SOCIETE
DES
ANCIENS TEXTES FRANÇAIS
ŒUVRES COMPLETES
D^EUSTACHE DESGHAMPS
VI
V
^ Le Puy, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
OEUVRES COMPLETES
DE
EUSTACHE DESCHÂMPS
PUBLIÉES d'après LE MANUSCRIT
DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
PAR
LE MARQUIS
DE QUEUX DE SAl NT-H ILAIRE
PARIS
.LIBRAIRIE DE FI RM IN DIDOT ET Cie
RUE JACOB, 56
M DCCC LXXXIX
Publication proposée à la Socié<té le 24 février 1876.
Approuvée par le Conseil le 9 mars 1876 sur le rapport d'une
commission composée de MM. le baron de Ruble, Siméon Luce et
A. Longnon.
Pu
/4 5$
/)/
14
Commissaire responsable
M. G. Paris.
/f/'^;
LE MARQUIS DE QUEUX DE SAINT-HILAIRK
LE MARQUIS
DE
QUEUX DE SAINT-HILAIRE
En tête du troisième volume de cette édition d'Eus-
tache Deschamps, le marquis de Queux de Saint-Hi-
laire consacrait à Paulin Paris quelques pages aussi
délicates qu'émues. Il ne se proposait pas de donner,
après d'autres, une notice complète de la vie de l'homme
et des travaux du savant ; il voulait seulement expri-
mer ses regrets, fixer quelques souvenirs personnels,
et dire quels liens particuliers rattachaient à la grande
publication qu'il avait entreprise celui qui avait de-
mandé à en être le commissaire responsable. Héritier
de mon père dans cette fonction comme dans son
amitié pour l'éditeur de Deschamps, je viens à mon
tour, et bien tristement, non pas écrire une biographie
de rhomme d'esprit et de cœur dont la mort laisse en
tant de lieux un vide difficile à combler, mais rappeler
quelques traits de sa physionomie qui ont rapport à
l'œuvre considérable qu'il laisse inachevée. Il a ra-
conté lui-même, avec autant de vérité que de charme,
comment il fut amené à se charger de cette lourde
tâche par une suggestion souriante du président d'hon-
neur de notre Société; elle aurait étonné bien des cou-
rages, mais elle ne rebuta pas le sien : il l'entreprit
allègrement, il la poursuivit avec entrain, et trouva
toujours que la satisfaction qu'elle lui donnait payait
largement le temps et le travail qu'elle exigeait.
M. de Queux de Saint-Hilaire avait une curiosité,
non pas universelle ni banale, mais éminemment in-
telligente et choisie. Les trois principaux objets sur
lesquels elle s'exerça, pour des raisons diverses, furent
l'histoire de la musique, la Grèce moderne et la litté-
rature française de la fin du moyen âge. Ce qui l'atti-
rait surtout vers ce dernier objet, c'était une affinité
naturelle avec ce qu'eurent de noble, d'élégant et
d'aimable la haute société d'alors et la poésie oià
elle s'amusa. Dans ce monde chevaleresque et poli
que fait entrevoir à l'imagination le Livre des Cent
Ballades^ il se trouvait naturellement chez lui : aussi
quel ne fut pas son plaisir quand il rencontra dans
Deschamps (t. IV, p. 3 12) un Jehan de Queux, men-
tionné précisément en compagnie de plusieurs de ceux
qui prirent part à ce galant tournoi poétique! En
publiant le recueil des Cent Ballades, il y a vingt-deux
ans, il déclarait l'adresser non aux savants, mais à
— m —
« ceux des hommes du monde, plus nombreux qu'on
ne le croit, qui conservent encore intacte cette fleur de
chevalerie transmise avec des traditions de famille
auxquelles on ose rarement forfaire,... à toutes les per-
sonnes qui, par la culture de leur esprit et par la dis-
tinction de leurs sentiments, s'intéressent aux questions
historiques et morales. » Assurément^ il était lui-même
le type le plus achevé de ceux qu'il caractérisait ainsi,
et toute la préface de cette première publication montre,
avec la finesse et le tour aisé de sa plume, la délica-
tesse de son esprit et la charmante candeur de son
âme.
Mais bien qu'il fût avant tout un homme du monde
et qu'il essayât de faire comprendre le passé aux gens du
monde parce qu'il croyait y trouver un idéal social qu'il
était de leur honneur de connaître et, dans une certaine
mesure, de ressusciter, il se rendait parfaitement compte
que ce passé ne peut être exploré et reconstitué qu'à
l'aide d'un travail sérieux, guidé par une méthode rigou-
reuse et appuyé sur une longue préparation. Il avait été
initié à l'étude de la société et de la poésie du xiv^ siècle
par un ami plus âgé, qui est à la fois un homme du
monde et un vrai savant, et il n'avait pu ne pas re-
tirer d'excellentes habitudes de travail et de critique
de la collaboration que le comte Albert de Gircourt lui
avait donnée pour son premier ouvrage et pour la pu-
blication de Geia, par laquelle il aborda Eustache
Deschamps. Mais de son commerce avec lui et plus
— IV —
tard avec plusieurs érudits de profession, il avait
surtout rapporté une défiance de lui-même poussée
jusqu'à l'excès, et une modestie qui n'avait rien d'af-
fecté et qui donnait un charme particulier à ses en-
tretiens comme à ses écrits. Cette modestie se montre
déjà dans la préface du Livre des Cent Ballades ; l'au-
teur, ayant plus travaillé, l'accentua plus encore par la
suite ; c'est surtout comme éditeur de Deschamps qu'il
éprouvait le besoin de la manifester. Plus il avan-
çait dans la tâche immense qu'il s'était assignée, plus
il en apercevait et apprenait à en surmonter toutes
les difficultés, et plus il se méfiait de ses forces : « Je
ne suis, disait-il dans la préface du tome III, qu'un
simple amateur auquel manque l'éducation première
qui ne s'acquiert qu'avec tant de peines. » A ce sixième
tome, qu'il laisse d'ailleurs à peu près entièrement ter-
miné, il voulait donner une préface oià il aurait encore
insisté sur ce qui^ d'après lui, manquait à sa prépara-
tion scientifique. Il cherchait du moins, à force de bonne
volonté et d'intelligence, à compenser cette lacune
originaire ; aussi chacun de ses volumes marquait-il, —
personne ne peut le constater mieux que moi, — un pro-
grès sur le précédent. Au début il avait cru la besogne
plus facile qu'elle ne l'est : reproduire un bon manus-
crit, unique, et dont on possède une copie complète du
siècle dernier, — en corriger çà et là les fautes, — don-
ner en notes, pour rendre la lecture facile (il songeait
toujours aux gens du monde), l'interprétation des mots
— V
vieillis, — expliquer à la fin de chaque volume, à l'aide
des chroniqueurs, les circonstances dans lesquelles ont
été composées les pièces d'un caractère historique et les
allusions qu'elles contiennent, tout cela lui paraissait
ne demander que du soin, de l'attention et quelques
recherches. Mais au fait et au prendre il se convain-
quit qu'il avait entrepris une plus grosse partie qu'il
ne croyait, et que pour apprécier l'étendue de son tra-
vail il ne suffisait pas de compter, — il avait compté
95000 vers et n'avait pas été effrayé, — il fallait peser.
Le manuscrit, œuvre du fantasque Raoul Tainguy,
que nous a si bien fait connaître M. Siméon Luce, n'est
pas aussi digne de confiance qu'il le semble au premier
abord, et il n'est pas aussi unique qu'on le croyait :
bien des morceaux ont été retrouvés de côté et d'autre
et demandent une comparaison critique ; — la
correction des fautes, qui ne sont pas très rares,
n'est pas toujours aisée ; — l'intelligence même des
vers, souvent obscurs et entortillés, de Deschamps
n'est nullement aussi facile qu'on était porté à le pen-
ser d'après les échantillons antérieurement pubhés :
rien que pour la séparation des mots, l'accentuation et
surtout la ponctuation, dans une syntaxe trop sujette à
l'incorrection et à l'inconséquence, l'éditeur voit à
chaque page se poser devant lui une foule de petits
problèmes parfois fort embarrassants; — le vocabu-
laire est d'une richesse qui a son prix, mais par là même
il présente une masse de mots difficiles, beaucoup qu'on
VI —
ne trouve pas ailleurs, et pour lesquels les gloses
de Sainte- Palaye, faites un peu à l'aventure, peuvent
égarer autant que guider^ le dictionnaire de M. Gode-
froy se publiait en même temps que l'édition, et pour
bien des mots, par la raison même qui vient d'être
dite, n'offrait aucun éclaircissement : il devint vite
évident qu'il aurait été plus prudent de renoncer à
expliquer les mots en note à mesure qu'ils se pré-
sentaient et d'attendre au glossaire général, dussent
les lecteurs, — peu nombreux, j'en ai peur, — des
poésies d'Eustache être obligés de patienter; — enfin,
le commentaire historique, dont le premier volume
offrait un essai, révéla beaucoup plus d'exigences et de
difficultés que ne Tavait prévu l'éditeur; aussi, renon-
çant au moins à cette partie de son plan primitif, il se
décida à remettre ce commentaire à une époque ulté-
rieure, oij l'œuvre du poète champenois serait impri-
mée dans son entier, et où il serait plus facile de
réclairer dans ses rapports avec l'histoire contempo-
raine, à l'aide non seulement des textes historiques pro-
prement dits, mais encore des documents de tout genre
que l'érudition moderne s'impose le devoir d'utih'ser.
Il remit aussi à la fin de la publication les remarques
sur les noms propres de toute sorte, empruntés à
la mythologie, à la légende, à l'histoire ancienne, à la
littérature, qui figurent dans les vers de Deschamps,
et qu'il est en effet plus commode et plus intéressant
de rapprocher en une liste complète.
VII —
Ainsi allégée, l'œuvre n'en restait pas moins fort la-
borieuse. Notre aimable et consciencieux confrère n'y
épargnait pas sa peine. Il passait de longues heures à
la Bibliothèque nationale, à collationner d'abord la
copie qu'il faisait faire, puis les épreuves, dont il
demandait plusieurs l'une après l'autre et dont il gar-
dait chacune longtemps pour la revoir; il s'appliquait
à bien saisir dans tous les détails le sens des pièces
qu'il imprimait pour les ponctuer d'une manière ap-
propriée et leur donner un titre convenable (autre ma-
nière, à laquelle il tenait non sans raison, de faciliter
la lecture) ; il fouillait les lexiques, trop souvent en vain,
pour y trouver la valeur exacte des mots difficiles. Ce
qu'il me fallait surtout admirer en lui, c'était la bonne
grâce, et, si l'on me permet le mot, la docilité recon-
naissante avec laquelle il s'efforçait de suivre les con-
seils qu'on se permettait de lui donner et il acceptait
les observations qui lui étaient faites, parfois, j'ai regret
de l'avouer, avec quelque brusquerie. Une note, une
brève indication, un point d'interrogation ou d'excla-
mation jeté sur une feuille d'épreuve le faisait reprendre
son travail, réfléchir et chercher de nouveau, sans ja-
mais montrer ni impatience, ni ennui, remerciant tou-
jours au contraire et demandant à son commissaire
plus d'attention et de sévérité. Aussi avait-il fini par
être beaucoup plus maître de la langue et du style de
Deschamps qu'il ne l'était au début, et les observations
qu'il réclamait, loin de s'accroître, devenaient avec
— VIII —
chaque volume moins importantes et moins nom-
breuses.
Tout en menant de front bien d'autres travaux dont
je n^ai pas à m'occuper ici, le marquis de Queux se
préparait pour ses vieux jours, avec l'achèvement de son
édition de Deschamps, une longue et douce occupation.
L'impression des trois volumes de texte restants devait
encore, d'après le temps moyen qu'il mettait à chacun,
prendre sept ou huit années ; puis viendrait le com-
mentaire historique, repris à nouveau et traité cette fois
avec toute l'ampleur, la circonspection et la précision
désirables ; puis l'index des noms propres, qui deman-
derait bien des recherches curieuses et amènerait bien
des rapprochements intéressants ; puis le glossaire
général, oiî seraient revues, complétées et au besoin
rectifiées les explications sommaires données en note ;
puis enfin, comme couronnement à cette grande œu-
vre, une étude d'ensemble sur la vie et la poésie d'Eus-
tache. Cette longue perspective ne l'effrayait pas : sans
préparer encore positivement l'exécution de cette tâche
vaste et multiple, il sentait, en pénétrant de plus en
plus dans l'intelligence de son sujet, qu'il devenait cha-
que année plus capable de l'exécuxer, et il était bien
résolu à faire, quand il le faudrait, tous les travaux
qu'elle exigerait de lui. Il est mort, laissant les plus
durables regrets à tous ceux qui l'ont connu, avant
même d'avoir terminé celte partie préliminaire qui est
l'impression du texte; mais ce qu'il a fait suffira pour
— IX —
attacher à tout jamais son nom à une des œuvres les
plus laborieuses et les plus utiles qu'on pût exécuter
dans le domaine de l'ancienne littérature française,
à une de celles qui aideront le plus à reconstituer
dans toute sa réalité cette vieille société qu^il aimait,
dont il voyait peut-être les graves défauts avec un
peu trop d'indulgence, mais qui lui avait légué à
coup sûr ses plus nobles comme ses plus aimables
qualités.
La Société des Anciens Textes se serait trouvée
dans un cruel embarras, pour continuer cette impor-
tante publication, si elle n'avait eu la bonne fortune
de posséder M. Gaston Raynaud, qui joint à une
grande connaissance de notre ancienne poésie un véri-
table dévouement aux besognes les plus pénibles, du
moment qu'elles sont scientifiques, et ce désintéresse-
ment, plus rare peut-être que tout autre, qui consiste à
sacrifier son amour-propre à l'utilité générale. L'hon-
neur d'avoir entrepris l'immense tâche d'une édition
complète et commentée des œuvres de Deschamps
pouvait compenser bien des peines et des ennuis pour
le marquis de Queux de Saint-Hilaire ; il y a peut-être
plus de mérite encore pour M. Raynaud à se résoudre
à la continuer et à la terminer sans en avoir
eu l'initiative. La Société des Anciens Textes et le
public qui s'intéresse aux études sérieuses de litté-
rature et d'histoire uniront dans une même recon-
naissance les noms de celui qui a conçu l'œuvre,
X
qui en a tracé le plan et qui en a exécuté une bonne
partie, et de celui auquel on en devra, nous lespérons
bien, le prompt et heureux achèvement.
Gaston PARIS.
Mars 1890.
BALA DES
Balades
MCI
Autre Balade.
{Au monde ne règne que le vice.)
gi d Ja homs qui vueille faire bien,
vJ Justice, équité et raison,
N'aura en ce monde ci rien,
Grâce ne joie, une saison,
Ainçois sera par traison
Des mauvais qui héent justice
Accusez a po d'achoison :
Au monde ne règne que vice.
Mais au fort ^ saveure ^ et retien
Q.ue cil qui fait mal n'est pas hom ;
Pour ce du mal faire t'abstien,
Car en l'Escripture treuve on
Que Dieu qui tout puet en son nom
N'est pas a mal faire propice;
a. Au bout du compte. — b. Goûte.
lO
4 BALADES
i5 Mal est hors du nombre de bon.
Au monde ne règne que vice.
Car le mal n'a point de loien ^.
Puet il loier Franc Vouloir? Non.
Si fait. Pour quoy? C'est le moyen
20 Qui sauve ou dampne sanz pardon ;
Pour ce fist Dieux a homme don
Que chascun du droit bénéfice
De bien usast, mais regardon :
Au jour d'uy ne règne que vice I
l'envoy
25 Princes, puis que tous homs puet bien
Laissier le mal, ainsis le tien,
S'il le fait, il fault qu'il perice ;
Mais tant est de foible merrien
Qu'il suist le secle terrien :
3o Au jour d'ui ne règne que vice.
MCII
Autre Balade.
{Seul, des animaux, l'homme ne suit pas sa nature.)
TOUTE chose se trait a sa nature 2g2 a
Des corps humains et de tous animaulx,
Mais li homs plus en tout se desnature
a Lien.
BALADES 0
Que les bestes ne font ne les chevaulx;
Les cahuans, les aigles, les corbaulx 5 t^
Tiennent entr^eulx leur nature ordonnée,
Mais ce ne fait pas créature née
Qui raison a et ne fait que folie,
Sanz bien user de sa grâce donnée :
Pour ce est homs foulz appelez qui folie. lo
Lièvres couars, venans de sa pasture,
Son giste quiert es montaignes, es vaulx,
Les yeulx ouvers se dort soubz la verdure,
Et, en dormant, congnoist assez ses maulx;
S'il sent les chiens, lors s'en fuit sur les haulx, 1 5
Dont sa vie est par son aguet « sauvée ;
Mais homs qui voit s'aveugle et se desrée ^
Quant a touz maulx par son vouloir se lie :
Et puis qu'ainsi a la veue troublée,
Pour ce est homs foulz appelez qui folie. 20
Homs a deux oeulx, mais sa clarté s'obscure ^
Quant il ne voit les cas especiaulx,
La deshoneur, le pechié et l'ordure
Qui lui viennent par ses meurs bestiaulx;
Leur bien quierent brebis, chievres et veaulx 25
Et homs se nuit par sa merancolie,
Et quant pour lui est sa vie blasmée :
Pour ce est homs foulz appelez qui folie. 3o
l'envoy
Princes, li homs souvent se desnature
I Ces deux vers sont restés en blanc dans le manuscrit.
a. Vigilance. — b. Sort du droit chemin. — c. S'obscurcit.
6 BALADES
Quant il suit mal et qu'il n'a du bien cure;
Plus que beste se nuist et contralie
Quant en son cuer les vertus ne figure, 2^2 b
35 Fuians le mal, Dieu et son corps injure :
Pour ce est homs foulz appelez qui folie.
E
MCIII •
Chançon Royal. *
{Cupidité dés gens de cour.)
AUES courans et de pluseurs ruisseaulx
Firent un lac si grant en un pais
Qu^il se peupla de lus ^ et de carreaulx *,
Carpes, bresmes <^, d'autres poissons de pris;
5 De la terre a le seigneur le lac pris
Comme le sien et son propre heritaige,
D'entour deflfent l'eaue et le pasturage
A tous bestaulx, et aux gens le peschier,
Pour ce qu'il n'est trésor qui par oultrage
10 N'eaue si grant ne se puist espuisier ^.
Ce riche lac qui tant yert bons et beaux
Fut du seigneur et du peuple chieris
Et deffendu de loustres et d'oiseaulx.
Et les poissons furent la bien nourris;
i5 Nulz n'y pescha, fors le seigneur, toudis
A plaine eaue, sanz rompre le rivage.
* Publié par Tarbé, tome II, page i32.
a. Brochet. — b. Carrelet, sorte de poisson. — c. Brème, sorte de
poisson. — c/. Qui ne se puisse épuiser.
BALADES 7
Estât moien en tenoit comme saige
Sanz le vouloir par excès effruitier «,
Pour ce qu'il n'est trésor qui par oultraige
N'eaue si grant ne se puist espuisier. 20
Long temps vesquit en la grâce de ciaulx
Qui a ce temps estoient ses subgis * ;
Après mouru ^. Lors vint uns jouvenciaulx
Qui en ce lac a tant de pescheurs mis
Que les poissons ont esté afoiblis; 2 5
De son propre <^ a fait ainsi comme usaige
Tant qu'il ne puet reparer son dommaige:
Mais li convient estât amenuisier ^,
292 c Pour ce qu'il n'est trésor qui par oultraige
N'eaue si grant ne se puist espuisier. 3o
Et qui pis est, au lac vont les pourceaulx
Qui l'ont gasté, et tout par leur fouillis <^,
Et pluseurs gens l'espuisent a vaisseaulx :
L'eaue s'en fuit, ailleurs va le sourdis/,
La chaucée est detruitte et le hourdis ê", 35
Tarir le fault; maint y prannent herbaige,
Et le loutrier '* en emprunte sur gaige,
Ce que ne fist onques son devancier,
Pour ce qu'il n'est trésor qui par oultraige
N'eaue si grant ne se puist espuisier. 40
Les loustres vont querre carpes, barbeaulx,
La vont peschier les hérons blans et bis,
Amaigriez sont'tanches et luciaux «,
Li blans poissons de rascaille ^J est péris,
I. mourir. — 2. rossaille.
a. Epuiser, tirer tout le fruit. — b. Sujets. — c. Patrimoine. —
d. Dépérir, diminuer. — e. En fouillant. — /. La source. — g.
