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OEUVRES
COMPLÈTES
D'HIPPOCRATE,
TRADUCTION NOUVELLE
AVEC LE TEXTE GREC EN REGARD,
COLLATIONNÉ SUR LES MANUSCRITS ET TOUTES LES ÉDITIONS;
ACCOMPAGNÉE D'UNE INTRODUCTION ,
DE COMMENTAIRES MÉDICAUX, DE VARIANTES ET DE NOTES PHILOLOGIQUES;
Suivie d’une table générale des matiéres,
Par É. LITTRÉ.
Τοῖς τῶν παλαιῶν ἀνδρῶν
ὁμιλῆσαι γράμμασι.
Gaz.
TOME PREMIER.
À PARIS,
CHEZ J. B. BAILLIERE,
LIBRAIRE DE L’ACADEMIE ROYALE DE MÉDECINE,
RUE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE, 17;
À LONDRES, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219 REGENT-STREET.
1839.
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A LA MÉMOIRE
DE MON PÈRE
MICHEL-FRANÇOIS LITTRÉ,
MORT LE 20 DÉCEMBRE 1827.
MALGRÉ LES OCCUPATIONS LES PLUS DIVERSES
D’UNE VIE TRAVERSÉE ,
IL NE CE$SA DE SE LIVRER À L'ÉTUDE DES LETTRES ET DES SCIENCES ,
ET IL FORMA SES ENFANTS SUR SON MODÈLE.
PRÉPARÉ PAR SES LEÇONS ET PAR SON EXEMPLE ,
J'A1 ÉTÉ SOUTENU DANS MON LONG TRAVAIL PAR SON SOUVENIR
TOUJOURS PRÉSENT.
J'AI VOULU INSCRIRE SON NOM SUR LA PREMIÈRE PAGE DE CE LIVRE,
AUQUEL DU FOND DE LA TOMBE IL A EU TANT DK PART,
AFIN QUE LE TRAVAIL DU PÈRE
NE FÜT PAS OUBLIÉ DANS LE TRAVAIL DU FILS,
ET QU'UNE PIEUSE ET JUSTE RECONNAISSANCE RATTACHAT L'OEUVRE DU VIVANT
À L'HÉRITAGE DU MORT.
CE LIVRE AURA ATTEINT MA PLUS HAUTE ESPÉRANCE,
S’IL N’EST PAS INDIGNE DE L'HUMBLE MAIS VÉNÉRABLE MÉMOIRE
A LAQUELLE JE LE CONSACRE.
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PRÉFACE.
Le travail que j'ai entrepris sur les livres hippo-
cratiques , est triple ; il a fallu revoir le texte. re-
faire la traduction, et donner une interprétation
médicale.
J'avais cru, en me mettant à l'œuvre, que la
première partie de ma tâche serait peu laborieuse ;
je n'ai pas tardé à être détrompé. Le texte d'Hip-
pocrate, depuis l’état où Foes l’a laissé, n'avait
été l’objet que de révisions très-partielles , et il ÿ
restait un grand nombre de passages plus ou moins
altérés. Pour les discuter en connaissance de cause ,
et pour y remédier autant que faire se pourrait,
j'ai collationné soigneusement les manuscrits de la
Bibliothèque Royale de Paris; ce travail a été fort
long, mais il m'a fourni d'excellents résultats.
Les variantes, tant celles que m'ont données Îles
manuscrits collationnés par moi, que celles qui
sont fournies par les autres éditions, ont été placées
au bas des pages. Toutes les fois que le cas m'a
paru l’exiger, j'ai discuté, avec plus ou moins d'é-
tendue , les raisons qui m'avaient fait adopter telle
ou telle lecon.
Le dialecte , dans lequel sont écrites les œuvres
VIII PRÉFACE.
hippocratiques , est une difficulté dont la solution
a embarrassé tous les éditeurs ; j'y ai trouvé , à mon
tour, bien des sujets d'incertitude, et je suis loin
de croire que j'ai, en tout point, saisi la juste me-
sure et le vrai caractère de l'ionisme d'Hippo-
crate. Cependant , j'ai posé, dans un appendice à
l'Introduction, certaines régles qui m'ont semblé les
plus générales. J'ajouterai ici que l'ionisme hippo-
zratique , tel qu’il est donné par les manuscrits,
m'a paru être indécis dans quelques particularités ,
et varier d'un livre à l’autre. Aussi, ai-je pris le
parti de ne pas admettre un ionisme général pour
toute la collection des livres hippocratiques , mais
d’écarter certaines formes ioniennes , de tout traité
où les manuscrits ne présenteraient pas d'exemple
de ces formes. Dans les cas où, conformément au
système que J'ai adopté sur l’ionisme d’'Hippocrate,
j'ai changé la lecon donnée par les manuscrits , j'ai
noté, et le changement que j'ai fait, et la lecon des
manuscrits. De cette facon, les personnes qui s'oc-
cupent de la dialectologie auront, malgré la modi-
fication introduite par moi, la lecture même des
manuscrits, et seront en état de discuter, par elles-
mêmes, les conclusions que j'ai prises, et de les rec-
tifier là où ilen sera besoin:.
Les avantages considérables que m'a fournis, pour
la correction du texte, la collation des manuscrits
de la Bibliothèque Royale de Paris, m'ont fait com-
τ M. de Sinner, si versé dans tout ce qui concerne la philologie grecque,
a bien voulu m’aider de ses lumières pour la correction du texte. Sa révi-
sion attentive et ses conseils, dont je le remercie ici, ont été une garantie
pour moi, et en seront une pour le public.
PRÉFACE. IX
prendre qu'il serait important de posséder aussi la
collation de tous les manuscrits renfermés dans les
diverses bibliothèques publiques de l'Europe. Par
ce moyen, la critique philologique aurait sous la
main tous les éléments essentiels à la discussion; ce
que peuvent donner les manuscrits, serait connu et
apprécié, οἱ l’on mesurerait mieux ce qui reste per—
mis à la conjecture. Aussi je n'aurais pas hésité, si ma -
position personnelle me l’eût permis, à me procu-
rer les variantes fournies par toutes les bibliothè-
ques. J'ai réparé , autant que faire se peut, cette
lacune, en consignant les variantes qui ont été pu-
bliées dans différentes éditions, et qui ne m'étaient
pas données d'ailleurs, par les manuscrits ici à ma
disposition.
Mon but a été de mettre les œuvres hippocra-
tiques complétement à la portée des médecins de
notre temps, et j'ai voulu qu'elles pussent être lues
et comprises comme un livre contemporain. Deux
difficultés principales s'y opposaient : la première gi-
sait dans des théories antiques, qui , depuis long-
temps, ont cessé d'être familières aux esprits, et dont
l'intelligence est nécessaire pour l'intelligence d’une
foule de passages; la seconde était dans l'emploi d’une
ancienne langue médicale où les mots ontquelquefois
une acception mal déterminée , et quelquefois aussi
une acception trompeuse, attendu qu'ils ont changé
de signification en passant dans le langage mo-
derne. Pour remédier à la première difficulté, j'ai,
en tête de chaque traité, exposé, dans un argu-
ment, ce qui peut être nécessaire à l'intelligence
x PRÉFACE.
de ce traité ; pour remédier à la seconde, j'ai pré-
cisé, autant que la nature des choses le permettait,
le langage antique , et dans ce but, il a fallu sou-
vent essayer un diagnostic rétrospectif, qui n’est
pas entouré de moindres obscurités que le diagnostic
au lit du malade.
« On pourra demander, dit Grimm dans la pré-
face de sa traduction allemande d'Hippocrate, à
quoi servent des versions en langue vulgaire, puis-
qu'on en a tant en latin. Mais qu'on se rappelle
que la version latine est rédigée à son tour en une
langue morte, qu’ainsi elle est doublement difficile à
entendre, et qu'elle n’en reste pas moins une tra-
duction.... En effet, elle est souvent plus obscure
que l'original même ; chaque nouveau traducteur
porte, dans le latin, qu'il ne sait que comme langue
morte,ses idiotismes particuliers,de sorte qu ilnous
faudrait presque apprendre sa langue maternelle
pour comprendre suffisamment son latin. C'est une
des raisons pour lesquelles Calvus, Foes et Vander
Linden traduisent différemment dans beaucoup de
cas où cependant leur texte n’est pas différent. C'est
encore pour cela que l’on accuse certains auteurs
de l'antiquité de renfermer bien du fatras; car
en se laissant montrer le vieux médecin grec à tra-
vers un latin qu’on n’entend qu'à demi,on a à lutter
à la fois contre l'obscurité de l'original et de la
traduction. »
Grimm a raison: ce n’est pas trop de toute
la clarté de nos langues modernes pour faire
comprendre un auteur comme Hippocrate. En
PRÉFACE. ΧΙ
général, plus un auteur est ancien , plus il est
difficile ; la pensée et l'expression chez les mo-
dernes et dans l'antiquité ont de grandes différen-
ces; ces différences qui, à une simple lecture, ne
semblent quelquefois que peu tranchées, deviennent
visibles dans le travail de la traduction, et l’on est
souvent très surpris de voir que tel passage, que
l'on juge clair et bien compris tant qu’on ne fait
que le lire, devient obscur et embarrassé quand
on se met à le traduire. Rendre la clarté à ces mor-
ceaux, lumineux pour les anciens, obscurs pour les
modernes , est une des difficultés les plus réelles et
les moins soupconnées de toute version d'un livre
antique, et mainte traduction, qui a d’ailleurs du
mérite, vient échouer contre cet écueil,.
J'ai essayé, dans une /ntroduction*, de discuter
les principales questions que soulève la critique des
ouvrages d'Hippocrate; cette Introduction est de-
venue un livre, et il ne m'est plus resté, dans le
premier volume, qu’un petit nombre de pages dis-
ponibles pour recevoir le commencement de l'édi-
tion que j'ai entrepris de donner au public. Le
lecteur s’étonnera peut-être qu’un travail pure-
ment préliminaire occupe tant d'espace ; mais la
nature même des choses l’a commandé. En effet, la
collection des livres dits hippocratiques est un amas
incohérent où il est trés difhieile de se reconnaitre
τ Cette introduction doit beaucoup aux observations critiques, pleines de
goût et de justesse, de mon frère, Barthélemy Littré, qu’une mort préma-
turée et cruelle vient de m’enleyer au moment où je corrigeais ces der-
niéres feuilles,
ΧΙ PRÉFACE,
de prime-abord. On y trouve des doctrines diffé-
rentes , des ouvrages incomplets, des traités mu-
ulés, des livres qui ne sont que des extraits d’autres
livres , des notes sans suite, des répétitions, enfin
un désordre qui semble inexplicable et qui rend
une lecture suivie, à vrai dire, impossible. Je me
suis demandé comment il se faisait que la collec-
tion hippocratique se présentat à nous dans un
pareil état, et la réponse à cette question m'a en-
trainé à des recherches οἱ à des développements
étendus, mais, on le voit, indispensables.
Je n'ai pas l'intention d’énumérer ici les résul-
tats du travail critique auquel je me suis livré sur
l'authenticité des différentes parties de la collection
hippocratique. Je veux seulement prévenir le lec-
teur sur quelques changements matériels que pré-
sente mon édition. Ayant découvert, dans la Piblio-
thèque Royale de Paris, une traduction latine iné-
dite du traité des Semaines, j'ai reconnu que la
plus grande partie de la δὲ section des Æphorismes
y avait été prise; j'ai reconnu de plus qu'un long
morceau de ce traité avait été inséré dans la com-
pilation intitulée des Jours critiques. En consé-
quence, j'ai pu supprimer, de mon édition, la
8° section des Aphorismes et l'opuscule des Jours
critiques , et rendre au traité des Semaines tout ce
qui en avait été distrait.
Un travail comparatif d’un autre genre m'a ap-
pris que le traité de la Nature des Os n'était pas
autre chose, non plus, que la réunion de fragments
disparates,qui même n'étaient pas tous pris à la Col
PRÉFACE, XIII
lection hippocratique. J'ai donc encore supprimé
cette compilation, dont les diverses parties se re-
trouvent en leur lieu et place.
J'ai séparé le 12 οἱ le & livre des Éprdémies
des cinq autres, parce qu'ils ont un caractère dif-
férent, et que les critiques anciens se sont accordés
pour les attribuer à Hippocrate.
Enfin j'ai distribué les quatre livres des Ma-
ladies, autrement qu'ils ne le sont dans les éditions,
parce que, malgré les numéros qu'ils portent , ils
ne se suivent ni se rapportent, tous les quatre, les
uns aux autres. J'ai séparé aussi le premier livre
des Prorrhéliques, attendu qu'ils n'ont rien de
commun que le titre.
Néanmoins j'ai conservé les dénominations an-
ciennes, afin de ne porter aucun désordre dans les
désignations et les citations.
« La critique et l'interprétation , a dit le célébre
Heyne, en annonçant le 2° volume des Hésnoires
de l'Institut national de France , ne sont, à pro-
prement parler, rien de plus qu’un moyen d’obte-
nir la correction et le vrai sens d’un texte. La cri-
tique s'arrête du moment que ce but ἃ été atteint.
Mais former l'esprit etle goût à l’aide des Anciens, en
tirer, pour son profit, des connaissances précieuses,
et faire servir, avec un juste sentiment de l’appli-
cation, ces connaissances à l'utilité du temps pré-
sent, ce sont là des motifs et un attrait impé-
rissable qui toujours nous exciteront à l’étude de
l'antiquité. »
L'intérêt et l'avantage que procure un livre
XIV PRÉFACE,
venu de l'antiquité, sont toujours dans le rappro-
chement que l'esprit fait entre la science moderne
et la science antique. Or, ce rapprochement ne peut
naître qu’à certaines conditions, qui se trouvent ou
dans le lecteur lui-même, ou dans la manière dont
le livre ancien se présente à lui: dans le lecteur,
quand ses études lui ont ouvert l'entrée des doc-
trines de l'antiquité; dans le livre même, quand ces
doctrines y ont recu une élaboration qui les mette
en harmonie avec la pensée moderne, de sorte
qu'on puisse y pénétrer, pour ainsi dire, de plain
pied. C’est sous la direction de cette idée que J'ai
exécuté mon travail sur Hippocrate ; car il s’agit
de faire saisir le lien entre le présent et le passé,
et de rendre, par le rapport qui s'établit entre l'un
et l’autre, les choses antiques aussi intelligibles
que les choses modernes; et, si j'ai senti combien il
était difhcile d'atteindre complétement ce but, J'ai
du moins essayé d'en approcher autant que mes
forces me l'ont permis.
Quand la pensée antique et la pensée moderne
se trouvent ainsi en contact, elles se fécondent l’une
l'autre ; il n’est pas, je l'ai senti moi-même, d'exer-
cice plus salutaire que de méditer, avec les grands
esprits des temps passés, sur les doctrines, sur les
observations, sur la marche de la science, et c’est
dans ce sens que j'ai pris pour épigraphe un mot
de Galien plein de profondeur : « Familiarisez-vous
avec les livres des anciens hommes.»
25 Décembre, 1838,
INTRODUCTION.
Les livres médicaux qui sont arrivés jusqu’à notre temps
sous le nom d’Hippocrate, appartiennent-ils tous véritable-
ment à ce médecin? Dans le cas de la négative, quel est l’au-
teur, ou quels sont les auteurs dont les productions pseudo-
nymes ont été conservées dans la collection hippocratique ?
À quelle marque peut-on distinguer les écrits qui sont réelle-
ment l’œuvre d’Hippocrate, de ceux qui ne sont pas de
lui? Quelle classification doit-on introduire dans cette masse
de livres, si on parvient à établir qu’ils dérivent de sources
différentes? Comment s'est-il fait que des écrits aient reçu
faussement le nom d’Hippocrate, et aient été publiés sous ce
titre? A quelle époque peut-on faire remonter la publication
de cette célèbre collection ? A-t-elle vu le jour du vivant
d’Hippocrate lui-même , ou n’a-t-elle été livrée à la publicité,
dans sa forme actuelle, qu’un assez long temps après sa
TOM. I. 1
2 INTRODUCTION.
mort? Quel est, déduction faite des livres qui ne sont pas de
lui, le véritable système de ce médecin ? De quelle manière son
système se rattache-t-il aux doctrines plus anciennes, et
quels fruits immédiats at-il portés? Enfin , que sait-on de po-
sitif sûr la biographie d'Hippocrate lui-même, au milieu de
toutes les fables dont sa vie a été le texte? Et quelles notions
certaines pouvons-nous nous faire de sa méthode, de sa ma-
nière de voir et de son caractère médical?
Ce sont là les questions (et chacune d’elles en renferme
plusieurs autres) que je me prepose de traiter dans le long
travail auquel je donne le titre d’/ntroduction, et que je sou-
mets ici au jugement du lecteur. Plus j'ai avancé dans la tra-
duction de la collection hippocratique, nlus j'ai compris la
nécessité de discuter soigneusement toutes ces questions.
Elles sont préliminaires, il est vrai; mais elles n’en sont pas
moins essentielles ; et, au milieu des difficultés de l'édition
nouvelle que j'ai entreprise, je ne me suis senti quelque sû-
reté, que du moment où j'ai eu approfondi les problèmes
de critique littéraire et médicale que je viens d’'énumérer.
CHAPITRE PREMIER.
COUP D'OEIL SUR LA MÉDECINE AVANT LE TEMPS D'HIPPOCRATE.
Lorsqu'on recherche l’histoire de la médecine et les com-
mencements de la science, le premier corps de doctrine que
Fon rencontre , ést la collection d’écrits connue sous le nom
d'œuvres d'Hippocrate. La science remonte directement à
cette origine et s’y arrête. Ce n’est pas qu’elle m’eût été culti-
vée antérieurement, et qu'elle n’eût donné lieu à des produc-
tions même nombreuses ; mais tout ce qui avait été fait avant
le médecin de Cos ἃ péri. Il ne nous en reste que des frag-
ments épars et sans coordination ; seuls, les ouvrages hippo-
cratiques ont échappé à la destruction; et, par une circon-
stance assez singulière , il existe une grande lacune après
eux, comme 1} en existait une avant eux : les travaux des
médecins, d'Hippocrate à l'établissement de l'école d’Alexan-
drie, ceux de cette école même ont péri complétement, à part
des citations et des passages conservés dans des écrivains
4 INTRODUCTION.
postérieurs; de telle sorte que les écrits hippocratiques de-
meurent isolés au milieu des débris de l'antique littérature
médicale. Cet isolement les agrandit encore et leur donne
un lustre et un intérêt particuliers; ils en ressortent davan-
tage aux yeux du spectateur qui contemple les ruines de
l'intelligence: comparables aux édifices qui restent seuls de-
bout au milieu des cités anéanties, et qui paraissent d’au-
tant plus grands et plus majestueux que les rues et les
places qui les entouraient ont disparu.
Quand mème les écrits d’Hippocrate n'auraient pas d’au-
tre avantage que d'occuper la première place dans l’ordre
chronologique de la médecine, ils exciteraient la curiosité
de l’homme qui veut s’instruire dans l’ancienne science des
peuples. Mais bien d’autres mérites appellent notre attention.
Ils ont été placés trop près de l’origine des choses, pour ne
pas avoir un type qui n’a plus dû se reproduire dans le cours
du temps; ils ont exercé une trop grande influence sur les
destinées de la médecine pour ne pas recéler des sources
de savoir qui ne sont pas encore épuisées; ils ont été trop
étudiés pour ne pas mériter d’être étudiés encore. Moins que
jamais, il est permis à la médecine d'oublier son passé ; de
s’enfermer exclusivement dans le domaine de l'observation
contemporaine ; desacrifier au présent lesexpériences qui ont
été faites, les enseignements qui ont été donnés, les pensées
générales qui ont été disséminées dans les œuvres des gé-
nies éminents; de laisser dans l’obscurité tant de faits pa-
thologiques qui, produits une fois, ne doivent plus peut-être
se reproduire; de négliger tant de points de vue que le cours
des choses toujours divers a présentés; enfin, de renoncer
à l'intelligence de la loi qui ἃ présidé au développement m-
térieur d’une science aussi ancienne et aussi vaste.
L'existence isolée de la collection hippocratique au com-
»
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 2)
mencement même de l'histoire de la médecine, a fait croire
que cette science ne datait réellement que de l'époque et des
travaux d'Hippocrate. C’est une erreur : cette collection ἃ
été précédée d’une longue période d’efforts et de recher-
ches qui n’ont point été stériles , et elle a recueilli des hérita-
ges dont il n’est pas impossible de retrouver la trace. Il im-
porte donc de montrer qu'Hippocrate, son école et leurs
hvres sont venus dans des temps d'activité scientifique, et
qu'il y avait eu avant eux d’autres écoles et d’autres livres.
Les sources de la médecine grecque dans l’âge qui ἃ été
immédiatement antérieur au célèbre médecin, sont au nom-
bre de trois. La première est dans les colléges des prêtres-
médecins qui desservaient les temples d'Esculape, et que
l'on désignait sous le nom d’Asclépiades ; la seconde, dans
les philosophes ou physiologistes qui s’occupaient de l’'é-
tude de la nature, et qui avaient fait entrer dans le cadre de
leurs recherches l’organisation des corps et l’origine des
maladies ; la troisième est dans les gymnases où les chefs de
ces établissements avaient donné une grande attention aux
effets, sur la santé, des exercices et des aliments. Il faut
examiner successivement ces trois éléments du développe-
ment médical dans l’ancienne Grèce.
La médecine égyptienne était exercée par des prêtres ;
elle appartenait à une certaine fraction de la classe sacerdo-
tale. Il en fut de même dans l’organisation primitive de la
Grèce, qui reçut de ses premiers instituteurs , les Égyptiens,
un établissement social ‘'long-temps marqué du sceau de sa
première origine ; et là, comme sur les bords du Nil, les prè-
tres se chargèrent du soin de la santé des hommes. Des deux
côtés l’art s’enferma dans les temples, se communiqua aux
initiés, fut caché au vulgaire, et se lia par sa position même à
une série d'idées et de pratiques plus ou moins superstitieuses
6 INTRODUCTION.
Le dieu de la médecine était Esculape, venu , comme tous
les dieux de l'Olympe grec, des régions de l’Orient. La my-
thologie le faisait fils du Soleil. Cette généalogie , sans doute,
n’est pas moins symbolique que la personne même du dieu,
et Pausanias ! raconte qu’un Sidonien, qu’il rencontra dans
le temple d'Esculape à Ægium , lui dit que ce dieu est la per-
τ sonnification de l'air nécessaire à l'entretien de la santé de
tous les êtres, et qu’Apollon, qui représente de son côté le so-
leil , est dit, avec raison, le père d'Esculape, puisque son
cours détermine les différentes saisons et communique à
l'atmosphère sa salubrité. Le culte d'Esculape remonte dans
la Grèce à une haute antiquité ; ses fils Podalire et Machaon ἡ
sont comptés, par Homère, parmi les héros qui assiégèrent
la ville de Troie; et c’est à ces deux personnages qu’on at-
tribuait l'introduction du culte d’Esculape dans la Grèce. Les
mythologues prétendent que Machaon le porta dans le Pélo- -
ponèse, et Podalire dans l’Asie-Mineure, Le plus ancien tem-
ple passait pour être celui de Titane près de Sicyone, et -
Xénophon ? rapporte que, selon un antique usage, des mé-
decins suivaient l'armée lacédémonienne en campagne, et se
tenaient auprès du roi sur le champ de bataille, Ces méde-
cins ne pouvaient être que des serviteurs d’un des temples
d’Esculape 3 que possédait Lacédémone.
Dès la plus haute antiquité, il se fonda dans la Grèce un
grand nombre de ces A4sclépions“ qui s’ouvrirent pour le ser-
vice du dieu et le service des malades, et qui disséminérent,
avec son culte, la pratique de l’art, Ces temples étaient en
τ Liv. vus, Achaïe chap. 99, τ. 4, p. 192, Ed. de Clavier.
2 De republ. Laced. cap. 13.
3 Τοῦ Θεοῦ δοῦλοι, comme les appelle Pausanias.
ει Ἀσχληπεῖον, temple d’Esculape.
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 7
même temps des écoles où l’on s’instruisait dans la science
médicale, et les plus connus à cet égard , dans les temps qui
- précédèrent immédiatement Hippocrate, furent ceux de
Cyrène, de Rhodes, de Cnide et de (05. Les écoles de Rhodes
et de Cyrène s’éclipsèrent de bonne heure, et il ne reste
aucun monument médical que l’on puisse y rapporter. Mais
celles de (5 et de Cnide acquirent beaucoup d'illustration ,
et elles ont joué un grand rôle dans la médecine.
L'école de Cnide doit être nommée d’abord; car c'est
d’elle qu'est sorti le premier livre que nous puissions attribuer
avec quelque sûreté aux Asclépiades; et l’un des plus impor-
tants écrits d'Hippocrate est dirigé contre ce livre, intitulé :
Sentences cridiennes 1.
Le plus ancien des Asclépiades cnidiens que l'on con-
naisse est Euryphon , contemporain d’Hippocrate , mais
plus âgé que lui. Regardé comme l’auteur des Sentences
cnidiennes, il est cité par Platon le Comique; ce poète,
introduisant Cinésias au sortir d’une pleurésie, le repré-
sente maigre comme un squelette; la poitrine pleine de
pus, les jambes comme un roseau, et tout le corps chargé
des eschares qu'Euryphon lui avait faites en le brülant 3.
Cette mention d'Euryphon par un poète contemporain, est
la preuve qu'il jouissait alors d’une réputation populaire.
Il est encore cité par Rufus, par Cœlius Aurélianus et par
Galien 5, qui dit même qu'on lui attribuait quelques-
ν᾿ Ai Κνίδιαι γνῶμαι.
Ἁ LE τι » ΄ ,
5 Μετὰ ταῦτα δὲ Εὐαγόρου ὃ παῖς èx πλευρίτιδος Κινησίας σχελε -
\ J “ EX 3 /
τος, ἄπυος (ἔμπυος ?) χαλάμινα σχέλη φορῶν, φθόης προφήτης, ἐσχά-
, À / en 5» - 2 7 0)6)
pas χεχαυμένος πλείστας ὕπ᾽ Εὐρυφῶντος. Gal. t. v, p. 922,
Basil,
3 Tom. v, p.45, Basil.
8 INTRODUCTION ,
uns des traités compris dans la collection hippocratique 1. .
Dès le temps d’Hippocrate il y avait eu deux éditions des
Sentences cnidiennes; ce qui prouve les méditationsde l’auteur
et le progrès du travail. Le fond du livre avait été conservé,
mais 1] y avait eu des retranchements, des additions et des
changements. « Les médecins cnidiens avaient publié, dit Ga-
lien , de secondes Sentences cnidiennes, et c’est de ce livre
qu'Hippocrate dit qu’il avait un caractère plus médical 3. »
Cet écrit, actuellement perdu, ἃ subsisté long-temps, et Galien _
l'avait encore sous les yeux. Les Cnidiens divisaient les mala-
dies en un très-grand nombre d’espèces; ainsi ils admettaient
sept maladies de la bile, douze maladies de la vessie, quatre
maladies des reins, de plus quatre stranguries, trois tétanos ,
quatre ictères, trois phthisies; car ils considéraient les diffé-
rences des corps, différences variables suivant une foule de
circonstances, et ils laissaient de côté la ressemblance des dia-
thèses observée par Hippocrate 5.
L'école de Cos n’était pas, à cette époque, élevée au-
dessus de sa rivale; car elle n’avait point encore produit
Hippocrate. A part les aïeux de ce médecin que l’on dit avoir
pratiqué la médecine dans l’île, on ne rencontre mentionné
que le nom d’un médecin de Cos; il s'appelait Apollonidès. -
Cet Apollonidès se trouvait à la cour du roi de Perse, Ar-
taxerce I. Mégabyze, un des grands seigneurs de cette
cour , ayant été grièvement blessé dans un combat , fut sauvé
à force de soins par ce médecin#. Apollonidès eut une fin tra-
1 Οὐδ᾽ ὅσα δοχεῖ μὲν Εὐρυφῶντος εἶναι, φέρεται δὲ ἐν τοῖς Ἵπ-
ποχράτους. Gal. t. 16, p. ὅ, Ed. Kühn.
2 T. v, p. 58, Basil.
3% Gal. t. v, p.59, Basil.
4 Kai μόλις πολλὴ ἐπιμελείᾳ περισώζεται Ἀπολλωνίδου ἰατροῦ τοῦ
Κῴου. Ctesias ἐχ τῶν Περσικῶν, p. 11, Ed. Henr. Steph. 1557.
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 9
gique ; il bia une intrigue amoureuse avec une princesse per-
sane, sous prétexte de la guérir; celle-ci, sur le point de
mourir , révéla tout à Amistris, sa mère, et mère d’Artaxerce,
laquelle , après avoir tourmenté Apollonidès pendant deux
mois, le fit enterrer vivant le jour où sa fille expira.
Autant donc que nous en pouvons juger, l’école de Cos
entra plus tard que l’école de Cnide dans la carrière des pu-
blications. Les malades qui venaient se faire traiter dans les
temples avaient l'habitude d’y laisser quelques mots qui
exprimaient leur reconnaissance envers le dieu, et qui carac-
térisaient la maladie dont ils avaient été délivrés. « Le tem-
-ple d'Épidaure , dit Strabon :, est toujours plein de malades
et de tableaux qui y sont suspendus , et dans lesquels le traï-
tement est consigné. Il en est de même à (05 et à Tricca. »
Les prêtres recueillaient ces notes ; du moins nous pouvons le
croire pour ceux de Cos; cer les Prénotions Coaques de la col-
lection hippocratique ne sont sans doute qu’un recueil de pa-
reilles notes.
On y voit que l’école de (05 attachait une importance par-
ticulière à reconnaître les caractères communs des maladies ,
c’est-à-dire les symptômes qui annoncent les efforts de la
nature , et à distinguer les crises (le mot lui appartient peut-
être) et les jours critiques. Telle était la direction où l’école
de Cos était placée au moment où Hippocrate y commence
son noviciat médical. :
Le malade qui venait chercher du soulagement dans les
Asclépions était d’abord soumis à quelques préliminaires qui,
sous un appareil religieux , l’obligeaient à des jeûnes prolon-
gés, à des purifications , à des ablutions et à des onctions
de toutes sortes. Ainsi préparé, il entrait dans le temple ,
# Lab, virr, p. 360, Basil. 1549.
NS
f PA y
L4 1
10 è INTRODUCTION.
et il y passait la nuit; c’est ce qu’on appelait l’incubation.
Aristophane, dans sa comédie de Plutus, en fait une
description très plaisante. Mais pour les malades c'était
quelque chose de sérieux. Pendant la nuit le dieu leur
apparaissait et leur prescrivait les remèdes nécessaires. Le
lendemain le malade racontait sa vision, et était soumis en
conséquence au traitement ordonné. Les Asclépions étaient
généralement placés dans une contrée saine, dans un site
riant; un bois sacré les entourait toujours, de sorte que toutes
les conditions de salubrité et d'agrément s'y rencontraient.
Ces bois, du moins pour l'ile de Cos, étaient formés d’arbres -
de haute futaie; car Turullius, lieutenant d'Antoine, coupa
celui de Cos pour en construire une flotte 1.
Les prêtres médecins allaient-ils exercer leur ministère en
dehors des temples ? Schulze admet la négative ; mais cet ex- -
cellent historien de la médecine me paraît n’avoir pas donné
autant d'attention qu’il en donne ordinairement aux faits
consignés dans les livres : l'exemple d’'Hippocrate est décisif
dans cette question ; il appartenait, dans le sacerdoce médi-
cal, à une famille illustre qui se disait descendue d’Esculape ;
nul n’était donc plus que lui lié par tous les usages, par toutes
les règles qui dirigeaient la pratique de l’art parmi les pré-
tres-médecins. Néanmoins il parcourut comme médecin pé-
riodeute où ambulant différentes parties de la Grèce, etil y
exerça la médecine; il ne peut donc y avoir aucun doute sur
ce point : les prêtres des Asclépions , qui traitaient les mala-
des dans leurs temples, allaient aussi les traiter au-dehors.
Ils ne faisaient, au reste, que ce que faisaient de leur côté
* Præfectus M. Antonü, Turullius , cum apud (005 everso
Æsculapi luco classem fecisset, eodem postea loco ἃ militibus
Cæsaris est interfectus. Lact., de Orig. err. lib. 2.
\
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. {1
les prêtres-médecins de Égypte. Hérodote nous montre
ces médecins égyptiens établis à la cour du roi de Perse, Da-
rius, fils d'Hystaspe. Il y avait des asclépiades à Rhodes, à
Cnide , à Cos; il y en avait à Athènes; au milieu de leur
temple se trouvait une source thermale. Platon parle souvent
des asclépiades athéniens, et il le fait en termes qui prouvent
qu'ils s'étaient acquis une réputation d'élégance et de bon
goût dans la ville de Minerve !. En un mot, il y avait des
asclépiades partout où un temple d’'Esculape avait été fondé.
Que faut-il entendre par cette dénomination? Formaient-ils
une famille réelle , ou simplement une corporation qui se re-
crutait par voie d'initiation? Il est certain que quelques-uns
d’entr’eux, en se donnant ce nom, prétendaient indiquer leur
généalogie , et ils se disaient descendants d’Esculape par
Podalire ou Machaon. Galien ? nous apprend que Ctésias, as-
clépiade de Cnide, était parent d'Hippocrate, et il nous dit
ailleurs 5 que, la branche des asclépiades de Rhodes s'étant
éteinte, l’école de cette île tomba avec eux. Ces remarques
pourraient faire croire à l'existence d’une famille réelle, mais
dans le fond il n’en est rien. Il se peut que parmi les prêtres
qui desservaient les Asclépions quelques-uns se transmissent
en effet de père en fils la science médicale , et, formant ainsi
dans le sein de la corporation une vraie famille , prétendis-
sent reporter leur origine aux temps mythologiques. La
famille d'Hippocrate était sans doute dans ce cas ; mais c'était
une prétention particulière des Nébrides (nom qu’on lui don-
nait aussi en raison d’un de ses aïeux). Le reste des asclé-
* Τοὺς χόμψους ᾿Ασχληπιάδας. De republ. lib. 1. 1. 5. p. 108.
Ed. Tauchn.
2 T. v, p. 652, Basil.
DE: IV p.35, Basil.
12 INTRODUCTION.
piades avait été recruté par voie d'association et d'initiation ;
on en a-une preuve manifeste dans le Protagoras de Platon.
Socrate demande à un des interlocuteurs de ce dialogue ce
qu’il se proposerait s’il allait étudier la médecine sous Hippo-
crate de (05: l’autre répond que ce serait pour se faire mé-
decin. On devenait donc médecin dans les écoles des asclé-
piades , sans tenir à aucune famille sacerdotale. D’ailleurs,
comment aurait-il pu se faire que le nombre très considérable
d’Asclépions répandus dans tous les pays de langue grecque
fussent desservis par les membres d’une seule famille ?
Les asclépiades formaient donc une corporation qui, dans
un temps reculé, avait eu le privilége exclusif de la pratique
médicale, mais qui, vers le temps d’Hippocrate, commençait
à le partager avec une foule d’autres concurrents; il est pro-
bable que pendant le long espace de temps où ils existèrent
seuls, ils en avaient été fort jaloux. Isidore ? dit : «Esculape
« ayant été tué d’un coup de foudre, on rapporte que la mé-
« decine fut interdite, l’enseignement en cessa avec son au-
« teur, et elle resta cachée pendant près de 500 ans, jusqu’au
« temps d’Artaxerce, roi des Perses. Alors elle fut remise en
« lumière par Hippocrate descendu d’Esculape, et né dans
« l'ile de Cos. » Schulze 5 donne une explication ingénieuse
du récit mythologique où l’on représente Esculape foudroyé
pour avoir enseigné la médecine aux hommes; et il pense que
les prêtres qui desservaient ces temples exprimaient par ce
symbole l'obligation de renfermer la science dans l’enceinte
sacrée, et de ne pas la jeter dans les mains profanes du vul-
gaire.
* T.2, p. 139, Ed. Tauchn.
? De origin., 1v, cap. 5.
3 Historia medicinæ , p. 252.
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 13
Ainsi, dans le siècle qui a précédé immédiatement Hippo-
crate, on peut se faire une idée de l’activité médicale qui ré-
gnait dans les Æsclépions et parmi les asclépiades : traitement
des malades dans les temples et hors des temples; relation,
sur des tablettes, des principaux accidents et des moyens
de traitement; recueil de ces notes; publication de livres
(.Sentences cnidiennes); et déjà traces d’un double système,
Pun qui consistait à noter tous les symptômes, et à en faire
presque autant de maladies distinctes; l’autre qui recherchait
ce que les symptômes avaient de commun comme indices de
l'état des forces et du cours de la maladie. Mais le temps ap-
prochait où rien ne devait empêcher la médecine de sortir du
fond des temples, et de prendre un développement plus vasté
au milieu d’une société qui, de tous côtés, se précipitait
vers la science. En dehors du sacerdoce médical il s’opérait
le plus notable des changements, et une science, créée par
d’autres mains que les siennes, l’entourait de toutes parts et
le débordait. Il s’agit des premiers philosophes grecs et de
leurs travaux.
C’est là, en effet, laseconde source de la médecine grecque
au temps d'Hippocrate , et immédiatement avant lui. Ces an-
ciens philosophes avaient pris la nature pour objet de leurs
études; et presque tous avaient composé des livres sous ce
titre; tels sont Mélissus, Parménide, Empédocle, Aleméon ,
Gorgias et bien d’autres !. Ces livres ont péri; il n’en reste
1 Τὰ γὰρ τῶν παλαιῶν ἅπαντα περὶ φύσεως ἐπιγέγραπται, τὰ
Μελίσσου, τὰ Παρμενίδου, τὰ ᾿Εμπεδοκλέους, ᾿Αλχμαίωνός τε xat
Γοργίου, χαὶ Προδίκου, χαὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων. Gal. t. 1, p. 56.
Ed. Basil. Tous ces écrits sont antérieurs à Hippocrate ; quelques-
uns, par exemple, ceux de Mélissus, de Gorgias et de Prodicus,
étaient en prose. Je consigne ici cette remarque pour réfuter
Sprengel ,qui, dans son Æpologie d’Hippocrate, dit que ce mé-
14 INTRODUCTION.
que de courts fragments; néanmoins on peut apprécier les
questions qui ont été traitées et les recherches qui ont été en-
treprises. Les philosophes de cette époque faisaient entrer
dans le cercle de leurs spéculations organisation des ani-
maux et les maladies qui affligent espèce humaine. C’est
seulement de leurs travaux dans ce genre qu'il peut être iei
question.
La plus importante des écoles philosophiques pour la méde-
cine est celle de la Grande-Grèce. Aicméon, de Crotone,
s'était livré à la dissection des animaux. Suivant lui, ce n’est
pas le blanc de Fœuf, c’est le jaune qui nourrit le poulet; -
ceux qui ont pensé le contraire se sont laissé induire en er-
reur ‘. Il admet que la santé est maintenue par l'équilibre
des qualités, telles que le chaud , l'humide, le sec, le froid,
lamer , le doux; et la domination d’une de ces qualités en-
gendre la maladie ?. Sprengel 5 pense que cette théorie ne
peut appartenir à Aleméon , attendu que la considération
des qualités élémentaires est d’une philosophie postérieure.
Or 1] est certain que plusieurs des philosophes anté-
rieurs à Hippocrate, où ses contemporains, ont admis ces
qualités.
decin, élève seulement de la nature, n’avait rien pu apprendre
dans une littérature beaucoup trop pauvre. Sprengel se sert de cet
argument, qui, comme on voit, n’a point de base, pour discuter
l'authenticité de quelques écrits hippocratiques. Avant de donner
une date récente aux propositions philosophico-médicales que la
collection hippocratique renferme, il faut étudier attentivement les
fragments des monuments antérieurs.
τ Aristote, de la générat. des anim., liv. x, chap. 2.
2 Plutarch. Phys. Phil. decret. iv. y, chap. 30. Stobée, dis-
cours 99, p. 542.
: Histoire de la médecine, t. 1, p. 250.
MÉDECINE AVANT HIPPOCR ATE. 15
Suivant Philolaüs, pythagoricien qui a composé un Traité
sur la nature, 1 est quatre organes principaux : le cer-
veau, le cœur , l'ombilic et les parties génitales. À la tête ap-
partient l'intelligence, au cœur l'âme sensible, à lombilic
l'enracinement et la germination, aux parties génitales l’é-
mission de la semence et la génération. Le cerveau est 16
principe de l’homme, le cœur celui de l'animal, le nombril
celui du végétal , les parties génitales celui de toutes choses 1.
Cette opinion est remarquable parce qu’elle admet certains
degrés dans la vie des êtres : d’abord l'existence commune à
tous, et qui consiste dans la procréation ; ensuite existence
des plantes; puis celle des animaux qui se distinguent par
une âme sensible ; enfin la vie de l'homme caractérisée par
la raison. Tous ces degrés de l'existence vivante sont telle-
ment ordonnés, que le plus élevé contient tout ce qui constfi-
tue les degrés inférieurs. Il serait facile de voir dans ce frag-
ment de Philolaüs un germe de la grande idée des anatomistes
modernes qui cherchent à démontrer l'uniformité d’un plan
dans le règne animal.
A l’école philosophique des Pythagoriciens se rattache l’é-
cole médicale de Crotone en Italie. On ne voit nulle part qu'il
- y aït eu dans cette ville un Asclépion, ni par conséquent des
asclépiades. Hérodote, qui, exilé dans la Grande Grèce,
composa son histoire à Thurium , dans le voisinage de Gro-
tone , nous apprend que, de son temps , l'école médieale de
cette ville était la plus célèbre. Il place au second rang celle
de Cyrène, en Afrique, de laquelle nous ne savons rien autre
chose, et qui n’a rien produit ou dont il n’est rien resté. A
cette époque la réputation des écoles de Cos et de Cnide π᾿ ἃ-
vait pas attiré l'attention de l'historien , et Hérodote n’en dit
: Theologumena arithmetices 4, p. 22.
16 INTRODUCTION.
pas un mot. Les Pythagoriciens avaient eu pendant long-
temps leur principal siége à Crotone; ils s'étaient livrés avec
beaucoup de succès à l'étude de la nature, et ils sont pro-
bablement les premiers qui aient cultivé l'anatomie en
disséquant les animaux ; ii n’est pas étonnant qu'il se soit
formé parmi eux, et sous l'influence de leurs doctrines ,
une école médicale qui a jeté un vif éclat. Celle de Crotone
est donc tout à fait en-dehors de la médecine sacerdotale des
Asclépions, et elle eut à ce titre une grande influence sur le
développement de la science. A un autre titre encore elle
mérite d’être notée ici : c’est que ses doctrines ont été une
source où Hippocrate a puisé abondamment, et que, par lui,
elles ont exercé un grand empire dans le monde médical.
C’est ce que je ferai voir quand j'aurai montré ce qui,
dans la collection hippocratique, appartient réellement à
Hippocrate. De l’école de Crotone était sorti le médecin
Démocède, qui, pris par les Perses à Samos, guérit Darius
d’une entorse dangereuse, et se concilia la faveur de ce
prince, inutilement traité par les médecins égyptiens.
Galien 1, qui donne le nom d'école d'Italie à celle qui
s'était formée à Crotone et parmi les Pythagoriciens, y com-
prend les travaux qui sortirent de la Sicile et d’Agrigente.
Empédocie , qui était de cette ville, naquit l’an 504 avant
J.-C. Il à joui parmi ses contemporains d’une grande ré-
putation. Il avait écrit un poëme sur la nature, dont il reste
un assez grand nombre de fragments, et qui contenait des
explicatrons physiologiques sur la formation des animaux.
Un autre poëme, intitulé : Discours médical (ἰατρικὸς λόγος).
avait été composé par lui. Malheureusement ses écrits n’exis-
tent plus. Il se livra aussi à l’etude de l'anatomie; il décou-
1 T.iv, p. 55, Basil.
\
΄
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 17
vrit le labyrinthe ! de l'oreille qu'il regarde comme l'organe
essentiel de l'audition. Il attribuait la différence des sexes à
la prédominance du froid ou du chaud dans les parents ; la
ressemblance des enfants avec l’un ou avec l’autre, à la plus
grande quantité de fluide séminal que fournissait le père ou
la mère. Suivant lui, la diminution de chaleur produisait le
sommeil, l'extinction causait la mort. Il faut remarquer
qu’Empédocle connaît déjà les qualités élémentaires, le doux,
l’amer , l'acide, le chaud, et qu’il les fait intervenir dans sa
physique 3. Il est cité dans le Traité de l’ancienne médecine.
Cette citation manque dans toutes les éditions. Je l’ai resti-
tuée, en comblant une lacune de plusieurs lignes , à l’aide
d’un manuscrit non consulté.
Aunombredes contemporains d’'Empédoele est un médecin
nommé Acron, duquel on raconte qu'il chassa une peste d’A-
thènes , en faisant allumer de grands feux dans cette ville.
La même fable a été répétée pour Hippocrate. Les livres
d’Acron se sont perdus de très bonne heure. Il paraît qu'il
s'était tenu plus que les autres à l'observation pure et simple
des phénomènes. C'était peut-être ce qui l'avait mis peu en
renom auprès des philosophes , qui aimaiïent tant à donner
et à recevoir des explications. La secte empirique, née
long-temps après Hippocrate , a voulu se rattacher à Acron.
Suivant Suidas, il avait composé en dialecte dorien un livre
sur la nourriture salubre 5.
Une philosophie, dont Anaximène de Milet est l’auteur ,
place la cause de toutes choses dans l’air. Cette opinion ἃ
1 Κοχλιώδης χόνδρος. Plut. de plac. phil. lv. 4, chap. 16.
2 Ὡς γλυχὺ μὲν γλυχὺ μάρπτε, πιχρὸν δ᾽ ἐπὶ πικρὸν ὄρουσεν, ᾿Οξὺ
δ᾽ ἐπ᾽ ὀξὺ ἔδη,, θερμὸν δ᾽ ἐποχεύετο θερμῷ).
ὁ Περὶ τροφῆς ὑγιεινῶν.
ΤΟΜ. 1. 2
18 INTRODUCTION.
été soutenue par Diogène, né à Apollonie en Crète. On le _
dit contemporain d’Anaxagore, par conséquent un peu an-
térieur à Hippocrate. Cette considération est importante;
car elle détruit des préjugés sur l’état des connaissances ana-
tomiques au temps d’'Hippocrate : Diogène avait cultivé l’ana-
tomie, et Aristote nous ἃ conservé un long fragment de son
Traité de la nature, dans lequel on trouve une description -
de l’origine et de la distribution des veines. Diogène com-
mence sa description en les suivant par le ventre jusqu’à
la colonne vertébrale, et il dit positivement que deux des plus
grosses appartiennent au cœur. De là il les conduit par le col
jusque dans la tête. Il connaissait en outre les ventricules du
cœur ; il plaçait dans le ventricule gauche le principe direc-
teur de l'âme ; l’on peut admettre (je le montrerai dans le cha-
pitre x) que Plutarque a rapporté textuellement ses paroles :
il avait donc une certaine notion des artères; car il appelle
ce ventricule artériaque 3. Un point non moins important des
doctrines de Diogène pour l’histoire de la médecine à cette
époque , c’est l'influence qu'il attribue à l'air dans sa théorie
sur les êtres animés. Suivant lui, c’est l'air qui est la cause de
l'inteliigence chez l'homme, en se répandant dans le sang par -
les veines de tout le corps5; suivant lui encore, 1] est néces-
τ Aristote(/istoire des animaux liv.1n,) ne dit pas que le frag-
ment de Diogène ait été pris dans le livre de la nature, mais cela
résulte d’un passage de Simplicius (Phys. p. 33, Ed. Ald.) qui dit
que dans ce livre Diogène a donné une anatomie exacte des veines:
ἀνατομὴν 4xo167 τῶν φλεδῶν παραδίδωσιν. Cela ne peut s'entendre
que du morceau conservé par Aristote.
" Διογένης (τὸ τῆς ψυχῆς fyemovexdv τίθησιν) ἐν τῇ ἀρτηριαχῇ χοι-
λίᾳ τῆς χαρδίας, ἥτις ἐστὶ χαὶ πνευματική. Plut. de plac. phil.
Τν, D.
5. Simplicius, Phys. p. 33, Ed. Ald.
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 19
saire à l'existence de tous les animaux , et les poissons même
_Ae respirent avec l’eau ; idée fort juste, et qu’Aristote combat
à tort. T'outes ces opinions sur l’air se retrouvent dans le livre
- hippocratique qui porte le titre des Airs 1.
Anaxagore de Clazomène, qui fut le maître de Périclès, est
un philosophe dont les doctrines ont laissé des traces dans la
collection hippocratique; il supposait que le fœtus mâle est
toujours du côté droit de la matrice, et le fœtus femelle du
côté gauche. Cette opinion a été admise par Hippocrate dans
les Aphorismes. Anaxagore plaçait la cause des maladies ai-
guës dans la bile. Voici ce qu’en dit Aristote ? : « Anaxagore
. «se trompe en supposant que la bile est la cause des maladies
« aiguës, et qu’elle se jette, lorsqu'elle est en excès, sur le
« poumon , les veines et les plèvres. » On voit que la théorie
de la bile dans les maladies est antérieure à Hippocrate; on
distinguait même déjà la bile noire de la bile jaune. Il est aisé
de prouver par le langage vulgaire combien ces idées étaient
répandues, et qu'elles tenaient à une bien vieille médecine.
Ainsile poète Euripide dit : Est-ce que le froid de la bile Jui
tourmente la poitrine 5 ? La bile noire et la folie qui s’y ratta-
chent sont dans Aristophane #. Ces mots étaient donc fami-
liers à l'oreille des auditeurs, et ils appartenaient à des théories
tombées dans le domaine public. Il ne faut pas s'étonner
que toutes ces théories et tous les termes qui en dépendent se
trouvent dans la collection hippocratique.
Démocrite fut le plus savant des Grecs avant Aristote, et
᾿ Περὶ πνευμάτων.
+ Des parties des animaux , Uv. 1v. chap. 2.
» + Môv χρυμὸς αὐτῆς πλευρὰ γυμνάζει χολῆς ; Excerpt.vet. trag.
et com. p. 431, Ed. Hugo Grotius.
4 Μελαγχολῶντ᾽ ἀπέπεμψέ μου τὸν δεσπότην. Aristoph. Plut.v.12.
20 INTRODUCTION.
universel comme lui. Il avait, ainsi que l’on voit par le cata-
logue de ses ouvrages, porté son attention sur les points les
plus importants. L’anatomie , la physiologie , la diététique, les
épidémies , la fièvre, peut-être la rage et les maladies con
vulsives , tout cela avait été traité par lui. Si nous possédions
ses livres, nous nous ferions une idée très exacte de ce que
fut la médecine du temps eten dehors d’Hippocrate. Quelques-"
termes médicaux qu'il employait sont venus jusqu’à nous. Le
nom d’ulcère phagédénique se trouvait dans ses écrits. Il
a reconnu très vaguement, comme Hippocrate , les pulsa-
tions des artères; il les appelait battements des veines ?. ἢ -
avait beaucoup écrit; et Cicéron 5, le comparant à Héraclite,
dit: Héraclite fut très obscur , mais Démocrite ne l’est nulle-
ment. Il y en ἃ qui trouvaient à son style quelque chose d’é-
levé et de poétique comme à celui de Platon; Sextus Empi-
ricus le compare à la voix de Jupiter ; Aristote donne les plus |
grands éloges à sa profonde science. Il avait employé des
mots qui lui étaient propres, et qui trouvèrent des interprètes
dans Hegesianax et Callimachus. Il avait composé différents
ouvrages sur la physiologie et la médecine. En voici la liste :
19 De la nature de l'homme ou de la chair , 2 livres;
20 Des humeurs ;
3 Des pestes ou des maux pestilentiels, 3 livres. La perte
de cet ouvrage est très regrettable ; car les anciens ne
nous ont laissé que bien peu de choses sur ce sujet, pour
lequel nous devons plus aux historiens qu'aux médecins.
Démocrite attribuait ces grandes épidémies à une cause sin-
gulière , la destruction des corps célestes et la chute des atô-
4,
1 “Ὥσπερ ἐν τοῖς ἕλχεσι φαγέδαιναι XAXIGTOV νόσημα.
2 Φλεύοπαλίη. Erotien.
3 De divin. 2, 64.
à
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 21
mes qui les composaient , et qui étaient ennemis de la nature
humaine. Cette hypothèse n’a rien de fondé en 501: mais elle
prouve que Démocrite avait conçu dans toute leur importance
les grands phénomènes morbides auxquels il avait consacré
un ouvrage. On sait que beaucoup de modernes les ont attri-
bués à des mouvements intestins du globe terrestre.
49 Des causes touchant les animaux , 3 livres. Démocrite,
dit Ammien Marcellin, 27,4, a examiné avec les anatomistes
les entrailles des animaux ouverts , pour enseigner de quelle
manière la postérité pourrait remédier aux douleurs in-
ternes.
_» ὅθ Le pronostic;
6% De la diète, ou le livre diététique , ou la sentence médi-
cale ;
79 Sur la fièvre et sur ceux qui toussent par cause de ma-
ladie ;
8° Un livre sur l’Eléphantiasis, et un autre sur les mala-
dies convulsives. Ges ouvrages lui sont attribués par Gœlius
Aurelianus.
La revue rapide que je viens de faire du peu que nous sa-
vons sur les travaux médicaux des anciens philosophes mon-
tre qu'ils se sont occupés de la dissection des animaux , de la
recherche des causes des maladies, et qu’ils ont essayé d’im-
porter , dans cette étude, des doctrines correspondantes à
celles qu'ils admettaient dans leurs philosophies. Ils ont plus
cultivé le côté général que le côté particulier de la médecine.
Mais c’est cette invasion même de la philosophie dans tous
les arts qui forma le premier fonds de l’esprit scientifique
parmi les Grecs; et puis, il est aisé de voir que les philoso-
phes ne s'étaient pas bornés à de pures théories, et qu'ils
avaient porté, aussi loin qu'il était possible alors, le soin de
l'observation directe et de la recherche des faits. Leurs écrits
22 INTRODUCTION.
avaient déjà popularisé une foule de notions médicales; et
l'on pourrait montrer, le livre d'Hérodote à la main, histo-
rien et tout-à-fait étranger à l’art de la médecine, que la
nomenclature des maladies existait avant Hippocrate et ses
disciples, que lui et eux n’y ont rien innové, et qu'ils se sont
servis d’une langue faite par d’autres que par eux.
Le troisième élément de la médecine grecque à cette épo-
que est dans les gymnases et dans les travaux de ceux qui
dirigeaient ces établissements. Les Égyptiens avaient défendu
la gymnastique de la palestre ; ils pensaient que des exercices
quotidiens de ce genre procuraient aux jeunes gens, non pas
la santé, mais une force peu durable et qui les laissait très
exposés aux maladies!. Les Grecs, au contraire, se livrèrent
avec passion à la gymnastique. Des établissements étaient ou-
verts où l’on enseignait les divers exercices. Les hommes qui y
étaient préposés agrandirent insensiblement le cercle de leurs
connaissances et de leurs pratiques. lis s’habituèrent à traiter
lesfractureset les luxationsquisurvenaient fréquemment dans
les palestres. Iccus de Tarente donna une attention particu-
lière au régime alimentaire ; et cette partie, étudiée avec soin,
prit un grand développement. On rechercha quels étaient
les aliments qui contribuaient le plus à l’acquisition des forces;
on distingua les modifications qu’il fallait apporter dans la
nourriture suivant l’âge et la constitution ; on s’habitua à re-
connaître les changements qu’amène dans l'apparence exté-
rieure un écart du régime habituel. En un mot, l’état de
santé fut l’objet d’une observation minutieuse qui , on peut le
dire, ne contribua pas peu à enrichir la médecine grecque
et à lui donner le caractère d’unité et de généralité qui la dis-
tingue.
᾿ Diod. Sicul., hb. 1, p. 73, Ed. Wechel.
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 23
Ce n’est pas tout : Herodicus de Selymbria (on ne sait si
_-c'est le même que Hérodicus, frère de Gorgias) appliqua la
gymnastique au traitement des maladies. Jusque-là cet art
n'avait été cultivé que pour former des militaires ou des
athlètes. Hérodicus, qui était lui-même maître de gymnas-
tique et d’une constitution maladive , entreprit de se fortifier
par l'application régulière des exercices. II faisait faire de
très longues courses à ses malades; par exemple, il les faisait
aller d'Athènes à Mégare et revenir sans se reposer. C'était
surtout au traitement des maladies chroniques qu’il se con-
sacra. Il paraît que les asclépiades ne traitaient guère que les
plaies et les maladies aiguës. C’est du moins ce que dit Pla- |
ton; et en reprochant à Hérodicus de prolonger la vie des |
gens valétudinaires et de leur faire ainsi une longue maladie,
au lieu de les laisser à la nature qui les délivrerait prompte-
ment de leurs maux par la mort 1, il lui adressa un blâme là
où nous ne pouvons voir qu'un éloge. Cette application de
la gymnastique au traitement des maladies eut une grande
influence sur la médecine antique. Beaucoup de malades dé-
sertèrent les 4sclépions et allèrent se faire soigner dans les
gymnases; et les médecins grecs prirent l'habitude d'étudier
les effets des exercices, de les admettre dans le cercle de leur
thérapeutique, et de les prescrire d’une manière conforme à
l'art dans une foule de cas.
Telles sont les trois sources (temples d’Esculape, écoles
philosophiques et gymnases) qui alimentèrent la médecine
dans le courant du 5° siècle avant J.-C. Dès cette époque ,
on le voit, il existait une masse considérable de notions et de
travaux très divers; travaux et notions qui concouraient
pour fournir à la fois l’étude de la maladie dans les A4sclé-
* De la républiq., liv. 11, p. 406. Ed. Henr. Steph.
24 INTRODUCTION,
pions, l'étude de la santé dans les palestres, et l'esprit de gé-
néralisation dansles livres des philosophes. Dans ce concours
est tout le fond de la médecine telle qu’elle se développa sous
Hippocrate, ses contemporains et ses disciples. Cride note
les symptômes, et y attache tant d'importance que de chacun,
pour ainsi dire, elle fait une affection à part; Cosles examine
sous le point de vue particulier des indications qu'ils donnent
sur le progrès de la maladie , et sur les efforts de la nature ;
Crotone et Agrigente dissèquent les animaux. Les philoso-
phes introduisent dans la médecine les systèmes variés qu’ils
se sont faits sur l’ensemble des choses. L'eau, l'air, le feu,
la terre , servent à expliquer la composition du corps, comme
celle du monde. Les qualités élémentaires prennent place à
côté des éléments; etl’heureux mélange des uns ou des autres
constitue la santé. Ces conceptions se lient avec une facilité
merveilieuse aux considérations sur l'influence des saisons;
et l'étude de la gymnastique , notant l’action , sur le corps
humain , de l'alimentation et des exercices , fournit des don-
nées positives qui unissent la santé à la maladie. Ainsi venait
à maturité un grand système de médecine où toutes les par-
ties se tiennent par une connexion intérieure, où toute la
science de la maladie est comprise dans la considération si-
multanée des influences générales du monde extérieur, des
influences particulières du régime, et des lois qui régissent
les efforts et les crises de la nature, système qui est do-
miné lui-même par les idées générales que les philosophes
avaient mises dans le domaine commun. J'ai fait d'avance
une esquisse de la doctrine d’Hippocrate ; car son mérite
dans la science, la raison du haut rang qu'il y occupe, la
cause de la puissance qu'il y a exercée, tout cela est dans la
force des anciennes doctrines qu’il embrassa, développa,
soutint avec talent, employa avec bonheur et transmit pleines
MÉDECINE AVANT HIPPOCRATE. 25
de vie, de force et de profondeur à la postérité. Une illusion,
causée par l'éloignement des temps, ἃ fait souvent regarder
Hippocrate comme le fondateur de la médecine; il n’en a été
que le continuateur, comme on le voit par ce qui précède,
mais un continuateur capable de féconder ce qui existait
avant lui. En lisant ses écrits on reconnaît que les doc-
trines qu’il y expose ne sont point de sa création , et partout
on sent qu'il pose le pied sur un terrain ancien et solide.
Cette vieille médecine, plus vieille qu'Hippocrate , s'était
donc constituée à la fois par l’empirisme des prêtres-méde-
cins et des gymnastes , et par les doctrines des philosophes
qui avaient commencé l'étude de la nature. C’est là ce qui
en fit, dans ce temps reculé, la force et l'originalité ; c’est là
ce qui, tout en attachant à l'expérience et à la réalité , la
pénétra de ce souffle scientifique qui porta les Grecs si loin
et si haut. Sans doute l'empirisme des Asclépions et la phi-
losophie des sages venaient d’une source commune et sor-
taient lun et l’autre de l'antique Orient ; mais ces deux
éléments ne s'étaient pas encore rencontrés de la même
façon. Sans doute les doctrines primitives des plus anciens
philosophes grecs tiraient leur origine des mêmes tem-
ples qui avaient donné le modèle de la médecine sacerdotale
des asclépiades; mais en Egypte tout était resté séparé et
immobile, en Grèce tout se mêla et devint vivant. Les vieilles
doctrines cosmologiques entrèrent dans l'étude empirique
des faits et y portèrent le sceau de la recherche scientifique ;
les faits à leur tour et l'empirisme entrèrent dans ces doctri-
nes, en déplacèrent incessamment l'horizon, et leur don-
nèrent peu à peu des assises devenues ainsi inébranlables.
L’intervalle où cette métamorphose s’opéra est important
non seulement dans l’histoire de la médecine, mais aussi
dans l’histoire de humanité tout entière; car, à vrai dire
26 INTRODUCTION.
c’est là que le temps antique finit, et que le temps moderne
commence; l’ère de l'antiquité se ferme quand les choses sor-
tent des castes et des temples.
CHABELRE. 1].
VIE D'HIPPOCRATE.
Un nuage est jeté sur la vie d’Hippocrate, et il ne faut pas
nous en étonner. Plus de vingt-deux siècles nous séparent de
lui. Il appartient, il est vrai, au début de cette période où la
Grèce, commençant à se couvrir d’une moisson de plus en
plus abondante de livres dans tous les genres, sentit s’ac-
croître le désir, avec les moyens, de conserver ses pro-
ductions littéraires; aussi de ce temps nous est-il resté bien
plus de monuments et de témoignages que des temps anté-
rieurs. Mais néanmoins l’on sait quelle destruction les révo-
lutions, les incendies, la barbarie ont faite de ces fragiles
manuscrits que l’on reproduisait avec tant de peine, de len-
teur et de dépenses. La littérature contemporaine d’Hippo-
crate a éprouvé des pertes immenses ; quelques écrits privilé-
giés ont surnagé, et c’est à eux seuls que l’on peut demander
des renseignements bien rares, mais du moins positifs, sur
28 IN TRODUCTION,
la vie de l’illustre médecin de Cos. Toutes les autres traces
en ont disparu ; et depuis long-temps des fables, s’emparant
du nom d’Hippocrate, en ont fait le texte de récits qui ne
peuvent supporter l'examen de la critique.
L'incertitude manifeste qui reste sur les circonstances de
la vie d'Hippocrate s’est nécessairement étendue à ses écrits.
Onn’a plus su ni à quelle occasion, ni dans quel lieu, ni à quel
âge il les a composés, ni quel titre il leur a donné. Tous les
documents ont manqué; et quand la collection qui porte son
nom , et qui est arrivée jusqu’à nous, ἃ été examinée par les
critiques de l'antiquité, ils n’ont pu s'empêcher de recon-
naître qu'elle était évidemment mêlée, et que tout ne pouvait
pas appartenir à Hippocrate. Les critiques modernes ont ra-
tifié cette sentence; mais le triage, déjà difficile dans l’anti-
quité, l'était devenu bien davantage; car, dans l'intervalle,
une multitude de monuments qui jetaient quelques lumières
sur les points obscurs de la critique hippocratique avaient été
détruits. Ainsi dans l’histoire du médecin de Cos il y ἃ deux
parties à considérer : l'histoire de sa vie et celle de ses écrits.
Elles s’appuieront mutuellement; et ce que l’on gagnera pour
lune fortifiera nécessairement l’autre. L'histoire littéraire
nous intéresse certainement plus que la biographie propre-
ment dite; il nous importe plus de connaître ce qu'il a écrit
que ce qu'il a fait, les livres qu'il a composés que les détails
de son existence journalière. Cependant on aimerait sans au-
cun doute à savoir où cet illustre médecin a pratiqué son art,
à quels malades il a porté secours, quels élèves ont écouté ses
leçons, quel caractère il déployait, soit comme praticien, soit
comme professeur. Sur tout cela , nul détail n’a été conservé,
et la biographie manque complètement. Mais une por-
tion de ses livres a échappé à la destruction ; et quand j'aurai
indiqué avec évidence les écrits qui, dans la collection , lui
VIE D'HIPPOCRATE. 29
appartiennent, il sera possible d’en tirer quelques notions sur
sa personne; elles ne seront pas sans intérêt, car elles ne se-
ront pas sans certitude.
Avant tout, fixons l’époque, la patrie, la profession d'Hip-
pocrate d’une manière incontestable. Ce n’est pas à ses bio-
graphes qu'il faut demander des renseignements qui empor-
tent la conviction du lecteur. Ils sont séparés de lui par un
trop grand intervalle, pour qu’on puisse s’en rapporter à eux
sans un examen préalable. Pour prouver l'existence d’un
homme qui ἃ vécu dans un temps si éloigné, il faut des té-
moignages Contemporains, ou du moins une tradition in-
dubitable de témoignages qui remontent jusque-là par une
chaine non interrompue. A cet égard, nous avons sur Hip-
pocrate {out ce que nous pouvons désirer , témoignages con-
temporains et tradition de témoignages. Je réserve pour un
autre chapitre l'examen de cette tradition; et ici je veux seu-
lement rapporter les paroles d’un homme qui a vécu en même
temps que lui, qui l’a admiré et cité, et qui peut-être l’a connu
personnellement. Je parle de Platon. On lit dans le dialogue
‘intitulé Protagoras : « Dis-moi, ὁ Hippocrate, si tu voulais
«aller trouver ton homonyme , Hippocrate de Gos, de la fa-
« mille des asclépiades, et lui donner une somme d’argent
«pour ton compte; et si l’on te demandait à quel person-
« nage tu portes de l'argent, en le portant à Hippocrate, que
« répondrais-tu?—Que je le lui porte en sa qualité de médecin.
« —Dans quel but?—Pour devenir médecin moi-même.» Ce
x “Ὥσπερ ἂν εἰ ἐπενόεις παρὰ τὸν σαυτοῦ ὁμώνυμον ἐλθὼν Ἵππο-
χράτη, τὸν ΚΚῷον, τὸν τῶν ᾿Ασχληπιαδῶν, ἀργύριον τελεῖν ὑπὲρ σαυ-
τοῦ μισθὸν ἐχείνῳ, εἴ τίς σε ἤρετο, εἶπέ μοι, μέλλεις τελεῖν, ὦ Ix-
πόχρατες, Ἱπποχράτει μισθὸν ὡς τίνι ὄντι; τί ἂν ἀπεχρίνω; Εἶπον
ἂν, ἔφη, ὅτι ὡς ἰατρῷ. Ὥς τίς γενησόμενος; Ὥς ἰατρὸς; ἔφη. T. 2,
Ρ. 159, Ed. Tauchn., p. 311, Ed. Steph.
EF
30 INTRODUCTION.
passage de Platon prouve qu'Hippocrate était médecin, de
l'ile de Cos, de la famille des asclépiades, qu’il enseignait la
médecine, et que ses leçons n'étaient pas gratuites ; il prouve
encore, comme c’est Socrate qui parle dans le Protagoras,
qu'Hippocrate était contemporain du fils de Sophronisque;
enfin il montre que, de son vivant, le médecin de Cos jouis-
sait d’une renommée qui avait franchi les limites du lieu où
il résidait, et qui avait du retentissement jusque dans Ja
grande et savante ville d'Athènes.
Platon cite une seconde fois Hippocrate. C’est dans le Phé-
dre ; mais là il fait surtout allusion à l'écrivain; aussi je ré- -
serve la discussion de cet important passage pour le livre de
la collection hippocratique auquel je crois qu’il se rapporte.
Ainsi quelques lignes de Platon constituent le témoignage ca-
pital parmi ceux qui nous restent sur la personne d’Hippocrate;
cela est peu, sans doute, mais cela n’en est pas moins fort pré-
cieux dans une question que le laps du temps a couverte d’une
obscurité si profonde. En effet, ce que contiennent les deux
passages du Protagoras et du Phèdre, établit une base d’où
la critique peut partir pour examiner la collection hippocra-
tique. Hippocratea été médecin célèbre, professeur renommé,
àquion allait deloin demander des leçons, écrivain plein d’au-
torité, à qui Platon ne dédaignait pas d'emprunter des pensées
et des arguments. La collection hippocratique que l'antiquité
nousa transmise comme renfermant des livres attribués, avec
des garanties très diverses, à Hippocrate, tient donc réelle-
ment à un homme qui a été praticien, professeur, auteur en
médecine. Elle a aussi ses racines dans le témoignage des
contemporains. Hippocrate a composé des livres, et ce fait
positif augmente notablement les probabilités qui sont en
faveur de l'authenticité, snmon de l’ensemble, au moins de
certaines parties de la collection. Il doit (nous pouvons en
VIE D’HIPPOCRATE. 31
être sûrs d'avance) rester , dans ce vieux recueil, des écrits
qui sont l’œuvre véritable du médecin de Cos. Nous en ver-
rons plus loin la démonstration manifeste.
Le savant Triller, qui s'était occupé avec zèle de l'étude
d’Hippocrate, et qui avait réservé pour sa vieillesse le soin d’en
donner une édition complète, a signalé dans Aristophane un
passage qu’il a rapporté au médecin de Cos. On lit dans cet
auteur! : « MNESILOQUE : Jure-moi de me sauver par tous les
« moyens, s’il m'arrive quelque mal.— EURIPIDE : Je le jure
« par l’éther, habitation de Jupiter. —M\x. Quel meilleur ser-
-« ment que celui de la confrérie d'Hippocrate? —Eu. Eh bien!
« j'en jure par tous les dieux. » Il est difficile dene pas croire
qu'il s’agit ici d'Hippocrate de Cos. En effet, Aristophane
invoque la confrérie d'Hippocrate, et, pour cette invocation,
il emploie une formule qui reproduit les premiers mots du
Serment dela collection hippocratique. Hippocrate étaitconnu
à Athènes, nous le savons par les citations de Platon. On peut
donc admettre, avec une grande probabilité, qu’Aristophane
la cité comme Platon le comique avait cité le plus illustre
des médecins enidiens, Euryphon.
Le nom d'Hippocrate a été très commun en Grèce. Il ne
faut confondre avec le médecin de Cos, ni l'Hippocrate
dont les enfants servirent de but aux railleries d’Aristophane,
dans les Muées, et d’Eupolis dans les Tribus ; ni l’Hippocrate
contre lequel l’orateur Antiphon prononça un discours ?; ni
1 Θεσμοφοριάζουσαι, v. 270 :
My. Σ
LA
— Συσσώσειν ἐμὲ
LA
Πάσαις τέχναις, ἤν μοιτὶ περιπίπτηῃ χαχόν.
Ἐύ. --- Ὄμνυμι τοίνυν αἰθέρ᾽, οἴχησιν Διός.
[ ᾿ ρ 3 ἢ
Νν.---Τί μᾶλλον, ἢ τὴν Ἵπποχράτους ζυνοικίαν;
pr ἘΕὐ.--͵πθρμνυμι τοίνυν πάντας ἄρδην τοὺς θεούς.
* Photius, Bibl. p. 1455.
32 INTRODUCTION.
Hippocrate de Chios, mathématicien célèbre qui, le premier,
parvint à carrer une portion de cercle (ménisque ou lunule).
Le témoignage contemporain de Platon, sinon d’Aristo-
phane, suflit pour nous donner la certitude de lexistence
d'Hippocrate, pour fixer son époque, et pour nous faire juger
de sa réputation; mais il se tait sur tout le reste. Interro-
geons ses biographes. Outre des fragments disséminés dans
différents auteurs, nous avons trois biographies d’Hippo-
crate; l’une qui porte le nom de Soranus, et qui sans doute
est un extrait de celle de Soranus d'Éphèse ; l’autre se trouve
dans Suidas; et la troisième dans Tzetzès!. Ces écrivains, qui -
par eux-mêmes n’ont aucune autorité, ont puisé leurs ren-
seignements dans des écrivains antérieurs. Ge sont Ératos-
thène, Phérécyde, Apollodore, Arius de Tarse, Soranus de
Cos, Histomaque et Andréas. Il importe d'examiner quelle
foi ils méritent. |
Ératosthène, Phérécyde, Apollodore et Arius de Tarse
avaient écrit sur la généalogie des asclépiades. Ce Phérécyde ‘ |
est tout à fait inconnu; on n’en trouve pas mention ailleurs
que dans la biographie d'Hippocrate; Arius de Tarse l’est
également, à moins que ce ne soit celui dont Galien parle en
divers endroits 3: mais, dans ce cas, il serait très postérieur
aux faits qu’il raconta. Apollodore ἃ vécu vers le milieu du
deuxième siècle avant J.-C. C’est donc encore une autorité
tout à fait incompétente. Ératosthène mérite beaucoup plus
d'attention ; c'était un savant astronome qui fleurit à Alexan-
drie vers l'an 260 avant J.-C., environ deux cents ans après ἡ
Hippocrate. Ses recherches, qui ont embrassé la chronologie,
ne paraissent pas avoir eu d’autre objet, touchant le méde-
* Chil. var, hist. 155.
+ De composit. med. sec. gen. liv. 5, 8, 10.
VIE D’HIPPOCRATE. 33
cin de Cos, que sa généalogie. Sur ce point elles sont dignes
de beaucoup de confiance, au moins dans ce qui est relatif à
l’époque de la naissance d'Hippocrate. Car il était astronome,
chronologiste, et trouvait, à la grande bibliothèque d’Alexan-
drie, une foule de documents depuis long-temps anéantis.
Histomaque, quiavait composé un traité! en plusieurs livres
- sur la secte d’Hippocrate, est un médecin du reste ignoré qui
est peut-être le même que celui qu’Erotien appelle Ischo-
maque.
Andréas de Caryste est un médecin plus connu, attaché à
la secte hérophilienne, et qui entr’autres ouvrages en avait
- composé un sur la tradition médicale 3. Il y donnait quelques
détails sur Hippocrate, dont il cherchait à ternir la mémoire;
mais son témoignage est trop éloigné du temps de ce méde-
cin pour avoir une valeur intrinsèque.
Il y ἃ eu plusieurs médecins du nom de Soranus. Il est
incertain si Soranus d’Ephèse, qui vécut sous Trajan, a écrit
quelque chose sur Hippocrate. Un autre Soranus d’Ephèse,
-plus récent que le précédent , avait écrit la biographie des
- médecins; et c’est de lui que Tzetzès dit avoir emprunté les
détails qu’il donne sur Hippocrate. La biographie que nous
possédons sous le nom de Soranus, cite un troisième Sora-
- nus, qui était de Cos, et qui avait fouillé les bibliothèques
de cette île pour recueillir des renseignements sur Hippo-
crate; c est la seule mention que je connaisse d’un Soranus de
- (05. Enfin Suidas cite encore un autre Soranus qui était de
Cilicie et sur lequel on n’a aucun détail. Le témoignage
de Soranus est trop récent pour avoir en soi quelque authen-
ticité.
es * Περὶ τῆς Ἱπποχράτους αἱρέσεως.
2 Περὶ τῆς ἰατρικῆς γενεαλογίας.
ΤΟΜ. 1. ΗῚ
34 INTRODUCTION.
Ainsi, de tous ceux qui ont écrit Sur la vie d'Hippocrate, le
plus ancien est Eratosthène; ‘et cependant il en est encore
séparé par un espace de deux cents ans. Il existe là une
lacune que rien ne comble. Dans cet intervalle, personne
n'a écrit ex professo sur la vie d'Hippocrate ; car les noms
de ces biographes nous auraient été conservés ‘par les bio-
graphes postérieurs. Maintenant à quelle source Eratosthène,
Soranus, Histomaque et les autres, ont-ils puisé leurs reénsei-
gnements? Ce qu'il y a de sûr dans ces renseignements, peut-
on répondre, a été pris soit dans les écrits de Platon et
d'autres qui ont péri , soit dans des monuments conservés à
Cos, soit dans des généalogies valables pour les temps histo-
riques. Le reste dérive de légendes fabuleuses qui ne gagnent
rienen authenticité pour avoir été adoptées parles biographes.
Il estévident que, pour les détails personnels à Hippocrate, ils
ont été dénués de récits dignes de foi; que la biographie de
“
ce médecin n’a été recueillie ni par ses contemporains, ni par -
ceux qui l'ont immédiatement suivi, et que, quand on a voulu
l'écrire, on n’a plus trouvé que quelques documents positifs
qui fixaient sa patrie, son âge, le lieu où il avait exercé son
art, et sa Célébrité. Tout le reste était oublié.
Histomaque place la naissance d’Hippoerate dans la‘pre-
mière année de la quatre-vingtième Olympiade (460 ans
avant J.-C.). Soranus de Cos, qui avait examiné les biblio-
thèques de cette île, précise la date davantage, et dit qu'il
naquitl’année indiquée ci-dessus, sous le règne d’Abriadès,
4
le 26 du mois Agrianus, et il ajoute‘que les habitants de Cos :
font à cette époque des sacrifices à Hippocrate. Ce mois Agria-
nus est le seul que l’on connaisse du calendrier des habitants
de Cos, et l'on ne sait à quelle saison il répond. Cette date
n'est sujette à aucune contestation. On le dit fils d'Héraclide
et de Phénarète, petit-fils d'un autre Hippocrate; cela est.
VIE D'HIPPOCRATE. 35
sans doute vrai; mais la généalogie qui le rattache à Podalire
de la guerre de Troie, à Esculape, à Hercule, est évidemment
controuvée. La voici telle qu’elle est donnée par Tzetzès :
Esculape , père de Podalire, père de Hippolochus , père de
Sostrate, père de Dardanus, père de Grisamis, père de Cléo-
myttadès, père de Théodore, père de Sostrate Il, père de
Crisamis IT, père de Théodore IT, père de Sostrate LIT, père
de Nébrus, père de Gnosidicus, père d’Hippocrate 1, père
'Héraclide, père d'Hippocrate IL, qui est le célèbre mé-
decin.
Dans cette liste, Hippocraie’est le 17° descendant d’'Escu-
lape. Soranus dit qu’ilen était le 19° descendant ; et il ajoute
qu’il rattachait aussi son origine à Hercule, à partir duquel
il était le 20°. Aïnsi la liste qu'avait consultée Soranus por-
fait deux degrés de plus. Si on compte 33 ans par génération,
on aura pour 17 générations 561 ans; mais il en faut retran-
cher 33 pour la vie d’Esculape ; ce qui réduit le compte à 528
ans , lesquels ajoutés à 460, époque de la naissance d’Hippo-
crate, donnent pour la prise de Troie ou pour l’époque de
Podalire , 988 ans avant J.-C. Cette date est plus récente que
celle qu'admettaient la plupart des chronologistes grecs. La
seconde liste donnerait pour la prise de Troie 1054 ans avant
J.-C. Ces listes ne concordent ni l’une ni l'autre avec la
généalogie des Héraclides qui régnaient à Sparte. Suivant la
tradition, Léonidas, qui mourut aux Thermopyles, fut le 21°
descendant d’Hercule; et il était encore antérieur à Hippo-
crate de plus d’une génération. Je n’ai rapporté ces détails
que pour montrer l'incertitude de ces listes du moment où
l'on essayait de les reporter dans l’âge héroïque ; mais pour
cet âge seulement; car une liste copiée par Ératosthène a dû
avoir de l’authenticité; et, le témoignage de Platon prouvant
qu'Hippoerate était un asclépiade, il faut croire qu'elle ἃ été
36 INTRODUCTION,
conservée, d'une façon ou d'autre, comme appartenant à une
famille illustre de Cos, qui desservait ! Asclépion de cette île,
et qui, comme toutes les families sacerdotales anciennes, se
disait issue du dieu lui-même. Par sa descendance prétendue
d'Hercule , Hippocrate était supposé avoir des liens avec les
rois de Macédoine.
Il eut pour fils Thessaius et Dracon I, pour gendre Po- -
lybe. Thessalus, médecin du roi de Macédoine Archélaus,
eut pour fils Gorgias, Hippocrate ΠῚ et Dracon IL. Dracon Π
eut pour fils Hippocrate IV qui fut médecin de Roxane,
femme d'Alexandre le Grand, et qui mourut sous Gassandre,
fils d’Antipater ; cet Hippocrate IV eut pour fils Dracon IX,
qui fut aussi médecin de Roxane. Ici, ce semble, il y ἃ de
la confusion dans les dires de Suidas qui nous a conservé
tous ces noms des descendants du célèbre médecin de Cos. Il
faut ajouter que, suivant Galien , Dracon 1 eut un fils appelé
Hippocrate ! ; ce qui complique encore cette généalogie. Sui-
das cite un Thymbrée de Cos et de la même famille; mais il
ne spécifie pas autrement sa parenté avec le grand Hippo-
crate; ce Thymbreée eut deux fils, tous deux appelés Hippo-
crate (ce qui semble bizarre), et qui font le cinquième et le
sixième Hippocrate de sa liste. Praxianax est encore nommé
par lui comme étant du même lignage , et comme ayant eu
un fils qui est Hippocrate VII. Les listes généalogiques avant
et après Hippocrate prouvent qu’il était resté des traces au-
thentiques de sa famille.
Les auteurs qui, dans l'antiquité, se sont occupés des livres
intitulés hippocratiques, ont fait mention des uns ou des au-
tres de ces descendants d'Hippocrate. Ses deux fils, Thessalus
et Dracon, ont surtout été vantés comme des hommes d’un
LA
à = c ,
Θεσσαλὸς χαὶ Δράχων ὧν ἑἕχάτεροι πάλιν “Irmoxparerc ἐγέννη--
σαν. Comm. de humor.t. 16, p. 5, Ed. Kühn.
VIE D'HIPPOCRATE. 37
grand mérite; et on ἃ attribué à l’un ou à l'autre quelques-
uns des écrits dont l'authenticité paraissait la plus douteuse.
Galien se sert souvent de leur nom pour expliquer les inter-
polations qu’il suppose dans les écrits hippocratiques; c’est
“encore à eux que, suivant lui, est due la publication décrits
qui ne sont qu’un recueil de notes laissées par Hippocrate
sans ordre, ni forme, ni rédaction. Polybe, son gendre, a eu
aussi beaucoup de réputation ; et, quant à lui, sa participa-
tion à la collection hippocratique est certaine; je le ferai voir
quand je rapporterai le passage qu’en cite Aristote.
Les critiques anciens ne nous ont pas fourni les moyens
de découvrir si c'est sur des preuves écrites où simplement
par tradition qu'ils ont admis que les descendants d'Hippo-
crate avaient publié des ouvrages médicaux. Aucune trace
de ces livres ne se trouve dans la littérature grecque ; les
litres n’en existent nulle part. Les auteurs qui leur attribuent
de telles compositions, ne disent pas que ces compositions
aient été citées par quelqu'un des médecins qui ont véeu ou
du temps de ces descendants d'Hippocrate ou peu après eux.
La plupart des écrits composés dans cette période ont, il est
vrai, péri, et ceux qui ont péri contenaient peut-être des
détails sur les livres des descendants d’Hippocrate ; mais
cela devient douteux quand on songe que les écrivains
postérieurs qui ont tenu les œuvres de Dioclès, de Praxagore,
de Philotimus, de Dieuchès , tous contemporains de l'un ou
de l’autre de ces hippocratiques , ne s’appuient jamais d’au-
cune de ces autorités, qui ici seraient décisives. Suidas, en
nommant chacun de ces descendants d'Hippocrate, ajoute :
il a écrit sur la médecine. Si l'on veut ajouter foi à une
énonciation aussi vague, il faut supposer, attendu que ces
derniers hippocratiques touchent au temps de la fondation
d'Alexandrie, il faut supposer , dis-je, qu'avec leur nom un
38 INTRODUCTION.
souvenir se garda de livres composés par eux, livres qui
n'étaient peut-être jamais sortis de Fenceinte d’une école, et
dont la trace était perdue. C’est une raison de plus pour
croire que quelques-uns de ces écrits, ayant changé de nom
d'auteur pour en prendre un plus précieux et plus estimé,
au moment où les rois d'Egypte et de Pergame fondèrent
leurs grandes bibliothèques, existent encore dans la collec-
tion hippocratique, comme l’ont pensé Galien , Dioscoride le
jeune, et plusieurs autres critiques de l'antiquité.
On dit qu'Hippocrate mourut dans la ville de Larisse, en
Thessalie, à l’âge de 85 ans, de 90 ans, de 104 ans, de 109
ans. ἢ est probable que cette progression croissante d’un âge
qui reste incertain, est due à la tradition qui, à mesure
qu’elle s’est éloignée, a attribué une vie de plus en plus
longue à un aussi illustre médecin. Il fut enterré entre
Gyrton et Larisse dans un endroit où des écrivains posté-
rieurs ont assuré qu’on montrait encore son tombeau; et
l'esprit inventeur des Grecs se plut à dire que long-temps ce
tombeau avait été le séjour d’un essaim d’abeilles dont le
_ miel avait des vertus pour guérir les aphthes des enfants.
Les historiographes d’'Hippocrate disent qu'il eut pour
maîtres d’abord son père Héraclide, puis Hérodicus de Se-
lymbrie et Gorgias de Leontium. Rien ne combat, maisrien /!
non plus ne garantit ces circonstances. Ils ajoutent qu'il quitta
sa patrie et alla exercer la médecine dans différentes villes de
Thrace. Cela est, à la vérité, concordant avec les renseigne-
ments que fournissent les écrits de ce médecin, mais en ἃ été
probablement tiré. Ce qui est très douteux , c’est qu'il ait été
appelé par Perdiccas IT, roi de Macédoine, et qu'il ait joui au-
près de ce prince, d’une grande faveur. Perdiccas mourut en ἡ
414 avant J.-C. Hippocrate avait alors 46 ans; ce n'est donc pas
VIE D'HIPPOCRATE. 39
dans les dates qu'est la difficulté. Mais on le fait venir avec
Euryphon le médecin cnidien,, et cette association, comme le.
dit M. Hecker, dans son Æistoire de la médecine, tient déjà du
roman. Ensuite on prétend qu'Hippocrate découvrit que la
maladie de Perdiccas était uniquement causée par l'amour
secret qu'il ressentait pour une concubine de son père. Cette
histoireressemble à celle d Erasistrate, qui découvrit aussiune
maladie causée par l'amour. Seulementil fautremarquer dans
lerécit une différence qui prouve que l'histoire a du moins été
forgée avec adresse, Erasistrate reconnut la maladie du jeune
prince en. lui tâtant le pouls en présence dela femme qu'il
aimait : les historiographes d’Hippocrate disent qu'il porta
son diagnostic d’après les seuls changements de l'extérieur
du roi ; il ne connaissait pas l’art d'explorer le pouls, et ç’au-
rait été commettre une erreur de chronologie médicale, que
de lui faire tâter l'artère du roi Perdiccas. Ce: qui rend cette
histoire suspecte, c’est sa ressemblance avec celle d’Erasis-
rate , c’est la présence d'Euryphon, c’est surtout la date
moderne des biographes qui la racontent.
Beaucoup d’autres fables ont été racontées sur Hippocrate,
el il faut ranger dans cette catégorie les services qu'ilrendit
à la Grèce pendant la peste dite. d'Athènes; son, refus d'aller
servir le roi de Perse ; et son entrevue avec Démocrite. Ces
fables ne s’appuient sur aucun témoignage de quelque valeur;
et sans doute, sion pouvait en suivre la filiation, on verrail
qu’elles von£ toujours en grossissant à mesure que celui qui
les rapporte s'éloigne davantage de l'époque où vivait Hip-
pocrate.
On en a la preuve dans les récits au sujet du rôle qui lui
est attribué dans la peste. Soranus prétend que , cette mala-
die ayant envahi le pays des Illyriens et des Péoniens, les
rois de ces peupies l'invitèrent à venir auprès d'eux; qu'Hip-
40 * INTRODUCTION.
pocrate , ayant appris des ambassadeurs quels vents ré-
gnaient surtout dans leurs contrées, refusa d'accéder à leurs
demandes; mais qu'ayant conclu de leurs réponses que la
peste allait venir dans l’Attique, il prédit l’arrivée de ce fléau,
et dispersa ses élèves dans les villes de la Grèce. Varron! fai-
sant allusion à un pareil récit, dit : « Le médecin Hippocrate
« n’a-t-il pas, dans une grande peste, sauvé non un seul
« champ, mais plusieurs villes? » «C’est pour ces services, dit
« Pline?, que la Grèce lui décerna les mêmes honneurs qu’à
« Hercule. » Varron et Pline sont très antérieurs à l’auteur
de la vie d'Hippocrate, et , comme lui, ils ont dû emprunter
ces détails au Discours qui est attribué à Thessalus, fils du
médecin de (05. et qui figure, dans la collection Hippocra-
tique, à côté des Lettres d’Artaxerce, des Abdéritains, et de
Démocrite. Cette légende, car on ne peut pas lui donner
d’autre nom, fait partir Hippocrate de Thessalie , réprimant
la peste sur son passage, chez les Doriens, chez les Phocéens,
chez les Béotiens ; de là il arrive à Athènes, où il arrête les ra-
vages du fléau. L'auteur du livre de la Thériaque à Pison ,
ch. 16, et Aëtius5, disent qu’il chassa la peste en faisant
allumer de grands feux par toute la ville, et en ordonnant de
suspendre partout des couronnes de fleurs odorantes. Actua-
rius # va plus loin; il connaît l’antidote dont Hippocrate se
servit pour guérir les Athéniens, et il en donne la formule ;
et un manuscrit latin de la bibliothèque royale (n° 7028), en-
core plus précis, assure qu'Hippocrate, venu à Athènes, re-
marqua que les forgerons et tous ceux qui travaillaient avec
le feu, étaient exempts de la maladie pestilentielle. Il en con-
1 De rerust. 1, 4.
σε - - =
2 Histoire natur. T, 37.
5. Tetrab. 2, serm. 1, cap. 94.
1 Meth. med. 5, G.
VIE D'HIPPOCRATE. 41
clut qu'il fallait purifier par le feu l'air de la ville. En consé-
quence il fit faire de grands tas de bois qu’on incendia ; l'air
étant purifié , la maladie cessa, et les Athéniens élevèrent au
médecin une statue de fer avec cette inscription : 4 Æippo-
crate, notre sauveur et notre bienfaiteur. Je ne sais d’où
viennent ces amplifications au manuscrit , dont l'écriture est
fort ancienne.
Il est très facile de montrer que tout cela n’est qu'un tissu
de fables. Thucydide, qui a donné une admirable descrip-
tion de la peste d’Athènes , ne fait aucune mention d’Hippo-
crate, ni de ses services ; il dit même formellement que tout
l’art des médecins échoua contre la violence du mal, et qu'ils
en furent les premières victimes. Ce silence de Thucydide
sur Hippocrate dans une maladie qui fut un événement his-
torique, est décisif, et prouve que le médecin de Cos ne fit
rien de ce qu’on lui attribue en cette circonstance. Mais le
récit porte en lui-même les preuves de sa propre fausseté.
Hippocrate est né en 460, la peste éclata à Athènes en 428.
il n’avait donc que 32 ans. Α cet âge il ne pouvait avoir en-
core acquis la réputation que la légende lui suppose, et sur-
tout il ne pouvait avoir ni fils, ni gendre, à envoyer dans les
différentes villes de la Grèce. De plus la légende intervertit
complétement la marche de l'épidémie; elle la fait venir par
l'Illyrie, la Thessalie, et la Béotie jusque dans l’Attique.
Or Thucydide dit formellement qu’elle se déclara d’abord
dans le Pirée, et qu'elle venait de l'Ethiopie. Il y a là contra-
diction évidente avec le fait; mais quand même’ nous n’au-
rions pas ces preuves pour démontrer la fausseté d’un pareil
récit, le caractère même des épidémies nous empêcherait de
ladmettre. Nous savons par une expérience récente que ces
grands fléaux ne se laissent pas détourner par l'art humain ;
et les feux allumés dans Athènes ne pouvaient pas avoir plus
42 INTRODUCTION.
de puissance contre l'épidémie , venue de loin , qui la désola,
" que la médecine contemporaine n’en ἃ eu à Paris contre le
choléra, parti des bords du Gange. Tout récit où l'on attri-
bue à l’art médical le pouvoir d'arrêter de tels ravages,
nécessairement est mensenger.
Maintenant que devient l’autre forme de la légende où Hip-
pocrate refuse à Artaxerce son secours contre la peste? Jene
veux pas entrer ici dans une discussion détaillée des Zettres
et des Discours qui forment un appendice de la collection
hippoeratique. Comme tous les récits sur le rôle d'Hippocrate
dans la peste d'Athènes, sur l'invitation d’Artaxerce, sur le
refus du médecin de Cos, sur son entrevue avec Démocrite,
sur la guerre faite à l’île de Cos par les Athéniens, n'ont pas
d’autres garants que ces Lettres et Discours, j'en examine-
rai plus loin l'authenticité. Seulement je déclare d'avance
que ces pièces sont toutes apocryphes. Il m'a sufli ici d'appe-
ler lattention du lecteur sur le témoignage de Thucydide,
qui montre qu'Hippocrate n’a joué aucun rôle particulier
dans la grande fièvre qui ravagea la Grèce et surtout Athe-
nes. Les Lettres et Discours renferment des preuves intrin-
sèques de supposition ; ce sera le lieu de mettre ces preuves
en évidence quand je discuterai un à un les écrits qui entrent
dans la collection hippocratique.
Tzetzès prétend qu'Hippocrate, bibliothécaire à Cos, brûla
les anciens livres des médecins; Andréas, dans son livre
sur la tradition médicale, dit que c’est à la bibliothèque de
Cnide qu’il mit le feu; et Varron, à ce que rapporte Pline #,
avait écrit qu'Hippocrate, ayant copié les observations de ma-
ladies que lon conservait dans le temple de Cos, Fincendia.
Tous ces récits, dus à des écrivains très-postérieurs, n'ont
aucun fondement; et les Grecs n'auraient pas souffert que
1 Hist, nat. 29, 1,
VIE D'HIPPOCRATE. 43
l'incendiaire d’un temple enseignât tranquillement la méde-
cine, comme nous le représente Platon, seul croyable en
ceci. Strabon , le géographe, nous a conservé une tradition
qui est bien plus concordante avec tous les faits connus d’ail-
leurs, et qui a tous les caractères de la probabilité. «On rap-
«porte, dit-il, qu'Hippocrate s’exerça particulièrement sur
«le régime dans les maladies en étudiant les histoires de
«traitement qui étaient déposées dans le temple de Cos f. »
Tout porte à croire que le recueil de ces histoires existe en-
core, et qu'il constitue ce qui est connu dans la collection
hippocratique sous les titres de Prénotions coaques et de
1‘ livre des Prorrhétiques.
Il n’est pas besoin de dire que toutes les représentations
qui ont été faites de la figure d'Hippocrate sont idéales ; les
statues n’ont été des portraits que long-temps après lui. Les
artistes anciens se sont accordés pour le représenter la tête
couverte , tantôt du pileus, tantôt des plis de son manteau.
L’antiquité, on le voit, avait déjà perdu les moyens de
faire une biographie détaillée d'Hippocrate. Mais quoiqu'il y
ait là une lacune que désormais rien ne peut plus combler ,
cependant il en reste assez pour apprécier le rôle qu'a joué
Hippocrate et la place qu'il a tenue. Praticien, professeur ,
écrivain, il a joui de l'estime de ses contemporains; descendu
d’une famille qui faisait remonter son origine jusqu'à l'âge
héroïque , il lui a donné plus de gloire qu’il n’en avait reçu ;
attaché à une corporation qui desservait un temple d’'Escu-
lape, il a fait prévaloir l’école de Cos sur toutes les écoles
médicales qui l'ont immédiatement suivie; et, de bonne heure,
ses écrits étaient médités et cités par Platon.
* Geograph. χιν, p. m. 657.
CHAPITRE, ΤΙ.
7
DES LIVRÉS QUI PORTENT LE NOM D HIPPOCRATE.
Nous possédons sous le nom de livres d'Hippocrate une
masse très considérable décrits. C'est la réunion de ces écrits
que j'appellerai pour abréger Collection hippocratique. Le
premier coup d'œil montre qu'ils ne forment ni un ensemble,
ni un corps, et qu’on y chercherait vainement l’œuvre d’un
homme qui aurait travaillé sur les différentes parties de la
médecine. Les traités non seulement ne se supposent pas lun
l'autre, mais encore ils présentent les plus grandes dispa-
rates. Les uns sont des écrits complets en eux-mêmes; les
autres ne sont que des recueils de notes qui se suivent sans
avoir aucun lien entre elles, et qui sont quelquefois à peine
intelligibles. Quelques-uns sont incomplets et mutilés ; d’au-
tres forment dans la collection totale des séries particulières
qui appartiennent à la même pensée et à la même main. En
un mot, pour peu qu’on réfléchisse au contexte de ces nom-
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 45
breux écrits, on est conduit à penser qu'ils ne sont pas d’un
même auteur. Cette remarque ἃ de tout temps frappé ceux
qui se sont occupés des livres hippocratiques, et dès l’époque
même où on les commentait dans l’école d'Alexandrie, on
disputait déjà sur leur authenticité. La confusion manifeste
qui y existe nécessite l'intervention de la critique ; mais aussi
la date reculée de la composition de ces écrits et l'absence
de témoignages rendent un tel travail extrêmement épineux.
Si les difficultés étaient déjà si grandes et les doutes si auto-
risés dans l'antiquité, que doit-il en être de nos jours, et pour
nous qui, depuis le temps des commentateurs alexandrins et
de Galien, avons fait tant de pertes en livres de tout genre?
Beaucoup de travaux ont eu pour objet l’histoire littéraire
des écrits hippocratiques; beaucoup d'hommes éminents se
sont livrés aux recherches que cette histoire réclame; et ce-
pendant maintes questions restent encore indécises, et des
divergences très considérables entre les critiques, sur l’au-
thenticité d’un même écrit, montrent que lon manque d’un
point stable de départ, et de documents qui soient autre chose
que des conjectures. J’essaierai de résoudre quelques-unes
de ces questions, et de lever quelques-uns de ces doutes; non
que je me flatte d’avoir dissipé toutes les obscurités du sujet ;
mais aidé des travaux de mes prédécesseurs dans ce genre
d’explorations, j'espère faire dans mon temps ce qu'ils ont
fait dans le leur, c’est-à-dire avancer d’un pas l'histoire litté-
raire d'Hippocrate, et la laisser plus éclaircie que je ne l'ai
reçue.
Cette histoire, manquant presque complétement de données
qui lui soient propres et qui soient de son époque, a besoin ,
pour se soutenir, de réunir une foule de matériaux épars.
Elle exige donc une construction laborieuse; et le dévelop-
pement, pour être clair et convaincant, est tenu de passer
46 INTRODUCTION.
par une série de recherches et de déductions qui vont au
but, ileest vrai, mais qui y vont d’une manière détournée.
Le premier travail à faire est de prendre connaissance de la
collection elle-même, et d'examiner quels renseignements
on en peut tirer sur les questions qui sont à résoudre. Il faut
la feuilleter page par page, et lui demander quel état de Ja
médecme elle représente, quels travaux elle indique, quels
noms elle cite, à quels pays elle se rapporte, et quelles traces
évidentes elle porte d’une collaboration multiple. L'époque
qui sépare le temps où ἃ fleuri Hippocrate, du temps où Éra-
sistrate et Hérophile devinrent à Alexandrie les chefs de la
médecine, c’est-à-dire un espace d’environ 130 ans, est une
de celles sur laquelle les documents et les livres nous man-
quent le plus. Les œuvres qui forment la coliection hip-
pocratique ont dû être composées dans cet intervalle :
leur examen intrinsèque nous fournira des notions que
nous ne pouvons nous procurer par aucune autre voie.
Prouvons avanttoute chose que la Collection hippocratique
renferme des fragments qui y figurent dèsles premiers temps,
mais qui, Incontestablement, ne sont pas d'Hippocrate.J’en ai
deux exemples irrécusables. Le premier est relatif à un, pas-
sage sur l'anatomie des veines qu’on lit dans le Traité de la
nature de l’homme. Ce traité a été cité par tous les commen-
tateurs comme faisant partie de la Collection hippecratique.
Le passage en question est textuellement rapporté par Aris-
tote ( Histoire des animaux , ΠΥ. 111, chap. 4 ); et Aristote
dit que ce morceau est de Polybe. Or, en ce point, l'autorité
d’Aristote prévaut sur toute autre, et manifestement sur celle
d'Érotien ét de Gälien. Polybe, gendre d’Hippocrate, de-
vait être exactement le contemporain de Platon, par consé-
quent vieux quand Aristote était jeune. Ainsi le témoignage
de ce dernier est irrécusable, d'autant ‘plus qu'il était très
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 47
éclairé et très versé dans la connaissance des livres scientifi-
ques. Il n’a pas pu commettre la grossière méprise d'attribuer à
Polybece quiétait d'Hippocrate; ilconnaissait bien Hippocrate,
qu'il cite dans un de ses ouvrages. Là où il rapporte le long
passage de Polybe sur la dissection des vemes, il discute avec
beaucoup de soin une question d'anatomie; et, à côté de
Polybe, il cite sur le même sujet un passage de Syennésis de
Chypre, dont le nom ne nous a été conservé que par lui, et
-un passage de Diogène d’Apollonie.
Ainsi Aristote seul nous ἃ appris un fait sur lequel toute la
littérature antique a gardé lesilence, à savoir qu’un morceau
dû à Polybe se trouve dans la Collection hippocratique. D'où
vient ce silence? et comment Aristote a-t-il seul connu cette
particularité? En traitant, dans le chapitre VIT, de la forma-
tion de la Collection, j’'expliquerai ce point important de l'his-
toire des livres hippocratiques.
Le morceau de Polybe n’est pas le seul qui , dans la Col-
lection hippocratique , n’appartienne pas à Hippocrate. Je
ne.parlerai pas ici du fragment de Syennésis de Chypre qui
est inséré dans le Traité de la nature des os; car, comme je
le ferai voir plus loin, ce traité n’en estipas un, etil ne doit pas
subsister. Gelui qui me reste à citer est un fragment d'Eury-
phon qui se trouve presquemot à mot dans le Deuxième livre
des maladies 1. L'identité de ces deux fragments est évidente,
* Voici le passage du traité hippocratique : Πελίη νοῦσος. Πυρε-
τὸς ξηρὸς χαὶ φρὶξ ἄλλοτε χαὶ ἄλλοτε, καὶ τὴν χεφαλὴν ἀλγέει. Καὶ
τὰ σπλάγχνα ὀδύνη ἔχει. Καὶ ἐμέει χολήν. Καὶ ὅταν ἣ ὀδύνη ἔχη;
οὗ δύναται ἐνορᾶν, ἀλλὰ βαρύνεται. Καὶ ἣ γαστὴρ σχληρὴ γίνεται.
Καὶ ἣ χροίη πελιδνὴ., χαὶ τὰ χείλεα, χαὶ τῶν ὀφθαλμῶν τὰ λευχὰ,
πελιδνά. Kat ἐξορᾷ ὡς ἀγχόμενος. ᾿Ενίοτε καὶ τὴν χροίην μεταύάλλει,
χαὶ ἐχ πελιδνοῦ ὑπόχλωρος γίνεται. Voici le passage d’Euryphon
dans Galien, t. 5, p. 456, Ed. Bas. : Πελίας πυρετὸς ἴσχε: χαὶ
48 INTRODUCTION.
et comme Euryphon est antérieur même à Hippocrate, c’est
à lui qu'il faut en rendre la propriété.
Voilà un premier point établi : il existe dans la collection
hippocratique des morceaux qui sont attribués à Hippocrate ,
mais qui, de toute certitude, appartiennent à d’autres écri-
vains. Ainsi s'ouvre la porte aux conjectures qui sont auto-
risées à étendre , bien au-delà des deux ouvrages citésplus
haut, le cercle des compositions pseudo-hippocratiques, d’au-
tant plus que la Collection tout entière est une réunion d’é-
crits simplement juxta-posés, sans aucune liaison intérieure.
Il est donc permis de croire que beaucoup d’autres livres
sont, à tort, décorés du nom du chef de l’école de Cos. Cela
sera plus loin examiné avec détail. Il me suffit dans le com-
mencement d'avoir établi le fait sur deux exemples irrécu-
sables.
Les renseignements que l’on trouve dans la Collection sont
de différents genres. Beaucoup se rapportent à la pratique
des autres médecins, et l’on y voit des critiques sur les
moyens qu'ils emploient, sur ieurs diagnostics, sur leurs pro-
nostics, sur leurs opinions théoriques. Il faut donner les prin-
cipaux exemples. L'auteur du Quatrième livre des maladies
dit ! que les anciens médecins se trompaient surtout sur la
connaissance des jours ; car ils purgeaient leurs malades dans
les jours impairs, et les faisaient périr. Le même écrivam
βρυγμὸς ἄλλοτε χαὶ ἄλλοτε, καὶ τὴν χεφαλὴν ἀλγέει. Καὶ τὰ σπλάγχνα
ω
"Α = ΠῚ Φ /
ὀδύνη ἴσχει, καὶ ἐμέει χολὴν, καὶ ὅταν ὀδύνη ἔχη, ἐνορᾶν où δύναται,
d /
ὅτι βαρύνεται, χαὶ ἣ γαστὴρ ξηρὴ γίνεται, καὶ 6 χρὼς πελιὸς ἅπας,
A \ J + ea -
χαὶ τὰ χείλεα οἱάπερ μύρα τρώξαντι, καὶ τῶν ὀφθαλμῶν τὰ λευχὰ
πελιὰ, χαὶ ἐξορᾷὶ ὥσπερ à ὅτε δὲ À το πά
᾽ ξορᾷ ὥσπερ ἀπαγχόμενος, ὅτε δὲ ἧσσον τοῦτο πάσχει,
χαὶ μεταδάλλει πολλάχις.
τ᾿ Page 172, Ed. Frob.
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 49
établit une discussion assez longue pour prouver contre l’o-
pinion de certains médecins que les boissons ne passent pas
dans la trachée-artère. L'auteur du Traité des affections in-
ternes! reproche aux médecins de se méprerdre sur l'organe
malade quand ils voient du sable dans les urines; ils préten-
dent que la vessie contient des calculs , ils se trompent, car
c’est le rein qui est calculeux. Ce passage est digne de re-
marque, parce qu’il nous montre des traces de polémique
entre les différents écrivains qui ont concouru à la Collection
hippocratique. En effet , il contredit formellement lapho-
risme soixante-dix-neuvième de la quatrième section dont
l’auteur se trouve placé parmi ces médecins qui ignorent le
véritable siége des affections calculeuses. L’aphorisme est
ainsi conçu : « Du sable déposé dans lurine annonce la pré-
«sence d’un calcul dans la vessie.» On ne peut se méprendre
sur la contrariété de ces deux propositions, ni s'empêcher
de voir une véritable critique de l’une par l’autre.
Les médecins praticiens y sont plusieurs fois nommés, soit
avec éloge, soit avec critique. «Les médecins les plus loués
« sont ceux qui usent des règles du régime et des autres for-
« mes de traitement, dit l’auteur du Traité de l’art, qui ajoute
« que ceux qui entreprennent de guérir des maux incurables
« sont admirés par les médecins de nom, et sont un objet de
« raillerie pour les vrais médecins.» L'auteur du Livre des ma-
ladies des femmes accuse les médecins d’avoir fait des opéra-
tions inutiles et dangereuses dans des cas où la rétention des
menstrues leur avait fait croire à l'existence d’un abcès. Il
les accuse encore d'employer des médicaments astringents
dans les gonflements de la matrice, soit avant, soit après
l'accouchement ; de commettre de fréquentes erreurs en trai-
1 Page 196, Ed. Frob.
TOM. I.
HS
50 INTRODUCTION.
tant les maladies des femmes comme celles des hommes, et
de regarder comme une hydropisie les gonflementsdes pieds
et des jambes qui surviennent pendant le cours d’affections
utérines. L'auteur du Deuxième livre des épidémies reproche
aux médecins qui soignaient Héragoras de n’avoir pas connu
que les hémorrhagies abondantes des narines procurent une
amélioration considérable. L'auteur du Cinquième livre des
épidémies remarque que les médecins qui traitaient Hippos-
thène dans la ville de Larisse , le croyaient atteint de périp-
neumonie, mais qu’il n’en était rien. Ailleurs 11 raconte que
le médecin qui pansa un homme blessé d’un coup de lance,
retira bien le bois, mais qu'il laissa un fragment du fer. Le
même malade paraissant au médecin aller mieux, l’auteur
du Cinquième livre des épidémies prédit qu'une convulsion
allait survenir et le malade succomber, pronostic qui se vé-
rifia complétement. Dans le Septième livre des épidémies on
lit qu'Eudème, atteint d’une affection de la rate, reçut
de ses médecins le conseil de bien manger, de boire un
peu de vin léger, et de beaucoup marcher. Ce régime n’a-
mena aucun changement ; un différent réussit mieux.
C’est surtout dans le Traité des fractures qu'il y ἃ une
longue polémique contre les méthodes variées que les méde-
cins mettent en usage pour remédier à ces accidents. L’au-
teur leur reproche vivement de chercher les modes de ré-
duction et de déligation qui frappent les yeux du vulgaire ,
sans s'inquiéter de ceux qui conviennent le plus aux malades.
L'un de ces médecins, prétendus habiles, voulait déterminer
le bandage de la fracture du bras d’après les règles de l’art
de l'archer. L'autre prétendait, d’après de fausses obser-
vations ostéologiques, mettre toujours le membre dans Ja
supination. L'auteur n’a pas assez de blâme contre ceux qui,
dans les plaies avec fracture, s’empressent de bander le mem-
À
LIVRES HIPPOCRATIQUES. o1
breen dessus et en dessousde la plaie. Is sont forcés, àcause du
gonflement, de défaire leur bandage, dont ils recommencent
à se servir dans une autre occasion sans se douter qu'il est
la cause du mal. L'auteur fait cette remarque parce qu'il a vu
un grand nombre d'accidents naître de ce genre de déliga-
tion, et il invoque en faveur de sa pratique le témoignage de
toute la médecine; phrase remarquable qui est un appel aux
préceptes de la science, et qui prouve qu’elle était cultivée
depuis long-temps. Remarquons en outre que, dans le Livre
des fractures, On conseille aux médecins qui pratiquent dans
une grande ville d’avoir tout prêt un appareil en bois pour
les réductions. L'auteur du Traité des articulations se livre à
des critiques toutes semblables. Il bläme ces médecins qui ,
pour réduire les luxations, emploient des moyens propres à
étonner la foule , et il rougirait, dit-il, de tout ce qui sent la
jonglerie ; il recommande de connaître tout ce qui a été fait
en ce genre, et de choisir les meilleures méthodes; il signale
l'antiquité de quelques-uns de ces instruments, et loue l’em-
ploi de toutes les machines qui sont conformes à la structure
du corps; il relève une foule d'erreurs touchant l'ostéologie
ou le traitement des luxations. On voit par toutes ces cita-
tions combien la médecine était pratiquée, combien d’hom-
mes s’en occupaient, et combien les écrivains qui forment la
Collection hippocratique, faisaient attention à la pratique de
leurs confrères, soit pour l’approuver, soit pour la blämer.
De tous ces médecins, praticiens ignorés d’une époque
aussi reculée, deux seulement sont nommés : ce sont Pro-
dicus et Pythoclès. Il est dit dans le Sixième livre des épidé-
mies que Prodicus causait la mort des fébricitants en les sou-
mettant à desmarches et à des exercices forcés. On a beaucoup
_ doutés’il fallait écrire Prodicus ou Hérodicus ; mais comme il y
᾽
a eu un Prodicus vers ce temps, et qu'Hérodicus n’appliquait
52 INTRODUCTION.
la méthode de l'exercice qu'aux maladies chroniques, il est
probable que la critique de l'auteur hippocratique s’adresse,
non au second, mais au premier. Il est remarqué dans le
Cinquième livre et dans le Septième des épidémies que Pytho-
clès donnait à ses malades du lait étendu de beaucoup d’eau. -
Cette pratique n’est ni louée ni blamée, mais dans un apho-
risme on spécifie tous les cas de maladies fébriles où le Jait
est contre-indiqué.
A côté des remarques sur la pratique journalière des mé-
decins se trouvent, dans la Collection hippocratique, des
traces d’une polémique assez étendue contre les écrits médi-
caux de cette époque. La plus remarquable, sans contredit ,
est celle par laquelle débute l’auteur du Traité du régime dans
les maladies aiguës. Elle est dirigée contre un livre célèbre
alors, les Sentences cnidiennes, et contre l’école de Cnide.
Dans le Traité de l’ancienne médecine, on blâme les méde-
cins qui établissent leurs raisonnements sur l'hypothèse d’une
seule qualité élémentaire, et qui fondent la pratique de
l'art sur cette nouvelle manière de raisonner. L'auteur du
Régime mentionne les écrits antérieurs sur le même sujet, et
déclare qu'il ne s’est mis à l’œuvre que pour combler les la-
cunes que ces livres laissaient. Ce dont il se vante surtout ,
c’est d'éclairer les signes qui se déclarent antérieurement
aux maladies. L'auteur du Premier livre des maladies sou-
tient que le temps qui en règle le cours n’est pas aussi précis
que quelques-uns le prétendent : phrase qui semble être une
restriction à la théorie sur les jours critiques; et celui du
Deuxième livre des prorrhétiques se refuse à croire tout ce
qu’on lit dans les livres sur l'exactitude avec laquelie on peut
discerner les moindres écarts de régime dans un homme, et ᾽
prédire avec toute certitude ce qui va arriver dans le cours
des maladies. Souvent des locutions sont blämées, et l'au-
LIVRES HIPPOCRATIQUES, δ
teur ne les emploie que pour se conformer à l'usage ; en
plusieurs endroits on parle de ceux qui sont en dehors de la
médecine, ce qui prouve que les médecins formaient vrai -
ment un Corps.
Il est plusieurs fois question des philosophes qui se livraient
à l'étude de la nature; il est parlé décrits sur cet objet, où
l'on prétendait que le cerveau était l'organe qui résonnait
dans l'audition ; il est parlé encore de l'opinion des anciens
sur le chaud et l’éther. Il faut remarquer que cette qualifica-
tion d'anciens revient plusieurs fois, ce qui prouve que la lit-
térature médicale existait déjà depuis long-temps. Deux
philosophes seulement y sont nommés ; l’un est Mélissus de
l'école éléatique, cité dans le Traité de la nature de l’homme,
l'autre est Empédocle, dans le Livre de l’ancienne médecine.
Un vers d’Homère est rapporté dans le Livre des articula-
tions; et ce vers ne se retrouve plus dans les œuvres de ce
poète telles que nous les possédons aujourd’hui. Un seul livre
est cité par son titre : c’est celui des Sentences cnidiennes. 1
y est question de deux éditions de cet écrit.
Les traces d’études sur la matière médicale et la pharmacie
sont fort nombreuses. On vante à cet égard les progrès de la
médecine, et on exhorte le jeune médecin à graver dans sa
mémoire ce qui est écrit sur les vertus des médicaments; on
parle de breuvages préparés d’après la formule; plusieurs
passages indiquent des traités de thérapeutique où les re-
mèdes étaient rangés d’après leurs effets réels ou prétendus.
C'est ainsi que l’on cite des médicaments propres aux mala-
dies de la matrice ou destinés à étancher le sang. Déjà cer-
tains remèdes portent des noms particuliers qui ne sont autre
chose que des désignations usitées parmi les médecins et les
pharmaciens ; et quand on dit dans le Premier livre des
maladies des femmes qu'il faut broyer une certaine substance
54 INTRODUCTION. ΄
comme On broie un médicament, cela indique certaines règles .-
pour des procédés pharmaceutiques.
L'examen minutieux de ce que l’on pourrait appeler les
sources de la Collection hippocratique nous a montré que les
auteurs qui y figurent avaient puisé, et dans une littérature
déjà riche, et dans la pratique d’un corps médical déjà nom-
breux. A l’époque où Hippocrate et ses successeurs ont écrit,
la Grèce possédait beaucoup de livres sur la médecine; l'en
seignement en était répandu; un grand nombre de praticiens
étaient disséminés dans le pays, et ils agitaient entre eux ,
soit de vive voix, soit par écrit, des questions variées de
théorie et de pratique. L'étude , sous ce point de vue, de la
Collection hippocratique , nous a donné quelques aperçus
sur l’état de la science et sur le public médical qui la cultivait,
et surtout elle ἃ grandement changé l’idée qu’on se fait ordi-
nairement dé la position d’Hippocrate dans la médecine
grecque. En consultant les écrits hippocratiques, seuls dignes
de foi en cela, et corroborés en outre par les témoignages
des écrivains contemporains, on le voit placé au milieu d’un
mouvement scientifique qui a commencé avant lui, auquel il
prend une part active , et qui se développe avec vigueur et
plénitude long-temps encore après sa mort.
La Collection hippocratique porte en son propre sein l’in-
dice des travaux qui furent exécutés alors, et la trace
des pertes que nous avons faites ; confirmant ainsi le résultat
déjà obtenu par l'examen des sources elles-mêmes où ont
puisé les auteurs hippocratiques. Leurs œuvres n’ont pas été
moins maltraitées que les œuvres des autres médecins de
leur temps; de telle sorte que la Collection hippocratique,
qui n’est déjà qu’un fragment de la littérature médicale de
cette époque, n’est à son tour qu’un fragment des produc-
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 55
tions d’une école dont quelques livres seulement nous sont
arrivés sous le nom commun d’Hippocrate.
Il est question, dans plusieurs endroits de la Collection, de
traités qui sont anéantis, et qui le sont depuis bien long-
temps; car ni Galien, ni Érotien, ni les critiques plus reculés
de l’école d'Alexandrie, ne les ont jamais vus ou connus.
Tout cela avait péri dans l'intervalle qui sépare Hippocrate
de la fondation des grandes bibliothèques; les ouvrages dont
les titres sont cités dans la Collection, et d’autres sans doute
qui ne le sont pas, n’ont eu qu'une existence éphémère, et
il leur est arrivé, ce qui est arrivé si souvent aux livres de
l'antiquité, d’être détruits avant d’avoir été multipliés par les
copies. Pour ces ouvrages hippocratiques, il ne faut pas en
accuser l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie ; ils n’exis-
taient déjà plus au moment où cette bibliothèque fut établie.
Le médecin auteur du Livre des articulations annonce
plusieurs ouvrages. Il parle d’un Traité sur les frictions 1; il
promet d'exposer la texture des glandes, leur position , leurs
signes et leurs actions 3. d'expliquer, pour une espèce par-
ticulière de tumeurs , dans quel cas il faudra avoir recours à
lincision 5, de traiter des déviations de la colonne vertébrale,
en traitant des affections chroniques des poumons ἢ, de dé-
- montrer les communications des veines et des artères, le
1 ᾿Ἀλλὰ διορεῖται Auiv περὶ ἀνατρίψιος ἐν ἄλλῳ λόγῳ, p. 475,
Ed. Frob.
2 Περὶ ἀδένων οὐλομελίης γεγράψεται, ὅτι τέ εἶσι, χαὶ οἷα ἐν
οἵοισι σημαίνουσί τε καὶ δύνανται. p. 476, Ed. Frob.
3 Περὶ τούτων (γαγγλιωδέων) ἐν ἄλλῳ λόγῳ γεγράψεται. p. 485,
Ed. Frob.
4. ᾿Αλλὰ περὶ τούτων ἐν τοῖσι χρονίοισι χατὰ πνεύμονα νοσήμασιν Et-
ρήσεται. p.484, Ed. Frob.
56 INTRODUCTION.
point d’où elles partent, et l’action qu’elles exercent !, d’en-
trer dans des détails sur la nature de l'intestin et de l’abdo-
men tout entier , sur les voyages et les distensions de la ma-
trice?. Toutes ces promesses ont été sans doute remplies ; ces
écrits ont été composés et ont servi à l’enseignement de la
médecine dans les écoles de Cos. Maisils n’en ont pas dépassé
l'enceinte , et au moment où le zèle de recueillir des livres se
développa, au moment où l’on s’occupa de les multiplier,
ceux-là n’existaient plus.
Il en faut dire autant des traités composés par l’auteur du
Second livre des prorrhétiques : ni l'ouvrage sur les collec- |
tions purulentes du poumon (pour parler le langage médical !
de cette époque 5), ni celui sur les maladies aiguës#, ni celui
qui concernait les fièvres nées spontanément et sans causes
évidentes ÿ, et qui comprenait sans doute aussi l'exposition
des crises 6, ni celui sur les diverses espèces d’ophthalmie 7,
ne sont parvenus jusqu'aux commentateurs de l’école d’A-
lexandrie. C’étaient là des traités considérables sur des ques-
1 ΑἹ δὲ φλεδῶν χαὶ ἀρτηριῶν κοινωνίαι ἐν ἑτέρῳ λόγῳ δεδηλώσον--
ται. p. 485, Ed. Frob.
" Καὶ χατὰ τὴν τοῦ ἐντέρου φύσιν χαὶ χατὰ τὴν τῆς ξυμπάσης
χοιλίης, χαὶ χατὰ τὰς τῶν ὑστερέων πλάνας χαὶ ξυντάσιας - ἀλλὰ
περὶ μὲν τούτων ἑτέρωθι λόγος ἔσται ἠδελφισμένος τοῖσι νῦν λεγομέ-
νοισιν. p. 492, Ed. Frob.
3 Anep περὶ τῶν ἐμπύων ἔγραφον. p. 416, Ed. Frob.
4 Ἃ ἐν τοῖσιν ὀξέσι νουσήμασιν ἔγραψα. p. 418, Ed. Frob.
5 Ὡς ἐν τοῖσι πυρετοῖσι διαγέγραπται, τοῖσιν ἄνευ προφάσεων ἐμ-
φανέων γινομένοισι. p. 418, Ed. Frob.
6 Αἱ δὲ χρίσιες ὡς ἐν τοῖσι πυρετοῖσιν ἔγραψα. p. 420, Ed.
Frob,
7 Τὰς δὲ πολυχρονίους τῶν ὀφθαλμιῶν, ὡς διαγέγραπται ἐφ᾽ ἑχά-
crc. p. 420, Ed. Frob.
\
(£
1,
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 57
tions importantes de théorie et de pratique. On a, dans cette
énumération de titres, l'énumération de grands travaux aux-
quels se livra l'antique médecine. Tout ce qui fut fait alors
composerait une bibliothèque; nous n'en avons que des feuil-
lets dépareillés.
L'auteur du Traité des affections, faisant, de son côté, de
fréquents retours sur ses propres compositions, nous apprend
quels étaient les sujets qui occupaient la médecine d'alors. II
avait composé des traités spéciaux sur les collections puru-
lentes du poumon , sur les phthisiques, sur les maladies des
“ femmes!, sur les yeux ?, sur la fièvre tierce et la fièvre
. quarte 5. Mais le livre qu’il cite le plus souvent, et auquel il
renvoie incessamment ses lecteurs , est un livre de pharma-
cologie. À la plupart des maladies qu'il énumère, il ajoute
qu'il faut donner le remède comme il est prescrit dans le
Traité des remèdes #. De pareils traités ont toujours été né-
cessaires à l'exercice de la médecine ; et ils ne manquaient
pas à cette époque. L'auteur du Traité des affections internes
fait aussi quelques allusions à un livre semblable 5.
= L'auteur du Quatrième livre des maladies , qui se cite sou-
vent lui-même (et nous possédons plusieurs de ces traités
cités, les livres de la Génération, de la Nature de l'enfant ,
et des Maladies des femmes), fait allusion à un écrit sur la
1 Πλὴν περὶ ἐμπύων χαὶ φθινόντων χαὶ τῶν γυναιχείων. Ταῦτα γὰρ
χωρὶς γεγράψεται. p. 184, Ed. Frob.
2 My ὀφθαλμῶν: ταῦτα δὲ ἰδίως γεγράψεται. p. 180, Ed.
Frob.
3 Διότι δὲ 6 τριταῖος χαὶ 6 τεταρταῖος ἑτέρωθί μοι γέγραπται.
Ρ. 182, Ed. Frob.
29 % Διδόναι ὅπερ ἐν τῇ φαρμαχίτιδι γέγραπται. p. 180. Ed. Frob.
5 Πίνειν διδόναι ἃ χαὶ τῷ στραγγουριῶντι. p. 196, et ailleurs.
28 INTRODUCTION.
peripneumonie qui n’a pas atteint l'époque de la fondation de
l'école alexandrine 1.
Le Traité de la naissance à sept mois est mutilé, la fin
manque ; l’auteur devait écrire sur les corps; il l'annonce
mais cela ἃ péri 3.
L'auteur du Traité de la nature humaine annonce qu'il
expliquera les périodes des jours critiques 5, et qu’il a ex- "
pliqué ce qui a rapport à chaque àge, à chaque saison, à
chaque constitution et à chaque maladie 4.
Dans le livre qui est intitulé Du médecin, et qui est relatif
surtout à la chirurgie, il est question de plusieurs écrits éga-
lement perdus dès la plus haute antiquité. Ce sont : un livre
sur les médicaments qui ont la propriété de procurer la ma- “΄
turation ÿ , un livre sur les caractères des ulcères ὃ, et un
livre sur la chirurgie militaire 7.
Enfin, l’auteur del’opusculesur l Art renvoie ailleursl’exa-
men d’une question de philosophie sur ce qui, dans les noms
et les idées des choses, est l’œuvre de l'esprit humain οὐ
l'empreinte même de la nature 8.
ὮΝ
1 Κάλλιον δέ μοι περὶ τούτου ἐν τῇ περιπλευμονίη δεδήλωται. “΄
p- 177, Ed. Frob.
2 Τὰ γὰρ ἐπὶ σώμασι τάδε γράψω. p. 46. Ed. Frob.
3 Τὴν δὲ περίοδον αὖθις φράσω τὴν τῶν ἡμερέων. p. 29, Ed.
Frob.
4 “Ὥσπερ μοι καὶ πάλαι εἴρηται πρὸς ἑκάστας τῶν ἡλικιέων καὶ
τῶν ὡρέων καὶ τῶν ἰδέων χαὶ τῶν νόσων. p. 39, Ed. Frob.
5. Τὰ δὲ ἐχπέψαι δυνάμενα δμαλῶς ἐν ἑτέροις εἴρηται. p. 14, Ed.
Frob.
6 Τούτων ἐν ἑτέροις σημεῖα δεδήλωται. p. 14, Ed. Frob.
7 Περὶ δὲ τουτέων ἁπάντων ( les blessures par armes de guerre )
ἐν ἑτέροις γεγραμμένον ἐστίν. p. 14, Ed. Frob.
8 Περὶ μὲν οὖν τούτων, εἴ γέ τις μὴ ἱκανῶς Ex τῶν εἰρημένων ξυν-
ἔησιν, ἐν ἄλλοις ἂν λόγοις σαφέστερον διδαχθείη. p. 1, Ed. Frob.
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 99
On voit combien est longue cette liste de traités dis-
parus avant que la Collection hippocratique ne fût for-
mée, à combien d'objets divers l'étude avait été appliquée,
et combien peu il a été conservé de cette littérature,
même en la restreignant à l’école de Cos, école dont il
est le plus resté. Galien, en commentant le Traité des arti-
culations, fut frappé, lui aussi, de ces pertes nombreuses:
« Hippocrate, dit-il, a annoncé, dans ce traité, plusieurs
« ouvrages qui n'existent plus aujourd’hui. Ou il ne les ἃ pas
« composés , ou ils ont péri ainsi qu'il est arrivé à beaucoup
« d'autres livres anciens. Plusieurs auteurs ont écrit sur ces
- « pertes 1.» Il ajoute qu’il est parlé, à la vérité, des collec-
tions purulentes de la poitrine dans le Livre des affections
internes et dans le Premier livre des maladies ; mais que,
dans aucun de ces livres, il n’y a correspondance exacte avec
les indications du Traité des articulations. L'insertion de
fragments appartenant à différents auteurs, lerenvoi fréquent
à des compositions qui n’existent plus, tout explique com-
ment il se fait que cette Collection présente tant de décousu.
Je ne peux pas mieux terminer des recherches qui si-
gnalent l’état florissant de cette antique médecine, que par
une citation où Galien en rappelle toute la richesse : J’hé-
«siterais, dit-il, à écrire un livre sur la méthode théra-
« peutique que les anciens ont commencée, et que leurs suc-
« cesseurs ont essayé d'achever. Jadis il existait entre les
« écoles de Cos et de Cnide une lutte à qui l’'emporterait par
«le nombre des découvertes. Car les asclépiades d’Asie
«étaient divisés en deux branches après l’extinction de la
« branche de Rhodes. A cette lutte honorable prenaient part
« aussi les médecins de l'Italie, Philistion, Empédocle, Pau-
« sanias et leurs disciples; de telle sorte que trois écoles ad-
: Tom. v, p. 614, Ed. Basil,
60 INTRODUCTION.
« mirables se disputaient la prééminence dans la médecine.
« Celle de Cos se trouva avoir les disciples les plus nombreux σ΄
« et les meilleurs; celle de Cnide la suivit de près; et l’école
« d'Italie ne fut pas non plus sans gloire 1. »
Plusieurs critiques, dans l'antiquité, et surtout dans les
temps modernes, ont incliné à croire que certains des écrits
contenus dans la Collection hippocratique avaient été suppo-
sés par des faussaires à l’époque où les rois d'Égypte et de
Pergame rivalisaient entr’eux pour l'achat des livres, et les
payaient très cher. Cette assertion , contredite par plusieurs
témoignages directs, l’est formellement aussi par les allu-
sions fréquentes que les auteurs des ouvrages existants au-
jourd’hui font à des ouvrages perdus. Rien ne prouve mieux .
que ce sont véritablement des médecins d’un temps antérieur
à la formation des grandes bibliothèques qui ont composé
ces livres. Un faussaire n’aurait pu songer à cette variété de
citations ; il n’y aurait pas vu un moyen de donner plus de
créance à ses suppositions ; et s’il avait cru utile de recounir
à cet artifice, il aurait bien plutôt cité des ouvrages existants,
afin que ces renvois de l’un à l’autre fortifiassent l’authenti-
cité des ouvrages qu’il attribuait à Hippocrate. Et en effet, le
faussaire qui ἃ composé la correspondance du médecin de
Cos avec Artaxerce et Démocrite n’y a pas manqué. Il cite le
Pronostic, le Livre du régime dans les maladies aiguës, le
Prorrhétique, et il essaie par ce moyen de donner à ses frau-
des un caractère de vérité. Mais les véritables médecins dont
les écrits ont été conservés dans la Collection hippocratique se
réfèrent à d’autres ouvrages qu'ils avaient composés, et qui
étaient déjà détruits au moment où les bibliothèques recueil-
lirent ceux qui subsistent encore aujourd’hui. L'auteur seul -
? Tom. 1v,p. 55, Ed. Basil.
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 61
des Traités sur la génération de l'enfant, sur les maladies des
femmes , etc. , fait des allusions de lun à l’autre, mais il ne
les cite même pas sous le titre qu'ils portent aujourd’hui, et
iluse, pour les désigner, de quelques variétés de langage qui
ne peuvent appartenir qu'à l’auteur lui-même. Un faussaire
citerait les titres avec une exactitude scrupuleuse.
Α ces arguments il faut joindre ceux que fournissent les
livres qui ne sont évidemment que des notes jetées sans
ordre, que des observations décousues, que des souvenirs
déposés pour être consultés ou pour servir de matériaux à
d’autres ouvrages. Cinq livres des Épidémies sur sept, le
Traité des humeurs, la fin du Traité sur le régime dans les
maladies aiguës , οἷο... ne sont pas autre chose. Les idées s’y
succèdent sans avoir aucune liaison les unes avec les autres;
les phrases souvent ne sont pas faites; quelques mots seule-
ment sont écrits, qui aidaient l’auteur à se rappeler sa pen-
sée, mais qui sont, dans beaucoup de cas, des énigmes
presque indéchiffrables. On conçoit cela très bien , si on con-
sidère ces compositions comme des recueils de notes que les
auteurs gardaient pour leur usage, et qui n'étaient pas des-
tinés à voir le jour ; mais cela ne se conçoit plus si on veut y
voir de véritables livres. Qui, en effet, se serait jamais ima-
giné de publier sous son nom des œuvres si informes où
nombre de phrases se prêtent à plusieurs interprétations
sans qu’on soit jamais bien sûr d’avoir rencontré la bonne ?
Admettra-t-on que la même main qui avait tracé les livres si
clairs, si corrects ,siélégants sur le Pronostic et sur les airs,
les eaux et les lieux, se soit complue à accumuler une série
incohérente de phrases sans construction régulière et ache-
vée, accumulation que l’on s'explique si l’on n’y voit que
des notes? C’est l'opinion que la plupart des critiques de l’an-
tiquité ont professée à cet égard. Ils se sont accordés à dire
62 INTRODUCTION,
que les livres en question n'avaient jamais dû être publiés
sous cette forme, mais que les disciples ou les descendants
de celui qui avait ainsi jeté sans ordre ses réflexions, avaient,
après sa mort, publié l'œuvre posthume telle qu'ils l'avaient
trouvée.
Une autre explication n’est pas admissible sur Ja compo-
sition même des livres dont il s’agit ici. Quant à la publica-
tion, j'essaierai d’en déterminer le mode dans un des cha-
pitres suivants. En attendant, je prends acte de leur contexte
même, de leur incohérence, de leur incorrection, de leur
obscurité, du jugement unanime qu’en ont porté les anciens
critiques, pour faire observer que la nature même de tous ces
défauts prouve qu'ils n’ont pu être l'œuvre de quelque faus-
saire qui aurait voulu, par amusement ou pour l’amour du
gain , supposer des écrits qu'il aurait attribués à Hippocrate.
Un faussaire s’y serait pris autrement. Ses compositions au-
raient eu au moins de la suite, et jamais il n’aurait imaginé ,
pour donner plus de créance à ses suppositions, d'y jeter l’in-
croyable désordre, l'extrême incohérence , le décousu des
phrases qui règnent dans tout le cours de ces livres. Il aurait
fait du vraisemblable, it n'aurait pas atteint le vrai. Le vrai
ici réside dans une particularité qui ne pouvait être devinée
avant un exemple : c’est que des notes, sans liaison et sans
rédaction, seraient livrées à la publicité. Ajoutons que ces
notes sont quelquefois profondes , ingénieuses , savantes, et
toujours essentiellement médicales; autres conditions aux-
quelles un faussaire aurait pu songer, mais qu’il aurait été
mcapable de remplir.
Des noms de pays sont cités dansla Collection hippocratique.
Il'y estfaitune mention très fréquentede l’île de Thasos. On y
trouve aussi nommés Abdère et Périnthe en Thrace, Olynthe
dans la Chalcidique, Larisse, Cranon et Phère en Thessalie,
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 63
les îles de Délos, de Cos et d’Andros; l'écrivain parle des Palus
Moœotides, du Phase, des contrées du Pont, des Scythes no-
mades, comme ayant vu ces peuples, ayant parcouru ces ré-
gions. La même remarque s'applique aux Lybiens et aux
Égyptiens. Il se plaît aussi à comparer les Européens et les
Asiatiques. Il cite les Macrocéphales. Dans un autre traité il
est question du récit des Amazones, sur la vérité duquel l'au-
teur ne se prononce pas. Un grand nombre de noms de ma-
lades est rapporté; leurs habitations sont souvent décrites ;
l'endroit où ils demeurent est spécifié; en un mot, leur
adresse est véritablement donnée. De tels détails impriment
aux histoires des maladies un caractère évident de bonne foi
et d'authenticité ; mais il n’est guère possible d’en tirer aucun
fruit pour distinguer le temps de la composition des livres,
et pour en reconnaître les auteurs. Une date, l'indication
d’une olympiade , ou de quelqu'un des magistrats des États
Grecs,nousauraient été bien plus utiles pour toutes ces ques-
tions que l'adresse de tel malade qui demeurait à la porte de
Thrace à Abdère.
Quoi qu’il en soit, ce ne sera pas sans fruit que nous au-
rons ainsi minutieusement exploré la Collection hippocra-
tique. D'abord on y acquiert la preuve incontestable qu’au
temps où elle a été composée, la médecine était très floris-
sante. Elle occupait une multitude d’intelligences; elle en-
fantait une foule de livres; elle comptait un nombre infini de
praticiens ; elle était livrée à leurs débats et à leurs recher-
ches. Cette période a été pour elle une période d'activité
dans laquelle beaucoup a été fait, mais dont peu est resté.
Ainsi s’est continuée , sans relàche comme sans interruption,
la culture de la science que nous avons vue commencée avec
tant d’ardeur et de succès bien avant Hippocrate. La Collec-
tion qui est arrivée jusqu’à nous montre qu'après lui le zèle
G4 INTRODUCTION.
scientifique n’avait rien perdu de son énergie, ni le travail
de son attrait , hi la pratique de ses encouragements.
Mais en même temps on trouve, dans cette Collection, des
morceaux d'auteurs différents, Polybe et Euryphon, sans
compter Hippocrate; les œuvres d’autres mains étrangères ,
sans aucun doute, y sont incorporées. La démonstration
donnée pour Polybe et pour Euryphon ouvre le champ à la
critique, et lui permet de parler avec plus de certitude des
faux titres donnés à des livres qui portent le nom d’Hippo-
crate et ne sont pas de lui. A côté de ces interpolations on
rencontre des livres tronqués dont la fin manque , ou dont le
commencement a disparu. Puis viennent des notes publiées
sans choix et sans rédaction. On aperçoit la contrariété des
doctrines, la différence des styles; on reconnait des em-
prunts de ces livres l’un sur l’autre. Ces emprunts sont en
trop grand nombre pour être énumérés ici; et, au point où
nous sommes arrivés en ce moment, nous n'avons pas les
moyens de distinguer quel est emprunteur, quel est le pré-
teur, et dans quel cas un même auteur répète et reproduit
ses propres idées.
De ce point de vue, la Collection hippocratique est un chaos;
au milieu apparaissent des parties d’une conservation par-
faite, tandis que d’autres ne sont que ruine et fragments.
Tous nos efforts doivent tendre à nous y reconnaître, à y
remettre de l’ordre ; car, a dit Bacon, Citius emergit veritas
ex errore quam ex confusione. Si nous n’appelions pas d’ail-
leurs des lumières qui nous éclairassent, si nous nous con-
tentions des seules ressources que nous fournirait une médi-
tation assidue des textes hippocratiques, nous arriverions
sans doute à obtenir quelques résultats qui, bien que proba-
bles en eux-mêmes, resteraient encore sujets au doute et à la
contestation ; et, dans tous les cas, ils ne dépasseraient ja-
LIVRES HIPPOCRATIQUES. 65
mais une limite-étroite. Π faut donc examiner avec soin les
écrits anciens qui nous sont parvenus, et leur demander
un complément d'instruction qui permette à la critique de
porter un jugement plus précis sur l’importante question
littéraire qui lui est soumise. Voici, en effet, le point de la
difficulté : Les livres qui remontent à une haute antiquité,
n'ont une authenticité inattaquable, dans leur existence, que
lorsqu'ils sont cités dès leur origine, dans le détail de leur
texte, que lorsqu'ils sont commentés. Or, l’ensemble des
. œuvres hippocratiques n’a été cité par personne dans l’in-
tervalle qui sépare Hippocrate de l'établissement de l’école
d'Alexandrie : et quant à son texte, cet ensemble n’a été
commenté que par les disciples immédiats d’Hérophile, à part
un seul traité (le Pronostic), commenté un peu auparavant.
Ainsi l'existence de la Collection ne devient positive, le texte
n’en devient assuré que dans la génération qui a suivi Héro-
phile. Cette Collection peut être plus ancienne, mais elle ne
peut pas être plus moderne ; c’est là une limite que j'indique
d'avance, et que la suite de ce travail mettra hors de toute
contestation. Maintenant, on le voit, si l’on veut pénétrer
plus avant, et essayer de distinguer dans la Collection même,
les écrits qui sont vraiment d'Hippocrate, ce sont les témoi-
gnages antérieurs qu'il s’agit de recueillir et de peser. Ils ne
porteront pas, il est vrai, sur l’ensemble de la Collection,
mais ils porteront sur quelques livres en particulier ; et ces
livres fourniront un point fixe à la critique.
»
TOM. I. | 9
CHAPITRE IV.
΄ ΄ 3.7
TÉMOIGNAGES SUR HIPPOCRATE ET SES ECRITS, ENTRE L EPOQUE
OU IL Δ FLEURI ET CELLE DE L'ÉTABLISSEMENT DE L'ÉCOLE
D'ALEXANDRIE.
La date de ces témoignages en fait l'importance d’autant
plus grande, qu'ils sont plus rares. En effet , c’est, ainsi que
je l'ai dit plus haut, dans cet intervalle que se trouve une
lacune immense dans la littérature médicale. Le livre des
Sentences cnidiennes, les ouvrages de Philistion , de Ctésias,
de Dioclès, de Praxagore, de Dieuchès, de Philotimus, et
de tant d’autres, ont péri; et cette destruction nous laisse
sans points de comparaison avec les écrits qui constituent la
Collection hippocratique. II devait y avoir ou des mentions
nominatives de l’asclépiade de Cos , ou des désignations de
ses livres, ou des imitations ; et tout cela nous fournirait des
indices utiles pour la classification de ce que nous possédons
aujourd’hui sous son nom. Le peu qui nous reste des témoi-
gnages de cette littérature détruite, concernant Hippocrate,
doit être recueilli avec le plus grand soin, et examiné atten-
tivement , afin qu'aucune des notions positives qui y sont
renfermées ne nous échappe.
Ces témoignages s'étendent de Platon au commencement
des écoles alexandrines, et comprennent ainsi un espace
d’au moins 120 ans. Ils sont au nombre de dix. Ce sont "
ceux de Platon, Ctésias, Dioclès, Aristote, Hérophile,
Dexippe, Apoilonius, Érasistrate, Xénophon de Cos, et
DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES. 67
Mnésithée. Les cinq premiers ont nommé Hippocrate ;
Dexippe et Apollonius ont été ou se sont dits ses disciples ;
on conclut, par des raisonnements , qu'Érasistrate . Xéno-
phon de Cos et Mnésithée l'ont cité.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit de Platon.
Il ἃ été contemporain d'Hippocrate; il la lu, consulté,
cité; son témoignage est inappréciable dans la question
qui nous occupe; dès ce temps-là, Hippocrate avait une
réputation dans la Grèce, et ses livres étaient arrivés jusque
dans Athènes et dans le jardin de l'Académie.
Jeme contente doncderappeler les deux citations où Platon
nomme et désigne Hippocrate, de Gos, fils des Asclépiades :
nous savons qu'il l’a connu et qu'il a lu ses écrits, de sorte
que, si nous trouvons, dans les livres de Platon, des ressem-
blances, avec les livres hippocratiques, il sera permis d’ad-
mettre que le philosophe ἃ copié le médecin. Or, il y aurait
un long chapitre à faire sur les conformités qui se trouvent,
pour toutes sortes d'opinions physiologiques et médicales,
entre la collection des Dialogues de Platon, et la Collection
hippocratique. M. Thiersch, dans une dissertation particu-
lière !, a touché ce sujet ; il a fait voir que, lorsque Platon dit
que la médecine consiste dans la connaissance de ce qui,
dans le corps, désire la réplétion ou l'évacuation 3, il exprime
une doctrine purement hippocratique. J’ajouterai encore
quelques exemples; Platon dit : « Les médecins pensent que
« le corps ne peut profiter de la nourriture qu’autant que les
« embarras en ont été expulsés, comme l’âme ne peut pro-
τ Specimen Editionis Symposii Platonis ; Gottingæ, 1808.
2 ἼἜἜστι γὰρ ἰατρικὴ, ὡς ἐν χεφαλαίῳ εἰπεῖν, ἐπιστήμη τῶν τοῦ
“σώματος ἐρωτιχῶν πρὸς πλησμονὴν χαὶ κένωσιν. t. 7, p. 299, Ed.
Tauch., p. 186, Ed. H. Steph.
68 INTRODUCTION.
« fiter des enseignements sans être purifiée #. » C'est l'apho-
risme, que, plus on nourrit un malade, plus on lui fait du
mal. La constitution des athlètes, dit Platon, est dangereuse
pour la santé (σφαλερά πρὸς ὑγίειαν) 5. C’est encore un apho-
risme, où il est dit que, dans les hommes livrés aux
exercices, l'excès de la vigueur est dangereux ; les termes
sont presque les mêmes (αἵ ἐπ’ ἄχρον εὐεξία. σφαλεραί).
L'idée qu'un excès de santé est voisin de la maladie, se
trouvait depuis long-temps dans le domaine commun de la
pensée grecque. Eschyle, avant Platon et avant même
Hippocrate, avait dit : « Le point d’une santé exubérante
«n’est jamais durable ; et toujours la maladie est voisine 5.»
« Les fièvres, dit Platon, sont la solution du tétanos et de
« lopisthotonos #. Cette opinion, outre qu’elle ne peut ap-
partenir au philosophe, n'appartient même qu’à un médecin
qui regarde le tétanos et l’opisthotonos comme des maladies
dérivées d’une cause de nature froide. Elle est encore dans
ies Aphorismes (ΤῊ sect.). Je n'irai pas plus loin dans ces
rapprochements que je pourrais beaucoup multiplier. J'ai
voulu en donner des exemples évidents; car j'y vois un des
meilleurs arguments en faveur de l’authenticité de la Col-
lection hippocratique prise dans son ensemble. De telles
similitudes montrent que la composition de ces livres est
réellement du temps où tous les indices la reportent.
: Sophista. τ, 2 p. 22, Ed. Tauch.
? De republ. 5, τον, p. 106. Ed. Tauch.
3 γάλα γὰρ τὸ τᾶς πολλᾶς ὑγείας
Ἄ. με 4 ἐς. ΤΕΣ Ξ 4 \
ATAOEGTOY τοι τερμα νῆσος γὰρ
»" ὦ
Γείτων ὁμότοιχος ἐρείδει.
Agam,. 995 et sqq.
# Tim.t. vu, p. 95. Ed. Tauch.
DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES. 69
Sur la mème ligne vient un second témoignage aussi rap-
proché du médecin de Cos, d'autant plus important, qu'il
porte sur ses opinions médicales et sur sa pratique , et que
ceux de cette nature et de ce temps sont plus rares : c’est
celui de Ctésias.
Ctésias, plus jeune qu'Hippocrate, était un asclépiade de
Cnide ; il accompagna l'expédition de Cyrus-le-Jeune , et
resta prisonnier dix-sept ans en Perse; ses connaissances
médicales lui acquirent la faveur d’Artaxerce. Il ἃ écrit une
histoire de la Perse et un livre sur l'Inde. Il est aisé de
voir par ses écrits qu'il avait l'habitude de s'occuper de su-
jets médicaux. En lisant un extrait de ses livres, que Pho-
{15 nous ἃ donné, on retrouve les mêmes termes médi-
caux que dans les livres hippocratiques. Quelques critiques
ont prétendu que le mot muscle (μῦς) qui se trouve dans
certains livres hippocratiques est une preuve que ces livres
sont apocryphes, attendu qu’il appartient à l’école d’Alexan-
drie , et que les anciens désignaient les muscles sous le nom
de chairs. L’argument est mauvais ; car Ctésias s’est servi de
ce mot en racontant la mort de Cambyse, qui, ditl, se blessa
à la cuisse dans le muscle. Oribase ? nous ἃ conservé de lui
un fragment singulier sur l'usage de l'hellébore. « Du temps
« de mon père et de mon grand-père, dit Ctésias, on ne don-
« nait pas l’hellébore, car on ne connaissait nile mélange, ni
« la mesure, ni le poids suivant lesquels il fallait l'adminis-
« trer. Quand on prescrivait ce remède, le malade était pré-
1 ᾿Αφιχόμενος εἰς αδυλῶνα χαὶ ξέων ξυλάριον μαχαίρᾳ διατρι-
Güs χάριν παίει τὸν μηρὸν εἰς τὸν μῦν. Ce moi ne peut appartenir à
Photius, qui abrège Ctésias ; à une désignation vague de l’auteur
original, l’abréviateur n’aura passubstitué une désignation précise.
> Ὁ LC ὯΝ, LA
" ᾿Ιατρικῶν συλλογῶν βιδλίον η΄.
70 INTRODUCTION,
« paré comme devant courir un grand danger. Parmi ceux
« qui le prenaient, beaucoup succombaient, peu guéris-
« saient ; maintenant l'usage en paraît plus sûr. »
J'ai rapporté ce qui précède pour établir la compétence
médicale de Ctésias. Soit qu'il ait composé sur la médecine
des écrits depuis long-temps perdus , soit (ce qui est plus
vraisemblable) qu'il n’ait publié que ses ouvrages histo-
riques, toujours est-il qu'il a parlé à diverses reprises des
objets de ses études et de sa profession. Galien, sans indi-
quer auquel des ouvrages du médecin cnidien il empruntait
sa citation, nous a conservé une opinion émise sur Hippo-
crate par Ctésias. « Ctésias de Cnide , le premier , dit-il dans —
« son Commentaire sur le traité des articulations, et après
« Ctésias plusieurs autres, ont critiqué Hippocrate pour la
« réduction del’os dela cuisse, et ont prétendu que la luxation :
« se reproduisait aussitôt après1.» Ces paroles de Galien sont
bien brèves, mais ellesn’en sont pas moins précieuses. Ctésias,
quoique bien plus jeune qu'Hippocrate, a été son contempo-
rain ; il a pu le voir et le connaître ; car Cnide est très voisme
deCos; il ἃ appartenu à une école rivale; et le seul mot que
nous connaissions de lui est une critique d’Hippocrate. Il est
peu de remarques aussi importantes pour la critique d’Hippo-
crate que ces lignes que Galien a jetées dans un de ses Com-
mentaires. Ce qui manque dans l’intervalle qui sépare le
médecin de Cos de l’école d'Alexandrie, ce sont surtout des
souvenirs de ses ouvrages. Un reproche comme celui que
Ctésias adresse à Hippocrate est la preuve la plus manifeste
À - A - A LA =. 2
1 Κατέγνωχασιν Ἵπποχράτους ἐπ᾽ ξἐυδαλεῖν τὸ χατ᾽ ἰσχίον ἀρῦρον,
à , > ΩΝ ΤᾺ \
ὡς ἂν ἐχπίπτον αὐτίχα, πρῶτος μὲν Κτησίας 6 Κνίδιος, συγγενὴς
3 F = T' Qi: ll ?
dé > - » LA
αὐτοῦ, καὶ γὰρ αὐτὸς Av Ἀσχληπιάδης τὸ γένος, ἐφεξῆς δὲ Κτησίου
χαὶ ἄλλοι τινές. Gal. 1. v, p. 652, Ed. Basil.
DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES. 7
qui puisse être donnée de la connaissance que l’on avait, dès
un temps aussi reculé, des opinions et de la pratique de ce
dernier ; et il est vrai de dire que, plus la critique étudie mi-
nutieusement les monuments de l'antiquité dans l’époque
‘ médicale qui m'occupe, plus elle trouve un fonds solide où
elle peut poser le pied.
Il y a eu, dans l'intervalle de temps que j'explore en ce
moment, un médecin fameux, que l’on a appelé le second
- Hippocrate. C’est Dioclès de Caryste. La date où il ἃ fleuri
n’est pas donnée d’une manière très précise ; mais les anciens
le nomment toujours immédiatement après le médecin de
Cos; secundus œtate famäque, dit Pline 1. Il avait composé
beaucoup d’écrits qui ont été très estimés dans l'antiquité ,
mais dont il ne reste plus que des fragments. Par sa date ,
par ses connaissances spéciales, Dioclès est un des témoins
les plus essentiels pour l’histoire des livres hippocratiques : il
a vécu à une époque où il ἃ pu connaître parfaitement les
hommes et les choses; or Dioclès, combattant un aphorisme
dans lequel Hippocrate dit qu’une maladie est d'autant moins
grave que la saison y est plus conforme, par exemple la
fièvre ardente dans l'été, nomme le médecin de Cos par son
nom. Le passage de Dioclès a été conservé dans le Commen-
taire d'Étienne sur les Aphorismes?. Je le rapporterai tex-
tuellement quand j'examinerai l'authenticité de ce dernier
ouvrage. Ι
Aristote ne s'éloigne pas davantage de l’époque d’Hippo-
crate. Il a été disciple de Platon, ainsi encore voisin des sou-
venirs qu'avait laissés le médecin de Cos ; il avait embrassé
dans ses études l'universalité des connaissances humaines ;
ΠΕΡῚ πὴ 1.96, c. 2:
* Schol. in Hipp. Ed. Dietz, t. 2, p. 526.
72 IN TRODUCTION.
la médecine ne lui avait pas été étrangère; et il avait com-
posé, sur cette science, des livres aujourd’hui malheureuse-
ment perdus, sauf quelques fragments, qui en subsistent dans “
les Problèmes. C’est donc un témoin important à entendre.
Il ne nomme qu’une fois Hippocrate, et c’est dans la Poli- ᾿
tique. On y lit, livre vi, chap. 4: « Quand on dit le grand - A
« Hippocrate, on entend, non pas l'homme, mais le méde-
« ein.» Cette mention , quoique faite en passant, mérite
d’être recueillie. Elle prouve que la réputation du médecin
de Cos était assez bien établie à une époque encore peu éloi-
gnée de sa mort pour lui valoir le titre de grand. Elie se rap-
porte aussi au témoignage plus ancien de Platon, qui, comme
nous venons de le voir, cite le médecin de Cos comme une
autorité imposante. Ainsi Hippocrate ne tarda pas à être es-
timé par ceux qui vinrent immédiatement après lui, autant
qu'il le fut par ceux qui, dans un âge postérieur, le recon-
nurent pour le chef de la médecine, et entourèrent d’une
sorte de culte sa mémoire et son nom. Ce n’est pas le fait le
moins important de son histoire.
La remarque faite au sujet de Platon s'applique également
à Aristote, Celui-ci a connu Hippocrate ; on le sait par la ei-
tation de la Politique. Si, partant de cette base, on recherche
les ressemblances entre les livres aristotéliques et les livres
hippocratiques, on en trouve une multitude. Je n’en rap-
porterai qu'un exemple. Il est dit dans l’AÆistoire des ani-
maux , iv. 111, chap. 111, que là où la peau est seule, elle
ne se réunit pas si elle vient à être coupée , par exemple à
la partie mince de la mâchoire, au prépuce, à la paupière.
\
1 Ὅπου δ᾽ ἂν ἢ χαθ᾽ αὑτὸ δέρμα, ἂν Daxon, οὗ συμφύεται οἷον
γνάθου τὸ λεπτὸν, χαὶ ἀχροποσθία, χαὶ βλεφαρίς. ---- La même chose
est répétée dans list. des anim. 1. 1, ch. 15, et dans le traité
Des parties des animaux. 1. 2, ch. 15.
DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES. 73
Aristote donne pour raison que la peau est là dépourvue de
chair. Dans les Æphorismes, sect. γι, dans le premier livre
Des maladies, 1] est également dit que la partie mince de la
mâchoire et le prépuce, une fois coupés, ni ne s’accroissent,
ni ne se réunissent 1. La raison donnée par Aristote n’est
pas dans les écrivains hippocratiques. J'ai cité ce rapproche-
ment, parce qu’il est frappant , et ne peut être accidentel.
Au reste, plus on examine comparativement les écrits hip-
pocratiques , ceux de Platon et d’Aristote , plus on trouve de
conformités entr’eux et de points de comparaison. Les mêmes
doctrines, les mêmes hypothèses, les mêmes faits de détail ,
tout cela concorde dans Hippocrate, dans Platon et dans
Aristote.
Érasistrate, Galien , Plutarque, Aulu-Gelle, ont cité à di-
verses reprises deux disciples d'Hippocrate qui ont vécu dans
le même intervalle de temps : ce sont Apollonius et Dioxippe
ou Dexippe de Cos. Suidas parle de ce dernier , et l'appelle
disciple d'Hippocrate (Ἱπποκράτους μαθητής). D’autres l’ap-
pellent Æippocratique (ἱπποκράτειος). Il avait écrit, dit Suidas,
un livre sur le Médecin, et deux livres sur les Pronostics.
Platon soutient, dans un de ses dialogues, que les boissons
passent en partie par la trachée artère. Cette opinion avait
été embrassée par Dexippe, qui arguait, pour la défendre,
de l'absence de l’épiglotte chez les oiseaux. La désignation
positive de Dexippe, comme disciple d'Hippocrate, est un an-
neau de plus dans la chaîne des témoignages entre le célèbre
asclépiade et l’école d'Alexandrie.
ΤΙ faut encore compter parmi les principaux témoims d’Hip-
-pocrate, Hérophile. Ce médecin, illustre par ses découvertes
à , » 1 “ “Ἢ Ve
1H γνάθου τὸ λεπτὸν, ἢ ἀχροποσθίη, οὔτε αὔξεται, OÙTE συμ.-
,
ῴνεται.
714 INTRODUCTION,
anatomiques , et chef d’une secte qui porta son nom, forme
l’anneau entre les temps anciens et les temps nouveaux qui
s’ouvrirent pour la médecine à Alexandrie. A tous ces titres,
il mérite une grande confiance ; il en mérite encore une par-
üiculière dans le sujet dont je m'occupe ici, à cause de son sé-
jour dans une ville telle qu’Alexandrie, où une bibliothèque
publique se formait, et où l’érudition commençait à établir
son siége. Ses livres sont perdus; mais d’autres écrivains ,
Galien, Étienne, nous ont appris qu'il avait commenté un
des traités d'Hippocrate.
Puisque Hérophile a commenté Hippocrate, il est impos-
sible qu'Érasistrate ne l'ait pas connu. Galien, en différents
endroits, dit qu'évidemment Érasistrate était jaloux des mé-
decins de Cos !, qu'il est toujours disposé à contredire Hippo-
crate 3, De telles assertions, dela part de Galien, ne permettent
pas de douter qu'Érasistrate n’ait nommé le médecin de Cos
dans quelqu'un de ses ouvrages. Ces ouvrages sont perdus;
mais malgré son inimitié pour les doctrines hippocratiques,
malgré tous ses efforts pour faire prévaloir les siennes , on
trouve, même dans les courts fragments qui nous en ont été
conservés, des traces de la connaissance des livres hippocra-
ἊΝ.
tiques. Érasistrate avait dit dans un de ses écrits : «Les af-
« fections changent, et ce changement s'opère suivant la loi
« du transport des maladies. Ainsi l’épilepsie est enlevée par
«la fièvre quarte ; la convulsion par une fièvre quel-
«conque; l'ophthalmie par la diarrhée; la péripneumo-
« nie par la pleurésie; la somnolence fébrile par le délire fé-
« brile 5 » Ce passage, remarquable par le fond même et par
l’idée d’une loi qui règle le transport des maladies , contient
τ Δῆλος ἔστι πρὸς τοὺς ἀπὸ Κῷ φιλοτιμούμενος. t. 1, }. 5322.
» ᾿ῬἘρειστικῶς ἔχειν πρὸς τὸν ἄνδρα (Hippocrate). t. 1v, p. 4.
ὁ Gal. Comm. in 2 Epid. Ed. Sozomeno, p. 50.
»
DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES 75
d’évidentes réminiscences des Æphorismes. I est dit à la fin
de la v° section que l'invasion de la fièvre quarte fait cesser
les maladies convulsives ; il est dit dans la vr° sect. , aph. 17,
que, pour un malade atteint d’ophthalmie, il est bon d’être
pris de diarrhée; il est dit dans la ν π΄ sect., aph. 11, qu'il
est fâcheux que la péripneumonie succède à la pleurésie ,
proposition qu'Érasistrate paraît avoir retournée. La der-
nière proposition, relative au délire fébrile et à la somnolence
fébrile, ne se trouve pas dans les œuvres hippocratiques ;
mais le rapprochement des deux premières est décisif; et
Érasistrate les ἃ empruntées aux livres d'Hippocrate. Cela
confirme ce que pouvait laisser de vague la manière dont
Galien s'exprime, et il est important de savoir qu'Hérophile
et Érasistrate, placés au début même des travaux de l’école
d'Alexandrie, ont eu connaissance d’une portion au moins
de ce qui compose aujourd’hui la Collection hippocratique.
L'avant-dernier de ceux qu’il m'importe de rappeler ici est
Xénophon de Cos, qui, comme nous l’apprend Cælius Aure-
lianus 1, fut défenseur de la méthode de Chrysippe, lequel
serrait les membres par une ligature, dans l’hémoptysie. La
seule trace que j’ai trouvée de son témoignage est dans une
glose inédite du manuscrit 2255 de la Bibliothèque Royale.
il s’agit de l'explication du mot θεῖον, du divin, dans les
maladies, expression qui se trouve dans le Pronostic, et qui
a beaucoup exercé la sagacité des commentateurs, tant an-
ciens que modernes. Après avoir dit que Bacchius, Calli-
maque, Philinus et Héraclide de Tarente avaient regardé
les maladies pestilentielles comme divines, parceque la peste
semble venir de la divinité, cette glose ajoute : « Xénophon,
« de la famille de Praxagore , prétend que le genre des jours
LAcut:s EL 25e: 95:
76 INTRODUCTION.
« critiques est divin; de même que les Dioscures, dit-il,
« apparaissant aux yeux des matelots battus par la tempête,
« leur apportent, par leur présence divine, le salut , de même
« les jours critiques arrachent souvent le malade à lamort1. »
L’exhumation de cette glose, non consultée, et ensevelie
dans un manuscrit, me permet de rapporter à son véritable
auteur une citation de Galien, qui, à son tour, confirme
l'autorité de la glose. On lit dans le Commentaire sur le Pro-
nostie : « Celui qui a dit que le genre des jours critiques est
« divin ἃ exprimé sa propre opinion , mais n’a point
« éclairci la pensée d’'Hippocrate?. » Galien se sert des mêmes
termes que la glose en disant le genre des jours criti-
ques. Le médecin qu'il cite, sans le nommer, est, on le
voit, Xénophon de Cos. Rien que la note mise en marge du
manuscrit 2255 ne pouvait nous apprendre cette particula-
rité d'histoire littéraire.
Le contexte de la glose ne permet guère de douter que le
passage de Xénophon ne se rapporte au divin du Pronostic.
1 Βαχχεῖος δὲ χαὶ Καλλίμαχος, Φίλινός τε ὃ Ταραντῖνος xat Ἡ-
ραχλείδης (lisez χαὶ “Ho. ὃ Ταρ.) θεῖον ὑπέλαζον τὸ λοιμμιχὸν πάθος
διὰ τὸν λοιμὸν ἐχ θεοῦ δοχεῖν εἶναι. Ὃ δὲ Ξενοφῶν, ὃ Πραξαγόρου
γνώριμος, θεῖον ἔφη τὸ τῶν χρισίμων ἡμερῶν γένος. Καθάπερ γὰρ,
φησὶ, τοῖς ἐν πελάγει χειμαζοιμένοις οἵ Διόσχουροι φανέντες σωτηρίαν
ἐπιφέρουσι θεοὶ ὄντες, τοῦτο χαὶ ai χρίσιμοι ἡμέραι γενόμεναι. Πολ-
λάχις γὰρ σωτηρίαν ἤνεγχαν. Ms. 2255. Glose placée en tête du
traité de la maladie sacrée. Je crois que ce sont là les seules lignes
que nous possédions de Xénophon de Cos. Il ne faut pas confon-
dre ce Xénophon avec celui dont parle Tacite 4nn. XII, 62: Xe-
nophontem cujus scientia ipse (Claudius) uteretur, eadem fa-
milia (asclepiadarum) ortum.
ὋὉ δὲ τὸ τῶν χρισίμων γένος ἡμερῶν εἰπὼν εἶναι θεῖον, ἑαυτοῦ
τι πάθος ὡμολόγησεν" οὐ μὴν ἹἽπποχράτους γε τὴν γνώμην ἔδειξεν.
δ. v, p: 120, Ed. Basil.
_— ‘ DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES. 7
On pourrait concevoir quelque doute en voyant que Xéno-
phon dit seulement que les jours critiques sont divins ; mais
quand il s’agit d'indiquer l'opinion de Callimaque , de Bac-
chius, de Philinus, d'Héraclide de Tarente, que l’on sait
d’ailleurs être des commentateurs d'Hippocrate, le glossa-
teur ne s'exprime pas d’une autre façon ; il dit que, suivant
ces critiques, la peste est divine , rapportant ainsi briève-
ment l'interprétation qu'ils donnaient du mot divin dans
Hippocrate; et Galien , disant que cet auteur ἃ exprimé son
opinion, mais n’a pas éclairei la pensée d’'Hippocrate, donne
à entendre qu’il y avait une relation quelconque entre le pas-
sage d'Hippocrate et l'explication de Xénophon.
Il y a lieu, peut-être, à invoquer encore en faveur d’Hip-
pocrate le témoignage de Mnésithée d'Athènes. Ce médecin
a joui d’une grande réputation dans l'antiquité. Son époque
n’est pas connue d’une manière très précise; cependant on
croit qu'il a été postérieur, de peu, à Praxagoras. Les pa-
roles de Galien (le lecteur en jugera) me semblent indiquer
que Mnésithée avait parlé d’Hippocrate : « L'homme de Part
« l'emporte sur l’homme étranger à la médecine, parce qu’il
« sait de combien la santé s’éloigne de la maladie. Hippocrate,
«le premier, ἃ touché ce sujet. Il ἃ été imité par tous
« ceux qui l’ont suivi et qui ont compris ses livres ; et parmi
« eux était Mnésithée d'Athènes, homme versé dans toutes
«les parties de la médecine ". » Si Mnésithée n’avait pas
mentionné Hippocrate, Galien s’exprimerait-il ainsi? Le
médecm athénien avait, le premier, établi un système noso-
1 Πλέον δέ τι κἀν τούτῳ τῶν ἀτέχνων 6 τεχνίτης ἔχει. Καὶ τί τὸ
πλέον ; Ἵπποχράτης μὲν χαὶ τοῦτο πρῶτος ἁπάντων, ὧν ἴσμεν, γέγρα-
φεν᾽ ὑπεμνήσαντο δὲ ἐπὶ πλέον τῶν μετ᾽ αὐτὸν ὅσοι τῶν ἐκείνου συν--
ἦχαν γραμμάτων, ὧν εἷς ἦν χαὶ ΝΙνησίθεος 6 ᾿Αθηναῖος, ἀνὴρ τά τε
ἄλλα ἱκανὸς πάντα τὰ τῆς τέχνης χτλ. t. 4, p. 197, Ed. Basil.
78 INTRODUCTION.
graphique; il disait que la médecine ἃ pour objet de con-
server la santé et de guérir la maladie; elle conserve la
santé par les semblables, et elle guérit la maladie par les
contraires 1.
Récapitulons brièvement ce qui vient d’être dit plus haut, .
et remontons la chaîne de la tradition qui n’est interrom-
pue nulle part. Cent vingt ans environ après Hippocrate,
Hérophile l'interprète à Alexandrie, où ses écrits sont ar-
rivés ; un deses disciples, Dexippe , est cité comme écrivain -
médical ; Aristote le nomme une fois , mais il le connaît si
bien qu’il Jui donne le nom de Grand. Dioclès de Caryste est =
familier avec ses écrits, et en fait usage pour les critiquer
quelquefois, comme nous l’apprend un scoliaste, pour les
imiter souvent, ainsi que le dit Galien. Platon cite, en deux
endroits, l’asclépiade de (05 avec les plus grands éloges ; et
un médecin de Cnide, Ctésias, contemporain de Platon, lui
reproche une pratique chirurgicale , qui est celle de l'auteur
du Traité des articulations. On voit que l'existence littéraire
d’Hippocrate est établie sur de bons documents, et il est
indubitable que nous possédons de lui beaucoup , si, de lui,
beaucoup a péri.
Ainsi, dans l’âge qui a suivi Hippocrate, son nom a été
plusieurs fois cité par des témoins irréprochables. Rappro-
chons de ces noms les noms de ceux qui, ayant vécu dans
l’âge antérieur à Hippocrate lui-même, se trouvent rappelés
dans la Collection hippocratique. Ce sont : Mélissus dans le
Traité de la nature de l'homme , Prodicus et Pythoclès dans
les Épidémies, Empédocle dans le Livre sur l’ancienne méde-
cine, Homère dans le Traité des articulations, et le Livre
\ \ / - 5 /
1 Τὴν μὲν ὑγείαν φυλάττει διὰ τῶν ὁμοίων, τὴν δὲ νόσον ἀναίρει
\ EU , » E 3 >=
διὰ τῶν ἐναντίων. Dietz, Schol. in Hipp. t. 1, p. 259.
DES PLUS ANCIENS TÉMOIGNAGES. 79
des sentences cnidiennes combattu dans le Traité du régime
des maladies aiguës. Si nous exceptons Pythoclès, homme
tout-à-fait mconnu, et Homère, source commune où les
Grecs puisaient depuis long-temps, on ne voit que des noms
fort anciens. Prodicus et Mélissus sont contemporains de
Socrate ; Empédocle est plus vieux; le Zivre des sentences
cnidiennes , déjà publié deux fois, est attribué à Euryphon,
qui est antérieur à Hippocrate. J’ajouterai que le Traité de
l’ancienne médecine reproduit avec une fidélité fort grande
- les opinions d’Aleméon , philosophe pythagoricien , dont l’é-
poque est très reculée. Ainsi, toutes les citations faites dans
les écrits hippocratiques sont prises à une littérature anté-
rieure. Ce fait est important dans l’histoire de ces écrits, et
il corrobore toutes les preuves que nous avons de leur an-
tiquité.
Si nous passons de ceux qui sont cités dans la Collection
hippocratique à ceux qui citent Hippocrate, nous trouvons,
dans l’âge qui suit immédiatement, Platon et Ctésias; eux
étaient jeunes lorsque Hippocrate était vieux. Un peu plus
tard, Dioclès et Aristote appuientde leur témoignage son nom
qu’ils invoquent. Ainsi les auteurs dont il est question dans
quelques-uns des traités hippocratiques, et les auteurs qui
nomment le médecin de Cos , constituent deux limites entre
lesquelles est placée son époque. Si tout renseignement nous
manquait d’ailleurs, cette considération nous suflirait seule
pour que nous missions cette époque à sa véritable date,
et l’on arrive, par ce détour, à confirmer ce que les biogra-
phes bien postérieurs, Eratosthène, Soranus de Cos et d’au-
tres, nous ont appris sur le temps où il a fleuri.
CHAPITRE V.
DE LA TRANSMISSION DES LIVRES HIPPOCRATIQUES ET DE LA SÉRIE
DES COMMENTATEURS DE CES LIVRES DANS L'ANTIQUITÉ.
Les conquêtes d'Alexandre, les communications multi-
pliées qui s’établirent entre la Grèce et l'Orient , la fondation
d'Alexandrie en Égypte , la formation des grandes biblio-
thèques , dans cette ville et à Pergame, produisirent, dans
les relations littéraires, une révolution comparable, quoi-
que sur une moindre échelle, à la révolution causée par la.
découverte de l’imprimerie. La littérature médicale ne s’en
ressentit pas moins que les autres branches desconnaissances
humaines; et les productions qu’elle avait mises à la lumière
dans les âges précédents, acquirent une publicité bien plus
grande. Cela est manifeste pour les livres hippocratiques ; en
effet, ce qui manque surtout à ces livres, dans la période com-
prise entre Hippocrate et la fondation d'Alexandrie, c’est
une publicité véritable et étendue. Peu de gensles possèdent,
peu en font mention, et ils restent renfermés entre un petit
nombre de mains, parmi ses élèves et parmi ses descendants.
Le public qui les connait est fort restreint ; les copies sont très
peu nombreuses; la circulation est très limitée; les biblio-
thèques publiques n’existent pas où l’on puisse les aller con-
sulter ; l’accès de ces livres est fermé à la plupart des écri-
vains. Il ne faut donc pas s'étonner qu'ils aient été rarement
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 41
cités. De là aussi les chances de destruction, si nombreuses
pour des livres dont il existait si peu de copies; de là la perte
de tant d'ouvrages de l’école de Cos, dont j'ai relevé les
mentions dans la Collection hippocratique, et qui ont péri
avant d’être multipliés et répandus; de là enfin les facilités
qu'ont trouvées les vendeurs de livres, lorsque les rois d’'É-
gypte et de Pergame payèrent au poids de l’or les manuscrits
précieux, à intituler, comme ils le voulurent, un écrit bien
antérieur sans doute à la vente même , mais n’ayant reçu
encore aucune publicité, et à y mettre un nom qui en aug-
mentait considérablement la valeur.
Il n’en fut plus de même dans l’âge qui suivit la mort
d'Alexandre. Leslivres, par cela seul qu’ils semultiplièrent,
prirent une forme plus certaine, qui permettait bien plus
difficilement les substitutions de noms et l’interpolation de
nouveaux écrits dans une collection déjà existante. La Col-
lection hippocratique (car c’est uniquement d'elle qu’il est
ici question) se trouva, par les travaux des commentateurs,
fixée, et fermée à toute invasion de traités qui n'auraient pas
reçu, à ce moment, le certificat de leur origine. Des lors la
transmission en fut régulière; les commentateurs se suivi-
rent sans interruption. C’est cette transmission des textes et
cette série de commentateurs qu’il faut étudier 1,
S'il était vrai que Dioclès de Garyste eût commenté un des
. écrits d'Hippocrate, ceseraitle plus ancien des auteurs qui ont
écritsur ce sujet. Ackermann, dans l'excellente notice qui fait
partie dela Bibliothèque grecque de Fabricius, donne Dioclès,
Mantias et Philotimus comme les commentateurs du Traitéde
τ Ce sujet a déja été traité par Preu , sous ce titre, De inter-
pretibus græcis Hippocraiis ; je n’ai pu me procurer cetle dis-
sertation.
TOM.I. 6
82 INTRODUCTION.
l'officine du médecin. C’est une erreur : Dioclès, non plus que
Mantias et Philotimus, n’a point commenté ce Traité, et les
passages de Galien, sur lesquels Ackermann s'appuie, ont
été mal interprétés: ce médecin dit seulement que Dioclès,
Philotimus, Mantias 1 avaient composé un livre sur le même
sujet et portant à peu près le même titre. Ce livre de Dioclès
est cité, par Érotien, sous le titre de Traité sur l’officine du
médecin ?. Erotien en tire l'explication d’un mot (äu6nv), qui
est dans le Livre des articulations : ce qui prouve que lon
s’est servi, il est vrai, des textes de Dioclès pour expliquer cer-
tains motsdifficiles , mais que ces textes étaient , non dans un
commentaire sur des livres hippocratiques, mais dans destrai-
téscomposés par le médecin de Carystesur différents points de
l’art médical. On peut aflirmer que Dioclès n’a pas été com-
mentateur d'Hippocrate; car ses commentaires, s’ils avaient
existé, auraient été cités par quelques-uns des commenta-
teurs postérieurs. Mais il avait écrit plusieurs livres qui -
avaient des conformités, soit pour le style, soit pour le
sujet, avec quelques livres de la Collection hippocratique :
tels sontle Traitéde l’officine du médecin et celui des bandages,
qui présentaient de grandes ressemblances avec le livre
hippocratique Des articulations ; tel est encore un Traité du
pronostic, qui avait aussi beaucoup emprunté au livre d'Hip-
pocrate sur le même sujet.
τ Ἄμεινον δὲ ἦν Περὶ τῶν χατ᾽ ἰητρεῖον ἐπιγεγράφθαι, καθάπερ
ἔνιοι τὸ Διοχλέους ἐπιγράφουσι, χαὶ Φιλοτίμου καὶ Μαντίου: γεγραφό-
τῶν γὰρ καὶ τούτων τῶν ἀνδρῶν εἰς τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν ἐν ἕχάστῳ
Des t. v,p. 661, Ed. Bas. et plus loin : à τορος τοῦ συγ-
γράμματος ἐντεῦθεν be À παραπλησίως εἰς ὕστερον ἐποιήσατο
Διοχλῆς καὶ Φιλότιμος χαὶ Μαντίας. pag. 667.
2 Διοχλῆς δ᾽ ἐν τῷ Κατ᾽ ἰητρεῖον, ὑπόχοιλοόν τινα χώραν. Ρ. 86,
Ed. Franz.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 83
Le plus ancien commentateur que l’on connaisse est done
Hérophile, qui fut disciple de Praxagore , et qui fleurit à
Alexandrie vers l'an 300 avant J.-C. Il avait travaillé sur le
Pronostic d'Hippocrate; Galien dit qu’il s'était contenté d’ex-
pliquer seulement les mots sans entrer dans les explications
médicales 4. Étienne 2? nous ἃ conservé une de ses explica-
tions: « Hérophile, dit-il, prétendait que la prognose et la
« prédiction sont deux choses différentes; que la prognose
« est le jugement que le médecin porte sans l’énoncer, et la
« prédiction, ce jugement lui-même énoncé. » Étienne trouve
cette distinction ridicule; elle prouve qu’en effet Hérophile
s’était surtout occupé du sens précis des mots. Cependant il y
avait sans doute joint quelques autres explications; car Cælius
Aurélianus, citant son Commentaire, rapporte qu'Héro-
phile, examinant le passage où Hippocrate parle des vers qui
sont rendus dans les selles, dit qu'il importe peu que ces ani-
maux soient évacués morts ou vivants. On voit par d’autres
témoignages que fournit Galien, qu’Hérophile avait en effet
soumis le Traité du pronostic à un examen critique. Galien
promet d'examiner les objections que le médecin d’Alexan-
_ drie avait opposées à cet écrit #, et un peu plus loin il ajoute
que ces objections sont mauvaises 5.
Hérophile avait-il publié d’autres travaux sur les écrits
hippocratiques? Là-dessus on n’a que des témoignages in-
τ Ῥλώττας ἐξηγήσαιτο μόνας ὥσπερ ὃ Ἣρόφιλος. Gal. Gloss. p.
40%, Ed. Franz.
2 Comment., sur le Pronostic d’Hippocrate, pag: 61, Ed.
Dietz.
Chr: Liv. 1V, c. Vin.
ETom. v, p. 120, Ed. Basil.
ὁ Tom. v, p. 120, Ed. Basil.
84 INTRODUCTION.
certains et des textes suspects. On lit bien dans Galien : « Les
«premiers qui ont expliqué les 4phorismes, Hérophile, Bac- -
«chius, Héraclide et Zeuxis, tous deux empiriques 1... »
Schultze?, observant que nul auteur ne fait mention du
commentaire d'Hérophile sur les Æphorismes, dit qu'il faut
lire Bacchius l’'hérophilien (Baxyeios ὃ Ἣροφίλειος). Le fait est -
que la phrase de Galien n’est pas correcte , et que l’article
devant le nom de Bacchius ne peut subsister. Mais on ad-
mettrait aussi facilement une autre correction qui laisserait
subsister le nom d'Hérophile. Érotien 5 cite une explication
du médecin alexandrin ; et le mot expliqué se trouve dans le
Pronostic. Érotien ajoute qu’on le rencontre aussi dans le
Quatrième livre des épidémies, dans le Premier des maladies
des femmes , et dans les Aphorismes : cela ne prouverait pas
qu'Hérophile ait commenté ce dernier traité. Montfaucon
1,498, (j'emprunte cette indication à la Bibliothèque grecque,
Ed. de Harles, t. 2,p. 544) dit qu'il existe dans la bibliothèque
ambrosienne de Milan un commentaire d’Hérophile sur les
Aphorismes. Si le fait était vrai, il couperait court à la re-
marque de Schultze#; mais personne n’a, depuis, parlé de ce
maruscrit de la bibliothèque ambrosienne , et M. Dietz, qui
a recueilli les commentateurs grecs inédits d’Hippocrate, n’a
pas publié ce commentaire, qui serait d’un si grand prix
pour la critique des livres Hippocratiques.
ΤΟΥ͂, p. 528, Ed. Basil. Οἱ πρῶτοι ἐξηγησαμένων τοὺς Ἀφο-
ρισμοὺς, ὧν ἐστιν ἫἩρόφιλος ὃ Βαχχεῖος, ἫἩραχλείδης τε καὶ Ζεῦξις
οἵ ἐμπειριχοί.
2 Hist. med., p. 582.
3 P. 52, Ed. Franz : Ἡρόφιλος συνώνυμον θεὶς τὸ ἀλύειν τῷ πλα-
νᾶσθα:.
#On pourrait croire d’après un passage de Galien (t. v, p. 410,
Ed. Bas.) qu'Hérophile avait aussi commenté le 3° livre des Épi-
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 85
Cette discussion me conduit à une autre question , c’est de
savoir si Hérophile a laissé un témoignage sur le Traité des
lieux dans l'homme. Il s'agit encore iei d’un texte corrompu.
On lit dans Galien ! : « Érotien prétend qu’on appelle kam-
« moron non seulement l'animal lui-même (c’est un animal
« semblable à une petite crevette), mais la mousse qui y
« adhère. Zénon l'hérophilien assure que le kammoron est
« la ciguë; Zeuxis, un médicament réfrigérant. » Les ma-
nuscrits et les imprimés présentent beaucoup de variétés sur
le nom d'Érotien ; les uns portent Érotinon , les autres Éro-
üinus ; d’autres Hérophile. Le texte est certainement altéré ;
si l’on recherche dans le Glossaire d'Érotien l'explication
citée par Galien, on ne l'y trouve pas, ni rien qui y ressem-
ble ; et comme l’on manque de moyens pour constater
quelle est la véritable leçon, on ne peut rien en conclure
pour Hérophile.
᾿ς Dés cette époque reculée , les grammairiens ont travaillé
comme les médecins à expliquer les mots des livres hippocrati-
ques. Xénocrite de Cos, compatriote d’Hippocrate, est, au
dire de Callimaque l'hérophilien, d'Héraclide de Tarente
et d’Apollonius de Cittium , le premier grammairien qui ait
démies : Δήνων χαὶ Ἡρόφιλος, οὐχ ὃ τυχὼν ἀνὴρ; ἐξηγούμενος ...-
ἐν τῷ τρίτῳ τῶν Ἐπιδημιῶν. Il est évident par le contexte de la
phrase qu’au lieu de Zénon et Hérophile, 1 faut lire Zénon de
la secte hérophilienne (Zivoy ὃ ἩἫροφίλειος). Fabricius (Bibl.
Gr. T. 15, p. 454) et Schulze (Hist. med. p. 382) ont indiqué
cette correction , qui, au reste, tend à faire suspecter davantage le
texte, cité plus haut, relatif à Hérophile et à Bacchius.
τ Gloss. p. 490, Ed. Franz. Voici le texte grec : Ὅθεν xat Epu-
τιανὸς où μόνον αὐτὸ τὸ ζῶον χάμμορον, ἀλλὰ χαὶ τὸ περικείμενον
αὐτῷ βρύον, οὕτως ὀνομάζεσθαί φησι. Ζήνων δὲ 6 Ἣροφίλειος τὸ χώ-
νειον, Ζεῦξις δὲ φάρμαχον ψυχτικόν.
86 INTRODUCTION.
entreprisce travail d'interprétation; et, si, comme le rapporte
Érotien sur la foi des commentateurs antérieurs ὅν il a pré-
cédé Bacchius dans ce travail, cela reporte, au tems d’Héro-
phile,:Xénocrite, et, avec lui, la Collection hippocratique.
Érotien nous a conservé une explication de Xénocrite, elle
est relative à un mot du Pronostic 5. D’autres grammairiens,
sans consacrer un livre spécial à un glossaire hippocratique,
se sont, dans le courant de leurs recherches, occupés des
dificultés que présente le vieux langage ionique du médecin
de Cos. Érotien, ὁ qui dit qu'aucun des grammairiens cé-
lèbres n’a passé Hippocrate sous silence, cite entr’autres
Aristarque le fameux critique, Aristoclès et Aristopéas 5, tous ,
deux de Rhodes et moins connus, Diodore δ, dont on nous ἃ
conservé une explication sur un mot difficile du Traité des !
lieux dans l’homme, enfin Antigone et Didyme, tous deux
d'Alexandrie, et dont la réputation ἃ été grande. 1] est fà- |
cheux que les travaux de ces grammairiens aient compléte-
ment péri; nous y aurions probablement trouvé des res-
sources abondantes, sinon pour éclaircir toutes les difii-
cultés que présentent les livres hippocratiques, du moins pour
en épurer le texte. J’ai réuni dans ce paragraphe tous les
grammairiens , bien que quelques-uns soient très posté-
rieurs, afin que l’on vit d’un seul coup-d’œil l'intérêt qu'avait
jadis inspiré la Collection hippocratique.
x
V
* Érotien, p. 6, Ed. Fram.
ἡ Μεθ’ ὃν φασὶ τὸν Tavaypaiov Βαχχεῖον ἐπιδαλεῖν τῇ πραγμα-
τιείᾳ. p. ὃ, Ed. Franz.
3 Page 38, ἀλλοφάσσειν.
& Page 12.
