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Full text of "OEuvres complètes de Eustache Deschamps, pub. d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par le marquis de Queux de Saint-Hilaire"

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SOCIETE 


DES 


ANCIENS  TEXTES  FRANÇAIS 


ŒUVRES  COMPLETES 
D^EUSTACHE    DESGHAMPS 


VI 


V  

^  Le  Puy,  imprimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


OEUVRES  COMPLETES 


DE 


EUSTACHE  DESCHÂMPS 

PUBLIÉES   d'après   LE    MANUSCRIT 
DE      LA      BIBLIOTHÈQUE      NATIONALE 


PAR 


LE    MARQUIS 

DE     QUEUX     DE     SAl  NT-H ILAIRE 


PARIS 
.LIBRAIRIE   DE    FI  RM  IN   DIDOT    ET  Cie 

RUE    JACOB,    56 


M    DCCC    LXXXIX 


Publication  proposée  à  la  Socié<té  le  24  février  1876. 

Approuvée  par  le  Conseil  le  9  mars  1876  sur  le  rapport  d'une 
commission  composée  de  MM.  le  baron  de  Ruble,  Siméon  Luce  et 
A.  Longnon. 


Pu 

/4  5$ 

/)/ 

14 


Commissaire  responsable 
M.  G.  Paris. 


/f/'^; 


LE  MARQUIS  DE  QUEUX  DE  SAINT-HILAIRK 


LE  MARQUIS 


DE 


QUEUX  DE  SAINT-HILAIRE 


En  tête  du  troisième  volume  de  cette  édition  d'Eus- 
tache  Deschamps,  le  marquis  de  Queux  de  Saint-Hi- 
laire  consacrait  à  Paulin  Paris  quelques  pages  aussi 
délicates  qu'émues.  Il  ne  se  proposait  pas  de  donner, 
après  d'autres,  une  notice  complète  de  la  vie  de  l'homme 
et  des  travaux  du  savant  ;  il  voulait  seulement  expri- 
mer ses  regrets,  fixer  quelques  souvenirs  personnels, 
et  dire  quels  liens  particuliers  rattachaient  à  la  grande 
publication  qu'il  avait  entreprise  celui  qui  avait  de- 
mandé à  en  être  le  commissaire  responsable.  Héritier 
de  mon  père  dans  cette  fonction  comme  dans  son 
amitié  pour  l'éditeur  de  Deschamps,  je  viens  à  mon 
tour,  et  bien  tristement,  non  pas  écrire  une  biographie 
de  rhomme  d'esprit  et  de  cœur  dont  la  mort  laisse  en 
tant  de  lieux  un  vide  difficile  à  combler,  mais  rappeler 


quelques  traits  de  sa  physionomie  qui  ont  rapport  à 
l'œuvre  considérable  qu'il  laisse  inachevée.  Il  a  ra- 
conté lui-même,  avec  autant  de  vérité  que  de  charme, 
comment  il  fut  amené  à  se  charger  de  cette  lourde 
tâche  par  une  suggestion  souriante  du  président  d'hon- 
neur de  notre  Société;  elle  aurait  étonné  bien  des  cou- 
rages, mais  elle  ne  rebuta  pas  le  sien  :  il  l'entreprit 
allègrement,  il  la  poursuivit  avec  entrain,  et  trouva 
toujours  que  la  satisfaction  qu'elle  lui  donnait  payait 
largement  le  temps  et  le  travail  qu'elle  exigeait. 

M.  de  Queux  de  Saint-Hilaire  avait  une  curiosité, 
non  pas  universelle  ni  banale,  mais  éminemment  in- 
telligente et  choisie.  Les  trois  principaux  objets  sur 
lesquels  elle  s'exerça,  pour  des  raisons  diverses,  furent 
l'histoire  de  la  musique,  la  Grèce  moderne  et  la  litté- 
rature française  de  la  fin  du  moyen  âge.  Ce  qui  l'atti- 
rait surtout  vers  ce  dernier  objet,  c'était  une  affinité 
naturelle  avec  ce  qu'eurent  de  noble,  d'élégant  et 
d'aimable  la  haute  société  d'alors  et  la  poésie  oià 
elle  s'amusa.  Dans  ce  monde  chevaleresque  et  poli 
que  fait  entrevoir  à  l'imagination  le  Livre  des  Cent 
Ballades^  il  se  trouvait  naturellement  chez  lui  :  aussi 
quel  ne  fut  pas  son  plaisir  quand  il  rencontra  dans 
Deschamps  (t.  IV,  p.  3 12)  un  Jehan  de  Queux,  men- 
tionné précisément  en  compagnie  de  plusieurs  de  ceux 
qui  prirent  part  à  ce  galant  tournoi  poétique!  En 
publiant  le  recueil  des  Cent  Ballades,  il  y  a  vingt-deux 
ans,  il  déclarait  l'adresser  non  aux  savants,  mais  à 


—  m  — 

«  ceux  des  hommes  du  monde,  plus  nombreux  qu'on 
ne  le  croit,  qui  conservent  encore  intacte  cette  fleur  de 
chevalerie  transmise  avec  des  traditions  de  famille 
auxquelles  on  ose  rarement  forfaire,...  à  toutes  les  per- 
sonnes qui,  par  la  culture  de  leur  esprit  et  par  la  dis- 
tinction de  leurs  sentiments,  s'intéressent  aux  questions 
historiques  et  morales.  »  Assurément^  il  était  lui-même 
le  type  le  plus  achevé  de  ceux  qu'il  caractérisait  ainsi, 
et  toute  la  préface  de  cette  première  publication  montre, 
avec  la  finesse  et  le  tour  aisé  de  sa  plume,  la  délica- 
tesse de  son  esprit  et  la  charmante  candeur  de  son 
âme. 

Mais  bien  qu'il  fût  avant  tout  un  homme  du  monde 
et  qu'il  essayât  de  faire  comprendre  le  passé  aux  gens  du 
monde  parce  qu'il  croyait  y  trouver  un  idéal  social  qu'il 
était  de  leur  honneur  de  connaître  et,  dans  une  certaine 
mesure,  de  ressusciter,  il  se  rendait  parfaitement  compte 
que  ce  passé  ne  peut  être  exploré  et  reconstitué  qu'à 
l'aide  d'un  travail  sérieux,  guidé  par  une  méthode  rigou- 
reuse et  appuyé  sur  une  longue  préparation.  Il  avait  été 
initié  à  l'étude  de  la  société  et  de  la  poésie  du  xiv^  siècle 
par  un  ami  plus  âgé,  qui  est  à  la  fois  un  homme  du 
monde  et  un  vrai  savant,  et  il  n'avait  pu  ne  pas  re- 
tirer d'excellentes  habitudes  de  travail  et  de  critique 
de  la  collaboration  que  le  comte  Albert  de  Gircourt  lui 
avait  donnée  pour  son  premier  ouvrage  et  pour  la  pu- 
blication de  Geia,  par  laquelle  il  aborda  Eustache 
Deschamps.  Mais  de  son  commerce  avec  lui  et  plus 


—  IV  — 

tard  avec  plusieurs  érudits  de  profession,  il  avait 
surtout  rapporté  une  défiance  de  lui-même  poussée 
jusqu'à  l'excès,  et  une  modestie  qui  n'avait  rien  d'af- 
fecté et  qui  donnait  un  charme  particulier  à  ses  en- 
tretiens comme  à  ses  écrits.  Cette  modestie  se  montre 
déjà  dans  la  préface  du  Livre  des  Cent  Ballades  ;  l'au- 
teur, ayant  plus  travaillé,  l'accentua  plus  encore  par  la 
suite  ;  c'est  surtout  comme  éditeur  de  Deschamps  qu'il 
éprouvait  le  besoin  de  la  manifester.  Plus  il  avan- 
çait dans  la  tâche  immense  qu'il  s'était  assignée,  plus 
il  en  apercevait  et  apprenait  à  en  surmonter  toutes 
les  difficultés,  et  plus  il  se  méfiait  de  ses  forces  :  «  Je 
ne  suis,  disait-il  dans  la  préface  du  tome  III,  qu'un 
simple  amateur  auquel  manque  l'éducation  première 
qui  ne  s'acquiert  qu'avec  tant  de  peines.  »  A  ce  sixième 
tome,  qu'il  laisse  d'ailleurs  à  peu  près  entièrement  ter- 
miné, il  voulait  donner  une  préface  oià  il  aurait  encore 
insisté  sur  ce  qui^  d'après  lui,  manquait  à  sa  prépara- 
tion scientifique.  Il  cherchait  du  moins,  à  force  de  bonne 
volonté  et  d'intelligence,  à  compenser  cette  lacune 
originaire  ;  aussi  chacun  de  ses  volumes  marquait-il,  — 
personne  ne  peut  le  constater  mieux  que  moi, — un  pro- 
grès sur  le  précédent.  Au  début  il  avait  cru  la  besogne 
plus  facile  qu'elle  ne  l'est  :  reproduire  un  bon  manus- 
crit, unique,  et  dont  on  possède  une  copie  complète  du 
siècle  dernier,  —  en  corriger  çà  et  là  les  fautes, —  don- 
ner en  notes,  pour  rendre  la  lecture  facile  (il  songeait 
toujours  aux  gens  du  monde),  l'interprétation  des  mots 


—   V 


vieillis,  —  expliquer  à  la  fin  de  chaque  volume,  à  l'aide 
des  chroniqueurs,  les  circonstances  dans  lesquelles  ont 
été  composées  les  pièces  d'un  caractère  historique  et  les 
allusions  qu'elles  contiennent,  tout  cela  lui  paraissait 
ne  demander  que  du  soin,  de  l'attention  et  quelques 
recherches.  Mais  au  fait  et  au  prendre  il  se  convain- 
quit qu'il  avait  entrepris  une  plus  grosse  partie  qu'il 
ne  croyait,  et  que  pour  apprécier  l'étendue  de  son  tra- 
vail il  ne  suffisait  pas  de  compter,  —  il  avait  compté 
95000  vers  et  n'avait  pas  été  effrayé,  —  il  fallait  peser. 
Le  manuscrit,  œuvre  du  fantasque  Raoul  Tainguy, 
que  nous  a  si  bien  fait  connaître  M.  Siméon  Luce,  n'est 
pas  aussi  digne  de  confiance  qu'il  le  semble  au  premier 
abord,  et  il  n'est  pas  aussi  unique  qu'on  le  croyait  : 
bien  des  morceaux  ont  été  retrouvés  de  côté  et  d'autre 
et  demandent  une  comparaison  critique  ;  —  la 
correction  des  fautes,  qui  ne  sont  pas  très  rares, 
n'est  pas  toujours  aisée  ;  —  l'intelligence  même  des 
vers,  souvent  obscurs  et  entortillés,  de  Deschamps 
n'est  nullement  aussi  facile  qu'on  était  porté  à  le  pen- 
ser d'après  les  échantillons  antérieurement  pubhés  : 
rien  que  pour  la  séparation  des  mots,  l'accentuation  et 
surtout  la  ponctuation,  dans  une  syntaxe  trop  sujette  à 
l'incorrection  et  à  l'inconséquence,  l'éditeur  voit  à 
chaque  page  se  poser  devant  lui  une  foule  de  petits 
problèmes  parfois  fort  embarrassants;  —  le  vocabu- 
laire est  d'une  richesse  qui  a  son  prix,  mais  par  là  même 
il  présente  une  masse  de  mots  difficiles,  beaucoup  qu'on 


VI   — 


ne  trouve  pas  ailleurs,  et  pour  lesquels  les  gloses 
de  Sainte- Palaye,  faites  un  peu  à  l'aventure,  peuvent 
égarer  autant  que  guider^  le  dictionnaire  de  M.  Gode- 
froy  se  publiait  en  même  temps  que  l'édition,  et  pour 
bien  des  mots,  par  la  raison  même  qui  vient  d'être 
dite,  n'offrait  aucun  éclaircissement  :  il  devint  vite 
évident  qu'il  aurait  été  plus  prudent  de  renoncer  à 
expliquer  les  mots  en  note  à  mesure  qu'ils  se  pré- 
sentaient et  d'attendre  au  glossaire  général,  dussent 
les  lecteurs,  —  peu  nombreux,  j'en  ai  peur,  —  des 
poésies  d'Eustache  être  obligés  de  patienter;  —  enfin, 
le  commentaire  historique,  dont  le  premier  volume 
offrait  un  essai,  révéla  beaucoup  plus  d'exigences  et  de 
difficultés  que  ne  Tavait  prévu  l'éditeur;  aussi,  renon- 
çant au  moins  à  cette  partie  de  son  plan  primitif,  il  se 
décida  à  remettre  ce  commentaire  à  une  époque  ulté- 
rieure, oij  l'œuvre  du  poète  champenois  serait  impri- 
mée dans  son  entier,  et  où  il  serait  plus  facile  de 
réclairer  dans  ses  rapports  avec  l'histoire  contempo- 
raine, à  l'aide  non  seulement  des  textes  historiques  pro- 
prement dits,  mais  encore  des  documents  de  tout  genre 
que  l'érudition  moderne  s'impose  le  devoir  d'utih'ser. 
Il  remit  aussi  à  la  fin  de  la  publication  les  remarques 
sur  les  noms  propres  de  toute  sorte,  empruntés  à 
la  mythologie,  à  la  légende,  à  l'histoire  ancienne,  à  la 
littérature,  qui  figurent  dans  les  vers  de  Deschamps, 
et  qu'il  est  en  effet  plus  commode  et  plus  intéressant 
de  rapprocher  en  une  liste  complète. 


VII    — 


Ainsi  allégée,  l'œuvre  n'en  restait  pas  moins  fort  la- 
borieuse. Notre  aimable  et  consciencieux  confrère  n'y 
épargnait  pas  sa  peine.  Il  passait  de  longues  heures  à 
la  Bibliothèque  nationale,  à  collationner  d'abord  la 
copie  qu'il  faisait  faire,  puis  les  épreuves,  dont  il 
demandait  plusieurs  l'une  après  l'autre  et  dont  il  gar- 
dait chacune  longtemps  pour  la  revoir;  il  s'appliquait 
à  bien  saisir  dans  tous  les  détails  le  sens  des  pièces 
qu'il  imprimait  pour  les  ponctuer  d'une  manière  ap- 
propriée et  leur  donner  un  titre  convenable  (autre  ma- 
nière, à  laquelle  il  tenait  non  sans  raison,  de  faciliter 
la  lecture)  ;  il  fouillait  les  lexiques,  trop  souvent  en  vain, 
pour  y  trouver  la  valeur  exacte  des  mots  difficiles.  Ce 
qu'il  me  fallait  surtout  admirer  en  lui,  c'était  la  bonne 
grâce,  et,  si  l'on  me  permet  le  mot,  la  docilité  recon- 
naissante avec  laquelle  il  s'efforçait  de  suivre  les  con- 
seils qu'on  se  permettait  de  lui  donner  et  il  acceptait 
les  observations  qui  lui  étaient  faites,  parfois,  j'ai  regret 
de  l'avouer,  avec  quelque  brusquerie.  Une  note,  une 
brève  indication,  un  point  d'interrogation  ou  d'excla- 
mation jeté  sur  une  feuille  d'épreuve  le  faisait  reprendre 
son  travail,  réfléchir  et  chercher  de  nouveau,  sans  ja- 
mais montrer  ni  impatience,  ni  ennui,  remerciant  tou- 
jours au  contraire  et  demandant  à  son  commissaire 
plus  d'attention  et  de  sévérité.  Aussi  avait-il  fini  par 
être  beaucoup  plus  maître  de  la  langue  et  du  style  de 
Deschamps  qu'il  ne  l'était  au  début,  et  les  observations 
qu'il  réclamait,  loin  de  s'accroître,  devenaient  avec 


—   VIII   — 

chaque  volume  moins  importantes   et  moins  nom- 
breuses. 

Tout  en  menant  de  front  bien  d'autres  travaux  dont 
je  n^ai  pas  à  m'occuper  ici,  le  marquis  de  Queux  se 
préparait  pour  ses  vieux  jours,  avec  l'achèvement  de  son 
édition  de  Deschamps,  une  longue  et  douce  occupation. 
L'impression  des  trois  volumes  de  texte  restants  devait 
encore,  d'après  le  temps  moyen  qu'il  mettait  à  chacun, 
prendre  sept  ou  huit  années  ;  puis  viendrait  le  com- 
mentaire historique,  repris  à  nouveau  et  traité  cette  fois 
avec  toute  l'ampleur,  la  circonspection  et  la  précision 
désirables  ;  puis  l'index  des  noms  propres,  qui  deman- 
derait bien  des  recherches  curieuses  et  amènerait  bien 
des  rapprochements  intéressants  ;  puis  le  glossaire 
général,  oiî  seraient  revues,  complétées  et  au  besoin 
rectifiées  les  explications  sommaires  données  en  note  ; 
puis  enfin,  comme  couronnement  à  cette  grande  œu- 
vre, une  étude  d'ensemble  sur  la  vie  et  la  poésie  d'Eus- 
tache.  Cette  longue  perspective  ne  l'effrayait  pas  :  sans 
préparer  encore  positivement  l'exécution  de  cette  tâche 
vaste  et  multiple,  il  sentait,  en  pénétrant  de  plus  en 
plus  dans  l'intelligence  de  son  sujet,  qu'il  devenait  cha- 
que année  plus  capable  de  l'exécuxer,  et  il  était  bien 
résolu  à  faire,  quand  il  le  faudrait,  tous  les  travaux 
qu'elle  exigerait  de  lui.  Il  est  mort,  laissant  les  plus 
durables  regrets  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu,  avant 
même  d'avoir  terminé  celte  partie  préliminaire  qui  est 
l'impression  du  texte;  mais  ce  qu'il  a  fait  suffira  pour 


—   IX   — 

attacher  à  tout  jamais  son  nom  à  une  des  œuvres  les 
plus  laborieuses  et  les  plus  utiles  qu'on  pût  exécuter 
dans  le  domaine  de  l'ancienne  littérature  française, 
à  une  de  celles  qui  aideront  le  plus  à  reconstituer 
dans  toute  sa  réalité  cette  vieille  société  qu^il  aimait, 
dont  il  voyait  peut-être  les  graves  défauts  avec  un 
peu  trop  d'indulgence,  mais  qui  lui  avait  légué  à 
coup  sûr  ses  plus  nobles  comme  ses  plus  aimables 
qualités. 

La  Société  des  Anciens  Textes  se  serait  trouvée 
dans  un  cruel  embarras,  pour  continuer  cette  impor- 
tante publication,  si  elle  n'avait  eu  la  bonne  fortune 
de  posséder  M.  Gaston  Raynaud,  qui  joint  à  une 
grande  connaissance  de  notre  ancienne  poésie  un  véri- 
table dévouement  aux  besognes  les  plus  pénibles,  du 
moment  qu'elles  sont  scientifiques,  et  ce  désintéresse- 
ment, plus  rare  peut-être  que  tout  autre,  qui  consiste  à 
sacrifier  son  amour-propre  à  l'utilité  générale.  L'hon- 
neur d'avoir  entrepris  l'immense  tâche  d'une  édition 
complète  et  commentée  des  œuvres  de  Deschamps 
pouvait  compenser  bien  des  peines  et  des  ennuis  pour 
le  marquis  de  Queux  de  Saint-Hilaire  ;  il  y  a  peut-être 
plus  de  mérite  encore  pour  M.  Raynaud  à  se  résoudre 
à  la  continuer  et  à  la  terminer  sans  en  avoir 
eu  l'initiative.  La  Société  des  Anciens  Textes  et  le 
public  qui  s'intéresse  aux  études  sérieuses  de  litté- 
rature et  d'histoire  uniront  dans  une  même  recon- 
naissance les  noms  de  celui  qui   a  conçu  l'œuvre, 


X 


qui  en  a  tracé  le  plan  et  qui  en  a  exécuté  une  bonne 
partie,  et  de  celui  auquel  on  en  devra,  nous  lespérons 
bien,  le  prompt  et  heureux  achèvement. 

Gaston  PARIS. 

Mars  1890. 


BALA  DES 


Balades 


MCI 


Autre  Balade. 
{Au  monde  ne  règne  que  le  vice.) 

gi  d      Ja  homs  qui  vueille  faire  bien, 
vJ   Justice,  équité  et  raison, 
N'aura  en  ce  monde  ci  rien, 
Grâce  ne  joie,  une  saison, 
Ainçois  sera  par  traison 
Des  mauvais  qui  héent  justice 
Accusez  a  po  d'achoison  : 
Au  monde  ne  règne  que  vice. 

Mais  au  fort  ^  saveure  ^  et  retien 
Q.ue  cil  qui  fait  mal  n'est  pas  hom  ; 
Pour  ce  du  mal  faire  t'abstien, 
Car  en  l'Escripture  treuve  on 
Que  Dieu  qui  tout  puet  en  son  nom 
N'est  pas  a  mal  faire  propice; 

a.  Au  bout  du  compte.  —  b.  Goûte. 


lO 


4  BALADES 

i5  Mal  est  hors  du  nombre  de  bon. 

Au  monde  ne  règne  que  vice. 

Car  le  mal  n'a  point  de  loien  ^. 
Puet  il  loier  Franc  Vouloir?  Non. 
Si  fait.  Pour  quoy?  C'est  le  moyen 
20  Qui  sauve  ou  dampne  sanz  pardon  ; 

Pour  ce  fist  Dieux  a  homme  don 
Que  chascun  du  droit  bénéfice 
De  bien  usast,  mais  regardon  : 
Au  jour  d'uy  ne  règne  que  vice  I 

l'envoy 

25  Princes,  puis  que  tous  homs  puet  bien 

Laissier  le  mal,  ainsis  le  tien, 
S'il  le  fait,  il  fault  qu'il  perice  ; 
Mais  tant  est  de  foible  merrien 
Qu'il  suist  le  secle  terrien  : 

3o  Au  jour  d'ui  ne  règne  que  vice. 


MCII 

Autre  Balade. 
{Seul,  des  animaux,  l'homme  ne   suit  pas  sa  nature.) 

TOUTE  chose  se  trait  a  sa  nature  2g2  a 

Des  corps  humains  et  de  tous  animaulx, 
Mais  li  homs  plus  en  tout  se  desnature 

a  Lien. 


BALADES  0 

Que  les  bestes  ne  font  ne  les  chevaulx; 

Les  cahuans,  les  aigles,  les  corbaulx  5  t^ 

Tiennent  entr^eulx  leur  nature  ordonnée, 

Mais  ce  ne  fait  pas  créature  née 

Qui  raison  a  et  ne  fait  que  folie, 

Sanz  bien  user  de  sa  grâce  donnée  : 

Pour  ce  est  homs  foulz  appelez  qui  folie.  lo 

Lièvres  couars,  venans  de  sa  pasture, 

Son  giste  quiert  es  montaignes,  es  vaulx, 

Les  yeulx  ouvers  se  dort  soubz  la  verdure, 

Et,  en  dormant,  congnoist  assez  ses  maulx; 

S'il  sent  les  chiens,  lors  s'en  fuit  sur  les  haulx,  1 5 

Dont  sa  vie  est  par  son  aguet  «  sauvée  ; 

Mais  homs  qui  voit  s'aveugle  et  se  desrée  ^ 

Quant  a  touz  maulx  par  son  vouloir  se  lie  : 

Et  puis  qu'ainsi  a  la  veue  troublée, 

Pour  ce  est  homs  foulz  appelez  qui  folie.  20 

Homs  a  deux  oeulx,  mais  sa  clarté  s'obscure  ^ 

Quant  il  ne  voit  les  cas  especiaulx, 

La  deshoneur,  le  pechié  et  l'ordure 

Qui  lui  viennent  par  ses  meurs  bestiaulx; 

Leur  bien  quierent  brebis,  chievres  et  veaulx    25 


Et  homs  se  nuit  par  sa  merancolie, 

Et  quant  pour  lui  est  sa  vie  blasmée  : 

Pour  ce  est  homs  foulz  appelez  qui  folie.  3o 

l'envoy 
Princes,  li  homs  souvent  se  desnature 

I    Ces  deux  vers  sont  restés  en  blanc  dans  le  manuscrit. 

a.  Vigilance.  —  b.  Sort  du  droit  chemin.  —  c.  S'obscurcit. 


6  BALADES 

Quant  il  suit  mal  et  qu'il  n'a  du  bien  cure; 
Plus  que  beste  se  nuist  et  contralie 
Quant  en  son  cuer  les  vertus  ne  figure,         2^2  b 
35        Fuians  le  mal,  Dieu  et  son  corps  injure  : 
Pour  ce  est  homs  foulz  appelez  qui  folie. 


E 


MCIII  • 

Chançon  Royal.  * 
{Cupidité  dés  gens  de  cour.) 

AUES  courans  et  de  pluseurs  ruisseaulx 
Firent  un  lac  si  grant  en  un  pais 
Qu^il  se  peupla  de  lus  ^  et  de  carreaulx  *, 
Carpes,  bresmes  <^,  d'autres  poissons  de  pris; 

5  De  la  terre  a  le  seigneur  le  lac  pris 

Comme  le  sien  et  son  propre  heritaige, 
D'entour  deflfent  l'eaue  et  le  pasturage 
A  tous  bestaulx,  et  aux  gens  le  peschier, 
Pour  ce  qu'il  n'est  trésor  qui  par  oultrage 

10       N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier  ^. 

Ce  riche  lac  qui  tant  yert  bons  et  beaux 
Fut  du  seigneur  et  du  peuple  chieris 
Et  deffendu  de  loustres  et  d'oiseaulx. 
Et  les  poissons  furent  la  bien  nourris; 
i5        Nulz  n'y  pescha,  fors  le  seigneur,  toudis 
A  plaine  eaue,  sanz  rompre  le  rivage. 

*  Publié  par  Tarbé,  tome  II,  page  i32. 

a.  Brochet.  —  b.  Carrelet,  sorte  de  poisson.  —  c.  Brème,  sorte  de 
poisson.  —  c/.  Qui  ne  se  puisse  épuiser. 


BALADES  7 

Estât  moien  en  tenoit  comme  saige 
Sanz  le  vouloir  par  excès  effruitier  «, 
Pour  ce  qu'il  n'est  trésor  qui  par  oultraige 
N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier.  20 

Long  temps  vesquit  en  la  grâce  de  ciaulx 
Qui  a  ce  temps  estoient  ses  subgis  *  ; 
Après  mouru  ^.  Lors  vint  uns  jouvenciaulx 
Qui  en  ce  lac  a  tant  de  pescheurs  mis 
Que  les  poissons  ont  esté  afoiblis;  2  5 

De  son  propre  <^  a  fait  ainsi  comme  usaige 
Tant  qu'il  ne  puet  reparer  son  dommaige: 
Mais  li  convient  estât  amenuisier  ^, 
292  c  Pour  ce  qu'il  n'est  trésor  qui  par  oultraige 

N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier.  3o 

Et  qui  pis  est,  au  lac  vont  les  pourceaulx 

Qui  l'ont  gasté,  et  tout  par  leur  fouillis  <^, 

Et  pluseurs  gens  l'espuisent  a  vaisseaulx  : 

L'eaue  s'en  fuit,  ailleurs  va  le  sourdis/, 

La  chaucée  est  detruitte  et  le  hourdis  ê",  35 

Tarir  le  fault;  maint  y  prannent  herbaige, 

Et  le  loutrier  '*  en  emprunte  sur  gaige, 

Ce  que  ne  fist  onques  son  devancier, 

Pour  ce  qu'il  n'est  trésor  qui  par  oultraige 

N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier.  40 

Les  loustres  vont  querre  carpes,  barbeaulx, 
La  vont  peschier  les  hérons  blans  et  bis, 
Amaigriez  sont'tanches  et  luciaux  «, 
Li  blans  poissons  de  rascaille  ^J  est  péris, 

I.  mourir.  —  2.  rossaille. 

a.  Epuiser,  tirer  tout  le  fruit.  —  b.  Sujets.  —  c.  Patrimoine.  — 
d.  Dépérir,  diminuer.  —  e.  En  fouillant.  —  /.  La  source.  —  g. 
La  palissade.  —  h.  Celui  qui  est  chargé  de  détruire  les  loutres.  — 
j.  Petits  brochets.  —  j.  Le  fretin  des  ablettes. 


8  BALADES 

45        Lus  ^  et  carreaulx  s^estrangleront  tous  vis; 
Le  peuple  mort,  et  li  oisel  sauvaige, 
Loustres  aussi  mourront  de  maie  rage  ; 
Si  feroit  bon  sur  ces  poins  adviser, 
Pour  ce  qu'il  n'est  trésor  qui  par  oultrage 

5o        N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier. 

L  ÈNVOY 

Prince,  bon  fait  retenir  gens  loyaulx 
Et  qu'om  garde  son  peuple  et  ses  feaulx 
Sanz  l'eunement  ^  par  jeunesce  exillier  <=  ; 
Car  Roboam  par  les  jeunes  consaulx 

55        Perdit  pais,  sa  terre  et  ses  vaisseaulx 
Qui  en  tel  cas  se  perdent  de  legier, 
Par  folie,  par  cuidier,  par  oultraige  '^ 
Que  chascun  doit  hair  et  desprisier, 
Pour  ce  qu'il  n'est  trésor  qui  par  oultraige 

60       N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier. 


MCIV 
Balade. 


{Il  fait  bon  vivre  loin  de  la  cour.) 
[i388-i389] 

IL  fut  un  temps  qu'a  la  court  fréquenter    2g2  d 
N'estoit  que  bon,  et  d'y  tenir  son  corps, 

a.  Brochets.  —  b.  D'une  manière  irréfléchie,  à  la  légère.  —  c. 
Eloigner.  —  d.  Il  faudrait  ici  un  autre  mot  pour  rimer  avec  oul- 
traige au  vers  Sg. 


BALADES  .  9 

Pour  vir  honeur,  pour  vaillance  hanter, 
Oir  les  bons  qui  gouvernoient  lors 
Aprandre  d'eulx  et  estre  aux  vertus  fors,  5 

Mais  assez  tost  après  changa  li  temps, 
Qu'avoir  a  court  un  pié  hors  et  l'autre  ens  '^ 
Fut  le  meilleur,  et  d'y  sçavoir  du  hourt  *  ; 
Mais  au  jour  d'uy  je  voy  que  c'est  grant  sens 
D'avoir  deux  piez  de  tous  poins  hors  de  court.  lo 

Car  on  y  voit  perilleus  vens  venter 

Qui  tresbuchent  et  versent  les  plus  fors 

Par  cas  soudain  et  les  font  craventer  <=, 

Perdre  et  périr  sanz  plus  eslre  ressors  '^ 

En  un  moment,  car  quant  plus  ont  trésors        1 5 

Et  plus  cuident  estre  haulz  et  puissans, 

Adonc  viens  tu,  Fortune,  et  tes  consens  «, 

Qu'en  tumant/bas  prangnent  grant  cop  et  lourt. 

Dont,  quant  a  moy,  je  pas  ne  me  repens  ^ 

D'avoir  .ii.  piez  de  tous  poins  hors  de  court.     20 

Petiz  bas  lieux  sont  trop  moins  a  doubter  ; 

Car  tant  n'y  a  dangers  ne  desconforts 

Ne  telz  perilz  comme  de  soy  bouter 

Es  haulz  clochers  que  les  granz  vens  font  tors. 

Maintes  gens  sont  par  trop  hault  monter  mors,  25 

Pour  ce  fait  bon  ouvrer  es  pavemens 

Et  delaissier  ces  périlleux  tourmens 

Ou  chascun  fuit  par  convoitise  et  court, 

Dont  mieulx  vaulsist  a  maint,  si  com  je  sens, 

D'avoir  .ii.  piez  de  tous  poins  hors  de  court.  3o 

I  repent. 

a.  Allusion  au  refrain  de  la  ballade  n"  CGVIII,  publiée  tome  II, 
p.  3o,  —  b.  Intrigue.  —  c.  Ecraser,  accabler.  —  d.  Relevés.  —  e. 
Complices.  —  /.  Tombant. 


10  BALADES 


MCV 

Autre  Balade 
[Regrets  de  la  jeunesse  passée.) 


D 


|ES  guerres,  des  mortalitez,  2g3  a 

Du  mal  de  non  argent  avoir, 

D'estre  en  pluseurs  lieux  endettez 

Et  qu'om  n'a  de  paier  pouoir, 
5  Du  lempest  de  gens  esmouvoir, 

D'estre  sanz  cause  prinsonnier, 

A  ce  ne  comptasse  un  denier, 

Ne  d'acquérir  tous  autres  biens, 

Mais  fusse  riche  a  souhaidier 
10  Se  j'eusse  mon  vit  d'Orliens, 

Pour  lequel  je  fu  tant  amez, 
Pour  ce  qu'il  fist  bien  son  devoir, 
Qu'amoureux  et  amis  clamez 
Estoie  de  toutes  ;  pour  voir, 

i5  Jamais  ne  vouldroie  autre  avoir, 

Richesce,  vin,  bief  en  grenier; 
Par  tout  m'aloie  esbanoier, 
Chascuns  m'estoit  saint  Juliens  ^  : 
Mais  tele  me  hait,  qui  m^eust  chier 

20  Se  j'eusse  mon  vit  d'Orliens, 

Qui  grans  fut  et  roide  ^  enhantez  *, 
Gros  et  nervus,  au  dire  voir, 

I.  roide» 

a.  M'était  hospitalier.  —  b.  Emmanché. 


BALADES  I I 

Bien  venuz  et  bien  hostelez  '^ 

En  mains  lieux;  or  faiz  a  ^  sçavoir 

Qu'il  est  muez  de  rouge  en  noir,  25 

Pale  et  destaint,  sanz  lui  drecier, 

N'il  ne  sert  mais  que  de  picier, 

Dont  je  suis  huez  comme  uns  chiens. 

Par  Dieu,  encor  fusse  escolier 

Se  j'eusse  mon  vit  d'Oriiens  !  3o 

l'envoy 

Princes,  de  mes  maulx  confortez 
Fusse  du  tout  et  depportez, 
2g3  b      Riches,  jolis,  gais  et  riens, 

Bien  venuz  et  bien  honourez 

Et  entre  les  dames  louez,  35 

Se  j'eusse  mon  vit  d'Oriiens. 


MCVI 

Autre  Balade. 

{Nous  sommes  tous  faits  d'une  même  matière.) 

SE  les  maus  ^  vens,  la  chaleur,  la  froidure. 
Mouches  et  vers,  chiens  et  bestes  sauvaiges, 
Rongnes  et  doux,  cheoir  a  l'advenlure, 
Maladies,  paours,  tempests,  oraiges 
Espargnassent  les  princes  et  les  saiges  5 

I.  a  manque  —  2.  maus  manque, 
a.  Logé. 


I 2  BALADES 

Et  qu'ilz  fussent  d'une  matere  a  part, 
Sanz  mal  soufrir,  par  noblesce  ou  par  art 
Et  sanz  mourir,  tout  fust  avillené  <^ 
Des  gens  communs  ;  mais  quant  au  vray  regart 
10        Nous  sommes  tous  d'une  manière  né, 

Fais  et  conçups  de  sang  et  pourreture 
En  povre  lieu  ;  vieultez  *  est  noz  estaiges 
Jusqu'à  .IX.  mois;  naissons  nus,  plains  d'ordure, 
D'une  orde  pel  est  couvers  noz  visaiges, 

i5        Criant  venons.  Les  bestes  des  boscaiges, 
Elles  nées,  vont  par  bois  et  essart  '^, 
Et  nous  sommes  jusqu'à  .vu.  ans  poupart, 
Vil,  malostru,  foible  et  mal  ordonné; 
Ne  sçay  qu'orgueil  de  noz  cuers  ne  se  part: 

20        Nous  sommes  tous  d'une  manière  né. 

Las!  avisons  nostre  povre  nature 
Et  que  communs  est  ly  pelerinaiges 
Et  l'aage  humain  a  toute  créature 
Jusqu'à  la  mort,  c'est  ly  derrains  passaiges; 

25        Laissons,  pour  Dieu,  nos  oultrageus  couraiges  ! 
De  nostre  aage  ne  vivons  pas  le  quart 
Par  noz  excès;  l'un  muert  tost,  l'autre  tart; 
Comment  ose  homme  estre  desordonné        2g3  c 
N'autre  appeller  villain,  chien  ne  paillart  <*? 

3o        Nous  sommes  tous  •  d'une  manière  né. 

l'envoy 

Princes,  pensons  au  bien  qui  tousjours  dure 
En  redoublant  cesie  vie  tresdure 
Ou  pluseurs  sont  comme  foulz  incliné; 
Soyons  piteux,  aions  foy  et  droiture, 

I.  tout. 

a.  Avili. —  b.  Vilenie—  c.  Lieu  défriché. —  d.  Homme  de  rien. 


BALADES  l3 

Fuions  orgueil  et  la  '  hautaine  injure  :  33 

Nous  sommes  tous  d'une  manière  né. 


MCVII 
Balade. 


{Ballade  en  forme  de  lettres  patentes  sur  la  manière 
d'être  à  la  cour.) 


A  tous  qui  ces  lettres  verront, 
Le  fréquentant  de  court  salut  : 
Saichent  tuit  qui  servir  y  vont 
Que  la  vérité  dire  y  put  ^, 
Mentir  convient,  cil  est  conclut  5 

Qui  veult  trop  parfont  *"  regarder; 
Il  fault  blandir  <^,  il  fault  larder  '^ 
Ceuls  qui  ont  le  gouvernement, 
Et  dire  qu'ilz  font  saigement 
Jusqu'à  tant  qu'om  ara  estât  ;  lo 

Continuer  sanz  parlement  «, 
Ou  sa  2  besongne  ira  de  plat. 

A  ceuls  qui  près  du  seigneur  sont, 

Servir,  honourer  a  valut/; 

Et  s'aucuns  plaisans  presans  font,  i5 

Leur  grâce  plus  grant  estre  en  dubt  : 


1.  et  la  manque.  —  2.   la 

a.  Pue.  —  b.  Piofond.  —  c  Flatter.  —   d.  Graisser.  —    e.  Sans 
cesse.  — /.A  servi. 


14  BALADES 

C'est  ce  qui  pluseurs  servens  crut  " 
Et  qui  les  a  fait  demourer 
En  estât  ;  il  faut  aourer  ^ 
20  Aucun  saint  pour  son  sauvement, 

Oir,  soufrir  paciamment 
Et  qu'om  ne  se  mette  en  débat; 
Offices,  dons  quérir  souvent  2g3  d 

Ou  sa  besongne  yra  de  plat. 

25  Encores  vault  au  servent  moult 

Et  a  chascun  d'eulx  s'il  se  tut; 

Faulx  rapport  maint  homme  y  confont, 

Onques  jangleur  ^  a  court  ne  plut 

Longuement,  ne  cil  qui  trop  but 
3o  Ne  rumoreux  ^  communément  ; 

Chascuns  s'i  doit  courtoisement 

Maintenir,  s'estre  ne  veult  mat. 

Et  faire  son  fait  cautement, 

Ou  sa  besongne  yra  de  plat. 

l'envoy 

35  Maistres  d'ostel,  treshumblement 

Vous  supplie  d'amendement 

En  ce  dittié  ou  je  m'esbat  ; 

Corrigiez  mon  entendement, 

Et  chascuns  tiengne  enseignement 
40  Ou  sa  besongne  yra  de  plat. 

a.  Fil  croître.  —  b.  Révérer,  cultiver.  —  c.  Bavard,  —  d.  Querel- 
leur. 


BALADES  ib 


MCVIII 

Autre  Balade. 
{Personne  ne  fait  son  métier.) 

QUE  font  prelas  aux  cours  royaulx  ? 
Que  font  les  laiz  aux  cours  d'église? 
Que  font  brebiz  o  les  louveaulx  ? 
Que  font  maçons  de  terre  glise  '^  ? 
Que  font  potiers  de  pierre  bise?  5 

Que  font  les  foulz  fourrez  de  paenne  ''? 
Que  fait  chanoine  qui  ricanne  <^ 
Gomme  unsasnes  en  un  moustier? 
Certes,  je  croy  que  tout  se  dampne  : 
Ghascuns  fait  contre  son  mestier.  lo 

La  nature  de  tous  oiseaulx 
Garde  sa  fourme  et  sa  franchise, 
2g4  a      Gar  a  chascun  est  ses  niz  beaux, 
Sanz  le  changier  par  convoitise; 
A  chascun  son  estât  souffise  :  i5 

L'agache  '='  ne  veult  estre  canne  ; 
L'église  son  estât  prophanne 
Quant  lais  offices  veult  touchier  ^, 
Des  deux  exercer  se  condempne  : 
Ghascuo  fait  contre  son  mestier.  20 

Aujourd'ui  dames,  damoisiaulx, 
Ghevaliers,  clers,  nulz  n'y  advise. 

a.  Glaise.  —  b.  Fourrure.  —  c.  Brait.  —  d.  La  pie.  —  e.  Quand 
elle  veut  toucher  aux  offices  laïques. 


10  BALADES 

Les  brebis  s'ostent  des  pourceaulx, 
Et  les  bestes  de  mainte  guise 

25  Se  séparent,  mais  la  divise 

Des  hommes  comme  faucons  planne; 
Mais  une  foiz  venrront  au  sanne  <> 
Du  grant  et  du  hault  justicier, 
La  passeront  par  sa  lucanne  *  : 

3o  Ghascun  fait  contre  son  mestier. 

l'envoy 

Prince,  trop  sont  les  gens  nouveaulx 
Plains  de  péchiez  et  desloyaulx, 
Convoileux  qui  trop  ont  l'or  chier, 
Sanz  raison  se  meslent  entr'iaulx  "^ 
35  Plus  que  chievres,  moutons  ne  veaulx 

Ghascun  fait  contre  son  mestier. 


MCIX 

Autre  Balade. 
{Il  faut  diminuer  le  nombre  des  fonctionnaires.) 

JE  ne  voy  vray  phisicien  ^ 
En  Testât  de  la  vie  humaine 
Qui  face  com  li  ancien 
Ne  qui  son  malade  a  droit  maine, 

a.  Synode,  tribunal.  —  b.  Lucarne.  —  c.  Entre  eux.  —  d.  Mé- 
decin. 


BALADES  17 

Ne  qui  saigement  le  restraingne  «  5 

Pour  purgier  sa  grief  maladie 
Dont  en  langour  de  mort  mendie 
2g4  b      Longuement,  ce  qu'om  ne  doit  faire 
Pour  lui  1  donner  santé  de  vie  : 
Restraingnons  le  plus  neccessaire,  10 

Plaire  veulent  2  contre  leur  bien 

Les  medicins,  eschiver  ^  paine 

A  leurs  paciens,  c^est  tout  rien  ; 

L'un  donne  syrop,  Fautre  sayne  '^, 

Leur  mal  nourrist  qui  les  aplaine  ^.  1 5 

Chascun  la  vérité  leur  die 

De  leur  mal  et  y  remédie, 

Sanz  eulx  vouloir  pour  mentir  plaire, 

Purgent  tout  jusques  a  la  lie  : 

Restraingnons  le  plus  neccessaire.  20 

Medicin  prince  terrien 

Figure,  a  garder  son  demaine, 

Son  peuple  et  brebis  que  li  chien 

Et  loups  ne  leur  plument  la  laine  ; 

Un  seul  ne  fait  pas  tant  de  paine  2  5 

Comme  cent.  Le  trop  est  folie 

D'officiers,  dont  ^  chascuns  se  lie 

Pour  le  bestail  prandre  et  deffaire;     ^ 

Un  homme  oster  ne  souffist  mie  : 

Restraingnons  le  plus  neccessaire.  3o 

l'envoy 
Princes,  le  bestail  brait  et  crie 

I.  lui  manque.  —  2.  veult.  —  3.  dont  manque. 

a.  Le  mette  à  la  diète.  —  b.  Eviter,  esquiver.  —   C.  Saigne.  — 
d.  Les  caresse. 

T.  VI  a 


iS  BALADES 

Du  nombre  des  loups,  si  vous  prie 
Qu'en  trésor  ne  en  chambre  attraire 
Ne  les  vueilliez,  quoy  qu'om  vous  die, 
35  Car  c'est  sa  grevance  en  partie  : 

Restraingnons  le  plus  neccessaire. 


MCX 

Autre  Balade. 

[Contre  les  contrôleurs  des  baillis.) 


J 


E  ne  vueil  plus  estre  bailli.  2g4C 

—  Pour  quoy  ?  —  Pour  ce  que  de  présent 
Il  est  contre  loy  establi 
Que  le  maistre  serve  au  servant. 
5  — Je  ne  vous  entens  pas;  comment  ? 

—  C'est  a  dire  qu'un  receveur 
De  bailliaige  ou  un  ^  procureur 
Les  baillis  contrerolera, 

Et  s'ilz  vont  hors  veoir  le  leur, 
10  Chascuns  d'eulx  ses  gaiges  perdra. 

—  Procureur,  receveur  aussi 
Sont  ilz  restrains  pareillement? 

—  Nenil,  carde  l'or  sont  ami, 
Ne  leur  chaut  s'ilz  sont  négligent, 

i5  Tousjours  les  fait  finer  l'argent; 

Aux  baillis  monstrent  grant  rigueur, 
Sanz  paier  en  ont  du  pieur  ^; 

I.  un  manque, 
a.  Pire. 


BALADES 


»9 


Saiges  est  qui  s'en  ostera, 

Car  s'aucuns  va  veir  son  labeur  \ 

Chascuns  d'eulx  ses  gaiges  perdra.  20 

—  C'est  bien  le  rebours  que  je  vi, 

Car  chascun  aloit  franchement 

Du  bon  temps,  sanz  estre  asservi. 

On  ne  restraint  pas  le  couvent 

Ou  il  a  .III.  foiz  trop  de  gent  25 

Qui  happent  le  fruit  et  la  fleur, 

Mais  l'en  garde  a  un  seul  rigueur 

Qui  plus  qu'eulx  touz  besongnera  : 

S'a  nopces  vont  bailli  ou  pleur  ^, 

Chascuns  d'eulx  ses  gaiges  perdra.  3o 

L^ENVOY 

Prince,  Entendement  est  failli 
Quant  Franc  Vouloir  est  assailli. 
Et  foulz  est  cilz  qui  le  laira 
Pour  argent  serf  partir  de  li  ; 
2p4  d     Se  baillis  s'en  vont,  d'argent  fy  !  35 

Chascuns  d'eulx  ses  gaiges  perdra. 

I.  labour. 

a.  Enterrement. 


J 


20  BALADES 


MCXI 

Balade. 
(Même  sujet.) 

E  voy  toute  restrinction 
Faire  sur  le  fait  de  justice, 
Le  subgiet  dominacion 
Avoir  sur  le  chief  de  l'office, 

5  Le  serf  franchir,  lever  le  nice  ^, 

Et  le  noble  franc  asservir 
Et  son  justissable  servir 
Par  le  moien  d'arismetique 
Qui  deust  arpenter  et  couvrir  : 

10  Autre  science  n'a  pratique. 

Les  loys  sont  en  destruction  ; 
Il  fault  que  Franc  Vouloir  perice, 
Les  .vu.  ars,  leur  instruction, 
Excepté  celle  ou  est  tout  vice, 

i5  Qui  compte  et  giette  ^  par  malice 

L'argent  par  convoiteux  désir; 
Tel  art  fait  les  vertus  gésir 
Soubz  ses  piez,  par  sa  voie  inique, 
Se  veult  sur  toutes  enrricliir  : 

20  Autre  science  n'a  pratique. 

Soubmis  a  a  sa  dition 
a.  Elever  le  sot.—  b.  Compte  avec  des  jetons. 


BALADES  ai 

Lune  et  souleil,  par  son  esdipce, 

Et  toute  generacion 

La  sert  et  donne  bénéfice  ; 

Celle  fait  tout  grant  édifice,  25 

Chasteaulx,  maisons;  celle  acquérir 

Veult  terres  par  tout,  seignourir  ' 

En  destruisant  le  bien  publique 

Par  deffault  de  bien  aa.'ertir  : 

Autre  science  n'a  pratique.  3o 

l'envoy 

Princes,  mainte  perdicion 

Vient  par  deffault  d'élection 

De  saige  geni,  par  voie  oblique. 

Es  estas,  par  affection  : 

Com  cest  artsanz  parfection,  35 

Autre  science  n'a  pratique. 


MCXII 

Autre  Balade. 

(Recommandation  aux  princes  de  garder  la  loi 
et  la  justice.) 

A  tous  les  roys  et  princes  de  la  terre, 
Sarrazins,  Juifs  et  de  Crestienté, 
Se  vous  voulez  l'amour  de  Dieu  acquerre 

I   et  seignourir. 


22  BALADES 

Et  conquérir  la  pardurableté 

5  De  voz  règnes,  Justice  et  Equité, 

Rigueur  aussi,  ou  elle  appartendra, 
Faictes  tenir,  car  qui  ne  la  tendra 
Sanz  fiction,  et  qu'elle  soit  coulice  ^, 
Dedenz  brief  temps  sa  ^  région  fauldra  : 

10        Faictes  par  tout  garder  Loy  et  Justice. 

Depuis  Taage  second,  qui  y  veult  querre, 
Que  Nembjoth  lors  fist  celle  grant  cité, 
Babilonne,  cilz  premiers  esmut  guerre, 
Car  geans  fut  de  grant  crudelité, 

1 5        A  Justice  ot  des  lors  affinité  ; 

Alixandre,  qui  bien  garde  y  prandra, 
La  fist  et  tint  ;  Moyses,  qui  passa 
Son  peuple  hebrieu  en  désert,  fut  propice 
De  justicier  a  ^  chascun  qui  erra  : 

20        Faictes  par  tout  garder  Loy  et  Justice. 

Romme  sur  tous  tint  la  clef  et  la  serre  '' 
Des  maulx  pugnir,  d'amour  et  3  d'unité; 
Au  commun  bien  voult  le  monde  conquerre  * 
Par  ses  vertus,  par  son  hostilité  ^  <= 
Et  tant  qu'elle  ot  ces  poins  en  amisté, 

25        Comme  dame  sur  le  monde  régna,  2^5  b 

Mais  aussi  tost  qu'elle  les  délaissa 
Et  que  chascuns  prinst  en  soy  avarice, 
Romme  déchut  quant  droiture  y  cessa  : 

3o       Faictes  par  tout  garder  Loy  et  Justice. 

l'envoy 
Princes,  li  roys  souverains  ordonna 

I.  M  manque.— 2.  i  manque. —"i.  tt  manque.— i.  conquérir.—  5.  hostilptc 
a.  Chancelante,  glissante.— ô.  La  serrure.— c.  Courage  guerrier. 


BALADES  23 

Justice  a  tous,  et  aux  princes  manda 

De  la  tenir  comme  iiault  bénéfice; 

Qui  ne  le  fait  sa  vengence  encourra 

Et  au  derrain  terre  et  pais  perdra  :  35 

Faictes  par  tout  garder  Loy  et  Justice. 


MÇXIIÏ 

Rondeau. 
[Combien  doit  durer  le  royaume  de  France?) 

COMBIEN  doit  le  règne  durer 
Des  François,  selon  vostre  advis? 
A  il  temps  ne  terme  prefix? 

—  Ouil,  tant  qu'il  vouidra  garder 
♦     Bonne  justice,  doulz  amis,  5 

Combien  doit  le  règne  durer. 

Dieu  et  ses  servens  honourer. 

Autre  bonne  ^  ne  lui  fut  mis; 

Demandé  fut  du  roy  Clovis  :  lo 

Combien  doit  le  règne  durer 

Des  Françoys,  selon  vostre  advis  i  ? 

1.  Ce  vers  manque. 
a.  Borne. 


*4  BALADES 


MCXIV 


Chançon  baladée. 
{L'envie  est  mauvaise.) 

MOULT  a  Tomme  foui  couraige 
Qui  enrraige 
D'autrui  bien  qui  ne  lui  nuit, 
Et  qui  est  liez  '^  du  dommaige 
^  D'ommesaige; 

Par  envie,  jour  et  nuit, 
Art  son  corps,  s'ame  *  destruit 
Et  si  n'en  puet  moins  valoir  2q3  c 

En  pouoir 
10  N'en  sçavoir 

Cilz  qui  b  convoiteux  envie  ; 
Si  puet  chascuns  percevoir, 

Et  c'est  voir, 
Que  maie  chose  est  Envie. 

i5  Ne'e  de  mauvais  linaige 

Et  umbraige, 
Ou  feu  2  d'avarice  bruit, 
D'ypocrisie  a  l'ymaige 
Et  l'ommaige 
20  De  Faulx  Semblant  qui  trop  nuit, 

Quant  ceulx  qu'elle  blandist  cuit' 
Et  veult  par  sa  gueule  ardoir, 
Main  et  soir, 

I.  et  saine.  — •  i.  feux. 

a.  Content.—  b.  Celui  que 


BALADES  2  5 

Du  feu  noir 
Qui  lui  abrège  la  vie  25 

Par  son  périlleux  vouloir, 

Dont  j'espoir 
Que  maie  chose  est  Envie. 

A  traison  de  paraige 

S'aparaige  «,  3o 

Car  nul  temps  ne  prant  déduit  ^ 
Fors  en  haineux  ouvraige 

Et  oultraige 
Pour  faire  riote  et  bruit 
Aux  bons;  mais  homme  bien  duit  * 
La  doit  mettre  en  non  chaloir  35 

Et  sçavoir 

Que  son  hoir 
Est  foie  merancolie, 
Qui  monstre  et  fait  apparoir  40 

Par  veoir 
2g5  d         Que  maie  chose  est  Envie. 


MCXV 

Balade. 
{Un  grand  roi  fait  naître   de  grands  hommes.) 

PUIS  que  Rolant  et  Olivier  mouru, 
Les  .XII.  pers,  le  grant  roy  Charlemaine, 

I.  Ecrit  en  deux  vers  dans  le  manuscrit. 

a.  S'appareille,  s'associe,  —  b.  De  bonnes  mœurs. 


20  BAl.ADES 

Crestienté  plaint  «  leur  mort  et  dolu  *, 
Et  France  aussi  ne  tint  puis  tel  demaine  <^ 

5  Qu'elle  faisoit,  car  prince  n'est  qui  maine 

Guerre  ne  gens  contre  les  Sarrasins 
Pour  nostre  foy  ;  on  ne  quiert  que  flourins, 
Or  et  joyaulx,  faire  les  trésors  grans  : 
Mais  se  Charles  régnassent  et  Pépins, 

10        Encor  fust  il  Oliviers  et  Rolans. 

Ceuls  a  leur  temps  furent  plains  de  vertu, 
Ceuls  pour  honeur  quirent  traveil  et  paine, 
Ceuls  pour  la  foy  et  le  peuple  menu 
Mirent  leur  sang,  ceuls  conquirent  Espaigne 

i3        Des  mescreans,  Saxonne  et  Acquitaine, 
Et  acrurent  de  leur  règne  les  fins  '^, 
Toute  Ytale,  Disier,  roy  des  Latins, 
Et  nous  sommes  lasches  et  recreans  : 
Mais  se  Charles  régnassent  et  Pépins, 

20       Encor  fust  il  Oliviers  et  Rolans. 

Ceuls  conquistrent  au  fer  et  a  Tescu 
Les  provinces,  l'empire  d'Alemaigne, 
Et  mains  pais  que  nous  avons  perdu 
Par  trop  vouloir  avoir  la  pance  plaine, 

25        De  convoitier,  de  viande  mal  saine, 

De  grant  bobans,  de  laissier  orphenins 
Les  nobles  cuers  qui  deussent  les  chemins 
Faire  et  cerchier  ;  nul  n'en  va  sur  les  champs, 
Mais  se  Charles  régnassent  et  Pépins, 

3o        Encor  fust  il  Oliviers  et  Rolans. 

l'envoy 
Princes,  je  voy  tous  les  cuers  estre  enclins  2g6  a 

a.  Plaignit.  —  b.  Déplora.  —  c.  Conduite.  —  d.  Les  limites. 


BALADES 


^7 


A  convoitier,  rapine  et  larrecins  ; 

Chetivetez  estre  en  mains  lieux  courans,  . 

Et  qu'on  se  fait  hair  de  ses  voisins, 

Soy  rebouter,  estre  appelez  meschans,  35 

Mais  se  Charles  régnassent  et  Pépins, 

Encor  fust  il  Olivier  et  Rolans. 


MCXVI 

Autre  Rondel. 

{Tout  se  perd  par  nos  péchés.) 

TANT  ont  esté  de  voyages  emprins 
En  Surie,  pour  la  crestienté, 
D'empereurs,  roys,  roynes,  emperis  ^, 
Tous  crestiens  qui  la  ont  conquesté 
Jherusalem,  Acre  et  mainte  cité,  5 

Et  néant  moins  pour  la  division 
Qu'eurent  après  Godefroy  de  Buillon 
Les  crestiens  fut  la  terre  perdue, 
Que  Sarrasins  ont  en  subgection  : 
Pour  noz  péchiez  je  voy  que  tout  se  mue.         ro 

Car  Dieu  nous  a  par  vengence  repris, 

Par  famine,  guerre  et  mortalité. 

Et  n'a  voulu  a  nul  donner  le  pris 

Du  Sépulcre  saint  avoir  acquitté  *  ; 

Mais  croy  qu'il  a  aucun  habilité  <=  i5 

a.  Impératrices.  —  b.  D'avoir  délivré.  —  c.  Exercé. 


28  BALADES 

En  meurs  parfais,  par  droitte  élection 
Qui  des  Sains  Lieux  prandra  possession 
Par  ses  vertus,  et  puissance  cremue, 
Et  delaira  son  ceptre  et  région  : 
20        Pour  noz  péchiez  je  voy  que  tout  se  mue. 

Et  selon  ce  que  j'ay  veu  es  escrips 

Dedenz  brief  temps  sera  Tomme  apresté 

Avec  lequel  doit  estre  Jhesucris  : 

Qui  tant  lui  a  de  sa  grâce  preste 
25        Que  le  pais  sera  prins  et  gasté 

Des  mecreans,  tout  mis  en  union  2g6  b 

Et  flourira  saincte  religion 

Qui  des  long  temps  a  mal  esté  tenue, 

En  reformant  toute  devocion  : 
3o       Pour  noz  péchiez  je  voy  que  tout  se  mue. 

l'envoy 

Princes,  chascun  quiere  remission 
De  ses  meffaiz,  par  satisfacion, 
Sanz  plus  cheoir  en  tel  desconvenue, 
Sachans  que  Dieu  fist  no  redempcion  : 
3b        Quel  mort  soufrit  et  quelle  passion! 

Pour  noz  péchiez  je  voy  que  tout  se  mue. 


BALADES  9^ 

MCXVII 

Autre  Balade  *. 

(Projets  de  guerre  en  Italie.) 
[1391] 

SELON  aucuns  tresanciens  poètes 
Faingnans  d'oyseaulx  et  de  bestes  leurs  fables, 
De  Protheus,  de  Ganimedes  fectes, 
Et  de  pluseurs  qui  sont  mal  entendables  <^ 
Aux  gens  communs,  sont  les  diz  recitabies  5 

Ou  le  cog  doit  les  Alpes  transvoler, 
L'aigle  et  poucins  d'icelle  subjuguer 
Et  si  rongnier  les  ongles,  queue  et  eles 
Qu'en  cheant  lors,  sanz  pouoir  relever, 
Perdra  du  tout  ses  plumes  natureles.  10 


Combien  qu'adonc  seront  a  lui  retrettes 
Pour  contester  au  cog  et  ses  aidables  * 
Grues,  brehiers  <^,  cornailles  <i  et  suettes  <? 
Oyseaulx  villains,  par  rivières  nouables/ 
Au  pié  des  mons,  et  grifons  conquerables,  1 5 

Faucons  gentib  se  venrront  la  monstrer 
Avec  le  cog,  pour  lui  reconforter, 
Et  la  seront  les  batailles  crueles, 
Maint  oysel  mort:  l'aigle  a  cel  assembler 
2g6  c  Perdra  du  tout  ses  plumes  natureles.  20 

Ses  niz  seront  destruiz,  les  alouettes, 

•  Publiée  par  Tarbé,  tome  /,  page  i66. 

a.  Intelligibles.  —  b.  Ceux  qui  l'aident  (ses  allie's;.  —  c.  Buse.  — 
d.  Corneilles.  —  e.  Chouettes,  — /.  Navigables. 


3q  balades 

Cignes,  paons,  tous  oyseaulx  amiables 
Venrront  au  cog  obéir  et  leurs  sectes, 
Et  lui  seront  comme  a  seigneur  feables, 

25        Lors  les  prandra  comme  frans  justiçables 
Et  les  menrra  avec  lui  oultre  mer, 
Et  se  fera  des  oiseaulx  couronner 
Qui  par  tourbes  suivront  universeles; 
Dont  l'aigle  lors,  qui  ne  s'est  faicte  amer, 

3o        Perdra  du  tout  ses  plumes  natureles. 

l'envoy 

Princes,  li  cogs  se  doit  briefment  monstrer 
Et  les  trois  mons  de  ses  Alpes  monter 
Ou  Hanibal  fist,  a  fer  et  a  pelés 
Et  par  grans  feux,  les  chemins  pour  passer  ; 
35        Donc,  se  vray  est,  l'aigle,  par  ce  voler, 
Perdra  du  tout  ses  plumes  natureles. 


es 


MCXVIII 

Ghancon  baladée. 

{Regrets  du  temps  passé!) 


DOUCE  saison  tost  passée, 
En  jeusne  temps  désirée 
Par  plaisant  folour 
Des  foulz  appellée  Amour, 
Nulz  saiges  a  vous  ne  bée  <*; 


a.  Tend,  désire. 


BALADES  3vl' 

Dont  puet  venir  tele  ardour 

Et  doulour 

Ghascun  jour 
A  jeunesce  la  dervée  ? 
Ce  fait  la  fresche  coulour  lo 

Et  l'odour 

De  la  flour 
Qui  est  par  l'oeil  regardée. 

Et  lors  vient  foie  pensée  ; 
2g6d         De  grant  désir  embrasée,  i5 

En  tristesce  et  plour, 
Qui  n'a  repos  ne  séjour 
Mais  vit  corn  désespérée. 

Douce  saison  tost  passée. 

Maint  souspir,  mainte  clamour,  20 

Maint  labour 

En  destour 
Fait  Dangier  a  la  volée, 
Souffrir  froidure  et  chalour 

Et  cremour  <^  a5 

Par  baudour  * 
De  foie  plaisance  née. 

Et  quant  tele  amour  donnée 
Est,  raison  considérée, 

N'est  pas  le  meillour,  3o 

Car  ame,  corps  et  vigour 
En  ont  mort  déterminée. 
Douce  saison,  etc. 


a.  —  Crainte.  —  b.  Ardeur  courageuse. 


0  2  BALADES 

Puis  vient  viellesce  a  son  tour 
35  De  sa  tour, 

Et  tristour 
Recorde  la  vie  usée, 
Qui  donne  une  grant  paour 
Et  freour 
40  En  langour 

Que  l'ame  ne  soit  dampne'e. 

Adieu,  douce,  mal  nommée, 
Saison,  folement  amée, 

L^ardent  feu  du  four 
45  D'oultrecuidance  et  d'errour, 

Ou  j'ay  jeusnesce  gastée. 

Douce  saison  tost  passée  ^,  etc. 


MCXIX 
Balade  *. 


{On  ne  peut  être  aîmê  de  tous.) 


c 


HASCUNS  doit  faire  son  devoir  2^7  a 

Es  estas  ou  il  est  commis 


'  Cette  ballade,  déjà  transcrite  au  folio  248,  a  été  publiée  sous  le  nu- 
méro DCCCCLIII,  tome  V,  page  i-;3. 

I.  dcsiree. 


BALADES  33 

Et  dire  a  son  seigneur  le  voir  ^ 

Si  que  craimte,  faveur  n'amis, 

Dons  n'amour  ne  lui  soient  mis  5 

Au  devant  pour  dissimuler 

Raison,  ne  craimdre  le  parler 

Des  mauvafis,  soit  humbles  et  doulz  ; 

Pour  menaces  ne  doit  trambler  : 

On  ne  puet  estre  amé  de  touz.  lo 

Ait  Dieu  tout  homme  a  son  pouoir 

Devant  ses  oeulx,  face  toudis  * 

Ce  qu'il  devra  sanz  décevoir; 

Lors  ne  pourront  ses  ennemis 

Lui  grever,  mais  seront  soubmis  i5 

Par  cellui  qui  tout  puet  garder, 

Qui  scet  les  euvres  regarder 

Des  mauvais  et  bons  cy  dessoubz, 

Pugnir  maulx,  biens  rémunérer  : 

On  ne  puet  estre  amé  de  touz.  20 

Car  gens  qui  ont  mauvais  vouloir 

Héent  ceuls  dont  ilz  sont  pugnis, 

Et  il  vault  mieulx  la  grâce  avoir 

De  Dieu,  pour  gaingnier  paradis, 

Qu'il  ne  fait  des  faulx  cuers  faillis  2  5 

Qui  veulent  mentir  et  flater 

Et  par  leur  force  surmonter 

Les  frans  cuers  et  mettre  a  genoulz. 

Faisons  bien  sanz  homme  doubter  : 

On  ne  puet  estre  amé  de  touz.  3o 

l'envoy 
Princes,  nul  ne  doit  désirer 

a.  La  vérité.  —  b.  Toujours. 

T.  VI  3 


34  BALADES 

Pour  le  los  du  monde  régner  «, 

Mais  des  biens  de  Dieu  soit  ^  jaloux  ;        ag'j  h 

Ses  officiers  doit  supporter  ^ 

35  S'ilz  font  bien  et  les  contenter. 
On  ne  puet  estre  amé  de  touz. 


MCXX 

Autre  Balade. 
{Personne  ne  se  corrige.) 

POUR  signes  du  ciel  que  l'en  voye. 
Pour  guerres,  pour  mortalitez, 
Pour  vengence  que  Dieux  envoie, 
Tempest,  famine,  adversitez, 
5  Conflicts  de  roys,  crudelitez, 

Ne  pour  chose  qu'il  nous  commande, 
A  faire  bien,  dont  c'est  pitez, 
Je  ne  voy  homme  qui  s'amande, 

Qui  le  craingne  ne  qui  le  croie 

10  Ne  de  qui  il  soit  reclamez 

Fors  en  péril;  lors  toute  voie 
Est  il  des  pécheurs  appelez,  ' 

Mais  si  tost  qu'ilz  sont  respassez  *, 
Ne  leur  chaut  de  ce  que  Dieux  mande; 

i5  Pis  que  devant  font  il  assez  :  , 

Je  ne  voy  homme  qui  s^'amande. 

I.  sont.  —  2.  porter. 

a.  Pour  avoir  la  louange  du  monde.  —  b.  Hors  de  danger. 


BALADES  35 

Helas!  pour  une  courte  joye 

De  ce  monde  sont  aveuglez, 

Ou  nulz  saiges  ne  se  resjoye, 

Qu'a  paine  yert  ^  li  justes  sauvez.  20 

Qu'est  ce,  se  vous  persévérez, 

Qui  respondra  a  la  demande 

Du  jugement?  Ce  jour  doublez  : 

Je  ne  voy  homme  qui  s'amande. 

l'envoy 

2g'j  c      O  justes  Dieux,  paix,  veritez,  25 

Qui  tant  es  des  gens  despitez  '', 
Doublons  ta  justice  tresgrande  ; 
Trop  sommes  es  maulx  délitez  <^; 
La  fin  vient  des  déshéritez  : 
Je  ne  voy  homme  qui  s'amande.  3o 


MCXXI 

Balade 

CONTRE     EXCÈS 

Las!  bien  sommes  glouz  et  chetis 
Plus  que  bestes  sanz  congnoissance, 
Quant  nous  passons  noz  appetis 
Pour  goust  de  bouche  et  emplir  pance, 
Dont  nous  faisons  au  corps  grevance; 

a.  Sera.  —  b.  Méprisé.  —  c.  Nous  nous  complaisons  trop. 


