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Full text of "Oeuvres completès de H. de Balzac"

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ŒUVRES  COMPLÈTES 


t>E 


H.   DE  BALZAC 


DIX-NEUVTÈME    VOLUME 


PAhIS.  —  IMPRIMERIE  DE  PILLET  FJLS  AÎNÉ 

RUE   DBS  GRANDS-ADGOSTINS^    5. 


THÉÂTRE 


H.  DE  BALZAC 


^j^VtaiS.  *  LES  RBSSUURCES  DK  QUINOLÀ.  —  fÀMÉLà,  Gt9ikV9 

LA  MA.HATRS.  —  LE  FAISSUR 


PARIS 

V   ALEXANDRE  UOUSSIAUX,   ÉDITEUR 
•M  M  MaunR  Mim^AMoki  mi  A*n ,  t. 

1870 


VAUTRIN 


mUMB  BIf  CINQ  ACTES 


MptêÊtM  pov  te  fiiidftit  foi!  nir  It  théâtre  de  U  fetlt-liiiil-Kafll^ 

teUnanltM. 


DÉDICAGE 


A  HOTÏSIEUR  LAURENT  JAN, 


•m  «bI, 


DE  BALZAa 


t»  man  Itflii 


/ 


PRÉFACE 


n  est  difficile  à  Fauteur  d'une  pièce  de  théâtre  de  se  replacer 
k  claquante  jours  de  distance^  dans  U  situation  où  il  était  l)i 
Jendemain  de  la  première  représentation  de  son  ouvrage  ;  mais 
ù  est  maintenant  d'autant  plus  difficile  d'écrire  la  préface  de 
YautriHy  que  tout  le  monde  a  fait  la  sienne;  celle  de  Tauteui 
serait  infailliblement  inférieure  à  tant  de  pensées  divergentes. 
Un  coup  de  canon  ne  vaudra  jamais  un  feu  d'artifice, 
i  L'auteur  expliquerait-il  son  œuvre?  Mais  elle  ne  pouvait 
avoir  que  M.  Frédérick-Lemaitre  pour  commentateur. 

Se  plaindrait-il  de  la  défense  qui  arrête  la  représentation  de 
son  drame?  Mais  il  ne  connaîtrait  donc  ni  son  temps  ni  son 
j[)ay8.  L'arbitraire  est  le  péché  mignon  des  gouvernements  cons- 
titutionnels ;  c'est  leur  infidélité  à  eux  ;  et  d'aiL\eurs^  ne  sait-il 
(OS  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  cruel  que  les  faibles?  A  ce  gouver- 
nement-ci^ comme  aux  enfants^  il  est  permis  de  tout  foire,  ex- 
cepté le  bien  et  une  majorité. 

Irait-il  prouver  que  Vautrin  est  un  drame  innocent  autant 
qu'une  pièce  de.Berquija?  Mais  traiter  la  question  de  la  mor»> 
uté  ou  de  l'immoralité  du  théâtre,  ne  serait-ce  pas  se  mettre  au- 
dessous  des  Prudhomme  qui  en  font  une  question? 

S'en  prendrait-il  au  journalisme?  Mais  il  ne  peut  que  le  fi^li- 
citer  d'avoir  justifié  par  sa  conduite^  en  cette  circonstance^  tout 
te  «;u'il  en  a  dit  ailleurs. 

Gep.'^ndant^  au  milieu  de  ce  désastre  que  l'énergie  du  gou- 
vememem  a  causée  mais  que,  dit-on,  le  fer  d'un  coiffeur  aurait 
pu  réparer,  l'auteur  a  trouvé  quelques  compensations  dans  les 
preuves  d'ineérèt  qui  lui  ont  été  données.  Entre  tous,  M.  Vic- 
tor Hugo  s'est  auontré  aussi  serviable  qu'il  est  grand  poète  ;  et 
Tauteur  est  d'autant  plus  heureux  de  publier  combien  il  fut 
obligeant,  que  les  ennemis  de  M.  Hugo  ne  se  font  pas  faute  de 
calomnier  son  caractère. 

Enfin,  Vautrin  a  presque  deux  mois,  et  dans  la  serre  pari- 
sienne, une  nouveauté  de  deux  mois  prend  deux  siècles.  La  vé- 
ritable et  meilleure  pré&ce  de  Vautrin  sera  donc  le  drame  de 
Rickard-cœur-d' Eponge  (i),  que  l'administration  permet  de 
représenter,  afin  de  ne  pas  laisser  les  rats  occuper  exclusive- 
ment les  planches  si  fécondes  du  théâtre  de  la  Porte-Saint* 
Martin. 

Paris,  1»  mai  1840. 


(t)  Celte  pièce  n'a  été  ni  représeutée  ni  imprimée. 


PERSONNAGES. 


JACQUES  GOLLIN.  dtt  YAUTRUI. 

LE  DUC  DE  MONTSOREL. 

LE  MARQUIS  ALBERT ,  son  flli. 

RAOUL  DE  FRESGAS. 

CHARLES  BLONDET ,  dit  LE  CHE- 
VALIER DE  SAINT-CHARLES. 

FRANÇOIS  CADET,  dit  PHILOSO- 
PHE, eoeber. 

FIL-DE-SOIE,  eulsimjr. 

BUTEUX,  portier. 

PHILIPPE  BOULARD ,  dit  LAFOU- 
RAILLE. 

LE  COMMISSAIRE. 


JOSEPH  BONNET»  Talel  4t  ehtmbi» 
de  la  dochesM  de  Montsorel. 

LA  DUCHESSE   DE    MONTSORKL 

(L0VI8I  »l  TAODMT). 

MADEMOISELLE  DE  VAUDREY,  m 
tante. 

LÀ  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 
INÈS  DE    GHRISTOYAL,   piImM 
d'Ailos. 

FÉLICITÉ,  femme  de  chamkn  de  la  d»» 
cbesM  de  Montsorel. 


0MIST1OVM» 


Mlf,  ACBMfS» 


\a  sceiàe  je  pose  I  PailSi  m  HMi  upièê  le 


Je  t'ai  demandé  les  Empreintes  cle  toutes  les  serrures... 


VAUTRIN 


ACTE   PREMIER 


mmoB  i  mOMdtlioalioni 


SCÈNE  PREBOËRE. 

Ik  DUCHESSE  DE  MONTSOREL,  MADEMOISELLE  DE  YAUDRET* 

LA  OUCHBSSI. 

Ah!  Toas  m*avez  atteDdae,  combien  tous  êtes  bonne  I 

MADEMOISELLE  DE  YAUDRET» 

Qa'ayez-vous,  Louise?  Depuis  douze  ans  que  nous  pleurons 
ensemble,  voici  le  premier  moment  où  je  vous  vois  joyeuse  ;  et 
pour  qui  "vous  connaît,  il  y  a  de  quoi  treuibler. 

LA  DUCHESSE. 

flfaat  que  cette  joie  s'épanche,  et  vous,  qui  aves  épousé  mes 
asgoisses,  pouvez  seule  comprendre  le  délire  que  me  cause  une 
beur  d'espérance. 

MASIMOISBLLB  DB  TAUDEIT. 

SeriesK-voos  sur  les  traces  de  votre  fils? 

LA  DUCHI88I. 

Betroavé! 

MADKMO!SELLE  DB  TAUDRBT. 

Impossible!  Et  s*il  n*e»ste  plus,  à  quelle  horrible  torture  vous 
éics-vons  condamnée  7 


6  VAUTRIN. 

LA  DUCHESSE. 

Un  enfant  mort  a  une  tombe  dans  le  cœur  de  sa  mère  ;  mais 
l'enfant  qu'on  nous  a  dérobé,  i(  f  existe,  db  tanfe. 

.  MADluaiSCLLS  DE  rÂVlMStl 

Si  l'on  TOUS  entendait? 

LA  DUCHESSE. 

Eh  !  que  m'importe!  Je  commeace  une  nouvelle  vie,  et  me  sem 
pleine  de  force  pour  résister  h  la  tyrannie  de  M.  de  Montsorei. 

MADEMOISELLE  DE  TAUDRET. 

Après  vingt-deux  années  de  larmes,  sur  quel  événement  peut 
se  fonder  cette  espâraoce? 

LA  DUCHESSE. 

C'est  plus  qu'une  espérance  l  Après  la  réception  du  roi,  je  suis 
allée  chez  l'ambassadeur  d'Espagne,  qui  devait  nous  présenter  l'une 
à  l'autre,  madame  de  Ghristovai  et  moi  :  j'ai  vu  là  un  jeune  homme 
qui  me  ressemble,  qui  a  ma  voix!  Cottiprenez-vous?  Si  je  suis 
rentrée  si  tard,  c'est  que  j'étais  clouée  dans  ce  salon,  je  n'en  ai  pu 
sortir  que  quand  il  est  parti. 

MADEMOISELLE  DE  YAUDEET. 

Et  sur  ce  faible  indice,  vous  vous  exaltez  ainsi  I 

LA  DUCHESSE. 

Pour  une  mère,  une  révélation  n'est-elle  pas  le  plus  grand  des 
témoignages?  A  son  aspect,  il  m'a  passé  comme  une  flamme  de* 
vant  les  yeux,  ses  regards  ont  ranimé  ma  vie,  et  je  me  suis  sen- 
tie heureuse.  Enfin,  s'il  n'était  pas  mon  fils»  ce  serait  une  passion 
msensëe! 

KADEHOISELLV  VfS  TAUmtlT. 

Vous  vous  serez  perdue  ! 

LA  DCCBESSB. 

Oui,  peut-être!  On  a  dû  nous  observer  :  une  force  irrésistible 
m'entraînait;  je  ne  voyais  que  lui,  je  voulais  qu'il  me  parlât,  et  il 
m'a  parlé,  et  j'ai  su  son  âge  :  il  a  vingt-trois  ans,  l'âge  de  Fernaiid  t 

MABBMOISELLE  DB  TAITBBBT. 

«lais  le  duc  était  là? 

LA    VUCHESSB. 

Ai-je  pu  songer  à  mon  mari  ?  J'écoutais  ce  jeune  bomme,  qui 
parlait  à  Inès.  Je  crois  qu'ils  s'aiment. 

MADEMOISELLE  DE  TAUDUEr. 

Inès,  la  prétendue  de  votre  fils  le  marquis?  Et  pensez-vous  que 
le  duc  n'ait  pas  été  frappé  de  cet  accueil  fait  à  un  rival  de  son  fils? 


Mm  %f  t 

LA  DUCHISSI. 

Tous  avez  raison,  et  j'aperço»  mamtenantà  quels  dangers  Fer- 
oand  est  exposé.  Mais  je  ne  veax  pas  vous  retenir  davantage,  je 
vous  parlerais  de  lui  jusqu'au  jour.  Tous  le  verrez.  Je  lui  ai  dit  de 
venir  à  l'heure  où  M.  de  Montsorel  va  chez  le  roi»  et  nous  le  ques- 
tionnerons sur  son  enfance. 

MÀDmOISELLE  M.  VÀUDBST. 

Vous  ne  pourrez  dormir,  calmez-vous»  de  grâce.  Et  d'abord 
renvoyons  Félicité,  cpû  n'est  pas  accoutumée  à  veiller,  paie  tonne.) 

WtUCXTK,  cntnBi. 

M.  le  duc  rentre  avec  M.  le  nuurquis. 

LA  DUCHESSI. 

Je  vous  ai  déjà  dit»  FéUcité»  de  ne  jamais  m'instruire  de  ce  qui 
se  passe  dMs  Moasîear.  Allez.  iVMMi«tort.) 

■iMKOlSKLU  SE  VAUSUEr* 

Je  n'ow  vous  enlever  une  illusion  qui  voes  donne  tant  de  bon- 
heur ;  mais  quand  je  mesure  la  hauteur  ^  laquelle  vous  vous  éle- 
vez, je  crains  une  chute  horrible  :  en  tombant  de  trop  l)aat,  l'âme 
se  brise  aussi  bien  que  le  corps,  et  laissez-moi  vous  le  duie»  je: 
tremble  pour  vous. 

LA  DUCHESSE. 

Vous  craignez  mon  désespoir,  et  moi»  je  crains  ma  joieu 

MADEMOISELLH  DR  VAUDftET^  Rgantani  la  didiHM  lOrtliv 

Si  elle  ae  trompe»  elle  peut  devenir  Me. 

LA  DUCEESSZy  levenanU 

Ui  tante»  Femand  se  nomme  Raoul  de  Erescan 

SCÈNE  II. 

VABEMOISELLir  DE  VAimMT»  Molà 

Elle  ne  voit  pas  qu'il  faudrait  un  miracle  pour  qu'elle  retrouvâf 
son  fils.  Les  mères  croient  toutes  à  des  miracles.  Veillons  sur  elle  1 
Un  regard,  un  mot  la  perdraient  ;  car  si  elle  avait  raison,  si  Dieu* 
faii  raadail  soa  fils»  elle  marcherait  vers  une  catastrophe  phis  af- 
freuse encore  que  h  déception  qu'elle  s'est  préparée.  Pensen-t-elle^ 
k  se  contenir  devant  ses  femmes?... 


s  TAonn. 

SCÈNE  m. 

HADBMOISKLLE  DE  VAUDRKT,  PSLICITI. 
MAMOIOISILLB  OB  YAUDEIT. 

Dijàt 

riLicvri. 

Madame  h  dadiesse  avait  bien  hâte  de  me  raiYoyer. 

KADmOISBLLB  DB  YAUDUT. 

Ma  nièce  ne  tous  a  pas  donné  d'ordres  ponr  ce  matin  ! 
Non»  Mademoiselle. 

MADBIfOISBLLB  DB  TAUDRBT. 

n  viendra  pour  moi,  yers  midi,  on  jeme  homme  nommé 
H*  Raoul  de  Frescas  :  il  demandera  peut-être  la  duchesse;  prfr- 
Tenez-en  Joseph,  il  le  conduira  chez  mou  m»  «mu 

SCÈNE  IV. 

rtLIClTÉ,  teolt. 

Un  Jeune  homme  pour  elle?  Non,  non.  Je  me  disais  bien  que 
la  retraite  de  Madame  devait  avoir  un  motif  :  elle  est  riche,  c&e 
est  belle,  le  duc  ne  Taime  pas  ;  voici  la  première  fois  qu'elle  va 
dans  le  monde,  un  jeune  homme  vient  le  lendemain  demander 
Madame,  et  Mademoiselle  veut  le  recevoir  I  On  se  cache  de  moi  : 
ni  confidences,  ni  profils.  Si  c'est  là  l'avenir  des  femmes  de  cham- 
bre sous  ce  gouvernement-ci,  ma  foi,  je  ne  vois  pas  ce  que  nous 

pourrons  faire.  (Une  porte  latérale  s'ouvre,  on  roit  deux  hoiniiMS,  !•  porte  se  r^ 

tome  autsitot  )  Ao  reste,  nous  verrons  le  jeune  homme.    (BUe  wru 

SCÈNE  y. 

JOSEPH,  VAUTRIN. 

tiibin  ptrÉll  aree  vb  surtout  eouleur  de  Un.  garni  de  fimmuetf,  4enMM  wikt 
.  U  a  la  tenue  d'un  ministra  diplomatique  étianger  en  ioliéab 

JOSEPH. 

Maudite  fille  I  nous  étions  pcnlus» 


AGTB  I.  f  ' 

Ta  étais  perda  Ah  çà  I  mais  tu  liens  donc  beaacoap  à  ne  pat 
le  reperdre,  toi  7  Ta  jouis  donc  de  h  paix  du  cœar  id  7 

JOSEPH. 

Ma  foi,  je  trouTe  mon  compte  à  être  honnêtt. 

TAUTRIlf. 

Et  enteads-tn  bien  Phonnéteté  7 

JOSEPH. 

Mais»  ça  el  mes  gages,  je  suis  content 

YAUTRIN.  ' 

Je  te  vois  venir,  mon  gaillard.  Tu  prends  peu  et  souvent,  ta 
amasses,  et  tu  auras  encore  l'honnêteté  de  prêter  à  la  petite  se- 
maine. Eh  bien  I  tu  ne  saurais  croire  quel  plaisir  j'éprouve  à  voir 
one  de  mes  vieiHes  connaissances  arriver  à  une  position  honorable. 
To  le  peux,  tu  n'as  que  des  défauts,  et  c'est  la  moitié  de  la  vertu. 
Moi,  j'ai  eu  des  vices,  et  je  les  regrette...  comme  ça  passe  I  Et 
maintenant  pins  rien  !  il  ne  me  reste  que  les  dangers  et  la  lutte. 
Après  tout,  c'est  la  vie  d'un  Indien  entouré  d'ennemis,  et  je  dé- 
faids  mes  dievenx. 

JOSEPH. 

Et  les  miens  7 

TAUTRIN. 

Les  liens?...  Ahl  c'est  vrai.  Quoi  qu'il  arrive  ici,  tu  as  la  pa* 
role  de  Jacques  GoUin  de  n'être  jamais  compromis  ;  mais  tu  m'o- 
béiras  en  tput  I 

JOSEPH. 

En  tout?...  cependant... 

VAUTRTN. 

On  connaît  son  Gode.  S'il  y  a  quelque  méchante  besogne,  j'au- 
rai mes  ûdèles,  mes  vieux.  Es-tu  depuis  longtemps  ici  ? 

'  JOSEPH. 

Madame  la  duchesse  m'a  pris  pour  valet  de  chambre  en  allant  à 
Gaud,  et  j'ai  la  confiance  de  ces  dames. 

VAUTRIN. 

Ça  me  va  !  J'ai  besoin  de  quelques  notes  sur  les  Montsorel.  Qoe 
iais-ta7 

JOSEPH. 

Rien. 

vAUTRur; 
La  confiance  des  grands  ne  va  jtmab  plus  loin.  Qu'as -to  dé- 
converti 


10  VAMJTWOk 

Bien. 

TAIITRIIf  ,  à  part. 

Il  deyient  aussi  par  trop  honnête  homme.  Peat-étre  croît-B  ne 
rien  savoir?  Quand  on  cause  pendant  cinq  minutes  avec  un 
homme,  on  en  tire  toujours  quelque  chose.  (Haut.)  Où  sommes- 
nous  ici? 

JOSEPH. 

chez  madame  la  duchesse,  et  yoîci  ses  appartements;  ceux  d( 
M.  le  duc  sont  ici  au-dessous  ;  la  chambre  de  leur  fils  unique  le 
foarquis  est  au-dessus»  et  donne  sur  la  cour. 

TÀUTRIN. 

Je  t*ai  demandé  les  empreintes  de  toutes  les  serrures  du  cabi- 
net de  M.  le  duc»  où  sont-elles  ? 

JOSEPH^  avec  hésitation. 

Les  Toid. 

YAVTRlir. 

Toutes  les  kis  que  je  Toudrai  venir  ici,  tu  trooTeras  une  croix 
faite  à  la  craie  sur  la  porte  du  jardin  ;  ta  iras  Teuminer  tous  les 
soirs.  On  est  vertueux  ici,  les  gonds  de  cette  porte  sont  hien  rouilles  ; 
mais  Louis  XYIII  ne  peut  pas  être  Louis  XY I  Adieu,  mon  gar- 
çon ;  je  viendrai  la  nuit  prochaine,  (a  part.)  Il  faut  aQer  rejoindre 
mes  gens  à  Thôtel  de  ChristovaL 

JOSEPH,  à  part. 

Depuis  que  ce  diable  d'homme  m'a  retrouvé,  je  suis  dans  des 
transes... 

TÀUTRIN^  revenant. 

Le  duc  ne  vit  donc  pas  avec  sa  femme? 

JOSEPH* 

Brouillés  depuis  vingt  ans. 

TAUTB». 

£t  pourquoi? 

JOSIPB. 

Leur  fils  lui-même  ne  le  sait  pas. 

TACTRlir. 

Et  ton  prédécesseur,  pourquoi  fnt-îl  remtijif 

JOSEPH. 

Je  ne  sais,  je  ne  l'ai  pas  connu.  Us  n'ont  monté  leur  maison  que 
depuis  le  second  retour  du  roi. 

Yoici  les  avantages  de  la  société  nouvelle  :  il  n'y  a  plus  de  Bens 


entre  les  maîtres  et  les  domestiques  ;  plus  d'attachement,  par  con- 
séquent, plus  de  trahisons  pQfisible&  <À4(»eph.)  Se  dit-on  des  mots 
piquants  à  table? 

JOSSFB. 

Jamais  rien  devant  les  gens. 

VAUTRIN. 

Que  pensez-vous  cTeux,  l  Toffice,  entre  votisT 

JOSEPH. 

La  duchesse  est  ime  sainte. 

TAUTRIH. 

Pauvre  femme!  et  k  duc? 


Un  égoïste.  , 

TAUTRIN. 

'  Oui»  un  homme  d'État  (a  part.)  Il  doit  avoir  des  secrets,  nous 
verrons  dans  son  jeu.  Tout  grand  seigneur  a  de  petites  passions 
par  lesquelles  on  le  mtoe;  et  si  je  le  tiens  une  foiSy  il  faudra  bien 
que  son  fils....  (a  Joseph.)  Que  dit-on  du  mariage  du  marquis  de 
Moasorel  avec  Inès  de  Cbristoval  ? 

JOSEFS. 

Pas  un  mot  La  duchesse  semble  s'y  intéresser  jEut  peiL 

VAUTRIN. 

Elle  n*a  qu'un  fils!  Ceci  n'est  pas  natureL 

JOSEPH. 

Entre  nous,  je  crois  qu'elle  n'aime  pas  son  fils. 

VAUTRIN. 

n  a  fallu  t*arracher  cette  parole  du  gosier  comme  on  tire  le  bon* 
chon  d'une  bouteille  de  vin  de  Bordeaux  !  Il  y  a  donc  un  secret 
dans  cette  maison?  Une  mère,  une  duchesse  de  Montsorel  qui 
n'aime  pas  son  fils,  un  fils  unique  !  Quel  est  son  confesseur. 

JOSEPH» 

Elle  fait  toutes  ses  dévotions  en  secret 

TAUTRRr. 

Bien  !  je  saurai  tout  :  les  secrets  sont  comme  les  jeunes  filles, 
pinson  les  garde,  mieux  on  les  trouve.  Je  mettrai  deux  de  mes 
drMes  dephatmià  Saint-Thomas  d'Aquia  :  ils  ne  kniat  pat  leur 
salut,  mais...  ils  feront  antiechosa  A^UcOr 


th  VAOTRn. 

en  proie  à  h  fûUcut»  à  kfièwre,  nos  cooseib,  j'ai  penki  la  tète; 
car,  depuis,  je  ine  suis  dit  qa'il  n'aurait  pas  exécuté  tes  menaces. 
En  faisant  nn  pareil  sacrifice,  je  savais  que  Femand  serait  paurre 
et  abandonné,  sans  nom,  dans  un  pays  inctnnn;  mab  je  saYais 

aussi  qa*il  vivrait,  et  qu'un  jour  je  le  retrouverais,  dussé-je  poor 
cela  remuer  le  monde  entier  f  J*étais  ^  joyeuse  en  rentrant,  que 
fm  oublié  de  vous  donner  l'acte  de  naissance  de  Femand,  que 
Vambassadrice  d'Espagne  m*a  enfin  obtenu  :  portez-le  sur  vous 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  entre  les  mains  de  notre  directeur. 

MADEMOISELLE  DE  VAUDRET. 

Le  duc  doit  savoir  déjà  les  démarches  que  vous  avex  faites,  et 
malheur  à  votre  fils!  Depuis  son  retour  il  s'est  mis  à  travailler,  ii 
travaille  encore. 

LA  DUCHESSE. 

Si  je  secoue  Fopprobre  dont  ii  a  essayé  de  me  couvrir,  si  je  re- 
nonce à  pleurer  dans  le  silence,  ne  croyez  pas  que  rien  puisse  me 
faire  plier.  Je  ne  suis  plus  en  Espagne  ni  en  Angleterre,  livrée  à 
un  diplomate  rusé  comme  un  tigre,  qui,  pendant  toute  Témigra- 
tion,  a  guetté  mes  regards,  mes  gestes,  mes  paroles  et  mon  silence, 
qui  lisait  ma  pensée  jusque  dans  les  derniers  replis  de  mon  cœvr  ; 
qui  m'entourait  de  son  invisible  espionnage  comme  d'un  réseau  de 
fer  ;  qui  avait  fait  de  chacun  de  mes  domestiques  un  geôlier  incor- 
ruptible, et  qui  me  tenait  prisonnière  dans  la  plos  horrible  dé  tou- 
tes les  prisons,  une  maison  ouverte!  Je  suis  en  France,  je  vous  ai 
•etrottvée,  j'ai  ma  charge  à  la  cour,  j'y  puis  parler  :  je  saurai  ce 
qu'est  devenu  le  vicomte  de  Langeac,  je  prouverai  que,  depuis  le 
10  août,  il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  nous  voir,  je  dirai  au  roi 
le  crime  commis  par  on  père  sur  Théritier  de  deux  grandes  mai- 
sons. Je  suis  femme,  je  suis  duchesse  de  Montsorel,  je  suis  mère! 
nous  sommes  riches,  nous  avons  un  vertueux  prêtre  pour  conseil 
et  le  bon  droit  pour  nous,  et  si  j'ai  demandé  l'acte  de  naissance  de 
inon  fils... 

SCÈNE  IX. 


LIS    MÊMES,    LE    DUC. 

U  ert  entrô  pendant  que  la  duchesse  prouonçatt  les  deniâves 


DTTC. 

G*est  ponr  noe  le  remettre,  Ittadame. 


Uk  MJCHB89B. 

Depnis  qnaod,  lioittieur,  eotrez-^ous  chez  moi  «an»  vous  faire 
aaHDcn:  €t  sans  m  permîasîoa  7 

U  DUC. 

Depuit  qoe  vous  manquez  à  dos  oon¥entioos«  Madame;  voua 
aviez  jmé  de  œ  (aire  aacone  démarche  pour  retrouTer  ce..... 
TOCre  fils.««.  A  cette  conditioa  seulement  j'ai  promis  de  le  laisser 
fifre. 

Li.  DUCHESSE. 

£t  n'y  a-t-il  pas  plus  d'honneur  à  trahir  un  pareil  serment  qnli 
tenir  tous  les  autres? 

lis  DUC. 

Nous  sommes  dès  lors  dâiés  tous  deos  de  nos  engagementi. 

LA  DUCHCS8V. 

ATez-Toos  respecté  les  tCVùts  jusqu'à  ce  joor  t 

LS  occ. 
Oui,  Madame. 

LA  DUCHESSB. 

Yoos  l'entendez,  ma  tante,  et  vous  témoignereJE  de  cecL 

lUDRHOlSELLE  DF  TAUDRET 

Mais,  Monsieur,  n'avez-vous  jamais  pensé  que  Louise  est  inno* 
ceate? 

LE  DUC. 

Mademoiselle  de  Taudrey,  vous  devez  le  croire,  vous  I  Et  que 
ne  donnerai-je  pas  pour  avoir  cette  opinion?  Madame  a  eu  vingt 
ans  pour  me  prouver  son  innocence. 

LA  DUCHESSE. 

Depuis  vingt  ans,  vous  frappez  sur  mon  cœur,  sans  pitié,  sans 
rdkhe.  Vous  n'étiez  pas  un  juge,  vous  êtes  un  bourreau. 

LE  DUC 

Madame,  si  vous  ne  me  remetiez  cet  acte,  votre  Fernand  aura 
tout  à  craindre.  A  peine  rentrée  en  France,  vous  vous  êtes  procuré 
cette  pièce,  vous  voulez  vous  en  faire  une  arme  contre  moi.  Vous 
voulez  donner  à  votre  fils  un  nom  et  une  fortune  qui  ne  lui  appar* 
tiennent  pas;  voos  voulez  le  faire  entrer  dans  une  famille  où  la 
race  a  été  conservée  pure  jusqu'à  moi  par  des  femmes  sans  lâche, 
iamiUe  qui  ne  compte  pas  une  mésalliance..*  I 

LA  OUCHBSSB.      .  ' 

« 

Et  que  votre  fib  Albert  continuera  dignement  ' 

LS  DUT. 

Imprudente  I  vous  excitez  de  terribles  souvenins.  Et  ce  dernier 


16  VÈvmtL 

mot  me  dît  assez  que  tous  ne  recnlerei  pas  devant  on  scandale  qai 
nous  touTrira  tons  de  bonf e.  Irons-nous  dérooler  derant  bs  tri- 
bunaux nn  passé  qui  ne  me  laisse  pas  sans  reproche,  mais  où  tous 

êtes  infâme?  (n  Mtoanie  ten  mademotaelledii  Taadray.)  Elle  ne  TOUS  a  SanS 

doute  pas  tout  dit,  ma  tante?  Elle  aimait  le  vicomte  de  Langeac,  je 
le  savais,  je  respectab  cet  amour,  j'étais  si  jeune  I  Le  vicomte  vint 
à  moi  :  sans  espoir  de  fortune,  le  dernier  des  enfants  de  sa  maison, 
il  prétendit  renoncer  à  Louise  de  Yaudrey  pour  elle-même.  Con- 
fiant dans  lenr  mutuelle  noblesse,  je  l'accepte  pure  de  ses  mains. 
Ah!  j'aurais  donné  ma  vie  pour  loi,  je  l'ai  prouvé.  Le  misérable 
fait,  au  10  août,  des  prodiges  de  valeur  qui  le  signalent  à  la  rage 
du  peuple;  je  le  confie  à  l'un  de  mes  gens;  il  est  découvert,  tsnsk 
l'Abbaye.  Quand  je  le  sais  là,  tout  l'or  destiné  à  notre  fuite,  je  le 
donne  à  ce  Boulard,  que  je  décide  à  se  mêler  aux  septembriseurs 
pour  arracher  le  vicomte  à  la  mort,  je  le  sauve  I  (a  madame  de  Montsorei.) 
Et  il  a  bien  payé  sa  dette,  n'est  ce  pas  madame?  Jeune,  ivre 
d'amour,  violent,  je  n'ai  pas  écrasé  cet  enfant  !  Vous  me  récom- 
pensez aujourd'hui  de  ma  pitié  comme  votre  amant  m'a  récom- 
pensé de  ma  confiance.  Eh  bien!  voici  les  choses  au  point  où  elles 
en  étalent,  il  y  a  vingt  ans  —  moins  la  pitié.  Et  je  vous  dirai 
comme  autrefois  :  Oubliez  votre  fils,  il  vivra. 

MADEMOISELLE  DE  VAUDRET. 

Et  ses  souOrances  pendant  vingt  ans,  ne  les  comptez-vous  pour 
rien? 

LE  DUC. 

La  grandeur  du  repenthr  accuse  la  grandeur  de  la  faute.    ' 

LA  DUCHESSE. 

Ah!  si  vous  prenez  mes  douleurs  pour  des  remords,  je  vous 
crierai  pour  la  seconde  fois  :  je  suis  innocente  I  Non,  Monslear, 
Langeac  n'a  pas  trahi  votre  confiance;  il  n'allait  pas  mourir  seule* 
ment  pour  son  roi,  et  depuis  le  jour  fatal  où  il  me  fit  ses  adieux  en 
renonçant  à  moi,  je  ne  l'ai  jamais  revu. 

LE  DUC 

Vous  avez  acheté  la  vie  de  votre  fils  en  me  disant  le  contraire» 

LA  DUCHESSE. 

Un  marché  conseillé  par  la  terreur  peut-il  compter  pour  un  aveo  ? 

LE  DUC 

Me  donnez-vous  cet  acte  de  naissance? 

U  DUCHESSE. 

Je  ne  l'ai  plns^ 


ACTE  I.  n 

Je  ne  réponds  plus  de  votre  fils.  Madame. 

LA  DUCHBSSE. 

Avez- TOUS  bien  pesé  cette  menace? 

LB  DUC. 

Vous  devez  me  connaître. 

LA  DUCHESSE. 

Mais  vous  ne  me  connaissez  pas,  vousl  Vous  ne  répondez  plus 
de  mou  (ils?  eh  bien!  prenez  garde  au  vôtre.  Albert  me  répond 
(les  joui^  de  Fernand.  Si  vous  surveillez  mes  démarches,  je  ferai 
surveiller  les  vôtres;  si  vous  avez  la  police  du  royaume,  moi,  j'aurai 
Dion  adresse  et  le  secours  de  Dieu  !  Si  vous  portez  un  coup  à  Fer- 
naod,  craignez  pour  AUiert  Blessure  pour  blessure  !  Allez  I 

LE  DUC 

Vous  êtes  chez  vous,  Madame,  je  me  suis  oublié.  Daignez  m'ex- 
cuser,  j'ai  tort 

LA  DUCHESSE. 

Vous  êtes  plus  gentilhomme  que  votre  fils;  quand  il  s'emporte, 
il  ne  s'excuse  pas,  lui! 

LE  DUC,  à  part. 

Sa  résignation  jusqu'à  ce  jour  était-elle  de  la  ruse?  Attendait- 
on  le  moment  actuel?  Oh!  les  femmes  conseillées  par  les  bigots 
font  des  chemins  sous  terre  comme  le  feu  des  volcans;  on  ne  s'en 
aperçoit  que  quand  il  éclate.  Elle  a  mon  secret,  je  ne  tiens  plus 
ion  enfant,  je  puis  être  vaincu.  (ii  lort.) 

SCÈNE  X. 

Ui  vAmbs,  excepté  LE  DUC. 
MADEMOISELLE  DE  VAUORET. 

Louise,  VOUS  aimez  l'enfant  que  vous  n'avez  jamais  vu,  vous 
haïssez  celui  qui  est  sous  vos  yeux.  Ah  !  vous  me  direz  vos  rai- 
sons de  haine  contre  Albert,  à  moins  que  vous  ne  teniez  plu$  à 
mon  estime  ni  à  ma  tendresse. 

LA  DUCHESSE. 

Pas  un  mot  de  plus  à  ce  sujet 

MADEMOISELLE  DE  TAUDBET* 

Le  calme  de  votre  mari,  quand  vous  manifestez  votre  aversiui* 
pour  votre  fib«  est  étrange» 

Tfl.  a 


1 8  VACTRIll. 

LA  BUGHISSE. 

Il  y  esthabitaé. 

HADBHOISBLU  DI  TAUDEET. 

Vous  ne  pouvez  être  mauvaise  mère? 

LA   DUCHESSE. 

MaaTaise  mère  ?  Non.  (Eiie  rénéchu.)  Je  ne  pub  me  résoudre  I  per 
di*e  votre  aiïection.  (Eiie  rature  i  eiie.)  Alberl  n'est  pas  mon  fils. 

MADEMOISELLE  DE  VAUDBST. 

Un  étranger  a  usurpé  la  place*  le  nom,  le  titre,  les  biens  du 
véritable  enfant? 

LA  DCCHBSSI. 

Étranger,  non.  C'est  son  fils.  Après  la  fatale  nuit  oà  Fernand 
me  fut  enlevé,  il  y  eut  entre  le  duc  et  moi  une  séparation  éter- 
nelle. La  femme  était  aussi  cruellement  outragée  que  la  mère. 
Mais  il  me  vendit  encore  ma  ti*anquillité. 

MADEMOISELLE  DE  TAUDRBT. 

Je  n*ose  comprendre. 

LA  DUCSESSK. 

Je  me  suis  prêtée  à  donner  comme  de  moi  cet  Albert,  fenfanl 
d'une  courtisane  espagnole.  Le  duc  voulait  un  héritier.  A  travers 
les  secousses  que  la  révolution  française  causait  à  FEspagne,  cette 
wpercherie  n*a  jamais  été  soupçonnée.  Et  vous  ne  voulez  pas  que 
tout  mon  sang  bouillonne  à  la  vue  du  fils  de  l'étrangère  qui  occupe 
la  place  de  l'enfant  légitime  ! 

MADEMOISELLE  DE  TAUDEET. 

Yoilà  que  j'embrasse  vos  espérances.  Ah  I  je  voudrais  que  voub 
eussiez  raison,  et  que  ce  jeune  homme  fût  votre  fils.  Eh  bien  ! 

ê 

qu'avez  vous  ? 

LA  Ducmssi. 
Mais  il  est  perdu,  je  l'ai  signalé  à  son  père,  qui  va  le...  Oh! 
mais,  que  faisons-nous  donc  là  7  Je  veux  savoir  où  il  demeure 
aUer  lui  dire  de  ne  pas  venir  demain  matin  icL 

MAMUIOISILLB  DE  TAUDRST. 

Sortir  à  cette  heure,  Louise,  êtes-vons  folle? 

LA   DUCHESSE. 

Tenez  !  car  S  faut  le  sauver  à  tout  prix. 

MADEMOISELLE  DE  TAUBMir» 

Ou'allez-vous  faire? 

LA  uuuinsi. 
ucune  de  nous  deux  ne  pourra  sortir  demalD  sans  être  obwr- 


ACTE  1,  m 

vée.  Allons  de¥dncer  le  dnc  en  achetant  avant  loi  ma  femme  de 

diaïubre 

MÀDEHOISELLB  DB  YAIIDBET. 

Ab!  Louise  l  aUezriroitô  eiiiplo]r^r  de  tek  moyfiiiT 

LA  DUCHESSR. 

Si  Raoul  est  renfant  désavoué  par  son  pére«  Tenfant  que  je 
jpleure  depuis  vingt-deux  ans,  on  verra  ce  que  peut  une  femme» 
me  aère  injustement  accusée. 


ACTE  DEUXIÈME 


décoration  ane  dans  r«cie  précédent. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

JOSEPH,  LE  DUC. 

Joseph  achevé  de  taire  le  saloa. 

JOSEPH,  à  part. 

Couché  si  tard,  levé  si  matin,  et  d^à  chez  Madame  :  il  y  a 
«^uelque  chose.  Ce  diable  de  Jacques  aurait-il  raison? 

LB  DUC 

Joseph,  je  ne  suis  loisible  que  pour  une  seule  personne  ;  si  elle 
se  présente,  vous  l'introduirez  ici.  C'est  un  M.  de  Saint-Charles. 
Sachez  si  Madame  peut  me  recevoir,  (joaephiort.)  Ce  réveil  d*une 
maternité  que  je  croyais  éteinte  m'a  surpris  sans  défense.  U  faut 
que  cette  lutte  encore  secrète  soit  promptement  étouffée.  La  ré- 
signation de  Louise  rendait  notre  vie  supportable  ;  mais  elle  est 
odieuse  avec  de  pareils  débats.  En  pays  étranger,  je  pouvais  domi- 
ner ma  femme,  ici  ma  seule  force  est  dans  l'adresse  et  dans  le 
concours  du  pouvoir.  J'irai  tout  dire  au  roi,  je  soumettrai  ma 
conduite  à  son  jugement,  et  madame  de  Montsorel  sera  forcée  de 
lui  obéir.  J'attendrai  cependant  encore.  L'agent  qu'on  va  m'en- 
Toyer  pourra,  s'il  est  habile,  découvrir  en  peu  de  temps  les  raisons 
de  cette  révolte  :  je  saurai  si  madame  de  Montsorel  est  seulement 
la  dupe  d'une  ressemblance,  ou  si  elle  a  revu  son  fils  après  me 
ravoir  soustrait  et  s'être  jouée  de  moi  depuis  douze  ans.  Je  me 
suis  emporté  cette  nuit  Si  je  reste  tranquille,  elle  sera  sans  dé- 
fiance et  livrera  ses  secrets- 


ACTE  IL  21 


JOSEPH^  rentrant. 

Madame  la  dachesse  ii*a  pas  encore  sonné. 

LE  DUC 

C'est  bien. 

SCÈNE  II. 


lOSEPH,  LE  DUC,  FÉLICITÉ. 

Le  doc  examine  par  contenance  ce  qu'il  y  a  sur  la  table  et  troare  nae  lettre 

dans  un  livre. 


LE  DUC. 

<  A  mademoiselle  Inès  de  GhrlstovaL  »  ai  m  lève.)  Pourquoi 
femme  a-t  elle  caché  une  lettre  si  peu  importante?  Elle  est  sans 
doute  écrite  depuis  notre  querelle.  Y  serait-il  question  de  ce  Raoul  î 
Cette  lettre  ne  doit  pas  aller  à  Thôtei  de  Ghristoval. 

VÈLlCnt,  cherchant  la  lettre  dans  le  livre. 

OÙ  donc  est  la  lettre  de  Madame?  Taurait-eile  oubliée? 

LE  DUC. 

Ne  cbercheZ'YOUS  pas  une  lettre  ? 

FÉLICITÉ. 

Ah!  —  Oui,  monsieur  le  duc. 

LE  DUC. 

N'est-ce  pas  celle-ci? 

FÉLICITÉ. 

Précisément. 

LE  DUC. 

Il  est  étonnant  que  vous  sortiez  au  moment  où  Madpine  ànût 
ayoir  besoin  de  vous;  elle  va  se  lever. 

FÉLICITÉ. 

Madame  la  duchesse  a  Thérèse  ;  et,  d'ailleurs,  je  sors  par  scv 
ordre. 

LE  DUC. 

Ohl  c'est  bien,  vous  n'avez  pas  de  comptes  à  me  rendre. 


n  VAirmm. 

SCÈNE  m. 

LE  DUC,  JOSEPH,  SAlNT-CHÂRLES,  FÉLICITÉ. 
Joeepta  et  Saint-Cbarles  arrivent  par  la  porte  du  fond  en  s'étodiant  attentiTenMnti. 

JOSEPH  j  h  part. 

Le  regard  de  cet  homme  est  bien  malsain  pour  moL  (An  due.). 
II.  le  cbeYaBer  de  Saint-Charlea. 

(Le  duc  fait  signe  que  Saint-Charles  pent  approcber  et  l'examine.) 
SAINT-CHARLES^  lui  remet  une  letire.  A  part. 

A-t-il  eu  connaissance  de  mes  antécédents,  ou  veut-il  seulemenl> 
M  flcrvir  de  Salat-Charies  ? 

LB  sue 

Mon  cher... 

SAIITT-CHARLES,  k  VêêL 

Je  ne  suis  que  Saint-Charles. 

LE  DUC. 

On  vous  recommande  à  moi  comme  un  homme  dont  l'habileté, 
sur  un  théâtre  plus  élevé,  devrait  s'appeler  du  génie. 

SAINT-CHARLES. 

Que*  monsieur  le  duc  daigne  m'ofînr  une  occasion,  et  je  ne  dé- 
mentirai pas  ce  qu'une  telle  parole  a  de  flatteur  pour  moi. 

LE  DCG. 

A  l'instant  môme. 

SAINT  CHARLES. 

Que  m'ordonnez-vous? 

LE  DUC. 

Vous  voyez  cette  fille,  elle  va  sortir,  je  ne  veaz  pas  l'en  empê- 
cher ;  elle  ne  doit  pourtant  pas  franchir  la  porte  de  mon  hôlel. 
jusqu'à  nouvel  ordre.  (Appelant.)  Félicité  ! 

FÉLIQTÉ. 
Monsieur  le  duc.  (Le  duc  lol  remet  la  lettre,  elle  sort.) 

SAINT-CHARLES^  Il  Joseph. 

Je  te  connais,  je  sais  tout  :  que  cette  iîlle  reste  à  l'iiôtel  avec  J» 
lettre,  je  ne  te  connaîtrai  plus,  je  ne  saurai  rien,  et  te  laisse  dans 
cette  maison  si  tu  t'y  comportes  bien. 

JOSEPH;  à  part. 

L'un  d'un  côté,  Jacques  Gollin  de  l'autre,  tâchons  de  les  servir 

tous  deux  honnêtemenL  (losepn  sort,  courant  après  Félicité.) 


SCÈNE  IV. 

U  DUC,  SAII4T-GHARLES. 
8AINT-CHÂBLB8» 

(Test  bit,  monaeur  Je  doc  Désirez-vous  savoir  ce  que  coniient 
Illettré! 

LB  DUC. 

Mais,  moa  cher»  tous  exercez  une  puissance  terrible  et  mira- 
culeiise. 

SàINT-CHÀHLES. 

Vous  nous  remettez  nn  pouvoir  absolu,  nous  en  usons  avec 


U  DUC 

Et  si  vous  en  abusez? 

SÀIIfT-CUARLES. 

Impossible  :  on  nous  briserait. 

LE   DUC. 

Gomment  des  hommes  ^oués  de  facultés  si  précieuses  les  exer- 
cent-ils dans  une  pareille  sphère? 

SAINT-CHARLES* 

Tout  s*oppose  à  ce  que  nous  en  sortions  :  nous  protégeons  nos 
protecteurs,  on  nous  avoue  trop  de  secrets  honorables,  et  l'on  nous 
en  cache  trop  de  honteux  pour  qu'on  nous  aime  ;  nous  rendons  de 
tels  services,  qu'on  ne  peut  s'acquitter  qu'en  nous  mépnsaut.  On 
veat  d'abord  que  pour  nous  les  choses  ne  soient  que  des  mots  : 
ainsi  la  délicatesse  est  une  niaiserie,  l'honneur  une  convention^  la 
traîtrise  diplomatie!  Nous  sommes  des  gens  de  confîance;  et  ce- 
pendant l'on  nous  donne  beaucoup  à  deviner.  Penser  et  agir,  dé- 
chiffrer le  passé  dans  le  présent,  ordonner  l'avenir  dans  les  plus 
petites  choses,  comme  je  viens  de  le  faire,  voilà  notre  programme, 
il  épouvanterait  un  homme  de  talent.  Le  but  une  fois  atteint,  les 
mots  redeviennent  des  choses,  monsieur  le  duc,  et  l'on  commence 
à  soupçonner  que  nous  pourrions  bien  être  infâmes. 

LX  DUC. 

Tout  ceci,  mon  cher,  peut  ne  pas  manquer  de  justesse;  maïs 
vous  n'espérez  pas,  je  crois,  laire  changer  l'opinion  du  monde,  ni 
la  mienne! 


2^  VAUTRIBr, 

SAINT-CHARLES. 

Je  serais  un  grand  sot,  monsieur  le  duc.  cse  n*est  pas  Topinion 
d'autrui,  c'est  ma  position  que  je  voudrais  faire  changer. 

LE  DUC. 

£t,  selon  vous,  la  chose  serait  très-facile? 

SAINT-CHARLES. 

Pourquoi  pas,  Monseigneur?  Au  lieu  de  surprendre  des  secrets 
de  famille,  qu'on  me  fasse  espionner  des  cabinets;  au  lieu  de  sur- 
veiller des  gens  flétris,  qu'on  me  livre  les  plus  rusés  diplomates; 
au  lieu  de  servir  de  mesquines  passions,  laissez-moi  servk  le  gou- 
vernement :  je  serais  heureux  alors  de  cette  part  obscure  dans  une 
œuvre  éclatante...  Et  quel  serviteur  dé\oué  vous  auriez,  monsieur 
le  duc! 

LE  DUC 

Je  suis  vraiment  désespéré,  mon  cher,  d'employer  de  si  grandis 
/alents  dans  un  cercle  si  éti  oit,  mais  je  saurai  vous  y  juger»  et  plus 
tard  nous  verrons. 

SAINT-CHARLES^  à  part. 

Ah  I  nous  verrons?  —  C'est  tout  vu* 

LE  DUC 

Je  veux  marier  mon  fils... 

SAINT-CHARLES. 

A  mademoiselle  Inès  de  Ghristoval,  princesse  d'Arjos,  beau  ma- 
riage !  Le  père  a  fait  la  faute  de  servir  Joseph  Buonaparté,  il  est 
banni  par  le  roi  Ferdinand,  serait-il  pour  quelque  chose  dans  b 
révolution  du  Mexique  7 

LE  DUC 

Madame  de  Ghristoval  et  sa  fille  reçoivent  un  aventurier  qui  a 
nom... 

fiAINT-CHARLIS. 

Raoul  de  FrescaSi 

LE  DUC. 

Je  n'ai  donc  rien  à  vous  apprendre? 

SAINT-CHARLES. 

Si  monsieur  le  duc  le  désire,  je  ne  saurai  rien. 

LE  DUC 

Parlez,  an  contraire,  afin  que  je  sache  quels  sont  les  secrets  que 
vous  nous  permettez  d'avoir. 

SAINT-CHARLES. 

Convehous  d'une  chose«  monsieur  le  duc  :  quand  ma  franchise 


ACTE  IL  25 

TOUS  déplaira,  appelez-moi  chevalier,  je  rentrerai  dans  l'humblu 
Ole  d'observateur  payé. 

LB  DUC. 

Gontinaez,  mon  cher.  (Apart.)  Ces  gens-là  sont  bien  amusants T 

SAINT-CHARLES. 

M.  de  Frescas  ne  sera  ua  aventurier  que  le  jour  où  il  ne  pourra 
lias  mener  le  train  d'un  homme  qui  a  cent  mille  livres  de  rente. 

LE  DUC. 

Qael  qu'il  soit,  il  faut  que  vous  perciez  le  mystère  dont  il  s'en- 
leloppe. 

oAINT-CHAHLES. 

Ce  que  demande  monsieur  le  duc  est  chose  difficile.  Nous  som- 
mes obligés  à  beaucoup  de  circonspection  avec  les  étrangers,  ils 
sont  les  maîtres;  ils  nous  ont  boulcvei^é  notre  Paris. 

LE  DUC 

Ah  I  quelle  plaie  I 

SAINT -CHARLES. 

Monsieur  le  duc  serait  de  l'opposition? 

LE  DUC 

J'aurais  voulu  ramener  le  roi  sans  son  cortège,  voilà  tout 

SAINT-CHARLES. 

Le  roi  n'est  parti,  monsieur  le  duc,  que  parce  qu'on  a  désor- 
ganisé la  magnifique  police  asiatique  créée  par  Buonaparté!  On 
veut  la  faire  aujourd'hui  avec  des  gens  comme  il  faut,  c'est  à  don- 
ner sa  démission.  Entravés  par  la  police  militaire  de  l'invasion, 
nous  n'osons  arrêter  personne,  dans  la  crainte  de  mettre  la  main 
sur  quelque  prince  en  bonne  fortune  ou  sur  quelque  margrave  qui 
a  trop  dîné.  Mais  pour  vous,  monsieur  le  duc,  on  fera  l'impos- 
sible. Ce  jeune  homme  a-t-ii  des  vices?  Joue-t-il? 

LE  DUC 

Ooi,  dans  le  mondé. 

SAINT-CEÂRLES. 

Loyalement? 

LB  DUC 

Monsieur  le  chevalier... 

SAINT-CHARLES. 

Ce  jeune  homme  doit  être  bien  riche. 

LB  DUC 

Prenez  vous-même  vos  informations 


26  TAIiTRUL 

ftiimr-auKLis. 
Pardon,  monsienr  le  duc;  mais,  sans  les  passions,  nous  ne  pour- 
rions pas  savoir  grand*chose.  Monsieur  le  duc  serait-il  assez  boa 
pour  me  dire  si  ce  jeune  liomme  aime  sincèrement  mademoiselk 
de  ChristoTal? 

Il  ODC 

Une  princesse!  one  héritière  !  Vous  m^inqoiétez.  mon  cher* 

SAINT-CHARLES. 

Monsieur  le  duc  ne  m- a-t-il  pas  dit  que  c'était  un  jeune  homme? 
D'ailleurs,  Famour  feint  est  plus  parfait  que  l'amour  véritable  : 
voilà  pourquoi  tant  de  femmes  s'y  trompent!  Ha  dû  rompre  alors 
avec  quelques  maltresses,  et  délier  le  cœur,  c'est  déchaîner  la 
langue. 

LE  DUC 

Prenez  garde  !  votre  mission  n^est  pas  ordinaire,  n'y  mêlez  point 
de  femmes  :  une  indiscrétion  vous  aliénerait  ma  bienveillance,  car 
tout  ce  qui  regarde  M.  de  Frescas  doit  mourir  entre  vous  et  moi. 
Le  secret  que  je  vous  demande  est  absolu,  il  comprend  ceux  que 
vous  employez  et  ceux  qui  vous  emploient  EnGn,  vous  seriez 
perdu,  si  madame  de  Montsorel  pouvait  soupçonner  une  seule  de 
vos  démarches. 

SAINT-CHARLES. 

Madame  de  Montsorel  s'intéresse  donc  à  ce  jeune  homme?  Dois- 
je  la  surveiller,  car  cette  fille  est  sa  femme  de  chambre. 

LE  DUC. 

Monsieur  le  chevalier  de  Saint-Cliarles,  l'ordonner  est  indigne  de 
moi,  le  demander  est  bien  peu  digne  de  vous. 

SAINT-CHARLES. 

Monsieur  le  duc,  nous  nous  comprenons  parfaitement.  Quel  est 
maintenant  Tobjet  principal  de  mes  recherches? 

LE  DUC 

Sachez  si  Raoul  de  Frescas  est  le  vrai  nom  de  ce  jeune  homme; 
sachez  le  lieu  de  sa  naissance,  fouillez  toute  sa  vie,  et  tenez  tout 
ceci  pour  un  secret  d'État. 

SAINT-CHARLES. 

Je  ne  vous  demande  que  jusqu'à  demain,  Monseignenr. 

LE  DUC 

C'est  peu  de  temps. 

SAINT-CHARLES. 

Non,  monsieur  le  duc,  c'est  beaucoup  d'ai^gent 


ACTE  n.  27 

LI  DUC 

Ne  croyez  pas  qae  je  déâre  savoir  des  choses  mauvaises;  votre 
habitude,  à  vous  autres,  est  de  servir  les  passions  aa  fieu  de  les 
éclairer,  vous  aimez  mieux  iuventer  que  de  n'avoir  rien  à  dire.  Je 
Krais  enchanté  d'jtpprendre  que  ce  jeune  homme  a  une  famille.  •• 

(!•  maïqals  #lttre,  v«lt  floo  pfra  occupé  «t  Mi  MM  déaMMlritiMi  pMT  «itin 
lednonavlteàiestarO 

SCÈNE  Y. 

us  MÉMis,  LE  MARQUIS. 
IX  ffOCy  continuant. 

Si  M.  de  Frescasest  geniilhomme,  si  la  priocease  d'Aijos  is  pré- 
fère décidément  à  mon  fils,  le  marquis  se  retirera. 

LE  MARQUIS. 

Mais  j'aime  Inès,  mon  père. 

LE  DUC)  &  Saint-Chailef. 

*  Adieu,  mon  cher. 

s/^nrr-CHARLES  >  à  put. 
n  ne  s'intéreresse  pas  au  mariage  de  son  fib,  Il  ne  peut  plus 
être  jaloux  de  sa  femme  ;  il  y  a  quelque  chose  de  bien  grave  :  ou 
je  suis  perdu,  ou  ma  fortune  est  refaite.  (u  sort.) 

SCÈNE  YI. 

LE  DUC,  LE  MARQUIS. 
LE   DUC. 

Epouser  une  femme  qui  ne  uousaime  pas  est  une  faute,  Albert, 
que,  moi  vivant,  vous  ne  couuaeitrez  jamais. 

LE    MARQUIS. 

Mais  rien  ne  dit  encore,  mon  père,  qu*Inès  repousse  mes  vœux; 
et  d'ailleurs,  une  fois  qu'elle  sera  ma  femme,  m'en  faire  aimer  est 
mon  affaire»  et,  sans  trop  de  vanité,  je  puis  croire  que  je  réussiiai. 

Ui  DUC. 

Laissez-moi  vous  dire,  mon  fils,  que  ces  opinions  de  mousque- 
taire sont  ici  loiU  à  lait  déplacées. 


VAUTRUL 

LE   MARQUIS. 

En  toute  autre  chose,  mon  père,  vos' paroles  seraient  des  arréis 
pour  moi,  mais  chaque  époque  a  son  art  cVaimcr..!  Je  vous  ou 
conjure,  hâtez  mon  mariage.  Inès  est  volonta/re  coroiiie  une  fillc 
aoîque,  et  la  complaisance  avec  laquelle  elle  accueille  l'auiourd'uii 
aventorier  doit  vous  inquiéter.  En  vérité,  vous  êtes  ce  matin  d'une 
froideur  inconcevable.  Mettez  à  part  mon  amour  pour  Inès, 
puis-je  rencontrer  mieux?  Je  serai,  comme  vous  Têtes,  grand 
d'Espagne,  et  de  plus  je  serai  prince.  En  seriez-vous  donc  fâché, 
mon  père  7 

LK   DUC^  ft  part. 

Le  sang  de  sa  mère  reparaîtra  donc  toujours  I  Oh  !  Louise  a  bien 
su  deviner  où  je  suis  blessé  !  (Haut.)  Songez,  Monsieur,  qu'il  n'y  a 
vîen  au-dessus  du  glorieux  titre  de  duc  de  Montsorel. 

LE  UABQUIS. 

?ous  aurais-je  offensé? 

LE  DUC. 

Assez!  Vous  oubliez  que  j'ai  ménagé  ce  mariage  dès  mon  séjour 
en  Espagne.  D'ailleurs,  madame  de  Christoval  ne  peut  pas  marier 
Inès  sans  le  consentement  du  père.  Le  Mexique  vient  de  proclamer 
um  indépendance,  et  cette  révolution  explique  assez  le  retard  de 
la  réponse. 

LE  UABQUIS. 

Eh  bien  I  mon  père,  vos  projets  seront  déjoués.  Vous  n'avez 
donc  pas  vu  hier  ce  qui  s'est  passé  chez  l'ambassadeur  d'Espagne  ? 
Ma  mère  y  a  protégé  visiblement  ce  Raoul  de  Frescas,  Inès  lui  en 
a  su  gré.  Savez- vous  la  pensée  longtemps  contenue  en  moi  et  qui 
s'est  fait  jour  alors  ?  c'est  que  ma  mère  me  hait  !  Et,  je  ne  puis  le 
dire  qu'à  vous,  mon  père,  à  vous  que  j'aime,  j'ai  peur  qu'il  n'y  ait 
rien  là  pour  elle. 

LE  DUC^  à  part. 

Je  recueille  donc  ce  que  j'ai  semé  :  on  se  devine  pour  la  haine 
aussi  bien  que  pour  l'amour  !  (au  marquis.)  Mon  fils,  vous  ne  devez 
pas  juger  votre  mère,  vous  ne  pouvez  pas  la  comprendre.  Elle  a  vu 
chez  moi  pour  vous  une  tendresse  aveugle,  elle  tâche  d'y  remédier 
par  sa  sévérité.  Que  je  n'entende  pas  une  seconde  fois  semblables 
paroles,  et  brisons  là!  Vous  êtes  aujourd'hui  de  service  au  château, 
allez-y  promptement  :  j'obtiendrai  une  permission  pour  ce  soir,  et 
vous  serez  libre  d'aller  au  bal  retrouver  la  princesse  d'Arjos. 


iICTB  U.  2& 

LE  IfARQUlS. 

Avant  de  partir,  ne  pais-je  voir  ma  mère,  pour  b  supplier  de 
^rendre  mes  intérêts  auprès  dlnèsqui  doit  la  venir  voir  ce  matin? 

LE  DUO. 

Demandez  si  elle  est  visiUe,  je  Tattends  moi-même.  (Le  marqnig  tort.i 
fout  m'accable  à  la  fois;  hier  Tambassadenr  me  demande  oà  est 
mort  mon  premier  fils  ;  cette  nuit,  sa  mère  croit  l'avoir  retrouvé  ; 
ce  matin,  le  fils  de  Juana  Mendès  me  blesse  encore!  Ah  !  d'instinct 
la  princesse  le  devine.  Les  lois  ne  peuvent  jamais  être  impuné- 
fTient  violées,  la  nature  n'est  pas  moins  impitoyable  que  le  monde. 
Serai-je  assez  fort,  même  avec  l'appui  du  roi,  pour  conduire  les 
événements? 

SCÈNE  YII. 

LE  MARQUIS,  LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL,  LE  DUC. 

LJL  DUCHESSE. 

Des  excuses  !  Mais,  Albert,  je  suis  trop  heureuse.  Quelle  sur* 
prise  I  vous  venez  embrasser  votre  mère  avant  d'aller  au  château, 
uniquement  par  tendresse.  Ahl  si  jamais  une  mère  pouvait  dou- 
ter de  son  fils,  cet  élan,  auquel  vous  ne  m'avez  pas  habituée,  dis- 
liperait  toute  crainte,  et  je  vous  en  remercie»  Albert  Enfin  nous 
Doos  comprenons. 

LE  MARQUIS. 

Ala  mère,  je  suis  heureux  de  ce  mot-là;  si  je  paraissais  man- 
quer Il  un  devoir,  ce  n'était  pas  oubli,  mais  la  crainte  de  vous  dé- 
plaire. 

LA  DUCHESSE^  apercerant  le  due. 

Eh  qnm!  vous  aussi,  monsieur  le  duc,  comme  votre  fils,  vous 
?0D8  vous  êtes  empressé...  Mais  c'est  une  fête  aujourd'hui  que 
mon  lever. 

LE  DUC. 

Et  que  vous  aurez  tous  les  jours. 

LA  DUCHESSE,  an  due. 

Ah!  je  comprends. ••  (au marquis.)  Adieu!  le  roi  devient  sévère 
pour  sa  maison  rouge,  je  serais  désespérée  d'être  la  cause  d'une 
léprimande. 


M  VACTBIS. 

LB  DUC 

Pourquoi  le  reuvoyer?  Inès  va  venir. 

LA  DllCtiESSB. 

Je  ne  le  pense  pas»  Je  viens  de  lui  écrire. 

SCÈNE  yni. 

us  «Shis,  JOSEPH. 
JOSEPH,  nmonçant. 

Bladame  la  ducbesse  de  Christoval  et  la  princesse  d'Aijos. 

LA  DUCHESSE,  à  part. 

Quelle  affreuse  contrariété.... 

LE  DUC,  à  son  flls. 

Reste,  je  prends  tout  sur  flK>î.  Nous  sommes  joués. 

SCÈNE  IX. 

LU  MÉMBS,  LA  DUCHESSE  DE  CHKISTOVAL,  LA  PRINCESSE  D'ARJOS. 

LA  DUCHESSE  DE  HOIfTSOItEL. 

Ahf  Madame,  c'est  bien  gracieux  à  vous  de  m*avoir  derancfe. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAI . 

Je  suis  vcmie  ainsi  pour  qo^il  ne  sott  jauvi»  qpaéott  d*éli» 

quette  entre  nous. 

LA  DUCHESSE  DE  UO^TTSOREL^  à  fBte. 

Tous  n'avez  pas  In  cette  lettre? 

I5fiS. 

Une  de  vos  femmes  me  la  remet  à  Tinstant 

LA  DUCHESSE  DE  ■O.fTSOREL,  k  part. 

Ainrf,  Raoul  peut  venir. 

Ld  WiCy  a  la  cacbfSK  dp CThffato val,  fa  dfUéMsÊt^  av  6MHiip^. 

Nous  est-il  permis  de  voir  dans  cette  visite  sans  cérénonie  ■■ 
mmencement  à  notre  intimîlé  de  famille? 

LA  DUCHESSE  DK  CHKISTOirAL. 

Ne  donnons  pas  tant  d'iiupturtaiice  à  œ  que  je  regarde  comme 

U  ■AlQlIll. 

Vous  craignez  donc  bien,  madame,  d'encourager 


ACTB  11  n 

rancës?N*ai-je  donc  pas  été  assez  malbenrenx  hier?  Mademoiselle 
ii«  m'a  rien  accordé,  pas  même  un  regard. 

INÈS. 

Je  ne  pensais  pas,  Monsienr,  avoir  le  plairfr  de  tous  rencon- 
trer sitôt ,  je  Tons  croyais  de  service  ;  je  suis  toute  iieureuse  de 
me  jastîQer;  je  ne  vous  ai  aperçu  quVn  sortant  du  l)al,  et  mon 

excuse  (elle  montre  la  duebese  de  Hontsorel) ,  la  VOlcî. 

lE   MARQUIS. 

Tous  avez  deux  excuses,  MademoiseDe,  et  je  vous  sais  un  gré 
infini  de  ne  parler  que  de  ma  mère. 

LE  DUC 

niademoiselle,  ne  voyez  dans  ce  reprodie  qu'une  excessive  mo- 
destie. Albert  a  des  craintes  comme  si  M.  de  Frescas  devait  lui 
en  inspirer  I  A  son  ^e,  la  passion  est  une  fée  qui  grandit  di^s 
riens.  Mais  ni  votre  mère,  ni  vous.  Mademoiselle,  vous  ne  pou- 
Yfi  prendre  au  sérieux  un  jeune  bomme  dont  le  nom  est  problé- 
matique et  qui  se  tait  si  soigneusement  sur  sa  famille. 

LA  DUCRESSl  DE  lfO!fTSO&EL9  à  la  doehctse  de  Cbrist^nl. 

Xgporez-vcuis  égaiemenl  le  lieu  de  sa  naissance? 

LA  DUCUESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Nous  n'en  sommes  pas  encore  à  lui  demander  de  semblable! 
reoseiguemeAts* 

LE  DUC. 

Nous  sommes  cependant  trois  ici  qui  ne  serions  pas  fôchés  de  les 
avoir.  Vous  seules.  Mesdames,  seriez  discrètes  :  la  discrétion  est 
une  vertu  qui  ne  profite  qu'à  ceux  qui  la  recommandent. 

LL  DUCUESSE  DE  MO"' .  0AEL. 

Et  moi.  Monsieur,  je  ne  crois  pas  à  l'innocence  de  certaines 
cunosiiés. 

LE   MARQUIS. 

Ha  mèrie,  la  Boôenne  est-elle  donc  hors  de  propos  ?  £t  ne  pnis-je 
m'enqucnr  auprès  de  Madame  si  les  Frescas  d'Aragon  ne  sont  paa 
éteints? 

LA  DDCBBSSB  DE  CURISTOVAL^  au  dm. 

Nous  avons  connu  tous  deux  le  vieux  commandeur  à  Madrid,  Is 
lemier  de  cette  maison. 

LE  DUC 

n  est  murC  nécessairement  sans  enfant 

llfSS. 

Man  0  exbte  une  branche  à  NapleSi 


32  VAUTRIN. 

LE  VARQUIS* 

Oh!  Mademoiselle,  comment  ignorez-TOUs  que  les  Médina-Cœli» 
vos  cousins,  en  ont  hérité? 

LA  DUCHESSE  DE  CHRI8T0VAL, 

iMais  TOUS  avez  raison,  il  n*y  a  plus  de  Frescas. 

LA  DUCHESSE  DE   MONTSOREU 

Eh  bien!  si  ce  jeune  homme  est  sans  nom,  sans  famille,  sani 

pays^  ee  n'est  pas  un  rival  dangereux  pour  Albert,  et  je  ne  vois 
pas  pourquoi  vous  vous  en  occupez. 

LE  DUC. 

Mais  il  occupe  beaucoup  les  femmes. 

INÈS. 

Je  commence  à  ouvrir  les  yeux... 

LE    MARQUIS. 

Ah  !... 

INÈS. 

...  Oui,  ce  jeune  homme  n'est  peut-être  point  tout  ce  qu*il 
veut  paraître  :  il  est  spirituel,  il  est  même  instruit,  n'exprime  que 
lie  nobles  sentiments,  il  est  avec  nous  d'un  respect  chevaleresque, 
il  ne  dit  de  mal  de  personne;  évidemment,  ii  joue  le  gentilhomme, 
et  il  cxr.gère  son  rôle. 

LE   DUC. 

11  cxagôrc  aussi,  je  crois,  sa  fortune;  mais  c'est  un  mensonge 
difficile  à  soutenir  longtemps  à  Paris. 

LA  DUCHFSSE  DE  MONTSOREL,  à  la  duchesse  de  Chrtotoral. 

Vous  allez,  m'a-t-on  dit,  donner  des  fêtes  superbes? 

LE  MARQUIS. 

M.  de  Frescas,  Mesdames,  parle-t-il  espagnol? 

INÈS. 

Absolument  comme  nous. 

LE  DUC. 

Taisez-vous,  Albert  :  ne  voyez-vous  donc  pas  que  M.  de  Fres- 
cas est  un  jeune  homme  accompli? 

LÀ  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL. 

Il  est  vraiment  très-aimable,  et  si  vos  doutes  étaient  fondés,  j  e 
TOUS  avoue,  mon  cher  duc,  que  je  serais  presque  chagrine  de  ne 
plus  le  recevoir. 

LA  DUCQESSS  DE  MONTSOREL,  kUdacheMedeCliristOTal. 

Vous  êtes  aussi  belle  ce  matin  qu'hier;  vraiment  j^admire  que 
TOUS  résistiez  ainsi  aux  fatigues  du  monde. 


ACTE  IL  3S 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL^  à  Inès. 

Ma  fille,  ne  parlez  plus  de  M.  de  Frescaa,  ce  sa 'et  de  conversa- 
tion déplaît  à  madame  de  Montsorel. 

ufis. 
Il  lui  plaisait  hier. 

SCÈNE  X. 

LIS  MÊMES,  JOSEPH,  RAOUL. 
JOSEPH^  à  la  duchesse  de  Uontsorel. 

Mademoiselle  de  Yaudiey  n*y  est  pas,  M.  de  Frescas  se  présentai 
madame  la  duchesse  veut-elle  le  recevoir? 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL. 

RaonU  ici! 

LB  DUC. 

Déjà  chez  elle  ! 

LE  MARQUIS^  ft  son  père. 

Ua  mère  nous  trompe. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Je  n*y  sais  pas. 

LE   DUC. 

Si  vous  avez  déjà  prié^.  de  Frescas  de  venir,  pourquoi  com- 
mencer par  une  impolitesse  avec  un  si  grand  personnage?  (u  do* 

chesse  de  Montsorel  fUt  un  geste.  A  Joseph.)  Faites  entrer!  (An  marquis.)  SoyCZ 

prudent  et  calme. 

LA  DUCHESSE  DE  UONTSOREL^  k  part- 

En  voulant  le  sauver,  c*est  moi  qui  l'aurai  perdu. 

JOSEPH. 

M.  Raoul  de  Frescas. 

RAOUL. 

Mon  empressement  à  me  rendre  à  vos  ordres  vous  prouve,  ma- 
dame la  duchesse,  combien  je  suis  fier  de  cette  faveur  et  désireux 
de  la  mériter. 

LA  DUCHESSE  DE  UONTSOREL. 

Je  vous  sais  gré.  Monsieur,  de  votre  exactitude,  (a  part,  bas.)  Mais 
elle  peut  vous  être  funeste. 

RAOULy  saluant  la  duchesse  de  CbristoTal  et  sa  fille,  k  part. 

Comment!  Inès  chez  eux? 

(Raoul  salue  le  duc,  qui  lui  rend  son  saint:  mais  le  niarqnls  a  pris  les  joaroaif 
sur  la  table,  et  Teint  de  ne  pas  voir  Raoul.) 

TU.  3 


3 '4  VAUTRUI. 

LE  DUC. 

Te  ne  m'attendais  pas,  je  vous  Favoue,  Monsieur  de  Frescas, 
cous  rencontrer  chez  inadanic  de  iMontsorel;  mais  je  suis  heureux 
de  Fintérêt  qu*elie  tous  témoigne,  puisqu'il  me  procure  le  plaisîi 
de  voir  un  jeune  homme  dont  ie  début  obtient  tant  de  succès  et 
jette  tant  d*éclat.  Vous  êtes  un  de  ces  rivaux  de  qui  Ton  est  fier  si 
Ton  est  vainqueur,  et  par  lesquels  on  peut  être  vaincu  sans  trop 
de  déplaisir. 

RAO'JL. 

Partout  ailleurs  que  chez  vous,  monsieur  le  duc,  l'exagération 
de  ces  éloges,  auxquels  je  me  refuse,  serait  de  Tironie  :  mais  il 
m'est  impossible  de  ne  pas  y  voir  un  courtois  désir  de  me  mettre 

à  Taise  (en  regardant  le  marquis  qui  lui  tourne  le  dos},   Ik  OÙ  je  pOUVais  me 

croire  importun. 

LE   DUC. 

Vous  arrivez,  au  contraire,  très  à  propos,  nous  parlions  de  votre 
famille  et  de  ce  vieux  comaïauileur  de  Frescas  que  Madame  et 
moi  avons  beaucoup  vu  jadis. 

RAOUL. 

Vous  aviez  la  bonté  de  tous  occuper  de  moi;  mais  c'est  un  hon- 
neur qui  se  paye  ordinairement  par  un  peu  de  médisance. 

LS  DUC. 

On  ne  peut  dire  du  mal  que  des  gens  qu'on  connaît  bien. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Et  nous  voudrions  bien  avoir  le  droit  de  médire  de  Toas. 

RAOUL. 

Il  est  de  mon  intérêt  de  conserver  vos  bonnes  grâces. 

LA  DUCHESSE  DE  UONTSOREL. 

Je  connais  un  moyen  sûr. 

RAOUL. 

Et  lequel  7 

LA  DUCHESSE  DE  UONTSOREL. 

Restez  le  personnage  mystérieux  c|ue  vous  êtes. 

LB  MARQUIS  y  revenant  avec  un  Journal. 

Voici,  Mesdames,  quelque  chose  d'étrange  :  chez  le  feld-raaré- 
c'^I,  où  vous  étiez  sans  doute,  on  a  surpris  un  de  ces  soi-disant 
seigneurs  étrangers  qui  volait  au  jeu. 

INÈS. 

Bt  c'est  là  cette  grande  nooTelle  qui  vous  absorbailT 


ACTE  n.  S5 

mAOUL. 

En  ce  moment,  qui  est-ce  qui  n'est  pas  étranger? 

Ll   MARQUIS. 

Mademoiselle,  ce  n'est  pas  précisément  la  nouTelle  qoi  me  préoc- 
rope,  mais  Tinconcevable  facilité  avec  laquelle  on  accueille  des 
geos  sans  savoir  ce  qu'ils  sont  ni  d'où  ils  viennent 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOBBL,  à  pnC 

Veulent-ils  l'insuiter  chez  moi  7 

RAOUL. 

S'il  faut  se  défier  dos  gens  qu'on  connaît  peu,  n*en  est -il  pas 
qu'on  connaît  beaucoup  trop  en  un  instant? 

LE  DUC. 

Albert,  en  quoi  ceci  peut-il  nous  intéresser?  Admettons-nous 
jamais  quelqu'un  sans  bien  connaître  sa  famille? 

RAOUL. 

Monâeur  le  duc  connaît  la  mienne. 

LE  DUC. 

Vous  Ctes  chez  mp^dame  de  Montsorel,  et  cela  me  suffit  Nous 
savons  trop  ce  que  nous  vous  devons,  pour  qu'il  vous  soit  possible 
d'oublier  ce  que  vous  nous  devez.  Lt  nom  de  Frescas  oblige,  et 
TOUS  le  portez  dignement     . 

»    LA  DUCHESSE  DE  CHRIST07AL,  à  Raoul. 

Ne  voulez  vous  pas  dire  en  ce  moment  qui  vous  êtes,  sinon 
pour  vous,  du  moins  pour  vos  amis  ? 

RAOUL. 

Je  serais  au  désespoir.  Messieurs,  si  ma  présence  id  devenait  la 
cause  de  la  plus  légère  discussion  ;  mais  comme  certains  ménage- 
ments peuvent  blesser  autant  que  les  demandes  les  plus  directes, 
nous  finirons  ce  jeu,  qui  n'est  digne  ni  de  vous  ni  de  moL  Madame 
la  duchesse  ne  m'a  pas,  je  crois,  invité  pour  me  faire  subir  des  in- 
terrogatoires. Je  ne  reconnais  à  personne  le  droit  de  me  demander 
compte  d'un  silence  que  je  veux  garder. 

LE    MARQUIS. 

Et  nous  laissez- vous  le  droit  de  l'interpréter? 

EAOUL. 

Si  je  réclame  la  liberté  de  ma  conduite,  ce  n'est  pas  pour  en* 
chaîner  la  vôtre. 

LA  DUCHESSE  DE  MOXÎSOREL. 

U  y  va,  Monsieur,  de  votre  dignité  de  ne  rien  répondre. 


86  VAUTADI. 

LB  DUC^  à  Raoui. 

Vons  êtes  na  noble  jeune  homme,  vous  avez  des  distinctions 
naturelles  qui  signalent  en  vous  le  gentilhomme,  ne  tous  offensez 
pas  de  la  curiosité  du  monde  :  elle  est  notre  sauvegarde  à  tous. 
Votre  épée  ne  fermera  pas  la  bouche  à  tous  les  indiscrets,  et  le 
monde,  si  généreux  pour  des  modesties  bien  placées,  est  impi- 
toyable pour  des  prétentions  injustifiables... 

RAOUL. 

Monsieur! 

LA  DUCHESSB  DE  MONTSORBL^  Tiyement  et  bas  à  Raoul. 

Pas  un  mot  sur  votre  enfance;  quittez  Paris,  et  que  je  sacôe 
seule  où  vous  serez...  caché  î  II  y  va  de  tout  votre  avenir. 

LE   DUC 

Je  veux  être  votre  anu,  moi,  quoique  vous  soyez  le  rivai  de  ummi 
fils.  Accordez  votre  confiance  II  un  homme  qui  a  celle  de  son  roL 
Gomment  appartenez-vous  à  la  maison  de  Frescas,  que  nous 
croyions  éteinte  7 

RAOUL^  au  duc. 

Monsieur  le  duc,  vous  êtes  trop  puissant  pour  manquer  de  pro- 
tégés, et  je  ne  suis  pas  assez  faible  pour  avoir  besoin  de  protecteuis. 

LA  DUCHESSB  DE  CHRISTOTAL. 

Monsieur,  n*en  veuillez  pas  à  une  mère  d'avoir  attendu  celte 
discussion  pour  s'apercevoir  qu'il  y  avait  de  l'impruUence  à  vous 
admettre  souvent  à  Thôtel  de  Ghristoval. 

INÈS. 

Une  parole  nous  sauvait,  et  vous  avez  gardé  le  silence  :  il  y  a 
donc  quelque  chose  que  vous  aimez  mieux  que  moi  7 

RAOUL. 

Inès,  je  pouvais  tout  supporter,  hors  ce  reproche  !  (a  part)  O  !  Yao- 
trin,  pourquoi  m'avoir  ordonné  ce  silence  absolu  7  (ii  salue  les  femmes. 
k  la  duchesse  de  Montsorci.)  Yous  me  devez  compte  de  tout  mon  bonheuK 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Obéissez-moi,  je  ré]X)nds  de  tout 

RAOUL^  au  marquis. 

le  suis  à  vos  ordres,  Monsieur. 

LE  MARQUIS. 

Au  revoir^  monsieur  RaouL 

RAOUL. 

De  Frescas,  s'il  vous  plait  * 

LE  MARQUIS. 

De  Frescas,  soit  !  l'Asoui  R>rt.) 


ACTE  II.  57: 

SCENE  XI. 

us  lÉHES,  excepté  RAOUL. 
LA  DUCHBSSB  DE  MONTSOREL^  à  la  duchesse  de  Ghrfstoval. 

Yoas  ayez  été  bien  séyère. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Vous  ignorez,  Madame,  que  ce  jeune  hoinine  s*est  pendaat  trois 
mois  trouYé  partout  où  allait  ma  fille,  et  que  sa  présentation  s'est 
fûte  un  peu  trop  légèrement  peut-être. 

LE  DUC>  il  la  duchesse  de  Chiistoval. 

On  pouvait  facilement  le  prendre  pour  un  prince  déguise. 

LE  MARQUIS. 

N'est-ce  pas  plutôt  un  homme  de  rien  qui  voudrait  se  déguiser 
en  prince? 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Votre  père  vous  dira.  Monsieur,  que  ces  déguisements-là  sont 
bien  diflSdies. 

INÊSy  au  marquis. 

Un  homme  de  rien»  Monsieur  7  On  peut  nous  élever,  mais  nous 
ne  savons  pas  descendre. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL. 

Que  dites- vous,  Inès? 

INÈS. 

Mais  il  n'est  pas  là,  ma  mère  !  Ou  ce  jeune  homme  est  insensé, 
00  ces  messieurs  ont  voulu  manquer  de  générosité. 

MADAME  DE  CHRISTOTAL,  à  la  duchesse  de  Uontsorel. 

Je  comprends.  Madame,  que  toute  explication  est  impossible, 
surtout  devant  M.  de  Montsorel  ;  mais  il  s'agit  de  notre  honneur» 
ctje  vous  attends. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

A  demain  donc. 

(M.  de  Montsorel  reeondalt  la  duchesse  de  Christoyal  et  sa  flUe.) 

SCÈNE  xn. 

LE  MARQOIS,  LE  DUC. 
LE  MARQUIS. 

Mcn  père,  l'apparition  de  cet  aventurier  vous  cause,  ainsi  qu  « 


M  VAUTRIN. 

ma  mère,  des  émotions  bien  violentes  :  on  dirait  qu*au  lieu  d  un 
mariage  compromis,  vos  existences' cUes-mômes  sont  menacées. 
La  duchesse  et  sa  fille  s'en  vont  frappées... 

LE  DUC. 

Ahl  pourquoi  sont-elles  venues  au  milieu  de  ce  débat? 

LE  MARQUIS. 

Ce  Baoul  vous  intéresse  donc  aussi  T 

LE  DUC. 

Et  toi  donc?  Ta  fortune,  ton  nom,  ton  avenir  et  ton  mariage . 
tout  ce  qui  est  plus  que  la  vie,  voilà  ce  qui  s*est  joué  devant  toi  ! 

LE  MARQUIS.  ^ 

Si  toutes  ces  choses  dépendent  de  ce  jeune  homme,  j*en  aurai 
promptement  raison. 

LE  DUC. 

Un  duel,  malheureux!  Si  tu  avais  le  triste  bonheur  de  le  tuer, 
c'est  alors  que  la  partie  serait  perdue. 

LE  MARQUIS. 

Que  dois-je  donc  faire? 

LE  DUC 

Ce  que  font  les  politiques  :  attendre! 

LE   MARQUIS. 

Si  vous  êtes  en  péril,  mon  |)èie,  croyez-vous  que  je  puisse  res- 
ter impassible? 

LE   DUC 

Laissez-moi  ce  fardeau,  mon  fils,  il  vous  écraserait. 

LE    MARQUIS. 

Ahl  vous  parlerez,  mon  père,  vous  me  direz..» 

LE  DUC. 

Rien!  nous  aurions  trop  à  rougir  tous  deux. 

SCÈNE  XIIL 


LES  MÊMES,   VAUTRIN. 

VaatriQ  est  habillé  tout  en  noir  il  afTecte  un  air  de  componction,  et  d'bomfliti 

pendant  une  partie  de  la  scène. 


VAUTRIN. 

Monsieur  le  duc,  daignez^  m'excnser  d'avoir  forcé  votre  porte, 
mais  (bas  et  à  lui  seul)  Dous  venons  d*être  Tun  et  l'autre  victimes  d'un 


ACTE  n.  S9 

^bos  de  confiance...  Permettez-moi  de  yoosdiredenx  mots  à  tous 

LE  DUCy  folsant  un  signe  à  son  flis,  qui  le  leUie. 

Parlez,  Monsieur. 

TAUTRm. 

.  Monsieur  le  duc,  en  ce  motnent,  c'est  à  qui  s'agitera  pour  ob- 
tenir des  emplois,  et  cette  ambition  a  gagné  toutes  les  classes. 
Chacun  en  France  veut  être  colonel,  et  je  ne  sais  ni  où,  ni  com- 
Oient  on  y  trouve.des  soldats.  Vraiment,  la  société  tend  à  une  dis- 
solution prochaine,  qui  sera  causée  par  cette  aptitude  générale 
pour  les  hauts  grades  et  par  ce  dégoût  pour  Finfériorité. .«  Voilà  le 
fruit  de  Tégalité  révolutionnaire.  La  religion  est  le'seul  remède  à 
opposer  à  cette  corruption. 

LE  DUC. 

Où  voulez-vous  en  venir  ? 

YAUTRÎIT. 

Pardon,  il  m'a  été  impossible  de  ne  pas  expliquer  à  Thomme 
d'État  avec  lequel  je  vais  travailler  la  cause  d'une  méprise  qui  me 
chagrine.  Avez-vous,  monsieur  le  duc,  confié  quelques  secrets  à 
celui  de  mes  gens  qui  est  venu  ce  malin  à  ma  place  dans  la  folle 
pensée  de  me  supplanter  et  dans  Tespoir  de  se  faire  connaître  de 
TOUS  en  vous  rendant  service  7 

LE  DUC. 

Gomment.,  vous  êtes  le  chevalier  de  Saint-Charles? 

VAUTRIN. 

Monsieur  le  duc,  nous  sommes  tout  ce  que  nous  voulons  être. 
Ni  lui,  ni  moi  n'avons  la  simplicité  d'être  nous  mêmes...  nous  y 
perdrions  trop. 

LE  DUC. 

Songez,  Monsieur,  qu'il  me  faut  des  preuves. 

VAUTRIN. 

Monsieur  le  duc,  si  vous  lui  avez  confié  quelque  secret  impor- 
tant, je  dois  le  faire  immédia  emcnt  surveiller. 

LE  DUC ,  h  part. 

Oelui-ci  a  l'air,  en  effet,  bien  plus  honnête  homme  et  plus  posé 

^e  l'autre. 

YAurmif. 

Nous  appelons  cela  de  la  contre-police. 

X.I  DUC 

Vous  auriez  dû.  Monsieur,  ne  |;^s  venir  ici  sans  pouvoir  justi- 
fier vos  assertions. 


40  VAUTRIBI. 

TAUTRIir. 

Monsieur  le  duc,  j'ai  rempli  mon  deToir.  Je  souhaite  que  Tarn- 
kition  de  cet  homme,  capable  de  se  vendre  au  [dus  offrant,  tous 
«oit  utile. 

U  DUC^  à  part. 

Comment  peut-il  savoir  si  promptement  le  secret  de  mon  entre- 
vue de  ce  matin? 

YÂUniK,  à  part. 

Il  hésite  :  Joseph  a  raison,  il  s*agit  d*un  secret  important 

LE  DUC 

Monsieur.  •• 

TAUTRIN. 

Monsieur  le  du&.. 

LE  DUC. 

Il  nous  importe  à  l'un  comme  à  l'autre  de  confondre  cet  homme; 

VAUTRIN. 

Ce  sera  dangereux,  s'il  a  votre  secret;  car  il  est  rusé. 

LB  DUC. 

Oui,  le  drôle  a  de  l'esprit 

VAUTtUf. 

Â-t-il  une  mission  T 

JX  DUC. 

Rien  de  grave  :  je  veux  savoir  ce  qu'est  au  fond  un  M.  de  Frescas. 

VAUTRIN^  à  part. 

Rien  que  cela  !  (Haut.)  Je  puis  vous  le  dire,  monsieur  le  duc, 
Raoul  deFrescas  est  un  jeune  seigneur  dont  la  famille  est  compro- 
mise dans  une  affaire  de  haule  trahison,  et  qui  ne  veut  pas  porter 
le  nom  de  son  père. 

U  DUC 

Il  a  un  père? 

▼AiïiKm. 
U  à  un  père. 

u  DUC. 

Et  d'où  vient-il  T  quelle  est  sa  fortune? 

VAUTRIN. 

Nous  changeons  de  rôle,  monsieur  le  duc,  et  vous  me  permettrez 
de  ne  pas  répondre  jusqu'à  ce  que  je  sache  quelle  espèce  d'intérêt 
fOti*e  Seigneurie  porte  à  M.  de  Frescas. 

u  DUC, 

Vous  vous  oubliez,  Monsieur..  •  ' 


ACTE  IL 


u\ 


TAUTRIIf^  quittant  son  air  hiimbto. 

Oui,  monsieur  le  duc,  j'oublie  qu'il  y  a  une  distance  énorme 
entre  ceux  qui  font  espionner  et  ceux  qui  espionnent 

LB  DUC. 

Joseph! 

YAUTRIN. 

Ce  doc  a  mis  des  espions  après  nous,  il  faut  se  dépêcher. 

(Vautrin  disparaît  dans  la  porte  de  oOté,  par  laquelle  U  est  entré  au  premier  acte.) 

LE  DUC,  reyenant. 

Vous  ne  sortirez  pas  d'ici.  £h  bien  !  où  est-il?  (n  sonne  et  josepii 
parait.)  Faites  fermer  toutes  les  portes  de  mon  hôtel,  il  s'est  intixf  * 
(luit  un  homme  icL  Allons,  cherchez-le  tous,  et  qu'il  soit  arrêté. 

(Il  entre  cbei  la  ducbesse.) 
J06BPH.  regardant  par  la  peUte  pncle. 

0  est  déjà  loin. 


nu  mj  DKUXIÈMK  ÂCOm 


■i     t,^9\*'-— 


ACTE    TROISIÈME 


liu  fBton  ebei  Raoul  de  FicMai. 


SCÈNE  PREMIERE. 

LAFOURAILLE,  seul. 

Feu  mon  digne  père,  qui  roe  recommandait  de  ne  voir  que  la 
bonne  compagnie,  aurait-il  été  content  hier?  touie  la  nuit  avec 
^les  valets  de  ministres,  des  cliassenrs  d'ambassade,  des  cochers  de 
prince,  de  ducs  et  paire,  rien  que  cela!  tous  gens  bien  posés,  à 
Tabri  du  malheur  :  ils  ne  volent  que  leui-s  maîtres.  Le  nôtre  a 
dansé  avec  un  beau  brin  de  fille  dont  les  cheveux  étaient  saupoa- 
drés  d'un  million  de  diamants,  et  il  ne  faisait  attention  qu'au  bou- 
quet qu'elle  avait  à  sa  main;  simple  jeune  homme,  va!  nous  au- 
rons de  l'esprit  pour  lui.  Molic  vieux  Jacciues  Collin...  Bon!  me 
voilà  encore  pris,  je  up,  peux  pas  me  faire  h  ce  nom  de  bourgeois, 
M.  Vautrin  y  mettra  bon  ordre.  Avant  ])eu  les  diamants  et  la  dot 
prendront  l'air,  et  ils  en  ont  besoin  :  toujours  dans  les  mêmes 
coiïres,  c'est  contre  les  lois  de  la  circulation.  Quel  gaillard!  il  vous 
pose  un  jeune  homme  qui  a  des  moyens.  —  II  est  gentil,  il  ga- 
zouille très-bien,  l'héritière  s'y  prend,  le  tour  est  fait,  et  nous 
partagerons.  Ah!  ce  sera  de  l'argent  bien  gagné.  Voilà  six  mois 
que  nous  y  sommes.  Avons-nous  pris  des  figures  d'imbéciles!  enfin 
tout  le  monde  dans  le  quartier  nous  croit  de  bonnes  gens  tout 
simples.  Enfin,  pour  Vautrin  que  ne  ferait-on  pas?  U  nous  a  dit . 
«  Soyez  vertueux»  »  on  l'esL  J'en  ai  peur  comme  de  la  gendar 
merie,  et  cependant  je  l'aime  encore  plus  que  l'at^ent 

YAUTRIN^  appelant  dans  la  coulis». 

Lafourdille? 


ACTE  UL  43 

lAFOURAlLLE. 

Le  voici!  Sa  figure  ne  me  revient  pas  ce  matin,  le  temps  est  à  f 
l'orage,  yùme  mieux  que  ça  tombe  sur  un  autre,  donnons-nous  ' 

de  l'air,  (D  ^i  pan  tottir.} 

SCÈNE  IL 


YAUTRIN,  LAFOURAÏLLB. 

yiDtrIn  paraît  en  pantalon  à  pieds  de  molleton  blanc,  avec  un  gilet  rond  de  pareille 
ttoffe,  pantouflefi  de  maroquin  rouge,  enUu,  la  tenue  d'un  homme  d'allàires,  le  matin. 


▼Auntnr. 
LafouraîUeT 

lAFOURAILLE. 

Rlonsicur. 

YAUTRIX. 

Où  vas-tu  ? 

LAFOURAILLE. 

Chercher  vos  lettres. 

YAUTHIN. 

Je  les  ai.  As-tu  encore  quelque  chose  à  faire  ? 

LAFOURAILLE. 

Oui,  votre  chambre...  , 

VAUTRIN. 

Eh  bien!  dis  donc  tout  de  suite  que  tu  désires  me  quitter.  J'ai 
toujours  vu  que  des  jambes  inquiètes  ne  portaient  pas  de  cons- 
cience tranquille.  Tu  vas  rester  là,  nous  avons  à  causer. 

LAFOU  RAILLE. 

Je  suis  à  vos  ordres. 

VAUTRIN. 

Je  l'espère  bien.  Viens  ici.  Tu  nous  rabâchais,  sous  le  beau  ciel- 
de  la  Provence,  certaine  histoire  peu  ûalteuse  pour  loi.  Un  inteu* 
daut  t'avait  joué  par-dessous  jambe  :  te  rappelles-tu  bien? 

LAFOURAILLE. 

L'intendant?  ce  Charles  Biondet,  le  seul  homme  qui  m*ait volé! 
Est-ce  que  cela  s'oublie? 

VAUTRIN. 

Ne  lui  avais-tu  pas  vendu  ton  maître  une  fois  ?  C'est  assez 
commun. 


au  VAUTRIll. 

LAFOURAILLB. 

Une  fois?  Je  l'ai  venda  trois  fois,  moa  maittre. 

YAUTRIN. 

C'est  mieux.  Et  qael  commerce  faisait  donc  l'intendant? 

LAFOURAILLB. 

Vous  allez  ifoir.  J'étais  piqucur  à  dix-hoit  ans  dans  la  maison 
de  Langeac. 

VAUTRIÎf. 

Je  croyais  que  c'était  chez  le  duc  de  MontsoreL 

LAFOURAILLB. 

Non;  lienreusementleduc  ne  m'a  vu  qne  deux  fois,  et  j'espère 
qu'il  m'a  oublié. 

TAUTRIIf. 

L'as-tn  Tolé? 

LAFOURAILLE. 

Vais,  un  peu. 

VAUTRIN. 

Eh  bien  !  comment  veux-tu  qu'il  t'oublie? 

LAFOURAILLB. 

Je  l'ai  vu  hier  à  l'ambassade,  et  je  puis  être  tranquille. 

VAUTRIN. 

Ah!  c'est  donc  le  même? 

LAFOURAILLB. 

Nous  avons  chacun  vingt-cinq  ans  de  plus,  voilà  toute  la  diffé- 
rence. 

VAUTRIN. 

Eh  bien  !  parle  donc?  Je  savais  bien  que  tu  m'avais  dit  ce  nom- 
là.  Voyons. 

LAFOURAILLB. 

Le  vicomte  de  Langeac,  un  de  mes  maîtres,  et  ce  duc  de  Mont- 
sorel  étaient  les  deux  doigts  de  la  main.  Quand  il  fallut  opter  entre 
h  cause  du  peuple  et  celle  des  grands,  mon  choix  ne  fat  pas  dou- 
teux ;  de  simple  piqueur,  je  passai  citoyen,  et  le  citoyen  Philippe 
Boulard  fut  un  chaud  travailleur.  J'avais  de  l'enthousiasme,  j'eus 
de  l'autorité  dans  le  faubourg. 

VAUTRIN. 

Toi!  tu  as  été  un  homme  politique? 

LAFOURAILLB. 

Pas  longtemps.  J'ai  fait  une  belle  action,  ça  m*a  perdu.. 

VAUTRIN. 

Ah  I  mon  garçon,  il  faut  se  défier  des  belles  actions  autant 


ACTE  m.  45 

que  des  belles  femmes  :  on  s*en  iroaye  souvent  mal.  Etait-elle 
belle,  au  moins,  cette  action  ? 

LAFOURAIIXE. 

Vous  allez  voir.  Dans  la  bagarre  du  10  aoûl,  le  duc  me  confie 
le  vicomte  de  Langeac;  je  le  déguise,  je  le  cache,  je  le  nourriSi^  au 
ilsque  de  perdre  ma  popularité  et  ma  tête.  Le  duc  m*avait  bien 
encouragé  par  des  bagatelles,  un  millier  de  loais,  et  ce  Blondet  a 
rinfamie  de  venir  me  proposer  davantage  pour  livrer  notre  jeune 
maître. 

VAUTRIN. 

Tu  le  livres? 

LAFOURAILLB. 

A  l'instant  On  le  coffre  à  TÂbbaye,  et  je  me  trouve  à  la  tête  de 
soixante  bonnes  mille  livres  en  or,  en  vrai  or. 

VAUTRIN. 

En  qum  cela  regarde-t-il  le  duc  de  Montsorel? 

LAFOURAaLE. 

Attendez  donc.  Quand  je  vois  venir  les  journées  de  septembre, 
ma  conduite  me  semble  un  peu  répréhensible  ;  et,  pour  mettre  ma 
conscience  en  repos,  je  vais  proposer  au  duc,  qui  partait,  de  re- 
saaver  son  ami. 

VAUTRIN. 

As-tu  du  moins  bien  placé  tes  remords? 

LAFOURÂILLE. 

Je  le  crois  bien,  ils  étaieqt  rares  à  cette  époque-là  !  Le  duc  me 
promet  vingt  mille  francs  si  j'arrache  le  vicomte  aux  mains  de  mes 
camarades,  et  j'y  parviens. 

VAUTRIN. 

Un  vicomte,  vingt  mille  francs  !  c'était  donné. 

>   LAFOURAILLB. 

D'autant  plus  que  c'était  alors  le  deraier.  Je  l'ai  su  trop  tard. 
X'intendant  avait  fait  disparaître  tous  les  autres  Langeac,  même 
une  pauvre  grand'mère  qu'il  avait  envoyée  aux  Carmes. 

VAUTRIN. 

Il  allait  bien,  celui-là! 

LAFOURAILLR. 

Il  allait  toujours  !  Il  apprend  mon  dévouement,  se  met  à  ma 
piste,  me  traque  et  me  découvre  aux  environs  de  Mortagne,  où 
mon  maître  attendait,  chez  un  de  mes  oncles,  une  occasion  de  ga- 
gner la  mer.  Ce  gueux- là  m'offre  autant  d'argent  qu'il  m'en  avait 


M  VAUTRIK. 

déjà  donné.  Je  me  vois  ane  existence  honnête  pour  le  reste  de 
mes  jours,  je  suis  faible.  Mon  Blondet  fait  fusiller  le  vicomte  comme 
espion,  et  nous  fait  mettre  en  prison,  mon  oncle  et  moi,  comme 
complices.  NousnVn  sommes  sortis  qu*en  regorgeant  tout  mon  or. 

VAUTRIN. 

Voilà  comment  on  apprend  à  connaître  le  cœur  humain.  Ta 
avais  affaire  à  plus  fott  que  toi. 

LAFOU  RAILLE. 

Penh  !  il  m*a  laissé  en  vie,  un  vrai  fmassier. 

YAUTUIN. 

£n  voilà  bien  assez  !  U  n'y  a  rien  ])our  moi  dans  ton  histoire. 

LAFOURAILLB. 

Je  peux  m*cn  aller? 

YAUTRIX. 

« 

Ah  çà  !  tu  éprouves  bien  vivement  le  besoin  d'être  là  où  je  ne 
suis  pas.  Tu  as  été  dans  le  monde,  hier  ;  t'y  es-tu  bien  tenu? 

LÀFOURAILLE. 

Il  se  disait  des  choses  si  drôles  sur  les  maîtres,  que  je  n'ai  pas 
quitté  l'antichambre. 

VAUTRIN. 

Je  t'ai  cependant  vu  rôdant  près  du  buffet,  qu'as-tu  pris? 

LAFOURAILLE. 

Rien...  Ah  I  si,  un  petit  vene  de  vin  de  Aladèiu 

VAUTRIN; 

OÙ  as-tu  mis  les  douze  couverts  de  vermeil  que  tu  as  consom 
mes  avec  le  petit  verre? 

LAFOURAILLB. 

Du  vermeil!  J'ai  beau  chercher,  je  ne  trouve  rien  de  semblable 
dans  ma  mémoire. 

VAUTRIN. 

£h  bien  !  tu  les  trouveras  dans  ta  paillasse.  £t  Philosophe  a*t-il 
m  aussi  ses  petites  distractions  ? 

LAFOURAILLE. 

Oh  !  ce  pauvre  Philosophe,  depuis  ce  matin,  se  moque-t-on  as- 
sez de  lui  en  bas?  Figurez-vous,  il  avise  un  cocher  très*jeune,  et 
il  lui  découd  ses  galons.  En  dessous,  c'est  tout  faux!  Les  maîtres, 
aujourd'hui,  volent  ia  moitié  de  leur  considération.  On  n'est  plus 
sûr  de  rien,  ça  fait  pitié. 

VAUTRIN^  Il  siffle. 

Ça  n'est  pas  drôle  de  prendre  comme  ça  l  Vous  allez  me  perdro 


ACTE  III.  til 

h  maiaoQ,  il  est  temps  d'en  finir.  Ici,  père  Buteux  T  Iiolà,  Pliilo- 
sophe!  à  moi,  Fil-de-soie!  Mes  bons  amis,  expliquons-nous  à  Ta- 
miable.  Vous  êtes  tous  des  misérables. 


SCÈNE  m. 


LIS  lÉHSs,  BUTEUX  PHILOSOPHE  et  FIL-DE-SOIE. 


BUTEUX. 

Présent!  est-ce  le  feu? 

FIL-DBHSOJB. 

Est-ce  un  curieux  ? 

BUTEUX. 

J*aime  mieux  le  feu,  ça  s'éteint! 

PHILOSOPHE. 

L'autre,  ça  s*étouffe. 

LAFOUBAILLB. 

Bah  !  il  s*est  fâché  pour  des  niaiseries. 

BUTEUX. 

Encore  de  la  morale,  merci  ! 

FIL-DE-SOIE. 

Ce  n*est  pas  pour  moi,  je  ne  sors  point 

VAUTRIX,  à  Fll-de-So»e. 

Toi!  le  soir  que  je  t*ai  fait  quitter  ton  bonnet  de  coton,  emp6W 

sonneur... 

FIL-DK-SOIi;^ 

Passons  les  titres. 

VAUTRIX. 

Et  que  tu  m'as  accompagné  en  chasseur  chez  le  feld-maréchai, 
tu  as,  tout  en  me  passant  ma  pelisse,  enloTé  sa  montre  à  rbetman 
^Cosaques. 

FIL-DE-SOIB. 

Tiens!  les  ennemis  de  la  France. 

VAUTRW. 

Toi,  Buteux,  vieux  malfaiteur,  tu  as  volé  la  lorgnette  de  la  prin« 
jcsse  d'Àrjos,  le  soir  où  elle  avait  mis  votre  jeune  mattre  à  notre 
porte. 

BUTEUX. 

Elle  était  tombée  sur  le  marchepiecL 


^8  VAUTRIN. 

YAUTRIN. 

Tu  devais  la  rendre  avec  respect;  mais  l'or  et  les  {Xîrles  oirf 
/éveillé  tes  griffes  de  chat-tigre. 

LAFOURAILLB. 

Âh  çà,  Ton  ne  peut  donc  pas  s'amuser  un  peu?  Que  diable  l 
Jacques,  tu  veux... 

TAUTRQf. 

Hein? 

LAFOURAILLE. 

Vous  vouIez/monsieurYautrin,  pour  trente  mille  francs,  que  ce 
«4>siiie  homme  mèue  un  train  de  prince?  Nous  y  réussissons  à  la 
manière  des  gouvernements  étrangers,  par  l'emprunt  et  par  le 
crédit.  Tous  ceux  qui  viennent  demander  de  Targent  nous  en  lais- 
sent, et  vous  n'êtes  pas  content, 

FIL-DE-SOIR. 

Moi,  si  je  ne  peux  plus  rapporter  de  l'argent  du  marché  quand 
je  vais  aux  provisions  sans  le  sou,  je  donne  ma  démission. 

PHILOSOPHE. 

Et  moi  donc,  j'ai  vendu  cinq  mille  francs  notre  pratique  à  plu- 
sieurs carrossiers,  et  le  favorisé  va  tout  perdre.  Un  soir,  M.  de 
Frescas  part  brouetté  par  deux  rosses,  et  nous  le  ramenons,  Lafou- 
raille  et  moi,  avec  deux  chevaux  de  dix  mille  francs  qui  n'ont 
coûté  que  vingt  petits  verres  de  schnick. 

LAFOURAILLE. 

Non,  c'était  du  kirsch  I 

PHILOSOPHE. 

Enfin,  si  c'est  pour  ça  que  vous  vous  emportez... 

FIL-DE-SOIE. 

Gomment  entendez-vous  tenir  votre  maison? 

YAUTRiN. 

Et  vous  comptez  marcher  longtemps  de  ce  train-là?  Ce  que  j'ai 
permis  pour  fonder  notre  établissement,  je  le  défends  aujourd'hui. 
Vous  voulez  donc  tomber  du  vol  dans  l'escamotage?  Si  je  ne  suis 
pas  compris,  je  chercherai  de  meilleurs  valets. 

BUTEUX. 

Et  OÙ  les  trouvera -t-il? 

LAFOURAILLE. 

Qu'il  en  cherche  ! 

VAUTRIN. 

Vous  oubliez  donc  que  je  vous  ai  répondu  de  vos  têtes  à  vous* 


ACTE  &9 

mêmes!  Ah  çà,  tous  ai -je  triés  comme  des  graines  sar  uo  Tolet, 
dans  trois  résidences  différentes,  pour  vous  laisser  tourner  autour 
da  gibet  comme  des  mouches  autour  d'une  chandelle?  Sachez-le    . 
bien,  chez  nous  une  imprudence  est  toujours  un  crime.  Tons  de-    'i 
vez  avoir  un  air  si  complètement  innocent,  que  c'était  à  toi.  Phi-   | 
tosophe,  à  te  laisser  découdre  tes  galons.  N'oubliez  donc  jamais 
votre  rôle  :  vous  êtes  des  honnêtes  gens,  des  domestiques  fidèles, 
et  qui  adorez  M.  Raoul  de  Frescas,  votre  maître. 

BUTEUX. 

Vous  faites  de  ce  jeune  homme  un  dieu  ?  vous  nous  avez  atte* 
tés  à  sa  brouette  ;  mais  nous  ne  le  connaissons  pas  plus  qu'il  ne 
nous  connaît 

PHaOSOFBB. 

Enfin,  est-il  des  nôtres? 

FIL-DB-SOIB.     . 

Où  ça  nous  mène-t-il? 

LAFOURAILLE. 

Nous  VOUS  obéissons  b  la  condition  de  reconstituer  la  Société  des 
Dix  Mille,  de  ne  jamais  nous  attribuer  moins  de  dix  mille  francs 
d'un  coup,  et  nous  n'avons  pas  encore  le  moindre  fonds  sbciaL 

FIL-DB-SOn. 

Quand  serons -nous  capitalistes? 

BUTBUX. 

Si  les  camarades  savaient  que  je  me  déguise  en  vieux  portier 
depuis  six  mois,  gratis,  je  serais  déshonoré.  Si  je  veux  bien  ris-    ' 
qner  mon  cou,  c'est  afin  de  donner  du  pain  à  mon  Adèle,  que 
vous  m'avez  défendu  de  voir,  et  qui  depuis  six  mois  sera  devenue 
sèche  comme  une  allumette. 

LAFOURAILLE)  aux  deux  tatres. 

Elle  est  en  prison.  Pauvre  homme  I  ménageons  sa  sensibilité, 

TAUTRIir. 

Avez- vous  fini?  Ah  çà,  vous  faites  la  noce  id  depuis  six  mois, 
vous  naangez  comme  des  diplomates»  vous  buvez  comme  des  Polo* 
nais,  rien  ne  vous  manque. 

BUTBUX* 

On  se  rouille  ! 

TAUTRIV. 

Grâce  à  moi,  la  police  vous  a  oubliés!  c*est  à  moi  seul  que  vous 
devez  cette  existence  beurease!  |'ai  eibcé  sur  vos  fronts  cette 

TH.  & 


M  VAUTAflL 

marqua  rouge  qui  vous  sigoalait  Je  suis  la  tête  qm  cOBçoIt,  mis 
n'êtes  que  les  bras. 

BBUiOSOKil& 

Suffit! 

TAIUTAUL 

Obéissez-moi  tous  aveuglément! 

JJLFOVRIIUJL 

Aveuglément 

VAUTRIN. 

Sans  murmurer. 

FIL-DE-SOIB. 

Sans  murmurer. 

YAUTRIX. 

Ou  rompons  notre  pacte  et  laissez-moi  I  Si  je  dois  trouver  de 
ringiatitude  chez  vous  autres,  à  qui  désormais  peut- on  rendre 
service? 

PHILOSOPHE. 

Jamais,  mon  empereur  I 

LAFOIRAÎLLB. 

Plus  souvent,  notre  grand  homme  I 

BUTEUX. 

Je  t'aime  plus  que  je  n'aime  Adèle. 

PIL-DE-SOIB. 

On  t*adore. 

TAUTtlN. 

Je  veux  TOUS  assommer  ile  coa{)s1 

PHILOSOPHE, 

Frappe  sans  écouter. 

VAITRIN. 

Vous  cracher  au  visage,  et  jouer  votre  vte  comme  des  sous  au 
boodMiiL 

BUT8UX. 

Ah  !  mais  id,  je  joue  des  couteaux! 

YAiTAiSr. 

£h  bien  !  tue-moi  donc  tout  de  suite. 

BUTfiUX. 

On  ne  peut  pas  se  fâcher  avec  cet  homme-là.  Foolei-fow  que 
je  rende  la  lorgnette  ?  c'était  jxwr  Adèle  I 

TOUS^  rentowaiit. 

Nous  abandonnerais-tu,  Yautria? 


AGT£  IBL  M 

Yautrin  l  notre  ami. 

PHILOSOPHE. 

Grand  Yautrin! 

FIL-DE-SOIE. 

Notre  Tleux  compagnon,  fais  de  nous  tout  ce  que  tn  voudras. 

VAUTRIN. 

Odî,  je  puis  faire  de  vous  tout  ce  que  je  veux.  Quand  je  pense 
à  ce  que  vous  dérangez  pour  prendre  des  breloques,  j'éprouve 
l'envie  de  vous  renvoyer  d'où  je  vous  ai  tirés.  Vous  êles  ou  en 
dessus  ou  en  dessous  de  II  société,  là  lie  ou  l'écume;  moi,  je  vou- 
drais vous  y  faire  rentrer.  On  vous  huait  quand  vous  passiez,  je 
veux  qu*on  vous  salue;  vous  étiez  des  scélérats,  je  veux  que  vous 
soyez  plus  que  d'honnêtes  gens. 

PHILOSOPRB. 

Il  y  a  donc  mieux? 

BUTEDX. 

U  y  a  ceux  qui  ne  sont  rien  du  tout. 

VAUTRIN. 

Il  y  a  ceux  qui  décident  de  Tlionnéteté  des  autres,  vous  ne  serer 
jamais  d'honnêtes  bourgeois,  vous  ne  pouvez  être  que  des  mal- 
heureux ou  des  riches;  il  vous  faut  donc  enjamber  la  moitié  du 
mûàe  !  Prenez  un  bain  d'or,  et  vous  en  sortirez  vertueux. 

FIL-DE-SOIE. 

Obi  moi,  quand  je  n'aurai  besoin  de  rien,  je  serai  bon  prince. 

VALTRU. 

£h  bien  !  toi,  Lafourailie,  tu  peux  être,  comme  l'un  de  nous» 
comte  de  Sainte-Hélène  ;  et  toi,  Buieux,  que  veux-tu? 

BL'TELX. 

p 

Je  veux  être  philanthrope,  on  devient  milDonnaire. 

PHILOSOPHE. 

£t  moi  banquier. 

riL-DE-^OlS. 

U  veut  être  patenté. 

VAUTRIN. 

Soyez  donc,  à  [vopos,  aveugles  et  clairvoyants,  adroits  et  gaii» 
f'iics,  niais  et  spirituels  (comme  tous  ceux  qui  veulent  faire  fortune). 
Ne  méjugez  jamais,  et  n'entendez  (lue  ce  que  je  veux  dire.  Vous 
me  demandez  ce  qu'est  Raoul  de  Frescas  ?  Je  vais  vous  Texpliquer  : 
il  va  bientôt  avoir  douze  cent  inilk  livras  de  rente,  il  sera  prince. 


5S  vAUTRin. 

et  je  l!ai  pris  mendiant  sar  la  grande  route,  prêt  à  se  faire  tambour; 
à  douze  ans,  il  n'avait  pas  de  nom,  pas  de  famille,  il  venait  de 
Sardaigne,  où  il  devait  avoir  fait  quelque  mauvais  coup,  il  était  en 
fuite. 

BUTEUX. 

Oh!  dès  qne  nous  connaissons  ses  antécédents  et  sa  position 
sociale... 

TAUTRIN. 

Âtalogel 

BUTEUX. 

La  petite  Mini,  la  fille  à  Giroflée,  y  est 

TAUTRlir. 

Elle  peut  laisser  passer  une  mouche. 

LAFOURAILLB. 

Elle  I  c'est  une  petite  fouine  à  laquelle  il  ne  faudra  pas  indiquer 
les  pigeonSb 

TAUTRIN. 

Par  ce  que  je  suis  en  train  de  faire  de  Raoul,  voyez  ce  qne  je 
puis.  Ne  devait-il  pas  avoir  la  préférence?  Raoul  de  Frescas  est  ua 
^eune  homme  resté  pur  comme  un  ange  au  milieu  de  notre  bour- 
bier, il  est  notre  conscience;  enfin,  c'est  ma  création  ;  je  suis  à  la 
fois  son  père,  sa  mère,  et  je  veux  être  sa  providence.  J'aime  à  faire 
des  heureux,  moi  qui  ne  peux  plus  l'être.  Je  respire  par  sa  bouche, 
je  vis  de  sa  vie;  ses  passions  sont  les  miennes,  je  ne  puis  avoir 
d'émotions  nobles  et  pures  que  dans  le  cœur  de  cet  être  qui  n'est 
souillé  d'aucun  crime.  Vous  avez  vos  fantaisies,  voilà  la  mienne! 
En  échange  de  la  flétrissure  que  la  société  m'a  imprimée,  je  lui 
rends  un  homme  d'honneur,  j'entre  en  luttç  avec  le  destin;  voulez- 
vous  être  de  la  partie?  obéissez  ! 

TOUS. 

A  la  vie,  à  la  mort  I 

TAUTRIN^  à  part. 

Voilà  mes  bêtes  féroces  encore  une  fois  domptées  !  (Haut.)  Phifo* 
»phe,  tâche  de  prendre  l'air,  la  figure  et  le  costume  d'un  employé 
aux  recouvrements,  tu  iras  reporter  les  couverts  empruntés  par 
Lafouraille  à  l'ambassade,  (a FUde-soie.)  Toi,  Fil-de-Soie,  M.  de 
Frescas  aara  quelques  amis,  prépare  un  somptueux  déjeuner, 
nous  ne  dînerons  pas.  Après,  tu  t'habilleras  en  homme  respecta- 
ble, aie  Tair  d'un  avoué.  Tu  iras  rue  Oblin,  numéro  6,  au  qua- 
trième étage,  tu  sonneras  sept  coups,  un  à  un.  Tu  demanderas  le 


AGTB   IIL  53 

père  Giroflée.  On  te  répondra  :  D'où  venez-irous?  Tu  diras  :  D*an 
|f0rt  de  mer  en  Bohême.  Tu  seras  introduit  II  me  faut  des  lettres 
et  divers  papiers  de  M.  le  duc  GhristoYal  :  voilà  le  texte  et  les 
modèles,  je  veux  une  imitation  absolue  dans  le  plus  bref  délai 
Lafouraille,  tu  verras  à  faire  mettre  quelques  lignes  aux  journaux 
sur  l'arrivée.. •  (u  loi  parie  à  rorauie.)  Cela  fait  partie  de  mon  plan. 
Laissez -moi 

LAFOURAILLB. 

£h  bieni  êtes-^vous  content? 

TAunmr. 
Oui 

PHILOSOPBS. 

Vous  ne  nous  en  voulez  plus? 

VAUTRIN. 

Non. 

PIL'DE-SOIE. 

EnGn,  plus  d'émeute,  on  sera  sage. 

BUTEUX. 

Soyez  tranquille»  on  ne  se  bornera  pas  à  être  poli»  on  sera  hon- 
nête. 

TAUTRIN. 

Allons,  enfants»  un  peu  de  probité,  beaucoup  de  tenue,  et  vous 
serez  considérés» 

SCÈNE  ly. 

VAUTRIN»  seau 

n  suffit,  pour  les  mener,  de  leur  faire  croire  qu'ils  ont  de  Thon 
neur  et  rm  avenir.  Ils  n'ont  pas  d'avenir!  que  deviendront-ils? 
Bah!  si  les  généraux  prenaient  leurs  soldats  au  sérieux,  on  ne  tire- 
rait pas  un  coup  de  canon  ! 

Après  douze  ans  de  travaux  souterrains»  dans  quelques  jours 
j'aurai  conquis  à  Raoul  une  position  souveraine  :  il  faudra  la  lui 
assurer.  Lafouraille  et  Philosophe  me  seront  nécessaires  dans  le 
pays  où  je  vais  lui  donner  une  famille.  Ah!  cet  amour  a  détroit  la 
vie  que  je  lui  arrangeais.  Je  le  voulais  glorieux  par  lui-même» 
domptant,  pour  mon  compte  et  par  mes  conseils,  ce  monde  où  il 
m'est  interdit  de  rentrer.  Raoul  n'est  pas  seulement  le  fils  de  mon 


5&  VAUTRIlf. 

esprit  et  de  mon  1M,  il  est  ma  vengeance.  Mes  drôles  ne  peuvent 
ps  comprendre  ces  sentiments;  ils  sont  beorenx;  il  ne  sont  pas 
lombes,  eoxf  ils  sont  nés  de  plarn-pîed  avec  le  crime;  mais  moi, 
l'avais  tenté  de  m'élever,  et  si  Thomme  peol  se  relever  aux  yeux 
de  Dîen»  jamais  fl  ne  se  relève  aux  yeux  do  monde.  On  nous  de 
mande  de  nous  repenlfr,  et  Ton  nons  refnse  le  pardon.  Les  hom- 
mes ont  entre  eux  Tinslinct  des  bétcs  sauvages  :  une  fois  blessés, 
ils  ne  reviennent  plus,  et  fis  ont  raison.  D*ail]eurs,  réclamer  la 
protection  du  inonde  quand  on  eu  a  foulé  toutes  /es  lois  aux  pieds, 
c*est  vouloir  revenir  sous  un  toit  qu*on  a  ébranlé  et  qui  vous  écra- 
serait. 

Avais  -je  assez  poli,  caressé  le  magnifique  instrument  de  ma  do« 
mination  !  Raoul  était  courageux,  il  se  serait  fait  tuer  comme  un 
sot;  il  a  fallu  le  rendre  froid,  positif,  lui  enlever  une  à  une  ses 
belles  illusions  et  lui  passer  le  suaire  de  Texpérience!  le  rendre 
défiant  et  rusé  comme...  un  vieil  escompteur,  tout  en  Tempéchant 
de  savoir  qui  j*étais.  Et  Famour  brise  aujourd'hui  cet  immense 
échafaudage.  Il  devait  être  grand,  il  ne  sera  plus  qu'heureux.  Jlrai 
donc  vivre  dans  un  coin,  au  soleil  de  sa  prospérité  :  son  bonheor 
sera  mon  ouvrage.  Voilà  deux  jours  que  je  me  demande  s'il  ne 
vaudrait  pas  mieux  que  La  princesse  d'Aijos  mourât  d'une  petite 
fièvre...  cérébrale.  C'est  inconcevable,  tout  ce  que  les  feaunes  d6« 
4ruisent. 

SCÈNE  V. 

VAUTRIN,  LAFOURAILLE. 

TÂimm. 
^e  me  veut-on?  ne  puis- je  éire  on  moment  seidT  ai-je  appelât 

LAFOURAILLE. 

La  griffe  de  la  justice  va  nous  cliatonSller  hs  épanlesi 

TACTRrîf- 

Qaellé  nouvcDe  sottise  avez- vous  faîte  T 

LAFOURAaLK. 

Eh  bien  !  la  petite  Nînî  a  laissé  entrer  un  monsieur  bien  vêtu 
^f  demande  â  vous  parler.  Buteux  siOIe  Pair  :  Où  peut-on  êtn 
mieux  qu*au  sein  de  sa  famille  f  Ainsi  c'est  nn  limier* 


AGTB  m.  55 

Ce  D'^esi  qne  ça,  je  sais  ce  que  c'est,  faîs-ie  attendre.  Toutk 
monde  scms  les  armes!  Allons,  plus  de  Vautrin,  je  va»  me  dess^ 
lier  en  baron  de  Yleux-Chcne.  Ainzi  barte  l'y  ton  kallemant,  tra- 
taille-ley  enfin  le  grand  jeu  !  (n  sort) 

SCÈNE  YI. 

LAFOURÀILLE ,  SAINT-CHARLES. 


lAFOVBllIXB. 

Heiobcrr  ti  Traissegasse  n'y  être  basse,,  menne  sire»  hai  zoi 
baindandante,  le  paron  de  Fieil-Cheiie ,  il  être  oguipai  afccque  eia 
hargidecde  ki  toite  pattir  eine  crante  odeile  à  nodre  maidre. 

8AINT-CHAaL£S* 

Pardon,  mon  cher,  vous  dites?... 

LAFOURAUXB» 

Ghé  tis  paron  de  Fiè-GiiêAe. 

Baron! 

LAFOUHAILLE. 

Fi!fiL 

SAmT-aiARUSi 
n  est  baron? 

LAFOURAiUJL 

Te  FieiUe-Ghêne. 

SAINT-CHARLES. 

Tous  êtes  Allemand? 

LAFOCRATILE. 

n  doute!  tf  donte!  chez  sis  Halzazien,  et  il  èdre  ein  crante  tif- 
ferance.  Lé  Hâllemands  d'Allemagne  cisent  ein  foUére,  les  Halza- 
liens  tisent  haine  foUèrre. 

SAINT-CHAnLES,  à  part. 

I>écidément,  cet  homme  a  Taccent  trop  allemand  pour  ne  pas 
éin  nn  Parisien. 

LATOVRARXV,  h  put 

Je  connais  cet  homme-là.  —  Oh  ! 

SAINT-CI^ARLES. 

Si  M.  le  baron  de  T!enx-Chêne  est  occupé,  j'attendraL 

LAPOURAILLE^  à  part. 

Ahf  Bfondisr,  mon  nrijgnm,  M  déguise»  ta igoie  et  taM dé- 


56  VAUTRin. 

guises  pas  ta  voix!  si  tu  te  tires  de  nos  pattes,  tu  auras  de  la 
chance.  (Haut.)  Ké  toiche  tire  à  mennesire  pire  Tencacher  «i  guider 

ZCS  okipaziODS  7  (U  ralt  un  mouyement  pour  sortir.) 

SAINT-CHARLES. 

Attendez,  mon  cher,  vous  parlez  allemand,  je  parle  français,.  ' 
nous  pourrions  nous  tromper,  (ii  lui  met  une  bourse  dam  la  main.)  Avec 
ça  il  n*y  aura  plus  d'équivoque. 

LAFOURAILLB. 

Ta,  menner. 

SAINT-CHARLES. 

Ce  n*est  qu*uD  à-compte. 

LAFOURARLE^  à  part. 

Sur  mes  quatre-vingt  mille  francs.  (Haut.)  £t  fous  foulez  que 
chespionne  mon  maidre? 

SAINT-CHARLES. 

Non,  mon  cher,  j*ai  seulement  besoin  de  quelques  renseigne- 
ments qui  ne  vous  compromettront  pas. 

LAFOURAILLR. 

Chapelle  za  haisbionner  an  pon  allemaute. 

SAINT-CHARLES. 

Mais  non,  c'est.. 

LAFOURAILLE. 

Haisbionner.  Et  que  toische  tire  té  fous  à  mennesir  le  paron  T 

SAINT-CHARLES. 

Annoncez  M.  le  chevalier  de  Saint-Charles. 

LAFOURAILLE. 

Ninis  andantons.  Ché  fais  fous  ramenaiie;  mais  nai  lui  tonnez 
l)oind  te  Farchant  à  stil  indandante  :  il  èdre  plis  honnèdc  ké  nous 

leusses»  (ll  lul  donoean  petit  coup  de  coude.) 

SAINT-CHARLES. 

C'est-h-dire  qu'il  coûte  davantage. 

LAFOURAILLE. 

la,  meinherr»  (ii  tort.) 

SCÈNE  VIL 

SAINT-CHARLES,  leal. 

Mal  débuté  <  dix  louis  dans  l'eau.  Espionoer?...  appeler  les  choses 


ACTE   III.  57 

tout  de  suite  par  lear  nom,  c'est  trop  béte  pour  ne  pas  être  très- 
spirituel.  Si  le  prétendu  intendant,  car  il  n*y  a  plus  d*intendant,  si 
Je  baron  est  de  la  force  de  son  valet,  ce  n'est  guère  que  sur  ce 
qu'ils  voudront  me  cacher  que  je  pourrai  baser  mes  inductions. 
Ce  salon  est  très-bien.  NI  poitrait  du  roi,  ni  souvenir  impérial, 
allons!  ils  n'encadrent  pas  leui^  opinions.  Les  meubles  disent-ils 
quelque  chose  ?  non.  C'est  même  encore  trop  neuf  pour  être  déjà 
payé.  Sans  l'air  que  le  portier  a  sifflé,  et  qui  doit  être  un  signal, 
je  commencerais  à  croire  aux  Frescas. 

SCÈNE  VIII. 

SAINT-CHARLES,  VAUTRIN,  LAFOURAILLB. 


LAFOURAILLB. 

Foilà,  mennesir,  le  paron  te  Fieille-Chênel 

(Vantrin  parait  vfitu  d'an  habit  marron  trës-clafr.  d'une  coupe  trës-antlqne,  à  grog 
boutons  de  métal  ;  Il  a  une  culotte  de  sole  noire,  des  bas  de  soie  noire,  des  souliers 
à  boucles  d'or,  un  gilet  carré  à  Heurs,  deux  chaînes  de  montre,  cravate  du  temps  de 
la  Révolution,  une  perruque  de  cheveux  blancs,  une  figure  de  vieillard,  fin,  usé,  dé- 
bauché, le  parler  doux  et  la  voix  cassée.) 

TÂUTRirr^  à  Lafburàille. 

C'est  bien,  laissez-nous,  (urouratiie  sort,  a  part.)  A  nous  deux»  mon- 
sieur Blondet  (Saut.)  Monsieur,  je  suis  bien  YOtre  serviteur. 

SAIITT-CHARLES^  &  part. 

TJn  renard  usé,  c'est  encore  dangereux.  (Haut.)  Excusez-moi, 
monsieur  le  baron,  si  je  vous  dérange  sans  avoir  l'honneur  d'être 
connu  de  vous. 

VAUTRIN. 

Je  devine,  Monsieur,  ce  dont  il  s'agiL 

SAIlfT-CHARLBS,  à  part. 

BabI 

VAUTRIN. 

Vous  êtes  architecte,  et  vous  venez  traiter  avec  moi  ;  mais  j'ai 
déjà  des  ofires  superbes. 

SAINT-CRARtBS. 

Pardon,  votre  Allemand  vous  aura  mal  dit  mon  nom.  Je  soit  le 
chevalier  de  Saint-Charles. 

VAUTRIN^  levant  v»  luns'^tes. 

Oh!  mais  attendez  donc,  nous  sommes  de  vieilles  connaissan* 


SS  VACTROI. 

ces.  Vous  étiez  au  congrès  de  Vienne,  et  l*on  vous  nommait  alon 
le  comte  de  Gorcum...  joli  nom! 

SAINT-CHARLES  y  à  part. 

£nfonce-toi,  mon  vieux  I  (Haut.)  Vous  y  êtes  donc  allé  aussi! 

TAUTRIN. 

Parbleu!  Et  je  suis  charmé  de  vous  retrouver,  car  vous  êtes  un 
rosé  compère.  Les  avez-vous  roulés!...  ahl  vous  Les  avez  roulés 

SAINT-CEARLES,  k  part. 

Va  pour  Vienne f  (Haut.)  Moi,  monsieur  le  baron,  je  vous  renr  /ji 
parfaitement  à  cette  heure,  et  vous  y  avez  bien  habilement  ly^ené 
votre  barque... 

VAUTRIN. 

Que  voulez-vous?  nous  avions  les  femmes  pour  nous!  Ab  çà 
mais  avez-vous  encore  votre  belle  Italienne? 

SAINT-CHARLES. 

Vous  la  connaissez  aussi?  c'est  une  femme  d*nne  adresse... 

VAUTRIN. 

Eh  !  mon  cher,  à  qui  le  dftes-vous  ?  EDe  a  voolu  savoir  qm  j*étais 

SAINT-CHARLES. 

iJorSy  elle  le  sait 

VAUTRIN. 

Eh  bien,  mon  cher!.»»  ^—  Vous  ne  m*en  voudrez  pas?  —  Elle 
n'a  rien  sul^ 

SADIT-CBARLIS. 

Eh  bien!  baron,  puisque  nous  sommes  dans  un  moment  de 
franchihe,  je  vous  avouerai  de  mon  côté  que  votre  admirable  Po* 
lonaîse... 

VAUTRIN. 

Aussi!  vous? 

SAUCl-CEAIlLIS» 

Ma  foi,  oui  ! 

VAUTRIN^  riant. 

Ah! ah! ah! ah! 

8UNI-CHARL£S^  riant. 

Obi  oh!  oh!  oh! 

VAUTRIN. 

Nous  pouvons  en  rire  à  notre  aise»  car  je  suppose  <{tie  voua 
Pavez  laissée  là  ? 

SAINT-CHARLES. 

Gomme  vous,  tout  de  suite.  Je  vois  que  nous  sommes  reveoos 


ACTE   III.  59 

tons  denx  manger  notre  argent  à  Paris,  et  nous  avons  bien  fait; 
mais  n  me  semble^  baron,  que  vous  avez  pris  une  position  bien 
secondaire,  et  qui  cependant  attire  Tattentiou. 

VALTRi:^. 

Ab  f  je  vous  remercie,  chevalier.  J*espôre  que  nous  voici  main- 
tenant amis  pom*  longtemps  ? 

SAINT-CHARLES. 

Pbur  fonjonrs. 

VAUTffnr. 

Vous  pouvez  m'ôtre  extrêmement  utile,  je  pnfs  tous  servir 
énormément,  entendons-nous!  Qae  je  sache  IMntérêt  qui  vous 
amène»  et  je  ?€us  dirai  le  mien. 

SAINT-CHARLES,  ft  {lart. 

Ah  çà,  est-ce  loi  qu'oa  lâche  sur  moi,  on  moi  nir  hnt 

TAUTRIV,  k  fiait. 

Ça  peat  aller  longtemps  comme  çat 

SAINÏ-CBAALIS» 

Je  vais  commencer. 

TAUTBIH. 

Allons  donc  I 

SAINT-CHARLES. 

Baron,  de  vous  à  moi,  je  vous  adiuire. 

VAUTRIN. 

Quel  éloge  dans  votre  bouche  ? 

SAlNT-CHARLES. 

Non,  d'honneur  f  créer  un  de  Frescas  à  la  face  de  tout  Paris» 
est  une  invention  qui  passe  de  mille  piques  celle  de  nos  comtesses 
m  congrès.  Tous  péchez  à  la  dot  avec  une  rare  audace. 

VAUTRIN. 

JépêcheàladotT 

SAINT-CHARLES. 

Mais,  mon  cher,  vons  seriez  découvert,  s!  ce  n*étaît  pas  mot» 
votre  ami,  qo*on  eût  chargé  de  vous  observer,  car  je  vous  suis  dé- 
taché de  très-haut  Comment  aussi,  permettez-moi  de  vous  le  re-- 
procber,  osex-*nms  disputer  une  hérrticreà  la  famiHe  de  Montsoreff 

VAUTRIN. 

Einoi,  qui  crofats  bonnement  que  voiis  veniez  me  proposer  de 
faire  des  affaires  ensemble,  et  que  nous  aurions  spéculé  tous  dent 
avec  Targent  de  M.  de  Frescas,  dont  je  dispose  entièrement!...  et 
TOUS  me  dites  des  choses  d*ua  autre  monde  l  Frescas,  mon  cher. 


SO  TAumm. 

est  nn  des  noms  légitimes  de  ce  jeane  seignear  qui  en  a  sept.  De 
hautes  raîsoos  TempêcheDl  encore  pour  vingt-quatre  heures  de 
déclarer  sa  famille,  que  je  connais  :  leurs  biens  sont  immenses»  je 
les  ai  vus,  j*en  reviens.  Que  vous  m*ayez  pris  pour  un  fripon , 
passe  encore^  il  s'agit  de  sommes  qui  ne  sont  pas  déshonorantes  ; 
mais  pour  un  imbécile  capable  de  se  mettre  à  la  suite  d'un  gentil* 
homme  d'occasion,  assez  niais  pour  rompre  en  visière  aux  Mont- 
sorel  avec  un  semblant  de  grand  seigneur...  Décidément,  mon 
cher,  il  paraîtrait  que  vous  n*avez  pas  été  à  Vienne  I  Nous  ne  nous 
comprenons  plus  du  tout. 

SAINT-CHARLBS. 

Ne  TOUS  emportez  pas,  respectable  intendant!  cessons  de  nous 
entortiller  de  mensonges  plus  ou  moins  agréables,  vous  n'avez  pas 
la  prétention  de  m'en  faire  avaler  davantage.  Notre  caisse  se  porte 
mieux  que  la  vôtre,  venez  donc  à  nous!  Votre  jeune  homme  est 
Frescas  comme  je  suis  chevalier  et  comme  vons  êtes  baron.  Vous 
l'avez  rencontré  sur  les  côtes  d'Italie;  c'était  alors  on  vagabond, 
aujourd'hui  c'est  un  aventurier,  voilà  tout  t 

VAUTRirr. 

Vous  avez  raison,  cessons  de  nous  entortiller  de  mensonges  plus 
on  moins  agréables,  disons-nous  la  vérité. 

8AlNT-<:aARLES. 

Je  TOUS  la  paye. 

TAOTBW. 

Je  TOUS  la  donne.  Vous  êtes  une  infâme  canailtet  mon  cher. 
Vous  TOUS  nommez  Charles  Blondet;  vous  avez  été  l'intendant  de 
la  maison  de  Langeac;  vous  avez  acheté  deux  fois  le  vicomte,  et 
TOUS  ne  l'aTez  pas  payé...  c'est  honteux!  tous  deTez  quatre-Tîngt 
nille  francs  à  un  de  mes  valets;  vous  avez  fait  fusilier  le  vicomte 
k  Mortagne  pour  garder  les  biens  que  la  famille  vous  avait  confiés. 
Si  le  duc  de  Montsord,  qui  vous  envoie,  savait  qui  vous  êtes... 
bel  hé  !  il  vous  ferait  rendre  des  comptes  étranges  !  Ote  tes  mous* 
taches,  tes  favoris,  ta  perruque,  tes  fausses  décorations  et  tes  bro- 
ches d'ordres  étrangers (Il  im  arracbe  sa  perruque,  tes  IkToito,  ses  déco- 
rations.) Bonjour,  drôle!  Gomment  as-tu  fait  pour  dévorer  cette 
fortune  si  spirituellement  acquise?  Elle  était  ocdossale;  où  l'as-ta 
perdue T 

SADIT-CHARLES. 

Dans  les  malheors. 


tàutrin. 
Je  comprends...  Que  veux-tu  maintenant? 

SAINT-CHARLES. 

gui  que  tu  sois,  tape  là,  je  te  rends  ies  armes,  je  n*ai  pas  de 
chance  aujourd'hui  :  tu  es  le  diable  on  Jacques  Gollin. 

TÀUTIUN. 

je  suis  et  ne  veux  être  pour  toi  que  le  baron  de  Vieux-Chêne. 
Écoute  bien  mon  ultimatum;  je  puis  te  faire  enterrer  dans  une  de 
mes  caves  à  l'instant,  à  la  minute  ;  on  ne  te  réclamera  pas. 

SAIIVT-GHARLBS. 

C'est  vraL 

TAUTRIN. 

Ce  serait  prudent!  Veux-tu  faire  pour  moi  chez  les  Montsorel 
ce  que  les  Monlsorel  t'envoient  faire  ici? 

SAlNT-CHARLES. 

Accepté  !  Quels  avantages  ? 

TAUnUN. 

Tout  ce  que  tu  prendras. . 

SAINT-CHARLBS. 

Des  deux  côtés? 

VAUTRIN. 

Soit!  Tu  remettras  à  celui  de  mes  gens  qui  t'accompagnera  tous 
les  actes  qui  concernent  la  famille  de  Langeac;  tu  dois  les  avoir 
encore.  Si  M.  de  Frescas  épouse  mademoiselle  de  Christoval,  tu 
ne  seras  pas  son  intendant,  mais  tu  recevras  cent  mille  francs.  Tu 
as  affaire  à  des  gens  difficiles,  ainsi  marche  droit,  on  ne  te  trahira 
pas. 

ftAlNT-CHAELBS. 

Marché  conclu. 

TAUTRIN. 

Je  ne  le  ratiGerai  qu*avecles  pièces  en  main:  jusque-là,  prends 
garde  !  (u  sonne:  tous  les  gens  paraissent.)  Reconduisez  monsieur  le  che- 
valier avec  tous  les  égards  dus  à  son  rang.  (A  Salnt^narles.  Inl  montranl 

Pbuoeophe.)  Void  i'hommc  qui  vous  accompagnera,  (a  Phuosopheo  Ne 
le  quitte  pas. 

SAINT-CHARLES^  à  part. 

Si  je  me  tire  sain  et  sauf  de  leurs  griffes,  je  ferai  main-basse  sur 
oe  nid  de  voleurs. 

TAUTRIN. 

Monsieur  le  chevalier,  je  vous  suis  tout  acquis. 


'■>, 


SCÈNE  IX. 

TATJTRm,  LAFOURÂlLUL 


IfoDsiear  Yautrml 

£h  bien  I 

Vous  le  laissez  aller  ? 


iJkFOCRAIUJL 

TAUTIUUr. 
LÀFOURAILLB. 


TAUTRIN. 

S*il  ne  se  croyait  pas  libre,  que  ponrrions-nous  savoir?  Mes 
instructions  sont  données  :  on  va  lui  apprendre  à  ne  pas  mettre  de 
cordes  chez  les  gens  à  pcndriî.  Quand  Philosophe  ine  rapportera 
les  pic'ces  que  cet  homme  doit  lui  remettre,  oo  mêles  domiera  par- 
tout où  je  serai. 

j:.afo(iraillb 

Alais  après,  le  laisserez- vous  en  vie  7 

VALT«IX. 

Vous  êtes  toujouns  un  peu  trop  \iis,  mes  mignons  :  ne  savez- 
vous  doue  pas  combien  les  mocls  iuqulèlcnt  les  vivauts?  Chut! 
j*eAieûds  Aaod...  iaisse-fiou& 

SCÈNE  X. 


VAUTRIN,  RAOUL  DE  FRESCA8. 

Vautrin  rentre  vers  la  fin  du  monologue  :  Raoul,  qui  est  sur  te  derant  de  la 

ne  le  tuii  vas. 


RAOUL. 

Avoir  entrevu  le  ciel  et  reslpr  sur  la  terre,  voiià  mon  hiatoire! 
je  suis  perdu  :  Vautrin,  ce  génie  à  la  fois  infcrnai  et  bienfaisant, 
cet  homme,  qui  sait  tout  et  qui  semble  tout  pouvoir,  cet  lioainie, 
si  dur  pour  les  autres  et  si  bon  puur  iiuii,  cet  homme  qui  ne  s'ex- 
plique que  par  la  féciîe,  cette  pro\ideiice,  je  pais  dire  uialemcUe, 

n'est  pas,  apTèstOUt,  la  providence.  (Vautrln  parait  atec  une  perruque  noire, 
simple,  un  habit  bleu,  cautalon  de  conteur  frrtsâtre,  gilet  ordinaire,  nuir,  la  tenue  d'un 

agent  de  cbange.)  Oh  1  je  oonnatssais  i'auioiir;  mais  j»  ne  sa?»  pas 


encore  ce  que  c'était  que  la  vengeance,  et  je  ne  voudrais  pas  mou- 
rif  sans  m'être  vengé  de  «es  deux  AlonlMrel  ! 

VAUTRIN. 

H  souffre.  Raoul,  qu'as- tu,  mon  enfant  7 

«AOCL. 

Eh  !  je  n^ai  rien,  laîssez-OMM. 

TACmiN. 

Ta  me  rebutes  encore?  ta  abuses  du  droit  que  tn  as  de  md- 
traiterion  ami...  À  quoi  pensais-tu  là?. 

KAOUL. 

Arien. 

TAminf. 

A  rien!  Ah  çà,  Monsieur,  croyez-vou".  que  celui  qui  vous  a  en- 
seigné ce  flegme  anglais,  sous  lequel  un  homme  de  quelque  valeur 
doit  couvrir  ses  émotions,  ne  connaisse  pas  le  défaut  de  cette  cui- 
rasse d'orgueil  ?  Dissimule?,  avec  les  autres;  mais  avec  moi,  c'est 
plus  qu'une  faute  ;  en  amitié,  les  fautes  sont  des  crimes. 

RAOUL. 

Ne  plus  jouer,  ne  plus  rentrer  ivre,  quitter  la  ménagerie  de 
l'Opéra,  devenir  un  homme  sérieux,  étudier,  Touloir  une  posi- 
tion.,, tu  appelles  cela  dissimuler. 

TAUTRW. 

Tu  n'es  encore  qu'on  pauvi-e  diplomate,  tu  seras  grand  quand 
tu  m'auras  trompé.  Raoul,  tu  as  commis  la  faute  contre  laquelle 
je  t'avais  mis  le  plus  en  garde.  Mon  enfant,  qui  devait  prendre  les 
femmes  pour  ce  qu'elles  sont,  des  êtres  sans  conséquence,  enfm 
s'en  servir  et  uon  les  servir,  est  devenu  un  berger  de  M.  de  Flo- 
rian  ;  mon  Lovelace  se  heurte  contre  une  Clarisse.  Ah  !  les  jeunes 
gens  doivent  frapper  longtemps  sur  ces  idoles,  avant  d'en  recon- 
naître le  creux. 

RAOUL. 

Un  sermon? 

TAUTRIN. 

Comment  !  moi  qui  t'ai  formé  la  uiiia  ao  pstolet,  qui  t'ai  mon* 
tré  a  tirer  Tépée,  qui  t'ai  appris  à  ne  pas  redouter  l'ouvrier  le  piofr 
fort  du  faubourg,  moi  qui  ai  fait  pour  ta  cervelle  comme  pour  le 
corps,  moi  qui  t*ak  voulu  mettre  au-dessus  de  tous  les  honioieSy 
enfin  moi  qui  t'ai  sacré  roi^  Ui  me  prends  pour  une  ganache? 
Allons,  un  peu  plus  de  franchise. 


•ft  VACTRIBI. 

RAOUL. 

Voulez-Toiis  savoir  ce  que  je  pensabî...  Mais  non,  ce  serait  ac- 
cuser mon  bienfaiteur. 

YAUTRIN. 

Ton  bienfaiteur!  tu  m*insultes.  T*ai-je  offert  mon  sang,  ma  vie? 
sais-je  prêt  à  tuer,  à  assassiner  ton  ennemi,  pour  recevoir  de  toi 
cet  intérêt  exorbitant  appelé  reconnaissance?  Pour  t*expIoiter, 
suis-je  un  usurier?  Il  y  a  des  hommes  qui  vous  attachent  uu  bien- 
fait au  cœur,  comme  on  attache  un  boulet  au  pied  des...  suffit! 
ces  hommes-là^  je  les  écraserais  comme  des  chenilles  sans  croire 
commettre  un  homicide  !  Je  t*ai  prié  de  ra*adopter  pour  ton  pè^e, 
mon  cœur  doit  être  pour  loi  ce  que  le  ciel  est  pour  les  anges,  un 
espace  où  tout  est  bonheur  et  conGance  ;  tu  peux  me  dire  toutes 
tes  pensées,  même  les  mauvaises.  Parie,  je  comprends  tout,  même 
une  lâcheté. 

BAOUL. 

Dieu  et  Satan  se  sont  entendus  pour  fondre  ce  bronzè-là  ! 

YAUTRIN. 

C'est  possible. 

RAOUL. 

Je  vais  tout  le  dire. 

YAUTRIÎf. 

Eh  bien  !  mon  enfant,  asseyons-nous. 

RAOUL. 

Tu  as  été  cause  de  mon  opprobre  et  de  mon  désespoir. 

VAUTRIN. 

Où?  quand?  Sang  d'un  homme!  qui  t*a  blessé?  qui  t*a  manqué? 
Dis  le  lieu,  nomme  les  gens...  la  colère  de  Vautrin  passera  par  làl 

RAOUL. 

Tu  ne  peux  rien. 

YAUTRIN. 

Enfant,  il  y  a  deux  espèces  d'hommes  qui  peuvent  tout. 

RAOUL. 

Et  qui  sont? 

VAUTRIN.  î 

Les  rois,  qui  sont  ou  doivent  être  au-dessus  des  loi 
vas  te  fâcher...  les  criminels,  qui  sont  au-dessous. 

RAOUL.  ^ 

Et  comme  tu  n'es  pas  roi...  ^ 

VAUTRIN. 

Eh  bien  !  je  règne  en  dessous^ 


ACTE  in.  65 

RAOUL. 

Qoelle  affreuse  plaisanterie  me  fais-tn  là»  Yaotrint 

TAUTRIN. 

N*as-ta  pas  dit  qae  le  diable  et  Dieu  s'étaient  cotisés  pour  m^ 

fondre? 

RAOUL* 

Ah  I  Monsieur,  vous  me  glacez. 

VAIJTRIlf. 

Rassieds-toi  !  Du  calme,  mon  enfant  Tu  ne  dois  t'étonner  de 
rien,  sous  peine  d'être  un  homme  ordinaire. 

RAOUL. 

Suis-je  entre  les  mains  d'un  démon  ou  d'un  ange?  Tu  m'ins- 
tiuis  sans  déflorer  les  nobles  instincts  que  je  sens  en  moi;  tu  m'é« 
claires  sans  m'éblouir;  tu  me  donnes  l'expérience  des  vieillards,  €f 
(u  ne  m'ôtes  aucune  des  grâces  de  la  jeunesse;  mais  tu  n*as  pat 
iinpunéraenl  aiguisé  mon  esprit,  étendu  ma  vue,  éveillé  ma  pers- 
picacité. Dis-moi  d*où  vient  ta  fortune?  a-t-elle  des  sources  ho- 
norables? pourquoi  me  défends-lu  d'avouer  les  malheurs  de  mon 
enfance?  pourquoi  m'avoir  imposé  le  nom  du  village  où  tu  m'as 
trouvé?  pourquoi  m'empêcher  de  chercher  mon  père  ou  ma  mère  ? 
Enfin,  pourquoi  me  courber  sous  des  mensonges?  On  s'intéresse  à 
l'orphelin,  mais  on  repousse  l'imposteur  !  Je  mène  un  train  qui 
me  fait  l'égal  d'un  fils  de  duc  et  pair,  tu  me  donnes  une  grande 
éducation  et  pas  d'état,  tu  me  lances  dans  l'empyrée  du  monde,  et 
l'on  m'y  crache  au  visage  qu'il  n'y  a  plus  de  Fresca».  On  m'y  de- 
mande une  famille,  et  tu  me  défends  toute  réponse.  Je  suis  à  U 
fois  un  grand  seigneur  et  un  paria,  je  dois  dévorer  des  affronts  qui 
me  poussent  à  déchirer  vivants  des  marquis  et  des  ducs  :  j'ai  la 
rage  dans  l'âme,  je  veux  avoir  vingt  duels,  et  je  périrai!  Veux-tu 
qu'on  m'insulte  encore  ?  Plus  de  secrets  pour  moi  :  Prométhée  in- 
fernal, achève  ton  œuvt^e,  ou  brise-la. 

VAUTRIX. 

Ehl  qui  resterait  froid  devant  là  générosité  de  cette  belle  jeu- 
nesse? Gomme  son  courage  s'allume!  Allez,  tous  les  sentiments, 
an  grand  galop  I  Oh!  tu  es  l'enfant  d'une  noble  race.  £h  bieuf 
{laonl,  voilà  ce  que  j'appelle  des  raisons. 

RAOUL. 

Ahl 

VAUTRIN. 

Ta  me  demandes  des  comptes  de  tutelle?  les  voici. 


^6  VAirram. 

RAOUL. 

Mais  en  ai-je  le  droit  ?  sans  toi  vivrais-je  ? 

VAUTRIN. 

Tais-toL  Tu  n'avais  rien,  je  t*ai  fait  riche.  Ta  ne  savais  rien, 
je  t*ai  donné  une  belle  éducation.  Oh  !  je  ne  suis  pas  encore  quitte 
envers  toi.  I3n  père...  tous  les  pères  donnent  la  vie  à  leurs  en- 
fants, moi,  je  te  dois  le  bonheur...  Mais  est-ce  bien  là  le  motif  de 
ta  mélancolie?  n*ya-t-il  pas  là...  danscecoITret...  (u  montre  on  oom^t) 
certain  portrait  et  certaines  lettres  cachées,  et  que  nons  tisons  avec 
des...  Ah!... 

RAOUL 

Vous  avez... 

VAUTRnf. 

Oui,  j'aL..  Ta  es  donc  touché  à  fond? 

RAOUL. 

A  fond. 

VAUTRIN. 

Imbécile!  L'amour  vit  de  tromperie,  et  ramitié  de  confiance. 
~  Euûu,  sois  heureux  à  ta  manière. 

RAOUL. 

Eh  !  le  puis-je?  Je  me  ferai  soldat,  et.,  partout  où  grondera  le 
canon,  je  saurai  conquérir  un  uom  glorieux,  ou  mourir. 

VAUTRIN. 

Hein!...  de  quoi?  qu'est-ce  que  cet  enfantillage? 

RAOUL. 

Tu  t'es  fait  trop  vieux  pour  pouvoir  comprendre,  et  ce  n'est  pas 
ta  peine  de  te  le  dire. 

VAUTRIN. 

Je  te  le  dira!  donc.  Tu  aunes  Inès  de  Ghristoval,  de  son  chef 
prînc<?sse  d'Ârjos,  fille  d'un  duc  banni  par  le  ro!  Ferdinand,  une 
Andalouse  qui  t*aime  et  qui  me  plaît,  non  comme  femme,  mais 
comme  un  adorable  coffre-fort  quia  les  plus  beaux  yeux  du  monde, 
«me  dot  bien  tournée,  la  plus  délicieuse  caisse,  svelte,  él^^nte 

j  comme  une  cor\ette  noire  à  voiles  blanches,  apportant  les  galions 
<l'Amérîquc  si  impatiemment  attendus  et  versant  toutes  les  joies 

:  <le  la  vie,  absolument  comme  h  Fortune  peinte  au-dessus  des  bu- 
reaux de  loterie  :  je  t'approuve,  tu  as  tort  de  Taimer,  Famoar  te 
fera  faire  mille  sottises...  mais  je  suis  là. 

RAOUL. 

Ne  me  la  flétris  nas  de  tes  horribles  sarcasmeSL 


ACTE  m.  67 

TAUTRIN. 

»,  on  mectn  une  mordine  à  ton  esprit,  et  oa  cnspe  à  soft 
chapeao. 

RAOUL.  ^ 

Oui  Car  i!  est  impossible  à  l'enfant  jeté  dans  le  ménage  d'nn 
|)êcbeur  d* Aighero  de  de?enir  prince  d'Aijos,  et  perdre  Inès,  c'est 
4noarir  de  douleur. 

VAUTRIN. 

Douze  cent  mîDe  livres  de  rente,  le  ihre  de  prince,  des  gran- 
tlesses  et  des  économies,  mon  rieux,  il  ne  faut  pas  voir  cela  trop 
•en  noir. 

RAOUL. 

Si  tu  m'aimes»  pourquoi  des  plaisanteries  quand  je  suis  au  dé- 
sespoir? 

YAUTRUI. 

Et d*où  Tient  doDcton  désespoir? 

RAOUL. 

Le  duc  et  le  marquis  m'ont  tout  à  l'heure  insulté  chez  eux,  de- 
vant elle,  et  j'ai  vu  s'éteindre  toutes  mes  espérances...  On  m'a 
fermé  la  porte  de  l'hôtd  de  Cbristoval.  J'ignore  encore  pourquoi 
la  duchesse  de  Montsorel  m'a  fait  venir.  Depuis  deux  jours  elle  me 
'témoigne  un  intérêt  que  je  ne  puis  m'expliqner. 

YAUTRIN. 

Et  qn'allaisrtn  donc  faire  chez  ton  rival  ? 

RAOUL. 

Mais  ta  sais  donc  tont  7 

Et  bien  d'antres  choses  !  Enfin,  tu  veux  Inès  de  Ghristoval?  tE 
«peux  te  passer  cette  fentaisie^ 

RAOUL. 

91  tn  le  jemis  de  BMî  î 

▼Aontm. 
Raoél,  on  l^  fermé  la  porte  de  l'hôlel  de  GfarirtovaL;.  tn  sens 
defflân  le  prètenda  de  la  princesse  d'Arjos,  et  les  lioiitsord  se- 
roQt  renvoyés,  tout  Montsorel  qu*ib  sont. 

RAOm:.. 
Ma  doolear  vous  rend  fon. 

YAUTRIN. 

Qui  t'a  jamais  autorisé  I  douter  de  nni  parole?  qui  t*a  donné  un 
cheval  arabe,  pour  faire  enrager  tous  hss  dandys  exotiqmi  ou  in* 


09  VADTRIH. 

digènes  du  bois  de  Boulogne?  qui  paye  tes  dettes  de  jen?  qni 
ireiiie  à  tes  plaisirs?  qui  t'a  donné  des  lM>ttes,  à  toi  qui  n'avais,  pas 
de  souliers  ? 

BAOUL. 

Toi,  mon  ami,  mon  père,  ma  famille! 

VAUTRIN. 

