui  s'amolliront  sans  doute  au  feu  de  cette  ardente  charité. 
Je  ne  dis  pas  qu'elles  soyent  flatteuses  ,  mais  douces  ,  amia- 
bles ,  et  affables ,  aymant  leurs  Sœurs  d'un  amour  cordial , 
maternel,  nourricier  et  pastoral,  se  faysant  toutes  à  toutes, 
mères  à  toutes,  secourables  à  toutes  ,  la  joye  de  toutes  ,  qui 
sont  les  seules  conditions  qui  suffisent,  et  sans  lesquelles  rien 
ne  suffi  t. 

Tenez  la  balance  droitte  entre  vos  filles ,  et  que  les  dons 
naturels  ne  vous  fassent  point  distribuer  iniquement  vos 
affections  et  vos  bons  offices.  Combien  y  a-il  de  personnes 
maussades  extérieurement,  qui  sont  très  aggreables  aux 
yeux  de  Dieu?  La  beauté,  bonne  grâce,  bien  parler,  donnent 
souvent  de  grands  attraits  aux  personnes  qui  vivent  encore 


5Q4  OPUSCULES 

selon  leurs  inclinations  ;  et  la  charité  regarde  la  vraye  vertu, 
et  la  beauté  intérieure,  et  se  respand  cordialement  sur  toutes 

sans  particularité. 

Ne  vous  estonnez  point  de  vous  voir  controollées  en  vostre 
gouvernement  :  vous  devez  doucement  tout  ouïr,  et  puis  le 
proposer  à  Dieu,  et  vous  en  conseiller  avec  vos  coadjutrices; 
après  quoy  faire  ce  qui  est  estimé  à  propos,  et  avec  une  sainte 
confiance  que  la  divine  Providencp  réduira  tout  à  sa  gloire. 
Mais  faites  cela  si  suavement,  que  vos  inférieures  ne  prennent 
point  occasion  de  perdre  le  respeo^  qui  est  deu  à  vos  charges, 
ni  de  penser  que  vous  avez  besoin  d'elles  pour  gouverner, 
ains  pour  suivre  la  règle  de  la  modestie,  humilité,  et  ce 
qui  est  porté  par  les  Constitutions.  Car,  voyez-vous,  il  faut, 
autant  qu'il  est  possible ,  faire  que  le  respect  de  nos  infé- 
rieures envers  nous,  ne  diminue  point  Tamour,  ni  Tamour 
ne  diminue  point  le  respect,  et  si  quelque  seur  ne  vous 
craignoit  et  traitoit  pas  avec  assez  de  respect,  remontrez-lu^ 
à  part  qu'elle  doit  honnorer  votre  office ,  et  coopérer  avec 
les  autres  à  conserver  en  dignité  la  charge  qui  lie  toute  la 
Congrégation  en  un  corps  et  en  un  esprit. 

Tenez  bon  pour  l'estroite  observance  des  règles,  pour  la 
bienséance  de  vos  personnes  et  de  vos  maysons.  Faites  ob- 
server un  grand  respect  aux  lieux  et  aux  choses  sacrées^ 
Ne  disputez  point  du  plus  ou  moins  du  temporel ,  puisque 
cela  est  plus  conforme  à  la  douceur  que  nostre  Seigneur  en- 
seigne à  ses  enfans.  L'esprit  de  Dieu  est  généreux  ;  ce  que 
l'on  gagneroit  en  ce  rencontre ,  on  le  perdroit  en  réputation  : 
Bnfin  la  paix  est  une  sainte  marchandise ,  qui  mérite  d'estre 
achetée  chèrement.  Conservez  la  douceur  avec  l'égalité  d'hu- 
meur, et  suavité  de  cœur  entre  les  tracas  et  la  multiplicité 
des  affaires.  Chacun  attend  de  vous  le  bon  exemple  joint  à 
une  charitable  debonnaireié  ;  parce  qu'à  cette  vertu,  comme 
à  l'huile  de  la  lampe,  tien^  la  flamme  du  bon  exemple,  n'y 
ayant  rien  qui  édifie  tant  quH  la  charitable  debonnaireté. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  5(S 

Servez-vous  volontiers  des  conseils  lorsqu'ils  ne  seront 
point  contraires  au  projet  que  nous  avons  résolu  de  suivre 
en  tout  Tesprit  d'une  suave  douceur,  et  de  penser  plusàrin- 
terieur  des  âmes  qu'à  Texterieur  :  car  enfin,  la  beauté  des 
filles  du  roi  est  au  deda7is\  qu'il  faut  que  les  Supérieure» 
cultivent,  si  elles  n'ont  elles-mesmes  ce  soin,  crainte  qu'elles 
ne  s'y  endorment  dans  leur  chemin ,  et  ne  laissent  esteindre 
leurs  lampes  par  négligence;  car  il  leur  seroit  dit  indubita- 
blement comme  aux  vierges  folles  se  présentant  pour  entier 
au  festin  nuptial  :  Je  ne  vous  connois  point ^.  Ne  me  dites 
point  que  vous  estes  imbéciles  ;  la  charité ,  qui  est  la  robe 
nuptiale,  couvrira  tout.  Les  personnes  qui  sont  en  cet  estât, 
excitent  ceux  qui  les  connoissent  à  un  saint  support  ,  et 
donnent  mesmes  une  tendresse  de  dilection  particulière  pour 
elles ,  pourveu  qu'elles  tesmoignent  de  porter  dévotement  et 
amiablement  leur  croix. 

Je  vous  recommande  à  Dieu  pour  obtenir  ses  saintes  grâces 
dans  vos  conduites,  afin  que,  tout  à  son  gré  et  par  vos  mains, 
il  façonne  les  âmes,  ou  par  le  marteau ,  ou  par  le  ciseau ,  on 
par  le  pinceau ,  pour  les  former  toutes  selon  son  bon  playsic^ 
vous  donnant  à  ce  dessein  des  cœurs  de  pères,  solidesi, 
fermes  et  constans,  sans  omettre  les  tendresses  de  mères, 
qui  font  désirer  les  douceurs  aux  enfants  suivant  l'ordm 
divin,  qui  gouverne  tout  avec  une  force  toute  suave  et  un» 
suavité  toute  forte. 

*  Omnis  gloria  ejus  filiae  régis  ab  intùs.  ^salm.  XUV,  14. 
»  Nescio  vos.  Matlh.,  XXV,  li 


506  OPUSCULES 


CLXVIIL 


LETTRE 


i 


ou  COPIE  D  UN  MANUSCRIT,  TIRE  DU  AIONASTERE  DE  LA  VISITATION  DE  LA  RUB 

SAINT-ANTOINE. 

Copie  de  quelques  Avis  spirituels  donnés  par  le  Saint  à  la  mère  Claude-Agnès 
JoLY  DE  La  Roche,  neuvième  Religieuse  de  l'ordre  de  la  Visitation  Sainte- 
Marie,  et  première  Supérieure  du  monastère  de  Rennes,  écrits  par  elle- 
même,  dans  un  petit  livre  pour  son  usage  particulier.  Elle  commence  ainsi  : 

RECUEIL  DES  AVIS  PARTICULIERS  QUE  MONSEIGNEUR  m'a  DONNÉS 

POUR  MON  AMENDEMENT. 

Tay  jugé  qu'il  vous  seroit  extrêmement  utile  de  tascher 
de  tenir  vostre  ame  en  paix  et  en  tranquillité  ;  et  pour  cela 
il  faut  que  le  matin  en  vous  levant  vous  commenciez  cet 
exercice ,  faisant  vos  actions  tout  doucement ,  pensant  à  ce 
que  vous  avez  à  faire  dans  l'exercice  du  matin,  prenant 
garde  de  ne  point  laisser  espancher  vostre  esprit  le  long  de 
la  journée  :  observez  tousjours  si  vous  estes  en  cet  estât  de 
tranquillité;  et  sitost  que  vous  vous  en  trouverez  dehors , 
ayez  un  grand  soin  de  vous  y  remettre,  et  cela  sans  discours 
ni  effort. 

Je  ne  veux  pas  dire  pourtant  que  vous  vous  bandiez  con- 
tinuellement l'esprit  pour  vous  tenir  en  cette  paix;  car  il 
faut  que  tout  cecy  se  fass^  avec  une  simplicité  de  cœur  tout 
amoureuse,  vous  tenant  auprès  de  nostre  Seigneur  comme 
un  petit  enfant  auprès  de  son  père;  et  quand  il  vous  arrivera 
de  faire  des  fautes,  quelles  qu'elles  soient,  demandez- en 
pardon  tout  doucement  à  nostre  Seigneur,  en  luy  disant  que 

*  C'est  la  689»  de  la  collection-Biaise. 


T)E    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  507 

TOUS  estes  bien  asseurée  qu'il  vous  aime  bien,  et  qu'il  vous 
pardonnera;  et  cela  tousjours  simplement  et  doucement. 

Cecy  doit  estre  vostre  exercice  continuel  ;  car  celte  tiimpli- 
«ité  de  cœur  vous  empeschera  de  penser  distinctement  (car 
itOTis  ne  sommes  pas  maistres  de  nos  pensées,  pour  n'en  avoir 
que  celles  que  nous  voulons)^,  qu'à  ce  que  vous  aurez  à  faire 
tî  à  ce  qui  vous  est  marqué,  sans  espancher  vostre  ame,  ni 
à  vouloir,  ni  à  désirer  autre  chose;  et  fera  que  toutes  ces 
j»n»tentions  de  plaire ,  et  ces  craintes  de  desplaire  à  nostre 
ïoere,  s'esvanouiront,  reservant  le  seul  désir  de  plaire  à 
Dieu,,  qui  est  et  sera  l'unique  objet  de  nostre  ame. 

Lors  qu'il  vous  arrivera  de  faire  quelque  chose  qui  pour- 
wo'd  fascher  ou  mal  édifier  les  Sœurs,  si  c'estoit  chose  d'une 
^ande  iuiportance ,  excusez-vous,  en  disant  que  vous  n'avez 
^s  eu  mauvaise  intention,  s'il  (îst  vray;  mais  si  c'est  chose 
^^eve  et  qui  ne  tire  point  de  conséquence,  ne  vi^ns  excusez 
point,  observant  tousjours  de  faire  cela  ave^  Suceur  et  tran- 
^illité  d'esprit,  comme  aussi  de  recevoir  les  avertissemens. 

Et  si  bien  vostre  partie  inférieure  s'esmeut  et  se  trouble, 
ne  vous  en  mettez  pas  en  peine,  taschant  à  garder  la  paix 
«nmi  la  guerre;  car  peut-estre  ne  sera-t'il  jamais  en  vostre 
pouvoir  de  n'avoir  pas  du  sentiment  estant  reprise  ;  mais 
TOUS  sçavez  très  bien  que  les  sentimens,  non  plus  que  toute 
autre  tentation ,  ne  nous  rendent  pas  moins  aggreables  à 
Dieu ,  pourveu  que  nous  n'y  consentions  pas. 

Vous  vous  trompez  en  croyant  que  vous  devriez  faire  des 
actes  vifs,  pour  vous  desfaire  de  ces  sentimens  et  troublefv 
^e  la  partie  inférieure  ;  c'est  au  contraire ,  il  n'en  faut  faire 
Buî  estât ,  mais  passer  simplement  chemin,  sans  lesregardei 
sseulement.  Que  s'ils  vous  inportunent  trop,  il  faut  se  niocqmeK 
^e  tout  v^^'r»  ^  rmHTiï  ;çx:  U  ' t  ieur  faire. la  moue  ;  et  cela  paar^ 
un  simple  regard  de  la  partie  supérieure;  après. quay-  il  nly 
feu t  phis  penser,,  quoy  qu'ils  vueillentdipe«^ 

Et  tout  dje.  mesme  ea  est-il  des  pensées  de  jalousie  oa 


r'03  OPUSCULES 

d'envie ,  et  mesme  de  ces  attendrissemens  que  vous  avez  sur 
vos  commodités  corporelles,  et  semblables  tricheries,  qui 
vont  ordinairement  roulant  autour  de  nos  esprits,  retranchant 
à  vostre  ame  tout  autre  soin  que  celui  de  se  tenir  en  paix  et 
en  tranquillité,  je  dismesmeceluydevostre  propre  perfection; 
car  je  remarque  que  ce  trop  grand  soin  de  vous  perfectionner 
vous  nuit  beaucoup ,  d'autant  que  dés  qu'il  vous  arrive  de 
faire  des  fautes ,  vous  vous  en  inquiétez  ,  parce  qu'il  vous 
semble  que  c'est  toujours  contre  la  prétention  que  vous  avez 
de  vous  amender. 

Tout  de  mesme,  si  Ton  vous  monstre  quelque  défaut  en 
vous,  vous  entrez  en  descouragement  ;  et  tout  cecy ,  il  ne  le 
faut  plus  faire ,  ains  vous  affermir  à  cela  ,  de  ne  point  vous 
laisser  troubler  pour  quoy  que  ce  soit.  Que  si  néanmoins  il 
vous  arrive  de  le  faire ,  nonobstant  vostre  resolution  ,  ne 
vous  faschez  pas  pour,tant  ;  ains  remettez-vous  en  tranquillité 
tout  aussitost  que  vous  vous  en  apercevrez  ,  et  tousjours  de 
là  mesme  façon  que  je  vous  ay  dit ,  tout  simplement ,  sans 
efforts  ni  secousse  d'esprit. 

Et  ne  pensez  pas  que  cecy  soit  un  exercice  de  quelques  jours  ; 
oh!  non,  car  il  y  faut  bien  du  temps  et  du  soin  pour  parvenir  à 
cette  paix.  Il  est  vray  pourtant  que  ,  si  vous  vous  y  rendez 
tidele,  nostre  Seigneur  bénira  vostre  travail.  Sa  bonté  vous 
attire  à  cet  exercice,  c'est  une  chose  toutasseurée  :  c'est  pour- 
quoy  vous  estes  grandement  obligée  à  vous  y  rendre  fidèle ^ 
pour  correspondre  à  sa  volonté  :  il  vous  sera  difficile,  d'autant 
que  vous  avez  l'esprit  vif,  et  qu'il  s'arreste  et  s'amuse  à  chaque 
objet  qu'il  rencontre  ;  mais  la  difficulté  ne  vous  doit  pas  faire 
entrer  en  descouragement ,  pensant  de  ne  pouvoir  parvenir 
au  but  de  vostre  prétention.  Faites  tout  bonnement  et  tout 
simplement  ce  que  vous  pourrez,  sans  vous  mettre  en  peine 
d'autre  chose. 

Et  tout  de  mesme,  quand  vous  arrestez  quelque  chose  quy 
ne:  era  bien  pris  selon  vostre  intention,  passez  outre,  pensant 


DE    S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  509 

à  ce  que  vous  avez  à  faire.  Regardez  nostre  Seigneur,  et 
laschez  d'aller  au  Dieu  de  toutes  choses,  multipliant  le  plus 
que  vous  pourrez  les  oraisons  jaculatoires,  les  vues  inté- 
rieures, les  retours,  les  eslans  fervens  de  vostre  '^^piit  en 
Dieu  ,  et  je  vous  asseure  que  cecy  vous  sera  fort  utile. 

Dieu  vous  veut  toute  et  sans  aucune  reserve  ,  et  toute  lîne 
nue,  et  despouillée;  c'est  pourquoy  il  faut  que  vous  ayez 
grand  soin  de  vous  desfaire  de  vostre  propre  volonté ,  car  il 
n'y  a  que  cela  seul  qui  vous  nuise  ,  d'autant  que  vous  l'avez 
toujours  extrêmement  forte ,  et  vous  estes  fort  attachée  à 
vouloir  ce  que  vous  voulez. 

Embrassez  donc  bien  fidèlement  cet  exercice ,  puisque  je 
vous  le  dis  avec  la  charité  de  Dieu  et  la  connoissance  que  j'ay 
de  votre  nécessité  ,  c[ui  est  que  vous  regardiez  la  providence 
de  Dieu  aux  contradictions  qui  vous  seront  faites ,  Dieu  les 
permettant  afin  de  vous  destacher  de  toutes  choses,  pour  vous 
mieux  serrer  à  sa  bonté  ,  et  unir  à  luy;  car  je  sçay  qu'il  veut 
que  vous  soyez  sienne,  mais  d'une  façon  toute  particulière. 

Rendez-vous  donc  bien  indifférente,  si  on  vcîis  accordera, 
ou  non,  ce  que  vous  demanderez,  et  ne  laissez  pas  de  de- 
mander tousjours  avec  confiance  :  et  demeurez  en  l'indiffé- 
rence d'avoir  des  biens  spirituels ,  ou  non  ;  et  quand  vous 
sentirez  que  la  confiance  vous  manque  pour  recourir  à  nostre 
Seigneur,  à  cause  de  la  multitude  de  vos  inqieifections  , 
faites  alors  jouer  la  partie  supérieure  de  vostre  ame,  disant 
des  paroles  de  confiance  et  d'amour  à  nostre  Seigneur,  avec 
le  plus  de  ferveur,  et  le  plus  fréquemment  qu'il  se  pourra. 

Ayez  un  grand  soin  de  ne  vous  point  troubler  lorsque 
vous  aurez  fait  qiu-lque  faute,  ni  de  vous  laisser  aller  à  des 
attendrissemeub  sur  vous-mesme  ,  car  tout  cela  ne  vient  que 
d'orgueil;  mais  humiliez -vous  promptement  devant  Dieu, 
et  que  ce  soit  d'une  humilité  douce  et  amoureuse ,  qui 
,vous  porte  à  la  confiance  de  recourir  soudain  à  sa  bonté, 
vous  asseurant  qu'elle  vous  aydera  pour  vous  amender. 