5 Dans quelques manuscrits d’Érotien, on lit Aristéas et même
Aristobule.
ὃ Érotien, p. 216.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 87
Des travaux plus regrettables encore, parce qu'ils sont
plus spéciaux, sont ceux de Bacchius de Tanagre, et de Phi-
linus l’'empirique.
- Bacchius, disciple d'Hérophile, donna une édition du troi-
_sième livre des Épidémies 1. écrivit des explications sur le
sixième livre ?, sur les Æphorismes 5, et sur le Traité de l’of-
ficine du médecin *. Tavait en outre composé un écrit en trois
livres intitulé les Dictions 5. Cet écrit embrassait l'explica-
tion des mots, difficiles et tombés en désuétude, de la Collec-
= tion hippocratique. Galien assure que, fidèle à l'exemple
d’Hérophile, Bacchius n’avait , non plus, expliqué que les
termes obscurs, et il ajoute que l’on disait que ce médecin
s'était fait fournir les exemples par le grammairien Aris-
tarque $. Érotien dit seulement que Bacchius s'était, dans
cet ouvrage, beaucoup appuyé du témoignage des poètes 7.
En out cas , la date assignée à Aristarque ne permet pas
d'admettre que Bacchius ait été aidé par ce grammairien ;
Bacchius ἃ été contemporain de Philinus; Philinus avait
été auditeur d'Hérophile ὃ. or un auditeur d'Héro-
phile est antérieur à Aristarque. Érotien nous a conservé
dans son Glossaire plusieurs explications prises dans l'ou-
vrage de Bacchius ; elles portent toutes en effet sur des
mots obscurs. Les fragments de Bacchius, courts, mais en
assez grand nombre, qui sont parvenus jusqu’à nous ,
τ Galien,t. V, p. 415, Ed. Basil.
Galien, t. v, p. 442, Ed. Bas.
3 Galien, t. v,p. 525.
4 Galien, t. y, p. 662.
5 Ἔν τῷ πρώτῳ τῶν Λέξεων. Erot. p. 52. Ed. Franz.
6 Galien, Glossar. p. 404, Ed. Franz.
7 Érotien, p. ὃ, Ed. Franz.
»
à ππὶ \ “ PA «ὦ Ὰ - \ > x ERA
ὃ Τὰς ἀφορμὰς λαδὼν παρὰ Ἡροφίλου où καὶ ἀχουστὴς ἐγένετο
88 INTRODUCTION.
ressemblent beaucoup, pour leur brièveté, aux articles
du Glossaire d'Érotien.
La polémique commença dèslorsentre les interprètes d'Hip-
pocrate. Philinus de Cos combattit Bacchius dans un traité
composé de six livres ; il ne nous en reste rien qu’une expli-
cation insignifiante sur un adverbe du Pronostic et un mot
du Traité des articulations1. Il eût été curieux de voir com-
ment le médecin hardi, qui fut chef de l’école des empi-
riques, et qui essaya d'établir sur l'unique base de l’obser-
vation l'édifice entier de la médecine, avait conçu l’inter-
prétation des écrits hippocratiques : si tant est que l’inter-
prétation ait porté sur autre chose que des mots. En effet ,
la polémique de Philinus, à en juger d’après les deux seuls
exemples rapportés par Érotien, a éte dirigée contre le livre
des Dictions , et non contre les Commentaires de Bacchius
sur les Aphorismes, et sur le 6:livre des Épidémies, ou contre
son édition du troisième. L'ouvrage de ces deux médecins
était-il alphabétique ? On serait tenté de croire que non, vu
que Érotien ne signale cet arrangement pour la première
fois que quand il nomme Glaucias, venu après eux.
Glaucias, de la secte empirique , travaillant aussi sur
les mots obscurs, avait composé un seul volume, mais
très considérable , où il suivait l'ordre alphabétique. Éro-
tien le trouve trop long dans sa disposition ?, et il lui re-
proche d’avoir ajouté à chaque mot l'indication de tous
les traités dans lesquels se trouve le mot. Si le livre de
Glaucias était venu jusqu’à nous, nous lui saurions gré de
ce soin, bien loin de l’en blâmer ; car il avait ainsi composé
+ Ἀτρεχέως … Φίλινος μόνον ἀκριδῶς. Erot. p. 32. Ed. Franz.
auGnv. p. 86,
? Érotien, p- 16, Ed. Franz.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 89
un lexique commode des termes difliciles de la Collection
hippocratique. Il donna plus d’attention que n'avaient fait
ses devanciers, à l'explication médicale, mais il paraît
qu'il ne fut pas très heureux dans la partie philologique
de son travail; et, à cet égard , ses interprétations furent
peu estimées dans l'antiquité. Galien nous apprend 1 que
ce médecin considérait le Traité des humeurs comme ap-
partenant à un Hippocrate autre que le grand Hippocrate,
celui qui est l’auteur des {phorismes ; remarque qui nous
fournit en même temps la preuve que le commentateur at- -
tribuait les Æphorismes à Hippocrate.
Deux commentateurs seulement, dit Galien ? , avaient
compris, dans leur travail, la totalité des œuvres hippocra-
tiques : c’étaient Zeuxis et Héraclide de Tarente, tous deux
de la secte empirique. Nous venons de voir, en effet, que
Hérophile et Bacchius n'avaient commenté que certains
traités ; que Xénocrite, Bacchius, Philinus et Glaucias
n’avaient composé que des lexiques interprétatifs des mots
dificiles ; or , des lexiques ne sont pas des commentaires ;
mais compilés , comme ils l’avaient été, sur toute la Collec-
tion hippocratique, ils n’en prouvent pas moins l'existence
de cette Collection pour le temps de Glaucias, de Philinus,
de Bacchius et de Xénocrite.
Du temps de Galien les commentaires de Zeuxis étaient
peu lus , et ils étaient devenus rares 5. On trouve, dans les
témoignages de deux interprètes, aussi anciens que Glaucias
et Zeuxis , une preuve que le texte hippocratique est depuis
long-temps dans l’état où nous le connaissons. Glaucias,
τ Comm, sur le Traité des humeurs, p. 2, Ed. Kubn.
2 Galien, t. v, p. 662, Ed. Basil.
? Galien, t, v, p. 411, Ed. Basil.
90 INTRODUCTION.
ne pouvant donner une explication satisfaisante d’un pas-
sage du Sixième livre des épidémies , ajouta une négation.
Zeuxis lui reproche de n'avoir pas saisi le sens de ce pas-
sage, et d’avoir inutilement introduit une correction vio-
lente et arbitraire ; mais, par sa correction même, Glaucias
constatait la leçon que porte encore le texte, de sorte que
cette phrase était écrite dès ce temps là comme elle Pest
aujourd’hui !, remarque importante pour l'authenticité
des textes. Le Troisième livre des épidémies présente ,
. à la fin de l’histoire de chaque malade, des Caractères
qui ont été ajoutés à une époque inconnue. Ils ont occupé
plusieurs commentateurs ; Zeuxis y avait pris une peine par-
ticulière, et avait relevé les erreurs des autres 3.
Le plus célèbre des commentateurs d'Hippocrate est Hé- ©
raclide de Tarente, car il fut en même temps un grand mé-
decin. Le temps où il a vécu n’est pas exactement connu,
cependant il est postérieur à Bacchius. Ses travaux s'étaient “᾿
étendus à presque toutes les branches de la médecine , mais
il s'était surtout adonné à l'étude de la matière médi- .΄
cale et de la botanique, et 1] disait que les médecins qui
font des traités sur cet objet sans être versés dans la con-
naissance des simples, ressemblent aux crieurs publics qui 7
proclament le signalement d’un esclave fugitif sans l'avoir
jamais vu. Ilse livra à des travaux d’érudition sur Hippo-
crate, etilavait composé un commentaire en plusieurs livres, “΄
qui s’étendait à tous les écrits portant le nom du médecin
de Cos. La perte de ce commentaire est très regrettable à “΄
cause de la vaste étendue des connaissances de ce médecin
et de l'esprit judicieux qu'il montra dans ses écrits. Il faut |
" Galien, t. v, p. 471, Ed. Basil.
2 Galien, t. v, p. 456, Ed. Basil.
id lat es
‘
ΓΑ ΨΥ nl
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 91
remarquer que Héraclide rejette comme apocryphe le traité
des humeurs 1.
Zénon, de la secte hérophilienne, passait pour un mé-
decin habile, mais pour un mauvais écrivain ?. Il composa
un commentaire sur le 3° livre des Épidémies 5, il consacra
- aussi un livre tout entier à l'interprétation des Caractères de
.ce même 3° livre. Apollonius, empirique, y répondit par
un livre plus gros encore. Zénon ne se tint pas pour battu,
et répliqua par un nouvel ouvrage. Cette querelle continua
même après la mort de Zénon ; et Apollonius Biblas composa,
sur le même sujet, un nouveau traité, où il assurait que, ni
exemplaire trouvé dans la bibliothèque royale d’Alexan-
drie, ni celui qui venait des vaisseaux #, ni l'édition donnée
par Bacchius ne ‘portaient les Caractères tels que Zénon les
avait indiqués. Ainsi, l'interprétation de caractères énigma-
tiques et d’une origine douteuse, occupa long-temps les
médecins alexandrins qui se livraient à la critique littéraire.
C’est dans le même intervalle de temps que viennent une
foule de commentateurs d'Hippocrate , sur lesquels on sait
peu de choses, tels sont : Callimaque, de la secte hérophi-
lienne, cité, par Érotien , parmi les commentateurs d’Hippo-
crate, et qui avait écrit un livre sur les couronnes qui cau-
sent des maux de tête $; Épicéleustus de Crète, qui fit un
® Galien, Comment. sur le Traité des humeurs, t. xN1, pag.
1, Ed. Kühn.
2 Νοῆσαι μὲν ἱκανὸς, γράψαι δὲ ἄτονος, Diog. Laert. p. 251. Ed.
H. Steph.
3 Galien, t. v, p. 410, Ed. Basil.
4 J'expliquerai plus loin ce qu'étaient ces exemplaires des vais-
sceaux.
5 Érotien, p. 8, Ed. Franz.
6 Pline, xxx, 3.
92 INTRODUCTION.
abrégé des explications de Bacchius et qui les mit en
ordre 1 ; Apollonius Ophis, qui en fit autant ?; Dioscoride
Phacas, qui combattit ses prédécesseurs, dans un traité
composé de sept livres5; Lysimaque de (05, qui, après avoir
compris tout le commentaire d'Hippocrate en un seul livre,
\
en adressa, sur ie même sujet, trois à Cydias hérophilien, -.
ettrois à Démétrius #; Euphorion, qui le suivit et qui com-
menta Hippocrate en six livres 5; Héraclide d'Erythrée, qui “Ὁ
avait écrit au moins sur le 3° Livre des épidémies, surles Carac-
tères etsur le 6° 5; ilavait été l’un des plus célèbres disciples de
Chryserme7 ‘'Épiclès, postérieur à Bacchius et qui, ayant dis-
posé son commentaire par ordre alphabétique, affecta une
vaine brièveté$;ilest cependant cité plusieurs fois par Érotien ;
Euryclès, qu’ Érotien nomme une fois 9, etqui avait expliqué
le Traité des articulations; Philonidès de Sicile, dont Érotien
nous a conservé l'explication du mot ἐξέρυθρος, mot qui, sui-
vant ce médecin, du reste inconnu, signifie rougeur qui se
manifeste au dehors 19: Ischomaque , Cydias de Mylasa !! et
1 Érotien, p. 8, Ed. Franz.
3 1bid.
5 Ibid.
4 Ibidem. Lysimaque est cité dans les Gloses de Nicandre au
sujet de la plante appelée δορύχνιον, et il y est appelé Λυσίμαχος ὃ
Ἱπποχράτειος, p. 55.
5 Érotien, Ρ. 12.
5 Galien, t. v, p. 412, p, 422 et p. 515, Ed. Basil.
7 Galien, t. τη, p. 48.
8 Érotien, p- 16.
9 Érotien, p. 308.
10 Τὸ ἔξω γινόμενον ἐρύθημα. Érot. p. 144. Ed. Franz.
τι Érotien, p. 192. Cet Ischomaque serait-il le même que Histo-
maque dont Soranus parle et qui avait écrit un traité intitulé de la
Secte d’Hippocrate ὃ
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 03
Cinésias !, tous trois cités une fois chacun dans le Glossaire
d'Érotien ; Démétrius , l’épieurien, dont Érotien nous ἃ
conservé l’interprétation de deux mots”, et remarquons que
ces mots se trouvent dans les Prénotions coaques, et que
Démétrius avait commis une grossière erreur en réunissant
χλαγγώδεα et ὄμματα, qui, dans la phrase hippocratique, ne
se rapportent pas l’un à l’autre ; Diagoras de Chypre, cité
aussi une fois par Érotien 5; le poète-médecin, Nican-
dre de Colophon en Ionie, prêtre du temple d’Apollon
à Claros, et qui vivait dans le second siècle avant J.-C. ;
- il avait paraphrasé en vers le Pronostic d'Hippocrate , et
sans doute gâté, dans ses hexamètres , la précision du lan-
gage hippocratique sans y avoir substitué aucun talent poé-
tique. Rien ne nous est parvenu de ce poëme didactique : et
nous y avons peu perdu. Nicandre avait aussi composé un
Glossaire (Γλῶσσαι) de trois livres au moins #, où il avait ex-
pliqué des mots hippocratiques. Érotien le cite quelquefois 5.
Enfin, nous arrivons à un commentateur dont il nc 15 est
resté quelque chose, c’est Apollonius de Cittium, qui a vécu
dans le 19: siècle avant J.-C. IL était disciple d’un certain
Zopyre, qui pratiquait la chirurgie à Alexandrie et qui sui-
vait les préceptes d'Hippocrate pour les fractures et les luxa-
tions. Cela prouve (ce qui résulte, au reste , de tant de com-
: Érotien, p. 518.
2 Page 196. Κλαγγώδη ὄμματα.
3 Page 506.
4 Νίχανδρος ὃ ἐποποιὸς ἐν τρίτῳ Γλωσσῶν. Athén. VII, p.258.
5 ᾿Αθέλγηται ᾿Βπιχλῆς, ἐχθλίδηται, ὡς καὶ Νίχανδρος ἐξηγεῖται.
p. 72
6 Scholia in Hipp. Edit. Dietz, t. 1, p. 2.
94 INTRODUCTION, |
mentateursdéjà cités ) que l'autorité d'Hippocrate était grande
à Alexandrie ; déjà , pour Apollonius, Hippocrate est le divin. 7
Ce médecin avait composé un Traité en dix-huit livres qui
combattait un ouvrage en trois livres d'Héraclide de Tarente,
ouvrage qu'Héraclide avait lui-même adressé au livre de Bac-
chius. In’en faut nullement conclure qu’Apollonius de Cittium
ait été contemporain d'Héraclide de Tarente, qui, dans le fait,
lui étaitantérieur. Érotien cite une interprétation d’Apollonius
sur un mot qui se trouve dans les Prénotions coaques, dans
le premier livre des Prorrhétiques etdansle septième livredes
Épidémies. Il ne nous reste rien de ce grand travail, à moins -
que le petit commentaire sur le Traité des articulations n’en
soit un fragment. C’est ce commentaire seul qui est arrivé
jusqu’à nous; il a été publié, pour la première fois, en grec “_-
par M. Dietz. Il est curieux , à ce titre, que de tous les mo-” 4
numentsde ce genre c’est le plus ancien que nous possédions. - ͵
Apollonius y avait joint des figures qui représentaient les
manœuvres de la réduction ; il accuse Bacchius d’impéritie ?;
il cite un certain Hégétor, chirurgien d'Alexandrie 5, à qui
il reproche de n'avoir pas compris le texte d'Hippocrate sur
la réduction de la cuisse. Hégétor soutenait que larupture du
ligament rond du fémur empêchait l'os réduit de rester dans
la cavité cotyloïde. A ce propos, Apollonius déclame contre
τ Κλαγγώδη, p. 198.
2 Scholia in Hipp. Ed. Dietz, t. 4, p. 4.
3 Ibid. p. 55. Cet Hégétor est celui dont parle Galien dans son
Traité sur la distinction du pouls. I réunit dans une même
phrase plusieurs médecins d’Alexandrie : ᾿Αλλὰ τί μὲν Ἣρόφιλος
εἶπεν, τί δ᾽ Ἡραχλείδης τε καὶ Χρύσερμος χαὶ Ἣ γήτωρ οὐχ ὀρθῶς
£
La / 1 VA 5 3 , 1 \ 14
ξεξηγήσαντο, τι à ἀν εἶπεν ᾿Απολλώνιος χαὶ Buxyetoc τε χαὶ ᾿Αριστόξενος,
297
ἰδέναι βουλόμεθα. T.5, p. 83, Ed. Basil.
[0]
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 95
l'anatomie, tant vantée des hérophiliens, et dit qu'une teile
opinion est réfutée par les faits. Apollonius de Cittium ap-
partenait à la secte empirique; aussi combat-il fortement les
hérophiliens. Son livre est adressé à un prince appelé Pto-
lémée. L'auteur se contente de passer en revue les différents
moyens de réduction employés par Hippocrate; il n'entre
dans aucun autre détail de pathologie. Il termine son com-
mentaire, fort court du reste, par une récapitulation de
toutes les réductions des os luxés.
Le tempsarrivait où la médecineallait subir l'influence d’un
système qui prétendait mettre à néant toutes les anciennes
doctrines. L'auteur de ce système, Asclépiade, s’occupa des
écrits hippocratiques, non pas seulement pour les critiquer ,
mais aussi pour les interpréter en érudit. Ce médecin, dit de
Bithynie, de Pruse, et quelquefois de Kios, parce que Pruse
avait aussi porté ce nom, vécut à Rome du temps de Crassus
l’ancien et de Pompée. Il avait composé un grand nombre
-d’écrits , aujourd'hui tous perdus , dont deux seulement
étaient relatifs à un travail d’érudition sur Hippocrate. Ce
sont : un commentaire sur le Traité de l'officine du médecin,
cité par Galien 3, et par Érotien au mot Σχέπαρνοςϑ : « Le
« sképarnos , dit Asclépiade, est un bandage qui, revenant
«sur lui-même en forme de X , fait une espèce de croise-
ment et d'angle ; » et un commentaire ou explication (ex-
planatorium) des Aphorismes, qui était probablement en
τ Scholia in Hipp. Ed. Dietz, t. 1, p. 55.
2 Tome v, p.662, Ed. Basil.
3 P.534, Ed. Franz : Μαρτυρεῖ δὲ ᾿Ασχληπιάδης ἐν τῷ ᾿Εξηγητι-
χῷ τοῦ Κατ᾽ ᾿Τητρεῖον λέγων" ἔστι γὰρ 6 σχέπαρνος, ὅταν ὁ ἐπίδε--
σμος ἐπιδάλλων αὐτὸς ἑαυτοῦ καὶ σχ ἰζούμενος, κλάσιν τινὰ or, χαὶ
= ! + - ce
γωνίαν : οἷον ὅταν ὀρθόλοξον ἐπιδεθῇ.
96 INTRODUCTION.
sept livres, et dont Cælius Aurélianus et Érotien 2 citent le
second. Galien nous ἃ conservé un assez long passage d’As-
clépiade tiré peut-être de quelqu'un des commentaires in-
diqués plus haut, et qui mérite d'être rapporté ici. «Les os
« se luxent, dit Asclépiade, sans cause apparente, par l’ac-
« tion des maladies chroniques ; Hippocrate le témoigne dans
«son Traité des articulations. J'en ai moi-même observé
« deux cas : le premier fut à Parium 5; le malade, sans avoir -
« reçu de coup, sans avoir fait de chute, commença par res-
« sentir des douleurs dans la jambe: au bout de trois mois
« qu'il passa au lit, la tête du fémur fut chassée hors de sa
«cavité. Le malade éprouva cet accident par l'excès, je -
« pense , des douleurs auxquelles il fut en proie. Le second
« cas s’est présenté sur un jeune homme, acteur tragique.
« Chez lui aussi l'os de la cuisse se luxa sans cause appa-
« rente , les chairs attirant par l’inflammation la tête de l’os
«et le chassant de la cavité qu'il occupait. » Cette citation
pourrait faire croire qu’Asclépiade n’était pas aussi injuste à
l'égard d’'Hippocrate que Galien le prétend en plusieurs pas-
sages. « Asclépiade, dit-il #, méprise les dissections d'Héro- Ὁ
« phile, accuse Érasistrate, et fait peu de cas d’Hippocrate. »
Il est probable que, dans toutes les circonstances où les théo-
ries hippocratiques ont été en contradiction avec les siennes,
le médecin bithynien a peu ménagé le médecin de (05: mais
on peut croire que, dans la chirurgie, il a rendu hommage à
son expérience.
Il y ἃ eu deux Lycus parmi les commentateurs d'Hippo- “
crate; c’est une particularité de jhistoire médicale qu'il
MACUL, ὦ, 4,
2 P. 300, Ed. Franz.
3 Ville célèbre sur l’Hellespont.
4 Tome I, p.456, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 97
faut ici éclaircir. On les a toujours confondus l’un avec lau-
tre. Leclerc 1 ne parle que d’un Lycus ou Lupus de la secte
empirique, qui est souvent cité par Galien, comme ayant
écrit peu de temps avant lui. Ackermann ? le nomme Lycus
le Napolitain, ajoutant cependant que Galien lui attribue
expressément la qualification de Macédonien. M. Hecker 5
ne connaît qu'un Lycus qu'il appelle aussi le Macédonien. ἢ
faut admettre deux médecins du même nom, ayant tous
deux travaillé à l'explication des écrits hippocratiques ; lun
était de Naples, l’autre était de Macédoine. Ils ont vécu à
une époque différente , et c’est ce qui permet de les distin-
guer. Érotien cite Lycus de Napies; or Érotien a vécu sous
Néron: Lycus cité par lui ne peut donc pas être placé à une
époque plus rapprochée. D'un autre côté, Lycus le Macédo-
nien avait été disciple de Quintus. Galien suivit les leçons de
plusieurs médecins élevés à l’école de Quintus; par consé-
quent Lycus de Macédoine aurait pu être le maître de Ga-
lien ; il était donc vieux quand Galien était jeune. Il a donc
fleuri vers l'an 120 après J.-C., et 11 est plus ancien, d’au
moins soixante ans, que Lycus de Naples ; à supposer même,
ce que jien ne prouve, que ce dernier ait été contemporain
“d'Érotien. Ainsi il faut admettre l'existence de deux Lycus.
On ne peut établir d’une manière précise l’époque où a
- vécu le premier. Érotien ὁ , Qui le cite deux fois, le joint, la
première à Épiclès, abréviateur de Bacchius; et la seconde,
il le nomme avec Dioscoride d’Anabarze, l’auteur de la Ma-
tière médicale. On ne connaît des travaux de ce médecin sur
les écrits hippocratiques que ce que le Glossaire d'Érotien
τ Histoire de la médecine, t. 111, p. 106.
3 Fabricü Bibl. Gr., t. 11, p. 600, Ed. Harles.
3 Geschichte der Heïlkunde, B. τ, p. 457
à Gloss. p. 66 et p. 214, Ed. Franz.
TOM. I.
98 INTRODUCTION.
nous en apprend. Les deux explications qu'il lui emprunte
sont relatives l’une et l'autre à deux mots! du Traité des
lieux dans l'homme. Lycus de Naples avait composé, sur cet
écrit, un commentaire de plusieurs livres; car Érotien cite le
second 2.
Thessalus de Tralles, méthodique, avait composé un livre -
pour réfuter les Aphorismes ; il ne nous en reste que le ju-
gement de Galien, qui prétend que Thessalus n’avait rien
compris à l’art d’Hippocrate , et qu'il lui aurait fallu appren- -
dre avant de critiquer 5. C'étaient des méthodiques qui re-
tournaient le premier aphorisme , et qui disaient que la vie
était longue et que l’art était court, voulant montrer par là
que leur système simplifiait et abrégeait ce qui avait paru
jadis si compliqué et si difficile. Telle ἃ été, du reste, la pré-
tention des systèmes universels en médecine.
De ce grand naufrage de la littérature médicale de l’anti-
quité, il n’est arrivé jusqu’à nous que quelques fragments. -
En citant un commentateur d’'Hippocrate, on peut rarement
ajouter que son ouvrage est conservé. Dans cette énuméra-
tion , déjà longue, nous rencontrons un second écrit destiné
à éclaircir les écrits hippocratiques , et échappé à Ja ruine
commune. C’est le Glossaire d’Erotien. Cet écrivain, dont le #
nom est tantôt écrit Hérotien, Érotion, Erotinon, et même
Hérodien , a vécu du temps de Néron, et il a dédié son ου-
vrage à l’archiatre Andromaque. On n’a aucun renseigne-
ment sur sa vie ni sur ses autres écrits. Nous possédons de
lui un Glossaire qui contient des renseignements précieux ,
soit sur l’histoire littéraire des écrits hippocratiques , soit sur
x ᾿Αορτέων. Καμμάρῳ.
2 Ἐν τῷ β΄ τοῦδε τοῦ συγγράμματος ἐξηγητιχῷ. p. 216, Ed.
Franz.
3 Galien, t. v,p 337, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 99
l'interprétation des expressions difficiles qu’ils renferment.
Il avait sans doute composé d’autres commentaires sur Hip-
pocrate; car, parlant des deux livres des Prorrhétiques, 1]
dit qu’il montrera ailleurs que ces livres ne sont pas d'Hip-
pocrate !. Dans un autre endroit, il dit qu’il fera voir qu'Hip-
pocrate et Dioclès se sont trompés sur les prétendus cotylé-
dons de la matrice 3. Il nous ἃ donné une liste arrangée
méthodiquement des écrits hippocratiques; c’est la plus an-
cienne que nous ayons, et l’on voit par la remarque d'Érotien
sur les Prorrhétiques, que cette liste ne contient pas seule-
ment les écrits qu'il juge être de la main d’'Hippocrate lui-
même. La division qu'Érotien a adoptée est en livres sé-
miotiques; livres relatifs à la recherche des causes et à
l'étude de la nature; livres de thérapeutique; livres de dié-
tétique ; livrés de mélanges, 4phorismes et Épidémies ; enfin
livres relatifs à l'exercice de l’art. Foes ἃ suivi, dans son
édition, cette division. Je discuterai plus loin la liste donnée
par Érotien. Remarquons cependant ici qu’elle contient des.
traités que nous ne possédons plus; que certains traités aux- à
quels l'antiquité a donné le titre d’hippocratiques n’y figurent
pas; et que plusieurs traités qui se trouvent dans la Collec-
tion telle que nous l'avons, n’y sont pas nommés.
Le Glossaire d'Érotien suit un ordre alphabétique en tant
que tous les mots qui commencent par la même lettre sont
mis ensemble ; mais l'ordre alphabétique n’est plus conservé
sous le chef de chaque lettre, et l'examen comparé de la
préface et du Glossaire lui-même, montre que le lexique
d'Érotien a été interverti de la manière la plus complète par
Προῤῥητιχὸν, α΄ καὶ β΄, ὡς oùx ἔστιν Ἱπποχράτους, ἐν ἄλλοις δεί-
ξομεν. p. 25, Ed. Franz.
2 Ὅτι δὲ ψεῦδος παραδεδώχασιν, ἀλλαχόσε δείξομεν. p. 208, Ed.
Franz.
100 INTRODUCTION.
quelque copiste qui s’est cru fort habile, et qui n’a été que
maladroit. Heringa, qui ἃ discuté ce point de critique, ἃ
fait clairement voir que l’ordre d'Érotien avait été celui-ci :
après avoir dressé sa liste des écrits hippocratiques, le com-
mentateur a pris, dans le traité porté le premier sur cette
liste, tous les mots qu'il voulait expliquer ; il en a fait autant
pour le second , et ainsi de suite jusqu’au dernier. De cette
façon, le lecteur voyait, d’un seul coup d'œil, à quel traité
le mot expliqué appartenait, et Érotien échappait ainsi au
reproche adressé par lui à Glaucias, lequel avait noté exac-
tement à chaque mot les traités où ce mot se trouvait, mais
avait ainsi grossi considérablement son ouvrage. Dans l’état
où nous avons maintenant le lexique d’Érotien , il n’est pas
possible, dans un grand nombre de cas, de rapporter le mot
interprété à l'écrit hippocratique d’où il vient. Plusieurs ex-
pressions, dont Érotien donne lexplication, ne se retrouvent
pas dans la Collection hippocratique telle que nous la possé-
dons. Sans doute quelques-uns de ces mots appartiennent
aux écrits perdus d’'Hippocrate; mais, certainement , l’ab-
sence de la plupart est du fait des copistes qui ont souvent
= substitué les gloses mises en marge au mot hippocratique
ancien et plus obscur ; les manuscrits en fournissent plusieurs
exemples.
D'Érotien à Galien , c'est-à-dire de l’an 50 à l'an 150 après
3.-C., nousrentrons dans une période où les commentateurs
d'Hippocrate ont complètement péri. Cependant cette époque /
n’a pas été improductive sur le sujet qui m'occupe en ce mo-
ment, et plusieurs médecins ont travaillé à l'explication du
texte hippocratique. Remarquable influence de ces livres qui
se trouvent placés à l’origine de l’histoire et de la science :
‘ Obs. p. 5, 564.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 101
tous les âges en reprennent l'interprétation, et tous y trouvent
de quoi alimenter la méditation, de quoi fortifier l'intelligence.
Sabinus ἃ été un des commentateurs d’'Hippocrate les plus
distingués de cette période. Galien le cite souvent, tout en
en faisant la critique; mais, dans son Traité sur ses propres
ouvrages, il lui rend plus de justice, et il dit que Sabinus et
Rufus d'Éphèse (ces deux noms sont presque toujours réunis
par Galien) avaient mieux compris que la plupart des autres
commentateurs la pensée d’Hippocrate 1. Sabinus tendait
généralement à trancher dans le vif et à changer du tout au
tout les leçons qu’il ne pouvait pas comprendre. Galien en
rapporte plusieurs exemples; ainsi, on lit dans le Sixième
livre des épidémies deux mots obscurs, ’erdeur brillante
(χλώρασμα λαμπράν): Sabinus, ne les comprenant pas, lit :
Couleur brillante (χρῶμα λαμπρόν) 3. Ce qu'il ἃ fait de plus
singulier dans ce genre est, peut-être, le changement qu'il a
introduit dans un passage du 7raité de la nature de l’homme.
L'auteur hippocratique ἃ dit : Je soutiens que l'homme
n'est composé uniquement ni d'air, ni d’eau , ni de terre, nm
de toute autre chose. Sabinus avait transformé ce passage de
la manière suivante : Je soutiens que l'homme n’est composé
ni d'air, comme Anaximène le prétend, ni d’eau , comme le
dit Thalès, ni de terre, comme l’assure Xénophane dans un
de ses écrits. Il est diflicile de juger, d’après le texte
de Galien, si c'était la plus inexcusable des additions, ou
une simple explication intercalée sous forme de paren-
thèse. En général, les explications de Sabinus paraissent
avoir eu quelque chose de subtil et de bizarre; ainsi,
voulant interpréter les mots respiration élevée ( rvedux
2 Tome 1v, p. 370, Ed. Basil.
? Galien, τ. v, p. 462, Ed. Basil.
* Galien, t. v,p. 4, Ed. Basil.
102 INTRODUCTION.
μετέωρον ), il dit que la respiration est ainsi appelée
parce qu'elle se fait du bout des narines, l’inflammation
obstruant le calibre de la trachée-artère, et l'attraction de
Pair ne pouvant plus se faire dans l’intérieur du poumon 1.
Ce que disait Sabinus sur les urines huileuses n’était pas
plus heureux. « Les substances huileuses sont, dit-il, l’ali-
«ment de la nature animale, comme l'huile l’est du feu ; une
« urine huileuse indique que la nature ne prend pas ses ali-
«ments, et est ainsi un signe funeste. 2. » Galien blâme
beaucoup 5 Sabinus d’avoir dit métaphoriquement qu’une
maladie dressait des embüches (oyodvros τοῦ νοσήματος). Ce
n'est cependant pas autre chose que notre locution maladie
insidieuse. Sabinus avait dit, en expliquant un passage, que
la pression des fragments d'os , ou de la main même du chi-
rurgien sur le cerveau, produisait le délire. A quoi Galien
réplique, que sans doute Sabinus n'avait jamais vu un tré-
pané, car autrement il aurait su, qu’en appuyant sur les
méninges avec le doigt on produit, non pas du délire, mais
un coma profond #.
Au sujet du malade couché dans le jardin de Déalcès, Sa-
binus assure que cette circonstance ἃ concouru à la produc-
tion de la maladie. « En parlant du jardin, dit-il, Hippocrate
« à voulu indiquer qu'il fallait y voir le point de départ de la
« fièvre ; l’homme n’est pas un animal herbivore ; une nour-
« riture inusitée fit éprouver un changement fàcheux à ce
=
V 5 €
1 ζ΄ = 3 \ / E4 ee € \ "ΔΑ
Μετέωρος δ᾽ ἦν ἣ ἀναπνοὴ, τουτέστιν ἄχρα τῇ ῥινὶ ἀνέπνει,
διὰ φλεγμονὴν τῆς ἀρτηρίας χαλεομένης τῆς εὐρυχωρίας, χαὶ μηκέτι
, vie -- , » A 7, /
δυναμένης τῆς δλχῆς τοῦ πνεύματος εἰς τὸν πνεύμονα γενέσθαι. Gal.
t. v,p. #10, Ed. Basil.
? Galien, t. v, p. 453, Ed. Basil.
3 Tome v, p. 402, Ed. Pasil.
ὁ Tome v, p. 598, Ed. Basil.
SERIE DES COMMENTATEURS. 103
« malade. » Galien se moque de Sabinus , et il lui reproche
de s'être arrêté à de pareilles futilités, tandis qu'il avait,
s’il prétendait donner quelque réalité à des explications sans
importance, tant à dire sur le mauvais air des jardins 1.
Il est probable que Sabinus avait commenté l’ensemble
des œuvres hippocratiques ; cependant les citations que lon
trouve dans Galien ne sont relatives qu'aux Épidémies, au
Traité de la nature de l'homme, au Traité des humeurs et
aux Aphorismes. Pour ce dernier écrit, on le conclut de ce
que un commentateur postérieur, Julien, qui avait inter-
prété les Aphorismes, s'était beaucoup plus oceupé des ex-
plications de Sabinus que du texte même de son auteur ?.
Aulu-Gelle nous apprend que Sabinus avait aussi com-
menté le Traité de l'aliment, et, à ce propos, il fait l'éloge
de ce médecin 5. Il le cite au sujet du passage obscur : la
naissance à huit moisest et n’est pas. Sabinus expliquait cela
en disant : « Elle est, car le produit de l'avortement paraît
« comme animal; elle n’est pas, car il meurt dans la suite.
« C’est une naissance en apparence pour le moment ; mais
« ce n’est pas une najssance effective #. »
Son disciple Métrodore s'était aussi livré sur Hippocrate
à des travaux de critique ; Galien ne le cite que rarement et
à propos de son maître 5.
Rufus d'Éphèse , médecin célèbre, qui vécut sous Trajan,
τ Galien, t. v,p. 402, Ed. Basil.
2 Galien, t. v,p. 558, Ed. Basil.
3 Noctes Atticæ, lib. 5, cap. 16 : Sabinus medicus qui Hippo-
cratem commodissime commentatus est.
4 Noctes Atticæ, 11}. 3, cap. 16 : ἜἜστι μὲν φαινόμενα ὡς
ζῶα μετὰ τὴν ἔχτρωσιν: oùx ἔστιν ὡς θνήσχοντα μετὰ ταῦτα: καὶ
ἔστιν οὖν φαντασία μὲν παραυτίκα ὄντα, δυνάμει δὲ oùx ἔστιν.
5 Galien, t. v, p. 454, Ed. Basil.
104 INTRODUCTION.
consacra une partie de son temps à étude des monuments
hippocratiques. Galien, qui était peu disposé à flatter ses pré-
décesseurs dans ce genre de travail, lui accorde, ainsi qu’à
Sabinus, le mérite d’avoir été très versé dans l'étude des”,
écrits d’Hippocrate 1. Nous ne savons pas au juste quels sont : /
les écrits hippocratiques que Rufus avait commentés. Galien,
qui seul nous donne quelques renseignements sur ce sujet,
nous prouve, par les citations qu'il rapporte, que Rufus
avait commenté les Æphorismes , les livres des Épidémies , le |
Premier livre des Prorrhétiques , le Traité des humeurs ; !
c’est là tout ce que nous savons de ses commentaires sur les
écrits hippocratiques. Galien dit que Rufus s’efforçait tou-
jours de conserver les vieilles leçons du texte 2. On voit, par “ἢ
quelques lignes que Galien a conservées du commentaire de
Rufus sur le Premier livre des Prorrhétiques, que le médecin
d'Éphèse estimait peu les travaux de Zeuxis : « Zeuxis, dit--
«il, s’il faut aussi en faire mention, qui fuit ordinairement
« la raison, en donne ici une preuve, car rencontrant une
« erreur, il l’a conservée ; il veut qu’on interprète (ils’agit d’un
« passage du Premier livre des Prorrhétiques) urine cuite,
« οὖρα πέπονα, COMME signifiant urine purulente et épaisse:
« chose fàcheuse ; ne sachant pas que la coction des urines
« est comptée parmi les phénomènes les plus utiles 5. » Rufus
» LA
τ Ἄγδρας τοῖς Ἱπποχράτους γράμμασιν ὡμιληκότας où παρέργως.
᾿ τὰς
De lib. prop. t. 1, p. ὅ5, Ed. Chart.
> \ =
? Ἀνὴρ φυλάσσειν μὲν del πειρώμενος τὰς παλαιὰς γραφάς. À. V.
Ρ- 188, Ed. Basil.
7 ἘΞ πὶ 0} ᾿ δ \ /
LedE is δὲ, εἰ ἄρα δεῖ χαὶ τούτου μνημονεῦσαι, χατὰ πολὺ διαφεύγων
A / ΩΝ
τὸ ἀσύνετον (συνετὸν ?), ἐνταῦθα διαπέφηνεν. Erirecov γὰρ ἁμαρτήμα-
= ΞΣ 5} AS 5} B 7 \ / ver Ψ CAE x
τι) ἐφύλαζεν αὐτο. Bobetar γὰρ γεγράφθαι τὸ οὐρα HÉTOVX, Wet xat
3: γ - ᾿ _ 7
οὐρα πυώδη χαὶ πάχος ἔχοντα μοχθηρὸν, oùx εἰδὼς τοῦτ᾽ ὅτι ταῦτ᾽ ἐν
τοῖς μεγίστοις βοηθήμασι χαταριθμεῖται. Gal. 1. v. p.188, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 105
voulait qu’on lût, urines rendues avec douleur , οὖρα ἐπίπονα.
L'auteur du commentaire sur les Aphorismes, attribué à Ori-
base , nous apprend que Rufus avait divisé ce traité en quatre
sections , et Soranus en trois !. On peut croire, d’après cette
remarque, que Soranus (le commentaire ne dit pas lequel)
avait aussi fait quelque travail sur les Æphorismes ; ilne reste
aucune trace de ce travail, s’il a existé.
Malgré les divisions, les coupures différentes, les 4pho-
rismes se sont toujours suivis dans le même ordre : Marinus en
fournitune preuve. Dans la septième section , au lieu de : dans
lesbrülures considérables , les convulsions ou le tétanos est fà-
cheux , Marinus lisait : dans les blessures considérables, ajou-
tant que l’aphorisme suivant justifiait cette leçon 3. En effet,
l'aphorisme suivant est relatif aux blessures, et il a conservé
la place qu’il avait du temps de Galien et de Marinus. Or,
celui-ci est antérieur d’une cinquantaine d'années au mé-
decin de Pergame , qui a laissé les Æphorismes dans l’ordre
où ils étaient avant lui. Marinus ἃ été célèbre par ses tra-
vaux anatomiques ; il paraît n’avoir commenté que les 4pho-
rismes d'Hippocrate. Galien le cite un peu plus loin, au sujet
d’un aphorisme difficile à interpréter 5.
Quintus fut disciple de Marinus#, et très versé dans l’ana-
tomie 5 ; il est cité comme ayant commenté les Épidémies et
les Aphorismes. Galien fait peu de cas du commentaire de
. Quintus. Ce dernier , en effet, d’après la seule ligne qui nous
* Oribasii comm. in aphorismos Hippocratis, p. 10, Ed. Basil.
1555.
? Galien, t. v, p. 517, Ed. Basil.
3 Tome v, p. 524, Ed. Basil.
# Galien, t. v, p. 22, Ed. Basil.
? ᾿Ανδρὸς ἀνατομιχωτάτου. Galien, τ. 1v, p. 362, Ed.Basil.
106 IN TRODUCTION.
ait été conservée de lui, attaquait une théorie fondamentale
d'Hippocrate, théorie chère à Galien. C’est une opinion ex-
primée, en divers endroits et sous diverses formes, dans la
Collection hippocratique, que la constitution atmosphérique
étant connue, on peut en déduire quelles seront les mala-
dies régnantes. Cette opinion est-elle , dans les écrits hip-
pocratiques, un résultat d’une observation directe ou de la
théorie, c’est une question que je n’examinerai pas ici pour
le moment. Mais, pour les successeurs d’Hippocrate ét pour
Galien, le rapport, entre la constitution atmosphérique et
les maladies, dérivait bien moins de l'observation que des
doctrines sur les quatre humeurs et sur les qualités élémen-
taires du chaud, du froid , du sec et de l’humide. Or, Quin-
tus prétendait que ces rapports étaient connus par la seule
expérience et sans le raisonnement sur la cause 1. On com-
prend, d’après cette remarque, que Galien ait blämé d’une
manière absolue les commentaires de Quintus, mais rien ne
prouve que ce blâme soit mérité. Au reste, il faut remarquer
que Quintus, rangé par Galien parmi les médecins illustres ,
n’a rien écrit par lui-même 3: c'était Lycus de Macédoine,
qui avait été le rédacteur du commentaire de Quintus, son
maître 5; Lycus composa en outre des commentaires qui lui
appartiennent. C’est ce Quintus qui, sentant le vin, et prié
par son malade de s’éloigner, à cause de cette odeur, répon-
dit : « Vous pouvez bien la supporter, puisque moi je sup-
1 Τῇ πεῖρα γὰρ μόνη τοῦτ᾽ ἐγνῶσθαί φησιν ὃ Κόϊντος ἄνευ τοῦ χα-
τὰ τὴν αἰτίαν λογισμοῦ. Gal. t. v, p. 545, Ed. Β 451.
5. Καὶ μάλισθ’ ὅτι μηδ’ ἔγραψαν ἔνιοι σύγγραμμα μηδὲν, ὥσπερ
Σωχράτης, καὶ 6 Πυθαγόρας, καὶ τῶν καθ᾽ ἡμᾶς ἐνδόξων ἰατρῶν
Κόϊντος. Gal. t. v, p.11, Ed. Β 451.
3 Τοῦ Λύχου, γράφοντος μὲν, ὥς φησιν, ἐξηγήσεις Koïvrou τοῦ δι-
δασχάλου. Gal. t. v, p. 252, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 107
« porte celle de votre fièvre 1. » Quintus fut expulsé de
Rome par les intrigues des autres médecins; on l’accusa de
tuer les malades; mais Galien assure qu'il avait excité une
jalousie telle , par sa supériorité dans art du pronostic, que
ses collègues se liguèrent contre lui et le forcèrent à déserter
la capitale ?.
Il s'était formé plusieurs écoles différentes qui avaient
leurs théories, et qui jugeaient Hippocrate d’après ces
théories mêmes. C’est ce qui irrite souvent Galien contre
les écrivains appartenant à la secte des empiriques, ou à
celle des méthodiques, ou à celle des pneumatiques. Quintus
avait, comme on vient de le voir, opposé sa doctrine à celle
d’Hippocrate; Lycus de Macédoine, son disciple 5, fit de
même. Il avait commenté les Épidémies *, les Aphorismes 5,
et le Traité des humeurs ὃ. On voit, par les citations de Ga-
lien, que Lycus avait critiqué l’histoire d’un malade du
Troisième livre des épidémies, en y opposant certains pas-
sages des Prorrhéliques et un aphorisme ; c’est un des com-
_-mentateurs que Galien traite le plus mal. «Qui supporterait,
« dit-il, limpudence de Lycus le Macédonien , ignorance
« d’Artémidore, la prolixité et les discours incohérents des
«autres ? » Il lui reproche, ce qui est sans doute plus fondé,
de n’avoir pas été fidèle à sa propre doctrine, et d’avoir mêlé
τ Galien, t. v, p. 495, Ed. Basil.
7"? Tome nr, p. 451, Ed. Basil.
3 Et non son maître, comme le dit à tort Ackermann dans son
excellente notice littéraire sur Hippocrate.
4 Galien, t. v, p. 396, Ed. Basil.
5 Ibidem, p. 252. |
6 Galien, Commentaires sur le Traité des humeurs , t. 16,
p. 17, Ed. Κύμη.
7 Ibidem.
108 INTRODUCTION.
aux raisonnements des empiriques des raisonnements em-
pruntés aux dogmatiques ! ; et il ajoute, avec raison, qu'il
faut interpréter un auteur en se mettant à son point de vue ,
Asclépiade en admettant les pores et les atômes, Hippocrate
en admettant les humeurs ?. Cependant Lycus ne fut point
un médecin aussi méprisable que Galien le prétend; il s’é-
tait livré avec distinction à l'étude de l'anatomie, et dans un
long morceau que Galien cite 5 , et où Lycus combat l’apho-
risme que les corps qui croissent ont le plus de chaleur innée,
on le voit certainement plus fidèle que Galien à l'observation -
pure et simple.
Artémidore, surnommé Capiton, donna une édition eom- -
plète des livres d'Hippocrate, qui fut très favorablement ac-
cueillie par l’empereur Adrien. Galien ajoute que, de son
temps , elle était encore très recherchée #. Ce qu'il reproche -
le plus à Artémidore , c’est la licence avec laquelle cet édi-
teur avait altéré le texte en dépit de la consécration -
que ce texte avait reçue par les commentateurs les plus
anciens; il en rapporte bon nombre de preuves. Ainsi
Artémidore, quand le sens le gêne, ne se fait pas faute
d'ajouter une négation 5. On lit dans un passage du
Sixième livre des épidémies une phrase dont le sens ne
parait pas clair à Galien, et qui est en effet fort obscure. Elle
est ainsi conçue : clavicule saillante, veines transparentes
(χλεῖς περιφανέες, φλέφες διαφανέες) : Artémidore changea cela
en : la pléthore excessive est saillante, les veines sont transpa-
rentes (ἣ ἄγαν πλήρωσις περιφανὴς, φλέδες διαφανεῖς). Galien dit
* Galien, t. v, p. 252, Ed. Basil.
> Galien, t. v, p. 596, Ed. Basil.
3 Tome v, p. 554, Ed. Basil.
4 Tome v, p. 4, Ed. Basil.
5 Galien, t. v, p. 489 et p. 572, Ed. Basil.
Ἂ
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 109
qu'il a trouvé, dans tous les manuscrits consultés par lui ,
l’ancienne leçon; que les commentateurs, s'ils avaient ren-
contré quelque part la phrase d’Artémidore , ne se seraient
donné aucune peine pour interpréter un texte aussi clair, et
que rien n’autorisait l'éditeur à faire un changement aussi
considérable 1. Artémidore avait supprimé l’ionisme dans
plusieurs cas, sinon dans tous 3, Son édition a été certaine-
ment une cause influente de l’altération si fréquente de l'io-
nisme des écrits hippocratiques.
Son parent, Dioscoride 5, qu'il ne faut pas confondre avec
l'auteur du Traité de matière médicale, plus ancien que lui ,
publia aussiune édition complète des œuvres d’'Hippocrate, qui
paraît avoir eu une grande conformité avec celle d’Artémi-
dore, et à laquelle Galien distribue à peu près le même blâme
et le même éloge. Elle donne lieu à quelques détails curieux
sur l’ancien état de la Collection hippocratique. Les marnus-
crits du Troisième livre des épidémies, que renferme la Bi-
bliothèque Royale , présentent , après la série des seize ma-
lades dont l’histoire termine ce livre, un passage d’une ving-
taine de lignes qui, dans presque tous les imprimés, est placé
avant l’histoire de ces seize malades. Galien # nous donne
l'explication de l’une et l’autre dispositions. Le passage en
question était mis, dans les anciennes éditions des œuvres
hippocratiques, après l’histoire des seize malades. Dioscoride
reconnut qu'i y avait eu transposition, et, dans son édition,
il le remit à la place qu'il occupe aujourd’hui dans nos im-
primés. Galien le loue de cet arrangement; cependant lui,
dans son commentaire, suit l’ancien texte; l’on voit que nos
: Tome v, p. 488, Ed. Basil.
2 Galien , t. v, p. 442, Ed. Basil.
3 Galien, t. v, p. 4, Ed. Basil.
4 Galien, t. v, p. 451, Ed. Basil.
110 INTRODUCTION.
manuscrits de Paris représentent l’arrangement antérieur à
Dioscoride ; mais les imprimés prouvent ou qu’il nous est ar-
rivé une copie de l'édition de ce médecin, ou que nos édi-
teurs ont suivi son conseil. Il avait eu soin de mettre des
titres aux différentes sections des écrits hippocratiques.
Ainsi dans l'endroit du Troisième livre des épidémies qui
commence par ces mots: année chaude, pluvieuse, Dioscoride
avait mis en titre : Constitution chaude et humide. Les autres
exemplaires n'avaient rien de semblable; cependant quel-
ques-uns avaient : Constitution, χατάστασις 1, Dioscoride se
prétendait plus grammairien que les autres éditeurs ?, et il
avait marqué d’un signe (ὀδελός) certains passages , comme
Aristarque faisait pour les vers d’'Homère qu’il suspectait 5.
C’est sans doute à cause de cette prétention qu’il avait changé
plusieursmots usités en d’autres anciens et inusités, sans rien
changer au sens, et seulement pour substituer des archaïs-
mes aux locutions vulgaires ἢ. Il paraît cependant, d’après
un passage de Galien, que Dioscoride respectait assez son
texte pour mettre à côté de la nouvelle leçon qu'il adoptait ,
l’ancienne qu'il rejetait 5. Ce soin faisait ressembler son édi- -
tion aux nôtres, dans lesquelles nous notons les variantes des
manuscrits. Dioscoride faisant une correction , et ajoutant
qu'il n'avait trouvé que dans deux exemplaires la leçon re-
gardée comme l’ancienne, Galien dit que, pour lui, ayant ΄
parcouru les bibliothèques publiques et privées, il n'avait ,
x
τ Galien, t. v, p. 418, Ed. Basil.
? Galien, t. v, p. 465, Ed. Basil.
3 Galien, t. v, p.17, Ed. Basil.
. ὁ Galien, Glossaire, p.458, Ed. Franz.
5 ?AXN 6 μὲν Διοσχορίδης δευτέραν γραφὴν, ὡς εἴωθε, προσέθηχεν.
Gal. t. v, p. 489, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 111
trouvé que la vieille leçon 1. Dioscoride, que Galien, pour le
distinguer des autres Dioscoride, appelle le jeune, celui qui a
vécu du temps de nos pères ?, avait composé un glossaire des
mots hippocratiques. Mais quoique cet ouvrage fût formé de
plusieurs livres, il ne contenait pas l'explication du tiers ou
même du quart de ces mots. Dioscoride n'avait pas,
à ce qu'il semble, fait une distinction exacte des termes
qu'il fallait interpréter, et il avait donné place dans son
glossaire aux mots les plus usités, aux expressions les plus
claires. « Si quelqu'un ignore , dit Galien, ce que signifient
« ἄμφω, ἀμφίεσμα, et autres semblables, nous le renvoyons à
« Dioscoride et à ceux qui se sont complus à donner de pa-
« reilles explications 5. » En outre, il avait copié de longs
passages de Niger , de Pamphile, de Dioscoride d’Anazarbe,
et avant eux de Cratevas, de Théophraste, d'Héraclide de
Tarente, et d’une foule d'autres, sur les arbres, les herbes ,
les substances minérales, les poissons et les animaux dont il
est fait mention dans les œuvres hippocratiques #. Ces dé-
tails, qui ont paru superflus à Galien , nous auraient été fort
utiles, et il est certainement très-regrettable que l'ouvrage
de Dioscoride ne soit pas parvenu jusqu’à nous. Il avait en
outre exposé les noms des villes les plus connues, des astres
les plus remarquables que, dit Galien, un enfant même
n’ignore pas 5. Au reste, malgré toutes ses critiques, Galien,
ainsi qu'on le voit par son Glossaire, a souvent consulté
Dioscoride.
— Artémidore Capiton et Dioscoride ont certainement con-
τ Galien, tome v, p. 502, Ed. Basil.
* Galien, Glossaire, p. 402, Ed. Franz.
> Galien, Glossaire, p. 408, Ed. Franz.
# Galien, Glossaire, p. 402, Ed. Franz.
5 Galien, Glossaire, p. 402, Ed. Franz.
112 INTRODUCTION.
tribué à entretenir l'étude des œuvres hippocratiques; et ces
deux éditeurs, quoiqu'il ne reste que des traces à demi-ef-
facées de leur œuvre, méritent un souvenir de celui qui,
plus de seize siècles après eux, entreprend la même tâche.
Galien cite un petit nombre de fois ? un commentateur des
Aphorismes, Numésianus ; il donne très peu de détails sur
ce médecin ; seulement il paraît en faire cas; car, après avoir
rapporté une interprétation mauvaise, suivant lui, d’Arté-
midore et de Numésianus, il ajoute : « Cela ne m'étonne pas
« dans Artémidore , puisqu'on trouve dans ses commentaires
«une foule d'erreurs; mais cela m'étonne de Numésianus ,
« qui est un homme de sens et qui n’a pas l'habitude de se /
« perdre en paroles vides ?. »
Galien cite, en même temps que Numésianus ; un auteur
encore plus inconnu, nommé Dionysius, qui avait aussi
commenté les Aphorismes.
\
-ο
΄
Pélops, disciple de Numésianus 5, avait composé un écrit -
intitulé : {ntroductions hippocratiques, qui était au moins en
deux livres, et où il avait soutenu très vivement que le cer-
veau est l’origine non seulement des nerfs, mais encore des
veines et des artères. C'était défendre l'opinion qui se trouve
exprimée dans l’appendice du Traité de la nature de l’homme
Galien regarde cette assertion de Pélops comme la plus sur-
prenante et la plus incroyable ; d'autant plus que Pélops,
dans son Troisième livre de l'anatomie des veines, les faisait
* Tome v, p. 282 et 295, Ed. Basil.
2 ᾿Εγὼ μὲν τὸν Καπίτωνα οὗ θαυμάζω, ἐπειδὴ πάμπολλα ἐστιν
εὑρίσκειν αὐτοῦ ἁμαρτήματα. τὸν δὲ Νουμεσιανὸν πάνυ θαυμάζω ὡς
χαὶ συνετὸν χαὶ φρόνιμον χαὶ μὴ εἰωθότα παραληρεῖν. t. XVI, p. 197,
Ed. Kübn.
Gal: t. v, p. 29, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 113
venir du foie !. Pélops avait traduit les 4phorismes en latin,
‘rendant avec beaucoup de soin le mot pour le mot 3. Le
maître de Galien disait que la vie humaine se divise en cinq
parties, l’oisive, la laborieuse , la virile, la sénile, et la décré-
pite. L’oisive est celle de la première enfance où l'intelligence
n’est pas développée; la laborieuse, celle où commencent
les exercices et les travaux de la jeunesse; la virile, celle
qui se distingue par la force de l’âge; la sénile, celle où l’on
voit le déclin de la vigueur ; la décrépite, qui est dite bonne
ou mauvaise, comme la fin de toute chose 5.
Satyrus et Phécianus ou Éphicianus (car c’est le même
personnage, et il ne faut pas en faire deux individus diffé-
rents, comme Ackermann, dans la Bibliothèque grecque)
avaient aussi commenté tout ou partie des œuvres d’Hippo-
crate. Ils avaient été tous deux disciples de Quintus #, et tous
deux maîtres de Galien ὅ. Pélops aussi avait été précepteur
du médecin de Pergame, qui l'avait écouté après Satyrus.
Celui-ci suivit très exactement les leçons de son maître
Quintus, n’y ajoutant, ni n’en retranchant rien; Phécianus
employa, dans lexplication des doctrines hippocratiques ,
* Καὶ τόγε θαυμασιώτατόν re χἀὶ ἀπιστότατον ὃ Πέλοψ ἔπαθεν.
ἐν μιδ πραγματεία τῶν τε φλεδῶν ἀρχὴν κατεσχεύασε τὸν ἐγχέφαλον"
ἀνατομήν τε γράφων αὐτῶν, ἀφ᾽ ἥπατος ἤρξατο- χατὰ μὲν τὸ δεύτερον
σύγγραμμα τῶν Ἱπποχρατείων Εἰσαγωγῶν εὖ μάλα γενναίως ἀγώνι-
σάμενος ὑπὲρ τοῦ δεῖξαι τὸν ἐγχέφαλον οὐ νεύρων μόνον, ἀλλὰ καὶ
φλεύῶν χαὶ ἀρτηριῶν ἀρχήν" ἐν δὲ τῷ τρίτῳ τῆς ᾿Ανατομῆς τῶν
- “ #1 - .
φλεδῶν ἀφ᾽ ἥπατος ἀρξάμενος. Gal. t. x, p. 302, Ed. Basil.
? Oribasii Comm. in Aphorismos Hippocratis, p. 8, Basileæ,1535.
3 Oribasii Comm. in Aphorismos Hippocratis , p. 10, Basileæ,
1555.
4 Galien, t. 1v, p. 370, Ed. Basil.
? 2 »
5 Galien, t.xvr, p. 484, Ed. Κύμη.
TOM. I. 8
114 INTRODUCTION,
les dogmes du stoicisme, qu'il embrassa. Galien f le dit à
propos d’une opinion sur la sensation, qu’un philosophe
stoicien soutenait, et que Phécianus adopta. On trouve l’in-
dication, que Phécianus expliqua , entr’autres , le livre de
l’'Officine du médecin, et lui et Satyrus le traité des Humeurs?.
Le dernier commentateur, avant Galien, qui me reste à
nommer est un médecin d'Alexandrie nommé Julien, qui
avait composé quarante-huit livres contre les Æphorismes
d'Hippocrate. Nous avons de Galien un petit écrit polémique
contre le deuxième livre de Julien, lequellivre était tout entier
consacré à la réfutation du second aphorisme de la première
section. Galien traite très mal Julien. « Je demande, dit-il ,
«la permission de punir son ignorance en termes rudes, -
« dont je n’ai pas l’habitude de me servir 5. » D'abord, il
n’est pas vrai que Galien ménage tant ses termes dans sa
polémique; puis, à en juger par les courts fragments que
Galien nous ἃ conservés, Julien ne paraît pas un médecin si
méprisable. Il fait des objections très fondées à la théorie
qui place la cause des maladies dans les humeurs : il dit que,
si cette théorie était vraie, on n’aurait besoin contre toute
affection que de moyens évacuants : la saignée, les phleg-
magogues et les cholagogues quand le mal serait dans le
sang, la pituite ou la bile #. « Ils ne me persuaderont ja-
« mais, ni à moi, ni à eux, disait-il en parlant des médecins
« ses adversaires, qu'ils savent ce qu’est la nature, grand
« mot qu’ils vont répétant de tous côtés, et dont ils font,
: Tome v, p. 665, Ed. Basil.
2 Gal. Comm. in lib. de Hum. t. xvr, p. 484, Ed. Κύμη.
3 Δέομαι οὖν συγχωρῆσαί μοι χολάσαι τὴν ἀπαιδευσίαν αὐτοῦ λό-
vous τραχυτέροις ὧν οὐχ εἴθισμαι χρῆσθαι. T. ν, p. 558, Ed. Basil.
4 Αἵματος μὲν ὄντος μόνη ἀρχεῖσθαι φλεδοτομία, φλέγματος δὲ,
φλεγμαγωγῷ , χολῆς δὲ, χολαγωγῷ. Gal. t. v, p. 342, Ed. Basil.
᾿ς
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 115
« tantôt une substance simple, tantôt un mélange de sub-
« stances, tantôt une combinaison du froid et de l'air 1. »
ΤΙ faut placer à une époque incertaine, mais avant Galien ,
qui le cite, un médecin anonyme qui avait composé un
-Traité sur le régime suivant Hippocrate, et qui l'avait dédié
à Victor, consul romain ?.
On peut juger, après une si longue énumération , s’il est
vrai que l'étude d'Hippocrate était négligée du temps de
Galien, et que ce médecin ait eu le mérite de tirer de l'oubli,
où ils étaient tombés, les écrits de l’asclépiade de Cos.
Avant de quitter tous ces commentateurs et de passer à
Galien , il ne sera pas inutile de rapporter le jugement que
le médecin de Pergame ἃ prononcé sur eux en masse. En l’ab-
sence de leurs écrits, ce sera un renseignement sur ce qu’ils
ont pu être. Il est très probable aussi que la liste de com-
mentateurs, que j'ai dressée, ne contient pas tous ceux qui
avaient travaillé à la critique des écrits hippocratiques.
Nous n'avons là que les noms qui se trouvent cités dans
les écrivains qui sont parvenus jusqu’à nous; mais le nombre
en était sans doute plus grand, et Galien parle souvent
des commentateurs en général, sans en nommer un en par-
ticulier. Je donne ici l’avis de Galien sur eux, j'ai indiqué
plus haut, en certains cas, les restrictions qu'il faut y ap-
porter.
Les commentateurs avaient fait beaucoup de recherches
sur les noms des malades et sur leurs habitations. Ainsi, dans
1 Οὐδ᾽ ἂν πείσειαν ἡμᾶς τε καὶ αὐτοὺς ἐπ’ ἀληθείᾳ, ὅτι ἴσασι τί
ἣ φύσις ἐστὶν, ἣν ἄνω τε χαὶ χάτω θρυλλοῦσι τραγῳδοῦντες ἤτοι
θερμὸν ἁπλοῦν ἢ χρᾶμα χὰξ μίξεως, ἢ ψυχροῦ οὐσίαν καὶ πνεύματος.
Gal.t. v, p. 559, Ed. Basil.
2 Τὸ περὶ τῆς καθ᾽ Ἵπποχράτην διαίτης. — Βίχτωρι, τῷ Ῥώμης
ὑπάρχῳ, t. v, p. 86, Ed. Basil.
116 INTRODUCTION.
le Troisièmelivre des épidémies , Hippocrate ayant dit qu'Her-
mocrate demeurait auprès de la nouvelle muraille, certains
commentateurs prétendaient que cette circonstance avait été
notée à dessein, parce que une nouvelle construction est
malsaine ; d’autres, les contredisant, voulaient prouver que
ce n’était pas à cause de la chaux qu'Hippocrate avait fait
mention de la nouvelle muraille, mais parce que cette bà-
tisse avait gêné l’accès de l'air et du soleil à la maison qu'Her-
mocrate habitait 1.
Les commentateurs s’attachaient à prouver qu’Hippocrate
avait bien fait de noter la patrie du malade; car, ajoutaient-
ils, Asclépiade a dit que les habitants de Parium étaient par-
ticulièrement soulagés par la saignée 2. Galien les bläme beau-
coup de ces inutilités. Plusieurs des commentateurs, négli-*
geant le point de vue médical et ne s’occupant que de l’in-
terprétation grammaticale, vont au plus facile. Ainsi, dans *
un endroit du Sixième livre des épidémies, où les squames
du pityriasis de la tête sont mentionnées, en même temps que
le développement d’air dans l’intérieur du corps, ils ne
s'inquiètent nullement de ce qui se présente chez les ma-
lades; mais, prenant les mots tels qu'ils sont donnés, ils
s'efforcent d'expliquer le texte, en disant que les squames
sont engendrées par des humeurs portées vers la tête, que
ces humeurs sont entraînées vers les parties élevées par un
air chaud , et que, pour cette raison, il s’agit, dans le passage
susdit, d'air et de flatuosités. Galien combat une telle inter-
prétation , en remarquant qu’il a vu beaucoup de personnes
atteintes de pityriasis du cuir chevelu sans aucun dévelop-
? Galien, t. v, p. 599, Ed. Basil.
2 Καὶ γὰρ ὕπ᾽ Ἀσχληπιάδου λελέχθαι τοὺς ἐν Παρίῳ μάλισθ᾽ ὑπὸ
φλεθοτομίας ὀνίνασθαι. Gal. & v, p. 452. J'ai l'édition de Bäle
sous les yeux, ct je corrige οὐχ en ὕπ᾽.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 117
pement de flatuosités ; et il ajoute, que le passage en question
ne peut être expliqué que médicalement , et que l'interprêter
ainsi, mot à mot, c’est se borner à lire les livres des anciens
médecins comme ceux des historiens, Hérodote et Cté-
sias, et renoncer à y chercher des enseignements utiles à
l'art 1.
Ailleurs il dit : « J'admire les commentateurs, ils préten-
«dent seuls comprendre des passages énigmatiques que per-
« sonne ne comprend ; quant aux propositions qui sont claires
« pour tout le monde, ce sont les seules qu’ils ne compre-
« nent pas 3.»
Galien , continuant ses reproches aux commentateurs,
dit: «Qu'un d’eux ait à lire une telle observation : Le premier
« jour on tira à la malade une livre et demie de sang , le trot-
« sième quère plus d’une demi-livre, car il y avait huit onces.
« Le professeur 5 commentateur expliquera ce que les Grecs
« appelaient livre et once ; le médecin voudra savoir quels
« signes indiquaient la saignée. Cela vaut mieux que de re-
« chercher duquel des Prodicus Hippocrate ἃ entendu par-
« ler #. » Galien ἃ raison à certains égards. Cependant si les
anciens commentateurs que le médecin de Pergame critique
ainsi étaient arrivés jusqu’à nous, nous y trouverions des
renseignements historiques plus intéressants et plus utiles
que certaines longues dissertations médicales où il ne fait que
développer ses hypothèses favorites. II les blâme de rappor-
ter, à propos d’une proposition, toutes les propositions sem-
blables qui se trouvent dans la Collection hippocratique ,
? Galien, t. v, p. 479, Ed. Basil.
"2 Tome v, p. 485, Ed. Basil.
5. Σοφιστής. Ce titre ou celui de ἰατροσοφιστής fut souvent donné
particulièrement aux professeurs de l’école d'Alexandrie.
4 Tome v, p. 486, Ed. Basil.
118 INTRODUCTION.
prétendant qu’il faudrait une année pour lire detels ouvrages
qui, ainsi, restent sans utilité 1. Le bläfhe de Galien ἃ pu
être juste; néanmoins il ne serait pas indifférent pour nous
de posséder les anciens commentaires faits sur ce modèle.
Certains commentateurs, quand même ils le voudraient, ne
pourraient trouver les bonnes explications, parce qu'ils n’ont
aucune expérience des choses elles-mêmes; ils se sont occu-
pés de l'interprétation des mots, et ils sont devenus ce qu’on
appelle médecins en paroles 3. Ce qu'Hippocrate ἃ très clai-
rement dit, les commentateurs l’expliquent mal à cause de -
leur ignorance en médecine; mais ils voient clair dans les
propositions obscures , et prennent sur eux d’en changer ar-
bitrairement le texte, bien qu’ils ne s'entendent pas sur
l'explication 5. Ils n’arrangent pas les interprétations d’après
les textes, mais ils arrangent les textes d’après les interpré- {
tations qu'ils ont imaginées 4.
Veut-on avoir un exemple dela manière dont certains com-
mentateurs expliquaient les écrits hippocratiques? Il est dit
dans le Sixième livre des épidémies : toux sèche, non férine,
βὴξ ξηρὴ, μὴ θηριώδης Qu'est-ce qu’une toux férine, se sont-ils
demandé? Les uns ont prétendu que c’était une toux pro-
duite par des vers placés à l’orifice de l'estomac (les Grecs
appellent les vers θηρία); les autres ont soutenu qu'il s’agis-
sait de la toux des phthisiques, dont les ongles se recourbent
comme ceux des animaux 5. Il est certain que ce ne sont pas
ces explications alambiquées et absurdes qui rendent regret-
table la perte des anciens commentaires.
* Tome v, p. 695, Ed. Basil.
5 Tome v, p. 695, Ed. Basil.
3 Galien, t. v, p. 487, Ed. Basil.
ή Galien, t. v, p. 511, Ed. Basil.
5 Galien, t. v, p. 462, Ed. Basil.
‘
SÉRIE DES COMMENTATEURS, 119
Le mot coma dont Hippocrate se sert pour exprimer la
propension morbide au sommeil, avait fourni matière à des
explications si longues qu’elles formaient, dans les ouvrages
de certains commentateurs, un volume tout entier 1.
Les grands travaux de Galien sur Hippocrate ont été con-
. servés pour la plupart; aussi je ne m’y arrêterai pas long-
temps. Nous possédons de lui des commentaires sur le Traité
de la nature de l’homme ; sur le Régime des gens en santé
(ces deux n’en faisaient qu'un dans l'antiquité) ; sur le Ré-
gime dans les maladies aiguës ; sur le Pronostic ; sur le Pre-
mier livre des prorrhétiques ; sur les Aphorismes ; sur le pre-
mier , le deuxième , le troisième et le sixième livre des Épi-
démies ; sur le Traité des fractures ; sur le Traité des articu-
lations; sur le livre de l’Officine du médecin ; sur le Traité des
humeurs ; des fragments de son commentaire sur le Traité
des airs, des eaux et des lieux, et sur le Traité de l'aliment,
et un Glossaire sur les mots difliciles de la Collection hippo-
cratique. Nous avons complètement perdu les commentaires
sur le livre des Ulcères; sur Le lisre des Plaies de la tête; sur
le livre des Maladies, et sur celui des Affections ? ; un Traité
sur l'anatomie d’Hippocrate, en six livres 5; un Traité pour
expliquer les caractères qui se trouvent dans le troisième livre
des Épidémies, promis, sinon exécuté; un Traité sur le dia-
lecte d’Hippocrate 5 ; enfin un livre sur les véritables écrits du
médecin de Cos$. L’'indication de tous ces commentaires se
* Galien, t. v, p. 401, Ed. Basil.
2 Ὃσα τε ἐν τοῖς Περὶ νόσων ἢ περὶ Παθῶν γέγραπται, κατὰ τὴν
ἐξήγησιν αὐτῶν ἐπισχεψόμεθα. Gal. t. v, p. 77, Ed. Basil.
3 Tome v,p. 616, Ed. Basil.
4 Tome v, p. 456, Ed. Basil.
$ Tome v, p. 595, Ed. Basil.
5 Ed. Chartier, t. var, p. 209.
120 INTRODUCTION.
trouve Las la notice que Galien a composée sur ses livres
propres 1, à part ceux pour lesquels j'ai noté des citations —
particulières. Galien , en différents endroits de ses commen-
taires, annonce qu'il écrira un livre sur les recherches histo-
riques auxquelles donnent lieu les ouvrages hippocratiques ,
ajoutant que de pareilles recherches sont placées hors de son
objet actuel, et que ses commentaires sont tout entiers ré-
servés aux explications médicales. Il est certain qu’une divi-
sion ainsi établie marque beaucoup de jugement , et un égal
discernement de ce qui est pratique de l'art et érudition; il
est facheux que ce traité ne soit pas arrivé jusqu’à nous.
Ïl ne nous reste donc de ses commentaires que la partie -
médicale. Quoique son but ait été presque uniquement d’en
faire un enseignement de la médecine, cependant il a été
forcé, par la nature même de son sujet, d’entrer dans des
détails philologiques à propos des différentes leçons que pré-
sentaient, de son temps, les manuscrits, et des différentes
interprétations qu'avaient données ses prédécesseurs. En
cela, il s’est montré généralement critique habile et sensé.
« La règle, dit-il, qui m'a paru préférable à suivre, a été
« de conserver la leçon ancienne, et de m’efforcer de l’ex-
« pliquer ; je n’ai essayé ΟὟ introduire une correction plau-
« sible, que lorsqu'il m’a été impossible d’en tirer un sens 3.
« Je préfère les leçons anciennes , même lorsqu’elles parais-
« sent obscures et d’une explication difficile, car c’est une
« raison de croire qu’elles sont véritables : les anciens com-
« mentateurs les admettent ; et, s’ils avaient osé les changer,
α ils n'auraient pas manqué de leur donner un sens plus
« clair 5. »
Tome 1v, p. 566, Ed. Basil.
+ Tome v, p. 442, Ed. Basil.
3 Tome y, p. 475, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 1921
« Autre est l’enseignement, dit-il ailleurs 1, que l’on donne
« directement sur un sujet ; autre est celui qui ἃ pour objet
« l'explication d’un texte : dans le premier cas, il suffit d’ex-
« poser les choses telles qu’elles sont ; dans le second, il faut
« d’abord connaître l'opinion de l’auteur ancien. Ce n’est
« donc qu'après une étude préliminaire qu’on peut écrire le
« commentaire. Le sens du texte étant une fois déterminé ,
« reste à examiner s’il est conforme ou non à la vérité. »
On voit par ces citations que Galien avait parfaitement
compris les devoirs d’un médecin critique, et qu’il avait fait
une part aux recherches historiques que réclamaient la per-
sonne et les écrits d’Hippocrate; une part à la correction du
texte ; une part enfin, et la plus grande, à l'explication mé-
dicale. Aussi ses commentaires offrent une source précieuse
de renseignements qui aident beaucoup à comprendre les
écrits hippocratiques. On ne peut trop faire usage des con-
seils, des corrections et des explications d’un homme qui se
donnait le soin de consulter les manuscrits, qui avait à sa
disposition d’antiques bibliothèques, maintenant anéanties ,
qui possédait de très grandes connaissances dans la philoso-
phie et les sciences, et qui est resté un maître dans la méde-
cine. Le défaut de ses commentaires est non pas tant la pro-
lixité, comme on l’a souvent dit, que le désir de soutenir
ses propres théories à l’aide des écrits hippocratiques. Aussi
néglige-til, dans ces écrits, les théories qui ne concordent
pas avec les siennes, et il exalte outre mesure celles qui,
comme la doctrine des quatre humeurs, forment la base de
son propre système. Un autre défaut, c’est qu'il est extraor-
dinairement avare d'observations, de faits particuliers et de
descriptions de maladies. Nous goûterions davantage les dé-
* Tome v, p. 597, Ed. Basil.
122 INTRODUCTION.
veloppements sur ses théories, s’il y avait joint, comme Hip-
pocrate dans les Épidémies, l'histoire d’un certain nombre
de ses malades.
Galien répète à diverses reprises !, qu'Hippocrate ne s’est
pas occupé des maladies en historien, comme Thucydide de
la peste d'Athènes. Il assure que l’auteur athénien n’a écrit
que pour le vulgaire, et n’a dit que des choses sans portée
scientifique, Je ne puis nullement partager l'opinion de Ga-
lien. La description de Thucydide est tellement bonne qu’elle
suffit pleinement pour nous faire comprendre ce que cette
ancienne maladie ἃ été; et il est fort à regretter que des
médecins tels qu'Hippocrate et Galien n’aient rien écrit sur
les grandes épidémies, dont ils ont été les spectateurs. Hip-
pocrate a été témoin de cette peste racontée par Thucydide ,
et il ne nous en pas laissé de description. Galien vit égale- ἢ
ment la fièvre éruptive qui déscla le monde sous Marc-
Aurèle, et qu'il appelle lui-même la longue peste. Cependant
excepté quelques mots épars dans ses volumineux ouvrages,
excepté quelques indications fugitives, il ne nous ἃ rien
transmis sur un événement médical aussi important , à tel
point que, si nous n’avions pas le récit de Thucydide, il nous
serait fort difficile de nous faire une idée de celle qu’a vue
Galien, et qui est la même (comme M. Hecker s’est attaché à
le démontrer 3) que la maladie connue sous le nom de Peste
d'Athènes. C'était une fièvre éruptive, différente de la va-
riole, et éteinte aujourd’hui. On a cru en voir des traces
dans Les charbons (ἄνθραχες) des livres hippocratiques.
Galien est le dernier des grands médecins de l'antiquité ; -
il s’en trouve après lui d’estimables, mais ils ne sont plus
* Tome v, p. 652, Ed. Basil.
2 De Peste Antoniani.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 123
créateurs, et les meilleurs d’entr’eux luttent en vain contre
la décadence de la science. Les commentateurs qui vien-
nent après lui, nousintéressent beaucoup moins que ceux qui
l'avaient précédé. D’une part, ils s’éloignent de plus en plus
de l’ancienne médecine; les livres disparaissent par les in-
cendies, par les guerres; on néglige de les recopier tous ;
les sources deviennent moins abondantes , les documents
moins authentiques; de sorte que nous trouvons dans les
commentateurs récents peu de renseignements qui ne soient
pas déjà dans les commentateurs anciens, et surtout dans
Galien. D'une autre part, l'originalité leur manque gé-
néralement; leur admiration pour l’auteur qu'ils com-
mentent, croît avec leur impuissance; et les explications
médicales qu'ils donnent, sont, comme les renseignements
historiques qu'ils contiennent, inférieurs à ce qui provient
d’une plus haute antiquité, Je m’étendrai donc peu sur ces
commentateurs, qui d’ailleurs ne sont pas très nombreux.
_ Nous ne savons rien sur Domnus et Attalion cités comme
commentateurs des ÆAphorismes dans le commentaire
attribué à Oribase !. Ce dernier cuvrage, comme on l'a
démontré, porte à tort le nom du célèbre médecin de
l'empereur Julien; il présente des traces évidentes d’une
époque postérieure, et n’a jamais été écrit en grec. L'auteur
réel en estignoré. Au reste ce commentaire, à part la pré-
face qui contient quelques renseignements curieux, est tout
entier consacré à des explications médicales dont la valeur
n’est pas très grande.
D'après le témoignage de Suidas, Philagrius avait aussi
écrit sur Hippocrate. Ce médecin fut connu par un grand
τ Oribasii comm. in Aphorismos Hippocratis, p. 8, Basileæ
1555.
124 ; INTRODUCTION.
nombre d’écrits dont quelques fragments nous ont été con-__—
servés. Théophile cite deux passages, relatifs aux Aphoris-
mes, du commentaire de ce médecin , auquel il donne le nom
d’ambulant ou de périodeute 1. Dans le premier il s’agit de -
l’'aphorisme relatif à l'emploi du froid : « J’ai rencontré, dit
«à ce sujet Philagrius, un malade ayant une intempérie
« chaude, ardente de la tête. Ayant employé plusieurs re-
« mèdes froids, je n’obtins aucun amendement ; plus tard je
« Jui rasai complétement les cheveux, et je lui appliquai de la
« neige sur la tête. De cette façon, l’intempérie fut éteinte,
«et je le guéris de son mal. La neige est un moyen que l’on
« peut employer dans ces cas. 3.»
Ailleurs Philagrius, arrivé à l’aphorisme où il est question
de la guérison de l’ophthalmie par le vin pris à l’intérieur,
s’étend longuement sur les qualités que doit avoir le vin
employé contre les inflammations de l'œil, indique qu’on se
servira de vin blanc doux, jeune, et ajoute que, si le malade
a la tête susceptible, on coupera le vin avec de l’eau 5.
Gésius est un autre commentateur des Aphorismes d'Hip-
pocrate, ou du moins il les expliquait à ses élèves. Dans le
dernier aphorisme de la deuxième section il est dit : qu’une
grande taille va bien à la jeunesse, mais se déforme dans un
τ Ὁ δὲ Φιλάγριος ὃ περιοδεύτης. Schol. in Hipp. t. 11, p. 457,
Ed. Dietr.
= ͵
2 Περιέτυχόν τινι ἔχοντι χεχαυμένην καὶ φλογώδη χαὶ ζέουσαν
δυσχρασίαν ἕν TA ΧΕ χροὶ πολλοτο νοοῖ ἤμασι χογσάμ:-
δυσχρασίαν ἐν τῇ χεφαλῇ, χαὶ πολλοῖς ψυχροῖς βοηθημασι χρησάμε
A 5 το \ \ /
vos, οὐδὲν ὠφέλησα. Εἶτα μετὰ ταῦτα ἐξύρησα αὐτὸν χαὶ ἀφειλάμην
Lod ω = Le 4
αὐτοῦ τὰς τρίχας, καὶ χατέπασα αὐτοῦ τὴν xEpahV χιόνι, χαὶ οὕτως
ἔσδεσα τὴν δυσχρασίαν - χαὶ ἰασά ὑτὸν τοῦ νοσή Καὶ ἔστι
ε ἣν δυσχρασίαν - χαὶ ixcaunv αὐτὸν τοῦ νοσήματος. Kat
χαὶ θεράπεια ἔχ χιόνος ἐν τούτῳ. Schol. in Hipp. t. 11, p. 457, Ed.
Dietr.
> Schol, in Hipp., t. &, p. 501, Ed. Dietz.
SÉRIE DES COMMENTATEURS, 195
âge avancé. Gésius, quand il en venait là dans ses leçons,
disait à ses disciples : « Si vous voulez vous convaincre de la
« vérité des paroles d’Hippocrate, vous n’avez qu’à me con-
« sidérer. » En effet, dans sa jeunesse il avait été d’une taille
élevée et d’un bel extérieur ; mais en avançant en âge il était
devenu tout courbét. |
Asclépius , médecin du reste ignoré, n’est connu que par
le scholiaste que M. Dietz vient de publier, et qui le cite
comme ayantcommenté les 4phorismes. Asclépius, qui paraît
avoir travaillé sur toutes les œuvres hippocratiques ?, s’était
imposé une bonne méthode, c'était d'expliquer Hippocrate
par lui-même. Mais, à en juger d’après le petit nombre
d'exemples que Théophile en rapporte, Asclépius avait suivi
cette méthode avec peu de jugement et avec un esprit étroit;
ainsi, plusieurs commentateurs ayant condamné l’aphorisme
qui attribue de l'utilité aux affusions froides dans les douleurs
de la goutte et des contractions musculaires, Asclépius le
défend : « Le froid, dit-il, est utile dans ces cas, non par sa
« nature propre, mais accidentellement et parce que, concen-
« trant la chaleur innée, il la multiplie et dissipe la cause mor-
« bifiquet. » Cette explication, si elle se tient près des termes
d'Hippocrate, est éloignée de son esprit. Ge même médecin
rapporte une observation de superfétation dont je lui laisse
la garantie : « J'ai vu, dit-15, une femme, qui, étant en-
τ Schol. in Hipp.,t. n, p. 545, Ed. Diet.
2 Ὁ ὑπομνηματιστὴς τοῦ ᾿Ἱπποχράτους. Schol. in Hipp. t. 11,
p- 458, Ed. Dietz.
3 Ex τῶν Ἱπποχράτους τὰ Ἱπποχράτους ἐξηγούμενος. Schol. in
Hipp. t. τι, p. 458, Ed. Dietz.
& Schol. in Hipp., t. τι, p.458, Ed. Diet.
5 Ἐγὼ ἐθεασάμην μετὰ τὴν σύλληψιν χαὶ xuopoptav ὅτι πάλιν συ-
νουσίασε τῷ ἀνδρὶ τυχὸν ἐν τῷ ἕχτῳ μηνὶ τῆς χυοφορίας, χαὶ δὴ τὸ
- = 1 2 S 14 τ
μὲν πρῶτον ἔμόρυον ἐν τῷ ἐννάτῳ μιηνὶ ἀπέτεζεν, εἰτα μετὰ ἕξ μῆνας
126 INTRODUCTION.
« ceinte, eut des rapports avec son mari au sixième mois de
« sa grossesse; au neuvième mois elle accoucha d’un pre-
« mier enfant, et, six mois après cet accouchement, elle en
« mit un autre au monde. »
Étienne d’Athènes cite, dans ses propres commentaires ,
un auteur qu'il désigne par le nom de nouveau commen-
tateur (6 νέος ἐξηγητής). et qui, ainsi que le conjecture
M. Dietz, est sans doute Asclépius 1. Ce nouveau commen-
tateur essaie de prouver que le siége de l'intelligence est
dans le cœur. Hippocrate, dans le Pronostic, dit que l’in-
flammation de l'oreille détermine par fois le délire; de là,
les interprètes ont tiré la conclusion qu'il plaçait le siége de
l'intelligence dans la tête. Le nouveau commentateur combat
ce point de doctrine : « Ce n’est pas à cause du cerveau,
« c’est à cause de la fièvre que le délire est survenu; Hippo-
« crate dit lui-même qu'une fièvre aiguë s'était établie. La
« fièvre prend son origine dans le cœur, le délire est pro-
« duit par la fièvre, donc l'intelligence est dans le cœur 2.»
Tous ces commentaires ont péri; il n’en est pas de même “
de ceux de Palladius. Ce dernier, qui porte le nom d’Iatro-
sophiste alexandrin, et qui ἃ vécu probablement dans le sep-”
tième ou le huitième siècle de l’ère chrétienne , a composé
des explications sur le Traité des fractures et sur le Sixième -
livre des épidémies. Les premières ont été publiées en grec
par Foës dans son édition d'Hippocrate; les secondes par
M. Dietz dans sa collection des scholiastes grecs. Ces com-
mentaires contiennent beaucoup d'emprunts à Galien, et
τοῦ τεχεῖν αὐτὴν, ἔτεχε χαὶ τὸ ἄλλο ἔμόρυον. Schol. in Hipp. t. τι,
p. 470, Ed. Dietz.
r Schol. in Hipp., t. 11, p. x.
2 Schol. in Tipp., t. 1, p. 209, Ed. Dietz.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 197
Paliadius dit comme lui : « Nous autres médecins nous nous
« occupons des choses et non des mots. » Malheureusement
ila moins de titres pour tenir ce langage que l’illustre méde-
cin de Pergame ; et, après avoir lu les commentaires de ce
dernier , on ne retirera qu’un médiocre fruit de ceux du pro-
- fesseur d'Alexandrie.
On peut placer, suivant M. Dietz 1, à peu près au même
- temps que Palladius, Jean d'Alexandrie, dont 1l nous reste
un fragment d’un commentaire sur le Traité de la nature de
l'enfant. Get écrit , qui n’est pas inutile à l'interprétation de
l'ouvrage hippocratique , nous apprend que le Traité de la
nature de l'enfant avait été commenté plusieurs fois. Au-
cun de ces commentaires n’est venu jusqu’à nous; celui de
Jean est le seul qui ait été conservé, encore est incomplet.
J'yremarqueune citation de Démocrite, qui disait : «C’est l’in-
« telligence qui voit, c’est l'intelligence qui entend, tout le
« reste dans le corps est aveugle ef sourd ?. » Jean commet
l'erreur chronologique de placer Hippocrate après Platon 5.
On manque de renseignements sur Étienne d'Athènes. On
le confond ordinairement avec un autre Étienne d’Alexan-
- drie; mais, suivant M. Dietz#, ce sont deux personnages
_ différents; et celui d'Alexandrie était un alchimiste. On
ignore l’époque où Étienne d’Athènes a vécu. M. Dietz ne
serait pas éloigné de le faire contemporain de l’'empe-
* Schol. in Hipp., t. 11, p. ναὶ, Ed. Diet.
2 Νοῦς γὰρ 60% καὶ νοῦς ἀχούει, τὰ δ᾽ ἄλλα τοῦ σώματος τυφλὰ
χαὶ μάταια. Schol. in Hipp. t. n, p. 215, Ed. Dietz. Cela est attribué
à Epicharme par Théodoret, De Græc. affect. cur. lib. 1.
3 Ταῦτα Ἱπποχράτης λαῤφὼν παρὰ Πλάτωνος. Schol. in Hipp. t.
u,p. 26, Ed. Diet.
4 Schol. in Hipp.,t τ, Ρ. x1x.
128 INTRODUCTION.
reur Héraclius ; cependant il observe qu'il se trouve,
dans le commentaire d’Étienne sur le Livre thérapeutique
de Galien adressé à Glaucon, des mots qui paraissent
d'une grécité beaucoup plus récente que cette époque ?.
Quoi qu’il en soit, Étienne est certainement le plus impor- 7
tant de tous ces commentateurs modernes d'Hippocrate.
Nous possédons de lui un commentaire sur les Aphorismes , d
et un autre sur le Pronostic. Ces deux ouvrages, qui ont été
publiés pour la première fois en grec par M. Dietz, forment A
un utile complément aux commentaires de Galien lui-même.
On y trouve des explications, des rapprochements et des ci-
tations que l’on chercherait vainement ailleurs. M. Dietz a
rendu un véritable service à l’érudition médicale en don-
nant une édition de cet auteur.
Au reste, ce qui ajoute encore à l'incertitude sur Étienne,
c’est que des commentaires qui sont identiques dans une
grande étendue avec les siens portent le nom de Mélétius.-
Est-ce Mélétius ou Étienne qui en est l’auteur?
Théophile ou Philothée (car c’est probablement le même
nom et le même personnage) est appelé dans les anciens ma-
nuserits médecin, protospathaire, ou chef des gardes, moine "
et philosophe. Il fut certamement chrétien, et Fabricius croit
qu’il vécut du tempsdel’empereur Héraclius. On prétend gé- |
néralement qu'il fut le précepteur d'Étienne, mais M. Dietz?
est contraire à cette opinion, et il montre que Théophile n’est
qu'un abréviateur des explications d'Étienne. Le commen- ”
taire qui nous reste de Théophile est sur les {phorismes. Ce -
Théophile ne fait pas preuve d'indépendance d'esprit à pro-
pos de l’aphorisme : « L’afflux du sang dans les mamelles
* Schol. in Hipp., t. 11, p. x1x.
3. Schol. in Hipp., t. 15, p. x.
SERIE DES COMMENTATEURS. 129
« chez les femmes annonce la folie. » Théophile remarque
que Galien regarde cette proposition comme fausse, puis il
ajoute : «Comme nous savons qu'Hippocrate ne s’est jamais
« trompé, nous ajouterons, pour corriger Galien , que ce
« phénomène a été observé, mais rarement, par Hippo-
« crate. Quant à nous, nous n’en avons jamais vu d’exem-
« ple 1. »
Il faut mettre, à côté des abréviateurs comme Théophile,
Damascius, dont M. Dietz ἃ aussi publié pour la première
fois en grec le commentaire sur les Æphorismes. Après ces
écrivains , les travaux des Grecs vont en se ralentissant de
plus en plus, mais les Arabes leur succèdent dans la culture
de la médecine; ils traduisent et commentent à leur tour
Hippocrate jusqu’au moment où l'Occident reprendle sceptre
des sciences.
La traduction latine que Pélops avait donnée des 4pho-
rismes n’est pas la seule que l'antiquité ait possédée. Cassio-
dore, qui avait été ministre de Théodorie, roi des Ostrogoths,
-cite une traduction latine d'Hippocrate, qu'il recommande ,
avec Galien et Cœlius Aurelianus , comme la source de lin-
struction médicale 3.
Je me suis attaché, dans la liste de commentateurs que
le lecteur vient de parcourir, à donner autant de détails que
je l'ai pu sur ceux dont les écrits ont complétement péri ;
passant beaucoup plus légèrement sur ceux qui subsistent
1 AN ἐπειδὴ ἴσμεν μιηηδέποτε ψευσάμενον τὸν ἹἽπποχράτην, ra-
ραμυθίας ἕνεχεν τοῦ λόγου ἐξηγησώμεθα αὐτὸν τὸν τρόπον τοῦτον᾽ τὸ
νῦν λεχθὲν σπανιάχις ποτὲ ὥφθη τῷ Ἱπποχράτει: ἡμῖν δὲ χαὶ τοῖς
ἔργοις τοῖς τέχνης οὐδέποτε ὥφθη γινόμενον. Schol. in Hipp. 1. τι,
p. 465, Ed. Dictr.
2 Post hæc legite Hippocratem atque Galenum latinà linguä con-
versos. De Div. Lect., cap. 51, p. 341,in-f°., Parisus, 1579.
TOM. I. 9
130 INTRODUCTION.
encore, et qui, étant entre les mains des médecins, peuvent
être facilement consultés.
Cette liste, outre les renseignements qu'elle fournit sur
l'étude des livres hippocratiques, sur les hommes qui s’y sont
livrés, sur la transmission des doctrines, cette liste , dis-je ,
donne une solution positive de deux questions capitales dans
toute la critique des écrits qui vortent le nom d’Hippocrate.
Ces deux questions sont : la détermination de la date la plus
ancienne à laquelle on peut reporter la Collection hippocra-
tique telle que nous la possédons encore, et l'authenticité
générale de ces textes dans leur transmission depuis cette
date jusqu’à nos jours.
Xénocrite de Cos avait expliqué les mots les plus difficiles
de cette Collection ; Bacchius, après lui, en avait fait autant;
Philinus avait combattu Bacchius, et Philinus avait été au-
diteur d'Hérophile. Ce que nous savons de ces explications
(on le verra dans le chapitre suivant) montre qu’elles avaient
porté sur l’ensemble des livres hippocratiques. Ainsi, Xéno-
crite étant antérieur à Bacchius , non seulement les succes-
seurs d'Hérophile, mais encore ses contemporains , ont tra-
vaillé sur l’ensemble des livres dits d'Hippocrate. Ce résultat,
obtenu par des recherches directes , concorde d’une autre
part avec une phrase jetée en passant par Galien, où ce
médecin dit que, dès l'époque d'Érasistrate, la dernière
partie du traité du Régime dans les maladies aiguës était
jointe à la première. L'époque de la publication de la Collec-
tion hippocratique est donc forcément reportée au temps _
même où ont vécu Hérophile et Érasistrate, c’est-à-dire à ce 1
qu'il y ἃ de plus antique dans la fondation des études de mé-
decine et d’érudition à Alexandrie.
r T, v, p. 89, Ed. Basil.
SÉRIE DES COMMENTATEURS. 131
Une aussi longue série de commentateurs, qui commence
à Hérophile, trois cents ans avant J.-C. , et qui se termine
plusieurs siècles après, montre que l’art de la critique a em-
brassé, dans l'antiquité, toutes les parties qui sont de son
ressort: corrections du texte hippocratique ; discussions sur
l'authenticité des écrits ; et explications sur les théories mé-
dicales. ἃ nous, qui venons si long-temps après eux,
l'intelligence des doctrines est plus facile que la connais-
sance des caractères qui font l'authenticité de tel ou tel
écrit. Cette lacune dans nos moyens d'exploration donne
une importance d’autant plus grande à tout ce qui a été
sauvé de la critique ancienne, livres, jugements, conjec-
tures , indices fugitifs, mentions rapides, allusions et cita-
tions que l’on voudrait plus développées, mais que l’on
chercherait vainement ailleurs. Malheureusement ces écri-
vains ne nous ont mis que dans un petit nombre de cas en
état d'apprécier les motifs qui déterminaient leur opinion
sur la légitimité ou l’illégitimité des différents écrits de la
Collection hippocratique. Si, dans ce qui nous reste d’eux,
nous trouvions leurs jugements plus souvent motivés, cela
seul nous communiquerait une partie des notions qui leur
étaientencore accessibles, etquiont cessé de l’être pour nous.
Malgré cette insuffisance, leur succession si bien suivie, leurs
travaux si multipliés, leurs esprits si divers, leur polémique
si vive, sont autant de gages et d’assurances pour la critique
moderne pendant toute la période de temps qu’ils embras-
sent. On ne peut nier , après cet exposé, que, toutes les fois
qu’ils s'accordent sur un point, leur opinion devient d’un
grand poids ; car 1is ont beaucoup examiné et beaucoup dé-
battu. Ilrésulte encore de la suite non interrompue des com-
mentateurs dont je viens de faire passer la revue au lecteur.
que les textes des livres hippocratiques sont étudiés, inter-
132 INTRODUCTION.
prétés et fixés dans leur ensemble depuis une antiquité qui
ne remonte pas à moins de trois cents ans avant J.-C. ; que
chacun de ces commentateurs ἃ donné, pour l’époque où il
a vécu, une sorte de copie légalisée des livres hippocrati-
ques; que par conséquent ces textes, sauf les erreurs des
copistes , ont une incontestable authenticité, même dans ce
qu’ils ont de plus obscur et de plus mcomplet. Ce n’est pas
la moins importante des conclusions que j’ai voulu tirer de
l’'énumération exacte de tant de livres qui ont presque tous
péri, de tant d'écrivains dont il ne nous reste que des men-
lions fugitives.
CHAPITRE VE.
DES DIFFÉRENTES LISTES DES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES.
Il existait dans l'antiquité des tables ou listes qui, soit
qu'elles fussent destinées à un auteur unique, soit qu’elles
s’étendissent à toute une branche de littérature, contenaient
l'indication des livres. Galien fait mention d’une liste sem-
blable, et en parlant d’un ouvrage (le Traité des Glandes ),
que nous possédons encore, il ajoute, pour en confirmer l'il-
légitimité , que ceux-mêmes qui ont composé les tables n’en
ont pas parlé *. Si un de ces index était parvenu jusqu’à
nous, il nous offrirait certainement des renseignements pré-
cieux ; et quand même il se bornerait à une sèche nomencla-
ture, il nous apprendrait encore quelle était, au moment où
il avait été composé, la liste des écrits admis comme hippo-
cratiques. À défaut d’un tel document, il faut réunir et com-
parer les indications qui sont éparses dans différents auteurs.
Si l’on se rappelle ce que j'ai dit dans le chapitre 1v, où
j'ai rassemblé les plus anciens témoignagessur Hippocrate, on
comprendra qu'il serait inutile de chercher, dans l'intervalle
qui a précédé l'établissement des grandes bibliothèques et de
l’'érudition alexandrine, une trace suivie des écrits hippo-
cratiques. Si l’on rapproche decette donnée celles qui ont été
fournies par le chapitre précédent, où l’on ἃ vu que les tra-
1 Περὶ ἀδένων οὐλουελίης.
2 Οὐδὲ τοὺς πίναχας ποιήσαντες ἴσασι τὸ βιόλίον. T. v, p. 591.
Ed. Bail.
134 INTRODUCTION.
vaux sur l'ensemble de la Collection ne remontent pas au-
delà de Xénocrite et d'Hérophile, on trouvera, dans ce double
résultat, la preuve qu'il n’est pas possible d'étendre, sur toute
la Collection , des lumières qui manquent absolument et qui
sans doute ont manqué dès le moment même où les œuvres
hippocratiques, multipliées par la copie, acquirent beaucoup
plus de publicité qu'auparavant. Ce sont deux faits connexes,
et sur l'interprétation desquels jereviendrai dans un des cha-
pitres suivants, à savoir que, d’une part, jusqu’à un certain
moment, la plupart des écrits dits hippocratiques ont été peu :
connus , peu répandus, n’ont passé que dans un petit nombre
de mains , ce qui est prouvé par la rareté des citations dans
les écrivains contemporains ou immédiatement subséquents,
et que, d’une autre part, la Collection hippocratique parait
subitement, formée complétement et livrée à l’mterprétation
des commentateurs avec toutes les incertitudes qui régnent
sur ses origines, et toute la confusion que j’y ai déjà signalée
et que j'y signalerai encore un peu plus loin. Laissons donc
provisoirement de côté la première époque, qui embrasse
environ cent trente ans, laissons de côté la recherche des
causes d'incertitude, et de l’état de confusion où cette Col-
lection s’est trouvée dès les premiers temps, et examinons
à l’aide de l’ancienne exégèse dont les livres hippocratiques
ont été l’objet, quels parmi ces livres ont fait, dans l’anti-
quité, partie de la Collection , suivant quel ordre ils ont été
rangés, combien nous en avons perdus, et combien, chose
singulière ! nous en avons de plus. Cette étude préliminaire
est indispensable pour la solution des questions ultérieures ;
elle donne des renseignements positifs, elle établit le canon
de la Collection hippocratique pour une époque certaine ;
c’est un point fixe de plus dans une région difficile à re-
connaitre.
,
4
LU
“
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES. 135
Que, dès l'antique période des premiers commentateurs ,
les livres hippocratiques aient existé sous forme de collec-
tion, c’est ce qu'il est possible de faire voir. Quand Érotien
et Galien nous apprennent que Xénocrite, que Bacchius ,
Philinus et Glaucias (ce sont là les plus anciens) ont expli-
qué les mots obscurs de ces livres, ils ne font aucune réserve
pour tel ou tel traité comme ayant été exclus du travail de
ces interprètes; évidemment, tout ce que Galien et Érotien
connaissaient y avait été compris. La même remarque s’ap-
plique à Héraclide de Tarente et à Zeuxis, qui n'avaient pas
rédigé des glossaires hippocratiques, mais qui avaient com-
menté foutes les œuvres d'Hippocrate. Toutes les œuvres
d'Hippocrate, dans la bouche d'Érotien et de Galien , signi-
fient celles qu'ils connaissaient, celles où Glaueias , Phili-
nus, Bacchius et Xénocrite avaient déjà éclairei certaines
difficultés de langage.
Il serait aisé , si on avait sous les yeux les œuvres de ces
critiques, de savoir quelle était, de leur temps, l'opinion la
plus générale sur le canon hippocratique. Mais, de ces tra-
vaux, qui nous seraient si utiles, rien ne nous reste que
des lambeaux épars. Je ne puis donc donner ni l'avis de
Bacchius, ni l'avis d'Héraclide ou de Zeuxis, sur la totalité
de la Collection. Seulement je noterai tout ce que, à divers
titres, nous savons sur l'existence, sous le nom d’Hippo-
crate, de tel ou tel traité, à l’époque reculée qu'ici je con-
sidère.
Hérophile avait commenté le Pronostic; c’est le plus an-
cien commentateur que nous connaissions ; je ne dis pas
glossographe, car Xénocrite est à peu près son contempo-
rain. Pour cette date éloignée, qui atteint les premières
années du troisième siècle avant J.-C., la liste se borne à
cet ouvrage, car du travail de Xénocrite il ne nous ἃ été con-
135 INTRODUCTION.
servé qu'un mot, et ce mot, comme je l'ai déjà dit (p. 86), se
trouve appartenir au Pronostic.
Le choix fait par Hérophile porterait à croire que le Pro-
nostic jouissait, dans les anciennes écoles médicales, de plus
d'autorité et de réputation quelesautreslivres hippocratiques;
et je montrerai plus lon (remarque qui vient à l'appui)
qu'Érasistrate y ἃ faitsans doute allusion, en disant, à propos
de l'urine noire, qui est de fächeux augure, que cela est .
écrit dans des signes. Quoi qu'il en soit, il est bon de noter ,
pour l'histoire de la Collection hippocratique, que le seul
livre qui ait été commenté au début des commentaires
médicaux sur Hippocrate , est le Pronostic : d'autant plus
que ce traité a des liaisons intimes avec d’autres traités dont
l’authenticité sera démontrée dans le chapitre x1; de telle
sorte que la critique détermine, de différents côtés à la fois,
ses recherches et ses résultats.
D’aprèslesrenseignementsfournispar Érotienet parGalier,
on reconnaît que Bacchius avait travaillé sur le Pronostic !;
sur la 7° section des Aphorismes” et sans doute sur les
Aphorismes tout entiers; sur le τοῦ livre des Prorrhéti-
ques 5; sur le 1*, le ire, le vi: livres des Épidémies #, par
conséquent sur les sept livres; sur le livre des Plaies de la
tête 5: sur le traité de l'Air, des Eaux et des Lieux (cela ré-
sulte d’une explication donnée par son abréviateur , Épiclès,
τ Érot., Gloss., p. 32, Ed. Franz.
2 Érot., Gloss., Ρ- 54, Ed. Franz.—Gal., t. v, p. 328, Ed.
Basil.
3 Érot., Gloss., p. 40, Ed. Franz.
4 Érot., Gloss., p. 522 et 582, Ed. Franz.—Gal., t. v, p. 429,
Ed. Basil.
5 Érot., Gloss., p- 104, Ed. Franz.
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCR ATIQUES. 137
sur un mot de ce traité 1): sur le livre du Régime dans les
maladies aiguës?; sur le traité des Articulations 5; sur le
traité des Instruments de réduction, avec lAppendice que
Galien appelle des Zeines (περὶ φλεδῶν ) et qui figure aujour-
d’hui dans le prétendu traité de la Mature des os ἢ: sur le
livre de l’Officine du médecin 5 ; sur le traité de la Maladie
sacrée δ: sur le traité de la Nature de l'enfant (on le conclut
d’une explication de son abréviateur Épiclès) 7-sur.le
livre des Æumeurs 8; sur le livre de l'Usage des liquides ὃ:
sur le livre des Lieux dans l’homme 19 ; sur le premier livre
des Maladies 11. Un mot pourrait se rapporter à l’opuseule
sur le Cœur ; mais dans Érotien et dans Bacchius ie mot
cité est λάπτουσα. et dans le traité du Cœur on trouve seu-
lement λάπτει 46 sorte qu’il est douteux que la citation se
rapporte réellement à ce petit livre sur le Cœur !2. Ces indi-
cations sont tirées, soit de l'existence des commentaires de
Bacchius sur certains traités (Galien nous apprend qu’il n’a-
‘ vait pas commenté toutes les œuvres dites hippocratiques 15),
soit des explications qui faisaient partie de son Glossaire, et
1 Κανονίαι. Érot., Gloss., p- 210, Ed. Franz.
? Érot., Gloss. p- 510, Ed. Franz.
3 Érot., Gloss., p. 564, Ed. Franz.
4 Érot., Gloss., Ρ- 156 et 242, Ed. Franz.
5 Érot., Gloss., p. 152, Ed. Franz.—Gal., τ. v, p. 662, Ed.
Basil.
6 Érot., Gloss., p. 62, Ed. Frans.
7 Érot., Gloss., p. 248, Ed. Franz.
8 Érot., Gloss., p. 72, Ed. Franz.
9 Érot., Gloss., p.64, Ed. Franz.
5 Érot., Gloss., p. 68, Ed. Franz.
τι Érot., Gloss., p. 164, Ed. Franz.
15. Érot., Gloss., p. 242, Ed. Franz.
33 Tom. v, p. 662, Ed. B:sil.
138 INTRODUCTION.
que l’on reconnaît appartenir à deslivres déterminés de la Col-
lection. Mais Érotien nous ἃ conservé l'interprétation de bon
nombre d’autres mots qui sont communs à plusieurs traités à la
fois, et dont je n’ai pas , en conséquence, fait usage. Ainsi il
ressort clairement de ces lambeaux du Glossaire de Bacchius,
qu'il avait eu, sous les yeux , d’autres livres hippocratiques
que ceux qui sont seuls mentionnés dans le relevé ci-dessus.
C’est une remarque qui vient confirmer directement l’argu-
ment indirect que j'avais tiré du silence d'Érotien et de Ga-
lien pour prouver que Bacchius avait connu tout ce qu'ils
connaissaient,
Deux explications de Philinus se rapportent, l'une au
Pronostic 1, l’autre au livre des Articulations 3.
On trouve la preuve que les traités des Æumeurs5, de
VUsage des liquides # , que le 1 et le vi: livres des Épidé-
mies 5 et le livre des Articulations ὃ avaient fourni des con-
tributions au Glossaire alphabétique composé par Glaucias
sur l'ensemble des livres hippocratiques. Glaucias avait pro-
bablement composé, outre cet ouvrage, des commentaires
spéciaux sur quelque traité. On peut le conjecturer du moins
pour le 6: livre des Épidémies, dont Galien dit que les pre-
miers commentateurs avaient été Zeuxis, Héraclide de Ta-
rente, Héraclide d'Érythrée, et, avant eux, Bacchius et
Glaucias 7. IL en faut dire autant du livre de l_4liment,
: Érot. Gloss., p. 32, Ed. Franz.
2 Érot. Gloss., p. 86, Ed. Franz.
3 Gal., 1. xvi, p. 1, Ed. Kükm
4 Érot., Gloss., p. 64, Ed. Franz.
5 Érot., Gloss., p. 322, Ed. Franz.— Gal.,t. v, p. 442, Ed.
Basil.
6 Érot. Gloss., Ρ. 72, Ed. Franz.
7 Tom. v, p. 422, Ed. Basil.
LISTES DES ECRITS HIPPOCRATIQUES. 139
auquel ce médecin avait consacré un travail particulier 1.
Des citations prouvent que Zeuxis avait compris, dans son
commentaire général, au moins les 11° et vi‘ livres des Épi-
démies ?, le traité des Humeurs 5, celui des Lieux dans
l'homme #, le 1e livre des Prorrhétiques5, la 7° section des
Aphorismes ὃς le livre sur l’Ofjicine du médecin 7.
Galien a conservé des traces des commentaires d’Héra-
clide d'Érythrée sur le me et le vi: livres des Épidémies 8.
Des grands travaux d’Héractide de Tarente qui avaient
embarrassé l'ensemble de la Collection hippocratique, j'ai
relevé la mention de ses explications sur le livre des Hu-
meurs®?, sur un aphorisme qui est dans la 7° section 1°, sur le
le πιὸ et le γι" livres des Épidémies 1, sur le 1v° livre des
Épidémies *?, sur le 1‘ livre des Prorrhétiques 15, sur le traité
des Articulations 44, sur le livre de l’Officine du médecin δ,
τ Galien,t. vi, p. 297, Ed. Chartier.
2 Gal., t. v, p. 411 et 442, Ed. Basil.
3 Gal., t. xvi, p. 4, Ed. Kubn.
Érot.. Gloss., p. 214, Ed. Franz.
5 Gal.,t. xvi, p. 636, Ed. Κύμη.
ὁ Gal.,t.v, p. 528, Ed. Bail.
7 Gal.,t. v, p. 662, Ed. Basil.
8 Tome v, p.412 et p. 442, Ed. Basil.
9 Gal., t. xvi, p. 1, Ed. Kubn.
10 Gal., t. v, p. 529, Ed. Basil.
1 Gal.,t. v, p. 415 et p. 449, Ed. Basil.
1 Érct., Gloss., p. 328, Ed. Franz.—Ce commentaire était au
moins en deux livres ; car Érotien cite le second.
13 Érot., Gloss., p. 248, Ed. Franz.
14 Gal.,t. v, p. 659, Ed. Basil. —Héraclide, qui avait commenté
tout Hippocrate, avait cité ce traité dans son quatrième livre des
Moyens thérapeutiques externes (ἐν τῷ τετάρτῳ τῶν ἐχτὸς θερα-
πευτικῶν) C’est cette dernière citation que Galien nous a conservée,
15 Gal.,t, v,p. 662, Ed. Basil.
=
140 INTRODUCTION.
sur l’opuscule de l’art, sur le livre de l'Aliment?. Puisqu'i
avait commenté la 7° section des Æphorismes , il est bien en-
tendu qu'il avait commenté cet ouvrage tout entier. Au reste,
cela est dit formellement ailleurs. Galien , dans son com-
mentaire sur le livre de Aliment, rapportant un aphorisme,
dit qu'Héraclide avait commenté cet aphorisme ainsi que
tous les autres 5. Je n’insiste là-dessus que pour montrer que
les lacunes laissées entre les renseignements venus d’une si
haute antiquité peuvent, dans maintes circonstances , être
comblées avec certitude.
Cydias de Mylasa # et Ischomaque ὅ s'étaient occupés de
l'ouvrage sur les Maladies des femmes.
Le traité des Plaies de La tête avait été interprété par Eu-
phorion ὅ et par Lysimaque de Cos 7; il est question des ex-
plications de Philonidès de Sicile sur le τοῦ et le vi: livres des
ÉpidémiesS, qu'il avait sans doute embrassées dans un travail
complet.
Démétrius, l’épicurien, avait commenté les Prénotions
coaques ὃ.
Philon-le-Juif cite le traité des Semaines.
Celse s'appuie de l'autorité du v: livre des Épidémies 19 ;
: Érot., Gloss., p. 274, Ed. Franz.
? Gal. Comm. in bb. de Alim., t. vi, p. 257, Ed. Chartier.
3 Etc ὃν ( ἀφορισμὸν ) χαθάπερ nat εἰς τοὺς ἄλλους ἅπαντας ἔστιν
ἐξήγησις αὐτοῦ, 1. vi, p.258, Ed. Chartier.
4 Érot., Gloss., p. 192, Ed. Franz.
5 Érot., Gloss., p- 192, Ed. Franz.
6 Érot., Gloss., p. 104, Ed. Franz.
7 Érot., Gloss., p. 104, Ed. Franz.
8. Érot., Gloss., p, 358 et 144, Ed. Franz.
9 Érot., Gloss, p. 196, Ed. Franz.
1° Page 495, Ed. Targa, Patav. 1769.
\
LISTES DES ECRITS HIPPOCRATIQUES. 141
et, lorsqu'il dit qu'Hippocrate ἃ placé la cause de toute ma-
ladie dans les esprits !, il fait une évidente allusion à l’opus-
cule sur les airs (περὶ πνευμάτων).
Sans donner une liste complète des ouvrages que tel ou
tel critique a regardés comme faisant partie de la Collection
hippocratique, les indications disséminées et fugitives que
j'ai rassemblées sous les yeux du lecteur, montrent que cette
Collection existait dès lors dans tout ce qu’elle a d’essentiel.
Les titres de certains traités n’y figurent pas; mais ce n’est
point une raison pour croire qu'ils n’aient été ni connus, ni
commentés à l’époque de Bacchius, de Glaucias, d’'Héraclide
de Tarente et de Zeuxis; car les listes complètes des ou-
vrages admis et expliqués par ces auteurs, ne nous sont pas
arrivées, et nous n’en possédons que des fragments. D’ail-
leurs il est facile de voir que beaucoup de traités se supposent
mutuellement. En sachant que Bacchius, par exemple, ἃ
commenté la 7e section des Æ4phorismes, nous pouvons en
conclure évidemment qu'il a commenté l’ouvrage tout en-
tier. La certitude ne sera pas moindre quand nous aflirme-
rons que ses travaux sur les traites que seuls nous trouvons
cités, prouvent l'existence de travaux semblables sur la
plupart des traités qui sont mentionnés par Érotien et
par Galien. Un exemple montre clairement comment les
renseignements que nous possédons démontrent l’exis-
tence de commentaires sur un beaucoup plus grand
nombre d'ouvrages que ceux qui ont été rapportés un
peu plus haut. Un mot d'Érotien nous apprend que Bac-
chius avait commenté le traité de la Nature de Penfant ;
mais ce traité lui-même est une suite du traité de la Gé-
1 Omne vitium.,..….. si in spiritu, ut Hippocrati. p. 4, Ed.
Targa, Pataw. 1769.
142 INTRODUCTION.
nération, et certainement Bacchius avait connu lun puis-
qu'il avait connu l’autre. Quand on rencontre la preuve
qu’un commentateur ἃ expliqué une expression du Π|’ livre
des Épidémies et une expression du vi’, il est indubitable
que ses explications s’étendaient aux sept livres. Le même
raisonnement s'applique à toutes les lacunes importantes
que présentent les indications réunies sur les travaux cri-
tiques des plus anciens commentateurs.
Ainsi, depuis l’âge d’'Hérophile et d'Érasistrate, se déroule
une série non interrompue de travaux qui ont pour objet
Hippocrate, et la collection qui porte son nom. Elle est cons-
tituée dès lors; et cependant ses imperfections , son désor-
dre, ses obscurités et ses incertitudes exercent, des lors
aussi, toute la sagacité des critiques. Cette remarque est
donc digne d'attention, et je la consigne ici comme une
date importante dans l’histoire de cette Collection. Aupa-
ravant On connait, on cite plusieurs ouvrages d'Hippocrate,
et on ne connaît , ni ne cite l’ensemble des œuvres qui ont
été rassemblées sous cette commune appellation. Depuis,
elle est établie d’une manière irrévocable dans ses parties
essentielles ; les critiques y ajoutent ou y retranchent, selon
leur propre jugement, mais ils en consacrent en même
temps, par leurs travaux, l’existence, la composition et la
tradition. Visiblement, elle a été formée, en tant que Col-
lection, au morecnt où la fondation des grandes biblicthe-
ques publiques dévelcppèrent le goût des livres et de l’éru-
dition. Du reste, à ce point d'histoire littéraire, qui mérite
plus qu’une indication passagère, un chapitre spéciai est
réservé.
Érotien est le premier dont il nous reste uneliste compiète.
Il importe de la rapporter ici puisque c’est le plus ancien
monument de ce genre qui nous aif été conservé , et de la
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES. 143
comparer aux indications tirées des sources antérieures. Il
y admet le Pronostic ; le 1‘ et le 2° livres des Prorrhétiques,
en ajoutant qu'ii prouvera ailleurs que cet ouvrage n’est pas
d'Hippocrate; le traité des Æumeurs; le traité des Airs ; de
la Nature de l’homme, dans lequel est sans doute compris ,
comme c'était l'usage dans les éditions de l'antiquité, l'opus-
cule sur le Régime des gensen santé; de la Maladie sacrée ; des
Lieux et des Saisons ; des Fractures ; des Articulations ; des
Ulcères ; des Blessures et des traits; des Plaies de tête; de
l'Officine du médecin ; des Instruments de réduction ; des Hé-
morrhoïdes et des fistules ; des Maladies, deux livres; de la Ti-
sane ; des Lieux dans l’homme; des Maladies des femmes, deux
livres; de l_ Aliment; des Femmes stériles; des Eaux; les Apho-
rismes ; les Épidémies , sept livres; le Serment ; la Loi; de
l'Art; de l’Ancienne médecine ; le Discours d'ambassade et
le Discours de supplication.
Comparons cette liste avec ce que nous savons des listes
dressées par les commentateurs précédents. Érolien en ex-
clut réellement les Prorrhétiques par la remarque qu’il joint
en les y inscrivant; néanmoins les anciens, Bacchius en-
tr’autres, connaissaient les Prorrhétiques, du moins la partie
qui porte dans nos éditions le titre de Premier livre, et qui
est très semblable aux Prénotions de Cos. En second lieu,
il admet, comme vraiment hippocratique, le traité des Æu-
meurs contre l'opinion de Glaucias et d’Héraclide, qui regar-
daient ce livre comme provenant d’une autre source. En
troisième lieu, il exclut les Prénotions coaques, qui avaient
été admises par Démétrius l’épicurien. En quatrième lieu ,
le traité des Semaines , cité par Philon-le-Juif comme une
autorité hippocratique , ne figure pas dans le catalogue
d'Érotien. En cinquième lieu , il ne mentionne pas le traité
qui, dans nos éditions , porte le titre de Premier livre des
-ἐ
|
144 INTRODUCTION.
maladies, et qui avait été cité par Bacchius. Ge sont là les
seules différences que , vu l'insuffisance des notions possé-
dées sur les travaux des anciens commentateurs, nous puis-
sions signaler avec certitude. Il est inutile d'établir aucune
comparaison entre la liste d'Érotien et les listes précédentes
dans le but de voir ce que la première a de plus que les se-
condes , car de celles-ci nous ne possédons que des frag-
ments qui ne permettent aucun rapprochement de ce genre.
D'Érotien à Galien il se trouve un grand nombre de com- -
mentateurs dont les œuvres ont totalement péri. Comme
leurs témoignages n’ont plus la même importance que ceux
des commentateurs antérieurs à Érotien , Comme aussi leurs
indications , que j’emprunterais à Galien, ne nous appren-
draient rien de plus que ce que nous apprend cet écrivain
lui-même, je me bornerai à réunir les mentions que le mé-
decin de Pergame ἃ faites des livres hippocratiques. Il avait -
consacré un ouvrage spécial à la critique de ces livres, ou-
vrage qui ἃ malheureusement péri, et dont rien ne peut -
compenser la perte. Il y avait sans nul doute donné le cata-
logue de tous les traités qui figuraient dans la Collection
hippocratique à un titre ou à un autre. Dans l’absence de ce
catalogue, je vais réunir tout ce qui, dans les volumineux
écrits de Galien, se rapporte aux recherches dont je m’oc-
cupe en ce chapitre.
Il est inutile que je répète à propos de Galien la liste don-
née par Érotien ; je me contenterai, pour abréger, de si-
gnaler les différences. Galien a cité tous les livres énumérés
dans le catalogue d’Érotien, à l'exception d’un seul, qui est
celui sur les Blessures et sur les traits. Il a en sus (et c’est
sans doute le même sous un autre nom) il a en sus un traité
sur les Blessures dangereuses. ΠῚ ἃ rommé de plus que lui :
les Prénotions de Cos , que des critiques antérieurs à Érotien
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES. , 145
ont mentionnées, mais que celui-ci a exelues de sa liste; le
traité des Affections internes ; le traité des Affections ; le
traité des Chairs ou des Principes; le traité des Semaines ; le
traité du Cœur, ainsi que cela résulte d’une citation où il n’en
rapporte pas le titre, mais où il y emprunte un long passage ;
le traité des Glandes , qu’il déclare apocryphe; les opuscules
sur la Naissance à sept mois et à huit mois; le traité du Ré-
gime ; le traité des Songes. Érotien n’admet dans sa liste que
deux livres des Maladies, qui sont le second et le troisième
de ceux qui portent ce titre dans notre collection ; Galien ,
qui nous apprend que ce nom avait été donné aussi aux trai-
tés sur les Affections, en cite trois qui répondent au premier,
au second , au troisième de ceux que nous possédons. Je n’ai
trouvé dans Galien aucune trace de celui que nos éditions
appellent le quatrième. En revanche, il nomme à diverses
reprises un traité qu'il désigne sous le titre de livre des Ma-
ladies, le petit, et que nous avons tout à fait perdu.
On voit, par ce rapprochement, combien les auteurs dans
_ l'antiquité ont varié sur le catalogue des livres hippocrati-
ques. Si nous avions conservé un plus grand nombre de ces
commentaires, nous aurions, sans aucun doute, à constater
bien plus de divergences. Ce que je viens de mentrer suflit
pour attester toutes les difficultés qui entourent l’histoire de
la collection dite des œuvres d'Hippocrate. Érotien ne nous
donne nulle part les motifs de ses jugements sur les diffé-
rents livres de sa liste; Galien est un peu plus explicite; ce-
pendant il n'entre jamais avec détail dans la discussion de
l'authenticité de tel ou tel livre. Quelquefois (et cela est déjà
précieux) il constate l'unanimité des critiques à admettre un
ouvrage comme légitime ou à le rejeter comme illégitime.
Plus souvent il rapporte les assertions des critiques, aux-
quelles il joint les siennes, mais sans motiver avec quelque
TOM. I, 10
146 INTRODUCTION
soin les unes et les autres. Les indications de Galien, rap-
prochées de la liste d'Érotien , et placées en regard des frag-
ments recueillis dans les œuvres, aujourd'hui perdues, des
critiques antérieurs, tels que Zeuxis, Héraclide de Tarente,
Glaucias et Bacchius, ont du moins cela d’avantageux
qu’ellesreportent, toutes, la diffusion deslivres hippocratiques
à l’époque que j'ai déjà fixée, c’est-à-dire à celle où le zèle
de l’érudition se développa à Alexandrie avec la fondation
des bibliothèques. Il est même possible de retrouver, dans les
critiques postérieurs, des traces qui prouvent que les cri-
tiques antérieurs ont aussi connu les écrits rejetés du canon
hippocratique d'Érotien. Ainsi ce dernier a admis , dans son
Glossaire, des mots qui n’appartiennent à aucun des traités
inscrits dans sa liste, et qui se trouvent dans d’autres trai-
tés qu’il en a écartés. Le mot ἰχθύην, qui se lit dans le frag-
ment sur l’Exsection du fœtus, est dans le Glossaire; et deux
mots dont l’un est du traité des Affections internes, et l'autre
de notre 1* livre des Maladies, y sont expliqués, quoique le
catalogue d'Érotien ne fasse mention ni du fragment sur
l'Exsection du fœtus, ni du livre des Affections internes, ni
de ce premier livre des Maladies. Cela s'explique : Érotien
puisa largement dans les ouvrages de ses devanciers, c’est
de ces ouvrages que se sont glissées, dans son Glossaire, des
explications qui appartiennent à des traités auxquels il a re-
fusé le droit de bourgeoisie dans son catalogue, mais qui
figuraient dans le catalogue d’autres critiques, puisqu’eux
avaient cru devoir en interpréter certaines expressions dif-
ficiles.
Ainsi tout cela s'appuie réciproquement ; les commenta-
teurs se tiennent ; et à part le traité des Glandes, que Galien
assure u’être cité par aucun critique, par aucune table ,
et que cependant il attribue aux hippocratiques posté-
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES. 147
rieurs !, tous sont acceptés comme transmis par la tradition , et
escortés, dès l’origine que j’indique , de tous lestémoignages
nécessaires. C’est à cette masse d’écrits, venant tous d’une
source obscure dont on perd la trace en entrant dans les
temps antérieurs à l'établissement des écoles d'Alexandrie ,
c’est à cette masse d’écrits, dis-je, qu’ensuite la critique
s’applique , et sur l’authenticité desquels elle porte des juge-
ments très différents. De là les divergences dans les listes.
J'insiste avec soin sur cette double circonstance que , d’une
part, les critiques de l’antiquité , les uns par les autres, font
remonter l’ensemble de la Collection hippocratique jusqu’à
l'intervalle qui précède les écoles d'Alexandrie, et que, de
l'autre part, ils ne s’en divisent pas moins sur l'arrêt parti-
culier qu’il convient de rendre concernant chacun de ces
livres. Évidemment ils étaient placés, au fond, dans la même
situation que le critique qui vient si long-temps après eux
glaner dans le même champ. Ils reconnaissaient bien que la
_ Collection hippocratique appartenait à l'intervalle de temps
que j'appellerai anté-alexandrin; mais quand il s'agissait de
se prononcer sur l’authenticité de chaque traité en parti-
culier , c'était sur d’autres motifs qu’ils se décidaient;, ce
sont aussi d’autres motifs qu’il faut chercher pour nous dé-
cider dans la même question.
Après Galien, les commentateurs et les témoignages per-
dent beaucoup de leur intérêt. Palladius et Étienne, com-
mentant, l’un le traité des Fractures, l'autre le Pronostic,
désignent plusieurs écrits qu'ils regardent comme étant
d’Hippocrate; mais 115 ajoutent qu'ils ne savent de quel
Hippocrate, qu'il y en a eu quatre, lun fils de Gnosidicus , “+”
Pautre fils d'Héraclide, l’autre fils de Dracon , l’autre fils de
Thessalus.
2 Τῶν νεωτέρων Ἱπποχρατείων. Τ΄. v, p. 591, Ed. Basil.
ρ »ν} )
148 INTRODUCTION.
Il est difficile de se faire une idée de la maniere dont la
Collection hippocratique était distribuée du temps de Suidas. -
Voiai les paroles de cet écrivain : «Les livres d’Hippocrate
« sont connus de tous ceux qui s'occupent de médecine.
« Nous citerons les principaux. Le premier est le Serment :
« le second enseigne le Pronostic ; le troisième contient les
«_Aphorismes, qui dépassent la portée de l'esprit humain ; le
« quatrième est l’Æexacontabiblos (appelé ainsi parce qu’il
«est composé de soixante livres), ouvrage aussi célèbre
« qu'admirable, et qui embrasse toute la science et toute la
« sagesse médicales. » Je ne sais à quoi répond au juste cet
Hexacontabiblos; sous ce titre sont compris sans doute la
plupart des livres que nous possédons encore.
Une indication plus précieuse est fournie par Démétrius
Pépagomène dans son petit traité de la Goutte. Il y cite des
passages du livre que nous appelons dans nos éditions le Qua-
trième des maladies , et qui, exclu de la liste d'Érotien , n’est
pas non plus mentionné par Galien.
Il ne me reste plus, pour terminer cetravail, qu’à comparer
avec ces différentes indications fournies par les anciens le
canon hippocratique tel qu’il se trouve dans nos livres im-
primés. Nous avons plus et nous avons moins que ces listes,
c’est-à-dire que des traités qui y sont dénommés ne sont pas
parvenus jusqu’à nous, et que d’autres traités qui figurent
dans notre collection n’y sont pas indiqués.
Nous avons de moins (tout cela sera prouvé dans l'examen
particulier de chacun des livres hippocratiques) le traité des
Blessures et des traits, le traité des Plaies dangereuses, le
traité appelé par Galien le livre des Maladies, le petit, enfin
le traité des Semaines. C’est là tout ce qui nous manque; et
encore j'ai rendu à la lumière une traduction latine de ce
LISTES DES ECRITS HIPPOCRATIQUES. 149
dernier traité, laquelle pourra, jusqu’à un certain point,
suppléer à la perte de l'original.
Nous avons en plus : lopuscule Du médecin; celui sur! Hon-
neur ; les Préceptes ; le livre des Crises ; celui des Jours cri-
tiques ; de la Superfétation ; de la Dentition; de la Nature
des os; des Maladies des jeunes filles; de la Nature de la
femme ; de la Vue ; de l'Exsection du fœtus mort; de l_Ana-
tomie ; la huitième section des Aphorismes ; le fragment des
Médicaments purgatifs. Ce n’est pas une petite singularité
que d’avoir plus de traités hippocratiques que n’en a connu
l'antiquité. J'y reviendrai ailleurs ; je dirai seulement d’a-
vance que les uns sont des fragments d'ouvrages véritable-
ment anciens dont les auteurs sont tout à fait inconnus , et
que les autres ne sont que des centons faits avec les livres
hippocratiques à une époque comparativement très mo-
derne.
La Collection hippocratique ayant prêté à tant de diver-
gences dans les jugements que les critiques en ont portés, 1l
n'a pu, non plus, y avoir de règle fixe pour l'arrangement
dont chacun l’a crue susceptible. Cela devait être, et cela est
en effet. Mais ces différences se sont étendues aux traités
eux-mêmes en particulier ; et ils ont été diversement coupés
et réunis dans les éditions qu’en ont données les critiques de
l'antiquité. Galien nous apprend qu’au traité de la Nature de
l'homme la plupart des éditions joignaient un opuscule sur
le Régime des gens en santé ( περὶ διαίτης ὑγιεινῆς): et dans son.
commentaire il se conforme à cet ordre. II est tout à fait pro-
bable que, dans la liste d'Érotien, sous le titre de la Nature
de l'homme , il faut aussi entendre le morceau sur le Régème
des gens en santé. Mais dans toutes nos éditions (et elles ont
_eu des manuscrits pour modèles) ces deux écrits sont séparés
lun de l'autre. En rapportant plus haut que Bacchius avait
150 INTRODUCTION.
connu le livre de la Nature de l'enfant, j'ai ajouté que sans
doute il avait connu celui sur la Génération, qui y tient; j'é-
tends cette remarque à Érotien, qui, sous ce titre de livre sur
la Nature de l'enfant, a, je pense, compris aussi le livre de
la Génération. La division de ces deux livres est tout à fait
arbitraire.
Dans quelques éditions de l'antiquité, le livre des Frac-
tures et celui des Articulations formaient un seul traité, qui
portait le titre commun de traité sur l’Officine du médecin
(Κατ᾽ ἰητρεῖον).
Un morceau que Galien cite quelquefois sous le nom de
Description des veines (Περὶ φλεδῶν) se trouvait, de son temps
et du temps des commentateurs les plus anciens , joint au
livre des Znstruments de réduction. Aujourd’hui il est placé
à la fin du livre qui, dans nos éditions , porte le titre de livre
sur la Nature des os.
Galien nous apprend que Dioscoride fut le premier qui dé-
plaça un morceau du 3: livre des Épidémies, morceau qui
jusque-là avait été mis à la fin, et que cet éditeur remit
avant la série des seize derniers malades. La plupart des édi-
tions modernes ont suivi l’ordre indiqué par Dioscoride.
Dans les manuscrits et dans les premières éditions, le traité
de l'Air, des eaux et des lieux a été l’objet de l'erreur la
plus grossière en ce genre. Il a été coupé en deux parties,
dont lune porte le véritable nom , et dont l’autre est placée
à la suite du traité sur les Plaies de tête ; dans quelques ma-
nuscrits même, cette dernière fait un livre à part sous le
nom de traité du Pronostic des années (περὶ προγνώσεως ἐτῶν).
Je nai rappelé ce fait que pour signaler l'incroyable désor-
dre que des copistes sans intelligence introduisaient souvent
dans les livres, et pour justifier le parti pris par Dioscoride.
Les titres des livres n’ont , de leur côté, rien de fixe. θ᾽ ἃ--
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCR ATIQUES. 151
bord is ne sont nullement le fait des auteurs qui ont com-
posé l'ouvrage. Les écrivains dont les œuvres entrent dans
la Collection hippocratique, n’ont pas souvent nommé leurs
propres livres. On a vu combien de ces traités nous avons
perdu, et il n’est plus possible de reconnaître si la citation
énonçait un véritable titre, ou bien une indication du sujet
du traité. Dans les cas où les renvois se réfèrent à des trai-
tés encore existants, le renvoi désigne le livre tout autre-
ment que par le titre qu’il porte aujourd’hui. Ainsi l’auteur
du traité sur les Maladies des femmes, y citant (page 231,
éd. Frob.) celui sur la Nature de l'enfant, désigne ce der-
nier sous le nom de traité sur la Formation, ou ailleurs
(p. 245) un peu autrement, sur la Nature de l’enfant dans
la génération. Et réciproquement dans ce dernier traite
(p. 31) nommant celui sur les Maladies des femmes, 1] an-
nonce ce qu'il dira ἐν τοῖσι γυναιχείοισι νουσήμασι, tandis que
dans notre liste le titre est seulement περὶ γυναιχείων.
Ces faits prouvent que les titres des livres n’y ont pas été
mis par les auteurs eux-mêmes. Il ne faut pas s'étonner s'ils
ont présenté tant de différences. Le traité que Galien cite
sous le nom de livre sur l’Air, les Eaux et les Lieux, porte,
dans Érotien, le titre de livre sur les Lieux et les Saisons ,
et, dans Athénée, le titre de livre sur les Lieux ?. Ce que
Galien appelle sur l'usage des Liquides, Érotien οἱ, Athénée
l’appellent des Eaux. Le traité des Chairs( mspt σαρχῶν) est
aussi appelé des Prineipes (περὶ ἀρχῶν). Quelques-uns avaient
appeléle 6° livre des Épidémies, Constitutions de ThessalusS.
Le traité que nous appelons le premier livre des Maladies,
"Ἔν τῇ φύσε! ou ἐν τῇ γενέσει τοῦ παιδίου τοῦ ἐν τόχῳ.
2 Page 46, Ed, J. Casaubon, 1597.
3 Gal., t. v, p. 449, Ed. Basil.
152 INTRODUCTION.
Galien l'appelle , quelquefois, simplement livre des Maladies:
d’autres fois , il ajoute qu’on lui donne à tort le titre de pre-
mier : notre deuxième est appelé premier par Érotien, et
par Galien premier livre des Maladies , le grand ; notre troi-
sième est appelé second par Érotien , et par Galien deuxième
livre des Maladies, le petit. Notrelivre des Affections internes
porte les différents noms de livre grand des Affections, livre
sur les Collections purulentes de la poitrine , deuxième livre,
le plus grand , sur les Maladies. Au reste, ces désignations
étaient si variables et si confuses , que, pour ces traités , Ga-
lien transcrit souvent la première ligne afin qu’on sache
positivement celui qu'il cite.
Le traité du Régime dans les maladies aiguës est appelé
par Érotien livre sur la Tisane; par d’autres, livre contre
les Sentences cnidiennes ; par d’autres, livre sur le Régime
ou, comme dit Cœlius Aurelianus, Diæteticus. Le traité que
nous appelons sur le Régime portait, dans l'antiquité, deux
titres différents, suivant qu’on en considérait à la fois les
trois livres, ouseulement les deux derniers : dans le premier
cas, il étaitintitulé livre sur la Nature de l'homme et sur le Ré-
gime, et, dans le second cas, livre sur le Régime 1.
La division en chapitres ou en livres est aussi l'œuvre des
éditeurs et non des auteurs eux-mêmes. Rufus avait divisé
les Aphorismes en trois sections , Soranus en quatre, Galien
a suivi la division en sept, qui était probablement la plus
ancienne. Étienne nous apprend que c’est Galien qui a par-
tagé le Pronostic en trois sections. Apollonius de Cittium
avait partagé le traité des Articulations en trois parties ; Ga-
lien l'a partagé en quatre. Les anciens livres, tels qu'ils
étaient sortis des mains des auteurs, ne portaient aucune
τ Gal., t. iv, p. 206, Ed. PBasil.
LISTES DES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES. 153
de ces divisions; il n'y avait, comme dit Palladius, que
celles qui résultent du sens et du passage d’un sujet à un
autre.
Si les titres des traités eux-mêmes ne viennent pas des
écrivains originaux , à plus forte raison les intitulés des cha-
pitres et des divisions ne sont pas non plus leur ouvrage. Ga-
lien, arrivant, dans son commentaire sur le 3° livre des Épi-
démies , au passage où Hippocrate décrit une constitution
pestilentielle , dit que plusieurs manuscrits portaient entitre
seulement Constitution ; que Dioscoride avait mis dans son
édition Constitution chaude et humide ; et que d’autresexem-
plaires n’avaient aucune espèce d’intitulé 1.
Tous ces détails, que j'ai réunis avec soin, montrent que
la Collection hippocratique , lorsqu'elle fut livrée au public,
n'avait ni un ordre établi, ni des titres fixes, ni des divisions
incontestables , que ce furent les éditeurs qui successivement
l’'arrangèrent et la distribuèrent suivant leur propre juge-
ment, et que, dès lors, elle manquait d’une authenticité
suflisante pour que la main des arrangeurs ne s’y immisçât
pas, avec raison, avec utilité sans doute, mais souvent aussi
avec arbitraire.
‘ Gal., t, v,p. 418, Ed. Basil.
CHAPITRE VII.
DES ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE HIPPOCRATIQUE DANS L'ANTIQUITÉ ,
ET DE LEUR VALEUR.
Les commentateurs des œuvres hippocratiques ne remon-
tent pas, on vient de le voir, plus haut que le commence-
ment des écoles à Alexandrie, plus haut que Xénocrite et
Hérophile. Avant eux, il n’y ἃ que des témoignages rares ,
soit sur un petit nombre d’écrits particuliers d’Hippocrate ,
soit d’une manière générale sur les travaux de ce médecin
comme écrivain et professeur. Cependant les critiques an-
ciens , placés devant cette masse confuse de livres qui est la
Collection hippocratique, se sont efforcés de trier le vrai du
faux, et de faire la part d’Hippocrate et des autres méde-
cins dont les œuvres sont cachées dans cette Collection. Il
importe donc d'examiner quels éléments de critique ils pos-
sedaient pour prononcer un jugement sur la légitimité ou l'il-
légitimité de tel ou tel traité. Car souvent je m’appuierai de
ces jugements , et je ne puis le faire avec sûreté qu’autant
que j'aurai déterminé d’avance quelle valeur ils ont , quelle
confiance ils méritent. Si de cet examen il résulte qu’ils ont
manqué de bases , et qu’ils ne reposent que sur des conjec-
tures sans consistance , il ne faudra pas y attacher plus d’im-
portance qu’à des hypothèses qui laissent une pleine liberté
aux appréciations de la critique moderne. Si, au contraire ,
il est positif que nos devanciers, Grecs et Latins, ont possède
des documents maintenant perdus, propres à jeter de la Iu-
mière sur plusieurs difficultés qui nous embarrassent au-
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 155
jourd’hui, il faudra accorder à leur opinion une grande
attention.
Je montrerai en rapportant l’histoire du 3: livre des Épi-
démies que , dès les temps les plus anciens, les commen-
tateurs n'avaient plus aucune lumière à tirer de l'examen
des manuscrits touchant la légitimité ou l’illégitimité des
différentes parties de la Collection hippocratique. Il n’y
avait plus aucun autographe à consulter. La Collection,
en bloc, était dans la circulation ; et il ne restait plus de ca-
ractères d'authenticité que pour les livres que l’on savait, de
science certaine, par une voie ou par une autre , avoir été
publiés dès le temps même d'Hippocrate. Tout le reste était
livré à la discussion des critiques.
Les discussions, en effet, n’ont pas manqué, mais le
temps nous les a toutes enlevées. Érotien avait discuté lau-
thenticité des Prorrhétiques, et on peut croire qu'il avait
traité de chacun des écrits hippocratiques en particulier. C’est
du moins ce que donnent à entendre quelques mots de sa pré-
face, par lesquels il renvoie le lecteur à ses explications de cha-
que partie, surtout si l’on rapproche ces mots de ce qu’il
avait promis sur les Prorrhétiques, et sur un autre point que
j'ai cité plus haut (page 99). Cette dissertation serait pour
nous très intéressante, mais il n’en existe plus aucune trace.
Galien avait composé un livre spécial où il examinait les
titres d'authenticité de chacun des écrits de la Collection
hippocratique. Ce livre a complètement péri. Dans ceux de
ses Commentaires qui nous ont été conservés, il s’occupe
uniquement du côté médical des livres hippocratiques, et ce
n'est qu’en passant qu’il nous parle des doutes exprimés sur
{el ou tel livre, et de l’origine qu'on attribuait à telle ou telle
»
>
Ἐν τὴ κατὰ μέρος ἐξηγήσει, p. 6, Ed. Franz.
156 INTRODUCTION.
production. Son ouvrage de critique littéraire sur la Collec-
lon hippocratique serait pour nous aujourd’hui une mine
précieuse de renseignements. Sa riche érudition s'y serait
répandue avec abondance; et, dans les cas mêmes où la eri-
tique moderne ne pourrait en adopter tous les jugements ,
elle trouverait, dans ce livre, des recherches , des citations,
des documents qui l’éclaireraient et lui permettraient d’avoir
une opinion indépendante de celle de l’illustre médecin de
Pergame, L'histoire de la Collection hippocratique n’a pas
fait de perte plus sensible.
Ainsi tout ce que l’antiquité avait composé ex-professo sur
la critique des œuvres d’Hippocrate a disparu. Ce qu'il faut
maintenant, c’est rechercher, autant qu’il est possible, les
éléments qu’elle avait à sa disposition. Dans les écrits des
commentateurs, nous rencontrons des jugements nombreux,
sauvent fort différents; mais ces jugements ne sont jamais
motivés, ou ils ne le sont que très-insuflisamment. Ces mo-
tifs, que nous ne lisons nulle part, nous en découvrirons les
principales bases, si nous particularisons les documents que
les anciens ont pu et dû consulter pour se faire une opinion
sur la légitimité ou l’illégitimité des traités qui constituent la
Collection hippocratique.
Ces documents peuvent, en ce qu'ils ont d’essentiel , être
rapportés à trois chefs : le premier est lexistence , soit de
traditions, soit de quelques monuments qui constataient
l'existence des fils et des élèves d’Hippocrate, et leur qualité
d'auteurs médicaux ; le second est la masse de livres relatifs
à la médecine, antérieurs et postérieurs à Hippocrate; le troi-
sième est un ouvrage dans lequel un disciple d’Aristote avait
résumé l’histoire médicale jusqu’à son époque.
Au temps des plus anciens auteurs qui ont commencé à
écrire sur les œuvres d'Hippocrate , il restait certainement
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 157
des traditions, vagues, il est vrai, et incertaines , sur les mé-
decins qui avaient contribué à former cette Collection. On
ne peut guère expliquer autrement cette concordance des
critiques à donner comme auteurs d’un certain nombre de
traités, les fils, ou les petits-fils, ou le gendre d’Hippocrate.
Les noms des fils d'Hippocrate et de ses descendants, que Sui-
daset d’autres rapportent avec l'indication peu précise qu'ils
avaient écrit sur la médecine, ont été pris sans doute dans la
liste d'Ératosthène. Mais Ératosthène lui-même , ou les te-
nait de la tradition, ou les avait puisés dans quelque docu-
ment aujourd'hui détruit. Quant aux renseignements sur la
collaboration des fils et des descendants d’'Hippocrate, je ne
puis les attribuer qu’à des traditions qui s'étaient conservées
dans les anciennes écoles médicales antérieures à celles d’A-
lexandrie et de Pergame; car on n’en rencontre aucune trace
écrite; un manuscrit latin (n° 7028) que j'ai déjà cité (p. 40),
dit que parmi les descendants d’'Hippocrate il y eut Thessa-
lus, Dracon, Hippocrate le jeune, desquels leslivres n’ont pas
été connus (quorum libri non apparuerunt). Gela est très
vrai : nulle part les critiques n’appuient leurs dires sur des
témoignages, des citations ou des livres de ces hippoera-
tiques ; et toujours ils se bornent à des allégations qu'ils rap-
portent sous la forme de oui-dires. Je pense donc qu'il s’agit
dans tout cela, non pas de documents écrits, mais de tradi-
tions qui s’étaient transmises aux plus anciens commenta-
teurs, et que leurs successeurs avaient enregistrées vague-
ment telles qu'ils les avaient reçues.
Uneremarquefortifiesingulièrement cette manière de voir :
c'est. qu’en effet il se trouve, dans la Collection hippocratique,
un morceau qui, ainsi que nous l’a appris Aristote, est vérita-
blement de Polybe, gendre d’Hippocrate ; et cependant les
critiques et Galien lui-même, qui attribuent certains écrits à
158 INTRODUCTION.
Polybe, n'arguent jamais de la citation parfaitement positive
d’Aristote, et semblent l’ignorer ou n’en pas faire compte :
de sorte que c’est, à vrai dire, indépendamment de l'autorité
du chef du péripatétisme qu'ils assignent une certaine colla-
boration dans la Gollection hippocratique à Polybe. Peut-être
même, au moment où Xénocrite et Bacchus tenaient la Col-
lection hippocratique et le livre de la Nature de l’homme qui
porte le nom d’Hippocrate , et qui est de Polybe; peut-être,
dis-je, à ce moment, l'Histoire des animaux, où Aristote
rapporte la citation de Polybe, n’était pas encore parvenue
à Alexandrie : car la collection des œuvres du philosophe
n’a été publiée que par Apellicon, postérieurement au
temps des premiers commentateurs hippocratiques. Cette dé-
monstration ainsi donnée par un témoignage évident pour
un écrit et pour un auteur, fortifie les autres assertions
touchant la coopération des fils et des petits-fils d'Hippocrate,
et porte à croire que les traditions d’après lesquellesles com-
mentateursont parlé, reposent sur un fait très-véritable, sans
mériter peut-être, dans le détail, une grande confiance. Je
veux dire qu’on peut admettre avecsûreté que des descendants
et des élèves d’Hippocrate ont certaines de leurs œuvres ca-
chées sous le nom de leur maître au milieu de la Collection ,
mais qu’on ne peut de même admettre que tel ou tel écrit ap-
partient plus particulièrement à Dracon , à Thessalus, ou à
tout autre membre de la famille.
Les anciens critiques ont emis des opinions très diverses
sur l'attribution, à tel ou tel fils ou descendant d’Hippocrate,
des différents écrits qu’ils ont supposé n'être pas de ce mé-
decin. Je crois utile de rapporter leurs principaux dires à
ce sujet; car il est certain qu’au moins un de ces hippocra-
tiques ( Polybe) a un de ses livres cachés dans la Collection,
et il est extrêmement probable qu'il en est de même pour
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 159
plusieurs autres médecins de la même famille et de la même
école. Suivant Galien, le 5° livre des Æpidémies est, non du
célèbre Hippocrate, fils d’Héraclide, mais d’un Hippocrate
plus récent , fils de Dracon; le 2°, le 4° et le 6° sont, dit-il,
d’après les uns, de Thessalus, d’après les autres, du grand
Hippocrate lui-même, mais seulement un recueil de notes
non rédigées, que Thessalus, voulant que rien ne se per-
dit, réunit toutes ensemble, et publia après la mort de son
père 1.
Suivant Dioscoride, l'auteur du livre des Maladies qui
dans nos éditions porte le titre de Premier , appartenait à
Hippocrate, fils de Thessalus 3.
Le traité de la Nature de l'enfant a été attribué à Polybe,
disciple d’Hippocrate 5.
L’opuseule du Régime des gens en santé ἃ élé attribué à
Polybe # , à Euryphon, à Phaon, à Philistion , à Ariston 5,
et à Phérécydef, tous auteurs ou plus anciens qu'Hippocrate
ou ses contemporains. É
Le traité du Régime (en 3 livres) était refusé à Hippocrate,
et attribué aux mêmes, Philistion, Ariston, Phérécyde 7, et
encore à Philétas 8.
Le livre des Affections était, suivant quelques-uns, non
d’Hippocrate, mais de Polybe, son disciple ?.
* Tome ται, p. 482, Ed. Basil.
? Galien, t. v, p. 456,
3 Galien, t. 1, p. 214.
4 Galien, t. v, p. 29.
5 Galien,t. v, p. 45.
5 Galien, t. v, p. 302.
7 Galien, t. v, p. 502.
ὁ Galien, t. 1v, p. 206.
9. Galien, t. v, p. 502.
160 INTRODUCTION,
Glaucias, et Artémidore Capiton pensaient que le traité
des Humeurs, qu'Héraclide de Tarente et Zeuxis rejetaient
complétement du catalogue des œuvres hippocratiques, était
d’un des Hippocrates postérieurs 1.
Lesancienscommentateurs ont admis que, parmi les écrits
de la Collection hippocratique , les uns sont des recueils de
notes (ὑπομνήματα) prises par l’auteur lui-même pour son
instruction ou pour la préparation d’autres ouvrages, et que
les autres sont des livres achevés et destinés à la publication
(συγγράμματα). Galien dit en différents endroits que les notes,
les livres kypomnématiques, pour me servir de l'expression
ancienne, ayant été trouvés après la mort d'Hippocrate par
son fils Thessalus, celui-ci les réunit, les coordonna , et les
publia en y ajoutant du sien. Que certains livres soient un
recueil de notes, de souvenirs non destinés à la publication,
c’est ce que prouve l'examen le plus superficiel de la Collec-
tion hippocratique; quant au fait de la publication par Thes-
salus , fils d'Hippocrate, c’est ou une supposition des com-
mentateurs pour expliquer cette publication, ou une tradi-
tion conservée.Galien a énoncé cette opinion particulièrement
à propos du n° livre des Epidémies, du vi‘, et du traité de
l'Officine du médecin; et, rencontrant, dans ce dernier livre,
la répétition d'un passage, il remarque quece livre ἃ été pu-
blié après la mort de l’auteur, et que les copistes ont l’habi-
tude detranscrire, dans le corps de l'ouvrage, ces répétitions,
que l’auteur n’avait écrites que pour examiner laquelle des
deux façons de dire il préférerait quand il en viendrait à une
rédaction définitive ?.
Par mes recherches sur les commentateurs anciens, je
# Galien, t. xvi, p. 1, Ed. Kuhn.
Tome v, p.697, Ed. Basil.
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 161
suis arrivé à montrer d’une manière irrécusable que la Col-
lection hippocratique existait dès le temps d’Hérophile , et
qu'il fallait par conséquent reporter au-delà de cette époque
même la composition des divers ouvrages qui en font partie.
Je suis bien aise, puisque l’occasion s’en présente ici, de
rappeler que telle a été aussi l'opinion de Galien et des autres
critiques de l'antiquité. Ainsi , le médecin de Pergame , an-
nonçant qu'il examinera ce qui est dit sur la dyspnée dans
les livres hippocratiques, déclare qu’il n’exelura pas de cet
examen les ouvrages qui n’appartiennent pas à Hippocrate,
attendu que ceux-là mêmes sont ou de Thessalus , ou de Po-
lybe, ou d'Euryphon, tous auteurs qui ne sont éloignés ni
du temps ni de l’école hippocratiques. C’est à ce résultat en
effet qu’aboutissent tous les dires des critiques de antiquité :
un livre qu’ils refusent à Hippocrate lui-même est toujours
attribué à quelqu'un plus ancien que la fondation des écoles
à Alexandrie.
Soranus de Cos, nous dit le biographe d’Hippocrate, avait
fouillé les bibliothèques de cette île pour y chercher des do-
cuments sur l’illustre médecin dont il avait écrit la vie. Il y
trouva la date précise de sa naissance. Je rappelle ce fait uni-
quement pour montrer qu’il pouvait y avoir là encore quel-
ques traces, soit d'Hippocrate lui-même, soit de sa famille,
qui avait occupé un rang si honorable dans Cos, et qui ap-
partenait au service du temple d’Esculape. Mais nous savons
seulement que Soranus y trouva une date. Un autre écrivain
a dû fournir des renseignements sur Hippocrate, sa famille
et ses ouvrages : c’est Macarée. Il avait composé une histoire
de Cos, qu’Athénée mentionne à diverses reprises !. Aucun
auteur de l'antiquité ne cite, que je sache, Macarée au sujet
© Μαχαρεὺς ἐν τρίτῳ Koaxüiv , p. 262 et 629,
ἸΟΜ. 1. 11
162 INTRODUCTION,
du médecin qui fut une gloire de 116 de Cos. Cependant on
ne peut guère douter qu’il n’en ait parlé.
Mais on ἃ une mention bien plus précise et bien plus au-
thentique, sinon sur Hippocrate, du moins sur les asclé-
piades de Cos et de Cnide. En parlant, dans le chapitre τι, de
la généalogie d’Hippocrate, j'ai rappelé qu’elle avait été
donnée par Ératosthène , le plus ancien auteur, à notre con-
naissance, qui eût écrit sur cette généalogie ; mais en même
temps j'ai fait remarquer que, copiée par le savant astro-
nome d'Alexandrie , elle devait avoir quelque fondement.
Or Photius, dans le bien court extrait qu’il nous ἃ con-
servé de Théopompe, nous a indiqué une des sources où
Ératosthène a dû puiser. Théopompe,; historien célèbre dont
les livres ont malheureusement péri, a vécu du temps de
Démosthène et d’Aristote; il avait quarante-cinq ans vers
l'époque de la mort d'Alexandre. Il est donc peu éloigné
d’Hippocrate lui-même. Or dans son douzième livre il avait,
en parlant des médecins de Cos et de €nide, expliqué com-
ment ils étaient asclépiades, et comment les premiers des-
cendants de Podalire étaient venus de Syrnos!. Cette indica-
tion , intéressante pour l’histoire de la famille d'Hippocrate,
montre que la généalogie copiée par Ératosthène reposait
sur des documents empruntés à des écrivains qui étaient bien
plus voisins de l’époque du médecin de Gos, et par consé-
quent plus sûrement informés.
La mention des médecins de Cos et de Cnide faite dans
une grande histoire comme celle de Théopompe, témoigne
de l'importance qu’avaient prise, et ces établissements mé-
dicaux, et les hommes qui y présidaient.
"Περί ξε τῶν ἐν Κῷ χαὶ Κνίδῳ ἰατρῶν, ὡς ᾿Ασχληπιάδαι, χαὶ ὡς
ἐκ Σύρνου οἱ πρῶτοι ἀφίχοντο ἀπόγονοι Ποδαλειρίου. Phot., Bibl.,
p. 205, Ed. Hoeschel.
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 163
Je regarde ce titre d’un chapitre de Théopompe comme
capital dans l’histoire d'Hippocrate. Voyez en effet comme
toute cette histoire s’enchaîne : Platon , disciple de Socrate .
désignant Hippocrate, l'appelle fils des asclépiades de (05 ;
Théopompe, historien, contemporain d’Aristote, traite, dans
un paragraphe spécial, des asclépiades, médecins de Cos et
de Cnide; Ctésias, médecin de Cos, asclépiade aussi, est
connu d’ailleurs; de telle sorte que Platon, Ctésias et Théo-
pompe forment une chaîne, sans interruption, de témoigna-
ges qui, commençant à Hippocrate lui-même, vont jusqu’à
Alexandre-le-Grand , et certifient, pour toute cette période ,
l'existence des asclépiades, médecins de Cos, et la place
qu’occupe Hippocrate dans cette famille.
Les plus anciens manuscrits dont les commentateurs fas-
sent mention, sont ceux que renfermait la Bibliothèque
royale d'Alexandrie. Galien, malgré toutes ses recherches,
n’en ἃ jamais pu trouver qui remontassent à cette époque ;
encore moins a-t-on pu voir ces membranes, ces feuilles de
papyrus, ou ces tablettes, sur lesquelles on ἃ prétendu
qu'Hippocrate avait déposéses pensées, et lesquelles, a-t-on
dit, furent livrées à la publicité par ses descendants.
On montrait, du temps de Pausanias , dans le temple d’A-
pollon à Delphes, une statue en bronze représentant un ca-
davre humain déjà ancien, entièrement dépouillé de chairs,
et où il ne restait plus que les os; les Delphiens disaient que
c'était une offrande d'Hippocrate le médecin ?. Au reste,
cette statue était bien plus ancienne que Pausanias; car elle
joue un rôle dans l’histoire de la guerre sacrée, où Philippe ,
père d'Alexandre , s’immisca.
1 Διφθέραις à χάρταις à δέλτοις. Gal., t. v, p. 461, et alibi.
2 Pausanias, Phocie. 22.
164 INTRODUCTION.
Une autre source de renseignements précieux venait des
écrits médicaux antérieurs ou immédiatement postérieurs à
Hippocrate. Les écrits antérieurs sont ceux d’Alcméon , de
Diogène d’Apollonie, de Démocrite, de Prodicus, d'Épi-
charme, d’Euryphon. Toute cette littérature est anéantie ;
mais si nous l’avions encore, s’il nous était possible d’étu-
dier ces monuments plus anciens qu'Hippocrate lui-même ,
nous y trouverions très certainement des termes de compa-
raison et des rapprochements, nous comprendrions ce qui à
été imité par les hippocratiques , et nous arrivericns à fixer
avec beaucoup de précision, une généalogie des observations
et des théories médicales telles qu’elles se comportent dans
la Collection. Maintenant, supposons que nous possédons
tous les écrits composés dans l’âge qui a suivi immédiate-
ment Hippocrate, c’est-à-dire les livres de Dioclès, de Praxa-
gore, de Philotimus , de Dieuchès. Nous trouverons, dans
cette nouvelle série de productions, des termes de compa-
raison , des rapprochements, mais qui seront dans un ordre
inverse de ceux dont il a été question pour l’autre série ,
c’est-à-dire que les comparaisons et les rapprochements, au
lieu de descendre vers Hippocrate, remonteront vers lui. De
cette façon , on enfermerait, entre deux limites fixes et rap-
prochées, toutes les œuvres dites hippocratiques , et on par-
viendrait, en un bon nombre de cas, à porter un jugement
très précis à l’aide des lumières qui borderaient les deux
côtés de la voie où l’on passerait en revue les écrits hip-
pocratiques. Tour à tour imitateurs et imités, emprunteurs
et prêteurs, ces livres se trouveraient naturellement mis à
leur place; et tout ce qui, dans cette collection, échapperait
à l'une ou à l’autre de ces limites, serait dès lors frappé
d’un caractere incontestable d'illégitimité.
Nous n'avons aucune preuve que les criliques et ccmmen-
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 165
tateurs anciens se soient livrés à cette méthode de recherches
et de comparaisons avec toute la rigueur dont elle est sus-
ceptible, ni qu'ils en aient tiré tous les résultats qu'elle peut
fournir. Mais toujours est-il qu'ils ont possédé, tenu, cité
tous les livres tant antérieurs qu'immédiatement postérieurs
ἃ Hippocrate, que j'ai énumérés plus haut. Et s’il est croya-
ble qu'ils n’ont pas poussé avec toute la précision et la clair-
voyance nécessaires leur examen de la légitimité ou de lit
légitimité des livres hippocratiques en particulier, cependant
la présence des écrits médicaux qui limitent la Collection en
arrière et en avant, étant un fait incontestable, a dû exercer
de l'influence sur les jugements qu’ils ont portes. Quand
même ils n'auraient pas étudié avec tout le soin possible les
termes de comparaison qui étaient à leur disposition, ces
termes existaient , et donnaient aux opinions des critiques
une direction qui, pour être irréfléchie, n’en a pas été moins
réelle. Gette direction nous manque complètement, vu la
perte que nous avons faite de tant de monuments médicaux :
c’est une raison de plus pour peser avec attention les juge-
ments des ancienscommentateurs ; car nousretrouvons, dans
les considérations que je viens de rappeler, la preuve que
leurs dires n’ont point été dénués d’autorités. De ces auto-
rités rien ne nous reste, sinon la certitude qu’elles ont existé
pour eux, qu’elles ont été consultées par eux, et qu’elles ont
influé plus ou moins directement sur les opinions qu'ils se
sont formées de l'authenticité de tel ou tel livre hippocrati-
que. Cela suffit pour assurer grandement à son tour la eri-
tique moderne, qui sait alors qu’elle peut, au moins dans de
certaines limites , accorder créance à son aînée.
Il ne me reste plus qu'à mentionner un seul livre. Mais
ce seul livre est, par sa date et par son sujet, le complé-
ment le plus précieux et le plus utile pour Phistoire de
166 INTRODUCTION.
la Collection hippocratique, qu’aient pu avoir les renseigne-
ments divers que j'ai énumérés plus haut. Il a été possédé
par l'antiquité, et, si nous le possédions , ce serait un tré-
sor d’éclaircissements concernant les livres qui portent le
nom d'Hippocrate. Galien ne nous en ἃ conservé que l'indi-
cation ; mais cette simple indication mérite d’être examinée
avec Soin. « Si vous voulez connaître les opinions des an-
« ciensmédecins, dit Galien ἢ, vous n’avez qu’à lire leslivres
« dela Collection médicale attribués à Aristote, mais qui sont
« reconnus pour avoir été composés par Ménon, son disciple ;
« aussi quelques-uns leur donnent-ils le nom de Livres méno-
« niens. I est évident que ce Ménon, ayant recherché avec
« soin les anciens livres médicaux conservés de son temps ,
« y a puisé les opinions de leurs auteurs ; mais il n’a pu con-
« signer , dans son ouvrage , les doctrines renfermées en des
« livres qui avaient été détruits, ou qui, bien qu'existant en-
« core, n'avaient pas été vus par lui. Vous ne trouverez, dans
« cet ouvrage de Ménon, aucun médecin qui, de la bile jaune
« ou de la bile noire , ou du phlegme, fasse l'élément uni-
« que du corps humain. Plusieurs médecins, même après
« Hippocrate, paraissent admettre , comme élément unique
« en nous, le sang , auquel ils attribuent la première forma-
« tion de l'embryon, son accroïssement dans la matrice, et
« son développement eomplet après la naissance; maïs Hip-
« pocrate ἃ écrit que quelques-uns pensaient que le corps
« humain était ou tout bile, ou tout phlegme, et il ne se se-
« rait pas exprimé ainsi, s’il n’y en avait pas eu de son temps,
«ou avant lui, qui eussent émis cette opinion. »
Si ce livre était parvenu jusqu’à nous, ou si Galien Favait
discuté pour établir ce qui, en fait de doctrines, était le
» Tome v, p. 4, Ed. Basil.
ÉLÉMENTS DE LA CRITIQUE ANCIENNE. 167
propre d’Hippocrate, nous aurions certainement des rensei-
gnements d’une grande précision sur l’antiquité médicale en
général, etsur Hippocrate en particulier. Un livre aussi ancien
que celui de Ménon, disciple d’Aristote, trancherait un grand
nombre de questions sur l’époque de telle ou telle décou-
verte, de telle ou telle théorie, éliminerait d’un seul coup tout
ce qui est postérieur à ce philosophe, et nous donnerait des
notions précises sur l'intervalle de temps qui s’est écoulé
entre Hippocrate et l’école péripatéticienne. Le sujet même
du livre de Ménon irait droit à notre but et nous fournirait
les plus précieux matériaux pour une histoire de la méde-
eine jusqu’au temps d’Aristote, c’est-à-dire, pour une de
celles où les documents sont les plus rares et les plus incer-
tains.
J'ai réuni, dans ce court aperçu, ce que les critiques an-
ciens possédaient et ce que nous ne possédons plus, pour
la décision des questions relatives à la légitimité ou à lii-
légitimité de tel ou tel écrit de la Collection hippocratique.
Pour nous , en effet, lestraditions recueillies encore au temps
d'Hérophile, de Xénocrite, de Bacchius, sont anéanties, et
la valeur n’en peut plus être appréciée ; lamême destruction ἃ
frappé la littérature médicale avant et après Hippocrate, et
les points les plus importants de comparaison nous ont été
enlevés; enfin, un traité d’histoire de la médecine, le pre-
mier sans doute qui ait été composé et qui remonte jusqu’à
un élève d’Aristote, a disparu avec tant d’autres monuments
de cette haute antiquité. Les anciens critiques ne nous ont
pas appris quel usage ils ont fait de ces éléments de discus-
sion; mais j'ai tenu à les réunir sous un seul coup-d'œil ,
afin d'assurer la critique antique avant de passer à la critique
moderne , qui, pouvant peut-être plus que son aînée, ne
peut cependant rien que par elle.
168 INTRODUCTION.
La mention du livre de Ménon , quoiqu’elle ne nous donne
aucune notion directe, nous fournit un argument indirect
d’une grande foree touchant l'antiquité des écrits hippocrati-
ques. Fout ce que les anciens critiques, tels queGalien, Éro-
tien, et les commentateurs d'Alexandrie, s’aecordent à placer
avant la fondation du péripatétisme, doit nécessairement
être admis comme réellement antérieur à Aristote; car on
avait, du temps de ces différents critiques, le livre même
d’un disciple de ce grand philosophe pour contrôler les as-
sertions qui auraient attribué aux écrits de la Collection hip-
pocratique une antiquité trop reculée. Ce n’est donc pas
sur de pures conjectures , sur des traditions incertaines, sur
des données sans fondement que les anciens se sont accordés
à fixer l’époque de la composition des principaux écrits hip-
pocratiques vers le temps d'Hippocrate lui-même, ou vers
celui de ses fils et petits-fils; ils avaient, dans l'ouvrage de
Ménon, un point solide où la critique pouvait s'établir. Quoi-
que ce point nous manque , rappelons-nous qu'il a existé
pour eux, et cette considération, digne de toute l'attention
de la critique moderne, jettera une certaine lumière sur des
questions obseures.
CHAPITRE VII
A
EXAMEN DES OUVRAGES MODERNES οὐ L’ON TRAITE EX PROFESS0
DE L'HISTOIRE DES LIVRES DITS HIPPOCRATIQUES:
Les doutes soulevés par les critiques anciens au sujet de
tel ou tel traité, dit hippocratique, ont été recueillis par les
critiques modernes qui ont composé des dissertations spé-
ciales sur ce point d'histoire littéraire. Leurs travaux ne
peuvent être négligés dans cette introduction. Il faut que je
m'étaye de leurs recherches, quejem'éclaire deleurs idées ,
que je constate la méthode qu’ils ont suivie, et la limite où
ils sont arrivés, et que j’essaie d'améliorer la méthode et de
reculer la limite. Je ne suivrais pas la ligne fa plus droite,
et le lecteur n'aurait pas la vue la plus nette de mon tra-
vail , si je n’exposais pas sommairement ce qu'ont fait, en ce
genre, mes devanciers.
Les deux premiers qui se soient occupés de ce point de
critique sent Lémos et Mercuriali. Louis Lémos 1 s'appuie
uniquement sur les dires de Galien, et il n’a pas d’autre
avis que celui du médecin de Pergame; c’est là la seule
base de sa critique. Le style et la force des pensées, qui sont
bien quelquefois invoquées par Lémos, ne sont qu’un argu-
ment très accessoire pour le médecin espagnol. Ce serait un
progrès pour la critique que de quitter l’appréciation unique
du style pour passer à l'examen intrinsèque des témoignages.
Mais, dans l’opuscule de Lémos, ce n’est pas de propos dé-
* Judicium operum magni Hippocratis. Salmanticæ, 1582.
170 INTRODUCTION.
libéré que cette règle de critique , à laquelle les écrivains pos-
térieurs se tiendront surtout , est laissée de côté, mais c’est
parce qu'il juge Galien un guide infaillible, et qu'il pense
que le témoignage de ce médecin suflit pour trancher toutes
les questions que soulève l'examen de la Collection hippo-
cratique.
L'ouvrage de Lémos estuntravail moinsétudiéet moins in-
dépendant que celui de Mercuriali. Ce dernier! divise en qua-
tre classes les écrits dits d'Hippocrate : la première comprend
ceux qui portent le caractère de sa doctrine et de son style;
la seconde, les ouvrages qui ne sont composés que de notes
prises par lui pour mémoire , écrites sans correction, et
publiées par Thessalus, son fils, ou par Polybe, son gendre, ou
par d’autres discipies, et danslesquels se trouvent des interpo-
lations étrangères à Hippocrate lui-même ; la troisième classe
est celle des livres qui n’ont été pas été composés par Hip-
pocrate, mais qui sont l’œuvre de ses fils ou de ses disciples,
et qui représentent plus ou moins exactement ses dogmes et
sa doctrine; dans la quatrième sont rangés les écrits qui sont
tout-à-fait en dehors de l’école hippocratique. Mercuriali s’ap-
puie, avant toute chose, pour partager les livres hippocrati-
ques en classes, sur le style d’Hippocrate, et sur sa manière
d'écrire. Les anciens ont attribué à Hippocrate une phrase ho-
mérique, la promptitude à forger les mots nouveaux, et une
habileté particulière à approprier à son objet les locutions vul-
gaires. Mercuriali reconnaît, dans les œuvres de ce médecin,
trois modes d'exposition : l'un est une narration continue
comme dans le livre des Eaux, des Airs et des Lieux , dans
le traité du Régime des maladies aiguës ; Vautre consiste en
sentences séparées, comme les Aphorismes , le Pronostic ,
ἡ Censura operum Hippocraus.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 171
le livre de l”_ Aliment ; le troisième enfin tient des deux autres,
commelelivre de la Nature de l’homme. La première des con-
ditions du style d’'Hippocrate, suivant Mercuriali, est la brie-
veté jointe à l'obscurité; mais Mercuriali se contredit immé-
diatement, car il dit que, si Hippocrate se montre clair et pro-
lixe dans quelques traités comme dans celui des Eaux, des
Aùrs et des Lieux, c’est parce que son sujet exigeait ce
genre de composition. Ainsi la règle de critique de Mercu-
riali tombe de son propre aveu; et le signe donné pour dis-
tinguer les écrits authentiques fait défaut dès le premier
abord. La seconde condition, c’est que les sentences d'Hip-
pocrate, bien que concises et incomplètes, n’en sont pas
moins marquées du cachet de la vérité, et qu'il n’est pas un
mot de lui qui soit écrit en vain ; il est évident qu'une pareille
indication laisse la critique dans le plus grand vague. La
troisième condition de la composition d’'Hippocrate est la
gravité qui se fait voir non-seulement dans le sujet lui-même,
mais encore dans les phrases, les mots et leur arrangement.
Telles sont les trois conditions qui ont servi à Mercuriali
pour distinguer les écrits propres à Hippocrate de ceux qui
lui sont étrangers. Une pareille critique repose sur des fon-
dements incertains : rien n’est sujet à controverse comme
les arguments tirés de la gravité du style et de sa concision.
D'ailleurs, il y ἃ là une pétition de principes ; car, avant de
de dire que tel style appartient à Hippocrate, il faut prouver
que les ouvrages où l’on croit, à tort ou à raison, recon-
naître ce style, sont réellement de l’auteur auquel on les
attribue.
Voici la liste des écrits que contiennent les quatre classes
de Mercuriali : 1° classe, le traité de la Nature de l’homme ;
des Airs, des Eaux et des Lieux ; les Aphorismes ;le Pronos-
tic;les Épidémies; letraité du Régime dans les Maladies aiguës,
172 INTRODUCTION.
jusqu'à la partie qui concerne les bains; des Plaies de tête ;
des Fractures ; des Articulations ; de l’Officine du médecin ;
des Instruments de réduction; de l Aliment; des Humeurs; des
Ulcères. 2° classe : le traité des Lieux dans l’homme ; le livre
des Airs; le livre de la Naissance à sept mois et à huit mois ; de
la Nature des 08. 35 classe : lelivredes Chairs ou des principes ;
de la Génération; de la Nature de l'enfant ; des Affections ;
des Affections internes; des Maladies; de la Nature de la
femme; des Maladies des femmes ; des Femmes stériles ; de
la Superfétation; des Maladies des jeunes filles; de la Ma-
ladie sacrée ; des Hémorrhoïdes ; des Fistules ; du Régime des
gens en santé ; les trois livres du Régime ; de l’usage des Li-
quides ; des Crises ; des Jours critiques; les Prorrhétiques ;
les Prénotions coaques ; le traité des Songes. 4° classe : le
Serment; les Préceptes ; la Loi; de l'Art; de l’ Ancienne
médecine; du Médecin; de l’Honneur ; de l'Exsection du
fœtus ; del Anatomie ; du Cœur ; des Glandes ; de la Denti-
tion; de la ue ; les Lettres.
Je joins ici un jugement , peu connu aujourd’hui, qui fut
porté sur le livre de Mercuriali, dans le temps même où il
parut, par Jean Costei, professeur au lycée de Bologne.
Costei écrit au célèbre Uiysse Aldrovande f : « Celui qui ἃ
ἃ écrit récemment l'Zxamen des livres d'Hippocrate, très
« savant Aldrovande, reçoit toute mon approbation, etje ne
« puis assez admirer avec quelle facilité il débrouille une
« masse de livres si confuse et si variée. D'abord, séparer
«les principes conformes aux doctrines d'Hippocrate, de
« Ceux qui sont contradictoires, ce n’est, certes, ni une
* Joannis Costei Laudanensis, in }yceo Bononiensi medicinæ
professoris clarissimi , Miscellanearum dissertationum decas prima
Patavii, 1658.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 173
« petite entreprise, ni l'œuvre d’un homme qui ne serait
« pas versé dans toutes les parties de l’art médical, et qui
« ne se serait pas long-temps familiarisé avec les écrits de
«cet auteur; puis comprendre quels ouvrages sortent de
« l'école d'Hippocrate, exige beaucoup de travail, enfin
« reconnaître quels sont ceux qui portent l'empreinte de la
«main du maître, c’est le plus grand effort de l'esprit le
« plus sagace et le plus exercé. Si j'ai fait quelque progrès
« dans l'étude des livres hippocratiques , j'ose dire que notre
« auteur seul jusqu’à présent, ou bien a touche le but même,
« ou du moins en a été le plus près.
« Mais, sur cet objet, il n’est pas étonnant que les avis
« soient partagés ; et, puisque vous me demandez mon opi-
« nion , il est un point sur lequel j'ai toujours été et je suis
«encore en suspens. Je ne me souviens pas avoir lu dans
« aucun auteur qu'Hippocrate ait, de son vivant, publié au-
« cun de ses ouvrages ; entre les raisons qui portent à croire
« qu’en effet il n’a rien publié lui-même, la plus forte est
« peut-être que, dansceux-mêmesquetous regardent comme
« authentiques, certaines parties s’éloignent deses doctrines,
« de laveu même de Galien; d’autres sont d’une obscurité
« excessive, d’autres sont répétées dans les mêmes traités
«et dans des traités différents, d’autres enfin sont sans ordre,
« sans lien, et composées tout-à-fait contre les bonnes règles
« d'écrire, qu’un si grand homme n’a certainement pas ignc-
« rées. Il est donc probable que des livres qui n'étaient ni
« convenablement rédigés, ni achevés, n’ont pas été publiés
« par lui-même.
« Ces raisons portent à conclure que les livres de la pre-
« mière et de la seconde classe sont du même ordre. Je
«donne un complet assentiment à la composition de la
« troisième classe telle que notre savant auteur l’a présentée
174 INTRODUCTION.
« avec unetrès grande pénétration. Gependant, je consigne-
« rai ici ce que j'ai pensé, à diverses reprises, des Prénotions
« coaques. Que ce livre ne soit pas d'Hippocrate, c’est ce que
« prouve le témoignage de Galien et d’autres. J’ai souvent
« hésité de savoir s’il est antérieur ou postérieur à Hippc-
« crate. Galien dit, il est vrai, que tout ce que les Préno-
« tions coaques et les Prorrhétiques contiennent de véritable,
« a été pris aux Aphorismes, au Pronostic et aux Épidémies.
« Cependant si, commela raisonle veut, les choses sont ensei-
« gnées dans un meilleur ordre par eelui qui écrit en dernier
« Leu, l’ordre qui règne en certains passages du Pronostic, des
« Prorrhétiques et des Aphorismes, meilleur que dans 165
« Prénotions coaques, ferait croire, si l'autorité de Galien ne
«s’y opposait, qu'elles sont plus anciennes qu’Hippocrate ,
«et que ce médecin y ἃ puisé abondamment. Mais, d’un
« autre côté, certains passages y étant mieux que dans les
« autres écrits dénommés plus haut, il ne paraît pas impro-
« bable qu’elles soient contemporaines d’Hippocrate, et que
« l’auteur des Coaques ait récolté, comme lui, dans un champ
« déjà fécondé par les travaux etles observations des anciens.
« J'ai encore un scrupule sur le livre de l’Aliment. En
« effet , si la brièveté, l'obscurité, la gravité du style et l’a-
«bondance des pensées sont des indices de la doctrine hip-
« pocratique, pourquoi ne pas le considérer comme une
« œuvre émanée d’Hippocrate lui-même; d'autant plus que
« ni Galien, ni aucun autre bon auteur , ne nient qu'il soit
« d'Hippocrate ?
τ Cette réflexion de Costei porte à croire que, lors de la première
édition de son Eramen, Mercuriali n’avait pas mis le livre de
l’A4liment dans la première classe. Je n’ai pu vérifier ce fait, n’ayant
pas sous la main cette première édition.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 175
« Quant aux livres rangés dans la quatrième classe, je sais
« que les opinions diffèrent , et que plusieurs modernes tà-
« chent de prouver par de doctes arguments et par des ef-
« forts d'érudition que ces livres appartiennent à la vraie
« doctrine d'Hippocrate. Mais la grande dissemblance qui
« règne entr'eux montre qu’ils ne sont pas du même auteur,
«et empêche qu’on ne les rattache à un plan commun. Je
« pense donc que la classe des livres apocryphes a été établie
« avec raison au quatrième rang ; mais c’est à tort que tous
« ces écrits sont attribués à un seul homme.
«Telles sont, très savant Aldrovande, les réflexions que
« m'a suggérées la lecture de l’Examen des livres d'Hippo-
« crate, lecture faite avec une grande avidité malgré les
« autres études qui absorbent mon temps. J’ai voulu appuyer
« mon approbation, et vous montrer que je tenais à sa-
«tisfaire à votre demande. Quant au savant auteur de
« cet Examen, qu'il soit persuadé que j'ai pris le plus vif
« plaisir à la lecture de son livre, et que j'ai conçu la plus
«haute opinion de ses efforts pour rendre, par la science et
« le travail, à l’école hippocratique, toute sa splendeur. »
Cettelettre deCostei, en exposant le jugement qu’un homme
éclairé portait sur l'ouvrage de Mercuriali, mérite aussi
l'attention par quelques vues ingénieuses sur la critique hip-
pocratique. Telles sont ses remarques sur le désordre qui rè-
gne dans la Collection, et qui empêche de croire qu’elle ait
été publiée, au moins en totalité, du vivant d’Hippocrate; sur
le livre de l’_4liment, qui, rejeté par quelques-uns, porte ce-
pendant tous ces caractères de brièveté et d’obscurité attri-
bués par beaucoup de critiques au style d'Hippocrate; telles
sont encore celles qui concernent les Prénotions coaques,
et où Costei observe avec beaucoup de jugement, qu'entre
des livres où le même sujet est traité avec les mêmes pen-
176 INTRODUCTION,
sées et les mêmes détails, une meilleure rédaction suppose
une postériorité de composition. Le lecteur trouvera déve-
loppées dans les chapitres suivants la plupart de ces indica-
tions qui ne sont qu’en germe dans la lettre de Costeiï.
Gruner 1 ἃ suivi à peu près les mêmes règles de critique
que Mercuriali; 11 a réuni, dans une section 3, les ca-
ractères qui lui paraissent distinguer les écrits hippocrati-
ques : la brièveté du style, un dialecte ionien approchant
de l’ancien dialecte attique, la gravité et la simplicité du
langage, enfin l'absence de raisonnements théoriques dans
ces écrits. L'usage du dialecte ionien ne prouve rien pour
l'authenticité de tel ou tel écrit, car l’on sait que , long-
temps après le temps d’Hippocrate, des écrivains en ont
fait usage, et pour des médecins il suffit de citer Arétée.
Quant à l'absence de toute théorie, de toute hypothèse,
les écrits qui sont donnés comme hippocratiques n’en sont
pas absolument dépourvus. Ainsi les 4phorismes contien-
nent, par exemple, des sentences appuyées sur la théorie
de la chaleur innée, sur l'orgasme des humeurs et leur ten-
dance à s’écouler par telle ou telle voie. Représenter Hip-
pocrate comme ennemi des doctrines générales, c’est aller à
l'encontre de ce que Platon lui-même en rapporte. Le mé-
decin de Cos pensait, dit le discipie de Socrate, que lon ne
peut connaître le corps humain sans connaître la nature de
l'ensemble des choses. Dans le fait, il admettait les généra-
lisations familières aux philosophes de son temps, et de
grandes et belles théories sont dans ses livres.
Gruner, dont le livre est érudit, n’a changé notablement le
fond de la critique des écrits hippocratiques qu’en un point,
* Censura librorüm Hippocrateorum, Vratislaviæ, 1772.
2 Page 11.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 177
c'est qu'il a essayé d’en juger la légitimité par la nature des
notions anatomiques qui y sont consignées. Il regarde l’ana-
tomie d’Hippocrate comme très peu avancée; il est disposé
à rejeter comme illégitime tout écrit où les connaissances de
ce genre ont quelque étendue. Cependant il n’articule que
peu de faits spéciaux , entr’autres la connaissance des mus-
cles et la distinction des artères et des veines, double notion
qu'il croit postérieure à Hippocrate. J’examinerai ailleurs
la vérité de ces assertions.
Son intention a été de s'appuyer sur les témoignages des
auteurs anciens , et ἢ nomme aussi les premiers commenta-
teurs des écrits hippocratiques , mais, dans le fait, il se borne
presque uniquement à Palladius, Érotien et Galien ; et il faut
bien , qu’en réalité, le point de vue desa critique ne soit pas
sorti de ce cercle, puisqu'il dit : « La bibliothèque d’Alexan-
« drie ayant été brûlée par les soldats de Jules-César, n’a-t-il
« pas été facile à des hommes mal-intentionnés de substituer
« des livres apocryphes aux véritables, détruits par Fincen-
« die 1?» Gruner a oublié dans ces lignes que des commen-
taires, antérieurs de deux cents ans à l'incendie de la biblio-
thèque alexandrine, témoignent que la Coliection hippocra-
tique existait dès cette époque telle qu'Érotien et Galien la
connurent plus tard.
Gruner regrette à ce sujet la perte des traductions latines
d’Hippocrate dont Cassiodore ἃ parlé; comme si le témoi-
gnage d’'Hérachide de Tarente, de Glaucias et de Bacchius
n'était pas préférable à tout autre, puisqu'ils ont vécu environ
quatre cents ans avant Galien, et six cents avant Gassiodore.
Au reste, Gruner a emprunté cette grave erreur à Mercuriali,
qui dit, dans son Examen, p.3 de l'édition qu'il a donnée
* Censura librorum Hippocrateorum, Vratislaviæ, 1772, p. 5.
TOM, 1. 12
178 INTRODUCTION.
d’Hippocrate, queles livres hippocratiques ontsubi des altéra-
tions au moment de la dispersion de la Bibliothèque d’A-
lexandrie. Il va même plus loin : il suppose qu’Artémidore Ca-
piton et Dioscoride ont substitué des livres apocryphes aux
vrais écrits d'Hippocrate. C’est bien complétement oublier la
tradition descommentateurs: etces deux auteursneseseraient
pas ainsi mépris s’ils avaient suivi de près la succession non
interrompue des écrivains de l'antiquité qui se sont occupés
des livres hippocratiques. On comprend par cet exem-
ple combien la critique s'expose en ne tenant pas mi-
nutieusement compte des travaux anciens ; et l’on voit
qu'il n’a pas été inutile de dresser, comme je l'ai fait, une
liste longue, mais exacte, des commentateurs grecs d'Hip-
pocrate.
Gruner regarde comme étant d’'Hippocrate les livres sui-
vants : le Serment ; les Aphorismes ; le livre de l'Air, des
Eaux et des Lieux ; le Pronostic ; le 2° livre des Prorrhéti-
ques ; le livre de l’Officine du médecin ; le 1* et le 3° livre des
Épidémies ; le traité du Régime dans les maladies aiguës ; des
Plaies de têtes ; des Fractures, où pourtant il est parlé des
muscles. Tout le reste, il le rejette du canon hippocratique.
ΤΙ se pose, avec raison , la question de savoir pourquoi il
y a eu tant de divergences dans les jugements sur les écrits
hippocratiques, mais il ne la résout pas. La cause de ces di-
vergences sera expliquée dans le chapitre xr, où je montre-
rai que la Collection hippocratique a été formée de pièces
privées, la plupart, de tout témoignage au moment où elles
furent publiées.
Ackermann , dans sa notice sur l’histoire littéraire d’Hip-
pocrate!, soumettant à l'analyse l'authenticité des écrits hip-
: Bibl. gr.ed. Harles., t. 11, p. 235.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 179
pocratiques, n’a ajouté aux règles posées par Mercuriali et
Gruner que la tradition et le consentement des auteurs an-
ciens sur tel ou tel traité. Ce consentement ἃ un poids trés
réel dans la question , surtout quand on peut le rattacher de
Galien à Bacchius, ou à Hérophile. C’est certainement un
meilleur guide que les considérations tirées du style et de ja
phrase; car l'incertain Soranus, auteur de la vie d'Hippo-
crate , a eu toute raison de dire qu'il est possible d’imiter le
style d’un écrivain, et que le même homme peut lui-même
écrire de différentes manières.