Bien,  bien,  merci  !  Oh  !  tu  me  récompenses  de  tous  mes  sar* 
crifices.  Mais,  hélas!  une  fois  riche,  une  fois  grand  d'Espagne» 
une  fois  que  tu  feras  partie  de  ce  monde,  tu  m'oublieras  :  ea 
changeant  d'air,  on  change  d'idées;  tu  me  mépriseras,  et...  to 
auras  raison. 

RAOUL. 

Est-ce  un  génie  sorti  des  Mille  et  une  Nuits  ?  Je  me  demande 
si  j'existe.  Mais,  mon  ami,  mon  protecteur,  il  me  faut  une  fa- 
mille. 

YAUTRIN. 

Eh  I  on  te  la  fabrique  en  ce  moment,  ta  famille  !  Le  Louvre  ne 
contiendrait  pas  les  portraits  de  tes  aïeux,  ils  encombrent  les  qaais^ 

RAOUL. 

Tu  rallumes  toutes  mes  espérances. 

VAUTRIN. 

Tu  veux  Inès? 

RAOUL. 

Par  tous  les  moyens  possibles. 

VAUTRIN. 

Tu  ne  recules  devant  rien  ?  la  magie  et  l'enfer  ne  t'effrayent  pas 

RAOUL. 

Va  pour  l'enfer»  s'il  me  donne  le  paradis. 

VAUTRIN. 

L'enfer  !  c'est  le  monde  des  bagnes  et  des  forçats  décorés  par 
la  justice  et  par  la  gendarmerie  de  marques  et  de  menottc^s,  con- 
duits où  ils  vont  par  la  misère,  et  qui  ne  peuvent  jamais  en  sortir. 
Le  paradis,  c'est  un  bel  hôtel,  de  riches  voitures,  des  femmes  dé- 
licieuses, des  hônneure.  Dans  ce  monde,  il  y  a  deux  mondes;  je 
te  jette  dans  le  plus  beau,  je  reste  dans  le  plus  laid;  et  si  tu  ne 
m'oublies  pas,  je  te  tiens  quitte. 

RAOUL. 

Vous  me  cfonnez  le  frisson,  et  vous  venez  défaire  passer  deTaot 
moi  le  délire. 

TAUTRIN,  lui  frappant  sur  l'épaule. 

Ta  es  un  enfant!  (a  part.}  Ne  lui  en.ai-je  pas  trop  dit?  lu 


TAlilRm. 
RAOUL. 


ACTE  IIL  69 

RAOUI^  k  part. 

Par  moments  ma  nature  se  révolte  contre  tous  ses  bienfaits  l 
Quand  il  met  la  main  sur  mon  épaule,  j'ai  la  sensation  d'un  fer 
chaud;  et  cqiendant  il  ne  m'a  jamais  fait  qnedu  bien!  il  me  caciie 
les  moyens,  et  les  résultats  sont  tous  pour  moi 

VAUTRIN. 

Quedis-tnlàî 

RAOUL. 

Je  dis  que  je  n'accepte  rien,  si  mon  honnear... 

YAUTRIN. 

On  en  aura  soin,  de  ton  honneur  !  N'est-ce  pas  moi  qui  l'ai 
développé?  A-t-il  jamais  été  compromis? 

RAOUL. 

Tu  m'expliqneraib 

Rien. 

Rien? 

YAUTRIX. 

T^*as-tu  pas  dit,  par  tous  les  moyens  possibles?...  Inès  une  fois 
à  toi,  qu'importe  ce  que  j'aurai  fait  ou  ce  que  je  suis?  Tu  em- 
mèneras Inès,  tu  Yoyageras.  La  famille  de  Ghristoval  protégera  le 
prince  d'Arjos.  (a  Larouraiiie.)  Frappez  des  bouteilles  de  vin  de  Cbam- 
{xigoe,  votre  maître  se  marie,  il  va  dire  adieu  à  la  yie  de  garçon, 
ses  amis  sont  invités,  allez  chercher  ses  maîtresses,  s*il  lui  en  reste  ! 
11  y  a  noce  pour  tout  le  monde.  Branle-bas  général,  et  la  grande 
tenae. 

RAOUL. 

Son  intrépidité  m'épouvante  ;  mais  il  a  toujours  raison. 

VAUTRIN. 

A  lable  I 

TOUS. 

A  table! 

VAUTRIN. 

N'aie  pas  le  bonheur  triste,  viens  rire  une  dernière  fois  dans 
toute  ta  liberté;  je  ne  te  ferai  servir  que  des  vins  d'Espagne,  c'est 
gentil 

m  DO  TROISIÈVB  ACTB. 


ACTE  QUATRIÈME 


U  foène  est  à  rhOtel  de  Chiistoval. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL,  INÈS. 

INÈS. 

Si  la  naissance  de  M.  de  Frescas  est  obscure,  |e  sacrai,  ma  mère-, 
renoncer  à  lui  ;  mais,  de  votre  côté,  soyez  assez  bonne  pour  ne 
plas  insister  sur  mon  mariage  avec  le  marquis  de  MontsoreL 

LA  DUCHESSE  DE  CHRiSTOYAL. 

Si  je  repousse  cette  alliance  insensée,  je  ne  souffrirai  pas  noi^ 
plus  que  vous  soyez  sacrifiée  à  l'ambition  d'une  famille. 

INÈS. 

Insensée?  qui  le  sait?  Vous  le  croyez  un  aventurier,  je  le  crois 
gentilhomme,  et  nous  n'avons  aucuue  preuve  à  nous  opposer. 

LA  DUCHESSE  OE  CHRISTOVAL. 

Les  preuves  ne  se  feront  pas  attendre.  Les  Montsorel  sont  trop' 
intéressés  à  dévoiler  sa  honte. 

INÈS. 

Et  luil  m'aime  trop  pour  tarder  à  vous  prouver  qu^il  est  digne 
de  nous.  Sa  conduite,  hier,  n'a-t-elle  pas  été  d'une  noblesse  par- 
faite? 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Mais,  chère  foHe,  ton  bonheur  n'est-il  pas  le  mien  ?  Que  Raoul 
satisfasse  le  monde,  et  je  suis  prête  à  lutter  pour  vous  contre  les 
Montsorel  à  la  cour  d'Espagne. 

INÈS. 

Ah  I  ma  mère,  vous  l'aimez  donc  aussi  ? 


AQTB  IV.  71 

LA  DUCHBSSB  DE  CHRISTOTÀL. 

Ne  ras-to  pas  choisi  T 

SCÈNE  n. 

LES  MÊMES,  UH  TALBT,   puls  TAUTRIIf. 

Li  YMlet  apporte  à  U  ducbesse  une  carte  enveloppée  et  cachetée. 


LA  DUCHBSSB  DE  CHRISTOTAL,  à  Inès. 

Le  gàiéral  Grustamente,  eovoyé  secret  de  Sa  Majesté  doQ  Aa« 
gustin  I*',  empereur  du  Mexique.  Qu'est-ce -que  cela  veut  dire? 

INÂS. 

Do  Mexique  I  il  nous  apporte  sans  doute  des  nouvelles  de  mon 
père! 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL,  au  valet. 

Faites  entrer. 

(Tautrin  paraît  babillé  en  général  mexicain,  sa  taille  a  quatre  ponces  de  plus,  son  cha- 
peau est  rouml  de  plumes  blanches,  son  habit  est  bleu  de  ciel  avec  les  riches  brode-^ 
ries  des  généraux  mexicains  :  pantalon  blanc,  écharpe  aurore,  les  cheveux  traînants 
et  frisés  comme  ceux  de  Murât  :  il  a  un  grand  sabre,  il  a  le  teint  cuivré,  il  grasseyé 
eomme  les  Espagnols  dn  Mexique ,  son  parler  ressemble  an  provençal,  plus  l'accent, 
guttural  des  Maures.) 

TAUTRIN. 

Est-ce  bien  à  madame  la  duchesse  de  Ghristoval  que  j'ai  Thon-» 
near  de  parler? 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Oui,  Monsieur. 

TAUTRIIf. 

£t  Mademoiselle? 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Ma  fille.  Monsieur. 

TAUTRIN. 

Mademoiselle  est  la  seiiora  Inès,  de  son  chef  princesse  d*Arjos. 
En  vous  voyant,  Tidolâtric  de  M.  de  Ghristoval  pour  sa  fille  se 
comprend  parfaitement.  Mesdames,  avant  tout,  je  demande  une 
discrétion  absolue  :  ma  mission  est  déjà  difficile,  et  si  l'on  soup* 
connaît  qu*il  pût  exister  des  relations  entre  vous  et  moi,  nous  se- 
rioDs  tous  compromis. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Je  vous  promets  le  secret  et  sur  votre  nom  et  sur  votre  Tisite^ 

INÈS. 

Général»  il  s'agit  de  mon  père»  vous  me  permettes  de  rester» 


72  VAUTAIV. 

VAUTRIN. 

Vous  êtes  nobles  et  Espagnolos,  je  compte  sor  votre  parole. 

LA  DUCHBSSB  DE  CHRISTOYAL. 

Je  vais  recommander  à  mes  gens  de  se  taire. 

VAUTRIN. 

Pas  un  mot;  réclamer  leur  silence,  c'est  souvent  provoquer  leur 
indiscrétion.  Je  réponds  des  miens.  J'avais  pris  rengagement  de 
vous  donner  à  mon  arrivée  des  nouvelles  de  M.  de  Christoval,  et 
voici  ma  première  visite. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRiSTOVAL. 

Parlez  nous  promptement  de  mon  mari,  général70àsetropve-t-il7 

VAUTRIN. 

Le  Mexique,  Madame,  est  devenu  cequ*il  devait  être  tôt  ou  tard, 
Tin  Etat  indépendant  de  TEspagnc.  Au  moment  où  je  parle,  il  n'y 
a  plus  un  seul  Espagnol,  il  ne  s'y  trouve  plus  que  des  Mexicains. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

En  ce  moment? 

VAUTRIN. 

Tout  se  fait  en  un  moment  pour  qui  ne  voit  pas  les  causes.  Que 
voulez-vous?  Le  Mexique  éprouvait  le  besoin  de  son  indépendance, 
il  s'est  donné  un  empereur  !  Cela  peut  surprendre  encore,  rien 
cependant  de  plus  naturel  :  partout  les  principes  peuvent  attandre, 
partout  les  hommes  sont  pressés. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL* 

Qu'est-il  donc  arrivé  à  M.  de  Christoval  7 

VAUTRIN. 

Rassurez-vous,  Madame,  il  n'est  pas  empereur.  Monsieur  le  duc 
a  failli,  par  une  résistance  désespérée,  maintenir  le  royaume  sous 
l'obéissance  de  Ferdinand  VIL 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Maisy  Monsieur»  mon  mari  n'est  pas  militaire. 

VAUTRIN. 

Non,  sans  doute;  mais  c*est  un  habile  couitlsan,  et  c'était  bien 
joué.  En  cas  de  succès,  il  rentrait  en  grâc€a  Ferdinand  ne  pouvait 
se  dispenser  de  le  nommer  vice-roi. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Dans  quel  siècle  étrange  vivons-nous? 

VAUTRIN. 

les  révolutions  se  succèdent  et  ne  se  ressemblent  pas.  Partout 


ACTE  IV.  72 

on  imite  la  France.  Mais,  je  vous  en  supplie,  ne  parlons  pas  politi- 
quiS  c'est  un  terrain  brûlant 

INÈS. 

Mon  père,  général,  avait-il  reçu  nos  lettres? 

VAUTRIN. 

Dans  une  pareille  bagarre,  les  lettres  peuvent  bien  se  pei'dre, 
([uand  les  couronnes  ne  se  retrouvent  pas. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Et  qu'est  devenu  M.  de  Christoval  ? 

VAUTRIN. 

Le  viel  Amoagos,  qui  là-bas  exerce  une  énorme  influence,  as* 
votre  mari,  au  moment  où  j'allais  le  faire  fusiller... 

I^  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL  et  SA  FILLE. 

Ahl 

YAUTRIN. 

C'est  ainsi  que  nous  nous  sommes  connus. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL. 

Yoos,  général? 

IN&S. 

Mon  père.  Monsieur! 

YAUTRIN. 

Eh  !  Mesdames,  j'étais  ou  pendu  par  lui  comme  nn  rebelle,  ou 
Tan  des  héros  d'une  nation  délivrée,  et  me  voici  !  En  arrivant  à 
Tifflprovlste  à  la  tête  des  ouvrière  de  ses  mines,  Amoagos  décidait 
la  question.  Le  salut  de  son  ami  le  duc  de  Christoval  a  été  le  pris: 
de  son  concours.  Entre  nous,  l'empereur  Iturbide,  mon  maître, 
n'est  qu'un  nom  :  l'avenir  du  Mexique  est  tout  entier  dans  le  parti 
du  vieil  Amoagos. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Quel  est  donc.  Monsieur,  cet  Amoagos  qui,  selon  vous,  est 
Tarbiii-c  des  xleslinées  du  Mexique? 

VAUTRIN. 

Vous  ne  le  connaissez  pas  ici?  Vraiment  non?  Je  ne  sais  p..s  ce 
qui  pourra  souder  l'ancien  monde  au  nouveau?  Oh!  ce  sera  la 
vapeur.  Exploitez  donc  des  mines  d'or!  soyez  don  luigo,  Jan  Va- 
raco  Cardaval  de  los  Amoagos,  las  Frescas  y  PeraL....  mais  dans 
la  kirieile  de  nos  noms  espagnols,  vous  le  savez,  nous  n'en  disons 
jamais  qu'un.  Je  m'appelle  simplement  Crustamente.  Enfin,  soyez 
le  futur  président  de  la  république  mexicaine,  et  la  France  vous 
ignore.  Mesdames,  le  vieil  amoagos  a  reçu  là-bas  M.  de  Christoval, 


n  VAirnOH. 

comme  un  vieux  gentilhomme  d*Âragon  qu'O  est,  derait  accueillir 

un  grand  d'Espagne  banni  pour  avoir  été  sédoil  par  k  beaa  nom 

de  Napoléon. 

mis. 

N'avez-Touspas  dit  Frescas  dans  les  noms? 

VAUTRIN. 

Oui,  Frescas  est  le  nom  de  la  seconde  mine  exploitée  par  don 
Garda  val  ;  mais  vous  allez  connaître  toutes  les  obligations  de  iM.  le 
duc  envers  son  hôte  par  les  lettres  que  je  vous  apporte.  Elles  sont 
dans  mon  portefeuille.  J*ai  besoin  de  mon  portefeuiih.  (a  part.)  Elles 
ont  assez  bien  mordu  à  mon  vieil  Amoagos.  (Haut.)  Permettez-moi 

de  demander  un  de  mes  gens  7  (La  duchesse  (ïUt  signe  à  loàs  de  sonner.  A  la 

duchesse.)  Âccordez-moi,  Madame,  un  moment  d'entretien.  CAuayaiet.) 
Dites  à  mon  nègre;  mais  non,  il  ne  comprend  que  son  affreux  pa- 
tois, faites-lui  signe  de  venir. 

LA  OUCUESSB  DE  CHRISTOVAL. 

Mon  enfant,  vous  me  laisserez  seule  un  moment  (Ufeuauteparau.) 

VAUTRIN^  à  Lafouraille. 


Jiji  roro  flonri. 
Jorou 


LAFOURAILLB. 


VXiS,  à  Vautrin. 

La  confiance  de  mon  père  suffirait  à  vous  mériter  on  bon  ac« 
caeil  ;  mais,  général,  votre  emprassement  à  dissiper  nos  inquié- 
tudes <vou8  vaut  ma  reconnaissance. 

VAUTRIN. 

De  la  re.....  connais.....  sauce  !  Ah  !  senofa,  si  nous  comptions» 
je  me  croirais  le  débiteur  de  votre  illustre  père,  après  avoir  eu  le 
bonheur  de  vous  voir. 

LAFOURAILLB. 

lo. 

VAUTRlir, 

Caracas,  y  monS  joro,  fistas,  ip  souri. 

LAFOURAILLB. 

Souri  joro. 

VAUTRIN,  aux  damei. 

Mesdames,  void  vos  lettres.  (A^tartàLafouniine.)  Circule  de  Tanti^ 
chambre  à  la  cour,  boucbe  close,  Toreille  ouverte,  les  mains  aa 
lepos,  l'œil  au  guet,  et  du  nez. 


ACTE  nr.  1% 

LAfOORAILtB. 

lif  miii  fionr. 
Souri  joro,  fistas.    « 

LiVOUlAILLI. 

jMXft.  <B«i.|  ¥oid  les  {lapiers  de  LangMc 

TAUTRilf. 

Je  ne  sais  pas  pour  rémnncipation  des  nègres  :  quand  il  n*7  en 
aura  plus,  nous  serons  forcés  d*en  foire  avec  les  blaucs. 

INÈS^  à  sa  mère* 

Permettez-moi,  ma  mère,  d'aller  lire  la  lettre  de  mon  père.  ' 

(à  Vautrin.)  GénéraL..  (SUe  salue.)  | 

VAUTRIir.  ' 

Elle  est  charmante,  puisse- t-elle  être  heureuse! 

(Inès  sort,  sa  mère  Ja  conduit  en  ûdsant  quelques  pas  avec  elle.) 


SCENE  m. 

LÀ.  DUCHESSE  DE  CHRISTOTÀL .  VAUTRIN. 
YAUTBIlf,  fe  part. 

Si  le  Mexique  se  voyait  représenter  comme  ça,  il  serait  capable 
de  me  condamner  aux  ambassades  à  perpétuité.  (Haut.)  Oh  !  excu- 
sez-moi, Madame,  j'ai  tant  de  sujets  de  réflexions  1 

LA  DUCUESSE. 

Si  les  préoccupations  sont  permises,  n'est-ce  pas  à  yous  autres 
diplomates? 

VAUTRW. 

Aux  diplomates  par  état,  oui  ;  mais  je  compte  rester  militaire  et 
franc  Je  veux  réussir  par  la  franchise.  Nous  voilà  seuls,  causons, 
car  j*ai  plus  d'une  mission  délicate. 

LA  DUCHESSE. 

Auriez-vous  des  nouvelles  que  ma  fille  ne  devrait  pas  entendre? 

TAimtur. 

Peut-être.  Allons  droit  au  fiait:  la  senora  est  jeune  et  belle,  elle 

est  riche  et  noble;  elle  peut  avoir  quatre  fois  pins  de  prétendants 

qoe  toute  antre.  On  se  dispute  sa  main.  Eh  bien  !  son  père  me 

diarge  de  savoir  si  elle  a  plus  parttcuhèrement  remarqué  quelqu'un. 


75  VAUTRin. 

LA  DUCHESSB. 

Avec  UQ  homme  franc,  général,  je  serai  franche.  L'étrangelé 
deTOtre  demande  ne  me  permet  pas  d'y  répoudre. 

VAUTRIN.  • 

Âh  I  prenez  garde  I  Pour  ne  jamais  nous  tromper,  nous  autres 
diplomates,  nous  interprétons  toujours  le  silence  en  mauvaise  part. 

LA  DUCHESSE. 

Monsieur,  vous  oubliez  qu'il  s'agit  d'Inès  de  GhristovaL 

VAUTRIN. 

Elle  n'aime  personne.  Eh  bien  !  elle  pourra  donc  obéir  aux 
vœux  de  son  père. 

LA  DUCHESSE. 

Gomment,  M.  de  Ghristoval  aurait  disposé  de  sa  fiUe? 

VAUTRIN. 

Vous  le  voyez?  votre  inquiétude  vous  trahit  Elle  a  donc  fait  un 
choix!  Eh  bien!  maintenant  je  tremble  autant  de  vous  interroger 
que  vous  de  répondre.  Ah  !  si  le  jeune  homme  aimé  par  votre 
fille  était  un  étranger,  riche,  en  apparence  sans  famille,  et  qui  ca- 
chât son  pays... 

LA  DUCHESSB. 

Ge  nom  de  Frescas,  dit  par  vous,  est  celui  que  prend  un  jeune 
homme  qui  recherche  Inès. 

YAUTRIir. 

Se  nommerait-il  aussi  Raoïil  ? 

LA   DUCHESSB. 

Oui,  Raoul  de  Frescas. 

VAUTRIN. 

Un  jeune  homme  fin,  spirituel,  élégant,  vingt- trois  ans. 

LA  DUCHESSE. 

Doué  de  ces  manières  qui  ne  s'acquièrent  pas. 

VAUTRIN. 

Romanesque  au  point  d'avoir  eu  l'ambition  d'être  aimé  pour 
lui-même,  en  dépit  d'une  immense  fortune  ;  il  a  voulu  la  passion 
dans  le  mariage,  une  folie  !  Le  jeune  Àmoagos,  car  c'est  lui.  Ma- 
dame... 

LA  DUCHESSE. 

Mais  ce  nom  de  Raoul  u'est  pas. .. 

TAUTRIN. 

Mexicain,  vous  avez  raison.  Il  lui  a  été  donné  par  sa  mère,  une 
Française,  une  émigrée,  une  demoiselle  de  Granviiie,  venue  éd 
Saint-Domingue.  L'imprudent  est-il  aimé? 


ACTE  nr»  77 

LA  DUCHESSE. 

Préféré  à  tonsi 

YAUTRIir. 

Mais  ouvrez  cette  kttre,  lisez-la.  Madame;  et  yoos  verrez  qae 
j*ai  pleiiis  pouvoir  des  seigneurs  Àmoagos  et  Gbristoval  ponr.coa** 
dure  ce  mariage. 

LA  DUCHESSB, 

Ohl  laissez-moi,  Monsieur,  rappeler  Inès»  ame  Mrt.» 

SCÈNE  IV. 

VAUTRIN,  seuU 

Le  majordome  esl  à  moi,  les  véritables  lettres,  s'il  en  vient,  me 
seront  remises.  Raoul  est  trop  fier  pour  revenir  ici;  d'ailleurs,  il 
m*a  promis  d'attendre.  Me  voilà  maître  du  terrain;  Raoul,  une 
fois  prince,  ne  manquera  pas  d*aïeux  ;  le  Mexique  et  moi  nous 
sommes  El 

SCÈNE  V. 

VAUTRIN,  LA  DUCHESSE  DE  GHRISTOYAL,  INÈS. 
LA  DUCHESSE,  à  sa  fine. 

Mon  enfant,  vous  avez  des  remercîments  à  faire  au  général 

(£Ue  Ut  sa  lettre  pendant  une  i>artfe  de  la  scène.) 
IXÈS. 

Des  remercîments,  Monsieur?  Et  mon  père  me  dit  que  dans  le 
nombre  de  vos  missions  vous  avez  celle  de  me  marier  avec  un 
leigneur  Amoagos,  sans  tenir  compte  de  mesincUnations. 

VAUTRIN. 

Rassurez-vous,  il  se  nomme  ici  Raoul  de  Frescas. 

INÈS. 

Raoul  de  Frescas,  lui  I  Mais,  alors,  pourquoi  son  silence  obstiné? 

1  VAUTRIN. 

Faut-ii  que  le  vieux  soldat  vous  explique  le  cœur  du  jeniM 
homme?  Il  voulait  de  ramour,etnott  de  l'obéissance;  il  voulait •• 

INftS.. 

Ah!  général,  je  le  punirai  de  sa  modestie  et.de  sa  défianct. 


n  VACTIinL 

« 

Hier,  9  aimait  mieiix  dévoier  une  ofleme  que  de  réféier  le  nom 
de  son  père. 

TAimni. 
Mats,  MadeiHoiwBe,  il  ignore  encere  n  le mmii  d««Ni  père  esl 
eclBi  d^on  coupable  de  haute  trahison  on  eeini  d^m  lihfaalBMr  de 
l'Amérique. 

Abt  ma  mère,  entendes-fons  7 

TAUTRINy  à  part. 

Ck>mme  elle  l'aime!  Pauvre  fiUe,  ça  ne  demande  qu*à  être  abusé. 

LA  DUCHESSE. 

La  lettre  de  mon  mari  tous  donne,  en  efiet,  général,  de  pleins 
pouTcrirs. 

VAUTRIW. 

J*ai  les  actes  authentiques  et  les  papiers  de  famfïïe... 

1)K  TALBT  ^  entrant. 

Madame  ladudiesse  Teut-etle  recevoir  M.  de  Vnaeul 

TAUTRI!f^  à  P9êU 

Raoul  ici! 

LA  DUCHESSE^  au  Talet 

Faites  entrer. 

VAUTRIN. 

Bon!  le  malade  vient  tuer  le  médecin. 

LA  DliCHESSE. 

Inès,  vous  pouvez  recevoir  seule  M.  de  Frescas,  il  est  agréé 

par  votre  père.  (Ms^lse  la  maindecamèr«.> 

SCÈNE  YI. 

ut  HiMift»  RAOOL. 


f 

t 


TAUTRIN^  &  Raoal. 

Don  Raoul  de  GardavaL 

RAOOS. 

Vautrin  ! 

TADTua; 

!tai,  le  gfeaénd  GhiilaBKme. 


I 


ACTB  ir«  79 

TAumiir. 

Bien.  Envoyé  du  Mexique.  Retiens  bien  le  nom  de  ton  père 

Âmoagos,  un  seignsur  d'Aragon,  un  ami  dn  duc  de  Ghristoval. 

Ta  mère  est  morte;  j'apporte  les  titres,  les  papiers  de  famille 

authentiques»  reconnus.  Inès  est  à  toi. 

RAOUL. 

.  £t  TOUS  voulez  que  je  consente  à  de  pareilles  infamies!  jamais! 

TAUTRIN^  aux  deux  femmes. 

Il  est  stupéfait  de  ce  que  je  lui  apprends,  il  ne  s'attendait  pas  à 
un  si  prompt  dénoûment. 

RAOUL. 

S  la  vérité  me  tue,  tes  mensonges  me  déshonorent,  j'aime 
mieux  mourir. 

VAUTRIN. 

Tu  voulais  Inès  par  tous  les  moyens  possibles,  et  tu  recules 
devant  un  innocent  stratagème? 

RAOUL  ^  exaspéri. 

Mesdames  I... 

VAUTRIN. 

La  joie  le  transporte.  (ARaoui.)  Parler,  c'est  perdre  Inès  et  me 
livrera  la  justice  :  tu  le  peux,  ma  vie  est  à  toi. 

RAOUL. 

OYantrin!  dans  quel  abime  m'as-tu  plongé? 

VAUTRIN. 

Je  t'ai  fait  prince,  n'oublie  pas  que  tu  es  au  comble  du  bonheur* 
upirt.jliira. 

SCÈNE  vn. 

INÈS,  près  de  la  porte  où  elle  t  ouitté  sa  mère,  RAOnj  ^  de  rentre  oOté  da  thfiâtre. 


RAOUL,  h  part. 

L'honneur  veut  que  je  parie,  la  reconnaissance  veut  que  je  me 
taise;  eh  bien!  j'accepte  mon  rôle  d'homme  beoreux,  jusqu'à  ce 
qu'il  ne  soit  plus  en  péril;  mais  j'écrirai  ce  soir  et  Inès  saura  qui 
je  SUIS.  Vauirin,  un  pareil  sacrifice  m'acquitte  bien  envers  toi  : 
nos  liens  sont  rompus.  J'irai  chercher  je  ne  sais  où  b  mort  da 
soldat 


SO  VAUTBUL 

UXÈSf  8'approchaDt  après  avoir  examiné* 

Mon  père  et  le  vôtre  sont  amis;  ils  consentent  à  notre  mariage, 
nous  nous  aimons  comme  s'ils  s'y  opposaient,  et  tous  voilà  rcvour, 
presque  triste  I 

BÀOUt. 

Vous  avez  votre  raison,  et  moi,  je  n'ai  plus  la  mienne.  A  l^ 
moment  où  vous  ne  voyez  plus  d'obstacle,  il  peut  en  surgir  d'in- 
surmontables. 

INÈS. 

Raoul,  quelles  inquiétudes  jetez-vous  dans  notre  bonheur  ! 

RAOUL. 

Notre  bonheur!  (A  part.)  Il  m'est  impossible  de  feindre.  (Haut 
Au  nom  de  notre  amour,  je  vous  demande  de  croire  en  ma  loyauté 

INÈS. 

Ma  confiance  en  vous  n'était-elle  pas  infinie?  Et  le  général  a 
tout  justifié,  jusqu'à  votre  silence  chez  les  Montsorel.  Aussi  vous 
pardonué-je  les  petits  chagrins  que  vous  étiez  obligé  de  me  causer. 

RAOUL^  à  part. 

Ah!  Vautrin  !  je  me  livre  à  toi!  (Haut.)  Inès,  vous  ne  savez  pas 
quelle  est  la  puissance  de  vos  paroles  :  elles  m'ont  donné  la  force 
de  supporter  le  ravissement  que  vous  me  causez...  Eh  bien!  oui, 
soyons  heureux  I 

SCENE  VIII. 

us  MÊMES  LE  MARQUIS  DE  MONTSOREL. 
LE  VALET^  annonçant. 

M.  le  marquis  de  MontsoreL 

RAOUL,  à  part. 

Ah!  ce  nom  me  rappelle  à  moi-même.  (Ainte.)  Quoiqu'il  arrive, 
Inès,  attendez  pour  juger  ma  conduite  l'heure  où  je  vous  la  sou- 
mettrai moi-même,  et  pensez  que  j'obéis  en  ce  moment  à  une 
invmcible  fatalité. 

INÈS. 

Raoul,  je  ne  vous  comprends  plus  ;  mais  je  me  fie  toujours  à  tous. 

ht  MARQUIS,  h  part. 

Encore  ce  petit  monsieur  !  (ii  salue  mes.}  Je  vous  croyais  avec  votre 
mère,  Alademoiselle,  et  j'étais  loin  de  penser  que  ma  visite  pût 
être  importune.  Faites-moi  la  grâce  de  m'excuser... 


ACTE  IV.  81 

INÈS. 

Restez,  je  vons  prie  :  il  n'y  a  plus  d'étranger  id,  monsieur 
Raoul  est  agréé  par^na  famille. 

LE   MÀRQUrS. 

Monsieur  Raoul  de  Frescas  yeut-i[  alors  agréer  mes  complimen  ts  7 

RAOUL. 
YOS  compliments?  je  les  accepte  (Ulul  tend lamtln et  le  marquis  lalul 

lerre}  d'aussi  bon  cœur  que  tous  me  les  offrez. 

LE  MARQUIS. 

Nous  nous  entendons. 

INiS,  h  Raoal. 

Faîtes  en  sorte  qu'il  parte,  et  restez,  (xn  marquis.)  Ma  mère  a 
besoin  de  moi  pour  quelques  instants,  j'espère  vous  la  ramener. 

SCÈNE  IX. 

LE  MARQUIS,  RAOUL,  paie  VAUTRIN. 
LE   MARQUIS. 

Acceptez- VOUS  une  rencontre  à  mort  et  sans  témoins  t 

RAOUL. 

Sans  témoins,  Monsieur? 

LE  MARQUIS. 

Ne  savez-vous  pas  qu'un  de  nous  est  de  trop  en  ce  monde? 

RAOUL. 

.  Votre  famille  est  puissante  :  en  cas  de  succès,  votre  proposition 
m'eipose  à  sa  vengeance,  permettez-moi  de  ne  pas  échanger 
l'hôtel  de  Christoval  contre  une  prison,  rvaatrin  parait.)  A  mort,  soit! 
mais  avec  des  témoins. 

LE    MARQUIS. 

Les  vôtres  n'arrêteront  point  le  combat? 

RAOUL. 

Nous  avons  chacun  une  garantie  dans  notre  haine. 

TAUTRIN^  à  part. 

Ah  çà,  mais  nous  trébucherons  donc  toujours  dans  le  succès  ! 
mort?  cet  enfant  joue  sa  vie  comme  si  elle  lui  appartenait. 

LE  MARQUIS. 

Eh  bien  !  Monsieur,  demain  à  huit  heures,  sur  la  terrasse  de 
Saint-^Sermain.  nous  irons  dans  la  forêt. 

TH.  0 


82  VAUTRin. 

VAUTRIN. 

Vous  n*irez  pas.  (i  saoui.)  Un  duel  ?  la  parlie  est-elle  égaie  ?  Mon- 
:jeur  est-3  comme  vous  le  fils  unique  d*une grande  maison?  Votre 
père,  don  Inigo,  Juan,  Yarago  des  los  Amoagos  de  Gardaval,  las 
Frescas»  y  Péral  vous  le  permettrait-H,  don  Raoul? 

LE   UÀRQUIS. 

Je  consentais  à  me  battre  avec  un  inconnu,  mais  la  grande  mai- 
son de  Monsieur  ne  gâte  rien  à  rafTaire. 

RÂ.OUL^  au  marquis. 

Il  me  semble  que  maintenant.  Monsieur,  nous  pouvons  nous 
traiter  avec  courtoisie  et  en  gens  qui  s'estiment  assez  Tun  Tautre 
pour  se  haïr  et  se  tuer. 

LB  MARQUIS,  regafdaat  Vautria. 

Peut-on  savoir  le  nom  de  votre  mentor  ? 

VAUTRIN. 

A  qui  aurais-je  l'honneur  de  répondre  ? 

LE   MARQUIS. 

Au  marquis  de  Montsorel,  monsieur. 

VAUTRIN^  le  toisant. 

J'ai  le  droit  de  me  taire;  mais  je  vous  dirai  mon  nom,  une 
seule  fois,  bientôt,  et  vous  ne  le  répéterez  pas.  Je  serai  le  ténaoiu 
de  M.  deFrescas.  (a  part)  £t  Buteux  sera  l'autre. 

SCÈNE  X. 

RAOUL,   VAUTRIN,   LE  MARQUIS,  LA   DUCHESSE  DE  MONTSOREL; 
puis  LA  DUCHESSE  DE  GHRISTOYAL,  INÈS. 

UH  VALET^  annonçant. 

Madame  la  duchesse  de  MontsoreL 

VAUTRIN  «  à  BaouL 

Pas  d'enfantillage  :  de  l'aplomb  et  au  pas  I  je  suis  devant  l'en- 
nemi. 

LE   MARQUIS. 

Ah  !  ma  mère,  venez-vous  assister  à  ma  défaite!  Tout  est  eon- 
du.  La  famille  de  Ghristoval  se  jouait  de  noua.  Monsieur  (u  montre 
Tautrin)  apporte  les  pouvoirs  des  deux  pères. 

LA  DUCHESSE  DE  UOKTSOAEL. 
Raoul  a  une  famille?  (Ma4am«deGhri8toTaletsafiUeentnatet8tlueiit!a 


ACTE  IV.  83 

duchesse.  (A  madame  de  curistovai.)  Madame,  mon  fiis  vieDt  de  m'ap- 
prendre  l'événement  inattendu  qui  renverse  toutes  nos  espérances. 

LA.  DUCHBSSE  DE  CRRISTOYAL. 

L'intérêt  que  vons  paraissez  témoigner  à  M*  de  Frescas  s'est 

donc  affaibli  depuis  hier? 

LA  DUCHESSE  DE  HONTSOREL^  examinant  Vautrtn. 

Et  c'est  grâce  à  monsieur  que  tons  les  doutes  ont  été  levés?  Qui 

cst-ilî 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL. 

Le  représentant  da  père  de  M.  de  Frescas,  don  Âmoagos,  et  de 
M.  de  Ghristoval.  Il  nous  a  donné  les  nouvelles  que  nous  atten^ 
dions,  et  nous  a  remis  enfin  les  lettres  de  mon  mari. 

YAUTRm,  à  part. 

Âh  çà,  vais-je  poser  longtemps  comme  ça  ? 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOHEL^  il  Vautrin. 

Monsieur  connaît  sans  doute  depuis  longtemps  la  famille  de  M^  de 
Frescas? 

YAUTRIN. 

Elle  est  très-restreinte  :  un  père,  un  oncle...  (Asaouu  Vous 
n*avez  même  pas  la  douloureuse  consolation  de  vous  rappeler  votre 
mère,  (àia  duchés^.)  Elle  est  morte  au  Mexique  peu  de  temps  après 
son  mariage. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Mooslear  est  né  au  Mexique? 

TAUTRIK* 

En  plein  Mexique. 

LA  DUCHESSE  DE  HONTSORBL,  &  la  docheflse  de  Christoval. 

Ma  chère,  on  nous  trompe,  (a  Raoul.)  Monsieur,  vous  n'êtes  pas 
venu  du  Mexique,  votre  mère  n'est  pas  morte,  et  vous  avez  été 
dès  votre  enfance  abandonné,  n'est-ce  pas? 

RAOUL. 

Ma  mère  vivrait  I 

TAUTROr. 

Pardon,  Madame,  j'arrive  moi,  et  si  vous  sonbaitez  apprendre 

des  secrets,  je  me  fais  fort  de  vous  en  révéler  qui  vous  dispense- 
ront d'interroger  monsieur,  (a  Raoul.)  Pas  un  mot» 

LA  DUCHBSSB  DE  MONTSOREL. 

C'est  lui  !  Et  cet  homme  en  fait  l'enjeu  de  qudqne  sinistre  par^ 

tie..  (fila  Ta  tamai^uis.)  Mon  filSL*. 


8A  ^AirrRiH. 

LE  MARQUIS. 

Yoas  les  avei  troublés,  ma  mère,  et  nous  avons  sur  cet  homme 
(II  montra Tautrio)  la  même  pensée;  mais  une  femme  a  seule  le  droit 
de  dire  tout  ce  qui  pourra  faire  découTrir  cette  horrible  impos- 
ture. 

Lk  DUCHESSE  DE  KONTSOREL. 

Horrible  !  oui.  Mab  laissez-nous. 

LE    MARQUIS. 

Mesdames,  malgré  tout  ce  qui  s'élève  contre  moi,  ne  m'en 
veuillez  pas  si  j'espère  encore,  (a  Vautrin.)  Entre  la  coupe  et  les  lè- 
vres il  y  a  souvent.. 

TAUTRIN. 

La  mort  I  (Le  marquis  et  RaouI  se  saluent,  et  le  marquis  sort.) 

LA  DUCHESSE  DE  MOITTSOREL^  &  madame  de  CtiristoYal. 

Chère  duchesse,  je  vous  en  supplie,  renvoyez  Inès,  nous  ue 
saurions  nous  expliquer  en  sa  présence. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL,  à  sa  fllle,en  lui  faisant  signe  de  sortir. 

Je  vous  rejoins  dans  un  moment 

BAOUL^  à  Inès,  en  lui  baisant  la  mafn. 

C'est  peut-être  un  étemel  adieu  f  anfts  soitj 

SCÈNE  XI. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL,  LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL, 

RAOUL,  VAUTRIN. 

TAUTRIN,  à  la  duchesse  de  Christoval. 

Ne  soupçcmnez-vous  donc  pas  quel  intérêt  amène  ici  madame  7 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOVAL. 

Depuis  hier  je  n'ose  me  l'avouer. 

VAUTRIN. 

Uoi»  j'ai  deviné  cet  amour  à  l'instant 

RAOULj  à  Vautrin.  » 

l'étouffe  dans  cette  atmosphère  de  mensonge. 

VAUTRIN^  &  Raoul. 

Un  seul  moment  encore. 

LA  DUCHEÇSB  DE  MOlfrSOREI. 

Madame,  je  sais  tout  ce  que  ma  conduite  a  d'étrange  en  cet 
instant,  et  je  n'essayerai  pas  de  la  justifier.  Il  est  des  devoirs  sa- 


ACTE  IV.  St» 

crés  devant  lesquels  s'abaissent  toutes  les  con?e;aances  et  même 
les  lois  du  monde.  Quel  est  le  caractère?  quels  sont  donc  les  pou- 
voirs de  monsieur? 

LÀ  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL^  à  qui  Vautrin  t  flUt  os  signe. 

Il  m'est  interdit  de  vous  répondre. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Eh  bien  !  je  vous  le  dirai  :  monsieur  est  ou  le  complice  on  la 
dope  d'une  imposture  dont  nous  sommes  les  victimes.  En  dépit 
des  lettres,  en  dépit  des  actes  qu'il  vous  apporte,  tout  ce  qui  donne 
il  Raonl  un  nom  et  une  famille  est  faux. 

RAOUL. 

Madame,  en  vérité,  je  ne  sais  de  quel  droit  vous  vous  jetez 
aioâ  dans  ma  vie? 

LA  DUCHESSE  DE  CHRI3T0YAL. 

Madame,  vous  avez  sagement  agi  en  renvoyant  ma  fille  et  le 

marquis. 

VAUTRIN^  à  Raoul. 

De  quel  droit?  (à  madame  de  Hontsorei.)  Mais  VOUS  ne  devez  pas 
l'avouer,  et  nous  le  devinons.  Je  conçois  trop  bien,  Madame,  la 
douleur  que  vous  cause  ce  mariage  pour  m'offenser  de  vos  soupçons 
sar  mon  caractère  et  de  vous  voir  contredire  des  actes  authea 
tiques,  que  madame  de  Gbristoval  et  moi  nous  sommes  tenus  de 
produire.  (A  part.)  Je  vais  Tasphyxier.  (nia  prend  à  part.)  Avant  d'être 
Mexicain,  j'étais  Espagnol,  je  sais  la  cause  de  votre  baine  contre 
Albert;  et  quant  à  l'intérêt  qui  vous  amène  ici,  nous  en  causerons 
bientôt  cbez  votre  directeur. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Vous  sauriez? 

TAUTRIW. 

Tout  (A  part.)  Il  y  a  quelque  chose.  (Haut.)  Allez  voir  les  actes. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Eh  bien!  ma  obère? 

Lu  DUCHESSE  PB  MONTSOREL. 

Allons  retrouvctr  Inès.  Et,  je  vous  en  conjure,  examinons  bien 
les  pièces,  c'est  la  prière  d'une  mère  au  désespoir. 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Une  mère  au  désespoir! 

LK  DUCHESSE  DE  MONTSOREL,  regardant  Raoul  et  TautrlB. 

Gomment  cet  homme  a-t-il  mon  secret  et  tient-il  mon  fils  1 


86  VAUTRIK. 

ÏX  DUCHESSE  DE  CHRISTOTAL. 

Venez»  Madame! 

SCÈNE  ÎU. 

RAOUL,  VAUTRIN,  LAFOURAILLS. 
TAUTRIN. 

J'ai  cm  que  notre  étoile  pâlissait,  mais  elle  brillep 

RAOUL. 

Suis- je  assez  humilié  ?  Je  n'avais  au  monde  que  mon  honneur, 
je  te  l'ai  livré.  Ta  puissance  est  infernale,  je  le  vois.  Mais  à  comp- 
ter de  cette  heure,  je  m'y  soustrais,  tu  n'es  plus  en  danger,  adieu. 

LAPOUBAlLLKj  qui  est  entré  pendant  que  Raoul  parlait. 

Personne!  bon,  il  était  temps!  Ah!  Monsieur,  Philosophe  est 
en  bas,  tout  est  perdu!  l'hôtel  est  envahi  par  la  police. 

YÀUTRIN. 

Un  autre  se  lasserait  I  Voyons?  Personne  n'est  pris? 

LAFOURAILLS. 

Ob  !  nous  avons  de  Tusage. 

VAUTRUr. 

Philosophe  est  en  bas,  mais  en  qaoi? 

LAFOURÀILLB. 

Encbasseor. 

TAUTRIR. 

Bien,  il  montera  derrière  la  voiture.  Je  vous  donnerai  mes 
ordres  pour  coffrer  le  prince  d'Arjos,  qui  croit  se  battre  demain. 

RAOUL. 

Vous  êtes  menacé,  je  le  vois,  je  ne  vous  quitte  plus  et  veui 
savoir, .. 

VAUTRIN. 

Rien.  Ne  te  mêle  pas  de  ton  salut.  Je  réponds  de  toi,  malgré  toL 

RAOUL. 

Oh  !  je  connais  mon  lendemain. 

VAUTRUf. 

Et  moi  aussi* 

LAFOURAILLl. 

Ça  chauffe. 

fiUTROI 

Ça  brûle. 


âCTB  IV-  87 

LAFOUBAILLE» 

Pas  d'attendrissement,  il  ne  faat  pas  flâner,  ils  sont  à  notre 
piste,  et  vont  à  che?aL 

TAUTRIlf. 

Et  nons  donci  r^i  preidiafmiauiearaft.)  Sf  le  goaTernement  nous 
lait  rhonnenr  de  loger  ses  gendarmes  chez  nous,  notre  devoir  est 
de  ne  pas  les  troilbier.  On  est  libre  de  se  disperser;  mais  qu'on 
soit  à  murait  ebei  k  mère  Giroflée  an  gr»nd  complet  S<oyez  à 
Jean,  car  je  ne  veux  pas  avoir  de  Waterloo,  et  voilà  les  Prus- 
siens. RoulonsI 


plN    V.V    f\V  ^^iMPXit:    ACTE, 


ACTE    CINQUIÈME 


p«n  à  l'bOtel  de  MoatwiBl.  dam  iu  Mloa  du  if»4e-ebaos8ée. 


SCÈNE  PREMIÈRE» 

JOSEPH,  seul. 

Il  a  fait  ce  soir  la  maadite  marque  blanche  à  la  petite  porte  du 
jardin.  Ça  ne  peut  pas  aller  longtemps  comme  ça,  le  diable  sait 
seul  ce  qu'il  veut  faire.  J'aime  mieux  le  voir  ici  que  dans  les  ap- 
partements, du  moins  le  iardin  est  là;  et«  en  cas  d'alerte,  on  peut 
se  promener. 

SCÈNE  IL  . 

JOSEPH,  iAFOURAILLE,  BUTEUX;  pois  VAUTRIN. 
^  entend  pendant  un  Instant  ftlre  pirrrrr. 

JOSEPH. 

Allons,  bon  I  via  notre  air  national,  ça  me  fait  toujours  trem- 
bler. (LafouraiUe  entre.)  Qui  êtes- VOUS  7  (LafouniUe  fait  un  signes  Un  n0U« 

veau? 

LAFOURAILLB. 

Un  vieux. 

JOSEPH. 

n  est  là. 

LAFOURAILLB 

Est-ce  qu*il  attendrait?  Il  va  venir.  (Buteux  se  monmj 


ACTE  V.  89 

JOSEPH. 

Gomment,  tous  serez  trois  I   ' 

LAFOURAILLEy  montrant  Joseph. 

Nous  serons  qoalre. 

JOSEPH. 

Qne  venez-Toos  donc  faire  à  cette  heure?  Voulez-vous  tout 
preudre  ici? 

LAFOUBAILLB. 

Il  nous  croit  des  voleurs  ! 

butbux. 
Case  prouve  quelquefois,  quaod  on  est  malheureux;  mais  ça 
ne  se  dit  pas... 

LAF0U1UILLE. 

Oq  fait  comme  les  autres,  on  s'enrichit,  voilà  tout! 

JOSEPH. 

Mais  monsieur  le  duc  va... 

LAFOURAILLE. 

Ton  dac  ne  peut  pas  rentrer  avant  deux  heures,  et  ce  temps 
nous  suffit;  ainsi  ne  viens  pas  entrelarder  d*inquiéludes  le  plat  de 
notre  métier  que  nous  avons  à  servir... 

BUTEUX. 

Et  chaud. 

VAUTRlIf,  vêta  d'ane  redingote  brune,  pantalon  bleu,  gilet  noir,  les  cheveax courts, 
an  niux  air  de  Napoléon  en  bourgeois.  Il  entre,  éteint  brusquement  la  chandelle  et 
tire  sa  lanterne  sourde. 

De  la  lumière  ici  !  vous  vous  croyez  donc  encore  dans  la  vie 
bourgeoise  !  Que  ce  niais  ait  oublié  les  premiers  éléments,  cela  se 
conçoit;  mais  vous  autres?  (AButeux,  en  lui  montrant  Joseph.)  Mets*lui 
du  coton  dans  les  oi-eilles,  allez  causer  là-bas.  (Aiafouraiiiej  £t  le 
petit  ? 

LAFOURAILLE. 

Gardé  à  vue  I 

VAUTRIN. 

Dans  quel  endroit? 

LAFOURAILLE. 

Dans  Tautre  pigeonnier  dela'femmeà  Giroflée,  ici  près^  derrière 
les  Invalides. 

VAUTRIN. 

Et  qu'il  ne  s'en  échappe  pas  comme  cette  anguille  de  Saiat« 


90  VAUTRIir. 

Charles,  cet  enragé,  qui  Tient  de  démolir  notre  établissement 

car  je...  je  ne  fais  pas  de  menacés... 

LAfOURAILLE. 

Pour  le  petit,  je  vous  engage  ma  tête!  Phiiosoirfie  loi  a  mis  des 
cothurnes  aux  mains  et  des  manchettes  aux  pieds,  il  ne  le  rendra 
qu'àmoL  Quant  à  Faatre,  que  voulez- vous?  la  pauvre  Giroflée 
est  bien  faible  contre  les  liqueurs  fortes,  et  Blondet  l'a  deviné» 

VAUTBIN. 

Qu*a  dit  Raoul  ? 

LAFOURAILLE. 

Des  horreurs  I  il  se  croit  déshonoré.  Heureusement,  Philosophe 
n'adore  pas  les  métaphores. 

VAUTRIN. 

Gonçois-tn  que  cet  enfant  veuille  se  battre  à  mort?  Un  jeune 
homme  a  peur,  il  a  le  courage  de  ne  pas  le  laisser  voir  et  la  sottise 
de  se  laisser  tuer.  ;l'espère  qu'on  l'a  empêché  d'écrire? 

LAFOURAILLE^  h  part. 

Aie!  a!el  (Haat.)  Une  faut  rien  vous  cacher  :  avant  d'être  serré 
le  prince  avait  envoyé  la  petite  Nini  porter  une  lettre  à  l'hôtel  de 
GhristovaL 

TAUTRIK. 

A  Inès? 

LAFOURAILUL 

A  Inès. 

TAUTRIN. 

Ah!  puff  I  des  phrases  I 

LAFOURAILLE. 

Ahl  puff!...  des  bêtises! 

TAUTRIN,  &  Joseph. 

Eh  I  là -bas  î  l'honnête  homme  ! 

BUTEUXj  amenant  Joeeph  à  Vautrin. 

Donnez-donc  à  monsieur  des  raisons,  il  en  veut 

JOSEPH. 

Il  me  semble  que  ce  n'est  pas  trop  exiger  quç  de  demander  ce 
que  je  risque  et  ce  qui  me  reviendra. 

TAUTRW. 

Le  temps  est  court,  la  parole  est  longue,  employons  Tun  et  dis- 
pensons-nous de  l'autre.  Il  y  a  deux  existences  en  péril,  ceDe 
d'un  honmie  qui  m'intéresse  et  celle  d'un  mousquetaire  que  je 
juge  inutile  :  noos  venons  le  supprimer* 


ACTE  V.  91 

JOSEPH. 

Goffliuent!  monsieur  le  marquis?  --  Je  n'en  suis  plus. 

LAFOURAILLB. 

Ton  consentement  n'est  pas  à  toL 

BUTEUX. 

Noos  Tavons  pris.  Vois-tu,  mon  ami,  quand  le  vin  est  tir&.. 

JOSEPH. 

S'il  est  mauvais,  il  ne  faut  pas  le  boire. 

YAUTRIN. 

Âh!  tu  refuses  de  trinquer  avec  moi?  Qui  réfléchit  calcule,  et 
qai  calcule  trahit. 

JOSEPH. 

Vos  calculs  sont  à  faire  perdre  la  tête. 

VAUTRIN. 

Assez,  tu  m'ennuies  I  Ton  maître  doit  se  battre  demain.  Dans 
ce  duel,  l'un  des  deux  adversaires  doit  rester  sur  le  terrain  ;  fi- 
gure-toi que  le  duel  a  eu  lieu,  et  que  ton  maître  n'a  pas  eu  do 

chance. 

BUTBU3L 

Gooune  c'est  juste  I 

LAFOUR  AILLE. 

Et  profond  I  Monsieur  remplace  le  Destin. 

JOSEPH. 

Joli  état 

BOTEUZ* 

Et  pas  de  patente  à  payer. 

YAUTRIN^  à  Joseph,  lai  désignant  LafoonUle  «(  Buteui. 

Ta  vas  les  cacher. 

JOSEPH. 

Où? 

TAOTRW. 

Je  te  dis  de  les  cacher.  Quand  tout  dormira  dans  l'hôtel,  excepté 
DODs,  fais-les  monter  chez  le  mousquetaire.  (AButeuxetàLarouraiiie. 
Tâchez  d'y  aller  sans  lui;  vous  serez  deux  et  adroits;  la  fenêtre  de 
sa  chambre  donne  sur  la  cour,  çii  lui  parie  è  roreiiie.)  Précipitez-le, 
comme  tous  les  gens  an  désespoir,  (ii  se  tourne  ven  Joseph.)  Le  suicide 
est  une  raison,  personne  ne  sera  compromis. 


92  VAUTRIN. 

SCÈNE  III. 

VAUTRIN,   settï. 

Tout  est  sauvé,  il  n*y  avait  de  suspect  chez  nous  que  le  person* 
sonnel,  je  le  changerai.  Le  Blondet  en  est  pour  ses  frais  de  trahi- 
son, et  comme  les  mauvais  comptes  font  les  bons  amis,  je  le  sigoa- 
lerai  au  duc  comme  l'assassin  du  vicomte  de  Langeac.  Je  vais  donc 
enfin  connaître  les  secrets  des  Montsorel  et  la  raison  de  la  singu- 
lière conduite  de  la  duchesse.  Si  ce  que  je  vais  apprendre  pouvait 
justifier  le  suicide  du  marquis,  quel  coup  de  professeur! 

SCÈNE  IV. 

VAUTRIN,  JOSEPH. 
JOSEPH. 

Vos  hommes  sont  casés  dans  la  serre,  mais  vous  ne  comptez 
sans  doute  pas  rester  là? 

VAUTRIN. 

Non,  je  vais  étudier  dans  le  cabinet  de  M.  de  Montsorel. 

JOSEPH. 

Et  s*il  arrive,  vous  ne  craignez  pas... 

VAUTRIN. 

Si  je  craignais  quelque  chose,  serais-je  votre  maître  à  tous? 

JOSEPH. 


Mais  où  irez- vous  7 
Tu  es  bien  curieux  ! 


VAUTRIN. 


SCÈNE  V. 

JOSEPH,  seul. 

Le  voilà  chambré  pour  Tinstant,  ses  deux  hommes  aussi  ;  je  les 
tiens,  et  comme  je  ne  veux  pas  tremper  là-dedans,  je  vais... 


ACTE  V.  M 

SCÈNE  VI. 

JOSEPH,  UN  VALET;  piUs  SAINT-CHARLES. 

US  TALBT. 

Monsieiir  Joseph,  quelqu'un  tous  demanda 

JOSEPH. 

A  cette  heure  ? 

SAINT-CHARLES. 

C'est  mol 

JOSEPH. 

Laisse-nous,  mon  garçon. 

SAINT-CHARLES. 

Monsieur  le  duc  ne  peut  revenir  qu'après  le  coucher  du  roi. 
La  duchesse  ?a  rentrer,  je  veux  lui  parler  en  secret,  et  je 
l'attends  icL 

JOSEPH. 

Ici? 

SAINT-CHARLEi. 

IcL 

JOSEPH^  à  part. 

0  mon  Dieu!  et  Jacques...  • 

SAINT-KIHARLES. 

Si  ça  te  dérange... 

JOSEPH. 

An  contraire. 

SAINT-CHARLES. 

Dis-le  moi,  tu  pourrais  attendre  quelqu'un. 

JOSEPH. 

J'attends  madame. 

SAINT-CHARLES. 

Et  si  c'était  Jacques  Gollin? 


JOSEPH.  I 


Oh!  ne  me  parlez-donc  pas  de  cet  homme-là,  vous  me  donnei 
le  frisson. 

SAINT-CHARLES. 

Collin  est  mêlé  à  des  affaires  qui  peuvent  l'amener  ici.  Tu  dois 
ravoir  revu?  entre  vous  autres,  ça  se  fait,  et  je  le  comprends.  Je 


9^  VAUTRDI. 

D*aî  pas  le  temps  de  te  sonder,  je  n*ai  pas  besoin  de  te  corrompre, 
choisis  entre  nous  deux,  et  promptemeut. 

JOSEPH. 

Que  Youlez-Yous donc  de  moi? 

SAINT-CHARLES. 

Savoir  les  moindres  petites  choses  qui  se  passent  icL 

JOSEPH. 

Eh  bien  !  en  fait  de  nouveauté,  nous  avons  le  duel  da  maniiiis  : 
il  se  bat  demain  avec  M.  de  Frescas. 

SAINT-CHARLES. 

Après? 

JOSEPH. 

Voici  madame  la  duchesse  qui  rentre. 

SCÈNE  VIL 

&A1NT-CHARL£S,  seoL 

Ohl  le  trembleuri  Ce  duel  est  un  excellent  prétexte  pour  parler 
à  la  duchesse.  Le  duc  ne  m*a  pas  compris,  il  n'a  vu  en  moi  qu'un 
instrument  qu'on  prend  et  qu'on  laisse  à  volonté.  M'ordonner  le 
silence  envers  sa  femme,  n'était-ce  pas  m'indiquer  une  arme 
contre  lui?  Exploiter  les  fautes  du  prochain,  voilà  le  patrimoine 
des  hommes  fort^  J'ai  déjà  mangé  bien  des  (patrimoines,  et  j'ai 
toujours  bon  appétit. 

SCÈNE  YIII. 

SAINT-CHARLES,  LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL,  MADEMOISELLE 

DE  YAUDREY. 

Saint-Charles  s'efOioe  pour  laisser  passer  les  deux  femmes,  n  iwte  «n  bant  de  la  scène 

pendant  qu'elles  la  descendent. 

HADEUOISEU.K  SB  TAUDRET. 

Vous  êtes  bien  abatue. 

LA  DUCHESSE  DE  HONTSOREL^  se  laissant  aller  dans  un  foutaoll. 

Mortel  plus  d'espoir!  vous  aviez  raison. 

SAINX-GIIARLESy  sfkfiDcaal. 

Madame  la  dacbesse. 


ACTE  V.  95 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL.        ' 

Ah!  j'avais  oublié!  Monsieur,  11  in*est  impossible  de  vous 
accorder  le  moment  d'audience  que  vous  m'aviez  demandé. 
Demain. ..  plus  Urd. 

MADEMOISELLE  DE  TAUDRET,  I  SatoMaïaitaB. 

Ma  nièce,  Monsieur,  est  bon  d'état  de  vous  entendre. 

SAINT-CHARLES. 

Demain,  Mesdames,  il  ne  serait  plus  temps  !  la  vie  de  votre  fils, 
le  marquis  de  Montsorel,  qui  se  bat  demain  avec  M.  de  Frescas, 
est  menacée. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Mais  ce  duel  est  une  borrible  chose! 

MADEMOISELLE  DE  TAUDRET^  bas  &  la  duchetn. 

Yods  oubliez  déjà  que  Raoul  vous  est  étranger. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL ,  &  Saint-Cbarles. 

Monsieur,  mon  fils  saura  faire  son  devoir. 

SAINT-CHARLES. 

Yiendrais-je,  Mesdames,  vous  instruire  de  ce  qnî  se  cache  tou« 
jours  à  une  mère,  s'il  ne  s'agissait  que  d'un  duel?  Votre  fils  sera 
tué  sans  combat.  Son  adversaire  a  pour  valets  des  spadassins,  des 
misérables  auxquels  il  sert  d'enseigne. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Et  quelle  preuve  en  avez-vous? 

SAINT-CHARLES. 

Uo  soi-disant  intendant  de  M.  Frescas  m'a  offert  des  sommes 
énormes  pour  tremper  dans  la  conspiration  ourdie  contre  la  famille 
deChristoval.  Pourmetirerdece  repaire,  j'ai  feint  d'accepter  :  mais 
aa  moment  oà  j'allais  prévenir  l'autorité,  danslaroe,  deux  hommes 
m'ont  jeté  par  terre  en  courant,  et  si  rudement  que  j'ai  perdu 
CQQDaissance;  ils  m'ont  fait  prendre  à  mon  insu  un  violent  narco- 
tique, m'ont  mis  en  voiture,  et  à  mon  réveil  j'étais  dans  la  plus 
mauvaise  compagnie.  £n  présence  de  ce  nouveau  péril,  j'ai  retrouvé 
mon  sang-froid,  je  me  suis  tiré  de  ma  prison,  et  me  suis  mis  à  II 
piste  de  ces  hardis  coquins. 

MADEMOISELLE  DE  TAUDRET. 

Vous  venez  ici  pour  M.  de  Montsorel,  à  ce  que  nous  a  di< 
Joseph? 

SAINT-CHABLE8. 

Oui,  Madame. 


W  VAUTRIN. 

t 

LA  DUCHESSE  DE  HONTSOUEL. 

Et  qui  donc  êtes-vous,  Monsieur? 

SAINT-CHARLES. 

Un  homme  de  confiance  dont  monsieur  le  duc  se  défie,  et  je 
reçois  des  appointements  pour  éclaircir  les  choses  mystérieuses. 

MADEMOISELLE  DE  TAUDRET,&Ia  duchesse. 

"àïl  Louise! 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOHEL^  regardant  fixement  Saint-Gbarles. 

Et  qui  VOUS  a  donné  Taudace  de  me  parler.  Monsieur? 

SAINT-CHARLES. 

Votre  danger,  Madame.  On  me  paye  pour  être  votre  ennemi, 
ii  yez  autant  de  discrétion  que  moi,  daignez  me  prouver  que  votre 
protection  sera  plus  efficace  que  les  promesses  un  peu  creuses  de 
monsieur  le  duc,  et  je  puis  vous  donner  la  victoire.  Mais  le  temps 
presse,  le  duc  va  venir,  et  s'il  nous  trouvait  ensemble,  le  succès 
serait  étrangement  compromis. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL,  à  Mademoiselle  de  Vaodrey. 

Ah  !  quelle  nouvelle  espérance  I  (a  saint-cbaiieij  Et  qa'aUiez^vous 
donc  faire  chez  M.  de  Frescas? 

SAINT-CHARLES. 

Ce  que  je  fais  en  ce  moment  auprès  de  vous,  Madame. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Ainsi,  vous  vous  taisez. 

SAINT-CHARLES. 

Madame  la  duchesse  ne  me  répond  pas  :  le  duc  a  ma  parole  et 
il  est  tout-puissant 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Et  moi,  Monsieur,  je  suis  immensément  riche  ;  mais  n*espérez 
pas  m*abuser.  (Eiieseièye.}  Je  ne  serai  point  la  dupe  de  M.  de  Mont- 
sorel,  je  reconnais  toute  sa  finesse  dans  cet  entretien  secret  que 
vous  me  demandez  ;  je  vais  compléter,  Monsieur,  vos  documents. 
(Arec  finesse.)  M.  de  Frescas  n'est  pas  un  misérable,  ses  domestiques 
ne  sont  pas  des  assassins,  il  appartient  à  une  famOIe  aussi  riche 
que  notlet.  et  il  éoouse  la  princesse  d*Arjos. 

SAINT-CHARLES. 

Oui,  Madame^  un  envoyé  du  Mexique  a  produit  des  lettres  de 
M.  de  Ghristoval,  des  actes  extraordinaircment  authentiques.  Tous 
avez  mandé  un  secrétaire  de  la  légation  d'Espagne  qui  les  a  re- 
connus; les  tachets,  les  timbres,  les  légalisations...  ahl  tout  est 
parfait. 


AGTB  V.  91  ' 

LA  DUCHESSE  D3  MOIfTWIRBi 

(Hd,  Homieiirt  ocb  actes  sont  irrécusaUes. 

ffAlNT-CHARLES. 

Voes  aviez  donc  an  bien  grand  intérêt,  Madame,  h  ce  qn'ifs 
fassent  faux  7 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSDRF.L^  h  mademolielle  de  YaodKy. 

Oh!  jamais  pareille  torture  n*a  brisé  Ic.cœur d*aacunc  mère, 

SAINT-CnARLES,  à  part. 

De  quel  côté  passer?  à  la  femme  ou  au  mari, 

LA  DUCHESSE  DE  HOiiTSOREL. 

Monsieur,  la  somme  que  vous  me  demanderez  est  h  vous  s!  vous 
pouvez  me  prouver  que  M.  Raoul  de  Frcscas... 

SAIKT-CU  ARLES. 

Est  un  misérable? 

*  ( 

LA  DUCHESSE  DE  tfOXTSOREL. 

Non,  mais  un  enfant... 

SAINT-CHARLES. 

Le  vôtre,  n'est-ce  pas  ? 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSORBLj  iToaMIant. 

Eh  bien,  oui  !  Soyes  mon  sauveur,  et  je  vous  protégerai  toa* 

jours,  moi.  (Anudemobellede  Vaudrey.)  Eh  !  qu'ai-jo  doncdlt?  (A  Sainte 
Chailes.)  OÙ  OSt  Raool  7  ) 

SAINT-CHARLES. 

Disparu  I  Et  cet  intendant  qui  a  fait  faire  ces  actes,  rue  Oblîn, 
et  qui  sans  doute  a  joué  le  personnage  de  Tcnvoyé  dii  Mexique, 

est  un  de  nos  plus  rusés  scélérats.  (LadachesBeraitanmouTemenU)  Oh! 

rassurez-vous,  il  est  trop  habile  pour  verser  du  sang;  mais  il  est 
aussi  redoutable  quQ  ceux  qui.  le  prodiguent!  et  cet  homme  est 
ion  gardien. 

LA  DUCHESSE  DE  HOMTSORBL. 

Ah  I  votre  fortune  contre  sa  vie. 

SAINT-CHARLRS. 

Je  suis  à  vous.  Madame,  (a  part.j  Je  saurai  tout  et  je  pourrai 
choisir. 

T3  7 


^8^  TAimnL 

SCÈNB  XL, 

I  ■   < 

Ut  H*»f,  LE  DOC,  UN  VALET. 
U  DUC 

£li  bien  f  vous  triomphez»  Madame  :  9  n'est  brait  que  de  la 
fortune  el  du  mariage  de  M.  de  Frescas;  mats  il  a  sa  famiHe... 

(Bas  à  madame  de  Hontsorel  et  pear  die  seule.)  Il  a  UOe  mère.  (l\  apet^x  âaiiit- 

chariet.)  Yous  ici,  près  de  Biadame,  Monsieur  k  cbevaUer? 

SAINT-CftàBLSS^  au  duc,  en  le  prenant  li  part. 

Monsieur  le  duc  m'approuvera.  (Haut.)  Vous  étiez  au  château,  ne 
devaîs-je  pas  avertir  madame  des  dangers  que  court  votre  fils 
«inique,  monsieur  le  marquis?  il  sera  peut-ôlre  assassiné. 

LK  DUC 

Assassiné? 

SAIKT-CHARLES. 

Mais  si  monsieur  le  duc  daigne  écouter  mes  avk.. 

u  DUC. 

Venez  dans  mon  cabinet,  mon  cher,  et  pmou  sarJe^hamp 
des  mesures  eflBcaccsw 

««nV^BAUJSy  M  Mnat  «•  tffiM  tftiitelUffBM»  k  ii  docheMe. 

J*ti  d^étrange»  ckoaes  k  voos  dke,  moasiear  le  duc  CA»wt.)  Dé* 
cidément,  je  suis  pour  le  duc. 

SCÈNE  X. 

LA  iMK»£8SB»  MABEMOiSELLB  DE  VACDREÏ»  VAOTIUN. 

■ADKBOISnXB  DE  TAOMIBT. 

Si  Raoul  est  votre  lils,  dans  quelle  infâme  compagniB  se 
trouve-t-il? 

LA  DUCHESSE  Dl  ■OE'ISMBL» 

Un  seul  ange  purifierait  Tenter. 

▼AUTRUr  m  enirwivegi  avec  précaution  une  des  portes^ltaétres  du  Jardim.  Ik  ptfi.) 

Je  sais  tout  Deux  frères  ne  peuvent  se  battre.  Ah  !  voilà  uoa 
duchesse^  (Haut.)  Mesdames... 


ACTE  V*  W 

Un  bomme !  an  seeoirnl 

ul  duchesse  de  montsorbl. 
€*est  lui! 

TAUrUir,  k  te  éNcfwwo. 

SOeDce  I  les  femmes  ne  savent  que  crier,  (a  mademoiieiiedeTaodnfy^ 
Hadcmoiselle  de  Yandrey,  coarez  chez  le  marquis,  il  f^y  trouve 
deux  infâmes  assassins!  allez  donc  !  empêchez  qu'on  ne  Tégorge* 
Mais  faites  saisir  les  deux  misérables  sans  esclandre.  (AiaducbeM^ 
itestez.  Madame. 

LA  DUCHESSE  DE  MOlfTSOREL. 

ABcz,  ma  tante,  et  ne  craignez  rien  pour  moL 

VAUTRIN. 

Mes  drôles  vont  être  bien  surpris  l  Que  croiront-ils?  Je  vais  les 

|ager«  (Oo  «teiid  da  linaU 

SCËNKXL 

Li  DUGH£SS£ ,  VAUTRIN. 
LA  DUGBBSB  M  MOirrSOREL. 

Toute  la  maison  est  sur  pied!  Que  dira-t-oo  «une sachant  ici  t 

TAUTHUr. 

Iqpéiaw  qae  ee  bftiavd  aéra  sauvé. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Mais  on  sait  qui  vev  êtes,  et  RL  de  Montaorel  est  avea.. 

TAUTRIN. 

Le  chevalier  de  Saint-^^harks.  Je  suis  tranquille,  vous  me  de- 


là DUCHESSE  DE  MONISOREL. 

Moit 

TAUTRIN. 

Yous.  Oa  vous  ne  reverrez  jamais  votre  fils,  Femand  de  Mont- 
iMeL 

LA  DUCHESSE  DE  HONTSOREL. 

Baoul  est  donc  bien  mon  fils  ? 

VAUTRIN. 

Bêlas!  onL..  Je  tiens  entre  mes  matns.  Madame»  les  preafCf 
iplètes  de  votre  innocence,  eU..  votre  fib 


100  V  AUTRUI, 

l^  DUCBBSSB  DE  MONTSORKL.  "^ 

Vous  !  mais  alors  vous  oe  ine  quitterez  pas  c[ua.. 

SCÈNE  XII. 

LBS  Hâiis,  MADEMOISELLE  DE  YAUDREY,  4'uacCté:  SAINT- 
CHARLES,  do  l'autre:  BoaisTiaoB*. 

MADEMOISELLE  Dfi  TAUDRET. 

Le  voici  I  sauvez-la. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL^  ft  mademoiselle  de  Vaudrcy. 

/ous  perdez  tout 

SAINT-CHARLES^  aux  gens. 

Voici  leur  chef  et  leur  complice,  quoi  qu'il  dise,  emparez-vouv 
de  lui. 

LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL  ^  k  tous  les  gens. 

Je  vous  ordonne  de  me  laisser  seule  avec  cet  homme. 

TAUTRINj  k  Salnt-Cbarles. 

Eh  bien  I  chevalier? 

SAINT-CHARLES* 

Je  ne  te  comprends  plus,  baron. 

VAUTRIN^  bas  h  la  duchease. 

Vous  voyez  dans  cet  homme  l'assassin  dn  vioomtd  que  tous  at- 

miez  tant 

LA  DUCHESSE  01  MONTSOISL. 

Luil 

TAUTRIN^  à  la  dacheMSk  ]' 

Faites-le  garder  bien  étroitement,  car  il  vous  coule  dan»  lès 
mains  comme  de  l'argent 

LA  DUCHESSE  DR  MONTSOREL. 

V)seph' 

TAUTRIN,  àJosepH.  ' 

Qn'est-il  arrivé  là-haut? 

JOSEPH. 

M.  le  marquis  examinait  ses  armes;  attaqué  par  derrière,  il 
s^est  défendu,  et  n'a  reçu  que  deux  hlessores  peu  dangereosesi 
M.  le  duc  est  auprès  de  luL 


»» 


ACTB  V-  101 

LA  DUCHESSE,  k  sa  tante. 

Retournez  auprès  d*Àlbcrt,  je  vous  en  prie,  m  imçK  mi 
saintrCharia.)  Yoos  me  répondez  de  cet  homme. 

YAUTR15^  h  Joseph. 

TA  m'eo  réponds  aussi 

SAIlfT-CHÂRLES^  A  TaiitfttL 

Je  comprends,  tu  m'as  pré?enu. 

TAUTanr. 
Sans  rancune,  bonhomme  I 

SAIlfT-GHARLES^  k  JOMplU 

Mène-moi  près  du  duc  CQt  soriuCf 


SCÈNE  XIIL 

VAUTRIN,  LA  DUCHESSE  DE  MONTSORBL. 
TAUTRIN^  k  part. 

Il  a  un  père,  une  famille,  une  mère.  Quel  désastre  !  A  qui 
puis-je  maintenant  m*intéresser,  qui  pourrais-je  aimer?  Douze  ans 
de  paternité,  ça  ne  se  refait  pas. 

LA  DUCHESSE^  Tenant  ft  Vautri*. 

Eh  bien? 

TAUTRnr. 
Eh  bien!  non,  je  ne  vous  rendrai  pasTotre  fils.  Madame,  je  ne 
»ic  sens  pas  assez  fort  pour  survivre  à  sa  perte  ni  à  son  dédain. 
Uu  Raoul  ne  se  retrouve  pas  I  je  ne  vis  que  par  lui,  moi  ! 

LA  DUCHESSE. 

Alais  peut-il  vous  aimer,  vous,  un  criminel  que  nous  pouvons 

livrer..  • 

TAurniN. 

  la  justice,  n'est-ce  pas?  Je  vous  croyais  meiileure.  Mais  vous 
ne  voyez  donc  pas  que  je  vous  entraîne,  vous,  votre  ûls  et  le  duc 
dans  un  abîme,  et  que  nous  y  roulerons  ensemble? 

LA  DUCHESSE. 

Oh!  qu'avez-vous  fait  de  mon  pauvre  enfantt 

TAUTRIN. 

Un  homme  d'honneur. 


m  VAUTUIL 

LA  DUCH£SSS. 

Et  il  TOUS  aime? 

TÀtJTRIir. 

Encoi-e. 

Là  BOCHSnL 

Mais  a-t-il  dit  vrai,  ce  misérable,  en  déotamot^ 
•I  d*où  vous  sortez? 

TAUTlUi* 

Oui,  Madame. 

LÀ  DUCHESSI. 

£t  TOUS  ayez  eu  soin  de  mon  ûls  ? 

TAUTRIN. 

Yotre  fils?  notre  fils.  Ne  Tavez-vous  pas  vu,  il  est  pur  comme 
on  ange. 

LA  MICHtSSS. 

Ah  I  quoi  que  tu  aies  fait,  sois  béni  !  que  le  monde  te  pardonnât 
Mon  Dieu  !...  (ete  pHe  le  9eiMa  lur  on  firaleau}  la  VOIX  (Time  mère  dois 
aller  jusqu'à  tous,  pardonnez!  pardonnez  tout  à  cet  homme» 
(Elle  le  regarde.)  Mes  pleurs  kveront  ses  mains  I  Oh  I  il  se  repentira  l 
(Se  tournant  yen Yavtrin.)  Yous  m^apparteuez,  je  VOUS  changerai!  Mai» 
ks  hommes  se  sont  trompés,  vous  n*êtes  pas  criminel,  et  d'ail- 
lenra  toutes  les  mères  vous  absoudront! 

TAUTRIN. 

Allons*  rendons-lui  son  fils. 

LA  DUCaMSSë, 

Tons  aviez  encore  rborriUe  pensée  de  ne  pas  le  reodie  à  s» 

mère?  Mais  je  Tatteads  depuis  viugtr-deux  ans. 

TAUTAUr. 

Et  moi,  depuis  dix  ans,  ne  suis-je  pas  son  père?  Raoul,  maà 
c'est  mon  âme  !  Que  je  soofii'et  que  Ton  me  cou? le  de  boate;  ft'2 

est  heureux  et  glorieux,  je  le  regarde,  et  ma  vie  est  belle. 

LA  DCCHESSK. 

Ahl  je  sois  peidnel  H  Palme  comme  une  mère. 

TAUTRIN. 

Je  ne  me  rattachais  an  monde  et  à  la  vie  que  par  ce  brillant 
anneau,  pur  comme  de  l'or. 

LA  OUCHJISSE. 

Et.,  sans  souillure?... 


Âb!  notB  nous  oomniaBMis  ep  vertu,  nous  antres!...  et  — -sons 
MMnmes  difficiles,  Â  moi  i*iiifamie,  k  hii  TiiOQiieorf  Etsoogex  qoe 
(e  Tai  troirré  sur  k  graode  roule  de  Touloii  \  Mandiie,  h  doim 
w,  sans  pain,  en  iiayioBs. 

LA  DUCHESSB. 

Na-pîeds,  peut-être? 

VAUTRIN. 

Oai.  Mais  joli  I  les  cheveux  bouclés... 

LA    DUCHESSE. 

Tous  Tavez  vu  ainsi? 

VÀ.UTBIX. 

Pauvre  angel  il  pleurait  Je  l'ai  prîs  avec  moL 

LA  DUCHESSB. 

Et  TOUS  Favez  nourri? 

TAUTRIN. 

Moi  !  j'ai  volé  pour  le  nourrir  ! 

LA  DUCHESSB. 

Oh  I  je  l'aurais  fait  peut-être  aussi,  moi? 

TAUTRRC. 

Tû  fait  mieoxt 

iahochbssb» 

Oh  I  il  a  donc  bien  souffert? 

TAUTRDf* 

Jamais!  Je  lui  ai  caché  les  nioyens  par  lesquels  je  lui  rendais  fa 
vie  heureuse  et  facile.  Ah  !  je  ne  loi  vofdÙB  pas  on  soupçon^*  ça 
l'aurait  flétri.  Vous  le  rendez  noble  avez  des  parchemins,  moi  je 
Tai  fait  noble  de  cœur. 

LA  DUCHESSB. 

Uais  c'était  mon  fils  ! ... 

TAumm. 

Oui,  plein  de  granJeur,  de  charmes,  de  beaux  instincts  :  il  n'y 
avait  q d'à  lui  montrer  le  chemin. 

LA  OUCBBSBB^  «eiTKiitl«BMl«#B  Vautrin. 

'    Ohf  que  foas  dêia  éta  cruid  pour  avoir  aeciMB 

d'une  mère  ! 


tut  yAUTRIA. 

TAUTRlIfi 

Et  inienx  que  tous  autres!  Vous  aimez  quelquefois  bien  md  vos 
enfants.  —  Vous  me  le  gâterez  !  —  11  était  (l*uu  courage  impru- 
dent» il  voulait  se  faire  soldat,  et  l'empereur  l'aurait  accepté.  Je 
lui  ai  montré  le  mondQ  et  les  honijnes  sous  leur  vrai  jour.  Aussi 

t-il  me  renier. 

Là  DUCHESSB. 

Mon  fils  ingrat! 

TAUTRIir. 

Non,  le  mien. 

LÀ  DUCHESSE. 

Mais  rendez*le>moi  donc  sur-le-champ  ! 

TAUTRIN. 

Et  CCS  deux  hommes  là-haut,  et  moi,  ne  sommes-nous  pas 
compromis?  M.  le  duc  ne  doit-il  pas  nous  assurer  le  secret  et  la 
liberté? 

LA  DUCHESSE. 

Ces  deux  hommes  sont  à  vous,  vous  veniez  donc. 

TAUTRIN. 

Dans  quelques  heures,  du  bâtard  et  du  fils  légitime»  il  ne  devait 
vous  rester  qu'un  enfant  Et  ils  pouvaient  se  tuer  tous  les  deux. 

LA  DUCHRSSB. . 

Ahl  vous  êtes  une  horrible  providence. 

TAUTRIN. 

Et  qu'auriez-vous  donc  fait? 

SCÈNE  XIY. 

ut  lÉMBS,  LE  DUC,  LÂFOURÂTLL£»  BUTEUX,  SAINT-CHARLES, 

TOUS  LES  D0IB8T1QDB8. 


LE  W3C,  déiigiiantVaotriii* 

Emparez-vous  de  lui!  (ii  montre  saiAM:bait6«)'et  n'obéissez  qu'k 
Monsieur 


ACTE  V.  105 

LA  DOCHlâbE. 

Uab  TOUS  lui  devez  Ja  vie  de  votre  All)ertl  U  a  donné  l'alarme. 
Loi! 

BDTBUZjAyaotrin. 

Ah!  to  nons  as  tndiisl  pourquoi  donc  nous  aœenais-lo  t 

flilNT-CHARLES^  ao  dofr 

Vous  les  entendez,  monsieur  le  doc? 

LA  FOURAILLE^  k  Buteui. 

Tais-UM  donc.  Devons-nous  le  juger  t 

BUTEUZ. 

Quand  Q  nous  condamne. 

TAUTRIN^  an  diM.' 

Monsieur  le  duc,  ces  deux  hommes  sont  à  moi,  je  les  rédame. 

SAIirr-GHÀRLES. 

Voilà  les  gens  de  M.  Frescas. 

TAlITRÏir^  \  Salnt-Cbarlet. 

Intendant  de  la  maison  de  Langeac,  tais-toi,  tais-toi  I  ai  montre 
laronniiie.)  Void  Philippe  Boulard.  (larouranie  salue.)  Monsieur  le  duc, 
faites  éloigner  tout  le  monde. 

LS  DUC 

Quoi  !  chez  moi,  vous  osez  commander! 

LA  DUCHESSE. 

Ahl  Monsieur,  il  est  maître  icL 

LE  DUC 

Gomment  t  ce  misérable  I 

YAUTRIN. 

Monsieur  le  duc  veut  de  la  compagnie,  parlons  donc  du  fils  de 
dona  Mendès. . . 

LE  DUC 

Silence  I 

VAUTRIir. 

Que  VOUS  faites  passer  pour  celui  de... 

LEDUC 

Encore  une  fois,  silence  1 


ilM  vAumoL 

Vous  voyez  bieii,  monsieiir  le  duC|  qa'il  y  aTail  trop  de  monde. 

IBOOC. 

Sorteitouel 

Faites  garder  tontes  les  issoes  de  votre  hfttd,  et  que  personne 
n'en  sorte,  excepté  ces  deux  bommes.  usaint-cbaries.)  Restez  I2l 

Il  tire  un  poignard,  et  ya  couper  Iab  lient  de  LafouraUleet  deButeuz.)  Sauvez-youS 

par  la  petite  porte  dont  Toid  la  clef»  et  allez  chez  la  mère  Giroflée. 
▲  uiburtiuej  To  m*enYerras  RaouL 

LâPOURAOLIj  iortttll. 

Ohl  notre  véritable  empereur. 

TAUTBUff. 

VoQS  recemei  de  l'aigent  et  des  passe-portsi 

BUTEIIX,  sortant. 

J'anrai  donc  de  quoi  pour  Adèle  I 

UfiUC 

Maintenant,  comment  savez-Tous  ces  choses! 

TAlmtlKy  iCBdant  dea  pê^itn  «a  Uw. 

Void  ce  que  j*ai  pris  dans  votre  cabiaeC 

UDUC. 

Ma  correspondance  et  les  lettres  de  madame  aa  vicomte  de  Lan- 
geacl 

VAUTRIN. 

Fusillé  par  les  soins  de  Charles  Blondet,  à  Mortagne,  en  oc- 
tobre 1792. 

SAINr-CUARLES. 

Mais  vous  savez  bien,  monsieur  le  duc 

VAUTRIN. 

Lui-même  m'a  donné  les  papîero  que  voici,  parmi  lesquels  vou^ 
remarquerez  i*acte  mortuaire  du  vicomte,  qui  prouve  que  ma- 
dame et  lui  ne  se  sont  pas  vos  depuis  la  veille  du  10  août,  car  il  .1 
passé  de  l'Abbaye  en  Vendée  accompagné  de  Boniard. 

UtJMiC. 

Ainsi  Fernandt 


TAITTRIlf. 

L'enfant  déporté  en  SardaigD£  est  bkn  votre  fil& 

LBDUG. 

Et  madiofeLM 

TAUXUS. 

Innocente. 

LE  DUC. 
Ahl  rTombBntdanim  fcrtMflJ  Qu'aî-je  UiS 

LA  DUCHESSS. 

Quelle  horrible  preaieL..  mort  Ëi  Tassassia  est  Ou 

YAurarx. 

Ifomarle  dac,  j'ai  été  le  père  de  Fernand»  et  je  vieas  de  sau- 
ver tos  deux  fibriia4e  rautre,  vousseul  êtes  l'auteur  de  tout,  ici. 

IIDUCUSSC. 

Arrêtez  !  je  le  connais,  M  ^oMte  ««  cet  iasUal  hrat  ce  qm  j'ai 

souffert  en  vingt  ans.  De  grâce,  iiK>Q  fils  2 

LE  DUC 

Gomment,  Raoul  de  Frescas?... 

YAUTBIN. 

Femand  de  Montsord  va  venir.  (Asaint-cbaiies.)  Qu'en  dis-tu? 

8AI1IT-CHARLBS. 

To  es  un  héros,  laisse-moi  être  ton  valet  de  chambre. 

TAUTRIN. 

Tq  as  de  l'ambition.  Et  tu  tue  suivras! 

SAINT  CHARLES. 

Partout. 

VAUTRIN. 

Je  le  verrai  bien. 


Ah  !  quel  artiste  ta  Ifoaves  er  queUe  perie  le  gouveroeiBeBC  va 

lire. 

VAUTRIN. 

Allons,  va  m'attcndre  au  bureau  des  passe-ports. 


108  vAumn. 


SCÈNE  XV. 

Lii  aiiM,  LA  DUCHESSE  DE  GHRISTOYAL,  INÈS /MADEMOISELLE 

DE  YAUDREY. 


MADBMOrSELLS  DE  YAUDRKT. 

Les  voici! 

LA  DUCHESSE  DE  CHRISTOYAL. 

Ma  fille  a  reçu,  Madame,  une  lettre  de  M.  Raoul,  où  ce  noble 
jeune  homme  aime  mieux  renoncer  5  Inès  que  de  nons  tromper  : 
il  nons  a  dit  toute  sa  vie.  Il  doit  se  battre  demain  avec  votre  fils, 
et  comme  Inès  est  la  cause  involontaire  de  ce  duel,  nous  venons 
Vempêcber;  car  11  est  maintenant  sans  motif. 

LA  DUCHESSE  DB  HONTSOREL. 

Ge  duel  est  fini^  Madame. 

INÈS. 

Il  vivra  donc  I 

LA  DUCHESSE  DE  HONTSOREL. 

Et  vous  épouserez  le  marquis  de  Montsorel»  mon  enfant 


SCÈNE  XVI. 


LIS  HiiBt,  RAOUL  et  LAFOUR  AILLE,  qui  fort  aosiltac. 


RAOUL^  è  Vautrin. 

51'enfermer  pour  m'empéchei  oe  me  lettre  ! 

LB  DUC 

Avec  ton  frère? 

RAOVL. 

Mon  frère  t 


ACTE  V»  109 

UDUO. 

Od. 

LA  DUCHESSE  OB  MOTfTSOREL* 

Ta  étais  donc  bien  mon  enfant  !  Mesdames,  (eiie  msit  Baoui)  ?oîd 
Icniand  de  Montsorel,  mon  fils,  le... 

LE  DUC^  prenant  Raoul  par  la  main  et  interrompant  la  Ibmma. 

L'aîné,  l'enliaint  qui  nous  avait  été  enlevé,  Albert  n'est  plus  que 
le  comte  de  MonsoreL 

RAOUL. 

Depuis  trois  jours  je  crois  rêver!  vous,  ma  mèref  vous  Blon- 

seur... 

LB  DUC. 

Kli  bien  I  ooL 

RAOUL. 

Oïl  !  là,  où  on  me  demandait  une  famille..» 

TAUTRIN. 

£Ue  s'y  trouve. 

RAOUL. 

El...  y  êtes-fOus  encore  pour  quelque  chose? 

TAUTR1N>  &  la  ducbesse  de  Montsorel. 

Que  TOUS  disais-je?  (a  Raouv.)  Souvenez -vous,  monsieur  le  mar-* 
quis,  que  je  vous  ai  d'avance  absous  de  toute  ingratitude.  (Aia  du- 
Aesse.)  L'enfant  m'oubliera,  et  la  mère? 

LA  DUCHESSB  DE  UOlfTSORBL. 

Jaa]ai& 

LE  DUC. 

Mab  quels  sont  donc  les  malheurs  qui  tous  ont  plongé  dans 
Fablme? 

\  TAUTBIlf. 

*    £tt-ce  qu'on  explique  le  malheur  ? 

I  LA  DUCHESSE  DE  MONTSOREL. 

Mon  ami,  n'est-il  pas  en  Totre  pouvoir  d'obtenir  sa  grâce? 

LB  DUC. 

Des  arrêts  comme  ceux  qui  l'ont  frappé  sont  in*évocab!es; 


vâmak 

Ce  mot  me  raccommode  avec  vous,  0  est  d'an  homme  d*EtaL 
Eh  !  monsieur  le  dac,.  tâchez  donc  de  faire  comprendre  qae  la  dé- 
portation est  votre  dernière  ressource  contre  nooA. 

Monsieur... 

TlUTRIN. 

Vous  VOUS  trompez^  je  ne  suis  pas  même  monsieur. 

Je  crois  comprendre  que  vous  êtes  ma  baoni^qoe  abob  anû  ?ous 
doit  beaucoup  et  ne  peut  s'acquitter.  Au  delà  des  mers,  j*ai  de 
grands  biens,  qui,  pour  être  régis»  veulent  un  homme  plein  d'é- 
nergie :  allez*y  exercer  vos  talents,  et  devenez... 

VAUTRIN.  ' 

Riche,  sous  un  nom  nouveau?  Enfant,  ne  venez-vous  donc  pas) 
d'apprendre  qu'il  est  en  ce  monde  des  choses  impiloyables.  Oui, 
je  puis  acquérir  une  fortune,'  imhf  qui  me  donnera  le  pouvoir?... 
(AU  doc  de  Montsorei.)  Le  roi,  monsieur  le  duc,  peut  tmMwt  grâee; 
mais  qui  me  serrera  la  main? 


Moi! 


Ahl¥oaie»fi»j*MlHMhift|Mnr  fMin  YmmmnMnm  mire» 
adieu  I 


SCÈNE  XVII. 


us  uÈmu,  m  COMMIS^IÀIES. 

IM  portes-fenêtres  8'oaTrent  :  on  volt  un  oommlaisire,  un  offlder  :  dans  isaHÉ» 

des  gendarmes 


UN  COMinaMlBS»  mu 

An  nom  du  roi,  de  la  loi.  j'arrête  Jacques  Collin,  convaincu 
d'avoir  rompu... 

Tons  les  pereonnages  se  Jettent  entre  la  fbm  armée  et  Jao^mi»  pevr  le  Alie  aaafv. 

»  urimc 

Hcssiemy,  jè  pnendli  suraioi  dft. 


).• 


AGTB  V.  lit 

TÀUTRIN. 

Gha  vous,  monsieur  le  dnc,  laissez  passer  la  justice  du  roi. 
C'est  une  affaire  entre  ces  messieurs  et  moL  (Aa  oommimire.)  Je  tous 
sois.  (AUducbene.)  G'est  Joseph  qui  les  amène,  il  est  des  nôtres, 
renvoyeX'le. 

HÀOUL. 

Sommes-nous  séparés  à  jamais? 

TAurani.- 

Ta  te  maries  bientôt  Dans  dix  mois,  le  jour  du  baptême,  à  la 
)orte  de  l'Oise,  regarde  bien  parmi  les  pauvres,  il  y  aura  quel- 
qu'un qui  veut  étrà  certain  de  ton  bonheur.  Adieu.  (Auzaveata.) 
Marchons! 


J 


IJSS 


RESSOURCES  DE  QUINOLA 


œuÉoiB  mr  airo  àctbs,  en  fhosb^  n  précAdéb  d'un  prologub. 


lepréflentée  sur  le  second  Tbé&tre-Frsnfitls  [WtMO» 
le  sunedl  19  mais  IStt. 


TH,  ^ 


PRÉFACE 


Quand  Fauteur  de  cette  pièce  ne  Taurait  faite  que  pour  ob- 
tenir les  éloges  universels  accordés  par  les  journaux  à  set 
livres,  et  qui  peut-être  ont  dépassé  ce  qui  lui  était  dû,  les  Res^ 
sources  de  Quinola  seraient  une  excellente  spéculation  litté« 
raire;*mais,  en  se  voyant  l'objet  de  tant  de  louanges  et  de  tant 
d'injures,  il  a  compris  que  ses  débuts  au  théâtre  seraient  encore 
plus  diûiciles  que  ne  Font  été  ses  débuts  en  littérature,  et  il 
s'est  armé  de  courage  pour  le  présent  comme  pour  Favenir. 

Un  jour  viendra  que  cette  pièce  servira  de  bélier  pour  battre 
en  brèche  une  pièce  nouvelle,  comme  on  a  pris  tous  ses  livres, 
et  même  sa  pièce  intitulée  Vautrin^  pour  en  accabler  les  Res- 
sources de  Quinola. 

Quelque  calme  que  doive  être  sa  résignation,  Fauteur  ne  peut 
s'empèdier  de  faire  ici  deux  remarques. 

Parmi  cinquante  faiseurs  de  feuilletons,  il  n'en  est  pas  uc 
seul  qui  n'ait  traité  comme  une  fable,  inventée  par  l'auteur,  te 
fait  historique  sur  lequel  repose  cette  pièce  des  B^essources  d« 
Quinola. 

Longtemps  avant  que  M.  Arago  ne  mentionnât  ce  fait  dam 
son  histoire  de  la  vapeur,  publiée  dans  l'Annuaire  du  Bureau 
des  longitudes,  l'auteur,  à  qui  le  fait  était  connu,  avait  pres- 
senti la  grande  comédie  qui  devait  avoir  précédé  l'acte  de  dé- 
sespoir auquel  fut  poussé  l'inventeur  inconnu  qui,  en  plein 
seizième  siècle,  fit  marcher  par  la  vapeur  un  navire  dans  le 
port  de  Barcelone ,  et  le  coula  lui-même  en  présence  de  deux 
cent  mille  spectateurs. 

Cette  observation  répond  aux  dérisions  qu'a  soulevées  la  pré- 
tendue supposition  de  l'invention  de  la  vapeur  avant  le  marquis 
de  Worcester,  Salomon  de  Gaus  et  Papin. 

La  deuxième  observation  porte  sur  l'étrange  calomnie  sous 
laquelle  presque  tous  les  faiseurs  de  feuilletons  ont  accablé  La- 
vradi,  l'un  des  personnages  de  cette  comédie,  et  dopt  ils  ont 
voulu  faire  une  création  hideuse.  En  lisant  la  pièce,  dont  l'ana- 
lyse n'a  étc  faite  exactement  par  aucun  critique,  on  verra  que 
Lavradi,  condamné  pour  dix  ans  aux  présides,  vient  demander 
sa  grâce  au  roi.  Tout  le  monde  sait  combien  les  peines  les  plus 
sévères  étaient  prodiguées  dans  le  seizième  siècle  pour  les  moin- 
dres délits,  et  avec  quelle  indulgence  sont  accueillis  dans  le  vieux 
théâtre  les  valets  dans  la  position  où  se  trouve  Quinola. 

On  ferait  plusieurs  volumes  avec  las  lamentations  des  criti- 


116  LES  RbiSSOLRGES  DE  QUINOLA. 

ques  qui,  depuis  bientôt  vingt  ans,  demandaient  des  comédies 
dans  la  forme  italienne,  espagnole  ou  anglaise  :  on  en  essaye 
une;  et  tous  aiment  mieux  oublier  ce  qu'ils  ont  dit  depuis 
vingt  ans  plutôt  que  de  manquer  à  étouffer  un  homme  assez 
hardi  pour  s'aventurer  dans  une  voie  si  féconde,  et  que  son 
ancienneté  rend  aujourd'hui  presque  nouvelle. 

N'oublions  pas  de  rappeler,  à  la  honte  de  notre  époque^  le 
hourra  d'improbations  par  lequel  fut  accueilli  le  titre  de  duc  de 
Neptunado,  cherché  par  Philippe  II  pour  l'inventeur,  hourra 
auquel  les  lecteurs  instruits  refuseront  de  croire,  mais  qui  fut 
tel,  que  les  acteurs,  en  gens  intelligents,  retranchèrent  ce  titre 
dans  le  reste  de  la  pièce.  Ce  hourra  fut  poussé  par  des  specta- 
teurs qui,  tous  les  matins,  lisent  dans  les  journaux  le  titre  de 
duc  de  la  Victoire,  donné  à  Espartero,  et  qui  ne  piouvaient  pas 
ignorer  le  titre  de  prince  de  la  Paix,  donné  au  dernier  favori  de 
i'avant-dernier  roi  d'Espagne.  Comment  prévoir  une  pareille 
ignorance?  Qui  ne  sait  que  la  plupart  des  titres  espagnols,  sur- 
tout au  temps  de  Charles-Quint  et  de  Philippe  II,  rappellent  la 
circonstance  à  laquelle  ils  furent  dus. 

Orendayes  prit  le  titre  de  la  Pes,  pour  avoir  signé  le  traité 
de  1725. 

Un  amiral  prit  celui  de  Transport-Real^  pour  avoir  conduit 
rinfant  en  Italie. 

Navarro  prit  celui  de  la  Vitloria  après  le  combat  naval  de 
Toulon,  quoique  la  victoire  eût  été  indécise. 

Ces  exemples,  et  tant  d'autres,  sont  surpassés  par  le  fameux 
ministre  des  finances,  négociant  parvenu,  qui  prit  le  titre  de 
marquis  de  Rien-en-Soi  (UEnsenada). 

En  produisant  une  œuvre  faite  avec  toutes  les  libertés  des 
vieux  théâtres  français  et  espagnol,  l'auteur  s'est  permis  une 
tentative  appelée  pkr  les  vœux  de  plus  d'un  organe  de  Vopi- 
nion  publique  et  de  tous  ceux  qui  assistent  aux  premières  re- 
présentations :  il  a  voulu  convoquer  un  vrai  public,  et  faire  re- 
présenter la  pièce  devant  une  salle  pleine  de  spectateurs  payants. 
L'insuccès  de  cette  épreuve  a  été  si  bien  constaté  par  tous  les 
journaux,  que  la  nécessité  des  claaueurs  en  res'*^  à  jamais  dé- 
montrée. 

L'auteur  eiait  entre  ce  dilemme,  que  I  ni  posaient  les  personnes 
expertes  en  cette  matière  :  introduire  ôouze  cents  spectateurs 
non  payants,  le  succès  ainsi  obtenu  sera  nié;  faire  payer  leur 
place  à  douze  cents  spectateurs,  c'est  rendre  le  succès  presque 
impossible.  L'auteur  a  préféré  le  péril.  Telle  est  la  raison  de 
cette  première  représentation,  où  tant  de  personnes  ont  été  mé- 
contentes d'avoir  été  élevées  à  la  dignité  déjuges  indépendants. 

L'auteur  rentrera  donc  dans  l'ornière  honteuse  et  ignoble 
que  tant  d'abus  ont  creusée  aux  succès  dramatiques;  mais  il 
n'est  pas  inutile  de  dire  ici  que  la  nremière  représentation  des 
Ressources  dt  Quinola  fut  ainsi  donnée  au  bénéSce  des  cla- 


117 

queurs^  qui  sont  les  seuls  triomphateurs  de  cette  soirée,  d'où 
ils  avaient  été  bannis. 

Pour  caractériser  les  critiques  faites  sur  cette  comédie,  il  suf- 
fira de  dire  que  sur  cinquante  journaux  qui  tous,  depuis 
vingt  ans,  prodiguent  au  dernier  vaudevilliste  tombé  cette 
phrase  banale  :  La  pièce  est  cVun  homme  d'esprit  qui  saura 
prendre  sa  revanche,  aucun  ne  s'en  est  servi  pour  les  Res* 
sources  de  Quinola,  que  tous  tenaient  à  entener.  Cette  re- 
marque suffît  à  Tambition  de  Tauteur. 

Sans  que  Tauteur  eût  rien  fait  pour  obtenir  de  telles  pro- 
messes, quelques  personnes  avaient  d'avance  accorçlé  leurs  en- 
couragements à  sa  tentative,  et  celles-là  se  sont  montrées  plus 
mjurieuses  que  critiques;  mais  l'auteur  regarde  de  tels  mé- 
comptes comme  les  plus  grands  bonheurs  qui  puissent  lui  ar- 
river, car  on  gagne  de  l'expérience  en  perdant  de  faux  amis. 
Aussi,  est-ce  autant  un  plaisir  qu'un  devoir  pour  lui  que  de  re- 
mercier pubhquement  les  personnes  qui  lui  sont  restées  fidèles 
comme  monsieur  Léon  Gozlan,  envers  lequel  il  a  contracté 
une  dette  de  reconnaissance  ;  comme  monsieur  Victor  Hugo, 
qui  a,  pour  ainsi  dire,  protesté  contre  le  public  de  la  première 
représentation,  en  revenant  voir  la  pièce  à  la  seconde;  comme 
monsieur  de  Lamartine  et  madame  de  Girardin,  qui  ont  main- 
tenu leur  premier  jugement  malgré  l'irritation  générale.  D€ 
telles  approbations  consoleraient  d'une  chute. 


Laf.ny»  t  mii  I8/42. 


PERSONNAGES  DU  PROLOGUIL 


PHILIPPE  n. 

L£  CARDINAL  GIENFUGOS,  grand 

inquisiteur. 
LE  CAPITAINE  DES  GARDES. 
LE  DUC  D'OLMÉDO. 
LE  DUC  DE  LERME. 
ALFONSO  FONTANARÊS. 


QUINOLA. 

UN  HALLEBARDIER. 

UN  ALCADE  DU  PALAIS. 

UN  FAMILIER  DE    L'INQUISITIO!! 

(personnage  muet.) 
LA  REINE  D'ESPAGNE. 
LA  MARQUISE  DE  MONTDËJAR. 


PERSONNAGES  DE  LA  PIÈCE. 


^ON  FREGOSE,  ylce-rol  de  Catalogne. 
LE  GRAND  INQUISITEUR.; 

LE    COMTE    SARPI ,  secrétaire  de  la 

vice-royauté. 
DON  RAMON,  sayant. 
AYALOROS,  banquier. 
MATHIEU  MAGIS,  Lombanl. 
LOTHUNDIAZ,  bourgeois. 
ALFONSO  FONTANARÊS. 
LAVRADI,  QUINOLA,  ou  valet. 
MONIPODIO,  ancien  miquelet. 


COPPOLUS,  marchand  de  métaoï. 
CARPANO,  serrurier  (personnage  mnet-j 
ESTEBAN,  ouvrier. 
GIRONE,  autre  ouTrier. 
L'HOTE  du  Soleil  d'or.  i 

UN  HUISSIER. 
UN  ALCADE. 

MADAME  FAUSTINA  BRANCADORL 
MARIE  LOTHUNDIAZ. 
PAQUITA,  camériste  de  madame  Faiu* 
tina. 


L'action  se  passe  en  1888. 


LES 


RESSOURCES  DE  QUINOLÀ 


PROLOGUE 


U  scène  est  à  Yatfadolld,  dans  le  palais  du  roi  d'Espagne.  Le  théâtre  représente  la 
galerie  qui  conduit  à  la  chapelle.  L'entrée  de  la  chapelle  est  à  gauche  du  specteteur, 
celle  des  appartements  royaux  est  h  droite.  L'entrée  principale  est  au  fond.  De  chaque 
côté  de  la  principale  porte,  il  y  a  deux  hallebardlers. 

Au  lever  du  rideau,  le  capitaine  des  gardes  et  trois  seigneurs  sont  en  scène.  Un  alcade 
du  palais  est  debout  au  fond  de  la  galerie.  Quelques  courtisans  w  promènent  dans  le  sa- 
lon qui  précède  la  galerie. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

LE  CAPITAINE  DES  GARDES ,  QUINOLA ,  enveloppé  dans  ion  mantewi 

UN  HALLEBARDIEIU 

LB  HALLEBARDIER.  Il  barre  la  porte  è  Quinola. 

On  n'andre  bointe  sans  en  affoir  le  troide.  Ki  ô  dût 

QUINOLA,  levant  la  hallebarde. 

Ambassadeur.  (On  le  regarde.) 

US  HALLEBARDIER. 

T'OÙT 

QUINOLA.  Il  passe. 

D*oùI  Da  pays  de  misère. 

LE  CAPrrAINE  DES  GARDES. 

Allez  chercher  le  majordome  du  palais  pour  rendre  à  cet  ambas- 
sadeur-là les  honneurs  qui  lui  sont  dus.  (au  hauebardier.)  Trois  jours 
de  prison. 


120  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

QUINOLA,  au  capitaine. 

Voilh  donc  comment  vous  respectez  le  droit  des  gens  !  Ecoutez, 
Monseigneur,  vous  êtes  bien  haut,  je  suis  bien  bas,  avec  deur 
mots,  nous  allons  nous  trouver  de  plain-pied, 

LE  CAPITAINE. 

Tu  es  un  drôle  très-di  ôle. 

QUINOLA   le  prend  à  parf. 

N'êies-vous  pas  le  cousin  de  la  marquise  de  Mondéjar? 

LE  CAPITAINE. 

Après  ? 

QUINOLA. 

Quoiqu'en  très- grande  faveur,  elle  est  sur  le  point  de  rouler 
dans  un  abîme. . .  sans  sa  tête. 

LE  CAPITAINE. 

Tous  ces  gens-là  font  des  romans!...  Ecoute;  tu  es  le  vingt- 
deuxième,  et  nous  sommes  au  dix  du  mois,  qui  tente  de  s'intro- 
duire ainsi  près  de  la  favorite,  pour  lui  soutirer  quelques  pistoles. 
Détale...  ou  sinoo... 

QUIXOLA. 

Monseigneur,  il  vaut  mieux  parler  à  tort  vingt--deux  fois  h  vingt- 
deux  pauvres  diables,  que  de  manquer  à  entendre  celui  qui  vous 
est  envoyé  par  votre  bon  ange;  et  vous  voyez,  qu'à  peu  de  chose 
près  (u  ouvre  son  manteau),  j'en  ai  le  costume. 

LE  CAPITAINE. 

Finissons,  quelle  preuve  donnes- tu  de  la  mission? 

QUINOLA  lui  tend  une  leiire. 

Ce  petit  mot,  remettez-le  vous-même  pour  que  ce  secret  de- 
meure entre  nous,  et  faites -nooi  pendre  si  vous  ne  voyez  la  mar- 
quise tomber  en  pâmoison  à  cette  lecture.  Croyez  que  je  professe, 
avec  l'immense  majorité  des  Espagnols,  une  avei-sion  radicale 
pour.,»  la  potence. 

LE  CAPITAINE. 

Et  si  quelque  femme  ambitieuse  t'avait  payé  ta  vie  pour  avoir 
celle  d'une  autre? 

QUIXOLA. 

SeraÎ8-je  en  guenilles?  Ma  vie  vaut  celle  de  César.  Tenez,  Moii- 

geigneur  (ll  décacheté  la  lettre,  la  sent,  la  replie,  et  la  lui  rend  Jt  'êtCS-VOUS  COn  - 

lent? 

LE  CAPITAn^K,  h  part. 

J'ai  le  temps  encore,  (a  Quinoia.)  Reste  15,  j'y  vais. 


ti'uju^  i|«uje  jirurusse,  ovcc  riiiiiiiunsi:  majorité  dus  bUpiijfuii 
■INP  ovuiTiioi)  radicale  puni'  ...    U  pileiiKe 


rHOLOClUE.  121 

SCÈNE  II. 

QUINOLA,  seul,  sur  le  dov-  l  Je  !a  sivne,  en  regardant  le  capitaine. 

Marche  donc!  0  mon  cher  maître,  si  la  torture  ne  t'a  pas  brisé 
les  os,  tu  vas  donc  sortir  des  cachots  de  la  s...  la  très-sainte  ia- 
quisiiioa,  délivré  par  votre  pauvre  caniche  de  Quinola!  Pauvre!... 
qui  est-ce  qui  a  parlé  de  pauvre?  L-ne  fois  mon  maître  libre, 
nous  finirons  bien  par  raonnoyer  nos  espéianccs.  Quand  on  a 
SQ  vivre  à  Yalladolid ,  depuis  six  mois  sans  argent ,  et  sans  être 
piDcé  par  les  alguazils,  on  a  de  petits  talents  qui,  s'ils  s'appliquaient 
à...  autre  chose,  mèneraient  un  homme  oij...  ?...  ailleurs  enfm! 
Si  nous  savions  où  nous  allons ,  personne  n'oserait  marcher. . .  Je 
vais  donc  parler  au  roi,  moi,  Quinola.  Dieu  dos  gueux!  donne- 
moi  Téloquence...  de...  d'une  jolie  femme,  de  la  marquise  de  Mon- 
déjar.,. 

SCÈNE  m. 

QUINOLA,  LE  CAPITAINE. 
LECAPrTÂINE^  à  Quinola. 

Voici  cinquante  doublons  que  t'envoie  la  marquise  pour  te 
mettre  en  état  de  paraître  ici  convenablement. 

QUTNOLA.  Il  verse  ror' d'une  main  dans  Tautre. 

Ah!  ce  rayon  de  soleil  s'est  bien  fait  attendre '  Je  reviens,  Mon- 
seigneur, pimpant  comme  le  valet  de  cœur,  dont  j'ai  pris  le  nom; 
Quinola  pour  vous  servir,  Quinola,  bientôt  seigneur  d'immenses 
domaines  où  je  rendrai  la  justice^  dès  que...  (à  parti  je  ne  la  crain- 
drai plus  pour  mou 

SCÈNE  IV. 

LES  COURTISANS,  LE  CAPITAINE. 
LB  CAPITAINE,  seul  sur  le  devant  de  la  scène» 

Quel  secret  ce  misérable  a-t-il  donc  surpris?  ma  cousine  a  failli 
perdre  connaissance.  Il  s'agit  de  tous  ses  amis,  a-t-elle  dit.  Le  roi 
doit  être  pour  quelque  chose  dans  tout  ceci,  (a  un  seigneur.)  Duc  de 
Lerme,  y  a-t-il  quelque  chose  de  nouveau  dans  Yalladolid? 


422  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

LE  DUC  DE  LERME^  bas. 

Le  duc  d'Olmédo  aurait  élc,  dlt-oo,  assassiné  ce  matin,  à  trois 
heures,  au  petit  jour,  à  quelques  pas  du  jardin  de  l'hôtel  Mondéjar. 

LE   CAPITAINE. 

Il  est  bien  capable  de  s'être  fait  un  peu  assassiner  pour  perdre 
ainsi  ma  cousine  dans  l'esprit  du  roi,  qui,  semblable  aux  grands  po« 
litiques,  tient  pour  vrai  tout  ce  qui  est  probable. 

LE  DUC  DE  LERHE. 

On  dit  que  l'inimitié  du  duc  et  de  la  marquise  n'est  qu'une  feinte> 
et  que  l'assassin  ne  peut  pas  être  poursuivi. 

LE  CAPITAINE. 

Duc,  ceci  ne  doit  pas  se  répéter  sans  une  certitude,  et  ne  s'écri- 
rait alors  qu'avec  une  épée  teinte  de  mon  sang. 

LE  DUC  DE  LERHE. 

Vous  m'avez  demandé  des  nouvelles...  (Le  duc  se  letire.) 


SCÈNE  V. 

LBS  MÊMES,  LA  MARQUISE  DE  MONDÉJAR. 
LE  CAPITAINE. 

Âh  I  mais  voici  ma  cousine  !  (a  la  marquise.)  Chère  marquise,  vous 
êtes  encore  bien  agitée.  Au  nom  de  notre  salut,  conteuez<vous,  on 
va  vous  observer. 

LA  MARQUISE. 

Cet  homme  est-il  revenu  ? 

LE  CAPITAINE. 

Mais  comment  un  homme  placé  si  bas  peut-il  vous  causer  de 
telles  alarmes? 

LA  MARQUISE. 

Il  tient  ma  vie  dans  ses  mains  ;  plus  que  ma  vie,  car  il  tient  aussi 
celle  d'un  autre  qui,  malgré  les  plus  habiles  précautions,  excite  la 
jalousie... 

LE  CAPITAINE. 

Du  roi...  Aurait-il  donc  fait  assassiner  le  duc  d'Olmédo,  comme 
on  le  dit 

LA  MARQUISE. 

Hélas...  je  ne  sais  plus  qu'en  penser. ..  Me  voilà  seule,  sans  se- 
cours.., et  peut-être  bientôt  abandonnée. 


PROLOGUE.  123 

LE  CAPITAINE. 

Ck)mptez  sur  moi...  Je  vais  être  au  milieu  de  tous  nos  ennemis, 
:ûmme  le  chasseur  à  raffut 

SCÈNE  VI. 

LES  PRÉCÉDENTS,    QUINOLA. 
QUmOLA. 

Je  n'ai  plus  que  trente  doublons,  mais  je  fais  de  reflet  pour 
soixante-..  HeinI  quel  parfum  ?  La  marquise  pourra  me  parier  sans 
crainte... 

LA  MARQUISE^  montrant  Qulnola. 

Est-ce  là  notre  homme  ? 

le  capitaine. 
OqL 

la  marquise. 
Mon  cousin,  veillez  à  ce  que  je  puisse  causer  sans  être  écou- 
tée... (AQuinoia.)  Qui  êtes-vous,  mon  ami? 

QUINOLA,  à  part. 

Son  ami  !  Tant  qu'on  a  le  secret  d'une  femme,  on  est  toujours 
son  ami.  (Saut.)  Madame,  je  suis  un  homme  au-dessus  de  toutes  les 
considérations  et  de  toutes  les  circonstances. 

LA  MARQUISE. 

On  va  bien  haut  ainsi  ! 

QUINOLA. 

Est-ce  une  menace  ou  un  avis? 

LA   MARQUISE. 

Mon  cher,  vous  êtes  un  impertinent  I 

QUINOLA. 

Ne  prenez  pas  la  perspicacité  pour  de  l'impertinence.  Vous  vou- 
lez m'étudier  avant  d'en  venir  au  fait,  je  vais  vous  dire  mon  ca- 
ractère :  mon  vrai  nom  est  Lavradi.  En  ce  moment,  Lavradi  de- 
vrait être  en  Afrique  pour  dix  ans,  aux  présides,  uie  erreur  des 
alcades  de  Barcelone,  Quinola  est  la  conscience,  blanche  comme 
vos  belles  mains,  de  Lavradi.  Quinola  ne  connaît  pas  Lavradi.  L'âme 
connaît-elle  le  corps?  Vous  pourriez  faire-  rejoindre  l'âme  —  Qui- 
nola, au  corps  —  Lavradi, d'autant  plus  facilement  que  ce  malin, 
Quinola  se  trouvait  à  la  petite  porte  de  votre  jardin,  avec  les  amis 
4e  l'aurore  qui  ont  arrêté  le  duc  d'OImédo... 


12'i  LES  RESSOURCES   DE  QUINOLA. 

LA   MARQUISE. 

Que  lui  est-il  arrivé  ? 

QUIXOLA. 

Lavradi  profilerait  de  ce  moment  plein  d'ir<géauité,  pour  de- 
mander sa  grâce  ;  mais  Quinola  est  geniilhomme. 

LA  MARQUISE. 

Vous  vous  occupez  beaucoup  trop  de  vous. . . 

QUINOLA. 

£t  pas  assez  de  lui...  c'est  juste.  Le  duc  nous  a  pris  pour  de 
vils  assassins,  nous  lui  demandions  seulement,  d'un  peu  trop  bonne 
heure,  un  emprunt  hypothéqué  sur  nos  rapières.  Le  fameux  Majo- 
rai qui  nous  commandait,  vivement  pressé  par  le  duc,  a  été  forcé 
de  le  mettre  hors  de  combat  par  une  petite  botte  dont  il  a  le  secret 

LA  MARQUISE. 

Ah!  mon  Dieu!... 

QUINOLA. 

Le  bonheur  vaut  bien  cela.  Madame. 

LA  MARQUISE^  à  part. 

Du  calme,  cet  homme  a  mon  secret 

QUINOLA. 

Quand  nous  avons  vu  que  le  duc  n'avait  pas  nn  maravédis,  — 
quelle  imprudence  !  —  on  l'a  laissé  là.  Comme  j'étais  de  tous  ces 
braves  gens  le  moins  compromis,  on  m'a  chargé  de  le  reconduire; 
en  remettant  ses  poches  à  l'endroit,  j'ai  trouvé  le  billet  que  vous 
lui  avez  écrit;  et,  en  m'informant  de  votre  position  à  la  cour,  j'ai 
compris... 

LA  MARQUISE. 

Que  ta  fortune  était  faite? 

QUINOLA. 

Du  tout.,  que  ma  vie  était  en  danger. 

LA  MARQUISE. 

Eh  bien? 

QUINOLA. 

Vous  ne  devinez  pas  ?  Votre  billet  est  entre  les  mains  d'un  homme 
sûr,  qui,  s'il  m'arrivait  le  moindre  mal,  le  remettrait  au  roi.  £st-c0 
clair  et  net? 

LA  MARQUISE. 

Que  veux-tu? 

QUINOLA. 

A  qui  parlez- vous?  à  Quinola  ou  à  Lavradi  ? 


PROLOGUE.  125 

LA  MARQUISE. 

Lavradi  aura  sa  grâce.  Que  veut  Quinola  ?  eatrer  à  mon  service? 

QUINOLA. 

Les  enfants  trouvés  sont  gentilshommes  :  Quinola  vous  rendra 
votre  billet  sans  vous  demander  un  maravédis,  sans  vous  obliger  à 
rien  d'indigne  de  vous,  et  il  compte  que  vous  vous  dîjpenserez  d'en 
vouloir  à  la  tête  d'un  pauvre  diable  qui  porte  sous  sa  besare  le  cœur 
daCii 

LA  MARQUISE. 

Comme  ta  vas  me  coûter  cher,  drôle? 

QUmOLA. 

Yoos  me  disiez  tout  à  Theure  :  mon  ami. 

LA  MARQUISE. 

N'étais-tu  pas  mon  ennemi  ? 

QUINOLA. 

Sur  cette  parole,  je  me  fie  à  vous,  Madame,  et  vais  vous  dire 
tout..  Mais  là...  ne  riez  pas...  vous  le  promettez...  Je  veux... 

LA  MARQUISE. 

Ta  veux  î 

QUlNOLA. 

Je  veux...  parler  au  roi...  là,  quand  il  passera  pour  aller  à  la 
chapelle  ;  rendez-le  favorable  à  ma  requête. 

LA  MARQUISE. 

Mais  que  lui  demanderas-tu? 

QUINOLA. 

La  chose  la  plus  simple  du  monde,  une  audience  pour  mon 
maître. 

LA  MARQUISE. 

Explique-toi,  le  temps  presse. 

QUINOLA. 

Madame,  je  suis  le  valet  d'un  savant;  et,  si  la  marque  du  génie 
est  la  pauvreté,  nous  avons  beaucoup  tio|T  de  génie,  Madame. 

LA  MARQUISF. 

Au  fait. 

QUINOLA. 

Le  seigneur  Alfonso  Fontanarès  est  venu  de  Catalogne  ici  pour 
ûffrir  au  roi  notre  maître  le  sceptre  delà  mer.  A  Barcelone,  on  l'a 
pris  pour  un  fou,  ici  pour  un  sorcier.  Quand  on  a  su  ce  qu'il  pro- 
luel,  on  l'a  berné  dans  les  antichambres.  Celui-^ci  voulait  le  pro- 
téger pour  le  perdre,  celui-là  mettait  en  doute  notre  secret  pour 


126  LES  RESSOURCES  DE   QUIXOLA. 

le  lui  arracher:  c'était  un  savant;  d'autres  lui  proposaient  d*ea 
faire  une  affaire  :  des  capitalistes  qui  voulaient  Tentortilier.  De  la 
façon  dont  allaient  les  choses,  nous  ne  savions  que  devenir.  Per- 
sonne assurément  ne  peut  nier  la  puissance  de  la  mécanique  et  de 
la  géométrie,  mais  les^  plus  beaux  théorèmes  sont  peu  nourrissants, 
et  le  plus  petit  civet  est  meilleur  pour  Testomac  :  vraiment,  c'est 
na  défaut  de  la  science.  Cet  hiver,  mon  maître  et  moi,  nous  noul 
chauffions  de  nos  projets  et  nous  remâchions  nos  illusions. . .  £| 
bien  I  Madame,  il  est  en  prison,  car  on  Taccuse  d*être  au  mieui 
avec  le  diable  ;  et  malheureusement,  cette  fois,  le  saiiit-ofGce 
raison,  nous  Tavons  vu  constamment  au  fond  de  notre  bourse.  £h 
bien  !  Madame,  je  vous  en  supplie,  inspirez  au  roi  la  curiosité  de 
voir  un  homme  qui  lui  apporte  une  domination  aussi  étendue  que 
celle  que  Colomb  a  donnée  à  l'Espagne. 

LA  MARQUISE. 

Mais  depuis  que  Colomb  a  donné  le  nouveau  monde  à  l'Espagne, 
on  nous  en  offre  un  tous  les  quinze  jours  I 

QUINOLA. 

Âh  I  Madame,  chaque  homme  de  génie  a  le  sien.  Sangodéroi,  il 
est  si  rare  de  faire  honnêtement  sa  fortune  et  celle  de  l'État,  sans 
rien  prendre  aux  particuliers,  que  le  phénomène  mérite  d'être  fa- 
vorisé. 

LA   HARQUISK. 

Enfin,  de  quoi  s'agit-il  ? 

OuinroLA. 

Encore  une  fois  I  ne  riez  pas  Madame  I  II  s'agit  de  faire  aller  les 
vaisseaux  sans  voiles,  ni  rames,  malgré  le  vent,  au  moyen  d'mie 
marmite  pleine  d'eau  qui  bout 

LA  UARQUISB. 

Ah  I  ça,  d'où  viens-tu  ?  Que  dis-tu  ?  Rêvcs-tu  ? 

QUINOLA. 

Et  voilà  ce  qu'ils  nous  chantent  tous  I  Ah  !  vulgaire,  to  es  ainsi 
fait  que  l'homme  de  génie  qui  a  raison  dix  ans  avant  tout  le  monde, 
passe  pour  un  fou  pendant  vingt-cinq  ans.  Il  n'y  a  que  moi  qui 
croie  en  cet  homme,  et  c'est  à  cause  de  cela  que  je  l'aime  :  com- 
prendre, c'est  égaler. 

LA  HARQUISB. 

Que,  moi,  je  dise  de  telles  sornettes  au  roi  1 


ITiOLOGUE.  127 

QUINOLA. 

Madame,  il  n'y  a  que  vous  dans  toute  l'Espagne  à  qui  le  roi  ne 
Jira  pas  :  taisez-vous  ! 

LA  MARQUISE. 

Tu  ne  connais  pas  le  roi,  et  je  le  connais,  moi!  (Apart.)  Il  faut^ 
ravoir  ma  lettre,  niaut.)  Il  se  présente  une  circonstance  heureuse 
pour  ton  maître  :  on  apprend  en  ce  moment  au  roi  la  perte  de  TAr- 
loada  :  tiens-toi  sur  son  passage  et  tu  lui  parleras» 

SCÈNE  YII. 

LE  CAPITAINE  DES  GARDES,  LES  GOURTISAHS,  QUINOLA. 

QUINOLA^  sur  le  devant- 

Il  ne  suffit  donc  pas  d'avoir  du  génie  et  d'en  user,  car  il  y  en  a 
qui  le  dissimulent  avec  bien  du  bonheur,  il  faut  encore  des  cir- 
constances :  une  lettre  trouvée  qui  mette  une  favorite  en  péril, 
pour  obtenir  une  langue  qui  parle,  et  la  perte  de  la  plus  grande 
des  flottes,  pour  ouvrir  les  oreilles  à  un  prince.  Le  hasard  est 
un  fameux  misérable  !  Allons  I  dans  le  duel  de  Foutanarès  avec 
son  siècle,  voici  pour  son  pauvre  second  le  moment  de  se  mon- 
trer !..•  (On  entend  les  cloches,  on  porte  les  armes.)  £st-ce  un  ptésage  du 

succès?  (AU  capitaine  des  gardes.)  Gomment  parle-t-on  au  roi? 

LE  CAPITAINE. 

Tu  t'avanceras,  tu  plieras  le  genou»  tu  diras  :  Sire!...  Et  prie 
Dieu  de  conduire  ta  langue.  (Le  cortège  déûie.) 

QUINOLA. 

Je  n'aurai  pas  la  peine  de  me  mettre  à  genoux,  ils  plient  déjà, 
car  il  ne  s'agit  pas  seulement  d'un  homme,  mais  d'un  monde. 

UN  PAGE» 

La  reine  I 

cm  PAGE* 

Le  roi  I  ^iibieAc) 


^2g  LES  RESSOLRGES   DE  QUINOLA. 

SCÈNE  VIIL 

PRÉCÉDENTS,   LA  REINE,  LE  ROI,  LA  MARQUISE  DE  MONTDÉJAR 
LE  GRAND  INQUISITEUR ,  TOUTE  LA  COUR. 

PHILIPPE  II. 

Messieurs,  nous  allons  prier  Dieu  qui  vient  de  frapper  l'Espagne. 
L'Angleterre  nous  échappe,  TArmada  s'est  perdue  et  nous  ne  vous 
en  voulons  point  :  amiral  (u  se  tourne  vers  ramirau,  vous  D*aviez  pas 
mission  de  combattre  les  tempêtes. 

QUmOLA. 

Sire  !  (n  plie  un  genou.) 

PHILIPPE  n. 

Qui  es-tu  î 

QUINOLA. 

Le  plus  petit  et  le  plus  dévoué  de  vos  sujets,  le  valet  d'un  homme 
qui  gémit  dans  les  prisons  du  saint-oBice,  accusé  de  magie  pour 
vouloir  donner  à  Votre  Majesté  les  moyens  d'éviter  de  pareils  dé- 
sastres.. • 

PHILIPPE  II. 

Si  tu  n*es  qu'un  valet,  lève-tol  Les  grands  doivent  seuls  ici 
fléchir  devant  le  roL 

QUINOLA. 

Mon  maître  restera  donc  à  vos  genoux. 

PHILIPPE  II. 

Explique-toi  promptement  :  le  roi  n'a  pas  dans  sa  vie  autant 
d'instants  qu'il  a  de  sujets. 

QUINOLA.  ' 

Vous  devez  alors  une  heure  à  un  empila.  Mon  maître,  le  sel" 
gneur  Alfonso  Fontanarès,  est  dans  les  prisons  du  saint-office... 

PHILIPPE  II,  au  grand  inquisiteur. 
Mon  père,  (le  grand  inquisiteur  s'approche)  que  pOUVeZ-VOUS  UOUS  dire 

d'un  certain  Alfonso  Fontanarès? 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

C'est  un  élève  de  Galilée,  il  professe  sa  doctrine  condamnée,  et 
se  vante  de  pouvoir  faire  des  prodiges  en  refusant  d'en  dire  les 
moyens.  Il  est  accusé  d'être  plus  Maure  qu'Espagnol 

QUINOLA^  à  part. 

Cette  face  blême  va  tout  gâter..,  (An  roi.)  Su'e,  mon  maître  pour 


PROLOGUE.  1 29 

fonte  sorcellerie,  est  amoureux  fou,  d*abord  de  la  gloire  de  Votre 
Majesté,  puis  d'une  fille  de  Barcelone,  héritière  de  Lothundiaz,  le 
plus  riche  bourgeois  de  la  ville.  Gomme  il  avait  ramassé  plus  de 
science  que  de  richesse  en  étudiant  les  sciences  naturelles  en  Ita- 
Jio,  le  pauvre  garçon  ne  pouvait  réussir  à  épouser  celte  fille  qna 
cuuYcrt  de  gloire  et  d'or...  Et  voyez,  Sire,  comme  on  calomnie  les 
grands  hommes  :  il  fit,  dans  son  désespoir,  un  pèlerinage  à  Notre- 
Dime-del-Pilar,  pour  la  prier  de  l'assister,  parce  que  celle  qu'il 
ai(ue  se  nomme  Marie.  Au  sortir  de  l'église,  il  s'assit  fatigué,  sous 
lin  arbre,  s'endormic,  la  madone  lui  apparut  et  lui  conseilla  cette 
invention  de  faire  marcher  les  vaisseaux  sans  voiles,  sans  rames, 
contre  vent  et  marée.  Il  est  venu  vera  vous,  Sire  :  on  s'est  mis  en- 
tre le  soleil  et  lui,  et  après  une  lutte  acharnée  avec  les  nuages,  il 
expie  sa  croyance  en  Notre-Dame-del-Pilar  et  en  son  roL  II  ne  lui 
reste  que  son  valet  assez  courageux  pour  venir  mettre  à  vos  pieds  ^ 
l'avis  qu'il  existe  un  moyen  de  réaliser  la  domination  universelle.  ' 

PHILIPPE  II. 

Je  veirai  ton  maître  an  sortir  de  la  chapelle. 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Le  roi  ne  court-il  pas  des  dangers? 

PHILIPPE  n. 

Mon  devoir  est  de  l'interroger. 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

le  mien  est  de  faire  respecter  les  privilèges  du  saint-ofiice. 

PHILIPPE  II. 

Je  les  connais.  Obéis  et  tais-toi.  Je  te  dois  un  otaget  je  b  sais..* 
«n  regarde.)  OÙ  donc  est  le  duc  d'Olmédo? 

QUINOLA^  à  part. 

Alelalel 

LA  MARQUISE^  à  part. 

Nous  sommes  perdus. 

LE  CAPITAINE  DES  6ARDI8. 

Sire,  le  dnc  n'est  pas  encore...  arrivé... 

.    PHILIPPE  II. 

Qui  lui  a  donné  la  hardiesse  de  manquer  aux  devoi  rs  de  sa  charge  ? 
(A  part.)  Il  me  semble  que  l'on  me  trompe,  (au  capitaine  des  gardes.)  Ta 
lui  diras,  s'il  arrive,  que  le  roi  Ta  commis  à  la  garde  d'un  prison- 
lier  du  saint-office,  (au  grand  mquimteur.)  Donnez  un  ordre. 

LE  GRAND  INQUISrTEUR. 

Sire»  j'irai  moi-même. 

TU.  9 


f  30  LES  BESSWAC&»  DB  QUISOLA. 

LA.SEUa. 

£t  si  le  duc  ne  ¥ieat]^?..« 

PHILIPPB  II. 

n  serait  donc  mort  u»  capitaiae.à  Ta  le  remplaceras  dans  Pexécu* 
tion  de  mes  ordres,  (p  pasK.) 

Lk  MÂRQUISB^  à  QalnoU. 

Cours  chez  le  duc,  qu*il  Tienne  et  se  comporte  comme  si!  n*étai  t 
pas  mourant.  La  médisance  doit  être  une  calomnie... 

QUINOLA. 

Comptez  sur  moi,  mais  protégez-nous,  (seui.)  Sangodémi  !  te  roi 
m*a  para  charmé  de  mon  invention  de  Nbtre-Dame-del-F^r,  je 
lui  fais  vœu...  de  quoi  T.. .  Nous  Terrons  après  le  succès; 

!•  tbéUM  cfaaagiB  at  repciitûte  on  quaiot  ds  IHMilrtttcB. 

aCÈNSL  VL 

FOKTABULRÈS,  wal. 

Je  comprends  maintenant  pourquoi  Colomb  a  youIu  que  ses 
chaînes  fussent  mises  près  dA  lui  dan»  son  ceccueil.  Quelle  leçon 
pour  les  inventeurs  I  Une  grande  découverte  est  une  vérité.  La 
vérité  ruine  tant  à' abus  et  d'errin^r^»  que  tons  ceux  qm  en  vivent 
se  dressent  et  veulent  tuer  kr  vérité  :  ils  commencent  par  s'atta- 
quer à  Fhomaie;  Aox  nmiieins,  la  patieocel  j'ai  MiiraL  OAalheu- 
reusemeni,  ma  patience  me  vmt  de  mon  amour.  Pour  avoir  Ma- 
rtejerêrehigleîyeet  jeehercbai»..,  JevoiivoIesaMtesBos  d'une 
chaudière  un  brin  de  paiHe  Tmut  ta  hemne»  ott  hd  cela  depuis 
qu'il  y  a  des  chaudières  et  de  kt  paîHe  ;  moi  j'y  vois  une  force; 
pour  l'évaluer,  je  couvre  la  chaudière,  le  couvercle  saote  eft  il  ne 
me  tue  pas.  Ârchimède  et  moi,  nous  ne  faisons  qu'un  I  il  voulait 
un  levier  pour  soulever  le  monde  :  ce  levier,  je  le  lîens,  et  j*ai  li 
sottise  de  le  dire  :  tous  fes  malheurs  fondent  sur  mol  Si  je  meurs 
homme  de  génie  à  venir  qui  retrouveras  ce  secret,  agis  et  fan-toi. 
La  lumière  que  nous  découvrons»  on  lious  la  prend  pour  allumer 
notre  bûcher.  Galilée,  mon  maître»  est  en  prison  pour  avoir  dit 
4git  la  tene  tourne,  et^'y  suis  pour  la  vouloir  organiser.  Non  f  j'y 
suis  comme  rebelle  k  la  cupidité  de  ceux  qui  veulent  mon  secret  ; 
fi  je  n'aimais  pas  Marie,  je  sortirais  ce  soir,  je  leur  abandonnerais 
le  profit,  la  gloire'  me  resterait.,  Ohl  ragiB...  La  ragi^  est  bonne 


pour  les  enfants  :  sofoos  catme,  je  suis  paissant.  Si  du  moios 
j*aT3»  ées  mrrrMs  du  sent  homme  qnf  ait  foi  en  moi  ?  Est-il  fi- 
bre, lui  qui  mendiait  pour  me  nourrir.,.  La  foi  n'est  que  cliez  le 
pauvre»  il  en  a  tant  besoin  I 

SCËNR  Z. 

LE  GRAND  INQUIâlXlBR,  M  FIMIUHI,  MUTlNlKlS. 

U  GRAND  nfQTTISlTEUR. 

Af  bfeor  mo0  fibT  vous  parliez  de  foi,  peut-être  avezrTOus  fait 
de  sagts  réffezion&  ABons,  évitez  au  saint-office  Temploî  de  ses 
rigueurs. 

FOirrANARÈS. 

Mon  Père,  qae  souhaitez-vous  que  je  dise? 

LE  GRABTD  INQUlSnEUR. 

Avant  dé  toqs  mettre  en  liberté»  le  saiat-office  doit  être  sûr  que 
vos  mo;ens  sont  natnrelsu. 

FONTANARÈS. 

Mon  père,  si  j*avais  fait  ua  pacte,  avec  le  mauvais  esprit,  me 
laisserait-il  ici! 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Vous  dites  une  parole  impie  :  le  déinoa  a  un  maître,  nos  auto- 
rla-fé  le  prouvent 

rONTANARte. 

Âvez-vous  jamais  vu  un  vaiaseaii  en  met  l  e«  gmid  inquinteiir  oit  uv 
igoeaffirmatir.;  Par  quel  moyen  allait-il? 

LE  GRAND  IKQVBIZEim. 

Le  vent  enflait  ses  voiles. 

FONTANARÈS. 

Est-ee  le  démon  qui  a  dit  ce  moyen  an  premier  navigateur  ^ 

LE  GRAND  INQtnSrrEUR. 

Savez-voos  ce  qa*il  est  devenu  ? 

FONTlNARiS. 

Peut-être  est-il  devesa  quelque  puissance  maritime  oubliée... 
EoGn  mon  moyen  est  aussi  natnrd  que  le  sien  :  j*ai  vu  comme 
'ni  dans  la  nature  une  force,  et  que  Thomme  peut  s'approprier, 
car  le  vent  est  à  Dieu,  rhomnje  n'en  est  pas  le  maître»  lé  vent  cm* 
porte  ses  vaisseaux,  et  ma  force  à  moi  est  dans  le  vaisseau. 


)2  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLÂ. 

LE  GRAND   INQUISITEUR^  à  part. 

Cet  homme  sera  bien  dangereux.  (Haut)  Et  vous  refusez  de  nou.^ 
la  dire!... 

FONTANARÈS. 

Je  la  dirai  au  roi,  devant  toute  la  cour;  personne  alors  ne  me 
avira  ma  gloire  ni  ma  fortune. 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Vous  VOUS  dites  inventeur,  et  vous  ne  pensez  qu'à  la  fortune 
Vous  êtes  plus  ambitieux  qu'homme  de  génie. 

FONTANARÈS. 

Mon  père,  je  suis  si  profondément  irrité  de  la  jalousie  du  vul- 
gaire, de  l'avarice  des  grands,  de  la  conduite  des  faux  savants, 

que si  je  n'aimais  pas  Marie,  je  rendrais  au  hasard  ce  qu^le 

hasard  m*a  donné. 

LS  GRAND  INQUISITEUR. 

Le  hasard! 

FONTANARÈS. 

J'ai  tort.  Je  rendrais  à  Dieu  la  pensée  que  Dieu  m'envoya. 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Dieu  ne  vous  l'a  pas  envoyée  pour  la  cacher,  nous  avons  le  droit 
(^c  vous  faire  parler...  (Aton  familier.)  Qu'on  prépare  la  question. 

rONTANARÊS. 

Je  l'attendais. 

SCÈNE  XI. 

LE  GRAND  INQUISITEUR,  FONTANARÈS,  QUINÛLA, 

LE  DUC  D*OLMÉDO. 

QUINOLA. 

Ça  n'est  pas  sain,  la  torture. 

FONTANARÈS* 

Quinola!  et  dans  quelle  livrée  ! 

QUINOLA. 

Celle  du  succès,  vous  serez  libre. 

FONTANARÈS. 

Libre  ?  Passer  de  l'enfer  au  ciel,  en  un  momentt 

LE  DUC  d'oLHÉDO. 

Gomme  les  martyrs. 

LR  GRAND  INQUISrTBUR. 

Monsieur,  vous  ose^  dire  ces  paroles  icil 


PROLOGUE.  133 

LB  DUC  d'OLMÉDO. 

Je  suis  chargé,  par  le  roi,  de  vous  retirer  cet  homme  desmaios, 
et  je  vous  en  réponds... 

LB  GRAND  INQUISITBUR.* 

Quelle  faute  ! 

QUINOLA. 

Ah!  TOUS  Touliez  le  faire  bouillir  dans  vos  chaudières  pleines 
d'huile,  merci  !  Les  siennes  vont  nous  faire  faire  le  tour  du  monde... 

comme  ça  !  ni  tait  tourner  son  chapeau.) 

FONTANARÊS. 

Embrasse-moi  donc,  et  dis-moi  comment.. 

LB  DUC  d'OLHÉDO. 

Pas  un  mot  ici... 

QUmOLA. 
Oui,  (Il  montre  les  talons  de  l'Inquisiteur)  Car  les  murS  OUt  ici  beauCCUp 

trop  d'intelligence.  Venez.  Et  vous,  monsieur  le  duc,  courage  I  Ah  ! 
VOUS  êtes  bien  pâle,  il  faut  vous  rendre  des  couleurs;  mais  ça  me 
regarde. 

IM  so^ne  clMDge  et  représente  le  galerie  dv  palais. 

SCÈNE  XII. 

LE  DUC  D'OLMÉDO,  LE  DUC  DE  LERMË,  FONTANARÊS,  QUINOLA. 

LE  J)UG  d'OLMÉDO. 

Nous  arrivons  à  temps! 

LE  DUC  DE  LBRMB. 

Vous  n'êtes  donc  pas  blessé? 

LE  DUC  d'oLMÉDO. 

Qui  a  dit  cela?  La  favorite  veut-elle  me  perdre?  Serais-je  ici 
comme  vous  me  voyez?  (AQuinoia.)  Tiens-toi  là  pour  me  soutenir... 

QUINOLA^  à  Fontanarès. 

Voilà  un  honmie  digne  d'être  aimé... 

FONTANARiS. 

Qui  ne  Tenvierait?  On  n'a  pas  toujours  l'occasion  de  monti^r 
combien  l'on  aime. 

QUlNOLA. 

Monsieur,  gardez-vous  bien  de  toutes  ces  fariboles  d'amour  de- 
vant leroL*.  car  le  roi,  voyez-vous... 

UN  PAGE. 

Leroi! 


13/^  LES  RESSOURCES  OS   QtJlNOLA. 

AVofls»  pensons  à  Miricl 

QUIKOLA^  voyant  Mblir  le  doc  tfOlmilB. 
Eh  bien?  ça  lui  IUtT&spiffer<aii«aew.) 

SCÈNE  XnL 

LES  PRÉCÉDENTS,  LE  ROI,  LÀ  REINE,  LA  MARQUISE  DE  MONTDÊJAR  , 
'  LE  CAPITAINE  DES  GARDES,  LE  GRAND  INQUISITEUR,  LE  PRIÊ- 
SIDËNT  DU  CONSEIL  DE  GASTILLE,  TOUTE  LA  COUR. 

PHILIPPE  îlf  an  capitaine  des  ganlei. 

Notre  homme  est-il  venu? 

Le  doc  d'dnide,  «pw  j'v  reMoatré  mt  les  é&gibflmjpdÊm, 
«>st  enprawé 'd'ubéir  «i  rai 

LE  DUC  d'olhÉDO  ,  un  genou  en  terre. 

Le  roi  daigRe-^-M  pardonner  un  retard. . .  iiR|NiidoDnable. 

PHILIPPE  II  le  relève  par  le  bras  blessé. 

On  te  disait  mourant.,  imegardeiamirquise.)  d*une  blessure  reçue 
dans  une  rencontre  de  nuit 

LE  DUC  D'orufDO. 

Vous  me  voyez,  Sire. 

LA  X&ltQUISfi^  \  part. 

Il  a  mis  du  rouge! 
Où  est  ton  prisonnier? 

LE  DUC  n'tartBOj  nodlnMiit  Fontanarta. 

lievoloL.. 

Prêt  à  réaliser,  à  la  trôs^rande  gWre  de  Dieu,  des  merveilles 
po  ur  la  splendeur  du  règne  do  rai  «nn  joaitx»,^ 

wmum  H. 
LèWrfeM,  fMk;  cpieBe  est  <aette  fonie  nfcrafOB^^ 

ner  l'empire  du  monde  à  TEspagne  ? 

FTÎÎTA'VAWÈS. 

Vue  pmssanec  îwrkidfcte,  ta  v»peiir...  Sre,  €Mi!i04n  "Wfeur, 
l'eau  veut  un  espace  bien  plus  fwnsîdéraUe  ^fle«i«8  sa  inraie  «►• 

turelle,  et  pour  le  prendre  eRe  souftverait  des  montagnes.  Mon  in- 
vention enferme  celte  force  :  la  macliine.  est  armée  de  mw»  <p>\ 


PBOLeGVK.  135 

fooettent  h  mer,  qui  rendent  un  tiarrire  rapide  comme  le  vent,  et 
cipdde  de  néuster  ans  tempête*.  Les  traversées  iteTÎpnBent  ^res, 
d'une  cê&édlé  4^m  «'a  de  Iraraes  q«e  «éans  le  jen  des  roues.  La  vie 
humaine  s'augmente  de  tout  le  temps  économisé.  Stre,  Christophe 
Colomb  vous  a  donné  un  monde  à  trois  mOle  lieues  d'ici;  je  vous 
le  mets  à  la  porte  de  Cadix,  et  vous  aorez,  Dieu  aidant,  l'empire 
de  la  men 

LÀ   REllTE. 

Vous  n'êtes  jpasébNwé,  Sire? 

PHILIPPE  II. 

L'étûnnement  est  une  louange  in  voloi^tre  qui  ne  dût  pas  éckap* 
perà  un  roL  (a  Amtaaartsj  Que  me  deoKindes-iKi? 

Ce  que  demanda  Colomb,  un  navire  et  tHKm  roi  fmxr  apectatewr 
de  rexpérience. 

PHILIPPE  II. 

Tu  auras  le  roi,  l'Espagne  et  le  monde.  On  te  dit  amoureux 
d'une  fille  de  Barcelone.  Je  dois  aller  au  delà  des  Pyrénées,  visiter 
mes  possessions,  le  Roussillon,  Perpignan.  Tu  prendras  ton  vais- 
seau à  Barcelone. 

En  me  donnant  le  vaisseau,  Sire,  voas  m'avez  fait  justice;  en 
mêle  donnant  à  Barcelone,  vous  me  faites  une  grâce  qui  change 
votre  sujet  en  esclave. 

PHoiPPB  n. 

Perdre  un  vaisseau  de  PËtat,  c'est  risquer  ta  tête.  La  loileviait 
ainsi... 

FQNTANARÈS. 

Je  le  saw,  et  j'accepte. 

PHIUPPE  II. 

£h  bien!  hardi  jeune  homme,  réussis  à  faire  aller  contre  le  vent, 
sans  voiles  ni  rames,  ce  vaisseau  comme  il  irait  par  un  l)on  vent 
Et  toi,  — ton  nom? 

FONTANARÈS. 

Alfonso  Fontanarès. 

PHILIPPE  II. 

Tu  seras  don  Alfonso  Fontanarès,  duc  de...  Neplunado,  grand 
d'Espagne... 

LE  DUC  DE  LERMB. 

Sire...  les  statuts  de  la  Grandesse 


136  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

PHILIPPE  D. 

Tais-toi»  duc  de  Lerine.  Le  devoir  d'un  roi  est  d'élever  l'homme 
de  génie  au-dessus  de  tous,  pour  honorer  le  rayon  de  lumière  que 
Dieu  met  en  lui. 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 


Sire... 

Que  veux-lu? 


PHILIPPE  II. 


LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Nous  ne  retenions  pas  cet  homme  parce  qu'il  avait  un  commerce 
avec  le  démon,  ni  parce  qu'il  était  impie,  ni  parce  qu'il  était  d'une 
famille  soupçonnée  d'hérésie  ;  mais  pour  la  sûreté  des  monarchies. 
En  permettant  aux  esprits  de  se  communiquer  leurs  pensées,  Tim- 
primerie  a  déjà  produit  Luther,  dont  la  parole  a  eu  des  ailes.  Mais 
cet  homme  va  faire,  de  tous  les  peuples,  un  seul  peuple;  et,  devant 
cette  masse,  le  saint-office  a  tremble  pour  la  royauté. 

PHILIPPE  II. 

Tout  progrès  vient  du  cieL 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Le  ciel  n'ordonne  pas  tout  ce  qu'il  laisse  faire. 

paiLippE  II. 

Notre  devoir  consiste  à  rendre  bonnes  les  choses  qui  paraissent 
mauvaises,  à  faire  de  tout  un  point  du  cercle  dont  le  trône  est  le 
centre.  Ne  vois-tu  pas  qu*il  s*agît  (k  réaliser  la  domination  univer- 
selle que  voulait  mon  glorieux  père...  (a Fontonarès.)  Donc,  grand 
d*Espagne  de  première  classe,  et  je  mettrai  sur  ta  poitrine  la  Toi- 
son-crOr  :  tu  seras  enfin  grand-maître  des  constructions  navales 
de  l'Espagne  et  des  Indes...  (a  uq  ministre.)  Président,  tu  expédieras 
aujourd'hui  même,  sous  peine  de  me  déplaire,  l'ordre  de  mettre 
à  la  disposition  de  cet  homme,  dans  notre  port  de  Barcelone,  un 
vaisseau  à  son  choix,  et.,  qu'on  ne  fasse  aucun  obstacle  à  son 
entreprise. 

QUINOLA. 

Sire... 

PHILIPPE  II. 

Que  veux-tu  T 

QUINOLA. 

Pendant  que  vouis  y  êtes,  accordez,  Sire,  la  grâce  d'an  misén 
ble  nommé  Lavradi,  condamné  par  un  alcade  qui  était  sourd. 


PROLOGUE.  137 

PHILIPPE  II. 

Ert-ce  une  raison  pour  que  le  roi  soit  aveugle  ? 

QUINOLA* 

Molgent,  Sire,  c'est  presque  la  même  chose. 

FONTANÀRÈS. 

Grâce  pour  le  seul  homme  qui  m*ait  soutenu  dans  ma  lutte. 

PHILIPPE  II,  au  ministre. 

Cet  homme  m'a  parlé,  je  lui  ai  tendu  la  main  ;  tu  expédieras  des 
lettres  de  grâce  entière... 

LA  REINE,  au  roi. 

Si  cette  homme  (eiie  montre  Fonianarès)  cst  un  de  cos  grands  inven- 
teurs que  Dieu  suscite,  Don  Philippe,  vous  aurez  fait  une  belle 
jouroée. 

PHILIPPE  II ,  &  la  reine. 

II  est  bien  difficile  de  distinguer  entre  un  homme  de  génie  et 
on  foa  ;  mais  si  c'est  un  fou,  mes  promesses  valent  les  siennes. 

QUINOLA,  à  la  marquise. 

Voici  votre  lettre ,  mais,  entre  nous,  n'écrivez  plus. 

/A  ¥A^ÇT7?E. 

Noos  sommes  sauvés. 

La  cour  fuit  le  roi  <iui  rentra. 

SCENE  Xl\. 

PONTANARÈS,  QUINOLA. 
FONTANÀRÈS. 

Je  rêve...  Duel  grand  d'Espagne  !  la  Toison-d'OrI 

QUINOLA. 

Et  ks  constructions  navales?  Nous  allons  avoir  des  fournisseurs 
à  protéger.  La  cour  est  un  drôle  de  pays,  j'y  réussirais  :  que  faut- 
il?  de  l'audace!  j'en  puis  vendre;  de  la  ruse?  et  le  roi  qui  croli 
qae  c'est  Notre-Dame-del-Pilar...  (u  rit.)  qui...  Eh  bien!  à  quoi 
donc  pense  mon  maître? 

FONTANÀRÈS. 

Allons  I 

QUINOLA. 

OÙ? 

fONTANARBt. 

àBarceloiie. 


I3H  ^^^  RBSSOIIBGBS  SB  qVUOLA. 

QUDfOUU 

Non...  au  cabaret...  SîTsmr  éd  la  cour  éMse 
coartisans,  il  me  donne  soif,  à  mm...  £t  après,  mon  glorieoz  ma! 
tre,  vous  verrez  à  FcenTre  Totre  <$iiindla  ;  car  «esmnalbvMBi  |Mi  : 
entre  la  parole  da  prince  et  le  succès,  noas  rencontrerons  autant 
de  jaloux,  de  dhicaniers,  d'ergoteurs,  de  mdvefflants,  -d'aûniK 
crochus,  lapaces,  Yoraces,  écnmeurs  de  gi^ces,  yos  chareDr';7; 
enfin!  que  nous  en  avons  trouvés  entre  vous  die  nL 

FONTANARèS. 

Et  pour  obtenir  Marie,  il  faut  réussir. 

QUmOLà. 

Kl  pour  nous  donct 


FIN   I^L  PB^LCaDI. 


A€T£   PREMIER 


lA  SCftNB   SE  PASSE  A  BARCELONE. 


y 


le  Ib^lRieiaséseDtB  me  idAce  pnbll^e.  A  i^mche  dn  speetatenr,  det  maftons  pannl 
leiqoAes  est  celle  de  Xothnndfaz  qni  dit  encoignure  de  rae.  A  droite,  m  tronye  le  pa- 
lais où  loge  madame  Brancadori,  dont  le  balcon  fait  face  au  spertalewM  tone.4l» 
entre  par  Pangle  du  palais  à  droite  et  car  l'angle  de  la  maison  de  LoUiundiai. 

AateTer  du  rideau  il  flilt  encore  nuit:  mais  lejoar  va  poindre. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

MONIPODIO ,  enveloppéitoxiB  un  maotean,  assis  jous  le  balooi  do  palais  BranetdflrL 
QDINOLA  se  gMsse  avec  des  précautions  de  Tolenr,  et  drôle  Monipodio. 

MOIUPODIO. 

Qui  marcbe  ainsi  dans  mes  souliers? 

QUDfOLA^  déguenillé  comme  &son  entrée  au  prologat. 

Un  gentilhomme  qui  n'en  a  plus. 

HONIPOOIO. 

On  dirait  h  voix  de  Lavradi. 

QUUCOtA. 

Monipodiol...  Jeté  croyais...  pendu. 

MONIPODIO. 

7e  te  croyais  roue  de  coups  eu  Afriquei. 

QUINOLA. 

Hélas  I  on  en  reçoit  partout 

VONIPOBIO. 

Ta  as  Taudace  de  te  promener  icit 

QUINOLA. 

Ta  y  restes  Men.  IMNn,  j'ai  dans  ma  T§s3le  mes  lettres  de  ^iloe. 
En  attendant  un  marquisat  et  ime  famiUe,  je  me  nomme  Quinola. 

VONIPODtO. 

A  qui  donc  as^u  \iqIK  ta  ^âce? 


140  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

QUINOLA. 

Âa  roL 

UONIPODIO. 

Tu  as  vu  le  roi?  ai le flaire.)  et  tu  sens  la  inisère..t 

QUINOLA. 

Gomme  un  grenier  de  poète.  Et  que  fais-tu  7 

Hompooio. 
Rien* 

QUINOLA, 

G*est  bientôt  fait;  si  ça  te  donne  des  rentes,  je  me  sens  du  goût 
|)0ur  ta  profession. 

MONIPODIO. 

J'étais  bien  incompris,  mon  ami  !  Traqué  par  nos  ennemis  po- 
litiques... 

QUINOLA. 

Les  corrégidors,  alcades  et  alguazils. 

MONIPODIO. 

Il  a  fallu  prendre  un  parti. 

QUINOLA. 

Je  te  devine  :  de  gibier,  tu  t'es  fiait  chasseur! 

MONIPODIO. 

Fi  donc  î  je  suis  toujours  moi-même.  Seulement,  je  m'entends 
avec  le  vice-roi.  Quand  un  de  mes  hommes  a  comblé  la  mesure,  je 
lui  dis  :  Ya-fen  !  et  s'il  ne  s*en  va  pas,  ah  !  dame  !  la  justice...  Ta 
comprends...  Ce  n'est  pas  trahir? 