La palissade. — h. Celui qui est chargé de détruire les loutres. —
j. Petits brochets. — j. Le fretin des ablettes.
8 BALADES
45 Lus ^ et carreaulx s^estrangleront tous vis;
Le peuple mort, et li oisel sauvaige,
Loustres aussi mourront de maie rage ;
Si feroit bon sur ces poins adviser,
Pour ce qu'il n'est trésor qui par oultrage
5o N'eaue si grant ne se puist espuisier.
L ÈNVOY
Prince, bon fait retenir gens loyaulx
Et qu'om garde son peuple et ses feaulx
Sanz l'eunement ^ par jeunesce exillier <= ;
Car Roboam par les jeunes consaulx
55 Perdit pais, sa terre et ses vaisseaulx
Qui en tel cas se perdent de legier,
Par folie, par cuidier, par oultraige '^
Que chascun doit hair et desprisier,
Pour ce qu'il n'est trésor qui par oultraige
60 N'eaue si grant ne se puist espuisier.
MCIV
Balade.
{Il fait bon vivre loin de la cour.)
[i388-i389]
IL fut un temps qu'a la court fréquenter 2g2 d
N'estoit que bon, et d'y tenir son corps,
a. Brochets. — b. D'une manière irréfléchie, à la légère. — c.
Eloigner. — d. Il faudrait ici un autre mot pour rimer avec oul-
traige au vers Sg.
BALADES . 9
Pour vir honeur, pour vaillance hanter,
Oir les bons qui gouvernoient lors
Aprandre d'eulx et estre aux vertus fors, 5
Mais assez tost après changa li temps,
Qu'avoir a court un pié hors et l'autre ens '^
Fut le meilleur, et d'y sçavoir du hourt * ;
Mais au jour d'uy je voy que c'est grant sens
D'avoir deux piez de tous poins hors de court. lo
Car on y voit perilleus vens venter
Qui tresbuchent et versent les plus fors
Par cas soudain et les font craventer <=,
Perdre et périr sanz plus eslre ressors '^
En un moment, car quant plus ont trésors 1 5
Et plus cuident estre haulz et puissans,
Adonc viens tu, Fortune, et tes consens «,
Qu'en tumant/bas prangnent grant cop et lourt.
Dont, quant a moy, je pas ne me repens ^
D'avoir .ii. piez de tous poins hors de court. 20
Petiz bas lieux sont trop moins a doubter ;
Car tant n'y a dangers ne desconforts
Ne telz perilz comme de soy bouter
Es haulz clochers que les granz vens font tors.
Maintes gens sont par trop hault monter mors, 25
Pour ce fait bon ouvrer es pavemens
Et delaissier ces périlleux tourmens
Ou chascun fuit par convoitise et court,
Dont mieulx vaulsist a maint, si com je sens,
D'avoir .ii. piez de tous poins hors de court. 3o
I repent.
a. Allusion au refrain de la ballade n" CGVIII, publiée tome II,
p. 3o, — b. Intrigue. — c. Ecraser, accabler. — d. Relevés. — e.
Complices. — /. Tombant.
10 BALADES
MCV
Autre Balade
[Regrets de la jeunesse passée.)
D
|ES guerres, des mortalitez, 2g3 a
Du mal de non argent avoir,
D'estre en pluseurs lieux endettez
Et qu'om n'a de paier pouoir,
5 Du lempest de gens esmouvoir,
D'estre sanz cause prinsonnier,
A ce ne comptasse un denier,
Ne d'acquérir tous autres biens,
Mais fusse riche a souhaidier
10 Se j'eusse mon vit d'Orliens,
Pour lequel je fu tant amez,
Pour ce qu'il fist bien son devoir,
Qu'amoureux et amis clamez
Estoie de toutes ; pour voir,
i5 Jamais ne vouldroie autre avoir,
Richesce, vin, bief en grenier;
Par tout m'aloie esbanoier,
Chascuns m'estoit saint Juliens ^ :
Mais tele me hait, qui m^eust chier
20 Se j'eusse mon vit d'Orliens,
Qui grans fut et roide ^ enhantez *,
Gros et nervus, au dire voir,
I. roide»
a. M'était hospitalier. — b. Emmanché.
BALADES I I
Bien venuz et bien hostelez '^
En mains lieux; or faiz a ^ sçavoir
Qu'il est muez de rouge en noir, 25
Pale et destaint, sanz lui drecier,
N'il ne sert mais que de picier,
Dont je suis huez comme uns chiens.
Par Dieu, encor fusse escolier
Se j'eusse mon vit d'Oriiens ! 3o
l'envoy
Princes, de mes maulx confortez
Fusse du tout et depportez,
2g3 b Riches, jolis, gais et riens,
Bien venuz et bien honourez
Et entre les dames louez, 35
Se j'eusse mon vit d'Oriiens.
MCVI
Autre Balade.
{Nous sommes tous faits d'une même matière.)
SE les maus ^ vens, la chaleur, la froidure.
Mouches et vers, chiens et bestes sauvaiges,
Rongnes et doux, cheoir a l'advenlure,
Maladies, paours, tempests, oraiges
Espargnassent les princes et les saiges 5
I. a manque — 2. maus manque,
a. Logé.
I 2 BALADES
Et qu'ilz fussent d'une matere a part,
Sanz mal soufrir, par noblesce ou par art
Et sanz mourir, tout fust avillené <^
Des gens communs ; mais quant au vray regart
10 Nous sommes tous d'une manière né,
Fais et conçups de sang et pourreture
En povre lieu ; vieultez * est noz estaiges
Jusqu'à .IX. mois; naissons nus, plains d'ordure,
D'une orde pel est couvers noz visaiges,
i5 Criant venons. Les bestes des boscaiges,
Elles nées, vont par bois et essart '^,
Et nous sommes jusqu'à .vu. ans poupart,
Vil, malostru, foible et mal ordonné;
Ne sçay qu'orgueil de noz cuers ne se part:
20 Nous sommes tous d'une manière né.
Las! avisons nostre povre nature
Et que communs est ly pelerinaiges
Et l'aage humain a toute créature
Jusqu'à la mort, c'est ly derrains passaiges;
25 Laissons, pour Dieu, nos oultrageus couraiges !
De nostre aage ne vivons pas le quart
Par noz excès; l'un muert tost, l'autre tart;
Comment ose homme estre desordonné 2g3 c
N'autre appeller villain, chien ne paillart <*?
3o Nous sommes tous • d'une manière né.
l'envoy
Princes, pensons au bien qui tousjours dure
En redoublant cesie vie tresdure
Ou pluseurs sont comme foulz incliné;
Soyons piteux, aions foy et droiture,
I. tout.
a. Avili. — b. Vilenie— c. Lieu défriché. — d. Homme de rien.
BALADES l3
Fuions orgueil et la ' hautaine injure : 33
Nous sommes tous d'une manière né.
MCVII
Balade.
{Ballade en forme de lettres patentes sur la manière
d'être à la cour.)
A tous qui ces lettres verront,
Le fréquentant de court salut :
Saichent tuit qui servir y vont
Que la vérité dire y put ^,
Mentir convient, cil est conclut 5
Qui veult trop parfont *" regarder;
Il fault blandir <^, il fault larder '^
Ceuls qui ont le gouvernement,
Et dire qu'ilz font saigement
Jusqu'à tant qu'om ara estât ; lo
Continuer sanz parlement «,
Ou sa 2 besongne ira de plat.
A ceuls qui près du seigneur sont,
Servir, honourer a valut/;
Et s'aucuns plaisans presans font, i5
Leur grâce plus grant estre en dubt :
1. et la manque. — 2. la
a. Pue. — b. Piofond. — c Flatter. — d. Graisser. — e. Sans
cesse. — /.A servi.
14 BALADES
C'est ce qui pluseurs servens crut "
Et qui les a fait demourer
En estât ; il faut aourer ^
20 Aucun saint pour son sauvement,
Oir, soufrir paciamment
Et qu'om ne se mette en débat;
Offices, dons quérir souvent 2g3 d
Ou sa besongne yra de plat.
25 Encores vault au servent moult
Et a chascun d'eulx s'il se tut;
Faulx rapport maint homme y confont,
Onques jangleur ^ a court ne plut
Longuement, ne cil qui trop but
3o Ne rumoreux ^ communément ;
Chascuns s'i doit courtoisement
Maintenir, s'estre ne veult mat.
Et faire son fait cautement,
Ou sa besongne yra de plat.
l'envoy
35 Maistres d'ostel, treshumblement
Vous supplie d'amendement
En ce dittié ou je m'esbat ;
Corrigiez mon entendement,
Et chascuns tiengne enseignement
40 Ou sa besongne yra de plat.
a. Fil croître. — b. Révérer, cultiver. — c. Bavard, — d. Querel-
leur.
BALADES ib
MCVIII
Autre Balade.
{Personne ne fait son métier.)
QUE font prelas aux cours royaulx ?
Que font les laiz aux cours d'église?
Que font brebiz o les louveaulx ?
Que font maçons de terre glise '^ ?
Que font potiers de pierre bise? 5
Que font les foulz fourrez de paenne ''?
Que fait chanoine qui ricanne <^
Gomme unsasnes en un moustier?
Certes, je croy que tout se dampne :
Ghascuns fait contre son mestier. lo
La nature de tous oiseaulx
Garde sa fourme et sa franchise,
2g4 a Gar a chascun est ses niz beaux,
Sanz le changier par convoitise;
A chascun son estât souffise : i5
L'agache '=' ne veult estre canne ;
L'église son estât prophanne
Quant lais offices veult touchier ^,
Des deux exercer se condempne :
Ghascuo fait contre son mestier. 20
Aujourd'ui dames, damoisiaulx,
Ghevaliers, clers, nulz n'y advise.
a. Glaise. — b. Fourrure. — c. Brait. — d. La pie. — e. Quand
elle veut toucher aux offices laïques.
10 BALADES
Les brebis s'ostent des pourceaulx,
Et les bestes de mainte guise
25 Se séparent, mais la divise
Des hommes comme faucons planne;
Mais une foiz venrront au sanne <>
Du grant et du hault justicier,
La passeront par sa lucanne * :
3o Ghascun fait contre son mestier.
l'envoy
Prince, trop sont les gens nouveaulx
Plains de péchiez et desloyaulx,
Convoileux qui trop ont l'or chier,
Sanz raison se meslent entr'iaulx "^
35 Plus que chievres, moutons ne veaulx
Ghascun fait contre son mestier.
MCIX
Autre Balade.
{Il faut diminuer le nombre des fonctionnaires.)
JE ne voy vray phisicien ^
En Testât de la vie humaine
Qui face com li ancien
Ne qui son malade a droit maine,
a. Synode, tribunal. — b. Lucarne. — c. Entre eux. — d. Mé-
decin.
BALADES 17
Ne qui saigement le restraingne « 5
Pour purgier sa grief maladie
Dont en langour de mort mendie
2g4 b Longuement, ce qu'om ne doit faire
Pour lui 1 donner santé de vie :
Restraingnons le plus neccessaire, 10
Plaire veulent 2 contre leur bien
Les medicins, eschiver ^ paine
A leurs paciens, c^est tout rien ;
L'un donne syrop, Fautre sayne '^,
Leur mal nourrist qui les aplaine ^. 1 5
Chascun la vérité leur die
De leur mal et y remédie,
Sanz eulx vouloir pour mentir plaire,
Purgent tout jusques a la lie :
Restraingnons le plus neccessaire. 20
Medicin prince terrien
Figure, a garder son demaine,
Son peuple et brebis que li chien
Et loups ne leur plument la laine ;
Un seul ne fait pas tant de paine 2 5
Comme cent. Le trop est folie
D'officiers, dont ^ chascuns se lie
Pour le bestail prandre et deffaire; ^
Un homme oster ne souffist mie :
Restraingnons le plus neccessaire. 3o
l'envoy
Princes, le bestail brait et crie
I. lui manque. — 2. veult. — 3. dont manque.
a. Le mette à la diète. — b. Eviter, esquiver. — C. Saigne. —
d. Les caresse.
T. VI a
iS BALADES
Du nombre des loups, si vous prie
Qu'en trésor ne en chambre attraire
Ne les vueilliez, quoy qu'om vous die,
35 Car c'est sa grevance en partie :
Restraingnons le plus neccessaire.
MCX
Autre Balade.
[Contre les contrôleurs des baillis.)
J
E ne vueil plus estre bailli. 2g4C
— Pour quoy ? — Pour ce que de présent
Il est contre loy establi
Que le maistre serve au servant.
5 — Je ne vous entens pas; comment ?
— C'est a dire qu'un receveur
De bailliaige ou un ^ procureur
Les baillis contrerolera,
Et s'ilz vont hors veoir le leur,
10 Chascuns d'eulx ses gaiges perdra.
— Procureur, receveur aussi
Sont ilz restrains pareillement?
— Nenil, carde l'or sont ami,
Ne leur chaut s'ilz sont négligent,
i5 Tousjours les fait finer l'argent;
Aux baillis monstrent grant rigueur,
Sanz paier en ont du pieur ^;
I. un manque,
a. Pire.
BALADES
»9
Saiges est qui s'en ostera,
Car s'aucuns va veir son labeur \
Chascuns d'eulx ses gaiges perdra. 20
— C'est bien le rebours que je vi,
Car chascun aloit franchement
Du bon temps, sanz estre asservi.
On ne restraint pas le couvent
Ou il a .III. foiz trop de gent 25
Qui happent le fruit et la fleur,
Mais l'en garde a un seul rigueur
Qui plus qu'eulx touz besongnera :
S'a nopces vont bailli ou pleur ^,
Chascuns d'eulx ses gaiges perdra. 3o
L^ENVOY
Prince, Entendement est failli
Quant Franc Vouloir est assailli.
Et foulz est cilz qui le laira
Pour argent serf partir de li ;
2p4 d Se baillis s'en vont, d'argent fy ! 35
Chascuns d'eulx ses gaiges perdra.
I. labour.
a. Enterrement.
J
20 BALADES
MCXI
Balade.
(Même sujet.)
E voy toute restrinction
Faire sur le fait de justice,
Le subgiet dominacion
Avoir sur le chief de l'office,
5 Le serf franchir, lever le nice ^,
Et le noble franc asservir
Et son justissable servir
Par le moien d'arismetique
Qui deust arpenter et couvrir :
10 Autre science n'a pratique.
Les loys sont en destruction ;
Il fault que Franc Vouloir perice,
Les .vu. ars, leur instruction,
Excepté celle ou est tout vice,
i5 Qui compte et giette ^ par malice
L'argent par convoiteux désir;
Tel art fait les vertus gésir
Soubz ses piez, par sa voie inique,
Se veult sur toutes enrricliir :
20 Autre science n'a pratique.
Soubmis a a sa dition
a. Elever le sot.— b. Compte avec des jetons.
BALADES ai
Lune et souleil, par son esdipce,
Et toute generacion
La sert et donne bénéfice ;
Celle fait tout grant édifice, 25
Chasteaulx, maisons; celle acquérir
Veult terres par tout, seignourir '
En destruisant le bien publique
Par deffault de bien aa.'ertir :
Autre science n'a pratique. 3o
l'envoy
Princes, mainte perdicion
Vient par deffault d'élection
De saige geni, par voie oblique.
Es estas, par affection :
Com cest artsanz parfection, 35
Autre science n'a pratique.
MCXII
Autre Balade.
(Recommandation aux princes de garder la loi
et la justice.)
A tous les roys et princes de la terre,
Sarrazins, Juifs et de Crestienté,
Se vous voulez l'amour de Dieu acquerre
I et seignourir.
22 BALADES
Et conquérir la pardurableté
5 De voz règnes, Justice et Equité,
Rigueur aussi, ou elle appartendra,
Faictes tenir, car qui ne la tendra
Sanz fiction, et qu'elle soit coulice ^,
Dedenz brief temps sa ^ région fauldra :
10 Faictes par tout garder Loy et Justice.
Depuis Taage second, qui y veult querre,
Que Nembjoth lors fist celle grant cité,
Babilonne, cilz premiers esmut guerre,
Car geans fut de grant crudelité,
1 5 A Justice ot des lors affinité ;
Alixandre, qui bien garde y prandra,
La fist et tint ; Moyses, qui passa
Son peuple hebrieu en désert, fut propice
De justicier a ^ chascun qui erra :
20 Faictes par tout garder Loy et Justice.
Romme sur tous tint la clef et la serre ''
Des maulx pugnir, d'amour et 3 d'unité;
Au commun bien voult le monde conquerre *
Par ses vertus, par son hostilité ^ <=
Et tant qu'elle ot ces poins en amisté,
25 Comme dame sur le monde régna, 2^5 b
Mais aussi tost qu'elle les délaissa
Et que chascuns prinst en soy avarice,
Romme déchut quant droiture y cessa :
3o Faictes par tout garder Loy et Justice.
l'envoy
Princes, li roys souverains ordonna
I. M manque.— 2. i manque. —"i. tt manque.— i. conquérir.— 5. hostilptc
a. Chancelante, glissante.— ô. La serrure.— c. Courage guerrier.
BALADES 23
Justice a tous, et aux princes manda
De la tenir comme iiault bénéfice;
Qui ne le fait sa vengence encourra
Et au derrain terre et pais perdra : 35
Faictes par tout garder Loy et Justice.
MÇXIIÏ
Rondeau.
[Combien doit durer le royaume de France?)
COMBIEN doit le règne durer
Des François, selon vostre advis?
A il temps ne terme prefix?
— Ouil, tant qu'il vouidra garder
♦ Bonne justice, doulz amis, 5
Combien doit le règne durer.
Dieu et ses servens honourer.
Autre bonne ^ ne lui fut mis;
Demandé fut du roy Clovis : lo
Combien doit le règne durer
Des Françoys, selon vostre advis i ?
1. Ce vers manque.
a. Borne.
*4 BALADES
MCXIV
Chançon baladée.
{L'envie est mauvaise.)
MOULT a Tomme foui couraige
Qui enrraige
D'autrui bien qui ne lui nuit,
Et qui est liez '^ du dommaige
^ D'ommesaige;
Par envie, jour et nuit,
Art son corps, s'ame * destruit
Et si n'en puet moins valoir 2q3 c
En pouoir
10 N'en sçavoir
Cilz qui b convoiteux envie ;
Si puet chascuns percevoir,
Et c'est voir,
Que maie chose est Envie.
i5 Ne'e de mauvais linaige
Et umbraige,
Ou feu 2 d'avarice bruit,
D'ypocrisie a l'ymaige
Et l'ommaige
20 De Faulx Semblant qui trop nuit,
Quant ceulx qu'elle blandist cuit'
Et veult par sa gueule ardoir,
Main et soir,
I. et saine. — • i. feux.
a. Content.— b. Celui que
BALADES 2 5
Du feu noir
Qui lui abrège la vie 25
Par son périlleux vouloir,
Dont j'espoir
Que maie chose est Envie.
A traison de paraige
S'aparaige «, 3o
Car nul temps ne prant déduit ^
Fors en haineux ouvraige
Et oultraige
Pour faire riote et bruit
Aux bons; mais homme bien duit *
La doit mettre en non chaloir 35
Et sçavoir
Que son hoir
Est foie merancolie,
Qui monstre et fait apparoir 40
Par veoir
2g5 d Que maie chose est Envie.
MCXV
Balade.
{Un grand roi fait naître de grands hommes.)
PUIS que Rolant et Olivier mouru,
Les .XII. pers, le grant roy Charlemaine,
I. Ecrit en deux vers dans le manuscrit.
a. S'appareille, s'associe, — b. De bonnes mœurs.
20 BAl.ADES
Crestienté plaint « leur mort et dolu *,
Et France aussi ne tint puis tel demaine <^
5 Qu'elle faisoit, car prince n'est qui maine
Guerre ne gens contre les Sarrasins
Pour nostre foy ; on ne quiert que flourins,
Or et joyaulx, faire les trésors grans :
Mais se Charles régnassent et Pépins,
10 Encor fust il Oliviers et Rolans.
Ceuls a leur temps furent plains de vertu,
Ceuls pour honeur quirent traveil et paine,
Ceuls pour la foy et le peuple menu
Mirent leur sang, ceuls conquirent Espaigne
i3 Des mescreans, Saxonne et Acquitaine,
Et acrurent de leur règne les fins '^,
Toute Ytale, Disier, roy des Latins,
Et nous sommes lasches et recreans :
Mais se Charles régnassent et Pépins,
20 Encor fust il Oliviers et Rolans.
Ceuls conquistrent au fer et a Tescu
Les provinces, l'empire d'Alemaigne,
Et mains pais que nous avons perdu
Par trop vouloir avoir la pance plaine,
25 De convoitier, de viande mal saine,
De grant bobans, de laissier orphenins
Les nobles cuers qui deussent les chemins
Faire et cerchier ; nul n'en va sur les champs,
Mais se Charles régnassent et Pépins,
3o Encor fust il Oliviers et Rolans.
l'envoy
Princes, je voy tous les cuers estre enclins 2g6 a
a. Plaignit. — b. Déplora. — c. Conduite. — d. Les limites.
