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ŒUVRES COMPLÈTES
t>E
H. DE BALZAC
DIX-NEUVTÈME VOLUME
PAhIS. — IMPRIMERIE DE PILLET FJLS AÎNÉ
RUE DBS GRANDS-ADGOSTINS^ 5.
THÉÂTRE
H. DE BALZAC
^j^VtaiS. * LES RBSSUURCES DK QUINOLÀ. — fÀMÉLà, Gt9ikV9
LA MA.HATRS. — LE FAISSUR
PARIS
V ALEXANDRE UOUSSIAUX, ÉDITEUR
•M M MaunR Mim^AMoki mi A*n , t.
1870
VAUTRIN
mUMB BIf CINQ ACTES
MptêÊtM pov te fiiidftit foi! nir It théâtre de U fetlt-liiiil-Kafll^
teUnanltM.
DÉDICAGE
A HOTÏSIEUR LAURENT JAN,
•m «bI,
DE BALZAa
t» man Itflii
/
PRÉFACE
n est difficile à Fauteur d'une pièce de théâtre de se replacer
k claquante jours de distance^ dans U situation où il était l)i
Jendemain de la première représentation de son ouvrage ; mais
ù est maintenant d'autant plus difficile d'écrire la préface de
YautriHy que tout le monde a fait la sienne; celle de Tauteui
serait infailliblement inférieure à tant de pensées divergentes.
Un coup de canon ne vaudra jamais un feu d'artifice,
i L'auteur expliquerait-il son œuvre? Mais elle ne pouvait
avoir que M. Frédérick-Lemaitre pour commentateur.
Se plaindrait-il de la défense qui arrête la représentation de
son drame? Mais il ne connaîtrait donc ni son temps ni son
j[)ay8. L'arbitraire est le péché mignon des gouvernements cons-
titutionnels ; c'est leur infidélité à eux ; et d'aiL\eurs^ ne sait-il
(OS qu'il n'y a rien de plus cruel que les faibles? A ce gouver-
nement-ci^ comme aux enfants^ il est permis de tout foire, ex-
cepté le bien et une majorité.
Irait-il prouver que Vautrin est un drame innocent autant
qu'une pièce de.Berquija? Mais traiter la question de la mor»>
uté ou de l'immoralité du théâtre, ne serait-ce pas se mettre au-
dessous des Prudhomme qui en font une question?
S'en prendrait-il au journalisme? Mais il ne peut que le fi^li-
citer d'avoir justifié par sa conduite^ en cette circonstance^ tout
te «;u'il en a dit ailleurs.
Gep.'^ndant^ au milieu de ce désastre que l'énergie du gou-
vememem a causée mais que, dit-on, le fer d'un coiffeur aurait
pu réparer, l'auteur a trouvé quelques compensations dans les
preuves d'ineérèt qui lui ont été données. Entre tous, M. Vic-
tor Hugo s'est auontré aussi serviable qu'il est grand poète ; et
Tauteur est d'autant plus heureux de publier combien il fut
obligeant, que les ennemis de M. Hugo ne se font pas faute de
calomnier son caractère.
Enfin, Vautrin a presque deux mois, et dans la serre pari-
sienne, une nouveauté de deux mois prend deux siècles. La vé-
ritable et meilleure pré&ce de Vautrin sera donc le drame de
Rickard-cœur-d' Eponge (i), que l'administration permet de
représenter, afin de ne pas laisser les rats occuper exclusive-
ment les planches si fécondes du théâtre de la Porte-Saint*
Martin.
Paris, 1» mai 1840.
(t) Celte pièce n'a été ni représeutée ni imprimée.
PERSONNAGES.
JACQUES GOLLIN. dtt YAUTRUI.
LE DUC DE MONTSOREL.
LE MARQUIS ALBERT , son flli.
RAOUL DE FRESGAS.
CHARLES BLONDET , dit LE CHE-
VALIER DE SAINT-CHARLES.
FRANÇOIS CADET, dit PHILOSO-
PHE, eoeber.
FIL-DE-SOIE, eulsimjr.
BUTEUX, portier.
PHILIPPE BOULARD , dit LAFOU-
RAILLE.
LE COMMISSAIRE.
JOSEPH BONNET» Talel 4t ehtmbi»
de la dochesM de Montsorel.
LA DUCHESSE DE MONTSORKL
(L0VI8I »l TAODMT).
MADEMOISELLE DE VAUDREY, m
tante.
LÀ DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
INÈS DE GHRISTOYAL, piImM
d'Ailos.
FÉLICITÉ, femme de chamkn de la d»»
cbesM de Montsorel.
0MIST1OVM»
Mlf, ACBMfS»
\a sceiàe je pose I PailSi m HMi upièê le
Je t'ai demandé les Empreintes cle toutes les serrures...
VAUTRIN
ACTE PREMIER
mmoB i mOMdtlioalioni
SCÈNE PREBOËRE.
Ik DUCHESSE DE MONTSOREL, MADEMOISELLE DE YAUDRET*
LA OUCHBSSI.
Ah! Toas m*avez atteDdae, combien tous êtes bonne I
MADEMOISELLE DE YAUDRET»
Qa'ayez-vous, Louise? Depuis douze ans que nous pleurons
ensemble, voici le premier moment où je vous vois joyeuse ; et
pour qui "vous connaît, il y a de quoi treuibler.
LA DUCHESSE.
flfaat que cette joie s'épanche, et vous, qui aves épousé mes
asgoisses, pouvez seule comprendre le délire que me cause une
beur d'espérance.
MASIMOISBLLB DB TAUDEIT.
SeriesK-voos sur les traces de votre fils?
LA DUCHI88I.
Betroavé!
MADKMO!SELLE DB TAUDRBT.
Impossible! Et s*il n*e»ste plus, à quelle horrible torture vous
éics-vons condamnée 7
6 VAUTRIN.
LA DUCHESSE.
Un enfant mort a une tombe dans le cœur de sa mère ; mais
l'enfant qu'on nous a dérobé, i( f existe, db tanfe.
. MADluaiSCLLS DE rÂVlMStl
Si l'on TOUS entendait?
LA DUCHESSE.
Eh ! que m'importe! Je commeace une nouvelle vie, et me sem
pleine de force pour résister h la tyrannie de M. de Montsorei.
MADEMOISELLE DE TAUDRET.
Après vingt-deux années de larmes, sur quel événement peut
se fonder cette espâraoce?
LA DUCHESSE.
C'est plus qu'une espérance l Après la réception du roi, je suis
allée chez l'ambassadeur d'Espagne, qui devait nous présenter l'une
à l'autre, madame de Ghristovai et moi : j'ai vu là un jeune homme
qui me ressemble, qui a ma voix! Cottiprenez-vous? Si je suis
rentrée si tard, c'est que j'étais clouée dans ce salon, je n'en ai pu
sortir que quand il est parti.
MADEMOISELLE DE YAUDEET.
Et sur ce faible indice, vous vous exaltez ainsi I
LA DUCHESSE.
Pour une mère, une révélation n'est-elle pas le plus grand des
témoignages? A son aspect, il m'a passé comme une flamme de*
vant les yeux, ses regards ont ranimé ma vie, et je me suis sen-
tie heureuse. Enfin, s'il n'était pas mon fils» ce serait une passion
msensëe!
KADEHOISELLV VfS TAUmtlT.
Vous vous serez perdue !
LA DCCBESSB.
Oui, peut-être! On a dû nous observer : une force irrésistible
m'entraînait; je ne voyais que lui, je voulais qu'il me parlât, et il
m'a parlé, et j'ai su son âge : il a vingt-trois ans, l'âge de Fernaiid t
MABBMOISELLE DB TAITBBBT.
«lais le duc était là?
LA VUCHESSB.
Ai-je pu songer à mon mari ? J'écoutais ce jeune bomme, qui
parlait à Inès. Je crois qu'ils s'aiment.
MADEMOISELLE DE TAUDUEr.
Inès, la prétendue de votre fils le marquis? Et pensez-vous que
le duc n'ait pas été frappé de cet accueil fait à un rival de son fils?
Mm %f t
LA DUCHISSI.
Tous avez raison, et j'aperço» mamtenantà quels dangers Fer-
oand est exposé. Mais je ne veax pas vous retenir davantage, je
vous parlerais de lui jusqu'au jour. Tous le verrez. Je lui ai dit de
venir à l'heure où M. de Montsorel va chez le roi» et nous le ques-
tionnerons sur son enfance.
MÀDmOISELLE M. VÀUDBST.
Vous ne pourrez dormir, calmez-vous» de grâce. Et d'abord
renvoyons Félicité, cpû n'est pas accoutumée à veiller, paie tonne.)
WtUCXTK, cntnBi.
M. le duc rentre avec M. le nuurquis.
LA DUCHESSI.
Je vous ai déjà dit» FéUcité» de ne jamais m'instruire de ce qui
se passe dMs Moasîear. Allez. iVMMi«tort.)
■iMKOlSKLU SE VAUSUEr*
Je n'ow vous enlever une illusion qui voes donne tant de bon-
heur ; mais quand je mesure la hauteur ^ laquelle vous vous éle-
vez, je crains une chute horrible : en tombant de trop l)aat, l'âme
se brise aussi bien que le corps, et laissez-moi vous le duie» je:
tremble pour vous.
LA DUCHESSE.
Vous craignez mon désespoir, et moi» je crains ma joieu
MADEMOISELLH DR VAUDftET^ Rgantani la didiHM lOrtliv
Si elle ae trompe» elle peut devenir Me.
LA DUCEESSZy levenanU
Ui tante» Femand se nomme Raoul de Erescan
SCÈNE II.
VABEMOISELLir DE VAimMT» Molà
Elle ne voit pas qu'il faudrait un miracle pour qu'elle retrouvâf
son fils. Les mères croient toutes à des miracles. Veillons sur elle 1
Un regard, un mot la perdraient ; car si elle avait raison, si Dieu*
faii raadail soa fils» elle marcherait vers une catastrophe phis af-
freuse encore que h déception qu'elle s'est préparée. Pensen-t-elle^
k se contenir devant ses femmes?...
s TAonn.
SCÈNE m.
HADBMOISKLLE DE VAUDRKT, PSLICITI.
MAMOIOISILLB OB YAUDEIT.
Dijàt
riLicvri.
Madame h dadiesse avait bien hâte de me raiYoyer.
KADmOISBLLB DB YAUDUT.
Ma nièce ne tous a pas donné d'ordres ponr ce matin !
Non» Mademoiselle.
MADBIfOISBLLB DB TAUDRBT.
n viendra pour moi, yers midi, on jeme homme nommé
H* Raoul de Frescas : il demandera peut-être la duchesse; prfr-
Tenez-en Joseph, il le conduira chez mou m» «mu
SCÈNE IV.
rtLIClTÉ, teolt.
Un Jeune homme pour elle? Non, non. Je me disais bien que
la retraite de Madame devait avoir un motif : elle est riche, c&e
est belle, le duc ne Taime pas ; voici la première fois qu'elle va
dans le monde, un jeune homme vient le lendemain demander
Madame, et Mademoiselle veut le recevoir I On se cache de moi :
ni confidences, ni profils. Si c'est là l'avenir des femmes de cham-
bre sous ce gouvernement-ci, ma foi, je ne vois pas ce que nous
pourrons faire. (Une porte latérale s'ouvre, on roit deux hoiniiMS, !• porte se r^
tome autsitot ) Ao reste, nous verrons le jeune homme. (BUe wru
SCÈNE y.
JOSEPH, VAUTRIN.
tiibin ptrÉll aree vb surtout eouleur de Un. garni de fimmuetf, 4enMM wikt
. U a la tenue d'un ministra diplomatique étianger en ioliéab
JOSEPH.
Maudite fille I nous étions pcnlus»
AGTB I. f '
Ta étais perda Ah çà I mais tu liens donc beaacoap à ne pat
le reperdre, toi 7 Ta jouis donc de h paix du cœar id 7
JOSEPH.
Ma foi, je trouTe mon compte à être honnêtt.
TAUTRIlf.
Et enteads-tn bien Phonnéteté 7
JOSEPH.
Mais» ça el mes gages, je suis content
YAUTRIN. '
Je te vois venir, mon gaillard. Tu prends peu et souvent, ta
amasses, et tu auras encore l'honnêteté de prêter à la petite se-
maine. Eh bien I tu ne saurais croire quel plaisir j'éprouve à voir
one de mes vieiHes connaissances arriver à une position honorable.
To le peux, tu n'as que des défauts, et c'est la moitié de la vertu.
Moi, j'ai eu des vices, et je les regrette... comme ça passe I Et
maintenant pins rien ! il ne me reste que les dangers et la lutte.
Après tout, c'est la vie d'un Indien entouré d'ennemis, et je dé-
faids mes dievenx.
JOSEPH.
Et les miens 7
TAUTRIN.
Les liens?... Ahl c'est vrai. Quoi qu'il arrive ici, tu as la pa*
role de Jacques GoUin de n'être jamais compromis ; mais tu m'o-
béiras en tput I
JOSEPH.
En tout?... cependant...
VAUTRTN.
On connaît son Gode. S'il y a quelque méchante besogne, j'au-
rai mes ûdèles, mes vieux. Es-tu depuis longtemps ici ?
' JOSEPH.
Madame la duchesse m'a pris pour valet de chambre en allant à
Gaud, et j'ai la confiance de ces dames.
VAUTRIN.
Ça me va ! J'ai besoin de quelques notes sur les Montsorel. Qoe
iais-ta7
JOSEPH.
Rien.
vAUTRur;
La confiance des grands ne va jtmab plus loin. Qu'as -to dé-
converti
10 VAMJTWOk
Bien.
TAIITRIIf , à part.
Il deyient aussi par trop honnête homme. Peat-étre croît-B ne
rien savoir? Quand on cause pendant cinq minutes avec un
homme, on en tire toujours quelque chose. (Haut.) Où sommes-
nous ici?
JOSEPH.
chez madame la duchesse, et yoîci ses appartements; ceux d(
M. le duc sont ici au-dessous ; la chambre de leur fils unique le
foarquis est au-dessus» et donne sur la cour.
TÀUTRIN.
Je t*ai demandé les empreintes de toutes les serrures du cabi-
net de M. le duc» où sont-elles ?
JOSEPH^ avec hésitation.
Les Toid.
YAVTRlir.
Toutes les kis que je Toudrai venir ici, tu trooTeras une croix
faite à la craie sur la porte du jardin ; ta iras Teuminer tous les
soirs. On est vertueux ici, les gonds de cette porte sont hien rouilles ;
mais Louis XYIII ne peut pas être Louis XY I Adieu, mon gar-
çon ; je viendrai la nuit prochaine, (a part.) Il faut aQer rejoindre
mes gens à Thôtel de ChristovaL
JOSEPH, à part.
Depuis que ce diable d'homme m'a retrouvé, je suis dans des
transes...
TÀUTRIN^ revenant.
Le duc ne vit donc pas avec sa femme?
JOSEPH*
Brouillés depuis vingt ans.
TAUTB».
£t pourquoi?
JOSIPB.
Leur fils lui-même ne le sait pas.
TACTRlir.
Et ton prédécesseur, pourquoi fnt-îl remtijif
JOSEPH.
Je ne sais, je ne l'ai pas connu. Us n'ont monté leur maison que
depuis le second retour du roi.
Yoici les avantages de la société nouvelle : il n'y a plus de Bens
entre les maîtres et les domestiques ; plus d'attachement, par con-
séquent, plus de trahisons pQfisible& <À4(»eph.) Se dit-on des mots
piquants à table?
JOSSFB.
Jamais rien devant les gens.
VAUTRIN.
Que pensez-vous cTeux, l Toffice, entre votisT
JOSEPH.
La duchesse est ime sainte.
TAUTRIH.
Pauvre femme! et k duc?
Un égoïste. ,
TAUTRIN.
' Oui» un homme d'État (a part.) Il doit avoir des secrets, nous
verrons dans son jeu. Tout grand seigneur a de petites passions
par lesquelles on le mtoe; et si je le tiens une foiSy il faudra bien
que son fils.... (a Joseph.) Que dit-on du mariage du marquis de
Moasorel avec Inès de Cbristoval ?
JOSEFS.
Pas un mot La duchesse semble s'y intéresser jEut peiL
VAUTRIN.
Elle n*a qu'un fils! Ceci n'est pas natureL
JOSEPH.
Entre nous, je crois qu'elle n'aime pas son fils.
VAUTRIN.
n a fallu t*arracher cette parole du gosier comme on tire le bon*
chon d'une bouteille de vin de Bordeaux ! Il y a donc un secret
dans cette maison? Une mère, une duchesse de Montsorel qui
n'aime pas son fils, un fils unique ! Quel est son confesseur.
JOSEPH»
Elle fait toutes ses dévotions en secret
TAUTRRr.
Bien ! je saurai tout : les secrets sont comme les jeunes filles,
pinson les garde, mieux on les trouve. Je mettrai deux de mes
drMes dephatmià Saint-Thomas d'Aquia : ils ne kniat pat leur
salut, mais... ils feront antiechosa A^UcOr
th VAOTRn.
en proie à h fûUcut» à kfièwre, nos cooseib, j'ai penki la tète;
car, depuis, je ine suis dit qa'il n'aurait pas exécuté tes menaces.
En faisant nn pareil sacrifice, je savais que Femand serait paurre
et abandonné, sans nom, dans un pays inctnnn; mab je saYais
aussi qa*il vivrait, et qu'un jour je le retrouverais, dussé-je poor
cela remuer le monde entier f J*étais ^ joyeuse en rentrant, que
fm oublié de vous donner l'acte de naissance de Femand, que
Vambassadrice d'Espagne m*a enfin obtenu : portez-le sur vous
jusqu'à ce qu'il soit entre les mains de notre directeur.
MADEMOISELLE DE VAUDRET.
Le duc doit savoir déjà les démarches que vous avex faites, et
malheur à votre fils! Depuis son retour il s'est mis à travailler, ii
travaille encore.
LA DUCHESSE.
Si je secoue Fopprobre dont ii a essayé de me couvrir, si je re-
nonce à pleurer dans le silence, ne croyez pas que rien puisse me
faire plier. Je ne suis plus en Espagne ni en Angleterre, livrée à
un diplomate rusé comme un tigre, qui, pendant toute Témigra-
tion, a guetté mes regards, mes gestes, mes paroles et mon silence,
qui lisait ma pensée jusque dans les derniers replis de mon cœvr ;
qui m'entourait de son invisible espionnage comme d'un réseau de
fer ; qui avait fait de chacun de mes domestiques un geôlier incor-
ruptible, et qui me tenait prisonnière dans la plos horrible dé tou-
tes les prisons, une maison ouverte! Je suis en France, je vous ai
•etrottvée, j'ai ma charge à la cour, j'y puis parler : je saurai ce
qu'est devenu le vicomte de Langeac, je prouverai que, depuis le
10 août, il ne nous a pas été possible de nous voir, je dirai au roi
le crime commis par on père sur Théritier de deux grandes mai-
sons. Je suis femme, je suis duchesse de Montsorel, je suis mère!
nous sommes riches, nous avons un vertueux prêtre pour conseil
et le bon droit pour nous, et si j'ai demandé l'acte de naissance de
inon fils...
SCÈNE IX.
LIS MÊMES, LE DUC.
U ert entrô pendant que la duchesse prouonçatt les deniâves
DTTC.
G*est ponr noe le remettre, Ittadame.
Uk MJCHB89B.
Depnis qnaod, lioittieur, eotrez-^ous chez moi «an» vous faire
aaHDcn: €t sans m permîasîoa 7
U DUC.
Depuit qoe vous manquez à dos oon¥entioos« Madame; voua
aviez jmé de œ (aire aacone démarche pour retrouTer ce.....
TOCre fils.««. A cette conditioa seulement j'ai promis de le laisser
fifre.
Li. DUCHESSE.
£t n'y a-t-il pas plus d'honneur à trahir un pareil serment qnli
tenir tous les autres?
lis DUC.
Nous sommes dès lors dâiés tous deos de nos engagementi.
LA DUCHCS8V.
ATez-Toos respecté les tCVùts jusqu'à ce joor t
LS occ.
Oui, Madame.
LA DUCHESSB.
Yoos l'entendez, ma tante, et vous témoignereJE de cecL
lUDRHOlSELLE DF TAUDRET
Mais, Monsieur, n'avez-vous jamais pensé que Louise est inno*
ceate?
LE DUC.
Mademoiselle de Taudrey, vous devez le croire, vous I Et que
ne donnerai-je pas pour avoir cette opinion? Madame a eu vingt
ans pour me prouver son innocence.
LA DUCHESSE.
Depuis vingt ans, vous frappez sur mon cœur, sans pitié, sans
rdkhe. Vous n'étiez pas un juge, vous êtes un bourreau.
LE DUC
Madame, si vous ne me remetiez cet acte, votre Fernand aura
tout à craindre. A peine rentrée en France, vous vous êtes procuré
cette pièce, vous voulez vous en faire une arme contre moi. Vous
voulez donner à votre fils un nom et une fortune qui ne lui appar*
tiennent pas; voos voulez le faire entrer dans une famille où la
race a été conservée pure jusqu'à moi par des femmes sans lâche,
iamiUe qui ne compte pas une mésalliance..* I
LA OUCHBSSB. . '
«
Et que votre fib Albert continuera dignement '
LS DUT.
Imprudente I vous excitez de terribles souvenins. Et ce dernier
16 VÈvmtL
mot me dît assez que tous ne recnlerei pas devant on scandale qai
nous touTrira tons de bonf e. Irons-nous dérooler derant bs tri-
bunaux nn passé qui ne me laisse pas sans reproche, mais où tous
êtes infâme? (n Mtoanie ten mademotaelledii Taadray.) Elle ne TOUS a SanS
doute pas tout dit, ma tante? Elle aimait le vicomte de Langeac, je
le savais, je respectab cet amour, j'étais si jeune I Le vicomte vint
à moi : sans espoir de fortune, le dernier des enfants de sa maison,
il prétendit renoncer à Louise de Yaudrey pour elle-même. Con-
fiant dans lenr mutuelle noblesse, je l'accepte pure de ses mains.
Ah! j'aurais donné ma vie pour loi, je l'ai prouvé. Le misérable
fait, au 10 août, des prodiges de valeur qui le signalent à la rage
du peuple; je le confie à l'un de mes gens; il est découvert, tsnsk
l'Abbaye. Quand je le sais là, tout l'or destiné à notre fuite, je le
donne à ce Boulard, que je décide à se mêler aux septembriseurs
pour arracher le vicomte à la mort, je le sauve I (a madame de Montsorei.)
Et il a bien payé sa dette, n'est ce pas madame? Jeune, ivre
d'amour, violent, je n'ai pas écrasé cet enfant ! Vous me récom-
pensez aujourd'hui de ma pitié comme votre amant m'a récom-
pensé de ma confiance. Eh bien! voici les choses au point où elles
en étalent, il y a vingt ans — moins la pitié. Et je vous dirai
comme autrefois : Oubliez votre fils, il vivra.
MADEMOISELLE DE VAUDRET.
Et ses souOrances pendant vingt ans, ne les comptez-vous pour
rien?
LE DUC.
La grandeur du repenthr accuse la grandeur de la faute. '
LA DUCHESSE.
Ah! si vous prenez mes douleurs pour des remords, je vous
crierai pour la seconde fois : je suis innocente I Non, Monslear,
Langeac n'a pas trahi votre confiance; il n'allait pas mourir seule*
ment pour son roi, et depuis le jour fatal où il me fit ses adieux en
renonçant à moi, je ne l'ai jamais revu.
LE DUC
Vous avez acheté la vie de votre fils en me disant le contraire»
LA DUCHESSE.
Un marché conseillé par la terreur peut-il compter pour un aveo ?
LE DUC
Me donnez-vous cet acte de naissance?
U DUCHESSE.
Je ne l'ai plns^
ACTE I. n
Je ne réponds plus de votre fils. Madame.
LA DUCHBSSE.
Avez- TOUS bien pesé cette menace?
LB DUC.
Vous devez me connaître.
LA DUCHESSE.
Mais vous ne me connaissez pas, vousl Vous ne répondez plus
de mou (ils? eh bien! prenez garde au vôtre. Albert me répond
(les joui^ de Fernand. Si vous surveillez mes démarches, je ferai
surveiller les vôtres; si vous avez la police du royaume, moi, j'aurai
Dion adresse et le secours de Dieu ! Si vous portez un coup à Fer-
naod, craignez pour AUiert Blessure pour blessure ! Allez I
LE DUC
Vous êtes chez vous, Madame, je me suis oublié. Daignez m'ex-
cuser, j'ai tort
LA DUCHESSE.
Vous êtes plus gentilhomme que votre fils; quand il s'emporte,
il ne s'excuse pas, lui!
LE DUC, à part.
Sa résignation jusqu'à ce jour était-elle de la ruse? Attendait-
on le moment actuel? Oh! les femmes conseillées par les bigots
font des chemins sous terre comme le feu des volcans; on ne s'en
aperçoit que quand il éclate. Elle a mon secret, je ne tiens plus
ion enfant, je puis être vaincu. (ii lort.)
SCÈNE X.
Ui vAmbs, excepté LE DUC.
MADEMOISELLE DE VAUORET.
Louise, VOUS aimez l'enfant que vous n'avez jamais vu, vous
haïssez celui qui est sous vos yeux. Ah ! vous me direz vos rai-
sons de haine contre Albert, à moins que vous ne teniez plu$ à
mon estime ni à ma tendresse.
LA DUCHESSE.
Pas un mot de plus à ce sujet
MADEMOISELLE DE TAUDBET*
Le calme de votre mari, quand vous manifestez votre aversiui*
pour votre fib« est étrange»
Tfl. a
1 8 VACTRIll.
LA BUGHISSE.
Il y esthabitaé.
HADBHOISBLU DI TAUDEET.
Vous ne pouvez être mauvaise mère?
LA DUCHESSE.
MaaTaise mère ? Non. (Eiie rénéchu.) Je ne pub me résoudre I per
di*e votre aiïection. (Eiie rature i eiie.) Alberl n'est pas mon fils.
MADEMOISELLE DE VAUDBST.
Un étranger a usurpé la place* le nom, le titre, les biens du
véritable enfant?
LA DCCHBSSI.
Étranger, non. C'est son fils. Après la fatale nuit oà Fernand
me fut enlevé, il y eut entre le duc et moi une séparation éter-
nelle. La femme était aussi cruellement outragée que la mère.
Mais il me vendit encore ma ti*anquillité.
MADEMOISELLE DE TAUDRBT.
Je n*ose comprendre.
LA DUCSESSK.
Je me suis prêtée à donner comme de moi cet Albert, fenfanl
d'une courtisane espagnole. Le duc voulait un héritier. A travers
les secousses que la révolution française causait à FEspagne, cette
wpercherie n*a jamais été soupçonnée. Et vous ne voulez pas que
tout mon sang bouillonne à la vue du fils de l'étrangère qui occupe
la place de l'enfant légitime !
MADEMOISELLE DE TAUDEET.
Yoilà que j'embrasse vos espérances. Ah I je voudrais que voub
eussiez raison, et que ce jeune homme fût votre fils. Eh bien !
ê
qu'avez vous ?
LA Ducmssi.
Mais il est perdu, je l'ai signalé à son père, qui va le... Oh!
mais, que faisons-nous donc là 7 Je veux savoir où il demeure
aUer lui dire de ne pas venir demain matin icL
MAMUIOISILLB DE TAUDRST.
Sortir à cette heure, Louise, êtes-vons folle?
LA DUCHESSE.
Tenez ! car S faut le sauver à tout prix.
MADEMOISELLE DE TAUBMir»
Ou'allez-vous faire?
LA uuuinsi.
ucune de nous deux ne pourra sortir demalD sans être obwr-
ACTE 1, m
vée. Allons de¥dncer le dnc en achetant avant loi ma femme de
diaïubre
MÀDEHOISELLB DB YAIIDBET.
Ab! Louise l aUezriroitô eiiiplo]r^r de tek moyfiiiT
LA DUCHESSR.
Si Raoul est renfant désavoué par son pére« Tenfant que je
jpleure depuis vingt-deux ans, on verra ce que peut une femme»
me aère injustement accusée.
ACTE DEUXIÈME
décoration ane dans r«cie précédent.
SCÈNE PREMIÈRE.
JOSEPH, LE DUC.
Joseph achevé de taire le saloa.
JOSEPH, à part.
Couché si tard, levé si matin, et d^à chez Madame : il y a
«^uelque chose. Ce diable de Jacques aurait-il raison?
LB DUC
Joseph, je ne suis loisible que pour une seule personne ; si elle
se présente, vous l'introduirez ici. C'est un M. de Saint-Charles.
Sachez si Madame peut me recevoir, (joaephiort.) Ce réveil d*une
maternité que je croyais éteinte m'a surpris sans défense. U faut
que cette lutte encore secrète soit promptement étouffée. La ré-
signation de Louise rendait notre vie supportable ; mais elle est
odieuse avec de pareils débats. En pays étranger, je pouvais domi-
ner ma femme, ici ma seule force est dans l'adresse et dans le
concours du pouvoir. J'irai tout dire au roi, je soumettrai ma
conduite à son jugement, et madame de Montsorel sera forcée de
lui obéir. J'attendrai cependant encore. L'agent qu'on va m'en-
Toyer pourra, s'il est habile, découvrir en peu de temps les raisons
de cette révolte : je saurai si madame de Montsorel est seulement
la dupe d'une ressemblance, ou si elle a revu son fils après me
ravoir soustrait et s'être jouée de moi depuis douze ans. Je me
suis emporté cette nuit Si je reste tranquille, elle sera sans dé-
fiance et livrera ses secrets-
ACTE IL 21
JOSEPH^ rentrant.
Madame la dachesse ii*a pas encore sonné.
LE DUC
C'est bien.
SCÈNE II.
lOSEPH, LE DUC, FÉLICITÉ.
Le doc examine par contenance ce qu'il y a sur la table et troare nae lettre
dans un livre.
LE DUC.
< A mademoiselle Inès de GhrlstovaL » ai m lève.) Pourquoi
femme a-t elle caché une lettre si peu importante? Elle est sans
doute écrite depuis notre querelle. Y serait-il question de ce Raoul î
Cette lettre ne doit pas aller à Thôtei de Ghristoval.
VÈLlCnt, cherchant la lettre dans le livre.
OÙ donc est la lettre de Madame? Taurait-eile oubliée?
LE DUC.
Ne cbercheZ'YOUS pas une lettre ?
FÉLICITÉ.
Ah! — Oui, monsieur le duc.
LE DUC.
N'est-ce pas celle-ci?
FÉLICITÉ.
Précisément.
LE DUC.
Il est étonnant que vous sortiez au moment où Madpine ànût
ayoir besoin de vous; elle va se lever.
FÉLICITÉ.
Madame la duchesse a Thérèse ; et, d'ailleurs, je sors par scv
ordre.
LE DUC.
Ohl c'est bien, vous n'avez pas de comptes à me rendre.
n VAirmm.
SCÈNE m.
LE DUC, JOSEPH, SAlNT-CHÂRLES, FÉLICITÉ.
Joeepta et Saint-Cbarles arrivent par la porte du fond en s'étodiant attentiTenMnti.
JOSEPH j h part.
Le regard de cet homme est bien malsain pour moL (An due.).
II. le cbeYaBer de Saint-Charlea.
(Le duc fait signe que Saint-Charles pent approcber et l'examine.)
SAINT-CHARLES^ lui remet une letire. A part.
A-t-il eu connaissance de mes antécédents, ou veut-il seulemenl>
M flcrvir de Salat-Charies ?
LB sue
Mon cher...
SAIITT-CHARLES, k VêêL
Je ne suis que Saint-Charles.
LE DUC.
On vous recommande à moi comme un homme dont l'habileté,
sur un théâtre plus élevé, devrait s'appeler du génie.
SAINT-CHARLES.
Que* monsieur le duc daigne m'ofînr une occasion, et je ne dé-
mentirai pas ce qu'une telle parole a de flatteur pour moi.
LE DCG.
A l'instant môme.
SAINT CHARLES.
Que m'ordonnez-vous?
LE DUC.
Vous voyez cette fille, elle va sortir, je ne veaz pas l'en empê-
cher ; elle ne doit pourtant pas franchir la porte de mon hôlel.
jusqu'à nouvel ordre. (Appelant.) Félicité !
FÉLIQTÉ.
Monsieur le duc. (Le duc lol remet la lettre, elle sort.)
SAINT-CHARLES^ Il Joseph.
Je te connais, je sais tout : que cette iîlle reste à l'iiôtel avec J»
lettre, je ne te connaîtrai plus, je ne saurai rien, et te laisse dans
cette maison si tu t'y comportes bien.
JOSEPH; à part.
L'un d'un côté, Jacques Gollin de l'autre, tâchons de les servir
tous deux honnêtemenL (losepn sort, courant après Félicité.)
SCÈNE IV.
U DUC, SAII4T-GHARLES.
8AINT-CHÂBLB8»
(Test bit, monaeur Je doc Désirez-vous savoir ce que coniient
Illettré!
LB DUC.
Mais, moa cher» tous exercez une puissance terrible et mira-
culeiise.
SàINT-CHÀHLES.
Vous nous remettez nn pouvoir absolu, nous en usons avec
U DUC
Et si vous en abusez?
SÀIIfT-CUARLES.
Impossible : on nous briserait.
LE DUC.
Gomment des hommes ^oués de facultés si précieuses les exer-
cent-ils dans une pareille sphère?
SAINT-CHARLES*
Tout s*oppose à ce que nous en sortions : nous protégeons nos
protecteurs, on nous avoue trop de secrets honorables, et l'on nous
en cache trop de honteux pour qu'on nous aime ; nous rendons de
tels services, qu'on ne peut s'acquitter qu'en nous mépnsaut. On
veat d'abord que pour nous les choses ne soient que des mots :
ainsi la délicatesse est une niaiserie, l'honneur une convention^ la
traîtrise diplomatie! Nous sommes des gens de confîance; et ce-
pendant l'on nous donne beaucoup à deviner. Penser et agir, dé-
chiffrer le passé dans le présent, ordonner l'avenir dans les plus
petites choses, comme je viens de le faire, voilà notre programme,
il épouvanterait un homme de talent. Le but une fois atteint, les
mots redeviennent des choses, monsieur le duc, et l'on commence
à soupçonner que nous pourrions bien être infâmes.
LX DUC.
Tout ceci, mon cher, peut ne pas manquer de justesse; maïs
vous n'espérez pas, je crois, laire changer l'opinion du monde, ni
la mienne!
2^ VAUTRIBr,
SAINT-CHARLES.
Je serais un grand sot, monsieur le duc. cse n*est pas Topinion
d'autrui, c'est ma position que je voudrais faire changer.
LE DUC.
£t, selon vous, la chose serait très-facile?
SAINT-CHARLES.
Pourquoi pas, Monseigneur? Au lieu de surprendre des secrets
de famille, qu'on me fasse espionner des cabinets; au lieu de sur-
veiller des gens flétris, qu'on me livre les plus rusés diplomates;
au lieu de servir de mesquines passions, laissez-moi servk le gou-
vernement : je serais heureux alors de cette part obscure dans une
œuvre éclatante... Et quel serviteur dé\oué vous auriez, monsieur
le duc!
LE DUC
Je suis vraiment désespéré, mon cher, d'employer de si grandis
/alents dans un cercle si éti oit, mais je saurai vous y juger» et plus
tard nous verrons.
SAINT-CHARLES^ à part.
Ah I nous verrons? — C'est tout vu*
LE DUC
Je veux marier mon fils...
SAINT-CHARLES.
A mademoiselle Inès de Ghristoval, princesse d'Arjos, beau ma-
riage ! Le père a fait la faute de servir Joseph Buonaparté, il est
banni par le roi Ferdinand, serait-il pour quelque chose dans b
révolution du Mexique 7
LE DUC
Madame de Ghristoval et sa fille reçoivent un aventurier qui a
nom...
fiAINT-CHARLIS.
Raoul de FrescaSi
LE DUC.
Je n'ai donc rien à vous apprendre?
SAINT-CHARLES.
Si monsieur le duc le désire, je ne saurai rien.
LE DUC
Parlez, an contraire, afin que je sache quels sont les secrets que
vous nous permettez d'avoir.
SAINT-CHARLES.
Convehous d'une chose« monsieur le duc : quand ma franchise
ACTE IL 25
TOUS déplaira, appelez-moi chevalier, je rentrerai dans l'humblu
Ole d'observateur payé.
LB DUC.
Gontinaez, mon cher. (Apart.) Ces gens-là sont bien amusants T
SAINT-CHARLES.
M. de Frescas ne sera ua aventurier que le jour où il ne pourra
lias mener le train d'un homme qui a cent mille livres de rente.
LE DUC.
Qael qu'il soit, il faut que vous perciez le mystère dont il s'en-
leloppe.
oAINT-CHAHLES.
Ce que demande monsieur le duc est chose difficile. Nous som-
mes obligés à beaucoup de circonspection avec les étrangers, ils
sont les maîtres; ils nous ont boulcvei^é notre Paris.
LE DUC
Ah I quelle plaie I
SAINT -CHARLES.
Monsieur le duc serait de l'opposition?
LE DUC
J'aurais voulu ramener le roi sans son cortège, voilà tout
SAINT-CHARLES.
Le roi n'est parti, monsieur le duc, que parce qu'on a désor-
ganisé la magnifique police asiatique créée par Buonaparté! On
veut la faire aujourd'hui avec des gens comme il faut, c'est à don-
ner sa démission. Entravés par la police militaire de l'invasion,
nous n'osons arrêter personne, dans la crainte de mettre la main
sur quelque prince en bonne fortune ou sur quelque margrave qui
a trop dîné. Mais pour vous, monsieur le duc, on fera l'impos-
sible. Ce jeune homme a-t-ii des vices? Joue-t-il?
LE DUC
Ooi, dans le mondé.
SAINT-CEÂRLES.
Loyalement?
LB DUC
Monsieur le chevalier...
SAINT-CHARLES.
Ce jeune homme doit être bien riche.
LB DUC
Prenez vous-même vos informations
26 TAIiTRUL
ftiimr-auKLis.
Pardon, monsienr le duc; mais, sans les passions, nous ne pour-
rions pas savoir grand*chose. Monsieur le duc serait-il assez boa
pour me dire si ce jeune liomme aime sincèrement mademoiselk
de ChristoTal?
Il ODC
Une princesse! one héritière ! Vous m^inqoiétez. mon cher*
SAINT-CHARLES.
Monsieur le duc ne m- a-t-il pas dit que c'était un jeune homme?
D'ailleurs, Famour feint est plus parfait que l'amour véritable :
voilà pourquoi tant de femmes s'y trompent! Ha dû rompre alors
avec quelques maltresses, et délier le cœur, c'est déchaîner la
langue.
LE DUC
Prenez garde ! votre mission n^est pas ordinaire, n'y mêlez point
de femmes : une indiscrétion vous aliénerait ma bienveillance, car
tout ce qui regarde M. de Frescas doit mourir entre vous et moi.
Le secret que je vous demande est absolu, il comprend ceux que
vous employez et ceux qui vous emploient EnGn, vous seriez
perdu, si madame de Montsorel pouvait soupçonner une seule de
vos démarches.
SAINT-CHARLES.
Madame de Montsorel s'intéresse donc à ce jeune homme? Dois-
je la surveiller, car cette fille est sa femme de chambre.
LE DUC.
Monsieur le chevalier de Saint-Cliarles, l'ordonner est indigne de
moi, le demander est bien peu digne de vous.
SAINT-CHARLES.
Monsieur le duc, nous nous comprenons parfaitement. Quel est
maintenant Tobjet principal de mes recherches?
LE DUC
Sachez si Raoul de Frescas est le vrai nom de ce jeune homme;
sachez le lieu de sa naissance, fouillez toute sa vie, et tenez tout
ceci pour un secret d'État.
SAINT-CHARLES.
Je ne vous demande que jusqu'à demain, Monseignenr.
LE DUC
C'est peu de temps.
SAINT-CHARLES.
Non, monsieur le duc, c'est beaucoup d'ai^gent
ACTE n. 27
LI DUC
Ne croyez pas qae je déâre savoir des choses mauvaises; votre
habitude, à vous autres, est de servir les passions aa fieu de les
éclairer, vous aimez mieux iuventer que de n'avoir rien à dire. Je
Krais enchanté d'jtpprendre que ce jeune homme a une famille. ••
(!• maïqals #lttre, v«lt floo pfra occupé «t Mi MM déaMMlritiMi pMT «itin
lednonavlteàiestarO
SCÈNE Y.
us MÉMis, LE MARQUIS.
IX ffOCy continuant.
Si M. de Frescasest geniilhomme, si la priocease d'Aijos is pré-
fère décidément à mon fils, le marquis se retirera.
LE MARQUIS.
Mais j'aime Inès, mon père.
LE DUC) & Saint-Chailef.
* Adieu, mon cher.
s/^nrr-CHARLES > à put.
n ne s'intéreresse pas au mariage de son fib, Il ne peut plus
être jaloux de sa femme ; il y a quelque chose de bien grave : ou
je suis perdu, ou ma fortune est refaite. (u sort.)
SCÈNE YI.
LE DUC, LE MARQUIS.
LE DUC.
Epouser une femme qui ne uousaime pas est une faute, Albert,
que, moi vivant, vous ne couuaeitrez jamais.
LE MARQUIS.
Mais rien ne dit encore, mon père, qu*Inès repousse mes vœux;
et d'ailleurs, une fois qu'elle sera ma femme, m'en faire aimer est
mon affaire» et, sans trop de vanité, je puis croire que je réussiiai.
Ui DUC.
Laissez-moi vous dire, mon fils, que ces opinions de mousque-
taire sont ici loiU à lait déplacées.
VAUTRUL
LE MARQUIS.
En toute autre chose, mon père, vos' paroles seraient des arréis
pour moi, mais chaque époque a son art cVaimcr..! Je vous ou
conjure, hâtez mon mariage. Inès est volonta/re coroiiie une fillc
aoîque, et la complaisance avec laquelle elle accueille l'auiourd'uii
aventorier doit vous inquiéter. En vérité, vous êtes ce matin d'une
froideur inconcevable. Mettez à part mon amour pour Inès,
puis-je rencontrer mieux? Je serai, comme vous Têtes, grand
d'Espagne, et de plus je serai prince. En seriez-vous donc fâché,
mon père 7
LK DUC^ ft part.
Le sang de sa mère reparaîtra donc toujours I Oh ! Louise a bien
su deviner où je suis blessé ! (Haut.) Songez, Monsieur, qu'il n'y a
vîen au-dessus du glorieux titre de duc de Montsorel.
LE UABQUIS.
?ous aurais-je offensé?
LE DUC.
Assez! Vous oubliez que j'ai ménagé ce mariage dès mon séjour
en Espagne. D'ailleurs, madame de Christoval ne peut pas marier
Inès sans le consentement du père. Le Mexique vient de proclamer
um indépendance, et cette révolution explique assez le retard de
la réponse.
LE UABQUIS.
Eh bien I mon père, vos projets seront déjoués. Vous n'avez
donc pas vu hier ce qui s'est passé chez l'ambassadeur d'Espagne ?
Ma mère y a protégé visiblement ce Raoul de Frescas, Inès lui en
a su gré. Savez- vous la pensée longtemps contenue en moi et qui
s'est fait jour alors ? c'est que ma mère me hait ! Et, je ne puis le
dire qu'à vous, mon père, à vous que j'aime, j'ai peur qu'il n'y ait
rien là pour elle.
LE DUC^ à part.
Je recueille donc ce que j'ai semé : on se devine pour la haine
aussi bien que pour l'amour ! (au marquis.) Mon fils, vous ne devez
pas juger votre mère, vous ne pouvez pas la comprendre. Elle a vu
chez moi pour vous une tendresse aveugle, elle tâche d'y remédier
par sa sévérité. Que je n'entende pas une seconde fois semblables
paroles, et brisons là! Vous êtes aujourd'hui de service au château,
allez-y promptement : j'obtiendrai une permission pour ce soir, et
vous serez libre d'aller au bal retrouver la princesse d'Arjos.
iICTB U. 2&
LE IfARQUlS.
Avant de partir, ne pais-je voir ma mère, pour b supplier de
^rendre mes intérêts auprès dlnèsqui doit la venir voir ce matin?
LE DUO.
Demandez si elle est visiUe, je Tattends moi-même. (Le marqnig tort.i
fout m'accable à la fois; hier Tambassadenr me demande oà est
mort mon premier fils ; cette nuit, sa mère croit l'avoir retrouvé ;
ce matin, le fils de Juana Mendès me blesse encore! Ah ! d'instinct
la princesse le devine. Les lois ne peuvent jamais être impuné-
fTient violées, la nature n'est pas moins impitoyable que le monde.
Serai-je assez fort, même avec l'appui du roi, pour conduire les
événements?
SCÈNE YII.
LE MARQUIS, LA DUCHESSE DE MONTSOREL, LE DUC.
LJL DUCHESSE.
Des excuses ! Mais, Albert, je suis trop heureuse. Quelle sur*
prise I vous venez embrasser votre mère avant d'aller au château,
uniquement par tendresse. Ahl si jamais une mère pouvait dou-
ter de son fils, cet élan, auquel vous ne m'avez pas habituée, dis-
liperait toute crainte, et je vous en remercie» Albert Enfin nous
Doos comprenons.
LE MARQUIS.
Ala mère, je suis heureux de ce mot-là; si je paraissais man-
quer Il un devoir, ce n'était pas oubli, mais la crainte de vous dé-
plaire.
LA DUCHESSE^ apercerant le due.
Eh qnm! vous aussi, monsieur le duc, comme votre fils, vous
?0D8 vous êtes empressé... Mais c'est une fête aujourd'hui que
mon lever.
LE DUC.
Et que vous aurez tous les jours.
LA DUCHESSE, an due.
Ah! je comprends. •• (au marquis.) Adieu! le roi devient sévère
pour sa maison rouge, je serais désespérée d'être la cause d'une
léprimande.
M VACTBIS.
LB DUC
Pourquoi le reuvoyer? Inès va venir.
LA DllCtiESSB.
Je ne le pense pas» Je viens de lui écrire.
SCÈNE yni.
us «Shis, JOSEPH.
JOSEPH, nmonçant.
Bladame la ducbesse de Christoval et la princesse d'Aijos.
LA DUCHESSE, à part.
Quelle affreuse contrariété....
LE DUC, à son flls.
Reste, je prends tout sur flK>î. Nous sommes joués.
SCÈNE IX.
LU MÉMBS, LA DUCHESSE DE CHKISTOVAL, LA PRINCESSE D'ARJOS.
LA DUCHESSE DE HOIfTSOItEL.
Ahf Madame, c'est bien gracieux à vous de m*avoir derancfe.
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAI .
Je suis vcmie ainsi pour qo^il ne sott jauvi» qpaéott d*éli»
quette entre nous.
LA DUCHESSE DE UO^TTSOREL^ à fBte.
Tous n'avez pas In cette lettre?
I5fiS.
Une de vos femmes me la remet à Tinstant
LA DUCHESSE DE ■O.fTSOREL, k part.
Ainrf, Raoul peut venir.
Ld WiCy a la cacbfSK dp CThffato val, fa dfUéMsÊt^ av 6MHiip^.
Nous est-il permis de voir dans cette visite sans cérénonie ■■
mmencement à notre intimîlé de famille?
LA DUCHESSE DK CHKISTOirAL.
Ne donnons pas tant d'iiupturtaiice à œ que je regarde comme
U ■AlQlIll.
Vous craignez donc bien, madame, d'encourager
ACTB 11 n
rancës?N*ai-je donc pas été assez malbenrenx hier? Mademoiselle
ii« m'a rien accordé, pas même un regard.
INÈS.
Je ne pensais pas, Monsienr, avoir le plairfr de tous rencon-
trer sitôt , je Tons croyais de service ; je suis toute iieureuse de
me jastîQer; je ne vous ai aperçu quVn sortant du l)al, et mon
excuse (elle montre la duebese de Hontsorel) , la VOlcî.
lE MARQUIS.
Tous avez deux excuses, MademoiseDe, et je vous sais un gré
infini de ne parler que de ma mère.
LE DUC
niademoiselle, ne voyez dans ce reprodie qu'une excessive mo-
destie. Albert a des craintes comme si M. de Frescas devait lui
en inspirer I A son ^e, la passion est une fée qui grandit di^s
riens. Mais ni votre mère, ni vous. Mademoiselle, vous ne pou-
Yfi prendre au sérieux un jeune bomme dont le nom est problé-
matique et qui se tait si soigneusement sur sa famille.
LA DUCRESSl DE lfO!fTSO&EL9 à la doehctse de Cbrist^nl.
Xgporez-vcuis égaiemenl le lieu de sa naissance?
LA DUCUESSE DE CHRISTOVAL.
Nous n'en sommes pas encore à lui demander de semblable!
reoseiguemeAts*
LE DUC.
Nous sommes cependant trois ici qui ne serions pas fôchés de les
avoir. Vous seules. Mesdames, seriez discrètes : la discrétion est
une vertu qui ne profite qu'à ceux qui la recommandent.
LL DUCUESSE DE MO"' . 0AEL.
Et moi. Monsieur, je ne crois pas à l'innocence de certaines
cunosiiés.
LE MARQUIS.
Ha mèrie, la Boôenne est-elle donc hors de propos ? £t ne pnis-je
m'enqucnr auprès de Madame si les Frescas d'Aragon ne sont paa
éteints?
LA DDCBBSSB DE CURISTOVAL^ au dm.
Nous avons connu tous deux le vieux commandeur à Madrid, Is
lemier de cette maison.
LE DUC
n est murC nécessairement sans enfant
llfSS.
Man 0 exbte une branche à NapleSi
32 VAUTRIN.
LE VARQUIS*
Oh! Mademoiselle, comment ignorez-TOUs que les Médina-Cœli»
vos cousins, en ont hérité?
LA DUCHESSE DE CHRI8T0VAL,
iMais TOUS avez raison, il n*y a plus de Frescas.
LA DUCHESSE DE MONTSOREU
Eh bien! si ce jeune homme est sans nom, sans famille, sani
pays^ ee n'est pas un rival dangereux pour Albert, et je ne vois
pas pourquoi vous vous en occupez.
LE DUC.
Mais il occupe beaucoup les femmes.
INÈS.
Je commence à ouvrir les yeux...
LE MARQUIS.
Ah !...
INÈS.
... Oui, ce jeune homme n'est peut-être point tout ce qu*il
veut paraître : il est spirituel, il est même instruit, n'exprime que
lie nobles sentiments, il est avec nous d'un respect chevaleresque,
il ne dit de mal de personne; évidemment, ii joue le gentilhomme,
et il cxr.gère son rôle.
LE DUC.
11 cxagôrc aussi, je crois, sa fortune; mais c'est un mensonge
difficile à soutenir longtemps à Paris.
LA DUCHFSSE DE MONTSOREL, à la duchesse de Chrtotoral.
Vous allez, m'a-t-on dit, donner des fêtes superbes?
LE MARQUIS.
M. de Frescas, Mesdames, parle-t-il espagnol?
INÈS.
Absolument comme nous.
LE DUC.
Taisez-vous, Albert : ne voyez-vous donc pas que M. de Fres-
cas est un jeune homme accompli?
LÀ DUCHESSE DE CHRISTOYAL.
Il est vraiment très-aimable, et si vos doutes étaient fondés, j e
TOUS avoue, mon cher duc, que je serais presque chagrine de ne
plus le recevoir.
LA DUCQESSS DE MONTSOREL, kUdacheMedeCliristOTal.
Vous êtes aussi belle ce matin qu'hier; vraiment j^admire que
TOUS résistiez ainsi aux fatigues du monde.
ACTE IL 3S
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL^ à Inès.
Ma fille, ne parlez plus de M. de Frescaa, ce sa 'et de conversa-
tion déplaît à madame de Montsorel.
ufis.
Il lui plaisait hier.
SCÈNE X.
LIS MÊMES, JOSEPH, RAOUL.
JOSEPH^ à la duchesse de Uontsorel.
Mademoiselle de Yaudiey n*y est pas, M. de Frescas se présentai
madame la duchesse veut-elle le recevoir?
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL.
RaonU ici!
LB DUC.
Déjà chez elle !
LE MARQUIS^ ft son père.
Ua mère nous trompe.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Je n*y sais pas.
LE DUC.
Si vous avez déjà prié^. de Frescas de venir, pourquoi com-
mencer par une impolitesse avec un si grand personnage? (u do*
chesse de Montsorel fUt un geste. A Joseph.) Faites entrer! (An marquis.) SoyCZ
prudent et calme.
LA DUCHESSE DE UONTSOREL^ k part-
En voulant le sauver, c*est moi qui l'aurai perdu.
JOSEPH.
M. Raoul de Frescas.
RAOUL.
Mon empressement à me rendre à vos ordres vous prouve, ma-
dame la duchesse, combien je suis fier de cette faveur et désireux
de la mériter.
LA DUCHESSE DE UONTSOREL.
Je vous sais gré. Monsieur, de votre exactitude, (a part, bas.) Mais
elle peut vous être funeste.
RAOULy saluant la duchesse de CbristoTal et sa fille, k part.
Comment! Inès chez eux?
(Raoul salue le duc, qui lui rend son saint: mais le niarqnls a pris les joaroaif
sur la table, et Teint de ne pas voir Raoul.)
TU. 3
3 '4 VAUTRUI.
LE DUC.
Te ne m'attendais pas, je vous Favoue, Monsieur de Frescas,
cous rencontrer chez inadanic de iMontsorel; mais je suis heureux
de Fintérêt qu*elie tous témoigne, puisqu'il me procure le plaisîi
de voir un jeune homme dont ie début obtient tant de succès et
jette tant d*éclat. Vous êtes un de ces rivaux de qui Ton est fier si
Ton est vainqueur, et par lesquels on peut être vaincu sans trop
de déplaisir.
RAO'JL.
Partout ailleurs que chez vous, monsieur le duc, l'exagération
de ces éloges, auxquels je me refuse, serait de Tironie : mais il
m'est impossible de ne pas y voir un courtois désir de me mettre
à Taise (en regardant le marquis qui lui tourne le dos}, Ik OÙ je pOUVais me
croire importun.
LE DUC.
Vous arrivez, au contraire, très à propos, nous parlions de votre
famille et de ce vieux comaïauileur de Frescas que Madame et
moi avons beaucoup vu jadis.
RAOUL.
Vous aviez la bonté de tous occuper de moi; mais c'est un hon-
neur qui se paye ordinairement par un peu de médisance.
LS DUC.
On ne peut dire du mal que des gens qu'on connaît bien.
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Et nous voudrions bien avoir le droit de médire de Toas.
RAOUL.
Il est de mon intérêt de conserver vos bonnes grâces.
LA DUCHESSE DE UONTSOREL.
Je connais un moyen sûr.
RAOUL.
Et lequel 7
LA DUCHESSE DE UONTSOREL.
Restez le personnage mystérieux c|ue vous êtes.
LB MARQUIS y revenant avec un Journal.
Voici, Mesdames, quelque chose d'étrange : chez le feld-raaré-
c'^I, où vous étiez sans doute, on a surpris un de ces soi-disant
seigneurs étrangers qui volait au jeu.
INÈS.
Bt c'est là cette grande nooTelle qui vous absorbailT
ACTE n. S5
mAOUL.
En ce moment, qui est-ce qui n'est pas étranger?
Ll MARQUIS.
Mademoiselle, ce n'est pas précisément la nouTelle qoi me préoc-
rope, mais Tinconcevable facilité avec laquelle on accueille des
geos sans savoir ce qu'ils sont ni d'où ils viennent
LA DUCHESSE DE MONTSOBBL, à pnC
Veulent-ils l'insuiter chez moi 7
RAOUL.
S'il faut se défier dos gens qu'on connaît peu, n*en est -il pas
qu'on connaît beaucoup trop en un instant?
LE DUC.
Albert, en quoi ceci peut-il nous intéresser? Admettons-nous
jamais quelqu'un sans bien connaître sa famille?
RAOUL.
Monâeur le duc connaît la mienne.
LE DUC.
Vous Ctes chez mp^dame de Montsorel, et cela me suffit Nous
savons trop ce que nous vous devons, pour qu'il vous soit possible
d'oublier ce que vous nous devez. Lt nom de Frescas oblige, et
TOUS le portez dignement .
» LA DUCHESSE DE CHRIST07AL, à Raoul.
Ne voulez vous pas dire en ce moment qui vous êtes, sinon
pour vous, du moins pour vos amis ?
RAOUL.
Je serais au désespoir. Messieurs, si ma présence id devenait la
cause de la plus légère discussion ; mais comme certains ménage-
ments peuvent blesser autant que les demandes les plus directes,
nous finirons ce jeu, qui n'est digne ni de vous ni de moL Madame
la duchesse ne m'a pas, je crois, invité pour me faire subir des in-
terrogatoires. Je ne reconnais à personne le droit de me demander
compte d'un silence que je veux garder.
LE MARQUIS.
Et nous laissez- vous le droit de l'interpréter?
EAOUL.
Si je réclame la liberté de ma conduite, ce n'est pas pour en*
chaîner la vôtre.
LA DUCHESSE DE MOXÎSOREL.
U y va, Monsieur, de votre dignité de ne rien répondre.
86 VAUTADI.
LB DUC^ à Raoui.
Vons êtes na noble jeune homme, vous avez des distinctions
naturelles qui signalent en vous le gentilhomme, ne tous offensez
pas de la curiosité du monde : elle est notre sauvegarde à tous.
Votre épée ne fermera pas la bouche à tous les indiscrets, et le
monde, si généreux pour des modesties bien placées, est impi-
toyable pour des prétentions injustifiables...
RAOUL.
Monsieur!
LA DUCHESSB DE MONTSORBL^ Tiyement et bas à Raoul.
Pas un mot sur votre enfance; quittez Paris, et que je sacôe
seule où vous serez... caché î II y va de tout votre avenir.
LE DUC
Je veux être votre anu, moi, quoique vous soyez le rivai de ummi
fils. Accordez votre confiance II un homme qui a celle de son roL
Gomment appartenez-vous à la maison de Frescas, que nous
croyions éteinte 7
RAOUL^ au duc.
Monsieur le duc, vous êtes trop puissant pour manquer de pro-
tégés, et je ne suis pas assez faible pour avoir besoin de protecteuis.
LA DUCHESSB DE CHRISTOTAL.
Monsieur, n*en veuillez pas à une mère d'avoir attendu celte
discussion pour s'apercevoir qu'il y avait de l'impruUence à vous
admettre souvent à Thôtel de Ghristoval.
INÈS.
Une parole nous sauvait, et vous avez gardé le silence : il y a
donc quelque chose que vous aimez mieux que moi 7
RAOUL.
Inès, je pouvais tout supporter, hors ce reproche ! (a part) O ! Yao-
trin, pourquoi m'avoir ordonné ce silence absolu 7 (ii salue les femmes.
k la duchesse de Montsorci.) Yous me devez compte de tout mon bonheuK
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Obéissez-moi, je ré]X)nds de tout
RAOUL^ au marquis.
le suis à vos ordres, Monsieur.
LE MARQUIS.
Au revoir^ monsieur RaouL
RAOUL.
De Frescas, s'il vous plait *
LE MARQUIS.
De Frescas, soit ! l'Asoui R>rt.)
ACTE II. 57:
SCENE XI.
us lÉHES, excepté RAOUL.
LA DUCHBSSB DE MONTSOREL^ à la duchesse de Ghrfstoval.
Yoas ayez été bien séyère.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Vous ignorez, Madame, que ce jeune hoinine s*est pendaat trois
mois trouYé partout où allait ma fille, et que sa présentation s'est
fûte un peu trop légèrement peut-être.
LE DUC> il la duchesse de Chiistoval.
On pouvait facilement le prendre pour un prince déguise.
LE MARQUIS.
N'est-ce pas plutôt un homme de rien qui voudrait se déguiser
en prince?
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Votre père vous dira. Monsieur, que ces déguisements-là sont
bien diflSdies.
INÊSy au marquis.
Un homme de rien» Monsieur 7 On peut nous élever, mais nous
ne savons pas descendre.
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL.
Que dites- vous, Inès?
INÈS.
Mais il n'est pas là, ma mère ! Ou ce jeune homme est insensé,
00 ces messieurs ont voulu manquer de générosité.
MADAME DE CHRISTOTAL, à la duchesse de Uontsorel.
Je comprends. Madame, que toute explication est impossible,
surtout devant M. de Montsorel ; mais il s'agit de notre honneur»
ctje vous attends.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
A demain donc.
(M. de Montsorel reeondalt la duchesse de Christoyal et sa flUe.)
SCÈNE xn.
LE MARQOIS, LE DUC.
LE MARQUIS.
Mcn père, l'apparition de cet aventurier vous cause, ainsi qu «
M VAUTRIN.
ma mère, des émotions bien violentes : on dirait qu*au lieu d un
mariage compromis, vos existences' cUes-mômes sont menacées.
La duchesse et sa fille s'en vont frappées...
LE DUC.
Ahl pourquoi sont-elles venues au milieu de ce débat?
LE MARQUIS.
Ce Baoul vous intéresse donc aussi T
LE DUC.
Et toi donc? Ta fortune, ton nom, ton avenir et ton mariage .
tout ce qui est plus que la vie, voilà ce qui s*est joué devant toi !
LE MARQUIS. ^
Si toutes ces choses dépendent de ce jeune homme, j*en aurai
promptement raison.
LE DUC.
Un duel, malheureux! Si tu avais le triste bonheur de le tuer,
c'est alors que la partie serait perdue.
LE MARQUIS.
Que dois-je donc faire?
LE DUC
Ce que font les politiques : attendre!
LE MARQUIS.
Si vous êtes en péril, mon |)èie, croyez-vous que je puisse res-
ter impassible?
LE DUC
Laissez-moi ce fardeau, mon fils, il vous écraserait.
LE MARQUIS.
Ahl vous parlerez, mon père, vous me direz..»
LE DUC.
Rien! nous aurions trop à rougir tous deux.
SCÈNE XIIL
LES MÊMES, VAUTRIN.
VaatriQ est habillé tout en noir il afTecte un air de componction, et d'bomfliti
pendant une partie de la scène.
VAUTRIN.
Monsieur le duc, daignez^ m'excnser d'avoir forcé votre porte,
mais (bas et à lui seul) Dous venons d*être Tun et l'autre victimes d'un
ACTE n. S9
^bos de confiance... Permettez-moi de yoosdiredenx mots à tous
LE DUCy folsant un signe à son flis, qui le leUie.
Parlez, Monsieur.
TAUTRm.
. Monsieur le duc, en ce motnent, c'est à qui s'agitera pour ob-
tenir des emplois, et cette ambition a gagné toutes les classes.
Chacun en France veut être colonel, et je ne sais ni où, ni com-
Oient on y trouve.des soldats. Vraiment, la société tend à une dis-
solution prochaine, qui sera causée par cette aptitude générale
pour les hauts grades et par ce dégoût pour Finfériorité. .« Voilà le
fruit de Tégalité révolutionnaire. La religion est le'seul remède à
opposer à cette corruption.
LE DUC.
Où voulez-vous en venir ?
YAUTRÎIT.
Pardon, il m'a été impossible de ne pas expliquer à Thomme
d'État avec lequel je vais travailler la cause d'une méprise qui me
chagrine. Avez-vous, monsieur le duc, confié quelques secrets à
celui de mes gens qui est venu ce malin à ma place dans la folle
pensée de me supplanter et dans Tespoir de se faire connaître de
TOUS en vous rendant service 7
LE DUC.
Gomment., vous êtes le chevalier de Saint-Charles?
VAUTRIN.
Monsieur le duc, nous sommes tout ce que nous voulons être.
Ni lui, ni moi n'avons la simplicité d'être nous mêmes... nous y
perdrions trop.
LE DUC.
Songez, Monsieur, qu'il me faut des preuves.
VAUTRIN.
Monsieur le duc, si vous lui avez confié quelque secret impor-
tant, je dois le faire immédia emcnt surveiller.
LE DUC , h part.
Oelui-ci a l'air, en effet, bien plus honnête homme et plus posé
^e l'autre.
YAurmif.
Nous appelons cela de la contre-police.
X.I DUC
Vous auriez dû. Monsieur, ne |;^s venir ici sans pouvoir justi-
fier vos assertions.
40 VAUTRIBI.
TAUTRIir.
Monsieur le duc, j'ai rempli mon deToir. Je souhaite que Tarn-
kition de cet homme, capable de se vendre au [dus offrant, tous
«oit utile.
U DUC^ à part.
Comment peut-il savoir si promptement le secret de mon entre-
vue de ce matin?
YÂUniK, à part.
Il hésite : Joseph a raison, il s*agit d*un secret important
LE DUC
Monsieur. ••
TAUTRIN.
Monsieur le du&..
LE DUC.
Il nous importe à l'un comme à l'autre de confondre cet homme;
VAUTRIN.
Ce sera dangereux, s'il a votre secret; car il est rusé.
LB DUC.
Oui, le drôle a de l'esprit
VAUTtUf.
Â-t-il une mission T
JX DUC.
Rien de grave : je veux savoir ce qu'est au fond un M. de Frescas.
VAUTRIN^ à part.
Rien que cela ! (Haut.) Je puis vous le dire, monsieur le duc,
Raoul deFrescas est un jeune seigneur dont la famille est compro-
mise dans une affaire de haule trahison, et qui ne veut pas porter
le nom de son père.
U DUC
Il a un père?
▼AiïiKm.
U à un père.
u DUC.
Et d'où vient-il T quelle est sa fortune?
VAUTRIN.
Nous changeons de rôle, monsieur le duc, et vous me permettrez
de ne pas répondre jusqu'à ce que je sache quelle espèce d'intérêt
fOti*e Seigneurie porte à M. de Frescas.
u DUC,
Vous vous oubliez, Monsieur.. • '
ACTE IL
u\
TAUTRIIf^ quittant son air hiimbto.
Oui, monsieur le duc, j'oublie qu'il y a une distance énorme
entre ceux qui font espionner et ceux qui espionnent
LB DUC.
Joseph!
YAUTRIN.
Ce doc a mis des espions après nous, il faut se dépêcher.
(Vautrin disparaît dans la porte de oOté, par laquelle U est entré au premier acte.)
LE DUC, reyenant.
Vous ne sortirez pas d'ici. £h bien ! où est-il? (n sonne et josepii
parait.) Faites fermer toutes les portes de mon hôtel, il s'est intixf *
(luit un homme icL Allons, cherchez-le tous, et qu'il soit arrêté.
(Il entre cbei la ducbesse.)
J06BPH. regardant par la peUte pncle.
0 est déjà loin.
nu mj DKUXIÈMK ÂCOm
■i t,^9\*'-—
ACTE TROISIÈME
liu fBton ebei Raoul de FicMai.
SCÈNE PREMIERE.
LAFOURAILLE, seul.
Feu mon digne père, qui roe recommandait de ne voir que la
bonne compagnie, aurait-il été content hier? touie la nuit avec
^les valets de ministres, des cliassenrs d'ambassade, des cochers de
prince, de ducs et paire, rien que cela! tous gens bien posés, à
Tabri du malheur : ils ne volent que leui-s maîtres. Le nôtre a
dansé avec un beau brin de fille dont les cheveux étaient saupoa-
drés d'un million de diamants, et il ne faisait attention qu'au bou-
quet qu'elle avait à sa main; simple jeune homme, va! nous au-
rons de l'esprit pour lui. Molic vieux Jacciues Collin... Bon! me
voilà encore pris, je up, peux pas me faire h ce nom de bourgeois,
M. Vautrin y mettra bon ordre. Avant ])eu les diamants et la dot
prendront l'air, et ils en ont besoin : toujours dans les mêmes
coiïres, c'est contre les lois de la circulation. Quel gaillard! il vous
pose un jeune homme qui a des moyens. — II est gentil, il ga-
zouille très-bien, l'héritière s'y prend, le tour est fait, et nous
partagerons. Ah! ce sera de l'argent bien gagné. Voilà six mois
que nous y sommes. Avons-nous pris des figures d'imbéciles! enfin
tout le monde dans le quartier nous croit de bonnes gens tout
simples. Enfin, pour Vautrin que ne ferait-on pas? U nous a dit .
« Soyez vertueux» » on l'esL J'en ai peur comme de la gendar
merie, et cependant je l'aime encore plus que l'at^ent
YAUTRIN^ appelant dans la coulis».
Lafourdille?
ACTE UL 43
lAFOURAlLLE.
Le voici! Sa figure ne me revient pas ce matin, le temps est à f
l'orage, yùme mieux que ça tombe sur un autre, donnons-nous '
de l'air, (D ^i pan tottir.}
SCÈNE IL
YAUTRIN, LAFOURAÏLLB.
yiDtrIn paraît en pantalon à pieds de molleton blanc, avec un gilet rond de pareille
ttoffe, pantouflefi de maroquin rouge, enUu, la tenue d'un homme d'allàires, le matin.
▼Auntnr.
LafouraîUeT
lAFOURAILLE.
Rlonsicur.
YAUTRIX.
Où vas-tu ?
LAFOURAILLE.
Chercher vos lettres.
YAUTHIN.
Je les ai. As-tu encore quelque chose à faire ?
LAFOURAILLE.
Oui, votre chambre... ,
VAUTRIN.
Eh bien! dis donc tout de suite que tu désires me quitter. J'ai
toujours vu que des jambes inquiètes ne portaient pas de cons-
cience tranquille. Tu vas rester là, nous avons à causer.
LAFOU RAILLE.
Je suis à vos ordres.
VAUTRIN.
Je l'espère bien. Viens ici. Tu nous rabâchais, sous le beau ciel-
de la Provence, certaine histoire peu ûalteuse pour loi. Un inteu*
daut t'avait joué par-dessous jambe : te rappelles-tu bien?
LAFOURAILLE.
L'intendant? ce Charles Biondet, le seul homme qui m*ait volé!
Est-ce que cela s'oublie?
VAUTRIN.
Ne lui avais-tu pas vendu ton maître une fois ? C'est assez
commun.
au VAUTRIll.
LAFOURAILLB.
Une fois? Je l'ai venda trois fois, moa maittre.
YAUTRIN.
C'est mieux. Et qael commerce faisait donc l'intendant?
LAFOURAILLB.
Vous allez ifoir. J'étais piqucur à dix-hoit ans dans la maison
de Langeac.
VAUTRIÎf.
Je croyais que c'était chez le duc de MontsoreL
LAFOURAILLB.
Non; lienreusementleduc ne m'a vu qne deux fois, et j'espère
qu'il m'a oublié.
TAUTRIIf.
L'as-tn Tolé?
LAFOURAILLE.
Vais, un peu.
VAUTRIN.
Eh bien ! comment veux-tu qu'il t'oublie?
LAFOURAILLB.
Je l'ai vu hier à l'ambassade, et je puis être tranquille.
VAUTRIN.
Ah! c'est donc le même?
LAFOURAILLB.
Nous avons chacun vingt-cinq ans de plus, voilà toute la diffé-
rence.
VAUTRIN.
Eh bien ! parle donc? Je savais bien que tu m'avais dit ce nom-
là. Voyons.
LAFOURAILLB.
Le vicomte de Langeac, un de mes maîtres, et ce duc de Mont-
sorel étaient les deux doigts de la main. Quand il fallut opter entre
h cause du peuple et celle des grands, mon choix ne fat pas dou-
teux ; de simple piqueur, je passai citoyen, et le citoyen Philippe
Boulard fut un chaud travailleur. J'avais de l'enthousiasme, j'eus
de l'autorité dans le faubourg.
VAUTRIN.
Toi! tu as été un homme politique?
LAFOURAILLB.
Pas longtemps. J'ai fait une belle action, ça m*a perdu..
VAUTRIN.
Ah I mon garçon, il faut se défier des belles actions autant
ACTE m. 45
que des belles femmes : on s*en iroaye souvent mal. Etait-elle
belle, au moins, cette action ?
LAFOURAIIXE.
Vous allez voir. Dans la bagarre du 10 aoûl, le duc me confie
le vicomte de Langeac; je le déguise, je le cache, je le nourriSi^ au
ilsque de perdre ma popularité et ma tête. Le duc m*avait bien
encouragé par des bagatelles, un millier de loais, et ce Blondet a
rinfamie de venir me proposer davantage pour livrer notre jeune
maître.
VAUTRIN.
Tu le livres?
LAFOURAILLB.
A l'instant On le coffre à TÂbbaye, et je me trouve à la tête de
soixante bonnes mille livres en or, en vrai or.
VAUTRIN.
En qum cela regarde-t-il le duc de Montsorel?
LAFOURAaLE.
Attendez donc. Quand je vois venir les journées de septembre,
ma conduite me semble un peu répréhensible ; et, pour mettre ma
conscience en repos, je vais proposer au duc, qui partait, de re-
saaver son ami.
VAUTRIN.
As-tu du moins bien placé tes remords?
LAFOURÂILLE.
Je le crois bien, ils étaieqt rares à cette époque-là ! Le duc me
promet vingt mille francs si j'arrache le vicomte aux mains de mes
camarades, et j'y parviens.
VAUTRIN.
Un vicomte, vingt mille francs ! c'était donné.
> LAFOURAILLB.
D'autant plus que c'était alors le deraier. Je l'ai su trop tard.
X'intendant avait fait disparaître tous les autres Langeac, même
une pauvre grand'mère qu'il avait envoyée aux Carmes.
VAUTRIN.
Il allait bien, celui-là!
LAFOURAILLR.
Il allait toujours ! Il apprend mon dévouement, se met à ma
piste, me traque et me découvre aux environs de Mortagne, où
mon maître attendait, chez un de mes oncles, une occasion de ga-
gner la mer. Ce gueux- là m'offre autant d'argent qu'il m'en avait
M VAUTRIK.
déjà donné. Je me vois ane existence honnête pour le reste de
mes jours, je suis faible. Mon Blondet fait fusiller le vicomte comme
espion, et nous fait mettre en prison, mon oncle et moi, comme
complices. NousnVn sommes sortis qu*en regorgeant tout mon or.
VAUTRIN.
Voilà comment on apprend à connaître le cœur humain. Ta
avais affaire à plus fott que toi.
LAFOU RAILLE.
Penh ! il m*a laissé en vie, un vrai fmassier.
YAUTUIN.
£n voilà bien assez ! U n'y a rien ])our moi dans ton histoire.
LAFOURAILLB.
Je peux m*cn aller?
YAUTRIX.
«
Ah çà ! tu éprouves bien vivement le besoin d'être là où je ne
suis pas. Tu as été dans le monde, hier ; t'y es-tu bien tenu?
LÀFOURAILLE.
Il se disait des choses si drôles sur les maîtres, que je n'ai pas
quitté l'antichambre.
VAUTRIN.
Je t'ai cependant vu rôdant près du buffet, qu'as-tu pris?
LAFOURAILLE.
Rien... Ah I si, un petit vene de vin de Aladèiu
VAUTRIN;
OÙ as-tu mis les douze couverts de vermeil que tu as consom
mes avec le petit verre?
LAFOURAILLB.
Du vermeil! J'ai beau chercher, je ne trouve rien de semblable
dans ma mémoire.
VAUTRIN.
£h bien ! tu les trouveras dans ta paillasse. £t Philosophe a*t-il
m aussi ses petites distractions ?
LAFOURAILLE.
Oh ! ce pauvre Philosophe, depuis ce matin, se moque-t-on as-
sez de lui en bas? Figurez-vous, il avise un cocher très*jeune, et
il lui découd ses galons. En dessous, c'est tout faux! Les maîtres,
aujourd'hui, volent ia moitié de leur considération. On n'est plus
sûr de rien, ça fait pitié.
VAUTRIN^ Il siffle.
Ça n'est pas drôle de prendre comme ça l Vous allez me perdro
ACTE III. til
h maiaoQ, il est temps d'en finir. Ici, père Buteux T Iiolà, Pliilo-
sophe! à moi, Fil-de-soie! Mes bons amis, expliquons-nous à Ta-
miable. Vous êtes tous des misérables.
SCÈNE m.
LIS lÉHSs, BUTEUX PHILOSOPHE et FIL-DE-SOIE.
BUTEUX.
Présent! est-ce le feu?
FIL-DBHSOJB.
Est-ce un curieux ?
BUTEUX.
J*aime mieux le feu, ça s'éteint!
PHILOSOPHE.
L'autre, ça s*étouffe.
LAFOUBAILLB.
Bah ! il s*est fâché pour des niaiseries.
BUTEUX.
Encore de la morale, merci !
FIL-DE-SOIE.
Ce n*est pas pour moi, je ne sors point
VAUTRIX, à Fll-de-So»e.
Toi! le soir que je t*ai fait quitter ton bonnet de coton, emp6W
sonneur...
FIL-DK-SOIi;^
Passons les titres.
VAUTRIX.
Et que tu m'as accompagné en chasseur chez le feld-maréchai,
tu as, tout en me passant ma pelisse, enloTé sa montre à rbetman
^Cosaques.
FIL-DE-SOIB.
Tiens! les ennemis de la France.
VAUTRW.
Toi, Buteux, vieux malfaiteur, tu as volé la lorgnette de la prin«
jcsse d'Àrjos, le soir où elle avait mis votre jeune mattre à notre
porte.
BUTEUX.
Elle était tombée sur le marchepiecL
^8 VAUTRIN.
YAUTRIN.
Tu devais la rendre avec respect; mais l'or et les {Xîrles oirf
/éveillé tes griffes de chat-tigre.
LAFOURAILLB.
Âh çà, Ton ne peut donc pas s'amuser un peu? Que diable l
Jacques, tu veux...
TAUTRQf.
Hein?
LAFOURAILLE.
Vous vouIez/monsieurYautrin, pour trente mille francs, que ce
«4>siiie homme mèue un train de prince? Nous y réussissons à la
manière des gouvernements étrangers, par l'emprunt et par le
crédit. Tous ceux qui viennent demander de Targent nous en lais-
sent, et vous n'êtes pas content,
FIL-DE-SOIR.
Moi, si je ne peux plus rapporter de l'argent du marché quand
je vais aux provisions sans le sou, je donne ma démission.
PHILOSOPHE.
Et moi donc, j'ai vendu cinq mille francs notre pratique à plu-
sieurs carrossiers, et le favorisé va tout perdre. Un soir, M. de
Frescas part brouetté par deux rosses, et nous le ramenons, Lafou-
raille et moi, avec deux chevaux de dix mille francs qui n'ont
coûté que vingt petits verres de schnick.
LAFOURAILLE.
Non, c'était du kirsch I
PHILOSOPHE.
Enfin, si c'est pour ça que vous vous emportez...
FIL-DE-SOIE.
Gomment entendez-vous tenir votre maison?
YAUTRiN.
Et vous comptez marcher longtemps de ce train-là? Ce que j'ai
permis pour fonder notre établissement, je le défends aujourd'hui.
Vous voulez donc tomber du vol dans l'escamotage? Si je ne suis
pas compris, je chercherai de meilleurs valets.
BUTEUX.
Et OÙ les trouvera -t-il?
LAFOURAILLE.
Qu'il en cherche !
VAUTRIN.
Vous oubliez donc que je vous ai répondu de vos têtes à vous*
ACTE &9
mêmes! Ah çà, tous ai -je triés comme des graines sar uo Tolet,
dans trois résidences différentes, pour vous laisser tourner autour
da gibet comme des mouches autour d'une chandelle? Sachez-le .
bien, chez nous une imprudence est toujours un crime. Tons de- 'i
vez avoir un air si complètement innocent, que c'était à toi. Phi- |
tosophe, à te laisser découdre tes galons. N'oubliez donc jamais
votre rôle : vous êtes des honnêtes gens, des domestiques fidèles,
et qui adorez M. Raoul de Frescas, votre maître.
BUTEUX.
Vous faites de ce jeune homme un dieu ? vous nous avez atte*
tés à sa brouette ; mais nous ne le connaissons pas plus qu'il ne
nous connaît
PHaOSOFBB.
Enfin, est-il des nôtres?
FIL-DB-SOIB. .
Où ça nous mène-t-il?
LAFOURAILLE.
Nous VOUS obéissons b la condition de reconstituer la Société des
Dix Mille, de ne jamais nous attribuer moins de dix mille francs
d'un coup, et nous n'avons pas encore le moindre fonds sbciaL
FIL-DB-SOn.
Quand serons -nous capitalistes?
BUTBUX.
Si les camarades savaient que je me déguise en vieux portier
depuis six mois, gratis, je serais déshonoré. Si je veux bien ris- '
qner mon cou, c'est afin de donner du pain à mon Adèle, que
vous m'avez défendu de voir, et qui depuis six mois sera devenue
sèche comme une allumette.
LAFOURAILLE) aux deux tatres.
Elle est en prison. Pauvre homme I ménageons sa sensibilité,
TAUTRIir.
Avez- vous fini? Ah çà, vous faites la noce id depuis six mois,
vous naangez comme des diplomates» vous buvez comme des Polo*
nais, rien ne vous manque.
BUTBUX*
On se rouille !
TAUTRIV.
Grâce à moi, la police vous a oubliés! c*est à moi seul que vous
devez cette existence beurease! |'ai eibcé sur vos fronts cette
TH. &
M VAUTAflL
marqua rouge qui vous sigoalait Je suis la tête qm cOBçoIt, mis
n'êtes que les bras.
BBUiOSOKil&
Suffit!
TAIUTAUL
Obéissez-moi tous aveuglément!
JJLFOVRIIUJL
Aveuglément
VAUTRIN.
Sans murmurer.
FIL-DE-SOIB.
Sans murmurer.
YAUTRIX.
Ou rompons notre pacte et laissez-moi I Si je dois trouver de
ringiatitude chez vous autres, à qui désormais peut- on rendre
service?
PHILOSOPHE.
Jamais, mon empereur I
LAFOIRAÎLLB.
Plus souvent, notre grand homme I
BUTEUX.
Je t'aime plus que je n'aime Adèle.
PIL-DE-SOIB.
On t*adore.
TAUTtlN.
Je veux TOUS assommer ile coa{)s1
PHILOSOPHE,
Frappe sans écouter.
VAITRIN.
Vous cracher au visage, et jouer votre vte comme des sous au
boodMiiL
BUT8UX.
Ah ! mais id, je joue des couteaux!
YAiTAiSr.
£h bien ! tue-moi donc tout de suite.
BUTfiUX.
On ne peut pas se fâcher avec cet homme-là. Foolei-fow que
je rende la lorgnette ? c'était jxwr Adèle I
TOUS^ rentowaiit.
Nous abandonnerais-tu, Yautria?
AGT£ IBL M
Yautrin l notre ami.
PHILOSOPHE.
Grand Yautrin!
FIL-DE-SOIE.
Notre Tleux compagnon, fais de nous tout ce que tn voudras.
VAUTRIN.
Odî, je puis faire de vous tout ce que je veux. Quand je pense
à ce que vous dérangez pour prendre des breloques, j'éprouve
l'envie de vous renvoyer d'où je vous ai tirés. Vous êles ou en
dessus ou en dessous de II société, là lie ou l'écume; moi, je vou-
drais vous y faire rentrer. On vous huait quand vous passiez, je
veux qu*on vous salue; vous étiez des scélérats, je veux que vous
soyez plus que d'honnêtes gens.
PHILOSOPRB.
Il y a donc mieux?
BUTEDX.
U y a ceux qui ne sont rien du tout.
VAUTRIN.
Il y a ceux qui décident de Tlionnéteté des autres, vous ne serer
jamais d'honnêtes bourgeois, vous ne pouvez être que des mal-
heureux ou des riches; il vous faut donc enjamber la moitié du
mûàe ! Prenez un bain d'or, et vous en sortirez vertueux.
FIL-DE-SOIE.
Obi moi, quand je n'aurai besoin de rien, je serai bon prince.
VALTRU.
£h bien ! toi, Lafourailie, tu peux être, comme l'un de nous»
comte de Sainte-Hélène ; et toi, Buieux, que veux-tu?
BL'TELX.
p
Je veux être philanthrope, on devient milDonnaire.
PHILOSOPHE.
£t moi banquier.
riL-DE-^OlS.
U veut être patenté.
VAUTRIN.
Soyez donc, à [vopos, aveugles et clairvoyants, adroits et gaii»
f'iics, niais et spirituels (comme tous ceux qui veulent faire fortune).
Ne méjugez jamais, et n'entendez (lue ce que je veux dire. Vous
me demandez ce qu'est Raoul de Frescas ? Je vais vous Texpliquer :
il va bientôt avoir douze cent inilk livras de rente, il sera prince.
5S vAUTRin.
et je l!ai pris mendiant sar la grande route, prêt à se faire tambour;
à douze ans, il n'avait pas de nom, pas de famille, il venait de
Sardaigne, où il devait avoir fait quelque mauvais coup, il était en
fuite.
BUTEUX.
Oh! dès qne nous connaissons ses antécédents et sa position
sociale...
TAUTRIN.
Âtalogel
BUTEUX.
La petite Mini, la fille à Giroflée, y est
TAUTRlir.
Elle peut laisser passer une mouche.
LAFOURAILLB.
Elle I c'est une petite fouine à laquelle il ne faudra pas indiquer
les pigeonSb
TAUTRIN.
Par ce que je suis en train de faire de Raoul, voyez ce qne je
puis. Ne devait-il pas avoir la préférence? Raoul de Frescas est ua
^eune homme resté pur comme un ange au milieu de notre bour-
bier, il est notre conscience; enfin, c'est ma création ; je suis à la
fois son père, sa mère, et je veux être sa providence. J'aime à faire
des heureux, moi qui ne peux plus l'être. Je respire par sa bouche,
je vis de sa vie; ses passions sont les miennes, je ne puis avoir
d'émotions nobles et pures que dans le cœur de cet être qui n'est
souillé d'aucun crime. Vous avez vos fantaisies, voilà la mienne!
En échange de la flétrissure que la société m'a imprimée, je lui
rends un homme d'honneur, j'entre en luttç avec le destin; voulez-
vous être de la partie? obéissez !
TOUS.
A la vie, à la mort I
TAUTRIN^ à part.
Voilà mes bêtes féroces encore une fois domptées ! (Haut.) Phifo*
»phe, tâche de prendre l'air, la figure et le costume d'un employé
aux recouvrements, tu iras reporter les couverts empruntés par
Lafouraille à l'ambassade, (a FUde-soie.) Toi, Fil-de-Soie, M. de
Frescas aara quelques amis, prépare un somptueux déjeuner,
nous ne dînerons pas. Après, tu t'habilleras en homme respecta-
ble, aie Tair d'un avoué. Tu iras rue Oblin, numéro 6, au qua-
trième étage, tu sonneras sept coups, un à un. Tu demanderas le
AGTB IIL 53
père Giroflée. On te répondra : D'où venez-irous? Tu diras : D*an
|f0rt de mer en Bohême. Tu seras introduit II me faut des lettres
et divers papiers de M. le duc GhristoYal : voilà le texte et les
modèles, je veux une imitation absolue dans le plus bref délai
Lafouraille, tu verras à faire mettre quelques lignes aux journaux
sur l'arrivée.. • (u loi parie à rorauie.) Cela fait partie de mon plan.
Laissez -moi
LAFOURAILLB.
£h bieni êtes-^vous content?
TAunmr.
Oui
PHILOSOPBS.
Vous ne nous en voulez plus?
VAUTRIN.
Non.
PIL'DE-SOIE.
EnGn, plus d'émeute, on sera sage.
BUTEUX.
Soyez tranquille» on ne se bornera pas à être poli» on sera hon-
nête.
TAUTRIN.
Allons, enfants» un peu de probité, beaucoup de tenue, et vous
serez considérés»
SCÈNE ly.
VAUTRIN» seau
n suffit, pour les mener, de leur faire croire qu'ils ont de Thon
neur et rm avenir. Ils n'ont pas d'avenir! que deviendront-ils?
Bah! si les généraux prenaient leurs soldats au sérieux, on ne tire-
rait pas un coup de canon !
Après douze ans de travaux souterrains» dans quelques jours
j'aurai conquis à Raoul une position souveraine : il faudra la lui
assurer. Lafouraille et Philosophe me seront nécessaires dans le
pays où je vais lui donner une famille. Ah! cet amour a détroit la
vie que je lui arrangeais. Je le voulais glorieux par lui-même»
domptant, pour mon compte et par mes conseils, ce monde où il
m'est interdit de rentrer. Raoul n'est pas seulement le fils de mon
5& VAUTRIlf.
esprit et de mon 1M, il est ma vengeance. Mes drôles ne peuvent
ps comprendre ces sentiments; ils sont beorenx; il ne sont pas
lombes, eoxf ils sont nés de plarn-pîed avec le crime; mais moi,
l'avais tenté de m'élever, et si Thomme peol se relever aux yeux
de Dîen» jamais fl ne se relève aux yeux do monde. On nous de
mande de nous repenlfr, et Ton nons refnse le pardon. Les hom-
mes ont entre eux Tinslinct des bétcs sauvages : une fois blessés,
ils ne reviennent plus, et fis ont raison. D*ail]eurs, réclamer la
protection du inonde quand on eu a foulé toutes /es lois aux pieds,
c*est vouloir revenir sous un toit qu*on a ébranlé et qui vous écra-
serait.
Avais -je assez poli, caressé le magnifique instrument de ma do«
mination ! Raoul était courageux, il se serait fait tuer comme un
sot; il a fallu le rendre froid, positif, lui enlever une à une ses
belles illusions et lui passer le suaire de Texpérience! le rendre
défiant et rusé comme... un vieil escompteur, tout en Tempéchant
de savoir qui j*étais. Et Famour brise aujourd'hui cet immense
échafaudage. Il devait être grand, il ne sera plus qu'heureux. Jlrai
donc vivre dans un coin, au soleil de sa prospérité : son bonheor
sera mon ouvrage. Voilà deux jours que je me demande s'il ne
vaudrait pas mieux que La princesse d'Aijos mourât d'une petite
fièvre... cérébrale. C'est inconcevable, tout ce que les feaunes d6«
4ruisent.
SCÈNE V.
VAUTRIN, LAFOURAILLE.
TÂimm.
^e me veut-on? ne puis- je éire on moment seidT ai-je appelât
LAFOURAILLE.
La griffe de la justice va nous cliatonSller hs épanlesi
TACTRrîf-
Qaellé nouvcDe sottise avez- vous faîte T
LAFOURAaLK.
Eh bien ! la petite Nînî a laissé entrer un monsieur bien vêtu
^f demande â vous parler. Buteux siOIe Pair : Où peut-on êtn
mieux qu*au sein de sa famille f Ainsi c'est nn limier*
AGTB m. 55
Ce D'^esi qne ça, je sais ce que c'est, faîs-ie attendre. Toutk
monde scms les armes! Allons, plus de Vautrin, je va» me dess^
lier en baron de Yleux-Chcne. Ainzi barte l'y ton kallemant, tra-
taille-ley enfin le grand jeu ! (n sort)
SCÈNE YI.
LAFOURÀILLE , SAINT-CHARLES.
lAFOVBllIXB.
Heiobcrr ti Traissegasse n'y être basse,, menne sire» hai zoi
baindandante, le paron de Fieil-Cheiie , il être oguipai afccque eia
hargidecde ki toite pattir eine crante odeile à nodre maidre.
8AINT-CHAaL£S*
Pardon, mon cher, vous dites?...
LAFOURAUXB»
Ghé tis paron de Fiè-GiiêAe.
Baron!
LAFOUHAILLE.
Fi!fiL
SAmT-aiARUSi
n est baron?
LAFOURAiUJL
Te FieiUe-Ghêne.
SAINT-CHARLES.
Tous êtes Allemand?
LAFOCRATILE.
n doute! tf donte! chez sis Halzazien, et il èdre ein crante tif-
ferance. Lé Hâllemands d'Allemagne cisent ein foUére, les Halza-
liens tisent haine foUèrre.
SAINT-CHAnLES, à part.
I>écidément, cet homme a Taccent trop allemand pour ne pas
éin nn Parisien.
LATOVRARXV, h put
Je connais cet homme-là. — Oh !
SAINT-CI^ARLES.
Si M. le baron de T!enx-Chêne est occupé, j'attendraL
LAPOURAILLE^ à part.
Ahf Bfondisr, mon nrijgnm, M déguise» ta igoie et taM dé-
56 VAUTRin.
guises pas ta voix! si tu te tires de nos pattes, tu auras de la
chance. (Haut.) Ké toiche tire à mennesire pire Tencacher «i guider
ZCS okipaziODS 7 (U ralt un mouyement pour sortir.)
SAINT-CHARLES.
Attendez, mon cher, vous parlez allemand, je parle français,. '
nous pourrions nous tromper, (ii lui met une bourse dam la main.) Avec
ça il n*y aura plus d'équivoque.
LAFOURAILLB.
Ta, menner.
SAINT-CHARLES.
Ce n*est qu*uD à-compte.
LAFOURARLE^ à part.
Sur mes quatre-vingt mille francs. (Haut.) £t fous foulez que
chespionne mon maidre?
SAINT-CHARLES.
Non, mon cher, j*ai seulement besoin de quelques renseigne-
ments qui ne vous compromettront pas.
LAFOURAILLR.
Chapelle za haisbionner an pon allemaute.
SAINT-CHARLES.
Mais non, c'est..
LAFOURAILLE.
Haisbionner. Et que toische tire té fous à mennesir le paron T
SAINT-CHARLES.
Annoncez M. le chevalier de Saint-Charles.
LAFOURAILLE.
Ninis andantons. Ché fais fous ramenaiie; mais nai lui tonnez
l)oind te Farchant à stil indandante : il èdre plis honnèdc ké nous
leusses» (ll lul donoean petit coup de coude.)
SAINT-CHARLES.
C'est-h-dire qu'il coûte davantage.
LAFOURAILLE.
la, meinherr» (ii tort.)
SCÈNE VIL
SAINT-CHARLES, leal.
Mal débuté < dix louis dans l'eau. Espionoer?... appeler les choses
ACTE III. 57
tout de suite par lear nom, c'est trop béte pour ne pas être très-
spirituel. Si le prétendu intendant, car il n*y a plus d*intendant, si
Je baron est de la force de son valet, ce n'est guère que sur ce
qu'ils voudront me cacher que je pourrai baser mes inductions.
Ce salon est très-bien. NI poitrait du roi, ni souvenir impérial,
allons! ils n'encadrent pas leui^ opinions. Les meubles disent-ils
quelque chose ? non. C'est même encore trop neuf pour être déjà
payé. Sans l'air que le portier a sifflé, et qui doit être un signal,
je commencerais à croire aux Frescas.
SCÈNE VIII.
SAINT-CHARLES, VAUTRIN, LAFOURAILLB.
LAFOURAILLB.
Foilà, mennesir, le paron te Fieille-Chênel
(Vantrin parait vfitu d'an habit marron trës-clafr. d'une coupe trës-antlqne, à grog
boutons de métal ; Il a une culotte de sole noire, des bas de soie noire, des souliers
à boucles d'or, un gilet carré à Heurs, deux chaînes de montre, cravate du temps de
la Révolution, une perruque de cheveux blancs, une figure de vieillard, fin, usé, dé-
bauché, le parler doux et la voix cassée.)
TÂUTRirr^ à Lafburàille.
C'est bien, laissez-nous, (urouratiie sort, a part.) A nous deux» mon-
sieur Blondet (Saut.) Monsieur, je suis bien YOtre serviteur.
SAIITT-CHARLES^ & part.
TJn renard usé, c'est encore dangereux. (Haut.) Excusez-moi,
monsieur le baron, si je vous dérange sans avoir l'honneur d'être
connu de vous.
VAUTRIN.
Je devine, Monsieur, ce dont il s'agiL
SAIlfT-CHARLBS, à part.
BabI
VAUTRIN.
Vous êtes architecte, et vous venez traiter avec moi ; mais j'ai
déjà des ofires superbes.
SAINT-CRARtBS.
Pardon, votre Allemand vous aura mal dit mon nom. Je soit le
chevalier de Saint-Charles.
VAUTRIN^ levant v» luns'^tes.
Oh! mais attendez donc, nous sommes de vieilles connaissan*
SS VACTROI.
ces. Vous étiez au congrès de Vienne, et l*on vous nommait alon
le comte de Gorcum... joli nom!
SAINT-CHARLES y à part.
£nfonce-toi, mon vieux I (Haut.) Vous y êtes donc allé aussi!
TAUTRIN.
Parbleu! Et je suis charmé de vous retrouver, car vous êtes un
rosé compère. Les avez-vous roulés!... ahl vous Les avez roulés
SAINT-CEARLES, k part.
Va pour Vienne f (Haut.) Moi, monsieur le baron, je vous renr /ji
parfaitement à cette heure, et vous y avez bien habilement ly^ené
votre barque...
VAUTRIN.
Que voulez-vous? nous avions les femmes pour nous! Ab çà
mais avez-vous encore votre belle Italienne?
SAINT-CHARLES.
Vous la connaissez aussi? c'est une femme d*nne adresse...
VAUTRIN.
Eh ! mon cher, à qui le dftes-vous ? EDe a voolu savoir qm j*étais
SAINT-CHARLES.
iJorSy elle le sait
VAUTRIN.
Eh bien, mon cher!.»» ^— Vous ne m*en voudrez pas? — Elle
n'a rien sul^
SADIT-CBARLIS.
Eh bien! baron, puisque nous sommes dans un moment de
franchihe, je vous avouerai de mon côté que votre admirable Po*
lonaîse...
VAUTRIN.
Aussi! vous?
SAUCl-CEAIlLIS»
Ma foi, oui !
VAUTRIN^ riant.
Ah! ah! ah! ah!
8UNI-CHARL£S^ riant.
Obi oh! oh! oh!
VAUTRIN.
Nous pouvons en rire à notre aise» car je suppose <{tie voua
Pavez laissée là ?
SAINT-CHARLES.
Gomme vous, tout de suite. Je vois que nous sommes reveoos
ACTE III. 59
tons denx manger notre argent à Paris, et nous avons bien fait;
mais n me semble^ baron, que vous avez pris une position bien
secondaire, et qui cependant attire Tattentiou.
VALTRi:^.
Ab f je vous remercie, chevalier. J*espôre que nous voici main-
tenant amis pom* longtemps ?
SAINT-CHARLES.
Pbur fonjonrs.
VAUTffnr.
Vous pouvez m'ôtre extrêmement utile, je pnfs tous servir
énormément, entendons-nous! Qae je sache IMntérêt qui vous
amène» et je ?€us dirai le mien.
SAINT-CHARLES, ft {lart.
Ah çà, est-ce loi qu'oa lâche sur moi, on moi nir hnt
TAUTRIV, k fiait.
Ça peat aller longtemps comme çat
SAINÏ-CBAALIS»
Je vais commencer.
TAUTBIH.
Allons donc I
SAINT-CHARLES.
Baron, de vous à moi, je vous adiuire.
VAUTRIN.
Quel éloge dans votre bouche ?
SAlNT-CHARLES.
Non, d'honneur f créer un de Frescas à la face de tout Paris»
est une invention qui passe de mille piques celle de nos comtesses
m congrès. Tous péchez à la dot avec une rare audace.
VAUTRIN.
JépêcheàladotT
SAINT-CHARLES.
Mais, mon cher, vons seriez découvert, s! ce n*étaît pas mot»
votre ami, qo*on eût chargé de vous observer, car je vous suis dé-
taché de très-haut Comment aussi, permettez-moi de vous le re--
procber, osex-*nms disputer une hérrticreà la famiHe de Montsoreff
VAUTRIN.
Einoi, qui crofats bonnement que voiis veniez me proposer de
faire des affaires ensemble, et que nous aurions spéculé tous dent
avec Targent de M. de Frescas, dont je dispose entièrement!... et
TOUS me dites des choses d*ua autre monde l Frescas, mon cher.
SO TAumm.
est nn des noms légitimes de ce jeane seignear qui en a sept. De
hautes raîsoos TempêcheDl encore pour vingt-quatre heures de
déclarer sa famille, que je connais : leurs biens sont immenses» je
les ai vus, j*en reviens. Que vous m*ayez pris pour un fripon ,
passe encore^ il s'agit de sommes qui ne sont pas déshonorantes ;
mais pour un imbécile capable de se mettre à la suite d'un gentil*
homme d'occasion, assez niais pour rompre en visière aux Mont-
sorel avec un semblant de grand seigneur... Décidément, mon
cher, il paraîtrait que vous n*avez pas été à Vienne I Nous ne nous
comprenons plus du tout.
SAINT-CHARLBS.
Ne TOUS emportez pas, respectable intendant! cessons de nous
entortiller de mensonges plus ou moins agréables, vous n'avez pas
la prétention de m'en faire avaler davantage. Notre caisse se porte
mieux que la vôtre, venez donc à nous! Votre jeune homme est
Frescas comme je suis chevalier et comme vons êtes baron. Vous
l'avez rencontré sur les côtes d'Italie; c'était alors on vagabond,
aujourd'hui c'est un aventurier, voilà tout t
VAUTRirr.
Vous avez raison, cessons de nous entortiller de mensonges plus
on moins agréables, disons-nous la vérité.
8AlNT-<:aARLES.
Je TOUS la paye.
TAOTBW.
Je TOUS la donne. Vous êtes une infâme canailtet mon cher.
Vous TOUS nommez Charles Blondet; vous avez été l'intendant de
la maison de Langeac; vous avez acheté deux fois le vicomte, et
TOUS ne l'aTez pas payé... c'est honteux! tous deTez quatre-Tîngt
nille francs à un de mes valets; vous avez fait fusilier le vicomte
k Mortagne pour garder les biens que la famille vous avait confiés.
Si le duc de Montsord, qui vous envoie, savait qui vous êtes...
bel hé ! il vous ferait rendre des comptes étranges ! Ote tes mous*
taches, tes favoris, ta perruque, tes fausses décorations et tes bro-
ches d'ordres étrangers (Il im arracbe sa perruque, tes IkToito, ses déco-
rations.) Bonjour, drôle! Gomment as-tu fait pour dévorer cette
fortune si spirituellement acquise? Elle était ocdossale; où l'as-ta
perdue T
SADIT-CHARLES.
Dans les malheors.
tàutrin.
Je comprends... Que veux-tu maintenant?
SAINT-CHARLES.
gui que tu sois, tape là, je te rends ies armes, je n*ai pas de
chance aujourd'hui : tu es le diable on Jacques Gollin.
TÀUTIUN.
je suis et ne veux être pour toi que le baron de Vieux-Chêne.
Écoute bien mon ultimatum; je puis te faire enterrer dans une de
mes caves à l'instant, à la minute ; on ne te réclamera pas.
SAIIVT-GHARLBS.
C'est vraL
TAUTRIN.
Ce serait prudent! Veux-tu faire pour moi chez les Montsorel
ce que les Monlsorel t'envoient faire ici?
SAlNT-CHARLES.
Accepté ! Quels avantages ?
TAUnUN.
Tout ce que tu prendras. .
SAINT-CHARLBS.
Des deux côtés?
VAUTRIN.
Soit! Tu remettras à celui de mes gens qui t'accompagnera tous
les actes qui concernent la famille de Langeac; tu dois les avoir
encore. Si M. de Frescas épouse mademoiselle de Christoval, tu
ne seras pas son intendant, mais tu recevras cent mille francs. Tu
as affaire à des gens difficiles, ainsi marche droit, on ne te trahira
pas.
ftAlNT-CHAELBS.
Marché conclu.
TAUTRIN.
Je ne le ratiGerai qu*avecles pièces en main: jusque-là, prends
garde ! (u sonne: tous les gens paraissent.) Reconduisez monsieur le che-
valier avec tous les égards dus à son rang. (A Salnt^narles. Inl montranl
Pbuoeophe.) Void i'hommc qui vous accompagnera, (a Phuosopheo Ne
le quitte pas.
SAINT-CHARLES^ à part.
Si je me tire sain et sauf de leurs griffes, je ferai main-basse sur
oe nid de voleurs.
TAUTRIN.
Monsieur le chevalier, je vous suis tout acquis.
'■>,
SCÈNE IX.
TATJTRm, LAFOURÂlLUL
IfoDsiear Yautrml
£h bien I
Vous le laissez aller ?
iJkFOCRAIUJL
TAUTIUUr.
LÀFOURAILLB.
TAUTRIN.
S*il ne se croyait pas libre, que ponrrions-nous savoir? Mes
instructions sont données : on va lui apprendre à ne pas mettre de
cordes chez les gens à pcndriî. Quand Philosophe ine rapportera
les pic'ces que cet homme doit lui remettre, oo mêles domiera par-
tout où je serai.
j:.afo(iraillb
Alais après, le laisserez- vous en vie 7
VALT«IX.
Vous êtes toujouns un peu trop \iis, mes mignons : ne savez-
vous doue pas combien les mocls iuqulèlcnt les vivauts? Chut!
j*eAieûds Aaod... iaisse-fiou&
SCÈNE X.
VAUTRIN, RAOUL DE FRESCA8.
Vautrin rentre vers la fin du monologue : Raoul, qui est sur te derant de la
ne le tuii vas.
RAOUL.
Avoir entrevu le ciel et reslpr sur la terre, voiià mon hiatoire!
je suis perdu : Vautrin, ce génie à la fois infcrnai et bienfaisant,
cet homme, qui sait tout et qui semble tout pouvoir, cet lioainie,
si dur pour les autres et si bon puur iiuii, cet homme qui ne s'ex-
plique que par la féciîe, cette pro\ideiice, je pais dire uialemcUe,
n'est pas, apTèstOUt, la providence. (Vautrln parait atec une perruque noire,
simple, un habit bleu, cautalon de conteur frrtsâtre, gilet ordinaire, nuir, la tenue d'un
agent de cbange.) Oh 1 je oonnatssais i'auioiir; mais j» ne sa?» pas
encore ce que c'était que la vengeance, et je ne voudrais pas mou-
rif sans m'être vengé de «es deux AlonlMrel !
VAUTRIN.
H souffre. Raoul, qu'as- tu, mon enfant 7
«AOCL.
Eh ! je n^ai rien, laîssez-OMM.
TACmiN.
Ta me rebutes encore? ta abuses du droit que tn as de md-
traiterion ami... À quoi pensais-tu là?.
KAOUL.
Arien.
TAminf.
A rien! Ah çà, Monsieur, croyez-vou". que celui qui vous a en-
seigné ce flegme anglais, sous lequel un homme de quelque valeur
doit couvrir ses émotions, ne connaisse pas le défaut de cette cui-
rasse d'orgueil ? Dissimule?, avec les autres; mais avec moi, c'est
plus qu'une faute ; en amitié, les fautes sont des crimes.
RAOUL.
Ne plus jouer, ne plus rentrer ivre, quitter la ménagerie de
l'Opéra, devenir un homme sérieux, étudier, Touloir une posi-
tion.,, tu appelles cela dissimuler.
TAUTRW.
Tu n'es encore qu'on pauvi-e diplomate, tu seras grand quand
tu m'auras trompé. Raoul, tu as commis la faute contre laquelle
je t'avais mis le plus en garde. Mon enfant, qui devait prendre les
femmes pour ce qu'elles sont, des êtres sans conséquence, enfm
s'en servir et uon les servir, est devenu un berger de M. de Flo-
rian ; mon Lovelace se heurte contre une Clarisse. Ah ! les jeunes
gens doivent frapper longtemps sur ces idoles, avant d'en recon-
naître le creux.
RAOUL.
Un sermon?
TAUTRIN.
Comment ! moi qui t'ai formé la uiiia ao pstolet, qui t'ai mon*
tré a tirer Tépée, qui t'ai appris à ne pas redouter l'ouvrier le piofr
fort du faubourg, moi qui ai fait pour ta cervelle comme pour le
corps, moi qui t*ak voulu mettre au-dessus de tous les honioieSy
enfin moi qui t'ai sacré roi^ Ui me prends pour une ganache?
Allons, un peu plus de franchise.
•ft VACTRIBI.
RAOUL.
Voulez-Toiis savoir ce que je pensabî... Mais non, ce serait ac-
cuser mon bienfaiteur.
YAUTRIN.
Ton bienfaiteur! tu m*insultes. T*ai-je offert mon sang, ma vie?
sais-je prêt à tuer, à assassiner ton ennemi, pour recevoir de toi
cet intérêt exorbitant appelé reconnaissance? Pour t*expIoiter,
suis-je un usurier? Il y a des hommes qui vous attachent uu bien-
fait au cœur, comme on attache un boulet au pied des... suffit!
ces hommes-là^ je les écraserais comme des chenilles sans croire
commettre un homicide ! Je t*ai prié de ra*adopter pour ton pè^e,
mon cœur doit être pour loi ce que le ciel est pour les anges, un
espace où tout est bonheur et conGance ; tu peux me dire toutes
tes pensées, même les mauvaises. Parie, je comprends tout, même
une lâcheté.
BAOUL.
Dieu et Satan se sont entendus pour fondre ce bronzè-là !
YAUTRIN.
C'est possible.
RAOUL.
Je vais tout le dire.
YAUTRIÎf.
Eh bien ! mon enfant, asseyons-nous.
RAOUL.
Tu as été cause de mon opprobre et de mon désespoir.
VAUTRIN.
Où? quand? Sang d'un homme! qui t*a blessé? qui t*a manqué?
Dis le lieu, nomme les gens... la colère de Vautrin passera par làl
RAOUL.
Tu ne peux rien.
YAUTRIN.
Enfant, il y a deux espèces d'hommes qui peuvent tout.
RAOUL.
Et qui sont?
VAUTRIN. î
Les rois, qui sont ou doivent être au-dessus des loi
vas te fâcher... les criminels, qui sont au-dessous.
RAOUL. ^
Et comme tu n'es pas roi... ^
VAUTRIN.
Eh bien ! je règne en dessous^
ACTE in. 65
RAOUL.
Qoelle affreuse plaisanterie me fais-tn là» Yaotrint
TAUTRIN.
N*as-ta pas dit qae le diable et Dieu s'étaient cotisés pour m^
fondre?
RAOUL*
Ah I Monsieur, vous me glacez.
VAIJTRIlf.
Rassieds-toi ! Du calme, mon enfant Tu ne dois t'étonner de
rien, sous peine d'être un homme ordinaire.
RAOUL.
Suis-je entre les mains d'un démon ou d'un ange? Tu m'ins-
tiuis sans déflorer les nobles instincts que je sens en moi; tu m'é«
claires sans m'éblouir; tu me donnes l'expérience des vieillards, €f
(u ne m'ôtes aucune des grâces de la jeunesse; mais tu n*as pat
iinpunéraenl aiguisé mon esprit, étendu ma vue, éveillé ma pers-
picacité. Dis-moi d*où vient ta fortune? a-t-elle des sources ho-
norables? pourquoi me défends-lu d'avouer les malheurs de mon
enfance? pourquoi m'avoir imposé le nom du village où tu m'as
trouvé? pourquoi m'empêcher de chercher mon père ou ma mère ?
Enfin, pourquoi me courber sous des mensonges? On s'intéresse à
l'orphelin, mais on repousse l'imposteur ! Je mène un train qui
me fait l'égal d'un fils de duc et pair, tu me donnes une grande
éducation et pas d'état, tu me lances dans l'empyrée du monde, et
l'on m'y crache au visage qu'il n'y a plus de Fresca». On m'y de-
mande une famille, et tu me défends toute réponse. Je suis à U
fois un grand seigneur et un paria, je dois dévorer des affronts qui
me poussent à déchirer vivants des marquis et des ducs : j'ai la
rage dans l'âme, je veux avoir vingt duels, et je périrai! Veux-tu
qu'on m'insulte encore ? Plus de secrets pour moi : Prométhée in-
fernal, achève ton œuvt^e, ou brise-la.
VAUTRIX.
Ehl qui resterait froid devant là générosité de cette belle jeu-
nesse? Gomme son courage s'allume! Allez, tous les sentiments,
an grand galop I Oh! tu es l'enfant d'une noble race. £h bieuf
{laonl, voilà ce que j'appelle des raisons.
RAOUL.
Ahl
VAUTRIN.
Ta me demandes des comptes de tutelle? les voici.
^6 VAirram.
RAOUL.
Mais en ai-je le droit ? sans toi vivrais-je ?
VAUTRIN.
Tais-toL Tu n'avais rien, je t*ai fait riche. Ta ne savais rien,
je t*ai donné une belle éducation. Oh ! je ne suis pas encore quitte
envers toi. I3n père... tous les pères donnent la vie à leurs en-
fants, moi, je te dois le bonheur... Mais est-ce bien là le motif de
ta mélancolie? n*ya-t-il pas là... danscecoITret... (u montre on oom^t)
certain portrait et certaines lettres cachées, et que nons tisons avec
des... Ah!...
RAOUL
Vous avez...
VAUTRnf.
Oui, j'aL.. Ta es donc touché à fond?
RAOUL.
A fond.
VAUTRIN.
Imbécile! L'amour vit de tromperie, et ramitié de confiance.
~ Euûu, sois heureux à ta manière.
RAOUL.
Eh ! le puis-je? Je me ferai soldat, et., partout où grondera le
canon, je saurai conquérir un uom glorieux, ou mourir.
VAUTRIN.
Hein!... de quoi? qu'est-ce que cet enfantillage?
RAOUL.
Tu t'es fait trop vieux pour pouvoir comprendre, et ce n'est pas
ta peine de te le dire.
VAUTRIN.
Je te le dira! donc. Tu aunes Inès de Ghristoval, de son chef
prînc<?sse d'Ârjos, fille d'un duc banni par le ro! Ferdinand, une
Andalouse qui t*aime et qui me plaît, non comme femme, mais
comme un adorable coffre-fort quia les plus beaux yeux du monde,
«me dot bien tournée, la plus délicieuse caisse, svelte, él^^nte
j comme une cor\ette noire à voiles blanches, apportant les galions
<l'Amérîquc si impatiemment attendus et versant toutes les joies
: <le la vie, absolument comme h Fortune peinte au-dessus des bu-
reaux de loterie : je t'approuve, tu as tort de Taimer, Famoar te
fera faire mille sottises... mais je suis là.
RAOUL.
Ne me la flétris nas de tes horribles sarcasmeSL
ACTE m. 67
TAUTRIN.
», on mectn une mordine à ton esprit, et oa cnspe à soft
chapeao.
RAOUL. ^
Oui Car i! est impossible à l'enfant jeté dans le ménage d'nn
|)êcbeur d* Aighero de de?enir prince d'Aijos, et perdre Inès, c'est
4noarir de douleur.
VAUTRIN.
Douze cent mîDe livres de rente, le ihre de prince, des gran-
tlesses et des économies, mon rieux, il ne faut pas voir cela trop
•en noir.
RAOUL.
Si tu m'aimes» pourquoi des plaisanteries quand je suis au dé-
sespoir?
YAUTRUI.
Et d*où Tient doDcton désespoir?
RAOUL.
Le duc et le marquis m'ont tout à l'heure insulté chez eux, de-
vant elle, et j'ai vu s'éteindre toutes mes espérances... On m'a
fermé la porte de l'hôtd de Cbristoval. J'ignore encore pourquoi
la duchesse de Montsorel m'a fait venir. Depuis deux jours elle me
'témoigne un intérêt que je ne puis m'expliqner.
YAUTRIN.
Et qn'allaisrtn donc faire chez ton rival ?
RAOUL.
Mais ta sais donc tont 7
Et bien d'antres choses ! Enfin, tu veux Inès de Ghristoval? tE
«peux te passer cette fentaisie^
RAOUL.
91 tn le jemis de BMî î
▼Aontm.
Raoél, on l^ fermé la porte de l'hôlel de GfarirtovaL;. tn sens
defflân le prètenda de la princesse d'Arjos, et les lioiitsord se-
roQt renvoyés, tout Montsorel qu*ib sont.
RAOm:..
Ma doolear vous rend fon.
YAUTRIN.
Qui t'a jamais autorisé I douter de nni parole? qui t*a donné un
cheval arabe, pour faire enrager tous hss dandys exotiqmi ou in*
09 VADTRIH.
digènes du bois de Boulogne? qui paye tes dettes de jen? qni
ireiiie à tes plaisirs? qui t'a donné des lM>ttes, à toi qui n'avais, pas
de souliers ?
BAOUL.
Toi, mon ami, mon père, ma famille!
VAUTRIN.
Bien, bien, merci ! Oh ! tu me récompenses de tous mes sar*
crifices. Mais, hélas! une fois riche, une fois grand d'Espagne»
une fois que tu feras partie de ce monde, tu m'oublieras : ea
changeant d'air, on change d'idées; tu me mépriseras, et... to
auras raison.
RAOUL.
Est-ce un génie sorti des Mille et une Nuits ? Je me demande
si j'existe. Mais, mon ami, mon protecteur, il me faut une fa-
mille.
YAUTRIN.
Eh I on te la fabrique en ce moment, ta famille ! Le Louvre ne
contiendrait pas les portraits de tes aïeux, ils encombrent les qaais^
RAOUL.
Tu rallumes toutes mes espérances.
VAUTRIN.
Tu veux Inès?
RAOUL.
Par tous les moyens possibles.
VAUTRIN.
Tu ne recules devant rien ? la magie et l'enfer ne t'effrayent pas
RAOUL.
Va pour l'enfer» s'il me donne le paradis.
VAUTRIN.
L'enfer ! c'est le monde des bagnes et des forçats décorés par
la justice et par la gendarmerie de marques et de menottc^s, con-
duits où ils vont par la misère, et qui ne peuvent jamais en sortir.