QUINOLA. 

C'est  prévoir.  •. 

MONIPODIO. 

Oh  !  tu  reviens  de  la  cour.  Et  que  veux-tu  prendre  ici? 

QUINOLA. 

Écoute  7  (A  part.)  Yoilà  mon  homme,  un  œil  dans  Barcelone.  (HAut) 
D'après  ce  que  tu  viens  de  me  dire,  nous  sommes  amis  comme.  •• 

MONIPODIO. 

Celui  qui  a  mon  secret  doit  être  mon  amL.. 

QUINOLA. 

Qu'attends-tu  là  comme  un  jaloux  7  Viens  mettre  une  outre  à  sec 
et  notre  langue  ao  frais  dans  un  cabaret  :  voici  le  jour... 

MONIPODIO. 

^e  vois-tu  pas  ce  palais  éclairé  par  une  fête  7  Don  Frégose,  mon 
vice-roi,  soupe  et  joue  chez  madame  Faustina  Brancadorl 


AGTB  L  141 

QUINOIA. 

EaTénitien,  Brancador.  Le  beau  nom  I  Elle  doit  être  veuve  d'an 

patricien. 

HONIPODIO. 

Vingt-deux  ans,  une  comme  le  musc,  gouvernant  le  gouver*. 
leur,  et  (ceci  entre  n#us)  Tayant  déjà  diminué  de  tout  ce  qu*il  a 
ramassé  sous  Charles-Quint  dans  les  guerres  d'Italie.  Ce  qui  vient 
de  la  flûte... 

QUINOLA. 

A  pris  Tair.  L'âge  de  notre  vice-roi  ? 

MONIPODIO. 

Il  accepte  soixante  ans.  « 

QUINOLÂ. 

Et  Ton  parle  du  premier  amour  !  Je  ne  connais  rien  de  terrible 
comme  le  dernier,  il  est  strangulatoire.  Suis-je  heureux  de  m*être 
élevé  jusqu'à  TindifTérence ?  Je  pourrais  être  un  homme  d'État... 

UONIPODIO. 

Ce  vieux  général  est  encore  assez  jeune  pour  m'employer  à  sur- 
Teiller  la  Brancador  ;  elle,  me  paye  pour  être  libre  ;  et . .  comprends- 
ta  comment  je  mène  joyeuse  vie  eu  ne  faisant  pas  de  mal? 

QUINOLA. 

Et  tu  tâches  de  tout  savoir,  curieux,  pour  mettre  le  poing  sous 
la  gorge  à  l'occasion.  (Monipodio  foit  un  signe  amnnatit)  Lothundiaz  existe- 
t-il  toujours  7 

HONIPODIO. 

Voilà  sa  maison,  et  ce  palais  est  à  lui  :  toujours  de  plus  en  plus 
propriétaire. 

QUINOLA. 

J'espérais  trouver  l'héritière  maîtresse  d'elle-même.  Mon  mattre 
est  perdu? 

MONIPODIO. 

Tu  rapportes  un  maître  7 

QUINOLA* 

Qui  me  rapportera  plusieurs  mines  d'or. 

HONIPODIO. 

Ne  ponnais-je  entrer  à  son  service  7 

QUmOLA. 

Je  compte  bien  sur  ta  collaboration  icL..  Écoute,  Monipodio 7 
nous  revenons  changer  la  face  du  monde.  Mon  mattre  a  promis  an 
loi  de  faire  marcher  un  des  plus  beaux  valsseaax,L  m»  voiles»  ni 
rames,  contre  le  vent,  plus  vite  que  le  vent. 


1143  LE^  RESSOUBCia  DE  QUINOLA. 

MONIFOOIOj  après  «mk  iMmé  autour  de  Quluola. 

Oé  m^  ckaq;è  WNi  amL 

QUINOLÀ. 

Mooipodio,  souviens -toi  qae  des  hommes  comme  nous  ne  doi- 
•fenf  s'étonner  de  rien.  C^est  petites  gens.  Le  rat  bow  a  dotnaê  le 
fansestu,  mais  sans  m  donbioii  peur  FaDér  elievcfaer;  mom»  am- 
vons  donc  ici  avec  les  ésvtx  fidèles  compagnons  chi  talena  :  la  êmb 
et  la  soit  Un  homme  pauvre,  qui  trouve  une  bonne  îdKe,  m*a 
toujours  fait  l'effet  d'un  morceau  de  pain  dans  un  vivier  :  chaque 
poisson  vient  lui  donner  un  coup  de  dent  Nous  pourrons  arriver 
à  la  gloire,  nus  et  mourants. 

HONUODIO. 

Ta  ea  dana  le  vraL 

QunroLA. 

A  Yailadolid,  un  matin,  mon  maître,  fas  du  combat»  a  faflS  par- 
tager avec  un  savant  qui  ne  savait rîen...  je  vous  Tai  mis  à  la  porte 
avec  une  proposition  en  lM)is  vert  que  je  lui  ai  démontrée,  et  vive - 


HONIPODia. 

Mais,  comment  pourrons-nous  gagner  honnêtenenl  me  for- 
tune? 

OunroLA. 

Mon  mafcre  est  amoureux.  L'amour  finf  fùrt  anfant  éc  sotâses 
que  de  grandes  choses;  Fontanarès  a  fait  les  grandes  choses,  il 
pourrait  bien,  faire  les  sottises.  Il  s*agit«  à  nous  deux,  de  protéger 
notre  protecteur.  D'abord,  mon  maître  est  un  savant  qui  ne  sait 
pas  compter... 

HOHffOMOu 

Oh  I  prenant  un  maître,  tu  l'as  dû  choisir... 

QUIKOUL. 

Le  dévouement,  l'adresse  valent  mieux,  ponx  hiLqiDe  rargeat  et 
la  faveur;  car  pour  lui  la  faveur  et  l'ai^gent  seront  des  trébuchets. 
Je  le  connais;  il  nous  dmnera  ou  nous  binevai^BaBdcft  éà  quoi 
finir  nos  jours  en  honnêtes  guML 

MOIliVOMa. 

Eh  I  voilà  mon  rêve. 

tmiiOftA. 

D^pbyras  donc,  pipor  «ae  grande  eau^dsOr  bm  talents  lus- 
qpt'ÎGî  foânoiéft*.  KwsanrîiQft  Uea  du  malhii»  à  kdiable  a*en 
fâchait. 


^M  1.  143 


rebandier  :  je  tope. 

Ta  ne  dois  pas  avoir  rompu  avec  Tateliar  deiftiiK  moBiisyeui» 
et  nos  oanierB  en  serrurerie. 

HONIPOmO. 

Damef  dans  riatérêt  de  l'Etat... 

aunroLÀ. 
Ion  maître  Ta  faire  construire  sa  oiachiiie,  j^dtnni  lies  mudMès 
cle  chaque  pièce,  nous  en  fabriquerons  une  ieoonde.«« 

HOUIPODIO. 

Quinola? 

QUniOLA. 
Eh  bien?  (PtqjDlta  te  montre  au  balcon.) 

uonpoma 
Tu  es  le  grand  bonnner 

QUCfOLA. 

Jefesas  bieifc  Ihfente,  ef  tu  mourras  persécute  comme  un  cri- 
minel; copie,  et  tu  vivras  heureux  comme  un  sctî  Et  d'ailleirre,  si 
Fontaoarès  périssait,  pourquoi  ne  sauverais-je  pas  son  invention 
pour  fe  l)onheur  de  l'humaitilê  f 

HONIFODIO. 

D'autant  plus  que,  selon  un  vieil  auteur,  nous  sommes  l'huma- 
oité...  Il  faut  que  je  t'embrasse.^. 


Q1II50LA,  à  part. 

Après  une  dupe  honnête  je  ne  sais  rien  de  meilleur  qu'un  fri- 
pon qui  s'abuse. 

PionrA» 
Deux  amis  qui  s'embrassent,  ce  ne  sont  pas  donc  des  espions... 


7o  «  «9à  dav  ki  dmnMdB  liNM^èuili  pntede  la 
Brancador.  Ça  va  bieni  Fais  un  miracle!  habille-nous  d'abinfe 
puis,  si  nous  ne  trouvons  pa»  fe  wms  deux,  en  consultant  un  fla- 


Iftk  LES  RESSOURCES  DE   QUINOLA. 

Marie  Lothundiaz,  je  ne  réponds  de  rien...  Il  ne  me  parle  que 
d'elle  depuis  deux  jours,  et  j*ai  peur  qu'il  n'extravague  tout  à  fait. . . 

MONIPODIO. 

L'infante  est  gardée  comme  un  homme  à  pendre.  Voici  pour- 
quoi. Lothundiaz  a  eu  deux  femmes  :  la  première  était  pauvre  el 
lui  a  donné  un  fils.  La  fortune  est  à  la  seconde,  qui  en  mourant  a 
laissé  tout  à  sa  fiUe,  de  manière  à  ce  qu'elle  n'en  puisse  être  dé- 
pouillée. Le  bonhomme  est  d'une  avarice  dont  le  but  est  l'avenir 
de  son  fils.  Sarpi,  le  secrétaire  du  vice-roi,  pour  épouser  la  riche 
héritière,  a  promis  h  Lothundiaz  de  le  faire  anoblir,  et  s'intéresse 
énormément  à  ce  ûls... 

QUINOLA. 

Bon!  déjà  un  ennemi.. 

MONIPODIO. 

Aussi  faut-il  beaucoup  de  prudence.  Ecoute,  je  vais  te  donner 
un  mot  pour  Mathieu  Magis,  le  plus  fameux  Lombard  de  la  ville 
et  à  ma  discrétion.  Vous  y  trouverez  tout,  depuis  des  diamants  jus- 
qu'à des  souliers.  Quand  vous  reviendrez  ici,  vous  y  verrez  notre 
infante. 

SCÈNE  m. 

PAQUITA,  FAUSTINK. 
PAQurrA. 

Madame  a  raison,  deux  hommes  sont  en  vedette  sous  son  bal- 
con, et  ils  s'en  vont  en  voyant  venir  le  jour. 

FAUSTIXE. 

Ce  vieux  vice-roi  finira  par  m'ennnyerl  il  me  suspecte  encore 
chez  moi  pendant  qu'il  me  parle  et  me  voit 

SCÈNE  IV. 

FAUSTINK,  DON  FRfiGOSB. 
DON  FBÉ608B. 

Jadame,  voai  risqœz  de  prendre  un  rhume  t  il  fiiit  id  trop 
frais... 

FAU8I1JU. 

Tenez  ici»  MonaeigDeiir..  Voua  a?eafoi»^diies*voQ8».ea  moi;  mais 


ACTB  L  iU 

TOUS  mettez  Monipodio  sous  mes  fenêtres.  Cette  excessive  prndenct 
D*est  pas  d'un  jeune  homme  et  doit  irriter  une  honnête  femme.  Il 
y  a  deux  sortes  de  jalousies  :  celle  qui  fait  qu'on  se  défie  de  sa 
maîtresse,  et  celle  qui  fait  qu'on  se  défie  de  soi-même;  tenez- 
roos-en  à  b  seconde. 

DOH  niiGOSB. 

Ne  couronnez  pa»,  MadamOr  une  si  beUe  fête  pur  une  querelle 
que  je  ne  mérite  point 

PÀUSTINI. 

Monipodio,  par  qui  tous  voyez  tout  dans  Barcelone,  était-il  sous 
mes  fenêtres ,  oui  ou  non?  répondez  sur  votre  h<mneur  de  gentil» 
homme. 

DOH  FRiSCOSI. 

n  peut  se  trouver  aux  environs,  afin  d'empêcher  qu'on  ne  fasst 
on  méchant  parti  dans  les  rues  à  nos  joueurs. 

FADSTINX. 

Stratagème  de  vieux  général  I  Je  saurai  la  vérité.  Si  vousm'avei 
trompée,  je  ne  vous  revois  de  ma  vie!  (nieie  uim:) 

SCÈNE  y. 

DON  FRÉGOSK,  wol. 

Aht  pourquoi  ne  pnis-je  me  passer  d'entendre  et  de  voir  cette 
femme.  Tout  d'elle  me  plaît,  même  sa  colère,  et  j*aime  à  me  faire 
gronder  pour  l'écouter. 

SCÈNE  VI. 

PAttDITA,  MONIPODIO,  en  Mn  on^tew.  DOUA  LOFEZ. 

TAQurrA. 
Madame  me  dit  de  savoir  pour  le  compte  de  qui  Monipodio  se 
trouve  là,  mais...  je  ne  vob  plus  personne. 

MONIPODIO. 

L'aumtae,  ma  chère  enfant,  est  un  revenu  quVm  se  fait  dans 
ledeL 

PAQUITA. 

Je  n'ai  rien. 

Tlï.  iO 


146  LES  RESSOUBCEA  tlR  QUINOUL 

Eh  Ucn  !  fymucittes-Didi  qnfftqiie  choso^ 
CSe  frère  €rt  MoDJovM. 

MONIPODIO. 

EDe  oe  me  reconnaît  paa,  je  pois  ne  risquer. 

PAQUITA. 

Ah  I  si  TOUS  comptez  sur  les  restes  de  notre  propriétaire,  vous  se- 
liez jifais /riche  aiiefi  jBt  proinesse.  {Ait^uMciitfiar.^iaiMmiiflvjfMaDBj 
Itta^ajneu  les  iMMBUoes  Mont  parti& 

SCÈNE  tH, 

]|01IIPOJ>IO,  I>OJSA  LÛPEZ; 

Que  voulez-vous? 

MONIPODIO. 

Les  frères  de  notre  Ordre  ont  eu  des  nouveOes  de  fotre  chei 
Lopez... 

DONA  LOPBZ. 

Il  vivrait? 

MONIPOD.IO. 

Dû  looDAiittnt  Ji  eeiDrite  Marie  au  ceaveU  to  nemliiinins, 
iiÉtes le  to V ée la fdaee^  vonsf  verrcmm  JMMHae  éokappé 4*ii- 
ger  qui  vous  parlera  de  Lopez. 

DOXA  LOPEZ. 

Bonté  du  del,  pourrai-je  le  racheter? 

noinpoMo. 
Sachezd'abordàquoi.vous  en  tenir  âur  son  coiqpte:8*Jl  était., 
musulman? 

DOMA  XOPBZ. 

JMqb  ckber  ÏMjfenlj»  vais  laine  dépécher  la  jeaerittL 

SCËNfi  YIU. 

VORIPODIÔ,  QUmOLA,  FONTANAKtS. 

FOlfTATfÂRiS. 

Enfin,  Qumola,  nous  voilà  sous  ses  feoétrei. 


ACTE  I.  147 

QUINOU. 

£h  bieni  où  donc  est  MoDipodille,  se  serait-il  laissé  berner  par 
la  daègne?  (a  regarde  le  frète.)  SeigoeuT  pauvre 7- 

«OmiDMO. 
TMUUOL 

QUINOLA. 

Sangodémi,  quelle  perfection  de  guenserie?  Titien  te  peindraiu 
(FrtiMrtij  Elle  va  venir,  (a  vompoiie^)  Gomnent  le  tixMtves-ui? 

JiOlilFODiO* 

Bien. 

QUINÛLA. 

Il  sera  grand  d'Espagne. 

MONIPODIO» 

ObL.«  il  eat  encore  bien  mieux.- 

QUINOI^ 

Sortout,  Monsieur,  de  la  prudence»  n'allez  pas  vous  livrer  k  de 
hélas!  qui  pourraient  faire  ouvrir  les  yeux  à  la  duègne. 

SCÈNE  IX. 

»•  MtekMMU,  MNA  LOPJSZ,  MARIK. 

JIOKUPODIO^  à  la  doèfoe,  en  lui  moDtaaiit  QuUuda. 

Veilà  le  chrétien  qui  sort  de  captivité. 

QUIHOLA,  à  la  duègne. 

Abl  Madame,  je  vous  reconnais  au  portrait  que  le  seigneur  Lo*    . 
pez  me  faisait  de  vos  cJiarmes...  (u  remmtacu) 


SCÈNE  X. 

MONIPODIO,  MARIE,  FONTANARtS. 
HARII. 


V 


Eit-cebiealoiT 

iORTAHARte. 

Oui,  Marie,  et  f  ai  réossl,  nom  iemis  heorenx. 


Aht  8i  vous  saviez  combisB  j'ai  piié  pour  votre  auceèsl 

FOmAKAftàB. 

J'ai  des  millions  de  choses  à  «ons  dira;  mA  il  m  eHiine  qœ 


iil8  I£S  RESSOURCES  DE  QUHBOLA. 

je  deirrais  yous  dire  un  million  de  fois  pour  tout  le  temps  de  mon 
absence. 

MARIB. 

■  ^  Si  vous  me  pariez  ainsi,  je  croirai  que  tous  ne  savez  pas  quel 
est  mon  a^acliement  :  il  se  nourrit  bien  moins  de  flatteries  que  de 
tout  ce  qui  vous  intéresse. 

I  FONTANÂR^. 

Ce  qui  m'intéresse,  Marie,  est  d'apprendre,  avant  de  m'engager 
dans  une  affaire  capitale,  si  vous  aurez  le  courage  de  résister  ' 
votre  père,  qui,  dit- on,  veut  vous  marier. 

MARIE. 

Ai-jedonc  changé? 

FONTANARÈS. 

Aimer,  pour  nous  autres  hommes,  c'est  craindre  I  vous  êtes  si 
riche,  je  suis  si  pauvre.  Ou  ne  vous  tourmentait  point  en  me 
croyant  perdu,  mais  nous  allons  avoir  le  monde  entre  nous.  Vous 
êtes  mon  étoile  !  brillante  et  loin  de  moi«  Si  je  ne  savais  pas  vous 
trouver  à  moi  au  bout  de  ma  lutte,  oh  !  malgré  le  triomi^,  je 
mourrais  de  douleur. 

MARIE. 

Vous  ne  me  connaissez  donc  pas  ?  Seule,  presque  recluse  en  votre 
absence,  le  sentiment  si  pur  qui  m'unit  à  vous  depuis  l'enfance  a 
grandi  comme...  ta  destinée!  Quand  ces  yeux  qui  te  revoient  avec 
tant  de  bonheur  seront  à  jamais  fermés  ;  quand  ce  cœur  qui  ne 
bat  que  pour  Dieu,  pour  mon  père  et  pour  toi,  sera  desséché,  je 
crois  qu'il  restera  toujours  de  moi  sur  terre  une  âme  qui  t'aimera 
encore!  Doutes-tu  maintenant  de  ma  constance? 

FONTANARÈS. 

Après  avoir  entendu  de  telles  parofest  qtiel  martyre  n'endurerait* 
on  pas  I 

,  SCÈNE  XI. 

h 

II  riAcÉDBMTt,  LOTHUNDIAX. 


; 


umnniDiAS. 
Cette  duègne  laisse  ma  porte  ouverte... 

■ONIPOOIO,  à  Dut. 

Oh  I  ces  pauvres  enfants  sont  perdus  '....(  a  lotbonuai.)  L'aamdiie 
est  un  trésor  qu'on  s'amasse  dans  le  deL 


ACTE  L  1^9 

LOTHUNDIAZ. 

Travaille,  et  ta  t'amasseras  des  trésors  ici-bas.  (ni«garde.)  Je  ne 
«ois  point  ma  fille  et  sa  duègne  dans  leur  chemin, 

(Jeu  de  icène  entre  tfonlpodlo  «(  Lothundlai.) 
MONIPOOIO. 

L'Espagnol  est  généreux. 

LOTHUNDIAZ. 

£h!  laisse-moi,  je  saisi  Catalan  et  suis  soupçonneux,  m  aperçoit  m 
fille  et  Fontaiiai^s.)  Que  Tois-je?...  ma  fille  avec  un  jeune  seigneur. 
(Il courte  eux)  On  a  beau  payer  des  duègnes  pour  avoir  le  cœur  et 
les  yeux  d*une  mère,  elles  vous  voleront  toujours,  (k  sa  aiiej  Gom- 
meot,  Marie,  vous,  héritière  de  dix  mille  sequins  de  rente,  vous 
parlez  à...  Ai-je  la  berlue?...  c'est  ce  damné  mécanicien  qui  n'a 

pas  an  maravédis.  (Uonlpodlo  Citt  des  signes  à  QuInOU.) 

MARIE. 

Alfonso  Fontanarès,  mon  père,  n'est  plus  sans  fortune,  il  a  vu 

leroL 

lothundiaz. 
Je  plains  le  roi 

FONTÂXARÈS. 

Seigneur  Lothondiaz,  je  puis  aspirer  à  la  main  de  TOtre  belle 
Marie. 

LOTFUXDIAZ. 

Ah!... 

FONTANARÈS. 

Accepterex-vous  pour  gendre  le  duc  de  Neptunado,  grand  d'Es- 
pagne et  favori  du  roi  ?  (Lontbundiaz  cb;^rclie  autour  de  lui  le  due  de  Neptunado.) 

-    MARIE. 

Mais  c'est  loi,  mon  père. 

LOTHUNDIAX. 

Toi  I  qoe  j'ai  vu  grand  comme  ça,  dont  le  père  Tendait  du  drap^ 
me  prends-ta  poar  un  nigaud? 

SCÈNE  XIL 

LU  MÉMBS,  Ql^INOLA,  DONA  LOPKZ. 
QUINOLA. 

Qui  a  dit  nigaud? 

FONTANARÈS. 

Pour  cadeaa  de  noces,  je  vous  ferai  anoMir,  et  ma  femme  et 


150  LES  ressovugbs  de  quinola. 

moi,  nous  tous  laisserons  consiitoer,  sur  sa  fortune,  on  majorât 
pour  votre  fib..* 


^     Ebbiettl  mon  père  t 

}  Oftmfotju 

'    Eh  bien  I  Monsieur  7 

iCmtTErDlAZ» 

Obi  c'est  ee  brigMd  de  Latradi. 

({inNOLA. 

Mon  mettre  a  fait  reeoonaftre  mon  inneeeiice  par  le  loL 

lOTHUNDUZ* 

M'anid)iir  est  abcs  chose  bien  moins  difficile»*. 

Àbl  vovs  croyez  qu'un  bourgeois  deyient  grand  seignenr  tvee 
les  patentes  du  roi?  Voyons.  Fignrez-vôus  que  je  suis  marquis  de 
liivradi.  Mon  cher»  prlt&*ffloi  cent  dncatst 

LOTHUNOIAZ. 

Cent  coups  de  bâton  I  Cent  ducats?...  le  revenu  d'une  terre  de 
deux  m'dle  écus  d*or. 

OOTNOLl. 

Là!  voyez-Tous?...  Et  ça  veut  être  noble!  Antrp  chose.  Comte 
Lothundiaz,  avancez  deux  mille  écus  d*or  à  votre  gendre,  pour 
qu'il  puisse  accomplir  ses  promesses  au  roi  d'Espagne. 

LOTHUNDIAZ.  &  Footanarte. 

Et  qu'as-tn  donc  promis? 

FONTANARÈS. 

Le  roi  d'Espagne,  instruit  de  mon  amour  pour  votre  fille,  vient 
à  Barcelone  voir  marcher  un  vaisseau  sans  rames  ni  voiles»  par  une 
machine  de  mon  invention»  et  nous  mariera  lui-même. 

XOTHUNDIAZ^  &  part. 

Us  veulent  mç  berner.  (Haut.)  Tu  feras  marcher  les  vaisseaux 
tout  seuls,  je  le  veux  bien,  j'irai  voir  ça.  Ça  m'amusera.  Mais  je 
ne  veux  pas  pour  gendre  d'homme  à  grandes  visées.  Les  filles  éle- 
vées dans  nos  familles  n*ottt  pas  besoin  de  prodiges,  mais  d'un 
homme  qui  se  ré^igae  à  s'occuper  de  son  ménage,  et  non  des  af- 
faires du  sdeil  et  de  la  lune.  Être  bon  père  de  famille  est  le  seul 
prodige  que  je  veuille  en  ceci. 

PONTANARÈS. 

A  l'âge  de  douze  ans,  votre  fiUe^  Seigneur,  m'a  souri  comme 
Biatrix  ài>ante.  Enfiuii«  tUe  a  vu  d'abord,  m  fsère  en  nioà;  puis, 


ACTE  I.  151 

quand  nous  nous  sommes  sentis  séparés  par  la  fortune,  elle  m*a 
YacûBcevant  rentrepdse  hardie  de  combler  cette  distance  à  force 
de  gloire.  Je  suis  allé  pour  elle  en  Italie,  étudier  t>^*  Galilée. 
Elle  a,  la  première,  applaudi  à  mon  œuvre,  elle  Ta  cooiprisef  elTe 
a  épmafc  ma  pensée  afant  de  m'épooser  moi-même  ;  elle  est  ainsi 
deveime  po«r  moi  le  monde  entier  ;  comprenez-vous  maintenant 
comUoi.  jf^  l'idoUtn  ? 

LOTHUKDIAZ. 

Et  c'est  justement  pour  cela  que  je  ne  te  fa  donne  pas  f  Dans 
dix  ans,  elle  serait  abandonnée  pour  quelque  autre  découveste  à 
faire... 

HABIB.. 

Quitte-t-on,  mon  père,  un  amour  qui  a  fait  faire  de  tels  prodiges  ? 

lOTHUHDUZ. 

Ooi,  quand  il  n'en  fait  plus. 

HAIIIS* 

S'il  devient  duc,  grand  d'Espagn^^  el  ricbftl.^ 

lognvmaAz. 
Si!  si!  si!...  Me  prends-tu  pour  un  imbéctetie^ci  sont  les 
chevaux  qui  mènent  à  l'hôpital  ton»  ces  prétendus  découvreurs  de 

mondes. 

Sfais  volcf  les  lettres  par  lesquelles  le  roi  me  donne  m  vanneau. 

QunmiA. 

Ouvrez  donc  les  yeux  I  Mon  mâSfre*  est  à  la  fois  homme  de  gé- 
nie et  joli  garçon;  le  génie  vous  offusque  et  ne  vaut  rien  en  mé- 
nage, d'accord;  mais  il  reste  le  joli  garçon  :  que  faut-il  de  plus  à 
nne  fille  pour  être  heureuse  7 

LOTHUNDIAZ. 

Le  bonheur  n'est  pas  dans  ces  extrêmes.  Joli  garçon  et  homme 
de  génie,  voilà  deux  raisons  pour  dépenser  les  trésors  du  Mexique. 
Ma  fille  sera  madame  SarpL 

sc£ne  UII. 

Uf  ■ÉKa%  SiinPi  nr  le  balcon. 
Sàftfly  à  ptrC 

Ona  pronoBoi  mon  no»^  Que  vois-je!  l'héritière  et  son  père, 
à  cette  heure,  sur  la  place  ! 


152  LES  RESSOURCES  DE  QUDIOLiL 

LOTHUNDIAZ, 

Sarpi  n'est  pas  allé  chercher  an  vaisseau  dans  le  port  de  Yalla- 
dolid,  il  a  fait  avancer  mon  fils  d*un  grade. 

FONTÀNÀRÊS. 

Par  l'avenir  de  ton  fils,  Lothandiaz,  ne  t'avise  pas  de  diqx»er 
^e  ta  fille  sans  son  consentement;  elle  m'aime,  et  je  l'aime.  Je  se- 
rai dans  pen  csarpi  pantu  l'un  des  hommes  les  plus  considérables  de 
TEspagne,  et  en  état  de  me  venger.  •• 

MARIB. 

Oh!  contre  mon  père? 

FONTANARÈS. 

Eh  bien  I  dites-lui  donc,  Marie,  tout  ce  que  je  fais  pour  vous 
mériter. 

SAftPI. 

Un  rival? 

QUINOLA,  à  LolbandUtB. 

Monsieur,  vous  serei  damné. 

LOTHUNDIAZ. 

D'où  sais-tu  cela? 

QUINOLA. 

Ce  n'est  pas  assez  :  vous  serez  volé,  je  vous  le  jure. 

LOTHUNDUZ. 

Pour  n'être  ni  volé,  ni  damné,  je  garde  ma  fille  à  un  hoomie 
qui  n'aura  pas  de  génie,  c'est  vrai,  mais  du  bon  sensi.. 

FONTANAEiS. 

Attendez,  du  moins, 

SARPI. 

Et  pourquoi  donc  attendre? 

QUINOLA,  A  Konlpodio. 

Qui  est-ce? 

MONIPODIO. 

SarpL 

QUINOLA. 

Quel  oiseau  de  proie! 

MOXIPODIO. 

Et  difficile  k  tuer,  c'est  le  vrai  gouverneur  de  Catalogne. 

LOTHUNDIAZ. 

Salut,  monsieur  le  secrétaire!  (a Fontaurti.)  Adieu,  mon  cher, 
votre  arrivée  est  une  raison  pour  moi  de  presser  le  mariage,  (a  luriej 
Allons,  rentrez,  ma  fille,  (a  la  duègne.) Et  vous,  sorcière,  vous  allez 
avoir  votre  comote. 


ACTE  L  i5S 

SARPI^  Il  Lottaundiai. 

Cet  hidalgo  a  donc  des  prétentions? 

PORTANARÈS^  &  Sarpl. 
Ottdroitsl  (lUrte.Iadiligiit.LrtIiaiidiMiortaDU 

SCÈNE  XIY. 

MONIPODIO,  SARPI,.FOMTANARËS,  QUINOLA. 

« 

SARPI. 

Des  droits 7...  Ne  savez- vous  pas  que  le  neveu  de  Fra-Paolo 
Sarpi,  parent  des  Brancador,  créé  comte  an  royaume  de  Naples, 
secrétaire  de  la  vice-royauté  de  Catalogne,  prétend  à  la  main  de 
Marie  Lothundiaz?  En  se  disant  y  avoir  des  droits,  un  homme 
fait  une  insulte  à  elle  et  à  moi. 

FONTANARÈS. 

Savez-vous  que,  depuis  cinq  ans,  moi,  Alfonso  Fontanarès»  k 
qui  le  roi,  notre  maître,  a  promis  le  titre  de  duc  de  Neptuna^o, 
la  grandesse  et  la  Toison-d'Or,  j'aime  Marie  Lothundiaz»  et  que 
vos  prétentions  \  l'encontro  de  la  foi  qu'elle  m'a  jurée,  seront,  si 
vous  n'y  renoncez,  une  insulte  et  pour  elle  et  pour  moi? 

SARPI. 

Je  ne  savais  pas.  Monseigneur,  avoir  un  si  grand  personnage 
pour  rival  £h  bieni  futur  duc  de  Neptunado,  futur  grand,  futur 
clievalier  de  la  Toison-d'Or,  nous  aimons  la  même  femme;  et  si 
vous  avez  la  promesse  de  Marie,  j'ai  celle  du  père;  vous  attendez 
des  honneurs»  j'en  aL 

FONTAHARiS. 

Tenez»  restons-en  là.  Ne  prononcez  pas  un  mot  de  plus»  ne 
vous  permettez  pas  nn  regard  qui  puisse  m'offenser...  vous  seriez 
nn  lâche.  Eussé-je  cent  querelles»  je  ne  veux  me  battre  avec  per- 
sonne qu'après  avoir  terminé  mon  entreprise»  et  ré|.H>ndn  par  le 
succès  à  l'attente  de  mon  roi.  Je  me  bats  en  ce  moment  seul  contre 
tous.  Quand  j'en  aurai  fini  avec  mon  siècle,  vous  me  retrouverez... 
près  du  roL 

SARPI, 

Ohl  nous  ne  nous  quitterons  paii 


156         LES  RESSOUAGKS  M  QUINOUL 

SCÈNE  XV. 

m  atm,  FAQ8TIKE,  DON  FRÉGOSE,  PAQUITA. 
FAKWIRE^  A  brteon. 

Que  se  passe-^t-il  donc,  Monseigneur,  entre  ce  jeune  homme  et 
votre  secrétaire?  descendons. 

QUINOLà,  1  Honlpodlo. 

Ne  trouves-tu  pas  que  n^on  homme  a  surtout  le  talent  d'attirer 
la  fondre  sur  sa  tête? 

MONIFOmO. 

n  la  porte  si  haut! 

SARPI^  &  don  Frégose. 

Monseigneur,  il  arrive  en  Catalogne  un  homme  comblé ,  dans 
l'avenir,  des  faveurs  du  roi ,  notre  maître ,  et  que  Votre  Excel- 
lence, selon  mon  humble  avis,  doit  accueiDir  comme  il  le  mérite. 

OOlf  FRÉGOSB^  à  Fontanares. 

De  quelle  maison  étes-voos  ? 

FOirrAlTABÊS^  à  part. 

€k)mbiefl  de  sourires  semblables  n'aî-je  pas  déjà  dévorés.  (Haut.) 
Excellence,  le  roi  ne  me  Ta  pas  demandé.  Voici  d'ailleurs  sa  lettre 

et  celle  de  ses  ministres...  (U  remet  un  i>aqaet.) 

FAUSriNB^  àPaqulta. 

Cet  homme  a  Pair  d'an  rof. 

PAQurrA. 
D'un  roi  qui  fera  des  conquêtes. 

FAUSTINE^  reoomtérisaaBe  Honlpodlo. 

MeolpoAol  stis-tn  qvel  est  cet  homme? 

HO!IIPO»IO. 

Un  kMimino  qui  va,  A^-mi,  boderener  le  mondft 

Aàl  voiËiéMie  €i  iMBeuc  iaventeur  d»nl  <m  n'i  laflC  paA 

«OKironio. 
Et  void  son  valet 

DON  fntoosB. 
Tenez,  Sarpi,  void  la  lettre  im  niniMB»  jir0vd»oiUidBCQi. 
(A  itontanarèa.)  Eh  bien  I  mon  garçon,  la  lettre  du  roi  me  semUe  po- 
sitive. Vous  entreprenez  de  réaliser  l'impossible  I  Quelque  grand 
que  vous  vous  lassiez,  peut-être  devriez-vous,  dans  cette  affaire, 


ACTE  L  155 

prendie  les  conseils  de  don  RaaMm,  un  savant  de  Catalogne,  qui, 
dans  cette  partie,  a  écrit  des  traités  fort  tstàméi^»»* 

F01ITANARÈS. 

En  ceci,  Excellencet  les  pius  belles  dissertoliOD»  dn  moade  ne 
valent  pas  l'œuvre. 

SOV  FRiGOSB.^ 

Quelle  présomption!  (a  sarpi.)  Sarpi,  vous  mettrez  à  b  dispoflitioa 
du  cavalier  que  voici  le  navire  qu'il  dboisira  dans  le  port 

Êtes-vous  bien  sûr  <jpie  le  roi  le  veuille  ? 

DON  FRÉGOSE. 

Nous  verrons.  En  Espag^e,  il  faut  dire  ua  Pater  entie  chaque 
pas  qu'on  fait 

SARPI. 

On  nous  a  d'ailleurs  écrit  de  Yalladolid. 

FAUSTINEy  auvlce-TOl. 

De  quoi  s'agit-il? 

DON  FRÉGOSB. 

Oh!  d'une  chimère. 

FAUSTINE. 

Eh  !  mais,  vous  ne  savez  donc  pas  que  je  les  aime? 

DON  FRÉGOSE. 

D'une  chimère  de  savant  que  le  roi  a  prise  au  sérieux,  à  cause 
du  désastre  de  l'Armada.  Si  ce  cavalier  réussit,  nous  aurons  la 
cour  à  Barcelone. 

FAUSTINE. 

Mais  nous  lui  devrons  beaucoup. 

DON  FRÉGOSE^  &  Faustine. 

Vous  ne  me  parlez  pas  si  gracieusement,  à  moi  !  (Haut.)  H  s'est 
engagé  sur  sa  tête  à  fah'e  aller  comme  le  vent,  contre  le  vent,  un 
vaisseau  sans  rames  ni  voiles... 

FAUSTINB. 

Sur  sa  tête?  Oh!  mais,  c'est  un  enfant! 

SARPX. 

Et  le  seigneur  Âlfonso  Fontanarès  compte  sur  ce  prodige  pour 
épouser  Marie  Lothundlaz. 

FAUSTINE. 

Ah!  il  aime... 

QUINOLA^  tout  bas»  à  FaustiM. 

Non,  Madame,  il  idolâtre» 


156  I^S  BESSOUftCES  DE  QODIOLA. 

FAUSTINB. 

La  fille  de  Lothnndiaz! 

DO!r  FRÉCOSl. 

Yoos  TOUS  intéressé!  à  lui  bien  subitement    . 

FAUSTINB. 

Quand  ce  ne  serait  que  pour  voir  la  cour  ici,  je  souhaite  que  ce 
cavalier  réussisse.  _ 

DON  FRAgOSB. 

Madame,  ne  voulez-vous  pas  venir  prendre  une  collation  k  la 
villa  d'AvalorosT  Une  tartajie  vous  attend  au  port 

FAUSTINB. 

Non,  Monseigneur,  cette  fête  m*a  fatiguée,  et  notre  promenade 
en  tartane  serait  de  trop.  Je  n*ai  pas  comme  vous  l'obligation  de 
me  montrer  infatigable  ;  la  jeunesse  aime  le  sommeil,  trouvez  bon 
que  j'aille  me  reposer. 

nON,  FRIÊGOSB. 

Vous  ne  me  dites  rien  sans  y  mettre  de  la  raillerie. 

FAUSTINB. 

Tremblez  que  je  ne  vous  traite  sérieusement! 

(Faustine,  le  gouverneur  et  PaquiU  forfenc.) 

SCÈNE  XVI. 

AYALOROS,  QmNOLA,  HONIPODIO,  FONTANARÊS,  SARPI. 

SARPI^  &  Avaloroe. 

Il  n  y  a  plus  de  promenade  en  mer. 

AYALOROS. 

Peu  m'importe,  j'ai  gagné  cent  écusd'on  (sarpi  et  Avaioroe  m  puieirtj 

FONTANARÊS^  à  Honlpodto. 

Quel  est  ce  personnage  î 

MONIPODIO. 

Avaloros,  le  plus  riche  banquier  de  la  Catalogne;  il  a  confisqué 
la  Méditerranée  à  son  profit 

QUINOLA. 

Je  me  sens  plein  de  tendresse  pour  IuL 

MONIPODIO. 

C'est  notre  maître  k  tons  I 

AVALOROS,  à  Fonlanaiii, 

Jeune  homme,  je  suis  banquier;  et  si  votre  affaire  est  bonne, 


ACTE  I.  157 

après  la  protection  de  Dieu  et  celle  du  roî,  rien  ne  vaut  celle  d'un 
millionnaire. 

^  SàRPI^  au  banquier. 

Ne  vous  engagez  \  rien...  à  nous  deux,  nous  saurons  bien  nous 
en  rendre  maîtres. 

▲TALOROS^  kPontanarte. 

Eh  bien  I  mon  cher,  vous  viendrez  me  voir. 

(Monipodio  lui  prend  ta  boantj 

SCÈNE  xvn. 

MONIPODIO,  FONTANAR&S,  QUINOLA. 
Q1IIN0LA. 

Vous  vous  faites  dès  l'abord  de  belles  affadies  t 

MONIPODIO. 

Don  Frégose  est  jaloux  de  vous. 

QUINOLA. 

Sarpi  va  vous  faire  échouer  I 

UONIPODIO. 

Vous  VOUS  posez  en  géant  devant  des  nains  qui  ont  le  pouvoir  ! 
Attendez  donc  le  succès  pour  être  fier!  On  se  bit  tout  petit,  on 
8*insinue,  on  se  glisse. 

QUINOLA,   . 

La  gloire  7.  ••  mais.  Monsieur,  il  faut  la  volen 

FONTANÂRÈS. 

Vous  voulez  que  je  m'abaisse? 

MONIPODIO. 

Tiens  !  pour  parvenir. 

FONTANÂRÈS. 

Bon  pour  un  Sarpi  I  Je  dois  tout  emporter  de  haute  lutte.  Mais 
que  voyez-vous  entre  le  succès  et  moi  î  Ne  vais-je  pas  dans  le  port 
choisir  une  magnifique  galère  7 

QUINOLA. 

Ah  I  je  suis  superstitieux  en  cet  endroit  Honsienr,  ne  prenez 
(MIS  de  galère! 

FONTANÂRÈS. 

Je  ne  vois  aucun  obstacle. 

QUINOLA. 

Tous  n*en  avez  jamais  vu  !  Vous  avez  bien  autre  chose  \  décou- 
vrir. Eh  I  Monsieur,  nous  sommes  sans  argent,  sans  une  auberge 


158  LES  RESSOUBGES  DE  QUINOLA. 

OÙ  nous  ayoos  crédit  «  et  si  je  n'avais  rescontré  ce  vieil  ami  qui 
m'aime,  car  on  a  des  amis  qui  vous  détestent,  nous  serions  sans 
habits... 

FOlfTAHABiS. 

Mais  eUe  m'aime!  (Marie  agiie  ton moueiioir  àiaflBQ6Ue^  liéns,  vois, 
mon  étoile  brille. 

QUIlfOLÀ. 

Eh  Monsieur,  c'est  un  mouchoir  I  Êtes-vous  assez  dans  votre 
faon  sens  pour  écouter  un  conseil?...  Au  lieu  de  cette  espèce  de 
madone,  il  vous  faudrait  une  marquise  de  Mondéjar  I  une  de  ces 
femmes  à  corsage  frêle,  mais  doublé  d*acier,  capables  par  amour 
de  tontes  les  naes  que  nous  inspire  la  détnse,  I  nous...  Or,  la 
firancador... 

FOVTAXAlftS. 

Si  tu  veux  me  tair lateer  toot  là,  ta  n'as  ipl  ma  parler  linsil 

ISache-le  bien  :  l'amour  est  toute  ma  force ,  il  est  le  rayon  céleste 

qui  m'édaôe. 

aourouu 
Là,  là,  cahnez-Tom. 

vonroiuo* 

Cet  boauae m'inquiète!  M  me  paraît  mievx  poffMar  Ja  méca- 

«qui  de  l'aoïoar  quel' amonr  de  la  mécaniqne. 

SCÈNE  XVIII. 

ut  Ktes»,  PAQ13ITA. 
PAQUITA^  à  Fontanarès. 

Ma  maîtresse  vous  fait  dire.  Seigneur,  qne  voos  preniez  garde 
à  vous.  Vous  vous  êtes  attiré  des  haines  implacables. 

voKiFnnio» 

Ceci  me  n^gaida  AUei  sans  crainte  par  les  mes  de  iiiceloine; 
quand  on  voudra  vous  tuer,  je  le  saond  Je  jpirantew 

FOHKAlUAâS. 

Déjà? 

PAQurri. 
Tous  ne  me  dites  rien  pour  elle. 

QUINOLA. 

Ma  mie,  on  ne  pense  pas  à  deux  machines  à  la  foisl...  Dis  à  ta 
cflesie  iQidiKSie  qne  jotm  maître  loi  baise  ^ 
ffaxg  mon  aivet  et  venx  faire  une  heorense  fin*  jj rirtiinwij 


ACTE  I.  j^() 

PAQUITA  lui  donne  nn  founiei. 
Fat! 

QUINOLA. 

Charmante  I  tm^mtU 

SCÈNE  XIX. 

ut  HÉHEB,  moins  PAQUITA. 
MONIPODIO. 

Venez  au  Soleil-d'Or,  je  connais  Thôte,  vous  aurez  crédit 

QUINOLA. 

La  bataille  commence  encore  plus  promptement  que  je  ne  le 

croyais. 

fOlfTAVAlftS. 

Oà  trouver  de  Targent? 

QuoroiiA. 
On  ne  nousM  pvéteiafas»  loais  niw  ea  acbèteioos,  £bl  ^ne 
foas  faut- il! 

FOlfTANABàS. 

Deux  mille  écus  d*or« 

J'ai  beau  éTaluer  le  trésor  ^p^oal  je  songe,  il  ne  saurait  être  si 
dodn. 

MomraDio. 
OUI  je  irwnPB  «ne  bonne. 

QUINOLA. 

Tiens,  tu  n'as  rien  oublié,  ShJ  JUfllâleur,  vous  voulez  du  fer» 
du  enivre,  de  l'adar*  4a  bm.»  aauileica»€lMM»Jà«ot  diez  tes 
marcbands.  Obi  une  idéel  Ja  im  fonder  la  maison  Quinola  et 
compagnie,  «i  die  ae  ittt|Ms  de  bMnei  afiaine,  wmm  fanez  iau- 
jours  la  vôtre. 

FOlfTANARÈS. 

Ahl  sans  vous»  que  serais-je ^eaa? 

MONIPODIO. 

La  proie  d'Avaloros. 

FOlfTANABÈS. 

A  l'ouvrage  donc!  Tinventeur  va^uver  Tamoureux.  (nnoiitiit) 

ris   DO  P-MMMXXM    ACTS. 


ACTE  DEUXIÈME 


Ha  MlM  dm  ptui*  de  BudaiiM  BnaetdcT) 


SCÈNE  PREIOËRE. 

AYALOROS,  8ARPI,  PAQUITA. 
AYALOROS. 

Notre  souveraine  serait-elle  donc  vrainient  malade  T 

PAQUITA.  ' 

Elle  est  en  mélancolie. 

ATALOROS. 

La  pensée  est-elle  donc  une  mala<fie  t 

PAQUITA. 

Oui,  mais  tous  êtes  sûr  de  toujours  bien  tous  porter. 

SARPI. 

Va  dire  \  ma  chère  cousine  que  le  seigneur  A?alorM  et  moi  nous 
attendons  son  bon  plaisir. 

ATALOROS. 

Tiens,  ydci  deux  écus  pour  dire  que  je  pense... 

PAQUITA. 

Je  dirai  que  vous  dépensei.  Je  vais  décider  Madame  à  s*ba- 
biner.  (Otewit.) 

SCÈNE  n. 

ATALOROS,  SARPL 
8ARPI. 

Pauvre  vlce-rd  I  il  est  le  jeune  homme,  et  je  suis  k  vieiOard. 

AVAtOROtf. 

Pendant  que  votre  petite  cousine  en  fait  un  sot,  vous  d^J4 


ACTE  U. 

l'activité  d'un  politique,  vous  préparez  au  roi  la  conquête  de 
Navarre  françaiste.  Si  j'avais  une  fille,  je  vous  la  donnerais. 
bonhomme  Lothundiaz  n'est  pas  un  sot. 

SÀBPI. 

Ahl  fonder  une  grande  maison,  inscrire  un  nom  dans  l'histoire 
de  son  pays  :  être  le  cardinal  Graovelle  ou  le  duc  d'Albe. 

AVALOROS. 

Oui  I  c'est  bien  beau.  Je  pense  à  me  donner  un  nom.  L'empe- 
renr  a  créé  les  Fugger  princes  de  Babenhausen,  ce  titre  leur  coûte 
on  million  d'écus  d'or.  Moi,  je  veux  être  un  grand  homme,  à  bon 
marché. 

SARPI. 

Vous  !  comment  7 

AYALOnOS. 

Ce  Fontanarès  tient  dans  sa  main  l'avenir  du  commerce. 

SARPI. 

Yons,  qui  ne  vous  attachez  qu'au  positif,  vous  y  croyez  donc? 

AYALOROS. 

Depuis  la  poudre,  l'imprimerie  et  la  découverte  du  nouveau 
monde ,  je  suis  crédule.  On  me  dirait  qu'un  homme  a  trouvé  le 
moyen  d'avoir  en  dix  minutes  ici  des  nouvelles  de  Paris,  ou  qufi 
l'eau  contient  du  feu,  ou  qu'il  y  a  encore  des  Indes  à  découvrir^ 
ou  qu'on  peut  se  promener  dans  les  airs,  je  ne  dirais  pas  noui  et  je 
donnerais... 

SARPI. 

Votre  aiigent  î 

AYAL0R08. 

Non,  mon  attention  à  i'aibire. 

SARPI. 

Si  le  vaisseau  marche,  vous  voulez  être  k  Fontanarès  ce  qu'Amè- 
ne est  à  Christophe  Colomb. 

AYALOROS. 

N'ai-je  pas  là  dans  ma  poche  de  quoi  payer  dix  hommes  de 

génie  ? 

SARPI. 

Gomment  vous  y  prendrez-vonst 

AYALOROS. 

L*argent,  voilà  le  grand  secret.  Avec  de  l'argent  à  perdis,  on 
gagne  du  temps;  avec  le  temps  tout  est  possible;  on  rend  à  vo« 
lonté  mauvaise  une  bonne  affaire  ;  et,  pendant  que  les  autres  en 

11 


162  LES  RESSWHCW  DE  QUINOLA. 

ôéKWfèimÊt  m  i?(iiv  toiparB.  L*argeiit,  c'est  b  vis  ;  Tdsrgmt  c'est 
la  iHtrflciiw  ie»  hnàtoB  et  de»  flérfrsr  r  àem  xmhomim  de  gétaie, 
il  y  a  toujours  un  enfant  ptein  defintrisfe.^  on  ose  nuimme  et  Ton 
se  trouve  tôt  ou  tard  avec  l'enfinit  :  l'enfant  sera  mon  débiteur»  et 
llieinaie  de  génie  ira  en  prison. 

Et  où  en  êtes-vousT 

itTAroftos; 
U  s^flst'  déGé  de*  me»  offres,  non  pas  M;  maisr  son  valet,  et  je 
fais  Miter  ave»  le.  vtthet. 

SARPI. 

Je  vous  tiens  ;  j'ai  l'ordre  d'envoyer  tous  les  vaisseaux  de  Bar- 
celone sur  les  côtes  de  France;  et,  par  une  précaution  des  enne 
mis  que  Fontanarès  s'est  fait  à  Vatfadolid,  cet  ordre  est  absolu  et 
postérieur  i^  h  let^nre  dti  roi. 

ATAIOROS, 

Que  ^onlés-vons  dans  l'affaire  7 

SARFU 

tes  fonctions  db  grand  maître  (tes  construelibas  aafaEesT... 

AVAI0RÛ9. 

liaift que  resleKt^  dbttc  alors?  , 

•AiFfL 

Latgliitiu 

AYALOROS. 

Finaud  I 

SARFI. 

Gourmand  ! 

AYAiicmoe^ 
Chassons  ensemble,  nous  nou»  querellerons  au  partage.  Votre 
HMÎnl  fA  part.)  Mf  sofs  lo^ph»  f&Êî\  jetieus  fe  vice-ro!  par  b  Biaii- 
cador. 

sKvn^  à- put. 
IfevVaveas  MMengtaissè,  toena-lë';  jU  de  qool  kr  perAie. 

AVALOROS. 

n  faudrait  avoir  ce  QuinolaiiMK  nos  intérêts»  el  je  Pal  mandé 
pour  tenir  conseil  avec  la  BraneamiR 


Afin  IL  163. 


:>:iv. 


m. 


Me  void  comme...  entre  deux  larvoni;; n^MK^  sent  aetr- 
poadrés  de  vertus  et  caparaçonner  de  belles  manières.  On  non» 
pcnd^  noas  antres  I 


Coquin  !  tn  devrab;  cn^  attendmt  qoe^m  unftrehvftsMf  altei 
par  d'autres  procédés,  conduire*  UM-même  les  galères. 

Le  roi,  juste  appréciateur  des  mérites,  a  compris  qu'il  y  par* 
draittrop. 

SARPI. 

Ta  seras  sunrdllé. 

OUUfOIA*. 

Je  le  crois  bien,  jsme  surveillé  md-même; 

ÀVAC0H08. 

Yoas  riotimidez,  c*est  un  honnête  garçon.  Voyons  f  tu  t'es  fait 
one  idée  de  la  fortune. 

QUOfOIA. 

Jamais,  je  Tai  vue  à  de  trop  grandes  distances. 

AVALOROS. 

Et  quelque  chose  comme  deux  mille  écus'd'ûr..» 

QUmOLA. 

Qnoi?  plaft-U7  J'ai  des  ébiouiasenienls.  Gela  existe  d(mc,  deux 
mille  écus  d'or?  Etre  propriétaire,  avoir  sa  maison,  sa  servante, 
son  cheval,  sa  femme;  ses  revenus,  être  prov^  parla  Sainte-Her* 
mandad,  au  lieu  de  l'avoir  à  ses  trousses  ;  que  faut-il  faire? 

ATAIOHDB. 

M'aider  k  réaliser  un  contrat  à  Tavantage'  réci|)roquer  de  tbn 
maître  et  de  moi. 

J'entends!  le  boucler.  Tout  beau,  ma  conscience I  Taisea^vous, 
ma  belle,  on  vous  oubliera  pour  quelques  jours  »  et  nous  ferons 
hm  mina^  pour  le  reste  de  ma  vie. 

Ntektenoii.s 


164  LES  RESSOURCES  DB  QUINOLA. 

SàBPI>  à  Avaloro6. 

Il  se  moque  de  nous!  il  serait  bien  autrement  sérieux. 

QUINOLÀ. 

Je  n*aurai  sans  doute  les  deux  mille  écus  d*or  qu'après  la  signa- 

turedu  traité? 

SARPI,  vivement. 

Tu  peux  les  avoir  auparavant 

QUINOLA. 

Bah  !  ai  tend  u  main.)  donnez  ! 

AVALOROS. 

En  me  signant  des  lettres  de  change...  échuesL 

QUINOLA. 

Le  Grand  Turc  ne  présente  pas  le  lacet  avec  plus  de  délica- 
tesse. 

SARPI. 

Ton  maître  a-t-il  son  vaisseau? 

QUINOLA. 

Valladolid  est  loin,  c*est  vrai,  monsieur  le  secrétaire;  mais  nous 
y  tenons  une  plume  qui  peut  signer  votre  disgrâce. . 

SARPI. 

Je  t'écraserai. 

QUINOLA. 

Je  me  ferai  si  mince  que  vous  ne  poun*ez  paa. 

AVALOROS. 

Ëh!  maraud,  que  veux- tu  donc? 

QUINOLA. 

Ah!  voilà  parler  d'or. 

SCÈNE  IV. 

LU  paÉctoim,  FAUSTINE  et  PAQUITA. 

PAQUITA. 

MessieuiY,  voici  Madame. 

SCÈNE  Y- 

LIS  NliCBDEMTf,   moiDs  PAQUITA. 
QUINOLA  va  au-devant  de  la  Brancaûur. 

Madame,  mon  maître  parle  de  se  tuer  s*ii  n*a  non  vaisseau  que 
le  comte  Sarpi  lui  refuse  depuis  un  mois;  le  sev^eur  Avaioros  lui 


ACTE  II.  165 

denuoide  la  vie  eo  lui  offrant  sa  bourse,  comprenez-vous?... 
(A  part.)  Une  femme  nous  a  sauvés  à  Yalladolid,  les  femmes  nous 
sauveront  à  Barcelone.  (Haut  eti  u  Brancador.)  Il  est  bien  triste  I 

AYÀLOBOS. 

Le  misérable  a  de  l'audace. 

QUINOLA. 

Et  sans  argent,  voilà  de  quoi  vous  étonner» 

SARPI^  à  Quinola. 

Entre  à  mon  service. 

QUIIfOLÀ* 

Je  fais  plus  de  façons  pour  prendi*e  un  maître. 

FÀUSTmE^  b  part. 

II  est  triste!  (Haut.)  Eh  quoi!  vous  Sarpi,  vous  Avaloros,  ponr 
quij*ai  tant  fait,  un  pauvre  homme  de  génie  arrive,  et  au  lieu  de 

le  protéger,   vous   le  persécutez...    (Mouvement  chez  Avaloros  et  Sarpl.) 

Fi!...  Q!...  vous  dis-jc.  (a  Quinoia.)  Tu  vas  bien  m*explîquer  leurs 
trames  contre  ton  maître. 

SAnpr,  h  Faustlne. 

Ma  chère  cousine,  il  ne  faut  pas  beaucoup  de  perspicacité  pour 
dcvioer  quelle  est  la  maladie  qui  vous  tient  depuis  Tarrivée  de  ce 
Foutanarès. 

ATALOROS^  à  Faustlne. 

Vous  me  devez.  Madame,  deux  mille  écus  d'or,  et  vous  aurez 
eocore  à  puiser  dans  ma  caisse. 

FAUSTINB« 

Moi  I  Que  vous  ai-je  demandé  ? 

AVALOROS. 

Rien,  mais  vous  acceptez  tout  ce  que  j'ai  le  bonheur  de  vous 
offirir. 

FAUSHNR. 

Votre  privilé{$e  pour  le  commerce  des  blés  est  un  monstmeux 
abus. 

AVALOROS. 

Je  voos  dois.  Madame,  deux  raille  écos  d'or. 

FAUSTINE. 

Allez  m'écrire  une  quittance  de  ces  deux  mille  écus  d'or  que  je 
voos  dois,  et  un  bon  de  pareille  somme,  que  je  ne  vous  devrai 
pas.  (A  sarpi.)  Après  vous  avoir  mis  dans  la  position  où  vous  êtes, 
TOUS  ne  seriez  pas  un  politique  bien  fin,  si  vous  ne  gardiez  mon 
lecret 


166  LES  RESSOURCES  DE  QUIKOLA. 

SABI3. 

Je  TOUS  ai  trop  d'obligations  pour  être  iqgrat 

FAUSXIN^  à. part. 

M  pense  tout  le  contraire,  Q  va  m*envqyfir  le  vicetuoi  Jakm 

(Sort  Supl.) 

"SCÈNE  yi 

ut  MÊMES ,  moins  SARPL 

Voici,  Madame. 
C*«st  tràSfbien. 

AyALOROS. 

jSeions-nûiis  eacone  ienneoûs  ? 

FAUSTINE. 

Votre  privilège  pour  les  blés  est  parfaitement  légal 

.AYALOACS. 

Ahl  Madame. 

QUINOLA^  à  part. 

Voilà  ce  qui  s'appelle  faire  des  aiïaii^^s. 

.AlVALÛROS. 

Vous  êtes,  Madame,  une  noble  peisoime,  et  je.miis..«. 

QUmOLA^  à  part. 

Un  vrai  loup-cervier. 

FAUSTINE^  en  tendant  le  bon  à  Quinola. 

Tiens,  Quinola,  voici  pour  les  frais  de  la  jQaiadune.de.lon  matlie. 

AVAIOROS,  à  Faiistine. 

Ne  lui  donnez  pas.  Madame,  il  peut  le  garder  pour  lui.  £t  d*ail' 
leurs,  sojez prudente,  attendez... 

QUINOLÀ,  h  part. 

^  )  passe  de  la  Torride  au  Groenland  :  quel  jeu  que  la  vie  ! 

Vous  avez  raison,  (a  part.)  Il  vaut  mieux  que  je  sois  l'arbitre  du 
rX  de  Fontanarès.  (Ui.ata1ook.}  Si  vous  tenez  à  nos  pdvi%eSttfiBS 
lïiot 

AVALOROS. 

Kien  de  discret  comme'les  capitaux.  (A^urt,)  Elles  sont  désinté- 
ressées jusqu'au  jour  où  elles  ont  une  passion.  Nous  allons  essîi^ 
de  la  renverser,  elle  devient  trop  coûteuse. 


4€9 


SCÈNE  yn. 

rAQSTINI, 


FjLVsma. 
Ta  dis  donc  qa'il  est  triste  I 

QUmOLA. 

Tout  est  contre  lui. 

i08eaUj]iiJfiu4ft<4taefintn£««itiiMeftBulaQtoii  ivopQimilmi* 

deux  mille  écos  qu'elle  tient  h  la  main.) 

FAUSTINE. 

Mais  il  sait  lutter? 

tnnifOLA. 
Voici  deux  ans  que  nous  nageons  dans  les  difficultés ,  et  nous 
nous  sommes  vus  quelquefois  à  fond  :  le  gravier  est  bien  dur* 

PATJSTINÏ. 

Oui,  mais  quelle  force,  quel  génie  I 

QUmOLA. 

fUlà,  Badame,  les  effets  de  raïuour* 
Et  qui  maintenant  «ime4Hl? 

QUINOLl* 

Taajmn  Marie  Ijittbuadlaz  ! 

Une  poupée!  «> 

QUINOLA* 

Une  ^am'pm^î 

FAvsions* 
Les  hommes  de  talents  sont  tous  ainsi. •• 

QUINOLA. 

De  vrais  colosses  à  pied  tl'ai^ilel 

FAUSTINE. 

...  Ils  revêtent  de  leurs fOnsions  nne  créature  el  ils  s*attrappent  : 
Js  aiment  leur  propre  création,  les  égoïstes  ! 

QUINOU»  lifvin. 

AbMhuaoDt  £Oiiu»e;lfts  iéiome»!  mmn)  Xenes»  Madame»  g»  imi- 
drais,  par  un  moyen  honnête,  quecette.poupée  fût  au  fond...  non« 
mais  d*im  couretft. 


•• 


Z^iflieMiiîB  ftbpwitenBifvooBt 


168  LES  RESSOURCES  DE  QUINOUL 

QUINOLA. 

J'aime  mon  mattre. 

FAUSTINE. 

Crois-tu  qu'il  m'ait  remarquée  ? 

QUINOLA. 

Pas  encore. 

FAUSTINB. 

Parle-lui  de  moL 

QUINOLA. 

Mais  alors  il  parle  de  me  rompre  un  bâton  sur  le  dos.  Voyez* 
Yous,  Madame,  cette  fille... 

FAUSTINE. 

Celte  fille  doit  être  à  jamais  perdue  pour  lui 

QUINOLA. 

Mais  s'il  en  mourait,  Madame? 

FAUSTINB.  » 

Il  l'aime  donc  bien  ! 

QUINOLA. 

Ah  !  ce  n'est  pas  ma  faute  !  De  Valladolid  ici,  je  loi  ai  mille 
fois  soutenu  cette  thèse,  qu'un  homme  comme  lui  devait  adorer 
les  femmes,  mais  en  aimer  une  seule!  jamais... 

FAUSTINE. 

Tu  es  un  bien  mauvais  drôle  !  Va  dire  à  Lothundiaz  de  venir 
me  parler  et  de  m'aqiener  lui-même  ici  sa  fille  ;  (a  part.)  Elle  ira  au 
couvent 

QUINOLA,  k  part. 

Yoilà  l'ennemi,  elle  nous  aime  trop  pour  ne  pas  nous  faire  beau* 

eoup  de  maL  (Qalnola  sort  en  renoontrant  doo  Frégoae  ) 

SCÈNE  VIII. 

FAUSTINE,  FRÉGOSE. 
FBÉGOSB. 

En  attendant  le  maître,  vous  tâchiez  de  corrompre  le  vaiet 

FAUSTINE. 

Une  femme  doit-elle  perdre  l'habitude  de  séduire  T 

FRÉGOSE.' 

Madame,  vous  avez  des  façons  peu  généreuses  :  ¥tà  cm  qo*one 


ACTE  IL  169 

patricienne  de  Venise  ménagerait  les  susceptibQités  d'un  vieux 

soldat  ' 

FAUSTINC. 

£h  !  Monseigneur,  vous  tirez  plus  de  parti  de  vos  cheveux  blancs 

D*oa  jeune  homme  ne  le  ferait  de  la  plus  belle  chevelure,  et  vous 

y  trouvez  plus  de  raisons  que  de...  (EUent.)  Quittez  donc  cet  air 

fâché. 

FRÉCOSB. 

Pais-je  être  autrement  en  vous  voyant  vous  compromettre,  vous 
que  je  veux  pour  femme  ?  N'est-ce  donc  rien  qu'un  des  plus  beaux 
ooiDs  de  iltalie  à  porter  ? 

FAUSTINE. 

Le  trouvez-vous  donc  trop  beau  pour  une  Brancador? 

FRÉGOSe. 

Vous  aimez  mieux  descendre  jusqu'à  un  Fontanarès. 

FAUSTINB. 

Mais  s'il  peut  s'élever  jusqu'à  moi?  quelle  preuve  d'amour! 
D'ailleurs,  vous  le  savez  par  vous-même,  l'amour  ne  raisonne 
point. 

FRÉGOSE. 

Ah  I  vous  me  l'avouez. 

FAUSTINE. 

Tous  êtes  trop  mon  ami  pour  ne  pas  savoir  le  premier  mon  secret 

FRÉGOSE. 

Madame!...  oui,  l'amour  est  insensé!  je  vous  ai  livré  plus  que 
moi-même  !...  Hélas  !  je  voudrais  avoir  le  monde  pour  vous  l'of- 
Irir.  Tous  ne  savez  donc  pas  que  votre  galerie  de  tableaux  m'a 
coûté  presque  toute  ma  fortune?... 

FAUSTINE. 

Paquita  I 

FRÉGOSB. 

Et  que  je  vous  donnerais  jusqu'à  mon  honneur. 

SCÈNE  IX. 

ut  Hiiiif ,  PAQUITA. 
F AUSTINX,  à  Paquita. 

Dis  à  mon  majordome  de  faire  porter  les  tableaux  de  ma  galerie 
chez  don  Frégose. 


170  LES  RËSSOCHUXS  DE  QUUIOLA. 


Paquita,  ne  répétez  pas  cet  ordre. 

li^mta  jem;  «i^a^t-ai  ék,  h  reiae<!!a<ieiipe  ée  WUbH  %t  et 
i4er  à  snadame  Diioe  -fe  Poitiera  les  bqoœ  ^**élle  tenait  d 
flenâ  H  :  Dowb  les  lui  a  rewoyés  ioaim  en  m  KiigoL  Paqoita 
▼a  chercher  le  bijoutier. 

nuteosB. 
fi'ea  fMÉtB  mn ,  et  soiHee.  (8o««faqiifii.) 

SCÈNE  X. 

Réfuta. 


Je  ne  suis  point  encore  la  inat^uise  do  Frégose,  comment  osez- 
*i»iis  donner  des  onlres  cbes  «nei  ? 

C'est  à  moi  d*en  recevoir,  je  le  sais.  Ma  fortune  vaut-eUe  me  de 
Tos  paroles  ?  pardonnez  à  un  monvement  de  désespoir. 

FAUSTIIfE. 

On  doit  être  gentilhomme  jusque  dans  son  désespoir;  et  le  vôtre 
tùt4t  flaiisAiiie  mie  (CoartisaDe.  Ah  I  vous  fwte  êu»  adoréî... 
Mais  la  dernière  Vénitienne  veos  dirait  que  cela  coûte  très-cher. 

wwÉùomL 

J 'aï  jnérilé  cette  AerrîUe  oelène. 

Vous  dites  aimer?  Aimer!  c'est  se  dévauâr.saw4Uttentre.laffloi&- 
dre  récompense;  aimer!  c'e3t  vivre  sous  un  autre  soleil  auquel  on 
tremble  d'atteindre.  N'habillez  pas  votre  égoîsme  des  splendeondu 
véritable  amour.  Une  femme  maniée,  Laure  de  Noves  a  dit  à  Pé- 
trarque :  Tu  seraiiàaad  saoB  eapok^  r&tB éaos  kviesiaiiinear* 
Mais  l'Italie  a  couronné  l'amant  sublime  en  couronnant  le  poëte, 
et  les  siècles  à  venir  admireront  loujours  Laure  et  Pétrarque  ! 

FRÉGOSE. 

Je  n'aimais  déjà  pas  h6niconpies|Nietai,imais  celui-là,  je  l'exècre! 
Toutes  les  femmes  jusqu'à  la  fin  du  monde  le  jetteront  à  la  tête  dei 
amants  qu'elles  voudront  iiavder  sans  lea  prendre. 

^mosni». 

On  vous  dit  général»  vous  n'êtes  qu'an  soldat 


ACTE  fl.  171 

'TRÉBOSC. 

IkiUeBi^a/fMri  |)dB-je  nniter  17e  tnaucHt  fStr»^ 

.1  FAUSTINE. 

^  Si  vous  dites  m'aimer,  voiis  éviterez  à  ua  homme  de  génie,  (mou 
nMmt  i«e  nnMiK^iMK^iffi'FrfgOTe)  t)h1  >fl  «D  a  »  ^le  mait^  ipie  Tedlenl 
lui  iake  jrabîr  ées  MyraûdmiB.  Soyes  graivfl,  servez-^lel  Tons  souf- 
frirez, je  le  sais,  mais  servez-le  :  je  pourrai  croire  alors  que  vous 
ffl'aiinez,  et  vous  serez  plus  ôUustPe  par  ce  trait  dé  générosité  que 
par  votre  prise  de  Mantoue. 

•FRIÎGDSE. 

Devant  vous,  ici,  tout  m*est  possible;  mais  vous  ne  savez  donc 
pas  dans  quelles  fureurs  je  tomberai  tout  en  vous  obéissant? 

FAUSnNK. 

ih.1  TOUS  Tons  {daindôec  de  m'^béirî 

FRÉGOSE. 

Vous  le  protégez,  vous  radinirei;,:soit  ;  mais  vous  ne  l'aimez  pas? 

FAUSTINE. 

On  lui  refuse  le  vaisseau  donné  ipar  le  roi»  vous  lui  en  ferez  la 
remise,  irrévocable,  à  Tinstant. 

FRÉGjOSB. 

Et  je  l'enverrai  vous  remercier. 

FA.USXI11K. 

Eh  bien  !  vous  voilà  comme  je  vous  aluML 

SCÈNE  XI. 

FAUSTUiE:,  swle. 

Etl7  "a  pouîtaift  des  femmes  qui  souhaitent  d'être  hommes  I 

•SCÈNE  XII. 

FAUSTINfi,  PAQUITA,  LOTfiUraXfalZ,  HAfilS. 

PAQUITA. 

Vadame,  voici  Xothundiaz  et  sa  fille,  (gost  jEiaautta.) 

SCÈNE  XIIL 

LOTHUICDUZ. 

Ahl  Madame,  vous  avez  fait  de  mon  palais  un  royaume  Im« 


iTI  LES  RESSOURCES  DE  QUIHOUL 

FAUSTINE^  à  Marie. 

Mon  enfant,  mettez-vous  là  près  de  moi,  (ALotiraiidiaD  Vous  pou* 
vez  vous  asseoir. 

LOTHUNDIAZ. 

Vous  êtes  bien  bonne,  Madame;  mais  permettez-moi  d'aller  Toir 
cette  fameuse  galerie  dont  on  parle  dans  toute  la  Catalogne,  ai  wrt) 

SCÈNE  XIV. 

FAUSTINE,  MARIE. 
FAUSTINE. 

Mon  enfant»  je  vous  aime  et  sais  en  quelle  situation  tous  tous 
trouvez.  Votre  père  veut  tous  marier  à  mon  cousin  Sarpi,  tandis 
que  vous  aimez  Fontanarès. 

HABn, 

Depuis  cinq  ans,  Madame. 

FAUSTINE. 

A  seize  ans  on  ignore  ce  que  c'est  que  d'aimer. 

MARIE. 

Qu'est-ce  que  cela  fait,  si  j'aime? 

FAUSTINB. 

Aimer,  mon  ange»  pour  nous,  c'est  se  déTouer. 

MARIE. 

Je  me  dévouerai.  Madame. 

FAUSTINE. 

Voyons?  renonceriez-vous  à  lui,  pour  lui,  dans  soniutérCI} 

MARIE. 

Ce  serait  mourir,  mais  ma  vie  est  à  luL 

FAUSTINE,  k  part  et  en  se  lerant. 

QueUe  force  dans  la  faiblesse  de  l'innocence  !  (Haut)  Vous  n'avei 
jamais  quitté  la  maison  paternelle,  vous  ne  connaissez  rien  do 
monde  ni  de  ses  nécessités,  qui  sont  terribles  !  Souvent  un  homme 
périt  pour  aToir  rencontré  soit  une  femme  qui  l'aime  trop,  soit 
une  femme  qui  ne  l'aime  pas  :  Fontanarès  peut  se  trouTer  dans 
cette  situation.  U  a  des  ennemis  puissants;  sa  gloire,  qui  est  tXNite 
sa  Tie,  est  entre  leurs  mains  :  tous  pouTCZ  les  désarmer. 

MARIE. 

Que  faut-il  faire? 


ACTE  IL  173 

FAUSTINB. 

En  épousant  Sarpi,  yous  assureriez  le  triomphe  de  TOtre  cher 
Fontanarès  ;  mais  une  femme  ne  saurait  conseiller  un  pareil  sacri- 
fice; il  doit  venir,  il  Tiendra  de  vous.  Agissez  d*abord  avec  ruse. 
Pendant  quelque  temps,  quittez  Barcelone.  Retirez-vous  dans  un 
couvent 

MARIE. 

Ne  plus  le  voir?  Si  vous  saviez,  il  passe  tous  les  jours  à  une 
certaine  heure  sous  mes  fenêtres,  cette  heure  est  toute  ma  journée. 

FAUSTINE^  k  part. 

Quel  coup  de  poignard  elle  me  OiOnne  I  Ohl  elle  sera  comtesse 

Sarpi  1 

SCÈNE  XV. 

LU  HÉMBS,  FONTANARÈS; 

FONTANARÈS^  k  FaiitUnê. 
Madame.  (Ulol  baise  lamala.) 

HARIE^  à  IMfft. 

Quelle  douleur  I 

FONTANARÈS. 

Vivrai-je  jamais  assez  pour  vous  témoigner  ma  reconnaissance! 
Si  je  suis  quelque  chose,  si  je  me  fais  un  nom,  si  j'ai  le  bonheur, 
ce  sera  par  vou& 

FAUSTINB. 

Cen*estrien  encore!  Je  veux  vous  aplanhr le  chemin.  J'éprouve 
tant  de  compassion  pour  les  malheurs  que  cencontrent  les  hommes 
de  talent ,  que  vous  pouvez  entièrement  compter  sur  moi.  Oui , 
j'irais,  je  crois,  jusqu'à  vous  servir  de  marche-pied  pour  vous  faire 
atteindre  à  votre  couronne. 

MARIE  tire  Foaianarâs  par  ton  manteau. 

Mais  je  suis  là,  moi!  (n  se  retourne.)  et  vous  ne  m'avez  pas  vue. 

FONTANARÈS. 

Marie!  Je  ne  lui  ai  pas  parlé  depuis  dix  jours.  (AFausttne.)  Ohl 
Madame,  mais  vous  êtes  donc  un  ange? 

MARIE,  à  Fontanarès. 

Dites  donc  un  démon.  (Haut;)  Madame  me  conseillait  d'entrer 
dans  un  couvent  


1 74  LES  HESSOUCIfr  PE  QUINOLA. 

Ellftl 


RàUSTnil» 

Hais,  enfioifs  qoa  foOB  êtes,  3  le  faut 

FONTANARÈS. 

Je  marche  donc  de  pièges  en  pièges,  et  la  bvenr  cache  des  abt- 
mes!'  (A  MATii.)  Qui  donc  voos  a  conduite  ici? 

■ABIE. 

Mon  père! 

fOnTAIfARfiS. 

Lui!  est-il  donc  aveugle?  Vous,  Marie,  dans  cette  maison. 

FAUSTINE. 

Monsieur  !..n 

FONTANABèS. 

Ah!  au  couvent,  pov  se  rendire  maftre  ëe  son  esprit,  pour  tor- 
turer son  ftme  I 

SCÈNE  xvr. 

us  HÉMif,  LOTHUNDIAZ. 
FONTATfARiiS. 

Et' tons  amenez  œtange  ék  pureté  chez  une  femme  pour  qui 
don  Frégose  dissipe  sa  fortune,  et  qui  accepte  de  Ilii  des  dons  in- 
sensés, sans  l'épouser. . . 

FÂUsrnfR. 

Rtbnsièurl' 

FCWTAIfAlrtS. 

Vonr  ètlNr  vemn  ici.  Madame,  veure  dta  eadht'  de  la'  mafs»» 
Brancador,  à  qui  vous  aviez  sacrifié  le  pev  que  vous  a  dt)mi^  V0flre 
père,  je  le  sais;  nniv  iei  wa»  avev  bien  diangéi.. 

FAuonxrK 

De  qnd  droit  jugez-vous  de  mes  actions? 

lotBViniun. 
Ehl  tais-toi  donc  :  Uadkfl»)  ertt aw  noMi  iêmffqA  «inAii 
la  valeur  de  mon  palaia. 


ElIeU,  mais  e*est  ooe 


#•• 


Acrrr  ir  1 75' 

TaiMK-vous. 

LÛTHUNDIAZ. 

Ma  fille,  voilà  Yotre  faoïnmc  ëe  génie,  extrême  en  toutes  choses 
et  plus  près  de  la  folie  que  du  bon  sens.  Monsieur  le  mécanicien, 
Madame  est  la  parente  et  la  pre{i?ctme  A*  Shrpi. 

FONTANARÊS. 

Mais  emmenez  donc  votre  fille  de  c&ez  la  marquise  de  Mondéjar^ 
de  h  ûtafogne. 

SCÈNE  xm. 

FONSJurAvAa. 
Ahl  votre  générosité,  Madame,  était  donc  une  osmUiaÎMyii 
pour  servir  les  intérêts  de  Sarpi  ?'  MooS'Sommes  quittes  alors  !  adieu . . . 

SCÈNE  XVHL 

niBSTINB,  PSlfiUPTA. 
TàOSBSKSL 

Gomm»  S  état  bmw  dan»  sa  colère'^  faqaiuitl 

pioinrii. 
Ah!  Madame,  qu'allez-vous  devenir  si  vous  Taimez  ahislTr 

Fjmsnjicv. 
Mon  enfant,  je  m'aperçois  que  je  n'ai  jamaivaiiiiâ^  ettjc  véok, 
là,  dans  un  instant,  d'être  métainorphosée  comme  par  un  coup 
de  fondra  J'ai,  dis»' un  moment,  aimé  pom*  toai' fc  KMnpypeidli? 
Peut-être  ai-je  mis  le  pied  dans  un  abîme.  Envoie  un  de  mw^w 
lets  chez  Mathieu  Magis  le  Lombardl 

SCÈNE  ïlï;' 

FAUSmW,  seule. 

Je  raime  déjà  trop  pour  confier  ma  vengeance  au  stylet  de  Mo-» 
nlNib,  car  ffm'r trop  méjpwisécf  pourvue jr  t^Mtese  pii^fe- 
gvder  comme  le  plus  grand  bmarar  A^Btfafoir  fmf»  ftmMf 


176  LES  RESSO0RGE8  DE  QUINOLA. 

Je  Teux  le  Toir  soumis  à  mes  pieds,  ou  nous  nous  briserons  dam 
la  lutte. 

SCÈNE.  XX. 

FAUSTINE,  FRÉGOSE. 
FRÉGOSE. 

Eh  bien  I  je  croyais  trouver  ici  Fontanarès  heureux  d'avoir  par 
vous  son  navire? 

FÀUSTINE. 

Vous  le  lui  avez  donc  donné  ?  Vous  ne  le  haïssez  donc  pas  ?  J'ai 
*  cru,  moi,  que  vous  trouveriez  le  sacriQce  au-dessus  de  vos  forces. 
J'ai  voulu  savoir  si  vous  aviez  plus  d'amour  que  d'obéissance. 

FRÉGOSB. 

Ah!  Madame... 

FAUSTINB. 

Pouvez-vous  le  lui  reprendre? 

FRÉGOSE. 

Que  je  VOUS  obéisse  ou  ne  vous  obéisse  pas,  je  ne  sais  rien  faire 
à  votre  gré.  Mon  Dieu!  lui  reprendre  le  navire  !  mais  il  y  a  mis 
un  monde  d'ouvriers,  et  ils  en  sont  déjà  les  maîtres. 

FAUSTINE. 

Vous  ne  savez  donc  pas  que  je  le  hais,  et  que  je  veux  T..  • 

FRÉGOSE. 

Sa  mort! 

FAU8TUIS. 

N<m ,  son  ignominie. 

FRÉGOSE. 

Ahl  je  vais  donc  pouvoh*  me  venger  de  tout  un  mois  d*an* 
goisses. 

FAUSnKB. 

Gardez-vous  bien  de  toucher  à  ma  proie,  laissez-la-moL  Et 
d'abord,  don  Frégose,  reprenez  les  tableaux  de  ma  galerie. 

(MouTeinent  (fétoniieBient  chei  don  Frégose.)  Je  le  VeuX. 

FRÉGOSE. 

Vous  refusez  donc  d'être  marquise  de... 

FAUSTINE. 

Je  les  brûle  en  pleine  place  publique,  ou  lès  fais  vendre  pour 
«I  donner  le  prix  aux  pauvreik 


ACTE  IL  177 

FRÉGOSB, 

Enfin  queUe  est  votre  raison  7 

FAUSTINB. 

Tai  soif  d'honneur»  et  tous  avez  compromis  le  mieo. 

FRÉGOSB. 

Mais  alors  acceptez  ma  main. 

FAUSTINB. 

Eh!  laissez-moi  donc. 

FRÉGOSE. 

Plus  on  Yous  donne  de  pouvoir,  plus  vous  eu  «ibusei. 

SCÈNE  XXI, 

FAUSTINB,  seule. 

Maiu*esse  d'un  vice-roi!  Ohl  je  vais  ourdir,  avec  Avaloros  et 
Sarpi,  une  trame  de  Venise. 

SCÈNE  XXII. 

FAUSTINEt  MATUIEO  M  AGIS. 
^  MATBIBU  HA«I8. 

Madame  a  besoin  de  mes  petits  services  T 

FAUSTINB. 

Qui  donc  êtes-vous? 

MATHIEU  MAGIS. 

Mathieu  Magis,  pauvre  Lombard  de  Milan,  pour  vous  servir* 

FAUSTINB. 

Vous  prêtez? 

MATHIEU  HAGIS. 

Sur  de  bons  gages,  des  diamants,  de  l'or,  un  bien  petit  com- 
merce. Les  pertes  nous  écrasent,  Madame.  L'ai|;ent  dort  sou- 
vent. Ah!  c'est  un  dur  travail  que  de  cultiver  les  maravédis.  Une 
seule  mauvaise  affaire  emporte  le  profit  de  dix  bonnes,  car  nous 
liasardons  mille  écus  dans  les  mains  d'un  prodigue  pour  en  gagner 
trois  cenis,  et  voilà  ce  qui  renchérit  ce  prêt.  Ia  monde  est  injuste 
i  notre  égard. 

«AUSTINB. 

Etes-vous  juif? 

TH.  .       n 


ilH  LES  RESSOimCES  DE  QUIKOLA. 

MATHIEU  VAGIS.  ^ 

CouàSD^.  l'entendez-vous? 

VAUSHNE. 
HAUinU  MA6IS. 

le  suis  Lombard  et  catholique,  Madame^ 

FAUSTINB. 

Ceci  me  contrarie. 

MATHIRU  MAGI9. 

Madame  m'aurait  youIu... 

FAUSTINL. 

Oui,  dans  les  griffes  de  l^Ioqnisliioii. 

MATHIEU  MAGIS» 

Et  pourquoi? 

FAUSTINE. 

Foor  être  sftre  de  votre  fidélité. 

MATHIEU  MAGfS. 

J'ai  bien  des  secrets  dans  ma  caisse,  Madamau 

FAUSTIT'C. 

Si  j'avais  votre  fortune  enire  les  mains... 

MATHIlUi  MAG18. 

Vous  auriez  mon  ftme. 

Il  faut  se  rattacher  par  Kotérêt,  cela  est  dain  (Haut)  Tous 
prêtez... 

MATHIEU  MAGIS. 

Au  denier  cinq. 

FAUSTtirB. 

Vous  vous  méprenez  toujoara.  Ecoutez  :  vous  prêtez  votre  nom 
au  seigneur  Avaloros. 

MATHIEU  MAOfS. 

H  connais  te  seigneur  Avaloros,  un  banquier;  nous  laiisoos 
çieiques  affaires,  mais  il  a  on  trop  beau  nom  sur  la  place  et  trop 
de  crédit  dans  h  Méditerranée  pour  avoir  jamais  besoin  du  paovr» 
Malfcieo  Magis... 

VAUSmiB. 

Tocsdiserel,  Lombard.  Si  je  veux  agir  sous  ton  nom  dans  one 
affaire  considérable... 

MATRIU  VA0I8. 

La  contrebande  t 


ACTE  11^  179 

FAUSTINB. 

f  importe  ?  Quelle  serait  la  garantie  de  ton  ibsolii  dévoae- 

ment? 


La  prime  à  gagner. 

FAUSTINB^  k  part. 

Qnel  lieau  cbien  àe  cbassei  iHany  Eh  i»eni  vensi,  voob  zUem 
être  dmrgé  d*m  secret  où  il  y  va  de  la  "vie,  car  je  Tais  vous  dODaer 
im  grand  homme  \  dévorer. 

HATHIRU  VAGIS. 

Mon  petit  commerce  est  alimenté  par  les  grandes  passions^ 

belle  femme,  belle  prime. 


flll  DU   DEUXIÈME  ACTI 


ACTE  TROISIÈME 


Le  théfttra  répréKnte  on  lotériear  d'éeoiie.  Dans  lei  comblei.  da  fofn:  le  long  dei 
nan,  des  rouei.  des  tubes,  des  pivots,  une  longue  cheminée  en  cuivre,  une  vaste  chau- 
dière. A  gauche  du  spectateur,  un  pilier  sculpté,  oh  se  trouve  une  Madone.  A  droite  une 
table:  sur  la  table,  des  papiers,  des  Instruments  de  mathématiqnes.  Sur  le  mur,  au-des- 
sus de  la  table,  un  tableau  noir  couvert  de  figures.  Sur  la  table,  une  lampe.  A  côté  du 
tableau,  une  planche  sur  laquelle  sont  des  oignons,  une  cruche  et  du  pain.  A  droite  du 
spectateur.  Il  y  a  une  grande  porte  d'écurie;  el,  k  ganche,  une  porte  donnant  sur  lei 
champs.  Un  Ut  de  paille  à  côté  de  la  Uadone. 

An  lever  du  rideau  il  fait  nuit. 


SCÈNE  PREMIÈRE* 

FONTANARÊS,  QUINOLA. 

FOBtanarès ,  en  robe  noire  serrée  par  une  ceinturf^  de  cuir,  travaille  à  sa  table. 
Qulnnla  vérifie  1p<  pièces  de  ia  machine 

QUINOLA. 

Mais  moi  aussi,  Monsieur,  j*ai  aimé  !  Seulemenl  quand  j'ai  ea 
compris  la  femme,  je  lui  ai  souliaité  le  bonsoir.  La  bonne  chère 
et  la  bouteille,  ça  ne  tous  trahit  pas  et  ça  vous  engraisse. 
(Il  regarde  son  maitre.)  Bon!  il  ne  m'cnteud  pas.  Yoid  trois  pièces  à 
forger,  (u  ouvra  la  porte.)  Eh!  Moiiipodilie. 


SCÈNE  II. 

Ui  MÊiiBs,  MONIPODIO*. 

QUINOLA. 

Les  trois  dernières  pièces  nous  sont  revenues,  emporte  les  mo- 
dèles, et  fais-en  toujours  deux  paires  en  cas  de  malheur. 

(Uonlpodio  fait  signe  dans  la  coulitise;  deux  bommes  paralsaenij 

UONIPODIO. 

Enlevez,  mes  enfants,  et  pas  de  bruit,  évanouissez-vous  comme 
des  ombres,  c'est  pire  qu'uiï  vol.  (a  Quinoia.)  On  s'éi-einte  à  ti*avaiUer. 


ACTE  m.  18! 

QUlXOIiA. 

Oq  ne  se  cloute  encore  de  rien. 

MONIPODIO* 

Ni  eux,  ni  personne.  Chaque  pièce  est  enveloppée  comme  nn 
bijoa,  et  déposée  dans  une  cave.  Mais  il  faut  trente  écus. 

QUINOLA. 

Oh!  mon  Dieul 

HONIPODIO. 

Trente  drôles  bâtis  comme  ça  boivent  et  mangent  comme 

soixante. 

QUIXOLA. 

La  maison  Quinola  et  compagnie  a  fait  faillite,  et  Ton  est  à  mes 

trousses. 

HONIPODIO. 

Des  protêts  7 

QUINOLA. 

Es-tu  bête?  de  bonnes  prises  de  corps.  Mais  j*ai  pris  chez  un 
fripier  deux  ou  trois  défroques  qui  vont  ine  permettre  de  sous- 
traire Quinola  aux  recherches  des  plus  finsi  limiers,  jusqu'au  mo- 
ment oà  je  pourrai  payer. 

HONIPODIO. 

Payer?,.,  c'te  bêtise  I 

QUINOLA. 

Oui  :  j'ai  gardé  un  trésor  pour  la  soif.  Reprends  ta  souquenille 
de  Frère  quêteur,  et  va  chez  Lothundiaz  parlementer  avec  la 
duègne. 

HONIPODIO. 

Hé!asl  Lopez  est  tant  de  fois  retourné  d'Alger,  que  notre  duègne 
commence  à  en  revenir. 

QUINOLA. 

Baht  il  ne  s'agit  que  de  faire  parvenir  cette  lettre  à  la  sénorita 
Marie  Lothundiaz.  auui  donne  une  lettre.)  C'est  un  chef-d'œuvre  d'é- 
loquence inspiré  par  ce  qui  inspire  tous  les  chefs-d'œuvre,  vois  : 
1008  sommes  depuis  dix  jours  au  pain  et  à  l'eau. 

HONIPODIO. 

Et  nous  donc?  crois-tu  que  nous  mangions  des  ortolans?  Si  nos 
hommes  croyaient  bien  £iire,  ils  auraient  déjà  déserté. 

QUINOLA. 

Veuille  l'amour  acquitter  ma  lettre  de  change,  et  nous  nous 
tirerons  encore...  (Monipodio sorti 


Ig2  LES  RESSOURCES  DE  QUIKOLA* 

SCÈNE  m. 

QpmaU.  FODXAOiABtS» 

QUINOLA  j  flrottànt  uu  oignon  sur  son  palm 

On  dit  qne  c'est  a?ec  ça  q]ue  se  nourrissaient  les  onvriers  des 
pjfsamides  d'Egypte,  mais  Us.  devient  avoir  l'assalsouement  qoi 
nous  soutient  :  la  foL..  m  boit  de  reaa.)  Vous  n'avez  donc  pa&  ùàrn^ 
Monsieur?  Prenez  garde  que  la  machine  ne  se  détraque. 

VONTANARiS. 

Je  cherche  une  dernière  solution... 

QUINOLA  f  sa  manche  cm(|ue  quand  11  remet  la  crache. 

Et  moi  j'en  trouve  uno...  de  continuité  à  ma  naadbe.  ¥iai- 
ment,  à  ce  métier,  mes  hardes  de.vîennent  par  trop  algébriques. 

Brave  garçoa!  toujoara  gi»,  toêtoè  aw  bai  dft  maiheoi; 

Sangodéml  !  Monsieur,  la  fortune  aime  le&  g^oa  0HC 
tant  que  les  gens  gais  aiment  kfioAtiMU^ 


SCÈNE  rr. 

«,.  HàlHHBlI  MâGiai 


0kl  voilà  BOM  Laaibavd;.  il  icgnide  iaiilttle»pièeap  cootte  si 
elles  étaient  déjà  sa  propriété  légitime. 

MATHI1E&  «MUS. 

Je  sois  Totratrâa-bttiAbkkiemteiir»  muk  ta/»  néfiam»  Wsaièr 

QMno&à» 
Toujoars  comme  kjtarhre»  poli„  sm  tÊ  tmkL 

FOiCTàKAI^S.. 

A  «osa  saloAr  Pwnsienr  Magis..  (ui»«8B9ftteHi».i 

KATHIB»  XAGIS.. 

?oos  êtes  un  homme  sublime,  et,  pour  mon  compte,  je  vous 
wenx  toute  sQCta  de  bien». 

FONTANARÈS. 

Et  c'est  pour  cela  que  vous  venez  me  faire  toute  sorte  de  mal! 


Aère  m.  183 

JIATBICU  «AGIS* 

Yoi»  me  brusqaez  !  ça  n*est  pas  i»ea*  Voob  Ignorez  qa'il  y  a 

denx  hommes  en  moi. 

roHXAirARis. 
Je  n'ai  jaHiais  va  l'autre» 

MATHIEU  MAGI8. 

J'ai  du  cœar  hors  les  affaires. 

QUINOLA. 

Hais  vous  êtes  toujours  eu  affaires. 

MA.THUIU  ttlGI& 

Je  vous  admire  luttant  tout  deux. 

FONTANARÈS. 

L'admiration  est  le  sentiment  qui  se  fatigue  le  plus  prompte- 
fflent  chez  l*homme.  D'ailleurs  vous  ne  prêtez  pas  sur  lea  seati- 
ffleots. 

UATUIEU  MAGIS. 

Il  y  a  des  sentimeots  qui  rapportent  et  des  sentiments  qui  rui- 
nent Vous  êtes  animés  par  la  foi,  c'est  ttès-beau,  mats  c'est  roi- 
neox.  Nous  fîmes,  il  y  a  six  mois^  de  petites  conventions  :  vous 
me  demandâtes  trois  mille  sequins  pour  vos  espérie&ees**. 

QUINOU^ 

A  la  condition  de  vous  en  rendre  cinq  mille» 

FOKIANARES. 

Eh  bien  ? 

MATHIEU  MAGIS. 

Le  terme  est  expiré  depuis  deux  mois. 

FONTANARÈS. 

Vous  nous  avez  fait  sommation,  il  y  a  deux  moiSt.etraide«l!e 
lendemain  même  de  l'échéance. 

MATHIEU  MAGIS. 

Oh  I  sans  fâcberîe,  uniquement  pour  être  en  n^esure. 

FONTANARES. 

Eh  bien!  après? 

MATHIEU  MAGIS. 

Vous  êtes  aujourd'hui  mon  débiteur. 

FONTANARÈS. 

Di^kallmofa;  passés  connue  un  songel  Et  je  viens  de  me  p(^ 
ser  seulement  cette  nuit  le  problème  à  résoudre  pour  faire  arriver 
l'eau  froide,  aOn  de  dissoudre  b  vapeur  I  Magis,  mon  a  i,  soyâiS 
mon  protecteur,  donnez-moi  quelques  jours  de  plus  7 


18^  LES  RESSOUnCES  DE  QUINOLA. 

MATHIEU  MAGIS. 

Oh  !  tout  ce  que  vous  voudrez. 

Vrai  ?  Eh  bien  !  voilà  l'autre  bomme  qui  parait,  (a  Fontanaits) 
Monsieur,  celui-là  serait  mon  ami.  (a  Magis.)  Voyons,  Magîs  Deux, 
quelques  doublons  ? 

PONTANARftS. 

Ah  !  je  respire. 

MATHIEU  MAGIS. 

G*est  tout  simple.  Aujourd'hui  je  ne  suis  plus  seulement  prê- 
teur, je  suis  prêteur  et  copropriétaire,  et  je  veux  tirer  parti  de  ma 
propriété. 

QUINOLA. 

Âhl  triple  chien. 

FONTANARÈS. 

Y  pensez-vous? 

MATHIEU  1ÏAGI6. 

Les  capitaux  sont  sans  foL.. 

QUINOLA. 

Sans  espérance  ni  charité;  les  écus  ne  sont  pas  catholiques. 

MATHIEU  MAGIS. 

A  qui  vient  toucher  une  lettre  de  change,  nous  ne  pouvons  pas 
dire  :  «  Attendez  !  un  homme  de  talent  est  en  train  de  chercher 
une  mine  d*or  dans  un  grenier  ou  dans  une  écurie!  »  En  six 
mois,  j'aurais  doublé  mes  petits  sequins.  Ecoutez,  Monsieur,  j'ai 
une  petite  famille. 

FONTANARÈS^  à  Qulnola. 

Ça  a  une  femme  I 

QUINOLA. 

Et  si  ça  fait  des  petits,  ils  mangeront  la  Catalogne. 

•  MATHIEU  MAGIS. 

J'ai  de  lourdes  charges. 

FONTANARÈS. 

Vous  voyez  comme  je  vis. 

MATHIEU  MAGIS. 

Eh!  Monsieur,  si  j'étais  riche,  je  tous  prêterais...  (QatMitiar^ 
la  main)  de  quoi  vivre  mieux. 

FONTANARÈS. 

Attendez  encore  quinze  jours. 


ACTE  Uh  185 

MATHIEU  MAGIS^  à  part. 

me  fendent  le  cœur.  Si  ça  me  regardait,  je  me  laisserais 
peat-être  aller;  mais  il  faut  gagner  ma  commission,  la  dot  de  ma 
fiDe.  (Haut.)  Vraiment,  je  vous  aime  beaucoup,  vous  me  plaisez... 

QUINOLA^  à  part. 

Dire  qu'on  aondt  un  procès  criminel  si  on  l'étranglakl 

FONTANARiS. 

Vous  êtes  de  fer,  je  serai  comme  Tacier. 

UATHIEU  UAGIS. 

Qu*est-ce,  Monsieur? 

FONTANARÈS. 

Vous  resterez  a?ec  moi,  malgré  vous. 

MATHIEU  MAGIS. 

Non,  je  ?eux  mes  capitaux,  et  je  ferai  plutôt  saisir  et  vendre  toute 

cette  ferraille. 

FONTATfARÈS. 

Âb!  vous  m'obligez  donc  à  repousser  la  ruse  par  la  ruse.  J'al- 
lais loyalement!...  Je  quitterai,  s*il  le  faut,  le  droit  chemin,  à 
votre  exemple.  On  m'accusera,  moi!  car  on  nous  veut  parfaits! 
Mais  j'accepte  la  calomnie.  Encore  ce  calice  à  boire!  Vous  avez 
fait  un  contrat  insensé,  vous  eu  signerez  un  autre,  ou  vous  me 
verrez  ineitre  mon   œuvre  en  mille  morceaux,  et  garder  là 

(il  se  frappe  le  cœur)  mOU  Secret. 

MATHIEU  MAGIS. 

Âh!  Monsieur,  vous  ne  ferez  pas  cela.  Ce  serait  un  vol,  une 
friponnerie  dont  est  incapable  un  grand  homme. 

FONTANARÈS. 

Ah  !  vous  vous  armez  de  ma  probité  pour  assurer  le  succès  d'une 
monstrueuse  injustice! 

MATHIEU  MAGIS. 

Tenez,  je  ne  veux  point  être  dans  tout  ced,  vous  vous  enten- 
^Irez  avec  don  Ramon,  on  ïAen  galant  homme,  à  qui  je  vais  céder 
mes  droits. 

FONTANARÈS. 

DonRamont 

QUINOLA. 

Gelai  que  tout  Barcelone  vous  oppose; 

FONTANARÈS. 

Après  tout,  mon  dernier  problème  est  résolu.  La  gicrire,  h  for- 
Ime  vont  enCn  ruisseler  avec  le  cours  de  ma  vieb 


486  I£S  RESSOVRCBS  DB  QUINOLA. 

QUIROLA. 

Gm, pasdes' annmceal  toujours,  hélast  an  rooag» 9i  refiirct 
Bahl  uae  ailaire  de  cent  «equioB. 

MATHIBU  lUfi». 

Tout  ee  q|Bft  leus.  avez  kî,  vendu  par  aatorilâ  dB  j«âce;  m  les 

donnerait  pas,  les  frais  prâevé& 

QUINOUL 

Pâtare  à  corbeaax,  veiis-tii  te  sauver! 

MATHIEU   MAGIS. 

Ménagez  don  Ramon,  il  saura  bien  hypothéquer  sa  créance  sur 
votre  tête,  ai  renentsurQuineia.)  Qoant  à  toi,  fmîi  de  potence,  si  ta 
me  tombes  sous  la  maia^  je  me  vengerai I  (a  Fontanarës.)  Adieu, 
iMUtt^degénift.  (dmtM 

SCÈNE  Y. 

FOKTANÀBÈS,  QUKOUb 
flOHTAiarABAS. 

So  parohs  oK^acflBt 

QITINOLA. 

Et  moi  aussi  !  Les  booM»  idées  vinnent  toujours  se  prendre 
MX  taUea  91e  lenr  todutt  ccs-anignées^à^l 

vâfvcAivjfnÉK. 
Bah!  Encore  cent  sequio»,  el  ^fèe  la  vie  sera  dorée,  pleine  de 

U»m  ek  4'anMii..  eam^r  *  nm4 

QUII70LA. 

Je  vous  crois,  Monsieucb  misi  awan  que  la  verte  espérance, 
cette  fi^htff  reipirtft,  ncweaMaiéar  Me»  ateal  An»te  gâeMfc 


Quinola! 

Je  ne  me  plains  pas,  je  suis  fait  à  la  détresse.  Mvoft  {venbe 
cent  sequins?  Vous  devez  à  dee  ewniers,  à  Carpano  le  maître  ser- 
rurier, à  Coppolus  le  mawhMJ  é»  fer,  êtwàm  «I  de  cmre,  ï 
notre  hôte  qui,  après  nous,  wmtt  m»  ici  moins  par  pitié  que  par 
9Mr 4&  Mwipatio^  fiirini  pae  bow  e»  eiewer?  noos  Uf  èsm» 
neuf  mois  de  dépeiNn» 


ACTE  IHL  1B7 

rONTANABiS. 

Mais  tout  est  finit 
Mais  cent  seqoins? 

FONTANARiS. 

Et  pourquoi,  toi  si  conrageai,  li  gai,  Tiens-la  me  clianter  m 

De  profundisf 

<lill!fClftâ. 

C'est  que  pour  rester  à  vos  côtés,  je  dois  ^sparatlssu 
Et  pourquoi? 


El  les  huissiers  donc?  J*ai  fait^  pour  tous  et  po«r  mes,  cont 
écus  d*or  de  dettes  coinmerdaks^  qui  ont  pris  la  forme,  la  figure 
et  les  pieds  des  recors. 

F01(fiOIABia&. 

BucsMhsfBtenMikettEssecaiBpose  donchii^ira^l. 

QUINOLA. 

Allons!  ne  vous  attristez  pas.  Ne  m'avez-vous  pas  dit  qu'un 
père  de  votre  père  était  allé,  il  y  a  quelque  cMH|mme  ans»  au 
Mexique  avec  don  Gortez  :  a-<Mra  co  de  ses  nouvelles? 


QUmOLA. 

Vous  avez  un  grand  père?.^  ion»  irez  jusqu'au  jour  de  votre 
tomphcu 


«   iV  è-\\<f 


Venx-tu  donc  me  perdre? 

aumoLA. 
Voulez-vous  me  voir  aller  en  prîson  et  votre  machine  à  tous  les 
diables? 

FONTANARèS. 

NonI 

GumoiJk. 
ÏSKBBËhWioS  Ane*  vcni9  faire  revenir  ce  grand^pfire  die*  qnetquv 
P^  t  ce  sent  kr  preoifer  qsP  serar  revenv  des'  Inctes^ 


i88  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

SCÈNE  VI. 

IMM  ■ÉMIS,  MONIPODIO. 


Ehl  UenT 

Votre  infante  a  h  lettre. 


QUINOLA. 
KOHIPODIO. 


FOIfTAlfAIlte. 

Qu*est-ce  que  don  Ramon? 

HOIIIPODIO. 

Unimbédie. 

QUINOLA. 

Envieux? 

U0NIP0D10. 

Gomme  trois  anteors  siffles.  li  se  donne  pour  on  homme  éU»- 
naot. 

QUINOLA. 

Mais,  le  croit-on? 

MONIPODIO. 

Comme  un  oracle.  II  écrivaille,  il  explique  que  la  neige  est 
blanche  parce  qu'elle  tombe  du  ciel,  et  soutient  contre  Galilée  que 
la  terre  est  immobile. 

QUINOLA. 

Vous  voyez  bien.  Monsieur,  qu'il  faut  que  je  vous  défasse  de  ce 
savant-là?  (AM«iiipodio.)  Viens  avec  moi,  tu  vas  être  mon  valet 

SCÈNE  vn. 

FONTANARÈS,  Mil. 

QueDe  cervelle  cerclée  de  bronze  résisterait  à  chercher  de  Far- 
gent  en  cherchant  les  secrets  les  mieux  gardés  par  la  nature,  à  se 
défier  des  hommes,  les  combattre  et  combiner  des  affaires?  devi- 
ner sur-le-champ  le  mieux  en  toute  chose,  afin  de  ne  pas  se  voir 
voler  sa  gloire  par  un  don  Ramon,  qui  trouverait  le  plus  léger  per- 
fectionnement, et  il  y  a  des  don  Ramon  partout  Oh  I  je  ii*09e  me 
Tavouer...  Je  me  lasse. 


AGTB  IIL  189 


SCÈNE  Yin. 

rORTANARÈS»  KST£BAN,  GIRéKE  ET  DBDX  OUVRIERS^ 

Personnages  muets. 


ESTBBAir. 

Pônrriez-Yons  nous  dire  où  se  cache  un  nommé  Fontanarès  ? 

FONTANARÈS. 

Il  ne  se  cache  point,  le  voici  :  mais  il  médite  dans  le  silence. 
tA  part.)  Où  est  donc  Quinola?  il  sait  si  bien  les  renvoyer  contents. 
(Haat)  Qae  voulez- vous? 

ESTBBAir. 

Notre  argent  I  Depuis  trois  semaines  nous  travaillons  à  votre 
compte  :  l'ouvrier  vit  au  Jour  le  jour. 

FONTANARÈS, 

Hélas!  mes  amis,  moi  je  ne  vis  pas., 

ESTEBAN. 

Vous  êtes  seul,  vous,  vous  pouvez  vous  serrer  le  ventre.  Mais 
nous  avons  femme  et  enfants.  EnGn,  nous  avons  tout  mis  en  gage... 

FONTANARÈS. 

Ayez  confiance  en  moL 

ESTEBAN. 

Est-ce  que  nous  pouvons  payer  le  boulanger  avec  votre  cou* 

fiance? 

FONTANARÈS. 

Je  sois  on  homme  d'honneur. 

GIRONB. 

Tiens!  et  nous  aussi  nous  avons  de  l'honneur. 

ESTBB\N. 

Portez  donc  nos  honneurs  chez  le  Lombard,  vous  verrez  ce  qu'il 
prêtera  dessus. 

6IR0NB. 

Je  ne  suis  pas  un  homme  à  talent,  moi!  on  ne  me  fait  pas 
crédit 

ESTEBAN. 

Je  ne  suis  qu'un  méchant  ouvrier,  mais  si  ma  femme  a  besoin 
d*ane  marmite,  je  la  paye,  moi! 

FONTANARÈS. 

Qui  donc  vous  ameute  ainsi  contre  moit 


190  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

6IR0NE. 

Ameuter?  Sommes-nous  des  chiens? 

XSTEIlklI. 

Les  magistrats  de  Barcelone  ont  rendu  une  sentence  en  faveur 
do  maîtres  €oppol«s  «t  Gsirpaiio ,  qui  leur  dtsne  pmêêgd  «or  vos 
inventions.  Où  donc  est  notre  privilège,  à  nous? 

GIROXB. 

Je  ne  sors  pas  d'ici  sans  mon  argent 

TOflTAWAIliS. 

Quand  vous  resterez  ici,  y  trouverez-vous  de  l'argent?  d'ailleurs^. 

reSIe^  iMmsrir,  tn  prendton  c^apem  et  bob  nunAetv.) 

SSTEBAH. 

Oh!  VOUS  ne  sortiraz  pas  sans  nous  avoir  payés. 

(MouvemeDt  ckR  tai  ouvriers  pour  bairer  la  parle.) 
€I80NJS. 

Voici  une  pièce  que  j'ai  forgée,  je  Ja  garde» 

FOVXANAaiS. 

Alisérablel  oi  tire  ton  épée.) 

LES  OUTBIUS. 

Ob  I  sous  ne  lxw0erons  pas. 

Obi...  01  S'arrête  et  Jette  son  é|)ée.)  Peut-être  Avaloros  et  Sarpi  les 
ont-ils  envoyés  pour  me  pousser  à  bout  Je  serais  accttsé  de  meur- 
tre et  pour  des  années  en  prison.   (lU'agenoullIe  devant  la  madone.)  0 

«MB  Mbii  I  te  ialeBl  et  le  crime  seraieBt-iis  donc  «ne  même  chose 
k  tes  yeux?  Qu*ai-je  fait  pour  souffrir  tant  d'avanies,  tant  d'in- 
sultes et  tant  d'outrages?  F^mA-îI  donc  d'avance  expier  le  triom- 
phe? (AnzouTTierB.)  Tout  Espagnol  est  mtStœ  dam  n  maîBOR. 

ESTEBAH. 

Vous  n'avez  pas  ée  Bnlsoii.  Heus  wuimui  fd  M  9»leiMrDr; 
rhôte  nous  l'a  bien  dit 

Vous  n'avez  pas  payé  votre  loyer,  vous  ne  payez  itait 

FiKrrA!rivc9. 
AesieSt  mes  àallfest  j'd  loit  :  je  éobk 


ACTE  m.  ISl 

SCÈNE  IX. 

us  HÉVU.  GOPPOLUS  et  GARPABUL 
C0PP0UD6. 

Monsieur,  je  viens  \x)us  annoncer  qu'hier  les  iittgîfltrats  ée  Itafw 
celone  m*ont,  jusqu'à  parfait  payentest,  donné  privilège  sur  votre 
iofentioa,  «t  je  veitteiai  à  oe  qoe  nea  ae  sorte  dlcL  Le  privilège 
coinpread  la  oréaace  de  mm  confnère  Garpano,  i0b*e  terrader. 

FOKTAICAKiS. 

Qnd  fâémen  i^oos  aveo^T  Sans  moi,  cette  madime,  ce  n'est 
qneda  fer,  éd  l'acier,  du  caître  et  ûa  brtst  avec  moi,  c^est  une 

fortonei 

Oh!  nous  ne  nous  -séparerons  point. 

(Les  deax  marchands  fimt  nn  moavement  poar  aemr  Foottnards.) 
TONTANÂRtS. 

Quel  ami  vons  enlace  avec  autant  de  force  qu'un  créancier?  Eh 
iûen!  que  le  démon  reprenne  la  pensée  qu'il  m'a  donnée. 

TOUS. 

Le  démon  I 

Ah!  veillons  sur  ma  langée*  an  mot  peut  me  rejeter  dans  le» 
bras  de  Tinqui^tion.  ]foa,  ascone  gtoire  me  peat  pvfer  de  pa- 
reilles souffrances. 

GOPPOLUS,  Il  CariMtto. 

Ferons-nous  vendre? 

VOlITAIIARtS. 

lais,  pour  que  b  matliine  vaille  quelque  cliose,  encore  faut-^ 
hfioîr,  et  9  y  manque  une  pièce  dont  voici  le  modèle. 

(CoppoïKisct  CsTpaBose  eoBsultedt^ 

Gda  coMenit  cMore  deux  ccois  wM[n  in. 


iti  UtS  USSOtIftCES  OB  QDUOIiA. 

SCÈNE  X. 

LES  vɻs,  QUINOLA9  en  vleillanl  centenaire,  une  flgore  Itatattfqoe,  dans  le  genre 
de  Callot,  MONIPODIO,  enbabltde  ftntaisle,  L*HOTE  DU  SOL£IL-P*OR. 

L'hOTB  du  SOLBIL-D'ORy  montrant  Fontanarês. 

Seigneur,  le  ToicL 

QUINOLA. 

Et  TOUS  ayez  logé  le  petit-fils  du  capitaine  Fontanarês  dans 
une  écurie  I  la  république  de  Venise  le  mettra  dans  un  palais  !  Mon 
cher  enfant,  embrassez-moi?  (ii  marche  vers  Fontanarte.)  La  sérénis- 
sime  république  a  su  vos  promesses  au  roi  d'Espagne,  et  j'ai  quitté 
l'arsenal  de  Venise,  à  la  tête  duquel  je  suis,  pour...  (a  part.)  Je  suis 
Quinola. 

FONTANARiS. 

Jamais  paternité  n'est  ressuscitée  plus  i  propos... 

QUINOLA. 

Quelle  misère  I...¥Oilà  donc  l'antichambre  de  la  gloire. 

FONTANARÊS. 

La  misère  est  le  creuset  où  Dieu  se  plaît  à  éprouver  nos  forces. 

QUINOLA. 

Qui  sont  ces  gens? 

FONTANARÊS. 

Des  créanciers,  des  ouvriers  qui  m'assiègent 

QUINOLAj  à  ]'bOte. 

Vieux  coquin  d'hôte,  mon  petit-fils  est-il  chez  loil 

l'hotb* 
Certainement ,  Excellence. 

QUINOLA. 

Je  connais  un  peu  les  lois  de  Catalogne ,  allez  chercher  le  cor- 
régidor  pour  me  fourrer  ces  drôles  en  prison.  Envoyez  des  hais- 
siers  à  mon  petit  fils,  c'est  votre  droit;  mais  restez  chez  vous» 
canaille!  (u  fimiite  dana sa  poche)  Tenez!  allez  boire  à  ma  santéi 
01  leur  jetta  de  la  monnaie.)  Vous  viendrez  VOUS  faire  payer  chez  moL 

LES  OUVRIERS. 

Vive  Son  Excellence!  aiseortent.) 

QUINOLA^  àFontanartai 

Notre  dernier  doublon  I  c'est  la  réclamOi 


AGTB  ni.  VJl 

ê 

SCÈNE  XL 

LU  atHis,  moins  L'HOTE  et  LES  0UYRIER8. 

QUINOLAy  aux  deux  négocfuits. 

Qaant  à  tous,  mes  braves,  tous  me  paraissez  être  de  meilleara 
composition,  et  a?ec  de  l'argent,  nous  serons  d'accord. 

COFFOUJS. 

ExceUence,  nous  serons  alors  à  vos  ordres. 

QUINOLA. 

Voyons  ça,  mon  cher  enfant,  cette  fameuse  invention  dont  s'é- 
méat  la  république  de  Venise?  Où  est  le  profil,  la  coupe,  les 
plaos,  les  épures? 

COPPOLUS^  à  Corpano. 

Il  s'y  connaît,  mais  prenons  des  informations  avant  de  fournir. 

QUINOLA. 

Vous  êtes  un  homme  immense,  mon  enfant  I  Vous  aurez  votre 
jour  comme  le  grand  Colombo,  (n  pue  nn  genou.)  Je  remercie  Dieu 
de  l'honneur  qu'il  fait  à  noire  famille.  (Au  mamiABdi.)  Je  vous  paye 
dans  deux  heures  d'icL*.  (lu  sortent.) 

SCÈNE  xn. 

QUINOU ,  FONTANARÈS,  MONIPODIO. 
FONTANARÈS. 

Quel  sera  le  fruit  de  cette  imposture? 

QUIlfOLA. 

Vous  rouliez  dans  un  abtme,  je  vous  arrête. 

MONIPODIO. 

C'est  bien  joué!  Mais  les  Vénitiens  ont  beaucoup  d'argent,  et 
pour  obtenir  trois  mois  de  crédit,  il  faut  commencer  par  jeter  de 
la  poudre  aux  yeux  :  de  toutes  les  poudres,  c'est  h  phis  chère. 

QUllfOLA. 

Ne  vous  ai-je  pas  dit  que  je  connaissais  nn  trésor,  il  vient 

VONIPODIO. 

Tout  seul!  (Qataotaftitwtf0MimnMtif.i 

lOirrAirAite. 

Son  audace  me  fait  peur. 

TH.  13 


ifOx  LBS  RESSOURCES  DE  QUINOL/L 

SCÈNE  XIII. 

us  vftMBS,  MATHIEU  MAGIS,  DON  RAMOR. 
MATHIEU  MAGIS. 

Je  Tons  amène  don  Ramon,  sans  Tavis  duquel  je  ne  veox  plus 
rien  faire. 

DON  RAHO!f ,  h  Fontanarès. 

Monsieur,  je  suis  ra?i  d'entrer  en  relations  a^ec  un  homme  de 
votre  science.  A  nous  deux  nous  pourrons  porter  votre  découverte 
à  sa  plus  haute  perfection. 

QinNOLA. 

Monsieur  connaît  la  mécanique,  la  balistique,  les  mathémati- 
ques, la  dioptrique,  catoptrîque,  statique...  stique. 

DON  RAMON. 

J'ai  M  des  traités  assez  estimés. 

QUINOLA. 

En  latint 

DON  HAMON. 

En  espag;nol 

QUINOLA. 

Les  vrais  savants,  MonsieiR-,  n'écrivent  qu'en  latin.  Il  y  a  du 
danger  à  vulgariser  la  science.  Savez-  vous  le  latin? 

DON  RAMON. 

Oui,  Monsieur. 

QUINOUU 

Eh  bieni  tant  mieux  pour  vous. 

FOMANikRÈS. 

Monsieur,  je  révère  le  nom  que  vous  vous  êtes  fait;  mais  il  y  a 
trop  de  dangers  à  courir  dans  mur?  entreprise  pour  que  je  vous 
accepte  :  je  risque  ma  tête,  et  la  vôtre  me  semble  trop  précieuse. 

DON  RAMON. 

Croyez-vous  donc,  Alonsieur,  pouvoir  vous  passer  dedonRa* 
mon,  qui  bit  autorité  dans  la  science  ? 

QUUrOLA. 

DoBf  iUBo»t  le  fimieu  don  Ramon,  qui  a  donné  ht  rainos  de 
tant  de  phénomènes  qui,  jusquid,  se  permettaient  d'avoir  lieu 
•ans  raison. 


ACTE  IlL 

DON  BAMON* 

Lm-méine. 

QUINOLA. 

Je  suis  FoQtaoarési,  le  directear  de  l'arsenal  de  la  répaUiqne 
de  Venise,  et  grand-père  de  notre  inventeur.  Mon  enfant,  tous 
pou?ez  fons  fier  à  Monsieur;  dans  sa  position,  il  ne  saurait  vous 
tendre  un  piège  :  nous  allons  tout  lui  dire. 

DON  RAMON. 

Àh  I  je  vais  donc  tout  savoir. 

FONTANARÈS. 

Gooiment? 

QUINOLA. 

Laissez-inoi  lui  donner  une  leçon  de  mathématiques,  ça  ne  peut 
pà&  Ini  faire  de  bien»  mais  ça  ne  vous  fera  pas  de  mal.  (a  don  Ramon.) 
Tenez,  approchez!  (n  montre  les  pièces  de  la  machine.)  Tout  Cela  ne  si- 
gnifie rien  ;  pour  les  savants,  la  grande  chose... 

DON  RAMON. 

La  grande  chose? 

QUINOLA. 

C'est  le  problème  en  lui-même.  Vous  savez  la  rabon  qui  fait 
monter  les  nuages? 

DON  RAMON* 

Je  les  crois  plus  légers  que  Tair. 

QUINOUU 

Du  tout!  ils  sont  aussi  pesants,  puisque  Peau  finit  par  se  laisser 
tomber  comme  une  sotte.  Je  n*aime  pas  Teau,  et  vous? 

DON  RAMON. 

Je  b  respecte. 

QUINOLA. 

Noos  sommes  laits  pour  nous  entendre,  hss  nuages  montent  au- 
tant parce  qu'ils  sont  en  vapeur,  qu'attirés  par  la  force  du  froid 
qin  est  en  haut. 

DON  RAMON. 

Ça  pourrait  être  vrai.  Je  ferai  un  traité  là-dessuSp 

QUINOLA. 

Mon  neveu  formule  cela  par  R  plus  O.  Et.comme  il  y  a  beau- 
coup d'eau  dans  l'air,  nous  disons  simplement  O  plus  O»  un  non- 
veau  binôme. 

DON  BILMON. 

Ce  serait  un  nouveau  binôme? 

QUINOLA. 

On,  si  vous  voulez,  un  X. 


196  LES  RESSOURCES  DR  QUIHOLA. 

DOIT    AAHON. 

X,  ah  I  je  comprends. 

rONTAKAIlftS. 

Quel  âne! 

QDINOLA. 

Le  reste  est  une  bagatelle.  Un  tube  reçoit  l'eau  qui  se  fait  nuage 
par  un  procédé  quelconque.  Ce  nuage  veut  absolument  monter» 
et  la  force  est  immense. 

DON  RAMON. 

Immense,  et  comment? 

QUmOLA. 

Immense...  en  ce  qu'elle  est  naturelle»  car  Thomme..,  saisis- 
sez bien  ceci,  ne  crée  pas  de  forces... 

DON  RAUON. 

Eh  bien!  alors  comment?... 

QUINOLÀ. 

Il  les  emprunte  à  la  nature;  Tlnvention,  c'est  d'emprunter... 
Alors...  au  moyen  de  quelques  pistons,  car  en  mécanique. ••  tous 
savez... 

DON  RAHON. 

Ouiy  Monsieur»  je  sais  la  mécanique. 

QUINOLA. 

Eh  bien  !  la  manière  de  communiquer  une  force  est  une  mai- 
aerie,  un  rien,  une  ficelle  comme  dans  le  tourne-broche. •• 

DON  RAUON. 

Ah!  0  y  a  nn  tourne-broche? 

QUINOLA. 

Il  y  en  a  deux,  et  la  force  est  telle  qu'elle  soulèverait  des  montagnes 
|ui  sauteraient  comme  des  béliers...  C'est  prédit  par  le  rd  David. 

DOX  RAMON. 

Monsieur,  vous  avez  raison,  le  nuage,  c'est  de  l'eau... 

QUINOLA. 

L'eau,  Monsieur?...  Eh!  c'est  le  monde.  Sans  eau,  vous  ne 
pourriez...  c'est  clair.  Eh  bien  !  voilà  sur  quoi  repose  l'invention 
de  mon  petit-fils  :  l'eau  domptera  Teau.  0  plus  O.  voilà  la  formule. 

DON  RAMON. 

Il  emploie  des  termes  incompréhensibles. 

QUINOLA. 

Vous  comprenez? 

DON  lUXOH. 

Parfaitement 


ACTE  lU.  197 

QUIirOLA^  à  part; 

Cet  homme  est  horriblement  bête,  ouau)  Je  tous  ai  parlé  '-% 
langue  des  vrais  savants.. . 

MATHIEU  MAGIS,  à  HonipodlO. 

Qui  donc  est  ce  seigneur  si  savant  7 

HONIPODIO. 

Un  homme  immense  auprès  de  qui  je  m'instruis  dans  la  I>aiis* 
iiqne,  le  directeur  de  Tarsenal  de  Venise,  qui  va  vous  rembourser 
ce  soir  pour  le  compte  de  la  république. 

MATHIEU  HAGIS. 

Gourons  avertir  madame  Brancador,  elle  est  de  Venise,  ai  son.) 


SCÈNE  XIV. 

LES  prAcédkmts,  molDB  Mathieu  Magfg,  LÔTHDNDIAZ,  MARIE. 

MARII. 

Ârriverai-je  à  temps?... 

QUINOLA. 

fion!  voilà  notre  trésor. 

(Lothundlaz  et  don  Ramon  se  font  des  eiTilltés,  el  ragardent  lea  pièeee 
de  la  machine  au  fond  da  théAtre.) 

FONTANARÊS. 

Marie,  ici! 

MARIE. 

Amenée  par  mon  père.  Àh!  mon  ami,  votre  valet  en  m*appré- 
liant  votre  détresse... 

FONTAN ARES,  h  Quinola. 

Maraud  I 

Ouinola; 
Mon  petit-fils! 

MARTE. 

Oh  !  il  a  mis  fin  à  mes  tourments. 

FONTANARàS» 

Et  qui  donc  vous  tourmentait? 

MARIE. 

Vous  ignorez  les  persécutions  auxquelles  je  suis  en  butte  depuis 
votre  arrivée,  et  surtout  depuis  votre  querelle  avec  madame  Bran- 
cador.  Que  faire  contre  Tautorité  paternelle?  elle  est  sans  bornes. 


LES  RESSOUBCES  DK  QUINOLA. 

£11  restant  au  logis,  je  clouterais  de  pouvoir  vous  conserver,  non 
pas  mon  cœur,  il  est  à  vous  en  dépit  de  tout,  mais  aa  pecwone... 

FONTANARÈS. 

Encore  un  martyre  1 

luaa. 

En  retardant  le  jour  de  votre  triomphe,  vous  avez  rendu  ma 
situation  insappoitaUe.  Hélas!  en  vous  voyant  ici,  je  devine  que 
nous  avons  souffert  en  même  temps  des  maux  inouis.  Pour  pou* 
voir  être  à  vous,  je  vais  feittdi*e  de  me  donner  à  Dieu  :  j'entre  ce 
soir  au  couvent. 

FONTANAAÈS. 

Au  couvent?  Il  veulent  nous  séparer.  Voilà  des  tortures  à  faire 
maudire  la  vie.  Et  vous,  Marie,  vous,  le  principe  et  la  fleur  de  ma 
découverte!  vous,  cette  étoile  qui  me  protégeait,  je  vous  force  à 
rester  dans  le  ciel.  Oh!  je  succombe.  (u  pienra.) 

MARIS. 

Mais  en  promettant  d'aller  dans  un  couvent,  j'ai  obtenu  de  mon 
père  le  droit  de  venir  ici  :  je  voulais  mettre  une  espérance  dans 
mes  adieux,  voici  les  épargnes  de  la  jeune  fille,  de  votre  sœur,  ce 
que  j'ai  gardé  pour  le  jour  où  tout  vous  abandonnerait 

FONTANARÈS. 

Et  qu'ai-je  bemin,  sans  vous,  de  gtoire,  de  lortnne,  et  même 
de  la  vie  T 

MARIE. 

Acceptez  ce  que  peut,  ce  que  doit  vous  offrir  celle  qui  sera 
notre  femme.  Si  je  vous  sais  malheureux  et  tourmenté,  l'espé- 
rance me  quittera  dans  ma  retraite,  et  j'y  mourrai,  priant  pour 
vous! 

QUINOLA^  à  Marie. 

Lalssez-le  faire  le  superbe,  et  sauvons-le  malgré  luL  Chut  !  je 

passe  pour  son  grand-*père.       (Uarie  donne  son  aumOnièit  à  QptfiMU.) 

LOTHUNDUZ9  a  don  Ramon. 

Ainsi,  vous  ne  le  trouvez  pas  fort? 

SON  BAMON. 

Lequel?  Oh!  lui!  c*est  un  artisan  qû  ne  aait  rien  et  qui  sans 
doute  aura  volé  ce  secret  en  ItaUa 

umammàaL 

le  m'en  euis  toujours  douté,  coaune  j'ai  raison  de  visister  k  ma 
tHe  «t  ée  ie  lui  refuser  pwr  mûri. 


ACTE  m.  199 

DON  RAMON. 

n  h  mettrait  sar  la  paille.  II  a  dévoré  cinq  mille  sequins  et 
s'est  endetté  de  trois  mille,  en  huit  mois  sans  arriver  à  un  résul- 
tat !  Ah  !  parlez-moi  de  son  grand-père  /oiià  un  savant  du  pre« 
roier  ordre»  et  il  a  fort  à  faire  avant  de  lie  valoir.  (nmtntnODUioik) 

lOTHUNDIAZ. 

Son  grand-père?.». 

QUIIIOLA. 

Onl,  Monsieur,  mon  nom  de  Fontanarès  s'est  changé,  à  Venise» 
en  celui  de  Fontanarési. 

LOTHUNDUZ. 

Vous  êtes  PaUo  Fontanarès? 

QUINOLA. 

Pablo,  lui-même. 

LOTHUNDIAI. 

Et  riche? 

QunroLA. 
Richissime. 

LOTBUNDIAZ. 

Touchez  là,  Monsieur,  vous  me  rendrez  donc  les  deux  mille  se- 
qnins  que  vous  empruntâtes  à  mon  père. 

QUINOLA. 

Si  vous  pouvez  me  montrer  ma  signature,  je  sw's  prêt  à  y  faire 
honneur. 

HARIB^  après  une  oonTersatton  avec  Fontanartt. 

Acceptez  pour  triompher,  ne  s'agitril  pas  de  notre  bonheur? 

fONTANARiS. 

Entraîner  cette  perie  dans  le  gouffre  où  je  me  sens  tomber. 

«{■iiiola  et  Hooipodio  dtfptralamitj 


SCÈNE  XY. 


nt  ntmn,  SARFI. 


Sàm,  à  L9ttmi4lai. 

fous  et  avec  votre  fiUe,  Sdgnenr  Lothundiai? 

LOTHUNDIAZ. 

Elle  a  nus  pour  prix  de  son  obéissance  à  se  rendre  au  couvent» 
de  venir  lui  dire  adieu. 


200  LES  BESSOCRCES  DB  QUIHOUL 

SABPl. 

La  compagnie  est  assrz  nombreuse  pour  que  je  ne  m*offeiise 
point  de  cette  condescenorace. 

rONTANARÈS. 

Ah  !  voilà  le  plus  ardent  de  mes  persécuteurs.  Eh  bien  !  Sei- 
gneur, venez-vous  mettre  de  nouveau  ma  constance  à  l'épreuve? 

SARPI. 

Je  représente  ici  le  vice-roi  de  Catalogne,  Monsieur,  et  j'ai 
droit  h  vos  respects,  (a  don  Ramon.)  Etes-vous  content  de  lui  ? 

DON  RAMON. 

Avec  mes  conseils,  nous  arriverons. 

SARPI. 

Le  vice-roi  espère  beaucoup  de  votre  savant  concourt. 

FONTANARÈS. 

Rêvé'je?  Youdrait-on  me  donner  un  rival? 

SARPI. 

Un  guide,  Monsieur,  pour  vous  sauver. 

FONTANAnÈS. 

Qui  vous  dit  que  j'en  aie  besoin  ? 

MARIE. 

Alfonso,  s'il  pouvait  vous  faire  réussir! 

FONTANARÈS. 

Ah  !  jusqu'à  elle  qui  doulc  de  moi. 

MARIE. 

On  le  dit  si  savant! 

LOTHUNDIAZ. 

Le  présomptueux  !  il  croit  en  savoir  plus  que  tous  les  savants 
du  monde. 

SARPI. 

Je  suis  amené  par  une  question  qui  a  éveillé  la  sollicitude  do 
vice-roi  :  vous  avez  depuis  bientôt  dix  mois  un  vaisseau  de  l'Etat, 
et  vous  en  devez  compte. 

»  FONTANARÈS. 

Le  roi  n'a  pas  fixé  de  terme  à  mes  travaux. 

SARPI. 

L'administration  de  la  Catalc^ne  a  le  droit  d'en  enger  un,  et 
nous  avons  reçu  des  ministres  un  ordre  à  cet  égard.  (Mouvement  de 
surprise  chez  Fonuoarts.}  Ohl  prenez  tout  votre  temps:  nous  ne  vou- 
lons pas  contrarier  un  homme  tel  que  vous.  Seulement,  nous  pen- 
sons que  vous  ne  voulez  pas  éluder  la  peine  qui  pèse  sur  votre 
tête,  en  gardant  le  vaisseau  jus(iu*à  la  fin  de  vos  jours. 


ACTE  m.  201 

MARIE. 

QaeDe  peine? 

PONTANABiS» 

Jejooema  tête. 

MARIE. 

La  mort  !  et  tous  oie  refusez. 

FONTANARÈS. 

Dans  trois  mois,  comte  Sarpi,  et  sans  aide,  j'aarai  fini  mon 
œuvre.  Vous  irerrez  alors  un  des  plus  grands  spectacles  qu'un 
homme  paisse  donner  à  son  siècle. 

SARPI. 

Voici  ?otre  engagement,  signez-le.  (Fontanaresyagigner.) 

MARIE. 

Adieu,  mon  ami!  Si  vous  succombiez  dans  cette  lulte^  je  crois 
que  je  vous  aimerais  encore  davantage. 

LOTHUNDIAZ. 

Venez,  ma  fille,  cet  homme  est  fou. 

.DON  RAUON* 

Jeune  homme  !  lisez  mes  traités. 

SARPU 

Adieu,  futur  grand  d'Espagne»  * 

SCÈNE  XYI, 


rONTAllARÈS,  seul  tur  le  devant  de  la 


Marie  au  couvent,  j'aurai  froid  au  soleil  Je  supporte  un  monde, 
et  j'ai  peur  de  ne  pas  être  un  Atlas...  Non,  je  ne  réussirai  pas, 
tout  me  trahit  Œuvre  de  trois  ans  de  pensée  et  de  dix  mois  de 
travaux,  sillonneras-tu  jamais  la  mer?...  Abl  le  sommeil  m'ac- 

cabk.  •  (11  ae  couche  sur  la  pallie.) 

SCÈNE  XYU. 

FONTANARÈS,  endormi.  QUINOLA  et  MONIPODIO, 

revenant  par  la  petite  porte. 

QUINOLA. 

0ef  diamants  I  des  perles  et  de  l'or  I  nous  sommes  8auT<i4 


202  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

HONIPO01O. 

La  Brancador  est  de  Venise. 

QUIKOLA. 

Il  faut  donc  y  retoarner,  fais  Tenir  l'hôte,  je  vais  rétablir  nstre 
crédit. 

KONIPODIO. 

Le  voicL 

SCÈNE  xvm. 

Uf  aiiu»  L'HOTE  DU  S0LEIL.D*0II. 

OUINOLA. 

Or  ç&!  monsieur  Phôte  du  Soleîl-d'Or,  yocs  n'avez  pas  en  cou* 
fiance  dans  l'étoile  de  mon  petit-fils. 

l'hote. 
Une  hôtellerie,  seigneur,  n'est  pas  une  maison  de  banque. 

QUINOLA. 

Non,  mais  vous  auriez  pu  par  charité  ne  pas  lui  refuserdu  pain. 
La  sérénissime  république  de  Venise  m'envoyait  pour  le  décider 
à  venir  chez  elle,  mais  il  aime  trop  TEspagne!  Je  repars  comme 
je  suis  venu,  secrètement.  Je  n'ai  sur  moi  que  ce  diamant  dont  je 
puisse  disposer.  D'ici  à  un  mois,  vous  aurez  des  lettres  de  change. 
Vous  vous  entendrez  avec  le  valet  de  mon  petit-fils  pour  la  vente 
de  ce  bijou. 

l'hote. 

Monseigneur»  ih  seront  traités  comme  des  princes  qui  ont  de 
VêrgeùL 

LaisMBE-iious.  (Sort  mot».) 


SCÈNE  XIX. 

L'MTE. 


QUINOLA. 

Allons  nous  déshabiller,  ai  regarde  Fonunaiês.)  Il  dort!  cette  riche 
nature  a  succombé  à  tant  de  secousses  :  il  n'y  a  que  nous  autres 
qui  sachions  nous  prêter  à  la  douknr»  il  loi  manque  notce  iMOV* 


AOTE  m. 

ciinoe.  Ai-je  bien  «gi  tn  ttemandant  toujours  le  double  de  ce  qaMI 
f^ait?  (AMonipodio.)  Yoici  le  dessin  de  la  dernière  pièce,  prends-le. 

(Ils  lorleDt,) 

SCÈNE  IX. 

PONTANARtS  ejiJormf.  FAUSTINE,  MATHIEU  MAGIS. 

MATHIEU  KAGO. 

LeToid! 

FAUSTINB. 

Voilà  donc  en  quel  état  je  l'ai  réduit!  Par  la  profondeur  des 
blessures  que  je  me  sais  ainsi  faites  à  moi-même,  je  reconnais  la 
profondeur  de  mon  amour.  Oh!  combien  de  bonheur  ne  loi  dois- 
je  pas  pour  tant  de  souffrances  I 


F.M 


ACTE  QUATRIÈME 


Le  tbéAtre  représente  une  place  publique.  An  fond  de  la  place,  sur  des  trêtetoi,  in 
pied  desquels  sont  toutes  les  pièces  de  la  machine,  s'élève  un  huissier.  De  chaque  côté 
de  ces  tréteaux,  il  y  a  foule.  A  gauctie  du  spectateur,  un  groupe  composé  de  Goppoloi, 
Carpano,  ThOte  du  Soleil-d'Or,  Esteban  ^r'ro-'v»,  Mathieu  Hagis,  don  BamoD,  Lotbnndias. 
A  droite,  Fontanarès,  nonlpodio  et  Quinola  caché  dans  un  manteau  derrière  Moofpodio. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

FONTANARÈS,  MONIPODIO,  QUINOLA,  COPPOLDS,  L'HOTE  DU  SO- 
LEIL-D'OR, ESTEBAN,  GIRONE,  MATHIEU  MAGIS,  DON  RAMON, 
LOTHUNDIAZ,  L*HUISSIER;  Deux  groupes  de  peuple. 

"     l'huissier. 
Messeigneurs,  un  pen  plus  de  chaleur  I  il  8*agit  d*ane  chaudière 
où  Ton  pourrait  faire  un  oUa-podrida  pour  le  régiment  des  gardes- 
vallones. 

L'HOTE. 

Quatre  maravédis. 

l'huissier. 
Personne  ne  dit  mot,  approchez,  voyez,  considérez  I 

MATHIEU  MAGIS. 

Six  maravédis. 

QUINOLA  y  à  Fontanarès. 

Honsienr,  l'on  ne  fera  pas  cent  écus  d'or. 

FONTANARÈS. 

Sachons  nous  résigner. 

QUQVOLA. 

La  résignation  me  semble  être  une  quatrième  Tertu  tliéologale, 
omise  par  ^ard  pour  les  femmes. 

MONIPOblO. 

Tais-toi,  la  justice  est  sur  tes  traces,  et  tu  serais  déjà  pris,  si  ta 
ne  passais  pour  être  un  des  mienSi 


ACTE  IV.  205 


l'huissirr. 


C'est  le  dernier  lot,  Messeigoeurs.  Allons,  personne  ne  dit  mot? 
Adjugé  pour  dix  écus  d*or,  dix  maravédis,  au  seigneur  Mathieu 
Magis. 

LOTHUNDIAZ^  à  don  Ramon. 

Eh  bien  !  Toilà  comment  finit  la  sublime  invention  de  notre  grand 
homme!  il  avait,  ma  foi,  bien  raison  de  nous  promettre  un  fameux 
spectacle. 

COPPOLUS. 

Vous  pouvez  en  rire,  il  ne  vous  doit  rien. 

ESTEBAN. 

C'est  nous  autres,  pauvres  diables,  qui  payons  ses  folies. 

LOTHUNDIAZ. 

Rien,  maître  Goppolus?  Et  les  diamants  de  ma  fille  que  le  valet 
du  grand  homme  a  mis  dans  la  mécanique  t 

MATHIEU  HAGIS. 

Mais  on  les  a  saisis  chez  moi. 

LOTHUNDIAZ. 

Ne  sont-ib  pas  dans  les  mains  de  la  justice?  et  j'aimerais  mieux 
y  voir  Quinola,  ce  damné  suborneur  de  trésors. 

QUINOLA. 

0  ma  jeunesse,  quelle  leçon  tu  reçois!  Mes  antécédents  m'ont 
perdiL 

LOTHUNDIAZ. 

Mais  si  on  le  trouve,  son  affaire  sera  bientôt  faite,  et  j'irai  Tad- 
mh^r  donnant  la  bénédiction  avec  ses  pieds. 

FONTANARÈS. 

Notre  malheor  rend  ce  bourgeois  spirituel 

QUINOLA. 

IMtes  donc  féroce. 

DON  RAIION. 

Moi,  je  regrette  un  pareil  désastre.  Ce  jeune  artisan  avait  fiai 
par  m'to>uter,  et  nous  avions  la  certitude  de  réaliser  les  pro- 
messes faites  au  nn  ;  mais  il  peut  dormir  sur  les  deux  oreilles  : 
j'irai  demander  sa  grftce  à  la  cour  en  expliquant  combien  j'ai  be« 
soin  de  lui 

COPPOLUS. 

Voilà  de  la  générosité  peu  commune  entre  sivantii 

LOTHUNDIAZ 

Vous  êtes  lIioDiieiir  de  h  Catalogne  I 


^06  LBS  RESSOURCES  DE  QIjL\OLA. 

FONTANARftS.  (11  s'avance.) 

J*ai  tranquînement  supporté  le  supplice  de  voir  Tendre  à  vil 
prix  une  œuvre  qui  devait  me  mériter  un  triomphe...  (Munnimse^ex 
le  peuplé.)  Mais  ceci  passe  la  mesure.  Don  Ramon,  si  vous  aviez,  je 
ne  dis  pas  connu,  mais  soupçonné  Tusage  de  toutes  ces  pièces 
maintenant  dispersées,  vous  les  auriez  achetées  au  prix  de  toute 
votre  fortune. 

DON  RAMON. 

Jeune  homme,  je  respecte  votre  malheur;  mais  vous  savez  bien 
que  votre  appareil  ne  pouvait  pas  encore  m^<*cher,  et  que  mon 
expérience  vous  était  devenue  nécessaire. 

FONTANARÈS. 

I     Ce  que  la  misère  a  de  plus  terrible  e.;iitre  toutes  ces  horreurs, 
c'est  d'autoriser  la  calomnie  et  le  triomphe  des  sots. 

LOTHUNOUZ. 

N*as-tn  donc  pas  honte  dans  ta  position  de  venir  insulter  un 
savant  qui  a  fait  ses  preuves?  Où  en  serais-je  si  je  t'avais  donné 
ma  fille?  tu  me  mènerais,  et  grand  train,  à  la  mendicité,  car  ta 
as  déjà  mangé  en  pure  perte  dix  mille  seqnins!  Hein  ?  le  grand 
d'Espagne  est  aujourd'hui  bien  petit 

FONTANARÈS. 

Tous  me  faites  pitié. 

LOTHUNDIAZ. 

C'est  possible,  mais  tu  ne  me  fais  pas  envie  :  ta  tête  est  à  la 
merci  du  tribunal 

DON  RAMON. 

Laissez-le  :  ne  voyes-vous  pas  qu'il  est  fou? 

FONTANARÈS. 

Pas  encore  assez.  Monsieur,  pour  croire  que  0  plus  O  soii  un 
binôme. 

SCÈNE  n. 

UtiÉiis,  DON  FRË60SE,  FAUSTIlfE,  ATALOROS,  SARPI. 


i 
î 


8ARPI. 

Nous  arrivons  trop  tard,  la  vente  est  finie... 

DON  FRÉ60SE. 

Le  roi  regrettera  d'avoir  eu  confiance  en  un  cbarhtan. 


ACTE  IV.  207 

VOlfTANARis. 

Un  charlatan,  MonseigiiearT  Dans  quelques  jonrs,  yoqs  pouvez 
me  faire  trancher  (a  tête  ;  taez-moi,  mais  ne  ne  me  calomniez  pas  ; 
Toos  êtes  placé  trop  haut  pour  descendre  si  bas. 

DOIf  fBÉGOSK. 

Totre  audace  égale  votre  malheur.  Oubliez-vous  que  les  magis- 
trats de  Barcek>ne  vous  regardent  comme  complice  du  vol  fait  à 
Lotbundiaz?  La  fuite  de  votre  valet  prouve  le  crime,  et  vous  ne  de- 
vez d*être  libre  qu'aux  prières  de  Madame,    m  montra  Faisune.) 

FONTANAKËS^ 

Mon  valet.  Excellence,  a  pu,  jadis,  commettre  des  fautes,  m» 
depuis  qu'il  8*est  attaché  à  ma  fortune,  il  a  purifié  sa  vie  au  feu  de 
mes  épreuves.  Par  mon  honneur,  il  est  innocent  Les  fûerreries 
saisies  au  moment  oà  il  les  vendait  à  Mathieu  Magis,  lui  furent  li- 
brement données  par  Marie  Lotbundiaz,  de  qui  je  lès  ai  refusées. 

FAUSTINE. 

Qndle  fierté  dans  le  malheur!  rien  ne  saurait  donc  le  faire 
fléddr. 

SABPI. 

Et  comment  expliquez-vous  la  résurrection  de  votre  grand-père, 
ce  faux  intendant  de  l'arsenal  de  Venise?  car,  par  malbeur.  Ma- 
dame et  moi  nous  conoaissotu  le  véritable. 

FONTANARÈS. 

J'ai  fait  prendre  ce  déguisement  k  mon  valet  pour  qu*il  causât 
sciences  et  mathématiques  avec  don  Ramon.  Le  seigneur  Lotbun- 
diaz vous  dira  que  le  savant  de  la  Catalogne  et  Quinola  se  sont  par- 
faitement AntAnHna. 

MOHIPODIO,  àQolnola." 

n  est  perdu! 

DON  BAXON. 

J'en  appelle...  \  ma  plume. 

FAUSTINB. 

Ne  VOUS  courroucez  pas,  don  Ramon,  Q  est  d  naturel  que  le» 

gens,  en  se  sentant  tomber  dans  un  abîme,  y  entraînent  tout  avec 

eoxl 

Lomuiuiui. 

Quel  détestable  caractère  r 

VOlfTAKAllÈS. 

Avant  de  mourir,  on  doit  la  vérité.  Madame,  à  ceux  qui  nous 
oDt  poussé  dans  l'abîme  t  (a  donFrégwe.)  Monseigneur,  le  roi  m'a- 


208  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

vait  promis  la  protection  de  ses  gens  à  Barcelonne,  et  je  n*y  aï 
trouvé  que  la  haine  !  O  grands  de  h  terre,  riches,  vous  tons  qui 
tenez  en  vos  mains  un  pouvoir  quelconque,  pourquoi  donc  en 
faites-vous  un  obstacle  à  la  pensée  nouvelle  ?  Est-ce  donc  une  ioi 
divine  qui  vous  ordonne  de  bafouer,  de  honnir  ce  que  vous  devez 
plus  tard  adorer?  Plat,  humble  et  flatteur,  j'eusse  réussi!  Vous 
avez  persécuté  dans  ma  personne  ce  qu'il  a  de  plus  noble  en 
rhomme  !  la  conscience  qu'il  a  de  sa  force,  la  majesté  du  travail, 
l'inspiration  céleste  qui  lui  met  la  main  à  l'œuvre,  et.,  l'amour, 
cette  foi  humaine,  qui  rallume  le  courage  quand  il  va  s'éteindre 
sous  la  bise  de  la  raillerie.  Ahl  si  vous  faites  mal  le  bien»  en  re- 
vanche, vous  faites  toujours  très-bien  le  mal!  Je  m'arrête...  vous 
ue  valez  pas  ma  colère. 

FAUSTINI,  à  iMrt.  aprta  avoir  toit  OB  PM. 

Oh  !  j'allais  lui  dire  que  je  l'adqre. 

DON  FBÉGOSI. 

Sarpi,  faites  avancer  des  alguasils,  et  emparegL-vons  du  complice 

de  Quinola.  (Ob  applaudit,  et  quelaiMi  voix  crient  :  Brayo) 

SCÈNE  m. 

us  IÉ«I8,  MARIE  LOTHUNDUZ. 

Aju  moment  ei  Im  algoaills  iremparait  de  Footanardi,  Htrie  paittt  an  nevlBi^ 
ifloompagnée  d'un  moine  et  de  deux  mboii. 

KARIE  LOTHUNDIAZ^  an  Tlee-fol. 

Monseigneur,  je  viens  d'apprendre  comment^  en  Tonhnt  préser- 
ver Fontanarès  de  la  rage  de  ses  ennemis,  je  l'ai  perdu  :  mais  on 
m'a  permis  de  rendre  honmiage  à  la  vérité  :  j'ai  remis  moJ4^^<i^ 
à  Quinob  mes  pierreries  et  mes  épargnes.  (Hoofement  dMiLotiiuidii^. 
Elles  m'appartenaient,  mon  père,  et  Dieu  veuille  que  Tjm^  u'k^: 
pas  un  jour  à  déplorer  votre  aveuglement 

QUniOLA,  ae  débananant  de  son  mantenn. 

Ouf,  je  respire  à  l'aise  t 

FONTAlTARfts.  Il  plie  le  gneii  défini  Mille. 

Merci,  brillant  et  pur  amour  par  qui  je  me  rattache  tn  cielpoor 
y  puiser  Fespérance  et  la  foi;  vous  venez  de  sauver  DM>n  bouieiir. 

MARIE. 

N'est-il  pas  le  mien  7  la  gloire  viendra. 


ACTE  IV.  209 

FONTÀNARÈS. 

Hélas  !  mon  œuvre  est  dispersée  en  cent  mains  avares  qui  ne  la 
rendraient  que  contre  autant  d'or  qu'elle  en  a  coûté.  Je  doublerais 
ma  dette  et  n'arriverais  plus  à  temps.  Tout  est  fini 

FAUSTIKB^  à  Marie. 

Sacrifiez-vous,  et  il  est  sauvé. 

MARIE. 

Mon  père?  et  vous,  comte  Sarpi?  (a part.)  J'en  mourrai!  (Haut.) 
Gonsente^vous  à  donner  tout  ce  qu'exige  la  réussite  de  l'entre- 
prise fiite  par  le  seigneur  Fontanarès  ?  à  ce  prix,  je  vous  obéirai, 
mon  père,  (a  Faustme.)  Je  me  dévoue.  Madame  ! 

FAUSTINB. 

Vous  êtes  sublime,  mon  ange.  ^Apan.)  J*en  suis  donc  enfin  dé- 
livrée! 

FONTANARÈS. 

Arrêtez ,  Marie!  j'aime  mieux  la  lutte  et  ses  périls,  j'aime  mieux 
la  mort  que  de  vous  perdre  ainsi. 

MARIE. 

Tu  m'aimes  donc  mieux  que  la  gloire?  (Au  Tioe-roi.)  Monseigneur, 
vous  ferez  rendre  à  Quinola  mes  pierreries.  Je  retourne  heureuse 
m  couvent  :  ou  à  lui,  ou  à  Dieu  ! 

tOTHUNDIAl. 

EstJl  donc  corder? 

QUINOLA. 

Cette  jeune  fille  me  ferait  réaimer  les  femmes. 

FAUSTINB^  à  Sarpi*  au  vice^roi  et  à  Avalorot. 

Ne  le  dompterons-nous  donc  pas? 

ATALOROS»  I 

Je  Tais  l'essayer. 

SARPI,  àFaiHttm. 

Tout  n'est  pas  perdu,  (a  Lothundiai.)  Emmenez  votre  fille  chez 
vous,  elle  vous  obéira  bientôt. 

LOTHUNDIAZ. 

Dieu  le  veuille!  Venez,  ma  fille. 

(Loihuodias,  Marie  et  ion  eortége,  Don  Uêêêêl  et  Saipi  aottaift  ) 


TH. 


14 


910  LBS  RESSOUBCBS  »R   QUIHOUL 

SCÈNE  nr. 

PAusTiNE»  PRâMSB,  âViMAOs,  #oaxAiuafi«,  QUIHÛU, 

MONIPOMOt. 

▲TàXOlOS. 

Je  fOQS  sd  bien  étadié,  jeune  homme,  et  vous  avex  «n  ^rand 
caractère,  un  caractère  de  fer.  Le  fer  sera  toujours  mllre  de  l'or. 
Â8Sodons>nous  ftancfaemeut  :  je  paye  vos  dettes ,  jf  radiète  mot 
ce  qui  vient  d'être  vendu,  je  vous  donne  à  voas  el  à  Quineh  cinq 
.mille  écus  d'or,  et,  à  ma  considération.  Monseigneur  le  vice-roi 
voudra  bien  oublier  Totre  incartade. 

FONTANARÈS. 

Si  j'ai ,  dans  ma  douleur,  manqué  au  respect  que  je  vous  dois, 
Honseigueur ,  je  vous  prie  de  me  pardonner. 

DON  FH^GOSB. 

Assez,  Monsieur.  On  n'offense  point  don  Frégose. 

FAUSTINB. 

lYès^bien,  Monseigneur. 

AVA£0a08. 

Eh  bien  !  jeune  homme,  lia  tempête  succède  le  calme,  et  main- 
tenant tout  vous  sourit  Voyons,  réalisons  ensanbie  ins  pimesses 
au  roi. 

FORTAITAIIÈS. 

Je  ne  tiens  à  la  fortune,  Monsieur,  que  par  «ae  seule  raison: 
épouserai-je  Marie  Lothundiaz? 

DON  FHÉGOSB. 

Vous  n'aimez  qu'elle  au  monde? 

VONTAlTAHiS. 
ERe  seule!  (Pau^ne  et  kyalanB  se  panent) 

DON  FRlteOSB. 

Tu  ne  m'avais  jamais  dit  cefa.  Compte  sur  moi,  jeune  homme, 
je  te  sois  tout  acquis. 

KONIPODIO. 

Ils  s'arrangent,  nous  sommes  perdus.  Je  vais  me  sauver  en 
France  avec  l'invention. 


SCÈNE  y. 

QUINOLA»  PONTANARÈS,  FAUSTINB,  IfàUIMI. 

FAUSTINB,  à  FonUnartt. 

Eh  bien!  moi  aussi  je  suis  sans  rancune,  je  donne  nne  fête, 
vcnez-r;  noos  nous  entendrons  tous  potur  tous  mënàger  un 

triottiphe. 

Madame,  votre  prendère  faveur  cachait  un  piège. 

FAUSTINI. 

Gomme  tous  les  sublimes  rêveurs  qui  dotent  rhumanité  de  leurs 
découvertes,  vous  ne  connaissez  ni  le  monde,  ni  les  femmes, 

FONTAHARte^  à  part. 

U  Rie  resté  à  peine  huit  jours,  (a  QoiiKAa.}  Je  vais  me  servir 

Qinirou. 
CSoome  vous  vmis serves  de  moil 

FORTARARiS. 

FAUSTIRS* 

Je  dois  en  remercier  Quinola»  (tOAtuid  oMboaiw  i  ooiMit.)  TieDs. 

u  Fontanartt.)  A  bientôt 

SCÈNE  VI. 

FONTANARÊS,  QUIROU. 
FOlTTARARiS. 

Cette  femme  est  perfide  comme  le  sdeil  en  hiver.  Oh  !  j'en  veux 
an  malheur,  surtout  pour  éveiller  la  défiance.  T  a-t-il  donc  des 
verUis  dont  il  faut  se  déshabituer? 

QUINOLA. 

Comment,  Monsieur,  se  défier  d'une  femme  qui  rehausse  en  or 
ses  momdres  paroles.  Elle  vous  aime,  voilà  tout  Votre  cœur  eM 
donc  bien  petit  qu'il  ne  puisse  loger  deux  amours  t 

FORTARARÈS. 

Bahl  Marie,  c'est  l'espérance,  elle  a  réchauffé  mon  Ime,  Otil» 
je  rfiussiral. 