5i0  OPUSCULES 

Je  ne  veux  plus  que  vous  soyez  si  tendre,  ains  que  cornai? 
uue  fille  forte  vous  serviez  Dieu  avec  un  grand  courage,  mt 
regardant  que  luy  seul  ;  et  partant,  quand  ces  pensées,  si  V^t 
vous  ayme  ou  non,  vous  arrivent,  ne  les  regardez  pas  seuîe- 
ment,  vous  asseurant  que  Ton  vous  aymera  tousjours  autâa» 
que  Dieu  le  voudra  ;  et  que  cela  vous  suffise  ,  que  la  voloiili 
de  Dieu  s'accomplisse  en  vous ,  qui  estes  obligée  d'une  obli- 
gation particulière  de  vous  perfectionner;  car  Dieu  veut  se 
servir  àe  vous.  Faites-le  donc,  et  pour  cela  taschez  à  î<Mt 
aimer  vostre  propre  abjection,  laquelle  vous  empescherade 
vous  troubler  de  vos  défauts. 

Prenez  soin  de  tenir  vostre  esprit  en  paix  et  occupé  des 
choses  hautes  y  le  tirant  fidèlement  de  l'attention  que  vous 
faites  sur  vous-mesme,  principalement  quand  vous  avez  dm. 
chagrin,  et  que  vous  n'avez  point  de  courage.  Occupez- vous 
à  dire  à  nostre  Seigneur  que  vous  en  voulez  avoir,  et  que 
vous  ne  consentirez  jamais  à  ce  que  le  chagrin  vous  suggei»; 
vous  feriez  encore  mieux  de  vous  divertir ,  faisant  accroii«à 
vostre  esprit  qu'il  n'en  a  point,  n'en  faysant  non  plus  d^ estât 
que  si  vous  ne  sentiez  point  l'effort  de  cette  passion. 

Plus  vous  vous  sentez  pauvre  et  destituée  de  toutes  sortes 
de  vertus,  ayez  de  plus  grandes  prétentions  de  bien  faii^  Ne 
vous  estonnez  point  des  mauvais  sentimens  que  vous  avez,  | 
pour  grands  qu'ils  soient  ;  mais  ayez  soin  en  ce  tems-  là  de 
multiplier  les  oraisons  jaculatoires,  et  retour  de  vostre  esprit 
en  Dieu  ;  et ,  comme  vous  avez  une  grande  nécessité  de  U 
douceur  et  de  l'humilité,  prenez  soin  de  mettre  fort  souvenÉ 
emmi  la  journée  vostre  cœur  en  la  posture»  d'une  humble 
douceur. 

Et  quand  vous  serez  reprise  ou  corrigée  de  quelque  chos^ 
essayez-vous  tout  doucement  d'aymer  la  correction ,  et  m 
vous  faschez  pas  si  la  partie  inférieure  s'esmeut  ;  mais  faitel 
régner  la  partie  supérieure,  afin  que  vous  fassiez  ce  que  Toai 
veut  de  vous  en  cette  occasion. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  5!f 

Ne  soyez  point  tant  amie  de  vostre  paix  que ,  quand  en 
vous  i'ostera  par  quelque  commandement,  ou  correction, 
ou  contradiction,  vous  en  demeuriez  troublée;  car  cette 
paix  qui  ne  veut  point  estre  agitée  est  recherchée  par  Tamour 
propre. 

Or,  maintenant  je  vous  dis  que  vous  ayez  un  soin  très  par- 
ticulier de  vous  rendre  esgale  en  vos  humeurs ,  sans  jamais 
laisser  paroistre  en  vostre  extérieur  aucun  changemen^ 

Quelle  apparence  y  a-t'il  de  monstrer  ainsi  vos  imperfec- 
tions ,  puis  que  cela  empesche  que  Dieu  ne  soit  servy  de  vous 
ainsi  qu'il  le  désire  ?  Cette  esgalité  de  vostre  maintien  exte* 
rieur  manque  à  l'accomplissement  des  talens  que  Dieu  vous  a. 
donnez.  Considérez  donc  souvent  quel  desplaisir  ce  vous  sera, 
et  ce  vous  doit  estre,  de  voir  que  vous  manquez  de  corres- 
pondance à  la  volonté  de  Dieu ,  puis  qu'il  a  laissé  à  vostre 
pouvoir  d'acquérir  cela,  qui  doit  perfectionner  et  accomplir 
vostre  talent. 

Travaillez  fidèlement  pour  cela  j  bandez  toutes  les  forcée 
de  vostre  esprit  pour  l'acquérir,  et  prenez  garde  que  la  mor^^ 
tifîcation  reluise  en  vostre  extérieur  ;  en  sorte  que  les  sécu- 
liers trouvent  plus  de  sujet  de  l'observer,  que  non  pas  de 
bonne  mine  ïii  de  bonne  façon. 

Yous  devez  avoir  un  très  grand  soin  de  vous  pencher 
toute  du  costé  de  l'humilité,  puis  que  vous  avez  une  si  grande 
inclination  à  l'orgueil  et  à  la  propre  estime.  Ne  doutez  point 
qu'ayant  acquis  cette  vertu,  vous  n'ayez  quand  et  quanf 
toutes  celle^^  dont  vous  avez  nécessité.  Approfondissez- voue 
fort  souvent  ^^^  Vabysme  de  vostre  néant  devant  nostre  Sei- 
gneur et  devant  isostre  Dame.  Mais  ressouvenez-vous  de  es 
que  j'ay  dit  en  Feûtretien  de  l'humilité;  et  toutes  fois  el 
quantes  qu'elle  ne  produit  pas  ce  fruit,  elle  est  suspecte  et 
indubitablement  fausse.  Aneantissez-vous  en  la  connoissance 
de  vostre  petitesse  ;  mais  soudain  après  relevez  vostre  esprit; 
pour  considérer  ce  aue  Dieu  veut  de  vous. 


512  OPUSCULES 

AVIS   POUR  LA  CHARGE  DE  SUPÉRIEURE. 

Dieu  veut  que  vous  le  serviez  en  la  conduite  des  âmes , 
puis  qu'il  a  arrangé  les  choses  comme  elles  le  sont ,  et  qu'il 
vous  a  donné  la  capacité  de  gouverner  les  autres. 

Faites  une  très  grande  estime  du  ministère  à  quoy  vous 
estes  appelée  ;  et  pour  le  bien  faire ,  tous  les  jours  en  vous 
resveillant  ne  manquez  jamais  de  dire  cette  parole  que 
S.  Bernard  disoit  si  souvent  :  Qu  es-tu  venu  faire  céans  ^? 
Qu'est-ce  que  Dieu  veut  de  toy?  Puis  soudain  après  abandon- 
nez-vous totalement  à  sa  divine  volonté ,  afin  qu'il  fasse  de 
vous  et  en  vous  tout  ce  qu'il  luy  plaira,  sans  aucune  reserve. 

Ayez  une  dévotion  particulière  à  nostre  Dame  et  vostre  bon 
Ange;  puis,  ma  Fille,  souvenez-vous  qu'il  faut  avoir  plus 
d'humilité  pour  commander  que  non  pas  pour  obeyr.  Mais 
prenez  garde  aussi  de  ne  pas  tant  subtiliser  sur  tout  ce  que 
vous  ferez.  Ayez  une  droite  intention  défaire  tout  pour  Dieu 
et  pour  son  honneur  et  gloire,  et  vous  destournez  de  tout  ce 
que  la  partie  inférieure  de  vostre  ame  voudra  faire  :  laissez- 
la  tracasser  tant  qu'elle  voudra  autour  de  vostre  esprit ,  sans 
combattre  nullement  tous  ses  assauts ,  ni  mesme  regarder  ce 
ce  qu'elle  fait  ou  ce  qu'elle  veut  dire  ,  ains  tenez-vous  ferme 
en  la  partie  supérieure  de  vostre  ame  ,  et  en  cette  resolution 
de  ne  vouloir  rien  faire  que  pour  Dieu ,  et  qui  luy  soit 
aggreable. 

De  plus ,  il  faut  que  vous  fassiez  grande  attention  sur 
cette  parole  que  j'ay  mise  dans  les  Constitutions,  sçavoir  que 
la  Supérieure  n'esf  dms  tant  pour  les  fortes  que  pour  les 
foibles ,  bien  qu'il  taille  avoir  soin  de  toutes ,  afin  que  les 
plus  avancées  ne  retournent  point  en  arrière.  Ayez  à  cœur 
îe  support  des  filles  imparfaites  qui  seront  en  vostre  charge  : 
ne  faites  jamais  de  Festonnée  ,  quelque  sorte  de  tentation  ou 

*  Bernarde,  ad  quid  venisti? 


DE   S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  TJ  v 

d'imperfection  qu'elles  vous  descouvrent;  ains  taschez  à  leur 
donner  confiance  à  vous  bien  dire  tout  ce  qui  les  exercera. 
Soyez  grandement  tendre  à  l'segard  des  plus  imparfaites, 
pour  les  ayder  à  faire  grand  profit  de  leur  imperfection.  Res- 
souvenez-vous ju'une  ame  grandement  impure  peut  parvenir 
à  une  parfaite  pureté  ,  estant  bien  aydée.  Dieu  vous  en  ayant 
donné  h.  charge  et  le  moven ,  par  sa  grâce ,  de  le  pouvoir 
faire ,  appliquez-vous  soigneusement  à  le  faire  pour  son 
lîonneur  et  gloire.  Remarquez  que  celles  qui  ont  le  plus  de 
mauvaises  inclinations ,  sont  celles  qui  peuvent  parvenir  à 
une  plus  grande  perfection.  Gardez-vous  de  faire  des  affec- 
tions particulières. 

Ne  vous  estonnez  nullement  de  voir  en  vous  beaucoup  de 
fort  mauvaises  inclinations,  puisque,  par  la  bonté  de  Dieu , 
vous  avez  une  volonté  supérieure  qui  peut  estre  régente  au- 
dessus  de  tout  cela. 

Prenez  un  grand  soin  de  maintenir  vostre  extérieur  en  une 
sainte  esgalité.  Que  si  vous  avez  quelque  peine  dans  l'esprit , 
qu'elle  ne  paroisse  point  au  dehors.  Maintenez-vous  dans 
une  contenance  grave  ,  mais  douce  et  humble  ,  sans  jamais 
estre  légère  ,  principalement  avec  des  jeunes  gens. 

Voilà ,  ce  me  semble  ,  ce  à  quoi  il  faut  que  vous  preniez 
garde  ,  pour  rendre  à  Dieu  le  service  qu'il  a  désiré  de  vous. 
Mais  je  désire  grandement  que  vous  fassiez  attention  fort 
souvent  sur  l'importance  de  la  charge  que  vous  aurez ,  non- 
seulement  d'estre  Supérieure ,  i?  iais  d'estre  au  lieu  que  vous 
serez.  La  gloire  de  Dieu  est  join  te  àcecy,  et  à  la  connoissance 
de  vostre  Institut;  c'est  poun^joy  il  faut  que  vous  releviez 
fort  vostre  courage,  en  luy  faysant  entendit  l'importance 
de  ce  à  quoy  vous  estes  appellée 

Anean tissez-vous  fort  profondément  en  vous-mesme ,  de 

voir  que  Dieu  veuille  se  servir  de  vostre  petitesse  pour  luy 

faire  un  service  de  si  grande  importance.   Rccoimoissez- 

vous  fort  honorée  de  cet  hunneur,  qï  vous  en  allez  courageu- 

VI.  33 


514  OPUSCULES 

sèment  supplier  nostre  Dame  qu'il  luy  plaise  vous  offrir  à  son 
Fils,  comme  une  créature  tout  absolument  abandonnée  à 
sa  divine  bonté ,  vous  resolvant  que  moyennant  sa  grâce 
vous  vivrez  désormais  d'une  vie  toute  nouvelle ,  favsanl 
maintenant  un  renouvellement  parfait  de  toute  vostre  ame, 
détestant  pour  jamais  vost?"^  vie  passée ,  avec  toutes  vos 
vieilles  habitudes.  Allez  donc,  ma  chère  Fille,  pleine  de  con- 
fiance qu'après  avoir  fait  cet  acte  parfait  du  saint  abandon- 
nement  de  vous-mesme  entre  les  bras  de  la  tres-sainte  Yierge, 
pour  vous  consacrer  et  sacrifier  de  rechef  au  service  de 
l'amour  de  son  Fils,  elle  vous  gardera  tout  le  temps  de  vostre 
vie  en  sa  protection,  et  vous  présentera  derechef  à  sa  bonté 
à  l'heure  de  vostre  mort. 

Maintenant  je  vous  dis  :  Ne  parlez  que  le  moins  qu'il  se 
pourra  de  vous-mesme  ;  mays  cecy,  je  le  dis  tout  de  bon ,  re- 
tenez-le bien,  et  faites-y  attention.  Si  vous  estes  imparfaite , 
humiliez- vous  au  fond  de  vostre  cœur,  et  n'en  parlez  point  ; 
car  cela  n'est  que  l'orgueil ,  qui  fait  que  vous  pensez  en  dire 
beaucoup,  afin  que  l'on  n'en  trouve  pas  tant  que  vous  dites. 
Parlez  peu  de  vous ,  mais  je  dis  peu. 

Ayez  un  grand  soin  de  maintenir  vostre  extérieur  parmi 
vos  filles  en  telle  médiocrité  entre  la  gravité,  et  la  douceur 
et  l'humilité,  que  l'on  reconnoisse  que  si  bien  vous  les  aimez 
tendrement ,  que  vous  estes  aussi  la  Supérieure  ;  car  il  ne 
faut  pas  que  l'affabilité  empesche  l'exercice  de  l'authorité. 
J'approuve  fort  que  les  Supérieures  soient  Supérieures ,  se 
faisant  obeyr,  pourveu  que  la  modestie  et  le  support  soient 
observés. 

Ayez  envers  les  séculiers  une  sainte  gravité  ;  car  tandis 
que  vous  estes  jeune,  il  faut  observer  soigneusement  cela. 
Que  vostre  rire  soit  modéré ,  et  mesme  envers  les  femmes , 
avec  lesquelles  on  peut  avoir  un  peu  plus  d'affabilité  et  de 
cordialité. 

Il  ne  faut  pas  entendre  par  cette  gravité,  qu'il  faille  estm 


DE   S.   FRANÇOIS   DE   SALES»  51 S 

severe  ou  renfrognée  ;  car  il  faut  conserver  tousjours  une  gra- 
cieuse sérénité  devant  les  jeunes  gens,  quoyque  de  profession 
ecclésiastique.  Ayez  pour  l'ordinaire  vo»  yeux  rabaissés,  et 
soyez  courte  en  paroles  avec  telles  gens,  observant  tousjours  de 
profiter  à  leurs  âmes,  en  faysant  voir  la  perfection  de  vostre 
Institut.  Je  ne  dis  pas  la  vnstre,  ains  celle  de  vostre  Institut^, 
non  en  paroles,  que  fort  simplement,  ne  la  louant  que 
comme  on  parle  un  chacun  de  soy-mesme,  ou  de  ses  parens, 
c'est  à  dire  courtement  et  simplement. 

Louez  grandement  les  autres  Ordres  et  Religions ,  et  le 
vostre  au  dessous  des  autres  choses ,  bien  que  vous  ne  deviez 
pas  cacher  que  vous  vivez  paisiblement,  et  disant,  quand 
l'occasion  s'en  présente ,  le  bien  qui  se  fait  simplement. 

Faites  tousjours  grand  cas  des  Sœurs  Carmélites ,  et  vous 
entretenez  en  leur  amitié  par  tout  oii  vous  serez,  tesmoignant 
tousjoursque  vous  en  faite,< grande  estime,  et  que  vous  les 
aymez  chèrement. 

Entretenez-vous  fort  avrC  les  Pères  Jésuites,  et  communi- 
quez volontiers  avec  eus  ,  comme  aussi  les  Pères  de  l'Ora- 
toire et  les  Pères  MiniQ^es  ;  prenez  conseil  d'eux  tous  où 
vous  en  aurez  besoin,  et  particulièrement  des  Pères  Jésuites. 

Ne  soyez  pas  du  tout  tant  retenue  à  relever  le  voile, 
comme  les  Sœurs  Carmélites,  mais  pourtant  usez  de  discrétion 
pour  cela,  faisant  voir,  quand  vous  le  lèverez,  que  c'est  pour 
gratifier  ceux  qui  vou?.  parlent ,  observant  de  ne  gueres  vous 
avancer  des  treillis,  ny  moins  d'y  passer  les  mains,  que  pour 
certaines  personnes  de  qualité  qui  le  desirenî , 

Pour  ce  qui  est  de  l'oraison,  il  faut  que  vous  observiez  de 
faire  que  les  sujets  sur  quoy  on  la  fera  soient  sur  la  mort , 
vie  et  passion  de  nostre  Seigneur;  car  c'est  une  chose  fort 
rare ,  que  l'on  ne  puisse  profiter  sur  la  considération  de  ce 
que  nostre  Seigneur  a  fait.  En  fin,  c'est  le  maistre  souverain 
que  le  Père  éternel  a  envoyé  au  monde  pour  nous  enseigner 
ce  que  nous  devons  faire  :  et  partant,  outre  l'obligation  que 


&l0  OPUSCULES 

nous  avons  de  nous  former  sur  ce  divin  modèle  pour  ce  sujet, 
nous  devons  grandement  estre  excités  à  considérer  ses  œuvrea 
pour  les  imiter,  parce  que  c'est  une  des  plus  excellentes  in- 
tentions que  nous  puissions  avoir  pour  tout  ce  que  nouÀ 
avons  à  faire,  et  ([ue  nous  faisons,  que  de  les  faire  parce  que 
nostre  Seigneur  les  a  faites ,  c'est  à  dire  pratiquer  les  vertus 
parce  que  nostre  Seigneur  les  a  pratiquées ,  et  comme  il  les 
a  pratiquées. 

