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[^<f^lÇo
Library
of the
University of Toronto
COMPLETTES
DE J. J. ROUSSEAU.
V R E s
COIVIPLETTES
DE J. J. ROUSSEAU
Citoyen de Genève.
NOUVELLE É D I 1' I O W.
TOME VINGT-SIXIÈME.
A PARIS,
TiRMN . T ibiHÙe, riit? St. Jarqiics, n**. 26^
(j\u I E, ! uf (ic la Harpe, n". i:,o.
«iioi^ C'nàcoinn, nie ilii Coq St. Honoré.
> on,AHD , quai des Aiigusiins , a". 25»
1793.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 witii funding from
University of Ottawa
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ELANGES.
TOME CINQUIÈME.
Mélanges. Tome V.
TRADUCTION
DU LIVRE PREMIER
DE L'HISTOIRE
DE TACITE.
À 2
AVERTISSEMENT.
u A ND j'eus le malheur de vouloir
parler au public , je sentis le besoin
d'apprendre à écrire, et j'osai m'es-
sayer sur Tacite. Dans cette vue ,
entendant médiocrement le latin,
et souvent n'entendant point mon
auteur, j'ai du fliire bien ùes contre-
sens particuliers sur ses pensées ;
mais si je n'en ai point fait un géné-
ral sur son esprit, j'ai rempli mon
but ; car je ne cherchais pas A ren-
dre les phrases de Tacite , mais son
style , ni à dire ce qu'il a dit en
latin , mais ce qu'il eût dit en fran-
çais.
Ce n'est donc ici qu'un travail
d'écolier , j'en conviens , et je ne
le donne que pour tel : ce n'est de
plus qu'un simple fragment , un
^AVERTISSEMENT. 5
essai, j'en conviens encore; un si
rude jouteur m'a bientôt lassé. Mais
ici les essais peuvent être admis en
attendant mieux , et avant que d'avoir
une bonne traduction complète ,
il faut supporter encore bien des
thèmes. C'est une grande entreprise
qu'une pareille traduction : quicon-
que en sent assez la difficulté pour
pouvoir la vaincre , persévérera diffi-
cilement. Tout homme en état de
suivre Taclto. est bientôt tenté d'aller
seul.
A 3
C. CORNELII
T A C I T I
HISTORIARUM
LIBER I.
J.TÏITIUM mibi opcris S cr. Galba itcrùm ^
T. p'iniiis consulcs ciinit. Naui post condi-
tam url)cm dcc et x x prions œvi aniios
niulti auctores rctiilerunt ; duui rcs populi
Romaui meuiorabautur pari eloquentiâ ac
libcrtatc. Postquam bellatuin apud Actiuin,
atque onuicm potestatcm ad mniiu couferri
pacis inlcrfuit ; magna illa ingénia ccsscrc.
Siinu! veritaspluriljii^niodiïiufracta, priniùm
iiiscitia rcipublicaî ut abcn;c , luox bbidina
asscntandi , aul rurïijs odio advcrsùs doniî-
iiaiitcs. Jla nciilris cura posterilatis , inlcr
inrcusos vcl obnoxios. Sed ambilioneni scrip-
toris ûicilè advvrscris : obtrcc(alio et livor
TRADUCTION
DULIVREPREMIER
DE L' HISTOIRE
DE TACITE.
J E commencerai cet oiivraî^e parle second
consulat de Galba et l'urtiquc de p'iniiis.
Les 720 premières années de Rome ont cté
décrites par divers auteurs avec réioquence
et la liberté dont elles étaient dignes. Mais
après la bataille d'Actium , qu'il fallut se
donner un maître pour avoir la paix , ces
grands génies disparurent. L'ignorance des
aflaircs d'une republique devenue étrangère
à ses citoyens, le goût effréné de la flatterie ,
la haine contre les chefs , altérèrent la vérité
de mille nranièrcs -, tout fut loué ou blâmé
par passion , sans égard pour la postérité :
mais en démêlant les vues de ces écrivains ,
elle se prêtera plus volontiers aux traits do
l'envie et de la satire, qui flatte la m:iligaité
A 4
8 TRADUCTION
prouis auribus accipiuntur ; quippe adula-
tioni fœdnin crimen scivitiUis , jualignitati
falsa specics libertatis iiiest. Milil Galba ,
Ctiio , f^it''Uius \ 11 ec beiieficio nec injuria
coguiti. Digiiitateni nostram à P'espasiano
inchoaiain , à Tito auctaiu , à Dotnitiano
longiùs provectaui non abuueriin ; sed incor-
rnptam fidcui profcssis ,nec amorc quisquam ,
et sine odio dicendus est. Quod si vita sup-
peditct principatum divi JVer^-œ , et iiiipe-
riuin Trajani , iiberiorem sccurioremnne
inalcriam senecluti scposui ; laià teuiporum
felicitate , xibi scnlire quœ vclis , et qiiaa
sentias, dicere llcct.
Opus aggrcdior opimura casibus , atrox
prœliis, diseorsseditionibus ,ipsâctiain pace
saevum. Quatuor principes ferro iutcrempti ,
tria bclla civilia , plura extcrna , ac plerum-
quc pcruiixta. Prospéra; in Oriente , advcrsaj
in Occidenteres ; lurbatuiiilllyricum ; Galliœ
nutaute» ; pcrdouiita Britaunia , et statiin
ainissa; coortae in nos Sarmatarum ac Sue-
Torum gentes ; nobilitatus cladibus mutuis
Dacus ; mota ctiam propè Paithorum arma
DU LIVRE T. DE TACITE. 9
parun faux air d'iiidcpeiidance , qu'à lo basse
adulation qui marque la servitude et rebute
par sa làclicte. Quant à moi, Galha , T'itel-
lius j Othon , ne m'ont fait ni bien ni mal.
T^espasien connnença ma fortune , Tite l'aug*"
menta, Vomitlen l'acheva , j'en conviens ;
mais un historien qui se consacre à la vérité
doit parler sans amour et sans haine. Que s'il
inc reste ?ssez de vie , je reserve pour ma
vieillesse la riche et paisible matiè're des xh-
gnesdcxVtWiTictde Trajan ; rares et heureux
temps où l'on peut penser librement , et dire
ce qne l'on pense.
J'entreprends une histoire pleine de catas-
trophes , dcccmi)ats, de séditions, terrible
même durant la paix. Quatre empereurs égor-
g'-s , trois guerres civiles , plusieurs étran-
gères , et la plupart mixtes. Des succès en
Orient , des revers en Occident ; des troubles
eu lilyric ; la Gaule ébranlée , l'Anj^lcterre
conquiscet d'abord abandonnée; les Sarmatcs
et les Suèves commençant à se montrer ; les
Daces illustrés par de mutuelles défaites ; les
l?artbcs ;oués par uu faux jScron , tout prêts
A &
ïo TRADUCTION
falsi iV^eron/^ ludibrio. Jaui vcro Italia novis
cladibus, vcl post longaiu saecrxloruiu sériera
repetitis , aiïîicta ; liaiistae aut obiuta; iirbes
fccuiidissimâ CaMipanifX orà ; urlis iiicen-
diîs vastata , coiisiimptis aiitiquisssiiiiis dclu-
briis, ipso Capitolio civiuui maulbiis inccuso;
pollutœ cœriinoniœ , magna adiiltcria , plé-
num essiliis uiarc , infccti CEcdibus scopuli ;
Atrociùs in mbe saevitum ; nobilitas , opes ,
oniissi gestique honores pro ciiiniuc , et ob
virtutes certissiiiiuni exitimu. Nec iniiiùs
praeuiia delalorinn iuvisa qiùun scclera ; cùm
alii sacerdotia etconsulatus ut spo'.ia adcpti,
procuratlones alii et iiiterioiein potriiliana
agerciit , fcneiit cuncta : odio et tcrrore cor-
rnpti iu doniinosscrvi, in patronos îiberti : et
quibus decrat iuimicus , pci" amicos op-
piessi.
Non tamen adeb V^rtutum stérile saeculum,
lit non et bonû exempla prodiderit. CoiuilataB
profugos liberos matrcs , sicutsc uîaritos in
cxilia coiijugcs , propinqui audcutes, cous-
DU LIVRE I. DE TACITE. ir
% prendre les armes. L'Italie , après les nial-
Iieurs de taut de siècles en proie à de nou-
veaux desastres dans celni-cf ; des villes écra-
sées ou consvimées dans les fertiles régions de
la Canipanie ; Rom,e dévastée par le feu, les
plus anciens temples brûlés, le Capitolcméir.e
livré aux flammes par les mains des citoyens ;
le culte profané , des adultères publies , les
iners couvertes d'exilés , les îles pleines de
meurtres; des cruautés plus atroces dans la
capitale où les biens, le rang, la vie privée
ou publique , tout était également imputé à
crime , et où le plus irrémissible était la
vertu. Les délateurs , non moins odieux pat
leurs fortunes que par leurs forfits ; les uns
fesaient trophée du sacerdoce et du consulat,
dépouilles de lours victimes ; d'autres tout-
puissans tant au-dedans qu'au-dehors , por-
tant par-tout le trouble , la haine , et l'cflroi j
les maîtres trabis par leurs esclaves , les
patrons par leurs afirancbis : et pour comble,
enfin , ceux qui manquaient d'ennemis ,
opprimés par leurs amis mêmes.
Ce siècle si fertile en crimes ne futpourtaitt
p.issansvcrtus. On vit desmèresaccompagner
leurs ciifaiis dans leur fuite, des fcnnncs
suivre leurs maris eu c>£il , des jv;reus iulié-
A r>
Î2 TRADUCTION
lantes gcneri , contiimax etiam adversù»
tonneiita scrvoriim fitles. Siipremae clarorum
TÏroruJn nécessitâtes , ipsa nécessitas fortiter
tolcrata , et laudatis aiitiqncïruin tnorlibus
pares exitus. Praetcr multipllces rcniin Imma-
liaruui ccisus, cœlo teriâque prodigia , et fui-
rninùm moiiilus, et Fiiturorum pvsesagia, laeta,
tristia , ainbigna , maniffsta. Nec eniiti un-
quam aliociorihus popiili Rouiani cladibiis,
ïnagisve justis iud.ciis npprobatnni est, non
esfe curcc Dois secuiitatem iiostram , esse
ultionem.
Csctcrùm antcquam dcstinata tomponam,
repctcnduui videtnr ,qnalis status urJ)!S , quae
ïncns cxcrcituuni , qnis habitus provincia-
rum , quid iu toto terrariini orbe validum ,
quid ïegrnui furrit ; ut non r.:odb casas
evciitusquc rcruin , qui plcruniqnc fortuiti
sunt , scd ratio etiam canss;rqiic noscantur.
Finis J\ eronis y ut hrtus piluio >; ludcn-
tium iinpctu fucrat , ita varies uiotus ani-
ïnorum , non modo in urbe apiid patres , aut
populum , aut urbanum niiliteni , sed onuies
Icgioucs ducesque, coucivcrat. EviilyaKj im-
DU LIVRE I. DE TACITE. i3
picles , fies s7;rndies inébranlables, des esclave»
nicme à re'preuve des tounnena. Ou vit de
graiids-lioiiiincs, fermes dans toutes les ad ver-
site's , porter et quitter la vie avec uuc cons-
tance digne de uos percs. A ces multitudes d'é^
vèuemens humains se joignirent les prodiges
du ciel et de la terre , les signes tirés de la
foudre, les prcsngcs de toute espèce, obscurs
ou manifestes, sinistres ou favorables. Jamais
les plus tristes calamités du peuple Romain,
jamais les plus justes jugeuiens du ciel ne
jnontrèreut avec tant dV-vidence que si les
Dieux sojngent à nous, c'est moins pour nous
conserver que pour nous punir.
Mais avant que d'entrer en inaticrc , pour
développer les causes des événemens qui
semljjent souvent l'crict du hasard , il con-
vient d'exposer l'état de llonie , le génie des
armées , les mœurs des provinces , et ce qu'il
y avait de sain et de corrompu dans toutes
les régions du monde.
Apres les premiers transports exeilés p;;r
la mort de Néron , il s'était élevé des niou-
vcmeus divers non-seulement au sénat ,
parmi le peuple et les bandes prétoriennes,
UJais ciilrc tous les chefs et dans toutes 1«»
A 7
ï4 TRADUCTION
perli arcaiio , posse priucipcm alibi qiiàm
Koinaî ticii. vScd patres hcti , usurpatà statiin
libertatc , licentiùs ut crga principem iicvuui
et abseutcin ; priinorcs eqnitiun proximi
gaudio patium. Pars popun intégra , et mag-t
iiis domib\is annexa, clientes liber tique dam-
l^atorum et exsulum , in speui crccti. Plebs
sordida et circo ac tlieatvis sueta , siuiul
dcterriuii servoruni , aut qui adcsis bonis ,
per dedrcus Keiouis , alcbantiu" , ma??ti et
?uuiorum avidi.
Miles urbanus lougo Cscsarum sacramento
imbutus , et ad destitucndum Xcrouein art©
niagis et inipulsu, quàui suo ingenio Iraduc^
tus , postquain ncquc dari donativuni sub
HQitiiue Gaiàœ prouiissum , ncquo nvaguis
ineritis ac praemiis cumdcui in pace , quem in
beUo, locuni, praeventamquegratiamiutellir-i
Çit , apud principem à Icgionibus ftictum ,
prouus ad novas res , sct-lere in.snpcr Nym^
ffiidii sabini pv.Tfccti iuiperium sibi ma-^
Uçutiç agitatuv. Kt ^yjiiphidius quidem ïh
DU LIVTxE r. DE TACITE. i5
]<5gions. Le secret de l'empire était euBu de-
voilé, et l'on voyait que le prince povivait
s'élire ailleurs que dans la capitale. Mais le
sénat ivre de )oic se pressait sons uu nouveau
prince encore éloigne , d'abuser de la liberté
qu'il venait d'usurper ; les principaux de
rordreéqucstreu'étaieut guèrenioiuscontens.
La plus saine partie du peuple qui tenait aux
grandes maisons , les cliens , les affranchis
des proscrits et des exilés, se livraient à l'es-
pérance. La vile populace qui ne bour^eait
du cirqvie et des tliéàtres , les esclaves per-
fides , ou ceux qui à la honte de ]S cron
vivaient des dépouilles des gens de bien,
s'alHigeaicutctnecherchaicntquedcs troubles.
La milice de Rome de tout temps attachée
aux Césars, et qui s'était laissée porter à dé-
poser Néron plus à force d'art et de sollicita-
tions que de son boa gré , ne recevant point
ledonatif promis au nom de (7^//^^ , jvi5;ciint,
de plus , que les services et les récompenses
militaires auraient moins lieu durant la paix ,
et se vo3'ant prévenue dans la faveur du prince
par les légions qui l'avaient élu ; se livrait à
son pencliaiit pour les nouveautés, excitée
par la trahison de sou préfet Nymphidiits
<jui aspirait à rcmpire. JSfyinpfiydius périt
i6 TRADUCTION
ipso conatii oppic>;sus ; secl quamvis capU'e
defcctionis ablato, mancbat plerisqnc inili-
tuui couscteiitla ; ncc decrant scrinonos
seninin atque avaiitiam Galbœ iucropantiuîn.
Lau:lata olim et militari famâ celebrata scvc-
ritas c')iis angehat adsperuaiitcs vctcrciii
disciplinam , atqiic ita xiiii aunis à Nerone
assuelv.ctos , ut liaud miuiis vitia pvincipmn
ouiarent , quàm olim virtutes vcrchancur.
Accessit Gnlhœ vos pvo ropiihllcà hoursta,
ipsi anccps , Ic^i à se militcm , non cmi ;
nec euim ad liane Foniia:n cxtcra oiaiit.
Invalidwm senem T. T'iniiis et Cornélius
Laco ,altei- dcten-i!mismortaliuin,altcv igna-
vissimus, odio flagitionmi oneratmu , con-
teiiiptu inertiœ destrucl)aiit. Taidnin Galhar
itcr et cruciilum , iiîtcifcctis Cingovio T cir-
rone consulc desigunto , et Petionio Tvr-
piliano consulari ; illc ut .Vv/«/V//Jz7socius ,
hicutdux Neroiiis, \\\ urliti atquc iniUTcnsi ,
tanquam innocentes pciici;int. lulioitus in
uihcm , trucidatis tôt millibus inerminm
militum, infanstus ominc , atque ipsis etiam
qui occidoraut formidolosus. Induclâ kslou-»
DU LIVRE I. DE TACITE. 17
dans cette entreprise; msis après avoir perdu
le clicfdc la sédition, SCS complices ne l'avaient
pr,s oubliée , et fçlosaient snr la vieillesse et
l'avarice de Galha. Le bruit de sa se'vérilé
jnilitaire , nntrcfois si louée, alarmait ceux
qui ne pouvaient souffrir l'ancienne disei-
ipline ; et qtiatorze ans de relàclieinent sous
Néron leur fesaient autant aimer les vices de
leurs princes que jadis ils respectaient leurs
vertus. On rc'pandait aussi ce mot de Galha ,
qui eût fait liouneur à un prince plus libéral ,
mais qu'on interprétait par son Immcur : Je
sais clioisir mes soldats et non les aclictcr.
T'iiiius et Lacoii , l'un le plus vil et l'autre
le pins méchant des liommes, le décriaicnl
parleur conduite ; et la haine (!e Icius forfaits
rctoail)aitsursonindoîcncc.Cepenc!ant6'^/7^i»
venait Icntenient et ensanf:;îautait sa route;
il fit n)ourir f^arron consul désigné , comme
complice de Nymphidiu."; ^ et Trn-piîien
consulaire, comme {général de N t ton : \.ow%
deux exécutés sans avoir été entendus et sans
for::ie de procès , passèrent pour innoccus?.
A son arrivée , il (il ér.or^er par milliers les
soldats désrjrniés ; présage funeste pour sou
rè;^nc,etde mauvais augure mêiuc aiLX meut-
i8 TRADUCTION
Hispanâ , remaueute ea qaain è classe Nero
coiiscripserat , plena urbs exercitu iusolito ;
multi adhoc numeri c Gcrmauiâ ac Biitauuiâ
et Illyrico , qiios idem Nero electos praemis-
sosque ad claustra Caspiaruin , et bellura
quod in Albanos parabat, opprimendis Vin-
dicis cœptis revocaverat : Ingens novis rébus
materia , ut non in unum aliquem prono
favore , ita audenti parata.
Forte congruerat ut Clodii M ci cri et
Fonteii Capitonis cscdcs nunclarentur. J/a-
crum in Afrlcà liaud duble turbantem ,
Trebonîus Garucianus procurator , jussu
Galbœ : Capitonem in Gernianiâ, cvim simi-
lia cœptaret , Cornélius Aquinns et Fabius
yahns legati Jcgionum intcrfcceraut , ante-
quani juberentur. Fuére qui credcrcnt Capi-
tonem , ut avaritià et libldinc fœdum ao
maculosum , ita cogitatione rerum uovarunx
abstinuissc ; sedàlegatis bellum suadentibus ,
postqnara impellerc ncquivcrint, crimen ac
doluni compositum ultrô ; et Galbam vuobi-
DU LIVRE I. DE TACITE. 19
triers. La légion qu'il amenait d'Espagne
jointe à celle que Néron avait levée , rempli-
rent la ville de nouvelles troupe» qu'augmen-
taient encore les nombreux dctachemens
d'Allemagne , d'Angleterre , et d'IHyrie ,
choisis et envoye's par Néron aux portes
Caspiennes oti il préparai t la guerre d'Albanie,
et qu'ils avaient rappelés pour réprimcrles
xnouvemcnsde/^/«cffa-.- tous gens à beaucoup
entreprendre, sans chef encore , mais prêts à
servir le premier audacieux.
Par hasard on apprit dans ce même temps
les meurtres de Macer et de Capiton. Galba
Ct mettre a mort le premier par l'intendant
Garucianus , sur l'avis certain de ses mouve-
mens en Afrique; et l'autre commençant aussi
à remuer en Allemagne , fut traite de même
avantl'ordrcciu prince par^</7//«7/.yct/>''û/£// .y,
lieutenaus -généraux. Plusieurs crurent que
Capiton , quoique décrié pour son avarice
Gt pour sa débauche , était innocent des
trames qu'on lui imputait ; mais que ses lieu-
tenaus s'étant vainement cITorcés de l'exciter à
la guerre , avaient ainsi couvert leur crime ;
et que Galba , soit par légèreté, soit de peur
d'eu trop apprendre, prit le ^iarti d'approuver
to TRADUCTION
litate ingeuii , au ne ôltiùs scrutarctur ^
çuoquo inodo acta ^ quia mutari uou pote-
rant, comproljassc. Cœtcrùm utiaque csedcs
sinistré ; cccpta : t-t inviso semcl principe,
seu bcne scu niale facta preniuiit. Jam affcrc-
hant venalia cuncta prappotcnlcs liberti ;
servoruni maniis subills avid.T , et tanquam
apud sencm fcstinant('S ; ca icmqne nov.-e
aulae mala , a?què gravia , non ôrquc cxcnsata.
Ipsa actas Gclhœ ot irrisui ac fastirlio crat ,
assuetisjuvenla:7\>/-o/;/.?,ctimp(ratortsfonuâ
ac décore cor])oris( ut est mos vulrj ) couipa-
lautibns. Et hic qnidcni Roiua? , tanquaia
in bautâ nuiîtitudjne , liôbilus animorum fuit.
E provinciiSjHispani.-rprnccrat ClnriitsRu-
y«.ç,virfcicun lus , et , p-cisartibus , brlli inex-
pcrtns. Galliœ, 8\iper nieuioriam ï'indicisy.
obbgat.T rrcenti donc romanss civilatls, et
in poslcrnni trllmli Icviuicnto. rvoxinsar
tauien Gcritianis cvorcitibus Galiiaruni civi-
tatcs , non codcai honore habilir , quacdam
etiam finibus adcniptis , pari dolore corn-
moda aljeua ac suas in;urias uieuebantuis.
DU LIVRE I. DE TACITE. 2i
une conrluite qu'il ne pouvait pîus réparer:
Quai qu'il eu soit, ces assassinats tirent uii
mauvais effet ; car, sous un prince une fois
odieux , tout ce qu'il fait , bien ou laal , lui
attire le même blâme. Les affranchis, tout-
puissans à la cour , y vendaient tout ; les
csclives , ardens à profiter d'une occasion
passagère, se hâtaient sous un vieillard d'as-
souvir leur avidité; on e'prouvait toutes les
calamités du règne précédent sans les excuser
de même. Il n'y avait pas jusqu'à l'àgc de
Galba qui n'excitât la risée et le mépris dvi
peuple accoutume à la jeunesse de A cron ,
et à ne juf^er des princes que sur la figure.
Telle était à Rome la disposition d'esprit
la plus générale chez une si grande multitude.
Dans les provinces, /? 7/,^// i', beau parleur,
et bon chef eu temps de paix , ii«is sans expé-
rience militaire , commandait en Espagne.
LcsGauIes conservaient Icsouvenirdc y index
et des faveurs de Galha , qui venait de leur
accorder le droit de bourgeoisie ilsmaine, et
de plus , la suppression des impôts. Ou
excepta j)()urtant de cet honueur les villes
voisines des armées d'Allemagne, et l'on en
priva même plusieurs de leur territoire ; c©
35 TRADUCTION
Germanici excrcitus , quod periculosissimum
iu taiitis vhibus , solliciti et irati supcrbiâ
rcceiitis victoriae , et metu , tanquam alias
partes fovissent , tartlè à Nerone desciv^craut :
uec statlui pro Galba J-'erginius : au impe-
rare voluisset dubium ; dclatum ei à milito
imperiuux convenicbat. Fontchim Capito-
nem occisuin , etiaui qui queri non potciant,
tameu iudignabautnr. Dux deerat , abducto
J^erginio per simulatiouem amicitise : quem
non remitti, atqueetianircuin esse , tauquam.
suuin crimea accipiebant. '
Superior exevcitus legatvim Hordconium
Flaccmn sperucbat , senectà ac debilitate
pediaii iiivalidum , siue constantià , siuc
auctoritatc : uc qiiicto quidcm milite , rogi-
u\eu ; adcb fuiciitcs iiifinnitate letineiitis
ultrô accciidebautiir. Iiiferioris GennaniaB
le^ioucs diutiùs sine consulari fiu'rç : doiiec ,
DU LIVRE I. DE TACITE. sS
qui leur fit supporter avec un double de'pit
leurs propres pertes etles grâces faites à autrui.
Mais où le danger c'tait grand à proportion
des forces, c'e'tait dans lesarme'es d'Allemagne
fières de leur re'ceute victoire , et craignant
le blâme d'avoir favorisé d'autres partis : car
elles n'avaient abandonne' Néron qu'avec
peine 5 p-'erginius ne s'était pas d'abord dé-
claré pour Galba, cl , s'il était douteux qu'il
eut aspiré à l'empire , il était siir que l'armée
le lui avait offert. Ceux mêmes qui ne pre-
naient aucun intérêt à Capiton, x\t laissaient
pas de murmurer de sa mort. EuGn P'ergi-
^//7/kj ayant été rappelé sous un faux-sem-
hlant d'amitié , les troupes privées de leur
chef, le voyant retenu et accusé, s'en offen-
saieut comme d'une accusation tacite contr»
elles-mcmes.
Dans la liautc-Allcmagne , F/^rcu^, vieil-
lard infirme, qui pouvait à peine se soutenir^
et qui n'avait ni autorité ni fermeté, était mé-
prisé de l'armée qu'il commandait; et ses
soldats, qu'il ne pouvait contenir même cix
plein repos, animés par sa faiblesse , ne con-
naissaient plus de frein. Les légions de la
Lasse Allemagne restèrent long-temps sans
24 TRADUCTION
missu Galbœ , ^. ViteUius aderat, ccnsom
jy'iteUii ac 1er consuhs filius ; id sstis vlde-
batur. lu Britaunico eseicitu uUiil irarum.
Non sanèaliaelcgioiics, pcr omues clvUlum
bellorum motus , innoccnliùs cgeruut : sea
quia procul , et oceano divis.ne: scu crebris
expeditio.ùbus doctie i.ostcm potiùs odisse.
Quics et l llyrico -, qnamquam excitac \Nerono
le^iones, dum lu Italie cuiictautur , Vergi-
nium lc:'atio.iibus adisscut. Scd longis spatlis
discreti exeicitus, quod salubcrrlmuin est ad
contincnda.u militarcm ùdciu , nec vilUs ueo
viribus misccbautur.
Oiicns adlmc îmmotus. Syriam et quatuor
legioncs obtineijat Lnciuius Muciaims , vir
secundisadversisque ju\ta famosus. Insigne»
amicitias juvcnis ambitiosè colucrat ; mox
alUitis opibns , hibrico statu , suspecta etiam
Claudii iracundià in secrrtnm AsiîE repo-
situs, lam propè nb cxsulc fuit quaui postca
à principe. Luxuiiâ, iudustrià , tomitatc,
DU LIVRE I. DE TACITE. 25
clief consulaire : enfin Galba leur donna
J'itellius dont le père avait e'té cen;curct
trois fois consul ; ce qui parut sulîisant. Le
calme régnait dans l'année d'Angleterre, et
p:irini tous ces mouveniens de guerres civiles ,
les légions qui la composaient furent celles
qui se comportèrent le mieux, soit à cause
de leur éloignement et de la mer qui les en-
fermait , soit que leurs fréquentes expéditions
leur apprissent à ne haïr que l'ennemi. L'il-
lyrie n'était pas moins paisible ; quoique ses
légions appelées par Néron eussent , durant
leur séjour en Italie, envoyé des députés à
Verginins. Mais ces armées , trop séparées
pour unir leurs forces et mêler leurs vices ,
furent par ce salutaire moyeu , maintenues
dans leur devoir.
Rien ne remuait encore en Orient. Mu-
ciaiivs ^ homme également cél bre dans les
succès et dans les revers , tenait la Syrie avec
quatre légions. Ambitieux dès sa jeunesse, il
s'était lié aux grands ; mais bientôt voyant sa
fortune dissijiée , sa personne en danger, et
suspectant la colère du prince, il alla se cacher
en Asie , aussi prèsde l'exilqu'illc fntcnsuito
du rang suprême. Unissant la mollesse ù l'ac-
26 TRADUCTION
arrogantiâ , malis bonis que artibus icixtus ;
ïiimiae voluptates , cùm vacaiet ; quoties
expedierat , magnae virtutcs. Pa'.àmlaudares ,
sécréta malè audiebant : sed apud subjectos',
apud proximos , apud collegas , vaiiis ille-
cebris potens ; et cui expcditius fuerit tradcre
imperium , quàin obtiuere.Bellum Judaicura
Flavius Vespasianus ( ducein eum Nero
delegerat ) tribus legiouibus admiuistrabat.
Nec Vespasiano advcrsus Galbam votum ,
aut animus ; quippe Titum filiuin ad veiiera-
tioiicm cultuuique ejus miscrat , ut suoloco
ïiiemorabimus. Occulta lege fati et ostentis ac
respoiisis dcstluatum yespasiatio liberisque
c)us imperium, post fortuuamcredidimus.
^gyptum copiasque quibus cocrccretur ,
jam iudè a divo Augusto , équités romani
obtinent loco regum ; ita visum expcdire ,
pvovinciam aditu difficilem , ainioiicX fecuu-
dam , superstitione ac lasciviâ discordcm et
mobilem , insciam legum , ignaram magistra-
tuuui , domi rctiucre. Rcgebat tum Tiberius
^Uxander ejusdcm uatiouis. Africa , ac
DU LIVRE I. DE TACITE. 27
tivitc, la douceur et l'arrogance , les taleus
bous et mauvais ; outrant la débauche dans
l'oisiyeté, mais ferme et courageux dans l'oc-
casion ; estimable en public , blâme' dans sa
vie prive'e ; enGn si se'duisant que ses infé-
rieurs , ses proches ni ses égaux ne pouvaient
lui résister; il lui était plus aisé de donner
l'empire que de l'usurper. Vespasien , choisi
par A»o/z, fesait la guerre en Judée avec
trois légions , et se montra si peu contraire à
Galba, qu'il lui envoya Tite son fils pour lui
rendre hommage etcultiver ses bonnes grâces,
comme nous dirons ci-après. Mais leur destin
se cachait encore, et ce n'est qu'après l'évé-
nement qu'on a remarqué les signes et les
oracles qui promettaient l'empire à Vespa-
sien et à ses cufans.
En Egyp(e, c'était aux chevaliers romains,
au-lieudes rois, <^\jl Auguste avait confié le
commandement de la province et des troupes;
précaution qui parut nécessaire dans un pays
abondant en blé, d'un abord difficile, et dont
le peuple changeant et superstitieux ne res-
pecte ni magistrats ni \n\?,. Alexandre , Egyp-
tien, gouvernait alors ce royaume. L'Afrique
«t ses Icgious , après la mort de Macer , a^aut
28 TRADUCTION
îc^ioues iu cà , iuterfecto Clodio MacrO j
coiiteutae qualicumqne principe , post cxpe-
rimentuindumiuiuilnoris.Duœ^iauritaMicc,
RUaetia , Noricum , Tliracia , et quic uliœ
procuiatoribus coliibentur , ut cuique exerci-
ini vicinoîjita in favoreinautodium coiitattu
valcutioiuin agebantur. lucnucs proviuciae ,
atquc ipsa , Imprimis Italia , cuicumque ser-
vitio exposita , in prctiuiu bclli ccssnrœ crant.
Hic fait reiiim rotnanarnm status , ciun Ser.
Galba iteiùm, Titiis T'itiins co-.isulcs in-
choavêrc anniim sibi ultiiuum , reipublicse
propc suprcmuiu.
Paucispostkaleudas)anuavias(]icbns,Po/K-
peiiPropinqui ^^xocviXA\.ox\'& ,cBclgicâ Iittcraî
aficiuntnr , superioris Germaiiice lcg;ioncs ,
ruptà sacvamcnti rcvcrcutià , imperatorcm
alium flagitarc ,ct scnatui ac populo Romano
arbitiiuin ciigcndi pcnuittcic , quo seditio
inolliùsaccipcictnr. Maturavit ca rcs consi-
lium Galbce , jampridcm de adoptioue seruni
etcum proximis ao;itantis -, non sanè crebiior
tolâ ciyitale sermo pcr lUos meuscs fur-rat ;
«oudcit
DU LIVRE T. D^ TACirE. j^
«onflert la domination particulière , étaient
prêtes à se donner au premier venu. Les deu*
Mauri(,anics,laRUétie, la Noriqué,IaThrace»
et toutes les nations qui n'ohe'issaient qu'à
des iiUendans, se tournaient pour ou contre
«clou le voisina<5e des arme'cs et l'impulsion
des plus puissant. Les provinces sans défense,
et sur-tout l'Italie, n'avaient pas même le
choix de leurs fers et n'étaient que le prix des
Tainqueurs. Tel était l'état de l'empire romain,
quand Ga/l>a, consul pour la deuxième fois ,
et f^iuii/s son collègue, commencèrent leuï*
dernière année et presque celle de la répu-
blique.
Au coiTnnencemen t de Janvier, on reçut-
hvisdc rropinc/U7/s, intiindantdehi Belgique,
que les légions de la Germanie supérieure
eans respect pour leur serment , demandaient
un auti-c en/pereur, et que pour rendre leuf
révolte moins odieuse, elles consentaient qu'rL
fut élu par le sénat et le peuple romain. (>»
Douveiks accélérèrent l'adoption doutGa/l>a
délibérait auparavant en lui-même et avec ses
amis , et dont le bruit était grand dei)uiji quel-
que temps cïaus toute la vijile, tant par i«
Mélanges. Toaie V, JB
5o TRADUCTION
primùm licentia ac llbidlue talia loq[uendi ;
deiu fessa jaui œtate Galbœ. Paticis judicimn .
aut reipublicœ amor ; multi occulta spe ,
prout quis amicus vol cliens , huuc vel iUum
ambitiosis rumoribus dcstinabant ; ctiam iu
T. P'iJiii oAinm , qui iudiesquantopotentior,
eodem auctu iuvisior erat : quippe liiautcs
iu maguà forluuâ amicorum tupidilatcs , ipsa
Galbœ facilitas iutcudebat : cùm apud iuûr-
ïnum et eredulum minore uietu , et majore
praeuiio peccaretur.
Potentia principatùs divisa in T. rinium
consulem , et CorneUum Laconem prsctorii
praefectum. Nec miner gratia Icch Galhce
liberté , quem aunulis donatum equeslri no-
mine ilf«rcw7î«w vocitabant. Hl discordes,
et rébus minoribus sibi quisque tendcntcs,
circa consilium eligeudi successoris in duas
factionesscindebantur. yinius pro Othone,
Laco atque Icelus consensu non tam unum
aliquQJ» fovebaut , quàm alium. Neque erat
DU LIVRE I. DE TACITE. Si
licence des nouvellistes, qu'à cause de l'âge
avancé de Galba. La raison , l'amouv de la
patrie, dictaient les vœux du petit nombre ;
mais la multitude passionnée nommant tantôt
l'un, tantôt l'autre, chacun son protecteur
ou son ami, cousultait uniquement ses désirs
secrets ou sa haine pour yinlus , qui , deve-
nant de jour en jour plus puissant , devenait
plus odieux en même mesure ; car , comme
sous un maître iufnine et crédule , les fraudes
sont plus profilaljles et moins dangereuses, la
facilité de Galba augmentait l'avidité des par-
Tenus , qui mesuraient leur ambition sur leur
fortune.
Le pouvoir du prince était partagé entre le
consul Vinius , et Lacon préfet dujirétoii-e.
filais Icelus , affranchi de Galba , et qui
ayant reçu l'anneau , portait, dans l'ordre
équestre , le nom de Marcian , ne leur cédait
poiut cQ crédit. Ces favoris, torijours en dis-
corde , et jusque dansles moindres choses , ne
ne consultant chacun que son intérêt , for-
xnaient deux factions pour le choix du succes-
seur à l'empire, fy'lnius était pour Othon.
Jcelus et Lacon s'unissaient pour le rcicter ,
s;ius en prélVrer un autre. Le public, qui ne
B 2
32 TRADUCTION
Galhie ignota Gtlionis ^c T. /'//z/Vamicitla,
ex rumoiibus nihil silentio traiismittentium ;
quia Pinio vidua filia , cselehs Otho , gcncr
ac socer dcstiiiabautur. Credo et reipublicse
cuiaia subisse , frustra à Ncrone translata ,
si apud Othonem reliiiqueretur ; nntnqtîe
Otho pucritiaiu inciiriosc, adolcsccutiam pe-
tulanter egerat , gratus Neroni aemulatioue
laxûs ; coque jaiu Poppœmti sabinain prin-
cipale scortum , ut apud consciuui libidiuum
deposucrat , douce Octai'iam u\orcm auio-
lirctur : mox suspcctuiu iu eàdcui Pop/.\r:ii
in provinciain Lusitauiatu specic Ici^ationîs
se posait. Otho , comitcr a Imiiiistralà pro-
viiicià , primus in partes tranygrcssiis , ncc
scguis , et doncc bclluui luit , iiiter pnrscnlcs
SDlcudidissiuius ,spein adoplioiiis slatiuicon-
ccplam , acriùs in dies rapich;:t ; favciitibus
plerisque uiilitum , pronâ iu euui >i\x\à.Xevo—
ïiis ut similem.
SeJ Caîba, postnuncios Gcrmauic» sedi-
DU LIVRE I. DE TACITE. 33
sait rieu taire, ne laissait pas ignorer u Galba
l'amitié d'0^/iO« et de ^7Hiz/i' , ni ralliance
qu'ils projetaient entr'eux par le mariage de !a
filie de J^'iiiius ci û" Othoit , l'une veuve et
l'autre garçon. Mais je crois qu'occupé d"
bien de l'Etat, Galba jugeait qu'autant eût
valu laisser à Néron l'empire , que de le
donnera Oilioti. Eu effet , Othon négligé daus
*r'\ enfance, emporté dans sa jeunesse, se
Jfendit si agréable à Néroji par l'anitation de
son luxe, que ce fut à lui , comme associé à
ses débauclics , qu'il confia Poppée , la prin-
cipale de ses courtisanes, jusqu'à ce qu'il se
fûtdéfaitdc sa femme Octavie ; maislcsoixp-
connant d'abuser de sou dépôt , il le relégua
en Lusitanie, sous le nom de gouvcnu'ur.
Othon ayant administré sa province avec
douceur, passa des premiers dans le parti
■contraire , y montra de l'activité ; et tant que
la guerre dura , s'étant distingué par sa nu;gni-
f.cence , il conçut tout d'un coup l'espoir de
se faire adoptrt-; espoir qui devenait cliaque
jour pins ardent , tiint par la faveur des gens
de guerre , que par celle de la cour de 3// o«,
qui comptait le retrouver en lui.
Mais sur les premières nouvelles delasédi-
B 3
34 TRADUCTION
tionis , quamquam nihil adliuc âa T-'itellia
certum , auxius quonàm cxercituum vis eruui-
peret , ne viibano quidcm militi coufisus ,
qiiod rcmedium iinicum rebatur , comitia
impcrii transigit. Adbibitoque sn-per p^inium,
ac La conein ^ Mario Ceiso consule designato,
ac Ducenvio Gemiiio praefecto urbis, pîiuri
praBfatus de suâ seucctnte , Pisonem Zil?"-
iiianum acccrsiri jubet ;seu propilà clcctionc,
sive j ut quidam credidcrunt , Laconù ins-
tante ; cui apud Rubellium Plautum exercita
cmn Pisone amicitia : sed callidè ut ignotuin
fovebat ; et prospéra de Pisone faaia consilio
ejus lidem addiderat. Piso M. Crasso ac
Scrihoniâ genitus , uobilis ut^iraque, vultu
babituque movis antiqui , et aestiraatione
recta severus , deteriùs iuterpretantibiis tris-
tior babebatur. Ea pars moruiu ejus , quo
suspectior solicitis , adoptautbplacebat.
IgtturGtf//5a , apprchensâ i'/Vc///^ maiiu^
ia hune moduralocntus fertur: Si te priva-
tus j Icgc curiatâ apud pontijices j ut inoris
DU LIVRE I. DE TACITE. 35
tiou d'Allemagne , et avant que d'avoir rlea
d'assuié du côté de Vitellius , l'incertitude
de Galba sur les lieux où tomberait l'effort
des armées , et la déûance des troupes mêmes
qui étaient à Rome , le déterminèrent à se
donner un collègue \ l'empire , comme à
l'unique parti qu'il crût lui rester à prendre.
Ayant donc assemblé avec Vinius et Lacou,
Celsus consul désigné, eXGcmimis préfet de
Rome , après quelques discours sur sa vieil-
lesse, il fit appeler Pi50« ; soit de son propre
mouvement, soit, selon quelques-uns, k
l'instigation de Lacon , qui, par le moyen de
Plautus , avait lié amitié avec Pi.?o«; et le
portant adroitement sans paraître y prendre
intérêt , était secondé par la bonne opinion
publique. Pison , fils de Crassus et de Scri-
bonia, tous deux d'illustres maisons, suivait
les moeurs antiques ; lioiumc austère à le j uger
équitablement, triste et dur selon ceux qui
tournent tout en mal , et dont l'adoption
plaisait à Galba , par le côté même qui cho-
quait les autres.
Prenant donc Pison par la main , Galba
lui parla, dit-on , de cette mai\icre : «Si,
« comme particulier, je vous adoptais , selon
. B 4
S6 Traduction
est , adoptaj-em; et m Un egrcgjvm eratiitncj
Pompeii et M. Crassi sobohm in pénates
Vieos adsciscere y et tihi insipie , Siilpicice
ac Lntatiœ décora , nobllltati tucf adje-
fisse. Nuiic jue deorum hominuunjue cou-
sensu ad iniperium locatum j prœc/ara
indoles tua j et ajnor patricv impuJii , ut
principatuni j de qno majores nostri arinis
çertabant , bello adeptus , qniesceiiti oje-
ram y exemplo di^-i yiiigusti , qui sororis
filiiniiMarcelhim , dein genernm ^/grippanij
mox nepotes snos , postremb Tiberiinn Ne^
rofiem prii-igniun , in pro.viiiw sibifastigia
çollocauif. Sed angvstus in dojno snrcesso-
rem ipiœsi^ùt ; ego 3 in repnblicâ : non <jvia
propinqnos_ aut socios helli non Jiabeani •
sed neqne ipse iinperium ambitione accepi y
et judicii mei documentnni sint , jion meco
tantiiin necessitudines , <pias iibi postpoaui ,
sed et tuœ. Est tihi /rater pari nobilitate _,
natu major j dignus hac fortunâ , nisi tu
potior esses. Ea œtas tua , quœ mpiditatcs
odolescentiœ jamejfiigerit ; ea vita , in qvâ
nihil prateritum excusai: du/u habeas. For-
DU LITRE I. DE T-\CÏTE. 37
« l'usage , pnr-clcvaqt les pontifs , il nous
« serait lionorablf , à iiîoi , (radniettic dans
*. ma fatmIJe un dcseciKlniitclc Pompée et de
« Crassjts ^ à vous, d'ajouter à roire uo-
<» blesse celle des uiaisoiis LxJtatieiiîie et vSid-
« picicnne. B'Iainteuaut appcîc à l'cuipiic ,
« du couseutement des dieux et des hounues,
« l'amour de la patrie et votre heureux iiatu-
« rcl me portent à vous ofiVir au sein do la
« paix ce pouvoir suprêiue que la guerre ui'a
« donne, et que nos ancêtres se sont disputé
« par les armes. C'e.^t ainsi que le grand Aii-
« ^'Mj-Zemlt auprcmierrangaprèslui , d'abord
« son neveu Marcel lus , ensuite j'ii^rippa
« son gendre, puis ses pctits-ûls, et ciiiiti
« Tibère fds de sa femme : mais Avgiiste
« choisit son successeur dans s;i maison ; ja
« clioisis le mien dans la re'publique ; non
« quf. je manque de proches ou de coiupa-
«« gnons d'armes; mais je n'ai point ir.oi-
« même brigué l'empire ; et vous préicrcr à
« mes parcns et aux vôtres, c'est montrer
« assc^ mes vrais senlinuns. Vous avez un
« frère illustre , ainsi que vous , votre ;iîiié,
« et digticdu rang où vous montez, si vous
« ne l'étic/, encore jilus. V oi;s avez paî^sé sans
« rt-prov-hc rà^c de 1 •. jcuncSiC ei de* p ;biio;is.
58 TRADUCTION
tunam adhuc tantnni adversam tulisti f
seciindœ res acrioribus xtiinuUs animas ex-
plorant : quia misericr ioîerantur ^felicitctt
corrnmpimur. Fidem , libertatem 3 ainici-
tiam , prcecipua huma ni animi bon a , tu
quidem, eâdem constantiâ retinebis : sedalii
per obsequium im,minuent. Irrujnpet adu-
latio , blanditiœ pessimum veri affcctûs
venenum j sua cuique utilitas. Etiam ego
ac tu simplicissimè inter nos hodie loqui-
inur ; cœtei-i, libejitihs cumfortunâ nosirâ ,
quam nobiscum. A'am suaderc prijicipi qu od
oporatet j multi Jaboris : assentatio erga
principem quenicumque sine affectu pera-
gitur.
Si immensuni imperii cojpus start ac
librari sine j-ectore possct , dignus eram à
quo respuhlica inciperet ; nunc ce) necessi-
fatis jamprideni ventum est , ut nec mea
senectus confcrre plus populo Romanopossit
quam bonum successorcm , uec tua plus
juventa quam bonum principem. Sub Tibt-
DU LIVRE I. DE TACITE. 39
«t Mais vous u'avez souteuu jusqu'ici que la
« mauvaise fortune ; il vous reste viiie épreuve
•< plus dangereuse à faire en re'sistaut à la
«i bonne : car l'adversité déchire l'ame , mais
« le bonheur la corrompt. Vous aurez beau
« cultiver toujours avec la nxé.'ue constance
« l'amitié, la foi, la liberté, qui sont les
« premiers biens de l'homme , vm vain res-
« pect les écartera malgré vous. Les flatteurs
« vous accableront de leurs fausses caresses^
K poison de la Fraie amitié; et chacun ne
« songera qu'à son intérêt. Vous et moi,
« nous parlons aujourd'hui l'un à l'autre
« avec simplicité ; mais tous s'adresseront à
« notre fortune plutôt qu'à nous : car on
« risque beaucoup à montrer leur devoir aux
«♦ princes, et rien à leur persuader qu'ils le
« font.
«c Si la masse immense de cet empire eut
•« pu gardwrd'elle-méine son équilibre, j'étais
« digne de rétablir la république ; maisdepuis
«< lon^-temps les choses en sont à tel point ,
«< que tout ce qui reste à faire en faveur du
•« peuple Romain , c'est pour moi d'employer
« mes derniers jours à lui choisir un bon
u maître, clpour vous, d'être tel durant tout
6
40 TRADUCTION
rio , et Coio y et Cloiidio j iiriius fuwiiit»
qnasi hereditas fiiinms :loco lihertatis eri/j
qiiod eligi arpimits / et fniiiâ Julloriiin
Claiidiornmijtie dcino , optimum quenique
adoptio inveniet. Nam ^enerari et nasci à
•priucipibus j forti:iinui , itcc iiltrà œsiiiua-
pir : adoptaiidi judicann iiilegruiii ■ et ai
velis eligcre , conseiisii mou s ira tu r.
Sit an te ocvlos licro , quem lovgâ Cce-
saruin série ttimenlein , non f^'index cnm
inernii proi'incia , aut ego cian una légion e ;
sed sua imnianitas , sua luxuria cert>ici/jus
publicis de pu 1ère. A'eqne erat adJiuc dam-
nati principis cxempluni. Nos bcl.'o , et a!f
œstiinantibus asciti j cuni int^idiâ , quauiris
egregii j erimus. jVe tamen territirs Jiieris 3
si duœ legioncs in hoc concussi orbis niotn
nonduni guiescunt. jVe ipse quideni ad secU'
ras res accessi : et auditd adopHone , desi^
nan rideri senex , quod nunc niihi ununt
ohjicitur. A^çro à pessimo quoque seuiper
dçsiderabitur : nii/ti ac iiui proiidenduiti
DU LIVRE I. DE TACITE. 4g
« le cours des vôtres. Sous les empereurs pré-»
« cédciis l'Etat n'était l'héritage que d'uiie
« seulefaniille ; pi;r nous le clioix de sesclicFs
« lui ticudra lieu de libcité; après l'cxtinc--
« tioii des Jules et des CJçtndes l'adoption
« reste ouverte au plus digue. Le droit du
« sang et de la naissance ue mérite aucune
« estime et fait un prince an hasard ; mais
« l'a lopliou periucL le choix et la voix pur
« blique l'indique.
« Ayez toujours sous les yeux le sort
« de JSiéran , her d'nnc longue suite de
« césars ; ce u'c::t ni le pa3-s désarmé
« de l'index ^ \\\ l'unique légion Ac Galba ,
« mais sou luxe et ses cicautés qui nous ont
« délivrés de son joug, quoiqu'un empereur
« proscrit fut alors w\\ événcincnt sans cxcai-
« p!c. Pour nous que la guerre et l'estime
« publique ont élevés , sans mériter d'enner-
« liiis , u't.-pérons pas ti'eu point avoir : mais
« après ci'i; giaiiJs mouvciucus de tout l'uni-
« vers , deux légions émues doivent peu vous
« cllrayer. i\Ju propre élévation ne fui pas
« tranquille; et nui vieillesse , la seule e.'iose
« ((u'onmereproeiie , disparaîtra devant celui
« qu'on a choisi pour la soutenir. Je sais que
4* TRADUCTION
est, ne etiam à bonis desideretur. Monert
diutins , neqne temporis hujus , et impletum
est omne consUium , si te bene elegi. Utiîis~
simus quidem ac brevissimus benarum ma-'
Jarmnque rerinn delectus est j cogitare quid
aut volueris sub alio principe , aut nolueris.
J^eqne enirn hîc ^ nt in cœteris gentibus quœ
regnantur , certa dominormn domus , et
cœteri servi : sed imperatttrus es hominibus y
qui vec totam servitutem patipossnnt , nec
totam libertatem. Et Qialba quidem , li?ec
ac talia , tanquam priucipein faccrct, «Betcri
tanquara cum facto loquebantur.
Pisonem fcnint statim intueutihus , et
moxeonjectis in eum omnium coulis, nuikuu
tuibati aut exsultantis animi motum prodi-
disse. Scrmo erga patrem imperatorcmque
vevcreas , de se moderatus ; niliil in vultu
liabituque mutatum ; quasi impciare posset
magis quàm Tcllct. Cousultatum iude, pro
ïostris, an iu scnatu , an in castris adoplio
DU LIVRE I. DE TAClTË. 4^
«, Néron sera toujours regretté des uiéchans ;
« c'est à vous et à moi d'empêcher qu'il 11e le
« soit aussi des gens de bien. Il n'est pastemps
« d'en dire ici davantage , et cela est superflu
« si j'ai fait eu vous un bon choix. La plus
«c simple et la meilleure règle à suivre dan»
« votre conduite , c'est de chercher ce que
« vous auriez approuvé ou blâmé sous un
« autre prince. Songez qu'il n'en est pas ici
« comme des monarchies ovi une seule famille
« commande et tout le reste obéit, et que
•c vous allez gouverner un peuple qui ne peut
« supporter ni une servitude extrême , ni une
« entière liberté. » Ainsi parlait Galba exx
homme qui fait un souverain , tandis que
tous les autres prcnaientd'avancc leton qu'on
prend avec un souverain déjà fait.
On dit que de toute l'assemblée qui tonrna
les yeux sur Pison , même de ceux qui l'ob-
servaient à dessein , nul ne put remarquer en
lui la moindre émotion de plaisir ou de trou-
ble. Sa réponse fut respectueuse envers son
empereur et son père, modeste à l'égard de
lui-même ; rien ne parut change dans son air
et dans ses manières ; on y voyait plutôt lo
pouvoir que la volonté de commander. Ou
44 T R .\ n U C T I O N
iiuucnpaietur. Iri in castra plaruit ; honorî-
ficiim ici uiililihus fore , quorntn farorcm nt
îargitione et ambitu aialè acquiri , ita pcr
boiiasartes liaacl spenicnduui.(^ircuuisteterat
iiitcrim pahitium publica exspcctatio niagui
secreti iiiipa tiens, et lualè coëicitam famam
Supprimcutcs augcbaut.
Qnartnm iclns jannarias fœcluni imbribiis
di.'ia , toiiitrna et fLil.^nra et cœlcstcs mina)
ultra solituiu lurbavenuit. Observatum id
antiquitùs coniitiis dirimendis , non tcrruit
GalLaiii qnouiiiius m castra perycret; con-
leinpovcin taliimi ut fortuitornni , scu quoe
falo niaiicnt,quamvis signifie;; ta ^ non vitan-
tur. Apiid IVcqucnteui luilitam coiicioneni ,'
inipciatorià brcvitatc , adoptari à ï^iFisojuin ,
more divi ^J'i^nisti , cl cxt-niplo militari q;io
vir viruni le:^crct , pronuutiat : ac ne dissi-
irulata sçditio in uiaius crcdcrclur , ultro
assevcrat, quartam et duodcviccsiiuam Ici^io-
DU LIVRE I. DE TACITE. 45
dellbcia ensuite si la cére'uionic de l'adoptiou
S£ ferait devant le peuple, ou au scuat , ou
dans le eaïup. On prêtera le ca . p pour taire
lionncuraux troupes, eoiiune né voulant point
aclietcr leur faveur par la flatterie ou à prix
d'argent, ni dédaii^ner (!c l'acquérir parles
moyens honnêtes. Cepend.tnt le peuple envi-,
ronnait le palais , impatient d'apprendre ran-
portante aifaire qui s'y traitait eu seeret , efe
dontic bruit s'auf;tnentait eiMorc parles yaias
effpi'ts qu'on lésait pour l'étouffer.
Le dix de janvier le Jour fut obscurci par do
grandes pluies accompagnées d'éclairs , do
tonnerres , et de sisz;nes extraordinaires du
courroux céleste. Ces présa ;es qui jadiseusscnt
ioni|)u les comices ne détournèrent point;
Galba d'aller au camp ; soit qu'il les mépri-
sât eonmic des choses fortuites , soit que les
prenant poiu- des signes réels, i,l eu jugeât
l'événement inévitable. Les gens de guerre
étant donc assemblés en grand uonibre , il
leur (lit, dans un discours grave et concis ,
qu'il adoptait Piaona l'exemple à^ Auguste ,
et suivan-t l'usage militaire qui laisse aux gé-
néraux le choix de leurs lieutcnaiis : puis ,
de peur que son silcucc au sujet de la scditioi*
46 TRADUCTION
nés , paucis seditiouis auctoribus , non ultra
vei-ba ac voces errasse , et brevi in officio
fore. Nec iiU.um orationi aut lenocinium
addit , autpretiura. Tribuni tamen ceuturlo-
nescjue et proximi militum gratâ auditu res-
poudeut ; per cseteros macstitia ac sileutium ,
tamquam usurpatam etiam iu pace donativi
necessitatem , bello perdidissent. Constat
potuisse couciliari animos quantulàcuinque
parci seuls libcralitate. Nocuit antiquus rigor
«t nimia severitas , cui jam pares non sumui.
Inde apud scnatum non compllor Galba a
non lougior quàm apud milites senne. Pisonis
coniis oratio ; et patrnm Tavor aderat : multi
voluntatc -, effusiiis , qui nolucrant ; medii, ac
plurimi obvio obsequio privatas spes agitan-
tes , sine publicâ cura. Nec aliud scqucuti
quatriduo , quod médium inter adoptionem
et cacdcmfuit , dictum à Pisone in publiée ,
factumve.
DU LIVRE I. DE TACITE. 47
ne la fit croire plus dangereuse , il assura fort
que n'ayant été formée clans la quatrième et
la dix-huitième légion que par un petit nom-
bre de gens , elle s'était bornée à des murmu-
res et des paroles , et que dans peu tout serait
pacifié. Il ne mêla dans son discours ni flat-
teries ni promesses. Les tribuns, les centu-
rions, et quelques soldats voisins applau-
dirent ; mais tout le reste gardait un morne
silence , se voyant prives dans la guerre du
donatif qu'ils avaient même exigé durant la
paix. Il paraît que la moindre libéralité arra-
chée à laustcrc parcimonie de ce vieillard ,
eût pu lui concilier les esprits. Sa perte vint
de cette antique roidcur, et de cet excès de
sévérité qui ne convient plus à notre faiblesse.
De-là s'étant rendu au sénat, il n'y^ parla
ni nioins simplement, ni plus longuement
qu'aux soldats. La harangue de Pison fut
gracieuse et bien reçue ; plusieurs le félici-
taient de bon cœur ; ceux qui l'aimaient le
moins , avec plus d'affectation ; et le plus
grand nombre , par intérêt poiir eux-mêmes ,
sans aucun souci de celui de l'Etat. Durant
les quatre jours suivaus qui furent l'intervalle
48 TRADUCTION
Crebriorihns in diesGermanicae dcfcctîouis
nuuciis , et facili civitatc ad accipiciida crc-
dendaque ouiiiia nova cîun tristia suut ;
censueraut patres mittendos ad Germanicum
exercituin Icgatos ; agitatum sccreto , num
et jP/^o proficiscerctur , ina)ore piœtextu : illi
auctoritatcm scnatus , hic digiiationein Cœsa-
ris laturus. Placobat et Lacouem prsctorii
pracfcctnm sinuil niitti; is consilio interccssit.
Lcgati quoqne ( nain sciialus electioncta
Galhœ penniserat ) fœdà inconstantià noini-«
liati , excnsati ,subst]tuti , amhitii rcijiancndî
aut euudi , ut qucuiquc mctus vel spes impu-
tera t.
Proxima pccnniae Cnra ; et cnncta scru-
tantibus justissinuiin visinn est inde repeti ,
ulji inopiœ causa erat. Bis et vicies mille
scstertium doiuitionibiis Nero efïuderat.
Appcllari siiigulos jussit , decumà parte libe-
l'alitalis apud queuique eorum ixiittà. At illi»
DU LIVRE I. DE TACITE. 49
entre l'adoption et la mort do Pisoii , il 11e
Et ni ne dit plus rien eu public.
Cependant les fre'qucns avis du progrès de
la dcTcction eu Allema<,Mie, et la facilite avec
laquelle lesmauvaises nouvelles s'accréditaient
à Rome, enga; èrent le sénat à envoyer une
dcputation aux légions révoltées ; et il fut mis
sccrctenicnt en délibération , si Pison ne s'y
joindrait point lui-même pour lui donner
plusdc poids, en ajoutant la majesté impériale
à l'autorité du sénat. On voulait queZ/7C0;/,
préfet du piétoirc, fût aussi du voyage ; mais
il s'en excusa. Quant aux députés , le sénat en
ayant laissé le choix à Galba , on vit, par là
plus honteuse inconstance, des nominations,
des refus, des substitutions , des brigues pour
aller ou pour demeurer, selon l'espoir ou la
crainte dont chacuîi était agité.
Ensuite il fallut cliercher de l'argent ; et,
tout bien pesé, il parut très-juste que l'Etat
eut recours à ceux qui l'avaient appauvri. Les
fions versés par Néron montaient à plus de
soixante millions. Il Ht donc citer tous les
donataires, leur redemandant les nculdixièaies
tlt te qu'ils avaient reju , et dçut à peine leur
5o TRADUCTION
vis decumae super portioîies eraut : iisdem.
erga aliéna sumptibus , quibus sua prodege-
rant, cùin rapacissimo cuique ac pcrditissiino
non agri , aut fœnus , sed sola instrumenta
Vitiorum mauerent. Exaction! xxx équités,
Tomaui prœpositi ; uovum olficii genus , et
ambitu ac numéro oncrosurti. TJbique hasta,'
et sector , et i-nquieta urbs auctionibus ;
attamen grande gaudiura ^ qubd tam pauperc»
forent quibus douassct Kero , quàm quibus
abstulisset. Exauctorati per eos dics tribuni,
è praetorio y4ntonius Taurus et Antonius
jVaso ; ex urbanis cohortibus , yEwylîus
Pacerisis / è vigiliis , Julius Fronto : nec
remcdiumin cscterosfuit, sed mctûs initium ;
tauqnam pcr artera et formidincm singulî
pelleieutur , omnibus suspectis.
Interea Othonem , cui compositis rébus
nuUa spes, omne in turbido consilium,muita
simul cxstimulabant : hixuria etiani priucipi
oncrosa , iuopia Vix lîrivato toleranda , ia
Calbam ira , in Pisonem iuvidia. Fingebat
DU LIVRE I. DE TACITE. Sr
resLait-il l'autre dixicinepartie : car, également
avides et dissipateurs , et nou moins prodigues
du bieu d'autrui que du leur , ils n'avaient
conservé , au-lieu de terres et de revenus ,
que les iustrumens ou les vices qui avaient
acquis et consumé tout cela. Trente chevaliers
romains furent préposés au recouvrement ;
nouvelle magistrature, onéreuse par lesbrigues
et par le nombre. On ne voyait que ventes,
huissiers ; et le peuple, tourmenté par ces
vexations , ne laissait pas de se réjouir de voir
ceux que Néron avait enrichis aussi pauvres
que ceux qu'il avait dépouillés. En ce mêinc-
temps Taurus et Nason tribuns prétoriens,
Pacensis tribun des milices bourgeoises, et
Fronto tribun du guet, ayant été cassés ; cet
exemple servit moins à contenir les officiers
qu'à les effrayer ; et leur fit craindre qu'étant
tous suspects, on ne voulût les chasser l'ua
après l'autre.