212  L£S  RESSOURCES  DE  QUIKOLA. 

QUINOLA,  &  part.  fi 

Monipodio  n'est  plus  là.  (Haut.)  Un  raccommodement,  Monsieur,  1 
est  bien  facile  avec  une  femme  qui  s'y  prête  aussi  facilement  que 
madame  Brancador. 

FONTÀlf  ARES. 

Quinola  I 

QUINOLA. 

Monsieur,  tous  me  désespérez!  Voulez-vous  combattre  la  per- 
fidie d'un  amour  habile  avec  la  loyauté  d'un  amour  aveugle  ?  J'ai 
besoin  du  crédit  de  madame  Brancador  pour  me  débarrasser  de 
Monipodio,  dont  les  intentions  me  chagrinent  Cela  fait,  je  vous 
réponds  du  succès,  et  vous  épouserez  alors  votre  Marie. 

FONTANARÈS. 

Et  par  quels  moyens? 

QUlNOLÀ. 

j  Eh!  Monsieur,  en  montant  sur  les  épaules  d'un  homme  qui  voit 
comme  vous,  très-loin,  on  voit  plus  loin  encore.  Vous  êtes  inven- 
teur, moi  je  suis  inventif.  Vous  m'avez  sauvé  de...  vous  savez! 
Moi,  je  vous  sauverai  des  griffes  de  l'envie  et  des  serres  de  U  cu- 
pidité. Â  chacun  son  état  Voici  de  l'or,  venez  vous  habiller, 
soyez  beau,  soyez  fier,  vous  êtes  à  la  veille  du  triomphe.  Mais,  là» 
soyez  gracieux  pour  madame  Brancador. 

FONTÀNARÈS. 

Au  moins,  Quinola,  dis-moi  comment? 

QUINOLA. 

Non,  Monsieur,  si  vous  saviez  mon  secret,  tout  serait  perdu, 
vous  avez  trop  de  talent  pour  ne  pas  avoir  la  simplicité  d'un  en- 
fant (nsfortenU) 
L»  théâtre  ehtnge  et  représente  les  salons  de  madame Brancedor. 

SCÈNE  VIL 

FAUSTINE,  seule. 

Voici  donc  venue  l'heure  à  laquelle  ont  tendu  tous  mes  efforts 
depuis  quatorze  mois.  Dans  quelques  moments,  Fontanarès  verra 
Marie  à  jamais  perdue  pour  lui  Avaioros ,  Sarpi  et  moi ,  nooft 
avons  endormi  le  génie  et  amené  l'homtne  à  la  veille  de  son  expé- 
rience» les  mains  vides.  Oh!  le  voilà  bien  à  moi  comme  je  le  vou' 
lais.  Mais  revient-on  du  mépris  à  l'amour?  Non,  jamais.  Ahlil 


ACTE  IV.  213 

ignore  que^  depuis  an,  je  suis  son  adversaire,  et  voilà  le  malhear, 
il  me  haïrait  alors.  La  haine  n'est  pas  le  contraire  deTamour,  c'en 
est  Tenvers.  Il  saura  tout  :  je  me  ferai  haïr. 

SCÈNE  VIU. 

ràUSTINE,  PÀQUITA. 
PAQUITA. 

Madame,  vos  ordres  sont  exécutés  à  merveille  par  Monipodio. 
La  senorita  Lothuudiaz  apprend  en  ce  moment,  par  sa  duègne,  te 
péiil  où  va  se  trouver  ce  soir  le  seigneur  Fontanarès. 

FAIJSTINE. 

Sarpi  doit  être  venu,  dis-lui  que  je  veux  lui  parler. 

(Paqulta  lort.) 

SCÈNE  IX. 

FÀUSTINE,  sente. 

Ecartons  Monipodio!  Qulnola  tremble  qu'il  n'ait  reçu  l'ordre 
de  se  défaire  de  Fontanarès;  c'est  déjà  trop  que  d'avoir  h  le 
craindre. 

SCÈNE  X. 

FAUSTINE,  FRÉGOSE. 
FAUSTINB. 

Vous  venez  à  propos ,  Monsieur,  je  veux  vous  demander  ooe 
Siâce. 

DON  FRéGOSB. 

Dites  que  vous  m'en  voulez  faire  une. 

FAusrnfE. 
Dans  deux  heures,  Mom'podio  ne  doit  pas  être  dans  Baroelooe, 
ai  même  en  Catalogne;  envoyez-le  en  Afrique» 

DON  FRÉGOSB. 

Que  TOUS  a^t-il  iait? 

FAUSTINB. 

Rien 

DON  FBÉGOSB. 

Eh  bien!  pourquoi T... 


2iA  LES  RE8801IIK9S  DE  QUINOLA. 

Ma»  gurcf  qii^.»  Compreocs-foniT 

nos  FftfeoaB* 
Vous  ailes  être  obéié.  Oittrti.» 

SCÈNE  xr. 

UM  vAms,  SARM. 

Han  omsiiiii  n^afo^vous  paa  ks  dispeasee  nécewira  pour  cé« 
Uhrar  I  liiMlail  votre  mariage  arec  M«ria  Lotbandiu  t 

Et  par  les  soins  da  bonhomme»  le  contrat  est  tout  prêt 

Eh  bien  I  prévenez  an  couvent  des  Dominicains,  à  minuit  vous 
épouserez,  et  de  son  conseutemeut,  la  riche  héritière;  elle  accep- 
tera tout,  en  voyant  (bas  à  sarpi)  Fontanarès  entre  les  mains  de  la 
justice. 

SARPI. 

Je  comprends^  il  s'agit,  seulement  de  le  venir  arrêter.  Ma  for- 
tune est  maiatenant  indestructible  I  Et.,  je  vous  la  dois.  (Apan.) 
Quel  levier  que  la  haine  d'une  femme  ! 

DON  FRéGOSE. 

Sarpi,  faites  exécuter  sév^ement  cet  ordre,  et  sans  retard. 

(Sarpi  sort.) 

SCÈNE  xn. 

ifs  PKÉCÉDVNTS,  moIns  SARPI. 
DON  FRtiGOSB. 

Et  notre  mariage,  à  nous? 

VAVsmct. 

Monseigneur,  mon  avenir  est  tcuit  entier  dans  cette  fête  :  tous 
«UM»  m»  dMiKNi  oo  s^ir.  fPoniaii»te vmnm.!  fAp««.^Cibt  le  vakL 
(A  Frggose.)  Si  VOUS  m'MiBf»,  Irissez-«m. 

DOl^  VMfGOSK 

Seule  avec  lui. 

Je  le  veux! 

Après  tout,  il  n'aime  que  sa  Marie  LolhuniÂaik 


ACn  iV»  215 

SCÈNE  xm. 

FABSTIHI»  POmAKAKftf. 

FONTAHARiS. 

Le  palais  du  roi  d'Espagne  n'est  pas  plus  splcndide  que  le  vôtrcr 
adame,  et  tous  y  déployez  des  façons  de  souverame. 

VIUSTINK. 

Écoutez,  cher  Fontanarès. 

FOnTANARiS. 

GherT-»  Ahi  Madame,  tous  m'aTez  appris  à  douter  de  ces 

mots-là  ! 

FAUSTUTB. 

Vous  allez  enfin  connaître  celle  que  tous  avez  si  cruellement 
insultée.  Un  affreux  malheur  tous  menace.  Sarpi,  en  agissant 
contre  TOUS,  comme  il  le  fait,  exécute  les  ordres  d*un  pouToir  ter- 
rible, et  cette  fête  pourrait  être,  sans  moi ,  le  baiser  de  Judas.  On 
vient  de  me  confier  qu'à  TOtre  sortie,  et  peut-être  ici  même,  tous 
tfm  arrêté ,  jieté  dans  une  prison ,  et  Tolre .procès  commencera... 
pour  ne  jamais  finir.  Est-ce  en  une  nuit  qui  tous  reste  que  tous 
remettrez  en  état  le  Taisaeaa  que  tous  aTez  perdu?  Quant  à  TOtre 
œure,  elle  est  impossible  à  recommencer.  Je  toux  tous  sauTer, 
TOUS  et  TOtre  gloire ,  tous  et  Totre  fortune. 

FONTAVABÈS. 

Vous!  et  comment? 

FAUSTHUL 

Avaloros  a  mis  à  ma  disposition  un  de  ses  naTires ,  Uonipodio 
m*a  donné  ses  meilleurs  contrebaBdiers;  allons  à  Venise,  la  Répu- 
Uiqœ  TOUS  fera  patricien  x  el  tous  donnera  dix  fois  plus  d'or  que 
l'Espagoe  ne  Toua  en  a  |nromis...>  (Apait.)  Et  ib  ne  TÎei^neiit  pas. 

Et  Marie?  si  noua  renierons,  je  ciois  en  toiib. 

FAXISXtKS. 

Vous  pensez  k  elle  an  moment  où  il  faut  cbûisir  entie  b  lift  cl 
h  mort  Si  tous  tardez»  nous  pouTona  être  perdus. 

FONIANAEto. 

Nous?...  madame. 


LES  RESSOUBCES  DE  QUINOLA. 

SCÈNE  XIV. 

LU  ■Éasi.  Des  gardes  panritwnt  à  toutes  les  porMk  tin  alcade  se  présente. 

SARPI. 

8ARPI. 

Faites  voire  devoir! 

l'alcade,  àFontaoarts. 

Au  nom  do  roi ,  je  vous  arrête. 

FONTANARÈS. 

Voici  rheare  de  la  mort  venue!...  Heureusement  j'emporte 
mon  secret  à  Dieu ,  et  j*ai  pour  linceul  mon  amour. 

SCÈNE  XV. 

LM  HtMEs,  MARIE,  LOTHUNDIAZ. 
MARIE. 

On  ne  m*a  donc  pas  trompée,  vous  êtes  h  proie  de  vos  enne- 
mis! A  moi  donc,  cher  Alfonse,  de  mourir  pour  toi,  et  de  quelle 
mort?  Ami,  le  ciel  est  jaloux  des  amours  parfaites,  il  nous  dit  par 
ces  cruels  événements,  que  nous  appelons  des  hasards,  qu'il  n'est 
de  bonheur  que  près  de  Dieu.  Toi.. 

SARPI. 

Senora! 

LOTHUNDIAZ. 

Ma  ûUe  I 

MARIE. 

Vous  m'avez  laissée  libre  en  cet  instant,  le  dernier  de  ma  vie! 
je  tiendrai  ma  promesse,  tenez  les  vôtres.  Toi,  sublime  inventeur, 
tu  auras  les  obligations  de  ta  grandeur,  les  combats  de  ton  ambi- 
tion, maintenant  légitime  :  cette  lutte  occupera  ta  vie;  tandis  que 
la  comtesse  Sarpi  mourra  lentement  et  obscurément  entre  les  qua- 
tre murs  de  sa  maison...  Mon  père,  et  vous,  comte,  il  est  bien  en- 
tendu que,  pour  prix  de  mou  obéissance,  la  vice-royauté  de  Cata- 
logne accorde  au  seigneur  Fonianarès  un  nouveau  délai  d'un  an 
pour  son  expérience. 

FONTANARÈS. 

Marie,  vivre  sans  toi? 


ACTE  IV.  217 

MAaiB. 

Vivre  avec  ton  bourreau! 

FONTANARÈS. 

Àdiea,  je  vais  mourir. 

MARIE. 

N*as-tu  pas  fait  une  promesse  solennelle  au  roi  d'Espagne,  au 
monde  I  (bm.)  Triomphe  !  nous  mourrons  après. 

FONTANARÈS. 

Ne  sois  point  à  lui,  j'accepte. 

UARIE. 

Mon  père,  accomplissez  votre  promesse. 

faustine. 
J'ai  triomphé  I 

LOTHUNDIAZ. 

(Bas.)  Misérable  séducleur  !  (Haut.)  Voici  dix  mille  sequins.  (Bas.) 
Infâme  I  (Hau^o  Un  an  des  revenus  de  ma  fille.  (Bas.)  Que  la  pesle 
t'étouffe  !  (Haut.)  Dix  mille  sequins  que  sur  cette  lettre,  le  seigneur 
Avaloros  vpus  comptera. 

fontanarès. 

■ 

Mais,  Monseigneur,  le  vice-roi  consent-il  à  ces  arrangements?... 

SARPI. 

Vous  avez  publiquement  accusé  la  vice-royauté  de  Catalogne 
de  faire  mentir  les  promesses  du  roi  d'Espagne,  voici  sa  réponse  : 
01  tire  un  papier)  uue  Ordonnance  qui,  dans  l'intérêt  de  l'Etat,  sus- 
pend toutes  les  poursuites  de  vos  créanciers,  et  vous  accorde  un 
an  pour  réaliser  votre  entreprise. 

fontanarès. 
Je  serai  prêL 

LOTHUNDIAZ. 

Il  y  tient!  Venez  ma  fille  :  on  nous  attend  aux  Dominicains,  ei 
Monseigneur  nous  fait  l'honneur  d'assister  à  la  cérémonie. 

MARIE. 

Déjàl 

FAUsrmEj  kPtqnita. 

Gonrs,  et  reviens  me  dire  quand  ils  seront  mariés» 


us  BESSOORGKS  0E  QUINOLA. 

SCÈNE  XYI. 

rAUSTINK»  nmTAlfiRÊS. 
PAUSTlirs>  k  iiarl. 

n  M  ft,  deboot  eannw  i»  homw  denBt  mu  pvAdpke  «I 
pounnivi  par  des  ûgm.  (onit}  PoorcpKii  B'élaMrafiis  pm  watA 
grand  qae  Tobre  pensée  ?  N'y  ^-^ik  doue  qu'une  femme  dans  le 
monde? 

FONTANARÈS.    ' 

Ebl  croyez-TOus,  Madame,  qu'un  homme  arrache  un  pareil 
amour  de  son  cœur,  comme  une  épée  de  son  fourreaut 

FAUBinrv. 

Qu'une  femme  tous  aime  et  vous  serve»  je  le  conçois^  IMMs  ai* 
mer,  pour  vous,  c'est  abdiquer.  Tout  ce  que  les  plus  grands 
hommes  ont  tous  et  toujours  souhaité  :  la  gloire,  ks  hoBBenrs»  la 
fortoat,  6t  phs  que  tout  cela  !...  une  souveraineté  au-dessus  des 
renrenements  populaires,  celle  du  génie;  voilà  le  monde  dies  Gé* 
sar,  des  LucuUus  et  des  Luther  devant  vous!..»  ET  vous  avez  mis 
entre  vous  et  cette  magnifique  existence,  un  amour  digne  d'un 
étudiant  d'Alcala.  Né  géant,  vous  vous  faites  nain  à  plaisir.  Mais  on 
homme  de  génie  a,  parmi  toutes  les  femmes,  une  femme  spéciale- 
ment créée  pour  luL  Cette  femme  doit  être  une  reiue  aux  yeux  du 
monde»  et  pour  lui  une  servante,  souple  comme  les  hasards  de  sa 
vie»  gaie  dans  les  souffrances,  prévoyante  dans  le  malheur  comme 
dans  la  prospérité;  surtout  indulgente  à  ses  caprices^  connaissant 
te  monde  et  ses  tournants  périlleux;  capable  enfin  de  ne  s'asseoir 
dans  le  char  triomphal  qu'après  l'avoir,  s'il  le  faut  traîné.  •• 

FOIfTANARÈS. 

Vous  avez  £dt  son  portrait. 

FAUSTINB. 

DeqsiY 

IQSEâKAaik 

De  Marie. 

fausthœ. 

Cette  enfant  t*a-t-elle  s& déffodrat  A-t-elle  deviné  sa  rivale? 
Celle  qui  fa  laissé  €OPfiiérit  cfit^ells  digaede  tegvdarl  llaeca- 
fant  qui  s'est  laissée  mener  pas  à  pas  à  l'autel  où  elle  se  donne  en 
ce  moment..  Mais,  moi,  je  serais  déjà  morte  à  tes  pieds!  Et  à  qui 


ACTE  IV.  21^ 

sedoone-t-dla!  i  txm  eiuieim  capital  qni  a  reçu  l'ordre  de  faire 
échouer  toa  emrepriscu 

FOTfrAKARtS. 

Gomment  n*être  pas  fidèle  à  cet  inépuisable  amour,  qui,  par 
trois  fois,  est  venu  me  secourir»  me  sauver,  et  qui»  n*ayant  plu» 
qu'à  s'offrir  lui-même  au  malheur^  s'immole  d'une  main  en  me 
leodaitt  de  l'autre,  avec  ceci  (nmoAtreuiettr^  mon  honneur,  l'es- 
tifloe  dp  yoÎa  l'adnaratioo  de  l'univers. 

(Bntre  Faquita  qui  sort  après  ayoir  UAi  un  signe  ft  Faustlne.J 
FAUSTTlf  B^  ft  part. 

ih  f  la  voilà  comtesse  Sarpt  !  (k  Pontanaret.)  Ta  vie,  ta  gloire,  t» 
fortnne,  ton  honneur  sont  enfin  dans  mes  mains,  et  Marie  n'est 
plus  entre  nous. 

FOlfTAHlfti». 

Noos  I  nous  I 

pATOTnnj. 

Ne  me  démens  point,  Alfonse!  j^ai  tout  conquis  de  toi,  ne  me 
refuse  pas  ton  cœur!  tu  n'auras  jamais  d'amour  plus  dévoué,  ph» 
soumis  et  plus  intelligent;  enfin,  tu  seras  le  grand  hoomie  que  tu 
dois  être. 

FONTATTARtS. 

Votre  audace  m'épouvante,  (ir  montre  la  lettre.)  Avec  cette  somme 
je  suis  encore  seul  l'arbitre  de  ma  destinée.  Quand  le  roi  verra 
quelle  est  mon  œuvre  et  ses  résultats ,  il  fera  casser  le  manège 
obtenu  par  la  violeace,  et  j'aime  assez  Marie  pour  attendre. 

FAUSTINF. 

Fontanarès,  si  je  'vous  aime  follement,  peut-être  est-ce  à  cause 
de  cette  délicieuse  simplicité,  le  cachet  du  génie... 

FONTAKABÈS. 

Elle  me  glace  quand  elle  sourit. 

FA.USTINB. 

CetocUet^Qeï-ioosT 

FONTAITARÈS. 

Le  void. 

FiUSTINB. 

Et  VOUS  Faurais-je  laissé  donner,  si  vous  Taviez  dû  prendre? 
Demaini  vous  trouvères  tous  vo&  créanciers  entre  vous  et  cette 
somme  que  vou&  leur  devez.  Sans  or,  que  pourrez-vous  t  Totre 
lutte  recommence  !  Mais  ton  œuvre,  grand  enfant!  n'est  pas  dis* 
persée,  elle  est  à  moi:  mon  ACathieu  Magis  en  est  l'acquérem:»  je 


220  LES  RESSOURCES  DE  QUINOLA. 

la  tiens  sous  mes  pieds,  dans  mon  palais.  Je  suis  la  seule  qui  ne  te 
vciera  ni  ta  gloire,  ni  ta  fortune,  ne  serait-ce  pas  me  voler  moi- 
même? 

FONTANARÈS. 

Comment,  c*est  toi,  Vénitienne  maudite  !••• 

FAUSTIXE. 

Oui...  Depuis  que  tu  m'as  insultée,  ici,  j'ai  tout  conduit:  et 
Magis  et  Sarpi,  et  tes  créanciers,  et  Thôte  du  SoIeil-d'Or,  et  les 
ouvriers!  Mais  combien  d*amour  dans  cette  fausse  haine!  N*as-ti] 
donc  pas  été  réveillé  par  une  larme,  la  perle  de  mon  repentir, 
tombée  de  mes  paupières,  durant  ton  sommeil,  quand  je  t'admi- 
rais, toi,  mon  martyr  adoré! 

FONTAlfARÈS. 

Non»  tu  n*es  pas  une  femme.. • 

FAUSTINB. 

Ah!  il  y  a  plus  qu'une  femme,  dans  une  fenmie  qui  aime 
ainsi. 

FONTANARÈS. 

...  Et,  comme  tu  n'es  pas  une  femme,  je  puis  te  tuer. 

FAUSTINE. 

Pourvu  que  ce  soit  de  ta  main  !  (a  part.}  Il  me  haiti 

FOMTAlfARÈS. 

Je  cherche.  •• 

FAUSTINE. 

Est-ce  quelque  chose  que  je  puisse  trouver? 

FONTANARÈS. 

•••Un  supplice  aussi  grand  que  ton  crime. 

FAUSTIIfE. 

Y  a-t-il  des  supplices  pour  une  femme  qui  aime?  Eproaie- 
moi,  va  I 

FONTANARÈS. 

Tu  m'aimes,  Faustine^  suis-je  bien  toute  ta  vie?  Mes  douleon 
sont-elles  bien  les  tiennes. 

FAUSTINB. 

Une  douleur  chez  toi  devient  mille  douleurs  chez  moL 

FONTANARÈS. 

Si  je  meurs,  tu  mourras...  Eh  bien!  quoique  ta  vie  ne  vaille 
pas  l'amour  que  je  viens  de  perdre,  mon  sort  est  fixé. 

FAUSTINB. 

Ahl 


ACTE  IV.  221 

FONTANARÈS. 

J'attendrai,  les  bras  croisés,  le  jour  de  moa  arrêt  Du  même 
coup,  l'âme  de  Marie  et  la  mienne  iront  au  ciel 

FAUSTINE  se  Jette  aax  pieds  de  Foutanarès. 

Alfonsol  je  reste  à  tes  pieds  jusqu'à  ce  que  tu  m'aies  promis.  •• 

FONTANAUèS. 

Eh!  courtisane  infâme,  laisse -moi.  (nia  repousse.) 

FAUSTINE. 

Vous  l'avez  dit  en  pleine  place  publique  :  les  hommes  insulteni 
ce  qu'ils  doivent  plus  tard  adorer. 

SCÈNE  XYII. 

LU  utnut  FRÉGOSE. 
DON  FRÉGOSB. 

Misérabie  artisan  !  si  je  ne  te  passe  pas  mon  épée  à  travers  da 
cœur,  c*est  pour  te  faire  expier  plus  chèrement  cette  insulte. 

FAUSTINE. 

Don  Frégose  I  j'aime  cet  homme  :  qu'il  fasse  de  moi  son  es- 
clave ou  sa  femme,  mon  amour  doit  lui  servir  d'égide. 

FONTANARÈS. 

De  nouvelles  persécutions,  Monseigneur?  vous  me  comblez  de 
joie.  Frappez  sur  moi  mille  coups ,  ils  se  multiplieront,  dit-elle» 
dans  son  cœur.  Allez! 

SCÈNE  xvin. 

Ui  PftÉCtMMTS,    QUINOLÂ. 
QUINOLA. 

Monsieur  l 

FONTANARÈS. 

Yiens-tn  me  trahir  aussi»  toi? 

QUINOLA. 

Monipodio  vogue  vers  l'Afrique  avec  des  recommandations  aux 
mains  et  aux  pieds. 

rONTANASiS. 

Ehhient 


222  LES  RESSOOaCBS  0|E  QUIHOIA. 

ngoaauu 
Sd-dbant  pour  vous  voler,  nous  atons  4  jmmw  dan  Idiriquô, 
payé  une  machine,  cacbée  dao»  mie  cave. 

FONTANAB&a. 

Ahl  nn  ami  Téritable  read  le  déaispoir  impossiUe.  (u  tMtoasse 
Qainou.)  (A  Frégose.)  MonseigneoT,  éciîtez  aa  roi,  bâtissez  sar  le  port 
un  amphitéâtre  pour  deux  cent  mille  spectateurs;  dans  dix  joan. 
j'accomplis  ma  promesse,  et  l'Espagne  verra  marcher  un  vaisseau 
par  la  vapeur,  contre  les  vagues  et  le  vent  J'attendrai  une  tem« 
pète  pour  la  dompter. 

FAUSTINB  ,  a  Qnlnota. 

Ta  as  fabriqué  une... 

Oumoxju 
Non,  j'en  ai  fabriqué  deux,  en  cas  de  malheor. 

YAtlSTlNV. 

De  quels  démons  t'es-tu  donc  servi? 

QUIHOLA. 

Dis  mis  aAnts  de  Job  :  Silence,  Patienoe  ei  OeoMur^ 

SCÈNE  XIX. 

PABStmi,  fRÉGOSB. 

ton  wvègosè,  a  pot. 
Elfe  est  ocBense,  et  je  l'aime  Doujonit» 

FAUSnNB. 

Je  veux  me  venger,  m'aiderez-voosT 

nOtf  FMJQOWfa 

Oui,  nous  le  perdrons. 

FAtARlNK. 

àbl  VOUS  m'aimei  quand  même,  vous! 

DOIT  FlktoOSB. 

BélasI  après  cet  édat,  pouvez^vous  être  marquise  èe  VMgose? 


Obi  sijefe  voulaia*. 

DON  FBÉeOSB. 

it  larii  dbponr  de  laoii  de  mes  aleti»  jaoMk 

FAUSTI5B. 

Un  amour  qui  a  des  bomes,  estw»  l'amour T  Adiéo,  Monsei* 
gneur  :  je  me  vengerai  k  moi  seule. 


ACXB.1K.  223 

DOH  FRiGOSI. 

Chère  Fàitttiiie  I 


Chère? 

DON  FRÉGOSI»' 

Oui,  bien  chère  »  et  fliaintenant  et  tonjoars  I  Dès  cet  instant^  il 
fie  me  reste  de  Frégoee  qu'un  pauvre.  neiJlard  qni  mn  malhiiH 
reasemsnt  bien  vengé  par  ce  terrible  artisan.  Ma  vie  à  moi  esit 
finie.  H9  me  r^noyes  point  ces  taUe«nx  qœ  j*d  en  XM  de  bon- 
heur à  ?oas  oCDrxr.  upart.)  £IIe  en  aura  bientôt  besmn.  /luot.)  Us 
fOQs  rajppeHeront  \m  homme  de  qni  Tons  tous  êtes  joué»  mais  qui 
le  savait  et  qui  vous  pardonnait;  car  dans  son  amour,  H  y  avait 
aussi  de  la  paternité. 

FACSTINE.  . 

Si  je  n'étais  pas  si  furieuse,  vraiment,  don  Frégose,  vous  m'at- 
tendririez; mais  il  faut  savoir  choisir  ses  moments  pour  nous  faire 
pleurer. 

DON  FRÉ606E. 

Jusqn^Q  dernier  Instant,  f  aurai  tout  feit  mal  I  propos,  même 
mon  testament 

VAtSTINB. 

Eh  bien!  si  je  n*aimais  pas,  mon  ami,  votre  Muchant  adieu  vous 
vaudrait  et  ma  main  et  mon  cœur;  car  sachez4e,  je  puis  encore 
être  une  noble  et  digne  femme. 

DON  FBéGOSB. 

Oh!  écoutez  ce  mouvement  vers  le  bien,  et  n^allez  pas, les  yeux 
fermés,  dans  ou  aMme. 

fàbstinb. 
Vousvoyez  inen  que  je  pais  toujonrs  être  marquise  de  FVêg^Me. 

(Ue sort  en  riant.) 

SCÈNE  XX. 

FKÉGOSE,  seul. 

Les  vieillards  ont  bien  rabon  de  ne  pas  avoir  de  cœuri 


viv  09  aiiATRiftni  ACIJ; 


ACTE    CINQUIÈME 


Le  tbéfttre  représente  la  terrane  de  rbfttél  de  ville  de  Barcelone,  de  chaque  cOté  da 
quel  sont  dei  pavillons.  La  terrasse  qui  donne  sur  la  mer  est  terminée  par  un  baloûA 
régnant  au  fond  de  la  scène.  On  voit  la  haute  mer,  les  m&ts  du  vaisseaa  du  port.  Oa 
entre  par  la  droite  et  par  la  gauche. 

Un  grand  fltuteuU,  des  sièges  et  une  table  se  trouvent  à  la  droite  du  spectateur. 

On  entend  le  bruit  des  acclamations  d'une  foule  immense. 

Faustine  regarde,  appuyée  au  balcon,  le  bateau  à  vapeur.  Lotbundiaz  est  à  gancbe, 
plongé  dans  la  ^upéflution  ;  don  Frégose  est  à  droite  avec  le  secrétaire  <iul  a  dressé  te 
procét-verbal  de  rexpérienoe.  Le  grand  in<nil8lteur  occupe  le  milieu  de  la  so&ne. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

LOTUUNDUZ,  LE  GRAND  INQUISITEUR,  DON  FRÉGOSE. 

DON  FRÉGOSE. 

Je  suis  perda,  rainé,  déshonoré  I  Aller  tomber  aux  pieds  da  roi, 
je  le  trouverais  impitoyable. 

LOTHUNDIAZ. 

  quel  prix  ai-je  acheté  la  noblesse  !  Mon  fils  est  mort  en  Flan- 
dre dans  une  embuscade,  et  ma  fille  se  meurt;  son  mari,  le  gou- 
verneur du  RoussilloD,  n'a  pas  voulu  lui  permettre  d'assister  aa 
triomphe  de  ce  démon  de  Fontanarès.  Elle  avait  bien  raison  de  me 
dire  que  je  me  repentirais  de  mon  aveuglement  volontaire. 

LE  GRAND  INQUISITEUR^  à  don  Frégose. 

Le  saint  office  a  rappelé  vos  services  au  roi;  vous  irez  comme 
vice*roi  au  Pérou,  vous  pourrez  y  rétablir  votre  fortune  ;  mais  ache- 
vez votre  onvn^e  :  écraso^is  l'inventeur  pour  étouffer  cette  funeste 
invention. 

DON  FRÉGOSE. 

Et  comment?  Ne  dois-je  pas  obéir  aux  ordres  du  roi,  du  moim 
ostensiblement 

LS  GRAND  INQUISITEUR. 

Nous  vous  avons  préparé  les  moyens  d'obéir  à  la  lob  au  saint* 
oflBce  et  an  roL  Tous  n'avez  qu'à  m'obéir.  (a  Lourandiaij  Comte  Lo- 


ACTE  V,  225 

Auiuliaz,  en  qualité  de  premier  magistrat  municipal  de  Barcelone. 
vous  offrirez  au  nom  de  la  ville  une  couronne  d'or  à  don  Ramon, 
Tautear  de  la  découverte  dont  le  résultat  assure  à  TEspagne  la 
domination  de  la  mer. 

LOTUUNOIAZ^  Ctonné. 

A  don  Ramon  ? 

LE  GRAND  INQUISITEUR  et  DON  FRÉGOSB. 

A  don  Ramon. 

DON  FRÉGOSB. 

Yoas  le  complimenterez. 

LOTHUNOIAZ. 

Mais.,... 

LE  GRAND  INQUISITEUR. 

Ainsi  le  veut  le  saint-office. 

LOTHUNDIAZ  j  pliant  le  genou. 

Pardon  I 

DON  FBÉGOSB. 

Qu'entendez-Yous  crier  par  le  peuple? 

(On  erfe  :  vive  don  Ramon.) 
LOTHUNDIAZ. 

Vive  don  Ramoa  Eh  bien  !  tant  mieux,  je  serai  vengé  du  mal 
que  je  me  sms  fait  à  moi-même. 

SCÈNE  U. 

ui  itMBi,  DON  RAMON,  MATHIEU  MAGIS,  L'HOTE  DU  S0LE1L-D*0R, 
GOPPOLUS,  CARPANO,  ESTEBAN,  GIRONE,  et  tout  le  peuple. 

Tons  les  penonnages  et  le  peaple  forment  on  demi-cercle  an  centre  daqnel  arrive 

.don  Ramon 

LE  GRAND  INQUiSmUR. 

An  nom  du  roi  d*£spagne,  de  Gastille  et  des  Indes,  je  tous 
adresse,  don  Ramon,  les  Mdtations  dues  à  votre  beau  génie. 

(U  le  oondiiit  an  fhnteutl.) 
DON  RAMON. 

Après  tout,  l'autre  est  la  main,  je  suis  la  tête.  L'idée  est  an- 
dessus  du  fait  (Aia  fbnie.)  Dans  un  pareil  jour,  la  modestie  serait  in- 
joriense  pour  les  honneurs  que  j'ai  conquis  k  force  de  veilles,  et 
Von  dmt  se  montrer  fier  du  succès. 

XOTHUNDIAZ. 

Au  nom  de  la  ville  de  Barcelone,  don  Ramon,  j'ai  l'honneur  de 
XII.  15 


226  I^S  RKSSOliRGBS  DE  QUINOLA. 

TOUS  ofUr  cette  couronne  dae  à  votre  persévérance  et  à  l'auteur 
à*une  invention  qui  donne  Timmortalité. 

SCÈNE  IIL 

LIS  MÉ«u,  FONTÀNARÈS« 

n  entre,  m  Teiementf  louIUét  par  le  tniTall  de  «m  expérienee. 

DON  RAMON. 

J*accepte...  (u  aperçoit  Fonuunarès}  à  la  Condition  delà  partager  avec 
le  courageux  artisan  qui  m*a  si  bien  secondé  dans  mon  entrq>rise. 

PAUSTUIB. 

Quelle  modestie  ! 

FOHTAHABiS. 

£st-ce  une  plaisanterie? 

loro. 
Vive  don  Ramon  I 

COPPOLUS. 

Au  nom  des  commerçants  de  la  Catalogne,  don  Ramon,  nous 
venons  vous  prier  d'accepter  cette  couronne  d'argent,  gage  de  leur 
reconnaissance  pour  une  découverte,  source  d'une  prospérité noa- 
velle. 

TOUS. 

Vive  don  Ramon  I 

DON  RAMON. 

C'est  avec  un  sensible  plaisir  que  je  vois  le  commerce  compren- 
dre l'avenir  de  la  vapeur. 

FONTANARÈS. 

Avancez,  mes  ouvriers.  Entrez,  fils  du  peuple,  dont  les  mains 
ont  élevé  mon  œuvre,  donnez-moi  le  témoignage  de  vos  sueurs  et 
de  vos  veilles!  Vous  qui  n'avez  reçu  que  de  moi  les  modèles,  par- 
lez, qui  de  don  Ramon  ou  de  moi  créa  la  nouvelle  puissance  que 
la  mer  vient  de  reconnaître? 

BSTEBAN. 

Ma  foi!  sans  don  Ramon,  vous  eussiez  été  dans  un  fameux  em- 
barras. 

MATHIEU  MAGIS. 

Il  y  a  deux  ans,  nous  en  causions  avec  don  Ramon,  qai  me 

sollicitait  de  faire  les  fonds  de  cette  expérience» 


ACTE  V.  227 

Hofisâgneiir,  qad  yertige  a  saisi  le  peuple  et  les  boni^eois  de 
Barcelone?  J'accours  au  milieu  des  acclamations  qui  saluent  don 
Ramon,  mol,  tout  couvert  des  glorieuses  marques  de  mon  travail, 
et  je  vous  vois  immobile ,  sanctionnant  le  vol  le  plus  honteux  qur 
se  poisse  consommer  à  la  face  du  ciel  et  d*un  pays...  (Murmures. 
Seul,  j*ai  risqué  ma  tête.  Le  premier,  j'ai  fait  une  promesse  au 
roi  d'Espagne,  seul  je  l'accomplis,  et  je  trouve  à  ma  place  don 

fiamOD,  un  ignorant  I   (Harmures.) 

DON  FRÉGOSB. 

Un  vieux  soldat  ne  se  connaît  guère  aux  choses  de  la  science, 
et  doit  accepter  les  faits  accomplis.  La  Catalogne  entière  reconnaît 
à  don  Ramon  la  priorité  de  l'invention,  et  tout  le  monde  ici  dé* 
clare  que  sans  lui  vous  n'eussiez  rien  pu  faire;  mon  devoir  est 
d'instruire  Sa  Majesté  le  roi  d'Espagne  de  ces  circonstances. 

FOlfTAlfABiS. 

La  priorité  I  oh  I  une  preuve  ? 

LB  GRAND  INQUISITBUR* 

La  voici!  Dans  son  traité  sur  la  fonte  des  canons,  don  Ramon 
parle  d'une  invention  appelée  tonnerre  par  Léonard  de  Vinci, 
votre  maître,  et  dit  qu'elle  peut  s'appliquer  à  la  navigation. 

DON  lUHON. 

Âh!  jeune  homme,  vous  aviez  donc  lu  mes  traitésT... 

FONTANARÈS^  &  part. 

Ohl  toute  ma  gloire  pour  une  veangeance  I 

SCÈNE  rv. 

LU  viHBS,  QUINOLA. 

QUINOLA. 

Monsieur,  la  poire  était  trop  belle,  il  8*y  trouf  e  un  ver. 

FONTANARÈS. 

Quoi?... 

OUtMOLA. 

L'enfer  nous  a  ramené,  je  ne  sais  comment,  IVIonipodie  ahéré 
de  vengeance,  il  est  dans  le  navire  avec  une  bande  de  démons^  et 
va  le  ooder  si  vous  ne  lui  assurez  dix  mille  seqnins. 

FONTANAnftS.  H  pUe  le  geaou. 

Ahl  merd.  Océan  que  je  voulais  dompter,  je  ne  trouve  donc 


228  LES  RESSOURCES  DE  QUIHOLA. 

que  toi  pour  protecteur  :  tu  vas  garder  mon  secret  jusque  dans 
Fétemité.  (AQuinoia.)  Fais  que  Monipodio  gs^e  la  pleine  mer,  et 
qu*jl  y  engloutisse  le  navire  à  l'instant. 

QUINOLA. 

Ah  ça!  voyons,  entendons-nous?  qui  de  tous  oo  de  moi  perd 
sa  tête? 

P0NTANARÈ8. 

Obéis! 

QUINOLA. 

Alais,  mon  cher  maître... 

FONTANARÈS. 

U  va  de  ta  vie  et  de  la  mienne. 

QUINOLA. 

Obéir  sans  comprendre;  pour  une  première  fois,  je  me  risque. 

(0  sort.) 

SCÈNE  V. 

us  MÊMES,  moins  QUINOLA. 
FOlTTANARftS^  à  don  Fhlgote. 

Monseigneur,  laissons  de  côté  la  question  de  priorité  qui  sera 
facilement  jugée;  il  doit  m'étre  permis  de  retirer  ma  tête  de  ce 
débat,  et  tous  ne  sauriez  me  refuser  le  procès-verbal  que  Yoid, 
car  il  contient  ma  justification  auprès  du  roi  d'Espagne,  notre 
maître. 

DON  RAMON. 

Ainsi  vous  reconnaissez  mes  titres?. .. 

FONTANARÈS. 

Je  reconnais  tout  ce  que  vous  voudrez,  même  que  O  plus  0  est 
un  binôme. 

DON  FRÉGOSBj  aprSfl  8*éti«  oonsolté  avee  le  grand  Inquisiteur. 

Votre  demande  est  légitime.  Voici  le  procès-verbal  en  règle, 
BOUS  gardons  l'original 

FONTANABÈS. 

J'ai  donc  la  vie  sauve.  Vous  tous  ici  présents,  vous  regardez 
don  Ramon  comme  le  véritable  inventeur  du  navire  qui  vient  de 
marcher  par  la  vapeur  en  présence  de  deux  cent  mille  Espagook 

TOUS. 
Qui...  (Qulnolà  ae  moBtfeJ 


ACTB  V.  229 

PONTANABÈS. 

Eh  bien!  don  Ramon  a  fait  le  prodige,  don  Ramon  pourra  I< 
recommencer  (on  entend  un  grand  bruit);  le  pixKlige  n'existe  plus.  Une 
telle  puissance  n'est  pas  sans  danger;  et  le  danger,  que  don  Ra- 
mon De  soupçonnait  pas,  s'est  déclaré  pendant  qu'il  recueillait  les 

récompenses.    (Crls  au  debon.  Tout  le  monde  retourne  au  balcon  voir  la  mer  J  Je 

soisTengé! 

DON  FRÉGOSE. 

Que  dira  le  roi? 

LB  GRAND  INQUISITEUR. 

La  France  est  en  feu,  les  Pays-Bas  sont  en  pleine  révolte,  Cal- 
vin a  remué  l'Europe,  le  roi  a  trop  d'affaires  sur  les  bras  pour 
s'occuper  d'un  vaisseau.  Cette  invention  et  la  réforme,  c'est  trop 
à  la  fois»  Nous  échappons  encore  pour  quelque  temps  à  la  voracité 

despenpies.  (Tous  sortent.) 

SCÈNE  VI, 

QUINOLA,  FONTANARÈS,  FAUSTINE. 
FAUSTINE. 

Âlfonse,  je  vous  ai  fait  bien  du  mal  ! 

FONTANARÈS. 

Marie  est  morte.  Madame  :  je  ne  sais  plus  ce  que  veulent  dire 
les  mots  mal  et  bien. 

QUINOLA. 

Le  voilà  un  homme. 

FAUSTINE. 

Pardonnez-moi,  je  me  dévoue  à  votre  nouvel  avenir, 

FONTANARÈS. 

Pardon  I  ce  mot  est  aussi  effacé  de  mon  cœur.  Il  y  a  des  situa- 
tions OÙ  le  cœur  se  brise  ou  se  bronze.  J'avais  naguère  vingt-cinq 
ans;  aujouixl'hui,  vous  m'en  avez  donné  cinquante.  Vous  m'avex 
bit  perdre  un  monde,  vous  m'en  devez  un  autre... 

OUINOLA. 

Oh!  si  nous  tournons  à  la  politique. 

FAUSTINE. 

Mon  amour,  Alfonso,  ne  vaut-il  pas  un  monde? 

FONTANARÈS* 

Oui,  car  tu  es  un  magnifique  instrument  et  de  destniction  et 


230  LES  RESSOURCES  DE  QUDiOLA. 

de  ruioe.  Maintenant,  par  toi  je  dompterai  tout  ceox  qui  jusqu'à 
présent  m*oat  fait  ototade  :  je  te  prends,  non  pour  femme,  mais 
pour  eschYe,  et  tu  me  serviras. 

tÀUSTun. 
Aveoglément. 

FONTANABftS. 

Mais  sans  espoir  de  retour...  tu  le  sais,  il  y  a  du  bronze»  là. 
ai  se  frappe  le  oœar.)  Tu  m'as  appris  ce  qu'est  le  monde  I  O  monde 
des  intérêts,  de  la  ruse,  de  la  politique  et  des  perfidies,  à  nous 
deux  maintenant  ! 

QUIMOUL 


Monsieur? 
Eh  bien? 
En  su!s-je? 


FOirCANARÈS. 
QUINOLÂ. 


rONTAlTARÈS. 

Toi,  tu  es  le  seul  pour  lequel  il  y  lût  encore  one  place  dans 
mon  cœur.  A  nous  trois,  nous  allonsi** 

FAUSTIKS. 

OÙ? 

fûNTANAEte. 

En  France. 

rAUSIIffK« 

Partons  promptementi  je  connais  l'Espagne,  <  l'on  y  doit  médi- 
ter votre  mort. 

QUmOLA. 

Les  Ressources  de  Qulnola  sont  au  fond  de  l'eau;  daignez  excu- 
ser nos  fautes,  nous  ferons  sans  doute  beaucoup  mieux  à  Paris^ 
Décidément,  je  croîs  que  l'enfer  est  i^vé  de  bonnes  inventions. 


FIR  Dit  llfSOVlCftS  »B  QUIROLâ. 


PAMÉLA  GIRAUD 


PIÉCB  BN  aNQ  ACT£S, 


Heprésontèe  pour  la  première  fois,  à  Paris,  rar  le  théfttr*  de  la  Galtè| 

U  M  «e^embre  1843. 


<  .  ..  » . 


PERSONNAGES. 


LE  GÉNÉRAL  DE  VERBY. 

lUPRÉ,  tToctt. 

M.  ROUSSEAU. 

JULES  ROUSSEAU,  «m  flls. 

JOSEPH  BINET. 

iE  PÈRE  GIRAUD. 

UN  AGENT  SUPÉRIEUR. 

ANTOINE,  domesuv»  de  Boimbmv. 

PAUÉU  6iBAUJ>. 


MADAME  Teuve  DU  BROCARD. 

MADAME  ROUSSEAU. 

MADAME  GIRAUD. 

JUSTINE,  femme  de  ebambra  de 
dame  Rousseau. 

UN  COMMISSAIRE  DE  POLICE. 
UN  JUGE  D'INSTRUCTION. 

ASBHTS  DE  P3UCB* 
aUlDAAIIIt» 


PAMÉLA  6IRAUD 


â<:te  premier 


Le  théâtre  repréieiite  noe  mansarde  et  Tateller  d'une  fleoriite.  An  lerer  da  rideau 
Pamétatrayallle,  et  loaeph  Binet  est  assis.  La  mansarde  va  vers  le  fond  du  théAtre;  la 
porte  est  à  droite;  à  gauche  «ne  cheminée.  La  mansarde  est  coupée  de  manière  1  ee 
qn'en  se  baissant,  on  homme  puisse  tenir  sous  le  toit  an  fond  de  la  toile,  à  oOté  de  It 
crnsee. 


PROKiOCIIJlS 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

FAMÉLA,  JOSEPH  BINET,  JULES  ROUSSEAU. 

PAMÉUl. 

Monsieur  Joseph  Binet 

JOSiPH. 

Mademoiselle  Paméla  Giraud. 

PAMÉLA. 

Vous  Tonlez  donc  que  je  tous  baisse? 

JOSEPH. 

Dame!  si  c'est  le  conunencement  de  ramour..*  batoez-moi! 
Âh  ça,  parlons  raison. 

JOSEPH. 

Vous  ne  voulez  donc  pas  que  je  vous  dise  combien  je  vousaimet 


23^  PAMÉLA  GIRAUD. 

PAHÉLA. 

Ah!  je  vous  dis  tout  net,  puisque  vous  m'y  forcez,  que  je  ne 
veux  pas  être  la  femine  d*uQ  garçon  tapissier. 

JOSEPH. 

Est-il  nécessaire  de  devenir  empereur,  on  quelque  chose  comme 
ça,  pour  épouser  une  fleuriste? 

PAMÉLA. 

Non...  Il  faut  être  aimé,  et  je  ne  vous  aime  d'aucune  manière. 

JOSEPH. 

D*aucmie  manière!  Je  croyais  qu*il  n'y  avait  qu'une  manière 
d'aimer. 

Oui...  mais  il  y  a  plusieurs  manières  de  ne  pas  aimer.  Vous  pou- 
vez être  mon  ami,  sans  que  je  vous  aime. 

JOSEPH. 

Ohl 

PAMÉLA. 

Vous  pouvez  m'être  indifiérent... 

JOSEPH. 

Ah! 

PAMÉLA. 

Vous  pouvez  m'être  odieux!...  Et  dans  ce  moment,  vousm'ed- 
nuyez,  ce  qui  est  pis! 

JOSEPH. 

Je  l'ennuie  I  moi  qui  me  mets  en  cinq  pour  faire  tout  ce  qu'elle 
veut. 

PAMÉLA. 

Si  vous  faisiez  ce  que  je  veux,  vous  ne  resteriez  pas  ici. 

JOSEPH. 

Si  je  m'en  vas...  m'aimeriez- vous  un  peu  ? 

PAMÉLA. 

Mais  puisque  je  ne  vops  aime  que  quand  vous  n'y  êtes  pael 

J06£PH. 

Si  je  ne  venais  jamais? 

PAMÉLA. 

Yous  me  feriez  plaisir. 

JOSEPH. 

Mon  Dieu  I  pourquoi,  moi,  premier  garçon  tapissier  de  M-  Mord 
en  place  de  devenir  mon  propre  Iwnrgeois,  suis-je  devenu  amou- 
reox  de  mademmeHe?  Non...  Je  sois  arrêté  dans  ma  carrière... 


ACTE  I.  235 

je  ré?e  d'elle...  j'en  deviens  béte.  Si  mon  oncle  savait!...  Mais  il 
y  a  d'autres  femmes  dans  Paris,  et...  après  tout,  mademoiselle 
Paméh  Giraud,  qoi  êtes-vous»  pour  être  ainsi  dédaigneuse? 

PAHÉLA. 

Je  sois  la  fille  d'an  pauvre  tailleur  ruiné,  devenu  portier.  Jega 
gne  de  quoi  vivre...  si  ça  peut  s'appeler  vivre,  en  travaillant  nui' 
et  jour...  à  peine  puis-je  aller  faire  une  pauvre  petite  partie  aui 
Prés-Saint-Gervais,  cueillir  des  lilas;  et  certes,  je  reconnsns  qo( 
le  premier  garçon  de  M.  Morei  est  tout  à  fait  au-dessus  de  moi.. 
je  ne  veux  pas  entrer  dans  une  famille  qui  croirait  se  mésallier... 
lesBinetl 

JOSEPH. 

Mais  qu'avez- vous  depuis  huit  ou  dix  jours,  là,  ma  chère  petite 
gentille  mignonne  de  Paméla?  il  y  a  dix  jours  je  venais  tous  les 
soirs  vous  tailler  vos  feuilles,  je  faisais  les  queues  aux  roses,  les 
cœurs  aux  marguerites,  nous  causions,  nous  allions  quelquefois  au 
mélodrame  nous  régaler  de  pleurer...  et  j'étais  le  bon  Joseph, 
mon  petit  Joseph...  enfin  un  Joseph  dans  lequel  vous  trouviez 
l'étoffe  d'an  umL..  Tout  à  coup...  zeste  I  plus  riexL 

PAMiLÀ. 

Mais  aUez-VGUs-en  donc...  vous  n'êtes  là  ni  dans  la  me,  «1  chez 

Yons. 

J0689B. 

£h  hîeni  je  m'en  vais,  MademoLselIe...  on  s'en  val  je  causerai 
dans  la  loge  avec  maman  Giraod;  eUe  ne  demande  pas  mieux  que 
de  me  voir  entrer  dans  m  fiunille,  elle  ;  elle  ne  change  paad'idée ! 

PAHÉLA. 

£h  bien!  au  lieu  d'entrer  dans  sa  famille,  entrez  dans  sa  loge, 
monsieur  Joseph  !  allez  causer  avec  ma  mère,  allez  I...  (ii  sort.)  Il  les 
occupera  peut-être  assez  pour  que  M.  Adolphe  puisse  monter  sans 
être  vu.  Adolphe  Durand  I  le  joli  nom  !  c'est  la  moitié  d'un  roman!  et 
le  joli  jeune  homme  !  Enfin,  depuis  quinze  jours,  c'est  une  persécu- 
tion... Je  me  savais  bien  un  peu  jolie;  mais  je  ne  me  croyais  pas  si 
bien  qu'il  le  dit  Ce  doit  être  un  artiste,  un  employé  I  Quel  qu'il  soit, 
ilmeplalt;il  est  si  comme  il  faut!  Pourtant  sisa  mme  était  trompeuse, 
si  c'était  quelqu'un  de  mal . .  car  enfin  cette  lettre  qu'il  vient  de  me 
faire  envoyer  si  mystérieusement...  (siieia  tire  de  son  oonet,  et  usant:* 
•  Attendez-moi  ce  soir»  soyez  seule,  et  que  persoi^ie  ne  me  voie  en- 
«  trer  si  c'est  possible;  il  s'agit  de  ma  vie,  et  si  vous  saviez  quel 


236  PAMÉLA  GIRAUD. 

«  affreux  malheur  me  poursuit!...  »   «  Adolphe  Durand.  »  Écrit 
au  crayon.  Il  s'agit  de  sa  vie...  je  suis  dans  une  anxiété... 

JOSEPH,  revenant. 

Tout  en  descendant  1'escaMer,  je  me  suis  dit  :  Pourquoi  Pa- 

éla...  Ouïes  parait.) 

PAMÉLA. 

Ahl 

JOSEPH.    . 
Quoi?  (Jules  disparait  ) 

PAMÉLA. 

n  m'a  semblé  voir...  J'ai  cru  entendre  un  bruit  là-haut!  Allez 
donc  visiter  le  grenier  au-dessus,  là  peut-être  quelqu'un  s'est-il 
cadiél  Avez-vous  peur,  vous? 

JOSEPH. 

Non. 

PAMÉLA. 

Eh  bien!  montez,  fouillez!  sans  quoi  je  serai  effiuyée  pendant 
toute  la  nuit 

JOSEPH. 

J*y  vais...  je  monterai  sur  le  toit  si  vous  vouiez. 

(n  entre  à  gauche  par  une  petite  porte  qui  conduit  au  grenier.) 
PAMÉLA,  raccompagnant. 

Allez.  (Jules  entra.)  Ah  !  Monsieur,  quel  rôle  vous  me  faites  jouer! 

JULES. 

Tous  me  sauvez  la  vie,  et  peut-^être  ne  le  regretterez-vous  pas! 
vous  savez  combien  je  vous  aime  !  (n  lui  baïae  les  mains.) 

PAMÉLA. 

Je  sais  que  vous  me  l'avez  dit;  mais  vous  agissez... 

JULES. 

Gomme  avec  une  libératrice. 

PAMÉLA. 

Vous  m'avez  écrit...  et  cette  lettre  m'a  ôté  toute  ma  sécurité... 
Je  ne  sais  plus  ni  qui  vous  êtes,  ni  ce  qui  vous  amène. 

JOSEPH^  en  deiiors. 

Mademoiselle,  je  suis  daus  le  grenier...  J'ai  vu  sur  le  tott' 

JULES. 

n  va  revenir...  où  me  cacher? 

PAMÉLA. 

Mais  vous  ne  pouvez  rester  ici! 

JULES. 

Vous  voulez  nw  perdre,  Paméla  t 


ACTE  L  237 

PAHÉLA. 
Le  YOid  !  Tenez. .  •  là  f .  • .  (Elle  le  cache  sont  la  maasarde.) 

JOSEPH^  revenant. 

Vous  n'êtes  pas  seule,  Mademoiselle? 

PAHÉLA. 

Non...  puisque  vous  voilà. 

JOSSPH. 

J'ai  entendu  quelque  chose  comme  une  voix  d'homme...  La 
voix  monte! 

PAHÉLA. 

Damé!  elle  descend  peut-être  aussL..  Toyez  dans  Tescaiier... 

40SEPH. 

Ohl  jesuissûr... 

PAHÉLA. 

De  rien.  Laissez-moi»  monsieur;  je  veux  être  seule. 

JOSEPH. 

Avec  une  voix  d*liomme? 

PAHÉLA* 

Vous  ne  me  croyez  donc  pas  ? 

JOSEPH. 

Mais  j*ai  parfaitement  entendu. 

PAHÉLA» 

Rien. 

JOSXPH. 

Ah  I  Mademoiselle  ! 

PAHÉLA. 

Et  ai  vous  aimiez  mieux  croire  les  bruits  qui  vous  passent  par 
les  oreilles  que  Ce  que  je  vous  dis,  vous  ferez  un  fort  mauvais 
mari...  J'en  sais  maintenant  assez  sur  votre  compte... 

JOSEPH. 

Ça  n'empêche  pas  que  ce  que  j'ai  cru  entendre.. • 

PAHÉLA. 

Puisque  vous  vous  obstinez,  vous  pouvez  le  croire.  ••  Oui,  vous 
avez  entendu  la  voix  d'un  jeune  homme  qui  m'aime  et  qui  fait 
tout  ce  que  je  veux...  il  disparait  quand  il  le  faut,  et  il  vient  à  vo- 
lontê.  Eh  bien!  qu'attendez-vous?  croyez-vous  que,  s'il  est  ici, 
votre  présence  nous  soit  agréable  ?  Allez  demander  à  mon  père  et 
à  ma  mère  quel  est  son  nom...  il  a  dû  le  leur  dire  en  montant, 
faû  et  la  voix. 

JOSEPH.     . 

Mademoiselle  Paméla,  pardonnez  à  un  pauvre  garçon  qui  est 


238  PAMÉLA  GIRAUD. 

fou  d*amoar...  Ce  n'est  pas  le  cœur  que  je  perds,  mais  la  têle, 
aussitôt  qu'il  s*agit  de  vous.  Ne  sais-je  pas  que  vous  êtes  aussi  sage 
que  belle  ?  que  vous  avez  dans  Tâme  encore  plus  de  trésors  que 
vous  n*en  portez?  Aussi...  tenez,  vous  avez  raison,  j'entendrais  dix 
voix,  je  verrais  dix  hommes  là,  que  ça  ne  me  ferait  rien...  mais 
un... 

VÂMÈLk. 

Eh  bien? 

JOSEPH. 

Un...  ça  me  gênerait  davantage.  Mais  je  m'en  vais;  c'est  pour 
rire  que  je  vous  dis  tout  ça...  je  sais  bien  que  vous  allez  être 
seule.  A  revoir,  mademoiselle  Paméla;  je  m'en  vas...  j'ai  con- 
ûance. 

PAMÉLAj  à  part. 

Il  se  doute  de  quelque  chose. 

JOSEPH,  k  part. 

Il  y  a  quelqu'un  icL..  je  cours  tout  dire  an  père  et  à  la  mère 
Giraud.  (Haut.)  A  revoir,  mademoiselle  Paméla.  m^ort.) 

SCÈNE  II. 

PAMÉLA,  JULES^ 
PAVÉLA. 

Monsieur  Adolphe,  vous  voyez  à  quoi  vous  m*exposez...  Le 
pauvre  garçon  est  un  ouvrier  plein  de  cœur  ;  il  a  un  oncle  assez 
riche  pour  l'établir  ;  il  veut  m*épouser,  et  en  un  moment  j'ai  perda 
mon  avenir...  et  pour  qui  ?  je  ne  vous  connais  pas,  et  à  la  manière 
dont  vous  jouez  l'existence  d'une  jeune  fille  qui  n*a  pour  elle  qne 
sa  bonne  conduite,  je  devine  que  vous  vous  en  croyez  le  droit.. 
Vous  êtes  riche,  et  vous  vous  moquez  des  gens  pauvres  ! 

JULES. 

Non,  ma  chère  Paméla...  je  sais  qui  vous  êtes,  et  je  vous  ai  ap- 
préciée... Je  vous  aime,  je  suis  riche,  et  nous  ne  nous  quitterons 
jamais.  Ma  voiture  de  voyage  est  chez  un  ami,  à  la  porte  Saint- 
Denis;  nous  irons  la  prendre  à  pied;  je  vais  m'embarquer  ponr 
l'Angleterre.  Venez,  je  vous  expliquerai  mes  intentions,  car  le 
moindre  retard  pourrait  m'être  fatal. 

PAMÉLA. 

Quoi? 


AGTB  L  239 

JULES» 

Et  TOUS  verrez... 

PAH^IA. 

Etes-Tous  dans  votre  bon  sens,  monsieur  Adolphe?  Après  m*a- 
Toir  saifie  depuis  on  mois,  m'avoir  yue  deux  fois  au  bal,  et  m*a- 
Toir  écrit  des  déclarations  comme  les  jeunes  gens  de  votre  sorte 
en  font  à  tontes  les  femmes,  vous  venez  me  proposer  de  but  en 
blanc  an  enlèvement? 

JULES. 

Ah!  mon  Dieu!  pas  un  instant  de  retard  !  vous  vous  repentiriez 
de  ceci  toute  votre  vie,  et  vous  vous  apercevrez  trop  tard  de  la 
perte  que  vous  aurez  faite. 

PAHéLA« 

Mais,  Monsieur,  tout  peut  se  dire  en  deux  mots. 

JULES. 

Non...  quand  il  s'agit  d'un  secret  d'où  dépend  la  vie  de  plusieurs 

hommes. 

PAMÉLA. 

Mais,  Monsieur,  s'il  s'agit  de  vous  sauver  la  vie,  quoique  je.  n'y 
comprenne  rien,  et  qui  que  vous  soyez,  je  ferai  bien  des  choses  ; 
mais  de  quelle  utilité  pnis-je  vous  être  dans  votre  fuite?  pourquoi 
m'emmener  en  Angleterre? 

JULES. 

Mais,  enfant  1...  Ton  ne  se  défie  pas  de  deux  amants  qui  s'en- 
fuient I...  et  enfin,  je  vous  aime  assez  pour  oublier  tout,  et  encou* 
nria  colère  de  mes  parents...  une  fois  mariés  à  Gretna-Green... 

PAHÉLA. 

Ah!  mon  Dieu!...  moi,  je  suis  toute  bouleyerséel  un  beau 
jeone  homme  qui  vous  presse...  vous  supplie. ••  et  qui  parle  d'é- 

penser..  • 

JULES. 

On  monte...  Je  suis  perdu!...  vous  m'avez  livré !... 

PAMÉLA. 

Monsieur  Adolphe,  vous  me  faites  peur!  qqe  peut-il  donc  vous 
arriver?...  Attendez...  je  vais  voir. 

JULES. 

£n  tout  cas,  prenez  ces  vingt  mille  francs  sur  vous,  ils  seront 
plus  en  sûreté  qu'entre  les  mains  de  la  justice...  Je  n'avais  qu'une 
demi-heure...  eL..  tout  est  dit! 

PAMÉLA. 

Ne  craignez  rien...  c'est  mon  père  et  ma  mère!..* 


^àO  pam£la  giraou. 

JULES. 

Vous  avez  de  l*esprit  comme  un  ange...  Je  me  fie  à  vous...  mais 
songez  qu'il  faut  sortir  d'ici,  sur-le-champ,  tous  deux;  et  je  vous 
jure  sur  l'honneur  qu'il  n'en  résultera  rien  que  de  bon  pour  vous. 


SCÈNE  m. 

PAMÉLA,  GIRAUD  et  MADAME  GIRADD. 

PAMÉLA. 

C'est  décidément  un  homme  en  danger...  et  qui  m'aime.. .  deux 
raisons  pour  que  je  m'intéresse  à  lui!... 

MADAME  GIRAUD. 

Eh  bien  !  Paméla,  toi,  la  consolation  de  tous  nos  malheurs,  l'ap- 
pui de  notre  vieillesse,  notre  seul  espoir  ! 

GIRAUD. 

Une  fiUe  élevée  dans  des  principes  sévères. 

MADAME  GIRAUD. 

Te  tairas-tu,  Giraudî...  tu  ne  sais  ce  que  ta  dis. 

GIRAUD. 

Oui,  madame  Giraud. 

MADAME  GIRAUD. 

Enfin,  Paméla,  tu  étais  citée  dans  tout  le  quartier»  et  tu  pouvais 
devenir  utile  à  tes  parents  dans  leurs  vieux  jours!... 

GIRAUD. 

Digne  du  prix  de  vertu  !... 

PAMÉLA. 

Mais  je  ne  sais  pas  pourquoi  vous  me  grondez? 

MADAME  GIRAUD. 

Joseph  vient  de  nous  dire  que  tu  cachais  un  homme  chez  toi. 

GIRAUD. 

Oui;.,  une  voix. 

MADAME  GIRAUD. 

Silence,  Giraud!...  Paméla,  n'écoutez  pas  votre  père! 

PAMÉLA. 

Et  vous,  ma  mère,  n'écoutez  pas  Joseph. 

GIRAUD. 

Que  te  disais-je  dans  l'escalier,  madame  Giraud  ?  Paméla  sait 
combien  nous  comptons  sur  elle...  elle  veut  faire  un  bin  mariage» 
autant  pour  nous  que  pour  elle  ;  son  cœur  saigne  de  nous  voir 


ACTE  I.  2/ii 

portiers,  nous,  Tanteur  de  ses  jours!...  elle  est  trop  sensée  pour 
faire  une  sottise...  N'est-ce  pas,  mon  enfant,  ta  ne  démentiras  pas 
ton  père? 

MADAME  GIBAUD. 

Ta  n'as  personne,  n'est-ce  pas,  mon  amour  ?  car  une  jeune  ou- 
vrière qui  a  quelqu'un  chez  elle,  à  dix  heures  du  soir...  enfîn...  il 
y  a  de  quoi  perdre... 

PAMÉLA. 

Mais  il  me  semble  que  si  j'avais  quelqu'un  vous  l'auriez  vt 


61RAUD. 

Elle  a  raison. 

MADAME  GIRAUD. 

Elle  ne  répond  pas  ad  rem.. .  Ouvre-moi  la  porte  de  cette 
chambre... 

PAMÉLA. 

Ma  mère,  arrêtez.  ••  vous  ne  pouvez  entrer  là,  vous  n'y  entrer 
pas!...  Ecoutez-moi:  comme  je  vous  aime,  ma  mère,  et  vo 
mon  père,  je  n'ai  rien  à  me  reprocher!...  et  j'en  fais  serment 
vant  Dieu!...  cette  confiance  que  vous  avez  eue  si  loi^temps 
votre  fille,  vous  ne  la  lui  retirerez  pas  en  un  instant!... 

MADAME  GIRAUD. 

Mais  pourquoi  ne  pas  nous  dire  ? 

PAMÉLA^  k  part. 

Impossible!...  s'ils  voyaient  ce. jeune  homme,  bientôt  tout  k 
monde  saurait.. 

GniAUD^  rinterrompant. 

Nous  sommes  ses  père  et  mère,  et  il  faut  voir!... 

PAMÉLA. 

Pour  la  première  fois,  je  vous  désobéis  !...  mais  vous  m'y  for- 
cez !...  ce  logement,  je  le  paye  du  fruit  de  mon  travail!...  Je  suis 
majeure...  maîtresse  de  mes  actions. 

MADAME  GIRAUD. 

Ah!  Paméla!...  vous  en  qui  nous  avions  mis  toutes  nos  espé- 
rances I... 

GIRAUD. 

Mais  tu  te  perdsl...  et  je  resterai  portier  durant  mes  vieux 
jours! 

PAMÉLA. 

Ne  craignez  rien!...  oui,  il  y  a  quelqu'un  ici;  mais  silenceL». 
TU.  1<> 


PAHÉLA  GIRAUD. 

VOUS  aHez  leUMirner  à  Ui  loge,  &à  basi...  font  dînez  k  Jwepli  cjii'il 
ne  sait,  ce  qii*U  dk«  qm.  ^oas  avez  fowMè  paiUrat,  cp^iL  ii*y  a  pei- 
sonne  chez  moi;  vous  le  renverrez...  alors,  vous  verrez  ee  ysmut 
homme;  vous  saurez  ce  cpM,  ja  coiBpIft  feire...  et  vous  garderez  le 
plHS  jfÊQtoaA  seceet  suc  tontcecL 

GIBAUD. 

Malheureuse!...  pour  quoi  prends-tu  toa  pèfe?  oiapavottief 
»aiets  de  banque  sur  la  table.)  Ah!  qu*est-€e  que  c'est  quB  cela?  des  bil- 
lets de  baaque  l 

MADAME  GIRAUO. 

D<*^  billets  !••«  (8UeirfloigDe.é8BiiBéia.)  Paméla,  d*où  avez-vous 
cela? 

FAMiiJu. 

Je  lou^l'écrint 

GIRAUD. 

Nous  récrire  !•••  die  va  donc  se.  faire  enlever  T 


seÈNE  nr. 

tm  ■ÉMttr  M6SM  Bonrr, 


J*éuis  bien  sûr  que  c'était  pm  grandfdwe?  dm  km..  e^M  un 
chef  de  voleurs,  un  brigaiML..  La  gsodarmerie,  la  policet  la  justice, 
loiiii  k  tnariUbment^  bi  mÔMa  est  cemét  I 

JULES,  paralasaot* 

Je  suis  perdu  I 


J*ai  fait  tout  ce  que  j*a^  pal 
Ah  !  çS^,  q«4  êtoaioM»  Monas  vl 
Êtes-vous  un. 
Paiéez  I 


!•• 


Saa&  ceb  iffifa6ciki«î'étai»  iawélw^  voua  «mm  k  pMBdTun 
liomme  à  vous  reprocher. 


MomwM  idnl|iM,  UmHmm 


ACTE  L  2^d 

Oui! 

PAMÉLA. 

Que  faire?  (inuiquaotia  lucarne.)  Ahl  par  ici;  aou8  allons  déjouer 

leurs  poursuites  7       (Ole  ouvre  U  lucame  qui  est  occupé»  par  des  i^pente.) 

JULES. 

U  n'est  plus  temps  !...  Secondez-moî  seulement...  voici  ce  que 
vous  direz  :  Je  suis  l'amant  de  votre  fille,  et  je  vous  la  demande 
en  mariage...  Je  suis  majeur...  Adolphe  Durand,  fils  d'un  riche 
négociant  de  Marseille. 

GIRAUO. 

Un  amour  légitime  et  riche  I...  Jeune  homme,  je  vous  prends 
•    soos  ma  protection. 

SCÈNE  V. 

LES  Mim^  US  COMMISSAIRE,  LE  CHEF  DE  LA  POLICE,  Lit  soldats. 

GIRAUD» 

Monsieur,  de  quel  droit  entrez- vous  dans  une  maifioa  habitée... 
dans  le  domicile  d'une  euËmt  paisible?... 


Oui,  de  quel  droit? 

JJft  QQIIMIS8A1&B. 

Jeune  homme,,  ne  vous  inquiétez  pas  de  notre  droit  I»..  vous 
étiez  tout  à  l'heure  très-complaisant,  en  nous  indiquant  où  pouvait 
être  l'inconnu,  et  vous  voilà  bien  hostile. 

PAMÉLÀ. 

Mais  que  cherchez-vous?  que  voulez- vous? 

LE  rniiMfj^iftYm, 

Vous  savez  donc  que  nous  cherchons  quelqu'un? 

GIRAUD. 

Monsieur,  ma  fille  n'a  pas  d'autre  personne  avec  elle  que  son 

futur  époux,  monsieur... 

LE  COMMISSAIRB. 

M.  Rousseau. 

PAMÉLA. 

Monsieur  Adolphe  Durand. 

GIRAUD. 

Rousseau»  connais  pas...  Monsieur  est  M.  Addpbe  Durand. 


'^•\h  PAAIÉLA   GIIIAUD. 

MADAME  GIRAUD. 

ils  d'un  négociant  respectable  de  Mai^ille. 

JOSEPH. 

Ah  !  vous  me  trompiez  !...  ah  !...  voilà  le  secret  de  votre  froî- 
leur,  Mademoiselle,  et  monsieur  est... 

LE  COMMISSAIRE,  au  cbef  de  la  poUce. 

Ce  n'est  donc  pas  lui  ? 

LE  CHEF. 

Mais  si...  J'en  suis  sûr!...  (aux gendarmes.)  Exécutez  mes  ordres^ 

JULES. 

Monsieur...  je  suis  victime  de  quelque  méprise.. •  Je  ne  me 
nomme  pas  Jules  Rousseau. 

LE  CHEF. 

Ah!  vous  savez  son  prénom,  que  personne  de  nous  n'a  dit 
encore. . 

JULES. 

Mais  j*en  ai  entendu  parler...  Voici  mes  papiers,  qui  sont  par- 
faitement en  règle. 

LE  COMMISSAIRE. 

Voyons,  Monsieur! 

GIRAUD. 

Messieurs,  je  vous  assure  et  vous  affirme... 

LE  CHEF. 

Si  vous  continuez  sur  ce  ton,  et  que  vous  vouliez  nous  faire 
croire  que  monsieur  est  M.  Adolphe  Durand,  fils  d'un  négociant 

do.., 

\  MADAME  GIRAUD. 

De  Marseille... 

,  LE  CHEF. 

Vous  |)ourriez  être  tous  arrêtés  comme  ses  complices,  étroués  k 
h  Conciergerie  ce  soir,  et  impliqués  dans  une  affaire  d'où  l'on  n» 
se  sauvera  pas  facilement...  Tenez-vous  à  votre  personne ^ 

GIRAUD. 

Beaucoup  ! 

LB  CHEF. 

Eh  bien  !  taisez-vous. 

MADAME  GIRAUD. 

Tais-toi  donc,  Giraud. 

PAMÉLA. 

Mon  Dieu!  pourquoi  ne  Tai-je  pas  cru  sur-le-champ? 


ACTE  I.  2h5 

LK  COMUISSAIRE^  &  ses  agenti. 
Fouillez  Monsieur  !  (On  tend  à  ragent  le  motteholr  de  Jules.) 

LE  CHEF. 

Marqué  d'un  J  et  d'an  R...  Mon  cher  Monsieur»  tous  n'êtes  pas  ^ 
très-rusé  I 

JOSEPH. 

Qu'est-ce  qu'il  peut  avoir  fait?...  est-ce  que  tous  en  seriez, 

ttiainzelle? 

FAMÉLA. 

Vous  serez  cause  de  sa  perte...  ne  me  reparlez  jamais  I 

LE  CHEF. 

Monsieur,  voici  la  carte  à  payer  de  votre  dîner...  vous  avez  dîné 
au  Palais-Royal,  aux  Frères-Provençaux...  vous  y  avez  écrit  un 
billet  au  crayon,  et  ce  billet  vous  l'avez  envoyé  ici  par  un  de  vos 
amis,  M.  Adolphe  Durand,  qui  vous  a  prêté  son  passe-port... 
nous  sommes  sûrs  de  votre  identité  ;  vous  êtes  M.  Jules  Rousseau. 

JOSEPH. 

Le  ûls  du  riche  M.  Rousseau,  pour  qui  nous  avons  un  ameu- 
blement. 

LS  COMMISSAIRE. 

Taisez-vous! 

LE  CHEF. 

Suivez-nous! 

JULES. 

Allons,  Monsieur!  (AGiraudetàsafemme.)  Pardonnez-uioi  l'ennui 
que  je  vous  cause...  et  vous,  Paméla,  ne  m'oubliez  pas!  Si  vous 
«e  me  revoyez  plus,  gardez  ce  que  je  vous  ai  remis  et  soyez  heu* 
«euse. 

GIRAUD. 

Seigneur,  mon  Dieu  ! 

PAMéLA. 

Pauvre  Adolphe  ! 

LE  COMMISSAIRE^  aux  agents. 

Restez...  nous  allons  visiter  cette  mansarde  et  vous  interroger 
tous! 

JOSEPH  BINET^  avec  horreur 

Ahl  ah!...  elle  me  préférait  un  malfaiteur  ! 

Jules  est  remis  aux  mains  des  agenu,  et  le  rideau  Mtm, 

FIM   m   rRlHIBA   A61K. 


ACTE  DEUXIÈME 


tethgltit  iM^MftifBimea.  AaMw  est  oecnyê  >  ywottrtr( 


SCÈNE  PREfflÈRE. 

ANTOINE,  JUSTINS. 
JUSTINE. 

£fa  bienl  Aaloine,  aviesHFous  k  kg  jonrnant? 

ANTOINE. 

N'est-ce  pas  une  pitié,  42iie  nous  autres  domestiques  nous  ne 
puissions  savoir  ce  qui  se  passe  relativement  à  M.  Jales  que  par  les 
journaux? 

JUSTINE. 

Mais,  monsieur,  madame  «t  Mademoiselle  du  Brocard,  leur 
sœur,  ne  saTent  rien...  M.  ivks  a  été  pendant  trois  mok..  corn  • 
mnt  ils  appeUent  tela...  être  aa  secrett 

Il  parait  que  le  coup  était  fameux,  il  s'agissait  de  reoMOre 
Fautre... 

JUSTINE. 

Dire  qu'un  jeune  homme  qm  n^Eivait  qu'à  s'amuser,  qui  devait 
un  jour  avoir  les  vingt  mille  livres  de  rente  de  sa  tante,  et  la  for- 
lune  de  ses  père  et  mère,  qui  Ta  bien  au  double,  se  soit  fourré 
dans  une  conspiration  I 

ANTOINE. 

Je  l'en  estime,  car  c'était  pour  jam^er  l'encreur  L..  Faites- 
mai  oûBper  le  om  ai  vous  voulez...  Noos  sommes  seuls...  vous 
n'êtes  pas  de  la  police  :  Vive  l'empereur  I 

jusmiB* 

Taisez-vous  donc,  vieille  lête  !. . .  si  Ton  vous  entendait,  on  nous 
arrêterait. 


ACTE  n  2/!i7 

ANTOINE. 

Je  n'ai  pas  pear,  Dieu  merci!...  mes  réponses  Mjoge  dHos- 
*     traction  ont  été  solides;  je  n'éd  pas  compromis  M.  Jules,  comme 
les  traîtres  qui  l'ont  dénoncé. 

JXTSTINR. 

Mademoiselle  du  Brocard,  qui  doit  aroir  de  fameuses  écono- 
mies, pourrait  le  faire  sauver,  avec  tout  son  argent 

ANTOINE. 

Ah!  ouin!...  depuis  l'évasion  de  Lavalette,  c'est  impossible!  ils 
sont  devenus  extrêmement  difficiles  aux  portes  des  prisons,  el  Ils 
n'étaient  pas  déjà  si  commodes...  M.  Jules  la  gobera,  voyez- vous  ; 
ça  sera  un  martyr.  J'irai  le  voir.  (On  sonne.  Antoine  sort.) 

JUSTINE. 

Il  rira  voir!  quand  on  a  connu  quelqu'un,  je  ne  sais  pas  com- 
ment on  a  le  cœur  de...  Moi,  j'irai  à  la  cour  d'asrâes;  ix  pauvre 
enfant,  je  lui  dois  bien  cela. 

SCÈNE  n, 

DUPRÉ,  ANTOINE,  JUSTINE. 
ANTOINE^  ft  part,  voyant  entrer  Dapré. 

Ah!  l'avocat.  (Haut.)  Jusâne,  allez  prévenir  madame.  (Apart.)  L'a- 
vocat ne  me  paraît  pas  facile.  (Haut.)  Monsieur,  y  a-t-il  quelque  es- 
poir de  sauver  ce  pauvre  M.  Jules  ? 

Dupni. 

Vous  aimez  donc  beaucoup  votre  jeune  maître? 

ANTOINE. 

C'est  si  naturel  ! 

DUPRÉ. 

Que  feriez-vous  pour  le  sauver? 

ANTOINE. 

Tom,  Monâeurt    . 
Rien! 

JUeaU.  J«  lémoigBeni  tout  ce  %wt  vous  vovdvei. 

Si  l'on  vous  prenait  en  contradiction  avec  ce  que  vous  avez  déjà 
dit,  «t  fu'il  tea  irésultât  «a  jaw  téouNgnage,  aavei-vous  ce  que 
vous  risqueriez? 


PAMELA   GlRAt;!». 

ANTOINE.  " 

Nv»n,  Monsieur. 

pufrA. 
Les  galèilcs? 

ANTOINB. 

Alonsieur,  c'est  bien  darl 

DUPRÉ.     . 

Ton»  aimeriez  mieux  le  servir  sans  vous  compromettra 

ANTOINE. 

Y  a-t-il  un  autre  moyen  ? 

DLTRÉ. 

Non. 

ANTOINE. 

Eh  bien  I  je  me  risquerai 

DU  PRÉ,  à  part. 

Du  dévouement! 

ANTOINE. 

Monsieur  ne  peut  pas  manquer  de  me  faire  des  rentes^ 

JUSTINE. 

Voici  madame. 

SCÈNE  III. 

LES  MftMES,  MADAME  ROUSSEAU, 
/f  ADAHE  ROUSSEAU,  à  Dopré. 

Ahî  Monsieur,  ious  vous  attendions  avec  une  impatience! 
\  CA  Antoine.)  Antoine (  vite,  prévenez  mon  mari,  (a  Dupré.)  Monsieur,  je 
^     l'espère  plus  qu'en  vous. 

DUPRÉ. 

Croyez,  Madame,  que  j'entreprendrai  tout.. 

MADAME  ROUSSRAU. 

Oh!  merci...  et  d'ailleurs  Jules  n'est  pas  coupable...  lui  conspi- 
rerl...  un  pauvre  enfant,  comment  peut-on  le  craindre,  quand  au 
moindre  reproche  il  reste  tremblant  devant  moi...  moi,  sa  mère! 
Ah  !  Monsieur,  dites  que  vous  me  le  rendrez. 

ROUSSEAU^  entrant,  à  Antoine. 

te  général  Verby...  Je  l'attends  dès  qu'il  viendra.  (ADopit. 
Eh  bien  !  mon  cher  monsieur  Dupré... 

*  DUPRÉ. 

La  bataille  commence  sans  doute  demain;  aujourd'hui  les  prè* 

paralifs.  l'acte  d'ac^ii*;atiou. 


ACTE  IL  2&9 

ROUSSEAU. 

Moo  [lanvre  Jules  a-t-il  donué  prise  ?.  •• 

DUPRÉ. 

lia  tout  nié...  et  a  parfaitement  joué  son  rôle  d'innocent;  mais 
noos  nepoorrons  opposer  aucun  témoignage  à  ceux  qui  TaccablenL 

ROUSSEAU. 

Ah  !  Monsieur,  sauvez  mon  ûis,  et  la  moitié  de  ma  fortune  est 

à  VGOS. 

DUPRé. 

Si  j'avais  toutes  les  moitiés  de  fortune  qu'on  m'a  promises.  ••  j  ; 
s  îiais  trop  riche. 

ROUSSEAU. 

Donteriez-vous  de  ma  reconnaissance? 

DUPRÉ. 

J'attendrai  les  résultats,  Monsieur. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Prenez  pitié  d'une  pauvre  mère  ! 

DUPRÉ. 

Madame,  je  vous  le  jure,  rien  n'excite  plus  ma  curiosité,  ma 
sympathie,  qu'un  sentiment  réel,  et  à  Paris  le  vsai  est  si  rare,  que 
je  ne  saurais  rester  insensible  è  la  douleur  d'une  famille  menacée 
de  perdre  un  ûls  unique...  Comptez  sur  n^oL 

ROUSSEAU. 

Ah  !  Monsieur  !••• 


SCÈNE  IV. 

LU  MÉKB8,  LE  jGÉNÉRAL  de  YERBY,  MADAME  DU  BROCARD. 
MADAME  DU  BROCARD,  amenant  de  Verbgr. 

Venez,  mon  cher  général 

,  DE  VERBY^  saluant  Dupré. 

Ahl  Monsieur...  je  viens  seulement  d'apprendre..  > 

ROUSSEAU^  présentant  Dupré  ft  de  Yerby. 
Général,  M.  Dupré.  (Dupré  et  de  Verby  se  saiMOl;) 

DUPRÉ,  ft  part,  pendant  que  de  Verby  parle  ft  Rousseau. 

Le  général  d'antichambre;  sans  autre  capacité  que  le  nom  de 
aon  frère,  gentilhomme  de  la  chambre  :  îl  ne  me  paraît  pas  être 
ici  pour  rien... 


^0  PAMÉLA  GIHAUD. 

DE  TEUnr^  ^  Dspré. 

Monsieur  est,  selon  ce  que  je  viens  d'eaiendre*  dnrgé  ée  U 
défense  de  M.  Jules  Rousseau  dans  la  déplorable  affaire... 

Ooî,  llionsieiir...  nae  défriorable  affisire,  cvIpb  wabaafBUo 

ne  sont  pas  en  prison;  la  justice  sévira  contre  les  soldats,  et  les 
chefs  sonft,  comme  toDJoors,  à  Técart...  Tom  êtes  le  général  vi- 
comte de  Verby? 

DR  wirvr. 
Le  féaérel  Veiiiy...  Je  ne  prends  pas  èe  titre...  mes  «pinienv... 
Sans  doute,  vous  connaissez  l'instruction. 

•DUPRÉ. 

Depuis  trois  jours  seulement  nom  ixmmàmtpmn  avec  to  te* 
cusés. 

DB  yEionr* 
Et  que  pensez-vous  de  l'affaire? 

lam. 
Oui,  parlez. 

D'après  l'bdâtwle  que  fm  du  Palass,  je  cnns  deviner  4pi*en  «s 
père  otenér  ées  Tévébdoiis  en  ofiÎTaat  4et  omnmvtatioBS  4e  peine 
aux  condamnés. 

DK  vsanr. 

Les  accusés  sont  tous  des  gens  d*honueur. 

ROUSSEAU» 

Nais... 

DUPBÉ. 

Le  caractère  change  en  face  de  Téchafaud,  surtout  qnand  on  a 
beauoHi{i  li  parAre. 

DB  TERBYy  à  part. 

On  ne  devrait  conspirer  qu'avec  des  gens  gui  n'ont  pas  un  sou» 

DUPRé. 

J'engagerai  mon  client  à  tout  révéler. 

ROUSSEAU. 

Sans  doute. 

«KDAXE  DU  'BROCABOb 
G4 


ntefaïA. 

Il  n'y  a  donc  aucune  chance  de  sahit  pour  loi? 


DtPBK. 

Aucune!  le  parquet  peot  démontrer  qu'il  était  du  nombre  de 
cenx  qui  ont  commencé  feiécution  du  complot. 

DE  TERBY. 

J'aimerais  mieux  perdre  h  tête  que  flionnear. 
C'est  selon!  si  rhonueur  ne  vaut  pas  la  Cèle. 
Vous  avez  des  idées... 
Ce  sont  les  miennes... 

DOTfllÉ. 

(îe  sont  iselles  eu  ^ns  grand  nombre.  J*ai  v«  fane  beaucoup  de 
choses  pour  sauver  la  tête...  H  y  a  des  gens  qui  mettent  les  autres 
en  avant,  qui  ne  risquent  rien,  et  i^eGvieîilent  tout  après  le  succès. 
Ont-ils  de  Tboniieur  ceux-là?  est-<Hi  fetra  >i  quelque  cSKMse  en- 
vers eux? 

DE  TERST. 

Arien;  ce  sont  des  misérables. 

BUPRÉ^  %  part 

lia  bien  dit  cela...  cet  homme  a  ^rdu  le  pauvre  Jules... 'je 
veillerai  sur  loi. 


SCëN£  V. 


LU  HÉH18,  ANTOINE,  pMi  J<IU£8,  «nené  pvd« 


ÀMTêBn. 
Madame...  Monsieur...   une  voiture  vient  de  s'airêter.  deé^ 
hommes  en  descendent-  JML  Jules  est  avec^ux;  on  Tamène. 

X»  m  HâtAlHI  BIHIfiWtâtt. 

Moafibl 

HADAHB  DU  BROCARD. 

Mon  neveu  I 

iDuneL 
Oui...  sans  doute,  une  visite...  des  recherches  dans  ses  papiers 

Le*voiciI 


252  PAMÉLA  GIRAUD. 

JULES  paraît  au  fond,  suivi  par  des  agenteet  un  Juge  d'instructioo: 

il  court  vers  sa  môre. 

Ma  mèrel  ma  bonne  mère!  ^n  embrasse  sa  ntère.)  Ahl  je  yous  re- 
vois !  (A  mademoiselle  du  Brocard.)  Ma  tante  I 

lUDAHB  ROUSSEAU. 

Mon  pauvre  enfant I  viens,  viens...  près  de  moL..  ils  n*o&eroDt 
pas. . .  (Aux ageuts qui  s'avancent.)  Laissez !. . .  Ahl  laissez-lo. 

ROUSSEAU,  i'élancanfc  vers  eux. 

De  grâcel... 

DUPRÉ^  au  Joge  d'UtttraeUoB 

Monsieur... 

JULES. 

Ma  bonne  mère,  calmez-vous...  Bientôt  je  serai  libre...  oïdi 
croyez-le...  et  nous  ne  nous  quitterons  plus. 

ANTOINE,  ft  Rousseau. 

Monsieur,  on  demande  à  visiter  la  cbambre  de  M.  Jules. 

ROUSSEAU^  au  Juge  d'instruction. 

A  rinstant,  Monsieur. ..  je  vais  moi-même. ..  (a  Dupré,  montrant jnies.) 
Ne  le  quittez  pas!... 

(U  s'éloigne,  conduisant  le  Juge  d'instruction,  qui  Fait  signe  aux  agents  de  sunreiiler 
Jules.) 

JULES,  prenant  la  mafn  de  de  Terby. 

Ahl  général..  (ADupré.)£t  vous,  monsieur  Dupré»  si  bon,  si 
généreux,  vous  êtes  venu  consoler  ma  mère...  (Ras.)  Ah!  cachez- 
lui  le  danger  que  je  coui^  (Haut,  regardant  sa  mère.)  Dltes-lui  la  vérité... 
dites-lui  qu'elle  n'a  rien  à  craindre. 

DUPRé. 

Je  lui  dirai  qu'elle  peut  vous  sauver. 

HADAHB  ROUSSEAU. 

Moil 

KADAHB  DU  BROCARD. 

Comment? 

DUPRÉ>  k  madame  Rousseau. 

En  le  suppliant  de  révéler  le  nom  de  ceu&  qui  Font  fait  agir 

DB  VERBT,  à  Dupré. 

Monsieur... 

MADAME  ROUSSEAU. 

Oui,  oh!  tu  le  dois...  Je  l'exige,  moi,  ta  mère. 

MADAME  DU  BROCARD. 

Oui...  mon  neveu  dira  tout.,  entraîné  par  des  gens  qui  main- 
tenant rabandonncnl,  il  pont  à  son  tour... 


ACTE  IL  255 

DE  YERBY5  bas  à  Dupré. 

Quoi  !  Monsieur,  vous  conseilleriez  à  votre  client  de  trahir... 

DUPRÉ^  vivement. 

Qui  ?••• 

DE  TERBT^  troublé. 

Mais...  ne  peut-on  trouver  d'autres  moyens?...  M.  Jules  sait  ce 
qu'un  homme  de  cxBur  se  doit  à  lui-même. 

DUPRÉ^  vivement,  à  part. 

C'est  lui...  j'en  étais  sûri 

JULES^  à  sa  mère  et  à  sa  tante. 

Jamais,  dussé-je  périr...  je  ne  compromettrai  personne... 

(Mouvement  de  Joie  de  de  Verby.) 
MADAME  ROUSSEAU. 

Âh  !  mon  Dieu  I  (Regardant  les  agents.)  £t  pas  moyen  de  le  faire  fuir! 

MADAME  DU  BROCARD. 

Impossible  ! 

ANTOINE^  entrant. 

Monsieur  Jules...  c'est  vous  qu'on  demande. 

JULES. 

J'y  vais  ! 

MADAME  ROUSSEAU. 

Âh  !  je  ne  te  quitte  pas. 

(Elle  remonte  et  ùAt  aux  agents  un  geste  de  tapplicaUon.^ 
MADAME  DU  BROCARD^  à  Dupré,  qui  regarde  attentivement  de  Yerby. 

Monsieur  Dupré,  j'ai  pensé  qu'il  serait... 

DUPRÉ,  rinterrompant. 

Plus  tard...  Mademoiselle,  plus  tard. 

^  la  conduit  vers  Jules,  qui  sort  avec  sa  mèie.  suivi  des  agents.^ 

SCÈNE  VL 

DCPRÉ,  DE  VERBY. 
DB  VERBT,  k  part. 

Ges  gens  sont  tombés  sur  un  avocat  riche,  sans  ambition...  et 
d'une  bizarrerie... 

DUPRÉ,  redescendant  et  regardant  de  Verby,  à  part. 

Maintenant,  il  me  faut  ton  secret  I  (Haut.)  Vous  vous  intéressez 
beaucoup  à  mon  client,  Monsieur. 

01  VEBDT. 

BeaucoupI 


25^  PAMÉIA  GlftAUD. 

BUPRÉ» 

Je  soÎB  eacore  &  ovnqprendre  quel  intérêt  a  j^  le  eMidsireyri- 
che;  jeune,  aimant  le  plaisir,  à  se  jeter  dans  une  conspiration... 

DB   TBRBT. 

La  gloire! 

Ne  dites  pas  ces  chose»-fii  à  m  anocat  qui  depois  fingt  an»  pn- 
tic^ue  le  Palais;  qui  a  trop  étudié  les  hommes  et  les  affaires  pour 
ne  pas  sayoir  que  les  plus  beaux  motift  ne  serrent  qa'à  d^gimr  les 
plus  petites  choses,  et  qui  n'a  pas  eiiecMn»  rencontré  de  cœun 
exempts  de  calculs. 

DB  VERBT. 

Et  plaidez-Tons  gratis? 

DTIPRÉ. 

Souvent  ;  mais  je  ne  plaide  que  selon  mes  convictionii.. 

DE  VERBT. 

Monsieur  est  riche  7 

DUPRÉ. 

i'ayais  de  hi  fortune;  sans  cela,  et  dans  le  monde  comme  il  est, 
j'eusse  été  droit  à  l'hôpitaL 

DE  VERBT. 

C'est  donc  pas  çonvictioa  que  voua  aiezi  accepté  b  cause  da 
jeune.  Reusaeau? 

JxnoL 

Je  le  crois  hi  dupe  de  gens  situés  daas  nne  région  supérieure, 
et  j'aime  les  dupes  quand  elles  le  sont  noblement  et  mm  vktines 
deseerets  calciAK..  car  nous  sommes  àum  m  siècle  où  la  dupe 
est  aussi  avide  que  celui  qui  l'exploite.. • 

DB  TlUff  «r 

Monsieur  appartient,  je  le  vois,  à  la  secte  des  misanthropes. 

wnvÉL 

Je  n'estime  pas  assez  les  hommes  pour  les  haïr,  car  je  n'ai  ren- 
contré personne  que  je  pusne  aîintr...  Je  me  contente  d'étudier 
mes  seMkiafalei;  je  h»  wit  M»  joiiaiil:  de»  eoaédieK  ans  pins  oa 
moins  de  perfection.  Je  n'ai  d'illusion  sur  rien,  il  csl  Tsal^iBflii  je 
ris  comme  a»  q^edilev  im  peitetie  qami  à  flfamuse...  seule- 
ment j»  m  siO»  pas,  je  B'ai  pas  asseï  <fti  punon  po«r  cri». 

DB  VBKBr,  fe  pMl 

Ck>nunent  influencer  un  parai  baume?  (Haut.)  Mais,  Monsieur, 
vous  avez  cependant  besoin  des  autreu 


ACTE  n. 

Jamais  I 

DE  TEBHT. 

Maûryons  souffres  quelquefois. 

DUFRÉ. 

J'aime  alors  à  être  seul...  D'ailleurs,  à  Paris»  tout  &*acbète, 
même  les  soins;  croyez-moi ,  je  vis  parce  que  c'est  un  devoir... 
J'ai  essayé  de  tout...  charité»  amitié,  déifouemeut.»  les  obligés 
m'ont  dégoûté  du  bienfait,  et  certains  philanthropes  de  la  bien- 
faisance: de  tou]£s  les  duperies,  celle  dit  ifinUment  est  k.  plus 
odieuse. 

DS  YERBT. 

Et  la  patrie,  Monsieur? 

DUPBi. 

Oh!  c'est. Uni  peu  da.  chose.  Monsieur^  depuis  qa'o»  a  inventé 
l'humanité. 

DE  YEHM^  dicoongi^ 

Ainsi,  Monsieur,  vous  voyez  dans  Jules  Rousseau  un  jeune  en- 
thousiaste? 

^on^  MoBsîeaE,  un  pioblèiBe  à  résottâre^  et  gfdce  àr  vo«s,  j'y 

panîendrai.  (Mouvement  de  de  verby.)  Teucz,  parlons  francheineat»» 
je  ne  vous  crois  pas  étranger  à  toat  ceci. 

Monsieur... 

Vous  pouvez  sauver  ce  jeune  bomaoc», 

Moi!  comment? 

DïïPllt. 

Par  lEetfo  lénuîgm^  oenobofé  de  cefaF  drA.o(dine ,  qm  m'a 

promis... 


J'ai  des  raisons  pom*  ne  pas  paraître..., 

•eraH 
Ainsi.. .  vous  êtes  de  la  conspiration. 

DE  TEBBT. 


nCfHii 

f M»  aM»  famtaé  «e  {NRifTe  eiriiatl» 


256  PAMÊLA  rsiAAUD. 

DE  YEUBT. 

Alonsieur,  ce  langage.. . 

DUPltÉ. 

N'essayez  pas  de  me  tromper!  îMais  par  queb  moyens  Tavez- 
Tous  séduit?  U  est  riche,  il  n'a  besoin  de  rien. 

DE  YERBT. 

Ecoutez,  Monsieur...  si  vous  diles  un  mot*. 

DUPRé. 

Oh!  ma  vie  ne  sera  jamais  une  considération  pour  moi  i 

DE  YERBT. 

Monsieur,  vous  savez  très -bien  que  Jules  s'en  tirera,  et  vous 
lui  feriez  perdre,  s'il  ne  se  conduisait  pas  bien,  la  main  de  ma 
nièce,  l'héritière  du  titre  de  mon  frère,  le  gentilhonmie  de  la 
chambre. 

DUPRÉ. 

11  est  dit  que  ce  jeune  homme  est  encore  un  calculateur  I  Pen- 
sez, Monsieur,  à  ce  que  je  vous  propose.  Vous  avez  des  amis  puis- 
sants, et  c'est  pour  vous  un  devoir!... 

DE  YERBT. 

Un  devoir!  Monsieur,  je  ne  vous  comprends  pas. 

DUFRti. 

Vous  avez  su  le  perdre,  et  vous  ne  sauriez  le  sauver?  (▲  put.)  Je 
k  tiens. 

DR  YERBT. 

Je  réfléchinii,  Monsieur,  à  cette  affaire. 

DUPRÉ. 

Ne  croyez  pas  pouvoir  m'échapper. 

DE  YERBT. 

Un  général,  qui  n'a  pas  craint  le  danger,  ne  craint  pas  on 
avocat!... 

DUFRÉ. 

Comme  vous  vondreil  (De  verbj Mft,a MiMuiit tvaeioMpa.) 

SCÈNE  vn. 

DUPRË,  BINET. 

BIIIET. 

Monsieur,  Je  n'ai  su  qu'hier  que  vous  étiez  le  défenseur  de 
M.  Jules  Rousseau;  je  suis  allez  chez  vous,  je  vous  ai  attendu, 
mais  vous  êtes  rentré  trop  tard;  ce  matin  voos  étiez  sertie  ^ 


BINST. 


AGTB  IL  '    257 

comme  je  travaille  pour  h  maison,  je  suis  entré  ici  par  une  bonne 
inspiration ,  pensant  que  yous  y  Tiendriez,  et  je  ¥003  guettais. ., 

DUPRé. 

Que  me  Youlez-YOusT 

Je  suis  Joseph  Binet 
Eh  bien  I  après? 

BINET. 

Monsieur,  soit  dit  sans  vous  offenser,  j'ai  quatorze  cents  francs 
à  moi...  oh!  bien  à  moi!  gagnés  sou  à  sou;  je  suis  ouvrier  tapis- 
sier, et  mon  oncle  Dumouchel,  ancien  marchand  de  vin,  a  des 
sonnettes. 

DUPRi. 

Parlez  donc  clairement  I  que  signifient  ces  préparations  mysté- 
rieuses? 

BINET. 

Quatorze  cents  francs,  c'est  un  dénier,  et  on  dit  qu'il  faut  bien 
payer  les  avocats,  et  que  c'est  parce  qu'on  les  paye  bien  qu'il  y  en 
a  tant..  J'aurais  mieux  fait  d'être  avocat,  ette  serait  ma  femme  I 

OUPRT. 

Êtes-vous  fou? 

BINET. 

Du  tout  Mes  quatorze  cents  francs,  je  les  ai  là;  tenez,  Monr 
sieur,  ce  n'est  pas  une  frime...  ils  sont  à  vous  ! 

OUFBÉ. 

Et  conmient? 

BINET. 

Si  vous  sauvez  monsieur  Jules...  de  la  mort,  s'entend...  et  si 
vous  obtenez  de  le  faire  déporter.  Je  ne  veux  pas  sa  perte;  mais  il 
faut  qu'il  voyage...  Il  est  riche,  il  s'amusera...  Ainsi,  sauvez  sa 
tête...  faites-le  condamner  à  une  simple  déportation,  quinze  ans, 
par  exemple,  et  mes  quatorze  cents  francs  sont  à  vous  ;  je  vous  les 
donnerai  de  bon  cœur,  et  je  vous  ferai  par-dessus  le  marché  un 
fauteuil  de  cabinet..  ¥oilà! 

DUPRÉ. 

Dans  quel  but  me  parlez-vous  ainsi? 

BINST. 

Dans  quel  but?  j'épouserai  Paméh...  j'aond  ma  petite  Pamfla. 

DUPRÉ. 

Paméial 

TH.  17 


258  PAMÊLA  GUKAUD. 


Paoïéla  GiraodL 

WSTïïi. 

Quel  rapport  y  a-t-il  entre  Paméla  Girand  et  Mef  Rooneau  T 

BDIET. 

Ah  I  çà,  moi  qui  croyais  que  les  avocats  étaient  payés  pour  avoir 
de  l'instruction  et  savaient  tout...  mais  vous  ne  savez  donc  rien, 
Monsieur?  Je  ne  m*étonne  pas  qu'il  y  en  a  qui  disent  que  les  avo- 
cats sont  des  ignorants.  Mais  je  retire  mes  ^atorze  cents  francs. 
Paméla  s*accuse,  c'est-à-dire  m'accuse  d'avoir  livré  sa  tête  au 
bourreau,  et  vous  comprenez,  s'il  est  sauvé  surtout,  s'il  est  dé- 
porté, je  me  marie,  j'épouse  Paméla,  et  cooame  le  déporté  ne  se 
trouve  pas  en  France,  je  n'ai  rien  à  craindre  dans  mon  ménage. 
Obtenez  quinze  ans;  ce  n'est  rien,  quinze  ans  pour  voy;^er,  et  j'ai 
le  temps  de  voir  mes  enfants  grandis,  et  ma  femme  arrivée  à  un 
âge...  Vous  comprenez?... 

DtIPBÉ. 

'U  est  Bail;  au  tnoiiis,  06W4à...  Geat  qui  cricoloit  aiad  à  kavte 
voix  et  par  passion  itesçait  pas  ks  plus  masvais  cœai& 

BINVr. 

•  Ahî  çà,  qu'est-ce  qu'il  se  dit?  Un  avocat  qui  se  parle  à  lui- 
même,  c'est  comme  un  pâtissier  qui  mange  sa  marchandise... 
Monsieur?... 

DUPRiL 

Paméla  l'aime  donc,  M.  JTulesT 

BIKET. 

Dame!  vous  comprenez...  taitf  «i^'il  sera  éam  cette  position 
c'est  bien  intéressant. 

vvmL 
Ils  se  voyaient  donc  beaucoup  ? 

BUUCI» 

Trop!...  Obi  â  j'avaisM,  moi,  je  ramais  Uen  Jbk sauver. 

DUPRÉ. 

Elle  est  belle  T 

BINET. 

Qui?...  Paméla 7. ••  c*te  faiceL..  Ma  Paméla I...  comme  TApo) 
'  «A  du  Behédèse.. 

BUBRÉ. 

Gardez  vos  quatorze  cents  francs,  mon  ami,  et  si  ve«t4m9i  bon 


ACTE  II.  259 

cœur,  vous  et  votre  Paméla,  ?oas  pourrez  in'aider  à  le  sauver;  car 
il  y  va  de  le  laisser  oa  de  Teniever  à  l'écfaafaud. 

BINET. 

Mowdetir*  ii^aRez  pas  dire  un  mot  à  Pamêia;  eOe  est  an  déses- 
poir. 

DUPRâ. 

Pourtant  ii  faut  faire  en  sorte  que  je  la  voie  ce  matin. 

BIKET. 

k  loi  ferai  dire  par  son  père  et  sa  mère. 

DUFRt. 

Âh  !  M  y  a  un  père  et  une  mère?  m  part.)  Geb  eottten  beattcoqp 

d'argent  (Haat.)  Qui  sont-ils  7 

D'honorables  portiers. 

DUPRÉ. 

Bon! 

Biim« 
Le  père  Gfraod  est  m  tailleur  rusné. 

DUPAÉ. 

Bien...  Allez  les  prévenir  de  ma  visite...  et  sur  toute  chosOi  le 
plas  profond  secret,  ou  vous  sacrifiez  monsieiir  Jules. 

BIlfST. 

Jesoisniietb* 

DUPRÉ. 

Nous  ne  nous  sommes  jamais  vus. 

BINET. 

Jamais. 

BUPRÉ. 

âU^z. 


Je  vais.**  (U  w  trompe  de  porte.) 

wvnL 

PirlL 

BCIBr. 

PariSi,  grand  avocat...  Mais  permettez-moi  de  vous  donner  un 
conseQ  :  un  petit  bout  de  déportatiim  ne  hd  ferait  pas  de  mai,  ç 
lui  apprendrai!  à  laisser  le  gouvernement  tranquille» 


260  rA&lÉLA  niIiAUD, 

SCÈNE  VIII. 

ROUSSEAU,  MADAME  ROUSSEAU,  MADAME  DU  BROCARD,  loutoDot 

parJQsUne,  DUPRË. 

MADÀMB  ROUSSEAU. 

PâQTre  eofantl  qud  coaragel 

DUPRâ. 

J*espère  vous  le  coosenrer,  Madame.. .  mais  cela  ne  se  fera  pas 
wùs  de  grands  sacrifices. 

ROUSSEAU. 

Monsieur,  la  moitié  de  notre  fortune  est  à  tous. 

MADAME  DU  BROCARD. 

£t  la  moitié  de  h  ^mienne. 

DUPRÉ. 

Toujours  des  moitiés  de  fortune...  Je  vais  essayer  de  faire  mon 
devoir...  après  vous  ferez  le  vôtre;  nous  nous  verrons  à  Tœnvre. 
Remettez-vous,  Madame,  j'ai  de  l'espoir. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Ab  î  Monsieur,  que  dites-vous? 

DUPRÉ. 

Toa(  à  l'heure  votre  fils  était  perdu...  maintenant,  je  le  croîs,  il 
peut  être  sauvé. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Que  faut-il  faire? 

MADAME  DU  BROCARD 

Que  demandez-vous? 

ROUSSEAU. 

Comptez  sur  nous,  nous  vous  obéirons. 

DUPRÉ. 

Je  le  verrai  bien.  Voici  mon  plan,  et  il  triomphera  devant  les 
jurés...  Votre  fils  avait  une  intrigue  de  jeune  homme  avec  une 
grisette,  une  certaine  Paméla  Giraud,  une  fleuriste,  fille  d'un 
portier. 

MADAME  DO  BROCARD. 

Des  gens  de  rien  1 

DUPRÉ. 

Aux  genoux  desquels  vous  allez  être,  car  votre  fils  ne  quittait 
pas  cette  jeune  fille,  et  c'est  là  votre  seul  moyen  de  salut  Le  soir 


ACTE  IL  261 

même  où  le  ministère  public  prétend  qu*il  cipnspirait,  peut-être  il 
l'aura  vue.  Si  le  fait  est  vrai,  si  elle  dédare  qu'il  est  resté  près 
d'elle,  si  le  père  et  la  mère  pressés  de  questions,  si  le  rival  do 
Jules  auprès  de  Paméla  confirme  leur  témoignage...  alors  nous 
pourrons  espérer...  entre  une  condamnation  et  un  alibi,  les  juré^ 
choisiront  Falibl. 

MADAME  ROUSSBAU^  à  part. 

Âh  I  Monsieur,  vous  me  rendez  la  vie. 

ROUSSEAU. 

Monsieur,  notre  reconnaissance  est  étemelle. 

DUPRÉ^  les  regardant 

Quelle  sommé  dois -je  offrir  à  la  fille,  au  père  et  k  la  mère? 

MADAME  DU  BROCARD. 

Ils  sont  pauvres? 

•  DUPRÉ. 

Mais  enfin,  il  s'agit  de  leur  bonneui^ 

MADAME  DU  BROCARD. 

Une  fleuriste. 

DUPRÉ,  Ironiqaemeot. 

Ce  ne  sera  pas  cher. 

M.  ROUSSEAU. 

Que  pensez-vous? 

DUPRÉ. 

Je  pense  que  vous  marchandez  déjà  la  tête  de  votre  fik 

MADAME  DU  BROCARD. 

Mais,  Monsieur  Dupré,  allez  jusqu'à... 

.MADAME  ROUSSEAU. 

Jusqu'au  •• 

DUPRé. 

Jusqu'k.. 

M.  ROUSSEAU. 

Mais  je  ne  comprends  pas  votre  hésitation...  Monsieur,  tout  ce 
)ue  vous  jugerez  convenable. 

DUPRÉ. 

Ainsi,  j'ai  plein  pouvoir...  Mais  quelie  réparation  lui  offrirez- 
vous  si  elle  livre  son  honneur  pour  vous  rendre  votre  fils,  qui, 
peut-être,  lui  a  dit  qu'il  l'aimait? 

MADAME  ROUSSEAU. 

Il  l'épousera.  Moi  je  sors  du  peuple,  je  ne  suis  pas  marquise 


262  PAMÊLA  GIRAVD. 

.KIDAHB  DU  BHOCABD. 

Que  dites-TOos  ft t  Et  mademoiseUe  de  Yerhy  f 

mahami  bousseav. 
Ma  sœur,  il  ftat  le  saurer. 

DOniÉ,  àpMi. 

Voilà  Dne  autre  comédie  qui  commence  ;  et  ce  sera  pour  moi  h 
dernière  que  je  veuille  Toir...  eogageoos-les.  (Haut.)  Peutpêlre  fe- 
rez-TOus  bien  de  venir  voir  Mcrètemeiit  la  jeune  fille» 

MADAMI  ROUSSEAU. 

3hl  ouï,  Monsieur,  je  veux  aller  la  voir.»,  la  supplier...  (sue 
■onne.)  JustincI  Antoine!  (Antome paraiu  Yitel....  faites  atteler.... 
hfttet-wua.»» 

ANTOINB. 

Oui,  Madame. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Ma  sœur,  vousm'accom^gnerez!...  Ah  I  Jules,  mdn  pauvre  fib! 

MADAME  DU  BROCARD. 

On  le  ramène. 

SCÈNE  lî. 

LBS  lÉMBs,  JULES,  ramené  par  les  agents,  pote  Bl  IfERBT* 

JULES. 

Ma  mère...  adL..  Non!  à  bientôt.,  bientôt.. 

(Rousseau  et  madame  du  Brocard  embrassent  Jules  ) 
]>B  TERBT^  qui  s'est  approché  de  Dupré. 

Je  ferai,  Monsieur,  ce  que  vous  m^avez  demandé...  Un  de  mes 
amis,  M.  Adolphe  Durand,  qui  favorisait  la  fuite  de  notre  cher 
Jules,  témoignera  que  son  ami  n*étaît  occupé  que  d'uue  passion 
pour  une  grisettc  dont  il  préparait  l'enlèvement 

DUPRÉ. 

C'est  assez  ;  le  succès  dépend  maintenant  de  nos  démarches 

LE  JUGE  d'instruction^  à  Joies. 

Partons,  Monsieur. 

JULES. 

Je  vous  suis...  Courage,  ma  mère  I 

(ir  fkit  nn  denrter  adien  li  Roussasu  et ft  Dupfé;  db  Teritjr  loi  Huit  k^n  tm  atgos^v 
«siféUat.} 

MADAME  ROUSSEAU  .>  à  Jules,  vi'on  enmèoa 

Jules!...  Jules!...  espère;  nous  te  sauverons» 

Im  a{(ents  emmènent  Jules,  qal,  arrivé  au  fond,  adresse  un  dernier  adieu  à  fi 

rm    PU    DEUXIÈME    AGTI. 


ACTE  TROISIÈME 


Ut  maosante  île  PudBIt. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

PAMÉLA,  GIRATO,  MADAME  GIRAUD. 

Paméla  ett  debout  prte  de  sa  mère  qui  tricote;  le  père  Girand  trayallle  sur  une  tabla 

à  gauche. 


MADAME  GIRAUD. 

Enfin,  vob,  foa  panure  fiUe;  ça  n'est  pas  pour  te  le  reprocher  » 
nuis  c'est  toi  qui  es  la  cause  de  ce  qui  nous  arrive. 

GIRAUD. 

Ah!  mon  Dieu,  oui!...  Nous  étions  venus  à  Paris  parce  que^  à 
la  Campagne,  tailleur,  c'est  pas  un  métier;  et  pour  toi, 'notre  Pa- 
méla, si  gentille,  si  mignonne,  nous  avions  de  l'aiabîtion»  nous 
nous  disions  :  Eh  bien,  ici,  ma  femme  et  moi,  nous  prendrons  du 
senice  ;  je  travaillerai  ;  nous  donnerons  un  bon  état  à  not'  en  font; 
t,  comme  elle  sera  sage,  laborieuse,  jolie,  nous  la  marierons  bien. 

PAMÉLA. 

Mon  père  !••• 

MADAMS  GIRAUD. 

Il  y  avait  déjà  la  moitié  de  fait. 

GIRAUD. 

Dame!  oui!...  noos avions  une  bonne  loges  tu  faiMfsdes  fleurs 
ni  plos  ni  moins  qu'un  jardinier...  Le  mari,  eh  bien,  Joseph  Binet, 
ton  voisin,  le  serait  devenu. 

MADAME  GIRAUDb 

AU  lieu  de  tout  cela,  l'esclandre  qui  est  arrivée  dans  la  maison 
a  fait  que  le  propriétaire  nous  a  renvoyés  ;  que  dans  tout  ie  quar- 
tier on  tient  des  propos  \  n*en  plus  finir,  à  cause  que  le  jeune 
homme  a  été  pris  chez  toi. 


26^  PAHfiLA  GIRAUD. 

PAMÉIA. 

Eh  !  iDOD  Dieu,  pourra  que  je  ne  sois  pas  coupable  7 

oh!  ça,  nous  le  savons  bien!  Est-ce  que  tu  crois  qu'autrement 
nous  serions  près  de  toi?...  est-ce  que  je  t'embrasserais?...  Va, 
Paméla.  les  père  et  mère  c*est  tout!...  et  quand  le  monde  entier 
serait  contre  elle,  si  une  fille  peut  regarder  ses  parents  sans  rou- 
gir, ça  suffit. 

SCÈNE  n. 

us  utuzi,  BINET. 
MADAME  GIHAUIK 

Tiens!...  ToOà  Joseph  Binet. 

PAMÉLA. 

Monsieur  Binet,  que  venez-vous  chercher?  Sans  vous,  sans 
votre  indiscrétion ,  M.  Jules  n'aurait  pas  été  trouvé  ici...  Lais- 
sez-moi... 

BINET. 

Je  viens  vous  parler  de  lui. 

PAMÉLA. 

Ah!  vraiment?...  Eh  bien,  Joseph?... 

BINET. 

Oh  !  je  vois  bien  qu'à  cette  heure  vous  ne  me  renveiTez  pas!... 
J'ai  vu  l'avocat  de  M.  Jules;  je  lui  ai  offert  ce  que  je  possède  poor 
le  sauver  I... 

PAMÉLA. 

Vrai? 

BINET. 

Oui..  Seriez-vous  contente  s!il  n'était  que  déporté? 

PAMÉLA. 

Ah  !  vous  êtes  un  bon  garçon,  Joseph. ••  et  je  vois  que  vous 
jd'aimez !  Nous  serons  amis! 

B3(ET^  à  part. 
Je  l'espère  bien .'  (Oo  tnppe  à  la  porte  dn  loml.} 


ACTE  IIL  265 

SCÈNE  ni. 

us  HÉHU,  M.  DE  YERBT,  MADAME  DU  BROCARD. 
MAOAlll  GIRAUDj  allant  ouTiir. 

Dn  monde  I 

6IRAUD. 

Un  monsieur  et  une  dame. 

BINET. 

Qu'est-ce  que  c*est  que  ça  7 

(Paméla  se  lève,  et  fait  an  pas  vers  H.  de  Yerby,  Qnl  ta  isIim.) 
MADAME  DU  BROCABD. 

MademoiseUe  Paméla  Giraud? 

PAMÉLA. 

C'est  moi.  Madame. 

DE  YERBT. 

Pardon,  Mademoiselle,  si  nous  nous  présenttms  chez  tous  sans 
vous  avoir  préTenne  I. .  • 

PAMÉLA. 

Il  n'y  a  pas  de  mal  Puis- je  savoir  le  motif  7... 

MADAME  DU  BROCARD. 

C'est  VOUS,  bonnes  gens,  qui  êtes  le  père  et  la  mère  ! 

MADAME  GIRAUD. 

Oui,  Madame. 

BUfET^  à  part. 

Bonnes  gens  tout  court  I...  c'est  quelqu'un  de  huppé. 

PAMÉLA. 

SI  Monsieur  et  Madame  yeulent  s'asseoir?... 

(Madame  Giraud  otDre  des  sièges.) 
BOIET^  à  Giitod. 

Dites  doQC»  le  noonsieur  est  décoré  ;  c'est  des  gens  comme  il  but 

GIRAUD^  legardanL 

C'est,  ma  foi,  vrai! 

MADAME  DU  BROCARD. 

Je  suis  la  tante  de  M.  Jules  Rousseau. 

PAMÉIJ^. 

Vous,  Madame?  Monsieur  est  peut-être  son  père?..* 

MADAME  DU  BROCARD. 

Monsieur  est  un  ami  de  la  famille.  Nous  venons,  MadeoMiselle, 

vous  demander  un  service.  (Regardant  Sinet  t  embaimifla  de  st  prtseflo. 

A  PÊoeiti,  iii  nMoinnt  Binet.)  Votre  frère  ? 


266  PAMÉLA  GIRAUD. 

GIBAUD. 

Non,  Madame;  un  Yobim 

MADAME  DU  BROCABD^  à 

Renvoyez  oe  garçon. 

Bill ET^  b  part. 

Renvoyez  ce  garçon  t. ••  Âhl  ben...  Je  ne  sab  pas  ce  que  c'est 

mais. . .  (Paméla  bit  un  signe  à  Blnet.) 

GIRAUD^  h  Binet. 

Allons,  va...  3  paraît  que  c'est  quelque  chose  de  secret. 

BINET. 

Àbl  bienU.  ahbieni  OKon.) 

SCÈNE  IV. 

us  MÉ«s,  excepté  BINET. 
MADAME  DU  BROCARD. 

Vous  connaissez  mon  neveu.  Je  ne  vous  en  fait  point  mi  re- 
proche... vos  parents  seuls... 

MADAME  GIRAUD. 

Mais,  Dieu  merci,  elle  n'en  a  pas  à  se  faire. 

GIRAUD. 

C'est  monsieur  votre  neveu  qui  est  cause  qu'on  jase  sur  son 
compte...  mais  elle  est  innocente  l 

DE  VERBT^  l'interrompant. 

Je  le  crois...  Cependant,  s'il  nous  la  fallait  coupable? 
Que  voulez- vous  dire.  Monsieur? 

GIRAUD  et  MADAMB  OMULUD. 

F»rac«Dplet 

MADAME  DU  BROCARD»  saisiasaninaéededeVeiby. 

Oui,  si  pour  sauver  la  vie  d'un  pauvre  jeune  èoDame... 

BB  YERBT. 

Il  fallait  déclarer  que  M.  Jides  Rousseau  a  été  k  plus  grande 
partie  de  la  nuit  du  2&  août  ici,  chez  vous  ? 

FAMÉLA. 

Ah  I  Monsieur  ! 

m  ^TKKBT  y  1t  Gfrautf  et  à  w  ftums. 

S'il  fallait  déposer  contre  votre  fille,  €d  affimmit  ^pie  e^eit  b 

vérité? 


A€TE  ni. 
HADAMB  GUtAlin. 

le  ne  liiraiB  jamais  ça. 

Outrager  mon  enfant!...  Monsieur,  j*ai  eu  tous  les  chagriu» 
possibles...  j'ai  été  tailleur,  je  me  suis  tu  réduit  à  rien...  à  être 
portier  !...  mais  je  suis  resté  père...  Ma  fiUe,  notre  trésor,  c'estla 
Rloire  de  nos  vieux  jours,  et  vous  voulez  <{ne  nous  la  déshonorions 

MADAME  DU  BROCARD. 

Ecoutez-moi,  Monsieur. 

OIRAUD. 

Non,  Madame...  Ma  fille,  c'est  Tespoir  de  mes  chereux  blancs» 

PAUÉLA. 

Mon  père,  càbDez-vous,  je  vous  en  prie. 

MADAnS  GIRAVD. 

YojOBs,  Girand!  hiase  donc  parier  monsieur  et  madame. 

MADAME  DU  BROCARD. 

C'est  une  famille  éplorée  qui  vient  vous  demander  de  la  sauver» 

PAMGLA^  à  part. 

Pauvre  Jules! 

DE  VERBT^  bas,  à  Paméla. 

Son  sort  est  entre  vos  mains. 

MADAME  GIRAUD. 

.  Nous  ne  sommes  pas  de  mauvaises  gens  !  on  sait  bien  ce  que  c'est 
que  des  parents,  une  mère,  qui  sont  dans  le  désespoir.»,  maïs  ce  que 

vous  demandez  est  impossible.        (Pam^  porte  an  moacholr  b  ses  yeux.} 

61RAUIK 

Allons I  voilà  qu'elle  pleure! 

MADAME  GIRAim. 

Elle  n'a  fait  que  ça  depuis  quelques  joansi 

GIRAUD. 

Je  connais  ma  fille  ;  elle  serait  capable  d'aller  dire  tcwt  ça  nnl- 

gré  nous. 

MADAME  GIRAUD. 

Eh!  oui...  car  voyez-vous,  elle  l'aime,  vot'  neveu!  et  pour  lij^ 
sauver  la  vie.^.  eh  bien!  j'en  ferais  autant  à  sa  place. 

MADAME  DU  BROCARD. 

Ohl  laissezrvous  attendrir! 

DE  VERBT. 

Cédez  à  nos  prières... 

MADAME  DU  BROCARD,  à  Panéla. 

911  esl  vrai  que  foos  dhom  Jules.,, 


268  PAMÊLA  GnUkUO. 

MADAME  GIRAUQj  «menant  Glnud  près  de  Pamfla. 

Après  ça,  écoate...  Elle  l'aime,  ce  garçon...  bien  sûr,  il  doit 
l*aimer  aussi...  Si  elle  faisait  un  sacrifice  comme  ça,  ça  mériterait 
bien  qu'il  l'épouse! 

PAMÉLA^  Tlyement. 

Jamais,  (a  part  )  Us  ne  le  voudraient  pas,  eux  I 

DE  YfiRBY>  à  mademoiselle  du  Brocard. 

Ib  se  consultent! 

MADAME  DU  BROCARD,  l>a8,  à  de  Verby. 

Il  faut  absolument  faire  un  sacrifice!  Prenez-les  par  l'intérêt.. 
C'est  le  seul  moyen  I 

DE  YERBT. 

En  Tenant  vous  demander  un  sacrifice  aussi  grand,  nous  savions 
combien  il  devait  mériter  notre  reconnaissance.  La  famille  de 
Jules,  qui  aurait  pu  blâmer  vos  relations  avec  lui,  veut  remplir, 
au  contraire,  les  obligations  qu'elle  va  contracter  envers  vou& 

MADAME  GIRAUD. 

Hein?  quand  je  te  disais! 

PAMÉLA,  trCs-beurenas. 

Jules!  il  se  pourrait? 

DE  YERBT. 

Je  suis  autorisé  à  vous  faire  une  promesset 

PAMÉLA,  émue. 

Oh!  mon  Dieul 

DE  YERBT. 

Parlez  !  Ck>mbien  voulez-vous  pour  le  sacrifice  qoe  vous  faites? 

PAMÉLA,  interdite 

Gomment!  combien  !...  je  veux...  pour  sauver  Jules?  Vous  voo* 
lez  donc  alors  que  je  sois  une  misérable  ! 

MADAME  DU  BROCARD, 

Ah!  mademoiselle! 

DE  YERBT# 

Vous  VOUS  trompez. 

PAMÉLA. 

C'est  vous  qui  avez  fait  erreur!  Vous  êtes  venus  id,  chez  de 
pauvres  gens,  et  vous  ne  saviez  pas  ce  que  vous  leur  demandiez... 
Vous,  madame,  qui  deviez  le  savoir,  quels  que  soient  le  rang,  l'é- 
ducation, l'honneur  d'une  femme  est  son  trésor!  ce  que  dans  vos 
familles  vous  conservez  avec  tant  de  soin,  tant  de  respect,  vous 
avez  cru  qu'ici,  dans  une  mansarde ,  on  le  vendrait!  el  vous  vons 


ACTE  IIL  269 

êtes  dit  :  Oflrons  de  l'or!  il  nous  faut  l'honneur  d'une  grisettel 

GIR4UD. 

GeBt  très-bien...  je  reconnais  mon  sang. 

MADAHB  DU  BROCARD. 

Ma  obère  enfimt,  ne  vous  offensez  pasi  Taisent  est  raiigent, 
après  tout  I 

DR  YERBT^  s'adressant  à  GIraad. 

Sans  doute  I  Et  six  bonnes  mille  li? res  de  rente  pour.  • .  un. .  • 

PAMÉLA. 

Pour  un  mensonge I  vous  l'aurez  à  moins...  Mais,  Dieu  merci, 
je  sais  me  respecter!  Adieu,  Monsieur. 

(Elle  fiiU  une  profonde  réTérence  b  madame  du  Brocerd,  puis  elle  entre  dans  st 
ebambre.) 

DR  YERBT. 

Que  faire? 

MADAMR  DU  BROCARD. 

C'est  incompréhensible  I 

«IRAUD. 

Je  sais  bien  que  six  mille  livres  de  rente,  c'est  un  denier.  •• 
mais  notre  fille  a  l'âme  fière,  voyez -vous;  elle  tient  de  mou.» 

MADAME  GIRAUD. 

Et  elle  ne  cédera  pas. 

SCÈNE  Y. 

UM  lÉMBS,  BINET,  DUPRÉ,  BIÀDAME  ROUSSEAU. 

BUfET. 
Par  ici.    Monsieur,  Madame ,  par   icL   (Dapré  et  madame  Rousseau 

Mirent.)  YoUà  le  père  et  la  mère  Giraud  ! 

DUPRÉ  ^  àde  Verby. 

Je  regrette.  Monsieur,  que  vous  nous  ayez  devancés  ici  I 

MADAME  ROUSSEAU. 

Ma  sœur  vous  a  sans  doute  dit.  Madame,  le  sacrifice  que  nous 
ittendons  de  mademoiselle  votre  fille...  Il  n'y  a  qu'un  ange  qui 
paisse  le  faire. 

BINET. 

Quel  sacrifice? 

MADAME  GIRAUD. 

Ça  ne  te  regarde  pas. 


270  PAMÉLA  GiaAUD. 

DE  YEBBT. 

Nous  menons  de  voir  mademoîselle  Pamélii., 

MÀDÂia  DU  BBOGiBD. 

EDearefàflél 

Kâniia  Bomaun* 

CM! 

wsnÉ» 
Refnsé,  qaoi? 

MâDàME  m  BBBClitt» 

Six  mille  liTres  de  rente. 

DUPStf* 

Je  raurais  parié...  offrir  de  Targeafti 

■ABAMB  DU  BaOGiBft. 

Mais  c'était  le  moyen. . . 

DUPRÉ. 

De  tout  gâter,  (à  madame  Giraud.)  Madame,  dites  à  TOtre  fOle  qw 
Vx  ocat  de  M.  Jules  Rousseau  est  ici!  supplie^^de  veoii; 

MADAME  GIRAUD. 

Ohl  vous  n'obtiendrez  rien... 

GIBAUD* 

Ni  d'elle,  ni  de  nous. 

BiKicr* 
Mais  qu'est-ce  qu'ils  yeulent? 

GIEAUD. 

Tais-toL 

MADAME  DU  BBOCARD^  à  madame  Gliand. 

Madame,  Qffrez-luL«. 

DUPRÉ. 

Ahl  Madame,  je  vous  en  prie...  (a madame cimad.)  C'est  au  nom 
de  madame...  de  la  mère  de  Jules,  que  je  tous  le  demande.. 
Laissez-moi  voir  TOtre  votre  fille. 

MADAME  GIRAUD. 

Ça  n*y  fera  rien,  allez.  Monsieur!  songez  dona..  lui  oSii 
brusquement  de  l'argent,  quand  le  jeune  bomme  dans  le  temp 
lui  avait  parié  de  l'épouser  I 

MADAME  ROUSSEAU^  avec  entralnament 

Eh  bien? 

MADAMB  GnUUD,  TlVMBSDI. 

Eh  bien  I  madame? 

DUPRÉ  >  aerrant  la  main  de  madame  Gtand. 

AUeZi  albs!  Amenez-moi  votre  fille.         (oinaiso  tvivcmeLi^ 


ACTE  DL  ^j\ 

DE  YERBT  et  MADAME  DU  BROCABD. 

Vousl'avfixdéddé? 

DUPR^. 

Ce  n'est  pas  moi  ;  c'est  madame. 

DE  YEBflT,  laterTogent  madaiiift  da  Bncard» 

QueUe  promesse? 

DUPRÉ^  yoyaot  Bfnet  qui  écoute. 

Silence,  général;  restez,  je  vous  prie,  un  instant  auprès  de  ces 
dames.  La  voici.  Laissez- nous,  laissez-nous  ! 

PaaMSa  eatn  nmenée  fiar  sa  mèw .  elle  Otit  ea  passant  am  réréieoceh  nadm»  Roos- 
scau.qul  la  regarde  avec  émotion.  Toat  le  monde  entre  à  gaùcbe ,  à  l'eiuieptkxUe 
Blnet,  qui  est  resté  pendant  que  Dupré  reconduit  tout  le  monde. 

BINET^  à  part. 

Qoe  veulent-ils  donc?  ils  parient  tous  de  sacrifice!  et  le  père 
Giraud  qui  ne  veut  rien  me  dîrel  Un  instant,  un  instant..  J'ai 
promis  à  Tavocat  mes  quatorze  cents  francs;  mais  avant  je  veux 
voir  comment  il  se  comportera  à  mon  égard. 

.    DUPRÉ^  revenant  .à  Blnst. 

Joseph  ffinet,  laissez-nous. 

BINET. 

lais  puisque  vous  allez  lui  parler  de  moi! 
illez-vous-en. 

BIKET;  Il  paît 

Déddëment  on  me  eache  quelque  choiOL  (AMprc>  Je  i'ai  pré- 
parée; elle  s'est  iaite  à  Tidée  de  la  dépostatÎMk  Rooles-tà dessus! 

fiOPRÉ. 

C'est  bien...  Sortes I 

WUSp  k  pftrt. 

Sortir I  oh!  non! 

(11  ait  mine  de  sortir,  et,  rentrant  avec  iirécautlon.  Il  n  OMlie  dans  le  cabinet  de 
droite.) 

BOPR^^  X  Paméla. 

Tons  sfvez  consenti  à  me  voir,  et  je  voai  en  reneri^.  Je  «ais 
ce  qui  vient  de  se  passer,  et  je  ne  vous  tiendrai  pas  le  kuigage  qae 
vous  avez  entendu  tout  à  l'heure. 

PAHÉLA. 

Hien  qu'en  vous  voyant,  j*en  suis  sûre,  Honsleor. 

DOPRé. 

Vous  aimez  ce  brave  jeune  homme,  ce  Joseph. 

PAMÉLA. 

Monsieur,  je  sais  que  les»  avocats  sont  comme  les  coofessews  ! 


.172  PAMËLA  GIRAUD. 

DUPRé. 

Mon  enfant,  ils  doivent  être  tout  aussi  discrets..  •  dites- moi  bien 
tout. 

PAHÉLA. 

Eh  bien,  Monsieur,  je  l'aimais  ;  c'est-è-dîre  je  croyais  l'aimer, 
et  je  serais  bien  volontiers  devenue  sa  femme...  Je  pensais  qu'a- 
vec son  activité,  Joseph  s'établirait,  et  que  nous  mènerions  une 
vie  de  travail  Quand  la  prospérité  serait  venue,  eh  bien ,  nous 
aurions  pris  avec  nous  mon  père  et  ma  mère;  c'est  bien  simple! 
c'était  une  vie  toute  unie  ! 

DUPRé^  à  part. 

L'aspect  de  cette  jeune  fille  prévient  en  sa  faveur!  voyons  délie 
sera  vraie!  (Haat.)  A  quoi  pensez-vous? 

PAMÉLA. 

H  ce  passé  qui  me  semble  heureux  en  le  comparant  an  présent. 
En  quinze  jours  de  temps  la  tête  m'a  tourné,  quand  j'ai  vu 
M.  Jules;  je  l'ai  aimé,  comme  noas  aimons,  nous  autres  jeones 
filles,  comme  j'ai  vu  de  mes  amies  aimer  des  jeunes  gens...  oh! 
mais  les  aimer  à  tout  souffrir  pour  eux!  Je  me  disais  :  Est-ce  que 
je  serai  jamais  ainsi?  Eh  bien,  je  ne  sais  pas  ce  que  je  ne  ierais 
pas  pour  M.  Jules.  Tout  à  l'heure,  ils  m'ont  offert  de  l'argent, 
eux  !  de  qui  je  devais  attendre  tant  de  noblesse,  tant  de  grandeur, 
et  je  me  suis  révoltée!...  De  l'aident!  j'en  ai,  Monsieur!  j'ai  vingt 
mille  francs!  ils  sont  ici,  à  vous  !  c'est-à-dire  à  lui!  je  les  ai  gar« 
dés  pour  essayer  de  le  sauver,  car  je  l'ai  livré  en  doutant  de  loi, 
si  confiant,  si  sûr  de  moL...  moi  si  défiante I 

DUPRÉ. 

U  VOUS  a  donné  vingt  mille  francs? 

PAMÉLA. 

Ah!  Monsieur!  il  me  les  a  confiés!  ils  sont  là...  Je  les  remet* 
trais  à  la  famille  s'il  mourait;  mais  il  ne  mourra  pas  !  dites?  vous 
devez  le  savoir? 

DUPRÉ. 

Mon  enfant,  songez  que  toute  votre  vie,  peut-être  votre  bon- 
heur, dépendent  de  la  vérité  de  vos  réponses...  répondez-moi 
comme  si  vous  étiez  devant  Dieu. 

PAHÉLA. 

Oui,  Monsieur. 

DUPRÉ. 

Tous  n'avez  jamais  aimé  personne? 


ACTE  UL  27S 

famAuu 
Personne! 

DUPRÉ. 

Yoos  craignez I...  Toyons,  je  vous  inlimide...  je  n*ai  pas  votre 
confiance. 

PAUÉLA. 

Oh!  si  Monsieur,  je  vous  jurel...  depuis  que  nous  sommes  à 
Paris,  je  n*ai  pas  quitté  ma  mère,  et  je  ne  songeais  qu'à  mon  tra- 
vail et  à  mon  devoir...  Ici,  tout  à  Tlieure,  j'étais  tremblante,  in- 
terdite!... mais  près  de  vous,  Monsieur,  je  ne  sais  ce  que  vous 
n'inspirez,  j'ose  tout  vous  dire...  £h  bien,  oui,  j'aime  Jules;  je 
l'ai  aimé  que  lui,  et  je  le  suivrais  au  bout  du  monde  !  Vous 
n'avez  dit  de  parler  comme  devant  Dieu. 

DUPRÉ. 

Eh  bien,  c'est  à  votre  cœur  que  je  m'adresse!...  accordez-moi 
ce  que  vous  avez  refusé  à  d'autres...  dites  la  vétîtc!  à  la  face  de 
la  justice  il  n'y  a  que  vous  qui  puissiez  le  sauver  !...' Vous  l'aimez, 
Paméla;  je  comprends  qu'il  vous  en  coûte  d'avouer... 

PAMÉLA. 

Monamour  pour  lui?...  Et  si  j'y  consentais,  il  serait  sauvé! 

DUPRÊ. 

Oh!  j'en  réponds! 
Eh  bien? 
Mon  enfant! 


PAH^LA* 

DUPRÉ. 

PAMÉLA. 


Ehbien...  il  est  sauvé. 

DUPRÉ^  ayec  Intention. 

Mais...  vous  serez  compromise... 

PAMÉLA. 

Mais...  puisque  c'est  pour  lui  ! 

DUPRÉ,  à  part. 

Je  ne  mourrai  donc  pas  sans  avoir  vu  de  mes  yeux  une  belle  et 
Doble  franchise,  sans  calculs  et  sans  arrière-pensée  I  (Haut.)  Paméla, 
vous  êtes  une  bonne  et  généreuse  fille. 

PAMÉLA. 

Je  le  sais  Irien...  ça  console  de  bien  des  petites  misères,  ailes. 
Monsieur. 

TH.  18 


71h  pauEla  giraud. 

DUPRig. 

Mon  enfant,  ce  n'est  pas  tout!...  Tons  êtes  frandie  comme 
Tacicr,  vous  êtes  vive,  et  pour  réussir...  il  faut  de  l'assurance... 
une  volonté... 

PABlâLA. 

Ohl  Monsieur!  tous  verrez! 

DUPRÉ. 

ITtOles  pes  vous  'troubler. . .  osez  tout  avooer. . .  dmirage  !  figs- 
rez-'votis  la  cour  ^'^sises,  le  président,  f  avocat 'général,  'raconsë, 
moi,  au  barreau-;  le  jury  est^ft...  N'^ez  pas  <vons 'épouvanter...  'Il 
y  aura  beaucoup  de  monde. 

•PAUÉLA. 

Ne  craignez  rien. 

.DUPRÉ. 

Un  huissier  vous  b  introduite;  vous  avez  dédiaé  tqs  noms  et 
prénoms  !...  Enfin  le  président  vous  demande  diçpuis  .guand  vous 
connaissez  l'accusé Honsseau. . .«que .r^pondfiz-vous  ! 

La  vérité!...  Je  l'ai  rencontré  un  mois  environ  avant  son  arres- 
tatiou«  à  rjle  d'Amour^  ji.Belleville. 

.  DUPHÉ. 

En  quelle  compagnie  était-fl? 

PAMÉU. 

Je  n'ai  fait  attention  qu'à  lui. 

DlIPRÉ. 

Vous  n'avez  pas  entendu  parler  politique? 

tXULtUj  «tonnée. 

0  Monsieur!  les  juges  doivent  penser  gue  la  jM^litique.estJ?«jn 
indifférente  à  l'Ile  d'Amour. 

DUPRB. 

Bien,  mon  enfant;  mais  il  vous  faudra  dire  tout  ce  que  vous  sa- 
vez sur  Jules  Rousseau  ! 

PAUÉLA. 

Eb  mais,  je  dirai  encore  la  v^grité,  tout  ce  .gqe  j'ai  déclaré  aa 
juge  d'instruction  ;  je  ne  savais  rien  delà  conspiration,  etfâi  été 
dans  le  plus  grand  ëtonneiffent  quand  on  est  venu  Tarreter  éhez 
moi  ;  à  preuve  que  j'ai  craint  que  m  Jijfles  ne  Tut  un  volenr,  et 
que  je  lui  en  fais  mes  excuses. 

DUPRl 

U.faut  avouer  que  depuis  le  temns  de  votre  liaison  avec  tê 


jene  iMwuBe, M  est  rcmstaiiHKDt  101111  wcmmbr^.  A  bvém^à- 

clarer... 

lavMlé^  Hajoanl.^  I  ne  me  finUait  (mbJ  iliiMHitAift  voir 

par  amour,  je  >h  ig«»aii  |Mff  MBMiié,  «t  y.  M  jémtm  fÊràeofaàu 

DUPRâ. 

Et  plus  tard! 

PAHfiLA^  ae  troublant. 

Plosânll 

.Durai. 
Yons  tremblez?  prenez  garde!...  tout  à  l'heure  tous  m'avez 
promis  d'être  Traie  I 

VàMÉLk,  à  put. 

Vraie I  ô  mon  Dieu! 

ODCBft. 

Moi  aussi ,  je  m'intéreaie  k  ce  jeune  homme;  mais  je  reculerais 
devant  uneinfioitiHre.  ConmUe,  je  le  défanlr«S(pMr«deittiiu.^  in- 
nocent, sa  cause  sera  la  mienne.  Onî,  sans  doute,  Paméla,  ce  que 
j'exige  de  tous  est  un  grand  sacrifice,  mis  il  le  fatL  Les  fi- 
âtes que  TOUS  faisait  Jules  avtient  lieu  le  soir  et  à  l'insu  de  vos 
parefitol 

PAMÉIA. 

Oh  !  mais  jamais  I  JMnaît  ! 

WPHltf. 

ONoiBeai  I  Mas  An  plus  li'espoir. 

ftas •d'espoir!  ijii.tminioi  farda.  tOMOL)  Jimaîe»;  aaswroz- 
mm;  j'ai  panr  pance  iqne  le  danger  n'«8t  pas  làL..  maïs  quand  j£ 
serai  derant  ses  juges!...  quand  je  le  Terrai,  lui,  Jdes...*  clique 
son  salut  dépendra  de  moi... 

DUPRÉ. 

Oh!  bien...  bien...  mais  ce^pïlfaut  surtout  qu'on  sache,  c'est 
((ue  le  24  an  soir  il  est  Tenu  ici...  Oh!  alors  je  UJwpiM,  |e  le 
sauve;  autrement  je  ne  réponéi4e  ^n...  il  est  perdu. 

PAHÉLA^  à  part,  très-émae,  puis  haut,  aYW  wuSIaliwi. 

Lui,  Jules  I  oh  !  non,  ce  sera  «m  I  Pardonnez-moi,  mon  Dieut 
£b  bien  1  oui,  oui!...  il  est  Tenu  le  24...  c'eAle  joor  €e  Hn  tHe... 
Je  me  nomme  tonfse  ^woSêl  ..  et  4  *ii%  •pasmanqtfé  de  m'appor- 
ter  un  Ixfuqeet  en  tmSiette  Ae  vimi  père  vt  de  mamère^  Il  est 
Tenu  le  soir,  tard,  et  près  de  moi..  A*hf1di1iie«cnngfnBneft^ 


276  PAMÉLA  GIRAUD. 

Monsieur...  vods  Toyes,  je  dirai  tout.,  ikput)  Tont  ce  qui  n'est 
pasYrai!... 

DUPRÉ. 

n  aéra  sanTél  (RooMtaiianiitaa  rond.)  Ahl  Monsienr!  (Connatiii 
roiudegaucht.)  Yenez,  venez  remercier  TOtre  libératrice. 

SCÈNE  VI. 

ROUSSEAU,  DE  TERBY,  MADAME  DU  BROCARD,  GIRAUD, 
MADAME  GIRAUD ,  puii  BINET. 

TOUS. 

Elle  consent! 

ROUSSEAU. 

Vous  sauvez  noon  fik!  je  ne  Toublierai  jamaiSi 

MADAME  DU  BROCARD. 

Nous  sommes  tout  à  vous,  mon  enfant,  et  à  toujours. 

ROUSSEAU. 

Ma  fortune  sera  la  vôtre. 

DUPRÉ. 

Je  ne  vous  dis  rien,  moi,  mon  enfant  1...  Nous  nous  rêver* 
ronsl... 

BIlfRT^  sortant  yiTemeiit  da  eabinet. 

Un  moment!...  un  moment  I  J'ai  tont  entendu...  et  vous  crovez 

« 

que  je  souffrirai  ça?  J'étais  ici,  caché...  Paméla  que  j'ai  aimée  aa 
point  d'en  faire  ma  femme,  vous  voudriez  lui  laisser  dire... 
(ADupré.)  C'est  comme  ça  que  vous  gagnez  mes  quatorze  cents 
francs,  vous?  Moi  aussi  j'irai  au  tribunal,  et  je  dirai  que  tout  ça 
est  un  mensonge. 

TOUS. 


Grand  Dieu! 
Halhenrenxl 
Si  tu  dis  un  mot..* 


DUPRÉ. 

DR  VRRBT. 

BIRBT. 


Oh!  je  n'ai  pas  peur. 

DE  VERBT^  a  Roufliean  et  a  madame  do  Broeaid. 

Il  n'ira  pas!...  s'il  le  faut,  je  le  ferai  suivre,  et  j'aposterai  des 
gens  qui  l'empêcheront  d'entrer. 


ACTE  UL  277 

BIXET. 
Ah  bab  t  (Xntra  un  bnlvter  <ial  rayance  yen  ]>opii«) 

DUPftâ. 

Qoe  Toolei-foiis? 

l'huissier. 

Je  sois  l'huissier  aodiencier  de  la  cour  d'assises...  Hademoi* 
selle  Paméla  GiraudI  (PaméiarayaDce.)  En  veita  du  pomroir  discré- 
tionoaire  de  AL  le  président.,  vous  êtes  citée  à  comparaître  de* 
maio  à  dix  heures. 

BUTBT^  ftdaTcrtij. 

Oh!  oh!  j'irai! 

l'huissier. 
le  concierge  m'a  dit  en  bas  que  vous  atiez  ici  M.  Joseph  Binet 

BINET. 

Voilà!  Yoilà! 

l'huissibr. 
Md  votre  citation. 

BUIBT. 

Je  vous  disais  bien  que  j'irais!... 

tflialasfer  s'élotgiie:  tout  le  monde  est  efnrajFé  datflMoaoet  d«  BIobC  Bopti  fm  M 
Hrkr.  le  flédiUr,  Binet  récHappa  etfort4 


fm  M  TRomniR  Acnu 


- —  / 


ACTE  QUATRIÈME 


CtantelK  Mato-6lBp4ito|  imitai  Mham.  d*  clMK.iiuMUaiB.  do. 


aCÈKË  PREMIÈRE. 

MADAME  DU  BROCARD,  MADAME  ROUSSEAU,  ROUSSEAU,  BMET, 

DUPRÉ,  JUSTINE. 

Dupré  est  assis  et  purcourt  son  dossier. 
MADAME  ROUSSEAU. 

Birman 
Oui,  Madame;  si  j'ai  quitté  un  instant  votre  fils,  c*est  que  j'ai 
voulu  vous  rassurer  moi-même. 

MADAME  DU   BROCARD. 

Je  VOUS  le  disais,  ma  sœur,  il  était  impossible  qu*on  ne  vint  pas 
bientôt  nous  apprendre...  Ici,  chez  moi,  cour  de  la  Sainte-Cha- 
pelle, dans  le  voisinage  du  Palais,  nous  sommes  à  portée  de  savoir 
tout  ce  qui  se  passe  à  la  cour  d'assises.  Mais,  asseyez -vous  donc, 
M.  Dupré.  (A Justine.)  Justine,  ùt^  ieau  sucrée,  —  vite...  (ADupré.) 
Ah  !  Monsieur,  nos  remerclments. 

ROUSSEAU. 

Monsieur,  vous  avez  plaidé!...  (a  sa  femme.)  Il  a  été  magnifique* 

DUPRK. 

Monsieur.  •• 

BINET^  pleurant. 

Oui,  vous  avez  été  magnifique  !  il  a  été  magnifique  I 

DUPRÉ* 

Ce  n'est  pas  moi  qu'il  faut  remercier,  c'est  cette  enfant,  cette 
Paméla,  qui  a  montré  tant  de  courage, 

BINET. 

Et  moi,  donci 


I  AeTE  IV..  270 

MilUKB.  ROUaSEi0« 

Loi!  («iJiaprtiiniMttaiittBiJKti)  Ls  menace  qoJii  ma»  af  ftiite,  Faa- 
raMiéaliséet 

IToD.  Binet'Tous  a  servis. 

BINET. 

C'est  votre  faute!...  sans  vous...  ahl...  bien...  J'arrive,  bien 
décidé  à  tout  brouiller;  mais  de  voir  tout  le  monde,,  la. pcésideiit», 
les  jurés,  la  foule,  un  silence  à  faire^peurl...  je  tremble  un  mo- 
meaL... pourtant xe-pcends une  résolution:..  onm.*in£enioge,jeFas 
])Our  répondre,  et  puis  v*là  que  mes  yeux  rencontrent  ceuK  de  i  - 
demoiselle  Paméla,  tout  remplis  d&lannes...  Je  sens  une  ban.' 
là...  De  Tautre  côté,  je  vois  M.  Jules...  un  beau  garçon,  une  tôte^ 
saperbe,  mais  bien  exposée  !  un  ai»  tranquille,  il  semblait  être  là 
paroniîasité..  Ça  nae^démonte;!  <rN-ayei? pas*peup,  me  dit  le^ pré- 
sident., parlez...  »  Jia  n^é^^^'P^vnioi^  Gependant  là  crainte 
de  me  compromettre...  et  puis  j^ais  juré  de  dire  la  vérité;  ma 
foi hvoilàuMDBSÎenrquii fixe  mr» moi  un  œil:.,  unoeil qui  semblait 
me  dire...  Je  ne  peux  pas  vous  dire...  malairgoe*  s^entortille...  il 
me  prend  une  sueun,.raoU'Oœur^se  gonflèi  et  je  me  mets  à  pleu- 
rer comme  un  imbécile.  Vous  avez* été  magnifique...  alôri-s,  c'était 
fini,  voyez-vous...  il  m'avait  retourné  complètement...  voilà  que 
je  patauge....  je  dis  que  le  2fi  au  soir,  à  une  Heure  iiidbe,  j'ai  sur 
pris  M:  Jules  chez  Paméla  ..  Paméla,  que  je  devais  épouser,  que 
j'aime  encore...  de  sorte  que,  si ije  réponse,  on  dira  dans  le  quar- 
tier... voilà. ..  Ça  m'est  égal  !  grand  avocat  !  ça  m'est  égal  !  (a  jusune.) 
Donnez-moi  de  i'eau'sucuéë! 

ROUSSEAU»  MADAME  ROUSSEAU  et  MADAME  DU  BHOCARD».  à  Blnet. 

Mon  ami  I...  brave  garçon  ! 

DUPRâv* 

L'énergie  de  Paméla  me  donne  bon  espoir...  Un  moment  j|aîi 
tremblé  pendant  sa  déposition  ;  le.  procureur,  général  la  pressait 
vivement  et  refusait  de  croire  à  la.véiité.de.  son^  témûigpag&;;<  QÏkn 
i  pâli  !  j'ai  cru  ^!elle  aUait.&'4vanauir^ 


Et  moi, donc? 

DUPRÉin. 

S«B  dénantmcnt  ibM'aDH^>leCu.  Vô»riganez*to«itciQN^^ 
ît  nfULR  vaiift),moî««HginfiiaUeuiBlâàtaBiiife 


280  PAMÉLA  GIRAUD. 

elle  était  innocente.  Oh  I  j*ai  tout  deviné.  Un  seul  instant  elle  a 
faibli;  mais  an  regard  rapide  jeté  sur  Jules,  an  feu  subit  rempla^ 
çant  la  pâleur  qui  couvrait  ton  visage,  nous  a  fait  deviner  qu'elle 
le  sauvait;  malgré  le  danger  dont  on  la  menaçait,  une  fois  encore, 
à  la  face  de  tous,  elle  a  renouvelé  son  aveu,  et  elle  est  retombée  en 
pleurant  dans  les  bras  de  sa  mère. 

BIKBT. 

Oh  I  bon  cœur,  va  ! 

DUPRÉ. 

Mais  je  vous  laisse;  Taudience  doit  être  reprise  pour  le  résumé 
lu  président 

■oussta^r 
Partons! 

DUPBi. 

Un  moment  !  pensez  à  Paméla,  cette  jeane  fille  qui  vient  de 
compromettre  son  honneur  pour  vous  !  pour  lai! 

BINET. 

Quant  à  moi,  je  ne  demande  rien...  Ah!  Dieal  mais  enfin,  on 
m*a  promis  quelque  chose... 

MADAME  DU  BROCARD  et  MADAME  ROUSSBAU. 

Ah!  rien  ne  peut  nous  acquitter. 

DUPRÉ. 

Très-bien!  venez,  Messieurs,  venez! 

SCÈNE  n. 

LU  MÉHSt,  excepté  DUPRÉ  et  ROUSSEAU. 
MADAME  DU  BROCARD^  retenant  Binet  qui  ?•  lortlr. 

Ecoute! 

BINIT. 

piatt-ar 

MADAME  DU  BBOCARD. 

Ta  vois  Tanziété  dans  laquelle  nous  sommes  ;  à  la  moindre  cir- 
constance favorable,  ne  manque  pas  de  nous  en  instruire» 

MADAME  ROUSSEAU. 

Oui,  tenex-noas  «a  courant  de  tout. 

BINET. 

* 

Soyez  tranquille...  Mais,  voyez-vous,  je  n*aorai  pas  besoin  de 
sortir  pour  ^,*parce  qœ  je  tiens  à  tout  voir,  à  tout  entendre  ;  sen- 


ACTE   IV.  281 

lement,  tenez,  je  suis  placé  près  de  cette  fenêtre  que  vous  voyez 
là-bas...  Eh  bien  !  ne  la  perdez  pas  de  vue,  et  s'il  y  a  grâce,  j'agi- 
terai mon  mouchoir. 

MADAMB  ROUSSEAU. 

N'oubliez  pas,  surtout  ! 

BINET. 

Il  n'y  a  pas  de  danger;  je  ne  suis  qu'un  pauvre  garçon,  mais  je 
sais  ce  que  c'est  qu'une  mère,  allez!...  vous  m'intéressez,  vrail 
Pour  vous,  pour  Paméla,  j'ai  dit  des  choses...  Mais  que  voulez- 
vous,  quand  on  aime  les  gens  I. . .  et  puis..«  on  m'a  promis  quelque 

chose. . .  Comptez  sur  moi  !  Ol  lort  en  coannt.) 

SCÈNE  m. 

MADAME  ROUSSEAU,  MADAME  DU  BROCARD,  JUSTINE. 

MADAMB  ROUSSEAU. 

Justine,  ouvrez  cette  fenêtre,  et  guettez  attentivement  le  signal 
que  nous  a  promis  ce  garçon...  Mon  Dieul  s'il  allait  être  con- 
damné I 

MADAME  DU  BROCARD. 

Monsieur  Dupré  nous  a  dit  d'espérer. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Mais  cette  bonne,  cette  excellente  Paméla...  que  faire  pour  eUet 

MADAME  DU  BROCARD. 

U  faut  qu'elle  soit  heureuse!  j'avoue  que  cette  jeune  personne 
est  un  secours  du  ciel  !  il  n'y  a  que  le  cœur  qui  puisse  inspirer  an 
pareil  sacrifice  !  il  lui  faut  une  fortune  !...  trente  mille  francs!  trente 
mille  francs  !•••  on  lui  doit  la  vie  de  Jules,  (a  put.)  Pauvre  garçon, 

Vivra-t-il7  (Elle  regarde  dv  eOté  de  la  fta6tre.) 

MADAME  ROUSSEAU. 