BALADES
^7
A convoitier, rapine et larrecins ;
Chetivetez estre en mains lieux courans, .
Et qu'on se fait hair de ses voisins,
Soy rebouter, estre appelez meschans, 35
Mais se Charles régnassent et Pépins,
Encor fust il Olivier et Rolans.
MCXVI
Autre Rondel.
{Tout se perd par nos péchés.)
TANT ont esté de voyages emprins
En Surie, pour la crestienté,
D'empereurs, roys, roynes, emperis ^,
Tous crestiens qui la ont conquesté
Jherusalem, Acre et mainte cité, 5
Et néant moins pour la division
Qu'eurent après Godefroy de Buillon
Les crestiens fut la terre perdue,
Que Sarrasins ont en subgection :
Pour noz péchiez je voy que tout se mue. ro
Car Dieu nous a par vengence repris,
Par famine, guerre et mortalité.
Et n'a voulu a nul donner le pris
Du Sépulcre saint avoir acquitté * ;
Mais croy qu'il a aucun habilité <= i5
a. Impératrices. — b. D'avoir délivré. — c. Exercé.
28 BALADES
En meurs parfais, par droitte élection
Qui des Sains Lieux prandra possession
Par ses vertus, et puissance cremue,
Et delaira son ceptre et région :
20 Pour noz péchiez je voy que tout se mue.
Et selon ce que j'ay veu es escrips
Dedenz brief temps sera Tomme apresté
Avec lequel doit estre Jhesucris :
Qui tant lui a de sa grâce preste
25 Que le pais sera prins et gasté
Des mecreans, tout mis en union 2g6 b
Et flourira saincte religion
Qui des long temps a mal esté tenue,
En reformant toute devocion :
3o Pour noz péchiez je voy que tout se mue.
l'envoy
Princes, chascun quiere remission
De ses meffaiz, par satisfacion,
Sanz plus cheoir en tel desconvenue,
Sachans que Dieu fist no redempcion :
3b Quel mort soufrit et quelle passion!
Pour noz péchiez je voy que tout se mue.
BALADES 9^
MCXVII
Autre Balade *.
(Projets de guerre en Italie.)
[1391]
SELON aucuns tresanciens poètes
Faingnans d'oyseaulx et de bestes leurs fables,
De Protheus, de Ganimedes fectes,
Et de pluseurs qui sont mal entendables <^
Aux gens communs, sont les diz recitabies 5
Ou le cog doit les Alpes transvoler,
L'aigle et poucins d'icelle subjuguer
Et si rongnier les ongles, queue et eles
Qu'en cheant lors, sanz pouoir relever,
Perdra du tout ses plumes natureles. 10
Combien qu'adonc seront a lui retrettes
Pour contester au cog et ses aidables *
Grues, brehiers <^, cornailles <i et suettes <?
Oyseaulx villains, par rivières nouables/
Au pié des mons, et grifons conquerables, 1 5
Faucons gentib se venrront la monstrer
Avec le cog, pour lui reconforter,
Et la seront les batailles crueles,
Maint oysel mort: l'aigle a cel assembler
2g6 c Perdra du tout ses plumes natureles. 20
Ses niz seront destruiz, les alouettes,
• Publiée par Tarbé, tome /, page i66.
a. Intelligibles. — b. Ceux qui l'aident (ses allie's;. — c. Buse. —
d. Corneilles. — e. Chouettes, — /. Navigables.
3q balades
Cignes, paons, tous oyseaulx amiables
Venrront au cog obéir et leurs sectes,
Et lui seront comme a seigneur feables,
25 Lors les prandra comme frans justiçables
Et les menrra avec lui oultre mer,
Et se fera des oiseaulx couronner
Qui par tourbes suivront universeles;
Dont l'aigle lors, qui ne s'est faicte amer,
3o Perdra du tout ses plumes natureles.
l'envoy
Princes, li cogs se doit briefment monstrer
Et les trois mons de ses Alpes monter
Ou Hanibal fist, a fer et a pelés
Et par grans feux, les chemins pour passer ;
35 Donc, se vray est, l'aigle, par ce voler,
Perdra du tout ses plumes natureles.
es
MCXVIII
Ghancon baladée.
{Regrets du temps passé!)
DOUCE saison tost passée,
En jeusne temps désirée
Par plaisant folour
Des foulz appellée Amour,
Nulz saiges a vous ne bée <*;
a. Tend, désire.
BALADES 3vl'
Dont puet venir tele ardour
Et doulour
Ghascun jour
A jeunesce la dervée ?
Ce fait la fresche coulour lo
Et l'odour
De la flour
Qui est par l'oeil regardée.
Et lors vient foie pensée ;
2g6d De grant désir embrasée, i5
En tristesce et plour,
Qui n'a repos ne séjour
Mais vit corn désespérée.
Douce saison tost passée.
Maint souspir, mainte clamour, 20
Maint labour
En destour
Fait Dangier a la volée,
Souffrir froidure et chalour
Et cremour <^ a5
Par baudour *
De foie plaisance née.
Et quant tele amour donnée
Est, raison considérée,
N'est pas le meillour, 3o
Car ame, corps et vigour
En ont mort déterminée.
Douce saison, etc.
a. — Crainte. — b. Ardeur courageuse.
0 2 BALADES
Puis vient viellesce a son tour
35 De sa tour,
Et tristour
Recorde la vie usée,
Qui donne une grant paour
Et freour
40 En langour
Que l'ame ne soit dampne'e.
Adieu, douce, mal nommée,
Saison, folement amée,
L^ardent feu du four
45 D'oultrecuidance et d'errour,
Ou j'ay jeusnesce gastée.
Douce saison tost passée ^, etc.
MCXIX
Balade *.
{On ne peut être aîmê de tous.)
c
HASCUNS doit faire son devoir 2^7 a
Es estas ou il est commis
' Cette ballade, déjà transcrite au folio 248, a été publiée sous le nu-
méro DCCCCLIII, tome V, page i-;3.
I. dcsiree.
BALADES 33
Et dire a son seigneur le voir ^
Si que craimte, faveur n'amis,
Dons n'amour ne lui soient mis 5
Au devant pour dissimuler
Raison, ne craimdre le parler
Des mauvafis, soit humbles et doulz ;
Pour menaces ne doit trambler :
On ne puet estre amé de touz. lo
Ait Dieu tout homme a son pouoir
Devant ses oeulx, face toudis *
Ce qu'il devra sanz décevoir;
Lors ne pourront ses ennemis
Lui grever, mais seront soubmis i5
Par cellui qui tout puet garder,
Qui scet les euvres regarder
Des mauvais et bons cy dessoubz,
Pugnir maulx, biens rémunérer :
On ne puet estre amé de touz. 20
Car gens qui ont mauvais vouloir
Héent ceuls dont ilz sont pugnis,
Et il vault mieulx la grâce avoir
De Dieu, pour gaingnier paradis,
Qu'il ne fait des faulx cuers faillis 2 5
Qui veulent mentir et flater
Et par leur force surmonter
Les frans cuers et mettre a genoulz.
Faisons bien sanz homme doubter :
On ne puet estre amé de touz. 3o
l'envoy
Princes, nul ne doit désirer
a. La vérité. — b. Toujours.
T. VI 3
34 BALADES
Pour le los du monde régner «,
Mais des biens de Dieu soit ^ jaloux ; ag'j h
Ses officiers doit supporter ^
35 S'ilz font bien et les contenter.
On ne puet estre amé de touz.
MCXX
Autre Balade.
{Personne ne se corrige.)
POUR signes du ciel que l'en voye.
Pour guerres, pour mortalitez,
Pour vengence que Dieux envoie,
Tempest, famine, adversitez,
5 Conflicts de roys, crudelitez,
Ne pour chose qu'il nous commande,
A faire bien, dont c'est pitez,
Je ne voy homme qui s'amande,
Qui le craingne ne qui le croie
10 Ne de qui il soit reclamez
Fors en péril; lors toute voie
Est il des pécheurs appelez, '
Mais si tost qu'ilz sont respassez *,
Ne leur chaut de ce que Dieux mande;
i5 Pis que devant font il assez : ,
Je ne voy homme qui s^'amande.
I. sont. — 2. porter.
a. Pour avoir la louange du monde. — b. Hors de danger.
BALADES 35
Helas! pour une courte joye
De ce monde sont aveuglez,
Ou nulz saiges ne se resjoye,
Qu'a paine yert ^ li justes sauvez. 20
Qu'est ce, se vous persévérez,
Qui respondra a la demande
Du jugement? Ce jour doublez :
Je ne voy homme qui s'amande.
l'envoy
2g'j c O justes Dieux, paix, veritez, 25
Qui tant es des gens despitez '',
Doublons ta justice tresgrande ;
Trop sommes es maulx délitez <^;
La fin vient des déshéritez :
Je ne voy homme qui s'amande. 3o
MCXXI
Balade
CONTRE EXCÈS
Las! bien sommes glouz et chetis
Plus que bestes sanz congnoissance,
Quant nous passons noz appetis
Pour goust de bouche et emplir pance,
Dont nous faisons au corps grevance;
a. Sera. — b. Méprisé. — c. Nous nous complaisons trop.
26 BALADES
Le chief duelt, l'estomac, les rains,
Des excès dont nous sommes plains
Tant que souvent nous fault vomir,
Braire, doloir, getter grans plains,
10 Sanz reposer et sanz dormir.
Les chevauls, bestes et brebis.
Tout animal en sa substance,
S'ilz passent .nii. fois ou dix
Par un ruissel, nul ne s'avance
i5 De boire, puis qu'a souffisance
A but une foiz ; ceuls sont sains ;
Mais sanz raison a nos .11. mains,
Voulons vins, viande ^ engloutir
A toute heure, s'en sommes vains,
20 Sanz reposer et sanz dormir.
Prenons aux bestes nostre advis,
Laissons nostre foie plaisance
De mangier et boire toudis ^,
Fors sans plus pour no soustenance ;
2 5 Car on en pert corps et chevance.
On en muert, de l'eure incertains, 2gy d
Soudainement; ne soit contrains
L'appétit de le faire ouvrir
Qu'a son gré, ou trop yert destrains
3o Sanz reposer et sanz dormir.
l'envoy
Princes, mangons par atrempance '',
Quant faim et soif est en balance,
Moiennement, sanz trop remplir,
I. viandes.
a. Toujours. — b. Modérément.
BALADES 37
Et après faisons abstinance
Jusques nostre appétit s'avance 35
Sanz reposer et sanz dormir.
MCXXII
Autre Balade.
[Regrets de la jeunesse passée.)
FLUMS ^ naturelz, granz et petiz ruisseaulx,
De fontaines ^ ^ procedans des montaignes
Et des plains lieux S eaues a cours ysneaulx '^
Naissans de mer et par diverses vaines,
Tousjours courez par bas lieux et par plaines, 5
Sanz remonter 2 dont vous estes venues,
En retournant 3, se vous n'estes tenues
Par aucun art qui vostre force oppresse ;
Ainsi courent noz aages soubz les nues :
Plourons, chetis, nostre foie jeunesse! 10
Car de terre faiz, en povres vaisseaulx
Sommes créez, d'ordes choses villaines
Puz et nourriz, affublez d'ordes peaulx,
Naissans, crions noz doleurs et noz paines,
Aages nous suit et les pensées vaines; i5
Ja ne seront noz vies retenues,
Tousjours courons et noz charongnes nues
Par mort s'en vont devers nostre maistresse,
I. fontains — 2. En retournant. — 3. Sanz remonter,
a. Fleuves. — b. Sources. — c. Des plaines.— d. Rapides.
38 BALADES
Terre, de qui elles sont descendues :
20 Pleurons, chetis, nostre foie jeunesse ! 2g8 a
Qui sçavons bien qu'Adam, ne nul de ceaulx
Venuz de lui ne de lignes haultaines,
Princes ne dus, homs vieulz ne damoiseaux
Ne retourna aux aagespremeraines;
25 Empereurs, roys qui ont les granz demaines
En fenissant sont leurs vies perdues,
Que josne et viel ont sitost corrompues
Par faire excès, dont maint homme se blesse ;
Par pechié sont leurs âmes confondues :
3o Plourons, chetis, nostre foie jeunesse !
L ENVOY
Prince, au jour d'uy sont pluseurs trop nouveaulx,
Volans des corps trop faire les reviaulx '^^
Estai tenir et bobant ^ sanz richesse,
Batre, ravir, tuer gens de cousteaulx :
35 Pour Dieu mercy ! en remenbrance d'eaulx,
Plourons, chetis, nostre foie jeunesse ^\
MCXXIII
Autre Balade
[Conseils pour vivre sagement.)
JE ne sçay chose qui vaille
Plus pour durer longuement
I. joncsse.
a. Plaisirs., délices. — b. Luxe, magnificence.
BALADES 39
A homme, quMl ne lui chaille,
Fors de vivre liement,
De quérir esbatement 5
Honneste et de faire bien,
Soy gouverner saigement
Et qu'il puist vivre du sien.
En trop hault degré ne saille,
Doubte le trebuchement, 10
Si que Envie ne Tassaille,
Et vive moyennement ;
2g8 b Ainsi sera seurement
Hors du périlleux lien
De servir doubteusement, i5
Et qu'il puist vivre du sien.
Au service Dieu ne faille
Chascun jour premièrement,
Et puis a sa besongne aille
Entendre songneusement; 20
Despende espargnablement ^^
De l'aulruy ne prangne rien,
Porte soy benignement,
Et qu'il puist vivre du sien.
l'envoy
Prince •, homs qui vit telement 25
Est de beau gouvernement,
Ce dient nostre ancien :
Cilz puet vivre longuement,
Justement, honnestement,
Et qu'il puist vivre du sien. 3o
I. Princes.
a. Modérément, avec épargne.
40 BALADES
MCXXIV
Autre Balade *.
(Sur le néant des choses de ce monde.)
L
as! que j'ay veu de tribulacion,
De tempestes et de mortalitez,
De haines, de peuples mocion,
De grans orgueilz et de grans vanitez,
5 De traisons et de crudelitez.
Puis .L. ans, et vengence soudaine,
Conflis de roys en France et en Espaigne
Pour nos péchiez, et universel guerre
Pour le débat de France et d'Angleterre,
10 Pais ardoir, tout détruire a la ronde ^
Pour convoitier et seignourie acquerre ! 2g8 c
C'est tout néant des choses de ce monde.
Car nul n'en a vraie possession,
N'estre ne puet qu'a sa vie héritez
1 5 Au mieulx venir, et par decepcion
En sont pluseurs ou par force privez
A leur vivant. Entre vous qui vivez,
Aiez regart aux conquests Charlemaine,
Ceulxd'Alixandre et de la gent rommaine,
2o Qui tant de maulx soufrirent pour conquerre,
Mais puis leur mort tout fut cas comme un voirre <»
Et divisé; ainsi fault que tout fonde
• Publiée par Crapelet, page 107.
I. larrondc.
a. Tout fut brisé comme un verre.
BALADES 41
Des biens mondains, foulz est qui pour eulx erre :
C'est tout néant des choses de ce monde.
Quarte lignie et generacion 25
Ay veu des roys depuis que je fu nez,
Pliilippe, Jehan, Charle en succession
Le .V*., Charles, ses filz ainsnez,
Régna après, dont furent subjuguez
A Rosebech Flament sur la montaigne ; 3o
.XXVI"*. mourirent soubz s'enseigne,
Qui .xni. ans n'ot quant les ala requerre ;
Après au Dam par siège les va querre,
Bonbourc assist '^•^ a celle fois seconde,
Ses ennemis en desloge et desserre : 3 5
C'est tout néant des choses de ce monde.
A Amiens vi la conjunction
Et les noces quant il fut espousez
A Ysabel, qui de l'estracion
De Bavière est. Je vi ses osts menez 40
En la duchié de Guelre * et feux boutez,
Le duc venir es tentes en la plaine
Devers le roy, et sa volunté plaine
Faire du tout; et, qui en veult enquerre,
A Saint Denis un chafault, et par terre 45
2^8 d Joustes tresgrans ou l'or luit et habonde ;
Mais qui vouldroit jugier a droitte esquerre,
C'est tout néant des choses de ce monde.
La feste vi passant en mission c
Toutes autres, de la royne, entendez, 5o
Faicte a Paris, après TAscension ;
Pour la guerre j'ay veu pluseurs traitiez,
Les grans trêves des deux roys, assemblez
a. Il assiégea Bourbourg. — b. Gueldre. — c. Dépense.
42 BALADES
Dessoubz Ardre, leur gent et leur compaigne,
55 La fille au roy de France qu'il amaine
Au roy anglois qui pour femme o lui erre
Droit a Calays; n'a que .vu. ans, soubz serre
La espousa la vierge enfant et monde ;
Mais qui ces peins sent, dont li cuers me serre,
60 C'est tout néant des choses de ce monde.
l'envoy
Prince, j'ay veu les temps desordonnez,
Sanz droit, sanz loy, pais habandonnez,
Tous maulx courir, iniquité parfonde.
Les quelz je voy en mieulx estre espérez ;
65 Mais ja pour ce trop ne vous y fiez :
C'est tout néant des choses de ce monde.
MCXXV
Autre Balade *.
{Deschamps historiographe.)
JE vueil cesser mon livre de mémoire
Ou j'ay escript depuis ,xxxn. ans
Du saige roy Charle le quint l'istoire,
Les prouesces que fist li bons Bertrans,
Connestgble de Guesclin, qui engrans "
Fut de garder l'utilité publique,
' Publiée par Crapelet, page 1 10.
a. Désireux.
BALADES 43
Et qui maintint si sa guerre punique
Sur les Anglois, que France reformée
En fut et est par mainte belle armée ^
Faitte a son temps, et mourut en la guerre 10
De son segnour; moult fut sa mort plourée :
Noble chose est de bon renom acquerre!
2gg a Car quant sa mort fut au bon roy notoire,
Moult fut ses duelz et sa complainte grans
D'avoir perdu le prince de victoire; i5
Pour son peuple et pais fut dolens.
Lors en souspirs et en larmes plourans,
Dieu mercia, et service autentique
Fist pour la mort du bon prodomme, si que
A Saint Denis fut la tombe ordonnée, 20
Parfaicte non, mainte aumosne donnée
Pour son salut par devers Dieu acquerre;
Des trois mestiers fut l'ofrande portée :
Noble chose est de bon renom acquerre!
Brief temps après, de ceste vie en gloire 25
> Passa ly rois qui laissa deux enfans,
Charle ^ et Loys, mais nulz ne pourroit croire
Les grans meschiez qu'eurent les mendres d'ans *,
Rebellions de leur peuple et contens c,
En bail cheirent ^, le temps fut lors inique. 3o
Charles régna, a Reins prist sa laurique « ;
La chose fut assez bien gouvernée.
Puis son sacre me fut paine donnée ^
Estans o eulx/, d'encerchier et enquerre
Et d'escripre leurs faiz par la contrée : 35
Noble chose est de bon renom acquerre!
I. Charles. — 2. grant paine donnée.
a. Expédition. — b. Les deux enfants mineurs. — c. Contesta-
tions. — d. Ils furent sous tutelle. — e. Couronne de lauriers (i)
— /. Avec eux.
44 BALADES
MCXXVI
Balade.
(Chacun sera récompensé selon ses mérites.)
S'
E Dieux qui a ordonnée justice,
Droit et raison, et loy estre gardée,
Et qui en tous pugnit pechié et vice
Et veult aux bons mérite estre donnée,
5 Toute bonté estre guerredonnée '^
Et mal pugni, donnoit aux mauves bien,
Perseverans sanz repentir en rien,
Et aux justes donnoit tourment et paine,
Tout mal seroit, mais le contraire tien :
10 Chascuns ara sa desserte * certaine! 2pp b
Combien que maint, chascun en son office,
N'ait pas en soy charité ordonnée,
Pité ne foy, mais orgueil et malice
En convoitant chose desordonnée,
i5 Terre d'autrui, et qu'Envie soit née
Au temps qui court entre maint chrestien,
Toutesvoie, qui s^adviseroit bien
En repentant et prenant vie saine,
Crians « merci, Dieu, pardon ne retien, »
20 Chascun ara sa desserte certaine!
Or advisons les faiz l'Apocalipce •,
Les figures dont elle est figurée,
I. les faiz de lapocalipce.
a. Récompense. — b. La récompense due à ses mérites.