Cependant Gtlion , qui n'attendaitriend'ua
gouvernement tranquille, ne cherchait que
de nouveaux troubles. Sou indigence qui eut
été à charge même à des particuliers, son luxe
qui l'eut été même à des princes, son ressen-
timent contre (Ja/^a, sa haine pour Pison ,
62 TRADUCTION
et metum , quo magis concnpisceret. PriT"
gravent se Neroni fuisse j nec Lusitaniam
riirsus aut alieruis exsilii honorem expcc-
tandum ; suspccliim seinper invisumqui
dominnntibus , qui proxinius destinaretur.
JVociiisse id sibi apiid senem principem ;
Viogis nocitnnim opnd jurenem iugenio iru~
ceni j et longo e.rsilio effcratum. Occidi
Othoneni posse ; proinde agendmn audeii^
dmnque , diim Galhœ anctoiztas fluxa ,
Plsonis iiondum coahiisset. OppOrtunos
magnis conatibus transitas reriim y nec
cuTiciatione opus nbi perniciosior sitquicsj
qvhm temeritas. Morteiii omnibus ex natura
ipqua!e/n j oblivione j apnd posteras , rel
gloriâ distingui. Ac si nocentem innocent
tefnquc idem exitus maneat , acrioris riri
esse , mérita perire.
NoTi erat Othonis mollis et corpori similiâ
aiiiuius. Et iutlmi lil)crtoium servominque
touc
DU LIVRE I. DE TACITE. 53
tout l'excitait à remuer. Il se forgeait même
des craintes pour irriter ses dc'sirs. « K'avait-il
« pas c'tc suspect à Néron lui-même ? falluit-il
«« atten'.irc eucorerheiineur d'un secoud exil
« eu Lusit nie où ailleurs ? les souverains ne
« voient-ils pas toujours avec déliaucc et de
«< mauvais œilceuv qui peuvent leur succéder.
« Si celte ide'e lui avait nui près d'un vieux
« prince, com]>ien plus lui nuirait-eiJe auprès
• d'un jeune homme Tiaturellcuieiit cruel ,
« aii;ri par un longexil ! (^ues'iisétaiciit tt-nte's
« de se cicuiirc de lui, pourquoi ne les pré-
« viendrai t-ii pas ti:udis o^az G alba L\\dMcv\à\\.
«< encore, et avant qucPziCK f'Jt affermi ? Les
«« temps de crise sont ceux où convienncut
> les j^ranils efforts , et c'est itne erreur de
s» temporiser quand les délais sont plus dan-
» s^ercux que l'audace. Tous les lionunes
» meurentcgalemcnt, c'estl.i loi de la nature;
» mais la jjostérité les dir^tinguc par la gloire
s> ou l'ouMi. (^uc si le même sort atloid
ï» rinnoeentet le coupable , il est plus digue
s» d'un hoiiuiie de coiu'agc de uc p^s périr
»» sans sujet ».
Othoii avait le cœur moins effémir.é que lo
corps. Ses plus familiers esclaves et affraucliis^
54 TRADUCTION
coiTuptiùs quam in. privatâ domo liabiti^
aulani NerOnis ^ et luxus , adulteria , matri-
laouia, caeterasque regnarum libidines , avido
taliuuijSiauderct , ut sua osteiitautcs; quics-
centi , ut aliéna exprobrabaut : urgcutibus
etiatii mathematicis , duin. uovos inotus et
claruiu Othoni a.\\xvain observatioue sidcruiu
affirmant ; geuus hominum potcntibus iufi-
dum , sperantibus falLix , quod in civitate
nostrâ et vctabitur semper , et retinebitur.
Multos sccrcta. Poppœœ matbematicos , pcssi-
muui piincipalis uiatrimouii instrumentutn ,
habueraut : è quibus Plolomœus Othoui in
Hispauiâ comcs , cùm supcifuturum eum
J\feroni promisisset , postquam ex cventu
fides, conjectura jam et rumore , senium
Galbœ y et JuventamO///(7H/^ computantium,
pcrsuaserat fore , ut in imperium asciscerctur.
Sed Otho tamqua!n peritià , et mouitu fato-
rum pi'aedicta accipicbat , cupidine ingenii
Jiumani libcntiùs obscura crcdcndi ; ucc
deerat Ptolomœus , jam et scelcris instinc-
tor , ad quod lacilliuiè ab cjus modi vota
tiansitur.
DU LIVRE I. DE TACITE. 55
accoutumera une vie trop licencieuse pour une
maison privée , eu rappellant la magnificence
du palais de Néron , les adultères , les fêtes
nuptiales, ettouteslesdébaucliesdes princes,
à un homme ardent après tout cela , le lui
montraient en proie à d'autres par son indo-
lence , et à lui s'il osait s'en emparer. Les
astrologues l'animaient encore en publiant
que d'extraordinaires mouvemens dans les
cieux lui annonçaient une année glorieuse ;
genre d'hommes fait pour leurrer les grands ,
abuser les simples , qu'on chassera sans cesse
de notre ville , et qui s'y maintiendra toujours.
Poppée en avait secrètement employé plu-
sicvirs , qui furent l'instrument funeste de sou
mariage avec l'empereur. Ptolomée , un d'en-
tr'cux,qui avait accompagne C'Mow , lui avait
promis qu'il survivrait à iVcTz-ow ; et l'événe-
ment Joint à la vieillesse de <7û'7i^<2, à la jeunesse
ù'Othon , aux conjectures , et avix bruits pu-
blics , lui fit ajouter qu'il parviendrait à
l'empire. Othon , suivant le penchant qu'a
l'esprit humain de s'aiîcctiouner aux opinions
par leur obscurité même , prenait tout cela
j)our de la science et pour dos avis du destin ;
ctjP/c/c/«(re ne manqua pas,selon la coutume,
C 2
%6 TRADUCTION
Scd scclcris cogilatio Inccrtum au rcpcns J
studia militum jam pridcmspc succfssiouis ,
ant paintu facinoris adcctaverat. Tu iliiu-rc ,
iu aguiine , in stationibus , vetitstissiiiniui
qucuiqnc milituiu uouiiuevocans , au uic:uo-
rlâ iierouiaui couiilatùà , coi tu'tfuriiales
ajjpcllauilo , alios aj^aoscere , quo.-dain rc-
quufic , et pccuuià aut ^ratià juvare: iuse-
xendo saepiùs qnnelas , et ambiguos de Galba
scruioucs , qua^quc alla tuibauicnta vulgi.
Labores itiueruui , inopia couiitieatuuiu ,
duiitia iuipcrii , atrociùs accipici^;iutur ;
cùm Campaniae lacus et Achaiœ urbt s clas-
sibus adiri soliti , Pyircnœuiu et Alpes , et
imiucusa viaruui spatia , œgrè sub anuis
cuilciculur.
rla-;rautibns iaui luilitum aniiuis , vclut
faces addideiat Ulcrius Pudciis , è pioxuuis
'J'j'î^ellini} is moljilissimumqueuupic iugcuioj
DU LIVRE I. DE TACITE. S;
d'être l'instigateur du crime doat il avait tt«
le prophète.
Soit c[\\Othoji eut ou non forme ce projet ,
il est certain qu'il cultivait depuis long-temps
les gens de guerre , comme espe'rant succéder
àl'empire ou l'usurper. Eu route, eu hatiille,
au camp , nommant les vieux soldats parleur
nom , et comme ayaut servi avec eux sous
Néron , les €i\iipe]ant camarades , il reconiu'.i-
sait les uns, s'informait des au 1res , et les aidait
tous de sa bourse ou de son crc'dit. Il t-ntrc-
mêlait tout cela de fréquentes plaintes , de
discours équivoques sur Galba , et de ce qu'il
y a de plus propre à émouvoir le peuple. Les
fatigues des marches, la rareté des vivres,
la dureté du eonimandement , ri enveni;ii;:it
tout ; comparant les anciennes et agréables
navigations de la Campanie et des villes
grecques , avec les longs et rudes trajets des
Fyrcnces et des Alpes , où l'on pouvait à peine
«outenir le poids de ses armes.
Pudeiis , un des confidens (Iq TigcHi/ms! ,
séduisant diver^^^ement les plus renuiaiis , Ic-i
plus obérés, les plus crédules , achevait d'allit-
lucr les cspiiu déjà écUaull'és des soldais. £1
C 3
S8 TRADUCTION
aut pecuiiiae indigum , et in no\Kis cupîditate»
praecipitemaIliciendo,ebpaulatim progressas
est ut per spccicm coiivivii , quoties Galba
apud Othonan epularetur , coliorti excubias
agcnti , viritim cciitenos nummos dividcrct ;
quam velut puhlicamlargitioncm,O^Ao secrc-
tioribus apud singulos prœiuiis intendebat.
Adeo animosus ç.oxxw'^'iox ^wWocceioProculo
speculatori de parte finium cum viciuo am-
bigenti , uuiversum vicini agruui suâ pecuniâ
emptum dono dederit ; pcr socordiam prac-
fecti , (juem nota pariter et occulta fallebaut.
Sed tum è libertis Onomastum future sce-
Icri praefccit , à que Barhium Procuhim
tesserarium speculatorum , et Vetiirium op-
tioneui corumdcm pcrductos , postquam
varie sermoiie callidos audacesquc cognovit ,
prrtio et proinissis onerat, data pecuniâ ad
pcrtentaudos pluriuni auitnos. Snscepore diîo
inanipuiarcs impcnum populi romani Irans-
fciendum , et transtnienuit. In conscicntiani
facinoris pauci asciti , suspenses caetcrornni
auimos diversis artibus stimulant ; priiuores
DU LIVRE I. DE TACITE. 59
en vint au point que , chaque fois que Galba
mangeait chez Othon^ l'on distribuait cent
sesterces par tcte à la cohorte qui était de
garde , comme pour sa part du festin ; distri-
bution que , sous l'air d'une largesse publique ,
Othoii soutenait encore par d'autres dons
particuliers. Il e'tait même si artlent à les
corrompre, et la stupidité' du préfet qu'on
trompait jusques sous ses yeux fut si grande ,
que sur une dispute de Proculas lancier delà
garde avec un voisin pour quelque borne com-
mune , Othon acheta tout le champ du voisin
et le donna à Proculus.
Ensuite il choisit pour chef de l'entrepris*
qu'il méditait Ouomastns un de ses affran-
chis, qui lui ayant amené Barhius et f'ctn-
rius , tous deux bas officiers des gardes;
après les avoir trouvés à l'examen rusés et
courageux, il les chargea de dons, de pro-
messes , d'argent pour en gagner d'autres; et
l'on vit ainsi deux manipulaires entreprendre
et venir à bout de dispoier de l'empire romain.
Ils mirent peu de gens dans le secret , et tenant
les autres en suspens , ils les excitaient par
divers moyens ; les chefs comme suspects par
go TRADUCTIOIT
milUviin, pi-ibcnelicia Xyinvliidli ui susprc-
tos ; vuigus et c.xtcros , ira et dcspcr tiou©
dilati toties danntivi ; eraiit qnos incuioria
jVeronis, ac dcsiderium prloris licciitiœ accni-
dcret •, Tu coniinunc ciuues uictu uiutaiulca
xuilUiœ estcnchaulur.
Infccit ea tabcslei^iouvim quoquc et nuxil:0-
ruiu moins jaai mentes , postqiiam vuli^atuui
erat labarc Ccnnaniei cxereitùs fidem. Adco-
quc parata apud malos scditio , etiaiii aiuid
iatcgros dissitnul itio luit , \tt postcro idiiuiu
die , rcdeiintciu à cocnà Othoncvi vaptmi
fneriiitjuisi iiiccita noetls,ct totà nrhc sparsa
militum castra, uec facilein inter tcîuulentos
coiiscnsum tliUiiissoiiL ; non roipiih!ic;c cnrà ,
quam i'œdare priucipis sui s:;nyniiic solnii
panibant, sed ne pcr tenebras , iit qnisquc
rannonici vel Gcrinanici cxercitns mililibns
oblatus essct , iguorantilms plerisquc pra
Otiione destiuarctar. Multa cruuipcniis sedi-
tioiiisir.dicia pcr conscios oppressa ; quoedaiu
apud Galh.v aiircs pr-Tleclns l.aco elus:t>
ii^uanis luililaiiuiu auiuioiuiu , couslîiiqir©
DU LIVRE I. DE TACITE. 6x
les bienfaits de Nympliidins , les soldats par
le dcpit (ie se voirfrusti-cs du donatif si long-
temps attendu; rappelant :i quelques-uns le
souvenir de iVWcw , ils rallumoicnt eu eux
le de'sir de l'ancieune licence ; cnfia ils les
eîîrnyaient tous par la peur d'un changement
dans la uiilico.
Si-tôt qu'on sut la deTi'ctIon de l'armée
d'AHcmaçnc , le venin j^agna les esprits déjà
émus des légions et des auxiliaires. Ricutôt les
mal-intentionnés se Irouvèrent si disposés à la
sédition, et les bons si tièdes à la réprimer ,
que le quatorze de janvier, Othon revenant
de soupor eut été enlevé , si l'on n'eût craint
les erreurs de la nuit , les troupes cantonnée»
p.-.r toute 11 ville, et le peu d'accord qui
rc^ne dans la chaleur du vin. Ce ne fut pas
l'intérêt de l'Etat qui retint ceux qui médi-
taient à ;run de souiller Icni-s mains dans le
sang de leur priiicc , mais le dan^^er qiVua
autre ne IVit pris dans l'obscurité pour Olhon ,
parles soldats des armées de Hongrie et d'AU
Icnia^nc qui ne le connaissaient pas. I^es cou-»
jurés étouiïèrcnt plusieurs indices de la
sédition naissante; et ce qu'il en parvint aux
oreilles de Galba l'ut éludé par Lacjn ^
52 TRADUCTION
quamvis egregii , quod non ipse afferrct-
iuimicus , et adversus peritos pervicax.
yviii kalend. febr. sacrlficanti pro aede
'Apolloais GaIùce,harasY)CKl/m/jricius tristia
exta , et instantes iusidias, ac domesticum
hostem praedicit : audiente Othone , ( naui
proximus astiterat) idque ut laetuni è contra-
rio , et suis cogitationibus prospcrum inter-
prétante. Necmulto postlibertus Onomastus
nunciat expectari eutn ab arcbitecto et re-
dctnptoribus ; quse signiticatio coëuntium
jani militum, et para^:ae coujuratiouis conve-
•nc.xaX.Otho., causant digressùs requirentibus;
cùm enù sibi praedia vetustatc suspecta, eoque
priùs explorauda finxisset , innixus liborto ,
per Tiberianam domuni in Velabruni , iude
ad niiliarium aureuni , sub œdcni Saturai
pergit. Ibi très et vigeuti specnlatorcs cousa-
lutatum imperatoreni , ac paucitate salutan-
tiumtrepidum,etsellaefcstinantcrirapositum,
îlrictis mucrouibus rapiuut. Totidem ferme
DU LIVRE I. DE TACITE. 63
homme incapable de lire dans l'esprit des
soldats , enuemi de tout bon conseil qu'il
n'avait pas donné, et touj ours résistant à l'avis
des sages.
Le quinze de janvier, comme Galba sacri-
fiait au temple d'Apollon , l'aruspice U?nbri~
dus , sur le triste aspect des entrailles lui
dénonça d'actuelles embûches et un ennemi
domestique ; tandis qu'Othon , qui était
présent^ se réjouissait de ces mauvais augures
et les interprétait favorablement pour ses
desseins. Un moment après Onomastus vint
lui dire que l'architecte et les experts l'atten-
daient ; mot convenu pour lui annoncer
l'assemblée des soldats et les apprêts de la
conjuration. Othon fit croire h ceux qui lui
demandaient où il allait, que , j^rcs d'acheter
une vieille maison de campagne, il voulait
auparavant la faire examiner ; puis suivant
rnftranchi à travers le palais de Tibère au
Vélabrc, et de là vers la colonne dorée sous
le temple de Saturne, il fut salué empereur
par vingt-trois soldats, qui le placèrent aussi-
tôt sur une chaire curule tout consterné de
leur petit nombre, et l'environnèrent l'épce
à la main. Chemin fcsayt^ y, furent joizit*
^4 TRADUCTION
milites in itlucrc aggrci^autnr , alii consciciî-
tiâ , plciique miiacnîo ; pars clamore et
gladiis , pars sileutio , auiuiuui ci cvcutu
suuipturi.
Stationcm in castris agcbat Julius Mar-
iialis tribuuus. Is rnaguitudiue subiti sccleris,
au torrupta latiùs castra , ac si contra teiide-
rct , cxitiiiin nietucMis , prœhnit plerisquc
fiispicionem cousciciitipc. Adtcposaérc cDctcri
tfiîoqne trilniui ccnturicncsqnc prcxsciitia
(lubiis et îiouestis. Tsqne habilus auinioruin
fuit, lU pcssiumm facinus auclcrcrit pai:i;i ,
jplures vclieut , ouincs p ilciCiitur.
Jn-narus intérim Galba et sacris întenîu?,
fatigabat alicni iam impcrii dcos ,cùm affei lur
rumorrapi iii cn?tra , inccrtum quciu seiu.to-
rcm, uioxOi?/70WfW t'ssc qui raperctur. Siinul
ex totà urbe , ut quisque obvius fucrat, aîii
forinidiucm au-eutes , quidam minora vcro ,
us lum quldeui obiiti aduialiouis. Jgitur
pai:
DU LTVRE I. DE TACT TE. 6â
par un nombre à-pcn-prcs égal de leur»
caiinrr.dcs. Les uns instruits du cou olot
riicconipagnaient à fi^rands cris avec îtiirs
armes; d'antres frappes du spectacle se dispo-
saient eu silence a prendre conseil de l'e'vc'ue-
xiicnt.
Le tribun Martialis qui était de garde au
camp, cflVayc d'une si prompte et si grand©
entreprise , ou craignant que la sédition n'eût
grgné ses soldats, et qu'il ne fVit tué en s'y
opposant, Fut soupçonné par plusieurs d'ca
être complice. Tons les autres tribun^ et
centurions préférèrent aussi le parti le plus sûr
au plus Ironnéte. iùifin , tel fut l'état des
esprits, qu'un jxtit nombre ayant entrepris
un forfait déte-^tible, plusieurs Tapprouvè-
reut , et tous le souffrirent.
Cependant Galba tranquillement occupé
de son sacrifiée , importunait les Dieux pour
un empire qui n'était plus à lui ; quanil tont-
a-eonp un bruit s'éleva que les troupes enle-
vaient un sénateur qu'on ne nomm 'it jias ,
mais qu'on sut ensuite être Cthon. Aus>i-tôt
on vitaeeonrir de'< gens de ton-, les quartiers ;
et à mesure qu'on les rencontrai t, plusieurs
Mélanges. Toine V. D
66 TRADUCTION
consultantilms placuit pcitentaii nnimura
cohoitisqua; iu pnlatio statioiieinagcbat ,ucc
pcr ipsnin Galhnin , cujus intégra auctoritas
inaioiibus rcmcdiis scrvabatur.
Piso pvo gradibus domùs vocatos iu hune
nioduui allocutus est ; Sextiis dies agitur ,
coininilitones , ex qiio igiiarus fntiiri , et
sive optandum hoc nomen sivc timcudutn
erat j Cœsar ascitus sum :quo domùs nostrce
aiit reipuhlicœ fato , in vesttâ manu positum
est y non quia , meo iiomine , tristiorem
casum paveam , ut qui ad versas res exper-
tus _, cum maxime discarn, ne secundas qul-
dem minus discriminis habere : patris et
tenatus it ipsius imperii vicem doleo , si
no'bis aut perire hodie necesse est j aut,quod
œque apud honos jniserum est 3 occidcrc.
Solatinm proximi motùs habebarnus , in-
crneiilam urbem et res sine discordiez trans-
latas j pro visu /n adoption e vidcbatur^ ut ne
vûsl Galbam quidem bello locus esset.
DU LIVRE I. DE TACITE. 67
^lî^mcn talent le mal et d'autres rextéuuiilent ,
jic pouvant en cet instant même renoncer à
la flatterie. On tint conseil , et il fut résolu
que Pison sonderait la disposition de la
cohorte qui était de garde au palais , réser-
vant l'autorité eucorc entière de Galba pour
de plus prcssans besoins.
Ayant donc assemblé les soldats devant les
dc^-i'cs du palais , Pison leur parla ainsi :
« Compagnons , il y a six jours que je fus
« nommé césar , sans prévoir l'avenir et
« sans savoir si ce choix me serait utile ou
« funeste. C'est à vous d'en fixer le sort pour
« la république et pour nous ; ce n'est pas
« que je craigne pour moi-même, trop ins-
«c truit par mes malheurs à ne point compter
« sur la prospérité : mais je plains mon père ,
« le sénat,eireinpire, en nous voyant réduits
« à recevoir la mort ou à la donner, cxtré-
« mité non moins cruelle pour des gens de
« bien ', tandis qu'après les derniers mouv( -
« mens on se félicitait que Rome eût été?
« cxemptcdcviolcnceetde meurtres, et qu'on
« espérait avoir pourvu par l'adoption à
« prévenir toute cause de guerre après la
« uiort de Galha.
D 2
68 T R A D U C T I O N
Nihil arrcgaho viihi nohilitatis mit mo-
dextiœ ; necjne enim relatii virtutmn, in com~
paratione Othonis , opiis eut. fit la , ijniims
solis gloriatur , evej'têre imperiiim efiam
chm nmiciun imperatnris agcret. Hahilnne
et i-iu-cssu , an illo inuliebri omatii , merc-
r€t!ir Impcrium? Falluntiir, çnihiis I/t.ntritz
spccie liheralitatia imponit. Perdere islc
scie/ , dofinre nescief. Stnpra nuitc , et lOmes-
se. lianes _, ctfeniiiianun cœfrix , lyolvitaniiuo;
hœc priucipatîis prjeniia putat , tjiiontin
Jiliido ac rolîip.'as , pniex ipsnmsit ,• rubor
ac dedecim, pênes onities: nemoeiiiin vn^naia
iviperiuni Jlagiiio qucesitiwi bonis ariibus
ex er cuit,
Galbam consensus generis hmnani , me.
Galba , consentientibns vohis , Coesarcm
dixijt. Si respnblica , et senalus , et popuJus,
vana nomiua snnt : vesirâ , commilitones ,
inierest , ne imperatorem pessimi faciant.
Legionum seditio adversum duces suos an-
dita est aliquando : vestra /ides faniaqne
illœsa ad hune diern mansit ;ctNero ijuo(jue
DU LIVRE I. DE TACITE. 67
«< Je uc vous parlerai ni de mon nom, n^
« de mes mœurs ; ou a peu bcoin de vertu»
« pour se com;:arcr à Othon. Ses vices, dont
« il fait toute sa gloire , ont ruine l'Etat
« quand il était ami du prince. Est-ce par
« son air , par sa démartlic , ])ar sa panne
« eiréniinee qu'il se crQÏt digne de l'cuipire?
« On se trompe beaucoup, si l'on prend son
* luxe pour de la libéraLté. Plus il .^aura
« perdre, et moins il saura donner. Débaii-
« elles, festins, attroupemens de femmes,
« voilà les proiets qu'il nie'dite ,et, selon lui ,
« les droits de l'empire , dont la volupté sera
« pour lui seul , la lionle et le désliouneur
« pour tous ; car jamais souverain pouvoir
« acquis par le crime ue fut vertucubcuieul
« exercé.
« Galba fut nommé ce'sar par le genre-
m Lumain , et je l'ai e'té par Galba de votre
« consentement. Compa!::,nons , j'is^nore s'il
« vous est indiffèrent que la république , le
« sénat et le peuple, ne soient que de vains
« noms ; mais je sais au-moins qu'il vous
« importe que des scélérats ne vous don-
« nent pas un chef. On a vu quelquefois
« des léyious se révolter contre leurs tribuns ;
D 3
70 TRADUCTION
vos destituit, non vos Neronem. Minus xxx
tranfugœ et desertores , quos centurionem
aut tribnnum sibi eligentes nemo ferret y
imper liim assignabiint? y4 dmittitis excm-
phun , eti]u iescen do commune criinenfacitis ?
transcciidet JiJec Ucentia in proi^'incias y et
ad nos scelerum exitns _, belloruni ad vos
pertimbunt. Nec est plus quod pro cœde
principis , quàm quod innoccntibus datur ;
sed proinde à nobis donativum ob fidem ,
quàm ab aliis pro faciuore accipietis.
Dilapsisspcculatoribiis , cœteracohors non
aspcniata conciouaiitcin , ut tiirl)idis rcbus
evcuit, forte iiiagib et non , niillo adliuc con-
silio , parât signa , quodpostca creditumest,
iusidiis et simulatiouc.
DU LIVRE I. DE TACITE. 71
« jusqu'ici votre gloire et votre fidélité n'ont
« reçu nulle atteinte ; et Néron lui-ni6aic
« vous abandonna plutôt qu'il ne fut abau-
« donné de vous. Quoi! verrons-nous une
« trentaine au plus de déserteurs et de traus-
« fu-cs , a qui l'on ne permettrait pas de se
« choisir seulement un otncier , faire un eux-
« pereur ? Si vous souffrez uu tel exemple ,
« si vous partagez le crime en le laissant
« commettre , cette licence passera dans les
«c provinces, nous périrons par les meurtres
«t et vous par les combats , sans que la solde
« en soit plus grande pour avoir égorgé soa
« prince, que pour avoir fait son devoir :
« nais le donatif n'en vaudra pas moins,
K reçu de nous pour le prix de la fidélité,
« que d'uu autre pour le prix de la tra-
« bison ».
Les lanciers de la garde ayant disparu , le
reste delà cohorte, sans paraître mépriser le
discours de Pison , se mit en devoir de pré-
parer ses enseignes, plutôt par hasard , et ,
comme il arrive en ces momens de trouble ,
sans trop savoir ce qu'on fcsait, que p.^r une
feinte insicJicrUsccommeoiii'a cru ilans laouitc.
D 4
72 TRADUCTIOTSr
Missus et Celsiis Marins ad clcctos Illy-
rici exercrtùs , Vipsauiâ in porticu tciulentes.
Prœceptiiin ^tnulio Scrcno'QS. Domitio Sa-
bino piiuiipilai;!)i,s, ut Gcniiaiiicos milites
c Libertatis atrioacccrscrent.Legioui classicœ
diffidebalur , iufcslJE ob cacdcm comu.ilito-
inuii quo3 |)rimo statim ialroitii trncidaverat
Galba. Pei-uut ctiain in tastra prrtori uo-
ïum tiihimi Cetrins Severns , SuhriusT-fx-
^er^ Pompe lu s Loiigiinis , si iiK-ipicns a 'luic
et nec'Ium acHlta seditio mdioiibiis cou-
siliis flectcretur. Tribunorum Subrivm et
Cetrium milites adorli minis , Longinvm
mauibui, coerceut , exaiuiaiitquc ; quia non
ordiiic militiae, sed c Galbœ amicis , G.lus
priucipi suc , et dcsciscentibus suspcctior
erat. Legio classica uihil cunctata prcctoriaiiis
adjungitur. Jllyrici cxcicitùs elccti Celsiim
ingestis piJis proturbant. Gennanica vexiJla
iu nutaverc, iiivalidis adhuc corpoiikus , et
placdtis animis , qu6d cos à Ncrone AJcxaa-
driam prœmissos , atque indè lursus loiigà
iiavigatioiie œf^ros , inipcusiore cuiû Galba
rcfovcLat,
DU LIVRE I. DE TACITE. yS
Ce/sus fut envoyé au dctaclicment de
l'arniec d'Illyi'ie vois le portique de J'ip-
saniJis. Ou ordonua aux priinipilaircs Sere-
Tiiis QiSabinus d'aincuer les soldats Germains
du temple de la liberté. On se déliait de la
légion marine aigrie par le meurtre de ses sol-
dats que CaJha avaii fuit tuera sou arrivée.
Les trijjiius Cetriiis , Subriiia et Lotiginus
allèrent au camp prétorien pour tâcher d'é-
toufFer la sédition naissante, avanlqu'clîe eût
tclaté. Les soldats menacèrent les deux ])re-
ïniers ; tuais Lohgin fut maltr ité et dés rmé,
parce qu'il n'avait pas passé p r les f^rade»
militaires, et qu'étant dans la confiance de
Galho , il eu était plus suspect aux rebelles.
La lé.'^ion de mer ne balança pas à se joindre
aux prétoriens. Ceux du delacliement d'Il-
ïyrie, présentant à C\'hiis\-A pointe des armes,
ne voulurcfit point l'écouter. Mais les troupes
d'Alleuiïignc liésitèrcnt long-temps, n'ayant
pas encore recouvré leurs forces, et ayant
perdu toute mauvaise volonté, denuis que
revenues malades de la longue navigation
d'Alexandrie, où Néron les avait envoyées ,
Cnll/a n'épargnait ui soin ni dépenses pour
ks rétablir.
D &
74 TRADUCTION
Uiiircrsa jam plcbs palatium implcbat ^
mixtis servi tiis , et dissouo climorc , cacdcm
Othonis et conjuraloruin cxsiliuin posceu-
tiiiin,utsi iiicircoacthcatroludicrunialiquod
postulaient. Ncque illis judiciuuiaut verilas;
quippe codem die diversa pari certamiue pos-
tnlaturis : sed tradito more , quemcumque
priucipeiu adulaudi , liceutiâ acclamatiouum,
et studiis iiianibus.
Intérim Galham duae sentcntiœ distine-
bant. Titus p'inius manunduni intra domum,
opponenda servitia , tirraandos aditus , non
euudnm ad iratos censebat : darct malorum
pcenitcnticX , daret bonoriim conscnsni spa-
tiuin ; scclera iinpctu , bona consib'a raorâ
valcscere. Dcniqiie cnudi iiltro si ratio sit,
eamdem aïox facullatciu : rcgrcssus , si pœui-
teat in aliéna potcstale.
Festinandum cocteris vidcbatnr , antrquam
crcsceret invalida adliuc eonjn ratio pauco-
rum. Trépida turum ctiam Othonem , qui
furtitn digrcssus , ad isuaros illatus, cuncta-
DU LIVRE I. DE TACITE. 7S
La foule du peuple et des esclaves , qui ,
duraut ce temps, remplissaient le palais , de-
mandait à cris perçans la mort d'Ot/wji , et
l'exil des conjurés, comme ils auraient de-
mandé quelque scène dans les jeux publics ;
non que le jugement ou le zèle excitât des
clameurs, qui ciiangèrcut d'objet dès le même
jour, mais par l'usage établi d'enivrer cliaquo
prince d'acclamatiosis cflréuées et de vaincs
flatteries.
Optiidant Galba flottait entre deux avis.
Celui de i 'inius était qu'il Cillait armer les
esclaves, rester dans le palais, et en barrica-
lier les avenues ; qu'au-lieu de s'ollVir à Azt,
gens écUauffés, ou devait laisser le temps aux
révoltés de se repentir et aux Qdèlcs de se ras-
surer; que si la promptitude convient aux
iorfails, le temps favorise les bons desseins ;
qu'enfin l'on aurait toujours la uicmc liberté
d'aller s'il était nécessaire , mais qu'on n'é-
tait pas sûr d'avoir celle du retour au besoin.
Les autres jugeaient qu'en se liàt;i!itdc pré-
venir le progrès d'une sédition faible encora
et peu nombreuse, on épouvanterait Othoti
mémCj qui, b'étaut livre iuitivemrnt à de*
U 6
76 TRADUCTION
tioiie nuuc et sci^iîitiâ tcientium tempus ,
imitari iJiiucipeui cliscat. Nou exspectandum
«t couipositis castris , forum invadat , et
prospectante Galba Cap;toIium adcat ; dnm
egiegiiis imperator , cum fortil)i!s auiicis ,
jainià ac liuiiiie tenus (lonunn clu it , obsi-
dioîicui uiiMiruiu tolcn'.turus. Et pia'clarum
ïu servis auNiliu:n , si couseusus tantae inul-
tltu'liuis , et qnae p!uriii:ùiu v let , priuta
indiguatio laiigucscat. Pioinde iututa , quae
indecora ; vcl si cnderc uecesse sit , occurrcu-
dum distriiuiiu : id Othoni invidiosius, et
ipsishonestum. Rcpuguaulem linic senteiitiai
P'iniuîîi , Laco uiiuaciter iuvasit ,slitiiulaiite
Jcelo, privati odii pertiuacià , iu publicnui
exitiuui. ]\ec diutiù.s Galba cuactatis spccio-
siora suadcutibus accetcit.
Propmissus tamcn in castra Plso ,ut invenis
taagiio uouiiac , rccenti l'avore , et iufcnsus
T. J>'iiiio , scu quia crat , seu quia irati ita
Volebautj et l'aeiiiùs de ociio creditui-. Yix
DU LIVRE I. DE TACITE. 77
inconnus , proûtcrait, pour apprendre a re-
présenter , de tout le temps qu'on perdrait
dans une lâche indolence. Fallait-il attcudre
qu'ayant paciiié le cainp il vînt s'emparer de
laplace, ctuiontcr au capi tôle aux yeux même
de Galha y tandis qu'un si grand capitaine et
SCS Ijiaves amis , renfermés dans les portes et
le seuil du palais, l'inviteraient, pour ainsi
dire , à les assiéger ? (^uel secours pouvait-oa
se promettre des esclaves , si on L issoit refroi-
dir hi faveur delà multitude, et sa première
indij^natioii plus puissante que tout le reste ?
Dailleurs , disaient-ils ,1e parti le moins hon-
nête est aussi le moins sûr; et dut-on succom-
ber au péril , il vaut encore mieux l'aller ciier-
clier : Uthott en sera plus odieux et nous eu
aurons plus d'honneur, f^inius résistant à cet
avis fut menacé par Lacon y\x l'instigation
*y Icchiv , toujours prêt à servir sa haine par-
ticuhère aux dépens de l'Etat. Galba , sans
hésiter plus long-temps, choisit le parti le
plus spécieux.
On envoya Pison le premier au camp , ap-
puyé du crtdi.t que devaient lui donner sa
iiaissaucç, le rangauquel il vcMiait deinontcr,
et sa colère contre Vinivs , véritable ou sup-
78 TRADUCTION
duui egresso PL o/ie, occisum in castris Oi/iO"
nem, yagus priuiùm et incertus rumor , mox
ut in magnis meiid iciis , inteifuisse se quidaui
et vidisse aflirmabaut ; crcdulâ famà , iuter
gaudcutes et incuriosos. Multi arhitrabautur
coinpositumauctuiiiqiiciuuiorcm,mixtisjaBi
Otlioniaiiis , qui ad c\ociiu.(ii\mGa//>am la:ta
falso vul^averiut.
Tum vcio non popnlus taiitinn et inipeiila
pîcbs in plausus et iaimodica studia, scd
equitum plerique ac scnatorum , posito mrtu
incauti , icfractis palatii ioribus ruere intùs ,
ac se Galbœ ostcutarc , prœreptam sibi ultio-
ncm qiicrcnles. Ignavissimus quisqne, et , ut
res docnit, in periculo non ausurus , niniii
verbis , Hnguae féroces ; nemo scirc, el omncs
aCBimaie ; doncc inopià veri , et conseusu
cnautium victus, sumpto tliorace Galba ,
iirucuti tuibae iicque ittnte nequc corpore
sistens , selU Icyaatur. Obyius iu palatio
DU LIVRE I. DE TACITE. yp
posée telle par ceux dont p'inius était liaï et
queleurliaiiiercudaitciédules. ApeiucPz,yow
fnt parti, qu'il s'éleva un bruit, d'abord
vague et incertain , q^nOi/ion avait été tué
dans le camp. Puis , comme il arrive aux
mensonges importans , il se trouva bientôt des
témoins oculaires du faii, qui persuadèrent
aisément tous ceux qui s'en réjouissaient ou
qui s'en souciaient peu.Miiis plusieurs cru-
rent que ce bruit était répandu et fomenté par
les amis d'Othon , pour attirer Galba par le
leurre d'une bonne nouvelle.
Ce fntalors quclcs applaudissemens etrcm-
pressemeut outré gagnant plus haut qu'une
populace imprudente, la plupart des cheva-
liers et des séi\alrurs , rassurés et sans précau-
tion , forcèrent les portes du palais , et cou-
rant au-devant de Galba , se plaignaient que
l'honneur de le venger leur. eût été ravi. Les
plus lâches et, connue l'effet le prouva, les
moins capables d'affronter le danger, témé-
raires en paroles et braves de la langue , affir-
maient tellement ce qu'ils savaient le moins ,
que, faute d'avis certains, ctvaincu par ces
clameurs. Galba pritiuie cuirasse, et n'étant
ni d'àgc ui de force à soutenir le choc de la
8o TRADUCTION
Jiilius y^tticus spcculator , crucntnin g7a-
dium osteiitaiis j occisum à se Othoncm excla-
mavit; et Galba : CommlHto , inqiiit , cuis
jussit? insigiil auiino ad co'ercciidatu mili-
tarem liceutiam , mhiantihus iiitrepidus ,
adversus blaadieutes iacorruptus.
Haud dubÎT Jam in castris omnium mentes,
taiitusqiicardor, ut non contcnti agMiiue et
corporibus , in sng^cstu , in quo paulo antè
aurea Galhœ statua fuciat , médium intcr
sign.i Othonem vcxillis circuiudaicnt. Nec
tribunis aut centurionibus adcuudi locus ,
gregarins miles cavcri insuper pracpositos
jubciiàt. Sliepcic cuncta clamoribus , et til-
multu ,ct cshorlatiouemutuàjUOn tamquani
iu populo ac plebe , variis segni adulationc
votibus , sed ut queriiquc aOlucntium mili tuui
aspexerant , preliensaie manibus , complccti
armis, co'iîocare juxta , pri'eirc saiiauicutiun ,
HiOcJà iiupcraloicui mililibus , modo inipc-
jatori milites coaimcudare. I^iec dceiat Ot/iO
DU LIVRE I. DE TACITE. 8i
foule, se 6t porter dans sa chaise. Il rcucon-
tia sortant du palais iiii gpiidôriiic notiiiué
Jnliusj^ttkvs , qui aïoiitraiit ^OIl glaive tout
sanginnt, s'écria qu'il av^ait tué (v^/,©;/. Cama-
rade ,\y\\ ii Vjd\hi\ , qui vous r a commandé ?
"Vigueur suigulièrc d'un liouuue attentil' à
réprimer la licence militaire , et qui ne se
laissait pas plus amorcer par les flatteries ,
qu'effrayer par les menaces !
Dans le camp les seutimcns n'étoicnt plus
douteux ni partagés , et le zèle des soldats
était tel que, uon eontens d'environner ^^//'O/i
de leurs corps et de leurs bataillons, ils le
placèrent au milieu des enseignes et des dra-
peaux dans l'enceinte où était peu auparavant
la statue d'or de Galba. Ni tribuns ni centu-
rions ne pouvaient approcher, et les simples
soldats criaient qu'on prît garde aux officiers.
On n'entendait que clameurs, tumulte, exhor-
tations u\utuelles. Ce n'étaient pas les tièdes
et les discordantes acclamations d'une popu-
lace qui llatleson maître; mais tons les sol-
dats , qu'on voyait accourir en foule, étaient
prisp.ir la main, embrasses tout armés, ame-
nés devant lui; et après leur avoir dicté 1©
serment, ils recommaudaieut l'empereur aux
82 TRADUCTION
protcndciis inanus ; adorare vulguin , jacere
oscilla , et ouiuia servilitcr pro domiuatioue.
Postquamuniyersa classicomm legio sacra^
mentum cjusacccpit^ fideiis viribus , et quos
adliuc singulos exstimulaverat , accendeiidos
iu coiuinuue ratus , pro vallo castrorum ita
cœplt.
Quis ad vos processer/m , coimnililones ,
dicere non possuui : quia nec privaUtm me
vocare sustineo , princeps à vohis nonii^
natus ^ nec principem , alio iniperantc ^
vestrum quoque nomen in incerto erit, donec
duhitabitur inipeiatoreni populi romani in
castris , an hostem habcatis. ^lidilis ut
pœna mea et supplicium restrum simul pos-
tnlentnr? adeb manifestuin estneque perire
nos , neque salcos esse , nisi unà j passe ; et
cnjus hnilatis est Galba ,jam fartasse pro-
inisit : ut qui nuUo exposcente , tôt millia,
innocentissiinoruvi viilitnm trucidaverit^
DU LIVRE I. DE TACITE. 83
troupes et Jcs troupes à reinpercur. Othoit ^
de son côté , ieadant les bras , saluant ia mul-
titude , onvoyaiit des haisers, n'omettait riea
de servils pour couiiuaudci".
Enfin après que toute la Ic'gion de mer lui
eût prêté le serment , se confiant en ses forces,
et voulant animer en commun tous ceux qu'il
avait excites eu particulier, il monta sur le
rempart du camp , et leur tiut ce discours.
■» Compagnons, J'ai peine à dire sous quel
« titre je me prcscute en ce lieu : car élevé
•« par vous à l'empire, je ne puis me regarder
« comme particulier , ni comme empereur
« taudis qu'un autre commande; et l'on no
« peut savoir quel nom vous convient à vous-
« incmcs, qu'en décidant si celui que vous
« protégez est le chef ou renucmi du peuple
« romain. V^ous entendez que nul ne de -
« mande ma punition qui ne demande aussi
« la vôtre; tant il est certain que nous ne
« pouvonsnous sauver ou périr qu'ensemble;
« et vous devez juger de la facilité avec la-
« quelle le clément Galba a peut-être déjà
« promis votre mort , par le meurtre de tant
«4 TRADUCTION
Horror animuni subit quoties recordor fc"
raient introitum , et hanc solam Galùie
victoriam , chm in oculis urhis deciimari
deditos jiiberet , qiios deprecatitcs in fidem
acceperat. His auspicHs nrhein ingressus y
tjuamgloriam ad principatuni attulit ,nisi
occisi Obnltronli Sahini,et Coruelii iVar-
celli in Hispaniâj tJetui C Tiilonis in G allia,
Fonteii Capilonis in Gernianiâ , Clodii
3Jarri in y4frlcâ , Cingonii in via , Turpi-
liani in urhe j Nymphidii in cas tris? (>vce
usijuani pro^nncia , ijuœ castra snnt , nisi
crnenta et inacnlata? ant , vt ipse pnfdicaf,
cmen data et correct a ? A' a ni qnœ a lii sceltra,
hic remédia vocat ^ dunifalsis noniinUnts ^
sei'eritateni pro sawitiâ , parcijnoniam pro
auaritiâ , supplicia et contninelias restras ,
disciplinam appellat. Sep te ni à Neronisfina
mcnses sunt , et ;am plus rapuit J ceins c/nàm
guod Polycleti , et f'atinii , et Elii.para-
vernnt. Minore avariiiâ ac licentid grassa-
tus esset T. l'inins , si ipse iniperasset ;
niinc et subjectos nos habuit taincjiiam suos ,
et files ut aliénas. Ijna illa doiiius sujfficit
DU LIVRE r. DE TACITE. ??5
•t de milliers de soldats iiiiiocciis que pcr-
« sonne ne lui demandait. Je frémis eu uie
« rappelant riioireur de son entrée et de son.
« uniq'.ic vletoire, lorsqu'aux j'eux de toute
« la viile il {'il déi'imer les prisonniers sup-
« plians qu'il avr.it reçus en grâce. Entré dans
«c Rome soMs de tels auspices, quelle gloire
« a-t'il acquise dans le ^gouvernement , si ce
« n'est d'avoir fait mourir Sabiniis et Mar-
m celtiis eu Espagne, Chilon dans les Gaules,
m. Capiton eu Allemagne, Macer en Afri-
« que, Cingoiiiiis en route, Turpilien dans
« Rome, et Nympliidlus au camp? (Quelle
« année ou qnclle province si reculée sa
« cru u té n'a-t-ellc point souillée ctdésho-
« norée , ou selon lui lavée et purifiée avec
« du sang ? ('ar traitant les crimes de remc-
« des et donnant de faux noms aux choses ,
« il appelle la barbarie sévérité, l'avarice éco-
« nonue, et discipline tous les maux qn'il
« vons fiiit souffrir. Il ny a pns sept mois que
« Néron est mort , et Icelns a dé)à plus volé
« que n'ont fait Jiliii.s ^ Polyclète tt J'atl-
« niiis. Si p'inias lui-même eut été empc-
« rcnr , il eût ;.,ouvenié avec moins d'avarice
« et de licence ; iiiriis il nons coniinanda
« comme uses sujets et nous dédaigne couuue
»6 T R A D U C T I O I^-
donativo quod vobis nnncjuam datur , et
quotiàie exprohratur.
Ac ne qna sciltcm in successoreGalbœ sp£g
esset , accersit ab exilio queiu trisiitiâ et
acaritiâ suî simiUimum jiidicabat. T'idis-
tis y commilitones ^ notabili tempestaU ,
etiam deos infanstain adoptionem afersan^
tes : idem seJiatùs , idem popiili romani
animiis est ; vestra rirtiis expectatnr , apud
qnos omne Jiouestis cortsiliis robiir , et sine
quibus , quamiis egregia invalida sunt.
Non ad helhim vos , nec adpericnlum roco:
omnium milituin arma nobiscnm sunt. Nèc
iina coJiors togata défendit nu ne Galbam ,
sed dctinet ; chm vos aspexerit\ cum signum
meum acceperit , hoc solum erit certamen,
quis mihi pliirimhm imputet. Nullus cunc-^
tationi locus est in eo consiUo quod non
poiest laudari nisi peractum.
Jiperire dcindè armanientaiium jussît
DU LIVRE I. DE TACITE S7
« ceux cl\iii antre. Ses riclicsses seules siifFi-
« sent pour ce douatit'qu'ouvous vante sans
« cesse et qu'on ne vous donne jamais.
« Afin de ne pas même laisser d'espoir à
« son successeur, G'a//^« a rappelé' d'exil un
« lionimc qu'il jugeait avare etdurcommeîui.
« Les dieux vous ont avertis par les signes les
« plus e'vidcns, qu'ils de'sapprouvaient cette
« e'iectiou : le se'nat et le peuple romain no
« lui sont pas plus favorables ; mais leur cou-
« fiance est toute en votre courage; car vous
« avez la force en main pour exe'cuter les
« choses honnêtes , et sans vous les meilleurs
«< desseins ne pcuventavoir d'effet. Ne cro3^cz
« pas qu'il soit ici question de guerres ni de
« périls, puisque toutes les troupes sont pour
« nous, que Galba n'a qu'une coiiorte ca
« toge , dont il n'est pas le chef mais le pri-
« sonnicr, et dont le seul combat, à votre
« aspect et il mon premier signe, va être à
« qui m'aura le plutôt reconnu. Enfin ce
« n'est pas le cas de tenij)oriKer dans une en-
♦< treprise qu'on ne peut louer qu'après l'cxe'-
• cntion ».
Aussi-tôt ayant fait ouvrir l'arscisal , tous
ÎS T R A D U C T I O M
rapta statîm arma , sine more et or linc niili-
tl2e,utprxtoriaaus,autlrgionarlusinsigMibus
suis (iistiugiicretur ; misceiitur auxiliaribns ^
caleis scutisquc. Nullo tribuiiorum cciiturio-
uuinve ndljov.tautc , sibi quisquc dux et insti-
cator : et prcEcipuuiu pessiinorum iucilamea-
tuin , quod boni inEcrcbaiit.
Jain exterritns Piso frcinitu crebrescentis
scditioiiis , et vocibus in nrbem usquè reso-
iiantibns , egressum intérim Gnlb'am et foro
appropiuquantcm as.-ecntiis erat : iain Marins
Cehus haud î:rta rctulcrat: cùni alii in pala-
tluin redire ,a!ii Capitolium pctcrc , plcrique
rostra occu panda ccnserciit , plnrcs tantum
scutentiis alioruni contradicerent ; utquc
cvenitiu consiliis infçlicibus , optima vlde-
rcutur , quorum tcmpns effugerat. Agitasse
Laco ,ignaro Gcrlbâ , de occidendo T. T'inio
dicitur, sive ut pœna ejus auimos militnin
mulcerct, seu consclum Gthonis credcbat ,
ad postretnuiu vcl odio. K.T:.iLalioneniattuIit
tcinpus ac locns , quia initio c;cdis orto ,
dilïicilis modus ; et turbavcrc consilinm tt-e-
toururcut
DU LIVRE T. DE TACITE. 8^
coururent aux aruics, snns ordre , sans icTie
saiis dlbtfuctioii des eiisei ues pre'toricuiies et
des légionnaires, rie l'ecu des auxiliaires et
du bouclier romain. Et sans que ni tribun
ni centurion s'en mêlât, eliaque soldat de-
venu son propre officier s'animait et s'excitait
lui-même à mal faire, p;;r le plaisir d'dfll.ger
les gens de bleu.
Déjà Pison , eiïraye' du fre'missemcnt de la
sédition froissante et du bruit des clameurs
qui retentissait jusque dans la v;lle , s'étiit
mis à la suite de Galha qui s'aclicminait vers
la place : déjà, sur les mauvaises nouvelles
apportées par Ctisus , les uns p- rb:icnt de
retourner au palais, d'autres d'aller ou eapi-
tolc , le plus grand nombre d'occuper les ros-
tres. Plusieurs se contentaient de contredire
l'avis des autres ; et , roimne il arrive dans les
mauvais succès, le p rti qu'il n'était plus
temps de prendre sembi lit alors le meilieur.
On (lit que Lacon méditait à l'iuseu de Ca/i-a
<>e Caire tnct f inius ; soit qu'il esj)crâl ;t(lou-
cir les soldats p-r ce châtiment , soit qu'il le
crût coniplicc (.VOthoii , soit enl'm par nn
mouvement de haine. IMais le teuips cl le lieu
I < yaiil la.t balancer, par la crainte de ne pou-
Mélciii^cs. Tumc V. E
âo TRADUCTION
pidi nuncii , ac proximorura diffugia , lan-
c-uentibus omnium studiis , qui primo ulacies
o
fidem atquc auimvim osteataveiaut.
Agcbatnr hue illuc Galha , vario turba;
fluctuautis impulsa , compktis undique basi-
licis ac templis, lu-ubri prospcctU;, ncque
populiaut plcbls uUa vox ,scd attoulti vultus,
etcouversGC ad omnia aiues, uou tumultus ,
non quics , quale magiii mctùs , et uiagnae
irae silcntium est. Othoni tamcu aiman plc-
bem nuiiciabatur; ire précipites, et occupare
pencula jubet. Igitur milites romani , quasi
Vologesen , aut Pacorum , avito Arsacida-
rum sobo depulsuri , ac non impcratorem
suum inermcm et sciiem trucidare pcrgercnt,
dis)ectû plebc , proculcato scnatu , traces
armis , rapidis cquis forum irruiupunt. Nec
illos Capitobi aspectus , et imuuueiitiara
tcmplorum reM^io , et priorcs et futuri pria-
DU LIVRE I. DE TACITE. 91
voir î)lus nrrctcr le sans après avoir com-
mencé d'en répandre, l'eUroi des survcnans,
la dispersion du cortés^c , et le truuble de
ceux qui s'étaient d'abord montrés si pleins
de zèle et d'ardeur, achevèrent de l'eu dé-
tourner.
Cependant entraîné çà et là , Galba cédait
à l'impulsion des flots de la multitude qui ,
remplissant de toutes parts les temples et les
basiliques, n'offrait qu'un aspect lugubre. Le
peuple et les citoyens , l'air morue et l'oreille
attentive , ne poussaient point de cris : il ne
régnait ni tranquillité ni tumulte, mais un
silence qui marqnait a-la-fois la hayeur et
l'indignation. On dit pourtant à Othcn que
le peuple prenait les armes; sur quoi il or-
donna de forcer les passages et d'occuper les
postes importans. Alors, comme s'il eût été
question , non de massacrer dans leur prince
un vieillard désarmé , mais de renverser Pa-
core ou f^ologexe du trône des Arsucules,
on vit les soldats romains, écrasant le peu-
]}le, foulant aux pieds les sénateurs, pénétrer
dans la place à la course de leurs chevaux et
à la pointe {le leurs armes, sans respecter le
Capitole ui les temples des Uicux , sans craiu-
93 T R A D U C T I O I^.
cipcs teniiere , qiio minus fuc^icnt scelus ,
cujus ultor est quis^juis saccessit.
Viso cominxis aiuiatoiuin agmine , vcxilla-
rius comitantis Galbam cohortis ( ^tilimn
F^ergilioiiein Puisse tiadnnt) rlereptam GaJbae
imai^iiiciii solo afïl.sit. Ro s gno manifesta in
Ot/ioiiem oiimium milituiii stiidia, (Ifsertum
fugà popiiL forum , dcstrict > advcisus dubi-
tautcs tcld. Juxta Curtii lacutu , trepid tioiiQ
fcrctitium Galba projcctus è selJà , ac pruvo-
lnt;!s est. Exticmam cjus vocc.u , ut cuique
odiuui aut admir tic fuit, varie prodidcre.
Alii snpplicitcr ititcrrogassc , quid m li ine-
ruissct , pancos dies cxsolveiido doiiativo
deprecatiim : pliucsobtulisse iiltro pcrtusso-
ribus jiignlum , agcrciit ac fcriictit , si ita è
repiiblioà videretur ; non interfmt occidcu-
tiiim qui i ditcrct. Uo pcrciissoïc non satis
constat ; quidam Terentium Evocatum ^aXù.
ZecaniiJ//i,cichi'ior fuma tradidit ^.'^wz//////«^
XV Icgionis militeui , impicsso gladio , jugu-
lum cjus liausisse. Caeteri ciuri biaciiinqu»
(uaui pcctus tc-cbatLir ) toede lauiavcre ,
DU LIVRE I. DE TACITE. 93
drc les princes prcscus et a veuir, vengeurs
Ue ceux qui les ont précèdes.
A peine appercut-on les troupes d'Oihon ,
que rcn.sei;.yie de l'escorte de Galha appelé,
dit-on yergilio , arrachi l'image de l'eiupe-
rcur et la jeta par-terre. A l'instant tous les
soldats se déclarent, le peuple fuit, quiconque
îiésite voit le fer prêta le percer. Près du lac
de Curtius Galba tomba de sa chaise par
rcffroideceux qui le portaient, et fut d'abord
enveloppe. On a rapporté tliverscincnt jes dev>
nières p;Moles, selon la haine ou l'adruiratiou
qu'on avait pour lui. (Quelques-uns disent:
qu'il demanda d'au ton sujjpliant quel maï
il avait fait, priant qu'on lui laissât quelques
70ur.s pour payer le <:onatif: mais plusiciirs
assurent que, présentant hardiment la gorge
anx soldats, il Icurditdefrappers'ils croyaient
sa mort utile à l'Etat ; les meurtrier.^
écontèreiit peu ce qu'il pouvait dire. On n'a
pas bien su qui l'avait tué : les U!is nomment
l'ereritlus , d'autres Zf<V7/////.v ; mais le bruit
tonnnun est que Caïuurius , .«iolclnt (ie I;»
f|uinzicmc léf^ion , lui coupa la i!,or^e. Les-
autres lui dcciiiquetèrent crnciîcir.ent les bra*
et les jambes j car la tuivassc coiivjci'.l la poi-»
E à
94 TRADUCTION
pîcraqiie vulncra , feritate et saevitiâ trnnco
je a corpori acijecta.
Titmn indè J'invim .'nvn«crc , de qno et
ipso atnbigitur , consiimpseiit ne vocem t^jns
iistans metns , an proelauiavcrit non esse ab
Othone luandatnm ut occideretur : qnod seii
finxit forniidine , seu conscientiâ conjuia-
tiouis confcssus est , hue poliùs ejus vita
famaque inclinât , ut couscius sccieris fuci it ,
cujus causa erat. K ntcaedeni divi.////// jacuit,
pviaio ictu in popliteui , mox ab Julio Caro
le,:;ionaiio milite iu utruuique lalus traas-
.vcrbciatus.
lusigiiem illâ die vinun Sempronium
JDensum getas nostra vidit. Ontario is pra--
toiiae cohoitis à Galha cnslodirr Pisonis
additiis, stricto pngioiie occurrcns armatis ,
et scclus cxprobraiis , ac niod6 manu, modo
voce , vertendo in se percussores , quamquain
vulnerato , P/.vo/// eCFngium dédit. Piso iu
EPdein Vest;E pervasit , cxceptnsqnc miscri-
cordià publici servi , et coutubcinio ejus
DU LIVRE I. DE TACITE. gh
triiic , et leur barbare férocité chargeait eu-
core de blessures uu corps déjà mutilé.
On vint ensuite à l'inius, dont il est pa-
reillement douteux si le subit effroi lui coupa
la voix , ou s'il s'écria qu'Ot/ion n'avait point
ordonnésa mort : paroles qui pouvaient être
l'effet de sa crainte^ ou plutôf l'aveude sa tra-
hison, sa vie et sa réputation portant à le
croire complice d'un crime dont il était cause.
On vit ee jour-là dans Sempronijif; Devsvs
un exemple méinorablepour notre temps. C'é-
tait un centurion de la cohorte prétorienne y
cliar-,é par Galha de la garde de Pison. Il se
jela le poignard à la main au-devant des sol-
dats , en leur reprochant leur crime, et du
geste et de la voix attirant les coups sur lui
soûl , il donna le temps àPz^ow des'échapper,
quoique blessé. Pison se sauva dans le temple
de \ esta, où il reçut asile par la piété d'uu
96 TRADUCTION
al)ditus , non religioiie , nec creriinoiilis , sed
latebrâ immiiieus cxitumi differebat ; cùm
adveiierc , missu Othonis , nomiiiaLUii iu
caideiii c)us ardentes , Sulpicius Florus è
brit^mnicis coliortibns , nnpcr à Galha civi-
tatedonatus , ci Statuts Jlurcus spcculutor ;
Il quibus protractui Fiso , ia foribus teaiplî
trucida liir.
Nullaui crRcîem Ofho nnjore léetilià excc-
pissc, nnlluiu capiit tam insatiabilibus ociiii»
peibistrasse dicitur : scu tiiui priniùui lev;ita
oiniii soUIcitudine mens , vacarc gaudio cœ-
pcrat , scu rccordatio uiajcstatls iu Galhâ ,
aniicitiye in T. T'inio ^ quauivis immitciu
animum imagine tristi confuderat ; Pisonis ,
ut inimjci et acmuli , cacde la^tari, jus i'us(^uo
crcdcbat.
Préfixa contis capita gcstabantnr , intcr
signa coliortiuin juxta aquila;u legionis, cor—
tatim ostentantibuscruentas maïuis qui occi-
dcrant , qui intcr! iirraut, qui vcrè, qui (aîsc»^
«t pulcUruiu etuicmorabilc i'ac.iuus jactabauS-
DU LIVRE I. DE TACITE. 97
esclave qui !e caclia dans sa chambie ; prJcau-
tiou plus propre à dillcrcr ta mort que ia rcli-
gioQ ni le respect des autels. Mais Florus ,
soldat des cohortes briianuiqucs, qui dcijuis
long- temps avait éu' fait citoyen ^^oj Galba ,
et Statlns iMiircus , lancier de la garde, toiis
deux particulièrement altérés du sang çlc Pi'
son ^ vinrent de la part d'6V//o?; le tirer de sou
asile , et le tuèrent à ia porte du temple.
Cette mort fut celle qui Gt le plus de plaisir
à Othon , et l'on dit que ses regards avides ue
pouvaient se lasser de considérer cette tête:
soit (jue , délivré de toute inquiétude, il com-
mençât alors à se livrer a la joie , soit que
son ancien respect pour Galba et son amitio
pour p'iniusy mêlant à sa cruauté quelque
image de tristesse , il se criit plu? permis de
prendre plaisir à la mort d'ua coucuriciit et
d'un ennemi.
Les têtes furent mises chacune au bout
d'une pique et porlé<s [larmi les enseignes des
cohortes et autour de l'aigle de la légion.
C'était à qui ferait parade de ses mains san-
glantes , à qui , faussement ou non , se van-
terait d'avoir commis ou vu ces absaisiuatSj,
98 TRADUCTION
Plures quàui cxx lihcllos prsemia cxposcen-
tiuîii , o'b aliqu in notabilem iJ!à die operarn ,
flte//i7Jspostea invcnit; orancsque conquiri
et interfici jussit , non liouoie Galhœ , serl
tradito principibus more, mnnimeutum ad
prœseus , ia posterum , ultiouem.
Alinm crcderes senatnru , alinm popnlum.'
Rnerc cuncti in castra , anteire proxi'.iios , ccr-
tare cum pivecnncntibus , inciepare(7<r7//'^w ,
laii iarcuiilitiiin judicluui .exostniari Othonis
maniun : qiiantoquc uiaqis falsa cianl quae
fichant, taiito plura facere. Noc a!;pernr.b;:tiir
siiigulos Olho , avidum et niinacpiu nnlituia
aiiimnin voce vultaque tcinpcr;ns. IMorinut
Celsum consuleui designaturn , ct<5<j//^(£ us-
que in cxtrcmas rcs anjicuni tiduinque , ad
supplicium expostuiabant , iiulnstri.-e ejus
iunocentiaeque quasi malis artibns inlensi.