Ce  que  pour  bien  comprendre ,  il  faut  fidèlement  peser, 
voir,  et  considérer  dans  ce,  parce  que  nostre  père  l'a  fait  en 
telle  façon,  je  le  veux  faire,  en  enclosant  l'amour  envers 
nostre  divin  Sauveur  et  père  tres-aymable  ;  car  l'enfant  qui 
aime  bien  son  bon  père ,  a  une  grande  affection  de  se  rendre 
fort  conforme  à  ses  humeurs ,  et  de  l'imiter  en  tout  ce  qu'il 
fait. 

Il  se  peut  faire  pourtant  qu'il  y  ait  certaines  âmes  exceptées 
lesquelles  ne  peuvent  s'arrester  ,  ny  occuper  leur  esprit  sur 
aucun  mystère  ;  elles  sont  attirées  à  une  certaine  simplicité 
devant  Dieu,  toute  douce,  qui  les  tient  en  cette  simplicité, 
sans  autre  considération  que  de  sçavoir  qu'elles  sont  devant 
Dieu,  et  qu'il  est  tout  leur  bien  ,  demeurant  ainsi  utilement. 
Cela  est  bon  ;  mais  il  me  semble  qu'il  est  assez  clairement 
dit  dans  le  livre  de  V Amour  de  Dieu ,  oii  vous  pourrez  avoir 
recours ,  si  vous  en  avez  besoin ,  et  aux  autres  qui  traitent 
de  l'oraison. 

-  Mais  généralement  parlant ,  il  faut  faire  que  toutes  les 
filles ,  tant  qu'il  se  peut ,  se  tiennent  en  Testât  et  méthode 
d'oraison  qui  est  la  plus  seure  ,  qui  est  celle  qui  tend  à  la 
reformation  de  vie  et  changemens  de  mœurs ,  qui  est  celle 
que  nous  disions  premièrement  qui  se  fait  autour  des  mys- 
tères de  la  vie  et  de  la  mort  de  nostre  Seigneur. 

Et  il  ne  faut  pas  tousjours  croire  les  jeunes  filles  qui  r^^ 
font  que  d'entrer  en  Religion  ,  quand  elles  disent  qu'eues 
ont  de  si  grandes  choses;  car  bien  souvent  ce  n'est  que  trou- 


DE   S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  517 

perie  et  amusement.  C'est  pourquoy  il  faut  les  mettre  au 
me'sme  train  et  aux  mesmes  exercices  que  les  autres  :  car  si 
elles  ont  une  bonne  oraison ,  elles  seront  bien  aises  d'estre 
humiliées,  et  de  se  sousmettre  à  la  conduite  de  ceux  qui  ont 
du  pouvoir  sur  elles.  Il  y  a  tout  à  craindre  en  ces  manières 
d'oraisons  relevées;  mais  l'on  peut  marcher  en  asseurance 
Jans  la  plus  commune  ,  qui  est  de  s'appliquer  tout  à  la  bonne 
foy  autour  de  nostre  Maislre ,  pour  apprendre  ce  qu'il  veut 
que  nous  fassions. 

La  Supérieure  peut  en  quelque  grande  et  signalée  occasion 
faire  faire  deux  ou  trois  jours  de  jeusne  à  la  Communauté, 
ou  bien  seulement  aux  filles  qui  sont  plus  robustes  ;  faire 
quelque  discipline ,  plus  librement  que  de  jeusner  ;  car  c'est 
une  mortification  qui  ne  nuit  point  à  la  santé ,  et  partant , 
toutes  la  peuvent  faire  en  la  sorte  qu'on  la  fait  céans.  Mais 
il  faut  tousjours  observer  de  n'introduire  point  les  austérités 
en  vos  Maisons;  car  ce  seroit  changer  vostre  Institut,  qui 
est  principalement  pour  les  infirmes. 

La  Supérieure  doit  sans  doute  de  temps  en  temps  visiter 
les  cellules  des  Sœurs,  pour  empescher  qu'elles  n'ayent  rien 
en  propre;  mais  pourtant  il  faut  faire  cela  si  discrètement, 
que  les  Sœurs  ne  puissent  point  avoir  de  juste  raison  de 
penser  que  la  Supérieure  ait  quelque  defîiance  de  leur  fidé- 
lité ,  soit  en  cela,  soit  en  autre  chose  ;  car  il  le  faut  tousjours 
observer  discrètement ,  ne  les  tenant  ni  trop  resserrées  ni 
trop  en  liberté  ;  car  vous  ne  sçauriez  croire  combien  c'est 
une  chose  nécessaire  de  se  tenir  en  cet  entre-deux. 

Pour  moy,  j'approuverois  fort  que  vous  ne  fissiez  rien  que 
de  suivre  simplement  la  Communauté  en  toutes  choses ,  soit 
aux  mortifications,  ou  en  quoy  que  ce  soit.  Il  me  semble  qufe 
ce  devroit  estre  la  pratique  principale  d'une  Supérieure  que 
l'aller  devant  ses  filles  en  cette  simplicité ,  que  de  ne  riec 
faire  ny  de  plus  ny  de  moins  qu'elles  font.  Car  cela  fait 
qu'elle  est  grandement  aimée,  et  qu'elle  tient  merveilleuse- 


\ 


518  OPUSCULES 

ment  Tosprit  de  ses  filles  en  paix.  J'ay  grandement  envii 
que  riîistoire  de  Jacob  soit  tousjours  devant  vos  yeux,  afin 
de  faire  comme  luy,  qui  ne  vouloit  pas  seulement  s'accommo- 
der au  pas  de  ses  enfans,  mais  encore  à  ceux-là  mesme  de 
ses  ai^nelels. 

Et  quant  à  ce  qui  est  de  la  communion,  je  voudrois  que 
Ton  suivist  Tadvis  des  Confesseurs  ;  quand  vous  avez  envie 
de  communier  quelquefois  extraordinairement,  que  vous 
prissiez  leurs  advis.  Pour  communier  une  fois  toutes  les  se- 
maines de  plus  que  la  Communauté,  vous  le  pouvez  bien 
faire ,  et  à  vostre  tour  comme  les  autres  ;  et  mesme  pour 
communier  plus  souvent  extraordinairement,  vous  ferez  ce 
que  ceux  qui  auront  soin  de  vous ,  trouveront  bon ,  car  il 
leur  faut  laisser  conduire  cela.  Il  sera  bon  ,  ma  cliere Tille, 
que  vous  vous  assujettissiez  à  rendre  compte  tous  les  mois, 
ou  les  deux  ou  trois  mois,  si  vous  voulez,  au  Confesseur 
extraordinaire,  ou  mesme  au  Confesseur  ordinaire,  s'il  est 
capable  ,  ou  tel  autre  que  vous  jugerez;  car  c'est  un  grand 
bien  que  de  ne  rien  faire  que  par  l'advis  d'autruy. 

Il  ne  me  semble  pas  que  vous  deviez  maintenant  faire  plus 

d'attention  sur  aucune  autre  pratique ,  que  sur  celle  de  la 

tres-sainte  charité  à  l'endroit  du  prochain;  en  le  supportant 

doucement,  et  le  servant  amoureusement;  mais  en  sorte  que 

vous  observiez  tousjours  de  conserver  l'authorité  et  gravité 

de  Supérieure,  accompagnée  d'une  sainte  humilité.  Quand 

vous  aurez  jugé  que  quelque  cho.se  se  doit  faire,  marchez 

:rseurement  et  sans  rien  craindre,  regardant  Dieu  le  plus  sou- 

■•  vent  que  vous  pourrez  :  je  ne  dis  pas  que  vous  soyez  tousjours 

attentive  à  la  présence  de  Dieu ,  mais  que  vous  multipliiez 

le  pluij  qu'il  se  pourra  les  retours  de  vostie  tsprit  en  />ieu  : 

c'est  et  dernier  point  que  de  tout  mon  cœur  j'ay  promis  à 

mon  Dieu  de  pratiquer  fidèlement,  moyennant  sa  grâce, 

ayant  pris  nostre  Dame  protectrice  de  cette  mienne  rcsolu  tien. 


DE    S.    FRANC0T5    DE    SALES. 


519 


»\/v/ 


CLXIX. 

AUTRES  AVIS  SPIRITUELS 

ADRESSÉS 
A  LA  PREMIÈRE  SUPÉRIEURE  TE  LA  VISITATION  d'oRLÉANS. 

Ce  qui  suit  fut  écrit  de  la  propre  main  du  Saint,  dans  le  livre  de  la  mère 
Claude-Agnès  Joly  de  La  Roche ,  lorsqu'elle  vint  en  France  pour  la  fonda- 
tion du  monastère  d'Orléans. 

Allez,  ma  tres-cliere  Fille,  Dieu  vous  sera  propice  •  trois 
vertus  vous  sont  chèrement  recommandées,  la  debonnoireté 
tres-humble,  Thumilité  très- courageuse,  la  parfaite  con- 
fiance à  la  providence  de  Dieu  ;  car  quant  à  l'esgalité  de  l'es- 
prit, et  mesme  du  maintien  extérieur,  ce  n'est  pas  une  vertu 
particulière,  mais  l'ornement  intérieur  et  extérieur  de  l'es- 
pouse  du  Sauveur.  Vivez  donc  ainsi  toute  en  Dieu  et  pour 
Dieu,  et  que  sa  bonté  soit  à  jamais  vostre  repos.  Amen. 

Faites  cela,  ma  tres-chere  fille;  à  Dieu  soit  la  louange  de 
l'exercice  que  la  Providence  vous  donne  par  cette  affliction 
de  maladie,  que  vous  rendrez  sainte,  mo3^ennant  sa  sainte 
grâce.  Car  comme  vous  ne  seiez  jamais  espouse  de  Jesus- 
Christ  glorifié,  que  vous  ne  l'ayez  esté  premièrement  de 
Jesus-Christ  crucifié;  vous  ne  jouirez  jamais  du  lit  nuptial 
de  son  amour  triomphant ,  que  vous  n'ayez  senti  l'amour 
afBigeant  du  lit  de  la  sainte  Croix. 

Cependant  nous  prierons  Dieu  qu'il  soit  tousjours  vostre 
force  et  vostre  courage  en  la  souffrance ,  comme  vostre  mo- 
destie, douceur  et  humilité  en  ses  consolations. 


520  OPUSCULES 


%^\/WV1 


CLXX. 

LETTRE 


4 


AVIS  DU  SAINT  SUR  LA  VOCATION  A  l'ÉTAT  RELIGIEUX. 

La  bonne  vocation  n'est  autre  chose  qu'une  ferme  et 
constante  volonté  que  la  personne  appelée  a  db  vouloir  servir 
Dieu  en  la  manière  et  aux  lieux  ausquels  sa  divine  Majesté 
Ta. appelée  :  cela  est  la  meilleure  marque  que  Ton  puisse 
avoir  pour  connoistre  quand  une  vocation  est  bonne.  Non 
qu'il  soit  nécessaire  que  telle  ame  fasse  dés  1^  commence- 
ment tout  ce  qu'il  faut  faire  en  sa  vocation ,  avec  une  fer- 
pieté  et  constance  si  grande,  qu'elle  soit  exempte  de  toute 
répugnance ,  difficulté  ou  degoust  en  ce  qui  est  de  sa  voca- 
tion ,  ni  moins  encor  que  cette  fermeté  et  constance  soit  tellt^ 
qu'elle  la  rende  exempte  de  faire  des  fautes ,  ni  que  pour  cela 
elle  soit  si  ferme  qu'elle  ne  vienne  jamais  à  chanceler,  n: 
varier  à  l'entreprise  qu'elle  a  faite  de  pratiquer  les  moyens 
qui  la  peuvent  conduire  à  la  perfection  ;  attendu  que  tous 
les  hommes  sont  sujets  à  telle  passion,  à  chantreme-^r ,  à 
vicissitudes,  et  que  ce  n'est  que  par  ces  divers  mouveii^ens 
et  accidens  qu'il  faut  juger,  la  volonté  demeurant  ferme  au 
point  de  ne  quitter  le  bien  qu'elle  a  embrassé,  encor  qu'ell* 
sente  quelque  degoust  et  refroidissement 

Tellement  que  pour  avoir  une  marque  d'une  bonne  voca- 
tion, il  ne  faut  point  une  constance  sensible,  mais  qui  soit 
effective.  Pour  sçavoir  '^i  Dieu  veut  qu'on  soit  Religieux  ou 
Religieuse,  il  ne  faut  pas  attendre  qu'il  nous  parle  sensible- 

»  Tirée  de  la  Vie  du  Saint  par  le  père  Jean  (ie  Saint  François.  C'est  la  690» 
des  lettres  de  la  coUoction  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  521 

ment,  ou  qu'il  nous  envoyé  un  Ange  du  ciel  pour  nous  si- 
gnilier  sa  volonté  ;  ni  moins  est-il  besoin  d'avoir  des  révéla 
lions  sur  ce  subject.  Il  ne  faut  non  plus  l'examen  de  dix  ou 
douze  docteurs  de  la  Sorbonne  pour  examiner  si  l'inspiration 
est  bonne  ou  mauvaise ,  et  s'il  faut  la  suivre  ou  non  ;  mais  il 
faut  bien  cultiver  et  correspondre  aw  premier  mouvement, 
et  puis  ne  se  mettre  point  en  peine  s'il  vient  des  degousts  et 
des  refroidissemens  sur  cela. 

Car  si  on  tasclie  tous]  ours  à  tenir  sa  volonté  bien  ferme 
à  rechercher  le  bien  que  Dieu  nous  monstre ,  il  ne  manquera 
pas  de  faire  réussir  le  tout  à  sa  gloire.  De  quelque  part  que 
vienne  le  motif  de  la  vocation,  il  suffit  pourveu  qu'on  ait 
senty  l'inspiration,  ou  le  mouvement  dans  le  cœur  pour  la 
recherche  du  bien  auquel  on  se  sent  appelé ,  et  que  l'on  de- 
meure ferme  et  constant  dans  cette  recherche,  quoy  que  ce 
soit  avec  degoust  et  refroidissement. 

Et  en  cela  on  doit  avoir  un  grand  soin  d'aymer  les  âmes, 
et  leur  apprendre  à  ne  se  point  estonner  de  ces  changemens 
et  de  ces  vicissitudes ,  et  les  encourager  à  demeurer  fermes 
parmi  eux ,  en  leur  disant  qu'elles  ne  se  doivent  pas  mettre 
en  peine  de  ces  sentimens  sensibles,  ni  les  examiner  tant;  et 
elles  se  doivent  contenter  de  cette  constante  volonté,  qui 
parmi  tout  cela  ne  perd  point  l'affection  de  son  premier  des- 
sein; qu'elles  soient  seulement  soigneuses  de  le  bien  culti- 
ver, et  de  correspondre  à  ce  premier  mouvement,  sans  se 
goucier  de  que]  costé  il  vient ,  veu  que  nostre  Dieu  a  plu- 
sieurs moyens  d'appeler  ses  serviteurs  et  ses  servantes  à  soa 
service;  qu'il  se  sert  »)res  des  prédications,  ores  de  la  lecture 
des  bons  livres,  ores  des  ennuis,  des  desastres,  des  aiïlictions 
et  des  traverses  qui  nous  surviennent,  ores  du  monde  qui  nous 
donne  sujet  de  nous  despiter  contre  luy  et  de  l'abandonner; 
que  de  toutes  ces  sortes  il  en  est  reûscy  de  grands  serviteur» 
et  servantes  de  Dieu. 

D'autres  encor  viennent  en  Religion  à  cause  de  quelcjua 


522  OPUSCULES 

défaut  naturel  qui  est  en  leur  corps,  comme  pour  estre  boîs- 
teux,  borgnes  et  laids;  d'autres  y  sdnt  portés  par  leurs  pères 
et  mères,  pour  ovancer  leurs  autres  enfans  par  cette  des- 
cbarge  :  mais  Dieu  bien  souvent  fait  voir  la  grandeur  de 
sa  clémence  et  miséricorde,  en  se  servant  de  telles  inten- 
tions, qui  d'elles-mesmes  ne  sont  nullement  bonnes,  pour 
faire  de  telles  personnes  de  grands  serviteurs  de  sa  divine 
Majesté. 