Grimm, qui a traduit les œuvres d’Hippocrate en alle-
mand , et dont la traduction est très estimée, s'explique ainsi
sur la question de l’authenticité des différents traités : « Les
« interprètes et beaucoup d’autres, qui ont écrit et porté des
« jugements sur les œuvres d’'Hippocrate, ont établi plu-
« sieurs règles d’après lesquelles on doit distinguer les écrits
« véritables des apocryphes. Quelques-unes sont précises et
« bonnes; mais les autres sont d’une application toujours
« difficile, souvent impossible , ou soumise à une foule d’ex-
« ceptions et de doutes. Pour moi, la règle la plus impor-
« tante est le témoignage des écrivains postérieurs à Hippo-
« crate tels que Galien et Érotien ; témoignage transmis par
« une tradition orale, ou appuyé sur des documents qui
« existaient alors, et qui n'existent plus aujourd’hui. En se-
« cond lieu, le contenu des écrits doit être tel qu’il donne à
« cette preuve toute sa valeur. En conséquence, je ne cher-
« che dans les véritables écrits d'Hippocrate rien que la des-
« cription faite d’après nature des maladies avec leurs acci-
« dents et leurs causes palpables, description appuyée de
« sentences générales qui en dérivent, qui ne se contredi-
« sent pas , et qui ne sont sujettes qu’à de rares exceptions.
« Tout cela doit être, comme l'exposition elle-même, con-
180 INTRODUCTION.
« forme au temps, présenté dans un style simple, bref et
«expressif, et dans un langage qui s'accorde avec celui de
« l’époque. Aucune hypothèse, aucune subtilité, quelque
« antiques qu’elles soient, aucun traitement et remède ex-
« träordinaires ne doivent se trouver dans ces livres 1. »
D'après ces caractères, Grimm reconnaît comme authen-
tiques le τὸν et le 1rr° livre des Épidémies, le traité du Pro-
nostic, les Aphorismes, une partie considérable du traité sur
le Régime dans les maladies aiguës, et le livre de l Air, des
Eaux et des Lieux. Grimm a emprunté à Gruner son opi-
nion sur les notions anatomiques d’Hippocrate, et, comme
lui , il rejette les livres où les museles sont nommés , où les
artères sont distinguées des veines. A part le témoignage tra-
ditionnel, les autres règles que le traducteur allemand expose
prêtent, comme celles de ses prédécesseurs, beaucoup à lar-
bitraire, et sont surtout d’un ordre très secondaire. Il faut ar-
river , s’il est possible, à quelque chose de moins vague, et
pour cela demander aux livres hippocratiques eux-mêmes,
aux écrits qui en sont les contemporains, ou qui ne sont ve-
nus que peu de temps après, des renseignements plus précis.
Cette série de censeurs des livres hippocratiques me rap-
pelle lopinion qu’un fameux philologue se faisait des juge-
ments qui ne portent que sur le style, lexposition et les pen-
sées d’un auteur. Lemos, Mercuriali, Gruner et Grimm,
bien qu’on reconnaisse chez eux un développement progres-
sif de la méthode critique, se sont principalement appuyés
sur cet ordre de raisons; l'insuffisance en a été convenable-
ment appréciée par Richard Bentley dans un passage qui
trouvera ici naturellementplace : «La critique quine s'exerce
τ Hippocrates Werke aus dem Griechischen ubersetzt von Dr. 4.
F. Κα. Grimm B. 1, Vorbericht, Altenburg, 1791.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 181
« que sur le style et le langage, dit-il dans la préface de la
« Dissertation où il a prouvé que les épîtres qui portent le nom
« de Phalaris sont apocryphes, est ordinairement délicate et
« incertaine, et dépend de notions fugitives. Des hommes
« très instruits et très sagaces ont commis, daris ce genre de
« conjectures, des méprises qui allaient jusqu’au ridicule.
_ «Le grand Scaliger a publié quelques iambes comme un
« fragment choisi d’un vieil auteur tragique, et qu'il tenait
« de Muret; mais celui-ci bientôt après avoua la plai-
« santerie, et déclara que ces vers étaient de jui. Boxhor-
« nius écrivit un commentaire sur un petit poème intitulé
« de lite, qu’il attribua à quelque ancien auteur ; mais on_
« ne tarda pas à découvrir qu'il était de Michel L’Hospital,
« chancelier de France. De sorte que, si je n'avais pas d’au-
« tre argument que le style pour montrer la fausseté des let-
« tres de Phalaris, je n’espérerais faire partager ma convic-
« tion par personne. »
Sprengel, dans son Æpologie d’Hippocrate, a suivi, il le
dit lui-même, Gruner presque pas à pas. Cependant il à
commencé à introduire dans la critique hippocratique une
_eonsidération nouvelle: à savoir la considération des doc-
trines philosophiques; essayant de contrôler par celles-ci les
doctrines médicales des livres hippocratiques , et d'établir
entre ces livres un ordre d’antériorité. Cette indication
de Sprengel a été, après lui, suivie et développée par un
autre critique.
La suite même des auteurs dont je viens d'exposer très
sommairement les idées, montre que le champ de la cri-
tique hippocratique s’est successivement agrandi. Mais ce
genre de recherches est si minutieux, que les erreurs pul-
lulent à côté des meilleures observations ; j'ai relevé, et je
rapporte ici quelques-unes de ces erreurs.
182 INTRODUCTION.
Suivant Gruner (p. 88), Aristote attribue le traité des
Chairs à Polybe : citation fausse; le morceau cité par Aris-
tote est, non dans le livre des Chairs, mais dans celui de la
Nature de l’homme. ’
Sprengel dit? qu'il n’est question, chez aucun ancien, du
livre appelé de l'Usage des liquides ; or il est cité par Galien
sous ce même titre, et par Érotien sous le titre des Eaux.
Les quatre livres des maladies ont, dit-il ?, le témoignage
d'Érotien et de Galien ; or Érotien n’en cite que deux , et
Galien ne cite nulle part le quatrième.
D'après Sprengel 5, Galien assure qu’Aristote a découvert
l'aorte. Or Aristote , parlant de ce vaisseau, dit lui-même :
veine que quelques-uns appellent aorte. Il est donc évident
qu'il n’a pas le premier découvert l'aorte. D'ailleurs Galien
dit seulement que le vaisseau appelé aorte par Aristote , est
par d’autres grande artère #.
Gruner et Sprengel supposent que la fin du traité des
Chairs ou des Principes, qui, dans quelques éditions, forme
un chapitre à part intitulé de la 2716 (περὶ αἰῶνος), est le livre
que Galien et d’autres appellent des Semaines. Il n’en est
rien ; le livre des Semaines ne renferme pas la portion qui est
bien réellement la fin de l’opuscule des Chairs.
Sprengel ὅ dit que le livre de la Nature des os est positi-
vement donné par Aristote à Polybe. Or le livre de la Nature
des os a étécomposé avec des fragments divers, dont lun est
pris à Aristote lui-même (celui de Syennésis de Chypre); et
τ Apologie des Hippocrates, B. 1, 5. T4.
2 Ibid. S. 75.
5. Apologie des Hippocrates, B. 1, 5. 91.
4 Ἣν δὲ ᾿Αριστοτέλης μὲν ἀορτὴν, ἄλλοι de ἀοτηρίαν μεγάλην
ἐνομάζουσιν. T.1, p. 197, Ed. Bas.
5 Apologie des Hippocrates, B.1,S. 91.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 185
la citation d’Aristote se rapporte au livre de la Nature de
l'homme. Ge sont là de graves erreurs.
Gruner ! et Sprengel, après lui ?, disent que le traité de
l Ancienne médecine répète plusieurs passages du livre du
Régime, et que, celui-ci n'étant pas d'Hippocrate, celui-là
n’en peut pas être non plus. Mais Gruner ei Sprengel n’ont
pas fait attention que c’est avec le traité du Régime dans les
maladies aiguës, et non avec le traité du Régime, que celui de
lAncienne médecine ἃ des similitudes. Or le traité du Régime
dans les maladies aiguës a tous les témoignages en sa faveur.
Spon, dans la préface de ses Æ4phorismi novi, combat
Mercuriali, et se montre beaucoup plus facile que ce dernier
sur les titres qu'ont les différents livres à être considérés
comme appartenant à Hippocrate. Je remarque dans cette
préface une erreur considérable. Spon prétend que le 7° livre
des Épidémies est placé au nombre des livres supposés (ἐπί-
uuxra 861 inter polata).Or Érotien dit tout autre chose : il fait,
dans son catalogue des livres hippocratiques, une classe de
Mélanges (èriuixra), et c’est dans cette classe qu'il range les
sept livres des Épidémies , et non le septième.
Je trouve aussi (Bib. Gr. Ed. Harles, t. 2, p. 524) une er-
reur singulière dans Ackermann, ordinairement si exact.
Parmi les commentateurs du 3: livre des Épidémies, il cite
un certain Philistus sur la foi de Galien. Or Philistus ou
Philistes est, non pas un commentateur, mais un malade
dont l’histoire est rapportée dans le 3° livre des Épidémies ;
c’est aussi ce que dit la phrase de Galien où, par inadver-
tance, Ackermann a vu ce commentateur 5.
τ Censura, p. 79.
* Apologie des Hippocrates , B. τ, 5. 84.
5 Καθάπερ, οὐδὲ τὰ Φιλίστῳ γενόμενα κατὰ τὸ τρίτον τῶν Eri-
δημιῶν. T. v, p. 174, Ed. Bas.
5
184 INTRODUCTION.
J'ai signalé ces erreurs de mes prédécesseurs , non pour
abaisser leur travail et élever le mien, mais pour montrer
que dans un champ neuf d'observations tout est difficulté.
Quand le cadre esttracé et rempli, il coûte peu de le rectifier.
M. H.F. Linkta pris, pour discuter l'authenticité desécrits
hippocratiques , la voie ouverte par Sprengel. La base d’où
part sa critique, est la considération des théories que renfer-
ment ces écrits; il distingue autant de classes différentes qu'il
reconnaît de doctrines, prétendant que des doctrines con-
tradictoires ne peuvent appartenir au même écrivain. De
plus, il les compare aux doctrines philosophiques qui y cor-
respondent , et, de cette comparaison, il tire une sorte de
chronologie relative d'après laquelle il place tel écrit avant
tel autre, et après Platon ou Aristote. Ce mode de critique
est certainement un point de vue nouveau, et il offre des
considérations qui ne doivent pas être négligées. M. Link
se montre très difficile sur les livres hippocratiques, et, au
contraire de ses prédécesseurs qui sont pleins d’enthou-
siasme pour ces écrits, et qui accueillent, avec une grande
facilité, des témoignages incertains pourvu qu’ils soient favo-
rables, il est animé d’un scepticisme inexorable devant le-
quel la personne d’Hippocrate est presque effacée, ou qui
du moins ne lui laisse qu’un vain nom sans une œuvre ef-
fective. « Quand on jette un regard rapide sur les écrits
« hippocratiques, dit le critique allemand, on se demande
« quel est cet Hippocrate? Si on parle de l’auteur du traité
«des Airs, des Eaux et des Lieux, il s’agit d’un écrivain clair
«et agréable ; si l’on parle de l'auteur du Pronostic et des
* Ueber die Theorien in den Hippocratschen Schriften, nebst
Bemerkungen über die Acchtheit dieser Schriften. ( Abh. der K.
Academie der Wiss. in Berlin aus den Jahren 1814—1515.)
TRAVAUX MODERNES SUR LES £IVRES HIPPOCRATIQUES. 185
« Aphorismes, d’un écrivain qui aime la brièveté et même
« l'obscurité; de l’auteur des Épidémies, d'un homme qui
« est un excellent observateur, mais qui laisse mourir les
« malades sans leur rien prescrire; de l’auteur du Régime
« dans les maladies aiguës, d'un médecin qui emploie beau-
« coup de médicaments, quelques-uns même fort actifs. »
Si M. Link avait pénétré plus avant dans le système
d'Hippocrate, il aurait reconnu que le Pronostic, les Épidé-
mies et le traité du Régime dans les maladies aiguës se tien-
nent et s'expliquent l’un par l’autre ; mais suivons-le dans
ses raisonnements.
Il distingue, dans la Collection hippocratique, six théories
principales, d’après lesquelles il fait six classes d’écrits , et
admet au moins six auteurs différents.
La première est celle de la bile et du phlegme; elle est
ancienne, Thucydide en parle, et Aristote! dit que la divi-
sion des maladies, suivant la bile et le phlegme, est familière
aux médecins. Platon, dans le Timée,-attribue les maladies
à ces mêmes humeurs, d’où l’on peut conclure que fes traités
où cette théorie existe sont les plus anciens. L'opposition de
la bile et du phlegme a été saisie de bonne heure ; la sur-
abondance de la bile est la cause des maladies aiguës ; la sur-
abondance du phlegme, des maladies chroniques. La pre-
mière est caractérisée par tout ce qui est vif et incisif; la
seconde par tout ce qui est mou, lâche et lent.
Voici les traités dans lesquels M. Link prétend que règne
la théorie de la bile et du phlegme, à l’exclusion de toute
autre. Ce sont d’abord les Épidémies : Vauteur y parle de
vomissements de bile et de phlegme, il n’y est presque pas
question de traitement, lacune que Galien explique très mal
? Natur. Ausc. lv. 11, c. 2.
186 INTRODUCTION.
et qui forme contradiction avec l’auteur du traité du Régime
dans les maladies aiguës, lequel emploie beaucoup de remè-
des. Celui qui ἃ composé le + etle ui: livre des Épidémies
a résidé long-temps à Thasos , car il y décrit la constitution
atmosphérique de plusieurs années. Comment Hippocrate se
trouverait-il à Thasos, qui avait un temple d’Hercule, mais
aucun temple d’Esculape, ni d'Hygie? Ces deux livres sont,
non pas d’un médecin, mais d’un naturaliste qui observait
les maladies et ne les traitait pas. Ceci est une singulière
opinion de M. Link ; mais je ne m'arrête pas à combattre
en détail des assertions dont la réfutation sortira de ma
propre discussion sur l’ensemble des écrits hippocratiques.
A la même catégorie appartient le Pronostic, livre clair
et précis. Ce ne paraît qu’un extrait des ouvrages sémio-
tiques d'Hippocrate ; l’'Hippocrate de Platon, dit M. Link,
aurait donné quelque chose de plus scientifique.
Dans le 1* livre des Prorrhétiques, Galien relève un solé-
cisme. À cause de cette faute de langue et d’autres, plu-
sieurs croyaient, non sans raison, dit le médecin de Per-
game, que ce livre n’était pas d'Hippocrate. Sa brièveté
obscure et recherchée, les tournures singulières, les épithè-
tes accumulées, les phrases à l’infinitif, mettent ce livre à
côté des Prénotions de Cos et du 6: livre des Épidémies. Le
second livre des Prorrhétiques a un tout autre auteur ; un
style simple et clair le distingue, et, au début, la plainte sur
lexagération que l’on donne au Pronostic, indique une date
postérieure.
M. Link remarque que les 4phorismes contiennent plu-
sieurs passages du traité de l’_Air, des Eaux etdes Lieux; que
plusieurs autres se trouvent mot à mot dans le Pronostic.
Ainsi on pourrait considérer cette collection comme un ex-
trait des écrits hippocratiques; mais, en les examinant, On y
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 187
découvre de plus grandes différences encore. Ces différen-
ces sont : dans la 1"° section, où se trouve la théorie de la
turgescence des humeurs et de leur écoulement, ancienne
idée de la médecine, suivant M. Link ; dans la 2° sec-
tion , où se trouve une explication détaillée des jours
critiques, indiqués seulement d’une manière générale dans
la précédente; dans la 3°, qui renferme, sur les saisons et sur
les âges, des considérations conformes avec la doctrine des
Épidémies ; dans la 4°, où l'on voit une distinction plus fixe
entre les maladies, une division entre la bile noire et la bile
jaune, et quelques expressions qui semblent faire allusion
aux quatre humeurs; dans la 6° et la 7°, qui renferment un
mélange d’aphorismes dont quelques-uns sont très bizarres :
par exemple, les muets sont facilement attaqués de diarrhées
rebelles ; et avec cette singularité que la plupart sont rangés
d’après le même mot, soit ἐπί, soit ὁπόσοισι, soit ἦν. Ainsi,
dans les sections des Aphorismes, on voit des différences qui
font penser qu’elles ne sont ni du même temps, ni du même
auteur; on y remarque une gradation de notions simples à
des notions plus exactes; puis des singularités; puis enfin
une sorte d’allitération.
Croire que la distinction entre la bile jaune et la bile noire
soit la preuve d’une date postérieure à Hippocrate, c’est ne
pas tenir compte de textes positifs. Platon parle de la bile
noire 1: et j'ai rapporté (p. 19) un vers d’Aristophane où se
trouvent et le nom de cette humeur et le rapport que lan-
cienne pathologie avait supposé entre la bile noire et la folie.
M. Link range encore, dans la théorie de la bile et du
phlegme, le traité du Régime dans les maladies aiguës, qui
\ δ κῶς ἃν ᾿ γπν"
1 Μετὰ χολῆς δὲ μελαίνης χερασθὲν (φλέγμα). Tim. t. var, p.95,
Ed. Tauchn.
188 INTRODUCTION.
commence, comme on sait, par une polémique contre les
médecins de l’école de Cnide. M. Link croit qu'il n’y avait
pas assez d'écrivains médicaux à cette époque pour que la
lutte s’'engageàt. Ce doute lui est suggéré par l'opinion où il
est que les monuments hippocratiques sont généralement
plus récents que leur date supposée. Mais il est certain que
ia littérature médicale était déjà riche avant Hippocrate et
de son temps, et rien dans l’histoire littéraire de ce siècle
reculé ne contredit la possibilité d’une polémique entre Hip-
pocrate et l’auteur des Sentences cnidiennes.
M. Link, en jugeant le traité des Airs, des Eaux et des
Lieux, trouve que le style est agréable , mais que le sujet est
traité avec peu de profondeur. Il suspecte plusieurs passages
qui font allusion à la théorie des quatre qualités élémentaires,
par exemple , que la sécheresse nuit aux constitutions bi-
lieuses, et qu’elle est utile aux constitutions phlegmatiques ,
d’où il résulte que la bile est regardée comme chaude et le
phlegme comme humide. En conséquence, 11 pense que ce
traité doit être rangé dans la classe suivante.
Gette deuxième classe comprend les traités où se trouvent
la théorie des quatre humeurs (sang, bile jaune, bile noire,
phlegme), et celle des quatre qualités élémentaires (le chaud,
le froid, le sec, l'humide). Suivant M. Link, cette théorie ap-
partient exclusivement à Aristote, de sorte que tousles traités
où cette doctrine se rencontre sont postérieurs au chef de
l'école péripatéticienne. Ce sont : les traités de la Nature de
l’homme, de la Génération, de la Nature de l'enfant, du
Régime des gens bien portants, du Régime , le premier livre
excepté, de l_4/iment, des Affections internes , des Maladies
des femmes, de la Nature de la femme , de la Maladie sacrée,
des Maladies des jeunes filles, de la Vue, des Ulcères, des
Hémorrhoïdes et des Fistules. Galien ne cesse de répéter
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 189
qu’Aristote ἃ pris la théorie des quatre humeurs à Hippo-
crate. « Soit que l’on admette comme Anaxagore, dit-il,
« que le corps est composé de parties similaires, soit qu’on
«le suppose constitué par le chaud , le froid, 16 sec et lhu-
« mide, comme l'ont pensé Chrysippe, tous les Sioïciens, et
« avant eux Aristote et Théophraste, et avant eux encore
« Platon et Hippocrate, la symétrie de tous les éléments cons-
« titue la santé.» Et ailleurs : «En lisant les écrits d’Aristote
« et de Théophraste , on les prendrait pour des traités sur la
« physiologie d’Hippocrate ; c’est toujours le froid, le chaud,
« le sec et l'humide, qui sontagents et patients. Le plus actif
«est le chaud, puis le froïd ; tout cela ἃ été dit par Hippo-
« crate, puis répété par Aristote ?. » Or, j'ai rappelé (p. 166)
que le médecin de Pergame a lu et consulté un livre où un
disciple d’Aristote avait rassemblé toutes les anciennes théo-
ries médicales. Il n’a donc pu se tromper sur la question de
savoir qui, entre Hippocrate et Aristote, était le prêteur et
l'emprunteur. Mais ce qui est complétement décisif contre la
chronologie que M. Link ἃ voulu établir, c’est qu’Aristote
lui-même cite un morceau de Polybe, et ce morceau se re-
trouve dans le traité de la Nature de l’homme, où la doctrine
des quatre humeurs est complétement exposée.
La troisième classe ou troisième théorie renferme un seul
traité, celui de l’ Ancienne médecine. L'auteur y plaide contre
la doctrine des quatre qualités élémentaires, le chaud, le sec,
le froid , l’humide, et 1] place la cause des dérangements de
la santé dans un mélange non convenable de l’amer , du
doux , de l’àcre , de l’acerbe , etc. Ce livre, du reste bien fait,
ne peut être d’Hippocrate, puisqu'il combat une doctrine
dérivée de la philosophie d’Aristote.
1 T.r, p. 288, Ed. Basil.
Exp: 100:
190 INTRODUCTION.
La doctrine de ces qualités diverses , la doctrine des
quatre qualités émanées des quatre éléments, sont plus
vieilles que ne le pense M. Link. Galien Pa énoncé for-
mellement ; voici lapreuve qu’il ne s’est pas trompé: Platon ἃ
dit : « Les contraires sont ennemis, le froid du chaud, l'amer
« du doux, le sec de l’humide 1.» Et ailleurs? : «Notre corps
« est constitué par le chaud, par le sec, par le froid et par
« J'humide, » Et ailleurs : « Notre créateur ayant uni le feu,
« l'eau et la terre, fit, avec l’humide et le salé, un ferment
« qu'il mélangea à ces éléments, et composa la chair molle et
« humide 5. » Et ailleurs : «Del’humideet du chaud, tout ce
« qui était à l’état de pureté s’évapore #. » Mais à quoi bon
s'arrêter à Platon? Anaxagore, plus vieux qu'Hippocrate ,
fait usage de la doctrine des qualités, et il parle du rare et
du dense, du froid et du chaud, de l’humide et du sec ὅ.
Empédocle en a usé dans ses écrits; et Aleméon, dans un
passage que j'ai déjà rapporté p. 14, ἃ fait, comme l’auteur
du traité de l’Ancienne médecine , de leur mélange conve-
nable la condition de la santé. Sprengel pense (Hist. de la
1 Ἔστι δὲ ἔχθιστα τὰ ἐναντιώτατα - ψυχρὸν θερμῷ, πικρὸν γλυ-
χεῖ, ξηρὸν ὑγρῷ. Conv.,t. vir, p. 229, Ed. Tauchn.
2 Evrsrauévou τοῦ σώματος ἡμῶν χαὶ ξυνεχομένου ὑπὸ θερμοῦ χαὶ
Ψυχροῦ χαὶ ξηροῦ χαὶ ὑγροῦ. Phædon, t.1, p. 147, Ed. Tauchn.
3 Ἡμῶν ὃ χηροπλάστης ὕδατι μὲν χαὶ πυρὶ καὶ γῇ συμμίξας χαὶ
συναρμόσας, ἐξ ὀξέος χαὶ ἁλυυροῦ ξυνθεὶς ζύμωμα, xal ὑπομίξας
αὐτοῖς, σάρχα ἔγχυμον καὶ μαλαχὴν ξυνέστησε. Tim., t. vis, p. 79,
Ed. Tauch.
4 Τὸ μὲν ὑγρὸν xat θερμὸν ὅσον εἰλικρινὲς ἀπήει. Tim. , t. vir,
p. 82.
5 Ἀποχρίνεται ἀπό τε τοῦ ἀραίου τὸ πυχνὸν, χαὶ ἀπὸ τοῦ ψυ-
χροῦ τὸ θερμὸν, χαὶ ἀπὸ τοῦ διεροῦ τὸ ξηρόν, dit Anaxagore , dans
Simplicius, fol. 33. 6.
TRAVAUX MODERNES SUR LES LIVRES HIPPOCRATIQUES. 10]
méd. , t. 1, p. 250) que cette théorie est de beaucoup posté-
rieure à Alcméon; mais rien n’autorise à soupçonner que
Plutarque ait commis une erreur en rapportant l'opinion du
philosophe pythagoricien. Que l’usage de ces théories ait été
familier aux pythagoriciens et à Aleméon, c’estce qui résulte,
outre le témoignage de Plutarque, du témoignage d'Aristote.
« Aleméon , dit Aristote, assure que la plupart des choses
« humaines se divisent en deux, c’est-à-dire en contraires,
« comme le noir et le blanc, le doux et l’amer, le bon et ie
« mauvais, le petit et le grand 1. »
Dans le dialogue intitulé le Sophiste, où Platon fait in-
tervenir des philosophes de l'école d'Élée, il est remarqué
qu'un autre (on a rapporté cette allusion à Archélaus, mai-
tre de Socrate) attribuait l'association et la production des
choses à deux qualités, l’humide et le sec , ou le chaud et le
froid?, Au reste, Archélaus avait soutenu que le froid
et le chaud, séparés l’un de l’autre, étaient le principe du
mouvement. Parmenide admettait deux qualités, le chaud
et le froid #. Plutarque rapporte5 qu’Anaximène faisait jouer
un rôle au froid et au chaud. Diogène d’Apollonie admettait
1 Φησὶ γὰρ εἶναι δύο τὰ πολλὰ τῶν ἀνθρωπίνων, λέγων τὰς ἐναν-
τιότητας. vue οἷον λευχὸν, μέλαν γλυχὺ, πικρὸν ἀγαθὸν, χαχόν᾽
μικρὸν, μέγα. Metaphys. 1, 5.
* Δύο δὲ ἕτερος εἰπὼν, ὑγρὸν xal ξηρὸν À θερμὸν χαὶ ψυχρὸν, cuvor-
χίζει τε αὐτὰ χαὶ ἐχδίδωσι. T. 11, p. 39, Ed. Tauchn.
3 Οὗτος ἔφη εἶναι ἀρχὰς τῆς κινήσεως ἀποχρίνασθαι ({. ἀποχρινόμε-
va), ἀπ᾽ ἀλλήλων τὸ θερμὸν καὶ τὸ ψυχρόν. Orig. Philosophum. c. 9.
4 Theophr., de Sens. , ὅ.
5 De primo Frig., t. v, p. 402. Ed. Tauch.
6 Τὴν γῆν τὴν σύστασιν εἰληφυῖαν χατὰ τὴν x τοῦ θερμοῦ περι-
φορὰν χαὶ πῆξιν ἐχ τοῦ ψυχροῦ. Diog. Laert., lib. 1x. p. 3565,
Ed. H. Steph.
192 INTRODUCTION, εν
que le froid et le chaud avaient contribué à la formation de
la terre. Enfin Zénon d’Élée supposait que la nature uni-
verselle était composée du chaud , du froid , du sec et de
l'humide , se changeant l’un dans l’autre !, ce qui est juste-
ment la théorie dont M. Link attribue la priorité à Aristote.
On voit par cette énumération , que j’ai à dessein faite si dé-
taillée, combien les doctrines que M. Link pense si récentes
étaient anciennes. Tantôt les quatre qualités dérivées des
quatre éléments (chaud, froid, humide, sec), tantôt deux
seulement de ces qualités, tantôt d’autres qualités qui ne
sont plus dérivées des éléments (amer., doux , dense , rare),
sont employées par des hommes ou contemporains d’Hippo-
crate ou plus anciens que lui. Tout cela forme un ensemble
dont l'antiquité est grande; et il serait même assez difficile
d’en signaler origine dans la philosophie grecque.
Je viens de récapituler des opinions qui ont tenu une
grande place dans l'antique physiologie. Les qualités, les
noms qu'on leur ἃ donnés, les rôles qu’on leur a attribués ,
auront paru peut-être obscurs au lecteur, qui n’y aura vu que
des idées vagues, sans aucun fondement réel dans l’obser-
vation. Les théories tombées en désuétude, si on les prend
ainsi du côté de leur erreur, n’ont aucun intérêt; mais,
si on les prend du côté de leur vérité, elles méritent de
l'attention , et elles donnent de l'instruction; car elles mon-
trent comment, à une certaine époque, l'esprit humain ἃ
essayé de résoudre l'éternel problème qui lui est proposé.
Les qualités, au moins en physiologie, sont une des solutions
de la constitution du corps vivant. Les anciens virent, comme
les modernes, que le corps est composé d'éléments médiats
" Leyevñodar δὲ τὴν τῶν πάντων φύσιν ἐχ θερμοῦ καὶ Ψυχροῦ χαὶ
ξηροῦ καὶ ὑγροῦ, λαμῥανόντων αὐτῶν εἷς ἄλληλα μεταδολήν. Diog.
“ΡΝ
Laert., L. 1x, p. 355.
TRAVAUX MODERNES SUR LES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES, 102
et immédiats. Les éléments médiats furent le feu, l'air, l’eau
et la terre, comme ils sont, de notre temps, l'oxygène,
l'hydrogène, le carbone, et les autres substances indécom-
posées que la chimie ἃ découvertes. Les éléments immédiats
furent le sang, le phlegme , la bile noire, la bile jaune, ou
le chaud , le froid, le sec et humide, ou l’amer, le doux ,
le salé, etc., suivant que l’on considérait plus particulière-
ment les éléments immédiats dans leurs rapports avec les
quatre éléments, ou dans leurs qualités diverses. De telle sorte
que la conception des humeurs radicales ou des qualités est
une idée véritable qui suppose le corps constitué des mêmes
éléments que le reste des choses , et une hypothèse qui cher-
che à expliquer pourquoi ces éléments primitifs ne s’y mon-
trent pas en nature.
La quatrième théorie, selon larrangement de M. Link,
est celle qui considère le feu comme l'agent universel ; elle ἃ,
dans la philosophie grecque, Héraclite pour auteur. I faut y
rapporter le 1‘ livre du traité du Régime et le traité des
Principes. M. Link dit à tort que des passages de ce dernier
ouvrage sont cités par Aristote; le philosophe cite un pas-
sage qui se trouve dans le traité de la Nature de l'homme, et
qu'il attribue à Polybe. M. Link ajoute que le livre des ?rin-
__cipes n'appartient pas à Hippocrate, mais qu’il est très an-
cien. C’est une erreur; car , relativement, ce livre est très
moderne, puisqu'il contient la connaissance d’une théorie
anatomique qu’Aristote revendique comme sienne, à savoir
que les vaisseaux sanguins ont leur origine dans le cœur.
La cinquième théorie est celle qui regarde l'air comme l’a-
gent principal. Le traité des Airs et celui de la Nature des os
ont été composés par des disciples de cette théorie.
La sixième et dernière théorie est celle des catarrhes ou
des flux. Elle est très ancienne, dit M. Link, mais aussi (rès
TOM. I. 13
194 INTRODUCTION.
grossière. La matière morbifique descend de la tête et se jette
sur les diverses parties ; elle voyage d’un lieu dans un autre ;
et, sans s'inquiéter des voies de communication, on la fait se
promener de tous les côtés. C’est la théorie la plus naturelle,
c’est celle du peuple. Deux traités y appartiennent, celui des
Lieux dans l’homme, qui contient, en outre, des traces de
l'hypothèse des quatre qualités élémentaires, et qui est en
conséquence postérieur à Aristote; et le traité des Glandes ,
qui représente le cerveau comme un organe glanduleux
fournissant aux parties inférieures les fluides de sept ca-
tarrhes. Ceci est, selon M. Link, d’une plus ancienne théo-
rie. Or les critiques, dans l’antiquité, ont regardé unani-
mement le traité des Glandes comme étant postérieur à
Hippocrate.
« Sous ces six divisions ou théories, dit M. Link, se ran-
« gent les plus grands, les plus importants écrits hippocra-
« tiques, la plupart reconnus comme authentiques. Nous
« avons là une collection d’écrits composés avant le temps
« où les sciences, et entr’autres la médecine, fleurirent à
« Alexandrie, et décorés du nom d’Hippocrate. Les doc-
« trines et le style y sont différents, de sorte qu’ils ont au
« moins six auteurs , parmi lesquels on peut choisir celui à
« qui on voudra accorder ce nom. Il y a encore, dans la Gol-
« lection hippocratique, plusieursautres écrits quinerentrent
« pas dans une de ces six divisions, mais ils sont parmi les
« moins importants, et il n'en est aucun sur l’authenticité
« duquel on n’ait déjà élevé de grands doutes. »
J'ai donné avec détail l’opinion que M. Link s’est formée
sur les livres hippocratiques ; d’abord parce qu'il ἃ envisagé
son sujet sous un nouveau point de vue, et qu’il a cherché à
se créer d’autres bases de critique que celles que ses devan-
ciers avaient admises ; ensuite parce que son Mémoire est
TRAVAUX MODERNES SUR LES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES, 195
très peu connu en France. Trois faits positifs rendent inad-
missible la théorie de M. Link : 1° le livre hippocratique où
la doctrine des quatre humeurs est établie, est cité par Aris-
tote; par conséquent ce livre ne peut être postérieur au phi-
losophe de Stagire; 2° les qualités élémentaires (froid, chaud,
sec, humide) dont l'usage dans les écrits des naturalistes ,
est, suivant M. Link, postérieur à Aristote, se trouvent dans
Platon, dans Anaxagore, dans Alcméon, dans Archélaus ,
dans Anaximène, dans Empédocle, dans Parménide , dans
Zénon d'Élée ; les qualités diverses (doux, amer, âcre, etc. ),
que M. Link croit dérivées et d’un emploi postérieur à Aris-
tote, font aussi partie des doctrines de Platon, d’'Empédocle
et d’Alcméon. Les textes sont irrécusables.
Il y ἃ de bonnes réflexions à faire sur les œuvres des cri-
tiques que je viens d’énumérer, et ce n’est pas sans fruit que
nous les aurons parcourues. Tous ont professé l'opinion que la
Collection hippocratique provient de plusieurs mainsdifféren-
tes; j'ai fait voir dans les chapitres précédents qu'il en était
ainsi; et les arguments de Lémos, de Mercuriali, de Gruner, de
Grimm, d'Ackermann et de M. Link, concourent également
à cette conclusion, soit qu’ils invoquent l'autorité de Galien,
soit qu'ils appellent l'attention sur les diversités du style, soit
qu’ils signalent les variations des anciens témoignages, soit
qu'ils mettent en lumière lés doctrines hétérogènes qui y
figurent. Ce sont autant de points qu'ils ont établis, et qu’on
ne peut plus négliger ; ce sont autant de secours qu'ils ont
fournis d'avance à celui qui étudiera après eux les mêmes
problèmes.
Je me plais à reconnaître les lumières que je leur dois ;
mais chacun d’eux a été exclusif dans son point de vue, et
ne s’est pas assez inquiété de réunir toutes les données épar-
ses pour en faire un corps de doctrine et de critique. Après ᾿
196 INTRODUCTION.
les avoir lus, c’est le premier désir que j’ai eu pour l’avance-
ment de mon travail.
Gruner et Grimm ont dit que Hippocrate n’avait pas connu
la distinction des artères et des veines, et que par conséquent
les traités où il était question de cette distinction, devaient
être rayés du canon hippocratique. C’est ce que Grimm
avait voulu exprimer en posant comme règle de critique que
le langage de tout écrit qu’on admettait comme étant d'Hip-
pocrate, devait être conforme à l’époque où avait vécu ce
médecin. Cette objection conduisait à une difficulté trop
sérieuse, à une discussion trop importante pour que je ne
les y suivisse pas. En étudiant ce que les hippocratiques
avaient su concernant la distinction des artères et des veines,
j'ai étudié en même temps l'antique doctrine de l’origine des
vaisseaux sanguins dans le cœur, et quelques autres points
de l'anatomie et de la physiologie anciennes. Cet examen est
d'un grand intérêt pour la critique de la Collection hippo-
cratique, et il fournit des clartés que vainement on cher-
cherait ailleurs.
M. Link, en travaillant à retrouver les anciennes théories
des livres hippocratiques, et à faire pour la Collection hippo-
cratique ce que le disciple d’Aristote, Ménon, avait fait, dans
son ouvrage si regrettable, pour toute l’antiquité médicale,
m'a conduit à discuter des points que je n’aurais pas abordés
sans cet éveil.
De tous ces critiques, ceux qui ont été le moins systéma-
tiques, ont été aussi ceux qui ont commis le moins d’erreurs.
Ainsi le guide le meilleur est certainement Ackermann, qui
s’en est tenu principalement aux dires d’Érotien et de Ga-
lien. Grimm a également de la sûreté dans ses détermina-
tions, mais il s’est arrêté à ce qu’il y avait de plus positif, et
par conséquent de plus facile, et il a rejeté, à tort, ainsi que
TRAVAUX MODERNES SUR LES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES, 197
je tâcherai de le démontrer plus loin, des écrits qui doivent
être restitués à Hippocrate.
Ceux qui ont consulté principalement les témoignages des
anciens critiques ont mis l’étude sur un terrain solide, qu'il
ne s’agissait plus que d'étendre, en rendant, s’il était possi-
ble, les recherches plus minutieuses. C’est ainsi que j'ai été
amené à réunir tous les témoignages antiques de Platon, de
Dioclès, d’Aristote, d’'Hérophile, de Xénophon, à en tirer
tout ce qu'ils renfermaient, à rappeler l'existence de la Col-
lection médicale de Ménon, et à constater, autant que faire
se pouvait, les documents bons et valables sur lesquels les
anciens commentateurs s’appuyaient. De cette étude est
sortie la conjecture qu’un petit nombre d’écrits d'Hippo-
crate seulement avaient vu le jour et avaient circulé de son
vivant, et que le gros n’en était devenu public qu'après la.
fondation des grandes bibliothèques ; car c’est jusque-là
que remonte la longue série de commentateurs que j'ai dé-
roulée. Il ἃ fallu alors se rendre compte de cette publication ,
et rechercher les traces de la manière dont la Collection hip-
pocratique avait été composée. Les chapitres X et XI sont
consacrés à cet examen.
En étudiant, les recherches de M. Link, je ne tombai pas
d'accord avee lui sur les bases qu'il avait admises, et il me
resta prouvé que toutes les théories qu’il croyait être ou dues
à Aristote, ou postérieures même à ce-philosophe, remon-
taient beaucoup plus haut; j’en retrouvai la trace du temps
d'Hippocrate et avant lui, et 1l me devint clair que ces doc-
trines avaient cours à l’époque même où vivait le médecin
de Cos, et qu'il fallait reporter plus loin dans l'antiquité le
travail d'idées qui les avait enfantées. Étendant alors le
plan de M. Link, et suivant l'exemple qu'il m'avait donné,
J'ai essayé de me faire un tableau exact du système même
198 INTRODUCTION.
d'Hippocrate, c’est-à-dire de la règle d’après laquelle il ju-
geait la santé et la maladie, observait les malades et décri-
vait leur histoire, diagnostiquait moins l'affection particulière
que ses terminaisons et ses crises, d’après laquelle enfin il
appliquait les remèdes. Le chapitre XIII est consacré à cette
étude. La lecture des ouvrages où mes devanciers avaient
adopté des points de vue divergents, m'avait fait sentir là
nécessité de combiner tous les résultats de la critique, et de
les accepter comme conditions du problème, de manière que
les écrits qui échappaient à l’une de ces conditions, se trou-
vassent , par cela seul, rejetés hors du catalogue hippocra-
tique que je travaille à dresser. Π fallait donc que le système
d’Hippocrate se montrât, plus ou moins à découvert, dans les
écrits que je déclarais hippocratiques d’après des témoigna-
ges directs, ou d’après des conséquences tirées des témoi-
gnages. Obligé ainsi de contrôler mes premières détermina-
tions, j’ai reconnu qu'elles recevaient une clarté nouvelle de
l'ensemble même de la doctrine, ensemble qui m'a aidé à
fortifier quelques points faibles où la critique ne peut fournir
de documents bien certains.
Les considérations sur le style et sur les pensées ont été
invoquées en troisième lieu. La méthode même suivie par
les critiques qui ont surtout beaucoup attribué à ce mode de
détermination , s’est présentée alors à mon esprit d’une ma-
nière inverse. Au lieu de chercher à décider par l'étude du
style quels étaient les livres d'Hippocrate, j'ai cherché, ayant
déterminé ces livres par un autre moyen, à reconnaître les
caractères du style d’Hippocrate. Il fallait qu'entre ces livres
je ne trouvasse aucune disparate choquante dans le langage
et l'exposition; car une telle disparate m'aurait inspiré des
doutes sur la valeur des arguments antécédents qui m’a-
vaient décidé. J'ai donc encore ici appliqué la règle qui
TRAVAUX MODERNES SUR LES ÉCRITS HIPPOCRATIQUES. 199
veut que pour un problème de critique, comme pour un
problème de physique, toutes les conditions soient satisfaites.
.… C’est ainsi qu’en usant de tous les secours que m’avaient
préparés mes devanciers, qu’en poursuivant toutes les di-
rections qu'ils avaient suivies, qu’en examinant comment la
critique hippocratique s'était successivement agrandie entre
leurs mains depuis Lemos jusqu’à M. Link , c’est ainsi qu’en
prenant leurs résultats, une fois triés et admis , comme des
conditions auxquelles la solution du problème devait satis-
faire, j'ai pu rectifier des points de vue, et donner une plus
solide certitude aux déterminations. J’ai tenu à montrer que,
si quelquefois j'ai relevé leurs erreurs , je n’ai pas dédaigné
leurs travaux : car, je dois le dire, le profit que j'en ai tiré
s’est accru à mesure que j'ai moi-même approfondi davan-
tage le sujet difficile dont ils s'étaient occupés avant mor.
CHAPITRE IX.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE.
Les deux chapitres précédents ont été consacrés à l’exa-
men des faits et des principes qui ont servi de règle aux
critiques tant anciens que modernes. J'ai montré les res-
sources que les premiers avaient possédées; et, dans l’ab-
sence de leurs travaux spéciaux, j’ai cherché à réunir
quelques motifs qui ont été donnés de leurs jugements , et
qui sont disséminés çà et là , particulièrement dans les ou-
vrages de Galien. L'ensemble manque, il est vrai; néar-
moins il en résulte certains renseignements utiles, soit sur
les auteurs auxquels ils attribuaient une collaboration dans
la Collection hippocratique, soit sur les remarques par-
ticulières d’après lesquelles ils essayaient de motiver leurs
décisions.
Les critiques modernes ont ouvert des aperçus nouveaux.
Τ᾽ αἱ discuté incidemment avec M. Link ce qui, dans les livres
hippocratiques, a rapport aux doctrines physiologiques ou
philosophiques; il est resté positif que ces doctrines étaient
plus vieilles qu’il ne l’avait supposé; et, de cette façon en-
core, j'ai pu rattacher les systèmes généraux de la Collec-
tion aux systèmes qui avaient régné antérieurement, et dont
j'ai présenté une esquisse dans le chapitre premier de cette
Introduction. L'espèce de chronologie que des critiques mo-
dernes ont voulu établir entre les écrits hippocratiques, à
l'aide de certaines découvertes anatomiques dont ils croyaient
la date fixée, mérite une grande attention. Les bases en ont
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 201
êté, ilest vrai, posées par eux; mais elles m'ont paru avoir
besoin et de rectification etd’extension ; et je me suis engagé
dans des recherches dont j'expose ici au lecteur le résultat.
Les hippocratiques ont-ils distingué les veines des artères ?
en quel point du corps ont-ils placé le commencement des
vaisseaux sanguins? ont-ils connu l’art d'explorer le pouls
ou sphygmologie? ont-ils confondu, sous le nom commun de
chairs, le parenchyme des organes et les muscles eux-mêmes,
et n’ont-ils jamais employé cette dernière dénomination
pour désigner les organes qui servent à la contraction? ont-
ils connu les nerfs? Enfin doit-on admettre qu’ils n’ont ja-
mais examiné , à l’aide de la dissection , des parties du corps
humain ? De ces questions l’une , à savoir celle qui est rela-
tive au commencement des vaisseaux sanguins, n’a jamais
été complétement examinée, elle n’est que touchée par
M. Dietz dans son édition du traité de la Maladie sacrée ! ;
les autres ont été diversement résolues; toutes importent à
la consolidation de la critique des livres hippocratiques.
Les auteurs d'histoire de la médecine ont généralement
admis que la distinction des artères et des veines avait été
faite très postérieurement à Hippocrate. "Rien cependant
n’est moins prouvé que cette assertion. La discussion de
quelques passages de l'Histoire de la médecine de M. Hecker,
va montrer que l'anatomie des vaisseaux sanguins ἃ besoin,
quant à la série de découvertes dont elle a été l'objet, d’être
examinée de plus près, et surtout à l’aide des témoignages
que nous fournit l'antiquité. Dioclès de Caryste, qui vivait
peu de temps après Hippocrate, avait connu le livre des 4r-
ticulations : M. Hecker en conclut que ce livre, qu'il dit
n'être pas d’'Hippocrate, avait été composé très peu de temps
1 P. 155. Lips. 1827.
202 INTRODUCTION.
après ce médecin À. Que ce livre soit ou ne soit pas d'Hippo-
crate, c’est une question que je laisse de côté pour le mo-
ment; toujours est-il que le livre des Articulations, quel
qu’en soit l’auteur, est antérieur à Dioclès lui-même. Cela
posé, voyons les conséquences qui en découlent, et aux-
quelles M. Hecker ne me paraît pas avoir fait assez attention.
Il place Praxagore de Cos après Dioclès , et avec raison ;
puis il attribue à Praxagore d’avoir découvert la distinction
entre les veines etles artères?. Il y a contradiction entre cette
assertion et l’assertion incontestable, selon M. Hecker et se-
lon moi, que le livre des Articulations est antérieur à Dio-
clès; car ce livre contient, en plusieurs endroits, la distinc-
tion des artères et des veines. « J’expliquerai ailleurs, dit
« l’auteur de ce traité, les communications des veines et des
« artères 5; » et ailleurs : «Les ligaments , les chairs, les
« artères et les veines présentent des différences pour la
« promptitude ou la lenteur avec laquelle ces parties de-
« viennent noires et meurent #. » Ces citations montrent la
distinction des artères et des veines à une époque antérieure
à Dioclès, et, à plus forte raison, à Praxagore, auquel on
ne peut laisser l'honneur de cette découverte sans faire vio-
lence à des textes précis. Dans tous les cas, il faut opter : ou
placer la composition dutraité des Articulations après Praxa-
gore, ou admettre que les artères ont été distinguées des
veines avant ce médecin. Mais, comme, en matière de cri-
* Geschichte der Heïlkunde, B. 1, 5. 217
* Geschichte der Heïlkunde, B. 1, S. 219.
3 Αἴ δὲ ohe6Gv καὶ ἀρτηριῶν κοινωνίαι ἐν ἑτέρῳ λόγῳ δεδηλώσον-
ται. Ρ, 85, Ed. Froben.
4 Διενέγχοι... χαὶ ἐς τὸ θᾶσσόν τι καὶ βραδύτερον ἀπομελανθέντα
Ξ Ξ \ ἘΞ ᾿ ,
ἀποθανεῖν τὰ νεῦρα χαὶ τὰς σάρχας χαὶ τὰς ἀρτηρίας χαὶ τὰς φλέθας.
Page 497, Ed. Frohen.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 209
tique littéraire, rien ne prévaut contre un témoignage positif,
je ne vois pas ce qu’on pourrait opposer à ces deux faits que
j'ai rapprochés, la connaissance des artères et des veines
consignées dans le traité des Articulations, et la date de ce
traité, placé sans contestation à une époque antérieure non
seulement à Praxagore, mais à Dioclès lui-même.
Je pourrais me contenter de cet argument, et regarder
comme décidée par l’affirmative la question de savoir si la
distinction des veines et des artères a été connue avant
Praxagore. Mais, dans une matière aussi peu connue que
l'histoire médicale de cette période même qui a précédé
Praxagore, je crois devoir réunir d’autres faits non moins
probants, et donner quelques explications sur les-confusions
réelles qui ont existé dans l’ancien langage anatomique.
Aristote parle de la distinction des artères et des veines,
et il ne remarque pas que cette distinction soit récente. « La
« peau, dit-il 1, est composée de veines, de ligaments (νεῦρα)
« et d’artères : de veines , car piquée, elle fournit du sang;
« de ligaments, car elle possède de la tension; d’artères,
« car elle a une expiration. » Cette constitution de la peau
suivant Aristote devint pour Érasistrate la constitution de
tous les organes. D’après le médecin alexandrin, les prin-
cipes constitutifs de tout le corps étaient une triple combi-
naison des nerfs, des veines et des artères 3.
* De spiritu, cap. v. Ce traité est regardé par Sprengel comme
n'étant pas d’Aristote. Le sens du mot νεῦρον (ligament) est d’A-
ristote, et non de l’époque d’Érasistrate et d’Hérophile.
? Καὶ ᾿Ερασίστρατος δὲ ὡς ἀρχὰς καὶ στοιχεῖα ὅλου σώματος ümo-
τιθέμενος τὴν τριπλοκίαν τῶν ἀγγείων, νεῦρα, καὶ φλέδας, xal ἀρ-
τηρίας. Galien, t. 1v, p.375, Ed. Basil. Dans Erasistrate, qui fit
faire de grands progrès à l'anatomie, νεῦρον a le sens précis de nerf.
Galien remarque que Erasistrate oublie, dans son idée de la consti-
tution du corps vivant ; les liquides et les esprits.
204 INTRODUCTION.
Tout le morceau d’Aristote est curieux. Ce naturaliste ne
paraît pas avoir d'idées précises sur la distinction entre les
artères et les ramifications de la trachée-artère. Selon lui ,
les artères sont pleines d’air, les veines de sang ; l'homme ἃ
besoin d’esprits , et les esprits d’humeurs; les artères s’u-
nissent aux veines, et cela est manifeste aux sens !. Cette
communication visible qui, d’après Aristote, existe entre les
artères et les veines, est conforme au passage, cité plus haut,
du traité des Articulations. On voit qu'il s’agit là de commu-
nications mal comprises entre les gros troncs des artères, des
veines et des bronches, et non des communications que les
modernes ont reconnuesentreles extrémités des veines etdes
artères. Le passage d’Aristote sur la communauté des artères
et des veines est très important ; car il explique celui du livre
sur les Articulations , où on aurait pu être tenté de voir une
anatomie beaucoup plus savante qu’elle ne l’est réellement.
C’est donc encore un second fait qui montre que l’on ne
peut accorder la découverte de la distinction des artères
et des veines à Praxagore; car la voilà dans les écrits
d’Aristote. Ce n’est pas tout : Aristote ne s’en fait pas hon-
neur ; il la rapporte comme un fait notoire; de sorte qu’elle
remonte encore au-delà de lui. Ces renseignements sont
certains; et il est encore possible d'aller beaucoup plus
Icin
Diogène d’Apollonie, qui est antérieur à Hippocrate, pla-
çait l'intelligence dans la cavité artériaque du cœur, qui est
aussi la cavité pneumatique 3. Ce philosophe, qui admettait
que la force gubernatrice , soit dans l’univers, soit dans
\\ pu 2 5 LA \ un
1 Τὰς δὲ φλέδας καὶ τὰς ἀρτηρίας συνάπτειν εἰς ἀλλήλας, χαὶ τῇ
> / 5 e
αἰσθήσει φανερὸν εἰναι. De spir., cap. v.
51: - vw = 09 , (se 2 A 4
2 Ἕν τῇ ἀρτηριαχῇ χοιλίᾳ τῆς χαρδίας, ἥτις ἐστὶ χαὶ πνευματική.
Plut., De Plac. Phikravabe
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 205
l’homme , est l'air, ἃ dû avoir une raison pour supposer que
cette force résidait dans le ventricule gauche. Or, il est fa-
cile de trouver cette raison dans l’état des opinions anatomi-
ques et physiologiques de ce temps. Diogène, tenant, comme
beaucoup de ses contemporains, les artères pour pleines
d'air, mit, dans le ventricule, le siége de cet air, source du
mouvement et de l'intelligence. Je ne doute pas que les mots
ventricule artériaque ( ἀρτηριακὴ χοιλία ) ne lui appartiennent;
car, s’il n'avait pas connu les artères, s'il ne les avait pas
supposées pleines d'air, comment aurait-il été amené à faire
siéger l'air dans un ventricule du cœur? et comment n’au-
rait-il pas appelé artériaque le ventricule qui recevait laorte,
puisque les bronches, c’est-à-dire les vaisseaux de l'air,
s’appelaient aussi aortes, comme je le dirai tout à l'heure?
Dans un autre endroit, Diogène parle de l'air qui est dans
les veines; c’est qu’en effet, perpétuellement veine s’em-
ployait pour artère; et dans les livres hippocratiques, on va
le voir, des artères, suivant cet ancien langage, donnent
naissance à des veines , et des veines, naissance à des ar-
tères.
Outre ces raisons, tirées de la physiologie de Dio-
gène, le contexte de la citation même de Plutarque indi-
querait que les mots cavité pneumatique sont ajoutés par cet
auteur comme une explication des mots cavité artériaque.
Cela est en effet : Érasistrate ; dans un passage conservé par
Galien, désigne le ventricule gauche du cœur par l’expres-
sion de cavité pneumatique ?; ce qui prouve que Plutarque
a voulu donner réellement une synonymie.
-
1 ᾿Εὰν δὲ ἅπαν τὸ ἀερῶδες ἐχ τῶν φλεδῶν ἐχλίπη. Plut. de Plac.
Phil. , v, 24.
2 Πρὸς τὴν πνευματιχὴν τῆς καρδίας συντέτρηται χοιλίαν. Erasist.
in Gal., t. 1, p. 456, Ed. Basil.
206 INTRODUCTION.
L'opinion, que les hippocratiques n’ont pas connu les ar-
tères, est tellement enracinée dans les historiens de la mé-
decine , que j’accumule sur ce point les textes et les raison-
nements. Rien n’est plus encourageant pour la critique que
le concours, vers une seule et même conclusion, de plu-
sieurs faits qui viennent de points très-différents. Le dernier
de ces faits est le témoignage d'Euryphon, le célèbre
médecin cnidien , l'auteur des Sentences cnidiennes. Cœlius
Aurélianus ἃ consacré un chapitre à l'étude de l’hémorrha-
gie. Il y rapporte les opinions des médecins sur la différence
de la perte de sang. Thémison ne reconnaissait qu’une seule
espèce d'hémorrhagie; toutes, suivant lui, venaient d’une
plaie. Asclépiade les divisait en hémorrhagies par éruption
et par putréfaction. Érasistrate admettait comme différences
l’éruption , la putréfaction et l’'anastomose. Bacchius y ajou-
tait l'exsudation. Dans ce chapitre, Cœlius Aurélianus dit :
« Des médecins, Hippocrate, Euryphon, ont attribué lhé-
« morrhagie à une éruption de sang : Hippocrate par les
« veines seulement, Euryphon par les veines et les artères!.»
Hippocrate appelle en effet les hémorrhagies éruptions de
sang (αἵματος bnêuc ); et, dans tous les passages où il en in-
dique l'origine, il ne parle que des veines, par exemple,
pour l’hémorrhagie rénale, pour l’hémorrhagie pulmonaire,
pour l’hémorrhagie anale. Le témoignage de Cœlius Auré-
lianus prouve qu'Euryphon attribuait l’'hémorrhagie aussi
bien aux artères qu'aux veines. Cela montre encore qu'Eu-
ryphon croyait les artères pleines de sang, et que les hip-
pocratiques les croyaient pleines d’air.
τ Alii vero eruptiones, ut Hippocrates, Eurypho; sed Hippo-
crates, solarum venarum ; Eurypho vero, etiam arteriarum. Morb.
chr. , lib. xx, c. 10.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE, 207
Ainsi voilà quatre faits qui se corroborent mutuellement ,
etquiprouvent tous que la distinction des artères était connue
bien long-temps avant Praxagore , car elle existe dans les
livres d’Aristote , dans le traité des Articulations antérieur
à Dioclès, dans Diogène d’Apollonie, et dans Euryphon,
antérieurs à Hippocrate.
Le fait établi, il est encore quelques conséquences impor-
tantes à en tirer. La mention des artères n’est point isolée
dans le traité des Articulations, elle se trouve encore : dans
le traité des Chairs ou des Principes ; du Cœur ; dans la pre-
mière partie du prétendu traité de la Nature des os; dans la
dernière partie qui était intitulée, dans les éditions de l’anti-
quité, des Z’eines, et qui faisait un appendice du livre des
Instruments de réduction; dans le traité de l’Aliment ; dans
le 2: livre des Épidémies ; dans le 4° livre; enfin dans le 7°.
Ainsi, quoi qu’on en dise, cet emploi était fréquent. IL faut
maintenant rapporter les principaux passages :
« De la veine cave et de l'artère, dit l'auteur du traité des
« Chairs, sortent d’autres veines qui se répandent dans tout
« le corps 1. » Ainsi voilà des veines qui naissent de l'artère.
C’est de cette façon qu’Aristote donne constamment le nom
de veine à l'aorte; et l'auteur du traité des Chairs dit de
même : « Deux veines creuses sortent du cœur, appelées
« l'une artère, l’autre veine cave 2. » Ce qu’Aristote nomme
aorte est ici appelé artère.
Dans le fragment sur les veines, qui termine le prétendu
traité de la Nature des os, on lit: « La veine principale qui
1 Ἀπὸ τῆς χοιλῆς φλεδὸς καὶ ἀπὸ τὴς ἀρτηρίης ἄλλαι φλέδες ἐσχι-
σμέναι εἰσὶ χατὰ πᾶν τὸ σῶμα. Page 40, Ed. Frob,
μ μ
2 Δύο γάρ εἰσι χοῖλαι φλέδες ἀπὸ τῆς καρδίης, τῇ μὲν οὔνομα ἀρ-
τηρίη τῇ δὲ χοίλη φλέψ. Jbid.
208 INTRODUCTION.
« longe l’épine se rend au cœur; il en naît une veine très
«grande qui ἃ plusieurs embouchures au cœur , et qui
« delà forme un tuyau jusqu'à la bouche, elle est nom-
« mée artère dans le poumon". » On voit là comment les an-
ciens ont confondu la trachée-artère avec les artères, com-
ment ils ont étendu le nom de l’une aux autres; on y voit
encore comment l’auteur du traité des Articulations entend
qu'il y a des communications entre les artères et les veines.
Tout cela se trouve non seulement dans les hippocratiques ,
mais encore dans Aristote. Ce dernier dit : « Les dissections
«et le livre de l'Histoire des animaux enseignent de quelle
« manière le cœur a des ouvertures dans le poumon ?. » Et
dans ce même livre de l'Histoire des animaux : « La trachée-
«artère est attachée à la grande veine et au vaisseau appelé
« aorte.…. Le cœur aussi est attaché à la trachée-artère par
« des liens adipeux et cartilagineux. Ce qui sert d’attache au
« cœur est creux. La trachée-artère ayant été gonflée d’air…
«on voit, dans les grands animaux, que l'air pénètre-dans
« le cœur 5. » Les opinions anciennes se montrent clairement
dans tous ces passages.
Je passe sous silence la mention des artères, laquelle se
LA /
1 Ἡ δ᾽ ἀρχαίη φλὲψ À νεμομένη περὶ τὴν ἄχανθαν....... ἐμπέφυ-
\ © Ε -
xev ἐς τὴν χαρδίην - ἀφ’ ἑωυτῆς φλέδα εὐμεγέθεα, πολύστομον κατὰ
+ δῃ = 2 00 ΝΥ -» δὶ , 2 1 3 J SA
τὴν χαρδίην - ἐντεῦθεν δὲ ἐς τὸ στόμα écupiyywxev, ἥπερ ἀρτηρίη διὰ
τοῦ πνεύμονος ὀνομάζεται. Page 61, Ed. Frob.
à) A] LA
2 Ὃν δὲ τρόπον À καρδία τὴν σύντρησιν ἔχει πρὸς τὸν πνεύμονα
Ὁ» - τὖ -ῆ D τω
δεῖ θεωρεῖν ἔχ τε τῶν ἀνατεμνομένων, χαὶ Ex τῶν ἱστοριῶν τῶν περὶ
y :
τὰ ζῶα γεγραμμένων, De Respir., c. xvr.
VO \ / - - ee
ὁ Συνήρτηται δὲ (ἢ ἀρτηρία) καὶ τῇ μεγάλη φλεδὶ καὶ τῇ ἀορτῇ χα-
΄ Ἂ -
λουμεένῃ. -... συνήρτηται δὲ χαὶ ἣ χαρδία τῇ ἀρτηρία πιμελώδεσι χαὶ
ὃ ἊΝ Ν sir TNA 7 = 7 5 2 Nr ..-Ὁ
χονδρώδεσι δεσμοῖς" À δὲ συνήρτηται, χοῖλόν ἐστι. Φυσωμένης δὲ τῆς
3 ,ἷ 3 - Ὁ τυ
ἀρτηρίας......, ἐν τοῖς μείζοσι τῶν ζώων δῆλον ὅτι εἰσέρχεται! τὸ
en Ὁ À . .
πνεῦμα εἰς αὐτὴν ( καρδίαν). De Hist. Anim. 1, 16.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 209
trouve dans la première portion du prétendu traité de la Na-
ture des os, dans le livre de V Æliment, dans le livre du Cœur,
et dans le 4: livre des Épidémies ; je m'arrête $eulement sur
celle du 7° livre; l’auteur, en parlant du battement qui se
faisait remarquer aux tempes, dit dans un endroit : «Les
« artères des tempes battaient davantage: » et dans un au-
tre : « Les veines des tempes battaient 1. » Ici veines et ar-
tères sont prises indifféremment l’une pour l’autre, et évi-
demment sans que l'usage du mot veine exclue la connais-
sance des artères.
Aristote nous apprend que quelques-uns nommaiént aorte
le grand vaisseau que les modernes appellent encore de ce
nom. D'un autre côté, l’auteur du livre hippocratique des
Lieux dans l'homme appelle les bronches aortes (ἀορταί) ; de
sorte que nous avons encore là une preuve des rapports que
les anciens admettaient entre les artères et les ramifications
de la trachée. Les bronches sont appelées tantôt artères,
tantôt aortes; il y avait, dans le langage anatomique, de la
confusion entre les bronches et les artères comme entre les
artères et les veines.
Suivant Empédocle , l'inspiration et expiration se produi-
sent parce qu'il y ἃ des vaisseaux qui sont vides de sang, et
qui s'étendent, d’une part, jusqu'aux ouvertures des na-
rines, de l’autre, jusqu'aux dernières parties du corps 3.
C’est Aristote qui nous ἃ conservé ce passage; mais, en l’a-
τ Αἱ δὲ (ἀρτηρίαι) ἐν χροτάφοισι χαὶ μᾶλλον ἐπήδων. P. 356,
Ed. Frob.— Αἴ ἐν χροτάφοισι φλέδες ἐπήδων. Ρ. 364.
2 Πᾶσι λίφαιμοι.
Σαρχῶν σύριγγες πύματον κατὰ σῶμα τέτανται
\ \ ἂν LA - LA s rs
Καὶ σφὶν ἐπιστομίοις πυχνοῖς τέτρηνται ἄλοξι
« ΩΣ Ν ͵ὔ a /
Ρινῶν ἔσχατα τέρθρα διάμπερες.
Empedocles in Arist, De Resp, 6. var.
TOM. 1. 14
210 INTRODUCTION.
nalysant, il dit que, dans le système d’Empédocle, la respira-
tion se fait par des veines qui contiennent du sang , mais qui
n’en sont pas remplies 1. Il y ἃ dans cette analyse deux in-
exactitudes : la première, c’est qu'Empédocle se sert, non du
mot veines, mais d’un mot plus général, canaux ; au reste,
l'emploi que fait Aristote du mot veine pour rendre le mot
σύριγξ d'Empédocle, confirme mon opinion sur ’emploidu mot
veine, φλέψ, dansles anciens livres grecs; la seconde inexacti-
tude porte sur la demi-plénitude des canaux. Empédocle dit
positivement qu’ils sont vides de sang; ce liquide n’y pé-
nètre, dans son système, qu’au moment de l'expiration, et
pour chasser l'air. Gette citation d’Empédocle montre, à une
époque bien reculée, la doctrine physiologique qui supposait
que l'air était conduit par des canaux vides de sang dans
toutes les parties du corps. Ces canaux ont été , dès les pre-
miers temps, appelés artères.
L’appellation des artères et des veines sous un nom com-
mun n'appartient pas aux seuls hippocratiques. Nous avons
vu qu'elle était familière à Aristote, à tel point que, si
on lisait seulement le chapitre de l'Histoire des animaux
et celui des Parties des animaux, dans lesquels ce natura-
liste traite des veines, il serait aussi impossible, pour lui que
pour certains hippocratiques , de supposer qu’il ἃ connu les
artères. Son disciple Théophraste qui, comme lui, savait
très bien distinguer les artères des veines, fait arriver l’air
dans les veines, se servant indifféremment de ce mot pour
signifier les vaisseaux qui contiennent l’air?. Bien plus, Praxa-
τ Γίνεσθαι τὴν ἀναπνοὴν καὶ ἐχπνοὴν διὰ τὸ φλέθας εἶναί τινας,
ἐν αἷς ἐστι μὲν αἷμα, οὐ μέντοι πλήρεις εἰσὶν αἵματος. De Respir.,
C. VIl.
2 Ὑπὸ τοῦ πνεύματος ai φλέδες ἐμφυσώμεναι. Phot. Bibl., p. 864,
Ed. Hoeschel.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 211
gore, qui dit que les cotylédons dela matrice sont les bouches
des veines et des artères qui s’y rendent! , Praxagore donne
à l’aorte le nom de veine épaisse ?. 1] en est de même du livre
hippocratique du Cœur : les artères y sont dénommées, et
cependant l’aorte est appelée veine épaisse 5 ; tant il est vrai
que c'était une pure affaire de langage, qui était déterminée,
sans doute, par un certain état des opinions physiologiques,
mais qui n’empêchait pas qu'on ne sût qu'il y avait des ar-
tères et des veines. C’est exactement, pour en revenir aux
hippocratiques, comme dans le traité des Fractures et des
Articulations ; quoique ces deux traités soient évidemment
la continuation l’un de l’autre, dans le premier il n’est
question que de veines; dans le second veines et artères
sont nommées. Les uretères même sont parfois appelés vei-
nes: il est dit dans le commencement du prétendu traité de
la Nature des os* : «Du rein sortent les veines qui se ren-
dent à la vessie. »
Galien dit en différents endroits que les anciens compre-
naient, sous le nom commun deveines, les veinesetlesartères.
Les interprètes se sont trompés sur le sens de ces passages de
Galien. Ils ont pensé que le médecin de Pergame avait voulu
dire que les anciens, ne faisant aucune distinction entre les
artères et les veines, n’avaient qu’un nom pour ces deux
ordres de vaisseaux. Or, tous les passages que j'ai réunis
2 Καὶ 6 Πραξαγόρας ἐν τῷ πρώτῳ τῶν Φυσιχῶν - κοτυληδόνες δὲ
εἰσὶ τὰ στόματα τῶν φλεύῶν χαὶ τῶν ἀρτηριῶν τῶν εἰς τὴν μήτραν
φερουσῶν. Gal.,t. ν, p. 295.
2 Φλὲψ παχεῖα. Ruf. Eph. De part. Corp. hum., p. 49, Ed.
Paris.
3. Παχείη φλέψ. P. 55, Ed. Frob.
4 Ὅθεν ἐχπεφύκασιν ἐξ αὐτέου αἵ φλέδες, af ἐς κύστιν. P. 59,
Ed. Frob.
212 INTRODUCTION.
montrent que les anciens se servaient du mot veine, à peu
près comme nous nous servons du mot vaisseau , pour dé-
signer à la fois les veines et les artères , et qu’ils se servaient
indifféremment du mot artère pour désigner à la fois les ar-
tères proprement dites et les ramifications de la trachée.
Dans ce système, les artères constituaient plutôt un ap-
pendice des voies aériennes qu’une portion du système cir-
culatoire. Poursuivons jusqu’au bout examen de cette vieille
doctrine physiologique : il est remarquable que l’auteur du
1°" livre des Maladies , en parlant des parties dont la bles-
sure est mortelle, désigne une veine qui donne du sang".
C’est distinguer les veines qui ont du sang, de celles qui n’en
ont pas. L'auteur du livre des Articulations, qui a mentionné
expressément les artères, parle de la mortification des veines
sanguines ?, les séparant ainsi de celles qui ne donnent pas
de sang. Les veines sanguines sont certainement opposées
aux veines pleines d’air.
Voici un exemple où le nom de veines est donné, comme
dans Théophraste, à un vaisseau qui contient de l'air; c’est
dans le traité de la Maladie sacrée. «Dans les veines, dit
« l’auteur, nous introduisons la plus grande partie de l’air, ce
« sont les voies d'aspiration de notre corps; elles attirent
« l'air dans leur intérieur, et le distribuent partout 5. » Et
ailleurs : «L'air va en partie au poumon, en partie aux vei-
«nes, qui le répandent dans le reste du corps #. » Ainsi ce
0
2 Φλεδῶν αἱμοῤῥοϊέων πελιώσιες. P. 502, Ed. Frob.
7 \ , \ = x ΟῚ - 4
3 Κατὰ ταύτας δὲ τὰς φλέθας χαί ἐσαγόμεθα τὸ πουλὺ τοὺ πνεύματος.
“7 3
ce
: Ἢ φλέδα aiu68600v. P. 219, Ed. Frob.
5
a \ ΄ \ - , ù .-
αὗται γὰρ ἡμέων εἰσὶν ἀναπνοαὶ τοῦ σώματος, τὸν ἤξρα ἐς σφᾶς
d. Basil.
D s 1 \
& Τὸ πνεῦμα..... ἔρχεται.... τὸ δὲ ἐπὶ τὸν πνεύμονα, τὸ δὲ ἐπὶ τὰς
ρ
a NUES ΡΞ = - -
Exovoat , χαὶ ἐς τὸ σῶμα τὸ λοιπὸν ὀχετεύουσαι. P. 124, E
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 213
sont ici les veines qui contiennent l'air, et qui le reçoivent
des poumons. Les veines sont évidemment mises pour les
artères ; et cet exemple achève de prouver pourquoi les an-
ciens disent quelquefois veines pleines de sang; c'était pour
les distinguer des veines pleines d'air.
L'idée que les veines sont pleines de sang et les artères
pleines d'air se trouve implicitement exprimée par ces
distinctions entre les veines pleines d’air et les veines pleines
de sang. Mais elle y est aussi en termes formels ; on lit dans
le livre de l_AÆliment : « L’enracinement des veines est au
« foie, celui des artères est au cœur; de là se répandent
« dans tout le corps le sang et Pair 1. »
On apprend par une expression d'Érasistrate que les ra-
mifications de la trachée s’appelaient, dans ce système, les
premières artères ; car ce médecin, qui a soutenu que les ar-
tères sont pleines d’air, a dit que cet air provient de celui qui
nous entoure, qu’il entre d’abord dans les premières artères
du poumon , et que de là il passe dans le cœur et dans les au-
tres?. Ces paroles d’Érasistrate servent de complément ,
d'explication, de preuve, à tout ce que j'ai dit plus haut.
Dans cette ancienne physiologie, ce que nous appelons ar-
tères étaient les secondes artères, celles qui récevaient, de
seconde main, air fourni par les premières artères, par les
ramifications de la trachée.
φλέδας " Ex τουτέων δὲ σχίδναται ἐς τὰ λοιπὰ μέρεα χατὰ τὰς φλέ-
δας. Ρ. 195.
τ Ἔχ τουτέων ἀποπλανᾶται εἰς πάντα αἷμα καὶ πνεῦμα. P. 111,
Ed. Frob.
2 Ῥίνεται χατὰ τὸν "Epactorpatov ἐκ τοῦ περιέχοντος ἡμᾶς ἀέρος
εἴσω τοῦ σώματος, εἷς μὲν τὰς χατὰ πνεύμονα πρώτας ἀρτηρίας,
ἔπειτα δ᾽ εἰς τὴν χαρδίαν καὶ τὰς ἄλλας. Gal., t. 1, p. 222, Ed.
Basil,
214 INTRODUCTION.
Ainsi de cette discussion résulte que la distinction des ar-
tères et des veines a été connue dès avant Hippocrate; qu'on
les désignait communément sous le nom commun de veines;
que les artères ont été généralement considérées comme
appartenant plutôt aux voiesaériennes qu’aux voies du sang;
que l'opinion des hippocratiques était que de lair était con-
tenu dans les artères, que cependant Euryphon croyait
qu’elles donnaient du sang , et que c’était peut-être là un
des points sur lesquels l’école de Cnide différait de celle de
Cos. IlLen résulte encore qu’on n’est nullement autorisé à
enlever à Hippocrate un des livres de la Collection , par cela
seul que ce livre contient la mention des veines et des ar-
tères.
Galien dit : « La respiration sert-elle à fortifier l'âme,
« comme le pense Praxagore, ou à rafraïchir la chaleur in-
«née , comme le veulent Philistion et Dioclès , ou à alimen-
«ter et animer cette même chaleur , comme le dit Hippo-
«crate1?» C’est là le dernier terme de cette doctrine sur
les communautés de la trachée, du cœur, des artères et des
veines. Les uns pensaient que l’air allait rafraîchir, les au-
tres, qu’il allait entretenir la chaleur innée.
Des opinions pareilles peuvent surprendre quand on
ne se reporte pas à l’époque où elles ont été conçues.
Pourtant elles méritent plus d’être comprises qu'on ne le
croirait d’abord; elles ne sont point fondées en fait, il est
vrai, et ne dérivent point d’une observation rigoureuse des
phénomènes, mais elles ont leur origine dans une sorte
d’intuition qui manque rarement de profondeur ; et , à cet
égard, il y a une grande distinction à faire entre ces idées
en tant qu’elles sont primitives, ou qu’elles sont reçues de
* Tu, p. 153, Ed. Basil.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE, 215
seconde main. Primitives, elles ont l'intérêt d'indiquer la
première impression que fit sur l'esprit humain une certaine
observation de la nature. Secondaires, cet intérêt est perdu,
et il n'y reste plus ordinairement que ce qu’elles contenaient
d’erroné. Ainsi, que les anciens philosophes et médecins de
la Grèce, sans presqu’aucune physiologie, conçoivent d’une
certaine façon l'usage de l’air dans la respiration, c’est un
point de vue qu’il faut chercher à comprendre. Mais qu'É-
rasistrate, savant anatomiste, défende leur opinion, et em-
ploie, pour la soutenir, une science qui du moins leur man-
quait, on ne peut plus y voir qu’une erreur sans portée et
Sans instruction. L'idée primitive des philosophes et méde-
cins grecs se réduit à ceci : L'air est nécessaire à la vie, et
l'animal le respire sans cesse; cet air, pour que la vie se
maintienne, doit être incessamment porté dans toutes les
parties du corps par les vaisseaux. Les anciens se sont trom-
pés sur le mécanisme de ce transport; mais se sont-ils beau-
coup trompés sur le fond même de la question? n’est-il pas
vrai qu'avec le sang, un élément de l'air, sinon l’air tout
entier , est sans cesse distribué à toutes les portions de l’or-
ganisme? et n’a-t-il pas pour objet d'alimenter la chaleur
innée , comme le voulait Hippocrate?
Il est un autre point de l’histoire médicale qui peut servir
à la critique des écrits hippocratiques : c’est l’opinion que
les anciens se sont faite de l’origine des vaisseaux sanguins.
Cette question ἃ beaucoup occupé l'antiquité; elle avait, en
effet, une grande importance dans l’ancienne physiologie.
La circulation n’était pas découverte; quelques esprits seu-
lement la pressentaient; et, de toute part, les natura-
listes s’efforçaient de désigner le lieu précis d’où les veines
devaient provenir. Galien avait placé l’origine des veines
dans le foie, des artères dans le cœur , et cette opinion pré-
216 INTRODUCTION.
valut long-temps après lui; mais elle fut un choix que fit le
médecin de Pergame entre plusieurs hypothèses qui avaient
été proposées; le foie, le cœur , les méninges, la tête, le
ventre, une grosse veine, avaient été, à différentes reprises
et par différents auteurs, considérés comme le point de dé-
part des vaisseaux sanguins; et même une idée bien plus
profonde et bien plus juste avait été, dès une antiquité
très reculée, consignée dans quelques-uns des écrits hip-
pocratiques, à savoir que les vaisseaux sanguins forment
un cercle, et n’ont point de commencement; mais cette
grande et belle idée avait été repoussée dans l'ombre, à la
fois par les hypothèses diverses qui supposaient un com-
mencement aux veines (je me sers du langage ancien), et
par les travaux anatomiques plus exacts qui avaient mieux
montré le tracé des vaisseaux sanguins.
Dionysius d’Ægée, dans son livre intitulé Les Filets ( Δι-
xtuaxa), OÙ, en cent chapitres, il exposait le pour et le contre
des doctrines médicales, donne un résumé des opinions sur
l'origine des vaisseaux sanguins. Ce résumé, dont je me
sers d'autant plus volontiers qu’il provient d’un écrivain an-
cien, mettra le lecteur au courant de cette discussion. Voici
le titre des chapitres qui sont relatifs à ces questions , seule
chose que nous ayons conservée de son ouvrage. « Le cœur
«est le commencement des veines. — Le cœur n’est pas le
« commencement des veines. — Le foie est le commence-
« ment des veines.— Le foie n’est pas le commencement des
« veines.—Le ventre est le commencement des veines. — Le
« ventre n’est pas le commencement des veines. — La mé-
« ninge est le commencement de tous les vaisseaux. — La
« méninge n’est pas le commencement de tous les vaisseaux.
« Le poumon est le commencement des artères. — Le pou-
« mon n'est pas le commencement des artères. — L’artère
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 917
« qui longe le rachis est le commencement des artères. —
« L’artère qui longe le rachis n’est pas le commencement
« des artères. — Le cœur est le commencement des artères.
« — Le cœur n’est pas le commencement des artères. »
Ce que Dionysius rapporte embrasse toutes les opinions
anciennes sur cette question que les physiologistes s’étaient
posée. Mais je dois me borner aux seuls écrits de la Collec-
tion hippocratique ; et, dans cette Collection, les hypothèses
sur l’origine des vaisseaux sanguins sont moinsnombreuses.
Elles se réduisent à quatre : Le cerveau est l'origine des
veines (Polybe, dans le traité de la Nature de l’homme); ta
grosse veine qui longe la colonne vertébrale est l’origine des
veines (l’auteur du 2: livre des Épidémies) ; le cœur est l’o-
rigine des vaisseaux sanguins (lauteur du livre des Prin-
cipes ou des Chairs, l’auteur de lopuscule sur le Cœur ) ; le
foie est l’origine des veines, le cœur, des artères (l’auteur
du livre de l’4liment). On voit, par le rapprochement des
Opinions contenues dans les livres hippocratiques, comme
par le résumé de Dionysius d’Ægée, ce qu’il faut entendre
par le problème de l’origine des vaisseaux sanguins, tel que
se le sont posé les anciens physiologistes. Ge ne sont pas
d’extravagantes erreurs d'anatomie; mais c'est une hypo-
thèse que faisaient les médecins, ignorant la circulation et
voulant concevoir la source du sang.
La Collection hippocratique offre donc quatre opinions très
distinctes sur l’origine des vaisseaux sanguins. Ges opinions
représentent-elles des époques différentes de la physiologie,
et est-il possible d’en reconnaître la chronologie? c’est ce
qu'il importe d'examiner.
Ce point d'histoire médicale ἃ été discuté avec un soin
* Phot. Bibl., p . 219, Ed. Hoeschel.
218 INTRODUCTION.
tout particulier par un homme dont les vastes connaissances
en toute chose et la date reculée rendent le jugement, pour
ainsi dire, sans appel en pareille matière : je veux parler
d’Aristote. Sa science et son érudition lemettent à l’abri d’une
erreur ; son époque, sirapprochée de celle d’Hippocrate, éli-
mine, d’un seul coup, une masse immense de travaux , de
livres et d'opinions , et ne laisse aucune place à une confu-
sion entre ce qui est antérieur et ce qui est postérieur. Je
résumerai la discussion d’Aristote ; car, outre l’intérêt qu’elle
ἃ pour la distinction des livres hippocratiques, il est curieux
de voir comment le philosophe de Stagire traitait un point
de critique et une question de priorité.
Aristote est d’opinion que les vaisseaux sanguins ont une
origine, et que le cœur est cette origine même. Voici ses
principales raisons : Le sang étant liquide, il faut un vaisseau
pour le contenir, et à cela la nature a pourvu par la fabrica-
tion des veines; ces veines, à leur tour, doivent avoir une
seule crigine; car , là où une origine est nécessaire, une
seule vaut mieux que plusieurs. Or, c’est le cœur qui est le
point de départ des veines; car on voit qu’elles en naissent,
et non qu’elles le traversent !. De plus , la texture du cœur
est veineuse, ce qui est nécessité par sa similarité avec les
veines. Get organe occupe une position d’origine et de com-
mencement; car il est situé au milieu , et plus en haut qu’en
bas, en avant qu’en arrière ; car la nature, à moins d’em-
péchement, place la partie la plus noble dans la position la
1 Φαίνονται γὰρ ἐκ ταύτης οὖσαι, χαὶ où διὰ ταύτης. De part.
* Anim., Lux, c. 4. Dans l'édition de Duval le traducteur a mis :
Ex hoc enim venæ et per hoc esse videntur. Ce qui est un contre-
sens. Ne comprenant pas la question anatomique ici débattue , le
traducteur a effacé la négation.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE, 219
plus noble, Le milieu est le point le plus convenable; car il
est unique , et il se trouve à égale distance du reste. Ceux
qui placent l’origine des veines dans la tête se trompent :
d’abord ils supposent des origines multiples et séparées ; puis
ils les mettent dans un lieu froid. Tous les autres organes
sont traversés par des veines; seul, le cœur n’est traversé
par aucune. Il est plein de sang comme les veines elles-
mêmes; et c’est encore le seul viscère du corps où ce liquide
se trouve sans veines; ailleurs, le sang est toujours contenu
dans les veines. Le cœur est creux pour recevoir le sang,
dense pour conserver le principe de la chaleur. Du cœur ce
liquide s'écoule dans les veines; mais il ne vient de nulle
autre part dans le cœur même ; car ce viscère est le principe,
la source, le premier réceptacle du sang. Cela est visible par
l'anatomie; mais cela l’est aussi par l'étude de l'embryon,
car , de tous les organes, c’est le premier où l’on aperçoit du
sang 1,
Les raisons que donne Aristote pour soutenir son opinion
sont, les unes anatomiques, les autres physiologiques, et
les autres métaphysiques. Pour lui, c’est donc une doc-
trine arrêtée : le sang et les veines doivent avoir et ont une
source, une origine; et cette source, cette origine est dans
le cœur.
Voici maintenant comment il établit ses droits à la priorité
de cette doctrine anatomico-physiologique. Après avoir ex-
posé les difficultés qui empêchent de discerner l’origine des
veines, origine qu’on ne peut voir que sur les animaux
morts, ou très imparfaitement sur l'homme, il rapporte des
passages de Syennésis de Chypre, de Diogène d’Apollonie et
de Polybe. Puis il ajoute : «Ce que les autres écrivains ont
* De part. anim. Lab. 111, 6. #4, passim.
220 INTRODUCTION.
« dit ressemble beaucoup aux passages qui ont été cités. ἢ
« est en outre d’autres auteurs qui ont écrit sur la nature, et
« qui n’ont pas décrit les veines aussi exactement. Mais tous
« en ont mis l’origine dans la tête et dans le cerveau 1. »
C’est donc de la manière la plus positive, c’est-à-dire en
citant les auteurs qui, avant lui, avaient écrit sur ce sujet,
qu’Aristote établit ce que les autres ont pensé et ce qu'il
pense lui-même, sur le point d'anatomie en question.
Il résulte clairement de ce qui précède , qu’Aristote a mis
l’origine des vaisseaux sanguins dans le cœur , qu’il a re-
gardé cette opinion comme importante, et qu’il a voulu
constater qu’elle lui appartenait. Je relèverai seulement une
inexactitude : il dit que tous les physiologistes, avant lui ,
placent dans la tête le commencement des vaisseaux ; or,
dans le passage de Diogène d’Apollonie, que lui-même rap-
porte, le commencement des vaisseaux est placé, moins dans
la tête, que dans les grosses veines qui longent le rachis.
Cela n'empêche pas que ce point d'histoire anatomique ainsi
décidé par Aristote ne fournisse un terme de comparaison très
instructif pour plusieurs des écrits hippocratiques. Il devient
évident que, là-dessus, les différences d'opinions que l’on re-
marque dans la Collection hippocratique indiquent des diffé-
rences de temps et d'auteur : tous les livres où l’origine des
vaisseaux sanguins est placée dans le cœur , appartiennent
à une époque postérieure à l’enseignement d’Aristote.
La règle de critique que j’établis ici est positive, car elle
se fonde sur le témoignage d’Aristote. Au reste, comme rien
ne doit être négligé dans de pareilles recherches, je ferai
remarquer qu’en réalité la Collection hippocratique porte à
son tour témoignage en faveur d’Aristote. Les écrits qui sont
5 De Hist. anim. Lib. 111, ο, 2 οἱ 5.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE, 228}
réellement d’Hippocrate ne contiennent rien qui y soit con-
traire, et l’impuissance, qui suit la section de la veine der-
rière les oreilles, est, dans le traité de Air, des Eaux et des
Lieux , un indice de cette anatomie. Polybe, gendre d'Hip-
pocrate , dont le morceau cité par Aristote se retrouve tex-
tuellement dans le traité de la Nature de l’homme, ne décrit
pas autrement les veines ; dans le 2: livre des Épidémies , la
description se rapproche de celle de Diogène d’Apollonie.
Ainsi, tout ce qui est notoirement le plus ancien dans la
Collection hippocratique, confirme le dire d’Aristote. I faut
donc voir un caractère de modernité relative dans le petit
nombre d’écrits qui portent la trace d'opinions qu’Aristote a
expressément revendiquées comme siennes.
Érasistrate avait embrassé l'opinion d’Aristote, car il avait
dit dans le 1° livre de son traité sur les Fièvres que le cœur
est l’origine à la fois des artères et des veines 1. Et ailleurs :
« La veine naît là où les artères, s'étant distribuées à tout le
« corps, ont leur commencement, et elle s’abouche dans le
« ventricule sanguin du cœur ; Partère , de son côté, naît là
« où les veines commencent, et elle s’abouche dans le ven-
«tricule pneumatique du cœur 2. » Ainsi, Érasistrate était
bien près anatomiquement, bien loin physiologiquement, de
la découverte de la circulation du sang; car si, d’une part,
* Epaciorodtou χαθ᾽ ἕν βιδλίον τὸ πρῶτον Περὶ πυρετῶν ἅμα
μὲν ἀρχὴν ἀποφηναμένου χαὶ ἀρτηριῶν καὶ φλεδῶν εἶναι τὴν χαρδίαν.
Gal., «. τ, p. 504, Ed. Basil.
2 ᾿Ἐρασίστρατός φησιν" à μὲν φλὲψ éxmépuuev, ὅθεν περ εἰς ὅλον
τὸ σῶμα διανεμόμεναι τὴν ἀρχὴν ἔχουσιν ἀρτηρίαι " συντέτρηται δὲ
εἰς τὴν τοῦ αἵματος χοιλίαν. Ἢ δ’ ἀρτηρία πάλιν, ὅθεν af φλέδες ἀρ--
χονται πεφυχυῖα, πρὸς τὴν πνευματιχὴν TAG καρδίας συντέτρητα!
χοιλίαν. Gal., t. 1, p. 456, Ed. Basil,
222 INTRODUCTION.
il admettait que les veines naissent là où les artères com-
mencent , de l’autre, il croyait les artères pleines d’air.
Hérophile , le célèbre contemporain d’Érasistrate, dé-
clarait ne pas savoir où était l’origine des veines. Il fau-
drait avoir sous les yeux le texte même d’Hérophile pour
reconnaître s’il prétendait simplement s'abstenir de toute
opinion sur l’origine des vaisseaux, ou s’il admettait, comme
il est dit dans quelques livres hippocratiques , que les vais-
seaux, étant constitués circulairement, n’ont réellement
pas de commencement. En effet, l’auteur de l’opuscule des
Veines , réuni dans nos éditions au prétendu traité de la Na-
ture des os, et jadis réuni au livre des /nstruments de réduc-
tion, dit : « Les veines se développent d’une seule ; mais
« où commence et où finit cette veine unique? je ne le sais ;
« un cercle étant accompli, le commencement n’en peut être
« trouvé ?. » L'auteur du traité des Lieux dans l’homme dit ,
de son côté : « Selon moi, il n’y a aucun commencement
« dans le corps; tout est également commencement et fin ;
« car, un cercle étant décrit, le commencement n’en peut
« être trouvé 5.» De telles idées, dans l'ignorance où l’on
était des conditions anatomiques et physiologiques de la cir-
culation , sont certainement d’une haute portée. C’est la dé-
couverte de Harvey, pressentiede la manière la plus formelle.
1 Ex ἀπορεῖν ὑπὲρ ἀργῆς ( τῶν φλεδῶν ) ἔφησεν ὡς ἩἫρόφιλος
p p ἄρχη ? ñ
Gal., t. 1, p. 502, Ed. Basil,
2 Ἀπὸ μιῆς πολλαὶ διαδλαστάνουσσι: καὶ αὕτη μὲν ἣ μία ὅθεν
ἦρται χαὶ ἣ τετελεύτηχεν, οὐχ οἶδα - χύκλου γὰρ γεγενημένου ἀρχὴ
οὐχ εὑρέθη. Ρ. 61, Ed. Frob.
3 E À À ὃ ΄ ΨΥ Α, 4 Os UN ee Sy rs 4 “ ζλλὰ
μοι μὲν δοχέει ἀρχὴ μὲν οὖν οὐδεμία εἰναι τοῦ σώματος" à
πάντα δμοίως ἀρχὴ, χαὶ πάντα τελευτή " χύχλου γὰρ γραφέντος ἀργὴ
QE ἘΠ γαρ᾽ γρᾶς χη
οὖ. εὑρέθη. P. 63, Ed. Frob.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 223
Il n’est pas un développement, le plus avancé de la médecine
contemporaine, qui ne se trouve en embryon dans la méde-
cine antérieure. Les connaissances antiques et les nôtres sont
identiques au fond, en tant que composées des mêmes élé-
ments ; ce qui n’était qu'un bourgeon est devenu un robuste
rameau ; Ce qui était caché sous l'écorce s’est développé à la
lumière du jour. En science, comme en tout autre chose,
rien n’est qui n’ait été en germe.
Tout prouve que les idées de cercle et de circulation n’ont
été ni comprises ni poursuivies par les anciens physiologistes.
Ils se sont obstinés à vouloir trouver une origine aux vais-
seaux. Plus même l'anatomie est devenueexacte et areconnu
le trajet des veines et des artères et leur rapport avec le
cœur, plus ils se sont confirmés dans l’opinion que les vais-
seaux devaient avoir un commencement. Il arrive, on le
voit, que le progrès même de la science et les découvertes
réelles ont pour effet de détruire des idées scientifiques d’une
grande valeur. La pensée de la circulation est dans les livres
hippocratiques ; on l’y laisse pour poursuivre une théorie qui
détourne évidemment les esprits de la recherche de la véri-
table condition des vaisseaux , du cœur et du sang. D’exem-
ples semblables, qui ne sont pas rares, proviennent ces
plaintes, souvent répétées, que la science rétrograde quand
des faits de détail nouvellement aperçus brisent d'anciennes
conceptions qui ont de la grandeur , et font perdre de vue
des doctrines qui, nées d’une sorte d’intuition, et vraies
dans le fond, manquent de toute démonstration. Aristote ,
qui avait beaucoup disséqué, fut conduit à faire partir du
cœur les veines, mais en même temps il abandonna l’idée
primitive de la constitution circulaire du corps animal. L’a-
natomie moderne n’admet pas, comme Aristote, que le cœur
soit l’origine des vaisseaux sanguins, mais elle admet,
294 INTRODUCTION.
comme les hippocratiques, que le corps organisé est un
cercle sans commencement ni fin.
Quoique cette dissertation soit déjà longue, je ne veux
pas cependant la terminer sans essayer de pénétrer le sens
de l'opinion d’Aristote, et de lui rendre pleine justice. Ana-
tomiquement il a tort; mais plaçons-nous avec lui au point
le plus élevé de sa biologie : suivant lui, le cœur est le siége
du principe de vie, de la sensibilité, de l'essence de l'animal;
car l'animal est caractérisé par la sensibilité, dit Aristote.
Faut-il donc s'étonner qu'il y ait mis la source du sang et
l'origine des vaisseaux? Son idée n’a-t-elle pas été de ratta-
cher à un viscère où il faisait résider le moteur suprême de
l'organisation , le fluide et les canaux qui portent partout la
vivification? et ne faut-il pas, pour bien comprendre son
idée, la comparer à celle que la physiologie moderne se fait
du principe de vie, qui, réveillé, de son sommeil dans lo-
vule, par la fécondation, édifie peu à peu tout l'édifice de
son COrps ?
Cela encore me ramène à ceux des hippocratiques qui
plaçaient l’origine des vaisseaux dans la tête. Ils admet-
taient que toute la sensation , toute l'intelligence, toute l’hu-
manité, en un mot, est dans le cerveau. De là le motif
qu'ils ont eu, dans leur ignorance de la circulation , d’a-
dopter la tête comme le point de départ des vaisseaux
et la source du fluide vivificateur. C’est, au fond, la même
pensée qu’Aristote, à savoir que le sang et ses canaux doi-
vent être mis sous la dépendance du principe même de la
vie; et il faut l'expliquer de même. Seulement je me trouve
de nouveau amené à ce résultat, que je ne cherchais pas,
mais que je rencontre encore, à savoir que les intuitions sont,
en général, d'autant plus justes qu’elles sont plus anciennes.
L'origine des vaisseaux, si elle n’est pas dans le cœur, est
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 290
encore moins dans le cerveau; mais, s'il s'agit du moteur
primordial de la vie, il est bien plus attaché au système
nerveux , comme l'ont pensé les hippocratiques, qu’au
système sanguin, comme l’a pensé Aristote.
La sphygmologie, ou l’art de tirer du pouls des indications
sur le diagnostic, sur le pronostic et le traitement de la mala-
die , n’est point une découverte qui remonte jusqu'aux pre-
miers temps de la médecine. Il faut donc en examiner le
détail pour savoir si la chronologie des écrits hippocratiques
en peut recevoir quelque lumière.
Les critiques anciens ont généralement pensé qu’à l’épo-
que d’'Hippocrate la sphygmologie était ignorée. Palladius 1
dit qu’alors la théorie du pouls était inconnue, et que les
médecins s’assuraient de la fièvre en apposant les mains sur
la poitrine du malade. « Au temps d’Hippocrate, dit encore
« Étienne 2, l'observation du pouls n’était pas l'objet d’une
« Connaissance exacte; ce n’était pas à l’aide de ce signe
« qu’on reconnaissait les fièvres, mais on appliquait la main
« sur les différentes parties du corps, et en particulier sur [ἃ
« poitrine , où est logé le cœur , siége spécial de la fièvre. »
Ce que dit Galien diffère peu de ce que je viens de citer de
Palladius et d'Étienne. Dans un endroit on lit 5 : « Hip-
« pocrate n’a pas traité du pouls, scit qu’il ne le connût
« pas, soit qu’il n’en crût pas la mention importante. » Et ail-
leurs # : « Hippocrate ἃ donné tous les signes des crises , ex-
« cepté le pouls. » Et ailleurs 5 : « Si Hippocrate avait expli-
1 Schol. in Hipp., t. 11, p. 52, Ed. Dietr.
2 Schol. in Hipp., t. τ, p.255, Ed. Dietz.
3 Tome 111, p. 422, Ed. Basil.
4 Tom. 111, p. 422, Ed. Basil.
ὁ Tome v, p. 401, Ed. Basil.
TOM. I. 15
990 INTRODUCTION.
« qué l'état du pouls (il s’agit des malades du 3° livre des
« Épidémies), nous saurions mieux les accidents qu'ils ont
« éprouvés. » Et ailleurs ἢ: « Dans le Pronostic, Hippocrate
« a exposé tous les signes, excepté ceux qui sont tirés du
« pouls. »
Dans d’autres passages , Galien modifie son opinion , mais
non d’une manière essentielle. «Les anciens, dit-il, ne don-
« naient pas le nom de pouls (σφυγμός) à tous les mouvements
« des artères, mais ils ne nommaient ainsi que les mouve-
« ments violents, sensibles au malade lui-même. Hippocrate
« le premier a dit que le pouls (σφυγμός), quel qu'il fût, ap-
« partenait à toutes les artères ?. » Et ailleurs 5 : « Le pre-
« mier de tous ceux que nous connaissons, Hippocrate, ἃ
« écrit le nom du pouls, et il ne paraît pas avoir ignoré l'art
« de s’en servir; mais il n’a pas généralement cultivé cette
« partie de Part. »
Ainsi l'opinion de Galien est que, si Hippocrate ἃ eu la
notion du trouble qu’éprouve ie pouls dans les maladies , il
n’en ἃ eu qu’une connaissance bornée, et n’en ἃ fait presque
aucun usage. |
Consultons maintenant la Collection hippocratique, et
voyons si les détails qu’elle fournit coineideront avec ces
dires des anciens critiques. Les passages qui se rappor-
tent aux pulsations des vaisseaux y sont peu nombreux.
En voici les plus importants : «Les veines présentent des
battements autour de l’ombilic ; dans les fièvres les plus ai-
guës, les pulsations sont les plus fréquentes et les plus for-
tes 4. —Chez Zoïle, le charpentier, les pulsations furent trem-
τ Tome v, p. 164, Ed. Basil.
2 Tome xvi, p. 505, Ed. Kuhn.
3 Tome ur, p. ὃ, Ed. Basil.
4 Epid., ὁ, p. 530, Ed. Froben,
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 297
blantes et obscures !.—Si les veines des mains battent , si
le visage est plein et les hypochondres tendus , la maladie
dure long-temps ?.— Chez Pythodore, les pulsations ne ces-
sèrent pas de se faire sentir 5. — Les veines des tempes bat-
taient #, — Les artères des tempes battaient ὅ. — Le vin pur,
bu en plus grande quantité que d'habitude, produit le batte-
ment des veines (παλμόν), la pesanteur de tête et la soif 6, —
Pulsations qui viennent frapper la main avec faiblesse 7, —
Il faut brûler les veines derrière les oreilles jusqu’à ce qu’elles
cessent de battre 8, — Les veines se soulèvent et battent dans
la tête 9. — Les veines se tendent et battent 10.— Les tempes
sont le siége de pulsations 11.—Deux veines, qui battent tou-
jours, traversent les tempes 12.—Dans les fièvres, les batte-
ments de la veine située au col et la douleur en ce point se
terminent par la dysenterie 15.—Les fébricitants qui ont de la
rougeur au visage, une forte douleur de tête, et un battement
dans les veines, sont pris le plus souvent d’hémorrhagie 4, »
Toutes ces citations montrent que les hippocratiques ont su
᾿ Epid., 4, p. 350, Ed. Froben.
+ Epid. , 2, p. 318.
3 Epid., 7, p. 552.
4 Epid., 7, p. 364.
* Epid., 7, p. 856.
6 De Diæt. in acut., p. 572.
7 De Morb. mul., 2, p. 265.
5. De Morb.. 9, p. 142.
9 De Morb., 2, p. 143.
19 De Morb. 5, p. 158.
τ De Morb., 5, p. 159.
‘2 De Loc. in hom., p.64.
13 Præn. coac., p. 427.
‘4 Præn, coac., p. 427.
228 INTRODUCTION.
que les vemes, comme ils disaient ordinairement, battaient, et
qu'ilsontexaminé quelquefois ces pulsations ; mais elles mon-
trent en même temps que ces chservations étaient dans l’en-
fance ; et il n’y a rien là qui offre l'indice d’une sphyg-
mologie quelque peu étudiée. Galien a parfaitement re-
présenté cet état des connaissances médicales en disant
qu'Hippocrate ne paraît pas avoir ignoré l’art de se servir du
pouls , mais qu’il ne l’a pas cultivé.
Un seul passage, que je vais citer, doit sans doute faire
exception. Il est dit dans le 2° livre des Prorrhétiques : «On
« se trompe moins en tâtant le ventre et les veines qu’en ne
« les tâtant pas 1. » Il est difficile de ne pas voir, dans cet at-
touchement des veines, une indication de l'habitude de con-
sulter le pouls dans les maladies, et par conséquent de la
sphygmologie. Et, chose remarquable, cet argument, qui
signale , dans un traité de la Collection, un fait étudié après
le temps d’Hippocrate, tombe sur un livre que tous les
critiques de l’antiquité se sont accordés unanimement à re-
garder comme n'étant pas du célèbre médecin de Cos. Le
9e livre des Prorrhétiques est déclaré étranger à Hippocrate
par Galien, par Érotien , et, disent-ils, par tous les autres ;
iis ne nous ont pas donné les motifs de ce jugement ; il n’en
est que plus intéressant de trouver , par une voie indépen-
dante , des motifs qui confirment leur arrêt.
Quelques mots me sufliront maintenant pour achever
cette question de la sphygmologie. Hérophile avait écrit un
livre sur le Pouls?; et il contribua beaucoup à développer
2 πειτα τῇσι χερσὶ ψαύσαντα τὴς γαστρός τε χαὶ τῶν φλεδῶν
ἧσσόν ἐστιν ἐξαπατᾶσθαι ἢ μὴ Ψψαύσαντα. P. 414, Ed. Frob.
μη >
2 2 τ - \ - /
Ἐν ἀρχὴ τῆς Περὶ σφυγμῶν πραγματείας. Gal., t. mr, p. 50,
Ed. Basil.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE, 299
cette étude. Ce fut lui qui, donnant un sens fixe au mot σφυγ-
μός, et appliquant, sans équivoque, ce nom aux battements qui
se font sentir dans les artères durant tout le cours de la vie,
mit un terme à la confusion dans les termes et dans les cho-
ses. Praxagore, son maître, à qui on attribue l’invention de
la sphygmologie, avait pensé que la pulsation (σφυγμός), la
palpitation (παλμός), le spasme et le tremblement étaient des
affections des artères, et ne différaient que par la force ? ;
doctrine erronée qu'Hérophile combattit au début de son
livre sur le Pouls 5 ; ainsi il s'était occupé de la recherche du
pouls, mais en y mélant des choses hétérogènes. Praxagore
avait-il été précédé dans cette étude? Voici ce que dit Ga-
lien : « Ægimius d'Élée a écrit un livre sur les palpitations
« (Περὶ παλμῶν), Où il traite du pouls. Ce livre est-il d’Ægi-
« mius? Ægimius est-il le premier qui ait écrit sur le pouls ?
« Ce sont des questions dont je laisse la discussion à ceux qui
« veulent s'étendre sur de pareillesrecherches #. » Ainsi, dans
l'antiquité, des critiques donnaient à Ægimius la priorité
touchant la composition d’un livre sur ie pouls, que ce mé-
decin appelait palpitation, comme Hippocrate dans le traité
du Régime des maladies aiguës ; mais la chose était douteuse.
En résumé, ce n’est guère au-delà de Praxagore qu’on
peut faire remonter le premier traité de sphygmologie. Ce-
pendant, nous l’avons vu, Hippocrate avait remarqué le
pouls avant Praxagore, et il n’est pas le seul. Aristote l’a
connu : « Toutes les veines , dit-il, battent ensemble, parce
2 Φαίνεται γὰρ 6 ἀνὴρ οὗτος ἅπασαν ἀρτηριῶν κίνησιν, ἣν δρῶμεν
ἐξ ἀρχῆς ἡμῖν ἕως τέλους ὑπάρχουσαν, ὀνομάζων σφυγμόν. Gal.
tan, p. 44, Ed. Basil.
5. Gal., t. 11, p. 564, Ed. Basil.
Ὁ Gal.,t. ΠΡ. 45, Ed. Basil.
4 Tome 11, p. 50, Ed. Basil.
230 INTRODUCTION .
« qu’elles ont leur origine dans le cœur.» Et ailleurs : « Le
« pouls n’a aucun rapport avec la respiration; qu’elle soit
« fréquente, égale , forte ou douce, il n’en reste pas moins
« le même. Mais il devient irrégulier et tendu dans certaines
« affections corporelles, et dans les craintes, les espérances
« et les angoisses ?. »
Démocrite ἃ connu aussi le pouls , et ἢ] l'appelait palpita-
tion des veines 5.
Ainsi en-dehors d’'Hippocrate et jusqu’à une époque même
plus ancienne que lui, nous trouvons la mention du pouls ,
mais non la théorie de la sphygmologie.
Quelques critiques modernes ont encore prétendu que le
mot muscle (μῦς) était d’un emploi postérieur à Hippocrate,
qu ’anciennement on se servait du mot chair , et que ce sont
les anatomistes alexandrins qui , les premiers, ont distingué
des chairs les muscles. Si cette règle de critique était admise,
elle reporterait à une date bien postérieure un grand nom-
bre d’écrits de la Collection hippocratique. En effet , le mot
muscle se trouve : dans le 4° livre des Épidémies, page 333,
Ed. Frob. ; dans le traité de Art, page 3 ; dans le traité du
Cœur, page 55 ; dans l’opuscule des J’eines, page 61 , 62
dans le traité du Régime, livre 11, page 94, pour signifier
la chair musculaire des animaux que l’on mange; dans le
traité de l_Aliment, pages 110 et 111; dans le 1* livre des
Maladies, page 129, où il est parlé des têtes des muscles
(τῶν μυῶν χεφαλάς) ; dans le traité des Affections inter-
nes, page 195, où l’auteur parle des muscles des lombes;
dans les traités des Fractures, des Articulations, de
? De Respir., c. 20.
* De Spiritu , c. 4.
3 ᾧλεῤοπαλίαν, Erot., Gloss., p. 382, Ed. Franz.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 231
l'Officine du médecin, des Instruments de réduction, où le
mot muscle est fréquemment répété; dans les Æphorismes,
vire section , où il est parlé des muscles du rachis. On voit
combien de traités se trouveraient placés après les travaux
des écoles alexandrines ; traités dont plusieurs sont nomina-
tivement cités par les plus anciens critiques, et ces citations
suflisent seules pour détruire toute argumentation de ce
genre, fondée sur la présence du mot muscle dans tel ou {el
écrit.
On peut encore en montrer la fausseté d’une autre ma-
nière. Il en était du mot chair comme du mot veine, c'était
un terme général qui n’excluait pas la connaissance d’une
désignation plus particulière. Dans le même traité, chair et
muscle se trouvent indifféremment employés ; cela est dans
le 1“ livre des Maladies ; cela est encore dans le traité des
Fractures ; et, à ce sujet, Galien dit : «Ce qui ἃ été appelé
« muscle précédemment, Hippocrate l'appelle chair ici, se
« servant de la locution vulgaire 1. » Dans des traités, par
exemple, le 1‘ livre des Maladies et l’opuscule des Zeines ,
le mot muscle est fréquemment employé, et le mot artère ne
l’est jamais, ce qui formerait une contradiction dans lopi-
nion des critiques modernes qui ont admis que l'usage des
mots muscles et artères indiquait une date post-alexandrine.
Au contraire, le traité des Chairs fait un usage fréquent du
mot artère; mais jamais il n'emploie le mot muscle, qu'il
remplace toujours par le terme de chair.
Enfin, et c’est la dernière preuve que j'apporterai, Cté-
sias, presque contemporain d’Hippocrate, s’est servi (j'en
ai déjà parlé p. 69) de ce mot muscle; et, chose qui vaut la
peine d’être notée, la manière dont s’exprime l’auteur de lo-
puscule sur P_A4rt, qui a employé le mot muscle, est tout à fait
* Tome v, p. 556, Ed. 451}.
232 INTRODUCTION,
semblable à celie de Ctésias. « Les membres, dit-il, ont une
« chair enveloppante qu’on appelle muscle 1. » Ctésias dit de
son côté : « Cambyse se blessa à la cuisse dans le muscle ,
phrase que l’on remplacerait très facilement par le mot de
l'auteur hippocratique, chair enveloppante (σάρκα περιφερέα).
L'auteur de l’opuscule sur l'Art ajoute : « C’est ce que sa-
« vent ceux qui s'occupent de ces objets 2. » Cela prouve des
travaux anatomiques.
Les critiques modernes qui se sont livrés à l'examen des li-
vres hippocratiques, au moins ceux qui n’ont pas suivi aveu-
glément Galien, se sont fait une certaine idée de la médecine
hippocratique; et c’est sur cette idée préconçue qu’ils ont jugé
s’il fallait assigner tel ou tel traité à Hippocrate, ou le ranger
parmi les écrits faussement attribués à ce médecin. Certes ,
il ne fallait pas procéder ainsi : la première chose à faire était
de réunir et de rapprocher tous les textes qui peuvent nous
éclairer sur l’état de cette antique médecine, dont tant a
péri; et de cette réunion et de ces rapprochements serait
née une appréciation des choses moins arbitraire.
On a été généralement porté à rapprocher du temps de
l’école d'Alexandrie les livres hippocratiques, parce que,
selon moi, on s'était fait une fausse opinion de la position
d’Hippocrate. Le nom de père de la médecine avait trompé
les esprits; on le croyait créateur de toute la science médi-
cale; on oubliait un principe fécond de la philosophie de
l'histoire, c’est que rien, dans les sciences, pas plus que dans
le reste, n’est un fruit spontané qui germe sans préparation et
murisse sans secours; on oubliait le fait incontestable qu’une
masse imposante de travaux très divers avait été léguée
* Σάρχα περιφερέα ἣν μῦν καλέουσι. P. 5, Ed. Frob.
* -» LU 2
» Ταῦτα ἴσασι οἱ ἐπιμελούμενοι.
' ΠΗ
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 233
par les âges antérieurs à Hippocrate; que la physiologie gé-
nérale, que l'anatomie, que la pathologie , que l'hygiène
avaient été cultivées long-temps avant lui; qu’Aleméon, Em-
pédocle, Anaxagore , Diogène, Démocrite avaient écrit sur
la nature; que les écoles médicales de Crotone et de Cyrène
étaient célèbres quand celle de Cos ne l'était pas encore ;
qu’une énumération des maladies avait déjà été tentée par
les médecins de Cnide; qu'Euryphon traitait la pleurésie par
la cautérisation avant Hippocrate ; qu'avant lui encore, Hé-
rodicus avait exposé avec détail le traitement des maladies;
enfin, et c’est peut-être ce qu'il y ἃ de plus fort à dire en
faveur de l'antiquité de la médecine grecque , que la langue
technique était déjà créée, et que le médecin de Cos n’y ἃ
rien innovyé.
Il en est de la connaissance des nerfs comme de celle du
pouls. Les hippocratiques les ont indiqués vaguement, sans
se rendre un compte exact de la nature de ces organes. Ils
confondaient , il est vrai, sous le nom de nerfs (νεῦρα),
la plupart des parties alongées en forme de cordes, quoi-
qu’ils eussent aussi le mot tendon (τένων) ; mais ils avaient
remarqué d’autres parties très sensibles auxquelles ils
avaient donné un nom analogue à celui des tendons (τόνοι 3).
Voici les passages : «Les canaux étendus dans la concavité
« de chaque côté de la poitrine, et les τόνοι prennent là leur
« origine aux parties les plus dangereuses du corps 5. » En
commentant ce passage, Galien dit que les canaux sont les
artères et les veines, que les τόνοι sont les nerfs, et que les
2 In Cæl. Αὐτοὶ, Chr, lib. 5, c. 8.
2 Lg / =. , 2 / 10»
Tovos et τένων viennent également du radical τείνω {étendre ),
et signifient par conséquent des parties étendues, alongées.
3 De Artic. , p. 488. Ed. Froben.
234 INTRODUCTION.
parties voisines d’où ils naissent sont les organes principaux
de la poitrine 1. Le même livre présente encore deux ou
trois autres fois l'emploi du mot τόνοι. Dans letraité des
Instruments de réduction, 11 est dit? : « IL y a à craindre
« la rétention d’urine dans la luxation de la cuisse en
« avant; car los appuie sur des τόνοι, qui sont dangereux. »
Dans le 2: livre des Épidémies, il est dit : « Les dépôts se
« font par les veines, les τόνοι, les os, les ligaments (νεῦρα), la
« peau , ou d’autres voies. » Et plus loin : « Deux τόνοι des-
« cendent du cerveau sous l'os de la grande vertèbre, le
« long de l’æsophage #. » Telles sont les notions que la Col-
lection hippocratique contient sur les nerfs; évidemment ils
ont été entrevus ; mais leurs fonctions et leurs relations res-
tent tout à fait ignorées. Platon s’est servi aussi du même
mot et à peu près avec le même sens dans un passage qui ,
venant en confirmation des conclusions générales de ce Cha-
pitre, doit être ici rapporté : « Un état se dissout comme un
« vaisseau où un animal, dont les nerfs (τόνοι), les ligamens
«et les tenseurs des tendons, organes de même nature,
« quoique disséminés, ont reçu des noms divers 5. » Ainsi,
on voit dans ce passage, 1° que les τόνοι sont nommés ;
29 qu’il est parlé de parties qui servent à tendre les tendons,
ce qui prouve la connaissance des muscles, et il n’est plus
* Tome v, p. 624, Ed. Basil.
* Page 508, Ed. Frob.
Page 512. Ed. Frob.
Page 317, Ed. Frob.
5 Καθάπερ νεὼς ἢ ζώου τινὸς, οὺς τόνους τε at ὑποζώματα χαὶ
νεύρων ἐπιτόνους, μίαν οὖσαν φύσιν διεσπαρμένην, πολλαχοῦ πολλοῖς
ὀνόμασι προσαγορεύομεν. De leg. χιτ, 1. vi, p. 440, Ed. Tauchn.
Platon se sert de termes qui conviennent aussi bien à un vaisseau
qu'à un animal.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 235
étonnant que la chose , étant connue , ait reçu un nom, que
l’on trouve dans Gtésias et les hippocratiques; 3° enfin, que
Platon assure que ces trois choses, nerfs, ligamens et mus-
cles, sont des organes identiques au fond, quoique dispersés
dans le corps et diversement dénommés.
On a là un nouvel exemple de ces confusions de la vieille
anatomie : de même que, veine, artère, bronche, uretère
même, tout cela a eu le nom commun de veine , sans exclu-
sion d’un nom particulier, de même, nerfs, tendons, muscles,
tout cela a été considéré comme de même nature. Ici même
se présente un rapprochement tout-à-fait inattendu , c’est
que, dans un passage du livre II du Régime, les muscles
sont rangés parmi les parties dépourvues de sang. «Parmi
« les chairs dépourvues de sang , dit l'auteur hippocratique,
« les plus substantielles sont le cerveau et la moelle; les plus
« légères sont les intestins, les muscles , les parties génitales
« femelles, les pieds 1. » Le passage seul de Platon m'a
expliqué comment l’auteur hippocratique plaçait les mus-
cles parmi les parties dépourvues de sang.
Les anciens physiologistes, ni Hippocrate, ni ses disciples,
niAristote même, n’ont pu se faire aucune idée complète des
fonctions du cerveau, attendu qu'ils ne connaissaient pas les
fonctions des nerfs. Les hippocratiques placent , il est vrai,
Pintelligence dans la tête; mais ils n’en savent pas davan-
tage. Aristote, ayant combattu l’opinion de ceux qui pen-
sent que, chez les animaux, le siége de l'intelligence est dans
le cerveau ?, met ce siége dans le cœur , et , comme dit Ga-
Ben 5, ne sait à quoi sert l’encéphale. C’est aux anatomistes
᾿ Τῶν δὲ ἀναίμων (σαρχῶν) ἐγκέφαλος καὶ μυελὸς, ἰσχυρότατα:
χουφότατα δὲ, τὰ ὑπογάστρια, μῦες, χτένες, πόδες. P. 94, Ed. Frob.
2 De Sen. et Juv., ὁ. 5.
3 Tome 1, p. 518, Ed. Basil.
236 INTRODUCTION.
alexandrins qu'est due la connaissance exacte des nerfs. Sui-
vant Rufus, Érasistrate distingue deux espèces de nerfs,
ceux de la motilité et ceux de la sensibilité 1: suivant Galien,
Hérophile et Eudème , qui, les premiers dans les temps pos-
térieurs à Hippocrate, écrivirent sur l'anatomie des nerfs,
ne déterminèrent pas l’origine des nerfs qui se rendent à
chaque organe, et les médecins eurent beaucoup de peine à
comprendre pourquoi certaines paralysies portent sur le
mouvement, et d’autres sur le sentiment; mais, du temps
de Galien, on était allé plus loin, et il dit positivement que les
nerfs qui se distribuent aux téguments de la main et qui leur
donnent leur sensibilité, ont des racines particulières, et
que celles des nerfs qui meuvent les muscles sont autres ?.
L'examen que je viens de faire des connaissances des hip-
pocratiques sur les nerfs, prouve encore que la Collection est
antérieure aux travaux des anatomistes alexandrins, d'Éra-
sistrate et d'Hérophile.
Les anciens hippocratiques n’ont-ils jamais ouvert de corps
humains, n’en ont-ilsjamais examiné quelques parties? je sais
que la négative est généralement soutenue. Cependant, je ne
puis me persuader qu'ils aient été à cet égard dans une igno-
rance complète. Voici très brièvement quelques-uns de mes
motifs : Aristote est supposé n'avoir jamais vu des organes
du corps humain , et lui-même dit que les organes des hom-
mes sont surtout ignorés, et que , pour s’en faire une idée ,
᾿ Δισσῶν ὄντων τῶν νεύρων αἰσθητιχῶν xat χινητιχῶν. Ruf., De
hom. part., p. 49, Panisiis, 1554.
L£ Din τὠ ͵ 5
? Τῶν εἷς τὸ δέρμα τῆς ὅλης χειρὸς διασπειρομένων νεύρων, €
xx
T4 “ ι # € -“ε ἊΝ A
ὧν ἔχει τὴν αἴσθησιν, ἴδιαί τινές εἶσιν ai ῥίζαι, τῶν δὲ τοὺς μῦς
͵ 21 = = Ξ =
ALVOUVTU)Y ETEPUL Υιυγνώσχονται τοῖς ἰατροῖς. Ἱ- ΠῚ, P. 282, Ed.
Basil.
DE QUELQUES POINTS DE CHRGNOLOGIE MÉDICALE, 927
il faut recourir aux animaux qui offrent des ressemblances 1.
Cependant le même Aristote dit que homme ἃ proportion-
nellement le plus de cervelle, que son cerveau a deux mem-
branes , l’une adhérente fortement à los . l’autre plus mince
qui touche le cerveau même ?; que le cœur de l’homme est
incliné à gauche 5 ; que la rate de l’homme est sembiable à
celle du cochon, mais étroite et longue #; que le foie de
l’homme est rond et semblable à celui du bœuf ; que les reins
de l’homme ressemblent aux reins des bœufs , étant comme
composés de plusieurs petits reins, et n’étant pas unis comme
ceux des moutons ὅ ; et enfin il termine son premier livre de
l'Histoire des Animaux en disant qu’il ἃ exposé l’état des
parties tant internes qu’externes du corps humain. Réfu-
tant l’opinion d’Anaxagore, qui attribuait l’origine des mala-
dies au transport de la bile, il ajoute que, si cela était, on
s’en apercevrait dans les dissections $.
Dioclès , qui avait publié un traité d'anatomie, savait que,
dans la pleurésie , c’est la plèvre qui est le siége du mal.
Il est dit dans le livre de la Nature de l'enfant 7: « L'enfant
« dans la matrice a les mains près des joues et la tête près
« des pieds; mais on ne peut exactement juger, même en
« voyant l'enfant dans la matrice , s’il a la tête en haut ou
« en bas. »
x
τ: De Historia anim, L 1, c. 15.
2 De Historia anim., 1. 1, c. 16.
+ Tbid., Ὁ: 11.
4 Ibid.
5 Ibid., c. 5et9.
Εν τε ταῖς ἀνατομαῖς ἂν ἐγίνετο τοῦτο φανερόν. De part. anim.
ἢ αν... 2.
7 Page 37, Ed. Frob.
238 INTRODUCTION.
Il est dit dans le livre des Chairs ! : « Les humeurs de l’oail
« sont semblables chez l'homme et chez les animaux. »
Il est dit dans le traité des Articulations ? : «Si l’on dé-
« pouille de chairs le bras là où le muscle s’étend, on verra
« que la tête de lhumérus y est saillante. »
Ces passages réunis d’Aristote , de Dioclès et des hippo-
cratiques, me font croire que des corps humains ont été
examinés plus ou moins exactement avant les anatomistes
alexandrins.
En général, je remarque dans la Collection hippocratique
que l’anatomie, développée et traitée avec soin dans les livres
purement chirurgicaux, s’efface singulièrement dans les li-
vres où il s’agit spécialement de pathologie interne.
Après avoir établi quelques règles de critique qui me ser-
viront ultérieurement, il ne sera pas hors de propos de rap-
procher un petit nombre de remarques, tendant au même
but , qui sont disséminées dans les ouvrages des critiques
de l'antiquité.
D'abord il faut observer que ni Galien, ni Érotien , ni les
autres n’ont contesté l'authenticité d’un écrit parce qu’il y
était fait mention des artères. Galien, Érotien, Héraclide de
Tarente ont admis, comme étant d'Hippocrate, le traité de
l’Aliment, où cette notion est exprimée de la manière la
plus formelle. Galien, Érotien, Bacchius, Philinus ont éga-
lement admis le traité des Articulations, où les artères sont
nommées. Ils n’ont pas vu, dans ce fait, un motif d’ex-
clusion.
ΤΙ faut en dire autant de l'emploi du mot muscle.
Quant au pouls, Galien paraît être disposé à s’en servir
τ Page 45, Ed. Frob.
2 Page 479, Ed. Frob.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOLOGIE MÉDICALE. 239
comme d’un critérium, et il remarque que l’usage du mot
σφυγμός dans le sens de pouls est de Praxagore et d'Hérophile ,
et, danslesens de pulsation violente des artères, d'Érasistrate
et d'Hippocrate 1.
Galien prétend que l'anatomie des veines qui se trouve
dans le livre de la Nature de l’homme est une interpolation ,
et n’est ni d'Hippocrate ni de Poiybe ?. On sait qu’Aristote
la cite textuellement dans son Æistoire des animaux , elle
est donc de Polybe très certainement; l’on sait encore que
la collection des livres aristotéliques n’est devenue publique
que par Apellicon, qui vivait après Hérophile et Érasistrate,
c’est-à-dire après le temps où la Collection hippocratique était
déjà formée et publiée. L’interpolation d’un morceau dû à
Polybe dans unlivre, déjà publie, d'Hippocrate, n’est pas pos-
sible : ce morceau n’a pas été pris aux œuvres d’Aristote,
puisque ces œuvres n'étaient pas encore publiques; 1] n’a pas
pu davantage être pris aux œuvres de Polybe, puisque ces
œuvres, qui étaient dans la bibliothèque d’Aristote, depuis
n’ont plus été ni vues ni retrouvées, et n’existaient plus sous
le nom de Polybe au temps de la publication de la Collection
hippocratique; je dirai dans le chapitre XE comment la
chose ἃ pu se faire. ;
Ici Galien est donc en défaut ; il ne s’est pas souvenu de
la citation d’Aristote, et il s’est vainement débattu contre un
_ fait parfaitement positif.
Souvent il prend texte de quelques mauvaises expressions
ou vices de langage, pour accuser un écrit de n'être pas
d’Hippocrate 5.
1 Παλαιοτέρα χρῆσις, ἣ κἀν τοῖς Epaciotpdtou xat Ἱπποχράτους
εὑρίσχεται γράμμασιν. T. 1, p. 277, Ed. Basil.
2 Tome:1, p. 300, Ed. Basil.
5 Πυρετὸς ξυνοχὸς, οὐρήματα,, πνεῦμα θολερόν et quelques autres.
240 INTRODUCTION.
Galien, Érotien , et tous les autres, regardaient le 2° livre
des Prorrhétiques et le traité des Glandes comme posté-
rieurs à Hippocrate; ils ne ‘ unnent pas leurs raisons. Galien
avait la même opinion du 7‘ livre des Épidémies ; il le trou-
vait fait de pièces et de morceaux, et manifestement posté-
rieur. Quant au 5°, il pensait que ce livre s’écartait de la
doctrine propre d'Hippocrate 1; c’était le même motif qui lui
faisait rejeter le 1° livre du traité du Régime , tandis que les
autres lui paraissaient conformes à la pensée du médecin de
Cosékiuq.
Galien ἃ dit aussi que, manifestement, le traité des Se-
maines n’est pas d’Hippocrate 5. Ἵ
La discussion ne va pas loin avec certains critiques. Ainsi
Jean, dans son commentaire sur le traité de la Nature de
l'enfant, se posant la question de savoir si ce traité est d’Hip-
pocrate, répond : « Vous le diriez à la fois authentique et
« apocryphe, authentique pour les recherches sur les femmes
«stériles, recherches dignes de la pensée d’Hippocrate, et
« aussi pour l'abondance des propositions; apocryphe, parce
« qu'ii contient beaucoup de choses fausses, (et l'erreur est
« reconnue étrangère à Hippocrate), et parce que l’auteur se
« sert d’un grand nombre d'exemples contrairement à la
« brièveté et à la concision du médecin de Cos #. »
Les remarques touchant la chronologie des livres hippo-
cratiques, remarques bien brèves qui nous sont arrivées
avec les restes des œuvres des anciens critiques, auront eu
du moins cela d’important qu’elles n'auront pas contredit
* Tome 111, p. 187, Ed. Basil.
? Tome iv, p. 206, Ed. Basil.
Ὁ Tome ur, p. 374, Ed. Basil.
4 Schol. in Hipp., t. n, p. 207, Ed. Diet.
DE QUELQUES POINTS DE CHRONOZOGIE MÉDICALE. 241
les résultats que j’ai obtenus par des voies différentes , et
qu'elles les auront même fortifiés en plusieurs points.
En résumé, les connaissances médicales contenues dans
les livres hippocratiques ont un caractère qui leur est pro-
pre. L’anatomie y est peu développée et peu étudiée, ex-
cepté pour quelques points sur lesquels la chirurgie avait
jeté déjà de grandes lumières. Les artères sont supposées
pleines d’air, ou portent, avec d’autres canaux, un nom com-
mun, qui accroît encore la confusion ; les relations des vais-
seaux sanguins avec le cœur sont considérées comme peu
importantes; l'application de la sphygmologie est tout à fait
ignorée ; des nerfs sont l’objet de quelques vagues désigna-
tions; la polémique se dirige soit contre l’école de Cnide,
soit contre l'emploi des doctrines de la philosophie éléatique
dans la médecine ; nulle trace ne s’y fait voir des doctrines
d'Érasistrate, à plus forte raison des sectes médicales pos-
térieures ; tout le développement qu’on y trouve dérive sans
peine de l’état antérieur des connaissances médicales. Ainsi
on est autorisé par la composition seule des écrits hippocra-
tiques à les reporter dans l’âge qui a précédé les grands tra-
vaux d’Erasistrate , d'Hérophile et de l’école d'Alexandrie.
C’est un résultat auquel j'arrive toujours, de quelque côté
que je considère la Collection hippocratique.
TOM, 1, 16
CHAPITRE X.
DES RAPPORTS QUI UNISSENT CERTAINS LIVRES DE LA COLLECTION
HIPPOCRATIQUE,
J'ai, dans le chapitre IV, essayé de combler l'intervalle
qui sépare Hippocrate des premiers commentateurs de ses
écrits, et de renouer une chaîne que j’ai montrée n'être in-
terrompue nulle part. Maintenant , je vais essayer de faire,
pour la Collection hippocratique , ce que j'ai fait pour Hip-
pocrate lui-même, et rechercher si l’on peut trouver quel-
que renseignement sur les divers rapports qui en unissent
les parties isolées. Plusieurs des livres hippocratiques pré-
sentent entre eux des similitudes qui ont été le plus souvent
considérées comme des redites. Ce sont des redites en effet,
mais non pas, suivant moi, en ce sens que ce soient des
passages que l’auteur a transcrits d’un de ses livres dans un
autre. Je crois que ces répétitions annoncent autre chose; je
crois qu'elles indiquent que, parmi ces livres ainsi copiés ,
les uns ont servi de matériaux à des ouvrages plus parfaits ,
que les autres ont fourni matière à des extraits, obscurs le
plus souvent par leur brièveté extrême , quelquefois par la
négligence avec laquelle l’abréviateur ἃ fait l'analyse ;
je crois encore que cette succession, que cette repro-
duction de livres sous des formes diverses, prouvent que ces
livres sont restés long-temps à la disposition , soit d’une fa-
mille, soit d’une école de médecins. Les résultats que j'ai
obtenus de cette façon correspondent à ceux du chapitre où
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOÇRATIQUES. 243
j'ai montré combien les hippocratiques avaient composé de
livres, tous perdus. Cette masse d’écrits médicaux est allée
s’amoindrissant et se détruisant; c’est à l’effet de cette des-
truction qu'il faut attribuer la présence de fragments et
d'extraits dans la Collection hippocratique.
Il ne s’agit pas ici de réunir et de comparer les proposi-
tions, énoncées dans destermes plus ou moins analogues, qui
expriment la même pensée, mais 1l s’agit de rassembler l’in-
dication des principaux passages qui sont textuellement copiés
les uns sur les autres. Les propositions qui, dans la Collection
hippocratique , renferment des pensées identiques , sont en
très grand nombre; cela se conçoit sans peine : ces livres
sont à peu près de la même époque, dérivent d’écoles mé-
dicales qui étaient en contact, et sont l’œuvre de médecins,
ou descendants , ou disciples, ou voisins les uns des autres.
Il ne faut donc pas s'étonner d’y voir de fréquentes con-
formités, lesquelles ne prouvent pas autre chose que la
simultanéité de travaux exécutés dans une même sphère
d'idées.
Mais il n’en est plus de même quand des passages sont
copiés textuellement , et reproduits dans les mêmes termes.
Le hasard ne peut produire ces similitudes absolues; la con-
formité de doctrines ne peut pas les expliquer davantage. Il
faut nécessairement admettre une communication plus im-
médiate ; et il devient certain par là que les auteurs des trai-
tés où des passages textuellement identiques se retrouvent ,
ont connu , ont tenu, ont copié les livres les uns des autres.
C’est là une preuve indubitable de la transmission, de main
en main, de ces livres ; et ici je parle à la lettre et sans au-
eune métaphore.
Costei, dans sa lettre sur l’'Examen de Mercuriali, a émis
l'opinion que les Prénotions de Cos étaient antérieures à cer-
244 é INTRODUCTION . '
taines autres parties de la Collection hippocratique, qui
contiennent une foule de passages très semblables au plus
grand nombre des Prénotions. Le fond est semblable, la .
forme diffère. Les Prénotions sont des notes où la rédaction
manque. Or, d’écrits dont le style et l’enchaînement sont
excellents, on ne fait pas, dit Costei, par un travail postérieur,
une série de notes décousues; mais de notes décousues, on
fait très bien des livres où tout se lie, et où le style a reçu
l'élaboration nécessaire. L'observation de Costei est très
ingénieuse , et la règle qu'il en tire est certaine.
Cette considération a été développée avec tout le soin
qu’elle mérite par M. Ermerins, médecin hollandais, dans
une excellente thèse intitulée : Specimen historico-medicum
inaugurale de Hippocratis doctrina a prognostice oriunda ,
Lugduni Batavorum, 1832. M. Ermerins ne paraît pas avoir
eu connaissance de l’idée émise par Costei; car il ne cite pas
le médecin italien. D'ailleurs il se l’est appropriée par le dé-
veloppement qu’elle ἃ pris sous sa plume, et par les nom-
breuses preuves dont il l'a appuyée. Je me contenterai ici
d'analyser la thèse de M. Ermerins; car j'en adopte pleine-
ment toutes les conclusions ; et si je voulais faire autrement
que lui, je ne ferais certainement pas aussi bien.
Le 1* livre des Prorrhétiques et les Prénotions de Cos sont
une collection de notes, la plupart relatives aux présages
dans les maladies. Ces notes n’ont aucun lien entre elles ;
elles se suivent, mais elles ne tiennent pas les unes aux au-
tres. Elles renferment des propositions plus ou moins détail-
lées, des fragments d'observations, des doutes que soulève
l'auteur, des questions qu'il se pose. M. Ermerins pense
qu’elles ont été recueillies dans le temple des asclépiades à
Cos; cela est très probable ; dans tous les cas , des notes très
brèves prises sur les malades nombreux qui venaient s’y
—
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 245
faire soigner, et jointes bout à bout, n'auraient pas une
autre forme.
Les Prénotions de Cos sont beaucoup plus considérables
que le 1* livre des Prorrhétiques; elles contiennent envi-
ron un nombre triple de propositions. Ce qu'il faut remar-
quer, c’est que toutes les propositions du 1* livre des Pror-
rhétiques , à très peu d’exceptions près , se trouvent dans les
Prénotions de Cos. Je ne dis pas seulement que le sens, que
l'idée sont semblables. Non; l'identité va beaucoup plus loin;
les expressions sontles mêmes, et, dansla plupartdescas, les
différences ne valent pas la peine d’êtrenotées!, M. Ermerins
a mis les propositions du 1° livre des Prorrhétiques sur une
colonne , et, sur une autre colonne en regard, celles des Pré-
notions de Cos qui y correspondent. De cette manière, on voit
sans peine jusqu'où s'étendent les conformités textuelles des
deux livres. M. Ermerins en conclut qu’ils proviennent d’une
sourcecommune; cela est incontestable ; ou l’un a été copié
sur l’autre, ou tous deux ont copié des passages d’un original
commun. M. Ermerins ajoute que les Prénotions de Cos sont
postérieures au 1° livre des Prorrhétiques , attendu qu’elles
sont beaucoup plus volumineuses , et que plusieurs des pro-
positions correspondantes dans les deux livres sont plus
développées dans les Prénotions. Il regarde les Prénotions
* Jen cite ici en note un seul exemple, afin que l’on comprenne
bien quelles sont ces similitudes :
Πλευροῦ ἄλγημα ἐπὶ πτύσεσι χολώδεσιν, ἀλόγως ἀφανισθὲν, ἐξί-
στανται. Prorrh. 97° prop.
Πλευροῦ ἄλγημα ἐν πτύσει χολώδει ἀλόγως ἀφανισθὲν, ἐξίσταται.
Coac. 418 prop.
Ces termes, on le voit, sont identiques. Cette identité se reproduit
très souvent ; dans quelques cas exceptionnels il y a des différences
notables, qui consistent surtout en additions et développements.
246 INTRODUCTION.
de Cos comme un recueil dont le fond à été formé par le
1" livre des Prorrhétiques, et que des observations subsé-
quentes, plus nombreuses et plus détaillées, sont venues
grossir.
Quoi qu’il en soit, les passages répétés textuellement dans
l'un et l’autre de ces livres, prouvent que l’auteur de l’un ἃ
eu l’autre sous les yeux; cela est incontestable.
Maintenant, dans quel rapport les Prénohions de Cos (je
ne parlerai que d’elles, puisqu'elles renferment presque en-
tièrement le 1* livre des Prorrhétiques) se trouvent-elles
avec d’autres livres de la Collection hippocratique ? Ce rap-
port, très singulier , a été mis dans tout son jour par M. Er-
merins. Il résulte manifestement des comparaisons établies
. par le médecin hollandais que l’auteur du Pronostic ἃ con-
” sulté les Prénotions de Cos, et qu’elles forment la base prin-
cipale de son livre. L'identité des principes , la similitude des
propositions, et la conformité des expressions, ne laissent au-
cun doute à cet égard. Mais d’un autre côté, comme le
Pronostic est un traité accompli, où toutes les règles de la
composition sont observées, comme les différentes parties
du sujet sont enchainées l’une à l’autre , et forment un tout,
comme le livre a un préambule qui y introduit et une péro-
raison qui le clot, il est impossible de ne pas admettre que
l’auteur qui l’a composé se soit servi des Prénotions de Cos
comme de matériaux. En effet, de propositions décousues ,
on peut faire un livre, en remplissant les lacunes, en élaguant
l'inutile, en coordonnant l'ensemble; mais d’un livre bien
fait, on n'ira jamais tirer des propositions décousues, établir
des lacunes , détruire l'arrangemernt, intervertir l’ordre des
idées, et mutiler la rédaction. Les Prénotions de Cos ne sont
pas unextrait du Pronostic ; car elles n’ensuivent pas l’ordre ,
et renferment une foule de choses étrangères à ce traité.
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 247
Elles sont une composition tout à fait indépendante, dont le
caractère est la réunion d’une série de propositions qui sont
relatives aux présages dans les maladies, mais qui nesont pas
rangées systématiquement. Au contraire, l’auteur du Pro-
nostic a systématisé son sujet, et il a pris, dans ces proposi-
tions, ce qu'il ἃ jugé convenable , élaguant le reste, ajou-
tant du nouveau, et disposant le tout suivant un plan
régulier. En un mot, ce qui prouve que les Prénotions de
Cos ne sont pas extraites du Pronostic, c’est qu’elles con-
tiennent plus de choses et des choses différentes; ce qui
prouve qu’elles ont servi de matériaux au Pronostic, c'est
que les propositions particulières des Prénotions de Cos, qui
n’en ont point de générales, sont les éléments des proposi-
tions généralesdu Pronostic, qui n’en a pas de particulières.
Ce rapport du particulier au général entre les Prénotions et
le Pronostic est très remarquable, et il est décisif dans la
question de savoir lequel de ces deux livres est postérieur à
l'autre.
Tel n’a pas été, je le sais, l'avis de Galien, qui ἃ dit :
« Celui qui prendra toutes les propositions des Prorrhétiques
« comme des règles générales, tombera dans de graves er-
« reurs. Il en est de même de la plupart des propositions que
« contient le livre des Prénotions de Cos. Quelques passages
« des Aphorismes, du Pronostic et des Épidémies, y sont in-
« tercalés; et ce sont les seules propositions véritables qui
« soient dans les Prorrhétiques et les Prénotions de Cos1.»
Mais en ceci Galien évidemment s’est trompé; 1] a pris
pour une preuve de postériorité ce qui est une preuve d’an-
tériorité, ou plutôt il n’a pas approfondi cette question, et a
prononcé rapidement un jugement où domine surtout son
L1
. Galien, t. v, p. 407, Ed. Basil.
948 INTRODUCTION.
admiration exclusive pour les œuvres véritables d'Hippo-
crate.
Des rapports bien plus étroits unissent le traité des Znstru-
ments de réduction et le traité des Articulations. 115 contien-
nent simultanément : la luxation de la mâchoire, de lé-
paule, du coude , du poignet, de la cuisse, du genou, du
pied; l'exposition de plaies qui coupent les membres dans
l'articulation ou dans la continuité; les gangrènes quisurvien-
nent ; les déviations de l'épine. Le traité des Znstruments de
réduction et le traité des Articulations ne renferment en
dehors de ce cadre qu’un petit nombre de parties qui ne sont
pas communes à l’un et à l’autre. Le sujet dont l’un et l’autre
s'occupent est donc le même; mais cela ne prouverait pas
un rapport entre ces deux livres; car, dans une matière pu-
rement chirurgicale comme un traité sur les Zuxations, le
fond sera toujours identique ; il est déterminé par la nature
des choses
Aussi n’aurais-je pas parlé de ces similitudes , si elles n’é-
taient pas allées plus loin ; mais elles sont telles que visi-
biement le traité des Instruments de réduction est un abrégé
du traité des Articulations.
On jugera qu'un passage est un abrégé d’un autre, quand
on verra que l’abréviateur supposé a conservé l’ordre des
pensées de l'original, supprimé les développements, et co-
pié, dans ce qu’il a gardé, les expressions même de son
auteur. Or, c'est ce dont il est facile de s’assurer en compa-
rant , dans les deux traités, les différentes sections que je
viens d'énumérer. De peur de trop alonger ce chapitre , je
n'en rapporterai qu'un exemple pour que le lecteur se con-
vainque par lui-même que le traité des Instruments de ré-
duction est réellement un extrait du grand traité des Arti-
culations. I est dit dans le traité des #rticulations : «Le
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 249
« sphacèle des chairs survient : dans les plaies avec hémor-
« rhagie sur lesquelles on exerce une forte constrietion ;
« dans les fractures des os que l’on serre trop ; en général,
« dans les parties qui sont étreintes dans des lienstrop étroits.
« Beaucoup de blessures pareilles guérissent chez ceux
« qui perdent une portion des chairs et de Pos, soit à la
« cuisse, soit au bras ; la guérison est plus difficile à lavant-
« bras et à la jambe; mais des blessés supportent encore cet
« accident, et survivent. Dans les cas de fracture où la livi-
« dité et la gangrène s’établissent aussitôt, la séparation se
« fait promptement avec le corps; et les parties qui doivent
«tomber, tombent bientôt, attendu que les os ont déjà
« succombé à l'influence de la lésion. Quand la lividité
« survient, les os étant sains, les chairs meurent prompte-
«ment, il est vrai, mais les os se détachent lentement là où
« s'établit la limite de la lividité et de la dénudation de los.
« Les parties situées au-dessous de la lividité, quand elles
« sont complétement mortes et insensibles, doivent être re-
« tranchées dans l'articulation, et le médecin aura soin de
« ne pas blesser les parties saines. Car, si l’opéré ressent de
« la douleur, et si les parties ne sont pas mortes là où la ré-
«section se pratique, il est à craindre que la douleur ne
« cause une défaillance; et beaucoup de malades ont péri
« soudainement dans de telles syncopes. J'ai vu l'os de la
« cuisse, ainsi dénudé, se détacher le quatre-vingtième jour.
« À ce même malade, la jambe avait été enlevée, dans l’ar-
« tieulation du genou, le vingtième jour. On aurait pu, je
« pense , l'enlever plus tôt; mais je voulus que rien ne se fit
« précipitamment, et que la prudence réglât l'opération.
« Dans un cas semblable de gangrène où le mal s’étendait
« jusqu’au milieu de la jambe, j'ai vu tomber, vers le soixan-
« tième jour , tout ee qui des deux os était dénudé. Le trai-
250 INTRODUCTION.
«tement diffère du traitement pour amener plus vite ou
« plus lentement la séparation des os dénudés 1. »
Voici maintenant le passage correspondant du traité des
Instruments de réduction : « Sphacèle des chairs : constric-
«tion dans les plaies avec hémorrhagie; bandages serrés
« dans les fractures des os; lividité survenue sous des liens
« qui étreignent. De ceux chez qui se détache une por-
« tion de la cuisse et du bras, chez qui tombent des os et des
« chairs, beaucoup guérissent, attendu que , du reste, leurs
« forces se soutiennent. Dans les cas de fracture, la sépara-
« tion se fait promptement. Autrement, les os se détachent
« sur la limite de la dénudation, mais plus lentement. ἢ] faut
« enlever, au-dessous de la blessure et des parties saines ,
« les parties qui sont déjà mortes : éviter la douleur ; car les
« blessés meurent dans la défaillance. L’os de la cuisse s’est
« détaché le quatre-vingtième jour dans un sphacèle sem-
«blable. La jambe fut enlevée le vingtième. Les os d’une
«jambe vers le milieu du membre se sont détachés au
« soixantième jour. Dans de telles blessures, promptitude et
« lenteur , suivant les déligations médicales 2. »
Après la lecture et la comparaison de ces deux passages ,
on reconnait évidemment que l’un est un extrait, une ana-
lyse de l’autre : même ordre dans l’exposition des pensées ;
mêmes exemples; mêmes expressions. Seulement ce qui à
reçu son développement dans l’un, n’est plus qu’en sub-
stance dans l’autre ; et ce résumé est même si bref, qu'il y ἃ
des membres de phrases qui seraient très obscurs si le com-
mentaire n’en était pas dans les passages correspondants du
traité des Articulations. Les ressemblances entre ce livre οἱ
: Page 497, Ed. Frob.
: Page 510, Ed. Frob.
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 291
celui des Instruments de réduction sont aussi frappantes , et
ont le même caractère dans tous les articles dont [αἱ indiqué
un peu plus haut la correspondance dans ces deux traités.
Il est donc certain que le livre des Znstruments de réduc-
tion est, en grande partie, un extrait fait sur les passages
analogues du livre des Articulations. Je dis passages ana-
logues ; car une observation non moins digne d’être notée
que le rapport entre ces deux livres, s’est présentée dans
l'examen comparatif auquel je me suis livré : c’est que l’ex-
trait qui porte le titre de livre des Znstruments de réduction
présente un arrangement plus régulier que le livre même
des Articulations ; par conséquent on peut supposer que ce
dernier traité, au moment où l'extrait appelé livre des
Instruments de réduction a été fait, avait les matières autre-
ment distribuées qu’elles ne l’ont toujours été depuis la pu-
blication (car les premiers commentateurs, Philinus et
Bacchius, l’ont connu tel que nous le connaissons encore au-
Jourd’hui), qu’il contenait plus et contenait moins, et avait,
en un mot, une disposition toute différente.
Le tableau suivant, qui donne un index des matières com-
prises dans l'un et l’autre traités, en montrant les parties
communes, montrera aussi les différences dans l’arran-
cement.
252
TRAITÉ DES ARTICULATIONS.
Luxation de l’humérus et réduction.
Luxation non réduite de l’humérus.
Fracture de la clavicule.
Luxation du coude.
Diastase des os du coude.
Luxation du poignet.
des doigts.
de la mâchoire.
Fracture de la mâchoire inférieure.
des os du nez.
des cartilages de l'oreille.
Déviation de l’épine.
Contusion de la poitrine.
Luxation de la cuisse.
Luxation congénitale de la cuisse.
Luxation du pied.
— tibio-tarsienne avec issue
des os.
radio-carpienne avec issue
des os.
fémoro - tibiale avec issue
des os.
huméro-cubitale avec issue
des os. |
des phalanges avec issue |
des os, |
Sections dans les articulations ou |
dans la continuité des os. |
Gangrène.
Réduction de la cuisse luxée.
Réduction es doigts.
du genou.
de l'articulation tibio-tar--
sienne.
Diastase de l’articulation tibio-tar- |
sienne. l
INTRODUCTION.
TRAITÉ DES INSTRUMENTS DE Rk-
DUCTION.
Préambule anatomique.
Fracture du nez.
— des cartilages de loreille.
Luxation de la mâchoire.
— de l'épaule.
du coude.
—
de la main.
— de la cuisse.
du genou.
—
de l’astragale.
Pied-bot.
Luxation du pied avec issue des os.
du pied.
Sections dans les articulations ou dans
la continuité des os.
Gangrène.
Déviation de l’épine.
Règles générales de réduction.
Instruments de réduction.
Têtes de chapitres de chirurgie.
Remarques sur les fractures avec
plaies.
Ce tableau suffit pour faire voir que l’ordre ne règne pas
dans les matières qui constituent le livre des Articulations ;
que , dansun traité où il s’agit surtout de luxations, l'histoire
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 9209
de certaines fractures est intercalée ; que les diverses luxa-
tions ne se suivent pas d’après un arrangement régulier.
Tout cela était ainsi dans le traité des Articulations tel que
Galien l'a commenté, tel que Philinus et Bacchius l'ont
connu. ἀπ contraire , larrangement est beaucoup plus mé-
thodique dans le livre des Znstruments de réduction. Je pense
donc qu’au moment où l'extrait qui porte ce ütre a été fait, le
traité des Articulations existait sous une forme beaucoup
meilleure, qu'il a été considérablement dérangé plus tard dans
lès mains de ceux qui le conservaient, et que c’est dans
ce désordre définitif qu’il a été publié.
Galien est d'avis (et beaucoup de commentateurs l'avaient
dit avant lui) que le traité des Fractures et celui des 4r-
ticulations , ne formaient qu’un seul traité coupé en deux , à
tort, par les premiers éditeurs de la Collection hippocrati-
que. Je pense, en effet, que ces deux traités sont un fragment
considérable d’un grand livre où cette partie de la chirurgie
était traitée avec autant de développement que de talent.
Le traité des /nstruments de réduction est, on vient de le
voir, un résumé, un abrégé du traité des Articulations.
Supposons maintenant que le traité des Articulations ne
fût pas arrivé jusqu’à nous, et que celui des /nsfruments de
réduction fût seul entre nos mains. Évidemment, nous Si-
gnalerions la singularité d’un livre où des choses si savantes
seraient dites en extrait seulement ; nous sentirions qu’une
telle forme est contraire à toutes les lois de la composition
littéraire, et nous serions tout naturellement amenés à soup-
çonner la vérité, à savoir que le traité des Znstruments de
réduction n’est qu’un raccourci de quelque grande œuvre.
Le traité du Régime des gens en santé (περὶ διαίτης ὑγιεινῆς)
présente une particularité très singulière. Il se termine par
deux phrases qui n’ont aucun rapport avec le sujet traité
254 INTRODUCTION.
dans cet opuscule. Les voici : Première phrase : « Ceux à
«qui des maladies proviennent par le cerveau, sont pris
« d'abord d’engourdissement dans la tête. Le malade urine
« fréquemment , et éprouve les mêmes accidents que dans la
« strangurie. Ces symptômes se prolongent pendant neuf
« jours; et s’il s'échappe, par les narines ou par les oreil-
«les, de l’eau ou du phlegme , la maladie guérit ; la stran-
« gurie cesse ; le malade rend sans douleur une urine abon-
« dante, blanche, jusqu’à ce que vingt jours se soient
« écoulés, et que la douleur de tête ait disparu ; lorsqu’il
« regarde, la vue lui estenlevée. » Deuxième phrase : « Celui
« qui est capable de concevoir de quel prix la santé est pour
« les hommes, doit savoir se secourir dans ses maladies par
« son propre jugement 1. » Ces deux phrases n’ont, comme
on voit, aucun rapport entre elles; la première décrit une
certaine affection du cerveau ; la seconde contient un conseil
aux gens éclairés sur la nécessité d'apprendre à se donner
eux-mêmes quelques secours dans leurs maladies. Ces deux
phrases n’ont aucun rapport, non plus, avec ce qui les pré-
cède, et elles terminent ainsi brusquement l’opuscule du
Régime des gensen santé. Galien , qui l'a commenté , arrivé à
ce passage dit : «On ἃ soupçonné, avec raison, l’authen-
« ticité de ces deux phrases; quelques-uns même les con-
« damnent absolument, et assurent qu’elles ne sont pas de
« Polybe, et encore moins d’Hippocrate. Le commencement,
« où l’auteur dit que les maladies qui proviennent du cer-
« veau aménent l’engourdissement et la strangurie , est tout
« à fait confus. Ce ne serait pas plus véritable quand même
«l’on penserait qu’il s’agit, non de toutes les maladies
« du cerveau, mais de celles-là seules qu’un écoulement
: Page 27, Ed. Frob.
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 9505
« d’eau et de phlegme par les oreilles et les narines ferait
« cesser. Car cela n’arrive ni toujours , ni même le plus
« souvent !. » J’ai rapporté le commentaire de Galien pour
montrer que ces deux phrases, quelque incohérentes qu’elles
soient, ont la même place et la même rédaction devuis la
plus haute antiquité. Car Galien, en en signalant les vices ,
ne dit pas qu’elles soient une interpolation faite depuis le
commencement des commentaires sur la Collection hippo-
cratique. Elles existaient dans les mêmes termes dès le
temps de Bacchius. J’ai encore rapporté le passage de Ga-
lien pour un autre motif, c’est pour faire voir qu'il n’a pas
indiqué la particularité la plus remarquable de ces deux
phrases.
La première se trouve textuellement dans l’intérieur du
2° livre des Maladies?; et, ce qui prouve qu’elle ἃ été copiée
sur le 2° livre des Maladies, c’est que, dans ce livre, elle
est suivie d’autres phrases qui complétent le tableau de la
maladie en question.
La seconde, qui commence par ces mots : l’homme qui
est capable , etc., est la première phrase du traité des 4ffec-
tions 5.
Ainsi voilà deux phrases sans liaison l’une avec l’autre ,
sans liaison avec ce qui les précède, lesquelles se trouvent
appartenir à deux traités différents. Comment expliquer
une telle singularité? Est-ce le commencement d’une table
où l’on indiquait les ouvrages par leurs premières lignes ?
cela veut-il dire que le 2: livre des Maladies et le traité des
Affections sont du même auteur que l’opuscule sur le Régime
: Tome v, p. 37, Ed. Basil.
2 Page 142, Ed. Frob.
3 Page 179, Ed. Frob.
256 INTRODUCTION.
des gens en santé? n°y faut-il voir qu’un indice de cette opi-
nion qui se confirme de plus en plus dans mon esprit, à sa-
voir que nous n'avons dans la Collection hippocratique, à
part quelques livres bien conservés, que des débris, des ex-
traits, des fragnents de grands travaux sur la médecine ?
Le deuxièine livre des Maladies ἃ un double commence-
ment. Après une exposition d’un certain nombre de maladies
de la tête 1. le même sujet est repris avec le titre : Maladies
qui naissent de la tête 5. à peu près dans les mêmes termes,
mais avec un peu plus de développement, et c’est au début
de ce second commencement que se trouve la phrase qui est
placée à la fin de l’opuscule du Régime des gens en santé.
N'est-ce pas là encore une preuve de ces destructions que
j'ai signalées, un reste de ces ruines devant lesquelles je suis
demeuré bien des heures en contemplation assidue, espérant
qu’un détail inaperçu me révèlerait l'ordonnance de l’édi-
fice auquel elles ont appartenu ?
Je ne parlerai pas ici des nombreux passages qui sont si-
multanément répétés avec les mêmes termes dans les diffé-
rents livres des Épidémies ; je ne parlerai pas non plus de.
répétitions analogues, mais moins nombreuses, qui sont
entre ces mêmes livres des Épidémies et les Prénotions de
Cos. Je me bornerai à quelques exemples.
Il est dit dans le traité de la Nature de l’homme : « Les
« maladies qu’engendre la plénitude sont guéries par l’éva-
«cuation; celles qu’engendre l'évacuation, par la pléni-
« tude. » Cela se trouve avec les mêmes termes dans les
Aphorismes, 11° section #.
* Page 140, Ed. Frob.
* Νοῦσοι αἱ ἀπὸ τῆς χεφαλῆς γινόμεναι. P. 149, Ed. Frob.
3 Page 22, Ed. Frob.
Page 591, Ed. Frob.
æ-
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 257
Dans le morceau qui, portant autrefois le titre de Περὶ
φλεῤῶν,, faisait partie du traité des Znstruments de réduction,
et est, dans les éditions modernes, placé à la fin de la com-
pilation intitulée de la Nature des os, on lit en parlant des
veines : «Dans un cercle tracé, un commencement ne se
« peut trouver !. » La même phrase est dans le traité des
Lieux dans l’homme 3.
Il est dit dans le traité des Airs, des Eaux et des Lieux :
« Le sperme provient de toutes les parties du corps, sain des
« parties saines, malade des parties malades 5. » Cette phrase
est textuellement reproduite dans le livre de la Maladie
sacrée À.
On lit dans l’opuscule sur Usage des liquides : « L'eau
« chaude a les inconvénients suivants pour ceux qui en usent
« souvent : elle produit le relâchement des chairs , limpuis-
« sance des ligaments , l’engourdissement de la pensée, des
« hémorrhagies, des syncopes; et ces accidents vont jusqu’à
«la mort; l’eau froide produit des convulsions, des té-
« tanos, des lividités et des frissons fébriles 5. » Tout cela se
trouve dans les Æphorismes, section v 6. De même on lit
également, dans l’opuscule sur l'Usage des liquides et dans la
même section des Aphorismes, les lignes suivantes : «Le
« froid est l'ennemi des os, des dents, des tendons, du cer-
« veau , de la moelle épinière; le chaud en est l'ami. »
τ Page 61, Ed. Frob.
2 Page 65, Ed. Frob.
5 ὋὉ γὰρ γόνος πανταχόθεν ἔρχεται, ἀπό τε τῶν ὑγιηρῶν ὑγιηρὸς
τοῦ σώματος, ἀπό τε τῶν νοσερῶν νοσερός. P. 77, Ed. Frob.
# Ὡς 6 γόνος ἔρχεται πάντοθεν τοῦ σώματος, ἀπό τε τῶν ὑγιηρῶν
ὑγιηρὸς, ἀπό τε τῶν νοσερῶν νοσερός. P. 126, Ed. Frob.
5 Page 112, Ed. Fropb.
$ Page 596, Ed. Frob.
TOM T- 17
9258 INTRODUCTION.
«Dans les tumeurs des articulations, dans les tumeurs
« goutteuses sans plaies, et la plupart des convulsions spas-
« modiques , l’eau froide jetée en abondance fait suer , atté-
« nue et endort la douleur, un engourdissement léger est un
« remède à la douleur. » Cela se trouve dans l’opuscule de
l'Usage des humides, Ὁ. 113, et dansles Æphorismes, sect. v,
p- 396.
Toute la fin de ce même opuscule, à part les deux der-
nières lignes (p. 114), se trouve dansles Zphorismes, sect. v,
p. 396.
Un long morceau commençant par ces mots : τοῖσιν ἐν
ro περιόδοισι, EL finissant par ceux-ci : χαὶ φέρη εὐφόρως. Se
trouve dans le traité des Æumeurs (p.115, Ed. Frob.), et
dans les A{phorismes , Ὁ. 390.
Un long passage commençant par of αἱμορροίδας ἔχοντες, est
textuellement copié dans les Épidémies , lib. VI, p. 346, et
dans le livre des Æumeurs , p.117. Ce qu'il y a de singulier,
c’est qu’au milieu de ce passage, qui est continu dans le
traité des Humeurs , tombe la section 1v° du 6° livre des
Épidémies.
« Les vents du midi rendent l’ouie obtuse, la vue trouble,
« la tête pesante, le corps lent, et sont dissoïvants. Quand
« ce vent règne, des accidents analogues doivent être at-
« tendus dans les maladies. Quand le vent du nord domine, il
« règne des toux, des angines, des constipations , des dysu-
« ries avec frissons, des douleurs de côté, de poitrine. »
Tout cela est dans le traité des Æumeurs, p. 116, et dans les
Aphorismes , p. 392.
Une particularité est à relever dans le traité des Humeurs;
car elle peut nous instruire de la manière dont cet opuscule !
a été composé. Il y est dit, p. 116, «que le vent du midi
« produit certains accidents; que le vent du nord en produit
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 259
« d’autres; que, si ce vent prédomme encore davantage, les
« fièvres suivent les chaleurs et les pluies. » Cela est évidem-
ment mal arrangé; les fièvres ne peuvent suivre les cha-
leurs et les pluies qu’autant que le vent du midi règne, et
non le vent du nord. On ἃ la clef de ces erreurs si l’on se
reporte aux Aphorismes, Ὁ. 392. Là, en effet, est détaillé
ce qui n’est qu’en extrait dans le traité des Humeurs; et
l'on y trouve l'exposition nette des différents vents. Ga-
lien, dans son Commentaire sur le traité des Humeurs, re-
marque, de son côté, que la chose est mieux dans les
Aphorismes 1.
On peut conclure de ce fait que la compilation appelée des
Humeurs ἃ été faite après les Æphorismes, et, en partie du
moins, sur les Aphorismes.
Nous n’avons guère, je l’ai déjà dit, que les jugements
des critiques anciens sur lauthenticité de tel ou tel écrit
hippocratique, mais nous n’avons pas leurs motifs. Néan-
moins, dans le courant de la discussion se sont présentés
certains faits qui, d'eux-mêmes, sont venus concorder avec
ces mêmes jugements, et qui ont rattaché l’une à l’autre an-
cienne et lamoderne critique. Ici encore le même résultat est
obtenu, et les recherches consignées dans ce chapitre expli-
quent les opinions des commentateurs de l'antiquité sur quel-
ques-uns des livres hippocratiques. Le traité des Æumeurs
avait été absolument rejeté par Héraclide de Tarente et par
Zeuxis, attribué à un Hippocrate postérieur par Glaucias.
Oril est évident, d’après la comparaison que j’ai établie, que
ce traité renferme des passages textuellement copiés sur
d’autres ouvrages, et que, par conséquent , il a été rédigé
après ces mêmes ouvrages.
: Tome xvi, p. 117, Ed. Κύμη.
900 INTRODUCTION.
Je n’ai pas exposé le détail des passages qui sont identi-
ques dans le 7° livre des Épidémies et les autres; mais ces
passages sont extrêmement nombreux. Galien ἃ donc eu
toute raison de dire que ce 7: livre est manifestement dénué
d'authenticité, d’une date postérieure , et composé de pièces
et de morceaux 1.
Il est possible, et c’est un des résultats de ce chapitre ,
d'établir, entre un certain nombre d’écrits hippocratiques,
trois classes : la première comprend des livres qui sont an-
térieurs aux écrits appartenant à Hippocrate lui-même; la
seconde, des ouvrages qui sont réellement de ce médecin ;
la troisième, des opuscules qui sont,postérieurs, puisque ,
en grande partie, ce sont des extraits et des copies.
L'examen de ces particularités nous reporte à l’époque
même qui a précédé la publication de la Collection hippocra-
tique. Car, ainsi que je l’ai remarqué à diverses reprises ,
tout cela existait dès les premiers temps; extraits, frag-
ments, notes, passages copiés, tout cela se trouvait dès les
plus anciens travaux de Bacchius, de Philinus, de Xéno-
crite. Ainsi, quand nous voyons que des livres sont des ex-
traits les uns des autres, nous pouvons admettre que ces
extraits ont été faits, que ces notes ont été compilées, après
Hippocrate, il est vrai, mais avant les premiers travaux des
écoles alexandrines; d’autant plus que ces extraits repré-
sentent quelquefois une rédaction plus régulière, un état
plus complet-des livres même d’où ils proviennent, et que
nous possédons ‘encore. Tel est le cas du livre des /nstru-
ments de réduction par rapport au livre des Articulations.
Nous assistons, pour ainsi dire , à la formation de la
Collection hippocratique; et, comparant tout ce que les hip-
* Tome αι, p. 182, Ed. Basil.
RAPPORTS ENTRE CERTAINS LIVRES HIPPOCRATIQUES. 261
pocratiques avaient fait avec le peu qui nous reste d’eux ,
nous voyons cette masse de livres s’amoindrir , se détério-
rer, se réduire en extraits et en notes, jusqu’au moment où
la publicité des grandes bibliothèques commence, et où les
livres hippocratiques se trouvent irrévocablement sauvés,
mais sauvés avec toutes les traces de dommages irrépa-
rables.
CHAPITRE XI.
DE LA PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE.
Je ne veux pas entrer dans l'examen particulier de chacun
des écrits hippocratiques sans consacrer quelques pages à
rechercher de quelle manière on peut concevoir que la Col-
lection entière s’est formée. On ἃ vu, dans les chapitres pré-
cédents, qu’elle a des incohérences, du décousu, des falsifi-
cations dans les noms d’auteurs, des négligences de rédaction
qui ne permettent de reconnaître ni l’œuvre d’un seul
homme, ni la production d’une seule époque, ni la publica-
tion volontaire et soignée d’un écrivain qui achève et polit ses
livres avant de les mettre au jour. Là, est une difficulté qu'il
faut essayer de résoudre, sinon par des certitudes absolues,
au moins par des conjectures très probables. Il s’agit de
comprendre comment des fragments, comment de simples
notes ont été insérés dans une Collection qui contient des
parties si excellentes, si travaillées, si achevées; il s’agit d’ex-
pliquer comment des noms ont été changés, et comment ce
qui était l’œuvre de Polybe, par exemple, y a été introduit
sous le titre d’œuvre d’Hippocrate. Ce sont des questions
que les critiques n’ont jamais abordées ex professo.
On ne peut en espérer la solution que de l'examen de tous
les caractères que la Collection hippocratique présente en
tant que Collection. Or, huit circonstances principales s’y
font remarquer. En les réunissant toutes et en les compa-
rant, on entrevoit comment cette Collection s’est formée.
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 263
1° La Collection hippocratique n'existe d’une manière
authentique que depuisle temps d'Hérophile et de ses élèves,
Philinus et Bacchius.
20 Elle renferme des portions qui (on le sait par des té-
moignages positifs) appartiennent à d’autres médecins
qu'Hippocrate.
3° Elle contient des recueils de notes qu’un écrivain n’au-
rait jamais publiés lui-même dans cet état d’imperfection.
4° Elle contient des compilations qui sont ou des analy-
ses, ou des extraits, textuellement copiés, d’autres livres qui
existent encore aujourd’hui dans cette même Collection.
50 Les traités qui la composent, de même qu'ils ne sont
pas d’un seul auteur, ne sont pas non plus d’une seule épo-
que; il en est de plus récents les uns que les autres.
6° On y voit la preuve que les Hippocratiques avaient
composé une foule d'ouvrages qui sont perdus, et qui l’é-
taient dès le moment de la publication de la Collection.
7° Les plus anciens critiques ont hésité et varié lorsqu'ils
ont voulu déterminer à quels auteurs il fallait attribuer les
ouvrages qui forment la Collection hippocratique.
8° Il faut excepter un petit nombre d’écrits sur lesquels,
à un titre ou à un autre, les critiques anciens se sont accor-
dés unanimement pour en regarder Hippocrate lui-même
comme l’auteur.
Revenons sur chacune de ces huit circonstances caracté-
ristiques , et examinons les conclusions qui en découlent
naturellement.
En premier lieu, la Collection hippocratique n’existe d’une
manière authentique que depuis le temps d’Hérophile et de
ses élèves, Philinus et Bacchius : c’est un fait que j'ai dé-
montré ; les Commentaires et les renseignements s'arrêtent
là pour la Collection en bloc; dans l’époque antérieure on ne
264 INTRODUCTION.
trouve la mention que d’un très petit nombre d’écrits. On est
autorisé à conclure de ce fait que la Collection n’a été formée
et publiée qu’à ce moment, et qu'auparavant il n’y a rien
eu de semblable au recueil qui ἃ été connu plus tard sous le
titre commun d’œuvres d'Hippocrate.
En second lieu, il est constant qu’un passage de Polybe se
trouve dans la Collection hippocratique. Examinons attenti-
vement cette circonstance : Aristote a, dans sa bibliothèque,
leslivres du médecin Polybe; il y emprunte un long morceau
qu’il rapporte textuellement; voilà un premier fait positif.
Mais voici un second fait qui est singulier et qui n’est pas
moins positif, c’est que le morceau rapporté par Aristote se
trouve tout au long dans le livre de la Nature de l’homme,
non plus sous le nom de Polybe, mais sous celui d'Hippo-
crate. Comment s’est faite cette métamorphose ? On n’a pas
pu, je lai déjà dit, transporter le morceau en question des
œuvres d’Aristote dans celles d'Hippocrate, car la publica-
tion de la Collection aristotélique est postérieure à celle de la
Collection hippocratique. D’un autre côté, les livres de Po-
lybe n’ont pu, non plus, le fournir ; car, si ces livres avaient
existé au moment où la Collection hippocratique fut publiée,
les premiers commentateurs qui ont travaillé sur les œuvres
d’'Hippocrate auraient signalé l'emprunt, et nul d’entre eux
n’a parlé des livres de Polybe, qui, dans le fait, avaient dès
lors péri.
Ainsi un livre de Polybe (car en cela le témoignage d’A-
ristote est décisif) se trouve postérieurement changé en un
livre d’Hippocrate. Un pareil changement n’a pu se faire que
sciemment ou insciemment, je veux dire que, ou bien le nom
de Polybe ἃ été effacéet celui d’Hippocrate substitué, ou bien
lelivren’avait pas de nom d’auteur, et ceux qui l'ont mis alors
dans Ja publicité, l'ayant trouvé avec d’autres qui portaient
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 265
le titre d'Hippocrate, l'ont décoré du même titre. Cette der-
nière opinion est la plus probable, et elle l’est d'autant plus
que le livre de la Nature de l’homme est évidemment com-
posé d'extraits et de fragments d’un ou plusieurs ouvrages.
Cet extrait a pu, par cette raison, n’avoir plus de nom d’au-
teur, et l'inscription du nom d’Hippocrate ἃ été moins une
fraude qu’une erreur.
Ce fait prouve irréfragablement, 1° que la publication de la
Collection est postérieure non seulement à Hippocrate, mais
à Polybe; 2 que, du temps d’Aristote, les livres de Polybe
existaient avec le nom de cet auteur ; 3° que, comme, dans la
Collection hippocratique, ces livres ont perdu ie nom de leur
véritable auteur , et ne sont plus qu’en extraits très mutilés,
la publication de la Collection hippocratique ne peut pas ne
pas être postérieure à Aristote. J’ai donc eu raison de regar-
der la cessation des commentaires et des renseignements
vers le temps d'Hérophile et de ses élèves comme une preuve
que la publication de la Collection était voisine de leur
epoque.
En troisième lieu, la Collection hippocratique contient des
recueils de notes qu’un écrivain n’aurait jamais publiés lui-
même dans un pareil état d’imperfection. Cette vérité a été
sentie par tous les critiques de l'antiquité ; aussi ont-ils K°-
gardé comme posthume la publication de ces notes. Je rap-
pelle ici ce genre de considérations non pas tant pour dé-
montrer que la Collection hippocratique est une publication
postérieure à Hippocrate (cela est établi d’ailleurs d’une
manière incontestable) que pour montrer que les livres
hippocratiques , tels qu’on les ἃ eus depuis Hérophile jus-
qu’à nos jours, provenaient, en partie du moins, de papiers
long-temps gardés dans une famille ou une école médicale.
C’est ce qui ressort encore plus évidemment du quatrième
266 INTRODUCTION .
fait, à savoir que la Collection hippocratique renferme plu-
sieurs morceaux qui sont ou un recueil de passages textuel-
lement copiés, ou une analyse abrégée, faite sur des traités
encore existants dans la Collection. En effet, on assiste, là,
au travail même qui a produit ce grand nombre de pièces de
la Collection hippocratique; on voit que des morceaux ont
été copiés çà et là dans d’autres livres hippocratiques, parce
que celui qui les copiait les voulait ou conserver’, ou arran-
ger dans un autre ordre; on voit encore que d’autres livres
ont été abrégés et analysés dans un but, soit d'étude, soit
d'enseignement; et ces fragments, ces copies, ces analyses
ont été gardés et publiés dans la Collection, avec 165 pièces
originales ; ce qui est la preuve la plus manifeste que les livres
hippocretiques sont long-temps demeurés entre des mains
médicales qui les ont feuilletés, transcrits, abrégés, usés,
perdus; et c’est ce reste qui, tardivement publié, a constitué
la Collection hippocratique : dénomination d’ailleurs méritée;
car la présence, dans cette Collection, de livres qui sont
vraiment d'Hippocrate, et d'extraits faits sur ces livres, mon-
tre qu’elle est provenue, ou de descendants d’Hippocrate
même, ou de gens qui la tenaient de ces descendants.
J'ai rapporté dans le chapitre précédent, p. 253, que deux
phrases sans liaison entre elles et avec ce qui les précède,
lesquelles terminent l’opuscule du Régime des gens en santé
( περὶ διαίτης δγιεινῆς), se trouvent , l’une dans l’intérieur du
2° livre des Maladies, l'autre au début du livre des Affec-
tions. Un pareil désordre prouve que, lorsque la Collec-
tion hippocratique a été mise en circulation, on a publié
pêle-mêle tous les papiers (je me sers de ce mot mo-
derne) qui provenaient de la bibliothèque ou d’un médecin,
ou d’une famille de médecins. Il faut en dire autant de ce
double préambule, le premier en abrégé, le second plus
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE, 267
étendu, qui se trouve au commencement du 2° livre des
Maladies.
En cinquième lieu, parmi les traités qui forment la Col-
lection, il en est de plus récents les uns que les autres. Cela
est encore un argument en faveur de l'opinion qui admet
que la Collection est restée, avant sa publication , entre les
mains d’une famille ou d’une école médicale. Car, autre-
ment, comment concevoir que des traités d’époques diffé-
rentes eussent été réunis en un seul corps? Mais cela se
conçoit, du moment que l’on suppose que ces livres se sont
accumulés, pendant un long intervalle de temps, dans une
famille ou une école. Remarquons en outre qu’il a dû exister
des motifs pour que ces livres fussent dits hippocratiques ;
ces motifs sont : 1° que ces livres étaient restés ignorés du
public médical, ignorance qui ἃ permis de leur donner le
nom d’Hippocrate, ce qui n’aurait pu se faire 515 avaient
déjà circulé sous un autre nom; et, en effet, les ouvrages
de Praxagore, de Dicclès et d'Euryphon, composés pen-
dant le même laps de temps, n’ont point été appelés hippo-
cratiques ; leur publicité eût rendu impossible tout change-
ment de ce genre ; 2° que ces livres ont d'autant plus natu-
rellement porté le nom d'Hippocrate qu’ils sortent d’une
source hippocratique, c’est-à-dire des mains de gens qui les
avaient reçus, par héritage ou tradition, de quelque famille
médicale ayant des liaisons avec celle du célèbre médecin de
Cos. Et ici un rapprochement me frappe, c’est que, parmi
les livres hippocratiques d’époques diverses, les plus récents
atteignent seulement le temps d’Aristote et de Praxagore ;
pas un ne va jusqu’à Érasistrate et Hérophile; je l'ai montré
dans le chapitre consacré à l'examen de quelques points de
chronologie médicale. L'examen intrinsèque de la Collection
n’est done nulle part en contradiction avec l'examen extrin-
268 INTRODUCTION.
sèque; car si, d’une part, les renseignements extérieurs
sur la Collection ne remontent pas au-delà d’Hérophile,
d'autre part, la date des compositions les plus modernes de
ce recueil ne descend pas au-delà d’Aristote et de Praxa-
gore. Il y a entre ces deux époques un intervalle dans lequel
la Collection ἃ été publiée. Les hippocratiques ont travaillé
jusqu’à la première époque ; puis leur famille s’est éteinte ;
leur héritage est passé à d’autres mains; et, peu de temps
après , l'ouverture de la Bibliothèque de Ptolémée Lagus
sollicitant la vente des livres , ce qui restait de leurs œuvres
a été mis au jour sous le nom du plus célèbre d’entre eux , et
sans indice qui pût faire connaître les véritables auteurs de
cette masse d’écrits. C’est de cette façon que l'extrait qui
subsistait seul encore du livre de Polybe, gendre d’Hippo-
crate et appartenant par conséquent à cette famille, a été
publié dans la Collection avec le nom d’Hippocrate. Le livre
de Polybe avait été dans cette bibliothèque ; il y avait péri,
et là même il n’en demeurait plus qu’un extrait ; il avait été
aussi dans la bibliothèque d’Aristote; il y avait également
péri; et la seule trace qu'il y ait laissée, est la citation con-
servée dans l’Histoire des animaux.
En sixième lieu, la Collection hippocratique renferme la
mention d’une foule de livres composés par les hippocra-
tiques , livres qui sont perdus et qui l’étaient dès le moment
de la publication de la Collection elle-même. Cette mention
est très importante ici : en effet, jy vois la meilleure preuve
qui se puisse donner, que les premiers publicateurs de la
Collection hippocratique ont été, non point des faussaires
qui auraient composé de toutes pièces les livres, mais des
gens qui, eux-mêmes, avaient perdu la notion exacte des
volumes qu'ils possédaient, et qui se défirent de tout sans
plus s’en inquiéter. Car, autrement, comment trouverait-0n,
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE, 269
dans la Collection hippocratique, indication de livres déjà
perdus quand la première publication s’en opérait? Un faus-
saire n’aurait pas manqué de compléter la collection , ou
plutôt il n’aurait jamais mis ces renvois à des traités perdus.
Au reste, c’est revenir à une démonstration qu’on obtient
par une autre voie , à savoir qu'un faussaire n’aurait jamais
publié des notes sans forme, sans rédaction, sans cohé-
rence. Il aurait plus soigné ce qu'il voulait vendre. Rien ne
me parait mieux établi que ces deux faits contradictoires au
premier abord : 1° que dans la Collection hippocratique en-
trent bon nombre de livres qui ne sont pas d'Hippocrate ;
20 que ces livres sont très sincères, en ce sens qu'ils sont
l'œuvre de médecins qui ont vécu depuis le temps d’Hippo-
crate jusqu’à celui de la fondation des bibliothèques. Il faut
admettre ensemble ces deux faits; et leur admission simul-
tanée jette un jour tout nouveau sur le mode de formation
de la Collection hippocratique elle-même. A cette époque ,
les monuments littéraires étaient facilement anéantis. Des
livres renfermés dans une maison particulière, et dont il n°y
avait peut-être qu’une seule copie, étaient sujets à une foule
de chances de destruction. Aussi ont-ils péri en grand nom-
bre. Et cela n’est pas arrivé seulement aux œuvres hippo-
cratiques : Aristote cite les œuvres du médecin Syennésis de
Chypre, de Léophanès et de bien d’autres; tout cela n’a plus
été cité par personne, tout cela avait péri avant d’acquérir
une publicité étendue, avant d’être déposé dans les biblio-
thèques publiques. Quand donc elles s’ouvrirent, quand elles
offrirent un prix élevé aux vendeurs, ceux qui se trouvaient
les derniers nantis de tous ces monuments médicaux , les
rassemblèrent et les portèrent en bloc à ceux qui recher-
chaient cette marchandise, Mais dès lors ils n'avaient plus
270 INTRODUCTION.
que des débris de tous les travaux des hippocratiques ; une
portion très considérable en était anéantie.
« Des auteurs, dit Galien, n’ont pas publié leurs écrits de
« leur vivant, et, après leur mort, il ne restait plus qu’une ou
« deux copies, qui ont péri. D’autres fois, des écrits ont peu
« de faveur ; on ne les recopie plus, et ils disparaissent. Enfin
« il y a des gens qui, par pure jalousie, cachent et détruisent
« les livres des anciens ; d’autres enfin en font autant pour
« s'approprier ce qui ἃ été dit 1. » Indépendamment des
causes que signale Galien, cette perte des livres a été parti-
culièrement considérable dans l'intervalle qui a précédé l’é-
tablissement des grandes bibliothèques publiques. Cela a dû
être; car, dans cette période de l'antique librairie, le papyrus
n'était pas aussi commun qu’il le fut après la conquête de
l'Égvpte par les Grecs , et le parchemin n’était pas inventé.
Il était donc fort difficile de se procurer des matières propres
à copier les livres, et le nombre des exemplaires ne pouvait
qu'être extrêmement restreint. On cite à cette époque (tant
ils sont rares!) les particuliers et les princes qui ont eu des
bibliothèques.
Aristote fut au nombre de ceux qui se firent une biblio-
thèque, et, à en juger par les auteurs qu’il cite dans ses ou-
vrages, il est certain qu'il fut riche en livres. Mais quiconque
lirà ses œuvres avec quelque attention verra que, parmi ces
livres qu’il cite, beaucoup n’ont plus été cités par personne.
Ils ont péri avant de recevoir une publicité véritable, et
d’être inscrits au catalogue des grandes bibliothèques qui se
fondèrent plus tard en Égypte. à Pergame et ailleurs. Quel-
ques hommes jaloux de la gloire d’Aristote ont, dans Panti-
quité, prétendu qu'il avait détruit volontairement les livres
1 T.v, p. 4, Ed. Basil:
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 971
qu'il avait ramassés, afin d'augmenter ses mérites, et de
s’attribuer des travaux, des découvertes et une gloire qui
auraient dû appartenir à d’autres. Je ne donne aucun crédit
à cette calomnie; et cependant je crois qu'il y ἃ quelque
chose de fondé en ce bruit, qui ἃ couru dans les temps an-
ciens ; je crois qu’Aristote ἃ été la cause, non pas volontaire,
mais innocente, de la destruction de beaucoup de livres; sa
bibliothèque passa dans les mains de Théophraste, de là
dans celles de Néiée, puis des héritiers de Nélée, gens igno-
rants qui enfouirent leslivres, et leslaissèrent long-temps ex-
posés à l'humidité et à la moisissure. C’est dans cette transmis-
sion que des livres dont souvent Aristote possédait l'unique
exemplaire, se détruisirent : c’est ainsi, pour rester dans
mon sujet, que périt le livre de Polybe, qu’Aristote avait
dans sa bibliothèque, et dont les hippocratiques ne conser-
vèrent qu'un extrait.
En général, on pourrait dire que les collecteurs de livres,
avant la période alexandrine si florissante pour la librairie
antique, ont été des artisans de la perte des livres , c’est-à-
dire pendant tout le temps où les matériaux pour copier ont
été rares, et les exemplaires de chaque ouvrage très peu
nombreux. Ils les achetaient fort cher , retiraient des mains
des détenteurs la seule copie qui souvent en existait ; il ne
s’en faisait plus de transcription ; et, si quelque malheur frap-
pait la bibliothèque , le livre était perdu sans retour.
C’est de cette manière qu’on peut concevoir aussi que
beaucoup de livres des hippocratiques ont disparu. Ces li-
vres se sont accumulés dans le sein d’une famille; ils ont
peu circule au dehors, ils ont formé une bibliothèque privée ;
la destruction ἃ agi là comme ailleurs, et une multitude
d'ouvrages était détruite, ou réduite à des fragments au mo-
ment où les immenses dépôts d'Alexandrie les recueillirent.
272 INTRODUCTION.
Galien rapporte un exemple curieux qui prouve à la fois
quelle passion Ptolémée Évergète avait pour les vieux livres,
quellemunificence il déployait pour s’en procurer, et combien
les exemplaires des plus fameux ouvrages étaient peu mul-
tipliés. Ptolémée n’avait sans doute dans sa bibliothèque que
des copies, incomplètes ou infidèles, des tragédies d’Eschyle ,
de Sophocle et d’'Euripide ; il demanda aux Athéniens l’exem-
plaire qu’ils possédaient des œuvres de ces poètes, afin d’en
faire prendre seulement copie, promettant de le leur rendre
intact; et, pour gage, il déposa entre leurs mains quinze
talents d'argent (ce qui fait 64,680 fr. de notre monnaie, si
lon suppose qu'il s’agit seulement du petit talent attique ,
lequel vaut 4,312 fr., d’après le calcul de M. Saigey , Métro-
logie , pag. 42. ). Après avoir fait copier les tragédies avec
luxe, sur le plus beau papyrus, il retint ancien exem-
plaire et envoya aux Athéniens le nouveau, leur disant
qu'ils n'avaient qu'à garder l’argent en compensation de
ce que lui gardait la copie confiée. « Quand même, dit Ga-
« lien, il aurait retenu l’ancien exemplaire sans en remet-
« tre un nouveau, les Athéniens, qui avaient reçu le dépôt
« d'argent à condition de se l’approprier si le roi ne leur
« rendait pas les livres de leurs poètes, n’auraient rien eu de
« mieux à faire. Aussi ils prirent la riche copie faite par l’er-
«dre de Ptolémée, et ils gardèrent les quinze talents. »
L'on voit, par ce récit, combien les livres étaient peu répan-
dus; la bibliothèque d'Alexandrie n’avait pas un exemplaire
authentique des trois tragiques grecs; il n’y en avait de copie
certaine qu’à Athènes, et, si un incendie avait dévoré le lieu
où les Athéniens conservaient ces monuments du génie de
leurs concitoyens, la perte eût peut-être été irréparable. Il
‘ Tome v, p. 412, Ed. Basil.
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 273
serait arrivé aux grands tragiques d’Athènes ce que Galien
nous apprend être arrivé à plusieurs poètes comiques et tra-
giques : « On trouve, dit-il, chez les Athéniens , le nom de
« poètes comiques et tragiques qui ont glorieusement rem-
« porté les prix du théâtre et dont les pièces ont péri 1. »
Rapproghons ce fait d’un autre fait plus ancien, il est vrai,
mais également significatif. Les Athéniens pris dans la mal-
heureuse expédition de Sicile et réduits en esclavage, adou-
cirent singalièrement leur sort en répétant des fragments de
leurs grands poètes à leurs maîtres, qui, émus d’une aussi
belle poésie, allégèrent les chaînes des captifs. Mais cela
même montre que les vers de Sophocle et d’'Euripide étaient
nouveaux pour les Siciliens, que les œuvres de ces tragi-
ques n'étaient connues que par les représentations scéni-
ques, et que les exemplaires n’en circulaient que peu dans
la Grèce.
En septième lieu, les plus anciens critiques ont hésité pour
décider à quelsauteurs on devaitattribuer lesouvrages qui for-
ment la Collection hippocratique. ΠῚ nefaut pas croire, en ef-
fet,que l'impossibilité de reporter cetteCollection au-delà du
temps de Philinus et d'Hérophiie n’existe que pour nous,
critiques modernes qui examinons ce point d'histoire litté-
raire, privés d’une foule de documents, de pièces et de li-
vres qui abondaient dans l'antiquité. Galien n’y a pas réussi ;
et , toutes les fois qu'il se trouve en face des difficultés que
présente l'explication de la Collection hippocratique, il hé-
site , il attribue au gendre, aux fils, aux petits-fils d’Hippo-
crate les traités qui , évidemment, ne peuvent appartenir à
Hippocrate lui-même; il assure que ceux qui manquent de
: fout ordre, de toute rédaction, ont été publiés, après sa mort,
: Tome v, p.4.