Le paradis, c'est un bel hôtel, de riches voitures, des femmes dé-
licieuses, des hônneure. Dans ce monde, il y a deux mondes; je
te jette dans le plus beau, je reste dans le plus laid; et si tu ne
m'oublies pas, je te tiens quitte.
RAOUL.
Vous me cfonnez le frisson, et vous venez défaire passer deTaot
moi le délire.
TAUTRIN, lui frappant sur l'épaule.
Ta es un enfant! (a part.} Ne lui en.ai-je pas trop dit? lu
TAlilRm.
RAOUL.
ACTE IIL 69
RAOUI^ k part.
Par moments ma nature se révolte contre tous ses bienfaits l
Quand il met la main sur mon épaule, j'ai la sensation d'un fer
chaud; et cqiendant il ne m'a jamais fait qnedu bien! il me caciie
les moyens, et les résultats sont tous pour moi
VAUTRIN.
Quedis-tnlàî
RAOUL.
Je dis que je n'accepte rien, si mon honnear...
YAUTRIN.
On en aura soin, de ton honneur ! N'est-ce pas moi qui l'ai
développé? A-t-il jamais été compromis?
RAOUL.
Tu m'expliqneraib
Rien.
Rien?
YAUTRIX.
T^*as-tu pas dit, par tous les moyens possibles?... Inès une fois
à toi, qu'importe ce que j'aurai fait ou ce que je suis? Tu em-
mèneras Inès, tu Yoyageras. La famille de Ghristoval protégera le
prince d'Arjos. (a Larouraiiie.) Frappez des bouteilles de vin de Cbam-
{xigoe, votre maître se marie, il va dire adieu à la yie de garçon,
ses amis sont invités, allez chercher ses maîtresses, s*il lui en reste !
11 y a noce pour tout le monde. Branle-bas général, et la grande
tenae.
RAOUL.
Son intrépidité m'épouvante ; mais il a toujours raison.
VAUTRIN.
A lable I
TOUS.
A table!
VAUTRIN.
N'aie pas le bonheur triste, viens rire une dernière fois dans
toute ta liberté; je ne te ferai servir que des vins d'Espagne, c'est
gentil
m DO TROISIÈVB ACTB.
ACTE QUATRIÈME
U foène est à rhOtel de Chiistoval.
SCÈNE PREMIÈRE.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL, INÈS.
INÈS.
Si la naissance de M. de Frescas est obscure, |e sacrai, ma mère-,
renoncer à lui ; mais, de votre côté, soyez assez bonne pour ne
plas insister sur mon mariage avec le marquis de MontsoreL
LA DUCHESSE DE CHRiSTOYAL.
Si je repousse cette alliance insensée, je ne souffrirai pas noi^
plus que vous soyez sacrifiée à l'ambition d'une famille.
INÈS.
Insensée? qui le sait? Vous le croyez un aventurier, je le crois
gentilhomme, et nous n'avons aucuue preuve à nous opposer.
LA DUCHESSE OE CHRISTOVAL.
Les preuves ne se feront pas attendre. Les Montsorel sont trop'
intéressés à dévoiler sa honte.
INÈS.
Et luil m'aime trop pour tarder à vous prouver qu^il est digne
de nous. Sa conduite, hier, n'a-t-elle pas été d'une noblesse par-
faite?
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Mais, chère foHe, ton bonheur n'est-il pas le mien ? Que Raoul
satisfasse le monde, et je suis prête à lutter pour vous contre les
Montsorel à la cour d'Espagne.
INÈS.
Ah I ma mère, vous l'aimez donc aussi ?
AQTB IV. 71
LA DUCHBSSB DE CHRISTOTÀL.
Ne ras-to pas choisi T
SCÈNE n.
LES MÊMES, UH TALBT, puls TAUTRIIf.
Li YMlet apporte à U ducbesse une carte enveloppée et cachetée.
LA DUCHBSSB DE CHRISTOTAL, à Inès.
Le gàiéral Grustamente, eovoyé secret de Sa Majesté doQ Aa«
gustin I*', empereur du Mexique. Qu'est-ce -que cela veut dire?
INÂS.
Do Mexique I il nous apporte sans doute des nouvelles de mon
père!
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL, au valet.
Faites entrer.
(Tautrin paraît babillé en général mexicain, sa taille a quatre ponces de plus, son cha-
peau est rouml de plumes blanches, son habit est bleu de ciel avec les riches brode-^
ries des généraux mexicains : pantalon blanc, écharpe aurore, les cheveux traînants
et frisés comme ceux de Murât : il a un grand sabre, il a le teint cuivré, il grasseyé
eomme les Espagnols dn Mexique , son parler ressemble an provençal, plus l'accent,
guttural des Maures.)
TAUTRIN.
Est-ce bien à madame la duchesse de Ghristoval que j'ai Thon-»
near de parler?
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Oui, Monsieur.
TAUTRIIf.
£t Mademoiselle?
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Ma fille. Monsieur.
TAUTRIN.
Mademoiselle est la seiiora Inès, de son chef princesse d*Arjos.
En vous voyant, Tidolâtric de M. de Ghristoval pour sa fille se
comprend parfaitement. Mesdames, avant tout, je demande une
discrétion absolue : ma mission est déjà difficile, et si l'on soup*
connaît qu*il pût exister des relations entre vous et moi, nous se-
rioDs tous compromis.
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Je vous promets le secret et sur votre nom et sur votre Tisite^
INÈS.
Général» il s'agit de mon père» vous me permettes de rester»
72 VAUTAIV.
VAUTRIN.
Vous êtes nobles et Espagnolos, je compte sor votre parole.
LA DUCHBSSB DE CHRISTOYAL.
Je vais recommander à mes gens de se taire.
VAUTRIN.
Pas un mot; réclamer leur silence, c'est souvent provoquer leur
indiscrétion. Je réponds des miens. J'avais pris rengagement de
vous donner à mon arrivée des nouvelles de M. de Christoval, et
voici ma première visite.
LA DUCHESSE DE CHRiSTOVAL.
Parlez nous promptement de mon mari, général70àsetropve-t-il7
VAUTRIN.
Le Mexique, Madame, est devenu cequ*il devait être tôt ou tard,
Tin Etat indépendant de TEspagnc. Au moment où je parle, il n'y
a plus un seul Espagnol, il ne s'y trouve plus que des Mexicains.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
En ce moment?
VAUTRIN.
Tout se fait en un moment pour qui ne voit pas les causes. Que
voulez-vous? Le Mexique éprouvait le besoin de son indépendance,
il s'est donné un empereur ! Cela peut surprendre encore, rien
cependant de plus naturel : partout les principes peuvent attandre,
partout les hommes sont pressés.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL*
Qu'est-il donc arrivé à M. de Christoval 7
VAUTRIN.
Rassurez-vous, Madame, il n'est pas empereur. Monsieur le duc
a failli, par une résistance désespérée, maintenir le royaume sous
l'obéissance de Ferdinand VIL
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Maisy Monsieur» mon mari n'est pas militaire.
VAUTRIN.
Non, sans doute; mais c*est un habile couitlsan, et c'était bien
joué. En cas de succès, il rentrait en grâc€a Ferdinand ne pouvait
se dispenser de le nommer vice-roi.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Dans quel siècle étrange vivons-nous?
VAUTRIN.
les révolutions se succèdent et ne se ressemblent pas. Partout
ACTE IV. 72
on imite la France. Mais, je vous en supplie, ne parlons pas politi-
quiS c'est un terrain brûlant
INÈS.
Mon père, général, avait-il reçu nos lettres?
VAUTRIN.
Dans une pareille bagarre, les lettres peuvent bien se pei'dre,
([uand les couronnes ne se retrouvent pas.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Et qu'est devenu M. de Christoval ?
VAUTRIN.
Le viel Amoagos, qui là-bas exerce une énorme influence, as*
votre mari, au moment où j'allais le faire fusiller...
I^ DUCHESSE DE CHRISTOVAL et SA FILLE.
Ahl
YAUTRIN.
C'est ainsi que nous nous sommes connus.
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL.
Yoos, général?
IN&S.
Mon père. Monsieur!
YAUTRIN.
Eh ! Mesdames, j'étais ou pendu par lui comme nn rebelle, ou
Tan des héros d'une nation délivrée, et me voici ! En arrivant à
Tifflprovlste à la tête des ouvrière de ses mines, Amoagos décidait
la question. Le salut de son ami le duc de Christoval a été le pris:
de son concours. Entre nous, l'empereur Iturbide, mon maître,
n'est qu'un nom : l'avenir du Mexique est tout entier dans le parti
du vieil Amoagos.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Quel est donc. Monsieur, cet Amoagos qui, selon vous, est
Tarbiii-c des xleslinées du Mexique?
VAUTRIN.
Vous ne le connaissez pas ici? Vraiment non? Je ne sais p..s ce
qui pourra souder l'ancien monde au nouveau? Oh! ce sera la
vapeur. Exploitez donc des mines d'or! soyez don luigo, Jan Va-
raco Cardaval de los Amoagos, las Frescas y PeraL.... mais dans
la kirieile de nos noms espagnols, vous le savez, nous n'en disons
jamais qu'un. Je m'appelle simplement Crustamente. Enfin, soyez
le futur président de la république mexicaine, et la France vous
ignore. Mesdames, le vieil amoagos a reçu là-bas M. de Christoval,
n VAirnOH.
comme un vieux gentilhomme d*Âragon qu'O est, derait accueillir
un grand d'Espagne banni pour avoir été sédoil par k beaa nom
de Napoléon.
mis.
N'avez-Touspas dit Frescas dans les noms?
VAUTRIN.
Oui, Frescas est le nom de la seconde mine exploitée par don
Garda val ; mais vous allez connaître toutes les obligations de iM. le
duc envers son hôte par les lettres que je vous apporte. Elles sont
dans mon portefeuille. J*ai besoin de mon portefeuiih. (a part.) Elles
ont assez bien mordu à mon vieil Amoagos. (Haut.) Permettez-moi
de demander un de mes gens 7 (La duchesse (ïUt signe à loàs de sonner. A la
duchesse.) Âccordez-moi, Madame, un moment d'entretien. CAuayaiet.)
Dites à mon nègre; mais non, il ne comprend que son affreux pa-
tois, faites-lui signe de venir.
LA OUCUESSB DE CHRISTOVAL.
Mon enfant, vous me laisserez seule un moment (Ufeuauteparau.)
VAUTRIN^ à Lafouraille.
Jiji roro flonri.
Jorou
LAFOURAILLB.
VXiS, à Vautrin.
La confiance de mon père suffirait à vous mériter on bon ac«
caeil ; mais, général, votre emprassement à dissiper nos inquié-
tudes <vou8 vaut ma reconnaissance.
VAUTRIN.
De la re..... connais..... sauce ! Ah ! senofa, si nous comptions»
je me croirais le débiteur de votre illustre père, après avoir eu le
bonheur de vous voir.
LAFOURAILLB.
lo.
VAUTRlir,
Caracas, y monS joro, fistas, ip souri.
LAFOURAILLB.
Souri joro.
VAUTRIN, aux damei.
Mesdames, void vos lettres. (A^tartàLafouniine.) Circule de Tanti^
chambre à la cour, boucbe close, Toreille ouverte, les mains aa
lepos, l'œil au guet, et du nez.
ACTE nr. 1%
LAfOORAILtB.
lif miii fionr.
Souri joro, fistas. «
LiVOUlAILLI.
jMXft. <B«i.| ¥oid les {lapiers de LangMc
TAUTRilf.
Je ne sais pas pour rémnncipation des nègres : quand il n*7 en
aura plus, nous serons forcés d*en foire avec les blaucs.
INÈS^ à sa mère*
Permettez-moi, ma mère, d'aller lire la lettre de mon père. '
(à Vautrin.) GénéraL.. (SUe salue.) |
VAUTRIir. '
Elle est charmante, puisse- t-elle être heureuse!
(Inès sort, sa mère Ja conduit en ûdsant quelques pas avec elle.)
SCENE m.
LÀ. DUCHESSE DE CHRISTOTÀL . VAUTRIN.
YAUTBIlf, fe part.
Si le Mexique se voyait représenter comme ça, il serait capable
de me condamner aux ambassades à perpétuité. (Haut.) Oh ! excu-
sez-moi, Madame, j'ai tant de sujets de réflexions 1
LA DUCUESSE.
Si les préoccupations sont permises, n'est-ce pas à yous autres
diplomates?
VAUTRW.
Aux diplomates par état, oui ; mais je compte rester militaire et
franc Je veux réussir par la franchise. Nous voilà seuls, causons,
car j*ai plus d'une mission délicate.
LA DUCHESSE.
Auriez-vous des nouvelles que ma fille ne devrait pas entendre?
TAimtur.
Peut-être. Allons droit au fiait: la senora est jeune et belle, elle
est riche et noble; elle peut avoir quatre fois pins de prétendants
qoe toute antre. On se dispute sa main. Eh bien ! son père me
diarge de savoir si elle a plus parttcuhèrement remarqué quelqu'un.
75 VAUTRin.
LA DUCHESSB.
Avec UQ homme franc, général, je serai franche. L'étrangelé
deTOtre demande ne me permet pas d'y répoudre.
VAUTRIN. •
Âh I prenez garde I Pour ne jamais nous tromper, nous autres
diplomates, nous interprétons toujours le silence en mauvaise part.
LA DUCHESSE.
Monsieur, vous oubliez qu'il s'agit d'Inès de GhristovaL
VAUTRIN.
Elle n'aime personne. Eh bien ! elle pourra donc obéir aux
vœux de son père.
LA DUCHESSE.
Gomment, M. de Ghristoval aurait disposé de sa fiUe?
VAUTRIN.
Vous le voyez? votre inquiétude vous trahit Elle a donc fait un
choix! Eh bien! maintenant je tremble autant de vous interroger
que vous de répondre. Ah ! si le jeune homme aimé par votre
fille était un étranger, riche, en apparence sans famille, et qui ca-
chât son pays...
LA DUCHESSB.
Ge nom de Frescas, dit par vous, est celui que prend un jeune
homme qui recherche Inès.
YAUTRIir.
Se nommerait-il aussi Raoïil ?
LA DUCHESSB.
Oui, Raoul de Frescas.
VAUTRIN.
Un jeune homme fin, spirituel, élégant, vingt- trois ans.
LA DUCHESSE.
Doué de ces manières qui ne s'acquièrent pas.
VAUTRIN.
Romanesque au point d'avoir eu l'ambition d'être aimé pour
lui-même, en dépit d'une immense fortune ; il a voulu la passion
dans le mariage, une folie ! Le jeune Àmoagos, car c'est lui. Ma-
dame...
LA DUCHESSE.
Mais ce nom de Raoul u'est pas. ..
TAUTRIN.
Mexicain, vous avez raison. Il lui a été donné par sa mère, une
Française, une émigrée, une demoiselle de Granviiie, venue éd
Saint-Domingue. L'imprudent est-il aimé?
ACTE nr» 77
LA DUCHESSE.
Préféré à tonsi
YAUTRIir.
Mais ouvrez cette kttre, lisez-la. Madame; et yoos verrez qae
j*ai pleiiis pouvoir des seigneurs Àmoagos et Gbristoval ponr.coa**
dure ce mariage.
LA DUCHESSB,
Ohl laissez-moi, Monsieur, rappeler Inès» ame Mrt.»
SCÈNE IV.
VAUTRIN, seuU
Le majordome esl à moi, les véritables lettres, s'il en vient, me
seront remises. Raoul est trop fier pour revenir ici; d'ailleurs, il
m*a promis d'attendre. Me voilà maître du terrain; Raoul, une
fois prince, ne manquera pas d*aïeux ; le Mexique et moi nous
sommes El
SCÈNE V.
VAUTRIN, LA DUCHESSE DE GHRISTOYAL, INÈS.
LA DUCHESSE, à sa fine.
Mon enfant, vous avez des remercîments à faire au général
(£Ue Ut sa lettre pendant une i>artfe de la scène.)
IXÈS.
Des remercîments, Monsieur? Et mon père me dit que dans le
nombre de vos missions vous avez celle de me marier avec un
leigneur Amoagos, sans tenir compte de mesincUnations.
VAUTRIN.
Rassurez-vous, il se nomme ici Raoul de Frescas.
INÈS.
Raoul de Frescas, lui I Mais, alors, pourquoi son silence obstiné?
1 VAUTRIN.
Faut-ii que le vieux soldat vous explique le cœur du jeniM
homme? Il voulait de ramour,etnott de l'obéissance; il voulait ••
INftS..
Ah! général, je le punirai de sa modestie et.de sa défianct.
n VACTIinL
«
Hier, 9 aimait mieiix dévoier une ofleme que de réféier le nom
de son père.
TAimni.
Mats, MadeiHoiwBe, il ignore encere n le mmii d««Ni père esl
eclBi d^on coupable de haute trahison on eeini d^m lihfaalBMr de
l'Amérique.
Abt ma mère, entendes-fons 7
TAUTRINy à part.
Ck>mme elle l'aime! Pauvre fiUe, ça ne demande qu*à être abusé.
LA DUCHESSE.
La lettre de mon mari tous donne, en efiet, général, de pleins
pouTcrirs.
VAUTRIW.
J*ai les actes authentiques et les papiers de famfïïe...
1)K TALBT ^ entrant.
Madame ladudiesse Teut-etle recevoir M. de Vnaeul
TAUTRI!f^ à P9êU
Raoul ici!
LA DUCHESSE^ au Talet
Faites entrer.
VAUTRIN.
Bon! le malade vient tuer le médecin.
LA DliCHESSE.
Inès, vous pouvez recevoir seule M. de Frescas, il est agréé
par votre père. (Ms^lse la maindecamèr«.>
SCÈNE YI.
ut HiMift» RAOOL.
f
t
TAUTRIN^ & Raoal.
Don Raoul de GardavaL
RAOOS.
Vautrin !
TADTua;
!tai, le gfeaénd GhiilaBKme.
I
ACTB ir« 79
TAumiir.
Bien. Envoyé du Mexique. Retiens bien le nom de ton père
Âmoagos, un seignsur d'Aragon, un ami dn duc de Ghristoval.
Ta mère est morte; j'apporte les titres, les papiers de famille
authentiques» reconnus. Inès est à toi.
RAOUL.
. £t TOUS voulez que je consente à de pareilles infamies! jamais!
TAUTRIN^ aux deux femmes.
Il est stupéfait de ce que je lui apprends, il ne s'attendait pas à
un si prompt dénoûment.
RAOUL.
S la vérité me tue, tes mensonges me déshonorent, j'aime
mieux mourir.
VAUTRIN.
Tu voulais Inès par tous les moyens possibles, et tu recules
devant un innocent stratagème?
RAOUL ^ exaspéri.
Mesdames I...
VAUTRIN.
La joie le transporte. (ARaoui.) Parler, c'est perdre Inès et me
livrera la justice : tu le peux, ma vie est à toi.
RAOUL.
OYantrin! dans quel abime m'as-tu plongé?
VAUTRIN.
Je t'ai fait prince, n'oublie pas que tu es au comble du bonheur*
upirt.jliira.
SCÈNE vn.
INÈS, près de la porte où elle t ouitté sa mère, RAOnj ^ de rentre oOté da thfiâtre.
RAOUL, h part.
L'honneur veut que je parie, la reconnaissance veut que je me
taise; eh bien! j'accepte mon rôle d'homme beoreux, jusqu'à ce
qu'il ne soit plus en péril; mais j'écrirai ce soir et Inès saura qui
je SUIS. Vauirin, un pareil sacrifice m'acquitte bien envers toi :
nos liens sont rompus. J'irai chercher je ne sais où b mort da
soldat
SO VAUTBUL
UXÈSf 8'approchaDt après avoir examiné*
Mon père et le vôtre sont amis; ils consentent à notre mariage,
nous nous aimons comme s'ils s'y opposaient, et tous voilà rcvour,
presque triste I
BÀOUt.
Vous avez votre raison, et moi, je n'ai plus la mienne. A l^
moment où vous ne voyez plus d'obstacle, il peut en surgir d'in-
surmontables.
INÈS.
Raoul, quelles inquiétudes jetez-vous dans notre bonheur !
RAOUL.
Notre bonheur! (A part.) Il m'est impossible de feindre. (Haut
Au nom de notre amour, je vous demande de croire en ma loyauté
INÈS.
Ma confiance en vous n'était-elle pas infinie? Et le général a
tout justifié, jusqu'à votre silence chez les Montsorel. Aussi vous
pardonué-je les petits chagrins que vous étiez obligé de me causer.
RAOUL^ à part.
Ah! Vautrin ! je me livre à toi! (Haut.) Inès, vous ne savez pas
quelle est la puissance de vos paroles : elles m'ont donné la force
de supporter le ravissement que vous me causez... Eh bien! oui,
soyons heureux I
SCENE VIII.
us MÊMES LE MARQUIS DE MONTSOREL.
LE VALET^ annonçant.
M. le marquis de MontsoreL
RAOUL, à part.
Ah! ce nom me rappelle à moi-même. (Ainte.) Quoiqu'il arrive,
Inès, attendez pour juger ma conduite l'heure où je vous la sou-
mettrai moi-même, et pensez que j'obéis en ce moment à une
invmcible fatalité.
INÈS.
Raoul, je ne vous comprends plus ; mais je me fie toujours à tous.
ht MARQUIS, h part.
Encore ce petit monsieur ! (ii salue mes.} Je vous croyais avec votre
mère, Alademoiselle, et j'étais loin de penser que ma visite pût
être importune. Faites-moi la grâce de m'excuser...
ACTE IV. 81
INÈS.
Restez, je vons prie : il n'y a plus d'étranger id, monsieur
Raoul est agréé par^na famille.
LE MÀRQUrS.
Monsieur Raoul de Frescas yeut-i[ alors agréer mes complimen ts 7
RAOUL.
YOS compliments? je les accepte (Ulul tend lamtln et le marquis lalul
lerre} d'aussi bon cœur que tous me les offrez.
LE MARQUIS.
Nous nous entendons.
INiS, h Raoal.
Faîtes en sorte qu'il parte, et restez, (xn marquis.) Ma mère a
besoin de moi pour quelques instants, j'espère vous la ramener.
SCÈNE IX.
LE MARQUIS, RAOUL, paie VAUTRIN.
LE MARQUIS.
Acceptez- VOUS une rencontre à mort et sans témoins t
RAOUL.
Sans témoins, Monsieur?
LE MARQUIS.
Ne savez-vous pas qu'un de nous est de trop en ce monde?
RAOUL.
. Votre famille est puissante : en cas de succès, votre proposition
m'eipose à sa vengeance, permettez-moi de ne pas échanger
l'hôtel de Christoval contre une prison, rvaatrin parait.) A mort, soit!
mais avec des témoins.
LE MARQUIS.
Les vôtres n'arrêteront point le combat?
RAOUL.
Nous avons chacun une garantie dans notre haine.
TAUTRIN^ à part.
Ah çà, mais nous trébucherons donc toujours dans le succès !
mort? cet enfant joue sa vie comme si elle lui appartenait.
LE MARQUIS.
Eh bien ! Monsieur, demain à huit heures, sur la terrasse de
Saint-^Sermain. nous irons dans la forêt.
TH. 0
82 VAUTRin.
VAUTRIN.
Vous n*irez pas. (i saoui.) Un duel ? la parlie est-elle égaie ? Mon-
:jeur est-3 comme vous le fils unique d*une grande maison? Votre
père, don Inigo, Juan, Yarago des los Amoagos de Gardaval, las
Frescas» y Péral vous le permettrait-H, don Raoul?
LE UÀRQUIS.
Je consentais à me battre avec un inconnu, mais la grande mai-
son de Monsieur ne gâte rien à rafTaire.
RÂ.OUL^ au marquis.
Il me semble que maintenant. Monsieur, nous pouvons nous
traiter avec courtoisie et en gens qui s'estiment assez Tun Tautre
pour se haïr et se tuer.
LB MARQUIS, regafdaat Vautria.
Peut-on savoir le nom de votre mentor ?
VAUTRIN.
A qui aurais-je l'honneur de répondre ?
LE MARQUIS.
Au marquis de Montsorel, monsieur.
VAUTRIN^ le toisant.
J'ai le droit de me taire; mais je vous dirai mon nom, une
seule fois, bientôt, et vous ne le répéterez pas. Je serai le ténaoiu
de M. deFrescas. (a part) £t Buteux sera l'autre.
SCÈNE X.
RAOUL, VAUTRIN, LE MARQUIS, LA DUCHESSE DE MONTSOREL;
puis LA DUCHESSE DE GHRISTOYAL, INÈS.
UH VALET^ annonçant.
Madame la duchesse de MontsoreL
VAUTRIN « à BaouL
Pas d'enfantillage : de l'aplomb et au pas I je suis devant l'en-
nemi.
LE MARQUIS.
Ah ! ma mère, venez-vous assister à ma défaite! Tout est eon-
du. La famille de Ghristoval se jouait de noua. Monsieur (u montre
Tautrin) apporte les pouvoirs des deux pères.
LA DUCHESSE DE UOKTSOAEL.
Raoul a une famille? (Ma4am«deGhri8toTaletsafiUeentnatet8tlueiit!a
ACTE IV. 83
duchesse. (A madame de curistovai.) Madame, mon fiis vieDt de m'ap-
prendre l'événement inattendu qui renverse toutes nos espérances.
LA. DUCHBSSE DE CRRISTOYAL.
L'intérêt que vons paraissez témoigner à M* de Frescas s'est
donc affaibli depuis hier?
LA DUCHESSE DE HONTSOREL^ examinant Vautrtn.
Et c'est grâce à monsieur que tons les doutes ont été levés? Qui
cst-ilî
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL.
Le représentant da père de M. de Frescas, don Âmoagos, et de
M. de Ghristoval. Il nous a donné les nouvelles que nous atten^
dions, et nous a remis enfin les lettres de mon mari.
YAUTRm, à part.
Âh çà, vais-je poser longtemps comme ça ?
LA DUCHESSE DE MONTSOHEL^ il Vautrin.
Monsieur connaît sans doute depuis longtemps la famille de M^ de
Frescas?
YAUTRIN.
Elle est très-restreinte : un père, un oncle... (Asaouu Vous
n*avez même pas la douloureuse consolation de vous rappeler votre
mère, (àia duchés^.) Elle est morte au Mexique peu de temps après
son mariage.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Mooslear est né au Mexique?
TAUTRIK*
En plein Mexique.
LA DUCHESSE DE HONTSORBL, & la docheflse de Christoval.
Ma chère, on nous trompe, (a Raoul.) Monsieur, vous n'êtes pas
venu du Mexique, votre mère n'est pas morte, et vous avez été
dès votre enfance abandonné, n'est-ce pas?
RAOUL.
Ma mère vivrait I
TAUTROr.
Pardon, Madame, j'arrive moi, et si vous sonbaitez apprendre
des secrets, je me fais fort de vous en révéler qui vous dispense-
ront d'interroger monsieur, (a Raoul.) Pas un mot»
LA DUCHBSSB DE MONTSOREL.
C'est lui ! Et cet homme en fait l'enjeu de qudqne sinistre par^
tie.. (fila Ta tamai^uis.) Mon filSL*.
8A ^AirrRiH.
LE MARQUIS.
Yoas les avei troublés, ma mère, et nous avons sur cet homme
(II montra Tautrio) la même pensée; mais une femme a seule le droit
de dire tout ce qui pourra faire découTrir cette horrible impos-
ture.
Lk DUCHESSE DE KONTSOREL.
Horrible ! oui. Mab laissez-nous.
LE MARQUIS.
Mesdames, malgré tout ce qui s'élève contre moi, ne m'en
veuillez pas si j'espère encore, (a Vautrin.) Entre la coupe et les lè-
vres il y a souvent..
TAUTRIN.
La mort I (Le marquis et RaouI se saluent, et le marquis sort.)
LA DUCHESSE DE MOITTSOREL^ & madame de CtiristoYal.
Chère duchesse, je vous en supplie, renvoyez Inès, nous ue
saurions nous expliquer en sa présence.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL, à sa fllle,en lui faisant signe de sortir.
Je vous rejoins dans un moment
BAOUL^ à Inès, en lui baisant la mafn.
C'est peut-être un étemel adieu f anfts soitj
SCÈNE XI.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL, LA DUCHESSE DE MONTSOREL,
RAOUL, VAUTRIN.
TAUTRIN, à la duchesse de Christoval.
Ne soupçcmnez-vous donc pas quel intérêt amène ici madame 7
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL.
Depuis hier je n'ose me l'avouer.
VAUTRIN.
Uoi» j'ai deviné cet amour à l'instant
RAOULj à Vautrin. »
l'étouffe dans cette atmosphère de mensonge.
VAUTRIN^ & Raoul.
Un seul moment encore.
LA DUCHEÇSB DE MOlfrSOREI.
Madame, je sais tout ce que ma conduite a d'étrange en cet
instant, et je n'essayerai pas de la justifier. Il est des devoirs sa-
ACTE IV. St»
crés devant lesquels s'abaissent toutes les con?e;aances et même
les lois du monde. Quel est le caractère? quels sont donc les pou-
voirs de monsieur?
LÀ DUCHESSE DE CHRISTOYAL^ à qui Vautrin t flUt os signe.
Il m'est interdit de vous répondre.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Eh bien ! je vous le dirai : monsieur est ou le complice on la
dope d'une imposture dont nous sommes les victimes. En dépit
des lettres, en dépit des actes qu'il vous apporte, tout ce qui donne
il Raonl un nom et une famille est faux.
RAOUL.
Madame, en vérité, je ne sais de quel droit vous vous jetez
aioâ dans ma vie?
LA DUCHESSE DE CHRI3T0YAL.
Madame, vous avez sagement agi en renvoyant ma fille et le
marquis.
VAUTRIN^ à Raoul.
De quel droit? (à madame de Hontsorei.) Mais VOUS ne devez pas
l'avouer, et nous le devinons. Je conçois trop bien, Madame, la
douleur que vous cause ce mariage pour m'offenser de vos soupçons
sar mon caractère et de vous voir contredire des actes authea
tiques, que madame de Gbristoval et moi nous sommes tenus de
produire. (A part.) Je vais Tasphyxier. (nia prend à part.) Avant d'être
Mexicain, j'étais Espagnol, je sais la cause de votre baine contre
Albert; et quant à l'intérêt qui vous amène ici, nous en causerons
bientôt cbez votre directeur.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Vous sauriez?
TAUTRIW.
Tout (A part.) Il y a quelque chose. (Haut.) Allez voir les actes.
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Eh bien! ma obère?
Lu DUCHESSE PB MONTSOREL.
Allons retrouvctr Inès. Et, je vous en conjure, examinons bien
les pièces, c'est la prière d'une mère au désespoir.
LA DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Une mère au désespoir!
LK DUCHESSE DE MONTSOREL, regardant Raoul et TautrlB.
Gomment cet homme a-t-il mon secret et tient-il mon fils 1
86 VAUTRIK.
ÏX DUCHESSE DE CHRISTOTAL.
Venez» Madame!
SCÈNE ÎU.
RAOUL, VAUTRIN, LAFOURAILLS.
TAUTRIN.
J'ai cm que notre étoile pâlissait, mais elle brillep
RAOUL.
Suis- je assez humilié ? Je n'avais au monde que mon honneur,
je te l'ai livré. Ta puissance est infernale, je le vois. Mais à comp-
ter de cette heure, je m'y soustrais, tu n'es plus en danger, adieu.
LAPOUBAlLLKj qui est entré pendant que Raoul parlait.
Personne! bon, il était temps! Ah! Monsieur, Philosophe est
en bas, tout est perdu! l'hôtel est envahi par la police.
YÀUTRIN.
Un autre se lasserait I Voyons? Personne n'est pris?
LAFOURAILLS.
Ob ! nous avons de Tusage.
VAUTRUr.
Philosophe est en bas, mais en qaoi?
LAFOURÀILLB.
Encbasseor.
TAUTRIR.
Bien, il montera derrière la voiture. Je vous donnerai mes
ordres pour coffrer le prince d'Arjos, qui croit se battre demain.
RAOUL.
Vous êtes menacé, je le vois, je ne vous quitte plus et veui
savoir, ..
VAUTRIN.
Rien. Ne te mêle pas de ton salut. Je réponds de toi, malgré toL
RAOUL.
Oh ! je connais mon lendemain.
VAUTRUf.
Et moi aussi*
LAFOURAILLl.
Ça chauffe.
fiUTROI
Ça brûle.
âCTB IV- 87
LAFOUBAILLE»
Pas d'attendrissement, il ne faat pas flâner, ils sont à notre
piste, et vont à che?aL
TAUTRIlf.
Et nons donci r^i preidiafmiauiearaft.) Sf le goaTernement nous
lait rhonnenr de loger ses gendarmes chez nous, notre devoir est
de ne pas les troilbier. On est libre de se disperser; mais qu'on
soit à murait ebei k mère Giroflée an gr»nd complet S<oyez à
Jean, car je ne veux pas avoir de Waterloo, et voilà les Prus-
siens. RoulonsI
plN V.V f\V ^^iMPXit: ACTE,
ACTE CINQUIÈME
p«n à l'bOtel de MoatwiBl. dam iu Mloa du if»4e-ebaos8ée.
SCÈNE PREMIÈRE»
JOSEPH, seul.
Il a fait ce soir la maadite marque blanche à la petite porte du
jardin. Ça ne peut pas aller longtemps comme ça, le diable sait
seul ce qu'il veut faire. J'aime mieux le voir ici que dans les ap-
partements, du moins le iardin est là; et« en cas d'alerte, on peut
se promener.
SCÈNE IL .
JOSEPH, iAFOURAILLE, BUTEUX; pois VAUTRIN.
^ entend pendant un Instant ftlre pirrrrr.
JOSEPH.
Allons, bon I via notre air national, ça me fait toujours trem-
bler. (LafouraiUe entre.) Qui êtes- VOUS 7 (LafouniUe fait un signes Un n0U«
veau?
LAFOURAILLB.
Un vieux.
JOSEPH.
n est là.
LAFOURAILLB
Est-ce qu*il attendrait? Il va venir. (Buteux se monmj
ACTE V. 89
JOSEPH.
Gomment, tous serez trois I '
LAFOURAILLEy montrant Joseph.
Nous serons qoalre.
JOSEPH.
Qne venez-Toos donc faire à cette heure? Voulez-vous tout
preudre ici?
LAFOUBAILLB.
Il nous croit des voleurs !
butbux.
Case prouve quelquefois, quaod on est malheureux; mais ça
ne se dit pas...
LAF0U1UILLE.
Oq fait comme les autres, on s'enrichit, voilà tout!
JOSEPH.
Mais monsieur le duc va...
LAFOURAILLE.
Ton dac ne peut pas rentrer avant deux heures, et ce temps
nous suffit; ainsi ne viens pas entrelarder d*inquiéludes le plat de
notre métier que nous avons à servir...
BUTEUX.
Et chaud.
VAUTRlIf, vêta d'ane redingote brune, pantalon bleu, gilet noir, les cheveax courts,
an niux air de Napoléon en bourgeois. Il entre, éteint brusquement la chandelle et
tire sa lanterne sourde.
De la lumière ici ! vous vous croyez donc encore dans la vie
bourgeoise ! Que ce niais ait oublié les premiers éléments, cela se
conçoit; mais vous autres? (AButeux, en lui montrant Joseph.) Mets*lui
du coton dans les oi-eilles, allez causer là-bas. (Aiafouraiiiej £t le
petit ?
LAFOURAILLE.
Gardé à vue I
VAUTRIN.
Dans quel endroit?
LAFOURAILLE.
Dans Tautre pigeonnier dela'femmeà Giroflée, ici près^ derrière
les Invalides.
VAUTRIN.
Et qu'il ne s'en échappe pas comme cette anguille de Saiat«
90 VAUTRIir.
Charles, cet enragé, qui Tient de démolir notre établissement
car je... je ne fais pas de menacés...
LAfOURAILLE.
Pour le petit, je vous engage ma tête! Phiiosoirfie loi a mis des
cothurnes aux mains et des manchettes aux pieds, il ne le rendra
qu'àmoL Quant à Faatre, que voulez- vous? la pauvre Giroflée
est bien faible contre les liqueurs fortes, et Blondet l'a deviné»
VAUTBIN.
Qu*a dit Raoul ?
LAFOURAILLE.
Des horreurs I il se croit déshonoré. Heureusement, Philosophe
n'adore pas les métaphores.
VAUTRIN.
Gonçois-tn que cet enfant veuille se battre à mort? Un jeune
homme a peur, il a le courage de ne pas le laisser voir et la sottise
de se laisser tuer. ;l'espère qu'on l'a empêché d'écrire?
LAFOURAILLE^ h part.
Aie! a!el (Haat.) Une faut rien vous cacher : avant d'être serré
le prince avait envoyé la petite Nini porter une lettre à l'hôtel de
GhristovaL
TAUTRIK.
A Inès?
LAFOURAILUL
A Inès.
TAUTRIN.
Ah! puff I des phrases I
LAFOURAILLE.
Ahl puff!... des bêtises!
TAUTRIN, & Joseph.
Eh I là -bas î l'honnête homme !
BUTEUXj amenant Joeeph à Vautrin.
Donnez-donc à monsieur des raisons, il en veut
JOSEPH.
Il me semble que ce n'est pas trop exiger quç de demander ce
que je risque et ce qui me reviendra.
TAUTRW.
Le temps est court, la parole est longue, employons Tun et dis-
pensons-nous de l'autre. Il y a deux existences en péril, ceDe
d'un honmie qui m'intéresse et celle d'un mousquetaire que je
juge inutile : noos venons le supprimer*
ACTE V. 91
JOSEPH.
Goffliuent! monsieur le marquis? -- Je n'en suis plus.
LAFOURAILLB.
Ton consentement n'est pas à toL
BUTEUX.
Noos Tavons pris. Vois-tu, mon ami, quand le vin est tir&..
JOSEPH.
S'il est mauvais, il ne faut pas le boire.
YAUTRIN.
Âh! tu refuses de trinquer avec moi? Qui réfléchit calcule, et
qai calcule trahit.
JOSEPH.
Vos calculs sont à faire perdre la tête.
VAUTRIN.
Assez, tu m'ennuies I Ton maître doit se battre demain. Dans
ce duel, l'un des deux adversaires doit rester sur le terrain ; fi-
gure-toi que le duel a eu lieu, et que ton maître n'a pas eu do
chance.
BUTBU3L
Gooune c'est juste I
LAFOUR AILLE.
Et profond I Monsieur remplace le Destin.
JOSEPH.
Joli état
BOTEUZ*
Et pas de patente à payer.
YAUTRIN^ à Joseph, lai désignant LafoonUle «( Buteui.
Ta vas les cacher.
JOSEPH.
Où?
TAOTRW.
Je te dis de les cacher. Quand tout dormira dans l'hôtel, excepté
DODs, fais-les monter chez le mousquetaire. (AButeuxetàLarouraiiie.
Tâchez d'y aller sans lui; vous serez deux et adroits; la fenêtre de
sa chambre donne sur la cour, çii lui parie è roreiiie.) Précipitez-le,
comme tous les gens an désespoir, (ii se tourne ven Joseph.) Le suicide
est une raison, personne ne sera compromis.
92 VAUTRIN.
SCÈNE III.
VAUTRIN, settï.
Tout est sauvé, il n*y avait de suspect chez nous que le person*
sonnel, je le changerai. Le Blondet en est pour ses frais de trahi-
son, et comme les mauvais comptes font les bons amis, je le sigoa-
lerai au duc comme l'assassin du vicomte de Langeac. Je vais donc
enfin connaître les secrets des Montsorel et la raison de la singu-
lière conduite de la duchesse. Si ce que je vais apprendre pouvait
justifier le suicide du marquis, quel coup de professeur!
SCÈNE IV.
VAUTRIN, JOSEPH.
JOSEPH.
Vos hommes sont casés dans la serre, mais vous ne comptez
sans doute pas rester là?
VAUTRIN.
Non, je vais étudier dans le cabinet de M. de Montsorel.
JOSEPH.
Et s*il arrive, vous ne craignez pas...
VAUTRIN.
Si je craignais quelque chose, serais-je votre maître à tous?
JOSEPH.
Mais où irez- vous 7
Tu es bien curieux !
VAUTRIN.
SCÈNE V.
JOSEPH, seul.
Le voilà chambré pour Tinstant, ses deux hommes aussi ; je les
tiens, et comme je ne veux pas tremper là-dedans, je vais...
ACTE V. M
SCÈNE VI.
JOSEPH, UN VALET; piUs SAINT-CHARLES.
US TALBT.
Monsieiir Joseph, quelqu'un tous demanda
JOSEPH.
A cette heure ?
SAINT-CHARLES.
C'est mol
JOSEPH.
Laisse-nous, mon garçon.
SAINT-CHARLES.
Monsieur le duc ne peut revenir qu'après le coucher du roi.
La duchesse ?a rentrer, je veux lui parler en secret, et je
l'attends icL
JOSEPH.
Ici?
SAINT-CHARLEi.
IcL
JOSEPH^ à part.
0 mon Dieu! et Jacques... •
SAINT-KIHARLES.
Si ça te dérange...
JOSEPH.
An contraire.
SAINT-CHARLES.
Dis-le moi, tu pourrais attendre quelqu'un.
JOSEPH.
J'attends madame.
SAINT-CHARLES.
Et si c'était Jacques Gollin?
JOSEPH. I
Oh! ne me parlez-donc pas de cet homme-là, vous me donnei
le frisson.
SAINT-CHARLES.
Collin est mêlé à des affaires qui peuvent l'amener ici. Tu dois
ravoir revu? entre vous autres, ça se fait, et je le comprends. Je
9^ VAUTRDI.
D*aî pas le temps de te sonder, je n*ai pas besoin de te corrompre,
choisis entre nous deux, et promptemeut.
JOSEPH.
Que Youlez-Yous donc de moi?
SAINT-CHARLES.
Savoir les moindres petites choses qui se passent icL
JOSEPH.
Eh bien ! en fait de nouveauté, nous avons le duel da maniiiis :
il se bat demain avec M. de Frescas.
SAINT-CHARLES.
Après?
JOSEPH.
Voici madame la duchesse qui rentre.
SCÈNE VIL
&A1NT-CHARL£S, seoL
Ohl le trembleuri Ce duel est un excellent prétexte pour parler
à la duchesse. Le duc ne m*a pas compris, il n'a vu en moi qu'un
instrument qu'on prend et qu'on laisse à volonté. M'ordonner le
silence envers sa femme, n'était-ce pas m'indiquer une arme
contre lui? Exploiter les fautes du prochain, voilà le patrimoine
des hommes fort^ J'ai déjà mangé bien des (patrimoines, et j'ai
toujours bon appétit.
SCÈNE YIII.
SAINT-CHARLES, LA DUCHESSE DE MONTSOREL, MADEMOISELLE
DE YAUDREY.
Saint-Charles s'efOioe pour laisser passer les deux femmes, n iwte «n bant de la scène
pendant qu'elles la descendent.
HADEUOISEU.K SB TAUDRET.
Vous êtes bien abatue.
LA DUCHESSE DE HONTSOREL^ se laissant aller dans un foutaoll.
Mortel plus d'espoir! vous aviez raison.
SAINX-GIIARLESy sfkfiDcaal.
Madame la dacbesse.
ACTE V. 95
LA DUCHESSE DE MONTSOREL. '
Ah! j'avais oublié! Monsieur, 11 in*est impossible de vous
accorder le moment d'audience que vous m'aviez demandé.
Demain. .. plus Urd.
MADEMOISELLE DE TAUDRET, I SatoMaïaitaB.
Ma nièce, Monsieur, est bon d'état de vous entendre.
SAINT-CHARLES.
Demain, Mesdames, il ne serait plus temps ! la vie de votre fils,
le marquis de Montsorel, qui se bat demain avec M. de Frescas,
est menacée.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Mais ce duel est une borrible chose!
MADEMOISELLE DE TAUDRET^ bas & la duchetn.
Yods oubliez déjà que Raoul vous est étranger.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL , & Saint-Cbarles.
Monsieur, mon fils saura faire son devoir.
SAINT-CHARLES.
Yiendrais-je, Mesdames, vous instruire de ce qnî se cache tou«
jours à une mère, s'il ne s'agissait que d'un duel? Votre fils sera
tué sans combat. Son adversaire a pour valets des spadassins, des
misérables auxquels il sert d'enseigne.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Et quelle preuve en avez-vous?
SAINT-CHARLES.
Uo soi-disant intendant de M. Frescas m'a offert des sommes
énormes pour tremper dans la conspiration ourdie contre la famille
deChristoval. Pourmetirerdece repaire, j'ai feint d'accepter : mais
aa moment oà j'allais prévenir l'autorité, danslaroe, deux hommes
m'ont jeté par terre en courant, et si rudement que j'ai perdu
CQQDaissance; ils m'ont fait prendre à mon insu un violent narco-
tique, m'ont mis en voiture, et à mon réveil j'étais dans la plus
mauvaise compagnie. £n présence de ce nouveau péril, j'ai retrouvé
mon sang-froid, je me suis tiré de ma prison, et me suis mis à II
piste de ces hardis coquins.
MADEMOISELLE DE TAUDRET.
Vous venez ici pour M. de Montsorel, à ce que nous a di<
Joseph?
SAINT-CHABLE8.
Oui, Madame.
W VAUTRIN.
t
LA DUCHESSE DE HONTSOUEL.
Et qui donc êtes-vous, Monsieur?
SAINT-CHARLES.
Un homme de confiance dont monsieur le duc se défie, et je
reçois des appointements pour éclaircir les choses mystérieuses.
MADEMOISELLE DE TAUDRET,&Ia duchesse.
"àïl Louise!
LA DUCHESSE DE MONTSOHEL^ regardant fixement Saint-Gbarles.
Et qui VOUS a donné Taudace de me parler. Monsieur?
SAINT-CHARLES.
Votre danger, Madame. On me paye pour être votre ennemi,
ii yez autant de discrétion que moi, daignez me prouver que votre
protection sera plus efficace que les promesses un peu creuses de
monsieur le duc, et je puis vous donner la victoire. Mais le temps
presse, le duc va venir, et s'il nous trouvait ensemble, le succès
serait étrangement compromis.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL, à Mademoiselle de Vaodrey.
Ah ! quelle nouvelle espérance I (a saint-cbaiieij Et qa'aUiez^vous
donc faire chez M. de Frescas?
SAINT-CHARLES.
Ce que je fais en ce moment auprès de vous, Madame.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Ainsi, vous vous taisez.
SAINT-CHARLES.
Madame la duchesse ne me répond pas : le duc a ma parole et
il est tout-puissant
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Et moi, Monsieur, je suis immensément riche ; mais n*espérez
pas m*abuser. (Eiieseièye.} Je ne serai point la dupe de M. de Mont-
sorel, je reconnais toute sa finesse dans cet entretien secret que
vous me demandez ; je vais compléter, Monsieur, vos documents.
(Arec finesse.) M. de Frescas n'est pas un misérable, ses domestiques
ne sont pas des assassins, il appartient à une famOIe aussi riche
que notlet. et il éoouse la princesse d*Arjos.
SAINT-CHARLES.
Oui, Madame^ un envoyé du Mexique a produit des lettres de
M. de Ghristoval, des actes extraordinaircment authentiques. Tous
avez mandé un secrétaire de la légation d'Espagne qui les a re-
connus; les tachets, les timbres, les légalisations... ahl tout est
parfait.
AGTB V. 91 '
LA DUCHESSE D3 MOIfTWIRBi
(Hd, Homieiirt ocb actes sont irrécusaUes.
ffAlNT-CHARLES.
Voes aviez donc an bien grand intérêt, Madame, h ce qn'ifs
fassent faux 7
LA DUCHESSE DE MONTSDRF.L^ h mademolielle de YaodKy.
Oh! jamais pareille torture n*a brisé Ic.cœur d*aacunc mère,
SAINT-CnARLES, à part.
De quel côté passer? à la femme ou au mari,
LA DUCHESSE DE HOiiTSOREL.
Monsieur, la somme que vous me demanderez est h vous s! vous
pouvez me prouver que M. Raoul de Frcscas...
SAIKT-CU ARLES.
Est un misérable?
* (
LA DUCHESSE DE tfOXTSOREL.
Non, mais un enfant...
SAINT-CHARLES.
Le vôtre, n'est-ce pas ?
LA DUCHESSE DE MONTSORBLj iToaMIant.
Eh bien, oui ! Soyes mon sauveur, et je vous protégerai toa*
jours, moi. (Anudemobellede Vaudrey.) Eh ! qu'ai-jo doncdlt? (A Sainte
Chailes.) OÙ OSt Raool 7 )
SAINT-CHARLES.
Disparu I Et cet intendant qui a fait faire ces actes, rue Oblîn,
et qui sans doute a joué le personnage de Tcnvoyé dii Mexique,
est un de nos plus rusés scélérats. (LadachesBeraitanmouTemenU) Oh!
rassurez-vous, il est trop habile pour verser du sang; mais il est
aussi redoutable quQ ceux qui. le prodiguent! et cet homme est
ion gardien.
LA DUCHESSE DE HOMTSORBL.
Ah I votre fortune contre sa vie.
SAINT-CHARLRS.
Je suis à vous. Madame, (a part.j Je saurai tout et je pourrai
choisir.
T3 7
^8^ TAimnL
SCÈNB XL,
I ■ <
Ut H*»f, LE DOC, UN VALET.
U DUC
£li bien f vous triomphez» Madame : 9 n'est brait que de la
fortune el du mariage de M. de Frescas; mats il a sa famiHe...
(Bas à madame de Hontsorel et pear die seule.) Il a UOe mère. (l\ apet^x âaiiit-
chariet.) Yous ici, près de Biadame, Monsieur k cbevaUer?
SAINT-CftàBLSS^ au duc, en le prenant li part.
Monsieur le duc m'approuvera. (Haut.) Vous étiez au château, ne
devaîs-je pas avertir madame des dangers que court votre fils
«inique, monsieur le marquis? il sera peut-ôlre assassiné.
LK DUC
Assassiné?
SAIKT-CHARLES.
Mais si monsieur le duc daigne écouter mes avk..
u DUC.
Venez dans mon cabinet, mon cher, et pmou sarJe^hamp
des mesures eflBcaccsw
««nV^BAUJSy M Mnat «• tffiM tftiitelUffBM» k ii docheMe.
J*ti d^étrange» ckoaes k voos dke, moasiear le duc CA»wt.) Dé*
cidément, je suis pour le duc.
SCÈNE X.
LA iMK»£8SB» MABEMOiSELLB DE VACDREÏ» VAOTIUN.
■ADKBOISnXB DE TAOMIBT.
Si Raoul est votre lils, dans quelle infâme compagniB se
trouve-t-il?
LA DUCHESSE Dl ■OE'ISMBL»
Un seul ange purifierait Tenter.
▼AUTRUr m enirwivegi avec précaution une des portes^ltaétres du Jardim. Ik ptfi.)
Je sais tout Deux frères ne peuvent se battre. Ah ! voilà uoa
duchesse^ (Haut.) Mesdames...
ACTE V* W
Un bomme ! an seeoirnl
ul duchesse de montsorbl.
€*est lui!
TAUrUir, k te éNcfwwo.
SOeDce I les femmes ne savent que crier, (a mademoiieiiedeTaodnfy^
Hadcmoiselle de Yandrey, coarez chez le marquis, il f^y trouve
deux infâmes assassins! allez donc ! empêchez qu'on ne Tégorge*
Mais faites saisir les deux misérables sans esclandre. (AiaducbeM^
itestez. Madame.
LA DUCHESSE DE MOlfTSOREL.
ABcz, ma tante, et ne craignez rien pour moL
VAUTRIN.
Mes drôles vont être bien surpris l Que croiront-ils? Je vais les
|ager« (Oo «teiid da linaU
SCËNKXL
Li DUGH£SS£ , VAUTRIN.
LA DUGBBSB M MOirrSOREL.
Toute la maison est sur pied! Que dira-t-oo «une sachant ici t
TAUTHUr.
Iqpéiaw qae ee bftiavd aéra sauvé.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Mais on sait qui vev êtes, et RL de Montaorel est avea..
TAUTRIN.
Le chevalier de Saint-^^harks. Je suis tranquille, vous me de-
là DUCHESSE DE MONISOREL.
Moit
TAUTRIN.
Yous. Oa vous ne reverrez jamais votre fils, Femand de Mont-
iMeL
LA DUCHESSE DE HONTSOREL.
Baoul est donc bien mon fils ?
VAUTRIN.
Bêlas! onL.. Je tiens entre mes matns. Madame» les preafCf
iplètes de votre innocence, eU.. votre fib
100 V AUTRUI,
l^ DUCBBSSB DE MONTSORKL. "^
Vous ! mais alors vous oe ine quitterez pas c[ua..
SCÈNE XII.
LBS Hâiis, MADEMOISELLE DE YAUDREY, 4'uacCté: SAINT-
CHARLES, do l'autre: BoaisTiaoB*.
MADEMOISELLE Dfi TAUDRET.
Le voici I sauvez-la.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL^ ft mademoiselle de Vaudrcy.
/ous perdez tout
SAINT-CHARLES^ aux gens.
Voici leur chef et leur complice, quoi qu'il dise, emparez-vouv
de lui.
LA DUCHESSE DE MONTSOREL ^ k tous les gens.
Je vous ordonne de me laisser seule avec cet homme.
TAUTRINj k Salnt-Cbarles.
Eh bien I chevalier?
SAINT-CHARLES*
Je ne te comprends plus, baron.
VAUTRIN^ bas h la duchease.
Vous voyez dans cet homme l'assassin dn vioomtd que tous at-
miez tant
LA DUCHESSE 01 MONTSOISL.
Luil
TAUTRIN^ à la dacheMSk ]'
Faites-le garder bien étroitement, car il vous coule dan» lès
mains comme de l'argent
LA DUCHESSE DR MONTSOREL.
V)seph'
TAUTRIN, àJosepH. '
Qn'est-il arrivé là-haut?
JOSEPH.
M. le marquis examinait ses armes; attaqué par derrière, il
s^est défendu, et n'a reçu que deux hlessores peu dangereosesi
M. le duc est auprès de luL
»»
ACTB V- 101
LA DUCHESSE, k sa tante.
Retournez auprès d*Àlbcrt, je vous en prie, m imçK mi
saintrCharia.) Yoos me répondez de cet homme.
YAUTR15^ h Joseph.
TA m'eo réponds aussi
SAIlfT-CHÂRLES^ A TaiitfttL
Je comprends, tu m'as pré?enu.
TAUTanr.
Sans rancune, bonhomme I
SAIlfT-GHARLES^ k JOMplU
Mène-moi près du duc CQt soriuCf
SCÈNE XIIL
VAUTRIN, LA DUCHESSE DE MONTSORBL.
TAUTRIN^ k part.
Il a un père, une famille, une mère. Quel désastre ! A qui
puis-je maintenant m*intéresser, qui pourrais-je aimer? Douze ans
de paternité, ça ne se refait pas.
LA DUCHESSE^ Tenant ft Vautri*.
Eh bien?
TAUTRnr.
Eh bien! non, je ne vous rendrai pasTotre fils. Madame, je ne
»ic sens pas assez fort pour survivre à sa perte ni à son dédain.
Uu Raoul ne se retrouve pas I je ne vis que par lui, moi !
LA DUCHESSE.
Alais peut-il vous aimer, vous, un criminel que nous pouvons
livrer.. •
TAurniN.
 la justice, n'est-ce pas? Je vous croyais meiileure. Mais vous
ne voyez donc pas que je vous entraîne, vous, votre ûls et le duc
dans un abîme, et que nous y roulerons ensemble?
LA DUCHESSE.
Oh! qu'avez-vous fait de mon pauvre enfantt
TAUTRIN.
Un homme d'honneur.
m VAUTUIL
LA DUCH£SSS.
Et il TOUS aime?
TÀtJTRIir.
Encoi-e.
Là BOCHSnL
Mais a-t-il dit vrai, ce misérable, en déotamot^
•I d*où vous sortez?
TAUTlUi*
Oui, Madame.
LÀ DUCHESSI.
£t TOUS ayez eu soin de mon ûls ?
TAUTRIN.
Yotre fils? notre fils. Ne Tavez-vous pas vu, il est pur comme
on ange.
LA MICHtSSS.
Ah I quoi que tu aies fait, sois béni ! que le monde te pardonnât
Mon Dieu !... (ete pHe le 9eiMa lur on firaleau} la VOIX (Time mère dois
aller jusqu'à tous, pardonnez! pardonnez tout à cet homme»
(Elle le regarde.) Mes pleurs kveront ses mains I Oh I il se repentira l
(Se tournant yen Yavtrin.) Yous m^apparteuez, je VOUS changerai! Mai»
ks hommes se sont trompés, vous n*êtes pas criminel, et d'ail-
lenra toutes les mères vous absoudront!
TAUTRIN.
Allons* rendons-lui son fils.
LA DUCaMSSë,
Tons aviez encore rborriUe pensée de ne pas le reodie à s»
mère? Mais je Tatteads depuis viugtr-deux ans.
TAUTAUr.
Et moi, depuis dix ans, ne suis-je pas son père? Raoul, maà
c'est mon âme ! Que je soofii'et que Ton me cou? le de boate; ft'2
est heureux et glorieux, je le regarde, et ma vie est belle.
LA DCCHESSK.
Ahl je sois peidnel H Palme comme une mère.
TAUTRIN.
Je ne me rattachais an monde et à la vie que par ce brillant
anneau, pur comme de l'or.
LA OUCHJISSE.
Et., sans souillure?...
Âb! notB nous oomniaBMis ep vertu, nous antres!... et — -sons
MMnmes difficiles, Â moi i*iiifamie, k hii TiiOQiieorf Etsoogex qoe
(e Tai troirré sur k graode roule de Touloii \ Mandiie, h doim
w, sans pain, en iiayioBs.
LA DUCHESSB.
Na-pîeds, peut-être?
VAUTRIN.
Oai. Mais joli I les cheveux bouclés...
LA DUCHESSE.
Tous Tavez vu ainsi?
VÀ.UTBIX.
Pauvre angel il pleurait Je l'ai prîs avec moL
LA DUCHESSB.
Et TOUS Favez nourri?
TAUTRIN.
Moi ! j'ai volé pour le nourrir !
LA DUCHESSB.
Oh I je l'aurais fait peut-être aussi, moi?
TAUTRRC.
Tû fait mieoxt
iahochbssb»
Oh I il a donc bien souffert?
TAUTRDf*
Jamais! Je lui ai caché les nioyens par lesquels je lui rendais fa
vie heureuse et facile. Ah ! je ne loi vofdÙB pas on soupçon^* ça
l'aurait flétri. Vous le rendez noble avez des parchemins, moi je
Tai fait noble de cœur.
LA DUCHESSB.
Uais c'était mon fils ! ...
TAumm.
Oui, plein de granJeur, de charmes, de beaux instincts : il n'y
avait q d'à lui montrer le chemin.
LA OUCBBSBB^ «eiTKiitl«BMl«#B Vautrin.
' Ohf que foas dêia éta cruid pour avoir aeciMB
d'une mère !
tut yAUTRIA.
TAUTRlIfi
Et inienx que tous autres! Vous aimez quelquefois bien md vos
enfants. — Vous me le gâterez ! — 11 était (l*uu courage impru-
dent» il voulait se faire soldat, et l'empereur l'aurait accepté. Je
lui ai montré le mondQ et les honijnes sous leur vrai jour. Aussi
t-il me renier.
Là DUCHESSB.
Mon fils ingrat!
TAUTRIir.
Non, le mien.
LÀ DUCHESSE.
Mais rendez*le>moi donc sur-le-champ !
TAUTRIN.
Et CCS deux hommes là-haut, et moi, ne sommes-nous pas
compromis? M. le duc ne doit-il pas nous assurer le secret et la
liberté?
LA DUCHESSE.
Ces deux hommes sont à vous, vous veniez donc.
TAUTRIN.
Dans quelques heures, du bâtard et du fils légitime» il ne devait
vous rester qu'un enfant Et ils pouvaient se tuer tous les deux.
LA DUCHRSSB. .
Ahl vous êtes une horrible providence.
TAUTRIN.
Et qu'auriez-vous donc fait?
SCÈNE XIY.
ut lÉMBS, LE DUC, LÂFOURÂTLL£» BUTEUX, SAINT-CHARLES,
TOUS LES D0IB8T1QDB8.
LE W3C, déiigiiantVaotriii*
Emparez-vous de lui! (ii montre saiAM:bait6«)'et n'obéissez qu'k
Monsieur
ACTE V. 105
LA DOCHlâbE.
Uab TOUS lui devez Ja vie de votre All)ertl U a donné l'alarme.
Loi!
BDTBUZjAyaotrin.
Ah! to nons as tndiisl pourquoi donc nous aœenais-lo t
flilNT-CHARLES^ ao dofr
Vous les entendez, monsieur le doc?
LA FOURAILLE^ k Buteui.
Tais-UM donc. Devons-nous le juger t
BUTEUZ.
Quand Q nous condamne.
TAUTRIN^ an diM.'
Monsieur le duc, ces deux hommes sont à moi, je les rédame.
SAIirr-GHÀRLES.
Voilà les gens de M. Frescas.
TAlITRÏir^ \ Salnt-Cbarlet.
Intendant de la maison de Langeac, tais-toi, tais-toi I ai montre
laronniiie.) Void Philippe Boulard. (larouranie salue.) Monsieur le duc,
faites éloigner tout le monde.
LS DUC
Quoi ! chez moi, vous osez commander!
LA DUCHESSE.
Ahl Monsieur, il est maître icL
LE DUC
Gomment t ce misérable I
YAUTRIN.
Monsieur le duc veut de la compagnie, parlons donc du fils de
dona Mendès. . .
LE DUC
Silence I
VAUTRIir.
Que VOUS faites passer pour celui de...
LEDUC
Encore une fois, silence 1
ilM vAumoL
Vous voyez bieii, monsieiir le duC| qa'il y aTail trop de monde.
IBOOC.
Sorteitouel
Faites garder tontes les issoes de votre hfttd, et que personne
n'en sorte, excepté ces deux bommes. usaint-cbaries.) Restez I2l
Il tire un poignard, et ya couper Iab lient de LafouraUleet deButeuz.) Sauvez-youS
par la petite porte dont Toid la clef» et allez chez la mère Giroflée.
▲ uiburtiuej To m*enYerras RaouL
LâPOURAOLIj iortttll.
Ohl notre véritable empereur.
TAUTBUff.
VoQS recemei de l'aigent et des passe-portsi
BUTEIIX, sortant.
J'anrai donc de quoi pour Adèle I
UfiUC
Maintenant, comment savez-Tous ces choses!
TAlmtlKy iCBdant dea pê^itn «a Uw.
Void ce que j*ai pris dans votre cabiaeC
UDUC.
Ma correspondance et les lettres de madame aa vicomte de Lan-
geacl
VAUTRIN.
Fusillé par les soins de Charles Blondet, à Mortagne, en oc-
tobre 1792.
SAINr-CUARLES.
Mais vous savez bien, monsieur le duc
VAUTRIN.
Lui-même m'a donné les papîero que voici, parmi lesquels vou^
remarquerez i*acte mortuaire du vicomte, qui prouve que ma-
dame et lui ne se sont pas vos depuis la veille du 10 août, car il .1
passé de l'Abbaye en Vendée accompagné de Boniard.
UtJMiC.
Ainsi Fernandt
TAITTRIlf.
L'enfant déporté en SardaigD£ est bkn votre fil&
LBDUG.
Et madiofeLM
TAUXUS.
Innocente.
LE DUC.
Ahl rTombBntdanim fcrtMflJ Qu'aî-je UiS
LA DUCHESSS.
Quelle horrible preaieL.. mort Ëi Tassassia est Ou
YAurarx.
Ifomarle dac, j'ai été le père de Fernand» et je vieas de sau-
ver tos deux fibriia4e rautre, vousseul êtes l'auteur de tout, ici.
IIDUCUSSC.
Arrêtez ! je le connais, M ^oMte «« cet iasUal hrat ce qm j'ai
souffert en vingt ans. De grâce, iiK>Q fils 2
LE DUC
Gomment, Raoul de Frescas?...
YAUTBIN.
Femand de Montsord va venir. (Asaint-cbaiies.) Qu'en dis-tu?
8AI1IT-CHARLBS.
To es un héros, laisse-moi être ton valet de chambre.
TAUTRIN.
Tq as de l'ambition. Et tu tue suivras!
SAINT CHARLES.
Partout.
VAUTRIN.
Je le verrai bien.
Ah ! quel artiste ta Ifoaves er queUe perie le gouveroeiBeBC va
lire.
VAUTRIN.
Allons, va m'attcndre au bureau des passe-ports.
108 vAumn.
SCÈNE XV.
Lii aiiM, LA DUCHESSE DE GHRISTOYAL, INÈS /MADEMOISELLE
DE YAUDREY.
MADBMOrSELLS DE YAUDRKT.
Les voici!
LA DUCHESSE DE CHRISTOYAL.
Ma fille a reçu, Madame, une lettre de M. Raoul, où ce noble
jeune homme aime mieux renoncer 5 Inès que de nons tromper :
il nons a dit toute sa vie. Il doit se battre demain avec votre fils,
et comme Inès est la cause involontaire de ce duel, nous venons
Vempêcber; car 11 est maintenant sans motif.
LA DUCHESSE DB HONTSOREL.
Ge duel est fini^ Madame.
INÈS.
Il vivra donc I
LA DUCHESSE DE HONTSOREL.
Et vous épouserez le marquis de Montsorel» mon enfant
SCÈNE XVI.
LIS HiiBt, RAOUL et LAFOUR AILLE, qui fort aosiltac.
RAOUL^ è Vautrin.
51'enfermer pour m'empéchei oe me lettre !
LB DUC
Avec ton frère?
RAOVL.
Mon frère t
ACTE V» 109
UDUO.
Od.
LA DUCHESSE OB MOTfTSOREL*
Ta étais donc bien mon enfant ! Mesdames, (eiie msit Baoui) ?oîd
Icniand de Montsorel, mon fils, le...
LE DUC^ prenant Raoul par la main et interrompant la Ibmma.
L'aîné, l'enliaint qui nous avait été enlevé, Albert n'est plus que
le comte de MonsoreL
RAOUL.
Depuis trois jours je crois rêver! vous, ma mèref vous Blon-
seur...
LB DUC.
Kli bien I ooL
RAOUL.
Oïl ! là, où on me demandait une famille..»
TAUTRIN.
£Ue s'y trouve.
RAOUL.
El... y êtes-fOus encore pour quelque chose?
TAUTR1N> & la ducbesse de Montsorel.
Que TOUS disais-je? (a Raouv.) Souvenez -vous, monsieur le mar-*
quis, que je vous ai d'avance absous de toute ingratitude. (Aia du-
Aesse.) L'enfant m'oubliera, et la mère?
LA DUCHESSB DE UOlfTSORBL.
Jaa]ai&
LE DUC.
Mab quels sont donc les malheurs qui tous ont plongé dans
Fablme?
\ TAUTBIlf.
* £tt-ce qu'on explique le malheur ?
I LA DUCHESSE DE MONTSOREL.
Mon ami, n'est-il pas en Totre pouvoir d'obtenir sa grâce?
LB DUC.
Des arrêts comme ceux qui l'ont frappé sont in*évocab!es;
vâmak
Ce mot me raccommode avec vous, 0 est d'an homme d*EtaL
Eh ! monsieur le dac,. tâchez donc de faire comprendre qae la dé-
portation est votre dernière ressource contre nooA.
Monsieur...
TlUTRIN.
Vous VOUS trompez^ je ne suis pas même monsieur.
Je crois comprendre que vous êtes ma baoni^qoe abob anû ?ous
doit beaucoup et ne peut s'acquitter. Au delà des mers, j*ai de
grands biens, qui, pour être régis» veulent un homme plein d'é-
nergie : allez*y exercer vos talents, et devenez...
VAUTRIN. '
Riche, sous un nom nouveau? Enfant, ne venez-vous donc pas)
d'apprendre qu'il est en ce monde des choses impiloyables. Oui,
je puis acquérir une fortune,' imhf qui me donnera le pouvoir?...
(AU doc de Montsorei.) Le roi, monsieur le duc, peut tmMwt grâee;
mais qui me serrera la main?
Moi!
Ahl¥oaie»fi»j*MlHMhift|Mnr fMin YmmmnMnm mire»
adieu I
SCÈNE XVII.
us uÈmu, m COMMIS^IÀIES.
IM portes-fenêtres 8'oaTrent : on volt un oommlaisire, un offlder : dans isaHÉ»
des gendarmes
UN COMinaMlBS» mu
An nom du roi, de la loi. j'arrête Jacques Collin, convaincu
d'avoir rompu...
Tons les pereonnages se Jettent entre la fbm armée et Jao^mi» pevr le Alie aaafv.
» urimc
Hcssiemy, jè pnendli suraioi dft.
).•
AGTB V. lit
TÀUTRIN.
Gha vous, monsieur le dnc, laissez passer la justice du roi.
C'est une affaire entre ces messieurs et moL (Aa oommimire.) Je tous
sois. (AUducbene.) G'est Joseph qui les amène, il est des nôtres,
renvoyeX'le.
HÀOUL.
Sommes-nous séparés à jamais?
TAurani.-
Ta te maries bientôt Dans dix mois, le jour du baptême, à la
)orte de l'Oise, regarde bien parmi les pauvres, il y aura quel-
qu'un qui veut étrà certain de ton bonheur. Adieu. (Auzaveata.)
Marchons!
J
IJSS
RESSOURCES DE QUINOLA
œuÉoiB mr airo àctbs, en fhosb^ n précAdéb d'un prologub.
lepréflentée sur le second Tbé&tre-Frsnfitls [WtMO»
le sunedl 19 mais IStt.
TH, ^
PRÉFACE
Quand Fauteur de cette pièce ne Taurait faite que pour ob-
tenir les éloges universels accordés par les journaux à set
livres, et qui peut-être ont dépassé ce qui lui était dû, les Res^
sources de Quinola seraient une excellente spéculation litté«
raire;*mais, en se voyant l'objet de tant de louanges et de tant
d'injures, il a compris que ses débuts au théâtre seraient encore
plus diûiciles que ne Font été ses débuts en littérature, et il
s'est armé de courage pour le présent comme pour Favenir.
Un jour viendra que cette pièce servira de bélier pour battre
en brèche une pièce nouvelle, comme on a pris tous ses livres,
et même sa pièce intitulée Vautrin^ pour en accabler les Res-
sources de Quinola.
Quelque calme que doive être sa résignation, Fauteur ne peut
s'empèdier de faire ici deux remarques.
Parmi cinquante faiseurs de feuilletons, il n'en est pas uc
seul qui n'ait traité comme une fable, inventée par l'auteur, te
fait historique sur lequel repose cette pièce des B^essources d«
Quinola.
Longtemps avant que M. Arago ne mentionnât ce fait dam
son histoire de la vapeur, publiée dans l'Annuaire du Bureau
des longitudes, l'auteur, à qui le fait était connu, avait pres-
senti la grande comédie qui devait avoir précédé l'acte de dé-
sespoir auquel fut poussé l'inventeur inconnu qui, en plein
seizième siècle, fit marcher par la vapeur un navire dans le
port de Barcelone , et le coula lui-même en présence de deux
cent mille spectateurs.
Cette observation répond aux dérisions qu'a soulevées la pré-
tendue supposition de l'invention de la vapeur avant le marquis
de Worcester, Salomon de Gaus et Papin.
La deuxième observation porte sur l'étrange calomnie sous
laquelle presque tous les faiseurs de feuilletons ont accablé La-
vradi, l'un des personnages de cette comédie, et dopt ils ont
voulu faire une création hideuse. En lisant la pièce, dont l'ana-
lyse n'a étc faite exactement par aucun critique, on verra que
Lavradi, condamné pour dix ans aux présides, vient demander
sa grâce au roi. Tout le monde sait combien les peines les plus
sévères étaient prodiguées dans le seizième siècle pour les moin-
dres délits, et avec quelle indulgence sont accueillis dans le vieux
théâtre les valets dans la position où se trouve Quinola.
On ferait plusieurs volumes avec las lamentations des criti-
116 LES RbiSSOLRGES DE QUINOLA.
ques qui, depuis bientôt vingt ans, demandaient des comédies
dans la forme italienne, espagnole ou anglaise : on en essaye
une; et tous aiment mieux oublier ce qu'ils ont dit depuis
vingt ans plutôt que de manquer à étouffer un homme assez
hardi pour s'aventurer dans une voie si féconde, et que son
ancienneté rend aujourd'hui presque nouvelle.
N'oublions pas de rappeler, à la honte de notre époque^ le
hourra d'improbations par lequel fut accueilli le titre de duc de
Neptunado, cherché par Philippe II pour l'inventeur, hourra
auquel les lecteurs instruits refuseront de croire, mais qui fut
tel, que les acteurs, en gens intelligents, retranchèrent ce titre
dans le reste de la pièce. Ce hourra fut poussé par des specta-
teurs qui, tous les matins, lisent dans les journaux le titre de
duc de la Victoire, donné à Espartero, et qui ne piouvaient pas
ignorer le titre de prince de la Paix, donné au dernier favori de
i'avant-dernier roi d'Espagne. Comment prévoir une pareille
ignorance? Qui ne sait que la plupart des titres espagnols, sur-
tout au temps de Charles-Quint et de Philippe II, rappellent la
circonstance à laquelle ils furent dus.
Orendayes prit le titre de la Pes, pour avoir signé le traité
de 1725.
Un amiral prit celui de Transport-Real^ pour avoir conduit
rinfant en Italie.
Navarro prit celui de la Vitloria après le combat naval de
Toulon, quoique la victoire eût été indécise.
Ces exemples, et tant d'autres, sont surpassés par le fameux
ministre des finances, négociant parvenu, qui prit le titre de
marquis de Rien-en-Soi (UEnsenada).
En produisant une œuvre faite avec toutes les libertés des
vieux théâtres français et espagnol, l'auteur s'est permis une
tentative appelée pkr les vœux de plus d'un organe de Vopi-
nion publique et de tous ceux qui assistent aux premières re-
présentations : il a voulu convoquer un vrai public, et faire re-
présenter la pièce devant une salle pleine de spectateurs payants.
L'insuccès de cette épreuve a été si bien constaté par tous les
journaux, que la nécessité des claaueurs en res'*^ à jamais dé-
montrée.
L'auteur eiait entre ce dilemme, que I ni posaient les personnes
expertes en cette matière : introduire ôouze cents spectateurs
non payants, le succès ainsi obtenu sera nié; faire payer leur
place à douze cents spectateurs, c'est rendre le succès presque
impossible. L'auteur a préféré le péril. Telle est la raison de
cette première représentation, où tant de personnes ont été mé-
contentes d'avoir été élevées à la dignité déjuges indépendants.
L'auteur rentrera donc dans l'ornière honteuse et ignoble
que tant d'abus ont creusée aux succès dramatiques; mais il
n'est pas inutile de dire ici que la nremière représentation des
Ressources dt Quinola fut ainsi donnée au bénéSce des cla-
117
queurs^ qui sont les seuls triomphateurs de cette soirée, d'où
ils avaient été bannis.
Pour caractériser les critiques faites sur cette comédie, il suf-
fira de dire que sur cinquante journaux qui tous, depuis
vingt ans, prodiguent au dernier vaudevilliste tombé cette
phrase banale : La pièce est cVun homme d'esprit qui saura
prendre sa revanche, aucun ne s'en est servi pour les Res*
sources de Quinola, que tous tenaient à entener. Cette re-
marque suffît à Tambition de Tauteur.
Sans que Tauteur eût rien fait pour obtenir de telles pro-
messes, quelques personnes avaient d'avance accorçlé leurs en-
couragements à sa tentative, et celles-là se sont montrées plus
mjurieuses que critiques; mais l'auteur regarde de tels mé-
comptes comme les plus grands bonheurs qui puissent lui ar-
river, car on gagne de l'expérience en perdant de faux amis.
Aussi, est-ce autant un plaisir qu'un devoir pour lui que de re-
mercier pubhquement les personnes qui lui sont restées fidèles
comme monsieur Léon Gozlan, envers lequel il a contracté
une dette de reconnaissance ; comme monsieur Victor Hugo,
qui a, pour ainsi dire, protesté contre le public de la première
représentation, en revenant voir la pièce à la seconde; comme
monsieur de Lamartine et madame de Girardin, qui ont main-
tenu leur premier jugement malgré l'irritation générale. D€
telles approbations consoleraient d'une chute.
Laf.ny» t mii I8/42.
PERSONNAGES DU PROLOGUIL
PHILIPPE n.
L£ CARDINAL GIENFUGOS, grand
inquisiteur.
LE CAPITAINE DES GARDES.
LE DUC D'OLMÉDO.
LE DUC DE LERME.
ALFONSO FONTANARÊS.
QUINOLA.
UN HALLEBARDIER.
UN ALCADE DU PALAIS.
UN FAMILIER DE L'INQUISITIO!!
(personnage muet.)
LA REINE D'ESPAGNE.
LA MARQUISE DE MONTDËJAR.
PERSONNAGES DE LA PIÈCE.
^ON FREGOSE, ylce-rol de Catalogne.
LE GRAND INQUISITEUR.;
LE COMTE SARPI , secrétaire de la
vice-royauté.
DON RAMON, sayant.
AYALOROS, banquier.
MATHIEU MAGIS, Lombanl.
LOTHUNDIAZ, bourgeois.
ALFONSO FONTANARÊS.
LAVRADI, QUINOLA, ou valet.
MONIPODIO, ancien miquelet.
COPPOLUS, marchand de métaoï.
CARPANO, serrurier (personnage mnet-j
ESTEBAN, ouvrier.
GIRONE, autre ouTrier.
L'HOTE du Soleil d'or. i
UN HUISSIER.
UN ALCADE.
MADAME FAUSTINA BRANCADORL
MARIE LOTHUNDIAZ.
PAQUITA, camériste de madame Faiu*
tina.
L'action se passe en 1888.
LES
RESSOURCES DE QUINOLÀ
PROLOGUE
U scène est à Yatfadolld, dans le palais du roi d'Espagne. Le théâtre représente la
galerie qui conduit à la chapelle. L'entrée de la chapelle est à gauche du specteteur,
celle des appartements royaux est h droite. L'entrée principale est au fond. De chaque
côté de la principale porte, il y a deux hallebardlers.
Au lever du rideau, le capitaine des gardes et trois seigneurs sont en scène. Un alcade
du palais est debout au fond de la galerie. Quelques courtisans w promènent dans le sa-
lon qui précède la galerie.
SCÈNE PREMIÈRE.
LE CAPITAINE DES GARDES , QUINOLA , enveloppé dans ion mantewi
UN HALLEBARDIEIU
LB HALLEBARDIER. Il barre la porte è Quinola.
On n'andre bointe sans en affoir le troide. Ki ô dût
QUINOLA, levant la hallebarde.
Ambassadeur. (On le regarde.)
US HALLEBARDIER.
T'OÙT
QUINOLA. Il passe.
D*oùI Da pays de misère.
LE CAPrrAINE DES GARDES.
Allez chercher le majordome du palais pour rendre à cet ambas-
sadeur-là les honneurs qui lui sont dus. (au hauebardier.) Trois jours
de prison.
120 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
QUINOLA, au capitaine.
Voilh donc comment vous respectez le droit des gens ! Ecoutez,
Monseigneur, vous êtes bien haut, je suis bien bas, avec deur
mots, nous allons nous trouver de plain-pied,
LE CAPITAINE.
Tu es un drôle très-di ôle.
QUINOLA le prend à parf.
N'êies-vous pas le cousin de la marquise de Mondéjar?
LE CAPITAINE.
Après ?
QUINOLA.
Quoiqu'en très- grande faveur, elle est sur le point de rouler
dans un abîme. . . sans sa tête.
LE CAPITAINE.
Tous ces gens-là font des romans!... Ecoute; tu es le vingt-
deuxième, et nous sommes au dix du mois, qui tente de s'intro-
duire ainsi près de la favorite, pour lui soutirer quelques pistoles.
Détale... ou sinoo...
QUIXOLA.
Monseigneur, il vaut mieux parler à tort vingt--deux fois h vingt-
deux pauvres diables, que de manquer à entendre celui qui vous
est envoyé par votre bon ange; et vous voyez, qu'à peu de chose
près (u ouvre son manteau), j'en ai le costume.
LE CAPITAINE.
Finissons, quelle preuve donnes- tu de la mission?
QUINOLA lui tend une leiire.
Ce petit mot, remettez-le vous-même pour que ce secret de-
meure entre nous, et faites -nooi pendre si vous ne voyez la mar-
quise tomber en pâmoison à cette lecture. Croyez que je professe,
avec l'immense majorité des Espagnols, une avei-sion radicale
pour.,» la potence.
LE CAPITAINE.
Et si quelque femme ambitieuse t'avait payé ta vie pour avoir
celle d'une autre?
QUIXOLA.
SeraÎ8-je en guenilles? Ma vie vaut celle de César. Tenez, Moii-
geigneur (ll décacheté la lettre, la sent, la replie, et la lui rend Jt 'êtCS-VOUS COn -
lent?
LE CAPITAn^K, h part.
J'ai le temps encore, (a Quinoia.) Reste 15, j'y vais.
ti'uju^ i|«uje jirurusse, ovcc riiiiiiiunsi: majorité dus bUpiijfuii
■INP ovuiTiioi) radicale puni' ... U pileiiKe
rHOLOClUE. 121
SCÈNE II.
QUINOLA, seul, sur le dov- l Je !a sivne, en regardant le capitaine.
Marche donc! 0 mon cher maître, si la torture ne t'a pas brisé
les os, tu vas donc sortir des cachots de la s... la très-sainte ia-
quisiiioa, délivré par votre pauvre caniche de Quinola! Pauvre!...
qui est-ce qui a parlé de pauvre? L-ne fois mon maître libre,
nous finirons bien par raonnoyer nos espéianccs. Quand on a
SQ vivre à Yalladolid , depuis six mois sans argent , et sans être
piDcé par les alguazils, on a de petits talents qui, s'ils s'appliquaient
à... autre chose, mèneraient un homme oij... ?... ailleurs enfm!
Si nous savions où nous allons , personne n'oserait marcher. . . Je
vais donc parler au roi, moi, Quinola. Dieu dos gueux! donne-
moi Téloquence... de... d'une jolie femme, de la marquise de Mon-
déjar.,.
SCÈNE m.
QUINOLA, LE CAPITAINE.
LECAPrTÂINE^ à Quinola.
Voici cinquante doublons que t'envoie la marquise pour te
mettre en état de paraître ici convenablement.
QUTNOLA. Il verse ror' d'une main dans Tautre.
Ah! ce rayon de soleil s'est bien fait attendre ' Je reviens, Mon-
seigneur, pimpant comme le valet de cœur, dont j'ai pris le nom;
Quinola pour vous servir, Quinola, bientôt seigneur d'immenses
domaines où je rendrai la justice^ dès que... (à parti je ne la crain-
drai plus pour mou
SCÈNE IV.
LES COURTISANS, LE CAPITAINE.
LB CAPITAINE, seul sur le devant de la scène»
Quel secret ce misérable a-t-il donc surpris? ma cousine a failli
perdre connaissance. Il s'agit de tous ses amis, a-t-elle dit. Le roi
doit être pour quelque chose dans tout ceci, (a un seigneur.) Duc de
Lerme, y a-t-il quelque chose de nouveau dans Yalladolid?
422 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
LE DUC DE LERME^ bas.
Le duc d'Olmédo aurait élc, dlt-oo, assassiné ce matin, à trois
heures, au petit jour, à quelques pas du jardin de l'hôtel Mondéjar.
LE CAPITAINE.
Il est bien capable de s'être fait un peu assassiner pour perdre
ainsi ma cousine dans l'esprit du roi, qui, semblable aux grands po«
litiques, tient pour vrai tout ce qui est probable.
LE DUC DE LERHE.
On dit que l'inimitié du duc et de la marquise n'est qu'une feinte>
et que l'assassin ne peut pas être poursuivi.
LE CAPITAINE.
Duc, ceci ne doit pas se répéter sans une certitude, et ne s'écri-
rait alors qu'avec une épée teinte de mon sang.
LE DUC DE LERHE.
Vous m'avez demandé des nouvelles... (Le duc se letire.)
SCÈNE V.
LBS MÊMES, LA MARQUISE DE MONDÉJAR.
LE CAPITAINE.
Âh I mais voici ma cousine ! (a la marquise.) Chère marquise, vous
êtes encore bien agitée. Au nom de notre salut, conteuez<vous, on
va vous observer.
LA MARQUISE.
Cet homme est-il revenu ?
LE CAPITAINE.
Mais comment un homme placé si bas peut-il vous causer de
telles alarmes?
LA MARQUISE.
Il tient ma vie dans ses mains ; plus que ma vie, car il tient aussi
celle d'un autre qui, malgré les plus habiles précautions, excite la
jalousie...
LE CAPITAINE.
Du roi... Aurait-il donc fait assassiner le duc d'Olmédo, comme
on le dit
LA MARQUISE.
Hélas... je ne sais plus qu'en penser. .. Me voilà seule, sans se-
cours.., et peut-être bientôt abandonnée.
PROLOGUE. 123
LE CAPITAINE.
Ck)mptez sur moi... Je vais être au milieu de tous nos ennemis,
:ûmme le chasseur à raffut
SCÈNE VI.
LES PRÉCÉDENTS, QUINOLA.
QUmOLA.
Je n'ai plus que trente doublons, mais je fais de reflet pour
soixante-.. HeinI quel parfum ? La marquise pourra me parier sans
crainte...
LA MARQUISE^ montrant Qulnola.
Est-ce là notre homme ?
le capitaine.
OqL
la marquise.
Mon cousin, veillez à ce que je puisse causer sans être écou-
tée... (AQuinoia.) Qui êtes-vous, mon ami?
QUINOLA, à part.
Son ami ! Tant qu'on a le secret d'une femme, on est toujours
son ami. (Saut.) Madame, je suis un homme au-dessus de toutes les
considérations et de toutes les circonstances.
LA MARQUISE.
On va bien haut ainsi !
QUINOLA.
Est-ce une menace ou un avis?
LA MARQUISE.
Mon cher, vous êtes un impertinent I
QUINOLA.
Ne prenez pas la perspicacité pour de l'impertinence. Vous vou-
lez m'étudier avant d'en venir au fait, je vais vous dire mon ca-
ractère : mon vrai nom est Lavradi. En ce moment, Lavradi de-
vrait être en Afrique pour dix ans, aux présides, uie erreur des
alcades de Barcelone, Quinola est la conscience, blanche comme
vos belles mains, de Lavradi. Quinola ne connaît pas Lavradi. L'âme
connaît-elle le corps? Vous pourriez faire- rejoindre l'âme — Qui-
nola, au corps — Lavradi, d'autant plus facilement que ce malin,
Quinola se trouvait à la petite porte de votre jardin, avec les amis
4e l'aurore qui ont arrêté le duc d'OImédo...
12'i LES RESSOURCES DE QUINOLA.
LA MARQUISE.
Que lui est-il arrivé ?
QUIXOLA.
Lavradi profilerait de ce moment plein d'ir<géauité, pour de-
mander sa grâce ; mais Quinola est geniilhomme.
LA MARQUISE.
Vous vous occupez beaucoup trop de vous. . .
QUINOLA.
£t pas assez de lui... c'est juste. Le duc nous a pris pour de
vils assassins, nous lui demandions seulement, d'un peu trop bonne
heure, un emprunt hypothéqué sur nos rapières. Le fameux Majo-
rai qui nous commandait, vivement pressé par le duc, a été forcé
de le mettre hors de combat par une petite botte dont il a le secret
LA MARQUISE.
Ah! mon Dieu!...
QUINOLA.
Le bonheur vaut bien cela. Madame.
LA MARQUISE^ à part.
Du calme, cet homme a mon secret
QUINOLA.
Quand nous avons vu que le duc n'avait pas nn maravédis, —
quelle imprudence ! — on l'a laissé là. Comme j'étais de tous ces
braves gens le moins compromis, on m'a chargé de le reconduire;
en remettant ses poches à l'endroit, j'ai trouvé le billet que vous
lui avez écrit; et, en m'informant de votre position à la cour, j'ai
compris...
LA MARQUISE.
Que ta fortune était faite?
QUINOLA.
Du tout., que ma vie était en danger.
LA MARQUISE.
Eh bien?
QUINOLA.
Vous ne devinez pas ? Votre billet est entre les mains d'un homme
sûr, qui, s'il m'arrivait le moindre mal, le remettrait au roi. £st-c0
clair et net?
LA MARQUISE.
Que veux-tu?
QUINOLA.
A qui parlez- vous? à Quinola ou à Lavradi ?
PROLOGUE. 125
LA MARQUISE.
Lavradi aura sa grâce. Que veut Quinola ? eatrer à mon service?
QUINOLA.
Les enfants trouvés sont gentilshommes : Quinola vous rendra
votre billet sans vous demander un maravédis, sans vous obliger à
rien d'indigne de vous, et il compte que vous vous dîjpenserez d'en
vouloir à la tête d'un pauvre diable qui porte sous sa besare le cœur
daCii
LA MARQUISE.
Comme ta vas me coûter cher, drôle?
QUmOLA.
Yoos me disiez tout à Theure : mon ami.
LA MARQUISE.
N'étais-tu pas mon ennemi ?
QUINOLA.
Sur cette parole, je me fie à vous, Madame, et vais vous dire
tout.. Mais là... ne riez pas... vous le promettez... Je veux...
LA MARQUISE.
Ta veux î
QUlNOLA.
Je veux... parler au roi... là, quand il passera pour aller à la
chapelle ; rendez-le favorable à ma requête.
LA MARQUISE.
Mais que lui demanderas-tu?
QUINOLA.
La chose la plus simple du monde, une audience pour mon
maître.
LA MARQUISE.
Explique-toi, le temps presse.
QUINOLA.
Madame, je suis le valet d'un savant; et, si la marque du génie
est la pauvreté, nous avons beaucoup tio|T de génie, Madame.
LA MARQUISF.
Au fait.
QUINOLA.
Le seigneur Alfonso Fontanarès est venu de Catalogne ici pour
ûffrir au roi notre maître le sceptre delà mer. A Barcelone, on l'a
pris pour un fou, ici pour un sorcier. Quand on a su ce qu'il pro-
luel, on l'a berné dans les antichambres. Celui-^ci voulait le pro-
téger pour le perdre, celui-là mettait en doute notre secret pour
126 LES RESSOURCES DE QUIXOLA.
le lui arracher: c'était un savant; d'autres lui proposaient d*ea
faire une affaire : des capitalistes qui voulaient Tentortilier. De la
façon dont allaient les choses, nous ne savions que devenir. Per-
sonne assurément ne peut nier la puissance de la mécanique et de
la géométrie, mais les^ plus beaux théorèmes sont peu nourrissants,
et le plus petit civet est meilleur pour Testomac : vraiment, c'est
na défaut de la science. Cet hiver, mon maître et moi, nous noul
chauffions de nos projets et nous remâchions nos illusions. . . £|
bien I Madame, il est en prison, car on Taccuse d*être au mieui
avec le diable ; et malheureusement, cette fois, le saiiit-ofGce
raison, nous Tavons vu constamment au fond de notre bourse. £h
bien ! Madame, je vous en supplie, inspirez au roi la curiosité de
voir un homme qui lui apporte une domination aussi étendue que
celle que Colomb a donnée à l'Espagne.
LA MARQUISE.
Mais depuis que Colomb a donné le nouveau monde à l'Espagne,
on nous en offre un tous les quinze jours I
QUINOLA.
Âh I Madame, chaque homme de génie a le sien. Sangodéroi, il
est si rare de faire honnêtement sa fortune et celle de l'État, sans
rien prendre aux particuliers, que le phénomène mérite d'être fa-
vorisé.
LA HARQUISK.
Enfin, de quoi s'agit-il ?
OuinroLA.
Encore une fois I ne riez pas Madame I II s'agit de faire aller les
vaisseaux sans voiles, ni rames, malgré le vent, au moyen d'mie
marmite pleine d'eau qui bout
LA UARQUISB.
Ah I ça, d'où viens-tu ? Que dis-tu ? Rêvcs-tu ?
QUINOLA.
Et voilà ce qu'ils nous chantent tous I Ah ! vulgaire, to es ainsi
fait que l'homme de génie qui a raison dix ans avant tout le monde,
passe pour un fou pendant vingt-cinq ans. Il n'y a que moi qui
croie en cet homme, et c'est à cause de cela que je l'aime : com-
prendre, c'est égaler.
LA HARQUISB.
Que, moi, je dise de telles sornettes au roi 1
ITiOLOGUE. 127
QUINOLA.
Madame, il n'y a que vous dans toute l'Espagne à qui le roi ne
Jira pas : taisez-vous !
LA MARQUISE.
Tu ne connais pas le roi, et je le connais, moi! (Apart.) Il faut^
ravoir ma lettre, niaut.) Il se présente une circonstance heureuse
pour ton maître : on apprend en ce moment au roi la perte de TAr-
loada : tiens-toi sur son passage et tu lui parleras»
SCÈNE YII.
LE CAPITAINE DES GARDES, LES GOURTISAHS, QUINOLA.
QUINOLA^ sur le devant-
Il ne suffit donc pas d'avoir du génie et d'en user, car il y en a
qui le dissimulent avec bien du bonheur, il faut encore des cir-
constances : une lettre trouvée qui mette une favorite en péril,
pour obtenir une langue qui parle, et la perte de la plus grande
des flottes, pour ouvrir les oreilles à un prince. Le hasard est
un fameux misérable ! Allons I dans le duel de Foutanarès avec
son siècle, voici pour son pauvre second le moment de se mon-
trer !..• (On entend les cloches, on porte les armes.) £st-ce un ptésage du
succès? (AU capitaine des gardes.) Gomment parle-t-on au roi?
LE CAPITAINE.
Tu t'avanceras, tu plieras le genou» tu diras : Sire!... Et prie
Dieu de conduire ta langue. (Le cortège déûie.)
QUINOLA.
Je n'aurai pas la peine de me mettre à genoux, ils plient déjà,
car il ne s'agit pas seulement d'un homme, mais d'un monde.
UN PAGE»
La reine I
cm PAGE*
Le roi I ^iibieAc)
^2g LES RESSOLRGES DE QUINOLA.
SCÈNE VIIL
PRÉCÉDENTS, LA REINE, LE ROI, LA MARQUISE DE MONTDÉJAR
LE GRAND INQUISITEUR , TOUTE LA COUR.
PHILIPPE II.
Messieurs, nous allons prier Dieu qui vient de frapper l'Espagne.
L'Angleterre nous échappe, TArmada s'est perdue et nous ne vous
en voulons point : amiral (u se tourne vers ramirau, vous D*aviez pas
mission de combattre les tempêtes.
QUmOLA.
Sire ! (n plie un genou.)
PHILIPPE n.
Qui es-tu î
QUINOLA.
Le plus petit et le plus dévoué de vos sujets, le valet d'un homme
qui gémit dans les prisons du saint-oBice, accusé de magie pour
vouloir donner à Votre Majesté les moyens d'éviter de pareils dé-
sastres.. •
PHILIPPE II.
Si tu n*es qu'un valet, lève-tol Les grands doivent seuls ici
fléchir devant le roL
QUINOLA.
Mon maître restera donc à vos genoux.
PHILIPPE II.
Explique-toi promptement : le roi n'a pas dans sa vie autant
d'instants qu'il a de sujets.
QUINOLA. '
Vous devez alors une heure à un empila. Mon maître, le sel"
gneur Alfonso Fontanarès, est dans les prisons du saint-office...
PHILIPPE II, au grand inquisiteur.
Mon père, (le grand inquisiteur s'approche) que pOUVeZ-VOUS UOUS dire
d'un certain Alfonso Fontanarès?
LE GRAND INQUISITEUR.
C'est un élève de Galilée, il professe sa doctrine condamnée, et
se vante de pouvoir faire des prodiges en refusant d'en dire les
moyens. Il est accusé d'être plus Maure qu'Espagnol
QUINOLA^ à part.
Cette face blême va tout gâter.., (An roi.) Su'e, mon maître pour
PROLOGUE. 1 29
fonte sorcellerie, est amoureux fou, d*abord de la gloire de Votre
Majesté, puis d'une fille de Barcelone, héritière de Lothundiaz, le
plus riche bourgeois de la ville. Gomme il avait ramassé plus de
science que de richesse en étudiant les sciences naturelles en Ita-
Jio, le pauvre garçon ne pouvait réussir à épouser celte fille qna
cuuYcrt de gloire et d'or... Et voyez, Sire, comme on calomnie les
grands hommes : il fit, dans son désespoir, un pèlerinage à Notre-
Dime-del-Pilar, pour la prier de l'assister, parce que celle qu'il
ai(ue se nomme Marie. Au sortir de l'église, il s'assit fatigué, sous
lin arbre, s'endormic, la madone lui apparut et lui conseilla cette
invention de faire marcher les vaisseaux sans voiles, sans rames,
contre vent et marée. Il est venu vera vous, Sire : on s'est mis en-
tre le soleil et lui, et après une lutte acharnée avec les nuages, il
expie sa croyance en Notre-Dame-del-Pilar et en son roL II ne lui
reste que son valet assez courageux pour venir mettre à vos pieds ^
l'avis qu'il existe un moyen de réaliser la domination universelle. '
PHILIPPE II.
Je veirai ton maître an sortir de la chapelle.
LE GRAND INQUISITEUR.
Le roi ne court-il pas des dangers?
PHILIPPE n.
Mon devoir est de l'interroger.
LE GRAND INQUISITEUR.
le mien est de faire respecter les privilèges du saint-ofiice.
PHILIPPE II.
Je les connais. Obéis et tais-toi. Je te dois un otaget je b sais..*
«n regarde.) OÙ donc est le duc d'Olmédo?
QUINOLA^ à part.
Alelalel
LA MARQUISE^ à part.
Nous sommes perdus.
LE CAPITAINE DES 6ARDI8.
Sire, le dnc n'est pas encore... arrivé...
. PHILIPPE II.
Qui lui a donné la hardiesse de manquer aux devoi rs de sa charge ?
(A part.) Il me semble que l'on me trompe, (au capitaine des gardes.) Ta
lui diras, s'il arrive, que le roi Ta commis à la garde d'un prison-
lier du saint-office, (au grand mquimteur.) Donnez un ordre.
LE GRAND INQUISrTEUR.
Sire» j'irai moi-même.
TU. 9
f 30 LES BESSWAC&» DB QUISOLA.
LA.SEUa.
£t si le duc ne ¥ieat]^?..«
PHILIPPB II.
n serait donc mort u» capitaiae.à Ta le remplaceras dans Pexécu*
tion de mes ordres, (p pasK.)
Lk MÂRQUISB^ à QalnoU.
Cours chez le duc, qu*il Tienne et se comporte comme si! n*étai t
pas mourant. La médisance doit être une calomnie...
QUINOLA.
Comptez sur moi, mais protégez-nous, (seui.) Sangodémi ! te roi
m*a para charmé de mon invention de Nbtre-Dame-del-F^r, je
lui fais vœu... de quoi T.. . Nous Terrons après le succès;
!• tbéUM cfaaagiB at repciitûte on quaiot ds IHMilrtttcB.
aCÈNSL VL
FOKTABULRÈS, wal.
Je comprends maintenant pourquoi Colomb a youIu que ses
chaînes fussent mises près dA lui dan» son ceccueil. Quelle leçon
pour les inventeurs I Une grande découverte est une vérité. La
vérité ruine tant à' abus et d'errin^r^» que tons ceux qm en vivent
se dressent et veulent tuer kr vérité : ils commencent par s'atta-
quer à Fhomaie; Aox nmiieins, la patieocel j'ai MiiraL OAalheu-
reusemeni, ma patience me vmt de mon amour. Pour avoir Ma-
rtejerêrehigleîyeet jeehercbai».., JevoiivoIesaMtesBos d'une
chaudière un brin de paiHe Tmut ta hemne» ott hd cela depuis
qu'il y a des chaudières et de kt paîHe ; moi j'y vois une force;
pour l'évaluer, je couvre la chaudière, le couvercle saote eft il ne
me tue pas. Ârchimède et moi, nous ne faisons qu'un I il voulait
un levier pour soulever le monde : ce levier, je le lîens, et j*ai li
sottise de le dire : tous fes malheurs fondent sur mol Si je meurs
homme de génie à venir qui retrouveras ce secret, agis et fan-toi.
La lumière que nous découvrons» on lious la prend pour allumer
notre bûcher. Galilée, mon maître» est en prison pour avoir dit
4git la tene tourne, et^'y suis pour la vouloir organiser. Non f j'y
suis comme rebelle k la cupidité de ceux qui veulent mon secret ;
fi je n'aimais pas Marie, je sortirais ce soir, je leur abandonnerais
le profit, la gloire' me resterait., Ohl ragiB... La ragi^ est bonne
pour les enfants : sofoos catme, je suis paissant. Si du moios
j*aT3» ées mrrrMs du sent homme qnf ait foi en moi ? Est-il fi-
bre, lui qui mendiait pour me nourrir.,. La foi n'est que cliez le
pauvre» il en a tant besoin I
SCËNR Z.
LE GRAND INQUIâlXlBR, M FIMIUHI, MUTlNlKlS.
U GRAND nfQTTISlTEUR.
Af bfeor mo0 fibT vous parliez de foi, peut-être avezrTOus fait
de sagts réffezion& ABons, évitez au saint-office Temploî de ses
rigueurs.
FOirrANARÈS.
Mon Père, qae souhaitez-vous que je dise?
LE GRABTD INQUlSnEUR.
Avant dé toqs mettre en liberté» le saiat-office doit être sûr que
vos mo;ens sont natnrelsu.
FONTANARÈS.
Mon père, si j*avais fait ua pacte, avec le mauvais esprit, me
laisserait-il ici!
LE GRAND INQUISITEUR.
Vous dites une parole impie : le déinoa a un maître, nos auto-
rla-fé le prouvent
rONTANARte.
Âvez-vous jamais vu un vaiaseaii en met l e« gmid inquinteiir oit uv
igoeaffirmatir.; Par quel moyen allait-il?
LE GRAND IKQVBIZEim.
Le vent enflait ses voiles.
FONTANARÈS.
Est-ee le démon qui a dit ce moyen an premier navigateur ^
LE GRAND INQtnSrrEUR.
Savez-voos ce qa*il est devenu ?
FONTlNARiS.
Peut-être est-il devesa quelque puissance maritime oubliée...
EoGn mon moyen est aussi natnrd que le sien : j*ai vu comme
'ni dans la nature une force, et que Thomme peut s'approprier,
car le vent est à Dieu, rhomnje n'en est pas le maître» lé vent cm*
porte ses vaisseaux, et ma force à moi est dans le vaisseau.
)2 LES RESSOURCES DE QUINOLÂ.
LE GRAND INQUISITEUR^ à part.
Cet homme sera bien dangereux. (Haut) Et vous refusez de nou.^
la dire!...
FONTANARÈS.
Je la dirai au roi, devant toute la cour; personne alors ne me
avira ma gloire ni ma fortune.
LE GRAND INQUISITEUR.
Vous VOUS dites inventeur, et vous ne pensez qu'à la fortune
Vous êtes plus ambitieux qu'homme de génie.
FONTANARÈS.
Mon père, je suis si profondément irrité de la jalousie du vul-
gaire, de l'avarice des grands, de la conduite des faux savants,
que si je n'aimais pas Marie, je rendrais au hasard ce qu^le
hasard m*a donné.
LS GRAND INQUISITEUR.
Le hasard!
FONTANARÈS.
J'ai tort. Je rendrais à Dieu la pensée que Dieu m'envoya.
LE GRAND INQUISITEUR.
Dieu ne vous l'a pas envoyée pour la cacher, nous avons le droit
(^c vous faire parler... (Aton familier.) Qu'on prépare la question.
rONTANARÊS.
Je l'attendais.
SCÈNE XI.
LE GRAND INQUISITEUR, FONTANARÈS, QUINÛLA,
LE DUC D*OLMÉDO.
QUINOLA.
Ça n'est pas sain, la torture.
FONTANARÈS*
Quinola! et dans quelle livrée !
QUINOLA.
Celle du succès, vous serez libre.
FONTANARÈS.
Libre ? Passer de l'enfer au ciel, en un momentt
LE DUC d'oLHÉDO.
Gomme les martyrs.
LR GRAND INQUISrTBUR.
Monsieur, vous ose^ dire ces paroles icil
PROLOGUE. 133
LB DUC d'OLMÉDO.
Je suis chargé, par le roi, de vous retirer cet homme desmaios,
et je vous en réponds...
LB GRAND INQUISITBUR.*
Quelle faute !
QUINOLA.
Ah! TOUS Touliez le faire bouillir dans vos chaudières pleines
d'huile, merci ! Les siennes vont nous faire faire le tour du monde...
comme ça ! ni tait tourner son chapeau.)
FONTANARÊS.
Embrasse-moi donc, et dis-moi comment..
LB DUC d'OLHÉDO.
Pas un mot ici...
QUmOLA.
Oui, (Il montre les talons de l'Inquisiteur) Car les murS OUt ici beauCCUp
trop d'intelligence. Venez. Et vous, monsieur le duc, courage I Ah !
VOUS êtes bien pâle, il faut vous rendre des couleurs; mais ça me
regarde.
IM so^ne clMDge et représente le galerie dv palais.
SCÈNE XII.
LE DUC D'OLMÉDO, LE DUC DE LERMË, FONTANARÊS, QUINOLA.
LE J)UG d'OLMÉDO.
Nous arrivons à temps!
LE DUC DE LBRMB.
Vous n'êtes donc pas blessé?
LE DUC d'oLMÉDO.
Qui a dit cela? La favorite veut-elle me perdre? Serais-je ici
comme vous me voyez? (AQuinoia.) Tiens-toi là pour me soutenir...
QUINOLA^ à Fontanarès.
Voilà un honmie digne d'être aimé...
FONTANARiS.
Qui ne Tenvierait? On n'a pas toujours l'occasion de monti^r
combien l'on aime.
QUlNOLA.
Monsieur, gardez-vous bien de toutes ces fariboles d'amour de-
vant leroL*. car le roi, voyez-vous...
UN PAGE.
Leroi!
13/^ LES RESSOURCES OS QtJlNOLA.
AVofls» pensons à Miricl
QUIKOLA^ voyant Mblir le doc tfOlmilB.
Eh bien? ça lui IUtT&spiffer<aii«aew.)
SCÈNE XnL
LES PRÉCÉDENTS, LE ROI, LÀ REINE, LA MARQUISE DE MONTDÊJAR ,
' LE CAPITAINE DES GARDES, LE GRAND INQUISITEUR, LE PRIÊ-
SIDËNT DU CONSEIL DE GASTILLE, TOUTE LA COUR.
PHILIPPE îlf an capitaine des ganlei.
Notre homme est-il venu?
Le doc d'dnide, «pw j'v reMoatré mt les é&gibflmjpdÊm,
«>st enprawé 'd'ubéir «i rai
LE DUC d'olhÉDO , un genou en terre.
Le roi daigRe-^-M pardonner un retard. . . iiR|NiidoDnable.
PHILIPPE II le relève par le bras blessé.
On te disait mourant., imegardeiamirquise.) d*une blessure reçue
dans une rencontre de nuit
LE DUC D'orufDO.
Vous me voyez, Sire.
LA X<QUISfi^ \ part.
Il a mis du rouge!
Où est ton prisonnier?
LE DUC n'tartBOj nodlnMiit Fontanarta.
lievoloL..
Prêt à réaliser, à la trôs^rande gWre de Dieu, des merveilles
po ur la splendeur du règne do rai «nn joaitx»,^
wmum H.
LèWrfeM, fMk; cpieBe est <aette fonie nfcrafOB^^
ner l'empire du monde à TEspagne ?
FTÎÎTA'VAWÈS.
Vue pmssanec îwrkidfcte, ta v»peiir... Sre, €Mi!i04n "Wfeur,
l'eau veut un espace bien plus fwnsîdéraUe ^fle«i«8 sa inraie «►•
turelle, et pour le prendre eRe souftverait des montagnes. Mon in-
vention enferme celte force : la macliine. est armée de mw» <p>\
PBOLeGVK. 135
fooettent h mer, qui rendent un tiarrire rapide comme le vent, et
cipdde de néuster ans tempête*. Les traversées iteTÎpnBent ^res,
d'une cê&édlé 4^m «'a de Iraraes q«e «éans le jen des roues. La vie
humaine s'augmente de tout le temps économisé. Stre, Christophe
Colomb vous a donné un monde à trois mOle lieues d'ici; je vous
le mets à la porte de Cadix, et vous aorez, Dieu aidant, l'empire
de la men
LÀ REllTE.
Vous n'êtes jpasébNwé, Sire?
PHILIPPE II.
L'étûnnement est une louange in voloi^tre qui ne dût pas éckap*
perà un roL (a Amtaaartsj Que me deoKindes-iKi?
Ce que demanda Colomb, un navire et tHKm roi fmxr apectatewr
de rexpérience.
PHILIPPE II.
Tu auras le roi, l'Espagne et le monde. On te dit amoureux
d'une fille de Barcelone. Je dois aller au delà des Pyrénées, visiter
mes possessions, le Roussillon, Perpignan. Tu prendras ton vais-
seau à Barcelone.
En me donnant le vaisseau, Sire, voas m'avez fait justice; en
mêle donnant à Barcelone, vous me faites une grâce qui change
votre sujet en esclave.
PHoiPPB n.
Perdre un vaisseau de PËtat, c'est risquer ta tête. La loileviait
ainsi...
FQNTANARÈS.
Je le saw, et j'accepte.
PHIUPPE II.
£h bien! hardi jeune homme, réussis à faire aller contre le vent,
sans voiles ni rames, ce vaisseau comme il irait par un l)on vent
Et toi, — ton nom?
FONTANARÈS.
Alfonso Fontanarès.
PHILIPPE II.
Tu seras don Alfonso Fontanarès, duc de... Neplunado, grand
d'Espagne...
LE DUC DE LERMB.
Sire... les statuts de la Grandesse
136 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
PHILIPPE D.
Tais-toi» duc de Lerine. Le devoir d'un roi est d'élever l'homme
de génie au-dessus de tous, pour honorer le rayon de lumière que
Dieu met en lui.
LE GRAND INQUISITEUR.
Sire...
Que veux-lu?
PHILIPPE II.
LE GRAND INQUISITEUR.
Nous ne retenions pas cet homme parce qu'il avait un commerce
avec le démon, ni parce qu'il était impie, ni parce qu'il était d'une
famille soupçonnée d'hérésie ; mais pour la sûreté des monarchies.
En permettant aux esprits de se communiquer leurs pensées, Tim-
primerie a déjà produit Luther, dont la parole a eu des ailes. Mais
cet homme va faire, de tous les peuples, un seul peuple; et, devant
cette masse, le saint-office a tremble pour la royauté.
PHILIPPE II.
Tout progrès vient du cieL
LE GRAND INQUISITEUR.
Le ciel n'ordonne pas tout ce qu'il laisse faire.
paiLippE II.
Notre devoir consiste à rendre bonnes les choses qui paraissent
mauvaises, à faire de tout un point du cercle dont le trône est le
centre. Ne vois-tu pas qu*il s*agît (k réaliser la domination univer-
selle que voulait mon glorieux père... (a Fontonarès.) Donc, grand
d*Espagne de première classe, et je mettrai sur ta poitrine la Toi-
son-crOr : tu seras enfin grand-maître des constructions navales
de l'Espagne et des Indes... (a uq ministre.) Président, tu expédieras
aujourd'hui même, sous peine de me déplaire, l'ordre de mettre
à la disposition de cet homme, dans notre port de Barcelone, un
vaisseau à son choix, et., qu'on ne fasse aucun obstacle à son
entreprise.
QUINOLA.
Sire...
PHILIPPE II.
Que veux-tu T
QUINOLA.
Pendant que vouis y êtes, accordez, Sire, la grâce d'an misén
ble nommé Lavradi, condamné par un alcade qui était sourd.
PROLOGUE. 137
PHILIPPE II.
Ert-ce une raison pour que le roi soit aveugle ?
QUINOLA*
Molgent, Sire, c'est presque la même chose.
FONTANÀRÈS.
Grâce pour le seul homme qui m*ait soutenu dans ma lutte.
PHILIPPE II, au ministre.
Cet homme m'a parlé, je lui ai tendu la main ; tu expédieras des
lettres de grâce entière...
LA REINE, au roi.
Si cette homme (eiie montre Fonianarès) cst un de cos grands inven-
teurs que Dieu suscite, Don Philippe, vous aurez fait une belle
jouroée.
PHILIPPE II , & la reine.
II est bien difficile de distinguer entre un homme de génie et
on foa ; mais si c'est un fou, mes promesses valent les siennes.
QUINOLA, à la marquise.
Voici votre lettre , mais, entre nous, n'écrivez plus.
/A ¥A^ÇT7?E.
Noos sommes sauvés.
La cour fuit le roi <iui rentra.
SCENE Xl\.
PONTANARÈS, QUINOLA.
FONTANÀRÈS.
Je rêve... Duel grand d'Espagne ! la Toison-d'OrI
QUINOLA.
Et ks constructions navales? Nous allons avoir des fournisseurs
à protéger. La cour est un drôle de pays, j'y réussirais : que faut-
il? de l'audace! j'en puis vendre; de la ruse? et le roi qui croli
qae c'est Notre-Dame-del-Pilar... (u rit.) qui... Eh bien! à quoi
donc pense mon maître?
FONTANÀRÈS.
Allons I
QUINOLA.
OÙ?
fONTANARBt.
àBarceloiie.
I3H ^^^ RBSSOIIBGBS SB qVUOLA.
QUDfOUU
Non... au cabaret... SîTsmr éd la cour éMse
coartisans, il me donne soif, à mm... £t après, mon glorieoz ma!
tre, vous verrez à FcenTre Totre <$iiindla ; car «esmnalbvMBi |Mi :
entre la parole da prince et le succès, noas rencontrerons autant
de jaloux, de dhicaniers, d'ergoteurs, de mdvefflants, -d'aûniK
crochus, lapaces, Yoraces, écnmeurs de gi^ces, yos chareDr';7;
enfin! que nous en avons trouvés entre vous die nL
FONTANARèS.
Et pour obtenir Marie, il faut réussir.
QUmOLà.
Kl pour nous donct
FIN I^L PB^LCaDI.
A€T£ PREMIER
lA SCftNB SE PASSE A BARCELONE.
y
le Ib^lRieiaséseDtB me idAce pnbll^e. A i^mche dn speetatenr, det maftons pannl
leiqoAes est celle de Xothnndfaz qni dit encoignure de rae. A droite, m tronye le pa-
lais où loge madame Brancadori, dont le balcon fait face au spertalewM tone.4l»
entre par Pangle du palais à droite et car l'angle de la maison de LoUiundiai.
AateTer du rideau il flilt encore nuit: mais lejoar va poindre.
SCÈNE PREMIÈRE.
MONIPODIO , enveloppéitoxiB un maotean, assis jous le balooi do palais BranetdflrL
QDINOLA se gMsse avec des précautions de Tolenr, et drôle Monipodio.
MOIUPODIO.
Qui marcbe ainsi dans mes souliers?
QUDfOLA^ déguenillé comme &son entrée au prologat.
Un gentilhomme qui n'en a plus.
HONIPOOIO.
On dirait h voix de Lavradi.
QUUCOtA.
Monipodiol... Jeté croyais... pendu.
MONIPODIO.
7e te croyais roue de coups eu Afriquei.
QUINOLA.
Hélas I on en reçoit partout
VONIPOBIO.
Ta as Taudace de te promener icit
QUINOLA.
Ta y restes Men. IMNn, j'ai dans ma T§s3le mes lettres de ^iloe.
En attendant un marquisat et ime famiUe, je me nomme Quinola.
VONIPODtO.
A qui donc as^u \iqIK ta ^âce?
140 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
QUINOLA.
Âa roL
UONIPODIO.
Tu as vu le roi? ai le flaire.) et tu sens la inisère..t
QUINOLA.
Gomme un grenier de poète. Et que fais-tu 7
Hompooio.
Rien*
QUINOLA,
G*est bientôt fait; si ça te donne des rentes, je me sens du goût
|)0ur ta profession.
MONIPODIO.
J'étais bien incompris, mon ami ! Traqué par nos ennemis po-
litiques...
QUINOLA.
Les corrégidors, alcades et alguazils.
MONIPODIO.
Il a fallu prendre un parti.
QUINOLA.
Je te devine : de gibier, tu t'es fiait chasseur!
MONIPODIO.
Fi donc î je suis toujours moi-même. Seulement, je m'entends
avec le vice-roi. Quand un de mes hommes a comblé la mesure, je
lui dis : Ya-fen ! et s'il ne s*en va pas, ah ! dame ! la justice... Ta
comprends... Ce n'est pas trahir?
QUINOLA.
C'est prévoir. •.
MONIPODIO.
Oh ! tu reviens de la cour. Et que veux-tu prendre ici?
QUINOLA.
Écoute 7 (A part.) Yoilà mon homme, un œil dans Barcelone. (HAut)
D'après ce que tu viens de me dire, nous sommes amis comme. ••
MONIPODIO.
Celui qui a mon secret doit être mon amL..
QUINOLA.
Qu'attends-tu là comme un jaloux 7 Viens mettre une outre à sec
et notre langue ao frais dans un cabaret : voici le jour...
MONIPODIO.