En  somme ,  il  fait  entrer  en  son  festin  les  boisteux  et  les 
aveugles,  pour  nous  faire  voir  qu'il  ne  sert  de  rien  d'avoir 
deux  yeux  et  deux  jambes  pour  aller  en  Paradis.  Plusieurs 
de  ceux  qui  sont  venus  en  Religion  de  cette  sorte ,  ont  fait 
de  grands  fruicts ,  et  persévéré  fîdellement  en  leur  vocation. 
D'autres  qui  ont  esté  bien  appelés,  n'y  ont  pas  néanmoins 
persévéré;  mais  après  avoir  demeuré  quelque  temps,  ils  ont 
tout  quitté.  Dont  nous  avons  l'exemple  de  Judas,  de  la 
bonne  vocation  duquel  nous  ne  pouvons  pas  doubler, puisque 
nostre  Seigneur  mesme  i'avoit  choisy  et  appelle  comme  les 
autres ,  et  qu'il  ne  se  pouvoit  tromper  en  le  choisissant ,  car 
il  avoit  le  discernement  des  esprits. 

C'est  une  chose  certaine  que  quand  Dieu  appelle  quel- 
qu'un par  prudence  et  providence  divine,  il  s'oblige  de  four- 
nir tous  les  aydes  requis  pour  le  rendre  parfait  en  sa  voca* 
tion.  Quand  il  appelle  quelqu'un  au  christianisme,  il  s'oblige 
à  luy  fournir  tout  ce  qui  est  requis  pour  estre  bon  chrestien. 
Tout  de  mesme,  quand  il  appelle  quelqu'un  pour  estre 
Prestre  ou  Evesque  ,  Pieli-ieux  ou  Religieuse  ,  il  s'oblige  en 
mesme  temps  à  luy  fournir  tous  les  moyens  requis  pour  estre 
parfait  en  sa  vocation. 

En  quoy  toutefois  il  ne  faut  pas  penser  que  ce  soit  nous 
qui  l'obligions  à  ce  faire ,  en  nous  faisant  Prestres  ou  Reli- 
gieux,  veu  qu'on  ne  sçauroit  obliger  nostre  Seigneur  que 
comme  on  s'oblige  soy-mesme  pour  soy- mesme,  provoqué 
p^' .son  infinie  J^onté  et  miséricorde  i  tellement  qu'en  me 


DE    S.    FRANÇOIS    DE    SALES.  o23 

faisant  Religieux ,  nostre  Seigneur  est  obligé  de  me  fournir 
tout  ce  qu'il  faut  que  j'aye  pour  estre  bon  Religieux  ,  non 
point  par  devoir,  mais  par  sa  miséricorde  et  providence  in- 
finie :  or  la  divine  Majesté  ne  manque  jamais  de  soin  et  de 
providence  touchant  tout  cecy. 

Et  pour  nous  le  mieux  faire  croire,  elle  s'y  est  obligée, 
€n  sorte  qu'il  ne  faut  jamais  entrei^  en  opinion  qu'il  y  ait  de 
sa  faute  quand  nous  ne  reuscissons  pas  bien  ;  non  qu'il  ne 
donne  aussi  quelquefois  les  mesmes  aydes  et  secours  à  ceux- 
là  mesme  qu'il  n'a  point  appelles ,  tant  est  grande  sa  miséri- 
corde et  sa  libéralité. 

Et  si  bien  il  donne  toutes  les  conditions  requises  pour 
€stre  parfaits  en  la  vocation  oii  il  nous  appelle ,  ce  n'est  pas 
à  dire  qu'il  nous  les  donne  tout  à  coup  ,  en  telle  sorte  que 
ceux  qu'il  a  appelles  soient  parfaits  tout  à  l'instant  de  leur 
entrée  dans  leur  vocation  :  car  les  Religions  ne  seroient  point 
nommées  des  hospitaux ,  comme  dans  l'antiquité,  elles  es- 
toient  ainsi  nommées,  et  les  Religieux,  du  mot  grec  ©apaTreurai, 
Thérapeutes,  qui  veut  dire  guérisseurs  dans  les  hospitaux, 
pour  se  guérir  les  uns  les  autres.  Il  ne  faut  donc  pas  penser 
qu'en  entrant  en  Religion,  on  soit  parfait  tout  prompte- 
ment ,  mais  ouy  bien  qu'on  y  vient  pour  tendre  à  la  per- 
fection. 

Ce  ne  sont  donc  point  les  mines  tristes,  ni  les  faces  pleu- 
reuses ,  ni  les  personnes  souspireuses  qui  sont  tousjours  les 
mieux  appellées  ;  ni  ceux  qui  mangent  plus  de  crucifix ,  qui 
ne  veulent  pas  bouger  des  Eglises,  et  qui  sont  tousjours  dans 
les  hospitaux  ;  ni  encore  ceux  qui  commencent  avec  grande 
ferveur.  Il  ne  faut  point  regarder  ni  les  larmes  des  pleureux, 
ni  les  soupirs  des  souspireux ,  ni  les  mines  des  cérémonies 
extérieures ,  pour  connoistre  ceux  qui  sont  bien  appelés  ; 
mais  ceux  qui  ont  une  volonté  ferme  et  constante  de  vouloir 
guérir,  et  qui  pour  cela  travaillent  avec  fidélité  pour  recou- 
vrer la  santé  spirituelle.  Il  ne  faut  pas  aussi  tenir  pour 


•^24  OPUSCULES 

marque  d'une  bonne  vocation  les  ferveurs  qui  font  qu'on  ne 
se  contente  point  dans  sa  vocation ,  mais  qu'on  s'amuse  à 
quelques  désirs  qui  sont  pour  l'ordinaire  vains ,  mais  appa- 
rens,  d'une  plus  grande  sainteté  de  vie  ;  car  pendant  qu'on 
s'amuse  à  rechercher  ce  qui  bien  souvent  n'est  pas  nostre 
vocation ,  on  ne  fait  pas  ce  qui  nous  peut  rendre  parfaits  ea 
celie  que  nous  avons  embrassée. 


DE  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  ^',^3 

CLXXI. 

AVIS*  DU  SAINT 

SUR   tA   RÉCEPTION    ET    LA   PROBATION    DES   FILLES, 

lo.  Pour  l'état  de  postulante. 

Quant  à  la  première  réception  dans  le  monastère  en  habit 
sc-culier,  comme  on  ne  pourroit  pas  beaucoup  lesconnoistreà 
cause  de  leur  bonne  mine  que  toutes  y  apportent,  et  qu'elles  se 
montrent  en  paroles  aussi  promptes  que  S.  Jacques  et  S.  Jean 
à  boire  le  calice  de  nostre  Seigneur,  ainsy  on  ne  les  peut  bon- 
nement esconduire.  Et  en  effet,  on  n'y  doit  pas  faire  trop  grand 
esgard  pour  les  recevoir.  Et  tout  ce  qu'on  peut  faire  ,  c'est 
qu'on  peut  observer  leur  façon,  et  par  la  conversation  qu'on 
a  avec  elles,  reconnoistre  quelque  chose  de  leur  intérieur. 

Pour  ce  qui  est  de  la  santé  corporelle  et  autres  infirmilés 
de  corps,  on  n'y  doit  point  faire  ou  fort  peu  de  considération  ; 
d'autant  que  dans  la  Visitation  on  peut  y  recevoir  les  in- 
firmes et  les  imbéciles,  comme  les  fortes  et  les  robustes; 
et  elle  a  esté  en  partie  faite  pour  elles,  pourveu  que  ce  ne 
soient  des  infirmités  si  pressantes,  qu'elles  les  rendent  tout  à 
fait  incapables  d'observer  la  règle,  et  inhabiles  à  fair?  ce  qm 
est  de  leur  vocation. 

2».  Pour  la  prise  d'habit  ou  veslure. 

Quant  à  recevoir  ^'^s  tilles  à  l'habit  et  au  noviciat,  on  doit 
y  apporter  d'autant  [^ius  de  diihculté  et  de  considération, 
qu'on  a  eu  plus  de  moyens  de  remarquer  leurs  humeurs, 

1  Tiré  de  la  Vie  du  Saint,  par  D.  Jean  de  S.  François.  C'est  la  GDI ^  lettre 

ij  ;i  coUeclion-Blaise. 


526  OPUSCULES 

actions  et  habitudes.  Pour  estre  encor  tendres,  ou  choîeres, 
ou  subjectes  à  telle  autre  passion,  cela  ne  doit  point  empes- 
cher  qu'elles  soient  admises  au  noviciat,  pourveu  qu'elles 
ayent  une  bonne  volonté  de  s'amender,  de  se  sousmettre .  de 
se  servir  des  médecines  et  meJicamens  propres  à  leur  gue- 
rison;  et,  bien  qu'elles  y  ayen*  ^^e  la  répugnance,  ou  qu'elles 
les  prennent  avec  difficulté  grande,  cela  ne  veut  rien  dire, 
pourveu  qu'elles  ne  laissent  point  d'en  user  ;  ny  encore  qu'elles 
ayent  la  nature  rude  et  grossière  ,  pour  avoir  esté  mal  nour- 
ries et  mal  civilisées ,  car  cela  ne  doit  point  empescher  leur 
réception  :  car  bien  qu'elles  ayent  plus  de  peine  et  difïiculté 
que  les  autres  qui  ont  le  naturel  plus  doux  et  plus  traictable, 
si  toutesfois  elles  veulent  bien  estre  guéries ,  et  tesmoignent 
une  volonté  ferme  à  vouloir  recevoir  la  guerison,  quoy  qu'il 
leur  couste,  à  celles-là  il  ne  faut  pas  refuser  la  voix,  nonobs- 
tant leurs  cheutes  :  car  ces  personnes-là,  après  un  long  travail, 
font  de  grands  fruicts  en  la  Religion ,  et  deviennent  grandes 
servantes  de  Dieu  ,  et  acquièrent  une  vertu  forte  et  solide  ; 
car  la  grâce  de  Dieu  supplée  au  défaut ,  et  d'ordinaire  où  il 
y  a  moins  de  la  nature  ,  il  y  a  plus  de  la  grâce. 

30.  Pour  la  profession. 

Quant  à  ce  qui  est  de  recevoir  les  filles  à  la  profession ,  il 
est  requis  une  plus  grande  considération  :  il  faut  observer 
trois  choses. 

La  première ,  que  les  filles  soient  saines ,  non  de  corps , 
mais  de  cœur  et  d'esprit  ;  c'est-à-dire  ,  qu'elles  ayent  le  cœur 
bien  disposé  à  vivre  dans  une  entière  souplesse  et  sousmission. 

La  seconde ,  qu'elles  ayent  l'esprit  bon ,  non  pas  de  ces 
grands  esprits ,  qui  sont  pour  l'ordinaire  vains  et  pleins  de 
suffis,ance,  et  qui  estant  au  monde  estoient  des  boutiques  de 
vanité ,  et  viennent  en  Religion  non  pas  pour  s'humilier, 
mais  comme  si  elles  y  venoient  faire  des  leçons  de  philosophie 
et  théologie,  voulant  tout  conduire  et  gouverner.  A  celles-là 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES,  527 

îlfaiit  y  prendre  garde  de  fort  pvés.  Mais  un  esprit  bon  est  un 
esprit  médiocre,  qui  n'est  ni  trov^  ^rand  ni  trop  petit;  celles- 
cy  sont  à  estimer,  parce  que  ces  esonts-là  font  toujsours  beau- 
coup, sans  pourtant  qu'ils  le  sçachent  :  ils  s'appliquent  à 
faire ,  et  s'adonnent  aux  vertus  solides  :  ils  sont  traictables, 
et  on  n'a  pas  beaucoup  de  peine  à  les  conduire  ,  car  facile- 
ment ils  comprennent, 

La  troisième  cbose  qu'il  faut  observer,  c'est  si  cette  lîlle  a 
bien  travaillé  dans  son  année  de  noviciat;  si  elle  a  bien 
souffert  et  profité  des  médecines  qu'on  lui  a  données,  propres 
à  la  rendre  quitte  de  son  mal  ;  si  elle  a  bien  fait  valoir  les 
resolutions  qu'elle  fît  en  entrant  en  Religion,  et  depuis  en  son 
noviciat ,  de  changer  et  amender  ses  mauvaises  habitudes, 
humeurs  et  inclinations.  Si  l'on  voit  qu'elle  persévère  fidèle- 
ment en  sa  resolution ,  et  que  sa  volonté  demeure  ferme  et 
constante  pour  continuer,  ayant  remarqué  qu'elle  se  soit 
appliquée  à  se  reformer  et  se  former  selon  les  Règles  et  Cons- 
titutions ,  si  cette  volonté  lui  dure  toujours,  voire  de  vouloir 
toujours  mieux  faire,  c'est  une  bonne  conduite  pour  estre 
reçue,  encore  que  par-cy,  par-là  elle  ne  laisse  pas  de  faire 
de  grandes  fautes  ,  et  mesme  assez  souvent ,  cela  ne  la  doit 
j)oint  faire  refuser. 

Car,  quoy  qu'en  l'année ^^-  son  noviciat  elle  ait  deu  travail- 
ler à  la  reformation  de  ses  mœurs  et  habitudes ,  ce  n'est  pas 
à  dire  pour  cela  qu'elle  ne  doive  point  faire  de  cheutes  ,  ny 
qu'à  la  lin  de  son  année  elle  doive  estre  parfaite  :  ainsi  que  les 
Apostres ,  encor  qu'ils  fussent  bien  appelés  et  qu'ils  eussent 
longtemps?  travaillé  en  la  reformation  de  leur  vie  ,  ne  lais- 
soient  pas  de  faire  des  fautes,  et  non-seulement  en  la  pre- 
mwrt  année,  mais  encore  en  la  seconde  et  en  la  troisième. 


»*2S  OPUSCULES 


•vr«•^•Vu'V 


CLXXII. 


i 


LETTRE 

A  UNE   RELIGIEUSE,    SUPÉRIEURE   DE   LA  VISITATION. 

Le  Saint  lui  indique  la  manière  de  distinguer  les  fausses  révélations  d'avec 
les  bonnes.  Il  propose  ensuite  les  remèdes  à  ces  illusions.  U  parle  après 
cela  de  la  vocation  d'une  demoiselle  que  ses  parents  avoient  obligée  de 
renoncer  à  un  mariage,  et  qui,  pour  cette  raison,  avoit  pris  le  parti  du 
couvent.  Il  dit  qu'on  peut  être  appelé  de  Dieu  en  bien  des  manières  diffé- 
rentes; qu'il  y  a  bien  peu  de  vocations  pures;  comment  on  peut  connoître 
si  une  vocation  est  bonne. 

Annecy. 

Puisque  je  n'ay  sceu  plus  tost,  ma  tres-chere  Fille ,  je  res- 
pondray  maintenant  aux  deux  poincts  principaux  pour  les- 
quels vous  m'avez  cy  devant  escrit. 

En  tout  ce  que  j'ay  veu  de  cette  fille,  je  ne  trouve  rien  qui 
me  fasse  penser  qu'elle  ne  soit  fort  bonne  fille,  et  partant 
il  la  faut  aimer  et  chérir  de  fort  bon  cœur  ;  mais  quant  à  ses 
visions ,  révélations  et  prédictions ,  elles  me  sont  infiniment 
suspectes ,  comme  inutiles ,  vaines  et  indignes  de  considéra- 
tion :  car  d'un  costé  elles  sont  si  fréquentes  ,  que  la  seule 
fréquence  et  multitude  les  rend  dignes  de  soupçon  ;  d'autre 
part,  elles  portent  des  manifestations  de  certaines  choses  que 
Dieu  déclare  fort  rarement,  comme  l'asseurance  du  salut 
éternel ,  la  confirmation  en  grâce ,  le  degré  de  sainteté  de 
plusieurs  personnes ,  et  cent  autres  choses  pareilles  qui  ne 
servent  tout  à  fait  à  rien,  de  sorte  que  S.  Grégoire  ayant 
esté  interrogé  par  raie  Dame  d'honneur  de  rîm}.eratrice,  qui 
s'appeloit  Grégoire ,  sur  Testât  de  son  futur  salut,  il  iuy  res- 
pondit  :  Vostre  douceur ,  ma  fille ,  me  demande  une  cnose 

»  C'est  la  692»  des  lettres  de  la  collection  Biaise. 


DE    S.    FRANÇOIS    DE   SALES.  S 29  ■ 

qui  est  également  et  difficile  et  inutile.  Or,  de  dire  qu'à 
Vadvenir  on  connoistra  pourquoy  ces  révélations  se  font,  c'est 
un  prétexte  que  celuy  qui  les  fait  prend  pour  éviter  le  blasme 
des  inutilités  de  telles  choses. 

Il  y  a  plus  :  que  quand  Dieu  se  veut  servir  des  révélations 
qu'il  donne  aux  créatures  ,  il  fait  précéder  ordinairement  ou 
des  miracles  véritables ,  ou  une  sainteté  très  particulière  en 
ceux  qui  les  reçoivent.  Ainsi  le  malin  esprit ,  quand  il  veut 
notablement  tromper  quelque  personne ,  avant  que  de  luy 
faire  faire  des  révélations  fausses  ,  il  luy  fait  faire  des  pré- 
sages faux ,  et  luy  fait  tenir  un  train  de  vie  faussement 
sainte. 