26  BALADES 

Le  chief  duelt,  l'estomac,  les  rains, 
Des  excès  dont  nous  sommes  plains 
Tant  que  souvent  nous  fault  vomir, 
Braire,  doloir,  getter  grans  plains, 
10  Sanz  reposer  et  sanz  dormir. 

Les  chevauls,  bestes  et  brebis. 

Tout  animal  en  sa  substance, 

S'ilz  passent  .nii.  fois  ou  dix 

Par  un  ruissel,  nul  ne  s'avance 
i5  De  boire,  puis  qu'a  souffisance 

A  but  une  foiz  ;  ceuls  sont  sains  ; 

Mais  sanz  raison  a  nos  .11.  mains, 

Voulons  vins,  viande  ^  engloutir 

A  toute  heure,  s'en  sommes  vains, 
20  Sanz  reposer  et  sanz  dormir. 

Prenons  aux  bestes  nostre  advis, 

Laissons  nostre  foie  plaisance 

De  mangier  et  boire  toudis  ^, 

Fors  sans  plus  pour  no  soustenance  ; 
2  5  Car  on  en  pert  corps  et  chevance. 

On  en  muert,  de  l'eure  incertains,  2gy  d 

Soudainement;  ne  soit  contrains 

L'appétit  de  le  faire  ouvrir 

Qu'a  son  gré,  ou  trop  yert  destrains 
3o  Sanz  reposer  et  sanz  dormir. 

l'envoy 

Princes,  mangons  par  atrempance  '', 
Quant  faim  et  soif  est  en  balance, 
Moiennement,  sanz  trop  remplir, 

I.  viandes. 

a.  Toujours.  —  b.  Modérément. 


BALADES  37 

Et  après  faisons  abstinance 

Jusques  nostre  appétit  s'avance  35 

Sanz  reposer  et  sanz  dormir. 


MCXXII 

Autre  Balade. 
[Regrets  de  la  jeunesse  passée.) 

FLUMS  ^  naturelz,  granz  et  petiz  ruisseaulx, 
De  fontaines  ^  ^  procedans  des  montaignes 
Et  des  plains  lieux  S  eaues  a  cours  ysneaulx  '^ 
Naissans  de  mer  et  par  diverses  vaines, 
Tousjours  courez  par  bas  lieux  et  par  plaines,     5 
Sanz  remonter  2  dont  vous  estes  venues, 
En  retournant  3,  se  vous  n'estes  tenues 
Par  aucun  art  qui  vostre  force  oppresse  ; 
Ainsi  courent  noz  aages  soubz  les  nues  : 
Plourons,  chetis,  nostre  foie  jeunesse!  10 

Car  de  terre  faiz,  en  povres  vaisseaulx 
Sommes  créez,  d'ordes  choses  villaines 
Puz  et  nourriz,  affublez  d'ordes  peaulx, 
Naissans,  crions  noz  doleurs  et  noz  paines, 
Aages  nous  suit  et  les  pensées  vaines;  i5 

Ja  ne  seront  noz  vies  retenues, 
Tousjours  courons  et  noz  charongnes  nues 
Par  mort  s'en  vont  devers  nostre  maistresse, 

I.  fontains  —  2.  En  retournant.  —  3.  Sanz  remonter, 

a.  Fleuves.  —  b.  Sources.  —  c.  Des  plaines.—  d.  Rapides. 


38  BALADES 

Terre,  de  qui  elles  sont  descendues  : 
20       Pleurons,  chetis,  nostre  foie  jeunesse  !  2g8  a 

Qui  sçavons  bien  qu'Adam,  ne  nul  de  ceaulx 
Venuz  de  lui  ne  de  lignes  haultaines, 
Princes  ne  dus,  homs  vieulz  ne  damoiseaux 
Ne  retourna  aux  aagespremeraines; 

25        Empereurs,  roys  qui  ont  les  granz  demaines 
En  fenissant  sont  leurs  vies  perdues, 
Que  josne  et  viel  ont  sitost  corrompues 
Par  faire  excès,  dont  maint  homme  se  blesse  ; 
Par  pechié  sont  leurs  âmes  confondues  : 

3o        Plourons,  chetis,  nostre  foie  jeunesse  ! 


L  ENVOY 

Prince,  au  jour  d'uy  sont  pluseurs  trop  nouveaulx, 
Volans  des  corps  trop  faire  les  reviaulx  '^^ 
Estai  tenir  et  bobant  ^  sanz  richesse, 
Batre,  ravir,  tuer  gens  de  cousteaulx  : 
35        Pour  Dieu  mercy  !  en  remenbrance  d'eaulx, 
Plourons,  chetis,  nostre  foie  jeunesse  ^\ 


MCXXIII 

Autre  Balade 

[Conseils pour  vivre  sagement.) 

JE  ne  sçay  chose  qui  vaille 
Plus  pour  durer  longuement 

I.  joncsse. 

a.  Plaisirs.,  délices.  —  b.  Luxe,  magnificence. 


BALADES  39 

A  homme,  quMl  ne  lui  chaille, 

Fors  de  vivre  liement, 

De  quérir  esbatement  5 

Honneste  et  de  faire  bien, 

Soy  gouverner  saigement 

Et  qu'il  puist  vivre  du  sien. 

En  trop  hault  degré  ne  saille, 
Doubte  le  trebuchement,  10 

Si  que  Envie  ne  Tassaille, 
Et  vive  moyennement  ; 
2g8  b        Ainsi  sera  seurement 
Hors  du  périlleux  lien 
De  servir  doubteusement,  i5 

Et  qu'il  puist  vivre  du  sien. 

Au  service  Dieu  ne  faille 

Chascun  jour  premièrement, 

Et  puis  a  sa  besongne  aille 

Entendre  songneusement;  20 

Despende  espargnablement  ^^ 

De  l'aulruy  ne  prangne  rien, 

Porte  soy  benignement, 

Et  qu'il  puist  vivre  du  sien. 

l'envoy 

Prince  •,  homs  qui  vit  telement  25 

Est  de  beau  gouvernement, 

Ce  dient  nostre  ancien  : 

Cilz  puet  vivre  longuement, 

Justement,  honnestement, 

Et  qu'il  puist  vivre  du  sien.  3o 

I.  Princes. 

a.  Modérément,  avec  épargne. 


40  BALADES 

MCXXIV 

Autre  Balade  *. 
(Sur  le  néant  des  choses  de  ce  monde.) 


L 


as!  que  j'ay  veu  de  tribulacion, 
De  tempestes  et  de  mortalitez, 
De  haines,  de  peuples  mocion, 
De  grans  orgueilz  et  de  grans  vanitez, 

5  De  traisons  et  de  crudelitez. 

Puis  .L.  ans,  et  vengence  soudaine, 
Conflis  de  roys  en  France  et  en  Espaigne 
Pour  nos  péchiez,  et  universel  guerre 
Pour  le  débat  de  France  et  d'Angleterre, 

10        Pais  ardoir,  tout  détruire  a  la  ronde  ^ 

Pour  convoitier  et  seignourie  acquerre  !       2g8  c 
C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde. 

Car  nul  n'en  a  vraie  possession, 
N'estre  ne  puet  qu'a  sa  vie  héritez 

1 5       Au  mieulx  venir,  et  par  decepcion 

En  sont  pluseurs  ou  par  force  privez 
A  leur  vivant.  Entre  vous  qui  vivez, 
Aiez  regart  aux  conquests  Charlemaine, 
Ceulxd'Alixandre  et  de  la  gent  rommaine, 

2o        Qui  tant  de  maulx  soufrirent  pour  conquerre, 

Mais  puis  leur  mort  tout  fut  cas  comme  un  voirre  <» 
Et  divisé;  ainsi  fault  que  tout  fonde 

•  Publiée  par  Crapelet,  page  107. 

I.  larrondc. 

a.  Tout  fut  brisé  comme  un  verre. 


BALADES  41 

Des  biens  mondains,  foulz  est  qui  pour  eulx  erre  : 
C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde. 

Quarte  lignie  et  generacion  25 

Ay  veu  des  roys  depuis  que  je  fu  nez, 

Pliilippe,  Jehan,  Charle  en  succession 

Le  .V*.,  Charles,  ses  filz  ainsnez, 

Régna  après,  dont  furent  subjuguez 

A  Rosebech  Flament  sur  la  montaigne  ;  3o 

.XXVI"*.  mourirent  soubz  s'enseigne, 

Qui  .xni.  ans  n'ot  quant  les  ala  requerre  ; 

Après  au  Dam  par  siège  les  va  querre, 

Bonbourc  assist  '^•^  a  celle  fois  seconde, 

Ses  ennemis  en  desloge  et  desserre  :  3  5 

C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde. 

A  Amiens  vi  la  conjunction 
Et  les  noces  quant  il  fut  espousez 
A  Ysabel,  qui  de  l'estracion 
De  Bavière  est.  Je  vi  ses  osts  menez  40 

En  la  duchié  de  Guelre  *  et  feux  boutez, 
Le  duc  venir  es  tentes  en  la  plaine 
Devers  le  roy,  et  sa  volunté  plaine 
Faire  du  tout;  et,  qui  en  veult  enquerre, 
A  Saint  Denis  un  chafault,  et  par  terre  45 

2^8  d  Joustes  tresgrans  ou  l'or  luit  et  habonde  ; 

Mais  qui  vouldroit  jugier  a  droitte  esquerre, 
C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde. 

La  feste  vi  passant  en  mission  c 

Toutes  autres,  de  la  royne,  entendez,  5o 

Faicte  a  Paris,  après  TAscension  ; 

Pour  la  guerre  j'ay  veu  pluseurs  traitiez, 

Les  grans  trêves  des  deux  roys,  assemblez 

a.  Il  assiégea  Bourbourg.  —  b.  Gueldre.  —  c.  Dépense. 


42  BALADES 

Dessoubz  Ardre,  leur  gent  et  leur  compaigne, 
55        La  fille  au  roy  de  France  qu'il  amaine 

Au  roy  anglois  qui  pour  femme  o  lui  erre 
Droit  a  Calays;  n'a  que  .vu.  ans,  soubz  serre 
La  espousa  la  vierge  enfant  et  monde  ; 
Mais  qui  ces  peins  sent,  dont  li  cuers  me  serre, 
60       C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde. 

l'envoy 

Prince,  j'ay  veu  les  temps  desordonnez, 
Sanz  droit,  sanz  loy,  pais  habandonnez, 
Tous  maulx  courir,  iniquité  parfonde. 
Les  quelz  je  voy  en  mieulx  estre  espérez  ; 
65        Mais  ja  pour  ce  trop  ne  vous  y  fiez  : 

C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde. 


MCXXV 

Autre  Balade  *. 

{Deschamps  historiographe.) 

JE  vueil  cesser  mon  livre  de  mémoire 
Ou  j'ay  escript  depuis  ,xxxn.  ans 
Du  saige  roy  Charle  le  quint  l'istoire, 
Les  prouesces  que  fist  li  bons  Bertrans, 
Connestgble  de  Guesclin,  qui  engrans  " 
Fut  de  garder  l'utilité  publique, 

'  Publiée  par  Crapelet,  page  1 10. 
a.  Désireux. 


BALADES  43 

Et  qui  maintint  si  sa  guerre  punique 

Sur  les  Anglois,  que  France  reformée 

En  fut  et  est  par  mainte  belle  armée  ^ 

Faitte  a  son  temps,  et  mourut  en  la  guerre         10 

De  son  segnour;  moult  fut  sa  mort  plourée  : 

Noble  chose  est  de  bon  renom  acquerre! 

2gg  a  Car  quant  sa  mort  fut  au  bon  roy  notoire, 
Moult  fut  ses  duelz  et  sa  complainte  grans 
D'avoir  perdu  le  prince  de  victoire;  i5 

Pour  son  peuple  et  pais  fut  dolens. 
Lors  en  souspirs  et  en  larmes  plourans, 
Dieu  mercia,  et  service  autentique 
Fist  pour  la  mort  du  bon  prodomme,  si  que 
A  Saint  Denis  fut  la  tombe  ordonnée,  20 

Parfaicte  non,  mainte  aumosne  donnée 
Pour  son  salut  par  devers  Dieu  acquerre; 
Des  trois  mestiers  fut  l'ofrande  portée  : 
Noble  chose  est  de  bon  renom  acquerre! 

Brief  temps  après,  de  ceste  vie  en  gloire  25 

>     Passa  ly  rois  qui  laissa  deux  enfans, 

Charle  ^  et  Loys,  mais  nulz  ne  pourroit  croire 

Les  grans  meschiez  qu'eurent  les  mendres  d'ans  *, 

Rebellions  de  leur  peuple  et  contens  c, 

En  bail  cheirent  ^,  le  temps  fut  lors  inique.       3o 

Charles  régna,  a  Reins  prist  sa  laurique  «  ; 

La  chose  fut  assez  bien  gouvernée. 

Puis  son  sacre  me  fut  paine  donnée  ^ 

Estans  o  eulx/,  d'encerchier  et  enquerre 

Et  d'escripre  leurs  faiz  par  la  contrée  :  35 

Noble  chose  est  de  bon  renom  acquerre! 

I.  Charles.  —  2.  grant  paine  donnée. 

a.  Expédition.  —  b.  Les  deux  enfants  mineurs.  —  c.  Contesta- 
tions. —  d.  Ils  furent  sous  tutelle.  —  e.  Couronne  de  lauriers  (i) 
—  /.  Avec  eux. 


44  BALADES 

MCXXVI 

Balade. 
(Chacun  sera  récompensé  selon  ses  mérites.) 


S' 


E  Dieux  qui  a  ordonnée  justice, 
Droit  et  raison,  et  loy  estre  gardée, 
Et  qui  en  tous  pugnit  pechié  et  vice 
Et  veult  aux  bons  mérite  estre  donnée, 

5  Toute  bonté  estre  guerredonnée  '^ 

Et  mal  pugni,  donnoit  aux  mauves  bien, 
Perseverans  sanz  repentir  en  rien, 
Et  aux  justes  donnoit  tourment  et  paine, 
Tout  mal  seroit,  mais  le  contraire  tien  : 

10        Chascuns  ara  sa  desserte  *  certaine!  2pp  b 

Combien  que  maint,  chascun  en  son  office, 

N'ait  pas  en  soy  charité  ordonnée, 

Pité  ne  foy,  mais  orgueil  et  malice 

En  convoitant  chose  desordonnée, 
i5        Terre  d'autrui,  et  qu'Envie  soit  née 

Au  temps  qui  court  entre  maint  chrestien, 

Toutesvoie,  qui  s^adviseroit  bien 

En  repentant  et  prenant  vie  saine, 

Crians  «  merci,  Dieu,  pardon  ne  retien,  » 
20       Chascun  ara  sa  desserte  certaine! 

Or  advisons  les  faiz  l'Apocalipce  •, 
Les  figures  dont  elle  est  figurée, 

I.  les  faiz  de  lapocalipce. 

a.  Récompense.  —  b.  La  récompense  due  à  ses  mérites. 


BALADES  45 

Les  promesses  faictes  en  Levitice, 

Comment  la  paix  fut  aux  hommes  donnée 

De  bon  vouloir,  se  la  loy  est  gardée  25 

De  Jhesucrist,  comme  nostre  ancien 

La  gardèrent,  s'il  est  nul  arrien 

Et  se  chascun  s'en  va  la  voie  plaine 

Sanz  forvoier.  Usons  de  bon  merrien  <», 

Chascuns  ara  sa  desserte  certaine  !  3o 

Trop  a  doubter  font  nostre  maléfice, 

Ce  que  la  char  est  trop  habandonnée 

A  tous  deliz,  sans  avoir  frain  ne  lice  '', 

Paour  de  Dieu,  ne  a  la  mort  pensée 

N'a  nostre  foy  d'estre  l'ame  dampnée,  35 

Ne  de  quérir  prestre  phisicien  '^ 

Pour  confesser;  Tautre  veult  o  *  le  sien 

Maint  au  jour  d'uy,  qui  de  dampner  se  paine  ; 

Folie  fait;  estent  le  foui  lien  : 

Chascuns  ara  sa  desserte  certaine!  40 

Et  pour  ce  que  de  tous  biens  est  esclipce  ^ 
Ne  sçay  se  Dieux,  par  prière  eslevée 
D'aucun  juste,  voulroit  estre  propice, 
2gg  c  Que  bonne  paix  fust  partout  reformée 

En  l'Eglise  qui  tant  est  divisée  45 

Entre  les  roys,  de  quoy  je  doubte  et  crien 
Pour  les  péchiez  du  peuple  terrien 
Et  des  princes  et  voulenté  mondaine  : 
Advisons  donc  tuit  a  nostre  maintien, 
Chascun  ara  sa  desserte  certaine  !  5o 


t.  avec. 

a.  Bois.  —  b.  Barrière.  —  c.  Médecin.  —  d.  Extinction. 


^  BALADES 


L'ENVOY 

Prince,  de  Dieu  doit  l'ire  estre  doubtée  : 
Il  seufre  un  temps  et  puis  venge  a  l'espée 
Tous  les  péchiez  par  vengence  soudaine; 
Laissons  orgueil,  soit  vertu  eslevée, 
55        Amour,  pitié,  humilité  amée  : 
Chascun  ara  sa  desserte  certaine! 


MCXXVII 

Autre  Balade. 
[Il  faut  se  garder  de  malice.] 


G 


RANT  guerre  et  tribulacion 
Entre  Malice  et  Bonne  Foy 
Fut,  qui  dura  mainte  saison, 
Tant  que  justice,  peuple  et  loy, 

5  La  terre,  li  prince  et  li  roy 

En  furent  foulez  et  destruis, 
Et  si  ot  maint  traictié,  ce  truis  ''^ 
Trêves,  paix  jurée  et  par  vice 
Rompy  tout  barat  vains  et  vuis  *  : 

10  Bon  se  fait  garder  de  Malice, 

Que  par  dissimulacion 

A  son  dessoubz  traictier  je  ^  voy, 

I .  je  manque. 

a.  Je  trouve.  —  b.  Vide. 


BALADES  47 

Mais  son  ymaginacion 
Fors  en  cautele  ne  congnoy; 
Tousjours  prant,  tousjours  tire  a  soy  i5 

De  son  ennemi,  comme  duis  <*, 
Or  et  argent  ;  veoir  ne  puis 
Que  Bonne  Foy  ne  se  honnice  *, 
2gg  d     S'Advis  n'est  tousjours  a  son  huis  : 

Bon  se  fait  garder  de  Malice,  20 

Tant  qu'il  faille  a  s'entencion 

De  frauder,  laquelle  apperçoy, 

Dist  Advis,  par  mainte  raison 

Dont  maint  règne  est  en  petit  ploy  <^  ; 

Lis  les  livres,  les  faiz  reçoy  ^  25 

Des  paix,  routes,  des  sauf  conduis  ; 

Soient  a  mémoire  réduis 

Les  chasteaulx  prins  par  maléfice 

Dont  maint  pais  ont  esté  cuis  ^: 

Bon  se  fait  garder  de  Malice.  3o 

l'envoy 

Princes,  queue  d'escorpion 

Ou  li  venins  gist,  ce  dit  on, 

Eschuez/,  que  ne  vous  traisse_; 

N'alez  aux  meures  s  sanz  baston, 

Advisez  ce  qui  vous  est  bon  :  35 

Bon  se  fait  garder  de  Malice. 


a.  Comme  habile.  —  b.  Honnisse,  —  c.  En  petit  état.  —  d.  Fais 
attention  aux  faits.  —  e.  Brûlés.  — /.  Evitez,  —  g.  N'allez  pas 
cueillir  les  mûres . 


4^  BALADES 

MCXXVIII 

Autre  Balade 
(//  est  dangereux  de  croire  à  la  légère. 


N' 


ATURE  est  trop  au  jour  d'uy  aveuglée 
Et  a  péché  de  croire  tost  encline, 
Au  dit  d'un  foui,  a  chose  controuvée, 
Ou  de  nouvel  semer  fausse  dotrïne 

5  Et  tele  erreur  contre  la  loy  divine, 

Es  crestiens  fait  moult  a  reprimer, 
Car  Mahomé  mist  sa  loy  oultre  mer 
Par  Sergius  ^  apostate  et  prouvoire  «  ; 
Par  faulx  moiens  fist  tout  le  peuple  errer  : 

10       C'est  grant  péril  de  legierement  croire. 

Si  fut  Mahom  homs  de  povre  lignée. 
Larron,  mourdreux,  recept  ^  de  faulx  convive, 
Asnes  menans,  suians  mainte  contrée, 
Juifs,  crestiens  et  la  gent  sarrasine; 

i5        De  trois  langues  ot  assez  la  saisine  <^,  3oo  a 

Soubtillement  sceut  la  loy  ordonner 
Et  pour  le  peuple  atraire,  habandonner  ^ 
Pechié  de  char,  ce  voit  on  en  s'istoire; 
Ainsis  les  fist  Mahoms  ydolatrer  : 

20       C'est  grant  péril  2  de  legierement  croire. 

Sa  secte  fut  desloyaument  plantée, 
Dont  longuement  a  duré  la  racine; 

I.  «ergine.  —  2.  pechie. 

a.  Prêtre.  —  b.  Réceptacle.  —  c.  La  possession,  ta  science.  —  d. 
Tolérer. 


BALADES 


49 


Jherusalem  et  la  Terre  sacrée, 
Grestienté  et  no  loy  s'en  décline; 
Et  vraiement  s'uns  homs  de  douce  orine  «         25 
Au  temps  qui  court  sçavoit  papelarder  ^, 
Mais  qu'il  sceust  bien  aux  peuples  parler, 
Nouvelle  loy  leur  mettroit  en  mémoire, 
Com  Mahom  fist  pour  eulx  faire  dampner  : 
Cest  grant  péril  de  legierement  croire.  3o 

l'envoy 

Princes,  chascuns  doit  en  soy  regarder 

Se  ce  qu'il  oit  est  vray,  possible  et  cler, 

Et  s'estre  puet  selon  raison  notoire, 

Ains  qu'il  doye  son  cuer  déterminer 

A  croire  faulx,  ou  trop  fait  a  blâmer  :  35 

C'est  grant  péril  de  legierement  croire. 


MCXXIX 

Autre  Balade. 
{Contre  les  hermaphrodites.) 

MENTON  poncé  ^,  filz  Hermofondricus  ^, 
Efféminé,  deffaulte  de  nature, 
Couraige  vain,  vuit  de  toutes  vertus, 
De  vice  plain,  qui  ne  tent  qu'a  ordure, 

a.  Origine,   nature.  —  b.  Faire  l'hypocrite,  le  papelard.  —  c 
Glabre.  —  d.  Hermaphrodite. 

T.  VI  4 


5ib  BALADES 

5  Non  masculin,  femenine  figure, 

Qui  imposer  suelz  faulx  noms  sur  autruy  ; 
Ains  es  livres  de  telz  gens  bien  ne  luy  '^ 
Quant  ilz  ne  sont  en  nature  parfais, 
Corrups  de  corps,  de  pensée,  les  truy  ^, 

lo       Infeables  '^,  desloyaulx  et  mauvais. 

Car  doublement  sont  telz  gens  entendus,    3oo  b 
Homme  et  femme  qui  ont  la  pourtraiture, 
Femme  d'omme,  qui  doit  estre  barbus, 
Homme  sanz  poil,  c'est  a  chascun  laidure. 

i5        Eulx  encontrer  n'est  que  maie  adventure. 
Et  leur  regart  ne  doit  plaire  a  nulluy, 
Car  nature  double  a  aucuns  sur  luy, 
Aucune  aussi,  incestes  en  leurs  fais, 
Usans  des  deux;  de  mon  temps  en  congnuy, 

20       Infeables,  desloyaulx  et  mauvais. 


MCXXX 

Autre  Balade  *. 

{Sur  le  voyage  à  Saint-Omer.) 
{1396.] 

DONT  venez  vous?  —  Je  viens  de  Saint  Omer, 
—  Or  me  dittes  des  nouvelles  des  roys. 
Les  avez  veuz  aux  tentes  assembler  ? 

*  Publiée  par  Tarbé,  tome  I,  page  lyi. 

a.  Ne  lus.  —  6.  Je  les  trouve  corrompus  de  corps  et  de  pensée, 
-  c.  Indignes  de  confiance. 


BALADES  bl 

Arons  nous  paix  de  tous  poins  cestç  foys? 
Dittes  nous  ent,  car  vous  avez  la  vois  «  5 

D'avoir  escript  de  leurs  faiz  queroniques  ^. 
—  Je  vous  jure,  sur  Dieu  et  sur  la  crois, 
Je  n'ay  riens  veu  fors  le  moustier  de  Liques  '^. 

Quant  a  chose  dont  je  doye  parler, 

Excepté  ce  que  j'ay  veu  les  Anglois  lo 

A  Saint  Orner  et  venir  et  aler 

Vers  la  roine  d'Angleterre  a  hault  doys  <^, 

Et  si  dit  on  qu'a  la  fin  de  ce  mois 

La  baurra  «  l'en  vers  Calais,  près  des  diques/, 

Au  roy  anglois,  puis  mon  départ  d'Artoys,        i5 

Je  n'ay  riens  veu  fors  le  moustier  de  Liques, 

Et  les  chevaulx  qu'on  y  fait  establer, 
Dont  Pompée  fut  pour  tel  fait  destrois  §"; 
N'autre  chose  ne  vous  sçay  raconter, 
Fors  d'un  varlet  breton  qui  par  ses  doys  20 

.IIIIXX.  frans,  sanz  dire  «  je  m'en  vois,  » 
Et  un  roucin  qui  estoit  bons  et  friques  /', 
M'a  desrobé;  n'en  cerchant  par  ^  les  boys, 
3oo  c  Je  n'ay  riens  veu  fors  le  moustier  de  Liques. 

l'bnvov 

Princes,  j'aray  bien  pou  a  sermonner,  2  5 

A  escripre,  n'a  voz  faiz  ordonner 
De  ce  traicté  des  noces  autentiques. 
Et  pour  ce  vueil  cy  mon  euvre  finer, 


I.  parmy 

a.  La  renommée.  —  b.  Chroniques.  —  c.  Liques,  couvent  de 
l'ordre  de  Prémontré,  situé  entre  Boulogne  et  Calais.  —  d.  Sous 
de  hauts  dais. —  e.  On  la  donnera.  — /.  Digues. —  g.  En  détresse, 
malheureux.  —  h.  Frais,  fringant. 


5d  BALADES 

Et  en  finant  puis  bien  a  tous  jurer  : 
3o       Je  n'ay  riens  veu  fors  le  moustier  de  Lîques. 


MCXXXI 

Autre  Balade  *. 

{Le  Renard  et  le  Corbeau.) 

ORGUEIL,  despense,  oultrageus  dons^ 
Que  l'en  suelt  et  faire  et  donner 
En  pluseurs  lieux,  que  nous  perdons 
Sanz  cause,  par  desordonner, 
5  Nous  feront  fouis  larges  ^  nommer 

Et  amenrir  ''  nostre  finance, 
Que  nous  nesçarons  recouvrer 
Par  cuidier  et  foie  plaisance. 

O  le  corbaut  nous  endormons, 
10  Par  vaine  gloire,  a  escouter 

La  louenge  de  noz  vains  noms, 

Dont  il  se  déçut  par  chanter  ; 

Son  frommage  en  laissa  aler  ; 

Renart  le  print,  le  corbaut  tance 
i5  Qui  le  sien  voit  perdre  et  glanner    • 

Par  cuidier  et  foie  plaisance. 

A  ceste  figure  advisons 

•  Publiée  par  Tarbé,  tome  II,  page  i3o. 
a.  Prodigues.  —  b.  Amoindrir. 


BÂLÂDËS  53 

Et  a  nous  désormais  régler 

Que  folement  ne  despendons  ; 

Grant  paine  est  d'avoir  amasser  20 

Et  brief  chose  est  du  despenser, 

Et  plus  grief  d'avoir  recouvrance  : 

Car  l'en  puet  un  règne  miner 

Par  cuidier  et  foie  plaisance. 

l'envoy 

3oo  d     Princes,  chascuns  doit  adviser  25 

Son  don,  et  a  cellui  viser 
A  qui  il  donne  a  la  balance, 
S'il  vault  et  s'il  puet  proufiter, 
Moyennement,  sanz  excéder 
Par  cuidier  et  foie  plaisance.  3o 


MCXXXII 

Autre  Balade  *. 

[Sur  les  chevaliers  de  la  maison  du  roi.) 
[1396] 

GRANT  bien  me  fist  et  resjouissement, 
Ainsis  que  gent  pour  quérir  honeur  vont, 
De  vir  Tostel  et  le  hault  parrement 
Des  chevaliers,  princes,  qui  a  vous  sont  : 
La  fut  Namur,  Touteville,  Aufemont,  5 

Hambuie,  Bueil,  Blaru,  l'Ile  Bouchart, 
Guy  de  Laval,  Rostelain  et  Oudart, 

Publiée  par  Tarbé,  tome  I,  page  pp. 


54  BALADES 

Viconte  Meaulx,  Fayel  et  ^  Bouteillier, 

Jehan  de  Trie,  Gadifer  que  Dieux  gari!^ 

10        Vueilliez  tousjours  telz  gens  acompaignier  «. 

Encor  y  vi  et  tous  d'un  parrement 
Thorigny,  lors  françois,  et  Braquemont, 
De  Sarrebuche  Amé,  Arnault  Guillent, 
Garencieres  et  Florigny  d'un  front, 

1 5        Pierre  de  Bueil  et  Allain  de  Beaumont, 
Jehan  de  Roussay  et  de  Sempy  Colart, 
G.  de  Trie,  Coleville  et  Mirart 
De  Miraumont,  Bethancourt.  Tenir  chier 
Doit  l'en  les  bons  et  avoir  de  sa  part  : 

20        Vueilliez  tousjours  tel  gent  acompaignier. 

Poitiers,  Brimeu,  Carados  ensement 
Et  PEstandart,  Quiquempoit  après  vont, 
Canny,  Coudroy,  Villequier  quartement, 
Braque,  Nery,  Lancelot.  Boyau  ont 

25        Et  Valiquet,  qui  la  despense  font, 

Tous  chevaliers  ;  bannière  et  estandart 

Ont  les  pluseurs.  Saiges  est  qui  départ 

A  telz  barons  le  sien  et  fait  grenier 

De  tel  trésor;  des  mauvais  n'a  regart  :  Soi  a 

3o        Vueilliez  ^  tousjours  tel  gent  acompaignier. 

l'envoy 

Prince,  je  tais  Je  nombre  bel  et  gent 
Des  escuiers  et  de  vostre  autre  gent 
Que  l'en  doit  bien  entre  les  bons  trier 
Et  que  l'en  puet  veoir  communément 
35        En  vosire  hostel  :  et  pour  ce,  en  concluent, 
Vueilliez  ^  tousjours  tel  gent  acompaignier. 

I.  cl  manque  -  z.  VueiUcz. 

a.  Prendre  pour  compagnons. 


BALADES  55 

MCXXXIII 

Autre  Balade  *. 

(Sur  les  écuyers  de  la  maison  du  roi.) 
[1396J 

AiNSis  c'om  va  pour  vir  a  Taventure, 
Par  les  marches,  du  monde  la  noblesce, 
Vy  sur  les  champs  tresnoble  nourreture 
D'un  grant  seigneur  qui  le  gardent  de  presse, 
Vieulx  et  moyens  et  de  bonne  jonesse,  5 

Escuirie  de  beau  gouvernement  ; 
Boniface  fut  la  premièrement, 
La  Grue  aussi,  Olivier  le  Ferron, 
Bertran  Boistart,  Louvet,  Jehan  de  Couvrent  : 
Bon  fait  tel  gent  tenir  en  sa  maison.  10 

Jehan  et  Guillot  de  Tillaye  ^  n'ont  cure 

Ne  G.  de  Bueil,  Chaumoncel,  de  paresse 

Colart  de  Bus,  ne  Jehan  de  Dreux  d'ordure. 

Ne  Mauvoisin  de  nul  vice  qui  blesse  ; 

Aubert  entr'eulx  de  l'Espine  ne  cesse  i  5 

De  poursuir  ;  Regnault  l'Escrie  entent 

A  tout  honeur,  et  si  fait  Enguerrent, 

D'escurie  tous  escuiers  de  nom, 

Gerart  d'Acy,  Beaucourroy  :  vraiement 

Bon  fait  tel  gent  tenir  en  sa  maison.  20 

D'autre  part  font  du  bon  vin  fourniture 

•  Publiée  par  Tarbé,  tome  I,page  loi. 
I.  Tillav. 


56  BALADES 

Le  seneschal  ;  Petiot,  s'on  l'oppresse, 
Se  tirearrier;  Paniot  paine  endure, 
En  l'office  garçon  venir  ne  lesse; 

25        Ynglart  Marchât  rit  et  puis  se  courresse;    3oi  b 
De  Nantoillet  Ogier,  varlet  trenchant 
Vy,  et  Gourle,  Betis,  mainte  autre  gent, 
Et  Jacotin,  Minguet,  celle  saison, 
Jeusnes,  jolis,  bien  paillotez  d'argent  : 

3o        Bon  fait  tel  gent  tenir  en  sa  maison. 

l'envoy 

Prince,  pluseurs  des  escuiers  delesse 
De  vostre  hostel,  qui  tendent  a  prouesse 
Et  qui  sont  hors  pour  acquérir  renom. 
Amez  les  bons,  monstrez  leur  vo  largesse, 
35        Ceuls  vous  seront  escu,  chasteau,  fortresse  i, 
Bon  fait  tel  gent  tenir  ^  en  sa  maison. 


MCXXXIV 

Autre  Balade. 
{Discussion  avec  la  Fortune.) 

JE  viens  tous  nus,  dame,  en  vostre  pouoir; 
S'ay  bien  mestier  de  vostre  nourrcture. 
—  Advisedonc  se  je  te  faiz  valoir, 
Que  tu  n'as  riens  fors  les  biens  de  nature, 

I.  et  forteresse  —  2.  tenir  tel  gent. 


BALADES  5  y 

Fragilité,  débilité,  ordure;  5 

Les  biens  mondains  fuitis  et  fortunez 
Sont  par  ma  main  retoluz  ^  et  donnez 
Ou  il  me  plaist,a  chascun  et  chascune, 
Mais  par  grâce  nourris  ceuls  qui  sont  nez  : 
Mère  de  tous  suy  nommée  Fortune,  lo 

Qui  par  pitié  vueil  pluseurs  recevoir, 

Et  presque  touz,  dont  je  prang  soing  et  cure, 

Tetter  les  faiz,  aprandre  art  et  sçavoir 

Mestier,  engin,  tant  com  vie  leur  dure, 

Pour  eulx  chevir,  et  puis  m'appellent  dure        i5 

Quant  je  les  ay  nourris  et  eslevez; 

Se  mes  biens  prans,  dient  qu'ilz  sont  grevez 

Et  me  claiment  desloial,  fausse,  enfrune  ^; 

Ingrades  <^  sont,  de  mes  biens  gouvernez  : 

Mère  de  tous  suy  nommée  Fortune.  20 

3oi  c  Je  preste  ainsis  et  despens  mon  avoir 
Pour  mettre  avant  l'umaine  créature, 
Ce  que  pluseurs  ne  scevent  concevoir, 
Mais  leur  semble  que  je  leur  faiz  injure, 
Quant  nourris  sont,  de  prandre  ma  droiture,    2  5 
Ce  qui  mien  est;  ceuls  sont  bien  foulz  prouvez, 
Quant  je  les  ay  de  l'ordure  levez, 
Qui  de  mes  biens  veulent  faire  commune; 
Ravoir  les  vueil,  ne  les  ay  que  prestez  : 
Mère  de  tous  suy  nommée  Fortune.  3o 

l'envoy 

Princes  et  roys,  toutes  gens,  entendez, 
Qui  par  mon  fait  aux  granz  choses  tendez. 
Que  nulz  sanz  moy  n'en  pourroit  fournir  une; 

a.  Repris.  —  b.  Renfrognée,  morose.  —  c.  Ingrats. 


^8 


BALADES 


Pour  ce  faut  il  que  le  mien  me  rendez, 
35        Quant  il  me  plaist;  ma  puissance  sentez  : 
Mère  de  touz  suy  nommée  Fortune. 


P 


MCXXXV 

Cbançon  Royal. 
(//  est  dangereux  de  dire  la  vérité.) 

lAR  tous  les  dieux  de  la  palus  d'Enfer, 
Par  Cerberus,  Atropos,  Lachesis, 

Par  les  Raiges,  par  Sathan,  Lucifer, 

Par  les  dampnez  et  mauves  esperis 
5  Qui  par  orgueil  ont  tous  esté  péris, 

Dont  je  suis  l'un,  qui  règne  sur  Envie, 

Je  destruiray  les  gens  de  ceste  vie 

Par  Vérité  que  j'ay  chacié  dehors  : 

En  son  deffault  tendray  la  monarchie, 
10        Et  qui  dira  vérité  sera  ^  mors. 

Trop  me  greva  par  la  croix  et  le  fer 
Et  par  le  sang  du  nouveau  crucifis, 
Du  quel  le  corps,  bras,  jambes  et  ly  ner 
Furent  tirez  pour  rachater  les  vis  « 
I  3        De  noz  prisons  ;  les  mors  pour  leurs  delis 
En  rachata  cilz  qui  tous  vivifie, 
Et  par  pitié  despouilla  celle  fie  *  3oi  d 

Tout  nostre  hostel  des  esperis  sanz  corps; 

I    il  sera. 

a.  Les  vivants.  —  b.  Celte  fois. 


BALADES  59 

Vérité  hez,  ne  vueil  que  nulz  la  die. 

Et  qui  dira  vérité  sera  ^  mors.  20 

Car  par  elle  régnant,  parlant,  je  per 

Maint  crestien  qui  ja  m'estoit  acquis, 

Maint  grant  seigneur  que  mangèrent  li  ver, 

Dont  par  elle  fu  long  temps  esbahis; 

Mais  a  présent  n'est  plus  en  nul  pais,  25 

Chacer  l'ay  fait  du  mont  par  FJaterie  ; 

Elle  est  en  ciel  dont  elle  estoit  partie. 

Jamais  ça  jus  ne  sera  ses  ressers: 

Taisiez  la  tuit,  d'en  parler  est  folie, 

Et  qui  dira  vérité  sera  ^  mors.  3o 

Les  Apostres  qui,  Testé  et  Tyver, 

La  preschierent  en  furent  a  mort  mis  ; 

Leurs  successeurs,  ce  vous  puet  apparer, 

La  taisent  tuit  pour  double  des  périls  ; 

Les  conseilliers  se  sont  d'elle  desmis,  35 

Les  chevaliers  en  la  chevalerie, 

Clers  et  marchans,  bourgois  en  bourgoisie; 

Au  temps  qui  court  on  ne  quiert  que  trésors. 

Que  volunté  soit  par  tout  acomplie. 

Et  qui  dira  vérité  sera  1  mors.  40 

Mençonge  court  et  au  main  et  au  soir, 

Par  le  quel  2  j'ay  mains  royaumes  conquis, 

Ame  et  subgiez.  Son  dit  de  quoy  je  sor, 

Je  suis  d'Enfer,  l'un  des  grans  ennemis, 

Qui  ainsi  ay  tous  les  ordres  soubmis  45 

Pour  repeupler  d'Enfer  la  jerarchie 

Et  compaignons  avoir  de  ma  partie 

En  mes  paines,  c'est  tous  mes  reconfors: 

Mentez  tousjours,  pour  vo  bien  le  vous  prie, 

Et  qui  dira  vérité  sera  ^  mors,  5o 

I.  il  sera.  —  2.  lesquelz. 


60  BALADES 


l'envoy  3o3  a 

Prince,  pensez  que  ce  dit  signifie, 
Comment  diables  parmençonge  nous  lie 
L'ame  dedenz  et  le  corps  par  defors  "  ; 
Pour  Vérité  qui  est  toute  abolie, 
55        Faussons  ce  mot  dont  j'ay  merancolie  : 
Et  qui  dira  vérité  sera  ^  mors. 


MCXXXVI 

Autre  Balade. 
(Où  peut  demeurer  la  Vérité  ?) 

ENSEIGNIEZ  moy,  douce  gent, 
Verte  2,  et  se  je  la  truis, 
J'ay  de  l'or  et  de  l'argent 
Que  trop  bien  donner  vous  puis; 
5  Mais  forment  esbahis  suis 

Que  je  ne  la  sçay  trouver. 
—  Va  donc  hurter  a  son  huis. 
. —  Ou  puet  elle  demeurer? 

En  abbaie  n'en  couvent, 
10  En  boys,  en  ville  n'en  puis, 

En  mer,  en  eaue,  ou  souvent 
L'ay  quis  *,  en  chace,  en  déduis; 

I.  il  sera.  —  2.  Vérité. 

a.  Dehors   —  b.  Je  l'ai  cherchée. 


BALADES  6 I 

En  gens  a  conseillier  duis  ; 

En  Advignon,  oultre  mer; 

Mais  ses  noms  est  tout  destruis  :  i5 

Ou  puet  elle  demourer? 

— •  Va  la  quérir  ou  l'en  vent 

Les  chevaulx  :  la  sont  instruis 

Les  courratiers  «,  par  leur  vent, 

De  l'aler  quérir  de  nuis.  20 

—  Au  trover  a  trop  d'annuis. 

—  Va  la  es  cours  demander. 

—  Pas  n'y  est,  ses  lieux  est  vuis  *  : 
Ou  puet  elle  demourer? 

l'envoy 

Prince,  pour  quoy  ne  comment  25 

Est  Verte  1  du  monde  absent  ? 

—  Qu'om  ne  la  veult  escouter  ; 
Chascuns  la  va  menaçant. 
Pour  ce  se  va  esconsent  <^  : 

Ou  puet  elle  demourer?  3o 


c 


MGXXXVII 

Autre  Balade. 
[Gardons-nous  défaire  mal.] 

OMMENT  sont  les  cuers  endurcis 
En  la  principaulté  mondaine, 


I.  vérité, 

a.  Courtier.  —  b.  Vide.  ■—  c.  Se  cachant. 


6l  BALADES 

Les  oeulx  troublez  et  obscurcis 

Es  grans  estas  que  chascuns  maine, 
5  En  despens  passans  leur  demaine, 

En  nombre  de  gens  et  en  dons 

Excessis,  en  grâce  ^  et  pardons 

Ou  pugnicion  se  deust  faire, 

Dont  la  grâce  de  Dieu  perdons  : 
lo  Pour  Dieu,  gardons  nous  4c  mcffaire. 

Veons  dont  Noblesce  jadis 
Vint  :  des  vertus  ;  chose  villaine 
Des  vices  dont  on  est  laidis  <», 
Qui  villenie  en  tous  admaine; 

i5  Advisons  no  nature  humaine 

Et  comment  semblables  naissons, 
Que  froit  et  chaut  et  mal  soufrons 
Et  que  tous  convient  a  mort  traire  : 
Soit  clers,  laiz,  villains,  gentilz  homs, 

20  Pour  Dieu,  gardons  nous  de  meffaire. 

Doublons  que  Dieux  en  paradis 
Réserva  vengence  certaine 
Quant  peuple  orent  les  roys  requis, 
Sur  tous  pugnicion  et  paine; 

25  Les  uns  destruit,  autres  ^  aplaine  *. 

Durs  aux  mauvais,  piteux  aux  bons 
Est  en  tous  temps  ;  ne  nous  fions 
Es  péchiez  qui  nous  sont  contraire, 
Mais  no  vie  en  mieulx  reformons:  3o2  c 

3o  Pour  Dieu,  gardons  nous  de  meffaire. 

l'envoy 
Princes,  roys  et  erapereris, 

I.  grâces.  —  2.  les  autres. 
a.  Enlaidi.  —  b.  Caresse. 


BALADES  63 

Vos  prédécesseurs  sont  pourtis  : 

Advisons  tous  a  nostre  affaire  ; 

Gardons  nos  povres  esperis, 

Car  les  corps  sont  tantost  péris  :  35 

Pour  Dieu,  gardons  nous  de  meffaire. 


MGXXXVIH 

Autre  Balade 
{Crainte  de  la  fin  du  monde.) 

Oroy  des  roys,  Dieux  en  ciel  et  en  terre, 
Faiseur,  creeur  <^  de  tous  les  elemens, 
Com  grant  pechié  fait  cilz  qui  vers  toy  erre 
Et  qui  ne  fait  a  ^  tes  commandemens  ! 
Car  tant  doubteux  ^  sont  tous  tes  jugemens  5 

Et  si  soubdains  que  nulz  ne  les  perçoit 
Jusques  a  ce  que  dMceulx  prins  se  voit, 
En  soustetiant  ta  justice  parfonde. 
Que  2  nul  pécheur  perceverant  ne  Boit  : 
J'ay  grant  paour  de  la  fin  de  ce  "monde,  lo 

Ou  je  ne  voy  nul  le  droit  chemin  qtiBfre 

Selon  ta  loy,  croire  en  tes  sacremens, 

Pité  avoir  l'un  de  l'autre,  n'acquerre 

Par  charité  ta  paix  aux  requerens. 

Pour  quoy?  Pour  ce  qu'ilz  sont  perseverens,     i5 

i.  a  manque.  —  ï.  Qui. 

a.  Créateur,  —  b.  Cachés. 


64  BALADES 

Sanz  repentir  en  ce  qui  les  déçoit, 
En  tous  péchiez,  dont  pugnicion  doit 
Venir  sur  eulx,  qui  chascun  Jour  s'i  fonde, 
Et  quant  nul  d'eulx  sa  coulpe  n'apperçoit, 
20       J'ay  grant  paour  de  la  fin  de  ce  monde. 

Pour  advertir  n'as  tu  envoyé  guerre, 
Mortalitez,  tempests  et  mouvemens, 
Maladies  et  faim  qui  les  cuers  serre,  3o2  d 

Mors  de  princes  et  conflits  de  leurs  gens? 

25        En  lieu  de  roys  as  establi  regens, 

Signes  donnez  dont  l'en  se  merveilloit, 
Après  les  quelz  vengence  s'ensuioit 
Sur  les  pais  des  pécheurs  a  la  ronde  ^  : 
Et  comme  aucuns  pour  ce  ne  s'amendoit, 

3o       J^ay  grant  paour  de  la  fin  de  ce  monde. 

Et  de  pluseurs  qui  sont  alez  requerre, 
Pour  ton  saint  nom  exaucier,  mescrean^s 
Oultre  la  mer,  Godefroy  qui  la  erre, 
Saint  Loys  roy,  pour  les  faire  creens, 

35        Empereurs,  ducs  et  autres  crestiens 

De  la  les  mons,  pour  quoy  les  noms  y  soit 
Sanctifiez;  mais  au  fort  que  qu'il  voit 
D'avoir  conquis,  tout  est  perdu  par  Tonde 
De  noz  péchiez,  se  pitez  n'y  pourvoit  : 

40       J'ay  grant  paour  de  la  fin  de  ce  monde. 

Empereurs,  roys,  ducs  ^  et  princes,  pourquerre 
Vueilliez  de  Dieu  la  grâce,  et  les  lourmens 
Dont  diable  ^  et  chars  et  mondes  nous  enserre, 
Laissier  du  tout  :  et  que  repentemens 
45        De  noz  péchiez  et  perseveremens 

De  faire  bien  soit  avec  nous  de  droit 

I.  a  larronde.  —  2.  ducs  manque  —  3.  diables. 


BALADES  65 

Pour  eschuer  ^  le  jugement  estroit 

Du  hault  jugeur  ^  ^,  si  qu'il  ne  nous  confonde  : 

Ou  autrement,  se  l'en  perseveroit, 

J'ay  grant  paour  de  la  fin  de  ce  monde.  5o 

l'envoy 

Prince,  de  qui  vient  tous  entendemens, 
Pères  et  filz,  sains  esoeris  puissans, 
Trois  personnes  en  uns,  pouoirs  redonde 
En  un  seul  Dieu,  pitez  vous  soit  mouvens  : 
Crions  merci,  ou  dedenz  tresbrief  temps,  55 

J'ay  grant  paour  de  la  fin  de  ce  monde. 


MCXXXIX 

Balade  *. 
{Naissance  d'un  prince.  ) 

RESJouis  toy,  Jherusalem  dolente,  3o3  a 

Qui  tant  as  eu  de  tribulacion. 
Et  comme  uns  buefs  ^  as  esté  mise  en  vente, 
En  servitute  et  persecucion. 
Dieux  a  oy  ta  lamentacion  ;  5 

•  Cette  ballade,  publiée  par  Tarbé,  tome  I,  page  114,  déjà  transcrite  au 
folio  16,  a  été  publiée  sous  le  numéro  LXVIII,  tome  I,  page  i65. 

i.jugleur —  2.  El  comment  beufs. 

a.  Esquiver,  éviter.  —  b.  Juge. 

T.  VI  5 


66  BALADES 

A  ce  coup  ci  yert  le  jou  ^  desnoué 

De  la  misère  aux  filles  de  Syon, 

Tant  que  chascuns  devra  crier  :  Noué  ^! 

Car  je  voy  Ja  de  charité  la  sente 

10        Et  de  pité  la  douce  mocion, 

Amour  qui  vient,  et  un  fil  te  présente 
Pour  ton  salut  et  ta  redempcion, 
Qui  t^ostera  de  la  subjection 
Ou  cinquante  ans  a  ton  peuple  noué  '', 

i5        Et  lors  seras  en  consolacion, 

Tant  que  chascuns  devra  crier  :  Noué! 

France,  tu  es  Jherusalem  :  se  sente 
Et  puet  sentir  estrange  nascion. 
Qui  tant  as  eu  de  paine  et  de  tourmente 
20        Par  les  gens  Bruth  ;  mais,  a  m^entencion, 
Par  cest  enfant  prandront  finicion  : 
Car  seigneur  doit  du  secle  estre  advoué, 
Tout  soubzmettre  doit  en  conclusion, 
Tant  que  chascuns  devra  crier  :  Noué  ! 

l'rnvov 

25        Princes,  pour  Dieu  le  peuple  se  démente 
De  paix  avoir,  qui  tant  vous  a  loué, 
Craint  et  chéri  ;  faictes  que  guerre  absettte. 
Tant  que  chascuns  devra  crier  :  Noué  ! 

a.  Joug.  —  b.  Noël,  cri  de  joie,  —  c.  Nagé. 


BALADES  67 

MCXL 

Autre  Balade. 
(La  vraie  noblesse  est  dans  le  cœur.) 


D 


,ONT  vient  a  tous  souveraine  noblesce? 
Du  gentil  cuer,  paré  de  nobles  mours, 
Qui  aux  vertus  non  aux  vices  s'adresce, 
Qui  n'est  despis,  fel,  orgueilleus  ne  lours  ? 
Est  on  noble  pour  faire  villains  tours?  5 

Certes  nenil,  car  Frans  Vouloirs  ne  puet 
3o3  b  Soy  excuser  des  vices  ou  d'onnours  : 

Nulz  n'est  villains  se  du  cuer  ne  lui  muet. 

Qui  fist  les  rois,  dont  vint  la  gentillesce  ? 
L'ancien  temps  et  la  mondaine  cours.  10 

Qui  les  requist  ne  dont  vient  leur  hautesce? 
Dieux  le  scet  bien,  qui  eslut  des  meidlours 
Quant  les  pueples  en  lieu  de  leurs  menours  ^ 
Requirent  roy;  advise  cy  qui  veult, 
Et  aux  vertus  aient  tuit  leurs  retours  :  i5 

Nulz  n'est  villains  se  du  cuer  ne  lui  muet. 

Les  vaillans  cuers,  hardiz,  plains  de  proesce 
Et  vertueux  fist  adonc  Dieu  seignours, 
Du  bien  commun  leur  enseigna  l'adresce, 
Justice  et  droit  pour  les  grans  et  menours,         20 
N'il  n'entendit  faire  des  loups  pastours; 
Du  noble  nom,  s'il  est  villain,  se  duelt 
L'autre  ^  jouist  :  donc,  qui  sent  ces  coulours, 
Nulz  n'est  villains  se  du  cuer  ne  lui  muet. 

I ,   Et  l'autre. 
a.  Chefs. 


68  BALADES 


L  ENVOY 


25        Princes,  nulz  homs  les  vertus  ne  delesse 
Pourgrant  estât,  car  qui  les  vices  queult 
Cilz  est  villains,  et  nobles  qui  les  lesse  : 
Nulz  n'est  villains  se  du  cuer  ne  li  muet. 


« 


MCXLI 

Balade 
[La  Nature  et  la  Mort.) 

MORT,  je  qui  sui  Texemplaire  et  figure 
D'omme  et  femme, bestes,poissons,oiseaulx, 
«  D'arbres,  de  flours,  de  toute  nourreture, 
«  Me  plaing  a  Dieu  de  toy  tresdesloyaulx, 
5  «  Quant  mourir  fais  toutes  celles  et  ciaulx 

«  Que  j'ay  créez  et  avant  leur  termine  <*, 
«  Jeunes  et  vielz,  foibles,  fors,laiz  et  biaux: 
(c  Toute  vie  par  toy  se  détermine  ''.  » 

«  Il  est  bien  vray  »,  dist  la  Mort  a  Nature, 
lo        «  Que  riens  n'est  fait  de  toy,  tant  soit  isneaulx  <^, 
«  Com  longuement  se  garde,  ne  qu'il  dure, 
«  Qu'il  ne  faille  passer  par  mes  raiseaulx  "^ 
«  En  definant;  li  Dieux  celestiaulx  3o3  c 

«  L'a  ordonné  par  sentence  divine.  » 

a.  Leur  fin  déterminée.— 6.  Se  termine— c.  Rapides,— </.  Filets. 


BALADES  69 

Nature  dist  :  «  C'est  jugemens  royaulx,  i5 

«  Toute  vie  par  toy  se  détermine  ^.  » 

«  Mais  pas  ne  suis,  »  ce  dist  la  Mort,  «  trop  dure 

«  A  espargnier  jusqu'à  long  temps  les  peaulx; 

«  Convoitise  fait  gens  pour  po  d'ordure 

«  Batre,  ferir,  faire  guerre  et  cembiaux  ^,  20 

«  Ravir,  tuer  par  glaive  et  par  carriaulx  * 

«  Pour  terre  avoir;  mains  d'eulx  ainsi  deffine 

«  Et  par  excès.  »  —  «  Tu  respons  que  loyaulx  c   : 

a  Toute  vie  par  toy  se  détermine.  » 

l'envoy 

Princes,  vray  est  que  li  aages  nouveaulx,  25 

Par  convoiter,  de  jour  en  jour  décline  ; 
Gens  se  tuent;  Mort  met  raison  entr'iaulx  : 
Toute  vie  par  toy  se  détermine. 


MCXLII 


Balade 
{Sur  Charles  VI  et  son  fils.) 

DOUCE  France,  pran  en  toy  reconfort, 
Resveille  toy,  soies  de  joie  plaine, 
Car  cilz  est  nez  qui  doit  par  son  effort 
Toy  restorer  ;  c'est  le  roy  Charlemaine. 

I.  se  termine. 

a.  Combats.  —  b.  Flèches.  —  c.  Comme  loyale. 


70 


BALADES 


5  Charles  a  nom,  qui  de  jour  en  jour  maine 

Ses  osts,  pour  toy  son  fil  doit  recouvrer 
Ce  qu'as  perdu,  acroistre  ton  demaine 
Et  conquérir  la  terre  d'oultre  mer. 

Ainsi  pieça  l'ont  destiné  li  sort 

lo        Et  la  vertu  des  climas  souveraine, 

C'uns  chetivez  doit  esire  en  ton  confort 
Yssus  de  toy,  qui,  par  puissance  plaine, 
A  son  pourchas  par  mocion  soudaine 
Doit  moult  ce  roy  par  son  sens  eslever 

I  5        Et  desconfir  mainte  secte  villaine 
Et  conquérir  la  terre  d'oultre  mer. 

Par  ces  trois  yert  *  grant  ton  renom  et  fort  *. 
Les  jfilz  de  Bruth  destruis  quoi  qu'il  aviengne  ; 
Charles  premier  sera  puissant  et  fort,  3o3  d 

2o        Et  le  second  l'empire  d'Alemaigne 
Doit  obtenir,  et  porter  son  ensaigne 
Sur  Sarrasins, et  ceuls  doit  subjuguer; 
Jherusalem  doit  faire  premeraine 
Et  conquérir  la  terre  d'oultre  mer. 


G 


MCXLllI 

Autre  Balade. 
{Sur  le  danger  de  la  mer.) 

KLÉE,  noif  '',  montaigne  ne  valaige  <^, 
Bois  ne  désert,  qui  sentence  y  meltroit. 


I .  a  e/fort. 

a.  Sera.  —  b.  Neige.  —  c.  Vallée. 


BALADES  7 I 

Ne  divers  pas  ne  beste  tant  sauvaige, 

Que  l'en  ne  puist  efforcier  ^  qui  vouldroit  ; 

Mais  je  ne  croy  qu'il  soit  engin  ne  droit  5 

Que  homs  sceust  faire,  dire  ou  nommer, 

Qui  contester  peust  en  nul  endroit 

Au  grant  péril  et  fortune  de  mer. 

Car  trop  soudain  sont  illec  *  li  oralge, 

Les  vens  divers,  si  que  nulz  ne  pourroit  lo 

Eulx  efforcier  ne  prandre  le  rivaige, 

N'aler  au  port  ou  cilz  aler  vouldroit 

Qui  entre  en  mer,  et  mains  homs  s'i  déçoit, 

Qui  ne  puet  pas  i  son  entente  achever 

Et  qui  jamais  résister  ne  pourroit  1 5 

Au  grant  péril  et  fortune  de  mer. 

Pour  ce  le  doit  redoubler  qui  est  saige, 

Car  la  paours  est  grande  qu'on  y  voit  ; 

Po  y  puet  homs  faire  son  vasselaige 

Quant  fortune  est  ;  se  le  vaissel  hurtoit  20 

A  roche  nul,  en  brief  temps  periroit 

Ou  les  undes  le  feroient  verser  : 

Si  fait  trop  bon  obvier,  qui  pourroit, 

Au  grant  péril  et  fortune  de  mer. 

l'envoy 

Prince  2,  Ysorez  a  son  temps  maintenoit  25 

Que  sur  terre  vault  ^  mieulx  guerre  mener; 
Sur  l'eaue  non,  et  eschiver  vouloit 
Au  grant  péril  et  fortune  de  mer. 

I.  par —  2.  princes.  —   3.  valoit. 
a.  Soumettre,  réduire.  —  b.  Là, 


7*  MALADES 

MCXLIV 

Balade. 

(//  ne  faut  pas  juger  sur  l'apparence.  Une  servante 

parle.) 

JAMAIS  nul  jour  n'auray  fiance  ou  temps   3o4  a 
Ne  ou  souleil  pour  essuer  buée  ^ 
Qui  lieve  main  a  raix  trop  esclairens  *, 
Car  laidement  en  ay  esté  trompée, 
5  Si  que  Je  voy  une  obscure  nuée 

Soudainement  obscurer  ^  ce  souleil 
Et  tant  plouvoir  que  toute  fu  gastée  : 
L'en  ne  doit  pas  par  tout  jugier  de  Toeil. 

En  ce  regart  ay  je  perdu  mon  sens 
lo        Et  de  ce  m'a  ma  maistresse  blasmée  ; 

Cendre  et  cuvier  par  ma  taulte  li  rens, 

Nape  n'y  a  qui  ne  soit  deslavée, 

Laissive  n'ay  ne  feu  en  cheminée  ^ 

Et  pas  ne  puis  buer  ^  comme  je  vueil; 
i5        Par  foui  regart  ay  esté  assotée  : 

L'en  ne  doit  pas  par  tout  jugier  de  l'oeil. 

Mais  pas  ne  suis  toute  seule  ignorens, 
Car  de  bestail  ay  veu  mainte  tropée  ^ 
Par  les  bergiers  chacier  pour  paistre  aux  champs 

I.  chemine. 

a.  Pour  sécher  lalessive.— è.  Qui  se  lève  le  matin  avec  des  rayons 
trop  brillants.  —  c.  Obscurcir.  —  d.  Lessiver.  —  e.  Troupeau. 


BALADES  73 

Qui  cuidoient  avoir  belle  journée,  20 

Qu'il  convenoit  faire  la  retournée 

Et  plus  moilliez,  eulx  bouter  soubz  leur  sueil, 

Et  s;  avoit  mainte  beste  esclopée  : 

L'en  ne  doit  pas  par  tout  jugier  de  l'oeil. 

l'envoy 

Prince,  il  convient  estre  moult  diligens  25 

Qui  veult  buer  et  cuire,  trop  m'en  dueil, 
Sçavoir  de  vray  que  li  temps  soit  constans  : 
L'en  ne  doit  pas  par  tout  jugier  de  l'oeil. 


MCXLV 


Autre  Balade. 


(On  peut  faire  la  guerre  en  tout  temps.  —   Conseil  de 
descente  en  Angleterre.) 


Q 


ui  a  bon  cuer,  pouoir  et  hardement. 
Et  volunté  qui  soit  sur  droit  fondée, 
Et  il  a  gens  a  son  commandement, 
Qui  vueille  honeur,  se  guerre  a,  son  armée  ^, 
Ne  doit  cesser,  pour  vent  ne  pour  gelée, 
Qu'il  ne  voise  ^  son  ennemi  requerre  *  : 
3o4  b  Puis  que  sa  gent  soit  de  vivre  ordonnée  : 

Vaillant  cuer  puet  en  tous  temps  faire  guerre. 

I.  voist. 

a.  Son  expédition.  —  b.  Qu'il  n'aille  chercher  son  ennemi. 


74  BALADES 

Il  ne  fault  pas  muser  si  longuement 
10        Qui  conquérir  veuit  aucune  contrée, 

Le  temps  passer  n'avoir  son  aisément; 

Traveillier  fault  pour  avoir  renommée; 

Richesce,  honeur  ne  sera  ja  donnée 

Au  paresceus,  car  rien  ne  puet  conquerre, 
1 5        Ains  pert  toudis  ;  chose  est  déterminée  : 

Vaillant  cuer  ^  puet  en  tous  temps  faire  guerre. 

Plus  fait  durs  temps,  plus  ont  d'espentement  « 
Ceuls  dessus  qui  la  guerre  est  ordonnée  -, 
Et  aux  hardis  voit  on  communément 
20        Fortune  avoir  qui  est  bien  fortunée  ; 
Car  quant  plus  est  une  chose  doublée, 
Et  meilleur  fin  11  voit  on  souvent  querre; 
Ne  doublons  rien,  soit  no  vie  asseurée  : 
Vaillant  cuer  '  puet  en  tous  temps  faire  guerre. 

l'envoy 

Princes,  passez  sanz  point  de  demourée  : 
25        Vostres  sera  le  pays  d'Angleterre; 

Autre  fois  l'a  un  Normant  conquestée  : 
Vaillant  cuer  i  puet  en  tous  temps  faire  guerre. 

1.  Vaillaiis  cucis.  —  2.  donnée. 
a.  Epouvante. 


BALADES  fp 


MGXLVI 


Antre  Balade 
(Il  faut  récompenser  les  anciens  serviteurs.) 

JE  qui  voas  ay  en  jeunesse  servi 
De  mon  pouoir,  fait  a  vostrc  plaisance, 
Sanz  convoitier,  sanz  estre  remeri  ^, 
En  attendant  vostre  bonne  ordonnance, 
Riche  vous  voy,  seigneur,  en  grant  puissance  :    5 
Souviengne  vous  de  voz  povres  servens, 
Ne  les  mettez  pour  autre  ^  en  oubliance  : 
Pechié  seroit  et  grant  deffault  de  sens. 

Mais  je  me  doubt  que  pas  ne  soit  ainsi, 
Car  oublier  voy  les  servens  d'enfance  lo 

Souventefoiz,  et  que  plus  sont  joy  ^ 
3o4  c  Les  derreniers,  c'est  maie  acoustumance; 
Qui  povre  sert,  quant  riche  a  la  chevance, 
Remerir  doit  adonc  ses  povres  gens  ; 
S'ainsi  ne  fait,  s'ilz  avoient  soufrance,  1 5 

Pechié  seroit  et  grant  deffault  ^  de  sens. 

Car  cilz  qui  sert  en  povreté,  cellui 

Qui  devient  grans  doit  avoir  congnoissance 

De  l'avancer,  du  mettre  près  de  lui 

A  son  desceu  <=,  l'avoir  en  remembrance,  20 

I.  autres.  —  2.  default, 

a.  Récompensé.  —  b.  Gratifiés.  —  c.  Insu. 


76  BALADES 

Faire  du  bien.  Hé  I  filz  de  roy  de  France, 
De  faire  ainsis  ne  soiez  negligens  : 
S'en  vous  estoit  d'eulx  bien  faire  ignorance, 
Pechié  seroit  et  grant  deftaut  ^  de  sens. 

l'envoy 

25        Princes,  soiez  de  bonne  pourveance 
Sur  voz  estas,  secourez  voz  sergens  <*, 
Car  autrement  l'en  diroit  sanz  doubtance  : 
Pechié  seroit  et  grant  deffaut  ^  de  sens. 


MCXLVII 

Autre  Balade 
(Il  faut  demander  conseil  au  gens  experts.) 

SIRES  qui  veult  faire  aucun  maçonnaige  * 
Doit  son  vouloir  aux  maçons  descouvrir, 
Aux  charpentiers  parler  du  charpentaige  <^ 
Et  aux  couvreurs  marchander  du  couvrir, 
5  Ne  pas  ne  doit  telle  matere  ouvrir 

Aux  vignerons,  qui  ne  scevent  que  c'est, 
Ne  bon  conseil  aux  foies  gens  quérir  : 
Chascun  sçavoir  doit  ce  que  bon  li  est, 

Et  d'aviser  en  un  chascun  ouvraige, 
10        D'appeler  ceuls  qui  le  scevent  fournir 

I.  défaut. 

à.  Serviteurs.  —  b.  Maçonnerie.  —  c.  Charpenterie. 


BALADES  77 

Et  non  pas  ceuls  qui  n'en  scevent  Tusaige, 

Qui  doit  plaidier  face  advocas  venir, 

Sans  1  ce  pourroit  sa  besongne  honnir; 

Pour  finances  soient  li  changeur  prest, 

Car  par  non  sens  puet  maint  mal  advenir  :        i  5 

Chascuns  sçavoir  doit  ce  que  bon  li  est. 

304  d  Gilz  qui  guerre  a  ou  doit  combatre  engaige 
Doit  aux  vaillans  leurs  consaulx  requérir, 
Aux  chevaliers  qui  en  armes  sont  saige 
Et  qui  scevent  comment  l'en  doit  ferir;  20 

Par  ceuls  la  doit  aprandre  et  enquérir 
Ce  qu'il  fera,  car  ceuls  la  sanz  arrest 
L'acompliront  pour  vivre  et  pour  mourir  : 
Chascuns  sçavoir  doit  ce  que  bon  li  est. 

l'envoy 

Princes,  qui  a  grant  terre  a  maintenir  25 

Quant  sa  guerre  a,  de  s'oneur  se  desvest 
Se  ceuls  ne  croit  qui  le  font  soustenir  : 
Chascuns  sçavoir  doit  ce  que  bon  li  est. 


MCXLVllI 

Autre  Balade. 

[Calamités  causées  par  la  rivalité  de  la  France 
et  de  l'Angleterre.) 