Caedisct pnedainni iiiitiuni et optitno cuiqiie
perniciem qnrpii a|)paieb'.t ; sed Otlioni non-
duinaiictoritas inerat ad proliibrnduui scelns,
jiibcrcjam polerat. Ita simulatioue ira? , vin-
t>U LTVRK I. DE TACTTE. 99
Comme d'exploits glorieux et mémorables.
yiteUius trouva dans la suite plus de cent
viagt ptacetsde geiis qui demandaient récom-
pense pour quelque fait notable de ce Jour là.
Il les fit tous chercher et mettre à mort , non
pour \\Qtnçi\QxGalha , mais selon la maxime
des princes de |)ourvoir à leur sûreté présente
par la crainte des chàtimens futurs.
Tous eussiez cru voir un autre sénat et ua
autre peuple. Toutatcourait au camp, chacun.
sVmpressait à devancer les autres, à maudire
Galba , a vanter le bon choix des troupes , à
baiser les mains d'Ot/ron : moins le zèle était
sincère, pi us on affectait d'en moi i(rer.C///(7/Zj
de son côté, ne rebutait personne, mais des
yeux et de la voix tâchait d'adoucir l'avide
férocité des soldats. Ils necessaicnt de deman-
der le supplice de Ce/sus , consul désigné, et
jusqu'à l'extrémité fidèle ami de Ga//>a ; son
innocence etses services étaient des crimes qui
les irritaient. On voyait qu'ils ne cherchaient
qu'à faire périr tout homme de bien , et com-
mencer les meurtres et le pillage. Mais O/Z/o/ij
qui pouvait commander des assassinats, n'a-
vait pas encore assez d'autorité pour les dé-
fendre. Il fit douç lier Ce/sus , allcctant une
^00 TRADUCTION
clri jussum , et majores preuas daturum
aflimiaus, prxseuti exitio subliaxit.
Omnlatlciudcaibitrlomiritumacta.Practom
prcxfectos sil)i ipsi Icgcrc. PloHum Firmvm
èmaiiipularihus quondam.tum vigilibus prje-
positum , et iiicolumi adlmc Galba partes
Othonis sccutuiii. Adjungitur ZiCz/z/w^Pro-
ch/«^ , Intima familinritatc Othonis suspcctus
cousilia cjus fovisse. Urbl Flacium Sahimim
praefecerc, jadiciuiui\'ero//f\î sccuti , sub quo
eamdem curam oblluuerat plerisquc T'cspa-
sianum fratrcm in co respicientibus. Flagi-
tatiim ut vacatioucs prœstari ceuturionibus
solita? remittcrcntur; uamque grcgarius miles
ut tribu tum aanuum pendcbat. Quarta pars
inauipuli sparsa per commeatus , aut in ips;s
castris vaga, dum mcrccdem ceiilurloiii cxsol-
verct , neque inodum oueris quisquam , neque
genus qnœstus pcnsi babsbat. Per latrociiiia
et raptns , aut scrvilibus niinisteriis militare
otium rediincbant : tum locupletissimus quis-
quc miles, labore ac sxvitià fatigari , doue©
graudc
DU LIVRE I. DE TACITE, toi
grande coU re , et 1p sauva d'une mort pif'scn fe
en feignant de le re'servcr h des tournicus plus
cruels.
Alors tout se fit au gre' des soldat?. Les
pre'toricns se choisirent eux-mêmes leurs pre'-
fcts. A l'irmus , jadis uiauipuhiirt' , puis com-
mandant du guet, et qui du vivant même de
Galha sc\a\{. allaclié à Othon , ils ;oi< nirent
Licinius Proculus , que son e'troite familia-
rité'avec. 'y/Z/O/v fit son p'/on icr d'avoir favorisé
SCS dessei[is. En donnant à Sabinus la pré-
fecture de Rome, ils suivirent le sentiment de
AV/-o,v,sous lequel il avait eu lemémeejiiploi •
mais le plus grand nombre ne voj'ait en lui
que l'espasien son frère. Ils sollicitèrent
l'affrantlilsscment des tributs annuels que
sous le nom de congés à temps , les simples
soldats payaient aux centurions. Le quart des
manipulaires était aux yi vres ou dispersé dans
le camj) , et pourvu que le droit du centurioa
ne fut pas oublié , il n'y avait sorte de vexa-
tion dont ils s'abstinssent , ni sorte de uiéticr
dont ils rougissent. Du profit de leurs vole-
ries et des plus serviles emplois , ils pavaient
l'exemption du service militaire ; et quand ils
s'étaient enrichis, les oOiciers ks accalilaiU d»
M Clause s. l'ouic V. iî'
,02 TRADUCTION
Tacationetn cmcret.Ubi sumptlbus exbauslus;
socordià insuper elanguerat , inops pro locu-
plete, et iners pio strenuo , ia manipulum
redibat ; ac rursùs abus atque abus , câdem
cgcstatc ac liccutià cormpti , ad scditioues
et discoidias , et ad extic:r.um bclla civ.ba
ruebaut. Sed Otho , ne vulgi largitlonc , cen-
turionum auimos avcrtcrct , fiscuui suum
vacationcs annuas exsoluiuvum proniis.t :
rem baud dublc utilcm,et a bonis postea
principibus pcrpetuitatc discipliuae , fuma-
tam. Laco pr«-lectus , tanuiuam in insulain
sepoueretur , ab cvocato , qucm ad ca^dem
ejus Otho prœmiserat, confossus. In IMar^
tianum Icclnm , ut in libcrtum , palam aui-
luadversum.
Exactopevscelcradlc,novissiniuininalorum
fuitlïtitia. Vocat senatuui piaetor urbanus ;
certaut adulationibus csteri magistiatus. Ac
currunt patres ,deccrnitur O///0"/tribunicia
potestas,otnomen Augusti ,et o.nncM»ri"ci-
pum bonorcs , annitentibus cunctis aboiera
jîonTicia ac probra , quae promiscuè jacta
DU LIVRE I. DE TACITE. io3
travaux et de peine, les forçaient d'acheter de
nouveaux congés. Enfin , épuisés de dépense et
perdus (le mollesse ils revenaient au manspulo
pauvres et fainéans , de laborieux quMs eix
étaient partis et de riches qu'ils y devaient
retourner: voilà comment, également cor-
rompus tour-à-tour par la iiceni;e et par la
misère, ils ue cherchaient que mutijieries ,
révoltes et guerres civiles. De peur d'irriter
les centurions en gratifiant les soldats à leurs
dépens , Oihon promit de payer du fisc les
congés annuels: établissement utile , et depuis
confirmé par tous les bons princes pour le
maintien de la discipline. Le préfet Lacon y
qu'on feignit de rclégutr dans une île , fut
tué par un garde envoyé pour cela par Uthon.
Jcehis fut puni publiquement en qualité
d'affranchi.
Le comble des maux dans un jour ^i rempli
de crimes , fut l'alégresse qui le termina. Le
préteur de Rome convoqua le séual , et taridis
que les autres magistrats outraient à l'cnvi l'a-
dulation, les sénateurs accourent, décernent
à Othon la puissance tribuniciennc , le nom
d'Auguste, et tous les honneurs des empereurs
prctc'dcus, tàcltaut d'effacer ainsi les injures
F %
104 TRADUCTION
lia-sissc animo cjus ucmo sensit. Omîsissct
offensas , an distulisset , brevitatc iuiperil m
iiicerto fuit.
Otho , cruento adlmc foro , per stragem
jacentiniu, iii Capitoliuuialque iudè iii pala-
tiuui vcctus , concedi corpoia scpultura; ,
cremariquc ^<txmvs,'\\.. P isoneni T'eranm uxor
ac ïiattY Scribonianiis , T. VinivmCrispina.
Clia composucre , quaesitis rcdcmplisquc
capitibus , quae veualia iuteifectorcs serya-
vcraut.
Piso Kiinuin et tilccsimum octatis anniim
cxpichat , famà meliore quàm fortunà. Fratrrs
ejus Magnum Claudius , Crassum Nero
intcifcccraut. Ipse diù cxiil , quatridiio cœsar
properatà adoptionc , ad lioc taiilùm majoii
fratri pralatus est , ut prior occidorctur.
T. T'iiiius LVii aunos variis inorihns egit.
Pater illi è pr.ttorià ramilià , uiatcruus avus
è proscriptis. Prima niilitià infamis , Icgatum
Cahisiuin Sabinum habuerat ; cujus uïor ,
DU LIVRE I. DE TACITE. loS
dont ils venaient de le charger, et auxquelles il
ne parut point sensible, (^ue ce fut clc'meuce
oude'Iaidcsapartjc'est cequelepeiide temps
qu'il a régné n'a pas pertais de savoir.
vS'ctant fait conduire au capitole, pviis an
palais , il trouva la place ensangiante'e des
eioils qui y étaient encore étcndns , et permit
qu'ils lussent brûlés et enterres, f^erania,
fi'iïunc de Pison , Scriboniaiius son frère , et
Crispliw K\\\& de Vin lus ^ recueillirent leurs
corps ;ct ayant cliercUé les têtes, lesraciictc-
rent des meurtriers , qui les avaient j^ardccs
pour les vendre.
Pison finit ainsi la trentc-vinièmc année
d'une vie passée avec moins de bonheur que
d'honneur. Deux de ses frères aVaicutété mis
à mort, ,\Jagnns par Claude , et Crassus par
^éron. Lni-méme, après \\n long exil, fut
six jours (lésnr , et par une adoption précipi-
tée , send)la n'avoir été ()référé à son aîné ,
que pour être mis à mort avant lui. l'inius
vécut cinquante-sept ans, avec des mœurs
inconstantes. .Son père était de famille pré-
torienne ; son aïeul maternel fut au nombre
des proscrits. Il lit avec infamie ses premières
F 3
so6 TRADUCTION
malâ cupidinc viseudi situm castrovuiu , pcr
uoctcm militari liabitu ingressa , cùin vigillas
et caetera luilitiae iiiuiiia eâdem lascivià temc-
vasset , iu ipsis principiis stuprum ausa , et
criminis hujus rcus T. P'inius argucbatur;
Igitur jussu C. Cœsaris oueratus catenis ;
niox inutalionc tuiporuin dimissus , cursu
lionorum iiioffcnso , Icgioui post prœturaut
prxpositus , probatiisque ; scrvili dciiiccps
probro re?persus est , taiiiquaiu scypbuni
aureuiu iu cunvivio Claudii furatus ; et
Claudius postera die soli omuiiïm f'iuio
fictilibus miniïtrari jussit. Sed yiniiis, pro-
consulatu .GaViiam Narbouensem severè iute-
grèqucroxit. MosC^Mœamicitiâ iuabruptum
tractus, aiidax ,callidus , promptus,et prout
auimuni inteiidissct , pravus aut iudustrins ,
câdcm vi. Testaineulmn T. f-'inii uiagnitu-
dine opmn nritnm ; Pisotiis suprcuiam
Yoloutatcin paupertas linuavit.^
DU LIVRE I. DE TACITE. 10/
armes sons Cahisiiis Sahinus , lieiiteiiant-
géuéial , dont la femme , indécemment cu-
rieuse de voir l'ordre du camp , y entra do
nuit en habit d'iiomrae , et avec la même
impudence parcourut les gardes et tous les
postes , après avoir commencé par souiller le
litconjn-al périme dont on taxa Vinius d'être
complice. Il fut donc chargé de chaînes par
ordre de Calignla : mais bientôt les rcvolu-
lutions des temps l'ayant fait délivrer , il
monta sans reproche de grade en grade. Apres
sa prétuve il obtint avec applaudissement le
commandement d'une légion ^mais se désho-
norant derechef par la plus servile bassesse ,
il vola une coupe d'or dans un festin de
Claude , qui ordonna le lendemain que de
tous les convives , on servît le seul Tlnius ea
vaisselle de terre. Il ne laissa pas de ^•ouvcruer
ensuite la Gaule Narbonaise , en qualité de
proconsul avecla plus sévère intégrité. Enfin,
devenu tout-à-coup ami de, Galba , il se
montra prompt , hardi , rusé, méchant,
liabile selon ses desseins, et toujours avecla
même vigueur. On n'eut point d'égard à son.
teslamentà eausedeses grandes richesscs;mais
la pauvreté de Pison lit respecter ses dernière*
Toloatcs.
F4
ïoS TRADUCTION
Galbns corpus d'ù negkctnui , et liccutiâ
tenphrai uni j:i|iir'-i]iis liidil)iiis vc^otiiin , dis-
pensaior .^'/f^iu.v , è prioribus servis, buiuili
se;)!! lima in privatise jus hortiscontcxi t. Caput
per lixas cnloiiesqnc sulFixuui , laceratuinque
awic Patroini tiunulum, (liljcrtus \?, i\i'e rouis
piimtiis à Galba fiierat ) postcî\rdeuiu;ii die
lepcrtum , etcreinato Jaiii corpori admixtiiui
est. H une cxituui habuit Scr. Galba tiil)us
et septuagiiita annis ; qninque principes
prospéra fortuné emensus , et alieno iinpcrio
fclicior , quàm suc. Vêtus in fauillià nobili-
tas , magna; opes ; ipsi médium iugeniuni ,
jnagis extra vitia quàm cum virtutibus.Famaa
jiec incuriosus , ucc veiulilator ; pecuiuas
alienE non appctens , su.x parcus , publicoe
avarus. Amicoruni libertorumque , ubi in
l)onos incidisset , sine reprchensione patieus ;
si mali forent, usqne ad culpani ignarus :
sed claritas natalium , et metus temiiorum
obtentui , ut quod segnitia crat , sapientia
Vocarelur. Duni vigebat œtas , militari laude
flpud Germanias floruit ; proconsul Africain
DU LIVRE I. DE TACITE. 109
Le corps de Galba , ncgliç^c long-temps
et charge de mille outrages dans la licence
des ténèbres , reçut une humble sépulture
dans ses jardins particuliers , par les soins
à'ydrgius sou intendant et l'un de ses plus
anciens domestiques. Sa tête plantée au bout
d'une lance , et défigurée par les valets et
goujats , fut trouvée le jour suivant , devant
le tombeau de Fairobe ^ affranchi de Néroit
qu'il avait fait punir , et mise avec soa
corps déjà brvdé. Telle fut la lin de Sergias
Galba , après soixante et treize ans de vie
et d« prospérité sous cinq princes , et plus
heureux sujet que souverain. Sa noblesse
était ancienne et sa fortune immense ; il
avait un génie médiocre , point de vices
et peu de vertus. Il ne fuyait ni us cherchait
la réputation ; sans convoiter les richesses
d'autrui , il était ménager des siennes, avare
de celles de l'Etat. Subjugué par ses amis
«t SCS affrancliis , et juste ou uiéchniit par
leur caractère , il laissait faire également lo
bien et le mal , approuvant l'un et ignorant
l'autre : mais un grand nom et le uiallieur
des temps lui lésaient imputer à vertu et?
qui n'était qu'iudoicucc. Il avait servi dan»
,10 TRADUCTION
xiiodeiatè : jam senior , citeriorcm Hispaniam
pari justitià continuit; major privato visus ,
dum priva tus fui t , et omnium conscusu capax
JBjperii , uisi impcrassct»
Trepidam urljcm , ac simul atrocitatem
recentisscclcrisjsluiul vclcres Otfionisxnoics
paventem,novus iiisupcr cîc/^7/tV//o uuncius
exterruit, aute cœdem Galbœ supprcssus, ut
tautùm superioris Gcrmauiae exercitum desci-
visse crederetur. Tum duos omnium morta-
liumimpudicitiâ,ignavià,luxuriàdctcrrimos^
Vclut ad perdeiidum imperium fataliter elcc-
tos , uoii scnatus modo etcqucs , quîs aliqua
pars et cura reipublica-, scd vulgus quoqnc
palaiu maercre. Nec jam rcccntia s^evœ pacis
cxempla , scd rcpctitâ bcllorum civilium
mcmorià , captam loties suis cxcrcitibus
urbcm , vastitatem Italiae , direptioues pro-
vinciarum , Pliarsaliam , Pbilippos , etPcru-
siara , ac Mutiuam , nota publicarum clatîium
DU LIVRE I. DE TACITE, iif
sa jeunesse en Gcrinanie avec boiincnr , et
sY'tait l)iea coinpoitc dans le ])rocoDsulat
d'Afrique : devenu vieux , il gouverna l'Es-
pagne cite'rieure avec la même e'quité. En
un mot , tant qu'il fut liouuue privé , il
parut au-dessus de son e'tat ; et toutje uioudo
l'eût jugé digne de l'empire , s'il n'y fût
jamais parvenu.
A la consternation que jeta dans Rome
î'atrocité de ces re'ceutes exécutions et la
crainte qu'y causaient les anciennes mœurs
tyOthon y se joignit un nouvel effroi par la
défection de p^itelHus ^ qu'on, avait cachéo
du vivant de Galha , en laissant croire qu'il
n'y avait de révolte que dans l'amiée de la
haute Allemagne. C'est alors qu'avec le se'nat
et Tordre équestre , qui prenaient quelque
part aux affaires publiques , le peuple même
déplorait ouvertement la fat:(lité du sort ^
qui semblait avoir suscité pour la perte de
l'empire deux hommes les plus corronjpus
des mortels par la mollesse, la débauche,
l'impudicité. On ne voyait pas seulement
renaître les cruautés commises durant la pais^
mais l'horreur des guerres civiles où Romfr
avait été si souycut prise par ses proprci.
Y 6
ïia TRADUCTION
noLniua,loqucbantur.Propt' eversnm oibem,
et a m cùm de piincipatu inter bouos ceila-
retur ; scd uiausisse C. Julio , maiisisse
Cœsare ^ugiisto victore , imperiam ; uiausn-
raui fuisse sub Pompeio £r//toqnc reinpu-
hlicam. rîauc pro û'hofie , an pro J'iteUio y
va, teiiipla ituios ? utrasque iuipias preccs ,
utiaquc dctcstauda vota , iiitcr duos qsioniui
bello solum id scires dctciioiciu fore qui
vicisset. F.raiit qui T'espasianum et aima
Oriculis augnrarentur ; et, ut potior utroque
T^espasianus ^ ita belluui aliud atque alias
clades horrebant , et ainbigua de pespasiano
fama , soinsque ouîuium aute se priucipuui iu
tiiclius mutatus est.
Nunc initia cansasque ïnotûs T'iteîJinni
«xpediâia. Cseso tuin ouitiibus copiis Juîitjt
DU LIVRE I. DE TACTTlS. ii3
troupes , l'Italie dévastée , les |)rovinces
ruiiic'cs. Pharsale , Pliilippcs , Peroiise , et
jModcne , ces norrjs céîcbrcs par la dcsolatiou
publique, revenaient sans cesse à la bouche.
XjC uioiide avait e'té presque bouleverse quand.
des liotnuies dignes du souverain pouvoir
se Icdisputèrcnt. Jn/exci ^7/;^'?/ . Vf vainqueurs
avaient soutenu l'cuipire ; /'o/npce et iii iitns
eussent relevé la république : mais était-ca
pour yitL'lliiis ou pour Othon qu'il Fallait
invoquer les dieux ? et quelque parti qu'on
prît outre de tels compétiteurs , comment
éviter de faire des vœux impies et des prières
sacrilèges , quand l'évcnenient de la guerre
ne pouvait dans le vainqueur montrer que
le plus mécbant ? Il y en avait qui songeaient
à p'espasien et à Varuiéc d'Orient ; mais
quoiqu'ils j)rcféra»sent f^'espnsien aux deux
autres, ils ne laissaient pas de craindre cette
nouvelle guerre couune une source de nou-
veaux mallieurs : outre que la réputation
de f'espasi^n était encore équivoque , car
il est le seul parmi tant de princes que le
rang suiirëmc ait c!ianu,c en mieux.
Il f.Tut mriiritenant exposer l'origine et le»
causes des liiouvcuicus de l'itcllius. Apre»
.JI4 T R A. D U C T I O î^
Vindice , ferox praedâ gloriâque escrcitns , ut
cul sine laborc ac pciiculo , ditissimi bclli
Victoria cvenisset , cxpcditiouem et aciem ,"
prEcmia quàiu stipendia malebat : diiàquo
influe tuosaui et aspcram militiam tolcra-
verat , iugcuio loci cœlique , et severitata
disciplinai , quam in pace iuesorabilcui dis-
cordiae civium résolvant; oaralis utiimque
contiptoribus , et pcifidià impuuitâ : viri,'
arma , equi , ad usum et ad decus siipeieraut.
Sedaute bellum, centnrias tantuui suas tur-
masque noveraut: exercltusfuiibusprovincia-
ium disccruebantnr.Tum advcrsus/- Vw J/Vtv/î
contracta; leglones , seque ctGallias espertae,
quxrere rnrsus arma , novasque discordias :
nec socios ut olim, sed bostcs et victos voca-
baut.Ncc decratpars Galliarumqiue Rhemim
accolit ,easdim partes sccuta, ac tum acerrima
insti<^atrix adversus Galbianos ; hoc enim
iiomen fastidito l'indice indideraut. Igitur
Sequanis ^duisqnc , acdeindc proutopuleu-
tia civitalibns erat , infensi , expugnationes
urbinm , popnlationes agrorum , raptu»
peaatium hauseruat aaimo , super aYaritian»
DU LIVRE I. DE TiCITE. ii5
la déraite et la mort de Vindex , l'armée,'
qu'une victoire sans danger et sans peine
venait d'enrichir , ficre de sa gloire et de
son butin, et prélérant le pillage h la paye,
ne cherchait que guerres et que combats.
Long-temps le service avait été infructueux
et dur , soit par la rigueur du climat et des
saisons, soit par la sévérité de la discipline,
toujours inflexible dut an t la pais , mais
que les flatteries des séducteurs et l'impunité
des traîtres énervent dans les guerres civiles.
Hommes, armes, chevaux, tout s'offrait à
qui saurait s'en servir et s'en illustrer ; et,
au-lieu qu'avant la guerre les armées étant
éparses sur les rrontièrcs , chacun ne con-
naissait que sa compagnie et son bataillon,
alors les 'légions rasssemblées contre l index
ayant comparé leurs forces à celles des Gaules,
n'attendaient qu'un nouveau prétexte pour
chercher querelle à des peuples qu'elles ne
traitaient plus d'amis et do compagnons
mais derebelles et de vaincus. El les comptaient
sur la partie des Gaules qui conlinc au Rhin,
et dont les habilans , ayant pris le même
parti , les excitaient alors puissauinu-nt contre
les Galbietis ; nom que par mépris pour />7«-
dcx ils avaient douné Ii ses partisaus. Le sol»
,i6 TRADUCTION
et arrof^antiain prscipua validiorum vitia
coutninaciâ Galloium irritati , qui remissain
sibi a Galhâ quartam tributorum paitem , et
publicè douatos iu iguominiam cxcicitus
jactabatit.
^
Accessit callidè vulgatum ^ tcmerè credi-
tiiuij decumnri Icgioues , et promptissimum
qiieuiquecoutiJiionuiiidimitti ; undiqucatro-
ces nuncii ; siuistra ex urbe fama , infcnsa
lugduuensis coloiiia , et peitiuaci pio Neronc
fidefecundarumoribus.Sed plurima adrnigen-
dum ciedendumque matcrics in ipsis castiis ,
odio , meta \ et ubi vires suas respexerant ,
sccuritatc.
Sub ipsas snpeiioris anni kal. décembres^
\glulus f'iteiliiis iuferiorem Gcriuauiacu in-
DU LIVRE T. DE TACTTF. 117
dat anime comIit ]<'s Ednciis et les Sc-qnanois,
et mesurant sa co èri- sur leur opulence , (ic-
vorait (ic'Jà rlans son crenr le i)iilagc fies villes
et ries champs et les -"le'jjou.ll's fies citoyens ;
son afro<;a!ice et son avitlite', vices communs
"k qui se sent lo plus fort, s'irr:t:ient encore
par les bravades des Gauiois , qui pour faire
dépit aux troupes, se vantaient lie ia remise
du quart des tributs , et du droit qu'ils
avaient reçu de Galba.
A. tout cela se ioii^iiait un bruit adroitement
répandu et iuconsidereuicnt ydoplc, que les
le'gions seraiejit décimées et les plus braves
centurions casse's- de tontes parts venaient des
nouvelles fâcheuses : rien tic Rome que do
sinistre ; la mauvaise volonté de la colonio
Lyonnaise et son opiniâtre aitacliemeut pour
I^éron était la source de mille faux bruits.
Mais la liaine et la crauile particulière, joui ta
ïi la sécurité générale qu'inspiraient tant de
forces réunies , fournissaient dans le camp
une assez ample matière au mensonge et à la
cre'dulité.
j\u commencement de décembre, f'Uellins
ajiivé daus la Germauic iuféncurc , visita
ïi8 TRADUCTION
gressus , hiberna legionum cum cura adicrat :
ledditi plerisque ordines , rcuiissa ignomiuia,
allevatae notae : pliua ambitioiie , quccdata
judicio; in qiiibus sonlcm et avaritiam /-'ow-
ieii Capitonis ^3iÙL\\\\c\\à\% assignaiidisve lui-
litice ordiiiibus , iiitej^iè mutavcrat. Ncc
consularis Icgati uicnsiira , scd in luajus
omaia accipicbautnr \^iiyiteUiiis apudseve-
ros huoiilis. Ita comitatem bonitateuique
faveutes vocabant , quod sine modo , sine
judicio ,douaretsua , largiretur aliéna ; siutul
aviditate impcrandi , ipsa yitia pro vlrtuûbus
in terpre taba ii tur.
Multi in 11 troque exercitn sicut modestî
quictique , ita uiali et strcnui ; sed profiisa
cupidine , et uisigni tcmeritalc, Icgati legio-
num , Alieiiits Concilia ç.\. Fahius f ah'us ;
è quilius J'ahiis insensus Golhœ , tauquani
detcctam à se l'ergiuii cuuclationcm ^ op-
pressa Capitonis coiisilia ingrate tuUssct ,
iustigare p^itelliuvi , ardorcm inilitum osteu-
tans. Ipsum cclebri ubiqiie famà : nuUam in
flacco ^ordeonio moraui , alfore Britaur
DU LIVRE I. DE TACITE. 119
soignensetnciit Tes quartiers, où quelquefois
avec prudence et plus souvent par ambition il
cQacait l'ignominie, adoucissait les cbâtimens,
et rétablissait chacun dans son rauj; ou dans
soubonncur.il repara sur-loutavcc beaucoup
d'équité les injustices que l'avarice et la cor-
ruption avaient fait commeilie'k Capif on , eu
avançant ou déplaçant les gens de guerre. Ou
lui obéissait plutôt comme à un souverain ,
que comme à un proconsul , mais il était
souple avec les hommes Fermes. Libéral de son
bien, prodigue de celui d'autrni , il était d'une
profusion sans mesure , que ses amis , cbau-
gcant par l'ardeur de commander , ses vertu»
en vices , appelaient douceur et bonté.
Plusieurs dans le camp cachaient sous ur»
air modeste et tranquille beaucoup de vigueur
à mai f.iire : mais f'aletis et Ctcina , lieute-
iians-généraux , se distinguaient par une avi-
dité sans bornes ,qui n'en laissait point à leur
audace. /^'^/r/7.y sur-tout , après avoir éloulfé
les projets do Capiton ^ et prévenu l'incerti-
tude de P^erginius , outréde l'ingratitude de
Galha , ne cessait d'exciter Vitellius , eu lui
vantant le zèle des troupes. Il lui disait que
sur sa réputatioa Hordconius ue bulauccraifc
î=o TRADUCTION
niam , sccutura Germanorinn ansilia , malè
fidas piovincias , prccarinm seni imperuiiu ,
brevi transi lu rum : panderct luodb siiiuin ,
et venieuti fortmiîc occurreret. Merito dubi-
tasse T'ergininm cquestri familiâ , ignoto
pâtre : iinparein si recepisset imi)eriuni ,
tutum si rccusasset. T'itellio très patris cou-
snlatus , censiiram , coUegiiuu Cmsaris , et
imponcre janiprideiu ituperatoris dignatio-
nem , et auferre privati securitatiiu. (^uatie-
batur his segne iiigciiiuui , ut coiitupisceret
jziagi3 quàm ut speraret.
At in superîore Germauiâ , Cceclna dé-
cora jiiventà, corpore ingens , aniiui imtno-
dicns , scito sermone, erecto incessu , stiidia
niilitmu ilk'xcrat. Hune juvencni Galba ,
quapslorcm in B;rlicâ , impigiè in partes suai
trangressum , Icgioni prœposuit. ]Mox com-
pprtum publicaui pccuniaui avertisse , ut
peculatorcm flagitari jnssil. Cœcina œgrè
passus , inisccre cuuctu , et privata vulucra ,
DU LIVRE I. DE TACITE. i2r
pas un moment , que l'Angleterre serait pour
lui ; qu'il aurait des secours de rAlleuiagiie ;
que toutes les provinces flottaient sons
le gouverjicment précaire et passager d'un
vieillard; qu'il n'avait qu'à tendre les bras à la
fortune et courir au-devant d'elle ; que les
doutes convenaient à jy'ergiiiins ^ simple che-
valier romain , Bis d'un père inconnu ,('t qui^
■trop au-dessous du rang suprême, pouvait I&
refuser sans risque. JMais quant à lui , dontlo
père avait eu trois consulats , la censure , et
César pour collègue , que plus il avait de
titres pour aspirer à l'empire , pins il lui
était dangereux de vivre en homme prive'.
Ces discours agitant T'itellius , portaient dans
son esprit indolent plus de désirs que d'espoir.
Cependant Cecina ^ grand, jeune, d'une
helle figure, d'une démarche imposante,
ambitieux , parlant bien , flattait et gagnait
les solditts de l'Allemagne supérieure. (Ques-
teur en Ik'tique , il avait pris des premiers le
parti de Galho qui lui donna le conunande-
luent d'une légion : mais ayant reconnu qu'il
détournait les deniers publics , il le fil accuser
de péculat ; ce que Cccina suiiportant ini-
paticuimeut , il s'efforça de tout bryuilkr et
122 T R A D U C T I O N.
reipublicae malis opei'ire statuit. Nec deerant
iti exercitu scmina discordiaî, quod et bello
adveisus p'indicem uaivcrsus affucrat , nec
lîisi occiso Nerone translatas iii Galham ,
atqnc in eo ipso sacramento vexillis inferioris
Germaniae prtEventus erat. EtTicveri ac Lin-
gones , quasqiie alias civitates atrocibus edic-
tis , aut damuo Bniuiu Galba pcrculcrat ,
hibernis legiomim proplùs niiscentur. Unde
seditiosa colloquia , etinter paganos corrup-
tior miles , et iii p'eri^iniiiui favor cuicumque
alii profutuius.
Miserai civltas Lingonum , vetere instî-
tuto , doua legiouibus , dcxtias bospitidt
insigne. Lcgati coruiu in sqnalorcm , niœsli-
tiamque couipositi , per principia , per contu-
bernia , mode suas injurias , modo civitatuiu
vicinarum prECiuia ; et ubi pronis militnm
aurii)us accipicbantur , exercitiis ipsius peri-
cula et coutiimelias conquirentes , acceude-
baut auimos. Nec procul seditioue aberaut ,
DU LIVRE I. DE TACITE. laS
d'ensevelir ses fautes sous les ruinas de la
république. Il y avait déjà dans l'amice assez
de penchant à la révolte; car elle avait de
concert pris parti contre Vindex ^ et ce ne
fut qu'après la mort de Néron qu'elle se
de'clara pour Galba , en quoi même elle se
laissa prévenir par les coUortes de la Ger-
jManie inférieure. De pins , les peuples de
Trêves, de Langres , et de toutes les villes
dont Galba avait diminué le territoire et
qu'il avait maltraitées par de rigoureux édits ,
mêlés dans les quartiers des légions , les
excitaient par des discours séditieux; et les
soldats corrompus par lis habitans , n'at-
tendaient qu'un homme qui voulut profiter
de l'offre qu'ils avaient faite à T-^erginius.
La eité de Langres avait , selon l'ancien
«sage , envoyé anx légions le présent des
tnains enlacées, en signe d'hospitalité. Los
députés, affectant une contenance affligée ,
commencèrent à raconter de chambrée en
chambrée les injures qu'ils recevaient et les
grâces qu'on fesait aux cit's voisines; puis
se voyant écoutés, ils échauffaient les esprits
parr(;nuinération desmécontcntemcnsdonnés
^ 1 armée et de ceux qu'elle avait encore à
J24 TRADUCTION
cùin HordeoiiinsFlncciis abirelegatos,uîque
occuUior dijijiossas esset , nocte castris exce-
derc inbrt. Inde atrox ruinor , affirmantibus
plcrisquc iiitci fVctos , ac nisi ipsi consulerent,
foie m acensmi iiiilitiim et prccsentia cou-
quesli per tciicbras et inscitiam crctcronim
oeeid re itur. Obstriiiguntur iiiter se tacito
fœdere le-onci. Asciscitur auxibonim miles,
prano su.spectiis , tainqnaiu clrcuindatis
cobortibus alisque , iuipetiis in Icgioncs para-
retui- ; mox eadcm acriùs volvcns, faciliore
iiiur luidos consensu ad bcllum , qnaui iii
pace ad concordiam.
lureriovis taineu Gennaniîc legioncs so-
Icmiii liai, januariarmn saciamento pio Golbâ
adact;r,iuuU:iciitictatione,etraiisprimorum
oïdiniiiu vocibus; c;rteii silcntio , proximi
cu'insqiie aiidacidui expectantes , insilà luor-
tahbus natuiâ propcrè sequi qii'-E piget
iuchoaic. Sed ipsis Icsiouibus iucrat divcrsitas
craindre
DU LIVRE I. DE TACITE. 12S
craiiulre. Enfin, tout se préparant à la sédi-
tion , Hordconms renvoya les députés et
les fit sortir de nuit pour cacher leur départ.
Mais cette précauticii réussit mal, plusieurs
assurant qu'ils avaient été massacrés • et
que, si l'on ne prenait garde à soi, les
plus braves soldats qui avaient osé murmu-
rer de ce qui se passait, seraient ainsi tue's
de nuit à l'inseu des autres. Là-dessus les
légions s'étant lif^uc'es par un engagement
secret, on lit venir les auxiliaires, qui d'abord
donnèrent de l'inquiétude aux cohortes et à
la cavalerie qu'ils environnaient , et qui
craignirent d'en être attaquées. Alais bientôt
tous avec la rnéme ardeur prirent le même
parti; mutins plus d'accord dans la révolte
qu'ils ne lurent dans leur devoir.
Cependant le premier jair/ier, les légions
de la (;ern):uiie inlorleure prêtèrent solem-
nellement le serment de fidélité à Galha ^
ïnais à contre-cœur et serdeuient par la voix
de quelquts-uns dans les premiers rangs;
tous les autres gardaieivt le silence, chacun
n'attendant que l'exemple de son voisin , selon
l;i dis|)osition naturelle aux liommes de
seconder avec courage les entreprises qu'iis
Milaiiges. Toiue Vt G
i26 TRADUCTION
animorum : piimani quintanique tuvbidî ;
adeo ut quidam sasa xnGnlbœ imagines icce-
riut: quinta décima acscxla décima Iei;iones,
nihil uUià frcmilura et minas ausap, initium
ermiipendi circumspcctabaut. At in sLipcriovL
esercitu , quaita ac duodeviccsima legioncs
iisdcm hibcrnis tendcntcs , ipso kalcnd. ja-
nuariai-um die dinimpunt ima-incs Galbx :
quartalegio promptiùs, duodeviccsima cntic-
taiitcr , mox conscnsu. Ac ne reveientiam
impcrii cxucre viderentur , s. v.Q- R- oblitte-
xata jam nomina , sacramento advocabant ;
uullo losaloium tnbunorumve pro Galbiî
nitente , qjibusdam , ut iu tumultu , nota-
biliùs turbantibus : uou tamen qui-quam in
modum coucionis , aut su-gestu locutus ;
jHequeenimeratadLiuccaiimputarctur.
Spcctator flnglti'i TTordjovius Flaccus
eousulans Icgalus adcrat , uou compesccic
DU LIVRE I. DE TACITE 127
n'osent commencer. Mais réinotlon n'était
pas la même dans toutes les légions : il régnait
un si grand trouble dans la première et dans
la cinquième, que quelques-uns ietèreut des
pierres aux imagrs de Galba : la quinzième
et la soizicme, sans aller au-delà du mur-
3tnure c( des menaces , clierchaient le moment
de commencer la réj^olte. Dans l'armée supé-
ïieure , la quatrième et la dix-huitième
légion allant occuper les mêmes quartiers,
insèrent les images de Galba : ce même pre-
ïnier de Janvier , la quatrième sans ba-
lancer ; la dix-huitième ayant d'abord hésité,
se détermina de même : mais pour ne pas
paraître avilir la majesté de l'empire , elles
jurèrent au nom du sénat et du peuple
romain , mots surannés depuis long-temps.
On ne vit ni généraux, ni officiers faire le
moindre mouvement en faveur de Galba ;
plusieurs mèînc , dans le tumulte , cher-
chaient à l'augmenter , quoique jamais de
dessus le tribunal , ni par de publiques haran-
gues ; dcsorte que jusques-là on u'auiait sa
«i qui s'en prendre.
Le proconsul TTordéoiiîii/i y siiïiple specta-
teur de la révolte, n'osa faire le moindre cfFor*
Ci 2
128 TRADUCTION
rueutes , non rctincrc ditbios , non cohortarl
bon os aiisiis;scd segnis, pavidiis, et socordi'*
innoccns. Qiîatuor ceti tiirioius .hiodcvice-
siinoc Icgionis , Aonii/s Récent ix , Donatius
T^oJeiis y Iloinilliis Marcelliis ^ C'ait ■n-nius
Hep eu filins , cùiii piotcj:,crent Gulh t "nn-
gincs , impolu lailitum abrepti , viui-;
Ncc citiquaui nitrà fides , aut im-uiorla \y: < ■ •:
saciMiiienti ; xed ,quod m seJilioivibusaccidit ,
uudc pliucs craut , omues tucre.
Noctc qiix ka'endas jannnrias secuta est,
in coioniaiu agiippinensem aqu''ifer qiiartne
Icgionis l'pulanti /-7/e//7o nnuc! t , (Ii':^rl■:u
et duodcviccsimam iegionrs , \^\■^\Çiz^.'•sGa^b^e
imagiiiibus , i:i senatùs et populi )oinani
verba jurasse : id saciainentntu ininc xisum.
Occupai! niitaiiVem loi tunari , et oir-ni prin-
cipera plaçait. Missi à ViteUio ad lei^ioncs
Icgatosquc , qui desoivisse à Gaîhâ snperiorem
cxficitnm niuitiarent : proindc aiil Ixdiau-
dmn adversus deseisccnios ,aijt, siconcoidia
eîpax placcat , facieudum iuipciutorem ; et
DU LIVRE I. DE TACITE. 125^
poiir réprimer les séditievix, Gon tenir ceux qui
floUaieiit , ou ranimer les fidèles : ne'gligeaiifc
et craintif, il fut clcment par lâcheté'. Nonius
Jlecepius , Donatius T^alens , Romilius
Marcelbis , Calpiirnius Repentimis , tous
quatre cetitiirioiis de la dix-iiuitième légion ,
ayant voulu défendre les images de Galba ^
les soldats se jetèrent sur eux et les lièrent.
Après cela il ne fut plus questiou de la foi
promise , ni du serment prêté; et comme il
arrive daus les séditions, tout fut bientôt du
côté du plus grand nombre.
La itïcme nuit , VifeUivs étant à table à.
Cologne , l'enseigne de la quatrième légion 1©
vint avertir que les deux légions , après avoir
renverse les images de Galba , avaient juré
lidélité au sénat et au peuple romain ; serment
qui fut trouvé ridicule. T'iteUliis voyant
l'occasion favorable , et résolu de s'offrir pour
chef, envoya des députés annoncer aux lé-
gions que l'armée supérieure s'était révoltée
coiitre Galba , qu'il fallait se préparer à faire
la guerre aux rebelles ; ou si l'on aimait mieux
la paix , à reconnaître un antre empereur^ et
qii'iis couraient moiiisde risque à l'élire qu'a
laUenarc»
G 3
i3o TRADUCTION
minore dUcriuùuc sumi priucipem quam
quseii.
Proxima Icgiouis prlmaï hiberna erant, et
promptissimus c legatis Fabius Valcns. Is
die postero colouiam agrippinensem cum
equitibuslegionisauxiHariorumqueingrcssus,
imperatorcra VitcUium consalutavit. SccutaQ
ingcnti certamiue ejusdcin provinciac legio-
nés; et supcrior cxercitus , speciosis senatûs
populiquc romani uominibus relictis , m non.
januavias T'iteUio accrssit , scires illiira prioro
biduo non pênes rempublicani fuisse. Ardo-
rem exercituum Agrippincnses , Trcvcri ,
Lingoues œquabant , auxilia , equos , arma ,
pecunias oCferentes , ut quisque corpore ,
opibus , ingénie validus. Nec principes modo
coloniarum aut castrornm ; qnibus pracscutia
ex affluenti , et partà victonâ magiux spcs :
sed manipuliquoquc et grcgarius miles, via-
tica sua» et baltcos , phalerasque , insignia
armorum , argento décora, loco pccuniœ
tiadcbaut \ Lusliuctu , et impetu , et ayantiâ.
DU LIVRE I. DE TACITE. iSi
Les quartiers de la première légion e'iaient
les plus voisins. Fabius f^alens , licuteiiaut-
géucral, fut le plus tliligent , et vint le lende-
main à la tête delà cavalerie de la légion et des
auxiliaires sa]uQr f^iu//ius, empereur. Aussi-
tôt ce Fut pcumi les le'gions de la province à
qui préviendrait les autres ; et l'armée supé-
rieure, laissant ces mots spécieux de sénat et
de peuple romain, reconnut aussi /^/V<?//z«*
le trois de jauvier , après s'être jouée , durant
deux iours, du nom de la république. Ceux
de Trèvi;s , de Langrcs et de Cologne , noix
moins ardens que les gens de guerre, oCfraicat
à l'envi , selon leurs moyens, troupes , clie-
Taiix , ar.'nes , argent. Ce zèle ne se bornait
pas aux chefs des colonies et des quartiers,
animés par le concours présent , et par lc9
avantages que kur promettait la victoire ;
mais les manipules et même les simples sol-
dats, transportés par instinct , et prodignes
par avarice , venaient , fautes d'autres biens ,
ollVir leur paie , leur équliai^e , et jusqu'aux
ornenieus d'argent dont leurs armes étaieut
garnies.
i32 TRADUCTION
Igitur laudatâ mi lit nui aI;iciitate,/''7/tV////,y^
ministeria principatùs , pcr libt-rtosagi solita,
in eqiiilcs rouiaiios dispoiiit. Vacistioiics cen-
turion ibus ex fiscoiiuiuenit. -Sxvitiaiuiniiitniu
plcrosqiie ad pœiiam cxposcentiiuu sxpiùs
approbat , partiui siiniilatiûMc vinciiloiiiin
fiustratur. Pompeius Propiii-.jiius piocmalor
BelgiciK statiiu iuterfcctu.-;. JuJiu.ii JJurdo-
neju geruiaiiicx classis pixlectLUu astu sub-
traxit. Esarserat iii ciiiu uacundia exercitûs ,
taîuquam crimcti , ac inox iiisidias , Fonteio
Capiloni struxisset. data erat mcmoria Ca-
pilonis , et apud sirvicntcs occiii rc palani ,
ignosccrc uou nisi tallcndo Ilcehat. Ita iu
custodià habitas ; et post victoiiaui dciuuui ,
slratis jam iuilituui odiis , dimissus est. Intc-
ïim ut piaculuui objicitur ccaturio Crispi-
Tuis j qui se sanguine Citpilonia crueulaverat;
eoqiie et postalantibus uiauifestior , et pu-,
uicnti vilior luit.
Jirliiis deindc OV/V/^- pcricuTo c.tcmptiJS ^
prucpotcas iutcr Isatavos, uc supplicio iju*
DU LIVRE I. DE TACITE. i33
P^iielliuù- ayant remercié les troupes de leur
zèle^ coinmitaux chevaliers romains le service
auprès du prince, que les affranchis faisaient
auparavant. Il acquitta du fisc les droits dus
aux centurions par les manipulaires. Il aban-
donna hcciucoupde gens à la fureur des sol-
dats , et en sauva quelques-uns en feignant de
les envoyer en prison. /'ro/7///r/7///j', intendant
da la Belgique, fut tue sur-le-champ : mais
fitelliiis sut adroitement soustraire aux trou-
pes irritées Julius EurJo , commandant do
rarmée navale , taxé d'avoir intenté des accu-
sations et ensuite tendu des pièges à p'on-
teius Capiton. Capiton e'tait regretté , et
parmi ces furieux ou pouvait tuer impuné-
uient , mais non pas épargner sans ruse.
Jjurdo fut donc mis en prison , et relâché
bientôt après la victoire , quand les soldats
furent appaisés. (^nand au centurion Cris'-
pinus qui s'était souillé du sang de Capiton ^
et dont le crime n'était pas équivoque à eurs
yeux , ni la personne regrettable à ceux de
P'itdllius ^ il fut livré pour victime à leur
vengeance.
Jitlins 0'('/.'/5 , puissani chez les Eatave»,
échappa au péril par la craïutc qu'où eut
i54 TRADUCTION
ferox gens alienarctur ; et eraiit in civitate
Liugouum VIII Batavorum cohortes,, quartiB
deoimœ lej;lonis au^ilia, tutu discoiJià iciu-
porumàlegiouc digressa;: prout inclinassent,
grande inomentum , socia; aut advcrsx. i\ o-
nium, Doiiatium , Romilium , Calpiirnium,
ccnturiones de quibnssuprà retuliuius,occidi
jussit , damnâtes fi lei triu)ine , gravissirao
inter desciscenlcs. Accesscre partibus f'ûle-
rius Asiaticus ^ Belgicae provincia> lcj3,atus ,
quctn mox p'^itcllius geueruiu ascivit : et
JuHus Blœsiis lui^dunensis Gallix rcctor ,
cum italicâ Icgione et alà Tauriiià Lugduni
tendentibus. Nec in Rbœticis copiis niera,
que minus statiiii adjuugereutur.
NeinBritanniâquidcmdubitatnm.Praeerat
Trebellius JMaxhnns , per avariliamac soldes
coatemptus exercitui invisusquc. Accendcbat
odium ejus hoscius Ca'/ius legatus viccsimae
legiouis oliui diseurs , scd occasione civilium
arxuorum atmciTis proruperat. TreheUius
Ï3U LIVRE!. DE TACITE* i3&
que son supplice n'aliénât un peuple si fe'-
loce ; d'autant plus qu'il y avait dans Lau-
gres huit cohartes bataves auxiliaires de la
quatorzième légion , lesquelles s'en étaient
sépai'écs par l'esprit de discorde qui régnait
en ce teuips-!a et qui pouvait produire ua
grand effet en se déclarant pour ou contre.
Les centurions iVo/iifi.<^ , Douatùis , Ronii-'
Jius ^ Calpiirnins , dont nous avons parlé,
furent tués par l'ordre de f-^itellius comme
coupables de fidélité , crime irrémissible chez
des rebelles, falerius ylsiaticns comman-
dant de la Belgique, et dont peu après p'i"
tçlUiis épousa la fille , se joignit à lui. JuHns
JBlœsîts j gouverneur du Lyonnais, en lit
de même avec les troupes qui venaient à
Lyon •, savoir , la légion d'ilalie et i'cscadrou
de Turin. Culles de la llliétique ue tardèrent
point à suivre cet exemple.
Il n'y eut pas plus d'incertitude en An-
gleterre. TrehelHiis M ci. vi nui s , qui y com-
niandait, s'était fait haïretmcpriserderarmée
par SCS vices et son avarice ; haine que fo-
xtifutait /{oscfj/x Ca'//iii- , conunandant de la
vingtième légion , biouiiié depuis long-temps
aycc lui , mais à l'occasioa des guerres civiles
î36 TRADUCTION
scditioncm et confiisum ordinem disciplina
Cifli'y j spoliatas et inopes Itgiones C'^Hus
"J'rehellio objtctabat : ci^iui intérim fœdis
lc""alorum cei tauiinibiis iiiodestia cxercitiis
conupta , eoque discordiœ ventuni , nt auxi-
liaruinquoquemililumconvitiis protnibatu?,
et agr^rcgantibus se Cœlio cohorlibus alisquc ,
descrtus Trehellius ad T'itellium perfiigerit.
Ouies piovincice , quamquam rcmoto coiisn-
sulaii , mausit : rcxerc legati Icgionuui, pares
jure, Cuelius audeudo poteutior.
Adjuncto brîtannlco exercltu , in;;cns
Tirlbns opibusque p'itellius ^ duos diiccs,
duo itinera bcl'.o dcsfinavit. Fabius T'aleiis
aJlicere , vcl si abnuercnt , vastareGallias , et
Cotlanis Alpibiis Italiam irrmnpcrc; C^'cina
propiorc transi tu , Pcuniuis jugis dcgredi
jussus. /^'^/f/i/i iufcriorlscscrcitùs clecti cuin
aquilâ quintcc kgionis, et coboilibus alisquc
ad XL ^lillia aiuiatorum data. xxx. millia
devenu
t)U LIVRE î. DÉ fACil'T:. t^f
dcvpiin son ennemi deciaié. Trchellius trai^
tait Cœlius de séditieux j de pcrtnrbateui^
de la discipline ; Ca-lins l'accusait à sott
tour de piller et ruiner les léiçions. Tandis
que les i^éiierauT se deslionoraiciït par ccâ
Opprobrrs mutuels, les troupes perdant toug
respect eu vinrent à (el excès de licence qu0
les cohortes et là cavalerie se joignirent %
Cœlitls-^ et que TrehelHii^ , abandonne dâ
tous et chargé d'injures , f„t contraint de
se réfu-ier auprès de nw/Jius. C;j,r/uînnt,
sans chef consulaire , la province iie b ssi
pas de rester tranquille, gouvernée par les
Comuuui>!ans des lé-ions , que le droit ren-
dait tous é;-aus, mais que l'auddcc de Cœliui
tenait eu respect.
Après l'accession d« l'arirce britanulqud,
P^iti'Ii'lus , hicu |)ourvii d*armes et d'argent ,
résolut de faire marciier ses troupes par dcuS
chemins et sous deux généraux. Il chargea
Fiil^iiis /"tzAv/.vd'attirt ràson parti ItsGauies,
Ou sur leur refus, deleS ravager , et de débouii
cher en Ita'ie par les Alpes Cotieunes • ù or-
donna à Cecina de gagner la crête des Pen-
nines par le plus court chemin. /- alens eut
l'élite de l'aruiée inférieure ayec l'aigle do 1«)
Mélm'ses. Touio T* fi
i38 TRADUCTION
Cœci/Jûb^upcy'iore Gcrmanià ducebat, quo-
rum robur Icg.o una et viccsima fuiL Addila
utriquc Gcimanoi um auxilia , c quibus T itcl-
Uns suas quoquc copias supplevit , totà mole
bcUi seciuutus.
MirainlcrcsoicitumimperatorcuiqnediTcr-
sltas. Inslarc miles , arma poscere , dum
GalliiE trépident , dum Hispaniae cunctcntnr;
iiou obstarc biemcm , ucque ignavtc pacis
moras : iuvadendam Italiam , occupandatii
urbem; nihil in discordiis clvilibus fcstiiu;-
tione tuliùs, ubi facto magis quam cousulto
opus essct.Torpebat/^7/.'//«/6', et fortunam
pri.uipati-.s inerti luxu ac prodigis cpulis
jMXSumcbat , mcdio dici temulentus , et saguià
gravis; cùm tamcn ardor et vismilitumulliù
ducis muuia implebat , ut si adesset impe-
rator ,ctstreiiuis vol ignavisspem mctumque
addorct. Instructi inteutiquc siguum pro-
fectiouis cNposcuut ; iiouiiuc Gennonhi. ,
DU LIVRE I. DE TACITE. 1^9
Oinquiimc ](.-i:,ioii , et assez de coliorfea et
de cavalerie pour lui i'airc une annc'e de qua-
rante mille hommes. Cecina en coiiduisit
trente mille clc l'armée siipe'rieure , dont la
vin-^l-uiiicme lcj3;ion fesait la principale force.
Ou jo: Miit à 'une et à l'autre armée des Ger-
mains .T.ixiliaircs dont /7/c//z?ii' rccrnta aussi
la sienne ,iivcc laquelle il se pre'parait à sviivre
le sort de la guerre.
Ti y avait entre l'armée et Temperenr uîie
oppo.silion bien étrange. Les soldats picins
d'ardeur , sans se soucier de riiiver , ni d'uiie
paix i)rolonp;ce par indolence, ne dcman-
d.iicnt qu'à combattre; et persuadés que la
diligence est sur-tout essentielle dans les
jTiicrrts civiles , où il est pins question d'a^jr
(jne de consulter, ils voulaient profiler fie
l'edVoi des (ianUs et des lenteurs de l'Espa-
cne pour cnvaliir l'Italie et marcher à Rome.
i'itelJliis i engourdi et des le milieu du Jour
sTuchargc d'indigestion et de vin, consumait
ci'avancc les revenus de l'empire dans ua
vain luxe et des fcslins immenses; tandis que
le ?.èltî et l'activité des troupes suppléaient
au devoir du «hcf, connu» si, pvc'scut lui-
II >
T40 TRADUCTION
f'itellio statiin addito , caesarem se appcllari
«tiam Victor prohibuit.
Lrctuin angurium Fahio fahnti cxerci-
tuique qiiein in hi'llmn ajz,c!)at : ipso profec-
tionis die: aquila leni meatii, pront agmea
iiiccdeiet , vehit dux vi.x pr.rvolavit ; lon-
giimqueper «patiuin, is gaudentium uiilitum
claïuor, ca quics iutoiritac alitis fuit, lit liaud
diibiiiui magnai et prospéra; rei omeu acci-
pcretur.
Et Treveros quidem ut soeiossecurl adicre.
Divodurl ( Mfdiomatricorum id oppiduia
est ) qiiauiqiiaiu otnili coniitatc cxccplos ,
subitns pavor exterruit , raptis rcpciiic armls,
ad caedein iimoxiœ; civitatis , non ad pra-dam ,
ant spoliaiidi cupidine, 5cd fiirore et rabic,
et causis inccrtis, coque difficilioribus renie-
diis; doncc prccibus diicis uiitigati, ab exci-
dio civitatis tempci avère. Caesa tamca ad
ÏÎU LIVRE I. DE TACITE. j^t
même , il ei'it encourage les braves, et iHenacé
les làclies. Tout étant prêt pour le départ
elles en dern indèrent l'ordre, et sur-le-
ciiam[) donuèreiit ù '/'ife//ir/s le surnom
^^Germanujite: Jiiais luénic après la victoire
»1 de'feudit qu'on le nommât ce'sar.
V^aîens et son arme'e eurent im favorable
augurr pour la guerre qu'ils allaient faire :
car Icuiémc jour du départ , \\x\ aigle planant
doucement à la tête des bataillons, sembla
leur servir de guide ; etdurant un long espace
les soldats poussèrent tant de cris de joie,
et l'aigle s'en effraya si peu , qu'on ne douta
pas, sur ces présagea , d'un grand et heureux
»uccès.
L'anne'e vint à Trêves en toute se'curito
comme chez dis alliés. Mais quoiqu'elle reçût
toutes sortes de bons traiteineus à Divodure,
"îille de la province de Metz , une terreur
panique (it prendre sans sujet les arme* aux
soldats pour la détruire. Ce n'était point 1 ar-
deur du j)illage qui !'?s animait , mais une
fureur, une rage d'autant plus difficile à
calmer qu'on en ignorait la cause. Enfin ,
aprèo bien des prières, et leuicurtic de qualr*
H 3
,42 TRADUCTION
quatuor millialioBiinum. Isque tcrrorGalIias
iiivasit , ut vcuicuti mos aguiini universas
civitatcs , cuiu inagistralihus et ptecibus ,
occnncrcnt , stratis per vias fcminis puciis-
qiie, quœquc alia placn:nc!ita hostilis ii^L- ,
non qiiidcui ia bello , sed pro pac© tcucic-
J)aiitur,
Nnnciuui de cœdc CnJInr et inipcrio
Oihonis Fabius T^alens iu ci vitale Leuco-
ruin accepit. Nec niililum aiiituna iu gau-
dium , aut forraidiuein poimotus, bcllniu
volvebat. Gallis cunctatio exempta , et iu
Otlionem ac VileUiin:: odimu par, ex / 'ite'.Iio
et inclus.
Proxiiua Lingonuni civitas eiat , ûda par-
tibus ; bénigne cscepli , modcstià ccrlQvero.
Sed brevishrtitia fuit, cohcrliuMi iiUcniperie,
quMS ti Icgione quai latleciinà , lîtsuprîi uiemo-
nivimus , digressas excrcilui suo l'ah'i::s
T-'alcns adjunsciat. .Turgia priiDÙui, luov
lisa inter lîatavos cl Icgicnarios. Dum bi»
DU LIVRE I. DE TACITE. 148
mille hommes , le gene'ral sauva le reste de
la ville. Cela répandit une telle terreur dans
les Gaules , que de toutes les provinces oii
passait l'armée , ou voj^ait accourir le peu-
ple et les magistrats supp'iaus , les chemins
se couvrir de femmes , d'enfans , de tous les
objets les- plus propres à Héeliir nu ennemi
même , et qui saus avoir de guerre iuiploraieut
la paix.
A Toul , T^'ahns apprit la mort de Galba
et l'clection à'Othon. Cette nouvelle, .sans
effroyer ni réjouir les troupes, ne changea
rien à leurs desseins ; ma;s elle détermina les
Gaulois qui , liaïssan' également Othon ttVL-
tellius , craignaient de plus celui-ci.
On vint ensuite à Langres, province voi-
sine , et du parti de l'armée ; elle y fut bien
xccuc e t s'y comporta honnête meut. -klais cette
tranquillité fut troid)!ée par les excès des co-
hortes détachées de la quatorzième légion,
dont j'ai parlé ci-dcvatit, et que T'alcns avait
jointes à son armée. Une querelle qui devint
émeute s'éleva cut.ic les lîataves et les lé-
H 4
T44 TRADUCTION
eut illis sludia mJitum agf^iegantnr , propè
in pia3l!i4ii) ejtarsere; ni f'ah-vs aiiiuiadveiv
«lonp paucoruuj , oijlilos jaui BjUavos iinperii
pdàuoiuiisset.Frii^itnia Ive'sus /El nos qi ers i ta
X>elli cansa. Jus>i pccuiiiqm alque aiii:a
déferre, gratuitos iiisnjjer cotiMiif-atus pras-
Jjuore; quo:! .E'Jni fonnid'ne , Ln-(!u.u-nses
gniidio fccere: Scd Icj-io italica et ala taunua
»bd.,ctx>- Toborrem d;;odcviccsimaui Luc-
o
fimii j soiiiis sibi luDcnns , rcl^nnni placult.
McMiHus yahns ^ Ugahis itoiicœ l-j:;!oni8 ,
qna.iiqnain biMic d- parrlxis nuiit' s, i^ullo
api'd / Ueluiiia lîonore fuit. Secrefis en m
cnuiiiiaiio'iihMs iiiia.iunvt rat Fahiu.s igna-
l'tiin ; et qt.o iucaulior dccipcrctiir , paiàm
laiidatuin.
,' Vt-triciii inf-^rLngdnMensrs Vicnnonseçquo
4'sçord aui , pioxiinnm bcMuMi .iciciidcTût •
ïm.IlBeiiivicein (.Ldc, cnbr.ns ii.fcsi ù,qne,
qtlr' ut lanlùm propf, r Nçn.ticm Calhoin
qui- pu-uarctiir. là Galba rcditus Liigdii-
ïifn>!uin , oicasionc ir;v, in liscum vcrli rat,
M^it^s coutrà iu \ icuueuscà liouor. Uaçle
DU LIVRE T. DE TACITE. 14S
gionn aires; et les unsetlcsautresavantaîncnté
leurs caiiiaracles , on rtait sur le point d'en
venir aux mains, si par le châtiment de quel-
ques Bataves , T'alens n'eût rappelé les autres
à leur dr-voir. On h'cu prit mal-à-propos aux
Ednensdu sujet de !a querelle, \\ leur fut or-
donne de fournir de l'argent, des armes, et
des vivres gratuitemeîit. Ce q;ic les Edneus
firent par force , 1rs Lyonnais le firent vo-
lontiers : aussi furent-ils délivres de la légion
italique et de l'escadron de Turin qu'on em-
menait : et on ne laissa que la dix-huitièn»e
cohorte à Lyou, son quartier ordinaire. (Quoi-
que Alanliiis f aleiis , commandant de la
légion italique , eut bien mérité de f-^iteJliris ,
il n'en reçut aucun honneur. Fahites l'avait
desservi secrètement ; et pour mieux le trom-
per , il alfcctait de le luuer eu public.