^e vois-tu pas ce palais éclairé par une fête 7 Don Frégose, mon
vice-roi, soupe et joue chez madame Faustina Brancadorl
AGTB L 141
QUINOIA.
EaTénitien, Brancador. Le beau nom I Elle doit être veuve d'an
patricien.
HONIPODIO.
Vingt-deux ans, une comme le musc, gouvernant le gouver*.
leur, et (ceci entre n#us) Tayant déjà diminué de tout ce qu*il a
ramassé sous Charles-Quint dans les guerres d'Italie. Ce qui vient
de la flûte...
QUINOLA.
A pris Tair. L'âge de notre vice-roi ?
MONIPODIO.
Il accepte soixante ans. «
QUINOLÂ.
Et Ton parle du premier amour ! Je ne connais rien de terrible
comme le dernier, il est strangulatoire. Suis-je heureux de m*être
élevé jusqu'à TindifTérence ? Je pourrais être un homme d'État...
UONIPODIO.
Ce vieux général est encore assez jeune pour m'employer à sur-
Teiller la Brancador ; elle, me paye pour être libre ; et . . comprends-
ta comment je mène joyeuse vie eu ne faisant pas de mal?
QUINOLA.
Et tu tâches de tout savoir, curieux, pour mettre le poing sous
la gorge à l'occasion. (Monipodio foit un signe amnnatit) Lothundiaz existe-
t-il toujours 7
HONIPODIO.
Voilà sa maison, et ce palais est à lui : toujours de plus en plus
propriétaire.
QUINOLA.
J'espérais trouver l'héritière maîtresse d'elle-même. Mon mattre
est perdu?
MONIPODIO.
Tu rapportes un maître 7
QUINOLA*
Qui me rapportera plusieurs mines d'or.
HONIPODIO.
Ne ponnais-je entrer à son service 7
QUmOLA.
Je compte bien sur ta collaboration icL.. Écoute, Monipodio 7
nous revenons changer la face du monde. Mon mattre a promis an
loi de faire marcher un des plus beaux valsseaax,L m» voiles» ni
rames, contre le vent, plus vite que le vent.
1143 LE^ RESSOUBCia DE QUINOLA.
MONIFOOIOj après «mk iMmé autour de Quluola.
Oé m^ ckaq;è WNi amL
QUINOLÀ.
Mooipodio, souviens -toi qae des hommes comme nous ne doi-
•fenf s'étonner de rien. C^est petites gens. Le rat bow a dotnaê le
fansestu, mais sans m donbioii peur FaDér elievcfaer; mom» am-
vons donc ici avec les ésvtx fidèles compagnons chi talena : la êmb
et la soit Un homme pauvre, qui trouve une bonne îdKe, m*a
toujours fait l'effet d'un morceau de pain dans un vivier : chaque
poisson vient lui donner un coup de dent Nous pourrons arriver
à la gloire, nus et mourants.
HONUODIO.
Ta ea dana le vraL
QunroLA.
A Yailadolid, un matin, mon maître, fas du combat» a faflS par-
tager avec un savant qui ne savait rîen... je vous Tai mis à la porte
avec une proposition en lM)is vert que je lui ai démontrée, et vive -
HONIPODia.
Mais, comment pourrons-nous gagner honnêtenenl me for-
tune?
OunroLA.
Mon mafcre est amoureux. L'amour finf fùrt anfant éc sotâses
que de grandes choses; Fontanarès a fait les grandes choses, il
pourrait bien, faire les sottises. Il s*agit« à nous deux, de protéger
notre protecteur. D'abord, mon maître est un savant qui ne sait
pas compter...
HOHffOMOu
Oh I prenant un maître, tu l'as dû choisir...
QUIKOUL.
Le dévouement, l'adresse valent mieux, ponx hiLqiDe rargeat et
la faveur; car pour lui la faveur et l'ai^gent seront des trébuchets.
Je le connais; il nous dmnera ou nous binevai^BaBdcft éà quoi
finir nos jours en honnêtes guML
MOIliVOMa.
Eh I voilà mon rêve.
tmiiOftA.
D^pbyras donc, pipor «ae grande eau^dsOr bm talents lus-
qpt'ÎGî foânoiéft*. KwsanrîiQft Uea du malhii» à kdiable a*en
fâchait.
^M 1. 143
rebandier : je tope.
Ta ne dois pas avoir rompu avec Tateliar deiftiiK moBiisyeui»
et nos oanierB en serrurerie.
HONIPOmO.
Damef dans riatérêt de l'Etat...
aunroLÀ.
Ion maître Ta faire construire sa oiachiiie, j^dtnni lies mudMès
cle chaque pièce, nous en fabriquerons une ieoonde.««
HOUIPODIO.
Quinola?
QUniOLA.
Eh bien? (PtqjDlta te montre au balcon.)
uonpoma
Tu es le grand bonnner
QUCfOLA.
Jefesas bieifc Ihfente, ef tu mourras persécute comme un cri-
minel; copie, et tu vivras heureux comme un sctî Et d'ailleirre, si
Fontaoarès périssait, pourquoi ne sauverais-je pas son invention
pour fe l)onheur de l'humaitilê f
HONIFODIO.
D'autant plus que, selon un vieil auteur, nous sommes l'huma-
oité... Il faut que je t'embrasse.^.
Q1II50LA, à part.
Après une dupe honnête je ne sais rien de meilleur qu'un fri-
pon qui s'abuse.
PionrA»
Deux amis qui s'embrassent, ce ne sont pas donc des espions...
7o « «9à dav ki dmnMdB liNM^èuili pntede la
Brancador. Ça va bieni Fais un miracle! habille-nous d'abinfe
puis, si nous ne trouvons pa» fe wms deux, en consultant un fla-
Iftk LES RESSOURCES DE QUINOLA.
Marie Lothundiaz, je ne réponds de rien... Il ne me parle que
d'elle depuis deux jours, et j*ai peur qu'il n'extravague tout à fait. . .
MONIPODIO.
L'infante est gardée comme un homme à pendre. Voici pour-
quoi. Lothundiaz a eu deux femmes : la première était pauvre el
lui a donné un fils. La fortune est à la seconde, qui en mourant a
laissé tout à sa fiUe, de manière à ce qu'elle n'en puisse être dé-
pouillée. Le bonhomme est d'une avarice dont le but est l'avenir
de son fils. Sarpi, le secrétaire du vice-roi, pour épouser la riche
héritière, a promis h Lothundiaz de le faire anoblir, et s'intéresse
énormément à ce ûls...
QUINOLA.
Bon! déjà un ennemi..
MONIPODIO.
Aussi faut-il beaucoup de prudence. Ecoute, je vais te donner
un mot pour Mathieu Magis, le plus fameux Lombard de la ville
et à ma discrétion. Vous y trouverez tout, depuis des diamants jus-
qu'à des souliers. Quand vous reviendrez ici, vous y verrez notre
infante.
SCÈNE m.
PAQUITA, FAUSTINK.
PAQurrA.
Madame a raison, deux hommes sont en vedette sous son bal-
con, et ils s'en vont en voyant venir le jour.
FAUSTIXE.
Ce vieux vice-roi finira par m'ennnyerl il me suspecte encore
chez moi pendant qu'il me parle et me voit
SCÈNE IV.
FAUSTINK, DON FRfiGOSB.
DON FBÉ608B.
Jadame, voai risqœz de prendre un rhume t il fiiit id trop
frais...
FAU8I1JU.
Tenez ici» MonaeigDeiir.. Voua a?eafoi»^diies*voQ8».ea moi; mais
ACTB L iU
TOUS mettez Monipodio sous mes fenêtres. Cette excessive prndenct
D*est pas d'un jeune homme et doit irriter une honnête femme. Il
y a deux sortes de jalousies : celle qui fait qu'on se défie de sa
maîtresse, et celle qui fait qu'on se défie de soi-même; tenez-
roos-en à b seconde.
DOH niiGOSB.
Ne couronnez pa», MadamOr une si beUe fête pur une querelle
que je ne mérite point
PÀUSTINI.
Monipodio, par qui tous voyez tout dans Barcelone, était-il sous
mes fenêtres , oui ou non? répondez sur votre h<mneur de gentil»
homme.
DOH FRiSCOSI.
n peut se trouver aux environs, afin d'empêcher qu'on ne fasst
on méchant parti dans les rues à nos joueurs.
FADSTINX.
Stratagème de vieux général I Je saurai la vérité. Si vousm'avei
trompée, je ne vous revois de ma vie! (nieie uim:)
SCÈNE y.
DON FRÉGOSK, wol.
Aht pourquoi ne pnis-je me passer d'entendre et de voir cette
femme. Tout d'elle me plaît, même sa colère, et j*aime à me faire
gronder pour l'écouter.
SCÈNE VI.
PAttDITA, MONIPODIO, en Mn on^tew. DOUA LOFEZ.
TAQurrA.
Madame me dit de savoir pour le compte de qui Monipodio se
trouve là, mais... je ne vob plus personne.
MONIPODIO.
L'aumtae, ma chère enfant, est un revenu quVm se fait dans
ledeL
PAQUITA.
Je n'ai rien.
Tlï. iO
146 LES RESSOUBCEA tlR QUINOUL
Eh Ucn ! fymucittes-Didi qnfftqiie choso^
CSe frère €rt MoDJovM.
MONIPODIO.
EDe oe me reconnaît paa, je pois ne risquer.
PAQUITA.
Ah I si TOUS comptez sur les restes de notre propriétaire, vous se-
liez jifais /riche aiiefi jBt proinesse. {Ait^uMciitfiar.^iaiMmiiflvjfMaDBj
Itta^ajneu les iMMBUoes Mont parti&
SCÈNE tH,
]|01IIPOJ>IO, I>OJSA LÛPEZ;
Que voulez-vous?
MONIPODIO.
Les frères de notre Ordre ont eu des nouveOes de fotre chei
Lopez...
DONA LOPBZ.
Il vivrait?
MONIPOD.IO.
Dû looDAiittnt Ji eeiDrite Marie au ceaveU to nemliiinins,
iiÉtes le to V ée la fdaee^ vonsf verrcmm JMMHae éokappé 4*ii-
ger qui vous parlera de Lopez.
DOXA LOPEZ.
Bonté du del, pourrai-je le racheter?
noinpoMo.
Sachezd'abordàquoi.vous en tenir âur son coiqpte:8*Jl était.,
musulman?
DOMA XOPBZ.
JMqb ckber ÏMjfenlj» vais laine dépécher la jeaerittL
SCËNfi YIU.
VORIPODIÔ, QUmOLA, FONTANAKtS.
FOlfTATfÂRiS.
Enfin, Qumola, nous voilà sous ses feoétrei.
ACTE I. 147
QUINOU.
£h bieni où donc est MoDipodille, se serait-il laissé berner par
la daègne? (a regarde le frète.) SeigoeuT pauvre 7-
«OmiDMO.
TMUUOL
QUINOLA.
Sangodémi, quelle perfection de guenserie? Titien te peindraiu
(FrtiMrtij Elle va venir, (a vompoiie^) Gomnent le tixMtves-ui?
JiOlilFODiO*
Bien.
QUINÛLA.
Il sera grand d'Espagne.
MONIPODIO»
ObL.« il eat encore bien mieux.-
QUINOI^
Sortout, Monsieur, de la prudence» n'allez pas vous livrer k de
hélas! qui pourraient faire ouvrir les yeux à la duègne.
SCÈNE IX.
»• MtekMMU, MNA LOPJSZ, MARIK.
JIOKUPODIO^ à la doèfoe, en lui moDtaaiit QuUuda.
Veilà le chrétien qui sort de captivité.
QUIHOLA, à la duègne.
Abl Madame, je vous reconnais au portrait que le seigneur Lo* .
pez me faisait de vos cJiarmes... (u remmtacu)
SCÈNE X.
MONIPODIO, MARIE, FONTANARtS.
HARII.
V
Eit-cebiealoiT
iORTAHARte.
Oui, Marie, et f ai réossl, nom iemis heorenx.
Aht 8i vous saviez combisB j'ai piié pour votre auceèsl
FOmAKAftàB.
J'ai des millions de choses à «ons dira; mA il m eHiine qœ
iil8 I£S RESSOURCES DE QUHBOLA.
je deirrais yous dire un million de fois pour tout le temps de mon
absence.
MARIB.
■ ^ Si vous me pariez ainsi, je croirai que tous ne savez pas quel
est mon a^acliement : il se nourrit bien moins de flatteries que de
tout ce qui vous intéresse.
I FONTANÂR^.
Ce qui m'intéresse, Marie, est d'apprendre, avant de m'engager
dans une affaire capitale, si vous aurez le courage de résister '
votre père, qui, dit- on, veut vous marier.
MARIE.
Ai-jedonc changé?
FONTANARÈS.
Aimer, pour nous autres hommes, c'est craindre I vous êtes si
riche, je suis si pauvre. Ou ne vous tourmentait point en me
croyant perdu, mais nous allons avoir le monde entre nous. Vous
êtes mon étoile ! brillante et loin de moi« Si je ne savais pas vous
trouver à moi au bout de ma lutte, oh ! malgré le triomi^, je
mourrais de douleur.
MARIE.
Vous ne me connaissez donc pas ? Seule, presque recluse en votre
absence, le sentiment si pur qui m'unit à vous depuis l'enfance a
grandi comme... ta destinée! Quand ces yeux qui te revoient avec
tant de bonheur seront à jamais fermés ; quand ce cœur qui ne
bat que pour Dieu, pour mon père et pour toi, sera desséché, je
crois qu'il restera toujours de moi sur terre une âme qui t'aimera
encore! Doutes-tu maintenant de ma constance?
FONTANARÈS.
Après avoir entendu de telles parofest qtiel martyre n'endurerait*
on pas I
, SCÈNE XI.
h
II riAcÉDBMTt, LOTHUNDIAX.
;
umnniDiAS.
Cette duègne laisse ma porte ouverte...
■ONIPOOIO, à Dut.
Oh I ces pauvres enfants sont perdus '....( a lotbonuai.) L'aamdiie
est un trésor qu'on s'amasse dans le deL
ACTE L 1^9
LOTHUNDIAZ.
Travaille, et ta t'amasseras des trésors ici-bas. (ni«garde.) Je ne
«ois point ma fille et sa duègne dans leur chemin,
(Jeu de icène entre tfonlpodlo «( Lothundlai.)
MONIPOOIO.
L'Espagnol est généreux.
LOTHUNDIAZ.
£h! laisse-moi, je saisi Catalan et suis soupçonneux, m aperçoit m
fille et Fontaiiai^s.) Que Tois-je?... ma fille avec un jeune seigneur.
(Il courte eux) On a beau payer des duègnes pour avoir le cœur et
les yeux d*une mère, elles vous voleront toujours, (k sa aiiej Gom-
meot, Marie, vous, héritière de dix mille sequins de rente, vous
parlez à... Ai-je la berlue?... c'est ce damné mécanicien qui n'a
pas an maravédis. (Uonlpodlo Citt des signes à QuInOU.)
MARIE.
Alfonso Fontanarès, mon père, n'est plus sans fortune, il a vu
leroL
lothundiaz.
Je plains le roi
FONTÂXARÈS.
Seigneur Lothondiaz, je puis aspirer à la main de TOtre belle
Marie.
LOTFUXDIAZ.
Ah!...
FONTANARÈS.
Accepterex-vous pour gendre le duc de Neptunado, grand d'Es-
pagne et favori du roi ? (Lontbundiaz cb;^rclie autour de lui le due de Neptunado.)
- MARIE.
Mais c'est loi, mon père.
LOTHUNDIAX.
Toi I qoe j'ai vu grand comme ça, dont le père Tendait du drap^
me prends-ta poar un nigaud?
SCÈNE XIL
LU MÉMBS, Ql^INOLA, DONA LOPKZ.
QUINOLA.
Qui a dit nigaud?
FONTANARÈS.
Pour cadeaa de noces, je vous ferai anoMir, et ma femme et
150 LES ressovugbs de quinola.
moi, nous tous laisserons consiitoer, sur sa fortune, on majorât
pour votre fib..*
^ Ebbiettl mon père t
} Oftmfotju
' Eh bien I Monsieur 7
iCmtTErDlAZ»
Obi c'est ee brigMd de Latradi.
({inNOLA.
Mon mettre a fait reeoonaftre mon inneeeiice par le loL
lOTHUNDUZ*
M'anid)iir est abcs chose bien moins difficile»*.
Àbl vovs croyez qu'un bourgeois deyient grand seignenr tvee
les patentes du roi? Voyons. Fignrez-vôus que je suis marquis de
liivradi. Mon cher» prlt&*ffloi cent dncatst
LOTHUNOIAZ.
Cent coups de bâton I Cent ducats?... le revenu d'une terre de
deux m'dle écus d*or.
OOTNOLl.
Là! voyez-Tous?... Et ça veut être noble! Antrp chose. Comte
Lothundiaz, avancez deux mille écus d*or à votre gendre, pour
qu'il puisse accomplir ses promesses au roi d'Espagne.
LOTHUNDIAZ. & Footanarte.
Et qu'as-tn donc promis?
FONTANARÈS.
Le roi d'Espagne, instruit de mon amour pour votre fille, vient
à Barcelone voir marcher un vaisseau sans rames ni voiles» par une
machine de mon invention» et nous mariera lui-même.
XOTHUNDIAZ^ & part.
Us veulent mç berner. (Haut.) Tu feras marcher les vaisseaux
tout seuls, je le veux bien, j'irai voir ça. Ça m'amusera. Mais je
ne veux pas pour gendre d'homme à grandes visées. Les filles éle-
vées dans nos familles n*ottt pas besoin de prodiges, mais d'un
homme qui se ré^igae à s'occuper de son ménage, et non des af-
faires du sdeil et de la lune. Être bon père de famille est le seul
prodige que je veuille en ceci.
PONTANARÈS.
A l'âge de douze ans, votre fiUe^ Seigneur, m'a souri comme
Biatrix ài>ante. Enfiuii« tUe a vu d'abord, m fsère en nioà; puis,
ACTE I. 151
quand nous nous sommes sentis séparés par la fortune, elle m*a
YacûBcevant rentrepdse hardie de combler cette distance à force
de gloire. Je suis allé pour elle en Italie, étudier t>^* Galilée.
Elle a, la première, applaudi à mon œuvre, elle Ta cooiprisef elTe
a épmafc ma pensée afant de m'épooser moi-même ; elle est ainsi
deveime po«r moi le monde entier ; comprenez-vous maintenant
comUoi. jf^ l'idoUtn ?
LOTHUKDIAZ.
Et c'est justement pour cela que je ne te fa donne pas f Dans
dix ans, elle serait abandonnée pour quelque autre découveste à
faire...
HABIB..
Quitte-t-on, mon père, un amour qui a fait faire de tels prodiges ?
lOTHUHDUZ.
Ooi, quand il n'en fait plus.
HAIIIS*
S'il devient duc, grand d'Espagn^^ el ricbftl.^
lognvmaAz.
Si! si! si!... Me prends-tu pour un imbéctetie^ci sont les
chevaux qui mènent à l'hôpital ton» ces prétendus découvreurs de
mondes.
Sfais volcf les lettres par lesquelles le roi me donne m vanneau.
QunmiA.
Ouvrez donc les yeux I Mon mâSfre* est à la fois homme de gé-
nie et joli garçon; le génie vous offusque et ne vaut rien en mé-
nage, d'accord; mais il reste le joli garçon : que faut-il de plus à
nne fille pour être heureuse 7
LOTHUNDIAZ.
Le bonheur n'est pas dans ces extrêmes. Joli garçon et homme
de génie, voilà deux raisons pour dépenser les trésors du Mexique.
Ma fille sera madame SarpL
sc£ne UII.
Uf ■ÉKa% SiinPi nr le balcon.
Sàftfly à ptrC
Ona pronoBoi mon no»^ Que vois-je! l'héritière et son père,
à cette heure, sur la place !
152 LES RESSOURCES DE QUDIOLiL
LOTHUNDIAZ,
Sarpi n'est pas allé chercher an vaisseau dans le port de Yalla-
dolid, il a fait avancer mon fils d*un grade.
FONTÀNÀRÊS.
Par l'avenir de ton fils, Lothandiaz, ne t'avise pas de diqx»er
^e ta fille sans son consentement; elle m'aime, et je l'aime. Je se-
rai dans pen csarpi pantu l'un des hommes les plus considérables de
TEspagne, et en état de me venger. ••
MARIB.
Oh! contre mon père?
FONTANARÈS.
Eh bien I dites-lui donc, Marie, tout ce que je fais pour vous
mériter.
SAftPI.
Un rival?
QUINOLA, à LolbandUtB.
Monsieur, vous serei damné.
LOTHUNDIAZ.
D'où sais-tu cela?
QUINOLA.
Ce n'est pas assez : vous serez volé, je vous le jure.
LOTHUNDUZ.
Pour n'être ni volé, ni damné, je garde ma fille à un hoomie
qui n'aura pas de génie, c'est vrai, mais du bon sensi..
FONTANAEiS.
Attendez, du moins,
SARPI.
Et pourquoi donc attendre?
QUINOLA, A Konlpodio.
Qui est-ce?
MONIPODIO.
SarpL
QUINOLA.
Quel oiseau de proie!
MOXIPODIO.
Et difficile k tuer, c'est le vrai gouverneur de Catalogne.
LOTHUNDIAZ.
Salut, monsieur le secrétaire! (a Fontaurti.) Adieu, mon cher,
votre arrivée est une raison pour moi de presser le mariage, (a luriej
Allons, rentrez, ma fille, (a la duègne.) Et vous, sorcière, vous allez
avoir votre comote.
ACTE L i5S
SARPI^ Il Lottaundiai.
Cet hidalgo a donc des prétentions?
PORTANARÈS^ & Sarpl.
Ottdroitsl (lUrte.Iadiligiit.LrtIiaiidiMiortaDU
SCÈNE XIY.
MONIPODIO, SARPI,.FOMTANARËS, QUINOLA.
«
SARPI.
Des droits 7... Ne savez- vous pas que le neveu de Fra-Paolo
Sarpi, parent des Brancador, créé comte an royaume de Naples,
secrétaire de la vice-royauté de Catalogne, prétend à la main de
Marie Lothundiaz? En se disant y avoir des droits, un homme
fait une insulte à elle et à moi.
FONTANARÈS.
Savez-vous que, depuis cinq ans, moi, Alfonso Fontanarès» k
qui le roi, notre maître, a promis le titre de duc de Neptuna^o,
la grandesse et la Toison-d'Or, j'aime Marie Lothundiaz» et que
vos prétentions \ l'encontro de la foi qu'elle m'a jurée, seront, si
vous n'y renoncez, une insulte et pour elle et pour moi?
SARPI.
Je ne savais pas. Monseigneur, avoir un si grand personnage
pour rival £h bieni futur duc de Neptunado, futur grand, futur
clievalier de la Toison-d'Or, nous aimons la même femme; et si
vous avez la promesse de Marie, j'ai celle du père; vous attendez
des honneurs» j'en aL
FONTAHARiS.
Tenez» restons-en là. Ne prononcez pas un mot de plus» ne
vous permettez pas nn regard qui puisse m'offenser... vous seriez
nn lâche. Eussé-je cent querelles» je ne veux me battre avec per-
sonne qu'après avoir terminé mon entreprise» et ré|.H>ndn par le
succès à l'attente de mon roi. Je me bats en ce moment seul contre
tous. Quand j'en aurai fini avec mon siècle, vous me retrouverez...
près du roL
SARPI,
Ohl nous ne nous quitterons paii
156 LES RESSOUAGKS M QUINOUL
SCÈNE XV.
m atm, FAQ8TIKE, DON FRÉGOSE, PAQUITA.
FAKWIRE^ A brteon.
Que se passe-^t-il donc, Monseigneur, entre ce jeune homme et
votre secrétaire? descendons.
QUINOLà, 1 Honlpodlo.
Ne trouves-tu pas que n^on homme a surtout le talent d'attirer
la fondre sur sa tête?
MONIFOmO.
n la porte si haut!
SARPI^ & don Frégose.
Monseigneur, il arrive en Catalogne un homme comblé , dans
l'avenir, des faveurs du roi , notre maître , et que Votre Excel-
lence, selon mon humble avis, doit accueiDir comme il le mérite.
OOlf FRÉGOSB^ à Fontanares.
De quelle maison étes-voos ?
FOirrAlTABÊS^ à part.
€k)mbiefl de sourires semblables n'aî-je pas déjà dévorés. (Haut.)
Excellence, le roi ne me Ta pas demandé. Voici d'ailleurs sa lettre
et celle de ses ministres... (U remet un i>aqaet.)
FAUSriNB^ àPaqulta.
Cet homme a Pair d'an rof.
PAQurrA.
D'un roi qui fera des conquêtes.
FAUSTINE^ reoomtérisaaBe Honlpodlo.
MeolpoAol stis-tn qvel est cet homme?
HO!IIPO»IO.
Un kMimino qui va, A^-mi, boderener le mondft
Aàl voiËiéMie €i iMBeuc iaventeur d»nl <m n'i laflC paA
«OKironio.
Et void son valet
DON fntoosB.
Tenez, Sarpi, void la lettre im niniMB» jir0vd»oiUidBCQi.
(A itontanarèa.) Eh bien I mon garçon, la lettre du roi me semUe po-
sitive. Vous entreprenez de réaliser l'impossible I Quelque grand
que vous vous lassiez, peut-être devriez-vous, dans cette affaire,
ACTE L 155
prendie les conseils de don RaaMm, un savant de Catalogne, qui,
dans cette partie, a écrit des traités fort tstàméi^»»*
F01ITANARÈS.
En ceci, Excellencet les pius belles dissertoliOD» dn moade ne
valent pas l'œuvre.
SOV FRiGOSB.^
Quelle présomption! (a sarpi.) Sarpi, vous mettrez à b dispoflitioa
du cavalier que voici le navire qu'il dboisira dans le port
Êtes-vous bien sûr <jpie le roi le veuille ?
DON FRÉGOSE.
Nous verrons. En Espag^e, il faut dire ua Pater entie chaque
pas qu'on fait
SARPI.
On nous a d'ailleurs écrit de Yalladolid.
FAUSTINEy auvlce-TOl.
De quoi s'agit-il?
DON FRÉGOSB.
Oh! d'une chimère.
FAUSTINE.
Eh ! mais, vous ne savez donc pas que je les aime?
DON FRÉGOSE.
D'une chimère de savant que le roi a prise au sérieux, à cause
du désastre de l'Armada. Si ce cavalier réussit, nous aurons la
cour à Barcelone.
FAUSTINE.
Mais nous lui devrons beaucoup.
DON FRÉGOSE^ & Faustine.
Vous ne me parlez pas si gracieusement, à moi ! (Haut.) H s'est
engagé sur sa tête à fah'e aller comme le vent, contre le vent, un
vaisseau sans rames ni voiles...
FAUSTINB.
Sur sa tête? Oh! mais, c'est un enfant!
SARPX.
Et le seigneur Âlfonso Fontanarès compte sur ce prodige pour
épouser Marie Lothundlaz.
FAUSTINE.
Ah! il aime...
QUINOLA^ tout bas» à FaustiM.
Non, Madame, il idolâtre»
156 I^S BESSOUftCES DE QODIOLA.
FAUSTINB.
La fille de Lothnndiaz!
DO!r FRÉCOSl.
Yoos TOUS intéressé! à lui bien subitement .
FAUSTINB.
Quand ce ne serait que pour voir la cour ici, je souhaite que ce
cavalier réussisse. _
DON FRAgOSB.
Madame, ne voulez-vous pas venir prendre une collation k la
villa d'AvalorosT Une tartajie vous attend au port
FAUSTINB.
Non, Monseigneur, cette fête m*a fatiguée, et notre promenade
en tartane serait de trop. Je n*ai pas comme vous l'obligation de
me montrer infatigable ; la jeunesse aime le sommeil, trouvez bon
que j'aille me reposer.
nON, FRIÊGOSB.
Vous ne me dites rien sans y mettre de la raillerie.
FAUSTINB.
Tremblez que je ne vous traite sérieusement!
(Faustine, le gouverneur et PaquiU forfenc.)
SCÈNE XVI.
AYALOROS, QmNOLA, HONIPODIO, FONTANARÊS, SARPI.
SARPI^ & Avaloroe.
Il n y a plus de promenade en mer.
AYALOROS.
Peu m'importe, j'ai gagné cent écusd'on (sarpi et Avaioroe m puieirtj
FONTANARÊS^ à Honlpodto.
Quel est ce personnage î
MONIPODIO.
Avaloros, le plus riche banquier de la Catalogne; il a confisqué
la Méditerranée à son profit
QUINOLA.
Je me sens plein de tendresse pour IuL
MONIPODIO.
C'est notre maître k tons I
AVALOROS, à Fonlanaiii,
Jeune homme, je suis banquier; et si votre affaire est bonne,
ACTE I. 157
après la protection de Dieu et celle du roî, rien ne vaut celle d'un
millionnaire.
^ SàRPI^ au banquier.
Ne vous engagez \ rien... à nous deux, nous saurons bien nous
en rendre maîtres.
▲TALOROS^ kPontanarte.
Eh bien I mon cher, vous viendrez me voir.
(Monipodio lui prend ta boantj
SCÈNE xvn.
MONIPODIO, FONTANAR&S, QUINOLA.
Q1IIN0LA.
Vous vous faites dès l'abord de belles affadies t
MONIPODIO.
Don Frégose est jaloux de vous.
QUINOLA.
Sarpi va vous faire échouer I
UONIPODIO.
Vous VOUS posez en géant devant des nains qui ont le pouvoir !
Attendez donc le succès pour être fier! On se bit tout petit, on
8*insinue, on se glisse.
QUINOLA, .
La gloire 7. •• mais. Monsieur, il faut la volen
FONTANÂRÈS.
Vous voulez que je m'abaisse?
MONIPODIO.
Tiens ! pour parvenir.
FONTANÂRÈS.
Bon pour un Sarpi I Je dois tout emporter de haute lutte. Mais
que voyez-vous entre le succès et moi î Ne vais-je pas dans le port
choisir une magnifique galère 7
QUINOLA.
Ah I je suis superstitieux en cet endroit Honsienr, ne prenez
(MIS de galère!
FONTANÂRÈS.
Je ne vois aucun obstacle.
QUINOLA.
Tous n*en avez jamais vu ! Vous avez bien autre chose \ décou-
vrir. Eh I Monsieur, nous sommes sans argent, sans une auberge
158 LES RESSOUBGES DE QUINOLA.
OÙ nous ayoos crédit « et si je n'avais rescontré ce vieil ami qui
m'aime, car on a des amis qui vous détestent, nous serions sans
habits...
FOlfTAHABiS.
Mais eUe m'aime! (Marie agiie ton moueiioir àiaflBQ6Ue^ liéns, vois,
mon étoile brille.
QUIlfOLÀ.
Eh Monsieur, c'est un mouchoir I Êtes-vous assez dans votre
faon sens pour écouter un conseil?... Au lieu de cette espèce de
madone, il vous faudrait une marquise de Mondéjar I une de ces
femmes à corsage frêle, mais doublé d*acier, capables par amour
de tontes les naes que nous inspire la détnse, I nous... Or, la
firancador...
FOVTAXAlftS.
Si tu veux me tair lateer toot là, ta n'as ipl ma parler linsil
ISache-le bien : l'amour est toute ma force , il est le rayon céleste
qui m'édaôe.
aourouu
Là, là, cahnez-Tom.
vonroiuo*
Cet boauae m'inquiète! M me paraît mievx poffMar Ja méca-
«qui de l'aoïoar quel' amonr de la mécaniqne.
SCÈNE XVIII.
ut Ktes», PAQ13ITA.
PAQUITA^ à Fontanarès.
Ma maîtresse vous fait dire. Seigneur, qne voos preniez garde
à vous. Vous vous êtes attiré des haines implacables.
voKiFnnio»
Ceci me n^gaida AUei sans crainte par les mes de iiiceloine;
quand on voudra vous tuer, je le saond Je jpirantew
FOHKAlUAâS.
Déjà?
PAQurri.
Tous ne me dites rien pour elle.
QUINOLA.
Ma mie, on ne pense pas à deux machines à la foisl... Dis à ta
cflesie iQidiKSie qne jotm maître loi baise ^
ffaxg mon aivet et venx faire une heorense fin* jj rirtiinwij
ACTE I. j^()
PAQUITA lui donne nn founiei.
Fat!
QUINOLA.
Charmante I tm^mtU
SCÈNE XIX.
ut HÉHEB, moins PAQUITA.
MONIPODIO.
Venez au Soleil-d'Or, je connais Thôte, vous aurez crédit
QUINOLA.
La bataille commence encore plus promptement que je ne le
croyais.
fOlfTAVAlftS.
Oà trouver de Targent?
QuoroiiA.
On ne nousM pvéteiafas» loais niw ea acbèteioos, £bl ^ne
foas faut- il!
FOlfTANABàS.
Deux mille écus d*or«
J'ai beau éTaluer le trésor ^p^oal je songe, il ne saurait être si
dodn.
MomraDio.
OUI je irwnPB «ne bonne.
QUINOLA.
Tiens, tu n'as rien oublié, ShJ JUfllâleur, vous voulez du fer»
du enivre, de l'adar* 4a bm.» aauileica»€lMM»Jà«ot diez tes
marcbands. Obi une idéel Ja im fonder la maison Quinola et
compagnie, «i die ae ittt|Ms de bMnei afiaine, wmm fanez iau-
jours la vôtre.
FOlfTANARÈS.
Ahl sans vous» que serais-je ^eaa?
MONIPODIO.
La proie d'Avaloros.
FOlfTANABÈS.
A l'ouvrage donc! Tinventeur va^uver Tamoureux. (nnoiitiit)
ris DO P-MMMXXM ACTS.
ACTE DEUXIÈME
Ha MlM dm ptui* de BudaiiM BnaetdcT)
SCÈNE PREIOËRE.
AYALOROS, 8ARPI, PAQUITA.
AYALOROS.
Notre souveraine serait-elle donc vrainient malade T
PAQUITA. '
Elle est en mélancolie.
ATALOROS.
La pensée est-elle donc une mala<fie t
PAQUITA.
Oui, mais tous êtes sûr de toujours bien tous porter.
SARPI.
Va dire \ ma chère cousine que le seigneur A?alorM et moi nous
attendons son bon plaisir.
ATALOROS.
Tiens, ydci deux écus pour dire que je pense...
PAQUITA.
Je dirai que vous dépensei. Je vais décider Madame à s*ba-
biner. (Otewit.)
SCÈNE n.
ATALOROS, SARPL
8ARPI.
Pauvre vlce-rd I il est le jeune homme, et je suis k vieiOard.
AVAtOROtf.
Pendant que votre petite cousine en fait un sot, vous d^J4
ACTE U.
l'activité d'un politique, vous préparez au roi la conquête de
Navarre françaiste. Si j'avais une fille, je vous la donnerais.
bonhomme Lothundiaz n'est pas un sot.
SÀBPI.
Ahl fonder une grande maison, inscrire un nom dans l'histoire
de son pays : être le cardinal Graovelle ou le duc d'Albe.
AVALOROS.
Oui I c'est bien beau. Je pense à me donner un nom. L'empe-
renr a créé les Fugger princes de Babenhausen, ce titre leur coûte
on million d'écus d'or. Moi, je veux être un grand homme, à bon
marché.
SARPI.
Vous ! comment 7
AYALOnOS.
Ce Fontanarès tient dans sa main l'avenir du commerce.
SARPI.
Yons, qui ne vous attachez qu'au positif, vous y croyez donc?
AYALOROS.
Depuis la poudre, l'imprimerie et la découverte du nouveau
monde , je suis crédule. On me dirait qu'un homme a trouvé le
moyen d'avoir en dix minutes ici des nouvelles de Paris, ou qufi
l'eau contient du feu, ou qu'il y a encore des Indes à découvrir^
ou qu'on peut se promener dans les airs, je ne dirais pas noui et je
donnerais...
SARPI.
Votre aiigent î
AYAL0R08.
Non, mon attention à i'aibire.
SARPI.
Si le vaisseau marche, vous voulez être k Fontanarès ce qu'Amè-
ne est à Christophe Colomb.
AYALOROS.
N'ai-je pas là dans ma poche de quoi payer dix hommes de
génie ?
SARPI.
Gomment vous y prendrez-vonst
AYALOROS.
L*argent, voilà le grand secret. Avec de l'argent à perdis, on
gagne du temps; avec le temps tout est possible; on rend à vo«
lonté mauvaise une bonne affaire ; et, pendant que les autres en
11
162 LES RESSWHCW DE QUINOLA.
ôéKWfèimÊt m i?(iiv toiparB. L*argeiit, c'est b vis ; Tdsrgmt c'est
la iHtrflciiw ie» hnàtoB et de» flérfrsr r àem xmhomim de gétaie,
il y a toujours un enfant ptein defintrisfe.^ on ose nuimme et Ton
se trouve tôt ou tard avec l'enfinit : l'enfant sera mon débiteur» et
llieinaie de génie ira en prison.
Et où en êtes-vousT
itTAroftos;
U s^flst' déGé de* me» offres, non pas M; maisr son valet, et je
fais Miter ave» le. vtthet.
SARPI.
Je vous tiens ; j'ai l'ordre d'envoyer tous les vaisseaux de Bar-
celone sur les côtes de France; et, par une précaution des enne
mis que Fontanarès s'est fait à Vatfadolid, cet ordre est absolu et
postérieur i^ h let^nre dti roi.
ATAIOROS,
Que ^onlés-vons dans l'affaire 7
SARFU
tes fonctions db grand maître (tes construelibas aafaEesT...
AVAI0RÛ9.
liaift que resleKt^ dbttc alors? ,
•AiFfL
Latgliitiu
AYALOROS.
Finaud I
SARFI.
Gourmand !
AYAiicmoe^
Chassons ensemble, nous nou» querellerons au partage. Votre
HMÎnl fA part.) Mf sofs lo^ph» f&Êî\ jetieus fe vice-ro! par b Biaii-
cador.
sKvn^ à- put.
IfevVaveas MMengtaissè, toena-lë'; jU de qool kr perAie.
AVALOROS.
n faudrait avoir ce QuinolaiiMK nos intérêts» el je Pal mandé
pour tenir conseil avec la BraneamiR
Afin IL 163.
:>:iv.
m.
Me void comme... entre deux larvoni;; n^MK^ sent aetr-
poadrés de vertus et caparaçonner de belles manières. On non»
pcnd^ noas antres I
Coquin ! tn devrab; cn^ attendmt qoe^m unftrehvftsMf altei
par d'autres procédés, conduire* UM-même les galères.
Le roi, juste appréciateur des mérites, a compris qu'il y par*
draittrop.
SARPI.
Ta seras sunrdllé.
OUUfOIA*.
Je le crois bien, jsme surveillé md-même;
ÀVAC0H08.
Yoas riotimidez, c*est un honnête garçon. Voyons f tu t'es fait
one idée de la fortune.
QUOfOIA.
Jamais, je Tai vue à de trop grandes distances.
AVALOROS.
Et quelque chose comme deux mille écus'd'ûr..»
QUmOLA.
Qnoi? plaft-U7 J'ai des ébiouiasenienls. Gela existe d(mc, deux
mille écus d'or? Etre propriétaire, avoir sa maison, sa servante,
son cheval, sa femme; ses revenus, être prov^ parla Sainte-Her*
mandad, au lieu de l'avoir à ses trousses ; que faut-il faire?
ATAIOHDB.
M'aider k réaliser un contrat à Tavantage' réci|)roquer de tbn
maître et de moi.
J'entends! le boucler. Tout beau, ma conscience I Taisea^vous,
ma belle, on vous oubliera pour quelques jours » et nous ferons
hm mina^ pour le reste de ma vie.
Ntektenoii.s
164 LES RESSOURCES DB QUINOLA.
SàBPI> à Avaloro6.
Il se moque de nous! il serait bien autrement sérieux.
QUINOLÀ.
Je n*aurai sans doute les deux mille écus d*or qu'après la signa-
turedu traité?
SARPI, vivement.
Tu peux les avoir auparavant
QUINOLA.
Bah ! ai tend u main.) donnez !
AVALOROS.
En me signant des lettres de change... échuesL
QUINOLA.
Le Grand Turc ne présente pas le lacet avec plus de délica-
tesse.
SARPI.
Ton maître a-t-il son vaisseau?
QUINOLA.
Valladolid est loin, c*est vrai, monsieur le secrétaire; mais nous
y tenons une plume qui peut signer votre disgrâce. .
SARPI.
Je t'écraserai.
QUINOLA.
Je me ferai si mince que vous ne poun*ez paa.
AVALOROS.
Ëh! maraud, que veux- tu donc?
QUINOLA.
Ah! voilà parler d'or.
SCÈNE IV.
LU paÉctoim, FAUSTINE et PAQUITA.
PAQUITA.
MessieuiY, voici Madame.
SCÈNE Y-
LIS NliCBDEMTf, moiDs PAQUITA.
QUINOLA va au-devant de la Brancaûur.
Madame, mon maître parle de se tuer s*ii n*a non vaisseau que
le comte Sarpi lui refuse depuis un mois; le sev^eur Avaioros lui
ACTE II. 165
denuoide la vie eo lui offrant sa bourse, comprenez-vous?...
(A part.) Une femme nous a sauvés à Yalladolid, les femmes nous
sauveront à Barcelone. (Haut eti u Brancador.) Il est bien triste I
AYÀLOBOS.
Le misérable a de l'audace.
QUINOLA.
Et sans argent, voilà de quoi vous étonner»
SARPI^ à Quinola.
Entre à mon service.
QUIIfOLÀ*
Je fais plus de façons pour prendi*e un maître.
FÀUSTmE^ b part.
II est triste! (Haut.) Eh quoi! vous Sarpi, vous Avaloros, ponr
quij*ai tant fait, un pauvre homme de génie arrive, et au lieu de
le protéger, vous le persécutez... (Mouvement chez Avaloros et Sarpl.)
Fi!... Q!... vous dis-jc. (a Quinoia.) Tu vas bien m*explîquer leurs
trames contre ton maître.
SAnpr, h Faustlne.
Ma chère cousine, il ne faut pas beaucoup de perspicacité pour
dcvioer quelle est la maladie qui vous tient depuis Tarrivée de ce
Foutanarès.
ATALOROS^ à Faustlne.
Vous me devez. Madame, deux mille écus d'or, et vous aurez
eocore à puiser dans ma caisse.
FAUSTINB«
Moi I Que vous ai-je demandé ?
AVALOROS.
Rien, mais vous acceptez tout ce que j'ai le bonheur de vous
offirir.
FAUSHNR.
Votre privilé{$e pour le commerce des blés est un monstmeux
abus.
AVALOROS.
Je voos dois. Madame, deux raille écos d'or.
FAUSTINE.
Allez m'écrire une quittance de ces deux mille écus d'or que je
voos dois, et un bon de pareille somme, que je ne vous devrai
pas. (A sarpi.) Après vous avoir mis dans la position où vous êtes,
TOUS ne seriez pas un politique bien fin, si vous ne gardiez mon
lecret
166 LES RESSOURCES DE QUIKOLA.
SABI3.
Je TOUS ai trop d'obligations pour être iqgrat
FAUSXIN^ à. part.
M pense tout le contraire, Q va m*envqyfir le vicetuoi Jakm
(Sort Supl.)
"SCÈNE yi
ut MÊMES , moins SARPL
Voici, Madame.
C*«st tràSfbien.
AyALOROS.
jSeions-nûiis eacone ienneoûs ?
FAUSTINE.
Votre privilège pour les blés est parfaitement légal
.AYALOACS.
Ahl Madame.
QUINOLA^ à part.
Voilà ce qui s'appelle faire des aiïaii^^s.
.AlVALÛROS.
Vous êtes, Madame, une noble peisoime, et je.miis..«.
QUmOLA^ à part.
Un vrai loup-cervier.
FAUSTINE^ en tendant le bon à Quinola.
Tiens, Quinola, voici pour les frais de la jQaiadune.de.lon matlie.
AVAIOROS, à Faiistine.
Ne lui donnez pas. Madame, il peut le garder pour lui. £t d*ail'
leurs, sojez prudente, attendez...
QUINOLÀ, h part.
^ ) passe de la Torride au Groenland : quel jeu que la vie !
Vous avez raison, (a part.) Il vaut mieux que je sois l'arbitre du
rX de Fontanarès. (Ui.ata1ook.} Si vous tenez à nos pdvi%eSttfiBS
lïiot
AVALOROS.
Kien de discret comme'les capitaux. (A^urt,) Elles sont désinté-
ressées jusqu'au jour où elles ont une passion. Nous allons essîi^
de la renverser, elle devient trop coûteuse.
4€9
SCÈNE yn.
rAQSTINI,
FjLVsma.
Ta dis donc qa'il est triste I
QUmOLA.
Tout est contre lui.
i08eaUj]iiJfiu4ft<4taefintn£««itiiMeftBulaQtoii ivopQimilmi*
deux mille écos qu'elle tient h la main.)
FAUSTINE.
Mais il sait lutter?
tnnifOLA.
Voici deux ans que nous nageons dans les difficultés , et nous
nous sommes vus quelquefois à fond : le gravier est bien dur*
PATJSTINÏ.
Oui, mais quelle force, quel génie I
QUmOLA.
fUlà, Badame, les effets de raïuour*
Et qui maintenant «ime4Hl?
QUINOLl*
Taajmn Marie Ijittbuadlaz !
Une poupée! «>
QUINOLA*
Une ^am'pm^î
FAvsions*
Les hommes de talents sont tous ainsi. ••
QUINOLA.
De vrais colosses à pied tl'ai^ilel
FAUSTINE.
... Ils revêtent de leurs fOnsions nne créature el ils s*attrappent :
Js aiment leur propre création, les égoïstes !
QUINOU» lifvin.
AbMhuaoDt £Oiiu»e;lfts iéiome»! mmn) Xenes» Madame» g» imi-
drais, par un moyen honnête, quecette.poupée fût au fond... non«
mais d*im couretft.
••
Z^iflieMiiîB ftbpwitenBifvooBt
168 LES RESSOURCES DE QUINOUL
QUINOLA.
J'aime mon mattre.
FAUSTINE.
Crois-tu qu'il m'ait remarquée ?
QUINOLA.
Pas encore.
FAUSTINB.
Parle-lui de moL
QUINOLA.
Mais alors il parle de me rompre un bâton sur le dos. Voyez*
Yous, Madame, cette fille...
FAUSTINE.
Celte fille doit être à jamais perdue pour lui
QUINOLA.
Mais s'il en mourait, Madame?
FAUSTINB. »
Il l'aime donc bien !
QUINOLA.
Ah ! ce n'est pas ma faute ! De Valladolid ici, je loi ai mille
fois soutenu cette thèse, qu'un homme comme lui devait adorer
les femmes, mais en aimer une seule! jamais...
FAUSTINE.
Tu es un bien mauvais drôle ! Va dire à Lothundiaz de venir
me parler et de m'aqiener lui-même ici sa fille ; (a part.) Elle ira au
couvent
QUINOLA, k part.
Yoilà l'ennemi, elle nous aime trop pour ne pas nous faire beau*
eoup de maL (Qalnola sort en renoontrant doo Frégoae )
SCÈNE VIII.
FAUSTINE, FRÉGOSE.
FBÉGOSB.
En attendant le maître, vous tâchiez de corrompre le vaiet
FAUSTINE.
Une femme doit-elle perdre l'habitude de séduire T
FRÉGOSE.'
Madame, vous avez des façons peu généreuses : ¥tà cm qo*one
ACTE IL 169
patricienne de Venise ménagerait les susceptibQités d'un vieux
soldat '
FAUSTINC.
£h ! Monseigneur, vous tirez plus de parti de vos cheveux blancs
D*oa jeune homme ne le ferait de la plus belle chevelure, et vous
y trouvez plus de raisons que de... (EUent.) Quittez donc cet air
fâché.
FRÉCOSB.
Pais-je être autrement en vous voyant vous compromettre, vous
que je veux pour femme ? N'est-ce donc rien qu'un des plus beaux
ooiDs de iltalie à porter ?
FAUSTINE.
Le trouvez-vous donc trop beau pour une Brancador?
FRÉGOSe.
Vous aimez mieux descendre jusqu'à un Fontanarès.
FAUSTINB.
Mais s'il peut s'élever jusqu'à moi? quelle preuve d'amour!
D'ailleurs, vous le savez par vous-même, l'amour ne raisonne
point.
FRÉGOSE.
Ah I vous me l'avouez.
FAUSTINE.
Tous êtes trop mon ami pour ne pas savoir le premier mon secret
FRÉGOSE.
Madame!... oui, l'amour est insensé! je vous ai livré plus que
moi-même !... Hélas ! je voudrais avoir le monde pour vous l'of-
Irir. Tous ne savez donc pas que votre galerie de tableaux m'a
coûté presque toute ma fortune?...
FAUSTINE.
Paquita I
FRÉGOSB.
Et que je vous donnerais jusqu'à mon honneur.
SCÈNE IX.
ut Hiiiif , PAQUITA.
F AUSTINX, à Paquita.
Dis à mon majordome de faire porter les tableaux de ma galerie
chez don Frégose.
170 LES RËSSOCHUXS DE QUUIOLA.
Paquita, ne répétez pas cet ordre.
li^mta jem; «i^a^t-ai ék, h reiae<!!a<ieiipe ée WUbH %t et
i4er à snadame Diioe -fe Poitiera les bqoœ ^**élle tenait d
flenâ H : Dowb les lui a rewoyés ioaim en m KiigoL Paqoita
▼a chercher le bijoutier.
nuteosB.
fi'ea fMÉtB mn , et soiHee. (8o««faqiifii.)
SCÈNE X.
Réfuta.
Je ne suis point encore la inat^uise do Frégose, comment osez-
*i»iis donner des onlres cbes «nei ?
C'est à moi d*en recevoir, je le sais. Ma fortune vaut-eUe me de
Tos paroles ? pardonnez à un monvement de désespoir.
FAUSTIIfE.
On doit être gentilhomme jusque dans son désespoir; et le vôtre
tùt4t flaiisAiiie mie (CoartisaDe. Ah I vous fwte êu» adoréî...
Mais la dernière Vénitienne veos dirait que cela coûte très-cher.
wwÉùomL
J 'aï jnérilé cette AerrîUe oelène.
Vous dites aimer? Aimer! c'est se dévauâr.saw4Uttentre.laffloi&-
dre récompense; aimer! c'e3t vivre sous un autre soleil auquel on
tremble d'atteindre. N'habillez pas votre égoîsme des splendeondu
véritable amour. Une femme maniée, Laure de Noves a dit à Pé-
trarque : Tu seraiiàaad saoB eapok^ r&tB éaos kviesiaiiinear*
Mais l'Italie a couronné l'amant sublime en couronnant le poëte,
et les siècles à venir admireront loujours Laure et Pétrarque !
FRÉGOSE.
Je n'aimais déjà pas h6niconpies|Nietai,imais celui-là, je l'exècre!
Toutes les femmes jusqu'à la fin du monde le jetteront à la tête dei
amants qu'elles voudront iiavder sans lea prendre.
^mosni».
On vous dit général» vous n'êtes qu'an soldat
ACTE fl. 171
'TRÉBOSC.
IkiUeBi^a/fMri |)dB-je nniter 17e tnaucHt fStr»^
.1 FAUSTINE.
^ Si vous dites m'aimer, voiis éviterez à ua homme de génie, (mou
nMmt i«e nnMiK^iMK^iffi'FrfgOTe) t)h1 >fl «D a » ^le mait^ ipie Tedlenl
lui iake jrabîr ées MyraûdmiB. Soyes graivfl, servez-^lel Tons souf-
frirez, je le sais, mais servez-le : je pourrai croire alors que vous
ffl'aiinez, et vous serez plus ôUustPe par ce trait dé générosité que
par votre prise de Mantoue.
•FRIÎGDSE.
Devant vous, ici, tout m*est possible; mais vous ne savez donc
pas dans quelles fureurs je tomberai tout en vous obéissant?
FAUSnNK.
ih.1 TOUS Tons {daindôec de m'^béirî
FRÉGOSE.
Vous le protégez, vous radinirei;,:soit ; mais vous ne l'aimez pas?
FAUSTINE.
On lui refuse le vaisseau donné ipar le roi» vous lui en ferez la
remise, irrévocable, à Tinstant.
FRÉGjOSB.
Et je l'enverrai vous remercier.
FA.USXI11K.
Eh bien ! vous voilà comme je vous aluML
SCÈNE XI.
FAUSTUiE:, swle.
Etl7 "a pouîtaift des femmes qui souhaitent d'être hommes I
•SCÈNE XII.
FAUSTINfi, PAQUITA, LOTfiUraXfalZ, HAfilS.
PAQUITA.
Vadame, voici Xothundiaz et sa fille, (gost jEiaautta.)
SCÈNE XIIL
LOTHUICDUZ.
Ahl Madame, vous avez fait de mon palais un royaume Im«
iTI LES RESSOURCES DE QUIHOUL
FAUSTINE^ à Marie.
Mon enfant, mettez-vous là près de moi, (ALotiraiidiaD Vous pou*
vez vous asseoir.
LOTHUNDIAZ.
Vous êtes bien bonne, Madame; mais permettez-moi d'aller Toir
cette fameuse galerie dont on parle dans toute la Catalogne, ai wrt)
SCÈNE XIV.
FAUSTINE, MARIE.
FAUSTINE.
Mon enfant» je vous aime et sais en quelle situation tous tous
trouvez. Votre père veut tous marier à mon cousin Sarpi, tandis
que vous aimez Fontanarès.
HABn,
Depuis cinq ans, Madame.
FAUSTINE.
A seize ans on ignore ce que c'est que d'aimer.
MARIE.
Qu'est-ce que cela fait, si j'aime?
FAUSTINB.
Aimer, mon ange» pour nous, c'est se déTouer.
MARIE.
Je me dévouerai. Madame.
FAUSTINE.
Voyons? renonceriez-vous à lui, pour lui, dans soniutérCI}
MARIE.
Ce serait mourir, mais ma vie est à luL
FAUSTINE, k part et en se lerant.
QueUe force dans la faiblesse de l'innocence ! (Haut) Vous n'avei
jamais quitté la maison paternelle, vous ne connaissez rien do
monde ni de ses nécessités, qui sont terribles ! Souvent un homme
périt pour aToir rencontré soit une femme qui l'aime trop, soit
une femme qui ne l'aime pas : Fontanarès peut se trouTer dans
cette situation. U a des ennemis puissants; sa gloire, qui est tXNite
sa Tie, est entre leurs mains : tous pouTCZ les désarmer.
MARIE.
Que faut-il faire?
ACTE IL 173
FAUSTINB.
En épousant Sarpi, yous assureriez le triomphe de TOtre cher
Fontanarès ; mais une femme ne saurait conseiller un pareil sacri-
fice; il doit venir, il Tiendra de vous. Agissez d*abord avec ruse.
Pendant quelque temps, quittez Barcelone. Retirez-vous dans un
couvent
MARIE.
Ne plus le voir? Si vous saviez, il passe tous les jours à une
certaine heure sous mes fenêtres, cette heure est toute ma journée.
FAUSTINE^ k part.
Quel coup de poignard elle me OiOnne I Ohl elle sera comtesse
Sarpi 1
SCÈNE XV.
LU HÉMBS, FONTANARÈS;
FONTANARÈS^ k FaiitUnê.
Madame. (Ulol baise lamala.)
HARIE^ à IMfft.
Quelle douleur I
FONTANARÈS.
Vivrai-je jamais assez pour vous témoigner ma reconnaissance!
Si je suis quelque chose, si je me fais un nom, si j'ai le bonheur,
ce sera par vou&
FAUSTINB.
Cen*estrien encore! Je veux vous aplanhr le chemin. J'éprouve
tant de compassion pour les malheurs que cencontrent les hommes
de talent , que vous pouvez entièrement compter sur moi. Oui ,
j'irais, je crois, jusqu'à vous servir de marche-pied pour vous faire
atteindre à votre couronne.
MARIE tire Foaianarâs par ton manteau.
Mais je suis là, moi! (n se retourne.) et vous ne m'avez pas vue.
FONTANARÈS.
Marie! Je ne lui ai pas parlé depuis dix jours. (AFausttne.) Ohl
Madame, mais vous êtes donc un ange?
MARIE, à Fontanarès.
Dites donc un démon. (Haut;) Madame me conseillait d'entrer
dans un couvent
1 74 LES HESSOUCIfr PE QUINOLA.
Ellftl
RàUSTnil»
Hais, enfioifs qoa foOB êtes, 3 le faut
FONTANARÈS.
Je marche donc de pièges en pièges, et la bvenr cache des abt-
mes!' (A MATii.) Qui donc voos a conduite ici?
■ABIE.
Mon père!
fOnTAIfARfiS.
Lui! est-il donc aveugle? Vous, Marie, dans cette maison.
FAUSTINE.
Monsieur !..n
FONTANABèS.
Ah! au couvent, pov se rendire maftre ëe son esprit, pour tor-
turer son ftme I
SCÈNE xvr.
us HÉMif, LOTHUNDIAZ.
FONTATfARiiS.
Et' tons amenez œtange ék pureté chez une femme pour qui
don Frégose dissipe sa fortune, et qui accepte de Ilii des dons in-
sensés, sans l'épouser. . .
FÂUsrnfR.
Rtbnsièurl'
FCWTAIfAlrtS.
Vonr ètlNr vemn ici. Madame, veure dta eadht' de la' mafs»»
Brancador, à qui vous aviez sacrifié le pev que vous a dt)mi^ V0flre
père, je le sais; nniv iei wa» avev bien diangéi..
FAuonxrK
De qnd droit jugez-vous de mes actions?
lotBViniun.
Ehl tais-toi donc : Uadkfl») ertt aw noMi iêmffqA «inAii
la valeur de mon palaia.
ElIeU, mais e*est ooe
#••
Acrrr ir 1 75'
TaiMK-vous.
LÛTHUNDIAZ.
Ma fille, voilà Yotre faoïnmc ëe génie, extrême en toutes choses
et plus près de la folie que du bon sens. Monsieur le mécanicien,
Madame est la parente et la pre{i?ctme A* Shrpi.
FONTANARÊS.
Mais emmenez donc votre fille de c&ez la marquise de Mondéjar^
de h ûtafogne.
SCÈNE xm.
FONSJurAvAa.
Ahl votre générosité, Madame, était donc une osmUiaÎMyii
pour servir les intérêts de Sarpi ?' MooS'Sommes quittes alors ! adieu . . .
SCÈNE XVHL
niBSTINB, PSlfiUPTA.
TàOSBSKSL
Gomm» S état bmw dan» sa colère'^ faqaiuitl
pioinrii.
Ah! Madame, qu'allez-vous devenir si vous Taimez ahislTr
Fjmsnjicv.
Mon enfant, je m'aperçois que je n'ai jamaivaiiiiâ^ ettjc véok,
là, dans un instant, d'être métainorphosée comme par un coup
de fondra J'ai, dis»' un moment, aimé pom* toai' fc KMnpypeidli?
Peut-être ai-je mis le pied dans un abîme. Envoie un de mw^w
lets chez Mathieu Magis le Lombardl
SCÈNE ïlï;'
FAUSmW, seule.
Je raime déjà trop pour confier ma vengeance au stylet de Mo-»
nlNib, car ffm'r trop méjpwisécf pourvue jr t^Mtese pii^fe-
gvder comme le plus grand bmarar A^Btfafoir fmf» ftmMf
176 LES RESSO0RGE8 DE QUINOLA.
Je Teux le Toir soumis à mes pieds, ou nous nous briserons dam
la lutte.
SCÈNE. XX.
FAUSTINE, FRÉGOSE.
FRÉGOSE.
Eh bien I je croyais trouver ici Fontanarès heureux d'avoir par
vous son navire?
FÀUSTINE.
Vous le lui avez donc donné ? Vous ne le haïssez donc pas ? J'ai
* cru, moi, que vous trouveriez le sacriQce au-dessus de vos forces.
J'ai voulu savoir si vous aviez plus d'amour que d'obéissance.
FRÉGOSB.
Ah! Madame...
FAUSTINB.
Pouvez-vous le lui reprendre?
FRÉGOSE.
Que je VOUS obéisse ou ne vous obéisse pas, je ne sais rien faire
à votre gré. Mon Dieu! lui reprendre le navire ! mais il y a mis
un monde d'ouvriers, et ils en sont déjà les maîtres.
FAUSTINE.
Vous ne savez donc pas que je le hais, et que je veux T.. •
FRÉGOSE.
Sa mort!
FAU8TUIS.
N<m , son ignominie.
FRÉGOSE.
Ahl je vais donc pouvoh* me venger de tout un mois d*an*
goisses.
FAUSnKB.
Gardez-vous bien de toucher à ma proie, laissez-la-moL Et
d'abord, don Frégose, reprenez les tableaux de ma galerie.
(MouTeinent (fétoniieBient chei don Frégose.) Je le VeuX.
FRÉGOSE.
Vous refusez donc d'être marquise de...
FAUSTINE.
Je les brûle en pleine place publique, ou lès fais vendre pour
«I donner le prix aux pauvreik
ACTE IL 177
FRÉGOSB,
Enfin queUe est votre raison 7
FAUSTINB.
Tai soif d'honneur» et tous avez compromis le mieo.
FRÉGOSB.
Mais alors acceptez ma main.
FAUSTINB.
Eh! laissez-moi donc.
FRÉGOSE.
Plus on Yous donne de pouvoir, plus vous eu «ibusei.
SCÈNE XXI,
FAUSTINB, seule.
Maiu*esse d'un vice-roi! Ohl je vais ourdir, avec Avaloros et
Sarpi, une trame de Venise.
SCÈNE XXII.
FAUSTINEt MATUIEO M AGIS.
^ MATBIBU HA«I8.
Madame a besoin de mes petits services T
FAUSTINB.
Qui donc êtes-vous?
MATHIEU MAGIS.
Mathieu Magis, pauvre Lombard de Milan, pour vous servir*
FAUSTINB.
Vous prêtez?
MATHIEU HAGIS.
Sur de bons gages, des diamants, de l'or, un bien petit com-
merce. Les pertes nous écrasent, Madame. L'ai|;ent dort sou-
vent. Ah! c'est un dur travail que de cultiver les maravédis. Une
seule mauvaise affaire emporte le profit de dix bonnes, car nous
liasardons mille écus dans les mains d'un prodigue pour en gagner
trois cenis, et voilà ce qui renchérit ce prêt. Ia monde est injuste
i notre égard.
«AUSTINB.
Etes-vous juif?
TH. . n
ilH LES RESSOimCES DE QUIKOLA.
MATHIEU VAGIS. ^
CouàSD^. l'entendez-vous?
VAUSHNE.
HAUinU MA6IS.
le suis Lombard et catholique, Madame^
FAUSTINB.
Ceci me contrarie.
MATHIRU MAGI9.
Madame m'aurait youIu...
FAUSTINL.
Oui, dans les griffes de l^Ioqnisliioii.
MATHIEU MAGIS»
Et pourquoi?
FAUSTINE.
Foor être sftre de votre fidélité.
MATHIEU MAGfS.
J'ai bien des secrets dans ma caisse, Madamau
FAUSTIT'C.
Si j'avais votre fortune enire les mains...
MATHIlUi MAG18.
Vous auriez mon ftme.
Il faut se rattacher par Kotérêt, cela est dain (Haut) Tous
prêtez...
MATHIEU MAGIS.
Au denier cinq.
FAUSTtirB.
Vous vous méprenez toujoara. Ecoutez : vous prêtez votre nom
au seigneur Avaloros.
MATHIEU MAOfS.
H connais te seigneur Avaloros, un banquier; nous laiisoos
çieiques affaires, mais il a on trop beau nom sur la place et trop
de crédit dans h Méditerranée pour avoir jamais besoin du paovr»
Malfcieo Magis...
VAUSmiB.
Tocsdiserel, Lombard. Si je veux agir sous ton nom dans one
affaire considérable...
MATRIU VA0I8.
La contrebande t
ACTE 11^ 179
FAUSTINB.
f importe ? Quelle serait la garantie de ton ibsolii dévoae-
ment?
La prime à gagner.
FAUSTINB^ k part.
Qnel lieau cbien àe cbassei iHany Eh i»eni vensi, voob zUem
être dmrgé d*m secret où il y va de la "vie, car je Tais vous dODaer
im grand homme \ dévorer.
HATHIRU VAGIS.
Mon petit commerce est alimenté par les grandes passions^
belle femme, belle prime.
flll DU DEUXIÈME ACTI
ACTE TROISIÈME
Le théfttra répréKnte on lotériear d'éeoiie. Dans lei comblei. da fofn: le long dei
nan, des rouei. des tubes, des pivots, une longue cheminée en cuivre, une vaste chau-
dière. A gauche du spectateur, un pilier sculpté, oh se trouve une Madone. A droite une
table: sur la table, des papiers, des Instruments de mathématiqnes. Sur le mur, au-des-
sus de la table, un tableau noir couvert de figures. Sur la table, une lampe. A côté du
tableau, une planche sur laquelle sont des oignons, une cruche et du pain. A droite du
spectateur. Il y a une grande porte d'écurie; el, k ganche, une porte donnant sur lei
champs. Un Ut de paille à côté de la Uadone.
An lever du rideau il fait nuit.
SCÈNE PREMIÈRE*
FONTANARÊS, QUINOLA.
FOBtanarès , en robe noire serrée par une ceinturf^ de cuir, travaille à sa table.
Qulnnla vérifie 1p< pièces de ia machine
QUINOLA.
Mais moi aussi, Monsieur, j*ai aimé ! Seulemenl quand j'ai ea
compris la femme, je lui ai souliaité le bonsoir. La bonne chère
et la bouteille, ça ne tous trahit pas et ça vous engraisse.
(Il regarde son maitre.) Bon! il ne m'cnteud pas. Yoid trois pièces à
forger, (u ouvra la porte.) Eh! Moiiipodilie.
SCÈNE II.
Ui MÊiiBs, MONIPODIO*.
QUINOLA.
Les trois dernières pièces nous sont revenues, emporte les mo-
dèles, et fais-en toujours deux paires en cas de malheur.
(Uonlpodio fait signe dans la coulitise; deux bommes paralsaenij
UONIPODIO.
Enlevez, mes enfants, et pas de bruit, évanouissez-vous comme
des ombres, c'est pire qu'uiï vol. (a Quinoia.) On s'éi-einte à ti*avaiUer.
ACTE m. 18!
QUlXOIiA.
Oq ne se cloute encore de rien.
MONIPODIO*
Ni eux, ni personne. Chaque pièce est enveloppée comme nn
bijoa, et déposée dans une cave. Mais il faut trente écus.
QUINOLA.
Oh! mon Dieul
HONIPODIO.
Trente drôles bâtis comme ça boivent et mangent comme
soixante.
QUIXOLA.
La maison Quinola et compagnie a fait faillite, et Ton est à mes
trousses.
HONIPODIO.
Des protêts 7
QUINOLA.
Es-tu bête? de bonnes prises de corps. Mais j*ai pris chez un
fripier deux ou trois défroques qui vont ine permettre de sous-
traire Quinola aux recherches des plus finsi limiers, jusqu'au mo-
ment oà je pourrai payer.
HONIPODIO.
Payer?,., c'te bêtise I
QUINOLA.
Oui : j'ai gardé un trésor pour la soif. Reprends ta souquenille
de Frère quêteur, et va chez Lothundiaz parlementer avec la
duègne.
HONIPODIO.
Hé!asl Lopez est tant de fois retourné d'Alger, que notre duègne
commence à en revenir.
QUINOLA.
Baht il ne s'agit que de faire parvenir cette lettre à la sénorita
Marie Lothundiaz. auui donne une lettre.) C'est un chef-d'œuvre d'é-
loquence inspiré par ce qui inspire tous les chefs-d'œuvre, vois :
1008 sommes depuis dix jours au pain et à l'eau.
HONIPODIO.
Et nous donc? crois-tu que nous mangions des ortolans? Si nos
hommes croyaient bien £iire, ils auraient déjà déserté.
QUINOLA.
Veuille l'amour acquitter ma lettre de change, et nous nous
tirerons encore... (Monipodio sorti
Ig2 LES RESSOURCES DE QUIKOLA*
SCÈNE m.
QpmaU. FODXAOiABtS»
QUINOLA j flrottànt uu oignon sur son palm
On dit qne c'est a?ec ça q]ue se nourrissaient les onvriers des
pjfsamides d'Egypte, mais Us. devient avoir l'assalsouement qoi
nous soutient : la foL.. m boit de reaa.) Vous n'avez donc pa& ùàrn^
Monsieur? Prenez garde que la machine ne se détraque.
VONTANARiS.
Je cherche une dernière solution...
QUINOLA f sa manche cm(|ue quand 11 remet la crache.
Et moi j'en trouve uno... de continuité à ma naadbe. ¥iai-
ment, à ce métier, mes hardes de.vîennent par trop algébriques.
Brave garçoa! toujoara gi», toêtoè aw bai dft maiheoi;
Sangodéml ! Monsieur, la fortune aime le& g^oa 0HC
tant que les gens gais aiment kfioAtiMU^
SCÈNE rr.
«,. HàlHHBlI MâGiai
0kl voilà BOM Laaibavd;. il icgnide iaiilttle»pièeap cootte si
elles étaient déjà sa propriété légitime.
MATHI1E& «MUS.
Je sois Totratrâa-bttiAbkkiemteiir» muk ta/» néfiam» Wsaièr
QMno&à»
Toujoars comme kjtarhre» poli„ sm tÊ tmkL
FOiCTàKAI^S..
A «osa saloAr Pwnsienr Magis.. (ui»«8B9ftteHi».i
KATHIB» XAGIS..
?oos êtes un homme sublime, et, pour mon compte, je vous
wenx toute sQCta de bien».
FONTANARÈS.
Et c'est pour cela que vous venez me faire toute sorte de mal!
Aère m. 183
JIATBICU «AGIS*
Yoi» me brusqaez ! ça n*est pas i»ea* Voob Ignorez qa'il y a
denx hommes en moi.
roHXAirARis.
Je n'ai jaHiais va l'autre»
MATHIEU MAGI8.
J'ai du cœar hors les affaires.
QUINOLA.
Hais vous êtes toujours eu affaires.
MA.THUIU ttlGI&
Je vous admire luttant tout deux.
FONTANARÈS.
L'admiration est le sentiment qui se fatigue le plus prompte-
fflent chez l*homme. D'ailleurs vous ne prêtez pas sur lea seati-
ffleots.
UATUIEU MAGIS.
Il y a des sentimeots qui rapportent et des sentiments qui rui-
nent Vous êtes animés par la foi, c'est ttès-beau, mats c'est roi-
neox. Nous fîmes, il y a six mois^ de petites conventions : vous
me demandâtes trois mille sequins pour vos espérie&ees**.
QUINOU^
A la condition de vous en rendre cinq mille»
FOKIANARES.
Eh bien ?
MATHIEU MAGIS.
Le terme est expiré depuis deux mois.
FONTANARÈS.
Vous nous avez fait sommation, il y a deux moiSt.etraide«l!e
lendemain même de l'échéance.
MATHIEU MAGIS.
Oh I sans fâcberîe, uniquement pour être en n^esure.
FONTANARES.
Eh bien! après?
MATHIEU MAGIS.
Vous êtes aujourd'hui mon débiteur.
FONTANARÈS.
Di^kallmofa; passés connue un songel Et je viens de me p(^
ser seulement cette nuit le problème à résoudre pour faire arriver
l'eau froide, aOn de dissoudre b vapeur I Magis, mon a i, soyâiS
mon protecteur, donnez-moi quelques jours de plus 7
18^ LES RESSOUnCES DE QUINOLA.
MATHIEU MAGIS.
Oh ! tout ce que vous voudrez.
Vrai ? Eh bien ! voilà l'autre bomme qui parait, (a Fontanaits)
Monsieur, celui-là serait mon ami. (a Magis.) Voyons, Magîs Deux,
quelques doublons ?
PONTANARftS.
Ah ! je respire.
MATHIEU MAGIS.
G*est tout simple. Aujourd'hui je ne suis plus seulement prê-
teur, je suis prêteur et copropriétaire, et je veux tirer parti de ma
propriété.
QUINOLA.
Âhl triple chien.
FONTANARÈS.
Y pensez-vous?
MATHIEU 1ÏAGI6.
Les capitaux sont sans foL..
QUINOLA.
Sans espérance ni charité; les écus ne sont pas catholiques.
MATHIEU MAGIS.
A qui vient toucher une lettre de change, nous ne pouvons pas
dire : « Attendez ! un homme de talent est en train de chercher
une mine d*or dans un grenier ou dans une écurie! » En six
mois, j'aurais doublé mes petits sequins. Ecoutez, Monsieur, j'ai
une petite famille.
FONTANARÈS^ à Qulnola.
Ça a une femme I
QUINOLA.
Et si ça fait des petits, ils mangeront la Catalogne.
• MATHIEU MAGIS.
J'ai de lourdes charges.
FONTANARÈS.
Vous voyez comme je vis.
MATHIEU MAGIS.
Eh! Monsieur, si j'étais riche, je tous prêterais... (QatMitiar^
la main) de quoi vivre mieux.
FONTANARÈS.
Attendez encore quinze jours.
ACTE Uh 185
MATHIEU MAGIS^ à part.
me fendent le cœur. Si ça me regardait, je me laisserais
peat-être aller; mais il faut gagner ma commission, la dot de ma
fiDe. (Haut.) Vraiment, je vous aime beaucoup, vous me plaisez...
QUINOLA^ à part.
Dire qu'on aondt un procès criminel si on l'étranglakl
FONTANARiS.
Vous êtes de fer, je serai comme Tacier.
UATHIEU UAGIS.
Qu*est-ce, Monsieur?
FONTANARÈS.
Vous resterez a?ec moi, malgré vous.
MATHIEU MAGIS.
Non, je ?eux mes capitaux, et je ferai plutôt saisir et vendre toute
cette ferraille.
FONTATfARÈS.
Âb! vous m'obligez donc à repousser la ruse par la ruse. J'al-
lais loyalement!... Je quitterai, s*il le faut, le droit chemin, à
votre exemple. On m'accusera, moi! car on nous veut parfaits!
Mais j'accepte la calomnie. Encore ce calice à boire! Vous avez
fait un contrat insensé, vous eu signerez un autre, ou vous me
verrez ineitre mon œuvre en mille morceaux, et garder là
(il se frappe le cœur) mOU Secret.
MATHIEU MAGIS.
Âh! Monsieur, vous ne ferez pas cela. Ce serait un vol, une
friponnerie dont est incapable un grand homme.
FONTANARÈS.
Ah ! vous vous armez de ma probité pour assurer le succès d'une
monstrueuse injustice!
MATHIEU MAGIS.
Tenez, je ne veux point être dans tout ced, vous vous enten-
^Irez avec don Ramon, on ïAen galant homme, à qui je vais céder
mes droits.
FONTANARÈS.
DonRamont
QUINOLA.
Gelai que tout Barcelone vous oppose;
FONTANARÈS.
Après tout, mon dernier problème est résolu. La gicrire, h for-
Ime vont enCn ruisseler avec le cours de ma vieb
486 I£S RESSOVRCBS DB QUINOLA.
QUIROLA.
Gm, pasdes' annmceal toujours, hélast an rooag» 9i refiirct
Bahl uae ailaire de cent «equioB.
MATHIBU lUfi».
Tout ee q|Bft leus. avez kî, vendu par aatorilâ dB j«âce; m les
donnerait pas, les frais prâevé&
QUINOUL
Pâtare à corbeaax, veiis-tii te sauver!
MATHIEU MAGIS.
Ménagez don Ramon, il saura bien hypothéquer sa créance sur
votre tête, ai renentsurQuineia.) Qoant à toi, fmîi de potence, si ta
me tombes sous la maia^ je me vengerai I (a Fontanarës.) Adieu,
iMUtt^degénift. (dmtM
SCÈNE Y.
FOKTANÀBÈS, QUKOUb
flOHTAiarABAS.
So parohs oK^acflBt
QITINOLA.
Et moi aussi ! Les booM» idées vinnent toujours se prendre
MX taUea 91e lenr todutt ccs-anignées^à^l
vâfvcAivjfnÉK.
Bah! Encore cent sequio», el ^fèe la vie sera dorée, pleine de
U»m ek 4'anMii.. eam^r * nm4
QUII70LA.
Je vous crois, Monsieucb misi awan que la verte espérance,
cette fi^htff reipirtft, ncweaMaiéar Me» ateal An»te gâeMfc
Quinola!
Je ne me plains pas, je suis fait à la détresse. Mvoft {venbe
cent sequins? Vous devez à dee ewniers, à Carpano le maître ser-
rurier, à Coppolus le mawhMJ é» fer, êtwàm «I de cmre, ï
notre hôte qui, après nous, wmtt m» ici moins par pitié que par
9Mr 4& Mwipatio^ fiirini pae bow e» eiewer? noos Uf èsm»
neuf mois de dépeiNn»
ACTE IHL 1B7
rONTANABiS.
Mais tout est finit
Mais cent seqoins?
FONTANARiS.
Et pourquoi, toi si conrageai, li gai, Tiens-la me clianter m
De profundisf
<lill!fClftâ.
C'est que pour rester à vos côtés, je dois ^sparatlssu
Et pourquoi?
El les huissiers donc? J*ai fait^ pour tous et po«r mes, cont
écus d*or de dettes coinmerdaks^ qui ont pris la forme, la figure
et les pieds des recors.
F01(fiOIABia&.
BucsMhsfBtenMikettEssecaiBpose donchii^ira^l.
QUINOLA.
Allons! ne vous attristez pas. Ne m'avez-vous pas dit qu'un
père de votre père était allé, il y a quelque cMH|mme ans» au
Mexique avec don Gortez : a-<Mra co de ses nouvelles?
QUmOLA.
Vous avez un grand père?.^ ion» irez jusqu'au jour de votre
tomphcu
« iV è-\\<f
Venx-tu donc me perdre?
aumoLA.
Voulez-vous me voir aller en prîson et votre machine à tous les
diables?
FONTANARèS.
NonI
GumoiJk.
ÏSKBBËhWioS Ane* vcni9 faire revenir ce grand^pfire die* qnetquv
P^ t ce sent kr preoifer qsP serar revenv des' Inctes^
i88 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
SCÈNE VI.
IMM ■ÉMIS, MONIPODIO.
Ehl UenT
Votre infante a h lettre.
QUINOLA.
KOHIPODIO.
FOIfTAlfAIlte.
Qu*est-ce que don Ramon?
HOIIIPODIO.
Unimbédie.
QUINOLA.
Envieux?
U0NIP0D10.
Gomme trois anteors siffles. li se donne pour on homme éU»-
naot.
QUINOLA.
Mais, le croit-on?
MONIPODIO.
Comme un oracle. II écrivaille, il explique que la neige est
blanche parce qu'elle tombe du ciel, et soutient contre Galilée que
la terre est immobile.
QUINOLA.
Vous voyez bien. Monsieur, qu'il faut que je vous défasse de ce
savant-là? (AM«iiipodio.) Viens avec moi, tu vas être mon valet
SCÈNE vn.
FONTANARÈS, Mil.
QueDe cervelle cerclée de bronze résisterait à chercher de Far-
gent en cherchant les secrets les mieux gardés par la nature, à se
défier des hommes, les combattre et combiner des affaires? devi-
ner sur-le-champ le mieux en toute chose, afin de ne pas se voir
voler sa gloire par un don Ramon, qui trouverait le plus léger per-
fectionnement, et il y a des don Ramon partout Oh I je ii*09e me
Tavouer... Je me lasse.
AGTB IIL 189
SCÈNE Yin.
rORTANARÈS» KST£BAN, GIRéKE ET DBDX OUVRIERS^
Personnages muets.
ESTBBAir.
Pônrriez-Yons nous dire où se cache un nommé Fontanarès ?
FONTANARÈS.
Il ne se cache point, le voici : mais il médite dans le silence.
tA part.) Où est donc Quinola? il sait si bien les renvoyer contents.
(Haat) Qae voulez- vous?
ESTBBAir.
Notre argent I Depuis trois semaines nous travaillons à votre
compte : l'ouvrier vit au Jour le jour.
FONTANARÈS,
Hélas! mes amis, moi je ne vis pas.,
ESTEBAN.
Vous êtes seul, vous, vous pouvez vous serrer le ventre. Mais
nous avons femme et enfants. EnGn, nous avons tout mis en gage...
FONTANARÈS.
Ayez confiance en moL
ESTEBAN.
Est-ce que nous pouvons payer le boulanger avec votre cou*
fiance?
FONTANARÈS.
Je sois on homme d'honneur.
GIRONB.
Tiens! et nous aussi nous avons de l'honneur.
ESTBB\N.
Portez donc nos honneurs chez le Lombard, vous verrez ce qu'il
prêtera dessus.
6IR0NB.
Je ne suis pas un homme à talent, moi! on ne me fait pas
crédit
ESTEBAN.
Je ne suis qu'un méchant ouvrier, mais si ma femme a besoin
d*ane marmite, je la paye, moi!
FONTANARÈS.
Qui donc vous ameute ainsi contre moit
190 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
6IR0NE.
Ameuter? Sommes-nous des chiens?
XSTEIlklI.
Les magistrats de Barcelone ont rendu une sentence en faveur
do maîtres €oppol«s «t Gsirpaiio , qui leur dtsne pmêêgd «or vos
inventions. Où donc est notre privilège, à nous?
GIROXB.
Je ne sors pas d'ici sans mon argent
TOflTAWAIliS.
Quand vous resterez ici, y trouverez-vous de l'argent? d'ailleurs^.
reSIe^ iMmsrir, tn prendton c^apem et bob nunAetv.)
SSTEBAH.
Oh! VOUS ne sortiraz pas sans nous avoir payés.
(MouvemeDt ckR tai ouvriers pour bairer la parle.)
€I80NJS.
Voici une pièce que j'ai forgée, je Ja garde»
FOVXANAaiS.
Alisérablel oi tire ton épée.)
LES OUTBIUS.
Ob I sous ne lxw0erons pas.
Obi... 01 S'arrête et Jette son é|)ée.) Peut-être Avaloros et Sarpi les
ont-ils envoyés pour me pousser à bout Je serais accttsé de meur-
tre et pour des années en prison. (lU'agenoullIe devant la madone.) 0
«MB Mbii I te ialeBl et le crime seraieBt-iis donc «ne même chose
k tes yeux? Qu*ai-je fait pour souffrir tant d'avanies, tant d'in-
sultes et tant d'outrages? F^mA-îI donc d'avance expier le triom-
phe? (AnzouTTierB.) Tout Espagnol est mtStœ dam n maîBOR.
ESTEBAH.
Vous n'avez pas ée Bnlsoii. Heus wuimui fd M 9»leiMrDr;
rhôte nous l'a bien dit
Vous n'avez pas payé votre loyer, vous ne payez itait
FiKrrA!rivc9.
AesieSt mes àallfest j'd loit : je éobk
ACTE m. ISl
SCÈNE IX.
us HÉVU. GOPPOLUS et GARPABUL
C0PP0UD6.
Monsieur, je viens \x)us annoncer qu'hier les iittgîfltrats ée Itafw
celone m*ont, jusqu'à parfait payentest, donné privilège sur votre
iofentioa, «t je veitteiai à oe qoe nea ae sorte dlcL Le privilège
coinpread la oréaace de mm confnère Garpano, i0b*e terrader.
FOKTAICAKiS.
Qnd fâémen i^oos aveo^T Sans moi, cette madime, ce n'est
qneda fer, éd l'acier, du caître et ûa brtst avec moi, c^est une
fortonei
Oh! nous ne nous -séparerons point.
(Les deax marchands fimt nn moavement poar aemr Foottnards.)
TONTANÂRtS.
Quel ami vons enlace avec autant de force qu'un créancier? Eh
iûen! que le démon reprenne la pensée qu'il m'a donnée.
TOUS.
Le démon I
Ah! veillons sur ma langée* an mot peut me rejeter dans le»
bras de Tinqui^tion. ]foa, ascone gtoire me peat pvfer de pa-
reilles souffrances.
GOPPOLUS, Il CariMtto.
Ferons-nous vendre?
VOlITAIIARtS.
lais, pour que b matliine vaille quelque cliose, encore faut-^
hfioîr, et 9 y manque une pièce dont voici le modèle.
(CoppoïKisct CsTpaBose eoBsultedt^
Gda coMenit cMore deux ccois wM[n in.
iti UtS USSOtIftCES OB QDUOIiA.
SCÈNE X.
LES vɻs, QUINOLA9 en vleillanl centenaire, une flgore Itatattfqoe, dans le genre
de Callot, MONIPODIO, enbabltde ftntaisle, L*HOTE DU SOL£IL-P*OR.
L'hOTB du SOLBIL-D'ORy montrant Fontanarês.
Seigneur, le ToicL
QUINOLA.
Et TOUS ayez logé le petit-fils du capitaine Fontanarês dans
une écurie I la république de Venise le mettra dans un palais ! Mon
cher enfant, embrassez-moi? (ii marche vers Fontanarte.) La sérénis-
sime république a su vos promesses au roi d'Espagne, et j'ai quitté
l'arsenal de Venise, à la tête duquel je suis, pour... (a part.) Je suis
Quinola.
FONTANARiS.
Jamais paternité n'est ressuscitée plus i propos...
QUINOLA.
Quelle misère I...¥Oilà donc l'antichambre de la gloire.
FONTANARÊS.
La misère est le creuset où Dieu se plaît à éprouver nos forces.
QUINOLA.
Qui sont ces gens?
FONTANARÊS.
Des créanciers, des ouvriers qui m'assiègent
QUINOLAj à ]'bOte.
Vieux coquin d'hôte, mon petit-fils est-il chez loil
l'hotb*
Certainement , Excellence.
QUINOLA.
Je connais un peu les lois de Catalogne , allez chercher le cor-
régidor pour me fourrer ces drôles en prison. Envoyez des hais-
siers à mon petit fils, c'est votre droit; mais restez chez vous»
canaille! (u fimiite dana sa poche) Tenez! allez boire à ma santéi
01 leur jetta de la monnaie.) Vous viendrez VOUS faire payer chez moL
LES OUVRIERS.
Vive Son Excellence! aiseortent.)
QUINOLA^ àFontanartai
Notre dernier doublon I c'est la réclamOi
AGTB ni. VJl
ê
SCÈNE XL
LU atHis, moins L'HOTE et LES 0UYRIER8.
QUINOLAy aux deux négocfuits.
Qaant à tous, mes braves, tous me paraissez être de meilleara
composition, et a?ec de l'argent, nous serons d'accord.
COFFOUJS.
ExceUence, nous serons alors à vos ordres.
QUINOLA.
Voyons ça, mon cher enfant, cette fameuse invention dont s'é-
méat la république de Venise? Où est le profil, la coupe, les
plaos, les épures?
COPPOLUS^ à Corpano.
Il s'y connaît, mais prenons des informations avant de fournir.
QUINOLA.
Vous êtes un homme immense, mon enfant I Vous aurez votre
jour comme le grand Colombo, (n pue nn genou.) Je remercie Dieu
de l'honneur qu'il fait à noire famille. (Au mamiABdi.) Je vous paye
dans deux heures d'icL*. (lu sortent.)
SCÈNE xn.
QUINOU , FONTANARÈS, MONIPODIO.
FONTANARÈS.
Quel sera le fruit de cette imposture?
QUIlfOLA.
Vous rouliez dans un abtme, je vous arrête.
MONIPODIO.
C'est bien joué! Mais les Vénitiens ont beaucoup d'argent, et
pour obtenir trois mois de crédit, il faut commencer par jeter de
la poudre aux yeux : de toutes les poudres, c'est h phis chère.
QUllfOLA.
Ne vous ai-je pas dit que je connaissais nn trésor, il vient
VONIPODIO.
Tout seul! (Qataotaftitwtf0MimnMtif.i
lOirrAirAite.
Son audace me fait peur.
TH. 13
ifOx LBS RESSOURCES DE QUINOL/L
SCÈNE XIII.
us vftMBS, MATHIEU MAGIS, DON RAMOR.
MATHIEU MAGIS.
Je Tons amène don Ramon, sans Tavis duquel je ne veox plus
rien faire.
DON RAHO!f , h Fontanarès.
Monsieur, je suis ra?i d'entrer en relations a^ec un homme de
votre science. A nous deux nous pourrons porter votre découverte
à sa plus haute perfection.
QinNOLA.
Monsieur connaît la mécanique, la balistique, les mathémati-
ques, la dioptrique, catoptrîque, statique... stique.
DON RAMON.
J'ai M des traités assez estimés.
QUINOLA.
En latint
DON HAMON.
En espag;nol
QUINOLA.
Les vrais savants, MonsieiR-, n'écrivent qu'en latin. Il y a du
danger à vulgariser la science. Savez- vous le latin?
DON RAMON.
Oui, Monsieur.
QUINOUU
Eh bieni tant mieux pour vous.
FOMANikRÈS.
Monsieur, je révère le nom que vous vous êtes fait; mais il y a
trop de dangers à courir dans mur? entreprise pour que je vous
accepte : je risque ma tête, et la vôtre me semble trop précieuse.
DON RAMON.
Croyez-vous donc, Alonsieur, pouvoir vous passer dedonRa*
mon, qui bit autorité dans la science ?
QUUrOLA.
DoBf iUBo»t le fimieu don Ramon, qui a donné ht rainos de
tant de phénomènes qui, jusquid, se permettaient d'avoir lieu
•ans raison.
ACTE IlL
DON BAMON*
Lm-méine.
QUINOLA.
Je suis FoQtaoarési, le directear de l'arsenal de la répaUiqne
de Venise, et grand-père de notre inventeur. Mon enfant, tous
pou?ez fons fier à Monsieur; dans sa position, il ne saurait vous
tendre un piège : nous allons tout lui dire.
DON RAMON.
Àh I je vais donc tout savoir.
FONTANARÈS.
Gooiment?
QUINOLA.
Laissez-inoi lui donner une leçon de mathématiques, ça ne peut
pà& Ini faire de bien» mais ça ne vous fera pas de mal. (a don Ramon.)
Tenez, approchez! (n montre les pièces de la machine.) Tout Cela ne si-
gnifie rien ; pour les savants, la grande chose...
DON RAMON.
La grande chose?
QUINOLA.
C'est le problème en lui-même. Vous savez la rabon qui fait
monter les nuages?
DON RAMON*
Je les crois plus légers que Tair.
QUINOUU
Du tout! ils sont aussi pesants, puisque Peau finit par se laisser
tomber comme une sotte. Je n*aime pas Teau, et vous?
DON RAMON.
Je b respecte.
QUINOLA.
Noos sommes laits pour nous entendre, hss nuages montent au-
tant parce qu'ils sont en vapeur, qu'attirés par la force du froid
qin est en haut.
DON RAMON.
Ça pourrait être vrai. Je ferai un traité là-dessuSp
QUINOLA.
Mon neveu formule cela par R plus O. Et.comme il y a beau-
coup d'eau dans l'air, nous disons simplement O plus O» un non-
veau binôme.
DON BILMON.
Ce serait un nouveau binôme?
QUINOLA.
On, si vous voulez, un X.
196 LES RESSOURCES DR QUIHOLA.
DOIT AAHON.
X, ah I je comprends.
rONTAKAIlftS.
Quel âne!
QDINOLA.
Le reste est une bagatelle. Un tube reçoit l'eau qui se fait nuage
par un procédé quelconque. Ce nuage veut absolument monter»
et la force est immense.
DON RAMON.
Immense, et comment?
QUmOLA.
Immense... en ce qu'elle est naturelle» car Thomme.., saisis-
sez bien ceci, ne crée pas de forces...
DON RAUON.
Eh bien! alors comment?...
QUINOLÀ.
Il les emprunte à la nature; Tlnvention, c'est d'emprunter...
Alors... au moyen de quelques pistons, car en mécanique. •• tous
savez...
DON RAHON.
Ouiy Monsieur» je sais la mécanique.
QUINOLA.
Eh bien ! la manière de communiquer une force est une mai-
aerie, un rien, une ficelle comme dans le tourne-broche. ••
DON RAUON.
Ah! 0 y a nn tourne-broche?
QUINOLA.
Il y en a deux, et la force est telle qu'elle soulèverait des montagnes
|ui sauteraient comme des béliers... C'est prédit par le rd David.
DOX RAMON.
Monsieur, vous avez raison, le nuage, c'est de l'eau...
QUINOLA.
L'eau, Monsieur?... Eh! c'est le monde. Sans eau, vous ne
pourriez... c'est clair. Eh bien ! voilà sur quoi repose l'invention
de mon petit-fils : l'eau domptera Teau. 0 plus O. voilà la formule.
DON RAMON.
Il emploie des termes incompréhensibles.
QUINOLA.
Vous comprenez?
DON lUXOH.
Parfaitement
ACTE lU. 197
QUIirOLA^ à part;
Cet homme est horriblement bête, ouau) Je tous ai parlé '-%
langue des vrais savants.. .
MATHIEU MAGIS, à HonipodlO.
Qui donc est ce seigneur si savant 7
HONIPODIO.
Un homme immense auprès de qui je m'instruis dans la I>aiis*
iiqne, le directeur de Tarsenal de Venise, qui va vous rembourser
ce soir pour le compte de la république.
MATHIEU HAGIS.
Gourons avertir madame Brancador, elle est de Venise, ai son.)
SCÈNE XIV.
LES prAcédkmts, molDB Mathieu Magfg, LÔTHDNDIAZ, MARIE.
MARII.
Ârriverai-je à temps?...
QUINOLA.
fion! voilà notre trésor.
(Lothundlaz et don Ramon se font des eiTilltés, el ragardent lea pièeee
de la machine au fond da théAtre.)
FONTANARÊS.
Marie, ici!
MARIE.
Amenée par mon père. Àh! mon ami, votre valet en m*appré-
liant votre détresse...
FONTAN ARES, h Quinola.
Maraud I
Ouinola;
Mon petit-fils!
MARTE.
Oh ! il a mis fin à mes tourments.
FONTANARàS»
Et qui donc vous tourmentait?
MARIE.
Vous ignorez les persécutions auxquelles je suis en butte depuis
votre arrivée, et surtout depuis votre querelle avec madame Bran-
cador. Que faire contre Tautorité paternelle? elle est sans bornes.
LES RESSOUBCES DK QUINOLA.
£11 restant au logis, je clouterais de pouvoir vous conserver, non
pas mon cœur, il est à vous en dépit de tout, mais aa pecwone...
FONTANARÈS.
Encore un martyre 1
luaa.
En retardant le jour de votre triomphe, vous avez rendu ma
situation insappoitaUe. Hélas! en vous voyant ici, je devine que
nous avons souffert en même temps des maux inouis. Pour pou*
voir être à vous, je vais feittdi*e de me donner à Dieu : j'entre ce
soir au couvent.
FONTANAAÈS.
Au couvent? Il veulent nous séparer. Voilà des tortures à faire
maudire la vie. Et vous, Marie, vous, le principe et la fleur de ma
découverte! vous, cette étoile qui me protégeait, je vous force à
rester dans le ciel. Oh! je succombe. (u pienra.)
MARIS.
Mais en promettant d'aller dans un couvent, j'ai obtenu de mon
père le droit de venir ici : je voulais mettre une espérance dans
mes adieux, voici les épargnes de la jeune fille, de votre sœur, ce
que j'ai gardé pour le jour où tout vous abandonnerait
FONTANARÈS.
Et qu'ai-je bemin, sans vous, de gtoire, de lortnne, et même
de la vie T
MARIE.
Acceptez ce que peut, ce que doit vous offrir celle qui sera
notre femme. Si je vous sais malheureux et tourmenté, l'espé-
rance me quittera dans ma retraite, et j'y mourrai, priant pour
vous!
QUINOLA^ à Marie.
Lalssez-le faire le superbe, et sauvons-le malgré luL Chut ! je
passe pour son grand-*père. (Uarie donne son aumOnièit à QptfiMU.)
LOTHUNDUZ9 a don Ramon.
Ainsi, vous ne le trouvez pas fort?
SON BAMON.
Lequel? Oh! lui! c*est un artisan qû ne aait rien et qui sans
doute aura volé ce secret en ItaUa
umammàaL
le m'en euis toujours douté, coaune j'ai raison de visister k ma
tHe «t ée ie lui refuser pwr mûri.
ACTE m. 199
DON RAMON.
n h mettrait sar la paille. II a dévoré cinq mille sequins et
s'est endetté de trois mille, en huit mois sans arriver à un résul-
tat ! Ah ! parlez-moi de son grand-père /oiià un savant du pre«
roier ordre» et il a fort à faire avant de lie valoir. (nmtntnODUioik)
lOTHUNDIAZ.
Son grand-père?.».
QUIIIOLA.
Onl, Monsieur, mon nom de Fontanarès s'est changé, à Venise»
en celui de Fontanarési.
LOTHUNDUZ.
Vous êtes PaUo Fontanarès?
QUINOLA.
Pablo, lui-même.
LOTHUNDIAI.
Et riche?
QunroLA.
Richissime.
LOTBUNDIAZ.
Touchez là, Monsieur, vous me rendrez donc les deux mille se-
qnins que vous empruntâtes à mon père.
QUINOLA.
Si vous pouvez me montrer ma signature, je sw's prêt à y faire
honneur.
HARIB^ après une oonTersatton avec Fontanartt.
Acceptez pour triompher, ne s'agitril pas de notre bonheur?
fONTANARiS.
Entraîner cette perie dans le gouffre où je me sens tomber.
«{■iiiola et Hooipodio dtfptralamitj
SCÈNE XY.
nt ntmn, SARFI.
Sàm, à L9ttmi4lai.
fous et avec votre fiUe, Sdgnenr Lothundiai?
LOTHUNDIAZ.
Elle a nus pour prix de son obéissance à se rendre au couvent»
de venir lui dire adieu.
200 LES BESSOCRCES DB QUIHOUL
SABPl.
La compagnie est assrz nombreuse pour que je ne m*offeiise
point de cette condescenorace.
rONTANARÈS.
Ah ! voilà le plus ardent de mes persécuteurs. Eh bien ! Sei-
gneur, venez-vous mettre de nouveau ma constance à l'épreuve?
SARPI.
Je représente ici le vice-roi de Catalogne, Monsieur, et j'ai
droit h vos respects, (a don Ramon.) Etes-vous content de lui ?
DON RAMON.
Avec mes conseils, nous arriverons.
SARPI.
Le vice-roi espère beaucoup de votre savant concourt.
FONTANARÈS.
Rêvé'je? Youdrait-on me donner un rival?
SARPI.
Un guide, Monsieur, pour vous sauver.
FONTANAnÈS.
Qui vous dit que j'en aie besoin ?
MARIE.
Alfonso, s'il pouvait vous faire réussir!
FONTANARÈS.
Ah ! jusqu'à elle qui doulc de moi.
MARIE.
On le dit si savant!
LOTHUNDIAZ.
Le présomptueux ! il croit en savoir plus que tous les savants
du monde.
SARPI.
Je suis amené par une question qui a éveillé la sollicitude do
vice-roi : vous avez depuis bientôt dix mois un vaisseau de l'Etat,
et vous en devez compte.
» FONTANARÈS.
Le roi n'a pas fixé de terme à mes travaux.
SARPI.
L'administration de la Catalc^ne a le droit d'en enger un, et
nous avons reçu des ministres un ordre à cet égard. (Mouvement de
surprise chez Fonuoarts.} Ohl prenez tout votre temps: nous ne vou-
lons pas contrarier un homme tel que vous. Seulement, nous pen-
sons que vous ne voulez pas éluder la peine qui pèse sur votre
tête, en gardant le vaisseau jus(iu*à la fin de vos jours.
ACTE m. 201
MARIE.
QaeDe peine?
PONTANABiS»
Jejooema tête.
MARIE.
La mort ! et tous oie refusez.
FONTANARÈS.
Dans trois mois, comte Sarpi, et sans aide, j'aarai fini mon
œuvre. Vous irerrez alors un des plus grands spectacles qu'un
homme paisse donner à son siècle.
SARPI.
Voici ?otre engagement, signez-le. (Fontanaresyagigner.)
MARIE.
Adieu, mon ami! Si vous succombiez dans cette lulte^ je crois
que je vous aimerais encore davantage.
LOTHUNDIAZ.
Venez, ma fille, cet homme est fou.
.DON RAUON*
Jeune homme ! lisez mes traités.
SARPU
Adieu, futur grand d'Espagne» *
SCÈNE XYI,
rONTAllARÈS, seul tur le devant de la
Marie au couvent, j'aurai froid au soleil Je supporte un monde,
et j'ai peur de ne pas être un Atlas... Non, je ne réussirai pas,
tout me trahit Œuvre de trois ans de pensée et de dix mois de
travaux, sillonneras-tu jamais la mer?... Abl le sommeil m'ac-
cabk. • (11 ae couche sur la pallie.)
SCÈNE XYU.
FONTANARÈS, endormi. QUINOLA et MONIPODIO,
revenant par la petite porte.
QUINOLA.
0ef diamants I des perles et de l'or I nous sommes 8auT<i4
202 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
HONIPO01O.
La Brancador est de Venise.
QUIKOLA.
Il faut donc y retoarner, fais Tenir l'hôte, je vais rétablir nstre
crédit.
KONIPODIO.
Le voicL
SCÈNE xvm.
Uf aiiu» L'HOTE DU S0LEIL.D*0II.
OUINOLA.
Or ç&! monsieur Phôte du Soleîl-d'Or, yocs n'avez pas en cou*
fiance dans l'étoile de mon petit-fils.
l'hote.
Une hôtellerie, seigneur, n'est pas une maison de banque.
QUINOLA.
Non, mais vous auriez pu par charité ne pas lui refuserdu pain.
La sérénissime république de Venise m'envoyait pour le décider
à venir chez elle, mais il aime trop TEspagne! Je repars comme
je suis venu, secrètement. Je n'ai sur moi que ce diamant dont je
puisse disposer. D'ici à un mois, vous aurez des lettres de change.
Vous vous entendrez avec le valet de mon petit-fils pour la vente
de ce bijou.
l'hote.
Monseigneur» ih seront traités comme des princes qui ont de
VêrgeùL
LaisMBE-iious. (Sort mot».)
SCÈNE XIX.
L'MTE.
QUINOLA.
Allons nous déshabiller, ai regarde Fonunaiês.) Il dort! cette riche
nature a succombé à tant de secousses : il n'y a que nous autres
qui sachions nous prêter à la douknr» il loi manque notce iMOV*
AOTE m.
ciinoe. Ai-je bien «gi tn ttemandant toujours le double de ce qaMI
f^ait? (AMonipodio.) Yoici le dessin de la dernière pièce, prends-le.
(Ils lorleDt,)
SCÈNE IX.
PONTANARtS ejiJormf. FAUSTINE, MATHIEU MAGIS.
MATHIEU KAGO.
LeToid!
FAUSTINB.
Voilà donc en quel état je l'ai réduit! Par la profondeur des
blessures que je me sais ainsi faites à moi-même, je reconnais la
profondeur de mon amour. Oh! combien de bonheur ne loi dois-
je pas pour tant de souffrances I
F.M
ACTE QUATRIÈME
Le tbéAtre représente une place publique. An fond de la place, sur des trêtetoi, in
pied desquels sont toutes les pièces de la machine, s'élève un huissier. De chaque côté
de ces tréteaux, il y a foule. A gauctie du spectateur, un groupe composé de Goppoloi,
Carpano, ThOte du Soleil-d'Or, Esteban ^r'ro-'v», Mathieu Hagis, don BamoD, Lotbnndias.
A droite, Fontanarès, nonlpodio et Quinola caché dans un manteau derrière Moofpodio.
SCÈNE PREMIÈRE.
FONTANARÈS, MONIPODIO, QUINOLA, COPPOLDS, L'HOTE DU SO-
LEIL-D'OR, ESTEBAN, GIRONE, MATHIEU MAGIS, DON RAMON,
LOTHUNDIAZ, L*HUISSIER; Deux groupes de peuple.
" l'huissier.
Messeigneurs, un pen plus de chaleur I il 8*agit d*ane chaudière
où Ton pourrait faire un oUa-podrida pour le régiment des gardes-
vallones.
L'HOTE.
Quatre maravédis.
l'huissier.
Personne ne dit mot, approchez, voyez, considérez I
MATHIEU MAGIS.
Six maravédis.
QUINOLA y à Fontanarès.
Honsienr, l'on ne fera pas cent écus d'or.
FONTANARÈS.
Sachons nous résigner.
QUQVOLA.
La résignation me semble être une quatrième Tertu tliéologale,
omise par ^ard pour les femmes.
MONIPOblO.
Tais-toi, la justice est sur tes traces, et tu serais déjà pris, si ta
ne passais pour être un des mienSi
ACTE IV. 205
l'huissirr.
C'est le dernier lot, Messeigoeurs. Allons, personne ne dit mot?
Adjugé pour dix écus d*or, dix maravédis, au seigneur Mathieu
Magis.
LOTHUNDIAZ^ à don Ramon.
Eh bien ! Toilà comment finit la sublime invention de notre grand
homme! il avait, ma foi, bien raison de nous promettre un fameux
spectacle.
COPPOLUS.
Vous pouvez en rire, il ne vous doit rien.
ESTEBAN.
C'est nous autres, pauvres diables, qui payons ses folies.
LOTHUNDIAZ.
Rien, maître Goppolus? Et les diamants de ma fille que le valet
du grand homme a mis dans la mécanique t
MATHIEU HAGIS.
Mais on les a saisis chez moi.
LOTHUNDIAZ.
Ne sont-ib pas dans les mains de la justice? et j'aimerais mieux
y voir Quinola, ce damné suborneur de trésors.
QUINOLA.
0 ma jeunesse, quelle leçon tu reçois! Mes antécédents m'ont
perdiL
LOTHUNDIAZ.
Mais si on le trouve, son affaire sera bientôt faite, et j'irai Tad-
mh^r donnant la bénédiction avec ses pieds.
FONTANARÈS.
Notre malheor rend ce bourgeois spirituel
QUINOLA.
IMtes donc féroce.
DON RAIION.
Moi, je regrette un pareil désastre. Ce jeune artisan avait fiai
par m'to>uter, et nous avions la certitude de réaliser les pro-
messes faites au nn ; mais il peut dormir sur les deux oreilles :
j'irai demander sa grftce à la cour en expliquant combien j'ai be«
soin de lui
COPPOLUS.
Voilà de la générosité peu commune entre sivantii
LOTHUNDIAZ
Vous êtes lIioDiieiir de h Catalogne I
^06 LBS RESSOURCES DE QIjL\OLA.
FONTANARftS. (11 s'avance.)
J*ai tranquînement supporté le supplice de voir Tendre à vil
prix une œuvre qui devait me mériter un triomphe... (Munnimse^ex
le peuplé.) Mais ceci passe la mesure. Don Ramon, si vous aviez, je
ne dis pas connu, mais soupçonné Tusage de toutes ces pièces
maintenant dispersées, vous les auriez achetées au prix de toute
votre fortune.
DON RAMON.
Jeune homme, je respecte votre malheur; mais vous savez bien
que votre appareil ne pouvait pas encore m^<*cher, et que mon
expérience vous était devenue nécessaire.
FONTANARÈS.
I Ce que la misère a de plus terrible e.;iitre toutes ces horreurs,
c'est d'autoriser la calomnie et le triomphe des sots.
LOTHUNOUZ.
N*as-tn donc pas honte dans ta position de venir insulter un
savant qui a fait ses preuves? Où en serais-je si je t'avais donné
ma fille? tu me mènerais, et grand train, à la mendicité, car ta
as déjà mangé en pure perte dix mille seqnins! Hein ? le grand
d'Espagne est aujourd'hui bien petit
FONTANARÈS.
Tous me faites pitié.
LOTHUNDIAZ.
C'est possible, mais tu ne me fais pas envie : ta tête est à la
merci du tribunal
DON RAMON.
Laissez-le : ne voyes-vous pas qu'il est fou?
FONTANARÈS.
Pas encore assez. Monsieur, pour croire que 0 plus O soii un
binôme.
SCÈNE n.
UtiÉiis, DON FRË60SE, FAUSTIlfE, ATALOROS, SARPI.
i
î
8ARPI.
Nous arrivons trop tard, la vente est finie...
DON FRÉ60SE.
Le roi regrettera d'avoir eu confiance en un cbarhtan.
ACTE IV. 207
VOlfTANARis.
Un charlatan, MonseigiiearT Dans quelques jonrs, yoqs pouvez
me faire trancher (a tête ; taez-moi, mais ne ne me calomniez pas ;
Toos êtes placé trop haut pour descendre si bas.
DOIf fBÉGOSK.
Totre audace égale votre malheur. Oubliez-vous que les magis-
trats de Barcek>ne vous regardent comme complice du vol fait à
Lotbundiaz? La fuite de votre valet prouve le crime, et vous ne de-
vez d*être libre qu'aux prières de Madame, m montra Faisune.)
FONTANAKËS^
Mon valet. Excellence, a pu, jadis, commettre des fautes, m»
depuis qu'il 8*est attaché à ma fortune, il a purifié sa vie au feu de
mes épreuves. Par mon honneur, il est innocent Les fûerreries
saisies au moment oà il les vendait à Mathieu Magis, lui furent li-
brement données par Marie Lotbundiaz, de qui je lès ai refusées.
FAUSTINE.
Qndle fierté dans le malheur! rien ne saurait donc le faire
fléddr.
SABPI.
Et comment expliquez-vous la résurrection de votre grand-père,
ce faux intendant de l'arsenal de Venise? car, par malbeur. Ma-
dame et moi nous conoaissotu le véritable.
FONTANARÈS.
J'ai fait prendre ce déguisement k mon valet pour qu*il causât
sciences et mathématiques avec don Ramon. Le seigneur Lotbun-
diaz vous dira que le savant de la Catalogne et Quinola se sont par-
faitement AntAnHna.
MOHIPODIO, àQolnola."
n est perdu!
DON BAXON.
J'en appelle... \ ma plume.
FAUSTINB.
Ne VOUS courroucez pas, don Ramon, Q est d naturel que le»
gens, en se sentant tomber dans un abîme, y entraînent tout avec
eoxl
Lomuiuiui.
Quel détestable caractère r
VOlfTAKAllÈS.
Avant de mourir, on doit la vérité. Madame, à ceux qui nous
oDt poussé dans l'abîme t (a donFrégwe.) Monseigneur, le roi m'a-
208 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
vait promis la protection de ses gens à Barcelonne, et je n*y aï
trouvé que la haine ! O grands de h terre, riches, vous tons qui
tenez en vos mains un pouvoir quelconque, pourquoi donc en
faites-vous un obstacle à la pensée nouvelle ? Est-ce donc une ioi
divine qui vous ordonne de bafouer, de honnir ce que vous devez
plus tard adorer? Plat, humble et flatteur, j'eusse réussi! Vous
avez persécuté dans ma personne ce qu'il a de plus noble en
rhomme ! la conscience qu'il a de sa force, la majesté du travail,
l'inspiration céleste qui lui met la main à l'œuvre, et., l'amour,
cette foi humaine, qui rallume le courage quand il va s'éteindre
sous la bise de la raillerie. Ahl si vous faites mal le bien» en re-
vanche, vous faites toujours très-bien le mal! Je m'arrête... vous
ue valez pas ma colère.
FAUSTINI, à iMrt. aprta avoir toit OB PM.
Oh ! j'allais lui dire que je l'adqre.
DON FBÉGOSI.
Sarpi, faites avancer des alguasils, et emparegL-vons du complice
de Quinola. (Ob applaudit, et quelaiMi voix crient : Brayo)
SCÈNE m.
us IÉ«I8, MARIE LOTHUNDUZ.
Aju moment ei Im algoaills iremparait de Footanardi, Htrie paittt an nevlBi^
ifloompagnée d'un moine et de deux mboii.
KARIE LOTHUNDIAZ^ an Tlee-fol.
Monseigneur, je viens d'apprendre comment^ en Tonhnt préser-
ver Fontanarès de la rage de ses ennemis, je l'ai perdu : mais on
m'a permis de rendre honmiage à la vérité : j'ai remis moJ4^^<i^
à Quinob mes pierreries et mes épargnes. (Hoofement dMiLotiiuidii^.
Elles m'appartenaient, mon père, et Dieu veuille que Tjm^ u'k^:
pas un jour à déplorer votre aveuglement
QUniOLA, ae débananant de son mantenn.
Ouf, je respire à l'aise t
FONTAlTARfts. Il plie le gneii défini Mille.
Merci, brillant et pur amour par qui je me rattache tn cielpoor
y puiser Fespérance et la foi; vous venez de sauver DM>n bouieiir.
MARIE.
N'est-il pas le mien 7 la gloire viendra.
ACTE IV. 209
FONTÀNARÈS.
Hélas ! mon œuvre est dispersée en cent mains avares qui ne la
rendraient que contre autant d'or qu'elle en a coûté. Je doublerais
ma dette et n'arriverais plus à temps. Tout est fini
FAUSTIKB^ à Marie.
Sacrifiez-vous, et il est sauvé.
MARIE.
Mon père? et vous, comte Sarpi? (a part.) J'en mourrai! (Haut.)
Gonsente^vous à donner tout ce qu'exige la réussite de l'entre-
prise fiite par le seigneur Fontanarès ? à ce prix, je vous obéirai,
mon père, (a Faustme.) Je me dévoue. Madame !
FAUSTINB.
Vous êtes sublime, mon ange. ^Apan.) J*en suis donc enfin dé-
livrée!
FONTANARÈS.
Arrêtez , Marie! j'aime mieux la lutte et ses périls, j'aime mieux
la mort que de vous perdre ainsi.
MARIE.
Tu m'aimes donc mieux que la gloire? (Au Tioe-roi.) Monseigneur,
vous ferez rendre à Quinola mes pierreries. Je retourne heureuse
m couvent : ou à lui, ou à Dieu !
tOTHUNDIAl.
EstJl donc corder?
QUINOLA.
Cette jeune fille me ferait réaimer les femmes.
FAUSTINB^ à Sarpi* au vice^roi et à Avalorot.
Ne le dompterons-nous donc pas?
ATALOROS» I
Je Tais l'essayer.
SARPI, àFaiHttm.
Tout n'est pas perdu, (a Lothundiai.) Emmenez votre fille chez
vous, elle vous obéira bientôt.
LOTHUNDIAZ.
Dieu le veuille! Venez, ma fille.
(Loihuodias, Marie et ion eortége, Don Uêêêêl et Saipi aottaift )
TH.
14
910 LBS RESSOUBCBS »R QUIHOUL
SCÈNE nr.
PAusTiNE» PRâMSB, âViMAOs, #oaxAiuafi«, QUIHÛU,
MONIPOMOt.
▲TàXOlOS.
Je fOQS sd bien étadié, jeune homme, et vous avex «n ^rand
caractère, un caractère de fer. Le fer sera toujours mllre de l'or.
Â8Sodons>nous ftancfaemeut : je paye vos dettes , jf radiète mot
ce qui vient d'être vendu, je vous donne à voas el à Quineh cinq
.mille écus d'or, et, à ma considération. Monseigneur le vice-roi
voudra bien oublier Totre incartade.
FONTANARÈS.
Si j'ai , dans ma douleur, manqué au respect que je vous dois,
Honseigueur , je vous prie de me pardonner.
DON FH^GOSB.
Assez, Monsieur. On n'offense point don Frégose.
FAUSTINB.
lYès^bien, Monseigneur.
AVA£0a08.
Eh bien ! jeune homme, lia tempête succède le calme, et main-
tenant tout vous sourit Voyons, réalisons ensanbie ins pimesses
au roi.
FORTAITAIIÈS.
Je ne tiens à la fortune, Monsieur, que par «ae seule raison:
épouserai-je Marie Lothundiaz?
DON FHÉGOSB.
Vous n'aimez qu'elle au monde?
VONTAlTAHiS.
ERe seule! (Pau^ne et kyalanB se panent)
DON FRlteOSB.
Tu ne m'avais jamais dit cefa. Compte sur moi, jeune homme,
je te sois tout acquis.
KONIPODIO.
Ils s'arrangent, nous sommes perdus. Je vais me sauver en
France avec l'invention.
SCÈNE y.
QUINOLA» PONTANARÈS, FAUSTINB, IfàUIMI.
FAUSTINB, à FonUnartt.
Eh bien! moi aussi je suis sans rancune, je donne nne fête,
vcnez-r; noos nous entendrons tous potur tous mënàger un
triottiphe.
Madame, votre prendère faveur cachait un piège.
FAUSTINI.
Gomme tous les sublimes rêveurs qui dotent rhumanité de leurs
découvertes, vous ne connaissez ni le monde, ni les femmes,
FONTAHARte^ à part.
U Rie resté à peine huit jours, (a QoiiKAa.} Je vais me servir
Qinirou.
CSoome vous vmis serves de moil
FORTARARiS.
FAUSTIRS*
Je dois en remercier Quinola» (tOAtuid oMboaiw i ooiMit.) TieDs.
u Fontanartt.) A bientôt
SCÈNE VI.
FONTANARÊS, QUIROU.
FOlTTARARiS.
Cette femme est perfide comme le sdeil en hiver. Oh ! j'en veux
an malheur, surtout pour éveiller la défiance. T a-t-il donc des
verUis dont il faut se déshabituer?
QUINOLA.
Comment, Monsieur, se défier d'une femme qui rehausse en or
ses momdres paroles. Elle vous aime, voilà tout Votre cœur eM
donc bien petit qu'il ne puisse loger deux amours t
FORTARARÈS.