D 


Epuis  Nembroth  qui  acquist  seignourie 
Premièrement  pour  les  loges  garder, 


I.  Par. 


78  BALADES 

Du  temps  des  Grieux  de  Troye,  l'exillie  « 
Babiloine,  que  Cirus  voult  gaster, 

5  Qu'Alixandre  fist  le  monde  trembler 

Et  le  soubmist  et  subjuga  par  guerre, 
Les  Rommains,  puis  ne  fut  veu  en  terre 
Tant  de  doleurs  et  de  maie  meschance  ^ 
Qu'on  a  veu  partout  courir  et  querre 

10        Pour  le  débat  d'Angleterre  et  de  France. 

Tant  ne  dura  la  guerre  d'Asyrie 
Ne  des  Tartars,  ou  pais  d'oultre  mer, 
Ne  la  loy  Dieu  ne  fut  plus  dommagie 
Que  par  ces  deux  pour  la  guerre  mener, 

i5        Pays  destruis,  les  temples  violer, 

Ardoir,  ravir  et  l'un  l'autre  requerre  ; 
Par  .Lx.  ans,  qui  bien  en  veult  enquerre, 
Sanz  paix  avoir,  règne  tel  pestilence 
En  mains  pais  tuer,  murdrir  qui  erre, 

20        Pour  le  débat  d'Angleterre  et  de  France. 

Estre  devront  bien  ou  livre  de  vie 

Qui  bonne  paix  final  sçauront  trouver 

Entre  ces  deux,  faire  l'Eglise  unie;  3o^  a 

Par  ce  pourront  le  monde  reformer, 

25        En  trestoLis  biens  leurs  noms  perpétuer 

En  bon  renom,  qui  par  tout  le  monde  erre, 
Et  s'en  pourront  la  gloire  Dieu  acquerre; 
A  tousjours  mais  feray  d'eulx  remembrance 
En  mon  livre  que  j'ay  enclos  soubz  serre  ', 

3o        Pour  le  débat  d'Angleterre  et  de  France, 

l'envoy 
Princes,  vueilliez  a  la  paix  labourer 
a.  La  captivité  de  Babylone. —  è.  Malheur, calamité.— c.  Serrure. 


BALADES  79 

Et  les  .11.  roys  s'i  vueillent  acorder 

Sanz  convoiter  or,  terre  ne  finance, 

Ne  facent  plus  le  monde  déserter 

Ne  les  peuples  mourir  et  tourmenter  35 

Pour  le  débat  d'Angleterre  et  de  France. 


MCXLIX 

Balade. 
[Sur  le  mariage  de  sa  fille.] 

JE  ne  croy  par  mon  jugement 
Qu'il  soit  plus  grant  merencolie  «, 
Sanz  mal  du  corps  et  sanz  tourment, 
Que  d'omme  qui  fille  marie 
En  estât  de  chevalerie,  5 

De  clerc,  de  bourgois  ou  de  lay  *  ; 
Par  ma  fille  bien  aprins  l'ay 
Qui  m'a  rungié  jusques  aux  os. 
Pour  ce  a  ceuls  qui  fille  ont  diray  : 
Qui  fille  a  n'est  pas  a  repos.  lo 

Terre  lui  fault  premièrement 

A  tousjours,  non  pas  a  sa  vie, 

Robes,  joyaulx,  or  et  argent, 

Pannes  ^,  draps  d'or  et  pierrerie, 

Manteaulx,  anneaulx,  peleterie,  i5 

Menu  ver,  gris,  chapel  d'or  gay, 

a.  Tourment,  chagrin.  —  b.  Laïque.  —  c   Fourrures. 


8p  BALADES 

Fronteaulx  «,  couronne  :  hé  Dieu,  quel  glay  ''! 
Vaisselle,  plas,  escuelles,  pos; 
Jamais  fille  ne  mariray  : 
20  Qui  fille  a  n'est  pas  a  repos. 

Court  et  long  fault  maint  garnement  <^,    3o5  b 

Grans  noces  faire  et  chiere  lie, 

Menestrelz  de  maint  instrument 

Pour  esbatre  la  compaignie, 
25  Et  si  fault  qu'elle  soit  fournie 

De  chambres,  de  liz,  c'est  tout  vray, 

Et  de  beau  linge  ;  je  ne  sçay 

Gomment  les  pères  sont  si  sos. 

J'en  suis  ratains  jusqu'au  hahay  ^  : 
îo  Qui  fille  '  a  n'est  pas  a  repos. 

l'envoy 

Princes,  cellui  qui  fille  prant 
Est  plus  joieux  communément 
Que  li  pères,  qui  plaint  son  dos, 
Quant  le  fais  et  la  charge  en  sent  ; 
35  Nulz  ne  puet  sçavoir,  s'il  n'aprant  : 

Qui  fille  ^  a  n'est  pas  a  repos. 

I .  filles. 

a.  Ornements  du  front.  —  b.  Quel  plaisir!  —  c.  Habillement.  — 
d.  J'en  suis  blessé  jusqu'à  crier. 


BALADES  81 

MCL 

Autre  Balade  *. 

{De  l'usage  de  donner  une  dot  aux  filles 
en  les  mariant.) 

JE  me  donne  grant  merveille 
D'omme  qui  doit  estre  saige, 
Qui  tille  a,  blonde  et  vermeille, 
Quant  pour  mettre  en  mariaige 
Et  tollir  son  pucellaige  5 

Donne  du  sien  largement 
A  un  mauvais  garnement, 
Ou  bon  compains  la  prandroit 
Voluntiers  et  liement, 
Qui  de  l'argent  lui  donrroit.  10 

Ce  fait  la  loy  qui  conseille 

Aux  foulz  pères  cest  usaige, 

Dont  maint  d'iceulx  se  traveille 

D^y  mettre  son  heritaige. 

Quant  trouver  puet  d'avantaige  i5 

Qui  laboure  son  enfant. 

Pour  quoi  veult  il  chierement 

Lui  pour  ce  ferrer  estroit  «, 

Quant  trouver  puet  promptement 

Qui  de  l'argent  lui  donrroit  ?  20 


*  Publiée  par  Crapelet,page  1 1 1. 

a.  Se  mettre  à  l'étroit  comme  un  cheval  dont  le  fer  serre  trop  le 
pied. 

T.  VI  0 


82  BALADES 

Je  ne  sçay  folour  pareille  ; 
Pères  despent  a  oultraige 
Qui  a  belle  fille,  et  veille 
Pour  faire  son  labouraige. 

25  Ja  n'y  mette  argent  ne  gaige; 

Prangne  la  tout  franchement 
Qui  la  veult,  non  autrement; 
Pères  rien  donner  n'y  doit, 
Quant  il  scet  certainement 

3o  Qui  de  l'argent  lui  donrroit. 

l'envoy 

Princes,  pères  fait  oultraige 
Qui  fille  a,  et  son  dommaige; 
Se  belle  est,  il  se  déçoit 
De  donner  a  biau  visaige  ; 
35  Homme  aroit  bien  de  paraige 

Qui  de  l'argent  lui  donrroit. 


MCLI 
Balade  *. 


COMMENT  LE  PERE  MARIE  SA  FILLE  ET  LUI  DONNE  TERRE,  OR 
ET  JOYAULX,  EN  ELLE  INTRODUISANT  '^  ESTRE  HUMBLE, 
DOUCE,    COURTOISE    ET    DE    BONNES    MEURS. 

FILLE  que  j'ay,  puis  que  vous  fustes  née 
Orphenine  de  mère  defîaillant, 

'  Publiée  par  Crapelet,  page  1 13. 
a.  Instruisant. 


BALADES 


»S 


.X.  et  .VII.  1  ans  nourrie  et  gouvernée 
A  mon  pouoir  bien  et  honnestement; 
Lettres  monstre,  aprins  vo  sauvement  ^,  5 

Et  vous  m'avez  comme  père  obey, 
Et  par  aage  vous  ay  donné  mary, 
Terre  et  argent,  comme  père  doit  faire, 
Pour  hoirs  avoir  :  je  vous  requier  et  pri, 
3o5  ^Soiez  humble,  courtoise  et  débonnaire.  lo 

Honourez  Dieu  de  cuer  et  de  pensée, 

La  Vierge  aussi  servez  dévotement, 

La  messe  oez,  et  chascune  journée 

Graciez  Dieu  de  vostre  advancement. 

Et  li  priez  de  cuer  treshumblement  i5 

Qu'il  vous  doint  fruit  dont  puist  estre  servi, 

Et  qu'il  vous  gart  des  las  de  Tennemi, 

Si  qu'a  pechié  nul  ne  vous  puist  attraire, 

Et  que  de  ce  puissiez  avoir  l'octri  : 

Soiez  humble,  courtoise  et  débonnaire  :  20 

Donnez  pour  Dieu,  soiez  po  enparlée  ^, 

A  vo  mari  ferme  et  obéissant, 

Sobre  en  tous  cas,  prode  femme  trouvée; 

Gardez  voz  corps  de  foui  atouchement. 

En  vostre  hostel  ait  bon  gouvernement,  25 

Advisez  bien  que  riens  n'y  soit  péri  ; 

Soit  le  bestail  gouverné  et  nourri, 

Faictes  les  beufs  et  chevaulx  aux  champs  traire 

Pour  les  labours;  aux  mesgnies  '^  aussi, 

Soiez  humble,  courtoise  et  débonnaire.  3o 

1 .  .XVII.  ans. 

a.  Votre  religion.  —  b.  Bavarde.  —  c.  Aux  serviteurs. 


84  BALADES 


L  ENVOY 

Fille,  au  départ  et  a  vo  bien  alée, 
Qui  par  mari  estes  de  moy  sevrée  ", 
Vueilliez  en  bien  a  vo  mère  relraire  ^ 
Tant  que  de  vous,  qui  bien  vous  ay  amée, 
35        Ne  soit  nul  jour  maie  chançon  chantée  : 
Soiez  humble,  courtoise  et  débonnaire. 


MCLII 
Balade 


SUR  CEULS  QUI  FAINGNENT  ESTRE  AMOUREUX  DE  CHASCUNE  ET 
JURENT  QU'n.Z  ONT  TANT  DE  MAULX  POUR  AMER  Qu'iL  LES 
CONVIENT   MOURIR,    CHASCUN   JOUR,    DE   DIVERSES    MORS. 


S' 


E  ceuls  qui  ont  tant  de  maulx  pour  amer, 
Comme  ilz  dient,  en  avoient  le  quint, 
De  cent  les  deux  n'en  pourroit  eschaper       3o6  a 
Mais  en  mourroit,  chascun  jour,  plus  de  vint; 

5  De  tel  amour  oncques  ne  leur  souvint, 

Fors  qu'ilz  cuident  en  parlant  decepvoir, 
Et  en  jurant  qu'om  croie  qu'il  soit  voir  <^ 
Ce  qu'ilz  dient,  mais  au  cuer  ne  leur  touche  : 
Dont  touz  telz  maulx  faingnans  puissent  avoir 

10        Faulx  amoureus  et  de  cuer  et  de  bouche. 


a.  Séparée.  —  b.  Ressembler.  —  c.  Vrai. 


BALADES  8  5 

Les  uns  dient  qu'ilz  ne  font  que  trembler, 

Que  doulz  regart  de  maie  heure  les  print  ; 

L'autre  ne  puet  dormir  ne  reposer, 

Li  cuers  li  art,  puis  qu'Amours  le  sousprint 

Soudainement,  qu'ardant  désir  lui  vint  1 5 

Pour  la  beauté  qui  trop  le  fait  douloir  ; 

Et  l'autre  meurt  quant  il  n'a  son  vouloir, 

Il  sue  sang  et  ses  tourmens  reprouche  : 

En  languissant  se  fait  telz  apparoir 

Faulx  amoureus  et  de  cuer  et  de  bouche.  20 

Et  quant  dames  oient  ainsis  parler 

Tel  qui  onques  a  une  ne  se  tint 

Mais  a  pluseurs  va  pour  elles  tempter. 

Comme  un  marchant  ayant  le  cuer  estint, 

Qu'a  vraie  amour  onq  telz  vices  n'avint  25 

Que  de  changier  et  ainsi  decepvoir, 

Voisent  a  Dieu,  faictes  vostre  devoir 

De  rebouter  leur  mal  et  leur  reprouche: 

Ainsis  pourront  leur  tolie  percevoir 

Faulx  amoureus  et  de  cuer  et  de  bouche.  3o 

l'envoy 

Prince  \  on  ne  doit  nulz  croire  pour  jurer 

De  leur  amour,  car  en  eulx  n'a  qu^amer, 

Ce  sont  de  ceuls  qui  vont  a  l'escarmouche 

Pour  y  cuider  quelque  chose  happer  ; 

Au  temps  qui  est,  telz  se  veulent  monstrer        35 

Faulx  amoureux  et  de  cuer  et  de  bouche. 


I.  Princes. 


H^  BALADES 


MCLIII  3o6b 

Autre  Balade 

COMMENT  CONGNOISSANCE  SOULOIT  BOUTER  AVANT  LES 
HAULZ  CUERS  ET  ESLIEVE  A  PRESENT  LES  CHETIS. 

TROP  me  merveil  que  devient  Congnoissance, 
Qui  les  haulz  cuers  souloit  avant  bouter 
Et  les  saiges  par  longue  expérience, 
Que  je  lui  voy  de  tous  poins  rebouter; 
5  Les  chetis  voy  es  estas  eslever, 

Taire  le  voir,  essaucier  le  mentir  : 
Qu'en  advient  il,  a  tout  considérer? 
C'est  ce  qui  fait  le  monde  anientir. 

Nulz  n'est  prisiez  s'il  n'a  grant  apparance 
10        Et  par  dehors,  sanz  dedenz  regarder 

Le  bien,  l'onneur,  le  sens  et  la  vaillance 
Que  l'en  deust  devant  tout  préférer  ; 
Entre  le  bien  et  le  mal  différer 
Devroit  chascun,  et  le  bien  soustenir, 
1 5        Mais  le  mal  voy  plus  que  le  bien  régner  : 
C'est  ce  qui  fait  le  monde  anientir. 

Humilité  n'a  plus  son  ordonnance  ; 
On  tient  vaillant  qui  se  scet  bel  armer, 
Honourez  est  qui  amasse  finance, 
20        Saige  est  tenu  qui  se  scet  bien  fourrer; 
Vertu  n'a  lieu,  qui  ne  se  puet  monstrer  ; 
Grans  en  estât  et  haultains  maintenir, 
Taire  le  voir  et  mençonge  acorder  : 
C'est  ce  qui  fait  le  monde  anientir. 


BALADES  87 


LENVOY 


Princes,  depuis  qu'om  laissa  a  amer  25 

Povres  vaillans  et  les  saiges  chérir 
Et  que  l'en  voult  les  chetis  honourer, 
Cest  ce  qui  fait  le  monde  anientir. 


MCLIV 

Autre  Balade*. 

Sur  les  divers  noms  de  l'Angleterre.) 


A 


NGLETERRE  est  une  isle  d'Occident 
Qui  premier  fut  Albion  appelée; 
3o6  c  D'Albos  est  dit,  car  la  terre  évident 

Pour  sa  blancheur  est  en  mainte  contrée  ; 
Mainte  falize  ^  a  sur  la  mer  posée  5 

Haulte  et  blanche,  dont  mainte  région 
La  puet  veoir;  pour  ce  ainsi  fut  nommée  : 
C'est  de  ce  mot  Tinterpretacion. 

Bretaingne  fut  après,  en  descendant, 

D'un  duc  Bruthus,  de  Troye  la  gastée,  10 

Qui  la  conquist,  nommée  en  succédant; 

Adonc  estoit  l'Isle  aux  Geans  clamée  ; 

Et  cilz  Brutus  mena  la  son  armée 

•  Publiée  par  Crapelet,  page  114 
a.  Falaise. 


88  BALADES 

Et  les  geans  mist  a  destruction  ; 
1 5        De  Brutus  fut  Grant  Bretaingne  appellée 
Cest  de  ce  mot  Tinterpretacion. 

Long  temps  après  vint  la  un  accident 
Par  les  Saxoins  Angles;  car  appellée 
Fut  d'Angela,  fille  a  un  duc  puissant 
20        De  Saxoine,  celle  terre  loée; 

Conquise  l'a,  Bretons  mis  a  Tespée, 
Et  fist  illec  son  habitacion  ; 
D'Angela  ont  Angles  la  renommée  : 
C'est  de  ce  mot  l'interpretacion. 


MCLV 
Balade 

COMMENT  ALIXANDRE  LE  GRANT  QUI  TANT  DE  PAIS  CONQUESTA 
MOURUT  PAR  VENIN,  ET  COMENT  JULIUS  CESAR,  POMPEE, 
JASON  QUI  CONQUIST  LA  TOISON  d'oR,  AGAMENON  ET  LE 
PREUX  ET  VAILLANT  HECTOR  DE  TROYE  NE  PORENT  CONTES- 
TER A  LEUR  MORT  ET  QUE  TOUDIS  ADVIENT  TOUT  CE  QUI 
DOIT   ADVENIR. 

POUR  quoy  fina  par  venin  Alixandre, 
Qui  si  puissans  fut  et  si  fortunez. 
Qui  le  monde  soubmist  en  aige  tendre,        3o6  d 
Et  commença  .xv.  ans  puis  qu'il  fut  nez 
5  A  conquérir?  Comment  fut  destinez 

Cilz  qui  conquist  Jude,  ce  fut  Pompée? 
Après  Thessalle  ot  la  teste  couppée, 


BALADES  89 

En  Egipte  le  fist  ly  roys  fenir 

Tholomeus,  par  traison  dampnée  : 

Toudis  advient  ce  qui  doit  advenir.  10 

Comment  osa  Jason  la  Toison  prandre? 

Ly  premiers  fut  qui  fist  faire  grans  nefs. 

Comment  osa  ravir  ne  entreprandre 

Helaine  puis  Paris  li  forsenez? 

Troye,  Ylion  en  furent  deffinez,  1 5 

Hector  li  preux,  destruite  la  contrée  ; 

Agamenon,  Gregois  ^  et  leur  armée, 

Destruirent  tout  ;  mais  a  leur  revenir 

Périrent  tuit,  po  de  gent  exceptée  : 

Toudis  advient  ^  ce  qui  doit  advenir.  20 

Julles  César  auquel  Romme  voult  rendre 

Comme  empereur  triumphe  et  dignitez, 

Qui  saige  fut  ne  se  sceut  pas  deffendre, 

Et  si  tenoit  lettres  des  conjurez 

Encontre  lui,  qu'il  ne  fust  mors  ruez  25 

Si  tost  qu'il  fist  ou  Capitole  entrée. 

Est  ainsis  donc  a  chascun  destinée 

Sa  vie  ou  mort,  de  perdre  ou  conquérir? 

Je  croy  qu'oil  ;  chascuns  a  sa  journée  : 

Toudis  advient  ce  qui  2  doit  advenir.  3o 

l'envoy 

Princes,  je  tien  quant  a  la  loy  donnée 
Que  Franc  Vouloir  se  puet  contretenir 
Mais  quant  au  ciel  de  sa  cause  causée, 
Toudis  advient  ce  qui  ^  doit  advenir. 

I.  avient  —  2.  quil. 
a.  Grecs. 


90  BALADES 

/ 

MCLVl 

Autre  Balade 

{Il  faut  bien  choisir  son  temps  avant  d'entreprendre.) 


L 


AssE  !  Je  sui  hastive  Voulenté  3o'j  a 

Qui  viens  a  vous,  saige  dame  Raison, 

Pour  un  arbre  que  j'avoie  planté 

Et  commencié  a  faire  une  maison  ; 
5  A  l'eslever  ay  ja  mis  grant  foison, 

Mais  mon  arbre  voy  seichier  et  périr; 

Par  la  maison  voy  les  eaues  ferir 

Et  empirier  trop  fort  le  fondement. 

Ne  je  ne  puis  Tedifice  acomplir 
lo        Par  le  default  d'emprandrc  saigement. 

—  Dy,  en  quel  temps  as  tu  ton  arbre  anté  ? 

—  Au  moys  d'Aoust,  ou  cuer  de  la  moisson. 

—  Et  ta  maison,  se  Dieux  te  doint  santé? 

—  En  Décembre.  —  C'est  tout  hors  de  saison. 
1 5        Par  quel  conseil  ?  —  Par  Foie  Opinion; 

Qui  m'acorda  ce  que  je  voulz  quérir. 

—  Tu  diz  bien  voir  ;  nulz  homs  ne  doit  ouvrir 
Terre  en  Aoust  pour  enter  nullement, 

Car  Nature  ne  le  pourroit  nourrir, 
2o        Par  le  default  d'emprandre  saigement. 

Car  le  souleil  laisse  lors  sa  clarté 
Et  fait  adonc  froide  la  région  ; 
Quant  la  terre  a  fruit  et  fueille  porté. 
Humeur  *  defifault,  trop  pou  d'ahercion  * 

a.  Humidité.  —  b.  Adhésion,  cohérence. 


BALADES 


9' 


Fait  fueille  ^  au  fust  ^,  c'est  sa  perdicion  ;  25 

L'ente  ne  puet  lors  a  grant  fruit  venir, 

C'est  ce  qui  fait  ton  arbre  defîenir  ^ 

Tu  doiz  enter  en  Mars,  non  autrement; 

A  trop  de  gens  puet  moult  mesavenir 

Par  le  default  d'emprandre  saigement.  3o 

Edifier  hors  du  temps  de  l'esté 
Et  en  river  est  foie  entencion  : 
Les  fondemens  sont  emplus  <^  et  gasté; 
Qui  dessus  fait  edificacion 

Ses  mises  pert,  et  s'inundacion  35 

3oj  b  D'eaue  ou  de  vent  vient,  tout  verras  cheir  ^; 
Tu  le  puez  bien  par  toy  meismes  veir  : 
Mars  et  Avril  est  le  commencement 
D'édifier  :  or  te  voy  esbahir 
Par  le  default  d'emprandre  saigement.  40 

N'empran  jamais  rien  par  hastiveté, 

Sanz  bon  advis  et  sanz  mon  achoison; 

Regarde  au  temps  de  famine  ou  plenté  ", 

De  moisle  ou  sec,  voy  la  conclusion, 

Pense  a  la  fin  de  l'operacion  45 

Que  faire  veulz,  s'il  se  puet  soustenir, 

Ains  commencer  t'en  vueille  souvenir; 

Si  ne  feras  jamais  riens  folement, 

Car  tous  maulx  voy  en  tous  cas  advenir 

Par  le  default  d'emprandre  saigement.  5o 

l'en  VOY 

Princes,  vueiiliez  a  ces  poins  advertir/, 

i.  fueille  manque. 

a.  Bois.  —  b.  Dépérir,  —  c.  Pourris  par  ia  pluie.  —  d.  Tomber. 
e.  Abondance.  —  /.  Faire  attention. 


92  BALADES 

Car  du  nouvel  et  du  viez  Testament 

Mains  grans  seigneurs  faillu  perdre  et  mourir 

Par  le  default  d'emprandre  saigement. 


MCLVII. 
Balade  ''. 


(Campagne  d'Ecosse.) 
[i385.] 

Vous  qui  estes  parez  comme  espousée, 
Qui  des  grans  faiz  si  bien  parler  sçavez, 
Et  qui  sur  tous  avez  la  renommée 
D'estre  jolis,  qui  chantez  et  dancez, 
5  Et  qui  les  faiz  des  grans  choses  pensez, 

Quant  en  France  est  chascuns,  en  son  pais, 
Vecy  Honeur,  se  querre  la  voulez  : 
Vous  n'estes  pas  sur  Grant  Pont  a  Paris. 

Veoir  pouez  du  roy  Charle  l'armée 
lo        Monter  en  mer;  sur  ce  vous  advisez; 
Servez  le  bien  de  cuer  et  de  pensée, 
Faittes  vers  lui  ainsis  que  vous  devez  ; 
Aiez  bon  cuer  quant  vous  arriverez. 
Et  que  chascuns  soit  vaillans  et  hardis, 
1  3        Si  qu'en  la  fin  nulz  ne  soit  diffamez  :  3oj  c 

Vous  n'estes  pas  sur  Grant  Pont  a  Paris. 


•  Cette  ballade,  publiée  par  Tarbé,  tome  I,  page  jS,  déjà  transcrite  deux 
fois  aux  folios  /5"  et  242,  a  été  publiée  dans  le  tome  I,  page  /56,  sous  le 
numéro  LXll  et  dans  le  tome  V,  page  140,  sous  le  numéro  DCCCCXXXIl. 


BALADES  93 

Vous  VOUS  boutez  en  l'anglesche  contrée 
Pour  conquérir  ce  que  perdu  avez. 
—  Qu'est  ce?  —  Renom,  dont  vo  terre  honourée 
Fut  par  long  temps  ;  donques  la  recouvrez,       20 
Et  s'en  bataille  ou  assault  vous  trouvez, 
Monstrez  voz  cuers  plus  grans  que  voz  habis; 
Ou  autrement  seriez  deshonourez  : 
Vous  n'estes  pas  sur  Grant  Pont  a  Paris 

l'envoy 

Prince,  tous  ceuls  qui  sont  les  mieulx  parez       25 
Quant  a  Toneur  soient  les  premiers  mis; 
Avisez  bien  que  foit  vous  combatez  : 
Vous  n'estes  pas  sur  Grant  Pont  a  Paris. 


MCLVIII 

Balade  *. 
{Décadence  du  temps  présent.) 

LES  chevaliers  du  bon  temps  ancien 
Et  leurs  enfans  aloient  a  la  messe; 
En  doubtant  Dieu  chascun  vivoit  du  sien, 
L'en  congnoissoit  leur  bien  et  leur  prouesse, 
Et  li  peuples  labouroit  en  simplesse;  5 


Cette  ballade,  publiée  par  Crapelet,  page  gy,  déjà  transcrite  au  fo- 
lio 242,  a  été  publiée  dans  le  tome  V,  page  142,  sous  le  numéro 
DCCCCXXXIII. 


94  BALADES 

Chascuns  content  estoit  de  son  office, 
Religion  fut  de  touz  biens  Tadresse  « 
Mais  au  jour  d'ui  ne  voy  régner  que  vice. 

Li  josne  enfant  deviennent  rufien, 
lo        Joueurs  de  dez,  gourmans  et  plains  ^  d'yvresse, 
Haultains  de  cuer,  et  ne  leur  chault  en  rien 
D'onneur,  de  bien,  de  nulle  gentillesse, 
Fors  de  mentir,  d'orgueil  et  de  paresse,     - 
Et  que  chascun  son  vouloir  acomplisse. 
1 5        Le  temps  passé  fut  vertu  et  haultesse, 

Mais  au  jour  d'ui  ne  voy  régner  que  vice. 

A  ceuls  qui  font  ainsis  viennent  li  2  bien 
Temporelment.  Chevalerie  cesse, 
Car  les  vertus  sont  de  foible  merrien  '',         3o']  d 
20        Le  labour  fault,  religion  se  blesse, 
Et  vaillance  veult  estre  larronnesse; 
Ainsi  convient  que  tout  honeur  périsse. 
Le  monde  aussi,  se  Dieu  tout  ne  radresse  : 
Mais  au  jour  d'ui  ne  voy  régner  que  vice. 

l'envoy 

25        Prince,  un  temps  fut  qu'oneur,  sens  et  noblesse 
Avoient  tuit  estât  et  bénéfice, 
Vertus  regnoit  en  chascune  fortresse, 
Mais  au  jour  d'ui  ne  voy  régner  que  vice. 

I.  plain  —  3.  li  manque. 

a.  La  direction.  —  b.  Étoffe,  proprement  bois. 


BALADES  ^5 

MCLIX 

Autre  Balade  *. 
[Conseils  donnés  par  une  dame  à  un  jeune  homme.) 

DAME,  bon  jour  vous  soit  donnez  ! 
—  Beau  filz,  bien  soies  tu  venus! 
Que  quiers  tu?  —  Que  vous  m'enseigniez 
Comment  je  seray  soustenus. 
—  Je  f  enseigneray  trois  vertus,  5 

Le  sens  naturel  et  l'acquis. 
Et  manière  est  au  pardessus  : 
Aies  sur  ces  poins  ton  advis  ^. 

Moult  est  bons  H  sens  naturelz 

Qui  vient  aux  hommes  de  ça  jus  lo 

Naturelment,  puis  qu'ilz  sont  nez, 

Qui  par  leur  sens  se  mettent  sus; 

Le  sens  acquis  proffite  plus 

Quant  au  naturel  est  unis; 

Manière  vault  mieulx,  si  conclus  :  i5 

Aies  sur  ces  poins  ton  advis. 

Qui  a  ces  trois  yert  ordonnez  ^ 

En  tous  biens  sera  maintenus, 

Temporelz,  espirituelz; 

Or  ne  soies  pas  malostrus;  20 

Quier  les  donc;  n'en  soies  exclus, 

*  Cette   ballade,  déjà  transcrite  au  folio   242,  a  été  publiée  dans  l 
tome  V,  page  i43,  sous  le  numéro  DCCCCXXXIV. 

a    Ton  attention.—  b.  Qui  à  ces  trois  points  se  tiendra. 


0  BALADES 

Le  monde  aras  et  paradis 

Se  tu  les  as  bien  retenus  : 

Aies  sur  ces  poins  ton  advis.  3o8  a 

l'envoy 

25  — Raison,  dame,  vous  m'aprenez; 

Vostre  suis,  tant  com  seray  vis, 
Disciples.  —  Bien  seras  fondez  : 
Aies  sur  ces  poins  ton  advis. 


MGLX 

Autre  Balade. 
(//  ne  faut  pas  se  fier  aux  apparences.) 


D 


|OUCE  dame,  je  viens  de  vous  aprandre 
Se  Science  est  toujours  en  riche  habit, 
Vaillance  aussi  ;  or  me  faittes  entendre 
Ce  que  Raison  et  l'Escripture  en  dit. 

5  Vérité  lors  un  argument  me  fit  : 

Qui  couverroit  un  fiens  de  drap  d'or, 
Dedenz  purroit,  et  si  scez  bien  encor, 
Les  draps  ostez,  qu'il  tendroit  sa  nature. 
Certes  Science  est  precieus  trésor 

lo        Qui  bien  se  met  soubz  povre  couverture. 

Un  noble  engin  puet  sçavoir  et  aprandre 
En  petit  corps,  par  son  noble  esperit, 
Toutes  vertus,  quant  ses  cuers  y  veult  tendre, 


BALADES 


^97 


De  grans  robes  n'a  cure  n'appetit; 
Veulz  tu  dire  que  son  sens  dépérit  i5 

S^il  ne  monstre  ses  cornes  comme  un  tor  ^} 
Grant  robe  avoir  n'y  vault  un  harenc  sor, 
Fors  le  bon  sens  d'umaine  créature 
Que  l'en  deust  bien  prisier,  amer  desor  *, 
3oS  b  Qui  bien  se  met  soubz  povre  couverture.  20 

Le  fiens  est  sur  qui  l'en  seult  estendre 

Les  riches  draps  Pomme  qui  riens  n'aprit  <^; 

Dehors  appert  ^,  mais  dedenz  n'est  que  cendre; 

Qui  a  telz  gens  conseille  il  se  honnit  : 

Riens  ne  scevent,  et  Vaillance  périt  2  5 

Soubz  bel  armé  qui  ne  vault  pas  un  cor  ^  ; 

Aux  vertus  tien  *;  les  robes,  par  saint  Mor, 

Y  font  moult  po,  fors  de  couvrir  l'ordure  : 

L'en  treuve  bien  prodomme  confessor 

Qui  bien  se  met  2  soubz  povre  couverture  •       3o 

l'envoy 

Prince,  l'en  doit  aux  vertus  garde  prandre 
Aux  habis  non,  mais  au  ^  sens  de  nature; 
Car  telz  saiges  scet  bonne  raison  rendre 
Qui  bien  se  met  soubz  povre  couverture. 

I.  tient.  —  2.  Qui  se  boute.  —  3.  aux. 

a.  Un  taureau,  —  b.  Désormais.  —  c.  L'homme  qui  ne  sait  rien 
est  l'ordure  sur  laquelle  on  étend  de  riches  draps  pour  la  cacher. 
—  d.  Paraît.  —  e.  Une  corne. 


T.  VI 


9$  BALADES 

MCLXI 

Autre  Balade. 
{Dialogue  entre  la  Terre  et  la  Mer.) 


ï 


L  ot  jadis  tresgrant  dissencion 
Entre  les  vens,  la  mer  et  mainte  terre, 
Qui  lors  disoit  :  «  Vostre  inundacion 
«  Me  grieve  trop;  Mer,  pour  quoy  va  tu  querre, 

5  «  Pour  moy  grever,  les  gens  qui  me  font  guerre 

«  Et  les  portes  en  si  grant  quantité 
«  Que  tout  m'ardent  et  robent  sanz  pité 
«  Quant  ilz  puent  dessur  '  moy  leur  port  prandre?  » 
La  mer  respont  :  «  Certes,  ce  fait  Esté, 

10        «  Mars,  Avril,  May, Juing,Juil,Aoust,  Septembre. 

«  Seure  ne  sui  fors  en  celle  saison  ; 

«  Adonc  prannenl  les  galées  leur  erre  " 

«  Ou  moys  d'Avril,  par  mainte  légion,         3o8  c 

«  Que  Zephirus,  li  doulz  vens,  se  desserre; 

i5        «  Paisible  suy,  grans  vaisseaulx,  chascun  erre 
«  En  Alixandre,  a  Damas  la  cité, 
«  A.  plain  voile,  pour  leur  neccessité 
«  D'avoir  de  poix  et  ce  qu'om  puet  comprandre; 
«  Puis  les  mettent  arrier  a  sauveté 

20        «  Mars,  Avril,  May,  JuingjJuil.Aoust,  Septembre. 

«  Tu  me  blâmes.  Terre,  contre  raison. 

«  Tes  gens  viennent,  non  pas  moy  eulx,  requerre; 

I.  sur 

a.  C'est  à  ce  moment  que  les  vaisseaux  sortent. 


BALADES  99 

«  En  Occident,  Midi,  Septemtrion, 

«  Leur  fault  souvent  de  l'un  en  l'autre  acquerre 

«  Ce  que  pas  n'ont;  je  te  faiz  amisté  25 

«  De  les  souffrir;  sanz  toy,  c'est  vérité, 

«  Me  puis  chevir  ^,  toy  non;  or  t'en  remambre; 

«  De  ce  soufrir  ont  la  propriété 

«  Mars,  Avril,  May,  Juing,  Juil,  Aoust,  Septembre. 

(f  Mère  des  mers  suy,  dicte  Marion  ;  3o 

«  Je  te  soustien,  qui  bien  le  scet  enquerre  ; 

«  L'esperit  Dieu  fist  sur  moy  sa  maison, 

«  Avant  qu'il  fust  ne  lune  ne  soulerre  *  : 

«  Le  ciel  n'estoit,  ne  terre  ne  clarté  ; 

«  Son  esperit  sur  les  eaues  porté  35 

«  Fut  a  ce  temps  qu'il  vous  fist  et  tout  gendre  '^  ; 

«  Depuis  vindrent  par  leur  subtilité 

«  Mars,  Avril,  May^  Juing,  Juil,  Aoust,  Septembre. 

«  Se  les  gens  font  aux  terres  desraison 

«  Et  guerre  entr'eulx,  se  li  uns  l'autre  enserre,  40 

«  Tue  ou  mourdrist,  pas  n'en  suy  achoison  '^  : 

«  A  toutes  gens  est  commune  ma  serre  ^, 

«  Aux  terres  doing  tous  poissons  a  plenté/; 

(f  Je  ne  toulz  e  riens,  mais  je  suis  en  fierté 

«  Octob.,  Novem.,  Janvier,  Février,  Décembre.  45 

ft  Fuy  moy  adonc  ;  quier  lors  pour  ta  santé 

«  Mars,  Avril,  May,  Juing,  Juil,  Aoust,  Septembre. 

l'envoy 

3oS  à  «  Terre,  les  vens,  yvers  et  leur  durté 

«  En  ces  cinq  mois  font  maint  grant  vessel  fendre, 
«  Perdre  et  périr  ;  pran  le  temps  de  purté  :  5o 
«  Mars,  Avril,  May,  Juing,  Juil,  Aoust,  Septembre.  » 

a.  Je  puis  me  suffire.  —  b.  Vent  du  Sud.  —  c.  Genre.  —  d.  Cause. 
—  e.  Ma  garde.  — /.  En  abondance.  —  g.  Je  n'enlève  rien. 


I OO  BALADES 

MCLXII 

Autre  Balade  *. 
{Sur  Vépîdémîe.] 

OUI  veult  son  corps  en  santé  maintenir 
Et  résister  a  mort  d'epidemie, 
Il  doit  courroux  et  tristesce  fuir, 
Laissier  le  lieu  ou  est  la  maladie 
5  El  fréquenter  joieuse  compaignie, 

Boire  bon  vin,  nette  viande  user, 
Port  bonne  odour  contre  la  punaisie  ^, 
Et  ne  voist  hors  ^  s'il  ne  fait  bel  et  cler. 

Jeun  estomac  ne  se  doit  point  partir, 
10        Boire  matin  et  mener  sobre  vie, 

Face  cler  feu  en  sa  chambre  tenir; 

De  femme  avoir  ne  li  souviengne  mie; 

Bains,  estuves  a  son  pouoir  dévie  <^, 

Car  les  humeurs  font  mouvoir  et  troubler  ; 
1 5        Soit  bien  vestus,  ait  toudis  chiere  lie, 

Et  ne  voist  hors  s'il  ne  fait  bel  et  cler. 

De  grosses  chars  et  de  choulz  abstenir 

•  Cette  ballade,  publiée  par  Crapelet,  page  1 16,  se  retrouve  également 
dans  le  manuscrit  du  fonds  français,  Nouvelles  Acquisitions,  n'  6221,  folio 
34,  col.  I . 

a.  Infection.  —  b.  Et  qu'il  n'aille  dehors,  —  c.  hvite. 

Variantes  du  ms.  6221  :  Vers  2.  contre  lepydemie.  —  3.  Doit 
joye  avoir  et  tristece  fuyr,  —  5.  En  fréquentant  joyeuse.  —  10. 
doulce  vie,  —  11.  Faire  cler  feu.  —  i3.  Baings  et  estuves.  —  17. 
De  grosse  chair  se  doit  on  abstenir. 


BALADES  1 O l 

Et  de  tous  fruiz  se  doit  on  en  partie, 
Cler  vin  avoir,  sa  poulaille  rostie, 
Connins,  perdriz,  et  pour  espicerie  20 

Canelle  avoir,  safran,  gingembre,  et  prie 
Tout  d'aigrevin  et  vergus  destremper, 
3opa  Dormir  au  main;  ce  régime  n'oublie, 
El  ne  voist  hors  s'il  ne  fait  bel  et  cler. 


MCLXIII 

Autre  Balade. 
(L'orgueil  est  mauvais  conseiller.) 

Ou  temps  que  l'en  seult  plus  hault  tendre, 
Et  c'om  est  en  plus  grant  escueil  <*, 
Que  l'en  veult  tout  ravir  et  prandre 
Et  tout  surmonter  par  orgueil, 
Adonc  sont  aveugle  li  oeil,  5 

Et  lors  vient  fortune  soudaine 
Qui  tel  orgueil  bat  et  ramaine 
Par  pechié  a  confusion  : 
Onques  personne  d'orgueil  plaine 
Ne  prinst  bonne  conclusion.  10 

Exemple  du  roy  Alixandre, 

Qui  soubmist  le  monde  a  son  vueil  * 

a.  Essor.  —  è.  A  sa  volonté. 
18.  Et  de  touz  fruiz  de  la  plus  grant  partie.  —  ig.  Mangier  con- 
nins, sa  poulaille  rostie.  —  20.  Et  venoison  car  tout  espicerie.  — 
21.  Canelle,  clous  de  girofle  pourrie.  —  23.  Dormir  matin  tout  ce 
n'oublies  mie. 


102  BALADES 

A  .XXX.  ans,  puis  voult  guerre  prandre 

Aux  Enfers,  et  lors  vint  son  dueil; 
1 5  Car  la  poison  passa  le  sueil 

De  sa  convoitise  villaine; 

Ainsis  la  mort  courant  le  maine 

Et  sur  heure  ^  a  destruction; 

Qu'onques  personne  d'orgueil  plaine 
20  Ne  prinst  bonne  conclusion. 

Nabugodonosor  emprandre 
Voult  contre  Dieu,  mais  le  verreil  *, 
Que  nul,  fors  lui,  ne  puet  comprandre, 
Le  cassa  en  pouldre  ;  si  dueil 

25  Descongnoissance  et  son  acueil, 

Qui  destruit  Troye  premeraine, 
Nynive,  Romme  souveraine, 
Babiloine,  autre  région, 
Qu'onques  personne  d'orgueil  plaine 

3o  Ne  prinst  bonne  conclusion. 

l'envoy 

Prince,  de  fortune  mondaine  3og  b 

Ou  de  mort  soit  toute  certaine 
Créature  en  elacion  «^j 
Qu'onques  personne  d'orgueil  plaine 
35  Ne  prinst  bonne  conclusion. 

a.  A  l'instant  même.  —  b.  Verreil  signifie  vitrail;  mais  le  mot 
ne  semble  pas  juste  ici,  il  s'appliquerait  à  Baithazar  plutôt  qu'à 
Nabuchodonosor  dont  Daniel  expliqua  les  songes.  Voir  la  Bible,  au 
Livre  de  Daniel.—  c.  Arrogance. 


BALADES  I03 


MCLXIV 

Balade 
d'antecrist 

OAntecrist,  venu  sont  ti  message 
Pour  préparer  ta  hideuse  venue; 
Et  1  de  la  loy  Dieu  font  laissier  Tusaige 
Faulx  prophètes,  qui  ja  vont  par  la  rue, 
Villes,  citez,  pais;  l'un  l'autre  tue  ;  5 

Le  ciel  donne  et  le  souleil 
Et  la  lune  maint  signe  non  pareil 
Du  concepvoir  et  de  ton  naistre  hostile  2; 
Je  voy  venir  du  tout  ton  appareil, 
Selon  le  dit  de  la  saincte  Euvangile.  lo 

Toy  concevra  femme  de  moyniage  <», 

De  l'ennemi  fera  sa  retenue  ; 

Babiloine  sera  ton  herbergaige  *, 

Crist  te  diras,  roy  de  terre  et  de  nue, 

Faulx  miracles  verront  la  gent  menue  i5 

Que  tu  décevras  ^  a  l'ueil  ; 
Et  attrairas  tous  les  princes  d'orgueil 
Par  les  trésors  qu'a  trouver  yes  '^  habile, 
L'or  leur  donrras,  si  qu'ilz  feront  ton  vueil, 
Selon  le  dit  de  la  saincte  Euvangile.  20 

Et  le  tiers  point,  par  tourment  et  par  raige 
Yert  ^  ta  fureur  es  noncreans  veue; 
Mourdri  seront  et  mort  par  ton  oultraige  ; 

I.  Et  manque.  —  2.  horrible.  —  3  deceveras. 

a.  Une  religieuse.  —  b.  Ta  résidence.  —  c.  Tu  es.  —  d.  Sera. 


1 04  BALADES 

Ainsi  sera  ta  fausse  loy  creue. 

25        Par  ces  .in.  poins  yert  la  gent  deceue, 
Ti  disciple  en  grant  esveil 
Yront  par  tout,  dont  forment  me  merveil, 
Preschier  ta  loy  et  a  champ  et  a  ville;  3og  c 

Les  Juifs  croiront  en  toy,  dont  je  me  dueil, 

3o        Selon  le  dit  de  la  saincte  Euvangile. 

Les  grans  trésors  de  Salemon  le  saiçe 
Et  tous  les  ors  de  finance  perdue 
Sont  reservez  pour  faire  ton  passaige, 
Que  un  chascun  d'avancer  s'esvertue, 

35        Pappe,  empereur,  roy,  qu'avarice  argue 
D'amasser  par  ton  conseil, 
Dont  ilz  muèrent  a  dueil  et  a  traveil, 
Quant  les  trésors  font  a  cent  et  a  mille  ; 
C'est  un  signe  ou  nul  bien  ne  recueil, 

40        Selon  le  dit  de  la  saincte  Euvangile. 

Mais  en  la  fin  apparra  ton  folaige  ; 

Enoc  ystra  '^  et  Helie  de  mue  *, 

Qui  destruiront  et  toy  et  ton  voyaige  ', 

Par  qui  la  gent  aura  esté  tenue; 
45        Par  .m.  ans  yert  ta  secte  maintenue 
Et  un  demi;  Tappareil 

Des  deux  mourir  feras  d'ire  et  de  dueil  ; 

Lors  fera  Dieux  une  fouldre  soutille 

Cheoir  sur  toy,  ars  seras  d'un  escueil  ^, 
5o        Selon  le  dit  de  la  saincte  Euvangile. 

Droit  en  Enfer  yras,  en  Torde  caige, 

Sepelis  '^  yers  de  la  gent  mescreue, 

Ton  corps  purra  com  charongne  sauvaige  2; 

I .  voyage  —  2.  sauvage 

d.  Sortira.  — è.  Prison.  —  c.  Élan.  —  d.  Enseveli. 


BALADES  I ô5 

Lors  se  tenrront  gent  nice  et  malostrue 

De  t'avoir  crut,  et  pour  leur  revenue,  55 

Comme  gens  hors  de  sommeil, 
Crieront  merci  a  Dieu;  je  le  conseil. 
Adonc  sera  Judée  de  Dieu  fille, 
Qui  devendra  sauve  par  son  resveil, 
Selon  le  dit  de  la  saincte  Euvangile.  60 


MCLXV 

Autre  Balade  *. 

{Du  bachelier  d'armes.) 

3og  d  \  yTous  qui  voulez  Tordre  de  chevalier, 

V     II  vous  convient  mener  nouvelle  vie, 
Dévotement  en  oroison  veillier, 
Pechié  fuir,  orgueil  et  villenie; 

L'Eglise  devez  deffendre,  5 

La  vefve  aussi,  l'orphenin  entreprandre  '*, 
Estre  hardis  et  le  peuple  garder, 
Prodoms,  loyaulx,  sanz  riens  de  Tautrui  prandre  : 
Ainsi  se  doit  chevalier  gouverner. 

Humble  cuer  ait,  toudis  doit  traveillier  10 

Et  poursuir  faiz  de  chevalerie, 
Guerre  loyal,  estre  grant  voyagier, 
Tournoiz  suir  *  et  jouster  pour  s'amie  ; 

Il  doit  a  tout  honnour  tendre, 
Si  c'om  ne  puist  de  lui  blasme  reprandre  i5 

■  Publiée  par  Crapelet,  page  i  ig. 

a.  Soutenir.  —  b.  Suivre  les  tournois. 


I06  BALADES 

Ne  laschetéen  ses  oeuvres  trouver; 
Et  entre  touz  se  doit  tenir  le  mendre  '^  : 
Ainsi  se  doit  chevalier  gouverner  i. 

Il  doit  amer  son  seigneur  droiturier, 
20        Et  dessus  touz  garder  sa  seignourie, 
Largesce  avoir,  estre  vray  justicier. 
Des  prodommes  suir  la  compaignie, 

Leurs  diz  oir  et  aprandre, 
Et  des  vaillans  les  prouesces  comprandre, 
25        Afin  qu'il  puist  les  grans  faiz  achever 
Comme  jadis  fist  le  roy  Alixandre  : 
Ainsi  se  doit  chevalier  gouverner. 


MCLXVI 
Balade 

QUE  EUSTACE   FIST   SUR    LiBÉR   GENERACIONIS,    ETC. 

Liber  generacionis 
Est  au  jour  d'ui  bien  en  saison, 
Car  l'en  voit  pluseurs  définis  ^ 
Dont  l'en  ne  scet  dire  leur  nom. 
\  Qwf /«z7  Sadoch  et  Naason? 

Qui  est  cilz  au  bleu  chaperon? 

L'un  respont  qu'il  est  receveur, 

Et  l'autre  dit  contreroleur.  3io  a 

Qui  fuit  Naon?  grenetier, 

I.  gouverner  chevalier.  —  2.  pluseurs  gens  définis 
a.  Le  moindre,  le  plut  humble. 


BALADES  107 

Qui  fut  Natham?  impositeur  «  :  10 

Tout  va  ce  que  devant  derrier. 

Qui  fuit  Boos  li  esbahis  ? 

Sergens  de  l'imposicion. 

Qui  fuit  Eber  li  hais? 

Generaulx  en  conclusion.  i5 

Qui  fut  Phares?  l'élection 

Ci  vient,  la  rusmigracion  *, 

Et  Arphaxat  fut  fouageur  '^. 

Qui  fut  Ragam  ?  exécuteur  ; 

Et  Jacob?  le  clerc  du  papier.  20 

Qui  fut  Maleth?  reformateur. 

Tout  va  ce  que  devant  derrier. 

Les  temps  ne  sont  pas  touz  onnis  ^ 

En  ceste  generacion  ; 

Enoch  a  perdu  ses  habis  ;  ï5 

Je  n'y  treuve  pas  Salemon. 

Aram  quiert  tout  a  son  ramon  ^ 

Qui  rien  n'y  veult  laissier  de  bon; 

A  pié  trotent  li  chevaucheur. 

Telz  fu  pran  /qui  se  fait  donneur,  3o 

Populus  karolus  a  chier  ; 

De  cuer  hautain  fait  orateur  : 

Tout  va  ce  que  devant  derrier. 

Qui  fut  Joseph?  qui  fut  David? 

Qu'est  devenu  Pymalion  ?  35 

Mathussalé  est  enviellis  s\ 

Charpentier  ne  veult  ne  maçon, 

Car  ilz  vendent  trop  leur  façon; 


a.  Percepteur  de  l'impôt.  —  b.  Erreur  de  copiste  sans  doute  pour 
•ansmigration.  —  c.  Officier  chargé  de  lever  le  fouage  (bois  dechauf- 
ige).  — i. Unis,  pareils.  — e  Balai. —  /■.  Preneur.  —^.Devenu  vieux- 


I08  BALADES 

Esaû  revient  a  parçon  <^ 
40  Qui  contr'eulx  se  fait  demandeur; 

Hely  fut  de  pierres  vendeur, 
Mais  plus  ne  sçaroit  l'or  touchier, 
Car  il  y  a  nouveau  fondeur  :  3io  b 

Tout  va  ce  que  devant  derrier; 

45  Voire  pour  aucuns  qui  jadis 

N'aloient  pas  sanz  compaignon. 

Qui  devenus  sont  si  hardis 

Que  ilz  vont  seulz,  vueillent  ou  non, 

Et  n'ont  bannière  ne  pannon  *. 
5o  Helas!  et  que  leur  demand'on? 

Que  ilz  '  soient  restitueur. 

Zerobobel  est  accuseur  <^. 

Achas  les  fait  vivre  a  dangier  ; 

Baraté  sont  li  barateur  ^  : 
5  5  Tout  va  ce  que  devant  derrier. 

l'envoy 

Prince,  je  di  que  de  raison 
Orgueil  ne  puet  durer  foison  " 
N'avarice,  sanz  trebuchier. 
Pour  ce,  impositeur  et  maçon 
60  Prangnent  cy  leur  conclusion  : 

Tout  va  ce  que  devant  derrier. 

I.  Quilz 

a.  Au  partage.  —  b.  Petit  drapeau.  —  c.  Accusateur.  —  d.  Trom- 
pés sont  les  trompeurs.  —  e.  Longtemps,  beaucoup. 


BALADES  109 

MCLXVII 

Autre  Balade. 
{On  ne  croit  plus  à  rien.) 

HE  !  Dieu,  quel  temps  et  quel  règne  de  monde 
Court  au  jour  d'ui  par  tout  generalment, 
Ou  je  ne  voy  vray  cuer,  pensée  monde  «, 
Pité,  amour  ne  certain  jugement, 
Garder  la  loy,  faire  son  sauvement,  5 

Honourer  Dieu  ne  doubter  sa  puissance! 
Mais  de  touz  maulx  voy  la  persévérance 
Es  corps  mortelz,  en  convoitant  toudis 
Fausses  honeurs,  dignilez  et  chevance, 
Qu'a  nul  ne  chaut  d'Enfer  ne  Paradis.  10 

Pierres  et  Polz,  ou  l'église  se  fonde, 
Gouvernèrent  a  leur  temps  sainctement, 
Preschans  la  foy  et  menans  vie  ronde, 
Crurent  *  la  loy  par  leur  enseignement, 
3io  c  Par  exemple  de  bon  gouvernement;  i5 

Mais  arrebours  voy  retourner  la  dance, 
Vendre,  achater,  mettre  en  desordonnance  « 
Les  biens  de  Dieu  ;  autrement  que  jadis 
Estât  lever,  orgueil,  oultrecuidance, 
Qu'a  nul  ne  chaut  ^  d'Enfer  ne  Paradis.  20 

Aux  princes  voy  par  tout  lever  la  bonde 
Sur  les  péchiez,  et  convoiteusement  ; 
Sanz  vérité  voy  le  chant  de  l'aronde  <^; 

i.  chault. 

a.  Simple,  pure.  —  b.  Accrurent.  —  c  Désordre.  —  d.  L'hiron- 
delle. 


110  BALADES 

Justice  faint;  je  voy  communément, 
25        Pour  decepvoir,  que  cil  qui  parle  ment; 
Ghascun  user  veult  de  foie  plaisance; 
En  tous  estas  ne  voy  que  decepvance  ^, 
Blandir  ^  devant,  derrier  estre  ennemis, 
Pour  acquérir  seigneurie  ou  finance, 
3o        Qu'a  nul  ne  chaut  d'Enfer  ne  Paradis. 

l'envoy 

Princes,  pensez  a  Testât  de  vaillance. 
De  servir  Dieu,  d'avoir  bonne  ordonnance, 
Et  touz  autres  gardent  leurs  esperis, 
Car  tout  mourra.  Laissons  persévérance 
35        De  noz  péchiez,  ou  tout  est  en  balance, 
Qu'a  nul  ne  chaut  i  d'Enfer  ne  Paradis, 


MCLXVIII 
Balade 

AU   ROY   NOSTRE   SIRE 

IL  a  cinq  ans  que  mes  corps  ne  cessa 
De  poursuir,  d'impetrer  mandemens, 
Boiste  porter  puis  de  la,  puis  de  ça, 
Et  s'avez  fait  pluseurs  commandemens 
Aux  generaulx,  de  bouche  et  par  voz  gens, 
Que  de  voz  dons  fusse  sactifiez  <^, 
Dont  riens  n'ont  fait,  dont  pas  je  ^  ne  suy  liez  '^. 
Mis  ^  m'avoient  a  la  fin  de  Juillet, 

I   cliault.  —  2.  je  manque. 

a.  Tromperie—  b.  Flatter.—  c.  Satisfait.—  d.  Content.—  e.  Remis. 


BALADES  III 

Mais  nonpourquant  <*  je  suy  touz  oubliez  : 

En  si  faiz  dons  mauvais  fier  se  fet  *.  lo 

Les  .XII.  moys,  dont  Janvier  commença, 
3i  0  d  Ay  par  termes  obtenuz  susequens  ; 

J'oy  jours  et  ans,  la  Toussains  qui  passa, 

La  Ciiandelour,  Nouel  et  les  Advens, 

Caresme  aussi,  Pasques  commeniens '^j  i5 

L'Ascension,  mes  dons  vérifiez, 

La  Panthecouste,  et  sanz  estre  paiez, 

M'ont  mainte  foiz  assigné  au  souflet  ^. 

Les  generaulx,  fiez  vous  y,  fiez  ! 

En  si  faiz  dons  mauvais  fier  se  fet  ^.  20 

Et  puis  qu'ainsi  d'eulx  poursuir  me  va, 

Je  ne  plains  riens  que  ma  paine  et  despens  : 

A  vous  en  est  ;  plus  ne  les  poursuira 

Mon  las  de  corps,  qui  a  servi  long  temps 

A  vo  plaisir  ;  lettres  et  dons  vous  rens,  25 

Car  vous  estes  souverains  d'eulx  et  chiefs. 

J'en  seroie  content,  se  vous  vouliez  ; 

Vo  grâce  lors  feroit  finer  mon  plet  ^, 

Qui,  se  par  vous  n'est  reconciliez. 

En  si  faiz  dons  mauvais  fier  se  fet.  3o 

l'envoy 

Princes,  soiez  de  voz  dons  recordans  / 

Et  de  voz  diz,  l'un  a  l'autre  acordans  fi"  : 

En  vo  grâce  de  tous  poins  me  soubmet  ; 

Deuz  me  sont  voz  dons  depuis  cinq  ans, 

Mais,  se  sur  eulx  n'ay  mes  .iiiL^frans,  35 

En  si  faiz  dons  mauvais  fier  se  fet  1. 

1.  fait. 

a.  Cependant,  néanmoins. —  b.  Il  est  mauvais  de  se  fier  à  ces  dons 
fallacieux. —  c.  Où  l'on  communie. —  d.  Envoyé  promener. —  e.  Ma 
requête.  — /.  Souvenant.  --  g.  Accordant  ensemble  l'un  et  l'autre. 


I I 2  BALADES 

MCLXIX 

Autre  Balade  *. 
{Leçon  de  musique. 


M 


ARioN,  entendez  a  mi  : 
Je  vous  aim  plus  que  créature, 
Et  pour  ce  d'umble  cuer  vous  pri 
Qu'au  dessoubz  de  vostre  sainture 
5  Me  laissez  de  la  turelure  '^ 

Et  de  ma  chevrette  jouer. 
La  vous  aprandray  a  dancer 
Au  coursault  '',  et  faire  mains  tours. 

—  Robin,  je  n'y  sçaroie  aler  :  3i i  a 
10            Doit  on  ainsi  parler  d'amours? 

—  Ouil  ;  et  encores  vous  di 
Que  chanter  par  art  de  nature 
Vous  feray,  et  doubler  aussi  ; 
Je  vous  monstreray  la  figure 

i5  Du  contrepoint,  et  la  mesure 

Des  semibreves  acorder, 
De  faindre  la  voix,  de  monter 
Et  de  deschanter  a  rebours. 

—  Alez,  qu'om  vous  puist  estrangler  1 
30           Doit  on  ainsi  parler  d'amours? 

—  Marion,  qui  scet  cest  art  ci, 
On  y  prant  douce  nourreture, 

♦  Publiée  par  Crapelet,  page  120. 

a.  Nom  d'un  instrument  de  musique.  —  b.  Sorte  de  danse. 


BALADES  I I 3 

Aprenez  le  fa  et  le  mi, 

Bien  vous  monstreray  l'escripture 

Tant  que  vous  n'arez  jamais  cure  25 

D'autre  art  sçavoir,  fors  de  compter 

Une,  deux,  les  temps  mesurer 

Et  fleureter  «  plus  que  le  cours. 

—  Merveilles  vous  oy  recorder  : 

Doit  on  ainsi  parler  d'amours?  3o 

Or  m'aprenez,  mon  doulz  ami, 

Cest  art.  —  Lors  l'atouche  et  mesure. 

Les  tableaux  de  son  livre  ouvri; 

Sa  plume  y  bouta  roide  et  dure  : 

Un  po  cria,  mais  elle  endure;  35 

Et  cilz  li  commence  a  noter  : 

Une,  deux,  la  tierce  doubler, 

Et  se  joint,  car  li  temps  fut  cours, 

Disans,  pour  tel  chant  assembler  : 

€  Doit  on  ainsi  parler  d'amours?  »  40 

Marion,  qui  bien  s'entendi, 
A  solfier  mist  cuer  et  cure. 
Quant  la  douçour  de  l'art  senti 
Qui  du  livre  fist  l'ouverture, 
'i  I  b      Elle  pasma,  et  revint  sure,  45 

Que  Robin  s'en  vouloitaler. 
A  deux  bras  le  va  acoler; 
La  se  fist  recorder  ses  flours 
Et  dist  :  «  Plus  ne  vueil  demander  : 
«  Doit  on  ainsi  parler  d'amours?  »  5o 

l'envoy 

Princes,  tel  art  fait  a  loer  * 

a.  Faire  des  fioritures.  —  i>.  Est  à  louer,  louable. 

T.  VI  S 


114  BALADES 

Dont  li  enfant  scevent  ouvrer. 
Qui  en  sont  maistres  sur  <*  trois  jours. 
Les  vieulx  ne  le  scevent  monstrer  ; 
55  Pour  ce  leur  seult  on  reprouver  *  : 

Doit  on  ainsi  parler  d'amours?  ^ 


MCLXX 

Autre  Balade. 
[On  ne  peut  contenter  tout  le  monde.) 

BONS  compains  fut,  de  dolente  heure  né 
Qui  en  tous  cas  fait  d'autrui  l'appétit; 
De  jour,  de  nuit,  est  prest  et  ordené 
Pour  un  chascun,  ne  sçay  comment  il  vit  ; 
5  II  suist  le  grant,  le  moien,  le  petit 

Et  ne  sçaroit  nul  bon  homme  escondire  '^, 
Et  neantmoins  un  proverbe  si  ^  dist 
Que  bon  compains  a  trop  sur  lui  a  dire 

Se  largesce  a,  trop  est  habandonné  ; 
lo        S'il  est  eschars  ',  li  meschans  se  defrit  f\ 
Sil  est  jolis,  c'est  ce  qui  l'a  gasté  ; 
S'il  jeue  aux  dez,  c'est  ce  qui  le  honnit  ; 
Bon  compaignon  a  tousjours  un  mesdit  ér 

I.  Tout  l'envoi  est  écrit  à  l'encre  rouge  dans  le  manuscrit. 

a.  Dans.  —  b.On  a  couiumede  leur  reprocher.  —  c.  Refuser.  —  d. 
^jnsi. —  e.  Chiche. — /.  Le  malheureux  se  ronge.  —  g.  Lin  reproche. 


BALADES  Il5 

De  qui  que  soit,  dont  talent  n'ay  de  rire, 

Mais  me  merveil  qui  trova  tel  edit  i  5 

Que  bons  compains  a  trop  sur  lui  a  dire. 

Se  cent  biens  a  dont  il  soit  renommé, 
Bons  compains  est,  mais  se  '  trop  s^apovrit. 
L'autre  dira  :  «c  Je  le  vi  bien  amé. 
—  Vous  dittes  voir,  mais  trop  fort  s'enviellir.  » 
Bons  compains  a,  de  quoi  c'est  grantdespit,  3i  i  c 
Tousjours  un  mais  ~  pour  son  bien  contredire. 
Laissons  ce  mais,  et  panduz  soit  qui  fit 
Que  bons  compains  a  trop  sur  lui  a  dire. 

l'knvoy 

Princes,  par  Dieu!  c'est  un  bien  ^  grant  despii  2  3 
D'ainsi  vouloir  son  compaignon  mesdire  : 
Si  vous  suppli  qu'a  tous  soit  contredit 
Que  bons  compains  a  trop  sur  lui  a  dire. 


MCLXXI 

Autre  Balade 


(Sur  la  réconciliation  des  rois  de  France 
et  d'Angleterre.) 

PiTÉ  qui  fait  les  frans  cuers  esmouvoir 
A  charité  et  a  miséricorde, 

I.  se  manque.  —  2.  mors.  —  3.  bien  manque. 


I l6  BALADES 

Paour  de  Dieu  que  chascuns  doit  avoir, 
Et  fin  par  mort  que  Nature  recorde, 

5  Tourment  sanz  fin,  vostre  ^  raison  s'acorde 

Que  vous  faciez  entre  vous  deux,  roys,  paix; 
Peuple,  clergé,  noblesce,  clers  et  lais 
Le  supplient  en  grant  devocion, 
La  terre  aussi  qui  soustient  vostre  fais  : 

lo        Or  faittes  donc  leur  supplicacion. 

Car  vous  pouez  tous  deux  assez  sçavoir 
Que  pour  terre  est  née  vostre  discorde, 
Qui  tant  avez  de  puissance  et  d'avoir, 
Dont  vo  guerre  est  convoitant,  ville  et  orde; 

1 5        Souffise  vous,  et  chascun  en  son  orde, 

Son  droit  royal  :  d'un  sang  estes  attrais  ^  ; 
Ne  soiez  plus  de  convoitise  trais  ^, 
Dont  guerre  sourt  et  tribulacion  ; 
Tous  requièrent  bon  acort  pour  jamais  : 

ao        Or  faittes  donc  leur  supplicacion. 

Chascun  de  vous  se  mette  en  son  devoir, 
Sanz  ce  qu'Orgueil  ne  Convoiter  le  morde; 
Aiez  les  oeulx  a  raison  et  au  voir  <=, 
Sanz  trop  tirer  la  rigoreuse  corde;  3i i  d 

25        Laissez  aler  guerre  2,  querez  concorde 

Chascun  de  vous,  trop  a  duré  cilz  plais  <^; 
Voz  esperis  en  sont  vers  Dieu  meffais  ^, 
Voz  pères  mors,  peuple  en  destruction, 
Qui  supplient  de  modérer  voz  fais  : 

3o       Or  faittes  donc  leur  supplicacion, 

Et  advisez  que  femme,  enfans  et  hoir, 
De  voz  règnes  n'est  nul  qui  les  ressorde/; 

I.  vostre  manque.  —  a,  terre. 

a.  Extraits,  issus.  —  b.  Attirés.  —  c.  A  la  vérité.  —   d.   Débat. 
—  e.  Coupables.  — /.  Ressuscite 


BALADES 


117 


Cent  mille  hommes  sont  mors  pour  vo  pouoir, 

Temples  destruis,  n^il  n'est  mal  qui  ne  sorde  ^ 

Puis  cinquante  ans,  ville,  chastel  ne  borde  *,    35 

Qui  par  ardoir  ne  soit  prins  ou  deffais; 

Terre  sanz  fruit,  on  ne  laboure  mais  <=  ; 

En  pluseurs  lieux  n'a  habitacion  ; 

Ce  scevent  bien  Ardre,  Guyne  1  et  Calais  : 

Or  faittes  donc  leur  supplicacion.  40 

Voz  anceseurs  qui  se  voulrent  mouvoir 

Sont  trespassez,  et  po  de  terre  acorde 

Leurs  chetis  corps  pourriz  en  ce  vouloir; 

Et  pour  ce  est  bon  que  chascun  se  descorde  ^ 

D'entre  vous  deux,  que  tel  fardel  ne  torde  *,      45 

Soiez  amis,  ne  croiez  les  mauvais, 

Acordez  vous  et  ceuls  de  voz  palais, 

Ve/  a  cellui  par  qui  dissencion 

Y  demourra!  Mors  est  a  tousjours  mais  : 

Or  faittes  donc  leur  supplicacion.  5o 

l'envoy 

Nobles  princes,  grant  pité  est  d'ardoir  e^, 

De  gens  tuer,  vierges  prandre,  et  vouloir 

Pour  .n.  hommes  avoir  possession; 

C'est  cruaulté  qui  vous  doit  remouvoir. 

Li  peuples  Dieu  fait  ces  poins  assavoir  :  55 

Or  faittes  donc  leur  supplicacion. 


I.  guynes. 

a.  Surgisse.  —  b.  Chaumière,  cabane.  —  c.  Plus. —  c/.  Se  sépare. 

—  e.  Qu'il  ne  porte  pas  un  tel  fardeau.  — /.  Malheur.  —  g.  Brû- 
ler. 


Il8  BALADES 

MCLXXII 

Autre  Balade. 
(Il  ne  faut  pas  croire  les  complimenteurs .) 

Vous  estes  gracieus  et  beaux,  3i2  a 

Jeusnes,  appers  '^,  courtois,  jolis, 
Vous  avez  la  grâce,  de  ceaulx 
Qui  vous  voient,  d'estre  soutils, 
5  Courageus  estes  et  hardis 

Et  plus  fors  que  n'est  uns  lions. 

—  Dieu  vous  le  rende,  doujz  amis  : 
Vous  armez  bien  les  compaingnons. 