Il rc;;nait en^rc Vienne et Lyon d'anciennes
discordes que la dernière guerre avait raui-
niées ; il y avait eu beaucoup de sang versé
de part et d'autre , et des combats plus fré-
qiiens et plus opiniâtres que s'il n'iùt clé
question que des intérêts de Gai!>a ou de
jVcro/i. Les revenus publics de la province
de Lyou avaieat été couûsqués par Galùa
H 5
146 TRADUCTION
œmnlatio , et iiividia , et uno ami^c discrctis
conncxuui odiiiiu. Tgitiir îiiigcluncnscs c\ti-
nuilare singulos milituni, et iii cvcrsioncui
Viennciisium iinpellere , obscssaui ah ilîis
coloiiiam suatn, acijutcs T-'^iudicis conatus,
con^criptas nuper legioncs iu prsesidium
Galbœ lefercndo. Et uhi causas odiornm
practendcrant , magnitudiiicm pra-drc ostci-
dcbant. Nec jam sccrcta csliorlatlo , sed
publicEC preces : Ircnt jillorcs _, e.vscindcrci:t
sedem gallici bclll y cnr.cia illlc cxtenia et
hoslilia , se coloniaiti roinanaui et partem
exercitûs j et prosperannn adversaniniijjte
rcnnn sotios^ si J'ortuiia contra darcf j
iratis ne relinquerentur. lîis et pliiiibus la
eumdem modum , pcrpulcraiît , ut uec Icgati
quidcm ac duces partiiim rcstingni po.<se
iiaciiîidiam e^ercitns arbiUarcntur : cùia
hand igiiaii dlsci iuiiiiis sui \ icmunscs ,
▼clanicnta et iiifuias piirfcieiUos , ubi agmcu
incrssciat , ar;na , gcnua , vcsligia prehcn-
jntido , flcxere miîilinn animos. Addidit
l'cicns trco'Mios siiigiiHs inilitibus scstcrtios.
Tum Yctustas dîguilasijue colouiœ valuit ;
DU LIVRE I. DE TACITE. 147
sous le nom tramendc. Il fit, au coutrrlre,
toute sorte d'honneur aux Viennois , ajou-
tant ainsi l'envie à la haine de ces deux
peuples , se'pare's seulement par uu fleure
qui n'arrêtai t pas leur animosi té. Les LyonnaJs
animant donc le soldat, l'excitaient à de'-
truire Vienne qu'ils accusaient de tenir leur
colonie assiégée , de s'être déclarée pour
p^index , et d'avoir ci- devant fourni Ans
ti:oupes pour le service de Gnlha. Eu leur
montrant ensuite la j^raudeur du hutin , iL^
animaient la colère p^ir la convoitise et non-
conteus de les exciter eu secret : « Soyez ,
« leur disaient-ils hautement , nos vengeurs
« et les vôtres , eu détruisant la source de
« toutes les guerres des Gaules. Là , tout vous
« est étranj^er ou ennemi ; ici vous voyez une
«c colonie romaine et une portion de l'armée
« toujours ûdelle à partager avec vous les
« bons et les mauvais succès : la fortune peut
« nous être contraire ; ne nous abandonnez
« pas b des ennemis irrités ». Par de &e;u-
blahlcs discours , ils échauITèrent tellement
l'esprit des soldats , que les officiers et les
généraux désespéraient de les contenir, Ler.
Viennois , qui n'ij^aoraicnt pas le péril ,
viurcut au-devaut de l'armée avec des voilci
H d
148 TRADUCTION
et verba Fahii salutem incolwini tatcmquts
Yicnrunsiiim coiiJU)eudaiiti.s , ccqi.is aunbns
ecceptci. PuUl.cé (aaicn annis luuictati, prU
yatis et promiscuis copii.s juvere juilitcm.
Sfd fama constans fuit ipsuui PUentem
îiia-nâ pt-cuuià eniptum. Is diù soididiis,
repente dives , aiiilalioiiewi lortmiœ ina!è
te-chat , acceii.Ms e^cMa.c lonj^à cupi.liuU
bus , immoderatus, et iuopi juvtutâ , seuc^?;
prodiyus.
Lento deiiHe ar^mine, pcr finps Allobro-
gniu et VocoiUioruui diictiis exereitus: ipsa
itiiicrimi spatia , cl >tati voiuui mutatlones
VCMd.lante duce, fœdis pactioiiibiis adversiis
possessfjres agromui , et UJagistratus tivlta-
tupi , adto miuacikr, ul Luco (muuiçipium
DU LIVRE I. DE TACITE. 149
et des biiiidilettes, et se prosti-rnant devant
les soldats , baisant leurs pns , cuil)ra:saiit
leurs genoux et leurs armes , ils calmèrent
lei.r fureur. Alors h'alens leur ayant fait
dlstrl))Lier trois cens sesterces par léte , on
eut égard u l'a .cicnneté et à Ja dignité' de
la colonie ; et ce qu'il dit pour le aalut et
la conservaMon des liabitans , lut écoute' fa-
Torabltuient. On désarma pourtant la pro-
vince , et les particul ers furent obligés de
foinnir à discret. on desvivres au soldat : mais
on ne doula point qu'ils n'en.'^scrnt à grand
prix acheté le général. Enr.chi lout-à-toup
aj)res avoir loui^-letnps sordidement vécu,
il cachait mal le changement de sa fortune;
et se livrant sans mesure à tous ses désirs
irrités par une longue abstinence, iî devint
■vieillard prodigue de jeune houimc indigent
qu'il avait e'té.
En poursu'vant lentement sa route , il con-
duisit l'armée sur les coiilins des Allobroges
et des Voconces; et par le plus infâme com-
iiurce , il réglait les séjours er les marches
sur l'argent (ju'on lui pay nt pour s'en déli-
vrer. Jl imposait h s propriétaires des Itrrca
et les magistrats des villes , avec une tell*
i5o TRADUCTION
id Vocontioium est) faces admovetit, douée
pecuuiâmitigaretur.Quotics pecuniae materia
dccsset, stupris et adultcriis exorabatur. Sic
ad Alpes perventum.
Plus prscdae ac sanguinis Ccvcitia hausft.
Irritaveraat turbidum ingeniuia Helvetii ,
gallica gens , oliiii armis viiisque mox lue-
niorià nominis clara , de caede Galbœ ignari,
et f'iicllil impcrium abnuetitcs. Initiiun
bello fuit avaiitia ac festinatio unac et vicc-
sima" legiouis. Rapueiant pecuniam niis?am
in stipcudium castelli quod olim llelvctii
suis militibus ac stipcadiis tuebautur ; ccgiè
id passi Helvetii , iutciceptis epistolis quae
nomine germanici exercitûs ad Panuoiiicas
legiones fercbautur, centurionemet quosdam
niilitum in custodiâ retincbant. Ca-cina bcUi
avidus , proximam quamquc culpaui antc-
quàm pœnitcrct, ukum ibat. Mota propcic
castra ; vastati agri. Direptiis , longâ pacc
in moduui mutiicipii esstructus , locus ,
Atnœno salubrium aquarum usu fiequcus»
DU LIVRE I. DE TACITE. i5i
dureté, qu'il fut prêta mettre le feu au Luc,
ville des Voconces , q.ui l'adoucirent avec
de l'argent. Ceux qui n'en avaient point ,
l'appaisaient en lui livrant leurs femmes et
leurs filles. C'est ainsi qu'il marcha jusau'aus
Alpes.
Cecina fut plus sanguinaire et plus âpre
au l>utin. Les Suisses , nation gauloise, illustre
autrefois par ses armes et ses soldats , et main-
tenant par ses ancêtres , ne sachant rien de
la mort ùdGalba , et refusant d'obéir à f^i-
ielUiis , irritèrent l'esprit brouillon de soa
général. La vingt-unième légion ayant en-
levé la paye destinée à la garnison d'un fort
où les Suisses entrctcuaicntdcpuis long-temps
des milices du pays, fut cause par sa pétu-
lance et son avarice du commencement de
la guerre : les Suisses irrités interceptèrent
des lettres que l'armée d'Allemagne écri-
vait à celle de Hongrie, et retinrent pri-
sonniers uu centurion et quelques soldats.
Cecina^ qui ne cherchait que la guerre et
prévenait toujours la réparation par la ven-
geance, lève aussitôt son camp et dévaste le
pays. 11 détruisit un lieu que ses eaux mi-
nérales fcsaient fréquenter, et qui durant uii«
352 TRADUCTION
Missi ad Rliaetica aiixilia uuricii, ut versos
in If'gioiieiu Hclvetios à teigo aggrcde-
rcutur.
Illi an te disciiinen Fcroces , in periculo
pavicii , quaiiiqiiain primo tumultu Clan-
diiim Scveruiii ducein le^eiant , non ariiia
noscere , non oïdines scqiii , non in uiium
consnlcre ; exit'osiitn adver.-us veteranos
prœliuni, inti*ta obsidio , dilapsis vetustate
nifBuibiis ; liiiic Ccecina cuiu valido cxcrcitn,
inde Rbaîticae aliB coliortcsqne et ipsorum
Rlioctorum juventus siicta aimis , et inovo
tiiilitiœ excrcita; midiqiie populatio et cardes.
IpsI in medio vagi abjcctis aiuiis , magna
pars saucii aiit palantes, in monteui Voie-
tiinn perliigere; ac statim immissà cohorte
Thracnm depuis! , et conscctantibus Ger-
nianis Rlurtisque , per silvas atque iu ipsis
latebris trucidali. Milita hominum millia
cacsa , milita sub coronâ ▼euunuiala. ('mu-
qiic dirntis omnibus , Aventicum gciitiscapiit
justo agtuiue pcterctur; missi qui dcdercut
DU LIVRE I. DE TACITE. i53
Jonr^iie paix , sVtait embelli tomme une ville.
11 euvoyii ordie aux ausiliaiic!- <Je la Uliétique
de cbarj;ei- en queue les Suisses, qui fcsaieut
face à la légion.
Ceux-ci , fe'rpccs loin du péril , et lâchfs
dcv.iiit l'omieuii , élurent bien au j remier
tumulte i'Unide Séi'ere |)0!ir leur ^eur-ral ;
mais ne sachant m s'aeeorder dans leurs dé-
libéra lions , ni garder leur rangs , ni se servir
de Icuis armes, ils S',- 1 lissaient défaire , tuer,
par nos vieux soldats , et forcer dans leurs
p'aces , dont tous les murs tombaient eu
ruines. C'cciiia d'un côté avec une bonne
armée , de l'aiilrc les escadrons et ics co-
hortes rhét'ques , composées d'un' ieniiesse
exercée aux alUK^ et bien disciplinée, met-
taient (oui à feu et à sang. L.es Suisses dis-
persés c.itn- dcu\ , jetait leurs armes , et la
plupart épars ou blessés, se réfugièrent sur
les montagnes, d'où cliai;sés i>ar une coliorte
tbrace , qu'on détacha après eus ; cl pour-
suivis par rarmce des Rhétiens , on ics mas-
sacra,l dans les foréls et jusque dans leurs
cavi rnes. On en tua par milliers , et l'on en
vendit \\\\ grand nombre. (^;iaiitl on eut tait
Je déj^ài, on uiaicbacu bataille à Aveuche,
354 T R ,4l D U C T I O N
civitatem , et deditio accepta. In Jjilium
>^//7/«7i;«èprincipibus, ut coucitorcm belli ,
Cœcina aiiimadvertit : cœte rosycnisE vcl
sa;vitiœ p'iteUli reliquit.
Haud facile dicta est, legati Hel?etiomm
miiiùs placabilcm impcratorem , an niilitcm
invcMcrint. Civitatis cxcidiiun poscnnt , tela
ac ir.auus iu ora legatorum intentant. Ne
P'iteIUusvra\ù.ç:i\\ itiinis ac verbis teinperabat:
cùm Clnitdius Cossm^ ^ unus ex Icgalis ^
iiotae facnndirc, scd dicendi aitem aptà trc-
IJidatione occultans , atquc co validior ,
niilitisanitiium initigavit : ut est mos vulgo ,
mutabilc subitis, et tani pioniun in miscricor-
diam , quàm iniaiodicuiu saîvitià fuerat:
effnsis laciiaiis , ctinci oraconsiantiùspoytu-
lando, iuipuuitatcni salutcuiquc civilati im-
petravere.
Cœcina paucos in Helrctiis mdratus dies,
duni scutcnticT f'itellii ccitior fierct, simul
trausitum Alpiuin pavans , laetum ex Ilatià
DU LfV RE I. DE TACITE- i5â
capitale du pays. Ils envoyèreat des députes
pour se rendre, et fureut reçus à discrétion.
Cccijia fit punir Jnlins udlpinus un de leurs
chefs , comme auteur de la guerre , laissant
au jugement de ViteUius la grâce ou le
cliâtiiiient des autres.
On aurait peine à dire qui du soldat ou
de l'empereur se montra le plus implacable
aux députés belvéticns. Tous les menaçant
des armes et de la main , criaient qu'il fallait
détruire leur ville , et ViteUius même ne
pouvait modérer sa fureur. Cependant Clau-
dius Gossjis un des députés , connu par
«on éloquence, sut l'employer avec tant de
force et la cacher avec tant d'adresse sous
un air d'effroi , qu'il adoucit l'esprit des
soldats , et selon l'inconstance ordinaire au
peuple , les rendit aussi portés à la clémence
qu'ils l'étaient d'abord à la cruauté. De sorte
qu'après beaucoup de pleurs ayant imploré
grâce d'un ton plus rassis , ils obtinrent lo
salut et l'impunité de leur ville.
Cecina s'étant arrêté quelques jours en
Suisse, pour attendre les ordres de P'itel/ius
tX se préparer au passago des Alpes , y reçut
i56 TRADUCTION
nunciuin acci|)it , alam Sjllaiiam circa
PaJnin agcntciii , sacramento /7/f//// acccs-
sisse.Procon.suk'ui / i/eZ/ÎJ/ mSyWan'i in Africâ
babueiaat ; niox à Aero.'/e , ut iu ^gyptiim
praeiiiituif ntur exciti et ob bellmii l^indicis
rt-vocati , ac tiiui in Italiâ ri;atici)tes , iiis-
tirutii deciirioiium qui Otlioiiis igiiari ,
p^iteUio obstricti , lobiir adveiitaiitiiim le-
giomiin et Famaoi girinaiiici cxcrcitûs atloî-
Icbaiit , tia:ii>iore in part<'s : et ut (loiiuui
aliqnod novo principi, bnuissiuia transpa-
daiiœ iigiouis uumicipia , iMcdiolaiinm , ac
Novariam , et Epoiedia.n , ac Vcrccllas ,
adjiiiixore. Id Cctcime per ipsos couipeituui;
et quia pra:sidio aloe uniiis iatissiuia pais
ltalia> defendi ncquibat , jjiîEiuisslj. Galloruin,
Lusilaiioruui , Britaiiriorumque cobortibus,
et GeiiuaiioiiUH vexillis, cum alà Pctrinâ,
ipse paulidum cunctatus , niun ibœticis jugis
in Noncuni Di-cterct , advcrsus Pctronîum
urbis piocmaloieui , qui co:icitis auxibis, et
intcrrupt.î fluniinurn poutibiis , ûdus Otlioni
putaiidtur. Scd nictu ne amiiterct piacmissas
jaju coliortes alasquc , simul icputaus plus
DU LIVRE I. DE TACITE. 157
l'agréable nouvelle que la cavalerie Sylla-
iiicntie , qui bordait le Pô , s'e'tait soumise
à l'itellilis. E!le avait servi sous lui dans
son procoiisulat d'Afr.qne ; puis JS'éron
l'ayant rappelée pour l'envoyer en Egypte,
la retint pour la guerre de f'indev. Ellcyétait
ainsi detucurcc en Italie, où ses décurions ,
à qui Ot'ion étail inconnu , et qui se trou-
vaient liés à T'iteHiiis , vantant la force des
légions qui s'approchaient et ne parlant que
des années d'Allemagne , l'attirèrent dans son
parti. Pour ne point s'oSVir les mains vides,
ces troupes déclarèrent à Ceciiia qu'elles
joignaient aux possessions de leur nouveau
prince les forteresses d'au-delà du Pô ; savoir^
Milan , Novarre , Ivrcc , et Verceil , et corauia
une seule brigade de cavalerie ne suiris.iit pas
pour garJer une si grande partie de l'italie ,
il y envoya les coliortes des Gaules , de Lu-
gitanie , et de Rrelagne , auxquelles il joignit
les enseignes allemandes et l'escadron de Si-
cile. Quant à lui , il hésita quelque tei/ips
s'il ne traverserait point les tnouts Rhétiens,
pour marcher dans la Noriquc contre l'in-
te!i;!ant Pctronins , qui , ayant ras emblé
les auxiliaires et fait couper les ponts, sem-
blait vouloir être fidcb à Qthon. Mai»
i58 TRADUCTION.
gloriae rclentà Italià , et ubiciinique certatiuui
foret , Noiicos 'n\ caeteroe vicloriœ pra^uiia
cessuros , Peuuino subsiguaniuii militcui iti-
nere et grave legioiium agmcu lùbeiuis adhiic
Alpibus traduxit.
Otho intérim , contra spem oïîinium , non
deliciis, neque desidià torpesccre ; dilatœ
voluplatcs, dissimulata luxiiria, et cuncta
ad decorcm itnpcrii composita. Eoqtic plus
formidinis afFcrebant falsse virtutcs , et vilia
reditura. Marium Celsum consulcnidcsigna-
tum, per S2)eciem viuculoruin, saîvitiic uiili-
tutn subtractum , acciri in Capiloliuni jnbct.
Clemcntiaî titulus, è \:'iro claro et partibus
inviso , petcbatur. Cdsns coustanter servatœ
erga Galham (idei crimcn coufessus , cxem-
plum-ultro iruputavit. I\ec OtJio quasi ignos-
cerct , sed ne hostis metum recouciliationis
adbiberet ,statim inter intimes auiicos habuit ,
et luox bcllo iuter duces delegit. Mansitque
nu LIVRE I. DE TACITE. 169
eraigiiant de ptidre les troupes qu'il avait
envoyées devant lui , trouvant ausyi plus
de j^loireà conserver l'Italie , et jugeant au'cii
quelque lieu que l'on combattît , la Noriquij
ne pouvait e'chapper au vainqueur, il lit
passer les troupes des allie's , et même les
pesans bataillons Ic'gionuaircs par les Alpes
Penninos , quoiqu'elles fussent encore cou-
vertes de neige.
Cependant, au-lieu de s'abandonner avx
plaisirs et à la mol'esso , Othon rcnvoyan! à
d'autres temps le luxe et la volujHc', siMpiit
tout le monde en ^'appliquant à rétablir la
gloire de l'empire. Mais ces fausses vertus ne
fesaient prévoir qu'avec plus d'edVoi le mo-
ment où ses vices reprendraient le dessus. Jl
lit conduire au Capitule Marins Ce/sus con-
sul désigné , qu'il avait feint de mettre aux
fers pour le sauver de la fureur des soldats,
et voulut se donner une réputation de clé-
mence en dérobant à la haine des siens une
tète illustre. Ce/sus , par l'exemple de sa lidé-
lité pour Galha , dont il fesait gloire, mon-
trait à son successeur ce qu'il en pouvait at-
tendre à son tour. Othon , ne jugeant pas
qu'il eût besoin de pardon et voulant ôtcr
j6o T R a D U C t T O îf
Celso vcluf fita'.itcr ctiam pio Othone îi^es^
intcra et infcUx. Lxta iMimoiibus civilatis ,
cek-hiala iii viilgiis Ceisi sains, ne militibus
quidem in^rn'a fuit , caitidcin virtutcm adaii-
jrautibus cui irabcebauturé
î'ar încle etsnUatio , clispafibns caîissis
consecnta, itupctrato Tigcl!une\\vo.Sophû-
fiius TigeUinins obscuris parcîîtibtis , ficdà
pueritià , impudità sencctâ , proef'ctnraitt
vigilum et prœtorii, et a!ia piirmia viitii-
tum , quia velociùs crat vitiis alcptiis , cru*
delitatcm mc^ , deinde avaritiain , et virilia
scelcra excrcnit: cornipto ad oin:ic faciiius
JVcrone, quêcdain if;iiaio ausiis , ac pros-»
trciuo ejusdfin descrtor ac proditor. Uiide
non aliiJin pcrtinacins ad i>ne!\aiu Qagitarere,
divcrso affectu , quibns odium iVerOfiii ine-
rat , et quibus dt-sidcriinn. Apud Galham
Œ'. P'inii potentià defeusus, proîtexetitis scr-
touts
DU LIVRE I. DE TACITE. i6t
toute defianceàuucnncmi reconcilie , l'admit
au uoiubrc de ses plus intimes aaiis , et dans
la guerre qui suivit bientôt en fit J'un de
ses {^c'ne'raux. Ceisus de son côté s'attacha
sincèrement à Oilion , comme si c'eût e'té
son sort d'être toujours fidèle au jjarti malheu-
reux. Sa conservation fut agre'able aux grands,
loue'e du peuple , et ne déplut pas même au.x
soldats , forcés d'admirer uue vertu qu'ils
haïssaient.
Le châtiment de TigeUinns ne fut pas moins
applaudi , par une cause toute diiTcrente.
Sophouius Tigelliiius , né de parens obscurs ,
souillé dès son enfance , et débauché dans sa
Tieillesse , avait a force de vices obtenu les
préfectures de la police , du prétoire , et
d'autres emplois dus à la vertu , dans lesquels
il montra d'abordsa cruauté, puisson avarice
et tous les crimes d'un méchant homme. Non
content de corrompre Néron et de l'exciter
à mille forfaits, il osait même en commettre
à son insçu, et finit par l'abandonner et le
trahir. Aussi nulle punition ne fut-elle plus
ardemment poursuivie , mais par divers mo-
tifs , de ceux qui détestaient Atron et de
ceux qui le regrettaient. 11 avait été protcg*
Mélanges. Tome V. J,
i6t TRADUCTION
vatara ab co liliain; et Iiand diibiè serrarr-
rat, non ck-iiientià , (qnippc lot iiitcrfcctis )
sed elliigio iii futvinim \ quià pessimus quis-
qiie , dillulentiâ pvrcspiilium miitationcm
pavcMS , advcisiis iKiblicum odinm, pnva-
tamgratiatiî prccparal, : uiidè niilla innocent'Ke
cura , sed vices iinpuiiitatis. Ko iufcnsior
popubis , additâ ad vctus TigeUini odiuin
reccnti T. T'inii iiividiâ , concurrere c totâ
urbc in palatiu)u ac l'oia, et \\h\ pluriiiia
Vulgiliccntia,iucircniu ac theatra clTusi ,sedi-
tiosis Voclbus obstrepore: donec TigeUiiius^
accepte apud Siiiucssanas aqnas snpremac
iicccssltatis nuixio, iiitcr stupia couc:ibina-
rum , et oscilla, et defonues i-ioras, sectis
novaculà fauclbus, infamciu vltam lœdavit
ctiam cxilu seio et iuhonesLo,
Pei- idem tcmpns cxpostnlata ad snpph-^
cinm GaU'ia Crhpinilla , variis frustiatio-
nibiis , et adveisà disslmulantis principiS
ïaioù , periculo exempta est. Ma^istfa libi-
DU LIVRE I. DE TACITE- i63
près de Galba par f^'inins dont il avait sauvé
]a iille , moins par pitié, lui qui commit tant
d'autres meurtres , que pour s'étaycr du père
au bcsoiu ;carlesscck'mts ,tQuJQurseu crainte
des révolutions , se raonagent de loin des
amis particuliers qui puissent Içs garantir de
la haine pulillquc ; et sans s'ahstenir du crime
s'assurent ainsi de rinipnaitc. Mais cette res-
source ne rendit Tigellimts que plus odieux ,
en ajoutant à ranciemie. aversion qu'on avait
pour lui celle que p^iniusvç,ndi^it de s'attirer.
Ou accourait de tous les quartiers , dans la
place et dans le palais : le cirque , sur-tout ,
et les théâtres, lieux où la licence du [)cunle
esr plus grande, rctcntis-aicn t de clameurs
Séditieuses. Enfin TigcUinus ayant reçu aux
eaux de Sinucssc l'ordre de mourir , après
de honteux délais cherchés dans les bras des
femmes, se coupa la s^^'g® avec \^\\ rasoir,
terminant ainsi une vie infâme par une mort
tardive et dés ho nue le.
Dans ce même temps , on sollicitait la pu-
nition de Gahici Cri.spini/In ; mais elle so
tiia d'ailaire h force de défailcs et par une
connivence qui ne fit pas honneur au prince,
J^llc avait eu Néron pour élève de débauche j
1 3
364 T R A D U C T I O T^
diaurn JVerorii's, transgressa in Africain ad
instigatidum in arma Claudiitm lUacniin ,
fauiem populo roniaiio h.jud obscure iiiolita ,
totitis postca civitalis gratiam. obtinnit con-
sulari matrimonio subuixa, et apudCa/Z^am,
Ot/ioue/n , t'iieUinm ^ illœsa : mox potens
pecuuià et orbitale , quae bouis malisquo
teuiporibus Juxtà valent.
Crebrae iiitcrim , et lunlicbribns blandi-
lueiills iiifictse , ab Othoue ad J'itclUutn
epistolœ , offcrcbant picnniain ii graham ,
et qiieincmnque ([U:ctis locimi prodigœ vitx
legisset. Paria f'itclUus o.sleiulcba' , primo
molliùs, slullà utrimque et indecorà ^imu-
latione : mox qnasi rixantes stiipra et fla-
gitla iuviceuiobjectavcre ; ucutcr {"ul?o.
Otho , revocatis qnos Galha misera t
legatis , rursiîs alios ad iitrumqiie grrmani-
cum exercitum , et ad legioiiem ilalicam ,
ea5(jue «juac Lugduai agcbaut copias , spccie
DU LIVRE I. DE TACITE. i6$
ensuite ayant passé en Afrique pour exciter
Macer à prendre les armes, elle tâcha tout
ouvcrleuient d'affamer Rome. Rentrée erj
grâce à la faveur d'un mariage consulaire ^
et échappée aux règnes de Galba , ài'UthoT*.
et de jy'iteUius , elle resta fort riche et sans
enfans ; deux grands moyens de crédit dau«
tous les temps , bous et mauvais.
Cependant <9/^«n écrivait à VitellîusXti tre»
sur lettres , qu'il souillait de cajoleries de
femmes, lui offrant argent , grâces, et tel
asile qu'il vovulrait choisir pour y vivre dans
les plaisirs, f'iullins lui répondait sur 1©
même ton ; mais ces offres mutuelles , d'abord
sobrement ménagées et couvertes des deux
côtés d'une sotte et honteuse dissimulation y.
dégénérèrent bientôt en querelles , chacura
reprochant à l'autre avec la même venté sca^
vices et sa débauche.
Ofhon rappela les députes de Gaîha et ei>
envoya d'autres au nom du sénat aux deux
années d'Allemagne , aux troupes qui étaient
îi Lyon , et à la légion d'Italie. Les députés,
ïcslcreut auprès de p'itellius , mais trop- ai-
i a
^66 TRADUCTION
senatûs misit. Lcj:;ati apud P'itelliiiîn icman-
sere , prompliùs quàm ut retenti vidcrentur.
Prœtoriani , quos pcr simulatloiicm oflicii
Içgatis Ctlio adjunxerat , remisai, aiitcqiiaiu
legionibus miscercnlur. Addit cpistolas
fabius jy'alens , nomiiie germanici exerci-
tiis , ad piactorias et urbauas cohortes , do
viribiis partiiim magiiilicas, et coiicordiani
ollcreiUcs. lucrcpabaut ultro , qnod taiilô
a t ; t è ( la et \\.\n\\l- 'itellio i m p e r i li m a d O /// (• // evb
■^{cvlisseut. Ita prouiissis siiuul , ac uiiuis
teutabantur ; ut belle itupares , iu paco
iiihil aîuissuri. Nequc ideo pra;loriauo.rum
tides inutala..
Sed iiisidiatorcs ab Othoiic \n Germanîani l
"k f 'itellio iu Urbem missi. Utrisque frustra
fuit: Vitcllianis impuuc , per tantun lionii-
nuir; u\ultitudiueni , uuituâ ignoiaiiliàfallcn-
tibus ; Otlioniaiii uovitate vultûs , omnibus
iliviocm ignaris, prodcbautur. l'itcUius lit-»
tcras ad Titiamnii fratrem Othonis compo-
«uft, cïitium ipsi iilioque «jiu uiiuitans, ui
DU LIVRE I. DE TACITE. 167
Sèment pour qu'on crût que c'était par force.
Quant aux prétoriens qu'Ot/iOn avait joints
comme par lionneur à ces cie'putés , ou se
biîta de les renvoyer avant qu'ils se mêlassent
parmi les légions. Fahhis y'alens leur remit
des lettres au nom des armées d'Allemagne
pour les cohortes de la ville et du prétoire,
par lesquelles , pariant pompeusement du
parti de f^itel/ius, ou les pressai t de s'y réunir.
On Icurreprociiait vivement d'avoir transféré
a Otiion l'empire déoerae' long- temps aupa-
ravant à /■ itclliiis. Enfin usant pou ries gagner
de promesses et de menaces, on leur parlait
comme ù des gens à qui la })aix n'ôtait rieu
et qui ne pouvaient soutenir la guerre : mais
tout cela u'ébranla point la tidelité des pré-
toriens.
Alors Otlion et f'itellius prirent le parti
d'envoyer des assassins, l'un en Allemagne
et l'autre à Home , tous deux inutilement.
Ceux ùcf^ iteliius , mçlèsdaiis une si grande
nudtitudcd'liouuncs inconnus l'un à l'autre ,
ne furent pas découverts ; mais ceux CCOthon
furent bientôt trahis par la nouveauté de
leurs visages parmi des gens cjui se connais-
saient tous. /'7/t7//uj écrivit à L'itien^ frèro
î68 TRADUCTION
incolutacs sibi mater ac liberi servarentnK
Et stctit doinus utraque: suh Othoiie lacei-
tiiin an uietii : P^itelîius victor clcmculia
gloriam lulit.
Piimus Gtlioul Gdiiciam addidit ex Illy-
rico lUHicius , jurasse in cnni Daluiatiae, ac
Pannonia; , et Mœsiae , legioncs. Idem ex
Hîspanià allatnm, laudatnsqne per cdictum
Chnius Jiafns; et statim cognitnm est,
convcrsam ad f^ittllium Hispaniam. Keo
Aqnitaniar|uidcm,quauiquama.7i///i9 Cordo
in verba Othonis obstricta , diu mansit.
Kusquam lides aut amor , melu ac necessitata
hue illuc mutabantur. Eadom formido pro-
vinciam NarJjonensem ad yiieUium vertit,
facili transita ad proximos et validiorcs.
Louginqiiœ provincix , et quidquid arnio-
ruui mari dirimitur, pênes OthOîicm vutxnt^
bant, non partium studio, scd crat grand©
iiiouieutuiu in nomine urliis ac practextu
senntûs;etoccHipaverataniniosprior auditus.
JudaicLim excrcituui t espasiauus j Siri»
DU LIVRE T. DÉ TACITE. 169
à'Ot/ion ,' qne sa vie et celle de ses fils lui
répondraient de sa mère et de scseufans. L'une
et l'autre fauiille fut conservée : on douta da
motif dy la clémence d'CJt/iori ; mais p'iteUius
vainqueur eut tout l'honneur de la sienne.
La première nouvelle qui donna de la con-
fiance à Otliun lui vint d'Illyrie , d'où il
aj)prit que les légions deDalmatie , de Pan-
lîonic, et de la Mœsie avaient prêté serment
en son nom. Il reçu t d'Espagne un semblable
avis et donna par édit des louanges à 67m-
piiis Rv/us ; mais on sut Bientôt après que
l'Espagne s'était retournée du côté de Vi-
tellins. L'Aquitaine, que. 77//V?/.s Cordnsd^sa\.t
aussi fait déclarer pour Otiion , ne lui resta
pas plus Qdelle. Comme il n'était pas ques-
tion de foi ni d'attac!rement,cliacunselaissait
entraîner çà et là selon sa crainte ou ses es-
pérances. L'eflVoi fit déclarer de même la
province ?\icirbonaise en fivcurd; Vilellius ^
qui , le plus priiclic et le plus puissant »
parut aisément le plus légitime. Les provius-es
les plus éloignées et celles q^c l'a mer sépa-
rait di's troupes restèrent à Othon ; moins
pour l'amour de lui, qu'à cause du L^r.nid
poids que donnait à sou parti le nom do
370 TRADUCTION
legiones Mucianus sacramento Cthonis adc-
gere, Simul yïl;.j,yptns , ouinesqne veisîE iu
Oiientcm provinciae , iiouilne cjus teiiebaii-
tur. Idem Africac obscqiiium, iuilio 5 Car-
ibagiue oito. Ncque exspcctatà f-lpsanii
yiproniavl pioconsi lis auctoritatc , Crcs^
cens Keronis libcrtus ( naui et bi malis
tempoiibus partciu se reipui^'.icae facinnt )■
cpulum plcbi , ob laetitiam rccentis impcrii ,
obîulcrat : et populus pleraqne ?lnc inoda
festinavit. CarlUagmcm c^uterœ civitaitcs
»eçuts6.
Sîo distractîs cKcrcîtibns ao provinciîs -
p'itcllio quidcju ad capesseiiiaiu piincipatùs
fortuuam bcUo opus erat. Otho , iit in luiiltà
pace ; mmiia impcrii obiliat , quaedam ex
tlignitate rcipiiblica; , plcraque contra dccus ,
ex piccseuti usu pioperaïulo. Consul cinu
'J'itiano fratre in kalcndas maitias ipse y
proxiu'.os mcuics f'\rt;inio destinât , ut
pliquod cxcicit-.ii gcrr.ianico dcliiiituetUmn^
DU LIVRE r. DE TACÎTE. 17*
Rome et l'aiitoiite du sénat , outre qu'an
penchait naturellement pour le premier re-
connu ( * ). L'armce de Judée par les soiiis
de Vespasie7i , et les légions de Syrie par
fceux de Mucîanils , prctèren t serment à Othon .
L'E-j^pte et toutes les provinces d*Ol-icnt re-
connaissaient soil autofitc. L'Afrique lui
rendait la mériie obe'issance à l'exemple dô
Cartilage, où , sans attendre les ordres dtt
p ro co n ^uXripsan iiis Apron ian us , Crescens^
arFrancIu de Néron ^ se mêlant , comme ses
pareils, des affaires de la république dans les
temps de calamités , avait , en léjouissanco
de la nouvelle élection donne des fêtes au
peuple qui se livrait étourdiment à tout. Les
autres villes iuiilèrent Cartilage.
Ainsi les armées et les provinces sr (vou*
raient tellement partaj;ces , que l^itelUns
nvait besoin des succès de la gu-fre '.>owr se
ïneltreen possession de l'empire. PonxQthon
il fesait comme en pleine paix les (onctions
d'empereur , quelquefois soutenant k dignité
(*) L'élection flo VltdVius avait pn'rédé celle
iV Othon; mais aii-clelà des mers le bruit de celle-ci
flv.ut piévcm. le bruit de l'autre : ainsi Ot/jcn«uit
dans tes régions U premier reconnu.
,7j TRADUCTION
Jungitur f'erginio Poppœus Vopisnts ;
praettxtu vcteiis aniiciliec , pleiiqne Viennen-
sium lionori datum interpictabantiir. Caeteri
consulatus es dcstinatioue Aeronis , aut
Caîhœ , luanserc. Oelio ac Flat'io Sahinis^
iu julias, Ario ^ntoriino ^\. Mario CelsOy
in septembres : quorum honori ne T'itellins
quidem Victor iutercessit. Sed Ctho poutifi-
catus auguratusque honoratis jam senibui
cumulum digiiitatis addidit ; et recens ab
exsilio reverses nobilcs adolesccntulos avilis
ac pateruis saecrdotiis iu solatium recoluit.
Bcdditus Cadio Rvfo, Pedio Ji/œso jSerina
Promptiiio seuatorius locus , qui repituu-
darum criminijjus sub Claudio ac iXeroric
cecidcrant. Placuit i-uosccntibus , verso
nomioe , quod avaritia fu( rat , videri majes-
talcm; cuju» tum odio , etiam boiiae leges
peribaut.
a«
DU LIVRE I. DF. TACITE. 17?
de la république , mais plus souvent l'avilis»
sant ea se hâtant de régner. II désigna sou
frère Titianus consul avec lui jusqu'au pre-
mier de mars ; et cherchant à se concilier
l'armée d'Allemagne , il destina les den^
mois suivans à Vetginiu<; , auquel il donna
Poppœns Vopiscns pour colièî^ue, sons pré-
texte d'une ancienne amitié , mais plutôt
selon plusieurs , pour faire honneur aux
Viennois. II n'y eut rien de channe po^j^
les au tresconsulats aux nominations deiVV/o/i
cl àitGalha. Deux Sabinus, GœUus et Flaue
restèrent désignés pour mai et juin y^rivi
Antonimis et Marins Celsiis pour Juillet
et août ; honneur dont T- iiellins ménic ne
les priva pas après .-a victoire. Gihon mit le
comblcauxdignitésdesplusillustrcs vieillard'-
en y ajoutant celles d'augures et de non-
tifcs , et consola la jeune noblesse récem-
ment rappelée d'exil, en lui rendant le sacer-
doce dont avaient joui ses ancêtres. Il rétablit
dans le %é\vx\.Cadius Rvfus , PediusBlœsus
et Seiinus Promplinus , qui en avaient été
chassé.ssous<:V^7/Jt'ponrcrimedeeoncnssion.
L'on s'avisa , pour leur pardonner , de chan-
ger le mot de rapine en celui de Use-vuijesté ,
Alélaiii^cs. Touic \ , K
174
TRADUCTIOIT
Eâdem largitjoue , civitatum quoque ac
provinciaiuiu animos aggressiis , lïispaliea-
S4busetEineritensibusfaiuiUarumadjectiones.
Liugpnibus universis civitatem romanam ,
proviiiclrc Bœticae Mauroriim civitates dono
dédit. Nova jura Cappadociœ, uova Africae,
oslcnlui magis quàm mansura. lutcr quae
jiecessitatc picTsciitium rcrnin et iustautlbus
curis excusata , ue tuiu qiiideui iimuemor
amorum , statuas Poppceœ pcr scnatuscoa-
sultum reposuit. Créditas est etiam de celé-,
biandâ Neronis memorià agitavlsse , spe
Tulgiim alliciendi. Et fuere qui imagines
'2V^eronis proponereut : atque etiam Othoni^
quibusdam dicl)ns populus et miles , tam-r
quam nobilitatcm ac decus astrucrent ,
'Neroni-Othoni acclamavit. Ipse in sus-
pense tcnuit , vctandi uiotu, vel agnosccudi
pudore.
Conversis ad civile bcllum animis, externa
siae cura haîwbautur . Eu audeutiiis Roxolaai ,
->U LIVRE I. DE TACITE. 173
Inot odieux ru ces temps-là , et dont l'abiïs
fcsdit tort oux meilleures lois.
Il étendit aussi ses grâces sur les villes et
les provinces. H ajouta d.; nouvelles fau)illes
aux colonies d'His()alis et d'Emerita: il donna
le droit de bourgeoisie romaine à toute la
province de Langres ; à celle de la Be't^quo
les villes de la Mauritanie ; .1 celles d'Afrique
et de Ciippadoce de nouveaux droits trop
bnllans pour être durables. Tous ces soins,
et les besoins pressans qui l'^s exigeaient, ne
lui firent point oublier ses amours , et il fit
re'iablir par décret du sénat les statues de
Poppce. (Quelques-uns relevèrent aussi celles
de i\éron ; l'on dit même qu'il délibéra s'il
ne lui ferait point une oraison funèbre pour
plaire à la populac- . KnCn le peuple et les
sollats , croyant bien lui faire bonneur ,
crièrent durant q'K-lques jours : vit^e Néron-
Othon ! acclamainins qu'il feignit d'ignorer,
îi'o-aut les dét.udre , et rougissant de les
permettre.
Cependant iiriiquement occupés de leurs
sueucs civiles , Us Romains abandouQaieirt
IL a
176 T R A D U C T I O X
sarmatica gens , piiore hicme crcsis duabus
coliorlibMs , aiagiià spe ad Mœsiam irrnpe-
rant , novciu miUia equituin , ex fcrocià et
snccessii , pi\xd;c magis quàui piignx iiitcr.îa.
Igitur vagos et incuiiosos , teitia Ic^io
adjmictis auxiliis , repente iiivaslt. Apud
.Romauos oninia prœlio apta. yarmaltc dis-
persi cnpidine prœdae , aiit graves oiicre
sarcinarnm , et Inbrico ilineraui adcmplà
eqiiotum pernicitatc , vcliu vincfi cœdcbaii-
tiir. Nnniqiic iiiiniiii diclu ut sit oimiis .Sar-
malariiui virlns , vcltit extra ipsos ; iiiLiil ad
pedcstiem pugiiaiu tain iguavuin ; iibi prr
tunnas aJveiicre , vix ulla acies obstiteiit.
Sed tum huuiido die , et soluto gehi , iicqiio
conti, ucque gladii , quos prailongos utriique
inanu rcgunt , usui , lapsantibus equis, et
catapbactaruin pondère ( id priiieipibus et
nobiMssimo cuique tegmcn , ferreis laïuiuis,
a^Jt pracduio corio conscrtuni ; ut advcrsus
ictus lmpciicl!al)ilc , ita inipctu bostiimi
provolutis inhabile ad resurgendum ) simul
altitudinc et luollitiù nivis bauricbaiitur,
Romanus miles facili loricâ , et uiissili pilo.
DU LIVRE I. DE TACITE. 177
les affaires de dehors. Cette uégllgenee ins-
pira (antd'andncc aux Roxolans , peuple sar-
iKite, que dès l'hiver piéce'dent , après avoir
défait deux cohortes , ils firent avec beaucoup
deconîiance une irruption daus la Mœsie au
nombre de neuf raille chevaux. Le succès
joint à leur avidité' leur fcsaut plutôt songer
à piller qu'à combattre , la troisième Icgiou
jointe aux auxiliaires les surprit cpars et sans
discipline. Attaques par les Romains en ba-
taille , les Sarmatcs dispose's au pillage ou
déjà chargés de buliu , et ne pouvant dans
des chemins glissans s'aider de la vitesse do
Ifurs chevaux , se laissaient tuer sans résis-
lancc. Tel est le caractère de ces étranges peu-
ples , que leur valeur semble n'être pas eu
eux. S'ils donnetit en escadrons , à peine une
armée peut-elle soutenir leur choc ; s'ils com-
L^itent à pied , c'est la lâcheté même. Le
degcl et l'humidité, qui fesaient alors glisser
et tomber leurs chevaux , leur ôtaient l'usage
de leurs piques et de leurs longues épécs à
deux mains. Le poids des cataphractes , sorte
d'arnuire laite de lames de ter ou d'un cuir
très-dur qui rend les chefs et les officiers im-
pénélrablcs aux coups , les empcchnicnt de
ic relever quand le choc des ennemis les avait
K 3
1-8 TRADUCTION
sut lauccis assiiltaus , vibi res po ccret, Icvi
gladio inermem Sarmatam , ( ticqiie eiiim
defeudi scuto uios est ) commiis fodicbat ;
douée pauci , qui prxlio supeifuerant , palu-
dibus adhereutur. Ib; ^acvitiâ bieiuis et vi
vulneriim absumpti. Postquam id Komaï
compertuin, M. yiponiu^ Mœsiam obtincus,
triuinphali statua ruhius YJiireliiis , et
Julianus Titius , ac j\ umisius Lupus ,
kgati legiouum , consuldribns ornanicntis
donaatur : laeto Othoue ^ et gloriam in so
traheatc, tamquaiu tt ipsc tVlix bclio, et
suisducibus suisquc exercitibus remptiblicam
auxisset.
Parvo intérim initio , unde uiliil tinieha-
tur , orta seditio, propè urbi excidio fuit.
Septiuiain decimaui coliorlein , c coioiiiil
Ostiensi , in nibcui acciri Oth(\ jusseiat.
AimandiE cjus cura T ario Crispino , tri-
Juiuo c praetoiianis , data. Is , quo uiagis
TacLius , quictis castris, jussa cxïequeretur.
DU LIVRE I. DE TACITE. Ï79
renversés , et ils e'taient e'toufTcs dans la neige
qui e'tait molle et hante. Les soldats romains ,
couverts d'unecuirasse le'gère, les renversaient
à coups de traits ou de lance selon l'occasion ,
et ks perçaient d'autant plus aisément de
leurs courtes épécs , qu'ils n'ont point la
défense du bouclier. Un petit nombre échap-
pèrent et se sauvèrent dans les marais , où
la rigueur de l'hiver et leurs blessures les
firent périr. Sur ces nouvelles , on donna à
Rome une statue triomphale à MarcTis Apro-
Tiiatnis qui cotnmandait eu Mœsie , et les
ornemens consulaires à Fnlvius Aurehus ,
Jnlianus Titius , et T\'n7nisius Lupus , colo-
nels des légions ; OtJ:on fut charmé d'un
succès dont il s'attribuait l'honneur , comme
«L'une guerre conduite sous ses auspices et
par ses odiciers au profit de l'Etat.
Tout-à-coup il s'éleva sur le plus léger
sujet et du côté dont on se défiait le moms,
une sédition qui mit Rome à deux doigts de
sa ruine. OtJion ayant ordonné qu'on fît venir
dans la ville la dix-septième cohorte qui était
à Oitic , avait chargé / nrius Cri'^pi''^^'' tribun
prétorien du soin de la fa ire armer. Crtspi/ius ^
pour prévenir l'embarras , choisit le icmpi
K. 4
i^o TRADUCTION
véhicula cohoiîis, incipicnte nocte , onerari
apcrto arman.ientario jiibet. Tempus , iu
suspicioncm ; causa , in crimen ;. affcctatio
quietis, iu tunuiltum evaJuit. Et visa iuter
teinulcîitos aima cupidiucm suî ujovêre.
Frémit luiles , et tribuuos ccutuiioncyque
pioditioiiis arguit, taïuquaui famllicc sena-
toruin ad pcruicicm Othouis armarcutur.
Pars ij^tiari et vino graves; pessiiuus quisque
ia occasionem pr.Tdarum; vuigus , ut mos
est , cujusque uiotûs novi cupiduui , et
obsequia uiclioruui nox abstulerat. R-cssten-
tem sédition! tribunum , et sevcrissiuios ccn-
turionuui obtruncaut \ rapta anua , uiidati
gladii , iusidentcs equis, urbem ac palalium
petuut.
Ernt Othoni célèbre conviviuni , primori-
bus femiuis virisquc , qui trcpidi , fortni-
tiisiic uiilitum furor, an doUis impcratoris ,
luauereuc dcprclicudi, au l'u^^crc et dispcrgi,
DU LIVRE I. DE TACITE. iP>i
où le camp était tranquille et le soldat retiré,
ft ayant l'ait ouvrir l'arsenal, commença dès
l'entrée de la nuit à faire charger les four-
gons de la cohorte. L'heure rendit le motif
suspect , et ce qu'on avait fait pour empêcher
le désordre eu produisit un très-grand. La
vue des armes donna à des gens pris de vin
la. tentation de s'en servir. Les soldats s'em-
portent , et traitant de traîtres leurs officiers
et tribuns , les accnsèrent de vouloir armer le
sénat contre Othon. Les uns déjà ivres ne
savaient ce qu'ils fesaient ; les plus médians ne
cherchaient que l'occasion de piller : la foule
se laissait entraîner par son goût ordinaire
pour les nouveautés , et la nnit empêchait
qu'on ne pût tirer parti de l'obéissance des
sages. Le tribun voulant réprimer la sédition ,
fut tué, de inémc que les plus sévères cen-
turions ; après quoi , s'ctant sai.=is des armes ,
ces emportes montèrent à cheval , et l'épée
à la main , prirent le chemin delà ville et du
palais.
OtJion donnait un festin ce jour-là , à ce
qti'il y avait de plus grand à Rome dans les
deux sexes. Les convives redoutant également
la fureur des soldats et la trahison de l'ein-
K 5
î83 TRADUCTION
periculosiusforet;modocoiistantiauislmularej
modbformidiuedet; gi ,shnulOl/iOfiisvu\tuta
iiituen. Utquc cvcuit inclinatis ad suspicio-
ncm meatibus , cùin tiruerct Oi/w , tiuiebatur-
Scd haud secus discriniiiie senatûs quàni suo
terri tus,etpraefectosprsetoriiadmitigandasmi-
litum iras statim miscrat , et abire properè
ouiues è convivio jusslt. Tum vcrb passim lua-
gi stratus , projcctisinsignibus , vitatâcouiitum
et servoruin frcqucntià , scues fcminaeque
per tenebras , diversa urbis itiuera , rari
domos , plurimi auiicoriun tccta , et ut cui-
que huuiillimus cUens , incertas latebras
pctivere.
Militum impetus ne forlbus quidem palatiî
coercitus , quo minus conviviinn irrumpe-
rent , ostendi sibi Othonem cxpostulantes ;
ynlncrato Julio Martiale tribuno , et Vitel-
Jio S atiirnino proefecto legiouis , dum rucn-
tibus obsistuut. Uiidique arma et raius? ,
DU LIVRE I- DE TACITE. i8S
percur , ne savaientce qu'ils devaient craindre
le plus , d'être pris s'ils demeuraient , ou d'être
poursuivis dans leur fuite ; tantôt alFectaut
de la fermeté , tantôt de'celant leur effroi ,
tous observaient le visage iVOt/wn ; et comme
on était porté à la défiance ^ la crainte qu'il
témoignait augmentait ceilc qu'on avait de
ïui. Nou moins effrayé du péril du sénat ,
que du sien propre, Othon chargea d'abord
les préfets du prétoire d'aller appaiser les
soldats et se liàta de renvoyer tout le inonde.
IiCs magistrats fuyaient cà et là , jetant les
marques de leurs dignités ; les vieillards et
les femmes , dispersés par les rues dans les
ténèbres, se dérobaient aux gens de leur suite.
Peu rentrèrent dans leurs maisons ; presque
tous cherchèrent chez leurs am s et les plus
pauvres de leurs clicus des retraites mal
assurées.
Les soldats arrivèrent avec une telle impé-
tuosité , qu'ayant forcé l'entrée du palais ,
ils blessèrent le tribun JiiUus Martialis et
T'ilcUiiis Satnrninns qui tâchaient de les
retenir , et pénétrèrent jusque dans la salle
du festin, demandant à voir <7///o/7. P,^.r-tout
Us menaçaient des armes et de la voix , tantôt
K 6
Tf^4 TRADUCTION
ïnodo in ccnturiones tribuuosque, modo in
senatum univcrsuin : lytnpliatis cœco pavore
anitnis , et qnia nctiiincm unuin destinare
irae poteraiit, licentiani in omncs posccnti-
bus ; donec Otho , contra dccus iuipcrii
tlioro insisteiis , preciliiis et lacrlmis scgrè
coliibuit. Rcdicnintque in castra , invitiueque
innocentes.
Postera die , velut capta urbe , clausa;
douais , rarus per vias populus, mrcslaplcbs ,
dejccti in tcrraur mililuni vultus, ac plus
tristitine quàm pœnitentiic. Manipulatiiu allo-
cuti sunt Liciiiius Procnlus , et Ploiins
Finniis ^ pr;cfecti : ex suo quisque ingenio,
mitins aut horridiùs. Finis scrinonis in eo ,
ut qnina rnillia numuiiim singulis militibus
iiinncrarentur. Tnm Otho ingrcdi castra
ausiis , atqnc ilium trilinni centurionesque
circuinsisUint ^ ab)cctis jnilitia" insignibus ,
otiunr et saUitcni flagitantc». Sensit invi-
diain miles , et coniposiliis in obseqnium ,
auctores scdilionis ad snpplicium ultro pos-
tulabat.
DU LIVRE I. DE TACITE. i8S
leurs tribuns et centurions, tantôt le corps
entier du sénat : furieux et troublés d'une
aveugle terreur , faute de savoir a qui s'en
prendre, ils en voulaient à tout le monde.
Il fallut qnOt/iort , sans égard pour la ma-
jesté de son rang , montât snr un sopha ,
d'où , h force de larmes et de prières les ayant
coiUunus avec peine , il les renvoya au camp
coupables et mal appaisés.
Le lendemain les maisons étaient fennecs ,
les rues désertes , le peuple consterné comme
dans une ville prise ; et les soldats baissaient
les yeux moins de repentir que de bonté.
Les deux préfets Procuhts et Firmns , par-
lant avec douceur ou dureté , cliacun scloa
son génie , firent à ch.que manipule des
exhortations , qu'ils conclurent par annoncer
une distribution de cinq uiillc sesterces par
tête. Alors Olhon ayant hasardé d'entrer dans
Je camp , fut environné des tribuns et des
ceuturioTis qui , jetant leurs ornemens mi-
litaires , lui demandaient congé et sûreté. Les
soldats sentirent le rc prociie , et rentrant dans
leur (ievuir , criaient qu'on menât au sup-
plice les auteurs de la révolte.
j?!(î T R A D U C T I O N
Otho qiiajïiquam tnvbidisiebus , et diversis
ITiUitumanimis, cùm optiinns quisque reine-
dimn praCM-ntis licenÙEe posccret ; viilgus et
pluies , seditionibns et ambitioso iuiperio
lœti , per tmbas et râptus faclliùs ad civile
bclluiu impellercntur : simul reputaus non
posse principatiun scelcie quaesitum , subitâ
niodestiâ , et piiscà gravi tate retineri , sed
discriiniiie urbis et periculo scnatùs anxius,
postrcmo ita disseruit.
Keqve nt affcctvs restros in aviorem mei
accendereitiy commUitoncs ; iieqiie ut animian
ad virtntem cohortarer , ( utraque enini
egregie svpersiint ) sed vcni postnlaturus a
tobis tempera mentum restrœ forlitudinis ,
eterga me moditm caritatis. Tumultàs pro-
y:imi initinm , non ciipiditate velodio , quca
jnultos exercittis in discordiam egere , ac ne
detrectatione quidem avt fonnidme pericu-
lorurn ; nimia pietas restra acrïiis quant
co.'isideratiiis excitavit. Nam s<rpe honestas
rerum causas , ni judicium adhibcas ,
15U IJTUE I. DE TACTTF. 1S7
Jiv milieu de tous ces troubles e^ rlo ces
mouveuicns divers , Othon voya'f h eu que
tout Iiomme saf!;e désirait un (Ve n à tant le
licence ; il u'it^nor it pas non plus que les
attroupemens et les r-puics mènent aisé-
inent à la guerre civile une multitude avide
des séditions, qui forcent lejîouveruement àla
fl;!tter. Alarmé du danger où il voyait Rome
et le sénat , mais jugeant impossible d'exercer
tout d'un coup avec la dignué convenable
un pouvoir acquis par le crime, il tiut eutia
le discours suivant :
« Compagnons ,ie ne viens ici m' ranimer
« votre zèle en ma faveur , ni réchauffer votre
« courage \ je sais que l'un et l'autre ont
« toujours la même vigueur : je viens vous
« exhorter, au contraire, li les contenir dans
•< de justes bornes. Ce n'est ni l'avarice ovx
« la haine, cause de tant de troubles dans
« les armées , ni la calomnie ou quelque
« vainc terreur , c'est l'excès seul de votre
« affection pour moi qui a produit avec plus
« de chaleur que de raison le tumulte de
•V. la nuit dernière : mais avec les ?notils les
«t plus honnêtes , une conduite inconsidérée
«i ^cut avoir les pliis funestes effets. Dauï
i83 TRADUCTION
verniciosi exitiis consequimUir. Iinus ad
belliim j v-iiin omties inincios palàni andiri
omnia consilia cunctis prœseiitibiis trac-
tari , ratio reriim , aut occasiomnn veJocitas
patltur ? Tarn nescire ijuœdani milites ,
(juàrn scire oportet. Ita se duciiin aiicto-
ritas , sic rigor disciplinœ habet , ut mnlta.
etiamcevturiones tribnnosqite tarithni juberi
expédiât. Sic iihi julyeaiitiir ^ cjuœrere sin-
gjilis liceat / pereimte ohscqiiio , etiani
imper iiiiii intercidit. An et illic iiocte iti-
ieinpestâ rapientiir arma ? Unus altcrçe
perditus ac temnientns , ( iieque enini
phires consternatione proximâ iusauisse
crediderim') ceiitnrionis ac tribuni saTtguine
'Jnarnjs iinbiiet? Imperatoris siti tentorium
irrunipet ?
p'os qiiidem istiid pro me ^ sed in discvrsu
ac tencbris , et reriim omniiini confnsiom ^
paiejieri occasio ctiavi ad^crsvs me potesU
DU LIVRE T. DE TACITE. 18^
« la guerre que nous allons commencer est-
« ce le temps de communiquer , à tous
« chaque avis qu'on reçoit? et faut-il déli-
« bercr de chaque chose devant tout le monde?
« L'ordre des affaires , ni la rapidité de l'oc-
« casion , ne le permettraient pas : et comme
« il y a des choses que le soldat doit savoir,
« il y eu a d'autres qn'il doit ignorer. L'au-
« torité des chefs , et la rigueur de la disci-
« pline,demaudeut qu'en plusieurs occasions
« les centurions et les tribuns eux-mcuies ne
« sachent qu'obe'ir. Si chacun veut qu'on lui
« Jciicle raison des ordres qu'il reçoit , c'en
« est tait de l'obéissance et par conséquent
« de l'empire. Que sera-ce lorsqu'on osera
« courir aux armes , dans le temps de la re-
« traite et de la nuit ? Lorsqu'un ou deux
« honnnes perdus, et pris de vin, ( car je
« no puis croire qu'une telle frénésie en ait
« sai.si davantage ) tremperont leurs mains
« dans le sang de leurs officiers ? Lorsqu'ils
« oseront forcer l'apparlemcnt de leur cm-
« pcrcur ?
«« \ous agissiez pour moi , j'en conviens ;
« mais combien l'aniucnce dans les tcMèbres ,
« et la confusion de toutes choses , four-
Ï90 TRADUCTION
Si yitellio et satellitihus ejus eligendi
facilitas detnr , quem nobis iinimnm , qvas
mentes imprecentur ? quid aliudquàm sedi-
tiOTicm et discordiam optahunt ? ne miles
centitrioni, ne centnrio tribuno ohsequatur :
Jiinc confiisi pedites equitesque in eritium
ruamns. Par en do potins , commilitones j
qnam imperia ducum sciscitando res viih-
tares continentur ; et fortissimus in ipso
discrimine exercitus est j, qui ante discri-
vien quietissimus. Vohis arma et animus
sit ; mihi consilium et virtxitis vestrœ regi-
vien relinquite. Paucornm culpa fuit ,
duorumpœna erit. Cccteri abolete memoriam
fœdissimœ noctis ; nec iUas adi-ersus sera-
tuni voces nllus nnquam exercitus au dm t.
Caput imperii , et décora omnium profin-
ciaruni , ad pœnam vocare , non herclè ilh ,
qvos ciim maxime l'itellius in nos cict ,
Germani andeant. l'Ili ne Italiœ alunini ^
et romana lerc juventiis , ad sangninem et
cœdem deposcercnt ordinem , cujussplendore
et gloriâ sur des et ohscuritatem viteUiana-
Xiim partium perstringimus ? Kationes
DU LIVRE ï. DE TACITE. 192
'«: Hissaient - elles une occasion facile de s'ea
« prévaloir contre moi-même ! S'il éta^t au
« pouvoir de pitellius et de ses satellites
« de diriger nos inclinations et nos esprits,
«< que voudra eut-ils de plus , que de nous
« inspirer la discorde et la sédition , qu'ox-
«t citer à la révolte le soldat contre ie cen-
« turion , le centurion contre le tribun , et
« gens de cheval et de pied , nous entraîner
« ainsi tous péle-méle à notre perte ? Com-
«« pagnons , c'est en exécutant les ordres des
« cliefs et non en les contrôlant qu'on fait
« heureusement la guerre \ et les troupes les
« plus terribles dans la mcléc , sont les plus
« tranquilles hors du combat. Les armes et
« la valeur sont votre partage ; laissez-moi
« le soin de les diriger. Que deux coupables
« seulement exp'c.t le crime d'un petit
« nombre. Que les autres s'elForcent d'cnse-
« vclr dans un éternel oubli la honte de
« cette nuit ; et que do pareils discours
« contre le sénat ne s'entendent jamais dans
«c aucune armée. Non , les Germains mcincs ,
« que J'itellius s'efforce d'exciter contre
« nous , n'oseraient menacer ce corps res-
«t prctahlc , 1- chef et l'ornement de l'empire,
«i Quels seraient doue les vrais eufaus de
192 TRADUCTION
aliqvas occvpavit l 'itcîlins , imagiiiem
qvamdam exercitûs habet : senali/s nol>is~
cujii est j sic fit lit hinc respuhlica , in de
Jwsfes reipnhlicœ constilerint. Qnid ? los
pulclierriniam hanc urhem , doinibns et
Icctis , et congestu lapidnm , stare creditis ?
Muta ista et inanima intercidcrc oc repa-
rari proniiscuc possunt : a'iernilas reiuni y
et pax gentinni 3 et mea cnm vestrâ salus',
incohimitate senatùs Jirviatnr. Hnnc ans-
picatb à parente et conditore nrbis nostros
institntum , et h rcgilnis: us<j7ie ad principes
continnum et imniortaleni , sicut à niajo-
ribus accepiinns , sic posteris iradanins :
nam ni ex vobis senatores , ita ex senatori-
liiis principes nascuntur.