TOM. 1. 18
274 INTRODUCTION.
par ses descendants, dans l’état où il les avait laissés ; mais
nulle part il n’articule aucun fait positif, aucun témoignage
qui prouvent que cette Collection existàt avant l’époque que
j'ai indiquée. Il importe de se rappeler en même temps que,
dès cette époque aussi, elle avait toutes les incohérences ,
tout le désordre qui y ont été remarqués plus tard. Un récit
conservé par Galien servira à comprendre comment les plus
__ anciens critiques n’ont pu aller au-delà du terme fixé plus
haut.
Le même Ptolémée avait donné l’ordre qu’on deman-
dât à tous les marchands et navigateurs qui affluaient à
Alexandrie les livres qu’ils avaient avec eux. On en prenait
copie; on rendait cette copie au possesseur , et l'original
était déposé dans la Bibliothèque avec cette inscription :
Livre des navires (τὰ ἐχ πλοίων). On y ajoutait le nom de celui
qui l'avait apporté.
Ces détails s'appliquent immédiatement à un des livres de
la Collection hippocratique. Certaines histoires de malades ,
dans le 3° livre des Épidémies, sont terminées par des carac-
tères dont l'interprétation et l’origine ont beaucoup exercé
les commentateurs anciens ; je ne m’occuperai ici que de
l’origine. Les uns prétendaient que le 3° livre des Épidémies
avait été apporté par Mnémon, de Sida en Pamphylie, mé-
decin attaché à la doctrine de Cléophante, avec les carac-
tères ; ils disaient que cet exemplaire portait la suscription
de Livre des navires, d'après la correction de Mnémon (xurx
διορθωτὴν Mviuovz) ; mais il y avait divergence à cet égard ,
et quelques-uns assuraient que le nom seul de Mnémon était
inscrit sur le livre suivant l’usage signalé plus haut. Les au-
tres soutenaient que Mnémon avait emprunté l’exemplaire
de la Bibliothèque royale d'Alexandrie, et l'avait rendu après
y avoir inscrit les caractères qui ont tant tourmenté les cri-
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 275
tiques. Cette dernière version est, comme le remarque Ga-
lien , très peu probable ; car quelle foi de tels caractères au-
raient-ils méritée, s’ils avaient été ajoutés par un médecin
inconnu, et s'ils n'avaient été attachés primitivement au
livre? Zénon avait composé un livre sur ces caractères, et il
s’attira de vives contradictions. Zeuxis soutint contre lui
qu'ils ne venaient pas d’'Hippocrate lui-même, et il les attri-
bua à Mnémon, soit que celui-ci eût apporté le livre avec les
caractères , soit qu’il les eût ajoutés à l’exemplaire de la Bi-
bliothèque. Mais un autre adversaire de Zénon, Apollonius
Biblas , voulant montrer que ce commentateur avait changé
arbitrairement ies caractères pour les expliquer plus com-
modément, cite trois exemplaires du 359 livre des Épidémies
comme d’une autorité à peu près égale, et qui tous présen-
taient les caractères autrement que Zénon ne les avait ex-
posés. Ge sont : 1° l’exemplaire trouvé dans la Bibliothèque
royale; 2l’exemplaire des Navires; 30 l'édition de Bacchius 1.
On peut affirmer qu’'Apollonius Biblas nous ἃ instruits du
véritable état des choses. Il y avait dans la Bibliothèque
royale un exemplaire qui y était arrivé d’une façon ou d’une
autre ; un second, apporté ou non par Mnémon, était venu
par les Navires, et en avait reçu la dénomination; enfin
l'édition de Bacchius prenait rang à côté de ces exem-
plaires. Remarquez que 665 trois exemplaires portaient les
caractères; ce qui détruit complétement l'opinion de ceux
qui prétendaient qu'ils avaient été ajoutés par Mnémon. Du
temps de Galien , aucun de ces exemplaires ne subsistait
plus ; lui-même témoigne que, dans ses recherches actives
1 Οὔτε τὸ κατὰ τὴν βασιλικὴν βιόλιοθηκὴν εὑρεθὲν, οὔτε τὸ ex τῶν
πλοίων, οὔτε τὴν ὑπὸ Βαχχείου γενομένην ἔχδοσιν. Gal., tome v, p.
413, Ed. Β 451}.
276 INTRODUCTION,
pour remonter aux sources.et aux. vieux manuscrits , n’en
put trouver , soit à Rome, soit à Pergame , qui eussent plus
de trois cents ans de date 1.
. Apollonius Biblas nous apprend par ce peu de mots que
dans la bibliothèque d'Alexandrie il pouvait y avoir , pour le
même ouvrage, deux sortes d'exemplaires , l’un venu di-
rectement, l’autre venu par les Navires. En effet, la biblio-
thèque fondée par Ptolémée fils de Lagus et agrandie par Pto-
lémée Philadelphe, son successeur, contenait déjà un grand
nombre de livres, avant que Ptolémée Evergète, qui fut le
troisième roi grec de l'Égypte , eût eu l’idée d’intéresser à son
goût les navigateurs qui abordaient à Alexandrie ; et c’é-
taient ces premiers livres qui avaient formé le fond de la bi-
bliothèque alexandrine , et dont les doubles avaient souvent
été apportés par les Navires. Quant à la Collection hippo-
cratique , le fait est établi pour le 3° livre des Épidémies :
une copie provenait des Navires, une autre n’en provenait
pas. Il y a plus : cette Collection existait dans la bibliothe -
que avant l’arrivée des livres des Navires ; car Bacchius et
Philinus, disciples d’Hérophile, et un peu antérieurs à Pto-
lémée Évergète , en avaient expliqué les mots difficiles, sans
parler d’'Hérophile, qui avait commenté le Pronostic ; sans
parler de Xénocrite, qui, avant Bacchius, avait expliqué
certains mots hippocratiques ; sans rappeler que la partie du
livre du Régime dans les maladies aiguës que Galien regarde
comme ajoutée par une main étrangère au livre d’Hippo-
crate , y était réunie dès le temps d'Érasistrate?. Ainsi il est
* Tome v, p. 661, Ed. Basil.
" Τοῦτο τὸ βιόλίον. εἰ χαὶ μὴ ‘Inroxpdrouc ἐστὶ σύγγραμμα, πα-
λαιὸν γοῦν ἐστιν ὡς κατὰ τοὺς ᾿Ερασιστράτου χρόνους ἤδη προσχεῖο--
θαι τῷ γνησίῳ. Gal. tome v, p. 89, Ed. Basil.
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 977
vrai de dire que la Collection hippocratique est antérieure à
Ptolémée Évergète et à l’arrivée des livres des Vavires
dans la bibliothèque d'Alexandrie.
Le récit que j'ai transerit plus haut, nous fournit donc
quelques notions sur les plus anciens manuscrits connus du
3° livre des Épidémies. Si l'on met de côté l'édition de Bac-
chius, on voit que la Bibliothèque royale en avait deux
exemplaires. Ce fait est important : en effet, s’il n’y avaiteu
du 3° livre des Épidémies que l’exemplaire apporté par
Mnémon, on pourrait supposer que les six autres livres exis-
taient isolément , et que des arrangeurs postérieurs l’ont
intercalé à la place qu'il occupe encore aujourd’hui : mais
si, les six autres livres des Épidémies existant déjà, celui
que nous appelons le 3° eût été intercalé postérieurement,
les commentateurs auraient signalé une circonstance aussi
singulière touchant les Épidémies, qui, ne comptant d’a-
bord que six livres, auraient été portées au nombre de
sept, et cela par une intercalation entre le 2° et le 4° livre.
Ainsi rien de plus certain, par cette raison et par la citation
d’Apollonius Biblas, que l'existence des sept livres dans la
Bibliothèque avant l’arrivée de l’exemplaire de Mnémon.
Ces détails , curieux en eux-mêmes, je ne les ai pas tant
rapportés pour les caractères ajoutés au 3° livre des Épidé-
mies , que pour l'intérêt même de la question que je discute
touchant la formation de la Collection hippocratique. Les
exemplaires avaient afflué dans la Bibliothèque, mais c'était
marchandise mélée ; tellement qu'on ne les y déposait qu’a-
près un examen , et que des bibliothécaires appelés sépara-
teurs ( χωρίζοντες ) les revisaient et en donnaient leur opi-
nion. Les livres jugés bons étaient mis à part avec le titre de
livres de la petite table 1. I est fâcheux que nous ne sachions
1 Τὰ ἐχ τοῦ μιχροῦ πιναχιδίου. Gal., tome 111, p. 181, Ed. Basil.
278 INTRODUCTION.
pas quels étaient les ouvrages de la Collection hippocratique
auxquels les honneurs de la petite table avaient été accordés.
Rien de plus ancien n’est su touchant les manuscrits
d’'Hippocrate. On voit donc sans peine maintenant ce qui
embarrassa les critiques, même les premiers venus et les
plus voisins des sources. Car ce qui était arrivé pour le 3°
livre des Épidémies , était aussi arrivé pour les autres traités
de la Collection hippocratique : on les trouva dans les biblio-
thèques , comme dit Apollonius Biblas. Quand il fallut
trier cette masse de livres, il advint que pour quelques-uns,
soit qu'ayant circulé antérieurement, ils eussent été cités.
soit que, de toute autre façon, leur authenticité fût recon-
nue, on eut la certitude qu’ils appartenaient véritablement
à l’auteur dont ils portaient le nom. Ainsi, pour n’en donner
qu’un exemple, l’exemplaire que les Athéniens remirent à
Ptolémée de leurs trois tragiques, était manifestement au-
thentique , et là-dessus il ne pouvait y avoir le plus léger
nuage. Mais quand quelqu’une des marques décisives qu’il
est facile de supposer, faisait défaut, la critique n’avait plus
que des conjectures pour se guider.
Finalement, en huitième lieu, quelques écrits hippocra-
tiques , écrits en très petit nombre autant que nous pouvons
le savoir, avaient eu une publicité avant la formation de la
Collection elle-même. Le chapitre IV, où j'ai réuni tous les
témoignages sur Hippocrate, le montre; Platon, Ctésias,
Dioclès, Aristote, ont tenu, consulté, cité des livres d’Hip-
pocrate lui-même; Aristote a cité un livre de Polybe. Le fait
est donc incontestable; et aussi c’est dans ce fait, c’est-à-
dire dans la publicité d’un certain nombre d’écrits du vivant
même d'Hippocrate et de Polybe , ou immédiatement après
leur mort, que l'antiquité a vu la meilleure preuve de lau-
thenticité de certains ouvrages contenus dans la Collection.
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 979
« ΝῪ a-t-il pas eu, dans les lettres profanes, dit Saint-Au-
« gustin!, des auteurs très certains sous le nom desquels des
« ouvrages ont été publiés, puis rejetés, soit parce qu'ils ne
« concordaient pas avec les ouvrages qui leur appartenaient
« incontestablement , soit parce qu'ils n’ont pas mérité, dans
« le temps où ces auteurs ont écrit, d'être répandus et d’être
« transmis à la postérité, ou par les auteurs eux-mêmes, ou par
« leurs amis ? Et, pour omettre les autres, n'est-il pas vrai
« que, sous le nom d’Hippocrate, médecin très célèbre, des
« livres ont paru qui n’ont pas été reçus par les médecins ? Il
« ne leur a servi de rien d’avoir une certaine ressemblance
« dans les choses et dans les mots avec les écrits véritables ;
« car, comparés avec ces écrits, ils ont été jugés inférieurs ,
« et ils n'avaient pas été reçus comme siens dès le temps
« même où ses autres livres devenaient publics. » Tout le
reste demeure frappé d’un caractère d'incertitude.
Un livre del’antiquité prend une complète authenticitésur-
tout du moment où il est cité et commenté. Or, les grandes
bibliothèques publiques, avec leurs catalogues , avec lérudi-
tion qu’elles favorisèrent, avec les commentaires qu’elles fi-
rent naître, furent une nouvelle ère pour la consécration
des livres. Galien accuse parfois les faussaires d'Alexandrie
d’avoir altéré les œuvres hippocratiques: Galien se trompe ;
c’est auparavant qu’elles ont été altérées, si vraiment elles
l'ont été, et c’est depuis la fondation des bibliothèques
qu’elles ont été mises à l'abri des interpolations et des sub-
stitutions de noms.
En effet, du moment qu’un livre fut déposé dans une bi-
bliothèque où chacun pouvait le consulter, du moment qu'il
τ Contra Faustum Manichæum , 1. xxxunr, 6, p. 495, τ νι,
Ed. Frob. 1556.
990 : INTRODUCTION.
eut été le sujet de commentaires, il se trouva bien mieux ga-
ranti contre des altérations préméditées. Et Galien lui-
même le constate dans sa polémique contre les éditeurs qui
changeaient témérairement les vieilles leçons qu’ils ne pou-
vaient interpréter ; 11 ne manque pas de leur objecter qu'il
faut bien reconnaitre l'authenticité du texte, puisque ce
texte a été lu de la même façon par Héraclide, par Glaucias,
par Apollonius, par Bacchius. En un mot, tant que les livres
restaient cachés, hors de la circulation , il était facile d’en
changer le titre, d'y ajouter des portions hétérogènes, de
substituer un nom d’auteur à un autre; et c’est ce qui arriva
sans nul doute lorsque les grandes bibliothèques publiques
s’ouvrirent , et appelèrent de toutes parts les livres qu’elles
payaient fort cher. On se mit à l’œuvre : les uns forgèrent
des livres , les autres effacérent les véritables noms et, à la
place, en inscrivirent d’autres qui se vendaient à un plus haut
prix. Mais il n’est pas moins vrai que, du moment que ces
livres, tels quels, furent arrivés dans ces bibliothèques, ils
ne furent plus sujets ni à changements, ri à substitutions.
Être placés dans ces dépôts publies, ce fut pour eux un cer-
tificat d'authenticité, qui se transmit de siècle en siècle , de
catalogue en catalogue, de commentaire en commentaire.
Cela est tellement positif, que la Collection hippocratique
(puisqu’icl il n’est question que d’elle) ne-subit pas une seule
altération depuis cette époque, et que Galien l’a connue telle
que l'avaient connue les plus vieux commentateurs, tandis
que, durant les temps antérieurs au premier dépôt dans les
bibliothèques d'Alexandrie, elle avait été manifestement
interpolée, puisqu'on y trouve un écrit qui est de Polybe,
suivant le témoignage d’Aristote , seul décisif en ceci. Je ne
prétends pas dire que, du moment que les bibliothèques pu-
bliques furent ouvertes, les apocryphes devinrent impossi-
{
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE, ᾿ 281
bles ; l’histoire littéraire serait là pour me réfuter; et ils ne
sont pas impossibles même aujourd’hui, bien qu’ils soient
rendus bien plus difficiles par tousles moyens de vérification
que nous possédons. Je veux seulement dire que le dépôt
dans les grandes bibliothèques mit des entraves à te genre
de contrefaçon ; que la circonstance que des livres restent
long-temps célés au public, et entre les mains d’une famille,
d’une école , d’une secte, est la circonstance la plus favora-
ble pour qu'on les interpole, pour qu’on y ajoute, pour qu’on
en retranche, pour qu’on change les noms ; et le fait est,
pour la Collection hippocratique, qu’elle ne changea plus de-
puis le premier moment où elle fut formée, jusqu’à Galien.
J'ai montré qu’elle a changé un peu de Galien jusqu’à nous,
c’est-à-dire qu’il y est entré un certain nombre de morceaux
peu importants et inconnus à lantiquité : c’est qu’en effet ,
dans cet intervalle, les bibliothèques brûlèrent bien des fois,
les livres redevinrent rares, la culture des sciences s’affaiblit
notablement, et alors il s’introduisit, sans autorité, dans la
Collection hippocratique, des morceaux dont nous consta-
terons aujourd’hui l’illégitimité, justement parce qu'ils n’ont
pas figuré dans les anciens dépôts publics, parce qu’ils n’ont
pas été expliqués par les commentateurs , parce qu’ils n’ont
pas été mentionnés par les auteurs qui se sont succédé dans
l'intervalle.
Ainsi donc, résumant tout ce qui vient d’être dit, rappe-
lant que la Collection hippocratique ne remonte pas, dans
sa forme actuelle - au-delà d'Hérophile, qu’elle présentait
dès lors tout le désordre qu’elle a présenté plus tard , que les
premiers critiques n’ont pas pu mieux queles autres assigner
la part de chaque auteur dans cette masse de livres; que par
conséquent la publication s’en était faite sans qu'il restät des
indices suflisants pour décider ces questions ; qu’elle porte ,
282 INTRODUCTION.
en elle-même ,-la preuve que les traités qui la composent ne
sont pas contemporains, et embrassent un laps de temps
assez considérable; qu’elle contient des livres qui sont de
Polybe et non d’Hippocrate; qu’elle renferme des notes, des
extraits , des fragments que nul auteur n’aurait publiés de
son vivant; je conclus 1° que cette Coliection, après être res-
tée long-temps dans des mains médicales, était tombée en
la possession de gens qui n'avaient plus connaissance ni
de l’origine détaillée des livres, ni de leur valeur; 2° qu'ils
savaient seulement qu’elle provenait des hippocratiques ;
3° que la publication s’en est faite peu de temps après lou-
verture des grandes bibliothèques à Alexandrie.
Les résultats auxquels j'arrive paraîtront peut-être bien
précis sur un sujet qui est enveloppé de tant d’obscurité.
Mais il faut considérer qu’ils sont donnés par l'examen com-
paratif de toutes les circonstances, auxquelles on ne peut sa-
tisfaire que de cette façon. J'ai marché pas à pas, et j'ai tenu
à montrer que la liaison des faits et une induction attentive
pouvaient mener fort loin dans la recherche de détails dont
l’ensemble ἃ péri, mais dont il reste çà et là quelques traces.
Maintenant cette méthode rigoureuse n’acquerra-t-elle pas
quelque force, si je montre qu’en faisant ainsi, d’après un
petit nombre de données éparses et fugitives, l'histoire de la
Collection hippocratique, j'ai reproduit, dans tout ce qu’elle ἃ
d’essentiel, l’histoire de la publication d’une autre collection
non moins fameuse, de celle des œuvres aristotéliques ? Ceci
vaut la peine d’être exposé de plus près ; car il y a là une
Comparaison qui aide à tout comprendre.
«Nélée, dit Strabon !, hérita de la bibliothèque de Théo-
« phraste, où se trouvait aussi celle d’Aristote. Aristote Pa-
Ὁ Lab. χα, p. 608.
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPUCRATIQUE. 283
« vait léguée à Théophraste, comme il lui confia la direction
« de son école ; Aristote, à notre connaissance , est le pre-
« mier qui ait rassemblé des livres, et il apprit ainsi aux rois
« d'Égypte à composer une bibliothèque. Théophraste trans-
« mit sa bibliothèque à Nélée, qui la fit porter à Scepsis, et
« la laissa à ses successeurs, gens sans instruction, qui gar-
« dèrent les livres renfermés sous clef, et n’y donnèrent au-
« cun soin. Plus tard, quand on apprit avec quel empresse-
« ment les rois descendants d’Attale et maîtres de Scepsis
« faisaient rechercher des livres pour former la Bibliothèque
« de Pergame, les héritiers de Nélée enfouirent les leurs
« dans un souterrain. L’humidité et les vers les y avaient
« gâtés, lorsque, long-temps après, la famille de Nélée
« vendit à un prix fort élevé tous les livres d’Aristote et de
« Théophraste à Apellicon de Téos; mais Apellicon était
« plus bibliomane que philosophe. Aussi, dans lescopies nou-
« velles qu’il fit faire pour réparer tous les dommages que
« ces livres avaient soufferts , les restaurations ne furent pas
« heureuses, et son édition fut remplie de fautes. Les an-
« ciens péripatéticiens, successeurs de Théophraste, n’a-
« vaient eu à leur disposition qu’un petit nombre d'ouvrages
« d’Aristote , et principalement les exotériques; ils ne purent
« donc travailler sur les textes eux-mêmes, et furent réduits
« à des déclamations sur des propositions. »
Remarquez combien ces détails coincident minutieuse-
ment avec ceux auxquels je suis arrivé sur la Collection
hippocratique par la seule voie de conséquence et de raison-
nement. La masse des livres aristotéliques , comme la masse
des livres hippocratiques, ἃ été complétement ignorée du
public pendant un laps de temps; un petit nombre de livres
aristotéliques, comme un petit nombre de livres hippocra-
tiques, ont été dès l’origine dans la circulation et y sont res-
284 INTRODUCTION.
tés. La Collection aristotélique , comme la Collection hippo-
cratique , ἃ fait soudainement son apparition au jour de la
publicité. Celle d’Aristote était restée enfouie entre les mains
de gens ignorants à qui ces livres étaient arrivés par la cir-
constance fortuite d’un héritage ; ils n'avaient aucune notion
détaillée de ces livres; ils ne connaissaient pas l’origine pré-
cise de chacun d’eux ; ils ne savaient s’ils étaient tous d’A-
ristote, ou si quelques-uns étaient l’œuvre de Théophraste ,
de Nélée, de tel autre disciple inconnu du chef de lécole
péripatéticienne. Néanmoins ils ont tout vendu au riche
Apellicon sous l'appellation commune d’Aristote, sans s’in-
quiéter des apoeryphes qui pouvaient s’y trouver, et sans se
soucier des embarras qu'ils allaient donner aux critiques.
Qu’ai-je dit pour Hippocrate? la Collection hippocratique ,
quoique composée de parties hétérogènes, n’a-t-elle pas
reçu un nom commun ? cette collection n’a-t-elle pas paru
tout à coup dans le monde littéraire? avant elle, n’est-ce pas
un fait que peu de livres hippocratiques seulement étaient
connus du public? quelle ressemblance plus minutieuse peut-
on trouver? et les circonstances de la formation de la col-
lection aristotélique coïncidant si exactement avec les circon-
stances de la formation de la Collection hippocratique, ne
confirment-elles pas tout ce que j’ai cherché à établir dans
ce chapitre?
Qu'on suppose un moment que le récit que nous a trans-
mis Strabon ne fût pas arrivé jusqu’à nous, et que nous fus-
sions sans renseignement sur le mode de publication des
œuvres aristotéliques. En voyant qu’un petit nombre de ces
livres seulement est cité avant le temps d’Apellicon, n’au-
riOns-NnOus pas conclu que la collection dès lors n’était pas
publique? En la voyant constituéeimmédiatement après cette
époque, n’aurions-nous pas conclu que c’était alors qu’elle
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 285
était entrée dans le domaine public? En l'étudiant et en re-
connaissant qu'elle contient des livres qui ne sont pas d’A-
ristote, d’autres qui sont dans le plus étrange désordre ,
n’aurions-nous pas conclu qu’elle n’avait pas été livrée telle
qu'elle était sortie des mains du philosophe, et que les dé-
tenteurs, à quelque titre qu'ils le fussent, avaient vendu un
fonds de bibliothèque, et non l’œuvre d’un homme? et en
apprenant que les plus anciens critiques hésitaient sur les
caractères d'authenticité, n’aurions-nous pas conclu que
l'incertitude tirait sa source du fait même qui avait donné
publicité à la collection, sans donner, en même temps, sur
les divers écrits, des renseignements que les derniers il
priétaires n’avaient plus ?
De ce fait que la formation de la Collection hippocratique
est postérieure à Aristote, de cet autre fait, qu’elle est anté-
rieure à Hérophile, je suis autorisé à placer cette formation
dans lintervalle qui sépare Aristote d’Hérophile , et proba-
blement au moment où le premier Ptolémée fonda la biblio-
thèque d’Alexandrie, bibliothèque qui prit de si grands ac-
croissements sous Ptolémée Philadelphe et sous Ptolémée
Évergète , et qui, excitant la rivalité des rois de Pergame,
fut cause de l'invention du parchemin. C’est vers l'an 320
avant J.-C., que Ptolémée fils de Lagus établit sa bibliothe-
que ; c’est vers l'an 300 qu'Hérophile a particulièrement fleuri
comme médecin et comme écrivain; et de son temps la Col-
lection était formée et publiée. Ges deux faits établissent ,
avec une approximation suffisante, la date de la publication
de la Collection hippocratique. D’un autre côté , si l’on se
rappelle que l'examen intrinsèque de la Collection nous ἃ
conduits à placer la composition des plusrécents traités vers le
temps d’Aristote et de Praxagore , si l’on se rappelle encore
que les derniers hippocratiques ont pratiqué la médecine
286 INTRODUCTION.
auprès de Roxane, d’Antipater et de Cassandre, on sera
porté à admettre que cette illustre famille s’est éteinte vers
cette époque même; que les débris de sa bibliothèque ont
été, peu d'années après, vendus par ceux qui en étaient
devenus possesseurs; et que c’est ainsi que la Collection hip-
pocratique est entrée dans la publicité, avec toutes les traces
du désordre et de la mutilation, et sans critérium qui pt
assigner à Chaque livre l’auteur dont il émanait.
Ce n’est pas une date positive que je fixe ici; c’est une
date approximative. Les derniers hippocratiques sont du
temps d'Alexandre et d’Antipater; les derniers livres de la
Collection sont du temps de l’enseignement d’Aristote :
et la Collection apparaît formée du temps d'Érasistrate,
d'Hérophile, de Xénocrite, de Bacchius. Par conséquent
on a un intervalle que l’on peut alonger ou rétrécir ,
et qui comprend soixante , cinquante ou quarante ans. El y
a donc ici une double approximation : celle où je suppose
que les travaux des hippocratiques se sont arrêtés , et que
leur famille s’est éteinte , et celle où je suppose que la Col-
lection a été publiée, et connue dans son état actuel. Ni
l’une ni l’autre date n’est fixée ; mais l’une et l’autre ont des
limites au-delà desquelles on ne peut les porter. Ainsi la pu-
blication de la Collection ne peut être dite plus moderne
qu'Hérophile, Érasistrate et Philinus ; la composition de
certains écrits, et l'époque de certains hippocratiques ne
peuvent être plus anciennes qu’Aristote.
Je prie lelecteur de bien distinguer ici entre ce qui est fait
positif et ce qui est hypothèse de ma part. Il est certain que la
Collection comprend des écrits d'Hippocrate, de Polybe et
d’autres hippocratiques postérieurs ; il est certain que cette
Collection renferme en elle-même, soit par la mention d’ou-
vrages qui n’existent plus, soit par la présence d'extraits ,
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 987
de notes et d’abrégés , la preuve qu'elle ἃ subi une
longue élaboration et des remaniements qui coïncident
avec l'existence d’une série de médecins hippocratiques ; il
est certain que, par une troisième coïncidence, les notions
anatomiques et physiologiques qui y sont consignées mon-
trent un développement et embrassent un laps de temps qui
va depuis Hippocrate et Polybe jusqu’à l’époque de l’ensei-
gnement d’Aristote et de Praxagore ; il est certain que les
commentaires s'arrêtent à Bacchius , Philinus, Xénocrite et
Hérophile, et que par conséquent là aussi s’arrête la con-
sécration de l’existence de cette Collection dans son ensem-
ble; il est certain encore que dès lors le désordre qu’elle
présente existait, et que ces premiers commentateurs avaient
perdu les moyens de reconnaître le véritable auteur de cha-
cun des traités.
Voilà les faits positifs. Voici l'hypothèse : j'ai supposé,
pour expliquer ces faits, qui doivent être tous admis simulta-
nément , que la bibliothèque des hippocratiques, dont la fa-
mille était venue à s'étendre, avait passé, mutilée, tronquée,
dépareillée, dans les mains de possesseurs qui n’en avaient
pas la connaissance détaillée , et de là dans le domaine pu -
blic. Comme les derniers hippocratiques et leurs derniers
livres atteignent l’époque d’Alexandre et d’Antipater, d’A-
ristote et de Praxagore, j’ai supposé que la publication de la
Collection devait être postérieure. Comme elle est connue,
citée, commentée par Hérophile, Xénocrite, Philinus et
Bacchius, il a fallu non plus supposer, mais admettre qu’elle
leur était antérieure ; c’est ainsi que j'ai déterminé les deux
limites entre lesquelles j’aiplacéla publication. Enfin, comme
à ce même temps les grandes bibliothèques d'Alexandrie se
sont ouvertes , comme Ptolémée fils de Lagus, peu après la
mort d'Alexandre , a fondé la sienne, beaucoup augmentée
288 INTRODUCTION.
| par son successeur Ptolémée Philadelphe, et comme cette
fondation et cet agrandissement des bibliothèques sont jus-
tement du temps d'Hérophile, de Xénocrite, de Philinus et
de Bacchius, j’ai pensé que la publication avait été déter-
minée par l'ouverture de ces grands dépôts de livres.
C’est là une hypothèse, je le sais, et je la donne aussi
pour telle; cependant elle me paraît approcher beaucoup de
la certitude. Elle résulte tellement de la nature des choses,
que Galien, sans en faire un système explicite comme je
l'ai fait moi-même, en a cependant admis toutes les données
fondamentales. Il pense que certains livres de la Collection
sont de Thessalus, de Polybe, d'Hippocrate, fils de Dracon,
et de ceux qu’il appelle les asclépiades postérieurs ; c’est ad-
mettre, comme j'ai fait, dans cette Collection , une collabo-
ration d'auteurs qui sont postérieurs les uns aux autres ; il
pense que certains traités ont été augmentés, arrangés par
les descendants d’Hippocrate; c’est admettre, comme j'ai
fait, des remaniements dans ces traités restés entre les
mains des médecins héritiers de leur illustre aïeul ; enfin il
pense que le zèle des Ptolémée pour les livres ἃ déterminé ,
non seulement la publication des livres hippocratiques, mais
encore les additions, aux vrais traités d'Hippocrate, de ces
parties qu'il regarde généralement comme dues à quelqu'un
des hippocratiques; c’est admettre que les publicateurs pos-
sédaient ces fragments des livres des hippocratiques. Ainsi
Galien a été tellement dominé par les conditions du pro-
blème, qu'à son insu, pour ainsi dire, il a posé toutes les
bases de la solution.
En effet, il n’y a, ce me semble, que deux manières de
concevoir la formation de la Collection hippocratique : lune
est celle que je viens de proposer; l’autre, qui n’en est
qu’une modification, consisterait à supposer que les livres:
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE, 289
qui la constituent étaient épars dans diverses mains, qu’ils
sont arrivés de différents côtés dans les bibliothèques avec
le nom d’Hippocrate , lequel y avait été mis par les vendeurs
pour que le prix fût meilleur, et que là ils ont formé
cette collection considérable où les critiques ont ensuite es-
sayé de porter l’ordre. Ce qui m’empêche d'adopter cette
opinion, ce sont les rapports qui unissent ces livres entr’eux,
les communautés de doctrines , les passages copiés l’un sur
l'autre, les citations de livres perdus, la présence de frag-
ments, de notes, d'extraits : toutes choses qui me paraissent
exclure la dissémination de ces livres entre des mains di-
verses. Avec ces conditions , on doit admettre qu'ils ont été
élaborés dans un même foyer ; car, on u’y reconnaîtrait pas
toutes ces liaisons, s'ils provenaient de médecins qui n’au-
raient pas eu des rapports et d’enseignement et de tradition
les uns avec les autres; on n’y trouverait pas non plus des
notes décousues et des morceaux sans rédaction véritable ,
si Thessalus, Dracon, Hippocrate IIT, Hippocrate IV et les
autres les avaient composés pour les publier ; et il n’a guère
été possible d’y inscrire le nom du grand Hippocrate, que
parce que les pièces qui sont dépourvues de toute rédaction
étaient des papiers conservés sans nom d’auteur. C’est ainsi
que les extraits du livre de Polybe ont été gardés, puis ont
été publiés comme appartenant à Hippocrate, le livre lui-
même ne s'étant conservé nulle part, pas même dans la bi-
_bliothèque d’Aristote. On est done toujours forcé d’en re-
venir à ce point, à savoir que la publicité des livres hip-
\pocratiques, à part sans doute quelques traités, a été ex-
eessivement restreinte avant la fondation des bibliothèques,
et que le désordre primitif où s’est trouvée cette Collection
dès le temps des plus anciens critiques, annonce bien plutôt
une réunion de livres et de papiers qui, étant restés long-
TOM. I. 19
290 INTRODUCTION.
temps dans l'usage d’une famille, y ont été plus ou moins
abrégés, dépareillés et mutilés, que la réunion, dans la bi-
bliothèque d'Alexandrie , de traités qui, ayant été publiés
au fur et à mesure de leur composition, se seraient ainsi
trouvés entre les mains de possesseurs divers.
Si l’on avait, d’une part, la liste exacte des livres hippo-
çcratiques compris dans l'exemplaire de la Collection qui,
suivant Apollonius Biblas, se trouvait dans la Bibliothèque
royale d'Alexandrie , et, d'autre part, la liste exacte des
livres hippocratiques apportés par ies Navires, on pourrait
avec probabilité considérer ceux-ci comme représentant les
traités qui avaient joui d’une certaine publicité, et ceux-là
comme représentant les livres venus directement de la
famille des hippocratiques.
En définitive, tout ce qui, de la Collection hippocratique,
se trouve authentiquement consacré par les travaux des
anciens critiques, réunit un tel ensemble de conditions qu'il
est difficile d’en concevoir la publication autrement que
d’une manière analogue à celle dont Strabon nous ἃ con-
servé le récit pour la collection aristotélique.
Prosper Martian dit, dans la préface de son Commentaire
sur Hippocrate : «Si tous les livres appélés hippocratiques ne
« sont pas d'Hippocrate, par quel hasard ont-ils reçu son
«nom? j'en assignerai deux causes : la première, qu'après la
« mort d'Hippocrate, tous les livres qui ont été trouvés dans
« sa bibliothèque sans nom d'auteur, ont été publiés avec le
«sien ; la seconde, que le nom d’Hippocrate peut avoir été
« appliqué justement à des œuvres de divers auteurs, attendu
« qu'il y ἃ eu plusieurs Hippocrate. »
Mercuriali suppose que les livres hippocratiques ont pu,
comme ceux d’Aristote, rester inconnus pendant quelque |
temps. Sa remarque, on le voit, est vraie ; mais il en abuse
PUBLICATION DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE. 291
parce qu'il prolonge, ce semble , cette ignorance jusqu’au
temps de Galien; le défaut de publicité n’a duré que jus-
qu’au temps d’Hérophile et d'Érasistrate. J'ai voulu rap-
porter ces opinions de Mercuriali et de Prosper Martian ,
pour montrer que je n’ai guère fait que développer et
appuyer de raisonnements et de preuves l’idée émise ,
pour ainsi dire en passant, par ces deux savants médecins.
J'ai satisfait à toutes les conditions du problème que j'ai
énumérées en tête de ce chapitre ; et c’est parce que je me
les suis posées, que j'ai pu essayer de le résoudre. Ainsi
s'explique la présence de fragments tronqués, de livres sans
commencement ou sans fin, de notes sans liaison. Ainsi
s'explique l'introduction, dans la Collection hippocratique ,
de plusieurs traités qui ne sont certainement pas d’'Hippo-
crate , etqui cependant ne sont pas dus à un faussaire. Après
Hippocrate, les médecins, ses successeurs, écrivent, et
augmentent le fond qui leur ἃ été légué. Mais, d’un autre
côté, les causes de destruction agissent; des livres dont il
n'existait qu’un ou deux exemplaires disparaissent sans re-
tour; et, quand la publication littéraire est sollicitée par la
formation des bibliothèques et la multiplication des lecteurs ,
les derniers détenteurs réunissent tout ce qu’ils ont, bon ou
mauvais , livres entiers et fragments, traités faits avec soin
et notes jetées pour un usage personnel; et ils publient cette
masse sous le nom commun du grand homme dont Platon
avait vanté la science et ie génie,
CHAPITRE ΧΗ].
DF CHACUN DES LIVRES DE LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE
EN PARTICULIER,
Quatre règles ont présidé à la classification, que je fais,
dans ce chapitre, des écrits hippocratiques.
La première prend son autorité dans les témoignages di-
rects, c’est-à-dire dans ceux qui précèdent la formation des
bibliothèques publiques d'Alexandrie.
La seconde est tirée du consentement des anciens criti-
ques. Ce consentement, ainsi que je l’ai fait voir , étant d’un
grand poids à cause des documents qu'ils possédaient, mé-
rite beaucoup d'attention de la part des critiques modernes.
La troisième dérive de l’application de certains points de
l’histoire de la médecine, points qui me paraissent offrir une
date, et par conséquent une détermination positive.
La quatrième résulte de la concordance qu'’offrent les doc-
trines, de la similitude que présentent les écrits, et du ca-
ractère du style.
J'ai rangé ces quatre règles d’après l'importance que je
leur attribue. La première dépasse toutes les autres en auto-
rité; jy subordonne les trois dernières. Ces règles ainsi po-
sées, ce n’est plus mon propre jugement , ce sont elles qui
décident si un livre doit être considéré comme appartenant
à Hippocrate. Mon goût particulier n’a plus rien à faire dans
cette détermination ; mon choix est contraint. Il y a tel écrit
que volontiers j'aurais attribué à Hippocrate, par exemple,
le traité du Régime ( περὶ διαίτης. en trois livres); mais tous
DE CHACUN DES ÉCRITS DE IA COLLECTION MIPPOCRATIQUE 293
les critiques anciens l'ayant rejeté, je me suis vu obligé, par
la règle même que j'ai posée, de le rejeter aussi.
Je partage tous les écrits de la Collection hippocratique en
onze classes.
le cLASSE.—Écrits qui sont véritablement d’Hippocrate.
1 CLASSE. — Écrits de Polybe.
ΠῚ’ cLassE.— Écrits antérieurs à Hippocrate.
ΕΥ̓“ cLAssE.— Écrits qui, dépourvus d’une autorité suf-
{isante pour être attribués à Hippocrate, portent le cachet
de l’école à laquelle il appartenait.
V° cLAsse.—Livres qui ne sont qu’un recueil de notes,
d'extraits.
VI cLasse.—Livres qui, étant tous d’un même auteur,
forment une série particulière dans Ja collection hippocra-
tique. Cet auteur n’est pas connu.
VII cLAssE.—Un seul traité auquel un témoignage
d’Aristote s'applique peut-être.
VIII cLassE.—Traités postérieurs à Hippocrate, com-
posés vers Le temps d’Aristote et de Praxagore.
IX° cLasse.—Série de traités, de fragments, de compi-
lations, qui n’ont été cités par aucune critique de l’antiquité.
X° cLASsE.—Notice des écrits que nous avons perdus,
et qui faisaient partie, dans l’antiquité, de la Collection hip-
pocratique.
ΧΙ CLASSE. —Pièces apocryphes.
» PREMIÈRE CLASSE.
Livres qui sont d'Hippocrate : De l’Ancienne médecine ; le
Pronostic ; les Aphorismes ; les Épidémies, 1° et 3° livres ;
du Régime dans les maladies aiguës ; des Airs, des Eaux et
des Lieux; des Articulations; des Fractures ; des Instruments
de réduction ; des Plaies de tête ; le Serment ; la Loi.
TOM. I. 19*
294 INTRODUCTION.
DE L'ANCIENNE MÉDECINE". Quoique, par tout ce qui pré-
cède, j'aie préparé des ressources pour la discussion de cha-
cun des écrits de la Collection hippocratique en particulier,
cependantil me reste quelaues questions épineuses à traiter ;
je commence immédiatement par la plus laborieuse de tou-
tes. La solution que j'en donne est un des résultats nouveaux
de mon travail d'introduction, et un de ceux qui ont vive-
ment excité mon intérêt. Car, croyant retrouver ici ce que
Platon avait admiré dans Hippocrate, je me suis complu à
rechercher la trace d’une communication entre ces deux
grands esprits, presque contemporains.
La plupart des critiques modernes, Mereuriali, Gruner,
s'accordent à regarder le traité de l’Ancienne médecine
comme n’appartenant pas à Hippocrate, et comme étant
postérieur à ce médecin. Au contraire, Érotien, parmi
les critiques de l’antiquité, attribue cet écrit à Hippocrate
lui-même. Mais son témoignage est le plus ancien que
nous possédions à cet égard, et l’assertion d’un écrivain
qui ἃ vécu plus de quatre siècles après le médecin de Cos
ne suflirait pas, en l'absence de toute autre, pour entraî-
ner la conviction. Aussi, manquant de renseignements
qui dépassent l'époque d'Érotien, et ébranlé par les objec-
tions des critiques modernes qui rejettent du canon hip-
pocratique le traité de l’Æncienne médecine , j'étais long-
temps resté dans le doute; et, quoiqu’une lecture attentive
et répétée me prouvât que ce traité renfermait une doctrine
identique à celle de l'ecole de (05, et tenait par une foule de
points à plusieurs autres écrits véritablement hippocratiques,
quoique j’y retrouvasse les préceptes les plus dignes d’admi-
ration sur l’art d'observer en médecine, et les principaux
. Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 204
traits du système d’Hippocrate lui-même, je n’osais, sur de
pareilles présomptions , me mettre au-dessus de l'avis de mes
prédécesseurs, ni prendre, sans une plus ample certitude ,
un parti qui aurait toujours pu être taxé de conjecture ha-
sardée. D'ailleurs, il entre dans les règles de critique que je
me suis faites, de chercher d’autres preuves d'authenticité
que celles qui résultent de l'examen du style, ou même de
l'examen des pensées et des doctrines , et d’être surtout sa-
tisfait lorsque j'ai rencontré quelque témoignage qui se rap-
proche du temps même où a vécu Hippocrate.
Or, j'ai découvert, je pense , en faveur du traité de V An-
cienne médecine , un de ces témoignages décisifs qui, une
fois reconnus , ne laissent plus de place pour aucun doute :
c’est celui de Platon. Ce philosophe cite, à différentes re-
prises et toujours avec éloge , Hippocrate nominativement ;
et le soin même qu’il a d’invoquer l'autorité du médecin de
Cos, montre qu'il était familier avec ses écrits. On lit dans
le Phèdre : « SOCRATE.— Penses-tu qu’on puisse compren-
« dre, jusqu’à un certain point, la nature de l'âme, sans étu-
« dier la nature de l’ensemble des choses? PHÈDRE. — Si
« l’on en croit Hippocrate, le fils des Asclépiades, on ne peut
« comprendre même la nature du corps sans celte méthode.
« SOCRATE.— C’est très bien, mon ami, qu'Hippocrate s’ex-
« prime ainsi. Mais, outre Hippocrate , il faut interroger la
« raison , et examiner si elle s'accorde avec lui. PHÈDRE.—
« Sans doute. SOCRATE. — Vois donc ce que Hippocrate οἱ
« Ja raison pourraient dire sur la nature. Quel que soit lob-
« jet dont on s'occupe, n'est-ce pas de la manière suivante
« qu'il faut procéder : examiner d’abord si l’objet sur lequel
« nous voulons nous instruire et instruire les autres, est sim-
« ple ou composé ; ensuite, dans le cas où il serait simple ,
« considérer quelles sont ses propriétés, quelle action il
296 INTRODUCTION.
« exerce sur les autres substances , où quelle action il en re-
« çoit; enfin, dans le cas où il serait composé , en compter
« les éléments, et faire, pour chacun de ces éléments, ce:
« qui avait été fait pour l’objet simple, c’est-à-dire, l’étu-
« dier à l’état actif et à l’état passif 1. »
J'ai transcrit ce long morceau de Platon parce qu’il est
indispensable pour juger la discussion dans laquelle je vais
entrer. Pesons d’abord exactement les éléments de la ques-
tion, et voyons ce que comportent les termes dont s’est servi
le philosophe athénien. Platon ne nous donne pas le titre
d’un écrit d'Hippocrate ; il ne dit ni ne fait entendre que son
allusion soit tirée de quelque livre qui ait été intitulé sur la
Nature de l'homme ; il se borne à rappeler qu'Hippocrate ἃ
exprimé l'opinion qu’on ne peut bien étudier le corps, sans
embrasser l'étude de la nature dans sa généralité. Il ne faut
donc pas chercher, dans le passage de Platon, l'indication
d'un titre d'ouvrage.
Je ne connais, sur ce point littéraire, que deux opinions,
celle de Galien , qui assure que Platon a voulu citer le traité
de la Nature de l’homme, et celle de quelques modernes qui
1 ΣΩ : Ψυχῆς οὖν φύσιν ἀξίως λόγου κατανοῆσαι οἴει δυνατὸν di
ναι ἄνευ τῆς τοῦ ὅλου φύσεως : DAT : Εἰ μὲν Ἱπποχράτει τε τῷ τῶν
᾿Ασχληπιαδῶν δεῖ τι πείθεσθαι, οὐδὲ περὶ σώματος ἄνευ τῆς μεθόδου
ταύτης. ΣΩ : Καλῶς γὰρ, o ἑταῖρε, λέγει. Χρὴ μέντοι, πρὸς τῷ Ἵππο-
χράτει τὸν ΚΟΡῈ ἐξετάζοντα, σχοπεῖν εἰ συμφωνεῖ. ΦΑΙ͂ : Φημί. ΣΩ :
Τὸ τοίνυν περὶ Rise σχόπει τίποτε λέγει Ἵψμπποχράτης τε χαὶ ὃ ἀλη-
ΕΥ
\
θὴς λόγος. A οὐχ. ὧδε χρὴ διανοεῖσθα! περὶ δτουοῦν φύσεως; πρῶτον
Fe
μὲν, ἁπλοῦν ἢ πολυειδές ἐστιν, οὗ πέρι βουλησόμεθα. εἶναι αὐτοὶ τε-
ἈΠΕ χαὶ ἄλλους δυνατοὶ ποιεῖν, ἔπειτα δὲ, ἐὰν μὲν ἁπλοῦν ἢ, σχοπεῖν
τὴν δύναμιν αὐτοῦ, τίνα πρός τι πέφυχεν εἷς τὸ δρᾶν ἔχον, ἢ τίνα εἷς
τὸ παθεῖν ὑπό του; ἐὰν δὲ πλείω εἴδη ἔχη, ταῦτα ἀριθμησάμενος,
ὅπερ ἐφ᾽ ἑνὸς, τοῦτ᾽ ἰδεῖν ἐφ᾽ ἕχαστον, τὸ, τί ποιεῖν αὐτὸ πέφυχεν͵ ἢ;
τὸ τί παθεῖν ὑπό του. Platon , tome vais, p. 62, Ed. Tauchn.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 297
pensent que le livre d'Hippocrate auquel le philosophe athé-
nien fait allusion, est perdu, et l’est depuis une époque an-
térieure à Galien. Cette discussion est de la plus haute im-
portance dans l’histoire littéraire d'Hippocrate; en effet , il
s’agit, dans la liste fort restreinte des écrits authentiques, de
retrouver un traité dont Platon ἃ invoqué Pautorité.
Galien a prétendu que le passage du Phèdre se rapportait
au traité de la Vature de l’homme, et c’est son grand argu-
ment pour soutenir l'authenticité de cet écrit. « Tous les mé-
« decins, dit-il, excepté un petit nombre, croient que le
« traité de la Nature de l’homme est d'Hippocrate. Platon
« lui-même a connu ce traité. Car on lit dansle Phèdre: Pen-
« ses-tu qu'on puisse connaître quelque peu la nature de
« l’âme sans connaître celle de l’universalité des choses ? s’il
« faut croire Hippocrate, fils des Asclépiades, on ne peut
« pas même connaître le corps sans cette méthode. Après ce
« passage , ceux qui parlent au hasard, doivent rechercher
« dans quel livre d’'Hippocrate est consignée la méthode que
« loue Platon ; et ils verront qu’elle ne se rencontre dans
« aucun autre livre que dans celui sur la Nature de l’hom-
«mel. » On voit quel est l'argument de Galien : la méthode
attribuée par Platon à Hippocrate ne se trouve dans aucun
livre de la Collection, excepté ce traité ; done il est celui au-
quel Platon fait allusion. D'abord remarquons, ainsi que je
lai déjà dit plus haut , qu’il ne s’agit pas dans le passage du
Phèdre d'un titre de livre. Par conséquent il importe peu
que le traité où Galien croit retrouver lallusion de Platon,
soit intitulé sur la Nature de l’homme. s
Le médecin de Pergame ajoute que la méthode iouée par
Platon est observée dans ce traité; cela est vrai jusqu’à un
* Gal., tome v, p. 2, Ed. Basil.
298 INTRODUCTION.
certain point ; mais, n’en déplaise à Galien, cela est vrai aussi
pour d’autres traités, où l’auteur énumère les éléments con-
stitutifs du corps humain. Et d’ailleurs , il ne s’agit pas uni-
quement dans le passage du Phèdre de cette méthode ; mais
il s’agit aussi de l'opinion d’Hippocrate sur la nécessité d’em-
brasser la généralité de la nature pour étudier convenable-
ment le corps. Or, rien de cela ne se lit dans le traité que
Galien avait pris sous sa protection; et la seule phrase un
peu générale que ce traité renferme est celle où l’auteur
dit : « Ceux qui sont habitués à entendre sur la nature de
« l’homme des raisonnements qui dépassent les relations de
« cette étude avec la médecine, ne seront pas satisfaits de
« mon discours 1. » Or, il n'y ἃ rien là qui rappelle , même
de loin, le passage de Platon.
Parmi les critiques modernes, ceux qui, ne suivant pas
aveuglément Galien, ont voulu comparer eux-mêmes le
Phèdre et le traité de la Nature humaine, se sont convain-
cus que ce passage et ce traité n’ont rien de commun. Mais
ils n’ont pas étendu plus loin leurs recherches, et ils ont ad-
mis que le livre d’'Hippocrate auquel Platon faisait allusion ,
avait péri dès avant Galien. Mais cette conséquence est-elle
Juste ? je ne le pense pas; et je vais essayer de le démontrer
au lecteur. On voit que , depuis Galien, ce point d'histoire
littéraire n’a point sérieusement occupé les critiques; c’est
une raison de plus pour que j'en discute minutieusement
tous les éléments; et peut-être en résultera-t-il la preuve
qu’une étude attentive des textes peut encore, même après
les excellents travaux de nos devanciers, jeter un jour mat-
tendu sur des questions qui avaient été abandonnées.
σ A! " - , LA ᾿ - -
7 Ὅστις. μὲν εἴωθεν ἀχούειν λεγόντων ἀμφὶ τῆς φύσιος τῆς ἀνθρω-
” L4 ΕΟ. , LA À
πίνης προσωτέρω À ὅὁχόσον αὐτέης ἐς ἰητρικὴν ἀφήχει, τουτέῳ μὲν
οὐχ ἐπιτήδειος ὅδε ὃ λόγος ἀχούειν. De Nat. hum., p.19, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 299
ΠΥ ἃ, dans la Collection hippocratique , deux passages
relatifs à la nature de l’homme et à la nature des choses :
c’est avec ces deux passages qu’il faut confronter le texte de
Platon. En effet, le philosophe athénien n’a point cité les
propres paroles d’Hippocrate; mais 1] s’est inspiré d’une
pensée qu’il avait rencontrée dans les écrits du médecin,
qui l'avait frappé, et qu'il avait retenue. C’est donc unique-
ment de cette pensée qu'il s’agit; c’est elle qu’il faut retrou-
ver; et, s’il ἃ des passages dans la Collection hippoeratique
qui renferment une idée analogue , c’est là seulement qu’on
peut espérer de reconnaître l’allusion de Platon. Le cercle de
toute recherche y est strictement limité.
Le premier de ces passages est dans le traité sur le Régime;
on y lit : « Celui qui veut écrire convenablement sur le ré-
« gime doit, avant fout , connaître et discerner la nature de
« tout l’homme, c’est-à-dire, connaître de quels éléments
« l'être humain ἃ été formé d’abord, et discerner quelles
« parties y dominent. Car, s’il n’apprend pas la composition
« primordiale du corps et les parties qui y dominent , il ne
« pourra pas donner de directions utiles. Après avoir appro-
« fondi ces connaissances, l'écrivain étudiera les proprié-
« tés, tant naturelles que produites par la force de l'art, des
« aliments et des boissons... Cela fait, le soin de la santé
« de l’homme n’est pas encore complet; car l’homme ne
« peut pas, en mangeant, se bien porter, s’il ne s'exerce en
« même temps. La nourriture et l'exercice ont des proprié-
« tés opposées... Ce n’est pas tout : il faut apprendre le rap-
« port exact des exercices avec la quantité des aliments, avec
« la nature de l'individu , avec l’âge, avec la saison , avec
« les changements des vents, avec la situation des localités ,
« avec la constitution de l’année. On observera aussi le lever
« et le coucher des constellations , afin de savoir se prému-
300 INTRODUCTION.
« nir contre les mutations et les influences quelquefois ex-
« cessives de la nourriture , de l'exercice, des vents et du
« monde entier; mutations et influences qui engendrent les
« maladies 1. »
J'ai dit un peu plus haut, mais sans en apporter immédia-
tement la preuve, que la méthode attribuée par Platon à
Hippocrate, où Galien n’a vu que l'étude des objets dans
leurs éléments, et qu’il dit ne se trouver que dans le traité
sur la Nature de l’homme, se rencontrait dans d’autres
écrits de la Collection hippocratique. Le passage que je
viens de transcrire du livre du Régime en offre un exemple
entre plusieurs autres; et ainsi, en cela même , l'argument
de Galien n’est pas concluant.
Ν
" Φημὶ δὲ δεῖν τὸν μέλλοντα ὀρθῶς ξυγγράφειν περὶ διαίτης ἀνθρω-
πίνης; πρῶτο
A / 7 Ya) - Ν “- o\ La Α /
γνῶναι | μὲν ; ἀπὸ τινῶν συνεστῆχεν ες τ δ Ἢ οιαγνωναᾶι ος, ὑποτι-
ον υὲν παν τὸς φύσιν ἀνθρώπου γνῶναι χαὶ διαγνῶναι "
νων μερῶν AT Εἰ μὴ γὰρ τὴν ἐξ ἀρχῆς σύστασιν ἐπιγνώσεται,
χαὶ τὸ ἐπιχρατέον ἐν τῷ σώματι, OÙ χ οἷός τε εἴη τὰ Es τῷ
ἀνθρώπῳ προσενεγχεῖν - ταῦτα μὲν οὖν χρὴ γινώσχειν τὸν ξυγγρά-
X - - T !
φοντα μετὰ δὲ ταῦτα, σίτων χαὶ ποτῶν ἁπάντων,, οἷσι διαιτώμεθα,
Ν (°4 c ΕΣ \ A \ f1 \ \ N:S αν
δύναμιν ἥν τινα ἕχαστα ἔχει, χαὶ τὴν χατὰ φύσιν, χαὶ τὴν δι᾽ ἀνάγ-
\
χὴν χαὶ τέχνην ἀνθρωπίνην. . . . . . Γνόντι δὲ τὰ εἰρημένα οὔχω aù-
# _s
τάρχης À θεραπείη τοῦ ἀνθρώπου. διότι οὐ δύνατα! ἐσθίων ὃ ἄνθρωπος
« “ A \ \ , € / \ \ LE ΄' “ \
ὑγιαίνειν, Av μὴ καὶ πονέη: ὑπεναντίας μὲν γὰρ ἀλλήλοισιν ἔχει τὰς
S 4 ! \ / “ai 3 4 - 32 94 \ \
δυνάμεις σιτία καὶ πόνοι.... Καὶ où μόνον ταῦτα, ἀλλὰ χαὶ τὰς συμ.-
LA ’ LA -Ὁἄ -- -; , \ X
μετρίας, τὰ TE μέτρα τῶν πόνων πρὸς TO πλῆθος τῶν σιτίων χαὶ τὴν
4 ῳὠἨ 5 LA τ = \ x À
φύσιν τοῦ ἀνθρώπου, χαὶ τὰς ἡλιχίας τῶν σωμάτων, καὶ πρὸς τὰς
d Ἐξ Ἂν | - -“ / \
ὥρας τοῦ ἐνιαυτοῦ, χαὶ πρὸς τὰς μεταύδολὰς τῶν πνευμάτων , χαὶ
A \ , LS LT - ’ \ ,
πρὸς τὰς θέσεις τῶν γωρίων ἐν οἷσι διαιτέονται, πρός τε τὴν χατα-
εοἬ5 πὸ ΝΥ 7 Le
στασιν τοῦ ἐνιαυτοῦ. Ἄστρων τε ἐπιτολὰς χαὶ δύσιας γινώσχειν δεῖ
d Cr 56 \ \ \e PA 4 ΄ A ,
οχὼς ἐπίστηται τὰς μεταθολὰς χαι υπεροολᾶς φυλάσσειν > Χχαὶ σιτίων,
Sr ι ἐξ ; > τ μὲν ΝΕ
ZA πόνων; χαὶ πνευμάτων, χαὶ τοῦ ὅλου χόσμου, ἐξ ὧν περ αἵ νοῦ-
- LA 0 - ,
σοι τοῖσιν ἀνθρώποισι φύονται. Du Regime, iv. F, au commence-
ment.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 301
L'auteur de ce morceau expose desidées générales sur la
nature de l’homme, sur les rapports qu’elle ἃ avec les sub-
stances extérieures et avec les mfluences du monde entier ;
et en cela il est conforme à ce qui en est dit dans le Phédre ;
mais On ΠὟ trouve pas énoncée la nécessité d’études dont la
généralité ait pour terme l’étude du corps. « Pour établir le ré-
« gime, dit l’auteur hippocratique, il faut connaître l’homme,
«les éléments qui le composent et les influences qu’il su-
« bit. » Mais, suivant Platon , Hippocrate a dit : « Pour con-
« naître l'homme , il faut embrasser l’universalité des choses
« qui l'entourent. » C’est là la méthode attribuée par Phèdre
à Hippocrate, et cette méthode ne se trouve pas dans le pas-
sage du traité du Régime. Dans ce passage, l’idée est juste,
elle exprime que l'étude du régime ne peut se séparer de la
connaissance de l’homme et des choses extérieures. Or, sui-
vant Platon, Hippocrate a dit que l'étude de l'hommene peut
se passer de la connaissance de l’universalité des choses ; pen-
sée toute différente et plus profonde. La ressemblance entre
le passage du traité du Régime et la citation de Platon , est
donc plus dans les mots que dans le sens ; je abandonne
complètement.
Le second passage qui me reste à confronter avec le
Phèdre, se trouve dans le traité de l Ancienne médecine. Le
voici textuellement traduit : « Quelques-uns disent, sophistes
«et médecins , qu'il n’est pas possible de savoir la médecine
« sans savoir ce qu'est l'homme ,/et que celui qui veut pra-
«tiquer avec habileté l’art de güérir , doit posséder cette
« connaissance. Mais leurs discours ont la direction philo-
« sophique des livres d’Empédocle et des autres qui ont
« écrit sur la nature humaine, et exposé dans le principe ce
« qu'est l’homme , comment il a été formé d’abord , et d’où
« provient sa composition primordiale. Pour moi, je pense
302 INTRODUCTION.
« que tout ce que sophistes ou médecins ont dit ou écrit sur
« la nature, est moins relatif à l’art de la médecine qu’à
« Vart du dessin. Je pense encore que c’est par la médecine
« seule que l’on arrivera à quelques connaissances positives
«sur la nature humaimé; mais à condition d’embrasser
«la médecine même dans sa véritable généralité ; sans cela ,
«il me semble qu’on est bien loin de telles connaissances ,
«je veux dire de savoir ce qu’est l’homme, par quelles
« causes il subsiste, et le reste exactement. Ainsi, je crois
« fermement que tout médecin doit étudier la nature hu-
«maine et rechercher soigneusement, s’il veut pratiquer
« son art convenablement, quels sont les rapports de l’homme
« avec ses aliments, avec ses boissons, avec tout son genre
« de vie, et quelles influences chaque chose exerce sur
« chacun î. »
‘ Λέγουσι δέ τινες χαὶ ἰητροὶ χαὶ σοφισταὶ ὡς οὐχ ἔνι δυνατὸν ἰη-
\ 29/ d ΔΝ ΠῚ » \ “ > A - >
τρικὴν εἰδέναι ὅστις μὴ oldev ὅ τι ἐστὶν ἄνθρωπος + ἀλλὰ τοῦτο δεῖ χα-
ταμαθεῖν τὸν μέλλοντα ὀρθῶς θεραπεύσειν τοὺς ἀνθρώπους. Τείνει δὲ
αὐτοῖς ὅ λόγος ἐς φιλοσοφίαν, καθάπερ ᾿Εμπεδοχλῆς À ἄλλοι où περὶ
φύσιος γεγράφασιν ἐξ ἀρχῆς ὅ τι ἐστὶν ἄνθρωπος, καὶ ὅπως ἐγένετο
- \ 1 , ἜΣ 4 où ΄ \ [4 ὶ ΝΥ
πρῶτον͵, χαὶ δπόθεν συνεπάγη. 1 δὲ τουτέων μὲν ὅσα τινὶ εἴρηται
Sa ἢ ἰητρῷ, À γέγραπται περὶ Pre ἧσσον νομίζω τῇ ἰητρικῇ
τέχνη προσήχειν ἢ τὴ γραφικῇ. Νομίζω ὃ δὲ περὶ φύσιος γνῶναί τι σα-
φὲς οὐδαμόθεν ἄλλοθεν εἶναι ἢ ἐξ ἰητρικῆς" τοῦτο GE οἷόν τε χατα-
= EU ἘΞ / / ai
μαθεῖν, ὅταν αὐτήν τις τὴν ἰητρικὴν ὀρθῶς πᾶσαν περιλάόη" μέχρι δὲ
LA τὦο a LA So = LA n\ A ε ΄, 5.7
τουτέου, πολλοῦ μοι δοχέει δεῖν: λέ ἴω δὲ τὴν ἰρερρίην ταύτην εἰδέναι
ἄγθραορ τί ἐστι, χαὶ δι᾽ οἵας αἰτίας γίνεπσ, χαὶ τἄλλα ETES
Ἔπεί τοί ΕΣ μοι δοχέει ETS εἶναι παντὶ ἰητρῷ περὶ φύσιος εἰδέ--
ναι, χαὶ πάνυ σπουδάσαι, ὡς εἴσεται, εἴπερ τι μέλλει τῶν δεόντων
\ 4 A d
ποιήσειν, ὃ τι ἐστὶν ἄνθρωπος πρὸς τὰ ἐσθιόμενα χαὶ πινόμενα, καὶ ὃ
/ “ἢ
τι πρὸς τἄλλα ἐπιτηδεύματα, καὶ ὅ τι ἀφ᾽ ἑχάστου ἑκάστῳ συμδήσεται.
Ceux qui compareront cetexte avec le texte ordinaire y trouve-
ront de très grandes différences.Jene l’aiadmis tel qu’il est là que sur
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 303
Comprenons bien le sens de ce morceau d'Hippocrate :
certains médecins et sophistes prétendent qu’on ne peut sa-
voir la médecine sans connaître la nature de l'homme; Hip-
pocrate retourne cette pensée, et dit qu’on ne peut connaître
la nature de l’homme , si l’on ne sait pas la médecine. Pour
y arriver , il faut embrasser cette science dans sa véritable
généralité. Cette généralité, c’est l'étude de l’homme, en ce
sens que c’est l'étude de ses rapports avec ce qui l'entoure,
et que c’est de cet ensemble que le médecin doit tirer les
détails d'application, c’est-à-dire apprendre comment le
corps humain se comporte à l'égard des aliments , par
exemple, et quel effet il reçoit de chaque substance. Phèdre
donne le nom de méthode à la doctrine d’Hippocrate sur ce
point. Une méthode est en effet tracée dans le passage pré-
cédemment cité de lAncienne médecine. Hippocrate se met
au point de vue des connaissances qu’embrasse cette science,
et des rapports qu’elle observe entre l'homme et le reste des
choses , pour considérer le corps, et déclarer qu’on n’ob-
tiendra sur cet objet des notions positives que par la mé-
thode qu’il dique. Et c’est si bien une méthode , qu’il ne la
trace que pour l’opposer à celle des anciens philosophes.
Eux ont pris l'homme et ont essayé d’en expliquer la com-
position à l’aide des principes qu’ils admettaient comme
causes de toutes choses; lui, demande qu’on procède autre-
ment, qu'on embrasse, dans sa véritable généralité, la mé-
decine , c’est-à-dire la science des rapports du corps humain
avec les objets qui l'entourent, et que, de cette comparaison,
l'autorité d’un manuscrit, La lacune très importante et non soup-
_çonnée que ce manuscrit m’a permis de faire disparaître, est une des
bonnes fortunes qui ont récompensé le labeur, continué pendant
plusieurs années, de la collation de tous les manuscrits hippocrati-
ques que renferme la Bibliothèque royale de Paris.
304 INTRODUCTION.
on tire les conséquences scientifiques qui en découlent : as-
surant que c’est là la seule voie, la seule méthode, comme
dit Platon, qui puisse donner des notions positives sur le
corps.
Toute la portée de la pensée d’Hippocrate est dans son
opposition avec la doctrine des philosophes qui voulaient qu'on
itudiàt l'homme en soi, pour en déduire, dans le cas particu-
lier de la médecine, les règles de l’art. Hippocrate s’arrache
à cette doctrine; et il demande que les études, au lieu de par-
tir de l’homme, y aboutissent. La différence est capitale ;
elle ἃ frappé Platon. Aussi il répète, à son tour, qu'il faut
étudier l'âme dans tous ses rapports avec le reste de la na-
{ure pour en avoir une conception juste et complète, et il
ajoute que cette méthode doit d'autant plus être suivie à l’é-
gard de l'âme , que le corps, moins difficile à connaître, ne
peut cependant, au dire d'Hippocrate, être , sans elle , ni
étudié convenablement , ni connu, ni apprécié. Le philosophe
a appliqué à la psychologie l’idée profonde et étendue à la
fois que le médecin s'était faite de l'étude de la physiologie.
Et dans Hippocrate, ce n’est pas une pensée fortuite ,
jetée en passant dans le cours d’un livre, car ce livre
tout entier est une longue polémique contre les philo-
sophes et les médecins de son temps. Il met sa doctrine
en relief, et l’on conçoit d’autant mieux qu’elle ne soit
pas restée inaperçue de Platon; car elle est fondamen-
tale, exprimée avec gravité, et d’un ton propre à attirer
lattention. Elle secoue tout le dogmatisme qui reposait sur
la considération de la composition hypothétique du corps
humain , et déclare hardiment qu’il faut renoncer à étudier
le corps en lui-même; qu'il faut y voir, non un point de dé-
part, mais un centre, et en chercher la connaissance aussi
bien dans l'action du reste des choses que dans sa propre
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 305
constitution. C’est une pensée analogue à celle que Bacon a
exprimée en disant que personne ne peut découvrir la nature
d’une chose dans cette chose elle-même, mais que la re-
cherche doit s'étendre à des objets plus généraux.
Il y ἃ en outre, dansçe passage, un sentiment profond de
la réalité des choses, et, par conséquent, la haine des hy-
pothèses gratuites. Evidemment , Hippocrate a compris que
les propriétés du corps vivant ne pouvaient être déduites, ἁ
priori, des suppositions qui avaient été faites sur la consti-
: tution présumée de ce même corps, mais qu’elles devaient
être trouvées , expérimentalement , à posteriori, par l’exa-
men des actions que chaque chose produit en lui ( ὅ,τι ἀφ’
ἑχάστου ἑκάστῳ συμβήσεται). Il ne veut pas que, pour appren-
dre la médecine, on apprenne ce qu'est l’homme suivant la
direction philosophique d’Empédocle et des autres; mais il
veut que, pour apprendre ce qu'est l’homme, on étudie
quels sont les rapports du corps vivant avec les aliments, les
boissons, et tout le genre de vie; et c’est de cette façon ,
dit-il, qu’on apprendra ce qu'est l’homme, et par quelles
causes il subsiste (ἄνθρωπος τί ἐστι, καὶ δι᾽ οἵας αἰτίας γίνεται).
Fermeté et rectitude admirables d’un grand esprit qui ne se
laisse séduire par aucune fausse hypothèse, et qui , captivé
par la contemplation de la nature, recommande de l’inter-
roger , et non de la deviner.
J'ai prévenu, dès le commencement, en disant que la cita-
tion de Platon n’est pas textuelle, une objection que l’on est
disposé à faire en voyant que les expressions du philosophe :
la nature de l’ensemble des choses (τῆς τοῦ ὅλου φύσεως) ne se
trouvent pas dans le passage du livre de l’AÆncienne médecine
auquel, suivant moi, le Phèdre fait allusion. C’est ici le mc-
ment d'y revenir; car, au point où la discussion est arrivée,
on comprendra sans peine que Platon n’a nullement cité les
TOM. 1. 20
306 INTRODUCTION.
propres termes d’Hippocrate. Dans le Phèdre, Socrate, après
avoir dit que Périclès devait sa supériorité comme orateur
aux leçons d’'Anaxagore , qui l’avait entretenu des phéno-
mènes de la nature, ajoute que la haute éloquence ne peut
guère se passer de la contemplation de ces merveilles. 1]
compare alors Part de la parole à la médecine, disant que,
de même que la nature du corps doit être connue du méde-
cin, de même la nature de l'âme doit l'être de l’orateur , si
l'un et l’autre veulent exercer leur art avec des lumières
meilleures que celles de l'empirisme et de la routine. Puis il
demande à son interlocuteur si l'or peut comprendre la nature
de l’âme sans celle de l’ensemble des choses. On voit que ses
idées se suivent, et que ce sont Anaxagore et Périclès qui lui
ont suggéré son opinion sur l’éloquence, et, par un enchaï-
nement naturel, sur l’étude de l'âme. Phèdre lui répond que
l'étude même du corps n’est possible que d’après cette mé-
thode, si l’on en croit Hippocrate. C’est donc une méthode
seulement, et non une expression du médecin de Cos , que
Platon cite, méthode qui consiste à ramener l’étude de toute
chose vers le corps humain pour en comprendre la nature.
Or que trouvons-nous dans le passage de l’ Ancienne méde-
cine? une méthode, et justement la méthode indiquée par
Platon. Ainsi le philosophe athénien n’a pas emprunté ces
mots : la nature de l’ensemble des choses, à Hippocrate : le
texte même le montre; et les propres paroles de Platon , et
le sens qu’elles renferment, tout concourt pour rapporter le
passage du Phèdre au traité de l Ancienne médecine.
Une difficulté reste encore à lever dansie passage de Platon.
Il én est des recherches de la critique comme desrecherches
de la médecine légale. Il faut noter toutes les circonstances ;
les plus petites, les plus insignifiantes au premier abord , ou
même les plus inexplicables , donnent, si l'on parvient à en
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 307
déterminer avec exactitude les tenants et les aboutissants ,
des clartés tout à fait mattendues sur l’objet caché que l’on
essaye de découvrir. J'ai donc pensé que ce qui, dans le
texte de Platen, faisait difficulté, devait non seulement s’ex-
pliquer, mais encore tourner à la confirmation du point
d'histoire littéraire que j'avais établi plus haut.
La difficulté gît dans ces paroles de Platon : vois donc ce
qu'Hippocrate et la raison pourraient dire sur la nature
(Σκόπει τί ποτε λέγει “rnoxpdrnc τε χαὶ 6 ἀληθὴς λόγος) : ἃ la
suite de quoi, Platon expose comment on doit étudier la na-
ture d’un objet quelconque. Or ce détail n’est pas, textuelle-
ment du moins, dans le traité de l’Ancienne médecine ; c’est
un fait, et loin de le nier, je le constate. Si donc ces mots :
(Σκόπει τί ποτε λέγει ‘Innoxpdrns τε χαὶ 6 ἀληθὴς λόγος) annon-
centunecitation textuelle d’Hippocrate, comme cette citation
ne se trouve ni dans le traité de lAncienne médecine ni ail-
leurs, tout ce que j'ai établi tombe, et nous avons perdu
le livre auquel Platon fait allusion. Mais je maintiens que
cé n’est pas une citation textuelle, et je vais le démontrer
par le passagé même de Platon.
Il y a dans ce passage trois points : 1° la méthode d’'Hip-
pocrate ; 22 l'intention de soumettre cette méthode au juge-
ment de la raison ; 3 l’annonce de ce que diront Hippocrate
et la raison. Ainsi ce que vont dire Hippocrate et la raison ,
est ce jugement même porté sur la méthode. Par là Platon
indique que ce développement, qu'il attribue simultanément
à Hippocrate et à la raison, n’est pas du médecin de Cos,
mais que c’est lui, Platon, qui examine et juge la valeur de
la proposition d’Hippocrate.
C’est pour répondre à cette pensée de Platon que j'ai tra-
duit : vois donc ce qu'Hippocrate et la raison pourraient
dire sur la nature. Cette traduction fait sentir que ce qui va
308 INTRODUCTION.
être dit est, non pas une citation d'Hippocrate, mais un dé-
veloppement de sa pensée.
Tous les traducteurs que j'ai consultés ont rendu autre-
ment ce membre de phrase ; ils ont mis : vois ce que disent
Hippocrate et la raison. Cette traduction ne répond pas au
sens même du texte, et donne du louche à tout le morceau ;
en effet, elle porte à croire que ce qui va être dit est tex-
tuellement emprunté à Hippocrate; alors il est impossible de
comprendre comment Platon, qui veut soumettre une pro-
position d’'Hippocrate au jugement de la raison, cite Hippo-
crate lui-même en garantie.
En effet, on a négligé une petite observation grammati-
cale qui aurait pu remettre sur la bonne voie. Le Grec ne dit
pas : τί λέγει Ἵπποχράτης τε χαὶ ὃ ἀληθὴς λόγος, mais : τί ποτε
λέγει. Il y ἃ là une nuance qui n’a pas été saisie. La particule
explétive n’est jamais inutile ; parfois, il est vrai, la distinc-
tion est si fugitive, qu’une traduction l’omettra sans incon-
vénient, mais d’autres fois elle ne peut être négligée impu-
nément ; ici eile donne à la phrase une signification dubitative
dont il faut tenir compte, et que j'ai indiquée dans ma tra-
duction en disant : vois donc ce qu’ Hippocrate et la véritable
raison pourraient dire sur la nature. De cette façon , ce qui
va être dit est simplement un développement de la proposi-
tion d’Hippocrate, une explication dela méthode, explication
que la raison approuve et confirme. La nuance que je si-
gnale ici n’est même pas aussi délicate qu’elle le paraît au
premier abord. En effet, du moment que l'attention est ap-
pelée sur ce point, on reconnaît qu’il y a une difficulté in-
aperçue des traducteurs, mais difficulté réelle, pour savoir
comment Platon entend soumettre la méthode d'Hippocrate
au jugement de la raison, tout en invoquant simultanémerit
le témoignage d’Hippocrate et de la raison. Mettez : vois ce
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 309
que disent Hippocrate et la raison, la difficulté est palpable, et
le sens est troublé. Mettez : vois ce que pourraient dire Hip-
pocrate et larason, lesens estnet, et tout se lie et s’explique.
Ce n’est pas tout : le passage de Platon ne devient clair et
intelligible que par le passage d’Hippocrate. En effet , écar-
tons pour un moment le souvenir de la doctrine du médecin,
et considérons en lui-même le raisonnement du philosophe.
Il commence par poser qu’on ne peut connaître l’âme ou le
corps sans l'étude de l’ensemble des choses. Il faut s'arrêter
à cette pensée, qui est pleine de grandeur, et essayer de la
comprendre, sans tenir aucun compte du commentaire qu’y
joint Platon. Le sens le plus naturel qu’elle comporte paraît
être que, l'âme et le corps étant des parties d’un grand tout,
la connaissance du tout est indispensable à la connaissance
des parties. C’est la première interprétation qui se présente à
l'esprit. Mais de quelle manière Platon commente-t-il Iui-
même cette pensée? Suivant lui, cela veut dire que, pour
étudier la nature d’une chose, du corps ou de l'âme, par
exemple , il faut rechercher si elle est simple ou composée ,
et quelles sont les actions qu’elle exerce ou qu’elle reçoit. La
pensée et le commentaire sont fort éloignés l’un de Pautre ;
étudier l’ensemble des choses pour connaître la nature d’un
objet, et étudier les actions que cet objet exerce ou reçoit ,
ne semblent pas deux propositions dérivées l’une de l’autre
par un enchaînement immédiat. L'étude de l’ensemble des
choses ne peut signifier l'étude des actions qu’exerce ou que
reçoit un objet, qu’autant que cette doctrine est expliquée.
Or, rien de plus clair que cette explication, du moment
qu’on ἃ lu le livre de l_ Ancienne médecine. Du temps d’'Hip-
pocrate, on prétendait qu’il n’était pas possible de connaître
la médecine sans savoir ce qu'était l'homme. Hippocrate ré-
pond à ceux qui avaient cette opinion : « Je pense , au con-
310 INTRODUCTION.
« traire, qu’on ne peut savoir ce qu’est l'homme sans con-
« naître la médecine, L’homme est composé d’humeurs mul-
« tiples et d'organes; chaque humeur , chaque organe ἃ son
« action particulière, et est en outre en relation avec les
« influences très diverses des aliments, des boissons, et de
«tout ce qui entoure l'homme. Ainsi, pour connaître la
« nature de l’homme , étudiez tout ce qui a action sur lui. »
Voilà comment Hippocrate entend que l’étude du corps est
fondée sur l'étude de l’ensemble de la nature ; voilà aussi
(rapprochement frappant) de quelle manière l'entend Pla-
ton. Il est, certes, impossible d'obtenir une plus juste con-
cordance, et de jeter plus de lumière sur un raisonnement
peu développé. Le texte d’Hippocrate est le meilleur com-
mentaire du texte de Platon.
Ainsi, non seulement j'ai expliqué les difficultés qui nais-
saient des paroles mêmes du Phèdre, mais encore j'ai éclairei
le texte du philosophe athénien, et j'ai dissipé l'obscurité
qu'y présentait le raisonnement philosophique. Les diffi-
cultés se sont donc tournées en éclaireissements nouveaux
et inattendus d’un passage de Platon; et c’est de toutes les
preuves la meilleure peut-être à donner , que j'ai rencontré
juste en rapportant l’allusion de Platon au traité de l_4n-
cienne médecine.
Si la pensée à laquelle Platon se réfère n’était pas attri-
buée par lui nominativement à Hippocrate, on pourrait hé-
siter, en la retrouvant dans les écrits du médecin, à y
reconnaître l'original que le philosophe athénien a eu sous
les yeux. Mais Platon est explicite : c’est bien dans Hippo-
crate qu'il ἃ lu que la bonne méthode pour étudier le corps
est d'étudier l’ensemble des choses; or c’est aussi dans un
écrit considéré par l'antiquité comme appartenant à Hippo-
crate, que nous refrouvons une pensée identique.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 311
Il est possible d'ajouter quelques remarques qui complé-
tent l'intelligence des rapports qu’a le livre de l Ancienne
médecine avec les doctrines de ce temps. Platon dit dans le
Sophiste : « Vous qui dites que le froid et le chaud, ou deux
« agents semblables, constituent l’'universalité des choses...»
Dans Hippocrate on lit : « Ceux qui prennent pour hypo-
« thèse le chaud, le froid, humide ou le sec, ou tout autre
« agent, attribuent la cause des maladies et de la mort à un
« où deux de ces agents comme à une cause premiére οἱ.
« toujours la même ?. » Je n'insisterai pas sur la similitude
des expressions, quoiqu'il fût possible que Platon les eût co-
piées dans un livre qu'il avait entre les mains; je ne m'’atta-
cherai pas à d’autres locutions identiques , Platon disant
dans ce même dialogue (t.2, p.42, Ed. Tauch.) τῷ ταύτην τὴν
ὑπόθεσιν ὑποθεμένῳ, comme Hippocrate dit ὑπόθεσιν σφίσιν αὐ-
τέοισιν ὑποθέμενοι ; mais je ferai remarquer que la polémique
instituée par Hippocrate contre les sophistes et les médecins
est bien véritablement relative aux questions qui s’agitaient
de son temps. Il combat, on vient de le voir, quelques points
de philosophie que Platon fait combattre à Socrate dans le
Sophiste. De plus il attaque l'application, dans la médecine ,
des doctrines de l'école d'Élée, et plus particulièrement de
Zénon, qui supposait que toutes choses étaient constituées
par le chaud, le froid, le sec et l’humide. Le dialogue le S0-
phiste a quelques analogies avec le traité de Ancienne mé-
. Ὁπόσοι θερμὸν χαὶ Ψυχρὸν ἤ τινε δύο τοιούτω τὰ πάντ᾽ εἶναί
φατε..... Tome τι, p. #1, Ed. Tauch.
2 Ὅχόσοι.... ὑπόθεσιν σφίσιν αὐτέοισιν ὑποθέμενοι τῷ λόγῳ θερ-
νὸν, ἢ ψυχρὸν, ἢ ὑγρὸν, ἢ ξηρὸν, ἢ ἄλλ᾽ ὅ τι ἂν ἐθέλωσιν.... τὴν
ἀρχὴν τῆς αἰτίης τοῖσιν ἀνθρώποισι τῶν νούσων τε χαὶ τοῦ θανάτου
χαὶ πᾶσι τὴν αὐτὴν, ἕν À δύο προθέμενοι. De Vet. Med., p. 4, Ed.
Frob.
312 INTRODUCTION.
dècine ; et je suis porté à croire qu'Hippocrate a été, ici, mis
à contribution par Platon.
Dans ce traité, Hippocrate dit qu'il faut expliquer aux
gens ignorants en médecine les maladies qu’ils éprouvent ,
et qu’on s’écarte de la réalité quand on ne sait pas se faire
comprendre d'eux 1. Cette idée est certainement singulière.
Mais Platon, en plusieurs endroits de ses ouvrages , dit la
même chose : « Le médecin, s’enquérant auprès du malade
«et de ses amis, apprend du patient certains détails, et
« l’instruit sur sa maladie autant que cela est possible. Il ne
« lui fait une prescription qu'après l'avoir persuadé ?. » Ail-
leurs, il représente le médecin conversant avec son malade ,
allant dans ses explications jusqu’à la philosophie, repre-
nant la maladie dès son origine , et développant toute la na-
ture du corps5. On voit que ce que le livre de l’Ancienne
médecine expose touchant le rapport des médecins et des
malades, ἃ son fondement dans des usages établis, qui ont
été mentionnés par Platon.
La comparaison dont je viens de soumettre les éléments
au lecteur, prouve, ce me semble, que Platon avait en vue
le passage pris dans le traité de 1 Ancienne médecine et tout
ce traité lui-même, lorsqu'i citait Hippocrate dans le Phédre.
* Εἰ δέ τις τῶν ἰδιωτέων γνώμης ἀποτεύξεται, χαὶ 1h διαθήσει τοὺς
ἀχούοντας, οὗτος τοῦ ἐόντος ἀποτεύξεται. Ρ. 5, Ed. Frob.
" Τῷ χάμνοντι χοινούμενος αὐτῷ τε χαὶ τοῖς φίλοις, ἅμα μὲν αὐτὸς
μανθάνει τὶ παρὰ τῶν νοσούντων, ἅμα δὲ χαθόσον οἷός τε ἐστὶ διδάσχει
τὸν ἀσθενοῦντα - χαὶ οὗ πρότερον ἐπέταξε πρὶν ἄν πη ξυμπείσῃ. De
Leg., 4 , tome νι, p.134, Ed. Taucbh.
? Νοσοῦντι ὀιαλεγόμενον ἰατρὸν, καὶ τοῦ φιλοσοφεῖν ἐγγὺς χρώμε-
νον μὲν τοῖς λόγοις, ἐξ ἀργῆς τε ἁπτόμενον τοῦ νοσήματος, περὶ φύσεως
πάσης ἐπανιόντα τῆς τῶν σωμάτων. De Leg., 9, tome vi, p. 517,
Ed, Tauch.
ΕἸ
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 319
Il en résulte que ce livre est un des plus authentiques que
nous possédions ; la citation de Platon étant rapportée à sa
véritable place, il ne reste plus aucun doute sur un écrit que
le disciple de Socrate a tenu dans ses mains, ἃ lu et ἃ loué. ἡ
Platon n’a pu en cela ni se tromper, ni être trompé.
Gruner ἃ remarqué que lauteur du traité de lAncienne
médecine S'appuyait, dans toute son argumentation , sur une
doctrine qui admettait des humeurs multiples dans le corps
humain, telles que l’amer, le doux, l'acide, le salé, l’astrin-
gent , etc. , et que cette doctrine était celle d’Alcméorr, phi-
losophe pythagoricien qui ἃ. fleuri au moins 70 ans avant
Hippocrate 1. « Aleméon, dit Plutarque 3, attribue la con-
« servation de la santé au mélange égal des qualités, lhu-
« mide , le chaud, le sec, le froid , l'amer, le doux , ete. ; la
« maladie , à la domination d’une d’entre elles ; car il pense
« que la prépondérance exclusive de l’une d’elles détruit la
« santé. » La doctrine et les mots d’Alcméôn se retrouvent
dans le traité de l’_Ancienne médecine ; c’est au juste mélange
de ces qualités que l’auteur de ce traité attribue la conser-
vation de la santé; c’est dans la prédominance de l’une qu’il
place la cause des maladies ; il se sert, comme Aleméon, du
mot δυνάμιες pour les dénommer. Gruner, qui regarde le traité
de l’ Ancienne médecine comme n’appartenant pas à Hippo-
crate et comme lui étant très postérieur, voit, dans cet em-
prunt de doctrine et de langage, fait à un auteur aussi ancien
qu’Alcméon, un moyen pris par le pseudo-Hippocrate pour
τ Vers l’an 500 avant J.-C.
2 ᾿Ἀλχμαίων τῆς μὲν ὑγείας εἶναι συνεχτικὴν ἰσονομίαν τῶν δυνά-
μεων, ὑγροῦ, θερμοῦ, ξηροῦ, ψυχροῦ, πικροῦ, Yhuxéos , καὶ τῶν λοι-
πῶν " τὴν δ᾽ ἐν αὐτοῖς μοναρχίαν, νόσου ποιητικήν φθοροποιὸν γὰρ
ἑχατέρου μοναρχίαν. Plut. De Plac. Philos., tome v, p. 314, Ed.
Tauchn,
314 INTRODUCTION,
se donner un vernis d’antiquité. Mais il était bien plus na-
turel de croire qu’un écrivain qui empruntait ainsi au phi-
losophe pythagoricien sans le nommer , était lui-même fort
ancien, et qu'Hippocrate s’autorisait d’Aleméon comme Pla-
ton s’autorisait d'Hippocrate lui-même. Au reste, en démon-
trant que Platon avait connu le traité de l Ancienne méde-
cine , j'ai expliqué la conformité qui se trouve entre ce traité
et des livres antérieurs, et je lui ai rendu sa place entre Alc-
méon et Platon.
Je viens, par des témoignages extrinsèques, au milieu
desquels domine celui de Platon, de défendre l'authenticité
du livre de l’Ancienne médecine ; mais ce livre ne doit pas
ètre considéré isolément; il faut maintenant l’examiner
du point de vue du reste de la Collection; car, si, comme
je le crois, les témoignages que j’ai réunis sont assez puis-
sants pour décider la question d'authenticité, ce livre doit,
à son tour, porter des caractères intrinsèques qui le met-
tent en accord avec d’autres livres que l'antiquité a regardés
comme etant véritablement d’Hippocrate.
Je ne parlerai ici ni de la doctrine de la coction, ni de celle
des crises, ni de celle des jours critiques, doctrines dont
l'auteur du livre de l Ancienne médecine fait la base de la
science et qui sont fondamentales dans tout le système
d'Hippocrate; elles ont été professées depuis lui par ses
disciples. Mais j'insisterai sur des connexions plus étroites.
Ainsi il est dit dans le livre de l Ancienne médecine : « Des
« gens qui ont l'habitude de faire, le matin , un repas que
« leur santé exige, viennent-ils à omettre ce repas, ils sont
« pris, dès quel’heure est passée, d’une débilité générale ;
«les yeux jaunissent ; l'urine devient épaisse et chaude ; la
«bouche amère ; tiraillements dans les entrailles, vertiges,
« mauvaise humeur, inhabileté au travail; et avec tout cela,
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 31
« quand ils essayent de manger à heure du second repas ,
« [65 mets leur paraissent moins agréables , ils ne peuvent
« achever ce qui faisait auparavant leur second repas quand
«ils avaient pris le premier ; les aliments, descendant avec
« des tranchées et des gargouillements, échauffent le ven-
« tre ; et le sommeil de la nuit est pénible et plein de rêves
« agités et fatigants 1. »
Maintenant on lit dans le traité du Régime des maladies
aiguës : « Ceux qui ont l'habitude de faire deux repas dans
« Ja journée, s’ils ne font pas celui du matin, sont faibles,
« débiles et mous pour tout travail. Ils souffrent de l’esto-
« mac ; ils éprouvent des tiraillement d’entrailles; l'urine
« devient chaude et foncée; le ventre se resserre; chez
« quelques-uns même la bouche devient amère, les yeux
« deviennent creux , les tempes battent , et les extrémités se
« refroidissent. La plupart de ceux qui ont omis leur repas
« habituel du matin, ne peuvent même manger leur repas
« du soir ; et s’ils le prennent, ils sentent leur estomac chargé,
«et le sommeil est bien plus pénible que s’ils avaient mangé
«1e matin ?. »
Tout, dans ces deux passages, est semblable, l'exemple,
1 Τοῦτο δὲ, ἣν ἀριστὴν μεμαθηχώς vis, καὶ οὕτως αὐτέῳ ξυμφέ--
ρον, μὴ ἀριστήση, ὅταν τάχιστα παρέλθῃ À ὥρη, εὐθὺς ἀδυναμίη
δεινὴ, τρόμος, ἀψυχίη - ἐπὶ τούτοισιν ὀφθαλμοὶ χλορώτεροι, οὖρον
παχὺ καὶ θερμὸν, στόμα πικρὸν, χαὶ τὰ σπλάγχνα οἱ δοχέει χρεμᾶ-
σθαι" σχοτοδινίη, δυσθυμίη,, δυσεργίη. Ταῦτα δὲ πάντα, καὶ ὅταν δει-
πνεῖν ἐπιχειρήση, ἀηδέστερος μὲν ὃ σίτος, ἀναλίσχειν δὲ où δύναται ὅσα
ἀριστιζόμενος πρότερον ἐδείπνει. Tadra δὲ αὐτὰ μετὰ στρόφου τε χαὶ
ψόφου χαταδαίνοντα συγχαΐει τὴν χοιλίην, δυσχοιτέουσί τε χαὶ ἐνυ-
πνιάζονται τεταραγμένα καὶ θορυδώδεα. Page 7, Ed. Froben. Seule-
ment jai corrigé, d’après les manuscrits, les fautes énormes qui dé-
parent ce passage dans toutes les éditions.
2 \ \ L \ , Ὁ e , A A
2 Ἀλλὰ ὑμὴν χαὶ οἵ μεμαθηχότες δὶς σιτέεσθαι τῆς ἡμέρης, ἣν μὴ
316 INTRODUCTION.
l'observation, les expressions ; et les légères différences qu'on
remarque dans les motsprouvent que c’est non pas un homme
qui en copie un autre, mais un auleur qui reproduit, avec
toute liberté de rédaction, une pensée qui lui appartient.
A la suite de ce morceau, l’auteur du traité du Régime
dans les maladies aiguës, dit : «De telles incommodités sur-
« viennent chez les gens bien portants pour un changement
« de régime qui n’embrasse qu'une demi-journée 1. » De
même on lit dans l Ancienne médecine : « Un changement de
« régime, pour une seule journée, pas même entière, pro-
« duit de graves incommodités 3.»
« Je sais, dit l’auteur del Ancienne médecine, qu'il est, pour
« le corps, une grande différence entre un pain de farine
« pure et un pain de farine non blutée, entre un pain de
« farine bien moulue et un pain de farine mal moulue, entre
ἀριστήσωσιν, ἀσθενέες, χαὶ ἄῤῥωστοι, καὶ δειλοὶ ἐς πᾶν ἔργον, καὶ
ni / ὦν \ » , A L 4“. Α \ L
καρδιαλγέες: χρεμᾶσθαι γὰρ δοχέει τὰ σπλάγχνα αὐτέοισι" καὶ οὖ-
΄ ᾿ \ / A e + ᾿Ν , M w Ὁ A
ρέουσι θερμὸν χαὶ χλωρόν * χαὶ ἣ ἄφοδος ξυγχαίεται" ἔστι δ᾽ οἷσι χαὶ
τὸ στόμα πιχραίνεται, χαὶ οἱ δοωθαλμοὶ χοιλαίνονται " χαὶ οἱ χρόταφοι
πάλλονται- χαὶ τὰ ἄχρα διαψύχονται χαὶ οἵ μὲν πλεῖστοι τῶν ἄνη-
, 3 n/ u \ NS o À 1 u
ριστηχότων où δύνανται χατεσθίειν τὸ δεῖπνον * δειπνήσαντες δὲ βαρύ-
νουσι τὴν χοιλίην, καὶ δυσχοιτέουσι πολὺ μᾶλλον ἢ εἰ προηριστήχει-
σαν. Page 571, Ed. Frob.
" Ταῦτα τοιαῦτα γίνεται τοῖσιν ὑγιαίνουσιν ἕνεχεν ἡμίσεος ἡμέρης
διαίτης μεταδολῆς. Page 571, Ed. Frob.
2 Ξυμθαίνει.... παρ᾽ ἡμέρην μίην, χαὶ ταύτην οὐχ ὅλην perabah-
λουσιν, ὑπερφυὴς χαχοπαθείη. Page T, Ed. Froben. Cette édition,
comme toutes les autres sans exception , a où σχολῇ au lieu de οὖχ
ὅλην. OÙ σχολῇ ne peut se comprendre; cette leçon vicieuse est
aussi dans tous les manuscrits, excepté dans 2255 ; et il est remar-
quable combien cette restitution si heureuse concourt avec le texie
du livre sur le Régime des maladies aigues, qui, au lieu de οὐχ
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 317
«un pain pétri avec beaucoup d’eau et un pain pétri avec
« peu d’eau, entre un pain pétri beaucoup et un pain peu
« pétri, entre un pain bien cuit et un pain mal cuit. Il en est
« de même de la farine d'orge 1. » L'auteur du traité du Ré-
« gime dans les maladies aiguës, dit de son côté : « Quels
« différents effets ne produit pas du pain fait avec de la
« farine fine, ou du pain fait avec la farine non blutée,
« quand on change celui dont on use habituellement ; de la
« pâte d’orge ou sèche , ou humide ou compacte, quand on
« change la préparation à laquelle on est accoutumé 2? »
N'est-ce pas le même auteur qui poursuit, dans deux
écrits différents, le même ordre de pensées ?
Veut-on des exemples où les habitudes de l'écrivain se
manifestent ? il est dit dans le traité du Régime des mala-
dies aiguës : « Supposons un homme ayant reçu à la jambe
« une plaie qui ne soit pas très grave, mais qui ne soit pas,
« non plus, insignifianteS.» L'auteur, cette supposition faite,
examine ce qui arrivera à cet homme, il dit que la guérison
sera prompte s’il ne marche pas, mais que, si, après s'être
reposé pendant quatre ou cinq jours , il se met à marcher
ensuite , la plaie guérira moins promptement que s’il avait
marché toujours depuis le premier moment de la blessure.
L'auteur de l’Ancienne médecine dit de la même façon :
« Supposons un homme affecté d’une maladie qui n’est ni
ὅλην, a ἡμίσεος. Ce qui en est l’exacte reproduction, avec cette dif-
férence que c’est un auteur qui répète sa pensée, sans la recopier
textuellement.
τ Page 8, Ed. Frob., sauf les corrections que m’ont données
les manuscrits.
2 Page 372, Ed. Frob.
3 Εἰ γάρ τις ἕλχος λαδὼν ἐν χνήμη », μήτε λίην ἐπίκαιρον, μήτε
λίην εὔηθες ὄν. Page 373, Ed. Frob.
318 INTRODUCTION.
« des plus graves et des plus insupportables, ni, non plus ,
« des plus bénignes 1.» Puis il suppose un homme qui est
d'une constitution ni très robuste, ni très faible , et il achève
la comparaison dela même marière que l’auteur du Régime
des maladies aiguës a achevé la sienne.
Ce sont là des habitudes de raisonner et de s'exprimer,
dont la conformité est si frappante, qu’évidemment c’est le
même homme qui a écrit les traités de lAncienne médecine
et du Régime des maladies aiguës.
Il est dit dans le livre de l Ancienne médecine que les con-
stitutions les plus faibles sont celles qui se ressentent le plus
de leurs écarts de régime , que le faible est celui qui se rap-
proche le plus du malade, et que le malade est encore plus
faible. Puis l’auteur ajoute qu'il est difficile, l'art ne possé-
dant pas une exactitude correspondante, d’attendre tou-
jours le plus haut degré de précision, et que, cependant ,
beaucoup de cas, dont il sera parlé, ne réclament rien
moins que ce degré?. Ces mots : dont il sera parlé, je les
avais laissés long-temps comme une indication incertaine de
quelque travail qu’il était imposible de retrouver dans la Col-
lection hippocratique ; mais aujourd’hui jene doute plus qu’ils
ne se rapportent au traité du Régime des maladies aiguës.
Il est, dans ce traité , une phrase qui correspond tout-à-fait
à ce qui est annoncé dans l’Ancienne médecine ; la voici :
« Je ne vois pas que les médecins sachent comment il faut
« distinguer, dans les maladies, la faiblesse qui provient de
« la vacuité des vaisseaux , celte qui est causée par quelque
* Ἀνὴρ γὰρ χά 4 ire τῶν χαλεπῷ αἱ ἀφόρων
Ἀνὴρ γὰρ χάμνων νοσήματι μήτε τῶν χαλεπῶν τε χαὶ ἀφόρων,
΄ὔ 5 _æ -
UT αὖ τῶν παντάπασιν εὐηθέων. Page 6, Ed. Frob.
“
2 Πολλὰ δὲ εἴδεα χατ᾽ ἰητρικὴν ἐς τοσαύτην ἀχριδίην ἤχει περὶ
ὧν εἰρήσεται. Page 7, Ed. Frob.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 3190
« autre irritation , celle qui est le résultat de la souffrance et
« de l’acuité du mal. » Ce point de doctrine est un de ceux
qui ont occupé particulièrement l’auteur du traité du Régime
dans les maladies aiguës, et il forme aussi l’idée principale
du livre del’ Ancienne médecine. 1] serait trop long d'exposer
ici tous les rapports qui rattachent l’un à l’autre ces deux
ouvrages. Je me contenterai donc, après les passages cor-
respondants que j'ai mis sous les yeux du lecteur, de dire
que ces deux traités ne concordent pas moins dans l’idée
générale qui les a inspirés, que dans ces détails de compo-
sition et de rédaction, et qu’ils appartiennent, l’un et l’autre,
à la même philosophie médicale ; de telle sorte que le livre
du Régime dans les maladies aiguës est véritablement une
application de la grande pensée qui domine tout le livre de
l’_Ancienne médecine, et qui est que, pour devenir savant dans
la science de la vie, il importe, non pas d'étudier le corps
en soi et d’après une hypothèse telle quelle, mais de re-
chercher tous les rapports qu’il a avec les choses qui l’entou-
rent.
Il est important de faire remarquer ici à quelles concor-
dances la critique arrive, et, par conséquent, quelle sûreté
elle obtient. D’une part, en examinant en soi le livre de l_4n-
cienne médecine , je le rapproche d’un passage de Platon où
le philosophe invoque l'autorité et le nom d’Hippocrate; et
ce rapprochement me décide à croire que Platon ἃ fait allu-
sion à ce livre même; opinion qui ne repose que sur ce té-
moignage , et qui est indépendante de tous les rapports que
1 Οὐδὲ γὰρ τῶν τοιουτέων épée ἐμπείρους τοὺς ἰητροὺς, ὡς χρὴ
διαγινώσχειν τὰς ἀσθενείας ἐν τῆσι νούσοισιν, αἵ τε διὰ χενεαγγείην
ἀποτελοῦνται, αἵ τε διὰ ἄλλον τινὰ ἐρεθισμὸν, αἵ τε διὰ πόνον χαὶ ὑπὸ
ὀξύτητος τῆς νούσου. Page 373, 4. Frob.
320 INTRODUCTION,
ce traité peut avoir avec certains ouvrages de la Collection
hippocratique. D’une autre part, je m'isole de ce témoi-
gnage, et je cherche, par voie de comparaison , quelle opi-
nion on pourrait se former de l'authenticité du livre de l_4n-
cienne médecine, si la mention faite par Platon n'existait
pas, etsil’on n’avait, pour résoudre cette question, que l’exa-
men des analogies que ce livre aurait avec les autres livres
d'Hippocrate. Or, il se trouve que le traité del’ Ancienne mé-
decine ἃ d’étroites connexions avec un traité dont l'antiquité
a admis l’authenticité. De sorte que deux modes de déter-
mination , aussi indépendants l’un de l’autre que les témoi-
gnages extrinsèques et les rapports intrinsèques, aboutissent
au même résultat et donnent la même solution.
Ainsi , tout considéré , je crois ne pas me servir d’une ex-
pression qui dépasse le résultat obtenu et qui en exagère la
valeur, en disant que j’ai, dans cette discussion, démontré
que le traité de Ancienne médecine est d'Hippocrate.
PRONOSTIC !. Un témoignage décisif assure l’authenti-
cité de ce traité : Hérophile l’a commenté et critiqué en quel-
ques points. Une telle autorité ne peut laisser aucun doute
sur la véritable origine du Pronostic. Au reste , l'antiquité
tout entière et les critiques modernes ont été d'accord pour
placer ce livre au rang des légitimes productions du chef de
l’école de Cos. |
APHORISMES ?. Il n’est pas besoin de dire que toute l’an-
tiquité a reconnu ce livre comme authentique; et, dans ce
mot d’antiquité, je comprends non seulement Palladius ,
Galien et Érotien, mais les premiers commentateurs, Glau-
cias et Bacchius. La collection des {phorismes remonte donc
* Προγνωστιχόν.
2 Ἀφορισμοί.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 321
à une époque qui précède les plus anciens critiques de la lit-
térature médicale; mais est-elle d’Hippocrate, comme l'ont
soutenu tous les critiques anciens ? J’ai souvent dit dans cette
introduction que rien n’était plus regrettable pour la con-
naissance des véritables livres hippocratiques que la perte
des écrits de Dioclès, de Ctésias, de Praxagore , de Chry-
sippe, et de tant d'auteurs qui ont fleuri entre Hippocrate et
Erasistrate. En voici une nouvelle preuve : « Hippocrate ,
« dit Étienne, dans son Commentaire sur les A4phorismes 1,
« pense que toutes les maladies conformes aux circonstances
« qui ont des affinités avec elles, présentent un moindre
« danger ; et Dioclès adresse une objection à Hippocrate
« lui-même : Que dis-tu, Hippocrate ? la fièvre ardente, qui,
«en raison de la qualité de la matière, est suivie d’ardeur,
« d’une soif intolérable, d’insomnie et de toutce qu’on observe
« dans l'été même , sera plus bénigne à cause de la saison
« conforme, lorsque par elle toutes ces souffrances s’aggra-
«vent, que dans l'hiver, qui diminue l'intensité du mouve-
«ment, adoucit l’âcreté, et rend moins fâcheuse la maladie
« tout entière.» Ce passage décisif, puisque le nom d’Hippo-
crate y est cité et un aphorisme combattu, est d'accord avec
un passage moins explicite de Galien. Celui-ci, en commen-
tant l’aphorisme en question, ajoute : « Le contraire est
« soutenu par Dioclès et par l’auteur du livre des Semaines.
2
τ Λέγει ὅτι ὅσα νοσήματα τοῖς ἰδίοις σύμφωνα συστοίχοις ἥττονα
ἔχει κίνδυνον " χαὶ ἀπορεῖ ὃ Διοχλῆς, πρὸς τὸν Ἱἵπποχράτην λέγων :
Τί φὴς, ὦ Ἱππόκρατες ; ὃ χαῦσος ὧτινι ἕπεται ζέσις, διὰ τὴν ποιότητα
τῆς ὕλης, χαὶ δίψος ἀφόρητον , χαὶ ἀγρυπνία, χαὶ τὰ τοιαῦτα, ὅσα ἐν
θέρει ἐστὶν, ἐπιειχέστερος διὰ τὴν τῶν συστοίχων ὥραν ἐστὶν, ὅτε πάντα
τὰ χαχὰ ἐπιτείνεται, ἢ ἐν τῷ χειμῶνι, ἡνίκα τὸ σφοδρὸν τῆς χινή-
σεως χολάζεται, χαὶ τὸ δριμὺ ἀμόλύνεται, χαὶ τὸ ὅλον νόσημα ἠπιώ-
τερον καθίσταται, Schol. in Hipp., Ed. Dietz, t. 11, p. 326.
TOM. I. 21
322 INTRODUCTION,
« Ces écrivains pensent que les maladies sont aggravées par
« les circonstances semblables , amoindries par les circon-
« stances contraires, d’autant plus qu'Hippocrate ἃ dit lui-
« même que les contraires se guérissent par les contraires.
« Ils pensent que la fièvre ardente qui naît dans l'hiver est
« plus facile à quérir que celle qui naît dans l'été 1,» Le traité
des Semaines, dont j'ai exhumé une vieille traduction latine,
et dont un fragment est inséré dans le livre prétendu hip-
pocratique des Jours critiques (p. 388, Ed. Frob.), a cette
phrase : « Le signe le plus important de guérison est que
« la fièvre ardente, ainsi que les autres maladies, ne soit pas
« contre la nature ; le second , c’est que la saison elle-même
« concourre à combattre la maladie; car, en général, la
« constitution de l'homme ne surmonte pas la puissance de
« l’ensemble des choses 3.»
L’aphorisme en question, qui est le 33° de la τι“ section, est
ainsi conçu : « Dans les maladies, le danger est moins grand
« pour ceux chez qui la maladie a des conformités avec la na-
« ture du corps, avec l’âge, avec la constitution, avec la saison,
« que pour ceux chez qui la maladie n’a aucune conformité
« de ce genreÿ. » Dans la proposition d'Hippocrate, il n’est pas
1 Τὸ δ᾽ ἐναντίον ὑπὸ Διοχλέους εἴρηται χἀν τῷ Περὶ ἑδδομάδων,
ὑπολαθόντων, ὡς το τ 4 a ἀνδρῶν » αὐτὰ παροθθναθαι
μὲν ὑπὸ τῶν δμοίων τὰ νοσήματα, λύεσθαι δὲ ὑπὸ τῶν ἐναντίων,
ἐπειδὴ πρὸς αὐτοῦ τοῦ Eee τὰ ἐναντία τῶν ἐναντίων ἰάματα.
Νομίζουσιν οὖν ἐν χειμῶνι συστάντα καῦσον εὐιατότερον εἶναι τοῦ
χατὰ τὸ θέρος. Tome v, p. 247, Ed. Basil.
2 Mé ί μεῖον ἐν τοῖσι μέλλ' ὥ ῥιώ
ἔγιστον τοίνυν σημεῖον ἐν τοῖσι μέλλουσι τῶν χαμνόντων ww
σασθαι, ἐὰν μὴ παρὰ φύσιν ἡ ὃ καῦσος, χαὶ τἄλλα δὲ νουσήματα
« 4 - δεύ = δι 21 (24 LA [4 J δ, -
ὡσαύτως" δεύτερον δὲ, ἐὰν μὴ αὐτή τε À ὥρηνουσήυατι ξυμμαχήση" ὡς
\ DR A λὶ 1 Te τὴ τ ὅλ, Ὁ
γὰρ ἐπὶ τὸ πολὺ où νιχᾷ À τοῦ ἀνθρώπου φύσις τὴν τοῦ ὅλου δύναμιν.
3 4 = TÆ ù / /
3 Ἔν τῇσι νούσοισιν ἧσσον κινδυνεύουσιν οἷσιν ἂν οἰχείη τῆς φύ-
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 323
question de fièvre ardente ; mais Galien nous apprend que,
dans le traité des Semaines, l'exemple de la fièvre ardente
était cité; le morceau que je rapporte de ce traité montre que
Galien a fidèlement rapporté le sens de l’auteur du livre des
Semaines ; et, soit dit en passant, l’'aphorisme d’Hippocrate
sert à bien comprendre un mot de ce livre des Semaines ; on
pourrait douter du sens précis qu’il faudrait donner au mot
φύσις là où 1] est dit que le signe le plus important est que la
fièvre ardente ne soit pas contre la nature 1 ; mais la signi-
fication en est déterminée par l’aphorisme, où φύσις signifie
clairement nature du corps.
D'un autre côté, Galien nous apprend encore que Dioclès,
en disant le contraire de l’aphorisme en question , avait aussi
rapporté l'exemple de la fièvre ardente. C’est ce qu’on re-
trouve en effet dans la citation d'Étienne; et même il est
évident par cette citation que, lorsque Galien ἃ dit que l’au-
teur du livre des Semaines et Dioclès pensaient que la fièvre
ardente se guérissait mieux dans l’hiver que dans l'été, il
n’a eu présent à l'esprit que les expressions de Dioclès ; car
il est question de l'hiver et de l'été, non dans le livre des
Semaines , mais dans le passage du médecin de Caryste.
De là résulte la preuve que les Æphorismes ont été publiés
antérieurement à Dioclès. Cela établi, tout porte à croire
qu’ils ont été écrits par Hippocrate, et qu'ils ne sont pas un
extrait de ses œuvres fait par un autre, comme quelques
modernes l’ont pensé.
Les Aphorismes ont été divisés par Galien, et probable-
ment long-temps avant iui, en sept sections, par Rufus en
σιος χαὶ τῆς ἡλικίης χαὶ τῆς ἕξιος χαὶ τὴς ὥρης À νοῦσος ἡ μᾶλλον,
A © à LS
ἢ οἷσιν ἂν μὴ οἰχείη χατά τι τούτων.
31λλ \ \ / NE -“
Ξ Ἐὰν un παρὰ φυσιν ἢ Ô χκαυσος.
324 INTRODUCTION.
quatre , et par Soranus en trois. Malgré ces coupures diffé-
rentes, l’ordre des propositions aphoristiques n’en a pas moins
toujours été le même, ainsi que je lai fait voir dans le cha-
pitre consacré à la série des commentateurs. Cependant, ce
livre , que l'antiquité ἃ tant estimé , n’a point échappé à des
altérations, au moins dans la rédaction et la disposition ,
altérations qui remontent jusqu’à l’époque des premiers
commentateurs, tels que Bacchius. Galien en cite un bon
nombre.
La huitième section que présentent quelques manuscrits
et quelques imprimés, est une addition toute récente. Ces
prétendus aphorismes sont des fragments du livre des $e-
maines ; je le prouverai en parlant de ce traité.
ÉPIDÉMIES I et IL. Les Épidémies , on le sait, sont com-
posées de sept livres ; cette disposition remonte ( je l'ai fait
voir chap. ΧΙ, pag. 276) jusqu’au temps de Bacchius, et
lexemplaire trouvé, comme le dit Apollonius Biblas, dans la
Bibliothèque royale d'Alexandrie, les avait tous les sept dans
le même ordre. On peut d’autant plus sûrement penser que
cette division en sept livres, et l’ordre dans lequel ces livres
se suivent, sont le fait de la publication primitive, que les
critiques anciens se sont élevés contre un pareil arrange-
ment , sans jamais cependant signaler le moment où il se se-
rait fait, s’il s'était fait postérieurement à la première publi-
cation. En effet, Galien, rapportant les opinions diverses sur
les auteurs des sept livres , dit que presque tous conviennent
que le premier et le troisième sont du grand Hippocrate ?.
Lesbibiiothécaires d'Alexandrie en avaient eu la même idée,
> ΩΣ
1 ᾿Βπιδημιῶν α΄ χαὶ γ΄.
€ , 5 -
᾿ Ἱπποχράτους εἶναι τοῦ μεγάλου σχεδὸν ἅπασιν ὡμολόγηται τό τε
-- AN Ἔ Ε
πρῶτον χαὶ τὸ τρίτον. Tome 111, p. 181, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 325
et ils avaient inscrit le premier et le troisième sous le titre
de livres de la petite table ". On voit par ces détails qu’en
réunissant le premier et le troisième , si je contredis l’arran-
gement du publicateur primitif des œuvres hippocratiques ,
je me conforme à l’opinion de toute l'antiquité, qui a tou-
jours admis que le troisième livre est la suite du premier. Il
estmême probable que des manuscrits les ont présentés dans
cet ordre : en effet M. de Mercy a déjà fait remarquer que le
n° 2253 de la Bibliothèque royale a , à la suite du premier
livre , les premiers mots du troisième. On lit dans ce
manuscrit , après ἑνδεχάτη qui est le dernier mot du pre-
mier livre, à la suite et même sans changement de ligne :
Πυθιώνιος ( 516 ) ᾧχει παρὰ γείσιρον ( 510 pour γῆς ἱερὸν ) ἤρξατο
τρόμος ἀπὸ χειρῶν. Ce sont les premiers mots du troisième li-
vre ; le reste manque. Enfin, le contexte de ces deux livres
est si semblable, qu'il est impossible , en les lisant, de ne pas
être persuadé qu'ils sont la suite l’un de Pautre.
C’est donc le consentement des critiques de l’antiquité qui
m'a déterminé d’un côté à admettre que ces deux livres
proviennent d'Hippocrate lui-même ; d’un autre côté, à les
séparer des cinq qui portent le même titre, et à en faire un
ouvrage à part. Mais il faut ajouter que les témoignages en
faveur de l'authenticité de ces livres ne vont pas au delà de
Bacchius et des bibliothécaires d'Alexandrie; dans l’inter-
valle des temps antérieurs, aucune mention n’est faite mi
de l’un ni de l’autre. Cependant je crois que l'antiquité ne
s’est pastrompée,et qu’on peut les compter parmi les plus au-
thentiques. En effet, ils tiennent, par les liens les plus étroits,
5. ui , , \ / !
* Ado δ᾽ εἰναι τοῦ μεγάλου ‘Irnoxodrouc, χαὶ ἐπιγεγράφθαι γέ
που διὰ τοῦτο τὰ x τοῦ μικροῦ πιναχιδίου. Gal., t. 111, p. 181.
Ed. Pasil.
326 INTRODUCTION.
aux plus essentielles parties de la médecine d’Hippoerate, et,
s’il est vrai (ce qui ne peut pas être révoqué en doute ), que
le Pronostic est du chef de l’école de Cos, le premier et le
troisième livre des Épidémies ne peuvent pas ne pas lui ap-
partenir; car l’histoire particulière des malades y est expo-
sée d’après la doctrine qui constitue le Pronostic.
Ces livres n’ont pas échappé aux altérations qui ont frappé
tant d’autres traités de la Collection hippocratique, et qui
sont toutes, j'ai soin de le remarquer à chaque fois, le fait
de la publication primitive. « Je ne sais, dit Galien , quel
« malheur est arrivé à ce livre (16 troisième ), comme à plu-
« sieurs autres d'Hippocrate, où l’on remarque tantôt des
« dérangements dans leur ordre, tantôt des additions à ce
« qu'il avait lui-même écrit!. » C’est à propos des Caractères
dont j'ai déjà parlé p. 274, que Galien fait cette observa-
tion, et ilajoute : « Les caractères ont sans doute été inscrits
«par quelqu'un qui, pour son instruction , a résumé de
« la sorte les résultats de chaque histoire 2. » Ces caractères
existaient dans l’exemplaire primitif que possédait la
Bibliothèque royale d'Alexandrie; ils auront été, en effet,
inscrits, comme le pense Galien, par quelqu'un des élèves
ou des descendants d’Hippocrate pour son instruction.
Une autre altération plus considérable ἃ été signalée par
Dioscoride, et reconnue comme réelle par Galien : c’est le
déplacement d’un assez long passage qui, dans tous les an-
ciens manuscrits , était placé à la fin du 3 livre , et que Dio-
LT : ΡΝ d \
1 Οὐχ oid ὅπως ἐδυστύγησε χαὶ τοῦτο τὸ βιδλίον, ὥσπερ χαὶ
on ᾽
ἄλλα πολλὰ τῶν Ἵπποχράτους, τὰ μὲν ἄλλως διεσχευασμένα, τὰ δὲ
τοῖς ὑπ᾽ αὐτοῦ γεγραμμένοις παραχείμενόν τι ἔχοντα. Tome v, p.
599, Ed. Basil.
2 Ἴσως δέ τινος αὑτῷ μόνῳ πεποιημένου τὴν χαθ᾽ ἕχαστον ἄῤῥω-
στον ὠφελείας ἐπιτομιήν. Tome v, p. 599, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 327
scoride (voy. p. 109), mit avant l’histoire des seize der-
niers malades; Galien adopte cette transposition, tout en
pensant que le morceau en question n’est pas d’Hippocrate ,
mais ἃ été ajouté par quelqu’autre 1.
Du RÉGIME DANS LES MALADIES AIGUES ?.— Examinons
d’abord les témoignages relatifs à ce livre. Galien le regarde
comme étant d’Hippocrate, excepté la fin dont 1l dit ce qui
suit : « Dans le livre du Régime, bon nombre de médecins ont
« soupçonné, non sans motif, que ce qui suivait le chapitre
« des Bains n’était pas d'Hippocrate ; car la force de l’expo-
« sition et lexactitude des préceptes sont de beaucoup infe-
« rieures au reste ; cependant d’autres ont été déterminés à
« attribuer ce passage à Hippocrate lui-même, attendu que
« tantôt la pensée en est conforme à sa doctrine, de sorte
« qu'on pourrait croire qu'il est l’œuvre de quelqu'un de ses
« disciples, et tantôt la rédaction et la pensée y sont telle-
« ment irréprochables qu’elles semblent venir d'Hippocrate,
« qui se préparait à composer un livre où, comme il l'a:
« promis dans le courant de cet ouvrage même , il parlerait
« du traitement de chaque maladie en particulier. Mais évi-
« demment ce morceau contient des phrases qui ne sont pas
« dignes d'Hippocrate , et il faut croire qu’elles ont été ajou-
« tées à la fin, comme cela est arrivé pour les 4phorismes ;
« car, les écrits du médecin de Cos étant dans lamémoire de
: Τοσοῦτον προειπόντες ὡς φαίνεταί μοι καὶ ταῦτα προσγεγραφέ-
var τις ἕτερος, οὐχ αὐτὸς ὃ Ἱπποκράτης γεγραφέναι. Tome v, p.451,
Ed. Basil.
2 Περὶ διαίτης ὀξέων. — Ce Livre ἃ porté plusieurs titres : Πρὸς
τὰς Κνιδίας γνώμας suivant quelques-uns, d’après Galien , t. 111,
p.188; Περὶ πτισάνης dans la liste d’Érotien ; Περὶ διαίτης, Athen.
Deipnos. IL, 16, p.57, Ed. Casaub., et Gal. in Comm. de hum.,
ἵν xvi, p. 169, Ed. Kuühn.
328 INTRODUCTION.
« beaucoup d'hommes, ceux qui ont fait des additions, les
«ont faites à la fin. » Érotien regarde ce livre comme étant
d'Hippocrate , et il ne fait aucune distinction. Athénée as-
sure que plusieurs en regardaient la moitié comme illégi-
time, et quelques-uns même le tout 5. Bacchius en avait ex-
pliqué des mots dans son lexique; par conséquent, dès lors,
ce traité était considéré comme hippocratique ; mais on peut
remonter encore plus haut. En effet, Galien , parlant de la
partie qu'il regarde comme illégitime, dit : « Si ce morceau
« n’est pas d'Hippocrate , il est cependant fort ancien ; car ,
« dès le temps d'Érasistrate, il était réuni à la partie légi-
« time 5. »
Ce qu'il y a peut-être de plus difficile à concevoir dans
l'histoire du livre touchant le Régime des maladies aiguës,
c’est comment Galien entend qu'Érasistrate en a fait la eri-
tique. Je vais mettre sous les yeux du lecteur les passages
à ce relatifs, afin qu'il puisse contrôler lui-même les consé-
quences que j'en tire :
«Les sectateurs d'Érasistrate accusent Hippocrate de faire
« mourir ses malades d’inanition ; car ce qu'Érasistrate dit
« dans son premier livre des Fiévres contre Apollonius et
« Dexippe , disciples du médecin de Cos , fait remonter jus-
«qu’à Hippocrate lui-même le reproche d’une sévérité ex-
« cessive dans la diète #. »
« Érasistrate, dans son traité sur les Fièvres, attaque
« Hippocrate avec malveillance, accusant, il est vrai, ses
* Tome v. p. 87, Ed. Basil.
2 Deipnos, Il, 16, p. 57, Ed. Casaub.
3. Τοῦτο τὸ βιόλίον, et χαὶ μὴ HE ἐστὶ σύγγραυμα, πα-
λαιὸν γοῦν ἐστιν, ὡς κατὰ τοὺς Ερασιστράτου χρόνους ἤδη προσχεῖσθαι
τῷ γνησίῳ. Tome v, p. 89, Ed. Basil.
4 Galien, t. v, p. 47, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 3990
« disciples Apollonius et Dexippe, qu'il dit avoir fait fabri-
« quer des vases de la contenance de la sixième partie d’une
« cotyle , et de n’en avoir accordé qu'un ou deux aux ma-
« lades... Pour confondre la malveillance qui eite Apollo-
« nius et Dexippe sans avoir un écrit d'eux à montrer , et
« qui n’écoute pas Hippocrate lui-même, il suflit de citer
« quelques phrases du traité du Régime dans les maladies
« aiguës !. » (Le sixième d’une cotyle est un cyathe, χύαθος.
et représente 0,045 du litre(Voyez Saigey, Métrologie,p.34).
Dans la pharmacie, une cuillerée à bouche représentant une
demi-once de liquide, la sixième partie d’une cotyle équi-
vaudra à un peu moins de trois cuillerées).
«La dernière portion de ce traité est une composition
« ancienne; Car, dès le temps d'Érasistrate , elle était réunie
« à la première, qui est authentique. On ne peut donc con-
« cevoir comment Érasistrate a osé se moquer d’Apollonius
« et de Dexippe, et de leurs vases de cire (T. v, p. 89). »
Ces passages seraient sans doute fort clairs, si nous avions
sous les yeux ceux du livre d'Érasistrate auxquels ils font
allusion. Mais, les œuvres du médecin d'Alexandrie étant
perdues, ils deviennent très obscurs, car ils sont pour nous
ce qu'est une conversation dont on n’entend qu’un des mter-
locuteurs , l’autre étant hors de la portée de notre oreille.
Ce qui ressort des citations précédentes, c’est que Galien,
accusant Érasistrate d’avoir fait un reproche injuste à Hip-
pocrate, ne rapporte les reproches que comme adressés à
Apollonius et à Dexippe. Si Érasistrate n'avait parlé que deces
deux médecins, comment Galien se serait-il imaginé que ces
deux noms n'étaient qu'un couvert sous lequel l’illustre mé-
decin d'Alexandrie dirigeait ses attaques contre Hippocrate ?
* Galien, t. v, p. 83, Ed. Basil.
330 INTRODUCTION.
Et non seulement Galien avait cette opinion, mais elle était
partagée par les érasistratéens et par ceux qui disaient
qu'Hippocrate faisait mourir ses malades de faimt, Évidem-
mentil y avait, dans le traitésur les Fièvres, quelque chose de
plus que la mention d’Apollonius et de Dexippe. Hippocrate
y a dû être désigné nominativement , ainsi que le traité
du Régime dans les maladies aiguës. Voici comment je
conçois que cette désignation y était exprimée : Érasistrate,
passant en revue les médecins qui, dans les fièvres , avaient
conseillé les régimes les plus opposés, depuis ceux qui con-
damnaient leurs malades à une abstinence complète, jusqu’à
Pétronas, qui les gorgeait de vin et de viande ?, a dû dire,
en parlant d’Apollonius et de Dexippe, qu'ils étaient les dis-
ciples d’Hippocrate et imbus des préceptes contenus dans le
traité du Régime dans les maladies aiguës ; 1 ἃ ajouté qu'ils
faisaient mourir leurs malades d’inanition, et s’est moqué
des petites mesures qu’ils avaient imaginées, et qu’ils pres-
crivaient si parcimonieusement dans les affections fébriles.
C’est ainsi que Galien a pu dire qu'Érasistrate, tout en atta-
quant Apollonius et Dexippe , avait réellement attaqué Hip-
pocrate lui-même, et le traité du Régime dans les maladies
aiguës. C’est ainsi que les érasistratéens ont pu accuser le
médecin de Cos de tourmenter ses malades par une absti-
nence trop dure. Avec cette explication, tout devient clair.
Érasistrate dénigre Hippocrate, mais il ne fait de reproche
direct qu'à Apollonius et à Dexippe; il n’a aucun livre de ces
Ὥσπερ πάλιν οἱ λιμοχτονεῖν αὐτὸν εἰπόντες. Galien. t. v, p. 50,
Ed. Basil.
\ - f 3
2 Διελθὼν γὰρ ἐν τῷ προειρημένῳ βιδλίῳ τοὺς ἐναντιωτάταις dyw-
- LU - 2
γαῖς ἐπὶ τῶν πυρεττόντων χρωμένους ἰατροὺς, τούς τε μαχραῖς ἄσι-
= ΓΈ / = \
τίαις χαταπονοῦντας τοὺς χάμνοντας χαὶ Πετρωνᾶν τὸν χρέα τε κα!
οἶνον διδόντα. Galien, t. v, p. 40, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 331
médecins à montrer, et cependant il les représente comme
les disciples fidèles de leur maître, et ridiculise leur pratique.
Au lieu de citer Hippocrate lui-même, il les cite, et ici Galien
ajoute qu’il suffit, pour le confondre , de recourir au traité
même d'Hippocrate; ce qui n’aurait aucun sens, si ce traité
et Hippocrate n'étaient pas compris, d’une façon ou d'autre,
dans la censure dirigée contre.les deux disciples. Plus loin ,
il remarque que la fin, apocryphe suivant lui, du livre du
Régime dans les maladies aiguës, était, du temps d'Érasis-
trate, jointe à la partie authentique, et après cette remarque
il s’écrie : On ne peut concevoir l’audace d'Érasistrate, qui se
moque des petites mesures d'Apollonius et de Dexippe.
Quelle liaison y a-t-il entre ces deux phrases, à moins qu'on
ne suppose, comme je l'ai fait plus haut, un passage d'Éra-
sistrate où il était dit que ces deux médecins observaient les
maximes du traité du Régime dans les maladies aiguës.
Alors Galien ἃ raison d’accuser de mauvaise foi Érasistrate,
qui s’obstinait à faire remonter à Hippocrate la responsabilité
de la pratique de deux disciples, et ne voulait pas discuter le
texte même du médecin de Cos.
Quoi qu'il en soit à cet égard, il demeure constaté que nôn
seulement ce traité a été connu comme hippocratique par
Bacchius, mais encore qu’il existait à Alexandrie dés le
temps d'Érasistrate , et que ce médecin l'avait critiqué d’une
façon ou d'autre. Les témoignages antérieurs manquent , il
est vrai; mais ceci admis, allons plus loir. L'auteur de ce
traité ne combat-il pas pas les médecins cnidiens qui don-
nent un nom de maladie à chaque symptôme? l’auteur du
Pronostic ne déclare-t-il pas formellement s’abstenir d’énu-
mérer des noms de maladie, disant que les signes généraux
de pronostic suffisent à son but? n'est-ce pas une polémique
cachée contre les Cnidiens? et les deux livres n’appartien-
332 INTRODUCTION.
nent-ils pas à la même pensée et à la même main? n'y a-tl
pas, comme je l'ai remarqué au sujet du traité de l Ancienne
médecine , des conformités frappantes entre ce livre et celui
du Régime dans les maladies aiguës ? Tout cela ne forme-t-1l
pas un corps de doctrine, un ensemble où les choses se
tiennent, et qui, s'appuyant, par le livre de l’ Ancienne méde-
cine, sur Platon, acquiert, de la sorte, la plus incontestable
authenticité ?
Quant à la partie que Galien juge apocryphe , il faut aussi
la considérer, sinon comme telle, du moins comme des notes
non rédigées. Dans tous les cas, ces deux portions, unies
ensemble depuis une si haute antiquité , ne peuvent pas être
séparées, et je les publierai comme on les trouve dans toutes
les éditions.
Des Airs, DES EAUX ET DES LIEUX !. Ayant montré par
tant de témoignages concordants que les 4phorismes, le Pro-
nostie, et le2: et le 3° livredes Épidémies, sont des livres vrai-
ment hippocratiques , j'ai établi un point de départ fixe, un
terme de comparaison qui nous donnera plus de certitude là
où les renseignements seront plus vagues. Le traité des Airs,
des Eaux et des Lieux est dans ce cas; toute l'antiquité le recon-
naïtpour authentique; Galien etÉrotien l'aflirment; et, comme
Épiclès , abréviateur de Bacchius, en explique un mot, ce
livre a été connu aussi des plus anciens critiques d’Alexan-
drie. Mais à ce terme les témoignages nous abandonnent ;
je crois cependant que l'examen intrinsèque prouve que ce
livre appartient réellement à Hippocrate. L'auteur du Pro-
nostic dit que les remarques qu'il fait sont applicables à la
᾿ Περὶ ἀέρων, ὑδάτων καὶ τόπων. — Autres titres de ce livre :
Περὶ τόπων χαὶ ὡρῶν, Érotien ; Περὶ τόπων, Athénée, p. 46, Ed.
Casaub. ; Περὶ ὑδάτων καὶ τόπων, Palladius, Comm. in Libr. de
Fract. ap. Foes, , p. 147, Sect. νι.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 333
Scythie, à la Lybie et à Délos. L'auteur du traité des Airs ,
des Eaux et des Lieux ἃ recueilli ses observations dans la
Scythie, la Lybie, et dans la Grèce, tant asiatique qu’euro-
péenne. Or, comme le Pronostic est d’'Hippocrate, le traité
des Airs, des Eaux et des Lieux est sans doute de lui. De
plus les concordances de ce livre avec les Æphorismes et les
1*et 3° livres des Épidémies sont si nombreuses, que évi-
demment tous ces ouvrages appartiennent au même auteur.
On trouve dans Aristote un véritable résumé de ce traité :
«Les peuples qui habitent les climats froids, les peuples
« d'Europe sont en général pleins de courage; mais ils sont
« certainement inférieurs en intelligence et en industrie ; et ,
« 5115 conservent leur indépendance, ils sont politiquement
« indisciplinables, et n’ont jamais pu conquérir leurs voisins.
« En Asie , au contraire , les peuples ont plus d'intelligence,
« d'aptitude pour les arts, mais 115 manquent de cœur , et
« ils restent sous le joug d’un esclavage perpétuel. La race
« grecque, qui, topographiquement, est intermédiaire, réunit
« toutes les qualités des deux autres. Elle possède à la fois
« l'intelligence et le courage !.» On est disposé à croire
qu’Aristote avait sous les yeux le traité des Airs, des Eaux
et des Lieux, quand il écrivit ce passage.
DES ARTICULATIONS 2. Voyons quels sont les témoigna-
ges sur ce livre. Galien n’élève aucun doute sur son au-
thenticité; Érotien l’a inscrit dans sa liste; Bacchius et Phi-
linus, élèves d'Hérophile, en avaient expliqué des expres-
sions dans leurs commentaires. Ainsi, dès l’origine, il figure
dans la Collection hippocratique. Mais, plusieurs critiques
* Pol., t. 11, p. #1, trad. de M. Barthelémy-Saint-Hilaire. Pa-
ris, 1837.
* Περὶ ἄρθρων.
334 INTRODUCTION.
modernes en ayant attaqué la légitimité, cela ne suffirait pas
pour les convaincre, et il faut chercher des preuves, s’il en
est, qui se rapportent à une période antérieure.
Ctésias, dans un passage que-j'ai cité plus haut, p. 70,
blâme une pratique chirurgicale d’Hippocrate , prati-
que qui se trouve dans le traité des Articulations. Les
termes même dont se sert Galien sont significatifs. Il
dit que le premier qui critiqua Hippoerate au sujet de la
réduction de la cuisse, fut Ctésias ; ce mot le premier
prouve que sa remarque n’est pas faite à la légère, et que
Ctésias avait été explicite. Ainsi il est certain que Ctésias
avait censuré un précepte de la chirurgie d'Hippocrate , que
ce précepte se trouve dans le traité des Articulations, et que
les critiques anciens ont rapporté la censure à cè même
traité. Voilà un premier point important pour l’histoire litté-
raire d'Hippocrate. Second point, qui ne l’est pas moins :
on lit dans le traité des Articulations : attacher l'échelle à
une tour ou au toit d’une maison. «Dioclès. copiant ce
« passage, dit Galien, a écrit dans son livre des Bandages :
« attacher l'échelle à une tour ou toit d’une mason?.» Galien,
on le voit, pense que Dioclès a copié sa phrase sur celle
d’Hippocrate, et remarquons qu’il avait sous les yeux et le
livre d’'Hippocrate et celui de Dioclès , ce qui donne un grand
poids à son opinion. Cette comparaison nous manque , il
est vrai; cependant, en rapprochant les deux phrases l’une
de l’autre, on reconnait sans peine qu’elles sont calquées
r Ἀνέλχειν τὴν χλίμακα ἢ πρὸς τύρσιν τινὰ ὑψηλὴν ἢ πρὸς ἀέ-
roux οἴχου. P. 485, Ed. Basil.
2 Καὶ ὃ Διοχλῆς Καρύστιος, ταύτην τὴν νῦν εἰρημένην λέξιν παρα--
φράζων ἐν τῷ Περὶ ἐπιδέσμων βιδλίῳ, χατὰ τόνδε τὸν τρόπον ἔγρα-
ψεν" ἀνέλχειν δὲ τὴν χλίμαχα πρὸς πύργον ὑψηλὸν ἢ οἰκίας ἀετόν, T.
v, Ρ. 615, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 335
l'une sur l’autre, et de plus il est visible que celle de Dioclès
est postérieure à celle du traité des Articulations. En effet ,
Hippocrate s’est servi d’un mot devenu obseur τύρσις, telle-
ment que les commentateurs ont cru devoir l'expliquer. Ainsi
Bacchius avait dit dans le premier livre de son ouvrage in-
titulé les Dictions, que ce mot signifiait une tente, une tour,
un créneau 1. Or, Dioclès remplace le mot τύρσις par le mot
πύργος, plus usité ; et cette remarque, toute délicate qu’elle
est, ne laisse, ce me semble, aucun doute sur la question
de savoir si Dioclès a emprunté sa phrase au traité des 4r-
ticulations.
Ainsi voilà une phrase que Galien assure avoir été copiée
par Dioclès dans le traité des Articulations; voilà de plus
un précepte chirurgical qui, imputé comme une erreur à
Hippocrate par Ctésias , se trouve dans ce même traité. En
outre, toute l’antiquité l’a regardé comme authentique, et
deux disciples immédiats d'Hérophile l’ont commenté. Il est
certes difficile de renverser un pareil ensemble d'arguments
qui tous reposent sur des témoignages directs, et de ne pas
croire que le livre.des Articulations est vraiment d’Hippo-
crate.
Il ne faut , en effet, rien moins que de tels arguments pour
dissiper les préjugés soulevés par plusieurs critiques mo-
dernes, entre autres par Gruner, par Sprengel et par Grimm.
On ἃ assuré que la connaissance des artères et des veines
impliquait une date postérieure à Hippocrate ; j'ai rappelé (p.
206) que les artères avaient été nommées par Euryphon plus
vieux que lui; on ἃ prétendu que le mot muscle était des
1 Ἐν @, oxfvn , ἢ πύργος, à προμαχώῶν. Érot., Glossaire, p- 364,
Ed. Franz,
2 Bd. 1Π, S. 565.
336 INTRODUCTION. Ν
écoles anatomiques d'Alexandrie; j'ai fait voir qu'il était dans
Ctésias. Gruner, dans sa Censure des livres hippocratiques ,
p. 181, et Sprengel, dans son Æpologie d'Hippocrate, ont
cru trouver une contradiction entre un passage du traité des
Airs, des Eaux et des Lieux où l'auteur parle des femmes
guerrières des Sauromates, et un passage du traité des
Articulations où l'auteur traite de fabie le récit des Ama-
zones. Le fait est qu'entre ces deux passagesil n’y a aucune
contradiction, car il n’y a aucun rapport. Le livre des Airs,
des Eaux et des Lieux parle des femmes sauromates qui vont
à la guerre et qui s’atrophient une des mamelles, afin d’avoir
les mouvements plus libres 1; ce que l’auteur rapporte
comme une observation véritable; et le livre des Articula-
tions parle des Amazones, qui désarticulent les membres in-
férieurs des hommes, dans leur enfance , afin de prévenir
toute révolte de leur part; ce que l’auteur rapporte comme
un récit fabuleux ?. On voit donc que celui qui cite lobser-
vation des femmes sauromates, a bien pu traiter de fable le
conte des Amazones. M. Lebas ( Monuments d’antiquité fi-
gurée recueillis en Grèce par la commission de Morée, 1°
cahier, p. 65) dit en expliquant les détails du bas-relief
qui , dans le temple de Phigalie, représentait la défaite des
Amazones : « Le plus grand nombre ont la poitrine entière-
« ment cachée, quelques-unes ont le sein droit découvert;
« aucune ne l’a mutilé, bien qu’on ait prétendu que lun et
« l'autre usage était propre aux Amazones, en ce qu’il per-
« mettait de se servir plus facilement de l'arc. Cette mutila-
«ton n’a pour elle que l'autorité de quelques auteurs au
«nombre desquels on est surpris de rencontrer Hippocrate
τ Page 75, Ed. Frob.
: Page 490, Ed. Frob.
DFE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 997
« (De Aere et Locis). Elle n’est indiquée par aucun des nom-
« breux monuments d’antiquité figurée que j'ai vus. » Or,
Hippocrate attribue cette mutilation, non aux Amazones,
mais aux femmes sauromates. Je suis satisfait d’avoir lu,
dans M. Lebas, que les anciens monuments (le temple de Phi-
galie avait été bâti 430 ans avant J.-C.) ne représentaient
pas les Amazones avec la mutilation du sein ; Hippocrate n’est
pas en désaccord avec eux là-dessus. Seulement il est proba-
ble que le passage du livre des Articulations où il est parlé des
Amazones qui luxent les membres des garçons, et le passage
du livre des Æirs, des Eaux et des Lieux, où il est dit que les
femmes sauromates s’atrophient une mamelle, ont été con-
fondus et ont donné lieu à l'erreur de croire que les mytho-
logiques Amazones se mutilaient ainsi; erreur dont les écrits
d’Hippocrate ont été peut-être l’occasion, mais dont ils sont
aussi exempts que le temple antique de Phigalie.
De plus, en admettant avec les critiques modernes nommés
plus haut, que le traité des Articulations contient des no-
tions anatomiques plus avancées qu’on ne peut le supposer
pour le temps d’Hippocrate , à quelle époque placer la com-
position d’un tel livre ? Ces notions anatomiques si avancées,
on les attribue à l’école d'Alexandrie; et cependant deux dis-
ciples d’un chef de cette école, Philinus et Bacchius , n’hé-
sitent pas à regarder le traité des Articulations comme l’œu-
vre d’'Hippocrate. Si ce livre renferme des notions qui ne peu-
vent appartenir qu'aux anatomistes alexandrins , Philinus
et Bacchius se sont laissé tromper par un ouvrage qui a été
fabriqué, pour ainsi dire, sous leurs yeux. On ne peut donc,
en aucun cas, le regarder comme post-alexandrin.
ἃ Tout cela constitue un ensemble de preuves qui me pa-
raissent valoir une démonstration; et, conformément aux
règles que je me suis faites, et d’après lesquelles je regarde
TOM, 1. 22
338 INTRODUCTION.
comme prépondérants les témoignages plus anciens que la
fondation des écoles alexandrines, je n’ai pu m'empêcher
d'attribuer à Hippocrate le traité des Articulations.
DES FRACTURES 1. Quoique je regarde le traité des 4r-
ticulations comme la suite de celui des Fractures, j'ai d’a-
bord parlé de celui-là, parce que Galien nous a conservé des
témoignages qui manquent sur celui-ci. Maintenant, pour
montrer l’authenticité du traité des Fractures, il suflira de
faire voir qu'il forme un tout avec celui des Articulations.
Galien s'est chargé de ce soin, aussi je me contenterai de le
traduire 2 : « J’ai dit dans le commentaire sur le traité des
« Articulations qu'il est une suite de celui des Fractures;
«ici, je vais rappeler brièvement les raisons qui le prouvent.
« D'abord cela est évident par le début de Fun et Fautre
« traité; celui des Fractures commence par ces mots : 1 faut
« que le médecin fasse l'extension le plus directement qu'il
«est possible dans les luxations et les fractures ; Vauteur
« annonce clairement par là qu’il traitera des fractures et des
«luxations. Celui des Articulations débute par la parti-
« cule δέ, particule qui indique toujours une suite et jamais
« le commencement d’un traité. Cependant , quelques-uns
« poussent l’habileté et l’érudition jusqu’à citer les OEconomi-
« ques de Xénophon, croyant prouver par là que les anciens
« avaient la coutume de se servir de la particule δέ au début
« d’un livre, et ils rapportent la première phrase de l’ouvrage
« de Xénophon, qui est ainsi conçue : ἤχουσα δέ ποτε αὐτοῦ καὶ
« περὶ οἰχονομίας τοιάδε μοι διαλεγομένου ( Je lai entendu me
« donner les instructions suivantes sur l’économie ). Ils ne
«savent pas que ce livre des OEconomiques est le dernier des
2 Περὶ ἀγμῶν.
+ Tome v, p. 578, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 339
« Mémorables de Socrate. En outre, l’exposition même des
« choses montre que le traité des Articulations est la suite
« de celui des Fractures. En effet, l’auteur, ayant promis,
« dans celui-ci, de parler des luxations et des fractures, ἃ
« ajouté dans le livre des Articulations ce qu’il n’avait pas
« exposé dans l’autre; de sorte que le sujet est traité complé-
« tement. Aussi ai-je rappelé que quelques-uns pensaient
« qu'Hippocrate n'avait pas divisé lui-même l’œuvre entière
« en deux livres, qu’il avait composé un seul livre intitulé de
« l’Officine du médecin ( κατ᾽ inrosïov), et que, plus tard, ce
«livre unique avait été, à cause de sa longueur, partagé en
« deux par quelque autre. Hippocrate n’a omis aucune es-
« pèce de luxations ni de fractures, excepté les fractures du
« crâne, attendu qu'il se réservait d’en traiter à part; pour
« s’en convaincre, il ne faut que se rappeler les objets qu’il
« a exposés dans les traités des Articulations et des Fractu-
« res : dans ce dernier, il parle des fractures de l’avant-bras,
« du bras, de la jambe et de la cuisse, puis de celles du pied
« et de la main, ensuite de celles qui sont accompagnées de
« plaies et de dénudation des 05. enfin des fractures des ar-
« ticulations du genou et du coude. I] ne restait plus à parler
« que des articulations de l'épaule , de la hanche et du ra-
« chis, et, en fait de fractures, de celles des côtes, de la
« mâchoire, du nez et des oreilles; il en traite dans le livre
« des Articulations. En outre , ayant exposé la diastase
« des os et les contusions des articles dans l’un et l'autre li-
« vre, il complète, dans celui des Articulations, ce qu'il n’a
« pas achevé dans celui des Fractures, de sorte qu’il n’o-
« met aucune espèce de luxation, πὶ de fracture, ni de
« diastase des os. Il y est parlé aussi de la contusion des
« muscles, des veines et des ligaments. Tout cela prouve
«que le livre des Ærticulations est la suite du livre des
340 INTRODUCTION.
« Fractures. Enfin, ayant conseillé, dans ce dernier , aux
« médecins qui doivent pratiquer dans une grande ville,
« d’avoir une machine de réduction , ilen donne la descrip-
« tion détaillée dans ke livre des Articulations ; c’est ce que
« depuis on a appelé le banc d’Hippocrate. »
Je n’ai rien à ajouter aux arguments de Galien. Il a dé-
montré que les deux traités ne font qu'un; et, dès lors, au
traité des Fractures appartient le même degré d’authenti-
cité qu’au traité des Articulations.
Quelques critiques anciens, au dire de Galien, attri-
buaient l’un et l’autre à Hippocrate , fils de Gnosidicus, et
grand-père du célèbre Hippocrate; ce qui est d’autant plus
singulier que plusieurs critiques modernes ont soutenu, au
contraire, que ces deux livres étaient d’une date relative-
ment récente.
DES INSTRUMENTS DE RÉDUCTION 1. Ce traité est cité
par Galien comme un livre dont les critiques s'accordent à
reconnaître l'authenticité 2. Érotien l’a placé dans sa liste, et
dès le temps de Bacchius il figurait dans la Collection hippo-
cratique. Ce ne sont cependant pas les dires des anciens cri-
tiques qui seuls m'ont déterminé à ranger ce livre à côté de
ceux que je regarde comme étant véritablement d’Hippo-
crate. Mais dans le chapitre X , p. 248, j'ai montré que le
livre des Instruments de réduction était un abrégé de celui
des Articulations ; en conséquence, je n’ai pas voulu sépa-
rer l’abrégé de loriginal, quel que soit celui des hippocra-
tiques qui ait fait cette analyse. IL faut remarquer en outre
que cet opuscule est précédé d’une introduction anatomique
/
" Moyhuxov.
r τ = re NS = = A. Es 1
2 Toù Μοχλιχοῦ ὄντος τῶν ὁμολογουμένων Ἱπποχράτους βιδλίων.
ΡΞ " ͵ ι
T. v, p. 170, Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 341
qui est très courte, et qui est sans doute aussi un abrégé.
On peut supposer que cette introduction, dans ses propor-
tions primitives, servait de préambule aux traités des Frac-
tures et des Articulations, qui, alors, ne formaient qu’un
seul livre ; supposition d'autant plus admissible que le traité
des Fractures commence brusquement et d’une manière qui
semble indiquer que quelque chose avait précédé.
Au livre des Instruments de réduction était joint, dans
l'antiquité, un fragment que Galien cite sous le titre de
livre sur les eines 1. Ce fragment fait, dans nos éditions,
partie de la compilation intitulée : de la Nature des os ( Περὶ
ὀστέων φύσιος) : C’est là (Neuvième classe) qu’il en sera ques-
tion.
DES PLAIES DE TÈTE 3. Le plus ancien témoignage que
nous possédions sur ce livre est celui de Bacchius. Cepen-
dant personne dans l’antiquité ne paraît avoir douté de l’au-
thenticité du traité des Plaies de tête. Il est d’autant moins
permis de résister à cette unanimité , que rien dans le traité
lui-même ne la contredit : seulement quelques courts frag-
ments ont été signalés comme apocryphes et ajoutés 5.
SERMENT*, Plusieurs critiques modernes ont douté del’au-
thenticité de cet écrit. Cependant il a été cité plusieurs fois
dans l'antiquité ; Érotien l’a inscrit dans sa liste, et cer-
tainement Érotien avait puisé cette indication chez les
commentateurs antérieurs. Ainsi lon ne peut douter que
le Serment n’ait fait partie de très bonne heure de la Col-
1 Παραστάτας : τὰς ἐπιδιδυμίδας ἐν τῷ Περὶ φλεδῶν ὃ πρύσχειται
τῷ Μοχλιχῷ. Glossaire, au mot παραστάτας.
2 Περὶ τῶν ἐν κεφαλῇ τρωμάτων.
3 Gal., tome v, p. 87.
4 Ὅρχος.
342 INTRODUCTION.
iection hippocratique. J’ai dit plus haut (chap. II, pag. 31 ),
qu’une citation d’Aristophane semblait ne pouvoir se rap-
porter qu’au Serment. De plus , en l’'examinant en lui-même,
on est porté à lui accorder une haute antiquité. Evidemment il
se rapporte à une corporation constituée comme celle que
formaient les Asclépiades ;et, si on en plaçait la composition
après la fondation de l’école d'Alexandrie, on ne compren-
drait plus à quel état de choses il pourrait s'appliquer. La
gravité du langage, le sentiment positif de la responsabilité
médicale qui y est consigné , tout empêche d’y voir l’œuvre
postérieure d’un faussaire, Ce qui l’a fait suspecter , c’est la
mention de la lithotomie, opération qui, dit-on, ne se prati-
quait pas dans cestempsreculés.Mais c’est une assertion toute
gratuite ; et il est très probable, qu’à l'exemple dela médecine
égyptienne , il y avait en Grèce des médecins pour les yeux,
pour les dents, etc., et pour la lithotomie. Sprengel (Apol.
des Hippocrates, Bd, I, 5. 77) dit que certains passages,
entr’autres celui qui est relatif à la taille, ont été ou ajoutés,
ou falsifiés par les Alexandrins , et que Celse, autorité irré-
cusable en ceci, désigne Ammonius d'Alexandrie , avec le
surnom de lithotomiste, comme le principal chirurgien. Or,
voici ce que dit Gelse : « Si le calcul paraît trop gros pour
« pouvoir être retiré sans la rupture du col de la vessie , il
« faut diviser ce calcul, opération dont Ammonius a été
« l'inventeur, surnommé à cause de cela Zithotomiste !. »
Puis Celse décrit l'instrument et explique le procédé à l’aide
duquel Ammonius brisait le calcul. On voit done que, d’a-
près Celse lui-même, Ja taille se pratiquait avant Ammonius,
* Si quando autem is ( calculus } major non videtur, nisi rupta
cervice, extrahi posse, findendus est : cujus repertor Ammonius
0b id λιθοτόμος cognominatus est. L. vrr, 26.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 343
que l’on ne saitrien sur l’origine de cette opération.,et que rien
n'empêche de croire qu’elle ait été en usage dès le temps
des hippocratiques et avant eux. Il est probable que le mot
de lithotomie, expression si vicieuse pour désigner la taille,
mais si juste de la manière que Celse l'emploie, provient ,
dans l'usage médical , de quelque confusion née du passage
même de l’auteur latin. Remarquons, en confirmation de
tout ce qui vient d’être dit, qu'il est question, dans un livre
qui fait partie de la Collection hippocratique, des moyens de
reconnaître , à l’aide du cathéter , la présence du calcul dans
la vessie. Enfin (ce qui peut ajouter quelque poids en faveur
de l'authenticité de cet écrit), Platon nous apprend , comme
il est dit dans le Serment, que les médecins instruisaient
leurs enfants dans la médecine 1.
LA Loi 3. Ce petit morceau, qui est rédigé avec beaucoup
de soin, est mis par Érotien dans la liste des écrits qui ap-
partiennent à Hippocrate. La plupart des critiques moder-
nes, au contraire, le regardent comme apoeryphe; sur quels
motifs ? c’est ce qu’il ne serait pas très facile de dire. Cepen-
dant la Loi tient de très près au Serment, et, si l’on accepte
l’un comme véritable, l’autre ne peut guère passer pour il-
légitime, Comme le Serment , elle admet, dans l'étude de la
médecine, des initiés et des profanes, et elle parle aussi des
mystères de la science. À quel temps reporter la composi-
tion de cet écrit, si ce n’est au temps des Asclépiades, cor-
poration de prêtres qui initiaient véritablement les adeptes
en leur distribuant l’enseignement ? De plus, la Loi repré-
”_ sente ces médecins ambulants ou périodeutes qui allaient de
᾿ Καθάπερ οἱ ἐλεύθεροι (ἰατροὶ), αὐτοί τε μεμαθήκασιν οὕτω; τούς
τε αὑτῶν διδάσχουσι παῖδας. De Leg., IV, t. vi, p. 134.
2 Νόμος.
344 INTRODUCTION.
ville en ville exercer leur art. C’est encore un trait qui n’est
pas en désaccord avec l’époque d’Hippocrate. En un mot, le
Serment me paraît entraîner avec lui la Loi, et, sans avoir la
certitude absolue que cette dernière pièce appartienne
à Hippocrate, on peut l’attribuer à son époque et ἃ son
école.
Je viens de passer en revue tous les écrits que je re-
garde comme étant d'Hippocrate lui-même ; et j’aï exposé les
motifs qui m'ont déterminé. Maintenant , si ces motifs sont
fondés, si je n’ai pas erré dans mes déterminations , il doit
se manifester, entre tous ces écrits que je suppose provenus
d’une même tête et d’une même main, des rapports qui achè-
vent de démontrer la communauté d’origine, et dont l'absence
serait uneobjection contre la critique. Or, remarquez combien
tous ces écrits ont entre eux de liaisons étroites. Le livre de
l’Ancienne médecine a des passages entiers qui se trouvent
reproduits dans le traité du Régime des maladies aiguës; ce
traité, à son tour, contient, contre les médecins cnidiens,
une polémique où Hippocrate leur reproche leur soin de
compter et de nommer les maladies; et dans le Pronos-
tic il dit expressément qu'il n’a pas voulu nommer les ma-
ladies, attendu que cela est inutile pour l'intelligence des
symptômes généraux. Les observations particulières des
Épidémies sont tracées dans le même esprit, les maladies
sont rarement dénommées, et tout est rapporté à la seule
description des symptômes généraux. Le même livre du Pro-
nostic déclare que les principes médicaux qui viennent d’é-
tre exposés sont valables pour la Scythie, la Lybie et Délos;
et, dans le traité des Airs, des Eaux et des Lieux, l'auteur
expose les conditions des habitants de la Scythie, de la Ly-
bie et des Grecs tant européens qu'asiatiques. Les A4phoris-
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOERATIQUES EN PARTICULIER. 345
mes forment un lien entre tous ces livres et les traités chi-
rurgicaux ; de sorte que l’on a véritablement, dans cet en-
semble d’écrits, un ensemble de doctrine où l’on reconnait
partout la trace visible d’une même pensée et d’une même
main. Si nous demandons aux plus anciens témoignages
quel est cet auteur, Platon, Ctésias, Dioclès, Hérophile
nous indiquent Hippocrate. Les mentions qu'ils font de son
nom, se complètent et se confirment l’une par l’autre; et,
tandis que l’on voit, dans la Collection hippocratique, un
certain nombre de livres marqués d’un même caractère et
liés par d’incontestables rapports, on voit, dans l’histoire ,
un médecin cité par des écrivains célèbres qui ont vécu ou
avec lui ou peu après lui : citations que l’on rapporte à
quelques-uns de ces ouvrages qu’une tradition de vingt-deux
siècles nous ἃ transmis. Ainsi, malgré un si long intervalle
de temps, malgré les nuages qui toujours s’amoncellent sur
le passé, on discerne visiblement la grande figure d’Hippo-
crate, On aperçoit la trace de ses travaux , on peut poser le
doigt sur ce qui a été son œuvre. Ici, la critique touche de
toute part à des réalités; et c’est dans la concordance des
témoignages intrinsèques et des témoignages extrinsèques,
des livres et des citations , qu’elle trouve sa plus grande sû-
reté. ͵
DEUXIÈME CLASSE.
La série des écrits qui manifestement n'’appartiennent
pas à Hippocrate , est naturellement ouverte par ceux qui
sont dus à Polybe , son gendre. Le traité de la Nature de
l'homme, et peut-être celui du Régime des gens en santé,
sont de ce médecin.
DE LA NATURE DE L'HOMME!. Aristote (Histoire des
® Περὶ φύσιος ἀνθρώπου,
346 INTRODUCTION.
animaux, liv. 111, ch. 3 ) cite un long morceau sur les veines
qu’il attribue à Polybe en termes exprès; car, après avoir
rapporté les opinions de Syennésis de Chypre et de Diogène
d’Apollonie, il ajoute : Polybe s'exprime ainsi : (Πόλυδος δὲ
ὧδε); et, après avoir fini la citation, il la clot en ces termes :
ce que disent les autres-est à peu près semblable ( τὰ μὲν
οὖν ὑπὸ τῶν ἄλλων εἰρημένα σχεδὸν ταῦτ᾽ ἐστίν). Or, tout ce long
morceau se retrouve textuellement dans le traité de la Να--
ture de l'homme ?. Cela est absolument incontestable.
Cependant Galien a essayé, avec une insistance toute
particulière, de faire prévaloir l'opinion que ce traité ap-
partenait à Hippocrate, opinion, du reste, fort contestée ,
comme il nous l'apprend lui-même, par d’autres critiques.
Son grand argument est le passage de Platon que j'ai lon-
guement discuté au sujet de l’Ancienne médecine. Je n’y re-
viendrai pas.
Il va jusqu’à dire que l'anatomie des veines , telle qu’elle
est dans le livre de la Nature de l’homme, n’est ni d’'Hippo-
crate, ni de Polybe 3. et que cela a été démontré par d’au-
tres, et sera démontré par lui dans l'ouvrage qu'il consa-
crera , si Dieu lui en accorde le temps, à l'examen des livres
qui sont véritablement d'Hippocrate. Entre l’assertion de
Galien, vivant plus de 500 ans après Polybe, et qui n’en a
jamais vu les écrits, et l’assertion d’Aristote, presque con-
temporain de ce même Polybe, et qui ἃ eu ses livres entre
* Page 25, Ed. Frob.
2 Ἀλλ᾽ ὅτι μὲν οὐχ ἔστι γνήσιος οὔθ Ἱπποχράτους, οὔτε Πολύδου
τῶν εἰρημένων φλεδῶν À ἀνατομὴ, καὶ πρὸ ἡμῶν ἑτέροις ἀποδέδειχται,
χαὶ ἡμεῖς δ᾽ ἂν (ei θεὸς δοίη ποτὲ περὶ τῶν γνησίων Ἱπποχράτους συγ-
γραμμάτων πραγματεύσασθαι) διὰ πλειόνων ἐπιδείξομεν ἥτις ἐστὶν
Ἱπποχράτους γνώμη περὶ φλεδῶν ἀρχῆς. Tome τ, p.300, Ed.
Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 347
les mains , il ne peut pas y avoir la moindre hésitation ; c’est
Aristote qui est seul croyable en ceci. Aristote ne cite pas, il
est vrai, le titre de l'ouvrage de Polybe ; mais il ne cite pas,
non plus, le titre du livre de Diogène d’Apollonie, qui avait
intitulé le sien, comme nous l’apprend Simplicius, de la
Nature, ni celui du livre de Syennésis de Chypre. Quant à ce
dernier, son livre ayant péri avant d’être recueilli dans les
grandes bibliothèques publiques, nul ne sait quels en étaient
le titre et l’objet.
Je pense donc qu'il est impossible de ne pas regarder le
traité de la Nature de l’homme comme étant de Polybe. Il
est bien vrai, comme le dit Galien, que ce livre est composé
de pièces et de morceaux. L’inspection la plus superficielle
suffit pour le démontrer ; mais c’est du livre de Polybe que
ces fragments ont été pris.
En voici, ce me semble, une preuve : l’auteur dit que les
maladies se guérissent par les contraires, dans une phrase
qui tient peu à ce qui précède. Douze lignes plus loin , ex-
posant comment il faut combattre les maladies épidémiques,
il ajoute que le traitement doit être le contraire de la cause ,
ainsi, dit-il, que je l'ai expliqué ailleurs. Une telle expres-
sion indique ce qui vient d’être énoncé quelques lignes plus
haut, ou plutôt ce qui a été exposé dans un autre traité ou
dans un autre chapitre résumé dans ces quelques lignes. Je
regarde le court passage où il explique que le traitement doit
être basé sur les contraires, comme l'idée d’un livre ou
chapitre particulier, et le passage où il explique le diagnos-
tic des maladies épidémiques , comme appartenant à un au-
tre livre ou chapitre.
Immédiatement après, et sans aucune transition , il passe
τ: Pages 22 et 25, Ed. Frob.
348 INTRODUCTION.
à la description des veines du corps, fragment anatomi-
que du livre de Polybe.
Puis viennent encore sans transition quelques considéra-
tions sur les urines.
Enfin il termine par quelques mots très brefs sur les fiè-
vres, sujet qui n’est pas plus amené que les autres.
Tout cela prouve que ce sont, il est vrai , des fragments,
mais on voit en même temps qu’il est resté, entre ces frag-
ments, une trace qui indique qu’ils ont tenu l’un à l'autre.
Il ne serait même pas impossible de se faire une idée du
livre de Polybe tel qu’Aristote l'avait dans sa bibliothèque.
Ce livre commençait par des considérations générales sur
l’homme, où l’auteur essayait de faire voir que le corps ne
pouvait pas être simple, comme quelques-uns, disciples de
Mélissus, le soutenaient; que quatre humeurs le constituaient
essentiellement, le sang, la pituite, la bile jaune et la bile
noire ; et que ces humeurs prédominaient dans la saison à
laquelle chacune était conforme.
De là l’auteur passait à son principe que les contraires
doivent être combattus par les contraires, et il énumérait
toutes les conditions de régime , de saison, d'âge, où ce
principe était applicable.
Puis il examinait les causes des maladies, attribuait les
maladies épidémiques à l'air, les sporadiques au régime.
Cet examen le conduisait à la considération des maladies
selon les organes; examen dont l’abréviateur a conservé
une trace dans la phrase où il est dit que les maladies sont
les plus fortes ou les plus faibles selon que la partie affectée
est plus ou moins importante.
De là transition naturelle à des explications anatomiques
où prenait place la description des veines qui est conservée
et qu'Aristote a citée.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 949
L'auteur entamait des recherches sur certaines disposi-
tions qui, existant dans l'enfance, amènent à l’âge adulte,
par une suite nécessaire , des états particuliers.
Il essayait d'expliquer pourquoi les enfants et les vieillards
sont plus sujets que les adultes à la pierre.
ΤΙ y avait quelques mots sur les affections des voies urinaï-
res; enfin, l'ouvrage était clos , autant qu’on en peut juger,
d’après ce que nous en ἃ donné l’abréviateur, par des no-
tions sur les fièvres.
Tel est le résumé que l’on peut concevoir de louvrage de
Polybe. Ce livre, réduit à quelques fragments et conservé
seulement sous cette forme, a été publié plus tard sous le
nom d'Hippocrate. Mais rappelons-nous qu’Aristote ἃ eu ce
livre dans sa bibliothèque, et qu’il en a cité un long passage ;
et nous ne serons pas étonnés de trouver, entre le livre de
Polybe et les écrits du chef du péripatétisme , certaines res-
semblances qui ne peuvent être fortuites, et dont je citerai
ici un seul exemple. Polybe dit que, dans des abcès qui se
forment vers la grosse veine et qui ne s'ouvrent pas promp-
tement, le pus se transforme en concrétions ". Aristote dit
de son côté : « Le sang qui se putréfie dans le corps devient
« pus, et le pus devient concrétion 2 ».
Du RÉGIME DES GENS EN SANTÉ 5. Ce traité était, comme
nous l’apprend Galien , réuni, dans la plupart des anciennes
éditions , au traité de la Nature de l’homme, et, dans ce
cas, il portait le titre de livre sur la Nature de l’homme et sur
1 Ἅτε, οὐ ταχέως ἐχραγέντων τῶν φυμάτων, πῶροι συνετράφη -
σαν ἐκ τοῦ πύου. Page. 24, Ed. Frob.
2 Σηπόμενον δὲ γίνεται τὸ αἷμα ἐν τῷ σώματι πύον, ἐκ δὲ τοῦ
πύου πῶρος. Hist. Anim., 11). ττἴ, c. 19.
A... 1 “
3 Περὶ διαϊτῆς ὑγιεινῆς.
390 INTRODUCTION.
le Régime *. C’est cette circonstance qui fait que je le joins ici
au traité avec lequel il était joint jadis, sans avoir d’autre
preuve que Polybe en soit l’auteur. Il est très probable qu’il
appartient à celui qui a composé le livre sur la Nature de
l'homme. Cependant l'opinion , dans l'antiquité, a beaucoup
varié sur cet opuscule, que l'on a attribué à Euryphon, à
Phaon , à Philistion , à Ariston, et à d’autres encore 3.
TROISIÈME CLASSE.
Une troisième série est formée par des écrits que plu-
sieurs critiques modernes ont regardés comme antérieurs
à Hippocrate lui-même, et comme provenant directement
des temples des Asclépiades. Ce sont les Prénotions de Cos
et le 1* livre des Prédictions.
PRÉNOTIONS DE COs.— PRÉDICTIONS, LIVRE 1*5. Ces
deux livres ont la plus grande ressemblance dans la forme
et ont été tous deux rejetés du catalogue hippocratique par
la plupart des critiques anciens. Érotien ne fait aucune men-
tion des rénotions coaques ; etles Prédictions, qu'il cite, il
déclare expressément qu’elles ne sont pas d’Hippocrate.
Galien ne parle qu’en passant des Prénotions de Cos, il
en explique quelques mots dans son Glossaire, et, quant au
1e livre des Prédictions, qu’il a commenté, il le regarde
comme une compilation du Pronostic, des Aphorismes et
des Épidémies ; compilation au milieu de laquelle beaucoup
de choses fausses ont été intercalées. La lecture même de
ces deux écrits ne permet pas, non plus, d'y voir une
composition régulière : ce sont des notes, des fragments
' Περὶ φύσιος ἀνθρώπου χαὶ διαίτης. Tome v, p.447, Ed. Bas.
2 Gal.,t. ν, p. 29, Ed. Bas.
= ΄ \ , 5΄ἃ \ ’
ὃ Κωαχαὶ προγνώσεις. -- Προῤῥητιχὸν, α΄.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 351
d'observation, descas particuliers où quelquefois le nom même
du malade est rapporté. En plusieurs endroits on trouve des
points d'interrogation, questions que l’auteur a laissées sans
solutions. Que ces livres soient antiques , c’est ce dont il est
impossible de douter ; qu’ils présentent une grande confor-
mité de doctrines et d'observations avec les tivres les plus
authentiques d’'Hippocrate, c’est ce dont on acquiert facile-
ment la preuve en les comparant avec le Pronostic et les
Aphorismes. Plusieurs modernes, et entre autres Grimm 1...
ont pensé avec une grande apparence de raison que ces li-
vres contiennent les notes prises par les Asclépiades dans le
temple, et qu’à ce titre ils présentent un spécimen de la
médecine antérieure à Hippocrate lui-même. D’un autre
côté, la comparaison entre le Pronostic et ces deux livres,
faite avec beaucoup de soin par M. Ermerins?, prouve jus-
qu’à l'évidence que, si les Prénotions coaques sont antérieu-
res à Hippocrate, il en a usé largement pour la composition
de ce traité. Or, je l’ai déjà dit, entre le Pronostic et les
Prénotions de Cos, 1 n’y ἃ pas à hésiter, celles-ci sont in-
contestablement les plus anciennes.
M. Ermerins , par des raisons ingénieuses , cherche à dé-
montrer que le 1° livre des Prédictions est à son tour anté-
rieur aux Prénotions coaques ; 1° parce que, dans ce livre, le
nom des malades est plus souvent ajouté à la proposition ;
20 parce que les questions et les doutes y sont en plus grand
nombre que dans les Prénotions de Cos, proportionnellement
à la longueur des traités ; 3° parce que le nombre des proposi-
tions y est de beaucoup inférieur à celui que renferment les
τ Tome 11, pag. 508.
2 Specimen historico-medicum inaugurale de Hippocratis doc-
trina ἃ prognostice oriunda. Leyde 1832.
392 INTRODUCTION.
Prénotions de Cos ; 4° parce que les énonciations prognosti-
ques y ont beaucoup moins d’étendue et de généralité, et
que pour cette raison elles paraissent tirées d’une moins ri-
che collection d'observations.
Il n’est presque aucune des propositions du 1‘ livre des
Prédictions qui ne se retrouvent dans les Prénotions de Cos;
mais celles-ci en offrent un grand nombre d’autres neuves
et originales. Il semblerait que ce recueil, dont le point de
départ serait le 1* livre des Prédictions, est allé se grossis-
sant, et s’enrichissant de propositions nouvelles et plus éten-
dues ; et l'on pourrait presque considérer les Prénotions de
Cos comme une édition , considérablement augmentée et
changée, du 1“ livre des Prédictions.
Cela étant établi, il est inutile de chercher l’auteur de ces
recueils qui n’appartiennent en propre à personne.
QUATRIÈME CLASSE.
Une nouvelle série est formée par les écrits qui, dépour-
vus de témoignages suffisants pour être attribués à Hip-
pocrate, portent cependant le cachet de l’école de Cos, et
doivent être considérés comme l'ouvrage des disciples de
cette école qui lui ont prochainement succédé. Ce sont : le
traité des Ulcères ; celui des Fistules et des Æémorrhoïdes ;
celui de la Maladie sacrée, celui des Airs, celui des Zieux
dans l’homme , le traité sur l’Art, le traité du Régime et des
Songes , le traité des Affections, le traité des Affections 1in-
ternes, les trois premiers livres des Maladies , les opuscules
de la Naissance à sept mois , de la Naissance à huit mois.
DES uLcÈRES !. Ce traité est attribué à Hippocrate d’une
manière positive par Galien et par Érotien. Des critiques
‘ Περὶ ἑλχῶν.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 353
modernes, Haller, Gruner et Grimm, ont contesté ce juge-
ment, et, sous prétexte qu'il régnait dans ce traité du dés-
ordre , et qu’il y était question de médicaments variés et com-
posés, ils l'ont jugé indigne du médecin de Cos; Grüuner
même l’attribue à quelque médecin enidien. Ces raisons , à
vrai dire, me paraissent peu concluantes, et, en l’absence
de meilleurs arguments qui constatent que ce livre est réel-
lement apocryphe, le plus sûr serait de ne pas s’écarter de
l'avis des anciens, et de le ranger, avec Galien et Erotien ,
parmi les productions d’Hippocrate, si l’on avait plus de
moyens d’en discuter l'authenticité.
DES FISTULES ". — DES HÉMORRHOÏDES 3. Galien, l’au-
teur de l’Antroduction, et Érotien n’hésitent pas à compter
ces deux traités parmi ceux qui appartiennent à Hippocrate.
Ces deux morceaux sont évidemment du même auteur et
même la suite l’un de l’autre. Certains critiques modernes
ont fait contre ces opuscules les mêmes objections que contre
le livre des Ulcères. Comme le traité des Ulcères, ces deux
opuscules ne contiennent rien qui démente ou fortifie l’asser-
tion d’Érotien et de Galien, et le doute est ce qui convient
le mieux ici où les éléments de discussion manquent com-
plétement.
DE LA MALADIE SACRÉE 5. Connu de Bacchius, dont une
explication relative à ce livre nous a été conservée , placé par
Érotien , Cœlius Aurelianus et Galien au nombre des œu-
vres d’Hippocrate lui-même, le traité de la Maladie sacrée
nous arrive entouré de témoignages imposants. Cependant
la plupart des critiques modernes ont cru devoir le ranger
2 Περὶ συρίγγων.
2 Περὶ αἱμοῤῥοΐδων.
3 Περὶ ἱερῆς νούσου.
TOM. I. 23
354 INTRODUCTION.
au nombre des livres apocryphes. Une des principales causes
de ce jugement a peut-être été une glose que l’on trouve
dans quelques manuscrits , et que l'édition de Froben a re-
produite. Il y est dit que le traité de la Maladie sacrée n’est
pas du véritable Hippocrate, mais que, suivant Galien,
c’est l'ouvrage d’un homme de mérite 1. Celte opinion ne se
trouve dans aucun des écrits de Galien, et la citation est
fausse , à moins qu’elle n’ait été empruntée à quelqu'un de
ses ouvrages perdus. Les critiques modernes prétendent que
le style du traité de la Maladie sacrée ne répond ni à la
brièveté, ni à la simplicité du style d'Hippocrate, et que ce
livre porte tous les caractères du temps où Pécole dogma-
tique était déjà complétement formée ; ils y signalent aussi
l'abondance des raisonnements et une observation anatomi-
que trop avancée , selon eux , pour l’époque hippocratique.
La plupart se sont done accordés pour le regarder comme
postérieur ; cependant quelques-uns (Cæsalpin et Ponce de
Sancta - Cruce) l’ont attribué à Démocrite. D’autres l’ont
donné à Philotimus ; il y a trop de distance entre ce dernier
et Démocrite pour que la critique qui reste incertaine entre
ces deux auteurs , ne soit pas vicieuse en soi. M. Dietz, qui
a publié une édition de ce traité, remarque, avec toute rai-
son, que le style, la doctrine, et une conformité évidente
avec des livres reconnus comme l’œuvre d’Hippocrate, ne
permettaient pas de douter que le traité de la Maladie sacrée
ne fût sorti de l’école de Cos. Il incline à penser que ce livre
est du même auteur que le livre sur la Nature humaine.
Si donc, en acceptant comme véritablement de Galien le
3 à ,
1 Οὐϊγνήσιον Ἵπποχράτους, ἀξιολόγου δὲ ἀνδρὸς φησὶν ὃ Γαληνὸς
\ \ A! € / \ \ \ 7 « “ ΤᾺ δὲ ΕἸ
χαὶ χατὰ τὴν ἑρμηνείαν καὶ χατὰ τὴν διάνοιαν. Ἱπποκράτους δὲ οὐ--
δὲν ἐν αὐτῷ, οὔτε χατὰ τὸν τρόπον τῆς ἑρμηνείας , οὔτε χατὰ τὸ τῆς
N
διανοίας ἀχριδές.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 309
jugement que rapporte la glose citée plus haut, on se refuse
à donner à Hippocrate lui-même cette composition, il faudra
du moins l’attribuer à quelqu'un de ses disciples, les meil-
leurs et les plus immédiats.
Des Arrs ou plutôt pu PNEUMA. Ce traité, cité par Celse,
par Érotien, par Galien, a en sa faveur lesmêmes autorités que
le traité de la Maladie sacrée, mais il est sujet aux mêmes ob-
jections. Il paraît appartenir à une école dogmatique plus dé-
veloppée qu'au temps même d'Hippocrate ; maisles analogies
qu'il présente avec la plupart des autreslivres de la Collection,
ne permettent pas qu’on l’attribue à quelque médecin de la
secte bien plus récente des pneumatiques. C'est une produc-
tion de l’école de Cos, étrangère, si on veut, à Hippocrate
lui-même, mais appartenant à quelqu'un de ceux qui avaient
reçu leur instruction dans cette école, d’où il était sorti,
DES LIEUX DANS L'HOMME 2. La plupart des auteurs an-
ciens, Bacchius, Lyceus de Naples, Érotien, Rufus d'É-
phèse, attribuent formellement ce traité à Hippocrate. Ga-
lien ne le nomme qu’en passant dans son Glossaire , et il ne
s'explique ni pour ni contre. En général, ces opuscules, tels
que celui sur la Maladie sacrée, sur le Pneuma, des Lieux
dans l’homme, de l Art, se trouvent trop peu discutés dans ce
qui nous reste des livres des critiques anciens, pour qu'il
soit possible d’avoir, sur le compte de ces ouvrages, une
opinion arrêtée , et peut-être, dans un pareil doute, vaut-il
mieux s'abstenir.
DE L'ArT5. Ce traité a pour lui le témoignage d’Érotien,
et même le témoignage, beaucoup plus ancien , d'Héraclide
de Tarente; car Érotien rapporte l'explication donnée par
ν᾿ Περὶ πνευμάτων.
\ “- 5
3 Περὶ τόπων τῶν XAT ἀνθρωπον.
8 Περὶ τέχνης.
396 INTRODUCTION.
Héraclide sur un mot qui se rencontre dans ce traité. El est
donc évident que l’opuscule sur Art a fait, dès les premiers
temps, partie de la Collection hippocratique ; mais il n’en
résulte pas , d’une manière incontestable , que cet opuscule
appartienne à Hippocrate. Ce traité présente quelques sin-
gularités de rédaction ; le préambule où l’auteur remarque
qu'il y a un égal mérite à faire des découvertes ou à perfec-
tionner des découvertes déjà faites, a une ressemblance
frappante avec le préambule du 1‘ livre du Régime; plus
loin , il recommande aux médecins de ne pas donner leurs
soins aux malades incurables , et cette recommandation se
lit aussi dans le Pronostic; vers la fin il se trouve, sur le
souffle vital , des idées fort analogues à celles qu’on lit dans
letraitédu Pneuma. Enfin, une phrase remarquable présente
une singulière analogie avec une phrase de Platon. Ces
considérations réunies ne permettent pas de rejeter l’opüs-
cule sur l_4rt hors dé l'ancienne école de Cos.
Du RÉGIME, EN TROIS LIVRES ?. Si jen’avaisconsulté que la
valeur intrinsèque de ce livre et mon goût particulier, j'aurais
eu une grande inclination à l’attribuer à Hippocrate ; mais les
critiques anciens ont été très partagés au sujet de ce traité.
Les uns lont donné à Hippocrate lui-même; d’autres à Phi-
listion de Locres, à Ariston, à Euryphon, à Philetès, tousmé-
decins ou contemporains d’'Hippocrate ou même plus anciens
que lui. On voit donc que ce n’est pas sur l'antiquité de ce li-
vre, malssur son authenticité que l’on a eu des avis différents.
Érotien n’en fait pas mention dans son catalogue ; Galien se
© Τὰ μὲν γὰρ ὀνόματα φύσιος νομοθετήματά ἐστι. P.1, Ed. Frob. —
Καὶ οὐδαμῇ δυνάμεθα εὑρεῖν ἐφ᾽ ὅτῳ ποτὲ τῶν ὄντων 6 νομοθέτης
τοῦτο τοὔνομα ἔθετο, τὴν σωφροσύνην. Plat. Charm., tom. 1V, p.
102, Ed. Tauch.
3 Περὶ διαίτης, α΄, β΄, γ΄.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 357
prononce coritre la légitimité de ce traité, et, tout en admet-
tant que le second livre est digne d'Hippocrate , il repousse
le premier comme s’éloignant complétement de la doctrine
du médecin de Cos !. Il est certain que le traité du Régime
présente des traces d’une haute antiquité; ses conformités
avec les théories d’'Héraclite, dont le style et quelquefois les
mots s’y trouvent reproduits, ses rapports avec les préceptes
d'Hérodicus de Selymbrie, le font remonter à une époque
peut-être aussi ancienne que celle d’Hippocrate. La seule
chose qui m'empêche d'admettre ce livre pour authentique,
c’est que les anciens critiques l'ont rejeté. Car, du reste, il
porte des traces évidentes et nombreuses de conformité
avec les écrits vraiment hippocratiques.
Il y avait des éditions différentes de ce traité dans l’anti-
quité. Quand les troislivres étaient réunisensemble, ils étaient
intitulés de la Nature de l’homme et du Régime ; quand le
le second était seul, on lui donnait le titre de Zivre sur le
Régime. Une autre particularité de ce second livre, c’est
qu’il y en avait deux éditions notablement différentes. L’une
contenait un long morceau de plus que l’autre ; la première
commençait par ces mots : Χωρίων δὲ θέσιν, qui sont les pre-
miers de nos éditions, l’autre par ceux-ci : Σιτίων τε χαὶ πο-
μάτων 3, qui se trouvent soixante et une ligne plus bas dans
l'édition in-folio de Froben. Cette différence vient-elle de la
volonté des éditeurs postérieurs , ou bien du fait même de
la publication primitive ?
Des SonGes ὅ. Cet opuscule est évidemment la suite du
{traité du Régime, par conséquent tout ce qui a été dit de l’un
: Tomeiv, p. 306, Ed. Bas.
? Gal., t. 1v, p, 506, Ed. Bas.
ὁ Περὶ ἐνυπνίων.
358 } INTRODUCTION.
s'applique à l’autre. Le traité du Régime est un de ceux de
la Collection où la fin est le mieux marquée. La portion qui
est relative aux songes ( Περὶ ἐνυπνίων) se termine par une
formule qui est réellémenit la clôture de tout le traité.« Celui,
« dit l’auteur, qui observera ce qui est écrit, jouira de la
« santé pendant tout le cours de sa vie; car j'ai tracé, au-
«tant qu'un homme peut le faire, les règles du régime,
«avec le secours des dieux 1. »
DES AFFECTIONS 3. Érotien ne cite pas cetraité; Galien
en parie quelquefois, mais il dit qu’il n’est pas digne d’Hip-
pocrate ; cependant il ajoute qu’ilcontient beaucoup de choses
utiles 5. Ainsi, le seul témoignage explicite de l'antiquité qui
soit arrivé jusqu’à nous est défavorable à l'authenticité de ce
livre. Remarquons en outre que le silence d'Érotien est aussi
une condamnation ; et cependant ce critique a été bien plus
facile que sévère dans l’appréciation des titres de chacun des
écrits qu’il a admis dans sa liste. Après ces préliminaires, il
est évidemment impossible que nous reconnaissions le livre
des Affections comme une production d’Hippocrate lJui-
même, quoique ce soit un abrégé bien fait et rapide d’une
foule de notions médicales.
DES AFFECTIONS INTERNES #. Ce traité, qui n’est pas cité
par Érotien, l'est plusieurs fois par Galien, qui nous apprend
qu'il portait différents ütres 5, et, pour qu’il n’y ait aucune
2 ούτοισι χρώμενος, ὡς γέγραπται, ὑγιαίνει τὸν βίον - καὶ εὕρη-
ταί μοι δίαιτα, ὡς δυνατὸν εὑρεῖν ἄνθρωπον ὄντα; ξὺν τοῖσι θεοῖσιν.
P.100, Ed. Frob.
2 Περὶ παθῶν.
Εν p.64, Ed. Bas.
4 Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν.
" Τὸ μέγαλον περὶ παθῶν - τὸ “μεῖζον περὶ παθῶν, περὶ ἐμπύων.
Tomev.p. 506 et p. 614, Ed. Bas. En outre, dans son Glossaire,
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 350
confusion sur des livres qui ont des titres analogues, Galien
en cite la première ligne, laquelle est en effet le commence-
ment du traité que nous possédons aujourd’hui. L’absence
du témoignage d'Érotien, l'affirmation de Galien que ce livre
n’est pas d'Hippocrate, nous empêchent également d’hésiter
sur le rang où nous devons mettre le traité des Affections in-
ternes; Foes l’a attribué à Euryphon, médecin cnidien. Au-
cun renseignement n'autorise à en indiquer, d’une manière
aussi précise, l’auteur.
DES MALADIES , 1,2, 3 1. Nous possédons quatre livres
des Maladies, mais ils ne font pas tous les quatre suite l’un
à l’autre, ils n’ont pas été admis dans leur ordre actuel
par les critiques anciens, et le quatrième appartient mani-
festement à une série différente, ainsi que je le dirai plus
loin. Érotien n’en cite que deux ; Cœlius Aurelianus n’en
admét aussi que deux. Galien en nomme, non-seulement
quatre, mais cinq; et les quatre qu’il nomme ne répondent
pas à ceux qui sont arrivés jusqu'à nous. Là est la difficulté,
examinons-la de plus près.
D'abord quels sont les deux livres des Maladies qu'Éro-
tien a insérés dans son catalogue des livres hippocratiques ?
Ce sont ceux qui, dansnos éditions, sont appelés le deuxième
et le troisième. Cela résulte de différentes preuves. Cœlius
Aurelianus cite deux fois le 2° livre ? : or ses deux citations
se trouvent dans notre troisième ; Érotien explique des mots
pris dans notre deuxième et notre troisième; cette circon-
stance , rapprochée des témoignages de Cœlius Aurelianus ,
Galien le cite souvent sous le titre de ‘To δεύτερον περὶ νούσων τὸ
μεῖζον, aux mots ἄλφιτα , ἀνθίνην, ἀνωργισμένον, etc.
* Περὶ νούσων, α΄, β΄. γ΄.
"ΤΡ. IT, Chron., cap. 1v, p. 191. — Lib. IE, Acut. morb.,
c. Xv11, p. 240.
360 . INTRODUCTION.
ne permet pas de douter que les deux livres des Maladies
nommés dans le catalogue des œuvres hippocratiques dressé
par Érotien, ne soient le deuxième et le troisième de nos
éditions. Mais comment s’est opéré ce changement? 1] date
de loin certainement, etil y avait dans l’antiquité d’autres
éditions où celui que nous connaissons comme le 1* livre
des Maladies , était bien réellement intitulé ainsi. En effet ,
Galien le citant, dit : «Le 1* livre des Maladies, qui porte à
« tort ce titre 1. » Ces paroles semblent indiquer que Galien
désapprouvait cette appellation. Il faut remarquer, en outre,
qu’il cite la première ligne de ce livre; ce qui , d’une part,
nous montre qu'il n’y ἃ aucune erreur sur le Hvre lui-même;
et, d'autre part, que la confusion était fréquente , dans les
anciennes éditions, entre les différents livres des Maladies ,
celui des Affections, et celui des Affections internes ; aussi
Galien, pour éviter toute méprise, rapporte-t-il en quelques
endroits , lorsqu'il cite notre 2° livre des Maladies et le traité
des Affections internes, les premiers mots de ces ouvrages.
ΤΙ nomme cinq traités sur les Maladies , à titres différents,
qui sont : 1° le 1* livre des Maladies le grand; 2° le 2° livre
des Maladies le grand ; 3° le 1* livre des Maladies le petit ;
49 le 2° livre des Maladies le petit? ; 5° le 1* livre des Mala-
dies. À quoi répondent, dans la collection telle que nous
l'avons aujourd'hui, ces indications de Galien?
19 Le 1® livre des Maladies le grand est notre 2° livre ;
parmi les mots expliqués dans le Glossaire de Galien et cités
comme appartenant au traité en question , les uns 50 re-
=] - τ /
" Ἔν τῷ πρώτῳ Περὶ νούσων oùx ὀρθῶς ἐπιγραφομένῳ. T. v, p.
614, Ed. Basil.