—  Les  chiens  amez  et  les  oiseaulx, 
10            Les  dames  honourez  toudis, 

Vous  estes  saiges  et  loyaulx, 
Prodoms,  vaillans;  voz  ennemis 
Vous  craingnent  fort;  le  los  et  pris 
Avez  en  tous  lieux  d'estre  bons. 
1 5  —  Ha  !  sire,  que  je  vous  ay  quis  ^  \ 

Vous  armez  bien  les  compaignons. 

—  Legiers  estes  comme  uns  chevreaulx, 
Larges,  a  honnour  ententis  <^; 

Vous  donnez  argent  et  joyaulx, 
20  De  voz  biens  n'est  nulz  escondis  ^; 

De  vous  parlent  en  paradis 
Tous  les  sains,  pour  voz  larges  dons. 

a.  Intelligent.  —  b.  Cherché.  —  c.  Appliqué.  —  d.  Refusé 


BAl.ADES 


119 


—  Dieux  le  vous  mire  ",  et  grans  mercis  : 
Vous  armez  bien  les  compaignons. 

LENVOY 

Prince,  bon  fait  avoir  advis  25 

Que  Ten  ne  croie  pas  les  dis 

De  telz  armeurs  de  champions, 

Car  ilz  tendent  a  leurs  proufis. 

S'ilz  mentent,  respondez  ainsis  : 

Vous  armez  bien  les  compaignons.  3o 


MCLXXIIl 

Autre  Balade. 

(Dialogue  avec  une  dame.) 
[Même  sujet]. 

12  b      r^oucE,  plaisant,  courtoise  et  saige, 
i— /   Belle,  quechascun  doit  amer, 
Humble  en  parler,  de  doulz  langaige. 
En  vostre  cuer  n'a  point  d^amer; 
Il  n'a,  deçà  ne  delà  mer, 
Dame  tant  de  chascun  amée  : 
Si  ne  devez  homme  doubter. 

—  Grans  mercis,  je  suis  bien  armée. 

—  QuVst  ce  a  dire?  —  C'est  un  usaige 
a.  Dieu  vous  le  rende. 


I20  BALADES 

10  Qu'entre  vous  avez  de  parler, 

Par  une  manière  sauvaige, 
Car  vostre  los  vault  un  blâmer. 
Faut  il  donc  les  dames  armer? 
Avez  vous  guerre  a  eulx  trouvée  ? 

i5  —  Non.  Vo  regart  me  fait  trembler. 

—  Grans  mercis,  je  suis  bien  armée. 

—  Ha  !  dame  de  noble  couraige, 
Nulz  ne  vous  pourroit  trop  louer 
Vo  doulz  maintien,  vogent  corsaige; 

20  Vous  sçavez  venir  et  aler, 

Gens  requeillir,  gens  saluer; 
Vous  fustes  de  bonne  heure  née, 
On  ne  pourroit  meilleur  trouver. 

—  Grans  mercis,  je  suis  bien  armée. 

l'envoy 

25  Prince,  il  fault  les  dames  garder 

De  CCS  armeurs,  et  regarder 
Que  chascune  ait  cote  acérée  ^ 
Des  or  mais  pour  son  corps  sauver. 

—  Au  fort  *,  qui  me  vouldra  grever, 
3o           Grans  mercis,  je  suis  bien  armée. 

a.  D'acier.  —  b.  Au  bout  du  compte. 


BALADES  1 2 I 

\ 

MCLXXIV 

Balade. 

(Contre  ceux  qui  ont  deux  langages) 
[Apologue.] 

^2c      «    T    AissiEZ  le  chant  de  la  geôle  "  », 
L^  Ce  dist  une  pie  a  un  gay, 
«  Sanz  contrefaire  vo  parole. 
«  Chascun  a  son  chant  comme  j'ay, 
«  Naturel  ;  des  oiseaulx  ne  sçay  5 

«  Pour  quoy  ils  changent  leur  nature, 
«  Sinon  pour  la  douce  pasture 
«  Qu'ilz  quierenl  en  Tostel  des  roys, 
«  Dont  ilz  ont  puis  maladventure  : 
«  Chantons  au  vray  le  chant  du  boys.  lO 

«  Car  l'autre  chant  tue  et  affole 

«  Maint  rossignol  et  papegay  ^, 

«  Et  tout  menu  oisel  qui  vole; 

«  Car  deux  langues  ont,  c'est  tout  vray, 

t  L'une  du  bois  qui  prant  au  glay  <^  i5 

«  Les  oyseauls.  et  a  la  froidure 

a  Par  leur  appel,  quant  l'iver  dure, 

«  Les  font  venir  dedenz  la  roix  ^,  ( 

tt  Prandre  et  tuer;  c'est  grant  injure  :    ■ 

«  Chantons  au  vray  le  chant  du  boys.  20 

a  L'autre  langue  est  mauvaise  et  mole, 
«  Quant  elle  ne  veult  dire  vray, 

a.  Cage.  —  b.  Perroquet.  —  c.  Au  ramage.  —  d.  Dans  les  filets. 


122  BALADES 

«  Mais  consent,  com  «lauvaise  et  foie, 

«  Par  convoitise,  et  veu  l'ay, 
25  «  Que  li  oisel  sont  en  esmay  ^ 

«  Prins  et  plumé,  par  leur  laidure; 

«  Ainsis  oiseauls  se  desnature. 

a  Au  jour  d'uy  n'est  raisons  ne  drois  : 

«  Laissons  tel  chant  et  tele  ordure, 
3o  a  Chantons  au  vray  le  chant  du  boys.  » 

l'envoy 

Prince  ',  on  pourroit  ceste  figure 
Mettre  sur  mainte  créature 
Qui  chante  chascune  deux  foys; 
Car  maint  n'ont  de  loyaulté  cure  : 
35  Laissons  convoitise  et  murmure, 

Chantons  au  vray  le  chant  du  boys.  3i2  d 


MCLXXV 

Autre  Balade. 
(  Vanitas  Vanitatum.) 

POUR  les  estas  qui  sont  si  peiilleux, 
Et  2  pour  le  corps  qui  muert  en  un  moment, 
Ne  devroit  nulz  cstre  si  convoiteux 
Qu'il  en  laissast  faire  son  sauvcmcnt. 
Mais  au  jour  à\\\  font  pluseurs  autrement, 

I.  Princes.  —  a.  Et  manque. 

a.  Émoi. 


BALADES  123 

Qui  ne  veulent  fors  le  monde  servir, 

Oublier  Dieu,  et  leur  ame  asservir 

En  acquérant  les  faulx  et  fuitis  ^  biens, 

Dont  puis  le  fault  avant  les  jours  mourir  : 

Qu'est  ce  de  nous?  Par  ma  foy,  ce  n'est  riens.  lo 

Las!  quel  part  sont  les  princes  vertueux 

Qui  conquistrent  terre  i  anciennement, 

Li  saige  clerc,  li  foui,  li  oultrageux  ^, 

Li  beau,  li  fort,  li  riche,  li  vaillant, 

David,  Hector,  Charlemaigne  et  Rolant?  i5 

Hz  sont  tous  mors;  va  leur  sépulcre  2  ouvrir  : 

Pouldre  y  verras;  tous  nous  convient  pourrir, 

Nos  corps  ne  sont  fors  ordure  et  fiens, 

Si  '^  se  fait  bon  sur  ces  poins  advertir  : 

Qu'est  ce  de  nous?  Par  ma  foy,  ce  n'est  riens.   20 

Ne  soions  plus  de  telz  biens  envieux, 

Servons  a  Dieu,  pensons  au  finement, 

Car  les  estaz  mondains  sont  dolereux, 

Des  quelz  l'en  chiet  a  coup  soudainement 

Du  hault  en  bas  et  merveilleusement,  25 

Tant  qu'il  en  fault  le  dolent  corps  périr 

Honteusement;  bon  fait  telz  maulx  fuir; 

Ayons  regart  au  fait  des  anciens. 

Veillons  a  Dieu,  pour  l'ame  secourir  : 

Qu'est  ce  de  nous?  Par  ma  foy,  ce  n'est  riens.    3o 

l'envoy 

Prince,  pensons  de  ce  monde  courir 
Honnestement,  et  noz  maulx  regehir  "^ 

.  terres  —  2.  leurs  sépulcres. 

i.  Passagers,  fugitifs.  —  b.  Les  emportés"—  c  Ainsi.  —  d.  Con» 


124  BALADES 

Pour  eschiver  d'enfer  les  griefs  liens  ;  3i3  a 

Servons  a  Dieu,  vueillons  nous  repentir 
33        De  noz  péchiez,  et  nostre  cuer  offrir  ; 

Qu'est  ce  de  nous?  Par  ma  foy,  ce  n'est  riens. 


E 


MCLXXVI 

Autre  Balade  *. 
(Sur  l'égalité  entre  les  hommes.) 

NFANs,  enfans,  de  moy,  Adam,  venuz, 
Qui  après  Dieu  suis  pères  piemerain, 
Créé  de  lui,  tous  estes  descenduz 
Natureiment  de  ma  coste  et  d'Evain  ; 

5  Vo  mère  fut.  Comment  est  l'un  villain 

Et  l'autre  prant  le  nom  de  gentillesce 
De  vous,  frères?  dont  vient  tele  noblesce? 
Je  ne  le  sçay,  se  ce  n^est  des  vertus, 
Et  les  villains  de  tout  vice  qui  blescc  : 

lo        Vous  estes  tous  d'une  pel  revestus. 

Quant  Dieu  me  fist  de  la  boe  ou  je  fus, 
Homme  mortel,  foible,  pesant  et  vain, 
Eve  de  moy,  il  nous  créa  tous  nuz, 
Mais  l'esperit  nous  inspira  a  plain 
i5        Perpétuel  '^,  puis  eusmes  soif  et  faim, 
Labour,  dolour,  et  enfans  en  tristesce; 

*  Publié  par  Tarbé,  tome  1,  page  62. 

a.  Mais  il  nous  insuffla  pleinement  1  ame  immortelle. 


BALADES  125 

Pour  noz  péchiez  enfantent  a  destresce  " 
Toutes  femmes  ;  vilment  estes  conçuz. 
Dont  vient  ce  nom,  villain,  qui  les  cuers  blesce? 
Vous  estes  tous  d'une  pel  revestuz.  20 

Les  roys  puissans,  les  contes  et  les  dus, 
Li  gouverneur  du  peuple  et  souverain, 
Quant  ilz  naissent,  de  quoy  sont  ilz  vestuz? 
D'une  orde  pel.  Sont  ilz  d'autres  plus  sain? 
Certes  nenil,  mais  seufrent,  soir  et  main,  25 

Froidure  et  chault,  mort,  maladie,  aspresce  ^, 
Et  naissent  tous  par  une  seule  adresce  ^ 
Sanz  excepter  grans,  petiz  ne  menuz  ; 
Se  bien  pensez  a  vo  povre  fortresce, 
3i3  b  Vous  estes  tous  d'une  pel  revestuz,  3o 

l'envoy 

Prince,  pensez,  sanz  avoir  en  desdain 

Les  povres  gens,  que  la  mort  lient  le  frain  ^ 


MCLXXVII 
Autre  Balade 

AMOUREUSE 

S 'Amour,  qui  m'a  par  doulz  regart  féru, 
Ne  me  faisoit  jamais  jour  autre  bien 
Que  du  regart  qui  tant  m'a  secouru, 

i.La  fin  de  l'envoi  manque. 

a.  Dans  la  douleur.  —  b.  Apreté,  amertume.  —  c.  Voie. 


120  BALADES 

Si  vueil  je  et  doy  a  tousjours  estre  sien  ; 
5  Car  le  gent  corps  est  mon  dieu  terrien  ^ 

Dont  le  regart  me  vint  soudainement, 
Qui  me  disoit  :  «  Amis,  je  te  retien  : 
«  Poursuy  honneur  et  vif  joyeusement.  » 

Onques  de  moy  nul  plus  eureux  ne  fu, 
ro        Car  de  beauté  et  bonté  ne  fault  ^  rien 
A  ma  dame,  qui  est  le  droit  escu  <^ 
De  tout  honeur,  de  douçour,  et  sçay  bien 
Que  son  cuer  ay  ;  elle  aussi  a  le  mien 
Pour  lui  servir  en  tous  cas  loyaument  ; 
i5        Car  d^mble  cuer  m'a  dit  son  doulz  maintien  : 
«  Poursuy  honneur  et  vif  joyeusement.  » 

Et  quant  de  lui  ce  joieux  mot  reçu 
Adonc  lui  dis  :  «  Vostre  servent  devien.  » 
I.ors  respondi  :  «  Mon  ami  seras  tu, 
20        «  Mais  de  tout  mal  et  tout  vice  t'abstien, 
«  Soies  loyaulx  et  secrez,  va  et  vien, 
«  Et  en  tous  lieux  de  bon  gouvernement, 
«  Larges,  courtois,  sanz  convoiteux  loyen  '', 
tt  Poursuy  honeur  et  vif  joyeusement.  »        3i3  c 

lV.nvoy 

25        Noble  dame,  princesse  de  vertu, 

Par  qui  mon  cuer  a  tant  de  bien  senlu 
Qu'a  tous  jours  mais  suis  vostre  ligement  ^, 
Homme  ne  puet  qu'il  ne  soit  bon  tenu, 
Mais  qu'il  ait  bien  ce  doulz  mot  retenu  : 

3o        Poursuy  honeur  et  vif  joyeusement. 

a.  Ma  divinité  terrestre.  —  b.  Ne  manque.  —  c.  Ecu,  blason.  — 
d.  Lien.  —  e.  Votre  homme  lige. 


BALADES  127 

MCLXXVIII 

Autre  Balade  *. 

{Du  métier  profitable.) 
[Equivoque  sur  les  instruments  de  musique.'] 

JE  ne  sçay  des  communs  mestiers, 
Depuis  .XL.  ans  en  ença, 
Que  deux,  quiere  qui  veult  le  tiers, 
Pour  chevance  avoir  qui  voulra  : 
IJun  est  ménestrel,  et  l'autre  a  5 

Semblant  de  faire  le  sot  saige. 
Ces  ,11.  ont  par  tout  l'aventaige, 
L'un  en  janglant  '»,  l'autre  a  corner 
Des  instrumens;  lequel  prandray  je? 
—  Compains,  apran  a  flajoler  ''.  10 

Les  haulx  instrumens  sont  trop  chiers, 

La  harpe  tout  bassement  va  ; 

Vielle  est  jeux  pour  les  moustiers  <=■, 

Aveugles  chiphonie  "^  aura  ; 

Chorô  *  bruit,  rothe/ ne  plaira,  i5 

Et  la  trompe  S"  est  trop  en  usaige  ; 

Aussis  est  du  fou  le  langaige  : 


*  Publiée  par  Crapclet,  page  122. 

a.  En  babillant.  —  b.  Flatter,  mentir,  jeu  de  mots  sur  l'instru- 
nent  de  musique,  le  flageolet.  —  c.  Eglises. —  d.  Espèce  de  vielle. 
-  e.  Cet  instrument  n'était  guère  qu'à  l'usage  des  mendiants  et  des 
iveugles.  — /.  Instrument  de  musique  à  l'usage  des  Bretons,  sorte 
le  petite  harpe.  —  g.  Trompette. 


128 


BALADES 


Neantmoins,  pour  plus  proufiter, 
Avoir  argent,  robe,  heritaige, 
20  Compains,  apran  a  flajoler. 

Car  princes  oyent  "  voluntiers 

Le  flajol  *;  qui  en  aprandra  3i3  d 

Advancez  sera  des  premiers, 

Puis  que  bien  jouer  en  sçara; 
25  Demande  alors,  on  lui  donrra, 

Car  le  son  fort  les  assouaige  <^, 

Et  le  foui  a,  par  son  trompaige  '^, 

Dons  et  argent,  sanz  demander. 

S'estre  veulz  riches  a  oultraige  ^, 
3o  Compains,  apran  a  flajoler. 

l'envoy 

Princes,  puisque  tel  art  vauldra, 
Honny  soit  qui  ne  l'aprandra 
Pour  son  preu/,  sans  autrui  grever  e. 
—  Tu  dis  bien,  or  y  apparra. 
35  Mais  puis  que  proufit  t'en  vendra, 

Compains,  apran  a  flajoler. 

a.  tcoutent.  —  b.  Le  flageolet.  —  c.  Les  adoucit.  —  d.  Le  son  de 
la  trompe,  équivoque  à  tromperie.  —  e.  Énormément.  —  /.  Pro- 
fit. —  g.  Sans  nuire  à  autrui. 


BALADES 


MCLXXIX 


129 


Autre  Balade. 
(Conseil  au  roi  de  faire  des  économies.) 

LOY  tenir,  science  et  justice, 
Font  royaumes  perpétuer, 
Mais  il  fault  que  règne  perice 
Ou  l'en  ne  seult  '^  ces  poins  garder; 
Encor  doit  uns  roys  regarder  5 

Au  bien  commun  sur  toute  chose, 
Et  qu'en  tout  bien  son  corps  dispose 
Pour  exempler  *  tous  ses  subgès  ; 
Qu'il  soit  a  la  deffense  près  '^ 
De  son  règne,  s'il  a  afaire;  10 

Pieux  aux  povres,  durs  aux  mauves  : 
Ainsi  doit  tout  vaillant  roy  faire. 

Qu'il  ayme  Dieu  et  son  service 
t4  ^     De  vray  cuer,  sanz  ypocriter  <^, 

Et  qu'il  ait  en  chascun  office  i5 

Homme  habile  pour  l'exercer, 

Selon  Testât,  sanz  excéder 

Le  nombre  ;  que  nul  n'en  despose 

Se  cause  n'a,  car  je  suppose 

Que  les  muer  ^  est  par  exprès  20 

Son  grant  dommaige,  pour  les  frès 

Des  nouveaulx  aprandre  et  attraire  /"; 

a.  Où  l'on  n'a  pas  coutume.  —  b.  Servir  d'exemple.  —  c.  Prêt. 
d.  Sans  faire  l'hypocrite.  —  e.  Les  changer.  — /.  Attirer. 

T.  VI  o 


I 3o  BALADES 

Congnoisse  ses  gens  et  leurs  fés  : 
Ainsi  doit  tout  vaillant  roy  faire. 

25  Ait  chier  les  bons,  les  maulx  pugnice, 

Les  saiges  clers  doit  ordonner 
Aux  drois  civilz,  la  sont  propice 
Pour  les  plaiz  et  causes  mener; 
Les  chevaliers  pour  gouverner 

3o  Sa  guerre,  car  corps  y  expose 

Chascuns  d'eulx  :  clers  ce  faire  n'ose. 
Face  donc  de  ceuls  ses  attrès  « 
Qui  portent  la  charge  et  surfès 
De  sa  guerre,  et  en  cest  affaire 

35  Les  croie,  et  rende  leurs  bienfès. 

Ainsi  doit  tout  vaillant  roy  faire. 

l'envoy 

Princes,  qui  veult  riches  régner 
Doit  ses  offices  ramener 
A  nombre,  par  bon  exemplaire, 
40  Les  dons  et  gaiges  recoupper  * 

Excessis,  et  les  modérer  : 
Ainsi  doit  tout  vaillant  roy  faire. 

a.  Qu'il  les  recherche.  —  b.  Retrancher. 


BALADES  I 3 1 

3i4  b  MCLXXX 

Autre  Balade. 
(Des  choses  dont  il  faut  se  garder.) 

DE  chien  qui  mort  et  de  cheval  qui  rue, 
De  saige  foui  et  d'omme  lunatique, 
D'yvre  varlet  et  d'enrragié  qui  tue, 
Et  d'ennemi  privé  et  domestique, 
De  doulz  parler  et  de  langue  qui  pique,  5 

De  peuple  esmeu  '*,  d'ire  de  grant  seignour. 
De  juge  chault  *,  de  femme  de  folour 
Se  doit  garder  toute  personne  saige, 
D'omme  esbarbé  <=,  de  convoiteux  pastour, 
Car  de  tout  ce  ne  vient  fors  que  dommaige.        lo 

Du  cochelet  tournant  '^^  de  besague  '', 

De  ,11,  langues  que  corps  en  soy  applique, 

Du  temps  soudain  et  de  tempest  de  nue, 

Du  mal  qui  point  et  d'avoir  bourse  éthique/, 

De  povreté  qui  est  paralitique,  i  5 

De  mauvais  vent,  de  cheminée  a  plour  ë, 

Et  de  maison  quant  il  dégoûte  autour 

Et  par  dedenz,  car  lors  chiet  le  muraige  *, 

Se  gart  chascun  et  de  périlleux  jour. 

Car  de  tout  ce  ne  vient  fors  que  dommaige.       20 

D'aler  aussi  quant  il  vente  par  rue, 

a.  En  rébellion,  —  b.  Emporté,  —  c.  Sans  barbe.  —  d.  Petit  coq 
tournant  qui  se  met  au  haut  des  clochers.  —  e.  Instrument  à  deux 
tranchants.  — /.  Maigre,  vide,  —  g.  Par  laquelle  il  pleut.  —  h.  La 

muraille. 


l32  BALADES 

Afin  qu'on  n'ait  sur  sa  teste  une  clique  ^ 

D'une  tuile  qui  est  tost  descendue, 

Ou  chemine'e,  ou  pierre  qui  desclique  ^, 

25         De  mauvais  pont  et  de  rompue  dique  <^, 
Et  de  puces  qui  font  trop  de  dolour, 
De  mauvais  vin,  de  trop  chaut,  de  froidour, 
Et  des  souris  qui  rungent  le  fourraige 
Quant  l'en  se  dort  nous  gart  Dieux,  par  s'amour, 

3o        Car  '  de  tout  ce  ne  vient  fors  que  dommaige. 

l'envoy 

Prince  du  Pui  ^  '',  gardez  vous  de  le  brique 
De  ceuls  qui  font  aux  compaignons  le  nique, 
Quant  Fargent  ont  ravi  par  leur  langaige, 
Dont  ilz  ont  fait  chaperon  autentique; 
35        De  vo  pouoir  eschivez  leur  pratique. 

Car  de  tout  ce  ne  vient  fors  que  dommaige  3. 


I.  Et—  2.  puis,  —  3.  Car  de  tout  ce  etc. 

a.  Un  coup.  —  b.  Qui  se  détache.  —  c.  D'une  digue  rompue.  — 
d.  Du  Pui  d'amour. 


BALADES  l33 

MCLXXXI 

Balade  morale* 

[Sur  le  mariage  de  Richard,  roi  d'Angleterre  et 

d'Isabeau  de  France.) 

[1395] 


3i4  e    A  iNsr  qu'Eve,  par  la  transgrescion 

jr\  Du  fruit  manger  que  Dieux  ot  defFendu, 

Adam  aussi,  vint  la  perdicion 

De  leurs  enfans  qui  furent  confondu  <^, 

Fut  cause  et  chief,  quant  elle  ot  offendu  *,  5 

Que  leur  lignie  alast  aux  infernaulx, 

Tous  condempnez  par  long  temps  pour  leurs 

Femme  depuis  repara  ce  dommaige,  [maulx, 

Car  en  Marie  descendit  Dieux  li  haulx  : 

Toute  paix  vint  par  un  saint  mariaige.  10 

Par  femme  fut  la  grant  dissencion 

Dont  maint  pais  est  gasté  et  perdu  ^ 

Entre  les  gens  de  Tisle  d'Albion 

Et  de  Gaule  ;  tous  deux  s'en  sont  sentu. 

Maint  prodomme  pour  leur  guerre  mouru         i5 

Es  batailles,  es  sièges,  es  2  assaulx, 

En  divers  lieux,  et  encor  dure  entr'aulx 

Celle  rumeur  pour  terre  et  heritaige; 


*  Publiée  par  Tarbi,  tome  I,  page  i54, 

I,  est  gasté  et  destruit  perdu.  —  2.  et  es  assaulx. 

a.  Punis,  —  b.  Offensé. 


|34  BALADES 

Si  seroit  bon  d'appaisier  leurs  travaulx  : 
20        Toute  paix  vint  par  un  saint  mariaige. 

Que  femme  aussi  de  la  cognacion  ^ 
Du  roy  des  Frans,  bonne  et  belle  en  vertu, 
Fust  requise  pour  mettre  en  union 
Ces  deux  règnes,  si  comme  autrefoiz  fu 

25        Du  roy  anglois,  pour  eschiver  le  fu  ^, 

Mort  et  péril  d'eulx  et  de  leurs  vassaulx, 
De  leurs  pais  et  peuples  principaulx, 
Pour  Tamour  Dieu,  veu  qu'ilz  sont  de  linaige  ; 
Du  contraire  ne  croient  leurs  consaulx  : 

3o        Toute  paix  vint  par  un  saint  mariaige. 

l'envoy 

Princes  royaulx,  de  bonne  affection 
Querez  la  paix  et  reformacion 
De  voz  subgiez,  et  vous  ferez  que  saige,      3i4  d 
Par  le  traittié  d'umble  conjunction. 
35        S'estes  tout  un,  ne  doubtez  nascion  : 

Toute  paix  vint  par  un  saint  mariaige  i. 

I.  La  colonne  d  du  folio  ?I4  ne  contient  que  ces  quatre  vers,  le  reste  de  la 
page  est  resté  blanc.  Au  milieu,  le  mot  :  Explicit,  et,  en  bas  :  Catervaument  « 
en  lettres  rouges. 

a.  De  la  parenté.  —  b.  Le  feu.  —  c.  Ce  mot,  qui  signifie  :  en  trou- 
pe, est  un  mot  favori  de  Robert  Tainguy,  le  copiste  du  manuscrit 
d'Eustache  Deschamps;  il  se  retrouve  encore  ailleurs  dans  notre 
manuscrit  : 

Puis  alla  boire  chiés  Tabouret, 
Avec  Pylon  et  autres  catervaulx 
Qui  aiment  oignons,  tripes  et  les  aulx, 
Catervaument. 


BALADES  l35 

f/5a  MCLXXXII 

Balade. 
{Conseils  de  vivre  hors  de  la  cour.) 

A  tous  ceuls  qui  ont  de  quoy  vivre, 
Hors  la  court  des  princes  royaulx 
Qu'il  se  1  tiennent,  que  l'en  délivre; 
Moult  vivent  de  doubteus  morseaulx, 
Se  paie  ne  se  fait  d'iceaulx,  5 

Eulx  saichans,  par  leur  souverain; 
Hz  en  sont  tenuz  pour  certain 
Ou  d'aler  vivre  en  leur  maison, 
Quant  la  court  chargent  soir  et  main  : 
Mais  nul  n'a  cure  de  raison.  lo 

Plus  en  y  a,  plus  faut  qu'om  livre 

Beufs,  moutons,  pors,  volilie,  veauix, 

Vins,  grains  et  foings;  poise  «  a  la  livre 

Bûche  et  charbon,  poisson,  vaisseaulx, 

Sel,  espices,  cire,  trousseaulx  i5 

De  coustes  de  linge  et  d'estrain  *, 

Vaisselle  d'argent  ou  d'estain, 

Dont  il  fault  faire  garnison, 

Prandre  a  croire  '^,  ou  paier  a  plain  <^  : 

Mais  nul  n'a  cure  de  raison.  20 

Et  puis  que  tout  s'escript  en  livre, 
S'on  ne  paie,  ceuls  sont  loyaulx 

I.  Qui  si 

a.  Qu'il  pèse.  —  b.  De  paille.  —  c.  Prendre  à  crédit,  emprunter. 
-  d.  Comptant. 


I 36  BALADES 

Qui  de  telz  morseaulx  ne  sont  yvre, 
Mais  vont  mangier  de  leurs  poureaulx 

25  En  leurs  hostelz  ;  la  court  par  eaulx 

N'a  charge,  lors  s'en  sont  plus  sain 
D^ame  et  de  corps;  moins  faultde  pain 
A  court  et  vivres,  ce  scet  on, 
Que  se  l'ostel  fust  de  gent  plain  : 

3o  Mais  on  n'a  cure  de  raison. 

l'f.nvoy 

Princes,  tenez  droicte  la  main 
Que  vostre  hostel  soit  net  et  sain  ; 
Paiez  bien  en  toute  saison  ;  3i5  b 

En  restraingnant  ^  sachiez  vo  frain 
35  Selon  les  cas,  trop  la  fin  crain  : 

Mais  nul  n^a  cure  de  raison. 


MCLXXXIII 

Autre  Balade. 

{Requête  d'un  aveugle,  muet  et  sourd. 
[Allégorie.'] 

EN  quel  estât  est  vostre  corps 
Et  quele  est  vostre  maladie  ? 
—  Certes  je  voudroie  estre  mors, 
Car  en  grant  tristesce  mendie  : 

a.  En  tenant  la  bride. 


BALADES  l37 

Veue  n'ay,  parole  n'oye  ^  5 

Dont  je  me  puisse  contorter, 

Mais  ce  me  fait  desconforter 

Que  j'ay  oeulx,  bouche,  oreille  mole, 

Si  '  ne  puis  vir,  oir,  parler  ^  : 

Je  ne  voy,  n'oy  ne  ne  parole,  lO 

Fors  que  j'enten  par  le  2  dehors 

Un  grant  bruit  en  ma  fantasie  <^, 

Et  me  semble  que  li  plus  fors 

Veult  au  foible  touldre  la  vie, 

Et  qu'Orgueil,  Avarice,  Envie  ii> 

Font  Division  assembler, 

Les  bons  et  les  saiges  trembler 

Par  Detraction,  qui  est  foie; 

Mais  quant  je  laisse  le  resver, 

Je  ne  voy,  n'oy  ne  ne  parole.  20 

Helas  !  Phisique  '',  est  il  confors  « 
Qui  sauvast  ma  clarté  perle  f 
Et  mes  dolours,  qui  sont  si  fors? 

—  Ouil  ;  Vérité  en  partie, 

Vray  Amour,  Humilité  lie,  2  5 

Union,  Justice  garder, 
Craimdre  Dieu  ;  ceuls  puelent  oster 
3i5  c      De  toy  tout  le  mal  qui  t'afole. 

—  Je  muir  :  d'eulx  ne  pourray  finer  S"  : 

Je  ne  voy,  n'oy  ne  ne  parole.  3o 

L^ENVOT 

Medicin,  vueillez  moy  donner 

I.  Et  si —  2.  le  manque. 

a.  Je  n'entends.  —  6.  Je  ne  puis  voir,  entendre  ni  parler.  —  c. 
En  mon  imagination.  —  d.  Médecin.  —  e.  Remède.  — /.  Qui  me 
rendit  la  lumière  perdue.  —  g.  Je  ne  pourrai  me  les  procurer. 


l38  BALADES 

Autre  confort.  —  Va  reposer 
Pacience  embrace  et  acoie, 
Ne  te  chaille  de  recouvrer. 
35  Je  ne  voy,  n'oy  ne  ne  parole  ^ 


MCLXXXIV 


Balade. 


COMMENT  UNS  HOMS  GRACIE  DIEU  DE  CE  Qu'iL    A  BONNE   FEMME 
TROVÉE    ET  LES  LOENGES  QU^IL  EN   DIT 


V' 


RAYs  Dieux,  que  c'est  noble  chose  et  joieuse, 
Paix  et  repos  a  homme  qui  femme  a 

Obéissant,  douce,  humble  et  gracieuse, 

Et  qui  oncques  son  mari  ne  coursa  ^, 
5  Mais  en  tous  cas  l'oneure  et  honourra, 

El  qui  veult  tout  ce  que  son  mari  veult  ! 

Qui  tele  l'a,  il  est  foulz  s'il  se  duelt  *, 

Quant  assené  <^  a  a  tele  partie. 

Si  loe  Dieu,  qui  a  joie  m'esmuet  <', 
lo        Quant  donné  m'a  si  douce  compaignie. 

De  moy  servir  humblement  est  songneuse, 
Et  par  l'ostel  tousjours  besongnera  ; 
De  lever  main  n'est  onques  pareceuse 

I.  Entre  les  deux  derniers  vers  se  trouve  écrit  :  ces  trois  mos. 

a.  Ne  fâcha,  courrouça.  —  b.  S'il  se  plaint.  —  c.  Quand  il  est  si 
bien  partagé.  —  d.  M'éraeut. 


BALADES  I 39 

Et  sa  mesgnie  ^  aussi  lever  fera 
Pour  besongnier,  a  tout  regardera,  i5 

Son  mesnaige  trop  bien  atourner  suelt  *, 
Les  estrangiers  joieusement  aqueult  <^ 
3i5  d  En  mon  hostel  et  leur  fait  chiere  lie  ; 

S'en  rent  mon  cuer  grâce  a  Dieu,  tant  qu'il  puet, 
Quant  donné  m'a  si  douce  compaignie.  20 

De  grant  atour  avoir  n'est  curieuse, 

Jamais  dur  mot  ne  me  respondera, 

Elle  aime  et  craint  comme  femme  doubteuse  ^^^ 

Ce  que  je  vueil  en  tous  cas  souferra, 

Et  pour  mangier  tousjours  m'aprestera,  25 

A  son  pouoir,  ce  a  quoy  mon  cuer  muet  ^; 

Se  rien  lui  dy,  tantost  faire  l'estuet/; 

Son  ami  suy,  je  l'appelle  m'amie, 

J'en  mercy  Dieu,  qui  nul  bien  ne  desveult  ^, 

Quant  donné  m'a  si  douce  compaignie.  3o 

l'envoi 

Prince,  je  sui  en  l'amoureuse  vie  ^ 

D'avoir  trové  femme  non  dangereuse  * 

Et  qui  tousjours  en  louz  biens  monteplie 

Mariage  est  une  ordre  vertueuse, 

Dont  je  gracy  la  vierge  glorieuse,  35 

Quant  donné  m'a  si  douce  compaignie. 

I.  en  la  vie  amoureuse  vie. 

a.  Sa  maison,  ses  gens.  —  b.  Elle  a  l'habitude  de  bien  ordonner 
son  ménage.  —  c.  Accueille.  —  d.  Timide.  --  e.  Ce  que  j'aime.  —  /. 
11  faut  le  faire  aussitôt.  —  g.  Refuse.  —  h.  Une  femme  qui  n'est 
pas  difficile  à  vivre.  —  i.  Augmente,  multiplie. 


I 40  BALADES 

MCLXXXV 

Balade 

DE  LA   COMPLAINTE    d'uNE    VIEILLE  SUR  LE  FAIT   DE    SA 
JEUNESCE 


v 


lELLE  a  présent,  jadis  juvencula^ 
Qui  en  ce  temps  fu  chérie  et  amée  ; 
A  Venere  venerunt  jacula 
Desquelz  je  fu  en  pluseurs  lieux  bersée  ^, 

5  Jusqu'à  .xx.  ans  de  maint  homme  honourée; 

Pour  ma  beauté  chascun  me  convoitoit, 
Son  cuer,  son  corps,  s'amour  me  promettoit 
Cum  effectu  et  suis  sumptibus ;  3i6  a 

De  mains  joyaulx  mes  corps  parez  estoit  : 

10        Vetula  sum  sine  muneribus. 

Homme  ne  truis  qui  me  die  ^  :  oscula, 

Car  ma  couleur  et  ma  face  est  ridée 

Par  viellesce;  plus  rxQ  sms  puella ; 

Moins  qu'a  trente  ans  m'a  chascun  délaissée; 
i5        Si  ne  suy  Je  pas  du  vouloir  lassée, 

Mais  preste  en  tout  ;  qui  amer  me  vouldroit, 

De  ses  joyaulx  du  temps  passé  raroit, 

De  meisque  in  suis  manibus  ; 

Or  va  trop  pis  mon  fait  qu'il  ne  souloit  : 
20        Vetula  sum  sine  muneribus. 

Mains  m'amettent  «^  que  je  suy  /etida. 
Ou  par  dedenz  desroutle  '^  et  afolée, 

a-  Atteinte.  —  ^.  Qui  me  dise.  —  c.  Me  reprochent.  —  d.  Cassée 


BALADES  141 

Juvenibus  non  bene  placida. 

Quare?  Quia.  Cydrac  m'a  condempnée, 

Ly  faulx  villains  :  son  ame  soit  dampnée,  25 

Son  livre  aussi,  tout  homme  qui  le  croit  ! 

Aler  par  tout  puet  qui  a  baston  roit  ''j 

Cumcimbalis  bene  sonantibus  ; 

Je  le  sçay  bien,  or  voist  comme  aler  doit  : 

Vetula  sum  sine  muneribus.  3o 

l'envoy 

Juvencule,  in  etate  prima 

Sit  vobis  pax^  laus,  honor,  gloria  ; 

Plumez,  prenez  cunctis  hominibus  1, 

Car  assez  tost  viellesce  vous  vendra, 

Qui  en  tel  point  com  je  sum  vous  rendra  :        35 

Vetula  sum  sine  muneribus. 


MCLXXXVI 

Balade  *. 

DES  PLOURS  ET  PLAINS  DE  LA  MORT  DU  NOBLE  ET  VAILLANT 

CHEVALIER,  FEU  MONSEI^''  LOYS  DE  SANCERRE,  MARESCHAL 

ET  DEPUIS  CONNESTABLE  DE  FRANCE,  ET  DE  LA  MORT  DES 

ARMES  DE  CHAMPAIGNE.  3l6b 

[1403] 

PLOUREZ,  plourez  les  armes  de  Champaigne, 
Tous  Champaignois,  clers  et  gens  de  noblescc 

*  Publiée  par  Crapelet,  page  /  /  7 . 
I.  a  cunctis. 
a,  Raide. 


142  BALADES 

Dont  l'escu  mort  voy,  cri,  baniere,  enseigne, 
Le  bon  Loys  de  Sancerre,  l'adresce  « 

5  Des  chevaliers,  qui  print  mainte  fortresce  1 

Sur  les  Anglois,  ja  ^  mareschal  de  France, 
Gonnestable  depuis  pour  sa  vaillance, 
Et  qui  fut  fait  par  bonne  élection. 
En  maint  lieu  fut  Passavant  ^  en  saison, 

10        Son  noble  cry  et  s'ensaigne  levée, 

Et  des  Anglois  fist  grant  destruction  : 
En  paradis  soit  s'ame  couronnée. 

C'est  bien  raison  que  Vaillance  le  plaingne. 
Et  tous  les  bons  qui  tendent  a  prouesce  ; 

1 5        Et  toy,  terre,  de  tes  armes  brehaingne  <^  : 
Bien  les  porta;  c'est  ce  qui  plus  me  blesce, 
Car  jamais  n'iert  '^  homme  qui  les  redresce 
Ne  qui  de  toy  face  plus  remembrance; 
Tu  as  perdu  ton  nom,  ta  congnoissance; 

20        Tes  membres  sont  en  grant  division  ; 
Ploure,  povre,  ta  grant  perdicion 
Qui  jamais  jour  ne  sera  recouvrée, 
La  mort  Loys,  que  Dieu  face  pardon  : 
En  paradis  soit  s'ame  couronnée; 

25        Car  il  n''est  nul  qui  en  ses  faiz  repraingne 
Fors  que  tout  bien,  honour  et  hardiesce; 
Large  a  son  temps,  ne  tint  onques  compaigne 
Fors  gens  d'onnour,  de  haulte  gentillesce; 
Tousjours  aloit  et  queroit  sanz  paresce; 

3o        Ses  ennemis  combatoit  a  oultrance; 
Aux  bons  avoit  amour  et  aliance, 
De  maint  mauvais  fist  grant  pugnicion; 

I.  forteresce.  —  2.  jadis. 

a.  La  direction,  le  modèle.  —  b.  Cri  de  Louij  de  Sancerre.  —  c. 
Dépouillée,  déserte.  —  d.  Ne  sera. 


BALADES  143 

3/^  c  Se  François  fut,  nulle  remission 

Ne  lui  faisoit,  la  teste  avoit  couppée, 

Ou  le  pendoit  en  cas  de  traison  :  35 

En  paradis  soit  s'ame  couronnée. 

l'envoy 

François,  plourez,  Berruier  «,  Bourgoignon 

Sancerre  aussi,  gens  d'armes,  compaignon, 

La  langue  d^oc  et  mainte  autre  contrée, 

Gens  prinsonniers  aux  quelz  il  fist  maint  don,   40 

Le  bon  Loys,  et  donna  leur  raençon  : 

En  paradis  soit  s'ame  couronnée. 


MCLXXXVII 
Autre  Balade 

DE  PLOUR  DUDIT  CONNESTABLE,  DE  SA  MORT,  DE    SA  SEPULTURE 

ET  DE  SON  EPrrAPHE. 

[1403] 

PLOUREZ,  heraulx,  plourez,  chevalerie, 
Tous  menestrelz,  trompettes,  gens  de  guerre, 
Plourez,  maistres  de  toute  artillerie, 
Mineurs  aussi,  vaillance  en  toute  terre. 
Le  bon  Loys,  mareschal  de  Sancerre,  5 

Puis,  pour  son  bien,  de  France  connestableî 

*  Publiée  par  Tarbé,  tome  II,  page  S. 
a.  Gens  du  Beny. 


I 44  BALADES 

Plourez  l'ostel  grant,  large  et  honourable, 
Qu'a  son  temps  tint  li  chevaliers  loyaulx  ! 
Plourez  pour  lui,  touz  serviteurs  royaulx, 
10        Tous  estranges,  ses  dons  et  sa  largesce, 
Qui  tant  hay  tous  hommes  desloyaulx! 
Plourez  pour  lui,  toute  gent  de  noblesce! 

Et,  Champaigne,  pleure,  triste  et  marrie, 
Son  nom,  son  cry  qui  a  tousjours  s'enterre  ", 

1 5        Armes  et  tout,  qu'il  porta  a  sa  vie, 

Sanz  reproucher.  Sa  mort  le  cuer  me  serre. 

Or  ne  sera  qui  les  porte  ou  desserre  * 

Jamais  nul  jour  :  c'est  chose  piteable, 

Car  en  ses  faiz  fut  fort  et  vertuable  <=.  3i6  d 

20        Diligence,  ploure  ses  grans  travaulx, 
Ce  quMl  souffrit,  la  durté  et  les  maulx 
Pour  son  seigneur,  et  la  guerre  qui  blesce; 
En  lui  ne  fut  onques  trové  de  faulx  : 
Plourez  pour  lui,  toute  gent  de  noblesce  I 

2  5        Plourez,  ses  gens,  servens,  son  escurie, 

Geuls  qu'il  a  faiz,  tout  bachelier  <*  qui  erre 
Pour  avoir  nom;  armuriers,  armoirie 
Tenir  vous  fault  desor  enclos  soubz  serre. 
Princes  loyaulx,  vueillez  service  querre 

3o        A  ses  servens,  chose  est  remunerable. 

Qui  sont  dispers  ^  ;  soiez  leur  secourable; 
Leur  chief  est  mort  qui  tant  vous  fut  feaulx  ; 
Pour  son  amour,  aiez  pité  sur  yaulx. 
Pour  exempler/ toute  gent  de  jonesce 

35        De  faire  bien  en  armes,  en  chevaulx  : 

Plourez  pour  lui,  toute  gent  de  noblesce  ! 


a.  Est  enterré.  —  b.  Désormais  il  n'est  plus  personne  pour  les 
porter  et  s'en  servir.  —  c.  Vertueux.  —  d.  Débutant  dans  le  mé- 
tier des  armes.  —  e.  Dispersés.  — /.  Donner  l'exemple. 


BALADES  I 45 


l'envoy 

Princes,  mort  fu  Loys,  vostre  vassaulx, 

Et  de  Paris,  en  février,  vo  consaulx 

A  Saint  Denis  le  conduit  en  tristesce. 

Ou  enterrez  est  delez  les  plus  haulx;  40 

M.  CGCC.  et  deux  fut  ses  tombeaulx  : 

Plourez  pour  lui  toute  gent  de  noblesce  ! 


MCLXXXVIII 

Balade. 

E  LA   TYRANNIE  DU    MAUVAIS  NOYRON,    EMPEREUR   DE   ROMME, 
ET   DE    SA    MAUVAISE   FIN. 


c 


RUEULX  Noiron  ^,  de  grant  cruauté  plain, 
Pour  quoy  fis  tu  mourir  crueusement 
!>]  a  Seneque,  qui  t'endotrina  ^  en  vain 
Et  te  monstra  tant  bel  enseignement 
Pour  gouverner  et  vivre  saigement  5 

Comme  empereur?  Comment  osas  tu  faire 
A  ta  mère  les  membres  du  corps  traire  <^, 
Pour  vir  le  lieu  de  ta  concepcion? 
C'est  grant  horreur  de  ta  vie  retraire  '^  : 
Tyrannie  ne  fut  onc  ^  en  saison.  10 

I.  oncques. 

a.  Néron.  —  b.  Q.ui  t'instruisit.  —  c.  Arracher.  —  d.  Raconter. 
T.  VI  10 


146  BALADES 

Comment  fus  tu  de  couraige  villain 
Et  insexte  ^,  de  gésir  *  charnelment 
Avec  ta  suer  ?  Et  puis  d'uy  a  demain 
Voulz  concevoir,  porter,  avoir  enfant, 

1 5        Ce  que  Nature  en  corps  d'omme  deffent. 
Les  medicins  qui  virent  ton  affaire, 
Pour  eulx  sauver,  eschiver  mort  contraire, 
Te  donnèrent  renoulle  <^  en  pocion, 
Qui  te  fist  puis  assez  crier  et  braire  : 

20        Tyrannie  ne  fut  onc  *  en  saison. 

D'avoir  conçupt  ne  fus  pas  incertain  ; 

La  rayne  <^  lors  te  fist  moult  de  tourment 

Toutes  les  fois  qu'elle  mouroit  de  faim  ; 

Plus  attendre  ne  voulz  l'enfantement, 
25        Mais  impetras  un  ort  vomissement  ^ 

Aux  medicins,  qui  ot  plus  ort  repaire  ; 

Les  feux  bouter,  dont  je  ne  me  puis  taire, 

Fis  a  Romme;  quel  tribulacion  ! 

Ton  chief  te  fis  en  fin  par  ton  serf  traire  «  : 
3o        Tyrannie  ne  fut  onc  ^  en  saison. 

l'envoy 

Prince,  bon  fait  gouverner  justement 
Et  craindre  Dieu  ;  qui  le  fait  autrement 
En  la  fin  a  toute  destruction  ;  3ij  h 

Les  bons  ont  bien  et  pardurablement 
35        Et  les  tyrans  meurent  mauvaisemeni  : 
Tyrannie  ^  ne  fut  onc  1  en  saison. 

I.  onques  —  2.  Tyrampnie. 

a.  Incestueux.  —  b.  Coucher.  —  c.  Grenouille.  —  d.  Tu  deman- 
das un  sale  vomitif.  —  e.  Oter,  couper. 


BALADES 


147 


MCLXXXIX 

CY  PARLE  d'une  FICTION  d'oYSEAULX  GENTILS,  ET  PAR  ESPECIAL, 
DE  l'aigle,  ROY  DES  OISEAULX,  RAMENÉE  A  MORALITÉ  AU 
GOUVERNEMENT  DES  PRINCES  *. 

JAY  une  fiction  trouvée 
En  une  escripture  approuvée 
De  TAigle,  ou  il  fait  mencion 
Qu'elle  tint  en  une  contrée 
Son  aire,  et  la  s'est  ordonnée  5 

En  prenant  une  porcion 
De  vivre  sanz  destruction 
Pour  son  estât;  si  fut  amée 
Des  oiseaulx  de  la  région, 
Et  n'y  avoit  cerf  ne  lyon  lo 

Dont  elle  ne  fust  redoubtée, 
Car  loy  estoit  par  lui  gardée 
Et  justice  sanz  fiction. 

De  trois  gerfaux  fut  advisée  ^, 

Et  de  trois  faucons  gouvernée,  i5 

Qu'elle  ot  toudis  en  sa  maison, 

Et  ceuls  firent  droitte  volée 

En  prenant  la  chose  acordée 

Pour  son  vivre  et  selon  raison  ; 

Pourveance  fist  de  saison  20 

Qui  fut  saigeraent  dispensée. 


Nulz  n'osoit  faire  desraison  * 

"  Publié  par  Tarbé,  tome  II,  page 

a.  Conseillée.  —  b.  Tort,  injustice. 


148  BALADES 

A  oisel  nul,  en  l'air  n'en  prée, 
25  Qui  n'eust  la  teste  couppée  :  Siy  c 

Tele  fut  sa  pugnicion. 

Elle  a  voit  pour  faire  justice 

Deux  tercelez  *,  un  jay  propice 

Pour  accuser  les  maufaitteurs, 
3o  Deux  estourneaulx  en  un  office, 

L'un  lay,  l'autre  avoit  bénéfice, 

El  deux  chardonneriaulx  docteurs, 

Et  chascun  portoit  les  couleurs 

De  sa  plume,  sanz  autre  esclice  * 
35  Porter,  fors  sa  propre  pelice, 

Sanz  contrefaire  les  honeurs. 

Deux  espreviers,  pour  son  service, 

Avoit  trenchans,  ou  il  n'ot  vice; 

Par  tout  avoit  .11.  serviteurs; 
40  En  ses  estas  n'avint  esclipce, 

Car  chascuns  gouverna  sa  lice 

Vraiement  sanz  estre  menteurs; 

N'onques  n'avoient  successeurs 

Que  par  mort  i;  point  ne  fut  conlice  <= 
45  De  remuer,  sanz  grant  malice, 

Ses  servens  l'Aigle  aux  bonnes  meurs. 

Pour  son  demaine  recevoir 
Ne  vit  l'en  a  celle  aigle  avoir 
Fors  2  deux  coulons  et  une  choe  ^\ 
5o  Et  si  vouloit  TAigle  sçavoir 

Tousjours  Testât  de  son  avoir 
Et  ses  despens,  dont  je  la  loe  ; 


I.  mor.  —  2.  Et. 

a.  Mâles  de  l'autour.  —  b.  Marque  d'honneur,  distinction  exté- 
rieure. —  c.  Coutumier.  —  d.  Deux  colombes  et  une  chouette. 


BALADES  149 

Ne  vouloit  que  poucin  n'aloe  ^ 

Fust  prins  sanz  paier  :  qui  doloir  * 

S'en  venist,  et  trouvé  fust  voir,  55 

Chascun  des  trois  perdist  la  joe  <=. 

Paier  faisoit  du  main  au  soir  ; 

Grans  mes  ^  ne  vouloit  recevoir, 

Car  grans  mangers  les  oeulx  esbloe  ^ 

Et  fait  la  forcelle  doloir/:  60 

Trop  bien  le  sceut  appercevoir 

L'Aigle,  qui  telz  mangers  desloe  5"; 

L'argent  de  la  bourse  en  descloe  ^. 

De  deux  mes  prinst  a  son  vouloir, 

Sanz  excès;  s'ot  '  plus  grant  pouoir  65 

De  voler  et  plus  mendre  escroe  *. 

Pour  oir  Testât  de  sa  terre 

Fist  .11.  corbaulx  cerchier  et  querre 

Aus  quelz  on  rendoit  de  tout  compte, 

Et  deux  pymars  '  pour  aler  quere  70 

Les  papiers  enfermez  soubz  serre  "* 

Afin  que  riens  n'alast  a  honte; 

Par  eulx  sceut  que  sa  terre  monte, 

Et  de  ce  vouloit  bien  enquerre, 

Fust  en  temps  de  paix  ou  de  guerre,  7  5 

Ainsi  que  l'istoire  raconte. 

D'autre  Aigle  ne  voult  riens  aquerre, 

Son  nif  »  ne  son  aire  conquerre; 

Il  lui  souffist  qu'elle  surmonte  0 

En  son  pais  ou  elle  terre  p  80 


a.  Alouette.  —  b.  Se  plaindre.  —  c.  La  joue.  —  d.  Services.  — 
e.  Eblouit,  trouble.  —  /.  Soufl'rir  l'estomac.  —  g.  Désapprouve.  — 
h.  Détache.  —  i.  Ainsi  elle  eut.—  k.  Compte  de  dépenses. —  /.  Pics. 
—  m.  Serrure.  —  ti.  Nid.  —  0.  Domine.  —  p.  Où  elle  demeure. 


1 5o  BALADES 

Ses  subgis,  et  qu^on  ne  desterre  "■ 
Le  bestail  qui  a  lui  se  dompte; 
Qui  se  lait  fouler  *  il  s'ahonte  '=  : 
Pour  ce  voult  garder  et  requerre 
85  Ses  oiseaulx  et  tenir  soubz  luerre  ^ 

L'Aigle  dont  je  vous  faiz  le  compte, 

Qui  si  bien  son  fait  ordonna 

Et  a  ses  gens  gaiges  donna 

Si  réglez  qu'il  devoit  suffire, 
90  Tant  que  chascuns  se  contenta, 

N^autres  dons  ne  lui  demanda, 

Et  ainsi  acrut  son  empire 

Si  que  nulz  n'osoit  contredire  3i8  a 

Deçà  la  mer  ne  par  delà 
95  A  la  1  possession  qu^elle  a,  » 

Ne  nulz  ne  vous  pourroit  descripre 

Qu'oiseaulx  n'eust  vers  li  du  pire 

Qui  s'efforçast  de  grever  la, 

Ne  nulz  d'iceulx  ne  la  foula 
100         Qu'il  n'ait  esté  mis  a  martire. 

Pour  quoy?  car  tout  oysel  l'ama, 
Pour  justice  qu'entr'eulx  garda 
Et  qu'elle  voult  les  bons  eslire  «, 
Les  ostouers  f  prinst  et  corriga 
io5  Et  les  escoufles  ^  justiça 

Qui  voulrent  les  poucins  destruire; 
Les  renars  fist  trembler  et  fuire, 
Les  loups  du  bec  escervela  ^ 
Et  tout  animal  qui  embla  « 


I.  Na. 

a.  Chasse  de  la  terre.  —  b.  Qui  se  larsse  mépriser.  —  c.  Se  couvre 
de  honte.  —  d.  Leurre.  —  c.  Choisir.  — /.  Les  autours.  —  g.  Mi- 
lans. —  h.  Fit  sauter  la  cervelle.  —  i.  Ravit. 


BALADES  1  5  ï 

En  l'air,  en  terre,  et  a  voir  dire  ^  i  lo 

Nuiz  ne  lui  pouoit  contredire  : 
Par  ses  nobles  vertus  régna, 
En  grans  richiesces  demeura 
En  grant  paix  et  joye  sanz  yre. 

S'elle  donna  a  quelque  oysel,  1 1 5 

Elle  fist  mettre  en  un  moncel  * 

Le  don,  et  lors  fut  merveilleuse  ^  : 

Quant  elle  veoit  le  tropel  ^ 

De  tout  1  l'argent  sur  un  carrel  ^ 

Ou  un  tapiz,  trop  fust  honteuse  i20 

Du  grant  mont,  et  trop  desdaigneuse/; 

Lors  se  restraint  dedenz  sa  pel, 

A  ses  dons  mist  bride  et  gourmel  s 

D'une  restrainte  *  gracieuse. 

Moult  faisoit  en  son  pais  bel.  i25 

S'elle  donna,  son  don  ysnel  ' 
3iS  b     Fut  baillié,  sanz  chose  doubteuse; 
Se  d'or  y  eust  plain  un  tonnel 
Ou  d'argent,  fust  pierre  ou  annel  *, 
Délivrer  fist  la  vertueuse  i3o 

Son  don,  sanz  estre  mençongeuse  ;; 
Plus  n'en  convenoit  faire  appel; 
Pour  ce  de  vérité  l'appel 
Aigle  plaisant,  humble  et  piteuse. 

En  cest  estât  long  temps  se  tint,  i35 

Honeur  en  tous  cas  lui  advint, 
De  tous  biens  fut  ses  règnes  plains, 

I.  tout  manque. 

a.  A  dire  vrai.  —  b.  En  un  tas.  —  c.  Émerveillée,  épouvantée. 
—  d.  Le  monceau.  —  e.  Carreau.  — /.  Fâchée.  —  g.  Gourmette.  — 
h.  Diminution.  —  i.  Rapide,  prompt,  —  k.  Que  ce  fût  pierre  ou 
anneau.  —  /.  Menteuse. 


1 52  BALADEà 

Pour  une  beste  venoit  vint 
D'estranges  lieux;  la  se  contint 
140  Tant  que  boys,  rivières  et  plains  "^ 

D'oyseaulx.  et  bestes  furent  plains, 
Et  tant  en  y  venoit  et  vint 
Qu'envoier  dehors  en  convint 
Pour  peupler  autres  pais  mains  : 

145  Car  la  garde  et  justice  obtint 

Contre  tous,  et  si  mesavint  * 

A  aucuns  oiseaulx  souverains, 

Elle  les  secourt  et  retint, 

Et  l'ardeur  de  leur  perte  estint, 
i5o         Et  n'ot  cure  d'oiseaulx  villains  ; 

Et  se  guerre  ot  entre  forains  <^, 

Ses  voisins,  bien  lui  en  advint; 

D'eulx  appaisier  ne  lui  souvint 

Car  ses  règnes  en  fut  plus  sains  ^ 

i55         Grant  espargne  fist  a  son  tens  1, 

Et  si  ordonna  par  son  sens 

Grues  en  divers  lieux  du  mon  '^, 

Qui  furent  alans  et  venans 

Et  les  nouvelles  rapportans 
i6o         Tant  par  elles  com  2  par  laron  "^ 

Si  que  guerre  ne  sourt  ou  bonde/,  3 18  c 

Riotes,  noises  ne  contens, 

Qu'el  3  ne  saiche,  et  est  pourveans 

Aux  perilz,  tant  fut  saige  et  monde. 

i65         Les  poucins,  les  jeunes  enfans 
Des  faucons,  pour  estre  volans, 

I.  Ce  mot  est  effacé.  —  2.  comme  —  3.  Quelle. 

a.  Plaines.  —  b.  S'il  arrivait  quelque  mésaventure.  —  c.  Étran- 
gers. —  d.  Du  monde.  —  e.  En  secret.  — /.  Bruit. 


BALADES  l53 

Des  nobles  oyseaulx,  a  la  ronde  ' 

Fait  mener  par  estranges  gens, 

Si  qu'ilz  ne  soient  negligens, 

Que  paresce  ne  les  confonde  170 

Par  deliz,  et  que  nulz  ne  fonde  ^^ 

Sur  les  aires  pour  estre  lens  *, 

Mais  soient  legiers  et  soufrans  «^ 

Par  la  paine  qui  leur  suronde  '^. 

Par  ces  poins  et  celle  ordonnance  175 

Tint  celle  Aigle  en  grant  excellence 

Son  empire  toute  sa  vie 

En  paix,  en  joie  et  en  puissance, 

Ses  oyseaulx  en  obéissance, 

En  bonne  amour  entr'eulx  unie  ;  180 

Ses  offices  n'esleva  mie, 

Ne  du  nombre  ne  fist  croissance, 

Ne  les  desmist  sanz  pourveance 

Par  faulx  rappors  ne  par  envie. 

Elle  vivoit  a  souffisance,  i85 

Sanz  excès  d'emplire  sa  pance  ; 
Tousjours  estoit  sa  court  garnie 
D'oiseaulx  fors,  de  belle  apparance, 
D'umble  cuer,  qui  font  reverance  ; 


igo 


Tousjours  estoit  acompaignie 
D'anciens  oiseaulx  de  prudence, 
Qui  tousjours  firent  résidence 
Pour  honourer  sa  seignourie. 

En  celle  grant  prospérité,  195 

3iS  d     En  ce  bien,  en  celle  unité, 

Celle  Aigle,  qui  très  vielle  fu, 

I.  larronde. 

a.  Ne  se  confie.—  è.  Languissant.  —  c.  Endurant.  —  d.  Déborde. 


l54  BALADES 

Trespassa,  dont  ce  fut  pité; 
Un  jeusne  hoir  en  son  hérité  * 
200  Laissa,  qui  avoit  pou  veu; 

Beaus  estoit,  non  pas  parcreu  *: 
Aux  jeusnes  prant  affinité; 
Des  biens  avoit  infinité 
Qui  furent  trop  mal  despandu. 

205  Car  li  viel  n'ont  pas  creu  esté  : 

Li  tercelet  <=  et  li  hobé  '^, 

Ly  esmerilion  sont  venu, 

Li  jeusne  faucon  affamé, 

L'esprevier,  li  ostoir  privé, 
210  Chascun  lui  a  couple  ^  tenu  ; 

Telz  y  vint  desplumé  et  nu, 

Qui  tantost  s'i  est  remplumé; 

Sa  char  et  son  sang  ont  humé 

Et  sont  com  père  et  mère  eu  '  . 

2x5  Le  conseil  donnent  de  jeunesce 

Et  lui  baillent  Foie  Largesce 

Qui  veult  estre  sa  despensiere, 

Et  une  pie  jangleresse/ 

Qui  autre  oisel  parler  ne  lesse 
220  Mais  boute  vérité  arrière, 

Les  bons  oiseaulx  blasme  en  derrière 

Et  fait  retenir  l'oslrucesse  ^, 

Bestial,  plaine  de  paresce  : 

Ainsis  va  ce  devant  derrière. 

225  Or  vole  celle  Aigle  et  se  dresse, 

Et  voit  l'avoir  et  la  richesse 
Que  son  père  ot  acquis  premier; 

I   deu. 

a.  Héritage.  —  b.  Q.ui  n'avait  pas  encore  acquis  toute  sa  crois- 
sance. —  c.  d.  Jeune  oiseau  de  proie.  —  e.  Compagnie.  — /.  Ba- 
varde. —  g.  La  femelle  de  l'autruche. 


BALADES  ibb 

Ne  cuide  pas  que  jamais  cesse; 
Lors  donne  a  mains  ce  qu'il  posesse  ^, 
3ig  a      Aux  fouis  oiseauls  fait  bonne  chiere  ;  23o 

Chascuns  quiert  estrange  manière 
De  demander,  d'avoir  promesse 
De  chetis  oiseaulx  a  grant  presse  : 
Adonc  se  destruit  la  minière  *. 

Une  heure  vole  en  Orient,  235 

Autre  heure  vole  vers  Midi, 

En  Septemtrion  va  courant, 

Autre  heure  demeure  en  son  ny; 

Et  en  volant  sont  maint  honny 

Des  oiselez,  qui  vont  tremblant,  240 

Et  parlent  jusqu'en  Occident 

De  ce  qu'om  les  gouverne  ainsi. 

Pour  quoy  est  ce?  Pour  ce  qu'om  prant 

Le  leur.  Or  dittes  donc,  et  qui? 

Cil  escoufle  c,  cil  perliquant  ^,  245 

Qui  tuent  sanz  avoir  merci  ; 

Les  povres  oyseaulx  sont  ^  péri, 

Qui  n'en  ont  droit  ne  jugement, 

Fors  que  la  paine  et  le  tourment  : 

Tout  est  pardonné,  je  vous  di.  25o 

De  justice  parler  ne  fault  : 

Il  n'y  a  ostoer  ne  gerfault, 

Escoufle,  pie  ne  cornaille 

Qui  n'échappe,  et  ne  lui  en  chault  : 

On  leur  pardonne  leur  default.  255 

Perdrix  n'en  puet  durer  ne  caille, 

Brebiz,  mouton,  pourcel  n'aumailie, 

I.  en  sont. 

a.  Possède.  —  b.  Mine  d'or.  —  c.  Milan.  —  d.  Pélican. 


1  56  BALADES 

Tout  se  prant  sanz  dire  :  que  vault? 
Tant  que  tout  le  bestail  default, 
260         Et  si  n'est  nul  a  qui  en  chaille  ^. 

Les  voisins,  pour  ce  voler  hault, 

Qui  sont  malicieus  et  caut  *, 

Aus  quelz  l'en  destruit  grain  et  paille, 

Ont  en  leur  cuer  d'en  faire  assault  :  3ig  b 

263  Contre  l'Aigle  trop  ont  cuer  chault  ^, 

Quant  prandre  voient  leur  poulaille 
A  brehiers  '^  et  a  villenaille  '^ 
A  cosmarans/,  qui  se  font  baux 
Pour  l'Aigle,  et  ne  sont  que  ribaux 

270  Entre  les  oiseaulx  et  merdaille  g. 

Or  s'en  vont  a  cens  et  a  mille 

Les  dons  a  maint  qui  n'est  habille 

Des  oiseaulx  d'avoir  un  denier, 

Qui  en  achatent  terre  ou  ville, 
275  Et  qui  est  vilz  et  d'aire  vile ''; 

Et  li  faucon  et  esprevier 

Ont  a  tresgrant  paine  a  mangier, 

Et  ceuls  qui  ont  teste  soustille; 

Riches  se  fait  qui  prant  et  pille, 
280         Mais  ainsi  vuide  le  grenier. 

Ou  l'Aigle  c'un  servent  n'avoit, 
.XII.  en  y  a,  et  ce  que  doit  '? 
C'est  destruction  de  pays. 
Car  maint  d'iceuls  ne  se  congnoit 
285  En  son  estât  ;  des  gaiges  joit*; 

I .  et  manque. 

a.  Et  personne  ne  s'en  soucie.  —  b.  Bien  avisés.  —  c.  tchauffé. 
—  d.  Par  des  buses.  — e.  Vilains.  —  /.  Cormorans.  —  g.  Gens 
méprisables,  gens  de  rien.  —  h.  De  basse  extraction.  —  1.  Qu'est-ce 
que  cela  signifie ,''  —  k.  Jouit. 


BALADES  1 57 

S'en  sont  les  oiseaulx  esbahis, 

Plus  fault  a  .XII.  oiseaulx  qu'a  six, 

Et  soustenir  ne  se  pourroit  ; 

Mais  qui  tous  les  restrainderoit  ^  '', 

Ce  seroit  un  tresgrans  proufis.  290 

Car  deux  ou  un  autant  feroit 
Ou  .1111.,  qui  les  esliroit, 
Sur  pluseurs  estas  qui  sont  mis; 
L'argent  a  TAigle  demourroit, 
.iic.  mil  2  frans,  s'il  lui  plaisoit,  295 

Ou  gaiges  a  trop  excessis  ; 
Et  quant  un  fait  autant  com  dix, 
3ig  c     Grant  merveille  est  qu'om  n'y  pourvoit. 


3oo 


Mais  l'Aigle  a  la  veue  esbloée  * 

Pour  la  louenge  a  lui  donnée 

De  son  gent  corps,  par  vaine  gloire; 

Plus  ne  fault  qu'elle  soit  troublée  : 

Ne  restraingne  pois  ne  purée,  3o5 

Cresson,  moustarde,  pomme  ou  poire, 

Mais  de  restraindre  soit  mémoire 

Ses  grans  gaiges,  sa  grant  donnée  <=, 

Et  le  nombre  d'offices  vée  '^ 

Si  grant  qu'il  est,  s'il  me  veult  croire.  3 10 

Soit  toute  chose  ramenée 

A  estât  deu,  non  excédée. 

Car  on  espuiseroit  bien  Loyre. 

Qui  charge  la  seconde  année 

Plus  qu'il  ne  doit,  perte  engendrée  3i5 

1.  restraindroit  —  2.  mille. 

a.  Diminuerait.  —  b.  Éblouie.  —  c.  Libéralité.  —  d.  Défende. 


j58  balades 

Lui  est,  pour  estre  debitoire  ", 
Et  par  un  tel  cas  d'açessoire 
Quant  une  terre  est  endebtée, 
Qui  ne  restraint,  chose  est  prouvée 
320  Qu^om  pert  adonc  le  possessoire  ^. 

L'Aigle,  qui  mestier  de  restraindre 
A,  a  présent  se  vient  complaindre 
De  son  estât  aux  vielz  oyseaulx, 
Prians  qu'ilz  ne  se  vueillent  faindre, 

325  Car  trop  voult  com  simples  empaindre  '^ 

L'oppinion  des  jouvenciaulx 
En  son  cuer,  plus  ne  •  veult  a  ciaulx 
Conseillier,  dont  son  fait  est  maindre  : 
Desor  les  veult  amer  et  craindre 

33o         Com  ses  amis  especiaulx. 