BALADES 45
Les promesses faictes en Levitice,
Comment la paix fut aux hommes donnée
De bon vouloir, se la loy est gardée 25
De Jhesucrist, comme nostre ancien
La gardèrent, s'il est nul arrien
Et se chascun s'en va la voie plaine
Sanz forvoier. Usons de bon merrien <»,
Chascuns ara sa desserte certaine ! 3o
Trop a doubter font nostre maléfice,
Ce que la char est trop habandonnée
A tous deliz, sans avoir frain ne lice '',
Paour de Dieu, ne a la mort pensée
N'a nostre foy d'estre l'ame dampnée, 35
Ne de quérir prestre phisicien '^
Pour confesser; Tautre veult o * le sien
Maint au jour d'uy, qui de dampner se paine ;
Folie fait; estent le foui lien :
Chascuns ara sa desserte certaine! 40
Et pour ce que de tous biens est esclipce ^
Ne sçay se Dieux, par prière eslevée
D'aucun juste, voulroit estre propice,
2gg c Que bonne paix fust partout reformée
En l'Eglise qui tant est divisée 45
Entre les roys, de quoy je doubte et crien
Pour les péchiez du peuple terrien
Et des princes et voulenté mondaine :
Advisons donc tuit a nostre maintien,
Chascun ara sa desserte certaine ! 5o
t. avec.
a. Bois. — b. Barrière. — c. Médecin. — d. Extinction.
^ BALADES
L'ENVOY
Prince, de Dieu doit l'ire estre doubtée :
Il seufre un temps et puis venge a l'espée
Tous les péchiez par vengence soudaine;
Laissons orgueil, soit vertu eslevée,
55 Amour, pitié, humilité amée :
Chascun ara sa desserte certaine!
MCXXVII
Autre Balade.
[Il faut se garder de malice.]
G
RANT guerre et tribulacion
Entre Malice et Bonne Foy
Fut, qui dura mainte saison,
Tant que justice, peuple et loy,
5 La terre, li prince et li roy
En furent foulez et destruis,
Et si ot maint traictié, ce truis ''^
Trêves, paix jurée et par vice
Rompy tout barat vains et vuis * :
10 Bon se fait garder de Malice,
Que par dissimulacion
A son dessoubz traictier je ^ voy,
I . je manque.
a. Je trouve. — b. Vide.
BALADES 47
Mais son ymaginacion
Fors en cautele ne congnoy;
Tousjours prant, tousjours tire a soy i5
De son ennemi, comme duis <*,
Or et argent ; veoir ne puis
Que Bonne Foy ne se honnice *,
2gg d S'Advis n'est tousjours a son huis :
Bon se fait garder de Malice, 20
Tant qu'il faille a s'entencion
De frauder, laquelle apperçoy,
Dist Advis, par mainte raison
Dont maint règne est en petit ploy <^ ;
Lis les livres, les faiz reçoy ^ 25
Des paix, routes, des sauf conduis ;
Soient a mémoire réduis
Les chasteaulx prins par maléfice
Dont maint pais ont esté cuis ^:
Bon se fait garder de Malice. 3o
l'envoy
Princes, queue d'escorpion
Ou li venins gist, ce dit on,
Eschuez/, que ne vous traisse_;
N'alez aux meures s sanz baston,
Advisez ce qui vous est bon : 35
Bon se fait garder de Malice.
a. Comme habile. — b. Honnisse, — c. En petit état. — d. Fais
attention aux faits. — e. Brûlés. — /. Evitez, — g. N'allez pas
cueillir les mûres .
4^ BALADES
MCXXVIII
Autre Balade
(// est dangereux de croire à la légère.
N'
ATURE est trop au jour d'uy aveuglée
Et a péché de croire tost encline,
Au dit d'un foui, a chose controuvée,
Ou de nouvel semer fausse dotrïne
5 Et tele erreur contre la loy divine,
Es crestiens fait moult a reprimer,
Car Mahomé mist sa loy oultre mer
Par Sergius ^ apostate et prouvoire « ;
Par faulx moiens fist tout le peuple errer :
10 C'est grant péril de legierement croire.
Si fut Mahom homs de povre lignée.
Larron, mourdreux, recept ^ de faulx convive,
Asnes menans, suians mainte contrée,
Juifs, crestiens et la gent sarrasine;
i5 De trois langues ot assez la saisine <^, 3oo a
Soubtillement sceut la loy ordonner
Et pour le peuple atraire, habandonner ^
Pechié de char, ce voit on en s'istoire;
Ainsis les fist Mahoms ydolatrer :
20 C'est grant péril 2 de legierement croire.
Sa secte fut desloyaument plantée,
Dont longuement a duré la racine;
I. «ergine. — 2. pechie.
a. Prêtre. — b. Réceptacle. — c. La possession, ta science. — d.
Tolérer.
BALADES
49
Jherusalem et la Terre sacrée,
Grestienté et no loy s'en décline;
Et vraiement s'uns homs de douce orine « 25
Au temps qui court sçavoit papelarder ^,
Mais qu'il sceust bien aux peuples parler,
Nouvelle loy leur mettroit en mémoire,
Com Mahom fist pour eulx faire dampner :
Cest grant péril de legierement croire. 3o
l'envoy
Princes, chascuns doit en soy regarder
Se ce qu'il oit est vray, possible et cler,
Et s'estre puet selon raison notoire,
Ains qu'il doye son cuer déterminer
A croire faulx, ou trop fait a blâmer : 35
C'est grant péril de legierement croire.
MCXXIX
Autre Balade.
{Contre les hermaphrodites.)
MENTON poncé ^, filz Hermofondricus ^,
Efféminé, deffaulte de nature,
Couraige vain, vuit de toutes vertus,
De vice plain, qui ne tent qu'a ordure,
a. Origine, nature. — b. Faire l'hypocrite, le papelard. — c
Glabre. — d. Hermaphrodite.
T. VI 4
5ib BALADES
5 Non masculin, femenine figure,
Qui imposer suelz faulx noms sur autruy ;
Ains es livres de telz gens bien ne luy '^
Quant ilz ne sont en nature parfais,
Corrups de corps, de pensée, les truy ^,
lo Infeables '^, desloyaulx et mauvais.
Car doublement sont telz gens entendus, 3oo b
Homme et femme qui ont la pourtraiture,
Femme d'omme, qui doit estre barbus,
Homme sanz poil, c'est a chascun laidure.
i5 Eulx encontrer n'est que maie adventure.
Et leur regart ne doit plaire a nulluy,
Car nature double a aucuns sur luy,
Aucune aussi, incestes en leurs fais,
Usans des deux; de mon temps en congnuy,
20 Infeables, desloyaulx et mauvais.
MCXXX
Autre Balade *.
{Sur le voyage à Saint-Omer.)
{1396.]
DONT venez vous? — Je viens de Saint Omer,
— Or me dittes des nouvelles des roys.
Les avez veuz aux tentes assembler ?
* Publiée par Tarbé, tome I, page lyi.
a. Ne lus. — 6. Je les trouve corrompus de corps et de pensée,
- c. Indignes de confiance.
BALADES bl
Arons nous paix de tous poins cestç foys?
Dittes nous ent, car vous avez la vois « 5
D'avoir escript de leurs faiz queroniques ^.
— Je vous jure, sur Dieu et sur la crois,
Je n'ay riens veu fors le moustier de Liques '^.
Quant a chose dont je doye parler,
Excepté ce que j'ay veu les Anglois lo
A Saint Orner et venir et aler
Vers la roine d'Angleterre a hault doys <^,
Et si dit on qu'a la fin de ce mois
La baurra « l'en vers Calais, près des diques/,
Au roy anglois, puis mon départ d'Artoys, i5
Je n'ay riens veu fors le moustier de Liques,
Et les chevaulx qu'on y fait establer,
Dont Pompée fut pour tel fait destrois §";
N'autre chose ne vous sçay raconter,
Fors d'un varlet breton qui par ses doys 20
.IIIIXX. frans, sanz dire « je m'en vois, »
Et un roucin qui estoit bons et friques /',
M'a desrobé; n'en cerchant par ^ les boys,
3oo c Je n'ay riens veu fors le moustier de Liques.
l'bnvov
Princes, j'aray bien pou a sermonner, 2 5
A escripre, n'a voz faiz ordonner
De ce traicté des noces autentiques.
Et pour ce vueil cy mon euvre finer,
I. parmy
a. La renommée. — b. Chroniques. — c. Liques, couvent de
l'ordre de Prémontré, situé entre Boulogne et Calais. — d. Sous
de hauts dais. — e. On la donnera. — /. Digues. — g. En détresse,
malheureux. — h. Frais, fringant.
5d BALADES
Et en finant puis bien a tous jurer :
3o Je n'ay riens veu fors le moustier de Lîques.
MCXXXI
Autre Balade *.
{Le Renard et le Corbeau.)
ORGUEIL, despense, oultrageus dons^
Que l'en suelt et faire et donner
En pluseurs lieux, que nous perdons
Sanz cause, par desordonner,
5 Nous feront fouis larges ^ nommer
Et amenrir '' nostre finance,
Que nous nesçarons recouvrer
Par cuidier et foie plaisance.
O le corbaut nous endormons,
10 Par vaine gloire, a escouter
La louenge de noz vains noms,
Dont il se déçut par chanter ;
Son frommage en laissa aler ;
Renart le print, le corbaut tance
i5 Qui le sien voit perdre et glanner •
Par cuidier et foie plaisance.
A ceste figure advisons
• Publiée par Tarbé, tome II, page i3o.
a. Prodigues. — b. Amoindrir.
BÂLÂDËS 53
Et a nous désormais régler
Que folement ne despendons ;
Grant paine est d'avoir amasser 20
Et brief chose est du despenser,
Et plus grief d'avoir recouvrance :
Car l'en puet un règne miner
Par cuidier et foie plaisance.
l'envoy
3oo d Princes, chascuns doit adviser 25
Son don, et a cellui viser
A qui il donne a la balance,
S'il vault et s'il puet proufiter,
Moyennement, sanz excéder
Par cuidier et foie plaisance. 3o
MCXXXII
Autre Balade *.
[Sur les chevaliers de la maison du roi.)
[1396]
GRANT bien me fist et resjouissement,
Ainsis que gent pour quérir honeur vont,
De vir Tostel et le hault parrement
Des chevaliers, princes, qui a vous sont :
La fut Namur, Touteville, Aufemont, 5
Hambuie, Bueil, Blaru, l'Ile Bouchart,
Guy de Laval, Rostelain et Oudart,
Publiée par Tarbé, tome I, page pp.
54 BALADES
Viconte Meaulx, Fayel et ^ Bouteillier,
Jehan de Trie, Gadifer que Dieux gari!^
10 Vueilliez tousjours telz gens acompaignier «.
Encor y vi et tous d'un parrement
Thorigny, lors françois, et Braquemont,
De Sarrebuche Amé, Arnault Guillent,
Garencieres et Florigny d'un front,
1 5 Pierre de Bueil et Allain de Beaumont,
Jehan de Roussay et de Sempy Colart,
G. de Trie, Coleville et Mirart
De Miraumont, Bethancourt. Tenir chier
Doit l'en les bons et avoir de sa part :
20 Vueilliez tousjours tel gent acompaignier.
Poitiers, Brimeu, Carados ensement
Et PEstandart, Quiquempoit après vont,
Canny, Coudroy, Villequier quartement,
Braque, Nery, Lancelot. Boyau ont
25 Et Valiquet, qui la despense font,
Tous chevaliers ; bannière et estandart
Ont les pluseurs. Saiges est qui départ
A telz barons le sien et fait grenier
De tel trésor; des mauvais n'a regart : Soi a
3o Vueilliez ^ tousjours tel gent acompaignier.
l'envoy
Prince, je tais Je nombre bel et gent
Des escuiers et de vostre autre gent
Que l'en doit bien entre les bons trier
Et que l'en puet veoir communément
35 En vosire hostel : et pour ce, en concluent,
Vueilliez ^ tousjours tel gent acompaignier.
I. cl manque - z. VueiUcz.
a. Prendre pour compagnons.
BALADES 55
MCXXXIII
Autre Balade *.
(Sur les écuyers de la maison du roi.)
[1396J
AiNSis c'om va pour vir a Taventure,
Par les marches, du monde la noblesce,
Vy sur les champs tresnoble nourreture
D'un grant seigneur qui le gardent de presse,
Vieulx et moyens et de bonne jonesse, 5
Escuirie de beau gouvernement ;
Boniface fut la premièrement,
La Grue aussi, Olivier le Ferron,
Bertran Boistart, Louvet, Jehan de Couvrent :
Bon fait tel gent tenir en sa maison. 10
Jehan et Guillot de Tillaye ^ n'ont cure
Ne G. de Bueil, Chaumoncel, de paresse
Colart de Bus, ne Jehan de Dreux d'ordure.
Ne Mauvoisin de nul vice qui blesse ;
Aubert entr'eulx de l'Espine ne cesse i 5
De poursuir ; Regnault l'Escrie entent
A tout honeur, et si fait Enguerrent,
D'escurie tous escuiers de nom,
Gerart d'Acy, Beaucourroy : vraiement
Bon fait tel gent tenir en sa maison. 20
D'autre part font du bon vin fourniture
• Publiée par Tarbé, tome I,page loi.
I. Tillav.
56 BALADES
Le seneschal ; Petiot, s'on l'oppresse,
Se tirearrier; Paniot paine endure,
En l'office garçon venir ne lesse;
25 Ynglart Marchât rit et puis se courresse; 3oi b
De Nantoillet Ogier, varlet trenchant
Vy, et Gourle, Betis, mainte autre gent,
Et Jacotin, Minguet, celle saison,
Jeusnes, jolis, bien paillotez d'argent :
3o Bon fait tel gent tenir en sa maison.
l'envoy
Prince, pluseurs des escuiers delesse
De vostre hostel, qui tendent a prouesse
Et qui sont hors pour acquérir renom.
Amez les bons, monstrez leur vo largesse,
35 Ceuls vous seront escu, chasteau, fortresse i,
Bon fait tel gent tenir ^ en sa maison.
MCXXXIV
Autre Balade.
{Discussion avec la Fortune.)
JE viens tous nus, dame, en vostre pouoir;
S'ay bien mestier de vostre nourrcture.
— Advisedonc se je te faiz valoir,
Que tu n'as riens fors les biens de nature,
I. et forteresse — 2. tenir tel gent.
BALADES 5 y
Fragilité, débilité, ordure; 5
Les biens mondains fuitis et fortunez
Sont par ma main retoluz ^ et donnez
Ou il me plaist,a chascun et chascune,
Mais par grâce nourris ceuls qui sont nez :
Mère de tous suy nommée Fortune, lo
Qui par pitié vueil pluseurs recevoir,
Et presque touz, dont je prang soing et cure,
Tetter les faiz, aprandre art et sçavoir
Mestier, engin, tant com vie leur dure,
Pour eulx chevir, et puis m'appellent dure i5
Quant je les ay nourris et eslevez;
Se mes biens prans, dient qu'ilz sont grevez
Et me claiment desloial, fausse, enfrune ^;
Ingrades <^ sont, de mes biens gouvernez :
Mère de tous suy nommée Fortune. 20
3oi c Je preste ainsis et despens mon avoir
Pour mettre avant l'umaine créature,
Ce que pluseurs ne scevent concevoir,
Mais leur semble que je leur faiz injure,
Quant nourris sont, de prandre ma droiture, 2 5
Ce qui mien est; ceuls sont bien foulz prouvez,
Quant je les ay de l'ordure levez,
Qui de mes biens veulent faire commune;
Ravoir les vueil, ne les ay que prestez :
Mère de tous suy nommée Fortune. 3o
l'envoy
Princes et roys, toutes gens, entendez,
Qui par mon fait aux granz choses tendez.
Que nulz sanz moy n'en pourroit fournir une;
a. Repris. — b. Renfrognée, morose. — c. Ingrats.
^8
BALADES
Pour ce faut il que le mien me rendez,
35 Quant il me plaist; ma puissance sentez :
Mère de touz suy nommée Fortune.
P
MCXXXV
Cbançon Royal.
(// est dangereux de dire la vérité.)
lAR tous les dieux de la palus d'Enfer,
Par Cerberus, Atropos, Lachesis,
Par les Raiges, par Sathan, Lucifer,
Par les dampnez et mauves esperis
5 Qui par orgueil ont tous esté péris,
Dont je suis l'un, qui règne sur Envie,
Je destruiray les gens de ceste vie
Par Vérité que j'ay chacié dehors :
En son deffault tendray la monarchie,
10 Et qui dira vérité sera ^ mors.
Trop me greva par la croix et le fer
Et par le sang du nouveau crucifis,
Du quel le corps, bras, jambes et ly ner
Furent tirez pour rachater les vis «
I 3 De noz prisons ; les mors pour leurs delis
En rachata cilz qui tous vivifie,
Et par pitié despouilla celle fie * 3oi d
Tout nostre hostel des esperis sanz corps;
I il sera.
a. Les vivants. — b. Celte fois.
BALADES 59
Vérité hez, ne vueil que nulz la die.
Et qui dira vérité sera ^ mors. 20
Car par elle régnant, parlant, je per
Maint crestien qui ja m'estoit acquis,
Maint grant seigneur que mangèrent li ver,
Dont par elle fu long temps esbahis;
Mais a présent n'est plus en nul pais, 25
Chacer l'ay fait du mont par FJaterie ;
Elle est en ciel dont elle estoit partie.
Jamais ça jus ne sera ses ressers:
Taisiez la tuit, d'en parler est folie,
Et qui dira vérité sera ^ mors. 3o
Les Apostres qui, Testé et Tyver,
La preschierent en furent a mort mis ;
Leurs successeurs, ce vous puet apparer,
La taisent tuit pour double des périls ;
Les conseilliers se sont d'elle desmis, 35
Les chevaliers en la chevalerie,
Clers et marchans, bourgois en bourgoisie;
Au temps qui court on ne quiert que trésors.
Que volunté soit par tout acomplie.
Et qui dira vérité sera 1 mors. 40
Mençonge court et au main et au soir,
Par le quel 2 j'ay mains royaumes conquis,
Ame et subgiez. Son dit de quoy je sor,
Je suis d'Enfer, l'un des grans ennemis,
Qui ainsi ay tous les ordres soubmis 45
Pour repeupler d'Enfer la jerarchie
Et compaignons avoir de ma partie
En mes paines, c'est tous mes reconfors:
Mentez tousjours, pour vo bien le vous prie,
Et qui dira vérité sera ^ mors, 5o
I. il sera. — 2. lesquelz.
60 BALADES
l'envoy 3o3 a
Prince, pensez que ce dit signifie,
Comment diables parmençonge nous lie
L'ame dedenz et le corps par defors " ;
Pour Vérité qui est toute abolie,
55 Faussons ce mot dont j'ay merancolie :
Et qui dira vérité sera ^ mors.
MCXXXVI
Autre Balade.
(Où peut demeurer la Vérité ?)
ENSEIGNIEZ moy, douce gent,
Verte 2, et se je la truis,
J'ay de l'or et de l'argent
Que trop bien donner vous puis;
5 Mais forment esbahis suis
Que je ne la sçay trouver.
— Va donc hurter a son huis.
. — Ou puet elle demeurer?
En abbaie n'en couvent,
10 En boys, en ville n'en puis,
En mer, en eaue, ou souvent
L'ay quis *, en chace, en déduis;
I. il sera. — 2. Vérité.
a. Dehors — b. Je l'ai cherchée.
BALADES 6 I
En gens a conseillier duis ;
En Advignon, oultre mer;
Mais ses noms est tout destruis : i5
Ou puet elle demourer?
— • Va la quérir ou l'en vent
Les chevaulx : la sont instruis
Les courratiers «, par leur vent,
De l'aler quérir de nuis. 20
— Au trover a trop d'annuis.
— Va la es cours demander.
— Pas n'y est, ses lieux est vuis * :
Ou puet elle demourer?
l'envoy
Prince, pour quoy ne comment 25
Est Verte 1 du monde absent ?
— Qu'om ne la veult escouter ;
Chascuns la va menaçant.