Bahl Marie, c'est l'espérance, elle a réchauffé mon Ime, Otil»
je rfiussiral.
212 L£S RESSOURCES DE QUIKOLA.
QUINOLA, & part. fi
Monipodio n'est plus là. (Haut.) Un raccommodement, Monsieur, 1
est bien facile avec une femme qui s'y prête aussi facilement que
madame Brancador.
FONTÀlf ARES.
Quinola I
QUINOLA.
Monsieur, tous me désespérez! Voulez-vous combattre la per-
fidie d'un amour habile avec la loyauté d'un amour aveugle ? J'ai
besoin du crédit de madame Brancador pour me débarrasser de
Monipodio, dont les intentions me chagrinent Cela fait, je vous
réponds du succès, et vous épouserez alors votre Marie.
FONTANARÈS.
Et par quels moyens?
QUlNOLÀ.
j Eh! Monsieur, en montant sur les épaules d'un homme qui voit
comme vous, très-loin, on voit plus loin encore. Vous êtes inven-
teur, moi je suis inventif. Vous m'avez sauvé de... vous savez!
Moi, je vous sauverai des griffes de l'envie et des serres de U cu-
pidité. Â chacun son état Voici de l'or, venez vous habiller,
soyez beau, soyez fier, vous êtes à la veille du triomphe. Mais, là»
soyez gracieux pour madame Brancador.
FONTÀNARÈS.
Au moins, Quinola, dis-moi comment?
QUINOLA.
Non, Monsieur, si vous saviez mon secret, tout serait perdu,
vous avez trop de talent pour ne pas avoir la simplicité d'un en-
fant (nsfortenU)
L» théâtre ehtnge et représente les salons de madame Brancedor.
SCÈNE VIL
FAUSTINE, seule.
Voici donc venue l'heure à laquelle ont tendu tous mes efforts
depuis quatorze mois. Dans quelques moments, Fontanarès verra
Marie à jamais perdue pour lui Avaioros , Sarpi et moi , nooft
avons endormi le génie et amené l'homtne à la veille de son expé-
rience» les mains vides. Oh! le voilà bien à moi comme je le vou'
lais. Mais revient-on du mépris à l'amour? Non, jamais. Ahlil
ACTE IV. 213
ignore que^ depuis an, je suis son adversaire, et voilà le malhear,
il me haïrait alors. La haine n'est pas le contraire deTamour, c'en
est Tenvers. Il saura tout : je me ferai haïr.
SCÈNE VIU.
ràUSTINE, PÀQUITA.
PAQUITA.
Madame, vos ordres sont exécutés à merveille par Monipodio.
La senorita Lothuudiaz apprend en ce moment, par sa duègne, te
péiil où va se trouver ce soir le seigneur Fontanarès.
FAIJSTINE.
Sarpi doit être venu, dis-lui que je veux lui parler.
(Paqulta lort.)
SCÈNE IX.
FÀUSTINE, sente.
Ecartons Monipodio! Qulnola tremble qu'il n'ait reçu l'ordre
de se défaire de Fontanarès; c'est déjà trop que d'avoir h le
craindre.
SCÈNE X.
FAUSTINE, FRÉGOSE.
FAUSTINB.
Vous venez à propos , Monsieur, je veux vous demander ooe
Siâce.
DON FRéGOSB.
Dites que vous m'en voulez faire une.
FAusrnfE.
Dans deux heures, Mom'podio ne doit pas être dans Baroelooe,
ai même en Catalogne; envoyez-le en Afrique»
DON FRÉGOSB.
Que TOUS a^t-il iait?
FAUSTINB.
Rien
DON FBÉGOSB.
Eh bien! pourquoi T...
2iA LES RE8801IIK9S DE QUINOLA.
Ma» gurcf qii^.» Compreocs-foniT
nos FftfeoaB*
Vous ailes être obéié. Oittrti.»
SCÈNE xr.
UM vAms, SARM.
Han omsiiiii n^afo^vous paa ks dispeasee nécewira pour cé«
Uhrar I liiMlail votre mariage arec M«ria Lotbandiu t
Et par les soins da bonhomme» le contrat est tout prêt
Eh bien I prévenez an couvent des Dominicains, à minuit vous
épouserez, et de son conseutemeut, la riche héritière; elle accep-
tera tout, en voyant (bas à sarpi) Fontanarès entre les mains de la
justice.
SARPI.
Je comprends^ il s'agit, seulement de le venir arrêter. Ma for-
tune est maiatenant indestructible I Et., je vous la dois. (Apan.)
Quel levier que la haine d'une femme !
DON FRéGOSE.
Sarpi, faites exécuter sév^ement cet ordre, et sans retard.
(Sarpi sort.)
SCÈNE xn.
ifs PKÉCÉDVNTS, moIns SARPI.
DON FRtiGOSB.
Et notre mariage, à nous?
VAVsmct.
Monseigneur, mon avenir est tcuit entier dans cette fête : tous
«UM» m» dMiKNi oo s^ir. fPoniaii»te vmnm.! fAp««.^Cibt le vakL
(A Frggose.) Si VOUS m'MiBf», Irissez-«m.
DOl^ VMfGOSK
Seule avec lui.
Je le veux!
Après tout, il n'aime que sa Marie LolhuniÂaik
ACn iV» 215
SCÈNE xm.
FABSTIHI» POmAKAKftf.
FONTAHARiS.
Le palais du roi d'Espagne n'est pas plus splcndide que le vôtrcr
adame, et tous y déployez des façons de souverame.
VIUSTINK.
Écoutez, cher Fontanarès.
FOnTANARiS.
GherT-» Ahi Madame, tous m'aTez appris à douter de ces
mots-là !
FAUSTUTB.
Vous allez enfin connaître celle que tous avez si cruellement
insultée. Un affreux malheur tous menace. Sarpi, en agissant
contre TOUS, comme il le fait, exécute les ordres d*un pouToir ter-
rible, et cette fête pourrait être, sans moi , le baiser de Judas. On
vient de me confier qu'à TOtre sortie, et peut-être ici même, tous
tfm arrêté , jieté dans une prison , et Tolre .procès commencera...
pour ne jamais finir. Est-ce en une nuit qui tous reste que tous
remettrez en état le Taisaeaa que tous aTez perdu? Quant à TOtre
œure, elle est impossible à recommencer. Je toux tous sauTer,
TOUS et TOtre gloire , tous et Totre fortune.
FONTAVABÈS.
Vous! et comment?
FAUSTHUL
Avaloros a mis à ma disposition un de ses naTires , Uonipodio
m*a donné ses meilleurs contrebaBdiers; allons à Venise, la Répu-
Uiqœ TOUS fera patricien x el tous donnera dix fois plus d'or que
l'Espagoe ne Toua en a |nromis...> (Apait.) Et ib ne TÎei^neiit pas.
Et Marie? si noua renierons, je ciois en toiib.
FAXISXtKS.
Vous pensez k elle an moment où il faut cbûisir entie b lift cl
h mort Si tous tardez» nous pouTona être perdus.
FONIANAEto.
Nous?... madame.
LES RESSOUBCES DE QUINOLA.
SCÈNE XIV.
LU ■Éasi. Des gardes panritwnt à toutes les porMk tin alcade se présente.
SARPI.
8ARPI.
Faites voire devoir!
l'alcade, àFontaoarts.
Au nom do roi , je vous arrête.
FONTANARÈS.
Voici rheare de la mort venue!... Heureusement j'emporte
mon secret à Dieu , et j*ai pour linceul mon amour.
SCÈNE XV.
LM HtMEs, MARIE, LOTHUNDIAZ.
MARIE.
On ne m*a donc pas trompée, vous êtes h proie de vos enne-
mis! A moi donc, cher Alfonse, de mourir pour toi, et de quelle
mort? Ami, le ciel est jaloux des amours parfaites, il nous dit par
ces cruels événements, que nous appelons des hasards, qu'il n'est
de bonheur que près de Dieu. Toi..
SARPI.
Senora!
LOTHUNDIAZ.
Ma ûUe I
MARIE.
Vous m'avez laissée libre en cet instant, le dernier de ma vie!
je tiendrai ma promesse, tenez les vôtres. Toi, sublime inventeur,
tu auras les obligations de ta grandeur, les combats de ton ambi-
tion, maintenant légitime : cette lutte occupera ta vie; tandis que
la comtesse Sarpi mourra lentement et obscurément entre les qua-
tre murs de sa maison... Mon père, et vous, comte, il est bien en-
tendu que, pour prix de mou obéissance, la vice-royauté de Cata-
logne accorde au seigneur Fonianarès un nouveau délai d'un an
pour son expérience.
FONTANARÈS.
Marie, vivre sans toi?
ACTE IV. 217
MAaiB.
Vivre avec ton bourreau!
FONTANARÈS.
Àdiea, je vais mourir.
MARIE.
N*as-tu pas fait une promesse solennelle au roi d'Espagne, au
monde I (bm.) Triomphe ! nous mourrons après.
FONTANARÈS.
Ne sois point à lui, j'accepte.
UARIE.
Mon père, accomplissez votre promesse.
faustine.
J'ai triomphé I
LOTHUNDIAZ.
(Bas.) Misérable séducleur ! (Haut.) Voici dix mille sequins. (Bas.)
Infâme I (Hau^o Un an des revenus de ma fille. (Bas.) Que la pesle
t'étouffe ! (Haut.) Dix mille sequins que sur cette lettre, le seigneur
Avaloros vpus comptera.
fontanarès.
■
Mais, Monseigneur, le vice-roi consent-il à ces arrangements?...
SARPI.
Vous avez publiquement accusé la vice-royauté de Catalogne
de faire mentir les promesses du roi d'Espagne, voici sa réponse :
01 tire un papier) uue Ordonnance qui, dans l'intérêt de l'Etat, sus-
pend toutes les poursuites de vos créanciers, et vous accorde un
an pour réaliser votre entreprise.
fontanarès.
Je serai prêL
LOTHUNDIAZ.
Il y tient! Venez ma fille : on nous attend aux Dominicains, ei
Monseigneur nous fait l'honneur d'assister à la cérémonie.
MARIE.
Déjàl
FAUsrmEj kPtqnita.
Gonrs, et reviens me dire quand ils seront mariés»
us BESSOORGKS 0E QUINOLA.
SCÈNE XYI.
rAUSTINK» nmTAlfiRÊS.
PAUSTlirs> k iiarl.
n M ft, deboot eannw i» homw denBt mu pvAdpke «I
pounnivi par des ûgm. (onit} PoorcpKii B'élaMrafiis pm watA
grand qae Tobre pensée ? N'y ^-^ik doue qu'une femme dans le
monde?
FONTANARÈS. '
Ebl croyez-TOus, Madame, qu'un homme arrache un pareil
amour de son cœur, comme une épée de son fourreaut
FAUBinrv.
Qu'une femme tous aime et vous serve» je le conçois^ IMMs ai*
mer, pour vous, c'est abdiquer. Tout ce que les plus grands
hommes ont tous et toujours souhaité : la gloire, ks hoBBenrs» la
fortoat, 6t phs que tout cela !... une souveraineté au-dessus des
renrenements populaires, celle du génie; voilà le monde dies Gé*
sar, des LucuUus et des Luther devant vous!..» ET vous avez mis
entre vous et cette magnifique existence, un amour digne d'un
étudiant d'Alcala. Né géant, vous vous faites nain à plaisir. Mais on
homme de génie a, parmi toutes les femmes, une femme spéciale-
ment créée pour luL Cette femme doit être une reiue aux yeux du
monde» et pour lui une servante, souple comme les hasards de sa
vie» gaie dans les souffrances, prévoyante dans le malheur comme
dans la prospérité; surtout indulgente à ses caprices^ connaissant
te monde et ses tournants périlleux; capable enfin de ne s'asseoir
dans le char triomphal qu'après l'avoir, s'il le faut traîné. ••
FOIfTANARÈS.
Vous avez £dt son portrait.
FAUSTINB.
DeqsiY
IQSEâKAaik
De Marie.
fausthœ.
Cette enfant t*a-t-elle s& déffodrat A-t-elle deviné sa rivale?
Celle qui fa laissé €OPfiiérit cfit^ells digaede tegvdarl llaeca-
fant qui s'est laissée mener pas à pas à l'autel où elle se donne en
ce moment.. Mais, moi, je serais déjà morte à tes pieds! Et à qui
ACTE IV. 21^
sedoone-t-dla! i txm eiuieim capital qni a reçu l'ordre de faire
échouer toa emrepriscu
FOTfrAKARtS.
Gomment n*être pas fidèle à cet inépuisable amour, qui, par
trois fois, est venu me secourir» me sauver, et qui» n*ayant plu»
qu'à s'offrir lui-même au malheur^ s'immole d'une main en me
leodaitt de l'autre, avec ceci (nmoAtreuiettr^ mon honneur, l'es-
tifloe dp yoÎa l'adnaratioo de l'univers.
(Bntre Faquita qui sort après ayoir UAi un signe ft Faustlne.J
FAUSTTlf B^ ft part.
ih f la voilà comtesse Sarpt ! (k Pontanaret.) Ta vie, ta gloire, t»
fortnne, ton honneur sont enfin dans mes mains, et Marie n'est
plus entre nous.
FOlfTAHlfti».
Noos I nous I
pATOTnnj.
Ne me démens point, Alfonse! j^ai tout conquis de toi, ne me
refuse pas ton cœur! tu n'auras jamais d'amour plus dévoué, ph»
soumis et plus intelligent; enfin, tu seras le grand hoomie que tu
dois être.
FONTATTARtS.
Votre audace m'épouvante, (ir montre la lettre.) Avec cette somme
je suis encore seul l'arbitre de ma destinée. Quand le roi verra
quelle est mon œuvre et ses résultats , il fera casser le manège
obtenu par la violeace, et j'aime assez Marie pour attendre.
FAUSTINF.
Fontanarès, si je 'vous aime follement, peut-être est-ce à cause
de cette délicieuse simplicité, le cachet du génie...
FONTAKABÈS.
Elle me glace quand elle sourit.
FA.USTINB.
CetocUet^Qeï-ioosT
FONTAITARÈS.
Le void.
FiUSTINB.
Et VOUS Faurais-je laissé donner, si vous Taviez dû prendre?
Demaini vous trouvères tous vo& créanciers entre vous et cette
somme que vou& leur devez. Sans or, que pourrez-vous t Totre
lutte recommence ! Mais ton œuvre, grand enfant! n'est pas dis*
persée, elle est à moi: mon ACathieu Magis en est l'acquérem:» je
220 LES RESSOURCES DE QUINOLA.
la tiens sous mes pieds, dans mon palais. Je suis la seule qui ne te
vciera ni ta gloire, ni ta fortune, ne serait-ce pas me voler moi-
même?
FONTANARÈS.
Comment, c*est toi, Vénitienne maudite !•••
FAUSTIXE.
Oui... Depuis que tu m'as insultée, ici, j'ai tout conduit: et
Magis et Sarpi, et tes créanciers, et Thôte du SoIeil-d'Or, et les
ouvriers! Mais combien d*amour dans cette fausse haine! N*as-ti]
donc pas été réveillé par une larme, la perle de mon repentir,
tombée de mes paupières, durant ton sommeil, quand je t'admi-
rais, toi, mon martyr adoré!
FONTAlfARÈS.
Non» tu n*es pas une femme.. •
FAUSTINB.
Ah! il y a plus qu'une femme, dans une fenmie qui aime
ainsi.
FONTANARÈS.
... Et, comme tu n'es pas une femme, je puis te tuer.
FAUSTINE.
Pourvu que ce soit de ta main ! (a part.} Il me haiti
FOMTAlfARÈS.
Je cherche. ••
FAUSTINE.
Est-ce quelque chose que je puisse trouver?
FONTANARÈS.
•••Un supplice aussi grand que ton crime.
FAUSTIIfE.
Y a-t-il des supplices pour une femme qui aime? Eproaie-
moi, va I
FONTANARÈS.
Tu m'aimes, Faustine^ suis-je bien toute ta vie? Mes douleon
sont-elles bien les tiennes.
FAUSTINB.
Une douleur chez toi devient mille douleurs chez moL
FONTANARÈS.
Si je meurs, tu mourras... Eh bien! quoique ta vie ne vaille
pas l'amour que je viens de perdre, mon sort est fixé.
FAUSTINB.
Ahl
ACTE IV. 221
FONTANARÈS.
J'attendrai, les bras croisés, le jour de moa arrêt Du même
coup, l'âme de Marie et la mienne iront au ciel
FAUSTINE se Jette aax pieds de Foutanarès.
Alfonsol je reste à tes pieds jusqu'à ce que tu m'aies promis. ••
FONTANAUèS.
Eh! courtisane infâme, laisse -moi. (nia repousse.)
FAUSTINE.
Vous l'avez dit en pleine place publique : les hommes insulteni
ce qu'ils doivent plus tard adorer.
SCÈNE XYII.
LU utnut FRÉGOSE.
DON FRÉGOSB.
Misérabie artisan ! si je ne te passe pas mon épée à travers da
cœur, c*est pour te faire expier plus chèrement cette insulte.
FAUSTINE.
Don Frégose I j'aime cet homme : qu'il fasse de moi son es-
clave ou sa femme, mon amour doit lui servir d'égide.
FONTANARÈS.
De nouvelles persécutions, Monseigneur? vous me comblez de
joie. Frappez sur moi mille coups , ils se multiplieront, dit-elle»
dans son cœur. Allez!
SCÈNE xvin.
Ui PftÉCtMMTS, QUINOLÂ.
QUINOLA.
Monsieur l
FONTANARÈS.
Yiens-tn me trahir aussi» toi?
QUINOLA.
Monipodio vogue vers l'Afrique avec des recommandations aux
mains et aux pieds.
rONTANASiS.
Ehhient
222 LES RESSOOaCBS 0|E QUIHOIA.
ngoaauu
Sd-dbant pour vous voler, nous atons 4 jmmw dan Idiriquô,
payé une machine, cacbée dao» mie cave.
FONTANAB&a.
Ahl nn ami Téritable read le déaispoir impossiUe. (u tMtoasse
Qainou.) (A Frégose.) MonseigneoT, éciîtez aa roi, bâtissez sar le port
un amphitéâtre pour deux cent mille spectateurs; dans dix joan.
j'accomplis ma promesse, et l'Espagne verra marcher un vaisseau
par la vapeur, contre les vagues et le vent J'attendrai une tem«
pète pour la dompter.
FAUSTINB , a Qnlnota.
Ta as fabriqué une...
Oumoxju
Non, j'en ai fabriqué deux, en cas de malheor.
YAtlSTlNV.
De quels démons t'es-tu donc servi?
QUIHOLA.
Dis mis aAnts de Job : Silence, Patienoe ei OeoMur^
SCÈNE XIX.
PABStmi, fRÉGOSB.
ton wvègosè, a pot.
Elfe est ocBense, et je l'aime Doujonit»
FAUSnNB.
Je veux me venger, m'aiderez-voosT
nOtf FMJQOWfa
Oui, nous le perdrons.
FAtARlNK.
àbl VOUS m'aimei quand même, vous!
DOIT FlktoOSB.
BélasI après cet édat, pouvez^vous être marquise èe VMgose?
Obi sijefe voulaia*.
DON FBÉeOSB.
it larii dbponr de laoii de mes aleti» jaoMk
FAUSTI5B.
Un amour qui a des bomes, estw» l'amour T Adiéo, Monsei*
gneur : je me vengerai k moi seule.
ACXB.1K. 223
DOH FRiGOSI.
Chère Fàitttiiie I
Chère?
DON FRÉGOSI»'
Oui, bien chère » et fliaintenant et tonjoars I Dès cet instant^ il
fie me reste de Frégoee qu'un pauvre. neiJlard qni mn malhiiH
reasemsnt bien vengé par ce terrible artisan. Ma vie à moi esit
finie. H9 me r^noyes point ces taUe«nx qœ j*d en XM de bon-
heur à ?oas oCDrxr. upart.) £IIe en aura bientôt besmn. /luot.) Us
fOQs rajppeHeront \m homme de qni Tons tous êtes joué» mais qui
le savait et qui vous pardonnait; car dans son amour, H y avait
aussi de la paternité.
FACSTINE. .
Si je n'étais pas si furieuse, vraiment, don Frégose, vous m'at-
tendririez; mais il faut savoir choisir ses moments pour nous faire
pleurer.
DON FRÉ606E.
Jusqn^Q dernier Instant, f aurai tout feit mal I propos, même
mon testament
VAtSTINB.
Eh bien! si je n*aimais pas, mon ami, votre Muchant adieu vous
vaudrait et ma main et mon cœur; car sachez4e, je puis encore
être une noble et digne femme.
DON FBéGOSB.
Oh! écoutez ce mouvement vers le bien, et n^allez pas, les yeux
fermés, dans ou aMme.
fàbstinb.
Vousvoyez inen que je pais toujonrs être marquise de FVêg^Me.
(Ue sort en riant.)
SCÈNE XX.
FKÉGOSE, seul.
Les vieillards ont bien rabon de ne pas avoir de cœuri
viv 09 aiiATRiftni ACIJ;
ACTE CINQUIÈME
Le tbéfttre représente la terrane de rbfttél de ville de Barcelone, de chaque cOté da
quel sont dei pavillons. La terrasse qui donne sur la mer est terminée par un baloûA
régnant au fond de la scène. On voit la haute mer, les m&ts du vaisseaa du port. Oa
entre par la droite et par la gauche.
Un grand fltuteuU, des sièges et une table se trouvent à la droite du spectateur.
On entend le bruit des acclamations d'une foule immense.
Faustine regarde, appuyée au balcon, le bateau à vapeur. Lotbundiaz est à gancbe,
plongé dans la ^upéflution ; don Frégose est à droite avec le secrétaire <iul a dressé te
procét-verbal de rexpérienoe. Le grand in<nil8lteur occupe le milieu de la so&ne.
SCÈNE PREMIÈRE.
LOTUUNDUZ, LE GRAND INQUISITEUR, DON FRÉGOSE.
DON FRÉGOSE.
Je suis perda, rainé, déshonoré I Aller tomber aux pieds da roi,
je le trouverais impitoyable.
LOTHUNDIAZ.
 quel prix ai-je acheté la noblesse ! Mon fils est mort en Flan-
dre dans une embuscade, et ma fille se meurt; son mari, le gou-
verneur du RoussilloD, n'a pas voulu lui permettre d'assister aa
triomphe de ce démon de Fontanarès. Elle avait bien raison de me
dire que je me repentirais de mon aveuglement volontaire.
LE GRAND INQUISITEUR^ à don Frégose.
Le saint office a rappelé vos services au roi; vous irez comme
vice*roi au Pérou, vous pourrez y rétablir votre fortune ; mais ache-
vez votre onvn^e : écraso^is l'inventeur pour étouffer cette funeste
invention.
DON FRÉGOSE.
Et comment? Ne dois-je pas obéir aux ordres du roi, du moim
ostensiblement
LS GRAND INQUISITEUR.
Nous vous avons préparé les moyens d'obéir à la lob au saint*
oflBce et an roL Tous n'avez qu'à m'obéir. (a Lourandiaij Comte Lo-
ACTE V, 225
Auiuliaz, en qualité de premier magistrat municipal de Barcelone.
vous offrirez au nom de la ville une couronne d'or à don Ramon,
Tautear de la découverte dont le résultat assure à TEspagne la
domination de la mer.
LOTUUNOIAZ^ Ctonné.
A don Ramon ?
LE GRAND INQUISITEUR et DON FRÉGOSB.
A don Ramon.
DON FRÉGOSB.
Yoas le complimenterez.
LOTHUNOIAZ.
Mais.,...
LE GRAND INQUISITEUR.
Ainsi le veut le saint-office.
LOTHUNDIAZ j pliant le genou.
Pardon I
DON FBÉGOSB.
Qu'entendez-Yous crier par le peuple?
(On erfe : vive don Ramon.)
LOTHUNDIAZ.
Vive don Ramoa Eh bien ! tant mieux, je serai vengé du mal
que je me sms fait à moi-même.
SCÈNE U.
ui itMBi, DON RAMON, MATHIEU MAGIS, L'HOTE DU S0LE1L-D*0R,
GOPPOLUS, CARPANO, ESTEBAN, GIRONE, et tout le peuple.
Tons les penonnages et le peaple forment on demi-cercle an centre daqnel arrive
.don Ramon
LE GRAND INQUiSmUR.
An nom du roi d*£spagne, de Gastille et des Indes, je tous
adresse, don Ramon, les Mdtations dues à votre beau génie.
(U le oondiiit an fhnteutl.)
DON RAMON.
Après tout, l'autre est la main, je suis la tête. L'idée est an-
dessus du fait (Aia fbnie.) Dans un pareil jour, la modestie serait in-
joriense pour les honneurs que j'ai conquis k force de veilles, et
Von dmt se montrer fier du succès.
XOTHUNDIAZ.
Au nom de la ville de Barcelone, don Ramon, j'ai l'honneur de
XII. 15
226 I^S RKSSOliRGBS DE QUINOLA.
TOUS ofUr cette couronne dae à votre persévérance et à l'auteur
à*une invention qui donne Timmortalité.
SCÈNE IIL
LIS MÉ«u, FONTÀNARÈS«
n entre, m Teiementf louIUét par le tniTall de «m expérienee.
DON RAMON.
J*accepte... (u aperçoit Fonuunarès} à la Condition delà partager avec
le courageux artisan qui m*a si bien secondé dans mon entrq>rise.
PAUSTUIB.
Quelle modestie !
FOHTAHABiS.
£st-ce une plaisanterie?
loro.
Vive don Ramon I
COPPOLUS.
Au nom des commerçants de la Catalogne, don Ramon, nous
venons vous prier d'accepter cette couronne d'argent, gage de leur
reconnaissance pour une découverte, source d'une prospérité noa-
velle.
TOUS.
Vive don Ramon I
DON RAMON.
C'est avec un sensible plaisir que je vois le commerce compren-
dre l'avenir de la vapeur.
FONTANARÈS.
Avancez, mes ouvriers. Entrez, fils du peuple, dont les mains
ont élevé mon œuvre, donnez-moi le témoignage de vos sueurs et
de vos veilles! Vous qui n'avez reçu que de moi les modèles, par-
lez, qui de don Ramon ou de moi créa la nouvelle puissance que
la mer vient de reconnaître?
BSTEBAN.
Ma foi! sans don Ramon, vous eussiez été dans un fameux em-
barras.
MATHIEU MAGIS.
Il y a deux ans, nous en causions avec don Ramon, qai me
sollicitait de faire les fonds de cette expérience»
ACTE V. 227
Hofisâgneiir, qad yertige a saisi le peuple et les boni^eois de
Barcelone? J'accours au milieu des acclamations qui saluent don
Ramon, mol, tout couvert des glorieuses marques de mon travail,
et je vous vois immobile , sanctionnant le vol le plus honteux qur
se poisse consommer à la face du ciel et d*un pays... (Murmures.
Seul, j*ai risqué ma tête. Le premier, j'ai fait une promesse au
roi d'Espagne, seul je l'accomplis, et je trouve à ma place don
fiamOD, un ignorant I (Harmures.)
DON FRÉGOSB.
Un vieux soldat ne se connaît guère aux choses de la science,
et doit accepter les faits accomplis. La Catalogne entière reconnaît
à don Ramon la priorité de l'invention, et tout le monde ici dé*
clare que sans lui vous n'eussiez rien pu faire; mon devoir est
d'instruire Sa Majesté le roi d'Espagne de ces circonstances.
FOlfTAlfABiS.
La priorité I oh I une preuve ?
LB GRAND INQUISITBUR*
La voici! Dans son traité sur la fonte des canons, don Ramon
parle d'une invention appelée tonnerre par Léonard de Vinci,
votre maître, et dit qu'elle peut s'appliquer à la navigation.
DON lUHON.
Âh! jeune homme, vous aviez donc lu mes traitésT...
FONTANARÈS^ & part.
Ohl toute ma gloire pour une veangeance I
SCÈNE rv.
LU viHBS, QUINOLA.
QUINOLA.
Monsieur, la poire était trop belle, il 8*y trouf e un ver.
FONTANARÈS.
Quoi?...
OUtMOLA.
L'enfer nous a ramené, je ne sais comment, IVIonipodie ahéré
de vengeance, il est dans le navire avec une bande de démons^ et
va le ooder si vous ne lui assurez dix mille seqnins.
FONTANAnftS. H pUe le geaou.
Ahl merd. Océan que je voulais dompter, je ne trouve donc
228 LES RESSOURCES DE QUIHOLA.
que toi pour protecteur : tu vas garder mon secret jusque dans
Fétemité. (AQuinoia.) Fais que Monipodio gs^e la pleine mer, et
qu*jl y engloutisse le navire à l'instant.
QUINOLA.
Ah ça! voyons, entendons-nous? qui de tous oo de moi perd
sa tête?
P0NTANARÈ8.
Obéis!
QUINOLA.
Alais, mon cher maître...
FONTANARÈS.
U va de ta vie et de la mienne.
QUINOLA.
Obéir sans comprendre; pour une première fois, je me risque.
(0 sort.)
SCÈNE V.
us MÊMES, moins QUINOLA.
FOlTTANARftS^ à don Fhlgote.
Monseigneur, laissons de côté la question de priorité qui sera
facilement jugée; il doit m'étre permis de retirer ma tête de ce
débat, et tous ne sauriez me refuser le procès-verbal que Yoid,
car il contient ma justification auprès du roi d'Espagne, notre
maître.
DON RAMON.
Ainsi vous reconnaissez mes titres?. ..
FONTANARÈS.
Je reconnais tout ce que vous voudrez, même que O plus 0 est
un binôme.
DON FRÉGOSBj aprSfl 8*éti« oonsolté avee le grand Inquisiteur.
Votre demande est légitime. Voici le procès-verbal en règle,
BOUS gardons l'original
FONTANABÈS.
J'ai donc la vie sauve. Vous tous ici présents, vous regardez
don Ramon comme le véritable inventeur du navire qui vient de
marcher par la vapeur en présence de deux cent mille Espagook
TOUS.
Qui... (Qulnolà ae moBtfeJ
ACTB V. 229
PONTANABÈS.
Eh bien! don Ramon a fait le prodige, don Ramon pourra I<
recommencer (on entend un grand bruit); le pixKlige n'existe plus. Une
telle puissance n'est pas sans danger; et le danger, que don Ra-
mon De soupçonnait pas, s'est déclaré pendant qu'il recueillait les
récompenses. (Crls au debon. Tout le monde retourne au balcon voir la mer J Je
soisTengé!
DON FRÉGOSE.
Que dira le roi?
LB GRAND INQUISITEUR.
La France est en feu, les Pays-Bas sont en pleine révolte, Cal-
vin a remué l'Europe, le roi a trop d'affaires sur les bras pour
s'occuper d'un vaisseau. Cette invention et la réforme, c'est trop
à la fois» Nous échappons encore pour quelque temps à la voracité
despenpies. (Tous sortent.)
SCÈNE VI,
QUINOLA, FONTANARÈS, FAUSTINE.
FAUSTINE.
Âlfonse, je vous ai fait bien du mal !
FONTANARÈS.
Marie est morte. Madame : je ne sais plus ce que veulent dire
les mots mal et bien.
QUINOLA.
Le voilà un homme.
FAUSTINE.
Pardonnez-moi, je me dévoue à votre nouvel avenir,
FONTANARÈS.
Pardon I ce mot est aussi effacé de mon cœur. Il y a des situa-
tions OÙ le cœur se brise ou se bronze. J'avais naguère vingt-cinq
ans; aujouixl'hui, vous m'en avez donné cinquante. Vous m'avex
bit perdre un monde, vous m'en devez un autre...
OUINOLA.
Oh! si nous tournons à la politique.
FAUSTINE.
Mon amour, Alfonso, ne vaut-il pas un monde?
FONTANARÈS*
Oui, car tu es un magnifique instrument et de destniction et
230 LES RESSOURCES DE QUDiOLA.
de ruioe. Maintenant, par toi je dompterai tout ceox qui jusqu'à
présent m*oat fait ototade : je te prends, non pour femme, mais
pour eschYe, et tu me serviras.
tÀUSTun.
Aveoglément.
FONTANABftS.
Mais sans espoir de retour... tu le sais, il y a du bronze» là.
ai se frappe le oœar.) Tu m'as appris ce qu'est le monde I O monde
des intérêts, de la ruse, de la politique et des perfidies, à nous
deux maintenant !
QUIMOUL
Monsieur?
Eh bien?
En su!s-je?
FOirCANARÈS.
QUINOLÂ.
rONTAlTARÈS.
Toi, tu es le seul pour lequel il y lût encore one place dans
mon cœur. A nous trois, nous allonsi**
FAUSTIKS.
OÙ?
fûNTANAEte.
En France.
rAUSIIffK«
Partons promptementi je connais l'Espagne, < l'on y doit médi-
ter votre mort.
QUmOLA.
Les Ressources de Qulnola sont au fond de l'eau; daignez excu-
ser nos fautes, nous ferons sans doute beaucoup mieux à Paris^
Décidément, je croîs que l'enfer est i^vé de bonnes inventions.
FIR Dit llfSOVlCftS »B QUIROLâ.
PAMÉLA GIRAUD
PIÉCB BN aNQ ACT£S,
Heprésontèe pour la première fois, à Paris, rar le théfttr* de la Galtè|
U M «e^embre 1843.
< . .. » .
PERSONNAGES.
LE GÉNÉRAL DE VERBY.
lUPRÉ, tToctt.
M. ROUSSEAU.
JULES ROUSSEAU, «m flls.
JOSEPH BINET.
iE PÈRE GIRAUD.
UN AGENT SUPÉRIEUR.
ANTOINE, domesuv» de Boimbmv.
PAUÉU 6iBAUJ>.
MADAME Teuve DU BROCARD.
MADAME ROUSSEAU.
MADAME GIRAUD.
JUSTINE, femme de ebambra de
dame Rousseau.
UN COMMISSAIRE DE POLICE.
UN JUGE D'INSTRUCTION.
ASBHTS DE P3UCB*
aUlDAAIIIt»
PAMÉLA 6IRAUD
â<:te premier
Le théâtre repréieiite noe mansarde et Tateller d'une fleoriite. An lerer da rideau
Pamétatrayallle, et loaeph Binet est assis. La mansarde va vers le fond du théAtre; la
porte est à droite; à gauche «ne cheminée. La mansarde est coupée de manière 1 ee
qn'en se baissant, on homme puisse tenir sous le toit an fond de la toile, à oOté de It
crnsee.
PROKiOCIIJlS
SCÈNE PREMIÈRE.
FAMÉLA, JOSEPH BINET, JULES ROUSSEAU.
PAMÉUl.
Monsieur Joseph Binet
JOSiPH.
Mademoiselle Paméla Giraud.
PAMÉLA.
Vous Tonlez donc que je tous baisse?
JOSEPH.
Dame! si c'est le conunencement de ramour..* batoez-moi!
Âh ça, parlons raison.
JOSEPH.
Vous ne voulez donc pas que je vous dise combien je vousaimet
23^ PAMÉLA GIRAUD.
PAHÉLA.
Ah! je vous dis tout net, puisque vous m'y forcez, que je ne
veux pas être la femine d*uQ garçon tapissier.
JOSEPH.
Est-il nécessaire de devenir empereur, on quelque chose comme
ça, pour épouser une fleuriste?
PAMÉLA.
Non... Il faut être aimé, et je ne vous aime d'aucune manière.
JOSEPH.
D*aucmie manière! Je croyais qu*il n'y avait qu'une manière
d'aimer.
Oui... mais il y a plusieurs manières de ne pas aimer. Vous pou-
vez être mon ami, sans que je vous aime.
JOSEPH.
Ohl
PAMÉLA.
Vous pouvez m'être indifiérent...
JOSEPH.
Ah!
PAMÉLA.
Vous pouvez m'être odieux!... Et dans ce moment, vousm'ed-
nuyez, ce qui est pis!
JOSEPH.
Je l'ennuie I moi qui me mets en cinq pour faire tout ce qu'elle
veut.
PAMÉLA.
Si vous faisiez ce que je veux, vous ne resteriez pas ici.
JOSEPH.
Si je m'en vas... m'aimeriez- vous un peu ?
PAMÉLA.
Mais puisque je ne vops aime que quand vous n'y êtes pael
J06£PH.
Si je ne venais jamais?
PAMÉLA.
Yous me feriez plaisir.
JOSEPH.
Mon Dieu I pourquoi, moi, premier garçon tapissier de M- Mord
en place de devenir mon propre Iwnrgeois, suis-je devenu amou-
reox de mademmeHe? Non... Je sois arrêté dans ma carrière...
ACTE I. 235
je ré?e d'elle... j'en deviens béte. Si mon oncle savait!... Mais il
y a d'autres femmes dans Paris, et... après tout, mademoiselle
Paméh Giraud, qoi êtes-vous» pour être ainsi dédaigneuse?
PAHÉLA.
Je sois la fille d'an pauvre tailleur ruiné, devenu portier. Jega
gne de quoi vivre... si ça peut s'appeler vivre, en travaillant nui'
et jour... à peine puis-je aller faire une pauvre petite partie aui
Prés-Saint-Gervais, cueillir des lilas; et certes, je reconnsns qo(
le premier garçon de M. Morei est tout à fait au-dessus de moi..
je ne veux pas entrer dans une famille qui croirait se mésallier...
lesBinetl
JOSEPH.
Mais qu'avez- vous depuis huit ou dix jours, là, ma chère petite
gentille mignonne de Paméla? il y a dix jours je venais tous les
soirs vous tailler vos feuilles, je faisais les queues aux roses, les
cœurs aux marguerites, nous causions, nous allions quelquefois au
mélodrame nous régaler de pleurer... et j'étais le bon Joseph,
mon petit Joseph... enfin un Joseph dans lequel vous trouviez
l'étoffe d'an umL.. Tout à coup... zeste I plus riexL
PAMiLÀ.
Mais aUez-VGUs-en donc... vous n'êtes là ni dans la me, «1 chez
Yons.
J0689B.
£h hîeni je m'en vais, MademoLselIe... on s'en val je causerai
dans la loge avec maman Giraod; eUe ne demande pas mieux que
de me voir entrer dans m fiunille, elle ; elle ne change paad'idée !
PAHÉLA.
£h bien! au lieu d'entrer dans sa famille, entrez dans sa loge,
monsieur Joseph ! allez causer avec ma mère, allez I... (ii sort.) Il les
occupera peut-être assez pour que M. Adolphe puisse monter sans
être vu. Adolphe Durand I le joli nom ! c'est la moitié d'un roman! et
le joli jeune homme ! Enfin, depuis quinze jours, c'est une persécu-
tion... Je me savais bien un peu jolie; mais je ne me croyais pas si
bien qu'il le dit Ce doit être un artiste, un employé I Quel qu'il soit,
ilmeplalt;il est si comme il faut! Pourtant sisa mme était trompeuse,
si c'était quelqu'un de mal . . car enfin cette lettre qu'il vient de me
faire envoyer si mystérieusement... (siieia tire de son oonet, et usant:*
• Attendez-moi ce soir» soyez seule, et que persoi^ie ne me voie en-
« trer si c'est possible; il s'agit de ma vie, et si vous saviez quel
236 PAMÉLA GIRAUD.
« affreux malheur me poursuit!... » « Adolphe Durand. » Écrit
au crayon. Il s'agit de sa vie... je suis dans une anxiété...
JOSEPH, revenant.
Tout en descendant 1'escaMer, je me suis dit : Pourquoi Pa-
éla... Ouïes parait.)
PAMÉLA.
Ahl
JOSEPH. .
Quoi? (Jules disparait )
PAMÉLA.
n m'a semblé voir... J'ai cru entendre un bruit là-haut! Allez
donc visiter le grenier au-dessus, là peut-être quelqu'un s'est-il
cadiél Avez-vous peur, vous?
JOSEPH.
Non.
PAMÉLA.
Eh bien! montez, fouillez! sans quoi je serai effiuyée pendant
toute la nuit
JOSEPH.
J*y vais... je monterai sur le toit si vous vouiez.
(n entre à gauche par une petite porte qui conduit au grenier.)
PAMÉLA, raccompagnant.
Allez. (Jules entra.) Ah ! Monsieur, quel rôle vous me faites jouer!
JULES.
Tous me sauvez la vie, et peut-^être ne le regretterez-vous pas!
vous savez combien je vous aime ! (n lui baïae les mains.)
PAMÉLA.
Je sais que vous me l'avez dit; mais vous agissez...
JULES.
Gomme avec une libératrice.
PAMÉLA.
Vous m'avez écrit... et cette lettre m'a ôté toute ma sécurité...
Je ne sais plus ni qui vous êtes, ni ce qui vous amène.
JOSEPH^ en deiiors.
Mademoiselle, je suis daus le grenier... J'ai vu sur le tott'
JULES.
n va revenir... où me cacher?
PAMÉLA.
Mais vous ne pouvez rester ici!
JULES.
Vous voulez nw perdre, Paméla t
ACTE L 237
PAHÉLA.
Le YOid ! Tenez. . • là f . • . (Elle le cache sont la maasarde.)
JOSEPH^ revenant.
Vous n'êtes pas seule, Mademoiselle?
PAHÉLA.
Non... puisque vous voilà.
JOSSPH.
J'ai entendu quelque chose comme une voix d'homme... La
voix monte!
PAHÉLA.
Damé! elle descend peut-être aussL.. Toyez dans Tescaiier...
40SEPH.
Ohl jesuissûr...
PAHÉLA.
De rien. Laissez-moi» monsieur; je veux être seule.
JOSEPH.
Avec une voix d*liomme?
PAHÉLA*
Vous ne me croyez donc pas ?
JOSEPH.
Mais j*ai parfaitement entendu.
PAHÉLA»
Rien.
JOSXPH.
Ah I Mademoiselle !
PAHÉLA.
Et ai vous aimiez mieux croire les bruits qui vous passent par
les oreilles que Ce que je vous dis, vous ferez un fort mauvais
mari... J'en sais maintenant assez sur votre compte...
JOSEPH.
Ça n'empêche pas que ce que j'ai cru entendre.. •
PAHÉLA.
Puisque vous vous obstinez, vous pouvez le croire. •• Oui, vous
avez entendu la voix d'un jeune homme qui m'aime et qui fait
tout ce que je veux... il disparait quand il le faut, et il vient à vo-
lontê. Eh bien! qu'attendez-vous? croyez-vous que, s'il est ici,
votre présence nous soit agréable ? Allez demander à mon père et
à ma mère quel est son nom... il a dû le leur dire en montant,
faû et la voix.
JOSEPH. .
Mademoiselle Paméla, pardonnez à un pauvre garçon qui est
238 PAMÉLA GIRAUD.
fou d*amoar... Ce n'est pas le cœur que je perds, mais la têle,
aussitôt qu'il s*agit de vous. Ne sais-je pas que vous êtes aussi sage
que belle ? que vous avez dans Tâme encore plus de trésors que
vous n*en portez? Aussi... tenez, vous avez raison, j'entendrais dix
voix, je verrais dix hommes là, que ça ne me ferait rien... mais
un...
VÂMÈLk.
Eh bien?
JOSEPH.
Un... ça me gênerait davantage. Mais je m'en vais; c'est pour
rire que je vous dis tout ça... je sais bien que vous allez être
seule. A revoir, mademoiselle Paméla; je m'en vas... j'ai con-
ûance.
PAMÉLAj à part.
Il se doute de quelque chose.
JOSEPH, k part.
Il y a quelqu'un icL.. je cours tout dire an père et à la mère
Giraud. (Haut.) A revoir, mademoiselle Paméla. m^ort.)
SCÈNE II.
PAMÉLA, JULES^
PAVÉLA.
Monsieur Adolphe, vous voyez à quoi vous m*exposez... Le
pauvre garçon est un ouvrier plein de cœur ; il a un oncle assez
riche pour l'établir ; il veut m*épouser, et en un moment j'ai perda
mon avenir... et pour qui ? je ne vous connais pas, et à la manière
dont vous jouez l'existence d'une jeune fille qui n*a pour elle qne
sa bonne conduite, je devine que vous vous en croyez le droit..
Vous êtes riche, et vous vous moquez des gens pauvres !
JULES.
Non, ma chère Paméla... je sais qui vous êtes, et je vous ai ap-
préciée... Je vous aime, je suis riche, et nous ne nous quitterons
jamais. Ma voiture de voyage est chez un ami, à la porte Saint-
Denis; nous irons la prendre à pied; je vais m'embarquer ponr
l'Angleterre. Venez, je vous expliquerai mes intentions, car le
moindre retard pourrait m'être fatal.
PAMÉLA.
Quoi?
AGTB L 239
JULES»
Et TOUS verrez...
PAH^IA.
Etes-Tous dans votre bon sens, monsieur Adolphe? Après m*a-
Toir saifie depuis on mois, m'avoir yue deux fois au bal, et m*a-
Toir écrit des déclarations comme les jeunes gens de votre sorte
en font à tontes les femmes, vous venez me proposer de but en
blanc an enlèvement?
JULES.
Ah! mon Dieu! pas un instant de retard ! vous vous repentiriez
de ceci toute votre vie, et vous vous apercevrez trop tard de la
perte que vous aurez faite.
PAHéLA«
Mais, Monsieur, tout peut se dire en deux mots.
JULES.
Non... quand il s'agit d'un secret d'où dépend la vie de plusieurs
hommes.
PAMÉLA.
Mais, Monsieur, s'il s'agit de vous sauver la vie, quoique je. n'y
comprenne rien, et qui que vous soyez, je ferai bien des choses ;
mais de quelle utilité pnis-je vous être dans votre fuite? pourquoi
m'emmener en Angleterre?
JULES.
Mais, enfant 1... Ton ne se défie pas de deux amants qui s'en-
fuient I... et enfin, je vous aime assez pour oublier tout, et encou*
nria colère de mes parents... une fois mariés à Gretna-Green...
PAHÉLA.
Ah! mon Dieu!... moi, je suis toute bouleyerséel un beau
jeone homme qui vous presse... vous supplie. •• et qui parle d'é-
penser.. •
JULES.
On monte... Je suis perdu!... vous m'avez livré !...
PAMÉLA.
Monsieur Adolphe, vous me faites peur! qqe peut-il donc vous
arriver?... Attendez... je vais voir.
JULES.
£n tout cas, prenez ces vingt mille francs sur vous, ils seront
plus en sûreté qu'entre les mains de la justice... Je n'avais qu'une
demi-heure... eL.. tout est dit!
PAMÉLA.
Ne craignez rien... c'est mon père et ma mère!..*
^àO pam£la giraou.
JULES.
Vous avez de l*esprit comme un ange... Je me fie à vous... mais
songez qu'il faut sortir d'ici, sur-le-champ, tous deux; et je vous
jure sur l'honneur qu'il n'en résultera rien que de bon pour vous.
SCÈNE m.
PAMÉLA, GIRAUD et MADAME GIRADD.
PAMÉLA.
C'est décidément un homme en danger... et qui m'aime.. . deux
raisons pour que je m'intéresse à lui!...
MADAME GIRAUD.
Eh bien ! Paméla, toi, la consolation de tous nos malheurs, l'ap-
pui de notre vieillesse, notre seul espoir !
GIRAUD.
Une fiUe élevée dans des principes sévères.
MADAME GIRAUD.
Te tairas-tu, Giraudî... tu ne sais ce que ta dis.
GIRAUD.
Oui, madame Giraud.
MADAME GIRAUD.
Enfin, Paméla, tu étais citée dans tout le quartier» et tu pouvais
devenir utile à tes parents dans leurs vieux jours!...
GIRAUD.
Digne du prix de vertu !...
PAMÉLA.
Mais je ne sais pas pourquoi vous me grondez?
MADAME GIRAUD.
Joseph vient de nous dire que tu cachais un homme chez toi.
GIRAUD.
Oui;., une voix.
MADAME GIRAUD.
Silence, Giraud!... Paméla, n'écoutez pas votre père!
PAMÉLA.
Et vous, ma mère, n'écoutez pas Joseph.
GIRAUD.
Que te disais-je dans l'escalier, madame Giraud ? Paméla sait
combien nous comptons sur elle... elle veut faire un bin mariage»
autant pour nous que pour elle ; son cœur saigne de nous voir
ACTE I. 2/ii
portiers, nous, Tanteur de ses jours!... elle est trop sensée pour
faire une sottise... N'est-ce pas, mon enfant, ta ne démentiras pas
ton père?
MADAME GIBAUD.
Ta n'as personne, n'est-ce pas, mon amour ? car une jeune ou-
vrière qui a quelqu'un chez elle, à dix heures du soir... enfîn... il
y a de quoi perdre...
PAMÉLA.
Mais il me semble que si j'avais quelqu'un vous l'auriez vt
61RAUD.
Elle a raison.
MADAME GIRAUD.
Elle ne répond pas ad rem.. . Ouvre-moi la porte de cette
chambre...
PAMÉLA.
Ma mère, arrêtez. •• vous ne pouvez entrer là, vous n'y entrer
pas!... Ecoutez-moi: comme je vous aime, ma mère, et vo
mon père, je n'ai rien à me reprocher!... et j'en fais serment
vant Dieu!... cette confiance que vous avez eue si loi^temps
votre fille, vous ne la lui retirerez pas en un instant!...
MADAME GIRAUD.
Mais pourquoi ne pas nous dire ?
PAMÉLA^ k part.
Impossible!... s'ils voyaient ce. jeune homme, bientôt tout k
monde saurait..
GniAUD^ rinterrompant.
Nous sommes ses père et mère, et il faut voir!...
PAMÉLA.
Pour la première fois, je vous désobéis !... mais vous m'y for-
cez !... ce logement, je le paye du fruit de mon travail!... Je suis
majeure... maîtresse de mes actions.
MADAME GIRAUD.
Ah! Paméla!... vous en qui nous avions mis toutes nos espé-
rances I...
GIRAUD.
Mais tu te perdsl... et je resterai portier durant mes vieux
jours!
PAMÉLA.
Ne craignez rien!... oui, il y a quelqu'un ici; mais silenceL».
TU. 1<>
PAHÉLA GIRAUD.
VOUS aHez leUMirner à Ui loge, &à basi... font dînez k Jwepli cjii'il
ne sait, ce qii*U dk« qm. ^oas avez fowMè paiUrat, cp^iL ii*y a pei-
sonne chez moi; vous le renverrez... alors, vous verrez ee ysmut
homme; vous saurez ce cpM, ja coiBpIft feire... et vous garderez le
plHS jfÊQtoaA seceet suc tontcecL
GIBAUD.
Malheureuse!... pour quoi prends-tu toa pèfe? oiapavottief
»aiets de banque sur la table.) Ah! qu*est-€e que c'est quB cela? des bil-
lets de baaque l
MADAME GIRAUO.
D<*^ billets !••« (8UeirfloigDe.é8BiiBéia.) Paméla, d*où avez-vous
cela?
FAMiiJu.
Je lou^l'écrint
GIRAUD.
Nous récrire !••• die va donc se. faire enlever T
seÈNE nr.
tm ■ÉMttr M6SM Bonrr,
J*éuis bien sûr que c'était pm grandfdwe? dm km.. e^M un
chef de voleurs, un brigaiML.. La gsodarmerie, la policet la justice,
loiiii k tnariUbment^ bi mÔMa est cemét I
JULES, paralasaot*
Je suis perdu I
J*ai fait tout ce que j*a^ pal
Ah ! çS^, q«4 êtoaioM» Monas vl
Êtes-vous un.
Paiéez I
!••
Saa& ceb iffifa6ciki«î'étai» iawélw^ voua «mm k pMBdTun
liomme à vous reprocher.
MomwM idnl|iM, UmHmm
ACTE L 2^d
Oui!
PAMÉLA.
Que faire? (inuiquaotia lucarne.) Ahl par ici; aou8 allons déjouer
leurs poursuites 7 (Ole ouvre U lucame qui est occupé» par des i^pente.)
JULES.
U n'est plus temps !... Secondez-moî seulement... voici ce que
vous direz : Je suis l'amant de votre fille, et je vous la demande
en mariage... Je suis majeur... Adolphe Durand, fils d'un riche
négociant de Marseille.
GIRAUO.
Un amour légitime et riche I... Jeune homme, je vous prends
• soos ma protection.
SCÈNE V.
LES Mim^ US COMMISSAIRE, LE CHEF DE LA POLICE, Lit soldats.
GIRAUD»
Monsieur, de quel droit entrez- vous dans une maifioa habitée...
dans le domicile d'une euËmt paisible?...
Oui, de quel droit?
JJft QQIIMIS8A1&B.
Jeune homme,, ne vous inquiétez pas de notre droit I».. vous
étiez tout à l'heure très-complaisant, en nous indiquant où pouvait
être l'inconnu, et vous voilà bien hostile.
PAMÉLÀ.
Mais que cherchez-vous? que voulez- vous?
LE rniiMfj^iftYm,
Vous savez donc que nous cherchons quelqu'un?
GIRAUD.
Monsieur, ma fille n'a pas d'autre personne avec elle que son
futur époux, monsieur...
LE COMMISSAIRB.
M. Rousseau.
PAMÉLA.
Monsieur Adolphe Durand.
GIRAUD.
Rousseau» connais pas... Monsieur est M. Addpbe Durand.
'^•\h PAAIÉLA GIIIAUD.
MADAME GIRAUD.
ils d'un négociant respectable de Mai^ille.
JOSEPH.
Ah ! vous me trompiez !... ah !... voilà le secret de votre froî-
leur, Mademoiselle, et monsieur est...
LE COMMISSAIRE, au cbef de la poUce.
Ce n'est donc pas lui ?
LE CHEF.
Mais si... J'en suis sûr!... (aux gendarmes.) Exécutez mes ordres^
JULES.
Monsieur... je suis victime de quelque méprise.. • Je ne me
nomme pas Jules Rousseau.
LE CHEF.
Ah! vous savez son prénom, que personne de nous n'a dit
encore. .
JULES.
Mais j*en ai entendu parler... Voici mes papiers, qui sont par-
faitement en règle.
LE COMMISSAIRE.
Voyons, Monsieur!
GIRAUD.
Messieurs, je vous assure et vous affirme...
LE CHEF.
Si vous continuez sur ce ton, et que vous vouliez nous faire
croire que monsieur est M. Adolphe Durand, fils d'un négociant
do..,
\ MADAME GIRAUD.
De Marseille...
, LE CHEF.
Vous |)ourriez être tous arrêtés comme ses complices, étroués k
h Conciergerie ce soir, et impliqués dans une affaire d'où l'on n»
se sauvera pas facilement... Tenez-vous à votre personne ^
GIRAUD.
Beaucoup !
LB CHEF.
Eh bien ! taisez-vous.
MADAME GIRAUD.
Tais-toi donc, Giraud.
PAMÉLA.
Mon Dieu! pourquoi ne Tai-je pas cru sur-le-champ?
ACTE I. 2h5
LK COMUISSAIRE^ & ses agenti.
Fouillez Monsieur ! (On tend à ragent le motteholr de Jules.)
LE CHEF.
Marqué d'un J et d'an R... Mon cher Monsieur» tous n'êtes pas ^
très-rusé I
JOSEPH.
Qu'est-ce qu'il peut avoir fait?... est-ce que tous en seriez,
ttiainzelle?
FAMÉLA.
Vous serez cause de sa perte... ne me reparlez jamais I
LE CHEF.
Monsieur, voici la carte à payer de votre dîner... vous avez dîné
au Palais-Royal, aux Frères-Provençaux... vous y avez écrit un
billet au crayon, et ce billet vous l'avez envoyé ici par un de vos
amis, M. Adolphe Durand, qui vous a prêté son passe-port...
nous sommes sûrs de votre identité ; vous êtes M. Jules Rousseau.
JOSEPH.
Le ûls du riche M. Rousseau, pour qui nous avons un ameu-
blement.
LS COMMISSAIRE.
Taisez-vous!
LE CHEF.
Suivez-nous!
JULES.
Allons, Monsieur! (AGiraudetàsafemme.) Pardonnez-uioi l'ennui
que je vous cause... et vous, Paméla, ne m'oubliez pas! Si vous
«e me revoyez plus, gardez ce que je vous ai remis et soyez heu*
«euse.
GIRAUD.
Seigneur, mon Dieu !
PAMéLA.
Pauvre Adolphe !
LE COMMISSAIRE^ aux agents.
Restez... nous allons visiter cette mansarde et vous interroger
tous!
JOSEPH BINET^ avec horreur
Ahl ah!... elle me préférait un malfaiteur !
Jules est remis aux mains des agenu, et le rideau Mtm,
FIM m rRlHIBA A61K.
ACTE DEUXIÈME
tethgltit iM^MftifBimea. AaMw est oecnyê > ywottrtr(
SCÈNE PREfflÈRE.
ANTOINE, JUSTINS.
JUSTINE.
£fa bienl Aaloine, aviesHFous k kg jonrnant?
ANTOINE.
N'est-ce pas une pitié, 42iie nous autres domestiques nous ne
puissions savoir ce qui se passe relativement à M. Jales que par les
journaux?
JUSTINE.
Mais, monsieur, madame «t Mademoiselle du Brocard, leur
sœur, ne saTent rien... M. ivks a été pendant trois mok.. corn •
mnt ils appeUent tela... être aa secrett
Il parait que le coup était fameux, il s'agissait de reoMOre
Fautre...
JUSTINE.
Dire qu'un jeune homme qm n^Eivait qu'à s'amuser, qui devait
un jour avoir les vingt mille livres de rente de sa tante, et la for-
lune de ses père et mère, qui Ta bien au double, se soit fourré
dans une conspiration I
ANTOINE.
Je l'en estime, car c'était pour jam^er l'encreur L.. Faites-
mai oûBper le om ai vous voulez... Noos sommes seuls... vous
n'êtes pas de la police : Vive l'empereur I
jusmiB*
Taisez-vous donc, vieille lête !. . . si Ton vous entendait, on nous
arrêterait.
ACTE n 2/!i7
ANTOINE.
Je n'ai pas pear, Dieu merci!... mes réponses Mjoge dHos-
* traction ont été solides; je n'éd pas compromis M. Jules, comme
les traîtres qui l'ont dénoncé.
JXTSTINR.
Mademoiselle du Brocard, qui doit aroir de fameuses écono-
mies, pourrait le faire sauver, avec tout son argent
ANTOINE.
Ah! ouin!... depuis l'évasion de Lavalette, c'est impossible! ils
sont devenus extrêmement difficiles aux portes des prisons, el Ils
n'étaient pas déjà si commodes... M. Jules la gobera, voyez- vous ;
ça sera un martyr. J'irai le voir. (On sonne. Antoine sort.)
JUSTINE.
Il rira voir! quand on a connu quelqu'un, je ne sais pas com-
ment on a le cœur de... Moi, j'irai à la cour d'asrâes; ix pauvre
enfant, je lui dois bien cela.
SCÈNE n,
DUPRÉ, ANTOINE, JUSTINE.
ANTOINE^ ft part, voyant entrer Dapré.
Ah! l'avocat. (Haut.) Jusâne, allez prévenir madame. (Apart.) L'a-
vocat ne me paraît pas facile. (Haut.) Monsieur, y a-t-il quelque es-
poir de sauver ce pauvre M. Jules ?
Dupni.
Vous aimez donc beaucoup votre jeune maître?
ANTOINE.
C'est si naturel !
DUPRÉ.
Que feriez-vous pour le sauver?
ANTOINE.
Tom, Monâeurt .
Rien!
JUeaU. J« lémoigBeni tout ce %wt vous vovdvei.
Si l'on vous prenait en contradiction avec ce que vous avez déjà
dit, «t fu'il tea irésultât «a jaw téouNgnage, aavei-vous ce que
vous risqueriez?
PAMELA GlRAt;!».
ANTOINE. "
Nv»n, Monsieur.
pufrA.
Les galèilcs?
ANTOINB.
Alonsieur, c'est bien darl
DUPRÉ. .
Ton» aimeriez mieux le servir sans vous compromettra
ANTOINE.
Y a-t-il un autre moyen ?
DLTRÉ.
Non.
ANTOINE.
Eh bien I je me risquerai
DU PRÉ, à part.
Du dévouement!
ANTOINE.
Monsieur ne peut pas manquer de me faire des rentes^
JUSTINE.
Voici madame.
SCÈNE III.
LES MftMES, MADAME ROUSSEAU,
/f ADAHE ROUSSEAU, à Dopré.
Ahî Monsieur, ious vous attendions avec une impatience!
\ CA Antoine.) Antoine ( vite, prévenez mon mari, (a Dupré.) Monsieur, je
^ l'espère plus qu'en vous.
DUPRÉ.
Croyez, Madame, que j'entreprendrai tout..
MADAME ROUSSRAU.
Oh! merci... et d'ailleurs Jules n'est pas coupable... lui conspi-
rerl... un pauvre enfant, comment peut-on le craindre, quand au
moindre reproche il reste tremblant devant moi... moi, sa mère!
Ah ! Monsieur, dites que vous me le rendrez.
ROUSSEAU^ entrant, à Antoine.
te général Verby... Je l'attends dès qu'il viendra. (ADopit.
Eh bien ! mon cher monsieur Dupré...
* DUPRÉ.
La bataille commence sans doute demain; aujourd'hui les prè*
paralifs. l'acte d'ac^ii*;atiou.
ACTE IL 2&9
ROUSSEAU.
Moo [lanvre Jules a-t-il donué prise ?. ••
DUPRÉ.
lia tout nié... et a parfaitement joué son rôle d'innocent; mais
noos nepoorrons opposer aucun témoignage à ceux qui TaccablenL
ROUSSEAU.
Ah ! Monsieur, sauvez mon ûis, et la moitié de ma fortune est
à VGOS.
DUPRé.
Si j'avais toutes les moitiés de fortune qu'on m'a promises. •• j ;
s îiais trop riche.
ROUSSEAU.
Donteriez-vous de ma reconnaissance?
DUPRÉ.
J'attendrai les résultats, Monsieur.
MADAME ROUSSEAU.
Prenez pitié d'une pauvre mère !
DUPRÉ.
Madame, je vous le jure, rien n'excite plus ma curiosité, ma
sympathie, qu'un sentiment réel, et à Paris le vsai est si rare, que
je ne saurais rester insensible è la douleur d'une famille menacée
de perdre un ûls unique... Comptez sur n^oL
ROUSSEAU.
Ah ! Monsieur !•••
SCÈNE IV.
LU MÉKB8, LE jGÉNÉRAL de YERBY, MADAME DU BROCARD.
MADAME DU BROCARD, amenant de Verbgr.
Venez, mon cher général
, DE VERBY^ saluant Dupré.
Ahl Monsieur... je viens seulement d'apprendre.. >
ROUSSEAU^ présentant Dupré ft de Yerby.
Général, M. Dupré. (Dupré et de Verby se saiMOl;)
DUPRÉ, ft part, pendant que de Verby parle ft Rousseau.
Le général d'antichambre; sans autre capacité que le nom de
aon frère, gentilhomme de la chambre : îl ne me paraît pas être
ici pour rien...
^0 PAMÉLA GIHAUD.
DE TEUnr^ ^ Dspré.
Monsieur est, selon ce que je viens d'eaiendre* dnrgé ée U
défense de M. Jules Rousseau dans la déplorable affaire...
Ooî, llionsieiir... nae défriorable affisire, cvIpb wabaafBUo
ne sont pas en prison; la justice sévira contre les soldats, et les
chefs sonft, comme toDJoors, à Técart... Tom êtes le général vi-
comte de Verby?
DR wirvr.
Le féaérel Veiiiy... Je ne prends pas èe titre... mes «pinienv...
Sans doute, vous connaissez l'instruction.
•DUPRÉ.
Depuis trois jours seulement nom ixmmàmtpmn avec to te*
cusés.
DB yEionr*
Et que pensez-vous de l'affaire?
lam.
Oui, parlez.
D'après l'bdâtwle que fm du Palass, je cnns deviner 4pi*en «s
père otenér ées Tévébdoiis en ofiÎTaat 4et omnmvtatioBS 4e peine
aux condamnés.
DK vsanr.
Les accusés sont tous des gens d*honueur.
ROUSSEAU»
Nais...
DUPBÉ.
Le caractère change en face de Téchafaud, surtout qnand on a
beauoHi{i li parAre.
DB TERBYy à part.
On ne devrait conspirer qu'avec des gens gui n'ont pas un sou»
DUPRé.
J'engagerai mon client à tout révéler.
ROUSSEAU.
Sans doute.
«KDAXE DU 'BROCABOb
G4
ntefaïA.
Il n'y a donc aucune chance de sahit pour loi?
DtPBK.
Aucune! le parquet peot démontrer qu'il était du nombre de
cenx qui ont commencé feiécution du complot.
DE TERBY.
J'aimerais mieux perdre h tête que flionnear.
C'est selon! si rhonueur ne vaut pas la Cèle.
Vous avez des idées...
Ce sont les miennes...
DOTfllÉ.
(îe sont iselles eu ^ns grand nombre. J*ai v« fane beaucoup de
choses pour sauver la tête... H y a des gens qui mettent les autres
en avant, qui ne risquent rien, et i^eGvieîilent tout après le succès.
Ont-ils de Tboniieur ceux-là? est-<Hi fetra >i quelque cSKMse en-
vers eux?
DE TERST.
Arien; ce sont des misérables.
BUPRÉ^ % part
lia bien dit cela... cet homme a ^rdu le pauvre Jules... 'je
veillerai sur loi.
SCëN£ V.
LU HÉH18, ANTOINE, pMi J<IU£8, «nené pvd«
ÀMTêBn.
Madame... Monsieur... une voiture vient de s'airêter. deé^
hommes en descendent- JML Jules est avec^ux; on Tamène.
X» m HâtAlHI BIHIfiWtâtt.
Moafibl
HADAHB DU BROCARD.
Mon neveu I
iDuneL
Oui... sans doute, une visite... des recherches dans ses papiers
Le*voiciI
252 PAMÉLA GIRAUD.
JULES paraît au fond, suivi par des agenteet un Juge d'instructioo:
il court vers sa môre.
Ma mèrel ma bonne mère! ^n embrasse sa ntère.) Ahl je yous re-
vois ! (A mademoiselle du Brocard.) Ma tante I
lUDAHB ROUSSEAU.
Mon pauvre enfant I viens, viens... près de moL.. ils n*o&eroDt
pas. . . (Aux ageuts qui s'avancent.) Laissez !. . . Ahl laissez-lo.
ROUSSEAU, i'élancanfc vers eux.
De grâcel...
DUPRÉ^ au Joge d'UtttraeUoB
Monsieur...
JULES.
Ma bonne mère, calmez-vous... Bientôt je serai libre... oïdi
croyez-le... et nous ne nous quitterons plus.
ANTOINE, ft Rousseau.
Monsieur, on demande à visiter la cbambre de M. Jules.
ROUSSEAU^ au Juge d'instruction.
A rinstant, Monsieur. .. je vais moi-même. .. (a Dupré, montrant jnies.)
Ne le quittez pas!...
(U s'éloigne, conduisant le Juge d'instruction, qui Fait signe aux agents de sunreiiler
Jules.)
JULES, prenant la mafn de de Terby.
Ahl général.. (ADupré.)£t vous, monsieur Dupré» si bon, si
généreux, vous êtes venu consoler ma mère... (Ras.) Ah! cachez-
lui le danger que je coui^ (Haut, regardant sa mère.) Dltes-lui la vérité...
dites-lui qu'elle n'a rien à craindre.
DUPRé.
Je lui dirai qu'elle peut vous sauver.
HADAHB ROUSSEAU.
Moil
KADAHB DU BROCARD.
Comment?
DUPRÉ> k madame Rousseau.
En le suppliant de révéler le nom de ceu& qui Font fait agir
DB VERBT, à Dupré.
Monsieur...
MADAME ROUSSEAU.
Oui, oh! tu le dois... Je l'exige, moi, ta mère.
MADAME DU BROCARD.
Oui... mon neveu dira tout., entraîné par des gens qui main-
tenant rabandonncnl, il pont à son tour...
ACTE IL 255
DE YERBY5 bas à Dupré.
Quoi ! Monsieur, vous conseilleriez à votre client de trahir...
DUPRÉ^ vivement.
Qui ?•••
DE TERBT^ troublé.
Mais... ne peut-on trouver d'autres moyens?... M. Jules sait ce
qu'un homme de cxBur se doit à lui-même.
DUPRÉ^ vivement, à part.
C'est lui... j'en étais sûri
JULES^ à sa mère et à sa tante.
Jamais, dussé-je périr... je ne compromettrai personne...
(Mouvement de Joie de de Verby.)
MADAME ROUSSEAU.
Âh ! mon Dieu I (Regardant les agents.) £t pas moyen de le faire fuir!
MADAME DU BROCARD.
Impossible !
ANTOINE^ entrant.
Monsieur Jules... c'est vous qu'on demande.
JULES.
J'y vais !
MADAME ROUSSEAU.
Âh ! je ne te quitte pas.
(Elle remonte et ùAt aux agents un geste de tapplicaUon.^
MADAME DU BROCARD^ à Dupré, qui regarde attentivement de Yerby.
Monsieur Dupré, j'ai pensé qu'il serait...
DUPRÉ, rinterrompant.
Plus tard... Mademoiselle, plus tard.
^ la conduit vers Jules, qui sort avec sa mèie. suivi des agents.^
SCÈNE VL
DCPRÉ, DE VERBY.
DB VERBT, k part.
Ges gens sont tombés sur un avocat riche, sans ambition... et
d'une bizarrerie...
DUPRÉ, redescendant et regardant de Verby, à part.
Maintenant, il me faut ton secret I (Haut.) Vous vous intéressez
beaucoup à mon client, Monsieur.
01 VEBDT.
BeaucoupI
25^ PAMÉIA GlftAUD.
BUPRÉ»
Je soÎB eacore & ovnqprendre quel intérêt a j^ le eMidsireyri-
che; jeune, aimant le plaisir, à se jeter dans une conspiration...
DB TBRBT.
La gloire!
Ne dites pas ces chose»-fii à m anocat qui depois fingt an» pn-
tic^ue le Palais; qui a trop étudié les hommes et les affaires pour
ne pas sayoir que les plus beaux motift ne serrent qa'à d^gimr les
plus petites choses, et qui n'a pas eiiecMn» rencontré de cœun
exempts de calculs.
DB VERBT.
Et plaidez-Tons gratis?
DTIPRÉ.
Souvent ; mais je ne plaide que selon mes convictionii..
DE VERBT.
Monsieur est riche 7
DUPRÉ.
i'ayais de hi fortune; sans cela, et dans le monde comme il est,
j'eusse été droit à l'hôpitaL
DE VERBT.
C'est donc pas çonvictioa que voua aiezi accepté b cause da
jeune. Reusaeau?
JxnoL
Je le crois hi dupe de gens situés daas nne région supérieure,
et j'aime les dupes quand elles le sont noblement et mm vktines
deseerets calciAK.. car nous sommes àum m siècle où la dupe
est aussi avide que celui qui l'exploite.. •
DB TlUff «r
Monsieur appartient, je le vois, à la secte des misanthropes.
wnvÉL
Je n'estime pas assez les hommes pour les haïr, car je n'ai ren-
contré personne que je pusne aîintr... Je me contente d'étudier
mes seMkiafalei; je h» wit M» joiiaiil: de» eoaédieK ans pins oa
moins de perfection. Je n'ai d'illusion sur rien, il csl Tsal^iBflii je
ris comme a» q^edilev im peitetie qami à flfamuse... seule-
ment j» m siO» pas, je B'ai pas asseï <fti punon po«r cri».
DB VBKBr, fe pMl
Ck>nunent influencer un parai baume? (Haut.) Mais, Monsieur,
vous avez cependant besoin des autreu
ACTE n.
Jamais I
DE TEBHT.
Maûryons souffres quelquefois.
DUFRÉ.
J'aime alors à être seul... D'ailleurs, à Paris» tout &*acbète,
même les soins; croyez-moi , je vis parce que c'est un devoir...
J'ai essayé de tout... charité» amitié, déifouemeut.» les obligés
m'ont dégoûté du bienfait, et certains philanthropes de la bien-
faisance: de tou]£s les duperies, celle dit ifinUment est k. plus
odieuse.
DS YERBT.
Et la patrie, Monsieur?
DUPBi.
Oh! c'est. Uni peu da. chose. Monsieur^ depuis qa'o» a inventé
l'humanité.
DE YEHM^ dicoongi^
Ainsi, Monsieur, vous voyez dans Jules Rousseau un jeune en-
thousiaste?
^on^ MoBsîeaE, un pioblèiBe à résottâre^ et gfdce àr vo«s, j'y
panîendrai. (Mouvement de de verby.) Teucz, parlons francheineat»»
je ne vous crois pas étranger à toat ceci.
Monsieur...
Vous pouvez sauver ce jeune bomaoc»,
Moi! comment?
DïïPllt.
Par lEetfo lénuîgm^ oenobofé de cefaF drA.o(dine , qm m'a
promis...
J'ai des raisons pom* ne pas paraître...,
•eraH
Ainsi.. . vous êtes de la conspiration.
DE TEBBT.
nCfHii
f M» aM» famtaé «e {NRifTe eiriiatl»
256 PAMÊLA rsiAAUD.
DE YEUBT.
Alonsieur, ce langage.. .
DUPltÉ.
N'essayez pas de me tromper! îMais par queb moyens Tavez-
Tous séduit? U est riche, il n'a besoin de rien.
DE YERBT.
Ecoutez, Monsieur... si vous diles un mot*.
DUPRé.
Oh! ma vie ne sera jamais une considération pour moi i
DE YERBT.
Monsieur, vous savez très -bien que Jules s'en tirera, et vous
lui feriez perdre, s'il ne se conduisait pas bien, la main de ma
nièce, l'héritière du titre de mon frère, le gentilhonmie de la
chambre.
DUPRÉ.
11 est dit que ce jeune homme est encore un calculateur I Pen-
sez, Monsieur, à ce que je vous propose. Vous avez des amis puis-
sants, et c'est pour vous un devoir!...
DE YERBT.
Un devoir! Monsieur, je ne vous comprends pas.
DUFRti.
Vous avez su le perdre, et vous ne sauriez le sauver? (▲ put.) Je
k tiens.
DR YERBT.
Je réfléchinii, Monsieur, à cette affaire.
DUPRÉ.
Ne croyez pas pouvoir m'échapper.
DE YERBT.
Un général, qui n'a pas craint le danger, ne craint pas on
avocat!...
DUFRÉ.
Comme vous vondreil (De verbj Mft,a MiMuiit tvaeioMpa.)
SCÈNE vn.
DUPRË, BINET.
BIIIET.
Monsieur, Je n'ai su qu'hier que vous étiez le défenseur de
M. Jules Rousseau; je suis allez chez vous, je vous ai attendu,
mais vous êtes rentré trop tard; ce matin voos étiez sertie ^
BINST.
AGTB IL ' 257
comme je travaille pour h maison, je suis entré ici par une bonne
inspiration , pensant que yous y Tiendriez, et je ¥003 guettais. .,
DUPRé.
Que me Youlez-YOusT
Je suis Joseph Binet
Eh bien I après?
BINET.
Monsieur, soit dit sans vous offenser, j'ai quatorze cents francs
à moi... oh! bien à moi! gagnés sou à sou; je suis ouvrier tapis-
sier, et mon oncle Dumouchel, ancien marchand de vin, a des
sonnettes.
DUPRi.
Parlez donc clairement I que signifient ces préparations mysté-
rieuses?
BINET.
Quatorze cents francs, c'est un dénier, et on dit qu'il faut bien
payer les avocats, et que c'est parce qu'on les paye bien qu'il y en
a tant.. J'aurais mieux fait d'être avocat, ette serait ma femme I
OUPRT.
Êtes-vous fou?
BINET.
Du tout Mes quatorze cents francs, je les ai là; tenez, Monr
sieur, ce n'est pas une frime... ils sont à vous !
OUFBÉ.
Et conmient?
BINET.
Si vous sauvez monsieur Jules... de la mort, s'entend... et si
vous obtenez de le faire déporter. Je ne veux pas sa perte; mais il
faut qu'il voyage... Il est riche, il s'amusera... Ainsi, sauvez sa
tête... faites-le condamner à une simple déportation, quinze ans,
par exemple, et mes quatorze cents francs sont à vous ; je vous les
donnerai de bon cœur, et je vous ferai par-dessus le marché un
fauteuil de cabinet.. ¥oilà!
DUPRÉ.
Dans quel but me parlez-vous ainsi?
BINST.
Dans quel but? j'épouserai Paméh... j'aond ma petite Pamfla.
DUPRÉ.
Paméial
TH. 17
258 PAMÊLA GUKAUD.
Paoïéla GiraodL
WSTïïi.
Quel rapport y a-t-il entre Paméla Girand et Mef Rooneau T
BDIET.
Ah I çà, moi qui croyais que les avocats étaient payés pour avoir
de l'instruction et savaient tout... mais vous ne savez donc rien,
Monsieur? Je ne m*étonne pas qu'il y en a qui disent que les avo-
cats sont des ignorants. Mais je retire mes ^atorze cents francs.
Paméla s*accuse, c'est-à-dire m'accuse d'avoir livré sa tête au
bourreau, et vous comprenez, s'il est sauvé surtout, s'il est dé-
porté, je me marie, j'épouse Paméla, et cooame le déporté ne se
trouve pas en France, je n'ai rien à craindre dans mon ménage.
Obtenez quinze ans; ce n'est rien, quinze ans pour voy;^er, et j'ai
le temps de voir mes enfants grandis, et ma femme arrivée à un
âge... Vous comprenez?...
DtIPBÉ.
'U est Bail; au tnoiiis, 06W4à... Geat qui cricoloit aiad à kavte
voix et par passion itesçait pas ks plus masvais cœai&
BINVr.
• Ahî çà, qu'est-ce qu'il se dit? Un avocat qui se parle à lui-
même, c'est comme un pâtissier qui mange sa marchandise...
Monsieur?...
DUPRiL
Paméla l'aime donc, M. JTulesT
BIKET.
Dame! vous comprenez... taitf «i^'il sera éam cette position
c'est bien intéressant.
vvmL
Ils se voyaient donc beaucoup ?
BUUCI»
Trop!... Obi â j'avaisM, moi, je ramais Uen Jbk sauver.
DUPRÉ.
Elle est belle T
BINET.
Qui?... Paméla 7. •• c*te faiceL.. Ma Paméla I... comme TApo)
' «A du Behédèse..
BUBRÉ.
Gardez vos quatorze cents francs, mon ami, et si ve«t4m9i bon
ACTE II. 259
cœur, vous et votre Paméla, ?oas pourrez in'aider à le sauver; car
il y va de le laisser oa de Teniever à l'écfaafaud.
BINET.
Mowdetir* ii^aRez pas dire un mot à Pamêia; eOe est an déses-
poir.
DUPRâ.
Pourtant ii faut faire en sorte que je la voie ce matin.
BIKET.
k loi ferai dire par son père et sa mère.
DUFRt.
Âh ! M y a un père et une mère? m part.) Geb eottten beattcoqp
d'argent (Haat.) Qui sont-ils 7
D'honorables portiers.
DUPRÉ.
Bon!
Biim«
Le père Gfraod est m tailleur rusné.
DUPAÉ.
Bien... Allez les prévenir de ma visite... et sur toute chosOi le
plas profond secret, ou vous sacrifiez monsieiir Jules.
BIlfST.
Jesoisniietb*
DUPRÉ.
Nous ne nous sommes jamais vus.
BINET.
Jamais.
BUPRÉ.
âU^z.
Je vais.** (U w trompe de porte.)
wvnL
PirlL
BCIBr.
PariSi, grand avocat... Mais permettez-moi de vous donner un
conseQ : un petit bout de déportatiim ne hd ferait pas de mai, ç
lui apprendrai! à laisser le gouvernement tranquille»
260 rA&lÉLA niIiAUD,
SCÈNE VIII.
ROUSSEAU, MADAME ROUSSEAU, MADAME DU BROCARD, loutoDot
parJQsUne, DUPRË.
MADÀMB ROUSSEAU.
PâQTre eofantl qud coaragel
DUPRâ.
J*espère vous le coosenrer, Madame.. . mais cela ne se fera pas
wùs de grands sacrifices.
ROUSSEAU.
Monsieur, la moitié de notre fortune est à tous.
MADAME DU BROCARD.
£t la moitié de h ^mienne.
DUPRÉ.
Toujours des moitiés de fortune... Je vais essayer de faire mon
devoir... après vous ferez le vôtre; nous nous verrons à Tœnvre.
Remettez-vous, Madame, j'ai de l'espoir.
MADAME ROUSSEAU.
Ab î Monsieur, que dites-vous?
DUPRÉ.
Toa( à l'heure votre fils était perdu... maintenant, je le croîs, il
peut être sauvé.
MADAME ROUSSEAU.
Que faut-il faire?
MADAME DU BROCARD
Que demandez-vous?
ROUSSEAU.
Comptez sur nous, nous vous obéirons.
DUPRÉ.
Je le verrai bien. Voici mon plan, et il triomphera devant les
jurés... Votre fils avait une intrigue de jeune homme avec une
grisette, une certaine Paméla Giraud, une fleuriste, fille d'un
portier.
MADAME DO BROCARD.
Des gens de rien 1
DUPRÉ.
Aux genoux desquels vous allez être, car votre fils ne quittait
pas cette jeune fille, et c'est là votre seul moyen de salut Le soir
ACTE IL 261
même où le ministère public prétend qu*il cipnspirait, peut-être il
l'aura vue. Si le fait est vrai, si elle dédare qu'il est resté près
d'elle, si le père et la mère pressés de questions, si le rival do
Jules auprès de Paméla confirme leur témoignage... alors nous
pourrons espérer... entre une condamnation et un alibi, les juré^
choisiront Falibl.
MADAME ROUSSBAU^ à part.
Âh I Monsieur, vous me rendez la vie.
ROUSSEAU.
Monsieur, notre reconnaissance est étemelle.
DUPRÉ^ les regardant
Quelle sommé dois -je offrir à la fille, au père et k la mère?
MADAME DU BROCARD.
Ils sont pauvres?
• DUPRÉ.
Mais enfin, il s'agit de leur bonneui^
MADAME DU BROCARD.
Une fleuriste.
DUPRÉ, Ironiqaemeot.
Ce ne sera pas cher.
M. ROUSSEAU.
Que pensez-vous?
DUPRÉ.
Je pense que vous marchandez déjà la tête de votre fik
MADAME DU BROCARD.
Mais, Monsieur Dupré, allez jusqu'à...
.MADAME ROUSSEAU.
Jusqu'au ••
DUPRé.
Jusqu'k..
M. ROUSSEAU.
Mais je ne comprends pas votre hésitation... Monsieur, tout ce
)ue vous jugerez convenable.
DUPRÉ.
Ainsi, j'ai plein pouvoir... Mais quelie réparation lui offrirez-
vous si elle livre son honneur pour vous rendre votre fils, qui,
peut-être, lui a dit qu'il l'aimait?
MADAME ROUSSEAU.
Il l'épousera. Moi je sors du peuple, je ne suis pas marquise
262 PAMÊLA GIRAVD.
.KIDAHB DU BHOCABD.
Que dites-TOos ft t Et mademoiseUe de Yerhy f
mahami bousseav.
Ma sœur, il ftat le saurer.
DOniÉ, àpMi.
Voilà Dne autre comédie qui commence ; et ce sera pour moi h
dernière que je veuille Toir... eogageoos-les. (Haut.) Peutpêlre fe-
rez-TOus bien de venir voir Mcrètemeiit la jeune fille»
MADAMI ROUSSEAU.
3hl ouï, Monsieur, je veux aller la voir.», la supplier... (sue
■onne.) JustincI Antoine! (Antome paraiu Yitel.... faites atteler....
hfttet-wua.»»
ANTOINB.
Oui, Madame.
MADAME ROUSSEAU.
Ma sœur, vousm'accom^gnerez!... Ah I Jules, mdn pauvre fib!
MADAME DU BROCARD.
On le ramène.
SCÈNE lî.
LBS lÉMBs, JULES, ramené par les agents, pote Bl IfERBT*
JULES.
Ma mère... adL.. Non! à bientôt., bientôt..
(Rousseau et madame du Brocard embrassent Jules )
]>B TERBT^ qui s'est approché de Dupré.
Je ferai, Monsieur, ce que vous m^avez demandé... Un de mes
amis, M. Adolphe Durand, qui favorisait la fuite de notre cher
Jules, témoignera que son ami n*étaît occupé que d'uue passion
pour une grisettc dont il préparait l'enlèvement
DUPRÉ.
C'est assez ; le succès dépend maintenant de nos démarches
LE JUGE d'instruction^ à Joies.
Partons, Monsieur.
JULES.
Je vous suis... Courage, ma mère I
(ir fkit nn denrter adien li Roussasu et ft Dupfé; db Teritjr loi Huit k^n tm atgos^v
«siféUat.}
MADAME ROUSSEAU .> à Jules, vi'on enmèoa
Jules!... Jules!... espère; nous te sauverons»
Im a{(ents emmènent Jules, qal, arrivé au fond, adresse un dernier adieu à fi
rm PU DEUXIÈME AGTI.
ACTE TROISIÈME
Ut maosante île PudBIt.
SCÈNE PREMIÈRE.
PAMÉLA, GIRATO, MADAME GIRAUD.
Paméla ett debout prte de sa mère qui tricote; le père Girand trayallle sur une tabla
à gauche.
MADAME GIRAUD.
Enfin, vob, foa panure fiUe; ça n'est pas pour te le reprocher »
nuis c'est toi qui es la cause de ce qui nous arrive.
GIRAUD.
Ah! mon Dieu, oui!... Nous étions venus à Paris parce que^ à
la Campagne, tailleur, c'est pas un métier; et pour toi, 'notre Pa-
méla, si gentille, si mignonne, nous avions de l'aiabîtion» nous
nous disions : Eh bien, ici, ma femme et moi, nous prendrons du
senice ; je travaillerai ; nous donnerons un bon état à not' en font;
t, comme elle sera sage, laborieuse, jolie, nous la marierons bien.
PAMÉLA.
Mon père !•••
MADAMS GIRAUD.
Il y avait déjà la moitié de fait.
GIRAUD.
Dame! oui!... noos avions une bonne loges tu faiMfsdes fleurs
ni plos ni moins qu'un jardinier... Le mari, eh bien, Joseph Binet,
ton voisin, le serait devenu.
MADAME GIRAUDb
AU lieu de tout cela, l'esclandre qui est arrivée dans la maison
a fait que le propriétaire nous a renvoyés ; que dans tout ie quar-
tier on tient des propos \ n*en plus finir, à cause que le jeune
homme a été pris chez toi.
26^ PAHfiLA GIRAUD.
PAMÉIA.
Eh ! iDOD Dieu, pourra que je ne sois pas coupable 7
oh! ça, nous le savons bien! Est-ce que tu crois qu'autrement
nous serions près de toi?... est-ce que je t'embrasserais?... Va,
Paméla. les père et mère c*est tout!... et quand le monde entier
serait contre elle, si une fille peut regarder ses parents sans rou-
gir, ça suffit.
SCÈNE n.
us utuzi, BINET.
MADAME GIHAUIK
Tiens!... ToOà Joseph Binet.
PAMÉLA.
Monsieur Binet, que venez-vous chercher? Sans vous, sans
votre indiscrétion , M. Jules n'aurait pas été trouvé ici... Lais-
sez-moi...
BINET.
Je viens vous parler de lui.
PAMÉLA.
Ah! vraiment?... Eh bien, Joseph?...
BINET.
Oh ! je vois bien qu'à cette heure vous ne me renveiTez pas!...
J'ai vu l'avocat de M. Jules; je lui ai offert ce que je possède poor
le sauver I...
PAMÉLA.
Vrai?
BINET.
Oui.. Seriez-vous contente s!il n'était que déporté?
PAMÉLA.
Ah ! vous êtes un bon garçon, Joseph. •• et je vois que vous
jd'aimez ! Nous serons amis!
B3(ET^ à part.
Je l'espère bien .' (Oo tnppe à la porte dn loml.}
ACTE IIL 265
SCÈNE ni.
us HÉHU, M. DE YERBT, MADAME DU BROCARD.
MAOAlll GIRAUDj allant ouTiir.
Dn monde I
6IRAUD.
Un monsieur et une dame.
BINET.
Qu'est-ce que c*est que ça 7
(Paméla se lève, et fait an pas vers H. de Yerby, Qnl ta isIim.)
MADAME DU BROCABD.
MademoiseUe Paméla Giraud?
PAMÉLA.
C'est moi. Madame.
DE YERBT.
Pardon, Mademoiselle, si nous nous présenttms chez tous sans
vous avoir préTenne I. . •
PAMÉLA.
Il n'y a pas de mal Puis- je savoir le motif 7...
MADAME DU BROCARD.
C'est VOUS, bonnes gens, qui êtes le père et la mère !
MADAME GIRAUD.
Oui, Madame.
BUfET^ à part.
Bonnes gens tout court I... c'est quelqu'un de huppé.
PAMÉLA.
SI Monsieur et Madame yeulent s'asseoir?...
(Madame Giraud otDre des sièges.)
BOIET^ à Giitod.
Dites doQC» le noonsieur est décoré ; c'est des gens comme il but
GIRAUD^ legardanL
C'est, ma foi, vrai!
MADAME DU BROCARD.
Je suis la tante de M. Jules Rousseau.
PAMÉIJ^.
Vous, Madame? Monsieur est peut-être son père?..*
MADAME DU BROCARD.
Monsieur est un ami de la famille. Nous venons, MadeoMiselle,
vous demander un service. (Regardant Sinet t embaimifla de st prtseflo.
A PÊoeiti, iii nMoinnt Binet.) Votre frère ?
266 PAMÉLA GIRAUD.
GIBAUD.
Non, Madame; un Yobim
MADAME DU BROCABD^ à
Renvoyez oe garçon.
Bill ET^ b part.
Renvoyez ce garçon t. •• Âhl ben... Je ne sab pas ce que c'est
mais. . . (Paméla bit un signe à Blnet.)
GIRAUD^ h Binet.
Allons, va... 3 paraît que c'est quelque chose de secret.
BINET.
Àbl bienU. ahbieni OKon.)
SCÈNE IV.
us MÉ«s, excepté BINET.
MADAME DU BROCARD.
Vous connaissez mon neveu. Je ne vous en fait point mi re-
proche... vos parents seuls...
MADAME GIRAUD.
Mais, Dieu merci, elle n'en a pas à se faire.
GIRAUD.
C'est monsieur votre neveu qui est cause qu'on jase sur son
compte... mais elle est innocente l
DE VERBT^ l'interrompant.
Je le crois... Cependant, s'il nous la fallait coupable?
Que voulez- vous dire. Monsieur?
GIRAUD et MADAMB OMULUD.
F»rac«Dplet
MADAME DU BROCARD» saisiasaninaéededeVeiby.
Oui, si pour sauver la vie d'un pauvre jeune èoDame...
BB YERBT.
Il fallait déclarer que M. Jides Rousseau a été k plus grande
partie de la nuit du 2& août ici, chez vous ?
FAMÉLA.
Ah I Monsieur !
m ^TKKBT y 1t Gfrautf et à w ftums.
S'il fallait déposer contre votre fille, €d affimmit ^pie e^eit b
vérité?
A€TE ni.
HADAMB GUtAlin.
le ne liiraiB jamais ça.
Outrager mon enfant!... Monsieur, j*ai eu tous les chagriu»
possibles... j'ai été tailleur, je me suis tu réduit à rien... à être
portier !... mais je suis resté père... Ma fiUe, notre trésor, c'estla
Rloire de nos vieux jours, et vous voulez <{ne nous la déshonorions
MADAME DU BROCARD.
Ecoutez-moi, Monsieur.
OIRAUD.
Non, Madame... Ma fille, c'est Tespoir de mes chereux blancs»
PAUÉLA.
Mon père, càbDez-vous, je vous en prie.
MADAnS GIRAVD.
YojOBs, Girand! hiase donc parier monsieur et madame.
MADAME DU BROCARD.
C'est une famille éplorée qui vient vous demander de la sauver»
PAMGLA^ à part.
Pauvre Jules!
DE VERBT^ bas, à Paméla.
Son sort est entre vos mains.
MADAME GIRAUD.
. Nous ne sommes pas de mauvaises gens ! on sait bien ce que c'est
que des parents, une mère, qui sont dans le désespoir.», maïs ce que
vous demandez est impossible. (Pam^ porte an moacholr b ses yeux.}
61RAUIK
Allons I voilà qu'elle pleure!
MADAME GIRAim.
Elle n'a fait que ça depuis quelques joansi
GIRAUD.
Je connais ma fille ; elle serait capable d'aller dire tcwt ça nnl-
gré nous.
MADAME GIRAUD.
Eh! oui... car voyez-vous, elle l'aime, vot' neveu! et pour lij^
sauver la vie.^. eh bien! j'en ferais autant à sa place.
MADAME DU BROCARD.
Ohl laissezrvous attendrir!
DE VERBT.
Cédez à nos prières...
MADAME DU BROCARD, à Panéla.
911 esl vrai que foos dhom Jules.,,
268 PAMÊLA GnUkUO.
MADAME GIRAUQj «menant Glnud près de Pamfla.
Après ça, écoate... Elle l'aime, ce garçon... bien sûr, il doit
l*aimer aussi... Si elle faisait un sacrifice comme ça, ça mériterait
bien qu'il l'épouse!
PAMÉLA^ Tlyement.
Jamais, (a part ) Us ne le voudraient pas, eux I
DE YfiRBY> à mademoiselle du Brocard.
Ib se consultent!
MADAME DU BROCARD, l>a8, à de Verby.
Il faut absolument faire un sacrifice! Prenez-les par l'intérêt..
C'est le seul moyen I
DE YERBT.
En Tenant vous demander un sacrifice aussi grand, nous savions
combien il devait mériter notre reconnaissance. La famille de
Jules, qui aurait pu blâmer vos relations avec lui, veut remplir,
au contraire, les obligations qu'elle va contracter envers vou&
MADAME GIRAUD.
Hein? quand je te disais!
PAMÉLA, trCs-beurenas.
Jules! il se pourrait?
DE YERBT.
Je suis autorisé à vous faire une promesset
PAMÉLA, émue.
Oh! mon Dieul
DE YERBT.
Parlez ! Ck>mbien voulez-vous pour le sacrifice qoe vous faites?
PAMÉLA, interdite
Gomment! combien !... je veux... pour sauver Jules? Vous voo*
lez donc alors que je sois une misérable !
MADAME DU BROCARD,
Ah! mademoiselle!
DE YERBT#
Vous VOUS trompez.
PAMÉLA.
C'est vous qui avez fait erreur! Vous êtes venus id, chez de
pauvres gens, et vous ne saviez pas ce que vous leur demandiez...
Vous, madame, qui deviez le savoir, quels que soient le rang, l'é-
ducation, l'honneur d'une femme est son trésor! ce que dans vos
familles vous conservez avec tant de soin, tant de respect, vous
avez cru qu'ici, dans une mansarde , on le vendrait! el vous vons
ACTE IIL 269
êtes dit : Oflrons de l'or! il nous faut l'honneur d'une grisettel
GIR4UD.
GeBt très-bien... je reconnais mon sang.
MADAHB DU BROCARD.
Ma obère enfimt, ne vous offensez pasi Taisent est raiigent,
après tout I
DR YERBT^ s'adressant à GIraad.
Sans doute I Et six bonnes mille li? res de rente pour. • . un. . •
PAMÉLA.
Pour un mensonge I vous l'aurez à moins... Mais, Dieu merci,
je sais me respecter! Adieu, Monsieur.
(Elle fiiU une profonde réTérence b madame du Brocerd, puis elle entre dans st
ebambre.)
DR YERBT.
Que faire?
MADAMR DU BROCARD.
C'est incompréhensible I
«IRAUD.
Je sais bien que six mille livres de rente, c'est un denier. ••
mais notre fille a l'âme fière, voyez -vous; elle tient de mou.»
MADAME GIRAUD.
Et elle ne cédera pas.
SCÈNE Y.
UM lÉMBS, BINET, DUPRÉ, BIÀDAME ROUSSEAU.
BUfET.
Par ici. Monsieur, Madame , par icL (Dapré et madame Rousseau
Mirent.) YoUà le père et la mère Giraud !
DUPRÉ ^ àde Verby.
Je regrette. Monsieur, que vous nous ayez devancés ici I
MADAME ROUSSEAU.
Ma sœur vous a sans doute dit. Madame, le sacrifice que nous
ittendons de mademoiselle votre fille... Il n'y a qu'un ange qui
paisse le faire.
BINET.
Quel sacrifice?
MADAME GIRAUD.
Ça ne te regarde pas.
270 PAMÉLA GiaAUD.
DE YEBBT.
Nous menons de voir mademoîselle Pamélii.,
MÀDÂia DU BBOGiBD.
EDearefàflél
Kâniia Bomaun*
CM!
wsnÉ»
Refnsé, qaoi?
MâDàME m BBBClitt»
Six mille liTres de rente.
DUPStf*
Je raurais parié... offrir de Targeafti
■ABAMB DU BaOGiBft.
Mais c'était le moyen. . .
DUPRÉ.
De tout gâter, (à madame Giraud.) Madame, dites à TOtre fOle qw
Vx ocat de M. Jules Rousseau est ici! supplie^^de veoii;
MADAME GIRAUD.
Ohl vous n'obtiendrez rien...
GIBAUD*
Ni d'elle, ni de nous.
BiKicr*
Mais qu'est-ce qu'ils yeulent?
GIEAUD.
Tais-toL
MADAME DU BBOCARD^ à madame Gliand.
Madame, Qffrez-luL«.
DUPRÉ.
Ahl Madame, je vous en prie... (a madame cimad.) C'est au nom
de madame... de la mère de Jules, que je tous le demande..
Laissez-moi voir TOtre votre fille.
MADAME GIRAUD.
Ça n*y fera rien, allez. Monsieur! songez dona.. lui oSii
brusquement de l'argent, quand le jeune bomme dans le temp
lui avait parié de l'épouser I
MADAME ROUSSEAU^ avec entralnament
Eh bien?
MADAMB GnUUD, TlVMBSDI.
Eh bien I madame?
DUPRÉ > aerrant la main de madame Gtand.
AUeZi albs! Amenez-moi votre fille. (oinaiso tvivcmeLi^
ACTE DL ^j\
DE YERBT et MADAME DU BROCABD.
Vousl'avfixdéddé?
DUPR^.
Ce n'est pas moi ; c'est madame.
DE YEBflT, laterTogent madaiiift da Bncard»
QueUe promesse?
DUPRÉ^ yoyaot Bfnet qui écoute.
Silence, général; restez, je vous prie, un instant auprès de ces
dames. La voici. Laissez- nous, laissez-nous !
PaaMSa eatn nmenée fiar sa mèw . elle Otit ea passant am réréieoceh nadm» Roos-
scau.qul la regarde avec émotion. Toat le monde entre à gaùcbe , à l'eiuieptkxUe
Blnet, qui est resté pendant que Dupré reconduit tout le monde.
BINET^ à part.
Qoe veulent-ils donc? ils parient tous de sacrifice! et le père
Giraud qui ne veut rien me dîrel Un instant, un instant.. J'ai
promis à Tavocat mes quatorze cents francs; mais avant je veux
voir comment il se comportera à mon égard.
. DUPRÉ^ revenant .à Blnst.
Joseph ffinet, laissez-nous.
BINET.
lais puisque vous allez lui parler de moi!
illez-vous-en.
BIKET; Il paît
Déddëment on me eache quelque choiOL (AMprc> Je i'ai pré-
parée; elle s'est iaite à Tidée de la dépostatÎMk Rooles-tà dessus!
fiOPRÉ.
C'est bien... Sortes I
WUSp k pftrt.
Sortir I oh! non!
(11 ait mine de sortir, et, rentrant avec iirécautlon. Il n OMlie dans le cabinet de
droite.)
BOPR^^ X Paméla.
Tons sfvez consenti à me voir, et je voai en reneri^. Je «ais
ce qui vient de se passer, et je ne vous tiendrai pas le kuigage qae
vous avez entendu tout à l'heure.
PAHÉLA.
Hien qu'en vous voyant, j*en suis sûre, Honsleor.
DOPRé.
Vous aimez ce brave jeune homme, ce Joseph.
PAMÉLA.
Monsieur, je sais que les» avocats sont comme les coofessews !
.172 PAMËLA GIRAUD.
DUPRé.
Mon enfant, ils doivent être tout aussi discrets.. • dites- moi bien
tout.
PAHÉLA.
Eh bien, Monsieur, je l'aimais ; c'est-è-dîre je croyais l'aimer,
et je serais bien volontiers devenue sa femme... Je pensais qu'a-
vec son activité, Joseph s'établirait, et que nous mènerions une
vie de travail Quand la prospérité serait venue, eh bien , nous
aurions pris avec nous mon père et ma mère; c'est bien simple!
c'était une vie toute unie !
DUPRé^ à part.
L'aspect de cette jeune fille prévient en sa faveur! voyons délie
sera vraie! (Haat.) A quoi pensez-vous?
PAMÉLA.
H ce passé qui me semble heureux en le comparant an présent.
En quinze jours de temps la tête m'a tourné, quand j'ai vu
M. Jules; je l'ai aimé, comme noas aimons, nous autres jeones
filles, comme j'ai vu de mes amies aimer des jeunes gens... oh!
mais les aimer à tout souffrir pour eux! Je me disais : Est-ce que
je serai jamais ainsi? Eh bien, je ne sais pas ce que je ne ierais
pas pour M. Jules. Tout à l'heure, ils m'ont offert de l'argent,
eux ! de qui je devais attendre tant de noblesse, tant de grandeur,
et je me suis révoltée!... De l'aident! j'en ai, Monsieur! j'ai vingt
mille francs! ils sont ici, à vous ! c'est-à-dire à lui! je les ai gar«
dés pour essayer de le sauver, car je l'ai livré en doutant de loi,
si confiant, si sûr de moL... moi si défiante I
DUPRÉ.
U VOUS a donné vingt mille francs?
PAMÉLA.
Ah! Monsieur! il me les a confiés! ils sont là... Je les remet*
trais à la famille s'il mourait; mais il ne mourra pas ! dites? vous
devez le savoir?
DUPRÉ.
Mon enfant, songez que toute votre vie, peut-être votre bon-
heur, dépendent de la vérité de vos réponses... répondez-moi
comme si vous étiez devant Dieu.
PAHÉLA.
Oui, Monsieur.
DUPRÉ.
Tous n'avez jamais aimé personne?
ACTE UL 27S
famAuu
Personne!
DUPRÉ.
Yoos craignez I... Toyons, je vous inlimide... je n*ai pas votre
confiance.
PAUÉLA.
Oh! si Monsieur, je vous jurel... depuis que nous sommes à
Paris, je n*ai pas quitté ma mère, et je ne songeais qu'à mon tra-
vail et à mon devoir... Ici, tout à Tlieure, j'étais tremblante, in-
terdite!... mais près de vous, Monsieur, je ne sais ce que vous
n'inspirez, j'ose tout vous dire... £h bien, oui, j'aime Jules; je
l'ai aimé que lui, et je le suivrais au bout du monde ! Vous
n'avez dit de parler comme devant Dieu.
DUPRÉ.
Eh bien, c'est à votre cœur que je m'adresse!... accordez-moi
ce que vous avez refusé à d'autres... dites la vétîtc! à la face de
la justice il n'y a que vous qui puissiez le sauver !...' Vous l'aimez,
Paméla; je comprends qu'il vous en coûte d'avouer...
PAMÉLA.
Monamour pour lui?... Et si j'y consentais, il serait sauvé!
DUPRÊ.
Oh! j'en réponds!
Eh bien?
Mon enfant!
PAH^LA*
DUPRÉ.
PAMÉLA.
Ehbien... il est sauvé.
DUPRÉ^ ayec Intention.
Mais... vous serez compromise...
PAMÉLA.
Mais... puisque c'est pour lui !
DUPRÉ, à part.
Je ne mourrai donc pas sans avoir vu de mes yeux une belle et
Doble franchise, sans calculs et sans arrière-pensée I (Haut.) Paméla,
vous êtes une bonne et généreuse fille.
PAMÉLA.
Je le sais Irien... ça console de bien des petites misères, ailes.
Monsieur.
TH. 18
71h pauEla giraud.
DUPRig.
Mon enfant, ce n'est pas tout!... Tons êtes frandie comme
Tacicr, vous êtes vive, et pour réussir... il faut de l'assurance...
une volonté...
PABlâLA.
Ohl Monsieur! tous verrez!
DUPRÉ.
ITtOles pes vous 'troubler. . . osez tout avooer. . . dmirage ! figs-
rez-'votis la cour ^'^sises, le président, f avocat 'général, 'raconsë,
moi, au barreau-; le jury est^ft... N'^ez pas <vons 'épouvanter... 'Il
y aura beaucoup de monde.
•PAUÉLA.
Ne craignez rien.
.DUPRÉ.
Un huissier vous b introduite; vous avez dédiaé tqs noms et
prénoms !... Enfin le président vous demande diçpuis .guand vous
connaissez l'accusé Honsseau. . .«que .r^pondfiz-vous !
La vérité!... Je l'ai rencontré un mois environ avant son arres-
tatiou« à rjle d'Amour^ ji.Belleville.
. DUPHÉ.
En quelle compagnie était-fl?
PAMÉU.
Je n'ai fait attention qu'à lui.
DlIPRÉ.
Vous n'avez pas entendu parler politique?
tXULtUj «tonnée.
0 Monsieur! les juges doivent penser gue la jM^litique.estJ?«jn
indifférente à l'Ile d'Amour.
DUPRB.
Bien, mon enfant; mais il vous faudra dire tout ce que vous sa-
vez sur Jules Rousseau !
PAUÉLA.
Eb mais, je dirai encore la v^grité, tout ce .gqe j'ai déclaré aa
juge d'instruction ; je ne savais rien delà conspiration, etfâi été
dans le plus grand ëtonneiffent quand on est venu Tarreter éhez
moi ; à preuve que j'ai craint que m Jijfles ne Tut un volenr, et
que je lui en fais mes excuses.
DUPRl
U.faut avouer que depuis le temns de votre liaison avec tê
jene iMwuBe, M est rcmstaiiHKDt 101111 wcmmbr^. A bvém^à-
clarer...
lavMlé^ Hajoanl.^ I ne me finUait (mbJ iliiMHitAift voir
par amour, je >h ig«»aii |Mff MBMiié, «t y. M jémtm fÊràeofaàu
DUPRâ.
Et plus tard!
PAHfiLA^ ae troublant.
Plosânll
.Durai.
Yons tremblez? prenez garde!... tout à l'heure tous m'avez
promis d'être Traie I
VàMÉLk, à put.
Vraie I ô mon Dieu!
ODCBft.
Moi aussi , je m'intéreaie k ce jeune homme; mais je reculerais
devant uneinfioitiHre. ConmUe, je le défanlr«S(pMr«deittiiu.^ in-
nocent, sa cause sera la mienne. Onî, sans doute, Paméla, ce que
j'exige de tous est un grand sacrifice, mis il le fatL Les fi-
âtes que TOUS faisait Jules avtient lieu le soir et à l'insu de vos
parefitol
PAMÉIA.
Oh ! mais jamais I JMnaît !
WPHltf.
ONoiBeai I Mas An plus li'espoir.
ftas •d'espoir! ijii.tminioi farda. tOMOL) Jimaîe»; aaswroz-
mm; j'ai panr pance iqne le danger n'«8t pas làL.. maïs quand j£
serai derant ses juges!... quand je le Terrai, lui, Jdes...* clique
son salut dépendra de moi...
DUPRÉ.
Oh! bien... bien... mais ce^pïlfaut surtout qu'on sache, c'est
((ue le 24 an soir il est Tenu ici... Oh! alors je UJwpiM, |e le
sauve; autrement je ne réponéi4e ^n... il est perdu.
PAHÉLA^ à part, très-émae, puis haut, aYW wuSIaliwi.
Lui, Jules I oh ! non, ce sera «m I Pardonnez-moi, mon Dieut
£b bien 1 oui, oui!... il est Tenu le 24... c'eAle joor €e Hn tHe...
Je me nomme tonfse ^woSêl .. et 4 *ii% •pasmanqtfé de m'appor-
ter un Ixfuqeet en tmSiette Ae vimi père vt de mamère^ Il est
Tenu le soir, tard, et près de moi.. A*hf1di1iie«cnngfnBneft^
276 PAMÉLA GIRAUD.
Monsieur... vods Toyes, je dirai tout., ikput) Tont ce qui n'est
pasYrai!...
DUPRÉ.
n aéra sanTél (RooMtaiianiitaa rond.) Ahl Monsienr! (Connatiii
roiudegaucht.) Yenez, venez remercier TOtre libératrice.
SCÈNE VI.
ROUSSEAU, DE TERBY, MADAME DU BROCARD, GIRAUD,
MADAME GIRAUD , puii BINET.
TOUS.
Elle consent!
ROUSSEAU.
Vous sauvez noon fik! je ne Toublierai jamaiSi
MADAME DU BROCARD.
Nous sommes tout à vous, mon enfant, et à toujours.
ROUSSEAU.
Ma fortune sera la vôtre.
DUPRÉ.
Je ne vous dis rien, moi, mon enfant 1... Nous nous rêver*
ronsl...
BIlfRT^ sortant yiTemeiit da eabinet.
Un moment!... un moment I J'ai tont entendu... et vous crovez
«
que je souffrirai ça? J'étais ici, caché... Paméla que j'ai aimée aa
point d'en faire ma femme, vous voudriez lui laisser dire...
(ADupré.) C'est comme ça que vous gagnez mes quatorze cents
francs, vous? Moi aussi j'irai au tribunal, et je dirai que tout ça
est un mensonge.
TOUS.
Grand Dieu!
Halhenrenxl
Si tu dis un mot..*
DUPRÉ.
DR VRRBT.
BIRBT.
Oh! je n'ai pas peur.
DE VERBT^ a Roufliean et a madame do Broeaid.
Il n'ira pas!... s'il le faut, je le ferai suivre, et j'aposterai des
gens qui l'empêcheront d'entrer.
ACTE UL 277
BIXET.
Ah bab t (Xntra un bnlvter <ial rayance yen ]>opii«)
DUPftâ.
Qoe Toolei-foiis?
l'huissier.
Je sois l'huissier aodiencier de la cour d'assises... Hademoi*
selle Paméla GiraudI (PaméiarayaDce.) En veita du pomroir discré-
tionoaire de AL le président., vous êtes citée à comparaître de*
maio à dix heures.
BUTBT^ ftdaTcrtij.
Oh! oh! j'irai!
l'huissier.
le concierge m'a dit en bas que vous atiez ici M. Joseph Binet
BINET.
Voilà! Yoilà!
l'huissibr.
Md votre citation.
BUIBT.
Je vous disais bien que j'irais!...
tflialasfer s'élotgiie: tout le monde est efnrajFé datflMoaoet d« BIobC Bopti fm M
Hrkr. le flédiUr, Binet récHappa etfort4
fm M TRomniR Acnu
- — /
ACTE QUATRIÈME
CtantelK Mato-6lBp4ito| imitai Mham. d* clMK.iiuMUaiB. do.
aCÈKË PREMIÈRE.
MADAME DU BROCARD, MADAME ROUSSEAU, ROUSSEAU, BMET,
DUPRÉ, JUSTINE.
Dupré est assis et purcourt son dossier.
MADAME ROUSSEAU.
Birman
Oui, Madame; si j'ai quitté un instant votre fils, c*est que j'ai
voulu vous rassurer moi-même.
MADAME DU BROCARD.
Je VOUS le disais, ma sœur, il était impossible qu*on ne vint pas
bientôt nous apprendre... Ici, chez moi, cour de la Sainte-Cha-
pelle, dans le voisinage du Palais, nous sommes à portée de savoir
tout ce qui se passe à la cour d'assises. Mais, asseyez -vous donc,
M. Dupré. (A Justine.) Justine, ùt^ ieau sucrée, — vite... (ADupré.)
Ah ! Monsieur, nos remerclments.
ROUSSEAU.
Monsieur, vous avez plaidé!... (a sa femme.) Il a été magnifique*
DUPRK.
Monsieur. ••
BINET^ pleurant.
Oui, vous avez été magnifique ! il a été magnifique I
DUPRÉ*
Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, c'est cette enfant, cette
Paméla, qui a montré tant de courage,
BINET.
Et moi, donci
I AeTE IV.. 270
MilUKB. ROUaSEi0«
Loi! («iJiaprtiiniMttaiittBiJKti) Ls menace qoJii ma» af ftiite, Faa-
raMiéaliséet
IToD. Binet'Tous a servis.
BINET.
C'est votre faute!... sans vous... ahl... bien... J'arrive, bien
décidé à tout brouiller; mais de voir tout le monde,, la. pcésideiit»,
les jurés, la foule, un silence à faire^peurl... je tremble un mo-
meaL... pourtant xe-pcends une résolution:.. onm.*in£enioge,jeFas
])Our répondre, et puis v*là que mes yeux rencontrent ceuK de i -
demoiselle Paméla, tout remplis d&lannes... Je sens une ban.'
là... De Tautre côté, je vois M. Jules... un beau garçon, une tôte^
saperbe, mais bien exposée ! un ai» tranquille, il semblait être là
paroniîasité.. Ça nae^démonte;! <rN-ayei? pas*peup, me dit le^ pré-
sident., parlez... » Jia n^é^^^'P^vnioi^ Gependant là crainte
de me compromettre... et puis j^ais juré de dire la vérité; ma
foi hvoilàuMDBSÎenrquii fixe mr» moi un œil:., unoeil qui semblait
me dire... Je ne peux pas vous dire... malairgoe* s^entortille... il
me prend une sueun,.raoU'Oœur^se gonflèi et je me mets à pleu-
rer comme un imbécile. Vous avez* été magnifique... alôri-s, c'était
fini, voyez-vous... il m'avait retourné complètement... voilà que
je patauge.... je dis que le 2fi au soir, à une Heure iiidbe, j'ai sur
pris M: Jules chez Paméla .. Paméla, que je devais épouser, que
j'aime encore... de sorte que, si ije réponse, on dira dans le quar-
tier... voilà. .. Ça m'est égal ! grand avocat ! ça m'est égal ! (a jusune.)
Donnez-moi de i'eau'sucuéë!
ROUSSEAU» MADAME ROUSSEAU et MADAME DU BHOCARD». à Blnet.
Mon ami I... brave garçon !
DUPRâv*
L'énergie de Paméla me donne bon espoir... Un moment j|aîi
tremblé pendant sa déposition ; le. procureur, général la pressait
vivement et refusait de croire à la.véiité.de. son^ témûigpag&;;< QÏkn
i pâli ! j'ai cru ^!elle aUait.&'4vanauir^
Et moi, donc?
DUPRÉin.
S«B dénantmcnt ibM'aDH^>leCu. Vô»riganez*to«itciQN^^
ît nfULR vaiift),moî««HginfiiaUeuiBlâàtaBiiife
280 PAMÉLA GIRAUD.
elle était innocente. Oh I j*ai tout deviné. Un seul instant elle a
faibli; mais an regard rapide jeté sur Jules, an feu subit rempla^
çant la pâleur qui couvrait ton visage, nous a fait deviner qu'elle
le sauvait; malgré le danger dont on la menaçait, une fois encore,
à la face de tous, elle a renouvelé son aveu, et elle est retombée en
pleurant dans les bras de sa mère.
BIKBT.
Oh I bon cœur, va !
DUPRÉ.
Mais je vous laisse; Taudience doit être reprise pour le résumé
lu président
■oussta^r
Partons!
DUPBi.
Un moment ! pensez à Paméla, cette jeane fille qui vient de
compromettre son honneur pour vous ! pour lai!
BINET.
Quant à moi, je ne demande rien... Ah! Dieal mais enfin, on
m*a promis quelque chose...
MADAME DU BROCARD et MADAME ROUSSBAU.
Ah! rien ne peut nous acquitter.
DUPRÉ.
Très-bien! venez, Messieurs, venez!
SCÈNE n.
LU MÉHSt, excepté DUPRÉ et ROUSSEAU.
MADAME DU BROCARD^ retenant Binet qui ?• lortlr.
Ecoute!
BINIT.
piatt-ar
MADAME DU BBOCARD.
Ta vois Tanziété dans laquelle nous sommes ; à la moindre cir-
constance favorable, ne manque pas de nous en instruire»
MADAME ROUSSEAU.
Oui, tenex-noas «a courant de tout.
BINET.
*
Soyez tranquille... Mais, voyez-vous, je n*aorai pas besoin de
sortir pour ^,*parce qœ je tiens à tout voir, à tout entendre ; sen-
ACTE IV. 281
lement, tenez, je suis placé près de cette fenêtre que vous voyez
là-bas... Eh bien ! ne la perdez pas de vue, et s'il y a grâce, j'agi-
terai mon mouchoir.
MADAMB ROUSSEAU.
N'oubliez pas, surtout !
BINET.
Il n'y a pas de danger; je ne suis qu'un pauvre garçon, mais je
sais ce que c'est qu'une mère, allez!... vous m'intéressez, vrail
Pour vous, pour Paméla, j'ai dit des choses... Mais que voulez-
vous, quand on aime les gens I. . . et puis..« on m'a promis quelque
chose. . . Comptez sur moi ! Ol lort en coannt.)
SCÈNE m.
MADAME ROUSSEAU, MADAME DU BROCARD, JUSTINE.