Lors  dit  Tun  :  «  Il  vous  fault  despaindre  ^ 
a  De  vostre  cuer  et  tout  estaindre 
«  L'ennortement  des  cuideriaulx  ^; 
a  De  jeunesse  vous  fault  refraindre,  3 ig  d 

335  «  Le  temps  perdu  gémir  et  plaindre, 


«  Que  vous  fuiez  les  desloyaulx  : 
«  Le  mal  en  bien  vous  convient  taindre, 
«  De  diligence  et  vertu  saindre  ^ 
340  «  En  tous  voz  faiz  especiaulx. 

«  Créez  au  faucon  de  vo  linaige, 
«  Au  gerfaut  de  vostre  paraige, 
a  A  ceuls  qui  sont  de  vostre  genrre, 
«  Aux  plus  anciens  qui  sont  saige, 
345  «  Car  ceuls  pour  vous  metronl  en  gaige 

I.  ne  manque.  —  2.  faindre. 

a.  Débiteur.  —  b.  Possession.  —  c.  Pousser,  avancer.—  d.  Arra- 
cher, repousser.  —  e.  Le  conseil  des  présomptueux. 


BALADES  I 59 

a  Terre  et  tout,  et  le  corps  en  cendre  ; 

«  Laissiez  vous  doucement  reprandre, 

«  Sanz  user  de  hautain  couraige  ; 

tt  Restraingnez  ce  qui  est  oultraige  <* 

«  Vueiiliez  retenir  et  aprandre.  35o 

«  Aiez  vérité  en  usaige, 

«  N'usez  point  de  perdre  langaige; 

a  Faittes  a  chascun  son  droit  rendre  : 

«  Voisent  li  buef  a  leur  ouvraige 

«  Et  li  oysel  de  gros  plumaige  :  355 

a  A  les  1  lever  ne  devez  tendre. 

a  Deffendez  que  nulz,  sur  le  pandre  ^, 

«  Ne  tue  aux  champs  ne  au  villaige, 

«  Praingne  ou  ravisse  par  pillaige, 

a  Et  se  gart  chascun  de  mesprandre.  36o 

»  Se  l'en  prant  riens  pour  vostre  hostel 
«  Ne  pour  ceuls  de  vostre  costel  '^ 
«  N'en  la  terre  de  voz  voisins, 
a  Faictes  tout  paier  le  chastel  '', 
«  Car  c'est  trop  grant  pechié  mortel  365 

«  De  mangier  les  biens  qui  sont  prins 
a  Sanz  paier  ;  com  mauvais  lopins 
a  Sont  salez  de  trop  mauvais  sel, 
320  a      «  Dont  on  pert  l'ame  et  le  vaissel  ; 

«  Deshonourée  en  est  la  fins.  370 

«  Nulz  ne  doit  en  autrui  pourcel, 
«  Sanz  paier,  mettre  son  coustel, 
«  Ne  prandre  les  blez  ne  les  vins, 
«  Les  foings,  les  grains,  drap  ne  burel  ^, 

I.  Ailes. 

a.  Retranchez  ce  qui  est  excessif.  —  b.  Sous  peine  d'être  pendu. 
—  c.  Famille.  —  d.  Le  dommage,  tout  ce  qu'on  prend.  —  e.  Gros 
drap,  bure. 


l60  BALADES 

375  «  Des  povres  brebiz  ne  la  pel 

o  De  quoy  l'en  fait  les  parchemins, 
«  Dont  leurs  faons  ^  sont  orphenins 
a  Et  en  povreté  sanz  rappel, 
«  Pour  gouverner  un  grant  tropel 

38o  «  De  merdailles  et  de  coquins. 

«  Tu  dois,  selon  ta  revenue, 
«  Vivre  et  régner;  donques  te  mue 
a  Et  vif  *  comme  ti  ancien  ; 
«  Le  trop  d'officiers  remue  <^ 

385         «  Que  tu  as  comme  oiseaulx  en  mue, 
«  Et  si  ne  te  servent  de  rien 
«  Fors  de  gaster  peuple  et  le  tien  <^, 
«  Mille  et  cinq  cens;  pour  ce  t'argue  <^, 
«  Qu'ilz  ont  sanz  cause  retenue, 

390         «  Des  quelz  ne  te  puet  venir  bien. 

a  Sur  tel  bestail  qui  fait  la  creue  / 
«  Sera  ta  '  despense  descreue 
«  De  deux  cens  mil  ;  or  le  retien  : 
«  Moins  en  yen  ta  despense  deue 

395  «  Et  ta  gent  plus  voulentiers  veue; 

a  Voist  s'en  chascun  a  son  lien, 
a  Ses  gaiges  superflus  retien, 
a  Car  on  feroit  grosse  massue  S" 
«  De  deux  cent  mil  :  chose  est  perdue; 

400         «  Restraing  com  bon  phisicien. 

€  Regarde  a  droit  et  par  loisir 

a  Ceulx  qui  se  scevent  bien  chevir  * 

€  Et  qui  font  valoir  leur  besongne  320  b 

I.  ta  manque. 

a.  Agneaux.  —  b.  Vis.  —  c.  Réforme,  destitue.  —  d.  Ton  avoir. 

—  e.  Je  te  reproche.  — /•  L'augmentation.  —  g.  Masse,  monceau. 

—  h.  Qui  savent  bien  se  conduire. 


BALADES  16 I 

«  Loyaument,  sanz  prandre  ou  tolir, 

a  Sanz  convoiter  :  ceuls  requérir  4o5 

«  Doiz  tu,  et  tes  sers  embesongne  ^ 

«  Ou  qu'ilz  soient,  car  je  tesmongne 

«  Que  par  deux  puez  plus  enrrichir 

a  Que  par  cent  qu'on  te  vient  offrir 

«  Qui  ne  quierent^  fors  qu'om  leur  dongne*.  410 

a  Des  autres  te  fault  enquérir, 

a  En  tous  estas  pour  toy  servir, 

«  Et,  se  bons  sont,  ne  les  ressongne  '^  ; 

«  Fay  les  de  toutes  pars  quérir 

a  Et  en  ton  service  venir,  41 5 

«  Garde  qu'ilz  n'y  quierent  alongne  «'; 

«  Ceuls  qu'om  permet  vers  toy  eslongne, 

«  Et  les  bons  vueilles  remerir  ^, 

«  Si  ne  pourra  ton  fait  périr; 

a  En  ce  cas  ne  doiz  mettre  allongne.  420 

«  Du  restraindre  f  que  tu  feras 

a  Tes  jeunes  poucins  nourriras, 

«  Et  ly  oysel  prieront  pour  toy, 

«  Quant  les  cuers  oiseux  aprandras 

«  A  ouvrer  ê",  et  ne  soustendras  425 

«  Leurs  oyseuses  *  ne  leur  desroy  '  ; 

«  Car  pluseurs  se  parent  com  roy 

«  Des  propres  plumes  que  tu  as, 

«  Et  de  la  t'est  venu  grans  gas  * 

«  Et  dommaiges,  de  ce  me  croy.  480 

«  Appartient  il  que  le  harnas^ 

I.  requièrent. 

a.  Emploie.  —  b.  Donne.  —  c.  Ne  les  crains  pas.  —  d.  Retard. 
—  e.  Récompenser.  —  /.  De  l'économie.  —  g.  Quand  tu  apprendras 
à  travailler  aux  paresseux.  —  h.  Leur  oisiveté.  — /.  Leur  désordre, 
dérèglement.  —  k.  Grands  dégâts,  —  /.  Harnois,  habillement. 

T.  VI  II 


102  BALADES 

«  Porte  uns  corbaulx  ou  uns  huas  * 

a  De  l'Aigle  et  le  noble  courroy  *? 

«  Nennil.  Mieulx  deussent  ou  fanas  <^ 
435  «  Becquier  ^,  et  vestir  chavenas  « 

«  Qu'oser  penser  a  tel  arroy. 

ce  Euvre  tes  oeulx  et  te  resjoy  820  c 

a  Ou  cas  que  tu  te  restraindras 

ut  Et  les  autres  ordonneras 
440         «  Si  que  chascun  tiengne  sa  loy. 

«  Fay  chascun  vestir  sa  cotelle  f\ 

«  Voist  chascun  avec  sa  femelle 

«  Sanz  sa  fourme  dégénérer; 

«  Soit  a  chascun  sa  plume  belle, 
445  «  Au  coulon  et  a  l'arondelle  ^, 

a  Sanz  fauses  plumes  emprunter, 

n  Dont  li  corbaulx  se  fist  huer 

a  Qui  du  paon  print  plume  nouvelle, 

a  Mais  pour  ce  perdit  sa  querelle, 
450         «  Quant  au  paon  vouloit  ressembler. 

a  Oste  ces  oyseauls  de  cautelle, 

«  Qui  trois  et  trois  sient  en  celle  *, 

a  Qu'om  doit  cahuans  appeler  '  ; 

«  Le  jour  héent  et  la  chandelle, 
455  «  Par  nuit  volent,  et  a  la  belle  * 

«  Trois  d'iceuls  se  vont  esconser  '  ; 

«  Par  jour  ne  les  puet  on  trouver, 

«  Car  veritez  en  eulx  chancelle  ; 

«  En  dortoir  vont  ou  en  chapelle 
460         «  Si  qu'om  ne  puet  a  eulx  parler. 

a.  Chat-huant.  —  b.  Suite,  ordonnance.  —  c.  Tas  de  foin.  —  d. 
Manger,  becqueter.  —  e.  Toile  de  chanvre.  — /.  Son  habit.  — 
g.  Au  pigeon  et  à  l'hirondelle.  —  h.  Dans  leur  demeure.  — 
1.  Chat  huant.  —  k.  Au  point  du  jour.  —  /.  Cacher. 


BALADES  I 63 

a  Ceuls  monstrent  par  ceste  figure 

a  Que  cahuans  n'ont  de  jour  cure, 

a  Car  oisel  sont  immonde  et  ort 

a  Qui  font  a  la  clarté  injure;    ' 

«  De  jour  tout  oisel  leur  court  sure  *,  .       465 

a  Chascun  qui  puet  les  pince  et  mort; 

a  Les  juifs  sont  comparez  au  fort  ^ 

a  A  ces  oiseaulx,  pour  leur  ordure, 

«  Qui  contre  la  saincte  Escripture 

a  Mirent  sanz  cause  Dieu  a  mort,  470 

«  Demourans  en  leur  loy  oscure, 

«  Laissans  le  vray  souleil  qui  dure 

«  Pour  l'ombre  de  nuit  qui  les  tort  ; 

«  J'en  congnois  qui  sont  si  parjure 

a  Et  si  mentent  a  desmesure,  475 

«  Qu'om  te  donne  par  eulx  le  tort 

a  Dont  ilz  aront  maladventure; 

tt  Muser  font  mainte  créature, 

«  Qui  en  sont  destruit  sanz  ressort.  480 

a  Oste  ces  oisiaulx  noirs  et  gris 

a  Qui  estoient  tous  amaigris 

a  Quant  de  toy  furent  retenus, 

«  QuMlz  ne  te  laisseront  ^  perdris. 

«  Sur  toy  pluet  ^  :  ilz  ont  bon  logis,  485 

«  Bien  sont  enplumez  et  vestus. 

«  Veulz  tu  avoir  fransetescus  <^? 

«  Reçoy  ^  le  tien  .mi.  ans  ou  six, 

«  Comme  ilz  ont  fait,  et  je  te  dis 

«  Que  tu  seras  riches  tenus.  490 


I.  seure,  —  2.  lairont. 

a.  En  fin  de  compte.  —  b.  Il  pleut.  —  c.  Argent.  —  d.  Recueille 
ton  avoir. 


104 


BALADES 


a  Envoie  les  a  leur  mestier 

«  Et  repran,  se  tu  as  mestier  '^, 

«  Ce  qu'ilz  aront  mal  prins  d'argent  -, 

«  S'ilz  sont  en  Testât  de  premier  *, 

495  a  Voisent  au  change  ou  au  moustier, 

«  Car  trop  font  de  mal  a  la  gent  ; 
«  Par  mentir  font  maint  indigent 
a  Tel  oisel  qu'om  ne  doit  prisier. 
a  Or  vueilles  leur  mentir  brisier, 

5oo         «  Car  Dieu  het  tout  homme  qui  ment. 

a  Donc,  pour  double  de  Dieu  courcier  <^, 

a  Tu  en  doiz  la  terre  espurgier 

«  Pour  eschiver  l'advenement 

<i  De  rire  que  Dieux  envoler 
5o5  «  Te  pourroit,  car  le  droit  loier 

«  De  bien  et  mal  a  chascun  rent. 

«  Si  dois  doubler  son  jugement 

«  Et  de  ton  pouoir  l'appaisier;  32 1  a 

«  Telz  cahuans  faire  vuidier  '^ 
5 10         «  Ou  régner  véritablement 

«  Tu  vois  les  traces  de  ton  père, 

«  Dont  la  vie  fut  belle  et  clere, 

o  Et  comment  il  fu  véritable  : 

«  Or  fay  que  sa  vertu  appere  " 
5 1 5  «  En  toy,  car  filz  ne  dégénère, 

«  Par  nature,  de  son  semblable. 

«  Or  fut  il  Aigle  tresnotable, 

«  Qui  ne  voult  ne  ^  tondre  ne  rere 

«  Ses  oiseaulx,  mais  par  juste  arrere^ 
520         «  Leur  estoit  tous  temps  secourable. 

I.  ne  manque. 

a.  Si  tu  en  as  besoin,  —  b.  S'ils  occupent  les  premières  places. 
—  c.  Courroucer.  —  d.  Déloger.  —  e.  Apparaisse.  —  /.  Raser.  — 
g.  Retour. 


BALADES  \6b 

((  Des  vertus  qu'il  avoit  te  père  «, 

«  Et  a  restraindre  te  compère  * 

«  A  ceuls  qui  furent  espargnable  <^  \ 

«  Pour  ce  que,  s'une  chose  amere 

«  Te  venoit,  com  oisel  sanz  mère  525 

«  Tu  ne  fusses  pas  decheable  ^ 

«  Ne  a  tes  oiseaulx  dommagable 

«  Par  empruns;  garde  ce  mistere 

«  De  mettre  aucune  chose  amere, 

«  Car  ce  te  sera  proufitable.  53o 

«  Ne  croy  oysel  pour  son  beau  chant, 

«  Car  maint  en  a  esté  meschant  «^ 

«  Qui  cuidoit  de  mençonge  voir; 

«  Oysel  menteur  va  decepvant. 

a  Garde  toy  de  l'oisel  flatant,  535 

«  Car  il  te  cuide  decepvoir; 

«  S'il  te  dit  blanc,  respons  lui  noir; 

«  D'entour  toy  le  soies  chaçant 

a  Et  en  autre  marche  esvolant/ 

a  Et  lui  fuy  de  tout  ton  pouoir.  540 

a  Je  croy  que  je  tairoy  a  tant  e 
a  Mon  chastoy  ^,  car  en  recitant 
321  b      «  De  ton  bon  père  le  sçavoir, 
a  Est  assez  cler  en  apparant 
«  En  quel  guise  il  fut  gouvernant,  545 

«  Tant  qu'il  estoit  riches  d'avoir, 
a  Or  fay  donc  ton  sens  apparoir, 
«  Selon  son  fait,  d'or  en  avant, 
«  Et  se  tu  lis  ce  dit  souvent 
a  Tu  en  deveras  ^  mieulx  valoir.  »  55o 

I.  devras. 

a.  Pare-toi.  —  b.  Compare-toi,  ressemble.  —  c.  Economes,  mé- 
nagers. —  d.  Sujet  à  décheoir.  —  e.  Malheureux.  —  /.  Le  faisant 
envoler.  —  g.ie  tairai  ici.  —  h.  Mon  enseignement. 


l66  BALADES 

L'Aigle,  quant  ilôt  entendu 

Le  gerfaut,  lui  a  respondu, 

Et  a  1  son  oncle,  le  faucon  : 

«  Parens,  je  suis  a  vous  tenu, 
555  «  Et  se  mal  me  suis  maintenu, 

€  Tout  vueil  faire  ce  qui  est  bon  : 

«  D'or  en  avant,  excessif  don, 

«  Gaige,  officier  malostru, 

a  Chetis  ne  seront  retenu  ; 
56o  a  De  mon  père  vueil  le  renon  ; 

«  En  tout  bien,  que,  qui  vueille  ou  non, 

«  Sera  a  mon  fait  secouru 

a  Et  par  vo  conseil  pourveu  : 

«  Au  monde  vueil  avoir  bon  nom.  » 

565  D'un  arbre  est  l'Aigle  descendu 

Ou  le  gerfaut  et  faucon  fu, 

Et  s'avoit  illec  environ 

Maint  noble  oysel  sur  le  velu  ^, 

Qui  de  plume  estoit  velu  ; 
570         Chascun  avoit  gente  façon. 

Qui  oirent  ceste  leçon 

Recorder,  dont  aucuns  sont  mu  *; 

Li  autre  en  sont  de  joye  dru  2, 

Qui  en  chantent  maint  joieux  son, 
575  Mais  li  corbaut  et  li  lanon  <= 

En  sont  tuit  dolent  devenu, 

Couart,  lasches  et  esperdu, 

Doubtans  qu'ilz  n'aient  ja  pardon.  32 1  c 

Ceste  fiction  ramenée 
58o  Puet  bien  estre,  et  moralisée 

I.  a  manque.  —  2.  deu. 

fi 
a.  Sur  la  pelouse,  sur  l'herbe.  —  b.  Rendus  muets.  —   c.  La- 

nier,  oiseau. 


BALADES  167 

Par  l'Aigle  a  maint  roy  et  baron 

Qui  leur  terre  ont  bien  gouvernée 

A  leur  vivant,  puis  désertée 

Fut  par  leurs  enfans,  ce  dit  on, 

Si  comme  du  filz  Salemon,  585 

Roboan,  qui  a  despitée 

La  science  des  vieulx  donnée; 

Aux  jeunes  crut;  pour  ce  lison 

Que  sa  terre  fut  divisée 

A  Jeroboan  et  donnée  590 

Qui  en  ot  la  plus  grant  parson  '*. 

Soit  donc  dotrine  a  ce  menée 

Que  le  conseil  des  vieulx  ne  hée 

En  cest  secle  li  jeunes  hom, 

Car  leur  prudence  est  afermée  SpS 

Par  grans  cours  de  leur  vie  usée  ; 

S'en  vault  mieulx  leur  oppinion. 

Helas  !  pour  quoy  ne  s'i  fy  on  ? 

Jeunesce  n'est  c'une  rousée  * 

De  sang  chaut,  qui  tantost  s'effrée  <=  \  600 

De  ceste  chalour  nous  gardon 

Tant  que  joie  soit  aprestée 

A  Tame  en  gloire  beneurée  ^, 

Ou  tous  ça  jus  tendre  devon. 

CY  FINE  LE  DIT  ET  FICTION   DE  L-AIGLESim  LE  GOITVERNEMENT 
DES  PRINCES 

a.  Portion.  —  b.  Rosée.  —  c.  Se  trouble.  —  d.  Bienheureuse. 


|68  BALADES 


MCXC 


SUPPLICACION    A     MES   SEIGNEURS   LES    DUCS    DE    BERRY, 
BOURGOGNE,  ORLIENS  ET  BOURBON  *. 


J 


'ay  servi  par  .xx.  et  .viii.  ans  ^  32i  d 

A  grant  paine  et  de  mon  pouoir 
Le  bon  roy  Charle  et  ses  enfans, 
Le  Quint  (Dieux  vueille  s'ame  avoir  !), 

5  Et  loyaument  fait  mon  devoir 

En  tout  ce  que  l'en  m'a  commis  : 
Ce  scet  le  roy  Charle  et  Loys 
Et  maint  de  nos  seigneurs  de  France, 
Soufert  leurs  geus  et  leur  enfance 

lo  Tant  que  viel  suis  ;  si  vous  supplie 

Qu'en  vostre  nouvelle  ordonnance 
Me  laissiez  mes  gaiges  a  vie 

D'uissier  d'armes,  qui  suis  prenans, 

Que  le  bon  roy  me  fist  avoir 
i5  A  vie,  et  me  fut  assignans 

Sur  sa  recepte  recevoir 

De  Vitry,  prandre  et  percevoir, 

Que  j'ay  depuis  receus  et  prins, 

Confermez  par  le  roy,  son  fils, 
ao  Qui  puis  la  garde  et  gouvernance  <» 

De  Fymes,  pour  ma  demourance, 

Me  bailla  ;  gaiges  n'y  a  mie. 

Fors  d'uissier,  et  attendons  ^  ce, 

'  Publiée  par  Crapelet,  page  124. 
I.  xxvni  ans.  —  2.  attendu. 
a.  Gouvernement. 


BALADES  169 

Me  laissiez  mes  gaiges  a  vie 

Ordinaires;  pas  ne  sont  grans,  25 

C'est  partie  de  mon  avoir  ; 
Autre  chose  ne  vous  demans. 
Par  mes  lettres  pourrez  sçavoir, 
L'un  des  .viii.  restrains  ^  suis,  pour  voir, 
Des  huissiers  d'ordonnance  escrys  ;  3o 

A  petiz  gaiges  suis  baillis, 
Sanz  seaulx  avoir,  a  grant  despence  ; 
Charge  n'ay  de  dons  de  finance  ; 
Or  ne  souffrez  que  je  mendie, 
Mais  de  vostre  begnivolence  35 

322  a      Me  laissiez  mes  gaiges  a  vie. 

l'envoy 

Mes  seigneurs,  soiez  remembrans 

Que  moy,  povre  Eustace  des  Champs, 

Ay  servi  a  royal  lignie 

Sanz  charger,  sanz  estre  marchans;  40 

A  ma  an,  pour  estre  contens. 

Me  laissiez  mes  gaiges  a  vie.' 

a    Retranchés  ou  réduits. 


lyO  BALADES 


MCXCI 


Autre  Balade. 
{Le  plus  certain  des  salaires,  cest  de  l'argent.) 


A 


DVisEz  VOUS,  tous  servitcufs  de  court; 
Car  aussi  tost  que  vous  y  avez  grâce, 

De  toutes  pars  Envie  sur  vous  court 

Et  n'y  avez  fors  un  pié  sur  la  glace  ; 
5  Pourchacez  lors  que  prince  bien  vous  face 

De  don  d'argent  ou  de  chose  vendable  ; 

Don  de  chastel  n'est  pas  bien  profitable, 

Ne  d'offices  qui  sont  a  voulenté  ; 

Tost  sont  tollu  et  en  brief  revocable  : 
10        C'est  le  plus  sain  qiie  d'estre  bien  rente, 

Et  d'acquérir  pour  le  temps  qui  decouft  *» 
Terre  et  maison,  ains  que  jeunesse  passe, 
Ne  que  l'en  soit  goûteux,  viellart  ne  sourt, 
Par  trop  servir,  car  on  fait  la  grimace 

1 5         A  vieulz  servens,  la  court  les  fuit  et  chace: 
S'ilz  n'ont  de  quoy,  lors  sont  tresmiserable  ; 
Mauvais  se  fait  attendre  a  autruy  table; 
Telz  fait  le  grant  qui  est  fort  endebté 
Et  qui  languist  par  sa  coulpe  dampnable  : 

20       C'est  le  plus  sain  que  d'estre  bien  rente. 

Si  grant  n'y  a  qui  tant  saiche  du  hourt  *      322  b 
Qu'en  un  moment  son  piet  a  court  ne  glace  <^, 


a.  Pour  le  temps  à  venir.—  b.  De  ruses,  d'habileté.—  c .  Ne  glisse. 


BALADES  171 

Et  qui  jamais  y  puist  estre  ressourt  « 

Ne  soy  tenir  en  ligne  ou  en  espace  ; 

C'est  un  bon  jour  mis  en  une  besace  25 

Devant  derrier,  c'est  la  rôe  versàble  * 

De  Taveugle  Fortune  decevable 

Qui  tourne  au  bas  ce  qu'elle  a  hault  monté; 

Et  puis  qu'a  court  n'a  nulle  chose  estable, 

C'est  le  plus  sain  que  d'estre  bien  rente.  3o 

l'envoy 

Jeunes  servens,  retenez  ce  notable  ^  : 

Com  vous  estes  fusmes  nous  agréable, 

Et  telz  que  nous  serez  vous  rebouté  ; 

Pour  vivre  lors  en  estât  secourable 

Pensez  d'avoir  un  recépt  <^  convenable  ;  35 

C'est  le  plus  sàin  que  d'estre  bien  rente. 


Mcxcri 

Balade. 


DES    HUIT   CHOSES    QUE    TOUT    HOMME     VIVANT    EN     CE     MONDE 
DOIT  AVOIR   ET   ACQUERIR  POUR  RENOM   ET   PARADIS   AVOIR 

HUIT  choses  doit  homs  desirier 
Et  acquérir  de  son  pouoir  : 
Science,  pour  eh  bien  user, 

a.  Redressé.  ~  b.  La  roue  tournante.  —  c.  Axiome,  pre'cepte.  — 
d.  Une  retraite. 


172  BALADES 

Chevance,  honeur,  largesce  avoir, 
5  Humilité,  faire  devoir 

Par  tout  ou  il  sera  tenus  -, 

Que  Vérité  soit  ses  escus, 

Et  Pitié  ou  elle  cherra  ; 

Fuie  vice,  ensuye  ^  vertus  : 
lo  Dieu  et  le  monde  l'amera. 

Par  science  pourra  régner 

Et  refréner  tout  foui  vouloir;  J22  c 

Par  chevance,  indigence  oster, 

Estre  larges  de  son  avoir, 
i5  En  temps  et  lieu,  sanz  decepvoir, 

Honourergrans,  moyens,  menus, 

Estre  piteus  a  son  dessus, 

Véritables  tant  qu'il  pourra; 

S''ainsi  fait  ces  .vm.  poins,  conclus  : 
20  Dieu  et  le  monde  l'amera. 

Lui  vivant  se  fera  loer  ; 

Lui  mort,  exemple  aront  si  hoir 

D'eulx  comme  leur  chief  gouverner  ; 

Son  bien  fait  pourra  percevoir 
25  L'ame  de  lui  et  recevoir 

Les  biens  qu'il  ara  fait  ça  jus 

En  la  haulte  gloire  lassus, 

Ou  Dieu  le  guerredonnera  ; 

Ses  noms  vivra  sanz  estre  exclus  : 
3o  Dieu  et  le  monde  l'amera. 

l'^envov 

Princes,  bon  fait  ces  poins  garder 
A  tout  homme,  tant  qu'il  vivra; 

I    cnsuge. 


BALADES  1 7  3 


Qui  les  garde  ne  doit  doubler 
Dieu  et  le  monde  l'amera. 


MCXCIII 
Balade. 

COMMENT   PLUSEDRS   BLASMENT   VERITE    SANZ    RAISON 
ET   LES   CAUSES    POUR  QUOY 


L 


'EN  parle  trop  senestrement 
Sur  Vérité  contre  raison, 
Et  qu'om  n'ose  présentement 
La  dire,  et  n'est  pas  en  saison. 
C'est  mal  dit  :  pour  quoy  le  blâme  on,  5 

322  d      Quant  il  appert  tout  le  contraire? 
En  mains  sermons  la  voy  retraire 
Et  crier  ^  comme  a  la  bretesche  «  ; 
C'est  bien  dit,  on  n'en  veult  riens  faire  : 
L'en  ne  fait  pas  tout  ce  qu'on  presche.  lo 

Preschier  le  voy  publiquement 

Devant  maint  prince  et  maint  baron, 

Au  peuple,  et  leur  gouvernement, 

Les  dix  plaies  de  Pharaon 

Et  quanc'om  puet  dire  de  bon  i5 

Pour  dotrine  et  pour  exemplaire 

Et  pour  les  cuers  a  tout  bien  traire  ; 

Mais  ilz  sont  trop  dur  et  trop  resche. 

t.  crier  hault. 

a.  Sur  la  place  publique. 


I 74  BALADES 

Autant  vaulsist  le  prescheur  taire  : 
ao  L'en  ne  fait  pas  tout  ce  qu'om  presche  ^. 

Vérité  ne  puet  nullement 
Avoir  de  fait  cohercion  ^ 
Sur  Franc  Vouloir,  fors  seulement 
De  blasmer  sa  folle  action  ; 

25  Si  a  juste  excusacion 

Quant  elle  ose  crier  et  braire 

Noz  meffaiz.  S'on  het  son  affaire, 

Qu'en  puet  elle?  En  mains  lieux  s'empesche 

De  dire  voir;  c'es^  a  reffaire  : 

3o  L'en  ne  fait  pas  tout  ce  qu'om  presche. 

l'envoy 

Prince  tout  bon  entendement 
Escoute,  mais  en  un  moment 
Bien  Dit  s'estaint  com  la  flamesche; 
Convoitise  destruit  la  gent  ; 
35  Blasme  qui  veult  or  et  argent  : 

L'en  ne  fait  pas  tout  ce  qu'om  presche. 

I.  tout  quan  com  presche. 
a.  Contrainte. 


BALADES  175 

MCXCiV 

Autre  Balade. 

COMMENT  LES  ROYS  ET  LES  PRINCES  NE  DOIVENT  ESTRE  COM- 
MUNS NE  FAMILIERS  AVEC  LEURS  SUBGIEZ  ET  LES  CAUSES 
POUR  QUOY  *. 


323  a  T^RiNCEs  qui  ont  peuples  a  gouverner, 

r^    Et  les  juges  qui  leur  gardent  leurs  lois, 

Ne  se  doivent  pas  trop  humbles  monstrer 

A  leurs  subgiez,  qui  en  sont  mainte  fois 

Enorgueilliz,  et  craingnent  moins  les  drois,        5 

Quant  reçoivent  familiarité 

Des  souverains,  et  en  sont  ahurté  ^ 

A  faire  moins  devoir,  obédience  ; 

En  tout  cas  soit  gardée  auttorité  : 

Qui  trop  humble  est,  c'est  default  de  science.    10 

De  ce  voit  on  maint  prince  contempner  *  ; 
Doit  un  chascun  ainsi  parler  aux  roys, 
Communément  par  la  cote  agraper  <^, 
Gomme  l'en  fet?  Soit  estrange  au  hault  doys  <^ 
Et  po  commun  ;  lors  nobles  et  bourgois  1 5 

Aux  grans  festes,  jour  de  solempnité 
Le  verront  la;  aitchiere  de  fierté; 
Et  ^  si  craindront  touz  sa  magnificence, 
Noble  et  subgiet,  sanz  tele  humilité  : 

•  Publiée  par  Crapelet,  page  41 . 
I.  Et  manque. 

a.  Attachés,  appliqués.  —  b.  Mépriser,  -■  c.  Le  prendre  par  son 
habit.  —  d.  A  la  table  d'honneur. 


176  BALADES 

20        Qui  trop  humble  est,  c'est  default  de  science. 

Et  s'il  leur  plaist  eulx  esbatre  ou  jouer, 
Soit  fait  a  part  en  leurs  secrez  destrois  <» 
O  *  leurs  privez  ^  sanz  variez  appeller, 
Et  qu'il  n'en  soit  renommée  ne  voix; 

2  5        Mains  les  voit  on  et  aux  champs  et  aux  boys, 
Et  plus  en  sont  cremu  et  redoubté; 
Plus  sont  commun  et  moins  en  sont  doublé; 
De  leurs  juges  en  vault  moins  la  puissance; 
Leur  peuple  est  lors  d'eulx  trop  veoir  honte  <^  : 

3o       Qui  trop  humble  est,  c'est  default  de  science.  323  b 

l'envoy 

Prince,  seigneur,  et  toute  poesté  '^ 
De  royaume,  de  pays,  de  cité 
Qui  gouvernez,  pour  mieulx  garder  defence, 
A  voz  subgiez  n'aiez  affinité, 
35        Fors  a  raison,  a  droit  et  équité  ï  : 

Qui  trop  humble  est,  c'est  default  de  science. 

I.  princes.  —  2.  et  a  équité. 

a.  Dans  leurs  appartements  intimes.  —  b.  Avec.  —  c.  Déshonoré. 
—  d.  Puissance. 


BALADES  1 77 

MCXCV 

Balade. 

COMMENT    TOUSJOURS    DIMINUE   LE   MONDE   ET    QUE   d'aN   EN  AN 
EN    EMPIRENT   TOUTES  CHOSES. 

D'an  en  an  voy  venir  nouvelle  année, 
Le  jour  de  l'an,  gens  et  edits  nouveaulx 
Abis  changier,  vie  desordonnée, 
Face  couvrir,  si  qu'om  ne  congnoist  ceaulx 
Aux  cornettes  qui  cuevrent  leurs  museaulx,         5 
Et  pour  ce  est  il  petit  de  congnoissance 
Ne  de  raison,  car  volunté  s'avance 
De  mal  en  pis,  met  justice  en  mal  an  <» 
Pour  la  honnir  se  force,  brait  et  tance  : 
Certes  tousjours  vient  pis  ouan  qu'entan  ^.         lo 

Puis  .Lx.  ans  nous  est  guerre  donnée, 
Mortalitez,  mocions  desloyaulx, 
Tempests  du  ciel,  faultes  de  vins  et  blée. 
Mors  et  prises  de  mains  princes  royaulx, 
Pays  destruis  par  subgiez  desloyaulx,  1 5 

En  mains  règnes,  Cécile,  Espaigne,  France, 
Hongrie  aussi,  de  ce  fait  demonstrance 
L'Isle  aux  geans,  Engleterre;  Soudan 
323  c  Et  Sarrasin  dient  en  leur  créance  : 

Certes  tousjours  vient  pis  ouan  qu'entan.  20 

Car  l'Eglise  est  par  pechié  désolée, 

a.  Mauvais  point. —  è.  Cette  année  que  l'année  passée. 
T.  VI  12 


178  BALADES 

Chief  de  la  loy,  par  les  rouges  chapeaulx 
Qui  de  tous  poins  l'ont  prinse  et  estranglée 
A  Taide  de  pluseurs  loups  rapaux  «  ; 

2  5        Les  collèges  qui  furent  sains  et  haulx 

Des  ouailles,  de  la  saincte  ordonnance, 
Pour  leurs  estas  tenir  et  leur  bobance 
Dont  le  cisme  ^  fait  trop  périlleux  cran 
Par  leur  default  et  leur  foie  cuidance  : 

3o        Certes  tousjours  vient  pis  ouan  qu'entan. 

l'envoy 

Prince,  est  la  terre  '  au  jour  d'ui  condempnée? 
Saige  n'y  voy  ne  créature  née 
Qui  n'y  seufre  paine,  doleur,  ahan  <=  ; 
Seignourie  est  en  mains  lieux  divisée, 
35        Et  quant  j'ay  bien  toute  chose  advisée  : 
Certes  tousjours  vient  pis  ouan  qu'en  tan. 


MCXCVI 


Virelay 

StJR    LE     DESPLAISIR    DES    VICES     QUI    REGNENT  AU   JOUR    d'uI. 

TOUT  ne  me  plaist  pas  ce  que  j'oy  ^, 
Tout  me  desplaist  ce  que  je  voy, 
Tout  me  trouble  mon  esperit, 

I.  Prince  la  terre  est. 

a.  Rapaces.  —  b.   Le  schisme.  —  c.  Peine,  travail.  —   d.  Cm  que 
j'entends. 


BALADES  Ijg 

Tout  du  présent  temps  se  périt, 

Justice,  raison,  foy  et  loy.  5 

Tout  en  tristesce  et  dolour  vit, 
Tout  vice  règne  et  tout  mesdit. 
Tout  ne  craint  pas  bien  Dieu,  ce  croy, 
323  d      Tout  prant,  tout  excède  en  habit. 

Tout  veult  argent;  ve  "  qui  le  fit  !  lo 

Tout  est  divisé  en  recoy  *. 

Tout  n'a  point  repentence  en  soy, 

Tout  persévère  en  maie  foy, 

Tout  convoite,  tout  apovrit, 

Tout  se  gaste,  tout  amenrrit,  i5 

Et  quant  telz  meschiefs  apperçoy, 

Tout  ne  me  plaist  pas  ce  que  j'oy. 

Tout  quiert  son  singulier  proufit, 

Tout  bien  commun  est  desconfit. 

Tout  presques  puet  dire  :  je  doy.  20 

Tout  par  terre  le  ciel  pugnit, 

Tout  a  nostre  fait  en  despit 

Vengence  et  le  souverain  roy. 

Tout  le  clergié  vit  a  desroy  <^, 

Les  chevaliers,  peuple  :  cil  troy  '^  2  5 

Font  la  venue  d'Antecrit 

Approuchier,  selon  Jhesucrit  : 

Et,  quant  plus  y  pense  a  par  moy, 

Tout  ne  me  plaist  pas  ce  que  j'oy. 

a.  Malheur  k.  —  b.  Cachette.  —  c.  Désordre.  —  d.  Ces  trois. 


I 50  BALADES 

MCXCVll 
Balade 

DU  NOBLE  ET  AMOUREUX  LIEU  APPELLE  LA  TABLE  RONDE  HORS 
PONTOISE  ET  DE  LA  BELLE  YEUE  ET  DOUCE  ODEUR  DES  ELE- 
MENS  QUI  l'environnent. 

VOUS  qui  amez  honeur,  déduit,  plaisance, 
Et  qui  voulez  vivre  joieusement, 
Ou  mois  de  May  que  toute  amour  s'avance, 
Juing  et  Juillet  et  Aoust  ensement, 
5  Vous  ne  pouez  plus  bel  esbatement 

Trover  en  lieu  ne  en  place  du  monde 
Hors  Pontoise,  ce  voit  on  clerement, 
Ou  ^  noble  lieu  dit  a  la  Table  Ronde;  824  a 

Ou  les  enfans  qu'Amour  tient  en  balance 
10        Ont  fait  seigneur  pour  le  gouvernement 
De  ce  beau  lieu,  assis  en  cuer  de  France, 
Ou  le  doulz  air  est  continuelment. 
Boys,  eaue  et  prez,  Oyse,  vigne  ^  ensement 
Avoines,  fruis,  montaigne  belle  et  monde; 
i5        Déduis  d'oyseauls  sont  anciennement 
Ou  noble  lieu  dit  a  la  Table  Ronde. 

Le  seigneur  a  en  son  obéissance 
Officiers  de  noble  entendement. 
Et  la  vivent  par  tresbelle  ordonnance  ; 
20        Dames,  seigneurs  y  convient  souvent 

A  beaux  soupers;  la  sont  maint  instrument, 

I.  Du.  —  2.  vignes. 


BALADES  l8l 

Dancer,  chanter,  toute  joie  y  habonde, 
Car  demourer  ne  puet  dueil  nullement 
Ou  noble  lieu  dit  a  la  Table  Ronde. 

l'envoy 

Prince,  je  tieng  que  soubz  le  firmament,  25 

En  temps  d'esté,  n'a  place  plus  plaisant  ; 

Car  des  beaus  prez  et  des  flours  y  redonde  " 

La  douce  odeur,  et  le  vray  élément 

Qui  puet  garir  de  tout  mal  et  tourment 

Ou  noble  lieu  dit  a  la  Table  Ronde.  3o 


MCXCVIIl 
Balade 


DU  CARESME  .M.CCCC.  ET  DEUX  QUI  FUT  TRESGREVABLE 
A  MAINTE  GENT. 


J 


'ay  .XL.  ans  passé  la  quarantaine, 
Maint  dur  karesme  avec  les  .un.  temps, 
Qui  ne  me  firent  onc  '  le  quart  de  paine 
Que  cilz  ci  fait  pour  ces  mauvais  harens, 
Caques  et  sors,  jaunes,  noirs  et  puens, 
324  b  Mal  ensaussés,  viez  merlanz  hors  saison; 
Poys,  fèves  chiers  sont,  et  tuit  ly  poisson 
De  rivière,  d'estans  et  de  la  mer 


1 .  onques. 

a.  Regorge,  abonde. 


1  82  BAI.ADES 

Riens  ne  valent;  nulz  ne  les  doit  amer 
10        Ne  au  manger  ne  puis  ^  prandre  bon  esme  '^, 
Ce  qui  fut  doulz  m'est  pesant  et  amer  : 
De  tout  mon  temps  ne  vi  si  dur  caresme. 

Car  il  est  froit  pour  Mars  qui  le  pourmaine, 
Et  dangereus  pour  ver  a  maintes  gens, 

1 5        Et  ceuls  qui  n'ont  pas  complexion  saine  ; 
Toutes  choses  se  sont  renouvellens 
En  cellui  mois,  plain  de  corruption, 
Dont  il  s'ensuit  mainte  destruction 
De  pluseurs  maulx,  fièvres  qui  font  trembler 

20        Et  en  la  fin  en  l'autre  secle  aler. 

Le  pain  se  sent,  et  le  vin  est  chier  mesme 
Tant  qu'om  ne  puet  de  nul  bien  recouvrer  ; 
De  tout  mon  temps  ne  vi  si  dur  caresme. 

L'en  n'a  de  mer  poisson  qui  le  cuer  taigne, 
25        Qui  ne  soit  gros,  deffendus  et  nuisens, 

Seiches,  rayes,  hanons,  pesche  villaine, 

Carpe,  anguile,  tanche,  lymon  flairens  ^; 

Uns  malades  en  seroit  hors  du  sens. 

Si  ne  puet  nulz  faire  provision 
3o        Pour  sa  santé  ;  encor  huille  et  oignon 

Se  vendent  roit,  pour  le  peuple  affamer, 

Qui  chascun  jour  ne  fait  que  labourer; 

Qui  veult  riens  bon,  il  est  plus  chier  que  cresme, 

Ne  je  n'y  sçay  nul  remède  trouver  : 
35        De  tout  mon  temps  ne  vi  si  dur  caresme. 


L  ENVOY 

Prince,  on  ne  puet  dehors  n'en  sa  maison 

I .  puisse. 

a.  Esiitne.  —  b.  Sentant  la  vase. 


BALAUES  /83 

Trover  plaiz,  soles,  rouges,  saumon, 
Luz  ne  carreaulx,  brochez,  brayne  ne  perche, 
3-24  c  Lemproye  aussi  ne  gournaut  qui  soit  bon, 

Les  maquereaulx,  fors  seulement  leur  nom  :     40 
De  tout  mon  temps  ne  vi  si  dur  caresme  '. 


MCXCIX 
Complainte. 


JE  fu  de  trop  maie  heure  né; 
En  ce  monde  n'ay  propre  bien. 
Mais  comme  a  homme  forsené 
Me  court  l'en  sus,  on  le  voit  bien  : 
On  demande,  on  donne  le  mien,  5 

L'en  m'amet  ^  souvent  que  je  jure, 
On  me  bat,  l'en  me  fait  injure, 
Crier  ne  excuser  n'y  vault, 
Tourmentez  suy  contre  droiture  : 
Je  m'en  rapporte  a  Loribaut.  10 

Aucune  fois  suy  raençonné 

Tant  qu'il  ne  me  demeure  rien, 

Et  puis  des  enfans  gouverné; 

L'en  me  desrompt  le  cuirien  *, 

Les  oeulx,  le  nez;  savetier,  chien,  i5 

Suy  appelez,  chascun  m'injure  : 

L'en  me  gette  boe  et  ordure, 

De  l'un  ay  ou  de  l'autre  assauli  : 

I.  karesme. 

a.  On  m'accuse.  —  b.  Le  cuir,  la  peau. 


184  BALADES 

Se  l'en  me  fait  mainte  laidure, 
20  Je  m'en  rapporte  a  Loribaut, 

Qui  est  de  nouvel  ordonné 

D'estude  et  livres  gardien, 

Et  ne  congnoit  un  A  d'un  B; 

Il  devendra  logicien. 
25  Note  ce  mot  et  le  retien  : 

Chascun  n'ensuit  pas  sa  nature; 

Je  suy  viel,  de  jouer  n'ay  cure 

De  telz  gieux  ou  tant  soufrir  fault, 

Dont  nulz  homs  sages  n'aroit  cure  : 
3o  Je  m'en  rapporte  ^  a  Loribaut. 

l'envoy 

Prince,  foiblesce  me  court  sure  824  d 

Et  l'en  se  jeue  oultre  mesure 
A  moy,  cui  li  esperiz  fault  : 
Dieu  scet  les  griez  maulx  que  j'endure  ; 
35  Fuir  m'en  fault,  se  tel  temps  dure  : 

Je  m'en  rapporte  a  Loribaut. 


MCC 
Balade 

DE  LA  MORT  DU  ROY  RICHART  d'aNGLETERRE  , 

LAS  !  qui  ains  vit  si  fausses  traisons. 
Parons,  peuples  qui  furent  ses  feaulx, 


I.  ra  porte. 


BALADES  l85 

Par  toy,  Henry  de  Lencastre,  faulx  homs, 
Faictes  en  lui  contre  les  droiz  royaulx, 
Prandre  et  occir,  par  traiteurs  consaulx  ^  5 

De  magesté  blecée?  Et  ce  retraire 
Toy  et  les  tiens  fait  au  monde  desplaire, 
Tant  que  tuit  roy  crestien,  Sarrasin, 
^      Pour  le  bon  roy  vous  seront  adversaire 

Qui  faussement  a  esté  mis  a  fin.  lo 

Angleterre,  sur  toutes  nascions 

Es  au  jour  d'ui  haie  pour  tes  maulx, 

Et  cilz  qui  tant  a  fait  d'occisions 

Des  innocens  pour  régner  comme  faulx. 

Vous  avez  fait  en  la  loy  deux  deffaulx  :  i  5 

Nulz  ne  pourroit  voz  granz  péchiez  retraire, 

Perseverans,  devez  crier  et  braire; 

Destruis  serez;  vo  prophète  Merlin, 

Bodes  concluez  pour  vo  mort  et  haire  * 

Qui  faussement  a  esté  mis  a  fin.  20 

l'envoy 

Plourez,  Anglois,  les  tribulacions 

Qui  vous  viennent,  et  voz  destructions  ; 

Pour  voz  péchiez  dit  voz  règnes  :  «  Je  fin.  ^  b 

Franc  estoc  par  les  Bretons  ^ 

Pour  roy  Richart  dictes  :  «  destruiz  serons,  »     2  5 

Qui  faussement  a  esté  mis  a  fin. 

I .  Il  manque  à  ce  vers  trois  syllabes. 

a   Par  de  traîtres  conseils.  —  b.  Sic.  —  c.  Je  finis. 


l86  BALADES 

MCCI 
Autre  Balade. 

COMMENT  NULZ  HOMS  NE  DOIT  DESIRER  NE  DEMANDER  EN  CE 
MONDE  NE  GRANT  RICHESCE  NE  GRANT  POVRETÉ,  FORS  VI- 
VRE ET    VESTIR  A    LA   SOUFFISANCE  DE    SA   VIE. 


A 


VEC  santé  vivre  et  vestir  me  donne,        J25  a 
Sanz  granz  richesce  ^  et  sanz  grant  povreté: 
Car  trop  riches  a  tous  maulx  s'abandonne 
En  oubliant  toy,  Dieu,  et  ta  bonté  ; 

5  Et  le  povre  est  en  tous  lieux  despité 

Et  reprouchés  de  droit  en  tesmoinaige  -, 
Injuste  en  soy  ;  ce  cause  quant  partaige 
N'as  fait  a  tous  d'une  chevance  unie  ; 
Car  l'un  a  trop  et  li  autres  mendie. 

10  Entre  ces  deux  ne  te  quier  autre  avoir, 
Fors  seulement  que  je  puisse  a  ma  vie 
Vivre,  vestir,  bonne  santé  avoir. 

A  ton  plaisir  sur  ma  requeste  ordonne, 
Sanz  riens  vouloir  que  ma  neccessité, 

i5        Sanz  mendier,  sanz  yssir  hors  de  bonnes, 
Pour  trop  d'avoir  ou  nulz  homs  n'a  pité 
Du  souflfraiteux,  lors  pert  félicité 
Quant  a  i'ame;  monde  est  son  heritaige 
Tant  comme  il  vit,  mais  Salemon  le  saige 

20        Tel  richesce  ne  te  3  demanda  mie 

Ne  povreté,  mais  qu'il  eust  en  partie 

r.  richesces  —  2.  tesmoinagc.  —  3.  te  manque, 
a.  Borne. 


BALADES  187 

Tant  seulement  son  vivre  a  ton  vouloir. 
Pour  ce,  doulz  Dieux,  humblement  te  supplie 
Vivre,  vestir,  bonne  santé  avoir. 

Plus  demander  ne  doit  nulle  personne  2  5 

D'estat  moyen,  et  c'est  a  grant  plenté, 
Et  qu'il  euvre  par  entencion  bonne 
De  Part  mondain  que  tu  lui  as  preste, 
325  ô  Qu'il  te  serve  de  bonne  voulenté 

Et  ne  tende  jamais  au  hault  estage  3o 

Ou  il  a  trop  de  péril  et  de  rage, 

Ou  corps  se  pert  et  l'avoir,  par  envie, 

Souventefoiz;  qui  pis  est,  l'en  t'oublie; 

Es  grans  estas  ne  fait  nulz  son  devoir  : 

Pour  telz  perilz  eschiver,  je  te  prie  35 

Vivre,  vestir,  bonne  santé  avoir. 

l'envoy 

Prince  des  cieuls,  douce  vierge  Marie, 

Octroiez  moy,  avant  que  je  desvie  '^^ 

De  vous  servir  voulenté  et  pouoir; 

Autel  faictes  a  ma  povre  lignie  *  40 

Tant  qu'avoir  puist  et  sanz  truanderie  '^ 

Vivre,  vestir,  bonne  santé  avoir. 


a.  Q.ue  je  meure.  —  è.  A  mes  descendants.  —  c.  Indigence,  men- 
dicité. 


i88 


BALADES 


MCCII 


DU  DEDUIT  ET  ESTRANGE  MELODIE  DES  OYSEAULX  DEMOURANS 
EN  LA  TOUR  DE  FYMES  OU  EUSTACE  DES  CHAMPS  DEMOURA 
MALADES  PAR  .111.    MOYS    QUI    NUIT  ET  JOUR  EN    FUT   SERVIS. 


Q' 


|Ui  veult  paix  et  repos  avoir 
En  maladie  et  en  destour  <», 

Ce  puet  bien  cilz  appercevoir 

Qui  a  Fymes  gist  en  la  tour; 
5  Car  la  se  logent  tout  autour» 

Choes,  cahuans  *,  estourneaulx, 

Crans  corbes,  suettes  c,  moyneaulx, 

Qui  sanz  cesser  y  font  grant  bruit, 

Aucuns  de  jour,  autres  de  nuit. 
10  C'est  une  estrange  mélodie 

Qui  ne  semble  pas  grant  déduit  325  c 

A  gens  qui  sont  en  maladie. 

Premiers  les  corbes  font  sçavoir 

Pour  certain  si  tost  qu'il  est  jour  : 
i5  De  fort  crier  font  leur  pouoir 

Le  gros,  le  gresle,  sanz  séjour; 

Mieulx  vauldroit  le  son  d'untabour 

Que  telzcris  de  divers  oyseaulx, 

Puis  vient  la  proie  ^,  vaches,  veauk, 
20  Crians,  muyans  «,  et  tout  ce  nuit, 

Quant  on  a  le  cervel  trop  vuit; 

a.  En  lieu  retiré.  —  b.  Chals-huants.  —  c.  Chouettes.  —  J,  Le 
bétail.  —  c.  Mugissant,  beuglant. 


BALADES  189 

Joint  du  moustier  la  sonnerie  ^  " 
Qui  tout  l'entendement  destruit 
A  gens  qui  sont  en  maladie. 

A  souleil  couchant  sur  le  soir  25 

Deslogent  de  leur  carrefour 

Cahuans,  suettes,  pour  voir  *, 

Qui  chantent  chans  plains  de  tristour; 

Toute  la  nuit  font  grant  freour 

Aux  veillans;  de  mort  sont  appeaulx  ^;  3o 

Lors  doubtent  malades  leurs  peaulx. 

Sages  est  qui  tel  logis  fuit, 

De  dormir  n'y  a  sauf  conduit. 

Puces  font  la  dureescramie  <^ 

Et  tous  les  vens;  c'est  lieu  mal  duit  *  35 

A  gens  qui  sont  en  maladie. 

l'envoy 

Princes,  saichent  toutes  et  tuit 
Qu'Eustace  informé  et  instruit 
Suy  de  tout  ce  que  je  publie 
Par  .ur.  moys,  dont  li  cuers  me  cuit.  40 

C'est  froit  hostel  et  mal  réduit 
325  d      A  gens  qui  sont  en  maladie. 

I.  lassonnerie. 

a.  La  sonnerie  des  cloches.  —  b.  En  vérité.  —  c.  Ce  sont  des  en- 
gins de  mort.  —  d.  Bataille,  querelle.  —  e.  Mal  arrang'é. 


19°  BALADES 

MCCIII 

fiâlade 

COMMENT  SANTÉ  EST  NOBLE  CHOSE  QUE  AUCUNS  GARDENT 
MAUVAISEMENT,  ET,  EULX  MALADES,  POUR  ICRLLE  RAVOIR 
DONEROIENT   TOUTE   RICHESCE  ET  SEIGNOURIE. 


Q 


|Ui  aroit  tout  le  monde  a  gouverner 
Et  tous  les  biens  de  ceste  mortel  vie, 
Sanz  guerre  avoir  et  sans  riens  excepter, 
Force,  beauté,  renom,  chevalerie, 

5  Prouesce,  honeur,  dessus  touz  seignourie, 

Et  puis  1  qu'il  fust  en  l'aage  de  .xxx.  ans, 
Se  maladie  avoit  qui  lui  fust  grans, 
Il  donrroit  tout,  seignourie  et  avoir. 
Villes,  chasteaulx,  bugles  ^  et  oliphans, 

lo        Mais  qu'il  peust  bonne  santé  ravoir. 

Que  nul  ne  scet,  ou  du  moins  veult  garder. 
Mais  font  pluseurs  mainte  gourmanderie  * 
De  trop  veillier,  de  jouster,  de  dancer, 
De  prandre  en  eulx  courroux,  merancolie, 

1 5        De  faire  en  brief  trop  grant  chevaucher ie  <^, 
Du  bas  mestier  ^  fréquenter  estre  engrans  ^ 
Boire  a  chascun,  comme  font  les  Normans; 
Ce  fait  adonc  fièvre  et  mal  concepvoir. 
Chascun  donrroit  alors  vignes  et  champs, 

20         Mais  quUI  peust  bonne  santé  ravoir. 

1.  puis  manque. 

a.  Buffles,  bœufs  sauvages.  —  b.  Excès.  —  c.  Trop  longues  cour- 
ses à  cheval.—  d.  Luxure,  impudicité.  —  c.  Avide. 


BALADES  191 

Mauvais  se  fait  ainsi  desordonner, 
Car  quant  on  sent  son  mal,  on  brait  et  crie, 
En  son  lit  fault  tourner  et  retourner, 
Le  dos  se  duelt,  les  costez,  la  vessie, 
Foye  et  poumon,  le  chief  en  frenaisie;  25 

Membre  n'y  a,  rate,  eschine  ne  flans, 
Bras,  jambes,  mains,  qui  ne  soient  soufrans, 
326  a  Estomac,  piez;  tant  fault  le  corps  doloir 
Que  le  soufrant  donrroit  cent  mille  frans, 
Mais  qu'il  peust  bonne  santé  ravoir,  3o 

l'envoy 

Prince,  bon  fait  sa  vie  a  droit  mener 

Jusqu^a  Taage  que  nulz  ne  puet  passer, 

Sanz  faire  excès,  pour  telz  maulx  recevoir. 

Par  medicins  et  par  fusique  ^  ouvrer  ; 

Car  qui  mal  a,  il  vouldroit  tout  donner,  35 

Mais  qu'il  peust  bonne  santé  ravoir. 


MCCIV 

Balade 


DE    CE  QUE   l'en  m'aMET  ^  QUE   JE   NE    FAIS    RIEN  DE    NOUVEL, 
ET  MON   EXCUSACION   SUR   CE. 

HELAS  !  on  dit  que  je  ne  fais  mes  rien, 
Qui  jadis  fis  mainte  chose  nouvelle  ; 
La  raison  est  que  je  n'ay  pas  merrien  '^ 

a.  Physique,  médecine.  —  b.  On  m'accuse.  —  c.  Matière,  sujet. 


192  BALADES 

Dont  je  fisse  chose  bonne  ne  belle, 
5  Qu^en  terre  et  ciel  voy  obscurcir  la  belle  ^ 

Et  amenrir  la  clarté  du  souleil, 
Dont  les  pluseursont  une  taiche  en  l'oeil, 
Que  nulz  ne  veut^  percevoir  ne  congnoistre; 
Si  se  pert  tout  et  au  secle  et  au  cloistre 
10        Par  Tardent  feu  d'orgueil  et  et  convoitise 
Et  d'envie  qui  ne  cesse  de  croistre  : 
Vray  pappe  n'est  n'empereur  en  l'Eglise, 

Ne  nul  ne  tent  au  monde  au  commun  bien, 
Du  temps  présent,  ou  Justice  chancelle, 

i5        Mais  prant  chascun  l'autrui  avec  le  sien 
Pour  son  estât  seoir  en  haulte  celle  *; 
L'en  quiert  argent,  or,  joiaulx  et  vaisselle, 
Par  Voulenlé  qui  ne  veult  bon  conseil. 
Comment  pourra,  c'est  dont  je  me  merveil,  326  b 

20        Sur  povreté  estât  despense  acroistre. 

Attendu  ce  que  l'en  voit  tout  descroistre  ? 
Il  convendra,  s'autre  régie  n'est  primse, 
Estât  cesser;  nul  ne  doit  incongnoistre  <^  : 
Vray  pappe  n'est  n'empereur  en  l'Eglise. 

25        Puis  Constantin,  empereur  crestien, 
Pierre  ne  Pol,  ne  fut  veu  tel  querelle 
De  scisme  avoir,  ou  l'en  n'ait  pourveu  bien. 
Fors  a  cestui  qui  tousjours  renouvelle. 
O  bilinguis,  qui  trovas  tel  cautelle, 

3o        Trop  fus  emflez  de  malice  et  d'orgueil. 
Et  le  clergié  fut  de  legier  acueil, 
En  ce  faisant  ;  casser  le  voy  et  croistre'' 
Gomme  la  noix,  ou  l'escaille  d'une  oistre  ' 

I.  veulent. 

a.  L'aube.  —  b.  Sur  un   siège  élevé.   —   c.   Méconnaître.  —  d. 
Briser.  —  e.  D'une  huître. 


BALADES  igS 

Par  les  gens  laiz  et  par  leur  foie  emprise 

Tout  se  destrait  ;  comment  puet  bien  recroistre  ?^  3  5 

Vray  pappe  n'est  n'empereur  en  T Eglise. 


MCCV 

Balade  *. 

DE   DIVERS  PLAIZ  QUI   SONT   CHASCUN  JOUR    RS   COURS 
DE   COMPIENGNE. 


C' 


'omment  pourroit  il  avoir  paix 
A  Compicngne  ?  je  ne  sçay, 
Car  dix  paires  y  a  de  plays  * 
Infinis,  que  je  vous  diray  : 
Les  plaiz  du  bailly,  ,puis  venrray  5 

Aux  plays  de  prevosté  foraine, 
L'exempcion  de  Compiengne, 
Les  plays  du  prevost  de  la  ville, 
Du  vicaire  de  Saint-Cornille, 
De  l'esleu,  ceuls  de  Saint-Glement,  lo 

Les  plays  des  eaues  et  fourests 
Et  de  Marigny  ensement  : 
326  c     Oncques  ne  vi  tant  de  procès. 

Appeller  font  prevosts  gens  lays 

Devant  eulx  ;  s'en  ont  maint  esmay,  1 5 

Disans  que  piques  et  harnays 

*  Publiée  par  Tarbé,  tome  II,  page  i3. 
a.  Comment  le  bien  peut-il  refleurir?  —  b.  De  procès. 
T.  VI  >3 


'94 


BALADES 


Ont  porté.  Aucuns  dit  i  :  «  Non  ay;  ^^  » 

L'autre  dit  :  t  Je  l'amenderay  ^  ,» 

Qui  bien  veult  rachater  sa  peine. 
20  Pour  espanter  «^ ,  l'autre  se  maine 

En  prinson,  s'en  sault  croix  et  pile  ^, 

Et  fault  paier  au  coup  la  quille 

Prevos,  advocas  chierement, 

Et  procureurs  sont  la  tous  prests 
25  De  mettre  en  court,  ne  chault  comment  «  : 

Onques  ne  vi  tant  de  procès. 

Devant  l'esleu  vient  pluseurs  fais, 

Pour  les  aides  très  bien  ^  veu  l'ay; 

Es  fourests  se  font  les  meffais 
3o  Et  3  es  eaues  ;  lors  sanz  delay 

Adjournent  gens  sergens  a  glay/ 

En  mains  lieux,  et  font  bourse  plaine 

De  leurs  rappors;  chascun  se  paine 

D'avoir  argent  a  fin  civile; 
35  On  fait  de  .ini.  causes  mile, 

Escriptures  de  grant  argent; 

Oncques  ne  fut  tant  de  hoquès  ^ 

Qu'il  y  a,  et  finablement 

Onques  ne  vy  tant  de  procès. 

l'envoy 

40  Princes,  duré  a  longuement 

Geste  guerre  civilement, 

Et  croy  quel  ne  faurra  jamès  >* ; 

Chascun  qui  se  va  conseillant 

A  bon  droit,  s'en  vient  pour  un  cent  : 
45  Onques  ne  vi  tant  de  procès.  326  a 

I.  dient.  —  2.  très  bien  manque.  —  3.  Es. 

a.  Je  ne  l'ai  pas  fait.  —  b.  Je  me  rachèterai  par  une  amende.  —  c. 
Pour  cftrayer.  —  d.  Et  en  paie  de  l'argent.  —  e.  N'importe  com- 
ment.—/. A  plaisir.  —  g.  Chicanes.  —  h.  Ne  manquera  jamais. 


BALADES  I 95 

MCCVl 

Supplicacion 

AU  UOY   NOSTRE   SIRE  *. 

Au  roy,  nostre  sire,  supplie 
Eustace  que  pour  mieulx  servir 
Ses  anciens  servens  n'oublie, 
Que  l'en  doit  ains  la  fin  merir  ^, 
Non  pas  leurs  gaiges  abolir. 
Que  desserviz  ont  en  jeunesse  5 

Pour  secourir  a  leur  viellesse 
Et  en  vivre  lors  ;  se  me  semble, 
Qui  ne  le  fait  pèche  en  noblesse  : 
C'est  de  bien  servir  povre  exemple.  10 

Et  pour  ce  convient  qu'il  vous  die 

Que  .XX.  et  .viii.  '  ans,  sanz  partir  ^, 

A  servi  a  royal  lignie 

Vo  père  et  vous.  Bien  advertir 

Vous  en  pouez;  lui  retenir  i5 

Huissier  d'armes  voult  la  hautesce 

De  vo  bon  père,  et  sa  largesce 

Lui  donna  a  sa  vie  ensemble 

Gaiges,  estât  que  l'en  lui  cesse  : 

C'est  de  bien  servir  povre  exemple.  20 

Mais  il  tient  que  ne  voulez  mie 
En  tel  cas  voz  servens  souffrir 

•  Publiée  par  Crapelet,  page  126. 

I.  XXVIII. 

a.  Récompenser  avant  leur  mort.  —  b.  Sans  cesser. 


j^Ô  BALADES 

Deppointer  ^  de  gaiges  a  vie, 

Ordinaires,  sur  leur  finir, 
-25  Veu  qu'il  lui  fault  sur  ce  tenir 

Et  garder  Fymes,  vo  fortresce  ' , 

A  ses  fraiz,  c'est  ce  qui  le  blesce  ; 

Tout  le  cuer  de  paour  li  tremble, 

Se  vo  pité  ne  le  radresce  ^  : 
3o  C'est  de  bien  servir  povre  exemple.  3 2 y  a 


MCCVII 
Balade. 

COMMENT  TOUTRS  CHOSES  VONT  EN  l'eMPIRE  AU  JOUR  d'uI. 

JE  ne  sçay  royaume  au  jour  d'ui, 
Terre  ou  pais,  qui  n'apovrisse. 
Fors  un  dont  trop  esbahis  sui 
Ou  il  a  eu  long  temps  esclipse, 
5  Guerre,  rumour,  division. 

—  Qui  est  il?  En  confession 

Le  veillez  nommer  ou  descripre. 

—  Voulentiers.  A  m'oppinion, 
Toutes  choses  vont  en  l'empire  ^. 

10  Le  clergié,  la  prince '^  y  truy  ; 

J'y  voy  transporter  maint  office, 
Et  justice  avoir  son  refuy  ^; 

I .  forteresce, 

a.  Priver.  —  b.  Remet  en  bonne  voie.  —  c.  En  empirant  et  dans 
l'empire  (jeu  de  mots).  —  d.  La  seigneurie.  —  e.  Refuge. 


BALADES  (  q-y 

Loyauté,  vérité  y  glice; 

La  se  doit  traire  l'union, 

La  vont,  de  mainte  nascion,  i5 

Ouvriers,  marchans,  et,  pour  voir  dire  «, 

Tenez  ceste  conclusion  : 

Toutes  choses  vont  en  Tempire, 

Gens  et  bestiaulx,  et  s'i  perçuy  ^ 

Cheminant  Orgueil,  Avarice.  20 

Pluseurs  grans  estas  y  congnuy. 

Et  conseilliers  plains  de  malice, 

Mainte  dissimulacion. 

Maint  vivre  et  mainte  garnison, 

Et  tant  qu'il  doit  plus  que  souffire.  25 

Riche  sera  la  région  : 

Toutes  choses  vont  en  l'empire. 

l'envoy 

J27  b  Prince,  selon  m'entencion, 
Doit  venir  grant  mutacion 
Dont  chascun  se  tendra  de  rire;  3o 

Point  n'ay  de  consolacion 
Quant  dire  oy  tel  perdicion  : 
Toutes  choses  vont  en  l'empire. 

à.  Et  pour  dire  la  vérité.  —  b.  J'aperçus. 


igS  BALADES 

MCCVIII 

Balade. 

DU  RESTABLISSEMENT   DE  LA  SUSTRACION  ^. 


Q 


iUi  regardast  les  diz  de  Saiemon 
Au  commencier  de  quelconque  besongne, 

Feist  saigement,  que  son  propos  fust  bon 

Et  que  la  fin  ne  lui  donnast  vergongne; 
5  Ce  fust  bien  fait,  mais  maint  sont  en  essongne  *, 

Qui  ne  pensent  fors  au  commencement, 

Du  moien  mal  et  pis  du  finement, 

Dont  il  s'ensuit  dure  conclusion. 

Or  vueille  Dieux  qu'il  aviengne  autrement 
10        Que  je  ne  voy  de  la  sustracion! 

Car  grant  chose  est  de  reprouver  ce  qu'on 
A  approuvé,  droit  divin  le  tesmongnc, 
Et  que  l'en  a  publié  en  sermon, 
Tenu  pour  saint,  obey  sa  personne, 

i5        En  tous  estas,  com  saint  Pierre  de  Romme, 
Et  par  long  temps,  et  puis  soudainement 
L'avoir  soustrait  de  son  gouvernement 
Et  restabli,  sanz  avoir  union  ; 
Mieulx  face  Dieux  du  restablissement 

20         Que  J8  ne  voy  de  la  sustracion  ! 

Loist  il  «^  ainsi  faire  et  deffaire?  Non. 
En  tel  péril,  que  tout  saige  ressongne  '^^ 

a.  Soustraction  à  l'obédience  de  Benoit  XIII,  sous  Charles  VI.  - 
b.  Dans  l'embarras.  —  c.  lîst-il  permis?  —  d.  Redoute. 