Eh  bien!  Justine? 

jusrmi. 
Rien,  Madame. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Rien  encore...  Oh!  vous  avez  raison,  ma  sœur,  il  n*y  a  que  I0 
cœur  qui  paisse  dicter  une  pareille  conduite.  Je  ne  sais  ce  que  mou 
mari  et  vous,  penseriez...  mais  la  conscience  et  le  bonheur  de  Jules 
avant  tout.,  et  malgré  cette  brillante  alliance  avec  les  de  Yerby, 


2B2  PAMÉLA  6IRAUD. 

ttieUe;aimaitiiiaiii  fU»«  ar  mon^  fils  TaimaU  !;«•  fli  me* semble  que 
jtU  vui<pielque  ohow... 

MADAME  DU  BROCARD  et  JUSTlinU; 

Non!  non! 

MADAME  ROUSSEML» 

Ah!  répondez,  ma  sœur!  elle  Ta  bien  mérité,  n*est-ce  pas! 
tienU 

Wm  deux  ftmmeB  restées  immobiles,  le  serrent  la  main  en  thmblanfc) 

SCÈNE  rv. 

LES  mAmbs,  de  VERBY; 

JUSBSNE^.an  ttaad. 

Monsieur  le  général  de  Yerby. 

IfcADAME  BÛUSSRAU  et.  MADAHBi  Dll>  MiWàBPfa 

Ah!^ 

DE  YERBY. 

Tout  Ya  bien  !  ma  présence  n'était  plus  nécessaire,  et  je  snisre- 
fenn^près  de*  yous.  @nr  espère  beaucoup  pour  YOtt^  fili.  £e  ré- 
waé  du-pp^stdent  semble  pousser  à  l'indulgence; 

MADAME  ROUSSEAU^  avec  Joie. 

Omon  Dienl 

DE  YERBY. 

Jnles  s'est  bien  conduiti  mon  frère,  le  comte  de  Yerby,  est  dans 
formetlltores'dîspositions  à  son  égardl  Ma  nièce  le  trouve  un  hé- 
ros, et  moi...  et  moi,  je  sais  reconnaître  le  courage  et  rhonneai... 
Uiie  fôis^cette  ai!Mre  assoupie,  nous  presserons  le.  mariage. 

MADAME  ROUSSEAU. 

B'ftut'pemtant'vons  aYouer;  Monsieur,  qpe  nous aYons  faitdès 
lirPMieaiey  à^  cette  jeune  ffllè. 

MAITAME^DU  BROCARD. 

Laissez  donc»  ma  sœur!^ 

DE  YERBY. 

6ans  doute;  elle  mérite...  youb  la  payerez  bien  quinze  on  îingt 
mille  francs...  c'est  honnête  I 

MADAME  DU  BROCARD. 

Itas'le  Yoyez^  marscenr;  Mt  de  Yerby  est'  mdSé,  géiiéreux,  et 
AÉrqa^iFpense^qoe cette- soimne...  Mbi  je  ti-ouYe  que  c'ésrasseL 

itSTINEj  au  fond. 


DU 


Maa  fiiimli 
MoDinaiil 


lIADAia  ROUSSEAU. 


8GÈRB  T. 


Bonne  nouvelle? 
Il  est  acquitté? 


Dl  YEBDT^  \  RoosBCaiU 
MADAME  ROUSSEAU. 


ROUSSEAU. 

Non...  mais  le  brait  se  répand  qu'il  va  l'être;  les  jurés  délibè- 
rent; moi,  je  n*ai  pas  pu  rester;  la  résolution  m*a  manqué...  j'ai 
dit  à  Antoine  d'accourir  dès  que  llarrét  sera  rendu. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Par  cette  fenêtre,  nous  saurons  tout  ;  nous  sommes  convenus 
d'an  signal  avec  ce  garçon,  Joseph  Binet 

ROUSSEAU. 

Ab!  veillez  bien,  Justine... 

MADAME  ROUSSEAU. 

Mais  que  fait  Jules?  qu'il  doit  souffrir! 

ROUSSEAU. 

« 

Eh  !  non...  le  malheureux  montre  une  fermeté  qui  me  confond; 
0*  aurait  dû  employer  ce  courage-là  à  autre  chose  qu'à. conspirer..... 
Nbus  mettre  dans  une  pareille  position  !...  Je  pouvais  être  on  jou  ^ 
président  du  tribunal  de  commerce. 

Dfi  TERBY. 

Vous  oubliez  que  notre  alliance  est  au  moins  une  compensation. 

ROUSSEAU^  frappé  d'an  souvéniff. 

Ahr  général  r  quand  je  suis  parti,  Jules  était  entouré  de  SM 
amis,  de  M.  Dupré  et  de  cette  Jeune  Paméla.  Mademoiselle  votre 
nièce  et  madame  de  Yerby  ont  dû  remarquer...  Je  compte  sur 
vous  pour  efiacer  l'impression,  Rlousieur. 

(Pendant  que  Roionau  parte  au  général,  les  femmes  ont  regardé  si  le  signal  se  donne.) 

DR  TEsnnr. 
Séfei  tnnqvffipk...  JUIss'  senr  Manc  comme  neigea.,  flfest 
bien  i«|wiImH  jl'^eaqAiquer  l'afTaire  ér  fr  grôetlie^..  autrement 


S8&  PAIIÉLA  GIRAUD. 

la  comtesse- de  Verby  pourrait  s*opposer  au  mariage...  toute  appa- 
rence d'amourette  disparaîtra...  on  n'y  verra  qu'un  déTOuement 
payé  au  poids  de  l'or. 

BODSSBAU. 

En  effet,  je  remplirai  mon  devoir  envers'  cette  jeune  Glle...  Je 
lui  donnerai  huit  ou  dix  mille  francs...  Il  me  semble  que  c'esi 
bien!...  très-bien I... 

MADAME  ROUSSEAU^  eontenoe  par  nuulaiiie  du  Brocard,  édâte  à  cm  demie»  moU 

Àh!  Monsieur I...  et  son  honneur? 

ROUSSEAU. 

Eh  bien  I...  on  la  mariera. 

SCÈNE  \i. 

us  MÊMES,  BINET. 
BINlTj  accourant. 

Monsieur!  Madame  !•••  de  l'eau  de  Cologne  I  quelque  chose. 
Je  vous  en  prie  !... 

TOUS. 

Quoil...  qu'y  a-t-il? 

BIHBT. 

M.  Antoiney  votre  domestique,  amène  ici  mademoiselle  Paméla. 

BOUSSEAU. 

liais  qu'est-il  arrivé  ?... 

BllfET. 

En  voyant  rentrer  le  jury,  elle  s'est  trouvée  mail...  le  père  et  la 
mère  Giraud,  qui  étaient  dans  la  foule  à  l'autre  bout,  n'ont  pas  pu 
bouger...  moi  j*ai  crié,  et  le  président  m'a  fait  mettre  à  la  porte!... 

MADAME  BOUSSEAU. 

Hais  Jules!...  mon  fib  I...  qu'a  dit  le  jury  7 

BINET. 

Je  n'en  sais  rien!...  moi  je  n'ai  vu  que  Paméla...  votre  fils, 
c'est  très-bien,  je  ne  vous  dis  pas!  mais  écoutei  donc»  moi,  Pa« 
mêla... 

DE  VEBBT. 

Mais  tu  as  dû  vohr  sur  la  physionomie  des  jurés  I... 

BllfET. 

Ah!  oui  I...  le  monsieur...  le  chef  du  jury...  avait  Fair  si  trisla.. 
si  sévère  !...  que  je  crois  bien  !..«  (Moumncnt  de  ieirwr.i 


ACTE  IV.  38S 

MÂDAHB  aOUSSBÂU. 

MoD  pauvre  Joies  I 

BlNlf. 

Voilà  M.  Antoine  et  mademoiseile  Pamâa. 

SCÈNE  vn. 

uf  itnf ,  ANTOINE,  PAMÉLA. 
On  un  aanolr  Paméla  :  toat  te  monde  rentoore,  on  Inl  ftdt  mplrir  deurtiL 

MADAME  DU  BROCARD.  i 

Ma  chère  enfant  I 

MADAME  ROUSSEAU. 

MafiUel 

ROUSSEAU. 

Mademoisdle! 

PAMÉLA. 

Je  n'ai  pa  résister!  tant  d'émotions...  cette  incertitade  cruelle I 
J*avais  pris,  repris  de  l'assurance...  le  câline  de  M.  Jules  pendant 
qu'on  délibérait,  le  sourire  fixé  sur  ses  lèvres,  m'avaient  fait  parta- 
ger ce  pressentiment  de  bonheur  qu'il  éprouvait!...  Cependant 
qoand  je  regardais  M.  Dupré,  sa  figure  morne,  impassible  I...  me 
faisait  froid  au  cœur!...  et  puis  cette, sonnette  annonçant  le  retour 
des  jurés,  ce  murmure  d'anxiété  qui  parcourut  la  salle...  je  n'eus 
plus  de  force!...  une  sueur  froide  inonda  mon  visage,  et  je 
m'évanouis. 

BINST. 

Moi,  je  criai,  et  on  me  jeta  dehors. 

DE  VEEBT^  à  Rouaseno. 

Si  un  malheur.  •• 

ROUSSEAU. 

Monsieur... 

DE  VERBT^  k  Rousseau  et  am  ftmiiMi. 

S'il  devenait  nécessaire  d'interjeter  un  appel..  (oMmuani  pam«i4 
peut-on  compter  sur...  sur  elle? 

MADAME  ROUSSEAU. 

Sur  elle?...  toujours,  j*en  suis  sûre. 

MADAME  DU  BROCARD. 

Paméla! 


/ 


JM6  PAMiLk  4»RAUD. 

Dites...  Y0Q8,  qui  tous  êtes  montrée  si  h&oaià^  si 
si  nous  avions  besoin  encore  dft  votre  dévouement,  soutiendriez- 
vous... 

PAHéLA. 

Tout,  Monsieur!...  Je  n*ai  qu*nn  but»  une  pensée  uniquel... 
c'est  de  sauver  M.  Jules. 

BIHET^  à  part. 

L*alme-t-elle  I  iHdme^t-eHe! 

Ahl  tout  ce  que  je  possède  est  à  \0U 

iOn  i-^jLsmt  du  bntft»  en  eris.  Eflh>i.) 

TOUS. 
Ce  bruit  !. . .   (Paméla  se  Idre  toate  tremb  jate.  MU  «■(;  >rte  de  JosUue  à  la 

fenôtre.)  EcOUtez  CeS  Cfisl 

BINET. 

Une  foule  de  monde  se  précipite  sur  l*escalier  du  Palais I...  On 
court  de  ce  côté. 

Jl^STIKB  ^  BINET. 

MoDsieBr  Jitel.,.  lioasieiir  JMesl.,. 

momaàâja  «t  i&AiDim  maaiuv. 
Mmâki 

mmÉoa  am  .VÊùaam  et 
JnlesJ  fi 

SaméW 

SCÈNE  irai. 

LU  lÉns»  JULES»  nmené  pw  m mèn,  m  tante  «t  aolTl  de  tes  amli 

JULES,  n  se  précipite  dansdaiAniilesaiBtnrnai  Tolt  pas  d'abord  Paméla  qui 

ait  dans  un  coin  du  tbéfltre,  prte  de  Blnet. 

Ma  mèrel...  ma  tante I...  mon  bon  pèrel...  me  voici  rendu  à 

h  liberté  I.  •  •    U  m.  de  Verby  et  aux  amis  qui  Tout  aceompasné.)  GfoM^  et 

rous,  mes  amis»  «mecci  de  votre  intérêt  I 

MiàOàMB  aOOSBUB. 

Enfin,  le  voilà,  mon  enfant  I...  Je  iie:Sni8  |tts  ABCommoiieie 
mes  angoisses  et  de  ma  joîe. 

BUOD^iLBanfit. 

Eh  bien  I...  et  vous 7  il  ne  vous  dit  joen...  il  ne  vous  voit  seu* 
Jement  pas  I, 


!••• 


ITOTB  tu,  BCT 

tni»«td,  Jeieph  !  tais  loi!  'fme  mwcfAefw^te^twAi) 

Non-seulement  yoiis  êtes 'flaiMé,'iiiQÎS(voiiBfÔles^iQ6.  ans 'grenx 
de  tous  ceux  que  cetteaffône  întéressait'I...  '^oss  avez  montré  une 
énei]gR,)u«eidîsQrétion1...  dont onironsBaniragré. 

R0U8BSAU. 

Tout  le  monde  s*est  bien  conduit..  Antoine,  tal'eslj'ien  mon- 
trél...  ta  mourras  à  notre  service. 

MADAME  ROUSSEAU^  h  Joies. 

Fais-moi  remercier  ton  anii,  m.  Môlp!ie  Durand. 

jums. 
Oui.,  mais  mon  sauveur,  mon  ange  gardien,  c'eKtlB'pa»vre 
Pamélal...  Gomme  elle  a  comprissa situation  et  la  mienne!...  quel 
dévouement!...  Ah!  je  me  rappelle!...  l'émotion,  la  crainte!.. 

elle  s'était  évanouie!...  je  cours...  (Madame Rousseau, gui,  toute.au  retour 
<ie  Jules,  n'a  songé  qu'à  lui,  cherche  des  yeux  Paméla,  rapercolt,  l'amène  devant  son 

fils. qui  pousse  un  cri.)  Ah!  .Pamélal. ••  Pamélal...  .ma, reconnaissance 
sera  étemelle I... 

PAMÉLA. 

Ahl'ffl.  Jules  1...  que  je  jsuis  haureusel 

JULES. 

Ohl...  nous  ne  quitterons  plusl...  n'est-ce  j)asjna. mère?  elle 
sera  votre  fille. 

DB  TBRBT^  k  Rouasaaq,  ^Vivement 

Ma  sœur  et  ma  nièce  attendent  xinex^onse;  il  faut  intervenir, 
MoDsicur...  Cejaimeiiomme  a  J'imagi nation  vivi^, «cataltéfe.,.  il|)eut 
loanguer  jsa  carrière  pour  de  vains  jicrijipuleai...  j^  une.JKdLte  gé* 
aérosiléL.. 

EQUSSEAU^  ewimmaA 

CeaigjoQvm 

.Hais  Jifl  TOtre  jMtrole. 

MADAMB  bu  BROCABD. 

YarteZf  inonfiteel 

TULES. 

Vkl'ttjpooltat  tna  Borère,  et  joignez-vous  à  moi. 

ROUSSEAU^  prenant  la  main rdeJifles. 

Jules!...  je  n'oubUend  pas  le  senftce  que  nous  a  rendu  celle 
JMne  fflte...  Jeioomprenfls  œ  ique  doit  te  dicierla  reconndssance; 


f|gg  PAMÉLA  GIRAUD. 

mais  ta  fe  sais,  le  comte  de  Yerby  a  notre  parole  ;  ta  ne  saurais  lé- 
gèrement sacrifier  ton  avenir  !  Ce  n'est  pas  Ténergie  qui  te  man- 
que... tu  Tas  prouvé...  et  an  jeune  conspirateur  doit  être  assez 
fort  pour  se  tirer  d'une  pareille  affaire. 

DR  VERBT^  à  Jules,  de  rautre  oOté. 

Sans  doate  !...  on  futur  diplomate  ne  saarait  échouer  ici  !••• 

ROUSSEAU. 

D'ailleurs,  ma  volonté... 

JULES. 

Mon  père! 

DUFRÉ^  paraissant. 

Jules  !  c'est  encore  à  moi  de  vous  défendre. 

PAMÉLA  et  BINET. 

M.  Daprél 

'  JULES. 

Monamil... 

■ADAHS  OU  BROCARD. 

Monsieur  Favocat!... 

nuPRÉ. 

Ohl  je  ne  suis  déjà  plus  mon  cher  Duprê. 

MADAME    DU  BROCARD. 

Oh!  toujours I...  avant  de  nous  acquitter  envers  vous,  non 
avons  dû  penser  à  cette  jeune  fille. . .  et . . 

m 

DUPRÉ  f  rinterrompant  froidement. 

Pardon,  Madame... 

DR- VERBT. 

Cet  homme  va  tout  brouiller  !... 

DUPRi>  à  Rousseau. 

J*ai  tout  entendu...  mon  expérience  est  en  défaut!...  Je  n'au- 
rais pas  cru  ringratitude  si  près  du  bienfait...  Riche  comme  vous 
Têtes...  comme  le  sera  voire  fils,  quelle  plus  belle  tâche  avez-vous 
\  remplir  que  celle  de  satisfaire  votre  conscience?...  En  sauvant 
Jules,  elle  s'est  déshonorée!...  Allons,  Monsieur,  rambîtion  ne 
saurait  remporter!...  Sera-t-il  dit  que  cette  fortune  que  tous 
avez  acquise  si  honorablement  aura  glacé  en  vous  tous  les  senti- 
ments, et  que  Tintérél  seul...  (Il  voit  madame  du  Brocard  lUsant  des  signei 

%  son  Mrc.)  Ah  !  très-bieu,  Madame  !...  c'est  vous  ici  qui  donnez  le 
<on  !  et  j'oubliais,  pour  convaincre  Monsieur,  que  vous  seriez  près 
de  lui  quand  je  ne  serais  plus  là. 

MADAME  DU  BROCARD. 

Nous  MMûoDes  engagés  envers  M.  le  comte  et  madame  la  corn- 


ACTE  IV*  289 

tesse  de  Verby!...  Mademoiselle,  qui  toute  sa  vie  peut  compter 
sur  moi,  n'a  pas  sauvé  mon  neveu  à  la  condition  de  compromettre 
300  avenir. 

ROUSSEAU. 

II  faut  quelque  proportion  dans  une  alliance.  Mon  fils  aura  uq 
jour  quatre-viugt  mille  livres  de  rente. 

BINETy  à  part. 

Ça  me  va,  moi,  j'épouserai  I...  Mais  cet  homme-là,  ça  n'est  p:s 
un  père,  c'est  un  changeur. 

DE  YERBt^  &  Dupré. 

Je  pense,  IMonsieur,  qu'on  ne  saurait  avoir  trop  d'admiration 
pour  votre  talent  et  d'estime  pour  votre  caractère  !...  votre  souve- 
nir sera  religieusement  gardé  dans  la  famille  Rousseau  ;  mais  ces 
débats  intérieurs  ne  sauraient  avoir  de  témoins...  Quant  h  moi, 
faila  parole  de  M.  Rousseau,  je  la  réclame!...  (ajuics.}  Venez, 
mon  jeune  ami ,  venez  chez  mon  frère  I. . .  ma  nièce  vous  attend  ! . . , 

demain  nous  signerons  le  contrat    (Paméla  tombe  sans  force  sur  an  Otttteon.) 

BINBT. 

Eh  bien!*.,  eh  bien!  mademoiselle  Paméla  ! 

DUPRÉ  et  JULBS^  rélanfiant  yeii  dM^ 

Geli 

DR  yBRBTy  prenant  la  main  de  Jotas» 

Venez...  venez... 

DUPRÉ. 

Arrêtez!  J'aurais  voulu  n'être  pas  seul  à  la  protéger  1...  Eh  bien  I 
rien  n'est  fini!...  Paméla  doit  être  arrêtée  comme  faux  témoin! 

saisissant  la  main  de  Verby)  Ct  VOUS  êtes  tOUS  pordus!...  (U  emmène  P«m«le.) 

BINET^  se  cachant  derrière  le  canapâ. 

>'e  dites  pas  que  je  suis  là. 


Fia    ou    OUATBlftNE    \CTB. 


19 


ACTE    CINQUIÈME 


La  Mène  w  pMM  elwi  Duprt,  dans  son  MMiief }  b(tttoit«4il*,  MMÉttt  d»«te4M  éMé 

une  f eoAtra  aTw  àma  rideaux. 


SCÈNE  FREMlËBEé 
DtPAË,  ^amélà,  giraud,  madame  giraûd. 

terer  da  rideau, Paméla  «rt  atftae  dam  un  nuiteoN^  oocdpMà  IM;  li  WÊ» OtHnA 
^t  debout  prts  d'elle:  Giraud  regarde  les  tableaux  du  cabinet;  Oqpiéip  MroneMfc 
^m\  iMHi  iM^tt  ratffUi» 


nvPtit,  h  dtfàud. 

Et  ea  venant  ce  mattn,  vmf«  atez  pris  les  précautions  d'usage. 

eiRAUD. 

O  Monsieur  1  vous  podfms  être  (iiifli)Qflle;  quand  Je  viens  id,  je 
marche  la  tête  tournée  derrière  moi!...  C'est  que  ia  Qhilâdre  Im- 
prudence ferait  bien  vite  un  malheur.  Ton  cœur  t*a  entraînée,  ma 
fille;  mais  un  faut  témoignage,  c'est  mal,  c'est  sérieux! 

Je  crolN  Men...  prends  garde,  Giraud  ;  si  on  te  stdvait  et  qu'on 
vienne  à  découvrir  qae  notre  pauvre  fille  est  ici,  cachée,  grâce  à 
la  générosité  de  M.  Dnpré... 

DUPRÉ. 

C'est  bien.  • .  c'est  bien. . .  (u  continue  de  marcher  k  pw  piédpitce.)  QueDe 
/Ugratitude!...  cette  famille  Rousseau,  ils  ignorent  ce  que  j'ai 
fait. . .  tous  croient  Paméla  arrêtée,  et  personne  ne  s'en  inquiète  !. .. 
On  a  fait  partir  Jules  pour  Bruxelles»  »«  M«  de  Yerby  est  à  la  cam* 
pagne,  et  M.  Rousseau  fait  ses  afl'aires  de  fiourse  comme  si  de  rien 
n'était...  L'argent,  l'ambition...  c'est  leur  mobile...  chez  eux  les 
sentiments  ne  comptent  pour  rien!...  Ils  tournent  tons  autour  da 
veau  d'or...  et  l'argent  peut  les  faire  danser  devant  leur  idole., 
ils  sont  aveuglés  dès  qu'ils  le  voient 


ACTS  V.  291 

PAHÉLA^  qui  l'a  obsenré,  se  lève  et  Tient  à  lui. 

M.  Dopré,  Yoos  êtes  agité»  toi»  paraiaieB  aonSnrl...  c'eti  en- 
re  pour  moi,  je  te  eraiûs. 

DUPRÉ. 

N'étes-Tons  donc  pas  révoltée  cofume  moi  de  rinâifféreoce 
odiense  de  celte  famille,  qai,  une  foû  son  fils  sauvé,  n*a  plus  vu 
en  vous  qu'un  instnunent.. 

Et  qu'y  pourrions- nous  faire,  Monsieur  T 

DCFBÉ. 

Chère  enfant!  vous  n*avez  aucune  amertume  dans  le  cœur? 

FAMÉLA. 

Non,  monsieur!...  ]e  suis  plus  heureuse  qu'eux  tous,  moi;  j'ai 
fait,  je  crois,  une  bonne  action  !. .. 

HADAMB  GIRAUD^  embrassaot  Paméla. 

Ma  pauvre  boime  fille! 

OIRAUD. 

C'est  bien  ce  que  j'ai  fait  de  mieus  jusqu'è  présent! 

DlfpRÉ^  9*ap|>fochaQt  vivement  de  Paméla. 

Mademoiselle,  vous  êtes  une  bonnête  fille l...  personne  plus  que 
iDoiuepeiitratiestfîrL..  c'est  moi  qui  sok  venu  près  de  vous, 
vous  luppliar  de  dire  la  vérité,  et  si  noble,  0t  A  pQfe«  vous  voua 
êtes  eompromise  ;  maintenant  on  vous  repousse,  on  vous  méoon- 
Dalu..  mais  moi  je  voos  admire...  et  vous  serez  beareuse,  car  je 
réparerai  tout!  Paméla...  j'ai  quarante-huit  ans,  un  peu  de  répa« 
tation,  quelque  fortune;  j'ai  passé  ma  vie  à  être  honnête  homme, 
je a'm démoidrai  pas;  voniez-vous  être  ma  femme? 

PAHÉLA^  très-émoe. 

Moi,  Monsieur?... 

GIRAUD. 

Sa  femme!...  not'  fille!...  dis  donc  madame  Giraud?... 

madahb  giraito. 
Ça  serait-il  possible? 

BuraÉ» 

Pourquoi  cette  surprise?...  oh  !  pas  de  phrases!...  consultez  vo- 
tre cœur!...  dites  oui  ou  non  !...  Voulez-vous  être  ma  femme? 

PAMélA. 

Mais  quel  homme  êtes-vous  donc»  Monsieur?  c'est  moi  qui  vou» 
dois  tout...  et  vous  voulez?...  Ah!  ma  reconnaissance.. • 


292  PAMÉLA  GIRAUD. 

DUPRé. 

Ne  prononcez  pas  ce  mot-là,  il  va  tout  gâter  !.,.  Le  monde,  je  le 
méprise  !...  je  ne  lui  dois  aucun  compte  de  ma  conduite,  de  mes 
affections...  Depuis  que  j'ai  vu  votre  courage^  votre  résignation... 
je  vous  aime,.,  tâchez  de  m*aimer! 

PÀMÉtA. 

Oh  I  oui,  oui,  Monsieur. 

MADAME  GIRAUD. 

Qui  est-ce  qui  ne  vous  aimerait  pas? 

GIRAUD. 

Monsieur,  je  ne  suis  rien  qu'un  pauvre  portier...  et  encore  je  ne 
le  suis  plus,  portier...  vous  aimez  notre  fille,  vous  venez  de  lui 
dire...  je  vous  demande  pardon...  j'ai  des  larmes  plein  les  yeux... 
et  ça  me  coupe  la  parole...  m sessuie les yeux.)  Eh  bien!  vous  faites 
bien  de  l'aimer  I...  ça  prouve  que  vous  avez  de  l'esprit!...  parce 
que  Paméla...  il  y  a  des  enfants  de  propriétaires  qui  ne  la  valent 
pas!...  seulement  c'est  humiliant  d'avoir  des  père  et  mère  comme 
nous... 

PAMÉLA. 

Mon  père! 

GIRAUD. 

Vous...  le  premier  des  hommes  !...  Eh  bien  !  moi  et  ma  femme, 
nous  irons  nous  cacher,  n'est-ce  pas  la  vieille?...  dans  une  cam- 
pagne bien  loin  !...  et  le  dimanche,  à  l'heure  de  la  messe,  vous  di- 
rez :  Ils  sont  tous  les  deux  qui  prient  le  bon  Dieu  pour  moi...  et 

pour  leur  fille. . .  (Paméla  embrasée  son  pdre  et  aa  mèn.) 

DUPRÉ. 

Braves  gens!...  Ohl  mais  ceux-là  n'ont  pas  de  titres  !...  pas  de 
fortune!...  Vous  regrettez  votre  province!...  eh  bien!  vous  y  re- 
{ournerez,  vous  y  vivrez  heureux,  tranquilles...  je  me  charge 
de  tout 

GIRAUD  et  MADAME  GIRAUD. 

Oh!  notre  reconnaissance... 

DUPRÉ. 

Encore...  ce  mot-&  vous  portera  malheur!  je  le  biffe  du  diction 
naire!...  En  attendant,  je  vous  emmène  à  la  campagne  avec  moi!., 
allez...  allez  tout  préparer. 

GIRAUD. 

Monsieur  l'avocat?... 

DUPRÉ. 

Eh  bien!  quoi? 


ACTE  V.  293 

6IRAUD. 

n  7  a  ce  pauvre  Josepir  Binet  qui  est  en  danger  anssi!...  il  ne 
sait  pas  que  ma  fille  et  nous  sommes  là;  mais,  il  y  a  trois  jours, 
il  est  venu  trouver  votre  domestique,  dans  un  état  à  faire  peur;  et 
comme  c'est  ici  la  maison  du  bon  Dieu,  il  est  caché  ici  dans  un 

grenier! 

DUPBÉ. 

Faites-le  descendre. 

CIRàUD. 

Il  ne  voudra  pas,  Monsieur;  il  a  trop  peur  d'être  arrêté...  On 
loi  passe  à  manger  par  la  chatière!... 

DUPRÉ. 

Il  sera  bientôt  libre,  je  l'espère. . .  j'attends  one  lettre  qui  doit 
nous  rassurer  tous. 

GIRÀUD. 

Faal-il  le  rassurer? 

DUPRÉ. 

Non,  pas  encore...  ce  soir.  ^ 

GIRAUD^  à  sa  Itemme. 

Je  m'en  vas  avec  bien  du  soin  jusqu'à  la  maison. 

(Madame  Giraud  racoompaitne  en  lui  ftisant  des  recommuidfttiOBs;  «ils  lort  ptr  la 
ganche;  Paméla  va  pour  la  luivre. 

DUPRÉ^  la  retenant. 

Ge  fimet...  vous  ne  l'aimez  pas 7 
Oh!  non,  jamais! 

DUPRÉ. 

Et  l'autre? 

PAUÉIiAy  après  on  moment  d'émotion,  qu'elle  réprime  aoKllOtw 

Je  n'aimerai  que  vous?... 

(Elle  va  sortir.  Bmit  dam  rantlàhambie.  Jules  parait) 

SCÈNE  n. 

PAMÉLA,  DUPRÉ,  JULES. 
JULBS^  aux  domestlqwi. 

Laissez  moi,  tous  dis-je...  il  faut  que  je  lui  parle.  (Apercerai 
Dopréj  Ah!  Monsieur!...  Paméla,  qu'est-dle  deveniie?...  est-dk 
fibre,  sauvée?... 

PAMÉLA»  qui  arest  an«tee  k  la  porte. 

Jules!... 


294  PAllÉLA  GIRAUD. 

JUL£S. 

CicII  ici.  Mademoiselle?... 

DUPRÉ. 

Et  TOUS,  MoDsienr,  je  tous  croyais  \  BroTellest.,. 

JULES. 

Oui,  ils  m'avaient  fait  partir  malgré  moi,  et  je  m'étais  soumb!.* 
llevé  dans  Fobéissance,  je  tremble  devant  ana  iamillel...  mais 
j'emportais  mes  souvenirs  avec  moi!...  n  y  a  siï  mois,  Monsieur, 
avant  de  la  connaître...  je  risquais  ma  vie  pour  obtenir  mademoi  - 
selle  de  Yerby,  afîn  de  contenter  leur  ambition,  si  vous  le  voulez 
aussi,  pour  satisfaire  ma  vanité  ;  j'espérais  un  jour  être  gentil- 
homnie;  md,  fils  d'un  négociant  enrichi!...  Je  la  reacoiitrai  et  je 
l'aimai!...  le  reste,  vous  le  savez!...  ce  qui  n'était  qu*ua  senti- 
ment est  devenu  un  devoir,  et,  quand  chaque  heure  m'éloignait 
d'elle,  j'ai  senti  que  mon  obéissance  était  une  lâcheté;  quand  ils 
m'ont  cru  bien  loin,  je  suis  rQvenu!...  Elle  avait  été  arrêtée,  vous 
l'aviez  dit!...  et  moi  je  serais  parti!...  (a  tous  deux.)  Sans  vous  re- 
voir, vous,  mon  sauveur^  qui  serez  le  sien... 

nUPKÉy  les  r^ardani. 

Bien...  très-bien!...  c'est  d'un  honnêle  houme  ceiaL«*  enfin, 
en  voilà  un. 

PAHÉLÀy  à  part,  essiqraxitseBUnini. 

Merci*  mon  Dien  I 

DirPBâ. 
-  Qn*eq[)6rQ»»voa8T  qoe  vonlez-vouaî 

lOLBS. 

Ce  que  je  veux?...  m'attacher  à  wn  eoit.*.  nae  perriie  «vec 
elle,  «n  le  finit.,  el  «i  Men  nons  pioligB,  ini  dirtf  :  Paméla, 
veni-tn  être  à  moi  T 

Ahl  diable!  diable!  Q  n'y  a  qn'nne  petite  diflknlcé...  c'est  que 
Je  réponse  I... 

JULBSj  MM-iupfta. 

Yonst 

nupit* 
Od,  fflôlt...  çfuDOÊihiÊmimjmQ  le  n*Él  pai  de  femflh  ifi  tj 
ùffpone. 

Je  flécUnl  la  nàuafb. 


r 


DUPRÉ. 

Oo  vous  fera  partir  pour  BnodJok 

JULES. 

Je  cours  trouver  ma  mil^l...  j'aurai  du  courage!...  dussé-je 
[)erclre  les  bonnes  grâces  de  mon  père...  dût  ma  tante  me  priver 
de  son  héritage,  je  résisterai  !.„  autrement,  je  serais  sans  dignité, 

sao3  ime...  mm  alors,  mrm-î»  Ve»fwh»m 

DUPRÉ. 

C'est  à  moi  que  vous  le  demandes?... 

JULES. 

Paméla,  répondez,  je  vous  en  supplie.  •• 

PAMÉLA^  liDuvrd. 

Vous  avez  ma  parole,  Momûeur. 

SCÈNE  ni. 

w  lÉvu,  m  DOMESTIQUB. 

Le  domerttqoe  fWMit  une  carte  à  Dopié. 
W^0  Ifi|(ar4ftnt  1«  etrps  eX  paraisturt  trj^MoifMlt; 

ComoMiatl  u  JW^tJ  Où  est  IM.  de  Verby?  Iç  savez-vousT 
Bn  Konnandie,  chez  son  frète,  k  comte  de  Yeii)y. 
G'eft  U^'»  aU^  trouva  VQtro  mère^ 

JUX«B8. 

ToQ9  me  promettez  donc .. 

DUPRÉ. 

Rienl... 

jyLis. 
Adieu,  Paméla  I...  (i  part  en  sortant.}  Je  reviendrai       çu  «»$.) 

DUPRÉ  >  86  retournant  vers  Paméla  après  le  départ  de  Jules. 

Fant*  il  qu'il  revienne? 

PAMÉLA ,  trfis-émae,  se  Jeltfit  dans  ses  htm, 

Ahî  Moosieiirl...  (siiesoiti 

DUPRÉy  la  fegardant  sortir  et  essnnnl  tuM  linn^ 

La  reconnaissance...  croyez-y  doue  t.. .  (oumnt  lapeias  porte suumM 
Entrez»  Monsieur,  entres. 


296  PAlliLA  GIBAODk. 

SCÈNE  IV. 

DUPRÉ,  DE  VERBT. 

DUPRÉ. 

Vous  ici,  Monsieur,  quand  tout  le  monde  tous  croit  à  dnquairtc 
lieues  de  Paris! 

DE  TERBT. 

Je  suis  arrivé  ce  matin. 

DUPRÉ. 

Sans  doute  un  intérêt  puissant? 

DE  TERRT. 

Non  pour  moi;  mais  je  n*ai  pu  rester  indifférent I...  vous 
pouvez  m*etre  utile. 

DUPRÉ.     . 

Trop  I)cureux,  Monsieur,  de  pouvoir  vous  servir. 

DE  VERBT. 

M.  Dupré,  les  circonstances  dans  lesquelles  nous  nous  sommes 
rencontrés  ni*ont  mis  dans  la  position  de  vous  apprécier.  Parmi 
les  hommes  que  leurs  talents  et  leur  caractère  m*ont  forcé  d'esti- 
mer, vous  vous  êtes  placé  au  premier  rang  !... 

DUPRÉ.  ' 

Ahl  Monsieur,  vous  allez  me  forcer  de  déclarer  que  vous,  an- 
cien officier  de  Tempire,  vous  m*avez  paru  résumer  complètement 
cette  époque  glorieuse,  par  votre  loyauté,  votre  courage  et  votre 
indépendance.  (A  part.)  J'espère  que  je  ne  lui  dois  rien! 

DE  VERBT. 

.  Je  puis  donc  compter  sur  vous? 

DUPRÉ. 

entièrement. 

DE  TERBT. 

Je  vous  demanderai  quelques  renseignements  sur  la  Jeune  Pa> 
niéla  Giraud. 

DUPRÉ. 

J*en  étais  sûr. 

DR  TBRIir. 

La  famille  Rousseau  8*est  conduite  indignement 

DUPRÉ. 

Monsieur  aurait-il  mieux  agi? 


ACTE  V.  297 

DE  TEBBT. 

Je  compte  m'employer  pour  elle  I  Depuis  son  arrestation  oumme 
au  témoin,  où  en  est  l'affaire? 

DUFRÉ. 

[    Ob  I  c'est  poor  toos  d*un  bien  mince  intérfiC 

DB  YBRBT. 

^  Saosdonte...  mais... 

DUPRÉ,  &  part. 

Il  vent  adroitement  me  faire  jaser,  et  savoir  s'il  peut  se  trouver 
compromis,  (saut.)  Monsieur  le  général  de  Verby,  il  y  a  des  hommes 
qui  sont  impénétrables  dans  leurs  projets,  dans  leurs  pensées;  leurs 
actions,  les  événements  seuls  les  révèlent  ou  les  expliquent;  ceux- 
là  sont  des  hommes  forts...  Je  vous  prie  humblement  d'excuser 
ma  franchise,  mais  je  ne  vous  crois  pas  ie  ce  nombre. 

DE  VERBT. 

Monsieur,  ce  langage!...  Vous  êtes  un  homme  singulier!... 

DUFRé. 

mieux  que  cela!...  je  crois  être  un  homme  original !.••  Ecou* 
tez-moi...  vous  parlez  ici  à  demi-mots,  et  vous  croyez,  futur  am- 
bassadeur» faire  sur  moi  vos  études  diplomatiques;  vous  avez  mal 
cboisi  votre  sujet,  et  je  vais  vous  dire,  moi,  ce  que  vous  ne  voulez 
pas  m'apprendre.  Ambitieux,  mais  prudent,  vous  vous  êtes  fait  le 
dief  d'une  conspiration...  le  complot  échoué,  preuve  de  courage, 
sans  vous  inquiéter  de  ceux  que  vous  aviez  mis  en  avant,  impa- 
tient d'arriver,  vous  avez  pris  un  autre  sentier  :  vous  vous  êtes  ral- 
lié, renégat  politique,  vous  avez  encensé  le  nouveau  pouvoir, 
preuve  d'indépendance!  Tous  attendez  une  récompense...  Ambas- 
sadeur à  Turin!...  dans  un  mois  vous  recevrez  vos  lettres  de 
créance;  mais  Paméla  est  arrêtée,  on  vous  a  vu  chez  die,  vous 
pouvez  être  compromis  dans  cette  affaire  de  faux  témoignage! 
Alors  vous  accourez,  tremblant  d'être  démasqué,  de  perdre  cette 
faveur,  prix  de  tant  d'efforts!...  vous  venez  à  moi,  l'air  obsé- 
quieux, la  parole  doucereuse,  croyant  me  rendre  votre  dupe, 
preuve  de  loyauté  !••.  £h  bien,  vous  avez  raison  de  craindre... 
Paméla  est  entre  les  mains  de  la  justice,  elle  a  tout  dit 

DB  VEBBT. 

Que  faire  alors? 

DUFRÉ. 

J*ai  un  moyen!...  Ecrivez  à  Jules  que  vous  lui  rendez  sa  pt* 
rôle;  que  mademoiselle  de  Yerby  reprenne  la  sienne. 


208  PAUÈLA  CUIAUD. 

Vous  trouvez  que  les  Rousseau  se  sont  couduits  indigneoie&t  .! 
TOUS  devez  les  mépriser!... 

DE  TBRBT. 

Vous  le  savez...  des  engagements... 

DUPai. 

¥oiîà  ce  ^e  je  sab  :  c^est  que  votre  fortune  particulière  Q*est 
guère  en  rapport  avec  ia  position  que  vous  ambitionnez. . .  Madame 
du  Brocaixl,  aussi  riche  qu'orgueilleuse,  doit  vous  venir  en  aide, 
si  cette  aliiaiice... 

DB  VBABT. 

Monsieur..  •  une  (weille  «tteiole  k  wt  dignité  1... 

Que  cela  soii  foui  ou  vrai«  fiaitea  ce  que  je  ir«ot  deaaadeL..  à 
ce  prix-ià,  je  tâcherai  quj  vous  ne  soyez  pas  compromis...  mais 
«écrivez...  on  tire&-vouB  de  là  comme  vous  pouneg]...  Tenez,  f  en- 
tends des  cGeotsI... 

©B  TWIBY.     _ 

Je  ne  veux  voir  personnel*..  Oa  me  croît  parti.,  la  fmlk 
méoie  de  Jules... 

Madame  du  Brocard  I    . 

SCÈNE  V, 

DUraË,  HADAMS  D0  BKOCAUB. 
Ble  fBtw  «icapociioimte  dtos  un  t^  noir  ^*qPe  màbn  »vip  jutflaiHlw 

«ADAm  015  mOCASD. 

Vailà  pWeDw  fais  que  Je  aiepréeeBledMfeweaaeeieIrh 
."  Mioenr ete  vBoe  y icoeoiiirer.  ••  mmw  eeeMMs  qhb  eevaT 


Tout  à  fait  seuls. 

KADAUB  nu  BROCABO. 

Eb  bien,  ftionslear...  cette  ^wufcaflalrB  recommenee  donc  t 
Malheure 


ACTE  V«  299 

MADAME  «0  MBOCARD. 

Maudit  jeune  bemine!...  d  je  fie  f  avais  pas  Mt  élever,  jetedés- 
hériterais!...  Je  n'existe  pas^  Monsieur.  Moi,  dont  la  conduite, 
tes  principes  m'ont  valu  l'estime  génênde,  me  voirez -vous  mêlée 
encore  dans  tout  ceci?  seulement,  cette  fois,  pour  ma  démarche 
auprès  de  ces  Giraud,  je  puis  me  trouver  inquiétée  !.., 

DUPRti. 

Je  le  crois  I...  c'est  vous  qui  avez  séduit,  entraîné  Paméia  I 

MADAME  DU  BROCABD. 

Tenez,  Monsieur,  on  a  bien  tort  de  se  lier  avec  de  certaines 
gens!...  un  bonapartiste...  un  homme  de  mauvaise  conscience I... 
un  sans  cœur. 

(Terby,  <iol  écoutait,  se  cache  de  nouveaa  et  feit  «a  gwte  de  eoMre.) 

OUFEÉ, 

Vous  paraissiez  tant  Festimerl 

MADAMt  DU  BROCABD. 

Sa  famille  est  considérée!...  ce  bnllant  mariage!...  mon  neveu 
pour  qui  je  rêvais  un  avenir  éclatant.. 

DUPRÉ. 

Vous  oubliez  son  affection  pour  vous,  son  désintéressement 

MADilUS  DU  BROCARD. 

Son  affection!...  son  désintéressement!...  Le  général  n*a  plus 
le  sou»  et  je  hn  av^  promis  cent  mlHe  francs,  une  fois  le  contrat 
signé. 

DUPRli  lonase  Ibrlameot,  en  ee  retournant  du  oOté  de  yetbj» 

Hnnil  bmn! 

VADAtfB  BU  BROCARB. 

Je  viens  donc  en  secret  et  en  confiance,  malgré  «e  M.  <le 
Verbyt  qui  prétend  que  vous  éles  nu  bonmie  incapable  !...  qui  m'a 
dit  de  vous  un  mal  affreux,  je  viens  vous  prier  de  ma  tirer  4e  là.,. 
Je  voua  dminerai  de  Pargentî...  ce  que  vous  voudrez. 

DUPRÉ. 

Avant  tout,  ce  que  je  veux,  «l'est  que  vous.pi-omettiez  à  votre 
neveu,  pour  épooaerqu!  faon  hû  aemblera,  ia  jbtque  voua  hu  Iri- 
siez pour  épouaer  mademoiselle  de  ¥erby. 

MADAMS  DU  BROCARD. 

PermetteXi.»  yii  bon  lui  semblera.., 
■  wut  MR  je  aicn  !•«• 


300  PAMÉLA  GIRAUD. 

OUPRÉ. 

Alors,  mêlez-TOos  de  vus  affaires  toute  seule  ! 

MADAME  DU  BROCARD. 

C'est  abuser  de  ma  situation!...  Ah!  mon  Dieul'quelqa'ui 
vient. 

DUPRÉj  regardant  «u  fond. 

C'est  quelqu'un  de  votre  famille!... 

MADAME  DU  BROCARD^  regardant  avec  précaution. 

M.  Rousseau  !  mon  beau-frère!...  Que  vient- il  faire?  il  m'avait 
juréde  tenir  boni 

DUPRÉ. 

Et  vous  aussi!...  vous  jurez  beaucoup  dans  votre  famille,  et 
vous  ne  tenez  guère. 

MADAME  DU  BROCARD. 

Si  je  pouvais  entendre! 

(Roosseau  paraît  arec  sa  femme,  madame  du  Brocard  se  Jette  dans  te  rideau  à  gauche. 

DUPRl^^  la  regardant. 

Très-bien!...  si  ceux-là  veulent  se  cacher,  je  ne  sais  plus  où  ils 
se  mettront  I 

SCÈNE  VI. 

DUPRË,  ROUSSEAU,  MADAME  ROUSSEAU. 

ROUSSEAU. 

Monsieur,  vous  nous  voyez  désespérés...  Madame  du  Brocard^ 
ma  belle-sœur,  est  venue  ce  matin  faire  à  ma  femme  une  foule 
d'histoires. 

MADAME  ROUSSEAU. 

Monsieur,  j'en  suis  tout  effrayée!.. . 

DUFRÉ,  loi  ornant  un  d^gi. 

Permettez...  Madame... 

'  ROUSSEAU. 

S'il  faut  l'en  croire,  voilà  encore  mon  fils  compromii» 

DUPRi* 

C'est  la  véritél 

ROUSSEAU. 

Je  n'en  sortirai  pasi...  Pendant  trois  mois  qu'a  duré  cette  mal- 
heureuse affaire,  j'ai  abrégé  ma  vie  de  dix  années!...  Des  spécu- 
lations magnifiques,  des  combinaisons  sûres,  j'ai  tout  sacrifié,  tout 
laissé  passer  en  d'autres  mains.  Enfin  c'était  faitl...  Mais,  quand 


AGtE  V.  301 

je  crois  tout  terminé,  il  me  faut  encore  tout  quitter,  employer  en 
démarches,  en  sollicitations,  nn  temps  précieux  !••• 

DUPR^. 

Je  TOUS  plains!...  Ah  !  je  vous  plains!.. • 

MADAME  ROUSSEAU. 

Cependant  il  m'est  impossible... 

ROUSSEAU. 

C'est  votre  faute  !...  celle  de  votre  famille!...  Madame  du  Bro« 
card,  avec  sa  particule,  qui,  dans  le  commencement,  m'appelait 
toujours  mon  cher  Rousseau...  et  qui  me...  parce  que  j'avais  cent 
mille  écusl... 

DUPRi. 

C'est  nn  beau  vernis. 

ROUSSEAU. 

Par  ambition,  par  orgueil,  elle  s'est  jetée  an  cou  de  M.  de 

Yerby.  (De  Yerby  et  madame  du  Brocard  écoutent,  la  tête  bors  du  rideau,  chacun  de 

son  côté.)  Joli  couple!...  charmants  caractères,  un  brave  d'anti- 
chambre I. . .  (de  Yerby  retire  vivement  sa  tête)  et  UUe  vieille  déVOtC  hypo- 
crite. (Bladame  du  Brocard  cacbe  la  sienne.) 

MADAME  ROUSSEAU. 

Monsieur»  c*e8t  ma  sœur!... 

DUPRÉ. 

Ahl  vous  allez  trop  loin  I... 

ROUSSEAU. 

Vous  ne  les  connaissez  pas!...  Monsieur»  je  m'adresse  à  vous 
encore  une  fois?...  Une  nouvelle  instruction  doit  être  commen- 
cée!... Que  devient  cette  petite?... 

DUPRÉ. 

Cette  petite  est  ma  femme»  Monsieur  !.•• 

ROUSSEAU  et  MADAME  ROUSSEAU. 

Votre  femme I... 

* 

ni  TBRBT  et  MADAME  DU  BROCARD. 

Sa  femme  I... 

DUPRÉ.. 

Oui,  je  l'épouse  dès  qu'elle  sera  libre...  à  moins  qu'eUe  ne  de- 
vienne la  femme  de  votre  fils!... 

ROUSSEAU. 

la  femme  de  noon  filsl... 

MADAME  mOUSSSAO* 

Que  dit-il? 


302  pam6la  emAUD. 

Eh  bien»  qu  y  a-tril  donc?...  cela  tous  éUmae!...  il  faut  pour- 
tant vous  faire  à  cette  idée-là.*,  car  c'est  ce  que  je  demande. 

ROUBSBJkO,  lfMl4u«aient. 

Ahl...  M.  Dupré  L..  ce  n*est  pas  que  je  tienne  à  mademoiselle 
de  Yerby...  la  nièce  d'un  homme  tarél...  C'est  cette  folle  de  nia- 
dame  du  Brocard  qui  voulait  faire  ce  beau  mariage...  mais  de  là  ï 
h  fille  d'vn  poitfer».. 

DvnÉ. 

U  ne  l'est  plu»,  Monsieur  l... 

ROUSSEAU. 

GoDoment! 

DUPRi. 

II  a  perdu  sa  place  à  cause  de  votre  fils,  et  il  va  retourner  en 
province  vivre  des  rentes...  (Roasseau  prête roreuie]  que  vous  lui  ferez. 

-      ROUSSEAU. 

Ah  !  si  VOUS  plaisantez  !. .. 

DUPRt. 

(fetH  trèS"6érIeùxt...  Votre  fits  épousera  leur  fille...  et  vous  leur 
ièreji  une  pensioiii 

Monsieur... 

SCÈNE  YII. 

tif  JiÈnn,  BIIfET,  entrant,  pftle,  dfifSOt 
BWKT. 

VL  Dupré...  M.  Dupré I...  sauvez-moi! 

TOUS  TROIS 

Qu*arrive-t-ilT  qu'y  a-t-il  donc? 

BINBT. 

Des  militaires  f...  des  mililaires  à  cheval,  qui  arrivent  pour 
m'arréter. 

.DUPRÉ. 
HÉMOi  !  tait4olt  (VoaTflmmt  généMi  «effitil;  Dapié  ic^nae  «ree  amllié  ii 
Chambre  où  est  PaméUu  A  Blnet.)  T'arrêler?.», 

J*en  ai  vu  un,  entendez-vous?...  On  montei  cadie9C4Doil. . 

cachez-moi  I. . .  (Il  veut  se  escher  dan»  le  ea^laet;  Yerby  en  sort  poussant  uo  cri 
Ah  I  (Il  va  sous  le  rideau,  Uadame  du  Brocard  s'en  échappe  en  criant}  QA  L.r 


I 


M.  de  Yerby.  (la 

BIHBT^  toiOkMI  «r  un»  ittÉtto,  la  fond. 

Nom  mmiMt  tDQs  pinces  ! 

UN  ooimngui^  «atriM,  a  m^iré. 
De  h  pan  di  M.  le  garda  daa  iceauz« 

BINET. 

Des8ceaox7...  ça  me  regarde  L.» 
DUPii,  iTâfio^nt  gfHtMBMit,  tM  iMOMBiu  «t  a  d»  feOtf,  rwtA  tar  ratiBUauiai. 

Maiitieiiant»  je  voua  laisse  eo  préseace  tons  les  quatre...  Voua 
qui  Toas  aimez  et  voua  eatimez  tant.*  sottges  à  ce  que  je  vous  aï 
dit:  ceUe  qui  vous  a  tout  sacrifié  a  été  méconnue L..  hnnittée 
pour  vous  et  par  vous...  c'est  à  vous  de  iDut  réparer...  aujour- 
d'htti...  è  rinataot..*  kà  même...  et  ûtun  nous  vous  sauverons 
tous...  si  vous  en  valea  la  peine. 

SCÈNE  ym^ 

us  PBÉctoMTs,  mou»  DUPEE, 
ni  nÊSsSA  an  momait  eml>aitattte  et  ne  laolianl  quelle  mine  le  Mre. 

NottSToilà  gentils!  (Adeverby.)  Ditcs  donc...  quand  nous  serons 
ea  prison,  vous  me  soignerez,  vous!...  c'est  que  j*ai  ie  cœur  gon- 
flé et  le  gousset  vide  !. . .  (De  Verby  lui  tourne  le  dos.  A  Rousseau.)  Vous  Sa- 

veil...  on  m*a  promis  quelque  chose!...  (RousseMis'éioignesaosiuiré- 
poisare.  A  Madaxne  dn  Btocard.)  Dlces^-dooc»  OU  m'a  promis  quelque 
chose... 

UADAUE  DU  BaOCARD. 

C'est  bon!   - 

UADAMI  aOUSSBAU. 

Mais  votre  frayanr  !..«  votre  prtMOce  icil...  oo  voua  y  a  donc 

poursoivi? 

BINEX. 

Du  tûotl.»«  Voilà  quatre  jours  que  je  suis  dans  cette  maison, 
caché  dans  le  grenier  comme  un  insecte...  j'y  suis  venu  parce  que 
le  père  et  la  mère  Giraud  n'étaient  plus  chez  eux;  ils  ont  été  en- 
levés de  leur  domicile...  Paméla  a  aussi  disparu...  elle  est  sans 


3u2i  PAMÉLA  GIRAUD. 

doute  au  secret.  Oh  !  d'abord,  moi,  je  n'ai  pas  envie  de  m'expo- 
ser  ;  i'ai  menti  à  la  justice,  c'est  vrai...  si  on  me  condamne,  \mi 
qu'on  m'acquitte,  je  ferai  des  révélations  ;  je  dénonce  tout  le 
monde  î... 

DB  TBSBT^  Tivement. 
Il  le  faut  (U  ie  met  à  table  et  écrit) 

MADAME  DU  BROCARD. 

Oh!...  Jules  I...  Jules!...  maudit  enfant!...  qui  est  cause  de 
tout  cela. 

MADAME  ROUSSEAU^  à  son  raarl. 

Vous  le  voyez!...  cet  homme  y^s. tient  tous!...  Il  faut  con* 

sentir.  (De  Verby  le  lève,  madanlS  t(i(^'j;^acard  prend  sa  place  et  écrit.) 

MADAME  ROUSSEAU,  1  son  mari. 

Mon  ami  !  je  vous  en  supplie  ! ... 

ROUSSEAU,  se  décidant. 

Parbleu  !  je  puis  promettre  à  ce  diable  d'avocat  tout  ce  qa'il 
voudra;  Jules  est  à  Bruxelles. 

(La  porte  s'ouvre,  Blnet  pousse  un  erl,  c'est  Dnpré  qui  panltj 

SCÈNE  IX. 

Llf  PRÉcÉDiiiTS,  DDPRÉ,  reyenanL 

DUPRÉ. 
Eh  bien  !  (Madame  du  Brocard  lai  remet  la  lettre  qa'Il  «  demandée:  Vertqr  hd 
donne  la  sienne;  Rousseau  rexamlne.)  Enfin  I.  ••   (De  Verby  lance  nn  regard  Airieu 
A  Dnpié  et  è  la  fiimllle,  et  sort  vivement.  A  Rousseau.)  Et  VOUS,  Monsieur? 

ROUSSEAU. 

Je  laisse  mon  fils  mattre  de  faire  ce  qu'il  voudra. 

MADAME  ROUSSEAU. 

O  mon  ami  I 

DUPR^j  à  part. 

Il  le  croit  loin  d*icL 

ROUSSEAU. 

Mais  Jules  est  à  Bruxelles,  et  il  faut  qu'il  revienne. 

DUPRÉ. 

Oh  !  c'est  parfaitement  juste  !...  Il  est  bien  clair  que  je  ne  peax 
pas  exiger  cpi'à  la  minute...  ici...  tandis  que  luL..  là-bas I...  Çi 
n'aurait  pas  de  sens. 

ROUSSEAU. 

Certainement!...  plus  tard!... 


AGTB  ?•  305 

OUPRf. 

Dès  qu'il  aéra  de  retour. 

ROUSSEAU. 

Oh  I  dès  qu'il  sera  de  retour,  (a  part)  J'aurai  soin  de  l'y  Taire 
rester. 

DUPR^f  allait  mn  la  porte  de  gaoche. 

Yeuez...  Tenez,  jeune  homme...  remercier  votre  famille,  qui 
consent  à  tout 

KADAMB  EOUSSBAU. 

Jules! 

MADAME  DU  BROCAIin. 

Htm  neveu  t 

IULB8. 

n  se  pourrait? 

DUPHé^  conrant  à  l'autre  chambra. 

Et  VOUS  Pamélal...  mon  enfant!...  ma  fille !...  embrassez  toCL^ 

mari  I  (iulei  s'élance  yen  elle.) 

MADAME  DU  BEOCARD,  è  RooMeaa. 

Gomment  se  fait-il  7 

DflPRÉ. 

Elle  n'a  pas  été  arrêtée  !...  elle  ne  le  sera  pas  !...  Je  n'ai  pas  de 
titres,  moL..  je  ne  suis  pas  le  frère  d'un  pair  de  France!...  mais 
j'ai  quelque  crédit  On  a  eu  pitié  de  son  dévouement.,  l'aflalrc 
est  étouffée...  c'est  ce  que  m'écrit  M.  le  garde  des  sceaux  par  une 
estafette,  un  cavalier  que  ce  nigaud  a  pris  pour  un  régiment 

RINET. 

On  ne  voit  pas  bien  par  une  lucarne. 

MADAME  DU  BROCARD. 

Monsieur,  vous  nous  avez  surpris  ;  je  reprends  ma  parole. 

DUPRÉ. 

Et  moi,  je  garde  votre  lettre.  Vous  voulez  un  procès 7. ..  bien... 
je  plaideraL 

GIRAUD  et  MADAME  GIRAUD,  qui  sesontapprocMi. 

}L  Duprél... 

DUPRÉ. 

EtCS-VOUS  contents  de  moi?.  • .  (Pendant  ce  tempa.  Julea  et  madame  Roui- 
%eau  ont  supplté  Rousseau  de  se  laisser  fléchir;  Rousseau  hésite,  et  flnit  par  embrasser 
•u  front  Paméla,  qui  sTest  approchée  en  tremblant.  Dupré  ratanoe  vers  Rousseau,  et, 
te  voyant  embrasser  Paméla,  il  lui  tend  la  main  en  disant.  Bien,  Monsieur  !..• 

ik  Jules,  rinterrogeant.)  Elle  Sera  heureu6e7... 

JULES. 
Ah  I  mon  ami  I..«  «amiU  balMla  main  de  DnprS.) 

TH.  20 


05  '   PAMÉUl  GIBAUa 

BINET,  à  Dnpré. 

Dites  donc,  Monsieur,  faut-il  que  je  sois  bêtet«..  M  to  dites 
pas!...  fl  l'épouse...  et  je  me  sens  attendri !•••  Au  moins,  est-ce 
qu'il  ne  me  reviendra  pas  quelque  chose  t 

DUPRi. 

Si  fait  !  je  te  donne  mes  honordres  dans  cette  affaim 

BUIET. 

•    Ah  !  comptez  sur  ma  reconnaissance. 

DUPEE. 

C'esl  sor  um  reça  qp»  tn  Teoz  dirat 


ru  PS  PàHâU  nUfÊBm 


w*  " 


U  MARATRE 


I^RAME  INTIME  KN  CINQ  ACTES  RT  HOIT  TlBLR4nX« 


pour  ta  imbshMn  Mik*  Pirli,  far  le  ZMItra» 

Hirtori<ni0.iiiaintti84a. 


PERS0NNA6B& 


LE  GÉNtftAL  COMTE  DE  GRAND- 

GHAMP. 
EUGENE  RAMEL. 
FERDINAND  MARCANDAL. 
VER  NON,  docteur. 
GODARD. 

UN  JUGE  DINSTRUCTION. 
FÉLIX. 


CHAMPAGNE,  contrc-môUre. 
BAUDRILLON,  pharmacien. 
NAPOLÉON,  fllsdogénèraL 
GERTRUDE,  llBiiimedaoomtedeGnDd- 

cbamp. 
PAULINE,  M  fllle. 
MARGUERITE. 
GBNAAiHSt,  UM  Gicmsi,  u  Ca&^i 


U  8oeoe  ge  passe  en  1829,  dans  une  fabrique  de  drap,  près  de  Louflart 


LA  MARATRE 


ACTE    PREMIER 


U  QiéAtre  leprésente  on  falon  aiseï  orné:  II  s'y  trouve  les  portraits  de  remperenr  et 
deioo  Us.  On  y  entre  par  une  porte  donnant  sur  un  perron  à  marquise.  La  porte  dev 
appartements  de  Pauline  est  à  droite  du  spectateur  ;  celle  des  appartemems  du  général. 
et  de  sa  femme  est  à  gauctie.  De  r.baque  côté  de  la  porte  du  fond  11  y  a,  à  gauche,  une 
table,  et  à  droite  une  armoire  Thçon  de  Boule. 

Inejardlntëre  pleine  de  fleurs  se  trouve  dans  le  panneau  è  glace  à  côté  de  l'entrée 
des  appartements  de  Pauline.  En  flioe.  est  une  cheminée  avec  une  riche  garniture.  Sur 
le  devant  du  théAtre,  11  y  a  deux  canapés  à  droite  et  à  gauebe. 

Gertrude  entre  en  scène  avec  des  fleurs  qu'eUe  vient  de  cuellUr  pendant  ••  promenadt 
et  qu'elle  met  dans  la  Jardlnlèit. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

GERTRODE,  LB  GÉNÉRAL. 
6BRTRUDI. 

Je  fanore,  mon  ami,  qu'il  serait  impnident  d'attendre  plus 
longtemps  poar  marier  ta  fille,  elle  a  vingt-deux  ans.  Pauline  a 
trop  tardé  à  faire  uir  choix;  et,  en  pareil  cas,  c'est  aux  parents  à 
teblir  leurs  enlants...  d'ailleurs  j'y  suis  intéressée. 

Ll  GÉNÉRAI» 

Et  comment? 

6BRTRUDI» 

La  position  d'une  I)elle-mère  est  toujours  suspecte.  On  dit  de- 
pQls  quelque  temps  dans  tout  Louviers  que  c'est  moi  qui  susciié 
des  obstacles  au  mariage  de  Pauline. 


810  LA  HARATBB. 

LB  GÉNÉRÀt. 

Ces  sottes  langues  de  petites  villes!  je  voudrais  en  couper  quel- 
ques-unes! T'attaquer,  toi,  Gertrude,  qui  depuis  douze  anses 
pour  Pauline  une  ? éritabli  mère  !  qui  fa  si  bien  élevét  1 

GIRfRU»BU 

Ainsi  va  le  monde!  On  ne  nous  pardonne  pas  de  vivre  à  une  si 
faible  distance  de  la  ville,  sans  y  aller.  La  société  nous  punit  de 
savoir  nous  passer  é'eUe  !  €rois-4tt  que  notre  bonheur  se  lasse  pas 
de  jaloux?  Mais  notre  docteur... 

LB  GÉNÉRAL. 

YemonT... 

6ERTRUDB. 

Oui,  Yemon  est  très-envieux  de  toi  :  il  enrage  de  ne  pas  avoir 
su  inspirer  à  une  femme  raifection  que  j'ai  pour  toL  Aussi,  pré- 
tesd-îl  que  je  joue  la  comédie  I  Depuia  dôme  anat  coBMne  c'est 
vraisemblable  ! 

LB  GÉRÉBAL. 

Une  femme  ne  peut  pas  être  fausse  pendant  douze  ans  sans  qu'on 
s'en  aperçoive.  C'est  stufMde  I  Ah  !  Yemon  I  lui  aussi  I 

GERTRUDE. 

Oh  I  il  plaisante  !  Ainsi  donc,  comme  je  te  le  disais,  tu  vas  voir 
Godard.  Gela  m'étonne  qu'il  ne  soit  pas  arrivé.  C'est  un  si  riche 
parti,  que  ce  serait  une  folie  que  de  le  refuser.  Il  aime  Pauline,  et 
quoiqu'il  ait  ses  défauts,  qu'il  soit  un  peu  provincial,  il  peutrendre 
ta  fille  heureuse. 

LB  GÉNÉRAL. 

J'ai  laissé  Pauline  enti<èremcnt  maltresse  de  se  choisir  un  mari. 

GERTRUDE. 

Oh!  sois  tranquille  !  une  fiHe  s!  cfonce  !  si  bien  élevée  !  si  sage! 

^  LV  GÉRERAI. 

Douce  I  éRé  a  mon  caractère,  effe  est  violenta 

GBRTSURB. 

Elle,  violentdt  Mais  toi,  voyons?...  Ne  fals-tu  pas  tout  ce  que  ' 
je  veux  7 

LB  GÉNÉRAL. 

Tu  es  un  ange,  tu  ne  veux  jamais  rien  qui  ne  me  plaise  !  A  pro- 
poa,  Yernon  dine  avec  nous  après  son  autopsie. 

GBBTIDDK» 

As-tu  besoin  de  me  le  dire  t 


« 

LE  GÉNÉRAL. 

Je  ne  t*en  parle  que  pour  qu*il  trouve  à  boire  les  vins  qu'il  Bt 
fectionne  I 

wiuoi,  entrant. 

M.  de  RimoDviOe.    ' 

LB  GÉNÉRAL. 

Faites  entrer. 

GERTRUDB^  tille  fait  signe  à  Félix  de  ranger  la  Jardinière. 

le  passe  chez  Pauline  pendant  que  tous  causerez  affaires,  je  ne 
ym  pas  fâchée  de  smreiBer  un  peu  j'arrangeœent  de  st  toilette. 
Ces  jeunes  personnes  ne  savent  pas  toujours  ce  qui  leur  sied  b 
mieux. 

&E  GÉNÉRAL. 

Ce  n*est  pas  faute  de  dépense  !  car  depuis  dix-huit  nuNS  sa  toi- 
lette coûte  le  double  de  ce  qu*elle  coûtait  auparavant;  après  tout, 
pauvre  fiUe*  t'est  son  seul  plaisir. 

GBRTRUDR. 

Ck)mment,  son  seul  plaisir  7  et  celui  de  vivre  en  famille  comme 
nous  vivons  I  Si  je  n'avais  pas  le  bonheur  d'être  ta  femme,  je 
voudrais  étire  ta  fille!...  Je  ne  te  quitterai  jamais,  moil  (siiepiit 
qoeiques pas.)  Oepuis  dix*buit  mois,  tu  dis?  c'est  singulier!...  £n 
effet,  elle  porte  depuis  ce  temps-li  des  dentelles,  des  bijoux,  de 
jolies  choses. 

LE  GÉNÉRAL. 

Elle  est  assez  riche  pour  pouvoir  satisfaire  ses  fantaisies. 

OBRTRUDC. 

Et  eUe  est  majeurs  1  (Ai>ai«.)  La  u>8ette,  c^est  la  fumée  I  y  au- 
rait-il du  feu?  (ineaert 

8CËME  n. 

liB  GÉNÉRAL,  aeM.  \ 

Quelle  perte!  après  viogt-eix  campagnes,  onieMêssuves  et  la 
mort  de  l'ange  qu'elle  a  remplacé  dans  mon  cœur;  non,  vraiment 
te  bon  Dieo  me  devait  ma  Gertrude,  ne  fûtnce  que  pour  me  con- 
«aier  de  la  ditte  et  de  la  mort  de  l'emperewl 


/ 


312  LA  IfARATRB. 

SCÈNE  in. 

GODARD,  LE  GÉNÉRAL. 


GODARD^  entrant. 


Géoérall 


LE  GiN^RAL. 

Ah  !  bonjour,  Godard  f  Vous  venez  sans  donte  passer  h  joonée 
avec  nous? 

GODARD. 

Mais  peut-être  la  semaine,  général,  si  vous  êtes  favorable  à  la 
demande  que  j'ose  à  peine  vous  faire. 

LE  GÉNÉRAL. 

Allez  votre  train  I  je  la  connais  votre  demande...  Ma  femme  est 
ponrvous...  Abl  Normand,  vous  avez  attaqué  la  place  par  son 
côté  faible. 

GODARD. 

Général,  vous  êtes  un  vieux  soldat  qui  n'aimez  pas  les  phrases, 
VOUS  allez  en  toute  affaire  comme  vous  alliez  an  feu... 

LB  GÉNÉRAL. 

Droit,  et  à  fond  de  train. 

GODARD. 

Ça  me  va  !  car  je  suis  si  timide.. . 

LE  GÉNÉRAL. 

Vous!  je  vous  dois,  mon  cher,  une  réparation  :  je  vous  prenais 
pour  un  lK)mme  qui  savait  trop  bien  ce  qu'il  valait. 

GODARD. 

Pour  nn  avantageux  !  eh  bien  !  général,  je  me  marie  parce  que 
je  ne  sais  pas  faire  la  cour  aux  femmes. 

LB  GÉNÉRAL,  à|»art. 

Pékin  !  (Hant.)  Gomment,  vous  voilà  grand  comme  père  et  mère« 
et...  mais,  monsieiir  Godard,  vous  n*aarez  pas  ma  iille. 

GODARD. 

Oh!  soyez  tranquille!  Vous  y  entendez  malice.  J*ai  da  cœori 
et  beaucoup;  seulement,  je  veux  être  sûr  de  ne  pas  être  lefosé. 

LE  GÉNÉRAL. 

Vous  avez  du  courage  contre  les  villes  ouverteSi 


ACTE  h  313 

GODARD. 

Ce  n'est  pas  ceh  du  toot,  mon  général  Tons  m'intimidez  déjk 
avec  vos  plaisanteries. 

U  GÉNÉRAL. 

Allez  toujours  I 

GODARD. 

Moi,  je  n'entends  rien  aux  simagrées  des  femmes!  je  ne  sais 
pas  pins  quand  leur  non  veut  dire  oui  que  quand  le  oui  veut  dire 
non  ;  et,  lorsque  j'aime,  je  veux  être  aimé... 

LE  GÉNÉRAL,  è  part. 

Avec  ces  idées-lh,  il  le  sera. 

GODARD. 

Il  y  a  beaucoup  d'hommes  qui  me  ressemblent,  et  que  la  petite 
guerre  des  façons  et  des  manières  ennuie  au  suprême  degré. 

LE  GÉNÉRAL. 

Mais  c'est  ce  qu'il  y  a  de  plus  délicieux,  c'est  la  résbtancel  On 
a  le  plaisir  de  vaincre. 

GODARD, 

Non,  merci!  Qaand  j'ai  faim,  je  ne  coquette  pas  avec  ma  soupe  ! 
J'aime  les  choses  jugées ,  et  fais  peu  de  cas  de  la  procédure, 
quoique  Normand.  Je  vois  dans  le  monde  des  gaillards  qui  s'insi- 
nuent auprès  des  femmes  en  leur  disant  :  —  «  Ah  !  vous  avez 
là,  Madame,  une  jolie  robe.  —  Vous  avez  un  goût  parfait  II  n'y 
a  que  vous  pour  savoir  vous  mettre  ainsi.  »  Et  qui  de  là  partent 
pour  aller,  aller...  Et  ils  arrivent;  ils  sont  prodigieux,  parole 
d'honneur!  Moi,  je  ne  vois  pas  comment,  de  ces  paroles  oiseuses, 
on  parvient  à...  Non...  Je  pataugerais  des  éternités  avant  de  dire 
08  que  m'inspire  la  vue  d'une  jolie  femme. 

LE  GÉNÉRAL. 

Ah  !  ce  ne  sont  pas  là  les  hommes  de  l'empire. 

GODARD. 

C'est  à  cause  de  cela  que  je  me  suis  fait  hardi  !  Cette  fausse 
hardiesse,  accompagnée  de  quarante  mille  livres  de  rente,  est  ac- 
ceptée sans  protêt,  et  j'y  gagne  de  pouvoir  aller  de  l'avant  Voilà 
pourquoi  vous  m'ayez  pris  pour  un  homme  avantageux.  Quand 
on  n'a  pas  ça  d'hypothèques  sur  de  bons  herbages  de  la  vallée 
d'Àoge,  qu'on  possède  un  joli  château  tout  meublé,  car  ma  femme 
n'anra  que  son  trousseau  a  y  apporter,  elle  trouvera  même  les  ca« 
cbemires  et  les  dentelles  de  défunt  ma  mère.  Quand  on  a  tout 


Zik  LA  HAIIATIIB. 

cela,  général,  on  a  le  moral  qu'oo  veut  mit.  Aussi ,  suis-je 
il.  de  RimoQviile. 


Non,  Godard. 

GodLard  de  Rimonville. 
Godard  tout  court 
Général,  cela  se  tolère. 


GODABD. 

&K  GJMEiJU 
GODARD. 


LB  GlforéRAL. 

Moi  !  je  ne  tolère  pas  qu'un  homme,  fût-il  mon  gendre  I  renie 
fion  père  ;  le  vôtre,  fort  honnête  homme  d'ailleurs,  menait  ses 
bœufs  lui-même  de  €aen  à  Poissy,  et  s'appelait  sur  toute  la  route 
irodard,  le  père  Godard. 

OODABD, 

C'était  un  homme  bien  disiiogué; 

LE  GÉNÉRAL. 

Dans  son  genre...  Mais  je  vois  ce  que  c'est  Gomme  ses  bœuft 
vous  ont  donné  quarante  mille  livres  de  rente«  vous  comptez  snr 
d'autres  bêtes  pour  vous  faire  donner  le  nom  de  lUmonville. 

GOOABD. 

Tenez,  général  I  consultez  mademoiselle  Pauline,  ella  est  de  soo 
époque,  elle.  Nous  sommes  eu  1829,  sous  lo  règne  de  Châties  X. 
jl^e  aimera  mieux,  en  sortant  d'un  bal,  entendre  dire  :  Les  gens 
de  madame  de  BimonviUe,  que  :  Les  gens  de  madame  Godard. 

LB  GÉNÉRAL. 

Ob  I  si  ces  sottiseft-là  plaisent  à  ma  fille,  comme  c*est  de  vom 
qu'on  se  moquera,  ça  m'est  parfaitemeatégal*  num  cher  Godari 

fiÛDABS* 

De  Rimonville. 

LE  GÉK âUL. 

Godard!  Teoez^  vous  êtes  un  honnête  homme,  vous  (tesjeime; 
vous  êtes  riche»  vous  dites  que  vous  ne  fera  i^  la  eov  aoi 
femmes,  qœ  ma  GJle  sera  la  reine  de  vo^  maîsoa...  Sb  bieat 
ayez  son  agrément*  vous  aurez  le  mien  ;  car»  voyez-vons,  Paolioe 
a'êpousera  ^mais  que  l'homme  qu'elle  aimera,  riche  ou  pauvre..* 
jkhi  il  y  a  une  exception,  mais  elle  ne  vous  concerae  paSb  ïà^ 
merais  mieux  aller  )t  aoa  enterrement  que  de  la  CQOdmre  k  la  voir 
lie,  si  son  prétenduse  trouiait fib|  petât-filii,  feàre,  ae?^  cousio 


OD  aDié  d'un  des  quatre  oa  dnq  iinsérables  qui  ont  trahi.,  car 
mon  culte  à  moi,  c'est.. 

GODAIEO. 

L'empereur...  on  le  sait.. 

LB  GÉNÉRAL. 

Dieu,  d'abord,  puis  la  France  ou  Fempereur...  c'est  tout  un 
pour  mot.,  enfin,  ma  femme  et  mes  enfants!  Qui  touche  à  mes 
dieux I  dcTient  mon  ennemi;  je  le  tue  comme  un  lièyre,  sans  re- 
mords. Voilà  mes  idées  sur  la  religion,  le  pays  et  la  famille.  Le 
catéchisme  est  court;  mais  il  est  bon.  Savez-vous  pourquoi  en 
I8I69  après  leur  maudît  Kcenciement  de  Tarmée  de  la  Loire,  j*ai 
pris  ma  pauvre  petite  orpheline  dans  mes  bras,  et  je  suis  venu, 
moi,  colonel  de  la  jeune  garde,  blessé  à  Waterloo,  ici,  près  de 
Louviers,  me  Daiire  fabricant  de  draps  7 

GODiJLD. 

Ptor  ne  pas  servir  ceux-ci 

LE  GÉNÉRAL. 

Pour  ne  pas  mourir  comme  un  assassin  sur  l'échafand. 

GODARD. 

Ah  !  bon  Dieu  I 

LE  GÉNÉRAL. 

Si  j'avais  rencontré  un  de  ces  traîtres,  je  lui  aurais  fait  son  af- 
bire.  Encore  aujourd'hui,  après  bientôt  quinze  ans,  tout  mon 
sang  bout  dans  mes  veines  si,  par  hasard,  je  lis  leur  nom  dans 
un  journal  ou  si  quelqu'un  les  prononce  devant  mol  Enfin, 
si  je  me  trouvais  avec  l'un  d'eux,  rien  ne  m'empêcherait  de.  lui 
sauter  à  la  gorge,  de  le  déchirer,  de  l'étouffer... 

GODABI». 

¥001  «vies  fahoA.  fAiwc)  Fa«t  dite  coma»  bt 

LB  «ÉIVfiKAL. 

Oui,  Monsieur,  je  l'étoufferais!...  Et  si  mon  gendre  tomrmen- 
tait  ma  chère  enfant,  ce  serait  de  même. 

GODARD. 

Ahl 

U  GÉNÉRAL. 

Oh  I  je  ne  veux  pas  qn^il  se  laisse  mener  par  elle.  Un  homme 
éÂl  être  le  roi  dans  son  ménage,  comme  moi  IgI. 

GOQARDj  &  part. 

Pauvre  homme!  comme  il  s^abusef 


316  LA  UARATRB. 

LB  GÉNÉBAI- 

Vous  dites? 

GODARD. 

Je  dis,  général,  que  votre  menace  ne  m'effraye  pasi  Quand  on 
ne  se  donne  qu'une  femme  à  aimer,  elle  est  joliment  aimée. 

LE  GÉNÉRAL. 

Très-bien,  mon  cher  Godard.  Quant  à  la  dot.* 

GODARD* 

Ohl 

LE  GÉNÉRAL. 

Quant  à  la  dot  de  ma  fille,  elle  se  compose... 

GODARD. 

Elle  se  compose... 

LE  GÉNÉRAL. 

De  la  fortune  de  sa  mère  et  de  la  succession  de  son  oncle  Bon- 
cœur...  C'est  intact,  et  je  renonce  à  tous  mes  droits.  Cela  fait 
alors  350,000  francs  et  un  an  d'intérêts,  car  Pauline  a  vingt- 
deux  ans. 

GODARD. 


367,500  francs. 
Non. 

Comment»  nont 
Plosl 
Plus?.., 


LE  GÉNÉRAL. 

GODARD. 
U  GÉNÉRAL. 

GODARD. 


U GÉNÉRAL. 

400,000  francs»  (MovfHiiMiidA  Godant.)  Je  donne  la  différence  t....» 
Mais  après  moi,  vous  ne  trouverez  plus  rien...  Vous  compreneit 

GODARD. 

Je  ne  comprends  pai. 

LE  GÉNÉRAL. 

J'adore  le  petit  Napoléon. 

«ODARD. 

Le  petit  duc  de  ReichsUdt? 

I  LE  GÉNÉRAU 

^       Non,  mon  fils,  qu'ils  n'ont  voulu  baptiser  que  sous  le  nom  de 

Léon;  mais  j'ai  écrit  là  m le frappe farieeour)  Napoléon  ! Donc, 

*    j'amasse  le  plus  que  je  peux  pour  lui,  pour  sa  mère. 


ACTE  h  317 

GODARD^  à  part. 

Sortout  pour  sa  mère,  qui  est  une  fine  moache. 

LE  GÉNÉRAL. 

Dites  donc?...  si  ça  ne  vous  convient  pas»  il  faut  le  dire. 

.  GODARD,  à  part. 

Ça  fera  des  procès.  (Haut.)  Au  contraire,  je  tous  y  aiderai  « 
généraL 

LU  GÉNÉRAL. 

  la  bonne  heare  I  Yoilà  pourquoi,  mon  cher  Godard... 

GODARD. 

De  Riaionville. 

LB  GÉNÉRAL. 

Godard,  j'aime  mieux  Godard.  Voilà  pourquoi,  après  avoir 
commandé  les  grenadiers  de  la  jeune  garde,  moi,  général,  comte 
de  Grandchamp,  j*iiabille  leurs  pousse-cailloux. 

GODARD. 

C'est  très-naturel  I  Économisez,  général,  votre  veuve  ne  doit 
pas  rester  sans  fortune. 

LE  GÉNÉRAL. 

Un  ange»  Godard. 

GODARD. 

De  Rimonville. 

LE  GÉNÉRAL. 

Godard,  un  ange  à  qui  vous  devez  l'éducation  de  votre  future; 
elle  l'a  faite  à  son  image.  Pauline  est  une  perle,  un  bijou;  ça  n'a 
pas  quitté  la  maison,  c'est  pur,  innocent,  comme  dans  le  berceau. 

GODARD. 

Général,  laissez-moi  faire  un  aveu  I  certes  mademoiselle  Pauline 
fst  belle. 

LE  GÉNÉRAL. 

Je  le  crois  bien. 

GODARD. 

£lle  est  très-belle  ;  mais  il  y  a  beaucoup  de  belles  filles  en  Nor- 
mandie, et  très-riches,  il  y  en  a  de  plus  riches  qu'elle...  Eh  bien! 
si  vous  saviez  comme  les  pères  et  les  mamans  de  ces  héritières-là  mè 
pourchassent!...  Enfin,  c'en  est  indécent  Mais  ça  m'amuse  :  j6 
vais  dans  les  châteaux,  on  me  disiiuguc..* 

LE  GÉNÉRAL. 

Fat! 

GODiRD. 

Oh!  ce  n'est  pas  pour  moi,  allez!  Je  ne  m'ahuse  pas!  c'esl 


318  LA  MABATRS. 

pour  mes  beaux  mouchoirs  à  bœnb  noQ  hypothéqués  ;  c'est  pour 
mes  économies,  el  {MNir  mon  parti  pm  de  ne  jamais  dépenser  tont 
mon  revenu.  Savez-Tous  ce  qui  m'a  (ait  rechercher  ¥Otre  alliance 
entre  taat  d'ilitmî 

U  GÉKÉIÂL. 

Nom 

GODARD. 

U  y  a  des  riches  qui  me  garantissent  l'obtention  d'une  ordon- 
nance de  Sa  Mqesté,  par  laquelle  je  serais  nommé  comte  de  Rimon- 
Tiile  et  pair  de  France. 

LB  GiirÉRAL. 

Vous? 

«OliAlll. 

Ohlo«i,«oil 

ÀTez-Tous  gagné  des  batailles!  aTez-¥ous  sauTé  YOtre  pays? 
r«rea-voiis iUosUé 7  Ça£ail|Mtié! 

GODARD. 

Ça  fait  pît...  (A  part.)  Qu'est-ce  que  je  dis  donc?  (Haut.)  Nous  ne 
pensons  pas  de  même  à  ce  sujet  I  Enfin,  saves-tons  pooifooi  j'ai 
préféré  votre  adorable  Pauline! 

LE  GÉNÉRAL. 

SacreUeu  I  parce  que  vous  raknîei.,. 

60DARD. 

oh  I  nsAuréRement,  mais  c*ei^  aussi  à  came  de  l'miiDn ,  do 
cahne,  du  bonheur  qui  régnent  ici!  C'est  si  séduisant  d'entrer 
dans  une  famille  honnête,  de  mœurs  pures,  simplf  s,  patriarcales  ! 
}e  sub  observateur. 

LB  GÉNÉRAL. 

G'est^-dire  curieux. .. 

GODARD. 

La  curiosité,  général,  est  la  mère  de  l'observation.  Je  omnais 
Yen  et  l'endroit  de  tout  le  département 

LE  GÉNÉRAL. 

Eh  bien? 

GODARD. 

Eh  bien  I  dans  toutes  les  familles  dont  je  vous  parfab,  f  al  vu  de 
Tilains  côtés.  Le  public  aperçoit  un  extérieur  décent,  d'excellentes, 
d'irréprochables  mères  de  famille,  des  jeunes  personnes  char- 
mantes, de  bons  pères,  des  oncles  modèles  ;  on  leur  donnerait  ie 


ACTE  L  319 

b  OD  Diea  nos  confesnon,  on  leur  confierait  des  foncb..4  Pénétres 
là-dedans,  c*est  à  épouvanter  un  ju^e  d'instruction. 

LE  GÉNÉRAL. 

Ah!  ¥0DS  Toyez  le  monde  ainsi?  Moi,  je  conserve  les  illusions 
i^fec  lesquelles  j'ai  vécu.  Fouiller  ainsi  dans  les  consciences,  ça 
egarde  les  prêtres  et  les  magistrats;  je  n'aime  pas  les  robes 
dres,  et  j'espère  mourir  sans  les  avoir  jamais  vues  !  Mail»  Godavd, 
le  sentiment  qui  nous  vaut  votre  préférence  me  flatte  plus  que 
.otre  fortune...  Toucbez-là,  vous  avez  mon  estime,  eC  Je  M  la  ^ 
prodigue  pas.  I 

Géoéial,  mercL  u  p«t.)  Empamné,  le  beau-père  I 


SCÈNE  lY. 

lÈiis,  PAULINE,  GERTRUBB. 


LBGiirÉEAL, 

Ah  I  te  voilà,  petite? 

onninML 
ITest-ce  pas  qu'elle  est  jolie? 

«ODAItt» 

Mad... 

OIRTRUUI» 

0h1  pariOB,  Honneur,  je  ne  voyius  que  mon  oovnq^ 

GOOÀmn 
Mademoiselle  est  éblouissante. 

Nbeseveni  Ai  noiide  8i  dîner,  et  je  ne  suis  p»  bell^-onère  du 
loat;  j'aime  à  la  parer,  car  c'est  me  fille  pour  moL 

«OfiâlD.  a  fêtU 

Ob  m'atiendaitt 

Je  vais  vous  Usser  aveceUe. ..  faites  votre  déclaration,  cas  eaBoni^ 
Hon  ami,  allons  an  perron  voir  si  notre  cber  docteur  arrive. 

LB  gékéràu 
ie  suis  tout  à  toi,  omime  toujoun.  «AfMUne^  Adieu,  mon  bijon» 

(A  MÊïâ.)  An  revoir.  (Certrade  et  le  général  tout  m  p«mn;  mata  G«rtni4»  9» 
ftefUe  Godard  et  Pauline.  Feidinend  ya  pour  sortir  ie  la  «bambn  4e  ftaUoe;  aw  wi 
ilgne  de  cette  dernière,  il  y  rentre  précipitamment^ 


320  UL  HARATBJS.' 

GODARD^  tur  le  devant  de  la  sctae. 

Voyons,  que  dois-je  lui  dire  de  fin?  de  délicat?  Ah!  j'y  siiîs! 
(A  Pauline.)  Nous  avoDS  Une  bien  bdle  journée,  aujourd'hui,  made- 
moiselle. 

PAULI5B. 

Bien  belle,  en  eOèt»  Monsieur. 

GODARD. 

Mademoiselle  ? 

PAVLIHI. 

Monsieur? 

GODARD. 

n  dépend  de  f  ous  de  la  rendre  encore  plus  belle  pour  moi. 

PAVUIIB. 

Gomment? 

GODARD. 

Vous  ne  comprenez  pas?  Madame  de  Granchamp,  Totre  belle- 
mère,  ne  TOUS  a-t-elle  donc  rien  dit  à  mon  sujet? 

PAULINE. 

En  m*habillant,  tout  à  l'heure,  elle  m'a  dit  de  tous  on  bien 
infini  I 

GODARD. 

Et  pensez-YOus  de  moi  quelque  peu  de  ce  bien  qn'eDe  a  en  h 
bonté  de... 

PAUiONB. 

Oh!  tout»  Monsieur! 

GODARD;  flè  plaçant  dans  an  ftiutealLC  A  pari.) 

Gela  ¥a  trop  bien.  (Haut.)  Aurait-elle  commis  l'heureuse  indiscré 
tion  de  vous  dire  que  je  tous  aime  tellement,  que  je  voudrais  yous 
voir  la  châtelaine  de  RknonviUe? 

PAUUNB. 

Elle  m'a  fait  entendre  vaguement  que  vons  veniez  ici  dans  une 
intention  qui  m'honore  infiniment 

GODARDj  àgenoni* 

Je  VOUS  aime,  Mademoiselle,  comme  «m  fou;  je  vous  préfère  à 
mademoiselle  de  Blondville,  à  mademoiselle  de  Glairville,  à  made- 
moiselle de  Verville,  à  madenioiselle  de  Pont-de-Ville...  k*. 

PAULINE. 

Oh  I  assez.  Monsieur  I  je  suis  confuse  de  tant  de  preuves  d'an 
amour  encore  bien  récent  pour  moi!  G'est  presque  une  héca- 
tombe. (Godani8eièT».i  Monsieur  votre  père  se  contentait  de  ooi- 
duire  les  victimes  !  mais  vous,  voos  les  immolez. 


ACTE  h  521 

GODARD  9  h  part. 

Aie,  alel  elle  me  persifle,  je  crois...  Attends,  attends! 

PAULINE.  ^ 

n  faudrait  au  moins  attendre;  et,  je  tous  Tayouerai... 

GODARD. 

Vous  ne  voulez  pas  tous  marier  encore...  Vous  êtes  heureuse 
auprès  de  vos  parents,  et  tous  ne  voulez  pas  quitter  votre  père. 

PAULIIfB. 

C'est  cela  paxisément  ^ 

GODARD. 

En  pareil  cas,  il  y  a  des  mamans  qui  disent  aussi  'que  leur  fille  est 
trop  jeune  ;  mais  comme  monsieur  votre  père  vous  donne  vingt- 
deux  ans,  j'ai  cru  que  vous  pouviez  avoir  le  désir  de  vous  établir. 

PAULINE. 

Monsieur  I 

GODARD. 

Vous  êtes,  je  le  sais,  l'arbitre  de  votre  destinée  et  de  la  mienne  ; 
mais,  fort  des  vœux  de  votre  père  et  de  votre  seconde  mère,  qui 
vous  supposent  le  cœur  libre,  me  permettez-vous  Tespérauce? 

PAULINE. 

Monsieur,  la  pensée  que  vous  avez  eue  de  me  recherclier, 
qaelque  flatteuse  qu'elle  soit  pour  moi,  ne  vous  donne  pas  un 
droit  d'inquisition  plus  qu'inconvenant 

GODARD^  à  part. 

Aurais-je  un  rival  ?...  (Hant.)  Personne,  Mademoiselle,  ne  renonce 
aii  bonheur  sans  combattre. 

PAULINE. 

Encore?...  Je  vais  me  retirer.  Monsieur. 

GODARD. 

De  grâce.  Mademoiselle,  (a  part.)  Voilà  pour  ta  raillerie. 

PAULINE. 

Bhl  Monsieur,  vous  êtes  riche,  et  personnellement  si  bien  traité 
par  la  nature  ;  vous  êtes  si  bien  élevé,  si  spirituel,  que  vous  trou- 
verez facilement  une  jeune  personne  et  plus  riche  et  plus  belle  que 
moL 

GODARD. 

Mais  quand  on  aime  7 

PAULDnU 

Eb  bien!  monsieur,  c^est  cela  même. 

TB.  ^^ 


323^  LA  MARATRE. 

60DABD,  &part. 

Ah  !  elle  aime  quelqu'un. ..  je  vais  rester  pour  saToir  qni.  (Haut.) 
Mademoiselle,  dans  riniérêtdemon  amour-propre»  me  permettez- 
vous  au  moins  de  demeurer  ici  quelques  jours? 

PAVLnn. 

Mon  pore,  MkUMieor,  tous  répoMb*». 

£h  bien  7 

GODARD. 

Refusé  net,  durement  et  sans  espoir  ;  elle  a  le  cœur  pris. 

£Ue7  une  enfant  que  j'ai  élevée,  je  te  saurais;  et  d'ailleurs,  («r- 
sonne  ne  vient  icL..  (Aparu)  Ce  gafçon  voient  de  me  downer  des 
soupçons  qui  sont  entrés  comme  des  coups  de  poignard  dans  mon 
cœur...  (A  Godard.)  Demaudez-lui  donc 

GODARD. 

Ab  I  bien,  loi  deoiander  cptelque  ebofie  ?.««  Wfà  s'est  cabnfe  at 

premier  mot  de  jalousie* 

GEETBXJAE 

Eh  bien  !  je  la  questionnerai,  moi  !... 

Ah!  voU^  le  docteur!...  nous  allons  savoiF  la  vérité  sur b  mon 
de  la  femme  à  Champagne. 

SCÈNE  y. 

LES  H«iES,  LE  DOCTEUR  YERNON. 
LB  «toÉftiL. 

Ehbieifcî. 

J'en  étais  sûr,  Sksdames»  aues  saim.)  fiègle  g§aénke„  çianAun 
homme  bat  sa  femme,,  il  se  garda  de  L'empQisoaoer,.  tt  i  perdais 
UQ|^.  Qa  tienjt  à  sa  wiimie. 

LB  GélTÉRALji  à  Godard. 

Q  est  charmant  I 

GODARD. 

Il  est  charmant  ! 

LÉ  GÉNÉRAL^  aadàf9eitr,qaiia.jprtmiuit  Godlrt* 

M.  Godard. 


âCTK  ik  321   : 

GODARU. 

De  Bimûiiiill&.  *  . 

TERNOIf  le  regarde  et  le  mouche.  Continuant.' 

S'il  la  tue,  c'est  par  erreur»  pour  aYoir  tapé  trop  fort  ;  et  Q  est 
aa  désespoir;  tandis  que  Champagne  est  assez  naîTement  enchanté 
d'être  naturellement  veaf.  En  effet,  sa  femme  est  morte  du  cho- 
léra. C'est  im  cafr  asseï  rare,  mais  qui  se  voit  quelqiefois,  du  cho- 
léra asiatique,  et  je  aois  bien  aise  de  ravoir  observé.;  car,  depuis 
la  campagne  d'Egypte,  je  ne  l'avais  plus  vu. . .  Si  l'oQ  m'avait  ap- 
pelé, je  l'aurais  sauvée. 

6BHT&UAE. 

Âhl  quel  bûobeur!...  Un  crime  dans  notre  établissement,  ai 
paisible  depuis  douze  ans,  cela  m'aurait  glacée  d'effroi. 

LE  GâNÉRAL. 

Voilà  l'effet  des  bavardag^es.  iVIais  es-tu  Uea  certain»  Yernon  ! 

YERNOH. 

GerUnn  !  BeUe  question  à  faire  à  un  anciea  clûrurgien  en  chef 
qui  a  traité  douze  armées  françaises  de  1793  à  1815,  qui  a  pra- 
tiqué ea  lUemagne»  en  Espagne,  en  Italie,  ea  Russie,  en  Pologne, 
en  Egypte  ;  à  an  médedn.  cosmopolite  l 

LE  GÉNÉRAL^  il  hti  Arappe  le  ventre. 

Charlatan,  val...  il  a  bié  plus  de  monde  que  moi,  dans  touscea 
pa;a4àl 

GOUAJU». 

Àh  çk!  maia  qu'est-ce  qu'on  disait  donc? 

GERTIUDB. 

Que  ce  paovce  Ghanpagne,  aotre  conlre-maitre^  avait  empoi- 
sonné sa  femme. 

YKBlfOlf... 

Malheureusement»  ils  avaient  eu  la  veille  une  convei^ation  où 
ils  s'étaient  trouvés  manche  i  manche.  -  Ah  I  ib  ne  prenaient  paft . 
exemple  sur  leurs  maîtres. 

GODARD. 

Un  pareil  bonheur  devrait  être  contagieux  ;  mais  les  perfection» 
:  ne  madame  la  caintesse  bous  fait  adinîrec  sont  si  races. 

GIRXAUBB. 

i4ren  da  naérite  à  aimer  un  être  exceUent  et  une  fille  comme 
Allons,  Gertrnde»  taisrioi  I.^  cela  ne  ae  dit  pas  deifant  le  monde.; 


324  .  ^^    UARATBB. 

YERNOlf,  à  part. 

Gela  se  dit  toujours  ainsi,  quand  on  a  besoin  que  k  monde  le 
croie. 

LE  iSitXÈRAL,  àYeraOB. 

Que  gromettes-tu  là? 

TERNOir. 

Je  dis  que  j'ai  soixante-sept  ans,  que  je  suis  Totre  cadet,  et  qae 
Je  voudrais  être  aimé  comme  cela...  (Apart.)  Pour  être  sûr  qae 
c'est  de  l'amour. 

LE  GÉNéRAL^  au  docteur. 

Envieux  !  (a  sa  femme.)  Ma  chère  enfant,  je  n'ai  pas  pour  te  béoir 
la  puissance  de  Dieu,  mais  je  crois  qu*il  me  la  prête  pour  t'aimer. 

TERNOir. 

Vous  oubliez  que  je  suis  médecin,  mon  cher  ami  ;  c'est  boo 
pour  un  refrain  de  romance,  ce  que  vous  dites  à  madame. 

GERTRUDE. 

11  y  a  des  refrains  de  romance,  docteur,  qui  sont  très-vrais. 

LE  GÉNÉRAL. 

Docteur,  si  tu  continues  à  taquiner  ma  femme,  nous  non« 
brouillerons  :  un  doute  sur  ce  chapitre  est  une  insulte. 

VERNON. 

Je  n'ai  aucun  doute,  (au  générai.)  Seulement,  vous  avez  aimé 
tant  de  femmes  avec  la  puissance  de  Dieu,  que  je  suis  en  extase, 
comme  médecin,  de  vous  voir  toujours  si  bon  chrétien,  à  soixante- 
dix  ans.  (Gertrude  le  dirige  doucement  yers  le  canapé  où  eat  assis  le  docteur.) 

LE  GÉNÉRAL. 

Chut  I  les  dernières  passions,  mon  ami,  sont  les  plus  puissantes. 

VERNON. 

Vons  avez  raison.  Dans  la  jeunesse,  nous  aimons  avec  toutes  nos 
forces  qui  vont  en  diminuant,  tandis  que  dans  la  vieillesse  nott 
aimons  avec  notre  faiblesse  qui  va,  qui  va  grandissant 

LE  GÉNÉRAL. 

Méchant  philosophe! 

GERTRUDE,  h  Vcrnon. 

Docteur,  pourquoi,  vous,  si  bon,  essayez-vous  de  jeter  del 
doutes  dans  le  cœur  de  Grandcharap?  ..  Vous  savez  qu'il  est  d'uni 
jalousie  à  tuer  sur  un  soupçon.  Je  respecte  tellement  ce  sentimeni 
]ue  j'ai  fini  par  ne  plus  voir  que  vous,  M.  le  maire  et  Bi  le  cerS. 
foulez-vous  que  je  renonce  encore  à  votre  société,  qui  nous  est 
li  douce,  si  agréable  T.  ••  Ah!  voilà  Napoléon. 


AGTB  L  325 

TBRlfOir,  à  part. 

Uoe  déclaration  de  guerre  I...  Ellearenyoyé  tout  le  monde, 
elle  me  renverra. 

GODARD. 

Doctenr,  vous,  qui  êtes  presque  de  la  maison,  dites-moi  donc 
ce  que  vous  peusez  de  mademoiselle  Pauline.  (Le  docteur  ieidYe,i6rt- 

prde,  se  mouche  et  gagne  le  fond.  On  çntend  lonner  pour  le  dîner.) 

SCÈNE  YI. 

U»  atais,  NAPOLÉON,  FEUX. 
KAPOLÉON^  accourant. 

Papa,  papa»  n'est-ce  pas  que  tu  m*as  permis  de  monter  Ck>co7 

LB  GÉNÉRAL. 

Certainement. 

NAPOLÉON^  à  Félix. 

Ahl  vois-tu? 

GBRTRUDB^  elle  essuie  le  front  de  son  tllg. 

A-t-il  chaud! 

LE  GÉNÉRAL. 

Mais  à  condition  que  quelqu'un  t'accompagnera. 

FÉLIX. 

Eh  bien  I  j'avais  raison,  monsieur  Napoléon.   Mon  général,  le 
pedt  coquin  voulait  aller  sur  le  poney,  tout  seul  par  la  campagne. 

NAPOLÉON. 

u  apeur  pour  mol  I  Est-ce  que  j'ai  peur  de  quelque  chose,  moi? 

(Félix  sort.  On  sonne  pour  le  dîner.) 
LB  GÉNÉRAL. 

Viens  que  je  t'embrasse  pour  ce  mot-là...  Voilà  un  petit  mili* 
cien  qui  tient  de  la  jeuue  garde. 

LB  DOCTEUR^  en  regardant  Gertrade. 

U  tient  de  son  père  I 

GERTRUDE^  Vivement. 

Au  moral,  c'est  tout  son  portrait  ;  car,  au  physique,  il  me  re»- 
lemble. 

FÉLIX. 

Madame  est  servie... 

G En  RUDE. 

Eh  bicnl  où  donc  est  Ferdinand!...  il  est  toujouni  si  exact., 


320  Uk    HARATRE. 

Tiens,  Napoléon,  va  voir  dans  Tallée  de  la  fabrique  s'il  vient,  e( 
cours  lui  dire  qu'on  a  sonné. 

LE  GÉNÉRAL. 

Mais  nous  n'avons  pas  besoin  d'attendre  Ferdinand.  Godard, 

donnez  le  bras  à  Pauline.  (YemonyaomirlebrwàGtrtrade.)  Eh!  eh! 

permets,  Yernon?...  Tu  sais  bien  que  personne  que  moi  ne  pread 
le  bras  de  ma  femme. 

YERNONj  &  lui-même. 

Décidément,  il  est  incurable. 

NAPOLÉON. 

Feirdlnand,  je  l'ai  vu  là-bas  dans  la  grande  avenue. 

YERNON. 

Donne-moi  la  main,  tyran! 

Tiens,  tyran I...  c'est  moi  «qm  'ns  te  tirer,  et  joliment 

(Il  fait  toui 


SCÈNE  YII. 

FERDUVÀND.  il  sort  avec  précaution  de  cbet  Pauline. 

Le  petit  m'a  sauré,  mais  Je  ne  sais  pas  par  qnd  Tiasard  fl  nfa 
vu  dans  l'avenue  I  Encore  une  imprudence  de  ce  genre,  et  nous 
sommes  perdus!. «.  H  faut  sortir  de  cette  situation  à  tout  prix... 
Void  Pauline  demandée  en  mariage...  elle  a  refusé  Godard.  Le 
général ,  et  Gertrude  surtout ,  vont  vouloir  connaître  les  motiâ 
de  ce  refus!  Toyons»  gagnons  le  perron,  pour  avoir  Vm  de  ve- 
nir  de  la  grande  allée ,  comme  l'a  dit  Léon.  Pourvu  que  per- 
sonne Jie  ne  voie  de  la  salle -à  manger-*  gtwDttmreR^toeu)  E/iffte 
Ramell 

SCÈNE  yin. 

FEEDmAin),  RinL. 

lAMKL. 

•  -1    *  •  .  ■ 

Toi  ici,  Marcandal  I 

FERUHAm. 

Ghnt  !  ne  prononce  plus  jamais  ici  ce  nom-là  I  Si  le  général 


I.  327 

m'entendait  appeler  Marcandal»  s'il  apprenait  que  c'est  mon  nom, 
il  me  tuerait  à  l'instant  comme  un  chien  en  enragé. 


£tfoiirq«oi? 

FBRDINAKD. 

Parce  que  je  suis  le  fils  du  général  MarcandaL 

RAMEL. 

Un  général  à  qui  lei»  Bourbons  ont^  en  partie,  dû  leur  second 
0  yage.  % 

FERDINAND. 

Aux  yeux  du  général  Grandchamp,  avoir  quitté  Napoléon  pour 
senwtes  Bourbons,  c'est  avoir  tiTihi  ta  France.  Hélas!  mon  père 
lui  a  donné  raison,  car  il  est  mort  de  chagrin.  Ainsi,  songe  bien 
à  ne  m'appeler  que  Ferdinand  Chamy,  du  nom  de  ma  mèK. 

JIAMEL. 

Et  que  fais-tu  donc  ici  7 

TERBTNANO. 

J'f  SI»  le  diredenr,  lecaisfiîer,  le  nnltre  laoqies  de  h  bbrique. 
Gonmentl  |iar  aéoosiiéî 

nniDiNAUD. 

Bar  fiéoessitéi  Uêa  pèn  a  tout  ^ssi^,  même  la  fertoiie  de  ma 
pauvre  mère,  qni  vitde  sapenskm  de  veuve  d'an  ii(mte«ant  géné- 
ral en  Bretagne. 

RAMEL. 

Gomment  I  ton  père^  commandant  de  la  garde  royale»  dans  une 
position  si  brillante^  est  inert  sans  te  rien  laisser,  pas  jaéme  une 
prûtection? 

TERDÏNAND. 

Â-t*on  jamais  trahi,  dhangé  de  parti,  sans  des  raisons... 

RAHEL. 

Voyons,  voyons,  ne  parlons  plHée<)da. 

llMipènétoitf»WR-mbp«iifqm  âwttEaotdlndrfgente 
pont  SM»  Jriitt..*  HaiiilBi,  4|ul  ii^MBèomidiV 


On  m^avait  dit*,  j'ai  la  même  un  ai 


De  la  Grandière. 


328  LA  MARATRK. 

raRDINAND. 

C'est  cela. 

RÀMKL. 

Pour  pouvoir  épouser  oiademoiselle  de  BoudeyiUe,  ]*ai  obtenu 
la  permission  de  prendre,  comme  toi,  le  nom  de  ma  mère.  La 
famille  Boudeville  me  protège,  et,  dans  un  an,  je  serai,  sans  doute, 
avocat  général  à  Rouen...  un  marchepied  pour  aller  à  Paria. 

FERDINAND. 

Et  pourquoi  vlens-tu  dans  notre  paisible  fabrique? 

RAUEL. 

Pour  une  instruction  criminelle,  une  affaire  d'empoisonnemeot 
C'est  un  beau  début  (Entre  Féiix.) 

FÉLIX. 

Ah!  Monsieur,  madame  est  d'une  inquiétude... 

FERDINAND. 

Ois  que  je  suis  en  affaire.  (Féiixsorto  Mon  cher  Eugène,  dans  le 
cas  où  le  général,  qui  est  très-curieux,  comme  tous  les  vieux  trou- 
piers désœuvrés,  te  demanderait  comment  nous  nous  sommes  ren- 
contrés, n'oublie  pas  de  dire  que  nous  sommes  venus  par  la  grande 
avenue....  C'est  capital  pour  moi....  Revenons  à  ton  affaire.  C'est 
pour  la  femme  à  Champagne,  notre  contrc-maitre,  que  tu  es 
venu  ici  ;  mais  il  est  innocent  comme  l'enfant  qui  natt  l 

RAMEL. 

Tu  crois  cela,  toi?  La  justice  est  payée  pour  être  incrédule.  Je 
vois  que  tu  es  resté  oe  que  je  t'ai  laissé,  le  plus  noble,  le  plus  en- 
thousiaste garçon  du  monde,  un  poète  enGn!  un  poète  qui  met  la 
poésie  dans  sa  vie  au  lieu  de  l'écrire,  croyant  au  Nen,  au  beau! 
Ah  çà  !  et  l'ange  de  tes  rêves,  et  ta  Gertrude ,  qu'est-elle  de- 
venue? 

FERDINAND. 

Chut  I  ce  n*est  pts  seulement  le  ministre  de  la  justice,  c'est  ui 
peu  le  del  qui  t'a  envoyé  à  Louviers;  car  j'avais  besoin  d'un  aror 
dans  la  crise  affreuse  où  tu  me  trouves.  Ecoute,  Eugène,  viens  idl 
C'est  à  mou  ami  de  collège,  c'est  au  confident  de  ma  jeunesse  que 
je  vais  m'adresser  :  tu  ne  seras  jamais  un  procureur  du  roi  pour 
moi,  n'est-ce  pas?  Tu  vas  voir  par  la  nature  de  mes  aveux  qu'ib 
exigent  le  secret  du  confesseur. 

RAMEL. 

ï  aurait-il  qudque  chose  de  crimiadt 


ACTE  I.  329 

FERDINAND. 

Aloiis  donc  I  tout  an  plas  des  délits  que  les  juges  YOudraieQt 
voir  commis. 

RAMBL. 

Cest  que  je  ne  t'écouterais  pas;  ou,  si  je  t'écoutaîSb.» 

FRRDUCAND. 

Eh  bien? 

RAMEL. 

Je  demanderais  mon  changement 

FEIU)INAND. 

Allons,  tu  es  toujours  mon  bon,  mon  meilleur  ami..  Eh  bien! 
depais  trois  ans  j'ajme  tellement  mademoiselle  Pauline  de  Grande 
champ,  et  elle.^.  • 

RAHEL. 

N'achèTe  pas,  je  comprends.  Vous  recommencez  Roméo  et 
Juliette...  en  pleine  Normandie. 

FERDINAND. 

i¥ec  cette  différence  que  la  haine  héréditaire  qui  séparait  ces 
deux  amants  n*est  qu'une  bagatelle  en  comparaison  de  Thorreur 
de  M.  de  Grandchamp  pour  le  fils  du  traître  Marcandal! 

RAHEL. 

Mais  voyons!  mademoiselle  Pauline  de  Grandchamp  sera  libre 
dans  trois  ans;  elle  est  riche  de  son  chef  (je  sais  cela  par  les 
Boudeville)  ;  vous  vous  en  irez  en  Suisse  pendant  le  temps  néces- 
saire à  calmer  la  colère  du  général;  et  vous  lui  ferez»  s'il  le  £iut, 
les  sommations  respectueuses. 

FERDINAND. 

Te  consulterais-je,  s'il  ne  s'agissait  que  de  ce  vulgaire  et  facile 
déooûment? 

RAMEL. 

Ah  I  j'y  suis  I  mon  ami  Tu  as  épousé  ta  Gertrude...  ton  ange... 
qui  s'est  comme  tous  les  anges  métamorphosée  en...  femme 
légitime. 

FERDINAND. 

Cent  fois  pisi  Gertrude»  mon  cher,  c'est.,  madame  de  Grand* 
champ. 

RAHEL. 

Ah  çàl  comment  t'es-tn  fourré  dans  un  pareil  guêpier! 

FERDINAND. 

Gomme  on  m  fourre  dans  tous  les  gnfipiers,  en  croyant  y  trou- 
ver  du  uâd. 


120  LA  JUAâJTBB. 

BAMKI.. 

ûb;I  ob  1  cfid  devient  Xrài*gtave!  alon  as  mm  oacbe  jdiistien. 

FERDINAND. 

Mademoiselle  Gertrude  de  Mdikac,  élevée  à  Saint-Denis,  m*a 
«ans  doute  mnaé  cL'aberd  per  anèilicni;  «rè9-«iM  4e  w  «avoir 
riche,  elle  a  tout  fait  pour  n*«ttioher  de  manière  à  devenir  ma 
femme. 


C'est  le  jeu  de  toutes  les  orphelines  intrigantes. 

FERDINAND. 

Vais  comment  Gertmde  a  fini  par  m*2nmer'?...  c'est  ce  qui  ne 
je  'ptvit  exprimer  que  par  les  effïiets  mêmes  de  cette  passion,  que 
dis-je  passion  ?  c'est  chez  elle  ce  premier,  ce  seul  et  tmique  amonr 
gui  domine  toute  la  vie  et  qui  la  dévore.  Quand  elle  m*a  vu  ruiné 
versla  fin  de  1816,  elle  qui  me  savait,  comme  toi,  poète,  aimant 
le  luxe  et  les  arts,  la  vie  molle  et  heureuse,  enfant  gâté,  pour  tout 
dire,  a  conçu,  sans  me  le^communiquer  d'ailleun^  on  de  ces  plans 
infâmes  et  suUlmes,  comme  tout  ce  gue  d'ardentes  passions  con- 
trariées inspirent  aux  femmes,  qui,  «dans  l'intérêt  de  ianr  ameor, 
font  tout  ce  que  font  les  despotes  dans  l'intérêt  de  leur  pouvoir; 
pour  elleai,  la  loi  suprômet,  c'est  leur  aoaouiL., 

RAIKL. 

LesXaita,  mon  cher  L*.  Tu  plaides»  etjejoîspnicareardiiQi 

Pendant  que  j'établissais  ma  mère  en  Bretagne,  Grertriide<axeiH 
contré  le  général  Grandcharai^  «^cherchait  une  institutrice  poor 
«i)fiil&  Elle  aïa  M  éMB«oe iweniseiiK fcleseè gÉtouatat,  Jors 
âgé  de  cinquante-huit  ans,  qu'un  coffre-fort.  Elle  sVoA  iJaiHilii 
^tre  promptement  veuve,  riche  «n  peu  de  temps,  et  pouvoir  re- 
pmdre-iBl  son  amour  Bt  son csdhvc.  Elte  i^*H(t  fit  que  ce  maniige 
mnil  ^conniie  mi  mcrvais  rfive,  promptemcsit  'sinvi  d'un  ))0n 
réveil.  Et  voilà  douze  ans  que  dnre  ie  rêve  !  Mais  tu  sais  csomme 
raisonnent  les  temnes. 

RAMRL. 

Elles  ont  une  jurisprudence  à  .eliei. 


Gertrude  est  d'une  jalousie  firaee^  EDe  veut  être  payée  par  h 
elle  souOrait,  disait-elle»  le  martyre,  elle  a  voulu. •• 


MTE  l  331' 

T'a?oir  soas  son  toit  poar  te  garder  dle-mëme. 

fIebdikând. 

Elle  a  réussi,  mon  cher,  à  m*y  faire  venir.  J^ahlte,  Ûeprni 
toois  ans,  une  petite  maison  pr^s  de  la  fabrique.  Si  je  ne  suis  pas 
parti  la  première  semaine,  c*est  que  le  second  jour  de  mon  arri- 
vée, j*ai  senti  que  je  ne  pourrais  jamais  vivre  sans  Pauline. 

RAMEL. 

Grâce  à  cet  amour,  ta  position  ici  me  semble,  à  moi  magistrat, 
un  peu  moins  laide  que  je  ne  le  croyais. 

FERMNAKD. 

Ma  position  ?  mais  elle  est  intolérable,  à  cause  des  trois  cantc- 
tëres  au  mUieu  desquels  je  me  tcouve  pris  :  Pauline  est  hardie, 
comme  le  sont  les  jeunes  personnes  très-innocentes  dont  TaBsusur 
est  tout  idéal  et  qui  ne  voient  de  miH  à  rien,  dès  qu'il  s*agit  d'un 
homme  de  «qiB  sUèstet  %emr  inaii  La  péméuatàûn  4e  GerUmde 
est  extrême  :  nous  y  échappons  fHr  k  terreur  que  cause  à  Pauline 
le  péril  où  nous  plongerait  la  découverte  ée  mm  nom,  ce  qui  lui 
donne  la  force  de  dissimuler  I  9tm  Pauline  vient  à  l'instant  de 
nfaser  &9daid. 

Godard,  je  le  connais...  C'est,  sous  un  air  bête,  l'homme  le 
plus  fin,  le  plus  curieux  de  tent  le  département.  Et  il  est  ici  ? 

FJmOINANI). 

U  y  dîne. 

RAHBL. 

mfie^oi^eteL 

ifen  !  S  ces  éeniemn»,  i|Qi  w  «'«m^t  dijl  fite 
à#ciDamr«iiaVHes«iMt«inrteB,  i^Me  {]Mtti4ier4!Mtitt,  je 
laqvelle  :  l'une,  forte  de  son  innocence,  de  sa  passion  légitime; 
l'autre,  furieuse  de  voir  se  peindre  le  fruit  de  tant  de  dissimulation, 
de  sacrifices,  de  crimes  même...  (Napoléon entre.) 

BAMEI.. 

Tu  m*effrayes!  moi,  procureur  du  rot  Non,  parole  d'honneur, 
les  femmes  coûtent  souvent  plus  qu'elles  ne  valent. 

NAPOLÉON. 

Bon  ami!  papa  et  maman  s'impatientent  après  toi;  ils  disent 
qu'il  faut  laisser  les  affaires,  et  Vernon  a  parlé  d'estomac. 


352  LA    MARATRB. 

FERDINAND. 

Petit  drôle,  ta  es  venu  m'écouter  ! 

NAPOLlSON. 

mamaa  m'a  dit  à  l'oreille  :  Va  donc  voir  ce  qu'il  fait,  ton  bon  ami. 

FERDINAND. 

Va,  petit  démon!  va,  je  te  suis!  (ARamei.)  Tu  vois,  elle  fiait  de 
cet  enfant  un  espion  innocent  (xapoiéoii  Mrt.) 

RAMEL. 

C'est  l'enfant  du  générai? 

FERDINAND* 

Oui. 

RAMn.. 

Il  a  douze  ans? 

FERDINAND. 

Oui 

RAMEL. 

Voyons!  tu  dois  avoir  quelque  chose  de  plus  à  me  dire? 

FERDINAND. 

Allons,  je  t'en  ai  dit  assez. 

RAMEL. 

Ehbien!  va  dîner...  Ne  parle  pas  de  mon  arrivée,  ni  demi 
qualité.  Laissons-les  dîner  tranquillement  Va,  mon  ami,  va. 

SCÈNE  IX, 

RAMEL,  seal. 

Pauvre  garçon  !  Si  tous  les  jeunes  gens  avaient  étudié  les  causes 
que  j'ai  observées  en  sept  ans  de  magistrature,  ils  seraient  con- 
vaincus de  la  nécessité  d'accepter  le  mariage  comme  le  seul  roman 
possible  de  b  vie...  Mais  si  b  passion  était  sage,  ce  serait  la  vertu. 


fia  M  rtiaiia  icre. 


U 


ACTE  DEUXIÈME 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

RAMEL ,  MARGUERITE  ;  puis  FÉLIX. 

Bamel  est  abîmé  dans  ses  léflezions  et  plongé  dans  le  eanapé  de  manière  à  ne  pts  étra 
Yn  d'abord.  Kargoerite  apporte  des  flambeaax  et  des  cartes.  Dans  renti'acte  la  natt 
est  Toiae. 


MARGUERITE. 

Quatre  jeux  de  cartes,  c'est  assez,  quand  même  M.  le  curé,  le 

maire  et  l'adjoint  viendraient.  (FéUx  vient  allumer  les  bougies  des  can- 
délabres.) Je  parierais  bien  que  ma  pauvre  Pauline  ne  se  mariera  pas 
encore  cette  fois-ci.  Chère  enfant  !...  si  défunte  sa  mère  la  voyait 
ne  pas  être  ici  la  reine  de  la  maison,  elle  en  pleurerait  dans  son 
cercueil!  Moi,  si  je  reste,  c'est  bien  pour  la  consoler,  la  servir. 

FÉLIX^  à  part. 

Qa'est-ce  qu'elle  chante,  la  vieille  7...  (Haut.)  A  qui  donc  en 
voulez-vous,  Marguerite?  je  gage  que  c'est  à  madame. 

MARGUERITE. 

Non,  c'est  à  monsieur  que  j'en  veux. 

FÉLIX. 

A  mon  général  7  allez  votre  train  alors,  c'est  on  saint,  cet  homme- 
là. 

MARGUERITE. 

Un  saint  de  jnerre,  car  il  est  aveugle. 

FÉLIX. 

Dites  donc  aveuglé. 

MARGUERITF. 

Ah!  vous  avez  bien  trouvé  cela,  vous. 

FÉLIX. 

Le  général  n'a  qu'un  défaut.,  il  est  jaloux» 


33/|  LA    MARATIB. 

MARGUERITE. 

Et  emporté  donc  I 

FÉUZ. 

Et  emporté^.  c*ëit  là  mftne.  cfaoseL  Dôsq&*iL  a<  vd  soupçon,  i) 
huche.  Et  ça  lui  a  fait  tuer  deux  hommes,  là,  roide  sur  le  coup... 
Nom  d'un  petit  bonhomme  !  avec  un  troupier  de  ce  caractère-là, 
faut.,  quoi...  Tétouffer  de  cajoleries...  et  madame  rétouffe...  ce 
n*est  pas  plus  fin  que  cela  !  Et  alors  avec  ses  manières  elle  lui  a 
mis,  comme  aux  chevaux  ombrageux,  des  œillères  ;  il  ne  peut  voir 
ni  à  droite  ni  à  gauche,  et  elle  lui  dit  :  <f  Mon  ami,  regarde  de- 
vant toi  I  »  Voilà. 

MARGlTERlTir. 

Ah!  vous  pensez  comme  moi  qu'une  femme  de  trente-deux  ans 
n*aime  un  homme  de  soixante-dix  ans  qu'avec  une  idée...  Elle  a 
9n^  plan; 

RAMEL,  &  part. 

Oh  !  les  domestiques  I  des  espions  qu'on  paye. 

FÉLIX. 

Quel  planZ  elle  ne  sort  pas  d'ici,  elle  ne  voit  personne. 

HARGUEBITE. 

EUe  tondrait  sur  un  œuf!  elle  m'a  retiré  lès  clefs,  à  moi  qui 
aivais  la  conGance  de  déûint  madame;  savez- vous  pourquoi? 

FÉLIX. 

Tiens!  parbleu,  elle  fait  sa  pefote. 

HARGUERITE. 

Oui  I  depuis  douze  ans^  avec  les  revenus  de  mademoiselle  et  les 
Bénéfices  dfe  fe  fabrique.  VbilS  pourquoi  elle  retarde  Fôlablisse- 
ment  de  ma  chère  enfant  tant  qu'blîe  peut,  car  faut  donner  fe  bfen 
en  la  mariant. 

FÉLIX. 

C'est  la  loi. 

MARGUERITE. 

Moi,  je  lui  pardonnerais  tout,  si  elle  rendait  mademoiselle  hen- 
reuse;  mais  je  surprends  ma  pauvre  Pauline  à  pleurer,,  je  lui  de- 
mande ce  qu'elle  a  :  —  «  Rfea  qu'a  dit,  rien,  ma  bonne  Mai^e- 
rite!  »  (Féux  sort.)  Voyons,  ai-je  tout  fait?  Oui,,iBilàibtabhhdft:jfff... 
les  bougies,  les  cartes...  ab^  1»  eaMipé.  (sne  aperçoit  Ramei.)  Dieu  de 
Dieu!  un  étranger! 

Ne  vous  effrayez  pMv  narfii0ril6k 


ACTE  1»  »  335^ 

HAR6UERITB. 

Monsieur  a  tout  entendu. 

rahel. 
Soyez  tranqûflfe,  je  sois  dfscret  par  état,  jb  saisie  procnreor  du 

HARGUERrrS. 

Ohl 

SCÈNE  IL 

LES  PBÉCÉDBNTS,  PAULINE,   GODARD,   TERNON,   NAPOLÉON,   FËRDI* 
IVAND-,  m.  BT  MADAME  é9  «RAN»GVAM1><. 

(Gertrodese  précipite  sur  Marguerite  et  lui  arracbe  le  coassindes  mains.) 

GERTRUDE. 

Mar^erite,  vous  savez  bien  que  c'est  me  causer  de  la  j^eine 
que  de  ne  pas  me  laisser  faire  tout  ce  qui  regarde  monsiem^  ;  d^H- 
leurs.  il  n'y  a  que  moi  qui  sache  les  lui  bien  arranger,  ses  cous- 

sliis. 

MARGUERITE,  à  Pauline. 

Quelles  giries! 

GODARD, 

Tiens,  tiens,  W.  le  procureur  du  roiî' 

LE  Glhfl^RAL* 

Le  procvrenr  âa  rof  cher  mor? 

«ERTRUOC. 

Loi  ! 

LB  «lÉKllBAL^  àttamâk 

Monsieur,  par  quelle  raison  ? 

RAUMP» 

J'avais  prié  mo»  amLu  ML  FirdMandL  Mar^. 

(Ferdinand  fiait  un  geste,  Gertrude  et  FauLLofi  laissant  éctiapper  un  mouvement*) 

GERTRUUE^  &  patt. 

C'est  son  ami  Eugène  tlamel. 

RAMEL. 

Ferdinand  de  Ghamy,  à  qui  fa!  cHt  le  sujet  de  mon  arrivée,  de 
ie  cacher  pour  vous  laisser  dîner  tranquillement. 

LS  GÉNÉRAL. 

Ferdinand  est  votre  amî7 

RAMEL. 

Mon  ami  d'eniance,  et  nous  nous  sommés  rencontrés  dans  V6(h^ 


3S8  LA    MARATRE. 

avenue.  Après  onze  ans,  on  a  tant  de  choses  à  dire  qnand  on  se 
revoit,  que  je  suis  la  cause  de  son'  retard. 

LE  G^irÉRAL. 

Mais,  Monsieur,  à  quoi  dois-je  votre  présence  ici? 

RAMEL. 

A  Jean  Nicot,  dit  Champagne,  votre  contre-maître,  inculpé 
d'un  crime. 

6BRTRUDB. 

Mab,  Monsieur,  notre  ami,  le  docteur  Yemon,  a  reconnu  que 
la  femme  à  Champagne  était  morte  naturellement 

VEHNOW. 

Oui,  oui,  du  choléra,  Monsieur  le  procureur  du  roL 

BAMEL. 

La  justice,  Monsieur,  ne  croit  qu*à  ses  expertises  et  à  ses  con- 
victions... Vous  avez  eu  tort  de  procéder  avant  nous. 

FÉLIX. 

Madame,  faut-il  servir  le  café  7 

GEBTBUDE. 

Attendez!  (Apart.)  Comme  il  est  changé!  Cet  homme,  devenu 
procureur  du  roi,  n*est  pas  reconnaissable...  Il  me  glace. 

LE  GÉNÉBAL. 

Mais,  Monsieur,  comment  le  prétendu  crime  de  Champagne, 
un  vieux  soldat  que  je  cautionnerais,  peut-il  vous  amener  ici! 

BAMEL. 

Dès  que  le  juge  d'instruction  sera  venu,  vous  le  saurez. 

LE  GÉNÉRAL. 

Prenez  la  peine  de  vous  asseoir. 

FERDINAND^  à  Ramél  en  montrant  P«iiliiie« 

Tiens!  la  voilà. 

RAMEL. 

On  peut  se  faire  tuer  pour  une  si  adoraUe  fille  I 

GERTRUDE>  àRamel. 

Nous  ne  nous  connaissons  pas?  vous  ne  m'avez  jamais Yue! 
Ayez  pitié  de  moi,  de  lut 

RAMEL. 

Comptez  sur  moL 

LE  GÉNÉRAL,  qnl  •  yu  Ramel  et  Gertmde  ceonnU 

Ma  fenune  est-elle  donc  nécessaire  à  cette  instruction? 

RAMEL. 

Précisément,  général  C'est  pour  que  madame  ne  fût  pas  avertie 


ACTE  IL  337 

4e  ce  que  nous  avons  à  lai  demander,  que  je  suis  venu  moi-mêoie. 

>    LE  GÉNÉRAL. 

Ma  femme  mêlée  à  ceci?...  C'est  abuser! ••• 

VERNON. 

Du  calme,  mon  amL 

FÉLIX. 

Monsieur  le  juge  d'instruction  I 

LE  GÉNÉRAL. 

Faites  entrer. 


SCÈNE  m. 

ui  HÊHKS,  LE  JUGE  D'INSTRUCTION,  CHAMPAGNE,  BAUDRILiON. 

LB  JUGE  lalue. 

Monsieur  le  procureur  du  roi,  voici  AL  Baudrillon  le  pharmacien. 

RAMEL*  c 

IL  Baudrillon  n'a  pas  vu  l'inctlpé? 

LE  JUGE. 

Non,  il  arrive,  et  le  gendarme  qui  l'est  allé  chercher  ne  l'a  pas 
quitté. 

RAHEL. 

Nous  allons  savohr  la  vérité  I  faites  approcher  M.  Baudrillon  et 
rinçulpé. 

LE  JUGE. 

approchez,  monsieur  Baudrillon,  (à  Champagne)  et  vous  aussi. 

RAMEL. 

Monsieur  Baudrillon,  reconnaissez- vous  cet  homme  pour  celui 
qui  vous  aurait  acheté  de  l'arsenic,  il  y  a  deux  jours  T 

fiAUDRILLOir. 

C'est  bien  lui  I 

CHAMPAGNE. 

N'est-ce  pas,  monsieur  Baudrillon,  que  je  vous  ai  dit  que  c'était 
pour  les  souris  qui  mangeaient  tout,  jusque  dans  la  maison,  et  que 
je  venais  chercher  cela  pour  madame? 

TH.  22 


3jS  la  ]U4|\4Tav. 

Vous  k'eatendez,  Madame?  Voici  quel  est  son  système  :  il  pré- 
tend que  vous  i*avez  envoyé  chercher  cette  substance  vous-même, 
et  qu'il  vous  a  remis  le  paquet  tel  que  M.  Baudrillon  le  lui  a  donné. 

.    GERTRUDB. 

C'est  vrai,  Monsieur. 

RAMEL. 

Avcz-vous,  Madame,  fait  déjà  usage  de  cet  arsenic. 

GERTRUDB. 

Non,  Monsieur. 

LE  JUGE. 

Vous  pouvez  alors  nous  représenter  le  paquet  livré  par  M.  Bau- 
drillon ;  le  paquet  doit  porter  ton  cachot,  et  s*il  le  reconnaît  pour 
être  sain  et  entier,  les  charges  si  graves  qui  pèsent  sur  votre 
contre«mattre  disparaîtraient  en  partie,  lyop»  n'aurions  plus  qu'à 
attendre  le  rapport  du  médecin  qui  fait  Tautopsie. 

GERTRUDE. 

l^  paquet,  JJon^eur,  a*a  pas  quitté  le  3ecrétaire  de  ma  chambre 

à  coucher.  (Illesort.) 

CHAMPAGNE. 

Ah!  mon  général,  je  suis  sauvé! 

LE  OâNÉRAL. 

Pauvrt  Gbampagntt  I 

RAMEL. 

Général,  nous  serons  très-heuroux  d'avoir  à  constater  Tinno- 
uiiioe  dû  votre  eontre^maitre  ;  au  contraire  de  vgiis,  wxm  som(pes 
enchantés  d'être  battus. 

GERTRUPI^  pevenant 
BAUDRILLQN  fqet  ses  lunettes. 

C'est  iotaot,  Mesneor»,  parfeit^iQont  int^oif  voil^  om  mM 
(  eux  fois,  saie  ti  enU^r* 

Serrez  bien  cela,  Madame,  car  depuis  quelque  t^inp^  I^  CQQt^ 
d'assises  n'ont  à  juger  que  de^  empoi^nnemcnts.  i 

G^ftTWUDK,  I 

Vous  voyoï,  MonsiQiiri  iléipit  dans  mon  secrétaire,  eï  c'^st  moi     , 

seule,  ou  ic  général,  qui  cp  avons  |a  clef,  ituierçqiredawiaçiwmbre.)     ^ 


AGTB  U.  339 

Générai,  doqs  n'attendrons  pas  le  rapport  des  experts.  La  prin- 
cipale charge,  qui,  vous  eu  conviendrez,  était  très-grave,  car  toute 
.a  ville  en  parlait,  vient  de  disparaître,  et  oonune  nous  croyons  à 
la  science  et  à  l'intégrité  du  docteur  Yemon  (certrade  revient),  Chain- 

|N0My  VOOS  êtes  libre.  (llouyemeotd«  joie  chez  tootle  mondes  Mais  VOUS 

voyex,  mon  ami,  à  quels  fâcheux  soupçons  on  est  exposé»  quand 
OD  lait  mauvais  ménage. 

CHAHPAGNB. 

Mon  magistrat,  demandez  à  mon  général  si  Je  ne  suis  pas  un 
agneau  ;  mais  ma  femme,  Dieu  veuille  lui  pardonner,  était  la  plus 
mauvaise  qui  ait  été  fabriquée...  un  ange  n'aurait  pas  pu  y  tenir. 
Si  je  l'ai  quelquefois  remise  à  la  raison,  le  mauvais  quart  d'heure 
que  vous  venez  de  me  faire  passer  en  est  une  rude  punition,  mille 
noms  de  noms!...  Être  pris  pour  un  empoisonneur,  et  se  savoir 
innocent,  se  voir  entre  les  mains  de  la  justice...  ça  pieun.) 

LE  GÉNÉRAL. 

Eh  bien  I  te  vdlà  justifié. 

NAPOLÉON. 

Papa»  en  quoi  c'est-il  fait,  la  justice? 

LE  GÉNÉRAL. 

Messieurs,  la  justice  ne  devrait  pas  commettre  de  ces  sorte"* 
d'erreurs. 

GERTRUOB. 

EDe  a  toujours  quelque  chose  de  fatal,  la  justice!...  Et  on  cau- 
sera toujours  en  mal  pour  ce  pauvre  homme  de  votre  arrivée  ici. 

RAMEL. 

Madame,  la  justice  criminelle  n'a  rien  de  fatal  pour  les  inno- 
cents. Vous  voyez  que  Champagne  a  été  proroptcment  mis  en  li- 
berté... (En  regardant  Gertrude.)  Ceux  qui  vîveut  sans  reproches,  qut 
n'ont  que  des  passions  nobles,  avouables,  n'ont  jamais  rien  k  re- 
douter de  la  justice. 

GERTRUDE. 

Monsieur,  vous  ne  connaissez  pas  les  gens  de  ce  pays-ci...  Dans 
dix  ans,  on  dira  que  Champagne  a  empoisonné  sa  femme,  que  la. 
jusiiçe  est  veQue««.  et  que  sans  notre  protection... 


MO  LA   MARATRE. 

LE  GÉNÉRAL. 

Allons,  allons,  Gertrude. . .  ces  messieurs  ont  fait  leur  devoir. 

(Félix  prépare  sur  un  gaéridon,  au  fond  &  gauche,  ce  qu*U  fout  pour  le  café.)  Mes- 
sieurs, puis-je  vous  offrir  une  tasse  de  café  ? 

LE  JUGE. 

Merci,  général;  l'urgence  de  cette  affaire  nous  a  fait  partira 
rimproviste,  et  ma  femme  m'attend  pour  dîner  à  Louviers. 

(II  va  au  perron  causer  avec  lu  médedu.) 
LE  GÉNÉRAL^  à  Ramel. 

Et  VOUS,  Monsieur,  Tami  de  Ferdinand? 

RAMEL. 

Ah  I  vous  avez  en  lui,  général,  le  plus  noble  cœur,  le  plus  probe 
garçon  et  le  plus  charmant  caractère  que  j'aie  jamais  rencontrés. 

PAULINE. 

U  est  bien  aimable,  ce  procureur  du  roi  ! 

GODARD. 

Et  pourquoi  ?  Serait-ce  parce  qu'il  fait  l'éloge  de  M.  Ferdi- 
nand?... Tiens,  tiens,  tiens! 

GERTRUDE,  &  Ramel. 

Toutes  les  fois.  Monsieur,  que  vous  aurez  quelques  instants  à 
vous,  venez  voir,  M.  de  Gharny.  (  au  générai }  N'est-ce  pas,  mon 
ami,  nous  en  profiterons? 

LE  JUGE,  U  jrevient  du  perron. 

M.  de  la  Grandière,  notre  médecin,  a  reconnu,  comme  le  doc* 
tcur  Ycrnon,  que  le  décès  a  été  causé  par  une  attaque  de  clioléra 
asiatique.  Nous  vous  prions,  madame  la  comtesse,  et  vous,  mon- 
sieur le  comte,  de  nous  excuser  d'avoir  troublé  pour  un  momcut 
votre  charmant  et  paisible  intérieur.        (Le  générai  reconduit  le  juge.) 

RAMEL^  à  Gertrude  sur  le  devant  de  la  scène. 

Prenez  garde!  Dieu  ne  protège  pas  des  tentatives  aussi  témé- 
raires ({ne  la  vôtre.  J'ai  tout  deviné.  Renoncez  à  Ferdinand,  laissez* 
lui  la  vie  libre,  et  contentez- vous  d'être  heureuse  femme  et  heu- 
reuse mère.  Le  sentier  que  vous  suivez  conduit  au  crime. 

GERTRUDE. 

Renoncer  à  lui,  mais  autant  mourir! 

RAMEL^  &part 

Allons!  je  le  vob,  il  faut  enlever  d'ici  Ferdinand 

iU  Haat  un  signe  à  Ferdinand,  le  prend  par  le  bras  et  sort  ttee  loU 


ACTE  IL  Zh\ 

LE  GÉNÉRAL. 

Eofio,  nous  en  voilà  débarrassés!  (Acertrade.)  Fais  senrir  le  café. 

GERTRUDE. 

Pauline»  sonne  pour  k  café.  (Ptoiiae  sonne.) 

SCÈNE  IV, 

us  lins,  mollit  FERDINAND,  RAMEL,  LE  JUGE  «t  BAUDRILLON. 

GODARD. 

Je  vais  savoir,  dans  l'instant,  si  Pauline  aime  M.  Ferdinand. 
Ce  gamin,  qui  demande  en  quoi  est  faite  la  justice,  me  parait  très- 
farceur,  il  me  servira.  (Féiix  parait.) 

GERTRUDE. 
Le  café.  (Félli  apporte  le  guéridon  oh  les  Uuses  sont  déposées.) 

GODARD^  qui  a  pris  Napoléon  à  part. 

Yeux- tu  faire  une  bonne  farce? 

NAPOLÉON* 

Je  crois  bien.  Vous  en  savez? 

GODARD. 

Viens,  je  vais  te  dire  comment  il  faut  t'y  prendre. 

(Godard  va  jusqu'au  perron  avec  Napoléon.) 
LE  GÉNÉRAL. 

Pauline,  mon  café*  (Ftuuneieiut  apporte.)  Il  n'est  pas  assez  sucré. 

(Pauline  lui  donne  du  sucre)  Merci,  petite. 

GSRTRUDB. 

Monsieur  de  Rimonville  ? 

LE  GÉNÉRAL. 

Godard  ?••• 

GERTRUDE. 

Monsieur  de  Rimonville? 

LE  GÉNÉRAL. 

Godard,  ma  femme  vous  demande  si  vous  voulez  du  café? 

GODARD. 

VÔlontien,  madame  la  comtesse. 

(n  Tient  à  une  place  d'où  n  pent  oliiemr  PinlintJ 


«5&2  LA  MARATRE. 

LE  GÉNÉRAL. 

Ohl  qae  c*e8t  agréable  de  prendre  son  café  bien  assbt 

NAPOLÉON. 

Maman,  maman  I  mon  bon  ami  Ferdinand  vient  dé  tomber; 
s'est  cassé  la  jambe,  car  on  le  porte. 

TERROll. 


Ahtbahl 


Quel  malheur  I 


LK  GÉNÉRAL. 


PÂULDIB. 

Ah  !  mon  Dieu  I  (BUe tombefur \ 


GERTRUDB. 


Que  dis-tu  donc  là? 


NAFOLÉQN. 

C'est  pour  rire!  Je  Toulais  voir  si  vous  aimiez  mon  bon  amL 

GERTRUDE. 

C'est  bien  mal,  ce  que  tu  fais  là;  tu  n'es  pas  capable  d'inventer 
de  pareilles  noirceurs? 

NAPOLÉON^  tout  bas. 

C'est  Godard. 

GODARD. 

Il  est  aimé,  elle  a  été  prise  à  ma  souricière,  qui  est  infaillible. 

GERTRUDE,  &  Godard,  à  qui  elle  tend  un  petit  verre. 

Savez-vous,  Monsieur,  que  vous  seriez  un  détestable  précep- 
teur? C'est  bien  mal  à  vous  d'appi^ndre  de  semblables  méchanfie- 
tés  à  un  enfant 

GODARD. 

Vous  trouverez  que  j'ai  très-bien  fait,  quand  vous  saurez  que 
par  ce  petit  stratagème  de  société  j'ai  pu  découvrir  mon  rival 

(Il  montre  Ferdinand,  qui  eatre.) 
GERTRUDE,  elle  laisse  tomber  le  sucrier. 

Lui! 

GODARD,  à  put. 

Elle  aussi! 

GBRTRUDB,  ÏMat 

Vous  m'avez  fait  peur. 

LE  GÉNÉRAL,  qotreillSfik 

Qu*as-tu  donc,  ma  chère  enfaatT 


GKAtRyms. 
Bien  i  mm  eipiégierie  de  monsienr»  ^tii  m'a  dit  que  le  procu- 
reur du  roi  revenait.  Félix,  emportez  te  BùeAetf  et  domiez^eo  un 

autre. 

TERNON. 

C'est  la  journée  aux  éTénements. 

GSRTRUDE. 

(Monsieur  Ferdinand,  vous  allez  avoir  An  sucre,  (a  part.)  Il  ne  la  , 
regarde  pas.  (Haut.)  £b  bien  !  t'aulîne,  tu  ne  prends  pas  un  morceau  j 
de  sucre  dans  le  café  de  ton  père?  i 

NAPOLÉON. 

Âh  !  bien,  oui,  elle  est  trop  émue;  elle  a  fait  :  Âh! 

PAULINE. 

Veux-tu  te  taire,  petit  menteur!  lu  ne  cesses  de  me  taquiner. 

(Elle  s'assied  sur  son  père  et  prencf  un  canard.) 
ÔÈfttftUOE. 

€e  serait  vrai?  et  moi  qui  Tai  si  bien  habillée!  (a  Godard.)  Si  Vous 
aviez  raison,  votre  mariage  se  ferait  dans  quinze  jours,  (aaut.) 
Monsieur  Ferdinand,  votre  café. 

GODARD. 

J'en  ai  donc  pris  deux  dans  tna  souricière!  Et  le  général  si 
calme,  si  tranquille,  t^  cette  maisoff  sî  paisible!...  Ça  va  devenir 
drôle...  je  reste,  je  veux  farire  le  whist!  Ohf  je  rt'épOtfse  plus. 
(Montrant Ferdinand.}  En  vollà-t-il  uu  homme  Iieureux!  aimé  de  deux 
femmes  charmâmes,  délicieuses  ?  qtiel  factotum!  Mais  qu'a-t-il 
doue  de  pitis  qu€f  moi,  (fil  sa  quarante  friilk  Utrù»  de  renie? 

GERTRUDE. 

Pauline,  ma  fille,  présente  les  cartes  à  ces  messieurs  pour  le 
whist.  Il  est  bientôt  neuf  heures...  s'ils  veulent  faire  leur  partie,  il 
ne  faut  pas  perdre  de  temps.  (Pauune  arrange  les  cartes,}  Allons,  Napo- 
léon, dites  bonsoir  à  ces  messieuis,  et  donnez  bonne  opinion  de 
vous,  en  ne  gaminant  pas  comme  vous  faites  tous  les  soirs. 

Bottddf,  papa<  Ccfinmétfl  dmt  est  faise  ta  jdslmel 

LE  GÉNÉRAL. 

Comme  un  aveugle  I  Bonnte  ntrit,  mon  mignon! 

NAPOLÉON. 

Bonsoir,  monflieur  Yernon  !  De  que»  est  donc*  ftite  h  juttictf 


I 


) 


3^4  LA  MARATRE. 

VERNON. 

De  tous  nos  crimes.  Quand  tu  as  commis  une  sottise,  on  te 
itonne  le  fouet  ;  voilà  la  justice. 

NAPOLÉON. 

Je  n*ai  jamais  eu  le  fouet 

YERNON. 

On  ne  t'a  jamais  fait  justice,  alors! 

NAPOLÉON. 

Bonsoir,  mon  bon  ami!  bonsoir,  Pauline I  adieu»  monsieur  Go- 


dard.... 

GODARD 

De  Rimonville. 

NAPOLÉON. 

Ai-je  été  gentilT 

IB  GÉNÉRAL. 

(Gertnide  rembniK.; 

J'ai  le  roi. 

YERNON. 

Moi,  la  dame. 

FERDINAND^  à  Godaid. 

Monsieur,  nous  sommes  ensemble* 

^  GBRTRUDE,  voyant  Mareruerite. 

Dis  bien  tes  prières,  ne  fais  pas  earager  Marguerite.  ••  va,  cher 
amour. 

NAPOLÉON. 

liens,  cher  amour  U..  en  quoi  c'est  y  fait  l'amour?  cnren  n^ 

SCÈNE  V, 

us  MIMES,  moins  NAPOLÉON. 


IB  GÉNÉRAL. 

Quand  il  se  met  dans  ses  questions,  cet  enfant-là,  il  est^  mourir 
de  rire. 

GERTRUDE. 

Il  est  souvent  fort  embarrassant  de  lui  répondre.  (APaaiiBij 
Tiens  là,  nous  deux,  nous  allons  finir  notre  ouvrage. 


ACTE  H.  345 

TBRNON. 

C'est  à  TOUS  à  donner,  général. 

LE  GÉNÉRAL. 

  moi?...  Tn  devrais  te  marier,  Yernon,  noas  irions  chez  toi 
comme  tu  viens  icî^  tu  aurais  tous  les  bonheurs  de  la  famille. 
Voyez-vous,  Godard,  il  n*y  a  pas  dans  le  département  un  homme 
plus  heureux  que  moi. 

VERNON. 

Quand  on  est  en  retard  de  soixante-sept  ans  sur  le  bonheur,  on 
De  peut  plus  se  rattraper.  Je  mourrai  garçon. 

(Les  deux  femmes  se  mettent  &  travailler  à  la  même  tapisserie.) 
GERTRUDB^  avec  Pauline  sur  le  devant  de  la  scène. 

Eb  bien  !  mon  enfant,  Godard  m'a  dit  que  tu  l'avais  reçu  plus 
que  froidement;  c'est  cependant  un  bien  bon  parti. 

PAULINE. 

Mon  père»  Madame,  me  laisse  la  liberté  de  choisir  moi-même 
on  mari. 

GERTRUDB. 

Sais-tu  ce  que  dira  Godard  ?  Il  dira  que  tu  l'as  refusé  parce  que 
ta  as  déjà  choisi  quelqu'un. 

PAULINE. 

Si  c'était  vrai,  mon  père  et  vous,  vous  le  sauriez.  Quelle  raison 
aurais-je  de  manquer  de  confiance  en  vous? 

GERTRUDB. 

Qui  sait?  je  ne  t'en  blâmerais  pas.  Vois-tu,  ma  chère  Pauline, 
en  Êdt  d'amour,  il  y  en  a  dont  le  secret  est  héroïquement  gardé 
par  les  femmes,  gardé  an  milieu  des  plus  cruels  supplices. 

PAULINE^  à  part,  ramassant  ses  ciseaux  qu'elle  a  laissé  tomber. 

Ferdinand  m'avait  bien  dit  de  me  méfier  d'elle...  £st-elle  insi- 
nuante! 

OERTRUDE. 

Tu  pourrais  avoir  dans  le  cœur  un  de  ces  amours-là  I  Si  un 
pareil  malheur  t'arrivait,  compte  sur  moi...  Je  t'aime,  vois-tu!  je 
fléchirai  ton  père;  il  a  quelque  confiance  en  moi,  je  puis  même 
beaucoup  sur  son  esprit,  sur  son  caractère...  ainsi»  chère  enfant, 
ouvre-moi  ton  cœur  ? 

PAULINE. 

Vous  y  lisez,  Madame,  je  ne  vous  cache  rien. 


3Z|6  Uk  MARATRE. 

iM  fiiiréRAL. 
Vernon,  qu'est-ce  que  tu  fais  donc? 

(Légers  mnrmnres.  Pauline  Jette  un  regard  nn  la  table  de  Jm.) 
GSRTtlUDE^  à  part. 

lAiiferv^tUitk  directe  ti*a  pds  réussi,  (oant.)  Combien  tn  mi 
rtmds  heureux  !  c»r  ce  platisaut  de  petite  tiHe,  Godard,  prétead 
4pMrtti  fcss  presque  éranoaie  quand  il  a  fait  dire  exprès  par  Napo- 
léon que  Ferdinand  s'était  cassé  la  jambe...  Ferdinand  est  un 
aimable  jeune  homme,  dans  notre  intimité  depuis  bientôt  quatre 
ans  ;  qeiof  de  plus  naturel  que  cet  attachement  pour  ce  garçoo, 
qui  non-seulement  a  de  la  naissance,  mais  encore  des  talents? 

PAULINE. 

C'est  le  conmiis  de  mon  père. 

GBRTRVDB. 

Ah!  grâce  à  Dieu,  tu  ne  l'aimes  pas;  tu  m'effrayais»  car,  ma 
ma  chère,  il  est  marié. 

PAULINE. 

Tiens,  il  est  marié!  pourquoi  cacbe*t-il  cela?  (Apart.)  Marié!  ce 
serait  infâme;  je  lui  demanderai  ce  soir«  je  1«»  ferai  le  sigoal  dont 
nous  sommes  conyenus. 

GERTRUDB^  k  pfH. 

Pas  une  fibre  n'a  tressailli  dan»  sa  figure!  Godard  s'est  tronçé, 
ou  cette  enfant  serait  aussi  forte  que  moi.#«  (Bâtit.)  Qu'as-ta, 
mon  ange? 

PAULINE* 

Oh  f  rien. 

)  GEKllIUDE^  lui  mettant  la  lUah»  dttas  kf  ôtm. 

Tu  as  chaud  l  là,  vois-tu?  (a  part.}  Elle  l'aime,  c'est  8Ûr#«..  Mais 
lui,  l'aime  t-îl?  Ohl  je  suis  dans  Tenfer. 

Pauline] 

Je  me  serai  trop  appliquée  à  Focnragel  £t  vous,  qu'avez-TOUs' 

Rien!  1  «  me  demandais  poctrqftor  Ferdinand  cache  soi^mariage' 

PAULINE. 

JM<Mdr 

GERTRUDB^  à  part. 

Voyons  si  elle  sait  le  secret  de  son  noiik  (Hwt^;  PavM  fiM>i> 


ACTE  n.  S'I? 

femme  est  très-indiscrète  et  qa^elle  l'aurait  compromis.....  Je  ne 

puis  t'en  dire  davantage. 

fàvtanL 

Compromis  I  fil  poarqud  oompromifî 

GERTHinm^  i0tettnk. 

Si  elle  i*aime,  elle  a  un  caractère  de  ferf  Mâb  ot  me  serafent- 
iis  vus  7  Je  ne  la  quitte  pas  le  jour,  Champagne  le  voit  à  toute 
heure  à  la  fabrique...  Non,  c'est  absurde...  Si  elle  Taîme»  elle 
l'aime  à  elle  seule,  comme  font  toutes  les  jeunes  filles  qui  com- 
mencent à  aimer  un  homme  sans  qu'il  s'en  aperçoive  ;  mais  »Mls 
sont  d'intelligence,  je  l'ai  frappée  trop  droit  au  cœur  pour  qu'elle 
ne  lui  parle  pas,  ne  fût-ce  que  des  yeux.  Oh  !  je  ne  les  perdrai 
pas  de  vue. 

f^ous  avons  gagné,  monsieur  Ferdinand,  à  merveille  ! 

(Ferdinand  quitte  le  Jeu  et  se  dirige  vers  Gertrude.) 
PAULIKC^kiMrt. 

Je  ne  oioyai»  fttE  qu'on  pût  souffrir  antuit  sans  lûoimi; 

FERDINAND^  à  Gertrude. 

Madame,  c'est  à  vous  U  eue  remplacer. 

GERTRUDE. 

Pauline^  prends  ma  place,  (a  part.)  Je  ne  puis  pas  lui  dire  qu'il 
aime  Pauline,  ce  serait  lui  en  dtonnerndée.  Que  faire?  (a  Ferdinand.) 
Elle  m'a  tout  avoué. 

Quoi? 

GHRTRUDB. 

Mais,  touti 

FERDINAND. 

Je  ne  comprends  pas...  Sfademoîselle  de  Grandchampf.«« 

GERTRUDE.  • 

OoL 

FERDlNAfrO. 

Eh  bien  t  qa^a-t-elle  fait  ? 

GERTRUDE. 

Vous  ne  m'avez  pas  trahie  1  Vous  n'êtes  pas  d'intelligence  pour 
me  tuer? 


ZllS  LA    MARATRE. 

FERDINAICD, 

Vous  tner?  Elle!...  Moi! 

GBRTRUDB. 

Serais-je  la  Ticdme  d'une  plaisanterie  de  Godard?*.» 

FERDINAND. 

Geitrude...  tous  êtes  Me. 

GODARD^  à  Panllne. 

Ah  !  Mademoiselle,  vous  faîtes  des  fautes. 

PAULINE. 

Vous  a?ez  beaucoup  perdu,  Monsieur,  à  ne  pas  avoir  mal)elle' 
mère. 

6ERTRUDB. 

Ferdinand»  je  ne  sais  où  est  l'erreur,  où  est  h  vérité  ;  maïs  ce 
que  je  sais,  c'est  que  je  préfère  la  mort  à  la  perte  de  nos  espé- 
rances. 

FERDINAND. 

Prenez  garde  I  Depms  quelques  jours  le  docteur  nous  obserre 
d'un  œil  bien  malicieux. 

GRRTRUDK,  à  put. 

Elle  ne  l'a  pas  regardé!  (^«M  Oh!  elle  épousera  Godard,  son 
père  l'y  forcera. 

FERDINAND. 

C*est  un  excellent  parti  que  ce  Godard. 

LE  GÉNÉRAL. 

Il  n'y  a  pas  moyen  d'y  tenir  I  Ma  fille  fait  fautes  sur  fautes; 
et  toi,  Vemon,  tu  ne  sais  ce  que  tu  joues,  tu  coupes  mes  rois. 

VERNON. 

Mon  cher  général,  c'est  pour  rétablir  l'équilibre. 

LE  GÉNÉRAL. 

m 

Ganache!  tiens,  il  est  dix  heures,  nous  ferons  mieux  d'aller 
dormir  que  de  jouer  comme  cela.  Ferdinand,  faites-moi  le  plaisir 
de  conduire  Godard  à  son  appartement  Quant  à  toi,  Yemoa,  to 
devrais  coucher  sous  ton  lit  pour  avoir  coupé  mes  rois. 

GODARD. 

Hais  il  ne  s'agit  que  de  cinq  francs,  général 


ACTE  n.  3&9 

LB  GÉNÉBAL. 

Et  nionneur?  (à  Temon.)  Tiens,  quoique  tu  aies  mal  joué,  voilà 

(a  caïUie  et  ton  chapeau.  (PanUne  prend  um  fleur  à  U  JanllBlèra  et  Joue  avec) 

GERTRODE. 