2 x ea ω ,
Τὸ πρῶτον περὶ νούσων τὸ μεῖζον — τὸ δεύτερον περὶ νούσων
\ - “ο-Ὡ LA
τὸ μεῖζον — τὸ πρῶτον περὶ νούσων τὸ μιχρότερον — τὸ δεύτερον
= A! , \ , . -
περὶ νούσων τὸ μιχρότερον. Dans son Glossaire, passim.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 301
trouvent sans peine , les autres ont besoin de quelques cor-
rections , soit dans le texte hippocratique, soit dans celui du
Glossaire. Deux mots font exception’; Foes trouve, à la vérité,
le premier dans le 2: livre des Maladies ; maiscomme le se-
cond ne s’y rencontre pas, etqu'onle lit, avecle premier, dans
le traité des Affections, il faut croire que Galien, qui hésite
quelquefois au milieu des désignations diverses de livres
portant à peu près le même titre, a donné fortuitement au
traité des Affections l'appellation qu’il appliquait ordinaire-
ment à un autre. Il n’en reste pas moins établi que celui
qu'il appelle le 1* livre des Maladies le grand est le pre-
mier d'Érotien et le second de nos éditions.
20 Le deuxième livre des Maladies le grand est le traité
des Affections internes. Tous les mots du Glossaire de Galien
qui sont empruntés à l’un se retrouvent dans l’autre.
30 Le premier des Maiadies le petit est sans doute un livre
perdu , du moins on ne découvre dans aucun des ouvrages
hippocratiques les trois mots que Galien explique dans son
Glossaire ?.
40 Le deuxième livre des Maladies le petit est celui qui
porte dans nos éditions le titre de troisième; c’est le second
d'Érotien et de Cœlius Aurelianus. Galien n’en cite qu'un
mot 5, Ce mot s’y retrouve avec sa signification; et il est
interprété aussi dans le lexique d’Érotien.
50 Galien cite encore sous le titre simple de livre des Mala-
dies ou de 1° livre des Maladies, un ouvrage qui estnotre pre-
mier livre. J’ai déjà rapporté un passage où il blâme ce titre
de 1“ livre; il le blâme aussi dans un autre qui me semble
* Μελιηδέα et μελίχρουν.
5 “a
Ἀναφέρειν — Καύσωμα — Μηλιάδα.
* Ἄθήρ,
362 INTRODUCTION.
révéler la trace de quelque interversion 1. Ce passage est
ainsi Conçu : « Dans le préambule du livre intitulé à tort pre-
« mier des Maladies, il est dit que la fièvre suit nécessaire-
« ment le frisson. » Or la phrase citée par Galien se trouve,
non pas dans le préambule , mais à la fin de ce traité.
On lit, dans un ancien manuscrit du Glossaire de Galien,
un article qui manque dans tous les autres manuscrits et
dans les éditions, et qui indique un certain mot comme se
trouvant dans le 1° et le 2: livres des Maladies 3. Ce mot se
trouve, en effet, dans ces livres.
Ainsi voilà, de compte fait, cinq livres portant le titre sur les
Maladies, cités par Galien; ils répondent aux 1°,2°,3< livres des:
Maladies de nos éditions, et au traité des Affections internes.
Un cinquième ne se retrouve pas; et, d’un autre côté, nous
ne voyons, dans les citations de Galien, aucune trace de
celui qui, aujourd’hui, est appelé le quatrième livre. Tel
est le dernier résultat de cette discussion difficile.
Quels sont les auteurs des quatre livres des Maladies con-
servés dans la collection actuelle des œuvres hippocratiques?
Le premier porte, dans l'édition de Froben (p.129),unenote
prise à quelque manuscrit, dans laquelle il est dit qu'Hip-
pocrate en est véritablement l’auteur. Malgré cette asser-
tion , on ne peut en admettre l’authenticité. Érotien l’a rejeté
de son catalogue, et Galien, exprimant son jugement en
masse sur les livres des Maladies, déclare qu’ils ne sont pas
d'Hippocrate. Ce livre est très bien fait , et il est difficile de
* Ἐν γοῦν τῷ προοιμίῳ τοῦ χαλῶς ἐπιγραφομένου πρώτην Περὶ
νούσων, ὡς ἐξ ἀνάγκης ἑπομένου τῷ ῥίγει τοῦ πυρετοῦ γέγραπται. T.
v, Ρ. 587, Ed. Basil. Il faut bre où χαλῶς et πρώτου.
2 ec, τὸ ἁλμυρὸν φλέγμα παρ᾽ Ἵπποχράτει ἐν τῷ πρώτῳ περὶ
Νούσων χαὶ ἐν τῷ δευτέρῳ. Erot., Gal. et Herod. , Glossaria ; |.
422, Ed. Franz.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 909
comprendre pour quelle raison les critiques anciens l'ont
rejeté ; mais le rejet est certain. On peut du moins rappro-
cher ce livre des autres écrits de l’école qui ἃ succédé à
Hippocrate.
Galien 1 nous apprend que Dioscoride , l'éditeur d'Hippo-
crate, attribuait notre 2: livre des Maladies à Hippocrate ,
fils de Thessalus. Lui-même doute de l'authenticité de ce
livre. Quelques caractères intrinsèques porteraient à lattri-
buer à un médecin enidien ; de plus (chose assez remar-
quable), un passage copié dans un ouvrage d'Euryphon ,
auquel, dans l'antiquité, on attribuait généralement les
Sentences cnidiennes, s'y retrouve textuellement. Cette cir-
constance fortifie les conjectures de ceux qui y voient une
œuvre de l’école de Cnide.
Le troisième livre ne peut guère être séparé du second.
Quant à notre quatrième, bien qu’il ne se trouve cité ni
par Érotien, ni par Galien, néanmoins il ne doit pas être
exclu de la Collection hippocratique, car il appartient à lau-
teur destraités de la Nature de l'enfant, de la Génération ,
et des Maladies des femmes. Il est cité par Démétrius Pepa-
gomène.
DE LA NAISSANCE ἃ SEPT MOIS.— DE LA NAISSANCE A
HUIT MOIS ?. Ces deux petits traités font évidemment suite
l’un à l’autre. Érotien ne les admet pas dans son catalogue
des livres hippocratiques; mais Galien les cite comme une
œuvre qui appartient réellement à Hippocrate. Clément
d'Alexandrie attribue le traité de la Naissance à huit mois à
Polybe 5. Plutarque cite le même médecin comme auteur de
* Tome v, p. 456, Ed. Basil.
᾿ Περὶ ἑπταμήνου --- Περὶ ὀχταμήνου.
5 Lib. νι, Stromat., p. 756, trad. lat, Paris, 1566.
364 INTRODUCTION.
l'opuscule sur la naissance à sept mois. Dans cette incer-
titude , ces deux opuscules, quoique certainement fort an-
ciens , ne peuvent être considérés que comme un débris mal
. connu de l'antique médecine.
CINQUIÈME CLASSE.
Je range dans cette série tous les livres qui ne sont qu'un
recueil de notes, d'extraits, etqui évidemment n’ont pas reçu
une rédaction définitive, mais qui ont figuré dans la Col-
lection hippocratique dès les premiers temps. Ce sont le 2°,
le 4, le 5°, le 6° et le 7° livres des Épidémies , le traité de
l’Officine du médecin, le traité des Æumeurs , et celui sur
l'Usage des liquides. L'état informe de tous ces écrits est Ja
preuve manifeste que la main des faussaires n’est pour rien
dans la composition de la Collection hippocratique ; car
quel homme occupé à fabriquer ces livres pour les bi-
bliothèques de l'Égypte, aurait songé à jeter péle-méle
des notes décousues? qui aurait vu, dans cet artifice, un
moyen de recommander le livre qu’il voulait vendre? Ces
notes proviennent incontestablement de l’héritage de quel-
que médecin et de quelque école.
ÉPIDÉMIES , 2°, 4°, ὅς, θ΄. 7e LIVRES ?. Tous les anciens
critiques ont connu ces cinq livres des Épidémies; mais ils
ont été loin de s’accorder sur l’auteur auquel il faut les at-
tribuer.
Le 2: livre est une collection de remarques sur une foule
de sujets divers, écrites d’un style obscur, sans liaison les
unes avec les autres; l'opinion de Galien est que Thessalus
a trouvé ces fragments après la mort de son père, et y a fait
5 De Plac. phil. , bib. v, p. 507.
S os Ὁ LA “M ! { f
2 Erwômuew B , d ,e;s,C.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 36%
quelques additions accrues encore par d’autres médecins 1.
Tel était l'avis qui prévalait dans l'antiquité sur l’origine du
2° livre des Épidémies , et les modernes ne peuvent que le
recevoir avec tous les doutes dont cet avis était dès lors en-
vironné.
Le 6° livre des Épidémies, qui est très semblable au 2,
doit être, pour les mêmes raisons, mis à côté de ce dernier,
et retranché du catalogue des écrits authentiques d’Hippo-
crate. Haller 3 ἃ cru trouver la preuve que le 6° livre des
Épidémies était de beaucoup postérieur à Hippocrate, dans
un passage où il était question d’un philosophe cyuique 5.
Mais rien n’est plus incertain que la valeur d’une telle con-
clusion, car les imprimés et les manuscrits écrivent très di-
versement le mot dont il s’agit, et on lit tantôt Cyniscus,
tantôt Cyriscus, de telle sorte qu’il n’y a rien à conclure d’un
mot ainsi isolé.
Quant au 4, Galien ne le croit ni d'Hippocrate, ni même
de Thessalus, et il aflirme que la composition de ce livre a
une date plus récente que ces deux médecins. Cependant,
dans un autre passage, il le range dans la même catégorie
que le 2° et le 6° livres. Érotien rapporte une explication
d'Héraclide de Tarente relative à ce livre #, ce qui prouve
(chose, du reste, prouvée surabondamment) son ancienneté
dans la Collection hippocratique. Le style y est à peu près le
même que dans le 2: et le 6°; et on y trouve une foule de pas-
sages tirés des autres livres d'Hippocrate.
Le ὅς livre des Épidémies, quoiqu'il contienne des obser-
vations plus détaillées et d’un mérite incontestable, est ce-
* Tome ur, p. 187, Ed. Basil.
2 Bibl. med. pr. t. 1, p.77.
3 Πρὸς ὃν ὃ Κυνιχὸς εἰσήγαγέ με. P. 350, Ed. Frob.
4 Page 398, Ed. Franz.
366 INTRODUCTION.
pendant comme les autres, un recueil de notes et de frag-
ments. Celse! , Quintilien 3 et Plutarque 5 lé citent comme
parfaitement authentique. Galien , au contraire, dit que
l'opinion presque générale est que ce livre porte un nom qui
ne lui appartient pas, et il l’attribue à Hippocrate, petit-fils
du grand Hippocrate. J’ajouterai une remarque, c’est que,
suivant le même Galien , le mot diaphragme ἃ été introduit
par Platon, et ce mot se trouve dans le ὅς livre des Épidé-
mies. Une telle observation ne tendrait qu’à confirmer l’opi-
nion que le ὅς livre des Épidémies a été composé à une épo-
que postérieure à Hippocrate.
Le 7° livre offre, dans sa contexture et sa rédaction , les
mêmes caractères que les précédents. Il faut remarquer
que la dernière partie de ce livre se retrouve à la fin du 6° li-
vre. Galien dit que le 5° et le 7° sont manifestement d’un
autre Hippocrate #, et ailleurs, que le 7° paraît à tous plus
récent et composé de pièces et de morceaux ÿ.
La iecture attentive de ces cinq livres porte à penser,
comme Galien, qu'ils n’ont jamais été destinés à une publi-
cation régulière, et que ce sont des notes, des fragments,
des observations cousues ensemble , sans aucun art, et pri-
ses à des sources diverses.
Les répétitions fréquentes que l’on trouve de lun à l’au-
tre de ces livres, les emprunts faits à d’autres ouvrages hip-
pocratiques, confirment encore cette manière de voir, et, s'il
reste la plus grande incertitude sur l'auteur ou les auteurs
de cette composition , la chose en soi importe peu. Des notes
* De re med., liv. vint, chap. 4.
2 Institut. orat., liv. 111, ὁ. 6.
3 De profect. in virt., ς, xt, t. 1, p.189, Ed. Tauch.
4 Tome v, p.442, Ed. Basil.
5 Tome ui, p. 182 , Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 367
venues d’Hippocrate lui-même seraient sans doute intéres-
santes et curieuses; peut-être y en a-tl, en effet, dans ces
cinq livres, quelques-unes qui lui appartiennent. Mais quand,
à une si grande distance de temps, et dans le dénûment où
l'on est de la plupart des documents positifs, on hésite sur
l'authenticité de traités entiers, quels moyens aurait-on de
reconnaître des phrases isolées et des passages dépareillés ?
DE L'OFFICINE DU MÉDECIN !. Bacchius, Héraclide de
Tarente et Zeuxis ont connu ce livre, et cela suflit pour
prouver que le traité de l'Officine du médecin ἃ été rangé,
dès les premiers temps, dans la Collection hippocratique. Les
critiques ont varié sur l'authenticité de ce livre. Érotien
l'attribue à Hippocrate ; mais Galien, qui semble partager
cet avis, remarque en d’autres endroits que, suivant quel-
ques-uns , ce livre est de Thessalus , fils d'Hippocrate, ou
bien d’un Hippocrate plus ancien, fils de Gnosidicus; ailleurs
enfin il avance que ce traité n’a été corrigé pour la publication
ni par Hippocrate, ni par ses fils (tom.V, pag. 685, Ed. Bas.).
Dans le préambule de son commentaire sur ce livre, Galien
rapporte que Mantias, Philotimus et Dioclès avaient composé
un ouvrage sur le même sujet avec le même titre. Les compa-
raisons destraités faits par ces anciens médecins avec le traité
hippocratique, nous apprendraient-elles si celui-ci est anté-
rieur à ceux-là ? Galien le pense, lui qui avait les uns et les
autres sous les yeux ; mais pour nous ce n’est qu’une conjec-
ture. La rédaction même du traité de l’Officine du médecin
indique que ce n’est qu'un extrait, une analyse. En effet,
j'ai montré que le traité des Instruments de réduction était
un abrégé du grand traité des Articulations. Or, la compo-
sition du livre de l'Officine du médecin a de grands rapports
: Κατ’ ἰητρεῖον
368 INTRODUCTION.
avec celle du livre des Instruments de réduction. Il est donc
permis de croire que le premier est, comme le second, l’ana-
lyse très succincte de quelque travail étendu sur la chi-
rurgie, qui n'existe plus.
Des HuMEURS !. Galien , dans son Commentaire du traité
des ÆHumeurs?, dit : « Dioclès de Caryste n’a pas bien
« compris le mot ἔῤῥιψις ; il a cru que c'était, non un sym-
« ptûme relatif aux forces et corporel, mais un symptôme
« relatif à l'âme et intellectuel. » Le mot dont il s’agit ici se
trouve dans le traité des Æumeurs ; en lisant dans Galien que
Dioclès ne l’a pas bien compris, on pourrait croire que le
médecin de Caryste en avait donné une interprétation, et
inférer de là que Dioclès avait composé un commentaire sur
cet écrit. Il n’en est rien ; Glaucias, Zeuxis et Héraclide de
Tarente s’accordaient pour nier que le traité des Zumeurs
fût d'Hippocrate ; et une pareille négation n’eût pas été pos-
sible si Dioclès l’eût commenté. "Egg est un mot que Dio-
clès a défini , mais sans aucune relation à un écrit d'Hippo-
crate. Nous trouvons, dans 165 Glossaires médicaux , de sem-
blables définitions de mots communs à Dioclès et aux hippo-
cratiques. Érotien cite trois explications du médecin de Ca-
ryste sur des mots qui sont dans Hippocrate : 19 ἐχτόμου, Dio-
οἰὸς dit qu'on appelle ainsi l’'hellébore noir 5; 20 σηχαμοειδές.
Dioclès dit qu'on appelle ainsi l'hellébore d’Anticyre; 3° φῶ-
ee, pour expliquer ce mot, Érotien rapporte une phrase de
Dioclès, où il est employé : Quelquefois, avait dit Dioclès, des
éruptions rouges semblables à des rougeurs causées par la
Περὶ χυμῶν.
2 Tom. xvi, p. 198, Ed. Κύμη.
3 P. 166, Ed. Franz.
4 P, 546, Ed. Franz
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 369
brälure ( φῶδες ) se montrent sur la poitrine. Ces citations
d'Érotien , touchant Dioclès, sont semblables à celle de Ga-
lien ; et, si les deux premières peuvent faire croire à un com-
mentaire , la dernière ne le permet plus ; car c’est, on le voit,
dans une phrase même d’un livre de Dioclès, sans rapport
avec aucun texte hippocratique, qu'Érotien a pris l'explication
du mot obseur. De la même façon , Dioclès avait défini le mot
crise, disant que la crise n’était pas autre chose que la solu-
tion ?. Il ne s’agit donc pas de commentaire, comme on au-
rait pu le croire , si cette explication avait été rapportée sans
aucun détail. J’ai consigné ici ces remarques, afin qu’on ne
se fit pas une fausse idée d’une citation de Galien. Dioclès, si
souventnommé, ne l’est jamais comme commentateur d'Hip-
pocrate, et cela seul aurait sufli pour faire reconnaître que,
dans l'explication du mot ἔρριψις, il ne s'agissait pas de com-
mentaire, quand bien même cette conclusion ne serait pas
ressortie du rapprochement d’autres citations d'Érotien et
de Galien.
En lisant ce livre, on s'explique difficilement la fa-
veur dont il ἃ joui dans l'antiquité. Palladius le regarde
comme authentique; Galien, qui la commenté, déclare
qu'il appartient légitimement à Hippocrate, sauf quel-
ques passages réduits à une excessive brièveté et quelques
autres alongés plus qu’ils ne devraient l'être ; Dioscoride et
Artémidore Capiton attribuaient à Hippocrate de Cos tout ce
qui, dans ce livre, est d’un laconisme extrême, et à d’autres
médecins les parties plus développées. Thessalus et Polybe
en ont été regardés comme les auteurs par quelques autres
τ Ὅτε δὲ χαὶ ἐξανθήματα φοινικᾶ, οἷον φῶδες, περὶ θώρακά που
γενόμενα. Ρ. 358, Ed. Franz.
2 Οὐδὲν ἄλλο τὴν χρίσιν, ὅ τι μὴ τὴν λύσιν ὀνομάζει τοῦ νοσήματος,
Gal. t. ani, p. 439, Ed. Basil.
TOM. 1. 24
370 INTRODUCTION.
critiques. Les anciens interprètes d’Hippocrate avaient été
moins indulgents pour cette composition ; Zeuxis et Héra-
clide de Tarente la rejetaient complètement comme apo-
cryphe; Glaucias l’attribuait à un autre Hippocrate.
De tels jugements ne nous permettraient pas de ranger le
traité des Aumeurs parmi les livres d’Hippocrate, quand
bien même nous n’aurions pas reconnu, par l'examen même
de ce livre (p. 259), qu’il est composé de morceaux emprun-
tés à plusieurs autres écrits hippocratiques.
DE L'USAGE DES LIQUIDES 1. Foes ( sect. IV, Ὁ. 13) dit
que, bien que Galien et Érotien en tirent quelques mots et
des témoignages , ils n’en ont cependant énoncé nulle part
le titre. Gruner (Censura librorum hippocraticorum, p. 151)
répète , d’après Foes, que ni Galien , ni Érotien , à part quel-
ques mots (si paucas voculas exceperis ), n’en ont fait
mention. C’est une erreur échappée à la recherche si wi-
gilante de Foes; Galien et Érotien ont cité le livre de l'U-
sage des liquides. Galien dit : « L'action du froid a été ex-
« pliquée dans le livre de l’'Usage des liquides et dans les
« Aphorismes?.» Ainsi, on le voit, c’estsousle titre même qu’a
cet opuscule dans nos éditions, que le médecin de Pergame
le cite. Le titre a varié dans l'antiquité , et j’ai déjà eu occa-
sion de dire (p.151), que ce livre avait aussi été intitulé
des Eaux ( Περὶ ὑδάτων). Ce que je n’avais fait qu’énoncer
alors , je vais le prouver maintenant. Érotien ( p. 64, Ed.
* Περὶ ὑγρῶν χρήσιος.
? Εἴρηται μὲν ἐπὶ πλέον ἔν τε τῷ Περὶ ὑγρῶν χρήσιος κἀν τοῖς
᾿Αφορισμοῖς, ὁποῖά τίς ἐστιν À δύναμις τοῦ ψυχροῦ. Tome v, p. 479,
Ed. Basil. = Galien le cite encore( p. 287 du même tome ), avec
cette seule différence que l’ionisme n’est pas conservé : Περὶ ὑγρῶν
χρήσεως.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 371
Franz.).cite deux mots ( αἰόνησις et αἰθόλιχες ) qui se trouvent
dans le livre de l’Usage des liquides , p.112 et 113, Ed. Fro-
ben; d’un autre côté, ce titre ne figure pas dans sa liste ;
mais, dans cette liste ( pag. 22), on voit un traité appelé des
Eaux ( Περὶ ὑδάτων), dont le nom ne se rencontre ni dans
nos éditions, ni dans Galien. Il en résulte que certainement
Érotien a eu sous Jes yeux le livre de l’Usage des liquides ,
puisqu'il en ἃ consigné certains mots dans son Glossaire ,
et que probablement ce livre est contenu dans sa liste
sous le titre de livre des Zaux. Mais cette probabilité est une
certitude. En effet, Athénée dit : « Dans le livre des Βασι,
« Hippocrate appelle eau potable Ia bonne eau !.» Le traduc-
teur latin de l'édition d’Athénée que j'ai sous les yeux ἃ
a rendu cette phrase par ces mots : « Libro de aquis opti-
« mam esse, statuit multo exercitatam. » Je ne sais d’où il
a pu tirer un pareil sens. Mais le fait est que le texte d’Athé-
née est altéré, et qu'il faut lire πότιμον au lieu de πολύτιμον.
En effet, ce passage se rapporte à la première ligne du livre
de l’Usage des liquides, où il est dit sous une forme très con-
cise : « Eau potable. Eau salée, la mer. L'eau potable est la
« meilleure pour tous les usages d’une officine de médecin 3.»
Ainsi la correction du texte d’Athénée5 montre que le livre
appelé par quelques-uns, dans Fantiauité, des Zaux , est le
même que le livre que d’autres intitulaient et que nos édi-
1 Ἐν τῷ Περὶ ὑδάτων Ἱπποχράτης καλεῖ τὸ χρηστὸν ὕδωρ πολύ--
τιμον ( πότιμον ). Deipn. , 11, p. 46, Ed. Casaub.
2 “Ὕδωρ ποτόν " ἁλυυρὸν, θάλασσα" ποτὸν μὲν χατ᾽ ἰητρεῖον χρά-
τιστον. P. 119, Ed. Frob.
3 La correction de πολύτιμον ne n'appartient pas. Elle est due à
Casaubon, et, depuis lui, elle ἃ été introduite dans les éditions
d’Athénée,
372 INTRODUCTION.
tions intitulent encore de l'Usage des liquides. Il en résulte
aussi que les mots expliqués par Érotien que nous retrou-
vons dans le traité de l’Usage des liquides appartiennent bien
réellement à ce livre.
J'ai fait voir (p. 257) que cet opuscule, de même que ce-
lui des Humeurs, est composé en partie de fragments pris à
différents livres , encore existants, de la Collection hippo-
cratique. C’est donc une compilation, mais c’est du moins une
compilation fort ancienne. Érotien nous a conservé l'explica-
tion d’un mot par Glaucias ( αἰθόλιχες). d’un autre mot par
Bacchius (αἰόνησις), et ces deux mots ne se trouvent que dans
ce traité; ainsi le livre de l Usage des liquides ἃ figuré dans la
Collection hippocratique dés le temps des premiers commen-
tateurs, et il nous reste comme une de ces anciennes compi-
lations qui ont précédé même l'établissement des écoles
alexandrines.
Les écrits que j'ai réunis ici à cause de la similitude de
leur composition, et dont j'ai fait une classe à part, ne sont,
il est vrai, que des notes, des extraits et des abrégés; mais
ils sont particulièrement intéressants, parce qu’ils nous ont
conservé des traces des anciens travaux de l'école de Cos et
d’'Hippocrate. En effet, en les comparant avec d’autres écrits
de la Collection hippecratique, il a été facile de s’assurer
qu’ils contenaient beaucoup de passages textuellement co-
piés sur d’autres livres que cette Collection renferme; et cela
même a été de quelque utilité, car on a pu entrevoir com-
ment une portion de cette Collection s’est formée. Mais ces
opuscules de la Cinquième classe ne contiennent passeulement
des passages copiés sur d’autres livres; ils contiennent aussi
de longs morceaux qui ne se trouvent pas ailleurs, et des
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 373
extraits d'ouvrages qui n'existent plus. J'ai rassemblé, dans
le chapitre 3° de cette Introduction, l'indication de tousles tra-
vaux qui sont mentionnés dans la Collection hippocratique et
qui avaient péri dès avant l’établissement des bibliothèques
alexandrines. Si maintenant on rapproche ces pertes nom-
breuses que l’antique littérature médicale a faites, des opus-
cules mutilés et des fragments qui constituent cette cinquiè-
me série , et dont la composition appartient justement à une
époque que j’appellerai, pour abréger, anté-alexandrine, on
pensera sans peine que ces opuscules, ces fragments, nous
représentent quelques débris d’une médecine qui avait oc-
cupé un grand nombre d’intelligences et produit une masse
considérable d'ouvrages importants.
SIXIÈME CLASSE.
Je place ici une série de traités qui sont du même auteur,
et cet auteur est antérieur à Aristote : de la Génération ;
de la Nature de l'enfants des Maladies (4° livre ); des Ha-
ladies des femmes ; des Maladies des jeunes filles; des Fem-
mes stériles 1.
Cessix traités sont du même auteur, et ils formentainsiune
série spéciale de la Collection hippacratique. C’est ce qu’il est
très facile de démontrer. D’abord il est évident, à la simplelec-
ture , non seulement que les traités de la Génération etde la
Nature de l'enfant sont du mème auteur, mais encore qu’ils
ne forment qu’une seule et même composition , et qu’ils sont
la suite l’un de l’autre. Ce traité de la Génération n’est pas
fini, puisqu'il s'arrête à ces mots: « Je reviens au sujet
2 Περὶ γονῆς.-- Περὶ φύσιος παιδίου.---- IEept νούσων τὸ τέταρτον.
— Περὶ γυναικείων α΄, β΄. --- Περὶ παρθενίων. — Περὶ ἀφόρων.
374 INTRODUCTION.
« qu’une digression m'avait fait quitter 1. » Et ce sujet est
repris dans le traité de la Nature de l'enfant. L'auteur de
ces deux traités y annonce qu'il expliquera dans son livre
sur les Maladies des femmes, comment la suppression des
règles dérange la santé des personnes du sexe. Cela serait
une indication déjà suffisante. Mais, en lisant les Maladies
des femmes, on y trouve trois renvois au traité de la Nature
de l'enfant , deux sur la sécrétion du lait, et un sur l’écoule-
ment des règles. Ces trois passages sont dans le traité auquel
l'auteur se réfère, de sorte qu’il ne peut rester aucun doute
sur l’origine de ces compositions médicales. On y apprend
en même temps que l’auteur avait donné au traité sur la Va-
ture de l'enfant un autre titre. Car ce livre est cité, par
l’auteur lui-même, de la façon suivante : Sur la Nature
ou sur la formation de l'enfant dans la naissance 3. C’est le
Utre que les Arabes lui donnaient 5, ce qui montre de l’exac-
titude.
A Ja fin du 4° livre des Maladies, on trouve un passage
d’où il résulte que l’auteur de ce livre est aussi celui des
Maladies des femmes. On lit dans ce quatrième livre : « Une
« hydropisie se forme dans la matrice... J’en ai parlé dans
«les Maladies des femmes ". » Et, en effet, dans le 1* livre
* Ἀναδήσομαι δ᾽ αὖθις ὀπίσω εἰς τὸν λόγον ὃν ἔλεγον. P. 50, Ed.
Frob.
. "Ἐν τῇ φύσει ou ἐν τῇ γενέσει τοῦ παιδίου τοῦ ἐν τόχῳ. Ces deux
dénominations se trouvent dans le 4e livre des Maladies des fem-
mes , la première, p. 251, Ed. Froben, la seconde, p. 245.
ὁ Arabica philosophorum bibliotheca recenset Hippocratis libros
de Fœtu ei de Natura pueri in partu. Casiri , τ. 1, p. 258.
4 Τίνεται δὲ χαὶ τῇσι γυναιξὶν 6 ὕδρωψ ἐν τῆσι μήτρησι.... ἀπο-
Q7/
LA
πέφανται δέ μοι ἐν τοῖσι γυναικείοισι νουσήμασι περὶ αὐτοῦ. P. 175,
Ed, Frob.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 375
des Maladies des femmes , Vhydropisie de la matrice est ex-
pliquée 1. Quant au traité sur les Femmes stériles , c’est évi-
demment un appendice au traité des Maladies des femmes.
Ces témoignages intrinsèques sont positifs ; il n’y a rien
à y opposer.
Ces écrits forment une masse considérable et une sec-
tion naturelle dans la Collection hippocratique. J’exami-
nerai à part la doctrine qui y est contenue , et les faits qui y
sont rapportés ; pour les attribuer à Hippocrate , il faudrait
eu avoir un témoignage de la haute antiquité, ce qui serait
décisif, ou le consentement de tous les critiques anciens ,
preuve plus faible mais encore forte; or, rien de tout cela
n'appartient à la série d’écrits dont il s’agit ici : les témoi-
gnages antérieurs à l’école d'Alexandrie manquent absolu-
ment. Quant aux opinions des commentateurs qui ont suivi
celte époque , elles varient. Érotien range ces écrits parmi
les écrits hippocratiques, excepté le 4° livre des Maladies ,
qui, cependant ne peut être enlevé à Hippocrate sans que
tous les autres ne lui soient également enlevés. Il est certain
que d'anciens critiques, tels que Bacchius, les connaissaient.
Leur antiquité n’est pas douteuse; ce qui est incertain, c’est
leur origine. Galien croit que Polybe, gendre d’'Hippocrate,
en est l’auteur 3. Cette opinion, à cause des variations des
anciens critiques sur ce sujet, n’est pas mieux assurée que
celle qui les attribue à Hippocrate.
Dars tous les cas, rien n’empêche de placer la composi-
tion de ces écrits avant Aristote. Aristote, contrairement aux
naturalistes qui l'avaient précédé, a posé comme principe
d'anatomie et de physiologie, que les veines ont leur origine
. Ἣν ὕδρωψ γένηται ἐν τῇσι μήτρησι.... P. 247, Ed. Frob.
2 Tome 1, p. 24, Ed. Frob.
376 INTRODUCTION.
au cœur. Or, voici sur ce point l’opinien de l’auteur inconnu
dont il s’agit ici : Il est dit dans le traité de la Nature de l’en-
fant , que toutes les veines se terminent dans les doigts des
pieds et des mains, et que les plus grosses veines du corps
sont dans la tête 1; il est dit dans le 4: livre des Maladies que
le cœur est la source du sang ? ; il est dit dans ce même 4: li-
vre des Maladies,que des veines appelées jugulaires naissent
du cœur, et qu’elles distribuent le sang à la tête, et à tout
le corps 5. Quoique dans ces diverses propositions une doc-
trine ne soit pas véritablement formulée, cependant on y voit
que l’auteur admet , comme Polybe et comme Syennésis de
Chypre, que les plus grosses veines sont dans la tête , et que
de là elles vont en diminuant jusqu'aux doigts des pieds et
des mains; qu’il admet, comme Platon , que le cœur est la
source du sang; qu’il admet enfin que les veines jugulaires
partent du cœur pour se rendre à la tête. Cet ensemble d’o-
pinions anatomiques tient beaucoup plus à celles de Polybe
et des anciens hippocratiques qu’à celles d’Aristote. Rien
donc n'empêche de placer cet auteur avant Aristote, confor-
mément à l'opinion de Galien et d'Érotien, qui attribuent
ces livres, le premier à Polybe, le second à Hippocrate.
Érasistrate, en combattant l'opinion de Platon, qui sou-
tenait qu’une partie des boissons passe dans les poumons,
avait demandé comment, si cela était vrai, il se faisait que
la farine avalée avec le cycéon (sorte de breuvage en usage
᾿ Τελευτῶσι γὰρ af φλέθες a τοῦ ἀνθρώπου πᾶσαι ἐς τοὺς δαχτύ-
λους τῶν ποδῶν καὶ τῶν χειρῶν, χαὶ παχύταται μέν εἶσιν αἵ ἐν τῷ
σώματι φλέδες, af ἐν τῇ κεφαλῇ. P. 53, Ed. Frob.
" Τῷ μὲν δὴ αἵματι à χαρδίη πηγή ἐστι Ρ. 166, Ed. Frob.
3 '᾽Ἐξ αὐτῆς ( χαρδίης ) παχεῖαι φλέδες τείνουσιν , χαὶ σφάγιαι χα-
λεόμεναι....... χαὶ πιμπλάμεναι χεῖναι τῇ χεφαλὴ χαὶ τῷ σώματι êt-
δόασιν ἐν τάχει. Page 168, Ed. Frob.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER 377
dans la cuisine grecque), traversait le poumon et ne l’obs-
truait pas 1. Or, cette même objection contre l’opinion du
passage des boissons dans le poumon , opinion qui appar-
tient non seulement à Platon, mais aussi à Dioxippe l’'hippo-
cratique, à Philistion de Locres , et qui était vulgaire dans la
haute antiquité, cette objection, dis-je, se trouve avec des
termes semblables dans le 4° livre des Maladies. On y lit:
« Un homme buvant du cycéon, ou une bouillie faite avec la
« farine , ou tout autre chose semblable, s’il en arrivait une
« partie dans le poumon, nous pensons qu’il ne survivrait que
« bien peu de temps?.» Il y a, entre le passage de l’auteur hip-
pocratique et celui d'Érasistrate , une ressemblance éviden-
te , qui ne me paraît pas pouvoir tenir à une coïncidence for-
tuite; et, comme les livres que je considère en ce moment ,
ont été attribués par l'antiquité à Hippocrate ou à Polybe, et,
par conséquent, placés d’un commun accord bien avant Éra-
sistrate , il faut admettre que le médecin alexandrin ἃ eu
sous les yeux les livres de l’auteur hippocratique.
Les questions qui touchent à la critique littéraire des œu-
vres dites d'Hippocrate, sont enveloppées de tant d’obscuri-
tés et de doutes que je ne néglige aucune occasion de faire
remarquer tout ce qui, par des concordances tout-à-fait
inattendues , donne un haut degré de sûreté aux détermina-
tions essentielles de mon travail. Or, ce rapprochement d'É-
rasistrate avec l’auteur hippocratique fournit deux de ces
1 Τοῦ πλεύμονος λείου χαὶ πυχνοῦ παντάπασι γεγονότος, πῶς τὸ
σὺν χυχεῶνι πινόμενον ἄλφιτον διέξεισι, καὶ οὖχ ἐνίσχεται: Tout! γὰρ
᾿Ερασίστρατος ὀρθῶς πρὸς αὐτὸν ( Πλάτωνα) ἠπόρησε. Plutar. Symp.
11). VIE, quæst. 1, t. 1v, p. ὅ45, Ed. Tauch.
2 # = / À y € Sa te / Ψ a --
" Εἰ τις χυχεῶνα πιήση ἢ ἄλητον ἑφθὸν ῥοφοίη, à τι ἄλλο τοιοῦτο,
λ 2) - A NZ . o ’ à À 91 ! LEO
χαὶ ἔλθοι ἐς τὸν πλεύμονα τοῦτο, δοχέομεν ἂν αὐτὸν οὐδὲ ζώειν οὐός
ὀλίγον χρόνον. Ρ. 178, Ed. Frob.
378 PA INTRODUCTION.
concordances importantes. En premier lieu, j'ai observé que,
bien que le 4° des Waladies ne fût mentionné ni par Galien,
ni par Érotien, ni par aucun critique antérieur , et bien que
le premier qui le citât fut Démétrius Pépagomène, qui ap-
partient aux bas siècles, cependant il était constant par des
preuves intrinsèques , que ce 4° livre appartenait à la Collec-
tion hippocratique; et maintenant on voit ces preuves rece-
voir du témoignage d’Érasistrate une confirmation irréfra-
gable. En second lieu , j'ai montré (et c’est un des plus im-
portants résultats de mon travail) que la certitude de l’exi-
stence de la Collection hippocratique, dans son ensemble,
remontait, par les anciens critiques, jusqu’à Erasistrate et
Hérophile ; Galien avait dit, je l'ai rappelé , que, dès le temps
d'Érasistrate , la dernière partie du traité du Régime dans
les maladies aiquës était jointe à la première; et maintenant,
en confirmation de ce qu'avait dit Galien, en confirmation
de ce que j'avais établi moi-même, je trouve la trace de la
connaissance qu'Érasistrate a eue d’un des livres de cette
même Collection hippocratique. Ge sont là des concordances
qu'il m'importait de ne pas laisser inaperçues.
L'auteur des livresdecette Sixième classe annonce en deux
endroits différents 1, qu'il a traité des maladies des jeunes
filles. Comme ce qu’ii en annonce ne se trouve pas dans le
petit morceau qui, dans nos éditions, porte le titre de Περὶ
παρθενίων , et que ce morceau est évidemment tronqué , tout
porte à croire que c’est un fragment et le commencement
d'un traité étendu sur cette matière.
Cet auteur avait aussi fait un travail sur la péripneumonie.
Il dit dans le 4° livre des Maladies : « Je me suis mieux
" Ὥσπερ μοι εἴρηται ἐν τῇσι παρθενίῃσι νούσοισι. De Morb. 1, p.
255, Ed. ΕΟ)».--- Ὁχοῖα εἴρηται ἀμφὶ τῆς παρθένου, P. 244.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 979
«expliqué dans la péripneumonie?.» Il y revient encore dans
le 1% livre des Maladies des femmes ?. Ce traité s’est perdu
avant le temps des plus anciens critiques.
Telles sont les seules notions que j’aie pu réunir sur lau-
teur inconnu des livres qui forment la sixième classe.
SEPTIÈME CLASSE.
Je sépare du reste de la Collection hippocratique un frag-
ment assez mal en ordre qui peut être attribué à Léophanès,
ou qui du moins renferme des opinions professées par ce
personnage. Léophanès a précédé Aristote ; c’est pour cela
que j'intercale ici l’opuscule en question.
DE_ LA SUPERFÉTATION 5. Ce traité n’est cité par aucun
des anciens; seulement Mereuriali a fait remarquer qu’un
mot expliqué par Galien dans son Glossaire se rapporte très
probablement à ce livre #. Cette citation fait remonter le li-
vre de la Superfétation ( ce que la rédaction et la contexture
indiquent assez) à une époque ancienne. Quant à l’auteur,
tout reste dans le vague, en l’absence de renseignements
précis. Cependant je crois pouvoir hasarder ici une conjec-
ture. Nous savons que beaucoup de livres ont péri avant la
formation des grandes bibliothèques d'Alexandrie; ainsi,
pour ne rappeler qu’un exemple pris dans la médecine, nul
1 Κάλλιον δέ μοι περὶ τούτου δεδήλωται ἐν τῇ περιπνευμονίη. P.
177, Ed. Frob.
2 ὍὍχως χαὶ ἐς τὸν πλεύμονα, ὡς εἴρηται, ἣν À κάθαρσις τρά-
πηται. P. 245, Ed. Frob.
Περὶ ἐπικυήσιος.
4 ᾿Εχμιαίνεται, ἀποχρίνει τὸ σπέρμα. On lit dans le traité de la
Superfétation ἐκμιαίνεται ; 11 est infiniment probable qu'il faut lire
ἐχμιαίνεται.
300 INTRODUCTION.
dans l'antiquité n’a cité, après Aristote, les écrits du méde-
cin Syennésis de Chypre, et les quelques lignes qu’en ἃ con-
servées le philosophe sont tout ce qui reste des œuvres,
quelles qu’elles aient été , de cet écrivain. Un autre auteur,
médecin ou philosophe, est nommé par Aristote, c’est Léo-
phanès, sur lequel nous n’avons , je crois, aucun autre dé-
tail. Aristote réfute l’opinion de ceux qui prétendent que le
fœtus mâle est toujours placé à droite dans la matrice et le
fœtus femelle à gauche; opinion qui, au reste, est plusieurs
fois répétée dans la Collection hippocratique, et il ajoute :
« C’est par une même analogie que quelques-uns prétendent
« que la ligature du testicule droit ou du testicule gauche
« détermine la procréation d’enfant mâle ou d’enfant fe-
«melle, c’est du moins ce que Léophanès ἃ dit. » Je mai
pas besoin de faire remarquer que les mots dans la phrase
d’Aristote sont mal arrangés, et que la génération d’un en-
fant mâle est due à la ligature du testicule gauche, et vice
versa. Au reste, Plutarque a entendu ce passage comme je
l’entends; il appelle l'auteur Cléophanès, et il le cite d’après
Aristote 2. Un passage tout semblable se trouve dans le
traité de la Superfétation ; on y lit : « Si l’on veut engendrer
« un enfant femelle, il faut lier le testicule droit aussi forte-
« ment qu’on pourra l’endurer ; si, un enfant mâle, le tes-
« ticule gauche 5. » Ce rapprochement autorise à croire que
: Παραπλησίως δέ τινες πεπεισμένοιτούτοις εἰσὶ χαὶ λέγουσιν ὡς τὸν
δεξιὸν ὄρχιν ἀποδουμένοις ἢ τὸν ἀριστερὸν συμαίνει τοῖς ὀχεύουσιν
ἀῤῥενοτοχεῖν ἢ θηλυτοχεῖν - οὕτω γὰρ ὃ Λεωφάνης ἔλεγεν. De Gener.
anim. L. IV, c. 1.
" Κλεοφάνης, οὗ μέμνηται ᾿Αριστοτέλης, τὰ μὲν ( ἄῤῥενα) ἐχ τοῦ
δεξιοῦ διδύμου, τὰ δ᾽ ἐχ ἀριστεροῦ. De Placit. philos., lib. v, t. v,
p. 501, Ed. Tauch.
ὄν ai ns , x \ 2 De
ἡ Ὅταν δὲ θῆλυ βούληται γενέσθαι, τὸν ὄρχιν τὸν δεξιὸν ἀποδῆσαι,
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 381
le traité de la Superfétation est de Léophanès lui-même, ou
tout au moins qu'il contient un fragment de cet écrivain,
antérieur à Aristote. C’est par Aristote que nous savons
qu'un livre, attribué à Hippocrate par les écrivains posté-
rieurs, appartient à Poiybe. Pourquoi une même erreur
n’aurait-elle pas été commise? et pourquoi ce qui, au té-
moignage du même Aristote , est de Léophanès, n’aurait-il
pas aussi reçu ce nom d'Hippocrate, père commun de tant
d'œuvres médicales ?
ΠΥ ἃ, dans ce même opuscule, un passage où l’auteur
conseille une expérience pour savoir si une femme pourra
concevoir , expérience qui consiste à placer au col de la ma-
trice un pessaire odorant, et à constater, au bout d’un cer-
tain temps, si l’odeur est parvenue jusqu’au haut du corps !;
si l'odeur y vient , la femme est apte à concevoir. Aristote ,
de son côté, dit qu’on reconnait la fécondité des femmes
par des pessaires odorants, dont l'odeur s’élève de bas en
haut jusqu’à l’haleine ?. Bien d’autres rapprochements
pourraient être faits entre cet opuscule et les livres d’Aris-
tote, rapprochements d’autant plus permis que le philosophe
a consulté et cité les écrits de Léophanès.
Au reste, je n’ai tenu à mettre en relief la citation de
Léophanès par Aristote, et à lui attribuer un livre de la Col-
lection hippocratique, que pour mieux montrer combien il
y ἃ de rapports entre cette Collection et les œuvres d’Aris-
tote; car, même en laissant de côté cette conjecture au su-
ὡς ἂν μάλιστα χαὶ ἀνέχεσθαι δύνηται ἐπὴν δὲ ἄρσεν βούληται qu-
τεύειν, τὸν ἀριστερὸν ὄρχιν ἀποδῆσαι. Page 51, Ed. Frob.
τ Page 49, Ed. Frob.
2 Τὰς δὲ γυναῖχας βασανίζουσι τοῖς τε προσθετοῖς, ἐὰν διιχνῶνται
αἵ ὀσμαὶ πρὸς τὸ πνεῦμα τὸ θύραθεν χάτωθεν ἄνω. De Gener. anim.,
Liv. 31, c: 7:
382 INTRODUCTION.
jet de Léophanès , il est certain qu’une opinion assez sngu-
lière de physiologie qui ἃ appartenu à cet auteur, connu
par le seul témoignage d’Aristote, se retrouve identique-
ment dans l’opuscule de la Super fétation.
HUITIÈME CLASSE.
Je range à part tous les traités qui contiennent, soit l’in-
dication formelle que les vaisseaux sanguins ont leur ori-
gine dans le cœur, soit la connaissance de la sphygmologie.
La composition n’en peut pas être placée avant Aristote et
Praxagore. Ce sont les traités du Cœur, celui sur 1 Aliment,
celui sur les Principes ou les Chairs, celui sur les Semaines,
le 2° livre des Prédictions, un fragment du traité de la
Nature des os.
TRAITÉ DU COEUR 1. Érotien ne le compte pas dans la
liste des ouvrages qu'il attribue à Hippocrate; mais Galien
en ἃ copié textuellement un passage, sans, il est vrai, en
prévenir le lecteur. L'auteur du traité du Cœur dit, en vou-
lant prouver qu’une portion des boissons passe dans la tra-
chée-artère : « Si vous teignez de l’eau avec du bleu ou du
« vermillon , et que vous la donniez à boire à un animal très
« altéré, vous trouverez, en lui ouvrant la gorge pendant
« qu'il boit, qu’elle est teinte par la boisson ?. » Galien dit
de même : « Si vous faites endurer la soif à un animal quel-
« conque, de telle sorte qu’il se décide à boire une eau co-
« lorée, soit en bleu, soit en vermillon , vous trouverez, en
« l’égorgeant sur-ie-champ , que la teinture a pénétré jus-
* Περὶ χαρδίης.
2 Ἢ 4 A (λ AE NU ΤΗΝ μος (4 τ
ν γάρ τις χυανῷ ἢ μίλτῳ φορύξας δοίη δεδυψηχόκι πάνυ πιεῖν
= \ ; a à -
ἔπειτα de , εἰ ἔτι πίνοντος ἀνατέμνοις τὸν λαιμὸν, εὕροις ἀν τοῦτον χε-
χρωσμένον τῷ ποτῷ. Περὶ καρδίης. Page 55, Ed. Frob.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 383
« qu'aux poumons !. » Ainsi, il est bien évident que le traité
du Cœur est un livre ancien, consulté, copié même par Ga-
hen, mais il est impossible d’en attribuer la composition à
Hippocrate ; car on ne le trouve pas mentionné dans la liste
d'Érotien; c’est un de ces livres que les anciens critiques se
sont accordés à rejeter du canon hippocratique. De plus,
quoique la doctrine qui place l'origine des veines dans le
cœur n'y soit pas expressément exposée, cependant une
phrase porte à croire que l’auteur admettait cette doctrine.
« Près de l’origine des veines, des corps mous et creux,
«qu'on appelle oreillettes, entourent les ventricules 2. »
Cela, joint au rejet des critiques anciens, ne permet pas de
placer ce livre avant Aristote.
DE L’ALIMENT 5. Ce traité est fort ancien ; car Glaucias ,
l’un des premiers commentateurs d'Alexandrie, l’a connu ,
ainsi que le prouve le témoignage de Galien 1. Il ἃ donc ap-
partenu , dès les premiers temps , à la Collection hippocra-
tique; et il a été cité par beaucoup d’auteurs comme un
livre de grande autorité. Mais il n’en faut pas conclure qu’il
soit d'Hippocrate. Galien, qui l'a commenté, et qui quel-
quefois l’a attribué à Hippocrate lui-même, l’attribue , dans
d’autres endroits, à Thessalus, à Philotimus, à Philistion.
1 Ἀλλ᾽ εἰ χαὶ ζῶον, ὅ τι ἂν ἐθελήσας, διψῆσαι ποιήσεις, ὡς κεχρω-
σμένον ὕδωρ ὑπομεῖναι πιεῖν ( pro ποιεῖν ) εἶ δοίης, εἴτε χυανῷ
χρώματι χρώσας, εἴτε μίλτῳ, εἶτ᾽ εὐθέως σφάξας ἀνατέμοις, εὑρήσεις
χεχρωσμένον τὸν πνεύμονα. De Dogm. Hipp. et Plat. Lib. IX ,t.1,
p. 529, Ed. Basil.
2 ᾿Αγχοῦ δὲ τῆς ἐχφύσιος τῶν φλεδῶν σώματα τῇσι χοιλίησιν ἀρ.-
φιδεδήκασιν, μαλθαχὰ, σηραγγώδεα, ἃ χληΐσχεται μὲν οὔατα. Page
55, Ed. Frob.
3 Περὶ τροφῆς.
4 In Lib. de Aliment, Comm. IV, 56, p. 297, τι vr, Ed. Chart.
΄
984 INTRODUCTION,
Les témoignages antiques sont done incertains ; mais l’exa-
men intrinsèque du livre suffit pour montrer qu'il ἃ été
composé à une époque postérieure à Hippocrate. Le cœur y
est indiqué comme la racine des artères; le foie, comme celle
des veines. Cette anatomie ne permet pas de placer la com-
position de ce livre avant Aristote ; c’est un livre à mettre à
côté du traité du Cœur.
Des Caarrs !. Ce traité, qu'Érotien n’a pas cité dans son
catalogue, est mentionné à diverses reprises par Galien ,
et avec des jugements divers; mais on ne peut douter qu’il
ne soit postérieur à Hippocrate. En effet, il y est dit positi-
vement que deux veines, appelées l’une artère, lautre
veine cave ?, naissent du cœur; proposition qui empêche
d’en supposer la composition antérieure à Aristote.
Dans quelques éditions, on en met à part la fin sous le
titre de traité sur la 2716 humaine ( ep αἰῶνος)
Il est une circonstance particulière à noter, c’est que
l'auteur raconte, dans des termes à peu près semblables ,
une histoire touchant une courtisane, qui se trouve déjà
dans le ïivre de la Génération; seulement 1] lamplifie, et
ajoute qu'il ἃ été très fréquemment témoin d'observations
pareilles ; il a donc copié cette histoire, et il est postérieur à
l’auteur du livre de la Génération.
DES SEMAINES 5. Philon le juif, Galien, Pollux et quel-
ques autres citent un traité sur les Semaines , Περὶ ἑδδομάδων,
qui faisait partie de la Collection hippocratique telle qu’on la
possédait depuis l’écoie d'Alexandrie, et qui ne se trouve
plus dans la cofection telle que nous la possédons. C’est
3 Περὶ σαρχῶν.
LA , » ΄“- Ὁ
5. Δύο γάρ εἶσι χοῖλαι φλέδες ἀπὸ τῆς χαρδίης, τῇ μὲν οὔνομα ἀρ-
t i M2 n μ ᾿
,ὔ “«.ὥὼ AA
τηρίη , τῇ δὲ, χοίλη φλέψ. P. 40, Ed. Frob.
3 Περὶ ἑδδομάδων.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 383
un livre perdu comme tant d’autres; cependant on lit,
dans le catalogue des manuscrits latins de la Bibliothèque
royale, l'indication d’un volume qui renferme entre autres
choses le traité en question, indication répétée par la Bi-
bliothèque grecque de Fabricius, édition de Harles, tom.
2, p. 595. Ce volume , tout en latin, est le n° 7027; il est
in-89, intitulé De physicà (de la médecine), sur parchemin,
d’une écriture fort ancienne , sans pagination. Il con-
tient :
19 Un fragment du traité sur la Nature de l’homme. A la
fin on lit: Explicit FYpocratis de natura humana.
2 Incipit liber Ypocratis ad Mecenatem salutem. A la fin
on lit : Explicit de natura generis humani.
30 Incipit liber Ypocratis de aeribus et de locis et de aquis.
4 Incipit Ypocratis de septemmadis. A la fin on lit: Εα-
plicit Ypocratis de septimadis.
59 Lib. V. /ncipit Liber Peri diatis (Περὶ διαίτης ) ipsius
Fpocratis. C’est la traduction du premier livre dela Diète.
6° Commentaria Aporismorum.
Le livre Peri diatis est indiqué comme le cinquième mor-
ceau. Ainsi il ne manque dans ce volume que le commence-
ment du traité de la Nature de l’homme. Je n'ai à m'occuper
ici que du traité des Semaines.
Il est écrit dans un latin extrêmement barbare et à peine
intelligible, ainsi qu’on en jugera par quelques citations que
j'en donnerai plus loin. La première chose à faire était de sa-
voir si le texte que j'avais sous les yeux était bien la traduc-
tion du traité perdu. Pour cela je n’avais qu’à vérifier si les
citations qu’en rapportent les anciens auteurs s’y retrouvent.
Cette vérification démontre l'authenticité de cette traduction
ignorée. Je vais mettre sous les yeux du lecteur, en suivant
l'ordre chronologique, les passages des auteurs de l’anti-
ΤΟΙ LS 95
386 INTRODUCTION .
quité qui ont cité le traité des Semaines , et les passages cor-
respondants du manuscrit 7027.
Le premier est Philon le juif, qui vivait au commence-
ment du premier siècle de l'ère chrétienne. Cet auteur, après
avoir résumé l'opinion d’'Hippocrate sur la vie, cite textuel-
lement le passage du livre où cette opinion est consignée.
« Dans la nature humaine, il y a sept saisons que l’on appelle
« àges : le petit enfant, l'enfant, l'adolescent, le jeune homme,
« l’homme fait, l'homme âgé, le vieillard. L'âge du petit en-
« fant est jusqu’à sept ans, époque d’une dentition nouvelle ;
« de l'enfant, jusqu’à la production dela liqueur spermatique,
« deux fois sept ans ; de l’adolescent, jusqu’à la naissance
« de la barbe, trois fois sept ; du jeune homme, jusqu’à l’ac-
« croissement de tout le corps, quatre fois sept ; de l'homme
« fait, jusqu’à quarante-neuf ans, sept fois sept ; de l’homme
« âgé, jusqu’à cinquante-six , sept fois huit. A partir de là
« commence la vieillesse 1,»
Voici maintenant le texte du manuscrit 7027 : « Sic au-
«tem et in hominis natura septem tempora sunt, ætates
« appellantur : puerulus, puer, adulescens, juvenis, ir,
« junior senex. (Il faut lire : junior senex, senex; le tra-
« ducteur n’a pas su rendre autrement πρεσδύτης, γέρων).
« Hæc sunt sic : puerulus usque ad septem annos in dentium
1 Λέγει δ᾽ οὕτως " ἐν ἀνθρώπου φύσει ἕπτά ἐισιν bout, ἃς ἡλιχίας
ν >
χαλέουσι, παιδίον, παῖς, μειράχιον, νεανίσχος, ἀνὴρ, πρεσθύτη
᾽ ᾽ CE, > ἀνὴρ) 1S »
, \ / 1 > " ἐς τὰ, ὁ Sion 5» 7 3 mr.
γέρων. Καὶ παιδίον μέν ἐστιν ἄχρις ἑπτὰ ἐτῶν, ὀδόντων ἐχόολξ)ς
παῖς δ᾽ ἄχρι γονῆς ἐχφύσιος, ἑπτὰ (Il faut lire ἐς τὰ, comme je le di-
rai plus bas ) δὶς ἑπτά" μειράχιον δ᾽ ἄχρι γενείου λαχνώσιος, ἐς τὰ τρὶς
£ 2274 / , # “5 = A » \ J
ἑπτά νεανίσχος δ᾽ ἄχρις αὐξήσιος ὅλου τοῦ σώματος ἐς τὰ τετράχις
ἑπτά: ἀνὴρ δ᾽ ἄχρις ἑνὸς δέοντος πεντήχοντα ἐς τὰ ἕπτάχις ἕπτα -
πρεσθδύτης δ᾽ ἄχρι πεντήχοντα ἕξ; ἐς τὰ ἑπτάχις ὀχτώ. Τὸ δ᾽ ἐντεῦθεν
γέρων. Philon, Πεοὶ Κοσμόποιίας, p. 17.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 387
« immutationem ; puer autem usque ad seminis emissionem,
« quatuor decim annorum , ad bis septem. Adulescens au-
« tem usque ad barbas, unum et viginti annorum, ad ter
« septem usque ad crementum corporis. Juvenis autem con-
« summatus in XXXV annorum, quinque septenos; vir
« autem usque ad XL et VIII ad septies septem; junior
«vero senex LX et III et in VIII ebdomadis. Exinde
« Senex. »
Ces deux passages ont été évidemment pris au même
traité. Les différences qu’ils présentent dérivent surtout des
erreurs du copiste du manuscrit latin, peut-être aussi de
leçons diverses d’un même texte; et l’on peut penser que le
traducteur , qui fait commencer la vieillesse à la 63° année,
a eu sous les yeux un meilleur exemplaire que Philon , qui
la fait commencer à la 56° année.
Pollux , qui cite ce morceau , s'éloigne également de la
traduction latine que je viens de rapporter, et de la citation
de Philon. Pollux vivait sous Commode et était à peu près
contemporain de Galien. Il ne reproduit pas le texte hippo-
cratique ; il en donne seulement le sens. Il dit que, suivant
Hippocrate , le cinquième âge est de 28 à 35 ; le sixième,
de 35 à 45 ; le septième, de 42 à 49 ( Onomast. 11. 1. ). Ce
qui, dans la citation de Philon, est appelé rpeséurns, est
appelé γέρων dans Pollux, et vice versä. Au reste, 1] est évi-
dent que ce dernier a mal rapporté les paroles de l’auteur
hippocratique; car la vieillesse ne peut commencer à la
42e année , ainsi que Poillux le fait dire, par son arrange-
ment, à l’auteur du traité des Semaines.
Galien pensait que le traité des Semaines n’appartenait
pas à Hippocrate ; cependant il le cite plusieurs fois. Voyons
si les citations de Galien se retrouvent dans le traducteur
latin : « Ceux qui partagent l’année en sept saisons, dit le
388 INTRODUCTION.
« médecin de Pergame, étendent l’été jusqu’au lever de Si-
«rius, et, de là jusqu’au lever d’Arcturus, ils font la saison
« des fruits. Les mêmes auteurs divisent l'hiver en trois par-
« ties : la partie intermédiaire enferme le solstice ; en deçà
«se trouve le temps de l’ensemencement; au-delà celui de
« Ja plantation : car ce sont là les noms qu’ils donnent à la
« première et à la troisième parties de l'hiver. Dans le traité
« des Semaines, qui est attribué à Hippocrate, on trouve
« l’année partagée en sept; l’automne et le printemps n’ont
« subi aucune division ; mais l'hiver est coupé en trois, et
« l'été en deux !. »
On lit dans le manuscrit 7027 : « Tempora autem annua-
« Jia septima : sunt autem hæc, sementatio, hiems , plan-
« tatio, vera estas, autumnus, post autumnus. » Ge texte
se rapporte évidemment à la division de l’année en sept
parties, dont parle Galien. Mais deux fautes, dues, lune au
copiste, l’autre au traducteur , lobscurcissent. Il faut le res-
tituer. D'abord, il est clair qu’au lieu de vera estas, on doit
lire : ver, æstas. C’est là une faute de copiste. Quant au
traducteur , voici ce qui l’a embarrassé : dans cette division
de l’année en sept, l'été était partagé en deux saisons. Ga-
lien a dit le nom de ces deux saisons dans le passage que je
τ Ka ὅσοι τὸν ἐνιαυτὸν εἰς ζ΄ τέμνουσιν ὥρας, ἄχρι μὲν ἐπιτολῆς
C2 A 2 ΄ \ LA 5 “- ἊΧ Le 2 Λ \ 3 [4
τοῦ χυνὸς ἐχτείνουσι τὸ θέρος, ἐντεῦθεν δὲ μέχοις ἀρχτούρου τὴν ὁπώ-
ραν. Οἱ δ᾽ αὐτοὶ καὶ τὸν χειμῶνα τριχῇ τέμνουσι, μέσον μὲν αὐτοῦ
ποιοῦντες τὸν περὶ τὰς τροπὰς χρόνον τοὺς δ᾽ ἑκατέρωθεν τοῦδε, σπο-
A \ 4 1 Qi \ y ΕῚ \ \ [τι 3 γι
ρητὸν μὲν πρόσθεν, φυταλίαν δὲ τὸν ἕτερον - αὐτοὶ γὰρ οὕτως ὀνομά--
ζουσι" καὶ μέντοι χὰν τῷ Περὶ “Εδδομάδων Ἵπποχράτους ἐπιγραφο-
μένῳ βιδλίῳ διηρημένον ἐστὶν εὑρεῖν τὸν ἐνιαυτὸν εἰς ἑπτὰ, τοῦ μὲν
φθινοπώρου καὶ τοῦ ρος ἀτμήτων πεφυλαγμένων, τετμιημένων δὲ τοῦ
uv χειμῶνος εἰς τρία μέρη, τοῦ δὲ θέρους εἰς δύο. Tome v, p. 547,
Ed. Basil.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 389
viens de citer, et on le trouve aussi dans la suite du traité
des Semaines que le manuscrit 7027 contient. Elles s’appe-
laient éfé et saison des fruits, θέρος, ὀπώρα. Or, l'automne se
dit en grec φθινόπωρον. Cette coïncidence ἃ embarrassé le
traducteur, qui ἃ mis grossièrement autumnus , post au-
tumnus. I faut donc lire tout ce passage de la manière sui-
vante : « L'année est divisée en sept parties, qui sont : l’en-
« semencement , l'hiver, la plantation , le printemps, l'été,
« la saison des fruits et l'automne.» Ce qui est, en tout point,
concordant avec le passage, cité plus haut, de Galien.
Hippocrate ayant dit, dans un aphorisme, que les ma-
ladies sont moins dangereuses lorsque la nature en est
conforme à la saison, Galien observe dans son Commentaire,
ἔν, p.247, Ed. Bas., que: «le contraire est soutenu par
« Dioclès et par l’auteur du traité des Semaines, qui pré-
« tendent que les maladies sont aggravées par les circon-
« stances conformes à leur nature, et diminuées par les
« circonstances contraires. » Ceci est un peu obscur; je
vais l’éclaireir. La fièvre ardente ou causus, par exemple,
était, d’après la doctrine hippocratique, une maladie moins
dangereuse en été, où la saison était conforme aux symp-
tômes mêmes qui la caractérisent, qu’en hiver. Dicclès de
Caryste et l’auteur du traité des Semaines professaient une
doctrine opposée : suivant eux , la fièvre ardente était plus
facile à guérir en hiver qu’en été, parce que, dans cette
dernière saison, elle empruntait des forces aux circonstances
atmosphériques. Cette dernière opinion est textuellement
dans le manuscrit 7027. On y lit: « Nihil molestum si non
« tempus ipsum ipsis ægritudinibus colluctetur. Plerumque
« enim non obtinet nalura hominis mundi virtutem. » C’est-
à-dire : «Rien ne sera fâächeux si la saison elle-même n’est
« pas l’auxiliaire des maladies. Car, en général, la consli-
390 INTRODUCTION.
«tution humaine ne peut triompher de la force de l’en-
«semble des choses. » On voit que Galien a bien cité, et
que notre traducteur ἃ reproduit , dans son latin barbare, le
texte de son auteur d’une manière reconnaissable.
Il avait même un texte correct sous les yeux, ainsi que
je vais le faire voir. La phrase citée plus haut a été, avec
un autre long morceau du traité des Semaines, insérée (je
le disici par anticipation) dans le livre des Jours critiques ,
compilation formée avec des lambeaux d’ouvrages hippo-
cratiques, et entr’autres de celui-là; mais elle y a été in-
sérée. différemment suivant les différentes éditions. Dans
quelques-unes, celle de Froben entr’autres, p. 388, elle est
ainsi imprimée : ἐὰν αὐτή τε à ὥρη τῷ νουσήματι ζυμμαχήση.
Leçon fautive; une négation est omise, il faut lire : ἐὰν μὴ
αὐτή τε. Le sens l'indique; la citation de Galien le prouve ,
et d’ailleurs, ce qui ôte à cette correction l'apparence même
d’une conjecture , plusieurs manuscrits, entr’autres ceux du
Vatican et le n° 2141 de la Bibliothèque royale de Paris,
présentent la négation. Foes, Mack, Κύμη ont bien vu
qu’elle était nécessaire ; et, sans l’admettre dans leur texte
grec, ils l'ont admise dans leur traduction. Il est facile de
s'expliquer comment cette négation ἃ disparu dans plu-
sieurs manuscrits : ccmme la phrase en question était con-
traire à un aphorisme, un copiste, se croyant fort habile,
l'y a rendue conforme en supprimant le μή. Mais notre tra-
ducteur latin, qui, lui, traduisait sur le texte même du
traité des Semaines, n’a pu commettre une pareille erreur ;
et le non occupe, dans sa phrase , la même place que le μή
dans la phrase grecque.
Galien, cherchant à expliquer un passage difficile du
6° livre des Épidémies : l'âme de l'homme se produit sans
cesse jusqu'à la mort ( ἀνθρώπου Ψυχὴ ἀεὶ φύεται ἄχρι θανάτου ),
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 391
dit: « Si l'on trouvait, dans quelqu'un des véritables écrits
« d'Hippocrale, une explication sur l'essence de l'âme, ainsi
« que l’auteur du traité des Semaines en a donné une, je
« pourrais essayer d'interpréter le mot φύεται (T. ν, p. 509,
« Ed. Bas.). » Ce passage apprend que le traité des Se-
maines contenait une explication sur l’essence de l’âme. Or,
notre traducteur latin dit : « Ubi dico hominis animam, dico
« originale calidum frigido consitum. Quand je dis l’âme de
« l'homme, je dis le chaud élémentaire mêlé au froid. »
Il explique un peu plus bas ce qu’il entend par là. A cette
explication se rapporte une autre citation de Galien. Celui-ci
dit, t. v, p. 510 : « Les stoiciens prétendent que l’âme, pour
« persister , ἃ besoin non seulement d'aliments, mais aussi
« d'air; et il y en ἃ qui, d’après ce qu’on lit dans le traité
« des Semaines , assurent qu'Hippocrate est l’auteur de cette
« Opinion. » Il faut donc que nous trouvions, dans notre
traduction latine, un passage où l’âme soit entretenue, non
seulement par la nourriture, mais encore par l'air. Le pas-
sage s’y trouve en effet; mais la barbarie du traducteur Pa
tellement obscurei, qu’on y voit seulement qu’il s’agit de
lâme, de la chaleur primitive, de la nourriture et de l'air.
On lit dans le Glossaire des mots hippocratiques, compose
par Galien : « Αὐτόδρομον, qui se meut de soi-même , αὐτοχί-
« vmrov , ainsi qu'il est dit dans le traité des Semaines. » Le
manuscrit latin donne per se transeuntia qui, se rapportant
aux astres, est bien la traduction ἃ’ αὐτόδρομον:
On trouve un peu plus loin dans le même Glossaire :
« Ἄχριτον πάγος, Comme ἀδιάχριτον. Ce mot se lit dans le traité
« des Semaines , et est dit de l’espace au-delà du monde, de
« l'infini, du vide sans forme. ( Εἴρηται δὲ ἐν τῷ Περὶ “Εὐδομά-
« δος ἐπὶ τοῦ μετὰ τὸν χόσιμον, ἦτοι ἀπείρου, À οἷον ἀδιατυπώτου
« xévod.) » Le manuscrit latin ἃ traduit ces mots, certaine-
392 INTRODUCTION.
ment difficiles , par inseparabilis solitas ; la traduction n’est
pas élégante , mais elle est fidèle.
τ Il y ἃ encore deux passages où Galien , sans citer le traité
des Semaines , Y fait cependant allusion. On ne pouvait s’en
apercevoir qu’en ayant le traité sous les yeux. « Il n’est pas
«besoin, dit-il, de démonstration pour établir que l'être
« vivant jouit de la santé quand il demeure dans les limites
« de la composition des qualités élémentaires, c’est-à-dire ,
« quand le chaud et le froid, comme dit Hippocrate, sont
« dans des rapports convenables de mélange l’un avec l’au-
« tre. Mais si l’un l'emporte sur l’autre , il survient des ma-
« ladies conformes à la nature de la cause qui prédomine ; des
« inflammations, des érysipèles, des affections cutanées ron-
« geantes,des anthrax,desfièvres ardentes etinflammatoires,
« et toutes les maladies fébriles, quand c’est le chaud élé-
« mentaire qui ἃ la prépondérance ; des convulsions, des téta-
« nos, des palpitations, des engourdissements, des paralysies
«et des épilepsies, quand c’est le froid élémentaire qui est en
« excès ( Du tremblement, des convulsions et des frissons, t.
« 3, p. 369, Ed. Bas. ). » C’est le développement de ce pas-
sage du livre des Semaines où l’auteur dit : « Quand le chaud
«et le froid élémentaires qui constituent le principe vital,
« sont en parties égales, l’homme demeure en santé : mais
« si le chaud l'emporte sur le froid, le corps devient d’au-
« tant plus malade que l'inégalité est plus grande. »
Galien ἃ, dans son opuscule sur le Marasme , une citation
qu'il faut aussi rapporter au traité des Semaines. La voici :
« Hippocrate a dit : le chaud qui a produit nos corps est aussi
«pour nous une cause de destruction. » (Ἱπποκράτης εἶπε - καὶ
ἀποχτείνει τοίνυν ἡμᾶς τὸ θερμὸν ὅπερ ἔφυσε τὰ σώματα, {. 3, p.
374). D'abord il faut remarquer que Galien ajoute que ce
passage est emprunté à un livre faussement attribué à Hip-
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 303
pocrate. Mais ce qui lève toute difficulté pour savoir ce qu'est
ce livre, c’est que je retrouve ce passage dans le traité des
Semaines. Le voici tout entier, Galien n’en ἃ cité qu’une
partie : « Le chaud fait croître les corps et les altère, guérit
« les maladies et engendre les fièvres , et il cause la mort des
« êtres dont il a organisé le corps. »
Voilà tous les renseignements fournis par Galien sur le
traité des Semaines. Ils concordent minutieusement avec la
traduction ignorée qui se trouve dans le manuscrit 7027.
Ces preuves sufiraient pour montrer que nous avons réelle-
ment sous les yeux le traité des Semaines attribué dans lan-
tiquité à Hippocrate. Mais d’autres auteurs ont aussi parlé
de ce livre ; et leurs citations se retrouvent également.
Censorin , qui vivait sous Gordien dans la première moitié
du troisième siècle après Jésus-Christ, cite Hippocrate et la
division de la vie en semaines : « Hippocrates medicus in
« septem gradus ætates distribuit ; finem primæ putavit sep-
«timum; secundæ decimum quartum; tertiæ vigesimum
« octavum ; quartæ trigesimum quintum; quintæ quadrage-
«simum secundum ; sextæ quinquagesimum secundum ;
« septimæ novissimum annum vitæ humanæ ( De Die na-
tali, p. 98).» Macrobe, venu un peu après Censorin, ne cite
pas, il est vrai, le livre des Semaines; mais il y fait d’é-
vidents emprunts sur la vie de l'homme, sur les sept voyel-
les, les sept organes des sens ( Zn somnium Scipionis , Nb. I,
cap. 6).
Saint Ambroise, célébrant la semaine ( Epist. VII , 39), .
ne manque pas de citer Hippocrate : « Gelebretur itaque
« hebdomas , eo auod per septem ætates vita hominum us-
« que ad senectutem transeurritur, sicut Hippocrates medi-
« cinæ magister scriptis explicuit suis. Prima ætas infantia
«est, secunda pueritia, tertia adolescentia, quarta luven-
39/4 INTRODUCTION.
« tus, quinta virills ætas, sexta ævi maturitas, septima se-
« nectus. Est ergo infans, puer, adolescens, juvenis, vir,
« veteranus, senex. Ergo Hippocrates vel septem ætates vel
« hebdomadas ætatum norit; in illis se hebdomas præferet.»
On voit combien cette division de la vie en semaines avait
plu aux écrivains de l'antiquité.
Chalcidius, qui vivait sous Arcadius, consacre un assezlong
paragraphe aux propriétés du nombre sept : « Ce nombre
« est regardé comme le meilleur, parce qu’on a observé qu'il
« était la règle de beaucoup de phénomènes produits par les
« lois naturelles. D’abord, les naissances à sept mois sont,
« dans l'espèce humaine, légitimes avant toute autre. En-
« suite, c’est après le septième mois que les dents poussent,
« après la septième année qu’elles changent. Le même nom-
« bre, au bout de la seconde semaine d’années, apporte aux
« deux sexes la puberté, époque où ils sont aptes à se repro=
« duire ; à la troisième semaine se montre un duvet naissant
« sur les joues. La quatrième termine l'accroissement de la
« stature ; la cinquième donne toute sa perfection à l’âge de
« la jeunesse. L'expérience ἃ fait voir que, dans les mala -
« dies, les mouvements se faisaient suivant le même nom-
« bre; et Hippocrate, qui traite de ces faits dans la plupart
« de ses livres, compte, dans celui qu’il a particulièrement
« consacré aux semaines , sept ouvertures des sens placées
« dans la tête, les yeux, les oreilles, les narines et la bouche.
« Les parties vitales sont en même nombre, la langue, le pou-
. «mon , le cœur, la rate, le foie, les deux reins. On compte
« autant de voyelles qui adoucissent Ja rudesse des conson-
« nes; et les phases diverses sous lesquelles se montre la lune
« croissante et décroissante, sont réglées de la même ma-
«nière. » ( Commentaire sur le Timée de Platon, p. 111 el
112, Ed. Meursius, Lugd. Bat., 1617.)
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 30
Ce que Chalcidius dit sur la division de la vie de l’homme,
est emprunté au traité des Semaines. Le reste l’est égale-
ment. La phrase relative aux mouvements critiques qui sont
réglés par les septénaires, en dérive. « Solvuntur febres, dit
« le manuscrit 7027, septima aut nona , aut undecima , aut
« quarta decima in secunda hebdomada, aut una et vigesima
« in tertia hebdomada, aut vigesima octava in quarta hebdo-
« mada. » Les passages relatifs aux sens, aux parties vita-
les, aux phases de la lune , y sont également ; et quant aux
voyelles, on y lit : « Et ipsius quidem vocis septem vocalium
inarticulatio. »
Favonius Eulogius, rhéteur carthaginois, cite le traité des
Semaines : « Hippocrates Cous, naturæ scrutator egregius ,
« hune numerum septenarium in libris , quos Περὶ ἐδδομάδων
« appellat, ait creandis inesse corporibus; nam semen fu-
« sum et fomite matris exceptum septimo die in sanguinem
«commutari, septimc mense perfici, ac plerumque nasci
« legitimam partûs dinumerationem mansurum ( au lieu de
« mansurum qui ne fait aucun sens, je propose de lire emen-
« sum), infantiumque dentes ἃ septimo mense prorumpere,
« septimo mutari anno, bis septimo incipere pubertatem,
« ter septeno florem barbæ juvenilis absolvi, quatuor autem
« annorum hebdomadibus evolutis staturæ crescentis termi-
« num fieri, nec ultrà proceritatem posse procedere (/n Ci-
« ceronis Somnium SCipionis disputatio ad 77. C. Superium
« cos. provinciæ Bizacenæ , p. 17, Antv. 1613 ). » La fin re-
lative à la division de la vie de l’homme en semaines d’an-
nées est conforme aux citations qui ont été rapportées plus
haut. Le commencement est aussi dans le manuscrit 7027 :
« Necesse est septenario haberi definitionem septem dierum
« in coagulationem seminis humani, et inde formationem
« naturæ hominis; insuper perfici propter hoc partus. »
396 INTRODUCTION.
Nous rencontrons un médecin qui s'appuie du témoignage
de l’auteur dont la traduction latine est restée ignorée dans
la Bibliothèque royale. Aétius ( Tetrab., sermo 1, cap. 83)
dit : «La fièvre quarte exquise attaque tous les âges. Hippo-
« crate, dans son livre du Nombre septénaire , signale de pré-
« férence la vigueur de l’âge : il paraît assurer que la même
« personne n’est pas atteinte deux fois par cette maladie. Il
«s'exprime ainsi : D'abord, la fièvre quarte n'attaque pas
« deux fois le même homme ; elle ne l'a jamais attaqué et ne
« l’altaquera jamais une fois qu’il aura été quéri. »
Ce passage , cité par Aétius, ne se trouve dans aucun des
traités que nous possédons aujourd’hui sous le nom d’Hip-
pocrate ; mais 1l est tout entier dans le manuscrit 7027. On y
lit : « Primum quidem quartana febre bis idem neque exa-
« gitatus est, nec de cætero exagitabitur, si semel salvus
« fuerit. Secundum uniuscujusque hominum matura ætas
« necessario et stabilita natura hominis. » Rejes ( Camp.
Elys. quest. , quæstio 71, p. 954), rapportant cette citation
d’Aétius, dit que nous devons croire cet auteur assurant
avoir pris le texte sur la fièvre quarte dans un écrit attribué
à Hippocrate. La traduction latine que je viens de rapporter
ne laisse aucun doute sur la fidélité d’Aétius, qui, à son tour,
prouverait l'authenticité de la traduction , si cette authenti-
cité n’était pas d’ailleurs surabondamment établie par tous
les témoignages que j'ai réunis.
Un commentateur d’'Hippecrate, Etienne, met en regard
la division de la vie en sept qu’on lit dans le traité des Semai-
nes , de la division en quatre que présentent les Æphorismes,
et il attribue ces deux livres au même auteur. « Hippocrate,
« dit-il dans son commentaire sur les 4phorismes, partage
« diversement les âges, tantôt en sept, comme dans le traité
« des Semaines, (antôt en quatre, qui sont l'enfance , la jeu-
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 397
« nesse , le déclin et la vieillesse (.Schol. in Hipp. , t. 11,
« p. 276, Ed. Dietz). » Plus loin (p. 373), il revient sur le
même sujet : «Suivant Hippocrate, il y a sept âges : l’en-
« fance, qui est aussi appelée l’âge de l'allaitement, la pousse
« des dents, l’adolescence, la jeunesse , l’âge viril, le dé-
« clin, la vieillesse. »
L'ouvrage intitulé Theologoumena arithmetices (p. 43) et
Moschopoulos (Περὶ Σχεδῶν, p. τη. 134) citent le même pas-
sage que Philon le juif, avec de très légères différences que
je signale pour la comparaison des textes. On y lit ἐτέων au
lieu α᾽ ἐτῶν ; ἐς τὰ δὶς ἑπτά, qui est la vraie leçon , au lieu de
ἑπτὰ δὶς ἑπτὰ, Qui ne vaut rien; δ᾽ ἐστ᾽, après νεανίσχος: et
ἐτῶν est ajouté avant le second πεντήχοντα.
Là se bornent les témoignages de l'antiquité sur ce traité,
On voit qu'il ἃ été fréquemment cité; et, après cette accu-
mulation de preuves, il ne reste plus aucun doute sur ce
point, que nous possédons, du traité des Semaines , dont
l'original est perdu, une traduction latine qui, bien que
barbare au dernier degré, peut nous en donner une idée
suffisante. Le hasard rend ainsi à la lumière un ouvrage qui
a eu une certaine autorité parmi les anciens, et qui, s’il
n'est pas d’'Hippocrate, ἃ du moins été placé de très bonne
heure à côté de tant d’autres ouvrages parmi la collection
qui porte le nom du Père de la médecine.
Il est étonnant combien l’exhumation d’un livre regardé
comme perdu jette de lumières inattendues. Dans cette
traduction latine , je n’ai pas trouvé seulement la reproduc-
tion du traité que Philon et Galien avaient eu sous les yeux ;
il en est résulté pour moi la preuve que nous possédions en
grec, sans nous en douter, deux morceaux assez longs du
livre des Semaines , l’un qui est inséré dans le prétendu
livre des Jours critiques, et l’autre qui constitue ce
398 INTRODUCTION.
qu’on appelle la huitième section des Aphorismes ; el que
certains traités, qui portent aujourd’hui le nom d’Hippo-
crate , et qui sont une compilation de fragments d’autres
traités, ont été compilés à une époque où l'original grec
du livre des Semaines existait encore; de telle sorte que
nous voyons démontré clairement par là comment il se fait
que nous avons aujourd'hui plus de traités hippocratiques
que n’en connurent l’école d'Alexandrie et Galien.
On a , dans toutes les éditions d'Hippocrate , un traité in-
titulé des Jours critiques (Περὶ χρισίμων ). Le commencement
est un fragment du premier livre des Épidémies, le reste se
retrouve dans les autres traités, excepté un long morceau
dont voici la traduction : « C’est le présage le plus favorable
« pour le salut des malades que le causus ne soit pas contre
« nature. La même règle s'applique aux autres maladies ;
« car rien de funeste, rien de mortel ne survient quand les
« choses sont conformes à la nature. Une seconde circon-
« stance heureuse, c’est que la saison elle-même ne soit pas
« l’auxiliaire de la maladie; car, en général, la force de la
«constitution humaine ne triomphe pas de la force de l’en-
« semble des choses. Ensuite l'amaigrissement de la face et
« Le repos dans les veines des bras, des coins des yeux et
« sourcils, si elles battaient auparavant, est d’un bon augure.
« Dans ce cas, si la voix devient plus faible et plus douce, la
« respiration plus rare et plus légère, il faut attendre une
« amélioration de la maladie pour le lendemain. Il est des
« signes qui doivent être examinés pour les crises, à savoir
« Si la base de la langue est enduite d’une salive blanche, et
« si l'extrémité de cet organe en est également recouverte ,
« mais à un moindre degré. Si cet enduit est peu épais, le
« mal s’amendera le troisième jour; s’il l’est davantage, le
« second jour ; s’il l’est encore davantage, le jour même. Le
ἘΞΑ
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 399
« blanc des yeux prend nécessairement une teinte livide au
« début de la maladie, quand elle est violente. Si donc le
« blanc devient pur, c’est un signe de guérison, plus lente ,
« si la blancheur vient lentement; plus prompte, si elle pa-
« raît promptement !. »
Voici le morceau correspondant dans le manuscrit 7027 :
« Maximum autem signum ægrotantium qui evasuri sunt ,
«est si secundum naturam fuerit causus ; sed aliis quidem
« morbis similiter ; nihil enim molestum secundum naturam
« nascentibus malis neque mortiferum. Secundo autem, si
« non tempus ipsum ipsi ægritudini colluctetur ; plerumque
« enim non obtinet natura hominis mundi virtutem. Deinde,
« si quæ sunt circa faciem extenuantur, et venæ quæ in ma-
« nibus et in angulis oculorum et superciliis, tranquillitatem
« habeant, in præterito non tranquillæ. Vox autem et imbe-
/ / = 5» - J' .» ΄ ’
* Μέγιστον τοίνυν σημεῖον ἐν τοῖσι μέλλουσι τῶν χαμνόντων βιώ-
21 \ \ , S es \ ΜᾺ Ἃ ΔΑ /
σασθαι, ἐὰν μὴ παρὰ φύσιν ἡ ὃ χαῦσος" χαὶ τἄλλα δὲ νουσήματα
€ ΕΣ \ Ὁ \ - \ LA L4 su mo
ὡσαύτως" οὐδὲ γὰρ δεινὸν τῶν χατὰ φύσιν γίνεται, ουδὲ θανατῶδες.
Δεύτερον δὲ, ἐὰν (μὴ) αὐτή τε ἣ ὥρη τῷ νουσή ξυμμαχήση " ὡς γὸ
ρον δὲ, ἐὰν (μὴ) αὐτή τε À ὥρη τῷ νουσήματι ξυμμαχήση * ὡς γὰρ
SE \ \ ΕῚ eu es / / \ ns κῖ- /
ἐπὶ τὸ πολὺ où νικὰ À τοῦ ἀνθρώπου φύσις τὴν τοῦ ὅλου δύναμιν "
y ἘΜ ἐξ \ Ver / 2 , \ € "7 ets
ἔπειτα δὲ, ἣν τὰ περὶ τὸ πρόσωπον ἰσχναίνηται, χαὶ αἱ φλέδες αἱ ἐν
τῇσι χερσὶ χαὶ ἐν τοῖσι χανθοῖσι καὶ ἐπὶ τῇσιν ὄφρυσιν ἡσυχίην ἔχωσι,
πρότερον μὴ ὑσυχάζουσαι" τούτῳ δὲ ἣν À φωνὴ ἡ ἀσθενεστέρη χαὶ
Ρ τὦ 7 \
λειοτέρη γίνηται, χαὶ τὸ πνεῦμα μανότερον χαὶ λεπτότερον, ἐς τὴν
-οΩ ΩΝ CA ri \
ἐπιοῦσαν ἡμέρην ἄνεσις τῆς νούσου. Ταῦτα οὖν χρὴ σχοπέειν πρὸς τὰς
LU - - -
χρίσιας, χαὶ εἰ τὸ παραδιχροῦν τὴς γλώττης ὥσπερ σιαλῷ λευχῷ ἐπα-
œ - Ὥ A
λείφεται, καὶ ἐν ἄχρη τῇ γλώττῃ ταὐτὸ τοῦτο γεγένηται. Hocov δὲ ei
5 -- Eu - 7
ph (μὲν ?) οὖν σμιχρὰ ταῦτα εἴη, ἐς τὴν τρίτην ἄνεσις τῆς νούσου "
΄ 7 ,ὔ -
ἣν δέ τι παχύτερον, αὔριον " ἦν δέ τι παχύτερον, αὐθημερινόν " τοῦτο
- -» - - / - “
δὲ ὁχόταν τῶν ὀφθαλικῶν τὰ λευχὰ ἐν ἀρχῇ μὲν τῆς νούσου ἀνάγχη
- ε - τω - \ , ÉTAT
μελαίνεσθαι. ἐὰν ἰσχύη À νοῦσος" ταῦτα οὖν χαθαρὰ γινόμενα τελειὴν
Ε΄ , \ , =
ὑγείην δηλοῖ ἀτρέμα μὲν Boudureoov: σφόδρα δὲ γινόμενον, θᾶσσον.
Page 388, Ed. Frob.
400 INTRODUCTION.
« Cillior et lenior facta et anhelitus remollitus et tenuis factus
« ad supervenientem diem solutionem morbi (promittit ).
« Hæc ergo oportet contemplari ad crises, et si circa sum-
« mam linguam veluti saliva illinitur et si in summa lingua
« hoc idem fit, minus quidem; si tenue hoc fuerit , in ter-
« tium solutio ægritudinis ; si adhuc grossiora fuerint , cras-
« tino; si adhuc grossiora, ipsa die. Hoc autem, oculorum
« albida in initio ægritudinis necesse est nigrescere, cum
« invaluerit morbus. Hæc autem munda facta sanitatem os-
«tendunt, mediocriter quidem tardiorem, fortius cele-
« riOrem. »
De là résulte quela compilation qui porte, dansla Collection
hippocratique, le nom de traité des Jours critiques et qui est
inconnue à Galien , ἃ été faite à une époque où le texte grec
du livre sur les Semaines existait encore. Rien que la tra-
duction latine enfouie dans le manuscrit 7027 pouvait faire
reconnaître la présence de ce fragment emprunté à un livre
perdu. Seulement je remarque qu’en comparant le court pas-
sage où Galien dit que l’auteur du traité des Semaines pense
que la conformité de la saison aggrave la maladie, avec la
compilation des Jours critiques, on aurait pu naturellement
penser qu’au moins une phrase du livre des Semaines était
incorporée dans ce recueil mforme de fragments. Plusieurs
traités que l'antiquité n’a pas connus et qu'il est impossible
d'attribuer ni à Hippocrate ni à aucun auteur connu, sont
certainement des débris de livres que la main des compila-
teurs a mutilés. Nous possédons tous les écrits hippocrati-
ques que l’école d'Alexandrie et Galien connaissaient , ex-
cepté le traité des Traits et des Blessures ( Περὶ τραυμάτων χαὶ
βελῶν ), mentionné par Érotien, le traité des Blessures gra-
υθ8( Περὶ ὀλεθρίων τραυμάτων). cité par Galien, un livre des
Maladies , enfin le traité des Semaines. Tout le reste, notre
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 40
collection actuelle le renferme , à part quelques lacunes et
quelques dérangements dans la distribution. Mais il s'y
trouve en outre plusieurs livres tels que ceux sur les Jours
critiques , sur l' Anatomie , sur la Dentition, etc., dont nulle
mention n’est faite ni dans les commentateurs alexandrins,
ni dans Érotien, ni dans Galien. Ces livres sont ou des fra-
gments d'ouvrages perdus d'auteurs ignorés, ou une réu-
nion de passages pris dans d’autres livres hippocratiques.
L’emprunt au livre des Semaines que je viens de signaler
dans le livre des Jours critiques, n’est pas le seul qui se
trouve, sans qu'aucun éditeur s’en soit encore douté, dans
la Collection hippocratique. Les Æphorismes sont terminés
par une huitième section que l’on désigne dans les éditions
sous le nom d’Aphorismes faux. Galien, en mettant fin à
son commentaire , qui s'arrête au dernier aphorisme de la
septième section, dit : « Cet aphorisme est le dernier dans
« la plupart des manuscrits, mais certains exemplaires con-
« tiennent quelques aphorismes de plus (T. V, p. 329, Ed.
« Bas. ). » Ces aphorismes, signalés par Galien, font partie
de la huitième section ; le reste est pris dans le traité des
Semaines , ainsi que je vais le montrer. En voici la tra-
auction :
« 19 Il faut faire les observations suivantes pour savoir
« quand un malade doit succomber ou vivre. »
« 29 Le froid et la rétraction du testicule droit sont des
« signes funestes. »
« 89 Les ongles livides, les doigts des mains et des pieds,
« froids, rétractés ou relächés, annoncent que la mort est
« prochaine. »
« 4° Les lèvres livides, pendantes, renversées, froides,
« sont d’un fàächeux augure. »
« ὅθ Le vertige, la crainte de la lumière, une somno-
TOM. I. 26
402 INTRODUCTION.
« lence profonde avec une grande chaleur , indiquent que
« tout espoir est perdu. »
« 6° Le malade qui ne connaît pas, ni n'entend, ni ne
comprend, est perdu. »
« 79 Tous ces signes deviennent manifestes chez ceux
qui vont mourir, et le ventre se gonfle et se remplit
« d'air. »
« 89 Le terme fixé pour la mort arrive quand le feu , qui
« constitue l'âme, monte au-dessus de Fombilie et dans les
« régions supérieures au diaphragme , et quand tout lhu-
« mide est consumé. La chaleur étant accumulée dans les
« organes nécessaires à la vie, et le poumon et le cœur
« ayant perdu toute leur humidité, Pair de la respiration
« entraîne en abondance la chaleur qui avait consolidé tou-
« tes choses ensemble. L'âme, en partie par les chairs, en
« partie par les ouvertures de la tête qui nous font vivre,
« s'échappe du domicile du corps, et abandonne ce simu-
« Jacre froid et mortel à la bile, au sang, à la pituite et à la
« Chair. »
Ces propositions sont dans le traité des Semaines : elles y
sont même rangées dans le même ordre ; mais elles n’y sont
pas tout-à-fait contiguës, et sont plus ou moins séparées
par d’autres phrases.
« 1° Hæc quidem in febribus et in acutis morbis osten-
« dunt mortem et vitam. »
« 20 Testis dexter infrigidatus, intro retractus, mortale.»
« 89 Ungues curvati et lividi facti, aut nigri aut russæi ,
« valde mortale ; et digiti frigidi etnigri facti et curvati valde
« maxime mortem ostendunt. »
« 4° Hoc autem, labia frigida et pendentia, propinquat
Kw mori. »
« 5° Hoc autem, quod tenebras appetunt et homines
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 403
« aversati, et non patientiam sustinens, sed silentium
« appetens, et vigilans labore multo et gravide possessus,
« Sine spe. »
Ce passage s'éloigne davantage du passage correspondant
dont j'ai donné la traduction plus haut. Cependant on trouve
dans le grec et le latin la preuve qu'ils se rapportent au
même original. En effet, σχοτοδινιῶν, répond à tencbras appe-
tit ; ἀποστρεφόμενος, à homines aversati ; κατεχόμενος, à gravide
possessus, et ἀνέλπιστος, à sine spe. Le texte grec, tel qu’il a
été conservé, est un abrégé, un extrait, où des mots de
Poriginal ont été retranchés ; cela est évident par les phra-
ses qui se trouvent entre ces soi-disant aphorismes dans la
traduction latine, et qui ont été omises.
« 6° Hoc autem, non agnoscens , neque audiens, neque
« intelligens, valde mortale est. »
« 7° Morituris autem omnibus hæc manifesta fiunt om-
nia ; et ventres dissolvuntur, distenduntur et inflantur. »
« 8° Definitio autem mortis hæc est : cum enim calor ani-
« mæ, undique ex corpore adducens humorem, ascenderit
« ad superiora thoracis, et exusserit quod emne humoris
« constitutum est; non enim aliud corpus frigidat ; et pulmo
« et cor humorem consumpserit , de vapore infusione facta
« mortalibus locis, exhalat caloris spiritus et pergit illuc
« unde constitit, in aerem, aliud per ea quæ in capite sunt
« respiramina quæ de vita vocantur. »
Certes, le traducteur latin s’est très mal tiré de tout ce pas-
sage, à la vérité, assez difficile; mais il n’en est pas moins
certain qu’il a donné assez exactement, quoique sans y rien
comprendre, la traduction du texte grec, sauf les dernières
lignes. Elles manquent dans le texte latin, soit qu’elles
n’appartiennent pas à l'original grec, soit, ce qui est plus
probable, que le traducteur ou le copiste les ait omises.
=
A
404 | INTRODUCTION.
Parmi les aphorismes de la huitième section, ceux que
j'ai cités sont les seuls qui se retrouvent dans le traité des
Semaines. Les autres aphorismes de cette section proviennent
d’une source qui m’est inconnue, et qui l'était aussi à Ga-
lien; car c’est indubitablement à ceux-ci qu’il ἃ fait allusion
dans le passage rapporté un peu plus haut. Ces aphorismes
ajoutés, qu’il avait vus dans quelques exemplaires, étaient
les aphorismes qui n’ont pas élé pris dans le traité des .$e-
maines ; Car, 515 eussent été ceux que j'ai cités et qui font
partie de ce dernier traité, il n’eût pas gardé le silence sur
cette circonstance; il eût remarqué qu’ils n'étaient qu’un
centon d’un livre connu; que, par cette raison , ils ne pou-
vaient être considérés comme des aphorismes, et que cette
addition était le fait de quelque copiste maladroit. Une
considération peut encore appuyer ce que je viens de dire :
c’est que les aphorismes empruntés au traité des Semaines
ne se rencontrent que dans un très petit nombre des manu-
scrits grecs qui se trouvent dans les bibliothèques, tandis
que les autres aphorismes de la huitième section ont été ad-
mis généralement par les copistes. De ce fait il faut con-
clure, d’abord que les copies que nous avons des œuvres
d’Hippocrate, ont été faites, pour la plupart, sur les exem-
plaires qui, comme nous l’apprend Galien, présentaient
l'addition de quelques aphorismes ; en second lieu, que
cette addition a été plus tard augmentée de quelques cen-
tons pris dans le traité des Semaines ; ce qui a produit dans
les manuscrits deux éditions du texte hippocratique , l’une,
plus ancienne et plus multipliée, ne contenant que les apho-
rismes surnuméraires déjà connus de Galien; autre, plus
moderne et plus rare , enrichie, dans la pensée du compi-
lateur, d’un fragment du traité des Semaines,
Aucun éditeur n'a pu dire ce qu'étaient ces aphorismes
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 403
faux; car l'explication manquait, et elle ne pouvait être
fournie que par un hasard qui ferait retrouver le texte ori-
ginal ou une traduction comme celle que renferme le ma-
nuserit 7027. Gorter (Medicina Hippocratica, p. 886) dit
qu’on ne sait si ces aphorismes appartiennent à Hippocrate
ou ont été supposés par quelque autre; mais que, comme
les anciens ont été attachés superstitieusement au nombre
sept, il est probable qu’un huitième livre des 4phorismes
n’a pas été composé par Hippocrate. D'abord, rien n’autorise
à croire que la division des Æphorismes en livres remonte
jusqu'à Hippocrate lui-même ; ensuite il est prouvé par le
fait que le plus grand nombre de ces aphorismes faux a été
extrait d’un autre traité. Lefebvre de Villebrune, dans son
édition des Aphorismes , les omet complétement, se con-
tentant de remarquer, p. 343, qu’il les ἃ négligés comme
inutiles et absurdes, avec Meletius, Philotheus, les Arabes
et plusieurs Grecs. Cependant il a examiné le manuscrit
7027, mais 1} n’a pas regardé le traité des Semaines. « Les
« aphorismes renfermés dans la huitième section, dit Bos-
«quillon dans son édition française, p. 201, sont la plu-
« part ou faux, ou écrits d’une manière inintelligible, ou
«ils sont la répétition de sentences qui se trouvent expri-
« mées beaucoup plus clairement dans les autres ouvrages
« du père de la médecine; ils manquent dans les manu-
« scrits les plus anciens ; ceux dans lesquels ils se trouvent
« paraissent être du commentement du xv° siècle. Sur
« vingt que j'ai collationnés, un seul donne dix-huit apho-
« rismes à cette section. » La remarque de Bosquillon est
juste; le seul manuscrit qui contienne, parmi les apho-
rismes faux, ceux qui sont empruntés au traité des Semai-
nes, est le numéro 2146 de la Bibliothèque royale. Aussi je
pense que ces aphorismes ont été ajoutés à une époque ré-
-
406 INTRODUCTION.
cente , et que le texte grec du traité des Semaines a été
perdu depuis peu de temps, et, pour ainsi dire, au moment
où il touchait au port, οἵ οὰ ilallait, pour ne plus périr ,
être recueilli par l'imprimerie. Berends (Lectiones in Hip-
pocratis Aphorismos, p.7) attribue les aphorismes faux à
un imposteur du nombre des sophistes. Le fait est que l’im-
posteur n’est qu’un compilateur maladroit qui a extrait,
sans en avertir, quelques sentences d’un livre aujourd’hui
perdu, et que le sophiste prétendu, c’est-à-dire l’auteur du
traité des Semaines, est un médecin postérieur à Hippo-
crate, mails assez ancien pour avoir été cité comme une au-
torité par Philon le Juif. Enfin, le dernier traducteur des
Aphorismes , M. Dézeimeris, qui les a rangés, avec beau-
coup de sagacité , dans un ordre méthodique, reconnaît, à
la vérité, que la huitième section tout entière est une addi-
tion moderne ; mais il n’a aucune donnée sur l’origine des
aphorismes qui la composent.
Ainsi l'examen de la traduction latine que renferme le
manuscrit 7027, restitue à un ancien livre hippocratique des
fragments qu’on rejetait comme sans valeur et venant d’une
source ignorée, et fournit un nouvel exemple de la ma-
nière dont les copistes de manuscrits faisaient des compila-
tons.
Galien, qui, ainsi que je l’ai rapporté plus haut, cite plu-
sieurs fois ce traité, ne manque jamais de déclarer qu'il le
regarde comme faussement attribué à Hippocrate. Je ne sais
pas si, pour prononcer ce jugement, Galien avait d’autres
raisons que l’examen des pensées, des doctrines philosophi-
ques et médicales , et du style qu’on remarque dans le livre
des Semaines. Toujours est-il que ce seul examen suflirait
pour faire suspecter grandement l'authenticité de ce traité.
En effet, hypothèse , si opiniâtrément poursuivie, de l'in
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 407
fluence du nombre sept; des exemples, où subtils ou insi-
gnifians , inyoqués en faveur de celte opinion ; une (héorie
philosophique qui fait, du prineipe vital, un mélange du chaud
élémentaire et du froid élémentaire ; une doctrine médicale
qui applique à la génération des fièvres la théorie philoso-
phique, et rattache toutes ces maladies à des changements
primordiaux survenus dans la constitution du principe vital ;
une vue toute contraire à la vue d’'Hippocrate, concernant
l'influence des saisons sur les maladies; tout cela confirme
ce que Galien a dit du traité des Semaines, et ne permet
guère de douter que ce livre ne soit la production d’un au-
teur autre qu'Hippocrate , et de plus, beaucoup postérieur
à ce médecin. C’est ce que je vais essayer de montrer par
quelques arguments qui fortifieront l’assertion de Galien,
mais qui seront pris à des considérations autres que cel-
les qui résultent de l'examen des doctrines et du style.
Je veux dire que je vais essayer d'entrer un peu plus avant
dans cette discussion de critique et d'histoire littéraires.
L'auteur du livre des Chairs ( Περὶ σαρχῶν), après avoir
dit que les enfants changent de dents à sept ans, ajoute :
« C’est une nécessité de la nature; j'expliquerai ailleurs
« pourquoi ces phénomènes sont régis par le nombre sept. »
Τῆς δὲ φύσιος τὴν ἀνάγχην.. διότι ἐν ἑπτὰ τουτέων ἕχαστα διοιχεῖται,
ἐγὼ φράσω ἐν ἄλλοισιν ( Hipp., Ed. Froben, pag. 44). Ce pas-
sage me parait contenir une allusion au traité des Semaines,
qui , en effet , explique comment la nature impose à toute
chose la règle du nombre sept : allusion qui devient incon-
testable par le rapprochement de la citation suivante. Après
avoir parlé de l’âge de sept ans et de celui de quatorze,
l’auteur ajoute que le corps croît jusqu’au troisième septé-
naire, dans lequel commence l'adolescence, et jusqu'au
quatrième el au cinquième , οἱ que, dans le quatrième sep-
408 INTRODUCTION.
ténaire, naissent , à la plupart des hommes, les deux dents
qu’on appelle dents de sagesse (P. 42, Ed. Frob.). La divi-
sion de la vie en semaines d’années, admise ici, est la
même que celle du livre des Semaines. Si, cette mdication
première étant donnée, on examine jes deux traités, on y
trouve développée une théorie toute semblable. Dans les
deux, le nombre sept joue un rôle principal ; dans les deux,
le chaud élémentaire est considéré comme le grand auteur
de toute chose; dans le traité des Chairs, cette théorie
est appliquée à la production des parties et des organes du
corps; dans le traité des Semaines, à la production des fiè-
vres. Donc ce dernier livre est, comme celui des Chairs ,
auquel il tient, d’une date postérieure à Aristote.
Il y est dit que le feu porté aux régions les plus élevées
du monde est appelé par les anciens l’éfher. Kat évouñvat μοι
αὐτὸ δοχέουσιν οἱ παλαιοὶ αἰθέρα (Page 39, Ed. Frob.). Aristote
nous apprend que c’était le nom qu’Anaxagore donnait au
feu. « Anaxagore, dit-il, emploie mal le mot éther ; il s’en
« sert pour désigner le feu. » ᾿Αναξαγόρας δὲ καταχέχρηται τῷ
ὀνόματι τούτῳ οὐ χαλῶς. ᾿Ονομάζει γὰρ αἰθέρα ἀντὶ πυρός ( Du ciel,
lb. 1, t.1, pag. 435, Ed. Duval). C’est donc, sans doute, à
Anaxagore que l’auteur du livre des Chairs fait allusion,
c'est Anaxagore qui y est appelé ancien ; or, Hippocrate
ou un contemporain d’Hippocrate n'aurait pas pu donner
cette qualification au maître de Périclès et de Socrate.
Après avoir fixé la limite au-delà de laquelle on ne peut
pas reculer le traité des Semaines , il faudrait aussi détermi-
ner un minimum d’antiquilé pour l’époque de sa composi-
tion. Qu'il soit fort ancien, c’est ce qu’on ne saurait révoquer
en doute en voyant que Philon, qui vivait au commence-
ment du premier siècle de l'ère chrétienne , l’attribue à Hip-
pocrate. Ainsi dès-lors l’origine en était douteuse, et ce li-
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 409
vre remontait, avec tout ce qu’il y ἃ de supposé dans la Col-
lection hippocratique, à un temps qu’on ne pouvait plus
préciser. Cependant j'ai remarqué plus haut que, suivant
Galien , quelques philosophes voulaient y voir la source du
dogme des'stoiciens suivant lequel l’âme recevait une dou-
ble nourriture par l'inspiration de l'air et par l’ingestion des
aliments. En conséquence de l'antiquité réelle du livre et de
cette observation, on pourrait admettre qu’il a été écrit
avant l’époque de la fondation de l’école stoicienne.
Résumons en quelques mots les résultats de cette disser-
tation :
1° Le traité des Semaines, perdu en grec, existe dans
une traduction ; il a été cité par différens auteurs anciens ,
depuis Philon jusqu’à Moschopoulos ;
2° Galien, qui est une grande autorité en cette matière,
l'a regardé comme faussement attribué à Hippocrate ; Pexa-
men du livre lui-même confirme cette opinion ;
30 Le livre des Semaines est un traité des fièvres fondé sur
deux opinions qui ont la prétention de tout expliquer, à sa-
voir que les choses naturelles sont réglées par le nombre
sept, et que le principe vital est un composé du chaud et du
froid élémentaires, dont les variations constituent les affec-
tions fébriles ;
4° Ce traité est du même auteur que le livre des Chairs
et probablement aussi que le livre du Cœur ;
5° Deux morceaux assez considérables, l’un inclus dans
le traité des Jours critiques, l'autre formant, en grande
partie, la huitième section des Aphorismes , appartiennent
à ce traité. Rien, jusqu’à l'examen du livre des Semaines ,
n'avait pu faire soupçonner ce fait ;
6° Nous possédons en grec , et comme spécimens de lori-
ginal, les deux morceaux désignés ci-dessus ; le passage cité
410 INTRODUCTION,
par Philon ; quelques expressions détachées οἱ une phrase
entiere rapportées par Galien ; enfin la phrase qu'Aétius ἃ
conservée. Le dialecte est ionien ; le style, autant qu’on en
peut juger par ces fragments, a de la recherche et de l'ob-
scurité , sans manquer cependant d’une certaine élégance.
PRÉDICTIONS, 2° LIVRE !. Ge 2 livre est un traité très mé-
thodique, très bien rédigé sur la connaissance du pronostic ;
c’est certainement un des livres les plus remarquables de la
Collection hippocratique. Cependant, d’un commun accord ,
les critiques anciens l’ont rejeté. Érotien , dans sa préface 3,
a annoncé en termes exprès qu’il prouverait que le Prorrhé-
tique , livre 1* et 2, n’est pas d’'Hippocrate; ce qui s’appli-
que sans doute aux deux livres, peut-être aussi au deuxième
seulement. Galien se joint à l'opinion de ceux qui pensaient
que ce livre n’appartenait pas au médecin de Cos 5,
Ainsi, en aucun cas, il n’est permis à la critique moderne,
contradictoirement à des jugements aussi formels, de ranger
le deuxième livre des Prorrhétiques parmi les œuvres d'Hip-
pocrate. Les éléments d’une discussion approfondie man-
quant, il faut s’en rapporter aux critiques anciens , qui les
ont eus à leur disposition. Cela admis, j'ai cherché si, en
Pabsence des motifs de ce rejet, qui ne nous ont pas été
transmis , il serait possible de découvrir quelque raison dont
la conséquence fût la même, c’est-à-dire qui montrât que le
2° livre du Prorrhétique n’est pas d'Hippocrate. On y trouve
le passage suivant : « En touchant le ventre et les veines,
1 Προῤῥητιχόν, β΄.
2 Προῤῥητιχὸν, α΄ χαὶ β΄, ὡς oùx ἔστιν Ἱπποχράτους, ἐν ἄλλοις
δείξομεν. P. 29, Ed. Franz.
? Καί μοι δοχοῖεν ὀρθῶς ἔνιοι τῶν ἰατρῶν, οὐχέτι εἶναι τῶν γνη-
σίων ἹἹπποχράτους βιδλίων αὐτὸ, χαὶ προσηχόντως ἀποφήνασθαι. Τ.
κι, p. 454, Ed, Pas.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 411
« le médecin court moins risque de se tromper qu’en ne les
« touchant pas !.» Cela semble être une claire indication du
pouls; et , comme le pouls n’a été appliqué à la connaissance
des maladies que du temps de Praxagore, cette indication
place le second livre des Prédictions. après le temps d’Hip-
pocrate, et l’ôte à ce médecin, comme l'ont fait les critiques
anciens, remarque qui confirme leur jugement, ou plutôt
qui emprunte une grande force à leur jugement.
Il est difficile de comprendre comment le 29° livre des
Prorrhétiques et le 1*, si différents l’un de l’autre, ont été
joints ensemble; l’un est un livre rédigé avec non moins de
méthode que d'élégance , l'autre est une suite de proposi-
tions décousues, et où Galien ἃ même signalé un bon nom-
bre de locutions vicieuses ou hasardées. Néanmoins ces deux
livres, on le voit par la citation d’Érotien que je viens de
rapporter, ont été fort anciennement réunis lun à l’autre,
avec le titre de premier et de second. Un passage de Galien
fait voir que ce deuxième livre portait aussi le titre de : livre
des Prédictions le plus grand ?.
DES GLANDES 5. Il n'y ἃ rien à objecter contre l'arrêt
porté par Galien sur cet opuscule. Le médecin de Pergame,
dans son commentaire sur le traité des Articulations, ve-
nant à l'endroit où l’auteur promet un livre sur la Texture
des glandes, déclare que celui qui existe actuellement est
l'œuvre non d'Hippocrate, mais des hippocratiques posté-
rieurs #, et qu’il n’est cité par aucun des anciens, ni par
1 Ἔπειτα τῇσι χερσὶ Ψαύσαντα τῆς γαστρός τε καὶ τῶν φλεδῶν
ἣσσόν ἐστιν ἐξαπατᾶσθαι ἢ μὴ ψαύσαντα. P. 414, Ed. Frob.
2 Βδέλλῳ, ἐν τῷ μείζονι Προῤῥητιχῷ καὶ δευτέρῳ πρός τινων ἐπ'-
γραφομένῳ. Gloss., p. 446, Ed, Franz.
3 Περὶ ἀδένων.
ἡ. Τῶν νεωτέρων Ἱπποχρατείων. 1. ν, p. 591, Ed. Bas.
p ἷ 2 ?
412 INTRODUCTION.
ceux qui ont composé des index. Érotien n’en fait aucune
mention. J’ai cherché les raisons intrinsèques pour lesquel-
les ce traité avait été exclu du canon hippocratique par les
criliques anciens ; je n’ai pu les trouver. Quoi qu’il en soit à
cet égard, il est certain que les critiques anciens l'ont una-
nimement rejeté , et Galien l’attribue à quelque médecin
de l’école d'Hippocrate, mais venu après lui.
FRAGMENT SUR LES VEINES, renfermé dans le traité de
la Nature des os. — Voyez, dans la classe suivante, ce qui
regarde ce prétendu traité.
NEUVIÈME CLASSE.
Je fais une classe distincte de plusieurs petits traités ou
fragments ou compilations que les anciens critiques n’ont pas
mentionnés : ce sont l’opuscule sur le Médecin; celui sur
la Conduite honorable ; les Préceptes ; sur V Anatomie ; de la
Dentition ; de l'Excision du fœtus; de la Vue; de la Nature
de la femme ; la huitième section des Aphorismes ; sur la
Nature des os; sur les Crises; sur les Jours critiques; sur
les Médicaments purgatifs.
Du Μέρεοιν ". Cet opuscule n’est mentionné par aucun
des anciens critiques. Eustache, dans les notes sur Érotien 3,
suppose, ilest vrai, que cet auteur a interprété un mot (ὅμι-
Xn) qui se trouve dans ce petit livre. C’est une erreur ; voici
le texte d'Érotien, on en jugera : « Ὁμιλίη a trois significa-
« tions. Dans cet endroit, il signifie les habitudes de l’homme, ἡ
« et il dérive de ὁμοῦ εἰλεῖσθαι (vivre ensemble). Dans le traité
« des Articulations il ne signifie que la contiguité et la juxta-
« position, par exemple dans cette phrase : l'aumérus tient
: Περὶ ἰητροῦ.
: Érot., Gloss. in Hipp., p. 272, Ed. Franz.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 413
« (épée) à la cavité articulaire de l'omoplate ; dans le mé-
« me traité Hippocrate s’en sert pour désigner l'expérience,
« quand il dit : Cet art s’acquiert , non par le raisonnement
« seulement, mais aussi par la pratique (δμιλίηγ. Ce mot se
« trouve dans le traité des Saisons et des Lieux. » Comme le
mot ὁμιλίη se lit dans l’opuscule intitulé du Médecin (Pag.
12, lig. 37, Ed. Bas.), Eustache croit que la première citation
s'y rapporte. D'abord il faut remarquer que, dans le passage
de l’opuscule du Médecin, δμιλίη n’a pas précisément le sens
indiqué par Érotien; secondement une autre remarque ne
permet pas d'admettre qu'il s'agisse ici de ce petit livre. Éro-
tien dit : « Dans cet endroit δμιλίη signifie les habitudes de
« l’homme.» On sait qu'il avait interprété successivement
tous les mots, jugés par lui difficiles, de chacun des livres
hippocratiques, et qu’il avait suivi l’ordre indiqué dans sa liste.
Quand il dit dans cet endroit, il veut donc exprimer qu’il s’agit
d’un des traités qu’il a énumérés dans son catalogue, et du
traité même dont il interprète les mots à ce moment. Or,
comme il n’a pas relaté lelivre du Médecin dans sa liste, ce ne
peut être ce livre qu’il désigne en disant en cet endroit. Il est
vraiqu’enrencontre dans son Glossaire quelques mots appar-
tenant à des traités qu’il n’a pas jugé à propos de mentionner
dans sa liste; mais alors il ne dit pas en cet endroit; car ces
expressions annoncent qu'il parle d’un des traités admis par
lui. Ainsi, ce n’est pas à l’opuscule sur le Médecin que le mot
δμιλίη, dans sa première signification, a été pris par Érotien ;
il l’a été, je pense, au traité des 4irs, des Eaux et des Lieux,
qu’il appelle des Saisons et des Lieux. Ce mot ne s’y trouve
plus, il est vrai, mais beaucoup de mots expliqués par Galien
ou Érotien ne se rencontrent pas, non plus, dans la Collection
hippecratique, ayant été expulsés par des gloses et deserreurs
de copiste. Lemotoixeine, expliqué immédiatement avant ὅμι-
414 INTRODUCTION,
λίη, appartient au livre de la Nature de l'enfant ; etce livre est ,
dans la liste d’Érotien , placé immédiatement aussi avant le
livre des Airs, des Eaux et des Lieux, de sorte que, suivant
l'ordre d’Érotien , après un mot du livre de la Nature de l'en-
fant , on doit attendre un mot du livre des Airs, des Eaux
et des Lieux. ᾿Ενθάδε signifie donc : dans ce dernier traité ;
Érotien a pris même soin qu’on ne s’y trompât pas, en ajou-
tant, après l’article assez long consacré à ὁμιλίη : « Ce mot
« est dans le livre des Saisons et des Lieux.»
Dans le silence des anciens commentateurs il n’est pas
possible de se faire une idée sur l’origine de l’opuscule du
Médecin. L'auteur, après avoir dit qu'il était nécessaire à
un chirurgien militaire de suivre les armées pour apprendre
à connaître et à traiter les blessures, ajoute : « Tout cela à
« été traité dans d’autres écrits 1. » Or, la Collection hippo-
cratique a contenu jadis un livre de chirurgie militaire inti-
tulé des Traits et des Blessures. Ce livre, que Galien pen-
sait n'être pas d'Hippocrate, est aujourd'hui perdu. Entre
le sujet de ce livre et le passage de l’opuscule du Médecin,
il y a évidemment un rapport; mais il faudrait posséder le
traité des Traits et des Blessures pour savoir s’ii serait pos-
sible de rattacher ces deux livres l’un à l’autre.
DE LA CONDUITE HONORABLE ?. Cet opuscule n’a en
sa faveur le témoignage d’aucun ancien commentateur. Il
se termine par une phrase toute semblable à celle qui ter-
mine le Serment. C'est le seul lien par lequel cette petite
composition se rattache au reste de la Collection hippocrati-
que. Bernard, dans une lettre à Reiske 5 , essaie de prouver
1 Περὶ δὲ τουτέων ἁπάντων ἐν ἑτέροις γεγραμμένον ἐστίν. P. 14,
Ed. Frob.
2 Περὶ εὐσχημοσύνης.
ὁ Voyez sa vie, publiée par sa femme, p. 265 ss.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 413
qu’elle est l'œuvre d’un médecin attaché à la secte stor-
clenne.
PRÉCEPTES !. Les Préceptes ne sont mentionnés par au-
cun commentateur ancien ; je ne sais pourquoi quelques cri-
tiques modernes les ont attribués à un médecin de la secte
empirique. L'auteur recommande, il est vrai, l'expérience,
mais il la recommande avec le raisonnement, et ne le fait
pas autrement que d’autres écrivains de la Collection hippo-
cratique. Le silence des commentateurs de l'antiquité laisse
planer sur €et opuscule la plus grande obscurité.
DE L’'ANATOMIE ?. Ce très court fragment, qui contient,
en quelques lignes, des notions sur la plupart des organes du
corps humain , n’a été cité par aucun écrivain ancien. On y
trouve répété trois ou quatre fois un mot 5 que Suidas nous
apprend avoir été abdéritain et familier à Démocrite. Quel-
ques critiques modernes ont tiré de ce fait la conclusion que
le fragment en question était de Démocrite. Rien ne contre-
dit cette conjecture, mais rien ne la soutient; c’est assez
dire qu’elle est tout-à-fait gratuite.
DE LA DENTITION ἢ. Ce très court fragment n’est cité
par aucun ancien commentateur, rien ne peut nous faire de-
viner de qui il est, ni où il a été pris.
DE L’EXCISION DU FOETUS ©. Ceci est un fragment comme
on en trouve plusieurs dans la Collection hippocratique ; il est
fort diflicile de dire d’où il vient. Galien n’en ἃ fait aucune
mention; Érotien ne le cite pas non plus dans la liste qu’il
donne des écrits hippocratiques. Cependant, dans leurs
1 Παραγγελίαι.
£ II: \ δὴν ἿΞ LU
᾿ ξρι AVATOUNS-
3 “Puouos. V. Suidas.
4 Περὶ ὀδοντοφυΐης.
\
: SAS
Περὶ ἐγκατατομῆς ἐμύρύου.
a
416 INTRODUCTION.
Glossaires , Érotien et Galien interprètent un mot qui ne se
trouve que dans ce court fragment 1. Comment expliquer la
présence de ce mot dans ces Glossaires ? avaient-ils sous les
yeux le fragment en question , ou ont-ils copié cette expli-
cation dans le Glossaire de quelqu'un de ceux qui avaient
composé avant eux des lexiques hippocratiques, et qui con-
naissaient par conséquent l’Excision du fœtus ? ou, enfin,
ce mot ἰχθύην était-il dans quelqu'un des livres perdus ? En
tout cas, ce fragment est ancien, et peut-être faut-il le join-
dre au traité des Femmes stériles, qui est mutilé au point
même où l’auteur s'occupe de l'extraction de l'embryon
mort. Le morceau de l'Excision du fœtus est un fragment
qui faisait partie de quelque ouvrage sur l’obstétrique; car il
commence par ces mots : « Je vais parler des accouchements
« qui ne se font pas naturellement, mais qui exigent l’exci-
« sion du fœtus 3. »
DE LA VUE 5. Cet opuscule n'est cité ni par Galien, ni
par Érotien ; tout témoignage ancien lui fait défaut. Ce pa-
raît être un fragment d’un livre perdu ; il y a peu d'ordre
dans la rédaction; et il faut le ranger parmi ces fragments
dépareillés sur l’origine desquels toute notion manque.
DE LA NATURE DE LA FEMME. Toute autorité man-
que en faveur de ce traité qui ne se recommande pas non
plus par sa propre composition ; il contient une foule de pas-
sages empruntés aux livres sur les Maladies des femmes :
ce qui porte à croire que ce n’est qu’une compilation faite
sans beaucoup de jugement aux dépens d’autres traités.
1 Ἰχθύην, p. 186, et p. 488, Ed. Franz.
" Περὶ δὲ τῶν μὴ κατὰ τρόπον χυϊσχομένων, ἀλλ᾽ ἐγχατατεμνομέ-
νων. P. 53, Ed. Frob.
3 Περὶ ὄψιος.
\ L LU
4 Περὶ γυναιχείης φύσιος.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 417
Dans tous les cas, ce livre, que les critiques anciens ont
ignoré ou négligé, n'appartient point à Hippocrate.
Parmi les opuscules que je viens d’énumérer, un seul ἃ
peut-être un témoignage en sa faveur, c’est celui sur l'Ex-
cision du fœtus, auquel il est possible que le mot cité dans
Érotien et Galien doive être rapporté. Sur les autres un si-
lencé absolu a été gardé par les critiques anciens. Néan-
moins il n’en faudrait pas conclure que ce sont des compo-
sitions postérieures à Erotien et à Galien. Ces opuscules por-
tent, en effet, un caractère d'ancienneté qu’il n’est guère
possible de méconnaître ; et l’on voit encore, dans quelques-
uns, par exemple l’opuscule sur le Médecin et celui sur la
Conduite honorable, des traces de relation avec d’autres œu-
vres de la Collection hippocratique.
Mais il n’en est plus de même des morceaux qui vont sui-
vre. Ceux-e1 sont certainement des compositions postérieu-
res à Érotien et à Galien , et le produit de compilations faites
à une époque ignorée , mais très tardive. C’est un fait que la
découverte de la traduction ignorée du traité des Semaines
m'a permis d'établir d’une manière incontestable. θ᾿ αἱ formé
la dixième classe dans la Collection hippocratique à laide
d’une seule considération, à savoir que les opuscules qui la
composent n’ont été cités par aucun critique ancien. Mais,
cela admis, elle se divise naturellement en deux séries, l’une
(je viens d’en parler) qui comprend des traités, non cités, il
est vrai, mais que l’on reconnaît anciens à des caractères
intrinsèques ; l’autre ( je vais en parler) qui renferme des
compilations faites dans un temps très postérieur à Galien.
Le livre de la Nature de la femme, que j'ai placé à la fin de
la première série, sert de transition ; car je ne sais si c’est
une compilation ancienne ou une compilation moderne.
HUITIÈME SECTION DES APHORISMES. Cette prétendue
TOM. I. 97
4158 INTRODUCTION.
huitième section , je lai fait voir en parlant du livre des
Semaines, est empruntée à ce livre; je la supprime done, et
je la renvoie à la place qui lui appartient.
DE LA NATURE DES os 1. Le traité de la {Nature des os,
à cause de la confusion qui y règne, est un de ceux qui
ont le plus embarrassé les critiques. Les difficultés provien-
nent de ce que ce livre est une collection de fragments, in-
connue à toute l'antiquité, et faite par une main assez mo-
derne. On va voir qu’il en est ainsi, et la preuve de ce fait
remettra chaque chose en sa place , et effacera, du nombre
des livres hippocratiques , un amalgame de morceaux diffé-
rents qui ne doit pas y figurer. Il est composé de cinq mor-
ceaux différents, dont quatre ont une origine connue, et
dont le cinquième appartient à un auteur ignoré. Je vais les
énumérer en allant de la fin de ce prétendu traité au com-
mencement.
Celui dont je vais parler d’abord commence ainsi : Les os don-
nent au corps sa stabilité, sa rectitudeet sa forme ?. Cette por-
tion est celle que Galien cite, dans son Glossaire, sous letitre
d’Appendice au livre du Mochlique, d’autres fois sous celui de
Traité sur les veines ajouté au Mochlique 5. Érotien ne cite
pas nommément ce fragment, mais il en explique, dans son
lexique, quatre mots #. Il en résulte évidemment qu’il a com-
pris cet appendice sous le titre commun du Mochlique, qu’il
a admis dans sa liste des écrits hippocratiques. Ce n’est pas
* Περὶ ὀστέων φύσιος.
2 Τὰ ὀστέα τῷ σώματι στάσιν χαὶ ὀρθότητα χαὶ εἶδος παρέχονται.
P. 61, Ed. Frob.
ὁ Aux mots παραστάτας et χοτυλίδα, qui sont en eflet dans ce
qu’on appelle le traité de la Vature des os, Ρ- 62, Ed. Frob.
# ᾿Αποχεχάρπωχε, p. T6, Ἠγχυροδόλησε, p. 174 , Evephe6oro-
unce, pe 116, ᾿Εξαμελγόμεναι, p.156, Ed. Franz.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 419
tout, Érotien nous a conservé une explication de Bacchius
qui se rapporte à cet appendice 1; ce qui prouve que, dès le
temps d’un des plus anciens commentateurs d'Hippocrate ,
ce fragment existait, et était joint au Mochlique. Je lui ren-
drai done son titre ancien, sur les 7’eines (Περὶ φλεδῶν), et je
le rapprocherai d’un autre fragment sur le même sujet, qui
est aussi compris dans la compilation appelée de la Nature
des os.
Le second fragment, que renferme le traité de la Nature
des os, commence par ces mots : La veine du foie dans les
lombes 3, etc. Il est consacré à l’anatomie des veines; il se re-
trouve tout entier dans le 2: livre des Épidémies ; et ce qui
prouve que c’est là sa véritable place , c’est que Galien, qui
le cite, l’'emprunte à ce deuxième livre et ne fait aucune men-
tion d’un traité sur la Nature des os.
Le troisième morceau qui commence par ces mots : Les
plus grosses des veines sont ainsi disposéesS, n’est pas au-
tre chosé que le morceau qu’on lit dans le traité de la Nature
humaine, morceau attribué par Aristote expressément à Po-
lybe. Galien, par son commentaire sur le traité de la Nature
de l’homme , nous prouve que telle en a été de tout temps la
véritable place, et c’est là que l’a pris l’arrangeur qui ἃ
composé le traité de la Nature des os.
Ce n’est pas des œuvres d’Hippocrate, c’est de celles d’Aris-
tote que le quatrième morceau ἃ été extrait. Les premiers
mots en sont : Les grosses veines sont ainsi disposées #. Il se
trouve en toutes lettres dans l’Æistoire des animaux d’Aris-
* Page 156, Ed. Franz.
2 H δὲ ἡπατίτις ἐν 8oqui.…. Page 60, Ed. Frob.
"Αἱ παχύταται τῶν φλεδῶν ὧδε πεφύχασιν. Page 60, Ed. Frob.
4 Αἱ φλέδες δὲ αἱ παχεῖαι ὧδε πεφύχασιν Page 59, Ed. Frob.
420 INTRODUCTION.
tote 1, et il est de Syennésis de Chypre, médecin d’ailleurs
inconnu. Cela seul suffirait pour prouver que nous avons
sous les yeux une compilation tardive où l’on a pris de droite
et de gauche, et même dans Aristote, et réuni tout ce qui
avait été dit sur les veines.
Reste tout le commencement du prétendu traité de la ÆVa-
ture des os, ce qui forme le cinquième et le dernier des mor-
ceaux disparates qu’un copiste a réunis. Il m’est impossible
de le rendre à l’auteur à qui il appartient ; son origine m'est
inconnue; aucun des mots expliqués par Galien et par Éro-
tien ne s’y retrouve; il ne faisait point partie de l’Æppen-
dice au Mochlique ; car, s’il en avait fait partie, le copiste ne
l'aurait point séparé par l’interposition des trois fragments
empruntés au 2° livre des Épidémies, à Polybe, et à Syen-
nésis de Chypre. À cette raison décisive vient s’en ajouter une
autre qui ne l’est pas moins : c’est que l'anatomie des veines
est toute différente de celle qui est exposée dans lA4ppendice
au Mochlique. D'après ce cinquième fragment, les veines ont
leur origine dans le cœur, ce qui empêche de placer la com-
position de ce morceau avant Aristote. Les connaissances
anatomiques qui s’y montrent, le mettent à côté du traité
du Cœur, de celui de l Aliment et de celui des Chairs. Ge frag-
ment qui commence le prétendu traité de la Nature des os ,
provient d’un écrivain tout-à-fait ignoré, comme quelques
autres fragments, tels que ceux sur l_ Anatomie et sur la Den-
tition. ἘΠῚ] est impossible de savoir s’il a fait, dès J’anti-
quité, partie de la Collection hippocratique.
Gette discussion ayant fait disparaître le traité de la Na-
ture des os, on ne s’étonnera pas que je le supprime égale-
ment dans mon édition. Des deux fragments sur les veines
F Jab, TL, cap. 8:
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 421
qui occupent le commencement et la fin de cette compila-
tion , le premier paraît être d’une date postérieure à Hippo-
crate; le second , dans l'antiquité, était uni au Mochlique, et
je l'y aurais aussi réuni, si je n'avais rangé le Mochlique
parmi les écrits qui doivent être attribués à Hippocrate ; or,
V_Appendice sur les veines n’a aucun caractère qui permette
d’en juger l'authenticité. En conséquence je rapprocherai ces
deux fragments l’un de l’autre et je les placerai à côté du
traité du Cœur, avec lequelils ont des connexions naturelles,
au moins par le sujet. Il serait fort inutile de répéter les deux
morceaux qui se trouvent, l’un dans le 2: livre des Épidé-
mies , et l'autre dans le traité de la Nature de l’homme ; et,
quant au passage de Syennésis de Chypre, il n'y a aucune
raison pour ne pas laisser ces quelques lignes dans le livre
d’Aristote où elles sont citées.
DEs Crises 1. Ce traité n’a été cité ni par Érotien , ni par
Galien, ni par aucun commentateur. En l’examinant de
près, on voit qu'il est composé d'extraits pris çà et là dans
les ouvrages d’Hippocrate. Cette compilation est donc très
tardive, et elle n’a été faite ni avec plus d'ordre, ni avec plus
d'intelligence que celle qui porte le titre de la Nature des os.
DEs Jours CRITIQUES 3. Cette compilation, qui n’est ci-
tée par aucun ancien commentateur, a été faite récemment.
Le seul passage dont on ne pouvait assigner l’origine, est
un fragment qui est emprunté au traité des Semaines,
et auquel j'ai rendu sa véritable place en retrouvant une tra-
duction latine de ce traité perdu en grec. Je la supprime donc
de mon édition. Tout ce qu’elle renferme est pris ailleurs et
est ajouté bout à bout sans le moindre choix, sans le moin-
τ Περὶ χρίσεων.
2 Περὶ χρισίμων.
422 INTRODUCTION,
dre discernement. D'ailleurs Galien ἃ dit formellement
qu'Hippocrate n’a rien fait de spécial sur les Jours critiques.
Il serait facile de grossir cette liste de compilations. On
trouve dansdivers manuscrits, sous le nom d’'Hippocrate, des
fragments intitulés : des Urines; des Sueurs ; de la Goutte; les-
quels fragments sont des extraits plus ou moins textuels de
différents livres hippocratiques. Je les indique dans la no-
tice des manuscrits qui suit cette Introduction.
DEs MÉDICAMENTS PURGATIFS ?. Ce fragment n’est cité
par aucun des critiques anciens ; on ne le trouve pas dans
les premières éditions. Il a été publié pour la première fois
par le père Pétau avec cette note : «Quod rursum tres pa-
«ginæ vacarent, typographi rogatu hunc Hippocratis libel-
« lum ex Cujaciano codice olim exseriptum adjunximus, qui
« hactenus in omnibus Hippocratis editionibus desideratus
«est(S. Nicephori Breviarium historicum, p. 407, Parisiis,
« 1616). » Ce fragment manque également dans presque
tous les manuscrits. Je ne sais d’où il provient.
DIXIÈME CLASSE.
Je place ici la notice des écrits perdus de la Collection hip-
pocratique ; ce sont : le livre sur les Blessures dangereuses;
sur les Traits et blessures ; le premier livre des Maladies le
petit.
DES BLESSURES DANGEREUSES 5. Sous ce titre, Galien
cite, à diverses reprises , un traité qu'il n’attribue à Hippo-
crate que d'une manière dubitative, et qui est sans doute le
1 Ὁ Ἱπποχράτης οὐ μίαν ἐν ἅπασι τοῖς βιδλίοις ἐποιήσατο χρι--
σίμων ἡμερῶν διδασχαλίαν. Tome ur, p. 440, Ed. Bas.
2 Περὶ φαρμάχων.
ὃ Περὶ ὀλεθρίων τραυμάτων.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 4923
même que celui qu'Érotien désigne par le nom de livre sur
les Traits et blessures. Voici les citations que j'en ai trou-
vées dans Galien : « Nous savons que celui qui ἃ écrit le li-
« vre sur les Blessures dangereuses essaie de donner le trai-
« tement de quelques-unes des plaies qui intéressent le foie
« ou le ventre, ou la vessie. » Et ailleurs : «C’est dans Hip-
« pocrate même qu’il faut apprendre comment il traite les
« blessures de l'abdomen, ainsi que les autres blessures
« graves ?. » Au même endroit il recommande simultané-
ment la lecture de ce traite, ainsi que de celui sur les Ul-
cères.
C’est encore à celivre qu'il faut, je crois, rapporter une cita-
ion de Galien, quoiqu'il ne dise pas le titre du livre où il l’a
prise. Le passage estremarquable et mériterait d’êtrerepro-
duit, ne fût-ce que pour sa valeur intrinsèque. «Il est des hom-
« mes chez qui il survient par intervalle des vomissements de
« sang. Ce sont surtout ceux qui, abandonnant leurs exer-
« cices violents , n’abandonnent pas leur régime ordinaire ,
« ou à qui un membre tout entier a été enlevé, comme l’a
« enseigné Hippocrate 5. » Ce dernier membre de phrase que
je n’ai pas trouvé dans ce que nous avons d’Hippocrate ,
a été pris sans doute dans le traité des Blessures dangereu-
ses. Il en est de même du suivant : « Hippocrate ἃ dit que
« des déjections sanguinolentes survenaient à ceux dont un
1 Ἴσμεν δ᾽ ὅτι κἂν τῷ Περὶ τῶν ὀλεθρίων τραυμάτων ἔνια τῶν eipn-
μένων ἐπιχειρεῖ θεραπεύειν ὃ γράψας τὸ βιδλίον. Tome v, p. 305,
Ed. Basil.
2 Tome 1v, p. 100.
3 Ἔστιν δ᾽ οἷς χαὶ διὰ γαστρὸς αἵματος ἔχχρισις ἀνὰ χρόνον υίγνε-
ται, χαὶ μάλισθ᾽ ὅσοι γυμνασίων ἰσχυρῶν ἀποστάντες, oùx ἀπέστη-
σὰν τῆς ἔμπροσθεν διαίτης, ἦ τι χῶλον ὅλον ἀφηρέθησαν, ὡς ἐδήλωσε
χαὶ ὁ Ἱπποχράτης. Tome 1v, p. 115, Ed. Basil.
424 INTRODUCTION.
« membre avait été coupé 1. » « Les mots suivants, dit Foes
« (sect. IV, p. 146), sont attribués, dans de vieux manuscrits
« du traité des Ulcères, au commentaire de Galien : Æippo-
« crate se sert du mot ἕλκος, dans le traité des Ulcères, pour
« désigner les plaies récentes; dans le traité des Blessures et
« des traits, pour désigner les plaies chroniques ?. »
On peut croire qu’une portion de ce traité était consacrée
à l'exposition des règles à suivre dans l'extraction des armes
de jet. En effet, dans une table que j’ai déjà eu occasion de
citer, et qui est placée en tête du manuscrit 2146, on lit : Des
Blessures dangereuses ; de l'Extraction des traits’ ;or, comme
le reste de cet index montre que plusieurs portions de trai-
tés y sont énoncées comme des traités séparés, le morceau
relatif à l'Extraction des traits , nulle part mentionné comme
un livre isolé, est sans doute un chapitre du traité des Plaies
dangereuses , auquel le rédacteur de l'index a donné un titre
et une existence indépendante.
Il est certainement fächeux que nous ayons perdu ce livre
de la chirurgie hippocratique. Ces fragments ne rendent
cette perte que plus regrettable.
DES TRAITS ET DES BLESSURES ἢ. Ce traité est cité par
Érotien dans son catalogue des livres hippocratiques 5. On
n’en trouve aucune autre mention ailleurs. Dans le courant
de son Glossaire, il en cite une phrase qui est tout ce qui
τ T LA ai \ [4 \ s τὰ ͵ ς εἶ 4 = #
Τοιαύτὰς δὲ τὰς αἱματηρὰς δυσενίεριας ὁ ἐπποχρᾶάτης ἐφᾶσχε
TS
συμπίπτειν ἐφ᾽ ὧν ἀπεχόπη τι χῶλον. Tome nr, p. 243, Ed. Basil.
2 Ἕλχεα ἐν τῷ Περὶ ἑλχῶν πρόσφατα Ἱπποχράτης καλεῖ, ἐν δὲ τῷ
Περὶ τραυμάτων xat βελῶν τὰ χρόνια.
3 Περὶ τραυμάτων ὀλεθρίων, Περὶ βελῶν ἐξαιρήσηος (Sie).
1 Περὶ βελῶν χαὶ τραυμάτων.
* Page 22, Ed. Franz.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 425
nous en reste : « Un homme ayant eu une affection de la
« moelle épinière , mourut le septième jour !. » La note que
Foes a rapportée d’après d’anciens manuscrits, prouve (ce
qu’on pouvait facilement supposer ) que le traité des Blessu-
res dangereuses d’après Galien , et le traité des Traits et des
blessures d’après Érotien , étaient un seul et même livre.
LE 1% LIVRE DES MALADIES LE PETIT ?. C'est le titre
sous lequel Galien cite un livre qui figurait jadis dans la
Collection hippocratique. Ce livre ne s’y retrouve plus. Il est
perdu comme le précédent. Galien en rapporte un membre
de phrase : « Respirer comme les enfants que l’on fait taire,
« et qui, pleurant, font rentrer dans les narines l'air de la res-
« piration 5. » Puis il en explique deux mots : Καύσωμα qu’il
interprète par inflammation #, et Μηλιάδα de l'ile de Mélos*.
C’est sans doute aussi à cet ouvrage perdu qu’il faut rappor-
ter le mot de typhomanie que Galien dit se trouver dans le
livre des Maladies et que nous ne lisons plus dans aucun en-
droit de la Collection hippocratique 6.
1 Τὸν αἰῶνα νοσήσας τις ἑόδομαῖος ἀπέθανε. Page T4, Ed. Franz.
2 Τὸ πρῶτον περὶ νούσων τὸ σμιχρότερον.
" ᾿Ἀναφέρειν δηλοῖ ποτε χαὶ τὸ ὑπολύζειν ἀναπνέοντα ὡς ἐν τῷ
πρώτῳ Περὶ Νούσων τῷ μικροτέρῳ - καὶ ἀναφέρειν ὥσπερ τὰ παιδία
τὰ πεπαυμένα χλαίοντά τε χαὶ εἰς τὰς ῥῖνας ἀνέλχοντα τὸ πνεῦμα.
Erot., Gal., et Herod., Gloss., p. 451, Ed. Franz. Le traducteur
latin rend le mot πεπαυμένα par cubantes. Je ne crois pas que ce
soit le sens.
4 Καύσωμα τὴν πύρωσιν ἐν τῷ πρώτῳ Περὶ Νούσων τῷ σμικροτέ-
ρῳ. Erot., Gal., et Herod., Gloss., p. 498.
5 Μηλιάδα ἐν τῷ α΄ Περὶ Νούσων τῷ σιωικροτέρῳ τῇ Μηλιάδι λέ-
γει τῇ ἀπὸ Mhou τῆς νήσου. Erot, , Gal. , Gloss., pag. 526, Ed.
Franz.
“ Τυὲς δὲ τυφομανίας ἐχάλεσαν, ὡς χἂν τῷ Περὶ Νούσων Ἵππο-
κράτει γέγραπται. Tome v, p.168, Ed, Basil.
426 INTRODUCTION.
ONZIÈME CLASSE.
Les pièces ( Lettres, Décret et Discours) que l’on trouve
à la suite de la Collection hippocratique, sont certainement
fort anciennes, mais elles n’en sont pas moins apocryphes.
Elles comprennent quatre objets différents. Ce sont : 1° Les
Lettres etle Décret concernant la peste qui désola la Grèce -
pendant la guerre du Péloponèse ; 2° les Lettres relatives à la
folie de Démocrite et la correspondance qui s'établit ensuite
entre ce philosophe et Hippocrate ; 3° la Lettre d'Hippocrate
à son fils Thessalus ; 4° les Discours relatifs à la guerre faite
par les Athéniens à l’île de Cos.
19 Τ᾽ αἱ déjà eu occasion de montrer (p. 41) que les services
rendus par Hippocrate dans la peste d’Athènes, étaient une
pure fable. Les Lettres et le Décret,examinés en eux-mêmes,
ne supportent pas la critique ; et, quand même Thucydide ne
serait pas là pour en faire comprendre la fausseté, il sufli-
rait d’y jeter un coup-d’œil pour juger que ces pièces sont
apocryphes. Voyez comme Artaxerce, se plait aux antithe-
ses : Sans être en guerre, dit-il, nous avons la guerre.
Pætus, à qui il s'adresse, lui répond que les secours de la
nature, qui guérissent les autres maladies par les crises, n’ont
aucune efficacité contre l'épidémie pestilentielle, et que Part
seul, amenant une crise artificielle, triomphe de la peste ?.
Ces antithèses sont d’un rhéteur qui donne la raison de ce
qui ne fut jamais , à savoir de la guérison, par l'art d’Hippo-
᾿ Οὐ πολεμοῦντες. πολεμούμεθα.
2 Τὰ φυσιχὰ βοηθήματα où λύει τὴν ἐπιδημίαν λοιμικοῦ πάθους -
ἃ δὲ φύσεως γίγνεται νοσήματα, αὕτη ἣ φύσις ἰᾶται χρίνουσα " ὅσα δὲ
ἐξ ἐπιδημίας, τέχνη, τεχνικῶς κρίνουσα τὴν τροπὴν τῶν σωμάτων.
P. 593, Ed. Frob.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 497
crate, d’une maladie qui, abandonnée aux seules forces de
la nature, était mortelle. Il serait facile de réunir plusieurs
phrases marquées du même caractère d'affectation futile ;
mais ce genre de critique laisse toujours des doutes, et j’aime
mieux y faire voir des contradictions qui prouvent irréfraga-
blement que tout ce récit n’est qu’un tissu de fable.
Suivant la Lettre de Pætus à Artaxerce , la peste , après
avoir ravagé Athènes, passe dans l'Asie; car cette lettre
parle des services rendus déjà par Hippocrate et des hon-
neurs qui lui ont été accordés par les Athéniens. Dans le Dé-
cret du peuple d'Athènes au contraire, il est dit que la peste
venait de la terre des Barbares en Grèce 1. Le fait est que la
peste vint du pays des Barbares en Grèce, de la terre du
grand roi dans l’Attique, d'Orient en Occident, comme la
plupart des grandes épidémies ; Thucydide le dit formelle-
ment : « Quand la maladie attaqua les Athéniens, pour la
« première fois, le bruit avait couru qu’elle avait sévi en
« plusieurs lieux, et entre autres à Lemnos , et sur d’autres
« points... On assure qu’elle naquit d’abord dans l’Éthio-
« pie située au dessus de l'Égypte, puis qu’elle descendit
« dans l'Égypte et dans la Lybie, et dans la plus grande
« partie de l'empire du grand Roi. Elle fit subitement irrup-
« tion dans la ville d'Athènes, et c’est dans le Pirée qu’elle
« saisit ses premières victimes, à tel point qu’on accusa les
« Péloponésiens d’avoir empoisonné les puits.» Ainsi la lettre
de Pætus, qui fait passer la peste de Grèce en Asie, con-
tredit la vérité de l’histoire , et, ce qui est ici plus fort, elle
contredit le Décret même, avec lequel elle a des connexions.
Celui qui a composé ces pièces, voulant rehausser Hippo-
2 Λοιμοῦ ἰόντος ἀπὸ τὴς Bapbapuvy εἰς τὴν “Ἑλλάδα. P. 556, Ed.
Frob.
428 INTRODUCTION.
crate , et se rappelant seulement qu’on disait que le peuple
d'Athènes avait rendu un décret en sa faveur, a introduit
la mention de ce Décret dans une lettre qui, si elle avait été
véritable, aurait été écrite avant le Décret.
Autre contradiction non moins manifeste : dans la Lettre
que Pætus écrit à Artaxerce, il est dit qu'Hippocrate a déjà
été honoré des dons des Athéniens à légal d'Hercule et
et d’Esculape pour les services qu'il leur avait rendus. Dans
le Décret il est dit que les Athéniens accordent à Hippocrate
certaines faveurs éminentes et des honneurs pareils à ceux
d'Hercule, parce qu’il a préservé la Grèce de la peste et re-
fusé les dons du roi de Perse. Si les Athéniens l’ont récom-
pensé pour avoir refusé les dons du barbare, il ne pouvait
avoir reçu la récompense des Athéniens au moment où il fai-
sait ce refus. La méprise du faussaire est évidente , il est im-
possible de ne pas en être frappé.
Les inadvertances de celui qui a rédigé la légende d’'Hip-
pocrate touchant son rôle prétendu dans la grande fièvre
qui dévasta la Grèce, ne permettent pas de douter le moins
du monde que toute cette histoire ne soit controuvée. Ce
sont des preuves positives, toujours plus décisives que des
preuves négatives. Mais , quand ce récit aurait été arrangé
de manière qu’il n’y subsistät aucune de ces contradictions
palpables qui en font toucher au doigt et à l’œil la fausseté ,
comment pourrait-on le concilier avec le dire de Thucydide,
qui assure que tout l’art des médecins fut impuissant ? et de
quoi les Athéniens auraient-ils eu à remercier Hippocrate,
lorsqu'on lit dans le même Thucydide : « L’hiver suivant la
« maladie reparut à Athènes ; à la vérité, elle n’avait jamais
« complétement cessé, mais il y avait eu un relàchement.
« Cette seconde invasion ne dura pas moins d’un an; la
« première en avait duré deux; de sorte qu'il est vrai de
DE CHACUN DES LIVRES. HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 429
« direque rien ne porta un plus rude coup à la puissance des
« Athéniens. Ilne périt pas moins de 4400 hoplites des cadres
« (τάξεων), et 300 cavaliers ; et, du reste de la population, un
« nombre incalculable (L. 3, p. 232, Wechel1594).» La popu-
lation militaire d'Athènes ne montait guère qu’à 20000 hom-
mes; la population totale de la ville, libre et esclave, a été
évaluée à environ 400000 âmes ; de sorte que, si la perte ἃ
été aussi considérable sur le reste de la multitude que sur les
hommes en état de porter les armes, il faut évaluer à plus de
80000 le nombre des victimes de la peste. On voit, comme
le dit Thucydide, que l’art des médecins fut complétement
impuissant. La maladie suivit les Athéniens au siége de Po-
tidée , et y décima leur armée. A plusieurs reprises, Thucy-
dide fait mention de ce grand désastre, et, quand il repré-
sente la prospérité d'Athènes au commencement de la guerre
du Péloponèse, il remarque que la ville était pleine de force
et n'avait pas encore été en proie à la maladie 1.
Rien n’est done mieux établi que la fausseté de toute
cette histoire concernant Hippocrate et le roi des Perses ;
cependant on ne peut nier qu’elle ne soit fort ancienne. L’an-
tiquité s’est complue à forger un assez grand nombre de ces
épitres, et Hippocrate n’a pas été l’unique sujet de pareilles
compositions apocryphes. La plus ancienne mention que j'en
connaisse , se rapporte au temps de Caton l’ancien. Plutar-
que raconte que ce Romain, ayant entendu parler du refus
fait par Hippocrate de secourir les Barbares , dit que tous
les médecins grecs avaient fait un pareil serment, et il dé-
fendit à ses enfants de les employer jamais ?. Les Lettres
. Ἀχμαζούσης ἔτι τῆς πόλεως καὶ οὔπω νενοσηχυίας. L. II, p.119.
2 Καὶ τὸν Ἱπποχράτους, ὡς ἔοικεν, ἀχηχοὼς λόγον, ὃν εἶπε. τοῦ
μεγάλου βασιλέως καλοῦντος αὐτὸν ἐπὶ πολλοῖς τισι ταλάντοις, οὐχ
430 INTRODUCTION.
étaient déjà forgées à cette époque, et l’on peut admettre
sans peine qu’elles l’étaient depuis long-temps. Une autre
remarque confirme l’antiquité de ces pièces, mais sans en
confirmer l'authenticité. Il est dit dans le Décret des Athé-
niens : Les enfants des habitants de Cos auront la permis-
sion d'entrer dans les gymnases comme ceux des Athé-
niens 1. Or, dans les temps postérieurs, dit M. Boeckh, dans
sa collection des inscriptions grecques, les enfants des étran-
gers honorables , établis à Athènes, obtenaïient cette faveur
sans un décret particulier; mais plus anciennement , elle ne
s’accordait que par privilége aux étrangers. On peut croire
que le rédacteur de ces pièces, exact en ce point, si ignorant
sur le reste, était quelque Athénien qui connaissait les lois
de son pays.
20 La seconde série contient tout ce qui concerne la pré-
tendue folie de Démocrite, sa conversation avec Hippocrate
et la correspondance qui s'établit entre le philosophe et le
médecin. Cela est aussi apocryphe que l’histoire concernant
les présents du roi de Perse; car, dans la Lettre d'Hippo-
crate au peuple d’Abdère, il est fait mention de cette cir-
constance; et la fausseté de ce dernier fait, que j'ai démon-
trée plus haut , entraîne la fausseté de toute la correspon-
dance relative à Démocrite. L’un et l’autre récit ont été pui-
sés à une même source , à des contes populaires que l’ima-
gination de quelque auteur s’est complue à mettre en œuvre.
Maintenant si on entrait dans l'examen détaillé de ces
Lettres, on y reconnaîtrait, de toutes parts, des inadver-
ἄν ποτε βαρόάροις Ἑλλήνων πολεμίοις ἑαυτὸν παρασχεῖν, ἔλεγε χοι-
νὸν ὅρχον εἶναι τοῦτον ἰατρῶν ἁπάντων, χαὶ παρεχελεύετο φυλάττεσθαι
τῷ παιδὶ πάντας. Plut. Cat, maj., t.inr, p. 380, Ed. Tauchn.
1 Καὶ ἐξεῖναι πᾶσι Κῴων παισὶν ἐφηδεύειν ἐν ᾿Αθήναις χαθάπερ
\ 5 LA
παισὶν ᾿Αθηναίων.
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 431
tances qui trahissent une composition apocryphe. Et je veux
signaler encore quelques détails par où le faussaire s’est dé-
masqué , en cherchant à mettre davantage leur authenticité
à l'abri de la critique et du doute. Il cite, à diverses reprises,
par leurs titres, le Pronostic, le traité sur la Maladie sacrée,
celui sur la Tisane, le Prorrhétique , le livre des Maladies
des femmes, le 5° des Épidémies. On pourrait m’accuser de
pétition de principe si, pour montrer la fausseté des Lettres,
je me servais de la démonstration où j'ai établi que quel-
ques-uns de ces traités ne sont pas d’Hippocrate ; mais je re-
marquerai que nulle part, dans la Collection hippocratique,
1] ΗὟ a de citations pareilles par les titres mêmes. Ce soin a été
étranger aux auteurs hippocratiques ; ils désignent les écrits
auxquels ils se réfèrent , par le sujet, non par le titre. Mais
le rédacteur de ces récits a cru faire merveille que de nom-
mer, dans une prétendue lettre d'Hippocrate, plusieurs des
livres qui à tort ou à raison lui étaient attribués. Et remar-
quez encore ceci : tous les critiques anciens ont pensé que les
deux livres des Prorrhétiques n'étaient pas d'Hippocrate ; la
plupart ont regardé le 5° des Épidémies comme ne lui ap-
partenant pas non plus. Or, qu’y aurait-il de plus authen-
tique que ces livres, si mention en était faite par Hippo-
crate lui-même dans une lettre à Démocrite ? Il est donc de
toute évidence que dans l'antiquité aucun critique n’a cru
sérieusement à l'authenticité de ces lettres.
Une autre remarque, plus délicate peut-être, mais non
moins probante, ressort de l'examen de ces lettres. L'io-
nisme n’y est pas semblable à celui d’Hippocrate. Ainsi on
y lit : ἐρωύμασα; or ce mot appartient à l’ionisme d’Héro-
dote. Le rédacteur ἃ cru bien faire en prenant les formes
ioniennes les plus tranchées, sans se douter que l’ionien
d'Hippocrate n’était pas exactement celui d’Hérodote. Il ἃ
432 INTRODUCTION.
été’, dans l'usage du dialecte , plus rigoureux que le méde-
cin de (05: son archaisme ἃ dépassé les limites; il ἃ fait
comme un homme qui, écrivant de nos jours dans le style
du 16° siècle, y mélerait des formes usitées seulement dans
l'époque précédente. Arétée, qui a écrit en 1onien dans un
temps où les grammairiens seuls s’en occupaient , a commis
de perpétuelles fautes de ce genre.
30 La courte Lettre d'Hippocrate à son fils Thessalus, ne
porte en soi rien qui en démontre la fausseté ; mais, à côté de
tant de pièces apocryphes, il est permis, sans encourir le
reproche de sévérité, de ranger également cette lettre dans
la même catégorie.
Ajoutons qu'Érotien , qui ne pèche pas par un excès de
rigueur dans la formation de sa liste des ouvrages qu’il re-
garde comme véritablement d’Hippocrate, ne dit pas un
mot des Lettres.
40 La Supplication adressée aux Thessaliens 1 et le Dis-
cours d’ambassade ? forment la dernière série de ces pièces ;
elles sont relatives à une seule et même affaire, la guerre
des Athéniens contre l’île de Cos. Dans la première, Hippo-
crate implore le secours des Thessaliens en faveur de sa
patrie; dans la seconde, Thessalus son fils prie les Athé-
niens de ne pas persévérer dans leurs desseins hostiles.
Il faut remarquer qu’une histoire analogue est attribuée,
dans Suidas, à Dexippe ou Dioxippe de Cos, disciple
d’Hippocrate. Ce médecin, appelé par Hecatomnus roi de
Carie, pour guérir ses enfants, Mausole et Pixodare, qui
étaient dans un état désespéré, ne se rendit aux prières
de ce prince qu’à la condition qu'il cesserait la guerre con-
tre les habitants de Cos. Nous avons déjà vu que les biogra-
: Ἐπιθώμιος.
2 Πρεσδευτιχός.
|
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 433
phes d’Hippocrate ont raconté touchant un amour secret du
roi de Macédoine Perdiccas , une histoire toute semblable à
celle qui est rapportée touchant Érasistrate et Seleucus. Les
légendes aiment ces répétitions.
La Supplication et le Discours d'ambassade se supposant
l’un l’autre, la fausseté de l’un entraîne la fausseté de l’au-
tre. Or, il est vrai que la Supplication aux Thessaliens ne
contient rien qui trahisse le faussaire; mais le Discours
d’ambassade fait mention des services rendus par Hippocrate
à la Grèce, de son refus de secourir la Péonie et l’Illy-
rie, par où venait la peste, de l'envoi de ses disciples dans
les différentes provinces , du triomphe qu'il obtenait sur l’é-
pidémie à mesure qu'il arrivait dans les villes, enfin du
conseil salutaire qu’il donna à Athènes. Or, nous savons par
Thucydide qu'aucun médecin ne fit rien à Athènes contre la
peste. L'âge d’Hippocrate ne lui permettait pas d’avoir des
disciples et surtout des enfants qu’il pût envoyer dans les
différents pays. Rien n’est plus fabuleux que de présen-
ter un médecin comme réprimant, dès qu'il paraît, une
maladie aussi violente. L'auteur du Discours fait venir la
peste de l’Illyrie, par la Béotie; or, Thucydide dit positive-
ment qu’elle venait de l'Éthiopie , et qu’elle envahit l’Attique
par le Pirée. Enfin, Thessalus assure qu'il alla dans le Pé-
loponnèse s'opposer aux progrès de la peste; or, ce même
Thucydide nous apprend qu’elle pénétra à peine dans cette
partie de la Grèce !. Ainsi, partout l’auteur de ces deux piè:
ces est en contradiction avec la vraisemblance , l'histoire et
les faits.
+ Cependant il n’est pas le même que celui qui a composé
1 Ἐς μὲν Πελοπόννησον οὐχ ἐσῆλθεν, 6 τι χαὶ ἄξιον λόγου. Lib.
IL, ch. 54.
TOM. !. 28
434 INTRODUCTION.
la correspondance avec Artaxerce ou avec Démocrite. Car
il n’est pas question , dans la Supplication et le Discours
d'ambassade , de la demande du roi des Perses , ni de la ré-
ponse d’'Hippocrate. Ce sont les rois des Péoniens et des ΠΙγ--
riens qui solicitent le secours, et c’est à eux que 16 médecin
de Cos adresse son refus. Le conte populaire est ici autre-
ment présenté ; le style en outreest différent ; et il paraît que,
dans l'antiquité, ces pièces ont eu plus de créance ; car Éro-
tien les cite comme étant d’Hippocrate , et Varron en a fait
usage. Ainsi, chose qui est assez curieuse pour l’histoire
des légendes sacrées ou profanes et à laquelle on n’a
pas pris garde, la légende relative au rôle d'Hippocrate
dans la peste, est véritablement double; d’un côté il est
mis en rapport avec les rois des Péoniens et des Illyriens,
de l’autre avec le roi de Perse; et ces deux versions d’un
même conte traditionnel n’en ont pas moins été rapprochées
l’une de l'autre! Cependant il paraît qu'Érotien en avait re-
connu l'incompatibilité ; car, admettant le Discours d’ambas-
sade , il a exclu de sa liste les Lettres où interviennent Ar-
taxerce et Démocrite.
En définitive, rien de plus certain que la fausseté de ces
deux Discours ainsi que des Lettres et du Décret qui sont
relatifs à Hippocrate.
TABLEAU SERVANT DE RÉSUMÉ.
PREMIÈRE CLASSE. Écrits d'Hippocrate : de l'Ancienne
médecine ; le Pronostic ; les Aphorismes ; les Épidémies , 1°*
et 3° livres ; du Régime dans les maladies aiguës ; des Airs,
des Eaux et des Lieux : des Articulations ; des Fractures ;
des /nstruments de réduction ; à ce traité était joint dans l’an-
tiquité un opuscule sur les veines ( Περὶ ohc66v), dont j'ai
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER, 435
parlé à propos du livre de la Nature des os ; le Serment ; la
Loi.
DEUXIÈME CLASSE. Écrits de Polybe : de la Nature de
l'homme ; Au Régime des gens en santé.
TROISIÈME CLASSE. Écrits antérieurs à Hippocrate : Pré-
notions de Cos ; 1* livre du Prorrhétique.
QUATRIÈME CLASSE. Écrits de Pécole de Cos, de contem-
porains ou de disciples d'Hippocrate : des Ulcères ; des Fis-
tules et des Hémorrhoïdes ; du Pneuma ; des Régions dans
l’homme ; de l'Art ; du Régime et des Songes ; des Affections ;
des Affections internes ; des Maladies, 1*, 2e et 89 livres;
de la Naissance à sept mois ; de la Naissance à huit mois.
CINQUIÈME CLASSE. Livres qui ne sont que des extraits
ou des notes : Épidémies , 2°, 4°, 5°, 6° et 7° livres ; de l’'Of-
ficine du médecin; des Humeurs ; de Y Usage des liquides.
SIXIÈME CLASSE. Traités qui, appartenant à un même
auteur, forment une série particulière dans la Collection :
de la Génération ; de la Nature de l'enfant ; des Maladies, 4°
livre ; des Maladies des femmes ; des Maladies des jeunes fil-
les ; des Femmes stériles.
SEPTIÈME CLASSE. Écrit appartenant peut-être à Léo-
phanès : de la Superfétation.
HUITIÈME CLASSE. Traités qui, soit parce qu'ils contien-
nent la connaissance du pouls, soit parce qu’ils admettent
le système d’Aristote sur l’origine des vaisseaux sanguins
dans le cœur , soit parce qu’ils ont été déclarés postérieurs
aux autres par les critiques anciens, doivent être regardés
comme les plus récents dans la Collection hippocratique :
du Cœur ; de Ÿ Aliment ; des Chairs ; des Semaines ; Pror-
rhétique , 2° livre; des Glandes ; un fragment compris dans
la compilation intitulée de la Nature des 08.
NEUVIÈME CLASSE. Traités, fragments ou compilations
436 INTRODUCTION.
non cités par les critiques de l'antiquité : du Médecin ; de la
Conduite honorable ; es Préceptes; de V Anatomie ; de la
Dentition ; de la Nature de la femme ; de YExcision du fœ-
tus; 8° section des Æphorismes ; de la Nature des os; des
Crises; des Jours critiques ; des Médicaments purgatifs.
DixièME cLAssE. Notice des écrits perdus : des Blessu-
res dangereuses ; des Traits et blessures ; le 1° livre des HMa-
ladies le petit.
ONZIÈME CLASSE. Pièces apocryphes : Lettres οἱ Dis-
cours.
Le tableau qui précède est le résumé d’un long travail au -
quel le lecteur a assisté, et dont le but et le résultat sont une
classification des œuvres renfermées dans la Collection hip-
pocratique. Quelques mots sufliront maintenant pour faire
comprendre ce que j'appellerai le système de ma classifi-
cation.
Tout mon système consiste à avoir essayé de ranger , sui-
vant les auteurs et suivant les temps, les différents livres de
la Collection. Le premier point fixe à trouver, dans un as-
semblage de traités qui portent le nom d’Hippocrate , a été
de reconnaitre ce qui devait être considéré comme apparte-
nant à Hippocrate lui-même; cela fait , une comparaison des
livres de ce médecin avec certains livres de la Collection, a
montré que, parmi ces derniers, les uns étaient antérieurs à
Hippocrate puisqu'ils avaient servi de matériaux à quelques-
uns de ses ouvrages, et les autres, postérieurs, puisqu'ils
en présentaient des lambeaux et des extraits textuels.
De là sont nées des catégories très distinctes et très na-
turelles.
Le même système m'a conduit à mettre à part un livre
que le témoignage d’Aristote attribue positivement à Polybe,
-etun autre livre qui peut-être doit, par une raison sembla-
|
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 437
ble, être regardé comme venant de Léophanès. Enfin, dans
cette recherche des auteurs différents de la Collection hip-
pocratique , il a été facile de reconnaître une série considé-
rable d'ouvrages qui appartiennent à un même homme, et
cet homme, qui n’est pas Hippocrate, est d’ailleurs inconnu.
Hors de ces classes se sont trouvés beaucoup de livres ; et
là il a bien fallu laisser incertain ce qui n’était pas suscepti-
ble d’une détermination précise ou seulement probable, et
attribuer en bloc à l’école de Cos, aux disciples d'Hippo-
crate, bon nombre de traités qui portent des traces incon-
testables de doctrines communes et à peu près contemporai-
nes. Cette classe est, si je puis ainsi parler, un résidu réfrac-
taire aux moyens d'analyse que j'ai employés; et la seule
communauté qui réunit ces livres et qui m’a déterminé à en
faire une catégorie à part, c’est l'impossibilité où j'ai été de
leur assigner une époque, un auteur, en un mot, un carac-
tère qui eût quelque précision.
Mais là où j'ai reconnu des marques incompatibles avec
l'époque même d'Hippocrate, là où il a été démontré que
jes auteurs étaient des médecins appelés par Galien hippo-
cratiques postérieurs , là, dis-je, j'ai trouvé une raison dé-
cisive de faire une classe séparée ; la différence de date ἃ
motivé suffisamment une pareille distinction.
Ἡ ne m'est plus demeuré alors qu’un certain nombre d’o-
puscules qui avaient tous une condition commune, c'était de
n'avoir élé mentionnés par aucun des critiques anciens qui
sont parvenus jusqu’à nous. Je ne pouvais faire autrement que
de les réunir ensemble ; car ce silence des anciens critiques
prouvait qu’ils ne les avaient pas estimés ou qu'ils ne les
avaient pas connus. Un examen attentif m'a montré que ces
deux propositions étaient véritables à la fois : parmi les opus-
eules en question, les uns sont véritablement antiques, mas
438 INTRODUCTION. ν
Érotien οἱ Galien, par une raison ou par une autre, n’en ont
fait aucune mention, et les autres ont été ignorés d'eux,
puisque ce sont des compilations rédigées postérieurement
avec des lambeaux hippocratiques.
Si j'ai mis à part les écrits perdus, c’est qu'il n’y avait
aucun moyen de les discuter, et qu’il est commode pour le
lecteur de les avoir tous réunis sous un même coup d'œil.
Enfin, personne ne s’étonnera que j'aie séparé toutes les
pièces non médicales et manifestement apocryphes.
On voit que, dans cette classification , rien n’est donné à
l'arbitraire , tout repose sur un point essentiel, et, ce point
admis , le reste en découle par voie de conséquence : c’est
qu’il existe, dans la Collection, certains livres qui sont d’Hip-
pocrate lui-même , et qu’il est possible de désigner positive-
ment ces livres. Il a donc été de la plus haute importance
pour toute cette œuvre de critique, de déterminer à quoi ré-
pond le témoignage de Platon, de trouver celui de Ctésias,
d'enregistrer ceux de Dioclès et d'Hérophile. En effet, la part
d’Hippocrate étant faite, on obtient sur le champ le moyen
de reconnaître parmi la Collection quelques écrits qui lui
sont antérieurs , et d’autres qui lui sont postérieurs.
Quand il n’est pas possible d’assigner l’auteur, c’est beau-
coup de pouvoir assigner une date relative. En effet, la clas- |
sification que j'ai tentée offre, par l’arrangement seul , un k
tableau qui embrasse les temps immédiatement antérieurs à !
Hippocrate , et qui s'étend après lui jusqu’à l’époque d’Aris- ᾿
tote. Cela est un résultat inattendu et certainement avanta- |
geux de cette classification.
De la sorte, la Collection hippocratique prend une phy-}
sionomie nouvelle et plus régulière. Ce qui est vraiment!
d'Hippocrate est mis en première ligne; c’est la partie la,
plus solidement établie, et tout le reste s’y appuie. En même
DE CHACUN DES LIVRES HIPPOCRATIQUES EN PARTICULIER. 439
temps on voit ce qu'a été la Collection hippocratique dans
l'antiquité ; on reconnaît les pertes que nous avons faites, on
distingue les livres que les anciens critiques n’ont pas cités ;
et en même temps elle se trouve purgée de plusieurs com-
pilations qui n’y ont pas été comprises jadis et qui ne méri-
tent pas d’être conservées. C’est beaucoup de pouvoir élimi-
ner avec sûreté ces pièces qui la déparent.
En définitive, par ce dernier travail sur chacun des livres
de la Collection hippocratique , travail qui est un des résul-
tats principaux de mon /ntroduction, et qui à donné pour
terme la classification ici présentée, il demeure établi que la
Collection est un débris précieux de la plus antique méde-
eine grecque ; que plusieurs mains y ont coopéré; que des
époques rapprochées, mais différentes, y sont représentées ;
et que, toute déduction faite , elle renferme des livres mar-
qués d’une empreinte de génie assez vive, et d’un caractère
d'authenticité assez certain pour que la postérité connaisse
et admire Hippocrate dans ses œuvres.
CHAPITRE XIIL
EXPOSÉ SOMMAIRE DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIFPOCRATE.
Si je m'étais engagé dans la recherche et l'exposition de
la doctrine médicale d'Hippocrate , avant d’avoir travaillé à
reconnaître ce qui lui appartient en propre dans la Collec-
tion, il m'aurait été très difficile de donner une idée claire
de cette ancienne doctrine, et le lecteur lui-même ne serait
pas parvenu à suivre des propositions qui se seraient ou
heurtées par leur contradiction ou mal ccordonnées à
cause de leur incohérence. On aurait eu, ici l'hypothèse des
quatre humeurs, là celle du chaud et du froid élémentaires,
ailleurs celle du pneuma, sans qu’il eût été possible de trou-
ver, entre ces différentes conceptions de la plus vieille mé-
decine grecque , une liaison qui, dans le fait, n’existe pas;
car elles appartiennent à des systèmes différents.
Par des témoignages etdesraisonnementsquej’aiavecsoin
enchaînés les uns aux autres, mais qui n’ont rien emprunté à
ce qui aurait pu être considéré comme système d’'Hippocrate,
jesuis arrivé à signaler, dans la Collection, un certain nombre
d’écrits que je regarde comme siens. Or, par une coïnci-
dence que j'ai déjà plusieurs fois retrouvée et qui confirme
en dernier lieu les résultats de mon travail , il advient que
ces livres, désignés comme étant d’Hippocrate d’après des
motifs étrangers à l'examen de la doctrine, présentent un
ensemble où une seule pensée règne, où tout se lie et où
l’on ne remarque ni disparate, ni incohérence, ni contradic-
{ion. Α ce point, les longues recherches que j'ai entreprises
DE LA DOCTRINE MÉDICALE L'HIPPOCRATE. 441
reviennent, pour ainsi dire, sur elles-mêmes et forment un
cercle ; et je puis, en détournant le sens d’une phrase d’un
auteur hippocratique , dire au sujet de cette concordance
des arguments : une circonférence étant tracée, le commen-
cement ne peut être trouvé 1.
Il est donc possible de résumer les principes de l’ancienne
médecine d’'Hippocrate. J'excluerai de l’objet de cette expo-
sition l’anatomie et la physiologie. Ces deux parties de la
science médicale étaient, à cette époque, encore trop igno-
rées pour que les médecins eussent sur ce sujet autre chose
que des idées vagues, bien que parfois profondes, mais dont
| l'appréciation m’entraînerait trop loin de mon sujet.
Que la médecine d'Hippocrate ait fait une large part à la
théorie , qu’elle se soit livrée à la recherche des causes et
des explications, qu’elle ait mérité le nom de dogmatique
que l'antiquité a donné à son école et à ses successeurs im-
médiats, c’est ce dont on ne peut douter quand on lit ce
passage de Platon : « La médecine recherche la nature du
« sujet qu'elle traite, la cause de ce qu’elle fait, et sait ren-
« dre compte de chacune de ces choses 2. » Il est facile, à
l'aide des idées théoriques consignées dans les écrits que la
critique admet comme appartenant réellement à Hippocrate,
de remplir ce programme indiqué par Plator.
Dans la médecine antique, un premier point à considérer
est l'opinion sur les causes des maladies. Hippocrate recon-
naît deux ordres principaux de causes, et il leur attribue la
génération des affections pathologiques. Le premier ordre
* Κύχλου γραφέντος ἀρχὴ οὐκ εὑρέθη. De loc. in hom., p. 63,
Ed. Frob.
2 Ἡ δ᾽ ἰατρικὴ, λέγων, ὅτι À μὲν τούτου οὗ θεραπεύει, καὶ τὴν
φύσιν ἔσχεπται, καὶ τὴν αἰτίαν ὧν πράττει, καὶ λόγον ἔχει τούτων
ἑχάστου δοῦναι. Gorgias , t. 111, p. 82, Ed. Tauch,
442 INTRODUCTION,
comprend les influences des saisons , des températures , des
eaux, des localités. Le second ordre de causes est plus in-
dividuel, et résulte, soit de l'alimentation particulière à
chaque homme , soit des exercices auxquels il se livre. On
trouve le développement de l’un et de l’autre surtout dans
le livre des Airs, des Eaux et des Lieux, et dans celui de
l’Ancienne médecine.
La considération des modifications de l'atmosphère, sui-
vant les saisons et suivant les climats , est une idée féconde
qu'Hippocrate a exploitée avec bonheur , et que la science
subséquente n’a pas encore épuisée. Le médecin grec en
a tiré des conséquences étendues. À mesure que l’année
passe par ses phases successives de chaleur et de froidure,
d'humidité et de sécheresse, le corps humain éprouve des
changements, et les maladies en empruntent les earacte-
res. C’est sur ce fondement qu'est établie la doctrine des
constitutions pathologiques correspondant à des états parti-
culiers de l’atmosphère, doctrine qui ἃ été plusieurs fois re-
nouvelée et étudiée avec grand soin. Suivant Hippocrate,
quand l’année ou la saison présentait un caractère spécial ,
et était dominée par telle ou telle température, ἢ! s’'ensuivait,
parmi les hommes qui y étaient soumis, une série d’afFec-
tions toutes marquées du même cachet. ΠῚ y ἃ là un aperçu
profond, que les modernes ont recueilli et sur lequel ils dé-
battent encore : c’est le génie des constitutions pathologi-
ques et des épidémies.
La théorie de l'influence des climats, développée avec tint
de talent par Hippocrate , et qui lui a été depuis si souvent
empruntée , est une conséquence de tout ce qu’il pensait sur
les saisons et sur la température des années. En effet, un
chmat n’est pour ainsi dire qu'une saison permanente, et
l'empreinte en doit être d'autant plus puissante qu'elle existe
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE. 443
toujours et se fait sentir incessamment ; aussi Hippocrate
n’y a-t-il presque pas mis de bornes. La conformation du
corps, la disposition des esprits, le courage, l'amour de la
liberté, tout, suivant lui , dépend de la loi des climats ; et, si
les Grecs sont braves et libres, et les Asiatiques efféminés
etesclaves, cette différence tient au climat que ces peuples
habitent.
Les âges étaient naturellement considérés comme des sai-
sons , et, par la même cause , exposés chacun à des mala-
dies spéciales que l’on se plaisait à rapprocher de celles que
produisent les changements annuels de l'atmosphère. Cette
assimilation était d'autant plus facile qu’elle s’appuyait sur
une des principales théories d’Hippocrate. Suivant lui, le
corps humain est pénétré d’une chaleur qu'il appelle innée,
dont la quantité est à son maximum pendant l'enfance, et
qui va sans cesse en s’épuisant par le progrès de la vie jus-
que dans la vieillesse, où elle arrive à son minimum. Ces
changements successifs de la chaleur innée , qui éprouve les
mêmes phases que le soleil pendant l’année, devaient faire
considérer les âges comme des saisons, et faire attribuer à
chacun d’eux un ordre de maladies analogue à celui qu’on
attribuait à chacune d'elles.
La seconde partie de l’étiologie générale comprenait l’in-
fluence exercée par la nourriture et par l'exercice. Toutes
sortes de désordres sont mis sur le compte d’une nourriture
mal réglée. La surabondance et le défaut engendrent égale-
ment des maladies , et c’est une sentence remarquable que
celle où Hippocrate signale, chez les athlètes, le danger
d’un excès de santé provenant d’un excès d’alimentation
et de force. Les exercices, qui sont considérés comme desti-
nés à consumer le trop plein que cause la nourriture , dé-
terminent, quand ils sont excessifs ou tout-à-fait négligés,
444 INTRODUCTION.
des accidents inverses, nuisibles à la conservation de la santé.
Cetteétiologie, prise dans son ensemble, est grandeet belle,
et le cours des temps et le progrès de la science en ont res-
pecté les bases. Cependant il faut seulement y voir le premier
aperçu, clair, il est vrai, et profond de la médecine grecque,
sur les causes des maladies. L’étiologie est encore de nos
jours un des plus importants et des plus difficiles sujets d’é-
tude. Il fut naturel aux premiers médecins, et entre autres
à Hippocrate, de comprendre et de noter d’abord la grande
et universelle influence des agents du monde extérieur : cli-
mat , saisons, genre de vie, alimentation , toutes ces influen-
ces furent signalées à grands traits. Voir les choses d’en-
semble est le propre de l’antique médecine ; c’est ce qui en
fait le caractère distinctif, et ce qui lui donne sa gran-
deur, quand l’ensemble qu’elle ἃ saisi est véritable; voir
les choses en détail, et remonter par cette voie aux gé-
néralités, est le propre de la médecine moderne. H ne se-
rait plus possible aujourd’hui d’édifier une étiologie aussi
compréhensive que celle qui fait la doctrine d'Hippocrate.
Beaucoup d’influences, qu’on ignorait du temps du médecin
de Cos , ont été signalées ; tout ce qui est relatif aux conta-
gions, aux virus, aux infections, est venu prendre une place
importante dans l’enseignement; et puis, ce que l’on eroyait
savoir, il s’est trouvé qu’on l’ignorait : cette fièvre typhoide,
qui est la grande fièvre endémique, au moins dans une partie
de l’Europe, a vu tomber toute son étiologie devant des tra-
vaux récents. Les agents extérieurs et l’alimentation n’en ex-
pliquent pas la production, et sa cause est rentrée dans le
domaine des choses inconnues. Mais, d’un autre côté, nulle
part l’influence de l’âge ne se fait mieux sentir, et, par un
privilége singulier, la vieillesse en est exempte.
À part l'influence de la chaleur innée et des âges, Influence
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D HIPPOCRATE, 445
dont l'admission est une preuve qu'Hippocrate n'était pas
étranger aux doctrines qui comparaient l’homme au monde,
le microcosme au macrocosme, il est clair que son étiologie est
toute dans l’étude des causes extérieures , comme nous ver-
rons plus loin que sa pathologie est toute dans l’action des
humeurs nuisibles. Ce qu'Hippocrate savait le mieux , c’é-
taient les effets produits sur le corps par l'alimentation , le
genre de vie et l'habitation ; ce qu’il savait le moins, c'était
le mécanisme des fonctions. De là le caractère de son étic-
logie, toute tournée vers le dehors. Il ἃ dit que, pour em-
brasser la médecine dans sa véritable généralité, il faut étu-
dier l’action de tous les aliments, de tout le genre de vie, de
tout ce qui entoure l’homme ; c’est certainement un des plus
grands programmes de l’étiologie qui aient été tracés et une
des indications les plus profondes qui aient été données à Ja
médecine. Ce programme , qui ne laisse en dehors que le
mouvement et le développement spontané de la vie, s’est ré-
sumé pour Hippocrate dans l’étiologie que je viens d’expo-
ser. Mais il est vrai de dire qu'il n’est pas épuisé , et que le
remplir est encore une des tâches principales de la science.
Je reviendrai ailleurs sur cette pensée qu'Hippocrate ἃ dé-
posée dans un de ses livres les plus remarquables ; seulement
il faut observer qu'un plan de recherches ainsi conduites ,
ayant pour objet l'être vivant dans ses rapports avec le mon-
de ambiant, comprend essentiellement l'hygiène et la pa-
thologie ; par conséquent, bien qu’il présente des lacunes ,
il offre une base solide et immense à l'étude, et l’on con-
coit qu'animée par une pensée si juste et si féconde, la vieille
médecine de la-Grèce et d’'Hippocrate ait fait un si heureux
choix dans son observation de la nature, et légué à l'avenir,
avec un trésor d'expérience, une méthode qui ἃ exercé de
loin comme de près une influence puissante et salutaire.
446 INTRODUCTION.
La médecine a souvent cherché à découvrir le moyen or-
ganique par lequel la cause véritable ou prétendue produi-
sait la maladie. En cela, Hippocrate n’a pas échappé à l’in-
fluence des doctrines qui l’avaient précédé et qui régnaient
de son temps. Déjà avant lui Anaxagore avait attribué les
maladies à la bile; Hippocrate les attribua aux qualités des
humeurs et aux inégalités de leurs mélanges. La patho-
logie des humeurs a dû nécessairement précéder celle des
solides ; car, long-temps avant de voir que les poumons
étaient hépatisés dans la pneumonie et la plèvre couverte
de fausses membranes dans la pleurésie, on s’était aperçu
des modifications qu'éprouvaient dans les maladies Furine ,
la sueur , l’expectoration et les excrétions alvines. Cepen-
dant Hippocrate, dans le traité de Ancienne médecine,
admet, à côté de l’action des humeurs, celle de la forme et
de la disposition des organes (σχήματα). Cette vue ἃ été peu
suivie, même par lui, et la théorie humorale prédomine
toujours.
Suivant Hippocrate, la santé est due au mélange ré-
gulier des humeurs , c’est ce qu’il appelle la crase ; et la
maladie procède du dérangement de la crase des humeurs.
A cette opinion se rattache une doctrine qui est un
des pivots de la médecine hippocratique. Gette doctrine
est celle de la coction; il faut l’expliquer avec quelque
détail. Elle tient incontestablement à une autre théorie , à
celle de la chaleur innée; elles sont une conséquence Y'une
de lautre ; mais elles n’en sont pas moins lune et l’autre
appuyées sur l'observation de phénomènes physiques : la
chaleur innée, sur ce fait que le corps vivant a une tempé-
rature qui lui est propre ; la coction, sur cet autre fait que
certaines humeurs, à mesure que la maladie marche vers sa
terminaison, se modifient , s’épaississent, changent de cou-
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE. 447
leur, toutes altérations qui coincident avec l'amélioration.
Voici en fait ce qu’est la coction : au début d’un coryza,
l'humeur qui s'écoule du nez est ténue, liquide et âcre ; à
mesure que le mal approche de sa guérison, cette humeur
devient jaune, visqueuse, épaisse, et elle cesse d’irriter les
parties avec lesquelles elle est en contact. Dans une inflam-
mation de la conjonctive, l'humeur que fournit l'œil est d’a-
bord chaude et âcre, puis elle devient épaisse et douce. Les
crachats de la pneumonie, d’écumeux, de visqueux, de san-
guinolents qu’ils sont d’abord , deviennent jaunes et épais
quand la maladie approche d’une solution favorable. Voilà
ce que les anciens ont observé, et ce qu'ils ont appelé coc-
tion. La coction est donc le changement que les humeurs su-
bissent dans le cours d’une maladie, et qui, leur ôtant en
général leur ténuité, leur liquidité et leur âcreté, leur donne
plus de consistance, une coloration plus foncée, et quelques
caractères qui ont été métaphoriquement assimilés au chan-
gement produit par la cuisson dans les substances.
Généralisant ces observations faciles dans quelques mala-
dies, les anciens ont admis que la plupart des maladies
avaient une coction , c’est-à-dire, une élaboration d’hu-
meurs terminée par l'expulsion. La coction ayant été dé-
finie, il est mutile d'expliquer ce que c’est que la cru-
dité des humeurs, car dans cette théorie cela s’entend de
soi. De cette façon, l'urine est arrivée à la coction lorsqu'elle
présente un dépôt. Tant que les humeurs sont crues et lé-
gères, elles flottent dans le corps, le mal est dans toute son
intensité, et rien ne peut déterminer l'expulsion de ces ma-
tières nuisibles; mais, quand le travail propre à la nature en
a amené la maturation, alors elles se fixent, et elles sont en-
trainées ou par les évacuations spontanées , ou par [65 éva-
cuations artificielles. Dans cette théorie, c’est toujours une
448 INTRODUCTION.
matière qui gène l’économie animale ; c’est toujours en
l'écartant qu’on détruit les maladies ; c’est toujours le
même moyen que la nature emploie pour y réussir, c’est-à-
dire la coction, le changement de la matière crue en un état
où elle ne puisse nuire, et où l'évacuation s’en fasse sans
danger ; aussi toute affection qui n’est pas susceptible de
cette altération est réputée incurable ; par exemple le cancer.
Tel est le sens , telle est la portée de la doctrine d’Hippo-
crate sur la coction. Et on peut faire à ce sujet des réflexions
importantes sur la marche des sciences, et un rapprochement
curieux avec les doctrines qui prévalent encore de nos
jours. Gette théorie d’Hippocrate ἃ un point de contact re-
marquable : ec celle que les recherches de l'anatomie pa-
thologique ont suggérée récemment à quelques esprits. Très
différente dans les conséquences , elle part d’un principe
commun, qui est, qu'il n’y a point d'affection sans altéra-
tion matérielle. Suivant Hippocrate, l’altération consiste
dans une humeur qui trouble l’économie animale ; sui-
vant les explications de l’école qui a voulu se fonder unique-
ment sur l’anatomie pathologique, elle consiste dans une lé-
sion appréciable des organes : de telle sorte qu’au point de
départ et à un terme bien éloigné, la médecine roule sur
le même principe. L'idée de maladie sans matière, comme
l'ont entendue certaines écoles, est étrangère à Hippocrate.
J'essayerai, dans l’Arguiment du traité de 1᾽ Ancienne méde-
cine, d'expliquer ce qu’on pourrait appeler le vifalisme du
médecin de Cos. Il l’a conçu, je le dis d’avance, dans sa
réalité, et avec autant de force que de profondeur.
Je ne puis encore ici m'empêcher de considérer la coction
sous une autre face, et de la rapprocher d’un autre point de
la médecine moderne. La coction est, pour plusieurs mala-
dies , aiguës ou chroniques, dans la science hippocratique ,
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE, 449
l'idée qui correspond véritablement à ce que nous appelons
résolution. Prenez pour exemple la pneumonie : le médecin
ancien, voyant les crachats, d’écumeux et sanguinolents,
devenir épais et jaunâtres, annonce la coction qui accom-
pagne la guérison ; le médecin moderne, en auscultant le
poumon malade, reconnaît les progrès de l'amélioration et
entend le râle crépitant succéder au souffle bronchique, et
la respiration naturelle au râle crépitant; c’est la résolution
qui s'opère. La coction est donc ici le signe extérieur du tra-
vail intérieur qui se passe dans le poumon; le médecin an-
cien suivait le signe extérieur ; le médecin moderne suit le
travail intériear. Rien de plus instructif que d'étudier les so-
lutions diverses fournies par les sciences pour un même
problème à différents temps. La coction de l’expectoration
et la résolution de l’hépatisation sont deux réponses, sépa-
rées par plus de vingt-deux siècles, à cette question : à quel
signe reconnaît-on le travail de guérison de la pneumonie ?