BALADES  199 

Pour  acquérir  d'inconstance  le  ^  non? 
32'j  c  Certes  nenil  ;  nul  tel  conseil  ne  dongne, 

Car  des  faisans  chascund'eulx  s'en  vergongne  '»,  25 

Et  de  l'ame  vit  l'om  doubteusement, 

Et  ne  voy  pas  la  ~  manière  comment 

L'en  puist  venir  a  la  ^  perfection 

De  l'unité  :  mieulx  y  soit  Dieu  faisant 

Que  je  ne  voy  de  la  sustracion  !  3o 

L^ENVOY 

Princes,  courons  a  Dieu  benignement 

Et  supplions  de  cuer  ireshumbiement 

Qu'il  nous  oste  ceste  division 

Et  nous  doint  chief  qui  nous  puist  sainctement 

Mieulx  ame  et  corps  gouverner  a  présent  35 

Que  je  ne  voy  de  la  sustracion  ! 


MCCIX 

Balade*. 


SUR  L  ÊSTRANGETE  DE  L  ATOUR  ET  DU  CHIEF  QUE  PLUSEURS 
DAMES  FONT  A  PRESENT. 

A  TOURNEZ  VOUS  ^,  mcs  damcs,  autrement, 
Sanz  emprunter  tant  de  haribourras  ^, 
Ne  de  quérir  cheveulx  estrangement  ^ 
Que  mainte  fois  rungent  souris  et  ras; 

'  Publiée  par  Crapelet,  page  i2j. 
I.  le  manque.  —  2.  la  manque.  —  3.  sa. 

a.  En  a  honte.  —  b.  Coiffez-vous.  -—  c.   Colifichets.  —   d.  Des 
faux  cheveux. 


200  BALADES 

5  Vostre  afubler  est  comme  un  grant  cabas, 

Bourriaux  ^  y  a  de  coton  et  de  laine, 
Autres  choses  plus  d'une  quarentaine, 
Frontiaux  ^,  filez,  soye,  espingles,  et  neux; 
De  les  trousser  est  a  vous  tresgrant  paine  : 

10        Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveux  <■', 

Faictes  vo  chief  des  vostres  proprement, 

Sanz  faire  ainsi  la  torche  de  pesas  ^^ 

Sanz  adjouster  estrange  habillement  32y  d 

Que  destrousser  fault,  com  jument  a  bas  <^, 

I  5         Ghascune  nuit,  et  getter  en  un  las, 

Puis  au  matin  fault  retrousser  s'ensaigne, 
Et  '  aide  avoir;  l'euvre  d'une  sepmaine 
Y  convient  bien,  et  qu'om  soit  deux  et  deux 
A  ce  trousser  :  pour  tel  chose  villaine, 

20        Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveulx. 

Onques  ne  fut  si  lourde  afublement 
Ne  si  cornu  ;  visaiges  fait  de  chas, 
Et  si  desplaist  a  tous  communément 
Tel  chief  fourré  d'estrange  chanvenas/; 

25         Cornes  portez  comme  font  les  lymas  s. 
Atournez  vous  d'une  atournure  plaine, 
De  vostre  poil,  d'autre  ne  vous  souviengne; 
Ostez  du  tout  ces  grans  hures  de  leux  '<■ 
Qui  vous  deffont  ^  ;  nulle  plus  ne  les  praingne  : 

3o        Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveulx. 

l'envoy 
Jeusnes  dames,  tele  triquedondaine  '' 

I.  Et  manque. 

a.  Bourrelets.  —  b.  Bandeaux,  rubans  de  front.  —  c.  Des  faux 
cheveux.  — d.  Le  tortil  des  tiges  de  pois.  —  e.  Bfit.  — /.  Chanvre, 
étouppe.  —  g.  Limaçons.  —  h.  Ces  grandes  tètes  de  loups.  — 
I.  Qui  vous  défigurent.  —  k.  Grand  échafaudage  de  cheveux. 


BALADES  aOI 

Ne  portez  plus;  aux  vielles  en  conviengne. 
Soit  voz  atours  humbles  et  gracieux, 
Plaisons  a  touz;  Dieu  en  bien  vous  maintiengne, 
Car  raison  dit,  qui  veult  que  tout  la  craigne  :    35 
Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveulx. 


MCCX 

Autre   Balade  *. 

DE  CE  MEISMES. 


L 


'en  voit  les  cers  naturelment  i  muer, 
L'an  une  foiz,  le  merrien  ^  de  leurs  testes, 
J2<y  a  Et  leur  souffist  un  an  cellui  porter 

Sanz  changement;  mais  les  dames  sont  prestes 

D'entrechangierauxjourscommuns  '',auxfe5tes,  5 

L'abit  des  chiefs  <^  en  estrange  manière, 

Faire  un  auvent  corn  ceuls  qui  font  verrière  '^, 

Qui  leur  cueuvre  leurs  visaiges  devant, 

Piet  et  demi,  et  semble  a  leur  visière  ^ 

Qu'elles  aient  le  chief  d'un  cahuant  A  lo 

Grant  merveille  est  que  d'elles  regarder, 
Car  cornes  ont  trop  plus  longues  que  bestes, 
Tant  qu'om  ne  puet  leur  doulz  viaire  cler 
Vir  ff;  trop  y  a  d'espingles  et  d'arestes, 

'  Publiée  par  Tarbé,  tome  I",  page  141. 
I .  naturelement. 

a.  Le  bois.  —  b.  Aux  jours  de  la  semaine.  —  c.  La  coiffure.  — 
^d.  Faire  un  abat-jour  comme   les  ouvriers  sur  verre.  —  e.  k  les 
voir.  —  /.  Chat-huant.  —  g.  Voir  leur  doux  et  beau  visage. 


202  BALADES  . 

1 5         De  cheveulx  mors,  de  bourriaux  et  de  crestes  ^, 
Et  tant  de  ploiz  *  et  devant  et  derrière 
Que  Ten  prandroit  d'assault  une  barrière 
Ains  qu'om  se  pust  pour  baisier  traire  avant; 
Si  semble  a  maint  qui  ont  leur  amour  chiere 

20        Qu'elles  aient  le  chief  d'un  cahuant. 

Vielles  seulent  ainsi  leur  chief  hourder  ^, 
Qu'om  ne  voie  leurs  fronces '^^  deshonnestes, 
Mais  les  Jeunes  n'en  doivent  pas  user, 
Qui  belles  sont,  gracieuses,  honnestes; 

25         Face  couvrir  leur  est  uns  droiz  tempestes  ^ 
Pour  leur  beauté;  nulle  tel  atour  quiere, 
Soit  condempnez  et  mis  en  une  bière 
Si  que  portez  ne  soit  doresnavant, 
Sanz  dire  plus,  ou  temps  ça  en  arrière, 

3o        Qu''elles  aient  le  chief  d'un  cahuant. 

l'envoy 

Prince  d'amours,  Juno,  dame  d'amer, 
Ce  lourde  atour  ne  laissiez  plus  régner 
Sur  les  dames,  soiez  loy  condempnant. 
L'umble  joli  faictes  renouveller, 
35        Tant  qu'om  ne  puist  désormais  murmurer    32Sb 
Qu'elles  aient  le  chief  d'un  cahuant. 


a.  De  paquets  de  bourre  et  de  tampons.  —  b.  Plis.  —  c.  Munir 
de  remparts.  —  d.  Rides.  —  e.  tourment. 


BALADES  203 

MGCXI 

Balade. 

COMMENT   LES   VICTOIRES   DES   BATAILLES    SONT    EN   LA    MAIN 
DE    DIEU,    NON   PAS   DES   COMBATANS, 

PRINCES,  barons  et  toute  seignourie, 
Subgiez  a  Dieu  de  sa  creacion, 
Peuples  regens  ^,  qui  avez  mort  et  vie 
Et  qui  souffrez  doleur  et  passion 
Comme  les  gens  de  povre  nascion,  5 

En  voz  règnes  n'aiez  trop  grant  fiance, 
Sanz  Dieu  doubler,  sans  bonne  conscience; 
Cilz  deppose  les  puissans  de  leur  lieu, 
Force  n'y  vault,  bataille  ne  puissance  : 
Les  victoires  sont  en  la  main  de  Dieu.  lo 

Car  qui  le  sert  et  vers  lui  s'umilie 

De  cuer  parfait,  par  vraie  entencion, 

En  gouvernant  par  bonne  policie, 

Et  justement,  sanz  nulle  fiction, 

Cilz  a  de  Dieu  grâce  et  remission  ;  i5 

Mais  cilz  qui  fait  en  mal  perseverence, 

Sanz  repentir,  doit  avoir  grant  doubtance, 

S'il  se  combat  ;  ce  monstrent  li  Hebrieu  : 

Le  grant  nombre  ne  fait  pas  la  vaillance, 

Les  victoires  sont  en  la  main  de  Dieu,  20 

Qui  veult  souvent  la  gent  estre  pugnie 
De  pires  d'eulx,  par  une  mocion 
Soudainement  venue  et  acomplie, 

a.  Régissant  les  peuples. 


2G4  BALADES 

Par  viel  pechié  en  obstinacion, 

25         Et  ainsi  prant  Dieu  la  pugnicion 

Des  malfaicteurs;  doublons  tuit  sa  vengcnce, 
Fuions  orgueil,  venons  a  repentence, 
Car  par  pechié  ont  trop  perdu  li  Grieu  <^  :    328  c 
Ne  nous  fions  en  bataille  a  outrance, 

3o        Les  victoires  sont  en  la  main  de  Dieu. 

l'envoy 

Princes  et  roys,  menez  tous  bonne  vie, 
Soit  union  gardée  et  sanz  envie 
Entre  voz  pers,  car  c'est  le  vray  moien 
De  paix  avoir;  pensez  a  Rommanie 
33         Du  temps  présent,  a  Damas,  a  Turquie: 
Les  victoires  sont  en  la  main  de  Dieu. 


MCCXII 

Balade. 

SUR  LA.  PROPHECIE  DE  SEBILE  DE  LA  VENGENCE  DES  PECHEURS. 

OuEz  ^  irestous  le  juge  du  grant  roy 
Par  la  bouche  Sébile,  la  prophète. 
Vous,  crestiens,  yjivans  par  grant  desroy  ^ 
En  Tort  pechié  de  quoy  Sodome  trette, 
5  En  sors  mauvais  dont  l'en  use  a  Thoiette, 

Ars  deffenduz  de  Dieu  et  loy  divine, 
Cuers  plains  d^orgueil,  car  brief  vient  le  termine 

a.  Les  Grecs.  —  b.  Écoutez.  —  c.  Incondi^i^. 


BALADES  2o5 

Que  vous  serez  du  tout  exécuté, 

Par  guerre  avoir,  mort  soudaine  et  famine, 

Par  le  default  d'amour  et  charité,  lo 

Et  par  tempest;  ces  .iiii.  tourmens  voy 
Pour  ces  .im.  péchiez  que  l'en  recepte 
Mil  .ïiif.  trois,  .un.  et  cinq,  perçoy 
Pugnicion  qui  en  doit  estre  fette 
Horriblement,  mainte  cité  deffette,  i5 

Maint  prince  mort  et  monarchie  encline 
A  changement,  car  vertu  se  décline, 
Division,  faintise  et  lascheté 
328  d  Régnent  partout;  si  faut  que  joye  fine 

Par  le  défaut  d'amour  et  charité.  20 

Car  en  ce  temps,  pour  Terreur  de  la  foy 

Et  le  vice  de  la  loy  trop  detrecte  '', 

Que  nul  ne  tent  a  bien,  fors  que  pour  soy, 

Qu'entre  les  gens  sourdra  nouvelle  secte 

Et  voulenté,  justice  non  parfette,  25 

Vengence  lors  vendra  toute  entérine 

Qui  destruira  des  mauvais  la  racine 

Par  qui  le  bien  commun  est  déserté; 

Ou  ciel  seront  et  en  terre  maint  signe 

Par  le  default  d'amour  et  charité.  3o 

l'envoy 

Prince  et  baron,  peuple  et  clergé,  cil  troy, 

Advisez  vous,  soiez  humbles  et  coy, 

Aiez  des  corps  et  des  âmes  pité  ; 

Criez  merci  a  Dieu  par  bon  arroy 

Que  vous  n'aiez  d'enfer  le  dur  courroy  *,  35 

Par  le  default  d'amour  et  charité. 

a.  Ruinée.  —  b.  Régime. 


206  BALADES 

MCCXIII 

Balade. 

COMMENT  POUR  CONGNOISSANCE  QUE  HOMME  AIT  DE  SES  DEFAUL- 
TES,  POUR  SIGNE  DU  CIEL  NE  DE  LA  TERRE  NE  POUR  VENGENCE 
OU  PUGNICION  DE  DIEU  NE  VEULT  AMENDER  NE  CORRIGER  SA 
MAUVAISE  VIE, 


C' 


'hascun  vivant,  puis  qu'il  a  congnoissance, 
Voit  et  congnoit  les  choses  de  ce  monde, 
Ce  qu  om  y  fait,  et  la  desordonnance 
Contre  la  foy,  que  tout  mal  y  habonde, 

5  Qu'orgueil  y  est,  convoitise  parfonde. 

Division  contre  le  commun  bien,  32g  a 

Haine  aussi  et  envie  de  chien, 

Pechié  de  char  et  sors  contre  nature, 

Dont  maint  dient  :  a  Ce  monde  ne  vauU  rien  »  ; 

10        Mais  je  n'en  voy  amender  créature. 

De  mal  en  pis  va  en  perceverence 
Sanz  amender,  chascun  sur  mal  se  fonde, 
Il  ne  chault  plus  de  foy  ne  de  créance, 
De  l'ire  Dieu,  dont  vengence  redunde; 

i5         Preschier  n'y  vault,  c'est  le  chant  de  l'aronde, 
Exemple  nul,  je  n'y  voy  bon  moien, 
Quant  chascun  prant  l'autrui  avec  le  sien 
Et  qu'amour  n'est  ne  charité  qui  dure, 
Et  si  mourront  tuit  viel  et  ancien  : 

20        Mais  je  n'en  voy  amender  créature. 


Helas!  dont  vient  a  tous  ceste  ignorance 
De  fol  vouloir  en  pechié  qui  suronde, 


BALADES  207 

D'avoir  trop  biens  et  en  grant  habondance 

Par  le  pouoir  de  voulenté  immonde; 

Mais  le  grant  roy  tient  son  arc  et  sa  fonde  ^       25 

Pour  destruire  maint  règne  terrien, 

Maint  convoiteus,  et  tout  mauves  merrien 

Soudainement,  selon  saincte  Escripture, 

Sanz  espargner  Sarrasin,  crestien  ; 

Mais  je  n'en  voy  amender  créature.  3o 

l'knvoy 

Prince,  au  jour  d'ui  est  le  monde  en  balance  ; 

Pour  ses  péchiez  pugnicion  s'avance. 

Mort  soudaine,  famine,  guerre,  injure, 

Tempests  du  ciel,  car  nul  n'a  repentence 

^e  ses  péchiez  ne  de  Dieu  remembrance  :  35 

Mais  je  n'en  voy  amender'  créature. 


MGGXIV 

32p  b  NOTABLES  ''. 

JUSTICE,  de  foible  merrien 
A  près  ent,  qui  jadis  fus  forte, 
L'en  dit  que  tu  es  partout  morte  : 
De  justicier  ne  faiz  mais  rien 

Pour  les  communs  péchiez  du  monde 
Et  le  règne  qui  riens  n'en  vault, 
Que  foy,  justice  et  loy  default  : 
Convient  Dieux  que  pécheurs  -  confonde 

i.amander.  —  2.  que  les  pécheurs. 
a.  Fronde.  —  b.  Sentences. 


208  BALADCS 

Briefment  ;  poar  îa  perseverence 
10  Et  les  péchiez  que  chascuns  fait, 

Sanz  pité,  par  force  et  de  fait, 
Nous  a  Dieux  en  grant  desplaisance. 


MCCXV 

Balade 


QUE  LK  TEMPS  VENDRA  QUE  lV.N  QUERRA  SAIGE,  VAILLANT  ET 
PRODOMME  "POUR  GOUVERNER,  DONT  l'eN  NE  TIENT  COMPTE 
DE  PRESENT,  AINSI  COMME  l'eN  QUIERT  PAR  NECESSITE  AU  DOY 
LE  FEU  EN  LA  CENDRE. 


A- 


iNsi  comme  l'en  seult  quérir 
Par  neccessité  en  la  cendre 

Le  feu  au  doit,  pour  secourir 

De  nuit  au  larron  ^  qui  veult  prandre 
5  Les  biens  d'un  hostel  et  surprandre 

Les  gens  par  default  de  lumière, 

Convendra  briefment  que  l'en  quiere 

Les  preudommes  ou  ilz  seront  ; 

Car  ceuls  gouverner  ne  sçaront 
lo  Qui  ont  mis  le  monde  en  balance 

Par  trop  grant  jeunesce  qu'ilz  ont  : 

Saiges  se  doit  garder  d'enfance, 

Qui  fait  la  lumière  périr  Sig  c 

Et  ne  scet  en  son  cuer  comprandre 
i5  Les  maulx  qui  puelent  advenir 

a.  Pour  se  défendre  la  nuit  contre  le  voleur. 


BALADES  209 

Par  sa  chaleur,  par  non  entendre 

Au  bien  commun,  mais  vouloir  tendre 

A  voulenté  foie  et  legiere, 

En  boutant  les  vaillans  arrière, 

Les  saiges  et  ceuls  qui  bien  font  ;  20 

Les  foulz  couars  eslevez  sont, 

Lors  saillent  robeurs  de  chevance 

Qui  terres  et  pais  deffont  : 

Saiges  se  doit  garder  d'enfance, 

Qui  fait  maint  royaume  envahir  25 

Et  les  larrons  par  tout  estendre 

Es  ténèbres  de  foui  plaisir 

Ou  jeunesce  seult  trop  mesprandre; 

Lors  des  prodommes  se  remembre; 


3o 


Com  le  feu  quérir  les  yront 

Pluseurs,  mais  ilz  s'excuseront 

Par  viellesce  et  par  desplaisance; 

Gardent  les  princes  qu'ilz  feront  :  35 

Saiges  se  doit  garder  d'enfance. 

l'envoy. 

Prince,  vueille  vous  souvenir 

De  Roboan,  qui  voult  tenir 

Des  jeunes  la  foie  cuidance 

Et  des  anciens  départir,  40 

Dont  povre  devint;  sanz  mentir, 

Saiges  se  doit  garder  d'enfance. 


T.  VI  14 


2  10  BALADES 


MCCXVI 

SOIE  CHANÇON  EN  BALADK  d'uNE  VIELLE 
MERVEILLEUSE. 


Q' 


,ui  regarde  bien  vo  phillosomie  «  32g  d 

Et  vo  gent  corps  fait  a  une  coignée, 
De  toute  amour  et  d'amer  s'entroublie, 
Car  plus  laide  ne  fut  de  mère  née  ; 

5  D'un  cahuant  fustes  poste  *  et  couvée, 

Oeulx  de  torel  et  bouche  de  lymier. 
Grosses  lefres  pour  gelines  jouchier  •-', 
Joes  comme  a  trompeur  '^  qui  soufle  et  muse  '. 
Digne  n'estes  pas  d'avoir  un  porchier, 

10        Dens  de  serpent,  orde,  laide  et  camuse. 

Les  crins  avez  plus  noirs  que  cramillie/, 
Visaige  d'ours,  langue  desordonnée, 
Baveuse  aussi,  janglant  s  comme  une  pye, 
Bras  cours  et  gros,  pance  de  bran  enflée; 

i5        Vous  estes  bien  de  tettes  acesmée  '* 

Qui  vous  pandent  devant  jusqu'au  brodier  '; 
Mais  au  surplus  avez  un  poitronnierJ'' 
Noir  et  hideux,  qui  onques  ne  s'excuse 
De  pez,  vesses,  ordure  et  bran  baillier, 

20        Dens  de  serpent,  orde,  laide  et  camuse. 

Eureux  seroit  qui  aroit  tele  amie  ; 
Il  en  ystroit  trop'  noble  progenie  * 

I.  trop  manque. 

a.  Physionomie.  —  b.  Pondue.  —  c.  Jucher.  —  d.  Joueur  de 
ttompe. —e.  Sonne. — /.  Crémaillière.  — g.  Bavardant.  —  h.  Or- 
née. —  1.  Parties  sexuelles.  —  j.  Derrière.  —  k.  Progéniture. 


BALADES  2  i  1 

Dont  les  enfans  aroient  chiere  lie 

Pour  repeupler  leur  caterve  «  dampnée. 

Se  Lucifer  n'avoit  femme  espousée,  25 

A  lui  vous  doing,  cil  vous  ara  moult  chier, 

Car  nul  fors  li  vouldroit  a  vous  touchier; 

Vous  li  jourrez  de  vostre  cornimuse, 

Ne  le  vueilliez  a  mari  reprouchier  *, 

Dens  de  serpent,  orde,  laide  et  camuse.  3o 

L^ENVOY 

33o  a  Dame,  qui  fait  toute  amour  estrangier  <^, 
Nul  ne  pourroit  vo  laidure  jugier, 
Car  qui  vous  voit,  arrier  s'en  trait  et  ruse  '^; 
Tous  les  diables  vous  puissent  netoyer, 
Car  voz  regars  fait  les  gens  enrragier,  35 

Dens  de  serpent,  orde,  laide  et  camuse. 


MCCXVII 


SOTE  CHANÇON  DE  CINQ  VERS  A  DEUX   VISAIGES  ^  A  JOUER 
DE  PERSONNAIGES, 

RiBAULX  sales  et  deslavez/, 
Rufien,  cabuseur  ^,  larron, 
Rencontreur  ^,  joueur  de  faulx  dez, 
Bateur  a  loier  »,  faulx  garçon. 


a.  Troupe.  —  b.  Refuser.  —  c.  Eloigner.  —  d.  Recule.  —  e.  k 
deux  personnages,  dialoguée.  — /,  Crasseux.  —  g.  Tronnpeur,  im- 
posteur.—  h.  Auteur  de  guet-apens.  —  /.  Batteur  à  gages. 


2 1 2  BALADES 

5  Helas  !  pour  quoy  ne  te  pant  on  ? 

L'en  ne  perdroit  que  la  cordelle. 
—  Vous  avez  menti,  lorpidon  ^, 
Vielle  ribaude  et  ma  querelle, 

Qui  tant  d'enfans  mourdri  avez 
10  En  jeusne  temps,  glote  ^  de  con, 

Prestresse  <=,  vos  culs  défoulez  '^ 
Et  traînez  fut  par  maint  busson  ^  ; 
Onques  n'eustes  sec  le  poltron  /, 
Jusqu'au  treu  vous  pant  vo  mamelle  : 
I  5  Helas  !  que  ^  ne  vous  escorch'on, 

Vielle  ribaude  et  maquerelle? 

Putain,  sorcière,  et  dont  venez  ^, 
Qui  avez  desrobé  maint  bon, 
Et  au  gibet  cheveux  coupez, 
20  Piez  et  mains,  tel  est  vo  renom, 

Pour  ensorceler;  ja  pardon 
N'arez  ;  vostre  vie  chancelle  : 
Arse  ''  serez  a  un  fourgon, 
Vielle  ribaude  et  maquerelle. 

25  —  Par  ma  foy,  lerres  ',  vous  mentez;       33o  b 

Mais  je  vous  feray  le  menton 

Rougir;  je  vous  congnois  assez, 

Je  vous  compteray  vo  leçon 

Devant  le  prevost  de  Laon  : 
3o  Juges  sera  de  no  querelle. 

—  Vous  arez  donc  de  ce  baston, 
Vielle  ribaude  et  maquerelle. 

—  Harou  !  ce  mourdreur  *  me  prenez; 

I.  et  que. 

a.  Terme  d'injure  adressé  à  une  vieille  femme.  —  b.  Gourmande,— 
c.  Concubine  de  prêtre.  —  d.  Foulé. —  e.  Buisson. — /.  Le  derrière. 
—  g.  D'où  venez-vous.'  —  h.  brûlée.  —  i.  Larron.  —  k.  Meurtrier. 


BALADES  2  I  3 

Il  ne  vous  demourra  couillon, 

Bastart,  avoultre  ^;  or  esprouvez  35 

Que  Je  sçay  faire  :  ainsi  tast'on  * 

Les  rufiens,  faulx  bougeron  <^. 

Vous  arez  ceste  hoquemelle  ^. 

—  Et  vous  rarez  de  moy  ce  don, 

Vielle  ribaude  et  maquerelle.  40 

l'envoy 

—  Haro!  prenez  ce  faulx  gloton, 
Sergens.  —  Ça,  venez  en  prison  ; 
Tous  deux  arez  dance  nouvelle. 

—  C'est  par  toy  et  par  ta  tençon  ^, 

Vielle  ribaude  et  maquerelle.  45 


MCGXVIII 

Balade. 


COMMENT   CHASCUN  QUI  PUET  DOIT  ^IVRE   JOIEUSEMENT 
ET   ESCHIVER   TRISTESCE. 

VIVE  chascun  qui  puet  joieusement, 
Sanz  soy  troubler  pour  chose  qui  avaingne, 
Et  en  tous  cas  se  porte  loyaument, 
Qu'il  aime  Dieu  et  qu'il  le  serve  et  craingne. 
Vive  du  sien,  rien  de  l'autrui  ne  praingne,  5 

Soit  paciens,  ait  en  lui  souffisance, 

a.  Adultère.  —  b.  Voilà  comment  on  traite.  —  c.  Sodomite.  — 
d.  Ce  coup.  —  e.  Querelle. 


2 14  BALADES 

Des  biens  qu'il  a  vive  par  ordonnance,         33o  c 
Sanz  excéder,  fuie  foie  largesce, 
Euvre  des  mains,  ait  en  Dieu  s'esperance, 
10       Car  don  de  Dieu  est  de  vivre  en  leesce. 

Qu'om  face  bien  et  que  moiennement 
L'en  ait  estât  qui  a  soy  appartaingne, 
Non  excessif,  de  robes  n'autrement, 
De  pourveoir  son  liostel  li  souvaingne 

i5        En  temps  et  lieu,  et  chascune  sepmaine 
Examine  ses  gens,  sa  pourveance, 
Face  plaisir  a  tous  de  sa  puissance, 
De  mauparler  ^  sur  autrui  ne  se  blesce, 
Syve  les  bons,  soit  joyeus  des  s'enfance, 

2o        Car  don  de  Dieu  est  de  vivre  en  leesce. 

Qui  fait  durer  tout  homme  longuement, 
Grant  aage  avoir,  et  tristece  le  maine 
Par  son  ardeur  a  fin  soudainement; 
Convoitise  des  biens  mondains  n'enpraingne  ; 

25        SMl  a  assez,  d'acquérir  se  refraingne  *, 
Sanz  grant  estât  vive  en  equipolance  <^, 
Si  qu'envie  ne  le  fiere  ne  lance; 
Soit  vertueus,  fuye  toute  paresce, 
Vive  tousjours  en  joie  et  en  plaisance, 

3o       Car  don  de  Dieu  est  de  vivre  en  leesce. 

l'envoy 

Prince,  homs  ne  doit  vivre  dolentement 
Pour  biens  perduz,  pour  mort,  pour  changement, 
Mais  en  tous  cas  a  Dieu  tourt  ^  et  s'adresce; 
Prangne  en  bon  ^  gré  et  vive  liement; 
35        Pour  faire  dueil  n'en  seroit  autrement, 
Car  don  de  Dieu  est  de  vivre  en  leesce. 

I.  Bonne. 

«.Médire.—  b.  Késistcaudésir.  — c.En  équilibre,  —d.  Se  tourne. 


BALADES  2  1  5 

MCCXIX 

RoDdel. 

DE   CE    MEISMES. 

Jjo  a  T    j  homs  qui  vit  en  leesce  et  en  joie, 

JL/  Sanz  soy  troubler  des  fortunes  du  monde, 
Vit  longuement,  s'il  maine  vie  ronde. 

Mais  tristes  homs  que  tristesce  desvoye 

Le  maine  a  fin,  dont  a  joie  parfonde  5 

Li  homs  qui  vit  en  leesce  et  en  joie 

Sanz  soy  troubler  des  fortunes  du  monde. 

Puis  qu'ainsis  est,  tout  homme  a  ce  pourvoye 

Et  soit  joieux,  gracieus,  net  et  monde, 

Sanz  tristoyer  ^,  car  sur  ces  poins  se  fonde  :       lo 

Li  homs  qui  vit  en  leesce  et  en  joye, 

Sanz  soy  troubler  des  fortunes  du  monde 

Vit  longuement,  sMl  maine  vie  ronde. 

a.  Être  triste,  mélancolique. 


2 1 6  BALADES 

MCCXX 

Balade. 

SUR    LA    CONDICION   ET  MEURS    DE  PLUSEURS    FEMMES 
DU    TEMPS   ANCIEN. 


L 


'en  doit  bien  les  femmes  loer 
Et  honourer  en  tous  pays 

Ou  l'en  puet  par  escript  trouver, 

Qui  tant  ont  amé  leurs  maris 
5  Comme  '  Rosymonde,  Thaïs, 

La  femme  Job,  fort  emparlée  '^, 

Genyvre,  Yseult  et  Bersabée 

Et  la  femme  Cathon  le  saige; 

Enquerez  tuit  de  leur  couraige, 
lo  Et  quant  bien  enquis  en  sera, 

Qui  y  voit  proufit  ou  dommaige. 

Lors  se  marie  qui  vourra  ! 

Les  hystoires  puet  l'en  noter 

De  Dalida,  Semiramis, 
i5  D'Elayne  qui  se  fist  embler  *, 

S'en  furent  destruis  mains  pays. 

Par  Dyannira  fut  trahis 

Hercules  et  sa  char  bruslée 

Par  la  chemise  envenimée;  33 1  a 

20  Dydo  fut  royne  de  Cartaige, 

Qui  corrompit  son  mariaige  ; 

Helas  !  que  fist  Clythemetra 

I.  Que. 

a.  Qui  avait  la  langue  bien  déliée.  —  b.  Enlever. 


BALADES  2 1 7 

A  son  seigneur?  Qui  sent  tel  raige, 
Lors  se  marie  qui  vourra  "  ! 

Par  Herodyade,  est  tout  cler,  25 

Fut  saint  Jehan  Baptiste  a  mort  mis  ; 

L'ancelle  ^  congnut  au  parler 

Saint  Pierre  qui  en  fut  souspris  : 

Renoiez  en  fut  Jhesucris, 

Dont  mainte  larme  a  puis  plourée;  3o 

Mar  *  fut  la  phitonique  ^  née 

Pour  Saul,  par  son  devinaige^  ; 

Et  2  Erichtho  3,  par  son  oultraige, 

En  Thessale  l'ost  conjura 

Des  Rommains.  Qui  sent  ce  langaige,  35 

Lors  se  marie  qui  vourra  ! 

L^ENVOY 

Prince,  cy  a  maint  tesmoinaige 

Pour  soy  bouter  en  mariaige, 

Ou  paix  et  amour  trouvera, 

Humilité  sanz  seignouraige,  40 

Et  s'ainsi  est  qu'il  assouaige  ^, 

Lors  se  marie  qui  vourra  ! 

I.  Voulra.  —  2.  Et  manque.  —  3.  Cycirco. 

a.  La  servante.  —  b.  Malheureusement.  —  c.  Pythonisse.   —  d. 
Divination.  —  e.  S'adoucisse. 


2l8 


BALADES 

MCCXXI 

Balade. 

POUR  VIVRE  LIEMENT  EN  CE  MONDE  POUR 
LE  CORPS  ET  l'aME. 


N' 


E  prans  riens  d'autrui  ne  reçoy, 
Lors  ne  te  faudra  rendre  compte; 

De  ton  labour  mangu  et  boy,  33i  b 

Vy  liement  et  riens  n'acompte  ^ 
5  A  grant  estât  *>,  fuy  dueil  et  honte, 

Aymé  Dieu,  pran  en  pacience, 

Soyes  de  bonne  conscience, 

Pour  ta  santé  n'espargne  rien, 

Vi  tousjours  en  obédience, 
lo  Tien  toy  de  mal  faire  et  fay  bien. 

Ne  t'empesche  <=  contre  la  loy. 

Convoitise  ne  te  surmonte. 

Tien  par  tout  loyauté  et  foy, 

Et  ne  te  chaille  ^  qui  hault  monte  : 
i5  Qui  de  plus  hault  chiet  plus  s'afronte  «, 

Moien  tenir  est  grant  science 

A  tout  homme,  avoir  diligence 

De  son  fait  et  garder  le  sien  ; 

Donne  en  temps  et  lieu,  c'est  prudence; 
20  Tien  toy  de  mal  faire  et  fay  bien. 

Au  temps  qui  court  ne  parle  n'oy/, 

a.  Ne  tiens  pas.  —  b.  k  une  vie  fastueuse.  —  c.  N'entreprends 
rien.  —  d.  Ne  t'inquiète  pas.  —  e.  Qui  tombe  de  plus  haut,  se 
casse  la  tétc.  — /.  Ne  parle  ni  n'écoute. 


BALADES 


219 


Des  faiz  mondains  rien  ne  raconte, 

Soyes  sourt,  aveugle,  et  me  croy, 

Sur  ces  poins  ton  couraige  dompte  ; 

A  parler  n'aies  bouche  prompte,  2  5 

Seufre,  escoute,  sanz  aliance 

Avoir  a  nul,  impacience 

N'ait  en  toy  son  cotidien  «  : 

Pour  le  règne  avoir  d'excellence, 

Tien  toy  de  mal  faire  et  fay  bien.  3o 

l'envoy 

Prince,  au  jour  d'ui  tout  muer  voy 
De  mal  en  pis,  orgueil,  desroy  *, 
33 1  c      Hayne  et  envie  de  chien  ; 

Chascun  porte  Testât  de  roy, 

Mais  pour  amender  ton  arroy  ^,  35 

Tien  toy  de  mal  faire  et  fay  bien. 


MCCXXIl 

Balade  '. 
(On  ne  craint  plus  ni  paradis  ni  enfer). 

PARLE  qui  veult,  chastie  qui  sçara. 
Blâme  les  maulx,  exauce  les  vertus, 
Mette  exemples  chascuns  telz  qu'il  pourra 
De  ceuls  qui  sont  par  péchiez  confondus, 
Les  uns  noiez  et  les  autres  pandus,  5 

I.  Balade  manque, 

a.  Son  habitude  de  tous  les  jours. —  b.  Désordre.  —  c.  Arrange- 
ment, ordre. 


220  BALADES 

De  rire  Dieu,  de  lempest,  de  famine, 
Mortalité,  guerre,  tourment,  haine, 
Des  grans  paines  que  fera  Lucifer  ; 
Tout  ce  monstrer  ne  vault  par  une  espine  : 
10         L'en  ne  craint  Dieu,  Paradis  ne  Enfer. 

Prangne  chascun  le  temps  tel  qu'il  vendra, 

Pour  chastier  n'en  sera  moins  ne  plus, 

Car  voluntiers  l'un  de  l'autre  prandra 

Les  biens  mondains,  pour  soy  mettre  au  dessus, 

1 5        Estât  avoir,  mettre  son  voisin  jus, 

Vivre  en  mains  lieux  de  tolte  "  et  de  rapine, 
Et  tout  rungier,  faire  crasse  cuisine 
Des  biens  d'autruy,  prins  a  force  de  fer; 
Bien  pert  son  temps  qui  parle  de  dotrine  : 

20        L'en  ne  craint  Dieu,  Paradis  ne  Enfer. 

Chascun  scet  plus  de  bien  qu'il  ne  vouldra 
Faire,  au  jour  d'ui  c'est  langaige  perdus; 
Qui  vivre  veult  au  plus  fort  se  tendra, 

25        S'autrement  fait,  il  sera  maloslrus  *, 
Et  s'il  presche,  pour  foui  sera  tenus  ; 
Selon  le  temps  se  gouverne  et  chemine. 
S'il  scet  argent,  par  tout  le  quiere  et  mine  ^, 
Happe  qui  puet,  qui  finera  <^  si  fine  :  33 1  d 

3o        L'en  ne  craint  Dieu,  Paradis  ne  Enfer. 

l'envoy 

Prince,  telz  temps  longuement  ne  durra, 
Ou  li  vraiz  Dieux  a  soy  contredira,  * 

Qui  a  chascun  dit  :  «  Fay  bien  et  me  ser-  * 
Aux  bons  promet  qu'il  les  guerdonnera, 
35        Aux  mauvais  mal;  ne  sçay  qu'il  en  sera  : 
L'en  ne  craint  Dieu,  Paradis  ne  Enfer. 

a.  Vol,  —  b.  Malheureux.  —  c.  Recherche,  fouille.  —  d.  Pourra 
se  procurer  de  l'argent. 


BALADES  221 

MCCXXIII 

Balade  *, 

SUR    LA    REFORMACION   ET   MALADIE    DE    CEULS   QUI  ONT  PRINS 
EXCESSIVEMENT  LA  MONNOYE  DU  PEUPLE. 

ADVisEz  VOUS,  toutes  gens  de  pratiques, 
Marchans  d'argent,  exigeurs  de  finance, 
Qui  en  estes  devenus  ydropiques  : 
Purgier  vous  fault,  vivre  par  ordonnance, 
Car  le  trop  prlns  vous  met  en  grant  balance;        5 
Si  vous  convient,  pour  vo  santé  ravoir, 
De  voz  excès  faire  la  pénitence  : 
Les  medicins  le  vous  font  luit  sçavoir. 

En  excédant  despistastes  phisique, 

Povres  et  nus,  de  petite  apparance,  lo 

Prenans  par  tout,  par  foie  voie  inique, 

L'or  et  l'argent  a  trop  grant  habondance  ; 

Or  fault  ce  ^  trop  avec  toute  sustance, 

Pour  vous  pugnir,  oster  et  remouvoir, 

Et  retourner  a  vo  première  dance  :  i5 

Les  medicins  le  vous  font  tuit  sçavoir. 

Telz  excès  font  homme  paralitique, 
Trembler,  frémir,  perdre  toute  puissance, 
Et  en  la  fin  devenir  vray  éthique 
332  a  Par  ce  qu'il  n'a  vescu  a  souffisance  ;  20 

Et  ce  sceurent  bien  maint  malade  en  France, 
Qui  par  default  de  non  faire  devoir 


♦  Publiée  par  Tarbé,  tome  I",page  io6. 
I.  faulse. 


222  BALADES 

Sont  en  péril  qu'ilz  ne  muirent  en  trance  ; 
Les  medicins  le  vous  font  tuit  sçavoir. 

l'envoy 

25         Prince,  foulz  est  qui  a  prandre  s'applique 
Plus  qu'il  ne  doit  sur  la  chose  publique, 
Car  il  en  fault  rendre  compte  ou  devoir 
Et  en  la  fin  par  droit  ou  voye  oblique 
Estre  désert  ou  deshonouré,  si  que 

3o        Les  medicins  le  vous  font  tuit  sçavoir. 


MCCXXIV 
Balade  '. 


DE  LA  COMPLAINTE  QUE  FAIT  UN  HOMME  DE  SA  FORTUNE  ET  DE 
SON  MALEUR. 


D 


jEux  eurs  ay  qui  ne  sont  pas  grans, 
Ou  remède  ne  puis  trouver  : 
L'un  est,  se  je  ven  com  marchans, 
Il  me  fault  grant  marchié  donner  ; 

5  Mais  s'il  me  fault  riens  achater 

On  le  me  vent  plus  qu'il  ne  vault 
La  moitié.  Dont  vient  ce  deffault? 
Y  pourroit  on  remède  mettre? 
Nenil;  au  forf,  il  ne  m'en  chault  ; 

10  Maleureux  suis  par  toute  lettre. 

Car  se  j'ay  vins,  bestes,  ahans  *, 
Cras  pourceaulx,  laines  pour  draper, 

I.  BALAbE  manque. 

a.  A  bout  du  compte.  —  b.  Champs. 


BALADES  223 

Vaiches,  brebis,  moutons  aux  champs, 
Poulains,  fromens,  pour  moy  aider  \ 
Foins  avecques,  bûche  a  moler  ^,  1 5 

Fèves,  poys,  noix  dont  huile  sault  ^, 
Je  treuve  l'achateur  si  caut  ^ 
Que  du  marchié  se  veult  démettre; 
Pour  noient  '^  tout  donner  me  fauit  : 
Maleureux  suis  par  toute  lettre.  20 

332  b      Voire  ^,  par  Dieu,  roysdes  mescheans/, 
Car  s'il  me  fault  pour  hors  aler 
Chevaulx,  joyaulx,  draps  noirs  ou  blans, 
A  paine  en  puis  je  recouvrer; 
Et  s'en  mes  vignes  fault  ouvrer,  25 

Tout  me  fault  prandre  au  pris  plus  grant . 
Fortune  me  fait  cest  assault; 
Nul  bon  eur  ne  me  veult  tramettre, 
Et  2  toute  maleurté  m'assault  : 
Maleureux  suis  ^  par  toute  lettre.  3o 

l'envoy 

Princes  des  chetis,  ordonner 

Vueilliez  sur  mon  fait,  qui  est  cler 

En  tout  maleur,  et  le  soubmettre 

Tant  que  mieulx  puisse  marchander  ; 

A  vendre  ne  puis  profiter  :  35 

Maleureux  suis  ^  par  toute  lettre. 

t ,  aidier.  —  2.  Et  manque.  —  3.  suy. 

a.  Bois  à  brûler,  vendu  au  moule,  à  la  corde.  —  b.  Dont  l'huile 
sort.  —  c.  Si  bien  sur  ses  gardes.  —  d.  Rien,  néant.  —  e.  Vraiment. 
— /.  De  ceux  qui  n'ont  pas  de  chance. 


224  BALADES 

MCCXXV 

Balade. 

DE    LA   DEMANDE    d'uNE   VIELLE   A  UN    VIEILLART    PAR  MANIERE 
DE    MOQUERIE  ET  LA   RESPONSE    SUR   CE. 


o 


domine,  respondeas  ^  michi  : 

Que  te  semble  il  du  noble  temps  passé? 

Qualiter  te  habes  de  presenti? 

As  tu  encor  en  armes  poesté  ^? 
5  —  Queles  armes  ?  —  Ton  bourdon  acéré, 

Dont  je  t'ay  veu  jouster  au  talevas  *  ? 

—  Nenil,  par  Dieu,  il  est  tristes  et  mas  f', 
Car  puis  .x.  ans  ne  m^en  aiday  en  rien  ; 
L'en  me  puet  bien  clamer  frère  Thomas  : 

lo       Onques  mais  homs  n'ot  si  foible  merrien  ^. 

—  Qiia  de  causa  ?  —  Nonne  tu  •  vidisti, 
Que  j'ay  tousjours  aux  armes  labouré 
Juventute,  sumjptu  dampnabili, 

Tant  que  je  suy  de  vieilesce  atrapé,  33^  c 

i5        Goûteux,  fruileux,  es  armes  rebouté  <?, 

Du  jeusne  temps  que  tu  me  gouvernas  ? 

S'en  est  usez  et  destruis  mes  harnas, 

Et  je  te  voy  encor  ou  vert  lien, 

Qui  du  mestier  et  de  jouster  suy  las  : 
20       Onques  mais  homs  n'ot  si  foible  merrien. 

I.  responde.  —  2.  tu  manque. 

a.  Puissance.  —  b.  Bouclier.  —  c.  Cassé.  —  d.  Bois,  matière.  — 
e.  Repoussé,  refusé. 


BAl.ADKS  225 

—  Ad  hec  autem  confiteor  tibi 

Que  vielle  suy,  mais  riens  n'est  qui  me  blesse, 

Nisi  tantum  quod  omnes  atnicî, 

Et  chascun  d'eulx,  ma  poursuite  delesse  ; 

J'ay  ventre  emflé,  grant  cul  et  plate  fesse,  25 

Con  estendu,  large  comme  un  cabas, 

Pour  herbergier  tout  le  charroy  d'Arras  : 

C'est  droictement  hostel  saint  Julien, 

Tout  s'i  reçoit.  —  Aler  n'y  puis,  helas  ! 

Onques  mais  homs  n'ot  si  foible  merrien.  3o 

l'envoy  1 

O  vetula,  tôt  sunt  inimici 

Tune  tempore  mee  senectuti, 

A  toy  aussi,  pour  tonaage  ancien  ! 

Va  t'en,  vielle,  loing  de  moy,  je  t'en  pri; 

J'ay  grant  paour  quant  je  te  ^  voy  icy  ;  35 

Onques  mais  homs  n'ot  si  foible  merrien. 


MCCXXVI 

Balade  ^. 
{Regrets  d'un  vieillard.) 

TANT  com  je  me  po  esmouchier  " 
De  çymbalis  cliquentibus, 
Je  fus  des  dames  tenu  chier 

I .  l'envoy  manque.  —  2.  te  manque.  —  3.  Ballade  manque, 
a.  Escrimer. 

T.  VI  i5 


226  BALADES 

Me  semper  prosequentibus  ; 
5  Or  suy  de  dormientibus, 

Vieulx,  goûteux,  qui  n'ay  plus  pouoir 

D'ester  cum  mulieribus  : 

Je  ne  puis  la  queue  mouvoir.  332  d 

Plus  ne  me  sert  fors  de  pissier, 
10  Pas  n'est  de  junior  ibus  ; 

Trop  ay  fréquenté  le  mestier, 

Dont  je  suy  de  absentibiis  ; 

A  présent  cornioribus 

M'appellent  les  dames  pour  voir  ; 
1 5  Flere  me  fault  cumjlentibiis  : 

Je  ne  puis  la  queue  mouvoir. 
» 

Tousjours  veulent  grain  engrangicr, 

Et  de  recipientibus 

Prandre  avoir,  emplir  leur  grenier  ; 
20  Heu!  quod  '  in  eis  sumptibus, 

Sum  ego  de  dolentibus  ! 

Pour  avoir  bien  fait  mon  devoir, 

Me  veulent  faire  rasibus  : 

Je  ne  puis  la  queue  mouvoir. 

l'envoy  2 

25  Princes,  je  suy  enervatus, 

Et  in  obprobrium  datus 

Pour  ce  mestier,  car  main  et  soir 

M'en  dueit  le  dos,  jambes,  latus 

Corporisque  mei  status  : 
3o  Je  ne  puis  la  queue  mouvoir. 

I  Quia.—  3.  l'envoy  manqu,;. 


H 


BALADES  227 

MCCXXVII 

Balade  ^ 

{Même  sujet,) 

ELAS  !  mainte  femme  me  fuit 
Qui  me  souloit  suir  de  près, 
Qnant  j'estoupoye  leur  conduit 
Et  que  je  fu  jeusnes  et  frès; 
Mais  quant  mes  membres  s'est  retrès  5 

Et  qu'il  ne  puet  faire  besongne, 
L'une  rechigne,  l'autre  grongne  ; 
333  a      Si  fis  je  jadis  mon  devoir, 

Dont  je  me  treuve  en  grant  essoingne  «, 

Par  deffault  de  bon  vit  avoir;  10 

Dont  j'ay  fait  de  jour  et  de  nuit, 

Et  sanz  raison,  pluseurs  excès  ; 

C'est  la  chose  qui  plus  me  nuit. 

Dont  je  suy  mas  *,  tristes  et  secs. 

Un  mortier  use  six  piles  '^;  i5 

Trop  y  broiay,  s'en  ay  vergongne  : 

Tousjours  veult  mortier  qu'on  besongne 

Et  broyé,  c'est  sanz  lui  doloir; 

Plus  n'en  puis,  tel  broier  ressongne  '^, 

Par  défaut  de  bon  vit  avoir.  20 

Mais  je  me  reconforte  et  cuit  ^ 
Que  du  temps  que  je  fu  variés 

I .  Balade  manque. 

a.  Embarras.  —  b.   Abattu.   —  c.  Pilons.  —  d.  Je  redoute.   — 
e.  Mais  je  me  console  et  pense. 


2  28  BALADES 

Les  mortiers  sont  cassez  et  vuit, 
Combien  qu'ilz  voudroient  adès  « 

2  5  Qu'om  leur  broyast  sausse  ^  et  brouès; 

Mais  plus  ne  sera  qui  en  soingne  *  ; 
Ains  fauldra  que  chascune  doingne 
Des  vielles  pour  son  trou  mouvoir  : 
Ma  dame  a  prins  pour  moy  un  moingne, 

3o  Par  default  de  bon  vit  avoir. 

l'envoy  * 

Princes,  le  broyer  m'a  destruit 
En  jeusne  temps,  pensez  y  tuit; 
Gardez  vous  d'ainsi  encheoir  ^. 
Par  jeunesse  ay  esté  séduit, 
35  Tant  que  jamais  n'aray  déduit, 

Par  default  de  bon  vit  avoir. 


MCGXXVIII 

Balade  3. 
[Même  sujet.) 

HELAS  !  tant  com  4  je  fu  moines  "^ 
Et  que  j'aloye  sus  et  jus, 
Et  que  j'oy  comme  maint  moines  ^  333  b 

Queue  roide  et  tesmoings  velus, 
5  J'estoie  par  tout  bien  venus. 

I    sauiKS.  —  2.  l'envoy  manque.  —  3.  Balade  manque.  —  4-  comme. 
a.    Maintenant.  —  b.  S'en  occupe.  —  c.  Tomber,  succomber.  — 
d.  Moineau.  —  e.  Jeune  moine. 


BALADES  22Q 

En  jeunesse  fis  mes  aviaulx  «, 

Par  tout  courir  comme  uns  toriaux, 

Quérir  pasture  et  moy  aisier  : 

Or  suis  devenus  coulombiaux  *  : 

Je  ne  puis  mais  fors  que  baisier.  lo 

Servir  ne  sçay  des  premiers  mes, 

Pour  ce  voy  qu'om  ne  m'aime  plus; 

Respandus  est  tous  mes  brouès, 

Tout  me  va  ce  dessoubz  dessus  ; 

Mes  pendans  sont  longs  devenus,  1 5 

Mole  est  ma  queue  et  mes  boyaulx, 

Mes  culs  grailes  comme  uns  fusiaulx 

Tant  que  famé  ne  m'a  plus  chier, 

Car  quant  suy  entre  leurs  trumiaulx  ^, 

Je  ne  puis  mais  fors  que  baisier.  20 

J'ay  tresbonne  voulenté,  mes 

La  force  et  pouoir  sont  perdus, 

Car  tendre  ne  veult  mes  harnès; 

Ains  suy  par  goûtes  confondus, 

Tousseux,  enrumez,  enfondus  '^,  2  5 

Je  n'ay  que  le  cuir  et  les  piaulx. 

Qu'est  devenuz  li  larronciaulx  «, 

Qui  ne  me  '  sert  fors  de  picier? 

Mangiez  fust  il  or  des  corbiaulx! 

Je  ne  puis  mais  fors  que  baisier.  3o 

l'envoy  2. 

Princes  et  maistres  des  ribaulx, 
Pour  une  foiz  .xmi.  en  faulx/, 
Je  ne  puis  plus  faire  mestier, 

I ,  me  manque.  —  2 .  v'EsyoY  manque. 

a.  Plaisirs.  —  b.  Petit  pigeon.—  c.  Jambes.  —  d.  Mouillé,  glacé. 
—  e.  Petit  larron.  —  /.  Je  manque. 


2  3o  BALADES 

Jouer  ne  puis  des  cannebaux'», 

Femmes  ne  craingnent  mes  assaulx  :  35 

Je  ne  puis  mais  fors  que  baisier  ^ 


MCCXXIX 

Balade  2. 


(Contre  les  mendiants  qui  se  tiennent  aux  portes 
des  églises.) 

DE  tous  lesmaulxdequoy  Dieux  puetgarirJJJc 
Et  de  tous  ceuls  dont  sains  sont  réclamez, 
De  la  fouldre  qui  fait  maisons  bruir  '', 
De  la  gresle  quant  le  temps  est  gelez, 

5  De  la  pluie  quant  li  airs  est  crevez, 

Du  tonnoirre,  de  noif  c,  et  ^  d'ochelitre  ^^^ 
Et  de  tous  ceuls  desquelz  l'en  seult  benistre  ', 
Des  malveillans,  soient  destruis  et  prins 
Ceuls  qui  des  maulxdes  sains  ■*  se  donnent  titre  : 

10        Ribauls,  paillars,  truandes  et  coquins. 

D'orrible  mort  puisse  ^  chascuns  mourir, 
Par  tout  soient  haiz  et  diffamez, 
Chiens  enrragiez  leur  puissent  sus  courir, 
Fuitis/ soient  de  l'église  et  chaciez, 
i5        Et  au  gibet  panduz  et  traînez, 

Et  comme  faulx  aient  de  papier  mitre, 
Pour  escheler  «"  par  le  bourriau  ou  mittre  *. 

I ,  Je  ne  puis,  etc.  —  2,  Balade  manque.  —  3.  et  manque.  —  4.  des  sains 
manque.  —  5.  puist. 

a.  Sacs  (•'),  bourses  (.',.—  b.  Brûler.—  c.  Neige.—  d.  Mot  altéré.  — 
e.  Bénir.  —  /.  Absents.—  g.  Exposés  au  pilori.  —  h.  Maitre,  nom 
appliqué  au  bourreau. 


BALADES  23 r 

Comme  larrons  a  Dieu  :  tel  soit  la  fins, 
Ceuls  qui  des  maulx  des  sains  se  donnent  titre, 
Ribaulx,  paillars,  truandes  et  coquins.  20 

Car  l'on  ne  puet  au  moustier  messe  oir 
Pour  leur  annuy,  tant  sont  fort  empariez  ■^ 
De  faindre  maulx,  d^aumosnes  requérir; 
Chascun  est  la  par  leur  fait  déboutez  *. 
Hz  sont  puissans,  larrons,  atruandez  '^,  25 

Oyseux,  faillis,  dont  nul  bien  ne  puet  ystre  ^. 
Pour  amender  leur  donne  ceste  epistre, 
Dont  mains  prisiez  seront  des  gens  latins 
Ceuls  qui  des  maulx  de  sains  se  donnent  titre, 
Ribaulx,  paillars,  truandes  et  coquins.  3o 

l'envoy  ' 

333  d  O  collèges,  chanoines  et  curez, 

Moines,  prieurs,  abbesses  et  abbez, 

Tous  mendiens,  chartroux  et  celestins, 

Coustres  ^,  patrons  es  villes  et  citez, 

A  bons  bâtons  de  voz  moustiers  fustez/  35 

Ribaulx,  paillars,  truandes  et  coquins. 

I .  l'envoy  manque. 

a.  Tant  ils  font  de  bruit  par  leurs  paroles. —  b.  Repoussé.  — 
c.  Adonnés  à  la  mendicité.  —  d.  Sortir.  —  e.  Sacristains.  — /. 
Bâtonnez. 


2*32  BALADES 


MCCXXX 


Balade  '. 
[Dialogue  avec  des  mendiants.) 


P 


louR  Dieu,  donnez  maille  ou  denier 
A  ce  povre  qui  ne  voit  goutte  ! 

—  Va  t'en  sanz  chandoille  couchier, 
D'ardoir  ton  lit  es  hors  de  doubte  ^. 

5  —  Ha  !  sire,  je  ne  menjus  goûte  *. 

Aler  ne  puis  par  maladie  ! 

—  Tu  ne  doiz  donc  point  de  chaucic  <^, 
Saint  Mor  ne  te  fera  frémir. 

—  Sire,  je  ne  me  ^  puis  gésir  '^  : 
lo            Donnez  moy  pour  avoir  du  pain  ! 

—  Tu  as  d'estre  droit  bon  loisir  ^; 
Atten  encor  jusqu'à  demain. 

—  A  1  sire  ^,  ne  puis  endurer. 

Mon  chief  pers,  le  bras  et  le  coutte/. 
i5  —  Du  coustel  ne  pourras  frapper, 

D'amende  paier  n'aiez  doubte. 

—  A  !  sire,  j'ay  la  jambe  route  «". 

—  Or  fay  qu'elle  soit  reboulie  *  : 
Pran  aucun  drapel,  si  la  lie  ». 

I ,  Balade  manque.  —  2.  me  manque.—  3.  A  doulz  sires. 

a.  Va-t-cn  te  coucher  sans  chandelle,  ainsi  tu  n'auras  pas  peur 
de  mettre  le  feu  à  ton  lit.  —  b.  Je  ne  mange.  —  c.  De  droit  de 
péage.  —  d.  Coucher.  —  e.  Tu  peux  rester  debout.  —  /.  Le 
coude.  —  g.  Rompue.  —  h.  E:lissés.  —  i.  Prens  un  morceau  de 
lin^e  et  la  lie. 


BALADES  2  33 

—  Sire,  je  ne  faiz  que  languir,  20 
Donnez  moy  !  —  Pense  de  mourir, 

Tout  seroit  perdu  en  ta  main. 

—  Helas!  vueiliez  moy  secourir! 

—  Atten  encor  jusqu'à  demain. 

—  Saint  Anthoine  me  vent  trop  chier  2  5 
334  a     Son  mal,  le  feu  ou  corps  me  boute. 

—  D^achater  bûche  n'as  mestier  : 
Fay  ton  lit  en  Seine  et  ta  couste  <^ 
Pour  refroider.  —  Sire,  j'ay  goûte 

De  saint  Mor.  —  Ne  la  retien  mie.  3o 

—  Sire,  je  suy  en  frenaisie  ! 

—  Doncques  te  doit  chascuns  fuir. 

—  Doulz  sires,  j'ay  tant  a  souffrir 
Que  je  ne  dor  ne  soir  ne  main, 

Vueiliez  moy  quelque  chose  offrir  !  35 

—  Atten  encor  jusqu'à  demain. 

l'envoy  * 

—  Princes,  je  ne  me  puis  aidier  ! 

—  Nulz  ne  ^  te  doit  donc  avoir  chier, 
Car  l'en  te  feroit  bien  en  vain. 

—  Sire,  j'ay  le  mal  saint  Riquier,  40 
Donnez  moy,  pour  Dieu  le  requier! 

—  Atten  encor  jusqu'à  demain. 

I.  l'envoy  manque.  —  2.  ne  manque, 
a.  Ta  couverture. 


234  BALADES 

MCCXXXI 

Balade  K 
{Contre  une  vieille  Jemme  médisante.) 


V 


lELLE,  laide,  barbue  et  diffamée, 
Orde  en  tous  cas,  desplaisant  et  baveuêe, 

Qui  le  cul  sec  n'eustes  onques  journée 

En  jeune  temps,  et  viel  luxurieuse, 
5  Vous  estes  trop  de  parler  oultrageuse 

En  mesdisant  sur  les  femmes  de  bien; 

La  monstrez  vous  que  vous  ne  valez  rien 

Et  que  tousjours  avez  esté  mauvaise; 

Alez  vous  ent,  vous  puez  comme  un  chien  : 
10        Le  feu  d'Enfer  puist  ardoir  vo  fournaise! 

En  mains  pais  avez  suy  Tarmée 

Et  no  mestier,  n'en  soiez  ja  honteuse, 

Prins  et  plumé,  dont  vous  serez  dampnée,  334  ^ 

Comme  vielle  sur  toutes  convoiteuse, 

1 5        Maint  soudoier  et  fait  sa  bourse  creuse, 
Prestres  et  clers  attrait  a  vo  lien. 
Or  est  usé  tout  vostre  cuirien  '', 
Chascuns  vous  fuit,  dont  vous  n'estes  pas  ayse; 
Alez  desor  chanter  le  Requiem  : 

20        Le  feu  d'Enfer  puist  ardoir  vo  fournaise, 

Qui  tant  a  fait  du  eu  puant  ^  fumée, 
Dont  maint  sont  mort;  vielle  contagieuse, 
Voulez  vous  donc  ^  gouverner  la  tontrée, 

I.  Balade  manque.  —  2.  puante.  —  3.  doac  manque, 
a.  Peau. 


BALADES  235 

En  beguinant  ^  faire  la  précieuse, 

Pour  empescher  toute  vie  amoureuse  r'  25 

Ardoir  puist  l'en  femme  de  tel  merrien  ^1 

Jamais  n'arez  ribaut  ne  rutien 

Pour  vous  aisier,  vielle,  ne  vous  desplaise  ; 

Prenez  en  gré  vostre  temps  ancien  :  3o 

Le  feu  d^Enfer  puist  ardoir  vo  fournaise  ! 

l'envoy  * 

Prince  d'amours,  tel  vielle  forsenée 

Voist  "^  en  exil,  a  tousjours  condempnée 

Par  vostre  court,  car  nul  plus  ne  s'en  aise, 

Ou  sur  le  moins  ait  la  langue  coupée. 

Si  arez  vous,  fausse  vielle  enragée  :  35 

Le  feu  d^Enfer  puist  ardoir  vo  fournaise  ! 


MCCXXXII 

Balade  2. 
{Plaintes  d'une  femme  contre  son  mari.) 

J'ay  mon  mari  qui  se  rigole  ^ 
De  moy,  et  s'en  va  jardinant 
Avecques  mainte  femme  foie, 
Chascun  jour,  ou  le  plus  souvent, 
Et  ne  me  tient  pas  bien  couvent,  5 

Mais  me  sert  d'estrange  langaige  ; 
334c      Et  puisqu'il  me  fait  tel  oultraige, 

I.  i/kkvoy  manque.  —  2.  Balade  manque. 

a.  En  faisant  la  dévote.  —  b.  De  tel  bois.  —  c.  Aille    —  d.  Qui  se 
moque. 


236  BALADES 

Je  lui  feray,  sanz  jardiner, 
Avoir  cucu  en  son  mesnaige, 
lo  Si  j'en  puis  nullement  finer. 

Car  j'ay  assez  qui  m'en  escole  ^ 
Et  qui  ses  faiz  m'est  rapportant, 
Et  comment  il  baise  et  acole 
Les  fillettes,  et  va  donnant 

i5  Nostre  avoir;  tel  vie  est  menant, 

Dont  il  ne  fait  mie  que  saige; 
Mais  je  pourverray  a  ma  caige 
D'un  oisel,  pour  moy  conforter, 
Qui  appaisera  mon  couraige, 

20  Si  j'en  puis  nullement  finer. 

Ouil,  par  Dieu!  maint  m'en  parole 
Qui  me  va  cuer  et  corps  offrant  ; 
Je  ne  suy  ne  laide  ne  mole. 
Dont  il  me  dust  estre  laissant  ; 

25  J'en  trouveray  bien  pour  un  cent. 

Puisqu'il  brise  son  mariaige, 
Par  saint  Arnoul,  aussi  feray  je  ! 
D'autel  pain  vueil  souppes  tremper 
Et  prandre  de  ce  doulz  ouvraige, 

3o  Si  j'en  puis  nullement  finer. 

l'envoy  1 

Prince  amoureux,  qui  fait  tel  raige 
En  amours,  s'on  lui  rent  tel  gaige, 
Vous  n'en  devez  nuUui  blâmer. 
Et  pour  ce,  par  mon  pucellaige, 
35  Prandrayce  bien  qui  assouaige  *, 

Si  j'en  puis  nullement  finer. 

1.  l'envoy  manque. 

a.  Instruit.  —  b.  Qai  adoucit. 


BALADES  207 

MCCXXXIII 

Balade  '. 
(Contre  les  mendiants  qui  encombrent  les  églises.) 

LASSE  !  donnez  moy  une  offrande  334  ^ 

En  l'onneur  la  Vierge  Marie  I 

—  Et  je  la  vous  octroy,  truande  ^  ; 

Arsesoiez  ou  enfoye, 

Car  messe  ne  puet  estre  oye  5 

Par  vostre  ennuy  en  cest  moustier  *; 

Il  n'y  a  ribault  ne  boulier  <^, 

Coquin,  truant  ne  maquerelle, 

Qui  ne  soit  tousjours  en  chapelle, 

Pour  mailles  et  deniers  avoir;  10 

Vuidezhors,  qui  ne  vous  appelle  : 

Que  l'en  vous  puist  trestouz  ardoir  ! 

11  n'y  a  paillart  ne  gourmande 

Qui  ne  viengne  les  gens  sachier  ^ 

En  l'église,  c'est  grant  esclande;  i5 

L'en  ne  s'i  puet  agenoillier 

Qu'il  n'en  ait  devant  et  derrier  ; 

L'un  tent  sa  main,  l'autre  s'escuelle, 

Puans  comme  une  orde  ruelle; 

Larrons  a  Dieu,  faictes  devoir,  20 

Ouvrez  ^,  gaingnez  sur  vostre  selle  : 

Que  l'en  vous  puist  trestouz  ardoir  ! 

t  .  Balade  manque. 

a.  Gueuse,  mendiante.  —  b.  Eglise.  —  c.  Souteneur.  —  d.  Tirer. 
-  e.  Travaillez. 


238  BALADES 

A  tout  le  moins,  qui  ne  vous  mande, 

Au  portai  soit  vostre  establie  <^, 
25  Par  dehors,  sur  paine  d'amende  : 

Ou  serez  en  place  establie, 

Sanz  aler  tel  connestablie  ^ 

Au  moustier  ou  maint  s'atropelle  <^, 

Ou  vous  en  paierez  la  gabelle  '^; 
3o  Hors  du  moustier  devez  seoir 

Sanz  dedenz  faire  l'estenelle  ''  : 

Que  Pen  vous  puist  trestous  ardoir  ! 

l'envov  '. 

Gens  de  Teglise,  on  doit  purgier  335  a 

D'entrer  enz  tout  paillart,  loudier/, 
35  Truandes  n'y  doy vent  manoir; 

Faictes  les  donc  bien  corrigier. 
Truans,  il  vous  convient  vuidier. 
Que  l'en  vous  puist  trestous  ardoir  ! 


MCCXXXIV 

■"'  Balade  2. 

{Conseils  aux  pères  qui  ont  des  filles  à  marier.) 

QUI  a  filles  a  marier 
Il  doit  a  son  fait  avertir  ^, 
Terre  et  argent  leur  doit  baillier, 

I.  l'envoy  manque.  —  2.  balade  manque. 

a.  Demeure.  —  b.  Bande,  troupe.  —  c.  S'attroupe.  —  d.  L'invpôt. 
—  e.  Tenailler,  tourmenter.  —  /.  Gueux,  vaurien  —  g.  Prendre 
garde. 


BALADES  239 

S'il  puet,  sanz  nopces  ne  vestir  ; 

Au  fort,  ne  se  doit  consentir  5 

Qu'il  baille  bourses  ne  joyaux, 

Espingliers  '^,  saintures,  chapiaulx  ; 

Face  ent  le  mary  pourveance, 

Car  j'en  ay  veu  plusieurs  de  ciaulx 

A  tart  venir  a  repentence.  10 

Il  fault  grans  robes  de  drap  chier, 

Pluseurs  courtes,  Testât  tenir 

Des  fourrures  au  peletier, 

Laitices  *;  aler  et  venir 

Pour  boutonures  retenir  1  i5 

De  perles,  couronnes,  anneaulx, 

Pour  les  nopces  divers  morceaulx, 

Vins  et  grains  en  grant  habondance  : 

D'ainsi  faire  ay  veu  pluseurs  d'yaulx 

A  tart  venir  a  repentence,  20 

Mieulx  vault  tousjours  au  coramencier 
Terre  a  sa  fille  départir 
Ou  argent,  pour  s'en  depeschier  "^ 
A  une  foiz,  que  tant  quérir 
De  choses  ;  l'en  n'en  puet  yssir  ^  ;  25 

335  b      Noces  sont  de  trop  grans  reveaulx  ^. 
Père  et  gendre  facent  entr'eaulx 
En  commun  la  feste  et  la  dance  ; 
Les  faisans  seulx,  vy  ^  des  plus  haulx 
A  tart  venir  a  repentence.  3o 

l'envoy  3. 