Etovatioad pcr?tring''nilos uuilccnclosquc
DU LIVRE r. DE TACITE igZ
« Piome ou de l'Italie qui voudraient le sang
« et la mort des membres de cet ordre, dont
« la splendeur et la gloire montrent et re-
« doublent l'opprobre et l'obscurité' dn parti
« de l^itcUius ? S'il occupe quelques pro-
V. vinces , s'il traîne après lui quelque si-
« mulacre d'année , le sénat est avec nous ;
« c'est par lui que nous sommes la rcpu-
« blique et que nos ennemis le sont aussi
M de l'État. Pensez-vous que la majesté de
« cette ville consiste dans des amas de pierres
<» et de maisons j monumens sans amc et sans
*c voix , qu'on peut détruire ou rétablir à sou
« gré ? L'éternité de l'empire , la paix des
« nations, mon salut et le vôtre, tout dé-
« pend de la conservation du sénat. Institué
« solemncllcment par le premier père et fon-
« dateur de cette ville , pour être immortel
« comme elle, et continué , sans interruption
«c depuis les rois jusqu'aux empereurs , l'in-
« térêt commun veut que nous le trans-
M. mettions à nos descendans , tel que nous
« l'avons reçu de nos aïeux : car c'est du
«c sénat que naissent les successeurs à l'cm-
« pire, comme de vous les sénateurs ».
Ayant ajusi tàclié d'adoucir et contenir
Î94 TRADUCTION
mihtutu auunos , et scveritatis uiodus ( neque
enlm iu pluies quàm iu duos auiuiadverti
)usserat ) giatè accepta , couiposi tique ad
prœseus, qui coerceri uon poteraut.
Non tameii quics urbi redicrat; strcpifu»
telorum, et faciès btlli crat. Mililibus, ut
niliil iu coraœunc tuibautibus , ita sparsis
per doinos, occulto liabitu, et nialignâ cuiâ
in omnes quos nobilitas , aut opes , aut aliqua
iusignis claritudo inmoribus objccerat. Vitcl-
lia'nos quoque milites venisse in uibcm , ad
studia partium uoscenda , plcriqne crcdcbant.
Utide plcna ouinia snspiciouum , et vis
sécréta douiuuui siue formidiue.
Sed pluiîmùm trepidationis in pnblico ;
ut quemque imnciuni fama attulisset, ani-
mum vultuiuqueconvcrsi , nediflidere dubiis ,
ac parum gandcrc prosprris vidcrentur.
Coacto vero in curiam senatn , arduus rerum
omnium modus, ne coutumax silentium,
BU LIVRE I. DE TACITE. 195
la fouf^uc des soldats , Othon se contenta
d'eu faire punir deux : seVe'rité tempére'e , qui
ii'ota rien an bon effet du discours. C'est
ainsi qu'il appaisa pour le rnomeut ceux
qu'il ne pouvait réprimer.
Mais le calme n'était pas pour cela re'fabli
dans la ville. Le bruit des armes y retentissait
encore , et l'on y voyait l'image de \n guerre.'
Les soldats n'e'taient pas attroupe's en tu-
multe , mais deguise's et disperse's par les
maisons , ils e'piaicnt avec une attentioa
inaligne tous ceux que leur rang , leur ri-
chesse ou leur gloire exposaient aux discours
î>ub]ics. Oncrut même qu'il s'était glissé dans
Rome des soldats de f'iteUius pour sonder
les dispositions des esprits. Ainsi la défiance
ctait universelle , et l'on se croyait à peine
en sûreté renfermé chez soi.
Mais c'était encore pis en public, où cha-
cun craignant de paraître incertain dans le»
nouvelles douteuses, ou peu joyeux dans les
•favorables , courait avec une avidité mar-
quée an-devant de tous les bruits. Le sénat
assrmbié ne savait que Taire, et trouvait par-
tout des difficultés ; se taùe était d'un rebelle ,
,96 TRADUCTION
ne suspecta libellas ; et pi'Ivato Oihoni
iiiiper, atque cadem dicenti, uota adulatio.
Igitur vcisare seiiteutias , et hue atque illuc
torqucre , hostcm et parricidam VileUinm
vocautcs : providentissimus quisque , vnlgari-
bus conviens, quidam, vcra probra jaceie ,
iii clauioïc tamcn, et ubi plurima; voces
aut tiuuultu veiborum sibi ipsi obstre-
pentes.
Prodigia uisupcv tcvrobant , divcrsis auc-
tovibus vnigata. In vestibule Capitoliioiuissas
babeuas bigcT oui Victoria iustiterat, urupisse
ccllâ Junonis , uiajoiem bumanâ speciem ;
statuain divi Jnlii, iu iiisulù Tibcrini amnis ,
sercno et iuunoto die , ab occidetite iu
orieutem conversam ; prolocntnui iu Etiuiià
bovcm, insolito? auimaliuui partus: et plura
alia, vudibus sîrculis , eliam iu pace obser-
vàta , quac nunc tantùm in uictu audiunUir.
Sedpva;cipuus, et cum piœscuti exitio , ctiara
futur! paver, subitù iuuudatiouc Tibcris ;
parler
, DU LIYREJ. DE TACrTF,. 197
p.Trler était d'un fl-iîtcur ; et le iiia",c^r de
l'aclulaliou u'élait pas ignoré ù'Othon , qui
s'en était servi si long-temps. Ainsi fioti.uU
d'avis en avis , sans s'arrêter à aucnn , l'on
lie s'accordait qu'à traiter ViteViins de par-
ricide et d'ennemi de l'État. Los plus p:c-
voyans se contentaient de l'accabler d'injures
sans con;:éf;ncnce, tandis qnc d'autres n'épar-
gnaient pas ses vérités , mais à grands tris
et dans une telle confusion de voix, que
chacun profitait du bruit pour l'augmenter
sans être entendu.
Des prodiges attestés par divers témoins
augmentaient encore l'épouvante. Dans le
vestibule du Capitule les rênes du cliac (îc
la Victoire disparurent. Un spectre de gran-
deur gigantesque fut vu dans la chnpellc de
Julien. La statue de JnJcs-Ccsar dans l'île
du Tibre se tourna par un temps calme et
serein d'occident en orient. Un bœuf parla
dans l'Etrurie ; plusieurs bêtes firent des
monstres : eulin l'on remarqua nulle autres
parcds pliénomènesqu'orx observait en pleine
paix dans les siècles grossiers , et qu'on ne
voit plus aujourd'liui que quand on a peur.
Mais ce qui joignit la désolation présente
Mélanges. Tome V. L
îçS TRADUCTION
qui immenso auctu, prorupto ponte sublicid;
ac stragc obstantis molis refusus, uoii modo
jaceiitia et plana urbis Iota , sed sccura
liujusmodi casuum iraplcvit. Rapti è piiblico
plerique , plurcs in tabernis et cubilibus
iuteicepti. Famés in vulgus , iuopiâ quœstùs j
et pciiurià alimentorum , corrupta stagnau*
tibus aquis insularnm fundamenta , deiii
lemcante fluminc dilapsa. Utqne primùm
Vacuus à pciiculo animas fuit, id ipsum ,
quodparanti expeditloncm OtJiOTii, campus
martius et via flaminia itcr bcUi esset obs-
tiuctum, à fortuitis vcl naturalibus causis ,
in prodigium et omen imminentiura cladium
yeitebatur*
OtJiO , lustvatâ urbe , et espeusis bcÏÏI
consiliis, quaudo pcmiina- cotiaequc Alpes,
et caîteri Galliarum aditus vitellianis cxcrci-
tibus claudebautur , uarboucusera Galliaia
DU LIVRE I. DE T7VCITE. 199
à l'effroi pour l'avenir , fut une snbitc inon»
jiatioii du Tibre, qui crut à tel point qu'ayant
rompu le pont Sublicius , les débris dont
son lit fut rempli le firent refluer par toutt.
la ville , mèuie dans les lieux que leur hau-
teur semblait garantir d'un pareil danger.
Plusieurs furent surpris dans les rues , d'au-
tres dans les boutiques et dans les chambres,
A ce désastre se joignit la famuie chez le
peuple par la disette des vivres et le de'faut
d'argent. Enfin le Tibre , en reprenant son
cours, emporta drs îles dont le séjour des
eaux avait ruiné les fondemens. Mais à peine
le péril passé laissa-t-il songer à d'autres
choses , qu'on remarqua que la voie flami-
niennc et le '-hamp de Mars , par où devait
passer Othon étaient comblés. Aussi-tôt ,
sans songer si la cause eu était fortuite ou
naturelle, ce fut un nouveau prodige qui
présaj;eait tous les malheurs dont ou était
menacé.
Ayant puriGé la ville , Othon se livra aux
soins de la guerre ; et voyant que les Alpes
Pcnnines, les Cotiennes , et toutes les autres
avenues des Gaules étaient bouchées parles
groupes de Vitellius , il résolut d'atlaqucr la
L 2
ioo TRADUCTION
ao-o-rcdi statnit , classe valida et partibiis
fidà ; quod rcliqnos cEesorum ad poutem
Milviimi , et sacvitiâ Galbœ in custodiam
babltos, in nmucros legioiiis coraposuerat ;
facta et cœtcris «pcs hoiioratioris in postcrum
militiir. Addidit classl urbanas cobortcs , et
pleiosque è pvEetoiiauis , vires et robnr cxcr-
citûs, atqiie ipsis ducibus coiisilium et cus-
todes. Snmma expcditionis Antonio Novello ,
Siicdio Clementi primipilaribus , ^HviUio
Pacensi , cui adcniptum à Galba tribuua-
tum leddidciat , penuissa. Curaiu navium
Oscns libcrtus rtf.nebat, ad observandam
boncstioniui lidem invitatus. Pcditum equi-
tuuiquecopiis^'7/t'/ow///.f Fanlimis, Marins
Ceisus, AnninsGallus , rt-ctoies destinai!.
Sed plnrima Gdes Licinio procnlo piœtoiii
pv.Tftcto. Is urbana: niilitiœ impigcr , liello-
runi insoicns, anctoritatem P<77////./ , vlgo-
reni CV/.vz , nialuiitatem Galli , ut cuiqno
erat , crlminando , qnod fa;;illimnm factii
est , pravus et callidus l)ouos et laodcstos
auteibat.
DU LIVRE T. DE TACT TE. 2ci
Gaule naibouaise avec une !>oniic flotte dont
il était sur ; car il avait rétabli en lëgioa
ceux qui avaient échappé au massacre du pont
Milvius et que Galba avait fait cuiprisonucr ,
et il i)rouiit aux autres légionnaires de les
avancer dans la suite. Il joignit à la même
flotte avec les cohortes urbaines , plusieurs
prétoriens , l'élite des troupes , lesquels ser-
vaient en même- temps de conseil et de garde
aux chefs. Il donna le commandement de
cette expédition aux primipiiaires ^/z^<?«/«j
Novellns et Snedius Cleinens , auxquels i
joignit Eiuilliis Pacensis ^ en lui rendant
le tribunat que Galba lui avait ôté. La flotte
fut laissée aux soins i\.^Osciis affranchi ,
f\}.y Othoii charpu'a d avoir l'œil sur la 6dé!ité
des généraux. A l'éïrard des troupes de terre,
il mita leur tctc Suctonijis Faulintis ^Idarius
Cclsns f et y^nnius Gallui. Mais il donu;i
sa plusgrandeconlianceà Llciniiîs Procitlus
préfet du prétoire. Cet liommc , officier vi-
gilant dans Rome , mais sans expérience à la
guerre ^ blâmant l'autorité de pait'in , la
vigueur de Celsius , la maturité' de Câlins ,
tournait en mal tous les caractères, et, ce qui
n'est pas fort surprenant, l'emportait ainsi
L 3
£02 T K A D U C T I O Tî
Sepositus per eos dies Coriielius Data"
'jf),ella in colouiaui Aquinatem , iiequc arctâ
pustodiâ , noque obscinâ ; nullum ob crimcn ,
çed vetnsto uomine , et propinqnitate Galbai
monstiatus. Multos èmagistiatibiiS;,niagnain
ponsularium partcm , OZ-^l'O , non participes
put miiiistros bello scd comitum spccie ,
secum expcdiri jubct. In qucis et L. T'iLel-
îium , eodcm que çœteros cultu , ncc ut
imperatoris fratiem , nec ut liostis. Igilur
:^^notœ urbis curae , nullus oido metu aut
pciiculo vacuus, Primores senatùs aetate inva-
lidi , et longâ pace desidcs , sci;nis et oblita
]t)cllorum nobilitas, ignarus îuililia; eques ,
quauto niiigis occnltarc ac abdcre pavorem
^itebaiitur , Uianiltstiùs pavidi. Ncc deciaut
ç contrario qui ambitiouc stolidâ , conspicua
flrma , insignes equos , quidam luxiniosos
{loparatus convlvioruui et irritamenta libi-»
fVnHim , nt instrumenta belli mcrcarentur.
gppiçflÙbV'S (juicùs et leipublicsc cura 5 îcYJs-»
DU LIVRE I. DE TACITE no3
par sou adroite méchanceté sur des cens
xueilleurs et plus modestes que lui.
Environ ce temps-là , CorneUiis Dolahclla.
fut relégué dans la ville d'Aquin , et gardé
moins rigoureusement que sûrement , sans
qu'on eût autre chose h lui reprocher qu'une
illustre naissance , et l'amitié de Galba. Plu-
sieurs magistrats et la plupart des consulaires
suivirent Cthon par son ordre , plutôt sous
le prétexte de l'accompagner que pour par-
tager les soins de la guerre. De ce nombre
était Lucius p'itelUus qui ne fut distingué
ni comme ennemi , ni comme frère d'un em-
pereur. C'est alors que les soucis changeant
d'objet , nul ordre ne fut exempt de péril
ou de crainte. Les premiers du sénat ,
chargés d'années et amollis par une longue
paix , une noblesse énervée et qui avait ou-
blié l'usage des armes , des chevaliers mal
exercés , ne fesaient tous que mieux déceler
leur frayeur par leurs efforts pour la caclîer.
Plusieurs cependant , guerriers à prix d'ar-
gent, et braves de leurs richesses , étalaient,
paruneimbéciile vanité, des armes brillantes,
de superbes chevaux, de pompeux équipages ,
çt tous les apprêts du Iwxe et de la volupté,
204 TRADUCTION
siiuus quisqiic, et futuri improvidus , spe
vanâ tuniciis. Multi amictâ fidc in pacc ,
ac turbatis rébus alacrcs , et per iucerta
tutlssiuii.
Scd vulgiis et magnitiidine tiînaiâ com-
mun ium curarum expeis populus , scntive
paulatiin hclli inala , conversa in uiilitum
usuui omni pccunià , intentis alimentorinu
prctiis: quœ motu fiiidicis haud perindè
plebcm attriverant , securà tuiu urbc, et
provinciali belle , quod intcr Icgiones Gal-
liasque velut extcrnum fuit. Nam , ex quo
divus y^itgiistns rcs Cacsarum composnit ;
procul et in unins sollicitudinem autdccus
populus romatius bellaverat. Snb Tiherio et
Caio , tantîim pacis advcrsa pcrtlmuerc.
Scriîjon/afii conli-d ClanJiinn incepta simul
audita et coercila. Xcro nnnciis mngis et
rumoribus quàm arniis depulsus. Tnin le-
gioncs classesquc , et , quod raro alias ,
piuctoriauus urbanusquc miles , iu acicm
DU LIVRE I. DE TACITE. 2o5
pour ceux de la guerre. Taii'iis que les sn^çs
veillaient au repos cle la republique , mille
ctourdis sans prévoyance s'cnor^uei'iiissaitnt
d'un vain espoir. Plusieurs qui s'étaient mal
con.luits durant la paix, se réjouissaient de
tout ce désordre, et tiraient du danger présent
leur suictc pL'rsonnclle.
Cependant le peuple dont tant de soins
passaient la portée, vojant aujj,iiienter le
prix dos denrées , et tout l'argent servir à
l'entretien des troupes, connnenca de sentir
les maux qu'il n'avait fait que craindre après
la rc voile de T'index , temps où la i^ucrre
ailiiiue'e entre les Gaules et les lésions, lais-
sant Rotne et l'Italie en paix , pouvait passer
pour externe. C;ir depuis c^vC Auguste eut
assuré l'empire aux Césars , le peuple romain
avait toujours porté ses armes au loin, et
seulement pour la gloire et l'intéict d'un
seul. Les rè.i^nes de Tihcre et de Colignla
n'avaient été que menacés de guerres ci-
viles. Sous Claude , les premiers monve-
inens de Scril>oniauus lurent aussi-tôi répri-
més que connus ; et Néron même tut expulse
])ar des rumeurs et dis bruits , |)h!lùt quo
par la force des armes. r»lais ici l'on avait
2o6 T R .\ D U C T I O ?C
deducti , Oiicus Occidensque , et quidqnit]
iitrimque virium est à tergo : si ducibus alil*
beliatuni foret , longo bello materia. Fuerc
qui proficisccnti Othoni iiioias leligionem-
que uondum conditorum ancilium aBcrrcnt :
asperiiatus est omneni cunctatipneta , ut
Xveroni quoque exitiosam ; et Ccecina.^ jSiUî
Alpes trausgiessus , extituulabat.
Piidic idus martii comnicndatâ patribui
ïcpublicà, rcliquias nevouranaium scctionuvu
ïiondutu iii liLiciiiu conversas rcvocalis ah
cxsilio coucessit : justissimiiui doiuuu et ia
specicin maguificuui , sed fcstinatâ exactionc,
usu stérile. Mox Tocalà concione , luajcsta-
tem urbis , et conscusum populi aç seuatùs
pro se attollcns , adversum viteUiauas partes
modeste disseruit; iuscitiam potiùs legio-.
îiuin quàm audaciam iiicrcpaiis , iiullâ T iid-.
m incutiouc ', siyc ipsius ea moderalio , sev\
DU LIVRE I. DE TACITE, ttoy
sous les yeux des légions , des flottes ; et ce
qui était plus rare encore , les milices de
Rome et les prétoriens en armes. L'Orient et
roccident , avec toutes les forces qu'on
laissait derrière soi, eussent fourni l'aliment
d'une longue guerre à de meilleurs géné-
raux. Plusieurs s'amusaut aux présat^ès
voulaient qvCOthon différât son départ jus-
qu'à ce que les boucliers sacrés fussent
prêts: mais excité par la diligence de Cecina
qui avait déjà passé les Alpes, il méprisa
de vains délais dont Néron s'était mal
trouvé.
Le quatorze de Mars, il chargea le sénat
du soin de la république , et rendit aux
proscrits rappelés tout ce qui n'avait point
encore été dénaturé de leurs biens confisqués
par Néron : don très-juste et très-magnifi-
que en apparence, mais qui se réduisait
presque ti rien par la promptitude qu'on
avait mise à tout vendre. Ensuite , dans une
harangue publique , il fit valoir en sa faveur
la majesté de Rome, le consentement du
peuple et du sonat , et parla modestement
du parti contraire , accusant plutôt les
légions d'erreur que d'audace , sans faire
2o8 TRADUCTION
sci-iptor oratlonis sibi uietuens , coiUnmcllis
in yitcUiniii al)stiuuit ; quaudo , ut iu con-
siliis milltiœ Snetonio PauHno et 3Jario
CeJso , ita inrcbus urhauis Galcrii Trachaii
ingenio OtJionem uti credcbalur ; et crant
qui getius ipsum orandi uoscercat, crcbvo
foil usu cclchrc , et ad impicndas popuU auios
latuui et sona.i?. Clamor voccsque vulgi ,
ex nioic adîilaudi, nluiiae et falsœ ; quasi
dictatorcm C^sarcm aut iuiperatorcm ^ii-
gustnm pioscqucrcnlur, ita Mi.diis votisque
certabant ; nec uiclii aut atuore , sed es
libidiuc servitii , ut iu familiis , privaia
cuique stimulatio , et vile )am dccus publl-
cuin. Pioltctus Otho quictcui urbis curas-
que impeiii iîahio Titiaiio fratri pcrmisit.
DU LIVRE r. DE TACITE. 209
aucune mention de P^iteîlus , soit me'iinçre-
ment de sa part, soit précaution de la part
de l'untcur du discours : car co/nmc 6*^/7075
consultait Siiét07ie , Paulin , et Marias
Ceisussuv la guerre, on crut qu'il se servait
de Galerius Trachalus dans les afiaires
civiles. (Quelques-uns démélcTent n.émc le
genre de cet orateur, connu par ses f.équens
plaidoyers, et par son style ampoulé pro-
pre à remplir les oreilles du peuple. La
liaraiigue fut reçue avec ces cris, ces applau-
disscmens faux et outrés qui sont l'adulatioa
de la multitude. Tous s'efforçaient à l'envi
d'étaler un zèle et des vœux dignes de la
dictature de César, ou de l'empire d'^«-
guste ; ils ne suivaient même en cela ni
l'amour, ni la crainte, mais un pencl.anC
i^as et servile ; et comme il n'était plus ques-
tion d'honnêteté publique , les citoyens
n'étaient que de vils esclaves flattant leur
maître par intérêt. Otlwn en partant rc.nit
à Sahius Titianus son frère le gouvcrae-
mcut de Rome, et lo soin de l'empire.
Mélanges. Tome V. ]y;
TRADUCTION
D E
SL'APOCOLOKINTOSIS
DE SENEQUE.
Sur la mort de t empereur Claude.
U i
L. A. s E N E C ^E,
CLAUDII CiESARIS.
APOKOLOKINTOSIS.
f/uin actum sit in cœlo antc dicm tcr-
tiiim eidus octobiis , As'niio Marcello ,
Acilîo Ai'iola Coss. auno uovo , initio socculi
felicÎKsiuii , volo iii(inoii;r tiadcrc. Nihil
oîfcnsœ vcl gratiit dabitur. Ha?c ita vcia si
quis quicsierit uudè sciaiu : priuuuii , si uo-
luero , non rcspondebo. Quis cnaeturus est?
Ego scio me libeium faclum, ex quo sumn
diem obiit ille qui veruni jirovtibimii i'ccc-
rat, aut regciu aut fatuuui luisçi opoilcre.
TRADUCTION
DE L'APOCOLOKINTOSIS
DE SENEQUE,
Sur la mort de. V empereur Claude,
J K veux raconter aux hommes ce qui s'est
passé dans les cicux le treize octobre , sous
le consulat à'Asinius Marcellus et d'^c/-
husAriola.àan'i la nouvelle année qui com-
mence cet heureux siècle ( i ). Je ne tcrai m
tort, ni j^vàcc. Mais si Ton demande com-
(i)Qiioiqi'e les jeux séculaires cus,«eat éxé
célclu es par Arbuste , Claude prétendant qu'il
avait mal calculé, les Ht célébrer aussi : ce qui
donnait à rire au peuple quand le crieur public
annonça dans la forme ordinaire, des jeux qua
nul homme vivant n'avait vus ni ne reverrait ; car
iion-sculcrnent plusieurs personnes encore \iv unies
avairiu vu ceux iV Auguste , mais même il y eut des
liistrions qui jouèrent aux uns et aux autres , et
V'uelllus n'avait pas honte de dire à Claude malj^r»
}a proclamation ; stxpe fucias.
»i4 TRADUCTION
Si lilnierlt respondere , dicam quod mihï
in biicaiu venerit. (^iiis uiiqnam ab historico
jurato res exegit ? Taineii si nccessc fucrit
auctorem proclucere , quacrite ab eo qui
Drusillam euntem in caelutn vidit. Iden»
Claudium vidisse se dicet iter facicntem ,
non passibus aequis. Vellt, iiolit , ncccsse
est illi omuia vidcie quae in cœlo agantur-
lAppiae viai ciirator est , quà scis et divum
^^ugustum f et Tiberhmi Cxsareni ^^AAçof
isse. Hune si iiitcriogaveris , soli narrabit ;
corani pluribus umiquam vcrbuui facict :
Jiam ex quo in seuatu juravit se Drusillam
vidisse cœluni asceudeutcm , et illi pro tam
bouo nuncio ncmo cicdidit quid viderit ,
^01 bis couceptis affirmavit se non indicatu-;
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 2i5
Tnent je suis si bien instruit ? prcmièvement
je ne répoudrai rien, s'il me plait ; car qui
m'y pourra coutraindre ? Ne sais-je pas que
trie voilà devenu libre par la mort de ce
galant-homme qui avait très-bien vérifié le
proverbe , qu'il faut naître ou monarque ou
sot ?
Que si je veux répondre , je dirai comme
«n autre tout ce qui me viendra dans la tète.
Demanda-t-on jamais caution à un bistoncu
juré ? Cependant, si j'en voulais une , je n'ai
qu'à citer celui qui a vu Drusille monter au
ciel ; il vous dira qu'il a vu Claude y monter
aussi tout clochant. Ne faut-il pas qne cet
homme voie , bon gré malgré , tout ce qui se
fait là-haut ? N'est-il pas inspecteur de la voie
appienne par laquelle on sait qu' y^u^uste et
Tibère sont allés se faire dieux? Mais ne l'in-
*cnogez que téte-à-tcte , il ne dira rien en
public ; car après avoir juré dans le sénat qu'il
avai t vu l'ascension de Z?/7/5'/7/<', indigne qu'au
mépris d'une si bonne nouvelle personne no
voulût croire à ce qu'il avait vu , il protesta
en bonne forme qu'il verrait tuer un liomm»
eu pleine rue qu'il n'en dirait lii'u. Pour moi
2i6 TRADUCTION
ruiii etiainsi in inedio foro lioniinçm yidisset
occisiun. Ah lioc ego qua-ciimquc audivi ,
oeitc Clara affero , ita iHum salvum et felicem
habeam.
Jam Piiœbus breviore via contraxerat ortum
Lucis , et obscuri crescebant tempora somni.
Jamque suum victrix augebat Cynthia rognum;
Et deforrais hiems giatos carpebat bojiores
Divitis autumui, visoque scnesrere Baccbo.
Carpebat raras sprus viudemitor uvas.
Puto magis intelligi si dixero , raensis crat
octobtr, dies tertius eidus octobiis. Horam
non possum tibi certain dicere; faciliùs iiiter
pliilosophos qnàm iatcr horologia convcnict.
Tauieii inter sestam et scptimam erat. Nimiùs
lusticc acqiiicsciuit oneri poetœ, non cou-
tenti ortus et occasiis describcrc , ut eliam
médium dtem inquieteut. Tu sic tiausibis
lioram tam bonam ?
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 217
je peux jurer par le bien que je lui souhaite,
qu'il m'a dit ce que je vais publier. Déjà ,
Par un plus court chemin l'astre qui nous éclaire
JJiiigeait à nos yeux sa course ioumalière ;
Le Dieu fantasque et brun qui préside au repos ,
A de plus longues nuits prodiguait ses jiavots.
La blafarde Cyuthie aux dépens de son frère.
De sa triste lueur éclairait rbémispbèic ;
l'A le diforme hiver obtenait les honneurs,
De la saison des fruits , et du Dieu des buveurs.
Le vendangeur tardif, d'une main engourdie,
Oioit encor du cep quelque grappe flétrie.
Mais peut-être parlerai-je aussi clairement
en disant que c'était le treizième d'octobre.
X l'égard de l'heure , je ne puis vous la dire
exactement , mais il est a croire que là-dessus
les philosophes s'accorderont mieux que les
horloges (2). Quoi qu'il ta soit, suppo-
sons qu'il était entre six: et sept ; et puisque
(2) La mort de C/aurfe fut long-temps cachée au
peuple , jusqu'à ce (\uAgrippine eût pris ses mesures
pour ôter l'empire àBritaniiicus et l'assurer à Néron.
Ce qui fil que le public n'eu savait exuctemcnt ni
Ei8 TRADUCTION
Jam médium eursu Phœtus divîserat orbem; .
Et propior nocti fessas quatiebat habenas,
Obliquo flexam deducens tramite lucem.
Claudius auimam agere cœpit, nec inve-
nire exltum poterat. Tum Mercurius , qui
scmper ingenio ejus delcctatus esset , unaiu
de tribus Farcis cducit , et ait : Quid fociuina
crudelissima hotniuem iniserum. torqueri
pateris , ncc unquam meritum , ut tamdiijp
cruciaretur ? Annus sexagesimus et quartus
est , ex quo cum anima luctatur. Quid huis
invides ? Patere uiathcmaticos aliquaudo
verum diccre , qui illum , ex quo princcp*
laetus est , omuibus mcusibus efferunt. Et
tamen non est mirum si errant : horam ejus
nemo uovit. Nemo eniiu illuui unquam
natum putarit. Fac quod facieudum est.
Dede Tioci;^ mel^or vacuâ sine reguet in aulâ. '
"DE L'APOCOLOKINTOSIS. sr^
iîoii contens d'écrire le commencement et Ict
fia du jour, les poètes, plus actifs que des
ïnanœuvrcs , n'en peuvent laisser en paix le
milieu ; voici comment dans leur langue
j'exprimerais cette heure fortunée :
T)c\i\ du haut des cieux le Dieu de la lumière ,
Avait en deux moitiés partagé l'hémisphère;
Et pressant de la main ses coursiers déjà las ,
Vers rhespériijue bord accéléraij: leurs pas.
Quand Mercure que la folie de Claude
avait touj ours amuséjV^oyant sou ame obstruée
de toutes parts chercher vainement une issue »
prit à part uiio des trois Parques , et ini dit:
Comment une femme a-t-elle assez de cruauté
pour voir un misérable dans des tourmens
si longs et si peu mérités ? Voilà bientôt
«oixante-quatre ans qu'il est en querelle avec
son ame. Qu'atteuds-tu donc encore ? souffre
que les astrolo;.;ues , qui depuis sou avènement
annoncent tous les ans et tous les mois sou
trépas, disent vrai du- moins une fois. Ce
n'est pas merveille, j'en cou viens, s'ils se trom^
pent en cette occasion : car qui trouva jamais
son heure , et qui sait comment il peut rendra
l'esprit ? Mais u'importe ; fais toujours ta
M 6
a»o TRADUCTIO??f
Sed ClotJio : Ego meliercule , inquît ;
pusiiiùni tcmporis adjicere illi volebam , dum
lios pauculos qui supcrsunt , civitate donare*.
Constitucrat cniru omncs Gi£ecos , GalLos ,
Hispaiios , Britannos , togatos videie. Scd
quoniaiu plàct't allquos pcrcgrinos iu semea
iclinqui , et tu ita Jubc3 ficii , fiât. Aperit
tum t;;ipsulam , et très fusos proFert : unus
crat ^-///^v/;//?/, al ter ^^i^o?^ tertius ClandiL
ïlos, iiiquit, très uno anuo, cxiguis tempo-
ïum inlcrvallis divises , luori juliebo : iicc
illura incomitatutn diiiiittam. Non oportet
«nim cum qui modo se tôt millia bominura
sequentia vidcbat , tôt prc-ecedcntia , tôt tir-
cuiuFusa , subito solum destitui. Couteutus
erit bis intérim convictoribus.
Hœc ait , et turpi coiivolvens stainina fuso
Abrnpit flohilne legaba tempora vit.-*
At Lachesis rethmita comas, ornara capillo»,
Pierià crinem ]aiuo fioiuomrfue roronans ,
C«ndidft de niveo subtemina vcllere »umit,
DE L'APOCOLOKINTOSIS. as»
charge , qu'il meure , et cède remplie au
plus dijjiic.
Tiaiment , re'poildit Clotho , je voulais lui
laisser quelques jours pour l'aire citoyens ro-
maius ce peu de geus qui sont encore à l'être,
puisque c'était 90u plaisir de voir Grecs ,
Gaulois , Espaj;nols , Hretons , et tout le
inonde eu toge. Cependant , comme il est bou
de laisser quelques étrangers pour graine ,
soit fait selon votre volonté'. Alors elle ouvre
une boîte et en tire trois fuseaux : l'un pour
Augnrïniis ^ l'autre pour 7> «7 Z-e, etle troisième
pour Claude. Ce sont , dit-elle , trois per-
sonnages que j'expe'dierai dans l'espace d'un
an , à peu d'intervalle entr'eux , afin que
celui-ci n'aille pas tout seul. Sortant de sa
voir environnède tant de milliers d'iiommes,
que deviendrait-il abandonne tout d'un coup
à lui-même ? mais ces deux camarades lui
suffiront.
Elle dit, et d'un tour fait sur un vil fuseau.
Du stui>i(.le mortel abrégeant l'agcnie ,
Elle tranche le cours de sa royale vie.
A l'instant Lachesis , une de ses deux sœurs ,
iJaus un habit par« de fcstoas dC de ileurs ,
322 TRADUCTION
Felici moderanda manu ; quse ducta colorera j
Assumpsere novum : mirantur pensa soror&s.
Mutatur vilis pretioso lana métallo :
Aurea formoso descendunt saecula fllo.
Wec niodus est illis , felicia vellei-a ducunt ,
Et gaudent implere manus , sunt dulcia pensa.
Sponte suâ festiiiat opus, nulloque labore
Mollia contorto descendunt staraina fuso.
Vincunt Titlioni , vincunt et Nestoris annos.
Phœbus adcst caniuque juvat , gaudefqueFuturis
Etlaetusnunc plectramovet,'nuncpensamioistrat :
Detinet intentas cantu , fallitque laboceni.
Dumque iiimis citliaraiu , IVatcrnaquc carmin!
laudant ,
Plus solito nevere manus ; humanaque f'ata
SLaudatuni transcendit opus, Ne demite , Parère,
Phœbus ait: vincat niortalis tempora vitos
Ille mihi similis vultu , similisque décore ,
Nec cantu , nec yoce minor : felicia lassis
Sœcula prœstabit , legumque silentia rumpct»
Qualis discutiens fiigionria lucifer astra ;
Aut qualis surgit redcuntibus besperus astris ;
Qualis cùm primùm teuvbris aurona solulis
Induxit rubicunda diem , sol aspicit orbem
Lucidus , et primos è carcere concitat axes :
Talis Caesar adest , talcm jani Roma Neronenx
Aspicit , et flagrat nitidus fulgore remiseo
Quitus, et ailuio çcrvix l'ormoM capilla.
DE L'APOCOLOKINTOSI^. 22^
Et le front couronné des lauriers duPermesse,
D'une toison d'argent prend une b-lanche tresse.
Dont son adroite main forme un fil délicat.
Le fil sur le fuseau pread un nouvel éclat ;
De sa rare beauté les sœurs sont étonnées ;
Et toutes à l'envi de guirlandes ornées,
Voyant briller leur laine , et s'enrichir encor ,
Avec un fil doré filent le siècle d'or :
De la blanche toison la laine détachée,
Et de leurs doigts légers rapidement touchée ,
Coule à l'instant sans peine , et file et s'embellit 5
De mille et mille tours le fuseau se remplit.
Qu'il passe les longs jours et la trame fertile
Du rival de Céphale et du vieux roi de Pyle.
Phœbus , d'un chant de joie annonçant l'avenir.
De fuseaux toujours neuf s'empresse à les servir ;
Et cherchant sur sa lyre un ton qui les séduise.
Les trompe heureusement sur le temps qui s'é-
puise.
Puisse un si doux travail , dit-il , être éternel !
Les jours que vous filez ne sont pas d'un mortel :
Il me sera semblable et d'air et de visage ,
De la voix et du chant il aura l'avantage.
Des siècles plus heureux renaîtront à sa voix j
'Sa loi fera cesser le silence des lois.
Comme on voit du matin l'étoile radieuse
Annoncer le départ de la nuit ténébreuse ;
Ou tel que le soleil , dissipant les vapeurs ,
Ivend la lumière au monde, et rallégiesse au?
cœurs :
M'el Ct'sar va paraître, et la tpric cblouio
A ses premiers rayons est déjà rcijoure.
^24 T R A D U C T I O îf
Hacc JtpoUo ; at Lachesis , qncc et ipsa
liomini fortissimo favcrct , fccit , et pleiiâ
orditur mauu , et Neroni niultos annos de
suo donat. Claudium autcm jubcnt omnes
XeiipovTuç , êu^>,fi2uvrcc j tKTriuvin è'if^.ai. Et
ille quidem animam cbulliit , et eo dcsiit
viveie videri. Exspiravit autem dum comœ-
dos audit , ut scias me non sine causa illos
timcrc. Ultima vox ejus intcr hoinincs audila
est , cùmmajorcm sonitum emisissct ilià parte
quâ faciliùs loquebatur : Va» me , pnto, cou-
cacavi me. Quid autem fc^erit, «cscio: omnia
certè concacavit.
Quœ in terris postea sint acta , superra-
cuum est rcfcrre. Scitis enim optimè , uec
periculum est ne excidaut quae mcmoria-
publicum gaudium impresseruut. Ncmo fcli-
citatis suac obliviscitur. In cœlo quec acta
sint , audite : fidcs pcnes auctorem crit. Nun-
ciatur Jovi veuisse qucmdam bonae statura-,
iene canum , nescio quid illum minari i
assidue cnim capnt movere, pedcm dextruni
trabfçre. Qu.tsisse se, cuju» uatiouis e«set l
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 225
Ainsi dit yipollon ; et la Parque lionoiant
]a sia'ifle aine de Néron , ajoute encore de
son chef plusieurs années à celles qu'elle lui
file à pleines mains. Pour Claude ^^ow^ ayant
opiné que sa trauie pourrie fut coupe'e , aussi-
tôt il cracha son ame, et cessa de paraître en vie.
Au moment qu'il expira il e'coutait des co-
me'diens; par où l'on voit que si je les crains
ce n'est pas sans cause. Après un sou fort
bruyant de l'organe dont il parlait le plus
aisément , son dernier mot fut : Foin ! je me
suis ejnhrené. Je ne sais au vrai ce qu'il lit
de lui , mais ainsi fesait-il de toutes choses.
Il serait superflu de dire ce qui s'est passe
depuis sur la terre. Vous le savez tous , et il
n'est pas à craindre que le public eti perde
la mcnioirc. Oublia-t-on jamais son bonheur?
(^)uant à ce qui s'est passe au ciel , je vais
vous le rapporter ; ot vous devez , s'il vous
plait m'en croire. D'abord on annonça à Ju-
piter un quidam d'assez bonne taille, blanc
couune une chèvre , branlaiU la tête, et traî-
nant le pied droit d'un air fort extravagant.
lulcriojè d'où il était , il avait murmuré
326 TRADUCTION
respoudisse nescio quid , pcrturbato sono
et voce confusâ , non intelligerc se linguam
cjus : nec giacciim esse, nec romaaum , uce
ullius geutis iiotoe.
Tum Jupiter Herculem , quia totum
orbem teirarum perenaverat , et nossc vidc-
hatur omnes natioucs , jubet ire et explorais
quorum hominiim esset. Tum Hercules pri-
mo aspcctu saaè perturbatus est , ut qui etiam
iiou omuia monstra timue'rit : ut vidit novi
generis faciem , insolitum incessuui; vocem
iiullius terrestris anlmalis, sed ( qualis css©
marinis belluis solet ) raucaui et implicatam
putavitsibi tertiumdecimumlaborcmTcuissc.
Diligentiùs intueuti, visus est quasi homo.
Accessit itaque , et quod facillimum fuit Grœ-
culo , ait ;
T«î jro^fy £.'î ùii'faii J ^3-/ rat -TrrôXi?,
Ubi liaec Clandiiis , gnudct esse illic phi-
lologos liomiiics , sperat futurum aliquem
lustonis suis locum. Itaque et ipse honurico
ycrsu céîsarcm se esse significans , ait ?
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 227
entre ses dents je ne sais quoi , qu'on ne put
entendre , et qui n'était ni grec , ni latin ,
ïii dans aucune langue connue.
Alors Jupiter s'adressant à Hercule , qui
ayant couru toute la terre en devait con-
naître tous les peuples , le chargea d'aller
examiner de quel pays e'tait cet homme. Her-
cule , aguerri contre tant de monstres , ne
laissa pas de se troubler en abordant celui-
ci : frappe' de cette étrange face , de oe mar-
cher inusité , de ce beuglement lauque et
sourd , moins semblable à la voix d'un animal
terrestre qu'au uuigissemcnt d'un monstre
marin : Ah ! dit-il 3 voici mon treizième
travail. Cependant en regardant mieux il crut
démêler quelques traits d'un homme. Il
l'arrête , et lui dit aise'ment eu grec bieu
tourné :
D'où vions-tu , quel es-tu , de quel p^iys cs-tu ?
A ce mot Claude , voyant qu'il y avait là
des beaux esprits , espéra que l'un d'eux écri-
rait son histoire ; et s'annonçant pour césa»
par un des vers à." Homère , il dit :
2?8 TRADUCTION
Erat autciu sequeus versus verior, ccquî
homericus ;
<»C« ^' iyùv TirôXi)/ (73-pxSov ^ aMa-tc c^' aùroùt.
Et iinposuci-at IlerniU honiini uiiuimS
vafro , nisi fuisset illic Fcbris , quae fano suo
rehcto sola cum illo venerat : caeteios oinne»
deos Romîe rcliqucrat. Iste, inquit , mcra
uicndacia narrât. Ego tibi dico , qiicc cimi
ipso tôt annos vixi , Lugduni natus est :
Marci municipem vides: quod td)i narro ,
ad scxtum deciinum lapidem à Vicimà natus
wt, Gallus Germanus. Itaque quod Gallum
facere oportebat, Romani cœpit. Hune ego
tibi recipio Lugduni uatum , ubi Luinius
inultos annos regnavit. Tu autcni qui j)Iih.i
loca calcasti quàm ullus mulio pcrpotuarius,
Lugdiineuses scirc clcbos , et mul ta millia iutcr
Xaatum et Rbodanum iutcrrcssc.
Excandcssit hoc loco Claudius, et qnnnto
potest murmure irascitur.QuiddiocrctjUcuio
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 229
Les vents m'ont amené des rivages troyens.
Mais le vers suivaut eût été plus vrai :
r)ont j'ai détruit les murs, tué les citoyens.
'»
Cependant il en aurait imposé à Herait
qui est un assez bon-lionime de dieu , sans
la Fièvre qui , laissant tontes les autres di-
vinités à Rome , seule avait quitté son tem-
ple pour le suivre. Apprenez , lui dit-elle,
qu'il ne fait que mentir ; je puis le savoir,
moi qui ai demeuré tant d'années avec lui :
c'est un bourgeois de Lyon ; il est né dans
les Gaules à dix-sept railles de Vienne; il n'est
pas romain, vous dis-je , c'est un frane gau-
lois , et il a traité Rome à la gauloise. C'est
un l'ait qu'il est de Lyon où Licinius a
commande si long-temps. Vous qui avez couru
plus de pays qu'un vieux muletier, devez
savoir ce que c'est que Lyou , et qu'il y a
loin du Rhône au Xante.
Ici Claude enflammé de colère , se mit à
-gro^ucr le plus haut qu'il put. Voyant qu oi>
a3o TRADUCTION
intcUigcbat. llle autcm FeJjrim duci jubebat "
illo gestu soiutas manûs , et ad boc uuum
satis firniac, qno decollare bomines solebat.
Jusserat illi collum praecidi. Putarcs omnes
illius esse llbcrtos , adeo illum nemo curabat,
Tum Hercules : Audi me, inquit, tu, et
desinc fatuaii ; venisti bue ubi mures ferrum
rodunt : citiùs mibi verum , ne tibi alo'Tias
e-xcutiam. Et quo tcrribilioresset, tragicus fit,
et ait :
Exprome properè , sede quâ genitiis cluas ,
Hoc ne peremprus stipite , ad terrain acci Jàs.
Haec clava reges saepe mactavit feros.
Quid nunc profatu vocis incerto sonas ?
Quœ patria , q-iae gens mobile eduxft caput ,
Edissere : equidem re^na tergeniini petens.
Longinqua régis , u:if!e ab besperio mari
Inachiam aJ urbein iiobile advexi pecus.
Vidi duobus imminens fluviis ju£;um
Quod Pbœbus ortu semper obverso videt :
CJbi Rhodanus ingens amne prœrapido fiuic ,
Ararque dubitans quo suos cursus agat ,
Tacitus quietis alluit ripas vadis.
Estne illa tellus spiritûs altrix rui ?
Î)E L'APOCOLOKINTOSIS. 2S»
ire l'entendait point , il fit signe qu'on arrêtât
la Ficivrc ; et du geste dont il fesait décoller
les gens , ( seul mouvement que ses deux
ïnains sussent faire) ordonna qu'on lui cou-
pât la tête. Mais il n'était non plus e'couLé
Quc s'il eût parlé encore à ses affranchis (3).
Oli , oL ! l'ami , lui à\t Hercule , ne va pas
lairc ici le sot : te voici dans un séjour où
les rats rongent le fer ; déclare promptement
la vérité avant que je te l'arrache. Puis pre-
aiant un ton tragique pour lui en mieux
imposer , il continua ainsi :
Nomme à l'instant les lieux où tu reçus le jour ^ \
•Ou ta race avec toi va périr sans retour.
De grands rois ont senti cette lourde massue,
Et ma main dans ses coups ne s'est jamais déçue 5
Tremble de l'éprouver encore à tes dépens.
Quel murmure confus entends-je entre tes dents?
Parle , et ne me tiens pas plus long-temps en attente ;
Quels climats ont produit cette t(5te branlante ?
( 5 ) On sait combien cet imbécille avait peu de
considération dans sa maison : à peine le maftro
du monde avait-il un valet qui daignât lui obéir.
Il est étonnant que Sénèque ait osé dire tout cela,
lui qui était si courtisan ; mais Agripplne avair
besoin àa lui , et ^1 le «avait bien.
a32 TRADUCTION
Hajc satis animosè et fortiter. "Niliiloiiiinui
mentis sLiac non est , et tiuiet ftapod :rAi?y>j»-
Clandins , ut vidit virum valenteni, oblilus
iiugarum , iatellexit neminem parem sibi
Romaî fnisse , illlc non liahcrc se idem gialia;;
Galhim in suo Jteiqniliulo plurnnùni possc.
Itaque quautùm iuteliigi poluit , bscc visus
est dicere.
Ego , te , fortissime deornm , Hercules ,
speravi inilii affutuium apud alios : et si qiiis
à me notorein petiisset , le fni nominalurus,
qui me optimè nosti. Nani si mcinoiià repe-
tis , ego eram qui tibi aute tciupUim iniun
ju> dicebaiu totis dicbus meuse julio et au-
guste.
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 233
Jadis dans l'Hespérie au triple Gérion
J'allai porter la guerre , et par occasion ,
De ses noble's troupeaux ravis dans son otable
riainenai dans Ar^^os le trophée honoraVj'e.
En route , aux pieds d'un mont doré par l'orient ^
Je vis se réunir daus un séjour riant,
Le rapide courant de l'impétueux Rhône ,
Et le cours incertain de la paisible Saône.
Est-ce là le pays oiî tu reçus le jour ?
Heicnle en parlant de la sorte alTcctait plus
fl'intrcpiditc qu'il n'en avait dans l'auie , et
ijc laissait pas de craindre la uiain d'un ton.
Mais Claude lui voyant l'air d'un lioniuie
résolu qui n'entendait pas raillerie , jugea
qu'il n'était pas là comme à Rome . ou nul
n'osait s'égaler à lui , et que par-tout le coq
est maître sur son fumier. Il se remit donc
à grogner , et autant qu'on put rentcudrc
il sembla parler ainsi :
J'cs|)crais , 6 le plus fort de tous les dieux !
que vous me protégeriez auprès des autres , et
que si j'avaiscu à me renouimcr dequclqu'im,
c'eut été de vous qui nie connaissez si bien.
Car souvencz-vous-cn , s'il vous plaît , quel
autre que moi tenait audience devant votre
temple durant les mois de juillet et d'août ?
Mélanges, l'omc V"; H
û3^ TRADUCTION
-usto. Ta sels quautùm illic iniserîarurfi
pertulerim,cùmcausidicos audirem , et dlem
et nocteiu: iu quos si iucidisses , valdè fortis
licet , malaisses cloacas ^«^îoj'purgare : multb
plus ego stercoris exliausi. Sed quoniam volo ;
non mirum , quod impetuiu iu curiam fecisti-.
niliil tibi clusi est.
Modo die nobis qualein dcum istum Dcri
relis : £V<«ay>io? ^ios non potcst esse , .urf
uCto? srpZyy,» 'îx.'-^ , àun uXXoii Trufi^u.
Stoieus? quomodo potest rotundus esse (ut
ait f'arro) sluc eapite , siuc pracputio ? Est
aliquid in co î'oici dei: )ara video , née cor
ïiec caput babet. Si uiehercule a Saturno
pctiibset boc beneûeium , cujus mensem toto
anno celcbravit satuinalia , ejus princeps non
tulisset. Illuui dcum ab Joi>e , quem , quau-
tùm quidem in illo fuit , damuavit incesti.
X. Synaiiuvi enim gencrum suum occidit.
Oro pcr quod soiorcin suam , festivissimam
omnium pucllaïuni , quam oraues f'enereva.
vocareut , maluit Junonem vocaic. Quarc ,
iiiquit, quacio eu.iiii j soro.rem suam stnltç
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 235
"Vous savez ce que i'ai soiiffert là de misères
70ur et nuit, à la merci des avocats. SoyeîS
sûr , tout robuste que vous êtes , qu'il vous
a mieux valu purger les étables ù' yiiigias ^
que d'essuyer leurs criajlleries ; vous atex
avalé moins d'ordures ( 4 ).
Or, dites-nous quel dieu nous forons ds
cethomuie-ci ? En ferons-nous un dieud'^;yi-
ciire , parce qu'il ne se soucie de personne,
ni personne de lui ? Un dieu stoïcien qui ,
dit P'arron , ne pense ni u'cngendie? n'ayant
ni cœur ni tête , il semble assez propre à le
devenir. Eh ! Messieurs, s'il eût demande cet
honneur à Saturne même , dont , présidant
à SCS jeux , il fit durer le mois toute l'année ,
il ne l'eût pas obtenu. L'obticndra-t-il de
Jupiter qu'il a condamné pour cause d'in-
ceste autant qu'il était en lui , en fcsant
mourir Syllanus son gendre , et cela pour-
quoi ? parce qu'ayant une sœur d'une liu-i
tueur cUarmantc et que tout le monde appelait
(/() Il y a ici très-évidemment une lacune quft
je ne vois pourtant mar<juéu dans aucune édition.
N :i
236 TRADUCTION
studere? Athcuisdiinidiuuilicet, Alexandiinp
totum. Qviia Romac , inquit, mures molas
lingunt ; hic nobis curva corrigit. (^iiid iii
cubiculo suo faciat, iicscio : etiam cœli sciu-
tatur plaças , deus licri vult. Param est quod
teinplum in Britanuià habet , quod luiiic
barbari colunt , et ut ckuui oraut. A>.ù(o\t
^i>iCiTou y If IV. I
Tandem Jovi venit in mentcm , privnti»
intra curiam morantibus scntontiaMi diccie
née disputarc. E^o , inquit, P. V.. iiiteiio-
gaie vobis permiseram , vos meia inapalia
fecistis. Yolo scrvetis disciplinaui cnnœ.
Hic , qualiscuinquc e^t , quid de uobij
CKistimabit ?
DE i;APOCOLOKINTOSIS. 287
yéiiiis, il aima mieux l'appder J^/iwo/z. Quel
si grand crime est-ce donc, direz-vous de fêter
discre'tcment sa sœur ? La loi ne le permet-
elle pas à demi dans Athènes , et dans l'Egypto
en plein ? ( 5 ) . . . . A Rome oli ,
à Rome igiioree-vous que les rats mangent
le fer ? notre sage bouleverse tout. Quant ^
lui , j'ignore ce qu'il fesait dans sa chambre,
mais le voilà maintenant furetant le ciel pour
se faire dieu , non content d'avoir en Angle-
terre un temple oii les barbare» le servent
coftime tel.
A la fin Jupiter s^ avisa qu'il fallait arrêter-
les longues disputes , et faire opiner chacua
à sou rang. Pères coiiscripts , dit-il à ses col-.
lègues au-lieu de» interrogations que je vout
avais permises, vous ne faites que battre la.
campagne ; j'entends que la cour reprenne,
ses formes ordinaires : que penserait de
nous ce postulant quel qu'il soit ?
(5 ) On sait qu'il était permis en Egypte d'épouser
•a sœur Je pc-re et de mère , et cela était aussi ])er-
inis à Athènes , mais pour la sœur de mère seu-
lement. Le mariage d'jf/pi/J«c« et de Cimonen fourni
Vf 3
23B TRADUCTION
Illd dimis>o , primus iutenogatm- senten-
t'iam Janris Patcv. Is dciignatuscrat in kalend.
julias postmcridianus Cos. homo quantumvis"
Tafer , qui scmper videt «^e» -arç» g-itùi y.»)
«'vla-Tù). ïs nuilta diserte, quod In foro vivat ,
dixit qiue notarius pcrscqvii non potuit : et
idf o non refcro , ne aliis verbis ponam ., quse
ab illo dicta suut. Multa dixit de magnitu-
dine Deoinm : non dcberc hune vnlgo dari
honorcm. Olim , iiiquit, magna rcs eiat deum
ficri : jam famà nimiùui fecisti. Itaque ne
\ide4r in personam, non in icm sentcntiam
diceie, cen?eo ne qnis post hune dicui dcn*
fiât ex bis qui ufoo^r,? KupTron icourtv ', aut ex nis
quos alit ^u^<^fof u^ovfu. Qui contra boc
S. C, deus lactus , ûctus pictusve erit , cum
dedi larvis , et proxinio munerc in ter novos
auctoratos , feiulis yapulare placct.
DE L'APOCOLOKINTOSIs. sS^
L'ayant donc fait sortir, i! alla aux voix,
en commençant par le père Jamis. Celui-ci
consul d'uuc aprcs-dinée , désigné le premier
juillet, ne laissait pas d'être houimç à deux
envers , regardant à-la-fois devant et derrière.
En vrai pilier de barreau il se mit à de'biter
fort d.sertemcnt beaucoup de belles cboses
que le scribe ne put suivre, et que je ne ré-
péterai pas de peur de prendre un mot pour
l'autre. 11 s'étendit sur la grandeur des Dieux,
soutint qu'ils ne devaient pas s'associer des
faquins. Autrefois, dit-il , c'était une grande
affaire que d être fait dieu , aujourd'hui ce
n'est plus rien. (6) Vous n'avez déjà rendu
cet hommc-ci que trop célèbre. Mais do
peur qu'on ne m'accuse d'opiner sur la per-
sonne , et non pas sur la chose, mon avis
est que désormais on ne déiiie plus aucua
de ceux qui broutent l'herbe des champs j
ou qui vivent des fruits de la terre. Que si
malgré ce sénatus- consulte quelqu'un d'eux
(6) Je ne saurais mo persuader qu'il n'y aîc
pas encore uno lacune entre ces mots : OVim^
injit'u , magna ics trat daxim fieri : et ceux-ci , jam
fainâ nimiùinfecisti. Je n'y vois ni liaison ni transi»
tien , ni aucune espèce de sens k les lire aiusj
de suite.
^40 TRADUCTIOÎ*
Proxiraus interrogatur sentenliam dicspitcF
f'icœ-Putœ filius , et ipse designatus Cos-
numinulariolus. Hic quaestu se sustiuebat ,
vendere civltatulas solebat. Ad huncce belle
accessit Hercules , et auriculam ei tctigit.
Itaque in hacc vcrba censet : Cùm divu»
Clandius divuin Augustum sanguine con-
tingat , nec minus divaui /4ugustam aviatn
suam quàm ipsc dcam esse jussit, longèque
omnes uiortales sapicntià antecellat , Mtque
è republicà cssc aliqucni qui cum Roniulq
possit
Ferveniia râpa vorare ;
ccnseo, ut D. Claudius ex hac dir deu*
fiât , ita uli aiite eum quis optimo jure tactut
sit : eauique rciu ad fciTUfio^ÇÛ(nt Ofiaii
adjiciendam.
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 241
s'ingcrc à l'avenir de trancher du dieu , sott
de fait , soit en peinture , je le de'voue auï
larves , et j'opine qu'à la première foire sa
dcite' reçoive les étrivières , et soit mise eu
vente avec les nouveaux esclaves.
Après cela vint le tour du divin fils d«
f^ica Poia désigné consul ^,rippe-sou , et
qui gagnait sa vie à grimeliuer, et vendr»
les petites villes. Hercule passant donc à celui-
ci , lui toucha galamment l'oreille , et il opina
dans ces termes : K ttendu que le diviu Claude
est du sang du diviu Avguste et du sang do
la divine Livie son aïeule , à laquelle il a
uiême confrrmé son brevet de déesse , qu'il
est d'ailleurs un prodige de science, et quo
le bien public exige un adjoint à l'écot de
iiomulus ; j'opine qu'il soit dès ce jour créé
et proclamé dieu en aussi bonne forme qu'il
s'en soit jamais fait , et que cet évcticmeat
soit ajouté aux métamorphoses à^Ovidc.
342 TRADUCTION
Variaeeiaut sententiae, et videbatur Cîau-
'dius seutemiâ viiiccrc. Hercnles enim , qui
yideret ferium suum iu igné esse , modo hue
MiQd o illuc cursabat ; et aiebat : ÎN oli mihi mvi-
deie, inea res agitnr ; deiude si quid volueris,
invicem faclaiii ; manus manum lavât.
Tune divus yiiigustus surresît sentetttJae
«use diccndcc , et suivmâ facuudià dissciuit.
p. C. vos testes ba))co , ex quo dcus factvvs
sum , nullnm verbum me fccisse ; semper
lueum negotium ago : sed non possuiu aiii-
çliùs dissiaiulare , et dolorem quem gravio-
xem pudor facit , contiuere. la hoc terra
ïiiarique pacem peperi ? idco civilia bella
«ompescui ? ideo Icgibus lubem fundavi ,
"operibus ornavi ? Et quid dicani , V. C. non
iuvenio : omuia infra indignationem verba
suut. Confugieiidum est itaqne a me ad
J\Jessalœ Cori--iiii disertissimi viri illam scn-
tentiam : Prsecidit jus imperii. TIic , P. C.
qui nobis non possc v idctnr lunscam cxci tare ,
tom facile koruiucs occidcbat , quàm canis
Î)E L'APOGOLOKINTOSIS. «4$
■ Quoiqu'il y eût divers avis , il paraissait
que Claude l'emporterait \ et Hercule , qui
sait battre le fer taadis^qu'il est chaud cou-
lait de côté et d'autre , criaat : Messieurs , ua
p«u de faveur ; cette affaire-ci m'intéresse;
dans une autre occasioa vous disposerez aussi
de ma voix : il faut bien qu'une main lave
i'autre.
Alors le divin AugTiste s*étant levé,pé-«
iora fort pompeusement, et dit : Pères cons-
cripts, je vous prends à témoin que depuis
que je suis dieu je n'ai pas dit un seul
xnot; car je ne me mêle que de mes aEFaires:
mais comment me taire en cette occasion ?
comment dissimuler ma douleur qne le dé-
pit aigrit encore ? (^est donc pour la gloira
de ce misérable que j'ai rétabli !a paix sur
mer et sur terrç, que j'ai étouffe les guerres
civiles , que Rome est affermie par mes lois
et ornée par mes ouvraoes ? O pères cons-
cripts ! je ne puis m'exprimer; ma vive in-
diguatiou ne trouve point de termes ; je no
puis que redire avec l'éloquent jUJessalai
I/Etat est perdu. Cet imbécile, qui paraît no
pas savoirtroublcrdci'oau , tuait les homme
comme des mouches. iVIais que dire d« tailt
544 TRADUCTIOTC
exta edit. Scd quid ego de tôt acribus Tiris
dicam ? Non vacat dcflcre publicas elades
ântuenti doincsllcamala. 1 taquc illa omittam ,
JiEec refcram. Etiamsi Plwnnea giœcè uescit ,
ego scio. ElNTlKOlSTONTfKHJNAlHSsenes-
cit. Iste qncm videtis , per tôt aanos sub
»aeo nominc latens , bauc mihi giatiam
«etuUt , ut diias Julias proueptes nicas
«ccideiet , alteram ferro ; alteram famé ;
unum abuepotem , L. Syllanmn. Vidcris ,
'Jupiter^ an in caussâ malà ceitc in tuà , si
tic intcr nos futurus est. Die inibi , dive
C'iandiy quare queniquam ex bis quos quas-
que occidisti , antequam de causa cognos-
ceres , antequam audlres , dauinasti ? Hoo
fieri solet? in cœlo non fit. Ecce Jupiter,
gui tôt annos régnât , uni P'ulcano crut
régit, quem
et îratus fuit uxoii , et suspendit illam : num
quid occidit? Tu M<r.viV7////^/TO cujus aqut;
«vuaculu* wajor cram «juàw tuus , occi-
d'illustros
Î)E L'APOCOLOKINTOsrs. 24a
'd'illustres victiuKs? Ces désastres de ma
famille me laissent-ils des larmes pour leS
toialheurs publics? je o*ai que tJ-op à parler'
des miens. (7) Ce galant homme que vous
Voyez protégé par mon nom durant taafi
d'années, me marqua sa reconnaissance en
fesant mourir Lucius Sillanus un de mes
arrières - petits neveufc , et deux- Julies nies
arrièresMKtilts nièces , l'une par [s fer, l'autre
par ia iaim. Grand ^7^;7//cT, m vous l'ad-
mettez parmi aious , à tort ou non , ce sera
sûrement à votre bhlme. Car , dis-moi , je
te prie, ô divin Claude, pourquoi tu'lis
tant tuer âe gens sans les entendre , sans
même t'iiiformer de leurs cl-inics ? c'éioit ma
coutume. Ta coutume ? ou ne la cotinait pas
ici. Jupiter , qui rè-ne depuis tant d'an-
nées , a-t-il jamais rien fait de semblable?