La coction, considérée en elle-même, offre trois points
principaux. En premier lieu, elle s’appuie sur une donnée
certainement trop générale, à savoir que toute maladie est
causée par une humeur nuisible. En second lieu, là où
les anciens médecins l'ont vue, c’est-à-dire là où une hu-
meur, S'écoulant, subit diverses altérations de consistance
et de couleur, elle n’est qu’un fait concomitant de la résolu-
tion qui s'opère dans la partie ou l'organisme. En troisième
lieu, le système de coction ἃ été, par voie d’assimilation ,
étendu à plusieurs maladies où ce travail était reculé loin
des yeux de l'observateur ; par exemple dans les fièvres
continues. Il faut dire ici, de la manière la plus générale,
que la question n’est pas jugée , et que, dans la plupart des
affections où l’on revient à l’altération des humeurs, dans
celles qui sont produites par l'introduction de principes vi
TOM. 1. 29
450 INTRODUCTION.
rulents et délétères, les phénomènes pathologiques présen-
tent un certain développement qui autorise la coction hip-
pocratique , ou du moins l'idée d’un travail d'élimination,
qui y est comprise.
La coction des humeurs en prépare l'expulsion. Les
efforts pour cette expulsion recurent un nom particulier
dans la médecine grecque; ils s’appelèrent crise, Diffé-
rentes voies y sont ouvertes; les plus communes sont les
voies de la sueur, de l'urine, des excrétions alvines, des vc-
missements et de l’expectoration. ‘
Un autre mode de cerise est signalé souvent par Hippo-
crate, c'est le dépôt (ἀπόστασις). La théorie du dépôt est
étroitement liée à celle des autres crises et n’en est qu’une
extension. Quand la matière morbifique n’a pas trouvé
une issue convenable, la nature la porte et la fixe sur un
point particulier. Le dépôt n’est pas un abcès; c’est tantôt
une inflammation extérieure telle qu’un érysipèle; tantôt
la tuméfaction d’une articulation; tantôt la gangrène d’une :
partie. De là cette distinction, obscure au premier coup-
d'œil , mais réelle, des maladies qui sont un vrai dépôt
et qui amènent une amélioration, et de celles qui ne sont
un dépôt qu’en apparence , et qui ne jouent aucun rôle
dans la solution de la maladie. Ces érysipèles funestes
qu’on remarque dans certaines fièvres typhoïdes, et qui, loin
d’en atténuer les accidents, les aggravent, fournissent un bon
exemple, dansla clinique moderne, decette distinction.Il faut
encore y rapporter une sentence du Pronostic, regardée par
les uns comme inintelligible, par les autres comme futile ,
et qui est non-seulement conforme à la doctrine hippocrati-
que , mais encore fondée en fait. Suivant cette sentence, un
malade est moins en danger lorsqu'il a une partie du corps
tout-à-fait noire que lorsqu'il l’a livide. Sprengel se demande
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE, 451
( ist. pragmat. de la Médecine, t. 1, p. 339) pourquoi il en
serait ainsi. Le voici : la noirceur des parties annonce la
gangrène, la formation du dépôt, un effort favorable de la
nature , et, si la mortification se borne, des chances de gué-
rison ; la lividité des parties n’est pas un dépôt et peut être
considérée comme une preuve de l’affaiblissement général
du malade et un signe de très mauvais augure.
La doctrine des jours critiques est le complément de celle
des cerises. Suivant les anciens médecins, les crises ne sur-
viennent pas à des époques indéterminées de la maladie;
le temps de celle-ci est réglé; les phénomènes qu’elle pré-
sente sont assujettis à un ordre; et certains jours sont , sui-
vant le malade, la maladie, la saison, affectés aux efforts
critiques de la nature. Hippocrate a adcpté cette doctrine ;
il a signalé les jours qui lui ont paru importants à observer ;
ce qui les retarde ou les accélère ; ce qu’indique leur régula-
rité ; ce qu’annonce leur irrégularité, et le danger des jours
critiques qui ne jugent pas.
Des considérations générales sur les causes des maladies,
de la théorie sur les humeurs , sur leur coction , sur les cri-
ses et sur les jours critiques, résultait une manière toute
différente de la nôtre de juger du malade et de la maladie.
C’est ce que l’époque d’Hippocrate appelait la prognose. Ceci
est important ; car c’est là une des plus essentielles différen-
ces qui séparent la médecine hippocratique de la médecine
moderne. La prognose pour l’école de Cos n’est pas ce que
nous entendons par la sémiotique. La sémiotique, dans nos
traités, est une fraction de l'encyclopédie médicale, elle nous
apprend la valeur des signes, mais elle n’a pas une prédo-
minance absolue sur les autres parties ; elle est même sub-
ordonnée au diagnostic dans le cas où le diagnostic est pré-
cis, et elle occupe une place bien moins grande que celui-ci
452 | INTRODUCTION.
dans l'enseignement. La prognose d'Hippocrate, au con-
traire , domine toute la science , elle en est le point culmi-
nant, elle fournit la règie du praticien; il n’est rien qu’elle
n’atteigne et qu’elle n’embrasse ; il faut donc bien en conce-
voir le sens et la portée; c’est pour ainsi dire la clé de la mé-
decine hippocratique.
Elle tient par un lien évident aux théories sur la coction,
sur les crises , sur les jours critiques; je ne chercherai pas
si elle est née de ces théories , ou si au contraire ces théc-
ries en dérivent. Pronostic, coction, crises, jours critiques,
marchent naturellement ensemble; ce qui était réglé devait
pouvoir se prévoir, ou bien ce qui se prévoyait était réglé.
Il me semble plus philosophique de regarder la prognose et
la doctrine sur la coction et [65 crises, non comme nées l’une
de l’autre, mais comme les deux côtés d’une même con-
cepüon scientifique. Ces deux idées se sont formées ensem-
ble, ont été élaborées simultanément, éclairées par les
mêmes travaux, appuyées par les mêmes expériences, et,
sans avoir reçu une forme systématique, elles constituent la
doctrine d'Hippocrate et la règle à laquelle il a tout rapporté.
Qu'est-ce donc que la prognose d’'Hippocrate ? Il ne faut
pas s'attacher à l’étymologie du mot, et croire qu’elle se
rapporte uniquement à la prévision de ce qui doit arriver ;
la prognose (Hippocrate est formel sur ce point) instruit à
la fois sur le passé, sur le présent, sur l'avenir du malade.
Elle instruit sur le passé, car elle donne les moyens de sup-
pléer à ce que le malade ne sait ou ne peut pas dire, et
fournit des indications sur les accidents auxquels il a été
soumis, les causes qui ont agi sur lui, et la nature de laffec-
tion pour laquelle il réclame des secours; sur le présent, car
elle enseigne la différence qui existe entre l'état de santé et
de maladie, et montre par le degré que cette différence 4
DE LA DOCTRINE MÉD!CALE D'HIPPOCRATE. 453
atteint le danger que court le patient , les chances de salut
qui lui restent, et l’intensité du mal qui l’accable. Enfin elle
instruit sur l'avenir, car elle enseigne les signes qui annon-
cent la crudité ou la coction des humeurs, l'approche des
crises, les jours où elles doivent éclater, les issues qu’elles
iront prendre, et les parties où les dépôts critiques se fe-
ront. Voilà la portée tout entière de la prognose hippocrati-
que, voilà le champ qu'elle embrasse, voilà l’enseignement
qu'elle donne.
On vient de voir que, la santé étant maintenue par le
juste mélange ou la crase des humeurs, la maladie est pro-
duite par le dérangement de cette crase; que, dans le cours
de la maladie ainsi produite , il s'établit un travail, comparé
métaphoriquement à la coction , lequel, s’accomplissant ,
amène la guérison, ou , ne s’accomplissant pas, laisse le mal
durer ou finir par la mort; qu’à la suite de ce travail il sur-
vient des crises caractérisées par des évacuations ou par des
dépôts ; que ces phénomènes sont réglés par le temps, ce qui
donne les jours critiques; enfin que, guidé par cette série
d'observations et de raisonnements, le médecin parvient à
embrasser la maladie dans une doctrine générale, qui est la
prognose. Maintenant, quelle est l’idée dernière de cette
doctrine ? c’est que la maladie, indépendamment de l’or-
gane qu’elle affecte et de la forme qu’elle revêt, est quelque
chose qui ἃ sa marche, son développement, sa terminaison.
Dans ce système, ce que les maladies ont de commun est
plus important à considérer que ce qu’elles ont de particu-
lier ; et ce sont ces portions communes qu'il faut étudier et
qui constituent le fondement de la prognose. On peut encore
l'exposer autrement : la prognose est, si je puis m’expri-
mer ainsi, le diagnostic de l’état général, diagnostic dans
lequel le médecin ne tient qu’un compte très secondaire de
454 INTRODUCTION.
Forgane malade, ou, pour me servir du langage d’Hippo-
crate, du nom de la maladie. Dans la prognose, ce que nous
appelons diagnostic et ce que nous appelons pronostic se
trouvent confondus et réunis ; et cette réunion provient de
ce que le médecin de l’école de (05, attaché surtout à recon-
naître l’état général du malade, diagnostique, il est vrai,
une certaine condition actuelle, mais prévoit en même
temps, d’aprèsles règles de son art, une certaine marche du
mal , et même en apprécie, dans le passé, quelques cir-
constances : ce qui est la définition qu'Hippocrate a donnée
de la prognose.« Remarquez que cette définition implique
l'admission d’une doctrine profonde, c’est que, dans chaque
maladie , le travail pathologique est un, et passe, depuis le
début jusqu’à la terminaison , par un développement où tou-
tes les phases tiennent l’une à l’autre. De sorte que l’école
de Cos , maîtresse de l’idée de l’unité , ou, en d’autres ter-
mes, du développement de la maladie, et peu instruite sur
les particularités , c’est-à-dire sur le siége , sur la condition
anatomique, sur l'étendue de chaque affection , se tourna
tout entière vers la recherche des communautés des mala-
dies; c’est le résultat de cette étude qu'Hippocrate a consi-
gné dans le beau livre qui est intitulé le Pronostic.
Ainsi la prognose est la source de toutes les véritables
lumières pour l’ancien médecin ; elle est, à cette époque, la
philosophie de la science, sans elle il n’y ἃ rien qu’empi-
risme et pratique aveugle. Effacez la prognose telle que l'é-
cole de Cos l’a conçue et établie, effacez-la, dis-je , à une
époque où l’anatomie ἃ fait si peu de progrès, où l'étude
des fonctions est dans l'enfance, où l'anatomie pathologique
“n'existe pas, où le diagnostic différentiel est privé de ses
éléments les plus précieux, quelles lumières restera-t-il à la
médecine ? Où sera le lien qui lempêchera de se perdre
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE. | 455
dans un dédale de faits particuliers sans connexion, et
de languir dans l’éternelle enfance où reste tout ce qui,
n'étant pas l’objet d’un travail scientifique et d’une mé-
thode, tombe nécessairement entre les mains des empiri-
ques et ne marche plus qu’au hasard?La prognose est la
première construction scientilique que nous connaissions
de la médecine. A ce titre elle mérite notre attention, et elle
la mérite encore parce qu’elle n’est point fondée sur des
vues rationnelles et hypothétiques , mais parce qu’elle part
d'observations et d'expériences réelles. Les faits de muta-
tion des qualités des humeurs durant le cours des maladies,
les indications des signes qui annoncent le progrès du mal
ou une terminaison favorable, l'étude des évacuations et
des mouvements critiques ou non, tout cela constitue un
ensemble qui a été un digne objet d'étude et de théorie pour
l’école de Cos.
Le sens scientifique des Grecs se manifesta, là comme
ailleurs, avec une grande sûreté et une grande supériorité.
Le problème à eux posé fut : de concevoir qu'il n’y avait pas
seulement des faits de détail, ce qui les sauvait de l’empi-
risme , et de trouver un système général, ce qui faisait de
la médecine une science. Sans entrer dans un examen des
caractères propres aux différentes maladies, sans essayer
de les réunir dans un cadre et de les classer, sans y son-
ger même, l’école de Cos saisit une idée féconde qui ré-
sumait toute chose, et, dans une abstraction qui ne manque
ni de portée ni de grandeur, elle donne au médecin une
doctrine qui le guide à la fois dans les recherches scien-
üfiques et dans la pratique de l’art. Suivant elle (et c’est
l'expérience, non lhypothèse, qui fournit ces données)
le corps humain présente, durant le cours des maladies,
une série de phénomènes qui, sans qu'il soit besoin de les
456 INTRODUCTION.
rattacher ‘plus particulièrement à telle ou telle affection ,
ont une signification propre, présagent ce qui va arriver,
indiquent l'issue probable de la lutte, les efforts que ten-
tera la nature, les voies par où elle se déchargera, et les se-
cours auxquels l’art peut et doit recourir. Dans ce point de
vue où la maladie est considérée comme quelque chose de
général et d’indéterminé, la connaissance d’une maladie
particulière n’est même pas très nécessaire , et remarquez
que , dans le fait, cette connaissance était très bornée. La
prognose étudie Pexpression fidèle par laquelle l’économie
trahit le dérangement qu’elle éprouve ; et c’est cette expres-
sion qu’il importe de saisir. Faire prévaloir l'observation de
tout l'organisme sur l'observation d’un organe, l'étude des,
symptômes généraux sur l'étude dessymptômeslocaux, l’idée
des communautés des maladies, sur l’idée de leurs particu-
larités, telle est la médecine de l’école de Cos et d'Hippocrate.
J'ai déjà eu occasion de le remarquer dans cette Zntroduc-
tion, la science humaine ne marche pas autrement que ‘his-
toire humaine ; les découvertes et les systèmes ne nais-
sent pas plus spontanément et sans antécédents que les évé-
nements des empires et les révolutions des sociétés. La
prognose hippocratique, telle que je viens de l’exposer, est
certainement un beau résultat du travail de l'antiquité,
mais elle n’est pas née soudainement dans la tête d’Hippo-
crate,ou, pour mieux dire, dans l’enceinte de l’école de (05:
elle avait ses éléments tout préparés, et la filiation en est
simple et naturelle. On sait ce qu’étaient les temples des As-
clépiades ; les prêtres-médecins qui les desservaient, y re-
cevaient les malades, consignaient les remarques que leur
suggérait l'issue des maladies, et formaient ainsi un recueil
des notes expérimentales que l’on retrouve dans les Préno-
tions coaques, et dans le premier livre des Prorrhétiques
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D AIPPOCRATE. 457
Il importait beaucoup à des prêtres, il était dans leur ca-
ractère, il était dans les habitudes de tout l’ordre sacerdotal
en Grèce, d'essayer de percer le voile de l'avenir, et, dans
les temples des Asclépiades , de prédire les événements pa-
thologiques dont le corps de chaque malade allait être le
théâtre. De là le cachet de prévision, le cachet pronostic ,
si je puis m’exprimer ainsi, que présente l’ancienne méde-
cine des prêtres asclépiades. Mais la divination ne s’appli-
que pas seulement à l'avenir, elle s'applique aussi à un
présent et à un passé que l’on ignore. C’est pourquoi le
mot de prognose (προγινώσχειν) a été employé pour expri-
mer ce travail d'esprit, ce jugement médical qui avait pour
but d'apprécier l’état passé, présent et futur du malade.
Jusque là ce fut un métier ; mais ce fut une science , quand
l’école de Cos, embrassant à la fois ces trois temps, vit ainsi,
dans chaque maladie, non plus une succession de phéno-
mènes bizarres, désordonnés et sans loi, mais un enchaine-
ment où chaque fait avait sa raison dans le fait précédent.
Là, ce me semble, est le passage de l’empirisme des tem-
ples à la doctrine de l’école, et peut-être est-ce à Hippocrate
lui-même qu’il faut attribuer ce progrès. Au reste , la trace
évidente en est dans le mot même de prognose (προγινώσκειν),
qui est resté attaché au principal travail d’'Hippocrate sur
cette matière. C’est donc de la divination médicale dans les
temples, et des observations sur lesquelles elle se fondait,
qu'est née la prognose d’Hippocrate, doctrine profonde d’a-
près laquelle toute maladie est à la fois une et commune, une
par son développement, commune par certains phénomènes
que j’appellerai ici, pour abréger, état général, et que Galien,
en expliquant Hippocrate, nomme diathèse. On ignore ce
que fut la médecine des Égyptiens et des autres peuples de
l'Orient, et si elle est jamais sortie hors du cerele des re-
458 INTRODUCTION,
marques particulières, des faits sans lien et des obser-
vations sans méthode philosophique. L'école hippocratique
franchit ce cercle , et par là elle a influé sur l'avenir entier
de la médecine dans l'Occident.
La base sur laquelle reposait l'étude de l’état général ainsi
conçu n'avait rien d’arbitraire, c'était la comparaison entre
la santé et la maladie. Après avoir étudié le jeu régulier du
corps vivant , que la gymnastique leur enseignait avec
tant de précision, les médecins de l’école de Cos mettaient en
regard les phénomènes qui se produisent dans les diverses
maladies ; l’état de santé était la mesure d’après laquelle ils
en calculaient l’importance et en appréciaient le danger.
Dans tout le Pronostic, Hippocrate n’a pas d’autre règle
que celle-là pour caractériser l'expression de la face, les
sueurs , l’urine , les évacuations alvines, la respiration, etc.
Toute étude de pathologie est, à la vérité, fondée sur une
comparaison de l’état de santé avec l’état de maladie, mais
toute étude de ce genre n’est pas conduitesur le plan que suivit
l’école de Cos. Cette école conçoit tout ce qu’elle sait des fonc-
tions dans leur jeu régulier, comme un ensemble, et le com-
pare en bloc à ce qu’elle observe sur l’homme malade; et de
cette comparaison résulte, pour elle, un tableau plutôt qu’une
énumération des symptômes; une étude de l’homme tout
entier, plutôt qu’une étude d’un organe lésé ; une recher-
che des souffrances et des efforts des grandes fonctions,
plutôt qu’une recherche des altérations cachées de quelque
viscère ; un aperçu de la condition générale du patient plu-
{ôt qu’un aperçu de la condition particulière d’un appareil ,
d’une membrane, ou d’un tissu. Je ne loue pas école de
Cos d’avoir ainsi agi, cela était inévitable à l’époque où elle
était placée ; je ne blâme pas les modernes de s’appesantir
sur le diagnostic local, car sans cela il n°y a pas de précision
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D HIPPOCRATE. 459
possible. Mais ce que je signale comme un trait de génie
dans l’ancienne médecine des Hellènes, c’est qu’ils aient
eu une puissance de généralisation assez grande pour édi-
fier, avec les données qu’ils avaient , un système qui contint
ces données, qui en fût le lien logique et qui constituât
une science.
Et ici je ne prête pas à Hippocrate et à ses maîtres des
intentions qu'ils n’aient jamais eues, seulement je rends
plus saillant, par l'analyse, ce qui est caché dans la synthèse
de leurs conceptions. En effet, cette théorie que j’expose,
Hippocrate la eue tellement, qu’il la défendue contre les
médecins cnidiens, à qui il reproche de multiplier les es-
pèces dans les maladies , et de négliger l’état général ; il Pa
eue, puisque tout son livre du Pronostic est l'exposition de
ce qu'ont de commun les maladies aiguës, et qu'il le ter-
mine en disant qu’il n’y faut pas regretter le nom des ma-
ladies qui ne s’y trouvent pas inscrites, attendu que ce
qu’il a exposé s’applique à toutes les affections qui ont la
même marche; il l’a eue , enfin, puisque les histoires par-
ticulières qu’il a consignées dans ses livres des Épidémies
sont rédigées d’après cette règle même.
Hippocrate est le premier qui nous ait transmis des his-
toires particulières des maladies : exemple remarquable
qui n’a pas été assez imité dans les âges postérieurs à
lui. Ces histoires ont un cachet spécial, et on les ἃ vantées
bien souvent sans comprendre l'esprit qui en a dicté la ré-
daction. Elles sont le produit direct du système qui avait fait
un tout de la médecine antique, le résultat de cette pro-
gnose que j'ai expliquée. En effet qu’y voit-on? Sion les juge
avec nos opinions sur le mérite d’une observation particu-
lière , on les trouvera très défectueuses, car les signes qui
caractérisent une maladie y manquent; on n’y trouve nul
460 INTRODUCTION.
détaïl sur la série des symptômes et des accidents par les-
quels le malade a passé, et c'est tout au plus si, en rapprc-
chant quelques indications éparses, et en interprétant quel-
ques symptômes notés dans un autre dessein, on peut par-
venir à donner un nom moderne à la maladie traitée par
Hippocrate. Mais, si on les juge avec les opinions antiques ,
tout devient clair, et on n’y trouve plus qu’une application
rigoureuse de la prognose, du système qui faisait le fonds de
cette médecine. Tout ce qui a trait surtout aux caractères
d’une maladie particulière , aux symptômes locaux , aux
lésions d’un organe, est omis, parce que, au point de vue
hippocratique, cela n’a qu’une importance secondaire. Mais
le régime habituel, ou les écarts de régime qui ont précédé
la maladie, les évacuations critiques ou non critiques, les
jours où elles surviennent, l’état de la respiration, de la
sueur , de l'urine, sont notés avec une exactitude parfaite ;
de sorte qu’en réalité, dans l'observation hippocratique, la
maladie particulière disparaît et fait place au tableau gé-
néral de la souffrance et des efforts des grandes fonctions.
ΤΙ serait certainement curieux et utile de rechercher dans
l'histoire de la science, comment les diverses doctrines mé-
dicales ont influé sur le mode de rédaction des observations.
Nous en avons un exemple frappant sous les yeux. La mé-
thode numérique de M. Louis ἃ changé, pour tous ceux qui
s'en servent, et, on peut ajouter, pour ceux aussi qui ne
s’en servent pas, le plan d’après lequel les faits particuliers
sont décrits. Cette influence du système médical sur la des-
cription, n'est pas moins marquée dans les Épidémies
d'Hippocrate. Là il s’abstient de nommer les maladies, d’en
exposer les symptômes caractéristiques ; il se renferme
scrupuleusement dans les limites de la prognose ; en un mot
il exécute avec fidélité ce qu'il annonce dans un autre de
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE. 461
ses écrits, et cette idée est pour lui un point tellement fon-
damental que, dans le Pronostic, il se justifie de n’avoir pas
nommé un plus grand nombre de maladies particulières et
assure qu’il suffit à son plan d’en avoir rassemblé les signes
communs. Quelqu’opinion qu’on ait de la méthode de
M. Louis, il est certain qu’elle répond au besoin que la mé-
decine moderne éprouve de plus en plus de s’enfoncer dans
le détail de l'observation. On peut donc prendre sa manière
d'exposer l’histoire d’une maladie comme représentant
l'esprit qui dirige aujourd’hui l'étude médicale, de même
que les histoires particulières qu’on lit dans les Épidémies
portent le sceau de la doctrine d'Hippocrate. Ce rapproche-
ment seul suffit pour caractériser l’une et l’autre époque.
Autant ce que les maladies ont de spécial et de distinctif est
cherché et expliqué par le médecin moderne ; de manière
qu'on puisse diagnostiquer avec précision l'affection par-
ticulière, autant ce qu’elles ont de commun occupe le mé-
decin ancien , de manière que l'affection particulière fasse
place à l'étude de l’état général.
De la thérapeutique d’'Hippocrate, nous ne possédons
que le livre sur le Régime dans les maladies aiguës. Là en-
core c’est l’idée de coction , de crise, c’est la considération
de l’état général, ou, en d’autres termes, la prognose qui
enseigne quand et comment on doit se servir, soit du
régime alimentaire , soit des exercices , soit des remèdes
pour traiter les maladies. Elle contient la thérapeutique gé-
nérale, c’est-à-dire la formule de toutes les indications qui
font que le praticien n’emploie ni au hasard , ni sans but dé-
terminé les moyens qu'il a à sa disposition. Une thérapeutique
ainsi fondée cherche donc à se rendre compte du motif qui
la fait agir, du résultat qu’elle veut atteindre , du moment
qu'il importe de choisir, de la crise qu’il faut ou seconder ou
462 INTRODUCTION.
imiter : elle répond à la définition que Platon a donnée de
la médecine de ce temps, et que j'ai rapportée quelques
pages plus haut.
Au point de vue de la prognose , l'étude de la santé, de
la maladie et du traitement formait un tout fort simple.
Érasistrate rapporte (Gal., t. v, p. 40, Ed. Bas.) qu’un cer-
tain Pétronas, postérieur de peu à Hippocrate, s’avisa de
traiter les fébricitans par l'usage du vin et des viandes. Cer-
tes ce Pétronas n’était pas de l’école de (05: jamais la doc-
trine hippocratique n’aurait permis une si grave aberration ;
ele avait trop étudié l’homme sain , l’homme malade, et les
efforts de la nature dans les fièvres, pour supposer qu’un
pareil traitement püt jamais avoir des résultats avantageux,
et qu'un pareil essai dût jamais être tenté. La prognose, telle
qu’elle l'avait fondée et enseignée , la prémunissait contre
les écarts dangereux d’un aveugle empirisme. Pétronas
s’était dit grossièrement: peut-être le vin, les viandes guéri-
ront les fièvres ; qui sait? essayons. Une telle expérimen-
tation faisait violence à toutes les règles de la prognose.
Il faut sans doute pardonner aux hippocratistes leur ad-
miration pour la grande école qui a donné une base à la
science, et pour le grand homme qui en a été l'interprète.
Cette unité qui apparaît dans la conception de la plus antique
médecine grecque, a quelque chose de singulièrement beau
et remarquable ; d'autant plus qu’elle ne s’est plus retrouvée,
ou du moins que les systèmes qui ont eu la prétention de
remplacer l’hippocratisme, n’ont jamais eu ni autant de
consistance, ni autant de durée, ni, il faut le dire, autant
de valeur intrinsèque. En effet, les systèmes se sont ap-
puyés sur l'hypothèse, et Hippocrate s’est appuyé sur la réa-
hté. Ici encore, ce sont les propres termes d’Hippocrate
que j’emploie. Ce qu’il combat dans le traité de l’Ancienne
DE LA DOCTRINE MÉDICALE D'HIPPOCRATE. 463
médecine, c'est l'hypothèse (ὑπόθεσις) ; ce qu'il recommande,
c’est la réalité, l'étude des faits (τὸ ἐόν).
On le voit donc, la méthode antique d’Hippocrate et la
méthode moderne ne diffèrent pas dans leur essence , car
elles sont l’une et l’autre la méthode expérimentale. Hippo-
crate, comme nous, ἃ voulu qu’on observât la nature, et,
comme nous , il s’est servi de l'induction pour agrandir le
champ de ses observations et trouver un lien entre les faits
particuliers. Mais il admet que ce lien est l'étude des signes
communs des maladies, et sur cette étude il établit, sans
hésiter, sa pathologie générale. Mais nous, nous sommes
arrivés à ce point que les signes communs qui suffisaient à
Hippocrate, ne suffisent plus pour diriger le médecin dans
le vaste domaine des phénomènes pathologiques. Si nous
remplissions à la lettre le programme hippocratique, si nous
relevions les signes communs et rien que ces signes dans
toutes les maladies, nous obtiendrions un résultat si réduit,
nous descendrions à une généralité si éloignée qu'il n’en
sortirait aucun fruit pour la théorie et la pratique. Qu'ar-
rive-t-il donc ? C’est que nous nous enfonçons, chaque jour
davantage, dans les détails, dans l'observation locale, dans
les recherches de plus en plus ténues et minutieuses. Hippo-
crate, par la nature de ses connaissances, a été tenu à la su-
perficie du corps malade. La médecine moderne ἃ pénétré
dans l'intérieur ; et cette pénétration, si je puis ainsi parler,
dans l'intimité des organes et des tissus, a été le travail des
siècles qui nous séparent d’Hippocrate.
Le médecin de Cos expose , dans son Pronostic 165 com-
munautés des maladies, c’est-à-dire la valeur de l'état
général du malade; dans ses Épidémies, il retrace ce qu’il
a observé, c’est-à-dire ces communautés mêmes; dans son
livre du Régime des Maladies aiguës , il apprécie la thérapeu-
464 INTRODUCTION.
tique d’après la règle qu’il a posée dans le Pronostic, et
suivie dans les Épidémies. Le traité de l_Ancienne médecine
combat les hypothèses, en appelle uniquement aux faits
observés, et déclare que le corps vivant doit, pour être
connu , être étudié dans ses rapports avec ce qui l’entoure.
Voilà donc toute la doctrine d’Hippocrate exposée dans ses
livres mêmes. Sa méthode est expérimentale, sa théorie
médicale repose sur l’idée du développement régulier et des
communautés des maladies; enfin, ce que j’appellerai sa
philosophie ou sa métaphysique, consiste dans l’idée qu'il
se fait du corps vivant, lequel , suivant lui, subsiste par ses
rapports, et doit être étudié dans ses rapports avec le reste
des choses. Cette pensée du médecin grec, complétement
opposée à celle des philosophes contemporains , qui cher-
chaient à connaître le corps vivant en soi, est essentielle-
ment relative à l'hygiène et à la pathologie. Elle fut sans
doute le fruit de ses vastes connaissances dans ces deux
branches de la médecine; mais, en retour, elle lui Πῦ com-
prendre l'impuissance et le vide de l'hypothèse, ei ἀπὸ
clamer dans son livre de l’Ancienne médecine qu'il n’y avait
pour l'avancement de cette science qu’une voie, et que
cette voie était celle du raisonnement fondé sur lexpé-
rience.
On ne s’étonnera pas qu’en terminant ce court exposé de
la doctrine d'Hippocrate, j'aie rappelé les livres qu’elle ἃ
surtout inspirés. Car ces livres, appartenant à une même
pensée, doivent être d’une même main, et cette main est
celle d’Hippocrate. La confirmation, par cette voie, de tous
les résultats de mon travail est teliement frappante que je
n’ai pas voulu la laisser inaperçue du lecteur.
CHAPITRE XIV.
REMARQUES SUR LE CARACTÈRE MÉDICAL ET LE STYLE
D'HIPPOCRATE.
Hippocrate a fleuri à l’époque la plus brillante de Ja civi-
lisation grecque, dans ce siècle de Périclès qui a laissé d’im-
mortels souvenirs. Il ἃ vécu avec Socrate, Phidias, So-
phocle, Euripide, Thucydide, Aristophane, et il n’a pas
été indigne de cette haute société. Lui aussi a partagé le
sentiment qui pénétrait alors les Hellènes, enorgueillis de
leur liberté, enthousiasmés de leurs triomphes, épris de
leurs belles créations dans les arts, dans les lettres et dans
les sciences. Voyez dans le traité des Eaux, des Airs et des
Lieux, avec quelle fierté le Grec triomphe du Barbare, ’hom-
me libre du sujet soumis à un maître, l'Européen vainqueur
de l’Asiatique partout vaineu sur terre et sur mer. Se peut-il
trouver un sentiment national plus fièrement exprimé que
cette supériorité de race que le médecin de Cos attribue à ses
compatriotes? Plus on pénètre le sens des écrits d'Hippo-
crate, et plus l’on s’identifie avec le fonds et la forme de ses
pensées; plus aussi on comprend laflinité qu’il a avec les
grands esprits ses contemporains, et plus l’on est persuadé
‘qu'il porte comme eux la vive empreinte du génie grec.
Quelque silence qu'Hippocrate ait gardé sur lui-même,
dans ses écrits, cependant il est possible, avec un peu d’at-
tention , de démêler quelques-uns des traits qui ont composé
le caractère scientifique de cet homme remarquable. Ses li-
vres sont semés de réflexions qui montrent que son esprit
avait été constamment occupé et du souvenir de sa propre
TOM. 1. 30
466 ; INTRODUCTION.
pratique et de Fexamen de celle ds autres médecins. Visi-
blement il avait beaucoup médité sur la médecine, et en bon
nombre de passages L'on rencontre de ces observations qui,
sans rentrer positivement dans le cercle de la pratique mé-
dicale , sont dues aux réflexions de celui qui enseigne, et
font réfléchir ceux qui lisent. Je pourrais en citer plusieurs
exemples, je me contenterai d’en rapporter un seul, parce
que j'y joindrai les justes remarques qui ont été suggérées
à Galien, et qui développent l’idée même que je me fais de
la tournure d'esprit d’Hippocrate. Ce médecin a dit dans le
1« livre des Épidémies : «Le praticien doit avoir deux objets
« en vue, être utile au malade ou du moins ne pas lui nuire.»
Ce sont là de graves et modestes paroles où l’on découvre,
quand on les creuse, un sens profond et un utile enseigne-
ment. Au reste, 1} faut laisser parler Galien qui a été frappé,
lui aussi, de la remarque jetée par Hippocrate dans le cou-
rant de son 1* livre des Épidémies. « Il y eut un temps, dit-
«il 1, où je regardais ce peu de mots comme indignes d’Hip-
« pocrate ; il me semblait d’une évidence manifeste que le
» devoir du médecin est de travailler à soulager le malade
« ou du moins de ne pas lui nuire. Mais, après avoir vu plu-
« sieurs médecins célèbres blâmés à juste titre pour ce qu’ils
« avaient prescrit, saignées , bains, purgatifs, vin, ou eau
« froide , je compris qu'Hippocrate avait éprouvé de pareils
« mécomptes, lui, comme bien d’autres de ceux qui pra-
« tiquaient alors. Depuis ce temps, j'ai jugé qu'il ne fallait
« pas seulement, en prescrivant un remède important , sa-
« voir jusqu’à quel point le malade y trouverait du soulage-
« ment ; mais je n’ai jamais rien administré sans avoir pris
« garde à ne pas lui nuire, dans le cas où la prescription
« manquerait son but.Quelques médecins, semblables à ceux
IT. v, p. 570, Ed. Basil.
CARACTÈRE MÉDICAL ET STYLE D'HIPPOCRATE. 2467
« qui lancent les dés, prescrivent des traitements qui , s’ils
« échouent, sont très funestes aux malades. Ceux qui com-
« mencent l'étude de la médecine croiront, j’en suis certain,
«comme j'ai cru jadis, que ce conseil, être utile ou du
« moins ne pas nuire, est indigne d'Hippocrate; mais les
« praticiens, je n’en suis pas moins sûr, en comprendront
« toute la portée, et, si jamais il leur arrive de faire du mal à
« leurs malades par l'administration intempestive de quel-
«que remède actif, ce sera surtout alors qu’ils concevront
« le sens et la gravité de l'avertissement qu'Hippocrate leur
« a légué. »
Le chef de l’école de Cos rappelle fréquemment à la mé-
moire des médecins les devoirs qu'ils ont à remplir, et les
règles d'attention, de. soin, de prudence que leur impose
leur profession à l'égard des malades. Il a complétement ex-
posé son sentiment sur cetimportant objet en ce peu de mots :
« L'art médical ἃ trois termes : la maladie, le malade et le
« médecin. Le médecin est le serviteur de l'art; et, avec
« le médecin, le malade doit combattre la maladie 1. » Ail-
leurs il dit : « La première considération à avoir dans toute
« la médecine, est de guérir la maladie ? » Ce sentiment
est naturel dans un homme qui aime sa profession , qui en
sent la valeur, et par conséquent les obligations et la respon-
sabilité morales. L'amour de la profession médicale est mani-
festé par Hippocrate en une foule de passages. Le mot dont
il se sert pour désigner la profession est l'art (ἣ τέχνη). Tout
ce qui pourrait la compromettre ou en diminuer le crédit
1H τέχνη διὰ τριῶν, τὸ “νούσημα, 6 νοσέων καὶ ὃ ἰητρός" ὁ in-
τρὸς ὑπηρέτης τῆς τέχνης" ὑπεναντιοῦσθαι τῷ νουσήματι τὸν νοσεῦν-
τὰ μετὰ τοῦ ἰητροῦ χρή. Epid. 1, p. 804, Ed. Basil.
2 Χρὴ δὲ περὶ πλείστου μὲν ποιέεσθαι ἐν πάσῃ τῇ τέχνη, ὅχως
ὑγιὲς μὲν ποιήσης τὸ νοσέον. De Artic., p. 500, Ed. Basil.
468 INTRODUCTION,
dans l'opinion du publie, le blesse ; il a les yeux constam-
ment fixés sur ce point, et il le signale avec force à ses con-
frères. Quand les médecins de cette époque reculée se con-
tredisaient dans leurs prescriptions et leurs conseils, Hip-
pocrate leur dit qu’ils décrient la profession, au point de
faire croire qu’il n’y a pas de médecine, et que de la sorte
ils ressemblent aux devins dont chacun interprète en sens
contraire le vol, à droite ou à gauche, des oiseaux 1 ; et, en
cherchant à établir sur de solides fondements la doctrine
du régime dans les maladies aiguës , il a pour but de préve-
nir, sur un point essentiel, des divergences contraires à
l’honneur de l’art médical. Une des raisons pour lesquelles
il recommande aux médecins de se familiariser avec l’étude
des signes prognostiques, c’est que par là ils s’acquerront
davantage la confiance du malade, et le décideront à se re-
mettre entre leurs mains 2. Aussi Galien en fait la remar-
que: « Hippocrate s'occupe non-seulement des malades,
« mais encore du médecin, afin qu’il soit toujours irré-
« préhensible dans la pratique de son art, et qu’il obtienne
« considération et respect 5. » Les recommandations de ce
: Καί τοι διαδολήν γε ἔχει ὅλη ἣ τέχνη πρὸς τῶν δημοτέων μεγάλην,
ὡς μηδὲ δοχέειν ὅλως ἰητρικὴν εἶναι... Καὶ σχεδὸν ἂν χατά γε τὸ τοιόνδε
τὴν τέχνην φαῖεν ὡμοιῶσθαι μαντιχῇ " ὅτι οἵ μάντιες τὸν αὐτὸν ὄρνιθα,
εἰ μὲν ἀριστερὸς εἴη, ἀγαθὸν νομίζουσιν εἶναι - εἰ δὲ δεξὶος, χαχόν"
ἘΤ ἀλλ᾽ ἔνιοι τῶν μάντεων τἀναντία τουτέων. De Dit. in acut.,p.
368, 369, Ed. Basil.
2 Πιστεύοιτ᾽ ἂν μᾶλλον γινώσχειν τὰ τῶν νοσεόντων πρήγματα,
ὥστε τολμᾶν ἐπιτρέπειν τοὺς ἀνθρώπους σφέας ἑωυτοὺς τῷ ἰητρῷ.
Progn., p. 401, Ed. Basil.
3 OÙ μόνον τῶν. χαμνόντων ἀεὶ φαίνεται κηδόμενος ὃ “Irroxpi-
της, ἀλλὰ χαὶ τῶν ἰατρῶν, ὡς ἀνέγκλητοι μὲν ἀεὶ παρὰ τοῖς χάμ-
νουσιν ὦσιν, εὐδοχιλῶσι δὲ τὰ πλεῖστα. Gal., t. v, p. 051, Ed.
Basil.
CARACTÈRE MÉDICAL ET STYLE D'HIPPOCRATE. 469
genre qui se trouvent fréquemment répétées dansles œuvres
d’Hippocrate, sont tellement d'accord avec le Serment qu’el-
les forment un nouvel argument en faveur de l'authenticité
de cette pièce. Le même esprit y respire ; le même senti-
ment y domine ; et, si les raisonnements que j'ai apportés
plus haut pour faire admettre la légitimité du Serment, n’ont
pas toute la rigueur qu’on peut désirer , ils acquièrent, ce
me semble, beaucoup de force quand on a , sous les yeux,
réuni en un seul faisceau , tout ce que Hippocrate ἃ dissé-
miné dans ses ouvrages sur les devoirs des médecins et
sur la considération qu'il leur importe, en pratiquant ces
devoirs, d'attirer à leur profession.
Celse ἃ vanté la probité scientifique d’Hippocrate, dans
une phrase brillante qui est gravée dans tous les souve-
nirs ἢ. Je ne m'autoriserai pas de ce témoignage; car le
fait que Celse invoque est dans le ὅς livre des Épidémies ;
et ce livre forme un de ces recueils de notes qu’on ne peu:
pas attribuer à Hippocrate avec quelque sûreté. Mais la
liste même des observations qu’il nous a transmises dans le
19 et le 3° livres, prouve qu’il n’a pas tenu à cacher ses re-
vers, et à ne citer que ses succès ; il a enregistré avec can-
deur les malheurs qui lui sont arrivés; le nombre des morts
qu'il rapporte en fait foi. C’est le même sentiment de pre-
bité qui lui inspire la plus vive répugnance pour tout ce qui
sent le charlatanisme. Cette réprobation éclate dans une
foule de passages. Je n’en citerai qu’un parce qu’il demeure
applicable à tous les temps et à tous les pays. Hippocrate,
après avoir dit que l'intérêt du malade doit passer avant
* À suturis se deceptum esse Hippocrates memoriæ prodidit ,
more scilicet magnorum virorum et fiduciam magnarum rerum ha-
bentium. Gels. VIE, 4.
470 INTRODUCTION.
toute chose, ajoute : « Quand il existe plusieurs procédés, il
« faut employer eelui qui fait le moins d’étalage ; quiconque
« ne prétend pas éblouir les yeux du vulgaire par un vain
« appareil, sentira que telle doit être la conduite d’un homme
« d'honneur et d’un véritable médecin 1. »
La haine qu'Hippocrate ressentait et exprimait à l'égard
des charlatans, est très comparable à la haine qui animait
Socrate, son contemporain, contre les sophistes. Le méde-
cin et le philosophe poursuivent d’une égale réprobation ces
hommes qui abusaient de la crédulité populaire pour ven-
dre, les uns une fausse médecine, les autres une fausse sa-
gesse. Non-seulement Hippocrate flétrit les manœuvres des
charlatans, non-seulement il prévient le publie contre les ar-
üfices de ces gens qui en font leur dupe, mais encore il pré-
munit de toutes ses forces les véritables médecins contre
toutes les tentations qu’ils pourraient avoir de se laisser al-
ler à l’emploi d’un charlatanisme plus ou moins innocent ;
il les tient en garde contre cet écueil ; il ne veut pas que
leur conduite en ait la plus petite apparence; il leur recom-
mande , avant tout, ce qui est simple , droit et honnête. I!
fallait véritablement qu'Hippocrate eût été blessé du spec-
tacle donné par l’effronterie des charlatans et par la cré-
dulité du public, pour insister auprès des médecins ses éle-
ves avec tant de force, non pas seulement contre l'emploi
d’un charlatanisme honteux, mais encore contre toute con-
duite dont le soin exclusif ne serait pas d’en écarter jusqu’à
ombre la plus légère. La guerre aux sophistes faite par So-
crate, la guerre à l'esprit de charlatanisme faite par Hippo-
: Εἰ δὲ πολλοῖσι τρόποισιν οἷόν τέ εἴη ὑγιέας ποιέειν, τὸν ἀοχλό-
es LA
τάτον χρὴ αἱρέεσθαι. Καὶ γὰρ ἀνδραγαθιχώτερον τοῦτο χαὶ τεχνιχώ-
τερον, ὅστις μὴ ἐπιθυμέει δημοειδέος χιδδηλίης. De Articul., p.
500, Ed. Basil.
CARACTÈRE MÉDICAL ET STYLE D HIPPOCRATE. 471
crate, sont de la même époque et portent le même caractère.
Hippocrate nous présente le premier exemple que nous
connaissions de la polémique médicale. Le livre de l'4n-
cienne médecine est un livre polémique en grande parte :
son traité du Régime dans les maladies aiguës s'ouvre par
une discussion contre le livre des Sentences cnidiennes. Je
ferai ailleurs l’histoire de ce débat, et jy exposerai les points
de philosophie médicale auxquels il touchait. C’est un su-
jet intéressant d’étude que de se rendre compte des divi-
sions scientifiques qui ont occupé nos prédécesseurs; et la
querelle de Cos et de Cnide, d’Hippocrate et d'Euryphon,
est importante et parce qu’elle est la première que nous
connaissions, et par le fonds même qui la constitue.
On trouve, dans les écrits d’Hippocrate, une foule de
passages où il critique des procédés partieuliers employés
par des médecins de son temps, dans le traitement de
différentes affections. I ἃ assez réfléchi sur les choses
pour ne pas accepter sans jugement les traditions du passé,
ou les exemples de ses confrères; il a assez d'expérience
personnelle pour s'être fait une opinion indépendante sur
les principaux points de la médecine ; et il s'exprime avec
une juste autorité sur ce qu'il approuve ou ce qu'il con-
damne.
Hippocrate est essentiellement praticien ; sien médecine
il ne connaît que Part, du moins il veut que l'art soit traité
scientifiquement, c’est-à-dire qu’en toute occasion on Y ap-
plique l'attention et le jugement !. Quand il recommande de
chercher la solution de certains problèmes de médecine, ce
sont des problèmes relatifs au genre de régime qu'il convient
ï Ἢ, LE. ἢ \ 2 ΞΕ Ὁ FE 7 ne Er re ᾿ ᾿ς De
μοὶ ὁ ἀνόᾶνει μὲν ἐν TUGY τὴ TEYVN πρησεχειν τὸν νοῦν. L
Diæt. in acut., p. 5658, Ed. Bas.
€
472 INTRODUCTION.
de prescrire aux malades dans les affections aiguës ! ; et, s’il
loue la seconde édition des Sentences cnidiennes d’être un
peu plus médicale que la première ?, c’est parce qu’elles en-
trent davantage dans la pratique, et qu’elles sont plus ap-
propriées à l’usage du médecin. Pour lui, la médecine est
toujours l’art ; ce qu’il veut, c’est porter la lumière dans-les
observations recueillies ; c’est saisir les principes généraux
qui guideront la pratique du médecin, et donner à l’art une
assise scientifique : c’est ainsi qu’il s’élève à la science. Son
mérite est grand d’avoir su se renfermer dans cet ordre d’i-
dées ; l’art était encore trop près de l’empirisme dont il sor-
tait, pour avoir des prétentions plus hautes que celles qu’Hip-
pocrate lui attribue ; et ce médecin avait l'esprit trop judi-
cieux pour regarder comme un guide sûr la spéculation
physiologique qui occupa tous les philosophes de son temps,
et pour se jeter dans le champ vide des hypothèses.
Celse ἃ dit qu'Hippocrate , le premier , sépara la méde-
cine de la philosophie 5. L’assertion de l’auteur latin mérite
une rectification. Ce que je viens de dire de la tendance es-
sentiellement pratique et médicale qui se révèle dans les
écrits d'Hippocrate, est véritablement conforme aux dires
de (6156. Cependant, il faut remarquer que le livre des Sen-
tences cnidiennes est antérieur au médecin de Cos, et que
ce livre, bien loin de faire de la médecine une branche de la
philosophie, s’attachait à diviser, en plusieurs espèces, cha-
* Νάλα μὲν οὐδὲ προύάλλεσθαι τὰ τοιαῦτα ζητήματα εἰθισμένο!
εἰσὶν of ἰητροί - ἴσως δὲ οὐδὲ προδαλλόμενα εὑρίσχεται. De Diæt. in
acut., p.308, Ed. Β 451].
2 Ἰητρικώτερον δέ τι ἐπῆλθον. De Diæt. in acut., p. 668, Ed.
Basil.
δ Primus quidem ex omnibus memoria dignis , ab studio sapten-
uæ disciphinam hanc separavit. Lab. 1, in Proœm.
CARACTÈRE MÉDICAL ET STYLE D'HIPPOCRATE. 473
que maladie suivant une méthode qu’Hippocrate n’approuve
pas , mais qui devait être très éloignée des grands systèmes
de physiologie philosophique du temps. Ainsi la médecine
et la philosophie n'étaient pas confondues par Euryphon.
D'un autre côté, Socrate, un peu plus vieux que le médecin
de Cos, avait nettement séparé la philosophie de la méde-
cine, qu’il regardait , avec les mathématiques , comme inu-
tile à un philosophe. De plus, dans aucun écrit d'Hippo-
crate on ne trouve cette séparation exprimée formellement ;
et il faut admettre qu’elle s’est faite sans effort à une époque
où les sciences naturelles se dégageaient peu à peu des anti-
ques philosophies qui les avaient toutes absorbées dans leur
sein, et où la philosophie elle-même, par la voix de Socrate,
circonscrivait avec plus de sévérité son propre domaine.
Galien dit en plusieurs endroits qu'Hippocrate est, dans la
plupart de ses écrits, d’une excessive briéveté 1. Cette re-
marque, pour être vraie, doit être restreinte aux livres
tels que le traité des Humeurs, le traité de lÆliment, le
traité de l'Officine du Médecin, et quelques autres qui ne
sont, à vrai dire, qu'un recueil de notes non rédigées. Les
véritables écrits d'Hippocrate, ceux sur lesquels s’accor-
dent tous les témoignages, par exemple le Pronostic, le 1*
et le 3° livre des Épidémies, le traité des Airs, des Eaux et
des Zieux , n’ont rien de cette excessive brièveté dont on
a fait quelquefois un attribut d’Hippocrate. Le développe-
ment, au contraire, y est ample et complet.
Certains critiques blämaient Hippocrate d’avoir forgé
des mots difficiles à comprendre : « Si, répond Érotien ?,
᾿ Ἱπποχράτης μὲν ἐν τοῖς πλείστοις τῶν ἑαυτοῦ συγγραμμάτων
ἐσχάτως βραχύλογος ὦν. Tom. 1v, p. 11, Ed, Basil.
? Page, Ed. Franz.
474 INTRODUCTION.
« il était le seul ou le premier qui eût fait des mots,
« on lui reprocherait peut-être avec raison cette affectation ;
« mais les anciens avaient l’habitude de telles compositions,
« ainsi qu’on le voit dans les auteurs de la Comédie anti-
« que, dans Démocrite, pour les philosophes, dans Thucy-
« dide et Hérodote , pour les historiens, et dans presque
« toute la série des vieux écrivains. Pourquoi donc repren-
« dre dans Hippocrate ce qui est autorisé dans tous les au-
« tres? D'autant plus qu’il a été homérique dans sa phrase,
« habile à composer des mots, savant dans l’art de rendre sa
« pensée et de choisir les termes les plus convenables parmi
« ceux que l'usage ἃ consacrés. »
L'antiquité a beaucoup admiré le style d’'Hippocrate. Les
grammairiens les plus distingués ont commenté ses œuvres,
et les anciens critiques lui ont accordé , on le voit , qu’ilpos-
sédait un tour et une phrase homériques. Je ne eontredirai
pas en ceci les anciens , qui ont toujours voulu rattacher à
Homère ce qui était grand et beau dans leur littérature ;
mais j'ajouterai quelques considérations qui me paraissent
plus directement applicables au style d’Hippocrate. Pour peu
qu’on s’occupe d’études littéraires, on reconnait combien les
écrivains d’une même époque, quelques sujets qu’ilstraitent,
portent un air de ressemblance et de confraternité : facies
nonomnibus una, Nec diversa tamen. ΤΊ nous reste les écrits
d’un des plus illustres contemporains d’Hippocrate, où la
justesse de cette observation me semble tout à fait vérifiée.
Thucydide ἃ vécu, a écrit en même temps que le médecin
de Cos : plus j'ai médité sur le style de l’un et de l’autre, et
cherché à en pénétrer les procédés, la forme et le sentiment,
plus aussi je me suis convaineu qu'il existait entre ces éeri-
vains une étroite affinité qui dérivait de cette loi, que les au-
teurs d’un même {emps puisent tous à la source commune
CARACTÈRE MÉDICAL ET STYLE D'HIPPOCRATE. 475
de pensées, d'expressions et de style, qui abreuve toute une
époque. Aussi est-ce à Thucydide qu'il faut comparer Hip-
pocrate : des deux côtés un langage grave, un style plein
de nerfs, une phrase qui dit beaucoup, et un usage de la
langue, qui, bien que très travaillé, est cependant moins
assoupli que dans Platon.Hippocrate, quoique maintenu dans
une exposition médicale par cette rectitude du goût grec qui
ne manque jamais d’approprier les mots aux choses, sait
donner du relief et de la couleur à ses peintures. Ces mé-
rites de style s’effacent dans une traduction ; mais ceux
à qui la langue grecque est familière, se complairont à étu-
dier cet antique et pur modèle, sentiront comment l'Io-
nien , flottant et naïf dans Hérodote, est devenu grave et
précis dans Hippocrate, admireront sa phrase claire bien
que pressée, ornée bien que sévère, simple bien qu’élégante,
et se persuaderont par l'exemple même du père de la mé-
decine que le langage de la science a ses règles et ses beau-
tés qui mettent aux œuvres éminentes le dernier trait de
l'excellence.
On a beaucoup écrit sur Hippocrate, et on pourra encore
beaucoup écrire. Les compositions capitales que l'antiquité
nous a léguées, ont cela de caractéristique que l’étudene s’en
épuise jamais , et que la science, à chaque progrès qu'elle
fait, les aperçoit d’un nouveau point de vue et sous un autre
jour. Les travaux de nos prédécesseurs sur ces vieux mo-
numents ne nous dispensent pas de les examiner pour no-
tre propre compte ; car pour nous il y a là aussi une abon-
dante récolte de faits, de pensées , d'indications qui nous se-
ront utiles pour mieux comprendre notre médecine actuelle.
ΤΙ m'importe de résumer ici en quelques mots ce que j'ai dis-
persé dans le courant de cette Zntroduction, et de rappeler
“brièvement les principaux avantages que procure l'étude des
476 INTRODUCTION.
vieux maîtres de l’art. Demander à cette étude un résultat
immédiat, pratique, palpable, si je puis m’exprimer ainsi,
comme celui que procure un livremoderne sur tel ou tel point
de la science, ce serait lui demander tout autre chose que ce
qu’elle peut donner , ce serait en méconnaître la véritable
utilité. On ne doit pas aller, là, apprendre la médecine ;
mais, quand on est pourvu d’une instruction forte et solide,
il faut y chercher un complément qui agrandisse l'esprit,
affermisse le jugement, et montre, dans la tradition de la
science, le travail des générations successives, leurs erreurs
et leurs succès, leur faiblesse et leur force. On y puise re-
connaissance pour les efforts de nos devanciers, assurance
dans les efforts actuels ; car, c’est surtout alors que l’on sent
que la science n’est jamais ni un fruit spontané, ni la créa-
tion d’une époque ou d’un homme, mais un héritage que
nous avons reçu et que nous transmettrons.
Deux choses surtout sont à considérer quand il s’agit de
recommander l’étude des vieux livres et des vieux temps. Ils
fournissent à la fois des faits et des doctrines : des faits sans
lesquels l’enseignement serait incomplet, des doctrines sans
lesquellesnous n’aurions qu’une vue fausse dela culture de la
science. S’ilest vrai que les maladies changent suivant les cli-
mats; si ces modifications frappent de plus en plus les esprits
par leur importance pratique et doctrinale à mesure que la
civilisation s'étend sur les points les plus divers du globe; il
n'est pas moins vrai que les siècles présentent aussi de
grandes différences dans leur physionomie pathologique ,
et que certaines affections s’en vont, tandis que de nou-
velles arrivent sur la scène du monde. Le choléra indien
nous en ἃ fait faire à nous-mêmes une rude et récente expé-
rience. Hippocrate , dans son large et ingénieux système ,
a comparé les âges de la vie humaine aux saisons de lan-
CARACTÈRE MÉDICAL ET STYLE D'HIPPOCRATE. 477
née. Si j'osais limiter, je comparerais les âges de l’histoire
de l'humanité aux climats de la terre. Les uns comme ies
autres ont leurs maladies propres , leur pathologie spéciale.
Or ce n’est que dans les auteurs, vieux témoins de ces
phénomènes passés qui ne doivent peut-être plus se repro-
duire, ce n’est que dans les livres, ‘fidèles dépositaires de
ces antiques observations, que le médecin peut les cher-
cher, les étudier, et arriver à concevoir un ensemble de la
pathologie dont le petit horizon qu'il embrasse ne lui don-
nerait qu'une faible idée. Si par l'étude le médecin doit se
faire cosmopolite, par l'étude 1l doit aussi se faire contem-
porain de tous les âges. Là il prend connaissance de mille
faits qui, sans cela, lui seraient à jamais inconnus; et ce
voyage dans le temps ne lui sert pas moins que ne lui servi-
rait un voyage à travers les continents et les mers.
Voilà pour les faits ; voici pour la doctrine : l’homme qui
réfléchit sur lui-même et sur sa conduite passée trouve un
grand enseignement pour sa conduite future, et dans ce
qu'il a fait de bien , et dans ce qu'il a fait de mal. De même
la médecine ne peut revenir sur son passé sans y recueillir
des leçons pour son avenir. Celui qui explorera avec des
lumières suflisantes l’histoire des théories et de la pratique
de nos prédécesseurs rencontrera des sources fécondes de
savoir. L'étude de l'antiquité ne doit être abordée qu'avec
des connaissances telles qu’on en profite. Là l’ordre logique
est de commencer non par ce qu’il Υ ἃ de plus vieux , mais
par ce qu’il y ἃ de plusrécent. Quand on s’est pénétré de
la science contemporaine, alors il est temps de se tourner
vers la science passée. Rien ne fortifie plus le jugement que
cette comparaison. L’impartialité de l'esprit s’y développe ;
l'incertitude des systèmes s’y manifeste ; l'autorité des faits
s’y confirme, et l’on découvre, dans l’ensemble, un enchai-
478 INTRODUCTION.
nement philosophique qui est en soi une leçon. En d’autres
termes , on apprend à connaître , à comprendre , à juger.
Dans les œuvres d’'Hippocrate bien des germes ont été
déposés qui ont reçu un grand et fécond développement ;
bien des choses ont été dites, qui, depuis, n’ont plus été
répétées avec le même sens et la même grandeur. Et lors-
que le père de la médecine commence ses Æphorismes, en
disant : La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive,
l'expérience trompeuse , le jugement difficile, qui ne se sent
transporté dans un autre ordre d’idées que celui auquel
nous sommes habitués? qui n’entend là un autre langage
que celui qui retentit chaque jour à nos oreilles? qui ne
croit lire, dans cette sentence , à moitié grecque et à moitié
orientale , inscription monumentale inscrite au frontispice
de la médecine, au moment où les portes en sont ouvertes
par une main puissante ?
APPENDICE
A L'INTRODUCTION.
mm DEC mu
$ Ier.
Du dialecte des livres hippocratiques.
Quelque étranger que cet objet soit aux études médicales qui con-
stituent la partie essentielle demon travail sur Hippocrate, je ne puis
cependant me refuser à consacrer quelques pages à cette recherche.
IL m'importe de donner, de mon auteur, un texte aussi correct qu’il
me sera possible; et cette correction embrasse non seulement tout
ce qui peut éclaircir le sens, mais encore tout ce qui rend au style
sa pureté native.
Hippocrate était dorien : pourquoi a-t-il écrit en ionien? L’Ionie
avait de bonne heure fourni des écrivains et des savants ; une bran-
che de la plus ancienne philosophie grecque est appelée branche
ionienne. Naturellement les Ioniens écrivirent dans le dialecte qui
leur était familier. Cette habitude se perpétua; et presque tous les
philosophes, excepté les Doriens de la Grande Grèce et de la Si-
cile, employèrent le dialecte ionien. C’est de ce dialecte que se sont
servis Anaxagore, Parménide, Démocrite, Mélissus, Diogène
d’Apollonie. Il ne faut pas chercher d’autre raison de la préfé-
rence que le dorien Hippocrate donna à l’ionien. On ἃ raconté, il
est vrai, qu’il lemploya pour complaire à Démocrite. Mais en cela
il ne fit que se conformer à un usage qui prévalait de son temps.
L’ionien, dans la période qui a immédiatement précédé le brillant
développement de la gloire littéraire d’Athènés , était la langue de
la philosophie et de la science.
Avant d’essayer de décider quei a été véritablement Fionien
d'Hippocrate, il faut rechercher ce que les critiques grecs ont dit
sur ce sujet. On ἃ vu, dans le chapitre consacré aux commenta-
480 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
teurs , que plusieurs avaient composé un lexique des termes les
plus difficiles employés dans les livres hippocratiques. De ces ter-
mes difficiles, les uns étaient des mots vieillis et tombés en désué-
tude; mais d’autres étaient des locutions particulières aux Toniens.
Ainsi Bacchius nous apprend que le mot ποταίνια est ionien et si-
gnifie tout ce qui se donne en aliment ou en boissons. Le grammai-
rien Xénocrite, un des plus anciens glossateurs d’'Hippocrate , avait
dit que le mot ἀλλοφάσσειν signifie, chez les loniens, non pas un
dérangement de la parole, mais un trouble de l'intelligence; ce sont
là des remarques qui s'appliquent à des locutions locales, et non à
l’ensemble de l’ionisme d’Hippocrate,
Artémidore Capiton, dans son édition si goûtée par l’empereur
Adrien, avait supprimé l’ionisme au moins dans plusieurs cas.
« Qu'il soit permis à chacun , dit Galien * , de suivre l’orthographe
« qui conviendra ; les uns écrivent ὅσησι, par trois syllabes ; les
« autres ὁχόσησι, par quatre syllabes ; d’autres écrivent ὁπόσησι,
« remplaçant le x par ler; c’est ce qu’a fait Capiton dans tous les
« cas semblables. 11 n’importe pas à la science qu’on écrive de telle
« ou telle façon. Je me suis attaché à exposer les leçons qui chan-
« gent le sens; quant à celles qui ne touchent qu'aux mots sans
« toucher aux choses, je les laisse écrire à chacun comme 1] veut.»
Galien ne s’était pas toujours montré aussi dédaigneux du soin
d'étudier le dialecte de son auteur favori , de celui auprès de qui
il se plaisait tant, au milieu d’une décadence qu’il pressentait in-
stinctivement, à réchauffer son génie puissant et son désir actif de
savoir, Par une contradiction avec les paroles que je viens de rapz
porter , il avait étudié lui-même la dialectologie hippocratique.
En parlant d’une certaine locution , 1] dit : « Elle est familière aux
« Attiques dont Hippocrate emploie jusqu’à un certain point le dia-
« lecte. Aussi quelques-uns ont-ils dit qu’il s’était servi de la vieille
« langue aitique. J’ai exposé dans un opuscule à part ce que je
« pense du dialecte d’Hippocrate ". » On le voit, Galien avait com-
posé, sur l’ionisme du médecin de Cos, un petit traité qui nous se-
* Tom. V, p. 442, Ed. Basil.
2 Tom. V, p. 525, Ed. Basil.
DIALECTE 481
rait d’une grande utilité pour toutes les questions relatives à cet objet.
En l'absence d’un document aussi précieux , il ne nous reste que
l'opinion de Galien, qui est que cet ionisme se rapproche, en certains
points, du dialecte attique. Il ne faut pas, suivant Galien lui-même,
chercher dans Hippocrate le pur ionisme d’Hérodote, Cette conclu-
sion ressortira également de l’étude du texte des livres hippocra-
tiques.
Venons aux temps modernes. Les éditeurs, Alde, Cornarius, Mer-
curiali, Foes, Chartier, Mack, Van der Linden, Kübn se sont conten-
tés de reproduire letexte des manuscrits avectoutes les irrégularités ;
de sorte que leurs éditions laissent intactes toutes les questions de dia-
lectologie. Presque à chaque ligne on rencontre des exemples de ces
variations ; je n’en citerai qu’un ou deux, et seulement pour montrer
qu’en ceci les éditions n’ont pas d’autre valeur que les manuscrits.
On trouve dans le livre de l’Ancienne médecine : Alde, χρῶνται,
p- 2, verso, 1. 17, et χρέονται même page, 1. 43 ; même irrégularité
dans l’édition de Bale, p. 4,1. ἀξ εἰ p.5, 1. 25; dans celle de Mercu-
riali, IVeclasse, p.18,1.11,et p.19, L. 33 ; dans celle de Foes, [re sec-
tion, p. 9,1. 8, et p.10,1. 7; dans celle de Van der Linden, p.
15,1. 8, etp. 17,1. 6 ; dans celle de Mack, tom. 1, p. 17, 1. 5, et
p. 18, 1. 25; dans celle de Κύμη, t. I, p. 95, 1. 7, et p. 25, L. 18.
Tandis que le datif pluriel de l’article est le plus souvent τοῖσι, on
rencontrera, dans presque toutes les éditions, à la même place τοῖς.
Ainsi on lit encore, dans le traité de l’Æncienne médecine , τοῖς
ἀχούουσι : dans Alde, p. 2, verso, 1. 25; dans Froben, p. 5, L 4;
dans Mercuriali, IV° classe, p.18, 1. 97 ; dans Foes, fre section, p.
9, 1.21 ; dans Van der Linden, p.15, 1. 32; dans Mack, t. I, p.
47,1.92; et dans Kühn, t. I, p.24, 1. 2, Je n’ai réuni ces particu-
larités que pour montrer que toutes les éditions se sont copiées
l'une l’autre jusque dans les plus petits détails au sujet des 10-
nismes. Et, à leur tour, elles représentent très exactement l’état des
manuscrits. Ainsi le premier χρῶνται est dans tous les manuscrits
de la Bibliothèque Royale, les seuls que j’ai pu consulter, excepté
dans 2955 , qui a ypéwvra; le second χρέονται est dans tous les
manuscrits ; τοῖς ἀχούουσι est également dans tous les manuscrits
que j’ai eus sous la main.
TOM. I. 91
482 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Voici ce que pense Heringa de l'orthographe suivie par les édi-
teurs d’Hippocrate : « L’orthographe qu’ils ont adoptée est partout
«inconstante. Ainsi, dans le traité des Æirs, des Eaux et des
« Lieux , pag. 586, 1. 39 (Ed. de Foes), on lit συστρέφεται, et
« à peu de distance ξυστρέφεται : 1. 27, ouyxuier; p. 294, L 19,
« συμπήξει, mais 1. 18, ξυμπήξει; p. 287, 1. 42, ξυνίσταται,
« mais 1. 46, συνίσταται. Et cependant il n’est pas douteux
« qu'Hippocrate n’ait suivi partout la même écriture. Aussi je suis
« d'avis que, dans les éditions suivantes, s’ily en a, on réta-
« blisse sa véritable orthographe , en écrivant tous ces mots par ἔ ;
« c’est ainsi qu'ont fait tous les anciens , Hérodote, Thucydide, So-
« phocle, etc. Gette faute ἃ été mille fois commise dans Hippo-
«crate, et dans les autres mots l'orthographe n’est pas meilleure.
« Quelquefois vous trouvez σμικρός, d’autres fois μικρός, comme p.
« 989,1. 49, ἕως μικρὰ 7; mais il est clair que le σ a été ab-
« sorbé, et qu’il faut rétablir ici σμικρά aussi bien qu’ailleurs. De
« même, dans le même traité, on donne bien πόλιες et πόλιας; mais
« p. 281, 1. 59, on imprime à tort πόλεων͵, et, dans la même page,
«1. 54, πόλει, tandis que, sans aucun doute , Hippocrate avait écrit
« πολίων et πόλι.
« C’est encore s’écarter de l’ionisme que d’imprimer, p. 643, 1.51,
« ἀφηλικέστεραι, et, p. 1955. F., ἀφηλιχεστέρη, car les [oniens n’ai-
« ment pas ces aspirations dans l’intérieur des mots, et il faut écrire
« ἀπηλιχέστεραι, comme c’est l’usage d’Hérodote. De même, p.
« 288, 1. 11 , et ailleurs, il faut lire ἀπικνέονται, au lieu de ἄφι-
« xvéovrat ( Observ. critic. liber singularis, p. 46, Leovardiæ,
« 1761). »
Heringa pense qu’il serait possible, à l’aide des manuscrits, de
corriger, en beaucoup d’endroits, ces fautes contre l’ionisme , et il
rapporte quelques corrections semblables d’un manuscrit d’Hippo-
crate connu sous le nom de Codex Mediceus.
On voit que l’opinion de Heringa est que les éditeurs futurs des
œuvres d’Hippocrate doivent ramener systématiquement l’ionisme
de cet écrivain à l’ionisme d’Hérodote ; et il indique particulière-
ment le rétablissement des ténues au lieu des aspirées dans intérieur
des mots, et le datif singulier des noms féminins tels que πόλις, où
DIALECTE 483
il veut que l’on écrive, comme dans l’édition d’'Hérodote, & au
lieu de εἰ.
Bosquillon a essayé la restauration de l’ionisme d’Hippocrate.
« ᾿Ἐπεὰν : ionien pour ἐπὰν : je l’ai rétabli quelquefois dans le
« texte, ayant trouvé des traces de cette lecon dans les anciens ma-
« nuscrits; on lit en effet souvent ἐπ᾿ ἂν, ce qui est peut-être une er-
« reur du copiste, pour ἐπεὰν , et ce qui pourrait autoriser à réta-
« blir partout ἐπεὰν dans les livres d’Hippocrate. Beaucoup d’au-
« tres ionismes peuvent être ainsi rétablis, et je l’ai essayé plusieurs
« fois. Si les savants favorisent mes efforts, je rétablirai quelques
« autres ionismes dans l’édition des œuvres d’Hippocrate que je me
« propose de publier ( Hippocratis Aph. et Prænot. lib., Parisiis,
« 1784, t. 11, p. 98). »
Je ne connais aucun exemple, dans les manuscrits, d’éxev.
Quant à l’orthographe ἐπ᾿ ἂν ou ἐπᾶν, que l’on trouve en effet dans
quelques manuscrits, il n’y a rien à en conclure, car on rencontre
aussi, dans certains manuscrits de la Coilection hippocratique, ὅτ᾽
ἂν pour ὅταν, εἱ ἐπειδ᾽ ἂν pour ἐπειδάν.
« Βραχέαι βωὶ un ionisme dont on trouve beaucoup d’ exemples
« dans les manuscrits anciens ; de là un singulier βραχέη͵, et ainsi
« des autres adjectifs du féminin en εἴα ; quelques-uns à tort écri=
« vent sin (Ib., p. 105).
1 cos a admis les autres io suivantes : χενεαγγηΐη, t. 1,
p- 1, τω ὑτέω, p. 4; ἀνατρέψεος, p. 4 ; ξυμπτώσεας, p. 4; κενώ-.
σεες , p. 4; ἀπιγμέναι, p. #; re et ἀχριδηΐην, p. δ᾽ à ἐνδέ-
χεται, p. 6; χινήσεϊ, p. 28; φύσεϊ, p. 50.Je ne connais aucun
exemple, dans les manuscrits hippocratiques | de formes comme
ξυμπτώσεας, χενώσεες, φύσεϊ, ἐνδέχεται. Tout cela est non autorisé.
« Foes, loin de retrancher le y ἐφελχυστιχόν, l’ajoute très sou-
« vent mal à propos, lors même que les mots qui suivent commen-
« cent par une consonne ( [b. p. 122).» Bosquillon supprime par-
tout le v euphonique. Foes n’a fait que suivre les manuscrits,
qui , à aucun âge, ne connaissent la règle du retranchement du ν
euphonique.
Coray ἃ marché dans la même voie que Bosquillon, et l'ionien
auquel 1] a prétendu ramener le texte de la Collection hippocrati-
484 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
que est celui d'Hérodote, sans compter quelques formes homériques
ou poétiques, qu’il a introduites.
« Le v que les grammairiens appellent ἐφελχυστικόν, s’ajoute or-
« dinairement aux troisièmes personnes des verbes , ainsi qu'aux
« datifs pluriels des noms, des pronoms et des participes, toutes les
« fois que les mots qui les suivent commencent par une voyelle.
« Comme les Joniens aiment à s’en passer , témoin les éditions
« d'Hérodote et d’Arétée, j'ai pris le parti de retrancher cette let-
«tre partout; d’autant plus qu’on en trouve dans les manuscrits
« quelques exemples, quoiqu’à la vérité beaucoup moins nombreux
« que ceux des autres ionismes ( Coray , Traité d’Hippocrate , des
« 4115, etc., t. 1, p. 122). »
« Ἀπίχηται : j'ai rétabli partout l’ionisme en conservant la lettre
« π᾿ pour les composés des prépositions ἀπό, ἐπί et ὑπό, comme la
« lettre + pour les composés des prépositions χατά et μετά. Ainsi j’ai
« substitué ἔπυδρος à ἔφυδρος, ὕπαλα à ὕφαλα, χατίζη à χαθίζη,
« μετίσταται ἃ μεθίσταται (Ib., p. 122). »
« Κότερον, j'ai rétabli l’ionisme d’après l’analogie d’éxocx, qu’on
« trouve si souvent dans ce traité, et d’après l’usage constant d’Hé-
« rodote ( Ib., p. 125). »
« Jai substitué le mot ionique δασείη au δασεῖα des autres, et
« j'ai partout suivi la même orthographe pour les noms de cette
« espèce. »
« Gcpurnin, j'ai changé presque partout les terminaisons εἴος,
« ia, etov en #ioc, ηἴη » et riov ( Ib., p. 124). »
« Γίγνεσθαι, les manuscrits et les imprimés lisent tantôt γίγνεσθαι;
« tantôt γίνεσθαι. J'ai partout adopté la première forme comme plus
« ancienne. Il en est de même du mot γιγνώσχω, que je préfère à
« γινώσχω (Ib., p.124). »
« δ᾽ αἱ partout rétabli l’ionien, en substituant ξύν à σύν (Ib., p.
« 195), »
« Κέεται, ce mot, qui revient très souvent, est écrit tantôt χεῖται,
« tantôt χέεται. Je l'ai rétabli partout ( Ib., p. 195). »
« Πόλι, les autres : πόλει. J'ai rétabli partout l’ionisme de ce
« mot, ainsi que des mots δύσις, φύσις, etc. ( Ib., p. 125). » Je ne
DIALECTE 485
connais aucun exemple, dans les manuscrits hippocratiques, de for-
mes semblables à πόλι, φύσι, etc.
« ’Avayxain, les autres : ἀνάγχη. Je n’ai point balancé à rendre
« pärtout à ce mot sa forme ionique, puisqu'on lit plus bas ἀναγ-
« καίων sans variation ( Ib., p. 126). » Je ne connais que deux en-
droits dans les manuscrits qui pourraient autoriser ce change-
ment; c’est ἀναγκαίων, qui se trouve dans le traité des Articu-
lations et dans celui des Æirs , des Eaux et des Lieux , et je
dois ajouter que, pour le traite des Articulations , ἀναγκαίων
se lit avec cette orthographe dans tous les manuscrits ( 2140,
2145, 2141, 2145, 2146) que j'ai pu consulter. Néanmoins je ne
crois pas que cela autorise à introduire la forme d’évayxain. En
effet, ἀναγχαίων est le seul cas où cette forme se rencontre; à tous
les autres cas la forme commune est conservée; de sorte qu’il n’est
guère possible de ne pas admettre que ἀναγκαίων est une orthogra-
phe vicieuse pour ἀναγκέων, génitif£ pluriel à forme ionique qui est
très fréquent dans les livres hippocratiques; faute qui est née de
ce que αἰ se prononce comme ε. Notez que, si ἀναγχαίων était le géni-
ἘΠ pluriel ἀ’ ἀναγχαίη, 1} faudrait écrire ἀναγχαιῶν.
« Χρέονται, les autres : tantôt χρῶνται, tantôt χρέονται; j'ai ré-
« tabli partout l’ionisme(1b., p.126). »
« Ἱρὴν, j'ai rétabli l’ionisme d’après 2146, où, par une distrac-
« tion du copiste, tout le paragraphe avec une partie du précédent est
« écrit deux fois de suite, La première fois il écrit ἱρὴν, et la se-
« conde ἵερήν,, comme on lit aujourd’hui dans tous les imprimés
« (Ib., p. 127). » On sent combien l’exemple de la forme ionique
iphv que Coray emprunte au manuscrit 2146, a peu de valeur.
C’est dans un passage copié deux fois par erreur que ἵρήν se trou-
ve ; je dois ajouter que le manuscrit 2146 est très récent ( du 16°
siècle) et qu’il fourmille de fautes ; on ÿ trouve constamment φύ--
cnos pour φύσιος et φύσηας pour φύσιας, et de même dans tous les
mots de la même déclinaison. C’est manifestement une faute qui
dérive de l’iotacisme. On ne peut donc en aucune façon s’autoriser
du manuscrit 2146 pour introduire la forme tpfv. I n’y ἃ plus, à
ma connaissance , qu’un autre endroit où cette forme se rencontre
dans les manuscrits , c’est dans le manuscrit 2255, On y lit, de la
486 APPENDICE À L'INTRODUCTION.
façon suivante, la première ligne du 5° livre des Épidémies : Πυ-
θιώνιος ᾧχει παρὰ γείσιρον pour Πυθίωνι ὃς ᾧχει παρὰ γῆς ἱρόν. On
trouve en effet ici la forme ionique ἵρόν ; maïs πυθιώνιος et γείσιρον
sont des mots tellement altérés, qu’en vérité il n’y ἃ rien à en con-
clure pour la forme ἕρόν. Ainsi les deux seuls endroits où , dans les
manuscrits, on trouve cette forme , sont entachés de fautes éviden-
tes. L'autorité des manuscrits est donc contraire à l'introduction
de cet ionisme.
«Δυσμέων, j'ai rétabli lionisme;les autres : δυσμῶν (Ib.,p.128).»
« ?Eôvra; ici, comme ailleurs, j’ai rétabli l’ionisme, en substi-
« tuant partout ἐὼν, ἐοῦσα, ἐὸν aux mots ὧν, οὖσα, et ὄν, comme
«aussi ἔωσι à "ὦσι et quelquefois à l’Eüc. Quant à 1 ἢ, 5° personne
« singulier du subjonctif, je n’ai osé le changer en ἔῃ, parce que
« cet ionisme (très rare d’ailleurs chez les écrivains en prose) ne
« se trouve pas une seule fois dans ce traité ( 1b., p.130). »
« ᾽᾿Ἐπιτήδεαι ; les autres : ἐπιτήδειαι ; j'ai rétabli l’ionisme de ce
« mot, qui revient souvent dans ce traité ( Ib., p. 150). »
« Τοῖσι δὲ, pour ne plus revenir à ces minuties, il suffit d’aver-
« tir ici que j’ai partout rétabli lionisme dans les terminaisons des
« datifs pluriels des articles, noms, pronoms et participes, en chan-
« geant "οἷς en otot pour le masculin, et l’a en not, pour le fé-
« minin { Ib., p. 150). »
« Edwdec , les autres : εὐώδη. J’ai partout rétabli cet ionisme,
« en substituant £0ç , ét, ex, ewv aux terminaisons ouç, εἰ, ἢ et ων
(1b., p. 151). »
« Οὐχ οἷόν τε; la leçon fautive de Galien οὐχ οἴονται, nous ἃ du
« moins conservé les traces de l’ancien ionisme, que j’ai rétabli non-
« seulement ici, mais partout où se trouve la particule négative oùy
« (Tb., p. 135). » Je reviendrai sur ce sujet; seulement je remar-
que que l’argument tiré de Galien n’a point de valeur. Les copistes,
ayant mis οἴονται, ont naturellement écrit oùx.
« J'écris ἐς, et j'ai toujours suivi l’orthographe ionique de cette
« préposition ( Ib., p. 136). »
« δ᾽ αἱ rétabli l’ionisme ἔρσεν. Gæt. ἄρσεν ( Ib., p. 145 ). » Je ne
connais aucun exemple de cet ionisme dans les manuscrits des livres
hippocratiques.
DIALECTE 487
« Τὰ σημήϊα; j'ai rétabli l’ionisme. Cæt. σημεῖα ( Ib., p. 144).»
« Jonien rétabli : χοιλιέων. Cat. χοιλιῶν (Ib., p. 144). »
« Ζώειν ; j'ai rétabli l’ionisme d’après la leçon ζῆν des Æphor.,
« 111, 12 ( Ib., p. 146). »
« J’airétabli l’ionisme χαταῤῥόους ; cæt. κατάῤῥους ([b., p. 146)»
« "Eôee , j'ai rétabli l’ionisme (Ib., p. 147). »
« Je lis σχοπεύμενος , pour rendre à ce mot la même forme iont-
« que 4’ ἐννοεύμενος. (εἰ. σχοπούμενος (Ib., p. 149). »
« ᾿Αλληλέων, cet ionisme m’a été fourni par 2146, si ce ἢ ’est
« qu’il lit ἀλλήλεων (Ib., p. 150). »
« Je corrige ὥνθρωποι selon le dialecte ionique pour οἱ ἄνθρωποι.
« (Ib., p. 151). »
« J'ai rétabli le double ionisme μεγάθεα. (δὶ. μεγέθη (Ib., p.
« 151). » Aucun exemple , dans les manuscrits hippocratiques , de
μέγαθος pour μέγεθος.
« J'ai rétabli V’ionisme οὖρος. Gæt. ὅρος (Ib., p.152). »
« J'ai rétabli l’ionisme οὔρεα. Gæt. ὄρη (Ib., p. 152). »
« J'ai rétabli, d’après 2146, Ald., Bas., l’ionisme ἀναπλήσσουσι.
« Gæt. ἀναπλάσσουσι (Ib., p. 153). »
« J’ai rétabli l’ionisme ὥὐτός. Cæt. ὃ αὐτός ( Ib., p. 154). »
« J'écris suivant le dialecte ionique : ἀμελίην. Cæt. ἀμέλειαν
« (1b., p.154). »
« Jai rétabli l’'ionisme μουνοξύλοισι. δῖ. μονοξύλοις ( Ib., p.
« 154). »
« J'écris avec 2146,2255, Ald. Bas. Zving., Martin, διαπλείουσι,
« L. διαπλέουσιν, d’après Foes. Ce dernier désapprouve même la
« première leçon (OEconom. , au mot μονόξυλα ). IL a sans doute
« oublié que Les Toniens, et notamment Homère, prononcent : πλείειν,
« pour πλέειν, πνείειν, pour πνέειν ( Ib., 154). »
« Ἀνδρηΐης; cæt. ἀνδρείης. J'aurais dù préférer l’autre forme io-
« nique dvôpéns, plus convenable aux substantifs, quoiqu’on trouve
« aussi la première dans Hérodote ( Ib., p. 158). »
« Oùôéxore, ionisme rétabli ( Ib., p. 160).
« J'ai rétabli l’ionisme χαυθέωσι. Cæt. καυθῶσι ( Ib., p. 161). »
« J'ai rétabli l'ionisme ξυγχληΐεται καὶ οὐκ ὑποδέχεται. Cæt. ξυγ-
« χλείεται χαὶ οὐχ ὑποδέχεται ( Ib., p. 169). »
488 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
« J'ai rétabli la forme homérique πίειραι, que l’auteur emploie
« souvent dans le livre de Vat. puer. Cæt. πιεραί (Ib., p.162). »
& J’ai corrigé σφέας αὐτέους. Cæt. σφᾶς αὐτοὺς ( Ib.,p. 166). »
« J'ai rétabli Pionisme ἀποδιδόασι, comme on lit plus bas διδόασι.
« Cæt. ἀποδιδοῦσι ( Ibid., p.162). »
Les exemples que je viens de rapporter, prouvent que Coray a
jugé comme devant être rendues à Hippocrate, les formes ioniennes
les plus tranchées, soit qu’elles appartinssent à Hérodote, soit qu’el-
les provinssent d’Homère et des poètes, soit enfin qu’il les jugeât
plus conformes à je ne sais quel idéal qu’il s’était fait de l’ionien.
Mais, en réalité, plusieurs de ses restaurations de ce genre sont
dépourvues de l’autorité des manuscrits ; et il devait presque inévi-
tablement arriver à ce résultat. Car 1] n’y a, pour le livre des Eaux,
des Airs et des Lieux, qu'il a publié, que deux manuscrits dans
la Bibliothèque Royale de Paris. La comparaison des manuscrits a
donc été peu éteudue ; il n’a pas eu occasion de se persuader qu’ils
devaient fournir les bases principales de tout travail sur la dialec-
tclogie d’'Hippocrate; et, en l’absence de documents , 1] s’est fait un
système que l’étude du texte de la Collection hippocratique ne
permet pas d’adopter en tout point.
M. Dietz (‘Inroxpdrouc περὶ ἱρῆς νούσου βιβλίον, p.101, Lipsiæ,
1827 ) a expliqué, de la manière suivante, son système sur l’io-
nisme d’Hippocrate : « Je n’ai pas conservé la leçon ordinaire ἱερῆς,
« mais j'ai donné la forme ionienne de cet adjectif. Ayant pris la
« même liberté dans une foule d’autres passages, je dois compte au
« lecteur de mes motifs, Avant toute chose, il faut remarquer qu’en
« nul autre objet il n’y a eu autant de place pour l'erreur que dans
« la restitution des formes des différents dialectes. La même in-
« constance des formes attiques et ioniennes se trouve dans Hérodote,
« et Gaisford est accusé de lui avoir rendu témérairement des formes
« 1oniennes, par des hommes qui sont timides à corriger les fau-
« tes des bas siècles. Presque à chaque ligne Hippocrate a souffert
« des altérations semblables. Mais qui peut se dire apologiste assez
« inepte de manuscrits récents pour nier qu'Hippocrate, déjà mal-
« traité par Dioscoride et Artémidore Capiton *, ne l'ait pas été en-
* On verra dans le paragraphe suivant que les éditions et les corrections
DIALECTE 489
« core davantage par ces copistes ignorants ? Tout nous interdit
« d’imputer à Hippocrate de si grandes irrégularités, quand bien
« même nous accorderions, qu’à la manière des grands hommes, il
« a eu souvent peu de souci de son expression, Ceux qui préten-
« dent expliquer ces irrégularités par le long séjour que fit Hippo-
« crate parmi les Grecs parlant d’autres dialectes, me semblent aecu-
« ser le divin vieillard plutôt que l’exeuser. S'ils avaient été assez
« heureux pour démontrer leur opinion, j'aurais mieux fait de m’ab-
« stenir d'introduire, dans le texte d’Hippocrate, des corrections con-
« damnées dès lors comme mauvaises et injustes, Mais il importera
« de combattre de telles hypothèses, si, tout en reconnaissant qu’à
« cette époque les écrivains pouvaient se servir, dans la prose, d’un
« autre dialecte que l’ionien , je montre par des arguments mani-
« festes tirés de l’histoire, que c’était celui dont on se servait habi-
« tuellement. En effet, il faut placer vraisemblablement chez les Lo-
« niens, qui précédèrent dans cette carrière les Grecs d'Europe, la
« composition des premiers ouvrages en prose, de même que des
« premières poésies; car on rapporte qu’ils se sont servis, avant
« tous les autres , de l’alphabet ionien , de 24 lettres, lequel n’a été
« reçu par le peuple athénien que sous l’archontat d’Euclide, 405
« avant J.-C.'. Bien que je ne veuille pas considérer Hérodote
« comme le père de l’ionien écrit, cependant on peut croire à l'hon-
« neur dont ce dialecte ἃ joui, si l’on se rappelle qu’Hérodote lut,
«aux jeux olympiens et puis dans la fête des Panathénées, les
« neuf livres de son histoire, aux applaudissements universels de
« la Grèce. Comment nier qu'Hippocrate, qui était presque son
« contemporain, ait employé le même dialecte, d’autant plus qu’on
« retrouve, dans les écrits du médecin de Cos , tant de traces con-
« servées du dialecte ionien ? L’exemple d’Herodote et d’Hippocrate
« qui, bien que Doriens, s’en sont servis ?, montre qu’il a eu la pré-
de Dioscoride et d’Artémidore Capiton n’ont influé que bien peu sur le texte
tel qu’il nous ἃ été transmis par les copistes.
" Wolf., Proleg. , p. 63.
? Hipp., Epist., p. 897. Τῷ γένει μὲν οὖν ἐστι Δωριεὺς, πόλεως δὲ Κῶ.
“ἘΠ. Var. hist. IV, 20. Λέγουσι δὲ Δωριέα ὄντα ἵπποχράτην, ἀλλ᾽ οὖν χαὶ τοῦ
Δημοχρίτου χάριν τῇ ἰάδι φωνῇ συγγράψα: τὰ συγγράμματα.
490 APPENDICE À L'INTRODUCTION,
« férence même d’auteurs qui n’appartenaient pas à cette fraction
« du peuple grec. De plus, Arétée, imitant le style d’Hippocrate et
« d’Homère, ressemble à Hippocrate comme un fils à son père,
« non-seulement par l’esprit et la doctrine, mais encore par le lan-
« gage; et c’est aussi, je pense, pour la même cause , que, bien que
« Cappadocien , il s’est servi du dialecte ionien , voulant, même en
« cela, se conformer à l’image du père de la médecine. Enfin, le
« grammairien Grégoire de Corinthe assure qu’Hippocrate l’a par-
« ticulièrement employé ". Aussi ai-je pensé que, partout où j'avais
« remarqué l’usage d’une forme ionienne dans Hippocrate , je devais
« corriger tous les autres endroits où cette forme ne se trouvait pas.
« Non point que j'aie prétendu, recherchant toutes les formes ionien-
« nes employées à toutes les époques de l'antiquité par tel ou tel
« écrivain, les introduire de force dans Le texte hippocratique ; mais
« j'ai eu la confiance que les hommes doctes qui depuis long-temps
« voudraient être sortis de ces écueils, me sauraient gré d’avoir ré-
« formé le texte sur ce modèle. J'étais entre la crainte et l’es-
« pérance, ne sachant si ceux qui sont compétents en cette matière
« Jugeraïent que j'ai bien ou mal fait, lorsque Coray m’a rassuré
« par son livre que j'ai cité dans ma préface ; j’ai donc suivi un sa-
« vant si illustre, aimant mieux errer avec lui qu’acquiescer, par
« une paresse peu honorable , au silence honteux que beaucoup ont
« gardé sur cet objet. »
Le principe général de M. Dietz ἃ été de rétablir systématique-
ment, dans tous les mots, la forme ionienne, pourvu qu’il en eût
trouvé quelque exemple dans les livres hippocratiques.
« Γίγνεται; la forme attique, usitée par les écrivains attiques ,
« dans laquelle le Ὑ est intercalé, ἃ été restituée par moi partout
« dans ce verbe et dans le verbe γιγνώσχω de même famille ( Ib.,
« p. 107). »
« Αὐτῷ : les pronoms et les adjectifs pronominaux sont écrits par
« les Ioniens avec l’intercalation d’une voyelle, quand la terminai-
« son est longue, orthographe que recoivent les mots χενέος, ἀδελ-
« φέος, etc., et les substantifs appelés περιεχτιχὰ ({ Lobeck, ad.
1 Κέχρηται δ᾽ αὐτῇ ( τῇ ἰάδι) Oungos….., καὶ ἱπποκράτης ὁ ἰατρός, Page
629.
DIALECTE 491
« Phryn., p. 167); les ayant trouvés quelquefois dans Hippo-
« crate, et fatigué de l’irrégularité de nos imprimés, j'allais écrire
«tous ces mots de la même manière. Plus tard je me suis repenti
« de l'avoir fait, Si un jour, par la collation soigneuse de tous les
« manuscrits, je vois moyen de décider cette difficulté, je recom-
« mencerai volontiers tout ce travail, comme Pénélope sa toile (Ib.,
« p. 107). »
« Πουλλά : j'ai partout rendu à Hippocrate la forme ionienne de
« ce mot, laquelle, tout compte fait, j’ai trouvée être même plus fré-
« quente que la forme vulgaire (Ib., p. 119). »
« Μέχρις : Lobeck ( ad Phryn. , p.14), a exposé disertement
« combien il y a eu de différences chez tous les écrivains sur l’or-
« thographe de ce mot, ainsi qued’&ypic, et sur l’addition du sigma,
« et combien cette question ἃ été débattue dans les chaires des gram-
« mairiens, et il a rapporté quelques exemples de l’un et de l’autre
« usage pris dans Hippocrate. En effet, Phrynichus , p. 14, s’ex-
« prime ainsi : Μέχρις et ἄχρις avec le sigma sont d’un mauvais
« usage ( ἀδόκιμαγ; dites μέχρι et ἄχρι. Cette règle ἃ été obser-
« vée dans un manuscritflorentin très bon et très ancien qui contient
« des livres chirurgicaux de Soranus et d’Oribase de la Collection
« de Nicétas; l'éditeur Ant. Cocchi( p. 146, Florent. 1754, fol.)
« en fait la remarque. Je conserverai la leçon des livres, pour
« qu’on ne me reproche pas d’avoir, par une obéissance aveugle pour
« les grammairiens, chassé de force ce sigma (Ib., p. 125). »
« Οὐχ ἅπαξ : j'ai ainsi écrit, et dans deux mots rapprochés
« l’un de l’autre et dans les compositions ; car, dit Grégoire de Go-
« rinthe, p. 195 , les Joniens aiment les ténues (Ib. p.125). »
« Oùv : le ὧν d’Hérodote est complétement étranger à nos livres
« d’Hippocrate ( Ib., p. 158). »
« ᾿Εργασμένους : c’est l’usage des Toniens de supprimer les aug-
« ments (Ib., p. 150). »
« Πλεύμονα : j'ai conservé à Hippocrate cette forme, quoi qu’aient
« dit de cette orthographe les grammairiens modernes et les éditeurs
« de plusieurs écrits (1b., p.171). »
« Σημήϊα : en plus de quarante endroits les livres hippocratiques
« conservent cette orthographe beaucoup plus que pour les autres mots
492 APPENDICE ἃ E’INTRODUCTION.
« de cette espèce, θεραπηΐη,, dont j'ai à peine trouvé dix exemples,
« ἀχρήϊον, de Artic., p.819 (Ib.,175). »
A ce résumé des principaux travaux qui ont eu pour objet la res-
tauration de l’ionisme de la Collection hippocratique, je joins l’opi-
nion d’un homme fort versé dans toute la science de la grammaire
grecque, sur les efforts des auteurs qui, comme Arétée, Arrien, ont
essayé d’écrire en ionien long-temps après que l’ionien était un dia-
lecte mort ; ce jugement n’est pas étranger aux modernes qui
ont voulu appliquer à la Collection hippocratique un ionien que
j'appellerai systématique.
« Un mauvais désir d’imitation a produit τρώὐμα dans Lucien ,
« De Dea Syr. c. 20, et il ne faut pas le changer avec Reitz en
« τρῶμα. On ne peut dire jusqu’à quel point ont perdu leur peine
« ces écrivains postérieurs qui ont essayé de ressusciter l’ionisme,
« je parle de Lucien, d’Arrien, de l’auteur de la vie d’Homére,
« d’Arétée, etc. Ces auteurs ont mêlé, sans aucun choïx, les formes
« des poètes épiques, d’Hérodote, d’Hippocrate , duquel le dialecte
« diffère, beaucoup et dans des choses importantes, de celui d’Hé-
« rodote, et 165 opinions des grammairiens, de sorte que leur style
« n’a aucune couleur originale. Lucien ἃ dit rpwiux, séduit par
« l’analogie du mot θῴώῦμα ; se souvenant d’avoir lu dans Hérodote
« μνέας, il n’a pas craint d’écrire le pluriel μνέες ; ἔσεται, ἔσσεται,
« Mocero, φθέγξατο, ἔμμεναι, ἀπρήχτοιο, doux, ἠέλιος, πάντεσι,
« ἐθέλῃσι sont des formes épiques ; ἴῆτο, 697, ἐσορέης sont des imi-
« tations d’'Hippocrate; xépux, ἀτρεχέει, φαείνεται; ἐπερέεται, ταί,
« érirñen’ont qu’une fausse apparenced’ionisme, Lucien a mis beau
« coup de formes vulgaires , φθορᾷ, τοιᾶδε ; et χέαται, et χέατο que
« l’on lit plusieurs fois au singulier , sont des inventions des gram-
« mairiens , qui , avec une grande sagacité, ont, d’un commun ac-
« cord, déclaré que les terminaisons passives atar et ατὸ sont du
« singulier , et qui, les rencontrant toujours du pluriel dans Ho-
« mère, ont appelé à leur secours une forme pindarique ( Struve,
« Quæstionum de dialecto Herodoti specimen IE, p. 2). »
Je viens de mettre sous les yeux du lecteur la série des opinions
que l’on s’est faites de l’ionien des écrits hippocratiques. Les édi-
teurs des œuvres complètes se sont conformés aux manuscrits , et
DIALECTE 493
ils en ont reproduit toutes les irrégularités. Heringa, le premier,
choqué de ces variations fréquentes dans l’orthographe des mêmes
mots, indique , en quelques lignes , le vice des éditions , et propose
d'y remédier en réformant l’ionisme des livres hippocratiques sur
celui d’Hérodote. C'était un système qu’il proposait, système, 1]
faut le dire, qui ne reposait pas sur une étude assez attentive des
faits, mais qui n’en fut pas moins adopté, et même exagéré par Co-
ray dans son édition du traité des 4irs , des Eaux et des Lieux.
M. Dietz, en publiant le livre de la Maladie sacrée, se conforma
aux principes admis par Coray ; cependant, en avançant dans son
travail, il conçut quelques scrupules sur le droit que pouvait avoir
un éditeur , à faire de si notables changements , et il se réserva
d’examiner plus à loisir les manuscrits pour résoudre les difficultés
que présente l’ionisme des livres hippocratiques. Enfin, M. Struve,
dans un travail spécialement destiné au dialecte d’Hérodote , a été
frappé des différences que cet ionien offre avec celui d’Hippocrate,
ila signalé les inconvénients du systèmede Coray ; il a fait voir com-
bien il était peu sûr de suivre en cela les traces de ceux qui tardive-
ment ont écrit en ionien, comme Arétée, Arrien, Lucien ; il ἃ mis à
découvert les erreurs commises par ces ionisants qu’on pourrait appe-
ler posthumes; et il a fait comprendre la nécessité de ne s’en rap-
porter là-dessus qu’à une comparaison minutieuse et étendue des
manuscrits.
Je nai pu collationner que ceux qui sont dans la Bibliothèque
Royale à Paris. Néanmoins, l’étude que j’ai faite à ce sujet, m’a con-
vaincu qu’en prenant l’édition de Froben ou celle de Foes, et en y
faisant le compte des formes ioniques qui s’y rencontrent , on ob-
tiendrait un résultat que l’examen des manuscrits ne modifierait que
peu sensiblement. Car, je l’ai déjà dit, ces éditions ne suivent au-
cun système, et reproduisent les leçons telles qu’elles les ont trou-
vées dans les manuscrits sur lesquels elles ont été faites; et, à leur
tour , les manuscrits se copient avec une bien grande fidélité, sauf
les erreurs, et sauf encore les cas où un manuscrit est la copie
d’une édition différente dans l’antiquité. Tel est le cas du manu-
scrit 2253 avec tous les autres manuscrits.
Les grammairiens grecs postérieurs ont fait quelques remarques
494 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
sur Les ionismes d’Hippocrate : Grégoire de Corinthe, de Dialectis ,
dit : « Les Ioniens résolvent les génitifs pluriels féminins; pour
« ὡρῶν, Θηδῶν, πυλῶν, 115 disent : ὡρέων, Θηδέων et πυλέων. Ho-
« mère : ὡς εἰπὼν, πυλέων ἐξέσσυτο; εἰ Hippocrate : αἵ μεταδολαὶ
« τῶν ὡρέων τίχτουσ! νοσήματα. » Et ailleurs : « Non-seulement
« aux datifs pluriels féminins ils ajoutent un iota comme aux datifs
« pluriels masculins, mais encore dans la diphthongue αι, ils chan-
« gent « enn, comme Hippocrate : ἐν τῇσι ypovinor λειεντερίησιν
« ὀξυρεγμίη ἐπιγενομένη, πρόσθεν μὴ γενομένη, σημεῖον ἀγαθόν. »
Et ailleurs : « Nous avons dit plus haut que les Ioniens écrivaient
« et disaient ὄφεος et πόλιος ; maintenant nous disons que les Ioniens
« et particulièrement Homère emploient les génitifs communs de ces
« mots, comme ἐξ ἀγροῦ νόσφι πόλιος; et Hippocrate : ὑπὸ φθίσιος
« ἐχομένῳ διάῤῥοια ἐπιγενομένη, θανάσιμος. » Et ailleurs : « Les Io-
« niens disent τάμνειν pour τέμνειν. Hérodote dans le 2e livre :
« τοὺς ἱερέας τοὺς ἐν Αἰγύπτῳ συλλέξαντας πάντας μέσους διατάμνειν,
« et Hippocrate : φλέδα τάμνειν. »
Maintenant il est temps de passer à l'examen des manuscrits. Les
manuscrits dans toutes leurs irrégularités ont été copiés fidèlement
par les premiers éditeurs, Alde, Cornarius, Mercuriali , Foes ; ils
offrent , il est vrai , des divergences que je noterai, mais elles n’af-
fectent pas l’ensemble du résultat, de sorte que l’on peut réelle-
ment prendre une de ces éditions pour base , et examiner l’ensem-
ble des ionismes qu’on y rencontre.
Voici quelques-uns des résultats que j’ai obtenus en compulsant
l'édition de Froben.
PREMIER ET TROISIÈME LIVRE DES ÉPIDÉMIES.
On trouve 34 fois ἐς, 4 fois εἰς; 1 fois ἔσω, 1 fois εἴσω. Il est
clair qu’il faut mettre partout ἐς et ἔσω.
ἢ au lieu de Va dans les noms de la première déclinaison : on
en trouve 282 exemples et seulement 12 fois où l’x est conservé.
ξ au lieu de ç dans la préposition σὺν et ses composés : 86 exem-
ples du ξ et 19 dus.
La ténue devant un esprit rude est partout aspirée : les seules
DIALECTE 495
exceptions sont au nombre de trois : οὐχ ἡμοῤῥάγησεν, Ep. 1. pag.
305, 1. 10 ; οὐχ ὑπέστρεψεν, Ep. IL, p. 325, 1. 55; et οὐχ ὕπνωσε,
p. 320, 1. 6 et1. 9; la ligne d’après on lit οὐχ ὕπνωσε,, et de même
p- 524, L. 48, p. 526, 1. 45. Ainsi ces exceptions sont seulement
des fautes de copiste.
L’adjectif πολὺς est ainsi décliné :
Singul.
N. πουλὺς 5 fois, πολὺς 4; πουλλὴ 1, πολλὴ 13; πολὺ 14; πουλὺ
16.
G. πολλοῦ 2; πολλῆς 35.
D. πολλῷ 11.
Ac. πουλὺν 9: πολὺν 4; πολλὴν δ; πολλὸν 2.
Pluriel.
Ν. πολλοὶ 52, πουλλοὶ 1, πουλοὶ 1 ; πουλλαὶ 1, πολλαὶ 5; πουλλὰ
11, πολλὰ 58.
G. πολλῶν 5.
D. πολλοῖσιν ὅ9, πολλοῖς 21 ; πουλλοῖσιν 6: πολλῇσι 1:
Ac. πολλούς 2.
Conjugaison des verbes en ew : 49 fois la forme contracte ordi-
naire est abandonnée ; 99 fois elle est conservée ; 1] faut observer
que cette supériorité est due au verbe χατενόει répété 56 fois ; ainsi
l'ionisme est suffisamment représenté pour que l’on admette que,
malgré les altérations qu’il a subies en ceci dans le 1“: et Le 3° livre
des Épidémies, la forme ionique doit partout être adoptée.
Datif pluriel masculin ou neutres en σι : la forme ionienne est
ici tellement prédominante que je n’en rapporte pas le calcul.
Il en est de mème du datif pluriel de la 4e déclinaison en n61.
Noms contractes neutres en oç, tels que θέρος : j'ai trouvé 59
exemples où ces noms sont déclinés sans contraction, et pas un seul
cas de contraction.
Le génitif pluriel de la 119 déclinaison est en έων au lieu de ὧν ;
il y en a 4 exemples.
Déclinaison des noms de la 3° en τς : le génitif singulier est τὸς
18 fois; εὡς 1 fois; Le génitif pluriel est τὼν ; le datif singulier est
et, jamais τ 5 le nominatif pluriel est τες 29 fois, jamais εἰς.
L’« est substitué à 1 ἡ dans les mots ἰητρὸς, ἄχρητος, rome, τρη-
496 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
χύφωνος, venviexos, ἦρα pour ἄρα. Il n’y a qu’un exemple 4᾽ ἀχρασίαι.
Adverbes en ἕως pour ὥς : ἀσινέως 1 fois ; πρηέως 3; ἡδέως 1 ;
δαψιλέως 1; ξυνεχέως 2; ἀτρεμέως 2; total 10. La contraction est
conservée dans ξυνεγῶς 2 fois et ἀχριδῶς 1.
Les noms ou adjectifs de la 5° déclinaison en Ὡς, ες , ont la forme
ionienne avec une telle supériorité de nombre qu’il est inutile d’en
rapporter ici le calcul.
La forme ionienne du participe du verbe εἶναι est partout con-
servée excepté une fois.
Ho y est 5 fois ; ἦρος 9; ἔαρ une seule.
Γενοίατο pour γένοιντο y est 4 fois.
Μοῦνον y est 1 fois; μούνοισι 1.
Ov au lieu de o dans νόσος y est 3 fois; la forme ordinaire une
seule.
Νούσημα à différents cas y est 11 fois; νόσημα 11 fois aussi.
Le verbe voséw lui-même et ses composés n’y prennent jamais οὐ
au lieu de o.
Il en est de même des adverbes et des adjectifs ἀνόσως, ἐπινόσως,
ἄνοσοι.
Déclinaison du pronom οὗτος, αὕτη; τοῦτο :
Singulier.
N. οὗτος 9 fois ; αὕτη 1 ; τοῦτο 1.
G. τούτου 3, τουτέου 1.
D. τούτῳ 10; τουτέῳ 3; ταύτη 9.
Ac. τοῦτον À ; ταύτην 1.
Pluriel.
N. οὗτοι 9: αὗται 1 ; ταῦτα 10.
G. τουτέων 95 ; τούτων 29.
D. τουτέοισι 19 : τούτοις 2; τούτοισι 9: ταύτῃσι 1.
Αὐτὸς, αὐτὴ, αὐτό: αὐτὸς 1 fois; αὐτὸ 2 - αὐτὴν 2; αὐτοὶ 2; αὐτὰ
3; αὐτέων 10; αὐτῶν 17: αὐτῇσι 1.
“Ἑωυτοῦ 2 fois ; ἑωυτὴν À fois.
Les adjectifs en υς, eux, υ ne sont pas contractés. On trouve
ὀξέες 3 fois ; πρηέες 1.
On trouve νοῦν 1 fois; περιῤῥόου 1 ; ἄπνοονΊ ; βραχύπνοος 3,
δύσπνοος 1: περιῤῥόῳ 1.
DIALECTE. 497
On trouve ὁχοῖον 1; ὁχόσα 2; που 1 ; ποτε 2; rocov À ; ὅποι 1;
οὐδέπω 1.
᾿Αδελφέοι y est une fois; ὦτα 6; odara 2; αἰεὶ 5 ; ἀεὶ 1 - λίην 15:
λίαν 1; οὖν 16.
Sur les verbes en αὦ, j’ai remarqué ἐδίψων 1 fois ; ἐδίψει 1 ; ἐδίψα
et ses composés 3; διαιτᾶν 1 ; χοιμᾶσθαι 1: ἐχοιμᾶτο 4; punto 1.
Tai trouvé tous les comparatifs en ὧν contractés, Πλείους 6 fois;
μείζους 4; χαχίω 1, etc.
J'ai trouvé πληϊάδα 4 fois, πληϊάδος 2; πλειάδος À ; σημεῖον,
γυναικεῖος, 60petoç , sans n.
J'ai remarqué que ἀλλὰ, lorsqu'il se trouve devant une voyelle,
perd toujours son «, remplacé par une apostrophe.
Le travail de comparaison que je viens de soumettre au lecteur,
je l’ai fait également pour plusieurs autres traités; mais, dans une
édition d'Hippocrate, œuvre qui doit être surtout médicale, il n’y a
pas autant de place qu’on pourrait le désirer pour des questions pu-
rement philologiques. Je m’abstiens donc de rapprocher les compa-
raisons que j’ai faites sur le livre de l’Ært, sur le Pronostic , sur
le traité des Airs, des Eaux et des Lieux , et sur quelques au-
tres; et je me contenterai de remarquer ici les principaux carac-
tères du dialecte d’'Hippocrate.
4°. Le datif pluriel des noms de la 2° déclinaison est en σι.
2. Le datif pluriel des noms féminins est le plus souvent en
not et quelquefois en αἰσι.
5°. Le génitif pluriel féminin de la 19 déclinaison est en ἔων,
4°. Τὴ est substitué à l’« dans les mots comme χαρδίη, etc.
5e. 11 l’est aussi dans les mots comme ἰητρὸς, ἠὴρ, etc.
6°. Hippocrate dit μοῦνος au lieu de μόνος, et νοῦσος au lieu de
νόσος.
T°. Il dit ἐς et non pas εἰς, ξὺν et ses composés, et non pas σύν,
8°. La déclinaison des noms en τς comme φύσις, est : φύσιος, φύ-
, / / ,
GEL, φύσιν, φύσιες, φυσίων, φύσεσι, φύσιας.
de, Les noms neutres en os se déclinent ainsi : εἶδος, εἴδεος, εἴδεϊ,
(ce datif n’est pas constant ), εἴδεα, εἰδέων.
10°. Il en est de même des noms contractes en rc.
11° Les verbes en sw ne sont pas contractés; souvent la forme
TOM. 1. 32
498 AFPENDICE A L'INTRODUCTION.
εὖ est employée au présent et au participe, comme ἡγεῦμαι, ἡγεύ-
μενος. ᾿
195. Hippocrate dit 6x6cot et ὅχοῖος pour ὅπόσοι et ὅποῖος.
13°. Il dit τρῶμα et non τραῦμα.
145. 1] dit σημήϊον pour σημεῖον. Mais du reste l’emploi de cette
forme est éxtrémement borné.
15°. Il dit ἑωυτοῦ et ainsi des autres cas pour ἑαυτοῦ.
16°. Il dit αἰεὶ pour ἀεί.
17°. Le participe présent du verbe εἰμί est toujours ἐὼν, ἐοῦσα,
ἐόν. Il en est de même dans les composés.
18°. Hippocrate use de la ὅς personne du pluriel du parfait pas -
sif, εἰρέαται pour εἴρηνται: ét aussi de la forme γενοίατο pour γέ-
VOLVTO.
Tels sont les principaux caractères de l’ionisme de la Collection
hippocratique. Geux-là ont une constance assez grande pour que,
partout où ils manquent , l'éditeur 5011 autorisé à les restituer systé-
matiquement. Il y ἃ encore diverses formes ioniennes que l’on ren-
contre çà et là dans les livres hippocratiques; mais, tout compte
fait, 11 ne m’a pas été possible de m’assurer si ce sont des formes :
essentielles , ou bien des variétés de langage qu’un auteur peut se
permettre, et que l’on doit surtout attendre dans un dialecte dont
les limites ne sont peut-être pas très précises, ou du moins
ne nous sont pas exactement connues. Ainsi ces formes ioniennes
qui ne me paraissent pas devoir être soumises à une restitution
générale et systématique, je les réserve, et, à cet égard, je
pense qu’il faut s’en référer uniquement aux manuscrits, c’est-
à-dire , accepter ces formes là où les bons manuscrits les don-
nent , et les rejeter là où ils les ometient. IL en résultera
sans doute quelquefois un défaut de régularité; mais ce défaut
est préférable à un arbitraire que rien ne pourrait justifier. C’est
une raison de plus de rechercher et de rapprocher avec soin les
variantes dialectologiques que présentent les manuscrits.
Ainsi le résultat de mon travail sur le dialecte de la Collection
hippocratique est : 15 que certaines formes ionïennes , qué j’ai énu-
mérées , doivent être rétablies partout, avec ou sans l’assentiment
des manuscrits, parce que la fréquence en est telle que l’absence,
DIALECTE. 499
là où elles manquent, n’en peut être attribuée qu’à des erreurs de co-
pistes; 2° que certaines autres formes ioniennes , moins constantes
dans la Collection hippocratique, ne peuvent pas être soumises à
cette règle avec quelque sûreté ; et que, là, 1] faut suivre les irrégu-
larités et les inconstances des manuscrits, ce système ayant moins
d’inconvénients, c’est-à-dire moins d’arbitraire que celui où l’on
restaurérait partout, d’après un type faux peut-être, un ionisme dont
le vrai caractère n’est pas très bien connu dans toutes ses parties.
En effet, où prendre ce vrai caractère? Heringa et Coray ont
pensé qu’il fallait en chercher le type normal dans Hérodote. Or
voici quelques-unes des principales différences que l’on remarque
entre l’ionien d’Hérodote et celui de la Collection hippocratique :
1°. Dans celle-ci les ténues se changent toujours en aspirées de-
vant l'esprit rude; on y lit par exemple constamment ἀφιχνέομαι;
οὐχ οἷος. Hérodote au contraire dit ἀπιχνέομαι et οὐχ οἷος.
2°. Hérodote dit δέχομαι, Hippocrate δέχομαι.
3°. Hérodote emploie l’article au lieu du relatif; Hippocrate ja-
mais.
4°. Hérodote dit ἱρὸς, Hippocrate ἱερός.
5°, Hérodote dit θωυμάζω, Hippocrate θαυμάζω.
6°. L'emploi de la syllabe nt pour εἰ est bien plus restreint dans
Hippocrate que dans Hérodote.
T°. Hérodote dit σὺν en composition et hôrs de composition;
Hippocrate dit ξύν.
8. Hérodote dit ἀπόδεξις, Hippocrate ἀπόδειξις.
Ces différences (et il s’en faut de beaucoup que je les aïe notées
toutes } sont considérables , essentielles ; et 1] est impossible de les
attribuer à des erreurs de copistes. Ainsi, il est démontré que l’ionisme
d’Hérodote diffère de celui d’Hippocrate ; ce serait donc une erreur
en dialectologie , que de vouloir conformer le texte du médecin de
Cos sur celui de l’historien d’Halicarnasse. Il est vrai de dire que
nous ne possédons pas de type sur lequel on puisse se régler pour
restaurer systématiquement l’ionien d’Hippocrate; et c’est à l’étude
et à la confrontation des manuscrits qu’il faut s’en référer.
Ceux qui ont voulu assimiler le texte d’Hippocrate à celui ἃ Ἤέ-
rodote, ont supposé que l’ionien, toujours mis parles grammairiens
500 APPENDICE A L'INTRODUCTION,
en regard des trois autres dialectes, était une forme unique
du langage grec , sans division ni variété; or, cette supposition
est une erreur ; et, du temps d’Hérodote et d’Hippocrate, l’ionien
parlé et par conséquent écrit se divisait, à son tour, en quatre dia-
lectes : « Les Ioniens, dit Hérodote, liv. 1, c. 142, ne parlent pas
« tous le mème langage, mais leur langage a quatre formes parti-
«culières. Milet, la principale de leurs cités , et située vers le midi,
« puis Myus et Priène, toutes trois en Carie, parlent le mêmeidio-
«me. Les cités suivantes qui sont en Lydie, Ephèse, Colophon,
« Lébedos, Téos, Clazomènes et Phocée, ne parlent pas comme les
« cités précédentes , mais parlent toutes de la même manière. Des
« trois autres cités ioniennes dont deux sont insulaires, Samos et
« Chios, et la troisième, Erythres, est continentale , Chios et Ery-
« thres ont la mème langue ; mais les Samiens seuls ont un dialecte
« à part. Tels sont les quatre variétés du langage ionien ( οὗτοι
« χαραχτῆρες γλώσσης τέσσαρες γίνονται). »
Ainsi un témoin irrécusable , Hérodote , celui que les grammai-
riens ont considéré comme la règle de l’ionisme, nous apprend que,
dans la grande confédération ionienne composée de douze cités,
parlant toutes l’ionien, on distinguait quatre variétés de langage,
variétés que l’historien appelle caractères de la langue ionien-
ne. Il y avait donc du temps d’Hérodote et d’Hippocrate une
langue ionienne parlée; et M. Struve remarque avec raison qu’il
ne faut pas entendre ce terme de dialecte ionien comme on le fait
ordinairement quand on y rapporte les formes épiques d’Homère et
d’autres poètes *. Ce dialecte avait à son tour des dialectes. Or, je
pense que nous avons , dans Hérodote et dans Hippocrate, des tex-
tes appartenant à deux dialectes du dialecte ionien.
Hermogène nous apprend que Hécatée de Milet s'était servi d’un
ionien pur et non mélangé comme celui d'Hérodote ". Ainsi voilà un
τ Jonicam dico dialectum non ex communiloquendi ratione , quæ epicas
Homeri aliorumque formas etiam huc retulit. Struve, Quæst, de Dialecto
Herodoti specimen IH, p. 4.
2 Τῇ διαλέχτω δὲ ἀχράτῳ ἰάδι, καὶ οὐ μεμιγμιένῃ χρησάμενος, οὐδὲ χατὸὰ
τὸν Ἡρόδοτον ποικίλῃ. De Form. Orat., lib. τι, Πεοὲ Ἑκαταίου,
DIALECTE. o01
historien qui avait écrit en un ionien différent de celui d’Hérodote ;
ionien plus pur, suivant Hermogène; et pourtant les grammai-
riens se sont généralement accordés pour regarder Hérodote comme
la règle de l’ionien. Je pense qu’en cela ils ont eu tort, et qu’alors
un des dialectes du dialecte ionien n’était pas plus la règle des au-
tes, que l’attique ou le dorien n’était la règle du reste de la lan-
gue grecque.
J'ai montré que l’ionien d’Hippocrate diffère notablement de ce-
lui d’Hérodote et par conséquent de celui d’Hécatée de Milet. Pho-
tius * a remarqué que Ctésias ne se sert pas en tout du dialecte io-
nien, comme Hérodote, mais seulement dans quelques mots; et
qu'il ionise plus dans ses livres sur l’Inde que dans ses livres sur
la Perse, Je suis très porté à croire, d’après cette observation , que
lionien de Ctésias ressemblait beaucoup à celui d’Hippocrate.
Voilà donc, de compte fait, trois ioniens différents, celui d’Hé-
eatée de Milet, celui d'Hérodote, et celui d’Hippocrate. Hérodote
nous apprend qu’il y en avait quatre. Je ne chercherai pas à con-
jecturer ( car il n’y aurait en ceci que des conjectures à faire ) aux-
quels des quatre dialectes ioniens répondent les trois ioniens diffé-
rents d’Hécatée, d’Hérodote et d’Hippocrate. Je remarquerai seu -
lement que, déjà dans l’antiquité, des critiques avaient été frappés
des dissemblances entre l’ionien d’'Hérodote et celui d’Hippocrate.
En effet, Galien dit qu'Hippocrate emploie , jusqu’à un certain
point , le dialecte attique, et il ajoute que, suivant d’autres, la lan-
gue dont il s’était servi était la vieille langue attique 2. Je pense
que ce vieil attique d’Hippocrate est un des quatre dialectes parlés
dans l’Ionie.
Un des résultats les plus certains de J’étude de la Collection hip-
pocratique , c’est que cette Collection n’est toute entière ni du
même temps ni du même auteur. Or , cela étant indubitable, j'avais
eu quelque peine à concevoir comment il se faisait que le dialecte
᾿ Κέχρηται δὲ τῇ ἰωνικῇ διαλέκτω, εἰ καὶ μὴ δι ὅλου, χαθάπερ ἥρόδοτος,
ἀλλὰ κατ᾽ ἐνίας τινὰς λέξεις. — Τὰ ἰνδικὰ ἐν οἷς μιᾶλλον ἰωνίζει, Bibl. p. 66,
Ed. Hoesch.
? Tome v, p. 525, Ed, Basil.
502 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
ionien se trouvait à peu près exactement le même dans des livres
qui provenaient d’auteurs différents. Il me semblait qu’il aurait dû
s’y glisser des disparates, des imitations de l’ionien d’Hérodote,
par exemple, et que les médecins qui, venus après Hippocrate, ont
quelques-unes de leurs œuvres comprises dans la Collection hippo-
cratique , n’avaient pas dü se dévouer à copier minutieusement les
formes de l’ionisme particulier dans lequel Hippocrate avait com-
posé ses livres. Mais, si Hippocrate a écrit lui-même dans une va-
riété, vivante οἱ parlée, du dialecte ionien, ilest tout naturel que
ses successeurs, durant un laps de temps qui ne va pas au delà
d’Aristote, aient écrit identiquement dans la même variété,
puisque c’était un langage parlé; par conséquent il n’y avait rien
à imiter ni à copier pour s’y conformer, ou plutôt la similitude ἃ
dû être d’autant plus complète que, comme l’on sait, rien n’est
moins arbitraire que le langage d’un peuple.
Aïnsi l'étude de la dialectologie de la Collection hippocratique
m'a servi à lever une difficulté que faisait naître la composition de
cette Collection ; et, de la sorte, indépendamment de l'intérêt que
l’éditeur et le lecteur ont, l’un à donner , l’autre à lire un texte
rendu à sa pureté native, cette étude a apporté son contingent d’u-
tilité.
6 IL.
Du texte et des éditions de la Collection hippocratique dans
l'antiquité.
Les éditions imprimées ont été faites sur les manuscrits qui sont
déposés dans les diverses bibliothèques ; ces manuscrits , à leur
tour, ont été copiés sur d’autres manuscrits plus anciens qui ont
été détruits, et ainsi de suite, jusqu'aux copies primitives de la
Collection hippocratique. Mais les manuscrits de la Collection hip-
pocratique qui sont parvenus entre les mains des modernes, ne
remontent pas à une très haute antiquité. Les plus anciens de la
Bibliothèque Royale de Paris ( et encore peu seulement appar-
tiennent à une époque aussi reculée ) sont du dixième siècle après
J.-C. Ainsi il se trouve un grand intervalle de temps pendant
lequel, il est vrai, la Collection hippocratique a été transcrite
TEXTE ET ÉDITIONS ANTIQUES. 503
par les générations successives des copistes, mais duquel il ne
nous reste aucun monument , C'est-à-dire aucun exemplaire qui
nous instruise de l’état du texte. Il est possible cependant, sinon de
combler cette lacune, du moins de recueillir des renseignements
intéressants dans les commentaires composés par Galien sur quel-
ques-uns des écrits de la Collection hippocratique.Galien cite tantôt
des variantes qu’il dit se trouver dans des exemplaires différents de
celui qu’il suit habituellement, tantôt des corrections proposées, soit
par des éditeurs , soit par des commentateurs. A l’aide de ces indi-
cations , consignées dans les livres de Galien, j’ai essayé de dis-
cuter les trois questions suivantes , et d’y répondre :
1°. Les éditions de la Collection hippocratique qui ont été données
dans l’antiquité par quelques critiques, et dont Galien fait mention,
ont-elles laissé des traces dans le texte tel qu’il nous est parvenu ?
2°. À quel texte de l'antiquité répond le texte généralement re-
produit dans nos éditions imprimées ?
9°. Nous reste-t-il quelque copie de ces exemplaires qui, sui-
vant Galien , différaient parfois notablement du texte présenté par
l’exemplaire sur lequel 1] ἃ fait ses commentaires ὃ
Première question. — Trois éditeurs de tout ou partie de la
Collection hippocratique sont mentionnés : Bacchius, Artémidore
Capiton et Dioscoride. Bacchius : avait édité le 3° livre des Épide-
mies. On ne trouve pas de citation qui indique quelles modifica-
tions il avait apportées dans le texte de son auteur. Il n’en est pas de
mème d’Artémidore et de Dioscoride. « Artémidore, surnommé Ca-
« piton, dit Galien 3, a donné une édition des livres d’Hippocraie,
« non-seulement fort goûtée par l’empereur Adrien, mais encore
« estimée aujourd’hui par plusieurs, de même que celle de son
« parent Dioscoride. Tous les deux ont fait des altérations considé-
« rables au texte, et ils ont changé les vieilles leçons, seules con-
«nues des anciens interprètes des œuvres d’Hippocrate. » Pour
reconnaître si ces corrections d’Artémidore et de Dioscoride ont
influé sur le texte tel que nous l’avons, 1] faut comparer les pas-
τ Gal. t. v, p. 433, Ed. Basil,
2 Tome v, p. 4, Ed. Basil.
504 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
sages modifiés par eux avec les passages correspondants de nos édi-
tions imprimées. Dans le traité de la Vature de l’homme , Arté-
midore lisait ainsi : οὗτε γὰρ τὸ πᾶν ἠέρα λέγω τὸν ἄνθρωπον εἶναι,
οὔτε πῦρ, οὔτε ὕδωρ ". Dans nos éditions on lit: οὔτε γὰρ τὸ πάμ-
παν ἤέρα λέγω τὸν ἄνθρωπον εἶναι, οὔτε ὕδωρ, οὔτε γῆν ". Galien
nous apprend que cette dernière leçon était celle de tous les exem-
plaires ; ainsi Artémidore avait supprimé οὔτε γῆν, et cette suppres-
sion ’a pas été admise dans le texte que nous avons.
Dioscoride lisait ainsi un passage du 6° livre des Épidémies :
Woyñs περὶ παντὸς φροντὶς ἀνθρώποις 5. Dans nos éditions ce pas-
sage est : Ψυχῆς περίπατος, φροντὶς ἀνθρώποις #; et Galien nous ap-
prend que telle est l’ancienne leçon. Ainsi, dans ce cas, la correc-
tion de Dioscoride n’a pas été plus admise que précédemment celle
d’Artémidore Capiton.
Les exemples que cite Galien des corrections de Dioscoride et
d’Artémidore, sont multipliés, et néanmoins il dit qu’il en omet
un très grand nombre. Ces corrections sont généralement témérai-
res et non autorisées, quelquefois elles sont ingénieuses. Je ne rap-
_porterai pas ici toutes celles dont Galien fait mention, me réser-
vant de les noter à leur place, dans la série des variantes que j’ai
recueillies ; j’ai voulu seulement montrer dé quelle maniere on pou-
vait reconnaître si Artémidore et Dioscoride avaient eu de l’in-
fluence sur les copistes qui nous ont transmis le texte des livres
hippocratiques. Or, les deux exemples que je viens de mettre sous
les yeux du lecteur, et tous les autres que Galien nous a conservés,
prouvent que cette influence a été nulle; que le texte que nous
avons, provient, non pas des éditions d’Artémidore et de Diosco-
ride, mais d’un texte plus général et plus répandu; que les co-
pistes ne se sont attachés qu’à ce dernier ; que, finalement, les exem-
plaires des éditions d’Artémidore et de Dioscoride ont compléte-
ment péri , et qu’il n’en est pas arrivé de copie jusqu’à nous. Peut-
" Gal.,t. v, p. 4, Ed. Basil.
2 P.419, Ed. Frob.
? Gal.,t.v, p. 512, Ed. Basil.
4 Page 347, Ed. Frob:
TEXTE ET ÉDITIONS ANTIQUES, 505
être le blâme dont leurs travaux ont été l’objet de la part de Ga-
lien, a-t-il contribué à un abandon qui ἃ eu pour résultat la des-
truction de leurs éditions.
Deuxième question. — Galien à commenté un certain nombre
de livres hippocratiques , et, dans ce commentaire, il suit un texte
qu'il explique. De temps en temps il signale des divergences que
présentaient, dit-il, certains exemplaires. Ces leçons qui s’écar-
tent du texte adopté par Galien se retrouvent-elles dans nos édi-
tions ?
On lit dans Galien, commentaire sur le 46° aphorisme de la
45 section ἡ : « La fin de cet aphorisme est écrite de deux manières :
« dans quelques exemplaires, comme mon texte le présente : ἣν δὲ
« μή τι τῶν ξυμφερόντων ἐχχρίνηται. Dans quelques autres la né-
« gation manque , et le mémbre de phrase est ainsi qu’il suit : ἣν
« δέ τι τῶν ξυμφερόντων ἐχχρίνηται. » Si nous recourons à nos in-
primés , nous ÿ trouvons la négation μὴ comme dans le texte suivi
par Galien,
Le même auteur dit, au sujet de l’aphorisme 40 de la 4°
section 3 : « Quelques-uns écrivent cet aphorisme ainsi : ἹἸδρὼς
« πολὺς ἐξ ὑπνοῦ γιγνόμενος ἄνευ φανερᾶς αἰτίας. D’autres écrivent :
« Ἄνευ τινὸς αἰτίης ἑτέρης. » La première leçon, qui est celle du
texte de Galien, est aussi celle de nos imprimés.
Galien , dans son commentaire sur l’aphorisme 35 de la 4° sec-
tion, dit 5 : « Quelques-uns mettent le 31° jour, et d’autres le
34°. » Dans son texte on ne trouve que le 34° ; dans nos imprimés on
trouve à la fois le 31° et le 34°.
ΤΙ dit encore; dans le commentaire du 14° aphorisme de la 4°
section # : « Quelques-uns écrivent ναυτίη au lieu de ναυτιλίη.»
Dans le texte de Galien et dans nos imprimés, il y a ναυτιλίη.
Galien, dans son commentaire sur le Pronostic, présente le texte
du passage relatif aux sueurs, de cette façon 5 : Κάχιστοι δὲ of ψυ--
? Tome v, p. 278, Ed. Basil.
? Tome v, p. 275, Ed. Basil.
* Tome v, p.275, Ed. Basil.
* Tome v, p. 269, Ed. Basil.
ὁ Tome v, p. 150, Ed. Βαβι}.
506 APPENDICE Α L'INTRODUCTION.
χροί τε καὶ μοῦνον περὶ τὴν κεφαλὴν γινόμενοι, καὶ τὸ πρόσωπον, χαὶ
τὸν αὐχένα. Οὗτοι γὰρ ξὺν μὲν ὀξεῖ πυρετῷ θάνατον προσημαίνουσι,
ξὺν δὲ πρηὐτέρῳ μῆχος νούσου - χαὶ οἱ χατὰ πᾶν τὸ σῶμα ὡσαύτως
γινόμενοι τοῖσι περὶ τὴν χεφαλήν. ΟἹ δὲ χεγχροειδέες χαὶ μοῦ-
γον περὶ τὸν τράχηλον γινόμενοι, πονηροί Οἱ δὲ μετὰ σταλαγμῶν,
xat ἀτμίζοντες, ἀγαθοὶ. Κατανοεῖν δὲ χρὴ τὸ σύνολον τῶν ἱδρώτων -
γίνονται: γὰρ οἱ μὲν δι᾿ ἔχλυσιν σωμάτων, οἱ δὲ διὰ συντονίην φλεγ-
μονῆς. Tout cela est parfaitement conforme à nos éditions impri-
mées; on ne lit pas autrement dans Froben ou dans Foes. Mais Ga-
lien, dans son commentaire, n’interprète ce passage que jusqu’à οἵ
δὲ χεγχροειδέες exclusivement, 11 ne donne aucune explication sur
le reste, et il ajoute : « A la suite de ce que je viens d’expliquer, il
« y a quelque chose d’écrit sur les sueurs; mais cela ne se trouve
« pas dans tous les exemplaires ; aussi quelques-uns ont-ils eu rai-
« son de supprimer ces lignes, et cet exemple a été suivi par Arté-
« midore et Dioscoride. » Ainsi, encore ici , le texte de nos éditions
imprimées est conforme à un certain texte que Galien avait sous les
yeux, qu'ici mêmeil condamne , et qui ne s’en est pas moins perpétué
jusqu’à nous. Le texte des autres exemplaires mentionnés par Ga-
lien n’est pas le nôtre. À ce propos, Galien remarque que, au lieu
de: οὗτοι γὰρ ξὺν μὲν ὀξεῖ πυρετῷ θάνατον προσημαίνουσι, Eby δὲ
πρηϊτέρῳ μῆχος νούσου, Dioscoride lisait : Οὗτοι γὰρ θάνατον ση-
μαίνουσιν, à μῆχος νόσου. Galien ne blâme pas cette leçon, il se con-
tente de faire observer que, bien que plus brève que la précédente,
elle présente le même sens. Mais elle est étrangère au texte qu’ont
suivi nos éditions imprimées. Autre exemple, que j'ai noté ici en
passant, quoiqu’il appartienne à la question précédente,
Ainsi, en résumé, les rapprochements que je viens de mettre
sous les yeux du lecteur, prouvent qu’il y avait dans l’antiquité un
texte de la Gollection hippocratique, généralement suivi ; que c’est
à la reproduction de cetexte que les copistes se sont surtout attachés;
qu'après la découverte de l’imprimerie , les premiers éditeurs, hé-
ritiers naturels des anciens copistes , l’ont recueilli fidèlement , et
qu’il figure aujourd’hui dans nos livres imprimes.
C’est dans ses commentaires, riches de tant de savoir, que Ga-
lien nous ἃ fourni ces renseignements intéressants ; 1] est même pos-
TEXTE ET ÉDITIONS ANTIQUES, 507
sible de noter quelques circonstances de plus sur l’état du texte de
la Collection hippocratique dans l'antiquité.
On ἃ vu par ce qui précède que le texte adopté par Galien pour
son commentaire est généralement conforme à celui que nos édi-
tions imprimées représentent ; cependant cette conformité n’est pas
absolue, et j'ai relevé quelques différences qui prouvent que l’édi-
tion suivie par Galien, quoique se rapprochant beaucoup de celle
de nos livres imprimés, n’est pas identiquement la même. Galien,
dans son commentaire sur les Aphorismes, lit l’aphorisme 42 de la
4° section de la manière suivante * : Πυρετοὶ ὅχόσοι μὴ διαλείποντες
χτλ.; et, alléguant ailleurs * cet aphorisme, il le cite dans les mêmes
termes. Or, dans nos livres imprimés, on lit οἵ πυρετοὶ, avec l’ar-
ticle de plus; le reste est semblable. L’aphorisme 55 de la 4° sec-
tion est, dans le texte de Galien : ἱδρῶτες πυρεταίνοντι ". Dans nos
éditions imprimées on lit πυρεταίνουσιν au lieu de πυρεταίνοντι. Ces
deux variétés de lecture se trouvent aussi dans certains manu-
scrits : ot manque dans les manuscrits 2255 et 2219 de la Biblio-
thèque Royale de Paris; et πυρεταίνοντι est dans les manuscrits
1997, 2219 et 2256. Dans son commentaire sur le 1° livre des
Épidémies , il lit un passage relatif aux urines ainsi qu'il suit :
Οὐδὲ χαθιστάμενα, οὐδὲ ὁφιστάμιενα, À σμικρὰ. χαὶ ὠμὰ καὶ κακὰ,
τὰ δὲ ὑφιστάμενα ᾿χαὶ κάχιστα ταῦτα πάντα #. On lit de même
dans le manuscrit 2955, excepté la fin qui est : Καὶ τὰ ὑφιστάμενα᾽
κάχιστα ταῦτα πάντων. Mais nos livres imprimés ont : Οὐδὲν κα-
θιστάμενα, οὐδ᾽ ὑφιστάμενα, οὐδὲ πεπαινόμενα, À σμικρὰ, καὶ καχὰ,
καὶ ὠμὰ τὰ ὑφιστάμενα * κάκιστα δὲ ταῦτα πάντα. On voit, entre
ces deux textes , quelques différences dignes d’être notées.
Je n’irai pas plus loin dans cette comparaison du texte suivi par
Galien et du texte suivi par nos éditions imprimées; elle suffit
pour montrer que ces deux textes, quoique très voisins, offrent ce-
* Tome v, p. 276, Ed. Basil.
3 Tome v, p. 380, Ed. Basil.
3 Tome v, p. 274, Ed. Basil.
4 Dans l’édition de Bale, que j'ai sous les yeux, ταῦτα πάντα ont été
placés dans le commentaire de Galien ; mais évidemment ces mots appar-
tiennent au texte même d'Hippocrate.
508 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
pendant des divergences, qui prouvent que l'édition antique que Ga-
lien avait sous les yeux n’est pas l’édition antique qui a servi d’ori-
ginal aux manuscrits copiés dans nos livres imprimés.
Troisième question. — J'ai rappelé que Galien citait souvent,
à côté de la leçon qu’il adopte, des leçons, souvent très divergen-
tes, qu’il dit se trouver dans d’autres exemplaires que celui qu’il
suit. J'ai montré aussi que dans nos éditions imprimées ces leçons
divergentes n’ont pas été admises. Mais ne nous en reste-il rien, et
de ces exemplaires ( ἀντίγραφα ) , dont Galien fait souvent men-
tion, n'est-il arrivé jusqu’à nous aucune copie 9 Galien, dans son
Commentaire sur le livre des Humeurs, explique un passage diffi-
cile qui est ainsi conçu dans son texte : Of ὕποπτοι τόποι ὑποδεξά--
μενοι πόνῳ ἢ βάρει ἢ ἄλλῳ τινὶ ῥύονται, ἄλλοισιν αἵ κοινωνίαι ". Ce
texte est conforme à celui de nos éditions imprimées. Galien ajoute
qu’il est écrit autrement par Rufus d’'Éphèse, autrement par 88 -
binus, autrement encore par Artémidore, surnommé Capiton 3, Sa-
binus avait formé une seule phrase de ce passage. Artémidore avait
écrit ἢ ἄλλοισι χατὰ τὰς χοινωνίας. La leçon de Sabinus étant une
affaire de ponctuation, les manuscrits ont peu d’autorité sur ce point.
Quant à celle d’Artémidore Capiton , on n’en trouve de traces ni
dans nos éditions imprimées ni dans les manuscrits que j’ai pu con-
sulter.
Il n’en est pas de même de celle de Rufus. Rufus dit qu’il avait
trouvé dans les anciens manuscrits : Ἄλλου τόπου τόποι ὑποδεξά--
μενοι À πόνῳ ἢ ἄλλῳ τινὶ ῥύονται - ἀλλ᾽ οἷαι κοινωνίαι, et il joi-
gnait ces derniers mots à la phrase suivante 5. Cette leçon ne se lit
ni dans nos éditions imprimées, ni dans les manuscrits que j’ai con-
sultés, excepté dans le manuscrit 2255 , où le texte se rapproche
beaucoup de la lecon de Rufus. En effet, ce manuscrit porte :
* Tome XVI, p. 469, Ed. Kühn.
2 ἄλλως γὰρ οἱ κατὰ τὸν Ῥοῦφον τὸν Ἐφέσιον, ἄλλως δὲ οἱ mept τὸν Eabi-
νον, χαὶ ἄλλως πάλιν ἀρτεμίδωρος, ὁ ἐπιχληθεὶς Καπίτων, ἔγραψεν. Tome
XVI, p. 474, Ed. Kühn.
" ὁ μὲν γὰρ Ῥοῦφος φησιν οὕτω ἐν ταῖς παλαιοῖς ἀντιγράφοις εὑρίσκεσθαι,
Tome XVI , p. 474, Ed. Kühn.
TEXTE ET ÉDITIONS ANTIQUES: 509
ἄλλου τόπου οἱ τόποι οὗτοι δεξάμενοι ἢ πόνῳ ἢ βάρει À ἄλλῳ τῳ ῥύονται,
ἄλλοισιν αἵ κοινωνίαι. IL est évident que le manuscrit 2953 repré-
sente ici un de ces anciens exemplaires où Rufus avait lu la variante
qu’il avait rapportée. Ce manuscrit ne contient malheureuse-
ment qu'un assez petit nombre des livres de la Collection hippocrati-
que, mais il me serait facile de réunir ici une foule de leçons , quel-
ques-unes très importantes , lesquelles s’écartent considérablement
du texte de nos imprimés ; et notez qu’elles n’ont rien de commun
avec les corrections d’Artémidore Capiton et de Dioscoride.
ΤΙ me paraît donc que le manuscrit 2253 est le représentant de
ces antiques exemplaires que Rufus avait consultés ; et, à cause des
différences grandes et importantes qu’il présente en plusieurs en-
droits avec le texte ordinaire, je le rapproche de ces autres exem-
plaires que Galien cite fréquemment et qu’il met en regard du texte
suivi par lui dans ses commentaires.
Galien, après avoir rapporté les leçons de Rufus, d’Artémidore
et de Sabinus, ajoute : « Quant à nous, ayant déjà expliqué le sens,
«nous n'avons rien de plus à dire sur la lecture ancienne de ce
« passage . » On pourrait croire par là qu’il attache peu d’impor-
tance à l’assertion de Rufus, qui disait avoir trouvé la leçon par lui
adoptée, dans des exemplaires anciens. Maïs, puisqu'il est vrai
que le manuscrit 2253 présente une leçon voisine de celle de Rufus,
il faut admettre ou que ce manuscrit a été copié d’après une édi-
tion, faite par Rufus, des œuvres d’Hippocrate, ou qu’il a été copié
d’après quelqu'un de ces anciens exemplaires allégués par Rufus
comme son autorité. Or, cette dernière opinion me paraît de beau-
coup la plus probable; car le texte de 2255, quoique ressemblant
à celui de Rufus, présente cependant des différences , et ces dif-
férences, ne permettant pas de croire que ce texte ait été copié sur
celui de Rufus , annoncent que nous avons, dans la leçon du manu-
scrit 2255, une très vieille lecture que Rufus avait modifiée lui-
même ou dont il avait trouvé une variante. Ces différences prou-
vent encore que la leçon du 2253 n’a pas été prise par le copiste
— 4 \ » " e #4 \ -Ὁ- - - 3 4
᾿ Ἡμεῖς δὲ τὴν ἔννοιαν ἤδη ἑρμιηνευσάμενοι, περὶ τῆς παλαιᾶς γραφῆς οὐδὲν
πλέον ἔχομεν εἰπεῖν. Tome XVI, p. 474, Ed. Kühn.
510 APPENDICE ἃ L'INTRODUCTION.
dans le commentaire de Galien sur le livre des Æumeurs, ni,
de là incorporée dans le manuscrit; supposition qui d’ailleurs serait
démentie par l’étude du manuscrit 2255, lequel, présentant de très
notables divergences avec le texte ordinaire de nos imprimés, en
présente par conséquent avec le texte, peu différent, qui a été adopté
par Galien.
Ge détail donne un intérêt et une importance particulière au ma-
nuscrit 2255, lequel se trouve ainsi, dans les bibliothèques moder-
nes, le représentant d’un ancien exemplaire de la bibliothèque de
Rufus, somme, dit Galien, qui s’efforcait toujours de conserver
les anciennes lecons1.
En résumé, il résulte de tout ce qui vient d’être exposé et discuté
dans ce paragraphe, 1° que, dans l'antiquité, il ÿ avait un texte latin
de la Collection hippocratique lequel paraît avoir été plus générale-
ment adopté; 2° que ce texte est, au fond, celui sur lequel Galien a
composé ses commentaires ; et celui qui ἃ été reproduit par la plu-
part des copistes pendant le moyen âge , et, de là, dans nos éditions
imprimées ; 5° que cependant 16 texte de nos éditions et celui qui a
été suivi par Galien, présentent quelques diversités qui, sans être
très considérables, annoncent deux éditions antiques mais peu diffé-
rentes du texte de la Collection hippocratique, et que celle qui a été
transcrite par les copistes du moyen âge et par nos éditions impri-
mées, n’est pas celle que Galien avait sous les yeux ; 4° que les édi-
tions de Dioscoride et d’Artémidore n’ont laissé aucune trace dans les
textes qui sont arrivés jusqu’à nous; 5° qu’à côté du texte sur lequel
Galien travaillait quand il rédigeait ses commentaires , à côté du
texte très semblable à celui-là qui est reproduit dans nos livres im-
primés, à côté des éditions d’Artémidore et de Dioscoride, il se
trouvait des exemplaires qui contenaient des différences de lecture
importantes ét très notables , et que de ces exernplaires nous avons
un représentant dans le manuscrit 2253.
F Avnp φυλάσσειν μὲν ἀξὶ πειρώμενος τὰς παλαιὰς γραφάς. Tome v, p.
488, Ed. Basil.
MANUSCRITS. DA
6 ΠΙ.
Notice des manuscrits de la Collection hippocratique.
Les manuscrits, étant arrivés , par une transmission directe , de
main en main et de copiste en copiste, depuis la haute antiquité
jusqu’au temps présent, sont les pièces originales et authentiques
qui servent nécessairement de base à l’édition originale d’un auteur
ancien. Tant que toutes les variantes qu’ils offrent avec les éditions
imprimées, n’ont pas été recueillies minutieusement et publiées , il
faut toujours que la critique y aille demander des rectifications, des
corrections, des conjectures. C’est à causede leur indispensable utilité
que j’en donne ici une notice quelque peu détaillée. Cette notice ne
comprend que les manuscrits dela Bibliothèque Royaie de Paris; j'ai
pu les consulter à loisir, grâce à l’esprit libéral qui préside à ce
grand établissement, et à la bienveillante complaisance des hommes
savants qui le dirigent.
J’ai rangé les manuscrits, en commençant par les plus anciens,
d’après l’ordre chronologique, c’est-à-dire, d’après le siècle que
leur écriture annonce. Pour cela j'ai suivi les indications que les
bibliothécaires ont placées en tête de chaque volume. Là où ces
indications n’ont pas porté l’âge du manuscrit, je n’ai pas essayé
d’y suppléer, étant trop peu versé dans la paléographie pour le
faire avec quelque sûreté. Les numéros sont ceux que les manuscrits
ont dans le catalogue de la Bibliothèque Royale.
Xe SIÈCLE.
N°'9953.
Galeni varia opuscula quorum index præponitur.
Codex membranaceus decimo sæculo scriptus. In-4°.
Ce volume, qui porte le nom de Galien, ne contient de cet auteur
qu’une portion du traité sur l’Usage des parties. On n’y trouve
pas non plus la table annoncée. Les pages ne sont pas numérotées.
Tout le reste est de la Collection hippocratique, et renferme :
512 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Κῳαχαὶ προγνώσεις. Les Prénotions de Cos , incomplètes dans
presque tous les manuscrits, sont complètes dans celui-ci.
Περὶ πτισάνης.
Περὶ χυμῶν.
Περὶ ὑγρῶν χρήσιος.
᾿Επιθώμιος.
Περὶ τέχνης.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου. Sous ce titre est compris aussi l’opuscule
περὶ διαίτης ὑγιεινῆς, qui, dans l’antiquité, était le plus souvent réuni
au livre de la Vature de l’homme.
Περὶ φυσῶν.
Περὶ τόπων τῶν χατ᾽ ἄνθρωπον.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς.
᾿Ἐπιδημιῶν α΄. 1,6 premier livre des Épidémies est, sansinterrup-
tion, suivi de la premiere phrase du 3° livre. Mais là le copiste s’est
arrêté brusquement, probablement parce que l'original était mutilé
en ce point ; et , fatigué de sa besogne, 1] a témoigné ainsi sa satis-
faction de l’avoir achevée : Ἀμήν, τέλος σὺν Θεῷ τῆς δέλτου.
Ὥσπερ ξένοι χαίρουσιν ἰδεῖν πατρίδα, οὕτως χαὶ οἵ γράφοντες βι-
Ghotou (sic) τέλος. Δόξα τῷ δείξαντι τὸ φῶς. ᾿Αμήν. Τέλος σὺν Θεῷ
τοῦ α΄ λόγου ᾿Ἐπιδημιῶν.
N° 9149.
Codex chartaceus, in-4°, decimi quarti sæculi; Hippocratis
opera , præfixo ad 1118 dictionario alphabetico.
Ce manuscrit est de deux mains, dont l’une est beaucoup plus an-
cienne que l’autre. La plus ancienne m’a paru avoir une grande
analogie avec celle du manuscrit précédent ; la plus récente est sans
doute du 14: siècle. J’ai noté de laquelle des deux mains est cha-
que traité.
Ἱπποχράτους ἅπαντα.
Λεξιχὸν Γαληνοῦ, f. 1, recto ; main récente.
Ἱπποχράτους γένος, f. 12, recto ; id.
“Opxoc, f. 19, verso ; id.
Νόμος, f. 13, recto ; id.
Περὶ τέχνης, f. 15, verso ; id. LE
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, f. 17, recto ; id.
MANUSCRITS. 513
Παραγγελίαι, ἔ. 23, verso; id.
Περὶ εὐσχημοσύνης, f. 25, verso ; id.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 28, recto; id. L’opuscule Περὶ διαίτης
ὑγιεινῆς ne fait qu’un avec le livre de la Vature de l’homme.
Περὶ γονῆς χαὶ παιδίου φύσεως, f. 54, recto ; id.
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 36, recto ; id.
Περὶ ἄρθρων, ἔ. 44, verso; main ancienne sauf queques feuillets.
Περὶ χυμῶν, f. 82, recto ; main ancienne,
Περὶ τροφῆς, f. 86, verso ; id.
Περὶ ἑλκῶν, Ê. 89, verso ; id.
Περὶ ἱερῆς νόσου, f. OT, recto; id.
Περὶ νούσων, quatre livres, f. 107, verso ; id.
Περὶ παθῶν, f. 165, recto ; 1d.
Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν, f. 198, verso; id.
Περὶ διαίτης, trois livres , f. 231; id. Le 5° livre est intitulé διαι-
τητιχὸς γ΄.
Περὶ ἐνυπνίων, f. 268, verso; id.
Περὶ ὄψιος, f. 279, verso ; id.
Περὶ χρισίμων, f. 274, verso ; id.
Awoptouot, ἔ. TT, recto ; id.
Προγνωστιχόν, f. 292, recto ; id.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 502, verso ; main ancienne jusqu’au folio
309 ; à partir de là, tout le reste du manuscrit est de la main récente.
Περὶ φυσῶν, f. 319, recto.
Μοχλιχόν, f. 529, recto.
Περὶ ὀστέων φύσιος, f. 528, verso.
Περὶ ἀγμῶν, f. 335, recto.
Kart’ ἰητρεῖον, f. 547, recto.
Περὶ ἐγκατατομῆς ἐμόρύου, £ 350, verso. Ccmnencement : Περὶ
δὲ τῶν μὴ χτλ.
Περὶ γυναιχείων, deux livres, f. 541, recto.
Περὶ ἀφόρων, f. 406, verso.
Περὶ ἐπικυήσιος, f. 415, verso.
Περὶ ἑπταμήνου, 420, recto.
Περὶ ὀκταμήνου, f. 429, recto.
Περὶ παρθενίων, f. 425, verso.
TOM. 1. 32
514 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 424, recto.
Περὶ ἐγκατατομῆς παιδίου, f, 441, recto. Commencement : Eyxs-
τατομὴν χτλ.
Προῤῥητιχός, deux livres, f. 442, recto.
Περὶ συρίγγων, f. 456, recto.
Περὶ αἱμοῤῥοΐδων, f. 456, recto.
Κῳαχαὶ προγνώσεις, f. 459, recto ; elles sont incomplètes.
᾿Ἐπιδημίαι, sept livres, f. 466, recto.
ἜἘπιστολαί, f. 530, recto.
᾿Επιδώμιος, f. 540, recto.
Πρεσδευτιχός, f. 540, recto.
ψήφισμα, f. 544, verso.
᾿Επιστολαὶ Δημοχρίτου, f. 544, verso.
XII: SIÈCLE.
N° 2998.
Codex partim chartaceus quarti decimi sæculi, partim membra-
naceus duodecimo sæculo scriptus. In-folio.
Γαληνοῦ ἐχ τοῦ Προγνωστιχοῦ Ἱπποχράτους, f. 66. Ceci est dans
la partie qui est en papier.
Θεοφίλου φιλοσόφου ἐξήγησις εἰς τοὺς ᾿Αφορισμοὺς Ἵπποχράτους,
f. 95. Ceci est en papier jusqu’au folio 130, où le parchemin com-
mence à l’aphorisme : Νοσημάτων δχόσων ἀρχομένων ἣν χολὴ μέλαινα
ἢ ἄνω ἢ χάτω ὑπέλθοι, θανάσιμον.
N° 2501.
Codex membranaceus duodecimo sæculo scriptus. Très petit
format.
Irroxpérne Κῷος Πτολεμαίῳ βασιλεῖ χαίρειν , p. 124.Gette lettre
commence ainsi : Τῆς σῆς ὑγείας ὦ βασιλεῦ......
XIIIe SIÈCLE.
N° 396
Codex bombycinus tertio decimo sæculo scriptus. Très petit
format.
Προοίμιον τοῦ Προγνωστικοῦ Ἵπποχράτους, p. 460.
MANUSCRITS. 515
Τοῦ Ἱπποχράτους εἰς τὰς ἡλιχιώσεις τοῦ ἀνθρώπου, p. 707. Ce
fragment , qui commence ainsi : ἑπτά εἰσιν ὧραι 5 est le même frag-
ment du traité des Semaines, que celui qui a été cité par Philon
le Juif.
XIV: SIÈCLE.
N° 2141. In-folio.
Codex chartaceus scriptus circa annum 1345, varià manu.
Ce manuscrit contient : deux feuillets déchirés où il est gestion
des urines ; un index de chapitres imparfait et mutilé ; un lexique
des mots d’Hippocrate , lequel est un abrégé de celui de Galien ;
une table des principaux traités qui sont renfermés dans ce volume ;
le préambule du Glossaire de Galien, et deux figures coloriées, sur
parchemin, qui représentent l’une Hippocrate, et l’autre Alexius
Apocaucus, qui fut grand duc dans l'empire de Constantinople, et
qui est cité par Actuarius.
Au haut du folio 12, en encre rouge et de la main qui a éerit le
manuscrit : Ὦ Χριστὲ, βοήθει μοι τῷ σῷ δούλῳ Ἀλεξίῳ τῷ Πυρο -
πούλῳ.
Ἱπποχράτους γένος καὶ βίος χατὰ Σωρανόν.
Ὅρχος, f. 15.
Νόμος, id.
Περὶ τέχνης, ἴ. 15, verso,
Περὶ ἀρχαίης ἰητριχῆς; ἔ. 17.
Παραγγελίαι, f. 25.
ερὶ εὐσχημοσύνης, ἔ, 27.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 29. Sous ce titre est compris l’opuscule
Περὶ διαίτης ὑγιεινῆς.
Περὶ γονῆς, Ê. 34, verso.
Περὶ φύσιος. παιδίου, verso.
Περὶ ἄρθρων, Ê. 44, verso.
Περὶ χυμῶν, ἔ, ΤΊ.
Περὶ τροφῆς, f. 74.
Περὶ ἑλχῶν, ἔ. T5, verso.
Περὶ ἱερῆς νούσου, f. 80.
[5
τ
Περὶ νούσων, quatre livres, f,
516 APPENDICE A L’INTRODUCTION.
Περὶ παθῶν, 4. 127, verso.
Περὶ ἐντὸς παθῶν, ἔ, 158, verso.
Περὶ διαίτης, trois livres, £. 158, verso.
Περὶ ἐνυπνίων, f. 185, verso.
Περὶ ὄψιος, f. 186, verso.
Περὶ χρισίμων, f. 187. Il y ἃ deux folios 187.
Ἀφορισμοί, f. 188, verso.
Προγνωστιχόν, f. 208.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 215.
Περὶ φυσῶν, f. 298.
Μοχλιχόν, f. 251, verso.
Περὶ ὀστέων φύσιος, f. 256.
Περὶ ἀγμῶν, f. 520.
Κατιητρεῖον ( sic), f. 250, verso.
Περὶ ἐγχατατομῆς ἐμόρύου, f. 252, verso. En voici le commen-
cement (car il y a deux fragments de ce titre) : Περὶ δὲ τῶν μὴ χατὰ
τρόπον χυϊσχομένων.
Περὶ γυναικείων, deux livres, f. 253.
Περὶ ἀφόρων, f. 295.
Περὶ ἐπικυήσιος, f. 502.
Περὶ ἑπταμήνου, f. 506.
Περὶ ὀχταμήνου, f. 508.
Περὶ παρθενιχῶν, f. 509.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 309, verso.
Περὶ ἐγκατατομῆς παιδίου, f. 323. En voici le commencement :
᾿Εγκατατομὴν παιδίου ποιήσεις οὕτως.
Προῤῥητιχὸν ( sic) λόγος, f. 523, verso.
Περὶ συρίγγων, f, 555.
Περὶ pen ΘΝ:
Κῳαχαὶ προγνώσεις, ἔ, 558. IlLen manque une grande partie.
᾿Ἐπιδημιῶν, sept livres, f. 343, verso.
᾿ῬἘπιστολαὶ, dix-huit lettres, f. 590,
᾿Ἐπιδώμιος, f. 396.
Πρεσόευτιχός, f. 396, incomplet.
MANUSCRITS. 517
N° 2141. In-folio.
Codex chartaceus majoris formæ, littera haud antiqua sat eleganti
scriptus.
Ge manuscrit a été copié sur le même original que le n° précé-
dent ; la collation me l’a fait voir ; c’est pour cela que je l’ai placé
ici, quoique l’âge n’en soit pas indiqué.
Ἵπποχράτους λεξικὸν κατ᾽ ἀλφάδητον, f. 1.
Πίναξ, £. 7, verso.
Ἱπποχράτους γένος καὶ βίος κατὰ Σωρανόν, f. 8.
Ὅρχος, f. 8, verso.
Νόμος, f. 8, verso.
Περὶ τέχνης, ἴ. 9.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, f. 11, verso.
Παραγγελίαι, f. 16, verso.
Περὶ εὐσχημοσύνης, f. 18.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 20, y compris le Περὶ διαίτης ὑγιεινῆς.
Περὶ γονῆς, f. 25, verso.
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 2T, verso.
Περὶ ἄρθρων, f. 35.
Περὶ χυμῶν, f. 57, verso.
Περὶ τροφῆς, f. 59, verso.
Περὶ ἑλχῶν, f. 62.
Περὶ ἱερῆς νόσου, f. 65, verso.
Περὶ νούσων, quatre livres, f. TO, verso.
Περὶ παθῶν, f. 109.
Περὶ ἐντὸς παθῶν, f. 117, verso.
Περὶ διαίτης, trois livres, f. 156.
Περὶ ἐνυπνίων, ἔ, 154, verso.
Περὶ ὄψιος, ἴ. 157, verso.
Περὶ χρισίμων, f. 158.
᾿Αφορισμοί, f. 159, verso.
Προγνωστιχόν, f. 167.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 172.
Περὶ φυσῶν, f. 184.
Moy)uxov, f. 180, verso.
Περὶ ὀστέων φύσιος, £ 191, verso.
518 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Περὶ ἀγμῶν, f: 194, verso.
ΚΚατ᾽ ἰητρεῖον, ἔ, 205.
Περὶ ἐγχατατομῆς ἐμόρύου, f. 207. Commencement : Περὶ δὲ τῶν
μὴ χτλ.
Περὶ γυναιχείων, deux livres, f, 207, verso.
Περὶ ἀφόρων, f, 248.
Περὶ ἐπικυήσιος, f. 254.
Περὶ ἑπταμήνου, f. 257, verso.
ερὶ ὀχταμήνου, f. 259.
pt παρθενίων, f. 260.
P
i
ερὶ
ερὶ γυναιχείης φύσιος, f. 260, verso.
ὶ ἐγχατατομῆς παιδίου, ἔ, 275, verso. Commencement : E-
χατατοιλὴν χτλ.
Προῤῥητιχόν, deux livres, f. 274.
Περὶ συρίγγων, f. 285, verso.
Περὶ αἱμοῤῥοΐδων, €. 287, verso.
Κῳακαὶ προγνώσεις, f. 288, verso, incomplètes.
᾿Επιδημιῶν, sept livres, f. 293.
᾿Ἐπιστολαί, f. 5339.
᾿Ἐπιδώμιος, f. 346.
ITpecéeutixos, ἴ. 546.
N° 2955 et 2954.
Ces deux volumes sont la suite l’un de l’autre; le n° 2255 est fe
premier, et le n° 2254 est le second.
Ne 2955. — Codex chartaceus quarti decimi sæeuli, sat bonæ
notæ , licet non admodum antiquus.
C’est un volume petit in-4° de 395 feuillets. Le copiste a écrit
en tête: Τὸ παρὸν βιόλίον περιέχει Ἱπποκράτους λόγους λθ΄, ὧν
τὸν χατάλογον εὑρήσεις ἐν τῷ τέλει τοῦ βιδλίου. Ἄρχονται δὲ ἐξ ἀρ--
χἧς, καὶ τελειοῦνται εἰς τὸν Περὶ προγνώσεως λόγον. Ἔν δὲ τῇ ἀρχῇ
τοῦ βιόλίου τούτου ἔστι τις πίναξ. ὅπως ἂν εὐχερῶς εὕροι τις τὰς
παρ᾽ αὐτῷ ἀσθενειῶν φυσικάς τε χαὶ διαιτητικὰς μεθόδους. Ἔτι
͵
SA Μ \ - La /
ὃὲ ἔστι μετ’ αὐτὸν χαὶ Γαληνοῦ ἐξήγησις τῶν παρ᾽ Ἕπποχράτους
:
πρῶτος.
Πίναξ. Cette table est très détaillée, et mérite tous les éloges que
Le copiste vient de lui donner,
MANUSCRITS. 519
L'œhnvod τοῦ ‘Irroxparous γλωσσῶν ἐξήγησις.
Ὅρχος.
Νόμος.
Περὶ τέχνης.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς.
Παραγγελίαι.
Περὶ εὐσχημοσύνης.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπον,, y compris le Περὶ διαίτης ὑγιεινῆς.
Περὶ γονῆς.
Περὶ φύσιος παιδίου.
Περὶ ἄρθρων.
Περὶ χυμῶν.
Περὶ τροφῆς.
Περὶ ἑλχῶν.
Περὶ τῆς ἱερῆς νόσου.
Περὶ νούσων, quatre livres.
Περὶ παθῶν.
Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν.
Περὶ διαίτης, trois livres. Le 3° livre est intitulé : Διαιτητικὸς
τρίτος.
Περὶ ἐνυπνίων.
Περὶ ὄψιος.
Περὶ χρισίμων ἡμερῶν.
Περὶ ἰητροῦ.
Περὶ σαρχῶν.
Περὶ ὀδοντοφυΐας.
Περὶ ἀνατομῆς.
Περὶ χαρδίης.
Περὶ ἀδένων.
Περὶ τόπων τῶν κατ᾽ ἄνθρωπον.
Περὶ ἀέρων, ὑδάτων τε χαὶ τόπων.
ερὶ ὑγρῶν χρήσιος.
Περὶ χρίσεως.
᾿ἈΑφορισμοί,
ΠΡρογνωστιχόν.
Περὶ NE Sr Υ Ν ᾿ )
EP τῶν ἐν χεφαλη τρωμάτων.
529 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Περὶ προγνώσεως ἐτῶν. Ceci est un fragment, mis hors de sa
place, du traité des irs, des Eaux et des Lieux , et un indice
de la manière dont il arrivait aux copistes de déranger l’ordre d’un
livre et de faire de nouveaux traités.
N° 2254.— Codex Chartaceus eadem manu scriptus.
Même format que le précédent; 387 feuillets.
Le copiste y a mis l’avertissement suivant : Τὸ παρὸν βιθλίον
ἐριέχει Ἱπποχράτους λόγους χη, ἀρχόμενος ἀπὸ Διαίτης τῶν ξέων,
ς ἐστι λόγος μ΄, κατὰ τὴν διαίρεσιν τῶν ἐνθάδε λόγων ; καὶ τελειοῦν--
ται ἐπὶ τῶν ᾿Επιδημιῶν τὸ ἕῤδομον. Ἔστι δὲ ὃ κατάλογος αὐτῶν γε-
γραμμένος ἐν τῷ τέλει τοῦ βιόδλίου. Ἔν δὲ τῇ ἀρχῇ τοῦ βιθλίου ἐστὶ
ὃ λοιπὸς πίναξ ὅπως ἂν εὕροις ῥᾶστα τὰς παρ᾽ Ἱπποχράτει φυσιχὰς
ἀσθενείας, χαθ᾽ ἃ εἰρήκαμεν ἐν τῷ α' τόμῳ " οὗτος δέ ἐστιν 6 δεύτε--
ρος. Εἰσὶ δὲ καὶ ἐπιστολαὶ αὐτοῦ.
πίναξ f. 1.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 12.
Περὶ φυσῶν, ἴ. 55, verso.
Μοχλιχόν, ἴ-.21.
Περὶ ὀστέων φύσιος, Ἐ 5
Περὶ ἀγυῶν, f. 57.
Κατ’ ἰητρεῖον, f. 78.
Περὶ ἐγχατατομῆς ἐμιδρύου, f. 82, verso. Commencement : Περὶ δὲ
τῶν μὴ χτλ.
Περὶ γυναικείων, deux livres, f. 85.
ἀφόρων, f. 158, verso.
om
D
te) leur
πικυήσιος, f. 110, verso.
Mn Mu
πταμίήνων, ἔ. 11, verso.
[ΟἹ
EC
un.
mn
ει
D
Sn tie rl te
ΕΙ ἘΠῚ Εἰ
-ο
ὀχταμήνων, ἔ. 180, verso.
αρθενίων, f. 1892, verso.
©
2
ε)
τῷ
LA LA 22.4
is γυναιχείας φύσιος, f. 185.
n
—
Ὃ
(ηυ
γχατατομῆς παιδίου, Ê. 206, verso. Commencement : Ἔγχα-
τατομιὴν χτλ.
Προῤῥητικὸς λόγος, deux livres, f. 207, verso.
ep: συρίγγων, f. 251, verso.
Περὶ αἱμοῤῥοίδων, f. 254, verso.
\
Κῳαχαὶ προγνώσεις, {. 256.
MANUSCRITS. 521
᾿ῬἘπιδημιῶν sept livres, £. 256, verso.
Ἔπιστολαί, f. 363.
Ce manuscrit, en deux tomes, est le plus complet que la Biblio-
thèque Royale de Paris renferme. On y trouve plusieurs traités qui
manquent dans tous ou presque tous les autres.
N° 2140. In-folio.
Codex non omnino vetus, sat bonæ notæ, quarto decimo sæculo
scriptus.
Trroxpdrous λεξικόν, ἔ. 1. C’est un abrégé de celui de Galien.
“Opxos, f. 8.
Νόμος, f. 8, verso.
Περὶ τέχνης, ἔ: 10, verso.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, Î. 13.
Παραγγελίαι, f. 19.
Περὶ εὐσχημοσύνης, f. 20, verso.
Περὶ φύσιος ἀνθρῴπου, f. 22, verso, y compris l’opuscule Περὶ
διαίτης ὑγιεινῆς.
Περὶ γονῆς, f. 28.
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 50.
Περὶ ἄρθρων, f. 58.
Περὶ χυμῶν, f. 62, verso.
Περὶ τροφῆς, f. 65.
Περὶ ἑλκῶν, f. 67.
Περὶ ἱερῆς νόσου, f. ΤΊ.
Περὶ νούσων, quatre livres, f. 75, verso.
Περὶ παθῶν, f. 117.
Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν, f. 126.
Περὶ διαίτης, trois livres, f. 140.
Περὶ ἐνυπνίων, f. 169.
Περὶ ὄψιος, ἔ, 171, verso.
Περὶ χρισίμων, f. 179, verso.
᾿Αφορισμοί, f. 174.
Προγνωστιχόν, ἔ, 184.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 191. 4 ᾧ 35 Ὲ}
Περὶ φυσῶν, f. 206.
Μοχλιχόν, ἴ, 209.
522 APPENDICE Α L'INTRODUCTION.
Περὶ ὀστέων φύσιος, f. 216.
Περὶ ἀγμῶν, f. 220.
Κατ᾽ ἰητρεῖον, f. 234.
Περὶ éyxurarouc ἐμόρύου, f. 257. Commencement : Περὶ δὲ τῶν.
μὴ κτλ.
Περὶ γυναιχείων, deux livres, f. 258.
ὶ ἀφόρων, f. 291, verso.
=
(Q]
gp
LA
πιχυήσιος, ἔ. 500.
a
do
+ Or er ça”
3
£
€
€
€
πταμήνου, f. 504.
—E-
n°]
ὀχταμήνου, f. 506.
Περὶ παρθενίων, f. 507.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 508.
Περὶ ἐγχατατομῆς παιδίου, f. 323, verso. Commencement :’Eyxa-
m
TD
τατομὴν XTÀ.
Προῤῥητιχόν, deux livres, f. 524, verso.
Περὶ συρίγγων, f. 555, verso.
Περὶ αἱμοῤῥοΐδων, f. 340, verso.
Kouxat προγνώσεις, ἔ. 342, verso. Mutilé au même endroit que
dans les autres manuscrits,
᾿Ἐπιδημιῶν, sept livres, f. 349.
᾿ῬἘπιστολαὶ, f. 414.
Ψψύήφιομα, f. 425.
᾿Επιδώμιος, f. 424.
Le discours de Thessalus intitulé Πρεσδευτικὸς manque.
N° 9145. In-folio.
Codex chartaceus quarti decimi sæculi. Hippocratis opera ; libri
sexaginta; initio index operum et lexicon hippocraticum ordine
alpbabetico.
Λεξιχὸν, f. 1.
ἽἹπποχράτους γένος χαὶ βίος, ἴ. 10.
Opxoc, f. 11.
Νόμος, f. 11, verso.
Περὶ τέχνης, f. 12.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, ἴ. 15, verso.
Παραγγελίαι, ἔ. 21, verso.
Περὶ ΞὐσῚ “ἰλησύν Ἂς f 95
éple SJ. 149GU0VAS, E, ZO.
MANUSCRITS.
523
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 25 ; y compris l’opuscule Περὶ διαίτης
ὑγιεινῆς.
Περὶ γονῆς, f. 51.
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 52, verso.
Περὶ ἄρθρων, f. 59, verso.
Περὶ χυμῶν, f. 62.
Περὶ τροφῆς, f. 65 , verso.
cet ἑλκῶν, f. 67.
Περὶ ἱερῆς νόσου, f. 71, verso.
Περὶ νούσων, quatre livres, f, T6, verso.
Περὶ παθῶν, f, 111, verso.
Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν, f. 118, verso.
Περὶ διαίτης, trois livres, f. 156.
Περὶ ἐνυπνίων, ἔ, 155, verso.
Περὶ ὄψεως, f. 158.
Περὶ χρισίμων, ἔ. 159.
᾿Ἀφορισμοί, f. 160, verso.
Προγνωστιχόν, ἔ, 169.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 175, verso.
Περὶ φυσῶν, f. 192.
Μοχλιχόν, ἔ. 195, verso.
Περὶ ὀστέων φύσιος, ἔ. 201, verso.
Περὶ ἀγμῶν, f. 205, verso.
Κατ᾽ ἰητρεῖον, 219.
Περὶ ἐγκατατομῆς ἐμιρύου, f. 991, verso, Commencement :
s\ Led \
δὲ τῶν μὴ χτλ.
Γυναιχείων, deux livres, f. 222.
Περὶ ἀφόρων, f. 267.
Περὶ ἐπικυήσιος, f. 275.
Περὶ ἑπταμήνων, f. 278, verso.
Περὶ ὀχταμήνου, f. 280, verso.
Περὶ παρθενίων, f. 281, verso.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 282.
Περὶ
2tÀ.
Προῤῥητιχός, deux livres, f. 298, verso.
! ἐγχατατομῆς παιδίου, f. 298. Commencement : ᾿Εγχατατομὴν
524 APPENDICE ἃ L'INTRODUCTION.
Περὶ συρίγγων, f. 311, verso.
Περὶ αἱμοῤῥοΐδων, ἔ, 314.
Κῳαχαὶ προγνώσεις, f. 515, mutilées au même endroit que les
autres. ν᾿
᾿Επιδημιῶν, sept livres, f. 521.
᾿Ἐπιστολαί, f. 375.
Α la suite se trouve, sans titre et d’une main différente, un lexi-
que médical qui est un fragment de l’Onomasticon de Pollux.
N° 2145. In-folio.
Hippocratis opera, libris sexaginta comprehensa, cum indice et
lexico alphabetico. Codex chartaceus quarti decimi sæculi.
Πίναξ, f. 1.
Λεξιχόν, f. 2.
Ἱπποχράτους γένος χαὶ βίος κατὰ Σωρανόν, f. 13.
Ὅρχος, f. 14.
Νόμος, f. 14, verso.
Περὶ τέχνης, f. 15.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, f. 19, verso.
Παραγγελία!, f. 28, verso.
Περὶ εὐσχημοσύνης, f. 51.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 34, y compris Περὶ διαίτης ὑγιεινῆς.
Περὶ γονῆς χαὶ παιδίου φύσιος, Ê. 43.
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 46, verso.
Περὶ ἄρθρων, f. 58.
ερὶ χυμῶν, f. 96, verso.
ὶ τροφῆς, ἴ. 100, verso.
ἑλχῶν, f. 102, verso.
γούσων, quatre livres, f. 116, verso.
παθῶν, f. 175.
τῶν ἐντὸς παθῶν, f. 188, verso.
ὶ
\
ι
Περὶ ἱερῆς νόσου, f. 108, verso.
ὶ
\
ιαίτης, trois livres, f. 217.
Περὶ ἐνυπνίων, f. 24T, verso.
HE \
om
"OL
«-
νυ ὧ7
ερὶ ὄψιος, f. 251, verso.
Ἠερὶ χρισίμων, (. 255.
᾿Αφορισμοί, f. 255.
MANUSCRITS. , 9
Προγνωστιχόν, f. 268, verso.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. ATT, verso.
Περὶ φυσῶν, f. 298.
Μοχλιχόν, f. 505.
Περὶ ὀστέων φύσιος, f. 512.
Περὶ ἀγμῶν, ἐ. 517, verso.
Κατ᾽ ἰητρεῖον, f. 866, verso.
Περὶ ἐγκατατομῆς ἐμόρύου, f. 540. Commencement : Περὶ δὲ τῶν
μὴ κτλ.
Περὶ γυναιχείων, deux livres, f. 541.
Περὶ ἀφόρων, f. 409,
Περὶ ἐπικυήσιος, f. 420, verso.
Περὶ ἑπταμήνου, f. 426, verso.
Περὶ ὀχταμήνου, f. 499.
Περὶ παρθενίων, f. 430, verso.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 451, verso.
Περὶ ἐγκατατομῆς παιδίου, f. 459, verso. Commencement : Ἔγχα-
τατομὴν χτλ,
Πρόῤῥητιχός, deux livres, f. 455, verso.
Περὶ συρίγγων, f. 475.
Περὶ αἱμοῤῥοΐδων, f. 476.
Κῳαχαὶ προγνώσεις, f. 477, verso; mutilées au même endroit
que les autres.
᾿Επιδημιῶν, sept livres, f. 487.
᾿ῬἜἘπιστολαί, f. 575.
’Ex6bouoc, f. 587.
Πρεσόευτιχός, f. 587.
N°2002.
Galeni et Hippocratis opuscula varia, quorum index initio codicis
præponitur. Codex chartaceus, quarti decimi sæculi, sat male
scriptus.
Ce volume, qui porte sur la couverture : Ex τῶν τοῦ Γαληνοῦ β,
renferme, non pas les traités textuels d'Hippocrate et de Galien, mais
seulement des extraits fort courts de chacun de ces traités ; de sorte
que ce manuscrit est de très peu d'importance pour la collation des
textes. Je ne note que ce qui est relatif à Hippocrate,
526 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Περὶ τέχνης, {. 204.
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, f. 204, verso.
Παραγγελίαι, f. 205, verso.
Περὶ εὐσχημοσύνης, f. 206.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 206.
Περὶ γονῆς καὶ φύσιος παιδίου, f. 208.
Περὶ ἄρθρων, f. 210, verso.
Περὶ χυμῶν, f. 215.
Περὶ τροφῆς, f. 2153.
Περὶ ἑλχῶν, f. 215, verso.
ept ἱερῆς νούσου, f. 213, verso.
Περὶ νούσων, quatre livres, f. 216.
Περὶ παθῶν, f. 222.
Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν, f. 295.
Περὶ διαίτης, trois livres, f. 224, verso.
Περὶ ἐνυπνίων, f. 227, verso.
Περὶ ὄψιος, f. 250.
Περὶ χρισίμων ἡμερῶν, f. 250, verso.
Περὶ διαίτης ὀξέων, f. 251.
Περὶ φυσῶν, f. 256.
Μοχλιχόν, f. 257.
Περὶ ὀστέων φύσιος, f. 259.
Περὶ ἀγμῶν, f. 259, verso.
Περὶ ἐγκατατομῆς ἐμόρύου, ἔ. 241.
Περὶ γυναιχείων, deux livres, f. 241.
Περὶ ἐπιχυήσιος, f. 248, verso.
Περὶ παρθενίων, f. 249, verso.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 250, verso.
Προῤῥητιχός, deux livres, f. 251, verso.
Περὶ συρίγγων, f. 262, verso.
Περὶ αἱμοῤῥοΐδων, f. 262.
Κῳαχαὶ προγνώσεις, ἔ. 265. L’extrait ne comprend rien des par-
ties qui manquent, ainsi que je l'ai noté, dans tous les manuscrits de
la Bibliothèque, moins deux.
᾿Ἐπιδημιῶν βιδλία, f. 207.
᾿Ἐπιστολαί, f. 277.
MANUSCRITS. 597
Σχόλιον ἐς τὸ Προγνωστιχόν, f. 278.
N° 2299, In-folio.
Codex bombycinus quarti decimi sæculi.
Ce volume a ce qui suit de relatif à Hippocrate.
᾿Επιστολὴ Ἱπποχράτους, ἄλλοι δὲ Διοχλέους, πρὸς Πτολεμαῖον, f.
25. En voici le commencement : Ἐπειδή σοι συμδαίνει μουσικώτατε
βασιλέων πάντων γεγονέναι.
ἹἹπποχράτους προγνωστιχόν, ἔ. 26. Ce n’est qu’un extrait.
Fragments des Æphorismes et des Epidémies, f. 35, verso.
N° 1868. In-folio.
Varia variorum opuscula. Codex chartaceus quarti decimi sæculi.
Voici ce qui appartient à Hippocrate dans ce volume.
I se trouve f. 568, 11 lignes après lesquelles 1l y a : Τέλος Περὶ
φύσιος ἀνθρώπου. Auparavant il y ἃ plusieurs feuillets blancs. Ce
sont plusieurs lignes du traité de la Nature de l'homme, le senl
fragment qui en reste dans ce manuscrit.
Περὶ γονῆς, ἔ. 568.
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 569, verso.
Περὶ ἄρθρων, f. 575, verso.
N° 1297. In-4.
Codex chartaceus quarto decimo sæculo scriptus.
Ce manuscrit, en général très correct, contient des leçons qui
sont différentes des lecons vulgaires, et qui souvent coïncident avec
le texte suivi par Galien.
ΤΙ contient d’Hippocrate :
Agoptouo!, Î. 65.
N° 29256. In-4°.
Codex chartaceus quarti decimi sæculi.
ἽἹπποχράτους ἀφορισμοί.
ΤΙρογνωστιχόν.
Περὶ γονῆς. Ce n’est qu’un fragment de ce traité.
N° 2287. In-4°.
Ce volume renferme relativement à Hippocrate :
Kara στοιχεῖον λεξιχὸν εἰς τὰς Ἱπποχράτους λέξεις, f. 191. C'est
un abrégé du Glossaire de Galien.
Περὶ ἑλκῶν, f. 214, verso.
528 APPENDICE À L'INTRODUCTION.
N° 2178. In-folio.
Codex chartaceus quarti decimi sæculi.
Ce volume ne contient que des fragments des Æphorismes rela-
üfs aux fievres.
N° 2755. In-4°.
Codex chartaceus quarti decimi sæculi.
nrroxpérous ἐπιστολαί, f, 161.
N° 2508. In -quarto.
Codex chartaceus sat vetus, quarti decimi sæculi.
ἽἹπποχράτους περὶ οὔρων, f. 12, verso. Ce morceau commence
ainsi : Ὁχόσοις οὖρα παχέα, θρομδώδεα, ὀλίγα οὖκ ἀπυρέτοις, πλῆθος
λεπτῶν ἐλθῶν (sic) x τούτων ὀφελέει χτλ. IL y ἃ à la fin : Τέλος τῶν
ἐκ τοῦ Ἱἱπποχράτους Περὶ οὔρων. Cette première phrase que je viens
de rapporter, appartient aux Prénotions de Cos, et se trouve p.
445, 1. 14, Ed. Frob. C’est un centon semblable aux compilations
intitulées Περὶ χρίσεων, Περὶ χρισίμων, et qui aurait aussi bien pu
trouver place dans la Collection hippocratique.
Un autre morceau est indiqué dans l’index de ce manuscrit sous
le titre de : Anonymus de Sudoribus. Ce morceau est mutilé et
commence ainsi : Κοῖλα διαχωρήματα, χρονιώτερα μὲν τούτων " ὁλί-
γον δὲ ὀλέθριά εἶσι τὰ ξυσματώδεα, τὰ χολώδεα χτλ. C’est encore nn
fragment de la Collection hippocratique.
N° 35047. In-4°.
Codex chartaceus vetus (quarti decimi sæculi).
ἹἽἹπποχράτους ἐπιστολαί, f. 5.
N° 9515. In-4°.
Codex chartaceus scriptus anno Christi 1384.
Ἱπποχράτους ἐπιστολὴ πρὸς Πτολεμαῖον βασιλέα Περὶ κατασχευῆς
ἀνθρώπου, p. 282. Les premiers mots sont : Συνέστηχεν ὃ κόσμος
ἐχ στοιχείων δ΄.
N° 2047. In-4°.
Codex chartaceus quarti decimi sæculi.
ἹἹπποχράτους ἐπιστολὴ πρὸς Πτολεμαῖον βασιλέα Περὶ κατασχευῆς
ἀνθρώπου, f. 13, verso. Premiers mots: Συνέστηχεν ὃ χύσμος ἐχ
στοιχείων τεσσάρων.
Ἵπποχράτους 8oxoc, f. 16.
f 2x06,
MANUSCRITS 599
Ce volume renferme le livre de Paul d’Egine. On lit à la fin ce
distique, £. 502, verso :
Οὔνομά μοι Παῦλος πατρὶς Αἴγινα - πολλὰ μογήσας
Πᾶσαν ἀχεστορίην βίόλον ἔτευξα μίην.
N° 2266. In-#.
Codex bombycinus quarti decimi sæculi.
Galeni in Prognostica Hippocratis, libri tres.
ÆEjusdem in libros vit Aphorismorum Hippocratis.
XV°< SIÈCLE.
N° 1884. In-folio.
Codex chartaceus manu Manuelis Gregoropyli , anno 1405
scriptus.
Hippocratis Prognostica, f. 78, verso.
— de febribus. C’est un centon, f. 99, recto.
Epistola ad Ptolemæum regem, f. 95.
-- Aphorismi cum commentario, ἔ, 158.
N° 5050. In-&.
Codex membranaceus vetus ( quinti decimi sæeuli ).
Ἱπποχράτους ἐπιστολαί, f. 107.
XVE SIÈCLE.
N° 2146. In-folio.
Hippocratis opera. Codex sat vetus ( chartaceus, sexto decime
sæculo scriptus).
En tête de ce volume se trouve une table qui ne répond pas au
contenu du manuscrit, mais elle mérite d’être mentionnée ici, ayant
été sans doute copiée sur quelque index beaucoup plus ancien. En
effet, elle contient le titre de deux traités perdus , des Semaines, et
des Blessures dangereuses , indication de trois livres seulement
des Maladies , et plusieurs titres qui probablement sont des cha-
pitres érigés par les copistes en traités séparés. Voici cette table
copiée avec ses fautes :
Ta δὲ ἔνεστιν. “Irroxpatouc βιδλίον πρῶτον δ΄ Opxos. Νόμος.--Ἀφο-
ρισμοί. — Προγνωστιχόν. --- Κατ’ ἰητρίον. ---- Περὶ ἀχμῶν. --- Περὶ
ἄρθρων. — Περὶ τῶν ἐν χεφαλὴ τρωμάτων. ---- Περὶ ἀέρων, τόπων,
TOM. I. 34
530 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
ὁδάτων. — ᾿Ἐπιδημιῶν à, β΄, γ΄, δ΄, ε΄, ς΄, ζ΄. — Περὶ φύσεως àv-
θρώπου. --- Περὶ φύσεως παιδίου. ---- Περὶ φύσεως γονῆςς.---- Περὶ ἐπι-
χυήσιος.---- Περὶ ἑπταμήνου.--- Περὶ ὀχταμήνου. — Περὶ παρθένων.
— Περὶ γυναιχείης φύσιος. --- ἹΠερὶ ὀδοντοφυίης. --- Περὶ τόπων τῶν
κατ᾽ ἄνθρῶπον. — Περὶ γυναικείων, αἰ, β΄. — Περὶ ἀφόρων. — Περὶ
ἐγκατατομῆὴς πα!δίου.---- Περὶ ὑγρῶν χρήσιος.--- Περὶ τροφῆς.--- Περὶ
ed / ! ! ! ἢ /
διαιτητιχῶν, α΄, β΄, γ΄, δγιεινόν. — ITept νούσων α΄, β΄, γ΄. — Περὶ
παθῶν. --- Περὶ ἐντὸς παθῶν. — Περὶ ἱερῆς νούσου. — ἹΠερὶ ἑόδο-
-
μάδων. — Περὶ χρισίμων. ---- Περὶ ἑλκῶν. — Περὶ τρωμάτων ὁλε--
θρίων. --- Περὶ βελῶν ἐξαιρήσηος.---- Περὶ αἵμοῤῥοΐδων.---- Περὶ φαρ-
μάχων. — Περὶ ἐλεδόρου. — Περὶ χλυσμῶν. --- Περὶ .--
Περὶ ἀδένων. — ὀλομελίης.---- Μοχλιχόν. ---- Περὶ ὀστέων φύσιος. ----
Περὶ ὄψιος. ---- Περὶ χαρδίης. — Περὶ ἀφροδισίων. — Περὶ σαρχῶν.
— Περὶ χρίσεως.---- Προῤῥητιχὸν, α΄, β΄. — Κωιαχαὶ προγνώσεις. —
Περὶ χυμῶν. --- Περὶ φύσεως. — Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς. — Περὶ
τέχνης. - Περὶ ἰητροῦ. — Παραγγελίαι. — Περὶ εὐσχημοσύνης. --
Περὶ γνώμης.---- ᾿Ἐπιστολαί.----᾿ Επιδώμιος. — Πρεσόευτιχός.