Il  V  eut  du  tems  de  la  bienheureuse  seur  Marie  de  l'Incar- 
nation,  une  iîlle  de  bas  lieu, qui  fut  trompée  d'une  trom- 
perie la  plus  extraordinaire  qu'il  est  possible  d'imaginer. 
L'ennemy  en  forme  de  nostre  Seigneur,  dit  fort  long-temps 
ses  Heures  avec  elle,  avec  un  chant  si  mélodieux  qu'il  la 
ravissoit  perpétuellement.  Il  la  communioit  fort  souvent 
sous  l'apparence  d'une  nuée  argentine  et  resplendissante,  de- 
dans laquelle  il  faisoit  venir  une  fausse  hostie  dans  sa  bouche  : 
il  la  faysoit  vivre  sans  manger  chose  quelconque.  Quand  elle 
portoit  l'aumosne  à  la  porte ,  il  multiplioit  le  pain  dans  son 
tablier,  de  sorte  que  si  elle  ne  portoit  du  pain  que  pour  trois 
pauvres ,  et  il  s'en  trouvoit  trente  ,  il  y  avoit  pour  donner  à 
tous  très  largement ,  et  du  pain  fort  délicieux ,  duquel  son  con- 
fesseur mesme ,  qui  estoit  d'un  ordre  très  reformé,  envoyoit 
çà  et  là  parmi  ses  amis  spirituels  par  dévotion. 

Cette  fille  avoit  tant  de  révélations,  qu'en  fin  cela  la  rendit 
suspecte  envers  les  gens  d'esprit.  Elle  en  eut  une  extrême- 
ment dangereuse ,  pour  laquelle  il  fut  trouvé  bon  de  faire 
essay  de  la  sainteté  de  cette  créature ,  et  pour  cela  on  la  mît 
avec  la  bienheureuse  seur  Marie  de  rincarnation,  lors  en- 
core mariée ,  où  estant  chambrière ,  et  traictée  un  peu  dure- 
ment par  feu  M.  Acario ,  on  dosconvrit  que  cette  fille  n'estoit 
VI.  34 


^30  OPUSCULES 

nullement  sainte ,  et  que  sa  douceur  et  humilité  extérieure 
n'estoit  autre  chose  qu'une  dorure  extérieure  que  Fennemy 
employoit  pour  faire  prendre  les  pillules  de  son  illusion  ,  et 
en  fin  on  descouvrit  qu'il  n'y  avoit  chose  du  monde  en  elle, 
qu'un  amas  de  visions  fausses:  eJ;  quant  à  elle,  on  connut 
bien  que  non  seulement  elle  ne  trompoit  pas  malicieusement 
le  monde,  mais  qu'elle  estoit  la  première  trompée,  n'y  ayant 
de  son  costé  aucune  autre  sorte  de  faute ,  sinon  la  complai- 
sance qu'elle  prenoit  ^  s'imaginer  qu'elle  estoit  sainte  ,  et  la 
contribution  qu'elle  faisoit  de  quelques  simulations  et  dupli- 
cités pour  maintenir  la  réputation  de  sa  vaine  sainteté.  Et 
tout  cecy  m'a  esté  raconté  par  la  bienheureuse  seur  Marie  de 
l'Incarnation. 

Voyés,  je  vous  prie,  ma  très  chère  fille,  l'astuce  et  finesse 
de  Fennemy,  et  combien  ces  choses  extraordinaires  sont 
dignes  de  soupçon  :  néanmoins,  comme  je  vous  ay  dit,  il  ne 
faut  pas  maltraitter  cette  pauvre  fille ,  laquelle ,  comme  je 
crois,  n'a  point  d'autre  coulpe  en  son  afî'aire  que  celle  du  vain 
amusement  qu'elle  prend  en  ses  vaines  imaginations. 

Seulement ,  ma  très  chère  Seur ,  il  luy  faut  tesmoigner 
une  totale  négligence ,  et  un  parfait  mespris  de  toutes  ses 
révélations  et  visions,  tout  ainsy  que  si  elle  racontoit  des 
longes  ou  des  resveries  d'une  fièvre  chaude ,  sans  s'amuser  à 
les  réfuter  ni  combattre,  ains  au  contraire,  quand  elle  en 
veut  parler,  il  faut  luy  donner  le  change,  'Vest  à  dire, 
changer  de  propos,  et  luy  parler  des  solides  vertus  et  perfec- 
tions de  la  vie  religieuse ,  et  particulièrement  de  la  simplicité 
'de  la  foy,  par  laquelle  les  saints  ont  marché,  sans  visions  ni 
révélations  particulières  quelconques,  se  contentant  de  croire 
fermement  à  la  révélation  de  FEscriture  sainte  et  de  la  doc- 
trine apostolique  et  ecclésiastique  ;  inculquant  bien  souvent 
sa  sentence  de  nostre  Seigneur ,  qu'il  y  aura  plusieurs  fay- 
seurs  de  mîracîes  et  plusieurs  prophètes  auxquelz  il  dira  à. 
la  fin  du  monde  :  «  Retirez-vous  de  moi  ouvriers  d'iniquité  : 


DE   S.    PRÂNÇOIS   DE   SALES.  531 

Je  ne  vous  connois  point*.  »  Mais  pour  l'ordinaire  il  faut 
dire  à  cette  fille  :  Parlons  de  nostre  leçon  que  nostre  Sei- 
gneur nous  a  recommandé  d'apprendre  disant ,  «  Apprenez 
de  moy  que  je  suis  doux  et  humble  de  cœur*.»  Et  en 
«omme ,  il  faut  tesmoigner  un  mespris  absolu  de  toutes  ses 
révélations. 

Et  quant  au  bon  Père  qui  semble  les  approuver,  il  ne  faut 
pas  le  rejeter,' ny  disputer  contre  luy,  ains  seulement  tesmoi- 
gner, que  pour  esprouver  tout  ce  trafic  de  révélations ,  il 
semble  bon  de  les  mespriser  et  n'en  tenir  compte.  Yoyla  donc 
.mon  avis  pour  le  présent  quant  à  ce  poinct. 

Or,  quant  à  la  vocation  de  cette  damoiselle,  je  la  tiens 
•pour  boane ,  bien  qu'elle  soit  meslée  de  plusieurs  imperfec- 
tions du  costé  de  soaa  esprit ,  et  qu'il  seroit  désirable  qu'elle 
ïust  venue  à  Dieu  simplement  et  purement,  pour  le  bien  qu'il 
y  a  d'estre  tout  à  faii  à  luy.  Mais  Dieu  ne  tire  pas  avec  esgalité 
de  motifs  tous  ceux  qu'il  appelle  à  soy  ;  ains  il  s'en  trouve 
peu  qui  viennent  tout  à  fait  à  son  service ,  seulement  pour 
«stre  siens  et  le  servir. 

Entre  les  filles  desquelles  la  conversion  esl;  illustre  en 
l'Evangile ,  il  n'y  eut  que  la  Magdalene  qui  vint  par  aaiour 
-et  avec  amour  :  l'adultère  y  vint  par  confusion  publique, 
comme  la  Samaritaine  par  confusion  particulière  :  la  Ca- 
nanée  vint  pour  estre  souslagée  en  son  affliction  temporelle  : 
S.  Paul,  premier  hermite,  aagé  de  quinze  ans,  se  retira  dans 
5a  spelonque  pour  éviter  la  persécution  -,  S.  Ignace  de  Loyola 
par  la  tribulation ,  et  cent  autres. 

Il  ne  faut  pas  vouloir  que  tous  commencent  par  la  periec- 
ûon:  il  importe  peu  comme  l'on  commence,  pourveu  que 
l'on  soit  bien  résolu  de  bien  poursuivre  et  de  bien  finir.  Certes, 

*=Multi  dicent  mihi  in  illâ  die  :  Domine,  Domine,  nonne  in  nomine  tuo 
prophetavimus,  et  in  nomine  tuo  deemonia  ejecimus,  et  in  nomine  tuo  vir- 
tutes  multas  fecimus?  Et  tune  contitebor  illis,  Quia  nunquam  novi  vos;  dis- 
cedite  à  me,  qui  operamini  iniquitatem.  Matth.,  Vil,  22  et  23. 

'*  Discite  à  me  quia  mitis  sum  et  humilis  corde.  Matth,,  XI,  29. 


532  OPUSCULES 

Lia  entra  fortuitement  et  contre  la  civilité  dans  le  lict  de 
Jacob  destiné  à  Rachel  ;  mais  elle  s'y  comporta  si  bien,  si 
chastement  et  si  amoureusement ,  qu'elle  eut  la  bénédiction 
d'estre  la  grand'mere  de  nostre  Seigneur.  Ceux  qui  furent 
contraints  d'entrer  au  festin  nuptial  de  l'Evangile  ne  lais- 
sèrent pas  de  bien  manger  et  de  bien  boire. 

Il  faut  regarder  principalement  les  dispositions  de  ceux 
qui  viennent  à  la  Religion  par  la  suitte  et  persévérance;  car 
il  V  a  des  âmes  lesquelles  n'y  entreroient  point  si  le  monde 
leur  faysoit  bon  visage,  et  que  l'on  voit  néanmoins  estrebien 
disposées  à  véritablement  mespriser  la  vanité  du  siècle.  Il  est 
tout  certain,  ainsy  qu'en  raconte  l'histoire,  que  cette  pauvre 
fille  de  laquelle  nous  parlons  n'avoit  pas  assez  de  générosité 
pour  quitter  l'amour  de  celuy  qui  la  recherchoit  en  mariage^ 
si  la  contradiction  de  ses  parens  ne  l'y  eust  contrainte  :  mais 
il  n'importe  ,  pourveu  qu'elle  ayt  assez  d'entendement  et  de 
valeur  pour  connoistre  que  la  nécessité  qui  luy  est  imposée 
par  ses  parens  vaut  mieux  cent  mille  fois  que  le  libre  usage 
de  sa  volonté  et  de  sa  fantaisie  (  lisez  en  Platus ,  De  r estât 
religieux ,  ch.  36  ,  la  response  qu'il  a  faite  à  ceux  qui  disent 
qu'ils  ne  peuvent  connoistre  s'ils  sont  appelés  de  Dieu  ) ,  et 
qu'enlin  elle  puisse  bien  dire  :  Je  perdois  ma  liberté ,  si  je 
n'eusse  perdu  ma  liberté. 

Or,  ma  très  chère  Fille,  le  moyen  d'ayder  cet  esprit,  pour 

luy  faire  connoistre  son  bonheur ,  c'est  de  le  conduire  îe 

plus  doucement  que  l'on  pourra  aux  exercices  de  l'orayson 

et  des  vertus,  de  luy  tesmoigner  un  grand  amour  de  vostrd 

pari  et  de  toutes  nos  seurs ,  sans  faire  nul  semblant  de  l'im* 

perfection  du  motif  par  lequel  elle  est  entrée,  de  ne  point 

luy  parier  avec  mespris  de  la  personne  qu'elle  a  aymée; 

que  SI  elle  en  parle ,  il  faut  renvoyer  le  propos  à  Dieu , 

comme  seroit  de  luy  dire  :  Dieu  le  conduira  par  le  chemin 

qu'il  çait  estre  le  plus  convenable. 

Yous  me  demandez  si  on  pourra  permettre  l'entreveuë 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  533 

entre  eux  deux.  Je  dis  qu'à  mon  advis  il  ne  faut  pas  l'escon- 
duire  tout  à  fait,  si  elle  est  grandement  désirée  :  mais  pour  le 
conunencement  il  faut  gauchir  et  biaiser  le  refus  ;  puis  quand  . 
vous  reconnoistrez  que  la  fille  est  bien  résolue  au  party 
bienheureux  de  l'amour  de  Dieu ,  vous  pourrez  permettre 
deux  ou  trois  entreveuës,  pourveu  qu'ilz  permettent  la  pré- 
sence de  deux  ou  trois  tesmoins  ;  et  si  vous  en  estes  l'une ,  il 
faut  avec  de.:terité  les  ayder  à  se  dire  adiei.,  et  à  louer  leurs 
intentions  passées  ,  Jeui  donner  le  change',  et  dire  qu'ils  sont 
bien  heureux  de  s'estre  arrestés  au  chemin  dans  lequel  la 
raison  les  a  conduits ,  et  qu'une  once  du  pur  amour  divin 
qu'ils  se  porteront  l'un  à  l'autre  désormais,  vaut  mieux  que 
cent  mille  livres  de  l'amour  par  lequel  ils  avoient  commencé 
leurs  affections. 

Il  y  a  une  bonne  histoire  à  ce  propos  es  Confessions  de 
S.  Augustin  \  de  deux  gentilshommes  qui  avoient  espousé 
deux  damoiselles  ,  qui ,  après  avoir  renoncé  aux  prétentions 
des  noces,  se  firent  à  l'imitation  les  uns  des  autres,  tous 
quatre  Religieux. 

Et  ainsy,  sans  faire  semblant  de  craindre  par  trop  leurs 
entreveuës,  il  faut  petit  à  petit  les  conduire  de  la  voye  de 
l'amour  en  celle  d'une  sainte  et  pure  dilection.  Si  cette  fille 
a  Fesprit  conditionné  ,  comme  Ton  m'a  dit  de  vostre  part,  je 
m'asseure  que  bientost  elle  se  trouvera  toute  transformée,  et 
qu'«'lle  adnîirera  la  douceur  avec  laquelle  nostre  Seigneur 
l'attire  en  soi»  îict  nuptial ,  parmi  tant  de  fleurs  et  de  fruits 
^dorans  tout  à  l'ait  célestes. 

Quanta  ce  que  le  monde  dira  de  cette  vocation,  il  n'y 
faut  faire  nulle  sorte  de  reflexion;  car  ce  n'est  pas  aussi  pour 
liiy  qu'on  l'accepte.  Je  fay  response  à  cette  ame  selon  mon 
sentiment;  vous  la  ménagerez  comme  vous  verrez  le  mieux 
à  faire. 

Quanta  madamoiselle  N-,  je  dis  de  mesme  qu'il  la  faut 

Liv.  VIII,  chap- a.. 


534  OPUSCULES 

laisservenir,  bien  que  le  choix  du  lieu  tesmoigne  quelque 
imperfection  de  tendreté  ou  de  motif  meslé  parmi  sa  vocation  ; 
comme  réciproquement  il  y  en  peut  avoir  en  l'aversion  que 
nostre  seur  S.  de  N.  a  par  adventure  de  la  voir  venir  de  deçà  : 
mais  gardez-vous  bien  de  luy  dire  cette  mauvaise  pensée  qui 
me  vient  à  Tesprit  ;  car,  au  reste ,  c'est  une  bien  brave  Seur, 
que  j'ayme  parfaitement,  parce  que,  comme  je  m'asseure, 
elle  ne  vit  pas  selon  ses  sentimens,  ses  aversions  et  inclinations 
qui  luy  font  désirer  l'esclat  et  la  gloire  de  son  monastère,  ains 
plustost  selon  l'esprit  de  la  croix  de  nostre  Seigneur,  qui 
luy  fait  perpétuellement  renoncer  aux  saillies  de  l'amour 

propre. 

J'avois  oublié  de  vous  dire  que  les  visions  et  révélations 
de  cette  iille  ne  doivent  pas  estre  trouvées  estranges ,  parce 
que  la  facilité  et  tendreté  de  l'imagination  des  filles  les  rend 
beaucoup  plus  susceptibles  de  ces  illusions  que  les  ho  aunes  : 
c'est  pourquoy  leur  sexe  est  plus  addonné  à  la  créance  des- 
songes ,  à  la  crainte  des  esprits,  et  à  la  crédulité  des  supers- 
titions. Il  leur  est  souvent  advis  qu'elles  voyent  ce  qu'elles 
ne  voyent  pas,  qu'elles  oyent  ce  qu'elles  n'oyent  pas,  qu'elles 
sentent  ce  qu'elles  ne  sentent  point. 

Plaisante  histoire  d'une  de  mes  parentes  de  laquelle  l& 
mary  estant  mort  en  Piedmont,  s'estant  imaginée  qu'il  l'avoit 
laissée  grosse,  elle  demeura  en  ceste  imaginaire  grossesse 
quatorze  mois,  avec  des  imaginaires  douleurs  et  des  ima- 
ginaires sentimens  des  mouvemens  de  l'enfant ,  et  à  la  lin 
cria  tout  un  jour  et  toute  une  nuict  parmi  des  tranchées- 
imaginaires  d'un  imaginaire  enfantement  ;  et  qui  l'eust. 
creuë  à  son  serment,  elle  eust  esté  mère  sans  faire  aucun 
enfant. 

Il  faut  donc  traitter  cest  esprit-là  avec  le  mespris  de  ses 
imaginations,  mais  avec  un  mespris  doux  et  sérieux,  et  non 
point  mocqueur  ni  desdaigneux.  Il  se  peut  bien  faire  que  le 
malin  esprit  ait  quelque  part  en  ces  illusions.  Mais  je  croi»- 


DE    S.    FRANÇOIS   TO5    SALES.  535 

pînstost  qu'il  laisse  agir  l'imagination ,  sans  y  coopérer  que 
par  de  simples  suggestions.  La  similitude  apportée  pour 
l'explication  du  mystère  de  la  sainte  Trinité  est  bien  jolie, 
mais  elle  n'est  pas  hors  de  la  capacité  d'uïi  esprit  qui  se  com» 
plaist  en  ses  propres  imaginations.  ' 


536  OPUSCULES 


K.'^^^.''\.^^.^    ^^J^^y^^^J'^.J 


CLXXIÎî. 

LETTRE* 

A    LA    MÈRE    FAVRE. 

Le  Saint  blàine  l'aitacheinent  de  quelques  Religieuses  à  leurs  emplois,  et  Viv 
constance  d'une  autre  qui  ne'se  plaisoit  pas  dans  le  lieu  où  elle  étoit. 