Princes,  grans  nopces  font  vuidier 
L'argent,  la  granche  et  le  ceiier  ; 

1 .  e  retenir.  —  2.  ay.  —  3.  l'envoy  manque. 

a.  Etui  à  épingles.  —  b.  Espèce  d'hermine.  —  c.    Débarrasser. 
—  d.  Sortir.  —  e.  Fêtes,  divertissements. 


240  BALADES 

Fouis  est  qui  du  faire  s'avance, 
Car  les  saiges  les  vont  mangier, 
35  Et  s'en  voy  maint  au  derrenier 

A  tart  venir  a  repentence. 


MCCXXXV 

Balade  < . 

{Plaintes  d'une  femme  mal  mariée.] 


Q 


|UANT  j'oy  ^  mon  aage  premerain, 
Entre  mes  .xv.et  .xiv.  ans. 

Les  pommettes  ^  avoie  ou  sain, 

Rondes,  dures,  fermes,  poingnans, 
5  Corps  faitis  <=,  jolie  et  chantans, 

Viaire  cler,  voix  douce  et  saine, 

En  touz  esbas  la  premeraine 

Qui  se  faisoient  par  honour, 

Et  par  marier  suy  en  paine  : 
10  Onques  femme  n'ot  tel  dolourf 

Aux  festes  me  tendoit  la  main 
Chascun,de  m'amour  fut  engrans  <^, 
Or  suis  donnée  a  un  villain 
Qui  est  uns  rudes  paisans, 
i5  Rebours  ^,  rebelles,  desplaisans; 

De  lui  ay  eu  la  pance  plaine 
Pluseurs  foiz,  s'en  suy  lasse  et  vayne/; 
Tettes  ay  com  souflez  d'un  four, 

I.  BALADE  manque. 

a.  J'eus.—  b.  Les  petites    pommes.  —  c.  Bien    fait.  —  d   Dé- 
sireux. —  e.  Malpropre,  malotru.  — /.  Abattue,  faible 


BALADES  24 [ 

335  c       Aussi  plates  c'une  quintaine  <»  : 

Onques  femme  n'ot  tel  dolour!  20 

Mon  premier  temps  regrette  et  plain, 

Povre  femme,  plaine  d'enfans; 

A  marier  ne  fait  pas  sain  ; 

Povres  hommes,  femmes  servens, 

Qui  riens  n'ont  plus,  font  que  meschans        2  5 

D'eulx  asservir,  car  chascun  maine, 

Eulx  mariez,  vie  griffaine  ^, 

Bâtent  et  tancent  a  leur  tour; 

Ce  me  vault  pis  que  mort  soudaine  • 

Onques  femme  n'ot  tel  dolour!  3o 

l'envoy  K 

Prince,  je  suy  seure  et  certaine 

Que  marier  serre  la  vaine 

Et  fait  perdre  force  et  coulour 

A  pluseurs;  J'em  porte  l'ensaingne. 

Pour  ce  a  non  marier  enseigne  :  35 

Onques  femme  n'ot  tel  dolour! 


MCCXXXVI 
Balade  2. 
(Sur  les  pourceaux.) 

SÇAVEz  vous  la  cause  pour  quoy, 
Quant  aucun  tue  son  pourcel, 

I .  L'ENVOY  manque.  —  2 .  balade  manque. 

a.  Mannequin  servant  de  but  aux  jouteurs.  —  b.  Fâcheuse. 
T.  VI  ,6 


242  BALADES 

A  ses  voisins  en  fait  envoy 
Et  leur  en  donne  maint  morsel 

5  De  l'eschine,  du  haterel  ^, 

Des  boudins,  d'autres  laridiaux  ^, 
D'andouilles,  jambons,  des  nonbliaux  <^, 
Du  soult  ^  que  l'en  prangne  en  gré  prie? 
Pour  ce  que  trop  a  fait  de  maulx  : 

10  Pourcel  ne  fist  bien  en  sa  vie. 

Fors  se  boutent  en  un  aunoy  ^, 

En  un  jardin,  en  un  praei/, 

Tout  gastent  et  font  tant  d'annoy  ^  335  d 

Qu'il  n'en  est  a  nul  homme  bel  ; 
i5  Hz  boutent  par  tout  leur  musel, 

Vignes,  blez  fouillent,  poys,  naveaulx  *, 

Enfans  estraiiglent  es  berseaulx  ; 

Chascun  les  court  sus  et  escrie, 

Tant  sont  mauvais  et  desloyaulx  : 
20  Pourcel  ne  fist  bien  en  sa  vie. 

Qui  plus  est,  de  vendre  n^ont  loy 

Juifs;  Sarrasins  n'en  font  tropel; 

Nul  temps  mangier  ne  leur  en  voy 

Car  seursemé  sont  et  mesel  '  ; 
25  Deffendu  leur  est  sur  leur  pel 

Qu'ilz  ne  mangussent.  Telz  morseaulx 

S'envoy'on  pour  appaisier  ceaulx 

Ausquelz  ilz  ont  fait  villenie 

De  leurs  membres  et  leurs  boyaulx  : 
3o  Pourcel  ne  fist  bien  en  sa  vie. 


a.  Partie  postérieure  du  cou,  la  tête.  —  b.  Morceaux  de  lard.  — 
c.  Filets  de  porc.  —  d.  graisse  fondue  (?).  —  e.  Lieu  planté 
d'aulnes.  — /.  Pré.  —  g.  Ennui,  dégât.  —  h.  Navets.  —  j.  Car  ils 
sont  couverts  de  grains  de  ladrerie  et  donnent  la  lèpre. 


BALADES  243 


L^ENVOY  1. 


Prince  de  froidure  et  de  noy  <*, 

En  Décembre  tuer  perçoy 

Ces  ors  pourceauls,  que  Dieu  maudie, 

De  rans,  de  paissons,  a  desroy  ^  ; 

Ce  n'est  pas  viande  de  roy  :  35 

Pourcel  ne  fist  bien  en  sa  vie. 


MCCXXXVII 

Balade  *. 
[Invocation  à  dix  saints  et  saintes.) 


S 


AiNT  Denis,  saint  Georges,  saint  Biaise, 
Saint  Cristofle,  et  aussi  saint  Gile, 
Saincte  Katerine,  or  vous  plaise, 
Saincte  Marthe  ei  saincte  Cristine, 
336  a      Saincte  Barbe  et  saincte  Margrite,  5 

Avoir  tousjours  de  moy  mémoire, 
Ainsi  comme  il  est  chose  voire 
Que  Dieux  a  vous  .x.  octroya 
Que  quiconques  vous  requerra 
De  bon  cuer,  par  prière  honneste,  10 

En  quelque  péril  qu'il  venrra, 
Dieux  essaucera  sa  requeste. 

Pour  lui  mourustes  a  mesaise, 

I .  l'ënvoy  manque.  —  2.  Balade  manque. 

«.  Neige.  —  b.  Ceux  qu'on  engraisse  dans  les  éiables  iaêle-mêle 
avec  ceux  qu'on  mène  à  la  glandée. 


244  BALADES 

Pour  sa  loy,  et  en  mainte  ville 
i5  Blamastes  Torde  loy  mauvaise, 

Preschans  par  tout  son  euvangile, 
Convertissans  de  gens  cent  mille; 
Par  martire  avez  eu  sa  gloire 
Les  pluseurs,  et  tant  feistes  croire 
20  De  peuples  qui  pour  lors  erra, 

Qu'entre  sains  et  saiactes  sera 
Voz  noms  hauciez,  car  en  tempeste 
Et  tous  maulx,  qui  a  vous  courra 
Dieux  essaucera  sa  requeste, 

25  De  vous  louer  nulz  ne  se  taise: 

Prier  et  servir  sanz  perice 
Vous  doit  chascun  qui  veult  estre  ayse 
Pour  remouvoir  de  lui  tout  vice  ; 
Donnez  moy  donc  faire  service 


3o 


A  vous  tous  qui  mestier  en  a. 
Si  que  quant  mes  corps  finera, 
En  paradis  soit  m'ame  preste, 
35  Car  qui  vo  nom  en  priera  ^ 

Dieux  essaucera  sa  requeste. 

l'envoy  ' 

Princes,  roys,  dus,  entendez  ça, 
Tous  pécheurs,  et  qui  mal  traira, 
De  requérir  ces  sains  s^apreste;  336  b 

40  En  quelque  péril  qu'il  sera  3, 

A  sa  prière  ne  fauldra  : 
Dieux  essaucera  sa  requeste. 

I.  prira.  —  2.  l'envoy  manque.  —  3.  lara. 


BALADES  245 

MCCXXXVIII 

Balade  1. 
(Le  peuple  doit  être  tenu  toujours  dans  la  crainte.) 

TROP  grant  familiarité 
Nourrist  et  engendre  contemps  "  , 
Aussi  trop  grant  crudelité 
Gendre  *  haine  a  toutes  gens  ; 
Or  soit  donc  sires  diligens  5 

De  prandre  entre  deux  le  moyen  : 
Pugnir,  se  cas  le  requiert  bien, 
Les  mauvais,  les  bons  supporter  '^, 
Grant  justice  aux  subgiez  garder, 
Sanz  estretrop  commun  entr'eulx,  10 

Qu'ilz  ne  se  doient  rebeller  : 
Peuples  soit  tousjours  cremeteux  '^. 

Tenir  doit  son  auctorité 

Tout  prince  et  juge  a  ses  servens, 

Sanz  monstrer  trop  d'umilité  i5 

Dont  ilz  contempnent  ses  commens  ^, 

Pour  estre  plus  obeissans, 

Ou  ilz  ne  le  priseront  rien, 

Mais  s'en  moqueront  au  derrien  /; 

C'est  ce  qui  les  fait  eslever,  20 

Et  a  leurs  seigneurs  révéler  ë'. 

L'en  en  a  veu  pluseurs  de  ceulx; 

En  tel  cas  les  fault  rebouler  : 

Peuples  soit  tousjours  cremeteux. 

I .  Balade  manque. 

a.  Mépris.  —  b.  Engendre.  —  c.  Soutenir.  —  d.  Craintif.  —  e. 
Ils  méprisent  ses  commandements.  —/.A  la  fin.  —  g.  Rebeller. 


246  BALADES 

25  Aux  bons  doit  l'en  faire  amité, 

Prandre  son  demaine  et  ses  cens, 
Sanz  riens  ravir  oultre  leur  gré  ;  336  c 

Puisqu'ilz  sont  leur  rente  payans, 
Qu'om  leur  soit  contre  autres  aidans. 


3o 


Sanz  les  batre  ne  villener  ^, 
Sanz  rien  contre  raison  oster, 
Eslre,  se  cas  y  chiet,  piteux  *, 
35  Pour  double  de  mal  eschiver  '^  : 

Peuples  soit  tousjours  cremeteux. 

l'envoy  1 

Princes,  qui  veult  bien  gouverner 
Ses  subgiez,  face  les  doubler, 
Si  qu'ilz  ne  soient  orgueilleux, 
40  Car  par  trop  grant  amour  monstrcr 

En  voit  l'en  maint  desordonner  ; 
Peuples  soit  tousjours  cremeteux. 


V 


MCCXXXIX 

Balade  2. 

(Personne  ne  fait  son  devoir.) 

ous  me  demandez  qu'il  me  semble 
De  ce  monde  :  mauvaisement. 


I.  LENVOY  manque.  —  2.  balade  manque. 

<i.  Malmener.  —  b.   Le  cas  échéant,  pitoyable,  miséricordieux, 
-  c.  Eviter. 


BALADES 


247 


Chascuns  qui  puet  y  pille  ou  emble, 

Nulz  n'y  craint  Dieu  piteusement  ^, 

L'Eglise  n'a  soustenement;  5 

Par  les  gens  d^elle  se  destruit, 

Clergie  et  science  s'en  fuit 

Et  la  prince  veult  tout  avoir, 

Convoitise  est  en  son  grant  bruit, 

Car  nulz  ne  fait  bien  son  devoir.  10 

Le  bien  commun  de  paour  tremble 
Qui  n'a  point  de  defendement; 
Chascuns  qui  puet  argent  assemble, 
Sanz  regarder  quoy  ne  comment, 
Justice  n'a  gouvernement  i5 

336  d     Et  Tun  voisin  a  l'autre  nuit, 

Foy  ne  loy  n'ont  nul  sauf  conduit, 

Pour  ce  ne  s'osent  apparoir. 

Non  pas  encor  aler  de  nuit. 

Car  nulz  ne  fait  bien  son  devoir.  20 

Ce  monde  au  premier  ne  ^  resemble, 

Ou  paix  fut  continuelment; 

Chevalerie  se  dessemble  *, 

Chascuns  vit  orgueilleusement, 

Religion  non  castement,  2  5 

Chascun  a  mal  faire  se  duit  '^, 

Et  tous  vices  sont  introduit 

Tant  que  tout  se  doit  remouvoir 

Et  changer  royaumes,  ce  cuit  '^y 

Car  nulz  ne  fait  bien  son  devoir.  3o 

l'envov  - 

Princes,  Je  tien  certainement 

1.  me.  —  2.  l'envoy  manque. 

a.  Dévotement.  —  b.  De'sunit,  —  c.  S'abandonne.  —  d.  Je  pense. 


24^  BALADES 

Que  tout  se  changera  briefment; 
Je  voy  les  hauls  seigneurs  mouvoir. 
Tout  s'en  rira  ^  en  Orient 
35  Dont  tout  vint  au  commencement, 

Car  nulz  ne  fait  bien  son  devoir. 


MCCXL 

Balade  ^ . 


{Tout  se  perd,  le  monde  et  l'Eglise.) 


Q 


jUE  sont  les  bons  chiefs  devenus 
Des  estas  de  ce  monde  cy  ? 

Quelz  sont  bons  capitains  tenus 

Et  quelz  vraiz  justiciers  aussi? 
5  Ou  sont  les  saiges,  je  vous  pri, 

Qui  entendent  au  bien  publique? 

Je  n'en  sçay  nul  qui  s'i  applique 

Ne  qui  a  ce  bien  commun  vise, 

Fors  a  argent,  or  et  pratique  :  33^  a 

10  Tout  se  pert,  le  monde  et  l'Eglise! 

Ou  sont  les  sains  prelas  reclus. 
Les  religieus  autressi, 
Vierges  et  coniinens  le  plus, 
Et  femmes  mariées  qui 
i5  N'ont  congneu  que  leur  mari 

Sanz  procéder  en  voie  inique, 


I .  BALADE  manque. 
a.  Retournera. 


BALADES  249 

Et  marchans  en  toute  fabrique 

Sanz  parjurer,  pour  convoitise 

De  gaingner?  c'est  une  autentique  : 

Tout  se  pert,  le  monde  et  l'Eglise.  20 

11  n'est  nouvelles  des  vertus, 

De  grâce,  pité  ne  merci  ; 

Vérité  qui  vint  de  lassus  '^ 

N'ose  parler,  et  par  ainsi 

Est  tout  le  bien  commun  péri,  25 

La  loy,  la  foy  seiche  et  éthique, 

Chascun  qui  puet  prant,  hape  et  pique 

Pour  avoir  grant  estât  et  mise; 

C'est  un  périlleux  viatique  : 

Tout  se  pert,  le  monde  et  PEglise.  3o 

'  l'envoy  I 

Princes,  je  me  doubt  que  Jhesus 

En  brief  temps  n'envoyé  ça  jus 

Pour  nos  grans  péchiez  sa  juyse  ^, 

Dont  pécheurs  seront  confondus, 

Se  bien  faire  n'est  remis  sus  ;  35 

Tout  se  pert,  le  monde  et  l'Eglise  2, 

I .  l'envoy  manque.  —  2.  Tout  le  monde  se  pert  et  leglise. 
a.  Là-haut.—  b.  Son  jugement. 


2  5o  BALADES 

MCCXLI 

Balade  ^ 

{Les  exemples  ne  corrigent  personne.) 


D 


ouzEheuressontdeJour,autant  de  nuh,33y  b 
Dont  chascun  a  assez  la  congnoissance 


Ou  doit  avoir,  mais  a  ce  qui  le  nuit 

Ne  pourvoit  nulz,  ne  met  bonne  ordonnance. 

5  Car  de  mourir  est  po  de  souvenance  ; 

Si  voit  chascun  mainte  tumbe  au  moustier 
Ou  telz  gist  mort  qui  vivoit  encor  hier, 
Par  accident  ou  par  mort  de  nature, 
D'aage  trop  grant  qui  le  fait  desvier  ^  : 

lo        Mais  je  n'en  voy  amender  créature. 

Car  par  pechié  convoiteux  sont  destruit, 
Maint  qui  de  mort  soufrir  n'ont  espérance; 
La  court  des  grans  est  uns  essains  qui  bruit, 
Comme  mouches,  en  trop  grant  habondance, 

1 5        Puis  vient  un  vent  qui  les  destruit  et  lance 
Soudainement,  et  les  fait  perillier; 
De  nostre  temps  le  pouons  avisier 
En  divers  lieux,  et  par  saincte  Escripture, 
Dont  l'en  se  dust  moult  tenir  de  pechier: 

20        Mais  je  n'en  voy  amender  créature. 

Convoitise  a  en  maint  royaume  induit 

Les  grans  estas,  maie  perseverence 

Et  povreté,  qui  le  peuple  conduit, 

Car  bien  commun  n'est  plus  en  remembrance. 

I.  BALADE  manque, 
a.  Mourir. 


BALADES  25 1 

Mais  li  vray  Dieux  qui  réserva  vengence,  2  5 

Quant  son  peuple  voult  avoir  roy  premier, 
Dessus  leurs  roys  et  sus  leur  foui  cuidier 
Par  cas  soudains  pugnira  leur  injure. 
Notons  ce  mot,  que  maint  comparront  chier  : 
Mais  je  n'en  voy  amender  créature.  3o 

l'envoy  ^ 

Prince,  on  ne  fait  chascun  jour  que  preschier 
Qu'om  se  vueille  de  péchiez  2  despeschier, 
33-j  c  Pour  paradis  avoir,  qui  tousjours  dure, 

Mais  diables  vient  toudis  pour  Tempeschier, 
Qui  en  fait  mil  en  Enfer  tresbuschier;  35 

Mais  je  n'en  voy  amender  créature. 


MCCXLII 

Balade  3  *. 
[Réponse  à  une  épitre  de  Christine  de  Pisan  ^.] 

MUSE  éloquent  entre  les  .ix.,  Christine, 
Nompareille  que  je  saiche  au  jour  d'ui, 
En  sens  acquis  et  en  toute  dotrine, 
Tu  as  de  Dieu  science  et  non  d'autruy  ; 
Tes  epistres  et  livres,  que  je  luy  ^  5 

En  pluseurs  lieux,  de  grant  philosophie, 
Et  ce  que  tu  m'as  escript  une  fie  '^^ 

'  Publiée  par  Tarbé,  tome  II,  page  1 1 . 

1  .  l'knvoy  manque.  —  2.  de  ses  péchiez.  —  3.  Balade  manque. 

a.  Cette  ballade  fut  adressée  par  Eustache  Deschamps  à  Christine 
de  Pisan  en  réponse  à  une  épitre  de  celle-ci,  datée  du  10  février 
1403.  —  b.  Que  je  lus.  —  c.  Une  fois. 


2  52  BALADES 

Me  font  certain  de  la  grant  habondance 
De  ton  sçavoir  qui  tousjours  monteplie  ^, 
10       Seule  en  tesfaiz  ou  royaume  de  France. 

Dieu  t'a  donné  de  Salemon  le  signe, 
Cuer  ensaignant  qu'il  demanda  de  lui; 
A  l'estude  es,  ou  tu  ensuis  la  ligne 
Du  bon  maistre  Thomas,  que  je  congnuy, 

i5        De  Boulongne  *,  Pizain,  recors  en  suy  : 
Ton  père  fut  docteur  d'astronomie  ; 
Charles  le  Quint,  roy,  ne  l'oublia  mie, 
Mais  le  manda  pour  sa  grant  souffisance, 
Et  tu  l'ensuis  es  .vu.  ars  de  clergie, 

20        Seule  en  tes  faiz  ou  royaume  de  France. 

Ha!  quelle  honeur entre  les  femmes  digne 
Et  les  hommes  !  Pour  aprandre  a  toy  fuy, 
Qui  trop  te  plains  de  la  fausse  racine  ^ 
Dont  le  fruit  fait  a  tout  le  monde  ennuy  ; 

2  5        Par  t'espitre  le  voy,  que  je  reçuy 

Benignement,  dont  cent  foiz  te  mercie  ; 

Mais  plus  a  plain  sçaras  de  ma  partie, 

Qui  en  tous  cas  te  faiz  obéissance,  33y  d 

Le  remède  de  ta  grief  maladie, 

3o       Seule  en  tes  faiz  ou  royaume  de  France. 

l'envoy  ^ 

O  douce  suer,  je,  Eustace,  te  prie, 
Comme  ton  serf,  d'estre  en  ta  compaignie 
Pour  bien  avoir  d'estude  congnoissance; 
Mieulxen  vaudray  tous  les  temps  de  ma  vie, 
35        Car  jo  te  voy,  com  Boece  a  Pavie, 

Seule  en  tes  faiz  ou  royaume  de  France. 

I .  nature.  —  2.  l'envoy  manque. 
a.  Augmente.   —  b.  De  Bologne. 


BALADES  2  53 


MCCXLIII 

Balade  i. 

[L'humanité  avoue  ses  fautes.) 

DE  jour  en  jour  et  d'année  en  année 
De  mal  en  pis  vient  ma  destruction, 
Et  les  péchiez  dont  je  suy  condempnée, 
Perseverans  en  ma  perdicion  : 
Non  craindre  Dieu,  orgueil,  ambicion,  5 

Pechié  de  char,  ravissement  publique, 
Et,  qui  pis  est,  Tort,  vil,  pechié  inique, 
Innaturel  'ï,  que  l'Escripture  nomme 
Sodomita,  dont  Dieu  dire  s'applique: 
«  Je  me  repens  quant  je  fis  onques  homme.  »     lo 

Lasse  1  encor  craim  que  ne  soie  dampnée 

Par  les  fauix  sors  de  divinacion 

Ou  j'ay  creu  contre  la  loy  donnée. 

Et  laissié  Dieu,  par  invocation 

Des  mauvais  ars,  quérir  élection  1 5 

Des  jours  qui  sont  dampnez  en  Tautentique, 

Les  cuidier  bons,  chose  dyabolique  ^  ; 

En  grant  partie  en  fut  destruite  Romme. 

De  ce  dist  Dieux,  pour  tel  voie  erratique  : 

a  Je  me  repens  quant  je  fis  onques  homme.  »    20 

A  Lucifer  suy  trop  habandonnée 

I.  Balade  manque.  —  2.  et  chose  dyabolique, 
a.  Contre  nature. 


2  54  BALADES 

Car  tout  orgueil  est  en  elacion  ^,  338  a 

En  mon  pais  vaine  gloire  est  fondée, 
Convoitise  fait  la  sa  mension  ^, 

25        Les  mauvais  ont  la  dominacion, 

Les  bons  n'ont  rien  ;  chascun  fiert,  point  et  pique. 

Pour  robe  avoir  de  nouvelle  fabrique  ; 

Le  bien  commun  le  plus  puissant  assomme, 

Et  pour  telz  maulx  dist  Dieux  que  l'en  duplique  '^  : 

3o       «  Je  me  repens  quant  je  fis  onques  homme.  > 

l'envoy  ^ 

Prince,  approuchier  voy  ma  mutacion, 
Dont  tu  seras  en  desolacion 
S'a  repentir  Nynive  ne  te  somme  ; 
Corrigons  nous  en  grant  contricion, 
35        Ou  Dieux  tendra  ceste  conclusion  : 

«  Je  me  repens  quant  je  fis  onques  homme.  » 


MCGXLIV 

Balade  ^  *. 
(Les  rois  doivent  être  lettrés.) 

POUR  quoy  dit  l'en  les  .vu.  ars  liberaulx  ? 
Pour  ce  que  nul,  s'il  n'estoit  libéral, 
Noble  homme  et  franc  ou  attrait  des  royaulx, 
Le  temps  passé,  ou  en  especial 

*  Publiée  par  Tarbé,  tome  II,  page  1 8 . 
I .  l'envoy  manque.  —  2.  Baladh  manque. 

a.  Élévation.  —  b.  Sa  demeure.  —  c.  Et  pour  ces  maux  qu'on 
redouble,  Dieu  dit. 


BALADES  255 

Donné  aux  Dieux,  n'osast  en  gênerai  5 

Nulz  de  ces  ars  retenir  ne  aprandre  ; 

Pour  ce  fut  clerc  le  grant  roy  Alixandre, 

Julles  César,  qui  tant  fut  renommé, 

Charles  le  Grant  qui  fist  maint  peuple  rendre  : 

Roy  sanz  lettre  est  comme  asne  couronné.  lo 

En  enfance,  que  leur  sang  estoit  chaux, 
Aprenoient  li  noble  et  ly  royal 
Les  sciences,  les  vertus  cardinaulx, 
Cardans  leurs  corps  de  lésion  de  mal 
338  b  En  jeusne  temps,  puis  furent  a  cheval,  i5 

Fors  et  puissans,  pour  toute  honneur  emprandre; 
Ne  leur  failloit  estrange  conseil  prandre: 
Car  chascun  d'eulx  estoit  saige  et  lettré. 
Autrement  va  ;  s'en  est  maint  règne  mendre  : 
Roy  sanz  lettre  est  comme  asne  couronné.         20 

Moult  conquirent  roys  clers  1  par  leurs  travaulx 

En  cellui  temps,  furent  monarchial 

Pluseurs  d'iceuls;  par  leur  sens,  comme  eaux  ^^ 

Firent  citez,  et  le  bien  communal 

Amerent  tuit  d'amour  bonne  et  loyal,  25 

Et  justice  firent  a  tout  comprandre; 

Princes  non  clers  n'y  ont  voulu  entendre. 

Dont  les  pluseurs  en  sont  déshérité  ; 

Ces  ars  veuillent  tous  les  nobles  reprandre: 

Roy  sanz  lettre  est  comme  asne  couronné.  3o 

l'envoy  2 

Prince,  advisez  voz  enfans  d'aage  tendre  ^ 

De  mettre  aux  ars,mieulx  en  vaudront  leur  membre, 

Et  ne  seront  corrumpu  n'affolé, 

i,  chevaliers,  —  2.  l'envoy  manque.  —  3.  des  aage  tendre. 
a.  Prudents,  bien  avisés. 


2  56  BALADES 

Dont  ilz  pourront  mieulx  leur  peuple  deffendre 
35         Et  gouverner  justement  sans  mesprendre  : 
Roy  sanz  lettre  est  comme  asne  couronné. 


E 


MCCXLV 

Balade  •*. 

[Il  faut  payer  son  hôte.) 

ntre  les  biens  que  l'en  fait  chascun  Jour 
De  charité  et  de  miséricorde, 
Pour  acquérir  de  Jhesucrist  l'amour, 
Si  com  Henry  de  Fyervile  recorde, 

5  Donner  pour  Dieu,  saindre  tbudis  la  corde, 

Et  acomplir  tous  les  commandemens 
De  nostre  loy,  n'est  establissemens 
Qui  vaille  tant,  sanz  faire  maie  toste, 
Que  bien  paier  en  tous  lieux  ses  despens  :    338  c 

lo        Belle  chose  est  de  contenter  son  hoste. 

Car  hostelains  "  reçoivent  a  honneur 
En  leurs  hostelz  maintes  gens,  et  par  ordre. 
Qui  par  long  temps  font  illec  leur  demour, 
Mais  de  paier  leurs  despens  naist  discorde 
i5        Au  départir;  et,  pour  ce,  je  m'acorde 
Que  non  paier  est  uns  ravissemens 
Des  biens  d'autrui,  et  uns  droiz  dampnemens 
Dont  cilz  sera  pugny,  qui  advise  oste; 


•  Publiée  par  Tarbé,  tome  I,  page  68. 

1 .  Balade  manque. 

a.  Ceux  chez  qui  on  loge. 


BALADES  257 

Pandre  ^  ou  rendre  fault,  c'est  drois  jugemens  : 
Belle  chose  est  de  contenter  ~  son  hoste.  20 

Pain,  vin  et  char,  foing,  avoine,  en  destour  ^ 

Convient  avoir,  et  que  litière  s'orde  ^ 

Pour  les  chevaulx,  chandelles  :  quel  labour  ! 

Liz,  draps,  coussins,  cueuvrechiefs;  qui  recorde 

Les  feux  qu'om  fait  et  les  fraiz,  ne  s''amorde  '^    25 

D'ostel  tenir,  les  serviteurs,  les  gens 

Qui  de  servir  ne  sont  pas  diligens  ; 

Ayse  n'est  pas  qui  tel  rostie  tosle  '^; 

Et  qui  acroit  ^,  c'est  uns  doubles  tourmens  : 

Belle  chose  est  de  contenter  son  hoste.  3o 

l'envoy 

Princes,  je  tiens  que  c'est  souverains  sens 

De  bien  paier  sa  despense  en  tous  temps, 

Sanz  acroire  et  sanz  rungier  la  coste 

De  l'ostelain;  garde  y  soyons  prenans. 

Car  paradis  sera  aux  bien  payans  :  35 

Belle  chose  est  de  contenter  son  hoste. 

I.  Prandie.  —  2.  conter. 

a.  En  lieu  écarté.  —  b.  S'ordonne.  —  c.  S'attache,  s'applique.  — 
d.  Qui  fait  griller  une  telle  rôtie.  —  e.  Donner  à  crédit. 


T.  VI  17 


2  58  BALADES 

MCCXLVI 
Autre  Balade. 

COMMENT  l'acteur  s'eXCUSE   DE  FAIRE  AUCUNS   DIZ  AMOUREUX 
POUR  CE  QUE  TOUT  EST  MAL  ORDONNÉ  OU    ROYAUME. 


E 


N  mon  cuer  n'a,  ce  jour  de  May,  verdure,  338  d 
Joye,  déduit  n'amoureus  sentement. 

Pour  quoy?  Pour  ce  que  mainte  créature 

Voy  au  jour  d'ui  en  paine  et  en  tourment, 
5  Ne  je  ne  voy  nul  bon  gouvernement 

Au  bien  commun  ne  en  fait  de  justice; 

De  la  loy  Dieu,  de  la  foy  est  esclipse, 

Division  et  convoitise  est  née 

Entre  pluseurs,  orgueil  et  avarice  : 
10       Toute  chose  est  par  tout  mal  ordenée. 

L'un  a  l'autre  fait  mal,  tort  et  injure  ; 

Pour  extorquer  or,  joyaulx  et  argent. 

On  bat,  on  ment,  on  rapine,  on  parjure; 

En  mains  pais  va  tout  desloyaument, 
1 5        Et  le  plus  fort  en  fait  a  son  talent  ; 

Pité  n'a  lieu,  nulle  amour  n'est  propice, 

Et  Vérité  ne  fait  pas  son  office  ; 

L'Eglise  Dieu  est  par  tout  divisée, 

Vertu  ne  voy  régner,  fors  que  tout  vice  : 
20       Toute  chose  est  par  tout  mal  ordenée  ^ 

Des  prodomraes  anciens  n'a  nulz  cure, 
Reboutez  sont;  l'en  fait  eslectement  ^ 

I.  ordoiincc. 

a.  Election,  choix. 


BALADES  2  09 

Des  non  sachans;  se  telz  temps  longues  dure, 
Et  ce  scet  Dieu,  l'en  verra  bien  comment 
La  fin  sera  et  le  pugnissement  25 

Des  malfaicteurs  et  de  leur  grant  malice, 
Car  en  brief  temps  fault  que  mauvais  perice 
Et  que  bonté  soit  aux  bons  guerdonnée  ^  ; 
C'est  loy  de  Dieu  :  gart  soy  qui  en  mal  glice  : 
Toute  chose  est  par  tout  mal  ordene'e.  3o 

l'envoy 

Prince,  avisez  par  tout  voist^  autrement; 
Nobles  et  clers  et  peuples  ensement  ^ 
33g  a  Crions  mercy.  Soit  no  vie  muée 

En  bonnes  me^rs  et  en  amendement, 

Ou  tout  se  pert  a  nostre  dampnement  :  35 

Toute  chose  est  par  tout  mal  ordenée. 


MCCXLVII 

Balade. 

QUE  CELLUI  EST  DE  BONNE  HEURE  NEZ  QUI  n'a  AU  JOUR  D^UI 
A  LA  COURT  ESTAT  NE  GOUVERNEMENT. 

LE  temps  est  hui  que  de  bonne  heure  est  nez 
Qui  a  court  n'a  gouvernement  n'estât, 
Qui  n'est  juges,  ne  en  chose  ordonnez 
De  quoy  li  puist  sourdre  noise  ou  débat, 

I.  guerredonnee. 

a.  A  ce  que  partout  il  en  aille.  —  b.  Pareillement. 


26o  BALADES 

5  Car,  chascun  jour,  Envie  se  débat 

Pour  desposer  officiers  royaulx 
Et  en  mettre  par  tout  de  si  nouveauix. 
Par  volunté,  sanz  regarder  raison, 
Que  cilz  vit  bien  com  preudoms  et  loyaulx 

lo        Qui  a  de  quoy  pour  vivre  en  sa  maison. 

S'il  lui  souffist,  il  est  reconfortez 
De  non  verser  com  les  autres  de  plat, 
Qui  es  estas  sont  trop  avant  boutez 
Et  puis  en  sont  en  un  seul  moment  mat  ; 

1 5         Fortune  lors  encontr'eulx  se  combat 
Par  le  raport  des  mauvais  desloyaulx  ; 
Receveur  n'est,  trésoriers,  generaulx, 
Qui  ne  versent  a  petit  d'achoison  "  : 
Sur  tous  ces  points  doit  saiges  estre  eaux 

20        Qui  a  de  quoy  pour  vivre  en  sa  maison. 

Et  quant  je  voy  telz  estas  fortunez 
Versez  ainsi,  et  que  Fortune  bat 
Tous  les  meilleurs,  je  suy  entalentez  '' 
De  moy  jamais  bouter  en  cel  esclat, 

2  5         Fors  Dieu  servir  qui  de  moy  fist  rachat, 

Mangier  du  lart,  poys,  fèves  ou  naveaulx  '"j 
Coucher,  lever,  sanz  estre  curiaulx  ^, 
A  mon  pouoir,  pour  avoir  garison  :  33g  b 

Ainsi  faire  le  doit  tous  cuers  feaulx  * 

3o        Qui  a  de  quoy  pour  vivre  en  sa  maison. 

l'envoy 

Princes,  li  homs  est  plus  que  forsennez, 
Qui  du  sien  a,  quant  il  est  telz  menez 


a.  A  la  moindre  occasion.  —  b.  En  disposition.  —  c.  Navets.  — 
d.  Courtisan.  —  c.  Sincère. 


BALADES  261 

Qu'il  s^'asservit  ;  durer  ne  puet  foison  <» 

Par  convoiter;  or  en  soit  destournez 

Tout  noble  cuer,  comme  frans  et  senez  *,  35 

Qui  a  de  quoy  pour  vivre  en  sa  maison. 


MCCXLVIII 


COMMENT    EUSTACE    FUT   MIS    CAUTEMENT    HORS   DE    SON 
BAILLIAGE    DE    SENLIS. 

JE  suis  mis  hors  trop  cautement  ^ 
Du  bailiiaige  de  Senlis, 
Qui  ay  servy  treslonguement 
En  jeunesce;  or  suy  enviellis, 
Sanz  estre  de  nul  mal  reprins  ;  5 

Mais  en  lieu  de  mon  bailiiaige 
Me  fist  Ten  trésorier  sauvaige. 
Qui  fors  .VIII.  jours  ne  me  dura  ; 
Révoquez  fu.  Avisez  la 

Comment  et  a  qui  vous  servez,  10 

Et  ce  moult  valoir  vous  pourra  : 
Je  suy  des  premiers  escossez  ^. 

Ingratitude  me  sousprant, 

Car  les  vaillans  princes  jadis 

Guerdonnoient  tresgrandement  i5 

*  Publiée  par  Tarbé,  tome  II,  page  i6. 

a.  Longtemps.  —  b.  Sensé.  —  c.  Traîtreusement.  —  d.  Ecosse, 
au  fig.  destitué,  déposé. 


202  BALADES 

Ceuls  dont  ilz  furent  bien  servis, 
Et  tindrent,  tant  qu'ils  furent  vis, 
En  leurs  estas,  tel  fut  l'usaige, 
Sanz  changier  ne  faire  dommaige, 
20  Et  pour  ce  1  chascuns  les  ama  ;  33g  c 

Viellesce  ne  les  destourna 
D'estre  de  leurs  estaz  ostez, 
^      Mais  tout  se  change  et  changera  : 
Je  suy  des  premiers  escossez. 

25  Si  l'endurray  paciemment. 

Quant  je  suy  sanz  cause  desmis 

Et  que  j'ay  servy  loyaument  ; 

Par  .XXX,  ans  et  plus,  les  perilz 

De  justicier,  paroles,  cris 
3o  Ay  passez,  souffers  maint  oultraige 

Et  aie  par  maint  dur  voyaige  ^ 

Pour  mes  seigneurs  ;  ce  grevé  m'a, 

Justice  aussi,  qui  nul  port  n'a  ; 

Or  en  suy  trop  mal  guerdonnez. 
35  Advise  a  ces  poins  qui  vouldra  : 

Je  suy  des  premiers  escossez. 

l'envoy 

Prince,  avisez  benignement 
A  mon  fait,  si  qu'aucunement 
Soye  par  vous  rémunérez 
40  D'estat  honourable  ou  d'argent. 

Ou  dire  me  fault  tristement  : 
Je  suy  des  premiers  escossez. 

I.  ce  manque.  —  2.  voyage. 


BALADIÎS  i63 

MCGXLIX 

Balade  morale  *. 


COMMENT  ROBOAM  FUT  DESTRUIT  ET  PERDIT  SON  ROYAUME 
POUR  SA  GRANT  CONVOITISE  ^  POUR  CE  QU'iL  CRUT  LE  CONSEIL 
DES  JEUNES  FOULZ  ET  OULTRECUIDIEZ,  ET  DESPITA  CELLUI 
DES  ANCIENS  PRODOMMES. 

FuiEz,  viellars,  ne  vous  monstrez  jamais, 
Car  Roboan  ne  ne  vous  a  point  en  grâce  ; 
Il  ne  veult  pas  telz  gens  en  son  palays 
33g  d  Ne  ensuit  de  son  père  la  trace  ; 

Aux  Jeunes  foulz  se  déduit  et  soulace  ^,  5 

Prant  et  ravit  par  le  conseil  d'iceulx, 

Croire  ne  veult  les  prodommes  ne  ceulx 

Que  Salomon  avoit  mis  en  office  ; 

De  les  oir  est  fel  et  despiteux  : 

L'en  het  par  tout  droit,  raison  et  justice.  lo 

Par  trop  ravir  fut  en  brief  temps  deffays 
Pour  ses  delis,  du  corps,  pour  sa  menace, 
Car  ses  règnes  *  fut  en  .m.  pars  detrays  <^; 
Jéroboam  les  .11.  pars  en  pourchace, 
Qu'il  tint  pour  lui,  ne  scet  l'autre  qu'il  face  ;     1 5 
Conseil  jeune  qu'il  crut  fist  qu'il  fu  seulx, 
Povre,  indigent,  deshonouré,  honteux. 
Pour  ce  se  ^  doit  chascun  garder  de  vice, 
Mais  au  jour  d'ui  n'est  homme  vertueux  : 

*  Publiée  par  Tarbé,  tome  I,  page  1 1 1, 

I.  convoise.  —  2.  se  manque. 

a.  Se  plaît.  —  b.  Son  royaume.  —  c.  Divisé. 


264  BALADES 

20     ,    L'en  het  par  tout  droit,  raison  et  justice, 

Roy  Baltliazar  qui  fist  les  grans  atrays  ^ 
D'or  et  d'argent  que  sur  subgiez  ^  pourchace, 
Fut  prins  dedenz  en  Babiloine,  mais 
Daire  et  Cyrus,  quant  ilz  prindrent  la  place, 

2  5         Destruirent  tout.  Convoitise  n'embrace 

Princes  mondains,  ne  ravisse  com  ~  leux  *, 
Sur  ses  subgiez  ne  soit  ja  convoiteux. 
Mais  se  garde  d'orgueil  et  d'avarice. 
—  C'est  trop  bien  dit;  or  te  tays,  maleureux  : 

3o        L'en  het  par  tout  droit,  raison  et  justice. 

l'envoy. 

Prince,  advisez  ces  exemples,  tous  deux, 
Les  jugemens  de  Dieu  qui  sont  doubteux, 
Gouvernez  vous,  et  par  bonne  police, 
35        Et  conseilliez  par  les  chevaliers  preux 
Et  les  saiges  anciens  cremeteux  ^  c  ■ 
L'en  het  par  tout  droit,  raison  et  justice. 

I.  sur  ses  subgiez.  —  2.  comme.  —  3.  et  cremeteur. 

a.  Amas.  —  b.  Loups.  —  c.  Craintifs,  réservés,  prudents. 


BALADES  265 

MCCL 

Autre  Balade. 

COMMENT    RAISON    ET    CONSCIENCE  PAILLENT,  ET    EN   LEUR  LIEU 
REGNENT    VOLUNTÉ   ET    FOLE   PLAISANCE. 

340  a  T^uis  que  je  voy  que  Voulenté  domine 
JL      Et  que  Raison  et  Conscience  fault, 
Que  les  plus  grans  sont  enclins  a  rapine, 
Qu'om  eslieve  le  plant  qui  rien  ne  vault, 
Et  que  Justice  en  tous  estas  deffault  ^  5 

Et  faint  ^  par  tout  pour  plaire  a  Voulenté, 
Que  les  saiges  anciens  sont  osté, 
Mis  hors  d'estat,  et  qu^om  les  habandonne, 
Pour  vivre  en  paix  et  en  transquilité, 
Je  prie  a  Dieu  qu'om  ne  m'oste  ne  donne,  10 

Et  que  le  bien  commun  qui  se  décline  <^ 

Par  les  mauvais  qui  trop  luy  font  d'assault, 

Puist  revenir  sanz  aler  en  cuisine 

Et  sanz  garnir  le  chastel  de  Boursault, 

Dont  Convoitise  et  Avarice  sault  "^  ;  1 5 

Estât  d'orgueil  et  de  grant  vanité, 

Péché  de  char,  insexte  «  et  povreté, 

Mainte  au  surplus  dégénèrent  personne. 

Et  pour  telz  maulx  dont  maint  seront  dampné, 

Je  prie  a  Dieu  qu'om  ne  m'oste  ne  donne.         20 

Car  vraieraent  tout  se  destruit  et  mine 

a.  Manque.— è.  Faiblit. —  c.  Qui  s'en  va  —  ti.  Sort.  —  e.  Inceste. 


266  BALADES 

Et  destruira  par  le  pechié  trop  chault 

Dont  Loth  dehors  Sodome  s'achemine, 

Car  il  vendra  pestilence  du  hault, 
25        Soudaine  mort  et  ^  de  prince  default; 

Ainsi  seront  maint  règne  déserté 

Et  en  autruy  lignie  transporté 

Par  folignier  ^  de  la  droicte  couronne  ; 

Dont,  com  vivre  ay  pour  ma  neccessité, 
3o       Je  prie  a  Dieu  qu'om  ne  m'oste  ne  donne. 

l'envoy 

Prince,  pour  ce  que  tout  est  triboulé  ''  840  b 

Et  que  nul  bien  n^est  huy  rémunéré 
Ne  mal  pugny,  mais  est  tout  hors  de  bonne  '^, 
Qui  a  du  sien  si  en  vive  en  bon  gré  ; 
33        Faire  le  vueil,  souffisance  est  plenté  : 

Je  prie  a  Dieu  qu'om  ne  m'oste  ne  donne. 


MCCLI 
Autre  Balade. 

COMMENT  SERVITEURS    DOIVENT    ADVISER     COMMENT    ET    A    QUI 
ILZ  SERVENT  AU  JOUR  d'uY. 

Achascun  dy  qu'il  s'avise  ou  il  sert 
En  jeune  temps,  sanz  perdre  son  service, 
Car  s'a  félon  veult  servir,  il  se  pert. 

I.  et  manque. 

a.  Forligner,  s'écarter.  —  b.  Renversé.  —  c.  Borne 


BALADES  267 

Qui  tel  maistre  sert,  il  est  foui  et  nice  «, 

Car  pour  bien  mal  rent,  c'est  son  droit  office,       5 

Et  en  la  fin  son  servent  destruira 

Quant  prins  le  fruit  de  sa  jeunesce  ara. 

Eschive  ^  aussi  trois  manières  de  gens 

Sanz  les  servir,  qui  tenir  s'en  pourra  : 

Et  qui  sont  ilz?  Femme,  peuple  et  enfans.  10 

En  pluseurs  lieux  de  leur  service  appert. 

Quant  a  femme,  qui  de  mescroire  *  a  vice, 

Maint  serviteur  en  ont  esté  désert  ^ 

Contre  raison  et  par  mauvais  malice  ; 

A  croire  tost  est  en  tous  cas  propice,  1 5 

Et  pour  cent  biens  qu'om  leur  fait  on  y  ^  pert, 

Mais  qui  fauldra  une  foiz,  lors  s'aert  <^ 

En  destruisant  le  service  qu'elle  a, 

Sanz  lui  oir,  du  tout  le  destruira  ; 

Or  se  gardent  d'icelles  tous  servens  20 

Et  des  autres,  ou  leur  fait  périra  : 

Et  quelz  sont  ils?  Femme,  peuple  et  enfans. 

Quant  aux  peuples,  les  choses  prannent  vert  ^ 
Aux  gouverneurs,  plains  de  bonne  police  ; 
En  maint  pais  sont  esmut  et  dispert  ^  25 

340  c  Soudainement  font  leur  bende  et  leur  lice/ 
Contre  les  bons,  et  rendent  bénéfice  s 
De  cruaulté;  par  Boece  apparra. 
Et  des  enfans,  chascun  d'iceulx  rendra 
Paine  pour  fruit  :  Seneque  en  fut  soufrens        3o 
Jusqu'à  la  mort  ou  Noyron  le  mena  : 
Et  quelz  sont  ils?  Femme,  peuple  et  enfans. 


I.  Eschue.  —  2.  déserte.  —  3.  ny. 

a.  Sot.  —  b.  Se  défier.  —  c.  S'adonne,  entreprend.  —  d.  Prennent 
mal.  —  e.  Soulevés.  — /.  Opposition.  —  g.  Récompense. 


208  BALADES 


L  ENVOY 


Prince,  je  croy  qu'a  doleur  finera, 
Du  moins  ie  plus,  qui  telz  gens  servira, 
35        Car  en  eulx  n'a  amour,  pité  ne  sens  ; 
Serve  com  '  moy  enfans,  il  le  sçara, 
Car  destruit  m'ont  ;  or  avisez  tous  la  : 
Et  quelz  sont  ilz?  Femme,  peuple  et  enfans. 


MCCLII 

Balade. 


SUR  LA  SOUDAINE  MUTACION  DES    OFFICIERS   QUI    AU    JOUR    DU! 
SONT  MUEZ  d'office    EN  OFFICE  SANZ  CAUSE  ET  RAISON. 


S 


ELON  la  revolucion 
Du  temps  qui  court  présentement 
En  soudaine  mutacion, 
Sanz  regarder  quoy  ne  comment, 

5  Par  Youlenté,  soudainement 

Suy  muez  d'office  en  office. 
Mais  tousjours  ay  trové  esclipce 
Par  rappeaulx  ^,  dont  je  suis  ostez 
Jusqu'à  cy.  Soiez  moy  propice, 

10  Que  je  ne  soye  révoquez  ? 

Premiers  fut  ma  démission 

I.  comme. 

a.  Appels. 


BALADES  269 

De  bailly,  puis  secondement 
De  trésorier;  tel  mottion  ^ 
M'a  fait  despendre  mon  argent 
340  d     Au  scel,  si  m'en  plaing  durement,  i5 

Cinquante  et  un  sous  ^,  s'en  suy  nice, 
Par  .ni,  fois,  et  n'ay  bénéfice, 
Fors  gênerai,  qui  m'est  donnez 
Par  le  roy,  mais  le  cuer  me  glice  * 
Que  je  ne  soye  révoquez.  20 

Et  la  gist  ma  destruction, 

Qui  ay  servi  treslonguement, 

Et  fault  verificacion, 

Dont  je  fineray  lentement 

Aux  generaulx,  se  prestement  25 

Mes  seigneurs  n'y  font  bende  et  lice  <=  ; 

Car  ceste  matere  est  coulice  '^ 

Quant  a  moy  ;  vos  mains  y  tenez  : 

Faictes  tant  qu'om  ne  m'escondisse  ^, 

Que  je  ne  soye  révoquez.  3o 

l'envoy 

Prince  2,  a  voussuppli  humblement, 

A  mes  seigneurs  semblablement, 

Vos  oncle  ^  et  frère,  que  prenez 

Mon  fait  a  cuer,  et  telemenl 

Que  chascun  voye  clerement  35 

Que  je  ne  soye  révoquez. 


1 .  soult.  —  2.  Princes.  —  3.  oncles. 

a.  Changement.  —  b.   Glisse,  manque.  —  c.   Opposition.  —  d. 
Scabreuse,  douteuse.  —  e.  Qu'on  ne  me  mette  de  côté. 


270  BALADES 

MCCLIII 

Autre  Balade  morale  *. 
d'un  faisant  et  de  son  chien. 


u 


N  paisant  avoit  un  chien 
De  grant  exploit,  jeune  et  puissant, 
Fort  et  hardi,  si  l'ama  bien, 
Car  toute  beste  fut  prenant  «, 

5  Et  si  gardoit  ^  diligemment 

Son  hostel  de  jour  et  de  nuit; 

Manger  lui  fist  de  maint  déduit  *, 

Et  des  loups  son  tropiau  garda.  841  a 

Or  devint  vieulx  ;  lors  le  destruit  : 

10  Quant  fruit  faull,  desserte  '^  s'en  va. 

Son  vivre  en  son  aage  ancien 
Lui  restraint  et  le  va  foulant 
Pour  un  chaiel  '^  qui  ne  vault  rien, 
Dont  le  viel  chien  est  moult  dolent 

i5  Et  dit  :  «  J'ay  perdu  mon  jouvent, 

Qui  cuidoie  cueillir  le  fruit 
De  mon  jeune  temps  ;  or  suy  vuit 
D'avoir  guerdon.  Advisez  la  ; 
Notez  bien  ce  proverbe  tuit  : 

20  Quant  fruit  fault,  desserte  s'en  va.  » 

Bien  yoy  ceste  figure  et  tien  ; 

'  Publiée  par  Crapelet,  page  20  f. 
I  .  Si  gardoit  moult. 

a.  U  attrappait  tout  ce  qu'il  chassait.  —  b.  Lion  gibier.  —  c.  Ré- 
compense. —  d.  Jeune  chien. 


BALADES  271 

Réduire  la  puis  proprement 

A  mon  service,  et  pour  ce  vien 

A  conclure  semblablement  : 

Quant  j'ay  servi  treslonguement,  25 

Lors  vient  ingratitude  et  bruit  ; 

D'estat  me  despointe  et  me  nuit. 

Las  !  ma  viellesce  que  fera  ? 

Bien  puis  dire  com  vray  instruit  : 

Quant  fruit  fault,  desserte  s'en  va.  3o 

l'envov 

Prince,  faictes  faire  autrement 

A  ceuls  qui  servent  loyaument, 

Vostre  règne  mieulx  en  vauldra  ; 

Ne  faictes  com  le  paisant 

Fist  a  son  chien  mauvaisement.  35 

Quant  fruit  fault,  desserte  s'en  va. 


MCCLIV 

Autre  Balade. 

CONTRE    CEULS   QUI    DIENT   QUE    LE    TEMPS   EST   MAUVAIS. 

341  è   Te  voy  pluseurs  parler  improprement, 

cl    Le  temps  blâmer,  dire  qu'il  est  mauvais 
Et  que  meilleur  fut  anciennement, 
Mais  a  leur  dit  ne  m'acorde  jamais  ; 
Car  puis  li  jours  que  le  monde  fu  fais, 
Li  élément,  le  ciel  et  les  planettes, 


272  BALADES 

Et  les  choses  par  les  signes  compleltes. 
En  conjoingnant  selon  leur  mocion, 
Le  temps  tousjours  a  ensuy  ses  mettes  ^^ 
10       Ne  pas  ne  fait  des  gens  mutacion. 

L'air,  la  terre,  le  feu,  mer  ensement  ^, 
Lune  et  souleil  ne  se  deffaillent  mais 
D'eulx  gouverner  selon  leur  mouvement, 
Faire  les  fruiz,  courir  a  grans  eslais  c 

i5        Par  les  climas;  sanz  changer  font  leurs  trais 

Boys,  herbes,  blez,  froit  et  chaut,  les  herbettes, 
Fèves  et  poys,  cholz,  porrées  et  bettes. 
Et  au  surplus  tient  sa  conclusion  : 
Le  temps  tousjours  a  ensuy  ses  mettes 

20       Ne  pas  ne  fait  des  gens  mutacion. 

Mais  les  hommes  de  foui  gouvernement, 
Plains  de  vices  et  de  tresgrans  1  meffais, 
Luxurieus,  convoiteux  sur  argent, 
Qui  ne  veulent  que  riotes  et  plays  ^ 

25         Pour  seignourir,  sont  envers  Dieu  meffais  ; 

Ceuls  se  changent,  le  temps  non  ;  imparfaictes 
Sont  leurs  euvres,  qui  seront  tantost  blettes  ^ 
Pour  recevoir  de  Dieu  pugnicion  : 
Le  temps  tousjours  a  ensuy  ses  mettes, 

3o       Ne  pas  ne  fait  des  gens  mutacion. 

l'envoy 

Princes,  le  temps  ne  change  aucunement, 

Ce  font  les  gens  par  leur  triboulement  ; 

Donc  le  temps  est  dit  mauvais  sanz  raison,    34^^ 

Qui  en  ce  cas  n'a  coulpe  nullement 

1 .  tresgrans  manque. 

a.  Ses  bornes,  ses  mesures.  —  b.  Pareillement.  —  c.  Elans.  — 
d.  Disputes  et  contestations,  —  c.  Mûres. 


BALADES  273 

Et  qui  tousjours  ensuit  le  firmament  35 

Et  obeist  a  ses  choses  subjettes; 
Sanz  retourner  fait  s'opperacion  : 
Le  temps  tousjours  a  ensuy  ses  mettes 
Ne  par  ne  fait  des  gens  mutacion. 


MCCLV 

Balade  *. 


COMMENT   AUCUNS  IMPETRERENT  l'OFFICE  d'eUSTACE,    LUI 
ESTANT  EN  VIE,    EN  DONNANT    ENTENDRE  QUE   IL  ESTOIT  MORT. 

PUIS  qu'om  impetre  mes  offices  par  mort 
Et  on  les  donne  sur  tele  qualité, 
Et  je  me  sen  en  vie,  sain  et  fort, 
Sanz  ce  que  j'aye  en  maladie  esté, 
Il  ne  me  chault  se  les  seaulx  ont  cousté  5 

Aux  impetrans,  qui  ont  fait  leur  folie 
Quant  de  ma  mort  n'eurent  certaineté, 
Car,  Dieux  mercy,  je  suis  en  bonne  vie, 

Et  les  tendray  ^,  qui  ne  me  fera  tort. 

Puis  que  je  vif,  ne  me  seront  osté,  10 

Car  j'ay  servi,  ce  me  donne  confort. 

Deux  roys  des  Frans,  en  toute  loyauté, 

Le  père  et  filz,  Charles,  plains  de  pité, 

*  Publiée  par  Crapelet,page  13g. 
a.  Je  les  garderai. 

T.  VI  18 


274  BALADES 

Loys  qui  tient  d'Orliens  seigneurie, 
i5        Tout  mon  vivant,  ce  m'a  reconforté. 

Car,  Dieux  mercy,  je  suis  i  en  bonne  vie. 

Helas  !  amour  et  congnoissance  ^  dort, 
Convoitise  a  trop  maie  voulenté 
Qui  d'autrui  biens  avoit  fait  sanz  effort 
20        Ains  que  homs  soit  mort  attaint,  rebouté; 
Et,  par  Dieu  !  c'est  un  raim  ''  de  lascheté, 
De  chetif  cuer  et  de  mauvaise  envie 
Dont  mainte  gent  sont  en  mains  lieux  hurté  : 
Car,  Dieux  merci,  je  suis  en  bonne  vie.       34r  d 

l'envoy 

25        Prince,  a  tel  fin  que  ne  soie  assoupé  <^ 
De  mes  estas  que  vous  m'avez  donné, 
Treshumblement  et  de  cuer  vous  supplie, 
Puis  que  je  vif,  que  tout  soit  révoqué; 
Et  lors  seront  mes  impetrans  moqué, 

3o       Car,  Dieu  merci,  je  suis  en  bonne  vie. 

I .  je  suis  manque. 

a.  Reconnaissance.  —  b.  Rameau,  brin.  —  c.  Dépouillé. 


BALADES  275 

MCCLVI 

Autre  Balade. 

DE  LA    CORRUPCION   DE   VIE   HUMAINE, 

JE  ne  sçay  en  la  vie  humaine 
Rien  ou  il  n'ait  corrupcion, 
Et  que  a  la  fin  ne  nous  ^  maine 
Par  temps  et  par  succession 
La  mort,  ne  generacion  5 

Ne  pouoit  durer  par  li,  mais, 
Dont  j'ay  grant  admiracion, 
Envie  ne  mourra  jamais. 

Car,  dès  Adam,  prant  son  demaine 

En  Eve,  et  par  sa  mocion  10 

Ingrade,  d'avarice  plaine, 

Fist  faire  la  transgression 

A  tous  deux,  dont  Dieu  passion 

Reçut  en  croix  pour  nos  meffais  : 

De  vivre  est  en  possession  ;  i5 

Envie  ne  mourra  jamais. 

Tant  a  esté  de  mort  soudaine 

Depuis  celle  creacion, 

Aages  nouveaux,  diluge  et  paine, 

De  règnes  grant  mutacion,  20 

D'empires  renovacion, 

De  roys,  d'empereurs,  clers  et  lays  ^ 

I,  nous  manque,  —  2.  loys. 


276  BALADES 

Qui  sont  mors;  en  conclusion, 

Envie  ne  mourra  jamais.  342  a 

l'envoy 

25  Princes,  selon  m*entencion, 

Les  gens  sont  cause  et  mocion 

D'avoir  Envie  en  leurs  palays  ; 

Povre  vit  en  elacion, 

L'un  mort  prant  en  l'autre  action  : 
3o  Envie  ne  mourra  jamais. 


MCCLVII 
Balade 


AMOUREUSE  ET  DE  CONGNOISSANCE  D  AMOUR. 


D' 


|EPUis  qu'Amour  m'ot  ^  donné  congnoissance 
Et  qu'il  me  voult  son  serviteur  nommer, 
Que  .XVI.  ans  n'oy  ^,  en  lui  prins  tel  plaisance 
Que  tout  mon  cuer  mis  dès  lors  a  amer 

5  Dame  ou  il  n'a  orgueil,  vice  n'amer^ 

Jeune,  gentil,  belle,  bonne,  amoureuse, 
Humble  en  regart,  en  maintien  gracieuse, 
De  qui  je  suy  le  servant  et  seray 
Pour  son  grant  bien  et  sa  vie  joieuse  : 

10        A  tousjours  mais,  comme  ^  siens  l'ameray. 

Car,  dès  .xv.  ans,  qu'elle  ot  en  son  enfance, 

I.  mon.  —  3.  cotn. 

a.  Je  n'avais  que  seize  ans 


BALADES  277 

Lui  plut  a  moy  le  nom  d'ami  donner 

Et  Je  lui  fis  com  serfs  obéissance 

Et  lui  promis  de  son  honeur  garder, 

Et  elle  m'a  fait  venir  et  aler,  1 5 

Cerchier  maint  lieu,  aventure  doubteuse 

En  maint  pais,  et  chose  adventureuse, 

Et  par  ma  fay  **,  se  bien  ou  renom  ay, 

Tout  vient  de  lui,  c'est  m'amour  précieuse  : 

A  tousjours  mais  comme  siens  l'ameray.  20 

Mais  en  mon  cuer  ay  trop  grant  desplaisance 
Que  si  loings  suy  de  son  viaire  cler  *, 
342  b  Hors  des  marches  ou  est  sa  demourance, 
Qu'oir  ne  puis  son  gracieus  parler  ; 
Ce  jour  de  may,  que  la  deusse  honourer,  25 

Soit  souvenant  de  mon  fait  et  piteuse  3 
Et  ne  me  soit,  se  loing  suy,  oublieuse. 
Car  se  Dieu  plaist,  briefment  la  reverray. 
Comme  celle  qui  fait  ma  vie  eureuse  : 
A  tousjours  mais  comme  siens  l'ameray.  3o 

l'envoy 

Prince,  on  ne  puet  deçà  ne  delà  mer 

Nulle  dame  quérir  ne  reclamer 

Ou  il  ait  plus  d'onneur  que  li  en  sçay. 

Or  me  doint  Dieux  a  joye  retourner 

Briefment  vers  li,  car  sanz  mon  cuer  muer         35 

A  tousjours  mais  comme  siens  l'ameray. 

a.  Par  ma  foi! —  b.  De  son  clair  visage.  —  c.  Compatissante. 


278  BALADES 

MCGLVIII 

Balade. 

QUE  IL   n'est  riens  QUI   VAILLE   FRANCHISE. 

VOUS  qui  avez  chox,  pois,  fèves  et  lart, 
Saille  ^,  forment  ou  pain  d'orge  a  mangier, 
Par  vo  labour,  et  pouez  tost  ou  tart. 
Et  franchement  lever,  dormir,  veillier, 

5  Ne  vueilliez  pas  vo  franchise  avillier  * 

Pour  estât  nul,  com  font  les  curriaulx 
Ne  pour  vivre  de  précieux  morsiaulx 
Ou  Ja  mort  gist  par  convoiteuse  envie, 
Mais  mangez,  frans,  fruiz,  laitues,  poreaulx, 

10       Car  il  n'est  riens  qui  vaille  franche  vie. 

Qui  sert  il  fault  toujours  avoir  regart 
A  son  seigneur,  pour  son  corps  avancier, 
Que  de  meffaire  et  du  courcer  se  gart 
Et  qu'il  soit  prest  de  toudis  traveillier 

1 5        A  son  vouloir,  ou  pas  ne  l'ara  chier  ; 
Et  s'en  grâce  est,  envie  aura  de  ceaulx 
Qui  sont  a  court;  frans  garder  les  pourceaulx  342  c 
Lui  vauldroit  mieulx  qu'en  serve  seignourie 
User  son  corps  soubz  les  biens  desloyaulx, 

20        Car  il  n'est  riens  qui  vaille  franche  vie. 

Par  asservir  franchise  se  départ  <^ 

Quant  il  la  fault  vivre  en  autrui  dangier, 

a.  Seigle.  —  b.  Avilir,  mépriser.  —  c.  Se  perd. 


BALADES  279 

Qui  faim  et  soif  mainte  foiz  lui  repart; 

Ce  lui  fait  lors  ses  qualitez  changier 

Et  de  la  mort  ains  son  terme  approchier.  2  5 

La  vie  est  brief  des  grans  et  des  royaulx, 

Si  vault  bien  ^  mieulx  frans  mangier  ses  naveaulx, 

Joieux  de  cuer,  et  boire  eaue  jolie, 

Que  vivre  sers,  tristes,  plains  de  joyaulx, 

Car  il  n'est  riens  qui  vaille  franche  vie.  3o 

l'envoy 

Prince,  trésors,  richesce  ^  a  granz  monceaulx, 

Or  et  argent,  saintures  et  chapeaulx 

Ne  valent  pas  une  pomme  pourrie 

Qui  n'est  joieux,  frans,  humbles  et  loyaux  : 

Vive  donc  frans  qui  puet,  c'est  li  plus  beaux,     35 

Car  il  n'est  riens  qui  vaille  franche  vie. 


MCCLIX 
Autre  Balade. 

DE  CAHYMANS  ^  ET  DE  COQUINS  *. 

A  Dieu  me  plaing  et  a  ses  sains, 
A  toutes  gens  de  saincte  Eglise, 
De  ces  faulx  caymans,  villains, 
Truans,  coquins,  qui  par  faintise 
Faingnent  maulx  et  en  mainte  guise 
En  ces  moustiers,  et  font  tel  presse 

I.  bien  manque.  —2.  richesses. 
a.  Mendiants.  —  b.  Gueux. 


28o  BALADES 

Qu'a  paine  y  puet  Ten  oir  messe 
Ne  avoir  sa  devocion  ; 

Grant  pechié  fait  qui  les  y  lesse  :  342  d 

10  Que  n'en  fait  l'en  pugnicion  ? 

Car  les  larrons,  ribaulx,  sont  sains 

Qui  par  sang,  herbes,  autre  mise 

Sur  drapiaux,  font  sembler  mehains  <» 

A  pluseurs,  et  par  leur  emprinse 
i5  Est  Dieu  robe;  soubz  leur  chemise 

Sont  bien  nourris  et  plains  de  cresse  *; 

Soient  traiz  hors  a  une  lesse 

Du  temple  ou  font  polucion  ; 

Grant  pechié  fait  qui  les  y  lesse  : 
20  Qui  n'en  fait  l'en  pugnicion? 

De  maquerelles,  de  putains, 

Truandes,  qui  font  leur  divise  «^ 

De  porter  enfans  en  leurs  mains 

Et  d'empeschier  le  saint  servise 
25  Par  truander  ^;  or  y  advise 

Chascun  endroit  soy,  tant  que  cesse, 

Par  non  donner  et  par  destresse, 

Es  moustiers  tele  abusion  ^  \ 

Grant  pechié  fait  qui  les  y  lesse  : 
3o  Qui  n'en  fait  l'en  pugnicion? 

l'envoy 

Prince  et  prelas,  soiez  certains 
Que  caymans  seront  ratains  /, 
Truans,  truandes,  s'on  les  presse 
A  cours  bâtons  de  gros  neux  plains  ; 
35  Lors  seront  de  leurs  maulx  restrains  g. 

a.  Blessures.  —  b.  Graisse.  —  c.  Plan,  dessein.  —  d.  Mendier. 
—  e.  Abus,  usurpation.  — /.  Attrapés.  —  g.  Guéris. 


BALADES  201 


Et  fuiront  vostre  région  ; 
Grant  pechié  fait  qui  les  y  lesse 
Que  n'en  fait  l'en  pugnicion  ? 


MCCLX 

Dictié  1 

EN    LATIN. 


f Contre  le  schisme  de  l'Eglise.) 

343  a      O  OL  refulgenSy  vos,  septem planète ^ 
O  Mercurius,  Jupiter  et  Luna, 
Saturnus^  Mars  Venusque,  videte 
Quis  ex  vobis  vult  regnare  una, 
Non  2  bénigne,  sed  tamquam  carmina,  5 

Seminando  orbi  zin^anniam 
Et  ubique  puram  symoniam, 
Perdens  legem.  Heu!  Jhesu  Criste, 
Nunquam  visusfuit  error  iste, 
Et  totum  hoc  fit  3  per  superbiam  !  i  o 

Regnum  lune  est  frigidissimum, 

Pessimumque  contra  caritatem-, 

In  regendo  querit  Anticristum, 

Et  thesauros  per  cupiditatem 

Reservabit  pro  eo;  etatem  i5 

Mundi  ex  nunc  habemus  septimum 

Miliare  etfinem  ultimum 

Regiminis  lune  orbitatem. 