^uand il estropia son bis , le tua-t-il ? quand
il pendit sa femme, l'ctrangla-t-il ? Mais
( 7 ) Je n'ai point traduit ces mots : Ètmmsi
Vhormca pracc nescit , ego scio. ENTIKONTO-^
Kl KHNAIHS senesclt , ou se nescit , parre qufl
en'y enrcnrls rien du tout. Peut-être aurais-jd
trouve quelque éclaircissement dans le<= a.iagea
d Erc.me , mais j.. ne suis pas à portée dé Ué
coniujier.
flSélanges. Tome V; Q
246 TRADUCTION
disti. Nescio , inquis? Dii tibi malefacîant :
adeo istud turpius est, qubd nescis , quàru
quod occidlsU.
Iste C Cœsarem noa desiit mortuum pro
sequi Occiderat illc soceium : hic etgeuerum.
Calu.Cœsar Crassi filium vetuit magauiu
vocari : hic nomeri ilU reddidit , caput tuht.
Occidit ia uuâ domo Crassum magnum,
Scrihoniam , Tristioniam , Assariencin ,
iiobilcs tamcu Crassum vcib tam fatuum ,
„t etiamresuareposset.Cositate,PX. qualo
portentum iu numerumdcorum serec.p. cu-
Piat Huncuuucdcumfacerevultis? videto
corpus c-,us , d.ls iratis uatum. Ad summam
tria vcrba cito dicat , et servum me ducat.
Hune deuxu quis colet ? quis credet ? Dcnique
dnm talcs deos facitis , ncmo vos deos esse
cvedet. Summerei,P. C. si honestè inter vos
c^essi , si nuUi duriùs respondi , vind.cate
^ • '0= «leas E'-o pro sententiâ meâ Uoa
injurias ineas. e-o" 1
ccnsco. Atquc ita es. tabellâ recitayit.
DE L'APOCOLOKINTOSis. 247
toi , n'as-tu pas mis à mort Messaline dont
j'étais le grand-oncle ainsi qne le tien ? (8)
Je l'ignore, dis-tu? Misérable! ne sais-tu
pas qu'il t'est plus honteux de l'ignorer quo
de l'avoir fait ?
Enfin Ca'ius Calîgula s'est ressuscité dans
son successeur. L'un fait tuer sou beau-
père , (*) et l'autre son gendre. (**) L'un
défend qu'on donne au fils de Crassus lo
surnom de grand , l'autre le lui rend , et lui
fait couper la tête. Sans respect pour un sang
illustre , il faitpérir dans une même maison
Scribonie , Tristionit , u4ssarion , et même
Crassus le grand , ce pauvre C rassus si
complètement sot qu'il eut mérité de régner;
songez , pères conscripts , quel monstre ose
aspirer à siéger parmi nous ! Voyez, cozn-
(8) Par l'adoption de Drusus , Auguste était
l'aïeul de Claude ,• mais il était aussi son grand-
oncle , par la jeune Antonia , mère de Claude et
nièce à' Auguste.
(*) M. Syllanu!.
(** ) Fompchts Mafias.
O 2
34S
TRADUCTION
Quandoquidem divus Claudius occldlt
soccrum suum Appium SyUaninn , geueros
duos pompeium Jiiagnum et Syllatium ,
socerum filiai suse Crassuni , frugi liominem ,
tam slmilera sibi , quam ovo ovum,^rrï-
boniam socrum filisDsua; , Messaliiiain uxo-
rem suain , et caeteros , quorum nume-
rus iniri non potuit ; placet niilii in eiim
sevcrè animadverti, nec illi leiuru judican-
daruni vocationcm dari ', eumque quàm pri-
jnùm exportari , et cœlo intra dics xxx excé-
der© , Olympo iutia dleui tcrtium.
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 24^
ineut déifier une telle figure , vil ouvrage des
Dieux irrites ! A quel culte ,à quelle foi pour-
ra-t- il prétendre ? qu'il réponde , et je
me rends. Messieurs, si vous donnez la
divinité à de telles gens, qui diable recon-
naîtrala vôtre ? Enun mot, pères conscripts ,
je vous demande , pour prix de ma complai-
sance et de ma discrétion , de venger mes
injures. Voilà mes raisons , et voici mon
avis :
Comme ainsi soit que le divin Claude a
tué son beau-père Applns SWaniis , ses
deux gendres pompeius Magnns et Lnciiis
Syllamis, Crassus beau-père de sa tille , cet
homme si sobre , ( 9) eten tout si semblable
à lui, Scribonie bclie-mcre de sa fille, iJ/c*-
saliue sa propre femme, et mille autres
dont les noms ne finiraient point; j'opme
( f) ) Je n'ai guère besoin , je crois , d'avertir que
r-e mot est pris ironiquement. Suétone, après avoir
dit qu'en tout temps , en tout lieu Claude était tou-
jours prêt à manger et boire , ajoute qu'un jour
ayant senti de son tribunal l'odeur du dîne de»
Saliens , il planta là toute l'audience , et couru»
se mettre à table avec eui^
O 3
25a TRADUCTION
Pedibus in hanc sentcntiam itum est.Nco
mora, Cyllcuius illum colo obtorlo tralxLt
ad iuferos ,
Illuc unde negant redire queraquara.
Dnm descenduntper viaiu sacram , intcrvo-
gat 3Ie rcuriu s quid sibi velit iUe concmsus
liominum , num Clnudii funus essct ? Et
erat omnium formos^issimum , et iuipensâ
cura plénum , ut scires deum efFcni , tibici-
num , cornici.ium , omnisque gencns aeneato-
rnm taiita turba , tantus couventus , ut
ctiam Claudins audire posset. Onuics laeti ,
hilares. P. Rotu. ambulabat ta.i.quam liber.
Agatho , et pauci causidici plorabant , sed
plané ex a.iimo. Jurlsconsulti è tenebris pro-
cedebant , pall.di , graciles , vix habeutesani-
raam , tamquam qui cum maxime revivisce-
reiit, Exhis uuus cùm vidissct capita coufc-
DE L'APOCOLOKINTOSÎS. sSr
qu'il soit sévèrement puni, qu'on ne lui per-
mette plus de siéger eu justice, qu'enfin
banni sans retard , il ait à vider l'Olympe
ea trois jours , et le ciel en lui mois.
Cet avis fut suivi tout d'une voix. A l'ins-
tant le Cyllcnien (*) lui tordant le cou ,
le tire au séjour.
D'où nul, dit-on, ne retourna jamais.
En descendant par la voie sacrée , ils
trouvent un grand concours, dont Blercure
demande la cause. Parions dit-il, que c'est
sa pompe funèbre; et en effet la beauté du
convoi , où l'argent n'avait pas été épargné,
annonçait bien l'enterrement d'un dieu. Le
bruit des trompettes , des cors , des instru-
mcns de toute espèce , et sur-tout de la
foule , était si grand , que Claude lui-mèmo
pouvait l'entendre. Tout le monde était dans
l'alégrcsse : le peuple romain marchait lé-
gèrement comme ayant secoué ses fers.
^galhon et quelques chicaneurs pleuraient
tout baï dans le fond du cœur. Les juris-
( * ) M'^rcuie.
%53 TRADUCTION
Tentes, et fortuuas suas déplorantes causicti-i
cos , accedit , et ait: Diçebam vobisj NoQ
semper saturnalia erimt ;
Clmidius , ut vidit funus sninii , intcUexife
se movtiunn esse. Ingetiti enita «£y«A>;yoçi'<«
nEBYia cantabatur auapacstis.
Fundite fletus..
Edite planctiis ,
Fingite luctus ,
Resonet tristi
Clamore forum;
Cecidit pulchre
Coidatiis liomo ^
Quo non alius
Fuit in toto
Fortior orbe»
Ille citato
Vincere rursu
Poterat celeres;
Ille rebelles
Fundere Parthos,
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 253
consultes maigres , e.ténucs , (lo) commen.
caient a respirer, et semblaient sortu- du
tombeau. Ua d'cntr'cux voyant les avocats
la tête basse déplorer leur perte, leur dit en
8'approchant : Ne vous le disais-,e pas, que
les saturnales ne dureraient pas toujours .
Claude en voyant ses funérailles comprit
cnlin qu'il étaitmort. On luibeuglaitàpleine
tète ce chant funèbre en jolis vers hcptasyl-
labes.
O cris , ô perte , û douleurs !
De nos funèbres clameurs
Fesoiis retentir la place ;
Que chacun se contrefasse ;
Crions d'un commun accord ;
Ciel ! ce grand homme est donc morti
Il est donc mort ce grand homme !
Hélas ! vous savez tous comme, •
Sous la force de son bras ,
Il mit tout le monde à bas.
Fallait il vaincre à la course ?
Fallait-il jusque sous l'our.'^e ^
Des Bretons presque ignort's.
Du Caucc aux cheveux doiés
( lo ) Un juge qui n'avait d'autre loi qup sa vo-
lonté donnait peu d'onvragc à ces messieurs-là.
s54 TRADUCTION
Levibusfjue seijui
Persida telis ,
Certaque rrunu
Teiidere net vum :
Qui prœcipiies
Vulneie parvo
Figeret Lostes ,
Pictaquo Medi
Terga fugacis.
Ille Britannos
Ultra noiî
Littora ponii^
Et caerulfios
Scuta Brigantas
Dare romuleis
Colla caihenis
Jussir, et ipsum
Nova romanae
Jura securis
Tiemcre Oceanum.
Deflete virura ,
Que non alius
Potuit ciiiùs
DisrcMe raussas ,
Uiiâ tantùin
Parle andiiâ ,
Sœpe et neutrâ.
DE L'APOCOLOKINTOSIS. sSS
Mettre l'orgueil à la chaîne ,
Et sous la hache romaine
Faire trembler l'Océan ?
Fallait-il en moins d'un an
Dompter le Parthe rebelle ?
Fallait-il d'un bras fidelle
Bander l'arc , lancer des traits
Sur des ennemis défaits ,
Et d'une audace guerrière
Blesser le Mède au derrière?
Notre homme était prêt à tout,
De tout il venait à bout.
Pleurons ce nouvel oracle,
Ce grand prononceur d'arrêts ,
Ce Minos ijus par miracle
Le ciel forma tout exprès.
Ce phéuix des beaux génie»
K 'épuisait point les parties
En plaidoyers superllus ;
Pour juger sans se méprendre
Il lui «uf'lisait d'entendre
Une des deux tout au plus.
Ouel autre toute l'année
Voudra siéger désormais ,
Et n'avoir, dans la journée,
De plaisir que les procès ?
Minos, cc'?dez-lui ia place ;
Déjà son ombre vous chasse.
Et va juger auK cniers.
Pleurez , avocats à vendre ,
Vos cabinets sont déserts.
O 6
256 TRADUCTION
Quis nunc judeJÇ
Toto Hies
Audiet auno ?
Tibi jam cedet
Sede leliciâ,
Qui diit populo
Jura silenti ,
Cretœa tenens
Oppida renlum-.
Caedite mœstis
Pectora palmis »
O causidici ,
Vénale genus :
Vosquc poetns
Lugete novi ;
Vosque iinprimis
Qui conçusse
Magna parastîa
Lucra fi ilillo,
ÎDcîectabatur laudibus sms C^audii/s , et
cupicbat diutiùs spectarc.Iujicit illi mauum
Talthybius dcoium uuncius , et trahit capite
obvoluto , ne quis cum possit agnoscere ,per
çampum Martium ; et in ter Tybcrim etviaœ
t^tam desQQndit ad iufçros.
DE L'APOCOLOKINTOSIS. z^j
Rimeurs , qu'il daignait entendre,
A qui lirez-vous vos vers ?
Et vous, qui comptiez d'avance
Des cornets et de la chance
Tirer un ample trésor,
Pleurez , brelandier célèbre ,
Bientôt un bùclier funèbre
Va consumer tout votre ox-
Claude^c deleclait ci entendre ses louanges,
et aurait bien voulu s'arréfcr plus long-temps.
Mais le héraut des Dieux lui mettant la main
au collet, etlui enveloppant la tête de peur
qu'il ne fût reconnu , l'entraîna par le champ
do Mars , et le lit descendre aux cufcrs catr©
îç Tibre et la voie çouyerte.
th^ TRADUCTION
Antecesserat jam coiiipeudiariâ via A^ar-
cissus libertus , ad patrouiim excipieiidum,
etvenienti nitidus, ut crat à balneo , occur-
lit , et ait : Quid dii ad homines ? Celeriùs ,
iuquit Blejcurius , et venire nos auncia. 111e
autem patroiio plura blandiri volcbat, queni
Mercurius iterum festiuare jussit ; et virgâ
inorantera irupulit. Dicto citiùs Narcissus
evolat. Omnia piocliva sunt , facile descen-
ditur. Itaque quamvis podagricus esset ,
momento tcmporis pcrvenit ad januam Ditis :
ubi jacebat , ut ait Horatius , belliia cciiti-
ceps , sese movcus , villosquc horiendos ex-
cutieus. Piisillùm superturbalur , ( albam
catieui in dcllciis habere consuerat) ut iihuu
vidit cancin uigruiu villosuiu saiic , quciu
non vclis tibi iii tenebrisoccurrcie. Et inagnà
inquit toc« : Claudius Coesar veuit. Ecce
extemplo cum plausu prtfccduut cantaatcs :
Hic erat C. SUiusCo^. desig. Jmiins Pre-
lorius , Sex. TraUiis j M. Hehius Tro^us
Cotta f Tectiis f'alens ^ jt^alnus , E<{»*
, DE L'APOCOLOKITÎTOSIS. 269
Narcisse ayant coupé par im plus court
chemin , vint frais sortant du bain au-devant
de son maître, et lui dit: Comment! les
adieux chez les hommes ? Allons , allons , dit
Mercure , qu'on se dépêche de nous annoncer.
L'autre voulant s'amusera cajoler son maître,
il le hâta d'aller à coups de caducée , et
Narcisse partit sur-le-champ. La pente est
si glissante, et l'on descend si facilement,
que , tout goûteux qu'il était , il airiveenua
moment à la porte des enfers, A sa vue , le
monstre aux cent tétcs dont parle Horace^
s'agite, hérisse ses horribles crins ; et Nar~
cisse accoutumé aux caresses de sa jolie le-
vrette blanche , éprouva quelque surprise à
l'aspect d'un grand vilain chien noir à long
poil , peu agréable à rencontrer dans l'obs-
curité. Il ne laissa pas pourtant de s'écrier
à haute voix : Voici Claude César. Aussi-
tôt une foule s'avance en poussant des cris
de joie et chantant ,
Il viont , rcjouissons-nous.
Parmi eux étaient Caïus Silius consul dé-
signe , Juiiius Prœtorius , Sextius Trallus ,
Hdvius Trogus , Coita 3 Tectus , Talens ,
26o TRADUCTION
Rom. qnos A'arcissus duci jusserat. Médius
erat iti hac catitaulium turbâ Mnestcr pan-
tomimiis, qucui Claudins decoris causs$
miuorem fcciMat. Nec uoti ad Messalinam
cito juuior pcicrepuit , Claiidiinn venisse ;
convolarmit piiuium omnium libeiti , Poly-
l)ius , BJyron , Harpocras , j^mphœus y et
Pheronactes , quos omncs uecubi imparatiis
esset, praemiserat. Dcinde praEfecti duo,
Justns Catonius , et Ru fus Pompeii filius.
Deiiide amicl , Satuniius Lucius , et Pcdo
Fompcius , et Jjupus j et Celer ^ yîsinius ,
consularcs. Novissiraè fratris filia , soiovis
Ëlia , gcner , socer , socius , oumes plané
consanguinei. Etagmine factoC/û!7/Jiooccur-
runt. Quos cum vidisset Claudins ^ excla-
mât : Ii(i.iTii (pîXùv 7r>i>;fi ; quomodo vos hue vc-
nistis ?
TatnPedo Pompcîus : Quid dicis ,honio
cvudeîissime ? Qr-ncris quomodo ? Quis enim
iios alius bue misit quam tu, omnium ami-
corum iaterfcctor ? In jus eamns ; ego tibi
hîc sellas osteudam. Ducitillnm ad tribunal
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 261.
Fabius , chevaliers romains que Narcisse
uvait tous expédies. Au milieu de la troupe
chantante était le pantomime yîf7/é'.?/f/- à qui
sa beauté avait coûté la vie. Bientôt le bruit
que Claude arrivait parvint jusqu'à illessa-
Une ; et l'on vit accourir des prcîniers au-
devant de lui SCS affranchis Palybç- , Myron j
Harpocrate , jdmphœus ^ et Pheronacte ,
qu'il avait envoyés devant pour préparer sa
jnaison. Suivaient les deux préfets Justus
Catonius et Riifus fils de Pompée ; puis ses
amis Satnrnius Lucius ^ tl Pedo Pompeïus
^\. Lnpns 3 et Celer Asinius , consulaires.
£nfia la tille de son frère , la fille de sa
sœur j sou gendre , son beau-père, sa belle-
mère ,et presque tous ses parcns. Toute cette
troupe accourt an-dcvant de Claude qui, les
voyant, s'écria : Bon ! je trouve par-tout d.cs
3mis ; par «J^ucl hasafd étes-vous ici ?
Comment , scélérat ^^'APedo Pompeïus y
par quel hasard ? Et qui nous y envoya quo
toi-mcuie , bourreau de tous tes amis ? Viens,
viens devant le juge \ ici je t'en montrerai le
çhcnjiu. Il le mène au tribunal d'2i'a'/w<^, le-
362 TRADUCTION
^aci ;is lege Corucliâ , quae de sicariis lata
est ,quaerebat, Postulabat nomen ejup rccipi;
editsubscriptioueui : occisos seuatoresXXX,
équités roiti. CCCXV , atque plures , caeteros
CCXXI. \<ru, i^tiftciêôs TTi xôfii Tt.
Extciritus Claudins oculos undecumque
circunifcrt , vestigat aliquem patronnm qui se
defenderct. Advocatum non iuvenit. Tandem
procedit/-*. Petronius ^ vctus couvictoicjns ,
homo Claudiaiiâ linguà di>;ertus , et postu-
lat advocationem, Noa datur. Accusât Pedo
Pompeius magnis clamoribus. Incipit Petro-
7ZZ7/J vclle rcspoudcrc. yEaciis homo justissi-
mus , vetat. Illum tantùm altéra parte auditâ
coudemnat , et ait :
iiKi Ts-ûioi rcc K tpe^ty è^Ut] t lèita yivoiTa.
Itigenssilcutiumfactnm est. .Stupeba ut om.
nés novitate rci attouiti : ncgabaiit hoc un-
quain factum ; Claudio iniquiim itiar;is vi-
debatur quàiu uovuui. De gcucre pœiiac diu
disputatuui est, quid illum pati oporicret.
Eraut qui dicereut , si uai dii laturam fecis-
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 268
quel précisément se fesait rendre compte do
la loi Coraélia sur les meurtriers. Pedo fait
inscrire son homme , et présente une liste de
trente sénateurs , trois cents quinze chevaliers
romains, deux cents vingt et un citoyens,
et d'autres en nombre infini, tous tués par
ses ordres.
Claudt effrayé tournait les yeux de fous
côtés pour chercher un défenseur ; mais aucun
ne se présentait. EiiQn P. Petronius soa
ancien convive , et beau parleur comme lui,
lequit vainement d'être admis à le défendre.
Pedo l'accuse à grands cxx's, , Pétrone tache
de répondre; mais le juste Eagne le fait
taire , et après avoir entendu seulementrune
des parties , condamne l'accusé eu disant :
Il est traité comme il traita les autres.
A ces mots il se fit un grand silence. Tout
le monde étonné de cette étrange forme la
soutenait sans exemple ; innis Claude la
trouva i)liis inique que nouvelle. On disputa
îoDg-tcmpssur lapeiuc qui lui serait imposée.
264 T R A D U C T I O j?f
Sent, Tantalum siti pcritnrum , nisi illi suc-
curieretur ; non unquam Sisiphiim onere
elevari ; aliquando/x/ow/^ miseri rotam suf-
jSauiiiiandam. Nou piacuit illi ex veteranis
Uîissioucm dari , ne vel Claudius imquam
simile speiaret. Piacuit novam pœnam exco-
gitaii deberc , institucndum illi laboiem
irrituni , et alicujus cupidatis spccies sine
Eue et aOicctu. Tum yEacus jubet illuiu alcâ
liidcrc pertuso fritillo ; et jam cœpcrat fu-
gieutes semper tesscras (juœrcre , et nihil pio-
ficerc.
Nam quoties missurus erat résonante fritillo ,
Utraque subducto fiij^iebat tessera fundo :
Cùmque rerollectos auderet mittere talos ,
Lusuro similis semper semperque petenti ,
Decepere fidem : refngit , digitosque per ipsos
Fallax assidiio dilabitur aléa furto
fiic rùm jam snmml tanguntiir fulmina montis,
Irrita Sysipho volvuntur pondéra coUo.
CE L'APOCOLOKINTOSIS. 265
Quelques-uns disaient qu'il fallait faire un
échange, c^ut Tantale mourrait de soif s'il
n'était secouru; qu Ixion avait besoin d'en-
rayer, et Sysiplie de reprendre haleine : mais
comuie relâcher un véte'ran c'eût été laissera
Claude l'espoir d'obtenir un jour la nîémo
grâce , on aima mieux imaginer quelque nou-
veau supplice qui l'assujettissant à un vain
travail , irritât incessamment sa cupidité par
une espérance illusoire. ^«'yz/eordonna donc
qu'il jouât aux dès avec un cornet percé; et
d'abord on le vit se tourmenter inutilement
à courir après ses dés.
Car à peine agitant le mobile cornet ,
Aux dés prêts à partir il demande sonnet,
Que malgré tous ses soins entre ses doigts avides,
Du cornet défoncé , panier des Danaïdes ,
11 sent couler les dés ; ils tombent, et souvent
Sur la table , entraîné par ses gestes rapides ,
Son bras avec effort jette un cornet de vent.
(11) Ainsi pour terrasser son adroit adversaire
Sur l'arûn* , un athlète enllummé de colère ,
( 11 ) J'ai pris la liberté de substituer cetta
comparaison à celle de Sysiphc , employée pas
fl^nhiue et trop rebattue depuis cet auteur.
266 TRADUCTION
Apparuk subito C Cxsar , et petcre illum
in servitutera cœpit : producit testes , qui
illum videiaut ab illo flagris , ferulis , cola-
phis vapulantera. Adjudicatur C. d^sari :
illum ^acus donavit. Ts Menandro libcrto
«uo tradidit , ut à coguitioaibas ei csset
DE L'APOCOLOKINTOSIS. 267
Du ceste qu'il élève espère le frapper ;
L'autre gauchit, esquive , a le temps d'échapper ;
Et le coup frappant l'air avec toute sa force ,
Au bras qui l'a porté donne une rude entorse.
La-dcssus C^7//^7//<a; paraissant tout-à-coup,
se mit à le réclamer comme son esclave. Il
produisait des témoins qui l'avaient vu le
charger de soufflets etd'ctrivières. Aussi-tôt il
lui fut adjuge' par Eaque. Et Caligula lo
donna à Ménandre son. aB'ranchi pour en
faire un de ses gens.
O L I N D ^
O L I N DE
E T
S O P H R O N I E ,
TIRÉ DU TASSE.
HJcIan^s, Tome Yt
L A
GERUS ALEMME
L I B E RA T A,
CANTO SECOND O.
XVxESTRE il tiranno s'apparechia all'armi ,
Soletto Jsmeiio un di gli s'appresenta ;
Jsmen che trar di sotto ai chiusi maruii
Puo coipo estinto c far clie spiri e senta ;
Jsmen clie al suoude' mormoranti carmi
Sin nella reggia sua Pluto spaventa ,
Ei suoi Démon negli euipi unBcj iinpicga
Pur corne servi , c gli discioglie , c lega.
Questi or Macone adora , c fu cristiano,"
Ma i priml riti anco lasciar non puotc;
Anzi soveutc in uso impio e proFano
Confoude le due leggi a se xual uotc.
TRADUCTION
PU C O ]M M E N C E M E N T
DU SECOND CHANT
DELA
JÉRUSALEM DÉLIVRÉE,
Contenant VHistoire d'Oliuda
et de 6'ophronie.
J. ANDis que le tyran sepre'pareà la guerre,
Isuiène un jour s^e préi^ente â lui ; Ismène qui
de dessous la tombe peut faire sortir un corps
mortel lui rendre 1<; sentiment et la parole j
Jsmene qui peut, au son des paroles magi-
ques , cïïvaycY P/nton jusqu'en son palais, qui
commande aux dëtuonsen maître, les emploie
à ses œuvres impies , et les enchaîne ou dclie
à son gre',
Cbre'tien jadis , aujourd'hui mahométan , il
n'a pu quitter tout-à fait ses anciens rites ; et
les profanant à de criminels usages , mêle et
confond ainsi les deux lois qu'il connaît mal.
Mainteuaut du fond des antres oii il exerce
P a
372 O L I N D K
Ed or dalle spelouclie , ove loiitano
Dal vulgo cscrcitar suo 1' art! iguole
Vien nel publico lisclilo al suo siguoie.^
'A rc malvagio cousigUer peggiore.
Signor , dicea, scnza tardar sea vieu%
Il viucitor eseicito tetnuto;
Ma facciam nol cio chc a uoi far convienne ;
Darà il ciel , darà il mondo ai forti ajuto.
Ben tu cli le , di duce hai lutte piene
Le parti , e Uuige hai visto e provveduto ,
S'empie in tal guisa og'altro i proprj uticj ;
.Tomba fia questa terra a' tuori nemici.
lo quanto a me ne vengo , e del pcrlglio
E deir opre compagno ad aitartc.
Ciô cbe pub dar di veccbia età consiglio ,
Tutto promctto, e cio cbe nxagica arte.
Gli angeli, cbe dal cielo ebbero csiglio ,
Constringero dclle faticbe a parte.
Ma dond' io voglia incominciar gl' incantî^
E cou quai modi , or narrcrotti ayauti.
Ncl timpio de' cbiistiaoj occulto giac»
E T s O P H R O N I E. 273
ses arts ténébreux ^ il vient à sou seigneur
dans le danger public, à mauvais roi, pire
conseiller.
Sire, dit-il, la formidable et victorîeuso
armée arrive. Mais nous , remplissons nos de-
voirs ; le ciel et la terre seconderont notre cou-
rage. Doué de toutes les qualités d'un capi-
taineetd'unroi, vous avez de loin tout prcvu^
vous avez pourvu atout : et si chacun s'ac-
quitte ainsi de sa charge, cette terre sera lo
tombeau de vos enuemis.
Quant àmoi , Je viens de mou côté partager
vos périls et vos travaux. J'y mettrai pour ma
parties conseils de la vieillesse et les forces de
l'art mtgique. Jccontraindrai les angesbaunis
dji ciel à concourir à mes soins. Je veux com-
mencer mes enchautemens par une opération
dont il faut vous rendre Gompte.
Uaua le temple des chrctiens snr un autel
P 3
574 O L I N D E
Un sottcrrauco altare ; e qiiivi è il volto
pi colei , che sua diva , e madie face
Quel vulgo del suo Dio tiato , c sepolto,"
Piuauzi al simulacro accesa face
Continua splende : egli è in un vélo awolto ;
Pendono intorno in lungo ordine i voti,
CUe vi portaiQ i creduli dcvoti.
Or questa effigie lor di là rapita
Yoglio che tu di propria man transporte î
3E la riponga eutro la tua mcschita :
10 posela incanto adoprcrb si forte,
Ch' ogni or , nientrc ella qui lia custodita,
8arà fatal custodia a qucste porte;
Tra mura incspugnabili il tuo impeio
gçcuro fia per uovo alto uiistero.
Si disse , e '1 persuase : e impazient*
11 rc sen corse alla magion di Dio ,
K »Forzb i saccrdoli , e irrcvcrcnto
Il oasto simuhicro indi japio ;
E portollo a quel timpio , ove fovcnt*
S' irrita il c:cl col folle culte e rio.
Nel proFan loco , c su la sacra imago.
Shsuhù i^oi le suc bestcmiuw il inago;
ET SOPHRONIE. 27^
«outerrain est une image de celle qu'ils ado-
rent , et que leur peuple ignorant fait la mère
de leur Dieu, né , mort et enseveli. Le simula-
cre devant lequel une lampe brûle sans ces-
se, est enveloppe' d'un voile j et entouré d'un
grand nombre de vœux suspendus en ordre,et
quclescrédulesdévots y portent de toutesparts.
Il s'agit d'enlever de là cette effigie , et de la
transporter de vos propres mains dans votre
mosquée; là j'y attacherai un charme si fort,
qu'elle sera , tant qu'on l'y gardera , la sauve-
garde de vos portes : et par l'eflet d'un nou-
veau mystère, TOUS conserverez dans vos miirs
un. empire inexpugnable.
A ces mots le roi persuadé court impatient
à la maison de Dieu , force les prêtres , enlève
sans respect le chaste simulacre , et le porte à co
temple impie oîi un culte insensé ne fait qu ir-
riter leciel. C'est là, c'est dans ce lieu profane
et sur cette sainte image , que le magicien mur-
mure tes blasphèmes.
*576 O L I N D E
Ma corne apparse In ciel 1' alba iiovella^
Quel, cuirimmondo tempio inguadia èdato^'
Nou rivide I' iminaginc doy' ella
Fu posta, e iuvau cercouue in altro lato.
Tosto n' avyisa il le , cli' alla novella
Di lui si nionstra fieramcnte iralo :
Ed immagiua ben , ch' alcun fedele
Abbia fatto quel furto , c che se '1 ccle,
O Cil di man fedele opéra furtiva ,
O pur il ciel qui sua potenza adopra j»
Clie di colei , ch' è sua regina e diva ,
Sdegna ©lie loco vil 1' iinmagin copra r
Ch' inccrta fama è ancor, se cib s' ascriTA
Ad arte uniana , ed a mirahir opra.
Ben è pictà, che la pictade e *1 zelo
Umancedendo , aiitor son , creda il cielo-i
Il re ne fa cou importuna inchicstJÉ
Riccrcar ogni cliicsa , ogni niagionc *
Ed a chi gli iiasgondc , o manifesta
Il furto o il reo , gran pêne , e premj impouc.
E 1 mago di spiarne anco non resta
Cou tuttc r arti il ver3 mauoa s'appose
ET 5 O P H R O N I E. 277
Mais le matin du joiu- suivant , le gardien
au temple immonde ne vit plus l'image où elle
était la veille; et l'ayant cherchée en vain de
tous côtés, courut avertir le roi qui, ne dou-
tant pas que les chrétiens ne l'eussent ealevée ,
eu tut transporté de colèie.
Soit qu'en effet ce fût un coup d'adresse
^'une main pieuse, ou un prodige du ciel
indigné querimagcde sa souveraine soit pros-
tituée en un lieu souillé , il estédiBant, il est
juste de faire céder le zèle et la piété des hom-
mes, et de croire que le coup est venu d'ca-
tiaut.
L,e roi fît faire dans chaque église et dans
chaque maison la plus importune recherche ,
et décerna de grands prix et de grandes peines
à qui révélerait ou recèlerait le vol. Le magi-
cien , de son côté , déploya sans succès toutes
lesforcesdesonartpour endécouvrirl auteur.
27S O L I N D E
Che '1 cielo (opra sua fosse, o fosse altrui)
Celolfa ad oata dcgl' iucauti a lui.
Ma poichè '1 re crudcl vide occultarse
Quel che pcccato de' fedeli ei pensa ,
Tutto iu lor d' odio infellonissi , ed arso
D' lia , e di labbia iuimoderata immeiisa.
Oguirispetto obblia; vuol vendicarse,
(Scgua che puote) e sfogar l'aima accensa ;
Monà , dicea , non ondià l'iia a vote ,
Nel/a strage commune il ladio iguoto,
Puichè '1 reo non si solvi , il giusto pera J
E r innocente. Ma quai giusto io dico ?
E' colpevol «iascun , ne in loro schicra
TJomfu giammai del noslro nouie amioo,
S anima v' c ncl novo cnor sincera ,
Basti a novclla pciia un failo aiitico.
Su , su , fedeli miei , su via prendetc
l,e fiamme , e '1 feno , ardctc , ed uccidele.
Cosl parla aile tuybe , e se u' intese
ET S O P H R O N I E. 279
Le ciel , au mépris de ses euchantcmens et de
lui , tiut l'œuvre secrète, de quelque part
qu'elle pût venir.
Mais le tyran , fnl-ieux de se voir cacher lo
délit qu'il attribue toujours aux fidelles , se
livre contre eux à la plus ardente rage. Ou-
bliant toute prudence, tout respect humain.
il veut à quelque prix que ce soit assouvir sa
vengeance. « Non , non , s'ëcriait-il , la me-
» nace ne sera pas vaine: le coupable a beau
» se cacher , il faut qu'il meure ; ils mourront
» tous, et lui avec eux ».
« Pourvu qu'il n'e'chappe pas, que le juste ^
» que l'innocent périsse, qu'importe? Mais
» qu'ai-je dit, l'innocent? Nul ne l'est; et
» dans cette odieuse race, en est-il un seul
3. qui ne soit notre ennemi ? Oui , s'il en est
.. d'exempts de ce délit , qu'ils portent la
» peine due à tous pour leur haine; que tous
3> périssent, l'un comme voleur, et les autres
j. comme chrétiens. Venez , mes loyaux , ap-
>. portez la flamme et le fer. Tuez et bruicz
» sans miséricorde ».
C'est ainsi qu'il parlei son peuple. Le bruit
28o O L I N D E.
La famatra' fedeli Immantiiieute i
Ch 'attoniti restai', si gli sorprese
Il timor délia morte ornai preseute:
E non è clii la fuga o le difese,
Xo scurare o '1 pregare ardisca , o tente j
Ma le timide genti e irresolute,
Doude meuo speraro ebber salute.
Vergiiie era fra lor di gla matura
Verginita, d' alti pensieri e rcgi :
D' alta beltà , ma sua bel là non cura ;
D tante sol , quant' onestà sen fregî.
E* il suo pregio maggior , che tra le mura
D' angusta casa asconde i suoi gran pregi ;
E da' vagheggiatori ella s'iuvola
Aile lodi , agli sguardi iuculta c sola.
Purguardia^sser non pub , che 'n tutto celi
Beltà dcgna , ch' appaja , c che s' ammiri :
Ne tu il consenti , Atnor ; ma la riveli
D' un giovinctto ai cnpidi dcsiri.
jfmor , ch' or cieco , or Argo , or a ne rcli
Ci bcnda gli occhi , ora ce gli apri e giri ;
Tu per mille custodie eiitro ai più casti
ETSOPHRONIE. 28
de ce danger parvient bientôt aux chrétiens.
Saisis , glacés d'effroi par l'aspect de la mort
prochaine, nul ne songe à fuir ni à se défendre •
nul n'ose tenter les excuses ni les prières. Ti-
tnides, irrésolus, ils attendaient leur desti-
née, quand ils virent arriver leur salut d'où
ils l'espéraient le moins.
Parmi eux était une vierge, déjà nubile^
d'une ame sublime , d'une beauté d'ange,
qu'elle néglige ou dont elle ne prend que les
soins dont l'honnêteté sépare : et ce qui ajoute
au prix de ses charmes , dans les murs d'un©
étroite enceinte elle les soustrait auT yeux et
aux vœux des amans.
Mais est-il des murs que ne perce qneîau»
ïayon d'une beauté digne de briller ai-x veux
et d'enflammer les cœurs ? Amour! le souffH-
rais-tn? i\on, tu l'as révélée aux ;<>unes désirs
d'un adolcfcent. Amour ! qui, tantôt A rgnseC
tantôt aveugle , éclaires les yeux de ton flam-
beau ou les Yoilesdc tonbandeau;nialgie tous
les gardiens, toutes les clôtures, jusque dau«
Mélarîges. Tome V. Q
38. O L I N D E.
rVeiginei alberghi il guardo altrui protasti.
Co\^\ Sofronia^OUndo egV. s'appclla
D' una cittatc entrambi , e d' uua Lde.
Ei che modesto è sî corn' essa è bella ,
Brama assai , poco ^^eia , e nulla chiede ;
Nèsascoprirsi, o non ardisce : ed ella
O lo sprezza, o nol vedc , o non s' avvede.
CoM fitiora il misère ha servito
O non visto , o mal noto , o mal gradito.
S' ode r aanunzio intanto , e che s'appresta.
Miserabile slage al popol loro.
A lei che generosa è quauto onesta,
Vicne in p.usier corne salvar costoro.
Movc lortezza il grau pensier , 1' arresta
roi la veri^ogna, e '1 virginal decoro.
Vmce fovtczza, anzi s' accorda, e fac*
Se veigognosa , e la vcrgogna audace.
La verginc tra 'l vulgo usci soletta ,
'Non coprl suc bellezze , e nou V espose;
Kaocolse gli occhi , nndo ncl vol rislretta ,
ET SOPHRONIE. aSS
les plus chastes asiles , tu sus porter un regard
étraiigier.
KWcs'anpcUe Sophronie, Olinde est le nom
du jeune homme ; tous deux outla même pa-
trie et la même foi. Comme il est modeste au-
tant qu'elle est belle, il désire beaucoup, espère
peu , ne demande rieu , et ue sait ou n'ose se
découvrir. Elle, de son côté , ne le voit pas ,
ou n'y pense pas , ou le dédaigne ; et le mal-
heureux perd ainsi ses soins ignorés , mal con-
nus ou mal reçus.
Cependant ou entend l'horrible proclama-
tion , et le moment du massacre approche.
^<3yp//ro«zV,aussi généreuse qu'honuétc, forme
le projet de sauver son peuple. Si sa modestie
l'arrête , son courage l'anime et triomphe ; ou
plutôt ces deux vertus s'accordent et s'illus-
trent mutuellement.
La jeune vierge sort seule au milieu du
peuple , sans exposer ni cacher ses charmes ;
en marchant elle recueille ses jeux , resserre
son voile , et en impose par la réserve de son
i) 2
s84 O L I X D E
Coa ischive manière , e generose.
Non sai ben dir , s' adorna , o se negletta ;
Se caso , od arte il bel volto compose ;
Di Natura , d'Amor , de' Cieli aœici
De negligenze sue sono artiûcj.
Mirata da ciascun passa , e non mira
L' altéra donna , e iunauzi al re sen viene ;
jVè , perché irato il vcggia , il pic ritira ,
Ma il fero aspctto iutrcpida sostiene.
Veugo , Siguor , gli disse , e' n tanto l' ira
Pergo sospeuda, e 'l tiio popolo aEficiie :
Veu;o a scoprirti, e vengo , a darti preso
Quel reo clic ccrchi , onde sei tanto offeso.
Air onesta baldanza , ail' improvviso
Folgorar di bellezze altère e santé ,
Quasi confuso il re , quasi conquise ,
Frcno lo sdcgno ,eplacoil fier sembiante.
S' egli era d' alraa , o se costei di viso
Scvera manco, ei divcniane amante :
Ma ritrosa beltà ritroso core-
]Soupreude; e sono i vez;ii csca d'aœor».
ET S O P H R O N I E. 285
tnaintiea. Soit art ou hasard , soit négligence
ou parure , tout concourt à reudre sa beauté
touciiau te; le Ciel, la Nature, et l'Amour, qui
la favoriseut, donnent à ses négligences l'effet
de l'art.
Sans daigner voir les regards qu'elle attire à
son passage, et sans détourner les siens , elle
»e présente devant le roi , ne tremble point en
voyant sa colère, et soutient avec fermeté son
féroce aspect. Seigneur, luidit-cllc, claignex
suspendre votre vengeance et contenir votre
peuple. Je viens vous découvrir et vous, livrer
le coupable que vous cheichcz , et qui vous a
si fort oïcnsé.
Al'bonncteassurance de cet abord, à l'éclat
subit .le CCS chu ics et licres grâces, le roi confus
et subjugué calme sa colère et adoucit son
■Visage irrité. Avec moins de sévérilé , lui dans
1 ame, elle sur le visage , il en dévouait amou-
reux : mais une beauté revêcbc ne prend point
iincœur farouche , et les douces manières sont
les amorces de l'amour.
Q 3
386 O L I N D E
Fu stupov , fil vaghczza , e fa diletfO;,
S' amor non fu , che mosse il cor villano.
Narra , ei le dice , il tutto : ecco io cnnimetto
Che non s' ofTcnda il popol tuo cristiauo.
Ed ella : il reo sitrova al tuo cospetto :
Opra è il furto , Signer , di qucsta mano j
Io r immagine tolsi : io son colei ,
Che tu richerchi , e me punir tu dci.
Cosi alpubblico fato il capo altero
Offersc , e '1 volse in se scia raccorrc.
Blagnanima menzogna , or quandb è il Tero
Si bello, che si possa a te preporrc?
Riman sospeso , e non si tosto il fero
Tirenno ail' ira, corne suol , trascorre.
Poi la richiede : Io vuo ' che tu mi scopra
Chi diè consigUo , e chi fu insieme ail' opra.
Non volsi far délia mia gloria altrui
Ne pur miniuia parte , ella gli dice ,
Sol di me stessa io consapevol fui ,
Sol consigliera , e sola esecutrice.
Duuqne in te sola, ripigl b colui,
Caderà l' ira mia ■vendicatrice.
ET SOFHRONIE. 287
Soit surprise, attrait, ou volupté, plutôt
qu'attendrissement, le barbare se sentit éinu.<
Déclare-moi tout , lui dit-il , voilà que l'or-
donne qu'où épargne ton peuple. Le coupa-
ble, reprit-elle , est devant vos yeux : voilà la
maiu dontce vol estl'œuvre. Ne cherchez pcr-
sonne autre ; c'est moi qui ai ravi l'image ; et
je suis celle que vous devez pumr.
C'est ainsi que se dévouant pour le salut de
son peuple , elle détourne courageusement le
malheur public sur elle seule. Mensonge géné-
reux ! quelle vérité est assez belle pourt'êtro
préférée? Le tyran, quelques temps irrésolu,'
ne se livre pas si-tôt à sa furie accoutumée ; il
l'interroge : Il faut , dit-il , que tu me déclares
qui t'a donné ce conseil , et qui t'a aidée à
l'exécuter.
Jalouse de ma gloire , je n'ai voulu, répond-
elle , en faire part à personne. Le proiet,
l'exécution , tout vient de moi seule , et seule
j'ai su mon secret. C'est donc sur toi seule,
lui dit le roi , que doit tomber ma vensfa'ice.
Cela est juste, reprend- elle; je dois subir
Q 4
288 O L I N D E
Disse ella : E' giusto ; esser à ine conyiene,
6e fui sola ail' onor , sola aile penc:
Qui couiiucia il tiianno a risdegnarsi;
Puv le diiuanda : Ov' bai 1' iminago ascosa ?
Kou la nascosi, a lui risponde, io 1' arsi;
E r arderla stimai laudabil cosa.
Cosî alruennon potiàpiù violarsi
Per man di miscredenti ingiuriosa.
Signore, o cliirdi il furto , ol ladro cbiedi :
Quel uon vcdrai in cterno , e qr.eslo il vcdi.
Benchè ne furto c il m^o , nèladra lO sono ;
Giusloc ritor cio cb' a gran torlo è tollo.
Or qucsto udtiido, in luinaccevol suoiio
Freme il tirauno j e '1 fien delT ira è sciolto.
KoM ^peri più di ritrovar peidono,
Corpralico, alta mente, o nobil volto :
E iudarao _Amor contra lo sdegno crudo
Di sua vaga bellczza a Ici fa scudo.
Presa è la bclla donna , c incrudelito
Il rcla donna cnlro un inccndio a morte.
Gik '1 vélo , e '1 casIo mnnlo è a Ici rapito ;
ytringoa le molli braccia aspic ritoite.
ET S O P H R O N I E. 289
toutelapeme, comme j'ai remporté touti'hon-
Dcur.
Ici le courroux du tyran commence à se
ïallumer. Il lui demande où ell»^> a caché
l'image? Elle répond : je ne l'ai point cachée,
)e l'ai brûlée , et j'ai cru faire une œuvre
louable de la garantir ainsi des outrages des
jnécréans. Seigneur , est-ce le voleur que vous
cherchez ? il est eu votre présence. Est-ce le
vol ? vous ne le re verrez jamais.
Quoiqu'au reste ces noms de voleur et de
Toi ne conviennent ni à moi , ni à ce que ) ai
fait ; rien n'est plus juste que de reprendre ce
qui fut pris injustement. A ces mots, le tyraa
pousse un cri menaçant : sa colère n'a plus
de frein. Vertu , beauté, courage, n'espérez
plus trouver grâce devant lui. C'est en vaiii
que pour la défendre d'un barbare dépit ,
l'amour lui fait un bouclier de ses charmes.
On la saisit; rendu a toute sa cruauté , le
roi la condamne à périr sur un bûcher. Son
Toile , sa chaste mante lui sont arraches ; ses
l>»as délicats soat meurtris de rudes cbaiue*.
290 O L I N D E
Ella si tace ; e iu lei non shigottito,"
Ma pur commosso alquanto è il petto forte"
E smarrisce il bel volto in un colore,
Che non è pallidezza, ma candore.
Dlvulgossi il gran caso , e quivi tratto
Già '1 popol s' era; Olindo anco v' accorse;
Dubbia era la persona , e certo il fatto,
Vcnia , clic fosse la sua donna in forse.
Corne la bella prigiouiera in atto
Non purdi rea , ma dl danuata ei scovse;
Corne i miuistri al duro uficio intenti
Vide , precipitoso urtb le geuti.
Al re gridb : Non è , non c già rea
Costei del furto , e per folliasen vanta.
Non penso , non ardi, ne far potca
Donna sola c incipcrta opra cotanta.
Corne inganub i custodi ? c délia Dea
Con quali arti in volo l' immagin santa ?
Se '1 fece, il narri. lo 1' ho, Signor , furata..
Ahi tauto amb la non amauteamata !
ET SOPHRONIE. 29s
Elle se tait; son ame forte , sans être abattue,
n'est pas sans émotiou , et les roses éteintes sur
son visaf;e y laissent la candeur de l'innocence
plutôt que la pâleur de la mort.
Cetacte héroïque aussi-tôt se divulgue. De'jà
le peuple accourt en foule , Olinde accourt
aussi tout alarmé. Le fait e'tait sûr , la per-
sonne encore douteuse , ce pouvait cire la
maîtresse de son cœur. Mais si-tôt qu'il aper-
çoit la belle prisonnière eu cet e'tat , si-tôt
qu'il voit les ministres de sa mort occupes
a. leur dur office , il s'clance , il lieurte la
foule.
Il crie au roi : Non , non , ce vol n'est
point de son fait; c'est par folie qu'elle s'en
ose vanter. Comment une jeune fille sans
expérience pourrait-elle esccuter, tenter, con-
cevoir même une pareille entreprise ? Com-
ment a-t-flle trompé les gardes ? Comment
s'y est-elle prise pour eulcver la sainte image ?
Si elle l'a fait, qu'elle s'explique. C'est moi,
Sire , qui ai fuit le coup. Tel fut , tel fut
l'amour dont mémo sans retour il brûla pour
elle.
Q ^
2^2 O L I N D E
Soggiiinseposcia : lo là, donde riceve
L* alta Yostra meschita el' aura c'idie,
T>i notte ascesi , e trapassai per brève
Foro , tcutaudo iunaccessibil vie.
A rue r onor , la morte a me si deve ;
Nonusurpi costci le peue mie.
Mie son quelle calene, e per me qucsta
Fiamma s'acceude , e ' 1 rogo a me s'apprcsta.
Alza Sophrojiia il viso , c uraanamente
Conoccliidi pictatc il lui rimira.
A clic ne vicni , o misero iuuoccntc ?
Quai consij^lio o furor, ti guida o tira ?
Ison son io dunquesenza te posscute
A sostener cio che d'un nom puo 1" ira ?
Ho petto ancli' io , ch'ad uiia morte crcde
Di basiar .solo , e compaguia non cliiede.
Cosî parla ail' amante , e nol dispoue
Sî , che' egli si disdica , o pensicr mute.
O spettacolo grande, ove a tenzone
Sono amore emagnauima virtute;
Ove la morte al vincitor si pone
il prcaiio , c '1 mal dcl rmlo è la salute!
ET S O P H R O N I E. 298
Il reprend eusuite : Je suis monté de nuit
jusqu'à l'ouverture par où l'air et le jour
entrent dans votre mosque'e , et tentant des
routes presque inaccessibles , j'y suis entre' par
nn passage étroit. Que celle-ci eesse d'usurper
la peine qui m'est due. J'ai seul mérité l'hou-
neur de la mort : c'est à moi qu'appartiennent
ces chaînes, ce bûcher , ces flamme» ; tout
cela n'est destiné que pour moi.
SophronieViiSt sur lui les yeux :1a douceur,
)a pitiésont peintes dans ses regards. Innocent
infortuné , lui dit-elle , que viens-tu faire ici ?
Quel conseil t'y conduit? Qu'elle fureur t'y
traîne ? Crains-tu que sans toi mon auic ne
puisse supporter la colère d'un homme irrité?
Non , pour une seule mort , je me suffis à moi
seule, et je n'ai pas besoin d'exemple pour
apprendre à la souffrir.
Ce discours qu'elle tient à son amant ne le
fait point rétracter ni renoncera son dessein.
Digne et grand spectacle! où l'amour entre en
lice avec la vertu magnanime , où la mort est
le prix du vainqueur, et la vie la peine du
Taincu ! Mais loin d'être touche de ce combat
294 O L I N D E
Ma più s'irrita il re , quant' ella, ed css©
E'più constante in incolpar se stesso.
Pargli che vilipeso egline resti ,
E che' D disprezzo sno sprezzin le pêne,
Credasi, dice ad auibo, e quella e questi
Vinca e la palma sia quai si conviene.
Indi acceuna ai sergenti , i quai son presti
A legar il ij;ar20tx di lor catene.
Sono arabe stretti al palo stesso : e volto
E' il tergo al tergo , e '1 volto ascoso al volto.
Composto c lor d' intoino il rogo ornai.
Fi già le fiamme ilniaiitice v' incita;
Quaado il fanciullo il doioiosi lai
Proruppe , e disse a le! , cli' è seco unita :
Questo dunque c quel Jaccio ond ' io spciai
Teco accopiarmi in compagnia di vita !
Questo è quel foco , ch ' io ciedca che i cori
Ne dovesse inûammar d' eguali ardoii î
Altre fiamme , altri nodi amor promise ;
Alfri ce n' apparecchia iniqua sorte.
Troppo j ahi beu troppo_, ella già noi divise j
ET SOPHRONIE. 29S
de constance et de générosité , le roi s'en
irrite.
Il s'en croit insulté , comme si ce mépris
du supplice rclombait sur lui. Croyons-en,
dit-il , à tous deux -, qu'ils triomphent l'un
et l'autre, et partagent la palme qui leur est
due. Puis il fait signe aux sergeus , et dans
l'instatit Olinde est dans les fr-rs. Tous deux
li«s et adossés au même pieu ne peuvent se
voir en face.
On arrange autour d'eux le bûcher , et déjà
l'on excite la flamme , quand le jeune homme
éclatant en gémissemsus dit à celle avec la-
quelle il est attaché : C'est donc-là le lien
duquel j'espérais m'unir à toi pour la vie !
C'est donc-là ce feu dont nos cœurs devaient;
irûlcr ensemble !
O flammes , A nœuds qu'un sort cruel nous
destine ! hélas , vous n'êtes pas ceux que
l'amour m'avait promis! Sort cruel qui nous
«épara dnraut la yie et nous joiut plus durcjf
296 O L I N D E
Ma durameiiteor ne congiunge în morte.
Piacemi aluicii , poichc ' u si stiane guise
Morir pur dei , dcl rogo esser cousortc ,
Se del letto non fui : duolmi il tuo fato ,
II mio non già, poich' io ti moro alato.
Ed o niia morte avventurosa appieno,
O fortunati inici dolci niartiri ,
S' impctreroche giuuto scno a seno ,
L* anima mia nella tua bocca io spiri ;
E veneudo tu meco a. un tempo meno,
II me fuormandi gli ultimi sospiri !
Cosi dice piaugendo ; ella il ripiglia
Soavemente , c in tai detti il consiglia :
Amico , altri pensieri ,^altri lamentî
Par più alta cagione il tempo chicde.
Clie non peusi a lue colpe ? e non raœmeuti
Quai Dio prometta ai buoui ampia merccdo ?
SoEFri in suo nome , e flan dolci i tormcuti ,
E lietto aspira alla superna scde.
Mira il ciel corn ' c bcllo , c mira il sole ,
Ck' a se par che n' iu?iti , c ne cousole.
E T s O P H R O ISr I E. 297
ment encore a la mort ! Ali ! puisque tu dois
la subu- aussi finie?te , je me console eu la
partageaut avec toi , de t'être uni sur ce
bûcher, n'ayant pu IVtre a la conclic nup-
tiale. Je picuie, mais sur ta triste destinée,
et non sur la mienne , puisque je meurs à tes
côtés.
O que la mort me sera douce , que les
tourmens uie seront délicieux , ^i j'obtiens
qu'au dernier moment , tombant i'nn sur
l'autre , nos boucncs se joignent pour exhaler
et recevoir au même instant nos derniers sou-
piis ! Il parle , et ses pleurs étouflVnt ses
paroles. Elle le tance avec douceur , et le re-
montre eu ces termes :
Ami , le moment où nous sommes esiga
d'autres soins et d'autres regrets. Ah ! pense,
pense à tc= fnntrs et au digne prix que Dieu
promet aux lidelles. Souffre en son nom , les
tourmens te serov.t doux : aspire avec joie au
séjour céleste. Vois le ciel comme il est beau ;
vois le soleil dont il sem!)le que l'aspect riant
nous appelle et nous console.
§98 O L I N D E
Qui il Tolgo de' pagani il piauto estolle :
Piauge il fedel, ma il voci assai più basse.
Un noQ so che d' iuusitato e inoUe
Par cbeiiel duro petto al re trapasse.
Ei prcsentillo , e si sdegnb ; ne voile
Piegarsi, e gli occhi torse , e si ritrasse.
Tu sola il duol comim non accompagni,
Sofrenia jÇ. pianta da ciascuu non piagni.
Mentrcsono in tal rischio, ecco un guerrière
(Che talparca) d' alta scmbianza , e degiia:
E mostra d' arme , e d' ablto straniero ,
Chediloutan percgrinaudo vegna.
La tigre che suU' elmo ha per cimiero ,
Tutti gU occhi a se Irae, famosa insegna :
ÏQsegnausatada67o/7«d/^ in guerra,
Onde la credon lei , ne '1 creder erra.
Costeigl'ingegni femminili , e gli usi
Tutti sprezzo fiu d'ail' ctà più .-jccrba :
Ai Iavorid'^r^c«f ^all" ago , ai fusi
Incbinarnoudegno la mansuperba :
Euggi gli abiti molli , e i lochi chiusi :
ET S O P H R O N I E. 299
A ces mots tont le peuple païen éclate ea
sanglots , tandis que le fidèle ose à peine .émir
à phis basse voix. Le roi même , le roi sent au
fond de son ame dure je rioais quelle émotion
prête à l'attendrir. Mais en la pre.^sentaut , il
s'indigiie , s'y refuse , détourne les yeux, et
part .^aiis vouloir se laisser fléchir. Toi seule,
ô Sofihronie, n'accouipa^ne point le dmil
général ; et quand tout pleure sur toi , toi
sçule ue pleures pas !
En ce péril pressant survient un guerrier ;
ou paraissant tel , dune haute et belle appa-
rence , dont l'armure et rhabiUemcnt étranger
annonçaient qu'.l venait de loin. Le tigre , fa-
meuse euseignc qui couvre son casque , attira
tous les yeux , et lit juger avec raison que
c'étoit Cloriiide.
Des l'âge le plus t-ndre , elle méprisa les
nrguardiscs do son icxc. Jamais ses coura--
geuses mains ne dciigr.èrent toucher le fuseau,
l'aiguille , et ie< travaux à'Arachné. Elle no
voulut ni s'amollir par des vètcmons délicats ,
ni s'envirouucr timidcmtuLdc clôture. Dans
3oo O L I N D E
Che ne'campi onestate anco si serba :
Armo d' orgoglio il volto , e si compiacque
Rigido farlo , e pur ligido piacque.
Tenera ancorcon pargoletta destra
Srinse , e lento d' un corridore il inorso :
Tiattbrastae laspada, ed iii palcstra
Induro i membri , t-I alleaogli al corso :
Poscia o per via niontana , o per silvestra ,'
L' orme segui di fier k-one e d' orso :
Segui le guerre , e'ii quelle , e fra le selve.
Feraagli uomini parve, uomo aile belvc.
Yiene or costei dalle contrade Perse,
Percliè ai cristiani a suc peter résista ;
Bencli' altre volte La di loruiembra esperso
Le piagge , e 1' ouda di lor sangue ba inista.
Or quiuci in arrivaudo à Ici s'offerse
L' apparato di morte a prima visla.
Di mirar vaga , e di saper quai fallo
Condanni i rei , sospinge ollre il earallo.
Cedou le turbc , e i duo legati insieme
ETSOPHRONIE. 3oi
les camps même , la vraie honnêteté se fait
Tespccter , et par-tout sa force et sa vertu fut
sasauvegarde. Elle arma de fierté son visage ,
et se plut à le rendre sévère j mais il charme
tout sévère qu'il est.
D'une main encore enfantine elle apprit à
gouverner le mors d'un coursier , à manier la
pique et l'épëe ; elle endurcit son cor; s sur
l'arène ,' se rendit légère à la course , sur les
rochers , à travers les bois , suivit à la piste les
bêtes féroces , se fit guerrière enfin ; et après
avoir fait la guerre en homme aux lions dans
les forêts , combattit en lion dans les camps
parmi les hommes.
Elle venait des contrées persane* pour ré-
sister de toute sa force aux chrétiens. Ce n'était
pas la première fois qu'ils éprouvaient soa
courage. Souvent elle avait dispersé leurs
membres sur la poussière et rougi les eaux de
leur sang. L'appareil de mort qu'elle aperçoit
en arrivant la frappe; elle pousse son cheval ,
et veut savoir quel crime attire un tel châti-
ment.
La foule «'écarte , f t Chrinde en considé-
62 O L I N D E
Ella si ferma a riguardar dappressor
Miraclie 1' una tace , e V altro geme ,
E più vigor mostra il men forte sesso.
Piaugcr lui vedc in guisa d' uom cui preme
Pieta,non doglia, o duolnou di se stesso:
E tacer lei con gli occlij al ciel si fisa ,
Ch' anzi' I morir par di quagglù div^isa.
Clorinda inteuerissi , e si conduise
D'ainbcduo loro , clacriinoniic alquanto.
Pur maggior seule il duoi per obi uoiiduolse,
Più laruove il silenzio , e ineuo il piauto.
Senza troppo indugiare ellasi volse
Ad un uom , che canuto avea drccanto.
Deh dimmi , chi son qucsti , cd al luartoro
Qoal gli conduce, o sorte , ocolpa loro ?
Cosî pregollo : dacolui risposto
Brève , ma pieno aile dimande bUc.
Stupissi udeiido , e immagino bcii tosto
Ch'egualmetite innoceiiti era;i que' due.
Già di vietar lor morte ha in se proposto ,
Quanto potrauuo i pregbi,o l'armi sue.
Froutaaccorrc alla&amua, efaritrarla,
ET SOPHRONIE. 3oS
vaut de près les deux victimes attachées en-
semble , remarque le silence de l'une et les
gémisscmens de l'autre. Le sexe le plus faible
montre en cette occasion plus de fermeté ■ et
tandis quOIinde plenre de pitié plutôt que
de crainte , Sophronie^z tait , et les yeux fixés
vers le ciel , semble avoir déjà quitté le séjour
terrestre.
Clorinde encore plus touchée du tranquille
silencede l'une, que des douloureuses plaintes
de l'autre , s'attendrit sur leur sort jusqu'aux
larmes ; puis se tournant vers un vieillard
qu'elle aperçut auprès d'elle : Dites-moi , je
vous prie , lui demanda-t-elle , qui sont ces
jeunes gens , et pour quel crime ou par quel
malheur ils souffrent un pareil supplice ?
Le vieillard en peu de mots ayant pleine-
znent satisfait à sa demande, elle fut frappée
d'étonnement ;et jugeant bien que tous deux
étaient innocens, elle résolut , autant que le
pourrait sa prière ou ses armes , de les gani:itir
de la mort. Elle s'approche , en faisant retirer
la flamme prctrà les atteindre; elle parle ainsi
« ceux qui l'attisaient ;
3o4 O L I N D E
Che già s' appressa ; ed aiministri parla :
Alcun non sia dî voi , clie'n questo dnro
tJQcio oltrascguireabbiabaldauza,
Fiucli' io non parli al re : beii v'assecuvo ,
Ch'ei non y' accusera délia tardanza.
Ubbidiro i sergeati , c mossi furo
Dà quella grande sua régal sembianza.
Poi verso il re si uiosse , e lui tra via
Ella trovb , che' n contra lei venia.
losonlClorinda , disse, liai forse intesa
Talornomarmi , e qui , Signor , ne vogue ,
Per ritrovarmi teco alla dit'esa
Délia fede coinune , e dcl tuo regno.