MADAMB ROUSSEAU.
Justine, ouvrez cette fenêtre, et guettez attentivement le signal
que nous a promis ce garçon... Mon Dieul s'il allait être con-
damné I
MADAME DU BROCARD.
Monsieur Dupré nous a dit d'espérer.
MADAME ROUSSEAU.
Mais cette bonne, cette excellente Paméla... que faire pour eUet
MADAME DU BROCARD.
U faut qu'elle soit heureuse! j'avoue que cette jeune personne
est un secours du ciel ! il n'y a que le cœur qui puisse inspirer an
pareil sacrifice ! il lui faut une fortune !... trente mille francs! trente
mille francs !••• on lui doit la vie de Jules, (a put.) Pauvre garçon,
Vivra-t-il7 (Elle regarde dv eOté de la fta6tre.)
MADAME ROUSSEAU.
Eh bien! Justine?
jusrmi.
Rien, Madame.
MADAME ROUSSEAU.
Rien encore... Oh! vous avez raison, ma sœur, il n*y a que I0
cœur qui paisse dicter une pareille conduite. Je ne sais ce que mou
mari et vous, penseriez... mais la conscience et le bonheur de Jules
avant tout., et malgré cette brillante alliance avec les de Yerby,
2B2 PAMÉLA 6IRAUD.
ttieUe;aimaitiiiaiii fU»« ar mon^ fils TaimaU !;«• fli me* semble que
jtU vui<pielque ohow...
MADAME DU BROCARD et JUSTlinU;
Non! non!
MADAME ROUSSEML»
Ah! répondez, ma sœur! elle Ta bien mérité, n*est-ce pas!
tienU
Wm deux ftmmeB restées immobiles, le serrent la main en thmblanfc)
SCÈNE rv.
LES mAmbs, de VERBY;
JUSBSNE^.an ttaad.
Monsieur le général de Yerby.
IfcADAME BÛUSSRAU et. MADAHBi Dll> MiWàBPfa
Ah!^
DE YERBY.
Tout Ya bien ! ma présence n'était plus nécessaire, et je snisre-
fenn^près de* yous. @nr espère beaucoup pour YOtt^ fili. £e ré-
waé du-pp^stdent semble pousser à l'indulgence;
MADAME ROUSSEAU^ avec Joie.
Omon Dienl
DE YERBY.
Jnles s'est bien conduiti mon frère, le comte de Yerby, est dans
formetlltores'dîspositions à son égardl Ma nièce le trouve un hé-
ros, et moi... et moi, je sais reconnaître le courage et rhonneai...
Uiie fôis^cette ai!Mre assoupie, nous presserons le. mariage.
MADAME ROUSSEAU.
B'ftut'pemtant'vons aYouer; Monsieur, qpe nous aYons faitdès
lirPMieaiey à^ cette jeune ffllè.
MAITAME^DU BROCARD.
Laissez donc» ma sœur!^
DE YERBY.
6ans doute; elle mérite... youb la payerez bien quinze on îingt
mille francs... c'est honnête I
MADAME DU BROCARD.
Itas'le Yoyez^ marscenr; Mt de Yerby est' mdSé, géiiéreux, et
AÉrqa^iFpense^qoe cette- soimne... Mbi je ti-ouYe que c'ésrasseL
itSTINEj au fond.
DU
Maa fiiimli
MoDinaiil
lIADAia ROUSSEAU.
8GÈRB T.
Bonne nouvelle?
Il est acquitté?
Dl YEBDT^ \ RoosBCaiU
MADAME ROUSSEAU.
ROUSSEAU.
Non... mais le brait se répand qu'il va l'être; les jurés délibè-
rent; moi, je n*ai pas pu rester; la résolution m*a manqué... j'ai
dit à Antoine d'accourir dès que llarrét sera rendu.
MADAME ROUSSEAU.
Par cette fenêtre, nous saurons tout ; nous sommes convenus
d'an signal avec ce garçon, Joseph Binet
ROUSSEAU.
Ab! veillez bien, Justine...
MADAME ROUSSEAU.
Mais que fait Jules? qu'il doit souffrir!
ROUSSEAU.
«
Eh ! non... le malheureux montre une fermeté qui me confond;
0* aurait dû employer ce courage-là à autre chose qu'à. conspirer.....
Nbus mettre dans une pareille position !... Je pouvais être on jou ^
président du tribunal de commerce.
Dfi TERBY.
Vous oubliez que notre alliance est au moins une compensation.
ROUSSEAU^ frappé d'an souvéniff.
Ahr général r quand je suis parti, Jules était entouré de SM
amis, de M. Dupré et de cette Jeune Paméla. Mademoiselle votre
nièce et madame de Yerby ont dû remarquer... Je compte sur
vous pour efiacer l'impression, Rlousieur.
(Pendant que Roionau parte au général, les femmes ont regardé si le signal se donne.)
DR TEsnnr.
Séfei tnnqvffipk... JUIss' senr Manc comme neigea., flfest
bien i«|wiImH jl'^eaqAiquer l'afTaire ér fr grôetlie^.. autrement
S8& PAIIÉLA GIRAUD.
la comtesse- de Verby pourrait s*opposer au mariage... toute appa-
rence d'amourette disparaîtra... on n'y verra qu'un déTOuement
payé au poids de l'or.
BODSSBAU.
En effet, je remplirai mon devoir envers' cette jeune Glle... Je
lui donnerai huit ou dix mille francs... Il me semble que c'esi
bien!... très-bien I...
MADAME ROUSSEAU^ eontenoe par nuulaiiie du Brocard, édâte à cm demie» moU
Àh! Monsieur I... et son honneur?
ROUSSEAU.
Eh bien I... on la mariera.
SCÈNE \i.
us MÊMES, BINET.
BINlTj accourant.
Monsieur! Madame !••• de l'eau de Cologne I quelque chose.
Je vous en prie !...
TOUS.
Quoil... qu'y a-t-il?
BIHBT.
M. Antoiney votre domestique, amène ici mademoiselle Paméla.
BOUSSEAU.
liais qu'est-il arrivé ?...
BllfET.
En voyant rentrer le jury, elle s'est trouvée mail... le père et la
mère Giraud, qui étaient dans la foule à l'autre bout, n'ont pas pu
bouger... moi j*ai crié, et le président m'a fait mettre à la porte!...
MADAME BOUSSEAU.
Hais Jules!... mon fib I... qu'a dit le jury 7
BINET.
Je n'en sais rien!... moi je n'ai vu que Paméla... votre fils,
c'est très-bien, je ne vous dis pas! mais écoutei donc» moi, Pa«
mêla...
DE VEBBT.
Mais tu as dû vohr sur la physionomie des jurés I...
BllfET.
Ah! oui I... le monsieur... le chef du jury... avait Fair si trisla..
si sévère !... que je crois bien !..« (Moumncnt de ieirwr.i
ACTE IV. 38S
MÂDAHB aOUSSBÂU.
MoD pauvre Joies I
BlNlf.
Voilà M. Antoine et mademoiseile Pamâa.
SCÈNE vn.
uf itnf , ANTOINE, PAMÉLA.
On un aanolr Paméla : toat te monde rentoore, on Inl ftdt mplrir deurtiL
MADAME DU BROCARD. i
Ma chère enfant I
MADAME ROUSSEAU.
MafiUel
ROUSSEAU.
Mademoisdle!
PAMÉLA.
Je n'ai pa résister! tant d'émotions... cette incertitade cruelle I
J*avais pris, repris de l'assurance... le câline de M. Jules pendant
qu'on délibérait, le sourire fixé sur ses lèvres, m'avaient fait parta-
ger ce pressentiment de bonheur qu'il éprouvait!... Cependant
qoand je regardais M. Dupré, sa figure morne, impassible I... me
faisait froid au cœur!... et puis cette, sonnette annonçant le retour
des jurés, ce murmure d'anxiété qui parcourut la salle... je n'eus
plus de force!... une sueur froide inonda mon visage, et je
m'évanouis.
BINST.
Moi, je criai, et on me jeta dehors.
DE VEEBT^ à Rouaseno.
Si un malheur. ••
ROUSSEAU.
Monsieur...
DE VERBT^ k Rousseau et am ftmiiMi.
S'il devenait nécessaire d'interjeter un appel.. (oMmuani pam«i4
peut-on compter sur... sur elle?
MADAME ROUSSEAU.
Sur elle?... toujours, j*en suis sûre.
MADAME DU BROCARD.
Paméla!
/
JM6 PAMiLk 4»RAUD.
Dites... Y0Q8, qui tous êtes montrée si h&oaià^ si
si nous avions besoin encore dft votre dévouement, soutiendriez-
vous...
PAHéLA.
Tout, Monsieur!... Je n*ai qu*nn but» une pensée uniquel...
c'est de sauver M. Jules.
BIHET^ à part.
L*alme-t-elle I iHdme^t-eHe!
Ahl tout ce que je possède est à \0U
iOn i-^jLsmt du bntft» en eris. Eflh>i.)
TOUS.
Ce bruit !. . . (Paméla se Idre toate tremb jate. MU «■(; >rte de JosUue à la
fenôtre.) EcOUtez CeS Cfisl
BINET.
Une foule de monde se précipite sur l*escalier du Palais I... On
court de ce côté.
Jl^STIKB ^ BINET.
MoDsieBr Jitel.,. lioasieiir JMesl.,.
momaàâja «t i&AiDim maaiuv.
Mmâki
mmÉoa am .VÊùaam et
JnlesJ fi
SaméW
SCÈNE irai.
LU lÉns» JULES» nmené pw m mèn, m tante «t aolTl de tes amli
JULES, n se précipite dansdaiAniilesaiBtnrnai Tolt pas d'abord Paméla qui
ait dans un coin du tbéfltre, prte de Blnet.
Ma mèrel... ma tante I... mon bon pèrel... me voici rendu à
h liberté I. • • U m. de Verby et aux amis qui Tout aceompasné.) GfoM^ et
rous, mes amis» «mecci de votre intérêt I
MiàOàMB aOOSBUB.
Enfin, le voilà, mon enfant I... Je iie:Sni8 |tts ABCommoiieie
mes angoisses et de ma joîe.
BUOD^iLBanfit.
Eh bien I... et vous 7 il ne vous dit joen... il ne vous voit seu*
Jement pas I,
!•••
ITOTB tu, BCT
tni»«td, Jeieph ! tais loi! 'fme mwcfAefw^te^twAi)
Non-seulement yoiis êtes 'flaiMé,'iiiQÎS(voiiBfÔles^iQ6. ans 'grenx
de tous ceux que cetteaffône întéressait'I... '^oss avez montré une
énei]gR,)u«eidîsQrétion1... dont onironsBaniragré.
R0U8BSAU.
Tout le monde s*est bien conduit.. Antoine, tal'eslj'ien mon-
trél... ta mourras à notre service.
MADAME ROUSSEAU^ h Joies.
Fais-moi remercier ton anii, m. Môlp!ie Durand.
jums.
Oui., mais mon sauveur, mon ange gardien, c'eKtlB'pa»vre
Pamélal... Gomme elle a comprissa situation et la mienne!... quel
dévouement!... Ah! je me rappelle!... l'émotion, la crainte!..
elle s'était évanouie!... je cours... (Madame Rousseau, gui, toute.au retour
<ie Jules, n'a songé qu'à lui, cherche des yeux Paméla, rapercolt, l'amène devant son
fils. qui pousse un cri.) Ah! .Pamélal. •• Pamélal... .ma, reconnaissance
sera étemelle I...
PAMÉLA.
Ahl'ffl. Jules 1... que je jsuis haureusel
JULES.
Ohl... nous ne quitterons plusl... n'est-ce j)asjna. mère? elle
sera votre fille.
DB TBRBT^ k Rouasaaq, ^Vivement
Ma sœur et ma nièce attendent xinex^onse; il faut intervenir,
MoDsicur... Cejaimeiiomme a J'imagi nation vivi^, «cataltéfe.,. il|)eut
loanguer jsa carrière pour de vains jicrijipuleai... j^ une.JKdLte gé*
aérosiléL..
EQUSSEAU^ ewimmaA
CeaigjoQvm
.Hais Jifl TOtre jMtrole.
MADAMB bu BROCABD.
YarteZf inonfiteel
TULES.
Vkl'ttjpooltat tna Borère, et joignez-vous à moi.
ROUSSEAU^ prenant la main rdeJifles.
Jules!... je n'oubUend pas le senftce que nous a rendu celle
JMne fflte... Jeioomprenfls œ ique doit te dicierla reconndssance;
f|gg PAMÉLA GIRAUD.
mais ta fe sais, le comte de Yerby a notre parole ; ta ne saurais lé-
gèrement sacrifier ton avenir ! Ce n'est pas Ténergie qui te man-
que... tu Tas prouvé... et an jeune conspirateur doit être assez
fort pour se tirer d'une pareille affaire.
DR VERBT^ à Jules, de rautre oOté.
Sans doate !... on futur diplomate ne saarait échouer ici !•••
ROUSSEAU.
D'ailleurs, ma volonté...
JULES.
Mon père!
DUFRÉ^ paraissant.
Jules ! c'est encore à moi de vous défendre.
PAMÉLA et BINET.
M. Daprél
' JULES.
Monamil...
■ADAHS OU BROCARD.
Monsieur Favocat!...
nuPRÉ.
Ohl je ne suis déjà plus mon cher Duprê.
MADAME DU BROCARD.
Oh! toujours I... avant de nous acquitter envers vous, non
avons dû penser à cette jeune fille. . . et . .
m
DUPRÉ f rinterrompant froidement.
Pardon, Madame...
DR- VERBT.
Cet homme va tout brouiller !...
DUPRi> à Rousseau.
J*ai tout entendu... mon expérience est en défaut!... Je n'au-
rais pas cru ringratitude si près du bienfait... Riche comme vous
Têtes... comme le sera voire fils, quelle plus belle tâche avez-vous
\ remplir que celle de satisfaire votre conscience?... En sauvant
Jules, elle s'est déshonorée!... Allons, Monsieur, rambîtion ne
saurait remporter!... Sera-t-il dit que cette fortune que tous
avez acquise si honorablement aura glacé en vous tous les senti-
ments, et que Tintérél seul... (Il voit madame du Brocard lUsant des signei
% son Mrc.) Ah ! très-bieu, Madame !... c'est vous ici qui donnez le
<on ! et j'oubliais, pour convaincre Monsieur, que vous seriez près
de lui quand je ne serais plus là.
MADAME DU BROCARD.
Nous MMûoDes engagés envers M. le comte et madame la corn-
ACTE IV* 289
tesse de Verby!... Mademoiselle, qui toute sa vie peut compter
sur moi, n'a pas sauvé mon neveu à la condition de compromettre
300 avenir.
ROUSSEAU.
II faut quelque proportion dans une alliance. Mon fils aura uq
jour quatre-viugt mille livres de rente.
BINETy à part.
Ça me va, moi, j'épouserai I... Mais cet homme-là, ça n'est p:s
un père, c'est un changeur.
DE YERBt^ & Dupré.
Je pense, IMonsieur, qu'on ne saurait avoir trop d'admiration
pour votre talent et d'estime pour votre caractère !... votre souve-
nir sera religieusement gardé dans la famille Rousseau ; mais ces
débats intérieurs ne sauraient avoir de témoins... Quant h moi,
faila parole de M. Rousseau, je la réclame!... (ajuics.} Venez,
mon jeune ami , venez chez mon frère I. . . ma nièce vous attend ! . . ,
demain nous signerons le contrat (Paméla tombe sans force sur an Otttteon.)
BINBT.
Eh bien!*., eh bien! mademoiselle Paméla !
DUPRÉ et JULBS^ rélanfiant yeii dM^
Geli
DR yBRBTy prenant la main de Jotas»
Venez... venez...
DUPRÉ.
Arrêtez! J'aurais voulu n'être pas seul à la protéger 1... Eh bien I
rien n'est fini!... Paméla doit être arrêtée comme faux témoin!
saisissant la main de Verby) Ct VOUS êtes tOUS pordus!... (U emmène P«m«le.)
BINET^ se cachant derrière le canapâ.
>'e dites pas que je suis là.
Fia ou OUATBlftNE \CTB.
19
ACTE CINQUIÈME
La Mène w pMM elwi Duprt, dans son MMiief } b(tttoit«4il*, MMÉttt d»«te4M éMé
une f eoAtra aTw àma rideaux.
SCÈNE FREMlËBEé
DtPAË, ^amélà, giraud, madame giraûd.
terer da rideau, Paméla «rt atftae dam un nuiteoN^ oocdpMà IM; li WÊ» OtHnA
^t debout prts d'elle: Giraud regarde les tableaux du cabinet; Oqpiéip MroneMfc
^m\ iMHi iM^tt ratffUi»
nvPtit, h dtfàud.
Et ea venant ce mattn, vmf« atez pris les précautions d'usage.
eiRAUD.
O Monsieur 1 vous podfms être (iiifli)Qflle; quand Je viens id, je
marche la tête tournée derrière moi!... C'est que ia Qhilâdre Im-
prudence ferait bien vite un malheur. Ton cœur t*a entraînée, ma
fille; mais un faut témoignage, c'est mal, c'est sérieux!
Je crolN Men... prends garde, Giraud ; si on te stdvait et qu'on
vienne à découvrir qae notre pauvre fille est ici, cachée, grâce à
la générosité de M. Dnpré...
DUPRÉ.
C'est bien. • . c'est bien. . . (u continue de marcher k pw piédpitce.) QueDe
/Ugratitude!... cette famille Rousseau, ils ignorent ce que j'ai
fait. . . tous croient Paméla arrêtée, et personne ne s'en inquiète !. ..
On a fait partir Jules pour Bruxelles» »« M« de Yerby est à la cam*
pagne, et M. Rousseau fait ses afl'aires de fiourse comme si de rien
n'était... L'argent, l'ambition... c'est leur mobile... chez eux les
sentiments ne comptent pour rien!... Ils tournent tons autour da
veau d'or... et l'argent peut les faire danser devant leur idole.,
ils sont aveuglés dès qu'ils le voient
ACTS V. 291
PAHÉLA^ qui l'a obsenré, se lève et Tient à lui.
M. Dopré, Yoos êtes agité» toi» paraiaieB aonSnrl... c'eti en-
re pour moi, je te eraiûs.
DUPRÉ.
N'étes-Tons donc pas révoltée cofume moi de rinâifféreoce
odiense de celte famille, qai, une foû son fils sauvé, n*a plus vu
en vous qu'un instnunent..
Et qu'y pourrions- nous faire, Monsieur T
DCFBÉ.
Chère enfant! vous n*avez aucune amertume dans le cœur?
FAMÉLA.
Non, monsieur!... ]e suis plus heureuse qu'eux tous, moi; j'ai
fait, je crois, une bonne action !. ..
HADAMB GIRAUD^ embrassaot Paméla.
Ma pauvre boime fille!
OIRAUD.
C'est bien ce que j'ai fait de mieus jusqu'è présent!
DlfpRÉ^ 9*ap|>fochaQt vivement de Paméla.
Mademoiselle, vous êtes une bonnête fille l... personne plus que
iDoiuepeiitratiestfîrL.. c'est moi qui sok venu près de vous,
vous luppliar de dire la vérité, et si noble, 0t A pQfe« vous voua
êtes eompromise ; maintenant on vous repousse, on vous méoon-
Dalu.. mais moi je voos admire... et vous serez beareuse, car je
réparerai tout! Paméla... j'ai quarante-huit ans, un peu de répa«
tation, quelque fortune; j'ai passé ma vie à être honnête homme,
je a'm démoidrai pas; voniez-vous être ma femme?
PAHÉLA^ très-émoe.
Moi, Monsieur?...
GIRAUD.
Sa femme!... not' fille!... dis donc madame Giraud?...
madahb giraito.
Ça serait-il possible?
BuraÉ»
Pourquoi cette surprise?... oh ! pas de phrases!... consultez vo-
tre cœur!... dites oui ou non !... Voulez-vous être ma femme?
PAMélA.
Mais quel homme êtes-vous donc» Monsieur? c'est moi qui vou»
dois tout... et vous voulez?... Ah! ma reconnaissance.. •
292 PAMÉLA GIRAUD.
DUPRé.
Ne prononcez pas ce mot-là, il va tout gâter !.,. Le monde, je le
méprise !... je ne lui dois aucun compte de ma conduite, de mes
affections... Depuis que j'ai vu votre courage^ votre résignation...
je vous aime,., tâchez de m*aimer!
PÀMÉtA.
Oh I oui, oui, Monsieur.
MADAME GIRAUD.
Qui est-ce qui ne vous aimerait pas?
GIRAUD.
Monsieur, je ne suis rien qu'un pauvre portier... et encore je ne
le suis plus, portier... vous aimez notre fille, vous venez de lui
dire... je vous demande pardon... j'ai des larmes plein les yeux...
et ça me coupe la parole... m sessuie les yeux.) Eh bien! vous faites
bien de l'aimer I... ça prouve que vous avez de l'esprit!... parce
que Paméla... il y a des enfants de propriétaires qui ne la valent
pas!... seulement c'est humiliant d'avoir des père et mère comme
nous...
PAMÉLA.
Mon père!
GIRAUD.
Vous... le premier des hommes !... Eh bien ! moi et ma femme,
nous irons nous cacher, n'est-ce pas la vieille?... dans une cam-
pagne bien loin !... et le dimanche, à l'heure de la messe, vous di-
rez : Ils sont tous les deux qui prient le bon Dieu pour moi... et
pour leur fille. . . (Paméla embrasée son pdre et aa mèn.)
DUPRÉ.
Braves gens!... Ohl mais ceux-là n'ont pas de titres !... pas de
fortune!... Vous regrettez votre province!... eh bien! vous y re-
{ournerez, vous y vivrez heureux, tranquilles... je me charge
de tout
GIRAUD et MADAME GIRAUD.
Oh! notre reconnaissance...
DUPRÉ.
Encore... ce mot-& vous portera malheur! je le biffe du diction
naire!... En attendant, je vous emmène à la campagne avec moi!.,
allez... allez tout préparer.
GIRAUD.
Monsieur l'avocat?...
DUPRÉ.
Eh bien! quoi?
ACTE V. 293
6IRAUD.
n 7 a ce pauvre Josepir Binet qui est en danger anssi!... il ne
sait pas que ma fille et nous sommes là; mais, il y a trois jours,
il est venu trouver votre domestique, dans un état à faire peur; et
comme c'est ici la maison du bon Dieu, il est caché ici dans un
grenier!
DUPBÉ.
Faites-le descendre.
CIRàUD.
Il ne voudra pas, Monsieur; il a trop peur d'être arrêté... On
loi passe à manger par la chatière!...
DUPRÉ.
Il sera bientôt libre, je l'espère. . . j'attends one lettre qui doit
nous rassurer tous.
GIRÀUD.
Faal-il le rassurer?
DUPRÉ.
Non, pas encore... ce soir. ^
GIRAUD^ à sa Itemme.
Je m'en vas avec bien du soin jusqu'à la maison.
(Madame Giraud racoompaitne en lui ftisant des recommuidfttiOBs; «ils lort ptr la
ganche; Paméla va pour la luivre.
DUPRÉ^ la retenant.
Ge fimet... vous ne l'aimez pas 7
Oh! non, jamais!
DUPRÉ.
Et l'autre?
PAUÉIiAy après on moment d'émotion, qu'elle réprime aoKllOtw
Je n'aimerai que vous?...
(Elle va sortir. Bmit dam rantlàhambie. Jules parait)
SCÈNE n.
PAMÉLA, DUPRÉ, JULES.
JULBS^ aux domestlqwi.
Laissez moi, tous dis-je... il faut que je lui parle. (Apercerai
Dopréj Ah! Monsieur!... Paméla, qu'est-dle deveniie?... est-dk
fibre, sauvée?...
PAMÉLA» qui arest an«tee k la porte.
Jules!...
294 PAllÉLA GIRAUD.
JUL£S.
CicII ici. Mademoiselle?...
DUPRÉ.
Et TOUS, MoDsienr, je tous croyais \ BroTellest.,.
JULES.
Oui, ils m'avaient fait partir malgré moi, et je m'étais soumb!.*
llevé dans Fobéissance, je tremble devant ana iamillel... mais
j'emportais mes souvenirs avec moi!... n y a siï mois, Monsieur,
avant de la connaître... je risquais ma vie pour obtenir mademoi -
selle de Yerby, afîn de contenter leur ambition, si vous le voulez
aussi, pour satisfaire ma vanité ; j'espérais un jour être gentil-
homnie; md, fils d'un négociant enrichi!... Je la reacoiitrai et je
l'aimai!... le reste, vous le savez!... ce qui n'était qu*ua senti-
ment est devenu un devoir, et, quand chaque heure m'éloignait
d'elle, j'ai senti que mon obéissance était une lâcheté; quand ils
m'ont cru bien loin, je suis rQvenu!... Elle avait été arrêtée, vous
l'aviez dit!... et moi je serais parti!... (a tous deux.) Sans vous re-
voir, vous, mon sauveur^ qui serez le sien...
nUPKÉy les r^ardani.
Bien... très-bien!... c'est d'un honnêle houme ceiaL«* enfin,
en voilà un.
PAHÉLÀy à part, essiqraxitseBUnini.
Merci* mon Dien I
DirPBâ.
- Qn*eq[)6rQ»»voa8T qoe vonlez-vouaî
lOLBS.
Ce que je veux?... m'attacher à wn eoit.*. nae perriie «vec
elle, «n le finit., el «i Men nons pioligB, ini dirtf : Paméla,
veni-tn être à moi T
Ahl diable! diable! Q n'y a qn'nne petite diflknlcé... c'est que
Je réponse I...
JULBSj MM-iupfta.
Yonst
nupit*
Od, fflôlt... çfuDOÊihiÊmimjmQ le n*Él pai de femflh ifi tj
ùffpone.
Je flécUnl la nàuafb.
r
DUPRÉ.
Oo vous fera partir pour BnodJok
JULES.
Je cours trouver ma mil^l... j'aurai du courage!... dussé-je
[)erclre les bonnes grâces de mon père... dût ma tante me priver
de son héritage, je résisterai !.„ autrement, je serais sans dignité,
sao3 ime... mm alors, mrm-î» Ve»fwh»m
DUPRÉ.
C'est à moi que vous le demandes?...
JULES.
Paméla, répondez, je vous en supplie. ••
PAMÉLA^ liDuvrd.
Vous avez ma parole, Momûeur.
SCÈNE ni.
w lÉvu, m DOMESTIQUB.
Le domerttqoe fWMit une carte à Dopié.
W^0 Ifi|(ar4ftnt 1« etrps eX paraisturt trj^MoifMlt;
ComoMiatl u JW^tJ Où est IM. de Verby? Iç savez-vousT
Bn Konnandie, chez son frète, k comte de Yeii)y.
G'eft U^'» aU^ trouva VQtro mère^
JUX«B8.
ToQ9 me promettez donc ..
DUPRÉ.
Rienl...
jyLis.
Adieu, Paméla I... (i part en sortant.} Je reviendrai çu «»$.)
DUPRÉ > 86 retournant vers Paméla après le départ de Jules.
Fant* il qu'il revienne?
PAMÉLA , trfis-émae, se Jeltfit dans ses htm,
Ahî Moosieiirl... (siiesoiti
DUPRÉy la fegardant sortir et essnnnl tuM linn^
La reconnaissance... croyez-y doue t.. . (oumnt lapeias porte suumM
Entrez» Monsieur, entres.
296 PAlliLA GIBAODk.
SCÈNE IV.
DUPRÉ, DE VERBT.
DUPRÉ.
Vous ici, Monsieur, quand tout le monde tous croit à dnquairtc
lieues de Paris!
DE TERBT.
Je suis arrivé ce matin.
DUPRÉ.
Sans doute un intérêt puissant?
DE TERRT.
Non pour moi; mais je n*ai pu rester indifférent I... vous
pouvez m*etre utile.
DUPRÉ. .
Trop I)cureux, Monsieur, de pouvoir vous servir.
DE VERBT.
M. Dupré, les circonstances dans lesquelles nous nous sommes
rencontrés ni*ont mis dans la position de vous apprécier. Parmi
les hommes que leurs talents et leur caractère m*ont forcé d'esti-
mer, vous vous êtes placé au premier rang !...
DUPRÉ. '
Ahl Monsieur, vous allez me forcer de déclarer que vous, an-
cien officier de Tempire, vous m*avez paru résumer complètement
cette époque glorieuse, par votre loyauté, votre courage et votre
indépendance. (A part.) J'espère que je ne lui dois rien!
DE VERBT.
. Je puis donc compter sur vous?
DUPRÉ.
entièrement.
DE TERBT.
Je vous demanderai quelques renseignements sur la Jeune Pa>
niéla Giraud.
DUPRÉ.
J*en étais sûr.
DR TBRIir.
La famille Rousseau 8*est conduite indignement
DUPRÉ.
Monsieur aurait-il mieux agi?
ACTE V. 297
DE TEBBT.
Je compte m'employer pour elle I Depuis son arrestation oumme
au témoin, où en est l'affaire?
DUFRÉ.
[ Ob I c'est poor toos d*un bien mince intérfiC
DB YBRBT.
^ Saosdonte... mais...
DUPRÉ, & part.
Il vent adroitement me faire jaser, et savoir s'il peut se trouver
compromis, (saut.) Monsieur le général de Verby, il y a des hommes
qui sont impénétrables dans leurs projets, dans leurs pensées; leurs
actions, les événements seuls les révèlent ou les expliquent; ceux-
là sont des hommes forts... Je vous prie humblement d'excuser
ma franchise, mais je ne vous crois pas ie ce nombre.
DE VERBT.
Monsieur, ce langage!... Vous êtes un homme singulier!...
DUFRé.
mieux que cela!... je crois être un homme original !.•• Ecou*
tez-moi... vous parlez ici à demi-mots, et vous croyez, futur am-
bassadeur» faire sur moi vos études diplomatiques; vous avez mal
cboisi votre sujet, et je vais vous dire, moi, ce que vous ne voulez
pas m'apprendre. Ambitieux, mais prudent, vous vous êtes fait le
dief d'une conspiration... le complot échoué, preuve de courage,
sans vous inquiéter de ceux que vous aviez mis en avant, impa-
tient d'arriver, vous avez pris un autre sentier : vous vous êtes ral-
lié, renégat politique, vous avez encensé le nouveau pouvoir,
preuve d'indépendance! Tous attendez une récompense... Ambas-
sadeur à Turin!... dans un mois vous recevrez vos lettres de
créance; mais Paméla est arrêtée, on vous a vu chez die, vous
pouvez être compromis dans cette affaire de faux témoignage!
Alors vous accourez, tremblant d'être démasqué, de perdre cette
faveur, prix de tant d'efforts!... vous venez à moi, l'air obsé-
quieux, la parole doucereuse, croyant me rendre votre dupe,
preuve de loyauté !••. £h bien, vous avez raison de craindre...
Paméla est entre les mains de la justice, elle a tout dit
DB VEBBT.
Que faire alors?
DUFRÉ.
J*ai un moyen!... Ecrivez à Jules que vous lui rendez sa pt*
rôle; que mademoiselle de Yerby reprenne la sienne.
208 PAUÈLA CUIAUD.
Vous trouvez que les Rousseau se sont couduits indigneoie&t .!
TOUS devez les mépriser!...
DE TBRBT.
Vous le savez... des engagements...
DUPai.
¥oiîà ce ^e je sab : c^est que votre fortune particulière Q*est
guère en rapport avec ia position que vous ambitionnez. . . Madame
du Brocaixl, aussi riche qu'orgueilleuse, doit vous venir en aide,
si cette aliiaiice...
DB VBABT.
Monsieur.. • une (weille «tteiole k wt dignité 1...
Que cela soii foui ou vrai« fiaitea ce que je ir«ot deaaadeL.. à
ce prix-ià, je tâcherai quj vous ne soyez pas compromis... mais
«écrivez... on tire&-vouB de là comme vous pouneg]... Tenez, f en-
tends des cGeotsI...
©B TWIBY. _
Je ne veux voir personnel*.. Oa me croît parti., la fmlk
méoie de Jules...
Madame du Brocard I .
SCÈNE V,
DUraË, HADAMS D0 BKOCAUB.
Ble fBtw «icapociioimte dtos un t^ noir ^*qPe màbn »vip jutflaiHlw
«ADAm 015 mOCASD.
Vailà pWeDw fais que Je aiepréeeBledMfeweaaeeieIrh
." Mioenr ete vBoe y icoeoiiirer. •• mmw eeeMMs qhb eevaT
Tout à fait seuls.
KADAUB nu BROCABO.
Eb bien, ftionslear... cette ^wufcaflalrB recommenee donc t
Malheure
ACTE V« 299
MADAME «0 MBOCARD.
Maudit jeune bemine!... d je fie f avais pas Mt élever, jetedés-
hériterais!... Je n'existe pas^ Monsieur. Moi, dont la conduite,
tes principes m'ont valu l'estime génênde, me voirez -vous mêlée
encore dans tout ceci? seulement, cette fois, pour ma démarche
auprès de ces Giraud, je puis me trouver inquiétée !..,
DUPRti.
Je le crois I... c'est vous qui avez séduit, entraîné Paméia I
MADAME DU BROCABD.
Tenez, Monsieur, on a bien tort de se lier avec de certaines
gens!... un bonapartiste... un homme de mauvaise conscience I...
un sans cœur.
(Terby, <iol écoutait, se cache de nouveaa et feit «a gwte de eoMre.)
OUFEÉ,
Vous paraissiez tant Festimerl
MADAMt DU BROCABD.
Sa famille est considérée!... ce bnllant mariage!... mon neveu
pour qui je rêvais un avenir éclatant..
DUPRÉ.
Vous oubliez son affection pour vous, son désintéressement
MADilUS DU BROCARD.
Son affection!... son désintéressement!... Le général n*a plus
le sou» et je hn av^ promis cent mlHe francs, une fois le contrat
signé.
DUPRli lonase Ibrlameot, en ee retournant du oOté de yetbj»
Hnnil bmn!
VADAtfB BU BROCARB.
Je viens donc en secret et en confiance, malgré «e M. <le
Verbyt qui prétend que vous éles nu bonmie incapable !... qui m'a
dit de vous un mal affreux, je viens vous prier de ma tirer 4e là.,.
Je voua dminerai de Pargentî... ce que vous voudrez.
DUPRÉ.
Avant tout, ce que je veux, «l'est que vous.pi-omettiez à votre
neveu, pour épooaerqu! faon hû aemblera, ia jbtque voua hu Iri-
siez pour épouaer mademoiselle de ¥erby.
MADAMS DU BROCARD.
PermetteXi.» yii bon lui semblera..,
■ wut MR je aicn !•«•
300 PAMÉLA GIRAUD.
OUPRÉ.
Alors, mêlez-TOos de vus affaires toute seule !
MADAME DU BROCARD.
C'est abuser de ma situation!... Ah! mon Dieul'quelqa'ui
vient.
DUPRÉj regardant «u fond.
C'est quelqu'un de votre famille!...
MADAME DU BROCARD^ regardant avec précaution.
M. Rousseau ! mon beau-frère!... Que vient- il faire? il m'avait
juréde tenir boni
DUPRÉ.
Et vous aussi!... vous jurez beaucoup dans votre famille, et
vous ne tenez guère.
MADAME DU BROCARD.
Si je pouvais entendre!
(Roosseau paraît arec sa femme, madame du Brocard se Jette dans te rideau à gauche.
DUPRl^^ la regardant.
Très-bien!... si ceux-là veulent se cacher, je ne sais plus où ils
se mettront I
SCÈNE VI.
DUPRË, ROUSSEAU, MADAME ROUSSEAU.
ROUSSEAU.
Monsieur, vous nous voyez désespérés... Madame du Brocard^
ma belle-sœur, est venue ce matin faire à ma femme une foule
d'histoires.
MADAME ROUSSEAU.
Monsieur, j'en suis tout effrayée!.. .
DUFRÉ, loi ornant un d^gi.
Permettez... Madame...
' ROUSSEAU.
S'il faut l'en croire, voilà encore mon fils compromii»
DUPRi*
C'est la véritél
ROUSSEAU.
Je n'en sortirai pasi... Pendant trois mois qu'a duré cette mal-
heureuse affaire, j'ai abrégé ma vie de dix années!... Des spécu-
lations magnifiques, des combinaisons sûres, j'ai tout sacrifié, tout
laissé passer en d'autres mains. Enfin c'était faitl... Mais, quand
AGtE V. 301
je crois tout terminé, il me faut encore tout quitter, employer en
démarches, en sollicitations, nn temps précieux !•••
DUPR^.
Je TOUS plains!... Ah ! je vous plains!.. •
MADAME ROUSSEAU.
Cependant il m'est impossible...
ROUSSEAU.
C'est votre faute !... celle de votre famille!... Madame du Bro«
card, avec sa particule, qui, dans le commencement, m'appelait
toujours mon cher Rousseau... et qui me... parce que j'avais cent
mille écusl...
DUPRi.
C'est nn beau vernis.
ROUSSEAU.
Par ambition, par orgueil, elle s'est jetée an cou de M. de
Yerby. (De Yerby et madame du Brocard écoutent, la tête bors du rideau, chacun de
son côté.) Joli couple!... charmants caractères, un brave d'anti-
chambre I. . . (de Yerby retire vivement sa tête) et UUe vieille déVOtC hypo-
crite. (Bladame du Brocard cacbe la sienne.)
MADAME ROUSSEAU.
Monsieur» c*e8t ma sœur!...
DUPRÉ.
Ahl vous allez trop loin I...
ROUSSEAU.
Vous ne les connaissez pas!... Monsieur» je m'adresse à vous
encore une fois?... Une nouvelle instruction doit être commen-
cée!... Que devient cette petite?...
DUPRÉ.
Cette petite est ma femme» Monsieur !.••
ROUSSEAU et MADAME ROUSSEAU.
Votre femme I...
*
ni TBRBT et MADAME DU BROCARD.
Sa femme I...
DUPRÉ..
Oui, je l'épouse dès qu'elle sera libre... à moins qu'eUe ne de-
vienne la femme de votre fils!...
ROUSSEAU.
la femme de noon filsl...
MADAME mOUSSSAO*
Que dit-il?
302 pam6la emAUD.
Eh bien» qu y a-tril donc?... cela tous éUmae!... il faut pour-
tant vous faire à cette idée-là.*, car c'est ce que je demande.
ROUBSBJkO, lfMl4u«aient.
Ahl... M. Dupré L.. ce n*est pas que je tienne à mademoiselle
de Yerby... la nièce d'un homme tarél... C'est cette folle de nia-
dame du Brocard qui voulait faire ce beau mariage... mais de là ï
h fille d'vn poitfer»..
DvnÉ.
U ne l'est plu», Monsieur l...
ROUSSEAU.
GoDoment!
DUPRi.
II a perdu sa place à cause de votre fils, et il va retourner en
province vivre des rentes... (Roasseau prête roreuie] que vous lui ferez.
- ROUSSEAU.
Ah ! si VOUS plaisantez !. ..
DUPRt.
(fetH trèS"6érIeùxt... Votre fits épousera leur fille... et vous leur
ièreji une pensioiii
Monsieur...
SCÈNE YII.
tif JiÈnn, BIIfET, entrant, pftle, dfifSOt
BWKT.
VL Dupré... M. Dupré I... sauvez-moi!
TOUS TROIS
Qu*arrive-t-ilT qu'y a-t-il donc?
BINBT.
Des militaires f... des mililaires à cheval, qui arrivent pour
m'arréter.
.DUPRÉ.
HÉMOi ! tait4olt (VoaTflmmt généMi «effitil; Dapié ic^nae «ree amllié ii
Chambre où est PaméUu A Blnet.) T'arrêler?.»,
J*en ai vu un, entendez-vous?... On montei cadie9C4Doil. .
cachez-moi I. . . (Il veut se escher dan» le ea^laet; Yerby en sort poussant uo cri
Ah I (Il va sous le rideau, Uadame du Brocard s'en échappe en criant} QA L.r
I
M. de Yerby. (la
BIHBT^ toiOkMI «r un» ittÉtto, la fond.
Nom mmiMt tDQs pinces !
UN ooimngui^ «atriM, a m^iré.
De h pan di M. le garda daa iceauz«
BINET.
Des8ceaox7... ça me regarde L.»
DUPii, iTâfio^nt gfHtMBMit, tM iMOMBiu «t a d» feOtf, rwtA tar ratiBUauiai.
Maiitieiiant» je voua laisse eo préseace tons les quatre... Voua
qui Toas aimez et voua eatimez tant.* sottges à ce que je vous aï
dit: ceUe qui vous a tout sacrifié a été méconnue L.. hnnittée
pour vous et par vous... c'est à vous de iDut réparer... aujour-
d'htti... è rinataot..* kà même... et ûtun nous vous sauverons
tous... si vous en valea la peine.
SCÈNE ym^
us PBÉctoMTs, mou» DUPEE,
ni nÊSsSA an momait eml>aitattte et ne laolianl quelle mine le Mre.
NottSToilà gentils! (Adeverby.) Ditcs donc... quand nous serons
ea prison, vous me soignerez, vous!... c'est que j*ai ie cœur gon-
flé et le gousset vide !. . . (De Verby lui tourne le dos. A Rousseau.) Vous Sa-
veil... on m*a promis quelque chose!... (RousseMis'éioignesaosiuiré-
poisare. A Madaxne dn Btocard.) Dlces^-dooc» OU m'a promis quelque
chose...
UADAUE DU BaOCARD.
C'est bon! -
UADAMI aOUSSBAU.
Mais votre frayanr !..« votre prtMOce icil... oo voua y a donc
poursoivi?
BINEX.
Du tûotl.»« Voilà quatre jours que je suis dans cette maison,
caché dans le grenier comme un insecte... j'y suis venu parce que
le père et la mère Giraud n'étaient plus chez eux; ils ont été en-
levés de leur domicile... Paméla a aussi disparu... elle est sans
3u2i PAMÉLA GIRAUD.
doute au secret. Oh ! d'abord, moi, je n'ai pas envie de m'expo-
ser ; i'ai menti à la justice, c'est vrai... si on me condamne, \mi
qu'on m'acquitte, je ferai des révélations ; je dénonce tout le
monde î...
DB TBSBT^ Tivement.
Il le faut (U ie met à table et écrit)
MADAME DU BROCARD.
Oh!... Jules I... Jules!... maudit enfant!... qui est cause de
tout cela.
MADAME ROUSSEAU^ à son raarl.
Vous le voyez!... cet homme y^s. tient tous!... Il faut con*
sentir. (De Verby le lève, madanlS t(i(^'j;^acard prend sa place et écrit.)
MADAME ROUSSEAU, 1 son mari.
Mon ami ! je vous en supplie ! ...
ROUSSEAU, se décidant.
Parbleu ! je puis promettre à ce diable d'avocat tout ce qa'il
voudra; Jules est à Bruxelles.
(La porte s'ouvre, Blnet pousse un erl, c'est Dnpré qui panltj
SCÈNE IX.
Llf PRÉcÉDiiiTS, DDPRÉ, reyenanL
DUPRÉ.
Eh bien ! (Madame du Brocard lai remet la lettre qa'Il « demandée: Vertqr hd
donne la sienne; Rousseau rexamlne.) Enfin I. •• (De Verby lance nn regard Airieu
A Dnpié et è la fiimllle, et sort vivement. A Rousseau.) Et VOUS, Monsieur?
ROUSSEAU.
Je laisse mon fils mattre de faire ce qu'il voudra.
MADAME ROUSSEAU.
O mon ami I
DUPR^j à part.
Il le croit loin d*icL
ROUSSEAU.
Mais Jules est à Bruxelles, et il faut qu'il revienne.
DUPRÉ.
Oh ! c'est parfaitement juste !... Il est bien clair que je ne peax
pas exiger cpi'à la minute... ici... tandis que luL.. là-bas I... Çi
n'aurait pas de sens.
ROUSSEAU.
Certainement!... plus tard!...
AGTB ?• 305
OUPRf.
Dès qu'il aéra de retour.
ROUSSEAU.
Oh I dès qu'il sera de retour, (a part) J'aurai soin de l'y Taire
rester.
DUPR^f allait mn la porte de gaoche.
Yeuez... Tenez, jeune homme... remercier votre famille, qui
consent à tout
KADAMB EOUSSBAU.
Jules!
MADAME DU BROCAIin.
Htm neveu t
IULB8.
n se pourrait?
DUPHé^ conrant à l'autre chambra.
Et VOUS Pamélal... mon enfant!... ma fille !... embrassez toCL^
mari I (iulei s'élance yen elle.)
MADAME DU BEOCARD, è RooMeaa.
Gomment se fait-il 7
DflPRÉ.
Elle n'a pas été arrêtée !... elle ne le sera pas !... Je n'ai pas de
titres, moL.. je ne suis pas le frère d'un pair de France!... mais
j'ai quelque crédit On a eu pitié de son dévouement., l'aflalrc
est étouffée... c'est ce que m'écrit M. le garde des sceaux par une
estafette, un cavalier que ce nigaud a pris pour un régiment
RINET.
On ne voit pas bien par une lucarne.
MADAME DU BROCARD.
Monsieur, vous nous avez surpris ; je reprends ma parole.
DUPRÉ.
Et moi, je garde votre lettre. Vous voulez un procès 7. .. bien...
je plaideraL
GIRAUD et MADAME GIRAUD, qui sesontapprocMi.
}L Duprél...
DUPRÉ.
EtCS-VOUS contents de moi?. • . (Pendant ce tempa. Julea et madame Roui-
%eau ont supplté Rousseau de se laisser fléchir; Rousseau hésite, et flnit par embrasser
•u front Paméla, qui sTest approchée en tremblant. Dupré ratanoe vers Rousseau, et,
te voyant embrasser Paméla, il lui tend la main en disant. Bien, Monsieur !..•
ik Jules, rinterrogeant.) Elle Sera heureu6e7...
JULES.
Ah I mon ami I..« «amiU balMla main de DnprS.)
TH. 20
05 ' PAMÉUl GIBAUa
BINET, à Dnpré.
Dites donc, Monsieur, faut-il que je sois bêtet«.. M to dites
pas!... fl l'épouse... et je me sens attendri !••• Au moins, est-ce
qu'il ne me reviendra pas quelque chose t
DUPRi.
Si fait ! je te donne mes honordres dans cette affaim
BUIET.
• Ah ! comptez sur ma reconnaissance.
DUPEE.
C'esl sor um reça qp» tn Teoz dirat
ru PS PàHâU nUfÊBm
w* "
U MARATRE
I^RAME INTIME KN CINQ ACTES RT HOIT TlBLR4nX«
pour ta imbshMn Mik* Pirli, far le ZMItra»
Hirtori<ni0.iiiaintti84a.
PERS0NNA6B&
LE GÉNtftAL COMTE DE GRAND-
GHAMP.
EUGENE RAMEL.
FERDINAND MARCANDAL.
VER NON, docteur.
GODARD.
UN JUGE DINSTRUCTION.
FÉLIX.
CHAMPAGNE, contrc-môUre.
BAUDRILLON, pharmacien.
NAPOLÉON, fllsdogénèraL
GERTRUDE, llBiiimedaoomtedeGnDd-
cbamp.
PAULINE, M fllle.
MARGUERITE.
GBNAAiHSt, UM Gicmsi, u Ca&^i
U 8oeoe ge passe en 1829, dans une fabrique de drap, près de Louflart
LA MARATRE
ACTE PREMIER
U QiéAtre leprésente on falon aiseï orné: II s'y trouve les portraits de remperenr et
deioo Us. On y entre par une porte donnant sur un perron à marquise. La porte dev
appartements de Pauline est à droite du spectateur ; celle des appartemems du général.
et de sa femme est à gauctie. De r.baque côté de la porte du fond 11 y a, à gauche, une
table, et à droite une armoire Thçon de Boule.
Inejardlntëre pleine de fleurs se trouve dans le panneau è glace à côté de l'entrée
des appartements de Pauline. En flioe. est une cheminée avec une riche garniture. Sur
le devant du théAtre, 11 y a deux canapés à droite et à gauebe.
Gertrude entre en scène avec des fleurs qu'eUe vient de cuellUr pendant •• promenadt
et qu'elle met dans la Jardlnlèit.
SCÈNE PREMIÈRE.
GERTRODE, LB GÉNÉRAL.
6BRTRUDI.
Je fanore, mon ami, qu'il serait impnident d'attendre plus
longtemps poar marier ta fille, elle a vingt-deux ans. Pauline a
trop tardé à faire uir choix; et, en pareil cas, c'est aux parents à
teblir leurs enlants... d'ailleurs j'y suis intéressée.
Ll GÉNÉRAI»
Et comment?
6BRTRUDI»
La position d'une I)elle-mère est toujours suspecte. On dit de-
pQls quelque temps dans tout Louviers que c'est moi qui susciié
des obstacles au mariage de Pauline.
810 LA HARATBB.
LB GÉNÉRÀt.
Ces sottes langues de petites villes! je voudrais en couper quel-
ques-unes! T'attaquer, toi, Gertrude, qui depuis douze anses
pour Pauline une ? éritabli mère ! qui fa si bien élevét 1
GIRfRU»BU
Ainsi va le monde! On ne nous pardonne pas de vivre à une si
faible distance de la ville, sans y aller. La société nous punit de
savoir nous passer é'eUe ! €rois-4tt que notre bonheur se lasse pas
de jaloux? Mais notre docteur...
LB GÉNÉRAL.
YemonT...
6ERTRUDB.
Oui, Yemon est très-envieux de toi : il enrage de ne pas avoir
su inspirer à une femme raifection que j'ai pour toL Aussi, pré-
tesd-îl que je joue la comédie I Depuia dôme anat coBMne c'est
vraisemblable !
LB GÉRÉBAL.
Une femme ne peut pas être fausse pendant douze ans sans qu'on
s'en aperçoive. C'est stufMde I Ah ! Yemon I lui aussi I
GERTRUDE.
Oh I il plaisante ! Ainsi donc, comme je te le disais, tu vas voir
Godard. Gela m'étonne qu'il ne soit pas arrivé. C'est un si riche
parti, que ce serait une folie que de le refuser. Il aime Pauline, et
quoiqu'il ait ses défauts, qu'il soit un peu provincial, il peutrendre
ta fille heureuse.
LB GÉNÉRAL.
J'ai laissé Pauline enti<èremcnt maltresse de se choisir un mari.
GERTRUDE.
Oh! sois tranquille ! une fiHe s! cfonce ! si bien élevée ! si sage!
^ LV GÉRERAI.
Douce I éRé a mon caractère, effe est violenta
GBRTSURB.
Elle, violentdt Mais toi, voyons?... Ne fals-tu pas tout ce que '
je veux 7
LB GÉNÉRAL.
Tu es un ange, tu ne veux jamais rien qui ne me plaise ! A pro-
poa, Yernon dine avec nous après son autopsie.
GBBTIDDK»
As-tu besoin de me le dire t
«
LE GÉNÉRAL.
Je ne t*en parle que pour qu*il trouve à boire les vins qu'il Bt
fectionne I
wiuoi, entrant.
M. de RimoDviOe. '
LB GÉNÉRAL.
Faites entrer.
GERTRUDB^ tille fait signe à Félix de ranger la Jardinière.
le passe chez Pauline pendant que tous causerez affaires, je ne
ym pas fâchée de smreiBer un peu j'arrangeœent de st toilette.
Ces jeunes personnes ne savent pas toujours ce qui leur sied b
mieux.
&E GÉNÉRAL.
Ce n*est pas faute de dépense ! car depuis dix-huit nuNS sa toi-
lette coûte le double de ce qu*elle coûtait auparavant; après tout,
pauvre fiUe* t'est son seul plaisir.
GBRTRUDR.
Ck)mment, son seul plaisir 7 et celui de vivre en famille comme
nous vivons I Si je n'avais pas le bonheur d'être ta femme, je
voudrais étire ta fille!... Je ne te quitterai jamais, moil (siiepiit
qoeiques pas.) Oepuis dix*buit mois, tu dis? c'est singulier!... £n
effet, elle porte depuis ce temps-li des dentelles, des bijoux, de
jolies choses.
LE GÉNÉRAL.
Elle est assez riche pour pouvoir satisfaire ses fantaisies.
OBRTRUDC.
Et eUe est majeurs 1 (Ai>ai«.) La u>8ette, c^est la fumée I y au-
rait-il du feu? (ineaert
8CËME n.
liB GÉNÉRAL, aeM. \
Quelle perte! après viogt-eix campagnes, onieMêssuves et la
mort de l'ange qu'elle a remplacé dans mon cœur; non, vraiment
te bon Dieo me devait ma Gertrude, ne fûtnce que pour me con-
«aier de la ditte et de la mort de l'emperewl
/
312 LA IfARATRB.
SCÈNE in.
GODARD, LE GÉNÉRAL.
GODARD^ entrant.
Géoérall
LE GiN^RAL.
Ah ! bonjour, Godard f Vous venez sans donte passer h joonée
avec nous?
GODARD.
Mais peut-être la semaine, général, si vous êtes favorable à la
demande que j'ose à peine vous faire.
LE GÉNÉRAL.
Allez votre train I je la connais votre demande... Ma femme est
ponrvous... Abl Normand, vous avez attaqué la place par son
côté faible.
GODARD.
Général, vous êtes un vieux soldat qui n'aimez pas les phrases,
VOUS allez en toute affaire comme vous alliez an feu...
LB GÉNÉRAL.
Droit, et à fond de train.
GODARD.
Ça me va ! car je suis si timide.. .
LE GÉNÉRAL.
Vous! je vous dois, mon cher, une réparation : je vous prenais
pour un lK)mme qui savait trop bien ce qu'il valait.
GODARD.
Pour nn avantageux ! eh bien ! général, je me marie parce que
je ne sais pas faire la cour aux femmes.
LB GÉNÉRAL, à|»art.
Pékin ! (Hant.) Gomment, vous voilà grand comme père et mère«
et... mais, monsieiir Godard, vous n*aarez pas ma iille.
GODARD.
Oh! soyez tranquille! Vous y entendez malice. J*ai da cœori
et beaucoup; seulement, je veux être sûr de ne pas être lefosé.
LE GÉNÉRAL.
Vous avez du courage contre les villes ouverteSi
ACTE h 313
GODARD.
Ce n'est pas ceh du toot, mon général Tons m'intimidez déjk
avec vos plaisanteries.
U GÉNÉRAL.
Allez toujours I
GODARD.
Moi, je n'entends rien aux simagrées des femmes! je ne sais
pas pins quand leur non veut dire oui que quand le oui veut dire
non ; et, lorsque j'aime, je veux être aimé...
LE GÉNÉRAL, è part.
Avec ces idées-lh, il le sera.
GODARD.
Il y a beaucoup d'hommes qui me ressemblent, et que la petite
guerre des façons et des manières ennuie au suprême degré.
LE GÉNÉRAL.
Mais c'est ce qu'il y a de plus délicieux, c'est la résbtancel On
a le plaisir de vaincre.
GODARD,
Non, merci! Qaand j'ai faim, je ne coquette pas avec ma soupe !
J'aime les choses jugées , et fais peu de cas de la procédure,
quoique Normand. Je vois dans le monde des gaillards qui s'insi-
nuent auprès des femmes en leur disant : — « Ah ! vous avez
là, Madame, une jolie robe. — Vous avez un goût parfait II n'y
a que vous pour savoir vous mettre ainsi. » Et qui de là partent
pour aller, aller... Et ils arrivent; ils sont prodigieux, parole
d'honneur! Moi, je ne vois pas comment, de ces paroles oiseuses,
on parvient à... Non... Je pataugerais des éternités avant de dire
08 que m'inspire la vue d'une jolie femme.
LE GÉNÉRAL.
Ah ! ce ne sont pas là les hommes de l'empire.
GODARD.
C'est à cause de cela que je me suis fait hardi ! Cette fausse
hardiesse, accompagnée de quarante mille livres de rente, est ac-
ceptée sans protêt, et j'y gagne de pouvoir aller de l'avant Voilà
pourquoi vous m'ayez pris pour un homme avantageux. Quand
on n'a pas ça d'hypothèques sur de bons herbages de la vallée
d'Àoge, qu'on possède un joli château tout meublé, car ma femme
n'anra que son trousseau a y apporter, elle trouvera même les ca«
cbemires et les dentelles de défunt ma mère. Quand on a tout
Zik LA HAIIATIIB.
cela, général, on a le moral qu'oo veut mit. Aussi , suis-je
il. de RimoQviile.
Non, Godard.
GodLard de Rimonville.
Godard tout court
Général, cela se tolère.
GODABD.
&K GJMEiJU
GODARD.
LB GlforéRAL.
Moi ! je ne tolère pas qu'un homme, fût-il mon gendre I renie
fion père ; le vôtre, fort honnête homme d'ailleurs, menait ses
bœufs lui-même de €aen à Poissy, et s'appelait sur toute la route
irodard, le père Godard.
OODABD,
C'était un homme bien disiiogué;
LE GÉNÉRAL.
Dans son genre... Mais je vois ce que c'est Gomme ses bœuft
vous ont donné quarante mille livres de rente« vous comptez snr
d'autres bêtes pour vous faire donner le nom de lUmonville.
GOOABD.
Tenez, général I consultez mademoiselle Pauline, ella est de soo
époque, elle. Nous sommes eu 1829, sous lo règne de Châties X.
jl^e aimera mieux, en sortant d'un bal, entendre dire : Les gens
de madame de BimonviUe, que : Les gens de madame Godard.
LB GÉNÉRAL.
Ob I si ces sottiseft-là plaisent à ma fille, comme c*est de vom
qu'on se moquera, ça m'est parfaitemeatégal* num cher Godari
fiÛDABS*
De Rimonville.
LE GÉK âUL.
Godard! Teoez^ vous êtes un honnête homme, vous (tesjeime;
vous êtes riche» vous dites que vous ne fera i^ la eov aoi
femmes, qœ ma GJle sera la reine de vo^ maîsoa... Sb bieat
ayez son agrément* vous aurez le mien ; car» voyez-vons, Paolioe
a'êpousera ^mais que l'homme qu'elle aimera, riche ou pauvre..*
jkhi il y a une exception, mais elle ne vous concerae paSb ïà^
merais mieux aller )t aoa enterrement que de la CQOdmre k la voir
lie, si son prétenduse trouiait fib| petât-filii, feàre, ae?^ cousio
OD aDié d'un des quatre oa dnq iinsérables qui ont trahi., car
mon culte à moi, c'est..
GODAIEO.
L'empereur... on le sait..
LB GÉNÉRAL.
Dieu, d'abord, puis la France ou Fempereur... c'est tout un
pour mot., enfin, ma femme et mes enfants! Qui touche à mes
dieux I dcTient mon ennemi; je le tue comme un lièyre, sans re-
mords. Voilà mes idées sur la religion, le pays et la famille. Le
catéchisme est court; mais il est bon. Savez-vous pourquoi en
I8I69 après leur maudît Kcenciement de Tarmée de la Loire, j*ai
pris ma pauvre petite orpheline dans mes bras, et je suis venu,
moi, colonel de la jeune garde, blessé à Waterloo, ici, près de
Louviers, me Daiire fabricant de draps 7
GODiJLD.
Ptor ne pas servir ceux-ci
LE GÉNÉRAL.
Pour ne pas mourir comme un assassin sur l'échafand.
GODARD.
Ah ! bon Dieu I
LE GÉNÉRAL.
Si j'avais rencontré un de ces traîtres, je lui aurais fait son af-
bire. Encore aujourd'hui, après bientôt quinze ans, tout mon
sang bout dans mes veines si, par hasard, je lis leur nom dans
un journal ou si quelqu'un les prononce devant mol Enfin,
si je me trouvais avec l'un d'eux, rien ne m'empêcherait de. lui
sauter à la gorge, de le déchirer, de l'étouffer...
GODABI».
¥001 «vies fahoA. fAiwc) Fa«t dite coma» bt
LB «ÉIVfiKAL.
Oui, Monsieur, je l'étoufferais!... Et si mon gendre tomrmen-
tait ma chère enfant, ce serait de même.
GODARD.
Ahl
U GÉNÉRAL.
Oh I je ne veux pas qn^il se laisse mener par elle. Un homme
éÂl être le roi dans son ménage, comme moi IgI.
GOQARDj & part.
Pauvre homme! comme il s^abusef
316 LA UARATRB.
LB GÉNÉBAI-
Vous dites?
GODARD.
Je dis, général, que votre menace ne m'effraye pasi Quand on
ne se donne qu'une femme à aimer, elle est joliment aimée.
LE GÉNÉRAL.
Très-bien, mon cher Godard. Quant à la dot.*
GODARD*
Ohl
LE GÉNÉRAL.
Quant à la dot de ma fille, elle se compose...
GODARD.
Elle se compose...
LE GÉNÉRAL.
De la fortune de sa mère et de la succession de son oncle Bon-
cœur... C'est intact, et je renonce à tous mes droits. Cela fait
alors 350,000 francs et un an d'intérêts, car Pauline a vingt-
deux ans.
GODARD.
367,500 francs.
Non.
Comment» nont
Plosl
Plus?..,
LE GÉNÉRAL.
GODARD.
U GÉNÉRAL.
GODARD.
U GÉNÉRAL.
400,000 francs» (MovfHiiMiidA Godant.) Je donne la différence t....»
Mais après moi, vous ne trouverez plus rien... Vous compreneit
GODARD.
Je ne comprends pai.
LE GÉNÉRAL.
J'adore le petit Napoléon.
«ODARD.
Le petit duc de ReichsUdt?
I LE GÉNÉRAU
^ Non, mon fils, qu'ils n'ont voulu baptiser que sous le nom de
Léon; mais j'ai écrit là m le frappe farieeour) Napoléon ! Donc,
* j'amasse le plus que je peux pour lui, pour sa mère.
ACTE h 317
GODARD^ à part.
Sortout pour sa mère, qui est une fine moache.
LE GÉNÉRAL.
Dites donc?... si ça ne vous convient pas» il faut le dire.
. GODARD, à part.
Ça fera des procès. (Haut.) Au contraire, je tous y aiderai «
généraL
LU GÉNÉRAL.
 la bonne heare I Yoilà pourquoi, mon cher Godard...
GODARD.
De Riaionville.
LB GÉNÉRAL.
Godard, j'aime mieux Godard. Voilà pourquoi, après avoir
commandé les grenadiers de la jeune garde, moi, général, comte
de Grandchamp, j*iiabille leurs pousse-cailloux.
GODARD.
C'est très-naturel I Économisez, général, votre veuve ne doit
pas rester sans fortune.
LE GÉNÉRAL.
Un ange» Godard.
GODARD.
De Rimonville.
LE GÉNÉRAL.
Godard, un ange à qui vous devez l'éducation de votre future;
elle l'a faite à son image. Pauline est une perle, un bijou; ça n'a
pas quitté la maison, c'est pur, innocent, comme dans le berceau.
GODARD.
Général, laissez-moi faire un aveu I certes mademoiselle Pauline
fst belle.
LE GÉNÉRAL.
Je le crois bien.
GODARD.
£lle est très-belle ; mais il y a beaucoup de belles filles en Nor-
mandie, et très-riches, il y en a de plus riches qu'elle... Eh bien!
si vous saviez comme les pères et les mamans de ces héritières-là mè
pourchassent!... Enfin, c'en est indécent Mais ça m'amuse : j6
vais dans les châteaux, on me disiiuguc..*
LE GÉNÉRAL.
Fat!
GODiRD.
Oh! ce n'est pas pour moi, allez! Je ne m'ahuse pas! c'esl
318 LA MABATRS.
pour mes beaux mouchoirs à bœnb noQ hypothéqués ; c'est pour
mes économies, el {MNir mon parti pm de ne jamais dépenser tont
mon revenu. Savez-Tous ce qui m'a (ait rechercher ¥Otre alliance
entre taat d'ilitmî
U GÉKÉIÂL.
Nom
GODARD.
U y a des riches qui me garantissent l'obtention d'une ordon-
nance de Sa Mqesté, par laquelle je serais nommé comte de Rimon-
Tiile et pair de France.
LB GiirÉRAL.
Vous?
«OliAlll.
Ohlo«i,«oil
ÀTez-Tous gagné des batailles! aTez-¥ous sauTé YOtre pays?
r«rea-voiis iUosUé 7 Ça£ail|Mtié!
GODARD.
Ça fait pît... (A part.) Qu'est-ce que je dis donc? (Haut.) Nous ne
pensons pas de même à ce sujet I Enfin, saves-tons pooifooi j'ai
préféré votre adorable Pauline!
LE GÉNÉRAL.
SacreUeu I parce que vous raknîei.,.
60DARD.
oh I nsAuréRement, mais c*ei^ aussi à came de l'miiDn , do
cahne, du bonheur qui régnent ici! C'est si séduisant d'entrer
dans une famille honnête, de mœurs pures, simplf s, patriarcales !
}e sub observateur.
LB GÉNÉRAL.
G'est^-dire curieux. ..
GODARD.
La curiosité, général, est la mère de l'observation. Je omnais
Yen et l'endroit de tout le département
LE GÉNÉRAL.
Eh bien?
GODARD.
Eh bien I dans toutes les familles dont je vous parfab, f al vu de
Tilains côtés. Le public aperçoit un extérieur décent, d'excellentes,
d'irréprochables mères de famille, des jeunes personnes char-
mantes, de bons pères, des oncles modèles ; on leur donnerait ie
ACTE L 319
b OD Diea nos confesnon, on leur confierait des foncb..4 Pénétres
là-dedans, c*est à épouvanter un ju^e d'instruction.
LE GÉNÉRAL.
Ah! ¥0DS Toyez le monde ainsi? Moi, je conserve les illusions
i^fec lesquelles j'ai vécu. Fouiller ainsi dans les consciences, ça
egarde les prêtres et les magistrats; je n'aime pas les robes
dres, et j'espère mourir sans les avoir jamais vues ! Mail» Godavd,
le sentiment qui nous vaut votre préférence me flatte plus que
.otre fortune... Toucbez-là, vous avez mon estime, eC Je M la ^
prodigue pas. I
Géoéial, mercL u p«t.) Empamné, le beau-père I
SCÈNE lY.
lÈiis, PAULINE, GERTRUBB.
LBGiirÉEAL,
Ah I te voilà, petite?
onninML
ITest-ce pas qu'elle est jolie?
«ODAItt»
Mad...
OIRTRUUI»
0h1 pariOB, Honneur, je ne voyius que mon oovnq^
GOOÀmn
Mademoiselle est éblouissante.
Nbeseveni Ai noiide 8i dîner, et je ne suis p» bell^-onère du
loat; j'aime à la parer, car c'est me fille pour moL
«OfiâlD. a fêtU
Ob m'atiendaitt
Je vais vous Usser aveceUe. .. faites votre déclaration, cas eaBoni^
Hon ami, allons an perron voir si notre cber docteur arrive.
LB gékéràu
ie suis tout à toi, omime toujoun. «AfMUne^ Adieu, mon bijon»
(A MÊïâ.) An revoir. (Certrade et le général tout m p«mn; mata G«rtni4» 9»
ftefUe Godard et Pauline. Feidinend ya pour sortir ie la «bambn 4e ftaUoe; aw wi
ilgne de cette dernière, il y rentre précipitamment^
320 UL HARATBJS.'
GODARD^ tur le devant de la sctae.
Voyons, que dois-je lui dire de fin? de délicat? Ah! j'y siiîs!
(A Pauline.) Nous avoDS Une bien bdle journée, aujourd'hui, made-
moiselle.
PAULI5B.
Bien belle, en eOèt» Monsieur.
GODARD.
Mademoiselle ?
PAVLIHI.
Monsieur?
GODARD.
n dépend de f ous de la rendre encore plus belle pour moi.
PAVUIIB.
Gomment?
GODARD.
Vous ne comprenez pas? Madame de Granchamp, Totre belle-
mère, ne TOUS a-t-elle donc rien dit à mon sujet?
PAULINE.
En m*habillant, tout à l'heure, elle m'a dit de tous on bien
infini I
GODARD.
Et pensez-YOus de moi quelque peu de ce bien qn'eDe a en h
bonté de...
PAUiONB.
Oh! tout» Monsieur!
GODARD; flè plaçant dans an ftiutealLC A pari.)
Gela ¥a trop bien. (Haut.) Aurait-elle commis l'heureuse indiscré
tion de vous dire que je tous aime tellement, que je voudrais yous
voir la châtelaine de RknonviUe?
PAUUNB.
Elle m'a fait entendre vaguement que vons veniez ici dans une
intention qui m'honore infiniment
GODARDj àgenoni*
Je VOUS aime, Mademoiselle, comme «m fou; je vous préfère à
mademoiselle de Blondville, à mademoiselle de Glairville, à made-
moiselle de Verville, à madenioiselle de Pont-de-Ville... k*.
PAULINE.
Oh I assez. Monsieur I je suis confuse de tant de preuves d'an
amour encore bien récent pour moi! G'est presque une héca-
tombe. (Godani8eièT».i Monsieur votre père se contentait de ooi-
duire les victimes ! mais vous, voos les immolez.
ACTE h 521
GODARD 9 h part.
Aie, alel elle me persifle, je crois... Attends, attends!
PAULINE. ^
n faudrait au moins attendre; et, je tous Tayouerai...
GODARD.
Vous ne voulez pas tous marier encore... Vous êtes heureuse
auprès de vos parents, et tous ne voulez pas quitter votre père.
PAULIIfB.
C'est cela paxisément ^
GODARD.
En pareil cas, il y a des mamans qui disent aussi 'que leur fille est
trop jeune ; mais comme monsieur votre père vous donne vingt-
deux ans, j'ai cru que vous pouviez avoir le désir de vous établir.
PAULINE.
Monsieur I
GODARD.
Vous êtes, je le sais, l'arbitre de votre destinée et de la mienne ;
mais, fort des vœux de votre père et de votre seconde mère, qui
vous supposent le cœur libre, me permettez-vous Tespérauce?
PAULINE.
Monsieur, la pensée que vous avez eue de me recherclier,
qaelque flatteuse qu'elle soit pour moi, ne vous donne pas un
droit d'inquisition plus qu'inconvenant
GODARD^ à part.
Aurais-je un rival ?... (Hant.) Personne, Mademoiselle, ne renonce
aii bonheur sans combattre.
PAULINE.
Encore?... Je vais me retirer. Monsieur.
GODARD.
De grâce. Mademoiselle, (a part.) Voilà pour ta raillerie.
PAULINE.
Bhl Monsieur, vous êtes riche, et personnellement si bien traité
par la nature ; vous êtes si bien élevé, si spirituel, que vous trou-
verez facilement une jeune personne et plus riche et plus belle que
moL
GODARD.
Mais quand on aime 7
PAULDnU
Eb bien! monsieur, c^est cela même.
TB. ^^
323^ LA MARATRE.
60DABD, &part.
Ah ! elle aime quelqu'un. .. je vais rester pour saToir qni. (Haut.)
Mademoiselle, dans riniérêtdemon amour-propre» me permettez-
vous au moins de demeurer ici quelques jours?
PAVLnn.
Mon pore, MkUMieor, tous répoMb*».
£h bien 7
GODARD.
Refusé net, durement et sans espoir ; elle a le cœur pris.
£Ue7 une enfant que j'ai élevée, je te saurais; et d'ailleurs, («r-
sonne ne vient icL.. (Aparu) Ce gafçon voient de me downer des
soupçons qui sont entrés comme des coups de poignard dans mon
cœur... (A Godard.) Demaudez-lui donc
GODARD.
Ab I bien, loi deoiander cptelque ebofie ?.«« Wfà s'est cabnfe at
premier mot de jalousie*
GEETBXJAE
Eh bien ! je la questionnerai, moi !...
Ah! voU^ le docteur!... nous allons savoiF la vérité sur b mon
de la femme à Champagne.
SCÈNE y.
LES H«iES, LE DOCTEUR YERNON.
LB «toÉftiL.
Ehbieifcî.
J'en étais sûr, Sksdames» aues saim.) fiègle g§aénke„ çianAun
homme bat sa femme,, il se garda de L'empQisoaoer,. tt i perdais
UQ|^. Qa tienjt à sa wiimie.
LB GélTÉRALji à Godard.
Q est charmant I
GODARD.
Il est charmant !
LÉ GÉNÉRAL^ aadàf9eitr,qaiia.jprtmiuit Godlrt*
M. Godard.
âCTK ik 321 :
GODARU.
De Bimûiiiill&. * .
TERNOIf le regarde et le mouche. Continuant.'
S'il la tue, c'est par erreur» pour aYoir tapé trop fort ; et Q est
aa désespoir; tandis que Champagne est assez naîTement enchanté
d'être naturellement veaf. En effet, sa femme est morte du cho-
léra. C'est im cafr asseï rare, mais qui se voit quelqiefois, du cho-
léra asiatique, et je aois bien aise de ravoir observé.; car, depuis
la campagne d'Egypte, je ne l'avais plus vu. . . Si l'oQ m'avait ap-
pelé, je l'aurais sauvée.
6BHT&UAE.
Âhl quel bûobeur!... Un crime dans notre établissement, ai
paisible depuis douze ans, cela m'aurait glacée d'effroi.
LE GâNÉRAL.
Voilà l'effet des bavardag^es. iVIais es-tu Uea certain» Yernon !
YERNOH.
GerUnn ! BeUe question à faire à un anciea clûrurgien en chef
qui a traité douze armées françaises de 1793 à 1815, qui a pra-
tiqué ea lUemagne» en Espagne, en Italie, ea Russie, en Pologne,
en Egypte ; à an médedn. cosmopolite l
LE GÉNÉRAL^ il hti Arappe le ventre.
Charlatan, val... il a bié plus de monde que moi, dans touscea
pa;a4àl
GOUAJU».
Àh çk! maia qu'est-ce qu'on disait donc?
GERTIUDB.
Que ce paovce Ghanpagne, aotre conlre-maitre^ avait empoi-
sonné sa femme.
YKBlfOlf...
Malheureusement» ils avaient eu la veille une convei^ation où
ils s'étaient trouvés manche i manche. - Ah I ib ne prenaient paft .
exemple sur leurs maîtres.
GODARD.
Un pareil bonheur devrait être contagieux ; mais les perfection»
: ne madame la caintesse bous fait adinîrec sont si races.
GIRXAUBB.
i4ren da naérite à aimer un être exceUent et une fille comme
Allons, Gertrnde» taisrioi I.^ cela ne ae dit pas deifant le monde.;
324 . ^^ UARATBB.
YERNOlf, à part.
Gela se dit toujours ainsi, quand on a besoin que k monde le
croie.
LE iSitXÈRAL, àYeraOB.
Que gromettes-tu là?
TERNOir.
Je dis que j'ai soixante-sept ans, que je suis Totre cadet, et qae
Je voudrais être aimé comme cela... (Apart.) Pour être sûr qae
c'est de l'amour.
LE GÉNéRAL^ au docteur.
Envieux ! (a sa femme.) Ma chère enfant, je n'ai pas pour te béoir
la puissance de Dieu, mais je crois qu*il me la prête pour t'aimer.
TERNOir.
Vous oubliez que je suis médecin, mon cher ami ; c'est boo
pour un refrain de romance, ce que vous dites à madame.
GERTRUDE.
11 y a des refrains de romance, docteur, qui sont très-vrais.
LE GÉNÉRAL.
Docteur, si tu continues à taquiner ma femme, nous non«
brouillerons : un doute sur ce chapitre est une insulte.
VERNON.
Je n'ai aucun doute, (au générai.) Seulement, vous avez aimé
tant de femmes avec la puissance de Dieu, que je suis en extase,
comme médecin, de vous voir toujours si bon chrétien, à soixante-
dix ans. (Gertrude le dirige doucement yers le canapé où eat assis le docteur.)
LE GÉNÉRAL.
Chut I les dernières passions, mon ami, sont les plus puissantes.
VERNON.
Vons avez raison. Dans la jeunesse, nous aimons avec toutes nos
forces qui vont en diminuant, tandis que dans la vieillesse nott
aimons avec notre faiblesse qui va, qui va grandissant
LE GÉNÉRAL.
Méchant philosophe!
GERTRUDE, h Vcrnon.
Docteur, pourquoi, vous, si bon, essayez-vous de jeter del
doutes dans le cœur de Grandcharap? .. Vous savez qu'il est d'uni
jalousie à tuer sur un soupçon. Je respecte tellement ce sentimeni
]ue j'ai fini par ne plus voir que vous, M. le maire et Bi le cerS.
foulez-vous que je renonce encore à votre société, qui nous est
li douce, si agréable T. •• Ah! voilà Napoléon.
AGTB L 325
TBRlfOir, à part.
Uoe déclaration de guerre I... Ellearenyoyé tout le monde,
elle me renverra.
GODARD.
Doctenr, vous, qui êtes presque de la maison, dites-moi donc
ce que vous peusez de mademoiselle Pauline. (Le docteur ieidYe,i6rt-
prde, se mouche et gagne le fond. On çntend lonner pour le dîner.)
SCÈNE YI.
U» atais, NAPOLÉON, FEUX.
KAPOLÉON^ accourant.
Papa, papa» n'est-ce pas que tu m*as permis de monter Ck>co7
LB GÉNÉRAL.
Certainement.
NAPOLÉON^ à Félix.
Ahl vois-tu?
GBRTRUDB^ elle essuie le front de son tllg.
A-t-il chaud!
LE GÉNÉRAL.
Mais à condition que quelqu'un t'accompagnera.
FÉLIX.
Eh bien I j'avais raison, monsieur Napoléon. Mon général, le
pedt coquin voulait aller sur le poney, tout seul par la campagne.
NAPOLÉON.
u apeur pour mol I Est-ce que j'ai peur de quelque chose, moi?
(Félix sort. On sonne pour le dîner.)
LB GÉNÉRAL.
Viens que je t'embrasse pour ce mot-là... Voilà un petit mili*
cien qui tient de la jeuue garde.
LB DOCTEUR^ en regardant Gertrade.
U tient de son père I
GERTRUDE^ Vivement.
Au moral, c'est tout son portrait ; car, au physique, il me re»-
lemble.
FÉLIX.
Madame est servie...
G En RUDE.
Eh bicnl où donc est Ferdinand!... il est toujouni si exact.,
320 Uk HARATRE.
Tiens, Napoléon, va voir dans Tallée de la fabrique s'il vient, e(
cours lui dire qu'on a sonné.
LE GÉNÉRAL.
Mais nous n'avons pas besoin d'attendre Ferdinand. Godard,
donnez le bras à Pauline. (YemonyaomirlebrwàGtrtrade.) Eh! eh!
permets, Yernon?... Tu sais bien que personne que moi ne pread
le bras de ma femme.
YERNONj & lui-même.
Décidément, il est incurable.
NAPOLÉON.
Feirdlnand, je l'ai vu là-bas dans la grande avenue.
YERNON.
Donne-moi la main, tyran!
Tiens, tyran I... c'est moi «qm 'ns te tirer, et joliment
(Il fait toui
SCÈNE YII.
FERDUVÀND. il sort avec précaution de cbet Pauline.
Le petit m'a sauré, mais Je ne sais pas par qnd Tiasard fl nfa
vu dans l'avenue I Encore une imprudence de ce genre, et nous
sommes perdus!. «. H faut sortir de cette situation à tout prix...
Void Pauline demandée en mariage... elle a refusé Godard. Le
général , et Gertrude surtout , vont vouloir connaître les motiâ
de ce refus! Toyons» gagnons le perron, pour avoir Vm de ve-
nir de la grande allée , comme l'a dit Léon. Pourvu que per-
sonne Jie ne voie de la salle -à manger-* gtwDttmreR^toeu) E/iffte
Ramell
SCÈNE yin.
FEEDmAin), RinL.
lAMKL.
• -1 * • . ■
Toi ici, Marcandal I
FERUHAm.
Ghnt ! ne prononce plus jamais ici ce nom-là I Si le général
I. 327
m'entendait appeler Marcandal» s'il apprenait que c'est mon nom,
il me tuerait à l'instant comme un chien en enragé.
£tfoiirq«oi?
FBRDINAKD.
Parce que je suis le fils du général MarcandaL
RAMEL.
Un général à qui lei» Bourbons ont^ en partie, dû leur second
0 yage. %
FERDINAND.
Aux yeux du général Grandchamp, avoir quitté Napoléon pour
senwtes Bourbons, c'est avoir tiTihi ta France. Hélas! mon père
lui a donné raison, car il est mort de chagrin. Ainsi, songe bien
à ne m'appeler que Ferdinand Chamy, du nom de ma mèK.
JIAMEL.
Et que fais-tu donc ici 7
TERBTNANO.
J'f SI» le diredenr, lecaisfiîer, le nnltre laoqies de h bbrique.
Gonmentl |iar aéoosiiéî
nniDiNAUD.
Bar fiéoessitéi Uêa pèn a tout ^ssi^, même la fertoiie de ma
pauvre mère, qni vitde sapenskm de veuve d'an ii(mte«ant géné-
ral en Bretagne.
RAMEL.
Gomment I ton père^ commandant de la garde royale» dans une
position si brillante^ est inert sans te rien laisser, pas jaéme une
prûtection?
TERDÏNAND.
Â-t*on jamais trahi, dhangé de parti, sans des raisons...
RAHEL.
Voyons, voyons, ne parlons plHée<)da.
llMipènétoitf»WR-mbp«iifqm âwttEaotdlndrfgente
pont SM» Jriitt..* HaiiilBi, 4|ul ii^MBèomidiV
On m^avait dit*, j'ai la même un ai
De la Grandière.
328 LA MARATRK.
raRDINAND.
C'est cela.
RÀMKL.
Pour pouvoir épouser oiademoiselle de BoudeyiUe, ]*ai obtenu
la permission de prendre, comme toi, le nom de ma mère. La
famille Boudeville me protège, et, dans un an, je serai, sans doute,
avocat général à Rouen... un marchepied pour aller à Paria.
FERDINAND.
Et pourquoi vlens-tu dans notre paisible fabrique?
RAUEL.
Pour une instruction criminelle, une affaire d'empoisonnemeot
C'est un beau début (Entre Féiix.)
FÉLIX.
Ah! Monsieur, madame est d'une inquiétude...
FERDINAND.
Ois que je suis en affaire. (Féiixsorto Mon cher Eugène, dans le
cas où le général, qui est très-curieux, comme tous les vieux trou-
piers désœuvrés, te demanderait comment nous nous sommes ren-
contrés, n'oublie pas de dire que nous sommes venus par la grande
avenue.... C'est capital pour moi.... Revenons à ton affaire. C'est
pour la femme à Champagne, notre contrc-maitre, que tu es
venu ici ; mais il est innocent comme l'enfant qui natt l
RAMEL.
Tu crois cela, toi? La justice est payée pour être incrédule. Je
vois que tu es resté oe que je t'ai laissé, le plus noble, le plus en-
thousiaste garçon du monde, un poète enGn! un poète qui met la
poésie dans sa vie au lieu de l'écrire, croyant au Nen, au beau!
Ah çà ! et l'ange de tes rêves, et ta Gertrude , qu'est-elle de-
venue?
FERDINAND.
Chut I ce n*est pts seulement le ministre de la justice, c'est ui
peu le del qui t'a envoyé à Louviers; car j'avais besoin d'un aror
dans la crise affreuse où tu me trouves. Ecoute, Eugène, viens idl
C'est à mou ami de collège, c'est au confident de ma jeunesse que
je vais m'adresser : tu ne seras jamais un procureur du roi pour
moi, n'est-ce pas? Tu vas voir par la nature de mes aveux qu'ib
exigent le secret du confesseur.
RAMEL.
ï aurait-il qudque chose de crimiadt
ACTE I. 329
FERDINAND.
Aloiis donc I tout an plas des délits que les juges YOudraieQt
voir commis.
RAMBL.
Cest que je ne t'écouterais pas; ou, si je t'écoutaîSb.»
FRRDUCAND.
Eh bien?
RAMEL.
Je demanderais mon changement
FEIU)INAND.
Allons, tu es toujours mon bon, mon meilleur ami.. Eh bien!
depais trois ans j'ajme tellement mademoiselle Pauline de Grande
champ, et elle.^. •
RAHEL.
N'achèTe pas, je comprends. Vous recommencez Roméo et
Juliette... en pleine Normandie.
FERDINAND.
i¥ec cette différence que la haine héréditaire qui séparait ces
deux amants n*est qu'une bagatelle en comparaison de Thorreur
de M. de Grandchamp pour le fils du traître Marcandal!
RAHEL.
Mais voyons! mademoiselle Pauline de Grandchamp sera libre
dans trois ans; elle est riche de son chef (je sais cela par les
Boudeville) ; vous vous en irez en Suisse pendant le temps néces-
saire à calmer la colère du général; et vous lui ferez» s'il le £iut,
les sommations respectueuses.
FERDINAND.
Te consulterais-je, s'il ne s'agissait que de ce vulgaire et facile
déooûment?
RAMEL.
Ah I j'y suis I mon ami Tu as épousé ta Gertrude... ton ange...
qui s'est comme tous les anges métamorphosée en... femme
légitime.
FERDINAND.
Cent fois pisi Gertrude» mon cher, c'est., madame de Grand*
champ.
RAHEL.
Ah çàl comment t'es-tn fourré dans un pareil guêpier!
FERDINAND.
Gomme on m fourre dans tous les gnfipiers, en croyant y trou-
ver du uâd.
120 LA JUAâJTBB.
BAMKI..
ûb;I ob 1 cfid devient Xrài*gtave! alon as mm oacbe jdiistien.
FERDINAND.
Mademoiselle Gertrude de Mdikac, élevée à Saint-Denis, m*a
«ans doute mnaé cL'aberd per anèilicni; «rè9-«iM 4e w «avoir
riche, elle a tout fait pour n*«ttioher de manière à devenir ma
femme.
C'est le jeu de toutes les orphelines intrigantes.
FERDINAND.
Vais comment Gertmde a fini par m*2nmer'?... c'est ce qui ne
je 'ptvit exprimer que par les effïiets mêmes de cette passion, que
dis-je passion ? c'est chez elle ce premier, ce seul et tmique amonr
gui domine toute la vie et qui la dévore. Quand elle m*a vu ruiné
versla fin de 1816, elle qui me savait, comme toi, poète, aimant
le luxe et les arts, la vie molle et heureuse, enfant gâté, pour tout
dire, a conçu, sans me le^communiquer d'ailleun^ on de ces plans
infâmes et suUlmes, comme tout ce gue d'ardentes passions con-
trariées inspirent aux femmes, qui, «dans l'intérêt de ianr ameor,
font tout ce que font les despotes dans l'intérêt de leur pouvoir;
pour elleai, la loi suprômet, c'est leur aoaouiL.,
RAIKL.
LesXaita, mon cher L*. Tu plaides» etjejoîspnicareardiiQi
Pendant que j'établissais ma mère en Bretagne, Grertriide<axeiH
contré le général Grandcharai^ «^cherchait une institutrice poor
«i)fiil& Elle aïa M éMB«oe iweniseiiK fcleseè gÉtouatat, Jors
âgé de cinquante-huit ans, qu'un coffre-fort. Elle sVoA iJaiHilii
^tre promptement veuve, riche «n peu de temps, et pouvoir re-
pmdre-iBl son amour Bt son csdhvc. Elte i^*H(t fit que ce maniige
mnil ^conniie mi mcrvais rfive, promptemcsit 'sinvi d'un ))0n
réveil. Et voilà douze ans que dnre ie rêve ! Mais tu sais csomme
raisonnent les temnes.
RAMRL.
Elles ont une jurisprudence à .eliei.
Gertrude est d'une jalousie firaee^ EDe veut être payée par h
elle souOrait, disait-elle» le martyre, elle a voulu. ••
MTE l 331'
T'a?oir soas son toit poar te garder dle-mëme.
fIebdikând.
Elle a réussi, mon cher, à m*y faire venir. J^ahlte, Ûeprni
toois ans, une petite maison pr^s de la fabrique. Si je ne suis pas
parti la première semaine, c*est que le second jour de mon arri-
vée, j*ai senti que je ne pourrais jamais vivre sans Pauline.
RAMEL.
Grâce à cet amour, ta position ici me semble, à moi magistrat,
un peu moins laide que je ne le croyais.
FERMNAKD.
Ma position ? mais elle est intolérable, à cause des trois cantc-
tëres au mUieu desquels je me tcouve pris : Pauline est hardie,
comme le sont les jeunes personnes très-innocentes dont TaBsusur
est tout idéal et qui ne voient de miH à rien, dès qu'il s*agit d'un
homme de «qiB sUèstet %emr inaii La péméuatàûn 4e GerUmde
est extrême : nous y échappons fHr k terreur que cause à Pauline
le péril où nous plongerait la découverte ée mm nom, ce qui lui
donne la force de dissimuler I 9tm Pauline vient à l'instant de
nfaser &9daid.
Godard, je le connais... C'est, sous un air bête, l'homme le
plus fin, le plus curieux de tent le département. Et il est ici ?
FJmOINANI).
U y dîne.
RAHBL.
mfie^oi^eteL
ifen ! S ces éeniemn», i|Qi w «'«m^t dijl fite
à#ciDamr«iiaVHes«iMt«inrteB, i^Me {]Mtti4ier4!Mtitt, je
laqvelle : l'une, forte de son innocence, de sa passion légitime;
l'autre, furieuse de voir se peindre le fruit de tant de dissimulation,
de sacrifices, de crimes même... (Napoléon entre.)
BAMEI..
Tu m*effrayes! moi, procureur du rot Non, parole d'honneur,
les femmes coûtent souvent plus qu'elles ne valent.
NAPOLÉON.
Bon ami! papa et maman s'impatientent après toi; ils disent
qu'il faut laisser les affaires, et Vernon a parlé d'estomac.
352 LA MARATRB.
FERDINAND.
Petit drôle, ta es venu m'écouter !
NAPOLlSON.
mamaa m'a dit à l'oreille : Va donc voir ce qu'il fait, ton bon ami.
FERDINAND.
Va, petit démon! va, je te suis! (ARamei.) Tu vois, elle fiait de
cet enfant un espion innocent (xapoiéoii Mrt.)
RAMEL.
C'est l'enfant du générai?
FERDINAND*
Oui.
RAMn..
Il a douze ans?
FERDINAND.
Oui
RAMEL.
Voyons! tu dois avoir quelque chose de plus à me dire?
FERDINAND.
Allons, je t'en ai dit assez.
RAMEL.
Ehbien! va dîner... Ne parle pas de mon arrivée, ni demi
qualité. Laissons-les dîner tranquillement Va, mon ami, va.
SCÈNE IX,
RAMEL, seal.
Pauvre garçon ! Si tous les jeunes gens avaient étudié les causes
que j'ai observées en sept ans de magistrature, ils seraient con-
vaincus de la nécessité d'accepter le mariage comme le seul roman
possible de b vie... Mais si b passion était sage, ce serait la vertu.
fia M rtiaiia icre.
U
ACTE DEUXIÈME
SCÈNE PREMIÈRE.
RAMEL , MARGUERITE ; puis FÉLIX.
Bamel est abîmé dans ses léflezions et plongé dans le eanapé de manière à ne pts étra
Yn d'abord. Kargoerite apporte des flambeaax et des cartes. Dans renti'acte la natt
est Toiae.
MARGUERITE.
Quatre jeux de cartes, c'est assez, quand même M. le curé, le
maire et l'adjoint viendraient. (FéUx vient allumer les bougies des can-
délabres.) Je parierais bien que ma pauvre Pauline ne se mariera pas
encore cette fois-ci. Chère enfant !... si défunte sa mère la voyait
ne pas être ici la reine de la maison, elle en pleurerait dans son
cercueil! Moi, si je reste, c'est bien pour la consoler, la servir.
FÉLIX^ à part.
Qa'est-ce qu'elle chante, la vieille 7... (Haut.) A qui donc en
voulez-vous, Marguerite? je gage que c'est à madame.
MARGUERITE.
Non, c'est à monsieur que j'en veux.
FÉLIX.
A mon général 7 allez votre train alors, c'est on saint, cet homme-
là.
MARGUERITE.
Un saint de jnerre, car il est aveugle.
FÉLIX.
Dites donc aveuglé.
MARGUERITF.
Ah! vous avez bien trouvé cela, vous.
FÉLIX.
Le général n'a qu'un défaut., il est jaloux»
33/| LA MARATIB.
MARGUERITE.
Et emporté donc I
FÉUZ.
Et emporté^. c*ëit là mftne. cfaoseL Dôsq&*iL a< vd soupçon, i)
huche. Et ça lui a fait tuer deux hommes, là, roide sur le coup...
Nom d'un petit bonhomme ! avec un troupier de ce caractère-là,
faut., quoi... Tétouffer de cajoleries... et madame rétouffe... ce
n*est pas plus fin que cela ! Et alors avec ses manières elle lui a
mis, comme aux chevaux ombrageux, des œillères ; il ne peut voir
ni à droite ni à gauche, et elle lui dit : <f Mon ami, regarde de-
vant toi I » Voilà.
MARGlTERlTir.
Ah! vous pensez comme moi qu'une femme de trente-deux ans
n*aime un homme de soixante-dix ans qu'avec une idée... Elle a
9n^ plan;
RAMEL, & part.
Oh ! les domestiques I des espions qu'on paye.
FÉLIX.
Quel planZ elle ne sort pas d'ici, elle ne voit personne.
HARGUEBITE.
EUe tondrait sur un œuf! elle m'a retiré lès clefs, à moi qui
aivais la conGance de déûint madame; savez- vous pourquoi?
FÉLIX.
Tiens! parbleu, elle fait sa pefote.
HARGUERITE.
Oui I depuis douze ans^ avec les revenus de mademoiselle et les
Bénéfices dfe fe fabrique. VbilS pourquoi elle retarde Fôlablisse-
ment de ma chère enfant tant qu'blîe peut, car faut donner fe bfen
en la mariant.
FÉLIX.
C'est la loi.
MARGUERITE.
Moi, je lui pardonnerais tout, si elle rendait mademoiselle hen-
reuse; mais je surprends ma pauvre Pauline à pleurer,, je lui de-
mande ce qu'elle a : — « Rfea qu'a dit, rien, ma bonne Mai^e-
rite! » (Féux sort.) Voyons, ai-je tout fait? Oui,,iBilàibtabhhdft:jfff...
les bougies, les cartes... ab^ 1» eaMipé. (sne aperçoit Ramei.) Dieu de
Dieu! un étranger!
Ne vous effrayez pMv narfii0ril6k
ACTE 1» » 335^
HAR6UERITB.
Monsieur a tout entendu.
rahel.
Soyez tranqûflfe, je sois dfscret par état, jb saisie procnreor du
HARGUERrrS.
Ohl
SCÈNE IL
LES PBÉCÉDBNTS, PAULINE, GODARD, TERNON, NAPOLÉON, FËRDI*
IVAND-, m. BT MADAME é9 «RAN»GVAM1><.
(Gertrodese précipite sur Marguerite et lui arracbe le coassindes mains.)
GERTRUDE.
Mar^erite, vous savez bien que c'est me causer de la j^eine
que de ne pas me laisser faire tout ce qui regarde monsiem^ ; d^H-
leurs. il n'y a que moi qui sache les lui bien arranger, ses cous-
sliis.
MARGUERITE, à Pauline.
Quelles giries!
GODARD,
Tiens, tiens, W. le procureur du roiî'
LE Glhfl^RAL*
Le procvrenr âa rof cher mor?
«ERTRUOC.
Loi !
LB «lÉKllBAL^ àttamâk
Monsieur, par quelle raison ?
RAUMP»
J'avais prié mo» amLu ML FirdMandL Mar^.
(Ferdinand fiait un geste, Gertrude et FauLLofi laissant éctiapper un mouvement*)
GERTRUUE^ & patt.
C'est son ami Eugène tlamel.
RAMEL.
Ferdinand de Ghamy, à qui fa! cHt le sujet de mon arrivée, de
ie cacher pour vous laisser dîner tranquillement.
LS GÉNÉRAL.
Ferdinand est votre amî7
RAMEL.
Mon ami d'eniance, et nous nous sommés rencontrés dans V6(h^
3S8 LA MARATRE.
avenue. Après onze ans, on a tant de choses à dire qnand on se
revoit, que je suis la cause de son' retard.
LE G^irÉRAL.
Mais, Monsieur, à quoi dois-je votre présence ici?
RAMEL.
A Jean Nicot, dit Champagne, votre contre-maître, inculpé
d'un crime.
6BRTRUDB.
Mab, Monsieur, notre ami, le docteur Yemon, a reconnu que
la femme à Champagne était morte naturellement
VEHNOW.
Oui, oui, du choléra, Monsieur le procureur du roL
BAMEL.
La justice, Monsieur, ne croit qu*à ses expertises et à ses con-
victions... Vous avez eu tort de procéder avant nous.
FÉLIX.
Madame, faut-il servir le café 7
GEBTBUDE.
Attendez! (Apart.) Comme il est changé! Cet homme, devenu
procureur du roi, n*est pas reconnaissable... Il me glace.
LE GÉNÉBAL.
Mais, Monsieur, comment le prétendu crime de Champagne,
un vieux soldat que je cautionnerais, peut-il vous amener ici!
BAMEL.
Dès que le juge d'instruction sera venu, vous le saurez.
LE GÉNÉRAL.
Prenez la peine de vous asseoir.
FERDINAND^ à Ramél en montrant P«iiliiie«
Tiens! la voilà.
RAMEL.
On peut se faire tuer pour une si adoraUe fille I
GERTRUDE> àRamel.
Nous ne nous connaissons pas? vous ne m'avez jamais Yue!
Ayez pitié de moi, de lut
RAMEL.
Comptez sur moL
LE GÉNÉRAL, qnl • yu Ramel et Gertmde ceonnU
Ma fenune est-elle donc nécessaire à cette instruction?
RAMEL.
Précisément, général C'est pour que madame ne fût pas avertie
ACTE IL 337
4e ce que nous avons à lai demander, que je suis venu moi-mêoie.
> LE GÉNÉRAL.
Ma femme mêlée à ceci?... C'est abuser! •••
VERNON.
Du calme, mon amL
FÉLIX.
Monsieur le juge d'instruction I
LE GÉNÉRAL.
Faites entrer.
SCÈNE m.
ui HÊHKS, LE JUGE D'INSTRUCTION, CHAMPAGNE, BAUDRILiON.
LB JUGE lalue.
Monsieur le procureur du roi, voici AL Baudrillon le pharmacien.
RAMEL* c
IL Baudrillon n'a pas vu l'inctlpé?
LE JUGE.
Non, il arrive, et le gendarme qui l'est allé chercher ne l'a pas
quitté.
RAHEL.
Nous allons savohr la vérité I faites approcher M. Baudrillon et
rinçulpé.
LE JUGE.
approchez, monsieur Baudrillon, (à Champagne) et vous aussi.
RAMEL.
Monsieur Baudrillon, reconnaissez- vous cet homme pour celui
qui vous aurait acheté de l'arsenic, il y a deux jours T
fiAUDRILLOir.
C'est bien lui I
CHAMPAGNE.
N'est-ce pas, monsieur Baudrillon, que je vous ai dit que c'était
pour les souris qui mangeaient tout, jusque dans la maison, et que
je venais chercher cela pour madame?
TH. 22
3jS la ]U4|\4Tav.
Vous k'eatendez, Madame? Voici quel est son système : il pré-
tend que vous i*avez envoyé chercher cette substance vous-même,
et qu'il vous a remis le paquet tel que M. Baudrillon le lui a donné.
. GERTRUDB.
C'est vrai, Monsieur.
RAMEL.
Avcz-vous, Madame, fait déjà usage de cet arsenic.
GERTRUDB.
Non, Monsieur.
LE JUGE.
Vous pouvez alors nous représenter le paquet livré par M. Bau-
drillon ; le paquet doit porter ton cachot, et s*il le reconnaît pour
être sain et entier, les charges si graves qui pèsent sur votre
contre«mattre disparaîtraient en partie, lyop» n'aurions plus qu'à
attendre le rapport du médecin qui fait Tautopsie.
GERTRUDE.
l^ paquet, JJon^eur, a*a pas quitté le 3ecrétaire de ma chambre
à coucher. (Illesort.)
CHAMPAGNE.
Ah! mon général, je suis sauvé!
LE OâNÉRAL.
Pauvrt Gbampagntt I
RAMEL.
Général, nous serons très-heuroux d'avoir à constater Tinno-
uiiioe dû votre eontre^maitre ; au contraire de vgiis, wxm som(pes
enchantés d'être battus.
GERTRUPI^ pevenant
BAUDRILLQN fqet ses lunettes.
C'est iotaot, Mesneor», parfeit^iQont int^oif voil^ om mM
( eux fois, saie ti enU^r*
Serrez bien cela, Madame, car depuis quelque t^inp^ I^ CQQt^
d'assises n'ont à juger que de^ empoi^nnemcnts. i
G^ftTWUDK, I
Vous voyoï, MonsiQiiri iléipit dans mon secrétaire, eï c'^st moi ,
seule, ou ic général, qui cp avons |a clef, ituierçqiredawiaçiwmbre.) ^
AGTB U. 339
Générai, doqs n'attendrons pas le rapport des experts. La prin-
cipale charge, qui, vous eu conviendrez, était très-grave, car toute
.a ville en parlait, vient de disparaître, et oonune nous croyons à
la science et à l'intégrité du docteur Yemon (certrade revient), Chain-
|N0My VOOS êtes libre. (llouyemeotd« joie chez tootle mondes Mais VOUS
voyex, mon ami, à quels fâcheux soupçons on est exposé» quand
OD lait mauvais ménage.
CHAHPAGNB.
Mon magistrat, demandez à mon général si Je ne suis pas un
agneau ; mais ma femme, Dieu veuille lui pardonner, était la plus
mauvaise qui ait été fabriquée... un ange n'aurait pas pu y tenir.
Si je l'ai quelquefois remise à la raison, le mauvais quart d'heure
que vous venez de me faire passer en est une rude punition, mille
noms de noms!... Être pris pour un empoisonneur, et se savoir
innocent, se voir entre les mains de la justice... ça pieun.)
LE GÉNÉRAL.
Eh bien I te vdlà justifié.
NAPOLÉON.
Papa» en quoi c'est-il fait, la justice?
LE GÉNÉRAL.
Messieurs, la justice ne devrait pas commettre de ces sorte"*
d'erreurs.
GERTRUOB.
EDe a toujours quelque chose de fatal, la justice!... Et on cau-
sera toujours en mal pour ce pauvre homme de votre arrivée ici.
RAMEL.
Madame, la justice criminelle n'a rien de fatal pour les inno-
cents. Vous voyez que Champagne a été proroptcment mis en li-
berté... (En regardant Gertrude.) Ceux qui vîveut sans reproches, qut
n'ont que des passions nobles, avouables, n'ont jamais rien k re-
douter de la justice.
GERTRUDE.
Monsieur, vous ne connaissez pas les gens de ce pays-ci... Dans
dix ans, on dira que Champagne a empoisonné sa femme, que la.
jusiiçe est veQue««. et que sans notre protection...
MO LA MARATRE.
LE GÉNÉRAL.
Allons, allons, Gertrude. . . ces messieurs ont fait leur devoir.
(Félix prépare sur un gaéridon, au fond & gauche, ce qu*U fout pour le café.) Mes-
sieurs, puis-je vous offrir une tasse de café ?
LE JUGE.
Merci, général; l'urgence de cette affaire nous a fait partira
rimproviste, et ma femme m'attend pour dîner à Louviers.
(II va au perron causer avec lu médedu.)
LE GÉNÉRAL^ à Ramel.
Et VOUS, Monsieur, Tami de Ferdinand?
RAMEL.
Ah I vous avez en lui, général, le plus noble cœur, le plus probe
garçon et le plus charmant caractère que j'aie jamais rencontrés.
PAULINE.
U est bien aimable, ce procureur du roi !
GODARD.
Et pourquoi ? Serait-ce parce qu'il fait l'éloge de M. Ferdi-
nand?... Tiens, tiens, tiens!
GERTRUDE, & Ramel.
Toutes les fois. Monsieur, que vous aurez quelques instants à
vous, venez voir, M. de Gharny. ( au générai } N'est-ce pas, mon
ami, nous en profiterons?
LE JUGE, U jrevient du perron.
M. de la Grandière, notre médecin, a reconnu, comme le doc*
tcur Ycrnon, que le décès a été causé par une attaque de clioléra
asiatique. Nous vous prions, madame la comtesse, et vous, mon-
sieur le comte, de nous excuser d'avoir troublé pour un momcut
votre charmant et paisible intérieur. (Le générai reconduit le juge.)
RAMEL^ à Gertrude sur le devant de la scène.
Prenez garde! Dieu ne protège pas des tentatives aussi témé-
raires ({ne la vôtre. J'ai tout deviné. Renoncez à Ferdinand, laissez*
lui la vie libre, et contentez- vous d'être heureuse femme et heu-
reuse mère. Le sentier que vous suivez conduit au crime.
GERTRUDE.
Renoncer à lui, mais autant mourir!
RAMEL^ &part
Allons! je le vob, il faut enlever d'ici Ferdinand
iU Haat un signe à Ferdinand, le prend par le bras et sort ttee loU
ACTE IL Zh\
LE GÉNÉRAL.
Eofio, nous en voilà débarrassés! (Acertrade.) Fais senrir le café.
GERTRUDE.
Pauline» sonne pour k café. (Ptoiiae sonne.)
SCÈNE IV,
us lins, mollit FERDINAND, RAMEL, LE JUGE «t BAUDRILLON.
GODARD.
Je vais savoir, dans l'instant, si Pauline aime M. Ferdinand.
Ce gamin, qui demande en quoi est faite la justice, me parait très-
farceur, il me servira. (Féiix parait.)
GERTRUDE.
Le café. (Félli apporte le guéridon oh les Uuses sont déposées.)
GODARD^ qui a pris Napoléon à part.
Yeux- tu faire une bonne farce?
NAPOLÉON*
Je crois bien. Vous en savez?
GODARD.
Viens, je vais te dire comment il faut t'y prendre.
(Godard va jusqu'au perron avec Napoléon.)
LE GÉNÉRAL.
Pauline, mon café* (Ftuuneieiut apporte.) Il n'est pas assez sucré.
(Pauline lui donne du sucre) Merci, petite.
GSRTRUDB.
Monsieur de Rimonville ?
LE GÉNÉRAL.
Godard ?•••
GERTRUDE.
Monsieur de Rimonville?
LE GÉNÉRAL.
Godard, ma femme vous demande si vous voulez du café?
GODARD.
VÔlontien, madame la comtesse.
(n Tient à une place d'où n pent oliiemr PinlintJ
«5&2 LA MARATRE.
LE GÉNÉRAL.
Ohl qae c*e8t agréable de prendre son café bien assbt
NAPOLÉON.
Maman, maman I mon bon ami Ferdinand vient dé tomber;
s'est cassé la jambe, car on le porte.
TERROll.
Ahtbahl
Quel malheur I
LK GÉNÉRAL.
PÂULDIB.
Ah ! mon Dieu I (BUe tombefur \
GERTRUDB.
Que dis-tu donc là?
NAFOLÉQN.
C'est pour rire! Je Toulais voir si vous aimiez mon bon amL
GERTRUDE.
C'est bien mal, ce que tu fais là; tu n'es pas capable d'inventer
de pareilles noirceurs?
NAPOLÉON^ tout bas.
C'est Godard.
GODARD.
Il est aimé, elle a été prise à ma souricière, qui est infaillible.
GERTRUDE, & Godard, à qui elle tend un petit verre.
Savez-vous, Monsieur, que vous seriez un détestable précep-
teur? C'est bien mal à vous d'appi^ndre de semblables méchanfie-
tés à un enfant
GODARD.
Vous trouverez que j'ai très-bien fait, quand vous saurez que
par ce petit stratagème de société j'ai pu découvrir mon rival
(Il montre Ferdinand, qui eatre.)
GERTRUDE, elle laisse tomber le sucrier.
Lui!
GODARD, à put.
Elle aussi!
GBRTRUDB, ÏMat
Vous m'avez fait peur.
LE GÉNÉRAL, qotreillSfik
Qu*as-tu donc, ma chère enfaatT
GKAtRyms.
Bien i mm eipiégierie de monsienr» ^tii m'a dit que le procu-
reur du roi revenait. Félix, emportez te BùeAetf et domiez^eo un
autre.
TERNON.
C'est la journée aux éTénements.
GSRTRUDE.
(Monsieur Ferdinand, vous allez avoir An sucre, (a part.) Il ne la ,
regarde pas. (Haut.) £b bien ! t'aulîne, tu ne prends pas un morceau j
de sucre dans le café de ton père? i
NAPOLÉON.
Âh ! bien, oui, elle est trop émue; elle a fait : Âh!
PAULINE.
Veux-tu te taire, petit menteur! lu ne cesses de me taquiner.
(Elle s'assied sur son père et prencf un canard.)
ÔÈfttftUOE.
€e serait vrai? et moi qui Tai si bien habillée! (a Godard.) Si Vous
aviez raison, votre mariage se ferait dans quinze jours, (aaut.)
Monsieur Ferdinand, votre café.
GODARD.
J'en ai donc pris deux dans tna souricière! Et le général si
calme, si tranquille, t^ cette maisoff sî paisible!... Ça va devenir
drôle... je reste, je veux farire le whist! Ohf je rt'épOtfse plus.
(Montrant Ferdinand.} En vollà-t-il uu homme Iieureux! aimé de deux
femmes charmâmes, délicieuses ? qtiel factotum! Mais qu'a-t-il
doue de pitis qu€f moi, (fil sa quarante friilk Utrù» de renie?
GERTRUDE.
Pauline, ma fille, présente les cartes à ces messieurs pour le
whist. Il est bientôt neuf heures... s'ils veulent faire leur partie, il
ne faut pas perdre de temps. (Pauune arrange les cartes,} Allons, Napo-
léon, dites bonsoir à ces messieuis, et donnez bonne opinion de
vous, en ne gaminant pas comme vous faites tous les soirs.
Bottddf, papa< Ccfinmétfl dmt est faise ta jdslmel
LE GÉNÉRAL.
Comme un aveugle I Bonnte ntrit, mon mignon!
NAPOLÉON.
Bonsoir, monflieur Yernon ! De que» est donc* ftite h juttictf
I
)
3^4 LA MARATRE.
VERNON.
De tous nos crimes. Quand tu as commis une sottise, on te
itonne le fouet ; voilà la justice.
NAPOLÉON.
Je n*ai jamais eu le fouet
YERNON.
On ne t'a jamais fait justice, alors!
NAPOLÉON.
Bonsoir, mon bon ami! bonsoir, Pauline I adieu» monsieur Go-
dard....
GODARD
De Rimonville.
NAPOLÉON.
Ai-je été gentilT
IB GÉNÉRAL.
(Gertnide rembniK.;
J'ai le roi.
YERNON.
Moi, la dame.
FERDINAND^ à Godaid.
Monsieur, nous sommes ensemble*
^ GBRTRUDE, voyant Mareruerite.
Dis bien tes prières, ne fais pas earager Marguerite. •• va, cher
amour.
NAPOLÉON.
liens, cher amour U.. en quoi c'est y fait l'amour? cnren n^
SCÈNE V,
us MIMES, moins NAPOLÉON.
IB GÉNÉRAL.
Quand il se met dans ses questions, cet enfant-là, il est^ mourir
de rire.
GERTRUDE.
Il est souvent fort embarrassant de lui répondre. (APaaiiBij
Tiens là, nous deux, nous allons finir notre ouvrage.
ACTE H. 345
TBRNON.
C'est à TOUS à donner, général.
LE GÉNÉRAL.
 moi?... Tn devrais te marier, Yernon, noas irions chez toi
comme tu viens icî^ tu aurais tous les bonheurs de la famille.
Voyez-vous, Godard, il n*y a pas dans le département un homme
plus heureux que moi.
VERNON.
Quand on est en retard de soixante-sept ans sur le bonheur, on
De peut plus se rattraper. Je mourrai garçon.
(Les deux femmes se mettent & travailler à la même tapisserie.)
GERTRUDB^ avec Pauline sur le devant de la scène.
Eb bien ! mon enfant, Godard m'a dit que tu l'avais reçu plus
que froidement; c'est cependant un bien bon parti.
PAULINE.
Mon père» Madame, me laisse la liberté de choisir moi-même
on mari.
GERTRUDB.
Sais-tu ce que dira Godard ? Il dira que tu l'as refusé parce que
ta as déjà choisi quelqu'un.
PAULINE.
Si c'était vrai, mon père et vous, vous le sauriez. Quelle raison
aurais-je de manquer de confiance en vous?
GERTRUDB.
Qui sait? je ne t'en blâmerais pas. Vois-tu, ma chère Pauline,
en Êdt d'amour, il y en a dont le secret est héroïquement gardé
par les femmes, gardé an milieu des plus cruels supplices.
PAULINE^ à part, ramassant ses ciseaux qu'elle a laissé tomber.
Ferdinand m'avait bien dit de me méfier d'elle... £st-elle insi-
nuante!
OERTRUDE.
Tu pourrais avoir dans le cœur un de ces amours-là I Si un
pareil malheur t'arrivait, compte sur moi... Je t'aime, vois-tu! je
fléchirai ton père; il a quelque confiance en moi, je puis même
beaucoup sur son esprit, sur son caractère... ainsi» chère enfant,
ouvre-moi ton cœur ?
PAULINE.
Vous y lisez, Madame, je ne vous cache rien.
3Z|6 Uk MARATRE.
iM fiiiréRAL.
Vernon, qu'est-ce que tu fais donc?
(Légers mnrmnres. Pauline Jette un regard nn la table de Jm.)
GSRTtlUDE^ à part.
lAiiferv^tUitk directe ti*a pds réussi, (oant.) Combien tn mi
rtmds heureux ! c»r ce platisaut de petite tiHe, Godard, prétead
4pMrtti fcss presque éranoaie quand il a fait dire exprès par Napo-
léon que Ferdinand s'était cassé la jambe... Ferdinand est un
aimable jeune homme, dans notre intimité depuis bientôt quatre
ans ; qeiof de plus naturel que cet attachement pour ce garçoo,
qui non-seulement a de la naissance, mais encore des talents?
PAULINE.
C'est le conmiis de mon père.
GBRTRVDB.
Ah! grâce à Dieu, tu ne l'aimes pas; tu m'effrayais» car, ma
ma chère, il est marié.
PAULINE.
Tiens, il est marié! pourquoi cacbe*t-il cela? (Apart.) Marié! ce
serait infâme; je lui demanderai ce soir« je 1«» ferai le sigoal dont
nous sommes conyenus.
GERTRUDB^ k pfH.
Pas une fibre n'a tressailli dan» sa figure! Godard s'est tronçé,
ou cette enfant serait aussi forte que moi.#« (Bâtit.) Qu'as-ta,
mon ange?
PAULINE*
Oh f rien.
) GEKllIUDE^ lui mettant la lUah» dttas kf ôtm.
Tu as chaud l là, vois-tu? (a part.} Elle l'aime, c'est 8Ûr#«.. Mais
lui, l'aime t-îl? Ohl je suis dans Tenfer.
Pauline]
Je me serai trop appliquée à Focnragel £t vous, qu'avez-TOUs'
Rien! 1 « me demandais poctrqftor Ferdinand cache soi^mariage'
PAULINE.
JM<Mdr
GERTRUDB^ à part.
Voyons si elle sait le secret de son noiik (Hwt^; PavM fiM>i>
ACTE n. S'I?
femme est très-indiscrète et qa^elle l'aurait compromis..... Je ne
puis t'en dire davantage.
fàvtanL
Compromis I fil poarqud oompromifî
GERTHinm^ i0tettnk.
Si elle i*aime, elle a un caractère de ferf Mâb ot me serafent-
iis vus 7 Je ne la quitte pas le jour, Champagne le voit à toute
heure à la fabrique... Non, c'est absurde... Si elle Taîme» elle
l'aime à elle seule, comme font toutes les jeunes filles qui com-
mencent à aimer un homme sans qu'il s'en aperçoive ; mais »Mls
sont d'intelligence, je l'ai frappée trop droit au cœur pour qu'elle
ne lui parle pas, ne fût-ce que des yeux. Oh ! je ne les perdrai
pas de vue.
f^ous avons gagné, monsieur Ferdinand, à merveille !
(Ferdinand quitte le Jeu et se dirige vers Gertrude.)
PAULIKC^kiMrt.
Je ne oioyai» fttE qu'on pût souffrir antuit sans lûoimi;
FERDINAND^ à Gertrude.
Madame, c'est à vous U eue remplacer.
GERTRUDE.
Pauline^ prends ma place, (a part.) Je ne puis pas lui dire qu'il
aime Pauline, ce serait lui en dtonnerndée. Que faire? (a Ferdinand.)
Elle m'a tout avoué.
Quoi?
GHRTRUDB.
Mais, touti
FERDINAND.
Je ne comprends pas... Sfademoîselle de Grandchampf.««
GERTRUDE. •
OoL
FERDlNAfrO.
Eh bien t qa^a-t-elle fait ?
GERTRUDE.
Vous ne m'avez pas trahie 1 Vous n'êtes pas d'intelligence pour
me tuer?
ZllS LA MARATRE.
FERDINAICD,
Vous tner? Elle!... Moi!
GBRTRUDB.
Serais-je la Ticdme d'une plaisanterie de Godard?*.»
FERDINAND.
Geitrude... tous êtes Me.
GODARD^ à Panllne.
Ah ! Mademoiselle, vous faîtes des fautes.
PAULINE.
Vous a?ez beaucoup perdu, Monsieur, à ne pas avoir mal)elle'
mère.