Recidamus  ab  hoc  regimine 

i.  Autre  Balade.  —  2,  nom.  —  3.  fuit. 


2^2 


BALADES 


20        .  Per  quodfiunt  plorantes  anime 
Et  corpora  per  divisiones; 
Beatus  vir,  et  beatissime 
Qui  poterunt  legem  firmissime 
Et  beati,  tenere,  principes  ; 

25  Maledicti  autem  participes 

Hujiis  legis,  quia  sine  fine 
Cruciantur  in  gehennis  igné  : 
Advertant  nunc  ad  ea  magnâtes. 


T 


MCCLXI 

Autre  Dictié 

EN  LATIN. 

(Même  sujet.) 

'erra  tremit,  aer  corrumpitury 
Plangit  aqua,  lignum  minuitur, 

Omne  germen  et  volatilia, 

Ignis  calorfere  afficitur  ; 
5  Tempus,  silve,  prata.,  ut  dicitur,  343  b 

Variantur,  et  animalia, 

Fructus  terre  et  corporalia; 

Hujus  causa  est  quod  non  oritur 

Sol  ut  solet,ymo  eclipsatur  : 
lo  Patet  enimper  temporalia. 

Refrigescit  hodie  caritas, 
Cessât  honor,  oditur  veritas, 
Superbia  régnât,  magnitudo, 
Cupiditas,  omnis  crudelitas 
ï5  Monarchiam  mundi  destruendo, 


BALADES  283 

Verbum  istud  currit  :  emo,  vendo  ; 

Ab  hoc  verbo  procedit  dignitas ; 

Divisio  solis,  non  unitas 

Nunc  promovet  plures  prophanendo 

Qui  nescirent  declinare  :  das,  do.  20 

Ecclesie  hec  est  diformitas. 

Sol  numerum  pluralem  non  habet  ; 

Et,  si  duo,  claritate  caret 

Unus  quidem  illorum  duorum. 

Petrus  solus  obtinere  solet  25 

Sedem  Dei,  non  duo  :  sic  patet 

Divisio  cathedre  malorum. 

Fiat  pastor  unus,  non  amborum  ; 

Omnis  clerus  hoc  ^  scisma  reformet  : 

Principatus  in  hoc  hos  adjuvet,  3o 

Reformando  nunc  sancta  sanctorum 

Et  béate  sunt  ^  anime  quorum 

Electio  canonica  fiet. 


MCCLXII 

Balade. 


COMMENT    BRENNYUS    ASSIEGA   LE   CAPITOLE    DE    ROMME 
ET    COMMENT    IL    FONDA   .VI.    CITEZ,    DONT    MILAN    EST    l'uNE. 


343  c  13  AR  trois  cens  ans  .lx.  et  .mi.  après 

L      Que  Romme  fut  de  Romulus  fondée 
Brennyus,  dus,  et  de  Sueve  attrès, 
Princes  de  Sens  des  Gaulx  de  la  contrée 


I.  hoc  manque.  —  2.  sur  t. 


284  BALADES 

5  Romme  destruit,  la  jouvente  ^  a  tuée 

Et  Fabius  le  consul  desconfit 

En  bataille,  le  Capitole  assit  *  ; 

De  mil  livres  se  firent  tributaire 

Ceuls  de  dedenz,  et  fut  leur  grant  profit  : 
10       Brennyus  fut  princes  de  hault  affaire. 

Car  en  ces  temps  fist  ^  merveilleux  conquests 
Pour  exaucier  Sens  et  sa  renommée, 
Les  Gaulx  aussi,  dont  le  mémoire  est  frès; 
Fist  .VI.  citez  ;  chacune  a  ordonnée 

1 5        En  divers  lieux  :  l'une  est  Milan  nommée, 
Senogale,  Brixe,  Veronne,  et  dit 
Cilz  qui  ses  faiz  et  sa  vie  descript 
Que  Sene  voult  en  Toscanne  parfaire, 
Et  Pavie  que  sur  le  Pol  assit  : 

20        Brennyus  fut  princes  de  hault  affaire. 

Ses  gens  furent  tousjours  aux  armes  près 
Cent  mil  en  ot  toudis  en  son  armée, 
Jeunes  et  fors,  armez  de  bons  harnès, 
Qui  conquirent  mainte  terre  a  l'espée  ; 

25        Par  eulx  fut  lors  Ytale  subjuguée, 
Grèce  depuis,  .n^  mil  Gaulx  y  mit 
Et  de  leur  nom  furent  Galathas  dit  ; 
De  tout  pais  lui  vouldrent  treu  ^  faire. 
Puis  en  Delphos  ala,  ce  le  honnit  : 

3o       Brennyus  fut  princes  de  hault  affaire. 

l'envoy 

Princes,  par  tout  doit  estre  recitez 
Ly  noms  Brennyus  qui  fonda  six  citez 

I .  temps  fist  manque. 

a.  La  jeunesse.  —  b.  Assiégea.  —  c.  Tribut. 


BALADES  285 

343  d  Que  cy  dessus  avez  oy  retraire 

Par  qui  Rommains  furent  déshéritez, 

Grèce  et  mains  lieux  soubmis  et  conquestez  :     35 

Brennyus  fut  princes  de  hault  affaire. 


MGGLXIII 
Balade. 

DU  BIEN  COMMUN  AMER. 

LE  bien  commun  doit  tout  homme  garder 
Et  préférer  devant  touz  autres  biens. 
Qu'est  bien  commun?  Ce  qui  puet  regarder 
Proufit  de  tous,  jeunes  et  anciens, 
Garder  la  loy,  son  pais  et  les  siens,  5 

Justice  avoir,  sur  tout  mettre  ordonnance  1, 
Un  pris,  un  poys,  une  aulne,  une  balance, 
Mesure  aussi,  et  délivrer  tout  un 
Aux  achateurs,  sanz  faire  decevance  ; 
Ainsi  se  doit  garder  le  bien  commun.  10 

Places  convient  pour  vendre  et  achater 

Les  derrées  '',  bons  regars  *  et  science. 

Si  c'om  ne  puist  ce  bien  commun  frauder, 

Pugnir  tous  ceuls  a  lui  contrariens, 

Entendre  aux  arts,  estre  praticiens  i5 

De  gouverner  du  peuple  la  chevance, 

Sanz  retenir,  mais  de  toute  puissance 

I .  mettre  en  ordonnance. 

a.  Denrées.  —  b.  Bonne  appréciation. 


286  BALADES 

Et  loyaument  la  maintiengne  chascun, 
En  remployant  pour  franchise  et  croissance  : 
20       Ainsi  se  doit  garder  le  bien  commun 

Ou  chascun  part  ^,  mais  en  particulier 
Ne  part  c'un  seul;  cilz  runge  comme  chiens 
Le  bien  commun  quant  il  veuit  convoiter 
Et  amasser,  lors  n'est  telz  communs  riens, 

2  5        Mais  est  destruit  comme  furent  Troyens 
Par  Eneas  qui  convoita  finance  : 
Contre  ce  bien  fist  aux  Grecs  aliance. 
Or  nous  gardons  de  ce  convoiteux  flum  *      344  ^ 
En  deffendant  ce  bien  jusqu^a  oultrance  : 

3o       Ainsi  se  doit  garder  le  bien  commun. 

l'envoy 

Prince,  advisez  des  Rommains  la  vaillance, 
Car  tant  eurent  ce  bien  en  remembrance 
Qu'onques  foulez  ne  fut  entr'eulx  d'aucun, 
Mais  fut  long  temps  gardé  en  tel  doubtance 
35        Que  tout  mirent  a  leur  obéissance  : 
Ainsi  se  doit  garder  le  bien  commun. 

a.  Dont  chacun  a  sa  part.  — -  b.  Fleuve,  courant. 


BALADES  287 

MCCLXIV 

Rondeau. 
(Sur  le  même  sujet.) 

SUR  tous  les  biens  de  ceste  vie  humaine 
A  préférer  fait  la  chose  publique 
Qui  pour  chascun  en  gênerai  s'applique. 

Gardée  fut  fort  de  la  gent  rommaine 

En  leur  cité,  en  la  guerre  pugnique  :  5 

Sur  tous  les  biens  de  ceste  vie  humaine 

A  préférer  fait  la  chose  publique  1. 

Tant  l'amerent,  tant  en  prindrent  de  paine 

En  divers  lieux,  en  Espaingne,  en  Aufrique 

Et  autre  part,  qu'aparoir  nous  puet,  si  que         10 

Sur  tous  les  biens  de  ceste  vie  humaine 

A  préférer  fait  la  chose  publique 

Qui  pour  chascun  en  gênerai  s'applique. 

I .  Sur  tous  les  biens  etc. 


288  BALADES 

MCCLXV 
Autre  Balade. 


COMMENT  ROBIN  CRIE  MERCY  A  FRANCHISE. 


T 


'reshumblement  vous  vueil  crier  mercy 
Et  retourner  en  vostre  seignourie 
Dont  franc  me  suy  folement  departy. 
—  Et  qui  es  tu?  Dy  le  moy,  je  te  prie. 

5  —  Je  suy  Robins,  nez  de  franche  lignie, 

Du  droit  du  ciel  naturel  premerain;  344  b 

Or  me  suis  fait  serf,  convoiteux,  villain, 

Pour  robe  avoir,  vin,  viande  et  estât; 

Bien  a  trente  ans  ne  goustay  de  franc  pain  : 

10        Foulz  est  li  homs  qui  servitude  bat. 

Las!  Quant  de  vous,  ma  dame,  me  party 
Frans  vivoie  de  pain  et  de  boullie, 
Tout  m'estoit  bon,  tourment  n'oy  <»  ne  souffry 
N'encontre  moy  ne  régna  nulle  envie; 

i5        Es  boys  couchay  soubz  la  franche  fueiilie, 
De  douce  eaue  buvoye,  soir  et  main, 
J'estoye  liez,  gaiz,  amoureux  et  sain, 
Envie  adonc  ne  me  fist  nul  débat; 
L'orde  salle  m'a  bracé  ce  levain  : 

20        Foulz  est  li  homs  qui  servitude  bat. 

Or  vueil  laissier  ce  qui  m'a  asservy, 
Estât  mondain  et  convoiteuse  vie, 
Les  vanitez  ou  trop  fu  endormy, 

a.  Je  n'eus. 


BALADES  289 

Qui  en  paour  m'ont  ouvert  ma  folie, 

Je  n'ay  puis  bien  fors  que  merancolie,  25 

Tristece  au  cuer,  pour  le  nom  d'oneur  vain. 

Tout  rent  dès  cy  servitude  en  sa  main, 

Qui  aux  frans  cuers  chascun  jour  se  combat. 

Frans  vueil  mangier  doresnavant  mon  grain  : 

Foulz  est  li  homs  qui  servitude  bat.  3o 

l'envoy 

O  franc  Robert,  je  te  voy  esbahy, 

Et  les  causes  du  vouloir  et  par  qui 

Convoiteux  homs  en  grant  péril  s'embat; 

Je  te  reçoy  :  puis  que  t'es  repenty. 

De  ton  labour  frans  a  tousjours  mais  vy  :  35 

Foulz  est  li  homs  qui  servitude  bat. 


T  VI  19 


APPENDICE 


I 


Le  manuscrit  822  de  la  bibliothèque  de  Toulouse 
dont  il  a  été  déjà  question  au  tome  III  de  cette  édition 
(p.  xv-xxj),  contient  aux  folios  io5  v°  et  106  r^  deux 
ballades  publiées  dans  le  t.  VI. 

En  voici  les  variantes  : 

Balade  MGLXV. 
25.  Afin  qu'il  puist  ses  grans  faiz  achever. 

Balade  MGLXVII. 
16.  Mais  ail  rebours  voy  retourner  la  dance. 


II 


Le  département  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
nationale  a  acquis  dernièrement  un  cahier  incomplet 
de  6  feuillets  de  parchemin,  numérotés  de  25  à  27  et 


292  APPENDICE 

de  3o  à  32.  Ce  manuscrit  (nouv.  acq.  fr.  6235),  écrit 
à  la  fin  du  xiv^  siècle  ou  au  commencement  du  xv*, 
est  composé  de  1 5  pièces  de  poésie,  qui  sont  très  pro- 
bablement toutes  d'Eustache  Deschamps,  bien  que  les 
n°*  6,  9  et  I  5  ne  se  trouvent  pas  dans  le  ms.  de  la  Bi- 
bliothèque nationale  fr.  840,  base  de  notre  édition. 

Toutes  ces  pièces,  sauf  celles  qui  ne  figurent  pas  dans 
le  ms.  fr.  840,  ont  déjà  été  publiées  par  nous.  Voici  le 
détail  de  ce  nouveau  manuscrit  : 


1.  Virelai  (le  commencement  manque)  : 

[Je  veil  prendre  reconfort]  fol.  25. 

(T.  IV,  p.  14.) 

2.  Balade  de  moralité  : 

Temps  de  douleur  et  de  temptacion... 
Age  en  tristeur  qui  abrège  la  vie.  Ih. 

(T.  I,  p.  I  i3-i  14.) 

3.  Sote  balade  : 

Trop  me  merveille  et  me  complains...  2  5  verso. 
Bon  fait  jurer  l'ame  son  père. 
(T.  IV,  p.  322-323.) 

4.  Balade  de  moralité  : 

Quatre  elemens  sont  en  conclusion. . .  26 

Mortalité,  tempest,  guerre  et  famine. 
(T.  I,  p.  220-221.) 

5.  [Balade]  amoureuse  a  .11.  visages  : 

Secourez  moy?  —  Dequoy  ?  —  Des  maulx  d'amer... 

26  verso. 
Dont  sont  ce  maux  que  nulz  ne  puet  garir. 
(T.  III,  p.  229-230.) 


â 


APPENDICE  293 

6.  Pièce  de  12  vers,  en  rimes  plates,  qui  est  nommée  rondel  par 
le  manuscrit,  mais  n'en  est  pas  un  : 

ATuys!  ouvrez!  — Qu'aportez?  —  Rien...  27. 

7.  Balade  de  moralité  : 

Puissans,  qui  n'a  nulle  puissance. . .  Ib. 

Avise  qu'il  te  faut  mourir. 
(T.  I,p.  181-182.) 

8.  Sote  balade  (la  tin  manque)  : 

Pour  Dieu,  se  je  ne  vois  voler...  27  verso. 

Mauvais  y  fait,  ce  dit  Eustace. 
(T.  IV,  p.  319-320.) 

9.  [Balade]  (le  commencement  manque)  : 

Qui  trop  roide  est,  il  brisera  souvent.  3o. 

10.  Balade  morale  : 

Ou  hault  sommet  de  la  haulte  montaigne...     Ib, 
Benoit  de  Dieu  est  qui  tient  le  moien. 
(T.  I,  p.  185.186.) 

1 1 .  Ghançon  royal  : 

Samuel  fist  jadis  de  Saul  roy...  3o  verso. 

Par  le  doulx  son  de  la  harpe  joyeuse. 
(T.  III,  p.  43-44.) 

12.  Balade  de  moralité  : 

Je  mercy  Dieu  de  ses  biens,  de  sa  grâce...         3 1 . 
Jamais  ne  quier  suir  guerre  ne  ost. 
(T.  I,  p.  78-79-) 

13.  Poeterie  [ballade]  : 

De  Nepturus  et  de  Glaucus  me  plain...  3i  verso. 
Contre  les  vens  ne  puet  nulz  de  la  mer. 
(T.  I,  p.  80-81.) 

14.  Balade  de  moralité  : 

Qui  vuet  vivre  paisiblement...  32. 

Sanz  veoir,  oir  ne  parler. 
(T.  I,  p.  186-186.) 


294  APPENDICE 

15.  Chançon  royal  (la  fin  manque)  : 
En  mon  dormant,  n'a c'unpo,  mesembloit...  32  verso. 
Qui  paour  a  en  grant  tristesse  vit. 

Voici  les  variantes  fournies  par  ce  manuscrit  pour 
les  pièces  déjà  publiées  dans  notre  édition  : 


TOME  1er 


Balade  VII. 

7.  Par  lesquelz  a  tout  son  gouvernement 
9.  Et  puis  c'on  y  muert  si  /rf?5soudainement 
14.  Contre  raison  son  proiichain  a  mort  lance 
24   Les  mesfaicteurs  qui  font  perceverence. 


Balade  VIII. 

I.  De  Nepturus  et  de  Glancus  me  plain 
3.  Et  de  llus  dieu  des  vens^  le  villain 
7.  En  escient  que  mon  passage  cesse 
10.  Et  obscurcir,  Jupiter  me  couresse 
21.  Pour  bien  parler,  de  Venus  la  proesse 
23.  Cause  ne  suy  se  mon  fait  se  Jelesse. 


Balade  XXXI. 

3.  Temps  de  langueur,  temps  de  dampnacion 
i5.  Temps  séducteur,  empêtre  sauvement 
18.  Ages  en  pueur,  qui  tous  biens  comprent. 


APPENDICE  295 


Balade  LXXIX. 


I.  Puissans  qui  n'a  nulle  puissance 
10.  Du  monde,  et  si  es  ignocens 
I  T.  Toy  ne  tantost  ta  mort  commence 
12.  Tes  âges  est  a  brieftesans. 


Balade  LXXXII. 

4.  Ne  ou  bas  lieu  ne  la  doit  on  pas  lier 
1  3.  Du  haut  au  bas  le  convient  abessier. 


Balade  LXXXIII. 

4.  Si  com  taupe  les  yeux  dehors 
9.  S'il  oit  de  nul  le  parlement 
22.  Si  non  pour  lui  vueille  cesser. 

Balade  GVII. 

I.  Quatre  elemens  sont  en  conclusion 
7.  Chascuns  mauvais  sentence  ensuit  doubteuse 
12.  Aux  bons  promet  tous  biens,  vie  joieuse 
19.  Tempest  aussi  et  (la  fin  du  vers  manque). 


TOM  E  III. 


Balade  GGGXXXV. 

19.  Par  Israël  (Adam  manque)  lasche  de  foy 
23.  Par  Gabriel  Marie  s'aombra 
29.  Eva,  ave;  ce  pechié  repara. 


296  APPENDICE 


Balade   GGCGXXV. 

9.  Si  fait.  —  Comment?  —  Par  doulx  confort  donner 
i3.  Offrir  celui  qui  se  veue  et  enrage 
18,  C'est  voir,  dame,  pour  ce  quier  vo  mesnage 
22.  Pour  doulx  ottroy  puet  ma  langour  fenir 
26.  Et  qui?  —  D'Amours  qui  doit  amans  merir. 


TOME  IV. 


Virelay  DLVIII. 

I_q.    (Le  commencement  manque  par  suite  de  l'arrachement  du 
feuillet.) 

16.  Dont  pour  les  griez  maulx  que  je  port 

17.  Après  ce  vers  le  ms.  ajoute  deux  sixains  : 

Dieux  scet  par  qui  s'a  esté 

Et  la  grant  desloyauté 

Faicte  au  feble  par  le  fort,  20 

Le  péril  ou  j'ay  esté 

Par  puissance  sanz  pité. 

Bien  près  jusques  a  la  mort; 

Dont  ceulx  puissent  estre  mort 
Villainement  sanz  ressort,  25 

Voyant  tout  leur  parante 
Qui  m'ont  fait  tel  faulceté  ! 
Ainsi  soit  pour  mon  confort  ! 
Je  vueil  [prendre  reconfort.] 

Balade  DGGGV. 

2.  Et  chassier  si  com  je  souloie 

4.  Car  rien  faire  a  droit  n'y  pourroie 


APPENDICE  297 

5.  Se  je  vois  près  tantost  anqye 
7.  L'en  m'escrie  :  «  Arrier,  dyable  j'  ait  part 
20.  (La  fin  manque  par  suite  de  l'arrachement.) 


Balade  DGGGVII. 

9.  De  pluseurs  entans  est  tout  plains 
10.  Li  riches  pères  qui  desnye. 


III 


Le  Bulletin  de  la  Société  des  Anciens  Textes  finan- 
çais de  1889  (t.  XV,  p.  98-1 14)  contient  une  notice 
de  M.  C.  Couderc  sur  le  manuscrit  249  de  la  biblio- 
thèque de  Clermont-Ferrand,  qui  renferme  un  assez 
grand  nombre  de  poésies  d'Eustache  Deschamps. 

Nous  renvoyons  le  lecteur  à  cette  notice  pour  le  dé- 
tail du  manuscrit  et  nous  donnons  ci-dessous  les  va- 
riantes qu'il  offre  pour  les  différentes  pièces  déjà  pu- 
bliées dans  notre  édition. 


TOME  1er. 


Balade  XGVI. 

3.  Vertu,  Congnoyssance  ef  Prouescc 
12.  Sur  luy  n'avoit  lors  Tirannie 
14.  L'on  ne  tuoit  ne  pillioit  riens. 


?9^  APPENDICE 


Balade  XGIX. 

17.  Vos  parler  soit  tous  jours  tenus  en  voir 
23.  Saiges  tenés  les  anciens  et  les  preux. 
L'Envoi  manque. 

Balade  GV. 

7.  Et  redoubtés  ^owr  leurs  meffais. 
20.  Je  reny  Dé  :  Betes  hor  fais. 


TOME    II. 


Balade  GXGVri. 

3.  Vostre  vie^oMr  servir  longuement 

7.  Qu'on  ne  voie  languir  et  perillier 

8.  Pour  ce  dit  hon  :  Quant  avoir  vient,  cuer  fault 

De  même  aux  vers  16,  24  et  28. 
I  7.  Las  !  quant  adquis  ount  tout  soubdainement 
21.  Jeunesse,  las!  ne  font  que  souhaidier 
23.  En  languissant  va  leur  vie  au  moustier. 

Balade  GXGVIII. 

2.  Et  en  mourant  nous  vivons  chascun  jour 

9.  L'un  tue  l'autre  par  aguet  et  envie 

12.  (Et  manque)  l'autre  ch'iet par  planchier  ou  de  tour 
i5.  En  cest  monde  n'a  que  poine  et  tristour 

17.  Au  mieux  venir,  un  homme  ne  vit  mie 

18.  Que.  Ixx.  ans,  oultre  n'a  yl  retour 

19.  Dont  il  languist  en  la  greigneur  partie 
23.  Mais  de  i'eure  ne  scet  nul  la  tristour. 


APPENDICE 


T  O  iM  E     III. 


299 


Balade  GGCXVIII  (et  GGGXGVII)  '. 

2.  Qui  cheruyoient  a  une  grande  arée 
32.  Et  ret  le  cuir,  sa  rante  et  mal  fondée 
33    La  beste  muert  ;  riens  ne  demeure  au  pal 
5  2.  Qui  pour  raison  (son  bestail  manque)  il  tondroit 
53.  Quant  il  seroit  tamps  et  lieux  et  mestierz 
53.  Et  au  besoing  nulle  rien  n'en  ressoit. 

Balade  GGCL. 

1.  Juc  a  l'antrée  de  ce  Mardy  le  Gras 

2.  En  charnatge,  nous  serons  asallis 

7.  Veaulx  (et  wa«^«e)  aigneus,  conins,perdris,  chapons 
i5.  Noix,  poires,  pommes  et  pain  faitis 

18.  Matin  lever  por  aler  en  labourage 
35.  .  Vil .  semmaines  sera  ce  sietge  mis 
42.  ^ovve,  honteux,  tristes  Qi  àtscon^s. 

Balade  GGGLXVIII. 

4.  .Iules  César  (et  manque),  Hector  et  Poupée  ' 

3.  Ou  est  Ulixes  et  toute  sa  renommée 

8.  Hz  sont  tous  mors,  cest  monde  est  chose  vaine 

De  même  aux  vers  16,  24,  32,  40  et  46. 

9.  Qu'est  devenu  le  roy  Farahon 

12.  .ludich,  Hester,  Bruitus,  Penolopée 
14.  Guiuievre,  aussy  la  très  noble  Hellaine 
18.  Ne  Theseus  qui  la  mer  a  serchée 

I.  Les  variantes  sont  données  d'après  la  ballade  cccxvui. 


3oo 


APPENDICE 


19.  Dyogene^?  Qu'est  devenu  Jason 

21.  Et  RomuUus  qui  ot  Rome  fondée 

22.  Et  Salledin  qui  tant  prenait  de  paine 

23.  Bon  Sarrasin  a  toute  leur  armée 

26.  Ou  est  Cloys  et  le  roy  Meravée 

29.  Rains  et  Roan?  Leur  fin  est  terminée 

33.  Bienfait  s'en  va  ou  lame  est,  le  renom 

34.  Cy  demorre  exemple  a  la  linhée 

37.  Au  mieulx  venir  ;  pour  ce  est  (trop  manque)  foulx  qui 

[bée 

38.  De  fere  rien  qui  soit  chose  vilaine 

43.  Que  presque  tuit  ne  vont  la  pance  plaine. 

Balade  CGGLXX. 

2.  Telle  que  j'ay  au  cuer  le  sentemant 

5.  M'avoir  ne  puis  cens  douleur  et  tourmant 
7.  Quant  j'apperçoy  trestout  comunemant 

1 1.  Hon  het  les  vieux  et  moque  deshormais 

12.  (Et  manqué)  les  jeunes  ount  tout  le  gouvernement 
14.  Ceulx  qui  mesdient  font  regnier  leur  baniere 

18.  Quar  ylz  font  tous  (et  manque)  bien  et  saigement 
23.  Mes  tieux  m'ouront  qui  diront  :  li  ce  mant. 
25.  Pour  dire  vray  n'aray  d'eux  riens  jamais 

27.  Hon  deust  pugnir  et  chastier  les  mauvais 

29.  Chascun  venist  lors  a  emandemant 

30.  Et  Justisse  reignast  en  sa  chaiere 

3i.  Mais  le  contraire  appert  tout  clerement 

37.  Pour  son  labour  et  fuie,  en  retournant 

38.  L'estat  de  court,  que  mie  ne  le  quiere 

39.  Fuir  le  vueille,  car  je  voy  vraiement. 

Balade  GCGLXXXIII. 

2.  Alixandres  (et  manque]  Ector  et  Pompée 

6.  (Bien  manque)  résister  a  leur  fin  mervilleuse 


APPENDICE  DOI 

7.  De  la  fin  est  la  vie  tresmuée 

1 1 .  Les  feux  honlQrJist  a  Rome  (lors  manque),  car 
17.  Et  Julius  au  Capitule  par 

29.  Tarquinus,  roix  de  Rome  nomée 

43.  Qui  telle  fin  lour  donne  malheureuse 

44.  C'est  que  non  cens,  negligensse  causée 

/^5 .  ^ïi  âiQsinxi  maint  [tx  manqué)  pour  ce  conclure  ose. 

Balade  CGCGIII. 

4.  Vouldrent  a  subjuguer  leur  ennemis 

5.  Josué  et  Panlhasellée 
10.  Le   vers  manque, 

12.  Sy  fist  par  luy  Ector  avoir  et  randre 
i3.  .XIX.  rois  deffendans  leurs  pays 

17.  Le  vers  manque. 

27.  Le  vers  manque. 

28.  A  Pollonie  et  Antioche  hostée 
3o.  .XL.  roys  mist  a  ceducssion 

35.  Contre  Gregois  voult  secoure  jadis 

37.  Contre  Hercules  et  Theseus  le  hardis 

5i.  Menalope,  subjugierent  maint  on 

!)3.  Les  faulcetés  et  les  gens  envieux 

56.  Prince,  sy  ceulx  que  orent  sy  grant  renom 

58.  Leur  renom  fust  en  ce  monde  demis. 


Balade  DXXX. 

3.  Dire  ly  voys  tant  bel  et  conseiller 
6.  Vostre  suy  (je  manque),  soyés  donques  m'amie 
10.  Mais  je  vous  aim  d'amour^we  et  entière. 


2^2  APPENDICE 


TOME      VI. 

Balade  MGXXXIV. 

21.  Je  preste  ansy  et  despen  tout  le  mien 
2  2.  Pour  mètre  avant  humaine  créature 
23   £'f  que  pluseurs  ne  scevent  concevoir. 

Balade  MGGXLVIII. 

34.  Or  en  suis  tresmaX  guerdonnés 

35.  Advise  an  ces  poinsqui  voudra 
39.  Soie  de  vous  recompansés. 

Balade  MCGLIII. 

27.  D'estat  ne  despointe  et  (me  manque)  nuit 

28.  Lor  na  viellesse  que  fera  ? 

32.  A  tous  qui  servent  loyaumant. 


TABLES 


TABLE 


MATIERES    DU    SIXIEME    VOLUME 


Pages . 

Le  marquis  de  Queux  de  Saint-Hilaire. , i 

Ballades. 

MCI.  —  Au  monde  ne  règne  que  le  vice 3 

MCil.  —  Seul  des  animaux,  l'homme  ne  suit  pas  sa 

nature 4 

MGIII.  —  Cupidité  des  gens  de  cour 6 

MCIV.  —  Il  fait  bon  vivre  loin  de  lacour[i388-i38q].  8 

MCV.  —  Regrets  de  la  jeunesse  passée 10 

MGVI.  —  Nous  sommes  tous  faits  d'une  même  ma- 
tière    II 

MCVII.  —  Ballade  en  forme  de  lettres  patentes  sur  la 

manière  d'être  à  la  cour i3 

MCVIII.  —  Personne  ne  fait  son  métier i5 

MCIX.  —  Il  faut  diminuer  le  nombre  des  fonction- 
naires   ifi 

MCX.  —  Contre  les  contrôleurs  des  baillis 18 

MCXI.  —  Même  sujet 20 

MCXll.  —  Recommandation  aux  princes  de  garder  la 

loi  et  la  justice ai 

T.  VI  20 


3o6  TABLE    DES   MATIÈRES 

Pages 
MCXIII.  —  Rondeau.    —    Combien    doit     durer     le 

royaume  de  France? 2  3 

MCXIV.  —  Chançon  baladée.  —  L'envie  est  mauvaise.  24 

jMCXV.  —  Un  grand  roi  fait  naître  de  grands  hommes.  2  5 

MCXVl.  —  Tout  se  perd  par  nos  pécliés 27 

MGXVII.  —  Projets  de  guerre  en  Italie  [iSgi] 29 

MGXVIII.  —  Chançon  baladée.  —  Regrets  du    temps 

passé  ! 3o 

MCXIX.  —  On  ne  peut  être  aimé  de  tous  (i) 32 

MCXX.  —  Personne  se  corrige 34 

MGXXI.  —  Contre  excès 33 

MGXXII.  —  Regrets  de  la  jeunesse  passée 3j 

MGXXIII.  —  Conseils  pour  vivre  sagement 38 

MCXXIV.  —  Sur  le  néant  des  choses  de  ce  monde 40 

MCXX  V.  —  Deschamps  historiographe 4^ 

MCXXVI.  —  Chacun  sera  récompensé  selon  ses  mérites.  44 

MCXX  Vil.  —  Il  faut  se  garder  de  malice 46 

MCXXVIII.  —  Il  est  dangereux  de  croire  à  la  légère 48 

MCXXIX.  —  Contre  les  hermaphrodites 49 

MCXXX.  —  Sur  le  voyage  de  saint  Omer  [1396]. ...  5o 

MGXXXI.  —  Le  Renard  et  leCorbeau 52 

MCXXXII.  —  Sur  les  chevaliers  de  la  maison    du  roi 

[1396I 53 

MCXXXIII.  —  Sur  les  écuyers  de  la  maison  du  roi  [1396].  55 

MCXXXIV.  —  Discussion  avec  la  Fortune 56 

iMCXXXV.  —  Il  est  dangereux  de  dire  la  vérité 58 

MCXXX VI.  —  Où  peut  demeurer  la  Vérité  i 60 

MCXXXVII.  —  Gardons-nous  de  faire  mal 61 

MCXXXVlll.  —  Crainte  de  la  fin  du  monde 63 

iMCXXXlX.  —  Naissance  d'un  prince  (2) 65 

MCXL.  —  La  vraie  noblesse  est  dans  le  cœur 67 

MCXLl.  —  La  Nature  et  la  Mort 68 

MCXLIi.  —  Sur  Charles  VI  et  son  fils 69 

MCXLIII.  —  Sur  le  danger  de  la  mer ?« 

MCXLIV.  —  Il  ne  faut  pas  juger  sur  l'apparence.  (Une 

servante  parle) 7^ 

MCXLV.  —  On  peut  faire  la  guerre  en  tout  temps.  — 

Conseil  de  descente  en  Angleterre 73 

MGXLVI.  —  Il  faut  récompenser  les  anciens  serviteurs.  7^ 

MCXLVII.  —  Il  faut  demander  conseil  aux  gens  experts.  76 


(1)  Mcmc  ballade  que  le  numéro  DCCCCLIM,  tome  V,  pages  173-174- 

(2)  Même  ballade  que  le  numéro  LXVllI,  tome  J,  pages  i65-i66. 


TABLE    DES   MATIERES  Soy 

Pages. 
MCXLVIII,  —  Calamités  causées    par    la  rivalité    de  la 

France  et  de  l'Angleterre 77 

MCXLIX.  —  Sur  le  mariage  de  sa  fille 79 

MCL.  —  De  l'usage  de  donner  une  dot  aux  filles  en 

les  mariant 81 

MCLI.  —  Gomment  le   père  marie  sa  fille  et  lui 

DONNE  TERRE,  OR  ET  lOYAULX,  EN  ELLE 
INTRODUISANT  ESTRE  HUMBLE,  DOUCE,  COUR- 
TOISE   ET    DE  BONNES  MEURS 82 

MCLII.  —  Sur  ceuls  qui  faingnent  estre  amoureux 

DE  CHASCUNE  ET  JURENT  Qu'lLZ  ONT  TANT 
DE  MAULX  POUR  AMER  QU'iL  LES  CONVIENT 
MOURIR,  CHASCUN  JOUR,  DE  DIVERSES  MORS.  84 

MCLIII.  —  Comment    congnoissance  souloit  bouter 

AVANT  LESHAULZCUERS  ET  ESLIEVE  K  PRE- 
SENT  LES    CHETIS 86 

MCLIV.  —  Sur  les  divers  noms  de  l'Angleterre 87 

MCLV.  —  Comment  Alixandre  le  Grant  qui  tant  de 
PAIS  conquesta  mourut  par  venin,  et 
coment  Julius  César,  Pompée,  Jason  qui 
conquist  LA  Toison  d'or,  Agamenon  et  le 

PREUX  ET  vaillant  HeCTOR  DE  TrOYE  NK 
PORENT  contester  A  LEUR  MORT  ET  QUE 
TOUDIS  advient  tout  ce  QUI  DOIT  ADVE- 
NIR          88 

MCLVI.  —  Il  faut  bien  choisir  son  temps  avant  d'en- 

prendre 90 

MCLVII.  —  Campagne  d'Ecosse  [i385]  (i) 92 

MCLVHI.  —  Décadence  du  temps  présent  (2) 93 

MCLIX.  —  Conseils  donnés  par  une  dame  à  un  jeune 

homme  (3) 96 

MCLX.  —  II  ne  faut  pas  se  fier  aux  apparences 96 

MCLXI.  —  Dialogue  entre  la  terre  et  la  mer 98 

MCLXII.  —  Sur  l'épidémie 100 

MCLXIII.  —  L'orgueil  est  mauvais  conseiller 101 

MCLXIV.  —  D'Antecrist io3 

MCLXV.  —  Du  bachelier  d'armes i  o5 

MCLX VI.  —  Balade   que    Eustace  fist  sur  Liber  ge- 

NERACIONIS,    ETC I06 


(i)  Même  ballade  que  le  numéro  LXII,  tome  I,  pages  i56-i57,  et  le  numéro 
DCCCCXXXll,  tome  V,  pages  140-141. 

(2)  Même  ballade  que  le  numéro  DCCCXXXIIl,  tome  V,  pages  142-143. 

(3)  Même  ballade  que  le  numéro  DCGCCXXXIV,  tome  V,  pages  143-144. 


3o8  TABLE  DES  MATIÈRES 

Pages 

MCLXVII.  —  On  ne  croit  plus  à  rien 109 

MCLXVIII.  —  Au  ROY  NosTRE  Sire 1 1  o 

MCLXIX.  —  Leçon  de  musique 112 

MCLXX.  —  On  ne  peut  contenter  tout  le  monde 114 

MCLXXI.  —  Sur  la  réconciliation  des  rois  de  France  et 

d'Angleterre 1 1 5 

MCLXXII.  —  Il  ne  faut  pas  croire  les  complimenteurs.  i  18 
MGLXXIII.  —  Dialogue  avec  une  dame.  —  Même  sujet..  1 19 
MCLXXI V.  —  Contre  ceux  qui  ont  deux  langages.  (Apo- 
logue)    12  1 

MGLXXV.  —  Vanitas  vanitatum 122 

MGLXXVI.  —  Sur  l'égalité  entre  les  hommes 124 

MCLXXVIL  —  Balade  amoureuse i  aS 

MGLXXVIII.  —  Du  métier   profitable.  (Equivoque  sur  les 

instruments  de    musique) 127 

MCLXXIX.  —  Conseil  au  roi  de  faire  des  économies 129 

MCLXXX.  —  Des  choses  dont  il  faut  se  garder 1 3 1 

MCLXXXL  —  Balade  morale.  —  Sur  le  mariage  de  Ri- 
chard, roi  d'Angleterre,  et  d'Isabeau  de 

France i33 

MCLXXXIL  —  Conseils  de  vivre  hors  de  la  cour i35 

MCLXXXIll.  —  Requête  d'un  aveugle,  muet  et  sourd.  (Al- 
légorie)        1 36 

MCLXXXIV.  —  Comment  uns  homs  gracie  Dieu  de  ce  qu'il 
a  bonne  femme  trovée  et  les  loenges 

qu'il    EN    DIT l38 

MCLXXX V.  —  De  la  complainte  d'une  .vieille   sur   le 

FAIT   DE  SA  JEUNESCE I  40 

MCLXXXVI.  —  Des  plours  et  plains  de  la  mort  du  noble 

ET  vaillant  chevalier,  FEU  MONSEIGNEUR 

LoYS  DE  Sancerre,  mareschal  et  depuis 

CONNESTABLE  DE  FrANCE,  ET    DE    LA   MORT 

DES  ARMES   DE   ChAMPAIGNE   [i403] I4I 

MCLXXXVII.  —  De  plour  dudit  connestable,  de  sa  mort, 

DE    SA     SEPULTURE     ET    DE     SON     EP1TAPHE 
[14031 143 

MCLXXXVIII.  —  De  la  tyrannie  du  mauvais  Noyron,  empe- 
reur DE  ROHME,  ET  DE  SA  MAUVAISE  FIN.  .  .        143 

MCLXXXIX.  —  Dit,  —  Cy  parle  d'une  fiction  d'oyseaulx 

GENTILS,  ET  PAR  ESPECIAL,  DE  l'aIGLE,   ROY 
des    OISEAULX,    ramenée     a     MORALITÉ     AU 

GOUVERNEMENT  DES  PRINCES I  47 

MCXC.    —   SUPPLICACION  A   MES  SEIGNEURS  LES   DUCS  DE 

Berry, Bourgogne, Orliens  ET  Bourbon.      i68 


TABLE  DES  MATIÈRES  3og 

Pages. 
MCXCl.  — Le  plusccriain  des  salaires, c'est  de  l'argent.  170 
MCXCU.  —  Des  huit  choses  que  tout  homme  vivant  en 

CE    MONDE  DOIT    AVOIR    ET  ACQUERIR   POUR 
RENOM  ET  PARADIS  AVOIR I  7  I 

MCXCIII.  —  Comment  pluseurs  blasment  vérité  sanz 

RAISON  et  les  causes  POUR  QUOY I  73 

MCXCIV.  —  Gomment  les  roys  et  les  princes  ne  doi- 
vent estre  communs  ne   familiers  avec 
leurs  subgiez  et  les  causes  pour  q.uoy.      ijo 
MCXCV.  —  Comment  tousjours  diminue  le  monde  et 

QUE  d'an  EN  AN  EN  empirent  TOUTES  CHOSES.    I77 

MCXCVI.  —  ViRELAY.  —  Sur  le  desplaisir  des  vices  qui 

REGNENT  AU   JOUR   d'uI I  78 

MCXCVII.    —   Du  NOBLE  ET  AMOUREUX  LIEU  APPELE  LA  Ta- 

ble  ronde  hors  pontoise  et  de  la  belle 
veue  et  douce  odeur   des  elemens  qui 

l'environnent 180 

MCXCVIII.  —  Du  caresme.  m.  cccc.  et  deux  qui  fut  tres- 

grevable  a  mainte  cent 181 

MCXCIX.  —  Complainte 1 83 

MCG.  — De  la  mort  du  ROY  Richart  d'Angleterre.      184 
MCCI.  —  Comment  nulz   homs  ne  doit  désirer   ne 

demander  EN  CE  MONDE  NE  GRANT  RICHESCE 
NE  GRANT  POVRETÉ,  FORS  VIVRE  ET  VESTIR 

A    LA   SOUFFISANCE   DE   SA    VIE l86 

MCCII.  —  Du  DEDUIT  ET  ESTBANGE  MELODIE  DES  OY- 
SEAULX  DEMOURANS  EN  LA  TOUR  DE  FyMES 
OU  EUSTACE  DES  ChAMPS  DEMOURA  MALA- 
DES PAR  .III.  MOYS  QUI  NUIT  ET  JOUR  EN 
FUT   SERVIS 188 

MCCIII.  —  Comment  santé  est  noble  chose  que  aucun 

GARDENT  MAUVAISEMENT,  ET,  EULX  MALADES, 
POUR  ICELLE  RAVOIR  DONEHOIENT  TOUTE 
RICHESCE   ET    SEIGNOURIE IQO 

MCCIV.  —  De  ce  que  l'en  m'amet  que  je  ne  fais  rien 

DE    nouvel,    et   MON   EXCUSASION  SUR   CE..         191 

MCCV.  —  De  divers  plaiz  qui  sont  chascun  jour  es 

COURS    DE   COMPIENGNE •  9^  ' 

MCCVI.  —  Supplicacion  au  roy  Nostre  Sire ig5 

MGCVII.  —  Comment  toutes  choses  vont  en  l'empire 

au  jour  d'ui 19G 

MCCVIII.  —  Du  restablissement  de  la  sustracion  ...      198 
MCCIX.  —  Sur  l'estrangeté  de  l'atour  et  du  chief 

que  pluseurs  dames  font  a    PRESENT.  ...        1  99 


3lO  TABLE  DliS  MATIÈRES 

Pages. 

MCCX.  —  De  ce  meismes 201 

MCCXI.  —  Comment  les  victoires  des  batailles  sont 

EN    LA  MAIN  DE  DlËU,    NON   PAS  DES  COMBA- 

TANS 203 

MCCXII.  —  Sur  la  prophecie  de  Sébile  de  la   ven- 

GENCE  des  PECHEURS 204 

MCCXIII.  —  Comment  pour  congnoissance  que  homme 
ait  de  ses  deffaultes,  pour  signe  du 
ciel  ne  de  la  terre  ne  pour  vengence 
ou  pugnigion  de  dieu  ne  veult  amender 
ne  corriger  sa  mauvaise  vie 2o6 

MCCXIV.  —  Notables . .      207 

MCCXV.  —  Que  le   temps   vendra  que   l'en   querra 

SAIGE,   vaillant  ET    PRODOMME    POUR  GOU- 
VERNER,   dont    l'en    ne    tient  COMPTE     DE 
PRESENT,    AINSI    COMME     l'eN     QUIERT    PAR 
NECESSITE    AU    DOY  LE    FEU    EN   LA  CENDRE.         2o8 
MGCXVI.    —  SOTE   CHANÇON      EN       BALADE     d'uNE      VIELLE 

MERVEILLEUSE 2  10 

MCCXVII.    —  SoTE   CHANÇON    DE  CINQ  VERS   A   DEUX    VISAI- 

GES  A  JOUER  DE   PERSONNAIGES 211 

MCGXVIH.  —  Comment  chascun  qui    puet    doit    vivre 

JOIEUSEMENT  ET  ESCHIVER  TUISTESCE 2  I  3 

MCCXIX  .   —    RONDEL  .   —   Dk  CE  MEISMES 3  1  5 

MCCXX.  —  Sur  la  condicion  et  meurs  de   pluseurs 

FEMMES  DU  TEMPS  ANCIEN 2l6 

MCCXXI.  —  Pour  vivre  liement  en  ce  monde  pour  le 

CORPS  ET     l'aME 2l8 

MCCXXII.  —  On  ne  craint  plus  ni  paradis  ni  enfer 219 

MCCXXIII.  —  Sur  la  refoumacion  et  maladie  de  ceuls 

qui  ont  PRINS  EXCESSIVEMENT  LA  MONNOYE 

DU      PEUPLE 22  1 

MCCXXIV.  —  De  la  complainte  que  fait  un  homme  de 

SA  fortune  et  de  son  MALEUR 222 

MCCXXV.  —  De  la  demande  d'une  vielle  a  un  vieil- 

LART  par  MANIERE  DE  MOQUERIE  ET  LA  RES- 
PONSE  SUR  CE 224 

MCCXXVI.  —  Regrets  d'un   vieillard 225 

MCCXXVII.  —  Même  sujet 227 

MCCXX VIII.  -  Même  sujet 228 

MCCXXIX.  —  Contre  les  mendiants  qui  se  tiennent  aux 

portes  des  éf^iises aSo 

MCCXXX.  —  Dialogue  avec  des  mendiants 232 

MCCXXXl.  —  Contre  une  vieille  femme  médisante 234 


TABLE  DES  MATIÈRES  3  1  I 

Pages. 

MGCXXXII.  —  Plaintes  d'une  femme  contre  son  mari 235 

MGGXXXIII.  —  Contre  les  mendiants  qui  encombrent  les 

églises 237 

MCCXXXIV.  —  Conseils  aux  pères  qui  ont  des    filles  à 

marier 238 

MCCXXX V.  —  Plaintes  d'une  femme  mal  mariée 240 

MGCXXXVI.  —  Sur  les  pourceaux 241 

MCCXXXVII.  —  Invocation  à  dix  saints  et  saintes 243 

MCCXXXVIII.  —  Le  peuple  doit  être  tenu  toujours  dans  la 

crainte 246 

MCCXXXIX.  —  Personne   ne  fait  son  devoir 246 

MCGXL.  —  Tout  se  perd,  le  monde  et  l'Eglise 248 

MCCXLI.  —  Les  exemples  ne  corrigent  personne 25o 

MCGXLll.  —  Réponse  aune  épître  de  Christine  de  Pisan.  nbi 

MCCXLIII.  —  L'humanité  avoue  ses  fautes 253 

MCCXLI V.  —  Les  rois  doivent  être  lettrés 254 

MCGXL V.  —  Il  faut  payer  son  hôte 256 

MGCXLVI.  —  Comment   l'acteur  s'excuse  de  faire  au- 
cuns Diz  amoureux  pour   ce  que  tout 

est    mal  ordonné  ou  royaume 258 

MCCXLVIL  —  Que  cellci  est  de  bonne  heure  nez  qui  n'a 

au  jour  d'UI  a  la  court  ESTAT  NE  GOU- 
VERNEMENT     259 

MGGXLVIII.  —  Comment  Eustace  fut  mis  cautement  hors 

DE  SON  BAILLIAGE  DE  SeNLIS 26  I 

MCGXLIX.  —  Balade  morale.  —  Gomment   Roboam   fut 

DESTRUIT  et  PERDIT  SON  ROYAUME  POUR  SA 
GRANT  CONVOITISE  POUR  CE  QU'iL  CRUT  LE 
CONSEIL  DES  JEUNES  FOULZ  ET  OULTRE- 
CUIDIEZ,  ET  DESPITA  CELLUI  DES  ANCIENS 
PRODOMMES 263 

MCCL.  —  Comment  raison  et  conscience   faillent, 

ET    en    leur    lieu    REGNENT    VOLUNTÉ    ET 

FOLE   PLAISANCE 265 

MCCLI.  —  Comment  serviteurs  doivent  adviser  com- 
ment ET  A  qui  ILZ  servent  AU  JOUR  u'UY.        266 

MCCLII.  —  Sur  la  soudaine  mutacion  des  officiers 

QUI  AU  JOUR  d'uI  sont  MUEZ  d'oFFICE  EN 
office  SANZ  cause  ET  raison 268 

MCCLIII,  —  Balade  morale  —  D'un  paisant  et  de  son 

chien 270 

MCCLIV.  —  Contre  ceuls  qui  dient  que  le  temps  est 

mauvais 271 

MCCLV.  —  Comment     aucuns    impetrerent    l'office 


3l2 


MCCLVI. 
MCCLVII. 

MCCLVIlï. 

MCCLIX. 

MCCLX. 

MGGLXI. 
MCCLXII. 


MCCLXllI. 

MCCLXIV. 

MCGLXV. 


TABLE   DES   MATIERES 

Pages. 
d'Eustace,  lui  estant  en  vie,  en  donnant 

ENTENDRE  qu'il   ESTOIT    MORT 273 

De    la    CORRUPTION  DE  VIE  HUMAINE 275 

Balade  amoureuse    et  de  congnoissance 

d'amour 27G 

Que  il  n'est  riens  qui  vaille  franchise..  278 

De  cahymans  et  de  coq.uins 279 

DicTiÉ  (en  latin).  —  Contre  le  schisme  de 

l'Église 281 

DicTiÉ  (en  latin).  —  Même  sujet 282 

Comment   Brennyus    assiega    le    capitole 
de  romme  et  comment  il  fonda  .vi.  citez, 

DONT  Milan  EST  l'une 283 

Du  bien   COMMUN  AMER 285 

Rondeau.  —  Sur  le  même  sujet 287 

Comment  Robin  crie  mercy  a  franchise..  288 


Appendice  : 

I.  Variantes  du  manuscrit  822  de  Toulouse.     29 1 

II.  Notice  et  variantes  du  ms.  6235  nouv. 

acq.  fr.  de  la  Bibliothèque  nationale 291 

m.  Variantes  du  ms.  249  de  Clermont- 
Ferrand 296 


Table  des  matières  du  sixième  volume. 


3o5 


Table  alphabétique  des  refrains  des  ballades 
contenues  dans  ce  sixième  volume.,...     3i3 

Table  des  premiers  vers  de  différentes  piè- 
ces contenues  dans  ce  sixième  volume..     32 1 


TABLE    ALPHABETIQUE 


REFRAINS  DES  BALLADES  CONTENUES  DANS    CE    SIXIEME 
VOLUME 


Pages. 


A  gens  qui  sont  en  maladie i88 

A  tart  venir  en  repentence 238 

A  tousjours  mais  comme  siens  l'ameray 276 

Aies  sur  ces  poins  ton  advis  u) gî) 

Ainsi  doit  tout  vaillant  roy  faire 129 

Ainsi  se  doit  chevalier  gouverner loï 

Ainsi  se  doit  garder  le  bien  commun 285 

Atten  encor  jusqu'à  demain 232 

Au  grant  péril  et  fortune  de  mer 70 

Au  monde  ne  règne  que  le  vice 3 

Autre  science  n'a  pratique 20 

B 

Belle  chose  est  de  contenter  son  hoste 2  56 

Bon  fait  tel  gent  tenir  en  sa  maison 55 


I .  Même  ballade  que  le  n»  DCCCCXXXIV,  tome  V,  pages  143-144. 


3  14  TABLE   ALPHABÉTIQUE 

Pages . 

Bon  se  fait  garder  de  malice 46 

Brennyus  fut  princes  de  hault  affaire 283 


Car  de  tout  ce  ne  vient  fors  que  dommaige i3i 

Car,  Dieux  mercy,  je  suis  en  bonne  vie 273 

Cardon  de  Dieu  est  de  vivre  en  leesce 214 

Car  il  n'est  riens  qui  vaille  franche  vie 278 

Car  nul  ne  fait  bien  son  devoir 246 

Certes  tousjours  vient  pis  ouan  qu'entan 177 

C'est  ce  qui  fait  le  monde  anientir 86 

C'est  de  bien  servir  povre  exemple igS 

C'est  de  ce  mot  l'interpretacion 87 

C'est  grant  péril  de  legierement  croire 48 

C'est  le  plus  sain  que  d'estre  bien  rente 170 

C'est  tout  néant  des  choses  de  ce  monde 40 

Chantons  au  vray  le  chant  du  boys 121 

Chascun  fait  contre  son  mestier ib 

Chascuns  ara  sa  desserte  certaine 44 

Chascuns  d'eulx  ses  gaiges  perdra 18 

Chascuns  savoir  doit  ce  que  bon  li  est 76 

Compains,  apran  a  tlajoler 127 


D'avoir  .11.  piez  de  tous  poins  hors  de  court 8 

De  tout  mon  temps  ne  vi  si  dur  caresme 181 

Dieu  et  le  monde  l'amera 171 

Dieux  essaucera  sa  requeste 243 

Doit  on  ainsi  parler  d'amours 112 


E 


En  paradis  soit  s'ame  couronnée 141 

En  sifaiz  dons  mauvais  fier  se  fait iio 

Encor  fust  il  Oliviers  et  Rolans 25 

Envie  ne  mourra  jamais 27^ 

Et  conquérir  la  terre  d'oullre  mer 69 

Et  ne  voist  hors  s'il  ne' fait  bel  et  cicr 100 


TABLE   ALPHABÉTIQUE  3l5 

Pages. 

Et  qui  dira  vérité  sera  mors 58 

Et  qui  sont  ilz  ?  Femme,  peuple  et  enfans 266 

Et  qu'il  puist  vivre  du  sien 38 


Faites  par  tout  garder  Loy  et  Justice.  .  .  .  • 21 

Faulx  amoureus  et  de  cuer  et  de  bouche .  84 

Foulz  est  li  hotns  qui  servitude  bat 288 

a 

Grans  mercis,  je  suis  bien  armée 119 


Infeables,  desloyaulx  et  mauvais 4g 


J 

J'ai  grant  paour  de  la  fin  de  ce  monde 63 

Je  me  repens  quant  je  fis  onques  homme 253 

Je  m'en  rapporte  a  Loribaut i83 

Je  n'ay  riens  veu  fors  le  moustier  de  Liques 5o 

Je  ne  puis  la  queue  mouvoir 225 

Je  ne  puis  mais  fors  que  baisier 228 

Je  ne  voy  homme  qui  s'amande 34 

Je  ne  voy,  n'oy  ne  parole i36 

Je  prie  a  Dieu  qu'om  ne  m'oste  ne  donne 265 

Je  suy  des  premiers  escossez *  .  .  261 


Le  feu  d'Enfer  puist  ardoir  vo  fournaise  , 234 

L'en  het  par  tout  droit,  raison  et  justice 263 

L'en  ne  craint  Dieu,  Paradis  ne  Enfer 21g 

L'en  ne  doit  pas  par  tout  jugier  de  l'oeil 72 

L'en  ne  fait  pas  tout  ce  qu'on  presche 173 

Les  medicins  le  vous  font  tuit  scavoir 221 


3l6  TABLE    ALPHABÉTIQUE 

Pages 

Les  victoires  sont  en  la  main  de  Dieu 2o3 

Lors  se  marrie  qui  vourra 216 


M 


Mais  au  jour  d'ui  ne  voy  régner  que  vice  (i) 94 

Mais  je  n'en  voy  amender  créature 206 

Mais  je  n'en  voy  amender  créature  (2) 25o 

Mais  nul  n'a  cure  de  raison i35 

Mais  qu'il  peust  bonne  santc  ravoir 190 

Maleureux  suis  par  toute  lettre 222 

Mars,  Avril,  May,  Juing,  Juil,  Aoust,  Septembre 9>i 

Me  laissiez  mes  gaiges  a  vie lôg 

Mère  de  tous  suy  nommée  Fortune 56 


N 


N'eaue  si  grant  ne  se  puist  espuisier 6 

Ne  pas  ne  fait  des  gens  mutacion 271 

Ne  prinst  bonne  conclusion 101 

Noble  chose  est  de  bon  renom  acquerre 42 

Nous  sommes  tous  d'une  manière  né 11 

Nulz  n'est  viliains  se  du  cuer  ne  lui  muet 67 


On  ne  puet  estre  amé  de  touz  (3i 32 

Onques  femme  n'ot  tel  dolour 240 

Onques  mais  homs  n'ot  si  foible  merrien 224 

Onques  ne  vi  tant  de  procès.  .  .      193 

Or  faittes  donc  leur  supplicacion iib 

Ou  noble  lieu  dit  a  la  Table  Ronde 180 

Ou  puet  elle  demourer Oo 

Ou  sa  besongne  ira  de  plat i3 


1.  Même  ballade  que  le  n'  DCCCCXXXlIl.tome  V,  pages  142-143. 

2.  Ballades  dilTcrentcs. 

3.  Même  ballade  que  le  n"  DCCCCLIII,  tome  V,  pages  173-174. 

\ 


TABLE    ALPHABÉTIQUE  Siy 

Pages. 


Par  cuidier  et  foie  plaisance 52 

Par  deffault  de  bon  vit  avoir 227 

Par  le  default  d'amour  et  charité 204 

Par  le  default  d'emprendre  saigcment go 

Pechic  seroit  et  grant  deffault  de  sens 75 

Perdra  du  tout  ses  plumes  natureles 29 

Peuples  soit  tousjours  cremeteux 24^ 

Plourez  pour  lui,  toute  gent  de  noblesce 143 

Plourons,  chetis,  nostre  foie  jeunesse 87 

Pour  ce  est  homs  foulz  appelez  qui  folie 4 

Pour  Dieu,  gardons  nous  de  meffaire 61 

Pour  le  débat  d'Angleterre  et  de  France 77 

Pour  noz  péchiez  je  voy  que  tout  se  mue 27 

Pourcel  ne  fist  bien  en  sa  vie 241 

Poursuy  honneur  et  vif  joyeusement 125 

Q 

Qu'a  nul  ne  chaut  d'Enfer  ne  Paradis 109 

Quant  donné  m'a  si  douce  compaignie i38 

Quant  fruit  fault,  desserte  s'en  va 270 

Q.ue  bons  compains  a  trop  sur  lui  a  dire ....  114 

Que  je  ne  soye  révoquez 268 

Que  je  ne  voy  de  la  sustracion 198 

Que  l'en  vous  puist  trestouz  ardoir 237 

Q.u'elles  aient  le  chief  d'un  cahuant 201 

Que  n'en  fait  l'en  pugnicion 279 

Qu'est  ce  de  nous.''  Par  ma  foi,  ce  n'est  riens.  .      122 

Qui  a  de  quoy  pour  vivre  en  sa  maison 259 

Qui  bien  se  met  soubz  povre  couverture 96 

Qui  de  l'argent  lui  donrroit 81 

Qui  faussement  a  esté  misa  fin .  .  184 

Qui  fille  a  n'est  pas  a  repos 79 

Qui  trop  humble  est,  c'est  deffault  de  science 175 


R 

Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveux 199 

Restraingnons  le  plus  neccessaire 16 


TABLE 


DES  PREMIERS  VERS   DE    DIFFERENTES    PIECES  CONTENUES 
DANS  CE  SIXIÈME  VOLUME 


Pages. 
Rondeaux. 

Combien  doit  le  règne  durer a3 

Li  homs  qui  vit  en  leesce  et  en  joie 21  5 

Sur  tous  les  biens  de  ceste  vie  humaine 2S7 

Virelay. 
Tout  ne  me  plaist  pas  ce  que  j'oy lyîi 

Notables. 
Justice,  de  foible  merrien 20 

Dictiés. 

Sol  refulgens,  vos,  septem  planète. 281 

Terra  tremit,  aer  corrumpitur 282 

Dit. 

J'ay  une  fiction  trouvée 147 

T.  VI  31 


Publications  de  la  Société  des  anciens  textes  français. 
(En  vente  à  la  librairie  Firmin  Didot  et  G'*,  56,  rue 
Jacob,  à  Paris.) 


Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français  (années  1875  à  1888). 
N'est  vendu  qu'aux  membres  de  la  Société  au  prix  de  3  fr.  par  année,  en  pa- 
pier de  Hollande,  et  de  6  fr.  en  papier  Whatman. 

Chansons  françaises  du  xr»  siècle  publiées  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibiio- 
y       thèque  nationale  de  Paris  par  Gaston  Paris,  et  accompagnées  de   la  musi- 
que transcrite  en  notation  moderne  par  Auguste  Gevaert  (1875).       Epuisé. 
II  reste  quelques  exemplaires  sur  papier  Whatman,  au  prix  de 37  fr. 

Les  plus  anciens  Monuments  de  la  langiie  française  (ix",  x"  siècles)    pu- 
t        bliés  par  Gaston  Paris.  Album  de  neuf  planches  e'xécutées  par  la  photogra- 
vure (1875) 3o  fr. 

^  Brun  de  la  Montaigne,  roman  d'aventure  publié  pour  la  première  fois,  d'après 
le  manuscrit  unique  de  Paris,  par  Paul  Meyer  (1875) D  fr. 

Miracles  de  Nostre  Dame  par  personnages  publiés  d'après  le  manuscrit  de 
la  Bibliothèque   nationale  par  Gaston   Paris  et  Ulysse  Robert,  t.  I  à  VII 

(1876,  1877,  1878,  1879,  1880,  1881,  1882),  le  vol 10  fr. 

Texte  complet.  Le  t.  VIII,  qui  est  sous  presse,  contiendra  le  vocabulaire. 

,      Guillaume  de  Paterne  publié  d'après  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'Ar- 
'  senal  à  Paris  par  Henri  Michelant  (1876) 10  fr. 

Deux  Rédactions  du  roman  des  Sept  Sages  de  Rome  publiées  par  Gaston 
Paris  (1876) 8  fr. 

;        Aiol,  chanson  de  geste  publiée  d'après  le  manuscrit    unique  de  Paris  par 
Jacques  Normand  et  Gaston  Raynaud  (1877) 12  fr. 

Le  Débat  des  Hérauts  de  France  et  d'Angleterre,  suivi  de  The  Debate  be- 
tween  the  Heralds  of  England  and  France,  by  John  Coke,  édition  com- 
mencée parL.  PANNiERet  achevée  par  Paul  Meyer  (1877) 10  fr. 

Œuvres  complètes  d'Eustache  Deschamps  publiées  d'après  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  nationale  par  le  marquis  de  Queux  de  Saint-Hilaire,  t.  I, 
II,  IH,  IV,  V  et  VI  (1878,  1880,  1882,  1884,   1887,  1889),  le  vol .     12  fr. 

Le  Saint  Voyage  de  Jherusalem  du  seigneur  d'Anglure  publié  par  François 
Bonnardot  et  Auguste  Longnon  (1878) 10  fr. 

,      Chronique  du  Mont-Saint-Michel  (1343-1468)  publiée   avec  notes  et  pièces 
diverses  par  Siméon  LucE,  t.  I  et  II  (1879,  i883),  levol 12  fr. 

Elie  de  Saint-Gille,  chanson  de  geste  publiée  avec  introduction,  glossaire  et 
index,  par  Gaston  Raynaud,  accompagnée  de  la  rédaction  norvégienne  tra- 
duite par  Eugène  Koelbing  (1879) 8  fr. 

Daurel  et  Béton,  chanson  de  geste  provençale  publiée  pour  la  première  fois 
d'après  le  manuscrit  unique  appartenant  à  M.  A.  F.  Didot  par  Paul  Meyer 
(i88o) 8  fr. 

La  Vi»  de  saint  Gilles,  par  Guillaume  de  Berneville,  poème  du  xii*  siècle  pu- 
blié d'après  le  manuscrit  unique  de  Florence  par  Gaston  Paris  et  Alphonse 
Bos  (i88i) *^,ofr. 

L'Amant  rendu  cordelier  à  l'observance  d'amours,  poème  attribué  à  Martial 
d'Auvergne,  publié  d'après  les  rass.  et  les  anciennes  éditions  par  A.  de  Mon- 
TAIGI.0N  (1881) 10  fr. 

Raoul  de  Cambrai,  chanson  de  geste  publiée  par  Paul  Meyer  et  Auguste 
LoNGNON  (1882) i5  fr. 


p'       Le  dit  de  la  Panthère  d'Amours,  par  Nicole  de  Margival,  poème  du  xni«  siè- 
cle publié  par  Henry  A.  Iodd  ii883) 6  fr. 

Les  œuvres  poétiques  de  Philippe  de  Rémi,  sire  de  Beaumanoir  publiées  par 
^-  H.  SucHiER,  t.  1-11H884-83) 2  5  fr. 

Le  premier  volume  ne  se  vend  pas  séparément;  le  second  volume  seul  i5  fr. 
La  Mort  Aymeri  de  Nar bonne,  chanson  de  geste  publiée  par  J.  Couraye  du 

Parc  (1884) 10  fr. 

y      Trois  versions  rimées  de  l'Evangile  de  Nicodème  publiées  par  G.  Paris  et 
A.Bos(i88di 8  fr. 

Fragments  d'une  vie  de  saint  Thomas  de  Cantorbery  publiés  pour  la  pre- 

■^  mière  fois  d'après  les  feuillets  appartenant  à  la  collection  Goethals  Vercruysse, 

avec  fac-similé  en  héliogravure  de  l'original,  par  Paul  Meyer  (i885)..     10  fr. 

Œuvres  poétiques  de  Christine  de  Pisan  publiées  par  Maurice  Rov,  t.  I 
(1S86) lofr. 

Merlin,  roman  en  prose  du  xiii«  siècle,  publié  d'après  le  ms.  appartenant  à 
^  M.  A.  Huth,  par  G.  Paris  et  J.  Ulrich,  t.  I  et  11  (1886) 20  fr. 

Aymeri  de  Narbonne,  chanson  de  geste  publiée  par  Louis  Demaison,  t.  i  et  II 
(1887) 20  fr. 

Le  Mystère  de  saint  Bernard  de  Menthon,  publié  d'après  le  ms.  unique  appar- 
tenant à  AL  le  comte  de  IVlenthon,  par  A.  Lecoy  de  la  Marche  (i888).    8  fr. 

Les  quatre  âges  de  l'homme,  traité  moral  de  Philippe  de  Navarre,  publié  par 
Marcel  DE  Fréville  (1888) 7  fr. 

,>      Le  Couronnement   de  Louis,  chanson  de  geste  publiée  par  E.   Langlois, 
^  (1888) i5fr. 

—        Les  Contes  moralises  de  Nicole  Bo\on,  publiés  par  Miss  L.  Toulmin  Smith 
et  M.  Paul  Meyer  (1889) i5  fr. 

Rondeaux  et  autres  poésies  du  XV'  siècle,  publiés  d'après  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  nationale,  par  Gaston  Raynaud  (18891 8  fr. 

Le  Mistére  du  Viel  Testament,  publié  avec  introduction,  noies  et  glossaire, 
par  le  baron  James  de  Rothschild,    t.    I,  II,  III,  IV  et   V  (1878,    1879, 

1881,  1882,  i885),levoi lofr. 

COuvrage  imprimé  aux  frais  du  baron  James  de  Rothschild  et  offert 
aux  membres  de  la  Société  J 

Tous  ces  ouvrages  sont  in-8",  excepté  Les  plus  anciens  Monuments  de  la 
langue  française,  album  grand  in-folio. 

Il  a  été  fait  de  chaque  ouvrage  un  tirage  sur  papier  Whatman.  Le  prix  dos 
exemplaires  sur  ce  papier  est  double  de  celui  des  exemplaires  en  papier  ordi- 
naire. 

Les  membres  de  la  Société  ont  droit  à  une  remise  de  2  5  p.  loo  sur  tous  les 
prix  indiqués  ci-dessus. 

La  Société  des  Anciens  Textes  français  a  obtenu  pour  ses  pu- 
blications le  prix  Archon-Despérouse,  à  l'Académie  française^  en 
1882,  et  le  prix  La  Grange,  à  l' Académie  des  Inscriptions  et 
Belles- Lettres,  en  i883. 


Le  Puy.  —  imprimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23 


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