Son prouta (impoiii pure) ad ogni iaipresa :
L' alte non temo , e l' umili non sdegno.
Voglimi in campo aperto , o pur tra' 1 chiuso
Délie mura iinpiegar , nulta ricuso.
Tacqixe, e rispose il re : Quai si disgiunto
Terra è dall'Asia , o dal cauiniin del sole,
Vergine gloriosa , ovc non giunta
Sia la tua fama , e l'onortuonon vole?
Or che s' è la tua spada a me congiuuta ,
Qu'aucun
ETSOPHRONIE. 3oS
Qu'aucun de vous n'ait l'audace de pour-
suivre cette cruelle œuvre jusqu'à ce que j'aie
parlé au roi : je vous promets qu'il ne vous
saura pas mauvais gré de ce retard. Frappés de
son air grand et noble , les sergens obéirent ;
alors elle s'achemina vers le roi , et le ren-
contra qui venait au-devant d'elle.
Seigneur, lui dit-elle, je suis Cloriiide ;
vous m'avez peut-être ouï nommer quelque-
fois. Je riens m'ollrir pour défendre avec
vous la foi commune et votre trône. Or-
donnez , soit en pleine campagne ou dans
l'enceinte des murs, quelque emploi qu'il vous
plaise m'assigner, je l'accepte , sans craindre
les plus périlleux ni dédaigner les plus hum-
2)les.
Quel pays, lui répond le roi , est si loia
do l'Asie et de la route du soleil , où l'illustre
nom de Clorindc ne vole pas sur les ailes de
la gloire! Non , vaillante guerrière , avec vous
je n'ai plus ni doute ni crainte, et j aurais
Mélaiivcs. Tome V. !<.
Zb6 O L I N b È
D'ogni tiraorin'aflidi , e mi console.
Non , s' esercito grande unito insieme
Fosse inmio scampo , avrei più certa spemé.'
Già già ini par ch' a giungfer qui Goffredo
Oltra ildover indugi.Ortu dirhandi,
Ch impieghi io te : sol di te degtie credo
L' imprese malagevoli , e le grandi.
Sevrai uostri guerrieria teconcedo
Lo scettro , e legge sia quel clie comandi.
Cosiparlava: ella rendea cortese
Grazie per lodi : indi il parlar riprese :
Nova cosa parer dovrà per certo ,
Clie précéda ai servigi il guiderdone ;
Ma tua bontà m'affida : io vuo' che' n merto
Del futnro servir que rei nii doue.
Il doMglichieggio , e pur se '1 fallo èincerto;
Cli danna inclementissiiua ragloue.
Ma taccio questo , e taccio i segni espressi ,
Ond' argomouto 1' innoccnzi in cssi.
E dirô sol, ch'èquicoinun sentcnza ,
Clie i cristiani togliesscro 1' iinmago;
Ma discor' io da voi; ne pcro seiiza
E T s O P H R O N I E. S07
moins de confiance en vme armée entière
venue à mou secours, qu'en votre seule assis-
tance.
Oh que Godefroy n'arrivc-t-il à l'instant
même ! Il vient trop lentement à uion gré.
Vous me demandez un emploi ? Les entre-
prises difficiles et grandes sont les seules di-
gnes de vous. Commandez à nos guerriers %
je vous nomme leur général. La modeste
ClQrinde lui rend grâces , et reprend ensuite ;
C'est une chosetien nouvelle, sans doute J
que le salaire précède les services ; mais ma
confiance en vos bontés me fait demander,
pour prix de ceux que j'aspire à vous rendre,
la grâce de ces deux condamnés. Je les de-
mande en pur don , sans examiner si le crime
est bicnavcré, si le châtiment n'est point trop
sévère , et sans m'arréter aux signes sur les-
quels je préjuge leur innocence.
Je dirai seulement que quoiqu'on accuse
ici les chrétiens d'avoir enlevé l'image , j'ai
quelque raison do penser autrement. Cette
R 2
So8 O L I N D E
Alta ragion del mio parer m'appago.
Fu dclle nostre Icggi incvcrenza
Qncll'opra far , cke pcrsuase il mago ;
Che non convicn ne' nostri tenipj a nui
Gl' idoli avère , e rueii gl* idoli altrui.
Dunquc suso a Maçon recar uni giova
Il miracol dcir opra, ed ei la fcce,
Per diuiostrar che i tcinpj suoi ton noTa
Religion contaminar non Icce.
Vacc\a I s me no incantaiido ogni sua prova ,"
Egli ,a oui le iiiâlie sou d' arme in vecc :
Tiattiamo il ferroprr noi cavalieri ;
Qucit' artc c nostra , e' u qucsta sol si speri.
Tacqne , cib nctîo : c'I rc , bench' a pictade
L' irato cor d.ffi;ilniente pieghi ,
Ptii tompiacer la voile : e'I persuade
B.agione , e'1 11107C autorità di pregbi.
Abbian vita , rispose, c libcrtade ,
K null.i a tanto intorccssor si neglii.
Siasi qutsta o giiistizia, ovver perdono,
Inuocenti gli assolvo, e rei gli douo.
Cosi finon disciolti. ÀTYcnturoso
ET S O P H R O N r E. 3o9
œuvre du magicien fut une profanation de
notre loi qui n'admet point d'idoles dans
nos temples , etinoius encore celles des dieus
étrangers.
C'est donc à Mahomet t\a.e, j'aime à rap-
porter le miracle , et sans doute il l'a fait pour
nous apprendre a ne pas souiller ses temples
par d'autres cultes. (;^u'/i-TOtf/7^fasseà son gré
ses enchantemens, lui dont les exploits sont
des maléfices. Pour nous guerriers , manions
!e i^laive ; c'cst-là notre défense , et nous na
devons espérer qu'eu lui.
Elle se tait ; et , quoique l'ame colère du roi
nes'appaise pas sans peine, \.\ voulut néan-
moius lui complaire , plutôt fléchi par sa
prière et par la raison d'État que par la pitié.
Qu'ils aient , dit-il , la vie et la liberté : un
tel intercesseur peut-il éprouver des refus ?
Soit pardon , soit justice, innocens je les ab-
sous , coupables je leur fais grâce.
Ils furent ainsi déliyrcs , et là fut couroua»
R â
Si9 O L I N D E
Ben veramente fu à' O^ùido il fato ;
Ch' attp potè mostrar, ch' n gciieroso
Petto alfiue ha d' amore destato ,
"Va dal rogo aile nozze , cd è già sposo
yatto di vco , non pur d' amante ainato;
Voile conlei morire: ella non chita,
ippiphè seco non muer , cheseco vïTa-
ET SOPHRONIE. 3ii
le sort vraiment aventureux de l'amant de
Sophronie. Eh ! comment refuserait-elle d©
vivre avec celui qui voulut mourir pour elle 2
Du bûcher ils vont à la noce; d'amant de'-
daigné , de patient même , il devient heureux
époux , et montre ainsi dans un mémorable
exemple j que les preuves d'un amour ve'ri-
table ne laissent point insensible uu cœur
généreux.
LE LÉVITE
D ' É P H R A ï M.
LE LEVITE
D ' É P H R A ï M.
CHANT PREMIER*
Oaiwte colèl-e de la vertu, viens animer
ma voix ; je dirai les crimes de Benjamin ,
et les vengeances d'Israël; je dirai des for-
faits inouïs , et des châtimens encore plus
terribles. Mortels , respectez la beauté' , les
mœurs , l'hospitalité ; soyez justes sans
cruauté, miséricordieux sans faiblesse- et
sachez pardonner au coupable, plutôt qu©
de punir l'innocent.
O vous, hommes débonnaires , ennemis
de toute inhumanité; vous qui , de peur
d'envisager les crimes de vos frères, aimez
tnieux les laisser impunis, quel tableau viens-
je offrir à vos yeux ? Le corps d'une femme
coupé par pièces; ses membres déchirés et
palpitans envoyés aux dou2e tribus ; tout
le peuple saisi d'horreur, élevant jusqu^au
ciel une clameur unanime, et s'écriant de
concert : Non, jamais rieu de pareil ne s'c^t
3i6 L E L É V I T E
fait en T«raël, depuis le jour où nos pere«
sortirent d'Egypte jusqu'à ce Jour. Peuple
saint, rassemble-toi; prononce sur cet acte
horrible, et décerne le prix qu'il a mérité.
A de tels forlaits celui qui détourne ses
JPegards est un lâche , un déserteur de la
justice; la véritable humanité Is envisage,
pour les connaître, pour les juger, pour^
ies détester. Osons entrer dans ces détails ,
et remontons à la source des guerres civiles
qui tirent périr une des tribus , et coûtèrent
tant de sang aux autres. Benjamin , trisls
enfant de douleur , qui donnas la mort à fa
mère, c'est de ton sein qu'est sorti le crime
qui t'a perdu, c'est ta race impie qui put
le commettre, et qui devait trop l'expier.
Dans les jours de liberté où nul ne régnait
sur le peuple du Seigneur, il fut un temps
de licence où chacun , sans reconnaître ni
îna:;ibtrat ni juge, était seul son propre
luaitrc etfrrait tout ce qui lui semblait bon,
Israël , alors épars dans les champs , avait
peu de grandes villes , et la simplicité de
se^ mœurs rendait superflu l'empire des lois:
mais tous les cœurs u'etaient pas également
purs , tt les méchans trouvaient l'impunitô
du vice daus la securit» de la vertu.
Darau*
D' É P H R A I M. 3i7
Durant un de ces courts intervalles de
calme et d'cgalité, qui restent dans l'onbli
parce que nul n'y commande aux autres et
qu'on n'y fait point de mal , un Ic'vite des
monts d'Ephraïm vit dans Betlilceui uua
jeune fille qui lui plut. Il lui dit: Fille da
Juda, tu n'es pas de ma tribu , tu n'as point
de frère; tu es comme Icsfiilcs de Saphaad ,j
et Je ne puis t'épouser selon la loi du Soi-»
gncur. (i) Mais naon cœur est à toi; viens
avec moi , rivons ensemble ; nous serons
unis et libres; tu feras mon bonheur, et j»
ferai le tien. Le lévite était jeune et beau;
la jeune Bile sourit; ils s'unirent, puis il
l'emmena dans ses montagnes.
Là, coulant une douce vie, si chère aur
cœurs tendres et simples , il goûtait dans sa
Tetraite les charmes d'un amour partagé :
là sur un sistre d'or fait pour chanter les
louanges du Très-haut , il cliantait souvent
les charmes de sa jeune épouse. Corabiea
de fois les coteaux du mont Hcbal rclenti-
( i ) Nombres, ch. XXXVI, v. 8. Je sais que
les enfans de Ldvi pouvaient se marier dans »oute»
les tribus, mais non dans lo cas supposé.
Méliinses. Tome V. I»
3i8 LE LÉVITE
rent de ses aimables chansons ? combien de
fois il la mena sous l'ombrage , dans le»
\allons de Sichein, cueillir des ro^es cbam-
pétres et goûter le frais au bord des ruisseaux?
Tantôt il cherobait dans les creux des rochers
des rayons de miel dore' dont elle fcsait
ses délices; tantôt dans le feuillage des oli-
viers il tendait aux oiseaux des pièges trom-
peurs , et lui apportait une tourterelle crain-
tive qu'elle baisait en la flattant. Puis l'en-
fermant dans son sein , elle tressaillait d'aise
en la sentant se débattre et palpiter. Fille
de Bethléem, lui disait-il , pourquoi pleures-
tu toujours ta famille et ton pays? Les enfans
d'Ephraïm u'ont-ils point aussi des fcies,
les ûlles de la riante Sichem sont-elles sans
srâccetsans gaité ? les habitans de l'antique
Atharot manquent-ils de force et d'adresse ?
Viens voir leurs jeux et les embellir. Donne-
xnoi des plaisirs, ô ma bien-aimee; en est-il
pour moi d'autres que les tiens?
Toutefois la jeune fille s'ennuya du lévite,
peut-être parce qu'il ne lui laissait rien à
désirer. Elle se dérobe et s'enfuit vers son
père, vers sa tendre mère^ vers ses folâtres
sœurs. Elle y croit retrouver les plaisir» in-
D' É P H R A I M. 3i9
Kocens (le son enfance , comme si elle y
port lit le même âge et le même crenr.
X»ia:s le lévite abandonne' ne pouvait ou-
blier sa volage épouse. Tout lui rappelait
dans sa solitude les jours heureuTi qu'il
avait passés auprès d'elle^ leurs jeux, leurs
plaisirs , leurs querelle- , et leurs tendres rac-
comino^leim-ns. Soit que k soleil levant dorât
la cime des uiuutagnes de Gelboé , soit qu'au
soir n\ vent de mer vînt rafraîcliir leurs
roclies brûlantes, il errait en soupirant dans
les lieux qu'avait aime's l'intidelle, et la nuit ,
seul dans sa coucbe nuptiale, il abreuvait
son chevet de ses pleurs.
Apriîs avoir flotté quatre mois entre le
Tcgret et le dépit , comme un enfant chassé
du jeu par les autres, feint de n'en vouloir
plus en brûlant de s'y remettre , puis enfin
demande en pleurant d'y rentrer, le lévite en-
traîne par sou amour , prend sa monture, et
suivi de sou serviteur avec deux ânes d'Epha
cliar^^és de ses provisions et de dons pour
les piirens delà jeune fille , il retourne à Bcth-
Iccnt pour se réconcilier avec elle et lâcher
de la ramener.
La jeune femme l'appcrccvant de loin
J> 2
320 L E L E V I T E
tressaillit, court au-devant de lui , et Tac-
cueillant avec caresses l'introduit dans la
maison de son père ; lequel apprenant son
arrivée accourt aussi, plein de joie, l'em-
brasse, le reçoit, lui, son serviteur, son
équipage, et s'empresse à le bien traiter. Mais
le Je'vite ayant le cœur serré ne pouvait
parler; néanmoins ému par le bon accueil
de la famille, il leva les yeux sur sa jeune
épouse, et lui dit : Fille d'Israël, pourquoi
me fuis-tu ? quel mal t'ai-je fait ? La jeune
fille se mit à pleurer en se couvrant le visage.
Puis il dit au père : Rendez-moi ma com-
pagne ; rendez-la moi pour l'amour d'elle ,
pourquoi vivrait-elle seule et délaissée? quel
autre que moi peut honorer comme sa fcuime
celle que j'ai reçue vierge ?
Le père regarda sa filJe , et la fille avait
le cœur attendri du retour de son mari. Lo
père ditdonc à sou gendre : Mon fils , donucz
moi trois jours; passons ces jours dans la
Joie, et le quatrième jour vous et ma fille
partirez eu paix. Le lévite resta donc trois
jours avec sou beau-père et toute sa famille,
mangeant et buvant familièrement avec eux:
et la nuit du quatrième jour, se levant avant
le soleil, U voulut pajtirj mais sou beau-
D' E P lï R A I M. 321
père, l'arrêtant par la main , lui dit : Quoi !
■voulez-vous partir à jeùu 2 venez fortifier
votre estomac , ci puis vous partirez. Ils se
mireut donc à table , et après avoir mangé
et bu , le père lui dit : Mon fils, je vous
supplie de vous réjouir avec nous encore
aujourd'liui. Toulclois le lévite se levant,
voulait partir; il croyait ravir à l'amour le
temps qu'il passait loin de sa retraite, livré
à d'autres qu'à sa bieu-aimée. Mais le père
ne pouvant se résoudre à s'en séparer, en-
gagea sa fille d'obtenir encore cette journée;
et la fille, caressant son mari , le fit rester
jusqu'au lendemain.
Dès le maiiu , comme il était prêt à partir,
il fut encore arrêté par son beau-père, qui
le força de se mettre à table eu attendant
le grand ;our ; et le temps s'écoulait sans
qu'ils s'en appercussent. Alors le jeune
liomuie s'étant levé pour partir avec sa
temme et son serviteur, et ayant prépaie
toute chose : O mon fils , lui dit le père ,
vous voyez que le jour s'avance et que 1»
soleil est sur sou déclin. Ne vous mettez pas
si tard en route ; de grâce , réjouisse/, mon
cooin cr4prc le reste de cette journée : dr-maiu
^ 3
321 LELÊTITE
dès le point du jour vous partirez sans retard :
et en disant ainsi, le bon vieillard était tout
saisi; ses yeux paternels se remplissaient de
larmes. Mais le lévite ne se rendit point,
et voulut partira l'in?tanl.
Que de regrets conta cette se>nrat;on fu-
neste! Que de touchaïus ndicuK turint d.ts
et recommeticés ! Que de pkms 1< s sœurs
de la jeune fille versèrent sur son v sage î
Combien de fois elles la reprirent tour a tour
dans leurs bras ! Combien de fois sa mère
éplorée , en la serrant derechef dnus les siens,
sentit les douleurs d'une nouvelle séparnfo'.i .
Mais son père, en l'embrassant ne pleurait
pas: ses muettes e'treintes étaient mornes et
convulsives ; des soupirs tranchans soule-
vaient sa poitrine. Hélas ! il semblait pré-
voir l'iiornble sort de rinfortuuéc. Oh s'il
eiit su qu'elle ne reverrait jama s l'aurore!
S'il eût su que ce jour était le dernier de
*es jours.... Ils partent enbn , suivis des
tendres bénédictions de toute Ifur famille,
et de vœux qui méritaient d'être exauces-
Heureuse famille , qui dans l'union la plus
pure , coule au sein de l'amitié ses paisibles
jours, et semble n'avoir qu'un ctïur a tous
ses membres! Oh! innocence des mœurs.
D" É P H R A I M. 323
douceur d'ame , antique simplicité^ que vous
«tes aimables ! Comment la brutalité du vice
a-t-ellc pu trouver place au milieu de vous?
comment les fureurs de la barbarie u'ont-
«lles pas respecté vos plaisirs î
534 LELEVITE
CHANT SECOND.
J_jE jeune leVite suivait sa route avec sa
femme, son serviteur, son bagage, trans-
porté de joie de ramener l'aniie de son
cœur , et inquiet du soleil et de la pous-
sière, comme une mère qui ramène son mi faut
chez la nourrice , et craint pour lui les injures
de l'air. Déjà l'on dc'couvrait la ville de
Jébus a main droite, et ses murs, aussi vieux
que les siècles, leur offraient un asile aux
approches de la nuit. Le serviteur dit donc
à son maître : Vous voyez le jour prêt à
îinir : avant que les tc'nebres nous siir|iren-
i:cnt , entrons dans la ville des Jebusecns ,
nous y clurclicrons un asile , et demain ,
poursuivant noire voyaye , nous pourrons
arriver à Gcha.
A Dieu ne plaise, dit le lévite , que je
3cç;eeliezun peuple infidelle, et qu'un cana-
néen donne le couvert au ministre du
Seij^neur. Non, mais allons jusqu'à Gabaa
chercher l'hospitalité chez nos frères. Ils
lais!,èrcat donc Jérusalem derrière eux, ils
D' É P H R A I M. 325
arrivèrent après le coucher du soleil à la
hauteur de Gabaa , qui est de la tribu de
Bcnjaiuin. lis se dctournèreut pour y passer
la nuit, et y étant en très, ils allcrcut s'asseoir
dans la place publique ; mais nul ne leur
offrit un asile, et ils demeuraient à décou-
vert.
Ilomnics de nos jours, ne calomniez pas
les inrenrs de vos pères. Ces premiers temps ,
il est vrai , n'abondaient pas comme les
vôtres en coannodités de la vie; de vils
métaux n'y sulfisaicnt pas a tout : mais
l'homme avait des entrailles qui fesaient le
reste; l'hospitalité n'était pas à vendre, et
l'on n'y trafiquait pas des vertus. Los hls
de Jémini n'étaient pas les seuls, sans doute,
dont les cœurs de fer fussent endurcis; mais
cette dureté n'était pas commune. Par-tout
avec la patience on trovivait des frères; le
voyageur dépourvu de tout ne manquait
de rien.
Après avoir attendu lont^-temps inutile-
ment , le lévite allait détacher son bagage,
pour en faire à la jeune tille un lit moins
dur que la terre uuc, quand il apperçut un
homme vieux , revenant sur le tard de ses
chainpsct de ses travaux rustiques. Ccthomm»
336 LELEVITE
était comme lui des monts d'Epbraïm , il
ctait venu s'établir autrefois dans cette ville
parmi les enfans de Benjamin.
TiC viellard élevant les yeux vit un liomme
et une femme assis , au milieu de la place,
avec un serviteur, des bétes de somme, et
du bagage. Alors s'appvochant , il dit au
lévite : Etranger, d'oîi étes-vous , et où
allez-vous ? lequel lui répondit : Nous venons
deficthléem, ville de Juda: nous retournons
dans notre demeure sur le pcucbant du
mont d'Epbraïm, d'où nous étions venus,
et maintenant nous chercbions l'bospice du
Seigneur; mais nul n"a voulu nous loger.
Nous avons du grain pour nos animaux,
du pain , du vin pour moi , pour votre ser-
vante, et pour le garçon qui nous suit; nous
avons tout ce qui nous est nécessaire, il
nous manque seulement le couvert. Le vieil-
lard lui répondit : Paix vous soit mon frère:
vous ne resterez point dans la place , si quel-»
que cbose vous manque , que le crime eu.
soit sur moi. Ensuite il les mena dans sa
maison , fit décbargcr leur équipage, garnir
le râtelier pour leurs bêtes , et ayant fait
laveries pieds à ses hôtes, il leur fit ua festiii
D' É P H R A I ]àï. ^27
«de patriarches , siaiple et sans faste, mais
aJîoadant.
Tandis qu'ils étaient à table avec leur
liôte et sa 611e, (2) promise à uti jeune
îiomme du pays , et que dans la gaité d'uii.
repas offert avec joie , ils se délassaient agréa-
blement, les hommes de cette ville , eufaiis
deBélial, sansjou^, sans frein , sans retenue,
«t bravant le ciel comme les cyclopes du
jmont Etna , vinrent environner la maison ,
frappant rudement à la porte , et criant au
vieillard d'un ton menaçant: Livre-nous ce
jeune étranger que sans congé tu reçois dans
nos murs , que sa beauté uous paye le prix:
de cet asile, et qu'il expie ta témérité. Car
ils avaient vu le lévite sur la place, et, par
un reste de respect pour le plus sacre' de tous
les droits , n'avaient pas voulu le loger dans
leurs maisons pour lui faire violence ; mais
ils avaient comploté de revenir le surprendre
au milieu de la nuit , et ayant su que le vieil-
( 2 ) Dans l'usage antique les femmes de la
maison ne se mettHient pas à table avec leuis
hôies, quand c'ôtaienc des hommes : mais lors
qu'il y avait des femmes , elles s'y me;tai«at
avec elle».
S 6
328 LELÉVITE
lard lui avait donne retraite, ils accouraient
sans justice et sans iioute, pour larracber de
sa maison.
Le vieillard entendant CCS forccne's se trou-
tic, s'cflraye, et dit au lévite : Nous soniuies
perdus : cci uiéchans ue sont pas des gens que
la raison ramène, et qui reviennent jamais
de ce qu'ils ont résolu. Toutefois il sort au
devant d'eux pour tâciicr de les fléchir. Il
se prosterne, et levant au ciel ses mains pures
de toute rapine , il leur dit : OIi mes frères !
quels discours avcz-vous prononcés ? Ah !
ne faites pas ce mal devant le Seigneur ; n'ou-
tragez pas ainsi la nature, ne violez pas la
sainte hospitalité. Mais voyant qu'ds ne
l'écoutaient point, et que prêts à le maltraiter
lui-même, ils allaient forcer la maison , le
\ieillnrd au dé:icspoir prit à l'instant sou
parti, et fesan t signe de la main pour se faire
en tendre au milieu du tumulte, il reprit d'uno
voix plus forte: Kon, moi vivautun tel forlait
lie déshonorera point mou hôte et ne souil-
lera point ma maison :mais écoutez, hommes
cruels , les supplications d'uu malheureux
père. J'ai une hilc encore vierge, promise a.
l'un d'entre vous; je vais l'amener pour vous
ctïc iuiiaoléc, mais seulcaient que vos luaius
D' É P H R A I M. 320
sacrilèges s'abstiennent de toucher au Ic'vite
du Seij^ncnr. Alors , sans altcndre leur ré-
ponse, il court chercher sa filIc pour racheter
son hôle aux dépens de son propre sang.
Mais le lévite, que jusqu'à cet instant la
terreur rendait immobile, se réveillant à ce
de[)lo;able aspect , pre'vient le généreux vieil-
lard, s'clance au-devant de lui, le force à
rentrer avec sa Glle, et prenant iui-inéuie sa
compagne bien-aime'c , sans lui dire un seul
mot, sans lever les yeux sur elle , l'entraîne
jusqu'à la porte, et la livre à ct-s maudits.
Aussi-tôt ils entourent la jeune lille à demi-
morte , la saisissent , se l'arrachent sans pitic-;
tel dans leur brutale furie qu'au pied des
Alpes glacées un troupeau de loups aQame's
surprend une faible génisse , se jette sur elle
et la déchire au retour de l'abreuvoir. Oh mi-
sérables, qui détruisez votre espèce par les
plaisirs destinés à la reproduire, comment
cette beauté mourante ne glace-t-elle pouit
vos féroces dcsirs ? Voyez ses yeux déjà fermés
à la lumière , ses traits cllacés , son visage
éteint; la pâleur de la mort a couvert ses
joues, les violettes livides en ont chassé les^
roses, elle n'a plus de voix pour gémir , ses
ujaius n'ont plus de force pour repousser vos
S3o LELÉVITE
outrages : Iielas ! elle est déjà morte ! Barbares
indigues du nom d'hommes ! vos hurlcmeus
ressemblent aux cris de l'horrible hicne, et
comme elle , vous dévorez les cadavres.
Les approches du jour qui rethassc les bêtes
farouches dans leurs tanières ayant dispersé
CCS brigands , l'infortune'c use le reste de sa
force à se traîner jusqu'au logis du vieillard/
elle tombe à la porte la face contre terre et
les bras étendus sur le seuil. Cependant ,
après avoir passe' la nuit à remplir la maison
de son hôte d'imprécations et de pleurs, le
Jcvite prêt à sortir ouvre la jMjrle et trouve
dans cet e'tat celle qu'il a tant aimée. Quel
spectacle pour son cœur déchiré ! Il élève
un cri plaintif vers le ciel vengeur du crime ;
jïuis , adressant la parole à la jeune fille j
Lève-toi , lui dit-il , fuyons la malédictioiv
qui couvre cette terre ; viens, ô ma compagne !
je suis la cause de ta perte , je serai ta con-
solation : périsse l'homme injuste et vil qui
jamais te reprochera ta misère •, tu m'es plus
respectable qu'avant nos malheurs. La jcuuo
fille ne répond point : il se trouble, son cœur
saisi d'eflVoi commence à craindre de plus
grands maux, il l'appelle de rechef, il regarde,
il la touche ; elle u'ctait plus. O fille trop
D' É P H R A I 31. 33i
ahnnble , et trop aimée! c'est donc pour cela
^ue je t'ai tirée de la maison de tou père ?
-voilà donc le sort que te préparait mou
amour? Il acheva ces mots prêt à la suivre,
et ne lui survcquit que pour la venger.
Dès cet instant, occupé du seul projet dont
son ame était remplie, il fut sourd à tout
autre sentiment ; l'amour , les regrets , la pitié,
touten luisechangeenfLueur. L'aspcctmème
de ce corps , qui devrait le faire fondre eu
larmes , ne lui arrache plus ni plaintes m
pleurs: il le contemple d'nnccil sec et sombre ;
il n'y voit plus qu'un objet de rage et de
désespoir. Aidé de son serviteur , il le charge
sur sa monture et l'emporte dans sa maison.
Là, sans hésiter, sans trembler, le barbare
ose couper ce corps en douze pièces ; d'une
main ferme et sûre il frappe sans crainte , il
coupe la chair et les os, il sépare la tête et
les mcnjbns , et après avoir fait aux tribus
ces en vois effroyables, il lespréccdcà Maspha,
déchire 8esvétemens,couvre sa têtede cendre,
se prosterne à mesure qu'ils arrivent , et
ïéclame à grands cris la justice du Dici»
d'Israël.
333 L E L É V I T E
CHANT TROISIÈME.
\^^EPENDA>T VOUS cussie?' VU toutlc peuplc
de Dieu ^ s'cmouvoir , s'assembler, sortir
de SCS demeures, accourir de toutes les tribus
à JMaspha de/ant le Seigneur, comme un
nombreux essaim d'abeilles se rassemble en
bourdonnant autour de leur roi. Ils vinrent
tous , ils vinrent de toutes parts , de tous
les cantons , tons d'accord comme un seul
homme depuis Dan jusqu'à Bcersabce , et
depuis Galaad jusqu'à Masplia.
Alors le lévite s'étant présente dans un
appareil luj^ubre, fut interroge par les anciens
devant l'a-semblce sur le uieurlrc de la jeune
fiiic , et il leur parla ainsi ; » Je suis entre
>» dans Gabaa, vdle de Beniamin, avec tua
» femuîe pour y passer la nuit; et les geus
»» du pays ont entoure la maison oCi j'étais
>♦ loge, voulant ui'oulrager et me faire périr.
5» J'ai été forcé de livrer ma femme à leur
■» débauche , et elle est morte en sortant
»» de leurs mains. Alors j'ai pris son corps,
>» je l'ai luis eu pièces , et je vous les ai
D ' É P H R A I M. S31
» envoyccsà diacun dans vos limites. Peuple
» du Seigneur , j'ai dit la vcriie ; faites ce
» qui vous scinbkia juste devant le Tiès-
j» haut. »
A. l'instant il s'cleva dans tout Israël un
seul cri, mais éclatant, mais unanime : Que
le sang de la jeune femme retombe sur ses
meurtriers. Vive rEtcrnel ? nous ne rentre-
rons point dans nos demeures , et nul de
nous ne retournera sous son toit que Gabaa
ne soit extermine. Alors le lévite s'ccria
d'une voix furtc : lieni soit Israël qui
punit l'infamie et venge le sang innocent.
Fille de Eetlilécm , je te porte une bonne
nouvelle; ta mémoire ne restera point sans
honneur. En disant ces mots, il tomba sur
sa face, et mourut. Son «orps fut lionoré
des funérailles publiques. Les membres de la
jeune (Vminc furent rassemblés et mis dans
le même sépulcre , et tout Israël pleura sur
eux.
Les apprêts de la guerre qu'on allait en-
treprendre commencèrent par un seiinent
solemncl de mettre à mort quiconque négli-
gerait de s'y trouver. Ensuite on lit le dé-
nombrement tle tous les Hébreux portant
aiuics, et l'on choisit dii: de cent, cent do
334 L E I. É V I T E
mille, et mille de dix mille, la dixième
partie du peuple entier , dout ou fit une
armée de quarante mille hommes qui devait
a"^ir contre Gabaa , tandis qu'un pareil nom-
bre était chargé des convois de munitions
et de vivres pour l'approvisionnement do
l'armée. Ensuite le peuple vint à Silo devant
l'arche du Seif^neur, en disant : quelle tribu
coramaudera les autres contre les enfans de
Benjamin ? Et le Seigneur répondit : c'est lo
sang de Juda qui crie vengeance; que Juda
soit votre chef.
Mais avant de tirer le glaive contre leurs
frères , ils envoyèrent à la tribu de Beniamiii
des hérauts , lesquels dirent aux Ben j ami tes:
Pourquoi cette horreur se trouve-t-elle au
milieu de vous ? livrez-nous ceux qui l'ont
commise , ahn qu'ils meureut , et que le mal
soit ôté du sein d'israel.
Les farouches enfans de Jémlni , qui
n'avaent pas ignore l'assemblée de Maspha,
ni la résolution qu'on y avait prise, s'étant
préparés de leur cùlé , crurent que leur valeur
les dispensait d'ctre Justes. Ils n'écoutèrent
point l'cNhortation de leurs frères, et loiu
de leur accorder la satisfaction qu'ils leur
devaient , ils sortircut eu armes de toutes
D ' É P H R A I M. 335
les villes de leurs partages, et acconrurent
à la défense de Gabaa , sans se laisser cftiayer*'
par le nombre, et résolus de combattre seuls
tout le peuple réuni. L'armée de Beujamia
se trouva de vingt-cinq mille liommes tirant
l'épée , outre les liabitans de Gabaa , au
nombre de sept-cents hommes bien aguerris,
maniant les armes des deux mains avec la
même adresse , et tous si excelleus tireurs
de fron le qu'ils pouvaient atleindre un che-
Teu , sans que la pierre déclinât de côtç ni
d'autre.
L'armée dTsraël s'étant assemblée et ayant
élu SCS chefs vint camper devant Gabaa,
ccmplant emporter aisément cette place ;
mais les licnjamites étant sortis en bon ordre ,
l'attaquent , la rompent', la poursuivent avec
furie ; la terreur les précède et la mort les
suit. On voyait les forts d'Israël en déroute
tomber par milliers sous leur épée , et les
champs de Rama se couvrir de cadavres ,
comme les sables d'Elath se couvrent des
ntiées de sauterelles qu'un vent brûlant
apporte et tue en un jour. Vingt-deux mille
liommes de l'armée d'Israël périront dans ce
combat : mais leurs frères ne se découragèrent
point , et se Uant à leur force et à leur grauxl
336 LELÉVITE
nouabre encore plus qu'à la jusflce de leur
cause, ils vinrent le Icndcruaiu se ranger ea
bataiilc dans le même lieu.
Tontî'iois avant que de risquer un nou-
veau combat , ils ctaicnt montes la veille
devant le Seigneur , et pleurant jusqu'au soir
en sa présence ils l'avaient consulté snr le
sort de cette tçuerrc. Mais il leur dit : allez
et couibattez ; votre devoir ddpcnd-il de
l'c'véneiuent ?
Coiuuie i4s marchaient donc vers Gabaa,-
les Beujamiles tirent une sortie par toutes
les portes , et tombant sur eux avec plus de
fureur que la veille^ ils hs dc'tircnt , et les
poursuivirent avec un tel acharnement, que
dix-huit nulle hommes de guerre périrent
encore ce iour-là dans rarme'e d'isracl. Alors
tout le p: uple vint de rech.f se prosterner et
pleurer devant le Seigiu'ur, et jeûnant jus-
qu'au soir, ils ofïVirent des oblalions et des
sacriliccs. Dieu d'Abralian», disaient-ils en
gcuiis!.ant, ton peuple, épargne tant de fois
dans ta jus'e colère, pcrlra-t-il pour vouloir
ôtcr le mal de soi sein ? Puis, s'étant prc-
seiit<'s devant l'arche redoutable, et consul-
tant do reciief le Seigneur par la bouche de
Phlnées lils à'Eleazai' ^ ils lui dirent : raar-
I) ' Ê P H R A I M. 337
chevons-nous encore contre nos frères ou
laisserons-nous en paix Benjamin ? La voix
du Tout-Puissant daigna leur repondre :
Marclicz , et ne vous fiez plus en votre
nombre , mais au Seigneur qui donne et
qui ôte le couraj^e comme il lui plaît :
demain je livrerai Benjamin entre vos uiains.
A l'instant ils sentent déjà dans leurs cœurs
l'elFet de cette promesse. Une valeur froide
et sûre suecédant à Isur brutale impétuosité' ,
les e'claire et les conduit. Ils s'apprêtent
posément au combat, et ne s'y présentent
plus eu forcenés, mais en bomrnes saj^es et
braves qui savent vaincre sans fureur et mou-
rir sans désespoir. Ils caclient des troupes
derrièi-e le coteau de Gabaa , et se rangent
en bataille avec le reste de leur armée , ils
attirent loin de la ville les Benjamites , qui ,
»ur leurs premiers succès , pleins d'une con-
fiance trompeuse sortent plutôt pour les tuer
que pour les combattre : ils poursuivent
avec impétuosité l'armée qui cède et reculo
à dessein devant eux: ils arrivent après elle
jusqu'où se joignent les cberains de Béthel
et de Gabaa , et crient en s'animant au car-
nage : ils tombent devant nous comme les
pietnicrss fois. Aveugle» , qui daus Tcblouis*
33S L JE L É V I T E
scuVent d'un vain succès ne voient pas Tange
de la vengeance qui vole dc'jà sui- leurs rangs,
armé du glaive exteruiinatcur.
Cependant le corps de troupes caché der-.
ricre le coteau , sort de sou embuscade eu.
bon ordre, au nombre de dis mille liomœes ,
et s'ctendaut autour de la ville , l'attaque ,
la force, on ^jasse tous les liabitaus au lil
de l'épe'e , puis élevant une grande fumée ,
il donne à l'armée le s'gnal convenu , tandis
que le Benjamitc acharne s'excite à pour-
suivre sa victoire.
Mais les forts d'Israël ayant appercu le
signal, firent face à l'ennemi en Balial-Toinar.
Les Bcujamites^ surpris de voir les batail-
ions d'Israël se former , se développer, s'cten-
drs , fondre sur eux , commencèrent à perdre
courage, et tournant le dos, ils virent avec
eQVoi les tourbillons de fumée qui leur annon*
caient le désastre de Gabaa. Alors frappés
de terreur à leur tour , ils connurent que
le bras du Stigneur les avait atteints , et
fuyant en déroule vers le désert, ilà furent
environnés , poursuivis , tués , funlén aux
pieds; tandis que divers dctacht'mrns entrant
dans les villes, y mettaientà mort chacun dau»
son habitation.
t) ' É P H R A I M. 3?9
En ce jour de colère et de meurtre, pres-
que toute la tribu de Benjamin, au nombre
de vingt-six mille hommes , périt sous l'épée
d'Israijl; savoir, dix-liuit mille hommes dans
leur première retraite depuis Menuha jusqu'à
l'est du coteau, cinq mille dans la de'route
vers lé dc'sert , deux raille qu'on atteignit
près de Guidhon et le reste dans les places
qui furent brûlées , et dont tous les habitaus ,
hommes et femmes, jeunes et vieux, grands
et petits, jusqu'aux bêtes, furent mis à mort,
sans qu'on fît grâce à aucun : en Sorte que
ce beau pays , auparavant si vivant , si peuplé,
si fertile , et maintenant moissonné par la
flamme et par le fer , u'ofi'rait plus qu'un»
affreuse solitude couverte de cendres et d'os-
semens.
Six cents hommes seulement, dernier reste
de cette malheureuse tribu, échappèrent au
glaive d'Israël , et se réfugièrent au rocber
de Rhimmou, où ils restèrent cachés quatre
mois , pleurant trop tard le forfait de leurs
frères , et la misère où il les avait réduits.
Mais les tribus victorieuses voyant le sang
qu'elles avaient versé sentirent la plaie qu'elles
s'étaient faite. Le peuple vint, et se rassem-
blant devant la maibou du Dieu fort, éleva
340 L E L É V I T E
un autel sur lequel il lui rendit ses liom-
nia-^es , lui oHVant des holocaustes et des
actions de grâces ; puis e'ievant sa voix, il
pleura ; il pleura sa victoire après avoir pleuré
sa deTaite. Dieu d'Abraham, sVcriaieut-ils
dans leur affliction , ah ! où sont tes pro-
messes , et comment ce mal est-il arrive' à
ton peuple qu'une tribu soit e'teinte en
Israël ? Malheureux humains qui ne savez
pas ce qui vous est bon , vous avez beau
vouloir sanctifier vos passions ; elles vous
punissent toujours des excès qu'elles vous
font commettre, et c'est en exauçant vos
vœux injustes que k ciel vous les fait expier.
C II A N T
D' É P H R A I M. S4»
CHANT QUATRIÈME.
Xi- puis avoir gémi du mal qu'ils avaient
fait dans leur colère, les enfans d'isra't-1 y
cherchèrent quelque remède qui pût rétablir
eu sou entier la race de Jacob niutile'c. Emus
de compassion pour les six cents hommes
réfugies au rocher de Rhinuiion , ils dirent:
que ferons-nous pour conserver ce dernier
et précieux reste d'une de nos tribus pres-
qu'éteinte ? Car ils avaient Juré par le Sei-
gneur, disant : si jamais aucun d'entre nous
donne sa fille au fils d'un enfant de Jémini ,
et mêle son sang au sang de Benjamin. Alors
pour éluder un serment si cruel , méditant de
nouveaux carnages , ils firent le dénombre-
ment de l'armée , pour voir si , malgré l'en-
gagement solcmnel , quelqu'un d'eux avait
manque de s'y rendre, et il ne s'y trouva
nul des hahitans de Jabès de Galaad. Cette
branche des enfans de Mauassé , regardant
moins à la punition du crime qu'à l'efliision
du sang fraternel , s'était refusée à des ven-
geances plus atroces que le forfait , sans
Mélanges, ToHie V, T
342 LELEVITE
considérer que le pariure et la de'sertioil de
la cause commune sont pires que la cruauté.
He'las ! la mort, la mort barbare fut le prix
de leur injuste pific. Dix mille hommes déta-
chés de l'armée d'Israël recurent et exécutè-
rent cet ordre effroyable: Allez, exterminez
JabèsdcGalaadcttousseshabitans, hommes ,
femmes, enfans , excepté les Seules filles
vierges que vous amènerez au camp , afiu
qu elles soient données en mariage auT enfans
de Benjamin. Ainsi pour réparer la désola-
tion de tant de meurtres , ce peuple farouche
eu commit do plus grands : semblable eu
sa furie à ces globes de fer lancés par nos
machines embrasées , lesquels, tombés à terre
après leur premier effet , se relèvent avec
une impétuosité nouvelle, et dans leurs bonds
inattendus, renversent et détruisent des rangs
entiers.
Pendant cette exécution funeste , Israël
envoya des paroles de paix aux six cents de
Benjamin réfugiés au rocher de Rhimmon ;
et ils revinrent parmi leurs frères. Leur retour
ne fut point un retour de joie , ils avaient
la contenance abattue et les yeux baissés ;
la honte et le remords couvraient leurs
Yîsages, et tout Israël coustcrné poussa de»
D ' Ê P H R A I M. 343
lamentations eu voyant ces tristes restes d'une
de ses tribus be'nites , de laquelle Jacob avait
dit : » Ben/amia est un loup dc'vorant ; au
« matin il déchirera sa proie, et le soir iî
« partagera le butin ».
Après que les dix mille hommes envoyé»
à Jabès furent de retour , et qu'on q^t
dénombré les filles qu'ils amenaient , il ne
s'en trouva que quatre cents , et on les donna
à autant de Benjamitcs , comme une proie
qu'on venait de ravir pour eux. Quelles noces
pour de jeunes vierges timides , dont ou
vient d'égorger les frères , les pères , les mères
devant leurs yeux, e'. qui reçoivent des liens
d'attachement et d'amciur par des mains
dégoûtantes du sang de leurs proclies! Sexe
toujours esclave ou tyran , qrc l'homme
opprime ou qu'il adore, et qu'il ne peut pour-
tant rendre heureux ni l'être , qu'en le laissant
égal à lui ?
Malgré ce terrible expédient^ il restait deux
cents hommes à pourvoir , et ce peuple ,
cruel dans sa pitié même , et à qui le sang de
ses frères coûtait si peu , songeait peut-être
à faire pour eux de nouvelles veuves , lors-
qu'un vieillard deLébona parlantaux anciens,
Jeur dit ; Hommes Israélites , écoutez l'avis
T a
344 L E L E V I T E
d'un de vos frères. Quand vos mains se lasse-
ront-elles du meurtre des iunocens ? voici les
jours de la solemnite de l'Etcruel eu Silo.
Dites ainsi aux eufaus de Benjauiin ; allez ,
et met Lez des embûches aux vignes; puis quand
vous verrez que les ûUes de Silo sortiront pour
danser avec des flûtes , alors vous les envelop-
perez , et ravissant cliacun sa fciume, vous
retournerez vous établir avec elles au pavs
de Jîenjaunn. Et quand les pères oi!i les frères
des jeunes biles viendront se plaindre à nous,
nous leur dirons : ayez pitié d'eux pour
l'amour de nous et de vous-mêmes qui êtes
leurs frères ; puisque n'ayant pu les pour-
voir après cette guerre , et ne pouvant leur
douner nos filles contre le serment , nous
serons coupables de leur perte si nous les
laissons périr sans descendans.
Les eufans donc de Benjamin Grcnt ainsi
qu'il leur fut dit , et lorsque les jeunes biles
sortirent de Silo pour danser, ils s'élancèrent
et les environnèi"ent. La craintive troupe fuit»
se disperse; la terrcnv succède à leur inno-
cente i;,aielé ; chacune appelle à grands cris
ses compagnes , et court de toutes ses forces.
Les cops déchirent leurs voiles , la terre est
jonchée de leurs parures , la course auim»
D ' É P H R j\ I M. S45
leur teiut et l'ardeur des ravisseurs. Jeu,ncs
beautés , où courez-vous ? en fuyaut l'op-
presseur qui vous poursvjit vous tombez dans-
des bras qui vous euchalueut. Chacun ravit
la sieuac , et s'cBoiçant de l'apaiser, l'effraye
encore plus par ses caresses que par sa vio-
lence. Au tuauiltc qui s'élève, aux cris qui
se fout entendre au loiu , tout le peuple
accourt ; les pères et les mères écartent la
foule et veulent dégager leurs filles ; les ravis-
seurs autorisés détcudeut leur proie : entiu
les anciens fout entendre leur voix, et le peu-
ple ému de compassiou pour les Ecujauiites
s'intéresse en leur faveur.
Mais les pères indignés de l'outrage fait à
leurs filles ne cessaient point leurs olanieurs.
Quoi ! s'écriaient-ils avec véhéuieuce , des
tilles d'Israël seraient-elles asservies et traitées
eu esclaves sous les yeux du Seigneur? Beu-
jamiu nous fcra-t-il couunc le Moabitc et
riduuiéeu ? Où est la liberté du peuple do
Dieu ? Partagée entre la justice et la pitié,'
l'assemblée prononce enfin que les captive»
seront remises en liberté et décideront elles-
mêmes de leur sort. Les ravisseurs forcés do
céder à ce jugement les relâchent à regret,
et tâchent de substituer à la force des uioycus
T 3
S4^ LELÉVITE
plus puissans sur levais jeunes cœurs. Aussi-
tôt elles s'échappent et fuient tontes ensem-
ble : ils les suivent , leur tendent les bras,
et leur cricut : Filles de Si!o, screz-voûs plus
Jjeureuses avec d'autres ? les restes de Ben-
jatuiu sont-ils ^ndijJincs de vous fléchir ?
Mais pltisieurs d'entr'cUes , déjà liées par des
^ttaclitmcns secrets , palpi (aient d'aise d'é-
çliappcr à leurs ravisseurs, y:^ xa , la tendre
^xa parmi les autres, eu s'éiauçant dans
les bras de sa mcrc qu'elle voit accourir ,
jette furtivement le^yeux sur le jeune Ehna-
cin auquel elle était promise, et qui venait
plein de douleur et de rage la dégager au
prix de son sang. Kliiiacin la revoit , tend
les bras, s'écrie et ne peut parler; la course
et iV-Uiotioii l'ont mis liors d'l;aleine. Le Ben-
jamitc appercoit ce transport, ce conp-d'œil;
il devine tout, il gémit, et prêt à se retirer
)1 voit arriver le père ù' yJxa.
C'était le même vieillard auteur du conseil
donné aux Bcnjamites. Il avait choisi lui-
Wéme Elmacin pour son gendre ; mais sa
probité l'avait euipéclic d'avertir sa fille du
ïisquc auquel il exposait celles d'autiui.
\\ arrive, et la prenant par la main : .^xa^
lui dU'il 4 tu counais mon coeur j j'aime
D» É P H R A I M. S47
JElmacin , il eût été la consolation de mes
vieux jours : mais le salut de ton pciiple et
l'honneur de ton père doivent l'emporter
sur lui. Fais ton devoir ma fille , et sauve-
moi de l'opprobre parmi mes frères ; car j'ai
conseillé tout ce qui s'est fait. y4xa baisse
la tête et soupire sans répondre*, niais enfia
levant les yeux, elle rencontre ceux de sou
vénérable père. Ils ont plus dit que sa bou-
che : elle prend son parti. Sa voix faible- et
tremblante prononce à peine dans un faible
et dernier adieu le nom (ï Ehnacin qu'elle
n'ose regarder, et se retournant ù l'instant
demi-morte , elle tombe dans les bras du
Benjamite.
Un bruit s'excite dans l'assemblée. Mais
Mlmacin s'avance et fait signe de la main,
puis élevant la voix : Ecoute , ô yixa , lui-
dit-il , mon vœu solemnel. Puisque je 110
puis être à toi , je uc serai jamais à nul autre :
le seul souvçnir de nos jeunes ans, que l'in-
noeence et l'anionr ont embellis , me suftit.
Jamais le fer n'a pa3sc siar ma télé , janiais
le vin n'a mouillé mes lèvres, mon corps est
aussi pur que mou cœur : Prêtre du Dieu
vivant , je me voue a sou service j recevez le
!Na?avéeu du Seigneur.
348 L E L É V I T E , etc.
Aussi-lô tjCoiuuie par une inspira tionsiîbi te,
toutes les filles entraînées par l'exemple d'^.r^ï
imitent son sacrifice , et renonçant à leurs
prcuiicrcs amours , se livrent aux Benjaniites
qui les suivaient. A ce toucliant aspect il
s'élève un cri de joie au milieu du peuple.
Vierges d'Ephraïm , par vous Benjamin va
renaître. Béni soit le DiEa de nos pères ; il
çsl encore des vertus en Israël.
LETTRES
A SARA,
'Jam ncc spes an'imî crclula mntiiï.
H O H.
AVERTISSEMENT.
V>^N comprendra sans peine com-
ment une espèce de défi, a pu faire
écrire ces quatre lettres. On deman-
dait si un amant d'un demi-siècle
pouvait ne pas faire rire. Il m'a semblé
^u'on pouvait se laisser surprendre à
toutàge, qu'un barbon pouvait même
écrire j usqu'à quatre lettres d'amour,
et intéresser encore les honnêtes gens ,
mais qu'il ne pouyait aller jusqu'à six
sans se déshonorer. Je n'ai pas besoin
de dire ici mes raisons , on peut les
gentir en lisant ces lettres ; après leur
lecture on en jugera,
LETTRES
A SARA.
PREMIÈRE LETTRE.
J. U lis dans mon cœur, )ennei5'rt/Y7; tu m'as
pénétré , je le sais, je le sens. Cent fois le joui'
ton œil curieux vient épier l'clïet de tes char'"
mes. A ton air satisCait, à tes cruelles bontés f
a tesméprisantesagaceries, je voisquetu jouis
en secret de ma misère ; tu t'applaudis avec un
souris moqvieur du désespoir où tu plonges
un malheureux , pour qui l'amour n'est plus
qu'un opprobre. Tu te trompes , Sara , je
suisà plaindre, mais je ne suis pointa raillier i
je ne suis point digne de mépris , mais de pi-
tié, parce que je ne m'en impose ni sur ma
figure, ni sur mon âge, qu'en aimant je me
sens indigne de plaire ,ct quela fafale illusion
qui m'égare , n;'enipéche de te voir telle (jnc
tueSjSansm'cTOpccherdemcvoirtel quejesuîij*
Tu peux m'abuscr sur tout , hormis sur moi-
même : tu peux me persuader tout au monde ,
«xcepté que tu puisses partager mes feux in-
35a LETTRES
sensés. C'est le pim de mes supplices de me
voir comme ta me vois • tes trompeuses cares-
ses ne sont pour moi qu'une humiliation de
plus , et i'aime avec la certitude affreuse de ne
pouvoir être aime.
Soisdonc contente. Hé bien , oui , je t'ado-
re ; oui , je brûle pour toi de la plus cruelle
des passions. Mais tente , si tu l'oses , de m'en-
chaincr a ton char comme un soupirant à che-
TeuK gris, ccmme un amant barbon qui veut
fairel'asvéablc,etdanssonextravagantdélire,
s'imagine avoir des droits sur uu jeune obiet.
Tu n'auras pas cette gloire, ô Sara , ne t'en
flatte pas: tu ue me verras point à tes pieds
vouloir t'amuseraveclc jargon de la galanterie,
ou t'attendrir avec des propos langoureux. Tu
peux m'arracher des plcurs^maisilssontmoms
d'amour que de rage. Ris , si tu veux , de ma
faiblesse , tu ne riras pas au moms de ma cré-
dulité.
Je te parle avec emportement de ma passion ,
parce que l'humiliation est toujours cruelle ,
et que le dédain est dur a supporter : mais ma
passion, toute folle qu'elle est, n'est point
cmporlée-,eUeestà-la-foisviveetdoucecomu»o
toi Privé de tout espoir , je suis mortau bon-
heur et ne yis que de ta v^e. Tes plaisirs sont
vues
A s À R À': Ssa
fees s'eUÎs plaisirs ; je ne puis avoir d'autres
jouissances que les tiennes, ni former d'autrèi
Vœux que tes vœux. jf 'aimerais mon rival mênïè
41 turaimais; situ ne l'aimais pas , je voudrais
"qu'il pût mériter ton amour, qu'il eût mo'a
cœurpour t'aimerplus dignement et te rendre
plus heureuse. C'est le seul de'sir permis à qui-
conque ose aimer sans être aimable. Aime et
soisaime'e , ô Sara. Vis contente , et je mour|
ïai content.
Mélanges. Tome V.
354 LETTRES
SECONDE LETTRE.
P,
tr I s Q u E je vous ai écrit , )e veux rons
écrire encore. Ma première faute en atlire une
autre ; mais )e saurai m'arrêter, soyez-en sure;
et c'est la manière dont vous m'avez traite du-
rant mon délire , qui décidera de mes senti-
mcns à votre égard quand j'en serai revenu.
Vous avez beau feindre de n'avoir pas lu ma
lettre : vous mentez, je le sais , vous l'avez lue.
Oui , vousmentcz , sansme ricndire , par l'air
<?t;al aveclcquel vous croyez lu'en inipo-^er: si
vous êtes la même qu'auparavant , c'est parce
que vous avez été toujours fau-se ; et la sim-
plicité que vous affectez avec uioi tue prouve
que vous n^cn avez jamais eu. Vous ne dissi-
mulez ma folie que pour l'auguTenter ; vous
n'êtes pas contente que je vous écrive , iti vous
no me vovez encore à vos pieds; vous vouiez
ane rendre aussi r:dicule que je peux l'être ;
vous voulez me douuer en spectacle à vous-
jncme , peut-être à d'antres , et vous ne vous
croyez pas asscsc triomphautc , si je ne suis
déshonoré.
A vS A R A. 355
Jeroistontccla , fille artificieuse , dans cette
feinte modestie par laquelle vous espérez m'ea
imposer, dans cette feinte e'galite' par laquelle
vous seinblez vouloir me tenter d'oublier ma
faute, en paraissant vous-trtéme n'en rien sa-
voir. Encore une fois , vous avez lu ma lettre ;
îe le sais, je l'ai vu. Je vous ai vu , quand
j'entrais dans votre chambre, poser précipi-
tcimment le livre oij je l'avais mise ; je vous ai
vu rougir et marquer un moment de trouble.
• Trouble séducteur et cruel <jui peut-être est
encore un de vos pièges , et qui m'a fait plus
de mal que tous vos regards, (^ue devins-je à
cet aspect qui m'agite encore? Cent fois en ua
instant prêt à me précipiter aux pieds de l'or-
gueilleuse, que de combats, qiïe d'cflorts pour
me retenir ! Je sortis pourtant , je sortis pal-
pitant de joie d'e'chapper à l'indigne bassesse
que j'allais faire. Ce seul moment me vengo
de tesoutrages. Sois moins fîcre, ô Sara, d'ua
penchantqueje peux vaincre, puisqu'une fois
en ma vie j 'ai déjà triomphé de toi.
Infortuné! J'impute à ta vanité des fictions
démon amour-propre. Quen*ai-je le bonheur
de pouvoir croire que tu t'occupes de moi, ne
fût-ce que pour me tyranniser! mal-> daigner
lyraaniber un aman tgrison, serait lui l'aire trop
V i
366 LETTRES
d'hoiineurencore. Non , tu n'as pointd'aUtr»
art que ton iudifiëreiice ; ton dédain fait toute
ta coonetterie : tu me désoles sans songer à
moi. Je suis malheureux jusqu'à ne pouvoir
l'occuper au moins de mes ridicules , et tu mé-
prises tua folie jusqu'à ne daigner pas intme
t'en moquer. Tu as lu ma lettre, et tu l'a*
oubliée ; tu ne m'as point parlé de mes maux ,
parce que tu n'y songeais plus. Quoi ! je suis
donc nul pour toi ? Mes fureurs , mes taur-
mens , loin d'exciter ta pitié , n'excitent pas
même ton attention ? Ah! où est cette dou-
ceur que tes yeux promettent? où est ce seuti-
ment si temlre qui paraît les animer ? ......
Barbare ! insensible à mon état tu dois
l'être à tout sentiment honnête. Ta figure pro-
met une aine ; elle ment, tu n'asque de la féro-
cité Ah Sara ! j'aurais attendu do
ton boa cœur quelque cousolatioa daiis ma
xaisère.
A s A R À; 357
TROISIÈME LETTRÉ.
JjjKFiN , rien ne manque plus a ma honte ,
etjesuis aussi humilié que tu l'as voulu. Voilà
doocà quoi eut abouti mou dépit , mes com-
bats, mes résolutions, ma cous tance ? Jeserais
moins avili, si j'avais moins résisté. Qui^moi !
j'ai fait l'amour en jcuue-homme ? )'ai passé
deux heuresauxgenoux d'un etifant? j'ai versé
sur SCS mains des toriens de larmes ? j'ai souf-
fert qu'elle me consolât, qu'elle me plaignît,
qu'ellcessuyât mes yeux ternis parlesans? j'ai
reçu d'elle des leçons de raison , de courage?
j'ai bien profité de ma longue expérience et de
ïnes lii.stes rcflcxions! Combien de fois j'ai
rougi d'avoircté à vingtanscc que je redeviens
à cinquante ! Ah , je n'ai donc vécu que pour
me déshonorer ! Si du moins un vrai repentir
me ramenait à des sentimens plus honnêtes!
mais non, je me complais malgré moi dans
ceux que tu m'inspires , dans le délire où tu m«
plonges, dansTabaissement oii tu m'as réduit.
Quand je m'imagine à mon âge à genoux de-
vant toi , tout mou cœur se soulève et s'iriit^;
Y 3
358 LETTRES
mais il s'oublie et se perd danslcs ravisscmens
que j'y ai sentis. Ah ! je ne me voyais pas alors;
je ne voyais que toi , ûlle adorée : tes char-
mes , tes sentimeus , tesdiscours remplissaient,
formaient tout mou être : J'étais jeune de ta
jeunesse, sage de ta raisou, vertueux de ta
•vertu. Pouvais-je mépriser celui que tu hono-
rais de ton estime? pouvais-je haïr celui que
tu daigtiais appeler ton ami ? Hélas! cette ten-
dresse de père que tu me demandais d'uu ton
si touchant, ce nom de fille que tu voulais
recevoir de moi,mefesaient bientôt rentrer eu
moi-même : tes propos si tendres, tes caresses
61 puresm't nchantaieutetmedcchiraient ; des
pleurs d'amour et de rage coulaient de mes
yeux. Je sentais que je n'étais heureux que
par ma misère , et que si j.'eusse été plus
digne de plaire , je n'aurais pas été si bieu
traité.
N'importe. J'ai pu porter l'attendrissement
dans ton cœur. La pitié le ferme à l'amour,
je le sais , mais elle eu a pour moi tous les
charmes. Quoi , j'ai vu s'humecter pour moi
tesbeauxyeux ? j'ai senti tomber sur ma joue
une de tes larmes ? O cettelarme, quel embra-
sement dévorant elle a causé ! et je ne serais
pas le plus heureux des hommes ? Ah, com-
A S A R A; 359
bleu )c 1c suis au-dessus de ma plus orgueil-
leuse attente !
Oui , que ces deux heures reviennent sans
cesse, qu'elles remplissent de leur retour ou do
leur souvenir le reste de ma vie. F.h l qu'a-t-elle
eu de comparable à ce que j'ai sen ri dans cette
attitude ? J 'étais humilié, j'e'tais insensé, j'étais
ridicule, mais j'étais heureux; et j'ai goûté
dans ce court espace plus de plaisirs que je u'ea
eu dans tout le cours de mes ans. Oui , Sara ,
oui, charmautc Sara, j'ai perdu toutre?>entir,
toute houte : je ne me souviens pluâ de moi ;
je né sens que le feu qui me dévore ; jepuis
dans tes fers braver leshuées du mondeentier;
gue m'importe ce que je peux paraître aux
autres ! j'ai pour toi le cœur d'un jeune hom*
me , et cela me suflit. L'hiver a beau couvrir
l'Etna de ses glaces , sou seiu u'est pas moiu»
embrasé.
T4
*^ô 1 E T T H E ?
<2UATRIÈME LETTRE.
0.
^ uoi ! c'était vous que jeredoutais • c'était
TOMs que je rougissais d'aimer ? G Sara , fille
adorable , aœe plus belle que ta figure ! si je
sn 'estime désormais quelque chose, c'est d'a-^
voir un cœur fait pour sentir tout ton prix.