6ERTRUDB.
Ferdinand» je ne sais où est l'erreur, où est h vérité ; maïs ce
que je sais, c'est que je préfère la mort à la perte de nos espé-
rances.
FERDINAND.
Prenez garde I Depms quelques jours le docteur nous obserre
d'un œil bien malicieux.
GRRTRUDK, à put.
Elle ne l'a pas regardé! (^«M Oh! elle épousera Godard, son
père l'y forcera.
FERDINAND.
C*est un excellent parti que ce Godard.
LE GÉNÉRAL.
Il n'y a pas moyen d'y tenir I Ma fille fait fautes sur fautes;
et toi, Vemon, tu ne sais ce que tu joues, tu coupes mes rois.
VERNON.
Mon cher général, c'est pour rétablir l'équilibre.
LE GÉNÉRAL.
m
Ganache! tiens, il est dix heures, nous ferons mieux d'aller
dormir que de jouer comme cela. Ferdinand, faites-moi le plaisir
de conduire Godard à son appartement Quant à toi, Yemoa, to
devrais coucher sous ton lit pour avoir coupé mes rois.
GODARD.
Hais il ne s'agit que de cinq francs, général
ACTE n. 3&9
LB GÉNÉBAL.
Et nionneur? (à Temon.) Tiens, quoique tu aies mal joué, voilà
(a caïUie et ton chapeau. (PanUne prend um fleur à U JanllBlèra et Joue avec)
GERTRODE.
Un signal I oh! dussé-je me bire tuer par mon mari, je veil-
lerai sur elle cette nuit
FERDINAND^ qjai a pris h Félix un bougeoir
H. de Rimonville, je suis à vos ordres.
GODARD.
Je vous souhaite une bonne nuit. Madame! Mes humbles hom-
mages, Mademoiselle ! Bonsoir, général !
LE GÉNÉRAL.
Bonsoir, Godard.
GODARD.
De Rimonville... Docteur, je...
TBRNON, leregardeetiemoadia.
Adieu, mon ami.
LE GÉNÉRAL^ reconduisant le docteur. .
ÀllonSf à demain, Vemon ! mais viens de bonne heure,
SCÈNE VI.
GERTRODE, PAULINE, LE G£n£RAL.
GERTRUDI,
Mon ami, Pauline refuse Godard.
LE GÉNÉRAL.
£t quelles sont tes raisons, ma fille ?
PAULINE.
Mais il ne me plaît pas assez pour que je fasse de lui un mari.
LE GÉNÉRAL.
Eh bien ! nous en chercherons un autre) mais il faut en finir,
3$0 LA MAAATRE.
car tu as vingt-deax ans, et Ton pourrait croire des choses désa-
gréables pour toi, pour ma femme et pour moL
PAULINE.
H ne m'est donc pas permis de rester fille?
GBBIEUDE.
Elle a fait un choix, mais elle ne veut peut«être le dii^qn'àTOus;
je TOUS laisse^ confessez-la I (APauiine.) Bonne nuit, mon enfant!
cause avec ton père, (a part.) Je vais les écouter.
8CËIŒ VII.
LE GÉNÉRAL, PACLINB.
LE GÉNÉRAL^ à part.
Confesser ma fille ! Je suis tout à fait impropre I cette ma-
nœuvre ! C'est elle qui me confessera. (Haai.) Pauline, viens là.
(Il la prend sur ses gonoux.) Bien, ma petite chatte, crois-tu qu'an vieui
troupier comme moi ne sache pas ce que signifie la résolution de
rester fille... Cela veut dire, dans toutes les langues, qu'une jeune
personne veut se marier, mais.. . à quelqu'un qu'elle aime.
PAULINE.
Papa, je te dirais bien quelque chose, mais je n'ai pas confiance
en toi.
LE GÉNÉRAL
£t pourquoi eela, MademoiseUe T
PAULINE. .
Tu dis tout à ta femme,
LE GÉNÉRAI,
Et tu as un secret de nature ù ne pas être dit à on ange, à uof
femme qui t'a élevée, à ta seconde mère !
PAULINE.
Oh! si tu te fâches, je vais aller me coucher... Je croyais^ moi
q«e le oœup d'un pore devait ôtrc an asik sûr pour une fiUfl;
LB GÉNGUAL.
Ohl câline! Allons» pour toi je vais me faiire dooi.
JUSTE tt. 351
Oh ! que tu es bon I Eh bien ! si j'aimais le A)3 d'un de ceiu
qae ta maudis ?
LE GÉNÉRAL^ U se lève bmsqaement et repoone la flUe.
Je te maudirais !
PAsun»
Eq voilà de ]» doiiic^urji là ! (a«nrid9 partit.)
LE GÉNéRAL.
Mon eufant, il est des seotûa^nt^ qu'il ne faut jamais éveiller
eu moi; tu le sais» c*^JSt ma vie. Veux- ta la mort de ton père?
PAULINE.
Oh!
Chère enfant I j*af ftiit mon temp^.. Ttensi» moa (sort e$t à en*
vler près de toi, près de Gertrude. Eh bien I quelque douce $t
charmante que soit mon existence, je la quitterais sans regret si,
h quittait, je te rendais heureuse; car nous devons le bonheur à
ceux b tpn nons av^e dotoé la vie.
VAUUNB wttUi porte eotr^-bAlHâe.
Ah ! elle écoule. (Uaut) Mon père, il n'en est rien, rassurez-vous \
Mais enfin, voyons... Si cela était et que ce fût mi sentiment si
violent que j'en dusse mourir?
LE giSnérâl. -
Il faudrait ne m'en rien dire, ce serait plus sage, et attendre
ma mort. Et encore I s'il n'y a rien de plus sacré, de plus aimé» i
après Dieu et la patrie, pour les pères,^ que leurs enfants, les en* \
fants, à leur tour, doivent tenir pour saintes les volontés de leurs
pères, et ne jamais leur désobéir, même après leur mort. Si tu
n'étais pas fidèle à cette haioe, je sortirais, je crois, de mon cer-
cueil pour te maudire.
PAULIJîE; ellç embriusse gop père.
Oh ! méchant! méchant ! £h bien ! je saurai maintenant si tu
^ discret*, • Jure -moi sur ton honneur de ne pas dire un mot de
ceci.
LIS G^ÉRAL.
Je te le promets I Mais quelle raison as-tu donc de te défier de
Gertrude?
352 I^ MARATBE.
PÀULUI.
Tu ne me croirais paii
LE GÉNÉBAL.
Toa intention est-eile de tourmenter ton pèret
PAULINE.
Non... A quoi tiens-tu le plus, à ta haine contre les traîtres ou
à ton honneur 7
LE GÉNÉRAL.
4,run comme à l'autre, c'est le même principe.
PAULINE.
Eh bien ! si tu manques à l'honneur en manquant à ton ser-
ment, tu pourras manquer à ta haine. Voilà tout ce que je voulais
savoir !
LE GÉNÉRAL.
Si les femmes sont angéliqnes, elles ont aussi quelque chose
d'infernal. Dites-moi qui souffle de pareilles idées à une 611e inno-
cente comme la mienne?.. .Voil^ comme elles nous mènent par le...
PAULINE.
Bonne nuit, mon père.
LE GÉNÉRAL.
Hum! méchante enfant I
PAULINE.
Sois discret, ou je t'amène un gendre k te faire frémir*
(Bile rentre dMiâli.)
SCÈNE vm. ,
LE GÉNÉRAL, leifl.
IL y a certainement un mot à cette énigme I U faut le trouver I
oui, le tiouver à nom» deux Gertnide.
AOTB II. . 359
SCÈNE IX.
La fcène change. La ebambra de Pauline. Ceat one petite chambre almple. le lit an
fiod. une taUe ronde à gaacbe. Il existe nneaortle dérobée à saucbe, et rentrée eel
I4rall«.
PAULINE.
Enfin, me voilà seule, je pais ne plus me contraindre I Marié !!!
mon Ferdinand marié!!! Ce serait le plus lâche, le plus infâme» le
plas TÎI des hommes! je le tuerais ! — Le tuer!... non, mais je ne
survivrais pas une heure à cette certitude... Ma beiie-mère m'est
odieuse! ah! si elle devient mon ennemie, elle aura la guerre, et
je la lui ferai bonne. Ce sera terrible : je dirai tout ce que je sais
à mon père, (EUe regarde à sa montre.) Ouzo houres et demie, il ne peut
Tenir qu'à minuit, quand tout dort Pauvre Ferdinand ! risquer
sa vie ainsi pour une heure de causerie avec sa future ! est-ce
aimer? On ne fait pas de telles entreprises pour toutes les femmes!
inssi de quoi ne serais-je pas capable pour lui! Si mon père nous
surprenait, ce serait moi qui recevrais le premier coup. Ohl
douter de l'homme qu'on aime, c'est je crois un plus cruel sup-
plice que de le perdre : la mort, on l'y suit; mais le doute !
c^est la séparation... Ahl je l'entends.
SCÈNE X.
FERDIMÀlf D, PADLINE ; éUe poMM tat temoi.
Es-ta marié ?
PBRDINANI).
Quelle plaisanterie !«•• Ne te l'aurais-je pas dit!
PÀULINB.
Ah 1 (BUe tombe dans on fliateall, pnli à gênons.) Sainte Vierge, quel VCeU
vous faire ? (isne emlmaM la SMln de Ferdinand^ Et toi, SOIS mille foîs béoi
TH. 23
5^ «LA HiHUltBB.
flRDINAND.
Mais qni fa dit une pareiiie IMw!
PÀULnn.
Ma belle -mère.
FEKDINAirD.
Elle sait tout T ou n eDe ne le sait i)as, elle Ta nous eafisum et
tout découvrir ; car les soupçons, chez les femmes comme eUe,
t*est la certitude !... £cout&-noi, Pauline, les instants sont pré-
cieux. C'est madame de Grandcbamp qui m'a £iit venir dans cette
maison.
PAULUTB.
Etpoarqno}f
FKRDIICAKD*
Pta-ce qu'elfe m^rirne
Qneffe Iiarrenrf... Eli bien! et mon père?
fbrdutanh.
Elle m'aimait avant de se marier.
PiiUUSKi.
Elle t'aime ; mais td» l'aimcs-te?
Senia^je ntté èBOKcctie nHiMAt
Elle t'aime... encore?
FERDINAND.
Malheureusement toujours!... Elle a été, je dois te l'avouer,
ma première inclination ; mais j» h hA aujourd'hui de toutes les
puissances de mon âme, et je cherche pourquoi Est-ce parce qae
je t'aime, et fw tam WniaMe et ptr aianr ttfl ée sa nature
exclusif 7 est-ce que la comparaison d'un ange de pureté tel que
toi et d'un démon comme elle me pousse autant à la haine da mai
qu'à l'amour de toi, mon bieir, mon bonheur, mon joli trésort
Je ne sais. Mais je la hais, et je t'aime à ne pas regretter de mddrfr,
si ton père me tuait; car uncf de nos causeries, une heure passée
Gi, près de toi, me semMe*, mélBye'apris qn^ettr^^tf^ CbodS?» flNrte
ma vie.
«kf parlir PMi»iii^)QNnL«^ matmiÊmÊmlm Ayriii>w
ACTE IL 35&
entendu^ X^ ^^ pardonne le mal que tu m'as fait en ni!appEeiiant
que je ne suis pas ton prenuer, ton seul amour, coaime tu es le
mien... C'est une illusion perdue», que wt^»-tu?. K& te £âche. pa&7
Les jeunes filles sont folles, elles n*ont d'ambition que dans leur
amonr, et elles voudraient avoir le passé comme elles ont l'avenîf
deodoi qu'elles aiment! Tu la hais! voilà pour moi plus d'amour
dans une parole que toutes les preuves qiie tu m'en a dooiiea e«i
deux ans. Si tu savais avec quelle cruauté cette marâtre m'a mise
à la question! Je me vengerai !
Prends garde l elle est bîea dangereuse l BilefwviinihfrtDftpèiet
elle est femme k livrer uacombat morleLI
PAULIN!;.
Mortel ! c'est ce que je veux.
wwÊmkmk
De la prudence, ma chère Paoliae-f Meus voulons être Tun à
ramre^ n'est-ce pas?.^ AbHn i m«r amie^ k pr<OBaf«tir Ai roi ett
dVis que, poar tsim^er det ëSavâSÉ» ^ nias séjpftroif, B
bat avoir la force de nous quitleff podant quelque temps.
PÀULinfc
Oh! donne-moi deux jours, «l ^awaâ tout obtenu de mon père.
FERDINAND.
Tu ne connais pas madame de Grandchamp. Elle a trop fait
pour ne pas te perdre, et eHe osera tout Aussi ne partiraf-jé pas
sans te donner des armes terribfes contre elle,
PAULINB.
Donne, donne!
Pas encore. Promets-moi de n'en faire usage ^fm (f flr Vi9 eH
menacée, car c'est un crime ctntie- la» délicatesse que je commet-
trai ! Mais il s'agit de toi.
Qu'eat-<e. dood
RRIUNAimi.
Les lettres qu'elle m'a écrites avant son mariage et quelqi
unes après... Je te les remettrai demaia Pauline, ne les lis past
iure4e inoi par .notre am<nir„ par notre boshonL ILswffifaualli
nécessité le voulait absolument, qv^'eUs sacba fiiftta les a» ott I»
356 LA UARATRB.
possession, et tu la verras trembler, ramper à tes pieds ; car alors
tontes ses machinations tomberont. Mais que ce soit ta dernière
ressource, et surtout cache-les bien I
PAULINE.
Quel duel!
PERDlNAirO.
Terrible ! Maintenant, Pauline, garde a?ec courage, comme to
l'as fait, le secret de notre amour; attends pour Favouer qu'il ne
puisse se nier.
PAULINE.
Ah! pourquoi ton père a-t-il trahi l'empereur t Mon Diea^si
les pères savaient combien leurs enfants sont punis de leurs fautes,
il n'y aurait que de braves gens !
FERDINAND.
Peut-être est-ce notre dernière joie que ce triste entretien 7
PAULINE, à part.
Je le rejoindrai.. (Haut.) Tiens, je ne pleure plus, je suis coo-
ageuse I Dis? ton ami sera dans le secret de ton asile I
FERDINAND.
Eugène sera notre intermédiaire.
PAULUTE.
Et ces lettres?
FERDINAND.
Demain! demain I... Mais où les cacheras-tu t
PAULINE.
Je les garderai sur moi.
FERDINAND.
Eh bien! adieu.
PAULINE.
Non, pas encora»
FERDINAND.
Un instant peut nous perdre...
PAULINI.
du nous unir pour la vie... Tiens, laisse-moi te reconduire, je
ne suis tranquille que lorsque je te vois dans le jardin. Viens,
viens.
FERDINAND.
Un- dernier coup d'œil à cette chambre déjeune fille où tu peu
seras ^ moi... où tout parie de toi.
ACTE IL 351
SCÈNE XI.
Change et repréwnte la premttte décoration.
PAULINE, nr le perron: GERTRUDE, à U porte dn ealon.
GEBTRUDB.
EHe le recoodait jnsqae dans le jardin... Il me trompait I elle
aussi I. . . (Elle prend Pauline par la main et l'amène sur le derant de la scène.) Dh
rez-voas. Mademoiselle, que vous ne l'aimez pas?
PAULINB.
Madame, moi je ne trompe personne.
GERTRUDB.
Yous trompez votre père.
PAULINE.
Et vous. Madame?
GERRUDS.
D'accord! tous deux contre moi... Oh! je vais...
PAULINE.
Yoos ne ferez rien. Madame, ni contre moi, ni contre luL
GERTRUDE.
Ne me forcez pas à déployer mon pouvoir ! Tons devez oltéfr à
votre père, et., il m'bbéit.
PAUUNB.
Nous verrons !
GERTRUDB.
Son sang-froid me fait bondir le cœur! Mon sang pétille dans
mes veines. Je vois du noir devant mes yeux! Sais-tu que je pré-
fère la mort à la vie sans lui 7
PAUUNB.
Et moi aussi, Madame. I^lais moi je suis libre, je n*ai pas juré
comme vous d*étre fidèle à un mari... Et votre mari... c'est mon
père!
GERTRUDE^ aux genoux de Pauline.
Que t'ai-je fait ? je t'ai aimée, je t'ai élevée» j'ai été bonne
mère.
WS LA «ARATRB.
PAULINE.
Soyez épouse fidèle, et je me takaL
GEBTRUDB.
Eb ! parlei ftwb lat^MC to imdciii.^.Éili<*i lotie commence
SCÈNE xn.
ut aiHit, LE aËNÉ&ili.
XB «iirteAL.
Ah çà, que se passe-t-il donc ici 7
Trouve-toi mai! allons donc! <Biie la renyerBe^ n y a, mon ami,
que j*ai entendu des gémissements. NUne dbère ^aubat i^Iait
au secours, elle était asphyxiée par les fleurs de sa chambre.
PAULINE.
Oui, papa» Marguerite aya^ fraMré d*ôter la jardinière, et je me
mourais.
oenTRUBe.
Yiems^ ma £11^ làum fRinàre Taie au« wnettuiariitevi^)
LBOMÉlâi..
liartes «I mgmmi iSh JbifliiJ #à dooc «vcmmbs mis les
fleursT
PAULmV^Aertrttdt.
Je ne sais pas où madame les a portées.
• «•
-n tnid'à gtaetae.)
SCÈNE XUI.
PAULINE, GERTRUDS.
CBBTRUDB.
Centrez Sans TOtre chambre, enfermez-tous-y I je prends tout
for moL (PâttUm rentra.) Je l'attends I (SUe nbM
ACTE IL 359
11 CÉKÉSkÂL, refsnant dn jardin.
Je ii*ai trouTé de jardinière nulle part.. Décidément il se passe
qnelqne chose d'extraordinaire ici. Gertrude?... personne! Ah!
madame de Graodcbavji^ «ons Jdltt ine dna«. Il serait plaisant
que ma fenune^tft «a fiHe^ie joaasseilt de moL
(U repiend son bougeoir et entre chez Gertrude. — Le rideau balne pendanl
fMiquat instant! pew indiquer l'entr'acte. puis le Jour revlentJ
ACTE TROISIÈAIE
SCÈNE PREMIÈRE.
GERTRUDE» seule d'abord: pals CHAMPAGNE.
GERTRUDF^ remonte elle-même une Jardinière par le perron et la dépose dam U
première pièce.
Ai-jc eu de la peine à endormir ses soupçons ! Encore une oo
deux scènes de ce genre, et je ne serai plus maîtresse de son es-
prit. Mais j*ai conquis un moment de liberté... Pourvu que Pau-
line ne vienne pas me troubler !.. . Oh I elle doit dormir... elle s'est
couchée si tard!... Serait-il possible de l'enfermer 7*. • (EUevayoïr
porte de la chambre de Pauline.) Non I. . .
CHAMPAGNE^ entrant.
M. Ferdinand Ta Tenir, Madame.
GERTRUDE.
Merci, Champagne. H s'est couché bien tard, hier?
CHAMPAGNE.
M. Ferdinand fait, comme vous le savez, sa ronde toutes les
nuits, et il est rentré Ters une heure et demie du matin. Je couche
au-dessus de lui, je l'entends.
GERTRUDE.
Se couche-t-il quelquefois plus tard?
CHAMPAGNE.
Quelquefois, c'est selon le temps qu'il met à faire sa ronde.
GERTRUDE.
Bien, mercL (Champagne sort.) Pour prix d'un sacrifice qui dure
depuis douze ans, et dont les douleurs ne peuvent être comprises
"^'M.^f„fe
AGTB in. 36i
ipie par des femmes, car les hommes deyinent-ib jamais de pa-
reilles tortares ? qa'avais-je demandé? bien pen ! le savoir là, près
de HMM, sans antre plaisir qu'nn regard furdf de temps en temps,
ieoe voulais qne cette certitude d'être attendue... certitude qui
nous suffit, à nous autres pour qui Tamonr pur, céleste, est un
rêve irréalisable. Les hommes ne se croient aimés que quand ils
DOQS ont £iit tomber dans la fange I et voilà conune il me récom*
pense! il a des rendez-vous la nuit avec cette sotte de fille I Eh
bien ! il va prononcer mon arrêt de mort en face; et, sll en a le
courage, j'aurai celui de les désunir à jamais, à l'instant; j'en ai
trouvé le moyen... Âh ! le voici ! je me sens défaillir I Mon Dieu !
pourquoi nous faites- vous donc tant aimer un hoomie qui ne nous
aime plus f
SCÈNE IL
FERDINAND, GERTRUDI.
GERTRUDK*
Hier, vous me trompiez. Vous êtes venu cette nuit, ici, par ce
salon, avec une fausse clef, voir Pauline, au risque de vous faire
tuer par M. de Grandchamp I Oh I épai^nez-vous un mensonge.
Je vous ai vu, j'ai surpris Pauline au retour de votre promenade
nocturne. Vous avez fait un choix dont je ne puis pas vous féliciter.
Si vous aviez pu nous entendre hier, à cette place! voir l'audace
de cette fille, le front avec lequel elle m'a tout nié, vous tremble-
riez pour votre avenir, cet avenir qui m'appartient, et pour lequel
j*ai vendu corps et âme.
FBRD1NA5D^ Il part.
L'avalanche des reproches I (Haut.) Tâchons, Gertrude, de nous
conduire sagement l'un et l'autre. Evitons surtout les vulgarités...
Jamais je n'oublierai ce que vous avez été pour moi ; je vous
aime encore d'une amitié sincère, dévouée, absolue; mais je n'ai
plus d'amour.
GERTRUDB*
Depuis dix-huit moisT
rtRDINASDli
Depuis trois ans.
M2 LA
gigKTBiTrg-
Mas aka wcMB <d0ae ifie j'« k drakde iM&r «t ée «^^
itai Miioui piBir nriBnr : car«ec Mmaac vms a leada iâche «t
I
Om, i»iiVBi*am 4i!Bnp6e..... BftfestMtidcBlreii&as^biix,
ww imVa fat levâtir BQ cmcftère fû II W fM i^ ie«ii8
viikiilB, fim le saf tt. lA ^Menn e« kancte, etjeinarohe^bms
«■B Tflk de tmoaiieries îaHmes. Vimui me «avez drac pas ice ipie
c*«it ^K à'Kfékk tnmver 4e m«v4MK meBfWWHjPf cbMfae joor, à
rimproviste, de mentir avec un poignard dans le cœur?».. Oh! Je
mensonge I mais c'est pour nous la punition du bonheur. C'est une
honte, si l'on réussit ; c'est la mort, si l'on échoue. Et vous ! vous,
les hommes vous envient de vous faire aimer par les femmes. Vous
serez applaudi, là où je serai méprisée. Et vous ne voulez pas que
je me défende I Et vous n^'avez que â^amères paroles pour une
fenune qui vous a tout caché : remords, larmes I J'ai gardé pour
moi seule la colère du ciel; je4ilesc^dais seule dans les abîmes de
mon âme« creusée par les douleurs; et, tandis que le repentir me
mordait le iXBur, je n*avais pom vous «que des r^ards ileinsde
tendresse^ une physionomie gaie! Tenes^JP^erdinand^ m dédaignes
pèB ose esclave â Jbien jgpàvoisâe.
Il iàU A fiÉK. mt/L) ÉoMiteK, ^kMÈmi^ fanid mm wtm
i«noo«iiiéfli, k jesiiene «soie «wisa fiott'a. l%âcMé»ii
k «wriez» kmt mmwmmri éiéisÊmoti^a^^ammmêmkÊi
du cœur de tous les hommes, à leur ins% cacU moêhsêmn
des premiers désirs. On a iuÊtét tmkaâfince dans les sentifflents à
WB^ffré&aai aasi Veainmamit aaqid jmnis anintit «a yftm ne
mssftemet fasdasMAcUrniàfa w ommm^lk «s^ màm
Gomme il raisonne tranquillement I Ah I il estiniSasi
Et alors je vous ai aimée avec candeur, avec ira eniieràbai&m;
mais depuis !••• d^uis, k vie a tbangé d'aspect powr
Acn in. "SSS
Si 4iic J6 "BUS tcM isn C6 tok fiû }6 iftnrMi jlnnB 4ft ireiïir,
:'est que j'ai choisi dans Paaline la seule femme avec laquelle il
me soit possible de finir mes jtmrs. Allons, Gertrude, ne voos
biisez pas contre cet arrêt do oieL Ne tovnetflei pn édOL ^tres
qui vous demandent leur boahMr, q^ voos aimeront bien.
Ahl Toos êtes le martyr? et mol., moi je snis le tooirenl
Mais ne serais-je pas votre fenme lujoard'hni, si je n'avais pas, il
y a douze ans, préféré votre bonheur à jaHmvar T
MunâHD.
9h MflB f tttei aoîiopl'lnii la vfinMi ^fton, ^sn me laissaiit ma
liberté.
La liberté d'en aimer une autre. Iliies'a|iMiliHMte^ll y a
douze ans... Mais je vais en moaiâr.
FERDlNAlfB.
On meurt d'amour dans les j^oésîes, mais dans la vie ordinaire
on se console.
Jjeaiiiiiina wis |nb, vous mires, ^p&ot iroine tiomoiir ^nUragé,
|MBr jn mot, poar«B geAel fihlbieB! H y « des lemmes ffA
meurent pour leur amour, quand cet amour est un trésor on «JDas
ont tout placé, quand c^^mite Imr fie,'ét je suis de ces femmes-
là, moi ! Depuis que vous êtes sous ce toit, WtêmmaA, fwL «mut
une catastrophe à toute heuiej ekinen ! j'avais toujours sur moi le
mogea ée içnlter Ja^vieàl&uttiit, s'îla^usatiiwk «mAbot. Itaez,
(die amammmméfè VBiBm— iMt j^i vteai
PBBDmAIfl).
Ahl voici les larmes I
Je m'étais promis de les maîtriser, elles m'étouffent! Mais aussi»
vous me parla «ne ^oeMe fMA» fMJteasD t^ «est totre dernière
insulte, à vous autres, pour un amour que vous rebutez! Vous ne
me témoignez pas la moindre sympathie I vous voudriez me voir
morte^ et vous seriez débarrassé Wals, Ferdinand, tu ne me
enmM pasi r^moeni «oiil 4aiis «ne ieHM w Y
veuxi plus tromper. Gela me lasse, isw, fa «ensome. Je preséni
36& LA MARATRE.
mon enfant, je Tiendrai chez toi, nous partirons ensemble. Plus de
Pauline.
FERDINAND.
Si vous faites cela, je me tuerai
6SRTRUDI.
Et moi aussi I Nous serons réunis par la mort, et tu ne seras
pas à elle.
FERDINAND, à part.
Quel caractère infernal I
6ERTRUDB.
Et d'ailleurs, la barrière qui vous sépare de Pauline peut ne
jamais s'abaisser; que feriez- vous?
FERDINAND.
Pauline saura rester libre.
6ERTRUD1.
Mais si son père la mariait?
FERDINAND.
J'en mourrais !
GERTRUDS.
On meurt d'amour dans les poésies, dans la vie ordinaire on se
console; et.... on fait son devoir, en gardant celle dont on a
pris la vie.
LE GÉNÉRAL, aadebofi.
Gertrude I Gertrade I
GERTRUDB.
J'entends monsieur. (Le générai parait.) Ainsi, M. Ferdinand, expé-
.liez vos affaires pour revenir promptement, je vous attends.
SCÈNE m.
LE GÉNÉRAL, GERTRUDE, puis PAULINE.
XB G1&NÉRAL.
Une conférence de si grand matin avec Ferdmandl De quoi
s'agit-il donc 7 de la fabrique!
ACTE UL 36S
GIRTRUDI.
De quoi 9 s'agit! je Ta» tous le dire; car... tous êtes biea
comnie irotre flb : qoand toqs tous mettez dans ▼« questions» il
fant TOUS répondre absoloment Je me suis imaginé que Ferdi-
nand est pour quelque chose dans le refus de Pauline d'épouser
Godard
U GÉVÉIAL.
\ liensl tu pourrais avdr raison.
i
GERTRUDI.
J'ai £iit Tenir M. Ferdinand pour éclaircir mes soupçons* et tous
avez interrompu notre entretien» au moment oà j'allais peut-être
savoir quelque chose. (maune entronT» m portai
LE GÉHftaAL.
Mais si ma fille aime AL Ferdinand...
PAULINE.
Écoutons.
LE GtffttikL.
Je ne vois pas pourquoi hier, quand je la questionnais d'un ton
paternel, a?ec douceur, elle m'aurait caché» libre comme je la
laisse, un sentiment si naturel
GBBTRUDB.
C'est que tous tous y êtes mal pris, où tous TaTez questionnée
dans un moment où elle hésitait.. Le cœur des jeunes filles, mais
c'est plein de contradictions.
LE GÉNiBÀU
An fait, pourquoi pas? ce jeûne homme traTaiUe comme un
lion, il est honnête, il est probahlement d'une bonne famille.
PÀULIEE. •
Ohl j'y suis! (EOe rantn.)
LE GtfNteAl.
n nous donnera des renseignementt. H est ft-dessus d'une dis-
crétion ; mais tn dois la connaître sa famille» car c'est toi qui nous t
a UrouTe ce trésor.
GBRTRUDE.
Je te l'ai proposé» sur la recommandation de la Tieille madame I
llorin.
LE GfoÉBiL.
Elle est morte I
3W> LA liARAnS.
€V8lbiHiî|Mnr cebfœjelaidlii.. (nm.) Ettsmfa dfe fuTi »»
mère, iiifiÉinu i& ehwnfv pMr bforikr i ot. df um piM fiirit
adimraUe; eie ot es Ir^igat, ti HwÊt wHt ImmB» è» i»
LB GÉNÉRAL.
Les Gharny... Eafiu, s*S aime Paoliiie et si Pauline Taime, moi,
malgré la fortune de Godard, je fe' tet prélërerani pimr genApe...
Ferdinand connaît la fabricatÎMi; il m'achèterait mon établisse-
nmt apvec l»4rt:dr fanÉnev fa. indc tmii sari. B nfaifaTk vos
dro é^M» i ikM^ c^cpilfc crt; et qjttëmtmm piaoL... Mais icw
verroivsa
Madame Gharny?
LB QÉSÉSil.
Oui, madame Gharny... N'est-elle pas près de SainMiitol.
ce n'esl pas au bout du monda...
iflMier-f dé firUneBse, un pev de votre ifBeétynem soldat, iIe^
la douceur, et vous saurez si cette enlknl..
LB' GÉNÉk'AE.
SeÈKB Vf.
Uf mtuEtf WJtClCVKnîl, pMta
MARGUERITE.
Moi, général, la mort de mon enfant! ,
LB GÉNÉRAL.
Vous avez oublié d'ôter la j^rdijoiècaoù il se trouvait des plantes
. odeurs fortes, elle en a été presque asphyxiée..^
ACTE IIL 307
KARGUEBirS.
Par exemple I... J*ai Ôté la jardinière avant Tarrivée de M. Go-
dard, et madame a dû voir qu'elle n*y était déjà plus quand nous
avons habilla madem«i8dle>^>
Gmsvioki
Yoas TOUS trompez^ die j état*..
En Toilà une sévère. . . (Haut.) Madame a voulu mettre de» fleurs
natarelles dans les cheveux de mademoiselle, et a ^ r Tiens» la
jardinière n'y est plus...
Tous inventez... Toyons, ot raver-voor porféèF
MARGUERITB.
GERTRUDE, aii «iBéDBk
L'y âvez-vous trouvée cette naît î
NonI
Je l'ai ôtée de la chamktt nuinalaR «tte noit» «i l'aInMW
X (]Uteaeittttla.|ardintôre sur le perron.)
KARGUEBITS; au gâiéraT.
Monsieur, je vous jure sur mon sato €tcrnA«
GSRTRUDS.
HtjMftgas.U. a«te)«nt^Paidin0l
PaoUnel... '«^ •»""'
GERTRUDE.
La jardinière éuit-elle chez toi cette nuit?
Oui... Marguerite, ma pauvre vîeîffe, tu l'auras oubliée...
Dites donc, MactemoiseUe, qu'on l'y aura reportée exprès pour
TOUS rendre malade I
Qu'tti-ce que crest qw> te- iwir*.»
368 LA MARATRR.
LE GÉNÉRAL.
Vieille folle, a tous manqaez de mémoire, Q ne faat, dn mmiu,
accaser personne.
PAULINE^ à Margnertte*
Tais-toi ! (Haut.) Marguerite, elle y était I ta l'as onUiée»..
MARGUERITE.
C'est vrai. Monsieur, je confonds aYant-hier...
LB GÉIfÉRAL, à part.
£l)e est chez moi depuis vingt aùs... son insistance me semble
singulière. ... ai prend Marguerite k part.) Voyous. . . et rtûstoire dcs fleors
dans la coiffure ?..«
M ARGUERTTE > à qui Panlliie fait des signes.
Monsieur» c'est moi qui aurai dit cela..« Je suis si vieille que la
némoire me manque...
LE GÉNÉRAL.
Mais alor», pourquoi supposer qu'une mauvaise pensée poisse
venir à quelqu'un dans la maison ?•••
PAULDCB.
Laissez-la, mon père ! Elle a tant d'affection pour moi» cette
bonne Marguerite, qu'elle en est quelquefois folle. ••
MARGUEETTE. k part.
Je suis sûre d'avoir ôté la jardinière. ••
LE GÉNÉRAL, k part.
Pourquoi ma femme et ma fille me tromperaient-elles?... Ua
vieux troupier comme moi ne se laisse pas malmener dans lesfeoi
de file, il y a décidément du louche...
GERTRUDB.
Marguerite, nous prendrons le thé ici, quand M. Godud sera
descendu... Dites à Félix d'apporter id tous les' journaux.
MARGUBRITI.
Bien, Madame.
SCÈNE V.
CERTRUDE, LE GËNÉRAL, PAUUlll.
VI général; nendinMeiafllIe
Tu ne m*as seulement pas dit bonjouft fille dénaturéel
ACTE IIL 3G9
PAULINE^ elle l'embrasGe.
Mais aussi, tu commences par quereller à propos de rien... Je
vous déclare. Monsieur mon père, que je vais entreprendre votre
éducation... H est bien temps, à ton âge, de te calmer le sang
Un jeune homme n'est pas si vif que toi! Tu as fait peur à Margue»
rite, et quand les femmes ont peur, elles font des petits mensonges,
et Ton ne sait rien...
LE GÉNÉRAL, ft part.
Tirez-vous delà! (Haut.) Votre conduite. Mademoiselle ma fille»
n'est pas de nature à calmer le sang... Je veux te marier, je te pro*
pose un homme jeune...
PAULINE.
Beau, surtout, et bien. élevé!
LE GÉNÉRAL.
Allons, silence, quand votre père vous parle, Mademoiselle. Un
homme qui possède une magnifique fortune, au moins sextuple de
ia vôtre, et tu le refuses... Tu le peux, je te laisse libre; mais si
lu ne veux pas de Godard, dis-moi qui tu choisis, d'autant plus
quejelesais...
PAULINE.
Ah! mon père...,, tous êtes plus clairvoyant que moi Qui
est-ce?
LE GÉNÉRAL.
Un homme de trente à trente- cinq ans, qui me plaît à moi plus
que Godard, quoiqu'il soit sans fortune.... Il fait déjà partie de la
famille.
PAULINE.
Je ne vous vois pas de parents ici.
LE GÉNÉRAL.
Qu'as-tu donc contre ce pauvre Ferdinand, pour ne pas vouloir...
PAULINE.
Ah! ah! qui vous a fait ce conie-là? je parie que c'est madame
e Grandchamp.
LE GÉNÉRAL.
Un conte ! ce n'est donc pas vrai ; tu n*as jamais pensé à ce
yravc garçon?
• PAULINE.
Jamais I
TH. 24
370 LA MARATBB.
GKRTRUDB^ âU génénd.
Elle ment! obserrez-la.
PAULnnu
Madame a sans doute de» raisoos pour me supposer un attache^
meut pour le commis de mon père. Oh I je le vois» elle te fera
dire : Si votre oœur, ma fiUe^ n'a point de préférence, époaseï
Godard! (a Gertmde.) Ce trait, Madame, est infâme I me faire abjurer
mon amour devant mon père I Oh! je me vengerai!
GERTaUOS.
A voire aise; mais vmn épouserei Godard
LE GÉNÉRAL^ & part.
Seraient-elles mal ensemble!... Je vais interroger Ferdinand.
(Haut.} Que dites- vous donc entre vous?
GERTRUDB
Ta fille, mon ami, m'^ vent de ce que j'ai pu la croire éprise
d*UB subalterne; elle en est profondément humiiiée.
LB GÉNÉRAI.
C'est décidé, tu ne l'aimes pas?
PAULINE.
Mon père, je... je ne vous demande pas à me marier! je suis
heureuse ! la seule chose que Dieu nous ait donnée en propre, à nous
autres femmes, c'est uotre cœur... Je ne comprends pas poarquoi
madame de Grandchamp, qui n'est pas ma mère, se mêle de mes
sentiments.
GERTRUDB.
Mon enfant, je ne veux que votn; bonlicur. Je suis votre beBc-
mère, je lésais, mais si vous aviez aimé Ferdinand, j'aurais...
LE GÉNÉRAL^ baisant la main de Gertrude.
Que tu es bonne I
PAULINE^ & part.
J'étouffe!... Ah ! je voudrais lui faire bien du mal f
GERTRUDE.
Oui, je me serais jetée aux pieds de votre père pour obtenir son
conseulcment, s'il 1 avait refusé. ^
LE GÉNÉRAL.
^'oici Ferdinand, (a part.] Je vais le questionner à ma manièi'e»
je saurai pcut-êlre quelque chosp •
ACTB UL 371
SCÈNE yi.
ui utnn, F£BDINAND«
LE GÉNÉRAL, à Ferdinand.
Venez id, mon ami, là. — Voilà trois ans et demi que tous êtes
avec nous, et je vous dois de pouvoir dormir tranquillement,
malgré les soucis d'un commerce considérable. Vous êtes mainte-
nant presqu*autant que moi le maître de ma fabrique ; vous vous
êtes contenté d'appointements assez ronds, il est vrai, mais qui ne
sont peut-être pas en harmonie avec les services que vous m'avez
rendus. J'ai deviné d'où vous vient ce désintéressement.
FERDUTAND.
De mon caractère! général.
LB GÉNÉBAU
Soitl... mais le cœur y est pour beaucoup, helal... Allons,
Ferdinand, vous connaissez ma façon de penser sur les rangs de la
société, sur les distinctions; nous sonuues tous fils de nos œuvres:
j'ai été sokiat Ayez doue confiance en moi I On m'a tout diu. ...
vous aimez une petite pei'sonne, ici... si vous lui plaisez, elle est à
vous. Ma femme a plaidé votre cause, et je dois vous dire qu'elle
est gagnée dans mon cœur.
FERDINAND.
Vrai ? général, madame de Graudchamp a plaidé ma cause!
Ah! Madame! (utoiobeàsesKenouxo Ah ! je reconnais là votre gran-
deur d'âme I Vous êtes sublime, vous êtes un ange! (Courant se jeter
aux genoux de Fauune.j Pauline, ma Pauline.
GERTRUDE^ au général.
J'ai deviné, il aime Pauline.
PAULINE.
Monsieur, vous ai-je jamais^ par un seul regard, par une seule
parole, donné le droit de dire ainsi mon nom? Je suis on ne peut
plus étonnée de vous avoir inspiré des sentiments qui peuvent
flatter d'autres personnes, mais que je ne partage pas... J'ai de
plus hautes ambitions.
LE GÉNÉRAL.
Paulme, mon enfant, tu es plus que sévère... Voyons, n'est-ce
pas quelque malentendu... Ferdinand, venez id, plus près...
372 LA MARATRE.
FERDINAND.
Comment, Mademoiselle, quand madame votre belle-mère,
quand monsieur votre père sont d*accord?...
PAULINE^ & Ferdinand.
Perdus.
LE GÉNÉRAL.
Ah! je vais faire le tyran. — Dites-moi, Ferdinand, vous avez
sans doute une famille honorable ?...
PAULINE^ à Ferdinand.
Là!
LE GÉNÉRAL.
Votre père, bien certainement, exerçait une profession au moins
égale à celle du mien, qui était sergent du guet
GERTRUDE^ & part.
Les voilà séparés à jamais.
FERDINAND.
Âh I (A Gertrude.) Je VOUS Comprends. (Au g'nérai.) Général, je ue dis
pas que dansun rêve, oh ! bien lointain. Mademoiselle, dans un doux
rêve, auquel on aime à s'abandonner quand on est pauvre et sans
famille... (les rêves sont toute la fortune des malheureux!) je ne dis-
pas que je n'aie pas regardé comme un bonheur à rendre fou de
vous appartenir; mais Taccueil que fait mademoiselle à des espé-
rances bien naturelles, et qu'il a été cruel à vous de ne pas laisser
secrètes, est tel, que dans ce moment même, puisqu'elles sont
sorties de mon cœur, elles n'y rentreront jamais ! Je suis bien
éveillé, général. Le pauvre a sa fierté qu'il ne faut pas plus blesser
que l'on ne doit heurter... tenez?... votre attachement à Napoléon.
(A Gertrude.) Vous joucz un rôle terrible !
GERTRUDE.
Elle épousera Godard.
LE GÉNÉRAL.
Pauvre jeune homme? (APauiine.) II est très-bien ! Je l'aime...
(Ti prend Ferdinand & part. ) A votre place, moi, à votro âge, j'aurais...
Non, non, diable!... c'est ma fille!
FERDINAND.
Général, je m'adresse à votre honneur... Jurez-moi de garder
le plus profond secret sur ce que je vais vous confier, et que ce
secret s'étende jusqu'à madame de Grandchamp.
ACTE 111. , 373
LE GExNÉRAL, & part.
• Ah ! ça, lui aussi, comme ma fille hier, il se défie de ma femme. . .
Eh! sariebleu! je vais savoir... (Haut.} Touchez- là, vous avez la
parole d'uu homme qui n'a jamais failli à celle qu'il a donnée.
FERDINAND.
Après m*avoir fait révéler ce que j'enterrais au fond de mon
cœur, après avoir été foudroyé, c'est le mot, par le dédain do ma-
demoiselle PauUne, il m'est impossible de demeurer ici... Je vais
mettre mes comptes en règle, car, ce soir même, j'aurai quitté
le pays, et demain la France, si j trouve au Havre un navire en
partance pour l'Amérique.
LE GÉNÉRAL, part.
On peut le laisser partir, il reviendra, (a Ferdinand.) Puis-je le
dire à ma ûUe?
FERDINAND.
Oui, aiais à elle seulement -
LE GÉNÉRAL.
Pauline!... eh bien! ma fille, tu as si cruellement humilié ce
pauvre garçon, que la fabrique va se trouver sans chef; Ferdi-
nand part pour l'Amérique ce soir.
PAULINE.
Il a raison, mon père... Il fait de lui même ce que vous lui au-
riez sans doute conseillé de faire.
GERTRUDE, à Ferdinand.
Elfe épousera Godard.
FERDINAND^ h Gertrade.
Si ce n'est moi, ce sera Dieu qui vous punira de tant d'atrocité.'
LE GÉNÉRAL, & Faullne.
C'est bien loin, l'Amérique?... un climat meurtrier.
PAULINE.
On y fait fortune.
LE GÉNÉRAL, h part.
Elle ne l'aime pas. (a Ferdinand.) Ferdinand, vous ne partirez pas
lans que je vous aie remis de quoi commencer votre fortune.
FERDl.'CAND.
Je vous remercie, général; mais ce qui m'est dû me suffira!
D'ailleurs, vous ne vous aperccvi^ez pas de mon départ à la fa-
brique, car j'ai formé dans Cliampaguc un contre-maître assez
'61 h LA MARATRE.
lidbile aujourd'hui pour devenir mon successeur ; et si vous von-
fcz ra'accompagner à la fabrique, vous allez voir...
LE G^.NéRÀL.
Volontiers, (a part.) Tout s'embrouille si bien ici, que je vais
aller chercher Vernon. Les conseils et les deux yeux de mon
vieux docteur ne seront pas de trop pour m'aider à deviner ce qui
trouble le ménage, car il y a quelque chose. Ferdinand, je suis à
vous. Nous revenons, Mesdames, (a part.) Il y a quelque chose.
( Le général et Ferd inand sortent.)
SCÈNE VII.
GERTRUDE, PAULINE.
PAULINE, elle Terme ]a porte au verrou.
Madame, estimez-vous qu'un amour pur, qu'un amour qoi,
pour nous, résume et agrandit toutes les félicités humaines, qui
fait comprendre les félicités divines, nous soit [^lus cher, plus pré-
cieux que la vie?...
Vous avez lu la Nouvelle Iléloïse^ ma chère. Ce que vous dites
là est pompeux, mais c'est vrai.
PAULINE.
£h bien! Madame, vous venez de me faire commettre un suicide.
GERTRUDE.
Que vous auriez été heureuse de me voir accomplir ; et, si vous
aviez pu m'y forcer, vous vous sentiriez dans Tâme la joie qui
remplit la mienne à déborder.
PAULINE.
Selon mon père, la guerre onfiM; gens civilisés a ses lois; mais
la guerre que vous me faites. Madame, est celle des sauvages.
GERTRUDE.
Faîtes comme moi, si vous pouvez... Mais vous ne powrrez
rien! Vous épouserez Godard. C'est un fort bon parti; vous sera,
je vous l'assure, très- heureuse avec fui, car il a des qualités.
PAULINE.
Et VOUS croyez que je vous laisserai tranquillement devenir la
femme de Ferdinand?
u
ACTE m. 575
GERTRUOB.
Après le pea de paroles qae nous avons échangées cette nuit,
pourquoi prendrions- nous des formules hypocrites? J'aimais Fer*
dioand, ma chère Pauline, quand vous aviez huit ans.
vàuline.
Mais vous en avez plus de trente!... Et moi, je suis jeune!..
D'ailleurs, il vous hait, il vous abhorre! il me Ta dit, $. il ne \e\K
pas d'une femme capable d'une trahison aussi noire que Test la
vôtre envers mon père.
f GERTRUOE.
lux yeux de Ferdinand, mon amour sera mon absolution.
PAULINE.
Il partage mes sentiments pour vous : il vous méprise. Madame.
6ERTBT70E.
Vous croyez? eh bien, ma chère, c'est une raison de plus! Si
je ne le voulais pas par amour, Pauline, tu me le ferais vouloir
nourmari, par vengeance. En venant ici, ne savait-il pas qui j'étais?
PAULINE.
Vous l'aurez pris à quelque picge, comme celai que vous venez
de nous tendre et où nous sommes tombés.
GERTRUDE.
Tenez, ma chère, un seul mot va tout finir entre nous. Ne vous
êtes-vous pas dit cent fois, mille fois, dans ces moments où l'on
se sent tout âme, que vous ferlez les plus grands sacrifices à Fer-
dinand?
PAULINE.
Duî, Madame.
GERTRUDE.
Comme quitter votre père, la France; donner votre vie, TOtrc
honneur, votre salut!
PAULINE.
Oh! l'on cherche si l'on a quelque chose de plus à offrir que
soi, la terre et le ciel.
GERTRUDE.
Eh bien ! ce que vous avez souhaité, je l'ai fait, moi! C'est as-
sez vous dire que rien ne peut m'arréter, pas même la mort
PAULINE.
C'est donc vous qui m'aurez autorisée à me défendre ! (a part.)
:S76 LA MAHATUIU
O FerdinaDd ! notre amour (Gertnide va sasseotr mr le eanapé pendan:
l'aparté de Pauline), elle le dit, est plus que la vie ! (À Gertrude.) Madame,
tout le mal que vous m*avez fait, vous le réparerez ; les difficultés,
les seules qui s'opposent à mon mariage avec Ferdinand, vous les
vaincrez... Oui, vous qui avez tout pouvoir sur mon père, vous
lui ferez abjurer sa haine pour le fds du général MarcandaL
GERTRUDE.
Ah! très-bien.
PAULINB.
Oui, Madame»
GERTRUDB.
Et quels moyens formidables avez-vous pour me contraindre?
PAULINE.
Nous nous faisons, vous le savez, une guerre de sauvages?...
GERTRUDE.
Dites de femmes, c'est plus terrible! Les sauvages ne font souf-
frir que le corps; tandis que nous, c'est au cœur, à l'amour-
propre, à l'orgueil, à l'âme que nous adressons nos flèches, nous
les enfonçons en plein bonheur.
PAULINE.
Oh ! c'est bien tout cela, c'est toute la femme que j'attaque l
Aussi, chère et très-honorée belle-mère, aurez-vous fait dispa-
raître demain, pas plus tard^ les obstacles qui me séparent de Fer-
dinand; ou bien, mon père saura par moi toute votre conduite,
avant et après votre mariage.
GERTRUDE.
Ahl c*est là votre moyen ? Pauvre fille! il ne vous croira ja-
mais.^
PAUUNE.
Oh! je connais quel est votre empire sur mon pauvre père,
mais j'ai des preuves
GERTRUDE.
Des preuves! des preuves!...
PAULINE.
Je suis allée chez Ferdinand... (je suis très-curieuse), et j*ai
trouvé vos lettres. Madame ; j'en ai pris contre lesquelles l'aveu-
gicment de mon père ne tiendra pas, car elles lui prouveront.
>•»
Quoi?
Tout I tout I
ACTE III. 377
GERTRUDE.
PAULINE.
GERTRUDE.
Mais! malheureuse enfant! c'est un ?ol et un assassinat I... à
son âge. . .
PAULINE.
Ne vcnez-Yous pas d'assassiner mon bonheur?... de me faire
nier, à mon père et à Ferdinand, mon amour, ma gloire, ma vie?
GERTRUDE.
Oh! Oh! c'est une ruse, elle ne sait rien! (Haut.) C'est une ruse,
je n'ai jamais écrit.. C'est faux. t. c'est impossible... Où sont ces
lettres?
PAULINE.
Je les ai!
GERTRUDE.
Dans ta chambre?
PAULINE.
Là où elles sont, tous ne pourriez jamais les prendre.
GERTRUDE^ & part.
La folie, avec ses rêves insensés, danse autour de ma cervelle !...
Le meurtre m'agite les doigts... C'est dans ces moments-là qu'on
tue!... Ah! comme je la tuerais... Oh! mon Dieu, mon Dieu!
ue m'abandonnez pas, laissez-moi ma raison!... Voyons!
PAULINE, à part.
Oh ! merci, Ferdinand ! Je vois combien tu m'aimes : j'ai pu
lui rendre tout le mal qu'elle nous a fait tout à l'heure... £t.. elle
nous sauvera!...
GERTRUDE, h part.
Elle doit les avoir sur elle, comment en être sûre? Ah! (Eiie se
rappRXïhe.) Pauline!... Si tu avais eu ces lettres depuis longtemps,
tu aaraîs su que j'aimais Ferdinand ; tu ne les a donc prises que
depuis peu ?
PAULINE.
Ce matin.
GERTRUDE*
Ta ne les a pas toutes lues?
378 LA UARATIUS.
PAULINK.
Oh ! assez poar savoir qu'elles vous perdent
GERTRUDB.
Pauline, la vie commence pour toi. (on frappe.) Ferdinand est le
premier homme, jeune, bien élevé, supérieur, car il est supérieur,
qui se soit offert à tes regards ; mais il y en a bien d'autres dans
le monde... Ferdinand était en quelque sorte sous notre toit, tu le
voyais tous les jours ; c'est donc sur lui que se sont portés les pre-
miers mouvements de ton cœur. Je conçois cela, c'est tout natu-
rel? Â ta place, j'eusse sans doute éprouvé les mêmes sentiments.
Mais, ma petite, tu ne connais, toi, ni la société, ni la vie, £t si,
comme beaucoup de femmes, tu te trompais... car on se trompe,
va ! Toi, tu peux choisir encore ; mais, pour moi, tout est dit, je
n'ai plus de choix à faire. Ferdinand est tout pour moi, car j'ai
passé trente ans, et je lui ai sacrifié ce qu'on ne devrait jamais
faire, l'honneur d'un vieillard. Tu as le champ libre, lu peux ai-
mer quelqu'un encore, mieux que tu n'aimes aujourd'hui. .. cela
nous arrive. £h bien ! renouce à lui, et tu ne sais quelle esclave
dévouée tu auras en moi ! tu auras plus qu'une mère, plus qu'uue
amie, tu auras un âme damnée ..Oh! tiens!... (sne se met à genoux
et lëye les mains sur le corsage de Pauline.) Me VOlci à teS pieds, et tU eS ma
rivale!... suis-je assez humiliée? et si tu savais ce que cela coûte
à une femme... Grâce! grâce pour moi. (Oan-appetr^foTt,eneproflte
de l'en'roi de Pauline pour tâter les lettres.} Reuds-mOÎ la vie... (A part.) Ëiie
lésa.
PAULINE.
£h! laissez-Tnoi, Madame! Ah! faut-il que j'appelle?
(Elle repousse Oertrude et va ouvrir.)
GERTRUDE, à part;
Je ne me trompais pas, elles sont sur elle ; mais il ne faut pas
les lui laissek* une heure.
SCÈNE VIIL
LEb MÊMES, LE OÉNÉRAL, VERNON.
I.K GÉNÉRAL.
Enfermées toutes deux! Pourquoi ce cri, Pauline î
êXXB m. SÎ9
?otre figare est bien altérée, mon eifiinti foyom Totre pook?
VA masàf ta es Men éamt f
GERTRUDB.
C'est une plaisanterie, nous étions à rire. N'est-ce pas, Pau-
line... tu riais, ma petite?
Oui, papa. Ma chère maman et moi, nous étions en train de rire.
VERNOy, bas, à Fauline.
Un bien gros mensonge !
LE GÉNÉRAL.
Vous n'entendiez pas frapper ?. . .
PAULINE.
Nous an)ns bien entendu, papa; mais nous ne savions pas que
c'était toi.
LE GÉNÉRAI, àVernon.
Gomme elles s'entendent contre moi ! (Haat.) Mais de quoi s'a-
gissait-il donc?
GERTR13DE.
£h ! mon Dieu , mon ami, tous voulez tout savoir : les tenants,
les aboutissants, à l'instant !... Laissez-moi aller sonner pour le thé.
LE GÉNÉRAL.
Mais enfin !
GERTRUDE.
C'est d'une tyrannie ! Eh bien ! nous nous sommes enfermées
pour ne pas être surprises, est-ce clair?
VERNON.
Dame ! c'est très-clair.
GERTRUDE, ba*
Je voulais tirer de voire fille ses secrets, car elle en a, c'est évî-
<feiit! et vous êtes venu, vous dont je m'occupe, car ce n'est pas
mon enfant; vçus arrivez, comme si vous chargiez sur des enne-
mis, nous interrompre au moment où j'allais savoir quelque chose.
LE GÉNÉRAL.
Madame la comtesse de Grandcbamp, depuis l'arrivée de Go-
dard...
380 LA MARATRB.
GERTRUD£.
Allous, TOilà Godard, maioteDant.
LE GÉNÉRAL.
Ne ridiculisez pas ce que je vous dis ! Depuis hier, rien ne s^
passe ici comme à l'ordinaire! £t, sacrebleu ! je veux savoir...
GERXRUDE.
Oh! des jurons, c'est la première fois que j'en entends, Mon-
sieur... Félix, le thé... Vous lassez-vous donc de douze ans de
bonheur 7
LE GÉNÉRAL.
Je ne suis pas et ne serai jamais un tyran. Tout à Fheure, j'ar-
rivais mal à propos quand vous causiez avec Ferdinand! J'arrive
encore mal à propos quand vous causez avec ma ûlle. .. Enfin, cette
nuit...
YERNON.
Allons, général» vous querellerez Madame tant que vous vou-
drez, excepté devant du monde, (on entend Godard.) J'entends Godard.
(Bas au général.) Est-Jà cc que VOUS m'aviez promis? Avec les femmes,
et j'en ai bien confessé,' comme médecin, avec elles, il faut les lais-
ser se trahir, les observer.... Autrement, la violence amène les
^rmes, et une fois le système hydraulique en jeu, elles noyeraient
des hommes de la force de trois Hercules.
SCÈNE IX.
LU M&MEs, GODARD.
GODARD.
Mesdames, je suis déjà venu pour vous présenter mes hommages
et mes respects, mais j'ai trouvé la porte close... Général, je vons
souhaite le bonjour. (Le générai ut les journaux et lesalue de la main.) Ah!
voilà mon adversaire d'hier. Vous venez prendre votre revanche,
docteur?
VERNON.
Non, je viens prendre le thé.
GODARD.
Ah ! vous avez ici celte habitude anglaise, russe et chinoise?
ACTE in. 381
PAUUNB.
Préférez-Tons le café?
GEETRUOB.
Marguerite, du café.
GODARD.
Non, non, perraettez-moi de prendre da thé; je ne ferai pas
comme tous les jours... D'ailleurs vous déjeunez, je le vois, à
midi; le café au lait me couperait l'appétit pour le déjeuner. Et
pois les Anglais, les Russes et les Chinois n'ont pas tout à fait tort
VERNON.
Le thé, Monsieur, est une excellente chose.
GODARD.
Quand il est bon.
PAULINE.
Celui-ci, Monsieur, est, du thé de caravane.
GERTRUDE.
Docteur, tenez, voilà les journaux, (a Pauline.) Va causer avec
M. de Rimonville, mon enfant ; moi, je ferai le thé.
GODARD.
Mademoiselle de Grandchamp ne veut peut-être pas plus de ma
conversation que de ma personne?...
PAULINE.
Vous vous trompez, Monsieur.
LE GÉNÉRAL.
Godard....
PAULINE.
Si vous me faites la faveur de ne plus vouloir de moi pour
Teinme, vous possédez alors à mes yeux les qualités brillantes qui
doivent séduire mesdemoiselles fioudeville, Clinviile, Derville» et
caetera.
GODARD.
Assez, Mademoiselle. Ah ! comme vous vous moquez d'un
amoureux éconduit qui cependant a quarante mille livres de rente !
l^ius je reste ici, plus j'ai de regrets. Quel heureux homme que
U. Ferdinand de Gharny I
PAULINE.
Heureux! et de quoi? pauvre garçon! d'être le commis de
mon ncre.
t
382 L.^ MAIIATRB.
M. de Rimonville.
Godard...
GHBEBiniS.
M. de RiiQOBviHe.
LE GÉNÉBIL.
Godard» ma femme roii& parle.
6BRTRU0E.
Aimez-vous le thé peu ou beaucoup sucré T
Médiocrement»
GERTRUDB.
Pas beaucoup de crème ?
GODARD.
Au contraire, beaucoup, madame la comtesse, (a Pauline.) ih!
M. Ferdinand n'est pas celui qui que vous avez distingué
Eh bien ! moi, je puis vous assurer qu'il est fort du goût de votre
belie-mère.
PAULINE, à part.
Quelle peste que ces curieux de province!
GODARD, h part.
Il faut que je m'amuse un peu avant de prendre congé! Jeveux
faire mes frais.
M. de Rimonville, si vous désirez quelque chose de snbslantiel,
voilà des sandwich.
GODARD.
Merci, Madame!
GBRTRUim, à Godard.
Tout n'est pas perdu pour vous.
GODARD.
r
Oh ! Madame! j'ai fait bien des réflexions sur le refus de made-
moiselle de Grandchamp.
GERTRUDE.
Ah! (Au docteur.) Docteur.. le vôtre comme à l'ordinaire?...
LE DOCTEUR.
S'il vous plaît. Madame?
ACTE m. 385
CODARD^ & Pauline.
Fainrre garçon! ayez-vous dit Mademoiselle? Mais M. Ferdinand
n'est pas si pauvre que vous le croyez! il est plus riche que moL
PAULINE.
D*où savez-TOUs cela ?
GODARD.
J'en suis certain, et je vais tout vous expliquer. Ce M. Ferdi-
nand, que vous croyez connaître, est un garçon excessivement
dissimulé...
PAULINE, à part.
Grand Dieu I saurait-il son nom?
GERTRUDE^ k part.
Quelques gouttes d'opium versées dans son thé Pendormîront^
et je serai sauvée.
^DARD.
Vous ne vous doutez pas de ce qui m*a mis sur la voie...
PAULINE.
Oh! Monsieur I de grâce...
GODARD.
C'est le procureur du roi. Je me suis souvenu que chez les Bou*
(leville, on disait que votre commis...
PAULINEL, 4 part
Il me met au supplice.
GERTRUDE^ présentant une tasse à Pauline.
Tiens, Pauline.
VERNON, à part.
Ài-jc la berlue? j'ai cru lui voir mettre quelque chose dans la
tasse de PauKne.
PAULINE.
Et que disait-on?
GODARD.
Ah! ah! comme vous m'écoutez! Je serais bien flatté de
savoir que vous auriez cet air-là pendant que quelqu'un vous par-
lerait de moi, comme je vous parle de M. Ferdinand.
PAULINE.
Quel singulier goût a le thé! Trouvez- vous le vôtre bon?
GODARD.
Vous VOUS en prenez à votre thé pour cacher l'intérêt que vous
38& LA MARATRE.
prêtez à ce que je yous dis. C'est connu ! £h bien ! je viens exciter
votre surprise à un haut degré. . . Apprenez que M. Ferdinand est..
PAULIN£.
£st« • .
GODARD.
Millionnaire !
PAULINE.
Vous TOUS moquez de moi, M. Godard.
GODARD.
Sur ma parole d'honneur, Mademoiselle, il possède un trésor...
(A part.) Elle est folle de lui.
PAULINE^ à part.
Quelle peur ce sol m*a faite I
(Elle se lève ayec sa tasse que Veraon saisit.)
VERNON.
Donnez, mon enfant.
LE GÉNÉRAL^ à sa femme.
Qu*as-tu, chère amie, tu me semblés?...
TERNON. Il a changé sa tasse contre celle de Pauline et rend la sienne ft Gertrade.
(A part.)
C'est du laudanum, la dose est légère heureusement; allons, il
va se passer ici quelque chose d'extraordinaire... (a Godard.) M. Go-
dard?... vous êtes un rusé compère. (Godard prend son mouchoir et fut le
geste de se moucher. Vemon rit.) Ah I
GODARD.
Docteur ! sans rancune.
VERNON.
Voyons ! vous sentez- vous capable d'emmener le général à la
fabi'ique, et de l'y retenir une heure?...
GODARD.
Il me faudrait le petit
TERNOiy.
n est à l'école jusqu'au dîner.
GODARD.
Et pourquoi voulez-vous?
VERNON.
V
Je vous en prie, vous êtes un galant homme, il le faut.. Mmeir
VOUS Pauline?
ACTE IIL 385
GODARD.
Oh! je l'aimais hier, mais ce matin... (Apart.) Je devinerai bien
ce qu'il me cache. fA vemon.) Ce sera fait ! Je rais aller au perron,
je rentrerai dire an général que Ferdinand le demande ; et soyez
tranquille... Ah! voilà Ferdinand, boni (u va au perrou.)
PAULINE.
C'est singulier, comme je me sens engourdie.
(Elle s'étend pour dormir ; Ferdinand parait et cause ttee Godaid.)
SCÈNE X.
IBI HÉXB8, FERDINAND.
FERDINAND.
Général, il serait nécessaire que vous vinssiez au magasin et h
la fabrique pour faire la vérification des comptes que je vous rends.
LE GÉNÉRAL.
C'est xuste!
PAULINE^ assoupie.
Ferdinand !
GODARD.
Ah ! général, je profiterai de cette occasion pour visiter avec
TOUS votre établissement que je n'ai jamais VCL
LE GÉNÉRAL.
£h bien, venez Godard.
GODARD.
De RimonviUe.
GERTRUDE^ à part.
Ik s'en vont, le hasard me protège.
TERNON^ il part.
Le hasardl... c'est moL..
SCÈNE XI.
GERTRODE, VERNON, PAULINE, MARGUERITE esttuloiid.
y
GERTRUDB. *t
Docteur, voulez-vous une autre tasse de thé?
VERNON.
Merci, je suis tellement enfoncé dans les élections que je n'iai
pas fini la première.
TU. 25
186 LA MARATRE.
GERTRUDX^ en montrant PauliM.
Ob I la pauvre enCant, la foilà qui dort
TERNOTT.
Comment ? elle dort I
6ERTBUDI.
Gela n*est pas étonuaut Figurez^vous, docteur, qu^elle ne s*est
pas endormie avant trois heures du matin. Nous avons en celte
nuit une alerte.
VERNON.
Je vais vous aider.
GERTRUDE.
Non, c'est inutile. Maiiguerlte, aidez-moi 7 Entrons-la dans sa
chambre, elle y sera mieux.
SCÈNE xn.
VERNON, FiUX.
TERNOH.
Félix!
FEUX.
Monsieur, qu*y a-t-U pour votre service t
VSRRON.
Se trouve-t-il ici quelque armoire où je puisse serrer qudqoe
cbose?
YÉJJXj montrant l'armoire.
Là, Monsieur.
TERNOîf.
Boni Félix... ne dis pas un mot de ceci à qui que ce soit an
monde, (a part ) Il s'en souviendra. (Haat.) C'est un tour que je veux
jouer au général, et ce tour-là manquerait si tu parlais.
FÉLa.
Je serai muet comme un poisson. (Le docteur prend la cler da meuble.)
VBBNOir.
Maintenant, laisse-moi seule avec ta maîtresse qui va reYenir.
et veille à ce que personne ne vienne pendant un moment.
FEUX, sorttnt.
Marguerite avait raison : il y a quelque chosey c'est sûr.
XABCOBRITI, ravteflk.
Ce n'est rien, Mademoiselle dort. «saiMt-
ACTE UL " 881
SCÈNE xm.
VERNOW.
Ge qai peut brouiller deux femmes vivant eo paix jusqu'à pré-
sent I... oh! tous les médecins, tant soit peu philosophes» le sa-
vent Pauvre général, qui, toute sa vie, n'a pas eu d'autre idée
qoe d'éviter le sort commun! Mais je ne vois pei^nne que Fer-
dinand et moi 7... Moi, ce n'est pas probable; mais Ferdinand... je
n'ai rien encore aperçu... Je l'entends! A l'abordage !.«•
SCÈNE XIY.
TERNON, GERTRUDI,
^SRTRUDB.
Ah! je les ai. . . je vais les brûler dans ma chambre^.. (Siie rw-
contre Vemon.) Ah!
Yinroif.
Madame, j'ai lenvoyé font le monde.
GSBTRUOE.
Et pourquoi 7
T£BNON.
Pour que nous soyons seuls à nous expliquer. •
«ERTRUDB.
^ous exidiqnerl... de quel droit, vous, vous le paraaile de la
maison, prét^idez-vous avoir une explicatioD avec la comtesse de
Grandchamp?
TERNON.
Parasite, moi! Madame, j'ai dix mille livres de rente outre ma
pulsion; j'ai le grade de général, et ma fortune sera l^ée aux
enfants de mon vieil ami I Moi, parasite I Oh I mais je ne suis pas
seulement ici comme ami, j'y suis comme médecin : vous avez
versé des gouttes de Rousseau dans le thé de Pauline.
6RRTRUDE.
Md}
TSRKOK.
Je VOUS ai vue, et j'ai la tasse.
. «ERTRimi.
Vous avez la tasse ?••• je l'ai lavée»
388 LA MARATRE.
VBRNOîr.
Oui, la mienne que je vous ai donnée ! Ah ! je ne lisais pas le
journal, je vous observais.
GERTRUDE.
Oh! Monsieur, quel métier I
VERNOX.
Avouez que ce métier vous est en ce moment bien salutaire, car
VOUS aHez peut-être avoir besoin de moi, si, par Teffet de ce breu-
vage Pauline se trouvait gravement indisposée.
GERTRUDE.
Gravement indisposée... mon Dieu! docteur, je n'ai mis que
quelques gouttes.
VERNON.
Ah ! vous avez donc mis de Topium dans son thé.
GERTRUDE.
Docteur... vous êtes un infâme!
VERNON.
Pour avoir obtenu de vous cet aveu ?.. Dans le même cas, toutes
les femmes me Font dit, j'y suis accoutumé. Mais ce n'est pas tout,
et vous avez bien d'autres confidences à me faire.
GERTRUDE^ à part.
Un espion ! il ne me reste plus qu'à m'en faire an complice. (Haut.)
Docteur, vous pouvez m'êlre trop utile pour que nous restions
brouillés; dans un moment, je vais vous répondre avec franchise.
(Elle entre dans sa chambre, et s'y renferme.}
VERNON.
Le verrou mis! Je suis pris, joué! Je ne pouvais pas, après
tout, employer la violence... Que fait-elle?... elle va cacher son
flacon d'opium... On a toujours tort de rendre à un homme la
services que mon vieil ami, ce pauvre général, a exigé de inoi...
Elle va m'entortiller... Ah I la voici.
GERTRUDE^ à part.
Brûlées !... Plus de traces.. . je suis sauvée l.«. (Haut.) Docteur!
VERNON.
Madame?
GERTRUDE.
Ma belle-fiUe Pauline , que vous croyez être une fille candide, un
ange, s'était emparée lâchement, par un crime, d'un secret dont
A découverte compromettait l'honneur, la vie de quatre personnes.
VÉRNON.
Quatre. (Apart.) Elle, le général., ah^ son fils, peut-être,., et
Finconnu,
ACTE UU 389
GERTRUDE.
Ce secret, sur feqaei elle est forcée de se taire, qaand même ii
s'agirait de sa vie à client.
Je n'y suis pins.
GERTRUDI.
£h bien ! les preuves de ce secret sont anéanties! Et tous, doc-
teur, vous, qui nous aimez, vous seriez aussi lâche, aussi Infâme
qu'elle... plus même, car vous êtes un iiomme, vous n'avez pas
pour excuse les passions insensées de la femme! vous seriez un
monstre, si vous faisiez un pas de plus dans la vole où vous êtes...
VERNON.
L'intimidation! Ah ! Madame, depuis qu'il y a des sociétés, ce
que vous semez n'a fait lever que des crimes.
GERTRUDE.
Eh! il y a quatre existences en péril, songez-y. (Apart.) H re-
vient... (Haut.) Aussi, forte de ce danger, vous déclaré-je que vous
m'aiderez à maintenir la paix ici, que tout à l'heure vous irez
chercher ce qui peut faire cesser le sonuneil de Pauline. Et ce
sommeil, vous l'expliquerez vous-même, au besoin, au général
Puis, vous me rendrez la tasse, n'est-ce pas, car vous me la ren-
drez? Et à chaque pas que nous ferons ensemble, eh bien! je vous
expliquerai tout.
TERN05.
Madame !•••
GERTRUDE.
Allez donc ! le général peut revenir.
VERNOX^ h part.
le te tiens toujours! j'ai une arme contre toi, et«* (Usort.)
SCENE XV.
GERTRUDE , seule, appuyée sur le meuble ob est enfermée la
Où peut-il avoir caché cette tasse?
flV »V TROISlim ACT«.
ACTE QUATRIÈME
ta toène le pane dans la cbambre de Paoliae*
SCÈNE PREMIÈRE.
PAULINE, GERTRDDE.
Pauline endonnie dans un grand ftnitefdl k gauehe.
GBRTRUDE^ entrant avec précaution.
EUe cbrti et le docteur qui m'avait dit qu'elle 8*éTenierail aus-
sitôt... Ce sommeil m'effraye !.... Voilà donc celle qu'il aime!....
Je ne la trouve pas jolie du tout!..,.. Oh! si, cependant elle est
belle!. .. Mais comment les hommes ne voient-ils pas qnelabeaviô
n'est qu'une promesse, et que l'amour est le.... • (Onitappe.^ Allons,
voilà du monde.
VERNON, du dehoit.
Peut-on entrer, Pauline?
GKBIRUDI»
C'est le docteur I
SCÈNE IL
LIS HftHBS, VERNON.
GEBTRUDB.
Vous m*aviez dit qu'elle était éveillée.
TERNON.
Rassurez- vous... (Appelant.) Pauline?
PAULINE^ s'évelHapt.
M. Vemonl. . où suis-je? ahl chezmoL.. que m'est-îl irrivé î
▼ERNON.
Mon enfant, vous vous êtes endormie en prenant votre tbé.
AGTB IV. 391
Madame de Grandchamp a eu peur, comme moi, que ce ne fût le
commencement d'une indisposition; mais il n'en est rien, c'est
tout bonnement, à ce qu'il parait, le résultat d'une nuit passée
sans sommeil
I^ERTRUDE.
Eh bien! Pauline, comment teseos-tu?
PAULINE. '
J'ai dormi! Et madame était ici pendant que je dormais....^
(Elle se lève.) Ah ! (Elle met la main sur sa poitrine.) Ah ! c'est infâme!
(ATenum.) Docteuf, aoriezrTous été cmuidice d&..
GERTRUDB.
De quoi? Qu'allez-vous lui dire?
YERNOlf.
Moi! mon enfant, complice d'une mauvaise action? et contre
TOUS, que j'aime comme si vous étiez ma ûlie. Allons donc !
Voyons, dites-moi...
PAULINI.'
Rien, docteur, rien I
GERTRUDB,
Laissez-moi lui dire deux mots.
VERNON, à part.
Quel est donc l'intérêt qui peut empêcher une jeune fille de
parler, quand elle est victime d'un pareil guet-apens?
GERTRUDE.
£h I bien, Pauline, vous n'avez pas eu longtemps en votre pos-
session les preuves de l'accusation ridicule que vous vouliez porter
^ votre père contre moi!
PAULITfE.
Je comprends tout, vous m'avez endormie pour me dépouiller.
GERTRUDE.
Nous sommes aussi curieuses l'une que l'autre, voilà tout. J'ai
fait ici ce que vous avez fait chez Ferdinand.
PAULINE.
Vous triomphez. Madame, mais bientôt ce sera md.^
GERTRUDE.
Ah! la guerre continue.
PAULINE.
La guerre, Madame?... dites le duel ! L'une de nous est de trop.
392 LA AIAAATAB.
GERTRUDE.
Vous êtes tragique.
YERNON, lipart.
Pas d'éclats, pas la moindre mésinlelligence apparente!... Ah!
elle idée!... Si j'allais chercher Ferdinand? oiTeat sortir.)
GBRTRUDB.
Docteur!
TERNOX.
Madame?
GERTRUDE.
Nous avons à causer ensemble. (Bas.) Je ne tous quitte pas que
vous ne m'ayez rendu...
VERNON.
J'ai mis une condition. . .
PAULINE.
Docteur!
TERNON.
Mon enfant?
rAULncE.
Savez-vous que mon sommeil n'a pas été naturel?
' VERNON.
Oui, vous avez été endormie par votre belle-mère, j'en ai b
preuve... Mais, vous, savez-vous pourquoi?
PAUUNE.
Oh! docteur! c'est ••
6KRTRUDB.
Docteur!
PAULINB.
Plus tard, je vous dirai tout.
VERNON.
Maintenant, de l'une ou de l'autre, j'apprendrai quelque chose..
Ah! pauvre général!
GBRTRUDB.
Eh bien ! docteur?
SCÈNE m.
PAULINE, seule: eUe soimo.
Oui, fuir avec lui, voilà le seul parti qui me reste. Si nous cou-
ACTE IV. 393
tinnons ce dnd, ma belle-mère et moi, mon pauvre père est
déshonoré ; ne vaut-il pas mieux lui désobéir, et, d'ailleurs, je
uais loi écrire... Je serai généreuse, puisque je triompherai d'elle...
Je laisserai mon père croire en elle, et j'expliquerai ma fuite par
h haine qu'il porte an nom de Marcandal et par mon amour pour
Ferdinand.
SCÈNE IV.
PAULINE, MARGUERITE.
MARGUERITE.
Mademoiselle se tronve-t-elle bien?
PAULINE.
Oui» de corps; mais d'esprit.. Oh! je sois an désespoir. Ma
pauvre Marguerite» one fille est bien malheureuse quand elle a
perdu sa mère... *
MARGUERITE.
Et que son père s'est remarié avec une femme comme madame
de Grandchamp. Mais, Mademoiselle, ne suis-je donc pas pour
vous une humble mère, une mère dévouée? car mon affection de
nourrice s'est accrue de toute la haine que vous porte cette ma-
râtre.
PAULINE.
Toi, Marguerite I... tu le crois ! mais tu t'abuses. Tu ne m'?imes
pas tant que ça I
MARGUERITE.
Oh I Mademoiselle I mettez-moi à l'épreuve.
PAUUNE.
Voyons?... quitterais-tu pour moi la France?
MARGUERITE.
Pour aller avec vous, j'irais aux Grandes-Indes.
PAULINE.
Et sur-le-champ?
MARGUERITE.
Sur-le-champ I... Ahl mon bagage n'est pas lourd.
PAULINE.
Eb bien, Marguerite, nous partirons cette nuit, secrètement.
SO/l LA HARATBB.
HABfiUEBITE.
Noos partirons, et pourquoi?
PAULI!fB.
Pourquoi? Tu ne sais pas que madame de Grandcbamp mï
endormie.
MARGUERITE.
Je le sais, Mademoiselle, et M. Yemon aussi; car Félix m'a dit
qu'il a mis sous clef la tasse où vous avez bu votre thé... mais
pourquoi?
PAULINE.
Pas un mot là-dessus, si tu m'aimes! Et, si tu m'es dévouée
comme tu le prétends, va chez toi, rassemble tout ce que tu pos-
sèdes, sans que personne puisse soupçonner que tu fais des pré-
paratifs de voyage. Nous partirons après minuit. Tu prendras ici,
et tu porteras chez toi, mes bijoux, enfin tout ce dont je puis
avoir besoin pour on long voyage... Mets-y beaucoup d'adresse;
car si ma belle-mère avait le moindre indice, je serais perdna
MARGUERITE.
Perdue!... Mais, Mademoiselle, que se passe-t-il? songez donc :
quitter la maison?
PÀUUNB.
Yeox-ta me voir moorir?
MA&GDERITX.
Mourir... Oh! Mademoiselle ! j'obéis.
PAULINS.
Mai^erite, tu [urieras M. Ferdinand de m'apporter mes reve^
DUS de l'année; qu'il vienne à l'instant
MARGUERITE.
U était sous vos fenêtres quand je suis venue.
PAULINE, & part.
Sous mes fenêtres... Il croyait ne plus me revoir... Pauvre Fer-
dinand!
SCÈNE V.
PAULINE, leoto.
Quitter le toit paternel, je connais mon père, il me cherchera
partout pendant longtemps».. Quels Vésors a donc l'amour pour
ACTE TV. 395
payer de pareilles dettes» car je livre tout à Ferdinand, mon pays,
mon père, la maison ! Mais enfin, cette infâme i*aura perdu sans
retour! D'ailleui-s, je reviendrai I Le docteur et M. Ramei obtien*
dront mon pardon, te crois entendre le pas de Ferdinand... Oh I
c'est bien lui I
SCÈNE VL
PAULINE, FERDINAIVD»
PAULUfl.
Ah! mon ami, oiod Ferdinand!
FEBDIITAKD.
Moi qui croyais ne plus te voir ! Mai^erite sait donc toot?
PAULINE.
Elle ne sait rien encore ; mais cette nuit, elle apprendra notre
fuite, car nous serons libres : tu emmèneras la femme.
FBRDIHANS.
oh! Pauline, ne me trompe pas!
PÀULXICB.
Je comptais bien te rejoindre là où tu serais exilé ; mais c^te
odieuse femme vient de précipiter ma résolution... Je n*ai plus
de mérite, Ferdinand... U s*agit de ma vie!
FBBDUOICD.
De ta vie!... Mais qu'a-t-elle fait?
PAULINE.
Elle a failli me tuer, elle m'a endormie afin de me prendre ses
lettres que je portais sur moi ! Par ce qu'elle a osé, pour te con-
server, je juge de ce qu'elle ferait encore. Donc, â nous voulons
être l'un à l'autre, il n'y a plus pour nous d'autre moyen que la
fuite. Ainsi, plus d^adîeuxl Cette nuit, nous serons réfugiés...
Où?... Cela te regarde.
FERDINAND.
Ah ! c'est à devenir fou de joie!
PAULINE.
Oh! Ferdinand! prends bien toutes les précautions; cours à
Louviers, chez ton ami, le procureur du roi, car ne faut*il pas
396 LA MARATHB.
nne voiture, des pass^: ports?... Oh! que mon père, excité par
celte marâtre, ne puisse pas nous rejoindre! il nous tuerait; car
je viens de lui dire dans celte lettre le fatal secret qui m'oblige à
le quitter ainsi.
FERDINAND.
Sois tranquille. Depuis hier, Eugène a tout préparé pour mon
départ Voici la somme que ton père me devait m montre uoporte-
ffeuiiie.} Fais-moi ta quittance (u met de ror sur un guéridon), car je n'ai
plus que le compte de la caisse à présenter pour être libre... Nous
serons à Rouen à trois heures ; et au Havre pour l'heure à la-
quelle part un navire américain qui retourne aux Etats-Unis. Eu*
gène a dépêché quelqu'un de discret pour arrêter mon passage à
bord. Les capitaines de ce pays- là trouvent tout naturel qu'un
homme emmène sa femme, ainsi nous ne rencontrerons aucun
obstacle.
SCÈNE vn.
IBS IIÉIB8, GERTRUDE.
GEBTRUDS.
Excepté mol !
PAULINE.
Obi perdus!
GERTRUDB.
Ah! VOUS partiez sans me le dire, Ferdinand!... 0ht... j'ai
tout entendu.
FERDINAND, H Pauline.
Mademoiselle, ayez la bonté de me donner votre quittance : elle
est indispensable pour le compte que je vais rendre à monsieur
votre père sur l'état de la caisse avant mon départ (a Gertrode.) Ma-
dame, vous pouvez, peut-être, empêcher Mademoiselle de partir'
mais moi, moi qui ne veux plus rester ici, je pailiraL
GERTRUDE.
Vous devez y rester, et vous y resterez, Monsieur.
FERDINAND.
Malgré moi !
ACTE IV. 397
GEBTRUDE.
Ge que Madem(Mselle veat faire, je le ferai moi, et hardiment
Je Tais faire venir monsieur de Grandchamp, et vous allez voir
que vous serez obligé de partir, maïs avec moa enCint et moi.
(Faix panit.) Priez monsieur de Grandchamp de venir ici.
FEBDINAND, à Pauline.
Je la devine. Retiens- la, je vais rejoindre Félix et Tempécher
de parler au général. Eugène te tracera ta conduite. Une fois loin
d'ici, Gertrude ne pourra rien contre nous, (a cenrade.) Adieu Ma-
dame. Vous avez attenté tout à Theure à la vie de Pauline, vous
avez ainsi rompu les derniers liens qui m'attachaient à vous.
GERTRUDE.
Vous ne savez que m'accuser !. . . Mais vous ignorez donc ce que
Mademoiselle voulait dire à son père de vous et de moi 7
FERDINAND.
Je l'aime et l'aimerai toute ma vie; je saurai la défendre contre
vous, et je compte assez sur elle pourm'expatrier afin de l'obtenir.
Adieu.
PAULINE.
Ohl cher Ferdinand I
SCÈNE YIII.
GERTRUDE, PAULINE;
GERTRUDE.
Maintenant que nous sommes seules, voulez-vous savoir pour-
quoi j'ai fait appeler votre père? c'est pour lui dire le nom et
quelle est la famille de Ferdinand.
PAULINE.
Madame, qu'allez-vous faire? Mon père, en apprenant que le
fils du général Marcandal a séduit sa fille, ira tout aussi prompte-
ment que Ferdinand au Havre... il l'atteindra, et alors. ••
GERTRUDE.
J'aime mieux Ferdinand mort que de le voir à une autre que
Doi, surtout lorsque je me sens au cœur pour cette autre autant
le haine que j'ai d'amour pour iuL Tel est le dernier mot de notre
dueL
398 LA lARATaB.
FAUUlfl.
Oh 4 Madame, je mris à vos genoux, oomme voqs étiez nagvère
aax mieii& Toons-noos si tous voulez, mais ne TassassiBons pas,
lai!... Oh! sa vie, sa vie an prix delà mienne.
GERTRUDE.
Eh bien! renoncez- vous?
PAULINE.
Oui, Madame.
GXRTRUDE, ^1^ l^isn tomber son mouchoir dans le mouTement passionné de M
phrase.
ru me trompes ! tu me dis cela, à moi, parce qn'il t'aime, qu'i
vient de m'insuiter en me l'avouant, et que tu crois qu'il ne m'ai-
mera plus jamais... Oh! non, Pauline, il me fiiut des gages de ta
sincérité.
VàXUKEp à p«Tt.
Son mouchohr!... et laelef de son secrétaire... C'est 1) qu'est
renfermé le poison... Oh!... (Haut.) Des gages de âncérité, dites-
vous 7. w. Je vous en donnerai... Qu'exigez-vous?
GERTRUDE.
Voyons, je ne crois qu'à une seule preuve : il faut épouser
cet autre.
PAULnil.
Je l'épouserai
GERTRUDE.
Et dans l'instant même échanger vos paroles.
PAUUNB.
Allez le loi annoncer vons-même. Madame; venez ià avec mon
père, et...
GERTRUDE.
Et. .
PAULINE.
Je donnerai ma parole; c'est donner ma vie.
GERTRUDE^ à part.
Comme elle dit tout cela résolument, sansplenrerl... EOeanoe
arrière-pensée! (a Ptnune.) Ainsi tu te résignes?
fAULnns.
On»
cnnoDB^ à put.
Voyons!*.. (A pavune.) Si tu és vraie...
ACTE IV. 399
PAULINE.
Voos êtes la fausseté même et voas voyez toujonn le measonge
chez les autres. . . Ah 1 laissez-moi, Madame, vous me faites honeiir*
GERTBUDE.
Ah ! elle est franche! Je vais prévenir Ferdinand de votre réso-
tatîoD... (Signe d'adbésion de Pauline.) Mais il ne me croira pas. Si vous
loi écnyiez deax mots?
PAULINE.
Poor loi dire de rester... (Eiie écrit.) Tenez» Madame.
GIRtmUDB.
o( J'épouse M. de Rimonville.... Ainsi restez.... PaalineU... »
(A part.) Je n'y comprends pins rien Je crains un pi^e. Oh! je
vais le laisser partir, il apprendra le mariage quand il sera loin d'ici I
(Elleiort.)
SCÈNE IX.
PAULINE, génie.
Oh! oui, Ferdinand est bien perdu pour moL«. Je l*ai toujours
pensé : le monde est un paradis ou un cachot ; et moi, jeune fille»
je ne révais que le paradis. J'ai la clef du secrétaire, je puis la lui
remettre après avoir pris ce qu'il faut pour en finir avee cette ter*
rible situation. . . Eh bien !. . . allons. . .
SCÈNE X.
PAULINE, MAROGERITB.
HARGUERITB.
Mademoiselle, mes maUessont feites. Je vais commencer icL
PAULINE.
Oui! (A part.) 11 faut la laisser faire.. (Haut.) liens, Marguerite,
prends cet or, et cache-le chez toL
MARGUEBITK.
Vous avez donc des raisons bien fortes de partirl
/^OO LA lIARATnB.
PAULINE.
Âh! ma pauyre Marguerite» qui sait û je le pourrai!... Va,
continue... (Eitesort^
SCÈNE XI.
MARGUERITE, seule.
Et moi qui croyais, au contraire, que la mégère ne yonlait pas
que mademoiselle se mariât ! Est-ce que mademoiselle m*aurait
caché un amour contrarié? Mais son père est si boa pour elle! il
la laisse libre.... Si je parlais à monsieur. ••• Oh! non, je ne Teux
pas nuire à mon enfant.
SCÈNE XII.
MARGUERITE, PAULINE.
PAULINE.
Personne ne m*a voe! Tiens! Marguerite, emportt d*abord
Pargent? laisse-moi penser ensuite à ma résolution.
MARGUERrrB.
A votre place, moi, Mademoiselle, je dirais tout à Monsieur.
PAULINE.
A mon père? Malheureuse, ne me trahis pas! respectons les
illusions dans lesquelles il vit
MARGUERITE.
Ah ! illusions! c'est bien le mot.
PAULINE.
Va, laisse-moL (Marguerite sorW
SCÈNE xm.
PAULINE, puif VERNON.
PAULINE^ tenant le paquet qu'on a tu an premier actn.
Voilà donc la mort !... Le docteur nous disait hier, à propos de
la femme à Champagne, qu*il fallait à cette terrible sui)6tar.ce
ACTE IV. &01
qaelqnes heares, presque une nuit, pour faire ses ravages, et que,
dans les premiers moments, on peut les combattre ; si le docteur
reste à la maison, il les combattra, (on frappe.) Qui est-ce 7
TERNON^ dudehon.
Cest md !
PÂULllCB.
Entrez docteur! upart.) La curiosité me l'amène, la curiosité le
fera partir.
▼ERNOlf.
£h bien ! mon enfant, entre vous et votre belie-mère» il y a
donc des secrets de vie et de mort?...
' PAUUNB.
Oui, de mort surtout
TBRNOIC.
Ah ! diable, cela me regarde alors. Mais voyons ?... vous aurei
eu quelque violente querelle avec votre belle-mère.
PAULINE.
Ohl ne me parlez plus de cette créature, elle trompe mon père.
Je le sais bien.
PAuinri.
Elle ne l'a jamais aimé.
TBRlfON.
J'en étais sûr.
PAULINE.
Elle a juré ma perte.
VSRNON.
Gomment, elle en veut à votre cœur!
PAUUNB.
A ma vie, peut-être.
TBRNON.
Ob! quel soupçon! Pauline, mon enfant, je vous aime, moi.
Eb bien, ne peut-on vous sauver?
PAULINE.
Pour me sauver, il faudrait que mon père eût d'autres idées.
Tenez, j'aime M. Ferdinand.
VERNON.
Je le sais encore; mais qui vous empêche de l'épouser?
PAUUNE.
Vous serez discret ? Eb bien, c'est le fils du général Marcandal !.. •
TH. 26
602 LA UAIIATBE.
YERNON.
Ah ! boD Diea ! ^ je serai discret ! Mais votre père se battrait à
mort avec lui, rien que poir l*aToir eu pendant trois ans sous son
toit
PAULINE.
Là| vous voyez bien qu'il n'y a pas d'espoir.
{fiWe tombe accablée daiu un l^uteoU à giwebe'.>
YERICON.
Pauvre fille! allons, une crise! (n sonne et appelle^ Marguerite,
Marguerite!
SCÈNE XIY.
LU HftMBt, GERTRUDE, MARGUERITE, LE GÉNÉRAL.
KÂllGinguIl^ aMomint.
Que vonlezrTOUs, MoDâeur?
Préparez une théière d'eau bouillante, où vow ferez kfiiser
quelques feuilles d'oranger.
GERTRUDE.
Qu'as-tu, Pauline?
LE GÉNÉRAL.
Ma fille, chère enfant !
GERTRUDE.
Ce n'est rien I... Oh I nous, comiaissons cela... c*est de voir sa
vie décidée...
TBRNOffy ««lèBéral.
Sa vie décidée. • . Et qu'y a-t-il ?
LE 6ÉlfÉniL.
Eté époose* Gedard î fAiMrt.> l\ paraH qn^eRe renonce Ir queiqae
amourette dont elle ne veut pas me parler, d ce que dit aa
femme, car le quidam serait nocceptable, et elle n'a découvert
l'ÎBdignilâ de ce Arôle qnHîer...
VERNOir.
Et vous croyez cela?... Ne précipitez rien, général Nous en
causerons oenir..* (a ptrt.>Ob? je vais parier 2k madame de Grand-
champ. ••
Bcnpf0 «AS
Le docteur sait tout..
Âbl
PADLINB; éI1« remet le monebolr et la clef dans la poche de Gertrade, pendant que
.Gertrode regarde Temon qai cause arec le général.
£loigoez-le, car il est capable de dire tout ce qu'il sait à mon
père, et il faut au moins sauver Ferdinand*. •
GntTUlTDBj à part.
Elle a raison ! (Haut.) Docteur, on Tient de me dire que Fran-
çois, un.de aoft meiUeora ouvriers, est tombé malade hier; on ne
Ta pas vu ce matin, tous deTriez bien TaUer niilér««.
Françobl Obi fat-y» Yeraoïi...
VKRNOIf.
Ne demeure-t-il pas an Pré4*Éfêque?... (Apart.) A plus de trois
lieaes d*ici...
Ta ne crains rien pour Pauline 7
TÈMMitU
C'est une simple attaque de nerlis.
tfSRfittm.
Oh! je puis, n'est-ce pas docteur, je puis vous remplacer sani
(langer?...
Oui, Madame, (au générai.) Je gage que François est malade
comme molL.» On me trouve trop ckarvoyant» et I'oa no donne
une mission...
Qui ?. . . Qn'cil^e qoe tu vem dîcie )«#•
VBiinoif^
AUez-Tous TOUS emporta encore ?.«, !>• cakM» nM Vieil ttui,
m vous vous prépareriez de» remord» étemels. ••
LB GÉNÉRAL*
Dos remords. ••
VSUIOIIw
Amuse le tapis, je reviens.
&& GÉMÉBJtt»
Maig...
GERTIKUM^ à Pauline.
£b bieal commeinte seas^tu^ mon |fetk aagl»}
\
L
40& LA MARATRE.
US GÉNÉRAL.
Mais, regarde-les?...
TERN01C.
£h ! les femmes s'assassinent en se caressant
SCÈNE XV.
LES MÊMES, moins VERNON» puis MARGUERITB.
CERTRUDE^ au général qui est resté comme abasourdi parle dernier mot de yernon.
Eh bien! qu*aTez-TOiisT
LE GÉNÉRAL^ passant devant Gertrude pour aller à Pauline.
Rien!... rien! Voyons, ma Pauline, épouses-tu Godard de ton
plein gré?
PAULnrs.
De mon plein gré.
Ahl
Il va Tenir.
Je l'attends!
GERTRUDE^ à put.
LE GÉNÉRAL.
PAULINE.
LE GÉNÉRAL^ h part.
Il y a bien du dépit dans ce mot-là.
(Marguerite paraît avec une tasser
GERTRUDE.
C'est trop tôt, Marguerite, l'infusion ne sera pas assez forte!...
(Elle goûte.) Je vais aller arranger cela moi-même.
MARGUERITE.
J'ai cependant l'habitude de soigner mademoisdle.
GERTRUDE.
Que signifie ce ton que tous prenez?
MARGUERITE.
Mais... Madame...
LE GÉNÉRAL.
Marguerite, encore un root et nous nous brouillerons, ma vieille.
PAULINE.
Allons, Marguerite, laisse faire madame de Grandchamp.
(Geitrude sort avec Marguerite.)
LE GÉNÉRAL.
Voyons, nous n'avons donc pas confiance dans notre pauvre père
AGTB IV. &05
qui nous aime? Eh bien I dis- moi pourquoi ta refusais si nettement
Godard hier, et pourquoi tu l'acceptes aujourd'hui!
PAULINE.
Une idée de jeune fille!
LB GÉNÉRAI.
Tu n'aimes personne?
PAULINE.
C'est bien parce que je n'aime personne que j*éponse voti
y. Godard! (Gertmde rentre avec Marguerite.)
LB GÉNÉRAL.
Àh!
GERTRUDE.
Tiens, mai chère petite, prends garde, c'est un peu chaud.
PAULINE.
Merci, ma mère !
LE GÉNÉRAL.
Sa mère !••• En vérité, c'est à en perdre l'esprit!
PAULINE.
Marguerite, le sucrier?
(Elle profite da moment où Marguerite sort et ob Gertrude cause avec le général,
pour mettre le poison dans la tasse» et laisse tomber à terre le papier qui le con-
tenait.)
GERTRUDE, au général.
Qu'arez-Yous ?
LE GÉNÉRAL.
'\ Ma chère amie, je ne conçois rien aux femmes : je suis comme
Godard. (Rentre Marguerite.)
t GERTRUDE.
Vous êtes comme tous les hommes.
PAULINE,
Ahl
GERTRUDE.
Qu'as-tu, mon enfant?
PAULINE.
Rien!... rienf...
GERTRUDE.
Je vais te préparer une seconde tasse..*
PAULINE.
Ohl non, Madame... celle-ci suffit II faut attendre le docteur.
(Bile a posé la tasse sur un guéridon.)
HOÔ LA MUATmÇL
SCÈNE im.
vu HiHBS, GODARD, FÉLIX*
FÉLIX.
M. Godai'd demande s'il peut être reçu?
(Ob legMi M fB(erra00 PtuMne pour «^ofr fffl feot enliaf.)
PAULINE.
Gertamementl
6ERTRUDE.
QueTas-tn loi dire 7
Vous allez voir.
GODARD^ entrant.
Ahl mon Dieu, mademoiselle est indisposée, jMgnorais, et je
vais... (On lui lut signe dç s'asseoir.) Mademoiselle, permettez-osoi de
vous remercier avant tout de la faveur que vous me faites en me
recevant dans le sanctuaire de Tinnocence. Madame de Grand-
champ et monsieur votre père viennent de m'apprendre une nou-
velle qui m'aurait comblé de bonheur hier, maig qui, je Tavoue,
m'étonne aujourd'hui
LE GÉNÉRAL.
Qu'e8t*ce à dire, monsieur Godard?
PAULINE.
Ne vous fâchez pas, mon^pêre, monsieur a raison. Tous pe sa-
vez pas tout ce que je lui ai dit hier.
GODARD.
Tous êtes trop spirituelle. Mademoiselle, pour ne pas trouver
tout simple la curiosité d'un honnête jeune homme qui a qua-
rante mille livres de rente et des économies, de savoir les raisons
qui le font accepter à vingt-quatre heures d'échéance d'un refus...
car, hier, c'était à cette heure-ci. • ai tire sa montre) cinq heures et
demie, que vous...
LB GÉNÉRAL.
Comment! vous n'êtes donc pas amoureux comme vous le di-
siez ? Tous allez quereller une adorable fille au moment où elle
TOUS...
GODAin,
Je ne querellerais pas, s'il ne s'agissait pas de se marier. Vu
ACTE IV. &07
flianage, général, est ane affiire en même temps que l'effet d'un
seadmeat
LE GiHÛUlM
Pardonnez-moi, Godard, je sois un peu vif, tous le Bavez?
PAUIiNB^è Godard.
Monsieur.. • (Apaitj Ohl quelles souffiaaoea... Mûdûot, pour-
quoi les pauvres jeunes filles...
GODA&D.
Pauvre!... non, non. Mademoiselle, vous avez quatre cent
mille francs...
PAULINB.
Pourquoi de faible jeunes filles. . .
GODARD.
Faibles?
tAULUnt.
Allons, d'innocentes jeunes personnes ne s*inquiéteraient-elles
pas un peu du caractère de celui qui se présente pour dewnir
leur seigneur et maître. Si vous m'aimez, vous punirez vous?...
me punirez-vous?... d'avoir fait une ^euve.
GODARD*
Àh ! vu comme cela...
LB ClMitlL.
Oh! les femmes ! les femmes !...
GODAKO.
Oh! vous pouvez bien dire aussi : Les filles ! les filles !
LE GÉNÉRAL.
Oui. Allons, décidément la mienne a plus d'esprit que sou pèi».
SCÈNE xm.
LK8 HÉHK8, GERTRUDS, NAPOiÉOH
GERTRUQE.
Eh bien 1 monsieur Godard ?
GODARD.
Ah! Madame! ah ! général ! je suis au comble du bonheur, et
mon rêve est accompli I Entrer dans une famille comme la vôtre.
Moi... ah! Madame! ah! général! ah! Mademoiselle! (a part.) Je
veux pénétrer ce mystère, car elle m'aime très-peu.
ft08 Là MARATBBi
HAPOLÉON^ entrant.
Papa, j'ai la croix de mérite... Boajour, maman... Oàest donc
Pauline?... Tiens, tu es donc malade 7 Pauvre petite sœuri... Du
donc, je sais d'où vient la justice?
GERTRUDB.
Qoi t*a dit cela!... Ob! conmie le voilà fait I
NAPOLiOV.
Le mattre! Il a dit que la justice venait du bon Dienl
GODARD.
Il n'est pas Normand, ton maître.
PAULINE^ iMS il Marguerite.
Oh! Marguerite!..» ma obère Marguerite I renvoie-les.
MARGUERITE.
Messieurs, mademoiselle a besoin de repos.
LE GÉNÉRAL.
£b bien I Pauline, nous te laissons, tu viendras dtner.
PAULINE.
Si je puis... Mon père, embrassez-moi I...
LE GÉNÉRAI^ rembrasBant.
Oh i cher angel (a Napoléon.) Viens, petit
(Us sortent tous, moins Pauline. Marguerite et Napoléon.)
NAPOLÉON, à Pioline.
Eh bien ? et moi, tu ne m'embrasses pas... quéqu'tas donc?
PAOLUn.
Oh! je meurs!
NAPOLÉON.
Est-ce qu'on meurt?... Pauline, en quoi c*est-il fait la naortt
PAUUNE.
La mort., c'est fait., comme ça. (Elle tombe soutenue par Marguerite.)
MARGUERITB.
Ah! mon Dieu! du secours!
NAPOLÉON.
Obi Pauline, tu me fais peur... (Ln s*enftiyant.) Maman! mamaa!
m »V QUATRlIlI ACTE*
ACTE CINQUIÈME
ttebambre de Ptnllnt»
SCÈNE PREMIÈRE.
PAULINE, FERDINAND, VERNON.
Faullne esl ^tendue dans son lit. Ferdinand tient sa main dans ane pose de douleur
et d'abandon complet. Ceit le moment du crépuscai!e, il y a encore une lampe.
. TBRNON^ assis près du guéridon.
J'ai TU des milliers de morts sur le champ de bataille, aux ambu-
lances; et pourquoi la mort d'une jeune fille sous le toit paternel
me £iit-elle plus d'impression que tant dé souffrances héroïques ?. . .
La mort est peut-être un cas prévu sur le champ de bataille... on
y compte même ; tandis qu*ici il ne s'agit pas seulement d'une
existence, c'est toute une famille que Ton voit en larmes, et des
espérances qui meurent.. Voilà cette enfant, que je chérissais,
assassinée, empoisonnée... et par qui?... Mai^erite a bien deviné
Ténigme de cette lutte ébtre ces deux rivales... Je n'ai pas pu
m'empêcher d'aller tout dire à la justice..... Pourtant, mon Dieu,
j*ai tout tenté pour arracher cette vie à la mort? (Ferdinand relève
la tête et écoute le docteur.) J'ai même apporté ce poison qui pourrait
neutraliser l'autre; mais il aurait fallu le concours des princes de
la science! On n'ose pas tout seul un pareil coup de dé.
FERDINAND se lève et ya au docteur.
Docteur, quand les magistrats seront venus, expliquez-leur celte
tentative, ils la permettront; et, tenez. Dieu, Dieu m'écoutera
il fera quelque miracle, il me la rendra !. ••
TJBRNON.
Avant que l'action du poison n*ait exercé tous ses ravages, j'au*
410 LA MARATRE.
rais 06é... maintenant, je passerai3 pour être Teinpoisonneur. Non,
ceci (11 pose un petit oacon sur la table) cst inutile, et mon dévouement
>erait un crime.
FERMxiirD j jl a mli «n miroir deiant lei lèves de fliuline.
Mais tout est possible, elle respire encore.
YERNON.
EUe ne verra pas le joarqni se lèye.
PAULINE.
Ferdinand I
FERDINAND.
Elle vient de me nommer.
VERNON.
oh ! la nature à vingt-deux ans est bien forte contre la destruc-
tion! D'ailleurs, elle conservera son intelligence jusqu'à son der-
nier soupir. Elle pourrait se lever, parler, quoique les souffrances
causées par ce poison terrible soient inouïes.
*
SCÈNE IL
■M wtam, LE GÉNÉRAL, «ribortendebM.
LB GÉNÉRAL.
Yemonf
TERNON, il Ferdinand.
Le général. (Ferdinand tombe accablé sur un touteall à gauâie, an fond, masqué
par les rideaux du Ut. A la porte.) Que VOUleZ-VOUS?
LB 6ÉNÉBAL.
Voir Pauline !
TBKNON.
Si VOUS m'écoutei, vous attendrez, elle est bioi plus mal
LB GÉNÉRAL force la porte.
£hl j'entre, alon.
TIBHOII*
Non, général, écoatez-moL
LB GÉNÉIAL.
Non» non. Immobile, froide I Ah ! Yeram!
TBBNON.
Voyons, général.. (Apart.> Il faut Téloigner d'ici... (Hant.) Eb
Men I je n'ai plus qu'un bien faible espoir de h saQver.
ACTE V. M4
lE GÉNÉRAI.
Tu As... Ta m'atirafs donc trompé?...
YERNOir.
Mon ami, il faut savoir regarder ce lit en face, comme nous re«
gardions les batteries chargées à mitraille!... Eh bien! dans {f\
doote où je suis, vous devez aller... (Apart) Àhl quelle idée! (Baut
chercher vous-même les secours de la religion.
LE GÉNÉRAL.
Vemon, je toux la voir, l'embrasser.
YERNON.
Prenez garde!
LE GÉNÉRAL^ après avoir embrassé Pauline.
Oh! glacée!
YERNON.
C'est un effet de la maladie, général.. Gourez au presbytère;
car si je ne réussissais pas, votre fille, que vous avez élevée chré-
tiennement, ne doit pas être abandonnée par TEgliçe.
IS GÉNÉRAL.
Ah ! ab I oui J'y vais... oivaaa ut.
YERNON^ lui montrant la porte.
Paria!
LE GÉNÉRAL.
Mon ami, je n'ai plus la tête à moi, je suis sans idées..... Yer-
non, un miracle!... Tu as sauvé tant de monde, et tu ne pourrais
pas sauver une enfant! .
YERNON.
Viens, viens... (a part.) Je l'accompagne, car s'il rencontrait les
magistrats, ce seraient bien d'autres malheursi (iiaioitent.)
SCÈNE in.
PAULINE, FERDINAND.
Ferdinand I
PAULINE.
• FERDINAND.
Ahl mon Dieu! serait-ce son dernier soupir? Oh ! oui, Pau«
fine, tu es ma vie même : si Yernon ne te sauve pas, je te sui-
vrai, nous serons réunis.
PAULINE.
Alors, j'expire sans un seul regret
hi2 LA MARATRE.
FERDINAND; il prend ie flacon.
Ge qui t'aarait sauvé, à le docteur était venu plus tôt» me déli-
vrera de la vie.
PAUUNS.
Non, sois heureux.
Jamais sans toi !
Tu me ranimes.
FERDINAND.
PAULINE.
SCÈNE IV.
us MÊMES, V£RNON.
FERDINAND.
Elle parle, ses yeux se sont rouverts.
VERNON.
Pauvre enfant!... elle s'endort, quel sera le réveil?
(Ferdinand reprend sa place et la main de PaullM.i
SCÈNE Y.
ut MtMBS, RAMEL, LE JUGE D'INSTRUCTION, LE GREFFIER,
UN MÉDECIN, UN BRIGADIER, MARGUERITE.
MARGUERITE.
Monsieur Yernon, les magistrats sont là... Monsieur Ferdinand,
retirez-vous I (Ferdinand sort à gauche.)
RAMBL.
Veillez, brigadier, à ce que toutes les issues de cette maison
soient observées, et tenez-vous à nos ordres!... Docteur, pouvons-
nous rester ici quelques instants sans danger pour la malade?
VERNON.
Elle dort.v monsieur ; et c*est du dernier sommeil
MARGUERITE.
Ydcila tasse où se trouvent les restes de TinTusion, et qui con-
tient de Tarsenic; je m'en suis aperçue au moment où j'allais la
prendre. "^
LE MÉDECIN^ examinant la tasse et goûtant le resta \
Il est évident qu'il y a une substance vénéneuse*.
ACTE V. 413
LE lUGE.
Vous en ferez l'analyse! (U aperçoit Uargaerlte ramanant on pellt papier à
terre.) Qoei est ce papier?
MÀRGUERin.
oh! ce n'est rien.
RAlfEL.
Rien n'est insignifiant en des cas pareils pour des magistrats !•••
Ah i ah! Messieurs, plus tard nous aurons à examiner ceci. Pour*
rions-nous éloigner M. de Grandchainp !
TERNON.
Il est au presbytère; mais il n'y restera pas longtemps.
LE lUGE^ au médecin.
Voyez, Monsieur T. •• (Us deux médecins causent an eberet du ut.)
RAHEL^ aufoge.
Si le général reyient, nous agirons avec lui selon les circonstances.
(Marguerite pleure» agenouillée au pied du lit. Les deux médecins, le juge et Ramel
se groupent sur le derant du théfltre.)
RAMEL^ an médecin.
Ainsi^ Monsieur, Totre avis est que la maladie de mademoiselle
de Grandchamp, que nous a?ons vue avant-hier pleine de santé, de
bonheur même, est l'effet d'un crime?
LE MÉDEQN.
Les symptômes d'empoisonnement sont de la dernière évidence.
RAMEL.
Et le reste de poison que contient cette tasse est-il assez visible,
assez considérable pour fournir une preuve légale?.**
LE MÉDEaN.
Oui, Monsieur.
LE lUGE^ h Vemon.
La femme que voici prétend. Monsieur, qu'hier, à quatre
heures, vous avez ordonné à mademoiselle de Grandchamp une
infusion de feuilles d'oranger, pour calmer une irritation survenue
après une explication entre la belle-fille et sa belle-mère; elle
ajoute que madame de Grandchamp^ qui vous aurait aussitôt en-
voyé à quatre lieues d'ici, sous un vain prétexte, a insisté pour tout
préparer et tout donner à sa bdle-fille ; est-ce vrai?
VERNON.
Oui, Monsieur!
MARGUERITE.
Mon insistance à vouloir soigner mademoiselle a été l*occasion
d'un reproche de la part de mon pauvre maître.
RAMEL^ à Yemon.
Où madame de Grandchamp vous a-t-elle envoyé?
Uik LA MARATBB.
YSBNON.
Tout est fatal, Messienra, clans cette aflUn^ mjstérietise. Madame
de Grandchamp a si bien touIu m'éloîgner, que ToaTrier chez qui
l'on m'envoyait à trois lieues â'id, était au cabaret J*ai grondé
Champagne d'avoir trompé madame de Grandchamp, et Champa-
gne m'a dit qu'effectivement l'ouvrier n'était {kis venu, mais qu'il
ne savait rien de cette prétendue maladie*
FEUX.
Messieurs, le clergé se présente.
EAMBL.
Nous pouvons emporter les deux pièces à conviction dans le
salon, et oous y transporter pour dresser le piDcèS'veriiaL
Pirid» McsneiDcsl parkil iiiifortMt.i«9cteêflftaii4
SCÈNE yi.
Le salon.
RAMEL, LE JUC^, LB GREFFIER, V&RN01L
BAMEL.
Ainsi, voilà qui demeure établi. Comme le prétendent Félix et
Marguerite, hier madame de Grandchamp a d'abord administré à
sa belle-fille une dose d'opium; et vous, monsieur Temon, rtm
étant aperçu de cette manœuvre critbinelle, vogs auriez pris et
serré la tasse.
VBawuu
C'est vrait Messkun» mais.**
lUKEL.
Comment^ monsieur Yemoa, vous qni avez été témom de cette
coupable entreprise, n'avez-vous pas arrêté madame de Grand-
champ dans la voie funeste où elle s'engageait?
VKBNOir^
Croyez, Monsieur, que tout ce que la prudence exfge, qtM
tout -ce qu'une vieille expérience peut suggérer a ét6 teaté de ma
part
Votre conduite, Hoftsieiir» est singulière, et vous aurez à l'ei-
pliquer. Yons avez fait votre devw hier en conservant cette
preuve; mais puafsei voua êles-voys arrêté dan» cette voie?...
ACTE V. • 4IS
BAMBL.
Permettez, monsieur Gordier ; monsieur est un Tieillard sin-
cère et loyal! (nprendYemonàpart.) Toos avez dû pénétrer la cause
de ce crime?
TEBKOK.
C'est la rivalité de deux femmes, poussées aux dernières extré-
mités par des passions impitoyables... et je dois me taire.
lUMfiL.
Je sais tout.
Vous? Monsieur!
Et, comme vous, sans doute, j'ai tout frit pov préf«nir cette
catastrophe; car Ferdinand devait partir cette nuit J*ai connu
mademoiselle Gertrude de Meilhac autrefon chez mon anâ.
VKRNOH.
oh! Monsieur» soyez clément! ayez pitié d'un vieux soldat,
criblé de blessures et plein d'illusions... Il va perdre sa fille et sa
femme... qu'il ne perde pas son honneur.
Nouft nous comprenons! Tant que Gertrude ne fera pas d'aveux
qui nous forcent à ouvrir les yeux» je tâcherai de démontrer au
juge d'instruction» et il est bien fin, bien intègre» il a dix ans de
pratique; eh bien, je lui ferai croire que la cupidité seule a guidé
la main de madame Granddnmpl Âidez-moi. (Le juge s'approche,
imtf fiiitaBtfgw&TcmiiWpriaiiiitirflgvte:) Pourquoi madatii» de
Grandchamp aurait>elle endormi sa belle-fille? AllonSt voos de-
vez le savoir, vous, l'ami de h mamn.
VERiroir.
Pauline devait me confier ses secrets, sa belle-mère a deviné
que j'allais savoir des choses qu'elle avait intérêt à tenii' cachées ;
et voîfà. Monsieur, pourquoi, sans doute, eDe m'a fait partir pour
aler soigner un ouvrier bien portant, et non pour éloigner les se-
cours k donner à PauEne, car louviers n'est pas si loin...
LE JUOS.
QueDe préméditation!... uBamei.) Elle ne pourra pas s'en tirer
A nous trouvons les preuves du crime dans le secrétaire».. Elle
ne nous attend pas, die sera foudroyée I...
416 Là MARATBB.
SCÈNE vn.
LU MÊMES, GERTRUDE, MARGUERITE.
6ERTRUDE.
Des chants d'église!... Quoi! ia justice encore ici?... Que se
passe-t-ii donc 7. . . (Blle ra sur la porte de la chambre de Pauline et recule épou-
Tantée devant Marguerite.) Ah!
MARGUERITE.
On prie sur le corps de votre victime !
GERTRUDB.
Pauline! Pauline! morte!...
LE JUGE.
Et vous Tavez empoisonnée, Madame !.••
GERTRUDE.
Moi! moi! moi! Ah çà! suis-je éveillée?^.. (ARamei.} Ah! quel
bonheur pour moi ! car vous savez tout, vous î Me croyez-TOus
capable d'un crime?... Gomment, je suis donc accusée?... Moi,
j'aurais attenté à ses jours... mais je suis femme d'un vieillard
plein d'honneur, et j'ai un enfant., un enfant devant qui je ne
voudrais pas rougir... Ah! la justice sera pour moi.... Margue-
nte, que l'on ne sorte pas! Oh! Messieurs!... Ah çà! que s'est-3
donc passé, depuis hier au soir que j'ai laissé Pauline un peu
souffrante ?...
LE JUGE.
Madame, recueillez- vous! Vous êtes en présence de la justice
de votre pays.
GERTRUDB.
Ah! je me sens toute froide...
LE JUGE.
La justice, en France du moins, est la plus parfaite des josdces
criminelles : elle ne tend jamais de pièges, elle marche, elle agit,
elle parle à visage découvert, car elle est forte de sa mission, qui
est de chercher la vérité. Dans ce moment, vous n'êtes qu'in-
culpée, et vous devez ne voir en moi qu'un protecteur. Mais dites
la vérité, quelle qu'elle soit. Le reste ne nous regarde plus...
GERTRUDE.
Eh! Monsieur, menez-moi là, et devant Pauline je vous crieni
ce que je ^ous crie : Je suis innocente de sa mort !...
ACTB V.
US JUGS. '
Madame !•••
GERTRUDB.
Voyons, pas de ces longues phrases où vous enveloppez les gens*
Je souffre des douleurs inouïes! Je pleure Pauline coffline si
c*élaitma fille, et., je lui pardonne tout! Que voulez- vous 7 Al-
lez, je répondrai.
RAMEL*
Que lui pardonnez-vous 7...
6ERTRUDI.
i\laisje...
RAMEL^bas.
De la prudence !
GERTRUDE.
Ah! vous avez raison. Partout des précipices!
LE JUGE^ au greffier. ,
Vous écrirez plus tard les nom et prénoms, prenez les notes
pour le procès-verbal de cet interrogatoire (a Gertrude.) Avez-vous
hier administré, vers midi, de l'opium dans du thé. à mademoi*
selle de Grandchamp ?
GERTRUDI.
Ah! docteur... Vous!
RAUEL*
N'accusez pas le docteur, il s'est déjà trop compromis pour
vous I répondez au juge I
GERTRUDE.
Eh bien, c'est vrai !•
LE JUGE^ U présente la tasse.
Reconnaissez-vous ceci?
GERTRUDE.
Oui, Monsieur. Après?
LE JUGE.
Madame a reconnu la tasse, et avoue y avoir mis de l'opium.
Cela suffit, quant à présent, sur cette phase de l'instruction.
GERTRUDE.
Mais vous m'accusez donc?... et de quoi?
LE JUGE.
Madame, si vous ne vous disculpez pas du dernier fait, vous
pourrez être prévenue du crime d'empoisonnement Nous allons
chercher les preuves de votre innocence ou de votre culpabilité.
TH. 27
(>5S LA IIARATRIL
GERTRUDB.
OÙ?
LE JUGE.