Pour ce se va esconsent <^ :
Ou puet elle demourer? 3o
c
MGXXXVII
Autre Balade.
[Gardons-nous défaire mal.]
OMMENT sont les cuers endurcis
En la principaulté mondaine,
I. vérité,
a. Courtier. — b. Vide. ■— c. Se cachant.
6l BALADES
Les oeulx troublez et obscurcis
Es grans estas que chascuns maine,
5 En despens passans leur demaine,
En nombre de gens et en dons
Excessis, en grâce ^ et pardons
Ou pugnicion se deust faire,
Dont la grâce de Dieu perdons :
lo Pour Dieu, gardons nous 4c mcffaire.
Veons dont Noblesce jadis
Vint : des vertus ; chose villaine
Des vices dont on est laidis <»,
Qui villenie en tous admaine;
i5 Advisons no nature humaine
Et comment semblables naissons,
Que froit et chaut et mal soufrons
Et que tous convient a mort traire :
Soit clers, laiz, villains, gentilz homs,
20 Pour Dieu, gardons nous de meffaire.
Doublons que Dieux en paradis
Réserva vengence certaine
Quant peuple orent les roys requis,
Sur tous pugnicion et paine;
25 Les uns destruit, autres ^ aplaine *.
Durs aux mauvais, piteux aux bons
Est en tous temps ; ne nous fions
Es péchiez qui nous sont contraire,
Mais no vie en mieulx reformons: 3o2 c
3o Pour Dieu, gardons nous de meffaire.
l'envoy
Princes, roys et erapereris,
I. grâces. — 2. les autres.
a. Enlaidi. — b. Caresse.
BALADES 63
Vos prédécesseurs sont pourtis :
Advisons tous a nostre affaire ;
Gardons nos povres esperis,
Car les corps sont tantost péris : 35
Pour Dieu, gardons nous de meffaire.
MGXXXVIH
Autre Balade
{Crainte de la fin du monde.)
Oroy des roys, Dieux en ciel et en terre,
Faiseur, creeur <^ de tous les elemens,
Com grant pechié fait cilz qui vers toy erre
Et qui ne fait a ^ tes commandemens !
Car tant doubteux ^ sont tous tes jugemens 5
Et si soubdains que nulz ne les perçoit
Jusques a ce que dMceulx prins se voit,
En soustetiant ta justice parfonde.
Que 2 nul pécheur perceverant ne Boit :
J'ay grant paour de la fin de ce "monde, lo
Ou je ne voy nul le droit chemin qtiBfre
Selon ta loy, croire en tes sacremens,
Pité avoir l'un de l'autre, n'acquerre
Par charité ta paix aux requerens.
Pour quoy? Pour ce qu'ilz sont perseverens, i5
i. a manque. — ï. Qui.
a. Créateur, — b. Cachés.
64 BALADES
Sanz repentir en ce qui les déçoit,
En tous péchiez, dont pugnicion doit
Venir sur eulx, qui chascun Jour s'i fonde,
Et quant nul d'eulx sa coulpe n'apperçoit,
20 J'ay grant paour de la fin de ce monde.
Pour advertir n'as tu envoyé guerre,
Mortalitez, tempests et mouvemens,
Maladies et faim qui les cuers serre, 3o2 d
Mors de princes et conflits de leurs gens?
25 En lieu de roys as establi regens,
Signes donnez dont l'en se merveilloit,
Après les quelz vengence s'ensuioit
Sur les pais des pécheurs a la ronde ^ :
Et comme aucuns pour ce ne s'amendoit,
3o J^ay grant paour de la fin de ce monde.
Et de pluseurs qui sont alez requerre,
Pour ton saint nom exaucier, mescrean^s
Oultre la mer, Godefroy qui la erre,
Saint Loys roy, pour les faire creens,
35 Empereurs, ducs et autres crestiens
De la les mons, pour quoy les noms y soit
Sanctifiez; mais au fort que qu'il voit
D'avoir conquis, tout est perdu par Tonde
De noz péchiez, se pitez n'y pourvoit :
40 J'ay grant paour de la fin de ce monde.
Empereurs, roys, ducs ^ et princes, pourquerre
Vueilliez de Dieu la grâce, et les lourmens
Dont diable ^ et chars et mondes nous enserre,
Laissier du tout : et que repentemens
45 De noz péchiez et perseveremens
De faire bien soit avec nous de droit
I. a larronde. — 2. ducs manque — 3. diables.
BALADES 65
Pour eschuer ^ le jugement estroit
Du hault jugeur ^ ^, si qu'il ne nous confonde :
Ou autrement, se l'en perseveroit,
J'ay grant paour de la fin de ce monde. 5o
l'envoy
Prince, de qui vient tous entendemens,
Pères et filz, sains esoeris puissans,
Trois personnes en uns, pouoirs redonde
En un seul Dieu, pitez vous soit mouvens :
Crions merci, ou dedenz tresbrief temps, 55
J'ay grant paour de la fin de ce monde.
MCXXXIX
Balade *.
{Naissance d'un prince. )
RESJouis toy, Jherusalem dolente, 3o3 a
Qui tant as eu de tribulacion.
Et comme uns buefs ^ as esté mise en vente,
En servitute et persecucion.
Dieux a oy ta lamentacion ; 5
• Cette ballade, publiée par Tarbé, tome I, page 114, déjà transcrite au
folio 16, a été publiée sous le numéro LXVIII, tome I, page i65.
i.jugleur — 2. El comment beufs.
a. Esquiver, éviter. — b. Juge.
T. VI 5
66 BALADES
A ce coup ci yert le jou ^ desnoué
De la misère aux filles de Syon,
Tant que chascuns devra crier : Noué ^!
Car je voy Ja de charité la sente
10 Et de pité la douce mocion,
Amour qui vient, et un fil te présente
Pour ton salut et ta redempcion,
Qui t^ostera de la subjection
Ou cinquante ans a ton peuple noué '',
i5 Et lors seras en consolacion,
Tant que chascuns devra crier : Noué!
France, tu es Jherusalem : se sente
Et puet sentir estrange nascion.
Qui tant as eu de paine et de tourmente
20 Par les gens Bruth ; mais, a m^entencion,
Par cest enfant prandront finicion :
Car seigneur doit du secle estre advoué,
Tout soubzmettre doit en conclusion,
Tant que chascuns devra crier : Noué !
l'rnvov
25 Princes, pour Dieu le peuple se démente
De paix avoir, qui tant vous a loué,
Craint et chéri ; faictes que guerre absettte.
Tant que chascuns devra crier : Noué !
a. Joug. — b. Noël, cri de joie, — c. Nagé.
BALADES 67
MCXL
Autre Balade.
(La vraie noblesse est dans le cœur.)
D
,ONT vient a tous souveraine noblesce?
Du gentil cuer, paré de nobles mours,
Qui aux vertus non aux vices s'adresce,
Qui n'est despis, fel, orgueilleus ne lours ?
Est on noble pour faire villains tours? 5
Certes nenil, car Frans Vouloirs ne puet
3o3 b Soy excuser des vices ou d'onnours :
Nulz n'est villains se du cuer ne lui muet.
Qui fist les rois, dont vint la gentillesce ?
L'ancien temps et la mondaine cours. 10
Qui les requist ne dont vient leur hautesce?
Dieux le scet bien, qui eslut des meidlours
Quant les pueples en lieu de leurs menours ^
Requirent roy; advise cy qui veult,
Et aux vertus aient tuit leurs retours : i5
Nulz n'est villains se du cuer ne lui muet.
Les vaillans cuers, hardiz, plains de proesce
Et vertueux fist adonc Dieu seignours,
Du bien commun leur enseigna l'adresce,
Justice et droit pour les grans et menours, 20
N'il n'entendit faire des loups pastours;
Du noble nom, s'il est villain, se duelt
L'autre ^ jouist : donc, qui sent ces coulours,
Nulz n'est villains se du cuer ne lui muet.
I , Et l'autre.
a. Chefs.
68 BALADES
L ENVOY
25 Princes, nulz homs les vertus ne delesse
Pourgrant estât, car qui les vices queult
Cilz est villains, et nobles qui les lesse :
Nulz n'est villains se du cuer ne li muet.
«
MCXLI
Balade
[La Nature et la Mort.)
MORT, je qui sui Texemplaire et figure
D'omme et femme, bestes,poissons,oiseaulx,
« D'arbres, de flours, de toute nourreture,
« Me plaing a Dieu de toy tresdesloyaulx,
5 « Quant mourir fais toutes celles et ciaulx
« Que j'ay créez et avant leur termine <*,
« Jeunes et vielz, foibles, fors,laiz et biaux:
(c Toute vie par toy se détermine ''. »
« Il est bien vray », dist la Mort a Nature,
lo « Que riens n'est fait de toy, tant soit isneaulx <^,
« Com longuement se garde, ne qu'il dure,
« Qu'il ne faille passer par mes raiseaulx "^
« En definant; li Dieux celestiaulx 3o3 c
« L'a ordonné par sentence divine. »
a. Leur fin déterminée.— 6. Se termine— c. Rapides,— </. Filets.
BALADES 69
Nature dist : « C'est jugemens royaulx, i5
« Toute vie par toy se détermine ^. »
« Mais pas ne suis, » ce dist la Mort, « trop dure
« A espargnier jusqu'à long temps les peaulx;
« Convoitise fait gens pour po d'ordure
« Batre, ferir, faire guerre et cembiaux ^, 20
« Ravir, tuer par glaive et par carriaulx *
« Pour terre avoir; mains d'eulx ainsi deffine
« Et par excès. » — « Tu respons que loyaulx c :
a Toute vie par toy se détermine. »
l'envoy
Princes, vray est que li aages nouveaulx, 25
Par convoiter, de jour en jour décline ;
Gens se tuent; Mort met raison entr'iaulx :
Toute vie par toy se détermine.
MCXLII
Balade
{Sur Charles VI et son fils.)
DOUCE France, pran en toy reconfort,
Resveille toy, soies de joie plaine,
Car cilz est nez qui doit par son effort
Toy restorer ; c'est le roy Charlemaine.
I. se termine.
a. Combats. — b. Flèches. — c. Comme loyale.
70
BALADES
5 Charles a nom, qui de jour en jour maine
Ses osts, pour toy son fil doit recouvrer
Ce qu'as perdu, acroistre ton demaine
Et conquérir la terre d'oultre mer.
Ainsi pieça l'ont destiné li sort
lo Et la vertu des climas souveraine,
C'uns chetivez doit esire en ton confort
Yssus de toy, qui, par puissance plaine,
A son pourchas par mocion soudaine
Doit moult ce roy par son sens eslever
I 5 Et desconfir mainte secte villaine
Et conquérir la terre d'oultre mer.
Par ces trois yert * grant ton renom et fort *.
Les jfilz de Bruth destruis quoi qu'il aviengne ;
Charles premier sera puissant et fort, 3o3 d
2o Et le second l'empire d'Alemaigne
Doit obtenir, et porter son ensaigne
Sur Sarrasins, et ceuls doit subjuguer;
Jherusalem doit faire premeraine
Et conquérir la terre d'oultre mer.
G
MCXLllI
Autre Balade.
{Sur le danger de la mer.)
KLÉE, noif '', montaigne ne valaige <^,
Bois ne désert, qui sentence y meltroit.
I . a e/fort.
a. Sera. — b. Neige. — c. Vallée.
BALADES 7 I
Ne divers pas ne beste tant sauvaige,
Que l'en ne puist efforcier ^ qui vouldroit ;
Mais je ne croy qu'il soit engin ne droit 5
Que homs sceust faire, dire ou nommer,
Qui contester peust en nul endroit
Au grant péril et fortune de mer.
Car trop soudain sont illec * li oralge,
Les vens divers, si que nulz ne pourroit lo
Eulx efforcier ne prandre le rivaige,
N'aler au port ou cilz aler vouldroit
Qui entre en mer, et mains homs s'i déçoit,
Qui ne puet pas i son entente achever
Et qui jamais résister ne pourroit 1 5
Au grant péril et fortune de mer.
Pour ce le doit redoubler qui est saige,
Car la paours est grande qu'on y voit ;
Po y puet homs faire son vasselaige
Quant fortune est ; se le vaissel hurtoit 20
A roche nul, en brief temps periroit
Ou les undes le feroient verser :
Si fait trop bon obvier, qui pourroit,
Au grant péril et fortune de mer.
l'envoy
Prince 2, Ysorez a son temps maintenoit 25
Que sur terre vault ^ mieulx guerre mener;
Sur l'eaue non, et eschiver vouloit
Au grant péril et fortune de mer.
I. par — 2. princes. — 3. valoit.
a. Soumettre, réduire. — b. Là,
7* MALADES
MCXLIV
Balade.
(// ne faut pas juger sur l'apparence. Une servante
parle.)
JAMAIS nul jour n'auray fiance ou temps 3o4 a
Ne ou souleil pour essuer buée ^
Qui lieve main a raix trop esclairens *,
Car laidement en ay esté trompée,
5 Si que Je voy une obscure nuée
Soudainement obscurer ^ ce souleil
Et tant plouvoir que toute fu gastée :
L'en ne doit pas par tout jugier de Toeil.
En ce regart ay je perdu mon sens
lo Et de ce m'a ma maistresse blasmée ;
Cendre et cuvier par ma taulte li rens,
Nape n'y a qui ne soit deslavée,
Laissive n'ay ne feu en cheminée ^
Et pas ne puis buer ^ comme je vueil;
i5 Par foui regart ay esté assotée :
L'en ne doit pas par tout jugier de l'oeil.
Mais pas ne suis toute seule ignorens,
Car de bestail ay veu mainte tropée ^
Par les bergiers chacier pour paistre aux champs
I. chemine.
a. Pour sécher lalessive.— è. Qui se lève le matin avec des rayons
trop brillants. — c. Obscurcir. — d. Lessiver. — e. Troupeau.
BALADES 73
Qui cuidoient avoir belle journée, 20
Qu'il convenoit faire la retournée
Et plus moilliez, eulx bouter soubz leur sueil,
Et s; avoit mainte beste esclopée :
L'en ne doit pas par tout jugier de l'oeil.
l'envoy
Prince, il convient estre moult diligens 25
Qui veult buer et cuire, trop m'en dueil,
Sçavoir de vray que li temps soit constans :
L'en ne doit pas par tout jugier de l'oeil.
MCXLV
Autre Balade.
(On peut faire la guerre en tout temps. — Conseil de
descente en Angleterre.)
Q
ui a bon cuer, pouoir et hardement.
Et volunté qui soit sur droit fondée,
Et il a gens a son commandement,
Qui vueille honeur, se guerre a, son armée ^,
Ne doit cesser, pour vent ne pour gelée,
Qu'il ne voise ^ son ennemi requerre * :
3o4 b Puis que sa gent soit de vivre ordonnée :
Vaillant cuer puet en tous temps faire guerre.
I. voist.
a. Son expédition. — b. Qu'il n'aille chercher son ennemi.
74 BALADES
Il ne fault pas muser si longuement
10 Qui conquérir veuit aucune contrée,
Le temps passer n'avoir son aisément;
Traveillier fault pour avoir renommée;
Richesce, honeur ne sera ja donnée
Au paresceus, car rien ne puet conquerre,
1 5 Ains pert toudis ; chose est déterminée :
Vaillant cuer ^ puet en tous temps faire guerre.
Plus fait durs temps, plus ont d'espentement «
Ceuls dessus qui la guerre est ordonnée -,
Et aux hardis voit on communément
20 Fortune avoir qui est bien fortunée ;
Car quant plus est une chose doublée,
Et meilleur fin 11 voit on souvent querre;
Ne doublons rien, soit no vie asseurée :
Vaillant cuer ' puet en tous temps faire guerre.
l'envoy
Princes, passez sanz point de demourée :
25 Vostres sera le pays d'Angleterre;
Autre fois l'a un Normant conquestée :
Vaillant cuer i puet en tous temps faire guerre.
1. Vaillaiis cucis. — 2. donnée.
a. Epouvante.
BALADES fp
MGXLVI
Antre Balade
(Il faut récompenser les anciens serviteurs.)
JE qui voas ay en jeunesse servi
De mon pouoir, fait a vostrc plaisance,
Sanz convoitier, sanz estre remeri ^,
En attendant vostre bonne ordonnance,
Riche vous voy, seigneur, en grant puissance : 5
Souviengne vous de voz povres servens,
Ne les mettez pour autre ^ en oubliance :
Pechié seroit et grant deffault de sens.
Mais je me doubt que pas ne soit ainsi,
Car oublier voy les servens d'enfance lo
Souventefoiz, et que plus sont joy ^
3o4 c Les derreniers, c'est maie acoustumance;
Qui povre sert, quant riche a la chevance,
Remerir doit adonc ses povres gens ;
S'ainsi ne fait, s'ilz avoient soufrance, 1 5
Pechié seroit et grant deffault ^ de sens.
Car cilz qui sert en povreté, cellui
Qui devient grans doit avoir congnoissance
De l'avancer, du mettre près de lui
A son desceu <=, l'avoir en remembrance, 20
I. autres. — 2. default,
a. Récompensé. — b. Gratifiés. — c. Insu.
76 BALADES
Faire du bien. Hé I filz de roy de France,
De faire ainsis ne soiez negligens :
S'en vous estoit d'eulx bien faire ignorance,
Pechié seroit et grant deftaut ^ de sens.
l'envoy
25 Princes, soiez de bonne pourveance
Sur voz estas, secourez voz sergens <*,
Car autrement l'en diroit sanz doubtance :
Pechié seroit et grant deffaut ^ de sens.
MCXLVII
Autre Balade
(Il faut demander conseil au gens experts.)
SIRES qui veult faire aucun maçonnaige *
Doit son vouloir aux maçons descouvrir,
Aux charpentiers parler du charpentaige <^
Et aux couvreurs marchander du couvrir,
5 Ne pas ne doit telle matere ouvrir
Aux vignerons, qui ne scevent que c'est,
Ne bon conseil aux foies gens quérir :
Chascun sçavoir doit ce que bon li est,
Et d'aviser en un chascun ouvraige,
10 D'appeler ceuls qui le scevent fournir
I. défaut.
à. Serviteurs. — b. Maçonnerie. — c. Charpenterie.
BALADES 77
Et non pas ceuls qui n'en scevent Tusaige,
Qui doit plaidier face advocas venir,
Sans 1 ce pourroit sa besongne honnir;
Pour finances soient li changeur prest,
Car par non sens puet maint mal advenir : i 5
Chascuns sçavoir doit ce que bon li est.
304 d Gilz qui guerre a ou doit combatre engaige
Doit aux vaillans leurs consaulx requérir,
Aux chevaliers qui en armes sont saige
Et qui scevent comment l'en doit ferir; 20
Par ceuls la doit aprandre et enquérir
Ce qu'il fera, car ceuls la sanz arrest
L'acompliront pour vivre et pour mourir :
Chascuns sçavoir doit ce que bon li est.
l'envoy
Princes, qui a grant terre a maintenir 25
Quant sa guerre a, de s'oneur se desvest
Se ceuls ne croit qui le font soustenir :
Chascuns sçavoir doit ce que bon li est.
MCXLVllI
Autre Balade.
[Calamités causées par la rivalité de la France
et de l'Angleterre.)
D
Epuis Nembroth qui acquist seignourie
Premièrement pour les loges garder,
I. Par.
78 BALADES
Du temps des Grieux de Troye, l'exillie «
Babiloine, que Cirus voult gaster,
5 Qu'Alixandre fist le monde trembler
Et le soubmist et subjuga par guerre,
Les Rommains, puis ne fut veu en terre
Tant de doleurs et de maie meschance ^
Qu'on a veu partout courir et querre
10 Pour le débat d'Angleterre et de France.
Tant ne dura la guerre d'Asyrie
Ne des Tartars, ou pais d'oultre mer,
Ne la loy Dieu ne fut plus dommagie
Que par ces deux pour la guerre mener,
i5 Pays destruis, les temples violer,
Ardoir, ravir et l'un l'autre requerre ;
Par .Lx. ans, qui bien en veult enquerre,
Sanz paix avoir, règne tel pestilence
En mains pais tuer, murdrir qui erre,
20 Pour le débat d'Angleterre et de France.
Estre devront bien ou livre de vie
Qui bonne paix final sçauront trouver
Entre ces deux, faire l'Eglise unie; 3o^ a
Par ce pourront le monde reformer,
25 En trestoLis biens leurs noms perpétuer
En bon renom, qui par tout le monde erre,
Et s'en pourront la gloire Dieu acquerre;
A tousjours mais feray d'eulx remembrance
En mon livre que j'ay enclos soubz serre ',
3o Pour le débat d'Angleterre et de France,
l'envoy
Princes, vueilliez a la paix labourer
a. La captivité de Babylone. — è. Malheur, calamité.— c. Serrure.