Je  ne  puis  penser,  ma  tres-chere  Fille  ,  que  Monseigneur 
rAi'cheves([iie  "^  apporte  aucun  surcroist  de  loys  à  vostre 
mayson ,  pnis({u'il  a  veu  que  celles  qu'on  a  prattiquées  sonL 
grâces  à  Dieu ,  bien  receiies.  Que  s'il  luy  playsoit  de  faire 
quelque  notable  changement ,  il  le  faudroit  supplier  qu'il 
luy  plust  de  rendre  ses  ordonnances  compatibles  à  la  sainte 
correspondance  que  ces  maysons  doivent  avoir  toutes  en- 
semble en  la  forme  de  vivre  ;  à  quoy  ces  messieurs  que 
vous  scavés  vous  assisteront  de  leurs  remonstrances  et  inter^ 
cessions. 

Car,  à  la  vérité,  ce  seroit  chose,  à  mon  advis,  de  mau- 
vaise édification ,  de  séparer  et  disjoindre  l'esprit  que  Dieu  a 
voulu  eslre  un  en  toutes  ces  maysons.  Mais  j'espère  en  nostre 
"èeï'j^ueuv  quil  vous  donnera  la  bouche  et  la  sagesse  conve- 
nable en  cette  occasion  '\  pour  respondre  saintement,  hum- 
blement et  doucement.  Yivés  toutes  en  cette  sacrée  col- 
fiance  ,  ma  très  chère  fille. 

J'escrivis  Taiitre  jour  à  nos  Seurs  de  A' ab-nce  ;  et  u"  chère 
petite  douce  fondatrice  est  h-pii  heureuse  (Tovnir  à  souiïrir 

1  C'est  la  24e  du  livre  Vî  des  anciennes  éditions,  et  la  694'  de  la  collectiott 
Biaise. 

2  M.  l'Archevêque  de  Lyon. 

3  Dabo  vobis  os  et  sapientiam,  ciii  non  poterunt  resistere  et  contradicero 
omnes  adversarli  vestri.  Luc,  XX!-  î5 


DB  S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  537 

quelque  chose  pour  nostre  Seigneur,  qui ,  ayant  fondé  l'E- 
glise militante  et  triomphante  sur  la  croix ,  favorise  tous- 
jours  ceux  qui  endurent  la  croix;  et  puisque  cette  petite 
créature  doit  demeurer  peu  en  ce  monde ,  il  est  bon  que  son 
loysir  soit  employé  à  la  souffrance. 

J'admire  ces  bonnes  Seurs  qui  s'affectionnent  si  fort  à 
leurs  charges.  Quelle  pitié ,  ma  tres-chere  Fille  !  Qui  n'affec- 
tionne que  le  maistre  le  sert  gayement,  et  presque  esgalement 
en  toutes  charges.  Je  pense  que  ces  filles  ainsy  faites  n'eussent 
pas  esté  bonnes  pour  célébrer  le  mystère  d'aujourd'huy,*  :  car 
si  nostre  Dame  leur  eust  donné  nostre  Seigneur  entre  leurs 
bras,  jamais  elles  ne  l'eussent  voulu  rendre;  mais  S.  Simeon 
tesmoigne  bien  que ,  selon  son  nom  ^ ,  il  avoit  la  parfaite 
obeyssance,  recevant  cette  douce  charge  si  doucement,  et 
la  rendant  si  joyeusement. 

J'admire  bien  encore  cette  autre  Seur  qui  ne  se  peut 
plaire  où  elle  est.  Ceux  qui  ont  la  santé  forte  ne  sont  point 
sujets  à  l'air  ;  mais  il  y  en  a  qui  ne  peuvent  subsister  qu'en 
changeant  de  climat.  Quand  sera-ce  que  nous  ne  cherche- 
rons que  Dieu!  0  que  nous  serons  heureux  quand  nous 
serons  arrivés  à  ce  poinct-là  !  car  par  tout  nous  aurons  ce 
que  nous  chercherons ,  et  chercherons  par  te  Jt  ce  que  nous 
aurons.  Dieu  vous  fasse  de  plus  en  plus  prospérer  en  son  pur 
amour,  ma  très  chère  Fille  ,  avec  toutes  vos  chères  Seurs  ^ 
que  je  salue ,  etc. 

*  La  Présentation  de  Notre-Seigneur  au  temple. 

•  Siméon  est  un  nom  qui,  en  notre  langue,  signifie  une  personne  qui  é4;outii, 
une  personne  ol^(^iR=antfi-^ 


538  OPUSCULES 


CLXXIV. 

AVIS 

A  UNE   SUPÉRIEURE  DE   LA  VISITATION*. 

CSioix  de  jeunes  filles  destinées  pour  être  envoyées  en  France.  Une  Supérieure 
de  la  Visitation  ayant  consulté  le  Saint  à  l'égard  d'une  fille  qui  avoit  une 
conduite  extraordinaire,  il  répond  qu'il  faut  l'examiner  de  près  et  avec 
loisir,  et  l'éprouver  par  des  emplois  vils.  Quand  la  présence  du  père  spiri- 
tuel est  nécessaire  pour  les  contrats.  Il  faut  faire  un  juste  choix  des  livres 
i^qu'il  convient  de  faire  lire  à  la  communauté.  On  doit  parler  avec  retenue 
des  voies  par  lesquelles  Dieu  nous  conduit.  En  quel  cas  les  saillies  de  l'a- 
mour-propre  ne  sont  pas  dangereuses.  Pourquoi  Dieu  nous  laisse  nos  mau- 
vaises inclinations.  Il  ne  veut  pas  d'empressement  dans  son  service. 

*  Voyla  que  dés  avant  hier,  nous  sommes  dans  le  choix  des 
filles  qu'il  faut  envoyer  en  France,  ma  très  chère  Fille.  Et 
nostre  mère  m'escrit  que  vous  luy  en  donnerés  une ,  et  la 
mayson  de  Lyon  une  autre  ,  qui  avec  les  huit  que  nous  en 
fournirons ,  feront  le  nombre  qu'elle  désire.  Mais  je  ne  sçay 
pas  encore  comme  nous  ferons  pour  aller  prendre  la  vostre. 
Or,  on  y  pensera ,  et  cependant  parmi  ce  tracas ,  je  vous 
respons,  ma  très  chère  Fille,  le  plus  courtement  que  je 
pourray. 

Je  voy  en  cette  Seur  (Anne  Marie)  je  ne  sçay  quoy  de 
bien  bon ,  et  qui  me  plaist.  Il  y  a  un  peu  d'extraordinaire 
qui  doit  estre  considéré  sans  empressement ,  alïin  qu'il  n'y 
arrive  point  de  surprise,  ny  du  costé  de  la  nature  qui  se  flatte 
souvent  par  l'imagination,  ny  du  costé  de  l'ennemy  qui  nous 
divertit  souvent  des  exercices  de  la  solide  vertu,  pour  nous 
occuper  en  ces  actions  spécieuses.  Il  ne  faut  pas  trouver 

*  C'est  la  704"  lettre  de  la  seconde  édition  Biaise,  et  la  17e  du  livre  V[  des 
anciennes  éditions.  Les  trois  alinéas  marqués  d'une  étoile  ont  paru  pour  la 
première  fois  dans  l'édition  Biaise. 


DE   S.    FiJANCGiS   DE   SALES.  539 

eslrange  qu'elle  ne  soit  pas  si  exacte  à  faire  ce  qu'elle  fait  i 
car  cela  arrive  souvent  aux  personnes  qui  sont  attachées  à 
l'intérieur,  et  ne  se  peuvent  tout  à  coup  si  bien  ranger  en 
toutes  choses;  de  sorte  qu'en  un  mot  il  faut  empescber 
qu'elle  ne  fasse  grand  cas  de  ces  vëus ,  de  ces  sentimens  et 
douleurs ,  ains  que  ^  sans  faire  beaucoup  de  reflexion  sur 
tout  cela ,  elle  fasse  en  simplicité  les  choses  ausquelles  on 
l'employé.  On  k  pourra  retirer  de  la  cuisine ,  après  qu'elle 
y  aura  encor  servy  quelque  tems.  0  que  cette  cuisine  est 
excellente  et  ayniable ,  parce  qu'elle  est  vile  et  abjecte  î 

On  peut  retirer  les  Seurs  du  Chœur  au  r<ing  de  associées , 
et  les  associées  au  rang  de  celles  du  Choeur,  quand  la  rayson 
le  requiert,  ainsy  qu'il  est  dit  des  Seurs  domestiques  *  au 
premier  chapitre  des  Constitutions. 

*  Si  je  vay  à  Rome  ,  j«  m'essayeray  de  servir  Madame  de 
Sautereau  en  son  désir. 

De  sçavoir  qaand  es  contrats  il  est  requis  que  le  Père 
spirituel  soit  présent  ou  non  ,  cela  dépend  de  la  nature  des 
contrats  ;  car  il  y  en  a  où  cela  est  requis  ,  et  des  autres  où 
cela  n'est  pas  requis,  comme  l'Evesque  en  quelques  contrats 
a  besoin  de  la  présence  de  son  Chapitre  ,  en  des  autres  non. 
C'est  aux  gens  d'intelligence  de  marquer  cela  es  occasions  ; 
car  on  n'en  sçauroit  faire  une  règle  générale. 

*  Il  y  a  quelquefois  de  l'incommodité;  mais  on  ne  sçauroit 
comme  l'oster  sans  tomber  en  une  plus  grande.  Que  M.  Bu- 
tine se  nomme  vostre  Père  spirituel ,  ou  non  ,  dans  les  con- 
trats ,  cela  ne  fait  ni  froid ,  ni  chaud  ;  car  ce  nom-là  se  peut 
entendre  en  diverses  sortes. 

On  peut  laisser  lire  le  livre  de  la  Volonté  de  Dieu  jusques 
au  dernier ,  qui ,  estant  assez  inintelligible  ,  pourroit  estre 
entendu  mal  à  propos  par  l'imagination  des  lectrices ,  les- 
quelles ,  désirant  ces  unions ,  s'imagineroient  aysement  de 
les  avoir,  ne  sçachant  seulement  pas  ce  que  c'est. 

*  Des  Sœurs  converses. 


540  OPUSCULES 

J'ay  veu  des  femmes  religieuses,  non  pas  de  la  Visitation, 
qui ,  ayant  leu  les  livres  de  la  Mère  Thérèse ,  trouvoyent 
pour  leur  compte  qu'elles  avoyent  tout  autant  de  perfections 
et  d'actions  d'esprit  comme  elle ,  bien  qu'elles  en  fussent 
bien  esloignées,  tant  Famour  propre  nous  trompe.  Cettn 
parole,  a  Nostre  Seigneur  soutfre  en  moy  telle  ou  telle 
chose,  »  est  tou^  à  fait  extraordinaire;  et  bien  que  nostre 
Seigneur  ayt  ditquelquesfois  qu'il  souffroit  en  la  personne  des 
fciieiîs,  pour  les  honnorer,  si  est-ce  que  nous  ne  devons  parler 
si  avantageusement  de  nous-mesmes  ;  car  nostre  Seigneur 
ne  souffre  qu'en  la  personne  de  ses  amis  et  serviteurs  fidèles; 
et  de  nous  vanter  ou  prescher  pour  telz,  il  y  a  un  peu  de 
présomption  ;  souvent  l'amour  propre  est  bien  aise  de  s'en 
faire  accroire. 

Quand  le  médecin  doit  entrer  dans  le  Monastère  pour 
quelque  malade,  il  suffit  qu'il  ait  licence  au  commencement 
par  escrit ,  et  elle  durera  jusques  à  la  fin  de  la  maladie  ;  le 
charpentier  et  le  maçon,  jusques  à  la  fin  de  l'œuvre  pour 
laquelle  il  entre. 

Vostre  chemin  est  très  bon ,  ma  très  chère  Fille  ;  et  n'y  a 
rien  à  dire ,  sinon  que  vous  allez  trop  considérant  vos  pas , 
crainte  de  cheoir.  Vous  faites  trop  de  reflexion  sur  les  saillies 
de  vostre  amour  propre,  qui  sont  sans  doute  fréquentes,  mais 
qui  ne  seront  jamais  dangereuses ,  tandi*=^  que  tranquille- 
ment ,  sans  vous  ennuyer  de  leur  impoi'tunité ,  ni  vous 
estonner  de  leur  multitude ,  vous  dires  non.  Marchés  sim- 
plement, ne  désirés  pas  tant  le  repos  de  l'esprit,  et  vous  en 
aurés  davantage. 

Dequoy  vous  mettés-vous  en  peine?  Dieu  est  bon  ,  il  voit 
bien  qui  vous  estes  :  vos  inclinations  ne  vous  sçauroient 
nuu^e ,  pour  mauvaises  qu'elles  soient ,  puiï^qu'elles  ne  vous 
sont  laissées  que  pour  exercer  vostre  volonté  supérieure  à 
faire  une  union  à  celle  de  Dieu  plus  avantageuse.  Tenés  vos 
yeux  eslevés,  ma  très  chère  Fille,  par  une  parfaite  confiance 


DE   «.    wnANCOlS    DE    SALES.  541 

en  la  bonté  de  Dieu.  Ne  vous  empressés  point  pour  Joy  ;  car 
il  a  dit  à  Marthe  ^  qu'il  ne  le  vouloit  pas ,  ou  du  moins  qu'il 
trouvoit  meilleur  qu'on  n'eust  point  d'empressement ,  non 
pas  mesme  à  bien  faire. 

N'examinés  pa'i  tant  vostre  ame  de  ses  progrés.  Ne  veuilles 
pas  estre  si  pavfaitte,  mais  à  la  bonne  foy  faites  vostre  vie 
dans  vos  exercices ,  et  dans  les  actions  qui  vous  occurrent 
de  tems  en  tems.  Ne  soyés  point  soigneuse  du  lendemain. 
Quant  à  vostre  chemin,  Dieu  qui  vous  a  conduitte  jusques  à 
présent ,  vous  conduira  jusques  à  la  fin.  Demeurés  tout  à 
fait  en  paix ,  sur  la  sainte  et  amoureuse  confiance  que  vous 
devés  avoir  en  la  douceur  de  la  Providence  céleste. 

Priés  tousjours  bien  dévotement  nostre  Seigneur  pour 
moy  qui  ne  cesse  de  vous  souhaitter  la  suavité  de  son  saint 
amour,  et  en  iceluy  celle  de  la  dilection  bienheureuse  du 
prochain -,  que  cette  souveraine  majesté  ayme  tant.  Je  m'i- 
magine que  vous  estes  là  en  ce  bel  air ,  où  vous  regardés 
comme  d'un  saint  hermitage  le  monde  qui  est  en  bas ,  et 
voyés  le  ciel,  auquel  vous  aspirés,  à  descouvert.  Je  vous 
asseure,  ma  très  chère  Fille,  que  je  suis  grandement  vostre, 
et  croy  que  vous  faites  bien  de  vivre  totalement  dans  le  giron 
de  la  Providence  divine  ,  hors  de  laquelle  tout  n'est  qu'af- 
fliction vaine  et  inutile. 

Dieu  soit  à  jamais  au  milieu  de  vostre  cœur.  Amen. 

^  «  Marina,  Martha,  «sollicita  es  et  turbaris  ergà  plurima  ;  porrè  unum  est 
nec^ssarium.  »  Luc.«  X,  4i. 


542  OPUSCULES 


CLXXV. 

LETTRE         IFBACMNT)!. 

Il  ne  faut  pas  recevoir  à  la  profession  avant  Vige  compétent.  Des  sorties 

hors  du  monastère. 

Qu'on  ne  reçoive  pas  avant  Taage.  Quant  à  celles  que 
les  Pères  Capucins  présentent,  il  y  a  moins  de  hazard,  parce 
qu'on  en  sera  quitte ,  les  gardant  quelque  tems  en  leurs 
habits  mondains  ;  et  cela  tiendra  lieu  de  première  vëu. 

Je  disois ,  quant  aux  sorties  extraordinaires ,  qu'il  y  fal- 
loit  enfermer  les  visites  des  proches  parens  malades  de  ma- 
ladies de  conséquence ,  la  visite  des  Eglises  es  jubilés  géné- 
raux ,  et  de  venir  à  certains  sermons  célèbres ,  comme  de  la 
Passion,  et.  de  toutes  autres  occurrences  que  la  Congrégation 
des  Seurs,  avec  l'advis  du  Père  spirituel ,  jugeroit  dignes  de 
sortir  pour  quelques  insignes  charités,  comme  d'aller  visiter 
quelque  insigne  bienfaitrice  et  amie. 

»  Tirée  du  monastère  de  la  VîsUanon  de  la  rue  St.-Aatoine.  C'est  la  698*  de 
la  collection  Biaise. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  5OT 


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CLXXVI. 

LETTRE  * 

A   UNE   SUPÉRIEURE   DE   LA   VISITATION. 

Les  Religieuses  de  la  Visitation  peuvent  faire  entrer  chez  elles  leurs  bienfai- 
trices; elles  ne  doivent  point  en  bannir  les  iilles  qui,  ayant  failli,  se  re« 
pentent  véritt\)lement. 

Je  ne  trouve  nul  inconvénient  qu'on  reçoive  Madame  de  151. 
et  telle  autre  bienfaitrice ,  sur  tout  quand  elles  ne  veulent 
plus  sortir  du  monastère,  ou  que  du  moins  elles  en  veulent 
sortir  peu  souvent;  car  en  cela  il  n'y  a  rien  de  contraire  à; la 
bienséance. 