Chez TOUS ! Hier vous avez fait boire à mademoiselle de Grand-
champ une infusion de feuilles d'oranger dans celle seconde tasse
qui contient de Tarsenic.
GERTRUDE.
oh! est-ce possible!
LE JUGE.
Vous nous avez déclaré avant-hier que la clef de votre secré-
taire, où vous serriez le paquet de cette substance, ne vous quittait
jamais.
GERTRUDE.
Elle est dans la poche de ma robe... Ohl merci; Monsieur!...
ce supplice va finir.
' LE JUGE.
Vous n*avez-donc fait encore aucun usage de...
GERTRUDE.
Non; vous 'allez trouver le paquet cacheté»
BAMEL.
Ah ! Madame, je le souhaite.
LE JUGE.
J'en doute; c'est une de ces audacieuses criminelleai«.
GERTRUDE.
La chambre est en désordi*e, permettez...
LE JUGE.
Ohl non, non, nous entrerons tous trois.
RAUEL.
Il s'agit de votre innocence.
GERTRUDE.
O'a! entrons. Messieurs!
SCÈNE yni.
YERNON, «ml.
Mon pauvre général ! agenouillé près du lit de sa fille; il pleure,
il prie I... Hélas I Dieu seul peut la lui rendre.
ACX£ V. Uï\)
SCÈNE IX.
VERKON, GERTRUDE, RÀMEL, LE JDGE, LK GREFFIER.
GERTHUDB.
Je doute de moi, je réTe..* je suis...
RAHEL.
Tous êtes perdue. Madame.
GERTRUDB.
Oui» Monsieur !••• mais par qui?
LE JUGE^ au grefOer*
Ecrivez que madame de Graudchamp nous ayant ouvert elle-
même le secrétaire de sa chambre à coucher, et nous ayant elle-
même présenté le paquet cacheté par le sieur Baudrillon, ce pa-
quet, intact avant-hier, s*est trouvé décacheté... et qull y a été
pris une dose plus que suffisante pour donner la mort.
GERTRUDB.
La mort!... moi?
LB JUGE.'
Madame, ce n*est pas sans raisons que j'ai saisi dans Totre se-
crétaire ce papier déchiré. Nous avons saisi chez mademoiselle de
Grandchamp ce fragment qui s'y adapte parfaitement, et qui
prouve qu'arrivée à votre secrétaire, vous avez, dans le trouble où
le crime jette tous les criminels, pris ce papier pour envelopper la
dose que vous deviez mêler à l'infusion. ^
GERTRUDB.
Vous avez dit que tous étiez mon protecteur ! eh bien ! cela,
voyez-vous...
LE JUGE.
Attendez, Madame I devant de telles présomptions, je suis obligé
de convertir le mandat d'amener, décerné contre vous, en un
mandat de dépôt, (a signe.) Maintenant, Madame, vous êtes en état
d'arrestation.
GERTRUDB.
Ëhbien! tout ce que tous voudrez I... Mais votre mission,
avez-vooB dit, est de chercher la vérité. •• cherchons-la. •• ohl
cherchoiï]»«'la»
Oui, Madame.
420 LA MARATRE.
GERTRUDE, à Ramel en pteurant.
Oh! Monsieur! Monslear!...
RAHEL.
Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense qui puisse
nous faire revenir sur cette terrible mesure?
GERTBUDE.
Messieurs, je suis innoceule du crime d'empoisonnement, et
tout est contre moi! Je vous en supplie, au lieu de me torturer,
aidez- moi?... Tenez, on doit m*avoir pris ma clef, voyez-vous?
On doit être venu dans ma chambre... Âh! je comprends...
(À Ramel.) Pauline aimait comme j*aime : elle s*est empoisonnée.
BÂUEL.
Pour votre honneur, ne dites pas cela sans des preuves convain-
cantes, autrement...
LE JUGE.
Madame, est-il vrai qu*hier, sachant que le docteur Yernon
devait diner chez vous, vous Tayez envoyé...
GERTRUDE.
oh! vous, vos questions sont autant de coups de poignard pour
mon cœur ! Et vous allez, vous allez toujours.
LE JUGE.
L'avez«-vou8 envoyé soigner un ouvrier an Pré4*Évêque?
GERTRUDE.
Oui, Monsieur.
LB JUGE.
Cet ouvrier, Madame, était au cabaret et très-bien portant
GERTRUDE.
Champagne avait dit qu'il était malade.
LE JUGE.
Champagne, que nous avons interrogé, dément cette assertion,
et n*a point parlé de maladie. Vous vouliez écarter les secours.
GERTRUDE^ ft part.
Oh I Pauline! c'est elle qui m'a fait renvoyer Vemon! Oh! Pan
Une! tu m'entraînes avec toi dans la tombe, et j'y descendrais cir
mincUe! Oh non! non! non! (ARamei.) Monsieur, je n'ai plui
qu'une ressource. (AVeraon) Pauline existe-t-elle encore?
TERNOir^ désignant le général;
Voici ma réponse I
ACTE V. /l2i
SCÈNE X.
LES MÊMES, LE GÉNÉRAL.
LB GÉNÉRAL^ à Vemon.
Elle se meort, mon ami I Si je la perds, je n'y survivrai pas.
VERNON.
Mon ami!
LE GÉNÉRAL.
lime semble qn'il y a bien dn monde ici... Que fait-on? Sauvez-
la ! Où donc est Gertrude 7 (On le Mt asseoir au fond ft gaache.)
GERTRUDE^ le traînant aaz pieds du général.
Mon amil pauvre pèrel.... Ah! je voudrais que Ton me tuât
i riostant, sans procès.... (EUe se lève.) Non, Pauline m*a enveloppée
dans son suaire, et je sens ses doigts glacés autour de mon cou....
Oh ! j'étais résignée ! j*aliais, oui, j*allais ensevelir avec moi le
secret de ce drame domestique, épouvantable, et que toutes les
femmes devraient connaître! mais je suis lasse de cette lutte avec
un cadavre qui m*étreint, qui me communique la mort ! Eh bien!
mon innocence sortira victorieuse de ces aveux aux dépens de
l'honneur; mais je ne serai pas du moins une lâche et vile empoi-
sonneuse. Ah! je vais tout dire.
LE GÉNÉRAL^ sp levant et s'avançant.
Ah! vous allez donc dire à la justice ce que vous me taisez si
obstinément depuis deux jours... Oh Y iâche et ingrate créature...
mensonge caressant.. Vous m*avez tué ma fille, qu*allez-vous me
luer encore!
GERTRUDE.
Faut-il se taire !... Faut-il parler 7
RAMEL.
Général, de grâce, retirez -vous? la loi le veut
LE GÉNÉRAL.
La loi !... vous êtes la justice des hommes; moi, je suis la justice
de Dieu, je suis plus que vous tous ! je suis Taccnsateur, le tribu-
nal, Tarrêt et l'exécuteur... Allons, parlez, Madame.
GERTRUDE aux Rcnouz dn général.
Pardon, Monsieur... Oui, je suis...
RAMEL, à part.
Oh! la malheureuse!
ii'22 LA HAHATRIS.
GERTRUDE^ à part.
Ohl non ! non! pour son honnenr, qu*il ignore toujours la
vérité! (Uaut.) Coupable peur tout le monde, à vous, je vous dirai
jusqu'à mon dernier soupir que je suis innocence, et que quelque
jour la vérité sortira de deux tombes, vérité cruelle, et qui vous
prouvera que vous aussi vous n'êtes, pas exempt de reproches,
que vous aussi, peut-être à cause de vos haines aveugles, vous êtes
coupable.
LB GÉNÉRAL.
Moi! moi!... Oh! ma tête se perd..... vous osez m'accuser.....
(Apercevant Pauline.) Ah!... ah!... mon Dieul
SCÈNE XI.
LES PRÉciDiiiTS, PAULINE, appayée sur FERDINAND.
PAULINE.
On m'a tout dit ! Cette femme est innocente da crime dont elle
est accusée. La religion m'a fait comprendre qu'on ne peut pas
trouver le pardon là-haut, en ne le laissant pas ici -bas. J'ai prisa
Madame la clef de son secrétaire, je suis allée chercher moi-même
le poison, j'ai déchiré moi-même cette feuille de papier pour l'en-
velopper, car j'ai voulu mourir.
GERTRUDB.
Oh! Pauline! prends ma vie, prends tout ceqoej'aime.... Oh!
docteur, sauvez-la !
LB JUGB.
Mademoiselle, est-ce la vérité ?
PAULINE.
La vérité?... les mourants la disent..
LE JUGE.
Nous ne saurons décidément rien de cette affaire 4à.
Pauline^ a Oertnide.
Savez-vous pourquoi je viens vous retirer de l'abîme où vous
êtes? c'est que Ferdinand vient de me dire un mot qui m'a fait
sortir de mon cercueil. Il a tellement horreur d'être avec vous
dans la vie, qu'il me suit, moi, dans la tombe, où nous reposerons
ensemble, mariés par la mort
ACTE V. &23
GERTRUDE.
Ferdinand!... Àhl mon Dieu ! à quel prix suis-je sauvée?
LE GÉNÉRAL.
Mais malheureuse, enfant, pourquoi meurs-tu? ne suis-je pas,
ai-je cessé un seul instant d'être un bon père? On dit que c*est
moi qui suis coupable. . .
FERDlTTAin).
Oui, général. Et c'est moi seul qui peux vous donner le mot de
Pénigme, et qui vous expliquerai comment vous êtes coupable.
LE GÉNÉRAL.
Vous, Ferdinand, vous à qui j'offrais ma fille, et qui Faimez..... *
FERDINAND.
Je m'appelle Ferdinand , comte de Marcandal, fils du général
Marcandal. . . Comprenez-vous 7
LE GÉNÉRAL.
Ah ! fils de traître, tu ne pouvais apporter sous r&on toit que
mort et trahison!... Défends- toi!
FERDINAND.
Tous battrez-vous, général, contre un mort? (iitomi>e.)
GERTRUDE^ s'élance vers Ferdinand en jetant nn cri.
Oh ! (EUe recule devant le général, qui s'avance vers sa fille, puis elle tire un flacon
quelle Jette aussitôt.) Oh! uou, je me condamuo à vivre pour ce pauvre
vieillard! (Le générai s'agenoullle près de sa nile morte.) DOCteur, que fait-
il?... perdrait-il la raison?...
LE GÉNÉRAL^ bégayant comme un homme qui ne peut trouver les raotg.
wt>w.... jc*«« je.....
'LE DOCTEUR.
Général, que faites-vous?
LE GÉNÉRAL.
Je... je cherche à dire des prières pour ma fille!...
(Le rideau tombe.)
Wa Dl LA VAT.AtnE*
LE FAISEUR
GOMÉDIB EN CINQ ACTES ET EN PROSE
btiàremtiit conforme aa manotcrit de rauteui.
PERSONNAGES.
AUGUSTE MERCADET, spéculateur.
ADOLPHE MINARD, teneur de livres.
MICHONNIN DE LA BRIVE, jeune
homme élégant.
DE MÉRICOURT, autre jeune homme.
BRÉDIF, propriétaire.
BERCHUT, courtier mafron.
VERDELIN, ami de Mercadet.
GOULARD, homme d'affaires, créan-
cier de Mercadet.
PIERQUIN, usurier^ créancier de
Mercadet.
VIOLETTE, courtier d'affaires, créan.
cier de Mercadet.
JUSTIN, valet de chambre.
MADAME MERCADET.
JULIE MERCADET.
THÉRÈSE, femme de chambre.
VIRGINIE, cuisinière.
raclion se passe en 1839. - La seSne représente, pendant tonte la pièce, le salon
principal de Tappartement de Mercadet.)
Uessieurs, Je n'ai rien.
LE FAISEUR
ACTE PREMIER
SCÈNE PREMIÈRE
6RËDIF d'abord ienl, puis MERGÀDET.
BREDIF.
Un appartement de onze pièces, superbes, an cœur de Paris, rue
de GramiDont !..• et pour deux mille «inq cents francs ! J'y perds
trois mille francs tous les ans... et cela, depuis la révolution de
Juillet. Ah! le plus grand inconvénient des révolutions, c'est cette
subite diminution des loyers qui... Non, je n'aurais pas dû faire
de bail en 1830 1... Heureusement, monsieur Mercadet est en ar-
rière de six termes, les meubles sont saisis^ et en les faisant vea-
dre...
MERGADET, qui a entenda les derniers mots.
Faire vendre mes meublesl Et vous vous êtes réveillé dès le jour
pour causer un si violent chagrin à l'un de vos semblables?...
BRÉDIP.
Vous n'êtes, Dieu merci I pas mon semblable, monsieur Mer-
cadet !... Vous êtes criblé de dettes, et moi je ne dois rien ; je suis
dans ma maison, et vous êtes mon locataire.
MERGÀDET.
Ah! oui, l'égalité ne sera jamais qu'un motl nous serons tou-
jours divisés en deux castes : les débiteurs et les créanciers, si in-
génitusement nommés les Anglais ; allons^ soyez Français, cher
monsieur Brédif, touchez là?
BREDIF.
J'aimerais mieux toucher mes loyers, mon cher monsieur Mer-
cadet.
62S LE FAISËIJIV
MERGÂDET,
Vous êtes le seul de mes créanciers qui possède un gage. .. réel!
Depuis dix-huit mois vous a?ez saisi, décrit pièce à pièce, avec le
plus grand soin, ce mobilier qui certes vaudra bien quinze mille
francs, et je ne vous devrai deux années de loyer que... dans
quatre mois.
BREDIF.
Et les intérêts de mes fonds ?.. . je les perds. . *
MERCADET.
Demandez les intérêts judiciairement! Je me laisserai con-
damner.
BREDIF.
Mon cher monsieur Mercadet, je ne fais pas de spéculation,
moi! je vis de mes revenus; et si tous mes locataires vous res-
semblaient... Ah! tenez, il faut en finir...
MERCADET.
Gomment, mon cher monsieur Brédif, moi qui suis depuis onze
ans dans votre maison, vous m*en chasseriez ? Vous qui connaissez
tous mes malheurs, vous, le témoin de mes efforts ! Enfin, vous
savez que je suis la viclime d'un abus de confiance. Godeau...
BREDIF.
Allez- vous encore me recommencer Thistoire de la fuite de votre
associé ; mais je la sais, et tous vos créanciers la savent aussi. Puis^
après tout, monsieur Godeau...
MERCADET.
Godeau ?... J*ai cru, lorsqu'on lança le type si célèbre do Robert
Macaire, que les auteurs l'avaient connu !...
BREDIF.
«
Ne calomniez pas voire associé ! Godeau était un homme d'une
rare énergie, et un bon vivant!... Il vivait avec une petite
femme... délicieuse...
MERCADET.
De laquelle il avait un enfant, et qu'ils ont abandonné.. •
BREDIF.
Mais Du val, votre ancien caissier, touché par les prières de cette
charmante femme^ ne s'est-il pas chargé de ce jeune homme?
MERCADET.
Et Godeau s'est chargé de notre caisse...
ACTE I 429
BRÉDIF.
Il VOUS a emprunté cent cinquante mille francs... violemment^
j'en conviens^ mais il vous a laissé toutes les autres valeurs de la
liquidation... et vous avez continué les affaires! Depujs huit ans,
vous en avez fait d'énormes ! Vous avez gagné.,.
MERCADET.
J'ai gagné des batailles à la Pyrrhus! Cela nous arrive souvent,
à nous autres spéculateurs...
BREDIF.
Mais monsieur Godeau ne vous a-t-il pas promis de vous mettre
pour la moitié dans les affaires qu'il allait entreprendre aux
Indes?... il reviendra!...
MERCADET.
Eh bien ! alors, attendez ! Du moment où vous aurez les intérêts
de vos loyers, ne sera-ce pas un placement 7. . .
BRÉDIF.
Vos raisons sont excellentes ; mais si tous les propriétaires vou-
laient écouter leurs locataires, les locataires les payeraient tous en
raisons de ce genre, et le gouvernement...
MERCADET.
Qu'est-ce que le gouvernement fait en ceci?
BREDIF.
Le gouvernement veut ses impôts et ne se paye pas avec des
raisons. Je suis donc, à mon grand regret, forcé d'agir avec ri-
gueur.
MERCADET.
Vous? je vous croyais si bon! Ne savez-vous pas que je vais
marier ma fille?... Laissez-moi conclure ce mariage! vous y as-
sisterez... allons! madame Brédif danserai... Peut-être vous
payerai-je demain !
BRÉDIF.
Demain^ c'est le cadet; aujourd'hui, c'est l'ainé. Je suis au dé-
sespoir d'effaroucher votre gendre ; mais vous avez dû recevoir un
petit commandement avant-hier^ et si vous ne payez pas aujour-
d'hui, les afOches seront apposées demain...
MERCADET.
Ah! vous voulez me vendre la protection que vous m'accordez
U'iO LE FAISEUR
par cette saisie, qui paralyse les poursuites de mes antres créanciers!
Eh bien l que puis-je vous offrir pour gagner trois mois?...
BREDIF.
Peut-être une conscience stricte murmurerait-elle de cette ia-
volontaire complicité, car je contribue à laisser éblouir.^
MERGADET.
Qui?
BREDIF.
Votre futur gendre...
MERCADETy à part.
Vieux filou I
BRÉDIF.
Mais je suis bon homme ; renoncez à votre droit de sous locatloo,
et je vous donne trois mois de tranquillité.
MERCADET.
Ah ! un homme dans le malheur ressemble à un morceau de pain
jeté dans un vivier : chaque poisson y donne un coup de dent Et
quels brochets que les créanciers ! . .. Ils ne s'arrêtent que quand le
débiteur, de même que le morceau de pain, a disparu ! Ne sais-je
pas que nous sommes en 1839? Mon bail a sept ans à courir, les
loyers ont doublé.. .
BRÉDIF.
Heureusement pour nous autres!...
MERCADET.
Eh bien I dans trois mois vous me renverrez, et ma femme anra
perdu la ressource de cette sous-location sur laquelle elle compte
en cas de. ..
br£dif«
De faillite L».
MERCADET.
Ohl quel motl... les gensd'honneur ne le supportent pas!...
Monsieur Brédif?... Savez-vous ce qui corrompt les débiteurs les
plus honnêtes!... Je vais vous le dire : c'est l'adresse cauteleuse de
certains créanciers, qui, pour recouvrer quelques sous, côtoieatla
loi jusque sur la lisière du vol.
BREDIF,
Monsieur, je suis venu pour être payé^ non pour m'entendre
dire des choses qu'un honnête homme ne supporte point.
MERCADET.
Obi devoir I... Les hommes rendent la dette quelque chose de
ACTE 1 &3i
Mre que le crime... Le crime vous donne un asile, la dette vous
met à la porte» dans la rue. J'ai tort, monsieur» je suis à YOtr»
discrétion, je renoncerai à mon droit.
BBEDIF, à part.
S'il l'avait fait de bonne grâce, je le ménagerais. Mais me dire
que je lui vends... (Haut.) Monsieur, je ne veux pas d'un con*
sentement ainsi donné... je ne suis pas un homme à tourmenter
les gens.
M£RGÀD£T.
VoQS voulez que je vous remercieI.,.(Apart.) Ne le fâchons
pas. (Hant.) Peut-être ai-je été trop vif, cher monsieur Brédif»
mais je suis cruellement poursuivi!... Non, pas un de mes créan-
ciers ne veut comprendre que je lutte précisément pour pouvoir
le payer.
BBJBBIF.
C'est-à-dire pour pouvoir faire des affaires. ••
M£KGAB£T.
Mais oui, monsieur t Où donc en serais-je, si je ne conservais
pas le droit d'aller à la Bourse? (Justin se montre à la porte.)
BRÉDIP.
Terminons sur-le-champ celte petite affaire!...
HERGADET.
De grâce, rien devant mes domestiques. J'ai déjà bien du mal à
avoir la paix chez moi... Descendons chez vous.
BRÉDIF, à part.
J'aurai donc mon appartement dans trois moisi,
•••
SCÈNE II
JUSTIN «ml, pois VIRGINIE et THÉRÉSK
JUSTIN.
n a beau nager, il se noiera, ce pauvre monsieur Mercadet !
Quoiqu'il y ait bien des profits chez les maîtres embarrassés, comme
il me doit une année de gages, il est temps de se faire mettre à la
porte, car le propriétaire me semble bien capable de nous chasser
tous. Aujourd'hui la déconsidération du maître tombe sur les do-
mestiques. Je sois forcé de payer tout ce que j'achète I... c'est gê-
uauu*.
632 LE FAISEUR
THÉRÈSE.
Esi-ce que ça Ira longtemps comme ça, ici, monsieur Justin ?
VIRGINIE.
Ah! j'ai déjà servi dans plusieurs maisons bourgeoises^ mais je
n'en ai pas encore vu de pareilles à celle-ci I Je vais laisser les four-
neaux, et me présenter à un théâtre pour y jouer la comédie.
JUSTIN.
Nous ne faisons pas autre chose icil...
VIRGINIE.
Tantôt il faut prendre un air étonné^ comme si Ton tombait de
la lune, quand un créaocier se présente ici. — (c Comment, mon>
sieur, vous ne savez pas?... — Non. — M. Mercadet est parti
pour Lyon. — Il est allé?... — Oui, pour une affaire supetbe;
il a découvert des mines de charbon de terre. — Ah! tant mieux.
Quand revient-il? — Mais nous Tignorons ! » Tantôt je compose
mon air comme si j'avais perdu ce que j'ai de plus cher au monde...
JUSTIN, à part.
Son aident
VIRGINIE.
— a Monsieur et sa fille sont dans un bien grand chagrin. Ma-
dame Mercadet, pauvre dame, il parait que nous allons la perdre,
ils l'ont conduite aux eaux... — Ah! »
THÉRÈSE.
Moi, je n'ai qu'une manière. — « Vous demandez M. Mercadet?
— Oui, mademoiselle. — Il n'y est pas. — Il n'y est pas?
— Non; mais si monsieur vient pour mademoiselle... Elle est
seule! 0 Et ils se sauvent I Pauvre mademoiselle Julie, si elle était
belle^ on en ferait. •• quelque chose.
JUSTIN.
C'est qu'il y a des créanciers qui vous parlent comme si nous
étions les maîtres.
VIRGINIE.
Mais que gagne-t-on à se faire créancier? Je les vois tous ne ja-
mais se lasser d'aller^ venir» guetter monsieur et rester des heures
entières à l'écouter.
JUSTIN.
Un fameux métier! Ils sont tous riches.
THERESE.
Mais ils ont cependant donné leur argent à monsieur, qui ne le
leur rend pas?
ACTBI i'iriS
VIRGINIE.
C'est voler, ça !
JUSTIN.
Emprunter n'est pas voler. Virginie, le mot n'est pas parlemen-
taire. Écoutez I Je prends de l'argent dans votre sac, à votre insu,
vous êtes volée. Mais si je vous dis : — « Virginie, j'ai besoin de
cent sous, prêtez-les moi. i Vous me les donnez, je ne vous les
rends pas, je suis gêné, je vous les rendrai plus tard ; vous devenez
ma créancière ! Comprenez-vous, la Picarde?
VIRGINIE.
Non. Si je n'ai mon argent ni d'une manière ni d'une autre, que
m'importe ! Ah I mes gages me sont dus, je vais demander mon
compte et faire régler mon livre de dépense. Mais c'est que les four-
nisseurs ne veulent plus rien donner sans argent. Et donc je ne
prête pas le mien.
THÉRÈSE.
J'ai déjà dit deux ou trois insolences à madame, elle n'a pas en
l'air de les entendre !•••
JUSTIN.
Demandons nos gages.
VIRGINIE.
Mais est-ce là des boui^eois? Les bourgeois, c'est des gens qui
dépensent beaucoup pour leur cuisine, ..
JUSTIN.
Qui s'attachent à leurs domestiques...
VIRGINIE.
Et qui leur laissent un viager ! Voilà ce que doivent être les
bourgeois, relativement aux domestiques. ••
THERESE.
Bien dit, la Picarde I Eh bieni moi, je ne m'en irai pas d'ici.
Je veux savoir comment ça unira, car ça m'amuse! Je lis les
lettres de mademoiselle, je tourmente son amoureux, ce petit
Minard qu'elle va sans doute épouser; elle en aura dit quelque
chose à son père. On a commandé des robes, des bonnets, des
chapeaux, enfin des toilettes pour- madame et pour sa fille; puis,
hier, les marchands n'ont rien voulu livrer.
VIRGINIE.
Mais s'il y a un mariage, nous aurons tous des gratificaticns; il
faut rester jusqu'au lendemain des noces.
TH. 28
ftSA LB FAISEUR
JUSTIN.
Groyez-Tous que ce soit à ce petit teneur >de livres, qai ne
gagne pas plus de dix-huit cents francs, que M. Mercadet mariera
M fille? (JoAlinlit les joamanx.)
TUiRÈSE.
J'en suis sûrel Ib s'adoreaL Madame, qui sort tous les soirs
sans sa fille/ ne se doute pas de celte intrigue. Le petit Minard
vient dès que œadenaoiseile est seule, et comme ils ne m'ont pas
mise dans la confidence, j'entre, je les dérange, je les écoute. Ohl
ils sont bien sages. Mademoiselle, comme toutes les demoiselles
un peu laides, veut êure sûre d'être aimée pour elle-iuéme. Elle
travaille à sa peinture sur porcelaine, pendant que le petit a Tair
de lui lire des romans, mais c'est le même depuis trois mois.*.
Mademoiselle eu est quitte pour dire à sa mère« le soir : «Mamaa,
M. Minard est venu pour vous voir, je l'ai reçu. »
?0tt8 les enteodezî
THÉRÈSE.
Dame ! mademoiselle^ qui se donne le genre de craindre une
surprise, laisse les portes ouvertes...
rallierais ^ ^savoir ce que se disent tes boargeoé ea 9b ûôsant
la cour.
Des bêtises! Ils ne sepatfeut q«e ^efidéall...
JUSTIIf.
UficaleiBhour...
Tenez I... J'ai là une de ses lettres que j*ai copiée pour savoir
si ^a pourrait me servir.*.
Usez-moi donc ça...
Mon ange.*. »
Ohl mon angel
TflEIlàSE.
Ahl quaad im tms prend la taille eadisaatJBODaogel c'est
très-gentil!.., c Mon ju^e^ ouij Je vous aime; mus aiiaei-voas
fsfiaisB.
ACTE I ^35
an pauvre être déshérité comme je le suis 7 Vous m'aimeriez, si
vous pouviez savoir ce qu'il y a d'amour dans l'âme d'un jeune
homme jnsquli présent dédaigné, quand l'amour est toute sa for-
tune. J'ai lu hier, sur votre fronts de lumineuses espérances; j'ai
cra à qaetqM heureux avenir; vous avez converti mes doutes ea
certitude, ma faiblesse en puissance; enfin vos regards m'ont
guéri de la maladie du doute... *
vmGiiiiE.
Ça brouillasse dans ma tête I... On ne voit pas clair dans oei
phrases-là I..-. Est-ce que l'amoar baragouine?... il va droit au
Ut, l'amoar! Tenez, frarlez-nioi d'une lettre que j'ai reçue d'un
joli jeune homme, quelque étadiant du quartier latin... Ça n'a pas
de mystères, c'est net, et l'on ne peut s'en fâcher. Je la sais par
cœur : « Femme charmante! (ça vant bien un ange !) femme char-
ffiaute! «ccfMiiez-moi un rendez-vous, je vous en conjure. En
jMreil cas, on anaonce qu'on a mille choses à dire; moi, je n'eu
ai ^'uoe, que je vous dirai mille £ois, si vous vouiez ne pas
m'arréier à la première. • Et c'était signé Hippoly te.
jusTiir.
Eh bieni a-t-ii parlé? l'avez-vous ari^é?
YIAGONIJB.
Je ae l'ai jamais revu; il m'avait rencoatiée à la Ghaumière, il
aura sa qui j'étais» et l'iinbéciie a rougi de mon tabellier.
JUSTIN.
Eh bien! écoutez ce que le père Graineau vient de medlrel...
Bier, pendant que nous faisions nos commissions, il est venu deux
beaux jeunes gens en cabriolet ; leur groom a dit au père Grumeau
que l'un de ces messieurs allait épouser Mademoiselle Mercadet
Or, monsieur avait donné cent francs au père Grumeau !...
VIAGINIE «t TUf&iSE, ^tonnéct.
dent francs i.M
jusmr.
Oui, cent francs, pas promis, donnés^ en argent I Et il lui a fait
le bec si bien, que le père Grumeau a eu lair de se laisser tirer les
vers du nez en expliquant au groom que monsieur était si riche,
qu'il ne connaissait pas lui-même sa fortune.
VIRGnOE.
Ce serait ces deux jeunes gens à gants jaunes, à beaux gilets de
soie à fleurs; leur cabriolet reluisait comme du satin, leur cheval
&36 LE fAISKUR
avait des roses là (ei:e montre son oreuie); ii était teua par on eiibnt
de huit aos, blond, frisé, des belles à revers, an air de soaris
qui ronge des dentelles, on amour qui avait du linge éblouis-
sant et qui Jurait comme on sapeur. Et ce beau jeune bomme qui
à tout cela, de gros diamants à sa cravate, épouserait oudemoisello
If ercadet !• . . Allons donc !
THÉRÈSE*
Mademoiselle?.^, qui a une figure d'héritière sans héritage t...
allons donc I
VIRGINIE.
Ahl elle chante bien! quelquefois je l'écoote, et elle me (ait
plaisir. Ah I je voudrais bien savoir chanter comme elle : La fof'
iune^ mHmporiune t
JUSTIN.
Vous ne connaissez pas monsieur Mercadet I... Mol qui sois chez
loi depois six ans, et qui le vois, depuis sa dégringolade, aux prises
avec ses créanciers, je le crois capable de tout, même de devenir
riche... Tantôt, je me disais : Le voilà perdu! Les affiches jaunes
fleurissaient à la porte ; il avait des rames de papier timbré que j'en
vendais sans qu'il s'en aperçut! Brrr I il rebondissait, iitriompbaill
Et quelles inventions!... Vous ne lisez pas les journaux, voos
autres! c'était du nouveau tous les jours: du bois en pavés; des
pavés filés en soie ; des duchés, des moulins, enfin josqo'au blan-
chissage mis en actions. .. C'était du propre I... Par exemple, je ne
sais pas par où sa caisse est trouée! il a beau l'emplir, ça se vide
comme un verre! Un jour, monsieur se couche abattu; le len-
demain. Il se réveille millionnaire^ quaud il a dormi, car il tra-
vaille à effrayer; il chiffre^ il calcule, il écrit des prospectus qol
sont comme des pièges à loups, il s'y pi-end toujours des action-
naircs ; mais ii a beau lancer des affaires, il a toujours des créan-
ciers, et il les promène, et ii les retourne. Ah ! quelquefois je les
ai vus arrivant : ils vont tout emporter, le faire mettre en prison;
il leur parle... Eh bien! ils finissent par rire ensemble, et ils sor-
tent les meilleurs amis du monde. Les créanciers ont débuté par
i des cris de paon^ par des mots plus que durs, et ils terminent par
, des : — a Alon cher Mercadet I » et des poignées de main. YoyeZ'
vous, quand un homme peut maintenir paisibles des gens comme
ce Picrqnin...
ACTE T " un
THÉRÈSE.
Un tigre qui se noarrit de billets de mille francs. ••
JUSTIN.
Un pauvre père Violette I...
TIBiGrINIE,
Ab I pauvre cher homme, j'ai toajoars envie de lai donner an
bouillon...
JUSTIN.
Un Goulard !
THÉRÈSE.
Goulard 1 un escompteur qai vendrait me... m*escompter!
JUSTIN.
Il est riche, il est garçon! Laissez-vons...
VIRGINIE.
J'entends madame.
JUSTIN.
Soyons gentils, nous apprendrons quelque chose du mariage.. ,
SCÈNE III
Les Mâmes, MADAME MERCADET.
MADAME MERCADET.
ivez-vous vu monsieur 7
THÉRÈSE.
Madame s'est levée seule, sans me sonner.
MADAME MERCADET.
En ne trouvant pas monsieur Mercadet chez lui, l'inquiétude
it^ saisie^ et... Justin, savez-vous où est monsieur?
JUSTIN.
J*ai trouvé monsieur en discussion avec monsieur firédif, et ils
K>nt...
MADAME MERCADET.
Bien... Assez, Justin.
JUSTIN.
Monsieur n'est pas sorti de la maison.
MADAME MERCADET.
Merci.
THÉRÈSE.
Madame est sans doute chagrine de ce qu'on ait refusé de livrer
le» conunandes.
638 LE FAlSEUa.
VIRGINIE.
Madame sait que les fournissearB ne veulent phn.».
MADAME MERGADET.
Je comprends.
C'est fcs créancière qni sont h cane de UM te maL Àhl si je
savais quelque bon tour à leur jouer I
MADAME MERGADET,
Le meilleur, ce serait de les payer !.••
JCSTIIV.
Ils seraient bien étonnés !
THÉRÈSE.
Et malheureui, donc!.*. Ils ne sauraient plus que faire de
leur temps.
MADAME MERGADET.
Il est inutile de vous cacher rfnqufétnde etcesshre que me
causent les affaires de mon mari Nous aurons sans doute besoin
de votre discrétion; car nous pouvons compter sur vous, n'est-ce
pas?
TOUS.
Ahl madame !•••
MADAME MERGADET*.
Monsieur ne veut que gagner du temps, il a tant de ressources
dans l'esprit I... Suivez bien ses instractîons.
THÉRÈSE.
Ah ! oui, madame! Tirgînie et moi non? passerions dan^le feu
pour vous!. ••
jviRGnnE.
Je disais tout à Tlieure que nous avions dé bonsrmattresr; et qae^
dans leur prospérité, ils se souviendraient de la manière dont nous
lions conduisons dans leur malheur.
JUSTIN.
Moi^ je disais que tant que j'aurais de quoi vivre jfi servirait
monsieur; je l'aime, el je sni» sur qiie^ le jour où il aura une af
faire vraiment bonne, il nous en fera profiter. (MercadetaemtBtre.)
MADAME MBIGADET.
II àoH tvoi donner une pbce dans m prcwère entnfirise so-
lide... il ne s'agit plus que d'un dernier effort, liéhuil noo^nede-
ACTE I &39
▼ons pas laisser Toir notre gêne momentanée, il se présente un
riclie parti pour mademoiselle JniVe.
THÉRÈSE.
MadanoneBé mérite Irâr d'être bevreose; pauvre fliel elle est
si bonne, si instruite, si bien élevée. ..
VIRGINIE.
Et quels tafents! un yraî rossignol f
JUSTIN.
C'est un assassinat que d'ôter à une jeune personne tous ses
moyens en lui refusant ses robes, ses chapeaux. Thériise, vous
vous y sercar ma! prise f Si madame veut me dire le nom du pré- \
tendu, j*irai chez tous ces gens-là, je leur ferai sous-entendre que
jiepuis envoyer cher eux ce monsieur... monsieur. ••
MADAME MERGADET.
De la Brive.
JUSTIN.
Monsieur de la Brive, pour la corbeille^ et ils livreront. ••
THÉRÈSE.
Madame ne m'avait rien dit de ce mariage-là ; sans cela, j'aurais
tout obtenu, car l'idée de Justin est très-bonne...
VIRGINIE.
Oh! c'est sûr, ils seront dedans.
MADAME MERGADET.
Mais ils ne perdront pas un centime!
SCÈNE IV
Les MtxES^ MËHCADEX.
MERGADET, bas à sa femme.
Voilà comme vous parlez à vos domestiques? ils vous manqueront
de respect demain. (A Jnstio.) Justin, allez à l'instant chez mon-
sieur Yerdelin^ vous le prierez de venir me parler pour une affaire
qui ne souffre aucun retard. Soyez assez m<ystérieux; car il faut
qu'il vienne. •— Yous^ Thérèse, retournez chez tousksiburnissenra
de madame Mercadet, dite&-leor sèchement d'apporter tout ce qui
kM €0saaiaad6par w)s maîtresses^ ils seront peyéi... oui, canip«
tUL àJkSkl Qmëa et Tkérèt» mafaO.),
UUO LE FAISEUB
SCÈNE Y !
f
MADAME MERCÂDET, VIRGINIE, MERGADET.
HEKGÂDET, à Virginie.
Eh bien ! madame tous a-t-elle donné ses ordres?
^ VIRGINIE,
Non, monsieur.
MERGADET.
Il faut TOUS distinguer aujourd'hui! Nous avons à dîner quatre
personnes : Verdelin et sa femme, monsieur de Aléricourt et mon-
sieur de la Brive. Ainsi nous serons sept Ces dîners-là sont le
triomphe des grandes cuisinières! Ayez pour reievé de poisse un
beau poisson, puis quatre entrées, mais finement faites.
VIRGINIE.
Monsieur !. ..
MERGADET.
Au second service...
VIRGINIE.
Monsieur, les fournisseurs...
MERGADET.
Gomment! vous me parlez des fournisseurs le Jour où se fait
Tentrevue de ma fille et de son prétendu t
VIRGINIE.
Mais ils ne veulent plus rien fournir.
I MERGADET.
Vous irez chez leurs concurrents à qui vous donnerez ma pra-
tique et ils vous donneront des étrennes.
VIRGINIE.
Et ceux que je quitte, comment les payerai-je?
MERGADET.
Ne vous inquiétez pas de cela ! ça les regarde !
VIRGINIE.
Et s'ils me demandent leur payement, à moi? Oh ! d'abord j'e
âe répouds de rien...
MERGADET, à part.
Cette fille a de l'argent I (Haut.) Virginie» aujourd'hui le crédit
est toute la richesse des gouvernements; mes fournisseurs mé*
ACTE I UUi
connaîtraient les lois de lenr pays, ils seraient inconstitutionnels et
radicaui, s*lls ne me laissaient pas tranquille ! Ne me rompez donc
pas la tête pour des gens en insurrection contre ie principe vital
de tous les États... bien ordonnés! Mais montrez-vous ce que vous
êtes : nn vrai cordon bleu ! Si madame Mercadet, en comptant avec
vous le lendemain du mariage de ma fille, se trouve vous devoir.. •
je réponds de tout^ moi !
VIRGINIE.
Monsieur...
MERGADET.
Allez! je vous ferai gagner de bons intérêts, à dii francs pour
cent francs^ tous les six mois! C*est un peu mieux que la caisse
d'épargne...
VIRGINIE.
Elle donne à peine cent sous par an.
MERGADET, à madame Mereadet.
Qnand je vous le disais! (A Virginie.) Gomment! vous mettez
votre argent entre des mains étrangères? Vous avez bien assez
d'esprit pour le faire valoir vous-même; et ici^ votre petit magot
ne vous quitterait pas.
VIRGINIE, à part.
Dix francs tous les six mois! (Haat.). Quant au second service,
madame me le dira. Je vais faire le déjeuner, (EUe tort.)
SCÈNE VI
MERGADET, MADAME MERGADET.
MERGADET, U regarde Virginie qui t'en Ta.
Cette fille a mille écus à la caisse d'épargne... qu'elle nous a
volés; aussi maintenant, pouvons-nous être tranquille de ce côté-
là...
MADAME MERGADET.
Oh ! monsieur, jusqu'où descendez-vous !
MERGADET.
Je vous admire I... vous qui avez votre petite existence bien ar-
rangée» qui allez presque tous les soirs au spectacle ou dans le
monde avec notre ami Méricourt, vous me...
MADAME MERGADET.
Vous l'avez prié de m'accompagner.. . ,
UU2 LE FAlSEim
heucabet.
On ne peut pas être à sa femme et aux affisriires. EàRn, Tous^firîle»
h belle et l'élégante. . .
MABAME HftfSAIKBr. '
i
¥008 me faYez ordoiiii4.
Certes, il le faut bien! une femme est ne enseigne pour no
spéculateur... Quand à l'Opér» \Qas ¥Ous montrez avec une nou-
velle parure, le public se dit : « Les Asphaltes Tont bien, ot» la Pro-
vidence des Familles est en hausse, car madame Mercadetest d'une
élégance t.. . Voilà des gens heureux l» Dieu veniHe que ma com-
binaison sur les remplacements soit agréée par le mfnîstre d<e Fa
guerre, vous aurez voiture I. ..
MADAME M£RGAB£T.
Croyez-vous, monsieuTs que je sois iadifEÊreale à vos tourments,
à votift lutte et à voire bonnenr ?..•
MERGAfiET.
£b bien 1 ne xogex donc pas les moyen& dont je me sers. Là,
tout à rheure, vous vouliez prendre vos domestiques par la dou-
ceur : il fallait commander.... comme Napoléon^ brièvement.
MABAMB. MEBfiAMBT^
Ordonner qngundoB ne paye pat L..
MERGADET.
Précisément ! on paye d'audace.
MADAME MERGADET.
On peut obtenir pat raieciioB des aervicc& qntom eefusc à..*
MERGADET.
Par l'afTectionl àh\ vom coanaisBCT lûeB S0f ne époque! Au-
jourd'hui^ madame, toi» lès? sentkneiit» s-'^ttv vont; et l^vgeat ks
poiBSR A B^y a pik» qoe d^ intérêta patce qi^i n^]ra.plM de fa-
mille, mais des individus! Vojez t l'avenir de chacun est dans une ^
caisse publique t une fille, pour sa dof, irer s'adresse plus à une fa- j
mille mais à une tontine. La succession ia m d'Angfelcn'eéflât
chez une assurance. La femme compte, non sur son mari, mais sur
la caisse dTépargnet On paye sa dette â h patrie au' moyen d'ime
agence qui fait fa traite des blancs f Etafra, tons nos devmrs mm
en coupons I Les domestiques, dont on cftange comme chr ciuntesr,
ne s'attachent plus à leurs maîtres r ayez Icar argent, ils vous sont
dévoués L
»••
ACTE I /i/l$
HASAIHE BfERCADBT.
Ohl monsieur» vous si probe, si honorable, tous dites quelque*
fois des choses qui me...
MERGÂDËT.
Et qui arrive à dire arrfve l fah*e, n'est-ce pas ? Eh bien f je ferai
tout ce qui pourra me sauver, car (U tire une pièce d» dnq ftsnei)
voici l'houneur moderne t.. . Ayer vendu du plâtre pour du
sucre, si vous avez su faire fortune sans exciter ée plainte, tous-
devenez député, pair de France on ministre f Savez-voas pourquoi
les drames dont Fes héros sont des scélérat» ont tant de spectateurs?
C'est que tous les spectateurs s'en vont flattés en se disant : —Je
vaux encore mieux que ces coquins-là... Maismoi, j*ai awn ex*
cuse. Je porte le poids du crime de Godean \ EnGn, qo'y a-t-ll de
déshonorant k devoir? Est-il un seul État ett Bnrope qui n'ait se»
dettes? Quel est l'homme qui ne meurt pas fnaoWable envers son
père? Il lui doit la vie^ et ne peut pas la lui rendre. La terre fait
constamment faillite au soleil ! La vie, madame, est un emprunt
perpétuel! Et n'emprunte pas qui veut! Nesun-je pas sopérieur
à mes créanciers? J'ai leur argent, ils attendent le mien ; je ne leur
demande rien, et ils m'importunent ! Un homme qui ne doit rien»
mais personne ne songe à lui, tandis que mes eréanden fl^inté-
ressent k moi f
MADAME MERCADET.
Un peu trop!... devoir et payer, tout va bien : mais devoir et
ne ponvûfr rendre, mais empranter quand on se sait baies, d'état
de s'acquitter !••• Je n'ose vous dire ce que j'en pense.
MBaCADlT.
Vous pensez qu'il y a là comme na cemmenceraent de..,«
MADAHB XBACADET.
l*en ai peur-.
MERCADET.
Vous ne m'estimez donc plus, moi, votre.. .
MADAME MERCADET.
Je vous estime toujours, mais je suis au dâsespofr de voms voir
vous consumant en efforts sans succès; j'admire la fertilité de vo»
conceptions, mais je gémis d'avoir à entendre les plaisanteries
avec lesquelles vous essayez de vous étonrdnr.
MEItSADET.
Un h(xmne méfoncofiqoe se wraîl d^ neyé ! Un qnolat dt
AI^A LB FAISEUR
chagria ne paye pas deax sous de dettes... Voyons I pouvez*
vous me dire où commence, où finit la probité dans le monde
commercial? Tenez I... nous n'avons pas de capital, dois-jeje
dire?
MADAME MEBGADST.
Non, certes.
MERGADET.
N*est ce pas une tromperie? personne ne nous donnerait nn
son, le sachant I Eh bien! ne blâmez donc pas les moyens que
j'emploie pour garder ma place au grand tapis vert de la spécula-
tion« en faisant croire à ma puissance financière. Tout crédit im-
plique un mensonge! Vous devez m'aider à cacher notre mi-
sère sous les brillants dehors du luxe. Les décorations veulent
des machines, et les machines ne sont pas propres! Soyez tran-
quille, plus d'un qui pourrait murmurer a fait pis que inol
Louis XIV, dans sa détresse, à montré Marly à Samuel Bcr-
nard pour en obtenir quelques inillions, et aujourd'hui les lois
modernes nous ont conduits à dire tous comme lui : L'État^
c'est moi !
MADAME MERGADET.
Pourvu que, dans votre détresse, Thouneur soit toujours saafi
▼ous savez bien, monsieur^ que vous n'avez pas à vous justifier
auprès de moi.
MERGADET.
Tous vous apitoyez sur mes créanciers, mais sachez donc enûn
que nous n'avons dû leur argent qu'à...
MADAME MEllGADET.
A leur confiance, monsieur I. ..
MERGADET.
A leur avidité I Le spéculateur et l'actionnaire se valent! tons
les deux, ils veulent être riches en un instant J'ai rendu service
à tous mes créanciers ; tous croient encore tirer quelque chose de
moi! Je serais perdu sans la connaissance intime de leurs inté-
rêts et de leurs passions : aussi jouai-je à chacun sa comédie.
MADAME MERGADET.
Le dénoûment m'effraye ! Il en est qui sont las de faire votre
partie. Goulard, par exemple : que pouvez-vous contre une fé«
rcclté pareille? il va vous forcer à déposer votre bilan. ..
ACTE I UUS
MERGADET.
Jamais, de mon vivant I car les mines d'or ne sont plus ao
Mexique, mais place de la Bourse I £t j'y veux rester jusqu'à ce
que j'aie trouvé mon filon !..•
SCÈNE VII
Les Mêmes, GOULARD* ^
GOULARD.
Je suis ravi de vous rencontrer, mon cher monsieur.
MADAME MERGADET, à part.
Goulard! comment va-t il faire ?.«• (AMercadet.) Auguste! (Mer-
cadet fait signe à sa femme de se tranquilliser.)
GOULARD.
C'est chose rare, il fiint s'y prendre dès le matin et profiter du
moment où la porte est ouverte et les gardiens absents.
MERGADET.
Les gardiens I sommes nous des bêles curieuses? Vous êtes im-
payable I...
GOULARD.
Non, je suis impayé, monsieur Mercadet
MERGADET.
Monsieur Goulard !. ••
GOULARD.
Je ne sauniis me contenter de paroles.
MERGADET.
Il VOUS faut des actions, je le sais : j'en ai beaucoup à vous
donner en payement, si vous voulez. Je suis actionnaire de» ..
GOULARD.
Ne plaisantons pas, je viens avec Tinteniion d'en finir...
MADAME MERGADET.
En finir... Monsieur, je vous oiïre...
MERGADET.
Ma chère, laissez parler monsieur Goulard. (Goaiard saine madame
Mercadet.) Yoos êtes chez VOUS, écoulez-le.
GOULARD.
Pardon I madame, je suis enchanté de vous voir» car votre si*
(nature pourrait. .•
i&0 LB FAlSeUB
mekgadet..
Ma femme a tort de se mêler de notre conversation, les femmes
A*eDtendent rien aux affaires I (â sa femme.) Monsieur est mon créan-
cier, ma chère; il vient me demander le montant de sa créance
en capital, intérêts et frais, car vous ne m^avez pas ménagé, Geo-
lard... Abl vous avez rudement poursuivi un homme avec qui
tous faisiez des affaires considérables!
GOTJLABD.
iks affaires où toot a*a pas été bénéfice^i.
MERCADET.
OÙ serait le mérite? si elles ne donnaient qne des bénéfices,
tout le monde ferait des affaires!
GOULABD.
Je ne viens pas chercher les preuves de votre esprit, je sasqae
vous en avez plus que moi, car vous avez mon argent ..
MERCADET.
£b bien ! il faut que l'argent soit quelque part! (A madame Xer-
«adet.) Tu vois en monsieur un homme qui m'a poursuivi comme
im lièvre! Allons! convenez-en, mon cher Goulard, vous vous
êtes mal conduit. Un autre que moi se vengerait en ce motnent,
car je puis vous faire perdre une bien grosse somme...
GODLARD.
Si vous ne me payez pas, je le crois bien; mais vous me paye-
rez, ou, demain, les pièces seront remises au garde du com-
merce...
TIIERCADET.
Oh ! il ne s'agît pas de ce que je vous dois, vous a'at ez tt-des-
sus aucune inquiétude, ni moi non plus : mais il s'agif de capi-
taux bien plus considérables! Bien ne m'a étonné comme de vous
savoir, vous^ homme d'on coup d'oeil si sûr, foos à qm jede^
manderais un conseil, de vous savoir encore engagé dans cette
affaire-là!.., vous!.,. £nim nous avons toof Boa moments d'er-
reur...
fiOULÀRn.
Mais quoi?...
HERGADET, à sa femme.
Tu ne le croirais jamais ! (a Ooaiard.) Elle a fini pariée coffnaltri
en spéculations, elle a un tact pour les juger!... (A » femne.) Et
bien I ma chère, Goulard y est pour une somme très-considé-
rable.
ACXB I 447
MADAJf£ JMLEJ&GATET,
Monsieur !...
GOVJJIRD, i paLTl,
Ce Itocadet, il a le ^ie de ia fijpécuktioQ^ naais ventril «acore
m*ainuser7 (â XercadeL) Que fookz-voiis dineJ De quoi sagit-ii7
JISRCADET.
Vous le savez bien!... On sait toujoacB ûù le.bltJMHiB Usmt^
quand on porte des actions.
GOUiJJU).
5eraient-ce les mines de ia Basse-Xndreî une affaire superlie...
Superbe!... oui, pour ceux qui ont fait vendre hier...
GOUIABD.
On a vendu!...
HEIlGAIttiT.
En secret^ dans la coulisse ! vous verrez la ihaiMe aujoitnd^jhui
et demain. Oh! demain, qu«^ndoa saura ce que l'on a trouvé...
GOULARD.
Merci! Mercadet, nous causerons plus tard de nos petites
affaires. Madame, mes hommages.. «
MEBGAOBT.
Att^uUdez donc, mon cher Godard! ai Mtientteniard^ar le ^mb.)
l'^i une nouvelle à vous donner <{ui vous rassurera sur..«
GOULARD.
Sur quoi?
MEACABilT.
Sur votre créance! Je marie ma fille-.
GOULARD. Il dégageai main de celle de IfcurtniW
Plus tard.
MERCABIi:. Iltepread'eoalard.
Non, tout de suite, il s*agit d'un millionnaire.
GOULAIRBu
Je vous fais mes compliments... Oh ! la mine ! Puisse-t-elle être
iieurcuse ! Vous pouvez compter sur moi.
MADAME MERCADET. ,
Pour la noce?
GOULARD. n dégage d« noaveaa son \uu do 1msb0 lie.
Un toute occasion»
/iA8 LB FA18EUE
MERGADET.
Ëcoatezl encore on mot.
GOULARD.
Non, adieu ! Je ? cas souhaite bon succès dans cette affaire.
MERGADET. Il fait revenir Gonlard par un signe.
Si vous voulez me rendre quelques titres, Je vous dirai à qui
vous pourrez vendre vos actions.
OOULARD.
lion cher Mercadet! Mais nous allons nous entendre.
MERGADET, à sa femme.
Le voyez-vous prêt à voler le prochain? Esl-ce un honnête
homme?
60ULARD.
Eh bien ?
MERGADET.
Avez- VOUS mes valeurs sur vous?
60ULARD.
Non.
MERGADET.
Que veniez-vous donc faire?
GOULARD.
Je venais savoir comment vous vous portiez.
MERGADET.
Ck>mme vous voyez.
GOULARD.
Enchanté. Adieu ! (Mercadet soit Gonlard en essayant de la retenir.)
MADAME MERGADET, senle nn instant.
Gda tient da prodige.
SCÈNE YIII
MERGADET, MADAME MERGADET.
MERGADET. U reylent en riant.
Impossible de le retenir! II m*a tourné le dos comme un
ivrogne I une fontaine.
MADAME MERGADET, riant aussi.
Mais est-ce vrai, ce que vous lui avez dit? car je ne sais plus
démêler le sens de ce que vous leur dites. .•
I
ACTE I hU9
HERCADET. ^
Il est dans l'intérêt de mon ami Verdclin d'organiser une pa-
nique sur les actions de la Basse-Indre, entreprise jusqu'à pré-
sent douteuse^ et devenue excellente tout à coup. (A part.) S'il
réussit à tuer Taiïaire, je me ferai ma part... (iiaat.) Ceci nous
raaièue à notre grande alTairc : le mariage de Julie I Oui, j'ai
l^esoin d'un second moi-même pour ce que je sème.
MADAME MERCADET.
Ai)! monsieur, si vous m'aviez prise pour votre caissier, nous
aurions aujourd'hui trente mille francs de rentes!...
MERCADET.
Le jour où j'aurais eu trente mille livres de rentes, j'eusse été
rciiié. Voyons I si, comme vous le vouliez^ nous nous étions en-
fouis dans une province, avec le peu qui nous serait resté lors de
Tciuprunt forcé que nous a fait ce monstre de Godeau, où en se-
rions-nous? Auricz-vous connu Méricourt qui vous plaît tant et
<l3 qui vous avez fait votre chevalier? Ce lion (car c'est un lion)
va nous débarrasser de Julie! Ahl la pauvre enfant n'est pas notre
plus belle affaire. ..
MADAME MERCADET.
Il y a des hommes sensés qui pensent que la beauté passe...
MERCADET*
Il y en a de plus sensés qui pensent que la laideur reste.
MADAME MERCADET.
Julie est aimante. ..
MERCADET.
niais je ne suis pas monsieur de la Bdvel... Et je sais mon
rùle de père^ allez ! Je suis même assez inquiet de la passion su-
bile de ce jeune homme : je voudrais savoir de lui ce qui Ta
charmé dans ma ûlle.
MADAME MERCADET.
Julie a une voix délicieuse, elle est musicienne.
MERCADET.
Peut-être * st-il un de nos dilcttanti les moins savants, car il va,
jc crois, aux Bouffes sans entendre un mot d'italien.
MADAME MERCADET.
Julie est Instruite.
MERCADET.
Fous voulez dire qu'elle lit des romans; et» ce qui prouve
TH. 29
&50 LE FAI&EUR
qu'elle est une filie d'esprit, c'est qu'elle n'en écrit pas. J'cspère-
qoe Julie, malgré ses lectures, comprendra le marine comme il
doit être compris : en affaire l Nous l'avons à peu près laissée
maîtresse de ses folontés depuis deux ans : elle se faisait st
grande I
MADAME MlRCAIffiT.
Pauvre enfant! elle est si bien dans le secret de notre positioB^
qu'elle a su se donner un talent, celui de la peinture sur porce-
laine, afin de ne plus nous être à charge..*
MERGADET.
Tous n'avez pas rempli vos obligations envers elle (Moaremeiit d»
madame Hercadet) : il fallait la faire jolie.
MADAME MERCADET.
Elle est mieux, elle est vertueuse...
MERGADET.
Spirituelle et verluense! son mari aorabiea.. ~
MADAME MERGADET.
Uonsieur!..,
MERGADET.
Bien de l'agrément! Allez la chercher, car il faut lui expliquer
le sens du dîner d'aujourd'hui et l'inviter à prendre monsieur de
la Brive au sérieux.
MADAME MERGADET.
Les difficultés avec nos fournisseurs m'ont empêchée de lui en
parler hier. Je vais vous amener Julie : elle est éveiUéet car elle
se lève au jour pour peindre. <£iia aort.)
SCÈNE IX
MERGADET.
Dans celte époque, marier une fille jeune et belle^ la bien ma-»
rler, entendons-nous, est un prob!èiue assez difficile ï résoudre;,
mais marier une fille d'une beauté douteuse et qui n'apporte que
se^ vertus en dot, je le demande aux mères les plus intrigautes,
n'est-ce pas une œuvre diabolique? Méricourt doit avoir de Taf*
fectiun pour nous ; ma femme fait encore de lui ce qu'elle veut,,
et c'est ce qui me rassure... Oui, peut-être se croit il obligé dt
marier Julie avantageusement. Quant à monsieur de la firive,
rien qu'à le voir fouettant son cheval aux Champs-Elysées, a9
A€TB I au
Style da tigre, rçnsemble de l'équipage, son attitade k l'Opéra, le
père le plus exigeant serait satisfait. J'ai dîné chez loi : charmant
appartement, belle argenterie, un dessert en vermeil, à ses armes;
ce n'était pas emprunté. Qui peut donc engager un coryphée de
la jeunesse dorée à se marier?... Car il a eu* des succès de
femmes... Oh! peut-être est-il las des succès... Puis il a entendu,
m*a dit Méricourt, Julie chez Duval, où elle a chanté à ravir...
Après tout, ma (iile fait un bon mariage. £tlui7... Oh! lui...
SCÈNE X
MERCADET, MADAME MERGADET, JUUE.
MASiiME MERCAnET.
Julie, votre père et moi, nous avons k vous parler sur on sujet
toujours agréable à une ûUe : il se présente pour vous un parU.
Tu vas peut-être te marier, mon enfant. ••
JULI£«
Peut-être I... Mais cela doit être sûr.
MERCADET.
Les filles à marier ne doutent jamais de rteni
JULIE.
Monsieur Mmard vous a donc parlé, mon pèrel
liERCADET.
Monsieur Minard?... Hein?... Qu'est-ce qu'un monsieur
Alinard? Vous attendiez -vous, madame, à trouver un monsieur
Minard établi dans le cœur de voire fille Julie? Julie, serail-cc
par hasard ce petit employé que Duval, mon ancien caissier, m'a
plusieurs fois recommandé ponr des places? Un pauvre garçon
dont la môrc seule est connue... (A part.) le fils naturel de Godeau....
(A jaUe.) Répondez.
JUUE.
Oui, papa.
Vous l'aimez?
Oui, papa.
MERCADET.
Il s*agit bien d'aimer, il faut êu*c aimée.
MERCADET.
JUUE.
)53 LE Fx\lSEIJA
MADAME M£RCaD£T.
Vous aiiue-t-il?
JULIE.
Oui, mamaiL
MERGADET.
cOuî, papa» doi, maman, » pourquoi pas nanao, dada? Quaad
es filles sont ultra-majeures, elles parlent comiuc si elles sortaient
de nourrice!... Faites à votre mère la politesse de l'appeler
madame^ afin .qu'elle ait les bénéfices de sa fraichour et de si
beauté.
JULIE.
Oui, monsieur.
MERGADET.
Oh! appelez-moi mon père, je ne m'en fâcherai pas! Quellei
preuves avez-vous donc d*être aimée?...
JULIE.
Mais... Où se sent aimée!
MERGADET.
Quelles preuves en avez-vous ?
JULIE.
Mais la meilleure preuve, c'est c[u'il veut m'épouser.
MERGADET.
C'est vrai! Ces filles ont» comme les petits enfants, des ié«
ponses à vous casser les bras.
MADAME MERGADET.
OÙ l'avez-vous donc vu?
JULIE.
Ici.
MADAME MERGADET,
Quand?
JULIE.
Le soir, quand voas êtes sortie.
MADAME MERGADET.
Il est mGÎns âgé que vous...
JULIE.
Oh! de quelques mois!...
MADAME MERGADET.
Et je vous croyais trop raisonnable pour penser à un jcuae
étourdi de vingt-deux ans, qui ne peut apprécier vos qualitci.
ACTE 1 li5Z
JULIE.
Maïs il a pensé à moi le premier : car, si je l'avais aimé la pre-
mière, il n'en aurait jamais rien sa. Nous nous sommes vus^ on
soir, chez madame Daval.
MADAME MERGADET.
Il D'y a que madame Dwal ppar recevoir chez elle des gens
ttns position !...
MERGADET.
Elle fail salon, elle veut des danseurs à tout prix! Les gens qui
dansent n'ont jamais d'avenir. Aujourd'hui les jeunes hommes
qui ont de l'ambiiion se donnent tous on air grave et ne dansent
point
JULIE.
Adolphe. ••
MERGADET.
Et il se nomme Adolphe I... Ce monde^ que des imbéciles nous
disent en progrès et qui prennent des déplacements pour des
perfectionnements, tourne donc sur lui-même? Enfants, vous
croyez moins que jamais à l'expérience de vos pères... Apprenez,
mademoiselle, qu'un employé à douze cents francs ne sait pas
aimer, il n'en a pas le temps, il se doit au travail. Il n'y a que les
propriétaires, les gens à tilbury, enfin les oisifs, qui peuvent et
sachent aimer.
MADAME MERGADET.
Mais, malheureuse enfant!..,
MERGADET, àsafemmt.
Laissez-moi lui parler, (a juiie.) Julie, je te marie à ton monsieur
llinard... (MoaTement de Jolie.) Attends! Tu n'as pas le premier sou»
ta le sais : que devenez-vous le lendemain de votre mariage?
T avez-vous songé t.. .
JUUE.
Oui, mon père.
MADABIE MERGADET.
Elle est folle!
MERGADET, à ta femme.
Elle aime, la pauvre fille!... laissez-la dire. (A juiie.) Parte,
Jolie, je ne suis plus ton père, mais ton confident, je l'écoute.
JULIB,
Nons nous aimeroost
^5& LE FAISBbR.
MERGADET.
Mais Pamoar tons enverra-Ml des coapons de rentes aa boat
ie ses floches?
JUUE.
Oh! mon père^ nous nous logerons dans un petit appartement^
m fond d'an fanbonrg, à nn «quatrième éUge^ s*il le fant ! Au
besoin, je serais sa servante... Ah! je m*occuperai des soins du
ménage avec un plaisir infini, en songeant qu'en toute chose il
Vagira de lui... Je travaillerai pour lui pendant qu*il travaillera
pour moi! Je lui sauverai bien des ennuis, il ne s'apercevra
jamais de notre gêna Notre ménage sera propre, élégant même.
Mon Dieu ! Télégance tient à si peu de chose, elle vient de l'âme,
et le bonheur en est à la fois la cause est l'effet Je puis gagner
assez avec ma peinture sur porcelaine pour ne rien lui coûter et
même contribuer aux charges de la vie. D'ailleurs, l'amour nous
aidera à passer les jours difficiles! Âdolptie a de fambition comme
tous les gens qui ont une âme élevée, et il est de ceux qui
iirrivent..
MERGADET.
On arrive garçon, mais marié, Ton se tue à solder un livre de
dépense, à courir après mille francs, comme les chiens après une
voiture. Rt il a de l'ambition ?.. •
JX7UE.
Mon père^ Adolphe a tant de volonté onie à tant de moyens,
'que je suis sûre de le voir un jour... ministre peut-être.
MERGADET.
Anjourd*huf , qui est-ce qui ne se voit pas pins on moins mi-
«istre? En sortant du collège, on se croit un grand poète, nn
3rand orateur, un grand ministre, comme sous l'Empire, on se
^yait maréchal de France en partant sous-lieutenant. Sais-tu ce
4|Bi'il serait, ton Adolphe?... père de plusieurs enfants qui déran-
geront tes plans de travail et d'économie^ qui logeront Son Excel-
.Jence rue de Clichy^ et qui te plongeront dans une affreuse
^misère ! Tn m'as fait là le roman et non l'histoire de la vie.
MADAME MERGADET.
Pauvre enfant ! H son âge, Il est si facile 46 prendre ses eq)é-
crances pour des réalités !. . •
MERGADET.
^Ue croit que Famour est le seul élément de bonheur énos le
ACTE I 455
fttriage : die se trompe oouitiie tons oeox qal mettent leurs
ivopres fantes snr le compte du hasard, réditeur responsable de
nos folies, et alors on s'en prend de son maltteor ï h société,
^'on bouleverse, fiah! c'est une amouretie qui o*a rien de
4Bérieux.
JUUC.
€*e8t, mon père, de part et d'antre, on amour anqnel nous
sacrifierons tout. ••
IIADAME IfERGADET.
Comment I Jolie, tu ne sacrifierais pas cet amour naissant pour
«nver ton père? pour loi rendre plus que la TÎe qu'il t'a donnée,
f honneur que les familles doivent garder intact I
MERCÂDET.
Hais ^ qu(H serrent donc les romans dont ta f ahrenves,
«nalheureose enfant, si tu n'y puises pas le désir d'imiter les dé-
fonements qu'on y prêche (car les romans sont devenus des
nermons sociaux) ! Votre Adolphe connaît-il ta position de fortune?
lui as-tu peint votre belle vie au quatrième étage, avec un parc
^r la fenêtre et des cerises \ manger le soir comme faisait Jean-
Jacques avec une fille d'auberge?
JULIE.
Mon père, je suis incapable d'avoir commis la moindre indis-
crétion qui pût vous compromettre.
MERCADET.
JD nous croit riches?
itnjs.
U ne m'a jamab parlé d'argent.
MERCADET, à put à ta femme.
Bien, j'y suis. (AJofie.) Julie^ vous allez lui écrire, è llnstant,
de Tenir me parler.
JOUE.
Ah! mon pèrel... (EUt r«abraiM.)
MERCADET.
Aujourd'hui même, an jeune lîomme élégant, ayant une grande
existence, un beau nom, vient dtner icL Ce jeune homme a des
intentions et vous recherche. Voilà mon prétendu. Vous ne serez
pas madame Mîoard, vous serez madame de la Brive; au lieu
d'aller au quatrième étage, dans ua ûabourg^ vous habiterez une
belle maison dans la Cbausséc-d'Autiiu Yoos avez des talents, de
&56 LE FAISEUR
riDStruclion, vous pourrez jouer un rôle brillant à Paris. Si toqs
ii*êtes pas la femme d*un ministre, vous serez {)eut-ôtre la femme
d*nn pair de France. Je suis fâché, ma ûUCt de n'avoir pas micGx
à vous offrir. ••
JULIE.
Ne raillez pas mon amour, mon père^ et permrttez-ir.(n
d'accepter le bonheur et la pauvreté plutôt que le malheur de la
richesse.
MADAME MERGADET.
Julie, votre père et moi nous sommes comptables de voirf
avenir envers vous-même^ et nous ne voulons point un jour être
accusés justement par vous, car TexpérieDce des parents doit ctin>
la leçon des enfants. Nous faisons, en ce moment, une rude
épreuve des choses de la vie. Va, ma fille, marie-toi richement.
MERGADET.
Dans ce cas-Ui, Tunion fait la force 1 la maxime dcsécus delà
Fiépublique.
MADAME MERGADET.
S*il n'y a pas de bonheur possible dans la misère, il n*y a pas
ÛQ malheur que la fortune n'adoucisse.
Jl'LIE.
Et c'est vous, ma mère^ qui me dites ces tristes paroles ! Mon
père, je vais vous parler votre langage amer et positif Ne vous ai*
je pas entendu parler de gens riches, oisifs et par conséquent
83ns force contre le malheur, ruinés par leurs vices ou leur laisser-
aller, plongeant leur famille dans une misère irréparable? N'aurait-
il pas mieux valu marier alors la pauvre Elle à un homme sans
fortune, mais capable d'en gagner une? Monsieur de la Brive
I eut, je le sais, être riche, spirituel et plein de talent, mais vous
€i!ez tout ccla^ vous avez perdu voire fortune et vous avez pris en
ma mère une fille riche et belle, tandis que moi...
MERGADET.
Ma fille, vous pourrez juger monsieur de la Brive comme je
jugerai monsieur Minard. Mais vous n'aurez pas le choix. AloO'
iieur Minard renoncera lui-même à vous.
JULIE.
Oh! jamais, mon père, il vous gagnera le cœur...
MADAME MERGADET.
Alon ami, si elle était aimée...
ACTE I &57
MERCADET.
Elle est trompée.
JULIE.
Je demanderais à l'être toujours ainsi.
MADAME MERCADET.
On sonnet et nous n'avons personne pour aller OQfrir la
porte !
MERCADET.
Eh bien! laissez sonner.
MADAME MERCADET.
Je m'imagine toujours que Godeau peut revenir.
MERCADET.
Godeau 1... aiais sachez donc qu'avec ses principes de faire
fortune quibuscumque viis,., (allons! je leur parle latin), Godeau
ne peut être que pendu à la grande vergue d'une frégate. Après
huit ans sans nouvelles, vous espérez encore Godeau! Vous me
faites l'effet de ces soldats qui attendent toujours Napoléon.
MADAME MERCADET.
On sonne toujours.
MERCADET.
C'est une sonnerie de créancier!... Va voir, Julie! Et, quoi
qu'on te dise, réponds que ta mère et moi nous sommes sortis.
Ce créancier aura peut-élre de la pudeur, il croira sans doute une
jeune personne.
'•••
SCÈNE XI
MADAME MERCADET, MERCADET.
MADAME MERCADET.
Cet amour, vrai chez elle, du moins, m'a émue...
MERCADET.
Vous êtes toutes romanesques !
MADAME MERCADET.
Un premier amour donne bien de la force !...
MERCADET.
La force de s'endetter ! Et c'est bien assez que le beau-père. ••
SCÈNE XII
PIERQUIN, JUUE, MERCADET, MADAME MERCADET.
ff
JULIE, entrant la première.
Mon père, monsieur Picrquin.
kSB ' LK FAISBUE
MERGÀfiST.
Allons! la jeane garde est en duroatel...
7D lE.
Mais il prétend qu'il 8*agît d*mne bonne affirire pour foos.
MERCÀDBr.
G'est-à-drre povr hii. Qn*elte se lafs^ aller I écouter son Adol-
phe, ça se conçoit; mais nn créancier!... Je sais comment le
prendre^ celui-là ! Laissez-nous. (Les femmes aorteaL)
SCÈNE XIII
PIERQUIN, MERGADET.
PIERQUm.
Je ne riens pas tous demander d'argent^ mon cher monsieur,
je sais que vous faites un superbe mariage. Totre fille épouse an
millionnaire, le bruit s^en est répandu...
MERGADET.
Ob! millionnaire! Il a quelque cbose...
PIE&QUIN»
Ce magnifique {M'ospeclus va calmer vos créanciers. Tenez !•••
inoinaoême» j*ai rq^ mes pièces que gavais reuûses auxgiardes
dix commerce.
MEBCAIIET.
Vous alliez me faire arrêter?
PrERQUITT.
Ah I VOUS aviez deux ans! Je ne garde jamais de dossiers si
longtemps; maie pour vous je m'étais départi de mes principes^ Si
ce mariage est une invention» je vous en fais mon compliment..
Le retour de Godcau s'usait diablement!... Un gendre vous fera
gagner du temps. Ah ! mon cher, vous nous avez promenés avec
des relais d'espérances à désespérer des vaudeviUisiesI Ma loi! je
vous aime, vous êtes ingénieur 1 A fiUe sans dot riche mari, c'est
hardi.
V
UEECADET, à part.
OÙ veut-il en venir?
PfEaounr.
Goulard a gobé l'hameçon : mais qu'avez-vous mis dessus? car
il Cdt fin.
ACTE I ft59
XERCADET.
Mon gendre est monsieur de la Bri?e, an jeune nomme.. •
piERQunr.
y a on vrai jenne homme?
KERGADET.
Je TOUS le ferai voir...
PIERQUIN.
Alors, combien payez- vous le jeune homme?
MERCADET.
Ah! assez d'insolence f Autrement, mon cher, je tous deman-
derais de régler nos comptes; et, mon cher monsieur Pierquin,
vous y perdriez beaucoup au prix où vous me vendez Targentl...
PIERQUIN.
Monûeorl
MERCADET.
Monsieur, je vais être assez riche pour ne plus souffrir la plai-
santerie de personne, pas même d'un créancier. Quelle aflaire
venez-vous me proposer?
PIERQUIN,
Si vous voulez régler, jaimerais autant cela.. .
MERCADET.
Je ne le crois pas : je vous rapporte autant qu'une ferme en
Beauce. •
PIERQUIN.
Je venais vous proposer une échéance de valeurs, contre laquelle
je vous accorderais un sursis de trois mois.
MERCADET.
C'est là la bonne aOaire?
PIERQUIN.
Oui.
MERCADET, à part.
Que flaire ce renard des poules aux œufs d'or? (Haut) Expliquez-
vous nettement.
PIERQUIN.
Vous savez, moi, je suis lucide, limpide, l'on y voit clair.
MERCADET.
Pas de phrases! Je ne vous ai jamais reproché de faire l'usure :
car je considère im fort intérêt comme une prime donnée aa
MO LS FAISEOH
capital d'une affaire. L*asurîer, c'est un capitaiistç qui se fait sa
part d'avance...
PIERQUIN.
Voici près de cinquante mille francs de lettres de change d'an
joli jeune homnie nommé Michonnin, garçon coulant...
MERCADET.
Et coulé...
FIERQUIN.
Oui, elles sont en règle : protêt, jugement par défaut, jugement
définitif,- procès-verbal de carence, dénonciation de contrainte;
etc. il y a cinq mille francs de frais.
HERCÀDET.
Et cela Tant?
FIERQUIN.
Ce que vaut l'avenir d'un jeune homme maintenant forcé
d'avoir beaucoup d'industrie pour vivre...
MERCADET.
Rien...
FIERQUIN.
 moins qu'il n'épouse une riche anglaise amoureuse de...
MERCADET.
De lui!
FIERQUIN.
Non, d'un titre I Et je pensais à lui en acheter un... Mais celi
m'aurait jeté dans les intrigues de la chancellerie.
MERCADET.
Mais que ?oulez-vous de moi?
FIERQUIN.
Des choses de même valeur.
MERCADET.
Quoi?
* FIERQUIN.
j Des actions de... Enfin de vos entreprises qui ne donnent [k^
de dividende.
MERCADET.
Et vous m'accordez un sursis de cinq mois?...
FIERQUIN.
Non, trois mois.
MERCADET, à part.
Troii mois! pour un spéculateur^ c'est l'éternité 1 Mais quelle
ACTE 1 &6i
est soD idée? Ohl ne rien donner, recevoir quelque chose. (Hauu)
Pierquin, je ne comprends pas, malgré mon inielligence : mais
c'est fait..
PIERQUIN.
J'avais compté la-dessas I Voici une lettre par laquelle je tous
accorde le sursis. Voici les dossiers Michonnin. Ah! je dois tout
vous dire : ce jeune homme a mis tous les gardes du commerce
sor les dents.
UERCADET.
Voulez-vous les aciions roses d'un joarnal qui pourrait avoir
du succès s'il paraissait? les actions bleues d'une mine qui a
sauté? les actions jaunes d'un pavé avec lequel on na pouvait
pas faire de barricades?
PIERQUIN.
Donnez-m'en de toutes les couleurs!
m£rgâi»:t.
£n voici, mon cher maître, pour quarante mille francs.
PIERQUIN.
Merciy mon cher ami ! Nous autres, nous sommes ronds en
affaires. ••
HERGADET, à part.
Sa ritournelle quand il a pincé quelqu'un. Je suis volé ! (Haut.)
Vous allez placer mes actions?
PIERQUIN.
Mais oui.
MERCADET.
 toute leur valeur?
PIERQUIN.
Si c'est possible...
MERCADET.
Ah! j'y suis. Gela remplacera vos cabinets d'histoire natnrene,
vos frégates en ivoire, les pelisses de zibeline, enfin les marchan-
dises fantastiques...
PIERQUIN.
C'est si vieux !...
MERDADET.
Et puis le tribunal commence à trouver cela léger... Vous cics
un digne homme, vous allez ranimer nos valeurs...
PIERQUIN.
Croyez^ mon cher ami, que je le voudrais.
M9 LB FABBOa
KERCÂiœT.
Bt moi donc?.*. Adieu I
PIERQUm.
Tous savez ce que je vous soahaiie, en ma qualité de créaudefi
dans l'aSaire du mariage de votre fille. (U aoru)
SCÈNE XIY
MERCADËT, leid.
Michonnin I quarante-deux mille francs et cinq mille franco
d'intérêts et de frais, quarante-sept mille... Pas d'acompte ! Bah!
un homme qui ne vaut rien aujourd'hui peut devenir excellent
demain I D'ailleurs, je le ferai nommer baron en intéressant un
certain personnage dans une aflaire! Mais, tiens! tiens! ma femme
connaît une Anglaise qui se met des coquillages et des algues sur
la tête; la fille d'un brasseur, eL.. Diantre!... pas de domidJe...
Ne Taccusons pas, l'inforinué! Sais-je si j'aurai un domicile dans
trois mois? Pauvre garçon f peut-être a-i-il eu, comme moi| un
ami 1 Tout le monde a son Godeau^ un faux Christophe Colombl
Après tout, Godeau... (il ragarde s'il est ae«i.> Godeau, je crois qu'il
m'a déjà rapporté plus d'argent qu'il ne m'en a pris!
tlN DU PREMIEa AGTB.
ACTE DEUXIÈME
SCÈNE PREMIÈRE
MERCADET, THÉRÈSE, JUSTIN, YIRfilNIE.
MERCADET. II sonne Justin.
Qu'a dit Yerdelin, mon ami Verdeiia?
JUSTIN.
Il ¥a venir; il a précisément, a-t-il dit^ de l'argent à donnera
monsiear Brédif .
METICADET.
Fais en sorte qa'il me parle avant d'entrer chez Brédif. Ahl...
j*ai donné cent francs au père Grumeau, il ne peut pas encore
avoir menti pour cent francs en vingt-quatre heures.
JUSTIN.
D'autant ploa^ moosîear, que je lut ai fait croire qu'il avait dit
la vérité.
M£RCAD£T.
Tii finiras par devenir mon sec.réiaire...
jcsim.
Ah! s'il ne fadiait pas savoir écrire !.«•
MERCADET.
Les secrétaires de ministres écrivent très-pen.
JUSTIN.
Que font-ils donc?
MSaCiDET.
r
Le ménage l £t ils parlent lorsque leur patron doit se taire. ,7
Allons ! arrange-toi pour que le père Grumeau dise à Verdelin que
Brédif ^st sorti . (JusUn sort.)
IIERCADET^ à part.
^e garçon-Ià cs< ^n demi-Frontin^ car aujourd'hui ceux qui
sont des Froutius loat entiers deviennent des niaitresL., Ko»
&6& LE FAISEUR
parvenus d'aujourd'hui sont des Sgauarelles sans places qui se
sont mis en maison chez la France ! (k Thérèse.) £h bien ! Thérèse?.. ,
THÉRÈSE.
Ah! monsieur, dès que j'ai promis le payement, tous les foar«
nisseurs ont eu des figures aimables...
IIERCADET.
Le sourire du marchand qui vend bien. (A Virginie.) Et n00|
aurons un beau diner, Virginie?
VIRGINIE.
Monsieur le mangera?...
MERCÂDET.
Et les fournisseurs?...
VIRGINIE.
Dah ! ils patienteront!.. .
MERCADET, à part.
Elle les a payés. (Haut.) Je ne t'oublierai pas. Nons compterons
demain.
VIRGINIE.
Si mademoiselle se marie, elle pensera sans doute à moi.
MERCADET.
Comment donc! Mais certainement.
THÉRÈSE.
Monsieur, et moi?...
MERCADET.
Tu auras pour mari l'un des futurs employés de mon Assurance
contre les chances du recrutement Mais...
THÉRÈSE.
Oh! monsieur, soyez tranquille. Je sais ce qu'on peut dire à
un prétendu pour le rendre amoureux fou : car je sais comment
le rendre froid comme une corde à puits... Je me suis vengée de
ma dernière maîtresse en faisant rompre son mariage...
MERCADET.
Ah! la langue d'une femme de chambre!... c'est un feuilletoD
domestique.. •
THÉRÈSE. .
oh ! monsieur... nous n'avons pas tant de... de.. . talent (EUe aort.)
SCÈNE II
MERCADET, nn moment seul, pnU JUSTIN.
MERCADET.
Avoir ses gens pour soi, c'est comme si un ministre avait 1>
ACTE II 465
presse à luil Heureasemeol que les miens ont leurs gages à
perdre. Tout repose maintenant sur la douteuse amitié de Yerde^
lin, un homme dont la fortune est mon ouvrage! Mais se plaindre
de Fiugratitude des hommes^ autant vouloir être le Luiher du
cœur. Dès qu'un homme a quarante ans, il doit savoir que le
monde est peuplé d'ingrats 1... Par exemple, je ne sais pas où sont
les bienfaiteurs... Yerdelin et moi, nous nous estimons très-bien.
Lui me doit de la reconnaissance, moi, je lui dois de Fargent, et
nous ne nous payons ni Tun ni l'autre!... Allons! pour marier
Julie» il s'agit de trouver mille écus dans une poche qui voudra
être vide! Crocheter le cœur pour crocheter la caisse, quelle
entreprise!... U n'y a que les femmes aimées qui font ces tours
de force-là!...
JUSTIN, entrant.
Monsieur Yerdelin va venir.
SCÈNE III
Les Mêmes, VIOLETTE.
MERCADET.
Le voici... mon ami... Âh! c'est le père Yiolette... (AJnstin.)
Après onze ans de service, tu ne sais pas encore fermer les portes?
Allons, va guetter Yerdelin, et cause spirituellement avec lui jus*
qu'à ce que j'aie congédié ce pauvre diable.
JUSTIN.
L'nne de ses victimes ! (Justin sort.)
VIOLETTE.
je suis déjà venu onze fois depuis huit jours, mon cher monsieur
Alercadet, et le besoin m'a obligé de vous attendre hier dans la
rue pendant trois heures en me promenant d'ici à la Bourse. J'ai
m qu'on m'avait dit vrai, en assurant que vous étiez à la cam-
\ agne.
MEUCADET.
Nous sommes ausii malheureux l'un que l'autre, mon pauvre
/ère Yiolette : nou3 avons tou3 deux une famille...
VIOLETTE.
Nous avons engsgé tout ce qui peut se mettre au Mont-de-
piété.. •
TH. 30
666 LK FAISEUR
UERCADET.
C'est Goinme ieL«.
▼lOLETTE.
Le mal de Tiin ne gaérit pas le m^ de fâutre... Mais tous avei
encore de quoi virre, et nous sommes sans pain! Je ne Yoas ai
jamais reproché ma raine, car je crois que voas aviez l'intention
de nous enrichir... £t puis c'est ma' faute! En voulant doubler
notre petite fortune, je Y^i compromise ; ma femme et mes filles
ne veulent pas comprendre; elles qui me poussaient à spéculer,
e)^ qui me reprochaient ma timidité, que lorsqu'on risque de
gagner beaucoop, c'est qu'on est exposé à perdre autant... Mais,
enfin, parole ne paye pas farine, et je viens vous supplier de me
donner le plus petit à-compte sur les intérêts : vous sauverez
la vie à toute une famille
MERCADET, à part.
Pauvre homme! il me navre!... Quand je l'ai vu je déjeune
sans appétit! (Haut.) Soyei bien raisonnable, car je vais partager
avec vous... (Bas.) Nous avons à peine cent francs dans la maison...
et encore c'est l'argent de wa ilic.
VIOLLETE.
Est-ce possible! Vous, monsieur Hercadet, un homme que j'ai
m si riche !•..
MERCADET.
Entre malheureux, on se doit la vérité.
VIOLETTE.
Ah ! si l'on ne devait que cela, comme on se payerait prompie-
mcnt!
KERCAnST.
N'en abusez pas!... car je suis sur le point de marier ma fîlte...
VIOLETTE.
J'ai deux filles, moi, monsieur, et ça travaille sans espoir de se
marier, car les femmes qui restent honnêtes gagnent si peu!...
Dans la circonstance où vous êtes je ne vous importunerais pas,
mais... ma femme et mes filles attendent mon retour dans. des
angoîsses... A mon âge, je ne penx plus rien faire... Si vous...
pouviez m'obtenir aae place!
MERCABET.
Vous êtes inscrit» père Tioleite» pour être le caissier de ma com-
pagnie d'assurances contre les chancis du...
iICTB n li^l
VIOLETTE.
Ahl ma bmwm et ms iU«s voot f«Q» bénir L..^ (Mareadbt va
prendre de l'argent.) Les autres qui le tracasseot n'ont rien; mais en
se plaignant comme ça Ton touche à peu près ses intérêts...
KBBGADBT. ^
Tenez, voilà soixante francs...
YIOLRTK.
En orl il y a bin loogteoipt que je ii*€ii ai vik.. oh! chez
moi!...
MERGADET.
Mais...
VrOLETTB.
Soyez tranquille, je n'en dirai rien.. .
HiaacADET.
Ce n'est pas cela! Vous me promettez, père Violette, de ne pas
revenir avant... un mois...
VIOLETTE.
Un mois! Poarrons-noos vivre un mois avec cela?
MERGABET.
Vous n'avez donc pas autre chose?
VIOLETTE.
Je ne possédé pour toute fortune que ee que vous me devei ..
MERGADET.
Pauvre homme! En le voyant, je me trouve rkhe. (Haut.) Mai?
je croyais que vous faisiez quek|a&s petites affaires de prêt dam
le quartier de l'Estrapade?
VIOLETTE. . •
Depuis qne les prisonniers pour dettes ont quitté Sainte^Pélagie,
les prêts ont bien baissé dans le cpiartier.
MERGADET.
Ponrriez-voiis avoir un cautionnement pour une place de
caissier f...
VIOLETTE.
J'ai quelques afirisy et peut-être. ...
UBRGABST.
Prendraient-ils des actions?
VIOLETTE.
Oh ! monsieur, vovs aotrcs faisenrs» voua aivez cassé le grand
ressort de ^association ! On ne veut plus entendre parler d'actions»..
b68 LE FAISEUR
MERGADET.
Eh bien! adieu, père Violette! Noos compterons plus tard...
Vous serez le premier payé...
VIOLETTE.
^ Bonne réussite, monsieur I Ma femme et mes filles diront des
prières pour le mariage de mademoiselle Mercadet.
MERGADET.
Adieu! Si tous les créanciers étaient comme celui-là! mais je
n'y tiendrais pas^ il m'emporte toujours de l'argent.
SCÈNE IV
MERCADET, VERDEUN.
VERDEUN.
Bonjour^ mon ami, que me vcux-tu!
MERGADET.
Ta question ne me donne pas le temps de te dorer la pilule! Ta
m'as deviné !
VERDEUN.
«
Oh! mon vieux Mercadet, je n'en ai pas et je suis franc : j'en
aurais,^ que je ne pourrais pas t'en donner! Écoute... Je t'ai prêté
déjà tout ce dont mes moyens me permettaient de disposer; je ne
te t'ai jamais redemandé. Je suis ton ami et ton créancier : eli
bien ! si je n'avais pas pour toi le cœur plein de reconnaissance,
si j'étais un bomm^ ordinaire, il y a longtemps que le créancier
aurait tué l'ami!... Diantre!... tout a ses limites dans ce oionde.
MERGADET.
L'amitié, oui, mais non le malheur!...
VERDELIN.
Si j'étais assez riche pour te sauver tout à fait, pour éteindre
entièrement ta dette, je le ferais de grand cœur, car j'aime ton
courage: mais tu dois succomber!... Tes dernières entreprises,
quoique spirituellement conçues, très-spécieuses même (tant de
gens s'y sont pris!) ont croulé : lu t'es déconsidéré, tu es devenu
dangereux! lu n'as pas su profiter de la vogue momentanée de
tes opérations!... Quand tu seras tombé, tu trouveras du pain
chez moi !• .. Le devoir d'un ami est de nous dire ces choses-là!...
ACTB tr 469
MERCADET.
Qae serait Tamitié sans le plaisir de se trouver sage et de voir
son ami fou, de se trouver à l'aise et de voir son ami gêné, de se
complimenter eu lui disant des choses désagréables !.•• Ainsi, je
suis au ban de l'opinion publique?
VERDELIN.
Je ne dis pas tout à fait cela. Non, tu passes encore pour un
honnêie homme» mais la nécessité te force à recourir à des
moyens. ••
MERCADET.
Qui ne sont pas justifiés par le succès, comme chez les gens
heureux. Ah! le succès!... de combien d'infamies se compose on
succès^ tu vas le savoir... Moi, ce matin^ j'ai déterminé la baisse
que tu veux opérer, afin de tuer l'afTaire des mines de la Basse-
Indre, dont tu veux t'cmparer pendant que le compte rendu des
ingénieurs va rester dans l'ombre, grâce au silence que tu soldes
si cher...
VERDELIN.
Chat! Mercadet, est-ce vrai? Je te reconnais bien là...O[i la prend
par la taille.)
MERCADET.
Allons ! ceci est pour te faire comprendre que je n'ai pas besoin
de caresses, ni de morale, mais d'argent! Hélas! je ne t'en de-
mande pas pour moi, mon bon ami! mais je marie ma fille« et
nous sommes arrivés ici secrètement à la misère... Tu te trouves
dans une maison où règne l'indigence sous les apparences du luxe
(les promesses, le crédit, tout est usé!): et, si je ne solde pas en
argent quelques frais indispensables, ce mariage manquera ! Enfin,
il me faut ici quinze jours d'opulence, comme à toi vingt-quatre
heures de mensonges à la Bourse. Yerdelin, cette demande ne se
renouvellera pas : je n'ai pas deux filles. Faut-il tout dire? Ma
femme et Julie n'ont pas de toilettes! (A part.) Il hésite...
VERDELIN, à part.
Il m'a joué tant de comédies, que je ne sais pas si sa fille s<
marie... £lle ne peut pas se marier!
MERCADET.
Il faut donner aujourd'hui même un dîner à 'mon futur gendre
qu'un ami commun nous présente, cl je n'ai plus mon argenterie :
die est.. Tu sais... Non-seulemcni j'ai besoin d'un millier d'éfius,
&70 LE FAISEUR.
mais encore j*espère que in me prêteras ton service de table, et
tB viendras diner avec ta femme.
VEBDEUN.
HtHe écus!... Mercadetl... Maïs personne n*a milie écus... \
prêter... A peine les a-t-on pour soi! Si on les prêtait toujours,
on ne les aurait jamais.. •
HKRGADET, à part.
Oh ! i! y viendra. (Haut.) Tu me croiras si tu veux, maïs, une fois
ma fille mariée, eh bien ! tout me devient indifférent. Ma femme
aura chez Julie un asile; moi, j^irai chercher foriune ailleui's, car
In as raison, et je me suis dit : Utile aux autres, je me suis funeste
à moi-même! Dans les affaires où je perds, les autres gagnent!
Magnifique aux semailles de fannonce et du prospectus, compre-
nant et satisfaisant les nécessités de l'organisation primitive, je
n'entends rien à la récolte...
VERDEim.
Yeux- tu savoir le mot de cette énigme?
MERGADET.
0is...
YERDELIN.
C'est que, si tu te trouves supérienr à toute espèce de position
par l'esprit, tu es toujtxirs au-dessous par le jugement. L'esprit
nous vaut l'admisaiion, le jugement nous donne la fortune.
HERCADET, à fmU
Oui, je n'ai pas assez de jugement poiir tuer une affaire à mon
profit! (HauL) Voyons, YerdeHn L.. j'aime ma femme et ma fille...
CSes sentiments-là sont ma seule consolation an milieu de mes
lécents désastres. Ces femmes ont été si douces, si patientes ! je les
voudrais voir à l'ahri des mallieui*s!... Oh! là sont mes vraies
fonffrances!... Tu dois concevoir qu'on puisse pleurer... (ii s'essai«
loi yeux.) Tu as uue charmante petite fille, et tu ne voudrais pas on
jotur la savoir malheureuse, vieillissant dans les larmes et le
travail... Voilà pourtant l'avenir de ma Julie, un ange de dévoue-
ment ! Oh I cher ami ! j'ai, dans ces derniers temps, bu des calices
bien amers : j'ai trébuché sur le pavé de bois, j'ai créé des fflono-
pôles, et l'on m'en a dépouillé! Eh bien! ce ne serait rien auprès
de la douleur de me voir refusé par toi dans cette circonstaocs
suprême! Enfin, ne te disons pas ce qui arriverait., car je 06
veox rien devoir à ta pitié!...
ACTE II ^71
Mille éciu I Mais à qaoi reux^tn les emplofer I
MERGADET, à part.
J6 les «arùl (&«(.) Ehl moa dier, an geûdre est an oiseau
qa'nii rien eÊat&adm.., une dealdk de moins sar ane robe^ c'est
tonte ane réyéiation I Les toilettes sont commandées, les mar^
chaads vont les apporter... Oui, j'ai en l'imprudence de dire qne
je payerais tout, comptant snr toi f . . . Et le dîner !. . . Il faut des vins
exqnis!... l'amonreaz ne peut perdre la tête que comme ça. Fais
attention à ceci : nous paraissons riches; nous devons nous tenir
sous les armes devant monsieur de la Brive! Yerdelin, uu millier
d'écus ne te tuera pas, toi qui as soixante mille francs de rente!
et ce sera la vie d'une pauvre enfant que tu aimes, car tu aimes
Julie!... Elle est folle de ta petite, elles jouent ensemble comme
des bienheureuses. Laisseras-tu l'amie de ta 011e sécher sur pied 7
C'est contagieux, ça porte malheur!...
VEADELIIf.
Mon cher, je n'ai pas mille écos; je pais te prêter mon argen-
terie^ mais je n'ai pas...
MERGÂDET.
Un bon sur la Banque, c'est bientôt signé...
VEUDEIiN.
Je... Non...
MERGADET.
Oh! ma pauvre enfant!... loue est ditt..«(n tombe abatta sur un
ikatenu.) O mou l>ieu I pardoanez*moi de terminer le rêve pénible
de mon existence, et laissez-moi me réveiller dans votre seinl
VERDELIN.
Mais si tu as trouvé un gendre, mon ami?...
MERGADET, m leTaut brusquement.
Si j'ai trouvé un gendre?... tu mets cela en doute?... Ah!
refuse-moi durement les moyens de faire le bonheur de ma fille,
mais ne m'insulte pas! Tu verras monsieur de la Brive !... Je suis
donc tombé bien bas, pour que... Oh! Verdelin... je ne voudiais
pas pour mille écns avoir eu celte idée sur toi... tu ne peux être
absous qu'en me les donnant., .
YERDEUN.
Je vais aller voir si je puis...
&72 LE FAISEDH
ICERGADET.
Non, ceci est une manière de refuser. ••
YERDEUN.
Et si le mariage manque.. • tiens, je n'y pensais pas, non, mon
ami, je te les donnerai quand le mariage se fera, certainement. ••
MEaCADET.
Mais il ne se fera pas sans les mille écus! Comment, toi, à qui
je les ai tu dépenser pour une chose de vanité, pour une
amourette, tu ne les mettrais pas à une bonne action I...
VERDELIN,
£n ce moment, il y a peu de bonnes actions...
MERGADET.
Ab! aht ah!... il est joli!... tu ris... il y a réaction !•••
YERDELIN.
Ah ! ah ! ah!. .. (il laisse tomber son chapeau.)
MERGADET ramasse le chapeau et le brosse avec sa manche.
£h bien ! mon vieux, deux amis qui ont tant roulé dans la vie!
qui Tont commencée ensemble!... En avons-nous dit et fait!...
hein ! Tu ne te souviens donc pas de notre bon temps, où c'était
à la vie à la mort entre nous ?
YERDEUN.
Te rappelles-tu notre partie à Rambouillet^ où je me suis battu
pour toi avec cet officier de la garde?...
MERGADET.
Je t avais cédé Clarisse! Ah! étions-nous gais, étions-nous
jeunes! et aujourd'hui nous avons des filles, des filles à marier!...
Si Clarisse vivait, elle te reprocherait ton hésitation !...
VERDBLIN.
Si elle avait vécu, je ne me serais jamais marié!...
MERGADET.
Tu sais aimer, toil... Ainsi J9 puis compter sur toi ponrdtoer,
et tu me donneras ta parole d'honneur de m'envoyer...
YERDEUN.
Le service...
r
MERGADET.
Et les mille écus...
YERDEUN.
Tu y reviens encore! Je t'ai dit que je ne le pouvais p:;s...
ACTE II &73
MERGÂDET, à part.
Cet homme ne moarra certes pas d*aa anéyrisme... (Haut.)
Mais je serai donc assassiné par mon meilleur ami!... Oh! c'est
toujours ainsi !. .. Ta seras donc insensible an souvenir de Clarisse
et au désespoir d'an père?... ai cne.) Je suis aa désespoir^ je im
me brûler la cenrelle !• . •
SCÈNE V
Les Mêmes, JULIE, MADAME MERGADET.
MADAME MEHGADET.
Qu'as-tu, mon ami?...
JULIE.
Mon père, ta voix m'a efiOrayée.
MADAME MERGADET.
Mais c'est Yerdelin, tu ne saurais être en danger..*
JULIE.
Bonjour, monsieur* De quoi s'agit-il donc entre tous et mon
père?...
MERGADET.
£h bien! ta yois, elles accourent comme deux anges gardiens à
un seol éclat de voix. (A part.) Elles m'ont entendu ! (A sa femme et k
sa fille qa'U prend par les mains.) VouS m'atteudrissez!... (A YerdeUn.) Ver-
dclin^ allons! veux-tu tuer toute une famille? Cette preuve de
tendresse me donne la force de tomber à tes genoux, (ii fait le geste
de se mettre à genou.)
JULIE.
Oh ! monsieur I (Elle arrête son père.) G'cst moi qui VOUS implorerai
pour lui, s'il s'agit (et je le vois bien) d'argent. Eh bien ! je puis
vous offrir une garantie dans mon travail. Obligez encore une fois
mon père, il doit élre dans de cruelles angoisses pour supplier
ainsi...
MERGADET.
chère enfant! (A part.) Quels accents!... Je n'étais pas nature
comme ça I
MADAME MERGADET.
Monsieur Verdelin, rendez-lui ce service^ nous saurons le
reconnaître, j'engagerai le bien qui me reste.
Ulk LB FAlS&Ua
VERDELm, à Jalîa.
Vous ne savez pas ce ^u'U me demaudet
JUUS,
Non.
VEBDEIXN,
Mille écu8 pour pouYoir vous marier»
JULIE.
Ah ! monsieur, oubliez ee que je yons ai dit Je ne veux pas
d'un mariage acheté par Tbamiliation de mon père...
MEACADET, à put.
£lle est magnîBqae...
TEBDELUf*
Je Ydis Yous chercher l'argent. (U sort)
SCÈNE VI
Lbb MÊnss, iBoiia VEBBELDf*
maicADKr.
Il est parti.. •
JUUE.
Ah! mon pore, ponrqsoi n*ai-je pas su T
XmGÂDET. n eratmse sa I3ie.
Tu ttOQs as sauvés! /kh! quand serai-je riche et passant pour
le faire repentir d'un pareil bienfait ?...
XADAME BISRGaOET.
Mais il va vous donner la somme que vous lui demandez...
UERCADET.
n me l'a vendue trop cher!... Qui esl-ce qui sait obliger? Oh!
quand je le pouvais, moi, je le faisais avec une grâce ! (ii fait le geste
d'étaler de l'argent.) Il y a des ingratitudes qui sont des vengeances.
Ah ! mon petit Verdelin, tu rechignes à me prêter mille écus, je
n'aurai plus de scrupule à t'en souffler cent mille I...
MADAME MERGADE7,
Ne soyez pas injuste, Verdelin a cédé.
MERCÀ9ET.
Au cri de Julie, non à mes supplications. Abi ma ehèrel ilaca
pour plus de mille écus de bassesses !•••
ACTE II 475
SCÈNE YII
Les Mêmes, VERDELIN.
yerdelin.
J'avais de l'argent dans ma voitare pour Brédif, qui n'est pas
cbez lui; le voici en trois sacs.*. (Joatîn apporte âmu mcs.)
MERCAOET.
HADHOE KBRGÀDBT.
Uonsiear, comptez sur la recounaissance d'une mère...
VERDELIN.
Mais c'est à vous et à votre fille seulement que je prête cet
argent, et vous aurez la complaisance de signer toutes deux le
billet que va me faire Mercadet..
JllUB.
Signer mon malheur I...
SIADAIIE lŒBCADET,
Tais-toi, ma fille.
VBRCÀDET. I16crlt.
Mon bon Yerdelin, je te reconnais enfin t Faut-Il comprendre
les intérêts?
VERDELIN.
Non, non, sans intérêts. .. Je veux vous obliger et non faire
une affaire..*
UERGAOET.
Ma fille, voilà ton second père!...
SCÈNE VIII
Les Mêmes, JUSTIN, puu THÉRÈSE.
JUSTIN.
Honsiear Minard. (n sort.)
THÉRÈSE.
Madame, les marchands apportent tout...
MADAME MERGADET. EUo tend le billet & Verdelia.
J'y vais.
&76 LB FAISEUR
MERCADETy à Yerdelin.
Tu Tois, il était temps !
TERDELIN.
Eh bien I je tous laisse.. • (Madame Hercadet tort ayeo Thérèse, Terdelia
est reconduit par Mercadet, qui fait ligne à Hinard d'entrer.)
SCÈNE IX
MINARD, JULIE, MERCADET.
JUUE, à Minard.
Si VOUS Toulez, Âdoiptie, que notre amour brille à tous les
regards, dans les fétes du monde comme dans aos cœurs, ayez
autant de courage que j'en ai eu déjà.
MINARD.
Que s'est-il donc passé?...
JIIIJE.
Un jeune homme riche se présente, et mon père est sans pitié
pour nous...
MINARD.
Je triompherai!...
MERCADET, reTenaali
Monsieur, vous aimez ma iille?
MINARD.
Oui^ monsieur.
MERCADET.
Du moins elle le croit ! Vous avez eu le talent de le lui per-
suader...
IQNARD.
Votre manière de vous exprimer annonce un doute qui, venant
de tout autre que de vous, m'offenserait. Gomment n'aimerais-je
pas mademoiselle? Abandonné par mes parents, et sans autre
protection que celle de ce bon monsieur Duval qui m'a servi de
père depuis neuf ans, votre fille, monsieur^ est la seule personne
qui m'ait fait connaître les bonheun de Taffeciion. Mademoiselle
Julie est à la fois une sœur et une amie, elle est toute ma famille!...
Elle seule m'a souri, m'a encouragé : aussi est-ello aimée au delà
de toute expression.
JULIE.
Dois-je rester, mon père?...
ACTE II 477
HEECADET, à sa filte.
^ Goarmande I ( à Minard.) Monsieur, j'ai sur l'amour, entre jeunes
gens, les idées positives que l'on reproche aux vieillards. Ma dé-
fiance est d'autant plus légitime, que je ne suis point de ces pères
aveuglés par la paternité : je vois Julie comme elle est; sans être
laide, elle ne possède pas celte beauté qui fait crier : — « Âhi »
Elle n'est ni bien ni mal.
HIITARO.
Tous vous trompez, monsieur. J'ose vous dire que vous ne
connaissez pas votre Julie. .•
HERGÂD£T«
Obi parfaitement... comme si...
MINARD.
Non, monsieur, vous connaissez la Julie que tout le monde
voit et connaît: mais Tamour la transfigure! la tendresse, le dé-
vouement, lui communiquent une beauté ravissante que moi seul
ai créée.
JXJtXÉ»
Mon père, je suis honteuse...
MERCADET.
Dis donc heureuse.. • Et s'il vous répète ces choses-!à..7
MINARD.
Cent fois, mille fois, et jamais assez !••• Il n'y a pas de crime k
les dire devant un père!
MERCADET.
Vous me flattez! Je me croyais son père, mais vous êtes le père
d'une Julie avec laquelle je voudrais faire connaissance. Voyons^
jeune bomme^ ouvrez les yeux ! Les solides et belles qualités de
son âme, je le conçois, peuvent changer l'expression de sa physio-
nomie, mais le teint? Julie est modeste et résignée^ elle sait
qu'elle a le teint brun et les traits un peu... risqués. ••
JDLIE.
Mon père I...
BONARD.
Mais vous n'avez donc pas aimé !..•
MERCADET.
Beaucoup! J'ai, comme tous les hommes, traîné ce boulet d'or*
MINARD.
Autrefois I... mab aujourd'hui nous aimons mieux...
478 LE FAISEUR
MEACADET. !
Que hites^Tous doac! '
HIKAED..
Nous nous attachoDS à l'âme^ à TidéaL
MEKCADËT.
Et c'est ce qui read ma fille jolieL*. Ainsi qu*uDe femme ait
des hasarda dans la taille, Tidéal la redresse ! L'âme lui effile les
doigts 1 l'idéal lui fait de beaux yeux et de petits pieds I l'âme
tebifiit le teiotl.*.
Certainement
MERCADET.
Nous autres gens éle?és sous TËmpire, nons appelons oda...
HINARD.
L*amour! celai... l'amour, le saint et pur amourl...
MERCADET.
Avoir le bandeau sur les yeux.
JUUE.
Mon père, ne vous moquez pas de deux enfants^M
UERGADET^
Très-graods«».
JULIE,
Qui s'aiment comme on s'aime de leur tempa^ d'une pasàon
▼raie, pure, durable, parce qu'elle est appuyée sur la connaissance
du caractère, sur la certitude d'une mutuelle ardeur à combattre
les difficultés de la vie; enfin deux cnfnnts qui i[ous aimeront bieo.
MIIURD, à Mercadet..
Quel ange L..
MERCADET, & part.
Je vais t'en donner de l'ange ! ( a sa eiie.) Tais-toi^ ma filTe. (A Vmard.)
Ainsi, monsieur, vous adorez Julie. Elle est charmante,^ elle a de
l'âme, de l'esprit, du cœur. Enfin, c'est la beauté comme vous
l'entendez, elle est la perfection rêvée...
MINARD.
Ah! vous comprenez donc!...
MERCADET.
Un ange qui tient néanmoins un peu à la matière,.*
MINARD.
Pour mon bonheur !•••
ACZFK 11 . [il9
MERCADET.
Yoas l'aimez sans aocune arrière-peoaéeT
MINÀRD.
Aucane.
Que vousai-je dit?
MSAGABBT. Il lev f read ptr le» «aint el loi oHfn à M*
Heureui enfants! Vous vous aimez donc?... Qoet joli fomanU.»
(AMinard.) Yoas la Toulez pooF femme?. ••
unrABD.
Oni, monsieur.
MERGABST*
Malgré tous tes obstades?
MiNAan.
Je sois venu pour les vaincre.
HERCADEt;
Rien ne vous découragera?
HINABn.
Rien.
JtTLTE.
ïfe TOUS ai^je pas dit quMI m'aimai!?
MERCADET.
Gela y ressemble! Où trouver un plus beau spectacle? Il n'y a
rien de plus doux pour un père que de voir sa fiUe aimée cemme
elle le mérite, et de la voir heureuse...
JULIE.
Ne me saurez-vons pas gré, mon père, d*on chohr qd' vous
dbnne un flis plein de sentiments élevés, doué d^une âme forte
et?...
MINARD.
Mademoiselle !•••
JULIE.
Oui» monsieur, oui« je parlerai aussi, moi I
MERCADET.
Ma fille, va voir ta mère; laisse-moi parler d'affaires beaucoup
moins immatérielles. Quelle que soit la puissance de l'idéal sur la
beauté des fommes, elle a'a malbeureusemeat aucmie influence
A80 LE FAISSOB
SCÈNE X
miNABD, MEIICADE7I.
KERGADET.
Noos sommes entre nous, noos allons parler français. Monsieur,
TOUS n'aimez pas ma fille i
IHNARD.
Dites, monsieur, que tous avez en vue un riche parti pour
mademoiselle Mercadet, que ?ous ne tenez aucun compte des
inclinations de ?otre fiUe, et je vous comprendrai : mais sachez-le!
je ne suis venu demander sa main qu'après avoir obtenu m,
cœur...
MERCADET.
Son cœur? malheureux! Que voulez-vous dire?...
MINARD.
Monsieur, Julie est respectueusement aimée. ••
BIERDADET.
£ienl C'est heureusement idéal! mais vous me devez une
confidence entière au point où nous en sommes... Vous êtes-voos
écrit?... ^
HINARD.
Oui, monsieur, des lettres pleines d'amour.
MERCADET, &parC.
Ah! pauvre fille! elle a lu des lettres d'amour! Elle! C'est h
tête alors et non le cœur qui souffrira!... (Haat.) Monsieur, les
anges ont mille perfections, mais ils n'ont pas de rentes sur l'État^
et Julie...
MINARD.
Ah! monsieur, je suis prêt à tous les sacrifices^ je ne veux qae
Julie.
MERCADET.
Tous avez dit que vous ne seriez effrayé par aucun obstade
MINARD.
Aucun.
MERCADET.
Eh bien I je vais vous confier un secret d'où dépendent rbonnear
et le repos de la fiimille dans laquelle vous voulez absolument entrer*
Acn II hil
UZNAaD, à paît.
Qae va-t-il médire!
KERGADET.
Je sais sans ressources^ monsieur, ruiné... ruiné totalement Si
vous Toulez Julie, elie sera bien à tous, elle sera mieux ctiez vous,
quelque pauvre que vous soyez, que dans la maison paternelle,..
NoQ-seulement elle est sans dot, mais elle est dotée de parents
pauvres... plus que pauvres...
HINARO.
Plus que pauvres... il n'y a rien au delà!
MERCADET.
Si, monsieur, nous avons des dettes, beaucoup de dettes; il y
en a de criardes. ••
MBfARD, &part.
Ruse de comédie I il veut m'éprouver. (Haut.) Eh bien I monsieur,
je suis jeune, j'ai le monde devant moi, je ne manque ni d'énergie,
ni d'ambition ; aujourd'hui personne ne vient d'assez loin pour
me demander autre chose que mon nom. J'arriverai... j'aurai le
bonheur d'enrichir celle que j'aime.
MERCADET.
Je connais cela. Je me suis ruiné pour madame Mercadet, pour
lui continuer l'opulence à laquelle elle était habituée. J'ai sacrifié
dans mon temps à l'idéal : aussi ai-je des créanciers qui ne com*
prennent pas la lantaisie, l'imagination, le bonheur!
MINARD, k part.
U raille, il est riche.
' MERCADET.
Ainsi ma confidence ne vous effraye pas!
MINARD.
Non, monsieur. Aucune pensée d'intérêt n'entache mon
amour...
MERCADET.
fiien dit, jeune homme. Oh 1 vous avez dit cette dernière phrase
à merveille. (A part) Il est têtu. (Hant.) Vous aimez ma fiUe assez
pour acheter cher le bonheur de l'épouser T...
MINABD.
Que peut-on donner de plus que sa vie I
MERCADET.
Ua amour si sincère doit être récompensé.
TH. 31
é^l LB râftteua
Enfin.. •
HERCÀDET.
• J*ai une emière confiance en vons^
JCCUlIU).
Je la mérite» monsieun
JDBAGADiX
Attendez! (U nuU)
MINABDy an moment seoL
A ma place, bien des jeunes gens dans ma positioD annient
tremblé, auraient faîblil Quand un père èi riclie a une Glle qui
n'est pas belle (car Julie c st passable, voilà toat), il a bien raison
de cbercber à savoir si elle n*est pas épousée uniquement pour sa
fortune... Ohl pour un garçon timide, j'ai été superfiel H a da
bon sens, le père. Certainement Julie m'aime, je suis le seul qai
lui aie parlé d'amour, et, à force de parler, je me suis laissé
prendre à ce que je disais. 'Mais je la rendrai hem-ense, ]e Tafflc
comme on doit aimer sa femme; onl, je Fairoe! Peut-être qu'à
force d'étudier une personne, on finit par la bien comprendre, et
alors on voit son âme à travers le voile de la chair. Julie a une
belle âme. En effet, ce sont les qualités et non la beauté d'une
femme qui font les mariages heureux. DaîIIeurs on en épouse de
plus laides. Et puis, la femme qui nous aime sait se faire jolie I...
MEBJCÀDET, revenant.
Tenez I mon gendre, voici des pdipien de famille qui attesteront
notre fortune. ••
HDUftD.
Aionsieur...
JOEEGiJDET.
Ob! aé£^(ive»«. lises. Yoici copie 4u procès-verbal de la saisie
de notre mobilier; j'achète assez cher du propriétaire ledcoitde
le conserver ici. Ce matin ÎÉ veiriait faire vendre. Voici des com-
maniemeali «fei «nane, 01^ Misl me «gmfioMin ée œrtrainte
par «erpe fahe hier. ». Yùm veyet Uen qne cela éitn&Êt tcès-
sérieux... Enfin, JuÂd toasjMeipnHéts,«et jwjffiiitt» iMSinef
dossiers classés par ordre : cv, jeune homme, retenez bien ceci :
c'est surtout dans le ^ièiofdre ifn'H hm .afxilr 4e l'anioe. Un
desordre bien rangé, on s^ retmove, on le domine I Que peut dire
un créander qui 4»k «A 4ette inacisto k B« wnémT Je iM sois
ACTB n h6i
modelé sur le gouTernement : tout suit l'ordre alphabétiijpie. Je
Q'ai pas encore, entamé la lettre A.
JflNARD.
Yoos ifavez rien payé...
BfERGADET.
A peu près : loab ne suis-je pas loyal?
MINARO.
Tr^-loyal...
HE&GADET.
Vous connaissez l'état de mes charges, vous sa?ez la tenue des
li?re&.. Tenez! total : trois cent quatre-vi^gt mille*..
tflNABD.
Oui, monsieur, la récapilalation est là.
MEAGAOET.
Vous avez lu.«. Vous ne tous plaindrez pas? Un père encbaïué
de se défaire de sa fîfle aurait cherché à tous tromper; il aurait
promis une dot imaginaire, une rente à servir* Oa fait de des
tours-làf... souvent! Beaucoup de pères proûtent d*uu amour
comme le vôtre et Texploitentl Mais ici vous traites avec «n toaime
honorable... On peut avoir des dettes, oa doit rester homme
d'honneur... Vous me faisiez firémir quand vous vous enferriez
devant ma fille avec vos belles protestations; car épouser une fille
pauvre^ quand, comme vous, on n'a que deux mille francs d'^yn
pmnlemeats, c'est marier le protêt avec la saisie.
MINARD.
Vous croyez, monsieur? Je ferais donc alors le malheur jde
votre fine!...
IIERGADET.
Ah! jeune homme 1 ma fille a maintenant son vrai teint.o
MINARD.
Oui, monsieur.
UERGADET.
Touchez là! vous avez mon estime. Vous êtes un garçon
d'espérance, vous mentez avec un aplomb...
MINARD.
Monsieur...
MERGADET.
Vous pourriez être ministre^ une chambre vous croirait ••
48& LB FAISfiUB
MINABD.
Monsieur !.••
mebcadet.
Eh bieni allez-voos me quereller? N'est-ce pas moi qai ai lien
de me plaindre, jeane homme? tous avez troublé la paix de ma
famille, vous avez mis dans la tête de ma fiUe des idées exagérées
de l'amour, qui peuvent Tendre son bonheur difficile en la laissant .
se forger un idéal... ridicule. Julie a plusieurs mois de plus qae
vous, votre faux amour lui offre des séductions auxquelles aucune
fille, dans sa position, ne résiste...
MINAIO).
Monsieur, si notre mutuelle misère nous sépare, je suis du
moins sans reproche I J'aime mademoiselle Julie! un pauvre
garçon, déshérité comme je le suis, peut-il trouver mieux?
M£RGAD£T.
Des phrases! Vous avez fait le mal, il s'agit de le réparer.
MINARD.
Croyez, monsieur.. •
HERCADET.
Pas un mot de plus... des preuves... Tons me rendrez les
lettres que ma fille vous a écrites...
inilABD.
Aujourd'hui même...
MERGADET.
Et VOUS aiderez un malheureux père à marier sa fille. Si vous
aimes Julie, efforcez-vous de me seconder. Il s'agit pour elle
d'avoir une fortune et un nom. Quand vous resteriez ostensible-
ment épris d'elle, il n'y aurait rien de déshonorant à jouer le rôle
d'amant malheureux. En France, chacun veut de ce que tout le
monde désire. Une jeune personne courtisée, disputée, emproote
des attraits à l'idéal. Oui, si notre bonheur désespère quelqu'un,
il nous en semble meilleur. L'envie est au fond du cœur humain
comme une vipère dans son trou. Ahl vous m'avez compris...
Quant à ma fille (U appelle Jaiie), je vous laisse le soin de la préparer
à votre changement : elle ne me croirait pas, si je loi disais que
vous renoncez à elle...
MINARO.
Le ponrrais-je après tout ce que je lui ai dit et écrit? (Meretdet
•Vf.) Je voudrais être à cent pieds sous terre. L'épouser? jal dix-
ACTE II 68S
huit cents, francs d'appointements et je n'ai point de qaoi ?ivre
pour un, que devicndrions-nons trois? La voici... £lie ne me
semble plus être la mêtne! je m'étais habitué à la voir à Iravert
trois cent mille francs de dot!... Allons I...
SCÈNE XI
MINARD, JUUE.
JUUB.
Et bien! Adolphe 7. ..
mNA&D.
Mademoiselle?..*
JUUE.
Mademoiselle? Ne suis-je plus Julie? Avez-vons tout arrangé
avec mon père ?•••
MINARD.
OuL.. C'est-à-dire...
JUUE.