BALADES 79
Et les .11. roys s'i vueillent acorder
Sanz convoiter or, terre ne finance,
Ne facent plus le monde déserter
Ne les peuples mourir et tourmenter 35
Pour le débat d'Angleterre et de France.
MCXLIX
Balade.
[Sur le mariage de sa fille.]
JE ne croy par mon jugement
Qu'il soit plus grant merencolie «,
Sanz mal du corps et sanz tourment,
Que d'omme qui fille marie
En estât de chevalerie, 5
De clerc, de bourgois ou de lay * ;
Par ma fille bien aprins l'ay
Qui m'a rungié jusques aux os.
Pour ce a ceuls qui fille ont diray :
Qui fille a n'est pas a repos. lo
Terre lui fault premièrement
A tousjours, non pas a sa vie,
Robes, joyaulx, or et argent,
Pannes ^, draps d'or et pierrerie,
Manteaulx, anneaulx, peleterie, i5
Menu ver, gris, chapel d'or gay,
a. Tourment, chagrin. — b. Laïque. — c Fourrures.
8p BALADES
Fronteaulx «, couronne : hé Dieu, quel glay ''!
Vaisselle, plas, escuelles, pos;
Jamais fille ne mariray :
20 Qui fille a n'est pas a repos.
Court et long fault maint garnement <^, 3o5 b
Grans noces faire et chiere lie,
Menestrelz de maint instrument
Pour esbatre la compaignie,
25 Et si fault qu'elle soit fournie
De chambres, de liz, c'est tout vray,
Et de beau linge ; je ne sçay
Gomment les pères sont si sos.
J'en suis ratains jusqu'au hahay ^ :
îo Qui fille ' a n'est pas a repos.
l'envoy
Princes, cellui qui fille prant
Est plus joieux communément
Que li pères, qui plaint son dos,
Quant le fais et la charge en sent ;
35 Nulz ne puet sçavoir, s'il n'aprant :
Qui fille ^ a n'est pas a repos.
I . filles.
a. Ornements du front. — b. Quel plaisir! — c. Habillement. —
d. J'en suis blessé jusqu'à crier.
BALADES 81
MCL
Autre Balade *.
{De l'usage de donner une dot aux filles
en les mariant.)
JE me donne grant merveille
D'omme qui doit estre saige,
Qui tille a, blonde et vermeille,
Quant pour mettre en mariaige
Et tollir son pucellaige 5
Donne du sien largement
A un mauvais garnement,
Ou bon compains la prandroit
Voluntiers et liement,
Qui de l'argent lui donrroit. 10
Ce fait la loy qui conseille
Aux foulz pères cest usaige,
Dont maint d'iceulx se traveille
D^y mettre son heritaige.
Quant trouver puet d'avantaige i5
Qui laboure son enfant.
Pour quoi veult il chierement
Lui pour ce ferrer estroit «,
Quant trouver puet promptement
Qui de l'argent lui donrroit ? 20
* Publiée par Crapelet,page 1 1 1.
a. Se mettre à l'étroit comme un cheval dont le fer serre trop le
pied.
T. VI 0
82 BALADES
Je ne sçay folour pareille ;
Pères despent a oultraige
Qui a belle fille, et veille
Pour faire son labouraige.
25 Ja n'y mette argent ne gaige;
Prangne la tout franchement
Qui la veult, non autrement;
Pères rien donner n'y doit,
Quant il scet certainement
3o Qui de l'argent lui donrroit.
l'envoy
Princes, pères fait oultraige
Qui fille a, et son dommaige;
Se belle est, il se déçoit
De donner a biau visaige ;
35 Homme aroit bien de paraige
Qui de l'argent lui donrroit.
MCLI
Balade *.
COMMENT LE PERE MARIE SA FILLE ET LUI DONNE TERRE, OR
ET JOYAULX, EN ELLE INTRODUISANT '^ ESTRE HUMBLE,
DOUCE, COURTOISE ET DE BONNES MEURS.
FILLE que j'ay, puis que vous fustes née
Orphenine de mère defîaillant,
' Publiée par Crapelet, page 1 13.
a. Instruisant.
BALADES
»S
.X. et .VII. 1 ans nourrie et gouvernée
A mon pouoir bien et honnestement;
Lettres monstre, aprins vo sauvement ^, 5
Et vous m'avez comme père obey,
Et par aage vous ay donné mary,
Terre et argent, comme père doit faire,
Pour hoirs avoir : je vous requier et pri,
3o5 ^Soiez humble, courtoise et débonnaire. lo
Honourez Dieu de cuer et de pensée,
La Vierge aussi servez dévotement,
La messe oez, et chascune journée
Graciez Dieu de vostre advancement.
Et li priez de cuer treshumblement i5
Qu'il vous doint fruit dont puist estre servi,
Et qu'il vous gart des las de Tennemi,
Si qu'a pechié nul ne vous puist attraire,
Et que de ce puissiez avoir l'octri :
Soiez humble, courtoise et débonnaire : 20
Donnez pour Dieu, soiez po enparlée ^,
A vo mari ferme et obéissant,
Sobre en tous cas, prode femme trouvée;
Gardez voz corps de foui atouchement.
En vostre hostel ait bon gouvernement, 25
Advisez bien que riens n'y soit péri ;
Soit le bestail gouverné et nourri,
Faictes les beufs et chevaulx aux champs traire
Pour les labours; aux mesgnies '^ aussi,
Soiez humble, courtoise et débonnaire. 3o
1 . .XVII. ans.
a. Votre religion. — b. Bavarde. — c. Aux serviteurs.
84 BALADES
L ENVOY
Fille, au départ et a vo bien alée,
Qui par mari estes de moy sevrée ",
Vueilliez en bien a vo mère relraire ^
Tant que de vous, qui bien vous ay amée,
35 Ne soit nul jour maie chançon chantée :
Soiez humble, courtoise et débonnaire.
MCLII
Balade
SUR CEULS QUI FAINGNENT ESTRE AMOUREUX DE CHASCUNE ET
JURENT QU'n.Z ONT TANT DE MAULX POUR AMER Qu'iL LES
CONVIENT MOURIR, CHASCUN JOUR, DE DIVERSES MORS.
S'
E ceuls qui ont tant de maulx pour amer,
Comme ilz dient, en avoient le quint,
De cent les deux n'en pourroit eschaper 3o6 a
Mais en mourroit, chascun jour, plus de vint;
5 De tel amour oncques ne leur souvint,
Fors qu'ilz cuident en parlant decepvoir,
Et en jurant qu'om croie qu'il soit voir <^
Ce qu'ilz dient, mais au cuer ne leur touche :
Dont touz telz maulx faingnans puissent avoir
10 Faulx amoureus et de cuer et de bouche.
a. Séparée. — b. Ressembler. — c. Vrai.
BALADES 8 5
Les uns dient qu'ilz ne font que trembler,
Que doulz regart de maie heure les print ;
L'autre ne puet dormir ne reposer,
Li cuers li art, puis qu'Amours le sousprint
Soudainement, qu'ardant désir lui vint 1 5
Pour la beauté qui trop le fait douloir ;
Et l'autre meurt quant il n'a son vouloir,
Il sue sang et ses tourmens reprouche :
En languissant se fait telz apparoir
Faulx amoureus et de cuer et de bouche. 20
Et quant dames oient ainsis parler
Tel qui onques a une ne se tint
Mais a pluseurs va pour elles tempter.
Comme un marchant ayant le cuer estint,
Qu'a vraie amour onq telz vices n'avint 25
Que de changier et ainsi decepvoir,
Voisent a Dieu, faictes vostre devoir
De rebouter leur mal et leur reprouche:
Ainsis pourront leur tolie percevoir
Faulx amoureus et de cuer et de bouche. 3o
l'envoy
Prince \ on ne doit nulz croire pour jurer
De leur amour, car en eulx n'a qu^amer,
Ce sont de ceuls qui vont a l'escarmouche
Pour y cuider quelque chose happer ;
Au temps qui est, telz se veulent monstrer 35
Faulx amoureux et de cuer et de bouche.
I. Princes.
H^ BALADES
MCLIII 3o6b
Autre Balade
COMMENT CONGNOISSANCE SOULOIT BOUTER AVANT LES
HAULZ CUERS ET ESLIEVE A PRESENT LES CHETIS.
TROP me merveil que devient Congnoissance,
Qui les haulz cuers souloit avant bouter
Et les saiges par longue expérience,
Que je lui voy de tous poins rebouter;
5 Les chetis voy es estas eslever,
Taire le voir, essaucier le mentir :
Qu'en advient il, a tout considérer?
C'est ce qui fait le monde anientir.
Nulz n'est prisiez s'il n'a grant apparance
10 Et par dehors, sanz dedenz regarder
Le bien, l'onneur, le sens et la vaillance
Que l'en deust devant tout préférer ;
Entre le bien et le mal différer
Devroit chascun, et le bien soustenir,
1 5 Mais le mal voy plus que le bien régner :
C'est ce qui fait le monde anientir.
Humilité n'a plus son ordonnance ;
On tient vaillant qui se scet bel armer,
Honourez est qui amasse finance,
20 Saige est tenu qui se scet bien fourrer;
Vertu n'a lieu, qui ne se puet monstrer ;
Grans en estât et haultains maintenir,
Taire le voir et mençonge acorder :
C'est ce qui fait le monde anientir.
BALADES 87
LENVOY
Princes, depuis qu'om laissa a amer 25
Povres vaillans et les saiges chérir
Et que l'en voult les chetis honourer,
Cest ce qui fait le monde anientir.
MCLIV
Autre Balade*.
Sur les divers noms de l'Angleterre.)
A
NGLETERRE est une isle d'Occident
Qui premier fut Albion appelée;
3o6 c D'Albos est dit, car la terre évident
Pour sa blancheur est en mainte contrée ;
Mainte falize ^ a sur la mer posée 5
Haulte et blanche, dont mainte région
La puet veoir; pour ce ainsi fut nommée :
C'est de ce mot Tinterpretacion.
Bretaingne fut après, en descendant,
D'un duc Bruthus, de Troye la gastée, 10
Qui la conquist, nommée en succédant;
Adonc estoit l'Isle aux Geans clamée ;
Et cilz Brutus mena la son armée
• Publiée par Crapelet, page 114
a. Falaise.
88 BALADES
Et les geans mist a destruction ;
1 5 De Brutus fut Grant Bretaingne appellée
Cest de ce mot Tinterpretacion.
Long temps après vint la un accident
Par les Saxoins Angles; car appellée
Fut d'Angela, fille a un duc puissant
20 De Saxoine, celle terre loée;
Conquise l'a, Bretons mis a Tespée,
Et fist illec son habitacion ;
D'Angela ont Angles la renommée :
C'est de ce mot l'interpretacion.
MCLV
Balade
COMMENT ALIXANDRE LE GRANT QUI TANT DE PAIS CONQUESTA
MOURUT PAR VENIN, ET COMENT JULIUS CESAR, POMPEE,
JASON QUI CONQUIST LA TOISON d'oR, AGAMENON ET LE
PREUX ET VAILLANT HECTOR DE TROYE NE PORENT CONTES-
TER A LEUR MORT ET QUE TOUDIS ADVIENT TOUT CE QUI
DOIT ADVENIR.
POUR quoy fina par venin Alixandre,
Qui si puissans fut et si fortunez.
Qui le monde soubmist en aige tendre, 3o6 d
Et commença .xv. ans puis qu'il fut nez
5 A conquérir? Comment fut destinez
Cilz qui conquist Jude, ce fut Pompée?
Après Thessalle ot la teste couppée,
BALADES 89
En Egipte le fist ly roys fenir
Tholomeus, par traison dampnée :
Toudis advient ce qui doit advenir. 10
Comment osa Jason la Toison prandre?
Ly premiers fut qui fist faire grans nefs.
Comment osa ravir ne entreprandre
Helaine puis Paris li forsenez?
Troye, Ylion en furent deffinez, 1 5
Hector li preux, destruite la contrée ;
Agamenon, Gregois ^ et leur armée,
Destruirent tout ; mais a leur revenir
Périrent tuit, po de gent exceptée :
Toudis advient ^ ce qui doit advenir. 20
Julles César auquel Romme voult rendre
Comme empereur triumphe et dignitez,
Qui saige fut ne se sceut pas deffendre,
Et si tenoit lettres des conjurez
Encontre lui, qu'il ne fust mors ruez 25
Si tost qu'il fist ou Capitole entrée.
Est ainsis donc a chascun destinée
Sa vie ou mort, de perdre ou conquérir?
Je croy qu'oil ; chascuns a sa journée :
Toudis advient ce qui 2 doit advenir. 3o
l'envoy
Princes, je tien quant a la loy donnée
Que Franc Vouloir se puet contretenir
Mais quant au ciel de sa cause causée,
Toudis advient ce qui ^ doit advenir.
I. avient — 2. quil.
a. Grecs.
90 BALADES
/
MCLVl
Autre Balade
{Il faut bien choisir son temps avant d'entreprendre.)
L
AssE ! Je sui hastive Voulenté 3o'j a
Qui viens a vous, saige dame Raison,
Pour un arbre que j'avoie planté
Et commencié a faire une maison ;
5 A l'eslever ay ja mis grant foison,
Mais mon arbre voy seichier et périr;
Par la maison voy les eaues ferir
Et empirier trop fort le fondement.
Ne je ne puis Tedifice acomplir
lo Par le default d'emprandrc saigement.
— Dy, en quel temps as tu ton arbre anté ?
— Au moys d'Aoust, ou cuer de la moisson.
— Et ta maison, se Dieux te doint santé?
— En Décembre. — C'est tout hors de saison.
1 5 Par quel conseil ? — Par Foie Opinion;
Qui m'acorda ce que je voulz quérir.
— Tu diz bien voir ; nulz homs ne doit ouvrir
Terre en Aoust pour enter nullement,
Car Nature ne le pourroit nourrir,
2o Par le default d'emprandre saigement.
Car le souleil laisse lors sa clarté
Et fait adonc froide la région ;
Quant la terre a fruit et fueille porté.
Humeur * defifault, trop pou d'ahercion *
a. Humidité. — b. Adhésion, cohérence.
BALADES
9'
Fait fueille ^ au fust ^, c'est sa perdicion ; 25
L'ente ne puet lors a grant fruit venir,
C'est ce qui fait ton arbre defîenir ^
Tu doiz enter en Mars, non autrement;
A trop de gens puet moult mesavenir
Par le default d'emprandre saigement. 3o
Edifier hors du temps de l'esté
Et en river est foie entencion :
Les fondemens sont emplus <^ et gasté;
Qui dessus fait edificacion
Ses mises pert, et s'inundacion 35
3oj b D'eaue ou de vent vient, tout verras cheir ^;
Tu le puez bien par toy meismes veir :
Mars et Avril est le commencement
D'édifier : or te voy esbahir
Par le default d'emprandre saigement. 40
N'empran jamais rien par hastiveté,
Sanz bon advis et sanz mon achoison;
Regarde au temps de famine ou plenté ",
De moisle ou sec, voy la conclusion,
Pense a la fin de l'operacion 45
Que faire veulz, s'il se puet soustenir,
Ains commencer t'en vueille souvenir;
Si ne feras jamais riens folement,
Car tous maulx voy en tous cas advenir
Par le default d'emprandre saigement. 5o
l'en VOY
Princes, vueiiliez a ces poins advertir/,
i. fueille manque.
a. Bois. — b. Dépérir, — c. Pourris par ia pluie. — d. Tomber.
e. Abondance. — /. Faire attention.
92 BALADES
Car du nouvel et du viez Testament
Mains grans seigneurs faillu perdre et mourir
Par le default d'emprandre saigement.
MCLVII.
Balade ''.
(Campagne d'Ecosse.)
[i385.]
Vous qui estes parez comme espousée,
Qui des grans faiz si bien parler sçavez,
Et qui sur tous avez la renommée
D'estre jolis, qui chantez et dancez,
5 Et qui les faiz des grans choses pensez,
Quant en France est chascuns, en son pais,
Vecy Honeur, se querre la voulez :
Vous n'estes pas sur Grant Pont a Paris.
Veoir pouez du roy Charle l'armée
lo Monter en mer; sur ce vous advisez;
Servez le bien de cuer et de pensée,
Faittes vers lui ainsis que vous devez ;
Aiez bon cuer quant vous arriverez.
Et que chascuns soit vaillans et hardis,
1 3 Si qu'en la fin nulz ne soit diffamez : 3oj c
Vous n'estes pas sur Grant Pont a Paris.
• Cette ballade, publiée par Tarbé, tome I, page jS, déjà transcrite deux
fois aux folios /5" et 242, a été publiée dans le tome I, page /56, sous le
numéro LXll et dans le tome V, page 140, sous le numéro DCCCCXXXIl.
BALADES 93
Vous VOUS boutez en l'anglesche contrée
Pour conquérir ce que perdu avez.
— Qu'est ce? — Renom, dont vo terre honourée
Fut par long temps ; donques la recouvrez, 20
Et s'en bataille ou assault vous trouvez,
Monstrez voz cuers plus grans que voz habis;
Ou autrement seriez deshonourez :
Vous n'estes pas sur Grant Pont a Paris
l'envoy
Prince, tous ceuls qui sont les mieulx parez 25
Quant a Toneur soient les premiers mis;
Avisez bien que foit vous combatez :
Vous n'estes pas sur Grant Pont a Paris.
MCLVIII
Balade *.
{Décadence du temps présent.)
LES chevaliers du bon temps ancien
Et leurs enfans aloient a la messe;
En doubtant Dieu chascun vivoit du sien,
L'en congnoissoit leur bien et leur prouesse,
Et li peuples labouroit en simplesse; 5
Cette ballade, publiée par Crapelet, page gy, déjà transcrite au fo-
lio 242, a été publiée dans le tome V, page 142, sous le numéro
DCCCCXXXIII.
94 BALADES
Chascuns content estoit de son office,
Religion fut de touz biens Tadresse «
Mais au jour d'ui ne voy régner que vice.
Li josne enfant deviennent rufien,
lo Joueurs de dez, gourmans et plains ^ d'yvresse,
Haultains de cuer, et ne leur chault en rien
D'onneur, de bien, de nulle gentillesse,
Fors de mentir, d'orgueil et de paresse, -
Et que chascun son vouloir acomplisse.
1 5 Le temps passé fut vertu et haultesse,
Mais au jour d'ui ne voy régner que vice.
A ceuls qui font ainsis viennent li 2 bien
Temporelment. Chevalerie cesse,
Car les vertus sont de foible merrien '', 3o'] d
20 Le labour fault, religion se blesse,
Et vaillance veult estre larronnesse;
Ainsi convient que tout honeur périsse.
Le monde aussi, se Dieu tout ne radresse :
Mais au jour d'ui ne voy régner que vice.
l'envoy
25 Prince, un temps fut qu'oneur, sens et noblesse
Avoient tuit estât et bénéfice,
Vertus regnoit en chascune fortresse,
Mais au jour d'ui ne voy régner que vice.
I. plain — 3. li manque.
a. La direction. — b. Étoffe, proprement bois.
BALADES ^5
MCLIX
Autre Balade *.
[Conseils donnés par une dame à un jeune homme.)
DAME, bon jour vous soit donnez !
— Beau filz, bien soies tu venus!
Que quiers tu? — Que vous m'enseigniez
Comment je seray soustenus.
— Je f enseigneray trois vertus, 5
Le sens naturel et l'acquis.
Et manière est au pardessus :
Aies sur ces poins ton advis ^.
Moult est bons H sens naturelz
Qui vient aux hommes de ça jus lo
Naturelment, puis qu'ilz sont nez,
Qui par leur sens se mettent sus;
Le sens acquis proffite plus
Quant au naturel est unis;
Manière vault mieulx, si conclus : i5
Aies sur ces poins ton advis.
Qui a ces trois yert ordonnez ^
En tous biens sera maintenus,
Temporelz, espirituelz;
Or ne soies pas malostrus; 20
Quier les donc; n'en soies exclus,
* Cette ballade, déjà transcrite au folio 242, a été publiée dans l
tome V, page i43, sous le numéro DCCCCXXXIV.
a Ton attention.— b. Qui à ces trois points se tiendra.