Cette liste rappelle la disposition, suivant Suidas, de la Collec-
tion hippocratique. Suidas dit que les œuvres d'Hippocrate se com-
posent d’abord du Serment, puis du Pronostic, en troisième lieu
des Æphorismes , en quatrième lieu du célèbre “Εξηχοντάδιδλος
(la Collection des soixante livres).
Voici ce que contient le no 2146 :
Ὅρχος, f. 1.
Νόμος, f. 1, verso.
᾿Αφορισμοί, f. 2.
ΤΙρογνωστιχόν, f. 14, verso.
Πρὸς τὰς χνιδίας γνώμας ἢ περὶ πτισάνης, Î. 22.
Κατ᾽ ἰητρίον, f. 41, verso.
Περὶ ἀχμῶν, f. 44, verso.
Περὶ ἄρθρων, f. 61, verso.
Περὶ τῶν ἐν χεφαλῇ τρωμάτων, f. 92, verso.
Περὶ ἀέρων, ὑδάτων, τόπων, f. 108, verso.
᾿Επιδημιῶν, sept livres.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου, f. 179, verso, y comprisile Περὶ διαΐτης
ὑγιεινῆς.
MANUSCRITS 531
Περὶ φύσιος παιδίου, f. 187.
Περὶ γονῆς, f. 198, verso.
Περὶ ἐπικυήσιος, ἔ. 201, verso.
Περὶ ἑπταμήνου, f. 206, verso.
Περὶ ὀχταμήνου, f. 207, verso.
Περὶ παρθένων, f. 210, verso.
Περὶ γυναιχείης φύσιος, f. 211.
Περὶ ὀδοντοφυίας, f. 227, verso.
Περὶ τόπων τῶν κατ᾽ ἄνθρωπον, f. 228, verso.
Τυναιχείων, deux livres, f. 241, verso.
Περὶ γυναικείων γ΄, ἢ Περὶ ἀφόρων, f. 5ÛT, verso.
Περὶ ἐγκατατομῆς παιδίου, ἔ, 618.
Περὶ ἰητροῦ, ἔ. 51 8, verso.
Περὶ χρίσεων, f. 521.
Περὶ καρδίης, f. 524, verso.
Περὶ σαρχῶν, f. 526.
Περὶ ἀδένων οὐλομελίης, f. 351.
Περὶ ἀνατομῶς, f. 358, verso.
Ἔπιστολαὶ, f. 539.
Δόγμα ᾿Αθηναίων, f. 347.
Πρεσδευτιχός, f, 596.
N° 2148. In-folio.
Hippocratis et Galeni quædam. Codex chartaceus sexti decimi
sæculi.
“Opxos, f. 1.
Νόμος, f. 4.
Περὶ τέχνης, Ê. 1.
Περὶ νούσων, quatre livres, f. 7, sans titre.
Περὶ παθῶν, f. 26, verso.
Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν, 1. 20, verso.
Περὶ διαίτης τρεῖς λόγοι, ἔ, ὅ9,
Περὶ ἐνυπνίων, ἴ, 48, verso.
Περὶ ὄψιος, f. 49, verso.
Περὶ χρισίμων, f. 50.
Περὶ᾿ διαίτης ὀξειῶν, f. 50.
Περὶ συρίγγων, f. 56, verso.
552 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Περὶ αἱμοῤῥοίδων, f. 57.
Περὶ ἑλχῶν, f. 5T, verso.
Περὶ ἱερῆς νόσου καλεομένης, f. 59, verso.
Περὶ ποδαγρώντων, f. 61, verso. En voici les premiers mots,
Ὅσοι μὲν ἢ γέροντες ἢ περὶ τοῖσιν ἄρθροισιν ἐπιπωρώματα ἔχουσιν
χτλ. Ce fragment est un morceau du 2° livre des Prorrhétiques ,
p. #17, Ed. Froben.
N° 2550. Petit format.
Codex chartaceus sexti decimi sæculi.
Hippocratis Aphorismi.
— Prognosticon.
N° 2147. In-folio.
Codex chartaceus sexti decimi sæculi.
Ἱπποχράτους À Πολύδου μαθητοῦ Περὶ φύσεως παιδίου. Incomplet.
Περὶ φύσιος ἀνθρώπου.
Περὶ διαίτης τῶν δ΄ καιρῶν.
Περὶ γονῆς.
Fragment des Æphorismes, ayant pour titre : Τοῦτο ἐξήγησις
Στεφάνου, et commençant à : Ent περιπνευμονίῃ φρενίτις καχόν.
N° 2257. In-2e.
Codex chartaceus vetus (sexti decimi sæculi).
᾿Αφορισμοὶ τοῦ ἹἽπποχράτη (sic), cum commentariis et glossis in-
terlinearibus ad textum Hippocratis. (La septième section n’est pas
tout-à-fait achevée.)
᾿ἜἘξάγησις Γαληνοῦ εἰς τοὺς ᾿Αφορισμοὺς Ἵπποχράτους, f. 120. Ce
commentaire de Galienne va que jusqu’à l’aphorisme : Αἱ λεπταὶ χαὶ
ἀχριθέες δίαιται χτλ.
ἜἘξήγησις Γαληνοῦ εἰς τὸ ΠΙρογνωστιχὸν ἹἹπποχράτους, ἔ. 129.
N° 9149. In-folio.
Codex chartaceus sexto decimo sæculo scriptus, recenti sed va-
rià et sat eleganti manu.
Θεοφίλου ἐξήγησις εἰς τοὺς Ἀφορισμοὺς Ἱπποχράτους, f. 1.
N° 2260.
Codex chartaceus sexti decimi sæculi, sat malæ notæ,
Ce manuscrit ne contient que quelques fragments des Apho-
risines,
MANUSCRITS 533
N° 2166. In-folio.
Codex chartaceus, sexto decimo sæculo scriptus, littera recenti et
diversa scriptus.
Ταληνοῦ ὑπομνήματα εἰς τὸ Προῤῥητικὸν Ἱἵπποχράτους, f. 80.
N° 3052. In-4°.
Codex chartaceus sexti decimi sæculi.
᾿Αρταξέρξου xat Ἱπποχράτους ἐπιστολαὶ ἀμοιθαῖαι, f. 38.
N° 1527. In-folio.
Codex chartaceus anno 1561, sed ex antiquiore transcrintus.
Ἱπποχράτους ἐπιστολή. Δαμαγήτῳ χαίρειν.
N° 2240. In-folio.
Codex chartaceus, sexti decimi sæculi.
᾿Επιστολὴ Ἱπποχράτους πρὸς Πτολεμαῖον. Οἱ δὲ φασὶν Ἀλεξαν-
δρου τινὸς ἰατροῦ δοχίμου, f. 157. En voici les premiers mots : Ἔπι-
μελούμενος τῆς σῆς ὑγείας, ὦ δασιλεῦ χτλ.
N° 2261. Τη-- 45.
Codex chartaceus sexti decimi sæculi, sat eleganti manu scri-
ptus.
Solutiones ad proposita Hippocratis; medicæ et naturales quæ-
stiones. Initium : Διὰ τί φησὶν ὃ Ἱπποχράτης of Ψυχροὶ ἱδρῶτες χτλ.
f. 165.
MANUSCRITS DÉSIGNÉS COMME ANCIENS, SANS AU-
TRE INDICATION DE DATE.
N° 9969. In-&.
Codex Chartaceus vetus, non sine lacunis.
ἽἹπποχράτους Προγνωστιχοῦ τμήματα τρία, f. 68.
Περὶ οὔρων ἐχ τῶν Ἱπποκράτους xal ἄλλων τινῶν, f. 94.
Περὶ φλεδοτομίας ἐκ τῶν Ἵπποχράτους.
N° 2258. Petit format.
Codex chartaceus vetus.
Ἱππποχράτους ᾿Αφορισμοί.
N° 2596. In-2°.
Codex chartaceus vetus, sat eleganter scriptus.
534 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Ἱπποχράτους βίος χατὰ Σωρανόν, f. 184.
Ὅρχος, ἢ. 185, verso. A la suite du Serment on trouve les vers
SUIVans :
Φρενῶν χαθαρότητα χαὶ τέχνης βάθος,
Καὶ νοῦ πλατυσμὸν χαὶ διανοίας χύσιν,
Καὶ τῶν φυσιχῶν ἀχριθεῖς θεωρίας
“rroxpdrouc θαύμαζε τοῦ Κῳοῦ, ξένε,
Ὃς ᾿Ἀφορισμοὺς ἐχτιθεὶς ὡς χανόνας,
Καὶ οἷον ἀρχὰς ἰατριχῆς χαὶ νόμους,
Τὴν πᾶσαν συνέπαξεν ἐν τούτοις τέχνην ;
Κοσμήσας αὐτὴν θαυμασταῖς τεχνουργίαις,
Καὶ συναγαγὼν καὶ συναρμόσας μόνος
Τὴν πρὶν ἀτάχτως, ἀσαφῶς ἐγνωσμένην.
Ἰωάννης ἔγραψε. Ἱπποχράτους ᾿Αφορισμῶν τμῆμα πρῶτον.
Ce n’est qu’un fragment.
N° 2259. In-4°.
Codex chartaceus vetus.
᾿Αφορισμοί.
N° 2248. In-folio.
Nicetæ collectio.
Codex chartaceus spissus, scripturä veteri, sat eleganti.
Ἵπποχράτους χατ᾽ ἰητρεῖον, f. 18.
Περὶ ἀγμῶν, f. 23, verso.
Περὶ ἄρθρων, f. 51, verso.
Περὶ τῶν ἐν χεφαλὴ τρωμάτων, f. 105, verso.
Νοχλιχόν, ἢ. 117.
Περὶ ὀστέων φύσιος, f. 128.
Ce manuscrit contient des figures de bandages.
N° 2227. In-folio.
Codex chartaceus recenti manu scriptus. Hunc codicem cardina-
lis Rodulphus misit Francisco Primo.
Collectio variarum operationum chirurgicarum ex variis aucto-
ribus compacta ἃ Niceta, continens capita DXVII.
Trroxparouc Κατ’ ἰητρεῖον, f. 13.
Περὶ ἀγμῶν, f. 16.
Περὶ ἄρθρων, f. 55.
MANUSCRITS 535
Περὶ τῶν ἐν χεφαλῇ τρωμάτων, Î. 75, verso.
Μοχλιχόν, f. 79, verso.
Περὶ ὀστέων φύσιος, ἔ. 82.
Ce manuscrit contient des figures de bandages.
MANUSCRITS SANS DÉSIGNATION D’AGE.
Nc 1883. In-folio.
Codex chartaceus.
Διδασχαλία καὶ φιλοσοφία τῶν παμμεγίστων χαὶ σοφωτάτων αῤ-
χιιτρῶν (sic), τοῦ τε Ὕ ποχρατους (sic), χαὶ Γαληνοῦ τοῦ αὔτοφοι-
τητοῦ περὶ τῶν τεσσάρων στοιχείων, f. 35, verso.
Ἀρχὴ σύν Θεῶ ἁγίῳ. Ἱπποχράτους Προγνωστιχόν, f. GT.
Ἀρχὴ σὺν Θεῷ ἁγίῳ τῶν ᾿Ἀφορισμῶν Ἱπποχράτους, f. T4, verso.
Ce sont des fragments des sept sections.
᾿Ἀφορισμοί, f. 89. Le commencement de la première section
mänque; un commentaire y est joint : le dernier aphorisme com-
menté est : Τοῖς σώμασιν τοῖς ὑγρὰς ἔχουσι τὰς σάρχας λιμὸν ἐμποιεῖν.
N° 56. In-4.
Codex chartaceus..
Ἵπποχράτους προγνωστιχόν, f. 17.
Ἱπποχράτους ἀφορισμοί, f. 30. En face des Aphorises on voit
une figure d'Hippocrate avec cette inscription. : Οὗτός ἐστιν 6 θαυ-
μασιώτατος Ὑ ποχράτης ; le reste n’est pas lisible.
Κεφάλαια χη΄ περὶ διαίτης ὀξέων “rroxparouc, f. 55.
Παύλου ᾿Εγινίτου (sic) ἐκ τοῦ Ἵπποχράτους καὶ Γαληνοῦ ἐχλογαὶ
περὶ φλεδοτομίας,, f. 96.
N° 2219. In-folio.
᾿Ἀφορισμοί. Ils sont mutilés, ils commencent : Of ὑγιεινὰ τὰ σώ-
ματα ἔχοντες ἐν τῇσι φαρμαχείησι.
No 2516. In-folio.
Codex chartaceus.
᾿Αφορισμοί, f. 9, verso. Ils sont accompagnés, d’un commentaire
très bref.
Il y a aussi des fragments du Pronostic.
536 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
N° 2258. Petit format.
Ἀφορισμοί.
N° 2294.
Ce manuscrit ne contient (f. 13, verso ) que quelques fragments
des Aphorismes.
N° 2257. In-8°.
Aphorismes avec un commentaire, f. 1.
Fragment des Aphorismes avec le commentaire de Galien , pag.
120.
Pronostic avec le commentaire de Galien.
N° 2166.
Prorrhétique , premier livre avec le commentaire de Galien.
N° 2219. In-folio.
Codex chartaceus. Collectanea medica, et nonnulla physica ex
variis auctoribus.
Ἱπποκράτους ᾿Αφορισμοί, f. T4. Mutilés ; ils commencent par :
Οἱ ὑγιεινὰ τὰ σώματα ἔχοντες; et ils ne sont pas terminés.
Προγνωστιχόν, f. 105, verso. Fragment.
N° 905, Supplément. In-folio.
Codex chartaceus.
Ἱπποχράτους ériorohat, f. 34.
N° 1760, In-4°.
Codex scriptus manu Michaelis Suliardi.
᾿Ἐπιστολαὶ ᾿Αρταξέρξου χαὶ Ἱπποχράτους ἰητροῦ Κῳοῦ.
N° 2894. In-folio.
Codex bombycinus.
᾿Επιστολὴ ἽἹπποχράτους πρὸς Πτολεμαῖον βασιλέα περὶ κατα-
σχευὴς ἀνθρώπου, f. 334. Premiers mots: Συνέστηχεν ὃ χόσμος ἐχ
τεσσάρων στοιχείων.
N° 165, Supplément.
᾿Ἐπιστολὴ Ἱπποχράτους πρὸς Πτολεμαῖον βασιλέα περὶ χατασχευῆς
ἀνθρώπου. Premiers mots : Συνέστηχεν ὃ χόσμος ἐκ στοιχείων τεσ-
σάρων.
N° 552, Supplément. In-folio.
Codex Vaticanus, n° 997.
MANUSCRITS 537
᾿Επιστολὴ Ἱπποχράτους εἰς Πτολεμαῖον βασιλέα, f. 145, verso.
Premiers mots : Ἐπιμελόμενος τῆς σῆς ὑγείας, ὦ βασιλεῦ.
N° 1650. In-4.
Codex bombycinus.
De variis hominum juxta Hippocratem et Pythagoram ætatibus.
Hippocratis epistola ad Ptolemæum.
N° 2261.
Ce manuscrit ne contient que des explications peu importantes
sur des passages isolés d’Hippocrate,
N° 2652. In-4°.
Codex chartaceus.
Anonymi quæstiones ad medicinam pertinentes ; initium : Διὰ τί
φησιν ὃ Ἱπποχράτης.
Hippocratis epistolæ,
Dans les manuscrits dont je viens de donner la notice, on peut
distinguer quatre familles particulières.
Première famille. — Elle est représentée par les manuscrits
2954 et 2255 , qui sont la suite l’un de l’autre. Ils sont complets
et renferment tout ce que nous possédons de la Collection hippocra-
tique.
Deuxième famille. — Le n° 2146 y appartient ; il est complet
également ; mais les matières y sont autrement disposées que dans les
manuscrits précédents; et il a souvent, avec l'édition d’Alde, des
ressemblances que ces derniers n’ont pas.
Troisième famille.— Elle est formée par les manuscrits 2144,
9141, 2140, 2145, 92145. Ces manuscrits ont entre eux la plus
grande analogie ; ils contiennent les mêmes traités, rangés dans le
même ordre; il leur manque à tous plusieurs ouvrages qui ne
manquent pas aux deux familles précédentes; dans tous, les Pré-
notions de Cos sont mutilées au même endroit. Ils proviennent
donc d’un original particulier qui présentait tontes ces particu-
larités.
Quatrième famille. — C'est celle du 2253. Malheureusement
ce manuscrit ne contient qu’un très petit nombre des écrits hippo-
cratiques; J'en ai exposé, dans Le 11“ paragraphe, les caractères.
538 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
Les autres manuscrits ne renferment que des portions isolées de
la Collection; je ne les comprends pas dans l’une ou l’autre de ces fa-
milles.
Les manuscrits contiennent des notes, des explications, des glo-
ses qui sont quelquefois instructives ; ainsi je rappellerai la grande
note du manuscrit 2255 que j'ai citée, p. 76 de ce volume, et que
je transcrirai en son lieu et place. Elle a mentionné une explication,
relatée nulle part ailleurs, de Bacchius, de Callimaque, de Philinus
et d’Héraclide de Tarente, ce qui est précieux , parce que ce sont
les plus anciens commentateurs d’Hippocrate; elle ἃ conservé une
phrase de Xénophon de Cos, dont rien ne reste que ces quelques
mots cachés dans un manuscrit; et elle m’a permis de rapporter à
son auteur une allusion que Galien avait fait sans nommer l’écri-
vain qu’il citait.
La connaissance de ccs gloses ἃ une autre importance, c’est
qu’elles s’introduisent souvent dans le texte et en chassent la véri-
table leçon. Par exemple, dans le traitédes Articulations setrouve le.
mot πλοώδης (p. 475, 1. 18, Ed. Froben) , qui a paru obscur; il
s’agit de la mobilité de la clavicule. Aussi , dans le 2141, au-des-
sus de πλοώδης est écrit en rouge ἀστήριχτος ; dans les manuscrits
2140 et 2142, ἀστήρικτος est écrit à la marge; enfin, dans 2143,
πλοώδης ἃ disparu, et on ne lit plus dans Je texte que ἀστήριχτος.
Je pourrais citer bon nombre d’exemples semblables. Je noterai
avec soin ces gloses.
Ce qu’on peut tirer des manuscrits pour la critique des textes
hippocratiques sera accompli, quand on aura fait pour toutes les
bibliothèques ce que j’ai fait pour celles de Paris, c’est-à-dire quand
on les aura dépouillées et qu’on en aura publié les variantes. Je n’a-
vais aucun moyen d'accomplir une pareille tâche, et ce sera à d’au-
tres à compléter ce qui manque , sur ce point, à mon travail. Je
pense, en effet, qu’une recherche soigneuse dans les grandes bi-
bliothèques d'Europe ne serait pas infructueuse. J’en juge par la
préface de l’édition de Mack, où cet écrivain signale quelques cor-
rections qui lui ont été fournies par les manuscrits de la Bibliothè-
que Impériale de Vienne, et qui ne se trouvent nulle part ailleurs.
J'en juge encore par la Bibliothèque même deParis; cette bibliothèque,
MANUSCRITS, 539
si connue et si fréquentée, m’a fourni une traduction inéüite du traité
des Semaines, l'explication de ce qu’est la 8° section des 4phoris-
mes, la clé de la composition des compilations intitulées des Cri-
ses et des Jours critiques, la restitution d’une lacune considéra-
ble dans le livre de l’Æncienne médecine, et beaucoup de va-
riantes et de lecons importantes qui n’avaient encore été consignées
nulle part (1).
(1) Je dois ἃ la complaisance de M. Salomonsen , bibliothécaire à la
Bibliothèque Royale de Copenhague, la notice suivante sur un manuscrit
de cette bibliothèque qui renferme la plupart des écrits hippocratiques.
L'ordre dans lequel les traités y sont rangés, et l’absence de plusieurs mon-
trent que ce manuscrit appartient à ce que, dans la Bibliothèque Royale de
Paris , j’ai appelé troisième famille, Seulement on y remarque une note
sur les anciens commentateurs, Bacchius, Zeuxis et Asclépiade, note qui
manque dans nos manuscrits. M. Salomonsen ἃ bien voulu m'envoyer en
même temps les variantes qu'offre ce manuscrit pour le traité de la Vature
de l'Honume ; je les consignerai en leur lieu et place.
«Bibliotheca regia magna Hafniensis nonnisi codicem unum ms. continet,
qui maximam partem eorum scriptorum, quæ sub Hippocratis nomine
vulgo circumferuntur, exhibet. Hujus codicis mentionem jam fecit Xüh-
nius in historia literaria Hippocratis (Hipp. opp. omn. T.I, p. CLXXXVIL.)
« Cum manuscripti codices Bibliothecæ regiæ e pluribus partibus con-
stent, ut quoque sensim sensimqué ad illam pervenerunt, ille codex Hippo-
cratis ad eam partem, quæ et præstantissima et antiquissima est, videlicet
ad Collectionem veterem regiam pertinet, n° 224 insignitus est. Ejus
descriptionem nunc breviter apponam.
« Est autem iïlle Codex chartaceus maximæ formæ, characteribus
paullo minoribus diligenter exaratus , ejusque ætas sæculum XV vixsuperat.
In marginibus variantes lectiones, præfixa ποία To., passim occurrunt,
Inilium facit πίναξ τῆς ἱπποκράτους ἑξηκοντασίολου, ad cujusfinem leguntur
hæc : ἰστέον ὅτι οἱ προεξηγησάμιενοι τὰ ἱπποχράτους βιόλία, πρὸ τοῦ Γαληνοῦ,
εἰσὶν οὗτοι - Ζεῦξίς τε χαὶ ἥραχλείδης. Οὐκ εἰς πάντα (non ἅπαντα ut Küh-
nius habet) δὲ Βάχχιος. ἀσχληπιάδης δ᾽ εἰς ολίγιστα, Tabulam excipiunt
ea, quæ pleræque editiones præbent, tali ordine,
a, Γαληνοῦ τῶν ἱπποχράτους γλωσσῶν ἐξήγησις. b, ἱπποκράτους βίος καὶ
γένος κατὰ Σωρανόν. 6. ἵππ. ὅρχος. d, repos ὅρκος ἵππ. 6, γόμιος ἵππ. ,
περὶ τέχνης. g', Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς. h, ἵππ. Παραγγελίαι. 1, Περὲ εὐσχη--
μοσύνης. k, Περὶ φύσιος ἀνθρώπου. 1, Περὶ διαίτης [| vulgo Περὶ À. ὑγιεινῆς ]-
m, Περὶ γυναιχῶν. n, ἵππ. Περὶ γονῆς mai παιδίου φύσεως [in marg. Τοῦτο
Πολύθου εἶναι φησὶν ὁ Γαληνός.7 ο, ἵππ. Περὶ φύσεως παιδίου, ἤτοι περὶ δια-
΄ ᾿ e ἣν ἢ ST,
πλάσεως ἀνθρώπου. p, ἵππ. Περὶ ἄρθρων. q, Περὶ χυμῶν, τ, Περ! τροφῆς. 5:
540 APPENDICE A L’'INTRODUCTION,
ς 4.
Des éditions et traductions complètes de la Collection
hippocratique.
Je termine Ÿ Æppendice à VIntroduction par la notice des édi-
tions et traductions complètes de la Collection hipnocratique; je les
ai rangées par ordre de date.
Hippocratis Coi medicorum omnium longè principis octoginta
Περὶ ἑλκῶν. t, Περὶ ἱερῆς νόσου, u, Περὶ νόσων πρῶτον, π΄. νούσων β΄, π. νούσ.
’, Περὶ ν. δ΄. Υ, ἵππ. Περὶ παθῶν. x, ἵππ. Περὶ τῶν ἐντὸς παθῶν, Περὶ
᾽ τὰ ᾽ % 53 ᾽
:
[Inc. Περὶ δὲ τῶν τεχμιηρίων]}. aa, ἵππ. Περὶ ὀψιος. bb, ΠΞρὶ χρισίμων.
ce, ἵππ. ἀφορισμοί. [Aphorismi interjecti nonnisi ad es pos VI, per-
Β ñ , ι
tingunt.] dd, ἵππ. προγνωστιχόν. ee, ἵππ. Περὶ διαίτης ὀξέων. Οἱ δὲ, Περὶ
διαίτης πρῶτον. Περὶ διαίτης δεύτερον, NAME τοὺς T7, Περ ἐνυπνίων.
\
!
4
πτισάνης, Οἱ δὲ, πρὸς τὰ ς χνιδίας γνώμας. ff, ἵππ. Περὶ φυσῶν. gg, βοχλμοὸν
Ἱπποκράτους. hh, ἵππ. His} ὀστέων φύσιος, Incip. qe χειρὸς εἴκοσι ἑπτά.
Desin. χρωμάτων. ii, ἵππ. Περὶ ἀγμῶν. kk, ἵππ. κατ᾽ ζητρεῖον. Il, ἵππ. ne
ÉVAATATOUTS ἐμιδρύου. m mm, ἵππ. Περὶ γυναικείων α᾽, nn, ἵππ + γυναχείων, τὸ
δεύτερον, 00, ἵππ. Περὶ ἁφόρων τρίτον. PP; ἵππ. Hp οἱ ἐπιχυήσιος. qq, ἵππ.
Περὶ ἑπταμίηνου. ττ, ἵππ. CATAUMNVEU. ro ἵππ. Περ ερὶ ἘΠ εν ( τι ἧππ. Περὶ
RE φύσιος. uu, ἵππ. Περὶ ἐγκατατομιῆς παιδίου ες quod Περὶ
πρῶτον. XX, rx. Fraë 2 70 δεύτερος.
,
ἐγκατ. ἐμ6.7 vv, ἵππ. προῤῥητυκὸς λύγος
ΝΥ» ῈΕ Περὶ συρίγγων. ZZ, ἵππ. αἱμοῤῥο οἰδὼν. aaa, ἵππ. χῳαχαὶ προγνώσεις.
D VOA AE :
bbb ἵππ. ἐπιδομιῶν libri VIL. cce, Ἐπιστολαὶ Irroxpdrouc à ἰητροῦ 2600 ἀσχλη-
Al
πιάδεω. [inter epist. est Περὶ μανίας et inscribitur : Δημόχρ. ἱπποχράτῃ Περι
υανίης. Item. ἵππ. Δημιοχκρίτῳ Περὶ ἑλλεδορισυοῦ. Item. Δημιόχριτος. ἵππ.
Περὶ φύσ. ἀνθρ.] Πρεσόευτιχὸς ἘΠ in verbis xai ποτε μιχρῶν μεγάλοι προ-
εδείθησαν. (hæc et sequens pagina alba relicta.) Codicem claudit recensio
medicamentorum eorumque virtutum.
« O. D. Bloch. Dr. et professor, Bibliothecæ academicæ Hafniensis
subbibliothecarius qui plurium auctorum græcorum editionem parait,
ex hoc etiam Codice super aliquot hippocratica scripta variantes Jectiones
enotavit easque cum novissimo ilipp. editore €. G. Kühnio commu-
nicavit. Contulit enim cum editione Kuhniana : a. 4825, 1, Παραγγελίαι.
2, Προγνωστιχόν, 5, Περὶ ἱερῆς νόσου. 4, Περὶ τέχνης. 5 , Περὶ εὐσχημιοσύ-
νὴῆς ; præterea partem Cire Galeni in Hippocr. cum edit. Franzï, et
Sorani vitam Hipp. cum ed. Basil. 4536. fol.
a. 1827, 1, Περὶ ἐνυπνίων. 2, Περὶ τροφῆς. 5, Περὶ διαίτης ὀξέων. 4,
Περὶ ἀγμῶν. ὅ, Περὶ
a. 1828, 1, ἽΠερὶ δ τὰ 2, ἐπιστολαὶ.
ἄρθοων.
\ ᾿
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES 541
volumina , quibus maxima ex parte annorum circiter duo millia
latina caruit lingua , Græci vero, Arabes et prisci nostri medici,
plurimis tamen utilibus prætermissis, scripta sua illustrarunt ,
nunc tandem per M. Fabium Calvum, Rhavennatem, virum unde-
cumque doctissimum , latinitate donata, Clementi VIT pont. max.
dicata, ac nunc primum in lucem edita, quo nihil humano generi
salubrius fier potuit.
Romæ ex ædibus Francisei Minitit Calvi Novocomensis, 1595,
4 vol. in-f°,
AD LECTOREM.
Un avertissement mis en tête da volume explique, de la manière
suivante, les intentions de Fabius Calvus,
« Quisquis Hippocratis Coi, medicinæ parentis, volumina,
multis in locis mutilata, per M. Fabium Calvum Rhavennatem
de græco sermone in latinum conversa, oculis percurrere non de-
dignabitur, si quid quod non satisfaciat, occurrerit, aut perperam,
vel parum latine dictum putaverit, hoc et antiquæ Hippocratis
dictionis brevitati non omnibus perviæ dabit, codicumque varie-
tati. Quorum etsi magnam copiam habuerit, quos conferre et con-
sulere potuerit, non omnes tamen cadem habuerant ; quidam au-
tem et eadem, sed mutilate. Unus tamen habuit quod cæteri non
habuerant , quæ cum conferri cum nullis possent , necessario ver-
tenda fucrant, prout invenichantur. Propterea se magis dignum
venia putavit , cum ea qualiacumque essent , legi maluerit, quam
quicquam quod ipse invenisset desiderari. Quare rogat , uti quisque
miseram mortalitatem , prout ipse conatus est, pro viribus juvet,
suaque et carpat et lancinet, et, si mellus babeat , addat, dum
morlale genus hominum adjuvet. »
Cette traduction ἃ été faite sur les manuscrits et avant que le texte
grec n’eût été imprimé. Aussi se ressent-elle des difficultés que
le traducteur a éprouvées. Elle n’est que d’un faible secours à l’é-
tude ; je n’y ai trouvé la solution d'aucune des difficultés qui se
sont présentées à moi dans le cours de mon travail. Elle n’est pas
assez Iucide pour aider à l'intelligence du texte dans les endroits
obscurs , et elle n’est pas assez précise et assez littérale pour qu’on
542 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
puisse apercevoir la trace des variantes qu’ont présentées sans doute
quelquefois les manuscrits sur lesquels Fabius Calvus a travaillé.
C’est donc un monument des premiers efforts de la médecine , au
moment de la renaissance, pour puiser directement aux sources
hippocratiques ; et il faut juger l’œuvre de Fabius Calvus , non
point d’après ce qu’elle vaut aujourd’hui, mais d’après ce qu’elle
a valu jadis. Or ce fut un grand labeur, et ce fut aussi un ser-
vice que de traduire la Collection hippocratique sur les manu-
scrits, et de la donner , en langue latine , au monde médical.
J'ai trouvé dans un recueil de lettres (Clarorum virorum epi-
stolæ singulares collectore Paulo Colomesio, in : 58. Clementis epi-
stolæ duæ ad Corinthios, Londini 1687) des détails curieux et tou-
chants sur Fabius Calvus, etsurses relations avecle célèbre Raphaël :
« Est Fabius Rhavennas , senex stoicæ probitatis , quem virum
« non facile dixeris humaniorne sit an doctior. Per hunc Hippo-
« crates integer planè latine loquitur, et jam veteres illos solæcis-
« mos exuit, Id habet homo sanctissimus rarum apud omnes gen-
« tes, sed sibi peculiare, quod pecuniam ita contemnit, ut oblatam
« recuset nisi summa necessitas adigat. Alioqui a Leone pontifice
« menstruam habet stipem, quam amicis aut affinibus solet ero-
« gare. Jpse olusculis et lactucis Pythagoræorum vitam traducit in
« gurgustiolo, quod tu jure dolium Diogenis appellaveris, studiis
« non immorans, sed immoriens, et plane immoriens quum gra-
« vem admodum et periculosam ægritudinem homo alioqui octo-
« genarius contraxerit. Hunc alit et quasi educat vir prædives et
« pontifici gratissimus, Raphael Urbinas, juvenis summæ bonita-
« tis, sed admirabilis ingenii. Hic magnis excellit virtatibus, fa-
« cile pictorum omnium princeps, seu in theoriam, seu praxin
« inspicias… Hic Fabium quasi præceptorem et patrem colit ac
« fovet; ad hunc omnia refert, hujus consilio acquiescit (Epist.
« Cœlii Calcagnini ad Jacobum Zieglerum, p. 255).
La traduction de Calvus a été réimprimée plusieurs fois, et,
entr'autres, l’année suivante (1526) sous ce titre:
Hippocratis Coi opera. — nunc tandem per M. Fabricium Cal-
vum Rhavennatem, Guil. Copum Basileensem, Nicolaum Leoni-
cenum et Andream Brentium — Jatinitate donata. Basil,, in of-
fic. Andr. Cratandri, 1596 fol.
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES. 543
Ἅπαντα τὰ τοῦ ‘Irroxparouc. Omnia opera Hippocratis. Venetiis
in ædibus Aldi et Andreæ Ansulani soceri. Mense Mai, 1526, in-fe.
En tête de cette édition est un petit avis, où François Asulan re-
lève quelques erreurs échappées à Fabius Calvus; je le transcris ici
comme étant une critique suffisante de ce premier travail sur Hip-
pocrate.
Franciscus Asulanus lectori, Salutem.
« Si tua non minus quam mea interesse putas, lector humanis-
sime, ut eorum quæ ἃ me in rempublicam litterariam magno, ut
vides , sumptu ac labore fiunt , ratio reddatur ; ne, obsecro, alie-
num ab officio arbitreris quod hic te admonitum velim, quanti
præstet unum diligenter impressum codicem quam duos aliquando,
aut etiam me hercle plures manu scriptos habere. Nam longe faci-
lius est unum scriptorem festinabundum, præsertim ab unius dun-
taxat exemplaris imagine aberrare , quam multos simul homines
multorum veterum librorum collatione, non unum tandem exem-
plar undique absolutum elicere. Quemadmodum argumento esse
potest Fabii Calvi immortali certe alioqui digna laude industria,
qui, manu scriptum aliquem secutus codicem, Librum umius folii
Περὶ ὑγρῶν χρήσιος, id est De usu humidorum, et librum Περὶ
ἄρθρων, id est De articulis , tredecim folia continentem , omnino
præteriit; et in eo libro qui inscribitur Kwaxat προγνώσεις, id est
Goacæ præcognitiones, ad calcem versus, folia idem circiter sex; et
in libro Περὶ τῶν x κεφαλῇ τρωμάτων, id est De vulneribus capitis,
unum fere ; librumque qui græece Μοχλιχὸν dicitur, id est De curan-
dis luxatis, bis tanquam diversum transtulit , solo differente prin-
cipio ; sicut plerumque usu venit ut scriptores simili alicujus pa
ginæ initio decepti alia aliis valde interdum diversa connectant.
Mitto cætera quæ tu inter legendum facile deprehendes , ac duas
item additas epistolas, Hippocratis alteram, alteram vero Democri-
ti; quæ quum ita se habere cognoveris, me quæso tui studiosum, ut
facis, ama. Vale. »
On voit que l'éditeur croit devoir faire remarquer au lecteur la
544 APPENDICE ἃ L'INTRODUCTION,
prééminence d’un livre imprimé sur les manuscrits. En cela il a
parfaitement raison; mais l’édition d’Alde, qui fut alorsun grand ser-
vice pour tous les médecins lisant le grec, a justement ledéfaut de re-
présenter trop fidèlement les manuscrits. 1 n’y a pas une note, pas
une variante, pas un alinéa; de sorte qu’il faut être très familiarise
avec la lecture des livres hippocratiques, pour pouvoir user avec
facilité de ce volume ; aussi cette édition est-elle aujourd’hui hors
d'usage; mais elle est encore utile à ceux qui étudient le texte
hippocratique, soit pour le corriger, soit pour le publier de nou-
veau. Elle a été faite sur des manuscrits différents de ceux qui ont
servi à Cornarius, à Mercuriali et à Foes, et dont le texte a été re-
produit généraiement par Chartier, Vander Linden et Mack ; et à
ce titre elle mérite d’être consultée. Aussi y trouve-t-on des varian-
tes qui ont quelquefois une grande importance; j'en citerai un
exemple: on lit dans le traité de l’Ancienne médecine, édition de
Froben., p. 5, 1. 18: οὔτ ἂν ἐζητήθη (la médecine) οὐδὲν γὰρ αὖ-
τῆς ἔδει τοῖσι χάμνουσι τῶν ἀνθρώπων, τὰ αὐτὰ διαιτωμένοισί
, Υ͂ f
τε χαὶ προσφερομένοισιν, ἅπερ ὑγιαίνοντες ἐσθίουσι χαὶ πίνουσι,
Ν
χαὶ χατ᾽ ἄλλα διαιτωμένοις ξυνέφερε » εἰ μὴ ἦν ἕτερα τουτέων ὁελτίω,
Cette phrase n’est pas intelligible, elle se trouve dans Mercuriali,
dans Foes et dans les autres. Mais l’édition d’Alde dit autrement:
au lieu de χατ᾽ ἄλλα διαιτωμένοις ξυνέφερε, εἰ un, elle ἃ κατ᾽ ἄλλα
διαιτέονται ξυνέφερε χαὶ εἰ μὴ , ce qui est la véritable leçon; et pour
restaurer toute la phrase avec l’édition d’Alde, il suffisait de re-
marquer que οὐδὲν γὰρ αὐτῆς ἔδει estune parenthèse, et qu’il manquait
seulement εἰ après ἔδει : la conjonction n’a été ainsi perdue qu’à
cause de ἔδει, terminé lui-même par εἰ, faute souvent commise
dans des circonstances semblables par les copistes de manuscrits.
De plus, le χαὶ donné par Alde après ξυνέφερε est très important, et
aurait suffi pour faire soupçonner que εἰ devant μὴ devait avoir
été précédé d’un autre εἰ gouvernant le verbe ξυνέφερε. On peut
encore ajouter que ζυνέφερε devant ei dans Froben et Foes, au lieu
de ξυνέφερεν, annonçait très probablement l’omission d’un mot
commençant par une consonne, et que ce mot est χαὶ donné par
Alde. Au reste, les manuscrits à la main , je ferai voir en lieu et
place que telle est la véritable leçon.
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES. 545
Ἵπποχράτους Κῴου ἰατροῦ παλαιοτάτου πάντων ἄλλων χορυφαίου
ὀιβλία ἅπαντα. Hippocratis Coi medici vetustissimi, et omnium
aliorum principis, libri omnes ad vetustos codices summo studio
collati et restaurati. — Froben, Basileæ, 1538, in-f0.
Douze ans après les Aldes, Froben, imprimeur de Bâle, publia
une édition des œuvres d'Hippocrate. Ce fut le médecin Janus Cor-
narius qui se chargea de cette grande entreprise. Voici en quels
termes il explique le travail auquel il s’est livré : « Non-seulement
les obscurités et les difficultés du texte ont empêché les gens stu-
dieux d’en faire leur lecture habituelle ; mais encore la rareté des
exemplaires et les fautes dont ils sont remplis créaient de nouveaux
obstacles. J'ai cru que je rendrais service aux médecins laborieux,
si je leur ouvrais et épurais en même temps cette source abondante
de savoir. Et je ne veux pas ici tant vanter mes services que le zèle
admirable de Jérome Froben et de Nicolas Episcopius, qui, sans
regarder à la dépense, ont voulu que le texte fût corrigé par moi,
d’après trois manuscrits très anciens; ces trois manuscrits ap-
partenaient l’un à Adolphe Occo, l’autre à la bibliothèque
de Jean Dalburgius ; le troisième ἃ été fourni par Jérome Ge-
musæus, qui aida notablement les Froben dans la collation; il
avait été prêté par Nicolas Copus, fils de Guillaume Copus de Bâle,
archiatre du roi de France. Galien ἃ été aussi mis à contribution ;
de telle sorte qu'Hippocrate est sorti de l'imprimerie des Froben
aussi correct qu’il est possible. Plus de quatre mille passages, qui
avaient été ou omis, ou altérés dans l’édition de Venise, ont été
restaurés; cette rectification a été faite par moi avec tant de scru-
pule que je n’aichangé que ce qui était manifestement vicieux; et, là
même où les leçons étaient douteuses , j’ai suivi de préférence celles
que Galien a données. »
Malgré ce langage de Cornarius, il m’a semblé que son édition
diffère de celle d’Alde, moins par les soins qu’il y a donnés; que
par le fait même des manuscrits qui lui ont servi. Son texte a été
reproduit, presque sans aucun changement, par les éditeurs subsé-
quents des œuvres complètes d’Hippocrate.
Sonédition est aujourd’hui hors d’usage, comme celle d’Alde,
et par les mêmes raisons. Le texte grec y est nu, sans notes, sans
TOM. 1. 35
546 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
explications , et même sans un alinéa. Néanmoins je ne puis m’em-
pêcher de témoigner ici ma reconnaissance pour ce vieil éditeur d’Hip-
pocrate. C’est dans son livre que jeme suis familiarisé avec la lecture
de l’auteur dont j'ai entrepris de publier une nouvelle traduction ; et
dans les longues pages de Cornarius, dépourvues d’alinéas, et à lignes
serrées , je n’ai plus vu que la commodité de parcourir rapidement
les livres d'Hippocrate, de loger mieux dans ma mémoire la place
des passages importants , et d’abréger ainsi mes recherches, Cest
pour cela que j'ai toujours cité, dans mon /ntroduction, l'édition
de Froben.
Hippocratis (Οἱ medicorun omnium facile principis opera quæ
exstant omnia, Jano Cornario medico physico interprete. Venet.
4545, in-80 ap. I. Gryphium.
Cornarius avait promis de publier, outre sa traduction latine,
165 commentaires sur tous les écrits hippocratiques ; une foule de
raisons qu’il expose dans sa préface ne lui en laissèrent pas le temps.
Mais, pour ne pas manquer tout-à-fait à sa promesse, il relut atten-
tivement sa traduction, et la compara avec les notes de trois manu-
scrits sur lesquels l’édition de Bâle avait été faite ; il recommande
aux lecteurs de ne pas être surpris s’ils remarquent quelque diffé-
rence entre sa version et certains textes ou imprimés ou manuscrits,
attendu qu’il ne s’est décidé à adopter tel ou tel sens qu'après un
examen réfléchi, et une soigneuse comparaison des matériaux qu’il
avait à sa disposition.
Cette traduction latine ἃ joui d’un assez grand succès , et elle a
été réimprimée plusieurs fois. Cependant elle est fort inférieure à
celle de Foes, et Triller l’a accusée de renfermer un très grand
nombre de fautes. M. Struve, très savant philologue allemand , en
a cité quelques-unes; je rapporte ici ce qu’il dit, de préférence aux
exemples que j'aurais pu en recueillir moi-même.
« Hipp.demed.t. 1,p.48. Lind.: ᾿Επιπροσθεῖν οὖν συμδαίνει τὴν
ἐντεῦθεν ἑλχομένην νοτίδα τῷ ξυναγομένῳ χάτωθεν ἰχῶρι. Cornarius :
Contingitigitur humiditatem inde detractam opponi collecto in-
ferne sub cucurbita seroso humori; atque sic ferè Foesius, quasi
ἐπιπροσθεῖν esset ab ἐπιπροστίθημι. Verte: quo fit ut inde collec-
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES. 547
tus humor antevertat aique impedimento sit seroso humori,
ex inferioribus partibus collecto.
« De nat, pueri.t. 1, p. 149: τῆς ἰκμάδος φύλλα γενομένης,
Cornarius : humore folia producente, quasi γενέσθαι esset γεννῆσαι.
Eodem modo a Cornario factum est, p.151: ξυστραφεῖσα φύλλα ye-
νομένη 6Aactävet, id ipsum congregatum germinat et folia produit.
« De corde, t. 1,p. 287, πίνει δὲ χαὶ ἐς λάρυγγα, τυτθὸν δὲ
οἷον χαὶ ὁχόσον ἂν λάθοι διὰ ξύμης ἐσρυέν. Cornarius : minus vero et
quantum latere possit per σήσεαην illapsum. Melius quidem Foesius :
quantum suo impetu influens latere possit. Sed idem miras turbas
ciet , non animadverso parvo vitio quo τιτθὸν pro τυτθὸν scribeba_
tur.
De hum. , t. 1, p. 321: μύλης μὲν τριφθείσης πρὸς ἑωυτὴν ὀδόντες
ἠμώδησαν. Cornarius : malis quidem ad se ipsas attritis dentes
stupescunt. Bene Foesius : molæ attritu.
(Programme du gymnase de la ville de Kænigsberg , intitulé
Halbjæhrige Nachricht von Ostern bis Michaelis , 1818).
Hippocratis Coi opera quæ exstant, græce et latine veterum codi-
cum collatione restituta, novo ordine in quatuor classes digesta
interpretationis latinæ emendatione et scholiis illustrata a Hieron
Mercuriali Foroliviensi , Venetis, industria ac sumptibus Juntarum
1588, in-folio.
Cette édition est précédée de la Censure des écrits hippocrati-
ques, dont j'ai parlé dans l’Introduction, et elle est suivie des
Glossaires d’Érotien, de Galien et d'Hérodote. Les traités hippo-
cratiques y sont divisés en quatre classes, division dont j’ai exposé le
principe, p.170. Mercuriali a misen marge quelques variantes em-
pruntées à un manuscrit qu'il désigne sous le nom de Vet. Cod. ᾿
et qu'il ne décrit pas. En quelques cas, ces variantes m’ont offert
des corrections que je n’ai trouvées que là. Il a placé, à la fin de
chaque traité, des notes qui méritent d’être consultées. En résumé,
Mercuriali s’est livré à un travail tout neuf sur Hippocrate; il ἃ
discuté l’authenticité des livres, il s’est créé un système sur ce
point difficile, il a étudié le texte, et il a donné une traduction où
Von remarque partout l'effort pour entendre véritablement le sens
548 APPENDICE A L'INTRODUCTION.
de ses auteurs, et pour ne pas s’en tenir à mettre des mots Jatins à
la place des mots grecs.
Τοῦ μεγάλου ‘Irroxpérous πάντων τῶν ἰατρῶν χορυφαίου τὰ ebpr-
σχύμενα.
Magni Hippocratis medicorum omnium facile principis opera
omnia quæ exstant in ὙΠ sectiones ex Erotiani mente distri-
buta , nunc recens latina interpretatione et annotationibus illu-
strata, Anutio Foesio Mediomatrico medico authore, Francofurti
apud Andreæ Wecheli hæredes 1595, inf.
Le travail de Foes est incontestablement supérieur à tous ceux
qui l'ont précédé et à tous ceux qui lont suivi. C’est un beau
monument de l’érudition médicale dans le 16° siècle. Foes, qui a
suivi l’ordre d’Érotien dans la division des livres hippocratiques ,
a donné, pour chaque traité, des annotations très-savantes et très-
utiles ; il a publié un grand nombre de variantes qu’il avait prises
dans deux exemplaires, l’un venant de Severinus , jurisconsulte
parisien, l’autre de Fevræus , médecin de Paris ; ces deux savants
Υ avaient consigné les variantes des manuscrits de la Bibliothèque
de Fontainebleau. J’ai retrouvé presque toutes ces leçons dans les
manuscrits de la Bibliothèque Royale de Paris; cependant l’exem-
plaire de Severinus en ἃ un certain nombre, et quelques-unes
importantes , qui ne sont pas dans les manuscrits que possède aujour-
d’hui la Bibliothèque Royale. Foes ἃ ajoute encore des leçons qui pro-
viennent de Martinus, médecin de Paris, qui avait interprété
Hippocrate. Le texte grec que Foes ἃ publién’est presque pas différent
de celui de l’édition Froben; de sorte, qu’à vrai dire il n’a pas
fait usage, pour la correction de son auteur , des trésors qu’il avait
amassés. 1] ἃ été éditeur trop timide, et n’a pas osé introduire, dans
le grec, des corrections qu’il introduisait dans sa traduction. Sa
traduction , en effet, diffère quelquefois du texte grec qu'il ἃ
imprimé ; et cela nous prouve avec quel soin religieux il l’a faite;
ses notes expliquent en quoi le texte qu’il abandonne est vicieux ,
et pourquoi il traduit de telle ou telle façon ; de la sorte, sa tra-
duction peut servir en une foule d’endroits à corriger le texte grec
avec sûreté, On voit que l'édition de Foes est une mine qui doit
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES. 549
être fouillée avec beaucoup de soin : notes savantes, éclaircisse-
ments critiques, variantes nombreuses et importantes , traduction
élaborée, indications sûres de corrections pour le texte, 1ls”y trouve
de tout cela ; et, à défaut de manuscrits, son édition aurait suffi
pour fournir les éléments d’un nouveau travail sur Hippocrate.
Magni Hippocratis Coi opera omnia græce et latine edita et ad
omnes alias editiones accommodata industria et diligentia Joan.
Antonidæ Vander Linden, doct. et professoris medicinæ practicæ
primi in Academia Lugduno-Batava. Lugduno-Batav. 1665,
2 vol. in-8°.
Cette édition, très-commode par son format et par la netteté de
l'impression, a été, en général, jugée assez sévèrement par les
érudits. La mort de son auteur l’a empêché d’y joindre les notes et
les variantes qui l’ont déterminé à changer le texte en certains
points. Néanmoins, j’ai pu m’assurer que ces changements ont été
beaucoup moins nombreux et considérables qu’on ne le croit com-
munément. Je pense aussi que Vander Linden n’a guère consulté
les manuscrits. Ainsi, dans le traité de l’Ancienne Médecine, tous
les manuscrits et tous les imprimés ont ὑγρότητος προσγενομένης
ταῦτα μάλιστα ; Vander Linden seul, t, 1, p.38, 1. 21, ajoute :
ὃ πνεύμων après μάλιστα. D'où vient cette addition sans autorité ἢ
De ce que Cornarius, embarrassé par cette phrase entièrement alté-
rée, en effet, dans les imprimés et dans les manuscrits, ἃ cru devoir
ajouter pulmo dans la traduction latine. De là, Vander Linden
l'a fait passer dans le texte grec. Les notes auraient sans donte
exposé ses raisons.
Hippocratis Coi et Claudi Galeni Pergameni ἀρχιατρῶν opera.
Renatus Charterius Vindocinensis , plurima interpretatus , universa
emendavit , instauravit , notavit, auxit , secundum distinctas medi-
cmæ partes in XIII tomos digessit et conjunctim græce et latine
primus edidit. Lutetiæ Parisiorum , apud Jacobum Villery. 1679
13 vol, in-fe.
L'édition de Chartier est très-incommode à cause du nombre des
volumes et du mélange des livres d’Hippocrate avec ceux de Galien ;
mais du reste elle m'a semblé mériter plus de faveur qu’on ne lui en
550 APPENDICE À L INTRODUCTION.
accorde ordinairement, Chartier a rapporté un grand nombre de
variantes prises dans les manuscrits conservés à la Bibliothèque
Royale de Paris.
Je joins ici, sur les éditions gréco-latines et latines que je viens
de passer en revue, l’opinion d’un critique très-habile, M. Struve,
qui pense que le texteet latraduction avaient, malgrétant de travaux,
besoin d’être soumis à une révision attentive.
« Quo tandem animo ferendum est, in omnibus Hippocratis
operibus interpretes ita turpiter sese gessisse,ut nostrorum temporum
medicis , qui plerumque græca vix attigerunt, ubi ex latina Hippo-
cratis interpretatione sapere coguntur , semper metuendum sit, ne
longe aliud inde proferant quam quæ princeps ille medicorum in
animo habuerit. Non hic loquor de locis corruptis, quorum multo
plures quam quis credat apud scriptorem hunc , dignissimum sane
qui accuratiore tandem cura perlustretur, etiamnum supersunt.
Verum etiam in apertissimis eos ita falli potuisse non excusandum
est (Æalbjæhrige Nachricht von Ostern bis Michaleis , 1818).
Les œuvres d’Hippocrate traduites en français, avec des remar-
ques, et conférées sur les manuscrits de la Bibliothèque du Roi, Pa-
ris 4697, 2 tom. in-12.
Cette traduction n’est pas achevée. Dacier, qui en est l’auteur
n’étant pas médecin, n’était pas compétent de ce coté, mais il l’était
beaucoup pour tout ce qui regardait le grec ; aussi sa traduction
A
et quelques notes qu’il y a jointes méritent d’être consultées.
Ta Ἱπποχράτους ἅπαντα.
Hippocratis opera omnia cum variis lectionibus non modo huc
usque vulgatis, verum ineditis potissimum, partim depromptis ex
Cornarïi et Sambuci Codd. in Cæsar. Vimdobonensi Bibliotheca
hactenus asservatis et ineditis, partim ex aliis ejusdem bibliothecæ
mss. libris, ac denique ex Mediceis Laurentianis mss. Codd. colle-
ctis; quarum ope sæpenumero græcus contextus fuit restitutus. Ac-
cessit index Pini copiosissimus cum tractatu de mensuris et pon-
deribus. Studio et opera Stephani Mack ,Elisabethæ Christinæ aug.
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES. 551
aulæmedici.Viennæ Austriæ ; ex typographia Kaliwodiana, 1743,2
vol. in-f°.
Cette édition est restée inachevée et fort loin encore de son ter-
me. C’est, pour l’exécution typographique et le papier, la plus belle
de toutes ceiles des œuvres d’Hippocrate, Mais ce n’est pas son seul
mérite; en effet Mack ἃ eu à sa disposition les manuscrits de la Bi-
bliothèque Impériale de Vienne ; aussi trouve-t-on, dans son édi-
tion, certaines choses qu’on chercherait vainement ailleurs. Il s’est
servi (voyez sa préface ) de deux exemplaires venant, l’un de Sam-
bucus, et l’autre de Cornarius. Lambecius ( Commentar. Biblio-
thecæ Vindobonensis , L. VI , 154) dit du premier : « Johannes
quidem Sambucus, anno 41561 ,incredibili cura ac studio in margine
Codicis Aldini adjunxit aliquot mille varias lectiones manuscriptas
ex pervetusto quodam codice manuscripto Tarentinoet ex alio quo-
dam codicemanuscripto Fontemblensi, necnon ex exemplari quodam,
exeuso quidem, sed plurimis locis Romæ correcto; quas ipse ibi sum-
mopere commendat tanquam saluti hominem non parum necessarias
futuras. » Il dit de l’exemplaire de Cornarius : « Exstat quoque in
eadem Bibliotheca Augusta aliud operum Hippocratis exemplar, a
Jano Cornario Basileæ anno 1538 græcein-folio editum, in cujus.
margine itidem plurimæ exstant variæ lectiones manuscriptæ ; de
quibus ipse Cornarius ibi propria manu scribit, se eas non exigua
impensa sibi comparasse.» Outre ces exemplaires enrichis de va-
riantes, Mack trouva, dans la Bibliothèque Impériale de Vienne,
plusieurs manuscrits ; il les dit excellents ( optimæ notæ ); mais il
n’apas pris le soin de les décrire. Ilrapporte, dans sa préface, quel-
ques exemples où, à laide de ces manuscrits, il a pu restituer
des passages très altérés, et sur lesquels les manuscrits des autres
bibliothèques ne fournissent aucune lumière. Cela prouve la né-
cessité d’une collation complète des manuscrits de toutes les hi-
bliothèques, et cela rend en même temps l’édition de Mack pré-
cieuse pour un éditeur des œuvres d’'Hippocrate.
Hippokrates Werke aus dem Griechischen ubersetzt, und mit
Erlæuterungen von D. Johann Friederich Karl Grimm.
Altenburg, 4 vol. in-12.
292 APPENDICE ἃ L'INTRODUCTION.
Le 4° volume est de 1751, le 2° de 1784, le 5° de 1785 , et le
4° de 1792.
Cette traduction est très estimée en Allemagne ; quoique conduite
assez près de sa fin, elle est malheureusement restée inachevée.
Elle est enrichie de notes fort savantes sur différents points et no
tamment sur l’ancienne matière médicale. Grimm, en étudiant son
auteur pour en donner une explication qui le satisfit et qui satisfit
le public, avait eu occasion de reconnaître combien 1] était néces-
saire, mais en même temps combien il était difficile de travailler le
texte, tout en travaillant la traduction. Il dit dans sa Préface :« Une
revue générale et critique des nombreux manuscrits d’Hippocrate
manque, et l’on ne sait lequel présente le texte le plus pur, et
exige le moins de restaurations faites avec le secours desautres. Le
manuscrit et l’imprimé d’Asulan ( Alde ), bien qu’ils soient un des
plus suivis et qu’ils servent de base aux corrections, n’ont pas ce-
pendant, cela est aujourd’hui prouvé, cet avantage par dessus les
autres textes. Je doute aussi que l’on soit pres d’arriver à ce but
demañdé par lacritique; car il n’y a qu’un petit nombre d’hommes
qui songent à cet auteur, et ceux-là, pour la plupart, vivent loin
desgrandes bibliothèques et sont dépourvus des moyens nécessaires.
Ajoutons que corriger tous les livres qui portent le nom d’Hippo-
crate, dépasse les forces d’un seul homme. Ainsi, à l’égard de l’é-
tude critique du texte, Hippocrate est réellement eu arrière de beau-
coup d’autres anciens auteurs.»
Traduction des œuvres médicales d’Hippocrate sur le texte grec
de Foes. Toulouse, 1801, 4 vol. in-&.
Gardeil (c’est l’auteur de cette traduction) s’est servi du texte de
Foes ; sa traduction ne va par conséquent pas au delà des mérites
de ce texte, que j'ai apprécié. Elle est aussitont-à-fait dépourvaedu
style et du coloris qui sont remarquables dans quelques-uns des li-
vres hippocratiques. Néanmoins, elle est certainement préférableaux
traductions latines qui l'ont précedée.
Fondation de la doctrine d’Hippocrate d’après le texte, par M.
le Chevalier de Mercy. Paris 1812 et années suivantes.
ÉDITIONS ET TRADUCTIONS COMPLÈTES. 553
Sous cetitre, M. de Mercy a publié une édition gréco-française des
œuvres d’Hippocrate. Il ne m’appartient peut-être pas de dire ici
mon opinion sur cet ouvrage.
Τοῦ μεγάλου ἱπποχράτους ἅπαντα. Magni Hippocratis opera omnia.
Editionem curavit D. Carolus Gottlob. Kühn, professor physio-
logiæ et pathologiæ in ltterarum universitate Lipsiensi publicus
ordinarius. Lipsiæ 1825, 3 vol. in-8°.
Le texte est celui de Foes, la traduction est celle de Foes ; de sorte
quecette édition n’a pas d’autre avantage que d’avoir mis Foes sous
un format pluscommode. Mais, d’un autre côté, les notes de Foessont
supprimées, et le lecteur qui n’a entre les mains que cette édition ne
comprend plus comment il se fait que dans certains endroits la tra-
duction dise tout autre chose que ce que dit le texte grec.M.Kübn
a mis, en tête de son édition, qui n’est qu’une réimpression de Foes,
la notice d’Ackerman sur Hippocrate, et 1l la accrue de quelques
remarques.
Telles sont les éditions et traductions complètes des œuvres d’'Hip-
pocrate; j’indiquerai, à chaque traité, les éditions et traductions par -
ticulières.
Plusieurs éditions avaient été promises et n’ont jamais été exc-
cutées. George Seger en avait annoncé une, dont le spécimen seul
a paru (voyez Jo. Molleri Zypomnemataad Alb. Bartolinum de
scriptis Danorum, p. 295 ).
D. G. Triller a travaillé, une grande partie de sa vie, à préparer
une édition d’Hippocrate; il n’en aparu, comme spécimen, que l’e-
puscule sur Ζ Ænatomie.
Fr. Clifton, qui voulait donner une édition des œuvres d’Hippo-
crate d’après un nouveau plan et une nouvelle méthode, n’a rien
publié (voyez Hist. litterar. Angliæ, vol. 5, n° 15, et Commerc.
litterar. Norimberg. 1752, hebd. 50).
Mais il ÿ ἃ surtout deux hommes dont il est bien à regretter que
les promesses n’aient pas été tenues. Le premier est Goray ; il suffit
de dire que l’Europe savante ne jugeait personne plus capable que
lui de remplirunepareille tâche. Le second est M. Dietz, jeune mé-
554 APPENDICE A L'INTRODUCTION,
decin allemand qui, après avoir publié une édition du traité de la
Maladie sacrée comme essai de ses forces, put, à l’aide d’une
mission du gouvernement prussien, visiter les principales biblio-
thèques de l’Europe. Il y avait recueilli une masse considérable de
matériaux, 1] avait consulté les manuscrits les plus divers, il avait
publié la collection des commentateurs grecs d’Hippocrate dont quel-
ques-uns étaient inédits, et, toutes ces richesses laborieusement amas-
5665, 1] comptait les employer à donner d’Hippocrate une édition
qui fût neuve par la forme et par le fond. Une mort prématurée ἃ
anéanti toutes ces espérances.
FIN DE L'APPENDICE.
[TITIOK PATOYZ
AITANTA
OEUVRES
D'HIPPOCRATE.
PREMIÈRE CLASSE.
TRAITÉS QUI SONT D’HIPPOCRATE.
4
Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς. — De l’Ancienne médecine.
Περὶ ἀέρων, ὑδάτων, τόπων. ---- Des Airs, des Eaux et des Lieux.
Tpoyvworixôv. — Le Pronostic.
Περὶ διαίτης ὀξέων. — Du régime dans les maladies aiguës.
᾿Επιδημιῶν α΄ καὶ γ΄. — Épidémies, 4er et 5° livres.
Περὶ τῶν ἐν κεφαλὴ τρωμάτων. ---- Des plaies de tête.
Περὶ ἀγμῶν. ---- Des fractures.
Περὶ ἄρθρων. ---- Des articulations.
Μοχλιχόν. — Des instruments de réduction.
“Opxoc. — Le serment.
Nôuoc. — La loi.
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IIEPI ΑΡΧΑΙΗΣ JATPIKHS.
DE L’ANCIENNE MÉDECINE.
ARGUMENT.
Le livre de Ancienne Médecine contient à la fois une po-
lémique , une méthode et un système; c’est ce qui m'a dé-
cidé à le mettre en tête de ce que je regarde comme les
œuvres propres d’'Hippocrate; car, placé ainsi, il forme une
sorte d'introduction, d'autant meilleureet plus fidèle qu’elle
est due à l’auteur lui-même et qu'il ne s’y méle rien d’é-
tranger.
Je vais examiner successivement sur quoi porte la polémi-
que, quelle est la méthode, en quoi consiste [6 système.
La polémique est dirigée contre ceux qui, posant d’abord
une hypothèse, en font dériver, comme d’une seule cause,
l'origine de toutes [65 maladies. Expliquons cela davantage, Du
temps d’'Hippocrate, les médecins admettaient le chaud, ou le
froid , ou le sec et l’humide, dans le corps humain; c'était leur
hypothèse : et, cela fait, ils faisaient dériver toutes les maladies
ou du chaud ou du froid, ou du sec, ou de l’humide. J'ai eu
déjà l’occasion de m'expliquer, dans Introduction, p.192, sur
ce qu'il faut penser de ces qualités; et ici je dirai seulement
que les anciens médecins qui attribuaient à une seule d’en-
tr'elles toutes les maladies, ne faisaient pas autre chose
que ceux qui, parmi les modernes , ont attribué toutes les
maladies soit au genre nerveux, soit aux altérationsdu sans.
Hippocrate les combat par une double argumentation ,
l’une particulière, l’autre générale.
L’argument particulier est celui-ci : un homme épuisé
par un mauvais régime, le guérirez-vous par le chaud, ou le
558 LE L'ANCIENNE MÉDECINE.
froid, ou le sec, ou l’humide ? Non, vous le guérirez par un
bon régime, sans savoir dire quelles sont les qualités qui
dominent dans les substances réparatrices que vous lui
administrez. De plus, quand vous prescrivez une substance
à un malade , pouvez-vous dire qu’elle soit simplement
chaude, ou froide, ou sèche, ou humide, et n'est-elle pas
douée d’une foule d’autres propriétés efficaces ? Il est donc
vrai que votre hypothèse est en contradiction avec les faits.
Mais elle ne l’est pas moins avec la philosophie de la
science, et c’est là l'argument général. Nul, dit Hippocrate ,
n’est autorisé à placer la médecine sur une hypothèse quelle
qu’elle soit ; car la médecine a des faits positifs desquels il
faut partir de préférence à toute supposition. Hippocrate ne
permet l'hypothèse que là où les observations directes man-
quent, et il cite pour exemple les objets célestes ou les
objets cachés sous la terre. Alors , retraçant l'enchaînement
même de l'expérience médicale, et y rattachant la sûreté de la
science, ilreprend de haut le commencement de la médecine,
il montre qu’elle a des analogies avec les améliorations que
l'alimentation primitive des hommes reçut dans le coursdes siè-
cles ; puis il expose comment se révélèrent les mauvais effets
dela nourriture dansles maladies; etenfin ilenseign comment
la médecine proprement dite est née de cet ensemble d’obser-
vations réelles et positives, découvertesi belle et si utile qu’on
a cru devoir la consacrer en lattribuant à un Dieu. Cette vue
de la naissance de la médecine est fondée sur de très an-
ciennes idées. Ainsi Isocrate dit en parlant des Égyptiens ;
« Ils ont inventé la médecine pour le soulagement des hom-
mes, non cette médecine qui use de remèdes périlleux,
mais celle quise sert de moyens aussi sûrs, dans leur emploi,
que notre nourriture quotidienne, et qui est si avantageuse
queles Egyptiens sont, de l’aveu detous, le peuple le plussain
et vivant le plus long-temps(1).» Strabon parle de même dela
Isocr. in laude Busiridis.
ARGUMENT. 559
médecine des Indiens, laquelle a recours le plus souvent, non
aux médicaments, mais à l'alimentation (1).
C'est dans cette masse d'expériences, c’est dans ce passé
tout entier qu'est posée la base de la médecine ; c’est de là
qu'il faut partir sous peine de s’égarer. Une hypothèse sub-
stituée à la réalité que l’on possède ici , est une déviation de
la vraie route, et une erreur capitale, qui change une
science véritable en une spéculation vide et sans fondement.
Hippocrate va jusqu’à dire que par une autre méthode il est
impossible de rien trouver , n’admettant pas que l’on puisse
trouver quelque chose si on s'appuie sur une hypothèse, et
croyant que séparer des faits la science, c’est la séparer de
sa racine et la frapper de stérilité.
Hippocrate appelle nouveaux les systèmes qui cherchaient,
dans un élément unique, ou le jeu régulier de la vie
ou les altérations de la maladie; en effet ces systèmes prove-
naient de l'influence de l’école d’'Elée. Xénophane, Parménide,
Zénon, Mélissus avaient soutenu que l’univers forme une
immense unité; Zénon même avait introduit, dans sa physi-
que, les quatre qualités du chaud, dufroid, du sec etde l’hu-
mide. Ces philosophes étaient antérieurs à Hippocrate ; leur
doctrine influa, comme cela arrive toujours, sur la médecine ;
etle temps nécessaire pour quecette influence se fit sentir, expli-
que comment Hippocratesignale la nouveautédes opinions qui
importent, dans la pathologie, l'idéesystématique des Eléates, et
veulent rattacher à une seule cause l’origine de toutes lesma-
ladies. Le gendre d'Hippocrate, Polybe, combat en physiolo.
gie une doctrine semblable et il remarque expressément
que soutenir l'unité de composition du corps, c’est justifier
la doctrine de Mélissus (2).
En faisant la critique de ceux qui, deson temps, prétendaient
ramener à une ou à deux causes l’origine de toutes les mala-
dies , Hippocrate ἃ condamné d'avance tous les systèmes qui
τ P. 677, Basil,, 1549,
2 Τὸν Μελίσσου λόγον ὀρθοῦν. Pag. 20, Ed. Frob.
en L ΄
200 DE L ANCIENNE MÉDECINE.
reposent sur une base semblable. Ses arguments , dirigés
contre des médecins disciples de la philosophie d’'Elée , por-
tent, dans la série dessiècles, contreles Pneumatiques, qui pla-
çaient les maladies dans le pneuma , contre les Méthodiques,
qui les attribuaient au laxumetaustrictum ; contre les latro-
chimistes , quienaccusaient ou lafermentation, ou l’alcalinité,
ou l'acidité ; contre ceux enfin qui les imputaient à l’incitabilité
ou à l’irritation. Danstous ces systèmes, en effet, on part d’une
hypothèse : c’est qu'iln’y a dans le corps que la propriété d’après
laquelle on systématise toute la pathologie ; or, l'hypothèse est
trompeuse, dit Hippocrate , elle éloigne des réalités , etil ajoute
qu’elle est même inutile dans unescience qui ἃ des faits pour
point dedépart. Stahl a répétéavecune grande justesse, après
Hippocrate : « Debet ante omnia medica pathologia occupari
circa res veras qua vere sunt et existunt (Stahl, p. 442 ).
La méthode d'Hippocrate ressort immédiatement de sa po-
lémique ; avant tout, il veut que la médecine s’étaie sur les
observations , sur les faits, sur ce qu'il appelle la réalité,
mais ce n’est pas tout, et là ne se borne pas la règle qu'il
impose. Les observations , les faits , la réalité sont bien sans
doute ce que chacun voit et éprouve (1); mais le domaine en
est encore plus étendu , et la tradition de la science fournit
des observations , des faits , une réalité qu'il faut prendre en
considération et développer par un sage emploi du raisonne-
ment, λογισμῷ προσήχοντι, Certes , ilest impossible d’avoir une
vue plus nette et plus étendue de l’étude de la médecine.
Voilà la méthode d’Hippocrate ; voici son système. Il vit,
dans le corps humain , pendant la santé et pendant la mala-
“A ce sujet je ne puis m'empêcher de signaler une nouvelle ressem-
blance de Platon, avec l’auteur du livre de l’Ancienne Médecine. Hip-
pocrate y dit qu’il ne faut pas s’écarter de la réalité ( ἀποτεύξεσθαι τοῦ
ἐόντος). Platon dit de même, que l'être qui pourrait se dépouiller des
sens et de tout le corps pour n’user que de l'intelligence , rencontre-
rait plus que tout autre, la réalité ( ὁ τευξόμενος τοῦ ὄντος, Phædon, t. 1,
p. 114, Ed. Tauchn.\.
ARGUMENT. 561
die, les humeurs se modifier et se lier, par leurs modifica-
tions mêmes, aux conditions de ces deux états. Il en conclut
que la santé est maintenue par le juste mélange des humeurs,
et que la maladie est produite par leurs inégalités. IL admit
encore , attendu le changement de ces humeurs , qu’elles su-
bissent une coction qui les fait rentrer dans leurs justes li-
mites. Enfin, le temps étant une condition nécessaire du
développement pathologique , 1] essaya de constater la règle
des crises et des jours critiques.
Tel est son système ; mais, remarquons-le bien , 1] n’a cru,
dans tout cela, faire aucune hypothèse ; car il appelle hypo-
thèse ce qui est une pure conception de l'esprit, sans démon-
stration possible; et lui, il s'appuie sur des faits et des
observations dont il pense faire un légitime usage.
Le temps, qui a passé sur sa méthode sans altérer , n’a pas
respecté son système. J’ai parlé ailleurs, en général, de la pa-
thologie humorale , de la coction et des crises (1), et je retrou-
verai plus loin l’occasion d’en examiner certaines applications
particulières. Seulement je ferai remarquer qu'Hippocrate a es-
sayé d'ajouter, à sa doctrine des humeurs, quelques notions
sur l'influence de la structure des organes. Mais là l’imper-
fection des connaissances de son temps ne lui a pas permis
de s'élever à des considérations étendues ; et, en comparantle
Voyez à ce sujet le livre de M. Houdart, intitulé : Etudes his-
toriques et critiques sur la vie et la doctrine d’Hippocrate, Paris 1836.
M. Houdart combat, avec beaucoup de vivacité, les points principaux
du système hippocratique. Π ἃ trés bien saisi le caractère pronostique
de ce système , caractère qui ἃ déterminé la rédaction des histoires
particulières des Épidémies. Il a traité, avec une grande liberté d'esprit, |
toutes les fables dont on ἃ orné la vie du médecin de Cos ; enfin,
quoiqu'il ne se soit occupé qu’en passant de l'authenticité des difiérents
écrits de la Collection hippocratique, il a reconnu et montré, comme
avait fait avant lui M. Ermerins dans sa Thèse, que les Prénotions de
Cos ont servi de matériaux au Pronostic d'Hippocrate. On voit que
le livre de M. Houdart est un ouvrage où j'ai puisé des idées et des
démonstrations qui m'ont instruit,
TOM. I, 56
562 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
peu qu'il en dit, avec les longs détails qu'il donne sur les
mouvements des humeurs , on voit combien l’observation de
ces mouvements avait été plus cultivée par les anciens méde-
cins que l’observation des organes.
Τ᾽ αἱ recherché à quels systèmes antérieurs pouvait se ratta-
cher le système d’Hippocrate, et il m'a semblé que l’idée fonda-
mentale provient d’Alcméon , et par conséquent dérive d’une
source pythagoricienne. En effet, avant qu'Hippocrate ne
prétendit que le juste mélange des qualités, duvépues, est la
cause de la santé, et leur dérangement la cause de la maladie,
Alcméon avait dit: « Ce qui maintient la santé, c’est l’égale
répartition des qualités, δυνάμεων, de l’humide , du chaud,
du sec, du froid , de l’amer, du doux et des autres ; la domi-
nation d’une seule d’entre elles produit les maladies , et cette
domination est idélétère (1). » Ce système est exactement ce-
lui d'Hippocrate ; le sens et même les expressions sont sem-
blables. Le juste mélange, la crâse, l’isonomie , la symétrie
et l'harmonie, étaient, dans le fond, des doctrines pythagori-
ciennes. Philolaus, autre pythagoricien , avait dit de la façon
la plus générale, que, les principes des choses n'étant ni sem-
blabies ni homogènes, 11 était impossible qu'ils fussent or-
donnés , si l'harmonie ne les pénétrait de quelque manière
que ce füt (2). Ce principe, dans son application particulière à
l’organisation du corps, s’est traduit par l'harmonie , par la
symétrie ; par le juste mélange des humeurs. L’harmonie ,
dans le langage pythagoricien , était synonyme de symé-
trie (3). Du moment que la doctrine d’Hippocrate est ainsi
rattachée à un philosophe pythagoricien , il n’est plus éton-
nant d’y trouver les nombres jouissant d’une grande im-
*Plut. De plac. phil., v, 30.
2 Ἐπεὶ δέτε ἀρχαὶ ὑπῆρχον οὐχ, ὅμοιαι oùd'éusouo. ἐοῦσαι, ἤδη ἀδύνατον
ἦν ἂν καὶ αὐταῖς χοσμηθῆμιεν, εἰ μιὴ ἀρμιονία. ἐπεγένετο, ᾧτινι ἂν τρόπῳ ἐγέ-
vero. Stob. Ecl., 1, p. 460; Bæckh, Philol., n°. 4.
3 Τὰς cuuwerpias ἃς καὶ ἁουιονίας καλεῖ (Πυθαγόρας). Plut. de plae:
phil, 1, 9.
ARGUMENT. 563
portänce. De à la recherche attentive des jours critiques,
et les calculs qu'Hippocrate, en divers endroits de son livre,
a fondés sur cette considération. Galien assure que la prio-
rité de la doctrine de Ja crâse appartient à Hippocraté ; en
cela il se trompe , nous venons de le voir , mais il ajoute que
cette doctrine distingue Hippocrate d'Empédocle , et que ce
dernier, attribuant, il est vrai, la composition de notre corps
et de tous les corps situés autour de la terre aux mêmes
quatre éléments, lattribue, non au mélange de ces élé-
ments, mais à leur juxtaposition dans leurs parties les
plus ténues (1). Hippocrate différait donc d'Empédocle en un
point essentiel. De là vient la réprobation dont il l’a frappé
dans une phrase du traité de l’Ancienne médecine, phrase qui
manque dans tous les imprimés, et dont je dois l’importante
restitution à un manuscrit.
C’est dans le cours de l’exposition de son système que,
s’interrompant tont-à-coup , il consigne une grande pensée,
qui est le résumé de toute sa philosophie sur la science de la
vie, à savoir, que, pour étudier le corps humain , 1] faut l’é-
tudier dans ses rapports avec toute chose. Cette pensée ἃ été
relevée et citée par Platon, et c’est sous l'inspiration du phi-
losophe et du médecin que Pascal ἃ dit: « Les parties du
monde ont toutes un tel rapport et un tel enchainement l’une
avec l’autre, que je crois impossible de connaître l’üne sans
l’autre et sans le tout. »
Les philosophes et médecins combattus par Hippocrate,
étudiant le corps humain en soi, déduisaient tous les chan-
gements qu'il subit de la considération d’une seule propriété -
et ils tiraient cette déduction én vertu d’une doctrine assez
semblable à celle de certains médecins de nos jours qui ont
expliqué toutes les maladies par les lésions anatomiques. Au
contraire , Hippocrate regarde le corps vivant comme une sub-
Stance dont les propriétés ne peuvent être déterminées à prio-
ri, ni en vertu, disait-il alors, de la composition du chaud;
Ti V,p. 8, Ed. Basil,
564 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
du froid , du sec ou de l’humide, ni en vertu, aurait-il dit de
nos jours , de la texture des parties. Les chercher de cette
façon , c’est les chercher par une mauvaise route; et ces pro-
priétés ne se laissent pénétrer que par une expérimentation
générale qui constate quels effets la substance vivante reçoit
de chaque chose. La connaissance de ces effets constitue la
connaissance du corps humain. C’est là ce que j’appellerai le
vitalisme d'Hippocrate , vitalisme qui, prenant la vie comme
une chose positive et l'être vivant comme une substance, en
recherche les rapports d'action et de réaction avec les divers
objets de la nature; vitalisme qui restera éternellement vrai à
côté de tous les travaux qui ont pour but et ont eu, il faut
ajouter, pour résultat de jeter, par l'examen de la formeetde
la texture, une grande lumière sur certains phénomènes de
l'organisme. À mesure que explication avance, la vierecule,
elle s'échappe, et à jamais demeurerainsaisissable; de sorteque
nous devons toujours considérer l'être qu’elle anime, comme
un corps doué de propriétés qu'il s’agit d'étudier par l’expé-
rience , comme un corps duquel il faut apprendre , ainsi que
le dit Hippocrate, comment il se comporte à l'égard de cha-
que chose. Or, c’est ce que rien au monde ne pourrait faire
deviner à priori. Qui, pour me servir d’un exemple choisi
par Hippocrate lui-même, aurait prévu, en recherchant l’or-
ganisation du cerveau, que le vin en dérange les fonctions?
Et à qui encore la connaissance anatomique du corps humain
aurait-elle appris que les miasmes marécageux produisent
une fièvre intermittente?
C’est ici le lieu de remarquer ( car Hippocrate lui-même
me conduit à cette remarque, qui ne me semble pas sans
importance ) que la physiologie se compose de trois parties
essentielles : la première est l'étude du développement de
l’être depuis la fécondation jusqu’à la mort; la seconde
est l'étude du mécanisme des fonctions; la troisième est
l'étude des effets que l'organisme, en tant que substance vi-
vante, éprouve de toutes les choses avec lesquelles 1] se trouve
ARGUMENT. 265
en rapport. Ces trois parties ont été très inégalement traitées ;
en général , les modernes ont donné une attention particulière
à la seconde. Les recherches anatomiques et les expériences
physiologiques ont produit de très grands résultats et
éclairé le jeu de plusieurs fonctions qui étaient restées un
mystère pour nos prédécesseurs. La première partie, c’est-à-
dire le développement de l'individu depuis le commencement
jusqu’à la fin de la vie, a commencé à être traitée avec tout
le soin qu’elle mérite, et elle forme une longue et admirable
section du grand ouvrage de M. Burdach (1). Mais la troi-
sième partie n’a pas encore obtenu autant de considération ;
elle appartient plus directement à l’hygiène et à la patholo-
gie, etelle a appelé plus que les autres l'attention d'Hippo-
crate et des anciens en général.
Le livre de l’Ancienne Médecine, si remarquable par la rec-
titude du jugement et par la profondeur des pensées, ne l’est
pas moins par la beauté et l'excellence du style; là, la forme
est en tout digne du fond. Les périodes, généralement lon-
gues ,sontconstruites avecune régularité parfaite; lesmembres
de phrase s’y balancent et s’y complètent de manière à satis-
faire aussi bien l'oreille que l'esprit; l'expression , pleine de
justesse et de clarté, est toujours grave et ferme ; et cependant
elle se colore d'intervalle en intervalle, de façon qu’on recon-
naît l’écrivain qui, maître de son sujet et de lui-même,
s'arrête dans les limites tracées par un goût naturel. C’est
certainement un beau morceau de la littérature grecque ; et ce
traité est un modèle achevé de la discussion scientifique sur
les points généraux et élevés de la médecine.
Peut-être était-il difficile de reconnaître ces mérites dans les
précédentes éditions , telles qu’elles donnent le traité del 42-
cienne Médecine: c’est un des livres qui ont le plus souffert de
* Traité de physiologie , considérée comme science d'observation,
trad. de l'allemand , par A. J. L. Jourdan, Paris, 18317 — 1839, 8
volumes in:80,
566 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
la négligence des copistes, et c’est aussi un des livres où la
collation des manuscrits ma permis d'apporter les change-
ments les plus considérables , et, j’ose dire, les plus heureux.
J'ai pu remplir des lacunes, rendre clairs des passages ou
très obscurs ou absolument inintelligibles, réteblir la régu-
larité des phrases troublée en plusieurs endroits, et publier,
au lieu d’un texte interrompu çà et là par des taches, par des
omissions, par des altérations de toute nature, un texte
épuré où tout marche et se suit sans difficulté. IL n’y a guère
que deux ou trois points où les manuscrits m'ont fait défaut,
et où j'ai eu recours aux conjectures. Ceux qui compareront
le texte vulgaire avec celui que j'ai imprimé , et qui jetteront
un coup-d’œil sur les variantes que j'ai recueillies et discutées
reconnaitront les améliorations importantes que le livre de
V Ancienne Médecine doit à une collation exacte des manus-
crits.
En résumé, le livre de l’Æncienne Médecine donne une
idée des problèmes agités du temps d’'Hippocrate, et de la
manière dont ils étaient débattus. Il s’agissait, dans la plus
grande généralité de la patholovie, de déterminer la cause
des maladies ou, en d’autres termes, de poser les bases d’un
système de médecine. Certains médecins disaient que cette
cause, étant une, résidait dans une propriété unique du corps,
propriété qu’ils spécifiaient. Hippocrate répétait qu’en fait, cela
était en contradiction avec l'expérience, qu'en principe une
hypothèse était suspecte et stérile, et qu'il n’y avait de sûreté
que dans l'étude des faits et dans la tradition de la science
qui y ramène. Ainsi, quatre cents ans avant J.-C., on es-
sayait de rattacher toute la médecine à une seule propriété hy-
pothétique , comme on l'a essayé de nos jours; mais cette
propriété était ou le chaud , ou le froid, où l’humide, ou le
sec. Quatre cents ans avant J.-C. , un esprit sévère et éclairé
combattait de tellesopinions au noin de l'expérience, montrait
que les causes des maladies ne pouvant pas se ramener à
une seule, le champ de la pathologie générale était bien plus
ARGUMENT. 567
vaste qu’on ne croyait; et formulait ce que l'observation lui
avait permis de-conclure ; maissa conclusion n’embrasse guère
que le trouble dans le mélange des humeurs, que leur coc-
tion et leurs crises. Depuis lors , la méthode de ceux qu'Hip-
pocrate avait combattus, et la méthode d'Hippocrate , l’'hypo-
thèse et l’observation se sont perpétuées, ainsi queletémoigne
l'histoire de la médecine ; mais ce ne sont plus ni l’ancienne
hypothèse, ni l’ancienne observation.
IL est certainement instructif d'étudier, dans le cours du
temps, les problèmes tels qu'ils ont été posés, et les discussions
qu'ils ont soulevées. On le voit , la science antique a de grandes
ressemblancesavec la science moderne ; dès l’époqueque nous
sommes forcés de regarder comme laurore de la médecine,
dès les premiers monuments que nous possédons, les ques-
tions fondamentales sont débattues, et les limites de l'esprit hu-
main sont touchées. Mais en dedans de ces limites, la science
trouve, dans une immensité inépuisable de combinaisons, les
matériaux qui la font grandir; et il est impossible de ne pas
reconnaître que, sur un sol et avec les aliments que lui four-
nissent les choses et l'expérience , elle se développe en vertu
d’un principe interne de vie, qui réside dans l’enchaïnement
nécessaire de son développement successif.
Bibliographie.
Le traité de l’Æncienne Médecine ἃ été objet des publi-
cations suivantes :
Zvingerus l’a publié, dans sa collection, avec le texte grec,
des variantes et une traduction. C’est urie fort bonne édition
ΠΥ a joint un commentaire difficile à lire à cause de la
forme tabellaire.
Gorræus a donné (in-4° 1544), avec la traduction latine,
le texte grec; c’est encore un bon travail.
Cornarius l’a publié en latin (Basil. 1543 in-40).
568 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
Euseb. Schenk, Dissertatio de 115 quæ Hippocrates tradidit
in proœmio de veteri medicina, 1619 in-40. Je n'ai pas vu
cette dissertation.
Ex libris Hippocratis de nova et prisca arte medendi deque
diebus decretoriis epithomæ Michaelis Angeli Blondi. Romæ
1545. C’est une simple traduction des traités de 1᾽ 4τ| et de
l’ Ancienne Médecine, traduction qui m’a paru mauvaise. .
ΕἸ. Schuyl pro veteri medicinâ, Lugd. Bat. et Amstelod.
apud Gaabesquios. 1670, in-24. C’est une polémique en fa-
veur de Sylvius, où l’auteur s’appuie beaucoup du livre de
veteri medicina.
In Hippocratis librum de veteri medicina Lucæ Antonii Por-
τ Neapolitani paraphrasis, Romæ, 1651. C'est une traduction
très libre où l’auteur a introduit quelques développements.
Il pense que la doctrine qu'Hippocrate expose dans ce traité
est celle de Démocrite. J'ai fait voir qu'Hippocrate avait
emprunté à Alcméon une de ses notions fondamentales sur la
santé et la maladie.
Divers traités sur les panacées, ou remèdes universels, sur
les abus de la médecine ordinaire , avec une traduction d’Hip-
pocrate de la cause des maladies , et des avis de Van Helmont
sur la composition des remèdes, par Jacques Massard , doyen
du collége des médecins de Grenoble, de l’académie royale des
nouvelles découvertes de médecine, à Paris. 2° édition. Ams-
terdam , 1686, in-24.
L'auteur qui intitule le traité de l_Æncienne Médecine traite
de la cause des maladies et de l'ancienne médecine , dit p. 87,
dans un court préambule: « Hippocrate ἃ composé ce
« traité de l’ancienne médecine contre certains novateurs de
« son temps qui établissaient pour la cause des maladies le
« chaud et le froid , le sec et l’humide, et par ce faux prin-
« cipe, renversaient le fondement de l’ancienne médecine. Ce
«
«
ARGUMENT. 569
grand homme combat cette erreur dangereuse , et fait voir
que le fondement de la médecine doit être sensible, qu’il
faut juger des aliments et des remèdes par le rapport
qu'ils ont avec la nature et suivant les biens et les maux
qu’on en reçoit, et non pas sur des suppositions imaginaires,
comme faisaient ces nouveaux auteurs. Il prouve que les
aliments ne profitent où n’incommodent pas en tant que
chauds et en tant que froids, mais par le rapport qu'ils ont
avec la nature et suivant les biens et les maux qu'on en
reçoit,
Suit la traduction, où l’auteur a supprimé plusieurs pas-
sages.
Jo. Henr. Schulze, De medico vehementer laudari digno ad
Hippocratem de veteri medicina, Halæ, 1755, in-4°. Je n’ai
pas vu cette dissertation.
IIEPI APXAIHE IHTPIK
1. “Οχόσοι' ἐπεχείρησαν περὶ ἰητρικῆς λέγειν ἢ γράφειν, ὑπόθεσιν *
σφίσιν αὐτέοισιν ὑποθέμενοι τῷ» λόγῳ, θερμὸν, ἢ ψυχρὸν, ἢ ὑγρὸν, ἢ
ξηρὸν, À? ἄλλ᾽ 6 τι ἂν ἐθέλωσιν ," ἐς βραχὺ ἄγοντες, τὴν ἀρχὴν τῆς
αἰτίης τοῖσιν ἀνθρώποισι © τῶν νούσων τε χαὶ τοῦ θανάτου, χαὶ πᾶσι
τὴν αὐτέην, ἐν ἢ δύο 5 προθέμενοι, ἐν πολλοῖσι μὲν at οἷσι λέγουσι
καταφανέες εἰσὶν ἁμαρτάνοντες" Ἰμάλιστα δὲ ἄξιον μέμψασθαι, 5 ὅτι
ἀμφὶ τέχνης ἐούσης, à 9 χρέονταί τε πάντες ἐπὶ τοῖσι μεγίστοισι χαὶ
τιμῶσι | μάλιστα τοὺς ἀγαθοὺς χειροτ τέχνας 10 χαὶ δημιουργούς. 11 Ἐ οὶ
δὲ δημιουργοὶ, οἵ μὲν ‘? φλαῦροι, οἱ δὲ "᾽ πολλὸν διαφέροντες " ὅπερ,
εἰ μὴ ἦν τ: ἰητρικὴ ὅλως, ‘5 μηδ᾽ ἐν αὐτέη ἔσχεπτο, τὸ uno ΡΣ
μηδὲν, οὐκ ἂν ἦν, ἀλλὰ πάντες 11 ἂν ὁμοίως αὐτέης ἄπειροί τε χαὶ
-
2 \
18 ἀνεπιστήυονες ἦσαν, 9 χαὶ τύχη ἂν πάντα τὰ τῶν χαμνόντων
Ν Là Tes “ J 54 \ “- 5
29 διῳχέετο. Νῦν d'oùy οὕτως ἔχει, ἀλλ᾽ ὥσπερ καὶ" τῶν ἄλλων 55 τε-
Nora. — Il est évident (et le lecteur s’en convaincra facilement sil
suit ces variantes) que le n° 2253 représente une édition différente de
celle qu’ont suivie nos autres manuscrits , et par conséquent les imprimés.
Il est certain aussi qu’il contient une foule de leçons qui comblent des la-
eunes , rétablissent le sens et fournissent d’excellentes corrections. En ou-
tre, il est le plus ancien de tous ceux qui sont à la Bibliothèque royale de
Paris ; et je donnerai la preuve, dans le courant de ces variantes, qu'il est
différent, non seulement de nos manuscrits de Paris, mais encore de tous
ceux que les éditeurs précédents d’Hippocrate ont consultés. En consé-
quence, je lui donnerai souvent la préférence.
1 μὲν 9955. — 3 αὐτοὶ αὐτοῖς 2253. — 3 ἄλλο τι 2441. — ἄλλο τι ὃ
PVO). 2255. — ὁ ἐν βραχεῖ 2141.—5 τῶν et τοῦ om. 2253.- αὐτὴν omnes ;
ionisms restitué d’après la règle générale posée dans l’Appendice. —
6 ὑποθ. 2255. — 1 Sic 2255. — μᾶλλον vulg. et al. codd. — 5 Sic
2253. ὅτι abest in vulg. et al. codd. -- Le sens marche mieux avec, que
sans ὅτι ; on sous-entend ἁυσοτάνουσι. Foes traduit: « Artis nomine
reprehendendi sunt. » — ἀντὶ pro ἀμφὶ 2443. — 9 χρέωνται 2255, — χρῶν-
DE L’ANCIENNE MÉDECINE.
+ En
1. Tous ceux qui, de vive voix ou par écrit , ont essayé de
traiter de la médecine, se créant à eux-mêmes , comme base
de leurs raisonnements, l'hypothèse ou du chaud, ou du
froid , ou de l’humide, ou du sec, ou de tout autre agent
de leur choix, simplifient les choses , et attribuent, chez les
hommes , les maladies et la mort à un seul ou à deux de
ces agents , comme à une cause première et toujours la même ὦ
mais ils se trompent évidemment dans plusieurs des points
qu'ils soutiennent : d'autant plus blämables qu'ils se trom-
pent sur un art qui existe, que le monde emploie dans les
choses les plus importantes , et honore particulièrement dans
la personne des artistes et des praticiens excellents. IL y a,
on le sait, de bons et de mauvais praticiens; or cette dis-
tinction serait impossible , si la médecine n’était qu’une hy-
pothèse , si elle n'avait rien observé ni rien trouvé ; tous y
seraient également inexpérimentés et ignorants ; et le hasard
seul réglerait le sort des malades. Mais cela n’est point; et,
si, dans les autres arts, les artistes diffèrent beaucoup en-
tr'eux et par la main et par la tête, il en est de même dans
la médecine. De ce fait palpable, j'ai conclu qu’elle n’a au-
ται vulg. et al, codd, — 1° Sie 2255. -- x. δὶ om. in vulg. et al. codd.—
Ces mots semblent nécessaires à cause de la reprise : εἰσὶ δὲ d'u. — 1! Et-
σὶν 22535. — 12 φαῦλοι 2253. — 15 πολλῶν 2255. -- πολὺ vulg. et al.
codd.— πολλῶν me paraît indiquer la véritable leçon, πολλόν ; on trouve, à
la page suivante, πολλὸν διαφέρουσι. — 14 ἰατρικὴ 2441, — 15 μηδὲν αὐτῇ
ἔσ. pndèv εὖ. ap. ΟΒατί.-- αὐτῇ omnes. — :6 μηδ᾽ ebo. om. 2253. --εὑρῆτο
2143. — 11 ἂν om. 2253. -- ὅμ.. ἄν 2112, - αὐτῆς omnes. — 18. Gyert-
σχεπτοι in textu, ἀνεσπιστ. in marg. 2443. — 19 τύχῃ δ᾽ ἂν prox. τ΄
ἂν 2253. — 20 διωχεῖτο Mercur. in marg. — διοιχέετο 2255. — διοικεῖτο
in cæteris, — 1: τὰ τῶν 2115. — 22 τεχνῶν πασῶν 2253.
574 DE L’ANCIENNE MÉDECINE.
πὶ
“νέων πασέων οἱ δημιουργοὶ " πολλὸν ἀλλήλων διαφέρουσι κατὰ χεῖρα
5 ”
χαὶ χατὰ γνώμην, οὕτω " δὴ χαὶ ἐπὶ Me Διὸ οὐχ ᾿ ἠξίουν
ἔγωγε χενῆς αὐτέην ὑποθέσιος δέεσθαι, ὥσπερ τὰ ἀφανέα τε καὶ ἐἀπο-
ρεόμενα * περὶ ὧν ἀνάγχη, ἤν τις " ἐπιχειροίη λέγειν, ὑποθέσει 5 χρέ-
εσθαι" 7 οἷον περὶ τῶν μετεώρων ἢ τῶν ὑπὸ γῆν ὅ εἶ λέγοι τις χαὶ
γινώσχοι ὡς ἔχει, οὔτ᾽ ἂν αὐτέῳ 9 τῷ λέγοντι οὔτε τοῖσιν ἀχούουσι
δῆλα ἂν εἴη, εἴ τε "5 ἀληθέα ἐστὶν εἴτε μή " οὐ γὰρ ἔστι πρὸς ὅ τι χρὴ
AL ἐπανενέγχαντα εἰδέναι τὸ σαφές.
2. ἸἸΤητρικῇ δὲ "5 πάντα πάλαι ὑπάρχει, καὶ ἀρχὴ καὶ δδὸς ebpnuévr,
χαθ᾽ ἣν "Ῥχαὶ τὰ εὑρημένα πολλά τε χαὶ χαλῶς ἔχοντα εὖ pra ἐν πολλῷ
χρόνῳ, χαὶ τὰ λοιπὰ εὑρεθήσεται, ἤν τις ἱκανός τε ‘4 ἐὼν χαὶ τὰ εὑρη-
μένα εἰδὼς, ἐκ τουτέων ὁρμώμενος ζητέη. Ὅστις δὲ ταῦτα "" ἀποδαλὼν
xat ἀποδοχιμάσας πάντα, ἑτέρη δὸῷ χαὶ ἑτέρῳ σχήματι "6 ἐπιχειρέει
ζητέειν, καὶ "1 φήσει τι εὑρηχέναι, ἐξηπάτηται χαὶ ἐξαπατᾶται"
ἀδύνατον γάρ. Δι’ ἃς δὲ ἀνάγκας 5 ἀδύνατον, ἐγὼ 9 πειρήσομαι ἐπι-
δεῖξαι, λέγων καὶ 2° δειχνὺς τὴν τέχνην 5" ὅ τι ἐστίν. Ἔχ δὲ τουτέου
χαταφανὲς ἔσται ἀδύνατα 5" ἐόντα ἄλλως πως 2? τουτέων εὑρίσχεθαι.
Μάλιστα 54 δέ μοι δοχέει περὶ ταύτης δεῖν λέγοντα τῆς τέχνης
γνωστὰ λέγειν "5 τοῖσι pres 26 Οὐ γὰρ περὶ "1 ἄλλου τινὸς οὔτε
ζητέειν προσήχει οὔτε λέγειν à περὶ τῶν παθημάτων ὧν αὐτοὶ οὗτοι
γοσέουσί “ὅτε χαὶ πονέουσιν" αὐτοὺς μὲν οὖν τὰ σφέων 29 αὐτέων παθή-
" Πολὸν 2111, — 2 Om. 2445. — δὲ 2253. -- τῆς ante ἰητρ. 2443. —
5. ἡξ. αὐτὴν ἔγ. χαινῆς ὕποθ. 3955. -- χαινῆς 2143. COrr. 2145. - αὐτῆς
me 55. — αὐτὸν 2441, 2144. - δεῖσθαι omnes. — ὁ ἀπ τορρεόμενα, 2253, —
ἢ ἐπιχειρῇ τι 2253. - ἐπιχειρείη 2110, 24455 2145, 2142, — Fortè ἐπι-
X£0€n, in notis Foes , Zving. in marg δ χρῆσθαι 2253. χρεῖσθαι vulg.
— 1 Sic 2255. — ὃ vulg. et al. codd. — 8 8 gs τις λέγειν χαὶ γινώσκει 2255.
- γινώσκει 3115, — ἔχοι 2255. -- Οἷον, au lieu de ὃ, remédie à une première
difficulté ; reste He qu’il faut traduire par : prétendait savoir ; ce qui
est un peu forcé. Je ne qu’il vaudrait mieux lire, en modifiant la leçon
de 2255: ἃ, εἰ λέγοι τις καὶ γινώσχειν. — αὐτῷ omnes. — 9 510 2253,
2255,2445, 2144,2145. - τῷ om. in vulg.-rcis pro τοῖσιν omnes. —:°2)167
2255. — 1! ἀγεγέγχανται 2255, — ἐποινέ ἔγκαντα cod. 5. apud Foesium. —
"ἢ πάλ. πάντ. 2255. — 13 χαὶ om. 2255. -- Démétrius Pepagomène, qui
cite cette phrase dans son livre Sur la Goutte, p. 56, cite ainsi: τὰ de τὴν
ἰατρυκὴν εὕρημ. (ένα, πολλά εἰσι χαὶ χαλὰ ἐν πρλλῶ χρόνῳ, χαὶ τὰ ΠΝ A
ρεθήσονται. — 14 ὧν omnes, τουτέων omnes. — “ἢ ἀποθάλλων 2253. = ἀπο-
λαθὼν 2449 , 2145, 2255. — 16 Sic 2440, 2141, 2255, 2145, Le =
ἐπιχηρεῖ ζητεῖν 22535. -- ἐπιχειρέειν ζητέει vulg. -- ζητέοι 2145. -- La le-
Çon que j’ai adoptée est aussi celle que suit Démétrius Pepagomène, qui cite
DE L’ANCIENNE MÉDECINE. 573
cun besoin d’une supposition vide, comme les choses oc-
cultes et douteuses , pour lesquelles , si on veut en discourir ,
il faut nécessairement se servir d’hypothèse : par exemple,
dans les dissertations sur les objets célestes ou souterrains ,
quand mème celui qui parle prétendrait savoir ce que sont ces
objets, ni lui, ni ceux qui écoutent, n’auraient aucune évidence
de la vérité ou de la fausseté des assertions ; car toute vérifi-
cation est impraticable.
2. Mais la médecine est, dès long-temps , en possession de
τοῦτο chose, en possession d’un principe et d’une méthode
qu'elle ἃ trouvés : avec ces guides , de nombreuses et excel-
lentes découvertes ont été faites dans le long cours des siècles,
et le reste se découvrira, si des hommes capables , instruits
des découvertes anciennes, les prennent pour point de départ
de leurs recherches. Mais celui qui, rejetant et dédaignant
tout le passé, tente d’autres méthodes et d’autres voies, et
prétend avoir trouvé quelque chose, celui-là se trompe et
trompe les autres ; car cela est impossible, et cette impossi-
bilité, je vais essayer de la démontrer par l'explication même
de ce qu'est la médecine. Il en résultera la preuve que
rien ne peut se découvrir si ce n’est par cette route. Sui-
vant moi, celui qui veut discourir sur l’art médical
doit surtout s'attacher à dire des choses connues du vul-
gaire ; car les discours et les recherches d’un médecin n’ont
pas d’autre objet que les maladies dont chacun souffre et est
affligé. Sans doute, les gens ignorants en médecine ne peu-
vent, dans leurs maladies mêmes, savoir ni comment elles
naissent et finissent, ni par quelles causes elles croissent et
cette phrase δι τὺ VE À Sic 2140, 21444, 2255, 2143, 2445, 9142. -
φύσει 2255. vulg. — φησί Démétrius Pepagomène, loc. cit. - φυσάει ex
manuscript. ap. Foesium. #£e nos 2255. — 15 δυνατὸν 2253, — 19 Sic
2255. πειράσ. Vulg. et al. codd. — “9 ἐπιδειχυύων 2253. — 21 ὅτι 2955.
-- τούτου omnes.— ?20y74 2255.—°3 τουτέων in 2253;0m. in vulg. et al.
codd, — 24 δ᾽ ἐμ. οἱ 2955. — 25 τοῖσι δημότῃσι 2255. -- τοῖσιν δημότῃσιν
vulg. — 26 Οὔτε 2253. — 27 ἄλλων τινῶν 2255. -- ζητεῖν 2255. - προσήχει
post λέγειν 2253, — 28 Sic 2255, -- τε x. π. om. in yulg. et ἃ]. codd, —
29 σφῶν 2255. = αὐτῶν omnes.
b7 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
θεῖ Se Dis ἐπα A , \ 25.4 1 “
para καταμαθεῖν, “bc γίνεται χαὶ παύεται, χαὶ δι᾿ "οἵας προφάσιας αὔ-
[δ LA \ ,ὔ μ᾿ , , «ἢ “{ 5 «
ξεταί τε καὶ φθίνει, * δημότας ἐόντας, où 4 δηΐδιον " ὑπ᾽ ἄλλου δ᾽ εὗ--
/ \ / , \ \ J
ρημένα χαὶ λεγόμενα εὐπετές. Οὐδὲν γὰρ ὅ ἕτερον © À ἀναμιμνήσχεται
r! LA La -ὉὉ -Ὁ Ν
ἔχαστος ἀχούων τῶν 1ξωυτῷ ξυμδαινόντων. ΕἸ δέ τις τῶν ὃ ἰδιωτέων
LA / a! \ ὔ
γνώμης ἀποτεύξεται, χαὶ μὴ 9 διαθήσει τοὺς ἀχούοντας :° οὕτως,
“- - > \ τὦ S -
ποῦ 11 ἐόντος ἀποτεύξεται. Καὶ διὰ 15 ταῦτα οὖν ‘3 οὐδὲν "4 δέεται
᾽ὔ
ὑποθέσιος.
rp\ \ s \ αῇ 9 À L4 ,
ὃ. Τὴν γὰρ ἀρχὴν οὔτ᾽ ἂν εὑρέθη "΄ à τέχνη "ὁ À ἰητριχὴ, οὔτ᾽ ἂν
τ' 4 \ \ s ΕῚ -
ἐζητήθη (οὐδὲν γὰρ “1 αὐτέης ἔδει), 8 εἰ τοῖσι χάμνουσι τῶν 19 ἀν-
0 LA \ CES \ Ὁ _ “Æ T4 κι \ c!
ρώπων, τὰ αὐτὰ διαιτωμένοισί τε καὶ προσφερομένοισιν, ἅπερ
᾽ὔ !
20 οὗ ὑγιαίνοντες 21 ἐσθίουσί τε χαὶ πίνουσι χάϊ 22 τἄλλα διαιτέονται,
/ QE Ὁ , = το
53 ξυνέφερε; 24 χαὶ εἰ μὴ “ἦν. "΄ ἕτερα 55 τουτέων βελτίω. Νῦν δ᾽ 27 αὐτὴ
A 1, τ “-
À ἀνάγχη "5 ἰητριχὴν ἐποίησε 29 ζητηθῆναί τε χαὶ εὑρεθῆναι sd
A ᾿ 7
ποισιν "ὅτι 5° χάμνούσι ταὐτὰ προσφερομένοισιν, ἅπερ 5" où ὗ δγιαίνον -
τ Sie 5955. - ὥστε A et al codd. — ? 4: 2255, — 3 Sic 2253.—
ἰδιώτας vulg.-et al, code — 481. 2255. - δαΐδι vulg. et al codd. — 5 ἕχα-
τον pro ἕτ. 2111.-- 6 Sic 9555.-- ἢ om. in vulg. et al, codd.- Ce mot est
tout-à-fait nécessaire,— 7 Cod. S. ap. Foesium.-£zvr@ vulg.- αὐτῷ συμ,
2953. — δϑἰδιωτῶν 2253, —9 διαθήσοι 2145.—109955%, — οὗτος ἘΠ οἱ
al, codd.-Le sens est incomplet si on 1| οὗτος au lieu de οὕτως, εἰ διάθήδει
ne peut rester seul. — ‘1 ὄντος 2255, — 12 διαταῦτα 9111. ---- 13 ταῦτα
addit ante οὐδὲν 2253, — 14 Jai 2253. -- δεῖται vulg. et al. coûd,
1592955. ἡ om. vulg. et al codd.— :6 om. 2143.— 17 αὐτοῖς 2145.
- αὐτῆς omnes. —'# 2255. εἰ om. in vulg. et al. codd. — :° αὐτῶν post
τῶν in 2253. — 2° 2255.— ci om. in vulg. et al. codd. — 2: τε 9955;
om. in yulg: et al. codd. —?? 51. 2255,- #47 ἄλλα δι᾽ αὐτέωντε 2145.—
ἕτερα, βελτίω διαιτέων τε 2441, — χατ᾽ ἄλλα διαιτέοντε 3110, -- χατ᾽ ἄλλα
διαιτέωντε 2e 2142, 2145.-— χατ᾽ ἄλλα διαιτωμέ νοις yulg. - γι. ἀλλὰ
χαὶ 260. τε χαϊπίν., χαὶ τ᾿ ἄλλ᾽ ἃ διαιτάωνται ξυνέφερεν cod. S. ap. Foesium.
-διαιτέονται AN. ; cette leçon , qui ἐβί la bonne et qui aurait dù mettre les
éditeurs sur la voie , est ΒΡΡΕΙ͂ξε vicieuse par Mack, dans son édition d’'Hip-
pocrate, t. 1, Ὁ. 18.--23 ξυνέφερεν 22535.—724 Sic 2145,2141, 2140, 2255,
2145, 2142, Ald.-vat uisinest2255.-sine χαὶ vulg.—25xai ante ἕτερα cod.
F. ap. Foes:—26Sic2143, 2255, 2145, 29142, 95111.--τούτων 2255.-deest
in vulg.= βελτίων 2143, 2140, 2442. -- Toute cette longue phrase, parfai-
tement claire de là manière que je l’ai imprimée, ne l’est nullement dans
le texte de Foes. Ce qui fait l’obscurité de ce dernier texte, c’est qu’il n’a
pas εἰ devant τοῖσ! χάυνουσι, et qu’il ἃ χατ᾽ ἄλλα διαιτωμένοις au lieu de
τ᾽ ἄλλα διαιτέονται. Aussi traduit-il : « Quin etiam alia victus ratio contulis-
set nisi essent alia meliora » ; membre de phrase qu’il m’est absolument im-
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 575
diminuent ; mais il leur est facile de comprendre {ce qui est
trouvé et expliqué par d’autres; car ce n’est pas autre chose
pour eux que se rappeler, en écoutant le médecin , ce qu’ils
ont éprouvé. Celui qui, s’écartant de leurs notions, ne les
mettra pas dans une telle disposition d'esprit , s’'écartera aussi
de la réalité des choses. Tout cela prouve que la médecine
n’a pas besoin d’hypothèse.
3. Dans l’origine, cet art n’aurait jamais été ni trouvé ni
même cherché (car le besoin ne s’en serait pas fait sentir),
si les hommes avaient été soulagés ; malades , par le
boire , le manger et le reste du régime dont ils usaient bien
portants ; et s’il n’y avait eu quelque chose de mieux à faire.
Mais la nécessité même força les hommes de chercher et d’in-
venter l’art médical ; car ils s’apercurent que le régime de la
santé ne convenait pas à la maladie, pas plus qu'il: niy.con-
vient aujourd'hui. Bien plus, en remontant dans les siècles
passés , je pense que le genre de vie et de nourriture dont , en
santé, on use de nos jours, n'aurait pas été découvert, si
l'homme , pour son boire et son manger, avait pu se contenter
de ce qui suffit au bœuf, au cheval, et à tous les êtres en de-
hors de l’humanité, à savoir des simples productions de la
terre, des fruits, des herbes et du foin. Les animaux s’en nour-
rissent , s’en accroissent , et vivent ‘sans être incommodés et
, } L
possible de comprendre. Jai suivi, dans toutes les restaurations de ce passage
très altéré, le texte de 2255. Seul, il m’a semblé réunir toute la véritable
leçon, dont les autres manuscrits ne contiennent que des portions plus ou
moins mutilées, ainsi qu’on peut le voir par les variantes. Il faut mettre,
entre deux virgules ou entre deux parenthèses, οὐδὲν γὰρ αὐτῆς ἔδει, qui
est une phrase incidente; γὰρ indique en grec la parenthèse. De cette façon
le sens est clair ; la phrase, quoique longue, est régulièrement construite; et,
outre l’appui qu’il trouve dans les leçons estropiées des autres manuscrits,
le texte du n° 2253 porte en soi cette garantie, c’est qu’il donne une par-
faite lucidité à un passage tellement embrouillé qu’il n’a pas été éclairci
par un homme aussi habile que Foes,— 27 αὕτη 5955. — 28 ἰατριχὴν 2441.
— ἐποίησεν 22535. — 29 Sic 2253. — ζητεῖσθαι vulg. et al, codd. — 3° Sic
2253, - χάμνουσιν vulg. et al. codd.— 31 ci om; 2255.
576 < É
J DE L ANCIENNE MEDECIKE.
4 ͵ \ 2 “Ὁ
τες, οὗ '" ξυνέφερεν, ὡς οὐδὲ νῦν ξυμφέρει. Ἔτι " δ᾽ ἄνωθεν ἔγωγε ἀξιῶ)
ὌΝ À Gi e , δὲ ΄, \ à a Const €
οὐδ᾽ ἂν τῶν ὑγιαινόντων δίαιτάν τε χαὶ τροφὴν, À νῦν χρέονται, ebpe-
“ 5% -“ ΄
θῆναι, ei? τρέμῃ τῷ δουρὶ ταὐτὰ ἐσθίοντι χαὶ πίνοντι βοΐ τε χαὶ
ἵππῳ καὶ πᾶσιν ἐχτὸς ἀνθρώπου, οἷον τὰ Ex τῆς γῆς φυόμενα, χαρ-
πούς τε χαὶ ὕλην χαὶ χόρτον" À ἀπὸ τουτέων " γὰρ χαὶ αὔξονται χαὶ
! \
6 ἄπονοι διάγουσιν, οὐδὲν προσδεόμενοι ἄλλης διαίτης. Καί τοι 1 τὴν
nv δ, “rc 8 2716) 9...» \ A O9 10 HE D ὙΦ ΩΝ 0
ἐρχὴν ἔγωγε " ἀξιῶ 9 χαὶ τὸν ἄνθρωπον ?° τοιαύτῃ τροφῇ χεχρῆσθαι.
Eu δέ 1: γε νῦν διαιτήματα εὑρημένα "" χαὶ τετεχνημένα "" ἐν πολλῷ
- LA La
χρόνῳ γεγενῆσθαί μοι δοχέει. “ὥς γὰρ ἔπασχον "4 πολλά τε χαὶ δεινὰ
τ Ὁ. - \ A. 19 Δα Δ PE APE \ #
ἀπὸ ἰσχυρῆς ve χαὶ θηριώδεος διαίτης, ᾿ὦμά τε χαὶ ἄκρητα καὶ
μεγάλας "7 δυνάμιας ἔχοντα ἐσφερόμενοι, οἷά sis 18 ἂν χαὶ νῦν ὑπ᾽
19 αὐτέων πάσχοιεν, πόνοισί τε ἰσχυροῖσι χαὶ 2° νούσοισι des :
τες, χαὶ 5: διὰ ταχέος θανάτοισιν. Ἧσσον μὲν οὖν ταῦτα τότε εἰχὸς ἦν
4 \ \ LA 5 Ὁ o\ \ , \ \ \ LA
πάσχειν διὰ τὴν συνήθειαν - ἰσχυρῶς δὲ χαὶ τότε" καὶ τοὺς μὲν πλεί-
στους τε καὶ " ἀσθενεστέρην φύσιν ἔχοντας ἀπόλλυσθαι εἰχὸς, τοὺς δὲ
23 τουτέων ὑπερέχοντας πλείω γρόνον ἀντέχειν " ὥσπερ χαὶ νῦν "( ἐχ τῶν
- “7 ΄ \
ἰσχυρῶν βρωμάτων of μὲν 25 γὰρ Énidlws ἀπαλλάσσονται, οἱ δὲ μετὰ
“Ὁ \ - \ ,
πολλῶν πόνων τε χαὶ χαχῶν. Διὰ δὴ ταύτην τὴν "5 χρείην χαὶ οὗτοί
τ τ 4 - LA
μοι δοκέουσι ζητῆσαι τροφὴν ἁρμόζουσαν τῇ φύσει, καὶ εὑρεῖν ταύτην,
SR τὰ er τ - - ,
À νῦν "1 χρεόμεθα - ἐχ μὲν οὖν τῶν πυρῶν, βρέξαντες 25 χαὶ πτίσαντες
JT A
29 χαὶ χαταλέσαντες πάντα, χαὶ διασήσαντες, χαὶ 2° φορύξαντες, χαὶ
ὀπτήσαντες, "ἀπετέλεσαν ἄρτον ἐχ δέ ὅγε τῶν ᾿Ῥχριθέων μᾶζαν, ἄλλα
τ συνέφερεν. --συμῳ.3955.---ὐδὲ 995 5.----ὐἐξήρχει omnes.-xai ri. ὁπ, 99 5ὅ,
2145.— 46 ante ἀπὸ vulg. et al. codd., deest in 2253, 2144.- ci cod.S.
ap. Foes. — εἰ apud Heurn. et Zvinger. marg. — ὅ 510 2355. -- re pro γὰρ
in vulg. et al. codd.— ὃ πόνοι cum signo 2255.— 7 τήν y 2255. — 8 δοκέω
9985. --- 9%. τ. ἀ. τι To. %. Om. 2444, — 1° τοιαύτην τροφὴν χρῆσθαι, in
margin. τοιαύτη τροφῇ 2253.— Omnia, ἃ x4 rot ad χεχρῆσθαι, om. cod, F,
ap. Foes.—"'-e om. 2255.—1? 2255.-xa1. om. in vulg. et al. codd.-pa-
cuéva pro τετεχν. Mercur. in marg.—"3 ἐς x. χρ. 0m.2255.—14 πολά 2255.
— 15 ὑπὸ 2255. — 10 Sie 2253.— σώματα pro oué τε vulg. et al, codd.— Il
estinutile d'expliquer que cette leçon est la seule véritable; σώματα ne donne
aucun sens. On ne peut guère en faire le sujet, puisqu'il y a ἐσφερόμενοι;
il faut alors sous-entendre χατὰ, et rapporter σώματα, soit à ἐσφερόμινοι,
soit à ἔπασχον ; ὠμὰ au contraire donne un sens clair et facile, en concor-
dance aussi bien avec la pensée de l’auteurqu’ayec la grammaire.— 72255,
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 577
sans avoir besoin d'aucune autre alimentation. Sans doute ,
dans les premiers temps l'homme n'eut pas d'autre nourri-
ture ; et celle dont on se sert de nos jours me semble une in-
vention qui s’est élaborée dans le long cours des ans. Mais
d’une alimentation forte et agreste naïssaient une foule de
souffrances violentes , telles qu’on les éprouverait encore au-
jourd’hui par la même cause ; chez ceux qui se sustentaient
avec ces matières crues, indigestes et pleines d’activité, sur-
venaient des douleurs intenses , les maladies et une prompte
mort. Les hommes d’alors en souflraient moins sans doute, à
cause de l'habitude ; cependant le mal était grand même pour
eux ; et la plupart, surtout ceux qui étaient d’une constitution
plus faible , périssaient ; les natures les plus vigoureuses ré-
sistaient davantage. C’est ainsi que , de nos jours , les uns di-
gèrent , avec facilité, des aliments: d’une grande force, et les
autres n’en triomphent qu'avec beaucoup de peine et de dou-
leur. Telle fut, ce me semble, la cause qui engagea les hom-
mes à chercher une nourriture en harmonie avec notre na-
ture, et ils trouvèrent celle qui est en usage maintenant. En
effet , apprenant à macérer, à monder, à cribler, à moudre, à
pétrir les grains, ils ont fabriqué , avec le blé , du pain , avec
l'orge, dela pâte qu'ils ont travaillée de mille manières. Ils ont
fait bouillir, fait rôtir, composé des mélanges , et tempéré,
par des substances plus faibles ; ce qui était fort et intempéré,
- δυνάμεις vulg. et al. codd. — !8 ἂν om. 2253. — 19 αὐτῶν 22553, —
29 γρύσοις 2253. — 21 διαταχέως 3255. — 2? ἀσθενεστέραν 2253. — ?3 τού-
Toy 2255. — ?4 ἀπὸ 2253. — "5 γὰρ deest in 2233.— "5 αἰτίην pro χρε-
Env 2255. — "7 χρώμεθα omnes. -- J'ai corrigé l’ionisme, sans manuscrit,
d’après la règle exposée dans l’Appendice à l’Introduction. — 28. σφᾶς ante
καὶ 5955. — 29 πάντα deest in 2253. - χαταλέσαν τεςτέ 2255. — La leçon du
Ms. 2255 aurait pu paraître préférable, En effet, de cette façon, ἐκ τῶν πυ-
p@y se trouverait attaché à ἀπετέλεσαν; au reste la différence est légère.
— 30 φρύξαντες 2142, 2145, 2445, 2441, 24144, Zving. in marg.
- φυράσοαντες cod. S. ap. Foes, - φορύξαντες est, dans le Glossaire de Ga-
lien, interprété par φυράσαντες. — 51 ἀπετελέσαμιεν 5955. — 33 γε om.
2255.— 35 χριθῶν 2253.
»
TOM. 1, 37
?
578 DE L ANCIENNE MEDECINE.
1 à ᾿ Ἢ 2 5“ ς d € 3 4 É Der ᾿
τε συχνὰ περι ταυτὴν πρηγματευσομ. νοι» ἥψησάν τε XAL OTT >
À VAL 4 LA δ / 4 \ IE LA \ “ 5 τω
σαν , χαι EULLSAV ; χαι ἐχερᾶσᾶν τα ἰσχυρὰ τε χαι αχρήῆτὰ τοισιν
- 1 f \ ο
ἀσθενεστέροισι, πλάσσοντες παᾶντα πρὸς τὴν του ἀνθρώπου φύσιν
6 ἣ
\ ΝΗ
τε χαὶ δύναμιν, © ἡγεύμενοι, 1 ὅτι ὅσα μὲν ἂν ἰσχυρότερα À οὗ δυ-
4
γήσεται χρατέειν À φύσις, ἣν ὃ ἐσδάληται, ἀπὸ τουτέων 9 δ᾽ αὐτέων
: Aron: \ θ ’ | AT . A1 07
πόνους τε καὶ ‘°vobcouc χαὶ θανάτους ἔσεσθαι * "" ὅσων δ᾽ ἂν δύνηται
3 7, LA s -Ὁ -
ἐπικρατέειν, ""ἀπὸ τουτέων τροφήν τε καὶ αὔξησιν χαὶ ὑγιείην. Τῷ "5 δ᾽
A 14 (ee Mo tnrt EDS τ S 4 5)
εὐρηματι του Fu) χαὶι ζητήυατι TL αν τις ουνομια CUXGLOTE NOV ñ
-- αλλ) 166 LE GENRE κε =: 15 Je 22 41 “ rs 3
προσῆκον μᾶλλον "ὃ θείη ἢ ἰητρικήν; ὅτι "1 γε εὕρηται ἐπὶ τῇ τοῦ ἀν-
/ δ - ῷ /
\ LES ΞΞ
θρώπου ὑγιείη τε καὶ τροφῇ nat "ὃ σωτηρίή., ἄλλαγμα "9 χείνης τῆς
᾿
nè
ET A A , \ - nr SN IN ἈΘΌΝ 7 =
OLALUTNG , EG ἧς οἵ πονοι XXL VOUGOL χαὶι θάνα τοι εγινον το.
© A / 5 2 γ ἘΝ
4. Εἰ δὲ μὴ τέχνη "" αὐτὴ νομίζεται εἰναι, οὐχ "" ἀπεικός- ἧς *? γὰρ
2
/ = \ \ CT
μη δείς 24 ἐστιν ἰδιώτης, ἀλλὰ πάντες ἐπιστήμονες 55 διὰ τὴν χρῆσιν
,
τε χαὶ ἀνάγχην; οὐ προσήζχει ταύτης οὐδένα εχνίτην χαλέεσθαι" ἐπεὶ
᾿
πολλὰ 2253. --- 2 πραγμ. 2253, 2141. — ὅπ ot ταύτην repetit post
255.—4 τὰ in 2255, quod om. in vul. et al. PO RLE τοῖς 2255.—
ἀσθενεστέροις omnmes— ἡγούμ.. 2255. — 7Sic Mercurialis in marg.-Sine ὅτι
et ἂν νυ]ᾳ.-- ὅσω pèvioy. (sine ὅτι) 2445, 2141,2442, 2144.-66 ἣν μὲν ἃ
ἰσχυρὰ (5ϊπο ὅτι) 33 55.-- Le texte de Foes et celui de la plupart des manuscrits
qu’il a suivis , est altéré manifestement; ce n’est pas que le sens ne soit clair,
mais la construction est tout à fait irrégulière dans la leçon vulgaire; il y
faut, en effet, oubien ὅτι, oubien δυνήσεσθαι τὴν φύσιν. Vander Linden a duyr-
cecbat, mais avec ἡ φύσις, ce qui n’est pas régulier. De plus, les variantes
données par les manuscrits, lesquelles toutes sont insuffisantes pour restau-
rer complètement le passage, montrent par le fait seul de leur existence,
que le texte a été diversement altéré. La variante que Mercuriali ἃ mise
en marge de son édition obvie à ces inconvénients; je l’adopte , bien que
je pense, que, s’il ne valait pas mieux s’en tenir, en tout état de cause, aux
manuscrits, on devrait lire: ἦγ. ὅσα μὲν ἂν ἰσχ. ἦ ἢ δυνήσεται χρ. ἡ φ.
ἣν 66. ἀπὸ τούτων αὐτῶν χτλ. — ὃ ἐμιφέρηται 2255. -- Comme Hippocrate
se sert, dans ce traité, plusieurs fois du mot ἐσφερόμενοι dans le même sens,
il faut sans doute lire, dans 2255, ἐσφξρητρ; dont alors ἐσθάληται ne serait
qu’une glose. — 9 τε pro δ᾽ 2955. -τούτων, αὐτῶν omnes —1° 99 5.--γόσους
vulg. et al. codd, — “1 ὁπόσων δ᾽ ἣν 2355. -- ὅσων ἂν 2145. — ὅσον ἂν 2145,
2142.—12 τούτων τροφή TEX- αὔξησις V2 ὑγιεία 995ὅ5.---13 δὲ 59955.----τά τὶ
. ζητ. om. in vulg. et al. codd.; habet2253.-Je me suis décidé à admettre
ces trois mots, qui manquent partout ailleurs que dans le n° 2253, par deux
raisons; d’abord parce que, pour ce traité, je suis généralement ce manu-
serit, qui est certainement supérieur aux autres ; en second lieu, parce que
DE L'ANCIENNE MÉDEC NF. 579
se réglant en toute chose sur la nature et les forces de l’homme ;
car ils pensèrent que les substances qui seraient trop fortes
pour pouvoir être surmontées par la nature , produiraient , si
elles étaient ingérées , des souffrances , la maladie et la mort ;
qu'au contraire , tout ce qui serait digestible contribuerait à la
nutrition , à l'accroissement et à la santé. A de telles recher-
ches, à de telles inventions , quel nom donner plus juste et
plus convenable que celui de médecine : médecine trouvée
pour la santé , pour la nourriture , pour le salut de l’homme ,
changement de ce régime qui ne lui avait causé que souffrance,
maladie et mort ?
4. Si l’on prétend que ce n’est pas là un art, ΟὟ consens.
En effet, là où il n’y a pas d’ignorant, là où tous sont entendus
à cause de l’usage et de la nécessité , on ne peut dire qu'il y ait
d'artistes. Et cependant tout cela forme une invention impor-
tante et pleine d'art et d'observation. Encore aujourd’hui,
celui qui ἃ l’habitude des manuscrits comprendra que l’omission a été
très facile pour le copiste, à cause de la désinence semblable des deux
mots εὑρήματι et ζητήματι.--- 15 ἂν οὖν οὔνομα δικαιότερον ἄν τις προσ, vulg.
et al.codd. -- χαὶ pro à Zving. Heurn. Mercur. ad marg. -- La leçon que
j'ai suivie est donnée par 2255 ; il est facile de faire voir qu’elle est préféra-
ble : la répétition de ἂν du texte vulgaire n’est peut-être pas mauvaise, mais
le sens exige une copule entre dx. et προσ. Je n’aifait qu’un changement à
laleçon de 2253. Il ÿ ἃ ὄνομιαι, etj'ai mis obvoua ; mais οὔνομα est donné par
les autres manuscrits, qui ont οὖν ὄνομα. Cet οὖν, très peu nécessaire, pro-
vient d’une lecture vicieuse de οὔνομα; aussi manque-t-il dans 2253,
où l’ionisme est, il est vrai, effacé, mais où le texte est resté correct. —
169255, - bete vulg. et al. codd.- θοῖτο 2445, 21429, 2140, — 172955,
- © om. in vulg. et al. codd. — ' x. σωτ. x. tp. 2255. — σωτηρίης 2445,
2140,2255,24141,2144.-— σωτηρίοις 2445. ---- 19 ἐχείνης 2955. ----29 92 55
χ, θάν. om.; γίνονται pro ἐγίν. vulg. et ἃ] codd. — 21 αὕτη 2253. ---
22 ἀπεοιχόσης γὰρ» in marg. ἀπεοιχὸς γὰρ 2253. — On ἃ là un exemple de
la manière dont les textes s’altèrent entre les mains des copistes. Le copiste
a écrit, pour ἀπεοιχὸς ἧς γὰρ, ἀπεοικόσης γάρ : mot inintelligible. Une autre
main ἃ mis en marge ἀπεοιχὸς γὰρ ; ce qui est grec en elfet; mais ce qui
porte dans toute la phrase une perturbation telle, que, si on n’avait que le
manuscrit 2253, il serait difficile d'imaginer en quoi consiste la faute com-
mise, — 2 γ)ὲ pro γάρ 2144. — 24 ἔσται! 2255, — 25 ἐστὶ ante διὰ 2285.
580 DE L ANCIENNE MÉDECINE.
J A “Ὁ ΄,
τόγε ' εὕρημα " καὶ μέγα καὶ πολλῆς * τέχνης τε χαὶ σχέψιος.
- - ea > /
Ἔτι γοῦν χαὶ νῦν οἱ τῶν γυμνασίων τε χαὶ ὁ ἀσχησίων 5 ἐπιμελόμε--
au? 6 Ξ / N = SOIT , τοὶ ET
νοι αἰεί τι ὁ προσεξευρίσχουσι, κατὰ τὴν αὐτέην ὁδὸν 7 ζητέοντες ὅ τι
\
8 ἔδων τε χαὶ πίνων ἐπικρατήσει τε 9 αὐτέων μάλιστα, χαὶ 1° ἰσχυρό-
ε -«-χ
τερος αὐτὸς ἑωυτοῦ ἔσται.
- . \ \
5. Σκεψώμεθα "γοῦν χαὶ τὴν ὁμολογουμένως ἰητρικὴν, τὴν ἀμφὶ τοὺς
\
Δ “ LA
χάμνοντας εὑρημένην, ‘* ἣ καὶ οὔνομα χαὶ τεχνίτας ἔχει, ‘3 εἰ χρατέειν
“- . / Ex 3 \ \ \
χαὶ αὐτὴ τῶν ‘iadréumv ἐθέλει, καὶ "" ὁπόθεν ποτὲ ἦρχται. Equot μὲν γὰρ,
« » - γα τ Ν) A ΩΝ τὸ ἢ 7 3: \ 301 “- DR |
ὅπερ ἐν ἀρχἣ etrov, οὐδ᾽ ἂν ζητῆσαι ‘© δοχέοι ἰητρικὴν οὐδεὶς, εἰ ταὐτὰ
5 à \ “ / “ *e
διαιτήματα τοῖσί τε "7 χάμνουσι χαὶ τοῖσιν ὑγιαίνουσιν ἥρμοζεν. "ἔτι
- \ © 184 CLR - ΡΤ ΜΡ TNT £ 12 A me.
γοῦν χαὶ νῦν 5 ὅσοι ἰητριχῇ μὴ 'ϑχρέξονται, οἵ τε Bapéapor χαὶ τῶν
{«)Ὰ LA 20 Ἁ 4. 2 , [ 21, © , a ni
Ελλήνων "“ἔνιοι τὸν αὐτὸν τρόπον, ὅν περ *'oi ὑγιαίνοντες, διαιτέονται
\ ce. À SN EE "Ἃ De = DO ES M 72 = Ζ
πρὸς ἡδονὴν, χαὶ οὔτ᾽ ἂν ἀπόσχοιντο οὐδενὸς ὧν “" ἐπιθυμέουσιν,
, \
23000" ὑποστείλαιντο ἄν. Οἱ δὲ ζητήσαντές *4 τε χαὶ εὑρόντες ἰητρικὴν,
\ 25 SET ’ ΡΝ Ὃ 2: τ 26 T λό
τὴν %5 αὐτέην χείνοισι διάνοιαν ἔχοντες περὶ "5 ὧν μοι ὃ πρότερος λό-
ΘΕῈ ΤΣ AS an δὴ Can = 8/0:
γος εἰρῆται, πρῶτον μὲν 57, OULUL, UDELAOV τοῦ ? πλήθεος τῶν σι-
/ 29 sir ΓΟ 7" \ 30 , ss 7 » , » \
τίων 29 αὐτέων τουτέων, χαὶ ἀντὶ °° πλεόνων ὀλίγα ἐποίησαν " ἐπεὶ
US ΠΞ ΞΟ ΣῈ δυτξ , = en
ŒUTEOLGL τοῦτο ἐστι μὲν OTE προς τινος τῶν χάμνοντων TO0XEGE,
" Εὔρεμα 2144, — 3 μέγα τε pro. μ.. 2253. --- " σχέφεώς TE HA τέ-
χνὴς 2253. --- 4 ἀσκήσεων 2255.— ἀναχτήσιων vulg. et quid. codd. -- ἀχτης-
σίων 3110, 2255, 21453, ἌΡΗ 2142, vel ἀητυσίων cod. 8. ap. Foes. —
12253, 2140, 2145. -- ἐπιμελούμ. vulg. οἱ ἃ]. codd. -- αἰεὶ 2255, 2441.—
ἀεὶ vulg. et al. — © προσεξευρίσχουσιν 2355. — αὐτὴν omnes.— 7 ζητοῦντες
2253.— ὅτι 2441. — 5
ἑωυτοῦ 2255, 2440 , 2445, 2442. — ἰσχυρότερος ἑωυτοῦ vulg . -ῬἰΙσχυρότε οος
ἐσθίων 2253. — 9 αὐτοῦ 3355. --- 1° ἰσχυρώτατος
αὐτὸς ἑαυτοῦ 2255. — 1! δὲ pro γοῦν pl ñ 2253 Zving. in marg.-
ἢ ai cv. om. cod. 5. ap. Foes. — εἰ pro ἣ vulg. et al. codd. -- ὄνομα
2253.- Évidemment Hippocrate n’a pas demandé si la médecine ἃ un nom
et des praticiens. Il faut donc lire ἢ et non εἰ; c’est en outre la suite du rai-
sonnement qui le veut. L'invention de la nourriture n’a ni un nom ni des
artistes; mais la médecine ἃ tout cela. — ** εἰ Zving. in marg. - #41 pro
εἰ vulg. et al. codd.- ἦρα τί pro εἰ χρατεῖν 3255. -- La différence entre le
texte de 2255, et le texte de Foes ou vulgaire, est, comme on le voit, très
grande. J’ai long-temps hésité entre ces deux leçons. Ce qui m’aurait déter-
miné pour celle de 2253, c’est qu’il a ἢ pour εἰ; or, il est naturel qu’Hippo-
crate ait dit de la médecine qu’elle a un nom et des praticiens (οὔνομα καὶ
τεχνίτας ) plutôt que de dire : « Yoyons si elle ἃ un rom et des praticiens. »
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 581
ceux qui s'occupent de la gymnastique et du développement
des forces ajoutent sans cesse quelque nouveau perfectionne-
ment, cherchant, d’après la mème méthode, quelles boissons et
quels aliments, digérés le mieux, accroissent le plus les forces.
5. Mais examinons la médecine proprement dite , celle qui
a été inventée pour les malades , celle qui a un nom et des ar-
üstes ; voyons si elle se propose quelqu'un des mêmes objets,
et d’où elle ἃ pu prendre son origine ? Nul, je l'ai déjà dit au
début, n'aurait cherché la médecine, si le mème régime eùt con-
venu à lamaladie et à la santé. Denos jours mème,les peuplessans
médecin ;et quelques-uns des Grecs vivent , malades , comme
s'ils se portaient bien , ne consultant que leur plaisir , ne s’ab-
stenant de rien de ce qui leur agrée , et ne se soumettant à au-
cune restriction. Mais les hommes qui ont cherché et trouvé la
médecine , ayant les mêmes idées que ceux dont j'ai parlé plus
haut, ont d’abord, je pense, retranché quelque chose de la noux-
riture habituelle, et, au lieu de laisser manger beaucoup,
n’ont laissé manger que peu. Il arriva que ce régime leur suflit
pour quelques malades, qui, évidemment, en retirèrent du
bénéfice ; non tous cependant ; et quelques-uns étaient dans
Quant à la lecon vulgaire de χαὶ κρατεῖν, je n'aurais pu la conserver sans
introduire quelque correction ; celle de Zving. convient au sens, et facile-
ment εἰ, après ἔχει, ἃ pu être omis par les copistes ; on l’a vu plus haut, \.
3, omis après ἔδει.---- 14 αὐτῶν 2253. ἐθέλει 514 ὅ.--ἐθέλοι vulg. et al. — "ἢ
πόθεν932 :0.---ἰθ 2115, 2445, 2255. -- δοκέει vulg.- δοκέη 2441 .— ἰατρικὴν
δοκέει 2253. -- pro οὐδεὶς εἰ, οὐδ᾽ εἰσὶ 2255, 2440, 2442; οὐδὲ εἰς 4115;
οὐδ᾽ εἰ 2143, 2111. — 17 9955, 92141. - χάμνουσιν vulg. et ἃ]. — "5
ὁχόσοι 2335 5.--- 19 χρώονται 2440, 2143.— "9 9955.-- ὅμοροι vulg. et al.
ὅωιοῤῥοι 2144. -- ὅμοιοι 2140, 3115, 9115, 3143, Zying. in marg.-ci ὅμοιοι
cod. S. ap. Foes. — 2: 2255. -- οἱ om. in vulg. οἱ al. codd. -- διαιτῶνται
o
2253. — 2? ἐπιθυμοῦσιν 2253. — 25 29253. - εὐδὲ στείλαιντο sine ἄν
vulg. et al. codd, — "4 τε om. 2255. --- °° αὐτὴν 3355.-- ἐχείνοισι 2253,
2441.— 26 ὃν 2443. — πρότερον 2255. — 27 οὖ" post μὲν 335. --- “Ὁ πληή-
20 πλειόνων ὀλίγιστα 2253. —
Oous 2253. — 29 αὐτῶν τούτων 2253,
31 δὲ αὐτοῖσι 2253. — 3? ἐστι om. 2145, — ὅτε om. 2140, 2142, 2441,
2115. -ἐστι 1. ὅτε om. 2255.
᾽ ΄
582 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
A \ , 2 - / œ _! +
καὶ φανερὸν ἐγένετο ὠφελῆσαν, où μέντοι ! πᾶσί γε" ἀλλ᾽ ἦσάν τινες
[24 τ᾿
οὕτως ἔχοντες, ὡς " μὴ ὀλίγων σιτίων δύνασθαι 3 ἐπικρατέειν" ἀσθε-
τ" Φ
νεστέρου 4 δὲ δή τινος ὅ οἱ τοιοίδε ἐδόχεον δέεσθαι, εὗρον 5 τὰ δοφή-
7 ῈΈ ᾿ his La Le - λλῷ ee na À \ 7 2 /
ματα, μίξαντες ὀλίγα τῶν ἰσχυρῶν πολλῷ τῷ ὕδατι, χαὶ 7 ἀφαιρεόμε-
ΠΕ ἐξ περι ει δεν 5) de δ ΞΟ
νοι τὸ ἰσχυρὸν τῇ χρήσει τε χαὶ ὃ ἑψήσει. χόσοι δὲ μηδὲ τῶν ῥο-
Ω a
φημάτων ἐδύναντο 1° ὑποχρατέειν, "" ἀφεῖλον καὶ ταῦτα, καὶ ἀφίχοντο
ἐς πόματα, καὶ "" ταῦτα τῆσί τε 1" χρήσεσι χαὶ τῷ πλήθεϊ διαφυλάσ-
[4 , ΕΝ ͵ CO "
σοντες ὡς μετρίως "ὁ ἔχη; Fe πλείω τῶν δεόντων μήτε ἀχρητέ-
/ ν᾽ Ν
στερὰ μαι μόρων uno” ἐνδεέ md
6. Εὐ δὲ χρὴ ‘” τοῦτο εἰδέναι, ὅτι τισὶ τὰ ῥοφήματα ἐν τῇσι
16 voÜGOLGLV où ξυμφέρει, "1 M mobs ὅταν "3 ταῦτα προσαί--
19 ζῇ / DES \ sent SAVE
ρωνται, 19 παροξύνονται σφίσιν 2° οἵ τε πυρετοὶ χαὶ τὰ ἀλγήματα :
ἘΣ \ ἈΝ \ A nées / / Te
KA εὐρϑδι το ἐδ τὺ τῇ μὲν vouçu) τροφῇ TE χαι αυὐζησις
LA ee LA 25 2 / ͵ὔ γε Al
τῶν rh ἐν ταύτῃ τῇ διαθέσει 55 ἐόντες προσενέγχωνται ζηρὸν
œ À 3 . \ /
26 σιτίον, À μᾶζαν, À ἄρτον, καὶ πάνυ "1 σμιχρὸν, δεχαπλασίως ἂν
\ So \
μᾶλλον καὶ ἐπιφανέστερον καχωθεῖεν ἢ ῥοφέοντες, δι΄ οὐδὲν ἄλλο À διὰ
Fe post gs 22
pro À. 2141.— ἐπιχ
5 225%, — ἐδόχεον οἵ τ
2255 ;om.in vulg.etal. Ar Dre 2255.----Ἴ ἀφαιρούμ.. 2253, 2141.
ὅδ. —?2 μὴ 2253. - u19 vulg. et al. codd.- ὁ λέγων
es εἴν 2253.—4 2253.-02 om. vulg. et al. codd. —
τοιοῦτοι vulg. et al. codd. - δεῖσθαι omnes. — 6 τὰ in
πχράσει omnes.— ὅχαὶ τῇ 2255.— 9 ὅσοι 2253. — 1° ἐπιχρατέειν 2253. —
τὰ ἀφεῖλαν 2445. — 15 αὐτὰ 2253. — πλήθει omnes. — 5 2253. -χρήσεσι
vulg. et al. codd. -- τεχνήσεσι pro χρήσεσι 2145, 2255, 2112.--χρήσεσι doit
être préféré à χγοήσεσι du texte vulgaire, attendu que la ligne suivante, qui
est un développement de la pensée, explique ce que l’auteur entend par χρή-
σεσι et par πληθεῖ ; et C’est ἀχρητέστερα et πλείω τῶν δεόντων. Or, il ne peut
y avoir dedoute sur le sens et l’orthographe 4’ ἀχρητέστερα..---- "ἔχοι 2255.
— 157. aid. ὅτ. τοῖσι τὰ ῥυφ. ἐν τῆσι (in marg. ἢ ἔν τισι) 5355. -εἰδέναι τοῦτο
αἷσι τὰ bco. ἐν τῇσι vulg. οἱ al codd.- On voit que j’ai adopté le texte de
2253, seulement j’ai changé τοῖσι en τισὶ, chose permise à cause de l’iota-
cisme. Ce qui m’a décidé, c’est que la construction est moins facile ( gram-
maticalement parlant), si l’on prend τοῦτο οἷσι du texte vulgaire ; τοῦτο ap-
pelle naturellement ὅτι. Or, du moment que l’on admet ὅτι, il faut changer
τοῖσι en τισί. — 16 γόσοισιν 5111. — συμφέρει! 2253. — 11 ἀλλὰ φανερῶς
43255.-- On trouve dans Hésychius φανερῶς comme explication de ἄντικρυς ;
on peut croire de là que φανερῶς de 2253 est une glose introduite dans le
texte à la place de ἄντιχρυς. Mais on pourrait aussi bien admettre que des
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. * 503
un tel état, qu'ils ne pouvaient triompher mème d’une petite
quantité de nourriture. On crut devoir leur donner quelque
chose de plus faible , et l’on inventa les bouillies où l’on mêle
peu de substance à beaucoup d’eau , et où l’on enlève ce qu’il
y a de substantiel par le mélange et la cuisson. Enfin, à ceux
même qui ne pouvaient supporter les bouillies, on les sup-
prima , et l’on se borna aux simples boissons , ayant soin d’en
régler la quantité et le tempérament, et de n’en donner ni
trop , ni trop peu , ni de trop intempérées.
6. Il faut savoir qu'il est des malades à qui les bouillies ne
conviennent pas, et chez qui, s’ils en usent, la fièvre et les
douleurs s’accroissent évidemment ; de sorte qu’indubitable-
ment la substance prise est devenue pour la maladie aliment
et accroissement, pour le corps cause de faiblesse et de dépé-
rissement. Si à des hommes placés dans de telles conditions on
accorde une nourriture solide, de la pâte d’orge ou du pain,
même en très petite quantité , ils en souffrent dix fois plus, et
d’une manière bien plus manifeste que s’ils s'étaient restreimts
aux bouillies, par cela seul que l'aliment est trop substantiel
pour la disposition où ils se trouvent. D'un autre côté, le ma-
éditeurs ( et Galien nous apprend que quelques-uns l’ont fait } ont substi-
tué, par système, un mot moins connu (ἄντικρυς ) à un mot plus connu (φα-
γερῶς), un archaïsme à une locution plus vulgaire. Dans le doute, j’ai gardé
la leçon ordinaire. — 13 2255.— τοῦτο ποιήσωσι vulg. et al. codd. - Quelle
est la véritable leçon entre ces variantes, qui donnent toutes deux le même
sens ? je pense que c’est celle de 2255 qui est la préférable, Un copiste aura
trouvé, au dessus de προσαίρωνται, une glose telle que ποιήσωσι, ou peut-être
ποτίσωσι, et il l’aura substituée à la locution primitive. Les exemples de ces
substitutions sont très communs. — 19 παρωξύνονται 2141. — 530 αὐτοῖσιν
post σφίσιν 2955. —?! yat δὴ τοῦτο τὸ ποοσ. 22535. C’est aussi une
bonne lecon. — 22 Sic 2253. — μὲν οὖν νούσω 2145 , 2140, 2255
: f ᾽ ᾽ ᾽
2141, 2142, 2144. -- νύσω 3111.-- οὖν me semble , dans les manuscrits
qui ont cette particule, provenir d’une lecture vicieuse de νούσῳ ; j'ai
déjà fait une remarque semblable pour un οὖν intercalé, à tort , devant
οὔνομα. — 23 γινόμενον 2253. — "4 ὅσοι δὲ pro x. δ᾽ ἂν 2253. — 25 ὄντες
2253. προσενέγκονται 2441, — 26 τισιτ. 2255, 2145,2142, — 27 μικρὸν
2253.
584 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
4 PEL TN es 3 LA A e- νυ 0 « \ 19. € 7 ξ ΄
τὴν ἰσχὺν του f ρώματος προς τὴν OLAUEGLV ‘ XL οτῷ ροῴξξιν ςυμφερει,
«τὸ
/ ΝΆ LS
ἐσθίειν δ᾽ 2 οὗ, εἰ ἡ πλείω φάγοι, πολὺ ἂν 4 μᾶλλον χαχωθείη ὅ
29 / , “ =
ὀλίγα" χαὶ εἰ ὀλίγα 5 δὲ, πονήσειεν 7 dv. Πάντα δὴ τὰ αἴτια τοῦ πό-
vou 8 ἐς τὸ αὐτὸ 9 ἀνάγεται, τὰ 15 ἰσχυρότατα "" μάλιστά τε χαὶ ἐπι-
4 14 \ LA \ “ 12 € 1 12 “ 4
φανέστατα λυμαίνεσθαι τὸν ἄνθρωπον, «καὶ τὸν 1" ὑγιέα ἐόντα, χαὶ τὸν
νοσέοντα.
πρὶ Ὁ NAS ; :
7. TTL οὖν φαίνεται ἑτεροῖον διανοηθεὶς ὃ "ὁ χαλεύμενος ἰητρὸς χαὶ
€ À " ΄, Ξ ΟΣ A De A 2 ΒΞ \ \ / ἫΝ o/
δμολογημένως χειροτέχνης, ὃς ἐξεῦρε τὴν ἀμφὶ τοὺς κάμνοντας δίαι-
1 \ À - € pe 2 ΡῚ - » “- ΕΣ
τάν τε καὶ τροφὴν, ἢ ""χεῖνος ὃ "5 ἀπ’ ἀρχῆς τοῖσι πᾶσιν "1 ἀνθρώποισι
NT ! .- / =
τροφὴν, À νῦν "5 χρεόμεθα, ἐξ ἐχείνης τῆς ἀγρίης "9 χαὶ θηριώδεος "“εὗ-
, ὶ 2: , our M5: \ \ , -- x
ρῶν τε χαὶ 2! παρασχευάσας διαίτης ; ἐμοὶ μὲν γὰρ φαίνεται 2? ὡυτὸς
, 5 τ ω 4 « \
τρόπος, καὶ ἕν ""τι καὶ ὅμοιον τὸ εὕρημα. Ὁ μὲν, ὅσων μὴ "4 ἠδύνατο À
, ς 2 ! Sue 2 , € / 2 4 ῳ. Κ((
φύσις ἣ ἀνθρωπίνη ἐπικρατέειν ὑγιαίνουσα ἐμπιπτόντων, διά
26 ρα 4 (4 Ξ δι" ΓΕ | à ὃ S\ el NN 10e 5 cl A 27 € f
ἀγριότητά τε χαὶ ἀχρησίην, ὃ δὲ, ὅσων ἣ διάθεσις, ἐν οἵη ἂν "1 ἑχά-
/ \ D. x -
στοτε ἕχαστος τύχη διαχείμενος, μὴ "5 ἦν δυνατὸς ἐπιχρατέειν, ταῦτα
ἐζήτησεν ἀφελεῖν. TE δὴ "9 τοῦτ᾽ ἐχείνου διαφέρει ἀλλ᾽ ἢ πλέον τό 5° γε
1 2255.— ὧγε vulg. et al. codd. -- δυφεῖν 2253 ; ῥοφῆν 3111; ῥοφεῖν cæt.
- συμφέρει omnes.—?cù 2253.- οὔ vulg. et al. codd.—3 2253.- γὰρ ante
πλείω vulg. et al. codd. -- La suppression est indiquée par une autre main
que celle du copiste dans 2141.—# ἔτι pro μᾶλλον vulg. et al. codd. — πολὺ
πλείω ἂν μᾶλλον 2253.— 52253.- ἢ ὁλ. om. vulg. et al. codd. — © 2253.—
δὲ om. vulg. et al. codd. -- πονέσειεν 2253. — 7 ἂν om. 2253.-Toute cette
phrase est altérée soit dans les manuscrits, soit dans les imprimés. Je re-
viens sur les corrections que j’ai introduites dans le texte. Foes, et la plu-
part des manuscrits, lisent ᾧγε pour ὅτῳ, mettent un point après οὔ, et par
conséquent une virgule après διάθεσιν, Orcela ne peut être. En effet, Hip-
pocrate dit qu’il y a des malades auxquels [65 bouillies (δοφήματα) ne con-
viennent pas, et que, si ces malades viennent à manger quelque chose de so-
lide, ils en souffrent dix fois plus que s’ils avaient mangé de la bouillie; il
ne peut donc dire des mêmes qu’il leur convient de prendre des bouillies ,
puisque dans l’interprétation de Foes, il s’agirait de ceux à qui les bouillies
font mal. Il faut donc mettre un point après διάθεσιν, Cela entraine, comme
conséquence, la suppression de γὰρ ; en effet, γὰρ manque dans 2255, et est
indiqué comme devant être effacé dans 2441. Le membre de phrase : πολὺ
x). est altéré dans le texte vulgaire, où l’idée de comparaison manque; dans
2253, où il y a redondance de πλείω et de μᾶλλον. J'ai effacé seulement
πλείω, qui s’est facilement introduit à cause du voisinage du précédent
πλείω, et il est resté un sens clair et une phrase bien construite. Les autres
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 289
lade qui peut prendre des bouillies, mais non manger, sera,
s'il mange beaucoup, bien plus incommodé que s’il mange
peu; mais, Inême en mangeant peu , il souffrira encore. Tou-
tes ces causes de soufirance reviennent à un même point, c’est
que les aliments les plus forts nuisent le plus et de la manière
la plus manifeste.
7. Celui donc qui est appelé médecin , celui qui, de l’aveu
de tous , possède un art, et qui a découvert le régime et Pali-
mentation des malades, semble-t-il avoir suivi une autre
route que celui qui, changeant , à l’origine, le genre de vie
sauvage et brutal des hommes , les amena à la nourriture qui
est aujourd’hui la nôtre? Selon moi, la méthode est la même,
la découverte est identique. L’un ἃ travaillé à retrancher ce
qui, à cause de qualités intempérées et agrestes, était au-
dessus des forces de l’économie humaine en santé; l’autre,
tout ce qui était au-dessus des forces de la constitution à cause
de l’état accidentel où elle se trouvait. Où la différence entre
ces deux recherches , si ce n’est que la seconde a plus de faces,
corrections s’autorisent de 2253. L'idée serait plus complète, si ἔτι du texte
de Foes, intercalé à tort avant χαχωθείν,, et qui y tient la place de μᾶλλον,
était mis après πονήσειεν. Je soupçonne même qu’il y a eu déplacement par
la faute des copistes, et j'aurais fait cette restitution , si je ne voulais me
tenir ; en toute occasion, aussi près que possible des manuscrits. — ὃ τῷ
ante ἐς addit cod. S. ap. Foes. — εἰς omnes. — 9 2253, — ἄγεται vulg. et
al. codd. — τὸ ἰσχυρώτατα 2255. — 11 τε 2253, 2445, -- γε vulg. et al.
codd. — 15 ὑγιᾶ ὄντα καὶ xauvovra 2253. — 13762255, 2145, 2144,
2145. — τό χαλούυενος 2253. — ὁμιολογουμένως 2253. — Je n’ai rien
corrigé ; l'absence de l’augment est peut-être un ionisme dans ὁμολογημέ-
VOS. — 15 ἐκεῖνο ὅ 2253. — ἐχεῖνος 2141. — 16 ἀπαρχῆς 2253.
"7 ἀνθρώποισιν 2255. — 15 χρώμεθα 2141. — 19 τε χαὶ 2253. — θηριώδους
9355. ---"οεὑρώη 2143. — *! παρασχευασάμενος 22535 .— διαίτης habet ante
εὐρὼν 2253. — 35 ὁ αὐτὸς λόγος 2255. — 23 τι om. 2253. — 24 ἐδύνατο
2253. — 55 ὑγιαίνουσα ἐπικρατεῖν 2253. — Dans la construction de 2255 ,
ἐμπιπτόντων semble mieux placé en rapport avec ἐπιχρατέειν. — 26 ὑγρό-
τῆτα 2142, 2255. — θηριότητα 2255. — ἀχρασίην 2255. — 27 ἑχάστω τε
2111. — 98 ἢ 9110, 2143, 2441, 2144. ἡ δυνατή Zving. in marg. --
δύνηται 3955. -- ἐπικρατεῖν 2253.— 29 9955. — ἐχεῖνο τοῦτο 2255, — τούτου
ἐχεῖνο vulg. et al. codd, — 39 +: 9955.-- re vulg. et al. codd.
586 DE L’ANCIENNE MÉDECINE.
εἶδος, χαὶ ὅτι ποιχιλώτερον, χαὶ " πλέονος πραγματείης, ἀρχὴ δὲ
2 χείνη À πρότερον “a
FX δὲ ΄ 3 \ - 1 a/ \ 4 “-
8. Et δέ τις σχέπτοιτο 5 τὴν τῶν χαμνόντων δίαιταν πρὸς τὴν τῶν
ὑγιαινόντων, εὕροι ἂν 4 οὐ βλαδερωτέρην " ἤ περ τὴν © τῶν ὑγιαι-
Ψ, A 4 \ nd Εὰ LA
νόντων πρὸς τὴν τῶν θηρίων τε χαὶ 7 πρὸς τὴν τῶν ἄλλων ζώων.
κι
3 \ - \ Là LA
Avho γὰρ χάμνων ὃ voucuazt LATE τῶν γαλεπῶν τε χαὶ ἀφόρων, μήτ᾽
Ὶ ἢ . . 0 ΄ ͵
τ - / / 2 À , Lei
αὖ 9 τῶν παντάπασιν εὐηθέων, ἀλλ᾽ 1° ἢ αὐτέῳ ἐξαμαρτάνοντι "" μέλλει
CAS Ξὰ
ἐπίϑηλον Ë
, - “ \ LA À
εσθαι, et "2 ἐθέλει ra ἄρτον, "" καὶ χρέας, ἢ ἄλλο
= e ͵ , = \
τι ‘4 ὧν οἵ ὑγιαίνοντες ἐσθίοντες "7 ὦφε ελέονται, μὴ © πολλὸν, ἀλλὰ
τω "A à ss =
πολλῷ 17 ἔλασσον, À δγιαίνων "5 ἂν ἠδύνατο“ ἄλλος τε τῶν ὕγιαινόν.-
(y £ ES 19 le ar A 0 ἔῃ L ὃ 20 3,.- λιν
τῶν φύσιν ἔχων 9 μήτε παντάπασιν ἀσθενέα, μήτ᾽ αὖ "5 ἰσχυρὴν, φα-
EST 21 ΕΠ 22 ? 4 ΟΜ,
γῶν τι ὧν βοῦς ἢ ἵππος "" φαγὼν ὠφελέοιτό τε χαὶ ἰσχύοι, ὀρόδους,
s\ A - -
ἢ κριθὰς, ἢ ἄλλο τι τῶν #3 τοιουτέων μὴ πολὺ,, ἀλλὰ *4 πολλῷ μεῖον À
o/ ΤΥ ΒΥ. a 3 26 € / _® .« / , ὶ
οὐυναιτο οὐχ ἂν ἥσσον ὃ υγιαινῶν TOUTO ποιησᾶς πονήσειξ TE χα
1 πλείονος Ones. - πραγματίης 2253. — ? ἐχείνη 2253. — 53.— τίς
ἡ pro τὴν vulg. et al. codd. -- δίαττα vulg. et al. codd. — 4 2253. - οὐ om.
vulg. et al. codd. -Baa£epwréouy 2253. — 5 à περὶ 2253. — τὴν om. 2253.
—$rov by. ro. 7. +. θηρ. 2255; pro quibus ἥπερ τὴν À τις τῶν χαμνόντων One.
habent vulg. et al. codd.-Le texte vulgaire n’a manifestement aucun sens;
et la restauration serait impossible, à moins de changements très téméraires,
sans le manuscrit 2255. J’aurais τς même conserver intégralement la leçon
de ce manuscrit, laquelle est à περὶ τῶν dy. 7). ; le sens serait clair, mais
la construction forcée ; il est probable même que à περὶ est pour ἥπερ ἡ par
un iotacisme très fréquent. J’aurais admis cette leçon si le texte vulgaire
ne m'avait donné τὴν qui semble mieux convenir. — 7 2253.- ro. +. om.
7%
’
vulg. et al. codd. — 5 γοσήμιατι omnes -- ἀφόρων 3355, — pire 2255, —
9 2255.-r0y om. vulg. et al. codd.—:° 2255.-571 pro ἢ cod. 5. ap. Foes.
- ὅτι μήτε Zving. -- οὔτε pro ἤ vulg. et al. codd.-adr® 2255. -- fau 2253;
ἁμαρτάν. vulg. et al. codd.-cüe est à peine intelligible, et le peu que l’on
entrevoit du sens , ne concorde pas avec la série du raisonnement. Il faut
absolument lire comme 2255, ou ὅτι comme la variante rapportée par Foes.
— ue 2255, — 12 ἐθέλοι 2253, 2445. — 132253. -- χρέα sine καὶ
me et al. codd, — 16 τῶν pro ὧν 2253. — οἱ 2255 ; om. vuls. et al. codd,
τδὠφελοῦνται 2255, — 122535. πολὺ vulg. et al. codd. — "7 ἂν ἐλάσσω
vulg. et al. codd. ; ἐλάσσων 2255. — ἔλ. sine ἄν 2253. — :5 ἂν hab. 2255;
om, vulg. et al. codd.-id6yaro 2255.—'9un 3 11, -ἀσθενῇ 2253.— "οἰσχυ-
giny 2445, 2140,24141.— 2109. om. 2253.- ὠφελοῖτο omnes. —?? ἰσχυροῖ
2255. -- ἐσθίει vulg. et al. codd. — ἰσχυροῖ ou plutôt ἰσχύοι. est la véri-
table leçon. Si on lit i5b!::, le sens voudra qu’on le fasse rapporter à ἄλλος
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 587
est plus diversifiée, exige plus d'industrie, mais que la pre-
mière a été le point de départ?
8. L'alimentation des malades comparée à celle des gens
bien portants ne paraît pas plus nuisible que lalimentation
des gens bien portants comparée à celle des bêtes sauvages et
des autres animaux. Prenons en effet un homme atteint d’une
affection qui n’est ni des plus graves et des plus insupporta-
bles , ni, non plus, des plus bénignes , mais telle qu’il se res-
sente d’un écart de régime , s’il vient à manger du pain, de la
viande , ou tout autre chose profitable en santé ; je ne dis pas
en grande quantité, mais même beaucoup moins qu’il ne
pourrait le faire bien portant: prenons, d’autre part, un
homme en santé, doué d’une constitution ni très vigoureuse
ni très faible , lequel se mettra à manger des substances qui se-
raient utiles et fortifiantes pour un bœuf et un cheval, de la
vesce, de l'orge, ou tout autre aliment semblable, et à en man-
ger , non pas beaucoup, mais bien moins qu'il ne le pourrait :
par cette expérience, l’homme bien portant ne sera exposé ni à
moins de souffrances ni à moins de périls que l’homme malade
τις ; or, la construction grammaticale ( ὠφελοῖτο τε xat) ne permettrait que
de le rapporter à βοῦς ἢ ἵππος. 11 faut donc rejeter ἐσθίει, pour lequel, au
reste,2255 fournit une correction excellente,mais difficile à deviner. —2%+cc0-
τῶν 2255. — 24 πολλῷ om. 2145. - ἔλασσον 2255. — ἔλασσον est une glose de
μεῖον introduite dans le texte de 2253. En effet, Érotien, dans son Glossaire,
explique peïoy par ἔλασσον ; et , comme , immédiatement après, il explique
aussi μᾶζα, ses deux citations doivent être rapportées au traité de l’Ancienne
Médecine. Érotien lisait donc, comme nous, dans le texte qu’il avait sous les
yeux , μεῖον, et non ἔλασσον. --- “7 2255,- χἂν pro οὐχ ἂν vulg. et al. codd.
L’admission de lanégation devant βλασερωτέρην oblige de l’admettre devant
ἧσσον. De plus, la suite des idées porte à croire que c’est plutôt une com-
paraison par égalité qu’une comparaison par différence. Aussi Foes, bien
qu’il n’eût que le texte vulgaire, a-t-il admis dans sa traduction une néga-
tion qui n’est pas dans le grec qu’il ἃ imprimé. On peut concevoir comment
le texte a été altéré. Dans plusieurs manuscrits, les mots souvent sont peu
ou point séparés, Un copiste aura laissé perdre οὐ entre δύναιτο et ἄν ; le κα
sera seul resté ( χἂν ); et l’erreur, une fois introduite, se sera indéfiniment
propagée avec toute la fidélité de transcription que possédaient les anciens
[4 3 >
)88 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
LA 1 es e -᾿
" χινδυνεύσειε χείνου ἅ τοῦ νοσέοντος, ὃς τὸν ἄρτον À τὴν μᾶζαν
ς, 06 DEA
2 / , Le LT LA [+4 o ς
ἀχαίρως προσηνέγχατο. Ταῦτα δὴ πάντα ὁ τεχυήρια, ὅτι 4 αὕτη ἣ
ar) = WE à τς /
τέχνη πᾶσα ἣ ἰητριχὴ τῇ © αὐτέη ὁδῷ ζετεομένη εὑρίσχοιτο ἄν.
7 Éd MENT Ὡς Le a ε J c \ ET
9. Καὶ εἰ 7 μὲν ἦν ἁπλῶς, ὥσπερ ὃ bonyéstur, ὅσα μὲν 9 ἦν ἰσχυ-
΄ “ d “"
ρότερα "" ἔόλαπτεν, ὅσα δ’ ἦν ἀσθενέστερα ὠφέλεέ τε καὶ "" ἔτρεφε τὸν
, Ἄν τ τ / > a
κάμνοντα χαὶ τὸν ὑγιχίνοντα, εὐπετὲς ἂν ἦν To‘? πρῆγμα * πολλὸν γὰρ
es La I " La
τοῦ ἀσφαλέος ἂν ἔδει περιλαμόδάνοντας ἄγειν ἐπὶ τὸ ‘3 ἀσθενέστατον.
τω Φὴ πὶ
Νῦν δὲ οὐχ ἔλασσον ἁμάρτημα, "4 οὐδὲ ἧσσον λυμαίνεται τὸν ἄνθρωπον
ὶ || ss i p 3
ἦν 15 ἐλά DRE τα € 16 ἘΠῚ LA SA \ των
ἣν "" ἐλάσσονα χαὶ ἐνδεέστερα τῶν ἱχανῶν "5 προσφέρηται" τὸ γὰρ τοῦ
λ Ce 17 o/ La » ST LE? “ 0 ͵ \18 -
ἱμοῦ μέρος "1 δύναται ἰσχυρῶς ἐν τῇ φύσει τοῦ ἀνθρώπου χαὶ ‘8 γυιῶσαι:
καὶ ἀσθενέα ποιῆσαι χαὶ ἀποχτεῖναι. Πολλὰ δὲ καὶ ἄλλα χαχὰ, ἑτεροῖα
\ - La 5 cl € A
19 μὲν τῶν ἀπὸ πληρώσιος, οὐχ ἧσσον δὲ 2° ἅμα δεινὰ 5" χαὶ ἀπὸ χε-
, 2
, « “
νώσιος" 22 δι᾽ ὧν πολλὸν "3 ποικιλώτερά τε χαὶ διὰ "4 πλέονος ἀχριδίης
2 / - A ΄ Ν A
ἐστί. Δεῖ γὰρ μετρου τινὸς στοχάσασθαι᾽ μέτρον δὲ, οὐδὲ "5 σταθμὸν,
SL 2 \ 397 Μ' \ 26 À 2 , J SELS PA 2n 2
9€ ἀριθμὸν οὐδενα ἄλλον, πρὸς "5 ὃ ἀναφέρων εἴσῃ τὸ ἀχριύὲς, "1 οὐχ
ι
[ΩΣ
ῳ"
copistes. C’est même cette considération du x resté devant ἂν ( ce χαὶ ne se
prête pas à la construction }, qui me fait croire que dans la négation il y ἃ
une faute de copiste , et non l’indice de deux antiques éditions différentes du
traité de Ancienne Médecine, En effet, avec la négation, Hippocrate vou-
drait dire que l’un est plus incommodé que l’autre ; sans la négation, que
Pun est autant incommodé que l’autre ; et ces deux sens seraient acceptables.
Mais, je le répète, je ne crois pas avoir là la trace d’une double édition ; car
le membre de phrase où est οὐ βλαδερωτέρην est irrémédiablement mutilé
dans tous les manuscrits , excepté dans 2253; et dans χἂν il y ἃ aussi
l'indice d’une erreur de copiste, — °° 2253; om, in vulg. et al, codd.
— L'article est indispensable,
οι
* Κινδυνεύσει ἐχείνου 39 5ὅ5.-- Nous avons là un des exemples de la manière
dont les erreurs s’introduisaient dans les textes. Au lieu de lire κινδυνεύσειε
χείνου, [6 copiste a lu κινδυνεύσει ἐκείνου ; puis il a écrit οἵ au dessus dela termi-
raison. Un autre , admettant la correction, aurait mis χινδυνεύσοι ; et ainsi le
texte aurait souffert une altération déjà grande.—? τε pro τοῦ 2141. — * τὰ
τεχμ.. 2440, 2145, 2143,2142,— 4 2255,2140,2255.— adrn 2145, 2141,
2145, 3112. -- ταύτῃ vulg.—52255.- πᾶσα οπι. vulg. et al. codd.— ὃ αὐτῇ
2555, --αὐτέγ, om. vulg. et al. codd.— ὅλω pro ὁδῷ cum signo 33 5.-- ζητου-
μένη 2255.—7%y om. Zving. et Heurn. in ππᾶτο.-- ἁπλοῦν 2253.—%0omyñr
2253,— ὑφηγεῖται cæt.—9 οὖν pro ἦν 2445. — 10 ἔδλαπτον 2145.— ὠφέλει
omnes.— 1! ἔτρεφεν χαὶ 2253,— !° xp. 2253.-ypñux vulg. et al. codd. —
13 ἀσθενέστερον 3355. -ἔλλασσον 2253.—"4 Scriptum in marg. ἢ οὐ δὲ ἴσον ἴῃ
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 589
qui aura mangé intempestivement du pain ou de la pâte
d'orge. Tout cela prouve que, cherché par cette méthode, l'art
tout entier de la médecine pourrait de nouveau être découvert.
9. Si les choses étaient aussi simples qu'il vient d’être dit,
si toute nourriture forte incommodait , toute nourriture faible
accommodait et sustentait l’homme malade et l'homme sain, il
u’y aurait pas de difficulté ; car on ne courrait aucun danger à
incliner toujours du côté d’une alimentation faible. Mais on
commettrait une égale faute , une faute non moins malfaisante
à l’homme , si on lui donnait une nourriture insuffisante et
au-dessous de ses besoins. Car l’abstinence peut beaucoup dans
l'économie humaine, pour rendre faible, pour rendre ma-
lade , pour tuer. Toutes sortes de maux sont engendrés par la
vacuité , différents , ilest vrai, de ceux qu'engendre la réplé-
tion , mais non moins funestes. Ainsi la médecine ἃ bien plus
d’une face, et exige une précision de plus d’un genre. Il faut
donc se faire une mesure ; mais cette mesure , vous ne la trou-
verez ni dans un poids ni dans un nombre où vous puissiez
rapporter et vérifier vos appréciations ; elle réside uniquement
dans la sensation du corps. C’est un travail que d'acquérir as-
sez de précision dans le jugement pour ne se tromper que peu
2255. — 15 ἣν δὲ 2445, 2142, — τὸ προσφέρεται 2141. — 17 μένος ἰσχυ-
ρῶς ἐνδύνεται 2253. — Variante très remarquable. — 18 2253, -- ὑγιῶσαι
vulg. et al. codd.- La leçon de 2255 s'accorde mieux avec le sens général
de la phrase, bien que la leçon vulgaire püt aussi être acceptée.— "9 μὲν οπι.
3355,--ὠἀποπληρώσιος 2441. —?° ἄμα om. 2255. —°19955.-yxai ἀπὸ OM.
vulg.-xat. dev. om. 2140,2255,2145,2441,2145,2142,2144,— 2? διότι
3356. -πολλῷ cod. 5. ap. Foes.—?'2253.- ποιχιλωτέρη vulg. et ἃ]. codd.-
La leçon vulgaire ne peut pas être conservée. A quoi se rapporterait cet ad-
jectif féminin ? à κένωσις ᾽ mais alors le raisonnement ne se suivrait plus ;
car la difficulté de la médecine ( Hippocrate l’a dit plus haut) est de sa-
voir laquelle il faut, dans un cas particulier, employer, de la réplétion ou
de l’évacuation; car, mal appliquées, elles sont également dangereuses. —
24 πλείονος 2253.— ἀχριθείης 2255, 2140, 2445. — 25 ἀριθυὸν οὔτε σταθμὸν
2255. -- οὐδένα om. 2253 -- ἄλλου 2445. — 26 ὃν vel 2255, -- ὃν cod. Ε΄.
ap. Foes. — "7 οὐδ᾽ ἂν εὕροις 3255.-- εὕροις 9955, 2145, 2142.
590 DE L'ANCIENNE MÉDECINE,
ΕῪ ε ᾿ 1 #9? Δ _ ΄ \ + 1 + “
ἂν εὕροτης " ἀλλ᾽ À τοῦ σώματος τὴν αἴσθησιν " διὸ ἔργον οὕτω χαταμα-
ra + 7h 2 LA d A 1€ 7 » λυ. 2.3 μ PJ 2 -Ὡ
ξεῖν αχρ'! εως, στε σμιχρα αμαρτάνειν ἔνθα 1 ἔνθα χαν εγὼ) TIUTOV
5 ©?
\ ΕἸ A Dee - - 7, A ΓΕ CES - 4 τεῷ 4
TOY τῆτρον ἰισγϑρως επαινεοιμι τὸν σμιχρὰ αμαρτάνοντα. Τὸ 9
" ; : \
> Ἃ Gi 2 / 2 \ ΒΥ. 2 \ € ) τὰ εἰ - 6 - - ,
αχρι ξΞς ὀλιγ ακις ἐστι XATLOELV © ETTEL OL πολ \OL γε τῶν ἰητρῶν TAUTY
LA \ -.
μοι δοχέουσι τοῖσι καχοῖσι 1 χυδερνήτησι πάσχειν “ χαὶ γὰρ ἐχεῖνοι
ν
-» , , d
ὅταν ἐν γαλήνη ΕΣ ἌΡ ΤΕ ἁμαιρτάνωσιν, où χαταφανέες εἰσίν - ὅταν
8 “ι 2) \ / = LA , 5 δ: ὦ "1 Ξ «Ὁ
ὁε αὕτους χατασχη 9 χειμῶν TE μεγας χα! ἄνεμος ἐξωστης, φανερὸς
το Εν es 7 , NI" 9 L ὶ € , Q% UE] 2
NON πᾶσιν ἀνθρώποισι ὃι ἀγνωσίην χαὶ ἀμαρτίην δῆλοί εἰσιν ἀπο-
, “ 15.5) GAP Et. RU \ 12
λέσαντες τὴν ναῦν. Οὕτω ON χαὶ οἱ XAUXOL TE χαι πλεῖστοι ἴητροὶ,
τὰς ἐν 13 Üe ἥωσιν ἀνθού er Ἢ \ ὃς
OTAYy μεν ερᾶπε εὐῶσιν AV ρωπους un0 EY δεινὸν ἔχοντας , ἐς ous
4 A LA € s\
τά ἄν τις χαὶ τὰ μέγιστα ἁμαρτάνων οὐδὲν δεινὸν ἐρ ργάσαιτο, πυλλὰ δὲ
ρον τσὶ re ἀπο 16 A λέ ΣΡ ἢ τ θρώ
τὰ TOLAUTA νουσήματα χαὶ πολὺ TAEOV τῶν δεινῶν ἄν ρωποισι
ξυμδαίνει, à ἐν μὲν 17 δὴ τοῖσι τοιούτοισιν ἅμ. ιαρτάνοντες οὗ χαταῳ τανέες
εἰσὶ τοῖσιν ἰδιώτησιν. “Οχόταν 18 δ᾽ ἐντύχωσι μεγάλῳ ῳ΄ TE χαὶ ἰσχυρῷ
2
- 7
χαὶ ἐπισφαλεῖ νουσήματι, τ τότ ε σφέων 19 τὰ ἁμαρτήματα χαὶ 35 ἡ ἀτε-
14
᾿ - / /
“νίη πᾶσι χαταφανής 21 ἐστιν’ OÙ γὰρ ἐς 23 μακρὸν αὐτέων 55 ἑκατέρου
LA = 7
ai τιμωρίαι, ἀλλὰ 54 διὰ ταχέος πάρεισιν.
5 MA
\ 3 4 , ,
10. Ὅτι 25 δὲ οὐδὲν ἐλάσσους ἀπὸ χενώσιος ἀχαΐίρου χαχοπάθειαι
μ = LA CI 26 TC, x = / ἣν , “-
γίνονται τῷ SRE ἢ 5 χαὶ ἀπὸ πληρώσιος, καταμανθάνειν καλῶς
3 μος ! # \ 2 >
ἔχει. ἐπαναφέροντας ἐπὶ τοὺς ὑγιαίνοντας. "ἔστι γὰρ οἷσιν 27 αὐτέων
# ra κι - s 4 \ 28 Ξ F4 29 «ΑΒ ᾽ς \
υμφέρει μονοσιτέειν, καὶ τοῦτο διὰ τὸ "5 ξυμφέρον 59 οὕτως αὐτοὶ συν-
, a " es [74
ετάξαντο" ἄλλοισι 3° δὲ 31 ἀριστὴν, διὰ τὴν αὐτὴν ἀνάγχην * οὕτω γὰρ
"ἀλλ᾽. 3355.-- ἄλλο vulg.et cæt. codd.—? ἀχριδῶς omnes.- σμικρά 2253.
- μικρὰ vulg. et al. codd. — 3 χαὶ pro χἄν Merc. in marg. — ὁ μιχρὰ
2955. — 5 δὲ ἀτρεχὲς 3355. — ὃ ἰατρῶν 2253.- τὰ αὐτὰ 2253, — δοκέουσιν
2253.— 7 Merde vulg. et al. codd.— ὃ δ᾽ 2253.—9 2253. -
ἄνεμός TE μέγας HAL χειμὼν (sine ἐξώστης) vulg. et al. codd. — :° πᾶσιν ἤδη
ἀνθρώποις 2253. — ἁμαρτίαν 3955. — 11 δὲ 2253.— 12 οἱ πλ. 2253. — 13
2253. θεραπεύσωσιν les et al. codd.— ‘#4 ἢν 2253, — ἦν, dans 2255, est
souvent pour ἄν. — χαὶ om. 2253. — ἐξαμαρτάνων 2253, — 15 τὰ om.
2253. vocnuara omnes. — ‘© πολλὸν τι πλείω 2955. ne. mous 22553,
- συμβαίνει! omnes, — 17 δὴ om. 2253. -- τοιόυτοῖς 2253. σὶν so -
= ἰδιώτοισιν 5111. — τ8 δ᾽ ἐντύχωσιν 2253. — ἫΝ τύχωσ! fist et al, codd.
- νοσήματι OMnes, — 19 τά τε pro τὰ 2253. — 20 2955, -- τέχνη vulg. et
al. codd.- Sans doute τέχνη peut se comprendre; mais ἀτεχνίη est plus na-
turel, et répond mieux à &uz5-tn,dont Hippocrate s’est servi dans l'exemple
du pilote. — 5: ἐστιν om. 2253, — 2? μαχρὰν Zving. - αὐτῶν 2253. —
15 9555, -- ἐχάστου vulg. et al. codd. — 24 διατάχεως 9355.--- 25 δ᾽ 2253.
— "δ χαὶ om. 2253. — 27 ἡυῶν 2253, — συμφέρε' 2253, — 25 συμφέρον
DE L'ANCIENNE MÉDECINE, 591
en-deçà ou en-delà ; et je suis plein d’admiration pour le mé-
decin qui ne commet que de légères erreurs. Mais une habi-
leté consommée se voit rarement. La plupart des médecins
ressemblent aux mauvais pilotes. Tant que le calme règne,
leurs fausses manœuvres ne sont pas apparentes; mais vien-
nent un violent orage et un vent impétueux , ils laissent périr
le bâtiment, et il n’est personne qui ne reconnaisse, dans le
désastre, leur maladresse et leur ignorance. Il en est de même
des mauvais médecins, qui forment le plus grand nombre :
tant qu'ils traitent des maladies peu graves, où les fautes les
plus grossières ne pourraient produire de sérieux accidents (et
il faut savoir que les maladies légères sont plus fréquentes que
les maladies dangereuses), leurs bévues ne sont pas visibles
pour le vulgaire; mais qu'illeur échoie uneaffection grave, vio-
lente , redoutable , alors leurs faux pas se voient; leur inhabi-
leté se manifeste; car la punition des fautes du pilote et du
médecin ne se fait pas attendre, elle vient aussitôt.
10. Qu’une abstinence intempestive ne cause pas de moin-
dres souffrances qu’une intempestive réplétion , c’est ce qu’en-
seignera clairement un rapprochement avec l’état de santé. I]
est des gens qui se trouvent bien de ne faire qu’un repas; et,
parce qu'ils s’en trouvent bien , ils s’en sont imposé la règle.
D’aatres font, de plus , un repas le matin , pour la même rai-
son, à savoir parce que leur santé l'exige : exigences qui n’exis-
tent pas pour ceux qui, par plaisir ou par toute autre circon-
stance , adoptent l’une ou l’autre habitude : ilest, en effet,
indifférent à la plupart de s’accoutumer à faire ou un seul re-
pas , ou un repas de plus le matin. Mais il en est qui ne pour-
‘raient, se dérangeant du régime qui leur est salutaire , sup-
2255, 24141.— 29 2253, — τοῖσιν αὐτοῖσιν ἐτάξαντο ( sine οὕτως ) vuls, et
al. codd. -- La lecon vulgaire est évidemment mauvaise. Τοῖσιν αὐτοῖσιν
voulant dire les mêmes , on ne comprend pas ce que ces mots signifient ici.
On aurait pu conjecturer σφισὶν αὐτοῖσιν, si 2253 n’avait donné une ex-
cellente restitution. On comprend même très facilement comment de αὐτοὶ
ouver. les copistes ont fait αὐτοῖσιν ἐτ. — 30 δὲ 2955, -- re vulg. et al. codd.
--ῦ 2253. -- ἀριστᾶν vulg. et al. codd.
. = ’ ΄
592 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
΄ € 5 Ἄ 4
' αὐτέοισι ξυμφέρει, καὶ μὴ τούτοισιν, " où δι᾿ ἡδονὴν 3 À δι’ ἄλλην τινὰ
- J 2 15 c L4 EP “ 4 ͵
ξυγχυρίην ἐπετήδευσαν ὁπότερον αὐτέων * τοῖσι μὲν γὰρ πλείστοισι
EN ᾿Ν / 4 / μὰ τι ιν αὶ Ε, 5
τῶν ἀνθρώπων οὐδὲν διαφέρει À πότερον ἂν ἐπιτηδεύσωσιν, εἴτε 5 μο-
es |
j “- , Ὁ “ LES ῃ Ε δ, ἢ τι
νοσιτέειν, εἴτε 6 ἀριστῆν, τουτέῳ τῷ ἔθεϊ χρέεσθαι. Εἰσὶ δέ τινες où οὐχ
ΩΝ “: LA
ἂν δύναιντο, ἔξω τοῦ 7 ξυμφέροντος ποιέοντες, δηϊδίως ἀπαλλάσσειν,
» A ε / \ T4
ἀλλὰ 5 ξυυδαίνει αὐτέων ἑχατέροισι παρ᾽ ἡμέρην 9 ENV, χαὶ ταύτην
2 \ \
19 y ὅλην μεταδάλλουσιν, ὑπερφυὴς "" χαχοπαθείη. 1? OÙ μὲν γὰρ
2 \
ἣν ἀριστήσωσ! μὴ "" ζυμφέροντος αὐτέοισιν, εὐθὺς "βαρέες καὶ νωθροὶ
κραλιῖς τὸ Se À _—, = ph es \ 71.
15 τὸ σῶμα χαὶ τὴν γνώμην, χάσμιης TE χαὶ νυσταγμοῦ χαὶ δίψης
NU
LE A sa :2 S Ξ, \ - \ ! δι ς γί
πλήρεες “ἢν OE επιοειπνησωσι. χαι φυσα χα! στροφος χαὶ ἢ χοιλίη
17 en LE = . \ À) = Ds 4 À 4 18 € #) > #
1 χαταρρῃη {VU ται χαι πολλοῖσιν ἀρχὴ VOUGOU αὐτή μεγα. Ὡς εγε-
” 5 - ,
ξτο, ‘9 ἣν τὰ αὐτὰ σιτία, ἃ "5 μεμαθήχεσαν ἅπαξ ἀναλίσχειν, 5: δὶς
ὧν
ΜΗ - δ 22 5.. az ἢ . N\ 23 À 2 “
προσενεγχηται, XAL UNOEV 55 ἐτι πλέον. LOUTO OË, "5 Ἣν ἀριστὴν μεμα-
! \ e 2 5 , LA 25 \ 3 7 σ f
θηχὼς τις, χαὶ οὕτως 24 αὐτεῷ ξυμφέρον, μὴ ἀριστήηση. UTAV τα-
L4 3.24
χιστα παρέλθ Ἢ ἣ ὥρη Ξ εὐθὺς 36 ἀδυναυ ίη δεινὴ, τρόμος, ἀψυγίη :- ΠΕ
- Àr0 8. τε Ἁ - Ξ
τούτοισιν ὀφθαλμοὶ da χλωρότεροι, οὖρον παχὺ χαὶ θερμὸν. στόμα πι
x \ ! Que? = ἄν σ μεν /
χρὸν, χαὶ τὰ σπλάγχνα 29 of δοχέει χρεμᾶσθαι, ° σχοτοδινίη. δυσθυμίη,
᾿Ν » pe 3 _ ὌΝ LA 31 δια NU / 2 Ξ LA £ 32: 5 δέ-
ὀυσεργίη ταυτα 0E TAVTA, χαι OTAV GELTVEELV ERL/ELONGT ;, αὯοξ
= es 2253. - αὐτοῖς vulg. et al. codd. - συμῳ. 2253. — ? ἡ 2255.
— 3 2141, Nr omnes, — ἐπιτήδευσαν 2143, RS αὐτῶν
2253. — In glossà : ὁπότερον τῶν δύο τούτων, τοῦ τε μιονοσιτεῖν καὶ τοῦ ἐς
μόνον τροφῇ κεχρῆσθαι. 2444, — À ὁπότερον ἣν ΒΟ NE 22355.-- ὑπό-
τερον cod. 5, ap, Foes.— "μονοσιτεῖν 3355, — 62255.- ἀριστᾶν vulg. et al.
codd. τ οὕτῳ τῷ 2253, ἔθει χρῆσθαι omnes. — 7 συμφέ. omnes. — ποιέοντες
2140, 2143, τὸς 2445, ΤΣ, 2444, -- ποιέοντας vulg.- ποιοῦν 2255.
- δηδίως 2253. — 8 συμθαίνει 2253. -- Rs 2144. - συμφέρει 2255,
2145, 2141, 2145, 2140, 2442, — συμφέρειν Mercur. in margin. — αὐτῶν
2253. — ἡμερίην 2141, — 9 piav 2255, — 10 2255, — οὐ σχολῇ vulg. et al,
codd.— οὐ σχολῇ ne se comprend pas; pour que le sens se suivit, il faudrait
supprimer la négation. 2255 donne la vraie leçon ; elle est telle qu’on l’au-
rait devinée difficilement, quoiqu’on voie bien comment les copistes ont pu
Valtérer en οὐ σχ. — ἢ χαχοπάθεια,, in marg. ἢ ὑπερφυεῖς χαχοπάθειαι
2255. -- αχοπαθίη 2141, — 15 ἣν μὲν γὰρ ἀρ. 3115. -- ἀριστήσωσιν 2253.