Oh! l'argent a toujours blessé l'amour; mais j'espère que vous
aurez vaincu mon père...
MINARD.
Abl Julie« votre père a des raisons... judiciai... judicieuses. •
JULIE.
Que s'est-il donc passé entre vous et lui? Adolphe, vous n'avez
plus l'air ae m'aimer...
MINARD.
Oh! toujours...
JULIE.
Ah I j'avais le cœur déjà serré. . .
MINARD.
Il s'est opéré un grand changement dans notre situation.
JUUE.
Vous n'avez pas surmonté tous les obstacles?
MINARD.
Votre père ne nous a pas dit sa situation, die est horrible,
Julie, car elle nous voue à la misère. Il y a des hommes à qui la
nifôère donne de l'énei^ie: moi, vous ne connaissez pas mon
caracicre, je suis de ceux qu'elle abat.. Tenezi..; je ne soutieil-
drais nas la vue de votre malheur.
tM LR FAISEDB
J'aarai du courage pear deux» Vous ae me Terrez jamais qoe
souriant D'aîlleora» jie ae ifqo» serai point à charge. Ma peiniure
me procure autant d'argent qpe ¥Olre place vous en donne, et,
sans être riche, je vous promets de faire régner Taisance dans
notre joli ménage.
MINABD, à part.
Il n'y a que les filles pauvres pour nou& aimer ainsi*.
JUU£.
Que dites-Tous donc là, monÎMir?
H1NARD.
Je ne vous ai jamais tu« si btUel (Aptrt.) L'amour b rend
folle !... Il faut en finir. (Ham.) Mais...
Ce maiff, idbl^he» esr mi mot soumofe
MOIARD.
Votre père a fait on appel I ma délicatesse. Il m'a prouvé com-
bien l'amour était une passion égoïste.
A deux.
VINARD.
A. trois même l II m'a montré la différence de votre sort^si vous
étiez riche. Julie, il y a deux manières d'iaimer. ..
2UU&.
Il n'y en a qu'une.
muARn»
L'amour qui vous livre à la misère est insensé]^ L'amour qoi se
sacrifie à votre bonheur est hércdbine!...
mus.
Mon seul bonheur, Adolphe, est d'être à vous!
mNABn.
Ahl si vous aviez entendu votre père, Û m*a demandé de re-
noncer à vous 1
UESABU*
J'«iiaj«» jia b voudrais^ je ne le puis. Usa. quelque chose en
mi q|ù «M dit fse jia ne «ecai jamais aimé «mime je le suis par
vous...
ACTE II ^87
JULIE.
Oh ! certes ! moDsieor, mon araoor. . . Oh ! pourquoi en parierais-
encore!
Je ne pais te reconnaître qu'en me sacrlfiànf....
JULIE.
Adiea, adien, monsieur I... (Adolphe sort.) Il s'en va, il ne se re-
tourne point I Oh, mon Dieu t...
sg£ne XU
JULIE. Elle ee regarde dans nne glaee.
Beauté, incomparable fm'ûégfi^ le seul qui ne se puisse
acqnémv <Bi' qû cepeacUat a'est qof une chimèi»,. qa*une pre-
uMas^ onibi t& om' aaaaqifial Oh l je le sais 1 J'avais essayé de te
rcmplaourpac k undscsse, par la douceur, par la soumission ,| par
leidâMHieœent ahsoiu qui fait qju'on donne sa m comme.ua grain
d'cMeos sur l'aulel.... £l Toilk toutes lea espérances de la pauvre
fille laide enYQléie&l Uod. idole tant caressée vient de se hrlser,,là|
en éclats I... Ce mot: — t Je suis belle, je puis charmer, ac-
complir ma destinée de femme, donner le bonheur, le recevoir I »
celte enivrante idée ne s'élèvera donc jamais de mon cœur pour
le consoler!... Plus d'illusions, j'ai rêvé... (EUe essaie quelques larmes.)
Mes larmes couleront sm» lire essiff^as-: je serai seule dans la
vie! Il ne m'aimait pasl J'ai revêtu de mes propres qualités, de
mes sentiments, un fantôme qm s'est évanoui I... et ma douleur
paraitnft' sr rniienfi? que je doi» h cadierdam wtm tasi .* àHoos !
un dernier soupir à ce premier wmnr et résignons-nous à deve-
nir, comme tant d'autres femmes, le jouet derévéiM«tiitsd^ioe
Tie inconnue ! Soyons madame de fii Brive pour sauver mon père.
Abdiqtiomi h beflé eoiiroine de Fatnour miRjii^ vertnen et
partagé'fl..
Fm DU oexjxiIme acts«
^m
ACTE TROISIÈME
SCÈNE PREMIÈRE
HINARD^ imL
Si j*états sealement chef de bureaa dans nue adminisfratioDi
je ne rapporterais pas ces lettres I Â?ant de m'en séparer, je les
ai relues; elles peignent une belle âme^ nne tendresse infinie. Oh!
la misère! elle a dévoré peut-être autant de belles amours que de
beaux génies I Avec quel respect nous devons saluer les grands
hommes qui la domptent, ils sont deux fols grands !•••
SCÈNE II
MINARD, JUUB.
JULIE.
Je vous ai va entrer, et me voici. Oh I je suis sans fiert&»«
MINARD.
Et moi sans force.
JIUIJE.
Vous ne m'aimez pas autant que je vous aime, vous êtes un
homme! Ah! si vous aviez seulement un regret, Adolphe ?•••
MWARD. .
Eh bien?
JULIE.
Je ferais manquer ce mariage, sans que iiion père sût par quel
moyen.
HINABD.
Et après?
ACTB m &80
JULIE.
L'avenir serait à Dons i Féi, k nous deux, nous aaartons devenir
riches...
XtNÀRD.
Notre avenir a peu de chances favorables. Écoutez-moi, Jolie.
Après TOQS avoir quittée, j*ai éprouvé tant de peine, que je suis
digne de pardon. Trouvez-moi cupide ou ambitieux, je serai sin-
cère, du moins : je vous ai cru assez de fortune pour offrir un
point d'appui aux efforts que je révais de tenter pour vous! Je
suis seul au monde^ il était bien naturel de demander secours à
celle de qui je voulais faire ma compagne. Peut-être même ai-je
compté sur le plaisir que vous preniez à mes soins pour vous bien
attacher à moi, tant j'avais besoin d'un point d'appui. Mais, en
vous connaissant, j'ai ressenti pour vous une sérieuse affection,
et ce que votre père m'a dit ne J'a pas éteinte...
JUUE.
Vrai!...
UINARD.
Oui, Julie, je sens que je vous aime ; et, si j'avais autant de
croyance en moi que d'amour pour vous^ nous affronterions en-
semble les malheurs de la vie!...
Assez! assez! cet aveu suffit. Il m'en coûtait de vous savoir
intéressé... Pas un mot de plus. Je suis heureuse.
MiNAan.
En vérité, Julie, il me serait possible de beaucoup souffrir;
mais vous? étes-vous aguerrie contre le malheur? Nous n'aurions
d'abord que des peines k échanger. ••
JULOB.
Je vous pardonne votre ambition, vos calcols, pardonnez-md
ma persistance. Puisque vous m'aimez, tout me semble pos£iible«.*
MINARD.
C'est donc moi qui suis le doute ; et vous, vous êtes l'espérance.
JUUS.
Je tftebeni de; rester libre encore quelque temps. J'ai dans le
cœur une voix qui me dit que nous serons heureux. Tous avez
reçu dernièrement une lettre de votre mère, qui ne vous a, dit-
elle, abandonné que pour veiller à vos intérêts, et qui vous aa«
nonce des jours m^lleurs ! Peut-^re votre aort changerart*iL
&M) IX raïaam.
8>eÈNB iir
MADAME MEBGÂDET, JULIE» MLXARD.
waHLUS TOtcàjaii
k eaïQser, rarfoot avec motiMear, aa Nea dé toqs habUter* Your
alfeE woB blsBBr anrprendiv par mesBieani de Wikomt: ec de la
Briîe.
JNbdana^ nar wte n^a rioi d'indiaerec Je- ¥icM fendre aaa
letlieft à inadaiiottclte< at laii radanandfer ks HMftntt(WK aelMi le
déair. de aaneairar ]||6Mad«U
mm
Ma mère, vous sayei maioteoana que noas nous aimons. Né
pourriez-Tons défendre ?otre fille contre le malheur ?...
MADAME. HIXCiKDEr.
JdBe, tocrv pana » htm^w, dan» sa simariDai, d'«i gmdre ipiî
lut 9ok nt8e et qnr le seeoode dans aes opérafiaii^r il est p«vdo
sans ce mariage. ••
El Biof, n fié 6Bl mn^piéa
Moosiear Doval, l'ancien caMar de messieon Mercadet et
Gédisaiii..^
Il est aussi le créancier de noosvop MercadWt
Ctai, midaine'» Hwfc je'mris A Ibi' eontar % aftMtilnudi^ MK
sionr MtoreadiNl ^<miw«Bdt et watâsme M^TMidéf.j ^ÊfV 9 la^cmnaiMit^
madame, et il ne la trouve pas« ééscapérée; il se chargerait de sa
liHiHMlo»
MADAME laMCiDET.
Ètm màd' liyiii^r iw» é» te crtiiiftfcq^pairSLrtWÉIIi ifc
joMw ftk laMr Anak, fl<eapèni nmjlMva An»MHftii|p^i6iiiiifr,
et ji> ne^sri^^sqpi'tai 9* iMI po«r'<Misei>#«^ te 4MI< dfe«M«lbi^
liquidetl... iaiwaiiiiWK aBBiPWf ath^réf^gy viWl,. Homteon
ACHEM m ftOi
je YODS dis ce secret pour yous expliquer combien il y a pen de
cbMceft de le bire rei^enir sur aa déterminatiecL Gemme femme
et comme mère, je Toadrais vous voir heureux; mais puîs-jje
blâmer monsieur Mercadet iê. ce qu'il mane richement sa fille
quand je me vois ai près de b misère!^ . Monsieur de la Brlve a
ni Miu, ne fiwiUe.*..
JULIE, à ta mère.
Cessez, ma mère!... penseï à. la situation d'Adolphe I...
SCÈNE IV
Les Mêmes» JUSTIX.
Jtsrnr,
BfessieuTS de la BriVe et de Méricourt.
JULIE, à Minard.
Monsieur^ venez, je vais vous rendre vos lettres.
SCÂDAME HEllCÂDET, & Jostm/
Faites-les attendre ici, je vais feur envoyer monaeiir. Aliéna'
nous habîDer, ma fille. (Tbos sortent, moins Jnstin.T
SCÈNE 1
JUSTIN, DE MÉRICOURT, DE LA BRIVf:.
JUSTIN»
G^ dames, sont encore k leur toilette et prient ces messieurs
d'attendre un moments IMtonaieur va venir, (jx wq
MÉBIGÛUET.
Safio, mon cher* te voilà dans la place et tn vas être bientôt
officiellement: le prétendu de mademoiselle' Mercadet. Conduis
bien ta barqiie» le p^e cst.ua. finaud.
DE U. B&SVB.
Ht c'est ce. qui m'effcaj^o,! il sieca. c^flbùk.
Ji&nacrmpaSi, Mercadet est on spéculateur. Biche aajonrcrhui,,
densuft il peut se trouver panvce» D'après, le peu que sa iemmc
nCa^dil de ses affaires,, je. crois qull est enchanté de mettre une
pertîoadK sa ferUinesoua le nom de sa fille, et dTavofr un gendre
capable de r«àâer daw 9SM concepUons»
492 I*^ FAISBOE
DELA BBIVE.
G*est une idée 1 elle me va ; mais s'il Toabit prendre trop de
renseignements?
HâaCOTJET.
J'en ai donné d'excellents à madame Mercadet.. Une femme
de quarante ans, mon cher, croît tout ce que lui dit celai qui la
comble de soins.. .
DX LA BRIVE.
Ceci est tellement heureux que...
MÉRIGOURT.
Yas-tu perdre ton aplomb de dandy? Je comprends bien tout
ce que la situation a de périlleux. Il faut être arrivé au dernier
degré du désespoir pour se marier. Le mariage est le suicide des
dandys après en avoir été la plus belle gloire, (u baisseu Toiz.) Yoyons,
peux-tu tenir encore?
DE LÀ BRFVE.
Si je ne m'appelais pas de mon nom primitif, Michonnin pour
les huissiers, et de la Brive pour le monde élégant, je serais déjà
banni du boulevard. Les femmes et moi, nous nous sommes ruinés
réciproquement; et^ par les mœurs qui courent, rencontrer une
Anglaise, une aimable douairière, un potose amoureux, c'est,
comme les carlins, une espèce perdue!
KÉRICOURT.
Le Jeu?
DE LA BRIVE.
Oh! le jeu n'est une ressource certaine que pour certains che*
Taliers, et je ne suis pas assez fou pour risquer le déshonneur con-
tre quelques gains, qui toujours ont leur terme. La publicité,
mon cher, a perdu toutes les mauvaises carrières où jadis on faisait
fortune. Donc, sur cent mille francs d'acceptations, l'usure ne me
donnerait pas dix mille francs argent Pierquin m'a renvoyé à un
sous-Pierquin, un petit père Violette, qui à dit à mou courtier
que ce serait acheter des timbres trop cher... Mon tailleur se re-
fuse à coniprendre mon avenir... mon cheval vit à crédit. Quant
à ce petit malheureux si bien vêtu, mon tigre, je ne sais pas corn*
ment il respire ni où il se nourrit. Je n'ose pénétrer ce mystère.
Or, comme nous ne sommes pas encore assez avancés en civilisa-
tion pour qu'on fosse une loi comme celle des Juifs, qui suppri-
mait toutes les dettes à chaque demi-sièdé, il faut payer de si
AGTB III 493
personne. Oa dira de moi des horreurs... Un jeane homme très-
compte parmi les élégants, assez henreax an jea, de figure passa-
ble, qui n'a pas vingt-huit ans, se marier ayec la fille d*nn riche
spéculateur... laide, dis-tu 7...
MERICOURT.
Gomme ça i...
D£ LA BRIVE.
G*est un peu leste! mais je me lasse de la vie fainéante... Je le
Tois! le plus court chemin pour amasser du bien, c'est encore de
travailler !... Mais... notre malheur, à nous autres, est de nous
sentir aptes à tout et de n'être en définitive bons à rien! Un
homme comme moi, capable d'inspirer des passions et de les jus-
tifier, ne peut pas être commis ni soldat. La société n'a pas créé
d'emploi peur nous. Eh bien ! je ferai des affaires avec Mercadet.
C'est un des plus grands faiseurs. A nous deux, nous remuerons
le monde commercial. Tu es bien sûr qu'il ne peut pas donner
moins de cent cinquante mille francs à sa fille?
MERICOURT.
• Mon cher, d'après la tenue de madame Mercadet..» enfin... tu
la vois à toutes les premières représentations, aux Bouffes, ^
l'Opéra, elle est d'une élégance!...
DE Lk BRIYE.
Mais je suis assez élégant, et je n'ai...
MERICOURT.
C'est vrai, mais vois... tout annonce ici l'opulence. Ohl ib
sont très-bien ! ^
DE lA BRIVE.
C'est la splendeur bourgeoise... du cossù^ ça promet ••
MÉRIGOURT.
Puis fa m,ère a des principes solides! à quarante ans, die a des
scrupules ! Depuis dix-huit mois je n'ai rien vu dans sa conduite
qui ne soit très... convenable. As-tu le temps de conclure?
DE LÀ BRIVE.
Je me suis mis en mesure. J'ai gagné hier au club de quoi
f jire les choses très-b:en pour la corbeille : je donnerai quelque
chose, et je devrai le reste. ••
MERIGOURT.
Sans me compter, à quoi montent tes dettes?
IM LX FAISEUR
DE LA fitnX.
Une JMgsleUe! Ccntcifiqnaate mUle fronçai que mon beao^père
£eia rednîre ^ cîaqiuuile millul II me pestera dooc cent iuilie
francs et c'est de quoi lancer une première aflaire. Jeraitonjonrg
iit : je ne deviendrai riche que lorsque je n'aurai plus le sou.
MERTGOURT.
Mercadct est un homme fin, il te questionnera sur ta fortune,
cs-tu bieo préparé?
DE LA BRITS.
^'ai-je pas la terre de la Brive? trois mille arpents de terre
dans les Landes» qui vaut trente mille francs, lypothéquée de
quaiante-dnq mille, et qui peut se mettre en action pour en
eilraire n'importe quoi, au chiffre de cent mille écus7... Ta
ne te ligures pas ce qu'elle m'a rapporté, cette terre !
MÉRICOURT.
Ton nom, ta terre et ton cheval sont à deux fins.
DE LA BRIYE.
Pas si haut!
KÉRICOtJRT.
Ainsi, tu es bien décidé?. . .
DE LA BRIVE.
D'autant plus que je veux ître un homme politique...
HÉRICOORT.
Au fait, tu es bien assez habile pourcebL
DS LA BRIVE.
le serti d'abord joarnaliste.
MERIGOURT.
Toi qui n'a pas écrit deux l^nesu
DE LA BRITB,
Il y a les journalistes qui écrivent et ceux qui n'écrivent point
Les uns, les rédacteurs, sont les chevaux qui traînent la voôure;
les culres, les propriétaires, sont les entrepreneurs; ils donnent
aux uns de l'avoiiie, et gardent les capitaux, ie serai propriétaire.
On se pose dans sa cravate I On dit : — c La question d'Orient...
question tiès>grave, qui nous mènera loin et dont on ne se doute
(Ms! » On résume une discosion en s'écriani : — a L'Angletenei
monsieur, nous jouera toujours! o Ou bien on répond à un mon-
sieur qui a parlé longtemps et qu'on n'a pas écoulé : — « Nous
marchons à un abto&e. Kous n'avons pas encore accompli toutes
àCXM m M5
les évolations de la phase résalttiionaairel » A nn ministériel: —
« Monsîeurp je|)ease^ii6.8iir joette qiiestiûAil y a^guelque chose
à Caire. » On {ncle Art j)ea, on court» on JSit r^ead utile, on fait
les démarches ^u'jui homme an pouvoir ne peut pas laire lui-
même... On est censé donner lejensdesi!rlidQB..^T£mari|«ésL.«
Et puis, s'il le faut absolument., eh bien! Ton trouve à publier
un volume jaune sur une utopie quelconque, si bien éoritvSilsrt,
que personne ne l'ouvre^ et^ne toul le monde dit l'avoir lu ! On
devient alora «a komma sérieux* et i'^n £nit par se :tnuwer
quelqu'un au lien d'êrre quelque choseJ
MÉRICOURT.
Hélas t ton programme a iioareitt Ba;raison de notre temps.
DE LA BRIVE.
Ma's nous en v^ytos d'icUtimes j/simnmlFauT vous appeler
au partage du pouvoir, on ne vous demande pas aujourd'hui ce
*
que vous pouvez faire de bîen, mais ce que vous pouvez faire de
mal! II ne s'agit pas d*avoirdes talents, mais d^inspirer la peur!
On est très-craintif en politique, \ cause des tas de linge sale qu'on
a dans des petits coins, et qu'on ne peut pas blandhir. .. Je connais
parfaitement notre époque. En dînant, en jouant, e i faisant des
dettes, je faisais mon cours de droit politique; j'étudiais les petits
coins : aussi, le lendemain de mon mariage, aurai-je un air grave,
profond, et des principes! Je puis choisir. Nous avons en France
une carte de principes aussi variée que celle d'un restaurateur. Je
serai socialiste. Le mot me plaît. Â toutes les époques, mon cher,
il y a des adjectifs qui sont le passc-parlout d«s ambitions!
Avant 1789, on se disait économiste; en 1805, on était libéral.
Xe parti de demain s^appélle social, peut-être parce qu^l est
insocial : car en France, il faut toujours prendre l'envers du mot
pour en trouver la vraie signifLcaiionl...
MERICOURT.
Tu plaçais tes dissipations à grc s intérêts.
DE LA BmyE«
Tu as dit le mot
KEBJGOURT.
^lais, entre noos^ tu n'as que Je jargon du bal masqué^ qui
.paMe f)oar de i'eqprji auprès de ceux qui ue {parlent pas. Comttent
feras- tu» car il faut un |ieu de sas^irj^.*..
h96 IM FAISEUR
DE LA BRITB;
Mon amif dans toutes parties, en commerce, en sciences, dans
les arts, dans les lettres, il fatit une mise de fonds^ des connais-
sances spéciales, et prcnTcr sa capacité. Mais en politique, moo
cher, l'on a tout et l'on est tout avec an seul mot..
m£rigourt«
Lequel ?
DE lA BRTVE.
Celui-ci : t Les principes de mes amis... L'opinion à laquelle
j'appartiens, i — Cherchez î...
SCÈNE YI
Les MiKES, MINARD, Ib m lalaeat.
MINARD.
Monsieur est sans doate monsieur de la Brire?
DE LA BRI7E.
Oui» monsieur.
MJRIGOUaT.
C'est le petit jeune homme dont nous a parlé la femme de
chambre, et qui fait la cour à rhciitière.
DE LA BRIVE.
A l'héritage...
MERICOURT.
El qu'on a refusé pour toi... (De la Bnve lorgM Minard.)
MINARD.
Tous êtes heureux, monsieur; tous avez les privilèges de la
richesse : une jeune personne tous plaît, tous l'épousez...
DE LA BRIVE.
Permettez-moi de croire, monsieur, que, sans aucune fortune,
j'aurais encore des chances personnelles...
MINARD.
Ah I si j'avais votre fortune!.. .
MfaiCOURT, à de la Britt.
Pauvre garçon 1 il n'aurait pas grand'chose.
inNARD.
Je ne céderais certes à personne ce trésor de grice et de pe^
fection ; vous avez pour vous l'autorité d'un père.
AGTB m 497
DE LA BRTVE.
Et TOUS, monrieari...
KINARD.
Ah! monsio ar^ malhenreiuement je n'ai rien qoe mon amour
pour mademoiselle Julie.
SCÈNE YII
Les MÊXES, MËRCADËT, îl écoute un moment.
DE LA BRIYE.
Monsieur^ je ne vois pas en quoi je puis alors yous être utile ou
agréable.
HINARD.
Monsieur, puisque le hasard fait que nous nous rencontrons,
je me sens la force de vous dire : Rendez-la riche et heureuse.
MERGADET, à part.
Riche? Que dit-il? Il peut tout compromettre! (ii se montre.)
DE LA BRIVE, à Btérieonrt.
Il est amusant, ce petit jeune homme; il faut Fencourager, car
si ma femme est trop laide !...
UERGADET.
Bonjour, mon cher Méricourt, ayez-vous vu ma femme?
(AiaBrite.) Ges dames vous font attendre? Ah!... les toilettes!...
(II regarde Minerd.) Monsieur Miuard, je vous croyais homme de bon
goût, et nous nous sommes assez nettement expliqués.
MINARD.
Pardon! monsieur.
MERGADET.
La passion explique bien des choses, mais il est certaines déli-
catesses qui ne doivent jamais être foulées aux pieds...
MINARD.
Je yous comprends, mpnsieur.
HiRIGOTJRT, à Mercadet
Oh! il n'est pas dangereux!
MERGADET, bas à Minard.
Vous n'êtes pas assez chagrin. (Hant.) Adieu, mon cher? (Bas.)
Allons donc! un soupir.
HINARD, ans jennes gens.
Adieu, messieurs! i^a Mercadet.) Soyez indulgent^ monsieur, pour
un homme qui perd son bonheur!... (iieroadet le condou.)
TH. 32
&&8 Lit FAlSttJE
SCÈNE YIII
lîKS BAHES, moins MINÂRD*
imtCASET*
Pauvre jeane homme I j'ai peut-être été sévère, et je le plains,
il adore ma fiHe 1 Qoe Toalez-vousT II n'a que dix loille livres dt
rentes et une place. ••
JOi Lk BBIYK»
On ne va pas loin avec cela !
MERGÂDET.
On végète ! Ab I il avait bien deviné font ce que vaat Julie; et,
comme il a de Tentregent, il avait mis ma femme de son parti}
mais il a le défaut d*être orphelin du vivant de son père et de sa
mère, dont il se soucie plus qu'ils ne se souciaiC de lui Dans
cette situation-là, je ne comprends pas qu'on s'attaque à la fille
d'an homme qui connaît les affaires.
DE LA BBTVS*
Vous n'êtes pas homme à donner une fille riche et spirituelle an
premier venu.
MERGADET.
Non, certes. Riais, monsieur, avant que cei dames m viennent,
nous pouvons traiter les affiaires sérielles»
DE LA BRIVX, à Ménoonrt.
Voilà la crise i
MERGADET.
Aimez-vous bien ma fille?
DE LA BRIVS.
Passionnément.
MERGADET, à part.
Ceci va mal. (Haat.) Passionnément I... C'est trop pour être
heureux en ménage.
IffRIGOURT, à la Brite.
Tu vas trop loin. (A Mercadeu) Mon ami adore la musique, et la
voix de mademoiselle Julie l'a traasportë»
MERGADET.
Monsieur a entendu ma fille? Mais où?..é
ACTE m
DE LA BRTTE.
Chez on banquier^ ancien quelque choseMé
MERCADET.
AhlYerddinU
Yerdelin*
Ouif Yerdelln.
DE LA BBJTE.
KÊRIGOURT.
DE LA BRITE.
Elle a tant d'âme» mademoiselle Julie !•••
MEaCADET.
Ohl il n'y a qae l'âme et l'idéal. Je suis de mon époque. Je
conçois cela, moi! L'idéal» fleur de la viel Monsieur, c'est un
effet de la loi des contrastes^ Gomme jamais il n'y a eu plus de
positif dans les affaires, on a senti le besoin de Tidéal dans les
sentiments. Ainsi, moi^ je vais à la Bourse et ma fille se jette
dans les nuages. Elle est d'une poésie!... oh! elle est toute âme!
Vous êtes, je le Tois, de l'école des lacs...
DE LA BRIVE.
Non, monsieur.
MERGADET.
Gomment alors aimez-vous Julie, si vous ne cultivez pas lldéal?
HÉRIGOURTy à la BiiTe.
Trouve-lni des raisons.
DE LA BBTVE, à Mérieonrt
Attends! (A Menadet) Monsieur, Je suis ambitieux...
MKBGADET.
Ahl c'est mieux.
DE LA BBIVS. ^
Et j'ai vu en mademoiselle Julie une personne trës--distinguée^
pleine d'esprit, douée de charmantes manières, qui ne sera jamais
déplacée en quelque lieu que me porte ma fortune; et c'est une
des conditions essentielles à un homme politique.
MERGADET.
Je vous comprends! On trouve toujours une femme, mais il est
très-rare qu'on homme qui veut être ministre ou ambassadeur
rencontre (disons le mot, nous sommes entre hommes?) sa
femelle!... Yovs êtes un homme d'esprit, monsieur... •
500 LE FAISEUR
DE LA BRIYS«
Monsieur, je sois socialiste.
MERGADET.
Quelque nouvelle entreprise?... Mais parlons d*iatérêts, maia-
tenant..
MÉRIGOURT.
Il me semble que cela regarde les notaires.
DE LA BRIYE.
Monsieur a raison^ cela nous regarde bien davantage I
MERGADET.
Monsieur a raison.
DE LA BRIYE.
Monsieur, je possède pour toute fortune la terre de la Bri?e :
elle est dans ma famille depuis cent cinquante ans, et n'en sortira
*amais, je l'espère.
MERGADET.
Aujourd'hui peut être vaut-il mieux avoir des capitaux. Lrs
capitaux sont sous la main. S'il éclate une révolution, et nooscn
avons vu bien des révolutions, les capitaux nous suivent partout;
h terre, au contraire, la terre paye alors pour tout le monde, elle
Teste là comme une sotte à recevoir les impôts^ tandis que le
capital s'esquive. Mais ce ne sera pas un obstacle. Quelle est son
importance?
DE LA BRIYE.
Trois mille arpents, sans enclaves.
MERGADET.
Sans enclaves?...
Que vous ai 'je dit?
Monsieur!...
Un château...
Monsieur 1...
MERIGOURT.
MERGADET.
DE LA BRIYE.
MERGADET.
DE LA BRIYE.
Des marais salants qu'on pourrait expbiter dès qae l'adminis-
tration voudra le permettre» et qui alors donneraient des produits
énormes!...
ACTE III 501
MERGADET.
Monsieur !••• pourquoi nous sommes-nous connus si tardl«.«
CSetle terre est donc an bord de la mer?..,
D£ LA BRIYE.
 une demi-lieue. -
MERGABET.
£lle est située?.. •
MEEICOURT.
Près de Bordeaux. ••
MERCABET.
Vous ayez des vignes?...
DE LA BRIVE.
Non, monsieur, non heureusement^ car on est très -embarrassé
de placer ses Tins : et puis la vigne veut tant de frais !... Non^ ma
terre exige peu de frais... Elle fut plantée en pins par mon grand-
père, homme de génie qui eut i'-esprit de se sacrifier à la fortune
de ses enfants... Ah! j'ai le mobilier que vous me connaissez...
MERGABET.
Monsieur^ un moment ! Un homme d'affaires met les points sur
les t.
BE LA BRIYE, & Hériconrt.
Aie! a!e!
* MERCABET.
Vos terres, vos marais, car je vois tout le parti qu'on peut tirer
de ces marais ! On peut former une société en commandite pour
l'exploitation des marais salants de la Brive I II y a là plus d'un
million, monsieur.
BE LA BRIYE.
Je le sais bien, monsieur, il ne s'agit que de se le faire offrir.
MERCABET, à part.
Voilà un mot qui révèle une certaine intelligence. (Haut.) Mais
avez-vous des dettes? £st-ce hypothéqué? car on peut posséder
visiblement une terre dont la propriété se trouve appartenir secrè-
tement à nos créanciers.
MÉRICOURT.
Vous n'estimeriez pas mon ami, s'il n'avait pas de dettes. «
BE LA BRIYE.
Je serai franc, monsieur. Il y a pour quarante-cinq mille francs
d'hypothèques sur la terre de la Brive...
\i
)
50B U FAISKQR.
MEAGAÛET» 4 part
Ioi»ooent jeaoe bammel (Haut.) Voas poaviez... anviprandiei
mains.) Yoos aTcz mon agrément, tous serez mon gendre, vous êLei
l'époux de mon choix! Yoos ne connaissez pas voire forlune!
DE LÀ BEITE, à Mériconrt*
Mais cela va trop' bien I
MERICOURT, à la Brive.
Il a TU nne spéculation qai l'éblonit.
MERCÂDET, à part.
Avec des protections, et on les achète, nons poarrons faire des
salines. Je suis sanvé ! (Hant.) Permettez-moi de tous serrer I2
main à l'anglaise, (ii lui domo une poignéa de mains.) Yous réalisez tont
ce que j^attendais de mon gendre. Je le vois, vous n'avez pas Tes-
prit étroit des propriétaires de la province, nous Bousentendrei».
DE LA BRIVE.
Monsieor, vom ne trouverez- pas mauvais qne» de moacôtéje
vous demande. ••
KERGADET.
Quelle sera la fortnne de ma fille? Oh } elle M marie avec ses
droits; sa mère lui fera l'abandon de ses biens (en nue propriété)»
une petite ferme qui n'a que deux cents arpents, mais elle est ea
pleine Brie, bien bâtie. Moi, je lui donne deux cent mille francs,
dont je lui servirai la rente jusqu'à ce que vous ayez trouvé uo
placement sûr : car^ jeune homme, il ne faut pas vooa abaser,
nous allons brasser des affaires; moi, je vous aime, voua me plai-
sez. Yous avez de l'ambition?...
DE LA BRIVE.
Oui, monsieur.
MERCADET.
Yons aimez le luxe, la dépense, vous voulez briller à Paris?...
DE LA BRIVE.
Oui, monsieur.
Y jouer un rôle?
û«t, nK>naitwr.
MBRCADBT*
DELA BBJVE.
MERCADET.
Oh! j'ai deviné cela en vous voyant passer ; je connais les
hommes. Yous avez la tenue de ceux qui se savent un avenir.
ACTE m 50S
MÉRTCOUKT, à port»
fit qai rescompteront toujours.
MERCADET»
Eh bienl dSjà Tfem^ obligé de reporter mon ambition sur un
antre moi-mdme, je vous laisserai le rôle brillant.
DE LA BRIYE.
Monsieur^ j'aurais eu à choisir enti*e tous les beaux-pères de
F»4s, c'est à vous à qni j'aurais donné la préférence ; tous êtes
selon mon cœur*
MERCADET.
La jeunesse est faite pour le plaisir. Tous et ma filte, brillez !
ayez un hôtel, des voitures, donnez des fêles 1 Julie est uue fille
d'esprit, elle jouera ce rôle à merveille. Voyez-vous, n'imitons
pas ces gens qui s'élèvent pour quelques jours et qui retombent
aussitôt, espèces de fusées paidsiennes,.. Que la fortune de votre
femme soit inattaquable I.. .
MERIGOURT,
Inattaquée.
DE LA BRrVE.
Si l'on ne réussit pas?
MERCADET.
Ou si l'on réussit trop.. .
DE LA BRIVE.
On a toujours du pain...
MERCADET.
Aujourd'hui, avoir du pain, c'est avoir trois chevaux dans son
écurie, une maison montée ; c'est pouvoir donner à dîner à ses
amiS; avoir une loge aux Bouffes.
DE LA BRIVE.
Âh ! monsieur, permettez que je vous serre la main à l'an*
glaise. •• (Antre poignée de mains.) Yous Comprenez la vie...
MERCADET, à part.
Mais ça va trop bien.. .
DE LA BRIVE, & part.
H donne dans mon étang la tête la première.
MERCADET, à part.
Il accepte une rente.
MJSriGOTJRT, à de la Brifi.
Es-tu content!
I I
504 LB FA1SBUH
DE LA BRIYE.
NoD. Je ne vois pas l'argent de mes dettes,
MÉRICODRT.
Attends! (A Mercadet.) Mon ami n'ose tous le dire, mais il est
trop honnête homme pour vous le cacher^ il a quelques petites
dettes.
MERCADET.
Eh 1 pariez^ monsieur, je comprends parfaitement ces choses-
là... Voyons, des misères!... une cinquantaine de mille francs!
MÉIUGOURT.
A peu près...
DE LA BRIYE.
A peu près.
MERCADET.
Ce sera comme un petit vaudeville à jouer entre votre femme
et vous; oui, laissez lui le plaisir de... D'ailleurs, nous les paye-
rons.. . (A part.) En actions des salines de la Brive. (Haat ) C'est une
misère! (A part.) fïous évaluerons Tétnng cent mille francs de plus..*
Je suis sauvé !...
DE LA BRIYE, à Mérioonit.
Je suis sauvé I...
SCÈNE IX
Les Mêmes, MADAME MERCADET, JUUE.
MERCADET.
Voici ma femme et ma fille.
MÉRTGOURT,
Madame, permettez-moi de vous présenter monsieur de la
Brive, un jeune homme de mes amis, qui a pour mademoiselle
votre fille une admiration...
V DE LA BRIYE.
Passionnée.. .
MERCADET, à de la Brive.
Vous aimez les Espagnoles, je le vois. Hein! quel teint! une
véritable Andalouse, qui saura résister aux tempêtes de la vie!.-
Il n'y a que les brunes.. ^
DE LA BRIYE.
J'aurais craint une blonde I...
ACTE III SOS
MERCADET»
Ma fille est tout à fait la femme qui cooTieDt à an liomme po-
litique...
DE LA BRIVE, il lorgne JnUe.
(AHercadet.) Parfaitement bien mi^e. (A madame Mercadet.) Telle
mère! telle fille! Madame» je mets mes espérances sous votre
protection.
MADAME MERCADET.
Présenté par monsieur Méricourt, monsieur ne peut être que
le bienvenu.
JULIE, à sa mère.
Quel fat!...
MERCADET, à sa fille.
Puissamment riche! Nous serons tous millionnaires! Et un
garçon excessivement spirituc!. Allons ! soyez aimable, il le faut.
JULIE.
Que voulez-vous que je dise à un dandy que je vois pour la pre-
mière fois et que vous me donnez pour mari?
DE LA BRIVE.
Mademoiselle veut-elle me permettre d'espérer qu'elle ne sera
pas contraire à mes vœux?
JULIE.
' Mon devoir est d'obéir à mon père.
DE LA BRIVE, à part.
Fière comme une laide; il faut faire plus de frais pour ces fem-
mes-là que pour des duchesses.
JULIE, à part.
Il est bien fait, il est riche, pourquoi me rechercherait-il? il y
a là-desssous quelque mystère.
DE LA BRTVE, à part.
Allons! (Haut, à JnUe.) Mademoiselle, les jeunes personnes ne sont
pas toujours dans les secrets des sentiments qu'elles inspirent !
voici deux mois que j'aspire au bonheur de vous offrir mes hom-
mages.
JULIE.
Qui plus que moi^ monsieur, peut se trouver flattée d'exciter
l'attention ?
MADAME MERCADET, à ta fille.
Il est fort bien.
566 LE FAlSEim
JUUB.
Ma mère, hisses-moi savoir si je pois être heutcuse en épw-
sant ce monsieur,
KBRGÂBET, à êe Héricomrt. '
Vous pourez compter sur ma reconnaissance, moBsiettr. Noas
vons defODS notre bonlienr, car celui de notre fille est le nôtre.
MADAME MERGADET.
Monsieur de la Brive nous fera sans doute, ainsi que son ami»
le plaisir d'accepter à dîner sans cérémonie...
MERGADET.
La fortune du pot (A de la Bme.) Vous serez indulgent I..
MADAME MERGADET.
Monsieur de Mérîcourt^ voulez-vous venir voir le tableau que
nous devons mettre en loterie? (A JoUe.) Nous allons te laisser
causer un peu avec lui.
JUIIE.
Merci ! ma mère;
MADAME MERGADET.
Monsieur Mercadet?...
MERGADET, à de la Brire.
Elle est romanesque comme toutes les jeunes personnes qof
ont du cœur et de Timagination : ainsi, prenez le chemin de ia
poésie.
DE LA BRIVE, & MereadeU
Le romanesque est la grammaire des sentiments modernes, je
pourrais l'écrire. En deux mots, c'est l'art de cacher Faction sons
la phrase. ..
MERGADET, en slaii allanf.
Il est très-fort» ce jeune homme I
SCÈNE X
DE LA BRIVE, JULIE.
JULIE.
Monsieur, ne trouvez pas étrange qu^one pauvre fflle comme
moi vous demande des preuves d'affection : mais ma défiance
m*est commandée par la connaissance que f ai de moi-mêmei de
mon peu d'attraits...
jcn m 597
BBIABRUS.
GeCCo modoitie featdKjà na attrait» œaâeaioiiell^l.^*
JDUE.
Si j*avai8 cette beauté merveilleuse qui fait éclore de soudaines
pMNOn^ Je tronveraîa des motifs à votre rochereli^: mais, pciir
m'aimer, il ftmt «moalti» moo cœur, et Btma mxm veyona pour
la première fois.. •
I>£ U BRIVB.
ila<>':iâ«iiiaHB, il eét des aympatbies ioexpUcdatou*
JULIE.
Ainsi, vous m'aimez sans savoir pourquoi?.,.
DtE Ui BRIVE.
Le jour qa'on se l'explique, l'amour exisle-t-il?.C9 n'est le plus
beau des sentiments que parce qu'il est involontaire. Ainsi la pre-
mière fois que je vous ai vue. . . ...
Àbl ce n*est pas la première!...
Jm Lk B&IVB.
Gomment ! mademoiselle, mais il y a deia moi» que je vous
aime. Je vous ai entendue au dernier concert de monsieur Yer-
delin, et votre voix m'a révélé... toute une âaie..,
JULIE.
Qu'ai-je donc chanté? Vous en souvenez-vous?...
DE LA BRIVE, à part.
Ah diantre I (Haut.) Je ne me souviens que de Pimpression^ qui
fut délicieuse...
JULIS.
MoiiaieQr» vmb n^aimez donc, là, vraiment?..*
DE LA. BRIYE.
Mademoiselle, j'ai su que \*oos étiez une personne pleine de
cmnrage» douée d'oae élévatioa rare dan» les sentîmeiUs et clans
les idées, instnjûtc surtost; que vous sauriea créer ua salon h
Paris, êire la compagne d*ui) hammo politiquo, et, permettez*
moi de vous le dire, toutes fôi femmes ne savent pas porter une
haute fortune. Bien des parvenus ool éié fort embarrassés de
filles qu'ils ava'ent fait la faute d'épouser à l'aurore de leurs des-
tiaiee^el eur l'ecéan politique, quand uns femme n'est pas un
poîsswit remeiqueur^ elle est un embargo I Je doutais de pouvoir
raMOBtmr wm kmae qoi pût €«mprendre et servie mon araÙTi
508 LB FAISEim
je vous ai vae et je me suis dit : Je puis être ambassadeur. GeDe
que j'aime sera la rivale des diplomates eu corset que la Rossie
nous envoie I...
JULIE, à part
Ils ont tous de Fambition aujourd'hui I... (Haat.) Âinâ, vous
êtes ambitieux et amoureux I Votre sympathie est doublée d'un
raisonnement...
DE LA BRIYE, à part.
Elle n'est pas sotte I (Haut.) Mademoiselle, il y a tant de dum
dans L'amour I...
JULIE.
Il y a tant de choses dans le vôtre, qu'il comprend sans doute
le dévouement...
DE LA BRIVE,
Avant tout!...
JULIE.
Ainsi, ma famille?...
DE LA BRIVE.
Devient la mienne.
JULIE.
Rien ne vous arrêterait donc?
DE LA BRIVE.
Rien.
JULIE'.
J'aime un jeune homme, monsieur.
DE LA BRIVE.
Je l'ai vu.. . et c'est ce qui m'avait donné, je vous Tavoue, d€S
inquiétudes sur votre jugement : car ce petit jeune homme n'est
pas votre fait du tout..
JULIE.
Vous vous tfompez, monsieur, je ne puis renoncer è lui qu'en
faveur d'un grand dévouement Eh bien! si vous sauvez mon
père de la ruiue, je vous aimerai... j'oublierai cet amour que je
croyais éternel, et je serai l'épouse la plus fidèle, la plus aimante,
et je.. . (A part.) Âh! j'étoulSe...
DE LA BRIVE, à part.
Elle m'a fait peur. .. mais elle me mène d'épreuves en épreoveSi
comoïc chez les francs-maçons... (Haut.) J'espère mériter par mon
amour tout ce que les femmes doivent ordinairement sans coa-
ACTE III 509
dition à lears maris. Mais cessez de mettre ainsi à l'épreuve une
passion sincère. Mademoiselle, monsieur votre père et moi, nous
nous sommes entendus sur toutes les questions d^térêt..
JULIE.
n vous a tout dit 7. ••
DE LA BRIYE.
Tout!...
JULIE*
Vous le savez ruiné ?••• j
DE LA BKIVE.
Aulne I...
JULIE, à part.
Âhl je suis sauvée I (Haut.) Il doit environ trois cent mille francs.
DE LA BRIVE.
II... doit... trois...
JULIE.
Où serait votre dévouement?
DE LA BRIVE, à part.
Le dévouement! c'est de Fépouser... Si elle croit que l'on peut
se donner gratis uu pareil vis-à-vis .pour le reste de ses jours !•••
JULIE.
, ;N'eusuls<je pcsle prix?
DE LA BRIVE.
Méricourt est incapable de m'avoir...
JULTE.
Ahl vous ne m'aimez pas!...
DE LA BRIVE, à part.
Oh ! jai donné dans cette invention de roman I (Haut.) Quand
même votre père devrait des miliioos, je vous épouserais tou-
jours^ car je vous aime. Ah ! vous jouez très-bien la comédie, et
je ne m'en dédis pas: vous serez une délicieuse ambassadrice. ..
SCÈNE XI
Les Mêmes, JUSTIN, PIERQDIN.
JUSTIN, à Jolie.
Mademoiselle, monsieur Perquin vent parler à monsieur votre
père (Bai.) à propos de monsieur de la Brive, je crois.
âiO^ LB FAISEUR
JULIE.
Mon père est par là. (SUe montre les appaitementk,
PIERQUIN.
llademoîselle, je sais votre servitear.
DE LA BRIYE.
Plerqain ici I (II se retourne et va lorgner des taUéftm.}
PlERQtim, à part.
Oh! mais c'est mon Michoniiinl... tout est perdu i Et moi qui,
sachant qu'on le marie avec une héritière, venais pom* ravoir ses
lettres de change. .. Ce diable de Mercadet t th bonbeor, il a so
l'attirer chez lui I...
JULTE, à Pierqain.
Vous connaissez monsieur?
MERQTJÏN*
Petite rusée! je vois que vous êtes du complot, et vous le
gardez. (A part.) Ohi je devrais avoir une Jolie nièce!
JOLIE.
Qui est-ce 7
PIERQUIN.
Michonninf un débiteur introuvable. Ne le lâchez pas» je vais
aUer^cfaercher un garde de commercel
JUUE,
Pour monsieur de la Brive?
Michonnin, pour nous!
JULIE.
Ge monsieur n'est pas riche 7
PIERQUIN.
, Un gibier de Clichy, gui a ses meubles sous le nom d*nn ami.. .
JUUE.
Aht <£llerit.}
PIS&QUm , à part
• Ah i Mftrcadet m'a volé. ( a jaUe.) Amusez-le, el votre père
pourra me payer quarante-sept mille francs; car» une fois coffré^
ce gaillard-là se fera délivrer par quelque belle dame. ^Joftia re-
tient.)
JUTJEy à part.
Cdarié et coffré, c'est trop d'un !
JUSTIN, à Pierqain.
AloQsiear est occupé, vous le savez, du mariage de mademoi-
selle, et vous prie de l'excuser...
ACTE m 5ii
piERQunr.
Et avec qgiZ
jusnv.
Mais avec ce monrienr-là. (u mMtr» d» u Briroo
Ohl CA part) C'est marier deux Ciillites ensemble. Ya-t-on rire
à la Bourse !••• J'y coars. ai «oru)
SCÈNE ÎÎI
JUUfi, J>E LA BBIVE.
Monsiear» tous nommez-voas MichonniAt..*
/ BS LA BRIVE.
Oui, mademoitene, c'est le nom de notre fiimlUe, mais nous
aTons fait comme tant d'autres, et, depuis dix ans, nous nous
nommons de la Brive, en mettant un M devant, c'est plus joli.
La Brive est une charmante petite terre achetée par mon grand-
père...
JULIE.
Cet homme dit-il vrai en disant que vous avez des dettes?
DE LA BRTVE.
Ohl très-peu, des misères; je les ai déclarées à votre père...
julte:
Ainsi^ monsieur, vous m'épouserez par amour? (A part.) Rions
im peu. (Haut) Bt pour ma dot?
DE LA BRTVE.
Mademoiselle, vous trouverez en moi le mari le plus aimant^ le
plus aimaUe. Soeialiste, occupé des intérêts les plus graves de la
politique, et tout à mon ambition, je vous laisserid maltresse de...
de votre fortune...
JULIE.
£b ! monsieur, je suis sans fortune. •• (Uercad«t parait)
SCÈNE XIII
Les Mêmes, MERCADëT.
meegadet.
Ma fiUe, voilà donc l'effet de votre passion pour ce jeune Mi*
nard ! elle vou» pousse k calomnier votre père, k^^
512 LB FAISEUR
JULIE.
À éclairer monsieur Michonnin, qai, se trouvant perdu de
dettes, ne doit pas, ne peut pas épouser une fille sans fortane...
MERCÂDET.
Monâeur se nomme Michonnin?
JULIE.
Michonnin de la Brive...
MGRGADET.
Laisse-nous, ma fille...
JULIE, bat, à ton père.
Pierquin est sorti pour faire arrêter monsieur; j'espère qoe
vous ne le souffrirez pas. Quel rôle aurais-je joué?«..
MERGÂDET tire sa montre.
Le soleil est couché! Pierquin a vu monsieur I
JULIE.
Oui.
MERGÂDET.
Le diable entre dans mon jeu. (jnUeiort.^
SCÈNE XIV
DE LA BRIVE, MERGADET.
DE LA BRIYE, à part.
La noce est faite. Je suis plus que socialiste, je deviens com-
muniste 1
HERCADET, à part.
Trompé comme à la Bourse! par Méricourt^ Pami de ma
femme ! C'est à ne plus se fier à Dieu I...
DE LA BRIYE, à part.
Soyons digne de nous-méme !...
MERGADET, àpaH.
Il y a de la légèreté dans son fait. Prenons-le de haut. (Ha«t.)
Monsieur Michonnin, votre conduite est plus que blâmable f...
DE LA BRIVE.
En quoi» monsieur! Ne vous ai-je pas dit que j'a?aîs des
dettes?
MERGADET.
Soit. On peut avoir des dettes ; mais où est située votre terre?.. •
ACTE in 513
DE LA BRIVB.
Dans les Landes.
HERGABET.
• ■
Elle consiste?
DE LA BRIVS.
En sables plantés de sapins...
MERGADET.
De qnoi faire des cnre-dents?
DE LA BRIYE,
A peu près.
MERGADET. * '
Gela Tantt
DE LA BEIYB.
Trente mUie francs.
MERGADET.
Et c'est hypothéqué de... 7.
DE LA BRIVB.
Quarante-cinq mille. #
MERGADET. ,
Vous avei eu ce talept-là ?. ..
DE LA BRIYB.
OaL
MERGADET. .
Peste! ce n'est pas maladroit : et vos marais T. ..
DE LA BRIVE.
Touchent à h mer.
MERGADET.
Ainsi» c'est tout bonnement TOcéan 7
DE LA BRIVE.
Les gens du pays ont eu la méchanceté de le dire, et mes em-
prunts se sont arrêtés net.
MERGADET.
Il e&t été très-difficile de mettre la mer en actions.
DE LA BRIVE.
Oh I ce n'est pas la mer à boire !...
MERGADET.
Non, mais à faire avaler? Monsieur, entre nous, votre mora-
lité me semble...
TH. 33
SH LI FâlflKJR
Assez I
Hasardée !•••
BELA BRniS.
Oh I... moDsieur, si ce n*est qu'entre nona,**
VERCADET.
Vous mettez, d'après une note que j'ai vue sur certains dos-
siers, tout votre mobilier sous le nom d'un ami, tous signez vos
lettres de change Michonnin, et vous ne portez que le nom de la
Brive.
nSLA BBITX.
Eh bien f monsieur, après?
MERCADET.
Après?.. • On peut vous faire un fort médMntpnA
SE LA BsnrE.
Monsieur, n'allez pas trop loin, je sais mtm hdtt».,*
MERCADET.
Vous voulez, à l'aide de ces subterfuge», eotmr éum mwfVDJile
respectable, y abuser de la eonûmre d*un père et d'une mère. ..
Vous avez feint d'aimer ma ûll\.. (A pûrî.jOa peut cspkttter ce
garçon-là ; il a de la tenue, il est élégant, spirituel. •• (Haut.) Yoas
êtes une. ••
fis LA Bttms.
Ne dites pas k wH, il voua coùkmêx b vitt.«»
XERCiJURr*
La viei Vous êtes mon hôte, monsieur.,*
BKLABAIVE.
Après tout, monsieur, TOtre fiHe avait^-elUi m» doit
MS&GADKT.
ltton3ieurt«*.
DE LA BRTVE, à part
Je le vaux bien et je suis le plus fort. (Htvt) Onî^ monsienr,
aviez-vous deux cent mille francs ?...
MERCADET.
Les vertus de ma fille.. .
Âhi vous n'aviez pas deux cent mille francs T.. • Et moi j*enga-
gageai» ma prêdeme iibenéf Ré sn-js fm ma capitdt Vous
vouliez escroquer an gendre ?•••
ACTE III 515
KERCADET.
te mot est fort.
BELA BRI7E.
Vous le méritei.
MERGADET, à part.
Il a de l'aplomb!...
BELA BBim
Et, je le Tois, vous abusiez de mon inexpérience. Je pourrav
aussi me plaindre.
HEBGABET.
LMnexpérieaee d'an homme qui empronte Mir des sables une
somme de soixante pour cent au delà de leur valeur I...
DE LA BRIVE.
Ayec du sable on fait da cristal.
MERGABET*
G*est mie idée!
BB LA BRIYE.
Vous Toyez, monsieur, que nos moralités se ressemblent!
(MoaTement de Hereadet.) Âh! entre nOUS...
HERGADET, à part.
Je vais l'aplatir!... (Hant.) C'est ce qui vous trompe, monsieur:
vous êtes mon débiteur, et je vous tiens. Àhl j'ai sur vous pour
quarante-huit mille francs de lettres de change^ intérêts et frais,
à moi cédés par Pierquin^ et je puis vous faire coffrer pendant
cinq ans.
BE LA BRTVE.
Je serais alors votre hôte.
MERGABET.
Ah! vous le prenez sur ce ton -là! Mais vous vous moquez
donc de votre dette, de votre signature?
BB LA BRIVB.
Et vous?
VERGABET, à ptrf.
Voilà mon affaire! (Haut.) Dans quelle situation êtes-TOQS^ là,
vraiment?
BBLA BBIVl.
l>6mpérée... Méricomt me marie pait^ que je loi d(MS trente
mille francs au delà de la valeur de ma» «luÂiUer.
516 . LE FAISEUR
MERGADET.
Compris. Je ne m'amuserai pas à vous faire ce la morale; vous
aimeriez mieux na billet de mille...
DE LA BRIYE.
Oh! soyez mon beau-père !••«
MERGADET.
Non, nos deux misères feraient une trop grande pauvreté; mais
écoutez-moL..
SCÈNE XV
Les MAmes, MADAME MERDADET.
MADAME MERGADET, à Mereadfit.
. Ce monsieur dlne-t-il toujours ?...
MERGADET.
Certainement. Dans les circonstances difficiles, le dtaer porte
conseil, (a part.) Il faut que je le grise pour le connaître à fond.
DE LA BRIYE.
J'ai Tappétit de mon désespoir...
MERGADET.
Dtnonsi
MADAME MERGADET.
Tentends la voiture de Verdelin !
MERGADET.
Que dire à Verdelin T
SCÈNE XVI
Les Mêmes, VERDELIN, JUSTIN en grande tenue.
JUSTIN.
Monsieur Verdelin.
VERDELIN, à Uercadet.
Je n'amène point madame Verdelin, et je ne sais même pas si
je pois dîner avec toi.
MERGADET, à part.
Il est furieux, (Haut.) La main aux dames I (A sa femme.) Laisse»
nous. (AYordelin.) Eh Ucal qu'as-tu7... (Madame Mereadet et Monsiear^t
la BrÎTe sortent.)
ACTE III 517
VERDEIJN,
Est«ce là ton gendre T
HERGADET.
Oai et non.
VERBEUlf.
Voilà ce beau mariage?
MERGÀDET, à part.
Il sait tout I (Htnt.) Ce mariage, mou cher Yerdelio, n*a plus
lieu, je suis trompé par Méricourt! Méricourtl... tu sais ce qu'il
nous est? Mais...
i YEBDEUN.
^ Mais, il n'y a pas de mais... Tu m'as, ce matin^ joué une de
tes comédies^ où ta femme et ta fille avalent un rôle, pour m'ar-
racher mille écus! Je m'en doutais. Eh bieni ce n'est ni délicat
ni...
MERCADET.
N'achève pas, Yerdelin ! Voilà comme on juge les gens dans le
malheur... On soupçonne tout chez eux!... Pourquoi donc
t'aurai-je emprunté ton service? Pourquoi donnerais-jc à dîner?
£o8sé-je habillé ces deux femmes sans une espérance?... D'abord
qui t'a dit que le mariage de Julie était manqué?...
VERDELIN.
Pierquin, que j'ai rencontré...
HERCADET.
Gela se sait donc ?•••
YERDEUN.
Tout le monde en rit I Tu as ton portefeuille plein de créance!
sur ton gendre 1 Pierquin m'a dit que tes créanciers se réunissent
ce soir chez Goulard pour agir tous demain comme un sedi
homme.
MERDAOET.
Ce soir! » DemainI Ahl j'entends sonner le glas de la faillite I...
YERDEUN.
On veut débarrasser la Bourse, autant qu'on le pourra, de tous
les faiseurs d'affaires.
MERCADET.
Les imbécilesl... Ainsi demain on m'emballerait?
YERDELIN.
Pour Glichy, dans un fiacrel
518 LB FAUKJll.
U&GiJUiX.
Le corbillard do spécahtenr! Viens dtaerl
Le dîner me coûte trop cher^ j'en aurais une indigestion! Uercit
XEBGABST.
Demain la Bourse reconnaîtra dans IMtocadet nndeses aiaftres!
Viens dîner, Verdelîn, viens sans crainte, (à part.) Allons! (Hant)
Oui, toutes mes dettai seront payées!... St la maison Mercadet
remuera des millions t.. • Je serai le NapdéoQ des affaires.
VERDEIIN.
Quel homme !
MEaCADST.
Et sans Waterloo.
Et des troupes 7...
Je!... je payerail Que peut-en répondre à an iié|;odaiH qai
dit: Passez à la caisse!...
TBBIIBUN.
Je dtne alors^ et ]e suis enchanté. FfNtf Mereêittu», tpecu-
Marum imperatart
insiieÀSiT.
Il l'a Toulu!... Demain je tr6ne sur des miilioaai, ou je me
couche dans les draps humides de h Seine!
PIN DU TROISIEME AGTl.
r'
■■fij
ACTE QUATHIÈME
SCÈNE PREMIÈRE
MERCADET, JUSTIN.
KERGADET, il sonne.
Sachons avant tout Peflet qu'ont produit mes mescm...
JUSTIN,
Monsieur?.. •
UXKCkJWT.
Justin, je désirerais que l'arrivée de monsieur Godemu fût
tenue secrète...
rosTm.
Oli! monsieur^ vous êtes perdu alors... Monsieur Brédîf est
déjà sorti.. . ie tapage que cette l>erline a fait cette nuît^ eu entrant
dans la cour à deux heures du matin^ a rëTeillé tout le uioude, et
monsieur Brédif le premier! Dans le premier moment, il a cru
que monsieur partait pour BniieHes. . .
HERGÀDET.
Allons donc! je paye...
JUSTIN*
Monsieur se dérange I
MERCADET.
Tu te crois déjà mon iMna'étmre!... Je le pardonne, Justin, car
ttt me cttopveudsU.
JUSTQL
Celte hediaeest énonnément crottée, monsieur; mais le père
Grumeau a lemarqué qu'elle n'avait pas apporté de bagages...
MEECADET.
Godean avait iellemeut Ute de venir ici réparer ses torts envers
moi, qu'il a laissé ses colis au Havre. 11 arrive de Galculta avec
520 LE FAISEUR
une riche cargaison; mais sa femme est restée. •• Oai» il a fini par
épouser la personne de laquelle il avait un fils, et qui a eu le dé-
vouement de l'accompagner.. •
JUSTES.
Il est fort heureux que monsieur ait passé la nuit à travailler,
car il a pu...
MERCÀDEr.
Recevoir Godeau! vous remplacer!... Vous avez fait bombance!
vous vous êtes grisé, monsieur Justin!...
JUSTIN.
Nous n'avons bu que ce qui restait !...
MERCADET.
Si tu pouvais faire croire qu'il n'y a pas de Godeau, ça modé-
rerait l'ardeur de mes créanciers, et je pourrais traiter avec eux à
des conditions tolérables...
JUSTIN, à part.
Est-il fia! Si cet homme-là n'est pas riche, ce sera une injustice
du diable!
MERCADET.
Envoie le père Grumeau chez mon courtier marron...
JUSTIN.
Monsieur Berchut! me des Filles-Saint-Thomas... A celui-là»
le père Grumeau peut annoncer l'arrivée de monsieur Godeau 7...
IfERCAOET.
Justin, tu feras fortune. Allons! veille à ce que personne ne me
dérange, jusqu'à ce que je t'aie sonné.
SCÈNE II
MERCADET, seoL
Quand Mahomet a eu trois compères de bonne foi (les plus diffi-
ciles à trouver), il a eu le monde à lui! J'ai déjà Justin. Le
second?... on ne peut pas l'abuser! Si l'on croit à l'arrivée de
Goleau, je gagne huit jours, et qui dit huit jours dit quinze en
matière de payement! Je vais acheter, sons le nom de Godeau,
pour trois cent mille francs d'actions de la Basse-Indre, ce matin,
tout à l'heure, avant Yerdelin. Et alors, quand Yerdelin, qui me
ACTE IV 521
croyait hors d'état de lai faire concarrence, et qui n*a pas ea Tidée
de m'intéresser dans cette affaire, en demandera, mon gaillard
déterminera la hausse!... D*ailleurs^ cette nuit, j'ai écrit une
lettre, au nom de plusieurs actionnaires, pour exiger la publicité
du rapport que l'argent de Yerdelin retarde... Berchut fera pa-
raîtra cette lettre dans tous les journaux; en peu de temps, les
actions vont s'élever à vingt-cinq pour cent au-dessus du pair :
j'aurai six cent mille francs de bénéfice. Avec trois cent mille,
je paye Tachât. Avec les trois cent mille autres, je désintéresse
mes créanciers. Oui, mon Godeau leur arrachera bien une
petite remise de quatre-vingt mille francs. Libéré de ma dette, je
deviens le roi de la place! (ii se promène majestaenBement.) J*ai eu de
l'audace!... Aller demander moi-même unelierline chez un car-
rossier des Champs-Elysées, comme si je voulais partir nuitam«
menti Ce diable de postillon, que je guettais, a failli tout com-
promettre par ses remerciineuts. Le pourboire était trop fort) Une
faute ! Allons^ à nous deux I (il oavre u porte de sa flhambre.) Michonuinl
le garde du commerce!...
SCÈNE III
m
MERGADET, DE LA BRIVE, U entre effrayé.
HSEGADET.
Rassurez-vous!... c'était pour vous bien réveiller I...
DE LA BRIYE.
Uonsieur^ l'orgie est pour mon intelligence ce qu'est un orage
pour la campagne, ça la rafraîchit, elle verdoie! et les idées
poussent^ fleurissent !... Invino varietasi...
MFRCADET.
Hier, mon cher ami^ nous avons été malheureusement inter-
rompus dans notre conversation d'affaires...
LE ''la BRIVE.
Beau-père, je me la rappelle parfaitement. Nous avons reconnu
que nos maisons ne pouvaient plus tenir leurs engagements...
Nous allons... (en style de coulisse) être exécutés. Vous avez le
malheur d'être mon créancier, et moi j'ai le bonheur d'être votre
débiteur pour quarante -sept mille deux cent trente-trois francs
et des centimes. ««
5)2 LB JFAlSEDa
MEECADET.
Vous n'avez pas la tête lourde!
DEIABBIVB*
Aiea de lourd, ni dans les poches^ ni dans la conscience ! Qœ
pent-onme rejMrocher! £a mangeant ma tortane^ j*ai fait gagner
tons les commerces parisiens, même ceux qu'on ne connaît pasi
Nous» inutiles!... Nous, oisi&! Allons doncl.- Noos animons la
circulation de Taigent..
JIEECADST.
Par l'aigeut de la circulation !•••
DE LA. fiRIVE.
Oui, lorsque je n'en ai plus ou, je Tai payé cher : B'est-ce pu
l'honorer! On eu a ait un dien^ je n'ai pas lésiné ssr les bm da
culleL^
Oh! TOUS avei bien loste votre inteUigencel.».
Je u'aiplus que cela!
MERGADET.
C'est notre hôtel des Monnaies. Eh bien I dans la disposition où
je vous vois, je serai bref.
BEiA BU^E.
Alors, je m'assieds, papa ! car vous m'avez furieusement Tair^
comme nous disons, nous autres gêiMemenrriders, de marcher
sur votre longe!...
XBacâBKt.
£b affaires, on A le dnrit éfêtre habBv;*. <^ieBH¥aMtttirf|giie.)
L'exœsnf e habfleté n'esft pas rtad^eateSBe, l'Mlltelesse nVsc
pas la légèreté, la légère^ mVst |iiB n&opièbM, mm tMl «sb
s'emboîte comme des tubes ^ kirgtteete. ..
ne là BBanrE, i ^.
Il ne m'a pas grisé pour CMii! ')
CnSn^ feff nuances sont impercepdHes» 0f| tHNilvn qirai
aParrête juste ta Oodfe, si le sottes «rriveL...
nS ÎA BfilVË.
Ahî pardieu, le succès... Je Tai déjl^ dit, et le mot a rCosd...
Le succès est souvent un grand gueuxT...
AGTS IV 523
Nos esprit sont jumeaux !
Monsieur, sur le terrain où nous aocnaiea^ beanconp de gens
d'esprit se rencontrent
KEftCABBT.
Je vom Yob sur b penle dangereuse i|ial inèoe à cette anda^^
cieuse habilelé que hs Mts reprochent aux fûsearsi... Vous avez
goûté aux fruits acides, enivrants du plaisir parisien. La vanité vous
enfonce à plein cœur l'acier de ses griifes ! Vous avez fait du luxe
le compagnon inséparable de votre existence! Ponr tous, Paris com-
mence à l'Étoile et finit au Jockey-Cluh! Paris, pour tous, c'est
le monde des femmes dont on parie trop on déni «a ae parle pas.. »
DE LA BRITE.
oh t oui.
MERCABET.
C'est la capiteuse atmosphère des gens d'esprit, du journal, du
théâtre et des coulisses du pouvoir, vaste mer où l'on pêche I Ou
continuer celte existence, ou vous faire sauter la cervelle...
DE LA BRIYE.
Non! la continuer sans me...
HERCADET.
Vous sentez-vous le génie de vous soutenir, en bottes vernies,
à la hauteur de vos vices? de dominer les gens d'esprit par la
puissance du capital^ par la force de voire intelligence? Âurez-
Tous toujours le talent de louvoyer entre ces deux caps où sombre
Tèlégance : le restaurant à quarante sous et Gtichy?...
DE LA BRHE.
Mais TOUS entrez dans ma conscience comme an voleur, tous
^s ma pensée! Que vouIez-TOus de moi?
MERCADST.
Je veoi Toos sauTer en tous lançant dans te inonde des affaires.
P«roè?
VEEGADET.
Soyez Phonmie qui se compromettra pour moi,.,
DE LA BRITE,
Lea^bomiaea de paiUe peuT&it brûler*.
»<•»
52& LE FAISEUB
HERGADET.
Soyez iacoœbustible.
DE LÀ SaiYE.
Gomment enlendez-TOus les parts?
MERGADET.
Essayez 1 serrez-moi dans la circonslance désespérée où je me
trouve, et je vous rends... vos quarantensept mille deux cent
trente-trois francs soixante-dix-neuf centimes... Eutre nous, là»
vraiment, il ne faut que de Tadresse...
DE LA BRIYE.
Au pistolet, à Fépée...
MERGADET.
Il n'y a personne à tuer. Au contraire...
DE LA BRIYE.
Ça me va.
MERGADET.
Il faut faire revivre un homme.
DE LA BRIYE.
Ça ne me va plus ! Mon cher ami, le Légataire, la Cassette
d'Harpagon, le petit mulet de Sganarelie^ enfm toutes les farces
qui nous font rire dans rancien théâtre, sont aujourd'hui très-mal
prises dans la vie réelle. On y mêle des commissaires de police,
que, depuis rabolition des privilèges, Ton ne rosse plus.
MERGADET.
Et cinq ans de Giichy, hein? quelb condamnation!...
DE LA BRIYE.
Au faiti c'est selon ce que vous ferez faire au personnage I...
car mon honneur est intact et vaut la peine de...
MERGADET.
Vous voulez le bien placer, mais nous en aurons trop besoin
pour n'en pas tirer tout ce qu'il vaut! Yoyez-vous! tant que je ne
serai pas tombé, je conserve le droit de fonder des entreprises, de
lancer des affaires. On nous a tué la prime. Les commandites ex-
pirent de la maladie du dividende, mais notre esprit sera toujours
plus fort que la loi! On ne tuera jamais la spéculation. J'ai com-
pris mon époque! Aujourd'hui, toute affaire qui promet un ga'n
immédiat sur une valeur... quelconque, même chimérique^ est
faisable I On vend l'avenir, comme la loterie vendait le rêve de ses
chances impossibles. Aidez-moi donc à rester assis autour de cette
ACTE IV 525
table toujours servie de la Bourse, et nous nous y donnerons une
indigestion I car, voyezYons, ceux qui cherchent des millions les
trouvent très-diflBdlement, mais ceux qui ne les cherchent pas
n'en ont jamais trouvé!
DE LA BRIVE, àpart.
On peut se mettre dans la partie de monsieur I
MSaCABET.
Eh bien?
DE LA BRIVE. ^
Vous me rendrez mes quarante-sept mille livres ?•••
MERGADET.
Yes^ Hrl
DE LA BRIVE.
Je ne serai que très-habile !
MERGADET.
Ouh I ouh... Léger 1 Mais cette légèreté sera» comme disent les
Anglais, du bon côté de la ioil
DE LA BRIVE«
De quoi s'agit-il?
MERGADET.
D*étre quelque chose comme un oncle d'Amérique» un associé
dans les Indes.
DE LA BRIVE.
Si ce n'est que celai
MERGADET.
Vous achèterez des actions en baisse pour les vendre en hausse*^
DE LA BRIVE.
Verbalement I
MERGADET.
J'ai la signature sociale! Mon associé, car nous sommes toujours
associés, s'en est servi pour endosser les effets qu'il m'a pris en
1830; j'ai bien le droit d'en user aujourd'hui contre lui...
DE LA BRIVE.
Quien, parbleu t.. •
MERGADET.
Du moment où personne ne vous trouvera» ne vous recon-
naîtra. ••
DE LA BRIVE.
Je cesserai d'ailleurs le personnage dès qne je vous en aurai
596 U FAISSOR
dmaé pour qBiraHe-aept mille deux cent troote-tra» francs
Mixanie-dix neuf ceaiîmeF.
Du bruit? Justin écoute I (Très-hant.) Rcatre, Godûio, ta me
perds. Allons t repose-toil... (IltepooMB teula chambre.)
SCSNB lY
MERGADET, JUSHN, BERCHUT.
JUSTIN, à travers la porte.
Monsieur, c'est monsieur Berchut.
MERGADET, oovra la porte.
Bonjour, Berchut. Il y a eu de la baisse hier sur les actions de
la Basse-Indre. ^
B£RCHirC«
Énorme I monsieur Yerdelin en a fait Tendre quelques-unes à
vingt-cinq pour cent au-dessous du versement! La panique ira,
ce matin, on ne sait où!
MERGADET.
Si, à la petite Bourse, ces actions baissaient de quinze pour
cent sur le cours d'hier, je prends deux mille actions»
BERCHUT^ tn« ton carnet et calcole.
Ce serait alors trois cent mille francs.
MERGADET.
C'est cj qee j'ai calculé 1 Au pair, elles vaudront six cent mille
francs.
BERCHUT.
A quel terme, et comment me cauvrirez-vous?
MERGADET.
Une coavertore !••« fi donci Je traite ferme. Apportez-moi les
actions» je paye!
BERGHDT.
Dans la situation otf vous êtes, vous achetex évidemment pour
Godeau.
MS&GADEi:*
Godeau I
BEftGQDX*
Je le sais arrif &«
Soyona termes ! ne nous laissons plus abuser par de faux à-con^le.
ACTE IV 5Î7
VEKCADET.
€hatl je suis perda^ si Ton vient à savoir... Qai vûas a dft eehf
HERGHUT.
Votre portier, que mon commis a faitcanser.
MEBCABKT*
àhl j'ai oobUè de loi sceller la Ixiaclw d*«ne pièce d'or.
BmCHUT.
Eb btenf envoyez donc sa voîiore chex qd carrossier. Si vos
créanciers (car je vous comprends, vous alter Mqmder), sfts la
votent, ib seront intraitables...
BOESCABEr.
Oh! pour avoir de l'argent sur-le-champ, ils feront bien qoet**
ques petits sacrifices. L'argent vivant !.••
BEBGH17T.
Oui, ça se payet... (A part.) Il y a toujours à gagner avec ce
diable d'homme-li»«« MLontraos-nooB bien! (jBbmâ4 Dites donc,
Mercadet, si c'est pour Godeau?...
MB&GAPET^ à paît.
AHotts donc} Bnet*.
BEaCBDT.
Qu'il me donne un .ordre et cek sufiSrat
UE&GADST, à park.
Sauvé! (Haot^ UdMt» mais, dès qu il sera réveillé, vous aurez
BERCHUT.
L'affaire est faite, alors ; Goulard et deux autres spéculateurs
m'ont donné commission de vendre \ tout prix.
VERCADGX.
A terme. ••
BERCHUT.
A dix jours.
HERCAnET.
Eh bien I envoyez tes actions à Duval, car €odeau, oMm cher*
m*a fait Faffront de le prendre pour tianquier...
BERCHUT, à part.
Et il a eu raison f
MERCADET.
CTcst maf, mais que voulez-vous que je diset II a de si bonne»
intentions pour moit... Pas un motf... Nous allons reprendre les
528 LB FAISEUR
affaires !.•• Je vous vois d'ici la fia de l'année cent miUe francs de
courtages chez nous...
BEEGHXIT.
Puis-je prendre de la Basse-Indre pour mon compte?...
HERGADEr, à part.
Encore un compère de bonne foi! (HantoOui, mais poussez
roide à la baisse à la petite Bourse!... Tenez (a loi donne une lettre.)
fiiîtes insérer cette lettre dans tous les journaux, et annoncez-la
lorsque vous aurez acheté... Entre nous, à l'ouverture de la grande
Bourse, il y aura déjà quinze pour cent de hausse! Gardez-moi le
secret sur le retour de Godeau, niez-le I... (▲ part) Il va le tam-
bouriner I
SCÈNE V
UERCADET, MADAME MERCADET.
MERCÂDETy à part.
Bon! voilà ma femme! Dans ces circonstances*là les femmes
gâtent tout^ elles ont des nerfs! (Ham.) Que veux-tu, madame
Mercadet! Tu as une figure d'enterrement...
MADAME MEaCADET,
Monsieur, vous comptiez sur le mariage de Julie pour raffermir
vott-e crédit et calmer vos créanciers» mais l'événement d^hier
vous met à leur merci...
MERCADET.
Eh bien ! vous n'y êtes pas, vous!...
MADAME MERCADET.
Puis-je vous être utile?
MERCADET, à part.
Je vais me défaire d'elle en la brusquant. (Haut.) UtUei voosi
vous vous promenez depuis dix-huit mois avec Méricourt, et voos
gnorez son caractère : il a de Targent, il est le créander de
ilichonniu I... Vous ne serez jamais qu'une bonne femme de mé-
nage!... M'être utile?... Ah! oui^ tenez, il fait un temps superbe t
Demandez une magnifique calèche, habillez-vous, vous et votre
fille, et... allez déjeunera Saint-Cloud, par le bois de Boulogne»
vous me rendrez ainsi le plus gi^od ser?ice.,.
ACTE IV 529
MADAME HERCADET* à part.
n trame quelque chose contre ses créaaciert» je veux tout savoir.
SCÈNE yi
Les Mêmes, JULTË, d'tbord, pnù MINARD.
MERCADETy à sa fille qni traverM le théâlre*
Allez-Tous vous envoler ainsi par les appartements? Je veux y
être seul avec mes créanciers...
JUUE, qui revient niYie de M isard.
Mon père, c'est que c'est. •• Adolphe.
MERGADET.
Eti bien ! monsieur» venez-vous encore me demander ma fille T
JUUE,
Oui» papa.
MINARD.
Oui, monsieur. J'ai déclaré mon attachement à monsieur Duval^
qui, depuis neuf ans, me sert de père, et, comme il a vu naître
mademoiselle Julie, il a fort approuvé mon choix. « C'est comme
sa mère, atil dit^ un trésor d*honneur, de qualités solides, et
une personne sans ambition... » Mademoiselle Julie m'a pardonné
d'avoir eu peur pour elle de la misère...
MERGADET.
Vous aviez raison. Je ne veux pas que ma fille épouse un homme
sans fortune...
MINARD.
Mais, monsieur, j'avais, sans le savoir, une petite fortune...
MERGADET.
Ah bahl...
MINARD.
En me confiant à monsieur Duval, ma mère lui avait remis une
somme que ce bon Duval a fait valoir au lieu de la consacrer à
mon entretien. Ce petit capital se monte maintenant à trente mille
francs... En apprenant le malheur qui vous arrive, j'ai prié mon*
sieur Duval de me confier cette somme, et je vous l'apporte,
iDonsienr, car, quelquefois, avec des à-compte, on arrange...
MADAME MERGADET, a'essayaot let yenz.
Son jeune homme I...
TH. 34
530 LIS FAISEtR
JULIKy e)te serre la main 4» Klotrd.
Bien, bien, AdolfriuiL..
MERGADET,
Trente mille francs!. .. u part.) On pourrait les tripler en ache-
tant des actions du gaz Yerdeiin, et il y aurait moyen d'arriver!...
N'oc! non. (intmpi) Enfant, voui êtfs dans l'âge du déToue*
ment.^. Si je pouvais payer cent mille écus avec trente mille
francs^ 'a fortune de la France, ta miei)ne, celle de bien du monde
serait faite... Non! gardez totre argent.
MINAfiD.
Gomment! tous me refaseZ? (Madame Hercadetrembrasse.)
HEKGADET, a part.
Je les ferais bien patienter un mois. Je pourrais, par quelques
coups d'audace^ raviver des valeurs éteintes; mais l'argent de ces
pauvres enfants, ça me serrerait le cœur... Ou ne chiffre pas
juste en larmoyant... On ne joue bien que Taisent des action*
naires... Non, non! (Haat.) Adolphe, vous épouserez ma fille.
MINÂRD.
Ah! monsieur... Julie,. ma Julie .^
BIERCADET.
Quand elle aura trois cent mille francs de dot
MINARD.
Ah ! monsieur, où noua rejeiez-yons?
MERGADET, à part.
Je ne vendrai les deux mille acilons qu'à vingt-cinq pour cent
au-dessus du pair... (Haut.) Dans un mois, et si vous voulez me
rendre service... (Minard tend le portefeniiie.) Mdis serrcz donc ce
portefeailte î Eh bien f emmenez ma femme et ma fille. (A part.)
Quelle tentation I j'y ai résisté. J'ai eu tort. Enfin^ si je succombe,
je leur ferai valoir ce petit capital, je leur manoeuvrerai leurs
fonds... Ma pauvre fille est aimée... Quels coeurs d'or! CUers
cnfonts je tes enrichirai... Allons instruire mon Godeau. (iiiort.)
SCÈNE YII
Les Méhes, motni MERGADET,
Je voudrais tant racheter ma faute!
âCTE Ï9 5Sl
KADllIE MBRCÂDBT.
Ahl moDsienr Adolphe, le malheur nous sert ta mom à rt-
ooonattre ceux qui nous soM vrdinent atuctiés...
IDUE.
Je ne vous remercie pas, car j'ai coûte la vie pour cela ! Mais,
Adolphe, ce moment où j'ai été fière, ohl bien fière de vous, sera
pour le cœur comme un diamant qui letaini dans les fêles dômes*
tiqaea
MADAME UmCAmSfl.
Ah I mes chers enfants !.. . si TOlre père voulait payer ses créan*
derSp s'il voulait renoncer aux afiaires et aller vivre à la campa-
gne, que nous manquerait-il pour être heureux?... Ohl comme
je soupire après une honnête et calme obscurité! combien je suis
lasse de cette fausse opulence, de ces alteruadves de luxe et de
misère^ les cahots de la spéculation !
JUUE.
Sois tranquille, maman, nous triompherons de la Bourse!
MADAME MERGADET.
Il fendrait, pour convertir ton père, de tels événements, que je
ne les souhaite pas!... Ah! voici le plus âpre de ses créanciers»
un homme qui crie et menace.. .
S€ÈNE YIII
Les Mêmes, GOULARD.
GOULARD,
Madame, pardonnez-moi de vous déranger^ je ne veux pas être
liimportun, je liefis me mettre aux otdres de mon cher ami Mer*
MIMAID^ HaoïAuM Knoultt.
Mais il C8l toôs-poli*
JUlJXy àiMUibni.
Mon père aura trouvé quelque ressource...
(A pwt.) Je le craina. (a GonUriu> Il va venir, aioatteiir..
GomJtsau
J'alfli l'érteemoub henMi qui chaege là fiioede vos' MAreO
joue..
Ahl monsieur, dites-nous la v èsité^ cat nontf nfen awoas neaJ^
533 LB FAiSBUa
GOULABD, à pari.
Est-elle fûtéel...
MADAME MBEGAUBT.
Moosieur, je tous en supplie, quel éyénementl*^
GOULARD.
L'arrivée de son associé, de Godeaa.
MADAME MERGADET.
Ah! monsieQrl ma fille)... Adolphe! ahi qoel boobear!..;
Monsieur, vous avez va Godeaa! revient-il riche?...
GOULA'RD.
Vous le savex bien, il a débarqué chez vousl, . vous doooies h
illiier pour loi; mais il est arrivé trop tard...
MADAME MERCADET.
Godeau ici I .. . cette nuit?
GOULARD.
Oh t j'ai vu sa berline.
JULIE.
Oui, maman, il est venu cette nuit one Toiture...
MADAME MERCADET.
Monsieur^ personne n'est venu cette nuit chez moi, je vous le
jure...
GOULARD.
Très-bien, madame, vous entendez à merveille les intérêts de
monsieur Mercadet!... Il vous a fait votre leçon...
MADAME MERCADET.
Monsieur...
GOULARD.
Mais il ne pourra pas longtemps nous cacher Godeaa !••• Nous
attendrons... un mois, s'il le faut. D'ailleurs, cela se sait à la pe-
tite Bourse; où tous ses créanciers s'étaient donné rendez-vous ce
matin. Godeaa a déjà pris deux mille actions de la Basse-Indre...
Mauvais début On voit bien qu'il arrive des Indes, il ne connaît
pas encore la place I .
MADAME MERCADET.
Monsieur, vous me parlez hébrea...
GOULARD. .
Eh bien! je vais parler français. Tenes, madame, je ferai un
petit sacrifice sur ma créance, si vous voulez me donner les
moyens de m'entendre avec Godeau...
ACTE IV 533
JULIE.
Monsieur, ma mère et moi nous ne comprenons rien aux
affaires! ..
GOULARD, à part.
Comme ce gaillard-là sait se servir de sa femme I et quel air
d'ingénuité la ûlle et la mère savent prendre! Je me marierai !...
MADAME MERGADET, à Goulard.
Alonsieur» je vais tous envoyer mon mari. (A •« mie.) Je crains
la hardiesse de ton père... S'il veut nous renvoyer, c'est qu'il a
peor de nous. Obi celte fois, je vais surveiller ses opérations.
(Jttlie et ta mire lortent.)
SCÈNE IX
GOULARD, MINARD.
GOULARD.
Écoutez, monsieur, je sais que vous épousez mademoiselle
Mercadet, Doval me l'a dit. Si le vieux père Duval vous a con-
seillé ce mariage, c'est qu'il savait l'arrivée de Godeau, car Go-
deau n'a confiance qu'en Duval. Berchut sait tout!
MINARD.
C*est vous qui m'apprenez l'arrivée de monsieur Godeau.
GOULARD.
Bien! vous vous regardez comme étant de la famille, et vous
êtes dans le complot du silence l... Eh bien^ tenez, c'est dan,
l'intérêt de Mercadet : dites à Godeau que s'il veut Aie payer sur*
le -champ, je fais une remise de vingt- cinq pour cent..
MINARD.
Monsieur, je n'ai point encore le moindre droit à m'occuper
des affaires de monsieur Mercadet, et il trouverait, je crois, très-
mauvais que je... D'ailleurs, le voici...
SCÈNE X
Les Mêmes, MERCADET, pui JUSTIN.
MERCADET.
Mon cher Adolphe, ces dames vous attdendent. (Bas.; .emme-
nez-les déjeuner à la campagne, ou vous n'aurez jamais Julie»
53ft L9 FA1SBDR.
»
Je TOUS le promets. •• (n tort.)
MERGADET.
Eh bien, Goalard, vous êtes tons décidés, ro'a-t-on dit hier, \
me faire déposer mon bilan! Tons prétendez que je suis on fai-
seur...
Toasl on des hommes les plus capables de Paris! mi Iiomme
qui gi|;nera des miHions dès qu'il en aura un f
VBRCABET.
Ne VOUS étes-vous pas assemblés pour...
GOULARD.
Pour savoir comment vous aider ! nous attendrons, moa cher
ami, tant qu'il vous plaira..
MERCADET.
Un mot du lendemain ! Je vous remercie comme si vous m'a-
viez dk ceh» OM» cher^ hier matin... (JoiHb «rtn.) Que foolez-
VQBS, Justin 7
JUSTm, bas.
Monsieur... Bunsieur Vioietie m'offre soiiaole IcMca si je loi
fais parler à monsieur Godeau^.
HERGAttET.
Soixante francs ! ... (▲ part.) Il me ies a volés !. . .
JQSTUf.
Nonaieur ne veut pasque je perde <xi.prD6t«4à.1*«*
Laisse-toi «ooDopreL». t« devieoa lite-8eciétMr«f«liete
livre aussi celui-là... tonds-le. .«
OhldaisrteU
MERCADET.
Goulardi vous permettez?... J*ai deux mots à écrire relative-
ment à ce que Justin vient de me dire.. . (neretdet aort)
SCÈNE XI
GOULABD, JUSTIN.
OOULAi i.
J ai oompflK**
â€TC IV 535
MôttÉievf flU fli Bii1<«*
Combien Violette, il est là, t'ofifre-t-il pour loi faire pttUsf ft
monsieur Godeao?
JrMsnJI.
Monsieur sait que monsieur Godeau?,.. Non» il ne m'a rien
offert. ••
GOUIARD.
Que t'a-t-il donné?
JUSTIN.
Pour trahir monsieur, qui m'a tant recommandé de cacher
l'arrivée... damel dix louis.
GOULARD.
£n voiTà quinze» mon garçon î
JUSTIN, à part.
Ahl si monsieur Godeau pouvait venir souvent I...
GOULARD.
Mais je le verrai le premier!... Une créance de soixante-quinze
miOe francs. «
JUSTIN.
Si monsieur veut attendre avec monsieur Violette dans un ca-
binet noir, j'irai vous avertir au moment où monsieur Godeau
déjeunera, car monsieur veut qu'il soit servi dantf ce salon.
GOULARD.
BienJ <ii«orto
JUSTIN.
Ils seront là comme du poisson dans un vivier» et je les meltnd
dedans tous les uns après les autres...
SCÈNE XII
JUSTIN, MJSaCÂDET.
Ehbienl
raiiendrti ta» ofiM «te ttoasicvr p6«ir fa} MMer v«lr
siearGMhao^
536 LB FAISEUR
MEUGADET.
Va, mon garçon, fais ta recetie, et surtout n'écoute pas ce que
nous dirons, Godeau et moL.. (A part.) Il va Tenir coller son oreille
à la porte 1
SCÈNE XIII
MERCADET, puii DE LA BRIYE.
MEAGADET, mi moment seul.
C'est effrayant comme il ressemble à Godeau, tel que je me le
figure après bientôt dix ans de séjour aux Indes. .. Venez. ••
DE LA BRIYE, dégnîsé.
Ah! mon cher ami! quel affreux climat que le climat de Pa-
ris I... Si je n'avais pas mon fils ici, je n'y serais jamais revenu;
mais il était bien temps d'apprendre à ce pauvre garçon que son
père et sa mère se sont mariés...
MERCADET fait du brait à la porte et Éoime.
^ Ah ça ! vous avez donc joué la comédie, vous êtes supérieure-
ment grimé...
DE LA BRIVE.
Mon début, en 1827, fut une marquise d'un certain âg.e qui
aimait à jouer les jeunes premières; elle avait à sa terre^ en Tou-
raine, un théâtre, (Jastin entre.)
MERCADET.
Du feu I pour le houka de monsieur. Tu verras à servir ici, sur
ce guéridon, le thé de monsieur.
JUSTIN.
Monsieur^ Pierquin essaye de corrompre le père Grumeau...
M^RGADET.
Laisse entrer^ dès que ma femme et ma fille seront sorties.
(Mercadet allame le fourneau du honka.)
JUSTIN.
Il le soigne comme nn actionnaire fondateur... (instiBsert le dé-
jeuner.)
MERCADET.
Écrivons nn mot à Duval pour Je prier de me seconder» Il est
bien puritain. Bah! puisqu'il s'intéresse à Julie, il me sauvera.
ACTE IV 537
(Mereadet éerit mir le devant de la seène.) (A Jnstin.) Faites porter Ce mOt à
Dnval par le père Gromeau. (JuUa aort.) Quelle aadace t Mais si les
actions de la Basse-Indre allaient rester au-dessous du pair 7...
DE l BRIYE»
Oui, que nous arriverait-il?
MERCADET.
Bab ! le hasard, c'est cinquante pour cent pour, et cinquante
pour cent contre.
SCÈNE IIV
Les Mêmes, GOULÂRD, VIOLETTE.
GOULARD, à Violette.
Quand je vous le disais I. .. Il le garde comme un capital de
réserve...
VIOLETTE,
Mon cher monsieur Mereadet...
MERCADET.
Pardon! je suis en affaires...
GOULARD.
Nous savons avec qui...
MERCADET.
Bah ! je vous en défie. • .
VIOLETTE.
Le bon monsieur Godeau...
MERCADET.
Quel conte vous a-t-on fait! Je vous déclare, père Violette,
que monsieur n'est pas Godeau. Je prends Goulard à témoin de
cette déclaration...
GOULARD, à Violette.
Il ment comme un prospectus ; mais, en affaires, cela se fait.
VIOLETTE.
Sans cela le commerce serait bien malade. ..
GOULARa
Enfm, monsieur le représente au naturel, je le reconnais..*
r ncv., Vercadet, n'essayez pas de le nier. ..
SS8 IM FAI9BDR
MEBGAJWT*
Je ne tde pif qat Godeau*.. {n4iM]i «wis.) CkideMi, tor le
compte ée qui le m'étais ealîèremeitt tiMopé» je KnkfarM poe-
voir le dire à tout Paris, que k probe, qae le délicat, le bon Go-
deau, homme capable, plein d'énei^ie, M puisaeétce en «oute,
€t sur le point d'arriver.
YIOUETTEtf
Nous le savons, il est revenu de Calcutta,
GOULABD.
Avec une fortune.. •
HnCABET.
Incalcuttable t
BOOXJMk
C'est heureux 1... On le dit nabab t
VIOLBTTR
Conrmeiit parte-t*oii ) un nabab?
MERGADET, à Violette, qui l'aTUoe.
Ohl ne lui parlez pas... Comment voulez-vous que je le laisse
en... ennuyer par mes créanciers T
GOULAKD, qui s'est glissé josqn'à da U Britt.
Excellence !
MEBGADET.
Goulard, permettez!^., je ne souffrirai pas«««
VIOLETTE.
C'est tout à fait un Indieiu
MERCADEt.
Il a beaucoup changé! Le» ladeaont un effet snr les gens..
Ymm «om|prenez.U. k cbo&érat k carrick (carey),. k piment...
Payez-moi ce que me doit votre ami Mercadett. et j'abaBdenae
vingt pour cent.
Avez-vous les papers ?...
Ohl Goulard.
GOULABD.
Mon ami» il ne demande qp'à payée»**
ACTE IV 539
SCÈNE XV
Les Mêmes, MADAME MERCADET. Quand elle omte U porte, om
aperçoit nn groape de créanciers. Elle fait ligne à Julie et à Minard qui l'accom-
pagnent, de passer dans sa chambre, et ils y passent.
MEAGADET, à part.
Boni elle va faire an coup de probité bSte qui me inera...
MADAME MERCADET, aux denz créanciers.
Messieurs, arrêtez!... Monsieur Alercadet est la victime d'une
mauvaise plaisanterie cen regardant la Brive), fàime à le croire, qui ne
doit pas vous atteindre dans vos intérêts...
GOULARD.
Madame.. •
MADAME MERGADEC
Monsieur n*est pas monsieur Godeau.
MERCADET.
Madame I...
MADAME MERCADET, à Mercadet avee fen et antorillk
Vous êtes trompé, monsieur, par un intrigant ••
VIOLETTE.
Mais alors, madame ?.««
MADAME MERGADKT.
Mesûeon, si vous gardez le silence sur atuà entniprise ^e je
ne veux pas qjialifiec, tous serez payéa^«
El par ^ps» ê% vooft pkdt, ma i^te damet
MASAMB laftCASBr»
Par monsieur Du val !«•• (llAvraaBDt^ea dewaoïéaneiers qui se oonaoUent^
maCÂBKTy 4 fttl.
EKe-«&.. •aileval^
Allez chez lui ce soir, vous m'y troswres, et tous les crêancien
WÊÊÊitwr Mercadfli tertm satMMtn^
VI0CBTTS«
Ob! alors !••• (lis lortent.)
••
5ii0 LE FAISEUR
SCÈNE XVI
Lee MâMES, moins GOULARD et VIOLETTE.
DE LA BRIYE.
Savez-vous bien, madame, que si vous n'étiez pas une femme?.
Je suis monsieur de la Brive.
MADAME MERGADET.
Vous, monsieur de la Brive? non, monsieur.. •
MERGADET.
A-t-elle de l'audace ! je ne la reconnais plus.
DE LA BRIYE.
Gomment? je ne suis pas moi?
MADAME MERGADET.
Monsieur de la Brive^ monsieur, est un jeune homme que j'ai
pu juger hier, à dîner. II sait que les dette ne déshonorent per-
sonne quand on les avoue, quand on travaille à les payer; il a de
l'honneur, il les payera, car il a devant lui toute sa vie et il a trop
d'esprit pour la vouloir flétrir à jamais par une entreprise que la
justice pourrait..
. DE LA BRIVE.
Madame, je suis bien réellement.. •
MADAME MERGADET.
Je ne veux pas savoir, monsieur, qui vous êtes! mais^ qui que
TOUS soyez, vous apprécierez, je le crois^ le service que je viens
de vous rendre en vous arrêtant sur le bord d'un abtme.. •
DE LA BRIVE.
Madame, votre mari m'y a précipité en me promettant de m
rendre des titres qui me barrent mon avenir. .•
MADAME MERGADET.
Mon mari, monsieur, est un honnête homme, et il vous les
rendra!... Nous nous conlenterons de votre parole, et vous vous
acquitterez quand vous aurez loyalement fait votre fortune.
DE LA BRIVE.
Ah! madame^ vous m'avez ouvert les yeux! Je suis monsieur
de la Brive : c'est vous dire que, dès ce moment, j'entrerai coura-
geusement dans la voie du travail.
ACTE IV 5&1
MADAME MKBCADET.
Le droit chemin, monrienr^ celai de l'iionneoff est pénible^
mais le del y bénit tous vos efforts I...
MSRGADST, à part.
On a do crédit, comme çai comptez-y, jeone homme 1
DB LA BRITE.
Gomment reconnaître?... je vous serai fiiialement attaché pour
le reste de mes jours. (Il loi baise k main atee reapoet, salve Mareadet et rentit
dans la chambre de ce dernier.)
SCÈNE XVII
MBliCADBT, MADAME MEHCADET.
MEEGAOBT.
Ah çàl nous voilà seubi Vous venez de me ruiner^ madame!
Ha liquidation allait se faire comme par enchantement! Vous avei
donc rencontré, je ne dirai pas le Potose^ mais la planche à billets
de la Banque de France?
MADAME MEEGADET.
Non, monsieur, j'ai rencontré Thonneur.
MBaCADET.
Abl ah! Était-il accompagné de la fortune?
MADAME MEBGADET.
Obi ne plaisantez pas, monsieur. Je suis une pauvre femme,
sans aucune science que celle du cœur, et à qui le pressentiment
qui nous éclaire sur les intérêts de l'homme dont nous portons le
liom a dit que vous alliez jouer la fortune contre le déshonneur.
Pardonnez-moi, je crois plus au déshonneur qu'à la fortune. J*ai
voulu vous voûr. rester probe, loyal, courageux, enfin tout ce que
vous avez été jusqu'à présent.
MERGADBT.
J'étais debout, jusqu'à cette heure, et vous venez de me mettre
aussi bas que l'emprunt d'Haïti.
MADAME MERCADET.
Monsieur, ce n'est, direz-vous, que des idées de femme, mais
laites-moi la grftce de les écouter 1 J'ai peut-être encore deux cent
mille francs de fortune, prenez-les pour satisfaire tous vos ciéan*
ciers.
542 LB* FAiSffiJB
lOBIMSÂDBr*
Et aprètî oms SMons aastî paujrves: qam TBipagMl
MADAMK HBHCAMrn
Nous serons riches de ceosidéralkmi
KÊMCATfETt
£i puis?
VABAHS MEBCADffP.
Votre fille et votre gendre,, \Qivt lemne: et vo«, monmear, eb
bien! nous travaillerons!... Oui, nous recommencerons la vie
avec le petit capital d*Adolphe^ et nous gagnerons la fortune né-
cessaire à vivre dans une honnête médiocrité, sans chances, mais
heureux... £n spéculant, monsieur, il y a mille manières de faire
fortune, mais je n'en connais qu'une seule de bonne, que la brave
bourgeoisie n'aurait jamais dû quitter : c'est d'amasser l'argent
p r le travail et par la loyauté, non ptir des ruses... La patience,
h lagesie, réconomie, seni trois vertus ctomeslîcfues qui conser-
lent tout ce qu'elles donnent N^Msistes pas^ monsieur. Yoiis êtes
cfttre une femne qoî vous aime, qm vous estlnse,, er des enfants
qui vous chérissent : laissez-nous vénérer toujours ee que nous
aimons... Quittons cette atmosphère de mensonges, de finesses^
cette fausse opulence q« n'eo impose pU» à personne. N^euesions-
nous que du pain, nous le numgevoB» gaiement^ et il ne nous res-
tera pas dans le gosier comme les délkateases de ces festins où
l'on se rit des actionnaires ruinés^
XERCASET, i pftrt.
EhiMNz raîsoû obc fois à vetre femme, ci voue été» à jamais
aniittlé 431)9 votre anéoage Les femmes se âiscitf généreoses, mais
lear géAésrwité* a des intermittences,, comme leefièvvea qnarlei.
MADAHB XERCADET*
Yeosiiésiteriesl^».
MERCAOET-
Vous venez de renverser, a>viec d'excellentes intentions, la for-
tune que j'avais, enfia trouvée, •« et vousi îroulei que jei low re-
mercie! Vous vous mêlez de me juger?*..
MAIkAMS MERGAOEI.
Non, memieQrt je ne vous juge pas*.. (A s«ii.) Ahl qwile UMe !
i^aut.) Laissezrmoi consulter Ià-des8u& deux cœme dreits^ pfUSr
d'une d^Ucatesse que le contact du naoede n'a pMenœre.effltiBéa.
Faites-moi la grâce d'entrer dans votre cabinet pour deux miaulai
ACTE IV 5^5
M£RGÂB£T.
Voyons 1... (A pan.) J'y poarrai réfléchir au parti que je doi»
prendre.
SCÈNE ÎYIH
MADAME MERCADET, puis JULIE, MINARD.
MÀDAHE MERCADET.
Mes enfants, venez...
HINARD*
Nous voici I Que voulez-vous?
MADAME MERCADET.
Votre père se trouve dans une situation encore plus affreuse
que je ne le croyais, et il s'agit cette fois, comme il le dit, de
vaittcro ou de moniir. Or, avec beaucoup de ruse et d^indace, \\
payerait ses dettes et aurait en peu de temps une fortune. Notre
aide et notre intelligence sont nécessaires pour faire réussir un
plao tpès-hardr. Si tout le monde croit au retour de Godeau, si
vom, Addpile» vous vous déguisiez de manière à faire son per-
sonmige... (HoaTement de Minard.) monsieur Mcrcadct pourrait ache-
ter, sous son nom, des actions, et obtenir de ses créanciers de
fortes remises. Les actions doivent monter et tout payer en peu
deieopt: achat et créanciers... Il nons faudrait te concours de
monsieur Duval.. .
JDUS.
Qhl maman I votre attachement pour mon père vou^ égarer
Pardon ! il ne pe«l pas avoir fait un pareil pkn^ et je n'épouserai»
pas Adolphe, s'il..*
ADOlfSE.
Obi bien, Julie!... (ii loi baise la main.) Madame, demande^moi
ma vie et tout ce que je possède!... mais tremper dans une...
Ohl j'irai supplier monsieur Duval de donner Tappui de son
crédil à monsieur Mercadet; mai^souig» dose, madame^ à ce que
vous me demandez?... C'est une...
MADAME MERCADET, tivement.
Une rouerie!
MINARD.
C'est bien pis! En supposant un plein succès, un homme serait
encore déshonoré!... C'est...
^Ull LB FAISEUR
JULIE.
Adolphe ! n'achevez pas I
lONÀBD.
Au uoin de tout ce qae Toas avez de plus cher» madame» re-
noncez à ane idée pareille : ma» la faillite vaot mieux, on s'en
relève; et icl.«
SCÈNE XIX
Les Mêmes, MëRGADET.
«
MSnCADVT.
Adolpbel voua épouseriez la fille d'un failli!
MHÏARD.
Oui^ monsieur, car je travaillerais à saréhabiiitation... (Menadsi,
M femme et sa fille entoureiit Adolphe.)
MERCADET, à put.
Je suis vaincu!... (A ta femme.) Vous êtes une noble et bonne
créature. (A part.) Combien de gens cherchent uq pareil trésor 1
Quand on Ta, c'est une folie que de ne pas y tout sacrifier... (Hant )
Vous méritiez un meilleur sort!...
KADAMB MERCADET.
Ahi mon&ieur, vous voilà tel que vous étiez avant le départ de
Godcau.
MERCADET.
■
Oui, car je suis ruiné, mais honnête! Oh! je suis perdu I...
(A part, poar être entends.) Je sais cc qui me rcste à faire I
MADAME MERCADET.
Je tremble! Mes enfants, ne quittons pas votre père, aiaeourent
tout trois après Meroadet.)
rar DO QUATRIÈME ACTE,
ACTE CINQUIÈME
SCÈNE PREMIÈRE
JUSTIN, THÉRÈSE, VIRGINIE, BRÉDIF. Justin^entre U prcmîar
et fait signe à Thérèse d'atancer; Virginie, munie de ses litres, avance hardi-
mentsar le canapé. Brédif entre ters le miliea do la scène; Justin Ta regarder
par le troo de la serrure et colle son oreille & la porte.
TU£RÈS£.
Est-ce qa'ils auraient par hasard la prétention de nous cacher
leurs affaires?
VIRGINIE.
Le père Grumeau dit que monsieur va-^êlre arrêté. Je veux
que Ton compte nia dépense. C'est qu'il m'en est dû, de cet ar-
gent, outre mes gages!
THÉRÈSE.
Ohl soyez tranquille, uous allons tout perdre. Vous ne savez
donc pas ce qu'est une faillite?...
JUSTIN.
Je n'entends rien : ils parlent trop bas ! Monsieur se méfie tou-
jours de nous.
VIRGINIE.
Monsieur Justin, qu'est-ce donc qu'une falite?,..
JUSTIN.
C'est une espèce de vol involontaire admis par la loi, mais ag-
gravé par des formalités. Oh I soyez calme, on dit que monsieur
liquide...
VIRGINIE.
Qu'est-ce que c'est que ça ?.,.
JUSTIN.
La liquidation, c'est toujours !a faillite, ruais compliquée par la
bonne foi du débiteur... qui supprime les formalités...
TU. 35
546 U FAISECR
THEfiiSE.
Usait tout^ Justin!...
JUSTIN,
C'est des phrases à monsieur : je suis son élSve^..
BREDIF. Il entre sans être m.
Oh! pour le coup j'ai mon appartement, non pas dans trois
mois, mais dans quinze jours!... ITy a fait bien des frais! il adoré
les salons. Oh ! c'est pour moi mille écus de rente de plus...
JUSTIN.
Voilà, monsieur. (Tons se mettent en place an food de la scène poar n'être
pas vos.)
SCÈNE II
Les Mêmes, MERCADET. ii est abatm.
MERCADET.
Que voulez-Tous^ monsieur Brédift votre appartement? yous
l'aurez!...
m
BREDIF, à part.
Je voudrais le voir parti, car ce diable d'homme a des rcs-
sources. (Haat.) iMonsieur, vous trouverez tout naturel que je m'in-
téresse beaucoup plus à un locataire qu'à des gensr comme vos
ciéanclers, qui m'ont usé les marches dé mon^ escalier.
MERCADET.
Oh ! inspirer là pitié ! ... •
BRÉDIF.
Yous savez que je possède la' maison contiguê à la mienne, rue
de Ménars. Donc, au Uout de mon jardin, j^aL' une* porte de sortie
donnant dans la cour de cette seconde maison.
MERCADET.
Eh bien ?1...
BRÉDIF.
Si vous voulez fuir...
MERCADET.
El pourquoi?...
BRfbiF.
Mais votre affaire se sait On parle de plainte. ..
ACTE V 547
MERGADET.
Oh! voici donc toutes les horreurs de la faillite ^ cette agonie
^e rbonneur des négociants.. • (n voit ses gens.) Que faites-vous là?
^llez-Toas-en !
JUSTIIS.
Nous ne demandons pas naieux, monsieur^ mais nous altea*
4lons...
HEKCADET.
Quoi?
THERJSSE.
:Nos gages...
UERGADET.
Allez chez madame fiercadet, elle tous payera. (A Brédif.)' Je
Teste ici, mon cher monsieur Brédif.
BRÉDIF.
¥ou8 ne connaissez donc pas le danger de votre position f
MERGADET.
.Ifla position «.. elle jest excellente. ••
BRÉDIF.
11 perd la télc T. ..
MERGADET.
Que me donnez-vous pour rompre mon bail) Vous y gagnerez
trois mille francs par an, sept ans font vingt et un mille francs.
Composons.
BRÉDir, k part.
'Non, il ne perd pas la tête. (Hant.) Riais, mon cher monsieur^.
MERGADET.
Ma fortune est au pillage^ je dois faire comme les faillis : en
^prendre ma part.
br£dif.
Vouf ne savez donc pas qu'en cas de plainte, Je serai témoin?
BOERGADET.
Témoin de quoi?
BRRânr.
Et la berline arrivée vide !
MERGAlffiT.
Je deviens fou! ah! ma femme avait raison! (A Br^dir.) Brédif|
^Ucz aux Champs-Elysées, allée des Veuves I
5^8 LB FAISEUR
BRÉDIF.
Eh bien 7...
MERCàDET.
Vous y verrez bien plus d'une berline vide! vous en verrez des
centaines. •• et toujours vides...
BRÉDIF, à part.
Oh! ses créanciers auront aiïaire à forte partie. (Haut.) Votre
serviteur I
MERGABET.
De tout mon cœur...
SCENE III
MERCADET, seul, puU BERCHUT.
MERGADET.
Quelle avidité!... C'est dans l'ordre! la rivière a plus soif que
le ruisseau... BercbutI ab! voilà ma punition! Allons! patau«
geons dans les boues de l'humiliation. Brédif était la sommation,
lui, c'est le premier coup de feu. (Haut.) Bonjour, mon cher Ber-
chut.
BERCHUT.
Bonjour, mon cher monsieur Mercadet.
KERCADET.
Eh bien ! vous avez dix degrés de froid sur la figure. Est ce que
ks actions de la Basse-Indre ne sont pas en hausse?
BERCHUT.
Si fait, monsieur. Nous atteindrons au pair ce matin, à Tortoni;
pais, à la Bourse. On ne sait pas où cela peut aller I le fea j est.
Votre lettre fait des merveilles. La Compagnie a senti le coup, elle
va déclarer à la Bourse le résultat des opérations de sondage, et la
mine de la Basse-Indre vaudra celle de Mons.
MERCADET.
Yous en avez acheté pour vous d'après mon conseil?...
BERCHUT.
Cinq cents...
ACTE V 549
MERCADET, le prend par la taille.
Vous me devez cela. Mais je suis enchanté de vous avoir mis...
ah ! ah 1 cinq cent mille francs peut-être dans votre poche. Madame
Berchat voalait nn éqaipage, elle Taural... Mou cher, les jolies
femmes à pied, moi, ça me navre; mais à vingt pour cent au-
dessous du pair, réalisez!
BERCHUT, à part.
C'est le roi des hommes, il n'a jamais fait de mal qu'à ses
actionnaires I
MERCADET.
El puis, voulez-vous un autre conseil? quittez la coulisse!...
Souvenez-vous de ce grand mot de TËvangile applicable aux
'dfTaires : Celui qui se sert du glaive périt par le glaive...
BERCUTJT.
»<
Vous êtes un brave homme I Tenez, entre nous, vous avez
«liïaiicà des ennemis implacables, (iitire an papier.) On m'a dit que ' '
cï'iait un faux!
MERCADET.
Un faux! c'est écrit par moi. ..
BERCHUT.
Ainsi Godeau n'est pas à Paris!...
MERCADET.
Tenez! vous êtes un brave homme; allez chez Duval, vous y
trouverez l'argent qui vous est dû pour les deux mille actions..*
Qu'avcz-vous à dire, mon vieux?...
BERCHUT;.
Si je suis payé, je laisserai cet ordre à monsieur Duval... Mais,
cher monsieur Mercadet, je voudrais pour vous que Godeau s'y
trouvât..
MERCADET.
Vous êtes un digne homme, Berchut. (A part.) Me voilà tiré du
\)!us mauvais pas!...
BERCHUT, à part.
Ma foi! d'autres que moi le pendront. (Haat.) Je vais chez
)uval...
MERCADET, seul.
Allons I je me ruine, il faut envoyer Adolphe chez DuvaL (U ori«
tans l'appartement.) Adolphe ! Adolphc !
5S0 LB FAISEUR
SCÈNE IV
MERCADET, MINARD.
HERGABET.
Mon ami, courez chez Duval. Vous savez tout, obtenez de b
qVil satisfasse fierchut, et je suis sauvé!
MINARD.
J'y cours.
KERGADST Toit Tenir Terdeliny Pierqnin et Gonltrd» qoi causent arec Violette et-
d aatiet crèaneien.
Ah! ?oîIà rennemi,.. J'aurais dû quitlefi aller me promener
dans les bocages de Yille-d'Avray,.»
SCÈNE V
MERCADET, JUSTIN, puis VIOLETTE, GOULARD^
PIERQUIN et VERDELIN.
UERCADET.
Adieu, Justin^ tu perds un bon maître.
JUSTIN, ùpart.
Je ne suis pas encore assez fort pour quitter monsieur... (Haat.>
Je suis encore à monsieur pour dix jours. ..
MERCADET.
Ma femme a-t-elle fini?...-
JUSTIN.
Obt Virginie a la tête si dure! avec elle un et un font toujours-
trois, et avant qu'on lui ait démontré que un et un fout...
MERCADET.
Font on...
JUSTIN, à part.
Comme monsieur m'amuse I ... il a le malheur spirituel, en ■'éioigne.)>
YIOLSTII»
Ahl monsieur...
MERCAipiT.
Eh bien ! père Violette! que vouicz-vous? tout casse, même les
ancres! Bahl je ne serai pas le seul; la compagnie est nombreuse.
ACTE V 551
VIOLETTF.
Non! nonl Des hommes comme vous sont rares! Tous auriez
dû avoir des fils. . . Payer les intérêts, les frais ! là, rubis sur l'ongle.
J^avais beaucoup crié, je vous en demande pardon, je ne croyais
plus au retour de Godeau...
MERCADET.
Hein? Vous dites?... La plaisaïUcrie est hors de saison.
OOULA&D.
Mon cher ami» je vous ai iaéconau, je suis tout à vous.». C'est
sublime...
MEUCADET,
Âh ! ils sont venus se venger!...
PIERQUIN.
Je ne fais pas de phrases^ moi! je ne dis qu'un mot: c'est très-
bien ..
TEUIGLIN.
Il y a plaisir à être ton ami ! Ton est fier de toi !
PIEROUÏH.
Qad piaistr de faire des affaires avec vous!
VIOLETTE.
Je voudrais vous laisser inon argent.
GOULâRD.
Vous êtes un homme honorable, houorabiilssime» car enfin nous
aurions tous cédé quelque chose...
HEROum.
Hmtoralile! Cest «■ homme de Flntarque !
"WSRDELIÎT.
£l serviafateL.«
M£B£;àB£T.
Âh çà ! messieurs, avez-vous tous assez insulté k mon malheur?. . .
Tous riez! mais j'ai pris une résolution terrible, et je suis en-
chantô de vous avoir tous là. Je vous le déclare, si vous ne voulez
|)as m'accorder le temps de vous payer, je me coupe la gorge, là,
devant vous I... (Il tire nn rasoir.)
YEEDELIN.
Serre donc cet argument-là, mon cher; tout le inonde est payé
par Godeau.
MERCADET.
Godeau!... Mais Godeati est un mythe! est une fable! Godeau.
c^est un fantôme... Vous le savez bien...
552 LE FAISEUR
TOUS.
Il est arrivé...
De Calcutta?
Oui.
MERGADET.
TOUS,
GOrLARB.
Avec une fortune incalcuttable^ comme vous le disiez.
MERGADET.
Ml çà! l'on ne plaisante pas ainsi devant une faillite.,
i.«
SCÈNE VI
Les Mêmes, BERCHUT, puis BRÉDIF, puis MINARD,
. BERGHUT.
Pardon, mille pardons! mon cher Mercadet. Voici vos actions:
elles ont éié payées.
. MERGADET.
Par qui? .
BERGHUT.
Par Godeau, comme vous me l'aviez dit.
MERGADET, il le prend à part.
Bercbut, vous ne voudriez pas, vous à qui j'ai fait gagner...
BERGHUT.
Cent cinquante mille francs! Nous sommes au pair.
MERGADET.
Vous avez vu Godeau?...
BERGHUT.
Il m'a dit que ces actions étaient à vous.
MERGADET.
Godeau?
BERGHUT.
Lui-môme I... arrivé du Havre.
BREDIF.
Monsieur, voilà vos quittances... (A part.) Je n'aurai pas mon
tf parlement.
ACTE IV 553
HERDADET.
Je rêve (Hinard parait.) Adolphe, ta De me tromperas pas, toil
Godeaa. ..
MTNARD.
Mon pèrej monsieur, est à Paris, et, comme vons l'avez dit, il
a, depuis mi an, époasé ma mère. Reconnu (ils légitime, je mo
nomme Adolphe Godeaa,
MERGADET.
Il a payé ces messieurs!
MINARD.
Tous, scrapaleusement. Il a payé Berchut, et vous prie de garder
ces actions comme un à-compte sur votre part dans les bénéfices
de ses affaires aux Indes...
MZRCABET.
Salut, reine des rois, archiduchesse des emprunts, princesse
des actions et mère du crédit! Salut, fortune tant recherchée ici,
et qui, pour la millième fois, arrives des Indesl... Oh! je l'avais
toujours dit, Godeau est un cœur d'une énergie... et quelle pro-
bité!... Mais va donc les appeler! ai pousse Hinard dans rappartement.)
Messieurs, je suis charmé de. ..
BERCHUT.
Je vous prie de me continuer votre confiance.
MERGADET.
Oh! mon cher, je dis adieu à la spéculation.. .
YERDELIN.
Nous nous retirons pour te laisser en famille. Quant aux mille
écus, je les donne à Julie pour deux boulons de diamants.
MERGADET.
II devient reconnaissant, il n'est pas reconnaissable.
SCÈNE VII
MERGADET, MADAME MERGADET, JULIE, MINARD.
JULIE.
Ah! papa, quelle belle âme ! Il est millionnaire et il m'épouse. ••
Je ne sais pas si je...
MERGADET.
Ne fais pas de façons ... va !
55^ LE FAISEDB.
MADAME MERCADET.
Ah ! moa aiidL«. $eiu pi«iire.)
MERCADET.
£h bien, toi si courageuse dans les adversités...
UàDÀME MEBCADKI.
Je suis 8»» force ceittie le plabk de te leic astuté;** ridK^««
MERCADET.
Riche, maïs honnête... Tiens, ma femme, mes enfants, je vons
l'avoue.. . eh bien I je n*y pouvais plus tenir, je succMobûs à t«it
de fatigues... L'esprit toujours tendu» toujours sous les armes !.••
Un fsèàwt »nii|»én,.. Par noiBests, jie Kmbis fak^^ Qklk
repQiw..
MINARD.
Monsieur^ mon père vient iL'aebHcr une terre en Tonraine;
soyez amt yàuim. Faites eoaHiie M^ coiployci use paEtîfc de voM
fortooeeiilefresw
■ABIMS imCABiEr»
Oh ! Bkw uni» la caapagne.».
MI&G!âJB£T«
Tout ce que tu voudras !• . .
MADAMl MESCADET.
Tu t'ennuieras.
Nonl Après les fonds pub&ks» les fonds de ferre £ ragricullare
m'occupera!... Je ne suis pas iâebé d'étudier cette industrie-là...
Allstts!..«(nimML)
Que vent monsieur?
ME&CàBESr.
Une voiture... (A part.) J'ai montré tant de fois Godeau qnefa
bien le droit de le voir. (HnL> Aiions voir Godeau !
FOI DD rAlSETB.
TABLE DES MATIÈRES
Vioranf i
Les RsssomiCES de Quixcla •.••..•• iiS
Paméla Giraud • • • • • . 231
La Marâtre • 807
ae Faiseur. ••.-••••••• ...••••••••• 4î5
mSILATABUEi
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