0 BALADES
Le monde aras et paradis
Se tu les as bien retenus :
Aies sur ces poins ton advis. 3o8 a
l'envoy
25 — Raison, dame, vous m'aprenez;
Vostre suis, tant com seray vis,
Disciples. — Bien seras fondez :
Aies sur ces poins ton advis.
MGLX
Autre Balade.
(// ne faut pas se fier aux apparences.)
D
|OUCE dame, je viens de vous aprandre
Se Science est toujours en riche habit,
Vaillance aussi ; or me faittes entendre
Ce que Raison et l'Escripture en dit.
5 Vérité lors un argument me fit :
Qui couverroit un fiens de drap d'or,
Dedenz purroit, et si scez bien encor,
Les draps ostez, qu'il tendroit sa nature.
Certes Science est precieus trésor
lo Qui bien se met soubz povre couverture.
Un noble engin puet sçavoir et aprandre
En petit corps, par son noble esperit,
Toutes vertus, quant ses cuers y veult tendre,
BALADES
^97
De grans robes n'a cure n'appetit;
Veulz tu dire que son sens dépérit i5
S^il ne monstre ses cornes comme un tor ^}
Grant robe avoir n'y vault un harenc sor,
Fors le bon sens d'umaine créature
Que l'en deust bien prisier, amer desor *,
3oS b Qui bien se met soubz povre couverture. 20
Le fiens est sur qui l'en seult estendre
Les riches draps Pomme qui riens n'aprit <^;
Dehors appert ^, mais dedenz n'est que cendre;
Qui a telz gens conseille il se honnit :
Riens ne scevent, et Vaillance périt 2 5
Soubz bel armé qui ne vault pas un cor ^ ;
Aux vertus tien *; les robes, par saint Mor,
Y font moult po, fors de couvrir l'ordure :
L'en treuve bien prodomme confessor
Qui bien se met 2 soubz povre couverture • 3o
l'envoy
Prince, l'en doit aux vertus garde prandre
Aux habis non, mais au ^ sens de nature;
Car telz saiges scet bonne raison rendre
Qui bien se met soubz povre couverture.
I. tient. — 2. Qui se boute. — 3. aux.
a. Un taureau, — b. Désormais. — c. L'homme qui ne sait rien
est l'ordure sur laquelle on étend de riches draps pour la cacher.
— d. Paraît. — e. Une corne.
T. VI
9$ BALADES
MCLXI
Autre Balade.
{Dialogue entre la Terre et la Mer.)
ï
L ot jadis tresgrant dissencion
Entre les vens, la mer et mainte terre,
Qui lors disoit : « Vostre inundacion
« Me grieve trop; Mer, pour quoy va tu querre,
5 « Pour moy grever, les gens qui me font guerre
« Et les portes en si grant quantité
« Que tout m'ardent et robent sanz pité
« Quant ilz puent dessur ' moy leur port prandre? »
La mer respont : « Certes, ce fait Esté,
10 « Mars, Avril, May, Juing,Juil,Aoust, Septembre.
« Seure ne sui fors en celle saison ;
« Adonc prannenl les galées leur erre "
« Ou moys d'Avril, par mainte légion, 3o8 c
« Que Zephirus, li doulz vens, se desserre;
i5 « Paisible suy, grans vaisseaulx, chascun erre
« En Alixandre, a Damas la cité,
« A. plain voile, pour leur neccessité
« D'avoir de poix et ce qu'om puet comprandre;
« Puis les mettent arrier a sauveté
20 « Mars, Avril, May, JuingjJuil.Aoust, Septembre.
« Tu me blâmes. Terre, contre raison.
« Tes gens viennent, non pas moy eulx, requerre;
I. sur
a. C'est à ce moment que les vaisseaux sortent.
BALADES 99
« En Occident, Midi, Septemtrion,
« Leur fault souvent de l'un en l'autre acquerre
« Ce que pas n'ont; je te faiz amisté 25
« De les souffrir; sanz toy, c'est vérité,
« Me puis chevir ^, toy non; or t'en remambre;
« De ce soufrir ont la propriété
« Mars, Avril, May, Juing, Juil, Aoust, Septembre.
(f Mère des mers suy, dicte Marion ; 3o
« Je te soustien, qui bien le scet enquerre ;
« L'esperit Dieu fist sur moy sa maison,
« Avant qu'il fust ne lune ne soulerre * :
« Le ciel n'estoit, ne terre ne clarté ;
« Son esperit sur les eaues porté 35
« Fut a ce temps qu'il vous fist et tout gendre '^ ;
« Depuis vindrent par leur subtilité
« Mars, Avril, May^ Juing, Juil, Aoust, Septembre.
« Se les gens font aux terres desraison
« Et guerre entr'eulx, se li uns l'autre enserre, 40
« Tue ou mourdrist, pas n'en suy achoison '^ :
« A toutes gens est commune ma serre ^,
« Aux terres doing tous poissons a plenté/;
(f Je ne toulz e riens, mais je suis en fierté
« Octob., Novem., Janvier, Février, Décembre. 45
ft Fuy moy adonc ; quier lors pour ta santé
« Mars, Avril, May, Juing, Juil, Aoust, Septembre.
l'envoy
3oS à « Terre, les vens, yvers et leur durté
« En ces cinq mois font maint grant vessel fendre,
« Perdre et périr ; pran le temps de purté : 5o
« Mars, Avril, May, Juing, Juil, Aoust, Septembre. »
a. Je puis me suffire. — b. Vent du Sud. — c. Genre. — d. Cause.
— e. Ma garde. — /. En abondance. — g. Je n'enlève rien.
I OO BALADES
MCLXII
Autre Balade *.
{Sur Vépîdémîe.]
OUI veult son corps en santé maintenir
Et résister a mort d'epidemie,
Il doit courroux et tristesce fuir,
Laissier le lieu ou est la maladie
5 El fréquenter joieuse compaignie,
Boire bon vin, nette viande user,
Port bonne odour contre la punaisie ^,
Et ne voist hors ^ s'il ne fait bel et cler.
Jeun estomac ne se doit point partir,
10 Boire matin et mener sobre vie,
Face cler feu en sa chambre tenir;
De femme avoir ne li souviengne mie;
Bains, estuves a son pouoir dévie <^,
Car les humeurs font mouvoir et troubler ;
1 5 Soit bien vestus, ait toudis chiere lie,
Et ne voist hors s'il ne fait bel et cler.
De grosses chars et de choulz abstenir
• Cette ballade, publiée par Crapelet, page 1 16, se retrouve également
dans le manuscrit du fonds français, Nouvelles Acquisitions, n' 6221, folio
34, col. I .
a. Infection. — b. Et qu'il n'aille dehors, — c. hvite.
Variantes du ms. 6221 : Vers 2. contre lepydemie. — 3. Doit
joye avoir et tristece fuyr, — 5. En fréquentant joyeuse. — 10.
doulce vie, — 11. Faire cler feu. — i3. Baings et estuves. — 17.
De grosse chair se doit on abstenir.
BALADES 1 O l
Et de tous fruiz se doit on en partie,
Cler vin avoir, sa poulaille rostie,
Connins, perdriz, et pour espicerie 20
Canelle avoir, safran, gingembre, et prie
Tout d'aigrevin et vergus destremper,
3opa Dormir au main; ce régime n'oublie,
El ne voist hors s'il ne fait bel et cler.
MCLXIII
Autre Balade.
(L'orgueil est mauvais conseiller.)
Ou temps que l'en seult plus hault tendre,
Et c'om est en plus grant escueil <*,
Que l'en veult tout ravir et prandre
Et tout surmonter par orgueil,
Adonc sont aveugle li oeil, 5
Et lors vient fortune soudaine
Qui tel orgueil bat et ramaine
Par pechié a confusion :
Onques personne d'orgueil plaine
Ne prinst bonne conclusion. 10
Exemple du roy Alixandre,
Qui soubmist le monde a son vueil *
a. Essor. — è. A sa volonté.
18. Et de touz fruiz de la plus grant partie. — ig. Mangier con-
nins, sa poulaille rostie. — 20. Et venoison car tout espicerie. —
21. Canelle, clous de girofle pourrie. — 23. Dormir matin tout ce
n'oublies mie.
102 BALADES
A .XXX. ans, puis voult guerre prandre
Aux Enfers, et lors vint son dueil;
1 5 Car la poison passa le sueil
De sa convoitise villaine;
Ainsis la mort courant le maine
Et sur heure ^ a destruction;
Qu'onques personne d'orgueil plaine
20 Ne prinst bonne conclusion.
Nabugodonosor emprandre
Voult contre Dieu, mais le verreil *,
Que nul, fors lui, ne puet comprandre,
Le cassa en pouldre ; si dueil
25 Descongnoissance et son acueil,
Qui destruit Troye premeraine,
Nynive, Romme souveraine,
Babiloine, autre région,
Qu'onques personne d'orgueil plaine
3o Ne prinst bonne conclusion.
l'envoy
Prince, de fortune mondaine 3og b
Ou de mort soit toute certaine
Créature en elacion «^j
Qu'onques personne d'orgueil plaine
35 Ne prinst bonne conclusion.
a. A l'instant même. — b. Verreil signifie vitrail; mais le mot
ne semble pas juste ici, il s'appliquerait à Baithazar plutôt qu'à
Nabuchodonosor dont Daniel expliqua les songes. Voir la Bible, au
Livre de Daniel.— c. Arrogance.
BALADES I03
MCLXIV
Balade
d'antecrist
OAntecrist, venu sont ti message
Pour préparer ta hideuse venue;
Et 1 de la loy Dieu font laissier Tusaige
Faulx prophètes, qui ja vont par la rue,
Villes, citez, pais; l'un l'autre tue ; 5
Le ciel donne et le souleil
Et la lune maint signe non pareil
Du concepvoir et de ton naistre hostile 2;
Je voy venir du tout ton appareil,
Selon le dit de la saincte Euvangile. lo
Toy concevra femme de moyniage <»,
De l'ennemi fera sa retenue ;
Babiloine sera ton herbergaige *,
Crist te diras, roy de terre et de nue,
Faulx miracles verront la gent menue i5
Que tu décevras ^ a l'ueil ;
Et attrairas tous les princes d'orgueil
Par les trésors qu'a trouver yes '^ habile,
L'or leur donrras, si qu'ilz feront ton vueil,
Selon le dit de la saincte Euvangile. 20
Et le tiers point, par tourment et par raige
Yert ^ ta fureur es noncreans veue;
Mourdri seront et mort par ton oultraige ;
I. Et manque. — 2. horrible. — 3 deceveras.
a. Une religieuse. — b. Ta résidence. — c. Tu es. — d. Sera.
1 04 BALADES
Ainsi sera ta fausse loy creue.
25 Par ces .in. poins yert la gent deceue,
Ti disciple en grant esveil
Yront par tout, dont forment me merveil,
Preschier ta loy et a champ et a ville; 3og c
Les Juifs croiront en toy, dont je me dueil,
3o Selon le dit de la saincte Euvangile.
Les grans trésors de Salemon le saiçe
Et tous les ors de finance perdue
Sont reservez pour faire ton passaige,
Que un chascun d'avancer s'esvertue,
35 Pappe, empereur, roy, qu'avarice argue
D'amasser par ton conseil,
Dont ilz muèrent a dueil et a traveil,
Quant les trésors font a cent et a mille ;
C'est un signe ou nul bien ne recueil,
40 Selon le dit de la saincte Euvangile.
Mais en la fin apparra ton folaige ;
Enoc ystra '^ et Helie de mue *,
Qui destruiront et toy et ton voyaige ',
Par qui la gent aura esté tenue;
45 Par .m. ans yert ta secte maintenue
Et un demi; Tappareil
Des deux mourir feras d'ire et de dueil ;
Lors fera Dieux une fouldre soutille
Cheoir sur toy, ars seras d'un escueil ^,
5o Selon le dit de la saincte Euvangile.
Droit en Enfer yras, en Torde caige,
Sepelis '^ yers de la gent mescreue,
Ton corps purra com charongne sauvaige 2;
I . voyage — 2. sauvage
d. Sortira. — è. Prison. — c. Élan. — d. Enseveli.
BALADES I ô5
Lors se tenrront gent nice et malostrue
De t'avoir crut, et pour leur revenue, 55
Comme gens hors de sommeil,
Crieront merci a Dieu; je le conseil.
Adonc sera Judée de Dieu fille,
Qui devendra sauve par son resveil,
Selon le dit de la saincte Euvangile. 60
MCLXV
Autre Balade *.
{Du bachelier d'armes.)
3og d \ yTous qui voulez Tordre de chevalier,
V II vous convient mener nouvelle vie,
Dévotement en oroison veillier,
Pechié fuir, orgueil et villenie;
L'Eglise devez deffendre, 5
La vefve aussi, l'orphenin entreprandre '*,
Estre hardis et le peuple garder,
Prodoms, loyaulx, sanz riens de Tautrui prandre :
Ainsi se doit chevalier gouverner.
Humble cuer ait, toudis doit traveillier 10
Et poursuir faiz de chevalerie,
Guerre loyal, estre grant voyagier,
Tournoiz suir * et jouster pour s'amie ;
Il doit a tout honnour tendre,
Si c'om ne puist de lui blasme reprandre i5
■ Publiée par Crapelet, page i ig.
a. Soutenir. — b. Suivre les tournois.
I06 BALADES
Ne laschetéen ses oeuvres trouver;
Et entre touz se doit tenir le mendre '^ :
Ainsi se doit chevalier gouverner i.
Il doit amer son seigneur droiturier,
20 Et dessus touz garder sa seignourie,
Largesce avoir, estre vray justicier.
Des prodommes suir la compaignie,
Leurs diz oir et aprandre,
Et des vaillans les prouesces comprandre,
25 Afin qu'il puist les grans faiz achever
Comme jadis fist le roy Alixandre :
Ainsi se doit chevalier gouverner.
MCLXVI
Balade
QUE EUSTACE FIST SUR LiBÉR GENERACIONIS, ETC.
Liber generacionis
Est au jour d'ui bien en saison,
Car l'en voit pluseurs définis ^
Dont l'en ne scet dire leur nom.
\ Qwf /«z7 Sadoch et Naason?
Qui est cilz au bleu chaperon?
L'un respont qu'il est receveur,
Et l'autre dit contreroleur. 3io a
Qui fuit Naon? grenetier,
I. gouverner chevalier. — 2. pluseurs gens définis
a. Le moindre, le plut humble.
BALADES 107
Qui fut Natham? impositeur « : 10
Tout va ce que devant derrier.
Qui fuit Boos li esbahis ?
Sergens de l'imposicion.
Qui fuit Eber li hais?
Generaulx en conclusion. i5
Qui fut Phares? l'élection
Ci vient, la rusmigracion *,
Et Arphaxat fut fouageur '^.
Qui fut Ragam ? exécuteur ;
Et Jacob? le clerc du papier. 20
Qui fut Maleth? reformateur.
Tout va ce que devant derrier.
Les temps ne sont pas touz onnis ^
En ceste generacion ;
Enoch a perdu ses habis ; ï5
Je n'y treuve pas Salemon.
Aram quiert tout a son ramon ^
Qui rien n'y veult laissier de bon;
A pié trotent li chevaucheur.
Telz fu pran /qui se fait donneur, 3o
Populus karolus a chier ;
De cuer hautain fait orateur :
Tout va ce que devant derrier.
Qui fut Joseph? qui fut David?
Qu'est devenu Pymalion ? 35
Mathussalé est enviellis s\
Charpentier ne veult ne maçon,
Car ilz vendent trop leur façon;
a. Percepteur de l'impôt. — b. Erreur de copiste sans doute pour
•ansmigration. — c. Officier chargé de lever le fouage (bois dechauf-
ige). — i. Unis, pareils. — e Balai. — /■. Preneur. —^.Devenu vieux-
I08 BALADES
Esaû revient a parçon <^
40 Qui contr'eulx se fait demandeur;
Hely fut de pierres vendeur,
Mais plus ne sçaroit l'or touchier,
Car il y a nouveau fondeur : 3io b
Tout va ce que devant derrier;
45 Voire pour aucuns qui jadis
N'aloient pas sanz compaignon.
Qui devenus sont si hardis
Que ilz vont seulz, vueillent ou non,
Et n'ont bannière ne pannon *.
5o Helas! et que leur demand'on?
Que ilz ' soient restitueur.
Zerobobel est accuseur <^.
Achas les fait vivre a dangier ;
Baraté sont li barateur ^ :
5 5 Tout va ce que devant derrier.
l'envoy
Prince, je di que de raison
Orgueil ne puet durer foison "
N'avarice, sanz trebuchier.
Pour ce, impositeur et maçon
60 Prangnent cy leur conclusion :
Tout va ce que devant derrier.
I. Quilz
a. Au partage. — b. Petit drapeau. — c. Accusateur. — d. Trom-
pés sont les trompeurs. — e. Longtemps, beaucoup.
BALADES 109
MCLXVII
Autre Balade.
{On ne croit plus à rien.)
HE ! Dieu, quel temps et quel règne de monde
Court au jour d'ui par tout generalment,
Ou je ne voy vray cuer, pensée monde «,
Pité, amour ne certain jugement,
Garder la loy, faire son sauvement, 5
Honourer Dieu ne doubter sa puissance!
Mais de touz maulx voy la persévérance
Es corps mortelz, en convoitant toudis
Fausses honeurs, dignilez et chevance,
Qu'a nul ne chaut d'Enfer ne Paradis. 10
Pierres et Polz, ou l'église se fonde,
Gouvernèrent a leur temps sainctement,
Preschans la foy et menans vie ronde,
Crurent * la loy par leur enseignement,
3io c Par exemple de bon gouvernement; i5
Mais arrebours voy retourner la dance,
Vendre, achater, mettre en desordonnance «
Les biens de Dieu ; autrement que jadis
Estât lever, orgueil, oultrecuidance,
Qu'a nul ne chaut ^ d'Enfer ne Paradis. 20
Aux princes voy par tout lever la bonde
Sur les péchiez, et convoiteusement ;
Sanz vérité voy le chant de l'aronde <^;
i. chault.
a. Simple, pure. — b. Accrurent. — c Désordre. — d. L'hiron-
delle.
110 BALADES
Justice faint; je voy communément,
25 Pour decepvoir, que cil qui parle ment;
Ghascun user veult de foie plaisance;
En tous estas ne voy que decepvance ^,
Blandir ^ devant, derrier estre ennemis,
Pour acquérir seigneurie ou finance,
3o Qu'a nul ne chaut d'Enfer ne Paradis.
l'envoy
Princes, pensez a Testât de vaillance.
De servir Dieu, d'avoir bonne ordonnance,
Et touz autres gardent leurs esperis,
Car tout mourra. Laissons persévérance
35 De noz péchiez, ou tout est en balance,
Qu'a nul ne chaut i d'Enfer ne Paradis,
MCLXVIII
Balade
AU ROY NOSTRE SIRE
IL a cinq ans que mes corps ne cessa
De poursuir, d'impetrer mandemens,
Boiste porter puis de la, puis de ça,
Et s'avez fait pluseurs commandemens
Aux generaulx, de bouche et par voz gens,
Que de voz dons fusse sactifiez <^,
Dont riens n'ont fait, dont pas je ^ ne suy liez '^.
Mis ^ m'avoient a la fin de Juillet,
I cliault. — 2. je manque.
a. Tromperie— b. Flatter.— c. Satisfait.— d. Content.— e. Remis.
BALADES III
Mais nonpourquant <* je suy touz oubliez :
En si faiz dons mauvais fier se fet *. lo
Les .XII. moys, dont Janvier commença,
3i 0 d Ay par termes obtenuz susequens ;
J'oy jours et ans, la Toussains qui passa,
La Ciiandelour, Nouel et les Advens,
Caresme aussi, Pasques commeniens '^j i5
L'Ascension, mes dons vérifiez,
La Panthecouste, et sanz estre paiez,
M'ont mainte foiz assigné au souflet ^.
Les generaulx, fiez vous y, fiez !
En si faiz dons mauvais fier se fet ^. 20
Et puis qu'ainsi d'eulx poursuir me va,
Je ne plains riens que ma paine et despens :
A vous en est ; plus ne les poursuira
Mon las de corps, qui a servi long temps
A vo plaisir ; lettres et dons vous rens, 25
Car vous estes souverains d'eulx et chiefs.
J'en seroie content, se vous vouliez ;
Vo grâce lors feroit finer mon plet ^,
Qui, se par vous n'est reconciliez.