Un  signal  I  oh!  dussé-je  me  bire  tuer  par  mon  mari,  je  veil- 
lerai sur  elle  cette  nuit 

FERDINAND^  qjai  a  pris  h  Félix  un  bougeoir 

H.  de  Rimonville,  je  suis  à  vos  ordres. 

GODARD. 

Je  vous  souhaite  une  bonne  nuit.  Madame!  Mes  humbles  hom- 
mages, Mademoiselle  !  Bonsoir,  général  ! 

LE  GÉNÉRAL. 

Bonsoir,  Godard. 

GODARD. 

De  Rimonville...  Docteur,  je... 

TBRNON,  leregardeetiemoadia. 

Adieu,  mon  ami. 

LE  GÉNÉRAL^  reconduisant  le  docteur.    . 

ÀllonSf  à  demain,  Vemon  !  mais  viens  de  bonne  heure, 

SCÈNE  VI. 

GERTRODE,  PAULINE,  LE  G£n£RAL. 


GERTRUDI, 

Mon  ami,  Pauline  refuse  Godard. 

LE  GÉNÉRAL. 

£t  quelles  sont  tes  raisons,  ma  fille  ? 

PAULINE. 

Mais  il  ne  me  plaît  pas  assez  pour  que  je  fasse  de  lui  un  mari. 

LE  GÉNÉRAL. 

Eh  bien  !  nous  en  chercherons  un  autre)  mais  il  faut  en  finir, 


3$0  LA     MAAATRE. 

car  tu  as  vingt-deax  ans,  et  Ton  pourrait  croire  des  choses  désa- 
gréables pour  toi,  pour  ma  femme  et  pour  moL 

PAULINE. 

H  ne  m'est  donc  pas  permis  de  rester  fille? 

GBBIEUDE. 

Elle  a  fait  un  choix,  mais  elle  ne  veut  peut«être  le  dii^qn'àTOus; 
je  TOUS  laisse^  confessez-la I  (APauiine.)  Bonne  nuit,  mon  enfant! 
cause  avec  ton  père,  (a  part.)  Je  vais  les  écouter. 

8CËIŒ  VII. 

LE  GÉNÉRAL,  PACLINB. 

LE  GÉNÉRAL^  à  part. 

Confesser  ma  fille  !  Je  suis  tout  à  fait  impropre  I  cette  ma- 
nœuvre !  C'est  elle  qui  me  confessera.  (Haai.)  Pauline,  viens  là. 
(Il  la  prend  sur  ses  gonoux.)  Bien,  ma  petite  chatte,  crois-tu  qu'an  vieui 
troupier  comme  moi  ne  sache  pas  ce  que  signifie  la  résolution  de 
rester  fille...  Cela  veut  dire,  dans  toutes  les  langues,  qu'une  jeune 
personne  veut  se  marier,  mais.. .  à  quelqu'un  qu'elle  aime. 

PAULINE. 

Papa,  je  te  dirais  bien  quelque  chose,  mais  je  n'ai  pas  confiance 
en  toi. 

LE  GÉNÉRAL 

£t  pourquoi  eela,  MademoiseUe  T 

PAULINE. . 

Tu  dis  tout  à  ta  femme, 

LE  GÉNÉRAI, 

Et  tu  as  un  secret  de  nature  ù  ne  pas  être  dit  à  on  ange,  à  uof 
femme  qui  t'a  élevée,  à  ta  seconde  mère  ! 

PAULINE. 

Oh!  si  tu  te  fâches,  je  vais  aller  me  coucher...  Je  croyais^  moi 
q«e  le  oœup  d'un  pore  devait  ôtrc  an  asik  sûr  pour  une  fiUfl; 

LB  GÉNGUAL. 

Ohl  câline!  Allons»  pour  toi  je  vais  me  faiire  dooi. 


JUSTE  tt.  351 

Oh  !  que  tu  es  bon  I  Eh  bien  !  si  j'aimais  le  A)3  d'un  de  ceiu 
qae  ta  maudis  ? 

LE  GÉNÉRAL^  U  se  lève  bmsqaement  et  repoone  la  flUe. 

Je  te  maudirais  ! 

PAsun» 

Eq  voilà  de  ]»  doiiic^urji  là  !  (a«nrid9  partit.) 

LE  GÉNéRAL. 

Mon  eufant,  il  est  des  seotûa^nt^  qu'il  ne  faut  jamais  éveiller 
eu  moi;  tu  le  sais»  c*^JSt  ma  vie.  Veux- ta  la  mort  de  ton  père? 

PAULINE. 

Oh! 

Chère  enfant I  j*af  ftiit  mon  temp^..  Ttensi»  moa  (sort  e$t  à  en* 
vler  près  de  toi,  près  de  Gertrude.  Eh  bien  I  quelque  douce  $t 
charmante  que  soit  mon  existence,  je  la  quitterais  sans  regret  si, 
h  quittait,  je  te  rendais  heureuse;  car  nous  devons  le  bonheur  à 
ceux  b  tpn  nons  av^e  dotoé  la  vie. 

VAUUNB  wttUi  porte  eotr^-bAlHâe. 

Ah  !  elle  écoule.  (Uaut)  Mon  père,  il  n'en  est  rien,  rassurez-vous  \ 
Mais  enfin,  voyons...  Si  cela  était  et  que  ce  fût  mi  sentiment  si 
violent  que  j'en  dusse  mourir? 

LE  giSnérâl.  - 

Il  faudrait  ne  m'en  rien  dire,  ce  serait  plus  sage,  et  attendre 
ma  mort.  Et  encore  I  s'il  n'y  a  rien  de  plus  sacré,  de  plus  aimé»  i 
après  Dieu  et  la  patrie,  pour  les  pères,^  que  leurs  enfants,  les  en*  \ 
fants,  à  leur  tour,  doivent  tenir  pour  saintes  les  volontés  de  leurs 
pères,  et  ne  jamais  leur  désobéir,  même  après  leur  mort.  Si  tu 
n'étais  pas  fidèle  à  cette  haioe,  je  sortirais,  je  crois,  de  mon  cer- 
cueil pour  te  maudire. 

PAULIJîE;  ellç  embriusse  gop  père. 

Oh  !  méchant!  méchant  !  £h  bien  !  je  saurai  maintenant  si  tu 
^  discret*,  •  Jure -moi  sur  ton  honneur  de  ne  pas  dire  un  mot  de 
ceci. 

LIS  G^ÉRAL. 

Je  te  le  promets  I  Mais  quelle  raison  as-tu  donc  de  te  défier  de 
Gertrude? 


352  I^   MARATBE. 

PÀULUI. 

Tu  ne  me  croirais  paii 

LE  GÉNÉBAL. 

Toa  intention  est-eile  de  tourmenter  ton  pèret 

PAULINE. 

Non...  A  quoi  tiens-tu  le  plus,  à  ta  haine  contre  les  traîtres  ou 
à  ton  honneur  7 

LE  GÉNÉRAL. 

4,run  comme  à  l'autre,  c'est  le  même  principe. 

PAULINE. 

Eh  bien  !  si  tu  manques  à  l'honneur  en  manquant  à  ton  ser- 
ment, tu  pourras  manquer  à  ta  haine.  Voilà  tout  ce  que  je  voulais 
savoir  ! 

LE  GÉNÉRAL. 

Si  les  femmes  sont  angéliqnes,  elles  ont  aussi  quelque  chose 
d'infernal.  Dites-moi  qui  souffle  de  pareilles  idées  à  une  611e  inno- 
cente comme  la  mienne?.. .Voil^  comme  elles  nous  mènent  par  le... 

PAULINE. 

Bonne  nuit,  mon  père. 

LE  GÉNÉRAL. 

Hum!  méchante  enfant  I 

PAULINE. 

Sois  discret,  ou  je  t'amène  un  gendre  k  te  faire  frémir* 

(Bile  rentre  dMiâli.) 

SCÈNE  vm.  , 

LE  GÉNÉRAL,  leifl. 

IL  y  a  certainement  un  mot  à  cette  énigme  I  U  faut  le  trouver  I 
oui,  le  tiouver  à  nom»  deux  Gertnide. 


AOTB  II.    .  359 


SCÈNE  IX. 

La  fcène  change.  La  ebambra  de  Pauline.  Ceat  one  petite  chambre  almple.  le  lit  an 
fiod.  une  taUe  ronde  à  gaacbe.  Il  existe  nneaortle  dérobée  à  saucbe,  et  rentrée  eel 
I4rall«. 

PAULINE. 

Enfin,  me  voilà  seule,  je  pais  ne  plus  me  contraindre  I  Marié  !!! 
mon  Ferdinand  marié!!!  Ce  serait  le  plus  lâche,  le  plus  infâme»  le 
plas  TÎI  des  hommes!  je  le  tuerais  !  —  Le  tuer!...  non,  mais  je  ne 
survivrais  pas  une  heure  à  cette  certitude...  Ma  beiie-mère  m'est 
odieuse!  ah!  si  elle  devient  mon  ennemie,  elle  aura  la  guerre,  et 
je  la  lui  ferai  bonne.  Ce  sera  terrible  :  je  dirai  tout  ce  que  je  sais 
à  mon  père,  (EUe  regarde  à  sa  montre.)  Ouzo  houres  et  demie,  il  ne  peut 
Tenir  qu'à  minuit,  quand  tout  dort  Pauvre  Ferdinand  !  risquer 
sa  vie  ainsi  pour  une  heure  de  causerie  avec  sa  future  !  est-ce 
aimer?  On  ne  fait  pas  de  telles  entreprises  pour  toutes  les  femmes! 
inssi  de  quoi  ne  serais-je  pas  capable  pour  lui!  Si  mon  père  nous 
surprenait,  ce  serait  moi  qui  recevrais  le  premier  coup.  Ohl 
douter  de  l'homme  qu'on  aime,  c'est  je  crois  un  plus  cruel  sup- 
plice que  de  le  perdre  :  la  mort,  on  l'y  suit;  mais  le  doute  ! 

c^est  la  séparation...  Ahl  je  l'entends. 


SCÈNE  X. 


FERDIMÀlf D,  PADLINE  ;  éUe  poMM  tat  temoi. 


Es-ta  marié  ? 

PBRDINANI). 

Quelle  plaisanterie  !«••  Ne  te  l'aurais-je  pas  dit! 

PÀULINB. 
Ah  1  (BUe  tombe  dans  on  fliateall,  pnli  à  gênons.)  Sainte  Vierge,  quel  VCeU 
vous  faire  ?  (isne  emlmaM  la  SMln  de  Ferdinand^  Et  toi,  SOIS  mille  foîs  béoi 
TH.  23 


5^  «LA   HiHUltBB. 

flRDINAND. 

Mais  qni  fa  dit  une  pareiiie  IMw! 

PÀULnn. 
Ma  belle -mère. 

FEKDINAirD. 

Elle  sait  tout  T  ou  n  eDe  ne  le  sait  i)as,  elle  Ta  nous  eafisum  et 
tout  découvrir  ;  car  les  soupçons,  chez  les  femmes  comme  eUe, 
t*est  la  certitude  !...  £cout&-noi,  Pauline,  les  instants  sont  pré- 
cieux. C'est  madame  de  Grandcbamp  qui  m'a  £iit  venir  dans  cette 
maison. 

PAULUTB. 

Etpoarqno}f 

FKRDIICAKD* 

Pta-ce  qu'elfe  m^rirne 

Qneffe  Iiarrenrf...  Eli  bien!  et  mon  père? 

fbrdutanh. 
Elle  m'aimait  avant  de  se  marier. 

PiiUUSKi. 

Elle  t'aime  ;  mais  td»  l'aimcs-te? 


Senia^je  ntté  èBOKcctie  nHiMAt 
Elle  t'aime...  encore? 

FERDINAND. 

Malheureusement  toujours!...  Elle  a  été,  je  dois  te  l'avouer, 
ma  première  inclination  ;  mais  j»  h  hA  aujourd'hui  de  toutes  les 
puissances  de  mon  âme,  et  je  cherche  pourquoi  Est-ce  parce  qae 
je  t'aime,  et  fw  tam  WniaMe  et  ptr  aianr  ttfl  ée  sa  nature 
exclusif  7  est-ce  que  la  comparaison  d'un  ange  de  pureté  tel  que 
toi  et  d'un  démon  comme  elle  me  pousse  autant  à  la  haine  da  mai 
qu'à  l'amour  de  toi,  mon  bieir,  mon  bonheur,  mon  joli  trésort 
Je  ne  sais.  Mais  je  la  hais,  et  je  t'aime  à  ne  pas  regretter  de  mddrfr, 
si  ton  père  me  tuait;  car  uncf  de  nos  causeries,  une  heure  passée 
Gi,  près  de  toi,  me  semMe*,  mélBye'apris  qn^ettr^^tf^  CbodS?»  flNrte 
ma  vie. 


«kf  parlir PMi»iii^)QNnL«^  matmiÊmÊmlm  Ayriii>w 


ACTE  IL  35& 

entendu^  X^  ^^  pardonne  le  mal  que  tu  m'as  fait  en  ni!appEeiiant 
que  je  ne  suis  pas  ton  prenuer,  ton  seul  amour,  coaime  tu  es  le 
mien...  C'est  une  illusion  perdue»,  que  wt^»-tu?.  K&  te  £âche.  pa&7 
Les  jeunes  filles  sont  folles,  elles  n*ont  d'ambition  que  dans  leur 
amonr,  et  elles  voudraient  avoir  le  passé  comme  elles  ont  l'avenîf 
deodoi  qu'elles  aiment!  Tu  la  hais!  voilà  pour  moi  plus  d'amour 
dans  une  parole  que  toutes  les  preuves  qiie  tu  m'en  a  dooiiea  e«i 
deux  ans.  Si  tu  savais  avec  quelle  cruauté  cette  marâtre  m'a  mise 
à  la  question!  Je  me  vengerai  ! 

Prends  garde  l  elle  est  bîea  dangereuse  l  BilefwviinihfrtDftpèiet 
elle  est  femme  k  livrer  uacombat  morleLI 

PAULIN!;. 

Mortel  !  c'est  ce  que  je  veux. 

wwÊmkmk 

De  la  prudence,  ma  chère  Paoliae-f  Meus  voulons  être  Tun  à 
ramre^  n'est-ce  pas?.^  AbHn  i  m«r  amie^  k  pr<OBaf«tir  Ai  roi  ett 
dVis  que,  poar  tsim^er  det  ëSavâSÉ»  ^  nias  séjpftroif,  B 
bat  avoir  la  force  de  nous  quitleff  podant  quelque  temps. 

PÀULinfc 
Oh!  donne-moi  deux  jours,  «l ^awaâ  tout  obtenu  de  mon  père. 

FERDINAND. 

Tu  ne  connais  pas  madame  de  Grandchamp.  Elle  a  trop  fait 
pour  ne  pas  te  perdre,  et  eHe  osera  tout  Aussi  ne  partiraf-jé  pas 
sans  te  donner  des  armes  terribfes  contre  elle, 

PAULINB. 

Donne,  donne! 

Pas  encore.  Promets-moi  de  n'en  faire  usage  ^fm  (f  flr  Vi9  eH 
menacée,  car  c'est  un  crime  ctntie- la»  délicatesse  que  je  commet- 
trai !  Mais  il  s'agit  de  toi. 


Qu'eat-<e.  dood 

RRIUNAimi. 

Les  lettres  qu'elle  m'a  écrites  avant  son  mariage  et  quelqi 
unes  après...  Je  te  les  remettrai  demaia  Pauline,  ne  les  lis  past 
iure4e  inoi  par  .notre  am<nir„  par  notre  boshonL  ILswffifaualli 
nécessité  le  voulait  absolument,  qv^'eUs  sacba  fiiftta  les  a»  ott  I» 


356  LA   UARATRB. 

possession,  et  tu  la  verras  trembler,  ramper  à  tes  pieds  ;  car  alors 
tontes  ses  machinations  tomberont.  Mais  que  ce  soit  ta  dernière 
ressource,  et  surtout  cache-les  bien  I 

PAULINE. 

Quel  duel! 

PERDlNAirO. 

Terrible  !  Maintenant,  Pauline,  garde  a?ec  courage,  comme  to 
l'as  fait,  le  secret  de  notre  amour;  attends  pour  Favouer  qu'il  ne 
puisse  se  nier. 

PAULINE. 

Ah!  pourquoi  ton  père  a-t-il  trahi  l'empereur t  Mon  Diea^si 
les  pères  savaient  combien  leurs  enfants  sont  punis  de  leurs  fautes, 
il  n'y  aurait  que  de  braves  gens  ! 

FERDINAND. 

Peut-être  est-ce  notre  dernière  joie  que  ce  triste  entretien  7 

PAULINE,  à  part. 

Je  le  rejoindrai..  (Haut.)  Tiens,  je  ne  pleure  plus,  je  suis  coo- 
ageuse  I  Dis?  ton  ami  sera  dans  le  secret  de  ton  asile  I 

FERDINAND. 

Eugène  sera  notre  intermédiaire. 

PAULUTE. 

Et  ces  lettres? 

FERDINAND. 

Demain!  demain I...  Mais  où  les  cacheras-tu t 

PAULINE. 

Je  les  garderai  sur  moi. 

FERDINAND. 

Eh  bien!  adieu. 

PAULINE. 

Non,  pas  encora» 

FERDINAND. 

Un  instant  peut  nous  perdre... 

PAULINI. 

du  nous  unir  pour  la  vie...  Tiens,  laisse-moi  te  reconduire,  je 
ne  suis  tranquille  que  lorsque  je  te  vois  dans  le  jardin.  Viens, 
viens. 

FERDINAND. 

Un- dernier  coup  d'œil  à  cette  chambre  déjeune  fille  où  tu  peu 
seras ^  moi...  où  tout  parie  de  toi. 


ACTE  IL  351 

SCÈNE  XI. 

Change  et  repréwnte  la  premttte  décoration. 
PAULINE,  nr  le  perron:  GERTRUDE,  à  U  porte  dn  ealon. 

GEBTRUDB. 

EHe  le  recoodait  jnsqae  dans  le  jardin...  Il  me  trompait  I  elle 

aussi  I. . .  (Elle  prend  Pauline  par  la  main  et  l'amène  sur  le  derant  de  la  scène.)  Dh 

rez-voas.  Mademoiselle,  que  vous  ne  l'aimez  pas? 

PAULINB. 

Madame,  moi  je  ne  trompe  personne. 

GERTRUDB. 

Yous  trompez  votre  père. 

PAULINE. 

Et  vous.  Madame? 

GERRUDS. 

D'accord!  tous  deux  contre  moi...  Oh!  je  vais... 

PAULINE. 

Yoos  ne  ferez  rien.  Madame,  ni  contre  moi,  ni  contre  luL 

GERTRUDE. 

Ne  me  forcez  pas  à  déployer  mon  pouvoir  !  Tons  devez  oltéfr  à 
votre  père,  et.,  il  m'bbéit. 

PAUUNB. 

Nous  verrons  ! 

GERTRUDB. 

Son  sang-froid  me  fait  bondir  le  cœur!  Mon  sang  pétille  dans 
mes  veines.  Je  vois  du  noir  devant  mes  yeux!  Sais-tu  que  je  pré- 
fère la  mort  à  la  vie  sans  lui  7 

PAUUNB. 

Et  moi  aussi,  Madame.  I^lais  moi  je  suis  libre,  je  n*ai  pas  juré 
comme  vous  d*étre  fidèle  à  un  mari...  Et  votre  mari...  c'est  mon 
père! 

GERTRUDE^  aux  genoux  de  Pauline. 

Que  t'ai-je  fait  ?  je  t'ai  aimée,  je  t'ai  élevée»  j'ai  été  bonne 
mère. 


WS  LA  «ARATRB. 

PAULINE. 

Soyez  épouse  fidèle,  et  je  me  takaL 

GEBTRUDB. 

Eb  !  parlei  ftwb  lat^MC  to  imdciii.^.Éili<*i lotie  commence 

SCÈNE  xn. 

ut  aiHit,  LE  aËNÉ&ili. 
XB  «iirteAL. 

Ah  çà,  que  se  passe-t-il  donc  ici  7 

Trouve-toi  mai!  allons  donc!  <Biie la  renyerBe^  n  y  a,  mon  ami, 
que  j*ai  entendu  des  gémissements.  NUne  dbère  ^aubat  i^Iait 
au  secours,  elle  était  asphyxiée  par  les  fleurs  de  sa  chambre. 

PAULINE. 

Oui,  papa»  Marguerite  aya^  fraMré  d*ôter  la  jardinière,  et  je  me 
mourais. 

oenTRUBe. 
Yiems^  ma  £11^  làum  fRinàre  Taie     au« wnettuiariitevi^) 

LBOMÉlâi.. 

liartes  «I  mgmmi  iSh  JbifliiJ  #à  dooc  «vcmmbs  mis  les 
fleursT 

PAULmV^Aertrttdt. 

Je  ne  sais  pas  où  madame  les  a  portées. 


•        «• 


-n  tnid'à  gtaetae.) 


SCÈNE  XUI. 

PAULINE,  GERTRUDS. 
CBBTRUDB. 

Centrez  Sans  TOtre  chambre,  enfermez-tous-y  I  je  prends  tout 

for  moL  (PâttUm  rentra.)  Je  l'attends  I  (SUe  nbM 


ACTE  IL  359 

11  CÉKÉSkÂL,  refsnant  dn  jardin. 

Je  ii*ai trouTé  de  jardinière  nulle  part..  Décidément  il  se  passe 
qnelqne  chose  d'extraordinaire  ici.  Gertrude?...  personne!  Ah! 
madame  de  Graodcbavji^  «ons  Jdltt  ine  dna«.  Il  serait  plaisant 
que  ma  fenune^tft  «a  fiHe^ie  joaasseilt  de  moL 

(U  repiend  son  bougeoir  et  entre  chez  Gertrude.  —  Le  rideau  balne  pendanl 
fMiquat  instant!  pew  indiquer  l'entr'acte.  puis  le  Jour  revlentJ 


ACTE    TROISIÈAIE 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

GERTRUDE»  seule  d'abord:  pals  CHAMPAGNE. 

GERTRUDF^  remonte  elle-même  une  Jardinière  par  le  perron  et  la  dépose  dam  U 

première  pièce. 

Ai-jc  eu  de  la  peine  à  endormir  ses  soupçons  !  Encore  une  oo 
deux  scènes  de  ce  genre,  et  je  ne  serai  plus  maîtresse  de  son  es- 
prit. Mais  j*ai  conquis  un  moment  de  liberté...  Pourvu  que  Pau- 
line ne  vienne  pas  me  troubler  !.. .  Oh  I  elle  doit  dormir...  elle  s'est 
couchée  si  tard!...  Serait-il  possible  de  l'enfermer 7*. •  (EUevayoïr 

porte  de  la  chambre  de  Pauline.)  Non  I. . . 

CHAMPAGNE^  entrant. 

M.  Ferdinand  Ta  Tenir,  Madame. 

GERTRUDE. 

Merci,  Champagne.  H  s'est  couché  bien  tard,  hier? 

CHAMPAGNE. 

M.  Ferdinand  fait,  comme  vous  le  savez,  sa  ronde  toutes  les 
nuits,  et  il  est  rentré  Ters  une  heure  et  demie  du  matin.  Je  couche 
au-dessus  de  lui,  je  l'entends. 

GERTRUDE. 

Se  couche-t-il  quelquefois  plus  tard? 

CHAMPAGNE. 

Quelquefois,  c'est  selon  le  temps  qu'il  met  à  faire  sa  ronde. 

GERTRUDE. 

Bien,  mercL  (Champagne  sort.)  Pour  prix  d'un  sacrifice  qui  dure 
depuis  douze  ans,  et  dont  les  douleurs  ne  peuvent  être  comprises 


"^'M.^f„fe 


AGTB  in.  36i 

ipie  par  des  femmes,  car  les  hommes  deyinent-ib  jamais  de  pa- 
reilles tortares  ?  qa'avais-je  demandé?  bien  pen  !  le  savoir  là,  près 
de  HMM,  sans  antre  plaisir  qu'nn  regard  furdf  de  temps  en  temps, 
ieoe  voulais  qne  cette  certitude  d'être  attendue...  certitude  qui 
nous  suffit,  à  nous  autres  pour  qui  Tamonr  pur,  céleste,  est  un 
rêve  irréalisable.  Les  hommes  ne  se  croient  aimés  que  quand  ils 
DOQS  ont  £iit  tomber  dans  la  fange  I  et  voilà  conune  il  me  récom* 
pense!  il  a  des  rendez-vous  la  nuit  avec  cette  sotte  de  fille I  Eh 
bien  !  il  va  prononcer  mon  arrêt  de  mort  en  face;  et,  sll  en  a  le 
courage,  j'aurai  celui  de  les  désunir  à  jamais,  à  l'instant;  j'en  ai 
trouvé  le  moyen...  Âh  !  le  voici  !  je  me  sens  défaillir  I  Mon  Dieu  ! 
pourquoi  nous  faites- vous  donc  tant  aimer  un  hoomie  qui  ne  nous 
aime  plus  f 

SCÈNE  IL 

FERDINAND,  GERTRUDI. 
GERTRUDK* 

Hier,  vous  me  trompiez.  Vous  êtes  venu  cette  nuit,  ici,  par  ce 
salon,  avec  une  fausse  clef,  voir  Pauline,  au  risque  de  vous  faire 
tuer  par  M.  de  Grandchamp  I  Oh  I  épai^nez-vous  un  mensonge. 
Je  vous  ai  vu,  j'ai  surpris  Pauline  au  retour  de  votre  promenade 
nocturne.  Vous  avez  fait  un  choix  dont  je  ne  puis  pas  vous  féliciter. 
Si  vous  aviez  pu  nous  entendre  hier,  à  cette  place!  voir  l'audace 
de  cette  fille,  le  front  avec  lequel  elle  m'a  tout  nié,  vous  tremble- 
riez pour  votre  avenir,  cet  avenir  qui  m'appartient,  et  pour  lequel 
j*ai  vendu  corps  et  âme. 

FBRD1NA5D^  Il  part. 

L'avalanche  des  reproches  I  (Haut.)  Tâchons,  Gertrude,  de  nous 
conduire  sagement  l'un  et  l'autre.  Evitons  surtout  les  vulgarités... 
Jamais  je  n'oublierai  ce  que  vous  avez  été  pour  moi  ;  je  vous 
aime  encore  d'une  amitié  sincère,  dévouée,  absolue;  mais  je  n'ai 
plus  d'amour. 

GERTRUDB* 

Depuis  dix-huit  moisT 

rtRDINASDli 

Depuis  trois  ans. 


M2  LA 

gigKTBiTrg- 

Mas  aka  wcMB  <d0ae  ifie  j'«  k  drakde  iM&r  «t  ée  «^^ 

itai  Miioui  piBir  nriBnr  :  car«ec  Mmaac  vms  a  leada iâche «t 


I 

Om,  i»iiVBi*am  4i!Bnp6e.....  BftfestMtidcBlreii&as^biix, 
ww  imVa  fat  levâtir  BQ  cmcftère  fû  II W  fM  i^  ie«ii8 

viikiilB,  fim  le  saf tt.  lA  ^Menn  e«  kancte,  etjeinarohe^bms 
«■B  Tflk  de  tmoaiieries  îaHmes.  Vimui  me  «avez  drac  pas  ice  ipie 
c*«it  ^K  à'Kfékk  tnmver  4e  m«v4MK  meBfWWHjPf  cbMfae  joor,  à 
rimproviste,  de  mentir  avec  un  poignard  dans  le  cœur?»..  Oh!  Je 
mensonge  I  mais  c'est  pour  nous  la  punition  du  bonheur.  C'est  une 
honte,  si  l'on  réussit  ;  c'est  la  mort,  si  l'on  échoue.  Et  vous  !  vous, 
les  hommes  vous  envient  de  vous  faire  aimer  par  les  femmes.  Vous 
serez  applaudi,  là  où  je  serai  méprisée.  Et  vous  ne  voulez  pas  que 
je  me  défende  I  Et  vous  n^'avez  que  â^amères  paroles  pour  une 
fenune  qui  vous  a  tout  caché  :  remords,  larmes  I  J'ai  gardé  pour 
moi  seule  la  colère  du  ciel;  je4ilesc^dais  seule  dans  les  abîmes  de 
mon  âme«  creusée  par  les  douleurs;  et,  tandis  que  le  repentir  me 
mordait  le  iXBur,  je  n*avais  pom  vous  «que  des  r^ards  ileinsde 
tendresse^  une  physionomie  gaie!  Tenes^JP^erdinand^  m  dédaignes 
pèB  ose  esclave  â  Jbien  jgpàvoisâe. 

Il  iàU  A  fiÉK.  mt/L)  ÉoMiteK,  ^kMÈmi^  fanid  mm  wtm 
i«noo«iiiéfli,  k  jesiiene  «soie  «wisa  fiott'a.  l%âcMé»ii 
k  «wriez»  kmt  mmwmmri  éiéisÊmoti^a^^ammmêmkÊi 
du  cœur  de  tous  les  hommes,  à  leur  ins%  cacU  moêhsêmn 
des  premiers  désirs.  On  a  iuÊtét  tmkaâfince  dans  les  sentifflents  à 
WB^ffré&aai  aasi  Veainmamit  aaqid  jmnis  anintit  «a  yftm  ne 
mssftemet  fasdasMAcUrniàfa  w  ommm^lk  «s^  màm 


Gomme  il  raisonne  tranquillement  I  Ah  I  il  estiniSasi 

Et  alors  je  vous  ai  aimée  avec  candeur,  avec  ira  eniieràbai&m; 
mais  depuis  !•••  d^uis,  k  vie  a  tbangé  d'aspect  powr 


Acn  in.  "SSS 

Si  4iic  J6  "BUS  tcM  isn  C6  tok  fiû  }6  iftnrMi  jlnnB  4ft  ireiïir, 
:'est  que  j'ai  choisi  dans  Paaline  la  seule  femme  avec  laquelle  il 
me  soit  possible  de  finir  mes  jtmrs.  Allons,  Gertrude,  ne  voos 
biisez  pas  contre  cet  arrêt  do  oieL  Ne  tovnetflei  pn  édOL  ^tres 
qui  vous  demandent  leur  boahMr,  q^  voos  aimeront  bien. 


Ahl  Toos  êtes  le  martyr?  et  mol.,  moi  je  snis  le  tooirenl 
Mais  ne  serais-je  pas  votre  fenme  lujoard'hni,  si  je  n'avais  pas,  il 
y  a  douze  ans,  préféré  votre  bonheur  à  jaHmvar  T 

MunâHD. 

9h  MflB  f  tttei  aoîiopl'lnii  la  vfinMi  ^fton,  ^sn  me  laissaiit  ma 
liberté. 


La  liberté  d'en  aimer  une  autre.  Iliies'a|iMiliHMte^ll  y  a 
douze  ans...  Mais  je  vais  en  moaiâr. 

FERDlNAlfB. 

On  meurt  d'amour  dans  les  j^oésîes,  mais  dans  la  vie  ordinaire 
on  se  console. 


Jjeaiiiiiina  wis  |nb,  vous  mires,  ^p&ot  iroine  tiomoiir  ^nUragé, 
|MBr  jn  mot,  poar«B  geAel  fihlbieB!  H  y  «  des  lemmes  ffA 
meurent  pour  leur  amour,  quand  cet  amour  est  un  trésor  on  «JDas 
ont  tout  placé,  quand  c^^mite  Imr  fie,'ét  je  suis  de  ces  femmes- 
là,  moi  !  Depuis  que  vous  êtes  sous  ce  toit,  WtêmmaA,  fwL  «mut 
une  catastrophe  à  toute  heuiej  ekinen  !  j'avais  toujours  sur  moi  le 
mogea  ée  içnlter  Ja^vieàl&uttiit,  s'îla^usatiiwk  «mAbot.  Itaez, 
(die  amammmméfè  VBiBm— iMt  j^i  vteai 

PBBDmAIfl). 

Ahl  voici  les  larmes  I 

Je  m'étais  promis  de  les  maîtriser,  elles  m'étouffent!  Mais  aussi» 
vous  me  parla  «ne  ^oeMe  fMA»  fMJteasD  t^  «est  totre  dernière 
insulte,  à  vous  autres,  pour  un  amour  que  vous  rebutez!  Vous  ne 
me  témoignez  pas  la  moindre  sympathie  I  vous  voudriez  me  voir 

morte^  et  vous  seriez  débarrassé Wals,  Ferdinand,  tu  ne  me 

enmM  pasi  r^moeni  «oiil  4aiis  «ne  ieHM  w  Y 

veuxi  plus  tromper.  Gela  me  lasse,  isw,  fa  «ensome.  Je  preséni 


36&  LA  MARATRE. 

mon  enfant,  je  Tiendrai  chez  toi,  nous  partirons  ensemble.  Plus  de 
Pauline. 

FERDINAND. 

Si  vous  faites  cela,  je  me  tuerai 

6SRTRUDI. 

Et  moi  aussi  I  Nous  serons  réunis  par  la  mort,  et  tu  ne  seras 
pas  à  elle. 

FERDINAND,  à  part. 

Quel  caractère  infernal  I 

6ERTRUDB. 

Et  d'ailleurs,  la  barrière  qui  vous  sépare  de  Pauline  peut  ne 
jamais  s'abaisser;  que  feriez- vous? 

FERDINAND. 

Pauline  saura  rester  libre. 

6ERTRUD1. 

Mais  si  son  père  la  mariait? 

FERDINAND. 

J'en  mourrais  ! 

GERTRUDS. 

On  meurt  d'amour  dans  les  poésies,  dans  la  vie  ordinaire  on  se 
console;  et....  on  fait  son  devoir,  en  gardant  celle  dont  on  a 
pris  la  vie. 

LE  GÉNÉRAL,  aadebofi. 

Gertrude  I  Gertrade  I 

GERTRUDB. 

J'entends  monsieur.  (Le  générai  parait.)  Ainsi,  M.  Ferdinand,  expé- 
.liez  vos  affaires  pour  revenir  promptement,  je  vous  attends. 


SCÈNE  m. 

LE  GÉNÉRAL,  GERTRUDE,  puis  PAULINE. 
XB  G1&NÉRAL. 

Une  conférence  de  si  grand  matin  avec  Ferdmandl  De  quoi 
s'agit-il  donc  7  de  la  fabrique! 


ACTE  UL  36S 

GIRTRUDI. 

De  quoi  9  s'agit!  je  Ta»  tous  le  dire;  car...  tous  êtes  biea 
comnie  irotre  flb  :  qoand  toqs  tous  mettez  dans  ▼«  questions»  il 
fant  TOUS  répondre  absoloment  Je  me  suis  imaginé  que  Ferdi- 
nand est  pour  quelque  chose  dans  le  refus  de  Pauline  d'épouser 
Godard 

U  GÉVÉIAL. 

\    liensl  tu  pourrais  avdr  raison. 

i 

GERTRUDI. 

J'ai  £iit  Tenir  M.  Ferdinand  pour  éclaircir  mes  soupçons*  et  tous 
avez  interrompu  notre  entretien»  au  moment  oà  j'allais  peut-être 
savoir  quelque  chose.  (maune  entronT»  m  portai 

LE  GÉHftaAL. 

Mais  si  ma  fille  aime  AL  Ferdinand... 

PAULINE. 

Écoutons. 

LE  GtffttikL. 

Je  ne  vois  pas  pourquoi  hier,  quand  je  la  questionnais  d'un  ton 
paternel,  a?ec  douceur,  elle  m'aurait  caché»  libre  comme  je  la 
laisse,  un  sentiment  si  naturel 

GBBTRUDB. 

C'est  que  tous  tous  y  êtes  mal  pris,  où  tous  TaTez  questionnée 
dans  un  moment  où  elle  hésitait..  Le  cœur  des  jeunes  filles,  mais 
c'est  plein  de  contradictions. 

LE  GÉNiBÀU 

An  fait,  pourquoi  pas?  ce  jeûne  homme  traTaiUe  comme  un 
lion,  il  est  honnête,  il  est  probahlement  d'une  bonne  famille. 

PÀULIEE.     • 
Ohl  j'y  suis!  (EOe  rantn.) 

LE  GtfNteAl. 

n  nous  donnera  des  renseignementt.  H  est  ft-dessus  d'une  dis- 
crétion ;  mais  tn  dois  la  connaître  sa  famille»  car  c'est  toi  qui  nous  t 
a  UrouTe  ce  trésor. 

GBRTRUDE. 

Je  te  l'ai  proposé»  sur  la  recommandation  de  la  Tieille  madame  I 

llorin. 

LE  GfoÉBiL. 

Elle  est  morte  I 


3W>  LA  liARAnS. 

€V8lbiHiî|Mnr  cebfœjelaidlii..  (nm.)  Ettsmfa dfe  fuTi  »» 
mère,  iiifiÉinu  i&  ehwnfv  pMr  bforikr  i  ot.  df um  piM  fiirit 
adimraUe;  eie  ot  es  Ir^igat,  ti  HwÊt  wHt  ImmB»  è»  i» 

LB  GÉNÉRAL. 

Les  Gharny...  Eafiu,  s*S  aime  Paoliiie  et  si  Pauline  Taime,  moi, 
malgré  la  fortune  de  Godard,  je  fe' tet  prélërerani  pimr  genApe... 
Ferdinand  connaît  la  fabricatÎMi;  il  m'achèterait  mon  établisse- 
nmt  apvec  l»4rt:dr  fanÉnev  fa.  indc  tmii  sari.  B  nfaifaTk  vos 
dro é^M» i  ikM^  c^cpilfc crt;  et  qjttëmtmm  piaoL...  Mais  icw 
verroivsa 


Madame  Gharny? 

LB  QÉSÉSil. 

Oui,  madame  Gharny...  N'est-elle  pas  près  de  SainMiitol. 
ce  n'esl  pas  au  bout  du  monda... 


iflMier-f  dé  firUneBse,  un  pev  de  votre  ifBeétynem  soldat,  iIe^ 
la  douceur,  et  vous  saurez  si  cette  enlknl.. 

LB'  GÉNÉk'AE. 


SeÈKB  Vf. 


Uf  mtuEtf  WJtClCVKnîl,  pMta 


MARGUERITE. 

Moi,  général,  la  mort  de  mon  enfant!    , 

LB  GÉNÉRAL. 

Vous  avez  oublié  d'ôter  la  j^rdijoiècaoù  il  se  trouvait  des  plantes 
.  odeurs  fortes,  elle  en  a  été  presque  asphyxiée..^ 


ACTE  IIL  307 

KARGUEBirS. 

Par  exemple I...  J*ai  Ôté  la  jardinière  avant  Tarrivée  de  M.  Go- 
dard, et  madame  a  dû  voir  qu'elle  n*y  était  déjà  plus  quand  nous 
avons  habilla  madem«i8dle>^> 

Gmsvioki 

Yoas  TOUS  trompez^  die  j  état*.. 

En  Toilà  une  sévère. . .  (Haut.)  Madame  a  voulu  mettre  de»  fleurs 
natarelles  dans  les  cheveux  de  mademoiselle,  et  a  ^  r  Tiens»  la 
jardinière  n'y  est  plus... 


Tous  inventez...  Toyons,  ot  raver-voor  porféèF 

MARGUERITB. 
GERTRUDE,  aii  «iBéDBk 

L'y  âvez-vous  trouvée  cette  naît  î 


NonI 

Je  l'ai  ôtée  de  la  chamktt  nuinalaR  «tte  noit»  «i l'aInMW 

X  (]Uteaeittttla.|ardintôre  sur  le  perron.) 

KARGUEBITS;  au  gâiéraT. 

Monsieur,  je  vous  jure  sur  mon  sato  €tcrnA« 

GSRTRUDS. 

HtjMftgas.U.  a«te)«nt^Paidin0l 

PaoUnel...  '«^  •»""' 

GERTRUDE. 

La  jardinière  éuit-elle  chez  toi  cette  nuit? 

Oui...  Marguerite,  ma  pauvre  vîeîffe,  tu  l'auras  oubliée... 

Dites  donc,  MactemoiseUe,  qu'on  l'y  aura  reportée  exprès  pour 
TOUS  rendre  malade  I 


Qu'tti-ce  que  crest  qw>  te-  iwir*.» 


368  LA  MARATRR. 

LE  GÉNÉRAL. 

Vieille  folle,  a  tous  manqaez  de  mémoire,  Q  ne  faat,  dn  mmiu, 
accaser  personne. 

PAULINE^  à  Margnertte* 

Tais-toi  !  (Haut.)  Marguerite,  elle  y  était I  ta  l'as  onUiée».. 

MARGUERITE. 

C'est  vrai.  Monsieur,  je  confonds  aYant-hier... 

LB  GÉIfÉRAL,  à  part. 

£l)e  est  chez  moi  depuis  vingt  aùs...  son  insistance  me  semble 
singulière. ...  ai  prend  Marguerite  k  part.)  Voyous. . .  et  rtûstoire  dcs  fleors 
dans  la  coiffure ?..« 

M  ARGUERTTE  >  à  qui  Panlliie  fait  des  signes. 

Monsieur»  c'est  moi  qui  aurai  dit  cela..«  Je  suis  si  vieille  que  la 
némoire  me  manque... 

LE  GÉNÉRAL. 

Mais  alor»,  pourquoi  supposer  qu'une  mauvaise  pensée  poisse 
venir  à  quelqu'un  dans  la  maison  ?••• 

PAULDCB. 

Laissez-la,  mon  père  !  Elle  a  tant  d'affection  pour  moi»  cette 
bonne  Marguerite,  qu'elle  en  est  quelquefois  folle.  •• 

MARGUEETTE.  k  part. 

Je  suis  sûre  d'avoir  ôté  la  jardinière.  •• 

LE  GÉNÉRAL,  k  part. 

Pourquoi  ma  femme  et  ma  fille  me  tromperaient-elles?...  Ua 
vieux  troupier  comme  moi  ne  se  laisse  pas  malmener  dans  lesfeoi 
de  file,  il  y  a  décidément  du  louche... 

GERTRUDB. 

Marguerite,  nous  prendrons  le  thé  ici,  quand  M.  Godud  sera 
descendu...  Dites  à  Félix  d'apporter  id  tous  les' journaux. 

MARGUBRITI. 

Bien,  Madame. 

SCÈNE  V. 

CERTRUDE,  LE  GËNÉRAL,  PAUUlll. 


VI  général;  nendinMeiafllIe 

Tu  ne  m*as  seulement  pas  dit  bonjouft  fille  dénaturéel 


ACTE  IIL  3G9 

PAULINE^  elle  l'embrasGe. 

Mais  aussi,  tu  commences  par  quereller  à  propos  de  rien...  Je 
vous  déclare.  Monsieur  mon  père,  que  je  vais  entreprendre  votre 

éducation...  H  est  bien  temps,  à  ton  âge,  de  te  calmer  le  sang 

Un  jeune  homme  n'est  pas  si  vif  que  toi!  Tu  as  fait  peur  à  Margue» 
rite,  et  quand  les  femmes  ont  peur,  elles  font  des  petits  mensonges, 
et  Ton  ne  sait  rien... 

LE  GÉNÉRAL,  ft  part. 

Tirez-vous  delà!  (Haut.)  Votre  conduite.  Mademoiselle  ma  fille» 
n'est  pas  de  nature  à  calmer  le  sang...  Je  veux  te  marier,  je  te  pro* 
pose  un  homme  jeune... 

PAULINE. 

Beau,  surtout,  et  bien. élevé! 

LE  GÉNÉRAL. 

Allons,  silence,  quand  votre  père  vous  parle,  Mademoiselle.  Un 
homme  qui  possède  une  magnifique  fortune,  au  moins  sextuple  de 
ia  vôtre,  et  tu  le  refuses...  Tu  le  peux,  je  te  laisse  libre;  mais  si 
lu  ne  veux  pas  de  Godard,  dis-moi  qui  tu  choisis,  d'autant  plus 
quejelesais... 

PAULINE. 

Ah!  mon  père...,,  tous  êtes  plus  clairvoyant  que  moi Qui 

est-ce? 

LE  GÉNÉRAL. 

Un  homme  de  trente  à  trente- cinq  ans,  qui  me  plaît  à  moi  plus 
que  Godard,  quoiqu'il  soit  sans  fortune....  Il  fait  déjà  partie  de  la 
famille. 

PAULINE. 

Je  ne  vous  vois  pas  de  parents  ici. 

LE  GÉNÉRAL. 

Qu'as-tu  donc  contre  ce  pauvre  Ferdinand,  pour  ne  pas  vouloir... 

PAULINE. 

Ah!  ah!  qui  vous  a  fait  ce  conie-là?  je  parie  que  c'est  madame 
e  Grandchamp. 

LE  GÉNÉRAL. 

Un  conte  !  ce  n'est  donc  pas  vrai  ;  tu  n*as  jamais  pensé  à  ce 

yravc  garçon? 

•  PAULINE. 

Jamais  I 

TH.  24 


370  LA  MARATBB. 

GKRTRUDB^  âU  génénd. 

Elle  ment!  obserrez-la. 

PAULnnu 

Madame  a  sans  doute  de»  raisoos  pour  me  supposer  un  attache^ 
meut  pour  le  commis  de  mon  père.  Oh  I  je  le  vois»  elle  te  fera 
dire  :  Si  votre  oœur,  ma  fiUe^  n'a  point  de  préférence,  époaseï 
Godard!  (a  Gertmde.)  Ce  trait,  Madame,  est  infâme I  me  faire  abjurer 
mon  amour  devant  mon  père  I  Oh!  je  me  vengerai! 

GERTaUOS. 

A  voire  aise;  mais  vmn  épouserei  Godard 

LE  GÉNÉRAL^  &  part. 

Seraient-elles  mal  ensemble!...  Je  vais  interroger  Ferdinand. 
(Haut.}  Que  dites- vous  donc  entre  vous? 

GERTRUDB 

Ta  fille,  mon  ami,  m'^  vent  de  ce  que  j'ai  pu  la  croire  éprise 
d*UB  subalterne;  elle  en  est  profondément  humiiiée. 

LB  GÉNÉRAI. 

C'est  décidé,  tu  ne  l'aimes  pas? 

PAULINE. 

Mon  père, je...  je  ne  vous  demande  pas  à  me  marier!  je  suis 
heureuse  !  la  seule  chose  que  Dieu  nous  ait  donnée  en  propre,  à  nous 
autres  femmes,  c'est  uotre  cœur...  Je  ne  comprends  pas  poarquoi 
madame  de  Grandchamp,  qui  n'est  pas  ma  mère,  se  mêle  de  mes 
sentiments. 

GERTRUDB. 

Mon  enfant,  je  ne  veux  que  votn;  bonlicur.  Je  suis  votre  beBc- 
mère,  je  lésais,  mais  si  vous  aviez  aimé  Ferdinand,  j'aurais... 

LE  GÉNÉRAL^  baisant  la  main  de  Gertrude. 

Que  tu  es  bonne  I 

PAULINE^  &  part. 

J'étouffe!...  Ah  !  je  voudrais  lui  faire  bien  du  mal  f 

GERTRUDE. 

Oui,  je  me  serais  jetée  aux  pieds  de  votre  père  pour  obtenir  son 
conseulcment,  s'il  1  avait  refusé.   ^ 

LE  GÉNÉRAL. 

^'oici  Ferdinand,  (a  part.]  Je  vais  le  questionner  à  ma  manièi'e» 
je  saurai  pcut-êlre  quelque  chosp  • 


ACTB  UL  371 

SCÈNE  yi. 

ui  utnn,  F£BDINAND« 

LE  GÉNÉRAL,  à  Ferdinand. 

Venez  id,  mon  ami,  là.  —  Voilà  trois  ans  et  demi  que  tous  êtes 
avec  nous,  et  je  vous  dois  de  pouvoir  dormir  tranquillement, 
malgré  les  soucis  d'un  commerce  considérable.  Vous  êtes  mainte- 
nant presqu*autant  que  moi  le  maître  de  ma  fabrique  ;  vous  vous 
êtes  contenté  d'appointements  assez  ronds,  il  est  vrai,  mais  qui  ne 
sont  peut-être  pas  en  harmonie  avec  les  services  que  vous  m'avez 
rendus.  J'ai  deviné  d'où  vous  vient  ce  désintéressement. 

FERDUTAND. 

De  mon  caractère!  général. 

LB  GÉNÉBAU 

Soitl...  mais  le  cœur  y  est  pour  beaucoup,  helal...  Allons, 
Ferdinand,  vous  connaissez  ma  façon  de  penser  sur  les  rangs  de  la 
société,  sur  les  distinctions;  nous  sonuues  tous  fils  de  nos  œuvres: 
j'ai  été  sokiat  Ayez  doue  confiance  en  moi  I  On  m'a  tout  diu. ... 
vous  aimez  une  petite  pei'sonne,  ici...  si  vous  lui  plaisez,  elle  est  à 
vous.  Ma  femme  a  plaidé  votre  cause,  et  je  dois  vous  dire  qu'elle 
est  gagnée  dans  mon  cœur. 

FERDINAND. 

Vrai  ?  général,  madame  de  Graudchamp  a  plaidé  ma  cause! 

Ah!  Madame!  (utoiobeàsesKenouxo  Ah  !  je  reconnais  là  votre  gran- 
deur d'âme  I  Vous  êtes  sublime,  vous  êtes  un  ange!  (Courant  se  jeter 
aux  genoux  de  Fauune.j  Pauline,  ma  Pauline. 

GERTRUDE^  au  général. 

J'ai  deviné,  il  aime  Pauline. 

PAULINE. 

Monsieur,  vous  ai-je  jamais^  par  un  seul  regard,  par  une  seule 
parole,  donné  le  droit  de  dire  ainsi  mon  nom?  Je  suis  on  ne  peut 
plus  étonnée  de  vous  avoir  inspiré  des  sentiments  qui  peuvent 
flatter  d'autres  personnes,  mais  que  je  ne  partage  pas...  J'ai  de 
plus  hautes  ambitions. 

LE  GÉNÉRAL. 

Paulme,  mon  enfant,  tu  es  plus  que  sévère...  Voyons,  n'est-ce 
pas  quelque  malentendu...  Ferdinand,  venez  id,  plus  près... 


372  LA    MARATRE. 

FERDINAND. 

Comment,   Mademoiselle,   quand  madame  votre  belle-mère, 
quand  monsieur  votre  père  sont  d*accord?... 

PAULINE^  &  Ferdinand. 

Perdus. 

LE  GÉNÉRAL. 

Ah!  je  vais  faire  le  tyran.  —  Dites-moi,  Ferdinand,  vous  avez 
sans  doute  une  famille  honorable  ?... 

PAULINE^  à  Ferdinand. 

Là! 

LE  GÉNÉRAL. 

Votre  père,  bien  certainement,  exerçait  une  profession  au  moins 
égale  à  celle  du  mien,  qui  était  sergent  du  guet 

GERTRUDE^  &  part. 

Les  voilà  séparés  à  jamais. 

FERDINAND. 

Âh  I  (A  Gertrude.)  Je  VOUS  Comprends.  (Au  g'nérai.)  Général,  je  ue  dis 
pas  que  dansun  rêve,  oh  !  bien  lointain.  Mademoiselle,  dans  un  doux 
rêve,  auquel  on  aime  à  s'abandonner  quand  on  est  pauvre  et  sans 
famille...  (les  rêves  sont  toute  la  fortune  des  malheureux!)  je  ne  dis- 
pas  que  je  n'aie  pas  regardé  comme  un  bonheur  à  rendre  fou  de 
vous  appartenir;  mais  Taccueil  que  fait  mademoiselle  à  des  espé- 
rances bien  naturelles,  et  qu'il  a  été  cruel  à  vous  de  ne  pas  laisser 
secrètes,  est  tel,  que  dans  ce  moment  même,  puisqu'elles  sont 
sorties  de  mon  cœur,  elles  n'y  rentreront  jamais  !  Je  suis  bien 
éveillé,  général.  Le  pauvre  a  sa  fierté  qu'il  ne  faut  pas  plus  blesser 
que  l'on  ne  doit  heurter...  tenez?...  votre  attachement  à  Napoléon. 
(A  Gertrude.)  Vous  joucz  un  rôle  terrible  ! 

GERTRUDE. 

Elle  épousera  Godard. 

LE  GÉNÉRAL. 

Pauvre  jeune  homme?  (APauiine.)  II  est  très-bien  !  Je  l'aime... 
(Ti  prend  Ferdinand  &  part. )  A  votre  place,  moi,  à  votro  âge,  j'aurais... 
Non,  non,  diable!...  c'est  ma  fille! 

FERDINAND. 

Général,  je  m'adresse  à  votre  honneur...  Jurez-moi  de  garder 
le  plus  profond  secret  sur  ce  que  je  vais  vous  confier,  et  que  ce 
secret  s'étende  jusqu'à  madame  de  Grandchamp. 


ACTE  111.  ,   373 

LE  GExNÉRAL,  &  part. 

•  Ah  !  ça,  lui  aussi,  comme  ma  fille  hier,  il  se  défie  de  ma  femme. . . 
Eh!  sariebleu!  je  vais  savoir...  (Haut.}  Touchez- là,  vous  avez  la 
parole  d'uu  homme  qui  n'a  jamais  failli  à  celle  qu'il  a  donnée. 

FERDINAND. 

Après  m*avoir  fait  révéler  ce  que  j'enterrais  au  fond  de  mon 
cœur,  après  avoir  été  foudroyé,  c'est  le  mot,  par  le  dédain  do  ma- 
demoiselle PauUne,  il  m'est  impossible  de  demeurer  ici...  Je  vais 
mettre  mes  comptes  en  règle,  car,  ce  soir  même,  j'aurai  quitté 
le  pays,  et  demain  la  France,  si  j  trouve  au  Havre  un  navire  en 
partance  pour  l'Amérique. 

LE  GÉNÉRAL,      part. 

On  peut  le  laisser  partir,  il  reviendra,  (a  Ferdinand.)  Puis-je  le 
dire  à  ma  ûUe? 

FERDINAND. 

Oui,  aiais  à  elle  seulement    - 

LE  GÉNÉRAL. 

Pauline!...  eh  bien!  ma  fille,  tu  as  si  cruellement  humilié  ce 
pauvre  garçon,  que  la  fabrique  va  se  trouver  sans  chef;  Ferdi- 
nand part  pour  l'Amérique  ce  soir. 

PAULINE. 

Il  a  raison,  mon  père...  Il  fait  de  lui  même  ce  que  vous  lui  au- 
riez sans  doute  conseillé  de  faire. 

GERTRUDE,  à  Ferdinand. 

Elfe  épousera  Godard. 

FERDINAND^  h  Gertrade. 

Si  ce  n'est  moi,  ce  sera  Dieu  qui  vous  punira  de  tant  d'atrocité.' 

LE  GÉNÉRAL,  &  Faullne. 

C'est  bien  loin,  l'Amérique?...  un  climat  meurtrier. 

PAULINE. 

On  y  fait  fortune. 

LE  GÉNÉRAL,  h  part. 

Elle  ne  l'aime  pas.  (a  Ferdinand.)  Ferdinand,  vous  ne  partirez  pas 
lans  que  je  vous  aie  remis  de  quoi  commencer  votre  fortune. 

FERDl.'CAND. 

Je  vous  remercie,  général;  mais  ce  qui  m'est  dû  me  suffira! 
D'ailleurs,  vous  ne  vous  aperccvi^ez  pas  de  mon  départ  à  la  fa- 
brique, car  j'ai  formé  dans  Cliampaguc  un  contre-maître  assez 


'61  h  LA    MARATRE. 

lidbile  aujourd'hui  pour  devenir  mon  successeur  ;  et  si  vous  von- 
fcz  ra'accompagner  à  la  fabrique,  vous  allez  voir... 

LE  G^.NéRÀL. 

Volontiers,  (a  part.)  Tout  s'embrouille  si  bien  ici,  que  je  vais 
aller  chercher  Vernon.  Les  conseils  et  les  deux  yeux  de  mon 
vieux  docteur  ne  seront  pas  de  trop  pour  m'aider  à  deviner  ce  qui 
trouble  le  ménage,  car  il  y  a  quelque  chose.  Ferdinand,  je  suis  à 
vous.  Nous  revenons,  Mesdames,  (a  part.)  Il  y  a  quelque  chose. 

(  Le  général  et  Ferd  inand  sortent.) 

SCÈNE  VII. 

GERTRUDE,  PAULINE. 

PAULINE,  elle  Terme  ]a  porte  au  verrou. 

Madame,  estimez-vous  qu'un  amour  pur,  qu'un  amour  qoi, 
pour  nous,  résume  et  agrandit  toutes  les  félicités  humaines,  qui 
fait  comprendre  les  félicités  divines,  nous  soit  [^lus  cher,  plus  pré- 
cieux que  la  vie?... 

Vous  avez  lu  la  Nouvelle  Iléloïse^  ma  chère.  Ce  que  vous  dites 
là  est  pompeux,  mais  c'est  vrai. 

PAULINE. 

£h  bien!  Madame,  vous  venez  de  me  faire  commettre  un  suicide. 

GERTRUDE. 

Que  vous  auriez  été  heureuse  de  me  voir  accomplir  ;  et,  si  vous 
aviez  pu  m'y  forcer,  vous  vous  sentiriez  dans  Tâme  la  joie  qui 
remplit  la  mienne  à  déborder. 

PAULINE. 

Selon  mon  père,  la  guerre  onfiM;  gens  civilisés  a  ses  lois;  mais 
la  guerre  que  vous  me  faites.  Madame,  est  celle  des  sauvages. 

GERTRUDE. 

Faîtes  comme  moi,  si  vous  pouvez...  Mais  vous  ne  powrrez 
rien!  Vous  épouserez  Godard.  C'est  un  fort  bon  parti;  vous  sera, 
je  vous  l'assure,  très- heureuse  avec  fui,  car  il  a  des  qualités. 

PAULINE. 

Et  VOUS  croyez  que  je  vous  laisserai  tranquillement  devenir  la 
femme  de  Ferdinand? 


u 


ACTE  m.  575 

GERTRUOB. 

Après  le  pea  de  paroles  qae  nous  avons  échangées  cette  nuit, 
pourquoi  prendrions- nous  des  formules  hypocrites?  J'aimais  Fer* 
dioand,  ma  chère  Pauline,  quand  vous  aviez  huit  ans. 

vàuline. 

Mais  vous  en  avez  plus  de  trente!...  Et  moi,  je  suis  jeune!.. 
D'ailleurs,  il  vous  hait,  il  vous  abhorre!  il  me  Ta  dit,  $.  il  ne  \e\K 
pas  d'une  femme  capable  d'une  trahison  aussi  noire  que  Test  la 
vôtre  envers  mon  père. 

f  GERTRUOE. 

lux  yeux  de  Ferdinand,  mon  amour  sera  mon  absolution. 

PAULINE. 

Il  partage  mes  sentiments  pour  vous  :  il  vous  méprise.  Madame. 

6ERTBT70E. 

Vous  croyez?  eh  bien,  ma  chère,  c'est  une  raison  de  plus!  Si 
je  ne  le  voulais  pas  par  amour,  Pauline,  tu  me  le  ferais  vouloir 
nourmari,  par  vengeance.  En  venant  ici,  ne  savait-il  pas  qui  j'étais? 

PAULINE. 

Vous  l'aurez  pris  à  quelque  picge,  comme  celai  que  vous  venez 
de  nous  tendre  et  où  nous  sommes  tombés. 

GERTRUDE. 

Tenez,  ma  chère,  un  seul  mot  va  tout  finir  entre  nous.  Ne  vous 
êtes-vous  pas  dit  cent  fois,  mille  fois,  dans  ces  moments  où  l'on 
se  sent  tout  âme,  que  vous  ferlez  les  plus  grands  sacrifices  à  Fer- 
dinand? 

PAULINE. 

Duî,  Madame. 

GERTRUDE. 

Comme  quitter  votre  père,  la  France;  donner  votre  vie,  TOtrc 
honneur,  votre  salut! 

PAULINE. 

Oh!  l'on  cherche  si  l'on  a  quelque  chose  de  plus  à  offrir  que 
soi,  la  terre  et  le  ciel. 

GERTRUDE. 

Eh  bien  !  ce  que  vous  avez  souhaité,  je  l'ai  fait,  moi!  C'est  as- 
sez vous  dire  que  rien  ne  peut  m'arréter,  pas  même  la  mort 

PAULINE. 

C'est  donc  vous  qui  m'aurez  autorisée  à  me  défendre  !  (a  part.) 


:S76  LA    MAHATUIU 

O    FerdinaDd !    notre   amour    (Gertnide  va  sasseotr  mr  le  eanapé  pendan: 

l'aparté  de  Pauline),  elle  le  dit,  est  plus  que  la  vie  !  (À  Gertrude.)  Madame, 
tout  le  mal  que  vous  m*avez  fait,  vous  le  réparerez  ;  les  difficultés, 
les  seules  qui  s'opposent  à  mon  mariage  avec  Ferdinand,  vous  les 
vaincrez...  Oui,  vous  qui  avez  tout  pouvoir  sur  mon  père,  vous 
lui  ferez  abjurer  sa  haine  pour  le  fds  du  général  MarcandaL 

GERTRUDE. 

Ah!  très-bien. 

PAULINB. 

Oui,  Madame» 

GERTRUDB. 

Et  quels  moyens  formidables  avez-vous  pour  me  contraindre? 

PAULINE. 

Nous  nous  faisons,  vous  le  savez,  une  guerre  de  sauvages?... 

GERTRUDE. 

Dites  de  femmes,  c'est  plus  terrible!  Les  sauvages  ne  font  souf- 
frir que  le  corps;  tandis  que  nous,  c'est  au  cœur,  à  l'amour- 
propre,  à  l'orgueil,  à  l'âme  que  nous  adressons  nos  flèches,  nous 
les  enfonçons  en  plein  bonheur. 

PAULINE. 

Oh  !  c'est  bien  tout  cela,  c'est  toute  la  femme  que  j'attaque  l 
Aussi,  chère  et  très-honorée  belle-mère,  aurez-vous  fait  dispa- 
raître demain,  pas  plus  tard^  les  obstacles  qui  me  séparent  de  Fer- 
dinand; ou  bien,  mon  père  saura  par  moi  toute  votre  conduite, 
avant  et  après  votre  mariage. 

GERTRUDE. 

Ahl  c*est  là  votre  moyen  ?  Pauvre  fille!  il  ne  vous  croira  ja- 
mais.^ 

PAUUNE. 

Oh!  je  connais  quel  est  votre  empire  sur  mon  pauvre  père, 
mais  j'ai  des  preuves 

GERTRUDE. 

Des  preuves!  des  preuves!... 

PAULINE. 

Je  suis  allée  chez  Ferdinand...  (je  suis  très-curieuse),  et  j*ai 
trouvé  vos  lettres.  Madame  ;  j'en  ai  pris  contre  lesquelles  l'aveu- 
gicment  de  mon  père  ne  tiendra  pas,  car  elles  lui  prouveront. 


>•» 


Quoi? 
Tout  I  tout  I 


ACTE  III.  377 

GERTRUDE. 

PAULINE. 


GERTRUDE. 

Mais!  malheureuse  enfant!  c'est  un  ?ol  et  un  assassinat I...  à 
son  âge. . . 

PAULINE. 

Ne  vcnez-Yous  pas  d'assassiner  mon  bonheur?...  de  me  faire 
nier,  à  mon  père  et  à  Ferdinand,  mon  amour,  ma  gloire,  ma  vie? 

GERTRUDE. 

Oh!  Oh!  c'est  une  ruse,  elle  ne  sait  rien!  (Haut.)  C'est  une  ruse, 
je  n'ai  jamais  écrit..  C'est  faux.  t.  c'est  impossible...  Où  sont  ces 
lettres? 

PAULINE. 

Je  les  ai! 

GERTRUDE. 

Dans  ta  chambre? 

PAULINE. 

Là  où  elles  sont,  tous  ne  pourriez  jamais  les  prendre. 

GERTRUDE^  &  part. 

La  folie,  avec  ses  rêves  insensés,  danse  autour  de  ma  cervelle  !... 
Le  meurtre  m'agite  les  doigts...  C'est  dans  ces  moments-là  qu'on 
tue!...  Ah!  comme  je  la  tuerais...  Oh!  mon  Dieu,  mon  Dieu! 
ue  m'abandonnez  pas,  laissez-moi  ma  raison!...  Voyons! 

PAULINE,  à  part. 

Oh  !  merci,  Ferdinand  !  Je  vois  combien  tu  m'aimes  :  j'ai  pu 
lui  rendre  tout  le  mal  qu'elle  nous  a  fait  tout  à  l'heure...  £t..  elle 
nous  sauvera!... 

GERTRUDE,  h  part. 

Elle  doit  les  avoir  sur  elle,  comment  en  être  sûre?  Ah!  (Eiie  se 
rappRXïhe.)  Pauline!...  Si  tu  avais  eu  ces  lettres  depuis  longtemps, 
tu  aaraîs  su  que  j'aimais  Ferdinand  ;  tu  ne  les  a  donc  prises  que 
depuis  peu  ? 

PAULINE. 

Ce  matin. 

GERTRUDE* 

Ta  ne  les  a  pas  toutes  lues? 


378  LA    UARATIUS. 

PAULINK. 

Oh  !  assez  poar  savoir  qu'elles  vous  perdent 

GERTRUDB. 

Pauline,  la  vie  commence  pour  toi.  (on  frappe.)  Ferdinand  est  le 
premier  homme,  jeune,  bien  élevé,  supérieur,  car  il  est  supérieur, 
qui  se  soit  offert  à  tes  regards  ;  mais  il  y  en  a  bien  d'autres  dans 
le  monde...  Ferdinand  était  en  quelque  sorte  sous  notre  toit,  tu  le 
voyais  tous  les  jours  ;  c'est  donc  sur  lui  que  se  sont  portés  les  pre- 
miers mouvements  de  ton  cœur.  Je  conçois  cela,  c'est  tout  natu- 
rel? Â  ta  place,  j'eusse  sans  doute  éprouvé  les  mêmes  sentiments. 
Mais,  ma  petite,  tu  ne  connais,  toi,  ni  la  société,  ni  la  vie,  £t  si, 
comme  beaucoup  de  femmes,  tu  te  trompais...  car  on  se  trompe, 
va  !  Toi,  tu  peux  choisir  encore  ;  mais,  pour  moi,  tout  est  dit,  je 
n'ai  plus  de  choix  à  faire.  Ferdinand  est  tout  pour  moi,  car  j'ai 
passé  trente  ans,  et  je  lui  ai  sacrifié  ce  qu'on  ne  devrait  jamais 
faire,  l'honneur  d'un  vieillard.  Tu  as  le  champ  libre,  lu  peux  ai- 
mer quelqu'un  encore,  mieux  que  tu  n'aimes  aujourd'hui. ..  cela 
nous  arrive.  £h  bien  !  renouce  à  lui,  et  tu  ne  sais  quelle  esclave 
dévouée  tu  auras  en  moi  !  tu  auras  plus  qu'une  mère,  plus  qu'uue 
amie,  tu  auras  un  âme  damnée  ..Oh!  tiens!...  (sne  se  met  à  genoux 

et  lëye  les  mains  sur  le  corsage  de  Pauline.)  Me  VOlci  à  teS  pieds,  et  tU  eS  ma 

rivale!...  suis-je  assez  humiliée?  et  si  tu  savais  ce  que  cela  coûte 
à  une  femme...  Grâce!  grâce  pour  moi.  (Oan-appetr^foTt,eneproflte 

de  l'en'roi  de  Pauline  pour  tâter  les  lettres.}  Reuds-mOÎ  la   vie...  (A  part.)  Ëiie 

lésa. 

PAULINE. 

£h!  laissez-Tnoi,  Madame!  Ah!  faut-il  que  j'appelle? 

(Elle  repousse  Oertrude  et  va  ouvrir.) 
GERTRUDE,  à  part; 

Je  ne  me  trompais  pas,  elles  sont  sur  elle  ;  mais  il  ne  faut  pas 
les  lui  laissek*  une  heure. 

SCÈNE  VIIL 

LEb  MÊMES,  LE  OÉNÉRAL,  VERNON. 
I.K  GÉNÉRAL. 

Enfermées  toutes  deux!  Pourquoi  ce  cri,  Pauline î 


êXXB  m.  SÎ9 


?otre  figare  est  bien  altérée,  mon  eifiinti  foyom  Totre  pook? 
VA  masàf  ta  es  Men  éamt  f 

GERTRUDB. 

C'est  une  plaisanterie,  nous  étions  à  rire.  N'est-ce  pas,  Pau- 
line... tu  riais,  ma  petite? 

Oui,  papa.  Ma  chère  maman  et  moi,  nous  étions  en  train  de  rire. 

VERNOy,  bas,  à  Fauline. 

Un  bien  gros  mensonge  ! 

LE  GÉNÉRAL. 

Vous  n'entendiez  pas  frapper  ?. . . 

PAULINE. 

Nous  an)ns  bien  entendu,  papa;  mais  nous  ne  savions  pas  que 
c'était  toi. 

LE  GÉNÉRAI,  àVernon. 

Gomme  elles  s'entendent  contre  moi  !  (Haat.)  Mais  de  quoi  s'a- 
gissait-il  donc? 

GERTR13DE. 

£h  !  mon  Dieu ,  mon  ami,  tous  voulez  tout  savoir  :  les  tenants, 
les  aboutissants,  à  l'instant  !...  Laissez-moi  aller  sonner  pour  le  thé. 

LE  GÉNÉRAL. 

Mais  enfin  ! 

GERTRUDE. 

C'est  d'une  tyrannie  !  Eh  bien  !  nous  nous  sommes  enfermées 
pour  ne  pas  être  surprises,  est-ce  clair? 

VERNON. 

Dame  !  c'est  très-clair. 

GERTRUDE,  ba* 

Je  voulais  tirer  de  voire  fille  ses  secrets,  car  elle  en  a,  c'est  évî- 
<feiit!  et  vous  êtes  venu,  vous  dont  je  m'occupe,  car  ce  n'est  pas 
mon  enfant;  vçus  arrivez,  comme  si  vous  chargiez  sur  des  enne- 
mis, nous  interrompre  au  moment  où  j'allais  savoir  quelque  chose. 

LE  GÉNÉRAL. 

Madame  la  comtesse  de  Grandcbamp,  depuis  l'arrivée  de  Go- 
dard... 


380  LA    MARATRB. 

GERTRUD£. 

Allous,  TOilà  Godard,  maioteDant. 

LE  GÉNÉRAL. 

Ne  ridiculisez  pas  ce  que  je  vous  dis  !  Depuis  hier,  rien  ne  s^ 
passe  ici  comme  à  l'ordinaire!  £t,  sacrebleu  !  je  veux  savoir... 

GERXRUDE. 

Oh!  des  jurons,  c'est  la  première  fois  que  j'en  entends,  Mon- 
sieur... Félix,  le  thé...  Vous  lassez-vous  donc  de  douze  ans  de 
bonheur  7 

LE  GÉNÉRAL. 

Je  ne  suis  pas  et  ne  serai  jamais  un  tyran.  Tout  à  Fheure,  j'ar- 
rivais mal  à  propos  quand  vous  causiez  avec  Ferdinand!  J'arrive 
encore  mal  à  propos  quand  vous  causez  avec  ma  ûlle. ..  Enfin,  cette 
nuit... 

YERNON. 

Allons,  général»  vous  querellerez  Madame  tant  que  vous  vou- 
drez, excepté  devant  du  monde,  (on  entend  Godard.)  J'entends  Godard. 
(Bas  au  général.)  Est-Jà  cc  que  VOUS  m'aviez  promis?  Avec  les  femmes, 
et  j'en  ai  bien  confessé,' comme  médecin,  avec  elles,  il  faut  les  lais- 
ser se  trahir,  les  observer....  Autrement,  la  violence  amène  les 
^rmes,  et  une  fois  le  système  hydraulique  en  jeu,  elles  noyeraient 
des  hommes  de  la  force  de  trois  Hercules. 


SCÈNE  IX. 

LU  M&MEs,  GODARD. 
GODARD. 

Mesdames,  je  suis  déjà  venu  pour  vous  présenter  mes  hommages 
et  mes  respects,  mais  j'ai  trouvé  la  porte  close...  Général,  je  vons 

souhaite  le  bonjour.  (Le  générai  ut  les  journaux  et  lesalue  de  la  main.)  Ah! 

voilà  mon  adversaire  d'hier.  Vous  venez  prendre  votre  revanche, 
docteur? 

VERNON. 

Non,  je  viens  prendre  le  thé. 

GODARD. 

Ah  !  vous  avez  ici  celte  habitude  anglaise,  russe  et  chinoise? 


ACTE  in.  381 

PAUUNB. 

Préférez-Tons  le  café? 

GEETRUOB. 

Marguerite,  du  café. 

GODARD. 

Non,  non,  perraettez-moi  de  prendre  da  thé;  je  ne  ferai  pas 
comme  tous  les  jours...  D'ailleurs  vous  déjeunez,  je  le  vois,  à 
midi;  le  café  au  lait  me  couperait  l'appétit  pour  le  déjeuner.  Et 
pois  les  Anglais,  les  Russes  et  les  Chinois  n'ont  pas  tout  à  fait  tort 

VERNON. 

Le  thé,  Monsieur,  est  une  excellente  chose. 

GODARD. 

Quand  il  est  bon. 

PAULINE. 

Celui-ci,  Monsieur,  est, du  thé  de  caravane. 

GERTRUDE. 

Docteur,  tenez,  voilà  les  journaux,  (a Pauline.)  Va  causer  avec 
M.  de  Rimonville,  mon  enfant  ;  moi,  je  ferai  le  thé. 

GODARD. 

Mademoiselle  de  Grandchamp  ne  veut  peut-être  pas  plus  de  ma 
conversation  que  de  ma  personne?... 

PAULINE. 

Vous  vous  trompez,  Monsieur. 

LE  GÉNÉRAL. 

Godard.... 

PAULINE. 

Si  vous  me  faites  la  faveur  de  ne  plus  vouloir  de  moi  pour 
Teinme,  vous  possédez  alors  à  mes  yeux  les  qualités  brillantes  qui 
doivent  séduire  mesdemoiselles  fioudeville,  Clinviile,  Derville»  et 

caetera. 

GODARD. 

Assez,  Mademoiselle.  Ah  !  comme  vous  vous  moquez  d'un 
amoureux  éconduit  qui  cependant  a  quarante  mille  livres  de  rente  ! 
l^ius  je  reste  ici,  plus  j'ai  de  regrets.  Quel  heureux  homme  que 
U.  Ferdinand  de  Gharny  I 

PAULINE. 

Heureux!  et  de  quoi?  pauvre  garçon!  d'être  le  commis  de 
mon  ncre. 


t 


382  L.^    MAIIATRB. 

M.  de  Rimonville. 
Godard... 

GHBEBiniS. 

M.  de  RiiQOBviHe. 

LE  GÉNÉBIL. 

Godard»  ma  femme  roii&  parle. 

6BRTRU0E. 

Aimez-vous  le  thé  peu  ou  beaucoup  sucré  T 
Médiocrement» 

GERTRUDB. 

Pas  beaucoup  de  crème  ? 

GODARD. 

Au  contraire,  beaucoup,  madame  la  comtesse,  (a  Pauline.)  ih! 

M.  Ferdinand  n'est  pas  celui  qui que  vous  avez  distingué 

Eh  bien  !  moi,  je  puis  vous  assurer  qu'il  est  fort  du  goût  de  votre 
belie-mère. 

PAULINE,  à  part. 

Quelle  peste  que  ces  curieux  de  province! 

GODARD,  h  part. 

Il  faut  que  je  m'amuse  un  peu  avant  de  prendre  congé!  Jeveux 
faire  mes  frais. 

M.  de  Rimonville,  si  vous  désirez  quelque  chose  de  snbslantiel, 
voilà  des  sandwich. 

GODARD. 

Merci,  Madame! 

GBRTRUim,  à  Godard. 

Tout  n'est  pas  perdu  pour  vous. 

GODARD. 

r 

Oh  !  Madame!  j'ai  fait  bien  des  réflexions  sur  le  refus  de  made- 
moiselle de  Grandchamp. 

GERTRUDE. 

Ah!  (Au  docteur.)  Docteur..  le  vôtre  comme  à  l'ordinaire?... 

LE  DOCTEUR. 

S'il  vous  plaît.  Madame? 


ACTE  m.  385 

CODARD^  &  Pauline. 

Fainrre  garçon!  ayez-vous  dit  Mademoiselle?  Mais  M.  Ferdinand 
n'est  pas  si  pauvre  que  vous  le  croyez!  il  est  plus  riche  que  moL 

PAULINE. 

D*où  savez-TOUs  cela  ? 

GODARD. 

J'en  suis  certain,  et  je  vais  tout  vous  expliquer.  Ce  M.  Ferdi- 
nand, que  vous  croyez  connaître,  est  un  garçon  excessivement 

dissimulé... 

PAULINE,  à  part. 

Grand  Dieu  I  saurait-il  son  nom? 

GERTRUDE^  k  part. 

Quelques  gouttes  d'opium  versées  dans  son  thé  Pendormîront^ 
et  je  serai  sauvée. 

^DARD. 

Vous  ne  vous  doutez  pas  de  ce  qui  m*a  mis  sur  la  voie... 

PAULINE. 

Oh!  Monsieur I  de  grâce... 

GODARD. 

C'est  le  procureur  du  roi.  Je  me  suis  souvenu  que  chez  les  Bou* 
(leville,  on  disait  que  votre  commis... 

PAULINEL,  4  part 

Il  me  met  au  supplice. 

GERTRUDE^  présentant  une  tasse  à  Pauline. 

Tiens,  Pauline. 

VERNON,  à  part. 

Ài-jc  la  berlue?  j'ai  cru  lui  voir  mettre  quelque  chose  dans  la 
tasse  de  PauKne. 

PAULINE. 

Et  que  disait-on? 

GODARD. 

Ah!  ah!  comme  vous  m'écoutez! Je  serais  bien  flatté  de 

savoir  que  vous  auriez  cet  air-là  pendant  que  quelqu'un  vous  par- 
lerait de  moi,  comme  je  vous  parle  de  M.  Ferdinand. 

PAULINE. 

Quel  singulier  goût  a  le  thé!  Trouvez- vous  le  vôtre  bon? 

GODARD. 

Vous  VOUS  en  prenez  à  votre  thé  pour  cacher  l'intérêt  que  vous 


38&  LA    MARATRE. 

prêtez  à  ce  que  je  yous  dis.  C'est  connu  !  £h  bien  !  je  viens  exciter 
votre  surprise  à  un  haut  degré. . .  Apprenez  que  M.  Ferdinand  est.. 

PAULIN£. 
£st«  • . 

GODARD. 

Millionnaire  ! 

PAULINE. 

Vous  TOUS  moquez  de  moi,  M.  Godard. 

GODARD. 

Sur  ma  parole  d'honneur,  Mademoiselle,  il  possède  un  trésor... 

(A  part.)  Elle  est  folle  de  lui. 

PAULINE^  à  part. 

Quelle  peur  ce  sol  m*a  faite  I 

(Elle  se  lève  ayec  sa  tasse  que  Veraon  saisit.) 
VERNON. 

Donnez,  mon  enfant. 

LE  GÉNÉRAL^  à  sa  femme. 

Qu*as-tu,  chère  amie,  tu  me  semblés?... 

TERNON.  Il  a  changé  sa  tasse  contre  celle  de  Pauline  et  rend  la  sienne  ft  Gertrade. 

(A  part.) 

C'est  du  laudanum,  la  dose  est  légère  heureusement;  allons,  il 
va  se  passer  ici  quelque  chose  d'extraordinaire...  (a  Godard.)  M.  Go- 
dard?... vous  êtes  un  rusé  compère.  (Godard  prend  son  mouchoir  et  fut  le 
geste  de  se  moucher.  Vemon  rit.)  Ah  I 

GODARD. 

Docteur  !  sans  rancune. 

VERNON. 

Voyons  !  vous  sentez- vous  capable  d'emmener  le  général  à  la 
fabi'ique,  et  de  l'y  retenir  une  heure?... 

GODARD. 

Il  me  faudrait  le  petit 

TERNOiy. 

n  est  à  l'école  jusqu'au  dîner. 

GODARD. 

Et  pourquoi  voulez-vous? 

VERNON. 

V 

Je  vous  en  prie,  vous  êtes  un  galant  homme,  il  le  faut..  Mmeir 
VOUS  Pauline? 


ACTE   IIL  385 

GODARD. 

Oh!  je  l'aimais  hier,  mais  ce  matin...  (Apart.)  Je  devinerai  bien 
ce  qu'il  me  cache.  fA  vemon.)  Ce  sera  fait  !  Je  rais  aller  au  perron, 
je  rentrerai  dire  an  général  que  Ferdinand  le  demande  ;  et  soyez 
tranquille...  Ah!  voilà  Ferdinand,  boni  (u  va  au  perrou.) 

PAULINE. 

C'est  singulier,  comme  je  me  sens  engourdie. 

(Elle  s'étend  pour  dormir  ;  Ferdinand  parait  et  cause  ttee  Godaid.) 

SCÈNE  X. 

IBI  HÉXB8,  FERDINAND. 
FERDINAND. 

Général,  il  serait  nécessaire  que  vous  vinssiez  au  magasin  et  h 
la  fabrique  pour  faire  la  vérification  des  comptes  que  je  vous  rends. 

LE  GÉNÉRAL. 

C'est  xuste! 

PAULINE^  assoupie. 

Ferdinand  ! 

GODARD. 

Ah  !  général,  je  profiterai  de  cette  occasion  pour  visiter  avec 
TOUS  votre  établissement  que  je  n'ai  jamais  VCL 

LE  GÉNÉRAL. 

£h  bien,  venez  Godard. 

GODARD. 

De  RimonviUe. 

GERTRUDE^  à  part. 

Ik  s'en  vont,  le  hasard  me  protège. 

TERNON^  il  part. 

Le  hasardl...  c'est  moL.. 

SCÈNE  XI. 

GERTRODE,  VERNON,  PAULINE,  MARGUERITE  esttuloiid. 

y 
GERTRUDB.  *t 

Docteur,  voulez-vous  une  autre  tasse  de  thé? 

VERNON. 

Merci,  je  suis  tellement  enfoncé  dans  les  élections  que  je  n'iai 
pas  fini  la  première. 

TU.  25 


186  LA   MARATRE. 

GERTRUDX^  en  montrant  PauliM. 

Ob  I  la  pauvre  enCant,  la  foilà  qui  dort 

TERNOTT. 

Comment  ?  elle  dort  I 

6ERTBUDI. 

Gela  n*est  pas  étonuaut  Figurez^vous,  docteur,  qu^elle  ne  s*est 
pas  endormie  avant  trois  heures  du  matin.  Nous  avons  en  celte 
nuit  une  alerte. 

VERNON. 

Je  vais  vous  aider. 

GERTRUDE. 

Non,  c'est  inutile.  Maiiguerlte,  aidez-moi  7  Entrons-la  dans  sa 
chambre,  elle  y  sera  mieux. 

SCÈNE  xn. 

VERNON,  FiUX. 
TERNOH. 

Félix! 

FEUX. 

Monsieur,  qu*y  a-t-U  pour  votre  service  t 

VSRRON. 

Se  trouve-t-il  ici  quelque  armoire  où  je  puisse  serrer  qudqoe 
cbose? 

YÉJJXj  montrant  l'armoire. 

Là,  Monsieur. 

TERNOîf. 

Boni  Félix...  ne  dis  pas  un  mot  de  ceci  à  qui  que  ce  soit  an 
monde,  (a  part  )  Il  s'en  souviendra.  (Haat.)  C'est  un  tour  que  je  veux 
jouer  au  général,  et  ce  tour-là  manquerait  si  tu  parlais. 

FÉLa. 
Je  serai  muet  comme  un  poisson.  (Le  docteur  prend  la  cler  da  meuble.) 

VBBNOir. 

Maintenant,  laisse-moi  seule  avec  ta  maîtresse  qui  va  reYenir. 
et  veille  à  ce  que  personne  ne  vienne  pendant  un  moment. 

FEUX,  sorttnt. 

Marguerite  avait  raison  :  il  y  a  quelque  chosey  c'est  sûr. 

XABCOBRITI,  ravteflk. 

Ce  n'est  rien,  Mademoiselle  dort.  «saiMt- 


ACTE  UL  "  881 

SCÈNE  xm. 

VERNOW. 

Ge  qai  peut  brouiller  deux  femmes  vivant  eo  paix  jusqu'à  pré- 
sent I...  oh!  tous  les  médecins,  tant  soit  peu  philosophes»  le  sa- 
vent Pauvre  général,  qui,  toute  sa  vie,  n'a  pas  eu  d'autre  idée 
qoe d'éviter  le  sort  commun!  Mais  je  ne  vois  pei^nne  que  Fer- 
dinand et  moi 7...  Moi,  ce  n'est  pas  probable;  mais  Ferdinand...  je 
n'ai  rien  encore  aperçu...  Je  l'entends!  A  l'abordage !.«• 

SCÈNE  XIY. 

TERNON,  GERTRUDI, 
^SRTRUDB. 

Ah!  je  les  ai. . .  je  vais  les  brûler  dans  ma  chambre^..  (Siie  rw- 

contre Vemon.)  Ah! 

Yinroif. 
Madame,  j'ai  lenvoyé  font  le  monde. 

GSBTRUOE. 

Et  pourquoi  7 

T£BNON. 

Pour  que  nous  soyons  seuls  à  nous  expliquer.  • 

«ERTRUDB. 

^ous  exidiqnerl...  de  quel  droit,  vous,  vous  le  paraaile  de  la 
maison,  prét^idez-vous  avoir  une  explicatioD  avec  la  comtesse  de 
Grandchamp? 

TERNON. 

Parasite,  moi!  Madame,  j'ai  dix  mille  livres  de  rente  outre  ma 
pulsion;  j'ai  le  grade  de  général,  et  ma  fortune  sera  l^ée  aux 
enfants  de  mon  vieil  ami  I  Moi,  parasite  I  Oh  I  mais  je  ne  suis  pas 
seulement  ici  comme  ami,  j'y  suis  comme  médecin  :  vous  avez 
versé  des  gouttes  de  Rousseau  dans  le  thé  de  Pauline. 

6RRTRUDE. 

Md} 

TSRKOK. 

Je  VOUS  ai  vue,  et  j'ai  la  tasse. 

.     «ERTRimi. 

Vous  avez  la  tasse  ?•••  je  l'ai  lavée» 


388  LA    MARATRE. 

VBRNOîr. 

Oui,  la  mienne  que  je  vous  ai  donnée  !  Ah  !  je  ne  lisais  pas  le 
journal,  je  vous  observais. 

GERTRUDE. 

Oh!  Monsieur,  quel  métier I 

VERNOX. 

Avouez  que  ce  métier  vous  est  en  ce  moment  bien  salutaire,  car 
VOUS  aHez  peut-être  avoir  besoin  de  moi,  si,  par  Teffet  de  ce  breu- 
vage Pauline  se  trouvait  gravement  indisposée. 

GERTRUDE. 

Gravement  indisposée...  mon  Dieu!  docteur,  je  n'ai  mis  que 
quelques  gouttes. 

VERNON. 

Ah  !  vous  avez  donc  mis  de  Topium  dans  son  thé. 

GERTRUDE. 

Docteur...  vous  êtes  un  infâme! 

VERNON. 

Pour  avoir  obtenu  de  vous  cet  aveu  ?..  Dans  le  même  cas,  toutes 
les  femmes  me  Font  dit,  j'y  suis  accoutumé.  Mais  ce  n'est  pas  tout, 
et  vous  avez  bien  d'autres  confidences  à  me  faire. 

GERTRUDE^  à  part. 

Un  espion  !  il  ne  me  reste  plus  qu'à  m'en  faire  an  complice.  (Haut.) 
Docteur,  vous  pouvez  m'êlre  trop  utile  pour  que  nous  restions 
brouillés;  dans  un  moment,  je  vais  vous  répondre  avec  franchise. 

(Elle  entre  dans  sa  chambre,  et  s'y  renferme.} 
VERNON. 

Le  verrou  mis!  Je  suis  pris,  joué!  Je  ne  pouvais  pas,  après 
tout,  employer  la  violence...  Que  fait-elle?...  elle  va  cacher  son 
flacon  d'opium...  On  a  toujours  tort  de  rendre  à  un  homme  la 
services  que  mon  vieil  ami,  ce  pauvre  général,  a  exigé  de  inoi... 
Elle  va  m'entortiller...  Ah  I  la  voici. 

GERTRUDE^  à  part. 

Brûlées  !...  Plus  de  traces.. .  je  suis  sauvée l.«.  (Haut.)  Docteur! 

VERNON. 

Madame? 

GERTRUDE. 

Ma  belle-fiUe  Pauline ,  que  vous  croyez  être  une  fille  candide,  un 
ange,  s'était  emparée  lâchement,  par  un  crime,  d'un  secret  dont 
A  découverte  compromettait  l'honneur,  la  vie  de  quatre  personnes. 

VÉRNON. 

Quatre.  (Apart.)  Elle,  le  général.,  ah^  son  fils,  peut-être,.,  et 
Finconnu, 


ACTE    UU  389 

GERTRUDE. 

Ce  secret,  sur  feqaei  elle  est  forcée  de  se  taire,  qaand  même  ii 
s'agirait  de  sa  vie  à  client. 

Je  n'y  suis  pins. 

GERTRUDI. 

£h  bien  !  les  preuves  de  ce  secret  sont  anéanties!  Et  tous,  doc- 
teur, vous,  qui  nous  aimez,  vous  seriez  aussi  lâche,  aussi  Infâme 
qu'elle...  plus  même,  car  vous  êtes  un  iiomme,  vous  n'avez  pas 
pour  excuse  les  passions  insensées  de  la  femme!  vous  seriez  un 
monstre,  si  vous  faisiez  un  pas  de  plus  dans  la  vole  où  vous  êtes... 

VERNON. 

L'intimidation!  Ah  !  Madame,  depuis  qu'il  y  a  des  sociétés,  ce 
que  vous  semez  n'a  fait  lever  que  des  crimes. 

GERTRUDE. 

Eh!  il  y  a  quatre  existences  en  péril,  songez-y.  (Apart.)  H  re- 
vient... (Haut.)  Aussi,  forte  de  ce  danger,  vous  déclaré-je  que  vous 
m'aiderez  à  maintenir  la  paix  ici,  que  tout  à  l'heure  vous  irez 
chercher  ce  qui  peut  faire  cesser  le  sonuneil  de  Pauline.  Et  ce 
sommeil,  vous  l'expliquerez  vous-même,  au  besoin,  au  général 
Puis,  vous  me  rendrez  la  tasse,  n'est-ce  pas,  car  vous  me  la  ren- 
drez? Et  à  chaque  pas  que  nous  ferons  ensemble,  eh  bien!  je  vous 
expliquerai  tout. 

TERN05. 

Madame  !••• 

GERTRUDE. 

Allez  donc  !  le  général  peut  revenir. 

VERNOX^  h  part. 

le  te  tiens  toujours!  j'ai  une  arme  contre  toi,  et«*        (Usort.) 


SCENE  XV. 

GERTRUDE ,  seule,  appuyée  sur  le  meuble  ob  est  enfermée  la 


Où  peut-il  avoir  caché  cette  tasse? 


flV  »V  TROISlim  ACT«. 


ACTE  QUATRIÈME 


ta  toène  le  pane  dans  la  cbambre  de  Paoliae* 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

PAULINE,  GERTRDDE. 

Pauline  endonnie  dans  un  grand  ftnitefdl  k  gauehe. 

GBRTRUDE^  entrant  avec  précaution. 

EUe  cbrti  et  le  docteur  qui  m'avait  dit  qu'elle  8*éTenierail  aus- 
sitôt... Ce  sommeil  m'effraye  !....  Voilà  donc  celle  qu'il  aime!.... 
Je  ne  la  trouve  pas  jolie  du  tout!..,..  Oh!  si,  cependant  elle  est 
belle!. ..  Mais  comment  les  hommes  ne  voient-ils  pas  qnelabeaviô 
n'est  qu'une  promesse,  et  que  l'amour  est  le.... •  (Onitappe.^  Allons, 
voilà  du  monde. 

VERNON,  du  dehoit. 

Peut-on  entrer,  Pauline? 

GKBIRUDI» 

C'est  le  docteur  I 

SCÈNE  IL 

LIS  HftHBS,  VERNON. 

GEBTRUDB. 

Vous  m*aviez  dit  qu'elle  était  éveillée. 

TERNON. 

Rassurez- vous...  (Appelant.)  Pauline? 

PAULINE^  s'évelHapt. 

M.  Vemonl.  .  où  suis-je?  ahl  chezmoL..  que  m'est-îl irrivé î 

▼ERNON. 

Mon  enfant,  vous  vous  êtes  endormie  en  prenant  votre  tbé. 


AGTB  IV.  391 

Madame  de  Grandchamp  a  eu  peur,  comme  moi,  que  ce  ne  fût  le 
commencement  d'une  indisposition;  mais  il  n'en  est  rien,  c'est 
tout  bonnement,  à  ce  qu'il  parait,  le  résultat  d'une  nuit  passée 
sans  sommeil 

I^ERTRUDE. 

Eh  bien!  Pauline,  comment  teseos-tu? 

PAULINE.  ' 

J'ai  dormi! Et  madame  était  ici  pendant  que  je  dormais....^ 

(Elle  se  lève.)  Ah  !   (Elle  met  la  main  sur  sa  poitrine.)  Ah  !  c'est  infâme! 

(ATenum.)  Docteuf,  aoriezrTous  été  cmuidice  d&.. 

GERTRUDB. 

De  quoi?  Qu'allez-vous  lui  dire? 

YERNOlf. 

Moi!  mon  enfant,  complice  d'une  mauvaise  action?  et  contre 

TOUS,  que  j'aime  comme  si  vous  étiez  ma  ûlie.  Allons  donc  ! 

Voyons,  dites-moi... 

PAULINI.' 

Rien,  docteur,  rien  I 

GERTRUDB, 

Laissez-moi  lui  dire  deux  mots. 

VERNON,  à  part. 

Quel  est  donc  l'intérêt  qui  peut  empêcher  une  jeune  fille  de 
parler,  quand  elle  est  victime  d'un  pareil  guet-apens? 

GERTRUDE. 

£h  I  bien,  Pauline,  vous  n'avez  pas  eu  longtemps  en  votre  pos- 
session les  preuves  de  l'accusation  ridicule  que  vous  vouliez  porter 
^  votre  père  contre  moi! 

PAULITfE. 

Je  comprends  tout,  vous  m'avez  endormie  pour  me  dépouiller. 

GERTRUDE. 

Nous  sommes  aussi  curieuses  l'une  que  l'autre,  voilà  tout.  J'ai 
fait  ici  ce  que  vous  avez  fait  chez  Ferdinand. 

PAULINE. 

Vous  triomphez.  Madame,  mais  bientôt  ce  sera  md.^ 

GERTRUDE. 

Ah!  la  guerre  continue. 

PAULINE. 

La  guerre,  Madame?...  dites  le  duel  !  L'une  de  nous  est  de  trop. 


392  LA  AIAAATAB. 

GERTRUDE. 

Vous  êtes  tragique. 

YERNON,  lipart. 

Pas  d'éclats,  pas  la  moindre  mésinlelligence  apparente!...  Ah! 
elle  idée!...  Si  j'allais  chercher  Ferdinand?  oiTeat sortir.) 

GBRTRUDB. 

Docteur! 

TERNOX. 

Madame? 

GERTRUDE. 

Nous  avons  à  causer  ensemble.  (Bas.)  Je  ne  tous  quitte  pas  que 
vous  ne  m'ayez  rendu... 

VERNON. 

J'ai  mis  une  condition. . . 

PAULINE. 

Docteur! 

TERNON. 

Mon  enfant? 

rAULncE. 
Savez-vous  que  mon  sommeil  n'a  pas  été  naturel? 

'  VERNON. 

Oui,  vous  avez  été  endormie  par  votre  belle-mère,  j'en  ai  b 
preuve...  Mais,  vous,  savez-vous  pourquoi? 

PAUUNE. 

Oh!  docteur!  c'est •• 

6KRTRUDB. 

Docteur! 

PAULINB. 

Plus  tard,  je  vous  dirai  tout. 

VERNON. 

Maintenant,  de  l'une  ou  de  l'autre,  j'apprendrai  quelque  chose.. 
Ah!  pauvre  général! 

GBRTRUDB. 

Eh  bien  !  docteur? 

SCÈNE  m. 

PAULINE,  seule:  eUe  soimo. 

Oui,  fuir  avec  lui,  voilà  le  seul  parti  qui  me  reste.  Si  nous  cou- 


ACTE  IV.  393 

tinnons  ce  dnd,  ma  belle-mère  et  moi,  mon  pauvre  père  est 
déshonoré  ;  ne  vaut-il  pas  mieux  lui  désobéir,  et,  d'ailleurs,  je 
uais  loi  écrire...  Je  serai  généreuse,  puisque  je  triompherai  d'elle... 
Je  laisserai  mon  père  croire  en  elle,  et  j'expliquerai  ma  fuite  par 
h  haine  qu'il  porte  an  nom  de  Marcandal  et  par  mon  amour  pour 
Ferdinand. 

SCÈNE  IV. 

PAULINE,  MARGUERITE. 
MARGUERITE. 

Mademoiselle  se  tronve-t-elle  bien? 

PAULINE. 

Oui»  de  corps;  mais  d'esprit..  Oh!  je  sois  an  désespoir.  Ma 
pauvre  Marguerite»  one  fille  est  bien  malheureuse  quand  elle  a 
perdu  sa  mère...    * 

MARGUERITE. 

Et  que  son  père  s'est  remarié  avec  une  femme  comme  madame 
de  Grandchamp.  Mais,  Mademoiselle,  ne  suis-je  donc  pas  pour 
vous  une  humble  mère,  une  mère  dévouée?  car  mon  affection  de 
nourrice  s'est  accrue  de  toute  la  haine  que  vous  porte  cette  ma- 
râtre. 

PAULINE. 

Toi,  Marguerite I...  tu  le  crois  !  mais  tu  t'abuses.  Tu  ne  m'?imes 
pas  tant  que  ça  I 

MARGUERITE. 

Oh  I  Mademoiselle  I  mettez-moi  à  l'épreuve. 

PAUUNE. 

Voyons?...  quitterais-tu  pour  moi  la  France? 

MARGUERITE. 

Pour  aller  avec  vous,  j'irais  aux  Grandes-Indes. 

PAULINE. 

Et  sur-le-champ? 

MARGUERITE. 

Sur-le-champ I...  Ahl  mon  bagage  n'est  pas  lourd. 

PAULINE. 

Eb  bien,  Marguerite,  nous  partirons  cette  nuit,  secrètement. 


SO/l  LA   HARATBB. 

HABfiUEBITE. 

Noos  partirons,  et  pourquoi? 

PAULI!fB. 

Pourquoi?  Tu  ne  sais  pas  que  madame  de  Grandcbamp  mï 
endormie. 

MARGUERITE. 

Je  le  sais,  Mademoiselle,  et  M.  Yemon  aussi;  car  Félix  m'a  dit 
qu'il  a  mis  sous  clef  la  tasse  où  vous  avez  bu  votre  thé...  mais 
pourquoi? 

PAULINE. 

Pas  un  mot  là-dessus,  si  tu  m'aimes!  Et,  si  tu  m'es  dévouée 
comme  tu  le  prétends,  va  chez  toi,  rassemble  tout  ce  que  tu  pos- 
sèdes, sans  que  personne  puisse  soupçonner  que  tu  fais  des  pré- 
paratifs de  voyage.  Nous  partirons  après  minuit.  Tu  prendras  ici, 
et  tu  porteras  chez  toi,  mes  bijoux,  enfin  tout  ce  dont  je  puis 
avoir  besoin  pour  on  long  voyage...  Mets-y  beaucoup  d'adresse; 
car  si  ma  belle-mère  avait  le  moindre  indice,  je  serais  perdna 

MARGUERITE. 

Perdue!...  Mais,  Mademoiselle,  que  se  passe-t-il?  songez  donc  : 
quitter  la  maison? 

PÀUUNB. 

Yeox-ta  me  voir  moorir? 

MA&GDERITX. 

Mourir...  Oh!  Mademoiselle  !  j'obéis. 

PAULINS. 

Mai^erite,  tu  [urieras  M.  Ferdinand  de  m'apporter  mes  reve^ 
DUS  de  l'année;  qu'il  vienne  à  l'instant 

MARGUERITE. 

U  était  sous  vos  fenêtres  quand  je  suis  venue. 

PAULINE,  &  part. 

Sous  mes  fenêtres...  Il  croyait  ne  plus  me  revoir...  Pauvre  Fer- 
dinand! 

SCÈNE  V. 

PAULINE,  leoto. 

Quitter  le  toit  paternel,  je  connais  mon  père,  il  me  cherchera 
partout  pendant  longtemps»..  Quels  Vésors  a  donc  l'amour  pour 


ACTE    TV.  395 

payer  de  pareilles  dettes»  car  je  livre  tout  à  Ferdinand,  mon  pays, 
mon  père,  la  maison  !  Mais  enfin,  cette  infâme  i*aura  perdu  sans 
retour!  D'ailleui-s,  je  reviendrai  I  Le  docteur  et  M.  Ramei  obtien* 
dront  mon  pardon,  te  crois  entendre  le  pas  de  Ferdinand...  Oh  I 
c'est  bien  lui  I 

SCÈNE  VL 

PAULINE,  FERDINAIVD» 
PAULUfl. 

Ah!  mon  ami,  oiod  Ferdinand! 

FEBDIITAKD. 

Moi  qui  croyais  ne  plus  te  voir  !  Mai^erite  sait  donc  toot? 

PAULINE. 

Elle  ne  sait  rien  encore  ;  mais  cette  nuit,  elle  apprendra  notre 
fuite,  car  nous  serons  libres  :  tu  emmèneras  la  femme. 

FBRDIHANS. 

oh!  Pauline,  ne  me  trompe  pas! 

PÀULXICB. 

Je  comptais  bien  te  rejoindre  là  où  tu  serais  exilé  ;  mais  c^te 
odieuse  femme  vient  de  précipiter  ma  résolution...  Je  n*ai  plus 
de  mérite,  Ferdinand...  U  s*agit  de  ma  vie! 

FBBDUOICD. 

De  ta  vie!...  Mais  qu'a-t-elle  fait? 

PAULINE. 

Elle  a  failli  me  tuer,  elle  m'a  endormie  afin  de  me  prendre  ses 
lettres  que  je  portais  sur  moi  !  Par  ce  qu'elle  a  osé,  pour  te  con- 
server, je  juge  de  ce  qu'elle  ferait  encore.  Donc,  â  nous  voulons 
être  l'un  à  l'autre,  il  n'y  a  plus  pour  nous  d'autre  moyen  que  la 
fuite.  Ainsi,  plus  d^adîeuxl  Cette  nuit,  nous  serons  réfugiés... 
Où?...  Cela  te  regarde. 

FERDINAND. 

Ah  !  c'est  à  devenir  fou  de  joie! 

PAULINE. 

Oh!  Ferdinand!  prends  bien  toutes  les  précautions;  cours  à 
Louviers,  chez  ton  ami,  le  procureur  du  roi,  car  ne  faut*il  pas 


396  LA  MARATHB. 

nne  voiture,  des  pass^:  ports?...  Oh!  que  mon  père,  excité  par 
celte  marâtre,  ne  puisse  pas  nous  rejoindre!  il  nous  tuerait;  car 
je  viens  de  lui  dire  dans  celte  lettre  le  fatal  secret  qui  m'oblige  à 
le  quitter  ainsi. 

FERDINAND. 

Sois  tranquille.  Depuis  hier,  Eugène  a  tout  préparé  pour  mon 
départ  Voici  la  somme  que  ton  père  me  devait  m  montre  uoporte- 
ffeuiiie.}  Fais-moi  ta  quittance  (u  met  de  ror  sur  un  guéridon),  car  je  n'ai 
plus  que  le  compte  de  la  caisse  à  présenter  pour  être  libre...  Nous 
serons  à  Rouen  à  trois  heures  ;  et  au  Havre  pour  l'heure  à  la- 
quelle part  un  navire  américain  qui  retourne  aux  Etats-Unis.  Eu* 
gène  a  dépêché  quelqu'un  de  discret  pour  arrêter  mon  passage  à 
bord.  Les  capitaines  de  ce  pays- là  trouvent  tout  naturel  qu'un 
homme  emmène  sa  femme,  ainsi  nous  ne  rencontrerons  aucun 
obstacle. 

SCÈNE  vn. 

IBS  IIÉIB8,  GERTRUDE. 
GEBTRUDS. 

Excepté  mol  ! 

PAULINE. 

Obi  perdus! 

GERTRUDB. 

Ah!  VOUS  partiez  sans  me  le  dire,  Ferdinand!...  0ht...  j'ai 
tout  entendu. 

FERDINAND,  H  Pauline. 

Mademoiselle,  ayez  la  bonté  de  me  donner  votre  quittance  :  elle 
est  indispensable  pour  le  compte  que  je  vais  rendre  à  monsieur 
votre  père  sur  l'état  de  la  caisse  avant  mon  départ  (a  Gertrode.)  Ma- 
dame, vous  pouvez,  peut-être,  empêcher  Mademoiselle  de  partir' 
mais  moi,  moi  qui  ne  veux  plus  rester  ici,  je  pailiraL 

GERTRUDE. 

Vous  devez  y  rester,  et  vous  y  resterez,  Monsieur. 

FERDINAND. 

Malgré  moi  ! 


ACTE  IV.  397 

GEBTRUDE. 

Ge  que  Madem(Mselle  veat  faire,  je  le  ferai  moi,  et  hardiment 
Je  Tais  faire  venir  monsieur  de  Grandchamp,  et  vous  allez  voir 
que  vous  serez  obligé  de  partir,  maïs  avec  moa  enCint  et  moi. 
(Faix  panit.)  Priez  monsieur  de  Grandchamp  de  venir  ici. 

FEBDINAND,  à  Pauline. 

Je  la  devine.  Retiens- la,  je  vais  rejoindre  Félix  et  Tempécher 
de  parler  au  général.  Eugène  te  tracera  ta  conduite.  Une  fois  loin 
d'ici,  Gertrude  ne  pourra  rien  contre  nous,  (a  cenrade.)  Adieu  Ma- 
dame. Vous  avez  attenté  tout  à  Theure  à  la  vie  de  Pauline,  vous 
avez  ainsi  rompu  les  derniers  liens  qui  m'attachaient  à  vous. 

GERTRUDE. 

Vous  ne  savez  que  m'accuser  !. . .  Mais  vous  ignorez  donc  ce  que 
Mademoiselle  voulait  dire  à  son  père  de  vous  et  de  moi  7 

FERDINAND. 

Je  l'aime  et  l'aimerai  toute  ma  vie;  je  saurai  la  défendre  contre 
vous,  et  je  compte  assez  sur  elle  pourm'expatrier  afin  de  l'obtenir. 
Adieu. 

PAULINE. 

Ohl  cher  Ferdinand  I 

SCÈNE  YIII. 

GERTRUDE,  PAULINE; 


GERTRUDE. 

Maintenant  que  nous  sommes  seules,  voulez-vous  savoir  pour- 
quoi j'ai  fait  appeler  votre  père?  c'est  pour  lui  dire  le  nom  et 
quelle  est  la  famille  de  Ferdinand. 

PAULINE. 

Madame,  qu'allez-vous  faire?  Mon  père,  en  apprenant  que  le 
fils  du  général  Marcandal  a  séduit  sa  fille,  ira  tout  aussi  prompte- 
ment  que  Ferdinand  au  Havre...  il  l'atteindra,  et  alors. •• 

GERTRUDE. 

J'aime  mieux  Ferdinand  mort  que  de  le  voir  à  une  autre  que 
Doi,  surtout  lorsque  je  me  sens  au  cœur  pour  cette  autre  autant 
le  haine  que  j'ai  d'amour  pour  iuL  Tel  est  le  dernier  mot  de  notre 
dueL 


398  LA    lARATaB. 

FAUUlfl. 

Oh  4  Madame,  je  mris  à  vos  genoux,  oomme  voqs  étiez  nagvère 
aax  mieii&  Toons-noos  si  tous  voulez,  mais  ne  TassassiBons  pas, 
lai!...  Oh!  sa  vie,  sa  vie  an  prix  delà  mienne. 

GERTRUDE. 

Eh  bien!  renoncez- vous? 

PAULINE. 

Oui,  Madame. 

GXRTRUDE,  ^1^  l^isn  tomber  son  mouchoir  dans  le  mouTement  passionné  de  M 

phrase. 

ru  me  trompes  !  tu  me  dis  cela,  à  moi,  parce  qn'il  t'aime,  qu'i 
vient  de  m'insuiter  en  me  l'avouant,  et  que  tu  crois  qu'il  ne  m'ai- 
mera plus  jamais...  Oh!  non,  Pauline,  il  me  fiiut  des  gages  de  ta 
sincérité. 

VàXUKEp  à  p«Tt. 

Son  mouchohr!...  et  laelef  de  son  secrétaire...  C'est  1)  qu'est 
renfermé  le  poison...  Oh!...  (Haut.)  Des  gages  de  âncérité,  dites- 
vous 7. w.  Je  vous  en  donnerai...  Qu'exigez-vous? 

GERTRUDE. 

Voyons,  je  ne  crois  qu'à  une  seule  preuve  :  il  faut  épouser 
cet  autre. 

PAULnil. 

Je  l'épouserai 

GERTRUDE. 

Et  dans  l'instant  même  échanger  vos  paroles. 

PAUUNB. 

Allez  le  loi  annoncer  vons-même.  Madame;  venez  ià  avec  mon 
père,  et... 

GERTRUDE. 
Et.  . 

PAULINE. 

Je  donnerai  ma  parole;  c'est  donner  ma  vie. 

GERTRUDE^  à  part. 

Comme  elle  dit  tout  cela  résolument,  sansplenrerl...  EOeanoe 
arrière-pensée!  (a  Ptnune.)  Ainsi  tu  te  résignes? 

fAULnns. 
On» 

cnnoDB^  à  put. 

Voyons!*..  (A  pavune.)  Si  tu  és  vraie... 


ACTE  IV.  399 

PAULINE. 

Voos  êtes  la  fausseté  même  et  voas  voyez  toujonn  le  measonge 
chez  les  autres. . .  Ah  1  laissez-moi,  Madame,  vous  me  faites  honeiir* 

GERTBUDE. 

Ah  !  elle  est  franche!  Je  vais  prévenir  Ferdinand  de  votre  réso- 
tatîoD...  (Signe  d'adbésion  de  Pauline.)  Mais  il  ne  me  croira  pas.  Si  vous 
loi  écnyiez  deax  mots? 

PAULINE. 

Poor  loi  dire  de  rester...  (Eiie écrit.)  Tenez»  Madame. 

GIRtmUDB. 

o(  J'épouse  M.  de  Rimonville....  Ainsi  restez....  PaalineU...  » 

(A  part.)  Je  n'y  comprends  pins  rien Je  crains  un  pi^e.  Oh!  je 

vais  le  laisser  partir,  il  apprendra  le  mariage  quand  il  sera  loin  d'ici  I 

(Elleiort.) 

SCÈNE  IX. 

PAULINE,  génie. 

Oh!  oui,  Ferdinand  est  bien  perdu  pour  moL«.  Je  l*ai  toujours 
pensé  :  le  monde  est  un  paradis  ou  un  cachot  ;  et  moi,  jeune  fille» 
je  ne  révais  que  le  paradis.  J'ai  la  clef  du  secrétaire,  je  puis  la  lui 
remettre  après  avoir  pris  ce  qu'il  faut  pour  en  finir  avee  cette  ter* 
rible  situation. . .  Eh  bien  !. . .  allons. . . 


SCÈNE  X. 

PAULINE,  MAROGERITB. 


HARGUERITB. 

Mademoiselle,  mes  maUessont  feites.  Je  vais  commencer  icL 

PAULINE. 

Oui! (A  part.)  11  faut  la  laisser  faire..  (Haut.)  liens,  Marguerite, 

prends  cet  or,  et  cache-le  chez  toL 

MARGUEBITK. 

Vous  avez  donc  des  raisons  bien  fortes  de  partirl 


/^OO  LA    lIARATnB. 

PAULINE. 

Âh!  ma  pauyre  Marguerite»  qui  sait  û  je  le  pourrai!...  Va, 
continue...  (Eitesort^ 

SCÈNE  XI. 

MARGUERITE,  seule. 

Et  moi  qui  croyais,  au  contraire,  que  la  mégère  ne  yonlait  pas 
que  mademoiselle  se  mariât  !  Est-ce  que  mademoiselle  m*aurait 
caché  un  amour  contrarié?  Mais  son  père  est  si  boa  pour  elle!  il 
la  laisse  libre....  Si  je  parlais  à  monsieur. •••  Oh!  non,  je  ne  Teux 
pas  nuire  à  mon  enfant. 

SCÈNE  XII. 

MARGUERITE,  PAULINE. 


PAULINE. 

Personne  ne  m*a  voe!  Tiens!  Marguerite,  emportt  d*abord 
Pargent?  laisse-moi  penser  ensuite  à  ma  résolution. 

MARGUERrrB. 

A  votre  place,  moi,  Mademoiselle,  je  dirais  tout  à  Monsieur. 

PAULINE. 

A  mon  père?  Malheureuse,  ne  me  trahis  pas!  respectons  les 
illusions  dans  lesquelles  il  vit 

MARGUERITE. 

Ah  !  illusions!  c'est  bien  le  mot. 

PAULINE. 
Va,  laisse-moL  (Marguerite  sorW 

SCÈNE  xm. 

PAULINE,  puif  VERNON. 
PAULINE^  tenant  le  paquet  qu'on  a  tu  an  premier  actn. 

Voilà  donc  la  mort  !...  Le  docteur  nous  disait  hier,  à  propos  de 
la  femme  à  Champagne,  qu*il  fallait  à  cette  terrible  sui)6tar.ce 


ACTE   IV.  &01 

qaelqnes  heares,  presque  une  nuit,  pour  faire  ses  ravages,  et  que, 
dans  les  premiers  moments,  on  peut  les  combattre  ;  si  le  docteur 
reste  à  la  maison,  il  les  combattra,  (on  frappe.)  Qui  est-ce  7 

TERNON^  dudehon. 

Cest  md  ! 

PÂULllCB. 

Entrez  docteur!  upart.)  La  curiosité  me  l'amène,  la  curiosité  le 
fera  partir. 

▼ERNOlf. 

£h  bien  !  mon  enfant,  entre  vous  et  votre  belie-mère»  il  y  a 
donc  des  secrets  de  vie  et  de  mort?... 

'      PAUUNB. 

Oui,  de  mort  surtout 

TBRNOIC. 

Ah  !  diable,  cela  me  regarde  alors.  Mais  voyons  ?...  vous  aurei 
eu  quelque  violente  querelle  avec  votre  belle-mère. 

PAULINE. 

Ohl  ne  me  parlez  plus  de  cette  créature,  elle  trompe  mon  père. 

Je  le  sais  bien. 

PAuinri. 
Elle  ne  l'a  jamais  aimé. 

TBRlfON. 

J'en  étais  sûr. 

PAULINE. 

Elle  a  juré  ma  perte. 

VSRNON. 

Gomment,  elle  en  veut  à  votre  cœur! 

PAUUNB. 

A  ma  vie,  peut-être. 

TBRNON. 

Ob!  quel  soupçon!  Pauline,  mon  enfant,  je  vous  aime,  moi. 
Eb  bien,  ne  peut-on  vous  sauver? 

PAULINE. 

Pour  me  sauver,  il  faudrait  que  mon  père  eût  d'autres  idées. 
Tenez,  j'aime  M.  Ferdinand. 

VERNON. 

Je  le  sais  encore;  mais  qui  vous  empêche  de  l'épouser? 

PAUUNE. 

Vous  serez  discret  ?  Eb  bien,  c'est  le  fils  du  général  Marcandal  !..  • 
TH.  26 


602  LA  UAIIATBE. 

YERNON. 

Ah  !  boD  Diea  !  ^  je  serai  discret  !  Mais  votre  père  se  battrait  à 
mort  avec  lui,  rien  que  poir  l*aToir  eu  pendant  trois  ans  sous  son 
toit 

PAULINE. 

Là|  vous  voyez  bien  qu'il  n'y  a  pas  d'espoir. 

{fiWe  tombe  accablée  daiu  un  l^uteoU  à  giwebe'.> 
YERICON. 

Pauvre  fille!  allons,  une  crise!  (n  sonne  et  appelle^  Marguerite, 
Marguerite! 

SCÈNE  XIY. 

LU  HftMBt,  GERTRUDE,  MARGUERITE,  LE  GÉNÉRAL. 


KÂllGinguIl^  aMomint. 

Que  vonlezrTOUs,  MoDâeur? 


Préparez  une  théière  d'eau  bouillante,  où  vow  ferez  kfiiser 
quelques  feuilles  d'oranger. 

GERTRUDE. 

Qu'as-tu,  Pauline? 

LE  GÉNÉRAL. 

Ma  fille,  chère  enfant  ! 

GERTRUDE. 

Ce  n'est  rien  I...  Oh  I  nous,  comiaissons  cela...  c*est  de  voir  sa 
vie  décidée... 

TBRNOffy  ««lèBéral. 

Sa  vie  décidée.  • .  Et  qu'y  a-t-il  ? 

LE  6ÉlfÉniL. 

Eté  époose*  Gedard  î  fAiMrt.>  l\  paraH  qn^eRe  renonce  Ir  queiqae 
amourette  dont  elle  ne  veut  pas  me  parler,  d  ce  que  dit  aa 
femme,  car  le  quidam  serait  nocceptable,  et  elle  n'a  découvert 
l'ÎBdignilâ  de  ce  Arôle  qnHîer... 

VERNOir. 

Et  vous  croyez  cela?...  Ne  précipitez  rien,  général  Nous  en 
causerons  oenir..*  (a  ptrt.>Ob?  je  vais  parier  2k  madame  de  Grand- 
champ.  •• 


Bcnpf0  «AS 

Le  docteur  sait  tout.. 
Âbl 

PADLINB;  éI1«  remet  le  monebolr  et  la  clef  dans  la  poche  de  Gertrade,  pendant  que 
.Gertrode  regarde  Temon  qai  cause  arec  le  général. 

£loigoez-le,  car  il  est  capable  de  dire  tout  ce  qu'il  sait  à  mon 
père,  et  il  faut  au  moins  sauver  Ferdinand*. • 

GntTUlTDBj  à  part. 

Elle  a  raison  !  (Haut.)  Docteur,  on  Tient  de  me  dire  que  Fran- 
çois, un.de  aoft  meiUeora  ouvriers,  est  tombé  malade  hier;  on  ne 
Ta  pas  vu  ce  matin,  tous  deTriez  bien  TaUer  niilér««. 

Françobl  Obi  fat-y»  Yeraoïi... 

VKRNOIf. 

Ne  demeure-t-il  pas  an  Pré4*Éfêque?...  (Apart.)  A  plus  de  trois 
lieaes  d*ici... 

Ta  ne  crains  rien  pour  Pauline  7 

TÈMMitU 

C'est  une  simple  attaque  de  nerlis. 

tfSRfittm. 
Oh!  je  puis,  n'est-ce  pas  docteur,  je  puis  vous  remplacer  sani 

(langer?... 

Oui,  Madame,  (au générai.)  Je  gage  que  François  est  malade 
comme  molL.»  On  me  trouve  trop  ckarvoyant»  et  I'oa  no  donne 
une  mission... 

Qui ?. . .  Qn'cil^e  qoe  tu  vem  dîcie  )«#• 

VBiinoif^ 
AUez-Tous  TOUS  emporta  encore  ?.«,  !>•  cakM»  nM  Vieil  ttui, 
m  vous  vous  prépareriez  de»  remord»  étemels.  •• 

LB  GÉNÉRAL* 

Dos  remords.  •• 

VSUIOIIw 

Amuse  le  tapis,  je  reviens. 

&&  GÉMÉBJtt» 

Maig... 

GERTIKUM^  à  Pauline. 

£b  bieal  commeinte  seas^tu^  mon  |fetk  aagl»} 


\ 
L 


40&  LA  MARATRE. 

US  GÉNÉRAL. 

Mais,  regarde-les?... 

TERN01C. 

£h  !  les  femmes  s'assassinent  en  se  caressant 

SCÈNE  XV. 

LES  MÊMES,  moins  VERNON»  puis  MARGUERITB. 
CERTRUDE^  au  général  qui  est  resté  comme  abasourdi  parle  dernier  mot  de  yernon. 

Eh  bien!  qu*aTez-TOiisT 

LE  GÉNÉRAL^  passant  devant  Gertrude  pour  aller  à  Pauline. 

Rien!...  rien!  Voyons,  ma  Pauline,  épouses-tu  Godard  de  ton 

plein  gré? 

PAULnrs. 


De  mon  plein  gré. 

Ahl 

Il  va  Tenir. 

Je  l'attends! 


GERTRUDE^  à  put. 

LE  GÉNÉRAL. 
PAULINE. 


LE  GÉNÉRAL^  h  part. 

Il  y  a  bien  du  dépit  dans  ce  mot-là. 

(Marguerite  paraît  avec  une  tasser 
GERTRUDE. 

C'est  trop  tôt,  Marguerite,  l'infusion  ne  sera  pas  assez  forte!... 
(Elle  goûte.)  Je  vais  aller  arranger  cela  moi-même. 

MARGUERITE. 

J'ai  cependant  l'habitude  de  soigner  mademoisdle. 

GERTRUDE. 

Que  signifie  ce  ton  que  tous  prenez? 

MARGUERITE. 

Mais...  Madame... 

LE  GÉNÉRAL. 

Marguerite,  encore  un  root  et  nous  nous  brouillerons,  ma  vieille. 

PAULINE. 

Allons,  Marguerite,  laisse  faire  madame  de  Grandchamp. 

(Geitrude  sort  avec  Marguerite.) 
LE  GÉNÉRAL. 

Voyons,  nous  n'avons  donc  pas  confiance  dans  notre  pauvre  père 


AGTB  IV.  &05 

qui  nous  aime?  Eh  bien  I  dis- moi  pourquoi  ta  refusais  si  nettement 
Godard  hier,  et  pourquoi  tu  l'acceptes  aujourd'hui! 

PAULINE. 

Une  idée  de  jeune  fille! 

LB  GÉNÉRAI. 

Tu  n'aimes  personne? 

PAULINE. 

C'est  bien  parce  que  je  n'aime  personne  que  j*éponse  voti 

y.  Godard!  (Gertmde rentre  avec  Marguerite.) 

LB  GÉNÉRAL. 

Àh! 

GERTRUDE. 

Tiens,  mai  chère  petite,  prends  garde,  c'est  un  peu  chaud. 

PAULINE. 

Merci,  ma  mère  ! 

LE  GÉNÉRAL. 

Sa  mère  !•••  En  vérité,  c'est  à  en  perdre  l'esprit! 

PAULINE. 

Marguerite,  le  sucrier? 

(Elle  profite  da  moment  où  Marguerite  sort  et  ob  Gertrude  cause  avec  le  général, 
pour  mettre  le  poison  dans  la  tasse»  et  laisse  tomber  à  terre  le  papier  qui  le  con- 
tenait.) 

GERTRUDE,  au  général. 

Qu'arez-Yous  ? 

LE  GÉNÉRAL. 

'\    Ma  chère  amie,  je  ne  conçois  rien  aux  femmes  :  je  suis  comme 

Godard.  (Rentre  Marguerite.) 

t  GERTRUDE. 

Vous  êtes  comme  tous  les  hommes. 

PAULINE, 

Ahl 

GERTRUDE. 

Qu'as-tu,  mon  enfant? 

PAULINE. 

Rien!...  rienf... 

GERTRUDE. 

Je  vais  te  préparer  une  seconde  tasse..* 

PAULINE. 

Ohl  non,  Madame...  celle-ci  suffit  II  faut  attendre  le  docteur. 

(Bile  a  posé  la  tasse  sur  un  guéridon.) 


HOÔ  LA  MUATmÇL 

SCÈNE  im. 

vu  HiHBS,  GODARD,  FÉLIX* 
FÉLIX. 

M.  Godai'd  demande  s'il  peut  être  reçu? 

(Ob  legMi  M  fB(erra00  PtuMne  pour  «^ofr  fffl  feot  enliaf.) 
PAULINE. 

Gertamementl 

6ERTRUDE. 

QueTas-tn  loi  dire  7 
Vous  allez  voir. 

GODARD^  entrant. 

Ahl  mon  Dieu,  mademoiselle  est  indisposée,  jMgnorais,  et  je 
vais...  (On  lui  lut  signe  dç  s'asseoir.)  Mademoiselle,  permettez-osoi  de 
vous  remercier  avant  tout  de  la  faveur  que  vous  me  faites  en  me 
recevant  dans  le  sanctuaire  de  Tinnocence.  Madame  de  Grand- 
champ  et  monsieur  votre  père  viennent  de  m'apprendre  une  nou- 
velle qui  m'aurait  comblé  de  bonheur  hier,  maig  qui,  je  Tavoue, 
m'étonne  aujourd'hui 

LE  GÉNÉRAL. 

Qu'e8t*ce  à  dire,  monsieur  Godard? 

PAULINE. 

Ne  vous  fâchez  pas,  mon^pêre,  monsieur  a  raison.  Tous  pe  sa- 
vez pas  tout  ce  que  je  lui  ai  dit  hier. 

GODARD. 

Tous  êtes  trop  spirituelle.  Mademoiselle,  pour  ne  pas  trouver 
tout  simple  la  curiosité  d'un  honnête  jeune  homme  qui  a  qua- 
rante mille  livres  de  rente  et  des  économies,  de  savoir  les  raisons 
qui  le  font  accepter  à  vingt-quatre  heures  d'échéance  d'un  refus... 
car,  hier,  c'était  à  cette  heure-ci.  •  ai  tire  sa  montre)  cinq  heures  et 
demie,  que  vous... 

LB  GÉNÉRAL. 

Comment!  vous  n'êtes  donc  pas  amoureux  comme  vous  le  di- 
siez ?  Tous  allez  quereller  une  adorable  fille  au  moment  où  elle 

TOUS... 

GODAin, 

Je  ne  querellerais  pas,  s'il  ne  s'agissait  pas  de  se  marier.  Vu 


ACTE  IV.  &07 

flianage,  général,  est  ane  affiire  en  même  temps  que  l'effet  d'un 
seadmeat 

LE  GiHÛUlM 

Pardonnez-moi,  Godard,  je  sois  un  peu  vif,  tous  le  Bavez? 

PAUIiNB^è  Godard. 

Monsieur.. •  (Apaitj  Ohl  quelles  souffiaaoea...  Mûdûot,  pour- 
quoi les  pauvres  jeunes  filles... 

GODA&D. 

Pauvre!...  non,  non.  Mademoiselle,  vous  avez  quatre  cent 
mille  francs... 

PAULINB. 

Pourquoi  de  faible  jeunes  filles. . . 

GODARD. 

Faibles? 

tAULUnt. 

Allons,  d'innocentes  jeunes  personnes  ne  s*inquiéteraient-elles 
pas  un  peu  du  caractère  de  celui  qui  se  présente  pour  dewnir 
leur  seigneur  et  maître.  Si  vous  m'aimez,  vous  punirez  vous?... 
me  punirez-vous?...  d'avoir  fait  une  ^euve. 

GODARD* 

Àh  !  vu  comme  cela... 

LB  ClMitlL. 

Oh!  les  femmes  !  les  femmes  !... 

GODAKO. 

Oh!  vous  pouvez  bien  dire  aussi  :  Les  filles  !  les  filles  ! 

LE  GÉNÉRAL. 

Oui.  Allons,  décidément  la  mienne  a  plus  d'esprit  que  sou  pèi». 

SCÈNE  xm. 

LK8  HÉHK8,  GERTRUDS,  NAPOiÉOH 


GERTRUQE. 

Eh  bien  1  monsieur  Godard  ? 

GODARD. 

Ah!  Madame!  ah  !  général  !  je  suis  au  comble  du  bonheur,  et 
mon  rêve  est  accompli  I  Entrer  dans  une  famille  comme  la  vôtre. 
Moi...  ah!  Madame!  ah!  général!  ah!  Mademoiselle!  (a part.)  Je 
veux  pénétrer  ce  mystère,  car  elle  m'aime  très-peu. 


ft08  Là  MARATBBi 

HAPOLÉON^  entrant. 

Papa,  j'ai  la  croix  de  mérite...  Boajour,  maman...  Oàest  donc 
Pauline?...  Tiens,  tu  es  donc  malade 7  Pauvre  petite  sœuri...  Du 
donc,  je  sais  d'où  vient  la  justice? 

GERTRUDB. 

Qoi  t*a  dit  cela!...  Ob!  conmie  le  voilà  fait I 

NAPOLiOV. 

Le  mattre!  Il  a  dit  que  la  justice  venait  du  bon  Dienl 

GODARD. 

Il  n'est  pas  Normand,  ton  maître. 

PAULINE^  iMS  il  Marguerite. 

Oh!  Marguerite!..»  ma  obère  Marguerite I  renvoie-les. 

MARGUERITE. 

Messieurs,  mademoiselle  a  besoin  de  repos. 

LE  GÉNÉRAL. 

£b  bien  I  Pauline,  nous  te  laissons,  tu  viendras  dtner. 

PAULINE. 

Si  je  puis...  Mon  père,  embrassez-moi I... 

LE  GÉNÉRAI^  rembrasBant. 

Oh  i  cher  angel  (a  Napoléon.)  Viens,  petit 

(Us  sortent  tous,  moins  Pauline.  Marguerite  et  Napoléon.) 
NAPOLÉON,  à  Pioline. 

Eh  bien  ?  et  moi,  tu  ne  m'embrasses  pas...  quéqu'tas  donc? 

PAOLUn. 

Oh!  je  meurs! 

NAPOLÉON. 

Est-ce  qu'on  meurt?...  Pauline,  en  quoi  c*est-il  fait  la  naortt 

PAUUNE. 
La  mort.,  c'est  fait.,  comme  ça.  (Elle  tombe  soutenue  par  Marguerite.) 

MARGUERITB. 

Ah!  mon  Dieu!  du  secours! 

NAPOLÉON. 

Obi  Pauline,  tu  me  fais  peur...  (Ln  s*enftiyant.)  Maman!  mamaa! 


m  »V  QUATRlIlI  ACTE* 


ACTE    CINQUIÈME 


ttebambre  de  Ptnllnt» 


SCÈNE  PREMIÈRE. 


PAULINE,  FERDINAND,  VERNON. 

Faullne  esl  ^tendue  dans  son  lit.  Ferdinand  tient  sa  main  dans  ane  pose  de  douleur 
et  d'abandon  complet.  Ceit  le  moment  du  crépuscai!e,  il  y  a  encore  une  lampe. 


.    TBRNON^  assis  près  du  guéridon. 

J'ai  TU  des  milliers  de  morts  sur  le  champ  de  bataille,  aux  ambu- 
lances; et  pourquoi  la  mort  d'une  jeune  fille  sous  le  toit  paternel 
me  £iit-elle  plus  d'impression  que  tant  dé  souffrances  héroïques  ?. . . 
La  mort  est  peut-être  un  cas  prévu  sur  le  champ  de  bataille...  on 
y  compte  même  ;  tandis  qu*ici  il  ne  s'agit  pas  seulement  d'une 
existence,  c'est  toute  une  famille  que  Ton  voit  en  larmes,  et  des 
espérances  qui  meurent..  Voilà  cette  enfant,  que  je  chérissais, 
assassinée,  empoisonnée...  et  par  qui?...  Mai^erite  a  bien  deviné 
Ténigme  de  cette  lutte  ébtre  ces  deux  rivales...  Je  n'ai  pas  pu 
m'empêcher  d'aller  tout  dire  à  la  justice.....  Pourtant,  mon  Dieu, 

j*ai  tout  tenté  pour  arracher  cette  vie  à  la  mort? (Ferdinand  relève 

la  tête  et  écoute  le  docteur.)  J'ai  même  apporté  ce  poison  qui  pourrait 
neutraliser  l'autre;  mais  il  aurait  fallu  le  concours  des  princes  de 
la  science!  On  n'ose  pas  tout  seul  un  pareil  coup  de  dé. 

FERDINAND  se  lève  et  ya  au  docteur. 

Docteur,  quand  les  magistrats  seront  venus,  expliquez-leur  celte 

tentative,  ils  la  permettront;  et,  tenez.  Dieu,  Dieu  m'écoutera 

il  fera  quelque  miracle,  il  me  la  rendra  !.  •• 

TJBRNON. 

Avant  que  l'action  du  poison  n*ait  exercé  tous  ses  ravages,  j'au* 


410  LA   MARATRE. 

rais  06é...  maintenant,  je  passerai3  pour  être  Teinpoisonneur.  Non, 
ceci  (11  pose  un  petit  oacon  sur  la  table)  cst  inutile,  et  mon  dévouement 
>erait  un  crime. 

FERMxiirD  j  jl  a  mli  «n  miroir  deiant  lei  lèves  de  fliuline. 

Mais  tout  est  possible,  elle  respire  encore. 

YERNON. 

EUe  ne  verra  pas  le  joarqni  se  lèye. 

PAULINE. 

Ferdinand  I 

FERDINAND. 

Elle  vient  de  me  nommer. 

VERNON. 

oh  !  la  nature  à  vingt-deux  ans  est  bien  forte  contre  la  destruc- 
tion! D'ailleurs,  elle  conservera  son  intelligence  jusqu'à  son  der- 
nier soupir.  Elle  pourrait  se  lever,  parler,  quoique  les  souffrances 

causées  par  ce  poison  terrible  soient  inouïes. 

* 

SCÈNE  IL 

■M  wtam,  LE  GÉNÉRAL,  «ribortendebM. 
LB  GÉNÉRAL. 

Yemonf 

TERNON,  il  Ferdinand. 
Le  général.  (Ferdinand  tombe  accablé  sur  un  touteall  à  gauâie,  an  fond,  masqué 
par  les  rideaux  du  Ut.  A  la  porte.)  Que  VOUleZ-VOUS? 

LB  6ÉNÉBAL. 

Voir  Pauline  ! 

TBKNON. 

Si  VOUS  m'écoutei,  vous  attendrez,  elle  est  bioi  plus  mal 

LB  GÉNÉRAL  force  la  porte. 

£hl  j'entre,  alon. 

TIBHOII* 

Non,  général,  écoatez-moL 

LB  GÉNÉIAL. 

Non»  non.  Immobile,  froide  I  Ah  !  Yeram! 

TBBNON. 

Voyons,  général..  (Apart.>  Il  faut  Téloigner  d'ici...  (Hant.)  Eb 
Men  I  je  n'ai  plus  qu'un  bien  faible  espoir  de  h  saQver. 


ACTE  V.  M4 

lE  GÉNÉRAI. 

Tu  As...  Ta  m'atirafs  donc  trompé?... 

YERNOir. 

Mon  ami,  il  faut  savoir  regarder  ce  lit  en  face,  comme  nous  re« 
gardions  les  batteries  chargées  à  mitraille!...  Eh  bien!  dans  {f\ 
doote  où  je  suis,  vous  devez  aller...  (Apart)  Àhl  quelle  idée!  (Baut 
chercher  vous-même  les  secours  de  la  religion. 

LE  GÉNÉRAL. 

Vemon,  je  toux  la  voir,  l'embrasser. 

YERNON. 

Prenez  garde! 

LE  GÉNÉRAL^  après  avoir  embrassé  Pauline. 

Oh!  glacée! 

YERNON. 

C'est  un  effet  de  la  maladie,  général..  Gourez  au  presbytère; 
car  si  je  ne  réussissais  pas,  votre  fille,  que  vous  avez  élevée  chré- 
tiennement, ne  doit  pas  être  abandonnée  par  TEgliçe. 

IS  GÉNÉRAL. 

Ah  !  ab  I  oui  J'y  vais...  oivaaa  ut. 

YERNON^  lui  montrant  la  porte. 

Paria! 

LE  GÉNÉRAL. 

Mon  ami,  je  n'ai  plus  la  tête  à  moi,  je  suis  sans  idées.....  Yer- 
non,  un  miracle!...  Tu  as  sauvé  tant  de  monde,  et  tu  ne  pourrais 
pas  sauver  une  enfant!  . 

YERNON. 

Viens,  viens...  (a  part.)  Je  l'accompagne,  car  s'il  rencontrait  les 
magistrats,  ce  seraient  bien  d'autres  malheursi  (iiaioitent.) 

SCÈNE  in. 

PAULINE,  FERDINAND. 


Ferdinand  I 


PAULINE. 


•  FERDINAND. 

Ahl  mon  Dieu!  serait-ce  son  dernier  soupir?  Oh  !  oui,  Pau« 
fine,  tu  es  ma  vie  même  :  si  Yernon  ne  te  sauve  pas,  je  te  sui- 
vrai, nous  serons  réunis. 

PAULINE. 

Alors,  j'expire  sans  un  seul  regret 


hi2  LA  MARATRE. 

FERDINAND;  il  prend  ie  flacon. 

Ge  qui  t'aarait  sauvé,  à  le  docteur  était  venu  plus  tôt»  me  déli- 
vrera de  la  vie. 

PAUUNS. 


Non,  sois  heureux. 
Jamais  sans  toi  ! 

Tu  me  ranimes. 


FERDINAND. 
PAULINE. 


SCÈNE  IV. 

us  MÊMES,  V£RNON. 
FERDINAND. 

Elle  parle,  ses  yeux  se  sont  rouverts. 

VERNON. 

Pauvre  enfant!...  elle  s'endort,  quel  sera  le  réveil? 

(Ferdinand  reprend  sa  place  et  la  main  de  PaullM.i 

SCÈNE  Y. 

ut  MtMBS,  RAMEL,  LE  JUGE  D'INSTRUCTION,  LE  GREFFIER, 
UN  MÉDECIN,  UN  BRIGADIER,  MARGUERITE. 

MARGUERITE. 

Monsieur  Yernon,  les  magistrats  sont  là...  Monsieur  Ferdinand, 

retirez-vous  I  (Ferdinand  sort  à  gauche.) 

RAMBL. 

Veillez,  brigadier,  à  ce  que  toutes  les  issues  de  cette  maison 
soient  observées,  et  tenez-vous  à  nos  ordres!...  Docteur,  pouvons- 
nous  rester  ici  quelques  instants  sans  danger  pour  la  malade? 

VERNON. 

Elle  dort.v  monsieur  ;  et  c*est  du  dernier  sommeil 

MARGUERITE. 

Ydcila  tasse  où  se  trouvent  les  restes  de  TinTusion,  et  qui  con- 
tient de  Tarsenic;  je  m'en  suis  aperçue  au  moment  où  j'allais  la 
prendre.  "^ 

LE  MÉDECIN^  examinant  la  tasse  et  goûtant  le  resta  \ 

Il  est  évident  qu'il  y  a  une  substance  vénéneuse*. 


ACTE  V.  413 

LE  lUGE. 
Vous  en  ferez  l'analyse!  (U  aperçoit  Uargaerlte  ramanant  on  pellt  papier  à 

terre.)  Qoei  est  ce  papier? 

MÀRGUERin. 

oh!  ce  n'est  rien. 

RAlfEL. 

Rien  n'est  insignifiant  en  des  cas  pareils  pour  des  magistrats  !••• 
Ah  i  ah!  Messieurs,  plus  tard  nous  aurons  à  examiner  ceci.  Pour* 
rions-nous  éloigner  M.  de  Grandchainp  ! 

TERNON. 

Il  est  au  presbytère;  mais  il  n'y  restera  pas  longtemps. 

LE  lUGE^  au  médecin. 
Voyez,  Monsieur  T.  ••  (Us  deux  médecins  causent  an  eberet  du  ut.) 

RAHEL^  aufoge. 

Si  le  général  reyient,  nous  agirons  avec  lui  selon  les  circonstances. 

(Marguerite  pleure»  agenouillée  au  pied  du  lit.  Les  deux  médecins,  le  juge  et  Ramel 
se  groupent  sur  le  derant  du  théfltre.) 

RAMEL^  an  médecin. 

Ainsi^  Monsieur,  Totre  avis  est  que  la  maladie  de  mademoiselle 
de  Grandchamp,  que  nous  a?ons  vue  avant-hier  pleine  de  santé,  de 
bonheur  même,  est  l'effet  d'un  crime? 

LE  MÉDEQN. 

Les  symptômes  d'empoisonnement  sont  de  la  dernière  évidence. 

RAMEL. 

Et  le  reste  de  poison  que  contient  cette  tasse  est-il  assez  visible, 
assez  considérable  pour  fournir  une  preuve  légale?.** 

LE  MÉDEaN. 

Oui,  Monsieur. 

LE  lUGE^  h  Vemon. 

La  femme  que  voici  prétend.  Monsieur,  qu'hier,  à  quatre 
heures,  vous  avez  ordonné  à  mademoiselle  de  Grandchamp  une 
infusion  de  feuilles  d'oranger,  pour  calmer  une  irritation  survenue 
après  une  explication  entre  la  belle-fille  et  sa  belle-mère;  elle 
ajoute  que  madame  de  Grandchamp^  qui  vous  aurait  aussitôt  en- 
voyé à  quatre  lieues  d'ici,  sous  un  vain  prétexte,  a  insisté  pour  tout 
préparer  et  tout  donner  à  sa  bdle-fille  ;  est-ce  vrai? 

VERNON. 

Oui,  Monsieur! 

MARGUERITE. 

Mon  insistance  à  vouloir  soigner  mademoiselle  a  été  l*occasion 
d'un  reproche  de  la  part  de  mon  pauvre  maître. 

RAMEL^  à  Yemon. 

Où  madame  de  Grandchamp  vous  a-t-elle  envoyé? 


Uik  LA    MARATBB. 

YSBNON. 

Tout  est  fatal,  Messienra,  clans  cette  aflUn^  mjstérietise.  Madame 
de  Grandchamp  a  si  bien  touIu  m'éloîgner,  que  ToaTrier  chez  qui 
l'on  m'envoyait  à  trois  lieues  â'id,  était  au  cabaret  J*ai  grondé 
Champagne  d'avoir  trompé  madame  de  Grandchamp,  et  Champa- 
gne m'a  dit  qu'effectivement  l'ouvrier  n'était  {kis  venu,  mais  qu'il 
ne  savait  rien  de  cette  prétendue  maladie* 

FEUX. 

Messieurs,  le  clergé  se  présente. 

EAMBL. 

Nous  pouvons  emporter  les  deux  pièces  à  conviction  dans  le 
salon,  et  oous  y  transporter  pour  dresser  le  piDcèS'veriiaL 

Pirid»  McsneiDcsl  parkil  iiiifortMt.i«9cteêflftaii4 

SCÈNE  yi. 

Le  salon. 
RAMEL,  LE  JUC^,  LB  GREFFIER,  V&RN01L 

BAMEL. 

Ainsi,  voilà  qui  demeure  établi.  Comme  le  prétendent  Félix  et 

Marguerite,  hier  madame  de  Grandchamp  a  d'abord  administré  à 

sa  belle-fille  une  dose  d'opium;  et  vous,  monsieur  Temon,  rtm 

étant  aperçu  de  cette  manœuvre  critbinelle,  vogs  auriez  pris  et 

serré  la  tasse. 

VBawuu 

C'est  vrait  Messkun»  mais.** 

lUKEL. 

Comment^  monsieur  Yemoa,  vous  qni  avez  été  témom  de  cette 
coupable  entreprise,  n'avez-vous  pas  arrêté  madame  de  Grand- 
champ  dans  la  voie  funeste  où  elle  s'engageait? 

VKBNOir^ 

Croyez,  Monsieur,  que  tout  ce  que  la  prudence  exfge,  qtM 
tout -ce  qu'une  vieille  expérience  peut  suggérer  a  ét6  teaté  de  ma 
part 

Votre  conduite,  Hoftsieiir»  est  singulière,  et  vous  aurez  à  l'ei- 
pliquer.  Yons  avez  fait  votre  devw  hier  en  conservant  cette 
preuve;  mais  puafsei  voua  êles-voys  arrêté  dan»  cette  voie?... 


ACTE  V.     •  4IS 

BAMBL. 

Permettez,  monsieur  Gordier  ;  monsieur  est  un  Tieillard  sin- 
cère et  loyal!  (nprendYemonàpart.)  Toos  avez  dû  pénétrer  la  cause 
de  ce  crime? 

TEBKOK. 

C'est  la  rivalité  de  deux  femmes,  poussées  aux  dernières  extré- 
mités par  des  passions  impitoyables...  et  je  dois  me  taire. 

lUMfiL. 

Je  sais  tout. 


Vous?  Monsieur! 


Et,  comme  vous,  sans  doute,  j'ai  tout  frit  pov  préf«nir  cette 
catastrophe;  car  Ferdinand  devait  partir  cette  nuit  J*ai  connu 
mademoiselle  Gertrude  de  Meilhac  autrefon  chez  mon  anâ. 

VKRNOH. 

oh!  Monsieur»  soyez  clément!  ayez  pitié  d'un  vieux  soldat, 
criblé  de  blessures  et  plein  d'illusions...  Il  va  perdre  sa  fille  et  sa 
femme...  qu'il  ne  perde  pas  son  honneur. 

Nouft  nous  comprenons!  Tant  que  Gertrude  ne  fera  pas  d'aveux 
qui  nous  forcent  à  ouvrir  les  yeux»  je  tâcherai  de  démontrer  au 
juge  d'instruction»  et  il  est  bien  fin,  bien  intègre»  il  a  dix  ans  de 
pratique;  eh  bien,  je  lui  ferai  croire  que  la  cupidité  seule  a  guidé 
la  main  de  madame  Granddnmpl  Âidez-moi.  (Le  juge  s'approche, 
imtf  fiiitaBtfgw&TcmiiWpriaiiiitirflgvte:)  Pourquoi  madatii»  de 
Grandchamp  aurait>elle  endormi  sa  belle-fille?  AllonSt  voos  de- 
vez le  savoir,  vous,  l'ami  de  h  mamn. 

VERiroir. 
Pauline  devait  me  confier  ses  secrets,  sa  belle-mère  a  deviné 
que  j'allais  savoir  des  choses  qu'elle  avait  intérêt  à  tenii'  cachées  ; 
et  voîfà.  Monsieur,  pourquoi,  sans  doute,  eDe  m'a  fait  partir  pour 
aler  soigner  un  ouvrier  bien  portant,  et  non  pour  éloigner  les  se- 
cours k  donner  à  PauEne,  car  louviers  n'est  pas  si  loin... 

LE  JUOS. 

QueDe  préméditation!...  uBamei.)  Elle  ne  pourra  pas  s'en  tirer 
A  nous  trouvons  les  preuves  du  crime  dans  le  secrétaire»..  Elle 
ne  nous  attend  pas,  die  sera  foudroyée  I... 


416  Là   MARATBB. 

SCÈNE  vn. 

LU  MÊMES,  GERTRUDE,  MARGUERITE. 
6ERTRUDE. 

Des  chants  d'église!...  Quoi!  ia  justice  encore  ici?...  Que  se 

passe-t-ii  donc  7. . .  (Blle  ra  sur  la  porte  de  la  chambre  de  Pauline  et  recule  épou- 

Tantée  devant  Marguerite.)  Ah! 

MARGUERITE. 

On  prie  sur  le  corps  de  votre  victime  ! 

GERTRUDB. 

Pauline!  Pauline!  morte!... 

LE  JUGE. 

Et  vous  Tavez  empoisonnée,  Madame !.•• 

GERTRUDE. 

Moi!  moi!  moi!  Ah  çà!  suis-je  éveillée?^..  (ARamei.}  Ah!  quel 
bonheur  pour  moi  !  car  vous  savez  tout,  vous  î  Me  croyez-TOus 
capable  d'un  crime?...  Gomment,  je  suis  donc  accusée?...  Moi, 
j'aurais  attenté  à  ses  jours...  mais  je  suis  femme  d'un  vieillard 
plein  d'honneur,  et  j'ai  un  enfant.,  un  enfant  devant  qui  je  ne 
voudrais  pas  rougir...  Ah!  la  justice  sera  pour  moi....  Margue- 
nte,  que  l'on  ne  sorte  pas!  Oh!  Messieurs!...  Ah  çà!  que  s'est-3 
donc  passé,  depuis  hier  au  soir  que  j'ai  laissé  Pauline  un  peu 
souffrante  ?... 

LE  JUGE. 

Madame,  recueillez- vous!  Vous  êtes  en  présence  de  la  justice 
de  votre  pays. 

GERTRUDB. 

Ah!  je  me  sens  toute  froide... 

LE  JUGE. 

La  justice,  en  France  du  moins,  est  la  plus  parfaite  des  josdces 
criminelles  :  elle  ne  tend  jamais  de  pièges,  elle  marche,  elle  agit, 
elle  parle  à  visage  découvert,  car  elle  est  forte  de  sa  mission,  qui 
est  de  chercher  la  vérité.  Dans  ce  moment,  vous  n'êtes  qu'in- 
culpée, et  vous  devez  ne  voir  en  moi  qu'un  protecteur.  Mais  dites 
la  vérité,  quelle  qu'elle  soit.  Le  reste  ne  nous  regarde  plus... 

GERTRUDE. 

Eh!  Monsieur,  menez-moi  là,  et  devant  Pauline  je  vous  crieni 
ce  que  je  ^ous  crie  :  Je  suis  innocente  de  sa  mort  !... 


ACTB  V. 

US  JUGS.  ' 

Madame  !••• 

GERTRUDB. 

Voyons,  pas  de  ces  longues  phrases  où  vous  enveloppez  les  gens* 
Je  souffre  des  douleurs  inouïes!  Je  pleure  Pauline  coffline  si 
c*élaitma  fille,  et.,  je  lui  pardonne  tout!  Que  voulez- vous 7  Al- 
lez, je  répondrai. 

RAMEL* 

Que  lui  pardonnez-vous  7... 

6ERTRUDI. 

i\laisje... 

RAMEL^bas. 

De  la  prudence  ! 

GERTRUDE. 

Ah!  vous  avez  raison.  Partout  des  précipices! 

LE  JUGE^  au  greffier.  , 

Vous  écrirez  plus  tard  les  nom  et  prénoms,  prenez  les  notes 
pour  le  procès-verbal  de  cet  interrogatoire  (a  Gertrude.)  Avez-vous 
hier  administré,  vers  midi,  de  l'opium  dans  du  thé.  à  mademoi* 
selle  de  Grandchamp  ? 

GERTRUDI. 

Ah!  docteur...  Vous! 

RAUEL* 

N'accusez  pas  le  docteur,  il  s'est  déjà  trop  compromis  pour 
vous  I  répondez  au  juge  I 

GERTRUDE. 

Eh  bien,  c'est  vrai  !• 

LE  JUGE^  U  présente  la  tasse. 

Reconnaissez-vous  ceci? 

GERTRUDE. 

Oui,  Monsieur.  Après? 

LE  JUGE. 

Madame  a  reconnu  la  tasse,  et  avoue  y  avoir  mis  de  l'opium. 
Cela  suffit,  quant  à  présent,  sur  cette  phase  de  l'instruction. 

GERTRUDE. 

Mais  vous  m'accusez  donc?...  et  de  quoi? 

LE  JUGE. 

Madame,  si  vous  ne  vous  disculpez  pas  du  dernier  fait,  vous 
pourrez  être  prévenue  du  crime  d'empoisonnement  Nous  allons 
chercher  les  preuves  de  votre  innocence  ou  de  votre  culpabilité. 

TH.  27 


(>5S  LA    IIARATRIL 

GERTRUDB. 

OÙ? 

LE  JUGE. 

Chez  TOUS  !  Hier  vous  avez  fait  boire  à  mademoiselle  de  Grand- 
champ  une  infusion  de  feuilles  d'oranger  dans  celle  seconde  tasse 
qui  contient  de  Tarsenic. 

GERTRUDE. 

oh!  est-ce  possible! 

LE  JUGE. 

Vous  nous  avez  déclaré  avant-hier  que  la  clef  de  votre  secré- 
taire, où  vous  serriez  le  paquet  de  cette  substance,  ne  vous  quittait 
jamais. 

GERTRUDE. 

Elle  est  dans  la  poche  de  ma  robe...  Ohl  merci;  Monsieur!... 
ce  supplice  va  finir. 

'  LE  JUGE. 

Vous  n*avez-donc  fait  encore  aucun  usage  de... 

GERTRUDE. 

Non;  vous 'allez  trouver  le  paquet  cacheté» 

BAMEL. 

Ah  !  Madame,  je  le  souhaite. 

LE  JUGE. 

J'en  doute;  c'est  une  de  ces  audacieuses  criminelleai«. 

GERTRUDE. 

La  chambre  est  en  désordi*e,  permettez... 

LE  JUGE. 

Ohl  non,  non,  nous  entrerons  tous  trois. 

RAUEL. 

Il  s'agit  de  votre  innocence. 

GERTRUDE. 

O'a!  entrons.  Messieurs! 

SCÈNE  yni. 

YERNON,  «ml. 

Mon  pauvre  général  !  agenouillé  près  du  lit  de  sa  fille;  il  pleure, 
il  prie  I...  Hélas I  Dieu  seul  peut  la  lui  rendre. 


ACX£  V.  Uï\) 

SCÈNE  IX. 

VERKON,  GERTRUDE,  RÀMEL,  LE  JDGE,  LK  GREFFIER. 

GERTHUDB. 

Je  doute  de  moi,  je  réTe..*  je  suis... 

RAHEL. 

Tous  êtes  perdue.  Madame. 

GERTRUDB. 

Oui»  Monsieur !•••  mais  par  qui? 

LE  JUGE^  au  grefOer* 

Ecrivez  que  madame  de  Graudchamp  nous  ayant  ouvert  elle- 
même  le  secrétaire  de  sa  chambre  à  coucher,  et  nous  ayant  elle- 
même  présenté  le  paquet  cacheté  par  le  sieur  Baudrillon,  ce  pa- 
quet, intact  avant-hier,  s*est  trouvé  décacheté...  et  qull  y  a  été 
pris  une  dose  plus  que  suffisante  pour  donner  la  mort. 