Oui , sans doute , je rougis de l'amour que
' j'avais pour toi , mais c'est parce qu'il était
Irop rampant, trop languissant , trop faible,
trop peu digne de sou objet. Il y a six mois que
ânes yeux et mon coeur dévorent tes charmes ;
il y a six mois que tum'occupes seule et que je
Me vis que pour toi : mais ce n'est que d'hier
^ue j'ai appris à t'aimer. Tandis que tu me
parlais et que des discours dignes du ciel sor-
taient de ta bouche, je croyais voir changer
tes traits, ton air, ton port, ta figure;. je ne
«ais qnel feu surnaturel luisait dans tes yeux,
<ies rayons de lumière semblaient t'entourer.
Ah Sara ! si réellement tu n'es pas une mer-
telic, s. tus ''ange envoyé du ciel pour rame-
ner un cœur qui s'égare , dis-le moi; peut-être
î\ çst temps ençorç.Nc laisse plus prdfanertoi^
X s A R A. 36i
îmagepardesdcsirs Formés malgré moi. Hélas!
si je'm'abusc dans mes vœux , dans mes trans-
ports, dans mes téméraires hommages, gue'-
ris-moi d'une erreur qui t'offense , apprends^
xnoi comment il faut t'adorer.
Vous m'avez subjugué, Sara , de toutes les
manières , et si vous me faites aimer ma folie ,
TOUS me la faites cruellement sentir. Quand j«
compare votre coiiduite îila mienne, je trouve-
■an sage dans une jeune fille , et je ne sçns en
moi qu'un vieux enfant. Votre doùceur/si
pleine de dignité , de raison , de bienscauccy
m'a dit tout ce que ne m'eût pas dit un accueil
plus sévère; elle m'a fait plus rougir rie moi que
ii'cusseut fait vos reproches : et l'accent un peu-
plus grave que vous ayez mis hier dans vos
discours , m'a fait aisément connaître que je'
îi'aurais pas dû vous exposer à me les tenir
deux fols. Je vous entends j Sora , et j'espère
vous prouver a\issi que si je ne'suis pas digne
de vous plaire par mon amour , je le suis par
lessentimens qui l'accompagnent. IVlon ega-
xemênt sera aussi court qu'il a été grand, vous
me l'avez montré , cela sufii t ; j'en saurai sor-
tir , soyez-en sure :' quelque aliéné que je
puisse être, si j'en avais vu toute l'étendue,
lamais je n'aurais faille premier pas. Quaud j^
Xi
362 LETTRES
méritais des censures vous ne m'avez donné
que des avis , et vous avez bien voulu ne me
voir que faible lorsque j'e'tais criminel. Ce que
\QVS ne m'avez pas dit , je sais me le dire ; je
sais donner à ma conduite auprès de vous le
nom que vous ne lui avez pas donne' ; et si
j'ai pu faire une bassesse sans la connaître , je
vous ferai voir que je ne porte point un cœur
bas. Sans doute c'est moins mon âge que le
vôtrequi me rendcoupable. Mon mépris pc-'
moi m'empécliait de voir toute l'iudiguir. uj
ma démarche. Trente ans de différence ne -
montraient que ma boute et me cachaient \
dangers. Hélas ! quels dangers ? Je n'étais pro
assez vain pour en supposer : je n'imaginais
pas pouvoir tendre un piégea votre innocence;
et si vous eussiez écé moins vertueuse , j'étais
un suborneur sans en rien savoir.
O Sara ! ta vertu est à des épreuves plus
dangereuses, et tes charmes ont mieux à choi-
sir. Mais mon devoir ne dépend ni de ta vertu
ni de tes charmes, sa voix me parle et je le
suivrai. Qu'un éternel oubli ne peut-il te
cacher mes erreurs ! Que ne les puis-je oublier
moi-même ! Mais non , je le sens , j'en ai pour
la vie,«it le trait s'enfonce par mes efforts pour
l'arracher. C'est mou sort de brûler jusqu'à
A s A R A; 263
mon dernier soupir d'un feu que rien ne peut
éteindre , et auquel chaque jour ôte un degré
d'cspcrauceetenajoute un de déraison. Voilà
ce qui ne déj)eud pas de moi ; mais voici,
Sara , ce qui en dépend. Je vous donne ma
foi d'homme qui ne la faussa jamais, qu&je ne
Vous reparlerai de mes jours de cette passion
ïidiculc et malheureuse que j'ai pu peut-être
empêcher de naître , mais que je ne puis plus
étouffer. Quand je dis que je ne vous en parle-
rai pas , j'eutcnds que rien en moi uevousdira
ce que je dois taire. J'impose à mes yeux le
même silence qu'à ma bouche : mais de grâce
imposez aux vu très de n« plus venir m'arrachet
ce triste secret. Je suis à l'e'preuve de tout,
liQrs de vos regards : vous savez trop combica
il vous cstaisé de me rendre parj ure. Un triom-^
pbe si sûr pour vous et si Oétrissant pour moi
pourrait-il flatter votre belle ame ? Non , di-
vine Sara , ne profane pas le temple où tu es
adorée , et laisse au moins quelque Ycrtu dans
ce cœur à qui tu as tout ôlé.
Je ne puis ni ne veux reprendre le malheu-
reux secretqui m'est échappé; il est trop tard,
il faut qu'il vous reste; et U est si peu intéres-
sant pour vous, qu'il serait bientôt oublie si
l'aveu uc s'eu reaouvellait sans cesse. Ah! jo
V 6
t64 t Ë T T R E S
serais trop à plaindre dans ma misère si Jamaîs
je ne pouvais me dire que vous la plaignez^ et
TOUS devez d'aïitaut plus la plaindre que vous
«'aurez jamais à m'en consoler. Vous me ver-
rez toujours tel que je dois être, mais connais-
sez-moi toujours tel que je suis : vous n'aurez
j>lus à censurer mes discours , mais souffrez
Kies lettres; c'est tout ce que je vous demande.
Jfe n'approcherai d,e vous que comme d'une
divinité devant laquelle on impose silence à
ses passions. Vos vertus suspendront l'effet de
■Ços charmes ; votre présence purifiera mon
coeur jjeue craindrai point d'être un séducteuc
«n ne vous disant rien qu'il ne vous convienne
cl'^ntendre ; je cesserai de me croire ridicule
quand vous ne me verrez jamais tel ; et je vou-
draiu'être plus coupable , qu^ud je ne pourrai
l'être que loin de vous.
Mes lettres? Non. Je ne dois pas même
'désirer de TOUS écrire, et vousnedevezle souf.
, jfrir jamais. Je vous estimerais moi'nssi vous eu
étiez capable. S^/a, Je te donne cette arme,'
pour t'en servir contre moi. Tu peux être dé-
yositaire de mon fatal secret, tu n'eu peux
Itve la confidente. C'est assez pour moi que tu
U caches, ce serait trop pour toi de l'entendre
S^pç'tçi» Je me tairai^ ^vraiirais-je de plus à t«i
A s A R A: S65
dire? Bann'is-mol, tnépiise- moî désormais,
çl tu revois jamais ton amant dans l'ami qne
tu t'es choisi. Sans pouvoir te fuir, je te dis
adieu pour la vie. Ce sacrilice était le dernier
qui me restait à te faire. C'était le seul (jui fût
fUgue de tes vertus et de mou cœur.
LA REINE
FANTASQUE,
CONTE.
L A R E I N E
FANTASQUE,
CONTE,
XL y avait autrefois un roi qui aimoit sou
peuple Cela commence comme un conte
de fee, interrompit le druide. C'en es tua aussi,
ic'pondit Jalamir. Il y avait donc un roi qui
aimait son peuple, et qui, par conséquent,
«ne:tait adoré. Il avait fait tows ses efforts pour
trouver des ministres aussi bien intentionnées
que hii; mais ayant en fin reconnu la folie d'uue
pareille recherche, H avaitprisle parti défaire
par lui-même toutes les choses qu'il pouvait
dérober à leur nialfcsante activité. Comme il
était fort entêté du bizarre projet de rendre ses
sujets heureux , il agissait en conséquence , et
une conduite si singulière lui donnait parmi
Icï grands un ridicule iucflacablc. Le peuple
le bénissait, mais à la cour il passait pour ua
fou. A cela près, il ne manquait pas de mérite j
^ussi s'appelait-il Phénix,
Syo t A R E r N E
Si ce prluce e'iait extraordinaire , i\ avait
une femme qui l'était moins. Vive , étourdie ,
capricieuse , folle par la Icte , sage par le cœur ]
bonne par tempérament, médian te par capri-
ce ; voilàen quatre mots le portrait de la reine.
J^antas(/i/e était son nom : nomcéiébrequVlle
avait reçu de ses ancêtres eu ligno féminine,
et dont elle soutenait dignement l'honneur.
Cette personne si illustre et si raisonnable
étaitle charme etlesupplicedeson cher épouy,
car elle l'aimait aussi fort sincèrement, peut-
être à cause de la facilité qu'elle avait à le
tourmenter. Malgré l'amour réciproque qui
régnait entr'eux, ilspasscreutplusieurs années
sans pouvoir obtenir aucunfruitdeleur union.
Le roi en était pénétré de chagrin , et la reine
s'en mettait dans des impatiences c'en t ce bon
prince ne se ressentait pas tout seài : elle s'en
prenait à tout le monde de ce qu'elle n'avait
point d'enfans ; il n'y avait pas un courtisan à
qui elle ne demandât étourdiment quelque
secret pour en avoir, et qu'elle ne rendît rcs^
ponsabie du mauvais succès.
Les médecins ne furent point oubliés; car
la reine avait pour eux unedocilité peu com-
mune, et ils n'ordonnaient pas une drogue
gu'elic ne fit préparer très-soigucuscment.
F A N T A s Q U E. Syi
polir avoir le plaisir de la leur jeter au nez,
il l'instant qu'il la fallait prendre. Les dervi-
ches eurent leur tour; il fallut recourir aus
Beuvaines, ailx vœux, sur-tout aux oîlian-
dcs; et malheur auxdesseryans des temples où
sa msije.stc allai t en pèlerinage : elle fourrageait
tout.etsous pi etextc d'aller respirer un air pro-
liGque, elle ne manquait jamais démettre sens
dessus-dessous toutes les cellules des moines.
Elle portait aussi leurs reliques , et s^afTnblait
alternativemeatdetousleursdifTerens équipa-
ges : tantôt c'était un cordon blanc , tantôt
«ne ceinture de cuir, tantôt un capuchon,
tantôt un scapulaire; il n'y avait sorte de mas*
caradc monastique dont sa dévotion ne s'avi-
sât; et comme elle avait un petit air éveillé
qui la rendait charmante sous tous ces dégui-
semens,el!e n'en quittait aucun sans avoir eu
soin de s'y faire peindre.
Enlin à force de dévotions si bien faites , à
force de médecines si sagement employées , 1»
ciel et la terre ciaucèrent les vœux de la rcme ;
elle devint grosse au momen t qu'pn commen-
çait à en désespérer. Je laisse à deviner la
Joie du roi et celle du peuple. Pour la sienne ,
elle alla , comme toutes ses passions , insqu à
l'estrayasaucc: dans SCS transports, clic cassait
S72 t A R E I N E
etbrisait tout : elle embrassai tindiffërelninenf
tontce qu'elle rencontrait ^hommes, femmes^
courtisans , valets ; c'e'tait risquer de se faire
étoufFerque se trouver sursou passage. Elle no
connaissait point , disait-elle , de ravissement
pareil à celui d'avoir un enfanta qui elle pùC
donner le fouet tout à son aise , dans ses mo-*
mens de mauvaise humeur.
Comme la grossesse de la reine avait elé
long-temps inutilement attendue, elle passais
pour un de ces évèuemeus extraordinaires ^
dont tout le monde veut avoir l'honneur. Les
me'dccins l'attribuaient à leurs drogues , \e»
moines à leurs reliques, lepeuple à sesprières^
et le roi à son amour. Chacun s'intéressait ai
l'enfant qui devait naître, comme si c'eût e'td
le sien , et tous fesaient des vœux sincères pou»
l'heureuse uaissancedu prince, car on en vou-
lait un: et le peuple, les grands et le roi réu-
iiissaicnt leurs désir» sur ce point. La reiue
trouva fortmatïvais qu'on s'avisât de lui pres-
crire de qui elle devait accoucher , et déclara
qu'elle prétendait avoir une fille ; ajoutanb
qu'il lui paraissait assez singulier que quel-
qu'un osât lui disputer le droit de disposer,
d'un bien qui n'appartenait incoutestablç-;
aient qu'à elle seule.
r A N T A s Q tJ Ë. Sf3
phénix voulut eu vain lui faire entendra
tfaisou ; elle lui dit nettement que ce n'étaient
|)oint là ses aSalres , et s'enferma dans so»
-cabinet pour bouder , occupation chérie à la-
quelle elle employait régulièrement six mois
de l'année. Je dis six mois, non de suite;
c'eût été autant de repos pour son mari ,
mais pris dans des intervalles propres aie cha-
griner.
Leroi comprenait fort bien qixe les capricds
€e la mère ne détermineraient pas le sexe de
l'enfant ; mais il était au désespoir qu'elle
donnât ainsi ses travers en spectacle à toute là
Gour. Il eût sacrifié tout au monde pour que
l'estime universelle eût iustihé l'amour qu'il
avait pour elle , et le bruit qu'il fit mal-à-pro-
pos en cette occasion ne fut pas la seule folie
que lui eût fait faire le ridicuU espoir de ren*
dte sa femme raisonnable.
Ne sachant plus à quel saint se vouer , il eut
recours à la fée Discrète son amie , et la pro-
tectrice de sou royaume. La fée lui conseilla
deprendreles voies de la douceur ,c'est-à-diro
de demander excuse à la reine. « Le seul but >
,► lui dit - elle , de toutes les fantaisies de»
^ femmes est de désorienter un peu la morgue
» iuaicuUuc, ctd'accoulwmwlolioniuicïi
374 LA REINE
» l'obéissance qui leur convient. Le melllcuï
5» moyen que VOUS ayez de guc'iir les cxtrava-
» gances de votre femme, est dextravar^uer
»» avec elle. Dès le moment que vous cesserez
» de contrarier ses caprices, assurez-vous
» qu'elle cessera d'en avoir; et qu'elle n'attend
>> pour devenir sage , que de vous avoir r»ndu
» biencomplctemeatfou. Faites donc lescbo-
j» ses de bonne grâce, et tâcbez de céder eu
» cette occasion , pour obtenir tout ce que
>♦ rous voudrez dans une autre ». Le roi crut
lafc'e ,et poursc conformer à son avis , s'e'tant
rendu au cercle de la reine, il la prit h part,
lui dit tout bas qu'il était fàcbé d'avoir con-
testa contre clic mal-à-propos , et qu'il tâche-
rait de la dédommager à l'avenir par sa com-
plaisance, do riiunieur qu'il pouvait avoir
mise dans ses discours , en disputant impoli-
ment contre elle.
Fantasque , qui craignitque la douceur de
Phénix ne la couvrît seule de tout le ridicule
de cette alfaire, se bâta de lui repondre , que
sous cette excuse ironique ellcvoyoit encore
plus d'orgueil que dans les disputes pre'cédeu-
tcs,mais qnepuisque les torts d'un mari n'au-
torisaient point ceux d'une femme, elle se
hâtait décoder eu cette occasioa comme ello
F A N T A s Q U E. S7S
avait toujours fait. « 3Ion prince et rnou
V époux, ajovita-t-ellc tout haut, m'ordonne
» d'accouchcrd'uti n;arçon,et jesais trop biea
v mon devoir pour manquer d'obfir. Je n'i-
» gnore pas que quand sa majesté m'iionore
»» des marques de sa tendresse, c'est moins
» pour l'amour de moi que pour celui de son
» peuple, dont l'intérêt ne l'occupe guère
» moins la nuit que le jour; je dois imiter un
» si noble désintéressement, et jevaisdeman-
»» der an divan un mémoire instructif du
> nombre et du sexe des enfans qui convien-
» lient à la famille royale; mémoire important
» au bonheur de l'Etat , et sur lequel touto
» reine doit apprendre à régler sa conduite
» pendant la nnit ».
Ce beau soliloqne fut écouté de tout le cer-
cle avec beaucoup d'attention , et je vous laisse
à penser combien d'éclats de rire furent mal-
adroitement étouffés. « Ahl dit tristement lo
» roi en haussant les épaules, je vois bien que
» quand on a une femme folle, on ne peut
» éviter d'être un sot».
La ïce Uiscrc/e , dont le sexe et le nom con-
trastaient quelquefois plaisamment dans soa
caractère , trouva cette querelle si réjouissanto
l^u'elle résolut do s'en amuser jusqu'au bout;
âyl L A R E I N Ë
Elledltpubliquemcntauroiqn'clIcavaitcoT!'*
suite les comètes qui piésidentà la naissance
des princes!, et €[u'eUe pouvait lui répoudrè
que l'enfant qui naîtrait de lui serait un gar-
çon; mais en secret elle assura la reine qu'elle
aurait une fille.
Cet avis rendit tout-à-coup Fantasque
aussi raisonnable qu'elle avait été capricieuse
Jusqu'alors. Ce fut avec une douceur et uu©
complaisance infinies qu'elle prit toutes les
iuesures possibles pour désoler le roi et tout»
la cour. Elle se hâta de faire faire une layett©
des plus superbes, afîectant de la rendre si
propre à un garçon qu'elle devînt ridicule à
fine fille; il fallut dans ce dessein changer plu-
sieurs modes ; mais tout cela ne lui coulait
rien. Elle fif préparer un beau collier d»
l'ordre tout brillant de pierreries , et voulut
absolument que le roi nommât d'avance le
gouverneur et le précepteur du jeune prince.
Sitôt qu'elle fut sure d'avoir une fille , ell»
ne parla que de son fils , et n'omi t aucune des
précautions inutiles qui pouvaient faire ou-
blier celles qu'on aurait dii prendre. Elle riait
aux éclats en se peignant la contenance éton-
née et bcte qu'auraient les grands et les ma-
gistrats qui deyaieat oruer ses couches de leut
préscue»»
FANTASQUE. 2-ji
Çl^sence. Il me semble , disait-elle à la fée,
▼ oir d'un côté uotre véticrable tliaiicelier ar-
borer de grandes lunettes pour vérifier le sexe
de l'enfant , et de l'autre sa sacrée majesté
laaisscr les yeux, et dire en balbutiant : Je
croyais la fée m'avait pourtant dit .
Messieurs, ce n'est pas ma faute ; et d'autres
apophtlicgmcs aussi spirituels recueillis parles
«avans de la cour, etbicntôt portés jujcju'aux
extrémités des Indes.
Elle se réprésentait avec un plaisir malin le
désordre et la confusion que ce merveilleux
tvénenient allait jetterdai\s toute l'assemblée.
Elle se figurait d'avance les disputes, l'agita-
tion de toutes les dames du palais pour récla-
|uer, ajuster, concilier en ce moment im-
prévu lesdroits de leurs importantes charges ,
et toute la cour en mouvcuicut pour un bé-
guin.
Ce fut aussi dans cette occasion qu'elle in-
venta le décent et spirituel usage de faire ha-
ranguer par les magistrats eu robe, le princa
nouveau-né. Phénix voulut lui représente»
que c'était avilir la magistrature à pure perte ,
et jeter un comique extravagant sur tout le
eérénionial de la cour , que d'aller en grand
appareil étaler du phébusà un petit mariuot
S78 L A R E I N E
avant qu'il le pût entendre , ou du moins y
répondre.
Eli tant mieux! reprit vivement la reine,
tant mieux pour votre lîls! Ne serait-il pas
trop heureux que tout- s les bêtises qu'ils ont
à lui dire, fussent e'puise'es avant qu'il les en-
tendît, ttvondricz-vousqn'on lui garda tponr
l'âce déraison des discours propres à le rcndte
fou? PourDieulaissez-lesharangncrtoutleur
bien aise, tandis qu'on est sûr qu'il n'y com-
prend rien ,et qu'il a l'ennui de moins : vous
devez savoir de reste qu'on n'en est pas tou-
jours quitte à si bon marclié. H en fallut pas-
ser par-là, et de l'ordre exprès de sa majesté
les pre'sldens du sénat et des académies com-
mencèrent à composer, étudier, raturer,
et ftMulIctcr leur Vanmorière et leur Vé-
vwsthene pour apprendre à parler à un em-
bryon.
Enfin le moment critique arriva. La reine
sentit les premières douleurs avec des trans-
ports de joie dont on ne s'avise guère en pa-
reille occasion. Elle se plaignait de si bonne
grâce et pleurait d'un air si riant, qu'on eût
cru que le plus grand de ses plaisirs était celui
d'accoucher.
Aussi-tôt ce fut dans tout le palais uue ru-j
FANTASQUE. 3?^
ïne«r épouTautablc. Les uns couraient cher-
cher le roi , d'autres les princes , d'autivs les
ministres, d'autres le sénat; le plus grand
nombre et les plus pressés allaient pour aller,
et roulant leur tonneau couirae Dicgene^
avaient pour toute aH'aire de se donner un air
affairé. Dans l'empressement de rassembler
tant de gens nécessaires, la dernière- personne
à qui l'on songea fut l'accoucheur; et le roi
que son trouble mettait hors de lui ayant de-
mandé par mégarde une sage -femme , cette
inadvertance excita paruii les dames du palais
des ris ijnmodcrc's qui , joints à la bonne hu-
meur de la reine, firent l'accouchement .le
plus gai dont on eiît jamais en tetidu parler.
Quoique /'"â!7//<'/*yz/teùtgardédcsori mieux
le secret de la fée, il n'avait pas laissé de
transpirer parmi les femmes de sa maison , et
celles-ci le gardèrent si soigneusement elles-
mêmes , que le biuit lut plus de trois jours à
s'en répandre par toute la ville, de sorte qu'il
n'y avait depuis long-temps que le roi seul
qui n'en sût rien. Chacun était donc attentif .
è la scène qui se préparait; l'intérêt public
fournissant un préleste à tous les curieux de
s'anujser aux dépens de la famille royale, ils
•e fesaieut une icte d'c'pier la contenance d»
X a
S8o L A R E I N E
leurs majestés , etde voir comment , arec deu*
promesses contradictoires , la fe'c pourrait s»
tirer d'affaires et conserver son crédit.
Oh çà, monseigneur ,dit Jalamir an druide
en s'interrompant , convenez qu'il ne tient
qu'à moi de vous impatienterdans les règles r
car vous sentez bien que voici le moment des
digressions, des portraits, et de cette multi-
tude de belles choses que tout auteur homiu»
d'esprit ne manque jamais d'employer à pro-
pos dans l'endroit le plus intéressant pour
amuser ses lecteurs ! Comment , par Dieu , dit
le druide, t'imagines-tu qu'il y en ait d'assea
sots pour lire tout cet esprit-là ? Apprends
qu'on a toujours celui de le passer, et qu'eu
dépit de monsieur l'auteur, ou a bientôt cou-
vert son étalage des feuillets de son livre. Et
toi qui fais ici le raisonneur , penses-tu qua
tes propos vaillent mieux que l'esprit des au-
tres , et que pour éviter l'imputation d'un»
sottise, il suffise de dire qu'il ne tiendraitqu'à
toi de la faire ? Vraiment , il ne fallait que le
dire pour le prouver : et malheureusement jo
n'ai pas , moi , la ressource de tourner les
feuillets. Consolez-vous, lui dit doucement
Jalamir- d'autres les tourneront pourvou^
sijajiuais on écrit ceci. Ccpçud&ntj cgjasidcrgi
FANTASQUE. 38»
^ue voilà toule la eour raisemblée dans la
eliambre de la reine; (jue c'est la plus belle
occasion que j'aurai jamais de tous peindre
-tant d'illustres originaux , et la seule, peut-
être , que vous aurez de les connaître. Qu«
DiEO t'entende , rc'partit plaisamment l»
-druide : je ne les connaîtrai que trop par
ieurs actions : fais-les donc agir si ton histoir»
a besoin d'eux, et n'en dis mot «'ilssont inu-
tiles; je ne veuv point d'autres portraits qua
les faits. Puisqu'il n'y a pas moyen , dit Jala*
viir , d'égayer mon re'oit paf un peu de me'-
taphysique, j'en vais tout bêtement reprendre
le fil , mais conter pour conter est d'un en-
nui! vous ne savez pas combien de belles cho-
ses vous allez perdre! Aidez-moi , je vous prie,
^ me retrouver; car l'essentiel m'a tellement
emporte' , que je ne suis plus à quoi j'en ctai t
du cont«.
A cette reine, dit le druide impatienté,
que tu as tant de peine à faire accoucher,
et avec laquelle tu me liens depuis une heur*
en travail. Oh, oh! reprit ,7a/<7//i://; croyez-
vous que les enfans des rois se pondent comme
des œufs de grives ? Vous allez voir si ce
«'était pas bien la peine de pérorer. La rein»
donc, aprvs biea 4e» en» et des ris, tir»
282 L A R E I ]>; E
enfia les curieux de peine et la fe'e d'intrigue,
eu uiettaut au jour uue fiile et iiu garcoa
plus beaux que la lune et le soleil, et qui
se ressemblaient silort, qu'on avoit peine à
les distinguer, ce qui fit que dans leur en-
fance on se plaisait à les habiller de même.
Dans ce moment si désiré, le roi sortant de
la majesté pour se rendre à la uaturc,-Gt des
extravagances qu'en d'autres temps il n'eut
pas laisfé faire à la reine ; et le plaisir d'a-
voir des cnfans le rendait si enfant lui-mcuie,
qu'il courut sur sou balcon crier à pleine
tête: Mes amis j réjouissez- '''Ous toits j it
vient de me naître vn Jils et à vous un
Jfîrc ^ et vue Ji lie à ma femme. La reine,
qui se trouvait pour la première fois do
sa vie b pareille fête, ne s'apperçut pas de
tout l'ouvrage qu'elle avait fait, et la fée
qui connO'Ssait son esprit fantasque se con-
tenta , conformément à ce qu'elle avait
désiré , de lui annoncer d'abord unelillc. La
reine se la fit apporte , et ce qui surprit
fort les spectateurs, elle l'embrassa tendre-
ment, à la vérité, mais les larmes aux yeux
et avec un air de tristesse qui cadrait mal
avec celui qu'elle avoit eu jusqu'alors. J'ai
déjli dit c[u'elle aiiuait siucéremeut sou epouï;
FANTASQUE. 383
elle avait été touches de rinquiétude et de
ratteudrissement qu'elle avait lu daus ses
regards durant ses souffrarices. Elle avait fait,
dans un temps, à la vérité, siugulièicment
cboisi , des rcflcsions sur la cruauté qu'il
y avait à désoler un mari si bon; et quand
ou lui pré^enta sa fille, elle ne songea qu'au
jegret qu'aurait le roi de n'avoir pas un ûb."
Discrète , à qui l'esprit de son sexe et le don
de féerie apprenaient à lire tacilenicnt daus
les cœurs, pénétra sur le chacip ce qui se
passait dans celui de la reine, et n ayant
plus de raison pour lui digmser la vérité^
elle fit apporter le jeune prince. La reine,
revenue de sa surprise, trouva l'expédient
si plaisant, qu'elle eu fit des éclats de rire '
dangereux dans l'état où elle était. Ellese
trouva mal. On eut beaucoup de peine à
la faire revenir , et si la fée n'eût lépoudu
de sa vie , la douleur la plus vive allait suc-
céder aux transport? de joie dans le cœur du
roi et sur les visages des courtisans.
Mais voici ce qu'il y evil de plus singu-
lier dans toute cette avantnre : le regret sin-
cère qu'avoit la reine d'avoir touiin'.nté son
ïBari, lui fit prendre une affection plus vive
pour le jeuue priucc ^ue pour sa sœurj et
2S4 I A R E I N E
le rôt de sou côte' , qui adorait la reine ^
marqua la même prc'tcrence à la fille qu'elle
avoit souhaitée. Les caresses indirectes que
CCS deux uniques c'poux se fesaient ainsi l'un
à l'autre devinrent bientôt un goût trcs-dc-
cidé , et la reine ne pouvait uon plus s«
passer de son lils que le roi de sa fille.
Ce double événement fit un grand plaisir
a tout le peuple , et le rassura du moins pour
un temps sur la frayeur de manquer d»
maîtres. Les esprits forts qui s'étaient mo-
qués des prouiesse« de la fée furent moquer
à leur tour r mais ils ne se tinrent pas pour
battus, disant qu'ils n'accordaient pas mêra»
à la fée l'infaillibilité du mensonge , ni &
ses prédictions la vertu de rendre imposo
sibles les choses qu'elle annonçait. D'autres,
fondés sur la prédilection qui commen-
çait à se déclarer, poussèrent l'imprudenc*
jusqu'à soutenir qu'eu donnant un fils à la
reine et une fille au roi, l'événement avait
de tout point démenti la prophétie.
Tandis que tout se disposait pour la pompe
du baptè-me des deux nouveaux nés, et qu#
l'orgueil humain se préparait à briller hum-
blement aux autels des Dieux. . . . Un mo-
meut,iuienoujpitlc druide j tu me brouilles
F A N T A s Q tr E. S85
3'une terrible façon. Appreuds-moi , je te
prie , en quel lieu nous sommes. D'abord ^
pour rendre la reine enceinte, tu la prome-
nai» parmi des reliques et des capnchons,
Apics cela tu nous as tout "à coup fait passer
aux ludes. A pre'sent tu viens me parler du
haptcme, et puis des autels des Dieux par
îe ^landj'^amiris , je nesais plus sidaiisla ce'-
ïe'monie que tu prépares nous allons adorer
Jupiter^ la bonne Vierge^ ou JMahomet. Cô^
n'est pas qu'à moi druide, il m'importe beau-
coup que tes deux bambins soient baptisé»
ou circoncis , mais encore faut-il observer
îe costume, et ue pas m'exposer à preudr»
"iin évêque pour le mufti , et le missel
pour l'alcoran. Le grand malheur ! lui dit
Jalamir , d'aussi fins que vous s'y trompe-
raient bien. Dieu garde de mal tous les pré-
lats qui ont des sérails et prennent pour
fle l'arabe le latin du bréviaire; Dieu fasse
jiaix h tous les honnêtes cafards qui suivent
l'intolérance du prophète de la Mecque, tou-
jours prêts à massacrer saintenioiit le genre-
Imuiain pour la plus grande gloire du Créa-
teur: mais voDs devez vous ressouvenir que
BOUS sommes dans un pays de fées, où l'oa
«'envoie personne en cui'er pour le bien de
586 L A B. E I N E
son ame , où l'on ne s'avise point de regar-
der au prépuce des gens pour les dauiuer
ou les absoudre, et où la mitre et le tur-
ban verd couvrent e'galenient les têtes sacre'es
pour servir de signalement aux yeux des ima-
ges, et de parure à ceux des sots.
Je sais bien que les lois de la ge'ographie,
qui règlent toutes les religions du monde,
Teuleut que les deux noiyiveaux nés soient
ïiiusuluiaiis , ujais on ne circoncit que les
mâles , et j'ai besoin que mes jumeaux soient
administrés tons deux ; ainsi trouvez boa
que Je les baptise. Fais , fais , dit le druide;
voilà, foi de prêtre, un choix le uiieux
motivé dont j'aie entendu parler de ma vie.
La reine , qui sep-laisait à bouleverser toute
étiquette , voulut se lever au bout de six
jours, et sortir le septième, sou» prétexta
qu'elle se portoit bien ; en effet, elle nour-
rissait scsenfans. Exemple odieux dont toutes
les femmes lui représentèrent très- fortement
les conséquences. Mais Fantasque , qui
craignait les ravages du lait répandu , sou-
tint qu'il n'y a point de temps plus perdu
pour le plaisir de le vie , que celui qui vient
après la mort; que le sein d'une femme morte
lie $c ûc'trit pas moins que celui d'une noui;>
FANTASQUE. 287
rîce , ajoutant d'un ton de ducgne , qu'i
n'y a point de si belle gorge aux yeux d'urt
mari, que celle d'une mère qui nourrit ses
cnfans. Cette intervention des maris, dans
des soins qui les regardent si peu, fit beau*
coup rire les dames; et la reine, trop jolia
pour l'être irapunc'ment, leur parut dès-lors^
maigre' ses caprices , presque aussi ridicula
que ^on époux, qu'elles appelaient par de'-
rision , le bourgeois de Vaugirard.
Je te vois venir, dit aussitôt le druide y
tu voudrais me donner insensiblement le
lôle de Schah-bahan, et me faire demander
s'il y a aussi un Vaugirard aux indes , comm©
Un Madrid au bois de Boulogne, un opér*
dans Paris , et un philosophe à la cour»i
Mais poursuis ta rapsodie, et ne me tend*
plus de ces pièges; car n'étant ni marié, u£
sultan, ce n'est pas la peine d'être un sot»
Enfin, dit Jalamir sans répondre au driiidcj,'
tout étant prêt,, le jour fut pris pour ou-
vrir les portes du ciel aux deux nouveaux
nés. La fée se rendit de bon matin au pa-
lais, et déclara aux augustes époux qu'cllt»
allait faireà chacun de leurs eufans un présent
digne de leur naissance et de son pouvoir.
Je veux, dit-elle, ayaût ^ue l'eau ûiagi^ue
S88 LA REINE
les dérobe à ma protection , les enrichir âfk
mes dons , et leur donner des noms plus
efficaces que ceux de tous les pieds-plats du
calendrier, pjwisqu'ils exprimeront les perfec-
tions dont j'aurai soin de les douer en même
temps : mais comme vous devez connaîtra
mieux que moi les qualite's qui conviennent
au bonheur de votre famille et de vos peu-
ples , choisissez vous-mêmes, et faites ainsi
d'un seul acte de volonté sur chacun de vos
deux enfans, ce que vingt ans d'éducation
font rarement dans la jeunesse, et que la
Raison ne fait plus dans un âge avancé.
Aussitôt grande altercation entre les deux
époux. La reine prétendait seule régler à sa
fantaisie le caractère de toute sa famille; et
le bon prince, qui sentait toute l'importanc»
d'un pareil choix, n'avait garde de l'aban-
donner au caprice d'une/emme dont il adop-
tait les folies sans les partager. Phénix vou-
lait des enfans qui devinssent un jour des
gens raisonnables; Fantasque s\vi\d\t mieux
«voir de jolis enfans , et pourvu qu'ils bril-
lassent à six ans , elle s'embarassait fort peu
qu'ils fussent des sots à trente. La fée eut
beau s'efforcer de mettre leurs majestés d'ac-
cord \ bientôt le caractère des nouveaux nés
FANTASQUE. S89
ne fut plus que le pre'texte de la dispute ,
et il n'était pas quostion d'avoii raisou, mais
de se mettre l'un l'autre à la raison.
Enfin Discrète imagina un moyen de tout
ajuster, sans donner le tort à personne '
ce fut que chacun disposât à son gré de l'en-
fant de son sexe. Le roi approuva un expé-
dient qui pourvoyait à l'essentiel, en met-
tantà couvert des bizarressouhaits de la reine,
l'héritier présomptif de la couronne ; et voyant
les deux enfans sur les genoux de leur gou-
vernante, il se hâta de s'emparer du prince
non sans regarder sa sœur d'un œil de com-
misération. Mais Fantasque , d'autant plus
mutinée qu'elle avait moins raison de l'être
courut comme une emportée à la jeune prin-
cesse, et la prenant aussi dans ses bras:
vous vous unissez tous, dit-elle , pour m'ex-
céder, mais afin que les caprices du roi
tournent malgré lui-même au profit d'ua
de ses enfaus , je déclare que je demande
pour celui que je tiens, tout le contraire de
ce qu'il demandera pour l'autre. Choisissez
maintenant, dit-elle au roi d'un air de triom-
phe, et puisque vous trouvez tant de char-
mes à tout diriger, décidez d'un seul mot
le sort de votre famille entière. La fée et !•
Mélanges, Tome V, Y
S90 L A R E I N E
roi tâchèrent en vain delà dissuader d'une ré-
solution qui mettaitcc prince dans un étrange
embarras; elle n'en voulut jamais démordre,
et dit qu'elle se félicilait beaucoup de l'ex-
pédient qui ferait rejaillir sur sa lille tout
le mérite que le roi ne saurait pas donner
à son fils. Ah ! dit ce prince outré de dé-
pit, vous n'avez jamais eu pour votre fille
que de l'aversion, et vous le prouvez dans
l'occasion la plus importante de sa vie; mais,
ajouta-t-il dans un transport de colère dont
il ne fut pas le maître, pour la rendre par-
faite eu dépit de vous , je demande que cet
4Enfant-ci vous ressemble. Tant mieux pour
TOUS et pour lui, reprit vivement la reine,
luais je serai vengée , et votre fille vous res-
semblera. A peine ces mots furent-ils lâchés
de part et d'autre avec une impétuosité san«.
égale , que le roi , désespéré de son étour-
derie, les eût bien voulu retenir; mais c'en
était fait, et les deux enfans étaient doués
sjans retour des caractères demandés. Le gar-
çon reçut le nom de prince Coprice , et la.
ftlle s'appela la princesse Haison, nom bizarre
qu'elle illustra si bien qu'aucune femme n'osa
le porter depuis.
iVoilà donc le futur sviccesscur au trôuc orut
FANTASQUE. Zgt
de tontes les perfections d'une jolie femme ^
et la princesse sa sœur destinée à posséder
un jour tontes le^ vertus d'un lionne e hom-
me et les qualitc's d'un bon roi ; partage
qui ne paraissait pas des mieux entendus,
mais sur lequel ou ne pouvait plus revenir.
Le plaisant fut que l'amour mutuel des deux
^poux at^issant en cet instant avec toute la
force que lui rendaient toujours, mais soti-
vent trop tard, les occasions essentielles, et
la pre'dilectiou ne cessant d'agir , cliacua
trouva celui de ses cnfans qui devait lui res-
sembler le plus mal j^artagc des deux , et
songea moins à le fe'licitcr qu'h le plaindre.
L.e roi prit sa fille dans ses bras, et la ser-
rant tendrement : Hélas ,lui-dit-il, que te ser-
virait la beauté même de ta mère, ïans son
talent pour la faire valoir ? tu seras trop
raisonnable pour faire tourner la tête à per-
sonne ! Fantasque plus circonspecte sur ses
propres vérités, ne dit pas tout ce qu'elle
pensait de la sagesse du roi futur, mais il
était aisé de douter, à l'air triste dont elle
le caressait, qu'elle eût au fond du creur
tmc {;»*a"<^*^' opinion de son parla-c. Cepen-
dant le roi la rcîz,ardant avec une sorte de
coiii'usiou, lui lit quelques reproches sur ce
y 2
Sçî L A R E I N E
qui s'était passé. Je seus mes tors , lui dit-
il , mais ils sont votre ouv^rage : nos cnfaus
auraient valu beaucoup mieux que nous ,
vous êtes cause qu'ils ne feront que nous res-
sembler. Au-moins , dit-elle aussitôt , ea
sautant au cou de sou mari, je suis sûre
qu'il s'aimeront autant qu'il est possible.
Phénix touché de ce qu'il y avait de tendre
dans cette saillie, se consola par cette rcflexioa
qu'il avait si souvent occasion de faire, qu'eu
effet la bouté naturelle , et un cœur sensi-
ble, suffisent pour tout réparer.
Je devine si bien tout le reste , dit le druido
a Ja//2/«/r en l'interrompant , que j'achève-
rais le conte pour toi. Ton prince Caprice
fera tourner la tête à tout le monde, et sera
trop bien l'imitateur de sa mère pour n'ea
pas être le tourment. Il bouleversera le royaume
eu voulant le réformer. Pour rendre ses su-
jets heureux, il les mettra au désespoir, s'ea
prenant toujours aux autres de ses propres
torts: injuste pour avoir été imprudent, le
regret de ses fautes lui en fera commettre de
nouvelles. Comme la sagesse ne le conduira
jamais, le bien qu'il voudra faire augmentera
le mal qu'il anra fait. En un mot ,quoiqu*au
fond il soit boa, sensible , et généreux, ses
FANTASQUE. 393
vertus mcmes lui tourueroat à préjudice; et
sa seule étourderie , unie à tout son pou-
voir , le fera plus haïr que n'aurait fait
«ne méchanceté' raisonnée. D'un autre côté
ta princesse Raison , nouvelle héroïne du
pays des fées, deviendra un prodige de sa^
gesse et de prudence , et sans avoir d'adora-
teurs, se fera tellement adorer du peuple,
f]at chacun fera des vœux pour être gouverné
par elle : sa bonne conduite, avantageuse à
tout le monde et à elle-même, ne fera du
tort qu'à son frère, dont on opposera sans
cesse les travers à ses vertus, et à qui la
prévention publique donnera tous les dé-
fauts qu'elle n'aura pas , quand même il uo
les aurait pas lui-même. 11 sera question d'ia-
tervertir l'ordre de la succession au trône ,
d'asservir la marotte à la quenouille , et la
fortune à la raison. Les docteurs exposeront
avec emphase les conséquences d'uu tel exem-
ple, et prouveront qu'il vaut mieux que
le peuple obéisse,aveuglement aux enragés que
le hazard peut lui donner pour maîtres, qu»
de se choisir lui-même des chefs raisonnables ;
que quoiqu'on interdisse à un fou le gou-
vcrtiemcnt de son propre bien, il est boa
de lui laisser la supréine disposition de nos
y 3
394 L A R E I N E
biens et de uos vies; que le plus iusense' des
hommes est encore préfe'rable à la plus sage
des femmes ; et que le mâle ou le premier ne' ,
fût-il uu singe ou un loup , il faudrait eu
bonne politique qu'une héroïne ou un ange
naissant après lui obéît à ses volontés. Ob-
jections et répliques de la.part des séditieux,
dans lesquelles Dieu sait comme on verra bril-
ler ta sophistique éloquence : car je le coli-
nais ; c'estsur-tout à médire de ce qui se fait,
que ta bile s'exhale avec volupté , et tou
amcre franchise semble se réjouir de la mé-
chaucctc des hommes, parle plaisir qu'elle
prend à la leur reprocher.
Tubleu , père drui;ie, comme vous y allez ,
dit Jalainir tout surpris ; quel lluK de pa-
roles ! Où diable avez-vous pris de si belles
tirades ? Vous ne prêchâtes de votre vie aussi
bleu dans le bois sarce' , quoique vous n'y
parliez pas plus vrai. Si je vous laissais faire,
vous changeriez bientôt unconte de lees en un
traité de politique, et l'on trouverait quel-
que jour dans les cabinets des princes , Barbe-
bleue ou Peau-d'ànc au lieu de Machiavel.
Mais ne vous mettez point tant en frais pour
deviner la fin de mon conte.
Pour vous montrer que les déuouemcus ne
FANTASQUE. SpS
me manquent pas au besoin, j'en Vais dans
quatre mots expédier un non pas aussi sayanfe
que le vôtre, mais peut-être aussi naturel,
et à coup sûr plus imprévu.
Vous saurez donc que les deux cnlans
jumeaux étant, comme je l'ai remarqué,
fort-semblables de figure et de plus habillés
de- même , le voi croyant avoir pris son fils
tenait sa fille entre ses bras au moment de
l'influence , et que la reine trompée par le
choix de son mari ,aynnt aussi pris son fils pour
sa fille, la fée profita de cette erreur pour
douer les deux enfans de la manière qui leur
convenait le mieux. Caprice fut donc le nom
de la princesse , /ï^/^o« celui du prince soa
frère; et en dépit des bizarreries de la reine,
tout se trouva dans l'ordre naturel. Parvenu
au trône après la mort du roi , Bnison fit
beaucoup de bien et fort peu de bruit : cher-
chant plutôt à remplir ses devoirs qu'à s'ac-
quérir de la réputation, Il ne fit ni guerre
aux étrangers, ni violence à ses su)ets , et
reçut plus de bénédictions que d'éloges. Tous
les projets formés sous le précédent règne
furent exécutés sous celui-ci, et en passant
de la domniation du père sous celle du fils,
les peuples deux fois heureux crurent n'avoir
Y 4
895 L A R E I N E , etc.
pas changé de maître. La princesse Caprice j
après avoir fait perdre la vie ou la raisou
h des multitudes d'amans tendres et aimables,
fut enfin marie'c à un roi voisin qu'elle pré-
féra parce qu'il portait la plus longue mous-
tache et sautait le mieux à cloche-pied. Pour
Fantasque tWt^ mourut d'une indigestion de
pieds de perdrix en ragoût, qu'elle voulut
manger avant de se mettre au lit où le roi
se morfondait à l'attendre, un soir qu'à force
d'agaceries elle l'avait engagé à venir couchey
avec elle.
L E
PERSIFLEUR.
L E
PERSIFLEUR. (*>
JL^È s qu'on m'a appris que les écrivains qui
s'étaient charj;és d'examiner les ouvrages nou-
veaux, avaient, par divers accideus , succes-
sivement résigne leurs emplois , je me suis mis
eu tcte que je pourrais fort bien les rempla.
ccr; et, comme je n'ai pas la mauvaise vanité
de vouloir cire modeste avec le public, j'a-
voue franchement que je m'en suis trouvé très-
capable; je soutiens même qu'on ne doit ja-
mais parler autrement de soi que quand on est
bien sv'ir de n'en pas être la dupe. Si j'étais un
auteur connu, j'affecterais peut-être de débi-
ter des contre-vérités à mon désavantage ,
pourtàcheràleur faveur d'amener adroitement!
dans la même classe les défauts que je serais
contraiutd'avouer; mais actuellement Icstra-
(*) Ce morceau devait être la première feiiilla
d'un écrie périodirpie projeté, dit l'auteur , pour
être fdit alternativement entro M. Diderot et lui :
l'auteur en esquissa la première feuille et par des
ivénemens imprévus le piojec en dcmeura-là.
Y é
400 L E P E R S I F L E U R;
tagème serait trop dangereux ; le lecteur , par
provision, me joueroit infaiUiblementle tour
de tout prendre avi pied de la lettre : or, je 1©
demande à mes chers confrères, est-ce-là la
compte d'un auteur qui parle mal de soi.
Je seus bien qu'il ne suffit pas tout-à-fait
que je sois convaincu de ma grande capacité' ,
et qu'il serait assez nécessaire que le public fût
de moitié' dans cette conviction : mais il m'est
aise' de montrer que cette réflexion , même
prise comme il faut, tourne presque toute a
mon profit. Car remarquez , je vous prie , que
si le public. n'a point de preuves que je sois
pourvu des talcus convenables pour réussir
dans l'ouvrage que j'entreprends, ou ne peut
pas dire , non plus , qu'il eu ait du contraire.
Voilà donc déjà pour moi un avantage con-
sidérable sur la plupart de mes concurrens •
Val réellement vis-à-vis d'eux une avance rela-
tive de tout le chemin qu'ils ont fait ch ar-
rière.
Je pars ainsi d'un préjugé favorable et je le
confirme parles raisons suivantes, très-capa-
bles, à mon avis, de dissiper pour jamais
toute espèce de doute désavantageux sur moa
compte.
i^. On a publié depuis un grand nombre
LE PERSIFLEUR. 401
d'années une infinité de journaux, feuilles,
et autres ouvrages périodiques en tout pays et
en toute langue, et j'ai apporté la plus scru-
puleuse attention à ne jamais rien lire de tout
cela. D'où je conclus que n'ayant point la tête
farcie de ce jargon , je suis en état d'en tirer des
productions beaucoup meilleures en elles-
mêmes , quoique peut-être en moindre quan-
tité. Cette raison est bonne pour le public,
mais j'ai été contraint de la retourner pour
mon libraire,en lui disant que le jugementen.
gendreplusdechosesà mesure que la mémoire
en est moins chargée, et qu'ainsi les matériaux
ne nousmanqucraient pas.
2**. Je n'ai pas non plus trouvé à propos j,
et à peu prés par la même raison, de perdre
beaucoup de temps a l'étude des sciences nia
celle des autours anciens, La physique sistéma^
tique est depuis long-temps relégée dans le
pays des romans , la physique expérimentale
tie me paraît plus que l'art d'arranger agréa-
blement de jolis brimborions , et la géométrie
celui de se passer du raisonnement à l'aide de
quelques formules.
Quant aux anciens , il m'a semblé que dans
les jugcmens que j'aurais à porter, la probité
ne Touioit pas que je doauasse le change à
^2 LE PERSIFLEUR;
mes lecteurs , ainsi que ftsaicnt jadis nossa-
vans , en substituant frauduleusement à ruoa
avis , qu'ils attendraient, celui à'^ristote ou
de Cicéron dont ils n'ont que faire; grâce à
l'esprit de nos modernes, il y a long-temps
que ce scandale a cessé , et je me garderai bien
d'en ramener la pénible mode. Je me suis seu-
lement appliqué à la lecture des dictionnaires ,
el j'y ai fait un tel profit, qu'eu moins de trois
mois , je me suis vu en état de décider de tout
avec autant d'assuranceet d'autorité que si j'a-
vais eu deux ans d'étude. J'ai de plus acquis
lui petitrecueil de passages latins tirés dedivers
poètes , où je trouverai de quoi broder et ea-^
joliver mes feuilles, en les ménageant avec éco-
nomie, afin qu'ils durent long-temps: je sais
combien les vers latins cités à propos donnent
de relief à un pbilosophe; et par la même rai-
son je me suis fourni de quantité d'axiomes et
de sentences philosophiques, pour orner mes
dissertations quand il sera question de poésie.
Car je n'ignore pas que c'est un devoir indis-
pensable pour quiconque aspire à la réputa-
tion d'auteur célèbre , de parler pertinemment
de toutes les sciences , hors celle dont il so
niclc. D'ailleurs je ne sens point du tout la né-
cessite d'être £ort savant pour juger les ouvicij?'
L E P E R s I F L E U R. 4o3
ges qu'où nous donne au)ourd'iiui. Ne di-
rait-on pas qu'il faut avoir lu le P. P^tau ^
Montfancon , etc. et être profond dans les
inathcinatiqucs , etc. pour juger Taiizaï ,
Grigri , Anj^ola , Misapouf , et autres sublimes
productions de ce siècle.
Ma dernière raison , et dans le Fond la seulo
dont j'avois besoin , est tirée de mon objet
même. Le but que je me propose dans le tra-
vail médité, est de faire l'analyse des ouvrages
nouveaux qui paraîtront, d'y joindre mon sen-
timent, et de communiquer l'un et l'autre au
public : or clans tout cela, je ne vois pas la
moindre nécessité d'être savant: juger saine-
ment et impartialement , bien écrire, savoir sa
langue , ce sont-la, ce me semble, toutes les
conuaissances nécessaires en pareil cas : mais
eesconuaisssances, qui est-ce qui se vante de
les posséder mieux que moi et à un pins haut
degré? à la vérité; je ne saurais pas bien dé-
montrer qne cela soit réellement tout-à-fait
comme je le dis ; mais c'est justement à cause
de cela que je le crois encore plus fort : on ne
peut trop sentir soi-même ce qu'on veut per-
suader aux autres : serais-jc donc le premier
qui à force de se croire un fort habile homme
l'aurait aussi fait woirc au public ; et si je par-
4Q4 L E P E R S I F L È U R. |
viens à lui donner de moi une semblable opi-
îiion , qu'elle soit bien ou mal fondée , n'est-ce
pas pour ce qui me regarde à peu près la
même chose dans le cas dont il s'agit ?
On ne peut donc nier que je ne sois très-fondé
im'e'rigeren Arisiarque ^ en juge soin eraia
des ouvrages nouveaux, louant, blâmant j cri-
tiquant à ma fantaisie sans que personne soit
en droit de me taxer de témérité , sauf à tous
et un chacun de se prévaloir contre moi du
droit de représailles que je leur vnccoide de très-
grand cœur, désirant seulement qu'il leur pren-
ne en gré dédire du mal de moi delà même ma-
nière et dans le même sens que ;f m'avise dVu
dire du bien.
C'est par une suite de ce principe d'équité
que, n'étant point connu de ceux qui pour-
raient devenir mes adversaires, jedéclareque
toute critique en observation personnelle sera
pour toujours bannie de mou journal : ce ue
sont que des livres que j« vais examiner, le
ïiiot d'auteur ne sera pour moi que l'esprit du
livre même, il ne s'étendra point au-delà, et
j'avertis positivement que je ue m'en servirai
jamais dans un autre seus; de sorte que si,
dans mes jours de ma uv aise humeur,ilm'arri?e
quelquefois de dire ; voilà uu sot, uu imper-
LE PERSIFLEUR. 40&
tincnt écrivain, c'est l'ouvrage seul qui sera
taxe d'impertinence et 4.e sottise , et je n'en-,
tends nullement que l'auteur en soit moins un
ge'nie du premier ordre , et peut-être même un
digne acade'micien. (^uesais-je, par exemple ,
si l'on ne s'avisera pas de régaler mes feuillets
des épithètes dont )e viens de parler : or ou
voit bien d'abord que je ne cesserai pas pour
cela d'être un homme de beaucoup de mé-i
rite.
Comme tout ce que j'ai dit jusqu'à présent
paraîtrait un peu vague si je n'ajoutais rieii
pour exposer plus nettement mon projet et la
manière dont je me propose de l'exécuter, je
vais prévenir mon lecteur sur certaines parti-»
cularitcs de mon caractère, qui le mettront au
fait de ce qu'il peut s'attendre à trouver dans
lues écrits.
Quand Soile^i/ aiWldc l'homme en géné-
ral qn'ilchangeait du blanc au noir , il a croqué
mon portrait en deux mots , en qualité d'in-
dividu. Il l'eût rendu plus précis s'il y eiik
ajoute toutes les autres couleurs avec Ica»
nuances intermédiaires. Rien n'est si dissem-
blable a moi que moi-même : c'est pourquoi
il serait inutile de tenter de me définir autre-t
pjeut que par cette variété singulière j ellees|
4o6 L E P E R S I F L E U R.
telle dans mon esprit qvi'elle influe de temps
à autre jusque sur mes seutimens. Quelquefois
je suis un dur et féroce misautrope ; en d'au-
tres momens , J'entre en extase nu militu des
charmes de la socie'té et des délices dé l'a-
mour. Tantôt je suisaustère et dévot, et pour
le bien de mon ame je fais tous mes efforts
pour rendre durables ces saintes dispositions ;
mais je deviens bientôt un franc libertin ; et
comme je m'occupe alors beaucoup plus de
mes sens que de ma raison , je m'abtiens cous-
tanunent d'écrire dans ces moinens-là : c'est
sur quoi il est bon que mes lectenrs'soient svif-
Ësammcut prévenus , de peur qu'ils ne s'atten-
dent à trouver dans mes feuilles des choses
quecertainemcntils n'y verront jamais. En un
mot j un Protée , un Caméléon , une fenuue
sont des êtres moins changeans que moi ; ce
qui doit dès l'abord ôter aux curieux toute
espérance de me reconnaître quelque jour à
mon caractère : car ils me trouveront toujours
sous quelque forme particulière qui ne sera la
mienne que pendant ce moment-là , et ils no
peuvent pas même espérer de me reconnaître
à ces chaiigemens \ car comme ils n'ont point
de période fixe , ils se feront quelquefois d'un
instant à l'autre , et d'autrefois je demeurerai
LE r E R S I F L E U R. 407
des mois entiers dans le même état. C'est cette
irrégularité même qui fait le fond de ma cons-
titution. Bien plus ; le retour des mêmes ob-
jets renouvelle ordinairement en moi des dis-
positions semblables à celles oii je me suis
trouvé la pre:uicre fois que je les ai vus , c'est
pourquoi je suis assez constamment de la mémo
bumcur avec les mêmes personnes. De sorte
qu'à entendre séparément tous ceux qui mo
connaissent, rien ne paraîtrait moins varié
que mou caractère : mais , allez aux derniers
cclaircissemens , l'un vous dira que je suis ba-
din , l'autre yrave ; celui-ci me prendra pour
«m ignorant , l'autre pour vin homme fort
docte : en xin mot , autant de têtes , autant
d'avis. Je me trouve si bizarrement disposé à
cet égard qu'étant un jour abordé par deux
personnes à la fois, avec l'une desquelles j'a-
vais accoutumé d'être gai jusqu'à la folie , et
plus ténébreux k\<a Heraclite avec l'autre , j»
me sentis si puissamment agité que je fus con-
traint de les quitter brusquement de peur que
le contraste des passions opposées ne me fit
tomber cil syncope.
Avec tout cela , à force de m'examiner , je
n'ai pas laissé que dedémêler en moi certaines
dispositions dominantes , et certains retours
4&8 LE PERSIFLEUR.
presque périodiques qui seraient difficiles à
remarquer à tout autre qu'à l'observateur le
plus attentif, eu un mot, qu'à moi-même;
c'est à peu près ainsi que toutes les vicissitudes
et les irre'gularités de l'air , u'empcchent pas
que les marins et les hahitans de la campagne
n'y aient remarqué quelques circonstances an-
nuelles, et quelques phénomènes qu'ils ont ré-
duits en refile pour prédire à peu près le temps
qu'il fera dans certaines saisons. Je suis sujet,
par exemple , à deux dispositions principales
qui changent assez constamment de huit eu
huit jours, et que j'appelle mes âmes hebdo-
madaires ; par l'une je me trouve sa^^ement
fou , par l'autre follement sage , mais de telle
in.mière pourtant que la folie l'emportant suf
la sagesse dans l'un et dans l'autre cas , elle a
surtout manifestement le dessus dans la se-
maine ovi je m'appelle sage ; car alors , le fond
de toutes les matières que je traite, quelque
raisonnable qu'il puisse être en soi , se trouve
presqu'entièrement absorbe par les futilités et
les extravagances dont j'ai toujours soin de
l'habiller. Pour mon ame folle elle est bien
plus sagequecela, car bien qu'elle tiretonjou'-s
de son propre fond le texte sm- lequel elle ar-
gumente , elle met tant d'art , tant d'ordre ,
LE PERSIFLEUR. 409
et tant de force dans ses raisonncmcns et dans
ses preuves , qu'une folie ainsi déguisée ne
diffère presque en rien de la sagesse. Sur ces
idées que je garantis justes ou à peu près , je
trouve un petit problème à proposer li mes
lecteurs , et je les prie de vouloir bien décider
laquelle c'est de mes deux âmes qui a dTcté
cette feuille ?
Qu'on ne s'attende donc point à ne voir
ici que de sages et graves dissertations , on y
en verra sans doute , et où serait la variété ?
mais je ne garantis point du tout qu'au milieu
de la plus profonde métaphysique , il ne me
prenne tout d'un coup une saillie extrava-
gante , et qu'emboîtant nion lecteur dans l'I-
cosaèdre de Bergerac , je ne le transporte tout
d'un coup dans la lune ; tout comme à pro-
pos de l'Arioste et de l'HippogrifiFe , je pour-
rais fort bien lui ç,\\.gx Platon j Locke on Mal"
lebranche.
Aurestc, toutesraatièresserontdcma com-
pétence , et j'étends ma jurisdiction indistinc-
tement sur tout ce qui sortira de la presse ; je
m'arrogerai niênio , quand le cas y écherra , le
droit de révision sur les jugemcns de mes con-
frères ; et non content de me soumettre toutes
JUîS iuipriuierics de France, je me propose aussi
410 LE PERSIFLEUR.
de faire de temps en temps de bonnes excur-
sions hors du royaume ,et de me rendre tribu-
taires î'Italie , ia Hollande et même l'Angle-
terre , chacune à sou tour , promettaut foi de
voyageur la ve'racite la plus exacte daus les
actes que j'en rapporterai.
Quoique le lecteur se soucie , sans doute ~
assez peu des détails que je lui fais ici de moi
et de mon caractère , j'ai résolu de ue pas lui
en faire grâce d'une seule ligne ; c'est autant
pour son profit que pour ma commodité que
j'en agis ainsi. Apres avoir commencé panne
persifler moi-même , j'aurai tout le temps de
persifler les autres ; j'ouvrirai les yeux , j'écri-
rai ce que je vois , et l'on trouvera que je me
serai assez bien acquitté de ma tâche.
Il me reste à faire excuse d'avance aux au-
teurs que je pourrais maltraiter à tort, et au
public de tous les éloges injustes que je pour-
rais donner aux ouvrages qu'on lui prébe?itc.
Ce ne sera jamais volontairement que je com-
mettrai de pareilles erreurs; je sais querim-
partialité dans un journaliste ne sert qu'à lui
faire des ennemis de tous les auteurs , pour
n'avoir pas dit au gré de chacun d'eux assca
de bien de lui ni assez de mal de ses confrères '
c'est pour cela que je yeux toujours rester iu.
LE PERSIFLEUR. 411
connu : ma grande folie est de vouloir ne cou-
suUer que la raison et ne dire que la vérité ;
de sorte que suivant l'e'tendue de mes lumières
et la disposition de mon esprit, on pourra
trouver en moi tantôt un critique plaisant et
badin, tantôt un censeur sévère et bourru,
non pasunsatyrique amer ni un puérile adu-
lateur. Les jugemcns peuvent être faux, mais
le juge ne sera jamais inique.
Fin du einquième volume des Mélavges,
TABLE
DES DIFFÉRENTES PIÈCES
CONTENUES DANS LE CINQUIÈME
VOLUME DES MÉLANGES.
JL RADudTiON du Livre premier de Thistoire
de Tacite. Page 7
Traduction de l'Apocolokiiitosis de Senè^
que. 21 3
Olinde et Sophrovie , tiré du Tasse. 2-ji
Le Lévite à'Ephraïm, 3i5
Lettres \ Sdit&. 35 1
La Reine Faiitascjue , conte. 869
Le Persifleur. - 399
Lettre de J. J. Rousseau a M. le docteur
Burney , auteur de l'iiistoire générale de la
Mujique. 359
Fin de la Table.
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