— ‘À συμφερόντως αὐτοῖσιν, εὐθέως 2255. — "ὁ β, 4, ν. +. σ. X. T. Je Χ- Te
%. νυ. Om. 3111, — βαρέες om. cod. F, ap. Foes, — "ἢ χαὶ τὸ 2253, —
16 δὲ χαὶ 2253, - πλήρεις omnes. — 11 χαταργγ. 2255. — "8 αὐτὴ 2255.—
μεγάλη 2255, 2141,2145,2142,—19 χαὶ ἣν 2955.-αὐτὰ οπι. 9955.--ἃ OM.
3255.--- 292955,--ἀἰεμαθύήχει vulg. οἱ ἃ], codd.-Le pluriel est ici nécessaire;
e’est pour cela que j’ai adopté la lecon de 2253. Au reste, soit qu’on prenne
DE L'ANCIENNE MEDECINE. 593
porter facilement cet écart ; et chez eux , d’un changement , en
plus où en moins , pour une seule journée , pas même entière ,
naïitraient de graves incommodités. Les uns, s'ils font un repas
du matin contre leur régime, deviennent lents, pesants de
corps et d'esprit ; 115 sont saisis de bäillements , de somnolence
et de soif ; et si, là-dessus, ils font leur repas du soir , il sur-
vient du ballonnement , des tranchées et une abondante diar-
rhée : souvent c’est le commencement d’une maladie sérieuse ;
et il leur a suffi de prendre deux fois (et rien de plus) les
mêmes aliments qu'ordinairement ils ne prenaient qu’une fois.
Les autres, qui ont l'habitude de faire, le matin, un repas,
que leur santé exige, viennent-ils à omettre ce repas, ils sont
pris, dès que l'heure est passée, d’une débilité générale; les
yeux jaunissent ; l'urine devient épaisse et chaude ; la bouche
amère ; tiraillements dans les entrailles, vertiges, mauvaise
humeur , inhabileté au travail; et avec tout cela, quand ils
essaient de manger à l'heure du second repas, les mets leur
paraissent moins agréables ; ils ne peuvent achever ce qui fai-
le pluriel avec 2255, soit qu’on prenne le singulier avec les autres manu-
scrits, laugment qui appartient au plusque-parfait, manque; on trouve,
dans Homère et dans Hérodote, des exemples de la suppression de cet aug=
ment. La terminaison ἐσᾶν pour e:54y appartient encore à l’ionien et à l’an-
cien attique, — 2! ταῦτα δὶς πρσενέγχωνται 2255. — 22 τι 9110, 2449, —
ἔτι om. 2253. -πλείω 2253, — 232253, — εἰ dororäy vulg. et al. codd. —
34 αὐτῷ c0u9.2253.— 25 ἣν un 2255.— Mais, dans 2255, il faut sans doute
lire,au lieu de ἣν, ἦν, qui alors se rapporte à ξυμφέρον, et donne le même sens
que les autres manuscrits. — 26 ἀδυναμέη 2255.27 22535, 214, 2140,
2142, 2145, 2445, 555, -- ἐπεὶ vulg. — τούτοις 2255. — 28 χοῖλοι, οὖρον
χλωρότερον χαὶ παχύτερον χαὶ στ. 2253.— Ce passage est une des preuves qui
font voir que le n° 2255 reproduit une édition antique différente de celle
qu'ont suivie les autres manuscrits que nous possédons, et nos imprimés.
Les différences que les deux textes présentent, ne sont pas de simples va-
riantes , ou de simples erreurs de copistes, — 99 δοχέοι pro ci dDexéer 2255.
— 5° 2255, — σχοτοδίνη vulg. et al codd, — δυσεργείη 2253. — δυσοργίη, δυσ-
θυμίη vulg. et ἃ]. codd. -- Quoique δυσοργίη soit certainement une bonne le-
çon, δυσεργίη de 2253 me paraît encore meilleur. —— 31: 2255, -- χαὶ om.
vulg. et al. codd. - δειπνεῖν omnes. — 3? 39, μὲν ὁ σίτος habet 2253 ;
desunt in vulg. et al. codd,
TOM. 1. 38
594 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
στερος μὲν 6 σῖτος, ἀναλίσχειν δὲ où " δύναται: " ὅσα ἀριστιζόμενος
᾿ πρότερον ἐδείπνεε - ταῦτα δὲ αὐτὰ μετὰ στρόφου 4 τε χαὶ ψόφου
6 1 5 ΄ ἣ l'E “ ἐς # \ 6 »
χαταθαίνοντα " ξυγχαίει τὴν χοιλίην, δυσχοιτέουσί τε χαὶ 5 ἐνυ--
Ἁ ’ Α 6 1 ᾿ ἊΝ - SA \“ 8 2
πνιάζονται τεταραγμένα 7 χαὶ θορυξώδεα " πολλοῖσι δὲ καὶ ὃ τουτέων
αὕτη ἀρχὴ νούσου ἐγένετο.
L4 Ἂ 14
11. Σχέψασθαι δὲ χρὴ διὰ 9 τίνας προφάσιας αὐτέοισι ταῦτα Euv-
n° τῷ μὲν, οἶμαι, μεμαθηχότι Lo ἕειν, ὅτι οὐχ 1° ἀνέ ὲ
n° τῷ μὲν, οἶμαι, μεμαθηχότι μονοσιτέειν, ὅτι οὖκ "5 ἀνέμεινε τὸν
χρόνον τὸν ἱκανὸν μέχρις ᾽' αὐτέου À κοιλίη τῶν τῇ ‘? προτεραίῃ
προσενηνεγμένων 1 σιτίων ἀπολαύσῃ τελέως, χαὶ ἐπιχρατήση, χαὶ
Ὁ \ # = è
λαπαχθὴ τε καὶ ἡσυχάσῃ, ἀλλ᾽ *# ἐπιζέουσάν τε χαὶ ἐζυμωμένην καινὰ
/ οω « Ὁ
ἐπεσηνέγκατο " αἱ δὲ τοιαῦται χοιλίσι πολλῷ τε βραδύτερον πέσσουσι,
χαὶ πλέονος δέονται ‘5 ἀναπαύσιός τε χαὶ ἡσυχίης. Ὁ δὲ μεμαθηχὼς
, τ - ee
ἀριστίζεσθαι, "δ ὅτι οὖχ, ἐπειδὴ τάχιστα ἐδεήθη "7 τροφῆς τὸ σῶμα, χαὶ
\ , 5 » 0 3
τὰ πρότερα χατανάλωτο, χαὶ οὐχ εἰχεν οδὐεμιίην ἀπόλαυσιν, "ἢ εὐθέως
L4 ΄ , 2
αὐτέῳ παρεγένετο χαινὴ τροφὴ, φθίνει "9 δὴ χαὶ ξυντήχεται ὑπὸ λιμοῦ.
Πάντα γὰρ, ἃ λέγω πάσχειν τὸν τοιοῦτον ἄνθρωπον, λιμῷ ἀνατίθημι.
Φημὶ δὲ καὶ τοὺς ἄλλους ἀνθρώπους ἅπαντας, οἵ τινες ἂν 2° ὑγιαίνοντες
ἄσιτοι "" δύο ἢ τρεῖς ἡμέρας γένωνται, ταῦτα πείσεσθαι "5 οἵα περὶ τῶν
ἀναρίστων γενομένων εἴρηχα.
1 2255, - δυνατὸς vulg. et al. codd. -- δυνατὸς ἦν pro δύναται cod. S. ap.
Foes. —? 2255.- 6 pro ὅσα vulg. et al, codd.— "ὅ ante πρότερον vulg. et al.
codd, ; non habent 2253, 2140. - ἐδείπνει omnes. - Cette phrase est une
restauration complète due au manuscrit 2253. Le texte de tous les autres
manuscrits est incomplet et à peine intelligible; incomplet , car l’existence
de la particule δέ, qu’iis ont après ἀναλίσχειν, suppose un membre de phrase
antécédent qui-leur manque; à peine intelligible, car la présence de cette
particule ne permet pas de construire la phrase. Aussi la plupart des tra-
ducteurs, et Foes entr’autres, s’y sont-ils trompés. On pourrait, à la ri-
gueur, entendre le texte vulgaire en traduisant ὁ ἀοιστιζόμενος, que donne
ce texte, par : celui qui a l'habitude de faire un repas du matin. Mais, sans
aucun effort, tout est devenu clair par le manuscrit 2255, qui a restitué un
membre entier de phrase , omis par les copistes. — ὁ τε em. ,2255. —
5 συγκαίη 2255. — συγχαίει 2144, sed correctum. -- συγχλείει vulg. et al.
codd.—ovy22:t ma paru, médicalement parlant, plus d'accord que συγχλείει »
avec les causes et la nature du malaise que décrit ici ἘΠ ρροογαίο.---- ἐνυπνιά -
'ζουσι 925 5..--- 7 τε χαὶ θορυθώδη 2255. — ὃ τούτων 2253. —9 τίνα αἰτίαν
αὐτοῖσιν 2253, — 1° ἀνέμεινεν 8955. — 11 αὐτοῦ 5955. — ‘? προτέρα
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 595
sait auparavant leur second repas quand ils avaient pris leur
premier ; les aliments, descendant avec des tranchées et des
gargouillements, échauffent le ventre; et le sommeil de la
nuit est pénible et plein de rèves agités et fatigants. Souvent
encore, pour ceux-là , c'est le point de départ d’une maladie.
11. Examinons par quelles causes ces incommodités sont
produites : le premier ; celui qui a habitude d’un seul repas ,
n'a pas attendu, je pense, le temps suffisant pour que l’abdo-
men ait eu pleine jouissance des aliments ingérés la veille, en
ait triomphé , et soit rentré dans le relichement et le repos ;
mais, tandis que les organes digestifs étaient encore dans la
chaleur et dans la fermentation , il les a remplis de nouveau ;
de tels estomacs digèrent bien plus lentement, et ont besoin de
plus longs intervalles d’inaction et de tranquillité. Le second ,
au contraire, celui qui ἃ l'habitude de faire deux repas , n’a
pas, dès que le corps a réclamé de la nourriture ; dès que le
repas précédent a été digéré, et qu'il n’est plus rien resté à
consommer , aussitôt donné à son estomac de nouveaux ali-
ments; c’est la faim qui le travaille et qui lépuise. Car, tous
les accidents que je viens d'énumérer, je les attribue à la faim ;
et certes, tout autre honnme qui, bien portant , restera deux
ou trois jours sans manger, éprouvera des souflrances ana-
logues à celles dont j'ai parlé chez l’homme, usant de régime,
qui ἃ omis son premier repas.
2444.— 13 σιτ, om. 2145.— ἀπολύσῃ 2255, 24145, 3119.- ἀπολύση 2141,
2444. -- ἀπολλύση 2145. — 14
Zving. ad marg. - ἐπεισηνέγκατο omnes. — 1° 2141, 2144. -- ἀναπαύσεως
2255,2140, 2255, 2145, 2145, 2142.— ἀνασπάσιος vulg.- Évidemment
ἀναπαύσιος est le mot nécessaire. IL est donné par presque tous les manu-
scrits. —16 διότι 2255. οὐκ om. 2253, 2445, 5112.- 17 τὸ 6. To. 2255.
ἐπεὶ ζέουσαν cod. S. ap. Foes. — ἐπὶ ζέουσαν
-οὐδεμίαν omnes. — 18 οὐχ εὖ. αὐτῷ προσεγένετο 2255 -- Différences entre
le texte de 2255 et le texte vulgaire, qui indiquent deux éditions différentes.
— 19 2255. δὲ vulg. et al. codd. = τε cod. 5. apud Foesium. - δὴ est né-
cessaire ; δὲ ou τε rendrait impossible la construction de cette phrase
20 ὑγ.
2255; om. in vulg. et ἃ]. codd, — 21 δύο ἡυ.. ἡ ro. 2253. - δὴ 2955. —
55 ὃν
\ -
οἷα mep ἐπὶ 2255.-— Οἀρίστων 2140, 2145. -- γινομένων 2255.
longue et suspendue , mais très régulière. - συντήχεται omnes,
596 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
L " ” \
12. Τὰς ὃὲ “τοιαύτας φύσιας ἔγωγέ φημι, ' τὰς ταχέως TE καὶ
ἰσχυρῶς τῶν ἁμαρτημάτων 2 ἀπολαυούσας,. ἀσθενεστέρας εἶναι τῶν
3 ἑτέρων “ ἐγγύτατα δὲ τοῦ 4 ἀσθενέοντός ἐστιν 6 ἀσθενής - ἔστι δὲ
L4 το LA
5 ἀσθενέστερος ὃ 5 ἀσθενέων, καὶ μᾶλλον αὐτέῳ προσήχει ὅ τι 7 ἂν
Ce 3 / 1 x x 8 \ , 2 E!
τοῦ καιροῦ ἀποτυγχάνῃ , πονέειν. Χαλεπὸν , 5 «ἢ τοιαύτης 7 ἀχριδίης
» _/ \ A! LA Les το 2.λ CCE] ὩΣ LES 2 λλὰ
ἐούσης περὶ τὴν τέχνην, τυγχάνειν “ αἰεὶ τοῦ ἀτρεχεστάτου᾽ πολλ
; 4
11 δὲ εἴδεα χατ᾽ ἰητριχὴν “5 ἐς τοσαύτην "" ἀχριόίην ἥχει, περὶ ὧν
εἰρήσεται. Οὐ φημὶ δὴ "4 διὰ τοῦτο δεῖν τὴν τέχνην ὡς οὖχ ἐοῦσαν
" -" , \ ,
οὐδὲ χαλῶς "" ζητεομένην τὴν ἀρχαίην "56 ἀποδαλέσθαι, εἰ μὴ "1 ἔχε!
\ cn \ 5
περὶ πάντα " ἀχριδίην, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον, διὰ τὸ ἐγγὺς, 9 οἶσαι,
ἘΞ “ “
τοῦ ἀτρεχεστάτου "5 ὁμοῦ δύνασθαι ἥχειν λογισμῷ, "" προσίεσθαι; χαὶ
12253. - τὰς om. vulg. et al. codd. — 3 ᾿ἀπολλυούσας 2140, 2143,
2145,21414, 2144.- roms 2145, 2142 in marg. -- ἀπολυούσας Mer-
eur. in, Marg. — ? ἐγγυτέρων 2255, 2141, — 4 ἀσθενέος ὄντος 2145,2141.
— 5 δὲ χαὶ 2141, 2444. — δὲ 62145, 2142, — 6 2253, — ἀσθενῶν vulg.
et al. codd. -- αὐτῷ omnes. — 7 ἣν 2253. -- ἀποτυγχάνει 2140, 2141.—
πονεῖν 2253, — 85 Erot., Gloss., p. 36, Ed. Franz. - δὴ pro ur 2255. --
δὲ pro μὴ vulg. et al. codd, -- Le texte d'Érotien me paraît devoir être
adopté nécessairement, d’abord parce que cette citation du Glossographe a
été prise à un manuscrit incomparablement plus ancien qu'aucun de ceux
que nous possédons, ensuite, parce que, sans la négation , le sens est très
difficile à suivre. — 9 ἀχριδείης Érot., 2140, 2145, 2255. — Ceci n’est
chez les copistes qu’une affaire d’orthographe, — :° ἀεὶ 2253.- ἀχρατεστά-
τοῦ 9955. — εἴδη 2253. — 1" οὖν pro δὲ Erot., p. 36. — ‘? ἐστιν ante
ἐς Érot. p. 36. — "" ἀχριδείαν 2255. - ἤχει manque dans la citation
d'Érotien ( p. 56); il est remplacé par ἔστιν. — ‘4 δεῖν διατοῦτο 2253.
— 15 ζητεουμένην 2441. — 16 ἀποθάλλεσθαι 2253. — "1 ἔχη 2140.
- ἔχοι 2445 , 2145. — 8 ἀχριξείαν 2253. — πολλὺ 5955. — 9 οἷυαι
2255.- εἶναι pro οἶμαι vulg. et al. codd. -- Neque οἶμαι neque εἶναι cod.
S. ap. Foes.— 2° οὐ pro ὁμοῦ 2255, — Cette phrase est une de celles qui
m'ont arrêté le plus long-temps. En effet, le texte vulgaire est manifeste-
ment altéré ; εἶναι au lieu de cu rend toute construction grammaticale
impossible. A la vérité le manuscrit 2255 , en donnant cette excellente cor-
rection, a jeté la lumière sur le passage; mais en même temps une autre
variante qu’il fournit pour cette même phrase, ἃ causé ma perplexité : je
veux parler de οὐ au lieu de éu:5. Si l’on garde ὁμοῦ, Hippocrate a voulu
dire que le raisonnement peut conduire l’art médical près de la certitude ;
si on admet οὐ, Hippocrate a voulu dire que le raisonnement ne peut pas
DE L'ANCIENNE MÉDECINE, 597
12. Selon moi, les constitutions qui se ressentent prompte-
ment et fortement de leurs écarts, sont plus faibles que les
autres ; le faible est celui qui se rapproche le plus du malade ; et
le malade est encore plus faible; aussi doit-il souffrir plus que
tout autre , des fautes du régime. Il est difficile , l’art ne possé-
dant pas une exactitude correspondante, d'atteindre toujours
le plus haut degré de précision ; et cependant beaucoup de cas
dont il sera question ailleurs , ne réclament rien de moins que
ce degré. Certes, bien loin de contester à l’art ancien sa réa-
lité et la bonté de sa méthode, et de le condamner pour n’a-
voir pas une certitude sur toute chose , je maintiens qu’il faut
le louer d’être dans une voie où , par le raisonnement , il peut
encore, Je pense, arriver-près de extrême exactitude , et ad-
mirer comment du sein d’une profonde ignorance sont sorties
conduire l’art médical près de la certitude, Ces deux sens , diamétralement
opposés, ont besoin d’être ici brièvement discutés. Avec le second, Hippo-
crate fait un mérite à l’art médical d’être dans une voie où le raisonnement
ne peut le conduire, c’est-à-dire où l’expérience le guide seule, et il fau-
drait traduire: «louer l’art médical parce qu’il ne peut, je pense, arriver par
» le raisonnement; près de l’extrême exactitude. » Pensée qui m’a d’abord
séduit et dont j’ai eu quelque peine à faire tout l'honneur à l’erreur d’un co-
piste qui avait écrit «à pour ὁμοῦ. Mais les réflexions suivantes m’ont déter-
miné pour l’autre sens, que j’ai adopté. Hippocrate a dit au commencement
du livre de l’Ancienne médecine que la méthode suivie par l’art ancien était
la seule qui pùt mener à des découvertes ultérieures ; il est donc naturel
qu'il louc ici l’art médical d’être dans une voie où ses imperfections pour -
ront être corrigées, et non pas d’être däns une voie où le raisonnement re
peut le perfectionner. D’un autre côté , un peu plus loin ( ὃ 14), Hippo-
crate, en parlant de ceux qui suivent une bonne méthode, se sert des mots :
λογισυψῷ προσύήχοντι ζητήσαντες. Il ne condamne donc pas le raisonnement
(λογισμός ); ce qu’il blâme, c’est l’hypothèse ( ὑπόθεσις), prise pour point
de départ, pour base d’une science qui est toute constituée par ce que nous
appelons des faits, et ce qu’il appelle des réalités ( τὸ ἐόν, Ç 2 ). Ces deux
motifs m'ont décidé à conserver ὁμοῦ du texte vulgaire, et à rejeter οὖ du
manuscrit 2253 , comme une faute de copiste. — 2! xp. καὶ dat cod. 8. ap.
Foesium ; desunt in vulg. et omnibus codd.- Ces deux mots me paraissent
tout-à-fait indispensables ; ils complètent parfaitement cette belle phrase ;
ils faisaient faute à la régularité de la période, et même au sens ; avant ἐν.
598 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
Ex RONA ἀγνωσίης θαυμάζειν τὰ ἐξευρημένα,, ὡς χαλῶς at ὀρθῶς
ἐξεύρηται. καὶ οὐχ ἀπὸ τύχης.
13. "Ent δὲ τῶν τὸν χαιθὸν τρόπον τὴν τέχνην " ἐξ ὑποθέσιος ζη-
τεόντων λόγον ἐπανελθεῖν βούλομαι. Ἐΐ γάρ " ἐστι θερμὸν, ἢ ψυχρὸν,
ἢ ξηρὸν, ἢ ὑγρὸν“ τὸ λυμαινόμενον τὸν ἄνθρωπον, καὶ δεῖ τὸν ὀρθῶς
- Z / F LE ER x 3 \ Ἁ ͵ + A --Ὕ pa 5 = 5 \
nrpevovra ? βοηθέειν τῷ μὲν θερμῷ ἐπὶ τὸ ψυχρὸν, τ dE ψυχρῷ ἐπὶ
τὸ θερμὸν,, τῷ δὲ ξηρῷ ἐπὶ τὸ ὑγρὸν, τῷ 4 δ᾽ ὑγρῷ ἐπὶ τὸ ξηρόν - ἔστω
Ar de STI A το 0 TPE Ἢρ
μὸν 5 ἄνθρωπος μὴ τῶν ἰσχυρῶν φύσει, ἀλλὰ πῶν ἀσθενεστέρων - οὗ-
os δὲ πυροὺς ἐσθιέτω οὺς ἂν ἀπὸ τῆς ἅλω © ἀνέλη, ὠμοὺς 1 χαὶ
2 \ } τ 2 \ À Læ as T / 8 4 “-
ἄργους, χα χρεα μα, χαὶ πινετῷ υοώρ. αὐτῇ J.PEOU.EVOG τη
D.
[A Se d Pa « A A) n # 4 1 ͵ὔ
διαίτη, εὖ οἶδ᾽ ὅτι 9. πείσεται πολλὰ χαὶ δεινά - χαὶ γὰρ πόνου: πονή-
τ \ ΕΣ A) -
Get, χαὶ τὸ σῶμα ἀσθενὲς ἔσται, χαὶ ἢ χοιλίη φθαρήσεται, χαὶ ζῆν
10 πουλὺν χρόνον où δυνήσεται. "" PU δεῖ τοιγαροῦν βοήθημα παρα-
/ 2 αν». ν΄ 1 ὅν νὰ ARE τσ Eh code 5238
σχευάσασθαι ὧδ᾽ ἔχοντι; θεῤμὸν, ἢ ψυχρὸν, 12 À ξηρὸν, ἢ ὑγρόν; "5 δῇ
d a x
λον γὰρ ὅτι τουτέων τι. Εἰ γὰρ τὸ λυμαινόμιενόν ‘4 ἐστι τουτέων τὸ
d æ € / μὰ = “ x
ἕτερον, τῷ ὑπεναντίῳ προσήχει λῦσαι, ὡς 156 ἐκείνων λόγος ἔχει. To
Al 4 , \ 7 , - ,ὔ \
μὲν: γὰρ βεδαιότατόν τε χαὶ προφανέστατον φάρμαχον ἀφελόντα τὰ
Ὁ / 16 T7 ᾽ “- ἘΣΣῚ \ En “- J sn’ δ. καὶ
διαιτήματα 15 οἷσιν ἐχρῶτο " ἀντὶ μὲν τῶν πυρῶν ἄρτον διδόναι, ἀντὶ
δὲ τῶν ὠμῶν χρεῶν ἑφθὰ, πιεῖν "1 τε ἐπὶ τούτοισιν "5 οἴνου, ταῦτα "9 με-
πα Fr \ u
ταῤάλλοντα οὖχ οἷόν τε 2° μὴ ὑγιέα γενέσῆαι, ἤν γε μὴ παντάπασιν
-
3
ΕΥ ᾽ σ, -Αν αὶ , = A - ᾿Ν ΓΞ 1 ᾿. :
Ἢ 2: διεφθαρμένος ὑπὸ γρόνου τε χαὶ τῆς OLALTNC. Τί δὴ 53 φήσομεν;
23 TE PER ὦ else ἣ θέοντι θεοιμὸ τὸ ἘΞ:
πότερον αὐτέῳ ὕπο ψυχροῦ χαχοπαθέοντι θερμὰ ταῦτα mpocevéy
πολ, &yv. , on sentait le besoin d’un verbe comme προσίεσθαι, Je ne sais où
Severinus ἃ trouyé cette excellente leçon. Elle manque dans tous les ma-
Anuscrits que j’ai collationnés, même dans 2255. Ce manuscrit que Seve-
inus avait sous les yeux, mériterait certainement d’être consulté.
τ Unrebyzov ἐξ ὑπ. λόγων 2255. --- 3 71 ἔστιν 2255. — " δοηθεῖν omnes.
(ἐν οἴη, 2145, 3111,9145,9955,3110.-- τὸ μὲν Merc. in marg.— δὲ
2253,— Ÿ ὁ ἄνθ. 2255.— δ ἀγέλοι 5958, --- Ἴ χ, ἀρ, OM. 2255.— ὃ 2253.
|
Æ,
μενος yulg. etal. codd. -- τ, δὴ χρών.. cod. S..ap. Foes. —® πεσεῖται
2145 ; quod habet quoque 2143 sed mutavit in οἴσεται, —.1° 2255,
πολὺν vuls. et.al. codd, — :: τί δὴ χρὴ βοήθημα, παρεσκευάσθαι 3358. --
τοιγ, ὧδε βοή..9555. — 15 ἢ ὑγ, NE, 2255. — 122255. -- ἁπλὸν 2145,
2140, 2145, 2142, -- ἁπλοῦν vulg. et al. codd.- Les traducteurs ont
sous entendu ἁπλοῦν, comme si Hippocrate avait voulu dire que l’une de ces
qualités est simple ; Foes a : « Si quidem horum quodque simplex est ».
Avee ἁπλεῦν,, pris dans ce sens, la construetion n’est guère possible; si on
PS L'ANCIENNE MÉDECINE. 299
les découvertes, par une belle et savante recherche ; et non par
le hasard.
13. Je reviens à ceux qui, suivant la nouvelle méthode, cher-
chent l’art d’après une hypothèse. Si c’est le chaud, ou le froid,
ou lesec, ou l’'humide qui nuit à lhommie, il faut que le méde-
cin habile guérisse le froid par le chaud , le chaud par le froid ,
l’humide par le sec , le sec par l’humide. Supposons un homme
d’une constitution non pas robuste ; mais faible; qu'il mange
du blé tel qu'il sort de l'aire, cru et sans préparation , des
viandes également crues, et qu'il boive de l’eau. En suivant
un pareil régime , il éprouvera, j'en suis sûr, des incommo-
dités graves et nombreuses ; les douleurs le saisiront ; le corps
s’affaiblira , le ventre se dérangera , et certes il ne pourra vivre
long-temps. Quel remède administrer dans de pareilles circon-
stances? le chaud ou le froid , où le sec ou l’humide? Évidem-
ment l’un ou l’autre. Car, si c’est l’une de_ces quatre choses
qui le rend malade ; il faut y remédier par le contraire, 511 -
vant leur propre raisonnement. Or le remède le plus sûr et le
plus évident , c’est de changer le genre de vie dont il usait, de
lui donner du pain au lieu de blé, des viandes cuites au lieu de
viandes crues, et du vin à boire après son repas.Avec ce change-
ment, il est impossible qu'il ne se rétablisse pas, à moins que
sa constitution n’ait été profondément altérée par la durée du
mauvais régime. Que dirons-nous donc ? Sont-ce des substan-
ces froides qui l’ont rendu malade, et des substances chaudes
qui l'ont guéri ? ou bien est-ce le contraire? Je pense qu’on se-
le conserve dans le texte, il faut le rendre par : «Il est clair ». δῆλον du
manuscrit 2253 en est la véritable explication; et un de ces deux mots est
la glose de l’autre, - τούτων omnes, — 14 αὐτῶν ante ἐστί vulg. et al.
codd, ; non habet 2255. — ἐστίν 2253. - τούτων omnes. — 15 ὁ om. 2141,
2145, 2442. — τ οἷς SLT 0 2255, — ἔχρετο 2442. — ἐχρῶντο 91:5, 9110,
2255, 2444, 2445. — :7 , 2255, 2445, 2111, 2442, — τὸ
rs 2255,2143, 2441, 2145. οἶγον vulg. “A ARE ὄντα 2143.
— Ὁ μὴ οὐχ ὑγιᾶ 2355. — 3: διεφθαρμένου 5255. -- ὑπὸ χρ. τε Om. 2255.
EE φήσωμιεν 2255. — ?5 ποῦ STEP GY αὐτῷ ἀπὸ LU χκαχοπαθοῦντι 2255. —
πρότερον s'entendrait très bien.
A
600 DE L’ANCIENNE MÉDECINE. Ε
χκαντες ὠφέλησαν, ἢ τἀναντία ; οἶμαι γὰρ ἔγωγε πολλὴν ' ἀπορίην
ἐρωτηθέντι παρασχεῖν - ὃ " γὰρ τὸν ἄρτον " σχευάζων τῶν πυρῶν τὸ
θερμὸν, ἢ τὸ ψυχρὸν, ἢ τὸ ξηρὸν, ἢ τὸ bypov ὁ ἀφείλατο; 5 οὗτος γὰρ
ὁ χαὶ πυρὶ καὶ ὕδατι δίδοται, χαὶ 7 πολλοῖσιν εἴργασται, ὧν ἕχαστον
ὁ ἰδίην δύναμιν χαὶ φύσιν ἔχει, 9 καὶ τὰ μὲν τῶν ὑπαρχόντων ἀπο-
θέόληχεν, ἄλλοισι © δὲ χέχρηται καὶ μέμιχται.
14. Οἶδα μὲν γὰρ καὶ τάδε δήπου, ὅτι διαφέρει 1: ἐς τὸ σῶμα τοῦ
ἀνθρώπου καθαρὸς ἄρτος ἢ "" ξυγχομιστὸς, ἢ ἀπτίστων πυρῶν à ἐ-
πτισμένων, ἢ πολλῷ ὕδατι 13 RenrrnAyee ἢ ὀλίγῳ, ἰσχυρῶς 4 πε-
φυρημένος ἢ ἀφύρητος, À ἔξοπτος, À ἔνωμος, ἄλλα τε πρὸς "" τουτέοισι
LA - < Ἂ J \ \ LC: Ἶ A! e δ 4 a 16 ke 4).
μυρια ὡς ὁ ŒUTUWE XAL περι μαςφῆς" χαι αι QUYŒULLEG μεγάλαι TE
LA ΕΔ Ὁ Ζ - -
ἐχάστου, καὶ οὐδὲν À "7 ἑτέρη τῇ ἑτέρη ἐοιχυῖα. 15 Ὅστις δὲ ταῦτα
=
=
TP PEREZ Δ του + à ee »» 20 Te SN’
οὐχ ἐπέσχεπται, À σχεπτόμενος οὐχ οἷδε, πῶς ἄν 2° τι οὗτος δύ-
le \ \ «
ναιτο τῶν χατὰ τὸν ἄνθρωπον παθημάτων εἰδέναι; ὑπὸ γὰρ ἑνὸς ἑχά-
7 ᾿τὭ -
στου "" τουτέων πάσχει τε χαὶ ἕτεροιοῦται 55 6 ἄνθρωπος ἢ τοῖον À
- \ ΝΟ, "43 / .- pe, 1 'e ,ὔ 1 9 24 4
τοῖον * χαὶ διὰ 2? τουτέων πᾶς ὃ βιος χαὶ ϑγιάϊνονευ, χαὶ ἐχ 24 γούσου
΄,
ἀνατρεφομένῳ, χαὶ κάμνοντι. 25 Οὐχ ἂν οὖν ἕτερα 25 τουτέων χρησι-
μώτερα, οὐδ᾽ βνΑτκ βετ ας 51 ἔῃ εἰδέναι δήπου. "5 “Ὥστε χαλῶς χαὶ
λογισμῷ προσήχοντι ζητήσαντες πρὸς τὴν τοῦ ἀνθρώπου φύσιν εὗρον
αὐτὰ of πρῶτοι εὑρόντες, 59 χαὶ φήθησαν 55 ἀξίην τὴν τέχνην θεῷ
1 ἀπορίαν 2255. = τῷ ἐρωθέντι 2255, 2145, 2442, — 5 γὰρ om. 2140,
2115,2111, 2442, 2145, 2144. — 3 παρασχευάζων 2253. — 4 9955. —
ἀφείλετο vulg. et al. codd. — Après ἀφείλετο, les éditions mettent un point,
et Foes traduit comme si la phrase était affirmative : un point d’interroga-
tion me semble nécessaire ; si la phrase était affirmative , il n’y aurait pas la
particule disjonctive #. Hippocrate demande si la préparation du pain a enlevé
au froment le froïd, ou le chaud, ou le sec, ou lhumide ? — ὅ Siccod. S. ap.
Foes.-& vulg.et al. codd, — ὅτι γὰρ ἴῃ marg. quorumdam exemp. ap. Ma-
ckium.— 5 χαὶ om. 2255. — δέδευται 2255. δέδοται cod. 5. ap. Foes. —
7 πολλοῖσιν ἄλλαισιν 2255, 2145, 2141, 2145, 2142.— ἄλλοισι πολλοῖσιν
2340. — ἄλλοις πολλοῖσιν ἤργασται 2255, —5 idiay2253. —9 τὰ μὲν γὰρ Pro
24 Tele 2255. — 19 δὲ om. 2255. - χέχρηταί τε 2253. - μέμνηται Pro μιέ-
μίκται Ald, —112253, — ets vulg. et al. codd. — "ἢ συγκομ. 672: omnes. - ἢ
τοι ρυπαρός Imp. Samb. apud Mackium. -- C’est sans doute une glose tirée
du Glossaire de Galien où le mot ῥυπαρος entre dans l'explication du mot
συγκομιστός.--- 13 Πεφὺ, ἢ ©. ia. om. in vulg. et al. codd.; habet 2253.—
Des lacunes de ce genre sont très fréquentes dans les EPA TE ce qui
les cause, c’est Ja répétition rapprochée d’un mot. Le copiste ἃ sauté dun
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 601
rait embarrassé de répondre à ces questions ; car, est-ce le
chaud, ou le froid, ou le sec, ou l’humide que l’on ôte au
pain en le faisant ; le pain qui est soumis au feu et à l’eau,
qui subit plusieurs préparations dont chacune ἃ une vertu
particulière, qui prend une partie de ses principes et qui se
combine et se mélange avec d’autres ?
14. Je suis assuré qu'il est très différent pour le corps d’u-
ser d’un pain fait avec de la farine blutée ou non blutée, avec
du grain bien moulu ou mal moulu, pétri avec beaucoup
d’eau ou avec peu d’eau , travaillé fortement ou peu travaillé ,
bien cuit ou peu cuit, et mille autres diverses préparations. ἢ
faut en dire autant des préparations de la pâte d'orge. De cha-
cune , les propriétés ont une grande puissance , et l’une ne res-
semble en rien à l’autre. Celui qui n’observe pas ces différen-
ces , ou ; les observant , n’en sait pas la valeur, comment poui-
rait-il connaître quelque chose aux maladies des hommes ?
car chacune de ces qualités agit sur le corps et le modifie de
telle ou telle façon ; et c’est de là que dépend toute la vie pen-
dant la santé, pendant la convalescence et la maladie. Rien
donc ne serait plus utile, plus nécessaire à savoir. Les pre-
miers inventeurs, qui usèrent, dans leurs recherches , d’une
πεφυρημινος à l’autre. — "ὁ πεφυραμιένος, ἀφύρατος 2141,—15 τούτοισι 2253.
— 5 δὲ ante we. in vulg. et al. codd. ; non habet 2253, — "7
ἑτέρα 2253. — 18 τίς pro ὅστις 2440, 2144, 2445, 2142, 2255,
2145, 2144, — τί pro ὅστις cod. 5. ap. Foes.- τίς sine δὲ Imp. Samb. ap.
Mackium. — 19 Sic 2253. — ὅσ, δὲ ταῦτα UN σχεπτόμενος οὐκ οἷδε vulg. et
al. codd.- Le texte vulgaire, comparé au texte de 2255 , présente une la-
cure , qu’on n'aurait pu soupconner, car le sens est clair, mais dont la res-
Utution me semble heureuse pour la régularité et la marche de la phrase.
— 55 ἔτι pro τι; τι additum post δύναιτο, — χατ᾽ ἄνθ. 2255. πῶς δ΄ ἂν cod.
S. ap. Foes — 2?! τούτων 22535, — 35 ὁ, quod deest in vulg., habetur ia
omnibus codd, -- ὥνθρωπος 2141 alià manu, et Ald. pag. 4. — "5 τούτων
2253. — ?* 2255. — νόσου vulg. et al. codd. — Οἀναστρεφομένῳ cod.
S. ap. Foes. — 25 εὔχουν pro οὐκ ἂν οὖν 2253. — 26 τούτων 2255. —
εὐδὲ 2255, ---"17 εἴη 2255. — 28 ὡς δὲ 2253, 2145, 2143, 2441, 2142,
2140. — 29 χαὶ om. 2445, 2144, 2440, 2142, 2445, 2255, — 30 ἀξίαν
2253.-— προθεῖναι 54.1.9. -9945, 24435), 224441, 2144,
602 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
> 91 4
προσθεῖναι, " ὡς χαὶ νομίζεται. Οὐ γὰρ τὸ ξηρὸν, οὐδὲ τὸ ὑγρὸν, οὐδὲ
τὸ θερμὸν, οὐδὲ τὸ ψυχρὸν, " οὐδ᾽ ἄλλο τουτέων οὐδὲν ἡγησάμενοι
3
Μ ΄ F4 S LA EN \ LA Ψ J
οὔτε λυμαίνεσθαι οὔτε προσδέεσθαι οὐδενὸς Ÿ τουτέων τὸν ἄνθρωπον,
4 PV 5 \ ΓΗ, A A! / es J -- 5 2 !
ἀλλὰ τὸ ἰσχυρὸν ἕχάστου χαὶ τὸ χρέσσον τῆς φύσιος τῆς " ἀνθρωπί-
Te 5. 50/ / 6 - 7 7 \ “-“
νῆς * οὗ μὴ ἠδύνατο χρατέειν, 5 τοῦτο βλάπτειν ἡγήσαντο, χαὶ τοῦτο
NU
ἐζήτησαν 7 ἀφελέειν. 8 ᾿Ισχυρότατον δέ ἐστι τοῦ μὲν γλυχέος τὸ γλυ--
, ΩΝ ΝΑ το 4 14 ss. A 27, “ SY7/
χύτατον, τοῦ δὲ πικροῦ τὸ πιχρότατον, τοῦ δὲ 9 ὀξέος τὸ ὀξύτατον,
< 4 si / Ὁ 10 5. ΕῚ "à -ὉὉ CAL \ 11 “
ἑχάστου δὲ πάντων τῶν "5 ἐόντων À dau ταῦτα γὰρ ἑώρων καὶ ! τῷ
ἀνθρώπῳ ἐνεόντα at λυμαινόμενα τὸν ἄνθρωπον. "" Ἔνι γὰρ "" ἀν-
\ \
θρώπῳ καὶ πιχρὸν χαὶ ἁλμυρὸν, καὶ γλυχὺ καὶ ὀξὺ, χαὶ στρυφνὸν καὶ πλα-
ὃ os: \ 4)) / / o , " 20 L4 \ 2 4
αρὸν, Hat ἄλλα μυρία, παντοίας δυνάμιας ἔχοντα, πλῆθός τε χαὶ ἰσχύν.
- “
"4 Ταῦτα μὲν μεμιγμένα καὶ χεχρημένα ἀλλήλοισιν οὔτε φανερά ἐστιν,
, = , - \ A
οὔτε 5 λυπέει τὸν 15 ἄνθρωπον " ὅταν δέ τι 11 τουτέων ἀποχριθῇ, καὶ αὐτὸ
9... 9 La # , \ , ΕῚ \ LA A C4
ἐφ᾽ ἑωυτοῦ γένηται, τότε καὶ φανερόν ἐστι χαὶ λυπέει τὸν ἄνθρωπον.
, es “- € = \ !
Τοῦτο "ὃ δὲ, τῶν βρωμάτων ὅσα ἥμιν ἀνεπιτήδειά "9 ἐστι χαὶ λυμαίνεται
τὸν ἄνθρωπον ?° ἐμπεσόντα, 21 τουτέων ἕχαστον ἢ πιχρόν 2? τι χαὶ ἄχρη-
, 3 δ» 40 Ὁ , és \
τόν “Ξέἐστιν, À ἁλμυρὸν ἢ ὀξὺ, ἢ 24 ἄλλο τι ἄχρητόν τε χαὶ ἰσχυρὸν,
\ \ d \ ἣν _ 2
χαὶ 25 διὰ τοῦτο ταρασσόμεθα ὕπ᾽ 26 αὐτέων, ὥσπερ χαὶ 29 ὑπὸ τῶν "5 ἐν
᾿ ὥσπερ 95955.---ἰ οὐδὲ ἄλλο τούτων ἦγ. οὐδὲν 39 ὅ5.--- προσδεῖσθαι omnes.
—$ τούτων 2255.— 42255,- ἀλλ᾽ ὅ τι pro ἀλλὰ τὸ vulg.et al.codd.— Ce qui
ma déterminé à adopter la leçon de 2255, c’est que l’article se trouve immé-
diatement après , devant χρέσσον. 511 y avait eu ὅ τι dans le texte primitif,
il yaurait eu, non pas τὸ χρέσσον, mais χρέσσον seulement. La leçon de 2253
donne donc plus de correction à la phrase, — 5 ἀνθρωπείης, ἃ οὐχ ἠδύνατο
χρατεῖν 2253. — Dans le manuscrit 2253, une main plus récente que celle
du copiste ἃ mis un point après ἀνθοωπείης. Ce correcteur, quel qu’il soit,
a eu raison de mettre plus qu’une virgule. La plupart des traducteurs,
Mercuriali, Foes, Mack, Gardeil, ont supposé que le membre de phrase qui
commence par ἀλλὰ τὸ ou ἀλλ᾽ ὅ τι appartenait à ἡγήσαντο; il faut le rap-
porter à ἡγησάμενοι qui précède. Il en est de même pour le membre de
phrase οὗ μὴ ἠδύνατο, ils l'ont fait rapporter à τὸ χρέσσον : il faut le rap-
porter à ce qui suit, c’est-à-dire à τοῦτο βλάπτειν ἡγήσαντο. Le style est si
soigné dans tout ce traité, les périodes s’y balancent avec tant de régula-
rité, qu’il faut craindre une faute de traduction ou une erreur de copiste
partout où quelque dérangement se laisse entrevoir. Et c'était une irrégu-
larité que le commencement, avec ἀλλά, d’une nouvelle phrase, tandis que
celle où est ἡγησάμενοι, restait inachevée. — “ τοῦ 2140, 2143, 2141,
2145, 2442, 2144, — 7 ἀφαιρεῖν 2253. — ὃ ἰσχυρότερον δ᾽ ἐστὶ 2235. —
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 603
bonne méthode et d’un juste raisonnement , ayant su appro-
prier ces différences à la nature humaine ; pensèrent qu’un tel
art mériterait d’être attribué à un dieu ; opinion qui est con-
sacrée. Estimant que ce n’est ni du sec, ni de l'humide , ni du
chaud , ni du froid, ni d'aucune autre de ces choses que
l’homme souffre ou a besoin , mais que c’est de ce qu’il y a de
plus fort dans chaque qualité, et de ce qui est plus puissant
que la constitution humaine , ils regardèrent comme nuisible
ce dont cette même constitution ne pouvait triompher, et ils
essayèrent de l'enlever. Or, ce qu'il faut entendre par le plus
fort , c’est, parmi les qualités douces , la plus douce ; parmi les
amères , la plus amère ; parmi les acides , la plus acide ; en un
mot le summum de chacune. Car ils virent et qu’elles existent
dans l’homme et qu’elles nuisent à l’homme. Dans le corps,
en effet , se trouvent l’amer, le salé , le doux , l'acide , Pacerbe,
l'insipide, et mille autres dont les propriétés varient à l'infini
par la quantité et par la force. Ces choses mêlées ensemble et
tempérées l’une par l’autre , ne sont pas manifestes et ne cau-
sent pas de souffrances ; mais si l’une d’elles se sépare et s’isole
du reste , alors elle devient visible et cause de la douleur. Il en
est de même des aliments qui ne sont pas propres à l’homme
et dont l’ingestion le rend malade ; chacun d’eux a une qualité
qui n’a pas été tempérée , ou amère, ou salée, ou acide, ou
toute autre qualité intempérée et forte; c’est pourquoi votre
santé en est troublée , aussi bien que par les qualités qui s’iso-
lent dans notre corps. Mais les aliments et les boissons habi-
9ιὀξέως 2253. — 1° ἐνεόντων 2255. -- ἡ om: 2253. — 11 ἐν τῷ 2253,
2440, 2444. — 12 ἐν pro ἔν: 2442, — 13 ἐν ἂν, 2255, 2140, 2255, 2445,
24 44. — xai ἁλμυρὸν x. nie 2253. -- 14 αὐτὰ 2253. — 15 λυπεῖ 2253. —
16 ab ἄνθρωπον ad ἄνθρωπον omnia om. 9111. — :7 τούτων 2253, — 18 χαὶ
pro δὲ 5115. — 19 εἰσιν 2253. — 20 ἐσπεσόντα 2253. — ἐχπεσόνται 2110,
2445, 2441, 2445, 2442, 2144, — ἐκχπέσσοντα 2255. — 21 τούτων ἕν ἔχ.
2253, — 22 ἐστιν pro τι 2955, — ?3 ἐστιν om. 2253. — 24 ἀλλ᾽ ὅτι cod.
S. ap. Foes. — 55 διατοῦτο 5111. — 26 αὐτῶν 2255.— 27 ὑπὸ om. 2142,
2255, 2140, 2445, 2444, 2145, 2444,— 28 9255, 9255, 2144.-T0 om,
2441. ἐκ τοῦ σώματος vulg. etal, codd, - ἐν τῷ σώματι est la véritable
604 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
τῷ σώματι ' ἀποχρινομένων. Πάντα δὲ ὅσα ἄνθρωπος ἐσθίει ἢ πίνει,
\ 9 LA 4 2 1 a va. 62 «ὦ ᾿. \ ὃ
τὰ τοιαῦτα βρώματα ἥχιστα " τουτέου χυμοῦ " ἀχκρήτου τε χαὶ δια-
έ 57 4 ? Va TS # PRET ONE. ΜΞ \ \
φέροντος δῆλα 4 ἔσται μετέχοντα, οἷον ἄρτος τε χαὶ μᾶζα χαὶ τὰ
" ἑπόμενα ὃ τουτέοισιν οἷσιν εἴθισται 1 ὥνθρωπος πλείστοισί τε χαὶ
8 SA LA _ tel Ὁ 4 AN 4 4 , » , Ἁ
αἰεὶ χρέεσθαι, ἔξω τῶν πρὸς ἡδονήν τε. χαὶ χόρον ἠρτυμένων τε χαὶ
» LA \ 22 "A J / 2 4 2 A Ê4
ἐσχευασμένων " χαὶ ἀπὸ 9 τουτέων πλείστων ἐσιόντων ἐς τὸν ἄνθρω--
10 = y. - ν 2 L4 Led = 4 εἶ - 11 NU LA 7
πον "" ταραχή τε χαὶ ἀπόχρισις τῶν ἀμφὶ τὸ σῶμα ": δυναμίων ἥχιστα
γίνεται, ἰσχὺς "" δὲ, καὶ αὔξησις, καὶ τροφὴ μάλιστα, "3 δι’ οὐδὲν ἕτε-
ρον "ἐ γίνεται, ἢ ὅτι εὖ " τε "6 ξυγχέχρηται, καὶ οὐδὲν ἔχει "1 ἄκρητον,
οὐδὲ ἰσχυρὸν, ἀλλ᾽ ὅλον ἕν 18 τε γέγονε χαὶ ‘9 ἁπλόον 2° χαὶ μὴ
=] ,
ἰσχυρόν.
19. ᾿ἀπορέω δ᾽ ἔγωγε, οἱ τὸν λόγον ἐχεῖνον λέγοντες, χαὶ 2! ἀπάγον-
τες ἐχ ταύτης τῆς ὁδοῦ ἐπὶ ὑπόθεαιν τὴν τέχνην, τίνα ποτὲ τρόπον
2 θεραπεύσουσι τοὺς ἀνθρώπους, ὥσπερ "" ὑποτίθενται. Οὐ γάρ ἐστιν
24 αὐτέοισιν, ὡς ἐγὼ οἶμαι, ἐξευρημιίένον αὐτό τι ἐφ’ "" ἑωυτοῦ θερ-
ÿ “ “
μὸν, ἢ ψυχρὸν, ἢ ξηρὸν, ἢ ὑγρὸν, μηδενὶ ἄλλῳ "5 εἴδεϊ χοινωνέον,
LEE S Υ - à , 4 , Ἀγ ἐν δ
ἀλλ᾽ 51 οἶμαι ἔγωγε ταῦτα "9 πόματα χαὶ βρώματα αὐτέοισιν ὑπάρ-
χειν οἷσι πάντες 3° χρεόμεθα. Προστιθέασι δὲ τῷ μὲν εἶναι :5 θερμῷ,
leçon ; Hippocrate parle ici, non de ce qui est sécrété hors du corps, mais
de ce qui, dans le corps, se sépare des autres parties, et devient nuisible
à cause de cette séparation.
* ἀποχριναμένων 2143,2141,2142,2144.— "τοιούτου 2253. — 3 ἀχρίτου
2442. —4 ἐστὶν 2253. — 5 ἁπτόμενα 2143. —5 τούτοις οἷς 2255.— Ἴ ὁ dy.
2253, 2141. — ἀεὶ χρῆσθαι 2253, — 9 τούτων 2253. — 5 τάραχος
2255, re om. 2255. — "" δυναμένων 3110, 2143, 2141, — 129955, -
τε pro δὲ vulg. et al, codd. — 5 δὲ pro δι᾽ 2144. -- dom. cod. F.ap. Foes.
— "4 γίν. om. 2442, 2145, 2141, 2145, 2255, 2440, 2444,— τ" τε om.
2142, 2445, 2141, 2255, 2440, — 'δ συγκέκρηται vulg. et al. - χέχρυται
2253.— 17 οὔτε ἄχ. οὔτε io. 2255.— 18 τε om. 2445. — 19 ἁπλοῦν 2253. —
ἁπλέον 2145. — 90 Sicin Martini Lect. apud Foes. — ἐπεὶ καὶ οὐχ ἰσχυρόν
cod, 5, ap. Foes. -- Tous les manuserits que j’ai consultés , au lieu de ur
ἰσχυρόν ont ἰσχυρόν ; leçon qui ne peut être conservée : ἰσχυρόν fait contre-
sens avec la suite des idées ; Hippocrate dit que la nourriture habituelle est
salutaire, parce qu’elle n’a rien d’intempéré ( ἄκρητον ) , rien de fort (icyu-
pv), et parce que le tout y est combiné ( ἕν), simple ( 47kcv) et... fort
(ἰσχυρόν) ? Évidemiment cela ne peut être. La plupart des éditions ont ἐσχυ-
οὖν ; cependant Vauder Lisden ἃ οὐχ ἰσχυρόν; 1l a pris cette leçon aux ya-
riantes rapportées par Foes. Cette leçon remédie au texte et donne une
DE L’ANCIENNE MÉDECINE. 605
tuelles évidemment ne renfermeront pas de telles humeurs in-
tempérées et excessives ; tels sont le pain , la pâte d'orge, et les
autres substances de semblable nature , dont on use toujours
et le plus abondamment , et dont j’excepte les mets préparés et
assaisonnés pour flatter le palais et la sensualité. Ces aliments
salutaires , dont on prend le plus, ne produisent ni trouble ni
désunion des qualités cachées dans l’économie ; mais ils pro-
duisent vigueur, accroissement , nutrition , par aucune autre
vertu si ce n’est qu'ils sont mélangés heureusement, qu'ils
n’ont rien d’intempéré, rien de fort, et que tout y est devenu
un , simple , atténué.
15. Pour moi , quand j'écoute ceux qui font ces systèmes et
qui entrainent la médecine loin de la vraie route vers l’hypo-
thèse , je ne sais comment ils traiteront les malades en confor-
mité avec leurs principes. Car ils n’ont pas trouvé, je pense,
quelque chose qui soit chaud , froid, sec ou humide , en soi, et
sans mélange d'aucune autre qualité ; et, sans doute, ils n’ont
pas à leur disposition d’autres boissons et d’autres aliments
que ceux dont nous usons tous ; mais ils attribuent à ceci ou à
cela la qualité ou chaude, ou froide ou sèche ou humide. Or
l'incertitude serait grande s'ils prescrivaient d’administrer
quelque chose de chaud, en soi, au malade ; celui-ci leur de-
mandera aussitôt quelle est cette chose ; et ils seront réduits
ou à répondre par du verbiage ou à recourir à quelqu’une des
explication ; cependant je ne suis pas complétement satisfait de la répétition
de ἰσχυρόν ; et, si je ne m'étais pas fait une règle de suivre, partout où faire
se peut, les leçons telles qu’elles se présentent (car comment oser dire dans
une foule de cas qu’un auteur a plutôt écrit de cette façon que de telle
autre ) ? j’aurais changé ἰσχυρὸν en ἥσυχον, qui m'est suggéré par ταραχή,
qui se treuve deux lignes plus haut, — 51 ἄγοντες 2253. — ?? θεραπεύουσ!
2255. — θεραπεύσει 2142, 2111, 2445, 2145, 2140,2255, 2144. θερα--
πεύσειεν cod. S, apud Foes, — 23 ὑποτίθεται 2140, 2142, 2141, 2145,
2145, 2255, 2444, — 24 αὐτοῖς ciuar 2253. αὐτέοισι vulg. et al. — “"αὑ-
τοῦ 2253, — 26 εἴδει 2253. — 27 οἴουαι 2253. — ταυτὰ cod. 5. ap. Foes.
— "5 βρώματα καὶ τὰ πόματα αὐτοῖσι 2253. — 29 2253, — χρώμεθα vulg.
et al. codd, — 5° θερμὸν 2253 ; alia manus supra lineam : τὸ μ.. εἶναι θεο-
μὸν, τὸ δὲ ψυχρὸν, τὸ δὲ ξηρὸν, τὸ δὲ ὑγρόν.
606 DE L’ANCIENNE MÉDECINE.
“-Ὁ ὌΝ
τῷ δὲ ψυχρῷ; τῷ 08 ξηρῷ, τῷ δὲ ὑγρῷ. E πεὶ ἐχεῖνό γε ἄπορον προσ--
are Ξ ο 2 À
τάξαι τῷ κάμνοντι, θερμόν τι προσενέγχασθαι " * εὐθὺς γὰρ ? ἐρωτή
cet, τί "ἐστιν; ὥστε ληρέειν ἀνάγχη, ὁ ἣ ἐς τουτέων τι τῶν ὅ γινωσχο--
μένων χαταφεύγειν. Εἰ δὲ ὁ δὴ τυγχάνει 7 τὸ μὲν θερμὸν ἐὸν 8 στρι-
τὸ
φνὸν, ἄλλο δὲ θερμὸν 9 ἐὸν πλαδαρὸν, ἄλλο δὲ θερμὸν, ἄραδον "» ἔχον
(ἔστι “γὰρ χαὶ "" ἄλλα πολλὰ θερμὰ καὶ ἄλλας πολλὰς δυνάμιας "35ὅπε-
RE εἰ το εν ἢ 5h δεαευ su Sat ενευχεῖ
ναντίας ἑωυτοῖσιν ἔχοντα), ‘4 δεήσει 15 δέ τι "6 αὐτέων προσενεγχεῖν,
A A A ἘΞ - A A “Δ Ξ \ 8 Ν A A εἴ
1 ἢ τὸ θερμὸν xat στριφνον; À τὸ θερμὸν χαὶ " πλαδαρὸν, ἡ AUX
τὸ Ψυχρὸν 19 καὶ στριφνὸν ( ἔστι γὰρ καὶ 2° τοῦτο), 2° καὶ τὸ ψυ-
, AA À N RE 4 \ LPPRE Ta “ 5 /
χρόν τε καὶ πλαδαρόν " 22 ὡς μὲν γὰρ ἔγωγε οἶδα, πᾶν τοὐναντίον
23 ἀφ᾽ ἐχατέρου 4 αὐτέων ἀπούαίνει, "" χαὶ où υόνον ἐν ἀνθρώπῳ, ἀλλὰ
καὶ ἐν 26 σχύτεϊ χαὶ ἐν ξύλῳ καὶ ἐν 27 ἄλλοισι πολλοῖσιν ἅ "5 ἐστιν ἀν-
θρώπου ἀναισθητότερα᾽ où γὰρ τὸ θερμόν 29 ἐστι τὸ τὴν μεγάλην δύ--
ρ 1 P PACE
γαμιν ἔχον, ἀλλὰ τὸ στρυφνὸν χαὶ 5 τὸ πλαδαρὸν, καὶ τάλλα ὅσα μοι
εἴρηται, καὶ ἐν τῷ ἀνθρώπῳ, χαὶ ἔξω τοῦ ἀνθρώπου, χαὶ ἐσθιόμενα
\ 4 \ Yr 5 Ξ ΄ , 31 , 32 Ξ
καὶ πινόμενα χαὶ ἔξωθεν ἐπιχριόμενά ᾽: τε χαί 5" πως πλασσόμενα.
10. Rues δ᾽ 54 ἔγωγε χαὶ % θερμότητα 5 πασέων ἥχιστα
- ΄ \ 4
τῶν δυναμίων νομίζω ὃ δυναστεύειν ἐν τῷ σώματι διὰ τάσδε τὰς 37 προ-
»
2
, , \
φάσιας " ὃν 58 μὲν ἂν δήπου χρόνον μεμιγμένα 59 αὐτὰ αὐτέοισιν, ἅμα
\ , \ \ FA 2101) ne ἢ - \ A ,
τὸ ψυχρὸν τε χαὶ θερμὸν ἔη, où ὁ“ λυπέει" χρῆσις γὰρ χαὶ ετριῖο-
τ Εὐθὺ 2253,— 2 ἐρωτήσῃ 2253. — 3 ἐστιν om. 2253. - ληρεῖν omnes.
— ὁ ei pro ἢ 2255, --τούτων 2355. =— 5 Sic 2255. -- γινομένων καταφυγεῖν
vulg. et ἃ], codd, - La leçon de 2253 est certainement la véritable, —
£ δὴ om, 3115.--- 7 μέν om, 2142,2145,2441,2143.—71 proto μὲν 5555,
— 8 στρυφνὸν 2255, — τουφνὸν 2255, — 9 2253, — ἐὸν om. vulg. et al.
ι " ᾿ " £
codd, — 15 ἔχειν 2255, — 0? pro γὰρ 2143, — 15 Sic 2253. -- ἄλλα τε 0. 2.
ἄλ. duy. vulg. et al. codd.— χαὶ ἄλ.
πολ. — om. cod. S. " Foes,—13 ἔχ.
αὐτῶς ὑπ. 2255. — τό εἰ δεήσει 2140, 2115, 2355, 2141, 2442, 2255,
2445,2144 et2255, in quo legitur in margin. e δὲ οἷσι ρτ ΓΟ εἰ ὑπ eñoer.—"5 δὲ
deest in codd.- Cette phrase présente, entre les imprimés et les manuscrits,
une variété de lecture qui m’a embarrassé. Tous les manuscrits que jai
consultés, ont εἰ avant δεήσε! sans δέ ; les imprimés ont δὲ après δεήσει
sans εἰ; la variante εἰ δὲ οἷσιν, que 2253 a à la marge , ne me paraît pas
intelligible, Foes , Zvingerus ont traduit en faisant abstraction de δὲ de
leur texte, et comme s’il y avait une interrogation. Je pense que c’est une
erreur : le sens ( ainsi l’indique le raisonnement }) est: si une substance est
à la fois chaude et acerbe, il faudra administrer, on ne pourra éviter
d’administrer quelque chose de chaud et d’acerbe. Le sens étant ainsi dé-
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 607
substances connues. S'il arrive qu’une substance chaude soit
en même temps acerbe, une autre substance chaude in-
sipide , une autre perturbatrice (et il y ἃ une foule de substan-
ces chaudes qui ont beaucoup d’autres qualités opposées) , il
faudra bien donner la substance chaude qui est acerbe, ou la
substance chaude qui est insipide , où la substance froide ( car
il en est de telles ) qui est acerbe , ou la substance froide qui est
insipide. Mais il est certain que l’une et l’autre produit des ef-
fets absolument contraires non-seulement sur l'homme , mais
encore sur le cuir, sur le bois, corps bien plus insensibles. Car
ce n’est pas le chaud qui a la plus grande puissance, mais c’est
l’acerbe , c’est l’insipide ; ce sont toutes les qualités que j'ai
énumérées , dans l’homme et hors de l'homme, dans ce qu'il
mange et dans ce qu'il boit , dans les substances avec lesquelles
il se fait des onctions, et dans celles qu'il lui arrive d'appliquer
sur son Corps.
16. Pour moi , je pense que , de toutes les qualités , le froid
et la chaleur ont la moindre puissance sur l’économie humaine,
par les raisons suivantes : aussi long-temps que ces deux qua-
terminé, il y ἃ deux tournures à donner à cette phrase: ou bien supprimer
ei avec les imprimés, et δὲ avec les manuscrits que j’ai eus ici à ma dispo-
sition, et le membre de phrase qui commence par δεήσει, devient principal
et affirmatif. Ou bien il faut laisser subsister δὲ après δεήσει, verbe qui
est alors régi par la conjonction εἰ placée au commencement de la phrase,
C’est ce dernier parti que j'ai pris. — 16 αὐτῶν 2253. — 17 ἢ om. 21492,
2145, 2140, 2441, 2145, 2255, 2444. --ἢ τὸ 0. x. 6. ἢ om. 2255. — χαὶ
om. ante στριῳγὸν 2255. — 15 τὸ mA, 2255. — 19 χαὶ τὸ στρυφνὸν 2255.
— 29 τοιοῦτον τί pro τοῦτο 2255,- xat om. antè τοῦτο cod. S. ap. Foes.
- 5 χαΐοπι, 2255. — ἢ χαὶ pro χαὶ τὸ cod. 5. ap. Foes. -- τε om. ibid. —
22 ὥσπερ pro ὡς μὲν 2255, -- ἐγὼ 2253. — 232255. -- ἐφ᾽ vulg. et al. codd,
— 24 αὐτῶν 2253. — Alià manu suprà lineam : ἀποθαίνειν 2255, — 25 χαὶ
om. 2253.—269441,-oxûre vulg. et al.— 27 ἄλλοις πολλοῖς 2255.- πολ--
λοῖσι vulg. et al. — 28 εἰσιν 2143. — 39 ἐστιν 2255, — 30 2255, -- τὸ om.
vulg. et al. codd. — 5" τε deest incod. 5. ap. Foes. — 32 πὼς om. 2140,
2255, 2115, 2441, 2442, 2145,2253, 2144. — προσπλασσόμιενα 2255,—
33 ψυχρότατα 2445, 2142, — 54 ἐγὼ 2253. — 55 θερμότατα 2145, 2449.
— 36 πασῶν δυνάμεων 2255, — 57 αἰτίας 2253. — 38 μὲν om. 2115. —
un pro μὲν 2255. — ’9 ταῦτα ἑαυτοῖς ἅμα τὸ θερμιον τε καὶ ψυχρὸν ἐνέῃ
2253. - ὦ vulg. et al.codd, — 4° λυπεῖ. χρᾶσις 2253.
608 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
_ --
,
τῆς ' τῷ μὲν ψυχρῷ γίνεται ἀπὸ τοῦ θερμοῦ, τῷ δὲ θερμῷ ἀπὸ
ῃ ι
τοῦ ψυχροῦ" " ὅταν " δὲ ἀποχριθείη χωρὶς ἑχάτερον, τότε 4λυ-
, ἊΝ \ LA - -
πέει " ἐν δὲ δὴ " τουτέῳ τῷ χαιρῷ, ὅταν τὸ ψυχρὸν 5 ἐπιγένη-
/ / \ LU 8 S,\ ΄ Led ΝΥ 3
ται χαί 7 τι λυπήση τὸν ἄνθρωπον, ὃ διὰ ταχέος πρῶτον δι’ αὖ-
4 9 V4 4 \ ΕῚ , " -Ὁ ΕῚ [4 CEN -
τὸ τοῦτο 9 πάρεστι τὸ θερμὸν αὐτόθεν ἐχ τοῦ ἀνθρώπου, οὐδεμιῆς
D Te > Q1 AE ὦ ἴδ οὐ Ἄ \ Ὁ ΕΜ ἢ
βοηθείης οὐδὲ παρασχευῆὴς δεόμενον - χαὶ ταῦτα χαὶ ἐν ὑγιαίνουσι
h l
11 -» “- θ LA 3 4,9 12 A T e \ "»
τοῖσιν ἀνθρώποισιν ἀπεργάζεται, καὶ ἐν ‘2 χάμνουσιν. Τοῦτο μὲν, εἴτις
13 θέλει ‘4 ὑγιαίνων χειμῶνος διαψῦξαι τὸ σῶμα, ἢ λουσάμενος ψυ-
19 ἢ 5 ἄλλῳ τῳ τρόπῳ, ὅσῳ "ὃ ἂν αὐτὸ ἐπιπλέον ποιήση, καὶ ἤν γε
Uh "1 παντάπασι παγὴ τὸ σῶμα, ὅταν εἵματα λάβη χαὶ ἔλθη ἐς τὴν
i ᾿ deu A ς l
σχέπην,, "5 μᾶλλον χαὶ ἐπὶ A+ θερμαίνεται τὸ σῶμα. 'Γοῦτο δὲ, εἰ
“ὦ = dj: “ ω τ δι μας
19 θέλοι ἐχθερμανθῆναι 2° στερεῶς ἢ λουτρῷ θερμῷ, ἢ πολλῷ πυρὶ, ἐκ
δὲ ""τουτέου τὸ wôro 2 εἶμα ἔχων ἐν τῷ "" αὐτέῳ χωρίῳ τὴν διατριδὴν
ποιέεσθαι, ὥσπερ 24 διεψυγμιένος, ?5 πολὺ φανεῖται χαὶ ψυχρότερος χαὶ
ΝᾺ , ε ,
ἄλλως φρικαλεώτερος. 26 Εἰ ῥιπιζόμενός τις ὑπὸ πνίγεος χαὶ 27 παρα-
. Τῷ pu, 0, y. ἀ. τ΄ ᾧ. τ᾿ δ D, ἀ. +. θερμοῦ 2253, — 2 χαὶ τἄλλα χατὰ
λόγον hab, 2253 post ψυχροῦ. - J’ai songé à admettre ces mots d’abord, parce
qu’il est bien plus ordinaire de trouver, dans les manuscrits , des lacunes
que des additions, ensuite, parce que en soi cette leçon est acceptable. II
faudrait entendre la phrase autrement que les autres traducteurs. Ils ont
cru que peusyuiva αὐτὰ αὐτέοισιν se rapportaient à ψυχρόν τε χαὶ θερμόν ;
et Foes ἃ traduit : « Quamdiu calidum et frigidum inter se permixta fue-
rint, » Π ne s’agirait pas seulement du froid et du chaud, suivant 2255,
mais il s’agirait de toutes les qualités ensemble, Du moment que l’on
fait rapporter μεμιγμένα à toutes les qualités, ou humeurs qui sont
dans le corps, l’addition τάλλα χατὰ λόγον s'explique naturellement.—
3 δ᾽ ἀποκριθῇ 2253. — Hume 2253, — 5 τούτω 2253. — 62253, —
ἐγγένηται vulg.etal, codd.—7 2253.- τι om.vulg. et al. codd.—"© διατάχεως
2253. — 9 πάρεστιν 2253.— 10 βοηθείας 2255.— 11 τοῖς ἀνθρώποις 2253.
—"?2 y om. δἰχάυνουσι 2255.—15651u2145.-ê0êke 2442.—142253,2142,
2445. 0yraivorvulg.et al, codd.— "5 ἀλλ᾽ ὅτω ἄλλω τρ. 2142. - 07e ἄλλω
To. 2440, 21414, 2145, 2144. — 16 ἣν ἐπιπλεῖον αὐτὸ 2255. — 11 παντά-
πασιν 2253, 5111. -- "8 ἔτι μι, χα. ἐπιπλεῖον 2253. — 19 ἐθέλοι 2255 , 2145.
— ἐδόχοι, 2444. — és: cod. S. ap. Foes. — ?° ἰσχυρῶς 21435, 2255, 2255,
2445, 2141, 2144,- Dans 21414, qui contient une multitude de gloses , la
plupart peu importantes, au-dessus de στερεῶς est écrit en lettres rouges
ἰσχυρῶς , comme explication de στερεῶς. On a là un exemple de l’introduc-
tion si fréquente des gloses dans le texte. — ?' τούτου 2253, — αὐτὸ 2258.
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 609
lités restent mélangées l’une avec l’autre, nul mal n’est
éprouvé ; car le froid est tempéré et mitigé par le chaud , le
chaud par le froid ; c’est quand l’une des deux s’isole , que
le mal commence. Mais dans le moment même où le froid
survient et cause de la souffrance , tout d’abord et par cela
seul le chaud arrive, fourni par le corps, sans qu'il soit
besoin d'aucune aide ni préparation. Et cela s'opère aussi bien
chez l'homme sain que chez l’homme malade. En effet, d’un
côté, si, en santé , l’on veut, pendant l'hiver, se refroidir soit
par un bain froid , soit de toute autre manière, plus on es-
saiera de le faire , sans toutefois se geler complétement, plus,
après s'être rhabillé et mis à couvert, on éprouvera un échauf-
fement considérable. D'un autre côté , si l’on veut se procurer
une forte chaleur soit par un bain chaud, soit par un grand
feu , puis demeurer avec le mème vêtement et dans le même
lieu qu'après s'être refroidi, on éprouvera un froid bien plus
vif, et l’on frissonnera bien davantage. Celui qui s’évente à
cause d’une chaleur étouffante, et se donne du frais de cette
manière , se sentira, au moment où il cessera de se rafraîchir,
dix fois plus brülant et plus étouffé que celui qui ne fait rien
—?2 εἶδος pro εἶμια Mercur. in marg. — 35 αὐτῷ 2255, -- ποιεῖσθαι 2253.
— ?4 ὁ ante de. vulg. et al. codd. excepto 2255. — L'article ὁ ne peut
guère être conservé. Hippocrate parle du même homme , qui d’abord
prend un bain froid, puis un bain chaud, et qui, après ces deux bains,
restant soumis à une même température, éprouve néanmoins une grande
chaleur dans le premier cas, un grand froid dans le second. ὁ διεψυγμιένος
signifierait qu’il s’agit d’un autre, lequel aurait pris un bain froid. -- Mer-
curiali met en variante ὥπερ au lieu de ὥσπερ ; la variante est bonne ; mais
la leçon ( ὥσπερ ) de tous les manuscrits que j'ai consultés, ne gênant nul-
lement le sens, je l’ai conservée dans le texte. — ?° φαίνεται 2255. —
25 Tous les manuscrits et toutes les éditions ont à au lieu de εἰ; εἰ est exigé
par le sens et par la construction grammaticale ; la confusion de εἰ et den
est fréquente dans les manuscrits à cause de l’iotacisme ; et ici elle est d’au-
tant plus facile que εἰ suit un comparatif après lequel ἢ viendrait naturelle-
ment , si les deux phrases avaient quelque rapport. Zvinger et Heurnius
ont déjà noté cette correction à la marge de leurs éditions. — 27 2255. -
παρασχευάζων vulg, et al. codd,
TOM. I. 39
᾿ , ΄
610 DE L ANCIENNE MÉDECINE.
/ DER - ΟΝ Le / gr ais »
σχευαζόμενος αὐτὸς " ἑωυτῷ ψύχος x " τοιούτου ἂν τρόπου, " διαπαύ-
- , τ -
σαιτο τοῦτο ποιέων, δεχαπλάσιον ὁ ἔσται τὸ καῦμα xal 5 τὸ πνῖγος
es ἀν ΝᾺ
ἢ τῷ 5 μηδὲν τουτέων ποιέοντι. 1 Τὰ δὲ δὴ χαὶ 5 πουλὺ μείζω, ὅσοι
A A 6 ΄ € !
ἂν διὰ χιόνος ἢ 9 ἄλλης ψύξιος βαδίσαντες *° διγώσωσι διαφερόντως
13 À - à \ ΞΕ 9 u 2 | ΄, cd
πόδας, ἢ χεῖρας, À κεφαλὴν, ‘* οἷα πάσχουσιν ἐς τὴν νύχτα, ὅταν
1 ἃς λέ ΄, dent 157 7 , _ cn Ar 4 \ -ς
περισταλέωσί τε χαὶ ἐν ἀλέῃ γένωνται, ὑπὸ καύματος καὶ χνησμοῦ
“ ts - /
χαὶ "᾿ ἔστιν οἷσι ᾽"ἐφλυχταῖναι ἀνίστανται "" ὡς ἀπὸ πυρὸς χαταχεχαυ--
μένοισι -χαὶ οὐ πρότερον τοῦτο πάσχουσιν πρὶν "5 ἢ θερμανθῶσιν. Où-
P LA A! LA
τως ἑτοίμως ἑκάτερον "1 αὐτέων ἐπὶ θάτερα παραγίνεται. Μυρία δ᾽ ἂν
- 1 A \ A / (3
χαὶ "δἔτερα ἔχοιμι εἰπεῖν. Τὰ δὲ χατὰ τοὺς 19 νοσέοντας, 2° οὐχ οἷσιν ἂν
- £ LA 27 Jr) — \ 5 LA A! 21 ΕῚ
δῖγος γένηται, τουτέοισιν ὀξύτατος ὁ πυρετὸς ἐχλάμπει ; χαὶ 5 οὐχ
DEF ὍΝ. ἢ
οὕτως ἰσχυρῶς, ἀλλὰ χαὶ παυόμενος, 55 δι᾿ ὀλίγου, καὶ ἄλλως 23 τὰ
» A ni
πολλὰ ἀσινής " χαὶ 24 ὅσον ἂν χρόνον παρέη, διάθερμος, χαὶ διεξιὼν
διὰ παντὸς, 25 τελευτᾷ ἐς τοὺς πόδας μάλιστα, "5 οὗπερ τὸ ῥῖγος χαὶ
τ ἑαυτῷ 2255.-- ἑωυτὸ 2141, ---- ᾽ Sic 2255, -- τουτέου τοῦ To. vulg. et
al. codd, --- 3Sic 2253.—- διαπαύ. τῷ τοῦτο ποιέοντι ΑἸ4,--παύσαιτο pro dia.
Mercur. in marg. -- διαπαῦσαι τῷ imp. Samb. ap. Mackium. -- διασπᾶσαι
τῷ τοῦτο ποιέοντι 2442, 2441, 2110, 2445, 2145, - διασπάσαι τῷ τοῦτο
ποιέοντι vulg -- παῦσαι Zving. - La leçon de 2255 est la seule bonne;
celle de Alde vient ensuite et se comprendrait; il est indifférent d'admettre
τοῦτο ποιέων ou τοῦτο ποιέοντι, Les autres sont inintelligibles ; aussi la tra-
duction de Foes est-elle fort obscure: « Qui in magno æstu ventulo per
flabellum excitato, hoc modo 5101 frigus conciliare parat , decuplo majo-
rem ardorem sentiet quam qui nihil horum fecerit. Hippocrate veut dire
que celui qui s’évente dans une grande chaleur, aura plus chaud, au mo-
ment où il cessera de s’éventer, que celui qui ne se sera pas éventé.—2253,
- πάρεστι vulg. et al. codd, — 5 τὸ om. 22535. — © μιηδὲ τοιοῦτον ποιοῦντι
2253, — τοιούτεον 2145. — τοιούτων cod. 5. apud Foes. τοιουτέων 2140. —
7 τὸ 2255.- Dans ce manuscrit, ce membre de phrase est, à tort, rapporté
à ce qui précède, et non à ce qui suit, — 5 πολὺ μιείζονος 3555. -- πολλῷ
cod. 5. ap. Foes. -- οἱ γὰρ pro ὅσο! ἂν 2253. — 9 ἄλλου ψύχεος 2253. —
nom. 2111. -- ἄλλου 2440, 2445 , 24142, — !° ριγώσουσι 214
΄
0
ἀπ οἱ ἀπέχουσιν 2445, 2441, 2115, -- ἢ ἀπέχουσιν 2
— 2 περισταλῶσι 2253.— 13 ἑστίης pro ἔστιν οἷσι ; in marg. ἢ ἔστιν οἷς χα!
Ἶ 5
2253. — "ὁ φλυχταῖνες 3955, -- φλυχτένες 9115.,.21142. --- "
ΓΝ
᾿
2253. -- χαταχεχαυμένοις 3355, — 16 ἢ οἴη. 2253, — 11 αὐτῶν ἐπὶ θάτερον
2253.—15 ἄλλα 2255.—19 νοσοῦντας 2253. —20 οὐχί 2255.— ὅσοις 2253.
€
--ττούτοις 2255. — 2! οὐχί 52 55.--καὶ οἷσι οὐχ Vaticana exemp. — καὶ οἷσιν οὐχ,
DE L'ANCIENNE MÉDECINE, 611
de tout cela. Voici un exemple encore plus frappant : les gens
qui , marchant dans la neige ou exposés à une température ri-
goureuse , ont éprouvé un froid excessif aux pieds, aux mains
ou à la tête , que ne souffrent-ils pas, la nuit, quand ils sont
abrités et placés dans un lieu chaud, par l’ardeur et les dé-
mangeaisons auxquelles ils sont en proie? Parfois il leur sur-
vient des phlyctènes comme 5115 avaient été brülés par le feu ;
et ils ne ressentent pas ces douleurs avant de s’être réchauffés ;
tant est grande la facilité avec laquelle le chaud et le froid se
remplacent alternativement ! Je pourrais citer mille autres ob-
servations semblables. Quant aux malades, n'est-ce pas chez
ceux qui sont pris de frisson que s’allume la fièvre la plus ar-
dente ? mais elle n’a pas une grande force , elle cesse en peu de
temps , et elle est innocente le plus souvent ; tant qu’elle dure,
elle donne une chaleur générale , et , parcourant tout le corps,
elle finit surtout dans les pieds , où le frisson et le froid ont eu
Zving.- Le texte est peut-être altéré ici ; les diversités de lecture le feraient
supposer ; et la construction n’est pas assez facile pour qu’on écarte tout-à-
fait cette opinion. Les traducteurs ont beaucoup varié : Calrus et Mercuriali
ne mettent pas de point d'interrogation après éxkäure:, et traduisent
comme si Hippocrate avait voulu dire que le frisson n’est pas suivi d’une
fièvre vive; sens peu probable, surtout si l’on fait attention que quelques
lignes plus loin Hippocrate dit : ᾧ οὖν διαταχέος οὕτω παραγίνεται τὸ ἐναν-
τιώτατον..... ἀπὸ ταὐτομάτου ; Ce qui fait supposer que, dans le passage ici
en question, il ἃ voulu dire que la fièvre suit le frisson, Zvinger ἃ traduit :
« Aut si quibus non aded vehemens , sed pauco tempore quiescens ; » c’est
aussi le sens qu’a suivi Foes. Gardeil a fait abstraction du texte, pour met-
tre ce qui lui a semblé le plus raisonnable, et il a traduit : Si le froid n’est
pas long, la fièvre n’est pas longue. Les divergences des traducteurs mon-
trent les difficultés de ce passage. Pour moi, d’une part me tenant au
texte, de l’autre le comparant avec ce qui suit, j’ai pensé qu’'Hippocrate
voulait dire, à la vérité, qu’une fièvre vive suit le frisson, mais ajoutait
que cette fièvre n’est pas violente, et cesse bientôt; faisant allusion, en
cela, aux fièvres intermittentes, — 55 διολίγου 2253. — "5 ταπολλὰ 2441,
- ταπολλ᾽ ἀσινὴς 2255, — εὐσίνης cod. S. ap. Foes. — 242253. — οἷεν vulg.
et al. codd.-rapñomnes.
25. 2253.-seheuraicv 2255. — τελευτἄων vulg.
et al. codd.— 26 ᾧπερ 2141, 2442, 2140, 2445, 2255.— ὥσπερ 2145.
612 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
ἡ ψύξις νεηνιχωτάτη χαὶ ἐπὶ “" πλέον ἐχρόνισεν * πάλιν 2 δὲ ὅταν
3 ἱδρώση χαὶ ἀπαλλαγῇ ὃ πυρετὸς, πολὺ μᾶλλον 4 ἔψυξεν ἢ “ εἰ
μὴ ἔλαθε τὴν ἀρχήν.“ οὖν 5 διαταχέος οὕτω παραγίνετα! τὸ ἐναντιώ-
, Ant 7ὔ \ a/ S'EIN , LA 3119
τατόν τε χαὶ 7 ἀφελόμενον τὴν δύναμιν ἀπὸ ταυτομάτου, τί ἂν ἀπὸ
τουτέου μέγα ὃ ἢ δεινὸν γένοιτο: ἢ 9 τίνος δεῖ πολλῆς ἐπὶ ‘2 τουτέῳ
Δ
βοηθείης;
4 τι , e LA -
17. 2 Εἴποι ἄν τις, ἀλλ᾽ οἵ πυρεταίνοντες τοῖσι "" χαύσοισί
,ὔ \ -
τε χαὶ "" περιπλευμονίησι καὶ ἄλλοισιν ἰσχυροῖσι ‘4 νουσήμασιν οὗ
Ὁ τ LA LA LU
ταχέως ἐχ τῆς θερυῆς ἀπαλλάσσονται, οὐδὲ πάρεστιν ἐνταῦθα "" ἔτι
VAE RE VER” | Re. ’E A OÙ 56 0/7 g Η ΄, $ τς:
τὸ θερμὸν ἢ τὸ ψυχρόν. Ἐγὼ δὲ "5 τοῦτό μοι μέγιστον τεχμήριον ἡγεῦ-
: “) > Q \ 4 4 τ € λῷ L €
μαι εἶναι, ὅτι οὐ διὰ τὸ θερμὸν ‘7 ἁπλῶς πυρεταίνουσιν οἱ ἄνθρωποι,
= τε ee ñ ΡΨ
οὐδὲ 18 τοῦτο εἴη τὸ αἴτιον τῆς καχώσιος 19 μοῦνον, ἀλλ᾽ ἔστι χαὶ πι-
\ A A LA! \ ξς LA \
χρὸν χαὶ θερμὸν τὸ αὐτὸ, at 55 θερμὸν χαὶ ὀξὺ, καὶ 5" ἁλμυρὸν χαὶ θερ-
« 4 c LA
μὸν, καὶ ἄλλα μυρία, καὶ πάλιν γε ψυχρὸν μετὰ "" δυνάμιων ἑτέρων.
ro \ Th ’ 23 τ ES EM, ες Aa “ΝᾺ \ A
Τὰ μὲν οὐν-λυμαινόμενα 23 ταῦτά ἐστι - ξυμπάρεστι δὲ καὶ τὸ θερ-
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Σ APP ET a τέο * à d 24 $yeUuevov À An UVÉLEVO ᾿
μὸν, ῥώμης μετέχον, ὡς ἂν τ ἡγεύμενον χαὶ παροξυνόμενον χαὶ
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ŒUCAVOULEVOV AUX χξινῷ , OUVZULLV 0€ OUOEULV TAELUW τῆς T2097-
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18. *5A%jha δὲ ταῦτα ὅτι ὧδε ἔχει
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λ) , 28 se, 2 L4
νερῶτατα ὧν πάντες ἐμπεῖροι πολλάχις ἤθη ἔσμεν
1 Πλεῖον ἐνεχρόνισεν 2255, -- ἐχρύνισε vulg. — “τε pro δὲ 2253. ---
5 ἰδρώσῃτε χαὶ 2255. --- ὁ διέψυξεν 2955. — ὅ εἰ om. 2145, 2140,
, 2255. — 6 διαταχέως 2253. —7 ἀφελούμιενον 2115. -- ἀφαιρούμενον
" "ἜΝ
φ5955.-- -8 ἠϊ 2955. ---9τί δὴ pro τίνος δεῖ 2253.— 10 τοῦτο correct. in τού-
ro 2355. -- τουτέων 5115. -- βοηθέης Ms. R. ap. Chart. - βοκθείας omnes.—
τι 99 55, -εἴποιεν vulg. et al. οο44.-- La syllabe εν est venue, sans doute, du
voisinage de ἄν..---- "5 χαύμασι 2255, 2145,2142.— 15 περιπν, 2255,2141,
2144. — 14 γοσήμασιν 2255. — 15 2253,— ἔτι abest ; ἐπὶ pro % vulg. et al.
codd,- La leçon de 2255 me paraît meilleure ; la leçon ordinaire signifie
que le chaud ne survient pas après le froid; or Hippocrate vient de dire
que, dans les pneumonies, etc., les malades ne sont pas promptement dé-
livrés de la chaleur fébrile. Le texte des imprimés gène un peu la suite du
raisonnement. — τ οι τοῦτο 2253.— ἡγοῦμαι 22535. — 11 ἅπ. OM. 3111,
2445,2442, 2140, 2115,2141., --- 18 τοῦτ᾽ εἴη 2255.— 19 μι, om. 2142,
2445,2141, 2115, 2110,21141.---- 20 GE, y. θ, 2253.— 21 y. ἅλ, ». θ. om.
2555.-- "δυνάμεων 2253. — 23 ταῦτ᾽ ἐστί 2253.-cuur. omnes. —2# ἡγού-
paye 2255, — ἡγοῦμαι legunt Vatican. exempl. et Heurnius in marg. — “ἢ
ἐκείνω 2253, - οὐδευίαν 2255. — 26 δῇλα δὲ ταῦτα ὅτι ὧδ: ἔχει 3355.--
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 613
le plus d'intensité et ont persisté le plus long-temps. Enfin,
quand , après la sueur, la fièvre s’en va , le malade ἃ plus froid
que s’il n'avait pas eu la fièvre. Puis donc que les deux con-
traires se succèdent avec tant de rapidité et se neutralisent
spontanément, qu’en attendre de grand et de puissant, et
qu’est-il besoin de beaucoup de secours contre l’un ou l'autre ?
17. On objectera que, dans les fièvres ardentes , les péri-
pneumonies et les autres maladies graves , la chaleur ne dis-
parait pas promptement , et que là le froid et le chaud w’alter-
nent plus. J'y crois justement trouver la plus grande preuve que
la fièvre n’est pas produite simplement par le chaud, et qu'il
n'est pas la cause seule de la maladie ; mais qu’il y ἃ un chaud
amer, un chaud acide , un chaud salé , et mille autres, puis un
froid avec autant de qualités différentes. Ge sont là les vraies
causes du mal ; le chaud , sans doute , est présent avec la force
qu'il possède , dirigeant , activant , augmentant la qualité jointe
à lui, mais il n’a aucune vertu plus grande que celle qui lui
appartient.
18. Que les choses se comportent ainsi , c’est ce que prou-
vent les signes suivants : d’abord il en est de très évidents dont
nous avons déjà fait tous et ferons encore l'expérience. Quand
on est affecté d’un coryza et qu'il se fait un écoulement par
les narines, cette humeur, devenue beaucoup plus äâcre que
celle qui était rendue auparavant et que le nez fournit chaque
δηλαδή, Tadr ὧδε ἔχει(ἔχειν. Heur.et Zving. ad marg.). Êrt τῶνδε τῶν σημείων
πρῶτον 27). vulg. et ἃ]. codd, On voit que le texte de 22 55 diffère compléte-
ment du texte des imprimés et des autres manuscrits. Dans ce dernier texte
il y ἃ un point après drxzd A, qui de la sorte appartient à la phrase précé-
dente ; et il y a encore un point après ἔχει , 66 qui fait que ἐπὶ τῶνδε χτλ.
appartiennent à la phrase suivante. Il me semble que la leçon de 2255 est la
seule bonne. D’abord, ταῦτ᾽ ὧδε ἔχει, phrase ainsi jetée, n’est guère dans le
style de ce traité; ce que la variante ἔχειν indique. En second lieu, τῶνδε
annonce une énumération, et par conséquent le commencement d’une autre
phrase, En troisième lieu, wëv annonce aussi une nouvelle phrase. De
sorte que le contexte montre la lecon de 2253 comme préférable de tout
point. — 27 ἐπὶ pro ἐστι 2440 , 2441, 2445, 2142,,/2144. — ἐπὶ τὰ φανε-
ρώτερα 2253. 28 ἤδη om. 2255.
614 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
τε χαὶ ' ἐσόμεθα, Τοῦτο " μὲν, ὅσοισιν ἂν ἡμέων χόρυζα ἐγγένηται
ἌΡ. -: εἰ - Ἂν
χαὶ ῥεῦμα χινηθῇ διὰ τῶν ὁ ῥινέων, τοῦτο ὡς πολὺ δριμύτερον τοῦ
7 , PE 2 δα τὰ / DT Eh ar
πρότερον γινομένου TE χαὶ ἰόντος ἐχ τῶν “4 ῥινέων χαθ᾽ ἕχάστην ἧμέ-
env, 7 χαὶ οἰδέειν μὲν ποιέει τὴν ῥῖνα, 5 χαὶ ξυγκαίει θερμήν τε καὶ
μι Ρ. 4 = ’
διάπυρον ἐσχάτως * 7 ἢν δὲ τὴν χεῖρα προσφέρῃς καὶ πλείω 5 χρόνον
7} \ 7 ο A LA “᾿ 14 A = Ν 37 LA
παρέη, καὶ 9 ἐξελχοῦται τὸ χωρίον, ἄσαρχόν τε χαὶ σχληρὸν ἐόν. Ia-
LA
.7 “το Ὁ Ἂν Ἢ εἶν, 4 Ds © Er !
εται OE πὼς TO γε χαυμα EX τῆς δινος, ουγ OTAY TO PEUX γίνηται
€ \ LA 4 T
καὶ À φλεγμονὴ ἔη ἀλλ᾽ ἐπειδὰν παχύτερόν τε καὶ ἧσσον δριμὺ "" δέη
πέπον TE χαὶ μεμιγμένον μᾶλλον’ τῷ πρότερον γινομένῳ, "" τότ᾽ ἤδη
CE - . 13 x} Si € πὸ LT: -“ Lis
χαὶ τὸ χαῦμα πέπαυται" " ἀλλ᾽ οἷσι δὲ ὑπὸ "ὁ ψύχεος φανερῶς αὐτέου
15 , / Soc a N)oU IE Ξ 2 67% Ἢ
μούνου γίνεται, μηδενὸς ἄλλου ξυμπαραγενομένου, "5 πᾶσιν αὕτη
2 LA ΓΟ es
À ἀπαλλαγὴ, ἐκ μὲν τῆς ψύξιος διαθερμανθῆναι, 17 ἐχ δὲ τοῦ χαύ-
ματος διαψυχθῆναι , καὶ ταῦτα ταχέως παραγίνεται χαὶ 18 πέψιος οὖ-
12255, -- γενόυεθα 2444. — γινόμεθα vulg. et al. codd. — 5 μὲν γὰρ
2255, -- ἡμῶν 2253, - ἐνγένηται 2253. — ὅ ῥινῶν 2253, -- ὡς τὸ πολὺ
9255. — ὁ ῥιγῶν 2253. -- ἡμέραν 2253. — Ÿ χαὶ deest in cod. S. ap.
Foes, — 5 συγκαίειν 2142, 2255, 2145, 2445, 2144. -- συνχαίει 2253.—
συγκαίει omnes.—7Zvinger semble lire autrement ce passage; il ôte le point
après ἐσχάτως, efface δὲ après ἦν, et met ἤν δὲ χαὶ πλείω χρ. Cela change
le sens, et veut dire que le nez parait chaud si on y porte la main, Aucun
manuscrit à ma connaissance n’autorise cette traduction; et le sens de la
leçon générale me paraît préférable. — ὅ χρόνω 2145, - παρῇ omnes. —
9 ἐξογκοῦται 2144, etin margine 2255. — ‘° Ye om. 2253.- ἦ omnes, —
21 2253.- ῥέῃ om. vulg. et al. codd.- χαὶ ré, 2. μ.. 2255.-Tereuuévoy pro
πέπον 51 15. — 12 τὸ δὲ ἤδη 2253. — 15 ἄλλοισι vulg, et omnes codd. —
14 ψύχεως2255.,-- ψύξεος 2255.- αὐτοῦ omnes. — 1° μόνου omnes.-cuurap.
2253. — 16 Sie 2443, 2141, 2145, 2144, 2142, 2140, — πᾶσιν δὲ αὕτη
ἡ vulg. -- πᾶσι δὲ ἡ αὐτή 2255. — 17 ἐκ δὶ τ΄ χ, δια, om. 2449, 2255,
2145, 2144, 2145, 2142, 2144. — 18 πέψεως 239 ὅ5.-- Comme j’ai changé
plus haut ἄλλοισι en ἀλλ᾽ οἷσι sans l’autorité d’aucun manuscrit, il m’im-
porte d’exposerles motifs qui m’ont décidé. Je vais montrer d’abord que la
phrase, telle qu’elle est dans les imprimés, est embarrassante, Foes et tous
les autres ont ; ἄλλοισι δὲ ὑπὸ ψύχεος φανερῶς αὐτοῦ μόνου γίνεται , μηδενὸς
ἄλλου ξυμπ ταραγινομένου - πᾶσω δὲ αὕτη ἡ ἁπαλλ ay χτλ. Il RE. : Qui-
busdam vero ex sola frigiditate et nullius alterius accessione hic affectus
plenè excitatur : qui omnes liberantur, si ex frigore quidem percalescant ,
ex ardore verd perfrigescant, Le mot omnes fait ici amphibologie. St
Pauteur grec dit que la qualité froide peut chez d’autres produire,
par elle seule, le coryza, comment ajouterait-il que chez tous le
DE L’ANCIENNE MÉDECINE. 615
jour, le fait enfler et excite une chaleur excessive et un senti-
ment de brûlure ; et si on y porte souvent la main et que le
flux persiste long-temps, la partie, quoique sèche et peu
charnue, s’excorie. L’inflammation du nez s’apaise, non pas
tant que dure le catarrhe et que la phleymasie existe, mais
quand l'humeur devient plus épaisse, moins âcre , et quand,
par la coction, elle se mêle davantage au liquide primitif; alors
seulement l’inflammation cesse. Ceux au contraire chez qui le
mal est produit manifestement par la seule qualité froide sans
le concours d’aucune autre chose, en sont tous délivrés par le
passage même du froid au chaud , et le retour du chaud au
froid , lesquels succèdent promptement l’un à l'autre et n’ont
besoin d'aucune coction ; mais tout ce que je dis être produit
chaud guérit le froid , et le froid le chaud sans autre secours ? Évidemment
il y ἃ là contradiction avec le raisonnement général d’Hippocrate, Suivant
ce raisonnement, le froid ne guérit le chaud et vice versà , que lorsque ces
qualités élémentaires ont agi seules et sans mélange; mais, toutes les fois
qu’elles n’ont pas agi seules , la guérison ne s’obtient plus que par la coc-
tion ; et la meilleure preuve, dit Hippocrate, que les maladies fébriles ne
dépendent pas de la qualité froide ou de la qualité chaude, c’est qu’elles ont
besoin, pour arriver à leur solution, d’un long temps, pendant lequel elles
subissent des modifications diverses. Hippocrate n’a donc pas pu dire que
chez tous la guérison se fait par la mutation du froid en chaud, et du chaud
en froid. Iäcty exige que l’on lise ἀλλ᾽ οἷσι au lieu de ἄλλοισι, ou bien
il faudrait que πᾶσιν représentàt uniquement ἄλλοισι, construction
possible, mais obscure. Cela est d’autant plus certain qu’un peu plus loin
(p. 618), Hippocrate dit : ὁχόσα οὖν ἀπὸ αὐτέης τῆς θερμῆς εἰλικρινέος ἢ ψύξιος
γίνηται, καὶ μὴ μετέχῃ ἄλλης δυνάμιος μιεδευιῆς,, οὕτω παύοιτ᾽ ἄν, ὅταν με-
ταδάλλῃ x τοῦ ψυχροῦ ἐς τὸ θερμὸν, Hat ἐκ τοῦ θερμοῦ ἐς τὸ ψυχρόν : tout ce
qui provient du chaud pur ou du froid pur, et ne participe à aucune autre
qualité, pourra cesser , en passant du froid au chavd, et du chaud au froid,
Rapprochant ces dernières lignes de la phrase que j’examine en ce moment,
et remarquant qu’elle ἃ ces mots, 22 δὲ τοῦ καύματος διαψυχθῆναι, j'ai in-
cliné à croire qu’il ÿ manquait quelque chose, par exemple ἢ θερμοῦ
après φανερῶς, de sorte qu'elle signifierait : maïs ceux chez qui cela
arrive par le froid seul ou par le chaud seul, sans le concours d'aucune au-
tre chose , en sont tous délivrés par le passage même du froid au chaud, et
du chaud au froid. J’aurais même fait cette addition, si je n’étais convaincu
que les corrections ne sont permises que dans les cas d’évidence ou d'indis-
616 DE L'ANCIENSE MÉDECINE,
δεμιῆς " τρρσβεεται, Τὰ δ᾽ ἄλλα πάντα ὅσα " διὰ χυμῶν δριμύτητας
\ 14
χαὶ ἀχρησίας φημὶ ἔγωγε γίνεσθαι, τὸν αὐτὸν τρόπον " ἀποχαθίστα-
ται χρηθέντα χαὶ πεφθέντα.
19, “Ὅσα 4 τ᾽ αὖ * ἐπὶ τοὺς ῥῥῥαλμοὺς τρέπεται τῶν ῥευμάτων,
6 ὡς ἰσχυρὰς χαὶ παντοίας δριμύτητας ἔχοντα, Éhuot μὲν βλέφαρα,
χατεσθίει 7 δὲ ἐνίων γνάθους τε χαὶ τὰ ὃ ὑπὸ τοῖσιν 9 ὀφθαλμοῖσιν,
ἐφ᾽ ὅ τι ‘° ἂν ἐπιρρυΐ, δήγνυσί "" τε χαὶ διεσθίει τὸν ἀμφὶ τὴν ὄψιν
-- >] ΝΗ ἊΝ \ τ A! 12, À \ LE. 14 2
χιτῶνα. ᾿Οδύναι δὲ καὶ καῦμα χαὶ *? φλογμὸς ἔσχατος κατέχει μέχρι
Ξινὸς, μέ ἔχρις ἂν τὰ ῥεύματα πεφῳθῇ χαὶ γένηται παχύτερα, "5 καὶ λήμη
ἀπ᾽ αὐτέων {n° τὸ δὲ πεφθῆναι γίνεται ἐχ τοῦ μιχθῆναι, "4 χρηθῆναί
τε ἀλλήλοισι 5 τ ξυνεψηθῆναι. Τοῦτο :5 δ᾽, ὅσα ἐς τὴν φάρυγγα ἀφ᾽
res 17 / / 18 ΕΝ 5. ) À ) /
ὧν 17 βράγχοι γίνονται, ‘5 χυνάγχαι, ἐρυσιπέλατα, περιπλευμονίαι,
, es A \ Land € A Vue 4 RS V4 Dr
πάντα ταῦτα τὸ μὲν πρῶτον ἁλμυρά τε χαὶ ὑγρὰ χαὶ δριμέα ἀφίει"
Ξ ὶ 2 " 10 4 # \ #4 σ 2001 “ἘΠ
καὶ ἐν τοῖσι "9 τουτέοισιν ἔρρωται τὰ νουσήματα. Ὅταν "“δὲ παχύτερα
A 2 ju: (7 \ / Ν ἄν τ ΞΕ λλ / 21 Z=#
χαὶ πεπαίτερα γένηται χαὶ πάσης δριμύτητος ἀπηλλαγμένα, 5" τότ
ἤδη χαὶ οἵ πυρετοὶ "" λύονται χαὶ τἄλλα τὰ λυπέοντα τὸν ἄνθρωπον -
Δεῖ δὲ δήπου ταῦτα αἴτια ἑχάστου *? ἡγέεσθαι, ὧν παρεόντων μὲν
LA
»-
<a
9
ει
ον τρόπον ἀνάγχη γίνεσθαι, μεταδαλλόντων δὲ ἐς ἄλλην ""χρῆ-
pensable nécessité. Celle de ἄλλοισι en ἀλλ᾽ οἷσι me paraît également évi-
dente et nécessaire pour éviter une amphibolozie que jusqu’à présent les
éditeurs n’ont pas paru soupçonner dans cette phrase difficile , telle qu’ils
Font imprimée.
'προσδεῖται omnes.-re pro δ᾽ 2253.—7 διὰ om. 595ὅ5.-ἀχρασίας 2255 .—
3 81. 2143, 2140,2255, 2145,2142,- ἀποχαθίστανταί τε vulg. et al. codd.-
Lai ἀποκαθίστασθαι πεφθέντα καὶ χριθέντα 2253, -- χαθιστᾶται 2144. — xpn-
θέντα 2110,2115.-- χριθέντα 2112,23141,53115,23355.-χρησθέντα vulg. et al.
codd. Le texte des imprimés et tousles manuscrits, excepté 2255 ,où la phrase
est autrement disposée, ont τε après ἀποχαθίσταται. Cette particule gêne la
construction ; elle me paraît née de la répétition de la désinence ται, dont la
prononciation est la même que celle de τε. — ὁ τε 2255. — 5 περὶ 2255.
6
— 6 ὡς om. 2253. --ἰσχυρὰ 2255 , 2145, 2445, 2142. — 70° 2253. -
νάθη 2111. — τε om. 22535. — ὅ ἐπὶ 2253, — 9 2253. -- ὀφθαλυιοῖς vulg.
et al. codd. -- καὶ ante ἐφ᾽ Imp. Samb. apud Mackium. — "5 ἣν 2253.- om.
2440,2143, 2142, — 11022253, — ἐσθίει 2255. — "5 φλεγμὸς 2253 —
13 χαὶ λήμη ἀ. d. εἴη vulg. et quid. codd. — χαὶ Xfuat à. ἀ. εἴη 2140,
2255, 2143, 2142. — χαὶ λῆμαι ἀ. ἀ. ἵκωσ' cod. S. ap. Foes. -- χαὶ μὴ
ἄπεπτον À 2255. -- εἴη du texte vulgaire ne peut subsister ; cet optatif serait
une faute contre la langue; c’est le subjonctif qu’il faut.in est la correc-
D& L'ANCIENNE MÉDECINE 617
par les âcretés et les intempéries des humeurs , rentre dans le
calme d’une même manière , c’est-à-dire par le mélange et la
coction.
19. Autre exemple : les fluxions qui se jettent sur les yeux,
ayant des âcretés violentes et diverses , ulcèrent les paupières,
excorient, chez quelques-uns , les joues, le dessous de l'œil
et toutes les parties où elles s’épanchent, percent même et
corrodent la membrane autour de la prunelle. Douleurs , in-
flammation , chaleur extrème , tout cela dure , jusqu’à quand ?
jusqu'au moment où la fluxion s’épaissit par le travail de la
coction, et où l'humeur qui s'écoule devient chassieuse.
Avoir subi la coction , c’est , pour les humeurs , avoir été mé-
langées , tempérées les unes par les autres , et cuites ensem-
ble. Quant aux fluxions sur la gorge, qui produisent les en-
rouements , les angines , les inflammations , les péripneumo-
nies , toutes jettent d’abord des humeurs salées , aqueuses et
àcres, et c’est alors que croit la maladie ; mais, quand les hu-
meurs s’épaississent par la coction et perdent leur âcreté, alors
se résolvent les fièvres et tout ce qui afilige le malade. Car il
faut sans doute considérer, comme cause de chaque maladie ,
des choses telles que cette façon d’être existe avec leur présence,
et cesse avec leur transformation en un autre mélange. Donc,
tion naturelle d’une erreur de copiste qui provient d’un iotacisme très fré-
quent. La lecon du manuscrit de Severinus que Foes a placée dans ses va-
riantes, serait bonne, si ce n’est que ἵχωσι est un terme poétique , et je
ne sais s’il y a ailleurs dans la Collection hippocratique un exemple de ce
mot. Le manuscrit 2253 donne ici un échantillon de la manière bizarre
dont un texte peut se transformer sous la plume des copistes ; pa y est
pour Añun, et ἄπεπτον provient de ἀπ᾽ αὐτῶν ; la prononciation des Grecs
modernes ἃ pu conduire à cette erreur.— 16 χαὶ χριθῆναι ἀλ, 2255.— χρι-
θῆναι 2255. — 15 χαὶ om. 2143. — ξυν. 2144, — συν. vulg. et al. codd. —
16 δὲ 2253. — 17 βράχοι 5111. -- βραχὺ 4110, 2445. — βραχογίνονται
311, ----τϑ χαὶ συνάγχαι 2255. -- τε χαὶ περιπν. 2255. — mepinv. 2441. —
19. τοιουτέοισιν 2111. -- τοιούτοισι 3112, 2445, -- τοιούτοις 2255. — νοσήυ..
omnes.—?2° δὲ om. 5355.--- 51 τῦτε 2255,— 2? παύουτα! 2255. — 5 ἦγ.
εἶναι 5955. -- ἡγεῖσθαι omnes. --- ? τοιουτότροπον γενέσθαι ἀνάγχη 2255.
— 2? χρίσιν 2255,
;
018 DE L'ANCIENNE MEDECINE.
à ε , » / τ -
σιν παύεσθαι. '“Οχόσα " οὖν ἀπὸ αὐτέης τῆς θερμῆς εἰλικρινέος ἢ Δα
ξιος ὅ more χαὶ μὴ μετέχη ἄλλης 4 δυνάμιος μηδεμιῆς, οὕτω
παύοιτ᾽ ἂν, "ὅταν μεταδάλλη ἐκ τοῦ ψυχροῦ ἐς τὸ θερμὸν, καὶ ἐκ τοῦ
*
θερμοῦ ἐς τό ψυχρόν - 5 μεταδάλλει δ᾽ ὅν μοι! προείρηται τρόπον. "Ext
L # Ἃ d , "“ 8 , “ΟΝ s V2
τοίνυν τἄλλα ὅσα 7 χαχοπαθέει ἄνθρωπος, ὅ πάντα ἀπὸ δυνάμιων
= / -- À \
γίνεται. Toro 9 μὲν, ὅταν πιχρότης τις ἀποχυθῇ, ἣν *° δὴ χολὴν ξανθὴν
χαλέομεν, "" οἷαι ἄσαι καὶ χαῦμα καὶ ἀδυναμίαι κατέχουσιν" "" ἀπαλ-
λασσόμενοί τε τουτέου ἐνίοτε χαὶ χαθαιρόμενοι, À αὐτόματοι, ἢ ὑπὸ
φαρμάχου, ‘3 ἣν ἐν χαιρῷ τι αὐτέων γένηται, φανερῶς καὶ τῶν πό--
τή \ > = τ 3 )) , - de 15 Ὁ » ε , τε
νων "Ἴ χαὶ τῆς θερμῆς ἀπαλλάσσονται * ὅσον 5 δ᾽ αὖ χρόνον ταῦτα
ΤΣ ἘΣ #. \ ΝΜ MA EUR ΤΟΥ δε, 4 τὰ M
μετεώρα ἔῃ χαὶ ἄπεπτα χαὶ ἄχρητα, "1 μηχανὴ οὐδεμίη οὔτε τῶν
, ΕΥ̓, 0 MALUS mr Καὶ :8 οἷ, À AY
πόνων παύσασθαι οὔτε τῶν πυρετῶν. Καὶ "Ὁ οἷσι μὲν ὀξύτητες mpoc-
L4 os mir \ 27/9 ΟΣ
τστανται ὁριμειαι TE χα! ἰὥοεες, οἷαι λύσσαι, χ χα! ONGLES σπλάγχνων
\ , dés ! 1 4 20
χαὶ θώρηχος, καὶ ἀπορίη" où παύεται ‘9 τουτέου πρότερον πρὶν 2° À
ἀποχαθαρθῇ τε χαὶ χαταστορεσθῇ, χαὶ μιχθῇ τοῖσιν 2 ἄλλοισιν. Πέο--
ni ,
σεσθαι δὲ χαὶ μεταδάλλειν καὶ λεπτύνεσθαι 22 χαὶ παχύνεσθαι ἐς yu-
“- ὧν 23 k πολλῷ 29/7 \ , SU \ 24 € #
μῶν εἰδος 23 διὰ πολλῶν εἰδέων χαὶ παντοίων " διὸ χαὶ 24 αἱ χρίσιες
δ “8 \ - 3 2 - LA C4 δι, /
χαὶ οἱ ἀριθμοὶ τῶν χρόνων ἐν τοῖσι τουτέοισι μέγα δύνανται. Flavrwv
EN + LA
δὴ 55 τουτέων ἥκιστα προσήχει θερμῷ ἢ ψυχρῷ πάσχειν " οὔτε γὰρ ἂν
3 ’ ἐν
τοῦτό γε "5 σαπῇ;, οὔτε παχυνθῇ. Τί 51 δ᾽ ἂν αὐτὸ 55 φαίημεν εἶναι; ;
29 Κρήσιας αὐτέων, 3 ἄλλην πρὸς ἄλληλα "" ἐχούσας δύναμιν. 3? Ἐπεὶ
* ὁχόσατε 3555. -- ὑχόταν vulg. et al. codd. --- " ἀπ᾽ αὐτῆς 2255. —
3 γίνεται 2255 -- μετέχει 2255, 2255, — # 2253. -- δυνάμεως vulg. et al
codd. — παύοιτο 2253. — 5 ὅτ᾽ ἂν 2441. — εἰς 2444. — ἐκ τ᾿ 0. €. το ᾧ. x. ἐ.
τῷ ε.τ.θ, 2255. — ὃ μεταδαάλλη δὲ ὅν περ πρ. μοι To. 2253. — Ἰχαχοπαθ
59558.-- ὁ ἄν 2255, 2442, 2140. --- ὡς πάντα 3955.-- δυνάμεων 2253. —
9 μὲν Ve 2255. -- ἀποχριθῇ legit Zvinger. — 1° δὲ 2255. — 11 αἱ 2255.
— οἷαι καὶ Goo 2444, 2145, 2440, 2255,2445,9144, 2442.— χέονσαι PrO
χαὶ ἄσαι ali legunt apud Mackium. -- χαύματα 2253. — τ ἀπαλασ.
5111.-τἀπαλλ. δὲ τούτου 2255. — 1" ἢ pro ἣν 2253. — αὑτῶν γίνηται 2255.
πίνεται 2145.—14 χαὶ om. 2140,2145,2142,2141,2144.—15 δ᾽ ἂν 2255,
2255, 3110, 2145, 2142. — 6 μετέωρα om. sed reslit. al. manu 2255.-—
νεταίωρα 2255, — εἴη 2440,2145,2145, 2142, 2144. ἢ vulg.— "7 μιχαγὴ
οὐδεμία 2255. παύεσθα! 2255. — "8 ὅσοισι μὲν 2253. — ἰώδεις Ms. R. ap.
Chart. — 19 τε τοῦτ. 2140, — τούτου 2253. — 2° ἢ in omn. codd. sed deest
vulg.-xaraorops0f 2255. — ee Vo vulg. et al. cedd:— *? 7e χα!
DE L’ANCIENNE MÉDECINE. 619
si tout ce qui procède du chaud même ou du froid pur, sans
participation d'aucune autre qualité , prend fin par le change-
ment du froid en chaud ou du chaud en froid, changement qui
s'opère, comme je l'ai dit plus haut , il est vrai que les autres
maladies auxquelles l'homme est sujet, proviennent toutes
des qualités. Voyez, quand le suc amer qu'on appelle bile
jaune, prédomine, quelle anxiété, quelle chaleur, quelles
faiblesses se manifestent. Délivré de cette bile et évacué , soit
spontanément, soit par un purgatif, le malade, si l’évacua-
tion s’est faite à propos , est débarrassé des souffrances et de
la chaleur fébrile ; mais, tant que ces humeurs sont en mou-
vement, sans coction ni mélange, la médecine n’a aucun
moyen de faire cesser la douleur et la fièvre. Et quand il se
développe des acidités âcres et érugineuses, quelles irrita-
tions furieuses , quelles douleurs mordantes dans les viscères
et la poitrine, quelles angoisses ! Ces accidents ne prennent fin
que lorsque les acidités ont été épurées, calmées, tempérées par
le reste. La coction , le changement, l’atténuation et l’épais-
sissement jusqu'à forme d’humeurs s’opèrent de plusieurs ma-
nières différentes. Aussi les crises et le calcul des jours ont,
en ceci, une grande puissance. Certes il n’est rien là qui se
puisse attribuer au chaud ou au froid; car avec le chaud ou
le froid , il ne se ferait ni maturation , ni épaississement. Que
devons-nous donc y voir? des mélanges d’humeurs qui ont
des propriétés diverses les unes par rapport aux autres, tandis
que le chaud n’a, pour perdre sa chaleur, que la mixtion avec
le froid, et que le froid n’est neutralisé que par le chaud.
2255. — 53 δί᾽ ἄλλων 2253. — 54 αἱ OM. ; κρήσιες : οἱ OM. : τοισυτοισι
49.558. --- 35 τούτων 5255. — 26 σαπίη οὔτε παχυνθείη 2955. — 27 γὰρ pro
δ᾽ ἂν 5955. -- 28 φήσωμεν 2955. — 39 9555.-- χρῆσίς τε vulg. et al. codd.
- αὐτῶν 2253. — 30 2255, -- ἐστὶ πλὴν pro ἄλλην vulg. et ἃ]. codd. -- πολ
λὴν pro ἄλλην Zvinger et Heurnius. — 3: 2255. — ἔχουσα vulg. et ἃ].
codd. — Ce passage est difficile et il a embarrassé les traducteurs. On le voit
par la diversité des sens qu'ils ont adoptés et par l’obscurité de leurs tra-
ductions. Jai adopté la leçon de 2255, Elle a d’abord l’avantage de réta-
620 DE L'ANC'ENNE MÉDECINE
1 ἜΝ πὸ οὦὗὐ \ ΑΝ / -᾿ ΄ à - SE ie
ἄλλῳ γε οὐδενὶ τὸ θερμὸν μιχθὲν παύσεται τῆς θέρμης À τῷ ψυχρῷ,
/ À - -
οὐδέ γε " πάλιν τὸ ψυχρὸν ἢ τῷ θερμῷ. Τὰ " δ᾽ ἄλλα ὁ πάντα περὶ
\ LA 0 4 d λέ # = = 7 ἘΠ) LA τ
τὸν ἀνθρωπον, ὁ ὅσῳ ἂν πλέοσι μίσγηται, τοσούτῳ ἠπιώτερα χαὶ
" βελτίονα. Πάντων δὲ ἄριστα διάχειται © ὥνθρωπος, ὅταν 7 πέσσηται
xat ἐν ἡσυχίῃ ἔη, μηδεμίην δύναμιν ἰδίην ὃ ἀποδεικνύμενος. 9 Περὶ
\ ἊΨ , ΄ -» Ὁ 5 DS
le [τ ν a ὃ ζφως .
μὲν οὖν τουτέων ἱχανῶς (LOU PEL ἐπιδεδεῖχθαι
90. Λέγουσι ὃ ὃέ τινε GE? χαὶ ἴητρο ἱ χαὶ σοφισταὶ ὡς οὐχ "ἕνι δυνατὸν
ἰητρικὴν εἰδένα! ὅστις μὴ οἶδεν ὅ τί Sa ἄνθρωπος εα ἀλλὰ τοῦτο δεῖ
χαταμαθεῖν τὸν μέλλοντα ὀρθῶς θεραπεύσειν τοὺς ἀνθρώπους. 13 "Ρείνει
δὲ αὐτέοισιν ὃ λόγος ἐς φιλοσοφί fav, ue ᾽᾿Εμπεδοχλῇς ἢ ἄλλοι où
περὶ φύσιος γεγράφασιν ἐξ ἀρχῆς ὅ τί ἐστιν ἄνθρωπος, χαὶ ὅπως ἐγένετο
πρῶτον καὶ ‘4 ὅπως ξυνεπάγη. ᾿Εγὼ δὲ "΄ τουτέων μὲν ὅσα τινὶ εἴρη-
ται 26 σοφιστῇ ἢ ἰητρῷ, À "1 γέγραπται: περὶ φύσιος, À (ζ
τ φιστη ἢ TOO, Ἢ γεγράπτα!: pis φύσιος. Ὥσσον VOILIQU)
τῇ Latex] τέχνῃ προσήχειν À τῇ γραφικῇ. Νομίζω δὲ 18 περὶ φύσιος
blir la régularité de la construction ; car dans χρῆσίς τε de la leçon vulgaire,
τε paraît surabondant. Ensuite, en donnant ἄλλην πρὸς ἄλληλοαι, elle facilite
grandement l’intelligence de ce passage. Hippocrate y combat encore ceux
qui veulent attribuer les phénomènes morbides à là qualité chaude ou à la
qualité froide; ces qualités ne font que se neutraliser l’une l’autre ; mais
pour que la maturation et la coction des humeurs s’effectuent, il est besoin
de mélanges qui aient des propriétés bien plus diverses les unes par rapport
aux autres. — 32 ἐπὶ 9115, 2442, — ἐπεί γε ἄλλο 2253.
.0m,2253.— δὲ 599555.-- πάντα om. vulg. ; atinaliis habetur: 2140,
2255, 2145, 2145, 2144, 2442. - πάντα τὰ 225 δ. - # 62 2140, 2255,
2445, 2441, 9445, 2442, 2444, — ἢν πλείοσι 2253. — " βελτίω 2255. —
56 &y0, 2253 , 5111. — 7 πέσσει τε 2253. - ἦ Ômnes -- pndeuiav 2253.—
ὃ ἀποδειχνύυιενον 2253, 24414, 2255, 2449, 2445, 2145, 2140, 2144, —
9 περὶ où ἡγοῦμαι ἐπιδ. 2253. — οὖν om. 2141, 2142, 2145, 2145. —
19 χαὶ om. 2253. — ‘1 ἔστι 2142, 2255, 2115.--εἴη 2253.— ἔη 2445,2140.
— ἡ Depuis ἄνθρωπος exclusivement, jusqu’à ἄνθρωπος (3 lignes plus bas )
inclusivement, {out manque dans tous les imprimés et dans tous les manu-
scrits que jai pu consulter , excepté dans 2253. Cette lacune est considéra-
ble et comprend un passage important. La citation d'Empédocle par Hip-
pocrate, n'es point une circonstance à dédaigner dans l’histoire littéraire et
médicale. Une des fautes les plus communes commises par les copistes des
manuscrits, c'était de sauter tout ce qui était compris entre un même mot
répété. La répétition d'ébowrcc est la cause de la lacune ; et ce fait prouve
que, bien que les bibliothèques publiques possèdent plusieurs manuscrits
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 091
Toutes les humeurs , dans le corps , sont d’autant plus dou-
ces et d'autant meilleures qu’elles ont subi plus de mélanges,
et l’homme se trouve en l’état le plus favorable quand tout de-
meure dans la coction et le repos, sans que rien manifeste
une qualité prédominante. C’est un sujet que maintenant je
crois avoir exposé d’une manière suflisante.
20. Quelques-uns disent, sophistes et médecins , qu'il n’est
pas possible de savoir la médecine sans savoir ce qu'est l’hom-
me , et que celui qui veut pratiquer avec habileté l’art de gué-
rir, doit posséder cette connaissance. Mais leurs discours ont
la direction philosophique des livres d'Empédocle et des au-
tres qui ont écrit sur la nature humaine , et exposé , dans le
principe ce qu'est l’homme , comment il a été formé d’abord,
et d’où provient sa composition primordiale : pour moi, je
pense que tout ce que sophistes ou médecins ont dit ou écrit
sur la nature, appartient moins à l’art de la médecine qu'à !
Part du dessin. Je pense encore que c’est par la médecine
seule qu’on arrivera à quelques connaissances positives sur la
nature humaine, mais à condition d’embrasser la médecine
même dans sa véritable généralité. Sans cela , il me semble
qu’on est bien loin de telles connaissances , je veux dire , de
savoir ce qu'est l’homme , par quelles causes il subsiste , et le
reste exactement. Ainsi je crois fermement que tout médecin
doit étudier la nature humaine , et rechercher soigneusement,
s’il veut remplir ses obligations, quels sont les rapports de
l’homme avec ses aliments, avec ses boissons, avec tout sen
du livre de l Ancienne médecine , nous n’en avons réellement que deux
copies : l’une est le manuscrit 2255 , l’autre , qui présente la lacune , est
Poriginal de tous les autres manuscrits , qui n’ont pu dés lors que repro-
duire cette lacune, impossible, du reste, à soupçonner. Il est singulier que
ke manuscrit 2255 n’ait jamais été examiné avec soin. — ‘3 In marg, τίνι
2253. αὐτοῖς 2253. — φιλοσοφίαν 2253. — τ΄ ὁπόθεν 2253. — συνεπάγη
omnes. — 1" τοῦτο 2253, 2140, 2142, 2145, 2140, 2958, 2245, —
τό ἢ ©. 2958. -- ἰατρῷ 2355. — 17 δέοι. 2148. -- ads 2444, — τ ὅτι
περὶ vulg. ; sine ὅτι 2255, 2142, 2255, 2440, 2441, 2145, 2144.
€ 2 ΄
092 ΡῈ L'ANCIENNE MÉDECINE.
- 1 A 3 4 5 C9 “
γνῶναί τι σαφὲς οὐδαμόθεν ἄλλοθεν ' εἶναι ἢ ἐξ ἰητρικῆς. Τοῦτο δὲ,
«"ὔ - o 7 A - ΞΕ
οἷόν τε χαταμαθεῖν, ὅταν " αὐτέην τις τὴν ἰητρικὴν ὀρθῶς " πᾶσαν
, L4 ΝΑ ᾿ς Ὁ À
περ!ιλάδη * μέχρι δὲ 4 τουτέου 5 πολλοῦ μοι 5 δοχέει δεῖν" λέγω δὲ
\ € , Α / 4 s »
7 τὴν ἱστορίην ταύτην εἰδέναι ἄνθρωπος τί ἐστι, καὶ δι᾽ οἵας αἰτίας
1 LA -
γίνεται, χαὶ τἄλλα " ἀχριδέως. 9 ᾽᾿Ἐπεί τοί γέ μοι δοκέει ἀναγχαῖον
εἶναι "5 παντὶ ἰητρῷ περὶ φύσιος εἰδέναι, καὶ πάνυ 1" σπουδάσαι ὡς εἴ-
“ Ἂ “
σεται, "5 εἴπερ τι μέλλει τῶν δεόντων ποιήσειν, ὅ τί "" ἐστιν ἄνθρω--
\ 1 εἰ
πος πρὸς τὰ ἐσθιόμενα ‘#xat πινόμενα, "" καὶ ὅ τι πρὸς τὰ ἄλλα ἐπι-
LA A «|
τηδεύματα, 15 χαὶ ὅ τι ἀφ᾽ ἑχάστου ἑχάστῳ ξυμδήσεται. "1 Καὶ μὴ
c © 22 δι 2 cl x Lx el 18 = À 2
ἁπλῶς οὕτω δοχέειν ὅτι πονηρὸν βρῶμα τυρός πόνον γὰρ φέρει
τῷ πληρωθέντι αὐτέου, ἀλλὰ τίνα τε 9 πόνον χαὶ διὰ τί χαὶ τίνι τῶν
Cod !
2 ἐν τῷ ἀνθρώπῳ ἐνεόντων ἀνεπιτήδειον. 21 Ἔστι γὰρ χαὶ ἄλλα πολλὰ
4 er 22 δ 232 000 4 ON
βρώματα χαὶ πόματα 5" φύσει πονηρὰ, "" καὶ διατίθησι τὸν ἄνθρωπον
DOS > _\ / “ 5 “ ΣΧ ΤΑ τς Ὁ 5 F2
οὐ "(τὸν αὐτὸν τρόπον. Οὕτως οὖν μοι ἔστω 25 τῷ λόγῳ οἷον οἶνος ἄχρη-
\ / LA «
τος 26 πολὺς ποθεὶς, διατίθησί πως τὸν ἄνθρωπον "1 ἀσθενέα " ?8 χαὶ
“ " à 59 € ns ! d [24 2 ΝΠ #1 \
ἅπαντες ἂν ἰδόντες τοῦτο yvoinoav, ὅτι αὕτη "9 À δύναμις οἴνου χαὶ
/ ei | τ “-“- -“- -
αὖτός ἐστιν αἴτιος " χαὶ οἷσί γε τῶν "5 ἐν τῷ ἀνθρώπῳ τοῦτο ᾽ μάλιστά
= SZ παι LAN T LE: 32 SA Ἴλ 2, 1 \ εἶ A ΄“«
γε δύναται, οἴδαμεν. Τοιαύτην 5" δὴ βούλομαι ἀληθείην καὶ περὶ τῶν
1 φ9ὅδ,.-- ἔσται vulg, οἱ ἃ], codd. —? αὐτὴν omnes - πᾶς pro τις Mercur. in
marg.— 3 #. om. 3255, — ὁ τούτου 2255.— 51. 2253. -- In vulg. et ἃ].
codd, πολλούς ct δοχέε! ideiv.—La leçon des imprimés est évidemment contra-
dictoire au raisonnement d'Hippocrate, De la nécessité d’embrasser luniver-
salité de la médecine pour connaître la nature de l’homme, il conclut, non,
comme lui font dire les imprimés, que beaucoup sont arrivés à cette univer-
salité, mais, comme lui fait dire le 2253, qu’il s’en faut de beaucoup que
l'étude soit arrivée à ce point. La leçon de 2253 est excellente ; et la fautc
des autres manuscrits est venue de l’iotacisme qui a répété «: de δοχέει et
l’a joint à δεῖν. De telles fautes sont très fréquentes. — ὅ δοχεῖ 2255, —
1 ταύτην τὴν lorcpny εἶναι 2253. — Cette leçon vaut peut-être mieux que
celle des imprimés que j’ai conservée. Cependant toutes deux s’entendent et
toutes deux donnent le même sens ; cela m’a empêché de modifier le texte
imprimé. Avec des variantes aussi nombreuses et aussi importantes que cel-
les que j’ai réunies pour ce traité , c’est souvent un grand embarras pour
moi de me décider entre les leçons diverses, mais probables, et je ne le fais
jamais qu’avec beaucoup d’hésitation et de lenteur. — ὃ ἀχρισῶς 2253. —
9 ἐπὶ τούτω γὲ μοι 2283. — 19 π᾿ ἰ, om. 2253. —"* σπουδαάξαι 2141,
2253, 3110, 2442 , 5115, 2445. - εἴσηται Vander Linden, — :? ὥσπερ
DE L'ANCIENNE MÉDECINE- 623
senre de vie, et quelles influences chaque chose exerce sur
chacun. Et il ne suffit pas de savoir simplement que le fro-
mage est an mauvais aliment , parce qu'il cause des douleurs
à ceux qui s’en rassasient; mais il faut savoir quelle dou-
leur il cause , pour quelle raison, et à quelle humeur du corps
il est contraire. Il y a en effet beaucoup d’autres aliments et
boissons qui sont nuisibles à l'économie humaine , mais qui
ne l’affectent pas de la même manière. Soit pour exemple le
vin pur, qui, bu en grande quantité , jette l’homme dans une
certaine faiblesse ; on n'aura qu’à ouvrir les yeux pour con-
naître que la cause de cette faiblesse est dans la propriété du
vin et dans le vin lui même; et nous savons sur quoi, dans
l’économie humaine , il porte son action. Cette vérité, qui est
manifeste ici, je veux qu'elle le soit aussi dans les autres cas.
Le fromage ( puisque je me suis déjà servi de cet exemple) ne
nuit pas à tout le monde ; il est des gens qui peuvent s’en
rassasier sans le moindre inconvénient, et mème il fortifie mer-
995. --τοι 5116, -- ποίησιν 2255. — 13 τε post ὅτι 9555, -- "À re χαὶ 3255.
---'ὐχαὶ 6 τι πρὸς τὰ ἄλλα ἐπιτηδεύματα. om. vulg. etal. codd. excepto 2255.
— "5 χαὶ om. 22535—.6u0u6. omnes. —17 χαὶ δὴ ἁπλῶς οὕτως πονηρόν ἐστι.
βρῶμα τυρός 2253. — La leçon donnée par 2253 est fort différente du texte
vulgaire ; cependant elle s’entend fort bien, et au fond elle a le même sens.
Mais la marche générale de la phrase m’a paru rendre préférable le texte or-
dinaire. — 18 πονηρὸν γὰρ παρέχει τ. TA. αὐτοῦ 2253. — 19 τρόπον 2253.
- διατί 3111. — 59 Sic 2253. -- ἀνθρώπων pro ἐν τῷ ἀν. vulg. et al. codd.
- τίνων τῶν ἀνθρώπων pro τίνι +. ἐ. τῷ ἀνθρ, cod. 8. ap. Foes.- Je n’ai pas
bescin de faire observer que la leçon de 22553 est la seule bonne, τῶν ἀν-
θρώπων ἐνεύντων n’est pas intelligible ; et Foes, qui a traduit : Cuinam ejus
usus minime sit accommodatus, a fait abstraction de ἐνεόντων ; correction, qui
ainsi que le montre 2253, n’est pas la véritable. — “1 ἔστι. καὶ γὰρ καὶ da.
2255, 2140, 2145, 2441, 2444, 2142.-— ἔστι. καὶ τὰς καὶ ἄλ. cod. S. ap.
Foes.— ?? ©, om. 2253. — 23 ἃ pro χαὶ 2253. — 24 τὸν om. vulg. —
25 +, À, om. 2253. — 26 πολλὸς 2253. — 27 do om. 9385. ---- 28 χαὶ πᾶν--
" ΓΕ ε ἈΞ 3 # Δ
τες ἂν ο! εἰδότες 2253, — 39 Ἢ om. 2253. -- ἐστιν OM. 2253. — 39 ἀνθρώ-
Foy pro ἐν τῷ ἄν. 2145, C’est une erreur semblable à celle que j’ai corrigée
plus haut ( note 20), à l’aide du manuscrit 2255. — 31 δύναται, υάλιστα
᾿
οἴδ, 9958. — τε pro γε 2255, 2445, 5112, — 3» δὲ 5905.
624 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
ΜᾺ Ω ui LA ἣν A 2 ΙΑ 1 7 . Ë 2. É # 3
ἄλλων φανῆναι. Τυρὸς γὰρ, ἐπειδὴ τουτέῳ σημείῳ ἐχρησάμην, οὗ
/ “ θ0 , 2 ὃ 7 À 7 Ξ 19 δ cd 3 el 4
πάντας ἀνθρώπους ? δμοίως λυμαίνεται, ἀλλ᾽ εἰσὶν οἵτινες 3 αὐτέου
, 5 A2 “ / ra
Me. οὐδ΄ ὅτιοῦν βλάπτονται" 4 ἀλλὰ χαὶ ἰσχὺν, οἷσιν 5 ἂν
2 s # -Ὁ =
ξυμφέρη, θαυμασίως παρέχεται᾽ εἰσὶ 6 δὲ οἵ χαλεπῶς ἀπαλλάσσουσι"
Ν ΄ _
7 διαφερβίυδε δὲ τουτέων αἵ φύσιες " 8 διαφέρουσι δὲ χατὰ τοῦτο’ ὅπερ
"-Ὁ LA L'4 f 2
ἐν τῷ σώματι ἔνεστι πολέμιον τυρῷ, 9 ὑπὸ τοιουτέου ἐγείρεταί τε χαὶ
, <= D
19 χινγέεται * οἷσιν "" ὃ τοιοῦτος χυμὸς τυγχάνει 12 πλέον ἐνεὼν χαὶ
-Ξ - / - ,ὔ a
μᾶλλον ἐνδυναστεύων ἐν τῷ σώματι, 3 τουτέους μᾶλλον χαὶ χαχο-
L4
παθέειν εἶχός. Εἰ δὲ πάσῃ τῇ ἀνθρωπίνη φύσει ἦν "4 χαχὸν, πάντας
ἂν "" ἐλυμαίνετο. Ταῦτα δὲ εἴ τις. "5 εἰδοίη, οὖχ ἂν πάσχοι.
21. Τὰ δ᾽ ἐν τῇσιν ἀναχομιδῆσι τῇσιν Ex τῶν νούσων, ἔτι δὲ χαὶ ἐν
τῇσι νούσοισι τῇσι μαχρῆσι γίνονται πολλαὶ "1 ξυνταράξιες, ai μὲν
s
\ À
18 ἀπὸ ταυτομάτου, αἷ δὲ χαὶ ἀπὸ τῶν προσενεχθέντων τῶν τυχόντων.
αὺτ
19 τοὺς ἴ: ητροὺς τοὺς πολλοὺς, ὡς τοὺς ἰδιώτας, ἣν τύχωσι περὶ
\
Τὴν 2°: Ἰρέβηνα ταύτην τι χε Rte , ** ὡς λουσάμενοι, À περι-
πατήσαντες, ἢ Re τεροῖον , ταῦτα δὲ "3 πάντα βελτίω προσ-
\ ,
ενηνεγμένα ἢ μὴ , ᾿Ιοὐδενὸς ἧσσον τὴν αἰτίην τουτέων τινὶ ἀνατιθέν-
Ἂ
τας, 25 τὸ μὲν αἴτιον ἀγνοεῦντας, τὸ Ν ξυμφορώτατον, ἣν 56 οὕτω
τύχη "1 ἀφανίσαντας. Δεῖ δὲ οὔ - ἀλλ᾽ εἰδέναι τί λουτρὸν ἀχαίρως
! Τούτῳ 3355. --- 2 2253 hab. é.. quod om. vulg. et al. codd. — 3 αὖ-
τοῦ πληρούμενοι 2255. — 4 Je donne le membre de phrase tel que je lai
trouvé dans 2253. Mais il est très différent dans les imprimés et dans les
manuscrits, qui Ont: ἀλλὰ χαὶ τοῖς ἰσχνοῖσιν ἂν ξυμφέρειν θαυ. παρ. On
conçoit trè; facilement l’analogie que ces leçons présentent dans l’écriture,
quoique la signification diffère beaucoup. Ce qui m’a décidé pour celui
de 2255, c’est que la construction ξυμφέρειν θαυμασίως παρέχεται me paraît
peu habituelle. Au reste, toutes deux sont fort intelligibles , et le lecteur a
Pune et l’autre sous les yeux. — ἢ ἣν pro ἄν 2255. - Ce manuscrit, à di-
verses reprises, emploie ἣν pour ἂν dans le sens de particule conditionnelle.
— ὃ δ᾽ 2253.- ἀπαλασ. 2255. — 7 διαφέρουσιν οὖν τ. 5955. — τουτέου M.
. apud Chart, — 8 διαφέρουσιν 2255. 9 χαὶ ὑπὸ τούτου 3355. — του-
του 2440, 2255, 2442, 2111. -- τουτέῳ 2115. — *° χινεῖται 2255. --
nl
οἷς 2253. — 1! γὰρ ante ὁ cod. 5. ap. Foes. — :? πλείων ἐὼν 2253. —
13 τούτους. — καὶ om. — χαχοπαθεῖν 2255. — 14 χαχὸς cod. S. ap. Foes. —
5 ἐλυμήνατο 2255, — 16 ei sin 24149, 2445 , 2145, 2255, 2140. — εἰδήει
2253.—17 συντ, 23355.--συνταρατάξιες 2445. -- συμπαρατήξιες 2142.— συμ.-
225
παρσατάξιες wulg. et al. codd, - συμπαραπράξιες cod. 5. ap. Foes.— 5 μὲν
# ᾿ ᾿ ΨΥ
DE L ANCIENNE MÉDECINE. 6925
veilleusement ceux à qui il convient ; il en est , au contraire ,
qui ne le digèrent que difficilement. Les constitutions des uns
et des autres diffèrent donc , et elles diffèrent en ceci : à sa-
voir que l'humeur qui, dans le corps, ne compatit pas avec
le fromage, est éveillée et mise en mouvement par cette sub-
stance. Les natures chez lesquelles une pareille humeur est
surabondante et prédominante, doivent naturellement souf-
frir davantage de cet aliment ; mais s’il était malfaisant pour
la constitution humaine tout entière, il nuirait à tous les
hommes. Done, connaître ces propriétés diverses, ce serait
savoir se préserver des maux qu’elles causent.
21. Dans les convalescences et dans les maladies qui du-
rent long-temps , il survient des perturbations fréquentes , les
unes spontanément , les autres par des choses fortuitement
administrées. Si, le jour même de ces perturbations, le hasard
veut qu'il y ait eu quelque innovation , par exemple, un
bain , une promenade , un mets différent , toutes choses qu'il
vaut mieux avoir faites que n’avoir pas faites, je sais que
néanmoins la plupart des médecins, comme le vulgaire, at-
tribueront à ces choses le trouble survenu , ignorant la vraie
cause et proscrivant ce qui peut-être est le plus utile. C’est
une faute ; car l’on doit savoir les effets d’un bain donné mal
à propos et ceux d’un exercice inopportun ; jamais le même
καὶ 2253. — 19 τοὺς πολλοὺς ἰητροὺς, ὥσπερ τ. ἰδ. 2253. — 20 ἡμέραν
2253. -- χαινουργηχότες 3110, 9112, 3955. — 21 ἢ pro ὡς 2253, --- 2 ἐτε-
ροίων 2255. — 23 πάντως ἐναντίας pro πάντα Mercur. in marg. — 26 οὐ-
δὲν 2255. - τούτων 2253, 2444 et 2141 en glose, — ἀνατιθέντες 2145,
2255. —" χαὺ τὸ 1. 2255.— ἀγνοοῦντας 2253. συμφερώτατον 2145. συυῳ.
cæt.——*6 Sic 22
δδ. - οὕτως τύχωσιν vulg. et al. codd. Les deux lecons sont
bonnes; celle de 2
53 me paraît cependant préférable. Si l’on garde τύχωσιν,
il faut traduire : exposés à proscrire ce qui est le plus utile. Or, Hippo-
crate à dit qu’ils attribuent le mal souvent à ce qui a été fait, par consé-
quent ils proscrivent ce qui a été fait; il est donc mieux de lire τύχῃ avec
2255, et de dire qu’ils proscrivent ce qui peut-être est le plus utile, —
212442, 2445, 2114, 2145, 2410. — ἀφανίσαντες vulg. et al. codd. —
ἀφα:ροῦντας 2253.
TOM. I. 40
5
2
626 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
4 / »
᾿ προσγενόμενον ἐργάσεται, " καὶ τί χόπος. Οὐδέποτε γὰρ À αὐτὴ
3. = Or L dd £ LA 5.7 JR = LA 4 LE 4
χαχοπαθίη τουτέων, οὐδ᾽ ἑτέρου, οὐδέ γε ἀπὸ πληρώσιος, ὁ οὐδέ
RES 4 / 3 / c ἘΣ Ci \ 5 -Y c
γε ἀπὸ βρώματος τοίου À τοίου. “Ὅστις οὖν ταῦτα μὴ ὅ εἴσεται ὡς
κ +
ἔχαστα ἔχει πρὸς τὸν ὄνθρωπον, οὔτε γινώσχειν τὰ γινόμενα ἀπ᾽ © αὖ-
LA Nu LA LA / 2 τῷ
τέων δυνήσεται; οὔτε χρέεσθαι ὀρθῶς.
2
22. Δεῖν δέ μοι 7 δοχέει καὶ ταῦτ᾽ εἰδέναι, ὅσα τῷ ἀνθρώπῳ πα-
»
ὃυ
\
θήματα ἀπὸ
,
νάμιων 3 ἔρχεται, χαὶ ὅσα ἀπὸ σχημάτων. Λέγω 9 δὲ
ΐ 4 ᾽ 114
\ Ἐπ “- “-
τί τοῦτο; Δύναμιν μὲν εἰναι τῶν γυμῶν 15 τὰς ἀχρότητάς τε χαὶ
? : ᾿ χ 1
>, rs \ 7, εἴ “-- LA
11 ἰσχὺς * σχήματα δὲ λέγω ὅσα ἔνεστιν ἐν τῷ ἀνθρώπῳ. Τὰ μὲν "" γὰρ
a τὰ ͵ = \ 2% 2 4 13 à ΕΣ LA 2 LA 14 An αἵ A 2
χοῖλά τε χαὶ ἐξ εὐρέος ‘5 ἐς στενόν ἐστι συνηγμένα, ‘4 τὰ δὲ χαὶ ἐχ-
πεπταμένα . τὰ δὲ 25 στερεά τε χαὶ "5 pr enr τὰ δὲ πλατέα 11 χαὶ
\ \
ἐπικρεμάμενα, τὰ δὲ "ὃ διατεταμένα, τὰ δὲ μαχρὰ, τὰ δὲ πυχνὰ ,
9 τὰ δὲ μανά τε χαὶ τεθηλότα, τὰ ds σπογγοειδέα 2° χαὶ ἀραιά.
{ Ι ᾿ ΥΥ
rar ου LA τὭ
Ῥοῦτο μὲν, "' ἑλκύσαι ἐφ᾽ " ἑωυτὸ καὶ ἐπισπάσασθαι ὑγρότητα ἐχ τοῦ
ἄλλου σώματος, πότ ρον τὰ κοῖλά τε χαὶ ἐχπεπταμένα, À τὰ στερεά
τε χαὶ στρογγύλα, ἢ τὰ χοῖλά τε Hal 23 ἐς στενὸν ἐξ εὐρέος συνηγ-
ς , > \ Ὁ
μένα, δύναιτ᾽ ἂν μάλιστα ; Οἰμαι 24 μέντοι τὰ τοιαῦτα 25 ἐς στε-
\ - \ -
νὸν συνηγμένα ἐχ χοίλου τε χαὶ "5 εὐρέος. Καταμανθάνειν δὲ δεῖ
“ \ = - es - /
21 αὐτὰ ἔξωθεν ἐχ τῶν φανερῶν. Τοῦτο μὲν "5 γὰρ, τῷ στόματι χε-
\ L4
“ηνὼς ὑγρὸν οὐδὲν "9 ἀνασπάσαις * 55 προμυλλήνας δὲ καὶ συστείλας.
Ψ “.
F1 πιέσας τε τὰ χείλεα, 5 ἔτι τε αὐλὸν προσθέμενος, δηϊδίως 5 ἀνα-
σπάσαις ἂν ὅ τ' θέλοις. Τοῦτο δὲ, ai σικύαι "1 προσβαλλόμεναι "5 ἐξ
1 προσγιν. 24435. — ? ἢ pro χαὶ 2253. — 5 χαχοπαθείη 2255, 2145,
2442. — οὐδετέρου 2253. — 25900 supra πληρώσιος, gloss., 2144, 2144.
— ὁ υὐδ᾽ ἀπὸ 5555. -- τοιούτου supra τοίου, gloss., 3141. --- Ÿ νοήσει sup.
εἴσ. gloss. 2111. — 6 αὐτῶν 2255. --- 1 δοκεῖ κ. ταῦτα 2255. -- φαίνεται
sup. δοχ, gloss. 2141.- γινώσχειν sup. aid, gloss. 2444. — ὃ γίνεται 2255.
— 9 δὲ τί τοιοῦτον 2253. — δὲ 5122, 5115, 2440. δὴ vulg. -- τί om. 2255,
2445.— :° Le texte vulgaire et tous les manuscrits, excepté 2253, ont
εἰδένα: avant τάς ; εἰδέναι me paraît tout-à-fait surabondant ; il s’est sans
doute introduit, à tort, dans cette place, parce qu’il se trouve deux lignes
plus haut. — τ: ἰσχὺν 2355. --- 12-42 om. 2253. - re om. 2253. —
132444. - εἰς vulg. — εἰς στενὰ συνενηγμιένα 2253. — "À τ᾿ δ. X5 tie:
ε χαὶ om. 2253. — 15 re post στρογγύλα
2253, — “1 τε χαὶ 2253, — 18 διατεταγμένα 2440. διατεγμένα 2445.—
. dou. +. om.2440,2445,2445,2141,2142, 2444. ανά TE χαὶ om.
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 627
mal n’est produit par un bain et un exercice, pas plus qu'il
ue l’est par toute autre chose, par la réplétion, par tel ou
tel aliment. Celui done qui ne connaïtra pas comment cha-
cune de ces choses se comporte à l'égard de l'homme, n’en
connaîtra ni les effets ni l'usage convenable.
29. Selon moi, le médecin doit en outre savoir quelles
maladies dérivent des puissances et des figures: Que veux-je
dire par là ? J’appelle puissances les propriétés extrèmes et
les forces des humeurs , j'appelle figures la conformation des
organes qui sont dans le corps. Les uns sont creux, et, de lar-
ges, ils vont en se rétrécissant ; les autres sont déployés ; d’au-
tres , solides et arrondis ; quelques-uns, larges et suspendus ;
d’autres étendus ; d’autres larges ; d’autres denses ; d’autres
mous et pleins de sucs ; d’autres spongieux et lâches. Mainte-
nant, s'il s'agit d'attirer des liquides hors du reste du corps,
lesquels des organes creux et déployés , ou solides et ronds ,
ou creux et de larges devenant étroits, lesquels, dis-je, au-
ront la plus grande puissance ? Pour moi, je pense que ce
sont ceux qui, étant creux et larges , vont en se rétrécissant.
On en peut juger par ce qui est visible au dehors : la bouche
ouverte, vous n’aspirerez aucun liquide; mais rapprochez
cod. 5, ap. Foes, -- μιανα om. 2444, - θάλλοντα supra +<6. gloss. 2144,
3114, — 39 τε χαὶ 2255,
21 μὲν οὖν 2253. --- 22 ἑαυτοῦ 2253. —
23 εἰς 2255, — συνημιένα, δύναιτο 5555. — γομίζω sup. ua gloss, 2144,
24 μὲν 2253. — 21592144. εἰς yulg. -- τὰ εἰς 2255, — 56 ἐξ εὖ, 2255. —
πρέπει SUP. da gloss. 2441, -— 59] ταῦτα 2255, — τῆς ἐχτὸς ἐπιφανείαις
Sup. τῶν φανερῶν gloss. 3111. — 38. γὰρ om. 2145. -- χεχηνὸς 2118. —
29 ἀγασπάσειεν 2441, - ἀνασπάσεις 2114, 2445, -- ἀνγασπάσειε 2443. ---
9440, 2445, 2444, 2142, 2444, 2445. — προδιατρέψας in marg. cod,
F. ap. Foes,- πρόσμυλι vulg. et quidam codd. -- Galien a lu προμυλλήνας,
mot qu’il a interprété dans son Lexique des mots hippocratiques difficiles.
31 mu, δὲ ἀνασπάσειε τ. 4. 2255.—22 χαὶ ἔτι 2440,92255,2143,2442,21444,
2444. — Lol ἐπί τε 2233. — προθέμενος 2255, 24145, — 33 ἀγασπάσεις
2441. - ἀνασπάσης cod. F. ap. Foes. — ἐθέλοις 2253. -- θέλῃς 2142, 2440,
2255, 2145, 2144. - θέλεις vulg. — 34 2253. - roc6ar vulg. et ἃ]. codd.
— 35 ἐξ ed. ε. στ. ἐσ. om. 2253. -- στενωυιέναι 2440, 2445, 2442.
628 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
εὐρέος ' ἐς στενώτερον ἐστενωμέναι πρὸς τοῦτο τετεχνέαται, πρὸς
τὸ ἕλκειν 2 ἀπὸ τῆς σαρχὸς χαὶ ἐπισπᾶσθαι, ἄλλα τε πολλὰ τοιουτό--
τροπα. 3 Τῶν δ᾽ ἔσω τοῦ ἀνθρώπου φύσις χαὶ σχῆμα 4 τοιοῦτον -
χύστις τε χαὶ χεφαλὴ, καὶ ὑστέρα " γυναιξί - καὶ φανερῶς ταῦτα μά-
λιστα ἕλχει, καὶ πλήρεά ἐστιν 6 ἐπάχτου ὑγρότητος αἰεί. "Ta δὲ
χοῖλα χαὶ 1 ἐχπεπταμένα ἐπιῤῥυεῖσαν μὲν 3 ἂν ὑγρότητα μάλιστα
δέξαιτο πάντων, ἐπισπάσαιτο 9 δ᾽ ἂν où ὁμοίως. Τὰ δέ γε "5 στερεὰ
καὶ ατρογγύλα οὔτ᾽ "" ἂν ἐπισπάσαιτο οὔτ᾽ ἂν "" ἐπιῤῥυεῖσαν δέξαιτο"
"ῤ περιολισθάνοι τε γὰρ "ὁ ἂν, χαὶ οὖκ ἔχοι ἕδρην ἐφ᾽ ἧς μένοι. Τὰ δὲ
σπογγοειδέα τε χαὶ "" ἀραιὰ, οἷον σπλὴν, ‘© πλεύμων χαὶ μαζοὶ,
‘1 προσχαθεζόμενα μάλιστα "5 ἀναπίοι χαὶ σχληρυνθείη χαὶ αὐξηθείη,
ς , , à τὰ
ὑγρότητος ᾽9 προσγενομένης," ταῦτα μάλιστα. 5" Οὐ γὰρ ἂν ἐν
" εἰς omnes. - τεχνέαται vulg. et quid. οο44.--τετεχνημέναι 2253.- τεχνέ-
εται 2255, — τεχνίεται 2145, — τεχνίαται 2142, -- Quoiqu’aucun manuscrit
ne donne +ereyvéarat , je pense que c’est ainsi qu’il faut lire. C’est la forme
ionienne de la 5e personne du pluriel du parfait passif. Le redoublement re
aura été omis par les copistes à cause du voisinage de la syllabe τὸ de τοῦτο;
et en place de cette forme ionienne , 2253 aura, comme il le fait souvent, mis
la forme commune τετεχνημέναι εἰσί, — ὁ ἐκ 2255. ἐπισπάσασθαι 2255.
— 3 τῶν δὲ ἔσω φύσει τοῦ ἀνθρώπου σχῆμα τοιούτων 2253. — ὁ τοιούτων
2442, — 5 γυναιξίν 2955. — ὃ ἐπ᾽ αὐτοῦ 2442, 3115,5111, 2255, 2444.
— 1 ἐπεχτεταμένα 2253. — ἐπεισρυῆσαν 2255. — ἐπιρρυείσας 2141, 2142,
2145, 2143, 2255, 2444. — 5 ἂν om. 2253. -- γρότητας 2142, 2141,
2145, 2445, 2110, 2114. — δέξαιντο 2255. — 9 ἂν om. 2443, — 1° στε-
ραιά 2255. — ‘! ἐπεσπάσατο 2142, 2255, 2445, 2141, 2144, 2145. —
ἐπισπάσατο 2140. — "52 ἐπειόρυεῖσαν 2254. — ἐδέξατο 2442, 2145, 2255,
2445, 2444, 2444, — 13 περιολισθάνοιτο pro πε.....τε 2145. — ὄλισθον
Heurn. — 4 ἂν om. 2253.- ἔχει 21440, 2145, 2142, 2144, 2444, — μένοι
2253. μένει vulg. - μενεῖ Lind.- βάσιν sup. ἕδρην gloss. 2441,—15 στεραιὰ
2253.— 16 re χαὶ nv. 2253.—xat nv. 2141,2142, 2143, 2144. mye0.vulg.
--τήπροχαθ. 2445, 2140,2443, 2441, 2142, 2444, — "5 ἀναπίη καὶ σχλη--
ρυνθῇ 2445, 2141, 2445, 2142, 2255, 2140, 2144.- ἀναπίνοι 2253.— σχλ.
ἂν χ. 2255. — 19 προσγιν. al. man. 2444. — 39 ταύτη 2143. — τούτοις
Mercur. in marg. -- post μάλιστα addit Vander Linden ὁ πνεύμων. — Cette
addition a été faite par Vander Linden , sans doute à l’exemple de Corna-
rius, qui, dans sa traduction, ajoute le poumon. Nui manuscrit ne donne
cette addition. — ?' Le texte est ici très altéré, et il est difficile de le res-—
taurer avec sûreté. Les éditions et les imprimés varient beaucoup dans ce
passage. Voici les diverses lecons: Foes a : OÙ γὰρ ἂν ἣν ἐν χοιλίῃ ἐνὴ τὸ ὑγοῦν,
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 629
les lèvres en les allongeant et en les comprimant , et vous
aspirerez tout ce que vous voudrez, surtout si vous ajoutez
un tuyau. De même, les ventouses , qui , larges au fond , se
rétrécissent vers le goulot , ont été imaginées pour attirer les
humeurs hors des chairs. Il en est ainsi de beaucoup d’au-
tres choses. Parmi les organes intérieurs du corps,une consti-
tution et une forme de ce genre ont été données à la vessie,
à la tête et à l'utérus. Et manifestement ce sont les parties
qui aspirent le plus, et elles sont toujours pleines d’un li-
quide qu’elles ont attiré. Les organes creux et déployés rece-
vraient mieux que tout autre les humeurs affluentes ; mais
ils ne pourraient attirer aussi bien. Les organes solides et ar-
rondis n’attirent ni ne reçoivent ; car le liquide coulerait tout
autour, sans trouver de lieu qui l’arrêtät et le retint. Les or-
ganes spongieux et lâches , tels que la rate, le poumon et les
mamelles , placés près des liquides, les absorberaient , et ce
sont surtout ces parties qui se durciraient et se gonfleraient
par l’afflux des humeurs ; car les humeurs ne seraient pas
dans la rate comme dans un viscère creux qui les renferme-
rait dans sa capacité même et les évacuerait chaque jour.
Mais , lorsque la rate aurait absorbé et reçu dans son inté-
rieur le liquide, les vides, les spongiosités et les petits inter-
stices se trouveraient remplis, et, de poreuse et de molle
qu’elle était, elle deviendrait dure et dense ; car elle n’est apte
ni à la coction , ni à l'émission des humeurs. Or, cela lui ar-
ἔξω τε περιέχει αὐτέη ἡ κοιλίη τὸ ὑγρόν; ce qui est inintelligible; la traduc-
tion de Foes ne l’est pas moins : Neque enim si in ventriculo humor insit,
eumque foris contineat et singulis diebus evacuatur. L’édition d’Alde est tout-
à-fait semblable, si ce n’est qu’il y a une virgule après reotéye; quelques
manuscrits ont un point. Les manuscrits 2144, 2255, 2145, 2442, 2141,
ont: Οὐ γὰρ ἂν ἦν ἐν κοιλίῃ ἐν ἦ τὸ ὑγρὸν ἔξω τε περιέχει αὐτέη ἡ κοιλίη ἐν
ἢ τὸ ὑγρόν. Les manuscrits 2115 οἱ 2140 y sont conformes , si ce n’est que
le premier n’a pas τε, et que le second a τὰ au lieu de τε. Ces diverses le-
çons ne peuvent non plus se comprendre. L’exemplaire de Severinus, que
Foes cite dans ses variantes , avait : Οὐ γὰρ ἂν ἦν ἡ χοιλίη ἐν ἢ τὸ ὑγρὸν ἔξω
630 DE L’ANCIENNE MÉDECINE.
σπληνὶ, ὥσπερ ἐν χοιλίη ἐν À τὸ ὑγρὸν; ἔξω τε περιέχοι αὕτη à χοιλίη
«
35 , 2. À LATE πῶς à 22 d / \ /
χαὶ " ἐξαλίζοιτ᾽ ἀνκαθ᾽ ἕχάστην " ἡμέρην ἀλλ᾽ ὁ ὅταν πίη καὶ δέξηται
2, ἽΝ 2 € \ 2) € \ \ \ \
ὁ αὐτὸς © ἐς ἑωυτὸν TO Dyoov, τὰ χενὰ χαὶ ἀραιὰ 5 ἐπληρώθη, χαὶ
\ \ 4 \ \ A \ 2
τὰ συϊκρὰ 1πάντα, χαὶ ἀντὶ 5 ἀραιοῦ τε χαὶ μαλθαχοῦ σχληρός
Α \ Ν δῖ NE 2 ΄ Φ, οἱ Pr .“ ἊΝ
τὲ χαὶ πυχνὸς ἐγένετο, χαὶ οὔτ᾽ 9 ἐχπέσσει οὔτ᾽ ἀφίησι - ταῦτα δὲ
, 4 \ L4 τω L4 τω
πάσχει διὰ τὴν φύσιν τοῦ σχήματος. 1° "Ocu δὲ φῦσάν τε χαὶ ἀνειλή-
2 . ,
,ὔ nd E -
ματα ἐνεργάζονται ἐν τῷ σώματι, προσήχει ἐν μὲν τοῖσι ‘! χοίλοισί
\ > A { , 26
re χαὶ “" εὐρυχώροισιν, οἷον κοιλίη Te χαὶ 2 Gopnar, Ψόφον τε χαὶ
ᾷ γος
͵ ΠῚ
ε περιέχει αὐτέη ἡ κοιλίῃ, Le manuscrit 2253 ἃ : Οὐδὲ γὰρ ἂν ὥσπερ ἐν χοι-
λίῃ ἐνῇ τὸ ὑγρὸν, ἔξω τε περιέχῃ αὕτη ἡ χοιλίηῃ. Ce manuscrit, comme l’exem-
plaire de Severinus, omet les mots τὸ ὑγρὸν qui terminent la phrase dans
les imprimés, et ἐν À τὸ ὑγρὸν qui la terminent dans les autres manuscrits.
Ainsi aucun manuscrit ne donne une leçon qui satisfasse ou que l’on puisse
restaurer avec une pleine sûreté. Toutefois, le sens, à l’aide de ce qui
précède et de ce qui suit, se laisse pénétrer, et c’est là ce qui doit servir de
guide dans l’emploi qu’on peut faire de la multitude des variantes qu’of-
frent ici les manuscrits. En effet, Hippocrate veut dire que les tissus spon-
gieux et aréolaires ne sont pas comme les viscéres creux qui enveloppent
les liquides et se vident chaque jour, mais que, lorsque les humeurs en
ent rempli les vacuoles, ils deviennent durs et denses, attendu qu’ils ne
sont pas conformés pour expulser les liquides. Le sens est très certain mal-
gré l'incertitude du texte. D’abord remarquons que, dans le second membre
de phrase, les mots τὸ ὑγρὸν du texte de Foes, ἕν À τὸ ὑγρὸν des autres ma-
nuscrits, sont nés de la répétition du premier membre de phrase; on peut
donc les retrancher. Cela fait, le texte est un peu débarrassé, mais la cor-
rection n’est pas encore facile, et il faut surtout se laisser guider par le
sens, De plus, remarquons une particularité, c’est que le manuscrit 2255 ἃ
un mot, ὥσπερ, 40η il faut sans doute tenir compte dans la correction, et qui
m'a suggéré la conjecture que j’ai admise dans le texte : Οὐ γὰρ ἂν ἐν σπόνηνὶ
ὥσπερ ἐν κοιλίῃ χτὰλ, Cette correction ἃ le grand avantage de justifier, dans
les lignes suivantes, plusieurs pronoms et adjectifs masculins, αὐτὸς, ἑωυ-
τὸν, σχληρὸς, πυχνὸς, lesquels ne se rapportent à rien et forment solécisme
si l’on n’admet pas une correction analogue à celle que j’ai admise : lintro-
duction de quelque nom masculin me semble nécessaire. Nous n’avons que
deux copies primordiales du traité de P Ancienne médecine, Vune re-
présentée par le manuscrit 2255, l'autre par les autres manuscrifs et par
nos éditions : je suppose que l’altération est venue dans la première copie,
par l’omission ἐν σπληνὶ, et dans la seconde par l’omission de tout ce qui
se trouvait entre les deux ἐν. c’est-à-dire de ἐν σπληνὶ ὥσπερ. Je sais que
tout cela est conjectural, et l'étude des manuscrits m’a appris qu’ils four-
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 631
rive à cause de sa figure. Tout ce qui est cause que Pair s’en-
gendre et tournoie dans le corps, produit naturellement du
bruit et des murmures dans les parties creuses et spacieuses ,
telles que le ventre et la poitrine. Car, lorsqu'il ne les rem-
plit pas de manière à devenir immobile et qu'il a de l’espace
pour changer et se mouvoir , il faut nécessairement que les
mouvements et le bruit se voient et s'entendent. Par la
même cause , les organes qui sont charnus et mous , éprou-
nissaient parfois des restitutions que rien n'aurait nu faire deviner; d'autant
plus que nous ne sommes pas sûrs qu’il n’y ait pas ici une lacune. Mais,
dans tous les cas, ma conjecture est conforme au sens qu’exige le contexte,
et, dans un passage aussi désespéré, cela suffit pour la justifier.
1 βξαγίζοιτ᾽; in marg. ἐξαλίζει, 2445. — ἐξαγίζοιτ᾽ 2442, 2141, 2144,
2140. — ἐξαγγίζοιτο 2255. — ἐξαγγίζοιτ᾽ vulg. -- ἐξαγγίζοι Zving. in marg.
_ ἐξογκίζοιτο cod. 8. ap. Foes. - On lit dans le Glossaire de Galien, p.
466, Ed. Franz. : ἐξαλίζοιτο, éxxevoiro. Foes a imprimé ἐξαγγίζοιτο ; mais il
remarque que l’explication de Galien doit être rapportée à ce mot, et que,
par conséquent , il faut lire ἐξαλίζοιτο. L'observation de Foes est confirmée
par Pannotation du manuscrit 2145, qui a mis en marge le verbe ex-
pliqué par Galien. Dans ce cas-ci, comme dans beaucoup d’autres, la glose
ἐξαγγίζοιτο ou ἐξογκίζοιτο a expulsé la véritable leçon. — ? ἡμέραν 2444,
corr. al. manu. — 3 ὅτ᾽ ἂν 2255. — ἴῃ pro πίῃ 2140, 2142, 2145, 2145,
2444, 2144. — # αὐτὸ ἐς ἑωυτὸ 2253. — Cette leçon paraît être une tenta-
tive de correction faite par le copiste, qui, ne trouvant pas de nom masculin
auquel ces pronoms se rapportassent, les a changés en neutres, Mais cette
correction était insuffisante ; car il a laissé subsister, une ligne plus bas,
σχληρὸς et πυχνὸς, au sujet desquels la difficulté se représente. Ce sont ces
masculins qui donnent une grande probabilité à la conjecture par laquelle
lai introduit σπληνὶ devant ὥσπερ du manuscrit 29 Ὁ 5.---ὅ ἐς om.2140,2145,
2142, 21435, 2141, 2144, — © ἐπληρώθη est donné par 2253; il manque
dans tous les autres manuscrits et dans les éditions ; cependant il est abso-
lument nécessaire au sens. — 7 πάντη 2255, 2440 ,2255, 21414, 2145,
2445, 2144.— ὅ μαλθακοῦ τε x. ἀρ. 2253. — 9 2253. — ἐχπέσσῃ vulg. et
al. codd. -- ἐκπέσῃ 2142. — το ὅσαι 2253. — ἀνηλήμματα ἀπεργάζονται
2255. — 11 χώλοισι 2140, 2449, 2144, 5111. — χοίΐλεσι Suprascr. κοίλοισι
2253 sine re.—"? εὐρυχωρέσιν supraser. εὐρυχώροισιν 22535. — εὐρυχωρήσεσι
vulg. et al. codd.-La lecon de 2253 me paraît préférable à la leçon vulgaire.
Un adjectif comme εὐρύχωρος est après κοίλοισι plus naturel qu’un substantif
comme εὐρυχώρησις. — 13 θώραχ! sup. lin. gloss, 2144. - ἐυποιεῖν 22553.
632 DE L’ANCIENNE MÉDECINE,
/ 3 L ν ἐ ‘4 (4
πάταγον ἐμπόοιέειν. * “Οτε γὰρ ἂν μὴ ἀποπληρώση οὕτως ὥστε
2 2192 3 Ψ, 1 /
στῆναι, ἀλλ᾽ 3 ἔχῃ μεταδολάς τε χαὶ ὁ κινήσιας, ἀνάγκη ὕπ᾽ αὐτέων
5 ΡΣ \ / σ \ (A
καὶ ψόφον χαὶ χαταφανέας χινήσιας γίνεσθαι. 6 Ὅσα δὲ σαρχώδεά
τε χαὶ μαλθαχὰ, ἐν τοῖσι 1 τουτέ 4 z χαὶ πληρώ
te ἃ, ἐν τοῖσι 7 τουτέοισι νάρχαι TE χαὶ πληρώματα,
BEST - > μ᾽ »-
οἰα ἐν 9 τοῖσιν ἀποπληγεῖσι γίνεται" ὅταν δ᾽ 1° ἐγχύρση πλατέϊ τε
= / \ es
HAL ἀντιχειμένῳ , χαὶ 1" πρὸς αὐτὸ ἀντιπαίσῃ., *? χαὶ φύσει τοῦτο
ἫΝ ΄ 3 ᾿ \ C4 - ,
τύχῃ» "ἡ μήτε ἰσχυρὸν ἐὸν, ὥστε δύνασθαι 14 ἀντέχεσθαι τῆς βίης
\ AN 5 A “
καὶ μηδὲν 15 χαχὸν παθεῖν, μήτε μαλθαχόν τε χαὶ ἀραιὸν, ὥστ᾽
ENT dd / \ - A 3
ἐχδεξασθαί τε χαὶ 6 ὑπεῖξαι, "1 ἁπαλὸν δὲ καὶ τεθηλὸς χαὶ ἔναιμον
RTE AR AE TIRE APM LEE |
καὶ TUXVOV, οἷον ἧπαρ, διὰ μὲν τὴν πυχνότητα χαὶ πλατύτητα ‘5 ἀν-
/ 2 , \ £ τ LE /
θβέστηχέ τε nat οὖχ ὑπείχει. Φῦσα ‘9 δὲ Émodeyouévn αὔξεταί τε καὶ
2 CR / ΤᾺ Ξ 4 Si
ἰσχυροτέρη γίνεται, χαὶ 2° ὁρμᾷ μάλιστα πρὸς τὸ ἀντιπαῖον. Διὰ δὲ
A ς / \ 5
τὴν ἁπαλότητα χαὶ τὴν ἐναιμότητα οὐ δύναται ἄνευ πόνων εἶναι,
ι Ni / N = 24 /
χαὶ 21 διὰ ταύτας τὰς προφάσιας ὀδύναι τε ὀξύταται χαὶ πυχνόταται
A - ᾿ x \ 4
πρὸς τοῦτο *? τὸ χωρίον γίνονται, "᾽ ἐχπυήματά TE χαὶ φύματα
— * Les manuscrits varient sur la lecture de ce membre de phrase : 2140,
2255, 2145, 2141, 2145, 2142, 2144 ont ὅτι, variante qui ne vaut rien.
2253 ἃ ὅτι γὰρ ἂν, ἣν pen ἀποπληρωθῇ ; leçon qui est très bonne ; mais
je n’ai pas eu de raison pour la substituer au texte vulgaire.— * συστῆναι
2145.—% 2253, - ἔχει vulg. et al. codd.- Le subjonctif est ici néces-
saire.—# 2253 - χινήσεις vulg. et al. codd.— χαὶ om. 2253. —°© ὅσαι
2253.— 7 τοιούτοισι 2255. - νάρχας 2445, 2143, 2140, 2144, 2149,
2444, 2255. - νάρχη 2255.—8 ἅ pro οἷα 2140, 2255, 2145, 2141,
2145, 2442, 2144. — 9 Ce passage est un de ces endroits altérés où
les manuscrits re fournissent aucune bonne leçon. 2253 ἃ τῇσιν ἀπο-
σφαγίσι. L’exemplaire de Severinus cité dans Foes ἃ ταῖς ἀποσφαγεῖσι; le
texte vulgaire et les autres mss. ont τοῖσιν ἀποσφαγεῖσι. Evidemment ,
aucune de ces lecons n’offre un sens convenable. Mercuriali a mis dans son
édition ἀποσφαγῆσι,, entendant par là les ganglions lymphatiques du cou.
Mack, dans les notes de son édition, a proposé de lire ἀποσφίγξεσι. Ce mot,
qui est employé par Hippocrate ailleurs, offre sans doute un sens ; mais ce
sens ne me paraît pas naturel. ΠῚ m’a semblé qu'ici Hippocrate apportait
plutôt un exemple qu’il ne présentait une similitude; c’est ce qui m’a
décidé à lire ἀποπληγεῖσι, d'autant plus que c’était une opinion de cette
antique pathologie, que les apoplexies et les suspensions de mouvement
étaient dues à cet air intérieur dont il est ici question —"° ἐγχυρήσῃ πλατεῖ
2253. — τ" Le texte me paraît avoir subi quelque altération. 2255 ἃ χαὶ
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 633
vent des stupeurs et des obstructions , comme il arrive dans
les apoplexies. Quand l'air intérieur rencontre sur son pas-
sage un organe large , et vient s’y heurter, et quand cette
partie, n'ayant naturellement ni assez de force pour résister
à la violence et n’en souffrir aucun dommage, ni assez de
mollesse et de laxité pour céder à l'air et obéir au choc, est ,
au contraire, tendre, serrée, pleine de suc et de sang,
τς ἢ
comme le foie , alors , à cause ‘de sa largeur et de son tissu
serré , elle résiste, loin de céder. L’air intérieur, s’augmentant
et se fortifant par la résistance , fait principalement eflort
contre l'obstacle. À cause de sa mollesse et du sang qui le
remplit, l'organe ne peut qu’en souffrir; aussi est-il exposé
aux douleurs les plus aiguës et les plus intenses, avec sup-
purations et toutes sortes d’abcès. Ces mouvements se font
aussi ressentir au diaphragme avec force, mais beaucoup
πρὸς ἑαυτὸ ἀντιπέσῃ. Foes et les autres manuscrits ont xai τι πρὸς αὐτὸ
ἀντιπέσῃ. Le texteivulgaire n’est pas tout à fait satisfaisant : 4 5 ‘parce que
dans ce texte αὐτὸ se rapporte à φῦσα et ἀνειλήματα, et Hippocrate,
quand il en parle, ἃ mis plus haut les pronoms au pluriel, ὑπ᾽ αὐτέων ;
2° parce que τι, qui, dans ce cas, se rapporte à πλατεῖ et ἀντιχειμιένω , me
paraît surabondant. La leçon de 2255 serait sans reproche, si ἑσυτὸ se
rapportant à φῦσα et ἀνειλήμαται,, m'était sujet à la même objection que
αὐτό. Je pense donc qu’il faut omettre τί avec 2255, admettre αὐτὸ avec
les autres mss, le faire rapporter à πλατεῖ et ἀντιχειμιένῳ,, et prendre φῦσα
et ἀνειλήμιατοαι pour le sujet de ἀντιπαίσγ comme il est de ἐγκύρσῃ; je pense
qu’il vaut mieux lire ἀντιπαίσῃ que ἀντιπέσῃ, parce que ἀντιπαῖον est un
peu plus bas dans le même sens. Le changement de αἱ en ε n’est qu’une
affaire de prononciation ; on le rencontre souvent dans les mss. —"? χαὶ
φ. +. om. Ald. — :5 ἐὸν pre ἰσχυρὸν 2253. — τ΄ ἀνέχεσθαι τὴν βίην
2253. - βίας supr. βίης gloss. 2444, — 15 χαχοπαθεῖν 2445. — 16 ὑ
δεῖξαι 2145, 2140, 2255, 2445, 9119, 2444, 2444. — 17 δὲ 225
pro τε quod hab. vulg. et al. codd. — τεθηλὸν 2140, 2445, 214
2144. — ἰδ ἀγθίσταται, ἐναντιοῦται sup. ἄνθ. gloss. 2144. — 19 δ᾽
ἐπιχομιένη 2255. -- ὑπερχομένη Vander Linden. — ?° ὅρμαι 2140, 2255,
2445, 2145, 2442. — ἀντιπέον 2253. dvriGaivoy, ἀντικροῦον Supr. ἄντιπ,
gloss. 2144. — 2: διαταύτας 2141.— 72? τὸ in 2255, 2140, 2255, 2445,
2445, 2442, 2144, 2144; om. in vulg. - πρ. χω. τοῦτο fiv. Zving. et
Heurnius in marg. — 2° iururuura 2255. -- ἐκπλήυιστα, Al.
634 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
πλεῖστα. ΤΠ ίνεται δὲ χαὶ " ὑπὸ φρένας ἰσχυρῶς, ἧσσον δὲ πολλόν -
ἡ διάτασις μὲν γὰρ φρενῶν πλατείη χαὶ ἀντιχειμένη, φύσις δὲ νευ--
Se / ON , ΓΕ T AS Κι 5 ,
ρωδεστέρη τε χαὶ ἰσχυροτέρη, διὸ ἧσσον 4 ἐπώδυνά ἐστι. 5 Γίνονται
SA \ \ ee 5 A τὸ x /
OE χαι περι TAUTY χαι TOVOL XAL φυματα.
25. ἸΠολλὰ δὲ καὶ ἄλλα χαὶ 1 ἔσω χαὶ ἔξω τοῦ σώματος εἴδεα σχη-
μάτων, ἃ ὃ μεγάλα ἀλλήλων διαφέρει πρὸς τὰ παθήματα χαὶ 9 νο-
σέοντι καὶ ὑγιαίνοντι, οἷον χεφαλαὶ σμικραὶ À μεγάλαι, τράχηλοι λε-
πτοὶ ἢ παχέες, " μαχροὶ ἢ "" βραχέες, κοιλίαι μαχραὶ À στρογγύλαι,
12 θώρηχος χαὶ πλευρέων πλατύτητες ἢ στενότητες, ‘? καὶ ἄλλα μυ-
» LA
/ À - 4 507 Ὁ cd A # ci 2
ρια, ἅ δεῖ πσπαντα ELOEVOUL ñ οιάφερει; OTUWC, τὰ αιτιᾶ εχαστων εἰ-
i
δὼς, ὀρθῶς ‘À τηροίης.
NH: \ es NS , - ἘΣ AA ᾿Ξ « »ὔ
24. Περὶ :5 δὲ δυνάμιων χυμῶν, αὐτέων τε ἕχαστος ὅ τι δύναται
΄, A 14 2 f! \ , # À \ Ξ
ποιέ ἄνθρωπ ἔφθαι, καὶ πρότερον εἴρηται, dt
ποιέειν τὸν ἄνθρωπον ἐσχέφθαι, χαὶ πρότερον εἴρηται, καὶ τὰς ξυγ
/ 5 ms " \
γενείας ὡς ἔχουσι πρὸς ἀλλήλους. Λέγω ὃὲ τὸ τοιοῦτον * εἶ γλυχὺς χυ-
ν ΠΩ LES UN 7 . JA
υὸς "5 μεταδάλλοι ἐς ἄλλο eldoc, μιὴ ἀπὸ "1 ξυγχρήσιος, ἀλλ᾽ αὖτος
; + 3
ἐξιστάμενος, ποῖός τις "ὃ πρῶτος γένοιτο, πικρὸς, À ἁλμυρὸς; ἢ
\
AUDE Ὁ 5» " É
στρυφνὸς, ἢ ὀξύς; 19 Οἶμαι μὲν, ὀξύς. 2° Ὁ ὁ ἄρα ὀξὺς χυμὸς 21 ἄγεπι-
1 ἀπὸ 5555, 9111, 2445, 2142, 2444, 2440. -- ἀποφρέγας pro
φρένας 2140, 2255. —? διάστασις 2255, 2145, 2141, aie: 2255,
2442. - πλάτη 2145. -- πλατεῖ M. R. ap. Chart. — ὁ νεύρων στε-
pén 2445, 2142, 21
41, 2145, 2255, 2440, 2144. — # In marg.
ἐπυκήνδυνα 2255. — ἐστιν 2253. — © γίνεται 2255, 2110, 2255, 2145,
2444. — χαὶ om. 2253. — ὃ χαὶ om. cod. S. ap. Foes. — ὃ εἴ
- 8 Une correction dans 2253 a changé μεγάλα en μέγα. — 9 νοσοῦν-
τι 2255. — 10 γῶτοι ante μαχροὶ 2255, cod. 5. ap. Foes., Imp.
Samb. ap. Mack. — 1! βραχεῖς 2255. — 2 θώρηκες ; χαὶ om. πλευ-
ρῶν ; ἢ cm. 2255. — 13 χαὶ om. 2255. - πάγτα ταῦτα 2255. -- ἡ δια-
φέρει εἰδένα: 2255. — "4 φυλάσσηται τοῦς τηροίης 2253. — *5 Cette phrase
se lit ainsi dans toutes les éditions : Περὶ δὲ sas ἦς χυμῶν, αὐτέων τε
ἕκαστος ὅ τι δύναται ποιέειν τὸν ἀνῤβωπον; ἐσχέφθαι, ὥσπερ χαὶ πρότερον
εἰρέαται, τὰς ξυγγενείας ὡς ἔχουσι πρὸς ἀλλήλους. Les traducteurs ont
rendu ἐσχέφθα! par il faut considérer; mais jé ne connais aucun exem-
ple d’un parfait infinitif pris dans le sens de l'impératif, surtout dans un
traité didactique comme celui-ci; car ce ne sont pas ici des propositions
détachées comme dans les Æphorismes. Ensuite, avec cette interprétation,
que faire de τε après αὐτέων ἢ La phrase me semble donc altérée, et elle
présente des difficultés que les éditeurs ne paraissent pas avoir aperçues.
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 635
moins; le diaphragme est, à la vérité, large, étendu, et il
fait obstacle ; mais sa constitution est plus nerveuse et plus
robuste ; aussi recoit-il moins d’atteintes ; cependant il y sur-
vient aussi des douleurs et des abcès. f
23. A l’intérieur et à l'extérieur du corps, il est plusieurs
autres figures d'organes qui contribuent , très diversement
entre elles , aux souffrances soit chez l’homme sain , soit chez
l’homme malade. Fels sont : une tête grosse ou petite, un cou
mince ou gros , long ou court , un ventre allongé ou arrondi,
la largeur ou l’étroitesse de la poitrine et des côtes, et mille
autres conditions dont il faut connaître les différences , afin
qu'avec un savoir exact on observe les causes de chaque chose.
24. Quant aux qualités des humeurs et à l’examen des
actions que chacune d'elles peut exercer sur le corps, ilen ἃ
déjà été parlé, ainsi que des affinités qu’elles ont les unes
pour les autres. Sur quoi, je demande : si un suc doux se
métamorphose en un autre, non par un mélange accidentel ,
mais par un changement spontané, que deviendra-t-il d’a-
Le ms. 2555 est conforme aux imprimés; les manuscrits 2445, 244,
2140, 2145, 2144, n’en différent que parce qu’ils ont ἀλλήλας au lieu
αἰ ἀλλήλους. Le manuscrit 2253 lit autrement ; il ἃ : Περὶ δὲ δυνάμιων
χυμῶν αὐτῶν τε ἕκαστος ὅτι δύναται ποιεῖν τὸν ἄνθρωπον ἐσχέφθαι - χαὶ πρό-
τερον εἴρηται - χαὶ τὴν συγγένειαν ὡς ἔχουσι πρὸς ἀλλύλους. On voit, outre
des différences de dialecte, qu’il n’a pas ὥσπερ, qu'il lit εἴρηται. au lieu
Δ εἰρέαται, qu'il ajoute χαὶ après εἴρηται et qu’il ἃ τὴν συγγένειαν au lieu du
pluriel. Je pense que , sans recourir à des restitutions conjecturales ( moyen
que je redoute et dont je ne fais usage qu’en désespoir de cause), il est possi-
ble, à l’aide du manuscrit 2255, d’avoir une leçon qui ne fait aucune vio-
lence au sens et qui, sans doute, n’est pas éloignée du texte primitif. Pour
cela, je supprime seulement ὥσπερ, j’admets καὶ devant τὰς συγγενείας, etje
regarde ἐσκέφθαι comme régi par la proposition περί. Peut-être même, si
la plus grande réserve re me semblait nécessaire, aurais-je pu suppléer la
préposition, et lire après yuudy : καὶ περὶ τοῦ αὐτέων ἕκαστος... ἐσχέφθαι .----
16 ἐὼν μεταθάλλων εἰς 2253.— 17 συγχρήσιος 2255. — ξυγχρήσιως 2111. —
18 ἂν mp. 9955.-- -19 Sic 5955.--οἴμα! μ..
συγχυρήσεως 2255.- ἀλλὰ 2255.
06. om. in vulg. et al. codd. -- Cette addition est indispensable ; il est
d'autant plus étonnant que Froben , Foes et leurs successeurs ne Paient
636 DE L'ANCIENNE MÉDECINE.
τήδειος ' προσφόρων ἂν τῶν λοιπῶν μάλιστα εἴη, εἴπερ 6 γλυχύς
/
2ye πάντων " ἐπιτηδειότατος. ὁ Οὕτως, εἴ τις δύναιτο ζητέων
5
3 4 ὉΠ] 7 “ , = | # sx 6 al
ἔξωθεν ἐπιτυγχάνειν, © δύναιτ᾽ ἂν πάντων ἐκλέγεσθαι αἰεὶ 5 τὸ
J' , ΝΖ 2 à! 2 es 8 D S_/
βέλτιστον - βέλτιστον δέ 7 ἐστι τὸ προσωτάτω τοῦ ὃ ἀνεπιτηδείου
L
ἀπέχον 9.
pas admise dans le texte, que l’édition d’Alde la présente sous cette forme :
οἴμιαι ὀξὺς. — 20 ὁ ἄρα 2255. — ἢ ἄρα 2444, 2445, 2442, 2141, 2145,
2440, 2255. — 6 om. vulg. — 2: ἀνεπητείδιος 2144,
* Προσφέρων 2110, 2255, 2143, 2145, 2142.- προφέρων 2141, 2114.
- ἢ πρόσφορος cod. S. ap. Foes. - προσφέρων cod. F. ap. Foes. -- προ-
φόρων Al, — εἴη μάλιστα 2253. —? τε pro γε 2255, 2145, 2142, -- τῶν
pro γε 2255.—3 ἀνεπιτυηδειότατος 2140, 2255, 24414, 2444, 2445, 2142,
— ὁ οὗτος supraser. οὕτως 2253. -- ζητῶν 2253.— 5 χαὶ δύναιτο ἄν 2253.—
΄
rar ἐχλογὴν hauédve sup. ἐκλέγεσθαι gloss. 2444.— 6 αἰεὶ τὸ βέλτιστον "
FIN DU TOME PREMIER,
DE L'ANCIENNE MÉDECINE. 637
bord ? Sera-t-il amer ou salé, ou acerbe, ou acide? Je pense
qu'il deviendra acide. Donc, de tout ce qui se pourrait ad-
ministrer, le suc acide serait le plus mauvais , dans le cas où
le suc doux serait, de tous, le plus convenable. Ainsi celui
qui, par ses recherches, pourrait connaître la nature deschoses
extérieures , pourrait aussi toujours choisir ce qui est le meil-
leur ; or, le meilleur est ce qui est le plus éloigné du nuisible.
βέλτιστον δὲ 2258. — αἰεὶ τὸ βέλτιον, βέλτιστον δὲ vulg. -- αἰεὶ βέλτιστον δὲ
2255 ; recentior manus restituit : τὸ βέλτιον αἱ in vulg. -- αἰεί - τὸ βέλτιον δὲ
2440, 2141, 2144, 2145, 2145, 2142. De ces diverses leçons, celle de
2253 m'a paru préférable. — 7 ἐστὶν εἰ τὸ 2255. — ὃ ἐπιτηδείου 2255.
— 9 τέλος ἱπποκράτους περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς 2253. -- τέλος τοῦ περὶ ἀρχέης
ἰητρικῆς 2144, 2444.
FIN DU TOME PREMIER,
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TABLE DU TOME PREMIER.
DÉDICACE. VI
PRÉFACE. VII
INTRODUCTION. 1
Chapitre Ier. Coup-d'œil sur la médecine avant le temps
d'Hippocrate. 3
Chap. IT. Vie d'Hippocrate. 27
Chap. IT. Des livres qui portent le nom d’Hippocrate. 44
Chap. IV. Témoignages sur Hippocrate et ses écrits entre
l’époque où il a fleuri et celle de l'établissement de l’école
d'Alexandrie, 66
Chap. V. De la transmission des livres hippocratiques et de
la série des commentateurs de ces livres dans l’antiquité 80
Chap. VI. Des diflérentes listes des écrits hippocratiques. 133
Chap. VII. Des éléments de la critique hippocratique dans
l'antiquité et de leur valeur. 154
Chap. VII. Examen des ouvrages modernes où l’on traite ex
professo de l’histoire des livres dits hippocratiques. 169
Chap. IX. De quelques points de chronologie médicale. 200
Chap. X. Des rapports qui unissent certains livres de la col-
lection hippocratique. 242
Chap. XI. De la publication de la collection hippocratique. 262
Chap. ΧΙ. De chacun des livres de la collection hippocratique
en particulier. 292
Chap. XIIT, Exposé sommaire de la doctrine médicale d’'Hip-
pocrate. 440
Chap. XIV. Remarques sur le caractère médical et le style
d'Hippocrate. 465
Appendice à l'introduction. 479
δ Ier. Du dialecte des livres hippocratiques. Ibid.
SIL. Du texte et des éditions de la collection hippocratique
dans l'antiquité. 502
$ LT, Notices des manuscrits de la collection hippocratique. 511
XVI ϊ TABLE.
$ IV. Des éditions et traductions complètes de la Collection
hippocratique. 540
OEUVRES D'HIPPOCRATE.
PREMIÈRE CLASSE, TRAITÉS QUI SONT D'HIPPO-
CRATE. 555
Argument du traité de l’ancienne médecine, 556
De l’ancienne médecine. 570
FIN DE LA TABLE.
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