Je  ne  croy  pas  que  les  monastères  de  la  Visitation  doivent 
esconduire  toutes  les  filles  repentantes.  Il  faut  modérer  la 
prudence  par  la  douceur,  et  la  douceur  par  la  prudence  ;  il 
y  a  quelquesfois  tant  à  gagner  es  âmes  pénitentes ,  qu'on  ne 
leur  doit  rien  refuser. 

11  me  semble  que  les  balustres  doivent  estre  à  la  grille  du 
chœur  comme  à  celle  du  parloir. 

Je  pense  qu'ouy,  ma  très  chère  Mère ,  qu'il  faudra  dire 
qu'avec  un  peu  de  loysir  on  pourra  pourvoir  à  Marseille. 

Nos  Seurs  vous  auront  escrit  que  l'on  a  envoyé  des  Seiirs 
à  Belley,  et  je  vous  dis  que  dans  peu  de  tems  il  en  faudra 
pour  Chambery. 

Madame  la  Duchesse  de  Mantoue  a  de  grands  désirs  pour 
l'advancement  de  nostre  institution  ;  c'est  une  très  digne  prin- 
cesse ,  et  ses  Seurs  aussi. 

Nostre  Seur  N.  m'escrit  que  quelques  Religieuses,  bonnes 

*  C'est  la  13e  du  livre  VI  des  anciennes  éditions,  et  la  699^  de  la  collection 
Biaise. 


'vT 


544  OPUSCULES 

servantes  de  Dieu ,  la  contrarient  à  descouvert.  Je  luy  ay 
escrit  un  billet,  qu'elle  demeure  en  paix.  Je  ne  laisseray 
jamais  sortir  de  mon  esprit ,  Dieu  aydant ,  cette  maxime, 
«  qu'il  ne  faut  nullement  vivre  selon  la  prudence  humaine , 
»  mais  selon  la  foy  de  l'Evangile.  Ne  vous  défendes  point» 
»  mes  très  chers  *,  dit  S.  Paul.  Il  faut  combattre  le  mal 
t>  par  le  bien  *,  l'aigreur  par  la  douceur,  et  demeurer  en 
n  paix.  y> 

Et  ne  commettes  jamais  cette  faute ,  de  mespriser  la  sain- 
teté d'un  Ordre  ni  d'une  personne  pour  la  faute  qui  s'y  com- 
met  sous  Terreur  d'un  zèle  immodéré.  Ma  très  chère  Mère, 
Dieu  soit  à  jamais  vostre  unique  dilection. 

1  Non  vosmetipsos  defendentes,  carissimi,  sed  date  locum  irae.  Rom., 
jtll,  19. 
•  Noii  vinci  à  niîilo,  sed  vince  in  bono  malum.  Ibid.,  3t. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  545 


\/\/\/\/\/\/\/>y\/Vr  , 


CLXXVII. 

LETTRE^ 

A  UNE   SUPÉRIEURE   DE   LA  VISITATION. 
les  Religieuses  doivent  être  soumises  à  la  juridiction  des  évoques. 

Ma  très  chère  Mère , 

Je  voy  des  gens  de  qualité  qui  pensent  grandement,  et  j  agent 
•qu'il  faudra  que  les  monastères  soient  sous  l'autorité  des  ordi- 
naires, à  la  vieille  mode  restablie  presque  par  toute  l'Italie , 
ou  sous  l'autorité  des  religieux ,  selon  l'usage  introduit  dés 
il  y  a  quatre  ou  cinq  cens  ans ,  observé  presque  en  toute  la 
France.  Pour  moy,  ma  très  chère  mère ,  je  vous  confesse 
franchement  que  je  ne  puis  me  ranger  pour  le  présent  à  l'o- 
pinion de  ceux  qui  veulent  que  les  monastères  des  filles 
soient  sousmis  aux  religieux,  et  sur  tout  de  mesme  ordre  , 
suyvant  en  cela  l'instinct  du  Saint  Siège ,  qui ,  où  il  peut 
bonnement  le  faire,  empesche  cette  sousmission.  Ce  n'est 
pas  que  cela  ne  se  soit  fait  et  ne  se  fasse  encore  à  présent  lotia- 
Mement  en  plusieurs  lieux;  mais  c'est  qu'il  seroit  encore 
plus  lotiable  s'il  se  faisoit  autrement  :  sur  quoi  il  y  auroif; 
plusieurs  choses  à  dire. 

De  plus,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  non  plus  d'inconve- 
niens  que  le  pape  exemte  les  filles  d'un  institut  de  la  juris- 
diction  des  religieux  du  mesme  institut,  qu'il  y  en  a  eu  à 
exemter  les  monastères  de  la  jurisdiction  ordinaire ,  qui 
avoiî  une  si  excellente  origine  et  une  si  Jongue  possession. 
Et  en  fin  il  me  semble  que  véritablement  le  pape  a  sousmis 

*  C'est  la  14*  {ai.  9e)  du  livre  VI  des  anciennes  édition^;,  et  la  700e  de  la  col- 
iectiou-Ilaise. 

VI.  Ai 


.^ 


546  OPUSCULES 

en  effet  ces  bonnes  religieuses  de  France  au  gouvernemeai 
de  ces  messieurs  ;  et  m'est  advis  que  ces  bonnes  filles  ne 
sçavent  ce  qu'elles  veulent,  si  elles  veulent  attirer  sur  elles 
la  supériorité  des  religieux ,  lesquelz ,  à  la  vérité ,  sont  des 
excellens  serviteurs  de  Dieu;  mais  c'est  une  chose  tousjours 
dure  pour  les  filles ,  que  d'estre  gouvernées  par  les  Ordres  % 
qui  ont  coustume  de  leur  ester  la  sainte  liberté  de  l'esprit. 
0  ma  très  chère  Mère  !  je  salue  vostre  cœur  qui  m'est  pré- 
cieux comme  le  mien  propre.  Vive  Jésus. 

1  Cest  ce  que  portent  toutes  les  éditions;  mais  il  nous  sembleroit  plus  na- 
turel de  lire  ici  les  hommes. 


DE   S.    FRANÇOIS   DE   SALES.  54T' 


CLXXVIII. 

LETTRE* 

A   irXE    SUPÉRIEURE   DE    LA    VISITATION. 

Eloge  de  la  sœur  assistante  d'un  monastère  de  la  Visitation.  On  peut  recevoir^ 
contre  le  sentiment  de  la  prudence  humaine,  une  fille  qui,  ayant  un  ca- 
ractère vicieux,  se  comporte  par  l'esprit  de  la  grâce,  et  fait  violence  à- 
la  nature. 

Ma  très  ehere  Mère , 

En  fin  Dieu  a  voulu  que  ma  Seur  N.  soit  demeurée  assis- 
tante par  la  pluralité  des  voix,  et  il  veut  tousjours  le  mieux; 
car  c^est  une  bonne  femme ,  sage ,  constante ,  et  véritable 
servante  de  nostie  Seigneur  ;  un  peu  seiche  et  froide  de 
visage,  mas  bonne  de  cœur,  courte  en  paroles,  mais  moel- 
leuse. Nous  ne  faysons  guère  de  préface  elle  et  moy,  ni  d'ap- 
pendices non  plus. 

Mais  il  faut  que  je  vous  die  que  nostre  Seur  N.  est  une 
fille  tout  à  fait  admirable  en  paroles ,  en  maintien,  en  effet; 
car  tout  cela  respire  la  vertu  et  pieté. 

Je  suys  tout  à  fait  de  vostre  advis  et  de  celuy  de^^^stre- 
bon  Père  N.,  pour  ma  Seur  N.  Qu'une  fille  soit  de  tant  mau- 
vais naturel  qu'on  voudra  :  mais  quand  elle  agit  en  ses  essen- 
tiels deportemens  par  la  grâce  ,  et  non  par  la  nature,  selon 
ia  grâce ,  et  non  selon  la  nature ,  elle  est  digne  d'estre  re- 
cueillie avec  amour  et  respect ,  comme  temple  du  saint  Es- 
prit ,  loup  par  nature  ,  mais  brebis  par  grâce.  0  ma  Mère  ! 
je  crains  souverainement  la  prudence  naturelle  au  discerne- 
ment des  choses  de  la  grâce  :  et  si  la  prudence  du  serpent 

*  C'est  la  15e  [al.  10^)  du  livre  VI  des  anciennes  éditions,  et  ia  701^  de-  la»- 
collection-Bl  lise. 


548  OPUSCULES 

n'est  destrempée  en  la  simplicité  de  la  colombe  du  saint  Es- 
prit, elle  est  tout  à  fait  vénéneuse. 

J'admire  ces  bons  Pères  qui  croyent  qu'on  doive  adjouster 
que  l'on  fait  vœu  aux  Supérieurs  :  s'ilz  voyoient  la  profes- 
sion des  Bénédictins  ,  qui  est  la  profession  des  plus  anciens 
et  peuplés  monastères ,  ilz  auroient  donc  bien  à  discourir  ; 
car  il  n'y  est  fait  mention  quelconque,  ni  des  Supérieurs,  ni 
des  vœux  de  chasteté ,  pauvreté  et  obeyssance ,  ains  seule- 
ment de  stabilité  au  monastère,  et  de  la  conversion  des 
mœurs  selon  la  règle  de  saint  Benoist.  Qui  promet  l'obeys- 
sance  selon  les  constitutions  de  sainte  Marie ,  pi^omet  l'o- 
beyssance  et  l'observance  des  vœux  à  l'Eglise  et  aux  Supé- 
rieurs de  la  congrégation  ou  monastère.  En  somme  ,  il  faut 
demeurer  en  'paix  ;  car  qui  voudra  meshui  ouïr  tout  ce  qui 
se  dira,  aura  fort  à  faire. 


DE    S.    FRANÇOIS   DE   SaLIv  .  549 

CLXXiX. 

lettre' 

A    LA    MÈRE    FAVRE. 

Le  Saint  l'instruit  des  avis  qu'elle  croit  donner  aux  postulantes  avant  leur 

vêture. 

Je  vous  seconderay  le  plus  doucemen*  qu'il  me  sera  pos- 
sible ,  ma  très  chère  Fille ,  en  vostre  juste  intention  ;  bien 
qu'entre  nous  il  n'y  a  ni  second  ni  premier,  ains  une  simple 
unité.  J'ay  pensé  que  peut-estre  il  seroit  à  propos  demain , 
qu'avant  de  venir  à  la  sainte  Messe,  vous  fissiés  appeller 
toutes  vos  filles  vei's  vous ,  et  puis  que  vous  fissiés  venir 
les  deux  qui  doivent  estre  receuës,  et  qu'en  présence  des 
autres  vous  leur  dissiés  trois  ou  quatre  parolles  de  ce  sens  : 

Avertissomens  aux  postulantes  de  la  Visitation  de  Sainte-Marie ,  que  les  Su- 
périeures peuvent  leur  donner  avant  la  messe  devant  toute  la  commu- 
nauté, le  jour  qu'elles  prennent  l'habit. 

Vous  nous  avés  demandé  d'estre  receuës  entre  nous  pour 
y  servir  Dieu  en  unité  de  mesme  esprit  et  de  mesme  volonté; 
et ,  espérant  en  la  bonté  divine  que  vous  vous  rendrés  bien 
affectionnées  à  ce  dessein  ,  nous  sommes  pour  vous  recevoir 
ce  matin  au  nombre  de  nos  Seurs  novices ,  pour,  selon  l'ad- 
vancement  que  vous  ferés  en  la  vertu ,  vous  recevoir  peir 
a{)ies  à  la  profession  ,  dans  le  temps  que  nous  adviserons. 
Mais  ,  avant  que  de  passer  plus  outre  ,  pensés  derechef  bien 
en  vous-mesmes  à  l'importance  de  ce  que  vous  entreprenés, 
v/dv  il  seroit  bien  mieux  de  n'entrer  pas  parmi  nous,  qu'âpre? 

•  C'est  là  16*  du  livre  VI  des  anm'finnes  éditions,  et  la  702e  de  la  coUectioa 
Biaise. 


'JI)0  OPUSCULES 

-y  estre  entrées  donner  quelque  occasion  de  n'estre  pas  re- 
xeuës  à  la  profession  :  que  si  vous  avés  bonne  volonté ,  vous 
devés  espérer  que  Dieu  vous  favorisera. 

Or,  entrant  céans,  sçacliés  que  nous  ne  vous  y  recevons 
que  pour  vous  enseigner  tant  que  nous  pourrons,  par 
exemples  et  advertissemens ,  à  crucifier  vostre  corps  par  la 
mortification  de  vos  sens  et  appétits  de  vos  passions,  humeurs 
et  inclinations,  et  propre  volonté;  en  sorte  que  tout  cela  soit 
de^^ormais  sujet  à  la  loy  de  Dieu  et  aux  règles  de  cette  con- 
grégation. 

Et  à  cet  efFect,  nous  avons  commis  la  peine  et  le  soin  par- 
ticulier de  vous  exercer  et  instruire,  à  ma  Seur  de  Brechart 
icy  présente,  à  laquelle  partant  vous  serés  obeyssante,  et 
.^rescoQterés  avec  respect  et  tel  honneur,  qu'on  connoisse 
'  que  ce  n'est  pas  pour  la  créature  que  vous  vous  soumeUés  à 
la  créature,  mais  pour  l'amour  du  Créateur,  que  vous  recon- 
moissés  en  la  créature  ;  et  quand  nous  commettrions  une 
'autre,  quelle  qu'elle  fust,  pour  estre  vostre  maistresse,  vous 
devriés  luy  obeyr  avec  toute  humilité  pour  la  mesme  rayson, 
sans  regarder  en  la  face  de  celle  qui  gouvernera ,  mais  en  la 
face  de  Dieu  qui  l'a  ainsy  ordonné. 

Yous  entrerés  donc  dans  cette  eschole  de  nostre  congréga- 
tion ,  pour  apprendre  à  l)ien  porter  la  croix  de  nostre  Sei- 
gneur par  abnégation  ,  renoncement  de  vous-mesmes ,  rési- 
gnation de  vos  volontés ,  mortification  de  vos  sens  ;  et  moy 
je  vous  cheriray  cordialement,  comme  vostre  seur,  mère,  et 
servante  :  toutes  nos  Seurs  vous  tiendront  pour  leurs  Seurs 

Ires-avmées. 

t/ 

Cependant  vous  aurés  ma  seur  de  Brechart  pour  mais- 
Yesse,  à  laquelle  vous  obeyrés,  et  suy vrés  ses  advertissemeiLS 
jivec  humilité ,  sincérité  et  simplicité  ,  que  nostre  Seigneur 
requiert  en  toutes  celles  qui  se  rangeront  en  cette  congre- 
gition. 

Yous  vous  tromperies  bien ,  si  vous  pensiés  estre  venues 


DE   S.    FRANÇOIS   DE    SALES.  551 

|K)ur  avoir  plus  grand  repos  qu'au  monde;  car,  au  contraire, 
nous  ne  sommes  ici  assemblés  que  pour  travailler  diligenî- 
ment  à  desraciner  nos  mauvaises  inclinations  ,  corriger  nos 
défauts ,  acquérir  les  vertus.  Mais  bienheureux  est  le  travail 
qui  nous  donnera  le  repos  éternel. 

Suite  de  la  lettre. 

Or  je  ne  dis  pas ,  ma  très  chère  Fille ,  que  vous  disiés  m 
ces  parolles,  ni  tout  cecy  ;  mais  ce  que  vous  verres  à  pro- 
pos, plus  pour  Tedification  et  réveil  des  autres  que  pour 

celles-cy. 

Je  treuverois  encore  bon  qu'après  que  vous  aurés  tiré 
quelque  promesse  d'elles,  qu'elles  se  comporteront  bien, 

vous  adjoustassiés  : 

Continuation  des  avis. 

Bénies  seront  celles  qui  vous  donneront  bon  exemple,  et 
qui  vous  consoleront  dans  vostre  entreprise.  Amen. 

Goncinsion  de  la  lettre.  . 

Voyla  ce  que  j'ay  pensé,  dequoy  vous  pourrès  vous  ser- 
vir si  vous  l'estimés  à  propos.  Bon  soir,  ma  très  chère  Mère, 
ma  fille  vrayement.  Vive  Jésus  et  Marie.  Amen. 


552  OPUSCULES 


f\/W 


CLXXX. 


1 


REGLE 

POUR  LA  SAINTE  COMMUNION, 

trouvée  écrite  de  la  main  de  S.  François  de  Sales. 
PREMIER   POINT. 

De  si  loin  que  je  verray  une  église  ,  je  la  salueray  par  ce 
verset  de  David  :  Je  vous  salue ,  Eglise  sainte  dont  Dieu 
a  mieux  aymé  les  portes  que  tous  les  tabernacles  de  Jacob. 
Delà,  je  passeray  à  la  considération  de  l'ancien  Temple^ 
et  compareray  combien  est  plus  auguste  la  moindre  de 
toutes  nos  églises  que  n'estoit  le  temple  de  Salomon ,  parce 
que  sur  nos  autels  le  vray  Agneau  de  Dieu  est  offert  en  hostie 
pacifique  pour  nos  péchés.  Si  je  ne  peux  entrer  dans  l'église, 
j'adoreray  de  loin  le  tres-saint  Sacrement ,  mesme  parquet 
que  acte  extérieur,  ostant  mon  chapeau  et  fléchissant  le  ge- 
nouil,  si  l'église  est  proche,  sans  me  soucier  au'en  diront  mes 
compagnons. 