GERTRUDB. 

La  mort!...  moi? 

LB  JUGE.' 

Madame,  ce  n*est  pas  sans  raisons  que  j'ai  saisi  dans  Totre  se- 
crétaire ce  papier  déchiré.  Nous  avons  saisi  chez  mademoiselle  de 
Grandchamp  ce  fragment  qui  s'y  adapte  parfaitement,  et  qui 
prouve  qu'arrivée  à  votre  secrétaire,  vous  avez,  dans  le  trouble  où 
le  crime  jette  tous  les  criminels,  pris  ce  papier  pour  envelopper  la 
dose  que  vous  deviez  mêler  à  l'infusion.    ^ 

GERTRUDB. 

Vous  avez  dit  que  tous  étiez  mon  protecteur  !  eh  bien  !  cela, 
voyez-vous... 

LE  JUGE. 

Attendez,  Madame  I  devant  de  telles  présomptions,  je  suis  obligé 
de  convertir  le  mandat  d'amener,  décerné  contre  vous,  en  un 
mandat  de  dépôt,  (a  signe.)  Maintenant,  Madame,  vous  êtes  en  état 
d'arrestation. 

GERTRUDB. 

Ëhbien!  tout  ce  que  tous  voudrez  I...  Mais  votre  mission, 
avez-vooB  dit,  est  de  chercher  la  vérité.  ••  cherchons-la.  ••  ohl 
cherchoiï]»«'la» 

Oui,  Madame. 


420  LA  MARATRE. 

GERTRUDE,  à  Ramel  en  pteurant. 

Oh!  Monsieur!  Monslear!... 

RAHEL. 

Avez-vous  quelque  chose  à  dire  pour  votre  défense  qui  puisse 
nous  faire  revenir  sur  cette  terrible  mesure? 

GERTBUDE. 

Messieurs,  je  suis  innoceule  du  crime  d'empoisonnement,  et 
tout  est  contre  moi!  Je  vous  en  supplie,  au  lieu  de  me  torturer, 
aidez- moi?...  Tenez,  on  doit  m*avoir  pris  ma  clef,  voyez-vous? 
On  doit  être  venu  dans  ma  chambre...  Âh!  je  comprends... 
(À  Ramel.)  Pauline  aimait  comme  j*aime  :  elle  s*est  empoisonnée. 

BÂUEL. 

Pour  votre  honneur,  ne  dites  pas  cela  sans  des  preuves  convain- 
cantes, autrement... 

LE  JUGE. 

Madame,  est-il  vrai  qu*hier,  sachant  que  le  docteur  Yernon 
devait  diner  chez  vous,  vous  Tayez  envoyé... 

GERTRUDE. 

oh!  vous,  vos  questions  sont  autant  de  coups  de  poignard  pour 
mon  cœur  !  Et  vous  allez,  vous  allez  toujours. 

LE  JUGE. 

L'avez«-vou8  envoyé  soigner  un  ouvrier  an  Pré4*Évêque? 

GERTRUDE. 

Oui,  Monsieur. 

LB  JUGE. 

Cet  ouvrier,  Madame,  était  au  cabaret  et  très-bien  portant 

GERTRUDE. 

Champagne  avait  dit  qu'il  était  malade. 

LE  JUGE. 

Champagne,  que  nous  avons  interrogé,  dément  cette  assertion, 
et  n*a  point  parlé  de  maladie.  Vous  vouliez  écarter  les  secours. 

GERTRUDE^  ft  part. 

Oh  I  Pauline!  c'est  elle  qui  m'a  fait  renvoyer  Vemon!  Oh!  Pan 
Une!  tu  m'entraînes  avec  toi  dans  la  tombe,  et  j'y  descendrais cir 
mincUe!  Oh  non!  non!  non!  (ARamei.)  Monsieur,  je  n'ai  plui 
qu'une  ressource.  (AVeraon)  Pauline  existe-t-elle  encore? 

TERNOir^  désignant  le  général; 

Voici  ma  réponse  I 


ACTE  V.  /l2i 

SCÈNE  X. 

LES  MÊMES,  LE  GÉNÉRAL. 
LB  GÉNÉRAL^  à  Vemon. 

Elle  se  meort,  mon  ami  I  Si  je  la  perds,  je  n'y  survivrai  pas. 

VERNON. 

Mon  ami! 

LE  GÉNÉRAL. 

lime  semble  qn'il  y  a  bien  dn  monde  ici...  Que  fait-on?  Sauvez- 
la  !  Où  donc  est  Gertrude  7  (On  le  Mt  asseoir  au  fond  ft  gaache.) 

GERTRUDE^  le  traînant  aaz  pieds  du  général. 

Mon  amil pauvre  pèrel....  Ah!  je  voudrais  que  Ton  me  tuât 

i  riostant,  sans  procès....  (EUe  se  lève.)  Non,  Pauline  m*a  enveloppée 
dans  son  suaire,  et  je  sens  ses  doigts  glacés  autour  de  mon  cou.... 
Oh  !  j'étais  résignée  !  j*aliais,  oui,  j*allais  ensevelir  avec  moi  le 
secret  de  ce  drame  domestique,  épouvantable,  et  que  toutes  les 
femmes  devraient  connaître!  mais  je  suis  lasse  de  cette  lutte  avec 
un  cadavre  qui  m*étreint,  qui  me  communique  la  mort  !  Eh  bien! 
mon  innocence  sortira  victorieuse  de  ces  aveux  aux  dépens  de 
l'honneur;  mais  je  ne  serai  pas  du  moins  une  lâche  et  vile  empoi- 
sonneuse. Ah!  je  vais  tout  dire. 

LE  GÉNÉRAL^  sp  levant  et  s'avançant. 

Ah!  vous  allez  donc  dire  à  la  justice  ce  que  vous  me  taisez  si 
obstinément  depuis  deux  jours...  Oh  Y  iâche  et  ingrate  créature... 
mensonge  caressant..  Vous  m*avez  tué  ma  fille,  qu*allez-vous  me 
luer  encore! 

GERTRUDE. 

Faut-il  se  taire  !...  Faut-il  parler  7 

RAMEL. 

Général,  de  grâce,  retirez -vous?  la  loi  le  veut 

LE  GÉNÉRAL. 

La  loi  !...  vous  êtes  la  justice  des  hommes;  moi,  je  suis  la  justice 
de  Dieu,  je  suis  plus  que  vous  tous  !  je  suis  Taccnsateur,  le  tribu- 
nal, Tarrêt  et  l'exécuteur...  Allons,  parlez,  Madame. 

GERTRUDE  aux  Rcnouz  dn  général. 

Pardon,  Monsieur...  Oui,  je  suis... 

RAMEL,  à  part. 

Oh!  la  malheureuse! 


ii'22  LA  HAHATRIS. 

GERTRUDE^  à  part. 

Ohl  non  !  non! pour  son  honnenr,  qu*il  ignore  toujours  la 

vérité!  (Uaut.)  Coupable  peur  tout  le  monde,  à  vous,  je  vous  dirai 
jusqu'à  mon  dernier  soupir  que  je  suis  innocence,  et  que  quelque 
jour  la  vérité  sortira  de  deux  tombes,  vérité  cruelle,  et  qui  vous 
prouvera  que  vous  aussi  vous  n'êtes,  pas  exempt  de  reproches, 
que  vous  aussi,  peut-être  à  cause  de  vos  haines  aveugles,  vous  êtes 
coupable. 

LB  GÉNÉRAL. 

Moi!  moi!...  Oh!  ma  tête  se  perd.....  vous  osez  m'accuser..... 

(Apercevant Pauline.)  Ah!...  ah!...  mon  Dieul 

SCÈNE  XI. 

LES  PRÉciDiiiTS,  PAULINE,  appayée  sur  FERDINAND. 

PAULINE. 

On  m'a  tout  dit  !  Cette  femme  est  innocente  da  crime  dont  elle 
est  accusée.  La  religion  m'a  fait  comprendre  qu'on  ne  peut  pas 
trouver  le  pardon  là-haut,  en  ne  le  laissant  pas  ici -bas.  J'ai  prisa 
Madame  la  clef  de  son  secrétaire,  je  suis  allée  chercher  moi-même 
le  poison,  j'ai  déchiré  moi-même  cette  feuille  de  papier  pour  l'en- 
velopper, car  j'ai  voulu  mourir. 

GERTRUDB. 

Oh!  Pauline!  prends  ma  vie,  prends  tout  ceqoej'aime....  Oh! 
docteur,  sauvez-la  ! 

LB  JUGB. 

Mademoiselle,  est-ce  la  vérité  ? 

PAULINE. 

La  vérité?...  les  mourants  la  disent.. 

LE  JUGE. 

Nous  ne  saurons  décidément  rien  de  cette  affaire  4à. 

Pauline^  a  Oertnide. 

Savez-vous  pourquoi  je  viens  vous  retirer  de  l'abîme  où  vous 
êtes?  c'est  que  Ferdinand  vient  de  me  dire  un  mot  qui  m'a  fait 
sortir  de  mon  cercueil.  Il  a  tellement  horreur  d'être  avec  vous 
dans  la  vie,  qu'il  me  suit,  moi,  dans  la  tombe,  où  nous  reposerons 
ensemble,  mariés  par  la  mort 


ACTE  V.  &23 

GERTRUDE. 

Ferdinand!...  Àhl  mon  Dieu  !  à  quel  prix  suis-je  sauvée? 

LE  GÉNÉRAL. 

Mais  malheureuse,  enfant,  pourquoi  meurs-tu?  ne  suis-je  pas, 
ai-je  cessé  un  seul  instant  d'être  un  bon  père?  On  dit  que  c*est 
moi  qui  suis  coupable. . . 

FERDlTTAin). 

Oui,  général.  Et  c'est  moi  seul  qui  peux  vous  donner  le  mot  de 
Pénigme,  et  qui  vous  expliquerai  comment  vous  êtes  coupable. 

LE  GÉNÉRAL. 

Vous,  Ferdinand,  vous  à  qui  j'offrais  ma  fille,  et  qui  Faimez.....  * 

FERDINAND. 

Je  m'appelle  Ferdinand ,  comte  de  Marcandal,  fils  du  général 
Marcandal. . .  Comprenez-vous  7 

LE  GÉNÉRAL. 

Ah  !  fils  de  traître,  tu  ne  pouvais  apporter  sous  r&on  toit  que 
mort  et  trahison!...  Défends- toi! 

FERDINAND. 

Tous  battrez-vous,  général,  contre  un  mort?  (iitomi>e.) 

GERTRUDE^  s'élance  vers  Ferdinand  en  jetant  nn  cri. 
Oh  !  (EUe  recule  devant  le  général,  qui  s'avance  vers  sa  fille,  puis  elle  tire  un  flacon 

quelle  Jette  aussitôt.)  Oh!  uou,  je  me  condamuo  à  vivre  pour  ce  pauvre 

vieillard!   (Le  générai  s'agenoullle  près  de  sa  nile  morte.)  DOCteur,    que  fait- 
il?...  perdrait-il  la  raison?... 

LE  GÉNÉRAL^  bégayant  comme  un  homme  qui  ne  peut  trouver  les  raotg. 
wt>w....  jc*««  je..... 

'LE  DOCTEUR. 

Général,  que  faites-vous? 

LE  GÉNÉRAL. 

Je...  je  cherche  à  dire  des  prières  pour  ma  fille!... 

(Le  rideau  tombe.) 


Wa  Dl  LA  VAT.AtnE* 


LE    FAISEUR 


GOMÉDIB  EN   CINQ   ACTES   ET   EN   PROSE 


btiàremtiit  conforme  aa  manotcrit  de  rauteui. 


PERSONNAGES. 


AUGUSTE  MERCADET,  spéculateur. 

ADOLPHE  MINARD,  teneur  de  livres. 

MICHONNIN  DE   LA  BRIVE,  jeune 
homme  élégant. 

DE  MÉRICOURT,  autre  jeune  homme. 

BRÉDIF,  propriétaire. 

BERCHUT,  courtier  mafron. 

VERDELIN,  ami  de  Mercadet. 

GOULARD,  homme  d'affaires,  créan- 
cier de  Mercadet. 


PIERQUIN,   usurier^  créancier  de 
Mercadet. 

VIOLETTE,  courtier  d'affaires,  créan. 
cier  de  Mercadet. 

JUSTIN,  valet  de  chambre. 

MADAME  MERCADET. 

JULIE  MERCADET. 

THÉRÈSE,  femme  de  chambre. 

VIRGINIE,  cuisinière. 


raclion  se  passe  en  1839.  -  La  seSne  représente,  pendant  tonte  la  pièce,  le  salon 

principal  de  Tappartement  de  Mercadet.) 


Uessieurs,  Je  n'ai  rien. 


LE   FAISEUR 


ACTE  PREMIER 


SCÈNE  PREMIÈRE 

6RËDIF  d'abord  ienl,  puis  MERGÀDET. 

BREDIF. 

Un  appartement  de  onze  pièces,  superbes,  an  cœur  de  Paris,  rue 
de  GramiDont  !..•  et  pour  deux  mille  «inq  cents  francs  !  J'y  perds 
trois  mille  francs  tous  les  ans...  et  cela,  depuis  la  révolution  de 
Juillet.  Ah!  le  plus  grand  inconvénient  des  révolutions,  c'est  cette 
subite  diminution  des  loyers  qui...  Non,  je  n'aurais  pas  dû  faire 
de  bail  en  1830 1...  Heureusement,  monsieur  Mercadet  est  en  ar- 
rière de  six  termes,  les  meubles  sont  saisis^  et  en  les  faisant  vea- 
dre... 

MERGADET,  qui  a  entenda  les  derniers  mots. 

Faire  vendre  mes  meublesl  Et  vous  vous  êtes  réveillé  dès  le  jour 
pour  causer  un  si  violent  chagrin  à  l'un  de  vos  semblables?... 

BRÉDIP. 

Vous  n'êtes,  Dieu  merci  I  pas  mon  semblable,  monsieur  Mer- 
cadet  !...  Vous  êtes  criblé  de  dettes,  et  moi  je  ne  dois  rien  ;  je  suis 
dans  ma  maison,  et  vous  êtes  mon  locataire. 

MERGÀDET. 

Ah!  oui,  l'égalité  ne  sera  jamais  qu'un  motl  nous  serons  tou- 
jours divisés  en  deux  castes  :  les  débiteurs  et  les  créanciers,  si  in- 
génitusement  nommés  les  Anglais  ;  allons^  soyez  Français,  cher 
monsieur  Brédif,  touchez  là? 

BREDIF. 

J'aimerais  mieux  toucher  mes  loyers,  mon  cher  monsieur  Mer- 
cadet. 


62S  LE    FAISËIJIV 

MERGÂDET, 

Vous  êtes  le  seul  de  mes  créanciers  qui  possède  un  gage. ..  réel! 
Depuis  dix-huit  mois  vous  a?ez  saisi,  décrit  pièce  à  pièce,  avec  le 
plus  grand  soin,  ce  mobilier  qui  certes  vaudra  bien  quinze  mille 
francs,  et  je  ne  vous  devrai  deux  années  de  loyer  que...  dans 
quatre  mois. 

BREDIF. 

Et  les  intérêts  de  mes  fonds  ?.. .  je  les  perds.     .  * 

MERCADET. 

Demandez  les  intérêts  judiciairement!  Je  me  laisserai  con- 
damner. 

BREDIF. 

Mon  cher  monsieur  Mercadet,  je  ne  fais  pas  de  spéculation, 
moi!  je  vis  de  mes  revenus;  et  si  tous  mes  locataires  vous  res- 
semblaient... Ah!  tenez,  il  faut  en  finir... 

MERCADET. 

Gomment,  mon  cher  monsieur  Brédif,  moi  qui  suis  depuis  onze 
ans  dans  votre  maison,  vous  m*en  chasseriez  ?  Vous  qui  connaissez 
tous  mes  malheurs,  vous,  le  témoin  de  mes  efforts  !  Enfin,  vous 
savez  que  je  suis  la  viclime  d'un  abus  de  confiance.  Godeau... 

BREDIF. 

Allez- vous  encore  me  recommencer  Thistoire  de  la  fuite  de  votre 
associé  ;  mais  je  la  sais,  et  tous  vos  créanciers  la  savent  aussi.  Puis^ 
après  tout,  monsieur  Godeau... 

MERCADET. 

Godeau  ?...  J*ai  cru,  lorsqu'on  lança  le  type  si  célèbre  do  Robert 
Macaire,  que  les  auteurs  l'avaient  connu  !... 

BREDIF. 

« 

Ne  calomniez  pas  voire  associé  !  Godeau  était  un  homme  d'une 
rare  énergie,  et  un  bon  vivant!...  Il  vivait  avec  une  petite 
femme...  délicieuse... 

MERCADET. 

De  laquelle  il  avait  un  enfant,  et  qu'ils  ont  abandonné.. • 

BREDIF. 

Mais  Du  val,  votre  ancien  caissier,  touché  par  les  prières  de  cette 
charmante  femme^  ne  s'est-il  pas  chargé  de  ce  jeune  homme? 

MERCADET. 

Et  Godeau  s'est  chargé  de  notre  caisse... 


ACTE  I  429 

BRÉDIF. 

Il  VOUS  a  emprunté  cent  cinquante  mille  francs...  violemment^ 
j'en  conviens^  mais  il  vous  a  laissé  toutes  les  autres  valeurs  de  la 
liquidation...  et  vous  avez  continué  les  affaires!  Depujs  huit  ans, 
vous  en  avez  fait  d'énormes  !  Vous  avez  gagné.,. 

MERCADET. 

J'ai  gagné  des  batailles  à  la  Pyrrhus!  Cela  nous  arrive  souvent, 
à  nous  autres  spéculateurs... 

BREDIF. 

Mais  monsieur  Godeau  ne  vous  a-t-il  pas  promis  de  vous  mettre 
pour  la  moitié  dans  les  affaires  qu'il  allait  entreprendre  aux 
Indes?...  il  reviendra!... 

MERCADET. 

Eh  bien  !  alors,  attendez  !  Du  moment  où  vous  aurez  les  intérêts 
de  vos  loyers,  ne  sera-ce  pas  un  placement  7. . . 

BRÉDIF. 

Vos  raisons  sont  excellentes  ;  mais  si  tous  les  propriétaires  vou- 
laient écouter  leurs  locataires,  les  locataires  les  payeraient  tous  en 
raisons  de  ce  genre,  et  le  gouvernement... 

MERCADET. 

Qu'est-ce  que  le  gouvernement  fait  en  ceci? 

BREDIF. 

Le  gouvernement  veut  ses  impôts  et  ne  se  paye  pas  avec  des 
raisons.  Je  suis  donc,  à  mon  grand  regret,  forcé  d'agir  avec  ri- 
gueur. 

MERCADET. 

Vous?  je  vous  croyais  si  bon!  Ne  savez-vous  pas  que  je  vais 
marier  ma  fille?...  Laissez-moi  conclure  ce  mariage!  vous  y  as- 
sisterez... allons!  madame  Brédif  danserai...  Peut-être  vous 
payerai-je  demain  ! 

BRÉDIF. 

Demain^  c'est  le  cadet;  aujourd'hui,  c'est  l'ainé.  Je  suis  au  dé- 
sespoir d'effaroucher  votre  gendre  ;  mais  vous  avez  dû  recevoir  un 
petit  commandement  avant-hier^  et  si  vous  ne  payez  pas  aujour- 
d'hui, les  afOches  seront  apposées  demain... 

MERCADET. 

Ah!  vous  voulez  me  vendre  la  protection  que  vous  m'accordez 


U'iO  LE  FAISEUR 

par  cette  saisie,  qui  paralyse  les  poursuites  de  mes  antres  créanciers! 
Eh  bien  l  que  puis-je  vous  offrir  pour  gagner  trois  mois?... 

BREDIF. 

Peut-être  une  conscience  stricte  murmurerait-elle  de  cette  ia- 
volontaire  complicité,  car  je  contribue  à  laisser  éblouir.^ 

MERGADET. 

Qui? 

BREDIF. 

Votre  futur  gendre... 

MERCADETy  à  part. 

Vieux  filou  I 

BRÉDIF. 

Mais  je  suis  bon  homme  ;  renoncez  à  votre  droit  de  sous  locatloo, 
et  je  vous  donne  trois  mois  de  tranquillité. 

MERCADET. 

Ah  !  un  homme  dans  le  malheur  ressemble  à  un  morceau  de  pain 
jeté  dans  un  vivier  :  chaque  poisson  y  donne  un  coup  de  dent  Et 
quels  brochets  que  les  créanciers  ! . ..  Ils  ne  s'arrêtent  que  quand  le 
débiteur,  de  même  que  le  morceau  de  pain,  a  disparu  !  Ne  sais-je 
pas  que  nous  sommes  en  1839?  Mon  bail  a  sept  ans  à  courir,  les 
loyers  ont  doublé.. . 

BRÉDIF. 

Heureusement  pour  nous  autres!... 

MERCADET. 

Eh  bien  I  dans  trois  mois  vous  me  renverrez,  et  ma  femme  anra 

perdu  la  ressource  de  cette  sous-location  sur  laquelle  elle  compte 

en  cas  de. .. 

br£dif« 
De  faillite  L». 

MERCADET. 

Ohl  quel  motl...  les  gensd'honneur  ne  le  supportent  pas!... 
Monsieur  Brédif?...  Savez-vous  ce  qui  corrompt  les  débiteurs  les 
plus  honnêtes!...  Je  vais  vous  le  dire  :  c'est  l'adresse  cauteleuse  de 
certains  créanciers,  qui,  pour  recouvrer  quelques  sous,  côtoieatla 
loi  jusque  sur  la  lisière  du  vol. 

BREDIF, 

Monsieur,  je  suis  venu  pour  être  payé^  non  pour  m'entendre 
dire  des  choses  qu'un  honnête  homme  ne  supporte  point. 

MERCADET. 

Obi  devoir I...  Les  hommes  rendent  la  dette  quelque  chose  de 


ACTE  1  &3i 

Mre  que  le  crime...  Le  crime  vous  donne  un  asile,  la  dette  vous 
met  à  la  porte»  dans  la  rue.  J'ai  tort,  monsieur»  je  suis  à  YOtr» 
discrétion,  je  renoncerai  à  mon  droit. 

BBEDIF,  à  part. 

S'il  l'avait  fait  de  bonne  grâce,  je  le  ménagerais.  Mais  me  dire 
que  je  lui  vends...  (Haut.)  Monsieur,  je  ne  veux  pas  d'un  con* 
sentement  ainsi  donné...  je  ne  suis  pas  un  homme  à  tourmenter 
les  gens. 

M£RGÀD£T. 

VoQS  voulez  que  je  vous  remercieI.,.(Apart.)  Ne  le  fâchons 
pas.  (Hant.)  Peut-être  ai-je  été  trop  vif,  cher  monsieur  Brédif» 
mais  je  suis  cruellement  poursuivi!...  Non,  pas  un  de  mes  créan- 
ciers ne  veut  comprendre  que  je  lutte  précisément  pour  pouvoir 
le  payer. 

BBJBBIF. 

C'est-à-dire  pour  pouvoir  faire  des  affaires. •• 

M£KGAB£T. 

Mais  oui,  monsieur  t  Où  donc  en  serais-je,  si  je  ne  conservais 

pas  le  droit  d'aller  à  la  Bourse?  (Justin  se  montre  à  la  porte.) 

BRÉDIP. 

Terminons  sur-le-champ  celte  petite  affaire!... 

HERGADET. 

De  grâce,  rien  devant  mes  domestiques.  J'ai  déjà  bien  du  mal  à 
avoir  la  paix  chez  moi...  Descendons  chez  vous. 

BRÉDIF,  à  part. 

J'aurai  donc  mon  appartement  dans  trois  moisi, 


••• 


SCÈNE  II 
JUSTIN  «ml,  pois  VIRGINIE  et  THÉRÉSK 

JUSTIN. 

n  a  beau  nager,  il  se  noiera,  ce  pauvre  monsieur  Mercadet  ! 
Quoiqu'il  y  ait  bien  des  profits  chez  les  maîtres  embarrassés,  comme 
il  me  doit  une  année  de  gages,  il  est  temps  de  se  faire  mettre  à  la 
porte,  car  le  propriétaire  me  semble  bien  capable  de  nous  chasser 
tous.  Aujourd'hui  la  déconsidération  du  maître  tombe  sur  les  do- 
mestiques. Je  sois  forcé  de  payer  tout  ce  que  j'achète  I...  c'est  gê- 
uauu*. 


632  LE  FAISEUR 

THÉRÈSE. 

Esi-ce  que  ça  Ira  longtemps  comme  ça,  ici,  monsieur  Justin  ? 

VIRGINIE. 

Ah!  j'ai  déjà  servi  dans  plusieurs  maisons  bourgeoises^  mais  je 
n'en  ai  pas  encore  vu  de  pareilles  à  celle-ci  I  Je  vais  laisser  les  four- 
neaux, et  me  présenter  à  un  théâtre  pour  y  jouer  la  comédie. 

JUSTIN. 

Nous  ne  faisons  pas  autre  chose  icil... 

VIRGINIE. 

Tantôt  il  faut  prendre  un  air  étonné^  comme  si  Ton  tombait  de 
la  lune,  quand  un  créaocier  se  présente  ici.  — (c  Comment,  mon> 
sieur,  vous  ne  savez  pas?...  —  Non.  —  M.  Mercadet  est  parti 
pour  Lyon.  — Il  est  allé?...  — Oui,  pour  une  affaire  supetbe; 
il  a  découvert  des  mines  de  charbon  de  terre.  —  Ah!  tant  mieux. 
Quand  revient-il?  —  Mais  nous  Tignorons  !  »  Tantôt  je  compose 
mon  air  comme  si  j'avais  perdu  ce  que  j'ai  de  plus  cher  au  monde... 

JUSTIN,  à  part. 

Son  aident 

VIRGINIE. 

—  a  Monsieur  et  sa  fille  sont  dans  un  bien  grand  chagrin.  Ma- 
dame Mercadet,  pauvre  dame,  il  parait  que  nous  allons  la  perdre, 
ils  l'ont  conduite  aux  eaux...  — Ah!  » 

THÉRÈSE. 

Moi,  je  n'ai  qu'une  manière.  —  «  Vous  demandez  M.  Mercadet? 

—  Oui,  mademoiselle.  —  Il  n'y  est  pas.  —  Il  n'y  est  pas? 

—  Non;  mais  si  monsieur  vient  pour  mademoiselle...  Elle  est 
seule!  0  Et  ils  se  sauvent  I  Pauvre  mademoiselle  Julie,  si  elle  était 
belle^  on  en  ferait.  ••  quelque  chose. 

JUSTIN. 

C'est  qu'il  y  a  des  créanciers  qui  vous  parlent  comme  si  nous 
étions  les  maîtres. 

VIRGINIE. 

Mais  que  gagne-t-on  à  se  faire  créancier?  Je  les  vois  tous  ne  ja- 
mais se  lasser  d'aller^  venir»  guetter  monsieur  et  rester  des  heures 
entières  à  l'écouter. 

JUSTIN. 

Un  fameux  métier!  Ils  sont  tous  riches. 

THERESE. 

Mais  ils  ont  cependant  donné  leur  argent  à  monsieur,  qui  ne  le 
leur  rend  pas? 


ACTBI  i'iriS 

VIRGINIE. 

C'est  voler,  ça  ! 

JUSTIN. 

Emprunter  n'est  pas  voler.  Virginie,  le  mot  n'est  pas  parlemen- 
taire. Écoutez  I  Je  prends  de  l'argent  dans  votre  sac,  à  votre  insu, 
vous  êtes  volée.  Mais  si  je  vous  dis  :  —  «  Virginie,  j'ai  besoin  de 
cent  sous,  prêtez-les  moi.  i  Vous  me  les  donnez,  je  ne  vous  les 
rends  pas,  je  suis  gêné,  je  vous  les  rendrai  plus  tard  ;  vous  devenez 
ma  créancière  !  Comprenez-vous,  la  Picarde? 

VIRGINIE. 

Non.  Si  je  n'ai  mon  argent  ni  d'une  manière  ni  d'une  autre,  que 
m'importe  !  Ah  I  mes  gages  me  sont  dus,  je  vais  demander  mon 
compte  et  faire  régler  mon  livre  de  dépense.  Mais  c'est  que  les  four- 
nisseurs ne  veulent  plus  rien  donner  sans  argent.  Et  donc  je  ne 
prête  pas  le  mien. 

THÉRÈSE. 

J'ai  déjà  dit  deux  ou  trois  insolences  à  madame,  elle  n'a  pas  en 
l'air  de  les  entendre  !••• 

JUSTIN. 

Demandons  nos  gages. 

VIRGINIE. 

Mais  est-ce  là  des  boui^eois?  Les  bourgeois,  c'est  des  gens  qui 
dépensent  beaucoup  pour  leur  cuisine, .. 

JUSTIN. 

Qui  s'attachent  à  leurs  domestiques... 

VIRGINIE. 

Et  qui  leur  laissent  un  viager  !  Voilà  ce  que  doivent  être  les 
bourgeois,  relativement  aux  domestiques.  •• 

THERESE. 

Bien  dit,  la  Picarde I  Eh  bieni  moi,  je  ne  m'en  irai  pas  d'ici. 
Je  veux  savoir  comment  ça  unira,  car  ça  m'amuse!  Je  lis  les 
lettres  de  mademoiselle,  je  tourmente  son  amoureux,  ce  petit 
Minard  qu'elle  va  sans  doute  épouser;  elle  en  aura  dit  quelque 
chose  à  son  père.  On  a  commandé  des  robes,  des  bonnets,  des 
chapeaux,  enfin  des  toilettes  pour-  madame  et  pour  sa  fille;  puis, 
hier,  les  marchands  n'ont  rien  voulu  livrer. 

VIRGINIE. 

Mais  s'il  y  a  un  mariage,  nous  aurons  tous  des  gratificaticns;  il 
faut  rester  jusqu'au  lendemain  des  noces. 

TH.  28 


ftSA  LB  FAISEUR 

JUSTIN. 

Groyez-Tous  que  ce  soit  à  ce  petit  teneur  >de  livres,  qai  ne 
gagne  pas  plus  de  dix-huit  cents  francs,  que  M.  Mercadet  mariera 

M  fille?  (JoAlinlit  les  joamanx.) 

TUiRÈSE. 

J'en  suis  sûrel  Ib  s'adoreaL  Madame,  qui  sort  tous  les  soirs 
sans  sa  fille/  ne  se  doute  pas  de  celte  intrigue.  Le  petit  Minard 
vient  dès  que  œadenaoiseile  est  seule,  et  comme  ils  ne  m'ont  pas 
mise  dans  la  confidence,  j'entre,  je  les  dérange,  je  les  écoute.  Ohl 
ils  sont  bien  sages.  Mademoiselle,  comme  toutes  les  demoiselles 
un  peu  laides,  veut  êure  sûre  d'être  aimée  pour  elle-iuéme.  Elle 
travaille  à  sa  peinture  sur  porcelaine,  pendant  que  le  petit  a  Tair 
de  lui  lire  des  romans,  mais  c'est  le  même  depuis  trois  mois.*. 
Mademoiselle  eu  est  quitte  pour  dire  à  sa  mère«  le  soir  :  «Mamaa, 
M.  Minard  est  venu  pour  vous  voir,  je  l'ai  reçu.  » 

?0tt8  les  enteodezî 

THÉRÈSE. 

Dame  !  mademoiselle^  qui  se  donne  le  genre  de  craindre  une 
surprise,  laisse  les  portes  ouvertes... 

rallierais  ^  ^savoir  ce  que  se  disent  tes  boargeoé  ea  9b  ûôsant 
la  cour. 

Des  bêtises!  Ils  ne  sepatfeut  q«e  ^efidéall... 

JUSTIIf. 

UficaleiBhour... 

Tenez I...  J'ai  là  une  de  ses  lettres  que  j*ai  copiée  pour  savoir 
si  ^a  pourrait  me  servir.*. 

Usez-moi  donc  ça... 

Mon  ange.*.  » 
Ohl  mon  angel 

TflEIlàSE. 

Ahl  quaad  im  tms  prend  la  taille  eadisaatJBODaogel  c'est 
très-gentil!..,  c  Mon  ju^e^  ouij  Je  vous  aime;  mus  aiiaei-voas 


fsfiaisB. 


ACTE  I  ^35 

an  pauvre  être  déshérité  comme  je  le  suis  7  Vous  m'aimeriez,  si 
vous  pouviez  savoir  ce  qu'il  y  a  d'amour  dans  l'âme  d'un  jeune 
homme  jnsquli  présent  dédaigné,  quand  l'amour  est  toute  sa  for- 
tune. J'ai  lu  hier,  sur  votre  fronts  de  lumineuses  espérances;  j'ai 
cra  à  qaetqM  heureux  avenir;  vous  avez  converti  mes  doutes  ea 
certitude,  ma  faiblesse  en  puissance;  enfin  vos  regards  m'ont 
guéri  de  la  maladie  du  doute...  * 

vmGiiiiE. 

Ça  brouillasse  dans  ma  tête I...  On  ne  voit  pas  clair  dans  oei 
phrases-là I..-.  Est-ce  que  l'amoar  baragouine?...  il  va  droit  au 
Ut,  l'amoar!  Tenez,  frarlez-nioi  d'une  lettre  que  j'ai  reçue  d'un 
joli  jeune  homme,  quelque  étadiant  du  quartier  latin...  Ça  n'a  pas 
de  mystères,  c'est  net,  et  l'on  ne  peut  s'en  fâcher.  Je  la  sais  par 
cœur  :  «  Femme  charmante!  (ça  vant  bien  un  ange !)  femme  char- 
ffiaute!  «ccfMiiez-moi  un  rendez-vous,  je  vous  en  conjure.  En 
jMreil  cas,  on  anaonce  qu'on  a  mille  choses  à  dire;  moi,  je  n'eu 
ai  ^'uoe,  que  je  vous  dirai  mille  £ois,  si  vous  vouiez  ne  pas 
m'arréier  à  la  première.  •  Et  c'était  signé  Hippoly te. 

jusTiir. 

Eh  bieni  a-t-ii  parlé?  l'avez-vous  ari^é? 

YIAGONIJB. 

Je  ae  l'ai  jamais  revu;  il  m'avait  rencoatiée  à  la  Ghaumière,  il 
aura  sa  qui  j'étais»  et  l'iinbéciie  a  rougi  de  mon  tabellier. 

JUSTIN. 

Eh  bien!  écoutez  ce  que  le  père  Graineau  vient  de  medlrel... 
Bier,  pendant  que  nous  faisions  nos  commissions,  il  est  venu  deux 
beaux  jeunes  gens  en  cabriolet  ;  leur  groom  a  dit  au  père  Grumeau 
que  l'un  de  ces  messieurs  allait  épouser  Mademoiselle  Mercadet 
Or,  monsieur  avait  donné  cent  francs  au  père  Grumeau  !... 

VIAGINIE  «t  TUf&iSE,  ^tonnéct. 

dent  francs  i.M 

jusmr. 

Oui,  cent  francs,  pas  promis,  donnés^  en  argent  I  Et  il  lui  a  fait 
le  bec  si  bien,  que  le  père  Grumeau  a  eu  lair  de  se  laisser  tirer  les 
vers  du  nez  en  expliquant  au  groom  que  monsieur  était  si  riche, 
qu'il  ne  connaissait  pas  lui-même  sa  fortune. 

VIRGnOE. 

Ce  serait  ces  deux  jeunes  gens  à  gants  jaunes,  à  beaux  gilets  de 
soie  à  fleurs;  leur  cabriolet  reluisait  comme  du  satin,  leur  cheval 


&36  LE  fAISKUR 

avait  des  roses  là  (ei:e  montre  son  oreuie);  ii  était  teua  par  on  eiibnt 
de  huit  aos,  blond,  frisé,  des  belles  à  revers,  an  air  de  soaris 
qui  ronge  des  dentelles,  on  amour  qui  avait  du  linge  éblouis- 
sant et  qui  Jurait  comme  on  sapeur.  Et  ce  beau  jeune  bomme  qui 
à  tout  cela,  de  gros  diamants  à  sa  cravate,  épouserait  oudemoisello 
If  ercadet  !• . .  Allons  donc  ! 

THÉRÈSE* 

Mademoiselle?.^,  qui  a  une  figure  d'héritière  sans  héritage t... 
allons  donc  I 

VIRGINIE. 

Ahl  elle  chante  bien!  quelquefois  je  l'écoote,  et  elle  me  (ait 
plaisir.  Ah  I  je  voudrais  bien  savoir  chanter  comme  elle  :  La  fof' 
iune^  mHmporiune  t 

JUSTIN. 

Vous  ne  connaissez  pas  monsieur  Mercadet  I...  Mol  qui  sois  chez 
loi  depois  six  ans,  et  qui  le  vois,  depuis  sa  dégringolade,  aux  prises 
avec  ses  créanciers,  je  le  crois  capable  de  tout,  même  de  devenir 
riche...  Tantôt,  je  me  disais  :  Le  voilà  perdu!  Les  affiches  jaunes 
fleurissaient  à  la  porte  ;  il  avait  des  rames  de  papier  timbré  que  j'en 
vendais  sans  qu'il  s'en  aperçut!  Brrr  I  il  rebondissait,  iitriompbaill 
Et  quelles  inventions!...  Vous  ne  lisez  pas  les  journaux,  voos 
autres!  c'était  du  nouveau  tous  les  jours:  du  bois  en  pavés;  des 
pavés  filés  en  soie  ;  des  duchés,  des  moulins,  enfin  josqo'au  blan- 
chissage mis  en  actions. ..  C'était  du  propre  I...  Par  exemple,  je  ne 
sais  pas  par  où  sa  caisse  est  trouée!  il  a  beau  l'emplir,  ça  se  vide 
comme  un  verre!  Un  jour,  monsieur  se  couche  abattu;  le  len- 
demain. Il  se  réveille  millionnaire^  quaud  il  a  dormi,  car  il  tra- 
vaille à  effrayer;  il  chiffre^  il  calcule,  il  écrit  des  prospectus  qol 
sont  comme  des  pièges  à  loups,  il  s'y  pi-end  toujours  des  action- 
naircs  ;  mais  ii  a  beau  lancer  des  affaires,  il  a  toujours  des  créan- 
ciers, et  il  les  promène,  et  ii  les  retourne.  Ah  !  quelquefois  je  les 
ai  vus  arrivant  :  ils  vont  tout  emporter,  le  faire  mettre  en  prison; 
il  leur  parle...  Eh  bien!  ils  finissent  par  rire  ensemble,  et  ils  sor- 
tent les  meilleurs  amis  du  monde.  Les  créanciers  ont  débuté  par 
i  des  cris  de  paon^  par  des  mots  plus  que  durs,  et  ils  terminent  par 
,  des  :  —  a  Alon  cher  Mercadet  I  »  et  des  poignées  de  main.  YoyeZ' 
vous,  quand  un  homme  peut  maintenir  paisibles  des  gens  comme 
ce  Picrqnin... 


ACTE  T  "  un 

THÉRÈSE. 

Un  tigre  qui  se  noarrit  de  billets  de  mille  francs.  •• 

JUSTIN. 

Un  pauvre  père  Violette  I... 

TIBiGrINIE, 

Ab I  pauvre  cher  homme,  j'ai  toajoars  envie  de  lai  donner  an 
bouillon... 

JUSTIN. 

Un  Goulard  ! 

THÉRÈSE. 

Goulard  1  un  escompteur  qai  vendrait  me...  m*escompter! 

JUSTIN. 

Il  est  riche,  il  est  garçon!  Laissez-vons... 

VIRGINIE. 

J'entends  madame. 

JUSTIN. 

Soyons  gentils,  nous  apprendrons  quelque  chose  du  mariage.. , 

SCÈNE   III 
Les  Mâmes,  MADAME  MERCADET. 

MADAME  MERCADET. 

ivez-vous  vu  monsieur  7 

THÉRÈSE. 

Madame  s'est  levée  seule,  sans  me  sonner. 

MADAME   MERCADET. 

En  ne  trouvant  pas  monsieur  Mercadet  chez  lui,  l'inquiétude 
it^  saisie^  et...  Justin,  savez-vous  où  est  monsieur? 

JUSTIN. 

J*ai  trouvé  monsieur  en  discussion  avec  monsieur  firédif,  et  ils 
K>nt... 

MADAME   MERCADET. 

Bien...  Assez,  Justin. 

JUSTIN. 

Monsieur  n'est  pas  sorti  de  la  maison. 

MADAME  MERCADET. 

Merci. 

THÉRÈSE. 

Madame  est  sans  doute  chagrine  de  ce  qu'on  ait  refusé  de  livrer 
le»  conunandes. 


638  LE  FAlSEUa. 

VIRGINIE. 

Madame  sait  que  les  fournissearB  ne  veulent  phn.». 

MADAME   MERGADET. 

Je  comprends. 

C'est  fcs  créancière  qni  sont  h  cane  de  UM  te  maL  Àhl  si  je 

savais  quelque  bon  tour  à  leur  jouer  I 

MADAME    MERGADET, 

Le  meilleur,  ce  serait  de  les  payer !.•• 

JCSTIIV. 

Ils  seraient  bien  étonnés  ! 

THÉRÈSE. 

Et  malheureui,  donc!.*.  Ils  ne  sauraient  plus  que  faire  de 
leur  temps. 

MADAME  MERGADET. 

Il  est  inutile  de  vous  cacher  rfnqufétnde  etcesshre  que  me 
causent  les  affaires  de  mon  mari  Nous  aurons  sans  doute  besoin 
de  votre  discrétion;  car  nous  pouvons  compter  sur  vous,  n'est-ce 
pas? 

TOUS. 

Ahl  madame  !••• 

MADAME   MERGADET*. 

Monsieur  ne  veut  que  gagner  du  temps,  il  a  tant  de  ressources 
dans  l'esprit I...  Suivez  bien  ses  instractîons. 

THÉRÈSE. 

Ah  !  oui,  madame!  Tirgînie  et  moi  non?  passerions  dan^le  feu 
pour  vous!. •• 

jviRGnnE. 

Je  disais  tout  à  Tlieure  que  nous  avions  dé  bonsrmattresr;  et  qae^ 
dans  leur  prospérité,  ils  se  souviendraient  de  la  manière  dont  nous 
lions  conduisons  dans  leur  malheur. 

JUSTIN. 

Moi^  je  disais  que  tant  que  j'aurais  de  quoi  vivre  jfi  servirait 
monsieur;  je  l'aime,  el  je  sni»  sur  qiie^  le  jour  où  il  aura  une  af 
faire  vraiment  bonne,  il  nous  en  fera  profiter.  (MercadetaemtBtre.) 

MADAME  MBIGADET. 

II  àoH  tvoi  donner  une  pbce  dans  m  prcwère  entnfirise  so- 
lide... il  ne  s'agit  plus  que  d'un  dernier  effort,  liéhuil  noo^nede- 


ACTE  I  &39 

▼ons  pas  laisser  Toir  notre  gêne  momentanée,  il  se  présente  un 
riclie  parti  pour  mademoiselle  JniVe. 

THÉRÈSE. 

MadanoneBé  mérite  Irâr  d'être  bevreose;  pauvre  fliel  elle  est 
si  bonne,  si  instruite,  si  bien  élevée. .. 

VIRGINIE. 

Et  quels  tafents!  un  yraî  rossignol  f 

JUSTIN. 

C'est  un  assassinat  que  d'ôter  à  une  jeune  personne  tous  ses 
moyens  en  lui  refusant  ses  robes,  ses  chapeaux.  Thériise,  vous 
vous  y  sercar  ma!  prise  f  Si  madame  veut  me  dire  le  nom  du  pré-   \ 
tendu,  j*irai  chez  tous  ces  gens-là,  je  leur  ferai  sous-entendre  que 
jiepuis  envoyer  cher  eux  ce  monsieur...  monsieur. •• 

MADAME  MERGADET. 

De  la  Brive. 

JUSTIN. 

Monsieur  de  la  Brive,  pour  la  corbeille^  et  ils  livreront.  •• 

THÉRÈSE. 

Madame  ne  m'avait  rien  dit  de  ce  mariage-là  ;  sans  cela,  j'aurais 
tout  obtenu,  car  l'idée  de  Justin  est  très-bonne... 

VIRGINIE. 

Oh!  c'est  sûr,  ils  seront  dedans. 

MADAME  MERGADET. 

Mais  ils  ne  perdront  pas  un  centime! 

SCÈNE  IV 
Les  MtxES^  MËHCADEX. 

MERGADET,  bas  à  sa  femme. 

Voilà  comme  vous  parlez  à  vos  domestiques?  ils  vous  manqueront 
de  respect  demain.  (A  Jnstio.)  Justin,  allez  à  l'instant  chez  mon- 
sieur Yerdelin^  vous  le  prierez  de  venir  me  parler  pour  une  affaire 
qui  ne  souffre  aucun  retard.  Soyez  assez  m<ystérieux;  car  il  faut 
qu'il  vienne.  •—  Yous^  Thérèse,  retournez  chez  tousksiburnissenra 
de  madame  Mercadet,  dite&-leor  sèchement  d'apporter  tout  ce  qui 
kM  €0saaiaad6par  w)s  maîtresses^  ils  seront  peyéi...  oui,  canip« 

tUL  àJkSkl  Qmëa  et  Tkérèt»  mafaO.), 


UUO  LE  FAISEUB 

SCÈNE  Y  ! 

f 

MADAME  MERCÂDET,  VIRGINIE,  MERGADET. 

HEKGÂDET,  à  Virginie. 

Eh  bien  !  madame  tous  a-t-elle  donné  ses  ordres? 

^  VIRGINIE, 

Non,  monsieur. 

MERGADET. 

Il  faut  TOUS  distinguer  aujourd'hui!  Nous  avons  à  dîner  quatre 
personnes  :  Verdelin  et  sa  femme,  monsieur  de  Aléricourt  et  mon- 
sieur de  la  Brive.  Ainsi  nous  serons  sept  Ces  dîners-là  sont  le 
triomphe  des  grandes  cuisinières!  Ayez  pour  reievé  de  poisse  un 
beau  poisson,  puis  quatre  entrées,  mais  finement  faites. 

VIRGINIE. 

Monsieur  !. .. 

MERGADET. 

Au  second  service... 

VIRGINIE. 

Monsieur,  les  fournisseurs... 

MERGADET. 

Gomment!  vous  me  parlez  des  fournisseurs  le  Jour  où  se  fait 
Tentrevue  de  ma  fille  et  de  son  prétendu  t 

VIRGINIE. 

Mais  ils  ne  veulent  plus  rien  fournir. 

I  MERGADET. 

Vous  irez  chez  leurs  concurrents  à  qui  vous  donnerez  ma  pra- 
tique  et  ils  vous  donneront  des  étrennes. 

VIRGINIE. 

Et  ceux  que  je  quitte,  comment  les  payerai-je? 

MERGADET. 

Ne  vous  inquiétez  pas  de  cela  !  ça  les  regarde  ! 

VIRGINIE. 

Et  s'ils  me  demandent  leur  payement,  à  moi?  Oh  !  d'abord j'e 
âe  répouds  de  rien... 

MERGADET,  à  part. 

Cette  fille  a  de  l'argent  I  (Haut.)  Virginie»  aujourd'hui  le  crédit 
est  toute  la  richesse  des  gouvernements;  mes  fournisseurs  mé* 


ACTE  I  UUi 

connaîtraient  les  lois  de  lenr  pays,  ils  seraient  inconstitutionnels  et 
radicaui,  s*lls  ne  me  laissaient  pas  tranquille  !  Ne  me  rompez  donc 
pas  la  tête  pour  des  gens  en  insurrection  contre  ie  principe  vital 
de  tous  les  États...  bien  ordonnés!  Mais  montrez-vous  ce  que  vous 
êtes  :  nn  vrai  cordon  bleu  !  Si  madame  Mercadet,  en  comptant  avec 
vous  le  lendemain  du  mariage  de  ma  fille,  se  trouve  vous  devoir.. • 
je  réponds  de  tout^  moi  ! 

VIRGINIE. 

Monsieur... 

MERGADET. 

Allez!  je  vous  ferai  gagner  de  bons  intérêts,  à  dii  francs  pour 
cent  francs^  tous  les  six  mois!  C*est  un  peu  mieux  que  la  caisse 
d'épargne... 

VIRGINIE. 

Elle  donne  à  peine  cent  sous  par  an. 

MERGADET,  à  madame  Mereadet. 

Qnand  je  vous  le  disais!  (A  Virginie.)  Gomment!  vous  mettez 
votre  argent  entre  des  mains  étrangères?  Vous  avez  bien  assez 
d'esprit  pour  le  faire  valoir  vous-même;  et  ici^  votre  petit  magot 
ne  vous  quitterait  pas. 

VIRGINIE,  à  part. 

Dix  francs  tous  les  six  mois!  (Haat.). Quant  au  second  service, 
madame  me  le  dira.  Je  vais  faire  le  déjeuner,  (EUe  tort.) 

SCÈNE  VI 
MERGADET,  MADAME  MERGADET. 

MERGADET,  U  regarde  Virginie  qui  t'en  Ta. 

Cette  fille  a  mille  écus  à  la  caisse  d'épargne...  qu'elle  nous  a 
volés;  aussi  maintenant,  pouvons-nous  être  tranquille  de  ce  côté- 
là... 

MADAME  MERGADET. 

Oh  !  monsieur,  jusqu'où  descendez-vous  ! 

MERGADET. 

Je  vous  admire  I...  vous  qui  avez  votre  petite  existence  bien  ar- 
rangée» qui  allez  presque  tous  les  soirs  au  spectacle  ou  dans  le 
monde  avec  notre  ami  Méricourt,  vous  me... 

MADAME  MERGADET. 

Vous  l'avez  prié  de  m'accompagner.. .  , 


UU2  LE  FAlSEim 

heucabet. 
On  ne  peut  pas  être  à  sa  femme  et  aux  affisriires.  EàRn,  Tous^firîle» 
h  belle  et  l'élégante. . . 

MABAME  HftfSAIKBr.  ' 

i 

¥008  me  faYez  ordoiiii4. 

Certes,  il  le  faut  bien!  une  femme  est  ne  enseigne  pour  no 
spéculateur...  Quand  à  l'Opér»  \Qas  ¥Ous  montrez  avec  une  nou- 
velle parure,  le  public  se  dit  :  «  Les  Asphaltes  Tont  bien,  ot»  la  Pro- 
vidence des  Familles  est  en  hausse,  car  madame  Mercadetest  d'une 
élégance  t.. .  Voilà  des  gens  heureux  l»  Dieu  veniHe  que  ma  com- 
binaison sur  les  remplacements  soit  agréée  par  le  mfnîstre  d<e  Fa 
guerre,  vous  aurez  voiture  I. .. 

MADAME  M£RGAB£T. 

Croyez-vous,  monsieuTs  que  je  sois  iadifEÊreale  à  vos  tourments, 
à  votift  lutte  et  à  voire  bonnenr  ?..• 

MERGAfiET. 

£b  bien  1  ne  xogex  donc  pas  les  moyen&  dont  je  me  sers.  Là, 
tout  à  rheure,  vous  vouliez  prendre  vos  domestiques  par  la  dou- 
ceur :  il  fallait  commander....  comme  Napoléon^  brièvement. 

MABAMB.  MEBfiAMBT^ 

Ordonner  qngundoB  ne  paye  pat  L.. 

MERGADET. 

Précisément  !  on  paye  d'audace. 

MADAME  MERGADET. 

On  peut  obtenir  pat  raieciioB  des  aervicc&  qntom  eefusc  à..* 

MERGADET. 

Par  l'afTectionl  àh\  vom  coanaisBCT  lûeB  S0f ne  époque!  Au- 
jourd'hui^ madame,  toi»  lès?  sentkneiit»  s-'^ttv  vont;  et  l^vgeat  ks 
poiBSR  A  B^y  a  pik»  qoe  d^  intérêta  patce  qi^i  n^]ra.plM  de  fa- 
mille, mais  des  individus!  Vojez  t  l'avenir  de  chacun  est  dans  une  ^ 
caisse  publique  t  une  fille,  pour  sa  dof,  irer  s'adresse  plus  à  une  fa-  j 
mille  mais  à  une  tontine.  La  succession  ia m d'Angfelcn'eéflât 
chez  une  assurance.  La  femme  compte,  non  sur  son  mari,  mais  sur 
la  caisse  dTépargnet  On  paye  sa  dette  â  h  patrie  au'  moyen  d'ime 
agence  qui  fait  fa  traite  des  blancs  f  Etafra,  tons  nos  devmrs  mm 
en  coupons  I  Les  domestiques,  dont  on  cftange  comme  chr  ciuntesr, 
ne  s'attachent  plus  à  leurs  maîtres  r  ayez  Icar  argent,  ils  vous  sont 
dévoués  L 


»•• 


ACTE  I  /i/l$ 

HASAIHE  BfERCADBT. 

Ohl  monsieur»  vous  si  probe,  si  honorable,  tous  dites  quelque* 
fois  des  choses  qui  me... 

MERGÂDËT. 

Et  qui  arrive  à  dire  arrfve  l  fah*e,  n'est-ce  pas  ?  Eh  bien  f  je  ferai 

tout    ce    qui    pourra    me    sauver,  car    (U  tire  une  pièce  d»  dnq  ftsnei) 

voici  l'houneur  moderne  t.. .  Ayer  vendu  du  plâtre  pour  du 
sucre,  si  vous  avez  su  faire  fortune  sans  exciter  ée  plainte,  tous- 
devenez  député,  pair  de  France  on  ministre  f  Savez-voas  pourquoi 
les  drames  dont  Fes  héros  sont  des  scélérat»  ont  tant  de  spectateurs? 
C'est  que  tous  les  spectateurs  s'en  vont  flattés  en  se  disant  :  —Je 
vaux  encore  mieux  que  ces  coquins-là...  Maismoi,  j*ai  awn  ex* 
cuse.  Je  porte  le  poids  du  crime  de  Godean  \  EnGn,  qo'y  a-t-ll  de 
déshonorant  k  devoir?  Est-il  un  seul  État  ett  Bnrope  qui  n'ait  se» 
dettes?  Quel  est  l'homme  qui  ne  meurt  pas  fnaoWable  envers  son 
père?  Il  lui  doit  la  vie^  et  ne  peut  pas  la  lui  rendre.  La  terre  fait 
constamment  faillite  au  soleil  !  La  vie,  madame,  est  un  emprunt 
perpétuel!  Et  n'emprunte  pas  qui  veut!  Nesun-je  pas  sopérieur 
à  mes  créanciers?  J'ai  leur  argent,  ils  attendent  le  mien  ;  je  ne  leur 
demande  rien,  et  ils  m'importunent  !  Un  homme  qui  ne  doit  rien» 
mais  personne  ne  songe  à  lui,  tandis  que  mes  eréanden  fl^inté- 
ressent  k  moi  f 

MADAME  MERCADET. 

Un  peu  trop!...  devoir  et  payer,  tout  va  bien  :  mais  devoir  et 
ne  ponvûfr  rendre,  mais  empranter  quand  on  se  sait  baies,  d'état 
de  s'acquitter  !•••  Je  n'ose  vous  dire  ce  que  j'en  pense. 

MBaCADlT. 

Vous  pensez  qu'il  y  a  là  comme  na  cemmenceraent  de..,« 

MADAHB  XBACADET. 

l*en  ai  peur-. 

MERCADET. 

Vous  ne  m'estimez  donc  plus,  moi,  votre.. . 

MADAME  MERCADET. 

Je  vous  estime  toujours,  mais  je  suis  au  dâsespofr  de  voms  voir 
vous  consumant  en  efforts  sans  succès;  j'admire  la  fertilité  de  vo» 
conceptions,  mais  je  gémis  d'avoir  à  entendre  les  plaisanteries 
avec  lesquelles  vous  essayez  de  vous  étonrdnr. 

MEItSADET. 

Un  h(xmne  méfoncofiqoe  se  wraîl  d^  neyé  !  Un  qnolat  dt 


AI^A  LB  FAISEUR 

chagria  ne  paye  pas  deax  sous  de  dettes...  Voyons  I  pouvez* 
vous  me  dire  où  commence,  où  finit  la  probité  dans  le  monde 
commercial?  Tenez  I...  nous  n'avons  pas  de  capital,  dois-jeje 
dire? 

MADAME   MEBGADST. 

Non,  certes. 

MERGADET. 

N*est  ce  pas  une  tromperie?  personne  ne  nous  donnerait  nn 
son,  le  sachant I  Eh  bien!  ne  blâmez  donc  pas  les  moyens  que 
j'emploie  pour  garder  ma  place  au  grand  tapis  vert  de  la  spécula- 
tion«  en  faisant  croire  à  ma  puissance  financière.  Tout  crédit  im- 
plique un  mensonge!  Vous  devez  m'aider  à  cacher  notre  mi- 
sère sous  les  brillants  dehors  du  luxe.  Les  décorations  veulent 
des  machines,  et  les  machines  ne  sont  pas  propres!  Soyez  tran- 
quille,  plus  d'un  qui  pourrait  murmurer  a  fait  pis  que  inol 

Louis  XIV,  dans  sa  détresse,  à  montré  Marly  à  Samuel  Bcr- 
nard  pour  en  obtenir  quelques  inillions,  et  aujourd'hui  les  lois 
modernes  nous  ont  conduits  à  dire  tous  comme  lui  :  L'État^ 
c'est  moi  ! 

MADAME  MERGADET. 

Pourvu  que,  dans  votre  détresse,  Thouneur  soit  toujours  saafi 
▼ous  savez  bien,  monsieur^  que  vous  n'avez  pas  à  vous  justifier 
auprès  de  moi. 

MERGADET. 

Tous  vous  apitoyez  sur  mes  créanciers,  mais  sachez  donc  enûn 
que  nous  n'avons  dû  leur  argent  qu'à... 

MADAME    MEllGADET. 

A  leur  confiance,  monsieur  I. .. 

MERGADET. 

A  leur  avidité I  Le  spéculateur  et  l'actionnaire  se  valent!  tons 
les  deux,  ils  veulent  être  riches  en  un  instant  J'ai  rendu  service 
à  tous  mes  créanciers  ;  tous  croient  encore  tirer  quelque  chose  de 
moi!  Je  serais  perdu  sans  la  connaissance  intime  de  leurs  inté- 
rêts et  de  leurs  passions  :  aussi  jouai-je  à  chacun  sa  comédie. 

MADAME    MERGADET. 

Le  dénoûment  m'effraye  !  Il  en  est  qui  sont  las  de  faire  votre 
partie.  Goulard,  par  exemple  :  que  pouvez-vous  contre  une  fé« 
rcclté  pareille?  il  va  vous  forcer  à  déposer  votre  bilan. .. 


ACTE  I  UUS 

MERGADET. 

Jamais,  de  mon  vivant  I  car  les  mines  d'or  ne  sont  plus  ao 
Mexique,  mais  place  de  la  Bourse  I  £t  j'y  veux  rester  jusqu'à  ce 
que  j'aie  trouvé  mon  filon  !..• 

SCÈNE  VII 

Les  Mêmes,  GOULARD*  ^ 

GOULARD. 

Je  suis  ravi  de  vous  rencontrer,  mon  cher  monsieur. 

MADAME  MERGADET,  à  part. 

Goulard!  comment  va-t  il  faire ?.«•  (AMercadet.)  Auguste!  (Mer- 
cadet  fait  signe  à  sa  femme  de  se  tranquilliser.) 

GOULARD. 

C'est  chose  rare,  il  fiint  s'y  prendre  dès  le  matin  et  profiter  du 
moment  où  la  porte  est  ouverte  et  les  gardiens  absents. 

MERGADET. 

Les  gardiens I  sommes  nous  des  bêles  curieuses?  Vous  êtes  im- 
payable I... 

GOULARD. 

Non,  je  suis  impayé,  monsieur  Mercadet 

MERGADET. 

Monsieur  Goulard !. •• 

GOULARD. 

Je  ne  sauniis  me  contenter  de  paroles. 

MERGADET. 

Il  VOUS  faut  des  actions,  je  le  sais  :  j'en  ai  beaucoup  à  vous 
donner  en  payement,  si  vous  voulez.  Je  suis  actionnaire  de» .. 

GOULARD. 

Ne  plaisantons  pas,  je  viens  avec  Tinteniion  d'en  finir... 

MADAME    MERGADET. 

En  finir...  Monsieur,  je  vous  oiïre... 

MERGADET. 

Ma  chère,  laissez  parler  monsieur  Goulard.  (Goaiard  saine  madame 
Mercadet.)  Yoos  êtes  chez  VOUS,  écoulez-le. 

GOULARD. 

Pardon  I  madame,  je  suis  enchanté  de  vous  voir»  car  votre  si* 
(nature  pourrait.  .• 


i&0  LB  FAlSeUB 

mekgadet.. 
Ma  femme  a  tort  de  se  mêler  de  notre  conversation,  les  femmes 
A*eDtendent  rien  aux  affaires  I  (â  sa  femme.)  Monsieur  est  mon  créan- 
cier, ma  chère;  il  vient  me  demander  le  montant  de  sa  créance 
en  capital,  intérêts  et  frais,  car  vous  ne  m^avez  pas  ménagé,  Geo- 
lard...  Abl  vous  avez  rudement  poursuivi  un  homme  avec  qui 
tous  faisiez  des  affaires  considérables! 

GOTJLABD. 

iks  affaires  où  toot  a*a  pas  été  bénéfice^i. 

MERCADET. 

OÙ  serait  le  mérite?  si  elles  ne  donnaient  qne  des  bénéfices, 
tout  le  monde  ferait  des  affaires! 

GOULABD. 

Je  ne  viens  pas  chercher  les  preuves  de  votre  esprit,  je  sasqae 
vous  en  avez  plus  que  moi,  car  vous  avez  mon  argent .. 

MERCADET. 

£b  bien  !  il  faut  que  l'argent  soit  quelque  part!  (A  madame  Xer- 
«adet.)  Tu  vois  en  monsieur  un  homme  qui  m'a  poursuivi  comme 
im  lièvre!  Allons!  convenez-en,  mon  cher  Goulard,  vous  vous 
êtes  mal  conduit.  Un  autre  que  moi  se  vengerait  en  ce  motnent, 
car  je  puis  vous  faire  perdre  une  bien  grosse  somme... 

GODLARD. 

Si  vous  ne  me  payez  pas,  je  le  crois  bien;  mais  vous  me  paye- 
rez, ou,  demain,  les  pièces  seront  remises  au  garde  du  com- 
merce... 

TIIERCADET. 

Oh  !  il  ne  s'agît  pas  de  ce  que  je  vous  dois,  vous  a'at ez  tt-des- 
sus  aucune  inquiétude,  ni  moi  non  plus  :  mais  il  s'agif  de  capi- 
taux bien  plus  considérables!  Bien  ne  m'a  étonné  comme  de  vous 
savoir,  vous^  homme  d'on  coup  d'oeil  si  sûr,  foos  à  qm  jede^ 
manderais  un  conseil,  de  vous  savoir  encore  engagé  dans  cette 
affaire-là!..,  vous!.,.  £nim  nous  avons  toof  Boa  moments  d'er- 
reur... 

fiOULÀRn. 

Mais  quoi?... 

HERGADET,  à  sa  femme. 

Tu  ne  le  croirais  jamais  !  (a  Ooaiard.)  Elle  a  fini  pariée  coffnaltri 

en  spéculations,  elle  a  un  tact  pour  les  juger!...  (A  » femne.)  Et 

bien  I  ma  chère,  Goulard  y  est  pour  une  somme  très-considé- 
rable. 


ACXB I  447 

MADAJf£  JMLEJ&GATET, 

Monsieur  !... 

GOVJJIRD,  i  paLTl, 

Ce  Itocadet,  il  a  le  ^ie  de  ia  fijpécuktioQ^  naais  ventril  «acore 
m*ainuser7  (â  XercadeL)  Que  fookz-voiis  dineJ  De  quoi  sagit-ii7 

JISRCADET. 

Vous  le  savez  bien!...  On  sait  toujoacB  ûù  le.bltJMHiB  Usmt^ 
quand  on  porte  des  actions. 

GOUiJJU). 

5eraient-ce  les  mines  de  ia  Basse-Xndreî  une  affaire  superlie... 
Superbe!...  oui,  pour  ceux  qui  ont  fait  vendre  hier... 

GOUIABD. 

On  a  vendu!... 

HEIlGAIttiT. 

En  secret^  dans  la  coulisse  !  vous  verrez  la  ihaiMe  aujoitnd^jhui 
et  demain.  Oh!  demain,  qu«^ndoa  saura  ce  que  l'on  a  trouvé... 

GOULARD. 

Merci!  Mercadet,  nous  causerons  plus  tard  de  nos  petites 
affaires.  Madame,  mes  hommages.. « 

MEBGAOBT. 

Att^uUdez  donc,  mon  cher  Godard!  ai Mtientteniard^ar  le ^mb.) 
l'^i  une  nouvelle  à  vous  donner  <{ui  vous  rassurera  sur..« 

GOULARD. 

Sur  quoi? 

MEACABilT. 

Sur  votre  créance!  Je  marie  ma  fille-. 

GOULARD.  Il  dégageai  main  de  celle  de  IfcurtniW 

Plus  tard. 

MERCABIi:.  Iltepread'eoalard. 

Non,  tout  de  suite,  il  s*agit  d'un  millionnaire. 

GOULAIRBu 

Je  vous  fais  mes  compliments...  Oh  !  la  mine  !  Puisse-t-elle  être 
iieurcuse  !  Vous  pouvez  compter  sur  moi. 

MADAME    MERCADET.  , 

Pour  la  noce? 

GOULARD.   n  dégage  d«  noaveaa  son  \uu  do  1msb0  lie. 

Un  toute  occasion» 


/iA8  LB  FA18EUE 

MERGADET. 

Ëcoatezl  encore  on  mot. 

GOULARD. 

Non,  adieu  !  Je  ?  cas  souhaite  bon  succès  dans  cette  affaire. 

MERGADET.    Il  fait  revenir  Gonlard  par  un  signe. 

Si  vous  voulez  me  rendre  quelques  titres,  Je  vous  dirai  à  qui 
vous  pourrez  vendre  vos  actions. 

OOULARD. 

lion  cher  Mercadet!  Mais  nous  allons  nous  entendre. 

MERGADET,  à  sa  femme. 

Le  voyez-vous  prêt  à  voler  le  prochain?  Esl-ce  un  honnête 
homme? 

60ULARD. 

Eh  bien  ? 

MERGADET. 

Avez- VOUS  mes  valeurs  sur  vous? 

60ULARD. 

Non. 

MERGADET. 

Que  veniez-vous  donc  faire? 

GOULARD. 

Je  venais  savoir  comment  vous  vous  portiez. 

MERGADET. 

Ck>mme  vous  voyez. 

GOULARD. 
Enchanté.  Adieu  !  (Mercadet  soit  Gonlard  en  essayant  de  la  retenir.) 

MADAME  MERGADET,  senle  nn  instant. 

Gda  tient  da  prodige. 

SCÈNE  YIII 

MERGADET,  MADAME  MERGADET. 

MERGADET.  U  reylent  en  riant. 

Impossible  de  le  retenir!  II  m*a  tourné  le  dos  comme  un 
ivrogne  I  une  fontaine. 

MADAME  MERGADET,  riant  aussi. 

Mais  est-ce  vrai,  ce  que  vous  lui  avez  dit?  car  je  ne  sais  plus 
démêler  le  sens  de  ce  que  vous  leur  dites. .• 


I 


ACTE  I  hU9 

HERCADET.  ^ 

Il  est  dans  l'intérêt  de  mon  ami  Verdclin  d'organiser  une  pa- 
nique sur  les  actions  de  la  Basse-Indre,  entreprise  jusqu'à  pré- 
sent douteuse^  et  devenue  excellente  tout  à  coup.  (A  part.)  S'il 
réussit  à  tuer  Taiïaire,  je  me  ferai  ma  part...  (iiaat.)  Ceci  nous 
raaièue  à  notre  grande  alTairc  :  le  mariage  de  Julie  I  Oui,  j'ai 
l^esoin  d'un  second  moi-même  pour  ce  que  je  sème. 

MADAME  MERCADET. 

Ai)!  monsieur,  si  vous  m'aviez  prise  pour  votre  caissier,  nous 
aurions  aujourd'hui  trente  mille  francs  de  rentes!... 

MERCADET. 

Le  jour  où  j'aurais  eu  trente  mille  livres  de  rentes,  j'eusse  été 
rciiié.  Voyons  I  si,  comme  vous  le  vouliez^  nous  nous  étions  en- 
fouis dans  une  province,  avec  le  peu  qui  nous  serait  resté  lors  de 
Tciuprunt  forcé  que  nous  a  fait  ce  monstre  de  Godeau,  où  en  se- 
rions-nous? Auricz-vous  connu  Méricourt  qui  vous  plaît  tant  et 
<l3  qui  vous  avez  fait  votre  chevalier?  Ce  lion  (car  c'est  un  lion) 
va  nous  débarrasser  de  Julie!  Ahl  la  pauvre  enfant  n'est  pas  notre 
plus  belle  affaire. .. 

MADAME    MERCADET. 

Il  y  a  des  hommes  sensés  qui  pensent  que  la  beauté  passe... 

MERCADET* 

Il  y  en  a  de  plus  sensés  qui  pensent  que  la  laideur  reste. 

MADAME   MERCADET. 

Julie  est  aimante. .. 

MERCADET. 

niais  je  ne  suis  pas  monsieur  de  la  Bdvel...  Et  je  sais  mon 
rùle  de  père^  allez  !  Je  suis  même  assez  inquiet  de  la  passion  su- 
bile  de  ce  jeune  homme  :  je  voudrais  savoir  de  lui  ce  qui  Ta 
charmé  dans  ma  ûlle. 

MADAME   MERCADET. 

Julie  a  une  voix  délicieuse,  elle  est  musicienne. 

MERCADET. 

Peut-être  *  st-il  un  de  nos  dilcttanti  les  moins  savants,  car  il  va, 
jc  crois,  aux  Bouffes  sans  entendre  un  mot  d'italien. 

MADAME   MERCADET. 

Julie  est  Instruite. 

MERCADET. 

Fous  voulez  dire  qu'elle  lit  des  romans;  et»  ce  qui  prouve 

TH.  29 


&50  LE  FAI&EUR 

qu'elle  est  une  filie  d'esprit,  c'est  qu'elle  n'en  écrit  pas.  J'cspère- 
qoe  Julie,  malgré  ses  lectures,  comprendra  le  marine  comme  il 
doit  être  compris  :  en  affaire  l  Nous  l'avons  à  peu  près  laissée 
maîtresse  de  ses  folontés  depuis  deux  ans  :  elle  se  faisait  st 
grande  I 

MADAME  MlRCAIffiT. 

Pauvre  enfant!  elle  est  si  bien  dans  le  secret  de  notre  positioB^ 
qu'elle  a  su  se  donner  un  talent,  celui  de  la  peinture  sur  porce- 
laine, afin  de  ne  plus  nous  être  à  charge..* 

MERGADET. 

Tous  n'avez  pas  rempli  vos  obligations  envers  elle  (Moaremeiit  d» 
madame  Hercadet)  :  il  fallait  la  faire  jolie. 

MADAME  MERCADET. 

Elle  est  mieux,  elle  est  vertueuse... 

MERGADET. 

Spirituelle  et  verluense!  son  mari  aorabiea..  ~ 

MADAME  MERGADET. 

Uonsieur!.., 

MERGADET. 

Bien  de  l'agrément!  Allez  la  chercher,  car  il  faut  lui  expliquer 
le  sens  du  dîner  d'aujourd'hui  et  l'inviter  à  prendre  monsieur  de 
la  Brive  au  sérieux. 

MADAME   MERGADET. 

Les  difficultés  avec  nos  fournisseurs  m'ont  empêchée  de  lui  en 
parler  hier.  Je  vais  vous  amener  Julie  :  elle  est  éveiUéet  car  elle 
se  lève  au  jour  pour  peindre.  <£iia  aort.) 

SCÈNE  IX 

MERGADET. 

Dans  celte  époque,  marier  une  fille  jeune  et  belle^  la  bien  ma-» 
rler,  entendons-nous,  est  un  prob!èiue  assez  difficile  ï  résoudre;, 
mais  marier  une  fille  d'une  beauté  douteuse  et  qui  n'apporte  que 
se^  vertus  en  dot,  je  le  demande  aux  mères  les  plus  intrigautes, 
n'est-ce  pas  une  œuvre  diabolique?  Méricourt  doit  avoir  de  Taf* 
fectiun  pour  nous  ;  ma  femme  fait  encore  de  lui  ce  qu'elle  veut,, 
et  c'est  ce  qui  me  rassure...  Oui,  peut-être  se  croit  il  obligé  dt 
marier  Julie  avantageusement.  Quant  à  monsieur  de  la  firive, 
rien  qu'à  le  voir  fouettant  son  cheval  aux  Champs-Elysées,  a9 


A€TB  I  au 

Style  da  tigre,  rçnsemble  de  l'équipage,  son  attitade  k  l'Opéra,  le 
père  le  plus  exigeant  serait  satisfait.  J'ai  dîné  chez  loi  :  charmant 
appartement,  belle  argenterie,  un  dessert  en  vermeil,  à  ses  armes; 
ce  n'était  pas  emprunté.  Qui  peut  donc  engager  un  coryphée  de 
la  jeunesse  dorée  à  se  marier?...  Car  il  a  eu*  des  succès  de 
femmes...  Oh!  peut-être  est-il  las  des  succès...  Puis  il  a  entendu, 
m*a  dit  Méricourt,  Julie  chez  Duval,  où  elle  a  chanté  à  ravir... 
Après  tout,  ma  (iile  fait  un  bon  mariage.  £tlui7...  Oh!  lui... 

SCÈNE  X 
MERCADET,  MADAME  MERGADET,  JUUE. 

MASiiME  MERCAnET. 

Julie,  votre  père  et  moi,  nous  avons  k  vous  parler  sur  on  sujet 
toujours  agréable  à  une  ûUe  :  il  se  présente  pour  vous  un  parU. 
Tu  vas  peut-être  te  marier,  mon  enfant.  •• 

JULI£« 

Peut-être  I...  Mais  cela  doit  être  sûr. 

MERCADET. 

Les  filles  à  marier  ne  doutent  jamais  de  rteni 

JULIE. 

Monsieur  Mmard  vous  a  donc  parlé,  mon  pèrel 

liERCADET. 

Monsieur  Minard?...  Hein?...  Qu'est-ce  qu'un  monsieur 
Alinard?  Vous  attendiez -vous,  madame,  à  trouver  un  monsieur 
Minard  établi  dans  le  cœur  de  voire  fille  Julie?  Julie,  serail-cc 
par  hasard  ce  petit  employé  que  Duval,  mon  ancien  caissier,  m'a 
plusieurs  fois  recommandé  ponr  des  places?  Un  pauvre  garçon 
dont  la  môrc  seule  est  connue...  (A  part.)  le  fils  naturel  de  Godeau.... 
(A  jaUe.)  Répondez. 

JUUE. 


Oui,  papa. 

Vous  l'aimez? 
Oui,  papa. 

MERCADET. 

Il  s*agit  bien  d'aimer,  il  faut  êu*c  aimée. 


MERCADET. 
JUUE. 


)53  LE  Fx\lSEIJA 

MADAME  M£RCaD£T. 

Vous  aiiue-t-il? 

JULIE. 

Oui,  mamaiL 

MERGADET. 

cOuî,  papa»  doi,  maman,  »  pourquoi  pas  nanao,  dada?  Quaad 
es  filles  sont  ultra-majeures,  elles  parlent  comiuc  si  elles  sortaient 
de  nourrice!...  Faites  à  votre  mère  la  politesse  de  l'appeler 
madame^  afin  .qu'elle  ait  les  bénéfices  de  sa  fraichour  et  de  si 
beauté. 

JULIE. 

Oui,  monsieur. 

MERGADET. 

Oh!  appelez-moi  mon  père,  je  ne  m'en  fâcherai  pas!  Quellei 
preuves  avez-vous  donc  d*être  aimée?... 

JULIE. 

Mais...  Où  se  sent  aimée! 

MERGADET. 

Quelles  preuves  en  avez-vous  ? 

JULIE. 

Mais  la  meilleure  preuve,  c'est  c[u'il  veut  m'épouser. 

MERGADET. 

C'est  vrai!  Ces  filles  ont»  comme  les  petits  enfants,  des  ié« 
ponses  à  vous  casser  les  bras. 

MADAME    MERGADET. 

OÙ  l'avez-vous  donc  vu? 

JULIE. 

Ici. 

MADAME  MERGADET, 

Quand? 

JULIE. 

Le  soir,  quand  voas  êtes  sortie. 

MADAME  MERGADET. 

Il  est  mGÎns  âgé  que  vous... 

JULIE. 

Oh!  de  quelques  mois!... 

MADAME    MERGADET. 

Et  je  vous  croyais  trop  raisonnable  pour  penser  à  un  jcuae 
étourdi  de  vingt-deux  ans,  qui  ne  peut  apprécier  vos  qualitci. 


ACTE  1  li5Z 

JULIE. 

Maïs  il  a  pensé  à  moi  le  premier  :  car,  si  je  l'avais  aimé  la  pre- 
mière, il  n'en  aurait  jamais  rien  sa.  Nous  nous  sommes  vus^  on 
soir,  chez  madame  Daval. 

MADAME    MERGADET. 

Il  D'y  a  que  madame  Dwal  ppar  recevoir  chez  elle  des  gens 
ttns  position  !... 

MERGADET. 

Elle  fail  salon,  elle  veut  des  danseurs  à  tout  prix!  Les  gens  qui 
dansent  n'ont  jamais  d'avenir.  Aujourd'hui  les  jeunes  hommes 
qui  ont  de  l'ambiiion  se  donnent  tous  on  air  grave  et  ne  dansent 
point 

JULIE. 

Adolphe.  •• 

MERGADET. 

Et  il  se  nomme  Adolphe  I...  Ce  monde^  que  des  imbéciles  nous 
disent  en  progrès  et  qui  prennent  des  déplacements  pour  des 
perfectionnements,  tourne  donc  sur  lui-même?  Enfants,  vous 
croyez  moins  que  jamais  à  l'expérience  de  vos  pères...  Apprenez, 
mademoiselle,  qu'un  employé  à  douze  cents  francs  ne  sait  pas 
aimer,  il  n'en  a  pas  le  temps,  il  se  doit  au  travail.  Il  n'y  a  que  les 
propriétaires,  les  gens  à  tilbury,  enfin  les  oisifs,  qui  peuvent  et 
sachent  aimer. 

MADAME  MERGADET. 

Mais,  malheureuse  enfant!.., 

MERGADET,  àsafemmt. 

Laissez-moi  lui  parler,  (a  juiie.)  Julie,  je  te  marie  à  ton  monsieur 
llinard...  (MoaTement  de  Jolie.)  Attends!  Tu  n'as  pas  le  premier  sou» 
ta  le  sais  :  que  devenez-vous  le  lendemain  de  votre  mariage? 
T  avez-vous  songé  t.. . 

JUUE. 

Oui,  mon  père. 

MADABIE  MERGADET. 

Elle  est  folle! 

MERGADET,  à  ta  femme. 

Elle  aime,  la  pauvre  fille!...  laissez-la  dire.  (A  juiie.)  Parte, 
Jolie,  je  ne  suis  plus  ton  père,  mais  ton  confident,  je  l'écoute. 

JULIB, 

Nons  nous  aimeroost 


^5&  LE  FAISBbR. 

MERGADET. 

Mais  Pamoar  tons  enverra-Ml  des  coapons  de  rentes  aa  boat 
ie  ses  floches? 

JUUE. 

Oh!  mon  père^  nous  nous  logerons  dans  un  petit  appartement^ 
m  fond  d'an  fanbonrg,  à  nn  «quatrième  éUge^  s*il  le  fant  !  Au 
besoin,  je  serais  sa  servante...  Ah!  je  m*occuperai  des  soins  du 
ménage  avec  un  plaisir  infini,  en  songeant  qu'en  toute  chose  il 
Vagira  de  lui...  Je  travaillerai  pour  lui  pendant  qu*il  travaillera 
pour  moi!  Je  lui  sauverai  bien  des  ennuis,  il  ne  s'apercevra 
jamais  de  notre  gêna  Notre  ménage  sera  propre,  élégant  même. 
Mon  Dieu  !  Télégance  tient  à  si  peu  de  chose,  elle  vient  de  l'âme, 
et  le  bonheur  en  est  à  la  fois  la  cause  est  l'effet  Je  puis  gagner 
assez  avec  ma  peinture  sur  porcelaine  pour  ne  rien  lui  coûter  et 
même  contribuer  aux  charges  de  la  vie.  D'ailleurs,  l'amour  nous 
aidera  à  passer  les  jours  difficiles!  Âdolptie  a  de  fambition  comme 
tous  les  gens  qui  ont  une  âme  élevée,  et  il  est  de  ceux  qui 
iirrivent.. 

MERGADET. 

On  arrive  garçon,  mais  marié,  Ton  se  tue  à  solder  un  livre  de 
dépense,  à  courir  après  mille  francs,  comme  les  chiens  après  une 
voiture.  Rt  il  a  de  l'ambition  ?..  • 

JX7UE. 

Mon  père^  Adolphe  a  tant  de  volonté  onie  à  tant  de  moyens, 
'que  je  suis  sûre  de  le  voir  un  jour...  ministre  peut-être. 

MERGADET. 

Anjourd*huf ,  qui  est-ce  qui  ne  se  voit  pas  pins  on  moins  mi- 
«istre?  En  sortant  du  collège,  on  se  croit  un  grand  poète,  nn 
3rand  orateur,  un  grand  ministre,  comme  sous  l'Empire,  on  se 
^yait  maréchal  de  France  en  partant  sous-lieutenant.  Sais-tu  ce 
4|Bi'il  serait,  ton  Adolphe?...  père  de  plusieurs  enfants  qui  déran- 
geront tes  plans  de  travail  et  d'économie^  qui  logeront  Son  Excel- 
.Jence  rue  de  Clichy^  et  qui  te  plongeront  dans  une  affreuse 
^misère  !  Tn  m'as  fait  là  le  roman  et  non  l'histoire  de  la  vie. 

MADAME  MERGADET. 

Pauvre  enfant  !  H  son  âge,  Il  est  si  facile  46  prendre  ses  eq)é- 
crances  pour  des  réalités  !. .  • 

MERGADET. 

^Ue  croit  que  Famour  est  le  seul  élément  de  bonheur  énos  le 


ACTE  I  455 

fttriage  :  die  se  trompe  oouitiie  tons  oeox  qal  mettent  leurs 
ivopres  fantes  snr  le  compte  du  hasard,  réditeur  responsable  de 
nos  folies,  et  alors  on  s'en  prend  de  son  maltteor  ï  h  société, 
^'on  bouleverse,  fiah!  c'est  une  amouretie  qui  o*a  rien  de 

4Bérieux. 

JUUC. 

€*e8t,  mon  père,  de  part  et  d'antre,  on  amour  anqnel  nous 
sacrifierons  tout.  •• 

IIADAME  IfERGADET. 

Comment  I  Jolie,  tu  ne  sacrifierais  pas  cet  amour  naissant  pour 
«nver  ton  père?  pour  loi  rendre  plus  que  la  TÎe  qu'il  t'a  donnée, 
f  honneur  que  les  familles  doivent  garder  intact  I 

MERCÂDET. 

Hais  ^  qu(H  serrent  donc  les  romans  dont  ta  f ahrenves, 
«nalheureose  enfant,  si  tu  n'y  puises  pas  le  désir  d'imiter  les  dé- 
fonements  qu'on  y  prêche  (car  les  romans  sont  devenus  des 
nermons  sociaux)  !  Votre  Adolphe  connaît-il  ta  position  de  fortune? 
lui  as-tu  peint  votre  belle  vie  au  quatrième  étage,  avec  un  parc 
^r  la  fenêtre  et  des  cerises  \  manger  le  soir  comme  faisait  Jean- 
Jacques  avec  une  fille  d'auberge? 

JULIE. 

Mon  père,  je  suis  incapable  d'avoir  commis  la  moindre  indis- 
crétion qui  pût  vous  compromettre. 

MERCADET. 

JD  nous  croit  riches? 

itnjs. 

U  ne  m'a  jamab  parlé  d'argent. 

MERCADET,  à  put  à  ta  femme. 

Bien,  j'y  suis.  (AJofie.)  Julie^  vous  allez  lui  écrire,  è  llnstant, 
de  Tenir  me  parler. 

JOUE. 

Ah!  mon  pèrel...  (EUt  r«abraiM.) 

MERCADET. 

Aujourd'hui  même,  an  jeune  lîomme  élégant,  ayant  une  grande 
existence,  un  beau  nom,  vient  dtner  icL  Ce  jeune  homme  a  des 
intentions  et  vous  recherche.  Voilà  mon  prétendu.  Vous  ne  serez 
pas  madame  Mîoard,  vous  serez  madame  de  la  Brive;  au  lieu 
d'aller  au  quatrième  étage,  dans  ua  ûabourg^  vous  habiterez  une 
belle  maison  dans  la  Cbausséc-d'Autiiu  Yoos  avez  des  talents,  de 


&56  LE  FAISEUR 

riDStruclion,  vous  pourrez  jouer  un  rôle  brillant  à  Paris.  Si  toqs 
ii*êtes  pas  la  femme  d*un  ministre,  vous  serez  {)eut-ôtre  la  femme 
d*nn  pair  de  France.  Je  suis  fâché,  ma  ûUCt  de  n'avoir  pas  micGx 
à  vous  offrir.  •• 

JULIE. 

Ne  raillez  pas  mon  amour,  mon  père^  et  permrttez-ir.(n 
d'accepter  le  bonheur  et  la  pauvreté  plutôt  que  le  malheur  de  la 
richesse. 

MADAME  MERGADET. 

Julie,  votre  père  et  moi  nous  sommes  comptables  de  voirf 
avenir  envers  vous-même^  et  nous  ne  voulons  point  un  jour  être 
accusés  justement  par  vous,  car  TexpérieDce  des  parents  doit  ctin> 
la  leçon  des  enfants.  Nous  faisons,  en  ce  moment,  une  rude 
épreuve  des  choses  de  la  vie.  Va,  ma  fille,  marie-toi  richement. 

MERGADET. 

Dans  ce  cas-Ui,  Tunion  fait  la  force  1  la  maxime  dcsécus  delà 
Fiépublique. 

MADAME   MERGADET. 

S*il  n'y  a  pas  de  bonheur  possible  dans  la  misère,  il  n*y  a  pas 
ÛQ  malheur  que  la  fortune  n'adoucisse. 

Jl'LIE. 

Et  c'est  vous,  ma  mère^  qui  me  dites  ces  tristes  paroles  !  Mon 
père,  je  vais  vous  parler  votre  langage  amer  et  positif  Ne  vous  ai* 
je  pas  entendu  parler  de  gens  riches,  oisifs  et  par  conséquent 
83ns  force  contre  le  malheur,  ruinés  par  leurs  vices  ou  leur  laisser- 
aller,  plongeant  leur  famille  dans  une  misère  irréparable?  N'aurait- 
il  pas  mieux  valu  marier  alors  la  pauvre  Elle  à  un  homme  sans 
fortune,  mais  capable  d'en  gagner  une?  Monsieur  de  la  Brive 
I  eut,  je  le  sais,  être  riche,  spirituel  et  plein  de  talent,  mais  vous 
€i!ez  tout  ccla^  vous  avez  perdu  voire  fortune  et  vous  avez  pris  en 
ma  mère  une  fille  riche  et  belle,  tandis  que  moi... 

MERGADET. 

Ma  fille,  vous  pourrez  juger  monsieur  de  la  Brive  comme  je 
jugerai  monsieur  Minard.  Mais  vous  n'aurez  pas  le  choix.  AloO' 
iieur  Minard  renoncera  lui-même  à  vous. 

JULIE. 

Oh!  jamais,  mon  père,  il  vous  gagnera  le  cœur... 

MADAME  MERGADET. 

Alon  ami,  si  elle  était  aimée... 


ACTE  I  &57 

MERCADET. 

Elle  est  trompée. 

JULIE. 

Je  demanderais  à  l'être  toujours  ainsi. 

MADAME  MERCADET. 

On  sonnet  et  nous  n'avons  personne  pour  aller  OQfrir  la 
porte  ! 

MERCADET. 

Eh  bien!  laissez  sonner. 

MADAME   MERCADET. 

Je  m'imagine  toujours  que  Godeau  peut  revenir. 

MERCADET. 

Godeau  1...  aiais  sachez  donc  qu'avec  ses  principes  de  faire 
fortune  quibuscumque  viis,.,  (allons!  je  leur  parle  latin),  Godeau 
ne  peut  être  que  pendu  à  la  grande  vergue  d'une  frégate.  Après 
huit  ans  sans  nouvelles,  vous  espérez  encore  Godeau!  Vous  me 
faites  l'effet  de  ces  soldats  qui  attendent  toujours  Napoléon. 

MADAME   MERCADET. 

On  sonne  toujours. 

MERCADET. 

C'est  une  sonnerie  de  créancier!...  Va  voir,  Julie!  Et,  quoi 
qu'on  te  dise,  réponds  que  ta  mère  et  moi  nous  sommes  sortis. 
Ce  créancier  aura  peut-élre  de  la  pudeur,  il  croira  sans  doute  une 
jeune  personne. 


'••• 


SCÈNE  XI 
MADAME  MERCADET,  MERCADET. 

MADAME  MERCADET. 

Cet  amour,  vrai  chez  elle,  du  moins,  m'a  émue... 

MERCADET. 

Vous  êtes  toutes  romanesques  ! 

MADAME    MERCADET. 

Un  premier  amour  donne  bien  de  la  force !... 

MERCADET. 

La  force  de  s'endetter  !  Et  c'est  bien  assez  que  le  beau-père. •• 

SCÈNE  XII 
PIERQUIN,   JUUE,  MERCADET,   MADAME  MERCADET. 

ff 

JULIE,  entrant  la  première. 

Mon  père,  monsieur  Picrquin. 


kSB  '      LK  FAISBUE 

MERGÀfiST. 

Allons!  la  jeane  garde  est  en  duroatel... 

7D  lE. 

Mais  il  prétend  qu'il  8*agît  d*mne  bonne  affirire  pour  foos. 

MERCÀDBr. 

G'est-à-drre  povr  hii.  Qn*elte  se  lafs^  aller  I  écouter  son  Adol- 
phe, ça  se  conçoit;  mais  nn  créancier!...  Je  sais  comment  le 
prendre^  celui-là  !  Laissez-nous.  (Les  femmes  aorteaL) 

SCÈNE  XIII 
PIERQUIN,  MERGADET. 

PIERQUm. 

Je  ne  riens  pas  tous  demander  d'argent^  mon  cher  monsieur, 
je  sais  que  vous  faites  un  superbe  mariage.  Totre  fille  épouse  an 
millionnaire,  le  bruit  s^en  est  répandu... 

MERGADET. 

Ob!  millionnaire!  Il  a  quelque  cbose... 

PIE&QUIN» 

Ce  magnifique  {M'ospeclus  va  calmer  vos  créanciers.  Tenez  !••• 
inoinaoême»  j*ai  rq^  mes  pièces  que  gavais  reuûses  auxgiardes 
dix  commerce. 

MEBCAIIET. 

Vous  alliez  me  faire  arrêter? 

PrERQUITT. 

Ah  I  VOUS  aviez  deux  ans!  Je  ne  garde  jamais  de  dossiers  si 
longtemps;  maie  pour  vous  je  m'étais  départi  de  mes  principes^  Si 
ce  mariage  est  une  invention»  je  vous  en  fais  mon  compliment.. 
Le  retour  de  Godcau  s'usait  diablement!...  Un  gendre  vous  fera 
gagner  du  temps.  Ah  !  mon  cher,  vous  nous  avez  promenés  avec 
des  relais  d'espérances  à  désespérer  des  vaudeviUisiesI  Ma  loi!  je 
vous  aime,  vous  êtes  ingénieur  1  A  fiUe  sans  dot  riche  mari,  c'est 
hardi. 

V 

UEECADET,  à  part. 

OÙ  veut-il  en  venir? 

PfEaounr. 

Goulard  a  gobé  l'hameçon  :  mais  qu'avez-vous  mis  dessus?  car 
il  Cdt  fin. 


ACTE  I  ft59 

XERCADET. 

Mon  gendre  est  monsieur  de  la  Bri?e,  an  jeune  nomme..  • 

piERQunr. 
y  a  on  vrai  jenne  homme? 

KERGADET. 

Je  TOUS  le  ferai  voir... 

PIERQUIN. 

Alors,  combien  payez- vous  le  jeune  homme? 

MERCADET. 

Ah!  assez  d'insolence f  Autrement,  mon  cher,  je  tous  deman- 
derais de  régler  nos  comptes;  et,  mon  cher  monsieur  Pierquin, 
vous  y  perdriez  beaucoup  au  prix  où  vous  me  vendez  Targentl... 

PIERQUIN. 

Monûeorl 

MERCADET. 

Monsieur,  je  vais  être  assez  riche  pour  ne  plus  souffrir  la  plai- 
santerie de  personne,  pas  même  d'un  créancier.  Quelle  aflaire 
venez-vous  me  proposer? 

PIERQUIN, 

Si  vous  voulez  régler,  jaimerais  autant  cela.. . 

MERCADET. 

Je  ne  le  crois  pas  :  je  vous  rapporte  autant  qu'une  ferme  en 
Beauce.  • 

PIERQUIN. 

Je  venais  vous  proposer  une  échéance  de  valeurs,  contre  laquelle 
je  vous  accorderais  un  sursis  de  trois  mois. 

MERCADET. 

C'est  là  la  bonne  aOaire? 

PIERQUIN. 

Oui. 

MERCADET,  à  part. 

Que  flaire  ce  renard  des  poules  aux  œufs  d'or?  (Haut)  Expliquez- 
vous  nettement. 

PIERQUIN. 

Vous  savez,  moi,  je  suis  lucide,  limpide,  l'on  y  voit  clair. 

MERCADET. 

Pas  de  phrases!  Je  ne  vous  ai  jamais  reproché  de  faire  l'usure  : 
car  je  considère  im  fort  intérêt  comme  une  prime  donnée  aa 


MO  LS  FAISEOH 

capital  d'une  affaire.  L*asurîer,  c'est  un  capitaiistç  qui  se  fait  sa 
part  d'avance... 

PIERQUIN. 

Voici  près  de  cinquante  mille  francs  de  lettres  de  change  d'an 
joli  jeune  homnie  nommé  Michonnin,  garçon  coulant... 

MERCADET. 

Et  coulé... 

FIERQUIN. 

Oui,  elles  sont  en  règle  :  protêt,  jugement  par  défaut,  jugement 
définitif,-  procès-verbal  de  carence,  dénonciation  de  contrainte; 
etc.  il  y  a  cinq  mille  francs  de  frais. 

HERCÀDET. 

Et  cela  Tant? 

FIERQUIN. 

Ce  que  vaut  l'avenir  d'un  jeune  homme  maintenant  forcé 
d'avoir  beaucoup  d'industrie  pour  vivre... 

MERCADET. 

Rien... 

FIERQUIN. 

  moins  qu'il  n'épouse  une  riche  anglaise  amoureuse  de... 

MERCADET. 

De  lui! 

FIERQUIN. 

Non,  d'un  titre  I  Et  je  pensais  à  lui  en  acheter  un...  Mais  celi 
m'aurait  jeté  dans  les  intrigues  de  la  chancellerie. 

MERCADET. 

Mais  que  ?oulez-vous  de  moi? 

FIERQUIN. 

Des  choses  de  même  valeur. 

MERCADET. 

Quoi? 

*  FIERQUIN. 

j  Des  actions  de...  Enfin  de  vos  entreprises  qui  ne  donnent  [k^ 

de  dividende. 

MERCADET. 

Et  vous  m'accordez  un  sursis  de  cinq  mois?... 

FIERQUIN. 

Non,  trois  mois. 

MERCADET,  à  part. 

Troii  mois!  pour  un  spéculateur^  c'est  l'éternité  1  Mais  quelle 


ACTE  1  &6i 

est  soD  idée?  Ohl  ne  rien  donner,  recevoir  quelque  chose.  (Hauu) 
Pierquin,  je  ne  comprends  pas,  malgré  mon  inielligence  :  mais 
c'est  fait.. 

PIERQUIN. 

J'avais  compté  la-dessas  I  Voici  une  lettre  par  laquelle  je  tous 
accorde  le  sursis.  Voici  les  dossiers  Michonnin.  Ah!  je  dois  tout 
vous  dire  :  ce  jeune  homme  a  mis  tous  les  gardes  du  commerce 
sor  les  dents. 

UERCADET. 

Voulez-vous  les  aciions  roses  d'un  joarnal  qui  pourrait  avoir 
du  succès  s'il  paraissait?  les  actions  bleues  d'une  mine  qui  a 
sauté?  les  actions  jaunes  d'un  pavé  avec  lequel  on  na  pouvait 
pas  faire  de  barricades? 

PIERQUIN. 

Donnez-m'en  de  toutes  les  couleurs! 

m£rgâi»:t. 
£n  voici,  mon  cher  maître,  pour  quarante  mille  francs. 

PIERQUIN. 

Merciy  mon  cher  ami  !  Nous  autres,  nous  sommes  ronds  en 
affaires.  •• 

HERGADET,  à  part. 

Sa  ritournelle  quand  il  a  pincé  quelqu'un.  Je  suis  volé  !  (Haut.) 
Vous  allez  placer  mes  actions? 

PIERQUIN. 

Mais  oui. 

MERCADET. 

  toute  leur  valeur? 

PIERQUIN. 

Si  c'est  possible... 

MERCADET. 

Ah!  j'y  suis.  Gela  remplacera  vos  cabinets  d'histoire  natnrene, 
vos  frégates  en  ivoire,  les  pelisses  de  zibeline,  enfin  les  marchan- 
dises fantastiques... 

PIERQUIN. 

C'est  si  vieux !... 

MERDADET. 

Et  puis  le  tribunal  commence  à  trouver  cela  léger...  Vous  cics 
un  digne  homme,  vous  allez  ranimer  nos  valeurs... 

PIERQUIN. 

Croyez^  mon  cher  ami,  que  je  le  voudrais. 


M9  LB  FABBOa 

KERCÂiœT. 

Bt  moi  donc?.*.  Adieu  I 

PIERQUm. 

Tous  savez  ce  que  je  vous  soahaiie,  en  ma  qualité  de  créaudefi 
dans  l'aSaire  du  mariage  de  votre  fille.  (U  aoru) 

SCÈNE  XIY 

MERCADËT,   leid. 

Michonnin  I  quarante-deux  mille  francs  et  cinq  mille  franco 
d'intérêts  et  de  frais,  quarante-sept  mille...  Pas  d'acompte  !  Bah! 
un  homme  qui  ne  vaut  rien  aujourd'hui  peut  devenir  excellent 
demain  I  D'ailleurs,  je  le  ferai  nommer  baron  en  intéressant  un 
certain  personnage  dans  une  aflaire!  Mais,  tiens!  tiens!  ma  femme 
connaît  une  Anglaise  qui  se  met  des  coquillages  et  des  algues  sur 
la  tête;  la  fille  d'un  brasseur,  eL..  Diantre!...  pas  de  domidJe... 
Ne  Taccusons  pas,  l'inforinué!  Sais-je  si  j'aurai  un  domicile  dans 
trois  mois?  Pauvre  garçon f  peut-être  a-i-il  eu,  comme  moi|  un 
ami  1  Tout  le  monde  a  son  Godeau^  un  faux  Christophe  Colombl 
Après  tout,  Godeau...  (il  ragarde  s'il  est  ae«i.>  Godeau,  je  crois  qu'il 
m'a  déjà  rapporté  plus  d'argent  qu'il  ne  m'en  a  pris! 


tlN  DU  PREMIEa  AGTB. 


ACTE    DEUXIÈME 


SCÈNE  PREMIÈRE 
MERCADET,  THÉRÈSE,  JUSTIN,  YIRfilNIE. 

MERCADET.  II  sonne  Justin. 

Qu'a  dit  Yerdelin,  mon  ami  Verdeiia? 

JUSTIN. 

Il  ¥a  venir;  il  a  précisément,  a-t-il  dit^  de  l'argent  à  donnera 
monsiear  Brédif . 

METICADET. 

Fais  en  sorte  qa'il  me  parle  avant  d'entrer  chez  Brédif.  Ahl... 
j*ai  donné  cent  francs  au  père  Grumeau,  il  ne  peut  pas  encore 
avoir  menti  pour  cent  francs  en  vingt-quatre  heures. 

JUSTIN. 

D'autant  ploa^  moosîear,  que  je  lut  ai  fait  croire  qu'il  avait  dit 
la  vérité. 

M£RCAD£T. 

Tii  finiras  par  devenir  mon  sec.réiaire... 

jcsim. 
Ah!  s'il  ne  fadiait  pas  savoir  écrire  !.«• 

MERCADET. 

Les  secrétaires  de  ministres  écrivent  très-pen. 

JUSTIN. 

Que  font-ils  donc? 

MSaCiDET. 

r 

Le  ménage  l  £t  ils  parlent  lorsque  leur  patron  doit  se  taire. ,7 

Allons  !  arrange-toi  pour  que  le  père  Grumeau  dise  à  Verdelin  que 
Brédif  ^st  sorti .  (JusUn  sort.) 

IIERCADET^  à  part. 

^e  garçon-Ià  cs<  ^n  demi-Frontin^  car  aujourd'hui  ceux  qui 
sont  des  Froutius  loat  entiers  deviennent  des  niaitresL.,  Ko» 


&6&  LE  FAISEUR 

parvenus  d'aujourd'hui  sont  des  Sgauarelles  sans  places  qui  se 
sont  mis  en  maison  chez  la  France  !  (k  Thérèse.)  £h  bien  !  Thérèse?.. , 

THÉRÈSE. 

Ah!  monsieur,  dès  que  j'ai  promis  le  payement,  tous  les  foar« 
nisseurs  ont  eu  des  figures  aimables... 

IIERCADET. 

Le  sourire  du  marchand  qui  vend  bien.  (A  Virginie.)  Et  n00| 
aurons  un  beau  diner,  Virginie? 

VIRGINIE. 

Monsieur  le  mangera?... 

MERCÂDET. 

Et  les  fournisseurs?... 

VIRGINIE. 

Dah  !  ils  patienteront!.. . 

MERCADET,  à  part. 

Elle  les  a  payés.  (Haut.)  Je  ne  t'oublierai  pas.  Nons  compterons 
demain. 

VIRGINIE. 

Si  mademoiselle  se  marie,  elle  pensera  sans  doute  à  moi. 

MERCADET. 

Comment  donc!  Mais  certainement. 

THÉRÈSE. 

Monsieur,  et  moi?... 

MERCADET. 

Tu  auras  pour  mari  l'un  des  futurs  employés  de  mon  Assurance 
contre  les  chances  du  recrutement  Mais... 

THÉRÈSE. 

Oh!  monsieur,  soyez  tranquille.  Je  sais  ce  qu'on  peut  dire  à 
un  prétendu  pour  le  rendre  amoureux  fou  :  car  je  sais  comment 
le  rendre  froid  comme  une  corde  à  puits...  Je  me  suis  vengée  de 
ma  dernière  maîtresse  en  faisant  rompre  son  mariage... 

MERCADET. 

Ah!  la  langue  d'une  femme  de  chambre!...  c'est  un  feuilletoD 
domestique..  • 

THÉRÈSE.  . 

oh  !  monsieur...  nous  n'avons  pas  tant  de...  de.. .  talent  (EUe  aort.) 

SCÈNE  II 

MERCADET,  nn  moment  seul,  pnU  JUSTIN. 

MERCADET. 

Avoir  ses  gens  pour  soi,  c'est  comme  si  un  ministre  avait  1> 


ACTE  II  465 

presse  à  luil  Heureasemeol  que  les  miens  ont  leurs  gages  à 
perdre.  Tout  repose  maintenant  sur  la  douteuse  amitié  de  Yerde^ 
lin,  un  homme  dont  la  fortune  est  mon  ouvrage!  Mais  se  plaindre 
de  Fiugratitude  des  hommes^  autant  vouloir  être  le  Luiher  du 
cœur.  Dès  qu'un  homme  a  quarante  ans,  il  doit  savoir  que  le 
monde  est  peuplé  d'ingrats  1...  Par  exemple,  je  ne  sais  pas  où  sont 
les  bienfaiteurs...  Yerdelin  et  moi,  nous  nous  estimons  très-bien. 
Lui  me  doit  de  la  reconnaissance,  moi,  je  lui  dois  de  Fargent,  et 
nous  ne  nous  payons  ni  Tun  ni  l'autre!...  Allons!  pour  marier 
Julie»  il  s'agit  de  trouver  mille  écus  dans  une  poche  qui  voudra 
être  vide!  Crocheter  le  cœur  pour  crocheter  la  caisse,  quelle 
entreprise!...  U  n'y  a  que  les  femmes  aimées  qui  font  ces  tours 
de  force-là!... 


JUSTIN,  entrant. 

Monsieur  Yerdelin  va  venir. 

SCÈNE  III 
Les  Mêmes,  VIOLETTE. 

MERCADET. 

Le  voici...  mon  ami...  Âh!  c'est  le  père  Yiolette...  (AJnstin.) 
Après  onze  ans  de  service,  tu  ne  sais  pas  encore  fermer  les  portes? 
Allons,  va  guetter  Yerdelin,  et  cause  spirituellement  avec  lui  jus* 
qu'à  ce  que  j'aie  congédié  ce  pauvre  diable. 

JUSTIN. 

L'nne  de  ses  victimes  !  (Justin  sort.) 

VIOLETTE. 

je  suis  déjà  venu  onze  fois  depuis  huit  jours,  mon  cher  monsieur 
Alercadet,  et  le  besoin  m'a  obligé  de  vous  attendre  hier  dans  la 
rue  pendant  trois  heures  en  me  promenant  d'ici  à  la  Bourse.  J'ai 
m  qu'on  m'avait  dit  vrai,  en  assurant  que  vous  étiez  à  la  cam- 
\  agne. 

MEUCADET. 

Nous  sommes  ausii  malheureux  l'un  que  l'autre,  mon  pauvre 
/ère  Yiolette  :  nou3  avons  tou3  deux  une  famille... 

VIOLETTE. 

Nous  avons  engsgé  tout  ce  qui  peut  se  mettre  au  Mont-de- 
piété..  • 

TH.  30 


666  LK  FAISEUR 

UERCADET. 

C'est  Goinme  ieL«. 

▼lOLETTE. 

Le  mal  de  Tiin  ne  gaérit  pas  le  m^  de  fâutre...  Mais  tous  avei 
encore  de  quoi  virre,  et  nous  sommes  sans  pain!  Je  ne  Yoas  ai 
jamais  reproché  ma  raine,  car  je  crois  que  voas  aviez  l'intention 
de  nous  enrichir...  £t  puis  c'est  ma'  faute!  En  voulant  doubler 
notre  petite  fortune,  je  Y^i  compromise  ;  ma  femme  et  mes  filles 
ne  veulent  pas  comprendre;  elles  qui  me  poussaient  à  spéculer, 
e)^  qui  me  reprochaient  ma  timidité,  que  lorsqu'on  risque  de 
gagner  beaucoop,  c'est  qu'on  est  exposé  à  perdre  autant...  Mais, 
enfin,  parole  ne  paye  pas  farine,  et  je  viens  vous  supplier  de  me 
donner  le  plus  petit  à-compte  sur  les  intérêts  :  vous  sauverez 
la  vie  à  toute  une  famille 

MERCADET,  à  part. 

Pauvre  homme!  il  me  navre!...  Quand  je  l'ai  vu  je  déjeune 
sans  appétit!  (Haut.)  Soyei  bien  raisonnable,  car  je  vais  partager 
avec  vous...  (Bas.)  Nous  avons  à  peine  cent  francs  dans  la  maison... 
et  encore  c'est  l'argent  de  wa  ilic. 

VIOLLETE. 

Est-ce  possible!  Vous,  monsieur  Hercadet,  un  homme  que  j'ai 
m  si  riche  !•.. 

MERCADET. 

Entre  malheureux,  on  se  doit  la  vérité. 

VIOLETTE. 

Ah  !  si  l'on  ne  devait  que  cela,  comme  on  se  payerait  prompie- 
mcnt! 

KERCAnST. 

N'en  abusez  pas!...  car  je  suis  sur  le  point  de  marier  ma  fîlte... 

VIOLETTE. 

J'ai  deux  filles,  moi,  monsieur,  et  ça  travaille  sans  espoir  de  se 
marier,  car  les  femmes  qui  restent  honnêtes  gagnent  si  peu!... 
Dans  la  circonstance  où  vous  êtes  je  ne  vous  importunerais  pas, 
mais...  ma  femme  et  mes  filles  attendent  mon  retour  dans. des 
angoîsses...  A  mon  âge,  je  ne  penx  plus  rien  faire...  Si  vous... 
pouviez  m'obtenir  aae  place! 

MERCABET. 

Vous  êtes  inscrit»  père  Tioleite»  pour  être  le  caissier  de  ma  com- 
pagnie d'assurances  contre  les  chancis  du... 


iICTB  n  li^l 

VIOLETTE. 

Ahl  ma  bmwm  et  ms  iU«s  voot  f«Q»  bénir  L..^  (Mareadbt  va 
prendre  de  l'argent.)  Les  autres  qui  le  tracasseot  n'ont  rien;  mais  en 
se  plaignant  comme  ça  Ton  touche  à  peu  près  ses  intérêts... 

KBBGADBT.  ^ 

Tenez,  voilà  soixante  francs... 

YIOLRTK. 

En  orl  il  y  a  bin  loogteoipt  que  je  ii*€ii  ai  vik..  oh!  chez 
moi!... 

MERGADET. 

Mais... 

VrOLETTB. 

Soyez  tranquille,  je  n'en  dirai  rien.. . 

HiaacADET. 
Ce  n'est  pas  cela!  Vous  me  promettez,  père  Violette,  de  ne  pas 
revenir  avant...  un  mois... 

VIOLETTE. 

Un  mois!  Poarrons-noos  vivre  un  mois  avec  cela? 

MERGABET. 

Vous  n'avez  donc  pas  autre  chose? 

VIOLETTE. 

Je  ne  possédé  pour  toute  fortune  que  ee  que  vous  me  devei .. 

MERGADET. 

Pauvre  homme!  En  le  voyant,  je  me  trouve  rkhe.  (Haut.)  Mai? 
je  croyais  que  vous  faisiez  quek|a&s  petites  affaires  de  prêt  dam 
le  quartier  de  l'Estrapade? 

VIOLETTE.  .  • 

Depuis  qne  les  prisonniers  pour  dettes  ont  quitté  Sainte^Pélagie, 
les  prêts  ont  bien  baissé  dans  le  cpiartier. 

MERGADET. 

Ponrriez-voiis  avoir  un  cautionnement  pour  une  place  de 
caissier  f... 

VIOLETTE. 

J'ai  quelques  afirisy  et  peut-être.  ... 

UBRGABST. 

Prendraient-ils  des  actions? 

VIOLETTE. 

Oh  !  monsieur,  vovs  aotrcs  faisenrs»  voua  aivez  cassé  le  grand 
ressort  de  ^association  !  On  ne  veut  plus  entendre  parler  d'actions».. 


b68  LE  FAISEUR 

MERGADET. 

Eh  bien!  adieu,  père  Violette!  Noos  compterons  plus  tard... 
Vous  serez  le  premier  payé... 

VIOLETTE. 

^  Bonne  réussite,  monsieur  I  Ma  femme  et  mes  filles  diront  des 
prières  pour  le  mariage  de  mademoiselle  Mercadet. 

MERGADET. 

Adieu!  Si  tous  les  créanciers  étaient  comme  celui-là!  mais  je 
n'y  tiendrais  pas^  il  m'emporte  toujours  de  l'argent. 

SCÈNE  IV 
MERCADET,  VERDEUN. 

VERDEUN. 

Bonjour^  mon  ami,  que  me  vcux-tu! 

MERGADET. 

Ta  question  ne  me  donne  pas  le  temps  de  te  dorer  la  pilule!  Ta 
m'as  deviné  ! 

VERDEUN. 

« 
Oh!  mon  vieux  Mercadet,  je  n'en  ai  pas  et  je  suis  franc  :  j'en 

aurais,^  que  je  ne  pourrais  pas  t'en  donner!  Écoute...  Je  t'ai  prêté 

déjà  tout  ce  dont  mes  moyens  me  permettaient  de  disposer;  je  ne 

te  t'ai  jamais  redemandé.  Je  suis  ton  ami  et  ton  créancier  :  eli 

bien  !  si  je  n'avais  pas  pour  toi  le  cœur  plein  de  reconnaissance, 

si  j'étais  un  bomm^  ordinaire,  il  y  a  longtemps  que  le  créancier 

aurait  tué  l'ami!...  Diantre!...  tout  a  ses  limites  dans  ce  oionde. 

MERGADET. 

L'amitié,  oui,  mais  non  le  malheur!... 

VERDELIN. 

Si  j'étais  assez  riche  pour  te  sauver  tout  à  fait,  pour  éteindre 
entièrement  ta  dette,  je  le  ferais  de  grand  cœur,  car  j'aime  ton 
courage:  mais  tu  dois  succomber!...  Tes  dernières  entreprises, 
quoique  spirituellement  conçues,  très-spécieuses  même  (tant  de 
gens  s'y  sont  pris!)  ont  croulé  :  lu  t'es  déconsidéré,  tu  es  devenu 
dangereux!  lu  n'as  pas  su  profiter  de  la  vogue  momentanée  de 
tes  opérations!...  Quand  tu  seras  tombé,  tu  trouveras  du  pain 
chez  moi  !• ..  Le  devoir  d'un  ami  est  de  nous  dire  ces  choses-là!... 


ACTB  tr  469 

MERCADET. 

Qae  serait  Tamitié  sans  le  plaisir  de  se  trouver  sage  et  de  voir 
son  ami  fou,  de  se  trouver  à  l'aise  et  de  voir  son  ami  gêné,  de  se 
complimenter  eu  lui  disant  des  choses  désagréables !.••  Ainsi,  je 
suis  au  ban  de  l'opinion  publique? 

VERDELIN. 

Je  ne  dis  pas  tout  à  fait  cela.  Non,  tu  passes  encore  pour  un 
honnêie  homme»  mais  la  nécessité  te  force  à  recourir  à  des 
moyens.  •• 

MERCADET. 

Qui  ne  sont  pas  justifiés  par  le  succès,  comme  chez  les  gens 
heureux.  Ah!  le  succès!...  de  combien  d'infamies  se  compose  on 
succès^  tu  vas  le  savoir...  Moi,  ce  matin^  j'ai  déterminé  la  baisse 
que  tu  veux  opérer,  afin  de  tuer  l'afTaire  des  mines  de  la  Basse- 
Indre,  dont  tu  veux  t'cmparer  pendant  que  le  compte  rendu  des 
ingénieurs  va  rester  dans  l'ombre,  grâce  au  silence  que  tu  soldes 
si  cher... 

VERDELIN. 

Chat!  Mercadet,  est-ce  vrai?  Je  te  reconnais  bien  là...O[i  la  prend 

par  la  taille.) 

MERCADET. 

Allons  !  ceci  est  pour  te  faire  comprendre  que  je  n'ai  pas  besoin 
de  caresses,  ni  de  morale,  mais  d'argent!  Hélas!  je  ne  t'en  de- 
mande pas  pour  moi,  mon  bon  ami!  mais  je  marie  ma  fille«  et 
nous  sommes  arrivés  ici  secrètement  à  la  misère...  Tu  te  trouves 
dans  une  maison  où  règne  l'indigence  sous  les  apparences  du  luxe 
(les  promesses,  le  crédit,  tout  est  usé!):  et,  si  je  ne  solde  pas  en 
argent  quelques  frais  indispensables,  ce  mariage  manquera  !  Enfin, 
il  me  faut  ici  quinze  jours  d'opulence,  comme  à  toi  vingt-quatre 
heures  de  mensonges  à  la  Bourse.  Yerdelin,  cette  demande  ne  se 
renouvellera  pas  :  je  n'ai  pas  deux  filles.  Faut-il  tout  dire?  Ma 
femme  et  Julie  n'ont  pas  de  toilettes!  (A  part.)  Il  hésite... 

VERDELIN,  à  part. 

Il  m'a  joué  tant  de  comédies,  que  je  ne  sais  pas  si  sa  fille  s< 
marie...  £lle  ne  peut  pas  se  marier! 

MERCADET. 

Il  faut  donner  aujourd'hui  même  un  dîner  à 'mon  futur  gendre 
qu'un  ami  commun  nous  présente,  cl  je  n'ai  plus  mon  argenterie  : 
die  est..  Tu  sais...  Non-seulemcni  j'ai  besoin  d'un  millier  d'éfius, 


&70  LE  FAISEUR. 

mais  encore  j*espère  que  in  me  prêteras  ton  service  de  table,  et 
tB  viendras  diner  avec  ta  femme. 

VEBDEUN. 

HtHe  écus!...  Mercadetl...  Maïs  personne  n*a  milie  écus...  \ 
prêter...  A  peine  les  a-t-on  pour  soi!  Si  on  les  prêtait  toujours, 
on  ne  les  aurait  jamais.. • 

HKRGADET,  à  part. 

Oh  !  i!  y  viendra.  (Haut.)  Tu  me  croiras  si  tu  veux,  maïs,  une  fois 
ma  fille  mariée,  eh  bien  !  tout  me  devient  indifférent.  Ma  femme 
aura  chez  Julie  un  asile;  moi,  j^irai  chercher  foriune  ailleui's,  car 
In  as  raison,  et  je  me  suis  dit  :  Utile  aux  autres,  je  me  suis  funeste 
à  moi-même!  Dans  les  affaires  où  je  perds,  les  autres  gagnent! 
Magnifique  aux  semailles  de  fannonce  et  du  prospectus,  compre- 
nant et  satisfaisant  les  nécessités  de  l'organisation  primitive,  je 
n'entends  rien  à  la  récolte... 

VERDEim. 

Yeux- tu  savoir  le  mot  de  cette  énigme? 

MERGADET. 

0is... 

YERDELIN. 

C'est  que,  si  tu  te  trouves  supérienr  à  toute  espèce  de  position 
par  l'esprit,  tu  es  toujtxirs  au-dessous  par  le  jugement.  L'esprit 
nous  vaut  l'admisaiion,  le  jugement  nous  donne  la  fortune. 

HERCADET,  à  fmU 

Oui,  je  n'ai  pas  assez  de  jugement  poiir  tuer  une  affaire  à  mon 
profit!  (HauL)  Voyons,  YerdeHn  L..  j'aime  ma  femme  et  ma  fille... 
CSes  sentiments-là  sont  ma  seule  consolation  an  milieu  de  mes 
lécents  désastres.  Ces  femmes  ont  été  si  douces,  si  patientes  !  je  les 
voudrais  voir  à  l'ahri  des  mallieui*s!...  Oh!  là  sont  mes  vraies 
fonffrances!...  Tu  dois  concevoir  qu'on  puisse  pleurer... (ii  s'essai« 
loi  yeux.)  Tu  as  uue  charmante  petite  fille,  et  tu  ne  voudrais  pas  on 
jotur  la  savoir  malheureuse,  vieillissant  dans  les  larmes  et  le 
travail...  Voilà  pourtant  l'avenir  de  ma  Julie,  un  ange  de  dévoue- 
ment !  Oh  I  cher  ami  !  j'ai,  dans  ces  derniers  temps,  bu  des  calices 
bien  amers  :  j'ai  trébuché  sur  le  pavé  de  bois,  j'ai  créé  des  fflono- 
pôles,  et  l'on  m'en  a  dépouillé!  Eh  bien!  ce  ne  serait  rien  auprès 
de  la  douleur  de  me  voir  refusé  par  toi  dans  cette  circonstaocs 
suprême!  Enfin,  ne  te  disons  pas  ce  qui  arriverait.,  car  je  06 
veox  rien  devoir  à  ta  pitié!... 


ACTE  II  ^71 

Mille  éciu  I  Mais  à  qaoi  reux^tn  les  emplofer  I 

MERGADET,  à  part. 

J6  les  «arùl  (&«(.)  Ehl  moa  dier,  an  geûdre  est  an  oiseau 
qa'nii  rien  eÊat&adm..,  une  dealdk  de  moins  sar  ane  robe^  c'est 
tonte  ane  réyéiation  I  Les  toilettes  sont  commandées,  les  mar^ 
chaads  vont  les  apporter...  Oui,  j'ai  en  l'imprudence  de  dire  qne 
je  payerais  tout,  comptant  snr  toi  f . . .  Et  le  dîner  !. . .  Il  faut  des  vins 
exqnis!...  l'amonreaz  ne  peut  perdre  la  tête  que  comme  ça.  Fais 
attention  à  ceci  :  nous  paraissons  riches;  nous  devons  nous  tenir 
sous  les  armes  devant  monsieur  de  la  Brive!  Yerdelin,  uu  millier 
d'écus  ne  te  tuera  pas,  toi  qui  as  soixante  mille  francs  de  rente! 
et  ce  sera  la  vie  d'une  pauvre  enfant  que  tu  aimes,  car  tu  aimes 
Julie!...  Elle  est  folle  de  ta  petite,  elles  jouent  ensemble  comme 
des  bienheureuses.  Laisseras-tu  l'amie  de  ta  011e  sécher  sur  pied  7 
C'est  contagieux,  ça  porte  malheur!... 

VEADELIIf. 

Mon  cher,  je  n'ai  pas  mille  écos;  je  pais  te  prêter  mon  argen- 
terie^ mais  je  n'ai  pas... 

MERGÂDET. 

Un  bon  sur  la  Banque,  c'est  bientôt  signé... 

VEUDEIiN. 

Je...  Non... 

MERGADET. 

Oh!  ma  pauvre  enfant!...  loue  est  ditt..«(n  tombe  abatta  sur  un 
ikatenu.)  O  mou  l>ieu  I  pardoanez*moi  de  terminer  le  rêve  pénible 
de  mon  existence,  et  laissez-moi  me  réveiller  dans  votre  seinl 

VERDELIN. 

Mais  si  tu  as  trouvé  un  gendre,  mon  ami?... 

MERGADET,  m  leTaut  brusquement. 

Si  j'ai  trouvé  un  gendre?...  tu  mets  cela  en  doute?...  Ah! 
refuse-moi  durement  les  moyens  de  faire  le  bonheur  de  ma  fille, 
mais  ne  m'insulte  pas!  Tu  verras  monsieur  de  la  Brive  !...  Je  suis 
donc  tombé  bien  bas,  pour  que...  Oh!  Verdelin...  je  ne  voudiais 
pas  pour  mille  écns  avoir  eu  celte  idée  sur  toi...  tu  ne  peux  être 
absous  qu'en  me  les  donnant., . 

YERDEUN. 

Je  vais  aller  voir  si  je  puis... 


&72  LE  FAISEDH 

ICERGADET. 

Non,  ceci  est  une  manière  de  refuser. •• 

YERDEUN. 

Et  si  le  mariage  manque.. •  tiens,  je  n'y  pensais  pas,  non,  mon 
ami,  je  te  les  donnerai  quand  le  mariage  se  fera,  certainement.  •• 

MEaCADET. 

Mais  il  ne  se  fera  pas  sans  les  mille  écus!  Comment,  toi,  à  qui 
je  les  ai  tu  dépenser  pour  une  chose  de  vanité,  pour  une 
amourette,  tu  ne  les  mettrais  pas  à  une  bonne  action  I... 

VERDELIN, 

£n  ce  moment,  il  y  a  peu  de  bonnes  actions... 

MERGADET. 

Ab!  aht  ah!...  il  est  joli!...  tu  ris...  il  y  a  réaction  !••• 

YERDELIN. 
Ah  !  ah  !  ah!. ..  (il  laisse  tomber  son  chapeau.) 

MERGADET  ramasse  le  chapeau  et  le  brosse  avec  sa  manche. 

£h  bien  !  mon  vieux,  deux  amis  qui  ont  tant  roulé  dans  la  vie! 
qui  Tont  commencée  ensemble!...  En  avons-nous  dit  et  fait!... 
hein  !  Tu  ne  te  souviens  donc  pas  de  notre  bon  temps,  où  c'était 
à  la  vie  à  la  mort  entre  nous  ? 

YERDEUN. 

Te  rappelles-tu  notre  partie  à  Rambouillet^  où  je  me  suis  battu 
pour  toi  avec  cet  officier  de  la  garde?... 

MERGADET. 

Je  t avais  cédé  Clarisse!  Ah!  étions-nous  gais,  étions-nous 
jeunes!  et  aujourd'hui  nous  avons  des  filles,  des  filles  à  marier!... 
Si  Clarisse  vivait,  elle  te  reprocherait  ton  hésitation !... 

VERDBLIN. 

Si  elle  avait  vécu,  je  ne  me  serais  jamais  marié!... 

MERGADET. 

Tu  sais  aimer,  toil...  Ainsi  J9  puis  compter  sur  toi  ponrdtoer, 
et  tu  me  donneras  ta  parole  d'honneur  de  m'envoyer... 

YERDEUN. 

Le  service... 

r 

MERGADET. 

Et  les  mille  écus... 

YERDEUN. 

Tu  y  reviens  encore!  Je  t'ai  dit  que  je  ne  le  pouvais  p:;s... 


ACTE  II  &73 

MERGÂDET,  à  part. 

Cet  homme  ne  moarra  certes  pas  d*aa  anéyrisme...  (Haut.) 
Mais  je  serai  donc  assassiné  par  mon  meilleur  ami!...  Oh!  c'est 
toujours  ainsi  !. ..  Ta  seras  donc  insensible  an  souvenir  de  Clarisse 
et  au  désespoir  d'an  père?...  ai  cne.)  Je  suis  aa  désespoir^  je  im 
me  brûler  la  cenrelle  !• .  • 

SCÈNE  V 
Les  Mêmes,  JULIE,  MADAME  MERGADET. 

MADAME  MEHGADET. 

Qu'as-tu,  mon  ami?... 

JULIE. 

Mon  père,  ta  voix  m'a  efiOrayée. 

MADAME   MERGADET. 

Mais  c'est  Yerdelin,  tu  ne  saurais  être  en  danger..* 

JULIE. 

Bonjour,  monsieur*  De  quoi  s'agit-il  donc  entre  tous  et  mon 
père?... 

MERGADET. 

£h  bien!  ta  yois,  elles  accourent  comme  deux  anges  gardiens  à 
un  seol  éclat  de  voix.  (A  part.)  Elles  m'ont  entendu  !  (A  sa  femme  et  k 

sa  fille  qa'U  prend  par  les  mains.)  VouS  m'atteudrissez!...  (A  YerdeUn.)  Ver- 

dclin^  allons!  veux-tu  tuer  toute  une  famille?  Cette  preuve  de 
tendresse  me  donne  la  force  de  tomber  à  tes  genoux,  (ii  fait  le  geste 

de  se  mettre  à  genou.) 

JULIE. 

Oh  !  monsieur  I  (Elle  arrête  son  père.)  G'cst  moi  qui  VOUS  implorerai 
pour  lui,  s'il  s'agit  (et  je  le  vois  bien)  d'argent.  Eh  bien  !  je  puis 
vous  offrir  une  garantie  dans  mon  travail.  Obligez  encore  une  fois 
mon  père,  il  doit  élre  dans  de  cruelles  angoisses  pour  supplier 
ainsi... 

MERGADET. 

chère  enfant!  (A  part.)  Quels  accents!...  Je  n'étais  pas  nature 
comme  ça  I 

MADAME   MERGADET. 

Monsieur  Verdelin,  rendez-lui  ce  service^  nous  saurons  le 
reconnaître,  j'engagerai  le  bien  qui  me  reste. 


Ulk  LB  FAlS&Ua 

VERDELm,  à  Jalîa. 

Vous  ne  savez  pas  ce  ^u'U  me  demaudet 

JUUS, 

Non. 

VEBDEIXN, 

Mille  écu8  pour  pouYoir  vous  marier» 

JULIE. 

Ah  !  monsieur,  oubliez  ee  que  je  yons  ai  dit  Je  ne  veux  pas 
d'un  mariage  acheté  par  Tbamiliation  de  mon  père... 

MEACADET,  à  put. 

£lle  est  magnîBqae... 

TEBDELUf* 

Je  Ydis  Yous  chercher  l'argent.  (U  sort) 

SCÈNE  VI 

Lbb  MÊnss,  iBoiia  VEBBELDf* 

maicADKr. 
Il  est  parti.. • 

JUUE. 

Ah!  mon  pore,  ponrqsoi  n*ai-je  pas  su T 

XmGÂDET.  n  eratmse  sa  I3ie. 

Tu  ttOQs  as  sauvés!  /kh!  quand  serai-je  riche  et  passant  pour 
le  faire  repentir  d'un  pareil  bienfait ?... 

XADAME  BISRGaOET. 

Mais  il  va  vous  donner  la  somme  que  vous  lui  demandez... 

UERCADET. 

n  me  l'a  vendue  trop  cher!...  Qui  esl-ce  qui  sait  obliger?  Oh! 
quand  je  le  pouvais,  moi,  je  le  faisais  avec  une  grâce  !  (ii  fait  le  geste 
d'étaler  de  l'argent.)  Il  y  a  des  ingratitudes  qui  sont  des  vengeances. 
Ah  !  mon  petit  Verdelin,  tu  rechignes  à  me  prêter  mille  écus,  je 
n'aurai  plus  de  scrupule  à  t'en  souffler  cent  mille  I... 

MADAME  MERGADE7, 

Ne  soyez  pas  injuste,  Verdelin  a  cédé. 

MERCÀ9ET. 

Au  cri  de  Julie,  non  à  mes  supplications.  Abi  ma  ehèrel  ilaca 
pour  plus  de  mille  écus  de  bassesses  !••• 


ACTE  II  475 

SCÈNE  YII 

Les  Mêmes,  VERDELIN. 

yerdelin. 

J'avais  de  l'argent  dans  ma  voitare  pour  Brédif,  qui  n'est  pas 
cbez  lui;  le  voici  en  trois  sacs.*.  (Joatîn apporte  âmu mcs.) 

MERCAOET. 
HADHOE  KBRGÀDBT. 

Uonsiear,  comptez  sur  la  recounaissance  d'une  mère... 

VERDELIN. 

Mais  c'est  à  vous  et  à  votre  fille  seulement  que  je  prête  cet 
argent,  et  vous  aurez  la  complaisance  de  signer  toutes  deux  le 
billet  que  va  me  faire  Mercadet.. 

JllUB. 

Signer  mon  malheur I... 

SIADAIIE  lŒBCADET, 

Tais-toi,  ma  fille. 

VBRCÀDET.  I16crlt. 

Mon  bon  Yerdelin,  je  te  reconnais  enfin  t  Faut-Il  comprendre 
les  intérêts? 

VERDELIN. 

Non,  non,  sans  intérêts. ..  Je  veux  vous  obliger  et  non  faire 
une  affaire..* 

UERGAOET. 

Ma  fille,  voilà  ton  second  père!... 

SCÈNE  VIII 
Les  Mêmes,  JUSTIN,  puu  THÉRÈSE. 

JUSTIN. 

Honsiear  Minard.  (n  sort.) 

THÉRÈSE. 

Madame,  les  marchands  apportent  tout... 

MADAME  MERGADET.  EUo  tend  le  billet  &  Verdelia. 

J'y  vais. 


&76  LB  FAISEUR 

MERCADETy  à  Yerdelin. 

Tu  Tois,  il  était  temps  ! 

TERDELIN. 

Eh  bien  I  je  tous  laisse..  •  (Madame  Hercadet  tort  ayeo  Thérèse,  Terdelia 
est  reconduit  par  Mercadet,  qui  fait  ligne  à  Hinard  d'entrer.) 

SCÈNE  IX 
MINARD,  JULIE,  MERCADET. 

JUUE,  à  Minard. 

Si  VOUS  Toulez,  Âdoiptie,  que  notre  amour  brille  à  tous  les 
regards,  dans  les  fétes  du  monde  comme  dans  aos  cœurs,  ayez 
autant  de  courage  que  j'en  ai  eu  déjà. 

MINARD. 

Que  s'est-il  donc  passé?... 

JIIIJE. 

Un  jeune  homme  riche  se  présente,  et  mon  père  est  sans  pitié 
pour  nous... 

MINARD. 

Je  triompherai!... 

MERCADET,  reTenaali 

Monsieur,  vous  aimez  ma  iille? 

MINARD. 

Oui^  monsieur. 

MERCADET. 

Du  moins  elle  le  croit  !  Vous  avez  eu  le  talent  de  le  lui  per- 
suader... 

IQNARD. 

Votre  manière  de  vous  exprimer  annonce  un  doute  qui,  venant 
de  tout  autre  que  de  vous,  m'offenserait.  Gomment  n'aimerais-je 
pas  mademoiselle?  Abandonné  par  mes  parents,  et  sans  autre 
protection  que  celle  de  ce  bon  monsieur  Duval  qui  m'a  servi  de 
père  depuis  neuf  ans,  votre  fille,  monsieur^  est  la  seule  personne 
qui  m'ait  fait  connaître  les  bonheun  de  Taffeciion.  Mademoiselle 
Julie  est  à  la  fois  une  sœur  et  une  amie,  elle  est  toute  ma  famille!... 
Elle  seule  m'a  souri,  m'a  encouragé  :  aussi  est-ello  aimée  au  delà 
de  toute  expression. 

JULIE. 

Dois-je  rester,  mon  père?... 


ACTE  II  477 

HEECADET,  à  sa  filte. 

^  Goarmande  I  (  à  Minard.)  Monsieur,  j'ai  sur  l'amour,  entre  jeunes 
gens,  les  idées  positives  que  l'on  reproche  aux  vieillards.  Ma  dé- 
fiance est  d'autant  plus  légitime,  que  je  ne  suis  point  de  ces  pères 
aveuglés  par  la  paternité  :  je  vois  Julie  comme  elle  est;  sans  être 
laide,  elle  ne  possède  pas  celte  beauté  qui  fait  crier  :  —  «  Âhi  » 
Elle  n'est  ni  bien  ni  mal. 

HIITARO. 

Tous  vous  trompez,  monsieur.  J'ose  vous  dire  que  vous  ne 
connaissez  pas  votre  Julie.  .• 

HERGÂD£T« 

Obi  parfaitement...  comme  si... 

MINARD. 

Non,  monsieur,  vous  connaissez  la  Julie  que  tout  le  monde 
voit  et  connaît:  mais  Tamour  la  transfigure!  la  tendresse,  le  dé- 
vouement, lui  communiquent  une  beauté  ravissante  que  moi  seul 
ai  créée. 

JXJtXÉ» 

Mon  père,  je  suis  honteuse... 

MERCADET. 

Dis  donc  heureuse.. •  Et  s'il  vous  répète  ces  choses-!à..7 

MINARD. 

Cent  fois,  mille  fois,  et  jamais  assez  !•••  Il  n'y  a  pas  de  crime  k 
les  dire  devant  un  père! 

MERCADET. 

Vous  me  flattez!  Je  me  croyais  son  père,  mais  vous  êtes  le  père 
d'une  Julie  avec  laquelle  je  voudrais  faire  connaissance.  Voyons^ 
jeune  bomme^  ouvrez  les  yeux  !  Les  solides  et  belles  qualités  de 
son  âme,  je  le  conçois,  peuvent  changer  l'expression  de  sa  physio- 
nomie, mais  le  teint?  Julie  est  modeste  et  résignée^  elle  sait 
qu'elle  a  le  teint  brun  et  les  traits  un  peu...  risqués. •• 

JDLIE. 

Mon  père I... 

BONARD. 

Mais  vous  n'avez  donc  pas  aimé !..• 

MERCADET. 

Beaucoup!  J'ai,  comme  tous  les  hommes,  traîné  ce  boulet  d'or* 

MINARD. 

Autrefois  I...  mab  aujourd'hui  nous  aimons  mieux... 


478  LE  FAISEUR 

MEACADET.  ! 

Que  hites^Tous  doac!  ' 

HIKAED.. 

Nous  nous  attachoDS  à  l'âme^  à  TidéaL 

MEKCADËT. 

Et  c'est  ce  qui  read  ma  fille  jolieL*.  Ainsi  qu*uDe  femme  ait 
des  hasarda  dans  la  taille,  Tidéal  la  redresse  !  L'âme  lui  effile  les 
doigts  1  l'idéal  lui  fait  de  beaux  yeux  et  de  petits  pieds  I  l'âme 
tebifiit  le  teiotl.*. 

Certainement 

MERCADET. 

Nous  autres  gens  éle?és  sous  TËmpire,  nons  appelons  oda... 

HINARD. 

L*amour!  celai...  l'amour,  le  saint  et  pur  amourl... 

MERCADET. 

Avoir  le  bandeau  sur  les  yeux. 

JUUE. 

Mon  père,  ne  vous  moquez  pas  de  deux  enfants^M 

UERGADET^ 

Très-graods«». 

JULIE, 

Qui  s'aiment  comme  on  s'aime  de  leur  tempa^  d'une  pasàon 
▼raie,  pure,  durable,  parce  qu'elle  est  appuyée  sur  la  connaissance 
du  caractère,  sur  la  certitude  d'une  mutuelle  ardeur  à  combattre 
les  difficultés  de  la  vie;  enfin  deux  cnfnnts  qui  i[ous  aimeront  bieo. 

MIIURD,  à  Mercadet.. 

Quel  ange  L.. 

MERCADET,  &  part. 

Je  vais  t'en  donner  de  l'ange  !  ( a  sa  eiie.) Tais-toi^  ma  filTe. (A  Vmard.) 
Ainsi,  monsieur,  vous  adorez  Julie.  Elle  est  charmante,^  elle  a  de 
l'âme,  de  l'esprit,  du  cœur.  Enfin,  c'est  la  beauté  comme  vous 
l'entendez,  elle  est  la  perfection  rêvée... 

MINARD. 

Ah!  vous  comprenez  donc!... 

MERCADET. 

Un  ange  qui  tient  néanmoins  un  peu  à  la  matière,.* 

MINARD. 

Pour  mon  bonheur  !••• 


ACZFK  11      .  [il9 

MERCADET. 

Yoas  l'aimez  sans  aocune  arrière-peoaéeT 

MINÀRD. 

Aucane. 

Que  vousai-je  dit? 

MSAGABBT.  Il  lev  f  read  ptr  le»  «aint  el  loi  oHfn  à  M* 

Heureui  enfants!  Vous  vous  aimez  donc?...  Qoet  joli  fomanU.» 
(AMinard.)  Yoas  la  Toulez  pooF  femme?.  •• 

unrABD. 
Oni,  monsieur. 

MERGABST* 

Malgré  tous  tes  obstades? 

MiNAan. 
Je  sois  venu  pour  les  vaincre. 

HERCADEt; 

Rien  ne  vous  découragera? 

HINABn. 

Rien. 

JtTLTE. 

ïfe  TOUS  ai^je  pas  dit  quMI  m'aimai!? 

MERCADET. 

Gela  y  ressemble!  Où  trouver  un  plus  beau  spectacle?  Il  n'y  a 
rien  de  plus  doux  pour  un  père  que  de  voir  sa  fiUe  aimée  cemme 
elle  le  mérite,  et  de  la  voir  heureuse... 

JULIE. 

Ne  me  saurez-vons  pas  gré,  mon  père,  d*on  chohr  qd'  vous 
dbnne  un  flis  plein  de  sentiments  élevés,  doué  d^une  âme  forte 
et?... 

MINARD. 

Mademoiselle  !••• 

JULIE. 

Oui»  monsieur,  oui«  je  parlerai  aussi,  moi  I 

MERCADET. 

Ma  fille,  va  voir  ta  mère;  laisse-moi  parler  d'affaires  beaucoup 
moins  immatérielles.  Quelle  que  soit  la  puissance  de  l'idéal  sur  la 
beauté  des  fommes,  elle  a'a  malbeureusemeat  aucmie  influence 


A80  LE  FAISSOB 

SCÈNE  X 
miNABD,  MEIICADE7I. 

KERGADET. 

Noos  sommes  entre  nous,  noos  allons  parler  français.  Monsieur, 
TOUS  n'aimez  pas  ma  fille  i 

IHNARD. 

Dites,  monsieur,  que  tous  avez  en  vue  un  riche  parti  pour 
mademoiselle  Mercadet,  que  ?ous  ne  tenez  aucun  compte  des 
inclinations  de  ?otre  fiUe,  et  je  vous  comprendrai  :  mais  sachez-le! 
je  ne  suis  venu  demander  sa  main  qu'après  avoir  obtenu  m, 
cœur... 

MERCADET. 

Son  cœur?  malheureux!  Que  voulez-vous  dire?... 

MINARD. 

Monsieur,  Julie  est  respectueusement  aimée. •• 

BIERDADET. 

£ienl  C'est  heureusement  idéal!  mais  vous  me  devez  une 
confidence  entière  au  point  où  nous  en  sommes...  Vous  êtes-voos 
écrit?...   ^ 

HINARD. 

Oui,  monsieur,  des  lettres  pleines  d'amour. 

MERCADET,  &parC. 

Ah!  pauvre  fille!  elle  a  lu  des  lettres  d'amour!  Elle!  C'est  h 
tête  alors  et  non  le  cœur  qui  souffrira!...  (Haat.)  Monsieur,  les 
anges  ont  mille  perfections,  mais  ils  n'ont  pas  de  rentes  sur  l'État^ 
et  Julie... 

MINARD. 

Ah!  monsieur,  je  suis  prêt  à  tous  les  sacrifices^  je  ne  veux  qae 
Julie. 

MERCADET. 

Tous  avez  dit  que  vous  ne  seriez  effrayé  par  aucun  obstade 

MINARD. 

Aucun. 

MERCADET. 

Eh  bien  I  je  vais  vous  confier  un  secret  d'où  dépendent  rbonnear 
et  le  repos  de  la  fiimille  dans  laquelle  vous  voulez  absolument  entrer* 


Acn  II  hil 

UZNAaD,  à  paît. 

Qae  va-t-il  médire! 

KERGADET. 

Je  sais  sans  ressources^  monsieur,  ruiné...  ruiné  totalement  Si 
vous  Toulez  Julie,  elie  sera  bien  à  tous,  elle  sera  mieux  ctiez  vous, 
quelque  pauvre  que  vous  soyez,  que  dans  la  maison  paternelle,.. 
NoQ-seulement  elle  est  sans  dot,  mais  elle  est  dotée  de  parents 
pauvres...  plus  que  pauvres... 

HINARO. 

Plus  que  pauvres...  il  n'y  a  rien  au  delà! 

MERCADET. 

Si,  monsieur,  nous  avons  des  dettes,  beaucoup  de  dettes;  il  y 
en  a  de  criardes.  •• 

MBfARD,  &part. 

Ruse  de  comédie  I  il  veut  m'éprouver.  (Haut.)  Eh  bien  I  monsieur, 
je  suis  jeune,  j'ai  le  monde  devant  moi,  je  ne  manque  ni  d'énergie, 
ni  d'ambition  ;  aujourd'hui  personne  ne  vient  d'assez  loin  pour 
me  demander  autre  chose  que  mon  nom.  J'arriverai...  j'aurai  le 
bonheur  d'enrichir  celle  que  j'aime. 

MERCADET. 

Je  connais  cela.  Je  me  suis  ruiné  pour  madame  Mercadet,  pour 
lui  continuer  l'opulence  à  laquelle  elle  était  habituée.  J'ai  sacrifié 
dans  mon  temps  à  l'idéal  :  aussi  ai-je  des  créanciers  qui  ne  com* 
prennent  pas  la  lantaisie,  l'imagination,  le  bonheur! 

MINARD,  k  part. 

U  raille,  il  est  riche. 

'  MERCADET. 

Ainsi  ma  confidence  ne  vous  effraye  pas! 

MINARD. 

Non,  monsieur.  Aucune  pensée  d'intérêt  n'entache  mon 
amour... 

MERCADET. 

fiien  dit,  jeune  homme.  Oh  1  vous  avez  dit  cette  dernière  phrase 
à  merveille.  (A  part)  Il  est  têtu.  (Hant.)  Vous  aimez  ma  fiUe  assez 
pour  acheter  cher  le  bonheur  de  l'épouser T... 

MINABD. 

Que  peut-on  donner  de  plus  que  sa  vie  I 

MERCADET. 

Ua  amour  si  sincère  doit  être  récompensé. 

TH.  31 


é^l  LB  râftteua 


Enfin..  • 

HERCÀDET. 

•  J*ai  une  emière  confiance  en  vons^ 

JCCUlIU). 

Je  la  mérite»  monsieun 

JDBAGADiX 

Attendez!  (U  nuU) 

MINABDy  an  moment  seoL 

A  ma  place,  bien  des  jeunes  gens  dans  ma  positioD  annient 
tremblé,  auraient  faîblil  Quand  un  père  èi  riclie  a  une  Glle  qui 
n'est  pas  belle  (car  Julie  c  st  passable,  voilà  toat),  il  a  bien  raison 
de  cbercber  à  savoir  si  elle  n*est  pas  épousée  uniquement  pour  sa 
fortune...  Ohl  pour  un  garçon  timide,  j'ai  été  superfiel  H  a  da 
bon  sens,  le  père.  Certainement  Julie  m'aime,  je  suis  le  seul  qai 
lui  aie  parlé  d'amour,  et,  à  force  de  parler,  je  me  suis  laissé 
prendre  à  ce  que  je  disais.  'Mais  je  la  rendrai  hem-ense,  ]e  Tafflc 
comme  on  doit  aimer  sa  femme;  onl,  je  Fairoe!  Peut-être  qu'à 
force  d'étudier  une  personne,  on  finit  par  la  bien  comprendre,  et 
alors  on  voit  son  âme  à  travers  le  voile  de  la  chair.  Julie  a  une 
belle  âme.  En  effet,  ce  sont  les  qualités  et  non  la  beauté  d'une 
femme  qui  font  les  mariages  heureux.  DaîIIeurs  on  en  épouse  de 
plus  laides.  Et  puis,  la  femme  qui  nous  aime  sait  se  faire  jolie I... 

MEBJCÀDET,  revenant. 

Tenez  I  mon  gendre,  voici  des  pdipien  de  famille  qui  attesteront 
notre  fortune.  •• 

HDUftD. 

Aionsieur... 

JOEEGiJDET. 

Ob!  aé£^(ive»«.  lises.  Yoici  copie  4u  procès-verbal  de  la  saisie 
de  notre  mobilier;  j'achète  assez  cher  du  propriétaire  ledcoitde 
le  conserver  ici.  Ce  matin  ÎÉ  veiriait  faire  vendre.  Voici  des  com- 
maniemeali  «fei  «nane,  01^  Misl  me  «gmfioMin  ée  œrtrainte 
par  «erpe  fahe  hier.  ».  Yùm  veyet  Uen  qne  cela  éitn&Êt  tcès- 
sérieux...  Enfin,  JuÂd  toasjMeipnHéts,«et  jwjffiiitt»  iMSinef 
dossiers  classés  par  ordre  :  cv,  jeune  homme,  retenez  bien  ceci  : 
c'est  surtout  dans  le  ^ièiofdre  ifn'H  hm  .afxilr  4e  l'anioe.  Un 
desordre  bien  rangé,  on  s^  retmove,  on  le  domine  I  Que  peut  dire 
un  créander  qui  4»k  «A  4ette  inacisto  k  B«  wnémT  Je  iM  sois 


ACTB  n  h6i 

modelé  sur  le  gouTernement  :  tout  suit  l'ordre  alphabétiijpie.  Je 
Q'ai  pas  encore,  entamé  la  lettre  A. 

JflNARD. 

Yoos  ifavez  rien  payé... 

BfERGADET. 

A  peu  près  :  loab  ne  suis-je  pas  loyal? 

MINARO. 

Tr^-loyal... 

HE&GADET. 

Vous  connaissez  l'état  de  mes  charges,  vous  sa?ez  la  tenue  des 
li?re&..  Tenez!  total  :  trois  cent  quatre-vi^gt  mille*.. 

tflNABD. 

Oui,  monsieur,  la  récapilalation  est  là. 

MEAGAOET. 

Vous  avez  lu.«.  Vous  ne  tous  plaindrez  pas?  Un  père  encbaïué 
de  se  défaire  de  sa  fîfle  aurait  cherché  à  tous  tromper;  il  aurait 
promis  une  dot  imaginaire,  une  rente  à  servir*  Oa  fait  de  des 
tours-làf...  souvent!  Beaucoup  de  pères  proûtent  d*uu  amour 
comme  le  vôtre  et  Texploitentl  Mais  ici  vous  traites  avec  «n  toaime 
honorable...  On  peut  avoir  des  dettes,  oa  doit  rester  homme 
d'honneur...  Vous  me  faisiez  firémir  quand  vous  vous  enferriez 
devant  ma  fille  avec  vos  belles  protestations;  car  épouser  une  fille 
pauvre^  quand,  comme  vous,  on  n'a  que  deux  mille  francs  d'^yn 
pmnlemeats,  c'est  marier  le  protêt  avec  la  saisie. 

MINARD. 

Vous  croyez,  monsieur?  Je  ferais  donc  alors  le  malheur  jde 
votre  fine!... 

IIERGADET. 

Ah!  jeune  homme  1  ma  fille  a  maintenant  son  vrai  teint.o 

MINARD. 

Oui,  monsieur. 

UERGADET. 

Touchez  là!  vous  avez  mon  estime.  Vous  êtes  un  garçon 
d'espérance,  vous  mentez  avec  un  aplomb... 

MINARD. 

Monsieur... 

MERGADET. 

Vous  pourriez  être  ministre^  une  chambre  vous  croirait  •• 


48&  LB  FAISfiUB 

MINABD. 

Monsieur  !.•• 

mebcadet. 

Eh  bieni  allez-voos  me  quereller?  N'est-ce  pas  moi  qai  ai  lien 
de  me  plaindre,  jeane  homme?  tous  avez  troublé  la  paix  de  ma 
famille,  vous  avez  mis  dans  la  tête  de  ma  fiUe  des  idées  exagérées 
de  l'amour,  qui  peuvent  Tendre  son  bonheur  difficile  en  la  laissant . 
se  forger  un  idéal...  ridicule.  Julie  a  plusieurs  mois  de  plus  qae 
vous,  votre  faux  amour  lui  offre  des  séductions  auxquelles  aucune 
fille,  dans  sa  position,  ne  résiste... 

MINAIO). 

Monsieur,  si  notre  mutuelle  misère  nous  sépare,  je  suis  du 
moins  sans  reproche I  J'aime  mademoiselle  Julie!  un  pauvre 
garçon,  déshérité  comme  je  le  suis,  peut-il  trouver  mieux? 

M£RGAD£T. 

Des  phrases!  Vous  avez  fait  le  mal,  il  s'agit  de  le  réparer. 

MINARD. 

Croyez,  monsieur.. • 

HERCADET. 

Pas  un  mot  de  plus...  des  preuves...  Tons  me  rendrez  les 
lettres  que  ma  fille  vous  a  écrites... 

inilABD. 

Aujourd'hui  même... 

MERGADET. 

Et  VOUS  aiderez  un  malheureux  père  à  marier  sa  fille.  Si  vous 
aimes  Julie,  efforcez-vous  de  me  seconder.  Il  s'agit  pour  elle 
d'avoir  une  fortune  et  un  nom.  Quand  vous  resteriez  ostensible- 
ment épris  d'elle,  il  n'y  aurait  rien  de  déshonorant  à  jouer  le  rôle 
d'amant  malheureux.  En  France,  chacun  veut  de  ce  que  tout  le 
monde  désire.  Une  jeune  personne  courtisée,  disputée,  emproote 
des  attraits  à  l'idéal.  Oui,  si  notre  bonheur  désespère  quelqu'un, 
il  nous  en  semble  meilleur.  L'envie  est  au  fond  du  cœur  humain 
comme  une  vipère  dans  son  trou.  Ahl  vous  m'avez  compris... 
Quant  à  ma  fille  (U  appelle  Jaiie),  je  vous  laisse  le  soin  de  la  préparer 
à  votre  changement  :  elle  ne  me  croirait  pas,  si  je  loi  disais  que 
vous  renoncez  à  elle... 

MINARO. 

Le  ponrrais-je  après  tout  ce  que  je  lui  ai  dit  et  écrit?  (Meretdet 
•Vf.)  Je  voudrais  être  à  cent  pieds  sous  terre.  L'épouser?  jal  dix- 


ACTE  II  68S 

huit  cents,  francs  d'appointements  et  je  n'ai  point  de  qaoi  ?ivre 
pour  un,  que  devicndrions-nons  trois?  La  voici...  £lie  ne  me 
semble  plus  être  la  mêtne!  je  m'étais  habitué  à  la  voir  à  Iravert 
trois  cent  mille  francs  de  dot!...  Allons I... 

SCÈNE  XI 
MINARD,   JUUE. 

JUUB. 

Et  bien!  Adolphe 7. .. 

mNA&D. 

Mademoiselle?..* 

JUUE. 

Mademoiselle?  Ne  suis-je  plus  Julie?  Avez-vons  tout  arrangé 
avec  mon  père  ?••• 

MINARD. 

OuL..  C'est-à-dire... 

JUUE. 

Oh!  l'argent  a  toujours  blessé  l'amour;  mais  j'espère  que  vous 
aurez  vaincu  mon  père... 

MINARD. 

Abl  Julie«  votre  père  a  des  raisons...  judiciai...  judicieuses.  • 

JULIE. 

Que  s'est-il  donc  passé  entre  vous  et  lui?  Adolphe,  vous  n'avez 
plus  l'air  ae  m'aimer... 

MINARD. 

Oh!  toujours... 

JULIE. 

Ah  I  j'avais  le  cœur  déjà  serré. . . 