SECOND   POINT. 

Je  communieray  le  plus  souvent  que  je  pourray ,  par 
Tadvis  de  mon  Père  Confesseur.  Au  moins  ne  laisseray-je 
point  passer  le  Dimanche  sans  manger  ce  pain  sans  levain , 
vray  pain  du  Ciel  :  car  comme  pourroit  le  Dimanche  m'estre 
un  jour  de  sabbat  et  de  repos ,  si  je  suis  privé  de  recevoir 
l'Autheur  de  mon  repos  éternel? 

*  Voyez  le  petit  livre  intitulé  :  Vrais  Entretins  spirituels  dô  S.  Franco:» 
de  Sales,  édit.  de  Périsse,  1851,  pag.  490  et  suiv. 


DlE  S.    FRANÇOIS    DE   SALES,         •  533 

TROISIÈME   POINT. 

La  veille  du  jour  de  ma  communion ,  je  msUray  hors  de 
mon  logis  toutes  les  immondices  de  mes  péchés  par  une  soi- 
gneuse Confession,  à  laquelle  j'apporteray  toute  la  diligence 
requise  pour  n'estre  point  trouli:é  de  scrupules,  inays  d'autre 
part,  j'esviteray  l'inutilité  des  recherches  curieuses  et  em- 
pressées. 

QUATRIÈME   POINT. 

Si  je  m'esveille  la  nuict,  je  donneray  de  la  joye  à  mon 
ame,  disant,  pour  la  consoler  dans  les  frayeurs  nocturnes 
qui  me  travaillent  :  Mon  ame ,  pourquoy  es-tu  triste  ?  pour- 
quoy  me  troubles-tu?  Voicy  ton  Espoux,  ta  joye  et  ton  salu- 
taire qui  vient  ;  allons  au  devant  par  une  sainte  allégresse  et 
amoureuse  confiance. 

CINQUIÈME    POINT. 

Le  matin  estant  venu ,  je  mediteray  la  grandeur  de  Dieu , 
et  ma  bassesse  ;  et  d'un  cœur  humblement  joyeux,  je  chan- 
teray  avec  la  sainte  Eglise  :  0  chose  admirable  !  le  pauvre 
et  vil  serviteur  loge  son  Seigneur,  le  reçoit  et  le  mange.  Là 
dessus,  je  feray  divers  actes  de  foy  et  confiance  sur  les  parolles 
du  saint  Evangile  :  Si  quelqu'un  mange  ce  pain,  il  vivra 
éternellement, 

SIXIÈME   POINT. 

Ayant  receu  le  très  saint  Sacrement,  je  me  donneray 
tout  à  celuy  qui  s'est  tout  donné  à  moy;  j'abandonneraj 
d'affection  toutes  les  choses  f^'  ciel  et  de  la  terre,  disant: 
Que  veux-je  au  Ciel  ?  que  me  reste-il  à  désirer  sur  la  terre^ 
puis  que  j'ay  mon  Dieu,  qui  est  mon  tout?  Je  luy  diray 
simplement,  respectueusement  et  confîdemment  tout  ce  que 
son  amour  me  suggérera ,  et  me  resoudray  de  vivre  selon  la 
sainte  volonté  du  Maistre  qui  me  nourrit  de  luy-mesme. 


554         OPUSCULES  DE  s.  FRANÇOIS  DE  SALES. 

SEPTIÈME  POINT. 

Finalement ,  quand  je  me  sentiray  sec  et  aride  à  la  sainte 
communion,  je  me  serviray  de  l'exemple  des  pauvres,  quand 
ilz  ont  froid;  car,  n'^vans  pas  dequoy  faire  du  feu,  ilz 
marchent  et  font  de  l'eA^ercice  pour  s'eschaufFer;  je  redou- 
bleray  mes  prières  et  la  lecture  de  quelque  traité  du  très 
saint  Sacrement,  que  très  humblement  et  d'une  ferme  foy 
j'adore.  Dieu  soit  beny. 


w» 


CLXXXI.    ' 

POSTSCRIPTUM* 

DE   LA   LETTRE   A   M.    DE   BERULLE 

rapportée  plus  haut,  page  101. 
Avec  v"  congé  ie  vous  supplie  de  me  ramentevoir  aux 
prières  de  mad""  v"  mère  et  de  madame  la  lieutenante  v" 
tante.  Je  suis  consolé  que  Edmond  soit  auprès  de  v"  personne 
asseuré  qu'il  y  rendra  le  bon  et  fi  délie  service  que  ie  vous 
souhaitte. 

ANecile  18  Dec.  16(i2, 

*  Copié  sur  l'autographe  faisant  autrefois  partie  de  la  collection  do 
M.  Chateaugiron,  et  que  possède  en  ce  mon:ient  M.  Lavardet,  rue  Saint- 
Lazare,  no  24,  à  Paris.  Ce  postscriptum  est  publié  ici  pour  la  première  fois, 
bien  que  la  lettre  elle-même  ait  été  publiée  par  Biaise  ;  ce  qui  vient  sans 
douie  de  ce  qu'en  tirant  le  fac  siuiile  de  la  lettre  autographe,  on  a  négligé 
d'en  reproduire  en  même  temps  le  postscriptum. 


FIN    DU   TOME   SIXIÈME. 


TABLE 

DES   ARTICLES   CONTENUS   DANS   CE   VOLUME. 


Avertissement  préliminaire.  T 

Opuscules  de  Saint  François  de  Sales  relatifs  à  sa  vie  publique,  à  l'ad- 
ministration de  son  diocèse  et  à  la  direction  de  diverses  commu- 
nautés Religieuses.  1 

I.  Harangue  aux  docteurs  de  Padoue.  Ibid. 

H.   Harangue  de  S.  François  de  Sales,  lorsqu'il  prit  possession  de  la 

pTiévôté  de  l'église  qatKédrale  de  Saint-Pierre  de  Genève.  & 

m.  Requêtes  présentées  au  souverain  Pontife  Clément  VUI.  14 

IV.  Enquêtes  des  bénéfices  du  Cbablais.  27 

V.  Mémoire  sur  les  bénéfices  situés  en  Chablais.  S9 
Vï.  Réponse  à  là  requête  des  chevaliers  des  saints  Maurice  et  Lazare.  40 
Vir,  Discours  au  duc  de  Savoie,  commencement  de  mai  1599.  44 
VIIL  Erection  de  la  Confrérie  des  pénitents  de  la  Sainte-Croix,  47 

IX.  Constitutions  des  prêtres  de  la  sainte  maison  de  Notre-Dame  àa 
Thon on.  58 

X.  Lettre  au  roi  Henri  IV.  72 

XI.  Lettre  à  la  communauté  des  Filles-Dieu  de  Paris.  73 

XII.  Lettre  aux  chanoines  de  Saint-Pierre  de  Genève,  fin  de  novembre 
1G02.  90 

XIH.  Règlement  de  vie  pour  un  évêque,  fin  de  novembre  1602.  91 

XIV.  Lettre  à  une  personne  de  confiance,  fin  de  novembre  1G02.  99 

XV.  Lettre  à  M.  de  Berullc,  18  décembre  îG02.  101  et  554 

XVI.  Mandement  en  faveur  de  rimmunité  d'une  église,  21  décembre 
1602.  103 

XVII.  Lettre  au  Pape  Clément  VlIT,  au  commencement  de  1603.  105 

XVIII.  Acte  de  fidélité,  l'^^  mai  1603.  409 
XIX  Lettre  à  un  gentilhomme  entplové,  1er  juin  igo3.  ~  112 
XX.  Avis  sur  la  conduite  intérieure  et  sur  la  dignité  et  les  devoirs 

d'un  évéque  (adressés  à  M.  Antoine  Revcl,  nommé  à  l'évéché  de  Dol),  113 

XXL  Statuts  Synodaux  du  11  octobre  1C03.  119 
XXIL  Saint  François  de  Sales  aux  Curés  et  Confesseurs  du  diocèse  de 

Genève.  129 

XXIIL  Avertissements  aux  Confesseurs.  129 

Chapitre  L  De  la  disposition  intérieure  du  Confesseur.  iUcL 

Chapitre  H.  De  la  disposition  extérieure  du  Confesseur  et  du-pénitant..  133/ 
Chapitre  IlL  Des  interrogations ^  qu'il  faut  faire  au  pénitent  avant  la 

confession.  lâi- 


r>:G  TABLE. 

Chapitre  IV.  Des  choses  dont  le  pénitent  doit  s'accuseï*.  154 

Chapitre  V.  Du  soin  que  doit  avoir  le  confesseur  de  ne  point  absoudre  ceux 

qui  ne  sont  pas  capables  de  la  grâce  de  Dieu.  137 

Chapitre  VI.  De  la  prudence  avec  laquelle  il  faut  ordonner  les  restitutions  et 

les  réparations  d'honneur.  139 

Chapitre  VII.  Qui  sont  les  cas  réservés  au  Pape,  et  ceux  du  diocèse  de  Ge- 
nève. Deux  règles  à  observer  à  l'égard  de.^  pénitens.  140 

Chapitre  VIII.  Comment  il  faut  imposer  les  pénitences,  et  des  conseils  qu'on 

doit  donner  aux  pénitens.  142 

Chapitre  IX.  Comment,  il  faut  donner  l'absolution.  144 

XXIV.  Avis  aux  confesseurs  et  directeurs.  147 

XXV.  Manière  de  faire  le  Catéchisme.  159. 

XXVI.  Lettre  à  quelques  diocésains,  1603.  157 

XXVII.  Lettre  au  Pape  Clément  VIII,  15  novembre  1603.  159 

XXVIII.  Lettre  au  Nonce  du  Pape,  1603.  173 

XXIX.  Lettre  au  duc  de  Savoie ,  janvier  ou  février  1604.  176 

XXX.  Lettre  au  Pape  Clément  VIII,  février  ou  mars  1604.  177 

XXXI.  Lettre  à  Tabbesse  du  puits  d'Orbe,  avant  le  3  mai  1604.  181 

XXXII.  Autre  lettre  à  la  même,  3  mai  1604.  187 

XXXIII.  Edit  pour  la  procession  de  la  Fête-Dieu,  vers  le  17  juin  1604.  189 

XXXIV.  Lettre  à  M.  d'Albigny,  20  juin  1 604.  19a 

XXXV.  Règlements  pour  les  Religieux  de  l'abbaye  de  Six,  vers  le  mois 
d'août  1604.  194 

XXXVI.  Lettre  à  l'abbesse  du  Puits-d'Orbe,  9  octobre  1604.  198 

XXXVII.  Statuts  Synodaux,  28  avril  1605.  208 

XXXVIII.  Lettre  au  Pape  Paul  V,  16  juillet  1605.  216 

XXXIX.  Lettre  à  l'abbesse  du  Puits-d'Orbe  ,  1"  mai  1606.  220 
XL.  Lettre  au  Pape  Paul  V,  23  novembre  1C06.  224 
XLI.  Etat  de  l'Eglise  de  Genève,  l'an  1606.  22G 
XLIl.  Lettre  sur  les  revenus  de  l'évêché  de  Genève.  243 
XLllI.  Procuration  pour  serment  de  fidélité,  14  janvier  1606.  247 
XLIV.  Mandement  pour  la  célébration  d'un  Jubilé,  8  mai  1607.  249 
XLV.  Autre  Mandement  pour  la  publication  d'un  Jubilé.  250 
XLVl.  Sur  les  Stations  des  morts.  251 
XLVll.  Sentiments  de  S.  François  de  Sales  sur  la  collation  des  bénéfices.  252 
XLVIII.  Constitutions  de  l'académie  florimontaine ,  l'an  1607.  253 
XLIX.  Lettre  concernant  le  chapitre  de  la  cathédrale  d'Annecy  ,  10  mars 

1608.  258 

I^  Avis  à  l'abbesse  du  Puits-d'Orbe,  vers  le  25  août  1608.  259 

LI.  Ordre  que  S.  François  de  Sales  mit  dans  l'abbaye  du  Puits-d'Orbe.  261 

LIT.  Lettre  au  roi  Henri  IV,  1609.  204 

LUI.  Lettre  à  un  Gentilhomme  en  dignité,  vers  l'an  1600.  265 

LIV.  Lettre  au  Père  Dom  Prieur  de  Poimer?, ,  27  août  1609.  267 

LV.  Lettre  à  M.  François  Kanzo,  6  mai  1610.  268 

LVI.  Lettre  à  M.  Rosetam,  7  novembre  1610.  471 

LVII.  Lettre  au  marquis  de  Lans,  30  avril  1611.  27i 

LVIII.  Lettre  au  duc  de  SavDie,  11  juin  1611.  »Î3 


TABLE.  557 

LTX.  Lettre  à  la  reine  mère  Marie  de  Médicis,  le  12  février  1612.  276 

LX.  Lettre  à  la  même,  1612.  277 

LXL  Autre  lettre  à  la  même ,  1612.  278 

LXII.  Lettre  au  duc  de  Savoie ,  mars  1612.  279 

LXIII.  Lettre  au  Pape  Pan'  V,  avant  le  7  mars  1612.  281 

LXIV.  Autre  lettre  au  même,  7  mars  1612.  283 

LXV.  Lettre  à  la  Congrégation  des  Rites,  2  juin  1612.  290 

LXVI.  Lettre  à  une  dame,  22  novembre  1612.  291 

LXVII.  Lettre  au  duc  de  Savoie,  *  mars  1613.  296 

LXVlll.  Lettre  à  M.  Deshayes,  28  mai  1613.  2.^7 

LXIX.  Lettre  au  duc  de  Nemours,  9  juin  1613.  29.«» 

LXX.  Lettre  au  marquis  de  Lans,  31  juillet  1613.  300 

LXXl.  Lettre  à  l'Evéque  de  Belley ,  14  août  1GI3.  30â 

LXXII.  Lettre  au  duc  de  Nemours,  4  octobre  1613.  306 

LXXllI.  Lettre  au  duc  de  Savoie,  7  octobre  1613.  301 

LXXIV.  Lettre  à  révêque  de  Montpellier,  10  janvier  1614.  308 

LXXV.  Lettre  au  duc  de  Savoie,  25  janvier  1614.  310 

LXXVI.  Autre  lettre  au  même,  12  juin  1614.  311 

LXXVII.  Autre  au  même,  8  juillet  1614.  313 

LXXVllI.  Lettre  au  roi  Louis  XIII,  31  juillet  1614.  314 

LXXIX.  Lettre  à  une  Abbesse,  18  août  1614.  315 

LXXX.  Lettre  à  Tévèque  de  Belley,  22  août  1614.  319 

LXXXL  Lettre  à  l'Infante  de  S?:Voie,  18  septembre  1614.  322 

LXXXII.  Lettre  à  M.  de  Forax,  *^ers  le  18  septembre  1614.  328 

LXXXIII.  Lettre  au  duc  de  Nemours,  G  novembre  1614.  330 

LXXXIV.  Lettre  au  Marquis  de  Lans,  13  décembre  1614.  334 

LXXXV.  Lettre  au  duc  de  Savoie,  13  décembre  1614.  33G 

LXXXVI.  Lettre  à  Mme  de  Chantai,  1614.  338 

LXXXVII.  Lettre  au  duc  de  Savoie  ,  15  mars  1615.  342 

LXXXVIII.  Lettre  au  prince  de  Piémont,  3  septembre  1615.  343 

LXXXIX.  Lettre  à  M.  Jean-François  de  Sales,  8  septembre  1615.  346 
XG.  Lettre  à  une  Abbesse  de  l'ordre  de  Sainte-Claire,  12  septembre  1615.    348 

XCl.  Lettre  au  duc  de  Savoie,  29  février  1616.  355 

XCII.  Lettre  à  l'archevêque  de  Milan ,  29  février  1616.  357 

XCIU.  Lettre  au  P.  Dom  Juste  Guerini,  10  mars  1616.  360 

XCIV.  Lettre  au  cardinal  de  Savoie,  10  mars  1616.  361 

XCV.  Lettre  au  duc  de  Savoie,  12  mars  1616.  363 

XCVI.  Lettre  au  même,  29  mars  1616.  364 
XCVil.  Lettre  à  un  Gentilhomme  de  la  cour  du  duc  de  Savoie,  4  avril 

1016.  303 

XCVril ,  lettre  au  duc  de  Savoie.  16  avril  1616.  367 
XCIX.  Mémoire  pour  la  réformation  des  religieux  et  des  religieuses,  vers  le 

mois  d'avril  1616.  ;)jj8 

C.  Lettre  au  cardinal  Bellarmin,  10  juillet  1616.  372 

CI.  Lettre  au  Prince  de  Piémont,  31  août  1616.  381 

CIT.  Lettre  au  duc  de  Savoi«».  31  août  1616,  383 

cm.  Lettre  au  comte  Vil>o,  1er  octobre  1616.  584 


ERRATA. 


ftige  216,  lisez  :  a  sa  sainteté  le  pafe  paul  v,  avant  ces  mots  :  Félicitation 
sur  sa  promotion  au  souverain  Pontificat. 

Page  285,  au  lieu  de  :  Amédée  III,  duc  de  Savoie,  lisez  :  Amédée  IX,  troi- 
sîème  duc  de  Savoie. 

Page  379,  ligne  15,  au  lieu  de  i  m  gagné,  lisez  :  ont  gagné. 


FRANÇOIS  DB  SALES.  FQ 

Oeurres.  I623 

.F7 
▼.6.