MINARD. 

Il  s'est  opéré  un  grand  changement  dans  notre  situation. 

JUUE. 

Vous  n'avez  pas  surmonté  tous  les  obstacles? 

MINARD. 

Votre  père  ne  nous  a  pas  dit  sa  situation,  die  est  horrible, 
Julie,  car  elle  nous  voue  à  la  misère.  Il  y  a  des  hommes  à  qui  la 
nifôère  donne  de  l'énei^ie:  moi,  vous  ne  connaissez  pas  mon 
caracicre,  je  suis  de  ceux  qu'elle  abat..  Tenezi..;  je  ne  soutieil- 
drais  nas  la  vue  de  votre  malheur. 


tM  LR  FAISEDB 

J'aarai  du  courage  pear  deux»  Vous  ae  me  Terrez  jamais  qoe 
souriant  D'aîlleora»  jie  ae  ifqo»  serai  point  à  charge.  Ma  peiniure 
me  procure  autant  d'argent  qpe  ¥Olre  place  vous  en  donne,  et, 
sans  être  riche,  je  vous  promets  de  faire  régner  Taisance  dans 
notre  joli  ménage. 

MINABD,  à  part. 

Il  n'y  a  que  les  filles  pauvres  pour  nou&  aimer  ainsi*. 

JUU£. 

Que  dites-Tous  donc  là,  monÎMir? 

H1NARD. 

Je  ne  vous  ai  jamais  tu«  si  btUel  (Aptrt.)  L'amour  b  rend 
folle !...  Il  faut  en  finir.  (Ham.)  Mais... 

Ce  maiff,  idbl^he»  esr  mi  mot  soumofe 

MOIARD. 

Votre  père  a  fait  on  appel  I  ma  délicatesse.  Il  m'a  prouvé  com- 
bien l'amour  était  une  passion  égoïste. 

A  deux. 

VINARD. 

A.  trois  même  l  II  m'a  montré  la  différence  de  votre  sort^si  vous 
étiez  riche.  Julie,  il  y  a  deux  manières  d'iaimer. .. 

2UU&. 

Il  n'y  en  a  qu'une. 

muARn» 
L'amour  qui  vous  livre  à  la  misère  est  insensé]^  L'amour  qoi  se 
sacrifie  à  votre  bonheur  est  hércdbine!... 

mus. 
Mon  seul  bonheur,  Adolphe,  est  d'être  à  vous! 

mNABn. 
Ahl  si  vous  aviez  entendu  votre  père,  Û  m*a  demandé  de  re- 
noncer à  vous  1 

UESABU* 

J'«iiaj«»  jia  b  voudrais^  je  ne  le  puis.  Usa.  quelque  chose  en 
mi  q|ù  «M  dit  fse  jia  ne  «ecai  jamais  aimé  «mime  je  le  suis  par 
vous... 


ACTE  II  ^87 

JULIE. 

Oh  !  certes  !  moDsieor,  mon  araoor. . .  Oh  !  pourquoi  en  parierais- 
encore! 

Je  ne  pais  te  reconnaître  qu'en  me  sacrlfiànf.... 

JULIE. 

Adiea,  adien,  monsieur  I...  (Adolphe  sort.)  Il  s'en  va,  il  ne  se  re- 
tourne point I  Oh,  mon  Dieu  t... 

sg£ne  XU 

JULIE.  Elle  ee  regarde  dans  nne  glaee. 

Beauté,  incomparable  fm'ûégfi^  le  seul  qui  ne  se  puisse 
acqnémv  <Bi'  qû  cepeacUat  a'est  qof  une  chimèi»,.  qa*une  pre- 
uMas^  onibi  t&  om'  aaaaqifial  Oh l  je  le  sais  1  J'avais  essayé  de  te 
rcmplaourpac  k  undscsse,  par  la  douceur,  par  la  soumission  ,|  par 
leidâMHieœent  ahsoiu  qui  fait  qju'on  donne  sa  m  comme.ua  grain 
d'cMeos  sur  l'aulel....  £l  Toilk  toutes  lea  espérances  de  la  pauvre 
fille  laide  enYQléie&l  Uod.  idole  tant  caressée  vient  de  se  hrlser,,là| 
en  éclats I...  Ce  mot:  — t  Je  suis  belle,  je  puis  charmer,  ac- 
complir ma  destinée  de  femme,  donner  le  bonheur,  le  recevoir  I  » 
celte  enivrante  idée  ne  s'élèvera  donc  jamais  de  mon  cœur  pour 

le  consoler!...  Plus  d'illusions,  j'ai  rêvé...  (EUe  essaie  quelques  larmes.) 

Mes  larmes  couleront  sm»  lire  essiff^as-:  je  serai  seule  dans  la 
vie!  Il  ne  m'aimait  pasl  J'ai  revêtu  de  mes  propres  qualités,  de 
mes  sentiments,  un  fantôme  qm  s'est  évanoui I...  et  ma  douleur 
paraitnft'  sr  rniienfi?  que  je  doi»  h  cadierdam  wtm  tasi  .*  àHoos  ! 
un  dernier  soupir  à  ce  premier  wmnr  et  résignons-nous  à  deve- 
nir, comme  tant  d'autres  femmes,  le  jouet  derévéiM«tiitsd^ioe 
Tie  inconnue  !  Soyons  madame  de  fii  Brive  pour  sauver  mon  père. 
Abdiqtiomi  h  beflé  eoiiroine  de  Fatnour  miRjii^  vertnen  et 
partagé'fl.. 


Fm  DU  oexjxiIme  acts« 


^m 


ACTE    TROISIÈME 


SCÈNE  PREMIÈRE 

HINARD^  imL 

Si  j*états  sealement  chef  de  bureaa  dans  nue  adminisfratioDi 
je  ne  rapporterais  pas  ces  lettres  I  Â?ant  de  m'en  séparer,  je  les 
ai  relues;  elles  peignent  une  belle  âme^  nne  tendresse  infinie.  Oh! 
la  misère!  elle  a  dévoré  peut-être  autant  de  belles  amours  que  de 
beaux  génies  I  Avec  quel  respect  nous  devons  saluer  les  grands 
hommes  qui  la  domptent,  ils  sont  deux  fols  grands !••• 

SCÈNE  II 

MINARD,  JUUB. 

JULIE. 

Je  vous  ai  va  entrer,  et  me  voici.  Oh  I  je  suis  sans  fiert&»« 

MINARD. 

Et  moi  sans  force. 

JIUIJE. 

Vous  ne  m'aimez  pas  autant  que  je  vous  aime,  vous  êtes  un 
homme!  Ah!  si  vous  aviez  seulement  un  regret,  Adolphe ?••• 

MWARD.     . 

Eh  bien? 

JULIE. 

Je  ferais  manquer  ce  mariage,  sans  que  iiion  père  sût  par  quel 
moyen. 

HINABD. 

Et  après? 


ACTB  m  &80 

JULIE. 

L'avenir  serait  à  Dons  i  Féi,  k  nous  deux,  nous  aaartons  devenir 
riches... 

XtNÀRD. 

Notre  avenir  a  peu  de  chances  favorables.  Écoutez-moi,  Jolie. 
Après  TOQS  avoir  quittée,  j*ai  éprouvé  tant  de  peine,  que  je  suis 
digne  de  pardon.  Trouvez-moi  cupide  ou  ambitieux,  je  serai  sin- 
cère, du  moins  :  je  vous  ai  cru  assez  de  fortune  pour  offrir  un 
point  d'appui  aux  efforts  que  je  révais  de  tenter  pour  vous!  Je 
suis  seul  au  monde^  il  était  bien  naturel  de  demander  secours  à 
celle  de  qui  je  voulais  faire  ma  compagne.  Peut-être  même  ai-je 
compté  sur  le  plaisir  que  vous  preniez  à  mes  soins  pour  vous  bien 
attacher  à  moi,  tant  j'avais  besoin  d'un  point  d'appui.  Mais,  en 
vous  connaissant,  j'ai  ressenti  pour  vous  une  sérieuse  affection, 
et  ce  que  votre  père  m'a  dit  ne  J'a  pas  éteinte... 

JUUE. 

Vrai!... 

UINARD. 

Oui,  Julie,  je  sens  que  je  vous  aime  ;  et,  si  j'avais  autant  de 
croyance  en  moi  que  d'amour  pour  vous^  nous  affronterions  en- 
semble les  malheurs  de  la  vie!... 

Assez!  assez!  cet  aveu  suffit.  Il  m'en  coûtait  de  vous  savoir 
intéressé...  Pas  un  mot  de  plus.  Je  suis  heureuse. 

MiNAan. 

En  vérité,  Julie,  il  me  serait  possible  de  beaucoup  souffrir; 
mais  vous?  étes-vous  aguerrie  contre  le  malheur?  Nous  n'aurions 
d'abord  que  des  peines  k  échanger.  •• 

JULOB. 

Je  vous  pardonne  votre  ambition,  vos  calcols,  pardonnez-md 
ma  persistance.  Puisque  vous  m'aimez,  tout  me  semble  pos£iible«.* 

MINARD. 

C'est  donc  moi  qui  suis  le  doute  ;  et  vous,  vous  êtes  l'espérance. 

JUUS. 

Je  tftebeni  de;  rester  libre  encore  quelque  temps.  J'ai  dans  le 
cœur  une  voix  qui  me  dit  que  nous  serons  heureux.  Tous  avez 
reçu  dernièrement  une  lettre  de  votre  mère,  qui  ne  vous  a,  dit- 
elle,  abandonné  que  pour  veiller  à  vos  intérêts,  et  qui  vous  aa« 
nonce  des  jours  m^lleurs  !  Peut-^re  votre  aort  changerart*iL 


&M)  IX  raïaam. 

8>eÈNB  iir 

MADAME  MEBGÂDET,  JULIE»  MLXARD. 

waHLUS  TOtcàjaii 

k  eaïQser,  rarfoot  avec  motiMear,  aa  Nea  dé  toqs  habUter*  Your 
alfeE  woB  blsBBr  anrprendiv  par  mesBieani  de  Wikomt:  ec  de  la 
Briîe. 


JNbdana^  nar  wte  n^a  rioi  d'indiaerec  Je-  ¥icM  fendre  aaa 
letlieft  à  inadaiiottclte<  at  laii  radanandfer  ks  HMftntt(WK  aelMi  le 
déair.  de  aaneairar  ]||6Mad«U 

mm 
Ma  mère,  vous  sayei  maioteoana  que  noas  nous  aimons.  Né 
pourriez-Tons  défendre  ?otre  fille  contre  le  malheur  ?... 

MADAME.  HIXCiKDEr. 

JdBe,  tocrv  pana  »  htm^w,  dan»  sa  simariDai,  d'«i  gmdre  ipiî 
lut  9ok  nt8e  et  qnr  le  seeoode  dans  aes  opérafiaii^r  il  est  p«vdo 
sans  ce  mariage.  •• 

El  Biof,  n  fié  6Bl  mn^piéa 

Moosiear  Doval,  l'ancien  caMar  de  messieon  Mercadet  et 
Gédisaiii..^ 

Il  est  aussi  le  créancier  de  noosvop  MercadWt 

Ctai,  midaine'»  Hwfc  je'mris  A  Ibi' eontar  %  aftMtilnudi^  MK 
sionr  MtoreadiNl  ^<miw«Bdt  et  watâsme  M^TMidéf.j  ^ÊfV  9  la^cmnaiMit^ 
madame,  et  il  ne  la  trouve  pas«  ééscapérée;  il  se  chargerait  de  sa 
liHiHMlo» 

MADAME  laMCiDET. 

Ètm  màd'  liyiii^r  iw»  é»  te  crtiiiftfcq^pairSLrtWÉIIi  ifc 
joMw  ftk  laMr  Anak,  fl<eapèni  nmjlMva  An»MHftii|p^i6iiiiifr, 
et  ji>  ne^sri^^sqpi'tai  9*  iMI  po«r'<Misei>#«^  te  4MI<  dfe«M«lbi^ 

liquidetl...  iaiwaiiiiWK  aBBiPWf  ath^réf^gy  viWl,.  Homteon 


ACHEM  m  ftOi 

je  YODS  dis  ce  secret  pour  yous  expliquer  combien  il  y  a  pen  de 
cbMceft  de  le  bire  rei^enir  sur  aa  déterminatiecL  Gemme  femme 
et  comme  mère,  je  Toadrais  vous  voir  heureux;  mais  puîs-jje 
blâmer  monsieur  Mercadet  iê.  ce  qu'il  mane  richement  sa  fille 
quand  je  me  vois  ai  près  de  b  misère!^ .  Monsieur  de  la  Brlve  a 
ni  Miu,  ne  fiwiUe.*.. 

JULIE,  à  ta  mère. 

Cessez,  ma  mère!...  penseï  à. la  situation  d'Adolphe I... 

SCÈNE  IV 

Les  Mêmes»  JUSTIX. 

Jtsrnr, 
BfessieuTS  de  la  BriVe  et  de  Méricourt. 

JULIE,  à  Minard. 

Monsieur^  venez,  je  vais  vous  rendre  vos  lettres. 

SCÂDAME  HEllCÂDET,  &  Jostm/ 

Faites-les  attendre  ici,  je  vais  feur  envoyer  monaeiir.  Aliéna' 

nous  habîDer,  ma  fille.  (Tbos  sortent,  moins  Jnstin.T 

SCÈNE  1 
JUSTIN,  DE  MÉRICOURT,  DE  LA  BRIVf:. 

JUSTIN» 

G^  dames,  sont  encore  k  leur  toilette  et  prient  ces  messieurs 
d'attendre  un  moments  IMtonaieur  va  venir,  (jx  wq 

MÉBIGÛUET. 

Safio,  mon  cher*  te  voilà  dans  la  place  et  tn  vas  être  bientôt 
officiellement:  le  prétendu  de  mademoiselle'  Mercadet.  Conduis 
bien  ta  barqiie»  le  p^e  cst.ua.  finaud. 

DE  U.  B&SVB. 

Ht  c'est  ce.  qui  m'effcaj^o,!  il  sieca.  c^flbùk. 

Ji&nacrmpaSi,  Mercadet  est  on  spéculateur.  Biche  aajonrcrhui,, 
densuft  il  peut  se  trouver  panvce»  D'après,  le  peu  que  sa  iemmc 
nCa^dil  de  ses  affaires,,  je.  crois  qull  est  enchanté  de  mettre  une 
pertîoadK  sa  ferUinesoua  le  nom  de  sa  fille,  et  dTavofr  un  gendre 
capable  de  r«àâer  daw  9SM  concepUons» 


492  I*^  FAISBOE 

DELA  BBIVE. 

G*est  une  idée  1  elle  me  va  ;  mais  s'il  Toabit  prendre  trop  de 
renseignements? 

HâaCOTJET. 

J'en  ai  donné  d'excellents  à  madame  Mercadet..  Une  femme 
de  quarante  ans,  mon  cher,  croît  tout  ce  que  lui  dit  celai  qui  la 
comble  de  soins.. . 

DX  LA  BRIVE. 

Ceci  est  tellement  heureux  que... 

MÉRIGOURT. 

Yas-tu  perdre  ton  aplomb  de  dandy?  Je  comprends  bien  tout 
ce  que  la  situation  a  de  périlleux.  Il  faut  être  arrivé  au  dernier 
degré  du  désespoir  pour  se  marier.  Le  mariage  est  le  suicide  des 
dandys  après  en  avoir  été  la  plus  belle  gloire,  (u  baisseu  Toiz.)  Yoyons, 
peux-tu  tenir  encore? 

DE  LÀ  BRFVE. 

Si  je  ne  m'appelais  pas  de  mon  nom  primitif,  Michonnin  pour 
les  huissiers,  et  de  la  Brive  pour  le  monde  élégant,  je  serais  déjà 
banni  du  boulevard.  Les  femmes  et  moi,  nous  nous  sommes  ruinés 
réciproquement;  et^  par  les  mœurs  qui  courent,  rencontrer  une 
Anglaise,  une  aimable  douairière,  un  potose  amoureux,  c'est, 
comme  les  carlins,  une  espèce  perdue! 

KÉRICOURT. 

Le  Jeu? 

DE  LA  BRIVE. 

Oh!  le  jeu  n'est  une  ressource  certaine  que  pour  certains  che* 
Taliers,  et  je  ne  suis  pas  assez  fou  pour  risquer  le  déshonneur  con- 
tre quelques  gains,  qui  toujours  ont  leur  terme.  La  publicité, 
mon  cher,  a  perdu  toutes  les  mauvaises  carrières  où  jadis  on  faisait 
fortune.  Donc,  sur  cent  mille  francs  d'acceptations,  l'usure  ne  me 
donnerait  pas  dix  mille  francs  argent  Pierquin  m'a  renvoyé  à  un 
sous-Pierquin,  un  petit  père  Violette,  qui  à  dit  à  mou  courtier 
que  ce  serait  acheter  des  timbres  trop  cher...  Mon  tailleur  se  re- 
fuse à  coniprendre  mon  avenir...  mon  cheval  vit  à  crédit.  Quant 
à  ce  petit  malheureux  si  bien  vêtu,  mon  tigre,  je  ne  sais  pas  corn* 
ment  il  respire  ni  où  il  se  nourrit.  Je  n'ose  pénétrer  ce  mystère. 
Or,  comme  nous  ne  sommes  pas  encore  assez  avancés  en  civilisa- 
tion pour  qu'on  fosse  une  loi  comme  celle  des  Juifs,  qui  suppri- 
mait toutes  les  dettes  à  chaque  demi-sièdé,  il  faut  payer  de  si 


AGTB  III  493 

personne.  Oa  dira  de  moi  des  horreurs...  Un  jeane  homme  très- 
compte  parmi  les  élégants,  assez  henreax  an  jea,  de  figure  passa- 
ble, qui  n'a  pas  vingt-huit  ans,  se  marier  ayec  la  fille  d*nn  riche 
spéculateur...  laide,  dis-tu 7... 

MERICOURT. 

Gomme  ça  i... 

D£  LA  BRIVE. 

G*est  un  peu  leste!  mais  je  me  lasse  de  la  vie  fainéante...  Je  le 
Tois!  le  plus  court  chemin  pour  amasser  du  bien,  c'est  encore  de 
travailler !...  Mais...  notre  malheur,  à  nous  autres,  est  de  nous 
sentir  aptes  à  tout  et  de  n'être  en  définitive  bons  à  rien!  Un 
homme  comme  moi,  capable  d'inspirer  des  passions  et  de  les  jus- 
tifier, ne  peut  pas  être  commis  ni  soldat.  La  société  n'a  pas  créé 
d'emploi  peur  nous.  Eh  bien  !  je  ferai  des  affaires  avec  Mercadet. 
C'est  un  des  plus  grands  faiseurs.  A  nous  deux,  nous  remuerons 
le  monde  commercial.  Tu  es  bien  sûr  qu'il  ne  peut  pas  donner 
moins  de  cent  cinquante  mille  francs  à  sa  fille? 

MERICOURT. 

•  Mon  cher,  d'après  la  tenue  de  madame  Mercadet..»  enfin...  tu 
la  vois  à  toutes  les  premières  représentations,  aux  Bouffes,  ^ 
l'Opéra,  elle  est  d'une  élégance!... 

DE  Lk  BRIYE. 

Mais  je  suis  assez  élégant,  et  je  n'ai... 

MERICOURT. 

C'est  vrai,  mais  vois...  tout  annonce  ici  l'opulence.  Ohl  ib 
sont  très-bien  !  ^ 

DE  lA  BRIVE. 

C'est  la  splendeur  bourgeoise...  du  cossù^  ça  promet •• 

MÉRIGOURT. 

Puis  fa  m,ère  a  des  principes  solides!  à  quarante  ans,  die  a  des 
scrupules  !  Depuis  dix-huit  mois  je  n'ai  rien  vu  dans  sa  conduite 
qui  ne  soit  très...  convenable.  As-tu  le  temps  de  conclure? 

DE  LÀ  BRIVE. 

Je  me  suis  mis  en  mesure.  J'ai  gagné  hier  au  club  de  quoi 
f  jire  les  choses  très-b:en  pour  la  corbeille  :  je  donnerai  quelque 
chose,  et  je  devrai  le  reste.  •• 

MERIGOURT. 

Sans  me  compter,  à  quoi  montent  tes  dettes? 


IM  LX  FAISEUR 

DE  LA  fitnX. 

Une  JMgsleUe!  Ccntcifiqnaate  mUle  fronçai  que  mon  beao^père 
£eia  rednîre  ^  cîaqiuuile  millul  II  me  pestera  dooc  cent  iuilie 
francs  et  c'est  de  quoi  lancer  une  première  aflaire.  Jeraitonjonrg 
iit  :  je  ne  deviendrai  riche  que  lorsque  je  n'aurai  plus  le  sou. 

MERTGOURT. 

Mercadct  est  un  homme  fin,  il  te  questionnera  sur  ta  fortune, 
cs-tu  bieo  préparé? 

DE  LA  BRITS. 

^'ai-je  pas  la  terre  de  la  Brive?  trois  mille  arpents  de  terre 
dans  les  Landes»  qui  vaut  trente  mille  francs,  lypothéquée  de 
quaiante-dnq  mille,  et  qui  peut  se  mettre  en  action  pour  en 
eilraire  n'importe  quoi,  au  chiffre  de  cent  mille  écus7...  Ta 
ne  te  ligures  pas  ce  qu'elle  m'a  rapporté,  cette  terre  ! 

MÉRICOURT. 

Ton  nom,  ta  terre  et  ton  cheval  sont  à  deux  fins. 

DE  LA  BRIYE. 

Pas  si  haut! 

KÉRICOtJRT. 

Ainsi,  tu  es  bien  décidé?. . . 

DE  LA  BRIVE. 

D'autant  plus  que  je  veux  ître  un  homme  politique... 

HÉRICOORT. 

Au  fait,  tu  es  bien  assez  habile  pourcebL 

DS  LA  BRIVE. 

le  serti  d'abord  joarnaliste. 

MERIGOURT. 

Toi  qui  n'a  pas  écrit  deux  l^nesu 

DE  LA  BRITB, 

Il  y  a  les  journalistes  qui  écrivent  et  ceux  qui  n'écrivent  point 
Les  uns,  les  rédacteurs,  sont  les  chevaux  qui  traînent  la  voôure; 
les  culres,  les  propriétaires,  sont  les  entrepreneurs;  ils  donnent 
aux  uns  de  l'avoiiie,  et  gardent  les  capitaux,  ie  serai  propriétaire. 
On  se  pose  dans  sa  cravate I  On  dit  :  —  c  La  question  d'Orient... 
question  tiès>grave,  qui  nous  mènera  loin  et  dont  on  ne  se  doute 
(Ms!  »  On  résume  une  discosion  en  s'écriani  :  —  a  L'Angletenei 
monsieur,  nous  jouera  toujours!  o  Ou  bien  on  répond  à  un  mon- 
sieur qui  a  parlé  longtemps  et  qu'on  n'a  pas  écoulé  :  —  «  Nous 
marchons  à  un  abto&e.  Kous  n'avons  pas  encore  accompli  toutes 


àCXM  m  M5 

les  évolations  de  la  phase  résalttiionaairel  »  A  nn  ministériel:  — 
«  Monsîeurp  je|)ease^ii6.8iir  joette  qiiestiûAil  y  a^guelque  chose 
à  Caire.  »  On  {ncle  Art  j)ea,  on  court»  on  JSit  r^ead  utile,  on  fait 
les  démarches  ^u'jui  homme  an  pouvoir  ne  peut  pas  laire  lui- 
même...  On  est  censé  donner  lejensdesi!rlidQB..^T£mari|«ésL.« 
Et  puis,  s'il  le  faut  absolument.,  eh  bien!  Ton  trouve  à  publier 
un  volume  jaune  sur  une  utopie  quelconque,  si  bien  éoritvSilsrt, 
que  personne  ne  l'ouvre^  et^ne  toul  le  monde  dit  l'avoir  lu  !  On 
devient  alora  «a  komma  sérieux*  et  i'^n  £nit  par  se  :tnuwer 
quelqu'un  au  lien  d'êrre  quelque  choseJ 

MÉRICOURT. 

Hélas  t  ton  programme  a  iioareitt  Ba;raison  de  notre  temps. 

DE  LA  BRIVE. 

Ma's  nous  en  v^ytos  d'icUtimes  j/simnmlFauT  vous  appeler 

au  partage  du  pouvoir,  on  ne  vous  demande  pas  aujourd'hui  ce 

* 

que  vous  pouvez  faire  de  bîen,  mais  ce  que  vous  pouvez  faire  de 
mal!  II  ne  s'agit  pas  d*avoirdes  talents,  mais  d^inspirer  la  peur! 
On  est  très-craintif  en  politique,  \  cause  des  tas  de  linge  sale  qu'on 
a  dans  des  petits  coins,  et  qu'on  ne  peut  pas  blandhir. ..  Je  connais 
parfaitement  notre  époque.  En  dînant,  en  jouant,  e  i  faisant  des 
dettes,  je  faisais  mon  cours  de  droit  politique;  j'étudiais  les  petits 
coins  :  aussi,  le  lendemain  de  mon  mariage,  aurai-je  un  air  grave, 
profond,  et  des  principes!  Je  puis  choisir.  Nous  avons  en  France 
une  carte  de  principes  aussi  variée  que  celle  d'un  restaurateur.  Je 
serai  socialiste.  Le  mot  me  plaît.  Â  toutes  les  époques,  mon  cher, 
il  y  a  des  adjectifs  qui  sont  le  passc-parlout  d«s  ambitions! 
Avant  1789,  on  se  disait  économiste;  en  1805,  on  était  libéral. 
Xe  parti  de  demain  s^appélle  social,  peut-être  parce  qu^l  est 
insocial  :  car  en  France,  il  faut  toujours  prendre  l'envers  du  mot 
pour  en  trouver  la  vraie  signifLcaiionl... 

MERICOURT. 

Tu  plaçais  tes  dissipations  à  grc  s  intérêts. 

DE  LA  BmyE« 
Tu  as  dit  le  mot 

KEBJGOURT. 

^lais,  entre  noos^  tu  n'as  que  Je  jargon  du  bal  masqué^  qui 
.paMe  f)oar  de  i'eqprji  auprès  de  ceux  qui  ue  {parlent  pas.  Comttent 
feras- tu»  car  il  faut  un  |ieu  de  sas^irj^.*.. 


h96  IM  FAISEUR 

DE  LA  BRITB; 

Mon  amif  dans  toutes  parties,  en  commerce,  en  sciences,  dans 
les  arts,  dans  les  lettres,  il  fatit  une  mise  de  fonds^  des  connais- 
sances spéciales,  et  prcnTcr  sa  capacité.  Mais  en  politique,  moo 
cher,  l'on  a  tout  et  l'on  est  tout  avec  an  seul  mot.. 

m£rigourt« 

Lequel  ? 

DE  lA  BRTVE. 

Celui-ci  :  t  Les  principes  de  mes  amis...  L'opinion  à  laquelle 
j'appartiens,  i  —  Cherchez î... 

SCÈNE  YI 

Les  MiKES,  MINARD,  Ib  m  lalaeat. 
MINARD. 

Monsieur  est  sans  doate  monsieur  de  la  Brire? 

DE  LA  BRI7E. 

Oui»  monsieur. 

MJRIGOUaT. 

C'est  le  petit  jeune  homme  dont  nous  a  parlé  la  femme  de 
chambre,  et  qui  fait  la  cour  à  rhciitière. 

DE  LA  BRIVE. 

A  l'héritage... 

MERICOURT. 
El  qu'on  a  refusé  pour  toi...  (De  la  Bnve  lorgM  Minard.) 

MINARD. 

Tous  êtes  heureux,  monsieur;  tous  avez  les  privilèges  de  la 
richesse  :  une  jeune  personne  tous  plaît,  tous  l'épousez... 

DE  LA  BRIVE. 

Permettez-moi  de  croire,  monsieur,  que,  sans  aucune  fortune, 
j'aurais  encore  des  chances  personnelles... 

MINARD. 

Ah  I  si  j'avais  votre  fortune!.. . 

MfaiCOURT,  à  de  la  Britt. 

Pauvre  garçon  1  il  n'aurait  pas  grand'chose. 

inNARD. 

Je  ne  céderais  certes  à  personne  ce  trésor  de  grice  et  de  pe^ 
fection  ;  vous  avez  pour  vous  l'autorité  d'un  père. 


AGTB  m  497 

DE  LA  BRTVE. 

Et  TOUS,  monrieari... 

KINARD. 

Ah!  monsio  ar^  malhenreiuement  je  n'ai  rien  qoe  mon  amour 
pour  mademoiselle  Julie. 

SCÈNE  YII 

Les  MÊXES,  MËRCADËT,  îl  écoute  un  moment. 

DE  LA  BRIYE. 

Monsieur^  je  ne  vois  pas  en  quoi  je  puis  alors  yous  être  utile  ou 
agréable. 

HINARD. 

Monsieur,  puisque  le  hasard  fait  que  nous  nous  rencontrons, 
je  me  sens  la  force  de  vous  dire  :  Rendez-la  riche  et  heureuse. 

MERGADET,  à  part. 

Riche?  Que  dit-il?  Il  peut  tout  compromettre!  (ii  se  montre.) 

DE  LA  BRIVE,  à  Btérieonrt. 

Il  est  amusant,  ce  petit  jeune  homme;  il  faut  Fencourager,  car 
si  ma  femme  est  trop  laide  !... 

UERGADET. 

Bonjour,  mon  cher  Méricourt,  ayez-vous  vu  ma  femme? 
(AiaBrite.)  Ges  dames  vous  font  attendre?  Ah!...  les  toilettes!... 
(II  regarde  Minerd.)  Monsieur  Miuard,  je  vous  croyais  homme  de  bon 
goût,  et  nous  nous  sommes  assez  nettement  expliqués. 

MINARD. 

Pardon!  monsieur. 

MERGADET. 

La  passion  explique  bien  des  choses,  mais  il  est  certaines  déli- 
catesses qui  ne  doivent  jamais  être  foulées  aux  pieds... 

MINARD. 

Je  yous  comprends,  mpnsieur. 

HiRIGOTJRT,  à  Mercadet 

Oh!  il  n'est  pas  dangereux! 

MERGADET,  bas  à  Minard. 

Vous  n'êtes  pas  assez  chagrin.  (Hant.)  Adieu,  mon  cher?  (Bas.) 
Allons  donc!  un  soupir. 

HINARD,  ans  jennes  gens. 

Adieu,  messieurs!  i^a Mercadet.)  Soyez  indulgent^  monsieur,  pour 
un  homme  qui  perd  son  bonheur!...  (iieroadet  le  condou.) 

TH.  32 


&&8  Lit  FAlSttJE 

SCÈNE  YIII 

lîKS  BAHES,  moins  MINÂRD* 
imtCASET* 

Pauvre  jeane  homme  I  j'ai  peut-être  été  sévère,  et  je  le  plains, 
il  adore  ma  fiHe  1  Qoe  Toalez-vousT  II  n'a  que  dix  loille  livres  dt 
rentes  et  une  place.  •• 

JOi  Lk  BBIYK» 

On  ne  va  pas  loin  avec  cela  ! 

MERGÂDET. 

On  végète  !  Ab  I  il  avait  bien  deviné  font  ce  que  vaat  Julie;  et, 
comme  il  a  de  Tentregent,  il  avait  mis  ma  femme  de  son  parti} 
mais  il  a  le  défaut  d*être  orphelin  du  vivant  de  son  père  et  de  sa 
mère,  dont  il  se  soucie  plus  qu'ils  ne  se  souciaiC  de  lui  Dans 
cette  situation-là,  je  ne  comprends  pas  qu'on  s'attaque  à  la  fille 
d'an  homme  qui  connaît  les  affaires. 

DE  LA  BBTVS* 

Vous  n'êtes  pas  homme  à  donner  une  fille  riche  et  spirituelle  an 
premier  venu. 

MERGADET. 

Non,  certes.  Riais,  monsieur,  avant  que  cei  dames  m  viennent, 
nous  pouvons  traiter  les  affiaires  sérielles» 

DE  LA  BRIVX,  à  Ménoonrt. 

Voilà  la  crise  i 

MERGADET. 

Aimez-vous  bien  ma  fille? 

DE  LA  BRIVS. 

Passionnément. 

MERGADET,  à  part. 

Ceci  va  mal.  (Haat.)  Passionnément  I...  C'est  trop  pour  être 
heureux  en  ménage. 

IffRIGOURT,  à  la  Brite. 

Tu  vas  trop  loin.  (A  Mercadeu)  Mon  ami  adore  la  musique,  et  la 
voix  de  mademoiselle  Julie  l'a  traasportë» 

MERGADET. 

Monsieur  a  entendu  ma  fille?  Mais  où?..é 


ACTE  m 

DE  LA  BRTTE. 

Chez  on  banquier^  ancien  quelque  choseMé 

MERCADET. 

AhlYerddinU 


Yerdelin* 


Ouif  Yerdelln. 


DE  LA  BBJTE. 
KÊRIGOURT. 


DE  LA  BRITE. 

Elle  a  tant  d'âme»  mademoiselle  Julie !••• 

MEaCADET. 

Ohl  il  n'y  a  qae  l'âme  et  l'idéal.  Je  suis  de  mon  époque.  Je 
conçois  cela,  moi!  L'idéal»  fleur  de  la  viel  Monsieur,  c'est  un 
effet  de  la  loi  des  contrastes^  Gomme  jamais  il  n'y  a  eu  plus  de 
positif  dans  les  affaires,  on  a  senti  le  besoin  de  Tidéal  dans  les 
sentiments.  Ainsi,  moi^  je  vais  à  la  Bourse  et  ma  fille  se  jette 
dans  les  nuages.  Elle  est  d'une  poésie!...  oh!  elle  est  toute  âme! 
Vous  êtes,  je  le  Tois,  de  l'école  des  lacs... 

DE  LA  BRIVE. 

Non,  monsieur. 

MERGADET. 

Gomment  alors  aimez-vous  Julie,  si  vous  ne  cultivez  pas  lldéal? 

HÉRIGOURTy  à  la  BiiTe. 

Trouve-lni  des  raisons. 

DE  LA  BBTVE,  à  Mérieonrt 

Attends!  (A  Menadet)  Monsieur,  Je  suis  ambitieux... 

MKBGADET. 

Ahl  c'est  mieux. 

DE  LA  BBIVS.  ^ 

Et  j'ai  vu  en  mademoiselle  Julie  une  personne  trës--distinguée^ 
pleine  d'esprit,  douée  de  charmantes  manières,  qui  ne  sera  jamais 
déplacée  en  quelque  lieu  que  me  porte  ma  fortune;  et  c'est  une 
des  conditions  essentielles  à  un  homme  politique. 

MERGADET. 

Je  vous  comprends!  On  trouve  toujours  une  femme,  mais  il  est 
très-rare  qu'on  homme  qui  veut  être  ministre  ou  ambassadeur 
rencontre  (disons  le  mot,  nous  sommes  entre  hommes?)  sa 
femelle!...  Yovs  êtes  un  homme  d'esprit,  monsieur...  • 


500  LE  FAISEUR 

DE  LA  BRIYS« 

Monsieur,  je  sois  socialiste. 

MERGADET. 

Quelque  nouvelle  entreprise?...  Mais  parlons  d*iatérêts,  maia- 
tenant.. 

MÉRIGOURT. 

Il  me  semble  que  cela  regarde  les  notaires. 

DE  LA  BRIYE. 

Monsieur  a  raison^  cela  nous  regarde  bien  davantage  I 

MERGADET. 

Monsieur  a  raison. 

DE  LA  BRIYE. 

Monsieur,  je  possède  pour  toute  fortune  la  terre  de  la  Bri?e  : 
elle  est  dans  ma  famille  depuis  cent  cinquante  ans,  et  n'en  sortira 
*amais,  je  l'espère. 

MERGADET. 

Aujourd'hui  peut  être  vaut-il  mieux  avoir  des  capitaux.  Lrs 
capitaux  sont  sous  la  main.  S'il  éclate  une  révolution,  et  nooscn 
avons  vu  bien  des  révolutions,  les  capitaux  nous  suivent  partout; 
h  terre,  au  contraire,  la  terre  paye  alors  pour  tout  le  monde,  elle 
Teste  là  comme  une  sotte  à  recevoir  les  impôts^  tandis  que  le 
capital  s'esquive.  Mais  ce  ne  sera  pas  un  obstacle.  Quelle  est  son 
importance? 

DE  LA  BRIYE. 

Trois  mille  arpents,  sans  enclaves. 

MERGADET. 


Sans  enclaves?... 

Que  vous  ai 'je  dit? 

Monsieur!... 
Un  château... 

Monsieur  1... 


MERIGOURT. 

MERGADET. 

DE  LA  BRIYE. 

MERGADET. 


DE  LA  BRIYE. 

Des  marais  salants  qu'on  pourrait  expbiter  dès  qae  l'adminis- 
tration voudra  le  permettre»  et  qui  alors  donneraient  des  produits 
énormes!... 


ACTE  III  501 

MERGADET. 

Monsieur  !•••  pourquoi  nous  sommes-nous  connus  si  tardl«.« 
CSetle  terre  est  donc  an  bord  de  la  mer?.., 

D£  LA  BRIYE. 

  une  demi-lieue.  - 

MERGABET. 

£lle  est  située?..  • 

MEEICOURT. 

Près  de  Bordeaux.  •• 

MERCABET. 

Vous  ayez  des  vignes?... 

DE  LA  BRIVE. 

Non,  monsieur,  non  heureusement^  car  on  est  très -embarrassé 
de  placer  ses  Tins  :  et  puis  la  vigne  veut  tant  de  frais  !...  Non^  ma 
terre  exige  peu  de  frais...  Elle  fut  plantée  en  pins  par  mon  grand- 
père,  homme  de  génie  qui  eut  i'-esprit  de  se  sacrifier  à  la  fortune 
de  ses  enfants...  Ah!  j'ai  le  mobilier  que  vous  me  connaissez... 

MERGABET. 

Monsieur^  un  moment  !  Un  homme  d'affaires  met  les  points  sur 
les  t. 

BE  LA  BRIYE,  &  Hériconrt. 

Aie!  a!e! 

*  MERCABET. 

Vos  terres,  vos  marais,  car  je  vois  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer 
de  ces  marais  !  On  peut  former  une  société  en  commandite  pour 
l'exploitation  des  marais  salants  de  la  Brive  I  II  y  a  là  plus  d'un 
million,  monsieur. 

BE  LA  BRIYE. 

Je  le  sais  bien,  monsieur,  il  ne  s'agit  que  de  se  le  faire  offrir. 

MERCABET,  à  part. 

Voilà  un  mot  qui  révèle  une  certaine  intelligence.  (Haut.)  Mais 
avez-vous  des  dettes?  £st-ce  hypothéqué?  car  on  peut  posséder 
visiblement  une  terre  dont  la  propriété  se  trouve  appartenir  secrè- 
tement à  nos  créanciers. 

MÉRICOURT. 

Vous  n'estimeriez  pas  mon  ami,  s'il  n'avait  pas  de  dettes.  « 

BE  LA  BRIYE. 

Je  serai  franc,  monsieur.  Il  y  a  pour  quarante-cinq  mille  francs 
d'hypothèques  sur  la  terre  de  la  Brive... 


\i 


) 


50B  U  FAISKQR. 

MEAGAÛET»  4  part 

Ioi»ooent  jeaoe  bammel  (Haut.)  Voas  poaviez...  anviprandiei 
mains.)  Yoos  aTcz  mon  agrément,  tous  serez  mon  gendre,  vous  êLei 
l'époux  de  mon  choix!  Yoos  ne  connaissez  pas  voire  forlune! 

DE  LÀ  BEITE,  à  Mériconrt* 

Mais  cela  va  trop' bien  I 

MERICOURT,  à  la  Brive. 

Il  a  TU  nne  spéculation  qai  l'éblonit. 

MERCÂDET,  à  part. 

Avec  des  protections,  et  on  les  achète,  nons  poarrons  faire  des 
salines.  Je  suis  sanvé  !  (Hant.)  Permettez-moi  de  tous  serrer  I2 
main  à  l'anglaise,  (ii  lui  domo  une  poignéa  de  mains.)  Yous  réalisez  tont 
ce  que  j^attendais  de  mon  gendre.  Je  le  vois,  vous  n'avez  pas  Tes- 
prit  étroit  des  propriétaires  de  la  province,  nous  Bousentendrei». 

DE  LA  BRIVE. 

Monsieor,  vom  ne  trouverez- pas  mauvais  qne»  de  moacôtéje 
vous  demande.  •• 

KERGADET. 

Quelle  sera  la  fortnne  de  ma  fille?  Oh }  elle  M  marie  avec  ses 
droits;  sa  mère  lui  fera  l'abandon  de  ses  biens  (en  nue  propriété)» 
une  petite  ferme  qui  n'a  que  deux  cents  arpents,  mais  elle  est  ea 
pleine  Brie,  bien  bâtie.  Moi,  je  lui  donne  deux  cent  mille  francs, 
dont  je  lui  servirai  la  rente  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  trouvé  uo 
placement  sûr  :  car^  jeune  homme,  il  ne  faut  pas  vooa  abaser, 
nous  allons  brasser  des  affaires;  moi,  je  vous  aime,  voua  me  plai- 
sez. Yous  avez  de  l'ambition?... 

DE  LA  BRIVE. 

Oui,  monsieur. 

MERCADET. 

Yons  aimez  le  luxe,  la  dépense,  vous  voulez  briller  à  Paris?... 

DE  LA  BRIVE. 


Oui,  monsieur. 
Y  jouer  un  rôle? 
û«t,  nK>naitwr. 


MBRCADBT* 
DELA  BBJVE. 


MERCADET. 

Oh!  j'ai  deviné  cela  en  vous  voyant  passer  ;  je  connais  les 
hommes.  Yous  avez  la  tenue  de  ceux  qui  se  savent  un  avenir. 


ACTE  m  50S 

MÉRTCOUKT,  à  port» 

fit  qai  rescompteront  toujours. 

MERCADET» 

Eh  bienl  dSjà  Tfem^  obligé  de  reporter  mon  ambition  sur  un 
antre  moi-mdme,  je  vous  laisserai  le  rôle  brillant. 

DE  LA  BRIYE. 

Monsieur^  j'aurais  eu  à  choisir  enti*e  tous  les  beaux-pères  de 
F»4s,  c'est  à  vous  à  qni  j'aurais  donné  la  préférence  ;  tous  êtes 
selon  mon  cœur* 

MERCADET. 

La  jeunesse  est  faite  pour  le  plaisir.  Tous  et  ma  filte,  brillez  ! 
ayez  un  hôtel,  des  voitures,  donnez  des  fêles  1  Julie  est  uue  fille 
d'esprit,  elle  jouera  ce  rôle  à  merveille.  Voyez-vous,  n'imitons 
pas  ces  gens  qui  s'élèvent  pour  quelques  jours  et  qui  retombent 
aussitôt,  espèces  de  fusées  paidsiennes,..  Que  la  fortune  de  votre 
femme  soit  inattaquable  I.. . 

MERIGOURT, 

Inattaquée. 

DE  LA  BRrVE. 

Si  l'on  ne  réussit  pas? 

MERCADET. 

Ou  si  l'on  réussit  trop.. . 

DE  LA  BRIVE. 

On  a  toujours  du  pain... 

MERCADET. 

Aujourd'hui,  avoir  du  pain,  c'est  avoir  trois  chevaux  dans  son 
écurie,  une  maison  montée  ;  c'est  pouvoir  donner  à  dîner  à  ses 
amiS;  avoir  une  loge  aux  Bouffes. 

DE  LA  BRIVE. 

Âh  !  monsieur,  permettez  que  je  vous  serre  la  main  à  l'an* 
glaise.  ••  (Antre  poignée  de  mains.)  Yous  Comprenez  la  vie... 

MERCADET,  à  part. 

Mais  ça  va  trop  bien.. . 

DE  LA  BRIVE,  &  part. 

H  donne  dans  mon  étang  la  tête  la  première. 

MERCADET,  à  part. 

Il  accepte  une  rente. 

MJSriGOTJRT,  à  de  la  Brifi. 

Es-tu  content! 


I  I 


504  LB  FA1SBUH 

DE  LA  BRIYE. 

NoD.  Je  ne  vois  pas  l'argent  de  mes  dettes, 

MÉRICODRT. 

Attends!  (A  Mercadet.)  Mon  ami  n'ose  tous  le  dire,  mais  il  est 
trop  honnête  homme  pour  vous  le  cacher^  il  a  quelques  petites 
dettes. 

MERCADET. 

Eh  1  pariez^  monsieur,  je  comprends  parfaitement  ces  choses- 
là...  Voyons,  des  misères!...  une  cinquantaine  de  mille  francs! 

MÉIUGOURT. 

A  peu  près... 

DE  LA  BRIYE. 

A  peu  près. 

MERCADET. 

Ce  sera  comme  un  petit  vaudeville  à  jouer  entre  votre  femme 
et  vous;  oui,  laissez  lui  le  plaisir  de...  D'ailleurs,  nous  les  paye- 
rons.. .  (A  part.)  En  actions  des  salines  de  la  Brive.  (Haat  )  C'est  une 
misère!  (A  part.)  fïous  évaluerons Tétnng  cent  mille  francs  de  plus..* 
Je  suis  sauvé  !... 

DE  LA  BRIYE,  à  Mérioonit. 

Je  suis  sauvé  I... 

SCÈNE  IX 

Les  Mêmes,  MADAME  MERCADET,  JUUE. 

MERCADET. 

Voici  ma  femme  et  ma  fille. 

MÉRTGOURT, 

Madame,  permettez-moi  de  vous  présenter  monsieur  de  la 
Brive,  un  jeune  homme  de  mes  amis,  qui  a  pour  mademoiselle 
votre  fille  une  admiration... 

V  DE  LA  BRIYE. 

Passionnée.. . 

MERCADET,  à  de  la  Brive. 

Vous  aimez  les  Espagnoles,  je  le  vois.  Hein!  quel  teint!  une 
véritable  Andalouse,  qui  saura  résister  aux  tempêtes  de  la  vie!.- 
Il  n'y  a  que  les  brunes.. ^ 

DE  LA  BRIYE. 

J'aurais  craint  une  blonde  I... 


ACTE  III  SOS 

MERCADET» 

Ma  fille  est  tout  à  fait  la  femme  qui  cooTieDt  à  an  liomme  po- 
litique... 

DE  LA  BRIVE,  il  lorgne  JnUe. 

(AHercadet.)  Parfaitement  bien  mi^e.  (A  madame  Mercadet.)  Telle 
mère!  telle  fille!  Madame»  je  mets  mes  espérances  sous  votre 
protection. 

MADAME  MERCADET. 

Présenté  par  monsieur  Méricourt,  monsieur  ne  peut  être  que 
le  bienvenu. 

JULIE,  à  sa  mère. 

Quel  fat!... 

MERCADET,  à  sa  fille. 

Puissamment  riche!  Nous  serons  tous  millionnaires!  Et  un 
garçon  excessivement  spirituc!.    Allons  !  soyez  aimable,  il  le  faut. 

JULIE. 

Que  voulez-vous  que  je  dise  à  un  dandy  que  je  vois  pour  la  pre- 
mière fois  et  que  vous  me  donnez  pour  mari? 

DE  LA  BRIVE. 

Mademoiselle  veut-elle  me  permettre  d'espérer  qu'elle  ne  sera 
pas  contraire  à  mes  vœux? 

JULIE. 

'  Mon  devoir  est  d'obéir  à  mon  père. 

DE  LA  BRIVE,  à  part. 

Fière  comme  une  laide;  il  faut  faire  plus  de  frais  pour  ces  fem- 
mes-là que  pour  des  duchesses. 

JULIE,  à  part. 

Il  est  bien  fait,  il  est  riche,  pourquoi  me  rechercherait-il?  il  y 
a  là-desssous  quelque  mystère. 

DE  LA  BRTVE,  à  part. 

Allons!  (Haut,  à  JnUe.)  Mademoiselle,  les  jeunes  personnes  ne  sont 
pas  toujours  dans  les  secrets  des  sentiments  qu'elles  inspirent  ! 
voici  deux  mois  que  j'aspire  au  bonheur  de  vous  offrir  mes  hom- 
mages. 

JULIE. 

Qui  plus  que  moi^  monsieur,  peut  se  trouver  flattée  d'exciter 
l'attention  ? 

MADAME  MERCADET,  à  ta  fille. 

Il  est  fort  bien. 


566  LE  FAlSEim 

JUUB. 

Ma  mère,  hisses-moi  savoir  si  je  pois  être  heutcuse  en  épw- 
sant  ce  monsieur, 

KBRGÂBET,  à  êe  Héricomrt.     ' 

Vous  pourez  compter  sur  ma  reconnaissance,  moBsiettr.  Noas 
vons  defODS  notre  bonlienr,  car  celui  de  notre  fille  est  le  nôtre. 

MADAME  MERGADET. 

Monsieur  de  la  Brive  nous  fera  sans  doute,  ainsi  que  son  ami» 
le  plaisir  d'accepter  à  dîner  sans  cérémonie... 

MERGADET. 

La  fortune  du  pot  (A  de  la  Bme.)  Vous  serez  indulgent  I.. 

MADAME  MERGADET. 

Monsieur  de  Mérîcourt^  voulez-vous  venir  voir  le  tableau  que 
nous  devons  mettre  en  loterie?  (A  JoUe.)  Nous  allons  te  laisser 
causer  un  peu  avec  lui. 

JUIIE. 

Merci  !  ma  mère; 

MADAME  MERGADET. 

Monsieur  Mercadet?... 

MERGADET,  à  de  la  Brire. 

Elle  est  romanesque  comme  toutes  les  jeunes  personnes  qof 
ont  du  cœur  et  de  Timagination  :  ainsi,  prenez  le  chemin  de  ia 
poésie. 

DE  LA  BRIVE,  &  MereadeU 

Le  romanesque  est  la  grammaire  des  sentiments  modernes,  je 
pourrais  l'écrire.  En  deux  mots,  c'est  l'art  de  cacher  Faction  sons 
la  phrase. .. 

MERGADET,  en  slaii  allanf. 

Il  est  très-fort»  ce  jeune  homme  I 

SCÈNE  X 
DE  LA  BRIVE,  JULIE. 

JULIE. 

Monsieur,  ne  trouvez  pas  étrange  qu^one  pauvre  fflle  comme 
moi  vous  demande  des  preuves  d'affection  :  mais  ma  défiance 
m*est  commandée  par  la  connaissance  que  f  ai  de  moi-mêmei  de 
mon  peu  d'attraits... 


jcn  m  597 

BBIABRUS. 

GeCCo  modoitie  featdKjà  na  attrait»  œaâeaioiiell^l.^* 

JDUE. 

Si  j*avai8  cette  beauté  merveilleuse  qui  fait  éclore  de  soudaines 
pMNOn^  Je  tronveraîa  des  motifs  à  votre  rochereli^:  mais,  pciir 
m'aimer,  il  ftmt  «moalti»  moo  cœur,  et  Btma  mxm  veyona  pour 
la  première  fois.. • 

I>£  U  BRIVB. 

ila<>':iâ«iiiaHB,  il  eét  des  aympatbies  ioexpUcdatou* 

JULIE. 

Ainsi,  vous  m'aimez  sans  savoir  pourquoi?.,. 

DtE  Ui  BRIVE. 

Le  jour  qa'on  se  l'explique,  l'amour  exisle-t-il?.C9  n'est  le  plus 
beau  des  sentiments  que  parce  qu'il  est  involontaire.  Ainsi  la  pre- 
mière fois  que  je  vous  ai  vue. . .  ... 

Àbl  ce  n*est  pas  la  première!... 

Jm  Lk  B&IVB. 

Gomment  !  mademoiselle,  mais  il  y  a  deia  moi»  que  je  vous 
aime.  Je  vous  ai  entendue  au  dernier  concert  de  monsieur  Yer- 
delin,  et  votre  voix  m'a  révélé...  toute  une  âaie.., 

JULIE. 

Qu'ai-je  donc  chanté?  Vous  en  souvenez-vous?... 

DE  LA  BRIVE,  à  part. 

Ah  diantre  I  (Haut.)  Je  ne  me  souviens  que  de  Pimpression^  qui 
fut  délicieuse... 

JULIS. 

MoiiaieQr»  vmb  n^aimez  donc,  là,  vraiment?..* 

DE  LA.  BRIYE. 

Mademoiselle,  j'ai  su  que  \*oos  étiez  une  personne  pleine  de 
cmnrage»  douée  d'oae  élévatioa  rare  dan»  les  sentîmeiUs  et  clans 
les  idées,  instnjûtc  surtost;  que  vous  sauriea  créer  ua  salon  h 
Paris,  êire  la  compagne  d*ui)  hammo  politiquo,  et,  permettez* 
moi  de  vous  le  dire,  toutes  fôi  femmes  ne  savent  pas  porter  une 
haute  fortune.  Bien  des  parvenus  ool  éié  fort  embarrassés  de 
filles  qu'ils  ava'ent  fait  la  faute  d'épouser  à  l'aurore  de  leurs  des- 
tiaiee^el  eur  l'ecéan  politique,  quand  uns  femme  n'est  pas  un 
poîsswit  remeiqueur^  elle  est  un  embargo  I  Je  doutais  de  pouvoir 
raMOBtmr  wm  kmae  qoi  pût  €«mprendre  et  servie  mon  araÙTi 


508  LB  FAISEim 

je  vous  ai  vae  et  je  me  suis  dit  :  Je  puis  être  ambassadeur.  GeDe 
que  j'aime  sera  la  rivale  des  diplomates  eu  corset  que  la  Rossie 
nous  envoie  I... 

JULIE,  à  part 

Ils  ont  tous  de  Fambition  aujourd'hui  I...  (Haat.)  Âinâ,  vous 
êtes  ambitieux  et  amoureux  I  Votre  sympathie  est  doublée  d'un 
raisonnement... 

DE  LA  BRIYE,  à  part. 

Elle  n'est  pas  sotte  I  (Haut.)  Mademoiselle,  il  y  a  tant  de  dum 
dans  L'amour  I... 

JULIE. 

Il  y  a  tant  de  choses  dans  le  vôtre,  qu'il  comprend  sans  doute 
le  dévouement... 

DE  LA  BRIVE, 

Avant  tout!... 

JULIE. 

Ainsi,  ma  famille?... 

DE  LA  BRIVE. 

Devient  la  mienne. 

JULIE. 

Rien  ne  vous  arrêterait  donc? 

DE  LA  BRIVE. 

Rien. 

JULIE'. 

J'aime  un  jeune  homme,  monsieur. 

DE  LA   BRIVE. 

Je  l'ai  vu.. .  et  c'est  ce  qui  m'avait  donné,  je  vous  Tavoue,  d€S 
inquiétudes  sur  votre  jugement  :  car  ce  petit  jeune  homme  n'est 
pas  votre  fait  du  tout.. 

JULIE. 

Vous  vous  tfompez,  monsieur,  je  ne  puis  renoncer  è  lui  qu'en 
faveur  d'un  grand  dévouement  Eh  bien!  si  vous  sauvez  mon 
père  de  la  ruiue,  je  vous  aimerai...  j'oublierai  cet  amour  que  je 
croyais  éternel,  et  je  serai  l'épouse  la  plus  fidèle,  la  plus  aimante, 
et  je.. .  (A  part.)  Âh!  j'étoulSe... 

DE  LA  BRIVE,  à  part. 

Elle  m'a  fait  peur. ..  mais  elle  me  mène  d'épreuves  en  épreoveSi 
comoïc  chez  les  francs-maçons...  (Haut.)  J'espère  mériter  par  mon 
amour  tout  ce  que  les  femmes  doivent  ordinairement  sans  coa- 


ACTE  III  509 

dition  à  lears  maris.  Mais  cessez  de  mettre  ainsi  à  l'épreuve  une 
passion  sincère.  Mademoiselle,  monsieur  votre  père  et  moi,  nous 
nous  sommes  entendus  sur  toutes  les  questions  d^térêt.. 

JULIE. 

n  vous  a  tout  dit  7.  •• 

DE  LA  BRIYE. 

Tout!... 

JULIE* 

Vous  le  savez  ruiné ?•••  j 

DE  LA  BKIVE. 

Aulne  I... 

JULIE,  à  part. 

Âhl  je  suis  sauvée  I  (Haut.)  Il  doit  environ  trois  cent  mille  francs. 

DE  LA  BRIVE. 

II...  doit...  trois... 

JULIE. 

Où  serait  votre  dévouement? 

DE  LA  BRIVE,  à  part. 

Le  dévouement!  c'est  de  Fépouser...  Si  elle  croit  que  l'on  peut 
se  donner  gratis  uu  pareil  vis-à-vis  .pour  le  reste  de  ses  jours  !••• 

JULIE. 

,   ;N'eusuls<je  pcsle  prix? 

DE  LA  BRIVE. 

Méricourt  est  incapable  de  m'avoir... 

JULTE. 

Ahl  vous  ne  m'aimez  pas!... 

DE  LA  BRIVE,  à  part. 

Oh  !  jai  donné  dans  cette  invention  de  roman  I  (Haut.)  Quand 
même  votre  père  devrait  des  miliioos,  je  vous  épouserais  tou- 
jours^ car  je  vous  aime.  Ah  !  vous  jouez  très-bien  la  comédie,  et 
je  ne  m'en  dédis  pas:  vous  serez  une  délicieuse  ambassadrice. .. 

SCÈNE  XI 
Les  Mêmes,  JUSTIN,  PIERQDIN. 

JUSTIN,  à  Jolie. 

Mademoiselle,  monsieur  Perquin  vent  parler  à  monsieur  votre 
père  (Bai.)  à  propos  de  monsieur  de  la  Brive,  je  crois. 


âiO^  LB  FAISEUR 

JULIE. 
Mon  père  est  par  là.  (SUe  montre  les  appaitementk, 

PIERQUIN. 

llademoîselle,  je  sais  votre  servitear. 

DE  LA  BRIYE. 
Plerqain  ici  I  (II  se  retourne  et  va  lorgner  des  taUéftm.} 

PlERQtim,  à  part. 

Oh!  mais  c'est  mon  Michoniiinl...  tout  est  perdu  i  Et  moi  qui, 
sachant  qu'on  le  marie  avec  une  héritière,  venais  pom*  ravoir  ses 
lettres  de  change. ..  Ce  diable  de  Mercadet  t  th  bonbeor,  il  a  so 
l'attirer  chez  lui  I... 

JULTE,  à  Pierqain. 

Vous  connaissez  monsieur? 

MERQTJÏN* 

Petite  rusée!  je  vois  que  vous  êtes  du  complot,  et  vous  le 
gardez.  (A  part.)  Ohi  je  devrais  avoir  une  Jolie  nièce! 

JOLIE. 

Qui  est-ce  7 

PIERQUIN. 

Michonninf  un  débiteur  introuvable.  Ne  le  lâchez  pas»  je  vais 
aUer^cfaercher  un  garde  de  commercel 

JUUE, 

Pour  monsieur  de  la  Brive? 

Michonnin,  pour  nous! 

JULIE. 

Ge  monsieur  n'est  pas  riche  7 

PIERQUIN. 

,   Un  gibier  de  Clichy,  gui  a  ses  meubles  sous  le  nom  d*nn  ami.. . 

JUUE. 
Aht  <£llerit.} 

PIS&QUm ,  à  part 

•  Ah  i  Mftrcadet  m'a  volé.  ( a  jaUe.)  Amusez-le,  el  votre  père 

pourra  me  payer  quarante-sept  mille  francs;  car»  une  fois  coffré^ 

ce  gaillard-là  se  fera  délivrer  par  quelque  belle  dame.  ^Joftia  re- 
tient.) 

JUTJEy  à  part. 

Cdarié  et  coffré,  c'est  trop  d'un  ! 

JUSTIN,  à  Pierqain. 

AloQsiear  est  occupé,  vous  le  savez,  du  mariage  de  mademoi- 
selle, et  vous  prie  de  l'excuser... 


ACTE  m  5ii 

piERQunr. 
Et  avec  qgiZ 

jusnv. 
Mais  avec  ce  monrienr-là.  (u  mMtr»  d»  u  Briroo 

Ohl  CA  part)  C'est  marier  deux  Ciillites  ensemble.  Ya-t-on  rire 
à  la  Bourse  !•••  J'y  coars.  ai  «oru) 

SCÈNE  ÎÎI 

JUUfi,  J>E  LA  BBIVE. 

Monsiear»  tous  nommez-voas  MichonniAt..* 

/       BS  LA  BRIVE. 

Oui,  mademoitene,  c'est  le  nom  de  notre  fiimlUe,  mais  nous 
aTons  fait  comme  tant  d'autres,  et,  depuis  dix  ans,  nous  nous 
nommons  de  la  Brive,  en  mettant  un  M  devant,  c'est  plus  joli. 
La  Brive  est  une  charmante  petite  terre  achetée  par  mon  grand- 
père... 

JULIE. 

Cet  homme  dit-il  vrai  en  disant  que  vous  avez  des  dettes? 

DE  LA  BRTVE. 

Ohl  très-peu,  des  misères;  je  les  ai  déclarées  à  votre  père... 

julte: 

Ainsi^  monsieur,  vous  m'épouserez  par  amour?  (A  part.)  Rions 
im  peu.  (Haut)  Bt  pour  ma  dot? 

DE  LA  BRTVE. 

Mademoiselle,  vous  trouverez  en  moi  le  mari  le  plus  aimant^  le 
plus  aimaUe.  Soeialiste,  occupé  des  intérêts  les  plus  graves  de  la 
politique,  et  tout  à  mon  ambition,  je  vous  laisserid  maltresse  de... 
de  votre  fortune... 

JULIE. 

£b  !  monsieur,  je  suis  sans  fortune.  ••  (Uercad«t  parait) 

SCÈNE  XIII 

Les  Mêmes,  MERCADëT. 

meegadet. 
Ma  fiUe,  voilà  donc  l'effet  de  votre  passion  pour  ce  jeune  Mi* 
nard  !  elle  vou»  pousse  k  calomnier  votre  père,  k^^ 


512  LB  FAISEUR 

JULIE. 

À  éclairer  monsieur  Michonnin,  qai,  se  trouvant  perdu  de 
dettes,  ne  doit  pas,  ne  peut  pas  épouser  une  fille  sans  fortane... 

MERCÂDET. 

Monâeur  se  nomme  Michonnin? 

JULIE. 

Michonnin  de  la  Brive... 

MGRGADET. 

Laisse-nous,  ma  fille... 

JULIE,  bat,  à  ton  père. 

Pierquin  est  sorti  pour  faire  arrêter  monsieur;  j'espère  qoe 
vous  ne  le  souffrirez  pas.  Quel  rôle  aurais-je  joué?«.. 

MERGÂDET  tire  sa  montre. 

Le  soleil  est  couché!  Pierquin  a  vu  monsieur I 

JULIE. 

Oui. 

MERGÂDET. 

Le  diable  entre  dans  mon  jeu.  (jnUeiort.^ 

SCÈNE  XIV 
DE  LA  BRIVE,  MERGADET. 

DE  LA  BRIYE,  à  part. 

La  noce  est  faite.  Je  suis  plus  que  socialiste,  je  deviens  com- 
muniste 1 

HERCADET,  à  part. 

Trompé  comme  à  la  Bourse!  par  Méricourt^  Pami  de  ma 
femme  !  C'est  à  ne  plus  se  fier  à  Dieu  I... 

DE  LA  BRIYE,  à  part. 

Soyons  digne  de  nous-méme  !... 

MERGADET,  àpaH. 

Il  y  a  de  la  légèreté  dans  son  fait.  Prenons-le  de  haut.  (Ha«t.) 
Monsieur  Michonnin,  votre  conduite  est  plus  que  blâmable  f... 

DE  LA  BRIVE. 

En  quoi»  monsieur!  Ne  vous  ai-je  pas  dit  que  j'a?aîs  des 
dettes? 

MERGADET. 

Soit.  On  peut  avoir  des  dettes  ;  mais  où  est  située  votre  terre?..  • 


ACTE  in  513 

DE  LA  BRIVB. 

Dans  les  Landes. 

HERGABET. 

•  ■ 

Elle  consiste? 

DE  LA  BRIVS. 

En  sables  plantés  de  sapins... 

MERGADET. 

De  qnoi  faire  des  cnre-dents? 

DE  LA  BRIYE, 

A  peu  près. 

MERGADET.  *      ' 

Gela  Tantt 

DE  LA  BEIYB. 

Trente  mUie  francs. 

MERGADET. 

Et  c'est  hypothéqué  de...  7. 

DE  LA  BRIVB. 

Quarante-cinq  mille.  # 

MERGADET.  , 

Vous  avei  eu  ce  talept-là  ?. .. 

DE  LA  BRIYB. 

OaL 

MERGADET.  . 

Peste!  ce  n'est  pas  maladroit  :  et  vos  marais  T. .. 

DE  LA  BRIVE. 

Touchent  à  h  mer. 

MERGADET. 

Ainsi»  c'est  tout  bonnement  TOcéan  7 

DE  LA  BRIVE. 

Les  gens  du  pays  ont  eu  la  méchanceté  de  le  dire,  et  mes  em- 
prunts se  sont  arrêtés  net. 

MERGADET. 

Il  e&t  été  très-difficile  de  mettre  la  mer  en  actions. 

DE  LA  BRIVE. 

Oh  I  ce  n'est  pas  la  mer  à  boire  !... 

MERGADET. 

Non,  mais  à  faire  avaler?  Monsieur,  entre  nous,  votre  mora- 
lité me  semble... 

TH.  33 


SH  LI  FâlflKJR 

Assez  I 
Hasardée  !••• 

BELA  BRniS. 

Oh  I...  moDsieur,  si  ce  n*est  qu'entre  nona,** 

VERCADET. 

Vous  mettez,  d'après  une  note  que  j'ai  vue  sur  certains  dos- 
siers, tout  votre  mobilier  sous  le  nom  d'un  ami,  tous  signez  vos 
lettres  de  change  Michonnin,  et  vous  ne  portez  que  le  nom  de  la 
Brive. 

nSLA  BBITX. 

Eh  bien  f  monsieur,  après? 

MERCADET. 

Après?.. •  On  peut  vous  faire  un  fort  médMntpnA 

SE  LA  BsnrE. 
Monsieur,  n'allez  pas  trop  loin,  je  sais  mtm  hdtt».,* 

MERCADET. 

Vous  voulez,  à  l'aide  de  ces  subterfuge»,  eotmr  éum  mwfVDJile 

respectable,  y  abuser  de  la  eonûmre  d*un  père  et  d'une  mère. .. 

Vous  avez  feint  d'aimer  ma  ûll\..  (A  pûrî.jOa  peut  cspkttter  ce 

garçon-là  ;  il  a  de  la  tenue,  il  est  élégant,  spirituel.  ••  (Haut.)  Yoas 

êtes  une.  •• 

fis  LA  Bttms. 

Ne  dites  pas  k  wH,  il  voua  coùkmêx  b  vitt.«» 

XERCiJURr* 

La  viei  Vous  êtes  mon  hôte,  monsieur.,* 

BKLABAIVE. 

Après  tout,  monsieur,  TOtre  fiHe  avait^-elUi  m»  doit 

MS&GADKT. 

ltton3ieurt«*. 

DE  LA  BRTVE,  à  part 

Je  le  vaux  bien  et  je  suis  le  plus  fort.  (Htvt)  Onî^  monsienr, 
aviez-vous  deux  cent  mille  francs  ?... 

MERCADET. 

Les  vertus  de  ma  fille.. . 

Âhi  vous  n'aviez  pas  deux  cent  mille  francs  T.. •  Et  moi  j*enga- 
gageai»  ma  prêdeme  iibenéf  Ré  sn-js  fm  ma  capitdt  Vous 
vouliez  escroquer  an  gendre  ?••• 


ACTE  III  515 

KERCADET. 

te  mot  est  fort. 

BELA  BRI7E. 

Vous  le  méritei. 

MERGADET,  à  part. 

Il  a  de  l'aplomb!... 

BELA  BBim 

Et,  je  le  Tois,  vous  abusiez  de  mon  inexpérience.  Je  pourrav 
aussi  me  plaindre. 

HEBGABET. 

LMnexpérieaee  d'an  homme  qui  empronte  Mir  des  sables  une 
somme  de  soixante  pour  cent  au  delà  de  leur  valeur  I... 

DE  LA  BRIVE. 

Ayec  du  sable  on  fait  da  cristal. 

MERGABET* 

G*est  mie  idée! 

BB  LA  BRIYE. 

Vous  Toyez,  monsieur,  que  nos  moralités  se  ressemblent! 

(MoaTement  de  Hereadet.)  Âh!  entre  nOUS... 

HERGADET,  à  part. 

Je  vais  l'aplatir!...  (Hant.)  C'est  ce  qui  vous  trompe,  monsieur: 
vous  êtes  mon  débiteur,  et  je  vous  tiens.  Àhl  j'ai  sur  vous  pour 
quarante-huit  mille  francs  de  lettres  de  change^  intérêts  et  frais, 
à  moi  cédés  par  Pierquin^  et  je  puis  vous  faire  coffrer  pendant 
cinq  ans. 

BE  LA  BRTVE. 

Je  serais  alors  votre  hôte. 

MERGABET. 

Ah!  vous  le  prenez  sur  ce  ton -là!  Mais  vous  vous  moquez 
donc  de  votre  dette,  de  votre  signature? 

BB  LA  BRIVB. 

Et  vous? 

VERGABET,  à  ptrf. 

Voilà  mon  affaire!  (Haut.)  Dans  quelle  situation  êtes-TOQS^  là, 
vraiment? 

BBLA  BBIVl. 

l>6mpérée...  Méricomt  me  marie  pait^  que  je  loi  d(MS  trente 
mille  francs  au  delà  de  la  valeur  de  ma»  «luÂiUer. 


516  .  LE  FAISEUR 

MERGADET. 

Compris.  Je  ne  m'amuserai  pas  à  vous  faire  ce  la  morale;  vous 
aimeriez  mieux  na  billet  de  mille... 

DE  LA  BRIYE. 

Oh!  soyez  mon  beau-père !••« 

MERGADET. 

Non,  nos  deux  misères  feraient  une  trop  grande  pauvreté;  mais 
écoutez-moL.. 

SCÈNE  XV 
Les  MAmes,  MADAME  MERDADET. 

MADAME  MERGADET,  à  Mereadfit. 

.    Ce  monsieur  dlne-t-il  toujours ?... 

MERGADET. 

Certainement.  Dans  les  circonstances  difficiles,  le  dtaer  porte 
conseil,  (a  part.)  Il  faut  que  je  le  grise  pour  le  connaître  à  fond. 

DE  LA  BRIYE. 

J'ai  Tappétit  de  mon  désespoir... 

MERGADET. 

Dtnonsi 

MADAME  MERGADET. 

Tentends  la  voiture  de  Verdelin  ! 

MERGADET. 

Que  dire  à  Verdelin  T 

SCÈNE  XVI 

Les  Mêmes,  VERDELIN,  JUSTIN  en  grande  tenue. 

JUSTIN. 

Monsieur  Verdelin. 

VERDELIN,  à  Uercadet. 

Je  n'amène  point  madame  Verdelin,  et  je  ne  sais  même  pas  si 
je  pois  dîner  avec  toi. 

MERGADET,  à  part. 

Il  est  furieux,  (Haut.)  La  main  aux  dames  I  (A  sa  femme.)  Laisse» 

nous.  (AYordelin.)  Eh  Ucal  qu'as-tu7...  (Madame  Mereadet  et  Monsiear^t 
la  BrÎTe  sortent.) 


ACTE  III  517 

VERDEIJN, 

Est«ce  là  ton  gendre  T 

HERGADET. 

Oai  et  non. 

VERBEUlf. 

Voilà  ce  beau  mariage? 

MERGÀDET,  à  part. 

Il  sait  tout  I  (Htnt.)  Ce  mariage,  mou  cher  Yerdelio,  n*a  plus 
lieu,  je  suis  trompé  par  Méricourt!  Méricourtl...  tu  sais  ce  qu'il 
nous  est?  Mais... 

i  YEBDEUN. 

^  Mais,  il  n'y  a  pas  de  mais...  Tu  m'as,  ce  matin^  joué  une  de 
tes  comédies^  où  ta  femme  et  ta  fille  avalent  un  rôle,  pour  m'ar- 
racher  mille  écus!  Je  m'en  doutais.  Eh  bieni  ce  n'est  ni  délicat 
ni... 

MERCADET. 

N'achève  pas,  Yerdelin  !  Voilà  comme  on  juge  les  gens  dans  le 
malheur...  On  soupçonne  tout  chez  eux!...  Pourquoi  donc 
t'aurai-je  emprunté  ton  service?  Pourquoi  donnerais-jc  à  dîner? 
£o8sé-je  habillé  ces  deux  femmes  sans  une  espérance?...  D'abord 
qui  t'a  dit  que  le  mariage  de  Julie  était  manqué?... 

VERDELIN. 

Pierquin,  que  j'ai  rencontré... 

HERCADET. 

Gela  se  sait  donc ?••• 

YERDEUN. 

Tout  le  monde  en  rit I  Tu  as  ton  portefeuille  plein  de  créance! 
sur  ton  gendre  1  Pierquin  m'a  dit  que  tes  créanciers  se  réunissent 
ce  soir  chez  Goulard  pour  agir  tous  demain  comme  un  sedi 
homme. 

MERDAOET. 

Ce  soir!  »  DemainI  Ahl  j'entends  sonner  le  glas  de  la  faillite  I... 

YERDEUN. 

On  veut  débarrasser  la  Bourse,  autant  qu'on  le  pourra,  de  tous 
les  faiseurs  d'affaires. 

MERCADET. 

Les  imbécilesl...  Ainsi  demain  on  m'emballerait? 

YERDELIN. 

Pour  Glichy,  dans  un  fiacrel 


518  LB  FAUKJll. 

U&GiJUiX. 

Le  corbillard  do  spécahtenr!  Viens  dtaerl 

Le  dîner  me  coûte  trop  cher^  j'en  aurais  une  indigestion!  Uercit 

XEBGABST. 

Demain  la  Bourse  reconnaîtra  dans  IMtocadet  nndeses  aiaftres! 
Viens  dîner,  Verdelîn,  viens  sans  crainte,  (à  part.)  Allons!  (Hant) 
Oui,  toutes  mes  dettai  seront  payées!...  St  la  maison  Mercadet 
remuera  des  millions  t..  •  Je  serai  le  NapdéoQ  des  affaires. 

VERDEIIN. 

Quel  homme  ! 

MEaCADST. 

Et  sans  Waterloo. 
Et  des  troupes 7... 

Je!...  je  payerail  Que  peut-en  répondre  à  an  iié|;odaiH  qai 
dit:  Passez  à  la  caisse!... 

TBBIIBUN. 

Je  dtne  alors^  et  ]e  suis  enchanté.  FfNtf  Mereêittu»,  tpecu- 
Marum  imperatart 

insiieÀSiT. 

Il  l'a  Toulu!...  Demain  je  tr6ne  sur  des  miilioaai,  ou  je  me 
couche  dans  les  draps  humides  de  h  Seine! 


PIN  DU  TROISIEME  AGTl. 


r' 


■■fij 


ACTE    QUATHIÈME 


SCÈNE  PREMIÈRE 
MERCADET,  JUSTIN. 

KERGADET,  il  sonne. 

Sachons  avant  tout  Peflet  qu'ont  produit  mes  mescm... 

JUSTIN, 

Monsieur?..  • 

UXKCkJWT. 

Justin,  je  désirerais  que  l'arrivée  de  monsieur  Godemu  fût 
tenue  secrète... 

rosTm. 

Oli!  monsieur^  vous  êtes  perdu  alors...  Monsieur  Brédîf  est 
déjà  sorti.. .  ie  tapage  que  cette  l>erline  a  fait  cette  nuît^  eu  entrant 
dans  la  cour  à  deux  heures  du  matin^  a  rëTeillé  tout  le  uioude,  et 
monsieur  Brédif  le  premier!  Dans  le  premier  moment,  il  a  cru 
que  monsieur  partait  pour  BniieHes. . . 

HERGÀDET. 

Allons  donc!  je  paye... 

JUSTIN* 

Monsieur  se  dérange  I 

MERCADET. 

Tu  te  crois  déjà  mon  iMna'étmre!...  Je  le  pardonne,  Justin,  car 
ttt  me  cttopveudsU. 

JUSTQL 

Celte  hediaeest  énonnément  crottée,  monsieur;  mais  le  père 
Grumeau  a  lemarqué  qu'elle  n'avait  pas  apporté  de  bagages... 

MEECADET. 

Godean  avait  iellemeut  Ute  de  venir  ici  réparer  ses  torts  envers 
moi,  qu'il  a  laissé  ses  colis  au  Havre.  11  arrive  de  Galculta  avec 


520  LE  FAISEUR 

une  riche  cargaison;  mais  sa  femme  est  restée. ••  Oai»  il  a  fini  par 
épouser  la  personne  de  laquelle  il  avait  un  fils,  et  qui  a  eu  le  dé- 
vouement de  l'accompagner.. • 

JUSTES. 

Il  est  fort  heureux  que  monsieur  ait  passé  la  nuit  à  travailler, 
car  il  a  pu... 

MERCÀDEr. 

Recevoir  Godeau!  vous  remplacer!...  Vous  avez  fait  bombance! 
vous  vous  êtes  grisé,  monsieur  Justin!... 

JUSTIN. 

Nous  n'avons  bu  que  ce  qui  restait  !... 

MERCADET. 

Si  tu  pouvais  faire  croire  qu'il  n'y  a  pas  de  Godeau,  ça  modé- 
rerait l'ardeur  de  mes  créanciers,  et  je  pourrais  traiter  avec  eux  à 
des  conditions  tolérables... 

JUSTIN,  à  part. 

Est-il  fia!  Si  cet  homme-là  n'est  pas  riche,  ce  sera  une  injustice 
du  diable! 

MERCADET. 

Envoie  le  père  Grumeau  chez  mon  courtier  marron... 

JUSTIN. 

Monsieur  Berchut!  me  des  Filles-Saint-Thomas...  A  celui-là» 
le  père  Grumeau  peut  annoncer  l'arrivée  de  monsieur  Godeau  7... 

IfERCAOET. 

Justin,  tu  feras  fortune.  Allons!  veille  à  ce  que  personne  ne  me 
dérange,  jusqu'à  ce  que  je  t'aie  sonné. 

SCÈNE  II 

MERCADET,  seoL 

Quand  Mahomet  a  eu  trois  compères  de  bonne  foi  (les  plus  diffi- 
ciles à  trouver),  il  a  eu  le  monde  à  lui!  J'ai  déjà  Justin.  Le 
second?...  on  ne  peut  pas  l'abuser!  Si  l'on  croit  à  l'arrivée  de 
Goleau,  je  gagne  huit  jours,  et  qui  dit  huit  jours  dit  quinze  en 
matière  de  payement!  Je  vais  acheter,  sons  le  nom  de  Godeau, 
pour  trois  cent  mille  francs  d'actions  de  la  Basse-Indre,  ce  matin, 
tout  à  l'heure,  avant  Yerdelin.  Et  alors,  quand  Yerdelin,  qui  me 


ACTE  IV  521 

croyait  hors  d'état  de  lai  faire  concarrence,  et  qui  n*a  pas  ea  Tidée 
de  m'intéresser  dans  cette  affaire,  en  demandera,  mon  gaillard 
déterminera  la  hausse!...  D*ailleurs^  cette  nuit,  j'ai  écrit  une 
lettre,  au  nom  de  plusieurs  actionnaires,  pour  exiger  la  publicité 
du  rapport  que  l'argent  de  Yerdelin  retarde...  Berchut  fera  pa- 
raîtra cette  lettre  dans  tous  les  journaux;  en  peu  de  temps,  les 
actions  vont  s'élever  à  vingt-cinq  pour  cent  au-dessus  du  pair  : 
j'aurai  six  cent  mille  francs  de  bénéfice.  Avec  trois  cent  mille, 
je  paye  Tachât.  Avec  les  trois  cent  mille  autres,  je  désintéresse 
mes  créanciers.  Oui,  mon  Godeau  leur  arrachera  bien  une 
petite  remise  de  quatre-vingt  mille  francs.  Libéré  de  ma  dette,  je 
deviens  le  roi  de  la  place!  (ii se  promène  majestaenBement.)  J*ai  eu  de 
l'audace!...  Aller  demander  moi-même  unelierline  chez  un  car- 
rossier des  Champs-Elysées,  comme  si  je  voulais  partir  nuitam« 
menti  Ce  diable  de  postillon,  que  je  guettais,  a  failli  tout  com- 
promettre par  ses  remerciineuts.  Le  pourboire  était  trop  fort)  Une 
faute  !  Allons^  à  nous  deux  I  (il  oavre  u  porte  de  sa  flhambre.)  Michonuinl 
le  garde  du  commerce!... 

SCÈNE   III 

m 

MERGADET,  DE  LA  BRIVE,  U  entre  effrayé. 

HSEGADET. 

Rassurez-vous!...  c'était  pour  vous  bien  réveiller  I... 

DE  LA  BRIYE. 

Uonsieur^  l'orgie  est  pour  mon  intelligence  ce  qu'est  un  orage 
pour  la  campagne,  ça  la  rafraîchit,  elle  verdoie!  et  les  idées 
poussent^  fleurissent !...  Invino  varietasi... 

MFRCADET. 

Hier,  mon  cher  ami^  nous  avons  été  malheureusement  inter- 
rompus dans  notre  conversation  d'affaires... 

LE ''la  BRIVE. 

Beau-père,  je  me  la  rappelle  parfaitement.  Nous  avons  reconnu 
que  nos  maisons  ne  pouvaient  plus  tenir  leurs  engagements... 
Nous  allons...  (en  style  de  coulisse)  être  exécutés.  Vous  avez  le 
malheur  d'être  mon  créancier,  et  moi  j'ai  le  bonheur  d'être  votre 
débiteur  pour  quarante -sept  mille  deux  cent  trente-trois  francs 
et  des  centimes.  «« 


5)2  LB  JFAlSEDa 

MEECADET. 

Vous  n'avez  pas  la  tête  lourde! 

DEIABBIVB* 

Aiea  de  lourd,  ni  dans  les  poches^  ni  dans  la  conscience  !  Qœ 
pent-onme  rejMrocher!  £a  mangeant  ma  tortane^  j*ai  fait  gagner 
tons  les  commerces  parisiens,  même  ceux  qu'on  ne  connaît  pasi 
Nous»  inutiles!...  Nous,  oisi&!  Allons  doncl.-  Noos  animons  la 
circulation  de  Taigent.. 

JIEECADST. 

Par  l'aigeut  de  la  circulation  !••• 

DE  LA.  fiRIVE. 

Oui,  lorsque  je  n'en  ai  plus  ou,  je  Tai  payé  cher  :  B'est-ce  pu 
l'honorer!  On  eu  a  ait  un  dien^  je  n'ai  pas  lésiné  ssr  les  bm  da 
culleL^ 

Oh!  TOUS  avei  bien  loste  votre  inteUigencel.». 
Je  u'aiplus  que  cela! 

MERGADET. 

C'est  notre  hôtel  des  Monnaies.  Eh  bien  I  dans  la  disposition  où 
je  vous  vois,  je  serai  bref. 

BEiA  BU^E. 

Alors,  je  m'assieds,  papa  !  car  vous  m'avez  furieusement  Tair^ 
comme  nous  disons,  nous  autres  gêiMemenrriders,  de  marcher 
sur  votre  longe!... 

XBacâBKt. 

£b  affaires,  on  A  le  dnrit  éfêtre  habBv;*.  <^ieBH¥aMtttirf|giie.) 
L'exœsnf  e  habfleté  n'esft  pas  rtad^eateSBe,  l'Mlltelesse  nVsc 
pas  la  légèreté,  la  légère^  mVst  |iiB  n&opièbM,  mm  tMl  «sb 
s'emboîte  comme  des  tubes  ^  kirgtteete. .. 

ne  là  BBanrE,  i  ^. 
Il  ne  m'a  pas  grisé  pour  CMii!  ') 


CnSn^  feff  nuances  sont  impercepdHes»  0f|  tHNilvn  qirai 
aParrête  juste  ta  Oodfe,  si  le  sottes  «rriveL... 

nS  ÎA  BfilVË. 

Ahî  pardieu,  le  succès...  Je  Tai  déjl^  dit,  et  le  mot  a  rCosd... 
Le  succès  est  souvent  un  grand  gueuxT... 


AGTS  IV  523 

Nos  esprit  sont  jumeaux  ! 

Monsieur,  sur  le  terrain  où  nous  aocnaiea^  beanconp  de  gens 
d'esprit  se  rencontrent 

KEftCABBT. 

Je  vom  Yob  sur  b  penle  dangereuse  i|ial  inèoe  à  cette  anda^^ 
cieuse  habilelé  que  hs  Mts  reprochent  aux  fûsearsi...  Vous  avez 
goûté  aux  fruits  acides,  enivrants  du  plaisir  parisien.  La  vanité  vous 
enfonce  à  plein  cœur  l'acier  de  ses  griifes  !  Vous  avez  fait  du  luxe 
le  compagnon  inséparable  de  votre  existence!  Ponr  tous,  Paris  com- 
mence à  l'Étoile  et  finit  au  Jockey-Cluh!  Paris,  pour  tous,  c'est 
le  monde  des  femmes  dont  on  parie  trop  on  déni  «a  ae  parle  pas..  » 

DE  LA  BRITE. 

oh  t  oui. 

MERCABET. 

C'est  la  capiteuse  atmosphère  des  gens  d'esprit,  du  journal,  du 
théâtre  et  des  coulisses  du  pouvoir,  vaste  mer  où  l'on  pêche  I  Ou 
continuer  celte  existence,  ou  vous  faire  sauter  la  cervelle... 

DE  LA  BRIYE. 

Non!  la  continuer  sans  me... 

HERCADET. 

Vous  sentez-vous  le  génie  de  vous  soutenir,  en  bottes  vernies, 
à  la  hauteur  de  vos  vices?  de  dominer  les  gens  d'esprit  par  la 
puissance  du  capital^  par  la  force  de  voire  intelligence?  Âurez- 
Tous  toujours  le  talent  de  louvoyer  entre  ces  deux  caps  où  sombre 
Tèlégance  :  le  restaurant  à  quarante  sous  et  Gtichy?... 

DE  LA  BRHE. 

Mais  TOUS  entrez  dans  ma  conscience  comme  an  voleur,  tous 
^s  ma  pensée!  Que  vouIez-TOus  de  moi? 

MERCADST. 

Je  veoi  Toos  sauTer  en  tous  lançant  dans  te  inonde  des  affaires. 
P«roè? 

VEEGADET. 

Soyez  Phonmie  qui  se  compromettra  pour  moi,., 

DE  LA  BRITE, 

Lea^bomiaea  de  paiUe  peuT&it  brûler*. 


»<•» 


52&  LE  FAISEUB 

HERGADET. 

Soyez  iacoœbustible. 

DE  LÀ  SaiYE. 

Gomment  enlendez-TOus  les  parts? 

MERGADET. 

Essayez  1  serrez-moi  dans  la  circonslance  désespérée  où  je  me 
trouve,  et  je  vous  rends...  vos  quarantensept  mille  deux  cent 
trente-trois  francs  soixante-dix-neuf  centimes...  Eutre  nous,  là» 
vraiment,  il  ne  faut  que  de  Tadresse... 

DE  LA   BRIYE. 

Au  pistolet,  à  Fépée... 

MERGADET. 

Il  n'y  a  personne  à  tuer.  Au  contraire... 

DE  LA  BRIYE. 

Ça  me  va. 

MERGADET. 

Il  faut  faire  revivre  un  homme. 

DE  LA  BRIYE. 

Ça  ne  me  va  plus  !  Mon  cher  ami,  le  Légataire,  la  Cassette 
d'Harpagon,  le  petit  mulet  de  Sganarelie^  enfm  toutes  les  farces 
qui  nous  font  rire  dans  rancien  théâtre,  sont  aujourd'hui  très-mal 
prises  dans  la  vie  réelle.  On  y  mêle  des  commissaires  de  police, 
que,  depuis  rabolition  des  privilèges,  Ton  ne  rosse  plus. 

MERGADET. 

Et  cinq  ans  de  Giichy,  hein?  quelb  condamnation!... 

DE  LA  BRIYE. 

Au  faiti  c'est  selon  ce  que  vous  ferez  faire  au  personnage I... 
car  mon  honneur  est  intact  et  vaut  la  peine  de... 

MERGADET. 

Vous  voulez  le  bien  placer,  mais  nous  en  aurons  trop  besoin 
pour  n'en  pas  tirer  tout  ce  qu'il  vaut!  Yoyez-vous!  tant  que  je  ne 
serai  pas  tombé,  je  conserve  le  droit  de  fonder  des  entreprises,  de 
lancer  des  affaires.  On  nous  a  tué  la  prime.  Les  commandites  ex- 
pirent de  la  maladie  du  dividende,  mais  notre  esprit  sera  toujours 
plus  fort  que  la  loi!  On  ne  tuera  jamais  la  spéculation.  J'ai  com- 
pris mon  époque!  Aujourd'hui,  toute  affaire  qui  promet  un  ga'n 
immédiat  sur  une  valeur...  quelconque,  même  chimérique^  est 
faisable  I  On  vend  l'avenir,  comme  la  loterie  vendait  le  rêve  de  ses 
chances  impossibles.  Aidez-moi  donc  à  rester  assis  autour  de  cette 


ACTE  IV  525 

table  toujours  servie  de  la  Bourse,  et  nous  nous  y  donnerons  une 
indigestion  I  car,  voyezYons,  ceux  qui  cherchent  des  millions  les 
trouvent  très-diflBdlement,  mais  ceux  qui  ne  les  cherchent  pas 
n'en  ont  jamais  trouvé! 

DE  LA  BRIVE,  àpart. 

On  peut  se  mettre  dans  la  partie  de  monsieur  I 

MSaCABET. 

Eh  bien? 

DE  LA  BRIVE.  ^ 

Vous  me  rendrez  mes  quarante-sept  mille  livres  ?••• 

MERGADET. 

Yes^  Hrl 

DE  LA  BRIVE. 

Je  ne  serai  que  très-habile  ! 

MERGADET. 

Ouh  I  ouh...  Léger  1  Mais  cette  légèreté  sera»  comme  disent  les 
Anglais,  du  bon  côté  de  la  ioil 

DE  LA  BRIVE« 

De  quoi  s'agit-il? 

MERGADET. 

D*étre  quelque  chose  comme  un  oncle  d'Amérique»  un  associé 
dans  les  Indes. 

DE  LA  BRIVE. 

Si  ce  n'est  que  celai 

MERGADET. 

Vous  achèterez  des  actions  en  baisse  pour  les  vendre  en  hausse*^ 

DE  LA  BRIVE. 

Verbalement  I 

MERGADET. 

J'ai  la  signature  sociale!  Mon  associé,  car  nous  sommes  toujours 
associés,  s'en  est  servi  pour  endosser  les  effets  qu'il  m'a  pris  en 
1830;  j'ai  bien  le  droit  d'en  user  aujourd'hui  contre  lui... 

DE  LA  BRIVE. 

Quien,  parbleu  t.. • 

MERGADET. 

Du  moment  où  personne  ne  vous  trouvera»  ne  vous  recon- 
naîtra. •• 

DE  LA  BRIVE. 

Je  cesserai  d'ailleurs  le  personnage  dès  qne  je  vous  en  aurai 


596  U  FAISSOR 

dmaé  pour  qBiraHe-aept  mille  deux  cent  troote-tra»  francs 
Mixanie-dix  neuf  ceaiîmeF. 

Du  bruit?  Justin  écoute  I  (Très-hant.)  Rcatre,  Godûio,  ta  me 

perds.  Allons  t  repose-toil...  (IltepooMB  teula  chambre.) 


SCSNB  lY 
MERGADET,  JUSHN,  BERCHUT. 

JUSTIN,  à  travers  la  porte. 

Monsieur,  c'est  monsieur  Berchut. 

MERGADET,  oovra  la  porte. 

Bonjour,  Berchut.  Il  y  a  eu  de  la  baisse  hier  sur  les  actions  de 
la  Basse-Indre.  ^ 

B£RCHirC« 

Énorme  I  monsieur  Yerdelin  en  a  fait  Tendre  quelques-unes  à 
vingt-cinq  pour  cent  au-dessous  du  versement!  La  panique  ira, 
ce  matin,  on  ne  sait  où! 

MERGADET. 

Si,  à  la  petite  Bourse,  ces  actions  baissaient  de  quinze  pour 
cent  sur  le  cours  d'hier,  je  prends  deux  mille  actions» 

BERCHUT^  tn«  ton  carnet  et  calcole. 

Ce  serait  alors  trois  cent  mille  francs. 

MERGADET. 

C'est  cj  qee  j'ai  calculé  1  Au  pair,  elles  vaudront  six  cent  mille 
francs. 

BERCHUT. 

A  quel  terme,  et  comment  me  cauvrirez-vous? 

MERGADET. 

Une  coavertore  !••«  fi  donci  Je  traite  ferme.  Apportez-moi  les 
actions»  je  paye! 

BERGHDT. 

Dans  la  situation  otf  vous  êtes,  vous  achetex  évidemment  pour 
Godeau. 

MS&GADEi:* 

Godeau  I 

BEftGQDX* 

Je  le  sais  arrif  &« 


Soyona  termes  !  ne  nous  laissons  plus  abuser  par  de  faux  à-con^le. 


ACTE  IV  5Î7 

VEKCADET. 

€hatl  je  suis  perda^  si  Ton  vient  à  savoir...  Qai  vûas  a  dft  eehf 

HERGHUT. 

Votre  portier,  que  mon  commis  a  faitcanser. 

MEBCABKT* 

àhl  j'ai  oobUè  de  loi  sceller  la  Ixiaclw  d*«ne  pièce  d'or. 

BmCHUT. 

Eb  btenf  envoyez  donc  sa  voîiore  chex  qd  carrossier.  Si  vos 
créanciers  (car  je  vous  comprends,  vous  alter  Mqmder),  sfts  la 
votent,  ib  seront  intraitables... 

BOESCABEr. 

Oh!  pour  avoir  de  l'argent  sur-le-champ,  ils  feront  bien  qoet** 
ques  petits  sacrifices.  L'argent  vivant !.•• 

BEBGH17T. 

Oui,  ça  se  payet...  (A  part.)  Il  y  a  toujours  à  gagner  avec  ce 
diable  d'homme-li»««  MLontraos-nooB  bien!  (jBbmâ4  Dites  donc, 
Mercadet,  si  c'est  pour  Godeau?... 

MB&GAPET^  à  paît. 

AHotts  donc}  Bnet*. 

BEaCBDT. 

Qu'il  me  donne  un  .ordre  et  cek  sufiSrat 

UE&GADST,  à  park. 

Sauvé!  (Haot^  UdMt»  mais,  dès  qu  il  sera  réveillé,  vous  aurez 

BERCHUT. 

L'affaire  est  faite,  alors  ;  Goulard  et  deux  autres  spéculateurs 
m'ont  donné  commission  de  vendre  \  tout  prix. 

VERCADGX. 

A  terme.  •• 

BERCHUT. 

A  dix  jours. 

HERCAnET. 

Eh  bien  I  envoyez  tes  actions  à  Duval,  car  €odeau,  oMm  cher* 
m*a  fait  Faffront  de  le  prendre  pour  tianquier... 

BERCHUT,  à  part. 

Et  il  a  eu  raison  f 

MERCADET. 

CTcst  maf,  mais  que  voulez-vous  que  je  diset  II  a  de  si  bonne» 
intentions  pour  moit...  Pas  un  motf...  Nous  allons  reprendre  les 


528  LB  FAISEUR 

affaires !.••  Je  vous  vois  d'ici  la  fia  de  l'année  cent  miUe  francs  de 
courtages  chez  nous... 

BEEGHXIT. 

Puis-je  prendre  de  la  Basse-Indre  pour  mon  compte?... 

HERGADEr,  à  part. 

Encore  un  compère  de  bonne  foi!  (HantoOui,  mais  poussez 
roide  à  la  baisse  à  la  petite  Bourse!...  Tenez  (a  loi  donne  une  lettre.) 
fiiîtes  insérer  cette  lettre  dans  tous  les  journaux,  et  annoncez-la 
lorsque  vous  aurez  acheté...  Entre  nous,  à  l'ouverture  de  la  grande 
Bourse,  il  y  aura  déjà  quinze  pour  cent  de  hausse!  Gardez-moi  le 
secret  sur  le  retour  de  Godeau,  niez-le  I...  (▲  part)  Il  va  le  tam- 
bouriner I 

SCÈNE  V 
UERCADET,  MADAME  MERCADET. 

MERCÂDETy  à  part. 

Bon!  voilà  ma  femme!  Dans  ces  circonstances*là  les  femmes 
gâtent  tout^  elles  ont  des  nerfs!  (Ham.)  Que  veux-tu,  madame 
Mercadet!  Tu  as  une  figure  d'enterrement... 

MADAME    MEaCADET, 

Monsieur,  vous  comptiez  sur  le  mariage  de  Julie  pour  raffermir 
vott-e  crédit  et  calmer  vos  créanciers»  mais  l'événement  d^hier 
vous  met  à  leur  merci... 

MERCADET. 

Eh  bien  !  vous  n'y  êtes  pas,  vous!... 

MADAME  MERCADET. 

Puis-je  vous  être  utile? 

MERCADET,  à  part. 

Je  vais  me  défaire  d'elle  en  la  brusquant.  (Haut.)  UtUei  voosi 
vous  vous  promenez  depuis  dix-huit  mois  avec  Méricourt,  et  voos 
gnorez  son  caractère  :  il  a  de  Targent,  il  est  le  créander  de 
ilichonniu  I...  Vous  ne  serez  jamais  qu'une  bonne  femme  de  mé- 
nage!... M'être  utile?...  Ah!  oui^  tenez,  il  fait  un  temps  superbe  t 
Demandez  une  magnifique  calèche,  habillez-vous,  vous  et  votre 
fille,  et...  allez  déjeunera  Saint-Cloud,  par  le  bois  de  Boulogne» 
vous  me  rendrez  ainsi  le  plus  gi^od  ser?ice.,. 


ACTE  IV  529 

MADAME  HERCADET*  à  part. 

n  trame  quelque  chose  contre  ses  créaaciert»  je  veux  tout  savoir. 

SCÈNE  yi 

Les  Mêmes,  JULTË,  d'tbord,  pnù  MINARD. 

MERCADETy  à  sa  fille  qni  traverM  le  théâlre* 

Allez-Tous  vous  envoler  ainsi  par  les  appartements?  Je  veux  y 
être  seul  avec  mes  créanciers... 

JUUE,  qui  revient  niYie  de  M  isard. 

Mon  père,  c'est  que  c'est.  ••  Adolphe. 

MERGADET. 

Eti  bien  !  monsieur»  venez-vous  encore  me  demander  ma  fille  T 

JUUE, 

Oui»  papa. 

MINARD. 

Oui,  monsieur.  J'ai  déclaré  mon  attachement  à  monsieur  Duval^ 
qui,  depuis  neuf  ans,  me  sert  de  père,  et,  comme  il  a  vu  naître 
mademoiselle  Julie,  il  a  fort  approuvé  mon  choix.  «  C'est  comme 
sa  mère,  atil  dit^  un  trésor  d*honneur,  de  qualités  solides,  et 
une  personne  sans  ambition...  »  Mademoiselle  Julie  m'a  pardonné 
d'avoir  eu  peur  pour  elle  de  la  misère... 

MERGADET. 

Vous  aviez  raison.  Je  ne  veux  pas  que  ma  fille  épouse  un  homme 
sans  fortune... 

MINARD. 

Mais,  monsieur,  j'avais,  sans  le  savoir,  une  petite  fortune... 

MERGADET. 

Ah  bahl... 

MINARD. 

En  me  confiant  à  monsieur  Duval,  ma  mère  lui  avait  remis  une 
somme  que  ce  bon  Duval  a  fait  valoir  au  lieu  de  la  consacrer  à 
mon  entretien.  Ce  petit  capital  se  monte  maintenant  à  trente  mille 
francs...  En  apprenant  le  malheur  qui  vous  arrive,  j'ai  prié  mon* 
sieur  Duval  de  me  confier  cette  somme,  et  je  vous  l'apporte, 
iDonsienr,  car,  quelquefois,  avec  des  à-compte,  on  arrange... 

MADAME  MERGADET,  a'essayaot  let  yenz. 

Son  jeune  homme I... 

TH.  34 


530  LIS  FAISEtR 

JULIKy  e)te  serre  la  main  4»  Klotrd. 

Bien,  bien,  AdolfriuiL.. 

MERGADET, 

Trente  mille  francs!. ..  u  part.)  On  pourrait  les  tripler  en  ache- 
tant des  actions  du  gaz  Yerdeiin,  et  il  y  aurait  moyen  d'arriver!... 
N'oc!  non.  (intmpi)  Enfant,  voui  êtfs  dans  l'âge  du  déToue* 
ment.^.  Si  je  pouvais  payer  cent  mille  écus  avec  trente  mille 
francs^  'a  fortune  de  la  France,  ta  miei)ne,  celle  de  bien  du  monde 
serait  faite...  Non!  gardez  totre  argent. 

MINAfiD. 
Gomment!  tous  me  refaseZ?  (Madame Hercadetrembrasse.) 

HEKGADET,  a  part. 

Je  les  ferais  bien  patienter  un  mois.  Je  pourrais,  par  quelques 
coups  d'audace^  raviver  des  valeurs  éteintes;  mais  l'argent  de  ces 
pauvres  enfants,  ça  me  serrerait  le  cœur...  Ou  ne  chiffre  pas 
juste  en  larmoyant...  On  ne  joue  bien  que  Taisent  des  action* 
naires...  Non,  non!  (Haat.)  Adolphe,  vous  épouserez  ma  fille. 

MINÂRD. 

Ah!  monsieur...  Julie,. ma  Julie .^ 

BIERCADET. 

Quand  elle  aura  trois  cent  mille  francs  de  dot 

MINARD. 

Ah  !  monsieur,  où  noua  rejeiez-yons? 

MERGADET,  à  part. 

Je  ne  vendrai  les  deux  mille  acilons  qu'à  vingt-cinq  pour  cent 
au-dessus  du  pair...  (Haut.)  Dans  un  mois,  et  si  vous  voulez  me 
rendre  service...  (Minard  tend  le  portefeniiie.)  Mdis  serrcz  donc  ce 
portefeailte  î  Eh  bien  f  emmenez  ma  femme  et  ma  fille.  (A  part.) 
Quelle  tentation  I  j'y  ai  résisté.  J'ai  eu  tort.  Enfin^  si  je  succombe, 
je  leur  ferai  valoir  ce  petit  capital,  je  leur  manoeuvrerai  leurs 
fonds...  Ma  pauvre  fille  est  aimée...  Quels  coeurs  d'or!  CUers 
cnfonts  je  tes  enrichirai...  Allons  instruire  mon  Godeau.  (iiiort.) 

SCÈNE  YII 
Les  Méhes,  motni  MERGADET, 

Je  voudrais  tant  racheter  ma  faute! 


âCTE  Ï9  5Sl 

KADllIE   MBRCÂDBT. 

Ahl  moDsienr  Adolphe,  le  malheur  nous  sert  ta  mom  à  rt- 
ooonattre  ceux  qui  nous  soM  vrdinent  atuctiés... 

IDUE. 

Je  ne  vous  remercie  pas,  car  j'ai  coûte  la  vie  pour  cela  !  Mais, 
Adolphe,  ce  moment  où  j'ai  été  fière,  ohl  bien  fière  de  vous,  sera 
pour  le  cœur  comme  un  diamant  qui  letaini  dans  les  fêles  dômes* 
tiqaea 

MADAME  UmCAmSfl. 

Ah  I  mes  chers  enfants  !.. .  si  TOlre  père  voulait  payer  ses  créan* 
derSp  s'il  voulait  renoncer  aux  afiaires  et  aller  vivre  à  la  campa- 
gne, que  nous  manquerait-il  pour  être  heureux?...  Ohl  comme 
je  soupire  après  une  honnête  et  calme  obscurité!  combien  je  suis 
lasse  de  cette  fausse  opulence,  de  ces  alteruadves  de  luxe  et  de 
misère^  les  cahots  de  la  spéculation  ! 

JUUE. 

Sois  tranquille,  maman,  nous  triompherons  de  la  Bourse! 

MADAME  MERGADET. 

Il  fendrait,  pour  convertir  ton  père,  de  tels  événements,  que  je 
ne  les  souhaite  pas!...  Ah!  voici  le  plus  âpre  de  ses  créanciers» 
un  homme  qui  crie  et  menace.. . 

S€ÈNE  YIII 
Les  Mêmes,  GOULARD. 

GOULARD, 

Madame,  pardonnez-moi  de  vous  déranger^  je  ne  veux  pas  être 
liimportun,  je  liefis  me  mettre  aux  otdres  de  mon  cher  ami  Mer* 


MIMAID^  HaoïAuM  Knoultt. 

Mais  il  C8l  toôs-poli* 

JUlJXy  àiMUibni. 

Mon  père  aura  trouvé  quelque  ressource... 

(A  pwt.)  Je  le  craina.  (a  GonUriu>  Il  va  venir,  aioatteiir.. 

GomJtsau 
J'alfli  l'érteemoub  henMi  qui  chaege  là  fiioede  vos'  MAreO 

joue.. 
Ahl  monsieur,  dites-nous  la  v èsité^ cat  nontf  nfen  awoas  neaJ^ 


533  LB  FAiSBUa 

GOULABD,  à  pari. 

Est-elle  fûtéel... 

MADAME  MBEGAUBT. 

Moosieur,  je  tous  en  supplie,  quel  éyénementl*^ 

GOULARD. 

L'arrivée  de  son  associé,  de  Godeaa. 

MADAME  MERGADET. 

Ah!  monsieQrl  ma  fille)...  Adolphe!  ahi  qoel  boobear!..; 
Monsieur,  vous  avez  va  Godeaa!  revient-il  riche?... 

GOULA'RD. 

Vous  le  savex  bien,  il  a  débarqué  chez  vousl,  .  vous  doooies  h 
illiier  pour  loi;  mais  il  est  arrivé  trop  tard... 

MADAME  MERCADET. 

Godeau  ici  I .. .  cette  nuit? 

GOULARD. 

Oh  t  j'ai  vu  sa  berline. 

JULIE. 

Oui,  maman,  il  est  venu  cette  nuit  one  Toiture... 

MADAME  MERCADET. 

Monsieur^  personne  n'est  venu  cette  nuit  chez  moi,  je  vous  le 
jure... 

GOULARD. 

Très-bien,  madame,  vous  entendez  à  merveille  les  intérêts  de 
monsieur  Mercadet!...  Il  vous  a  fait  votre  leçon... 

MADAME  MERCADET. 

Monsieur... 

GOULARD. 

Mais  il  ne  pourra  pas  longtemps  nous  cacher  Godeaa  !•••  Nous 
attendrons...  un  mois,  s'il  le  faut.  D'ailleurs,  cela  se  sait  à  la  pe- 
tite Bourse;  où  tous  ses  créanciers  s'étaient  donné  rendez-vous  ce 
matin.  Godeaa  a  déjà  pris  deux  mille  actions  de  la  Basse-Indre... 
Mauvais  début  On  voit  bien  qu'il  arrive  des  Indes,  il  ne  connaît 
pas  encore  la  place  I    . 

MADAME  MERCADET. 

Monsieur,  vous  me  parlez  hébrea... 

GOULARD.  . 

Eh  bien!  je  vais  parler  français.  Tenes,  madame,  je  ferai  un 
petit  sacrifice  sur  ma  créance,  si  vous  voulez  me  donner  les 
moyens  de  m'entendre  avec  Godeau... 


ACTE  IV  533 

JULIE. 

Monsieur,  ma  mère  et  moi  nous  ne  comprenons  rien  aux 
affaires!  .. 

GOULARD,  à  part. 

Comme  ce  gaillard-là  sait  se  servir  de  sa  femme  I  et  quel  air 
d'ingénuité  la  ûlle  et  la  mère  savent  prendre!  Je  me  marierai  !... 

MADAME  MERGADET,  à  Goulard. 

Alonsieur»  je  vais  tous  envoyer  mon  mari.  (A  •«  mie.)  Je  crains 
la  hardiesse  de  ton  père...  S'il  veut  nous  renvoyer,  c'est  qu'il  a 
peor  de  nous.  Obi  celte  fois,  je  vais  surveiller  ses  opérations. 

(Jttlie  et  ta  mire  lortent.) 

SCÈNE  IX 
GOULARD,  MINARD. 

GOULARD. 

Écoutez,  monsieur,  je  sais  que  vous  épousez  mademoiselle 
Mercadet,  Doval  me  l'a  dit.  Si  le  vieux  père  Duval  vous  a  con- 
seillé ce  mariage,  c'est  qu'il  savait  l'arrivée  de  Godeau,  car  Go- 
deau  n'a  confiance  qu'en  Duval.  Berchut  sait  tout! 

MINARD. 

C*est  vous  qui  m'apprenez  l'arrivée  de  monsieur  Godeau. 

GOULARD. 

Bien!  vous  vous  regardez  comme  étant  de  la  famille,  et  vous 
êtes  dans  le  complot  du  silence  l...  Eh  bien^  tenez,  c'est  dan, 
l'intérêt  de  Mercadet  :  dites  à  Godeau  que  s'il  veut  Aie  payer  sur* 
le -champ,  je  fais  une  remise  de  vingt- cinq  pour  cent.. 

MINARD. 

Monsieur,  je  n'ai  point  encore  le  moindre  droit  à  m'occuper 
des  affaires  de  monsieur  Mercadet,  et  il  trouverait,  je  crois,  très- 
mauvais  que  je...  D'ailleurs,  le  voici... 

SCÈNE  X 
Les  Mêmes,  MERCADET,  pui  JUSTIN. 

MERCADET. 

Mon  cher  Adolphe,  ces  dames  vous  attdendent.  (Bas.;  .emme- 
nez-les déjeuner  à  la  campagne,  ou  vous  n'aurez  jamais  Julie» 


53ft  L9  FA1SBDR. 

» 

Je  TOUS  le  promets.  ••  (n  tort.) 

MERGADET. 

Eh  bien,  Goalard,  vous  êtes  tons  décidés,  ro'a-t-on  dit  hier,  \ 
me  faire  déposer  mon  bilan!  Tons  prétendez  que  je  suis  on  fai- 
seur... 

Toasl  on  des  hommes  les  plus  capables  de  Paris!  mi  Iiomme 
qui  gi|;nera  des  miHions  dès  qu'il  en  aura  un  f 

VBRCABET. 

Ne  VOUS  étes-vous  pas  assemblés  pour... 

GOULARD. 

Pour  savoir  comment  vous  aider  !  nous  attendrons,  moa  cher 
ami,  tant  qu'il  vous  plaira.. 

MERCADET. 

Un  mot  du  lendemain  !  Je  vous  remercie  comme  si  vous  m'a- 
viez dk  ceh»  OM»  cher^  hier  matin...  (JoiHb  «rtn.)  Que  foolez- 
VQBS,  Justin  7 

JUSTm,  bas. 

Monsieur...  Bunsieur  Vioietie  m'offre  soiiaole  IcMca  si  je  loi 
fais  parler  à  monsieur  Godeau^. 

HERGAttET. 

Soixante  francs  ! ...  (▲  part.)  Il  me  ies  a  volés  !. . . 

JQSTUf. 

Nonaieur  ne  veut  pasque  je  perde  <xi.prD6t«4à.1*«* 

Laisse-toi  «ooDopreL».  t«  devieoa  lite-8eciétMr«f«liete 
livre  aussi  celui-là...  tonds-le. .« 

OhldaisrteU 

MERCADET. 

Goulardi  vous  permettez?...  J*ai  deux  mots  à  écrire  relative- 
ment à  ce  que  Justin  vient  de  me  dire.. .  (neretdet  aort) 

SCÈNE  XI 
GOULABD,  JUSTIN. 

OOULAi  i. 

J  ai  oompflK** 


â€TC  IV  535 

MôttÉievf  flU  fli  Bii1<«* 

Combien  Violette,  il  est  là,  t'ofifre-t-il  pour  loi  faire  pttUsf  ft 
monsieur  Godeao? 

JrMsnJI. 

Monsieur  sait  que  monsieur  Godeau?,..  Non»  il  ne  m'a  rien 
offert.  •• 

GOUIARD. 

Que  t'a-t-il  donné? 

JUSTIN. 

Pour  trahir  monsieur,  qui  m'a  tant  recommandé  de  cacher 
l'arrivée...  damel  dix  louis. 

GOULARD. 

£n  voiTà  quinze»  mon  garçon  î 

JUSTIN,  à  part. 

Ahl  si  monsieur  Godeau  pouvait  venir  souvent  I... 

GOULARD. 

Mais  je  le  verrai  le  premier!...  Une  créance  de  soixante-quinze 
miOe  francs.  « 

JUSTIN. 

Si  monsieur  veut  attendre  avec  monsieur  Violette  dans  un  ca- 
binet noir,  j'irai  vous  avertir  au  moment  où  monsieur  Godeau 
déjeunera,  car  monsieur  veut  qu'il  soit  servi  dantf  ce  salon. 

GOULARD. 

BienJ  <ii«orto 

JUSTIN. 

Ils  seront  là  comme  du  poisson  dans  un  vivier»  et  je  les  meltnd 
dedans  tous  les  uns  après  les  autres... 

SCÈNE  XII 
JUSTIN,  MJSaCÂDET. 

Ehbienl 

raiiendrti  ta»  ofiM  «te  ttoasicvr  p6«ir  fa}  MMer  v«lr 
siearGMhao^ 


536  LB  FAISEUR 

MEUGADET. 

Va,  mon  garçon,  fais  ta  recetie,  et  surtout  n'écoute  pas  ce  que 
nous  dirons,  Godeau  et  moL..  (A part.)  Il  va  Tenir  coller  son  oreille 
à  la  porte  1 

SCÈNE  XIII 
MERCADET,  puii  DE  LA  BRIYE. 

MEAGADET,  mi  moment  seul. 

C'est  effrayant  comme  il  ressemble  à  Godeau,  tel  que  je  me  le 
figure  après  bientôt  dix  ans  de  séjour  aux  Indes. ..  Venez.  •• 

DE  LA  BRIYE,  dégnîsé. 

Ah!  mon  cher  ami!  quel  affreux  climat  que  le  climat  de  Pa- 
ris I...  Si  je  n'avais  pas  mon  fils  ici,  je  n'y  serais  jamais  revenu; 
mais  il  était  bien  temps  d'apprendre  à  ce  pauvre  garçon  que  son 
père  et  sa  mère  se  sont  mariés... 

MERCADET  fait  du  brait  à  la  porte  et  Éoime. 

^  Ah  ça  !  vous  avez  donc  joué  la  comédie,  vous  êtes  supérieure- 
ment grimé... 

DE  LA  BRIVE. 

Mon  début,  en  1827,  fut  une  marquise  d'un  certain  âg.e  qui 
aimait  à  jouer  les  jeunes  premières;  elle  avait  à  sa  terre^  en  Tou- 
raine,  un  théâtre,  (Jastin  entre.) 

MERCADET. 

Du  feu  I  pour  le  houka  de  monsieur.  Tu  verras  à  servir  ici,  sur 
ce  guéridon,  le  thé  de  monsieur. 

JUSTIN. 

Monsieur^  Pierquin  essaye  de  corrompre  le  père  Grumeau... 

M^RGADET. 

Laisse  entrer^  dès  que  ma  femme  et  ma  fille  seront  sorties. 

(Mercadet  allame  le  fourneau  du  honka.) 

JUSTIN. 

Il  le  soigne  comme  nn  actionnaire  fondateur...  (instiBsert  le  dé- 
jeuner.) 

MERCADET. 

Écrivons  nn  mot  à  Duval  pour  Je  prier  de  me  seconder»  Il  est 
bien  puritain.  Bah!  puisqu'il  s'intéresse  à  Julie,  il  me  sauvera. 


ACTE  IV  537 

(Mereadet  éerit  mir  le  devant  de  la  seène.)  (A  Jnstin.)  Faites  porter  Ce  mOt  à 

Dnval  par  le  père  Gromeau.  (JuUa  aort.)  Quelle  aadace  t  Mais  si  les 
actions  de  la  Basse-Indre  allaient  rester  au-dessous  du  pair  7... 

DE  l  BRIYE» 

Oui,  que  nous  arriverait-il? 

MERCADET. 

Bab  !  le  hasard,  c'est  cinquante  pour  cent  pour,  et  cinquante 
pour  cent  contre. 

SCÈNE  IIV 

Les  Mêmes,  GOULÂRD,  VIOLETTE. 

GOULARD,  à  Violette. 

Quand  je  vous  le  disais  I. ..  Il  le  garde  comme  un  capital  de 
réserve... 

VIOLETTE, 

Mon  cher  monsieur  Mereadet... 

MERCADET. 

Pardon!  je  suis  en  affaires... 

GOULARD. 

Nous  savons  avec  qui... 

MERCADET. 

Bah  !  je  vous  en  défie.  • . 

VIOLETTE. 

Le  bon  monsieur  Godeau... 

MERCADET. 

Quel  conte  vous  a-t-on  fait!  Je  vous  déclare,  père  Violette, 
que  monsieur  n'est  pas  Godeau.  Je  prends  Goulard  à  témoin  de 
cette  déclaration... 

GOULARD,  à  Violette. 

Il  ment  comme  un  prospectus  ;  mais,  en  affaires,  cela  se  fait. 

VIOLETTE. 

Sans  cela  le  commerce  serait  bien  malade. .. 

GOULARa 

Enfm,  monsieur  le  représente  au  naturel,  je  le  reconnais..* 
r  ncv.,  Vercadet,  n'essayez  pas  de  le  nier. .. 


SS8  IM  FAI9BDR 

MEBGAJWT* 

Je  ne  tde  pif  qat  Godeau*..  {n4iM]i  «wis.)  CkideMi,  tor  le 
compte  ée  qui  le  m'étais  ealîèremeitt  tiMopé»  je  KnkfarM  poe- 

voir  le  dire  à  tout  Paris,  que  k  probe,  qae  le  délicat,  le  bon  Go- 
deau,  homme  capable,  plein  d'énei^ie,  M  puisaeétce  en  «oute, 
€t  sur  le  point  d'arriver. 

YIOUETTEtf 

Nous  le  savons,  il  est  revenu  de  Calcutta, 

GOULABD. 

Avec  une  fortune.. • 

HnCABET. 

Incalcuttable  t 

BOOXJMk 

C'est  heureux  1...  On  le  dit  nabab  t 

VIOLBTTR 

Conrmeiit  parte-t*oii  )  un  nabab? 

MERGADET,  à  Violette,  qui  l'aTUoe. 

Ohl  ne  lui  parlez  pas...  Comment  voulez-vous  que  je  le  laisse 
en...  ennuyer  par  mes  créanciers  T 

GOULAKD,  qui  s'est  glissé  josqn'à  da  U  Britt. 

Excellence  ! 

MEBGADET. 

Goulard,  permettez!^.,  je  ne  souffrirai  pas««« 

VIOLETTE. 

C'est  tout  à  fait  un  Indieiu 

MERCADEt. 

Il  a  beaucoup  changé!  Le»  ladeaont  un  effet  snr  les  gens.. 
Ymm  «om|prenez.U.  k  cbo&érat  k  carrick  (carey),.  k  piment... 

Payez-moi  ce  que  me  doit  votre  ami  Mercadett.  et  j'abaBdenae 
vingt  pour  cent. 

Avez-vous  les  papers  ?... 


Ohl  Goulard. 

GOULABD. 

Mon  ami»  il  ne  demande  qp'à  payée»** 


ACTE  IV  539 


SCÈNE  XV 

Les  Mêmes,    MADAME  MERCADET.  Quand  elle  omte  U  porte,  om 

aperçoit  nn  groape  de  créanciers.  Elle  fait  ligne  à  Julie  et  à  Minard  qui  l'accom- 
pagnent,  de  passer  dans  sa  chambre,  et  ils  y  passent. 

MEAGADET,  à  part. 

Boni  elle  va  faire  an  coup  de  probité  bSte  qui  me  inera... 

MADAME  MERCADET,  aux  denz  créanciers. 

Messieurs,  arrêtez!...  Monsieur  Alercadet  est  la  victime  d'une 
mauvaise  plaisanterie  cen  regardant  la  Brive),  fàime  à  le  croire,  qui  ne 
doit  pas  vous  atteindre  dans  vos  intérêts... 

GOULARD. 

Madame..  • 

MADAME    MERGADEC 

Monsieur  n*est  pas  monsieur  Godeau. 

MERCADET. 

Madame  I... 

MADAME  MERCADET,  à Mercadet  avee  fen  et  antorillk 

Vous  êtes  trompé,  monsieur,  par  un  intrigant •• 

VIOLETTE. 

Mais  alors,  madame  ?.«« 

MADAME  MERGADKT. 

Mesûeon,  si  vous  gardez  le  silence  sur  atuà  entniprise  ^e  je 
ne  veux  pas  qjialifiec,  tous  serez  payéa^« 

El  par  ^ps»  ê%  vooft  pkdt,  ma  i^te  damet 

MASAMB  laftCASBr» 
Par  monsieur  Du  val  !«••  (llAvraaBDt^ea  dewaoïéaneiers  qui  se  oonaoUent^ 

maCÂBKTy  4  fttl. 

EKe-«&..  •aileval^ 

Allez  chez  lui  ce  soir,  vous  m'y  troswres,  et  tous  les  crêancien 
WÊÊÊitwr  Mercadfli  tertm  satMMtn^ 

VI0CBTTS« 
Ob!  alors  !•••  (lis  lortent.) 


•• 


5ii0  LE  FAISEUR 


SCÈNE  XVI 
Lee  MâMES,  moins  GOULARD  et  VIOLETTE. 

DE  LA  BRIYE. 

Savez-vous  bien,  madame,  que  si  vous  n'étiez  pas  une  femme?. 
Je  suis  monsieur  de  la  Brive. 

MADAME  MERGADET. 

Vous,  monsieur  de  la  Brive?  non,  monsieur.. • 

MERGADET. 

A-t-elle  de  l'audace  !  je  ne  la  reconnais  plus. 

DE  LA   BRIYE. 

Gomment?  je  ne  suis  pas  moi? 

MADAME  MERGADET. 

Monsieur  de  la  Brive^  monsieur,  est  un  jeune  homme  que  j'ai 
pu  juger  hier,  à  dîner.  II  sait  que  les  dette  ne  déshonorent  per- 
sonne quand  on  les  avoue,  quand  on  travaille  à  les  payer;  il  a  de 
l'honneur,  il  les  payera,  car  il  a  devant  lui  toute  sa  vie  et  il  a  trop 
d'esprit  pour  la  vouloir  flétrir  à  jamais  par  une  entreprise  que  la 
justice  pourrait.. 

.  DE  LA  BRIVE. 

Madame,  je  suis  bien  réellement..  • 

MADAME   MERGADET. 

Je  ne  veux  pas  savoir,  monsieur,  qui  vous  êtes!  mais^  qui  que 
TOUS  soyez,  vous  apprécierez,  je  le  crois^  le  service  que  je  viens 
de  vous  rendre  en  vous  arrêtant  sur  le  bord  d'un  abtme..  • 

DE  LA   BRIVE. 

Madame,  votre  mari  m'y  a  précipité  en  me  promettant  de  m 
rendre  des  titres  qui  me  barrent  mon  avenir. .• 

MADAME  MERGADET. 

Mon  mari,  monsieur,  est  un  honnête  homme,  et  il  vous  les 
rendra!...  Nous  nous  conlenterons  de  votre  parole,  et  vous  vous 
acquitterez  quand  vous  aurez  loyalement  fait  votre  fortune. 

DE  LA  BRIVE. 

Ah!  madame^  vous  m'avez  ouvert  les  yeux!  Je  suis  monsieur 
de  la  Brive  :  c'est  vous  dire  que,  dès  ce  moment,  j'entrerai  coura- 
geusement dans  la  voie  du  travail. 


ACTE  IV  5&1 

MADAME   MKBCADET. 

Le  droit  chemin,  monrienr^  celai  de  l'iionneoff  est  pénible^ 
mais  le  del  y  bénit  tous  vos  efforts I... 

MSRGADST,  à  part. 

On  a  do  crédit,  comme  çai  comptez-y,  jeone  homme  1 

DB  LA  BRITE. 

Gomment  reconnaître?...  je  vous  serai  fiiialement  attaché  pour 

le  reste  de  mes  jours.  (Il  loi  baise  k  main  atee  reapoet,  salve  Mareadet  et  rentit 
dans  la  chambre  de  ce  dernier.) 

SCÈNE  XVII 
MBliCADBT,  MADAME  MEHCADET. 

MEEGAOBT. 

Ah  çàl  nous  voilà  seubi  Vous  venez  de  me  ruiner^  madame! 
Ha  liquidation  allait  se  faire  comme  par  enchantement!  Vous  avei 
donc  rencontré,  je  ne  dirai  pas  le  Potose^  mais  la  planche  à  billets 
de  la  Banque  de  France? 

MADAME  MEEGADET. 

Non,  monsieur,  j'ai  rencontré  Thonneur. 

MBaCADET. 

Abl  ah!  Était-il  accompagné  de  la  fortune? 

MADAME  MEBGADET. 

Obi  ne  plaisantez  pas,  monsieur.  Je  suis  une  pauvre  femme, 
sans  aucune  science  que  celle  du  cœur,  et  à  qui  le  pressentiment 
qui  nous  éclaire  sur  les  intérêts  de  l'homme  dont  nous  portons  le 
liom  a  dit  que  vous  alliez  jouer  la  fortune  contre  le  déshonneur. 
Pardonnez-moi,  je  crois  plus  au  déshonneur  qu'à  la  fortune.  J*ai 
voulu  vous  voûr. rester  probe,  loyal,  courageux,  enfin  tout  ce  que 
vous  avez  été  jusqu'à  présent. 

MERGADBT. 

J'étais  debout,  jusqu'à  cette  heure,  et  vous  venez  de  me  mettre 
aussi  bas  que  l'emprunt  d'Haïti. 

MADAME  MERCADET. 

Monsieur,  ce  n'est,  direz-vous,  que  des  idées  de  femme,  mais 
laites-moi  la  grftce  de  les  écouter  1  J'ai  peut-être  encore  deux  cent 
mille  francs  de  fortune,  prenez-les  pour  satisfaire  tous  vos  ciéan* 
ciers. 


542  LB*  FAiSffiJB 

lOBIMSÂDBr* 

Et  aprètî  oms  SMons  aastî  paujrves:  qam  TBipagMl 

MADAMK  HBHCAMrn 

Nous  serons  riches  de  ceosidéralkmi 

KÊMCATfETt 

£i  puis? 

VABAHS  MEBCADffP. 

Votre  fille  et  votre  gendre,,  \Qivt  lemne:  et  vo«,  monmear,  eb 
bien!  nous  travaillerons!...  Oui,  nous  recommencerons  la  vie 
avec  le  petit  capital  d*Adolphe^  et  nous  gagnerons  la  fortune  né- 
cessaire à  vivre  dans  une  honnête  médiocrité,  sans  chances,  mais 
heureux...  £n  spéculant,  monsieur,  il  y  a  mille  manières  de  faire 
fortune,  mais  je  n'en  connais  qu'une  seule  de  bonne,  que  la  brave 
bourgeoisie  n'aurait  jamais  dû  quitter  :  c'est  d'amasser  l'argent 
p  r  le  travail  et  par  la  loyauté,  non  ptir  des  ruses...  La  patience, 
h  lagesie,  réconomie,  seni  trois  vertus  ctomeslîcfues  qui  conser- 
lent  tout  ce  qu'elles  donnent  N^Msistes  pas^  monsieur.  Yoiis  êtes 
cfttre  une  femne  qoî  vous  aime,  qm  vous  estlnse,,  er  des  enfants 
qui  vous  chérissent  :  laissez-nous  vénérer  toujours  ee  que  nous 
aimons...  Quittons  cette  atmosphère  de  mensonges,  de  finesses^ 
cette  fausse  opulence  q«  n'eo  impose  pU»  à  personne.  N^euesions- 
nous  que  du  pain,  nous  le  numgevoB»  gaiement^  et  il  ne  nous  res- 
tera pas  dans  le  gosier  comme  les  délkateases  de  ces  festins  où 
l'on  se  rit  des  actionnaires  ruinés^ 

XERCASET,  i  pftrt. 

EhiMNz  raîsoû  obc  fois  à  vetre  femme,  ci  voue  été»  à  jamais 
aniittlé  431)9  votre  anéoage  Les  femmes  se  âiscitf  généreoses,  mais 
lear  géAésrwité*  a  des  intermittences,,  comme  leefièvvea  qnarlei. 

MADAHB  XERCADET* 

Yeosiiésiteriesl^». 

MERCAOET- 

Vous  venez  de  renverser,  a>viec  d'excellentes  intentions,  la  for- 
tune que  j'avais,  enfia  trouvée,  •«  et  vousi  îroulei  que  jei  low  re- 
mercie! Vous  vous  mêlez  de  me  juger?*.. 

MAIkAMS  MERGAOEI. 

Non,  memieQrt  je  ne  vous  juge  pas*..  (A  s«ii.)  Ahl  qwile  UMe  ! 
i^aut.)  Laissezrmoi  consulter  Ià-des8u&  deux  cœme  dreits^  pfUSr 
d'une  d^Ucatesse  que  le  contact  du  naoede  n'a  pMenœre.effltiBéa. 
Faites-moi  la  grâce  d'entrer  dans  votre  cabinet  pour  deux  miaulai 


ACTE  IV  5^5 

M£RGÂB£T. 

Voyons  1...  (A  pan.)  J'y  poarrai  réfléchir  au  parti  que  je  doi» 
prendre. 

SCÈNE  ÎYIH 
MADAME  MERCADET,  puis  JULIE,  MINARD. 

MÀDAHE  MERCADET. 

Mes  enfants,  venez... 

HINARD* 

Nous  voici  I  Que  voulez-vous? 

MADAME  MERCADET. 

Votre  père  se  trouve  dans  une  situation  encore  plus  affreuse 
que  je  ne  le  croyais,  et  il  s'agit  cette  fois,  comme  il  le  dit,  de 
vaittcro  ou  de  moniir.  Or,  avec  beaucoup  de  ruse  et  d^indace,  \\ 
payerait  ses  dettes  et  aurait  en  peu  de  temps  une  fortune.  Notre 
aide  et  notre  intelligence  sont  nécessaires  pour  faire  réussir  un 
plao  tpès-hardr.  Si  tout  le  monde  croit  au  retour  de  Godeau,  si 
vom,  Addpile»  vous  vous  déguisiez  de  manière  à  faire  son  per- 
sonmige...  (HoaTement  de  Minard.)  monsieur Mcrcadct  pourrait  ache- 
ter, sous  son  nom,  des  actions,  et  obtenir  de  ses  créanciers  de 
fortes  remises.  Les  actions  doivent  monter  et  tout  payer  en  peu 
deieopt:  achat  et  créanciers...  Il  nons  faudrait  te  concours  de 
monsieur  Duval.. . 

JDUS. 

Qhl  maman I  votre  attachement  pour  mon  père  vou^  égarer 
Pardon  !  il  ne  pe«l  pas  avoir  fait  un  pareil  pkn^  et  je  n'épouserai» 
pas  Adolphe,  s'il..* 

ADOlfSE. 

Obi  bien,  Julie!...  (ii  loi  baise  la  main.)  Madame,  demande^moi 
ma  vie  et  tout  ce  que  je  possède!...  mais  tremper  dans  une... 
Ohl  j'irai  supplier  monsieur  Duval  de  donner  Tappui  de  son 
crédil  à  monsieur  Mercadet;  mai^souig»  dose,  madame^  à  ce  que 
vous  me  demandez?...  C'est  une... 

MADAME  MERCADET,   tivement. 

Une  rouerie! 

MINARD. 

C'est  bien  pis!  En  supposant  un  plein  succès,  un  homme  serait 
encore  déshonoré!...  C'est... 


^Ull  LB  FAISEUR 

JULIE. 

Adolphe  !  n'achevez  pas  I 

lONÀBD. 

Au  uoin  de  tout  ce  qae  Toas  avez  de  plus  cher»  madame»  re- 
noncez à  ane  idée  pareille  :  ma»  la  faillite  vaot  mieux,  on  s'en 
relève;  et  icl.« 

SCÈNE  XIX 
Les  Mêmes,  MëRGADET. 

« 

MSnCADVT. 

Adolpbel  voua  épouseriez  la  fille  d'un  failli! 

MHÏARD. 

Oui^  monsieur,  car  je  travaillerais  à  saréhabiiitation...  (Menadsi, 

M  femme  et  sa  fille  entoureiit  Adolphe.) 

MERCADET,  à  put. 

Je  suis  vaincu!...  (A  ta  femme.)  Vous  êtes  une  noble  et  bonne 
créature.  (A  part.)  Combien  de  gens  cherchent  uq  pareil  trésor  1 
Quand  on  Ta,  c'est  une  folie  que  de  ne  pas  y  tout  sacrifier...  (Hant  ) 
Vous  méritiez  un  meilleur  sort!... 

KADAMB  MERCADET. 

Ahi  mon&ieur,  vous  voilà  tel  que  vous  étiez  avant  le  départ  de 
Godcau. 

MERCADET. 

■ 

Oui,  car  je  suis  ruiné,  mais  honnête!  Oh!  je  suis  perdu  I... 
(A  part,  poar  être  entends.)  Je  sais  cc  qui  me  rcste  à  faire  I 

MADAME  MERCADET. 

Je  tremble!  Mes  enfants,  ne  quittons  pas  votre  père,  aiaeourent 

tout  trois  après  Meroadet.) 


rar  DO  QUATRIÈME  ACTE, 


ACTE    CINQUIÈME 


SCÈNE   PREMIÈRE 

JUSTIN,  THÉRÈSE,  VIRGINIE,  BRÉDIF.  Justin^entre  U  prcmîar 
et  fait  signe  à  Thérèse  d'atancer;  Virginie,  munie  de  ses  litres,  avance  hardi- 
mentsar  le  canapé.  Brédif  entre  ters  le  miliea  do  la  scène;  Justin  Ta  regarder 
par  le  troo  de  la  serrure  et  colle  son  oreille  &  la  porte. 

TU£RÈS£. 

Est-ce  qa'ils  auraient  par  hasard  la  prétention  de  nous  cacher 
leurs  affaires? 

VIRGINIE. 

Le  père  Grumeau  dit  que  monsieur  va-^êlre  arrêté.  Je  veux 
que  Ton  compte  nia  dépense.  C'est  qu'il  m'en  est  dû,  de  cet  ar- 
gent,  outre  mes  gages! 

THÉRÈSE. 

Ohl  soyez  tranquille,  uous  allons  tout  perdre.  Vous  ne  savez 
donc  pas  ce  qu'est  une  faillite?... 

JUSTIN. 

Je  n'entends  rien  :  ils  parlent  trop  bas  !  Monsieur  se  méfie  tou- 
jours de  nous. 

VIRGINIE. 

Monsieur  Justin,  qu'est-ce  donc  qu'une  falite?,.. 

JUSTIN. 

C'est  une  espèce  de  vol  involontaire  admis  par  la  loi,  mais  ag- 
gravé par  des  formalités.  Oh  I  soyez  calme,  on  dit  que  monsieur 
liquide... 

VIRGINIE. 

Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ?.,. 

JUSTIN. 

La  liquidation,  c'est  toujours  !a  faillite,  ruais  compliquée  par  la 

bonne  foi  du  débiteur...  qui  supprime  les  formalités... 

TU.  35 


546  U  FAISECR 

THEfiiSE. 

Usait  tout^  Justin!... 

JUSTIN, 

C'est  des  phrases  à  monsieur  :  je  suis  son  élSve^.. 

BREDIF.  Il  entre  sans  être  m. 

Oh!  pour  le  coup  j'ai  mon  appartement,  non  pas  dans  trois 
mois,  mais  dans  quinze  jours!...  ITy  a  fait  bien  des  frais!  il  adoré 
les  salons.  Oh  !  c'est  pour  moi  mille  écus  de  rente  de  plus... 

JUSTIN. 

Voilà,  monsieur.  (Tons  se  mettent  en  place  an  food  de  la  scène  poar  n'être 
pas  vos.) 

SCÈNE  II 
Les  Mêmes,  MERCADET.  ii  est  abatm. 

MERCADET. 

Que  voulez-Tous^  monsieur  Brédift  votre  appartement?  yous 
l'aurez!... 

m 

BREDIF,  à  part. 

Je  voudrais  le  voir  parti,  car  ce  diable  d'homme  a  des  rcs- 
sources.  (Haat.)  iMonsieur,  vous  trouverez  tout  naturel  que  je  m'in- 
téresse beaucoup  plus  à  un  locataire  qu'à  des  gensr  comme  vos 
ciéanclers,  qui  m'ont  usé  les  marches  dé  mon^  escalier. 

MERCADET. 

Oh  !  inspirer  là  pitié  ! ...  • 

BRÉDIF. 

Yous  savez  que  je  possède  la'  maison  contiguê  à  la  mienne,  rue 
de  Ménars.  Donc,  au  Uout  de  mon  jardin,  j^aL' une* porte  de  sortie 
donnant  dans  la  cour  de  cette  seconde  maison. 

MERCADET. 

Eh  bien ?1... 

BRÉDIF. 

Si  vous  voulez  fuir... 

MERCADET. 

El  pourquoi?... 

BRfbiF. 

Mais  votre  affaire  se  sait  On  parle  de  plainte. .. 


ACTE  V  547 

MERGADET. 

Oh!  voici  donc  toutes  les  horreurs  de  la  faillite ^  cette  agonie 
^e  rbonneur  des  négociants.. •  (n  voit  ses  gens.)  Que  faites-vous  là? 
^llez-Toas-en  ! 

JUSTIIS. 

Nous  ne  demandons  pas  naieux,  monsieur^  mais  nous  altea* 
4lons... 

HEKCADET. 

Quoi? 

THERJSSE. 

:Nos  gages... 

UERGADET. 

Allez  chez  madame  fiercadet,  elle  tous  payera.  (A  Brédif.)'  Je 
Teste  ici,  mon  cher  monsieur  Brédif. 

BRÉDIF. 

¥ou8  ne  connaissez  donc  pas  le  danger  de  votre  position  f 

MERGADET. 

.Ifla  position  «..  elle  jest  excellente.  •• 

BRÉDIF. 

11  perd  la  télc  T. .. 

MERGADET. 

Que  me  donnez-vous  pour  rompre  mon  bail)  Vous  y  gagnerez 
trois  mille  francs  par  an,  sept  ans  font  vingt  et  un  mille  francs. 
Composons. 

BRÉDir,  k  part. 

'Non,  il  ne  perd  pas  la  tête.  (Hant.)  Riais,  mon  cher  monsieur^. 

MERGADET. 

Ma  fortune  est  au  pillage^  je  dois  faire  comme  les  faillis  :  en 
^prendre  ma  part. 

br£dif. 
Vouf  ne  savez  donc  pas  qu'en  cas  de  plainte,  Je  serai  témoin? 

BOERGADET. 

Témoin  de  quoi? 

BRRânr. 
Et  la  berline  arrivée  vide  ! 

MERGAlffiT. 

Je  deviens  fou!  ah!  ma  femme  avait  raison!  (A  Br^dir.)  Brédif| 
^Ucz  aux  Champs-Elysées,  allée  des  Veuves  I 


5^8  LB  FAISEUR 

BRÉDIF. 

Eh  bien  7... 

MERCàDET. 

Vous  y  verrez  bien  plus  d'une  berline  vide!  vous  en  verrez  des 
centaines. ••  et  toujours  vides... 

BRÉDIF,  à  part. 

Oh!  ses  créanciers  auront  aiïaire  à  forte  partie.  (Haut.)  Votre 
serviteur  I 

MERGABET. 

De  tout  mon  cœur... 


SCENE   III 
MERCADET,  seul,  puU  BERCHUT. 

MERGADET. 

Quelle  avidité!...  C'est  dans  l'ordre!  la  rivière  a  plus  soif  que 
le  ruisseau...  BercbutI  ab!  voilà  ma  punition!  Allons!  patau« 
geons  dans  les  boues  de  l'humiliation.  Brédif  était  la  sommation, 
lui,  c'est  le  premier  coup  de  feu.  (Haut.)  Bonjour,  mon  cher  Ber- 
chut. 

BERCHUT. 

Bonjour,  mon  cher  monsieur  Mercadet. 

KERCADET. 

Eh  bien  !  vous  avez  dix  degrés  de  froid  sur  la  figure.  Est  ce  que 
ks  actions  de  la  Basse-Indre  ne  sont  pas  en  hausse? 

BERCHUT. 

Si  fait,  monsieur.  Nous  atteindrons  au  pair  ce  matin,  à  Tortoni; 
pais,  à  la  Bourse.  On  ne  sait  pas  où  cela  peut  aller  I  le  fea  j  est. 
Votre  lettre  fait  des  merveilles.  La  Compagnie  a  senti  le  coup,  elle 
va  déclarer  à  la  Bourse  le  résultat  des  opérations  de  sondage,  et  la 
mine  de  la  Basse-Indre  vaudra  celle  de  Mons. 

MERCADET. 

Yous  en  avez  acheté  pour  vous  d'après  mon  conseil?... 

BERCHUT. 

Cinq  cents... 


ACTE  V  549 

MERCADET,  le  prend  par  la  taille. 

Vous  me  devez  cela.  Mais  je  suis  enchanté  de  vous  avoir  mis... 
ah  !  ah  1  cinq  cent  mille  francs  peut-être  dans  votre  poche.  Madame 
Berchat  voalait  nn  éqaipage,  elle  Taural...  Mou  cher,  les  jolies 
femmes  à  pied,  moi,  ça  me  navre;  mais  à  vingt  pour  cent  au- 
dessous  du  pair,  réalisez! 

BERCHUT,  à  part. 

C'est  le  roi  des  hommes,  il  n'a  jamais  fait  de  mal  qu'à  ses 
actionnaires  I 

MERCADET. 

El  puis,  voulez-vous  un  autre  conseil?  quittez  la  coulisse!... 
Souvenez-vous  de  ce  grand  mot  de  TËvangile  applicable  aux 
'dfTaires  :  Celui  qui  se  sert  du  glaive  périt  par  le  glaive... 

BERCUTJT. 

»< 

Vous  êtes  un  brave  homme  I  Tenez,  entre  nous,  vous  avez 
«liïaiicà  des  ennemis  implacables,  (iitire  an  papier.)  On  m'a  dit  que   '     ' 
cï'iait  un  faux! 

MERCADET. 

Un  faux!  c'est  écrit  par  moi. .. 

BERCHUT. 

Ainsi  Godeau  n'est  pas  à  Paris!... 

MERCADET. 

Tenez!  vous  êtes  un  brave  homme;  allez  chez  Duval,  vous  y 
trouverez  l'argent  qui  vous  est  dû  pour  les  deux  mille  actions..* 
Qu'avcz-vous  à  dire,  mon  vieux?... 

BERCHUT;. 

Si  je  suis  payé,  je  laisserai  cet  ordre  à  monsieur  Duval...  Mais, 
cher  monsieur  Mercadet,  je  voudrais  pour  vous  que  Godeau  s'y 
trouvât.. 

MERCADET. 

Vous  êtes  un  digne  homme,  Berchut.  (A  part.)  Me  voilà  tiré  du 
\)!us  mauvais  pas!... 

BERCHUT,  à  part. 

Ma  foi!  d'autres  que  moi  le  pendront.  (Haat.)  Je  vais  chez 
)uval... 

MERCADET,  seul. 

Allons  I  je  me  ruine,  il  faut  envoyer  Adolphe  chez  DuvaL  (U  ori« 

tans  l'appartement.)  Adolphe  !  Adolphc  ! 


5S0  LB  FAISEUR 


SCÈNE  IV 
MERCADET,  MINARD. 

HERGABET. 

Mon  ami,  courez  chez  Duval.  Vous  savez  tout,  obtenez  de  b 
qVil  satisfasse  fierchut,  et  je  suis  sauvé! 

MINARD. 

J'y  cours. 

KERGADST  Toit  Tenir  Terdeliny  Pierqnin  et  Gonltrd»  qoi  causent  arec  Violette  et- 

d  aatiet  crèaneien. 

Ah!  ?oîIà  rennemi,..  J'aurais  dû  quitlefi  aller  me  promener 
dans  les  bocages  de  Yille-d'Avray,.» 

SCÈNE  V 

MERCADET,   JUSTIN,  puis  VIOLETTE,    GOULARD^ 

PIERQUIN  et  VERDELIN. 

UERCADET. 

Adieu,  Justin^  tu  perds  un  bon  maître. 

JUSTIN,  ùpart. 

Je  ne  suis  pas  encore  assez  fort  pour  quitter  monsieur...  (Haat.> 
Je  suis  encore  à  monsieur  pour  dix  jours. .. 

MERCADET. 

Ma  femme  a-t-elle  fini?...- 

JUSTIN. 

Obt  Virginie  a  la  tête  si  dure!  avec  elle  un  et  un  font  toujours- 
trois,  et  avant  qu'on  lui  ait  démontré  que  un  et  un  fout... 

MERCADET. 

Font  on... 

JUSTIN,  à  part. 

Comme  monsieur  m'amuse  I ...  il  a  le  malheur  spirituel,  en  ■'éioigne.)> 

YIOLSTII» 

Ahl  monsieur... 

MERCAipiT. 

Eh  bien  !  père  Violette!  que  vouicz-vous?  tout  casse,  même  les 
ancres!  Bahl  je  ne  serai  pas  le  seul;  la  compagnie  est  nombreuse. 


ACTE  V  551 

VIOLETTF. 

Non!  nonl  Des  hommes  comme  vous  sont  rares!  Tous  auriez 
dû  avoir  des  fils. . .  Payer  les  intérêts,  les  frais  !  là,  rubis  sur  l'ongle. 
J^avais  beaucoup  crié,  je  vous  en  demande  pardon,  je  ne  croyais 
plus  au  retour  de  Godeau... 

MERCADET. 

Hein?  Vous  dites?...  La  plaisaïUcrie  est  hors  de  saison. 

OOULA&D. 

Mon  cher  ami»  je  vous  ai  iaéconau,  je  suis  tout  à  vous.».  C'est 
sublime... 

MEUCADET, 

Âh  !  ils  sont  venus  se  venger!... 

PIERQUIN. 

Je  ne  fais  pas  de  phrases^  moi!  je  ne  dis  qu'un  mot:  c'est  très- 
bien  .. 

TEUIGLIN. 

Il  y  a  plaisir  à  être  ton  ami  !  Ton  est  fier  de  toi  ! 

PIEROUÏH. 

Qad  piaistr  de  faire  des  affaires  avec  vous! 

VIOLETTE. 

Je  voudrais  vous  laisser  inon  argent. 

GOULâRD. 

Vous  êtes  un  homme  honorable,  houorabiilssime»  car  enfin  nous 
aurions  tous  cédé  quelque  chose... 

HEROum. 
Hmtoralile!  Cest  «■  homme  de  Flntarque  ! 

"WSRDELIÎT. 

£l  serviafateL.« 

M£B£;àB£T. 

Âh  çà  !  messieurs,  avez-vous  tous  assez  insulté  k  mon  malheur?. . . 
Tous  riez!  mais  j'ai  pris  une  résolution  terrible,  et  je  suis  en- 
chantô  de  vous  avoir  tous  là.  Je  vous  le  déclare,  si  vous  ne  voulez 
|)as  m'accorder  le  temps  de  vous  payer,  je  me  coupe  la  gorge,  là, 

devant  vous  I...  (Il  tire  nn  rasoir.) 

YEEDELIN. 

Serre  donc  cet  argument-là,  mon  cher;  tout  le  inonde  est  payé 
par  Godeau. 

MERCADET. 

Godeau!...  Mais  Godeati  est  un  mythe!  est  une  fable!  Godeau. 
c^est  un  fantôme...  Vous  le  savez  bien... 


552  LE  FAISEUR 

TOUS. 


Il  est  arrivé... 
De  Calcutta? 
Oui. 


MERGADET. 
TOUS, 


GOrLARB. 

Avec  une  fortune  incalcuttable^  comme  vous  le  disiez. 

MERGADET. 

Ml  çà!  l'on  ne  plaisante  pas  ainsi  devant  une  faillite., 


i.« 


SCÈNE  VI 
Les  Mêmes,  BERCHUT,  puis  BRÉDIF,  puis  MINARD, 

. BERGHUT. 

Pardon,  mille  pardons!  mon  cher  Mercadet.  Voici  vos  actions: 
elles  ont  éié  payées. 

.  MERGADET. 

Par  qui?  . 

BERGHUT. 

Par  Godeau,  comme  vous  me  l'aviez  dit. 

MERGADET,  il  le  prend  à  part. 

Bercbut,  vous  ne  voudriez  pas,  vous  à  qui  j'ai  fait  gagner... 

BERGHUT. 

Cent  cinquante  mille  francs!  Nous  sommes  au  pair. 

MERGADET. 

Vous  avez  vu  Godeau?... 

BERGHUT. 

Il  m'a  dit  que  ces  actions  étaient  à  vous. 

MERGADET. 

Godeau? 

BERGHUT. 

Lui-môme  I...  arrivé  du  Havre. 

BREDIF. 

Monsieur,  voilà  vos  quittances...  (A  part.)  Je  n'aurai  pas  mon 
tf  parlement. 


ACTE  IV  553 

HERDADET. 

Je  rêve  (Hinard  parait.)  Adolphe,  ta  De  me  tromperas  pas,  toil 
Godeaa. .. 

MTNARD. 

Mon  pèrej  monsieur,  est  à  Paris,  et,  comme  vons  l'avez  dit,  il 
a,  depuis  mi  an,  époasé  ma  mère.  Reconnu  (ils  légitime,  je  mo 
nomme  Adolphe  Godeaa, 

MERGADET. 

Il  a  payé  ces  messieurs! 

MINARD. 

Tous,  scrapaleusement.  Il  a  payé  Berchut,  et  vous  prie  de  garder 
ces  actions  comme  un  à-compte  sur  votre  part  dans  les  bénéfices 
de  ses  affaires  aux  Indes... 

MZRCABET. 

Salut,  reine  des  rois,  archiduchesse  des  emprunts,  princesse 
des  actions  et  mère  du  crédit!  Salut,  fortune  tant  recherchée  ici, 
et  qui,  pour  la  millième  fois,  arrives  des  Indesl...  Oh!  je  l'avais 
toujours  dit,  Godeau  est  un  cœur  d'une  énergie...  et  quelle  pro- 
bité!... Mais  va  donc  les  appeler!  ai  pousse  Hinard  dans  rappartement.) 

Messieurs,  je  suis  charmé  de. .. 

BERCHUT. 

Je  vous  prie  de  me  continuer  votre  confiance. 

MERGADET. 

Oh!  mon  cher,  je  dis  adieu  à  la  spéculation.. . 

YERDELIN. 

Nous  nous  retirons  pour  te  laisser  en  famille.  Quant  aux  mille 
écus,  je  les  donne  à  Julie  pour  deux  boulons  de  diamants. 

MERGADET. 

II  devient  reconnaissant,  il  n'est  pas  reconnaissable. 


SCÈNE  VII 
MERGADET,  MADAME  MERGADET,  JULIE,  MINARD. 

JULIE. 

Ah!  papa,  quelle  belle  âme  !  Il  est  millionnaire  et  il  m'épouse. •• 
Je  ne  sais  pas  si  je... 

MERGADET. 

Ne  fais  pas  de  façons ...  va  ! 


55^  LE  FAISEDB. 

MADAME  MERCADET. 

Ah  !  moa  aiidL«.  $eiu  pi«iire.) 

MERCADET. 

£h  bien,  toi  si  courageuse  dans  les  adversités... 

UàDÀME  MEBCADKI. 

Je  suis  8»»  force  ceittie  le  plabk  de  te  leic  astuté;**  ridK^«« 

MERCADET. 

Riche,  maïs  honnête...  Tiens,  ma  femme,  mes  enfants,  je  vons 
l'avoue.. .  eh  bien I  je  n*y  pouvais  plus  tenir,  je  succMobûs  à  t«it 
de  fatigues...  L'esprit  toujours  tendu»  toujours  sous  les  armes !.•• 
Un  fsèàwt  »nii|»én,..  Par  noiBests,  jie  Kmbis  fak^^  Qklk 
repQiw.. 

MINARD. 

Monsieur^  mon  père  vient  iL'aebHcr  une  terre  en  Tonraine; 
soyez  amt  yàuim.  Faites  eoaHiie  M^  coiployci  use  paEtîfc  de  voM 

fortooeeiilefresw 

■ABIMS  imCABiEr» 

Oh  !  Bkw  uni»  la  caapagne.». 

MI&G!âJB£T« 

Tout  ce  que  tu  voudras  !• . . 

MADAMl  MESCADET. 

Tu  t'ennuieras. 

Nonl  Après  les  fonds  pub&ks»  les  fonds  de  ferre  £  ragricullare 
m'occupera!...  Je  ne  suis  pas  iâebé  d'étudier  cette  industrie-là... 
Allstts!..«(nimML) 

Que  vent  monsieur? 

ME&CàBESr. 

Une  voiture...  (A  part.)  J'ai  montré  tant  de  fois  Godeau  qnefa 
bien  le  droit  de  le  voir.  (HnL>  Aiions  voir  Godeau  ! 


FOI  DD  rAlSETB. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Vioranf i 

Les  RsssomiCES  de  Quixcla •.••..••  iiS 

Paméla  Giraud • •  •  •  •  .  231 

La  Marâtre • 807 

ae  Faiseur.  ••.-••••••• ...•••••••••  4î5 


mSILATABUEi 


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