En si faiz dons mauvais fier se fet. 3o
l'envoy
Princes, soiez de voz dons recordans /
Et de voz diz, l'un a l'autre acordans fi" :
En vo grâce de tous poins me soubmet ;
Deuz me sont voz dons depuis cinq ans,
Mais, se sur eulx n'ay mes .iiiL^frans, 35
En si faiz dons mauvais fier se fet 1.
1. fait.
a. Cependant, néanmoins. — b. Il est mauvais de se fier à ces dons
fallacieux. — c. Où l'on communie. — d. Envoyé promener. — e. Ma
requête. — /. Souvenant. -- g. Accordant ensemble l'un et l'autre.
I I 2 BALADES
MCLXIX
Autre Balade *.
{Leçon de musique.
M
ARioN, entendez a mi :
Je vous aim plus que créature,
Et pour ce d'umble cuer vous pri
Qu'au dessoubz de vostre sainture
5 Me laissez de la turelure '^
Et de ma chevrette jouer.
La vous aprandray a dancer
Au coursault '', et faire mains tours.
— Robin, je n'y sçaroie aler : 3i i a
10 Doit on ainsi parler d'amours?
— Ouil ; et encores vous di
Que chanter par art de nature
Vous feray, et doubler aussi ;
Je vous monstreray la figure
i5 Du contrepoint, et la mesure
Des semibreves acorder,
De faindre la voix, de monter
Et de deschanter a rebours.
— Alez, qu'om vous puist estrangler 1
30 Doit on ainsi parler d'amours?
— Marion, qui scet cest art ci,
On y prant douce nourreture,
♦ Publiée par Crapelet, page 120.
a. Nom d'un instrument de musique. — b. Sorte de danse.
BALADES I I 3
Aprenez le fa et le mi,
Bien vous monstreray l'escripture
Tant que vous n'arez jamais cure 25
D'autre art sçavoir, fors de compter
Une, deux, les temps mesurer
Et fleureter « plus que le cours.
— Merveilles vous oy recorder :
Doit on ainsi parler d'amours? 3o
Or m'aprenez, mon doulz ami,
Cest art. — Lors l'atouche et mesure.
Les tableaux de son livre ouvri;
Sa plume y bouta roide et dure :
Un po cria, mais elle endure; 35
Et cilz li commence a noter :
Une, deux, la tierce doubler,
Et se joint, car li temps fut cours,
Disans, pour tel chant assembler :
€ Doit on ainsi parler d'amours? » 40
Marion, qui bien s'entendi,
A solfier mist cuer et cure.
Quant la douçour de l'art senti
Qui du livre fist l'ouverture,
'i I b Elle pasma, et revint sure, 45
Que Robin s'en vouloitaler.
A deux bras le va acoler;
La se fist recorder ses flours
Et dist : « Plus ne vueil demander :
« Doit on ainsi parler d'amours? » 5o
l'envoy
Princes, tel art fait a loer *
a. Faire des fioritures. — i>. Est à louer, louable.
T. VI S
114 BALADES
Dont li enfant scevent ouvrer.
Qui en sont maistres sur <* trois jours.
Les vieulx ne le scevent monstrer ;
55 Pour ce leur seult on reprouver * :
Doit on ainsi parler d'amours? ^
MCLXX
Autre Balade.
[On ne peut contenter tout le monde.)
BONS compains fut, de dolente heure né
Qui en tous cas fait d'autrui l'appétit;
De jour, de nuit, est prest et ordené
Pour un chascun, ne sçay comment il vit ;
5 II suist le grant, le moien, le petit
Et ne sçaroit nul bon homme escondire '^,
Et neantmoins un proverbe si ^ dist
Que bon compains a trop sur lui a dire
Se largesce a, trop est habandonné ;
lo S'il est eschars ', li meschans se defrit f\
Sil est jolis, c'est ce qui l'a gasté ;
S'il jeue aux dez, c'est ce qui le honnit ;
Bon compaignon a tousjours un mesdit ér
I. Tout l'envoi est écrit à l'encre rouge dans le manuscrit.
a. Dans. — b.On a couiumede leur reprocher. — c. Refuser. — d.
^jnsi. — e. Chiche. — /. Le malheureux se ronge. — g. Lin reproche.
BALADES Il5
De qui que soit, dont talent n'ay de rire,
Mais me merveil qui trova tel edit i 5
Que bons compains a trop sur lui a dire.
Se cent biens a dont il soit renommé,
Bons compains est, mais se ' trop s^apovrit.
L'autre dira : «c Je le vi bien amé.
— Vous dittes voir, mais trop fort s'enviellir. »
Bons compains a, de quoi c'est grantdespit, 3i i c
Tousjours un mais ~ pour son bien contredire.
Laissons ce mais, et panduz soit qui fit
Que bons compains a trop sur lui a dire.
l'knvoy
Princes, par Dieu! c'est un bien ^ grant despii 2 3
D'ainsi vouloir son compaignon mesdire :
Si vous suppli qu'a tous soit contredit
Que bons compains a trop sur lui a dire.
MCLXXI
Autre Balade
(Sur la réconciliation des rois de France
et d'Angleterre.)
PiTÉ qui fait les frans cuers esmouvoir
A charité et a miséricorde,
I. se manque. — 2. mors. — 3. bien manque.
I l6 BALADES
Paour de Dieu que chascuns doit avoir,
Et fin par mort que Nature recorde,
5 Tourment sanz fin, vostre ^ raison s'acorde
Que vous faciez entre vous deux, roys, paix;
Peuple, clergé, noblesce, clers et lais
Le supplient en grant devocion,
La terre aussi qui soustient vostre fais :
lo Or faittes donc leur supplicacion.
Car vous pouez tous deux assez sçavoir
Que pour terre est née vostre discorde,
Qui tant avez de puissance et d'avoir,
Dont vo guerre est convoitant, ville et orde;
1 5 Souffise vous, et chascun en son orde,
Son droit royal : d'un sang estes attrais ^ ;
Ne soiez plus de convoitise trais ^,
Dont guerre sourt et tribulacion ;
Tous requièrent bon acort pour jamais :
ao Or faittes donc leur supplicacion.
Chascun de vous se mette en son devoir,
Sanz ce qu'Orgueil ne Convoiter le morde;
Aiez les oeulx a raison et au voir <=,
Sanz trop tirer la rigoreuse corde; 3i i d
25 Laissez aler guerre 2, querez concorde
Chascun de vous, trop a duré cilz plais <^;
Voz esperis en sont vers Dieu meffais ^,
Voz pères mors, peuple en destruction,
Qui supplient de modérer voz fais :
3o Or faittes donc leur supplicacion,
Et advisez que femme, enfans et hoir,
De voz règnes n'est nul qui les ressorde/;
I. vostre manque. — a, terre.
a. Extraits, issus. — b. Attirés. — c. A la vérité. — d. Débat.
— e. Coupables. — /. Ressuscite
BALADES
117
Cent mille hommes sont mors pour vo pouoir,
Temples destruis, n^il n'est mal qui ne sorde ^
Puis cinquante ans, ville, chastel ne borde *, 35
Qui par ardoir ne soit prins ou deffais;
Terre sanz fruit, on ne laboure mais <= ;
En pluseurs lieux n'a habitacion ;
Ce scevent bien Ardre, Guyne 1 et Calais :
Or faittes donc leur supplicacion. 40
Voz anceseurs qui se voulrent mouvoir
Sont trespassez, et po de terre acorde
Leurs chetis corps pourriz en ce vouloir;
Et pour ce est bon que chascun se descorde ^
D'entre vous deux, que tel fardel ne torde *, 45
Soiez amis, ne croiez les mauvais,
Acordez vous et ceuls de voz palais,
Ve/ a cellui par qui dissencion
Y demourra! Mors est a tousjours mais :
Or faittes donc leur supplicacion. 5o
l'envoy
Nobles princes, grant pité est d'ardoir e^,
De gens tuer, vierges prandre, et vouloir
Pour .n. hommes avoir possession;
C'est cruaulté qui vous doit remouvoir.
Li peuples Dieu fait ces poins assavoir : 55
Or faittes donc leur supplicacion.
I. guynes.
a. Surgisse. — b. Chaumière, cabane. — c. Plus. — c/. Se sépare.
— e. Qu'il ne porte pas un tel fardeau. — /. Malheur. — g. Brû-
ler.
Il8 BALADES
MCLXXII
Autre Balade.
(Il ne faut pas croire les complimenteurs .)
Vous estes gracieus et beaux, 3i2 a
Jeusnes, appers '^, courtois, jolis,
Vous avez la grâce, de ceaulx
Qui vous voient, d'estre soutils,
5 Courageus estes et hardis
Et plus fors que n'est uns lions.
— Dieu vous le rende, doujz amis :
Vous armez bien les compaingnons.
— Les chiens amez et les oiseaulx,
10 Les dames honourez toudis,
Vous estes saiges et loyaulx,
Prodoms, vaillans; voz ennemis
Vous craingnent fort; le los et pris
Avez en tous lieux d'estre bons.
1 5 — Ha ! sire, que je vous ay quis ^ \
Vous armez bien les compaignons.
— Legiers estes comme uns chevreaulx,
Larges, a honnour ententis <^;
Vous donnez argent et joyaulx,
20 De voz biens n'est nulz escondis ^;
De vous parlent en paradis
Tous les sains, pour voz larges dons.
a. Intelligent. — b. Cherché. — c. Appliqué. — d. Refusé
BAl.ADES
119
— Dieux le vous mire ", et grans mercis :
Vous armez bien les compaignons.
LENVOY
Prince, bon fait avoir advis 25
Que Ten ne croie pas les dis
De telz armeurs de champions,
Car ilz tendent a leurs proufis.
S'ilz mentent, respondez ainsis :
Vous armez bien les compaignons. 3o
MCLXXIIl
Autre Balade.
(Dialogue avec une dame.)
[Même sujet].
12 b r^oucE, plaisant, courtoise et saige,
i— / Belle, quechascun doit amer,
Humble en parler, de doulz langaige.
En vostre cuer n'a point d^amer;
Il n'a, deçà ne delà mer,
Dame tant de chascun amée :
Si ne devez homme doubter.
— Grans mercis, je suis bien armée.
— QuVst ce a dire? — C'est un usaige
a. Dieu vous le rende.
I20 BALADES
10 Qu'entre vous avez de parler,
Par une manière sauvaige,
Car vostre los vault un blâmer.
Faut il donc les dames armer?
Avez vous guerre a eulx trouvée ?
i5 — Non. Vo regart me fait trembler.
— Grans mercis, je suis bien armée.
— Ha ! dame de noble couraige,
Nulz ne vous pourroit trop louer
Vo doulz maintien, vogent corsaige;
20 Vous sçavez venir et aler,
Gens requeillir, gens saluer;
Vous fustes de bonne heure née,
On ne pourroit meilleur trouver.
— Grans mercis, je suis bien armée.
l'envoy
25 Prince, il fault les dames garder
De CCS armeurs, et regarder
Que chascune ait cote acérée ^
Des or mais pour son corps sauver.
— Au fort *, qui me vouldra grever,
3o Grans mercis, je suis bien armée.
a. D'acier. — b. Au bout du compte.
BALADES 1 2 I
\
MCLXXIV
Balade.
(Contre ceux qui ont deux langages)
[Apologue.]
^2c « T AissiEZ le chant de la geôle " »,
L^ Ce dist une pie a un gay,
« Sanz contrefaire vo parole.
« Chascun a son chant comme j'ay,
« Naturel ; des oiseaulx ne sçay 5
« Pour quoy ils changent leur nature,
« Sinon pour la douce pasture
« Qu'ilz quierenl en Tostel des roys,
« Dont ilz ont puis maladventure :
« Chantons au vray le chant du boys. lO
« Car l'autre chant tue et affole
« Maint rossignol et papegay ^,
« Et tout menu oisel qui vole;
« Car deux langues ont, c'est tout vray,
t L'une du bois qui prant au glay <^ i5
« Les oyseauls. et a la froidure
a Par leur appel, quant l'iver dure,
« Les font venir dedenz la roix ^, (
tt Prandre et tuer; c'est grant injure : ■
« Chantons au vray le chant du boys. 20
a L'autre langue est mauvaise et mole,
« Quant elle ne veult dire vray,
a. Cage. — b. Perroquet. — c. Au ramage. — d. Dans les filets.
122 BALADES
« Mais consent, com «lauvaise et foie,
« Par convoitise, et veu l'ay,
25 « Que li oisel sont en esmay ^
« Prins et plumé, par leur laidure;
« Ainsis oiseauls se desnature.
a Au jour d'uy n'est raisons ne drois :
« Laissons tel chant et tele ordure,
3o a Chantons au vray le chant du boys. »
l'envoy
Prince ', on pourroit ceste figure
Mettre sur mainte créature
Qui chante chascune deux foys;
Car maint n'ont de loyaulté cure :
35 Laissons convoitise et murmure,
Chantons au vray le chant du boys. 3i2 d
MCLXXV
Autre Balade.
( Vanitas Vanitatum.)
POUR les estas qui sont si peiilleux,
Et 2 pour le corps qui muert en un moment,
Ne devroit nulz cstre si convoiteux
Qu'il en laissast faire son sauvcmcnt.
Mais au jour à\\\ font pluseurs autrement,
I. Princes. — a. Et manque.
a. Émoi.
BALADES 123
Qui ne veulent fors le monde servir,
Oublier Dieu, et leur ame asservir
En acquérant les faulx et fuitis ^ biens,
Dont puis le fault avant les jours mourir :
Qu'est ce de nous? Par ma foy, ce n'est riens. lo
Las! quel part sont les princes vertueux
Qui conquistrent terre i anciennement,
Li saige clerc, li foui, li oultrageux ^,
Li beau, li fort, li riche, li vaillant,
David, Hector, Charlemaigne et Rolant? i5
Hz sont tous mors; va leur sépulcre 2 ouvrir :
Pouldre y verras; tous nous convient pourrir,
Nos corps ne sont fors ordure et fiens,
Si '^ se fait bon sur ces poins advertir :
Qu'est ce de nous? Par ma foy, ce n'est riens. 20
Ne soions plus de telz biens envieux,
Servons a Dieu, pensons au finement,
Car les estaz mondains sont dolereux,
Des quelz l'en chiet a coup soudainement
Du hault en bas et merveilleusement, 25
Tant qu'il en fault le dolent corps périr
Honteusement; bon fait telz maulx fuir;
Ayons regart au fait des anciens.
Veillons a Dieu, pour l'ame secourir :
Qu'est ce de nous? Par ma foy, ce n'est riens. 3o
l'envoy
Prince, pensons de ce monde courir
Honnestement, et noz maulx regehir "^
. terres — 2. leurs sépulcres.
i. Passagers, fugitifs. — b. Les emportés"— c Ainsi. — d. Con»
124 BALADES
Pour eschiver d'enfer les griefs liens ; 3i3 a
Servons a Dieu, vueillons nous repentir
33 De noz péchiez, et nostre cuer offrir ;
Qu'est ce de nous? Par ma foy, ce n'est riens.
E
MCLXXVI
Autre Balade *.
(Sur l'égalité entre les hommes.)
NFANs, enfans, de moy, Adam, venuz,
Qui après Dieu suis pères piemerain,
Créé de lui, tous estes descenduz
Natureiment de ma coste et d'Evain ;
5 Vo mère fut. Comment est l'un villain
Et l'autre prant le nom de gentillesce
De vous, frères? dont vient tele noblesce?
Je ne le sçay, se ce n^est des vertus,
Et les villains de tout vice qui blescc :
lo Vous estes tous d'une pel revestus.
Quant Dieu me fist de la boe ou je fus,
Homme mortel, foible, pesant et vain,
Eve de moy, il nous créa tous nuz,
Mais l'esperit nous inspira a plain
i5 Perpétuel '^, puis eusmes soif et faim,
Labour, dolour, et enfans en tristesce;
* Publié par Tarbé, tome 1, page 62.
a. Mais il nous insuffla pleinement 1 ame immortelle.
BALADES 125
Pour noz péchiez enfantent a destresce "
Toutes femmes ; vilment estes conçuz.
Dont vient ce nom, villain, qui les cuers blesce?
Vous estes tous d'une pel revestuz. 20
Les roys puissans, les contes et les dus,
Li gouverneur du peuple et souverain,
Quant ilz naissent, de quoy sont ilz vestuz?
D'une orde pel. Sont ilz d'autres plus sain?
Certes nenil, mais seufrent, soir et main, 25
Froidure et chault, mort, maladie, aspresce ^,
Et naissent tous par une seule adresce ^
Sanz excepter grans, petiz ne menuz ;
Se bien pensez a vo povre fortresce,
3i3 b Vous estes tous d'une pel revestuz, 3o
l'envoy
Prince, pensez, sanz avoir en desdain
Les povres gens, que la mort lient le frain ^
MCLXXVII
Autre Balade
AMOUREUSE
S 'Amour, qui m'a par doulz regart féru,
Ne me faisoit jamais jour autre bien
Que du regart qui tant m'a secouru,
i.La fin de l'envoi manque.
a. Dans la douleur. — b. Apreté, amertume. — c. Voie.
120 BALADES
Si vueil je et doy a tousjours estre sien ;
5 Car le gent corps est mon dieu terrien ^
Dont le regart me vint soudainement,
Qui me disoit : « Amis, je te retien :
« Poursuy honneur et vif joyeusement. »
Onques de moy nul plus eureux ne fu,
ro Car de beauté et bonté ne fault ^ rien
A ma dame, qui est le droit escu <^
De tout honeur, de douçour, et sçay bien
Que son cuer ay ; elle aussi a le mien
Pour lui servir en tous cas loyaument ;
i5 Car d^mble cuer m'a dit son doulz maintien :
« Poursuy honneur et vif joyeusement. »
Et quant de lui ce joieux mot reçu
Adonc lui dis : « Vostre servent devien. »
I.ors respondi : « Mon ami seras tu,
20 « Mais de tout mal et tout vice t'abstien,
« Soies loyaulx et secrez, va et vien,
« Et en tous lieux de bon gouvernement,
« Larges, courtois, sanz convoiteux loyen '',
tt Poursuy honeur et vif joyeusement. » 3i3 c
lV.nvoy
25 Noble dame, princesse de vertu,
Par qui mon cuer a tant de bien senlu
Qu'a tous jours mais suis vostre ligement ^,
Homme ne puet qu'il ne soit bon tenu,
Mais qu'il ait bien ce doulz mot retenu :
3o Poursuy honeur et vif joyeusement.
a. Ma divinité terrestre. — b. Ne manque. — c. Ecu, blason. —
d. Lien. — e. Votre homme lige.
BALADES 127
MCLXXVIII
Autre Balade *.
{Du métier profitable.)
[Equivoque sur les instruments de musique.']
JE ne sçay des communs mestiers,
Depuis .XL. ans en ença,
Que deux, quiere qui veult le tiers,
Pour chevance avoir qui voulra :
IJun est ménestrel, et l'autre a 5
Semblant de faire le sot saige.
Ces ,11. ont par tout l'aventaige,
L'un en janglant '», l'autre a corner
Des instrumens; lequel prandray je?
— Compains, apran a flajoler ''. 10
Les haulx instrumens sont trop chiers,
La harpe tout bassement va ;
Vielle est jeux pour les moustiers <=■,
Aveugles chiphonie "^ aura ;
Chorô * bruit, rothe/ ne plaira, i5
Et la trompe S" est trop en usaige ;
Aussis est du fou le langaige :
* Publiée par Crapclet, page 122.
a. En babillant. — b. Flatter, mentir, jeu de mots sur l'instru-
nent de musique, le flageolet. — c. Eglises. — d. Espèce de vielle.
- e. Cet instrument n'était guère qu'à l'usage des mendiants et des
iveugles. — /. Instrument de musique à l'usage des Bretons, sorte
le petite harpe. — g. Trompette.
128
BALADES
Neantmoins, pour plus proufiter,
Avoir argent, robe, heritaige,
20 Compains, apran a flajoler.
Car princes oyent " voluntiers
Le flajol *; qui en aprandra 3i3 d
Advancez sera des premiers,
Puis que bien jouer en sçara;
25 Demande alors, on lui donrra,
Car le son fort les assouaige <^,
Et le foui a, par son trompaige '^,
Dons et argent, sanz demander.
S'estre veulz riches a oultraige ^,
3o Compains, apran a flajoler.
l'envoy
Princes, puisque tel art vauldra,
Honny soit qui ne l'aprandra
Pour son preu/, sans autrui grever e.
— Tu dis bien, or y apparra.
35 Mais puis que proufit t'en vendra,
Compains, apran a flajoler.
a. tcoutent. — b. Le flageolet. — c. Les adoucit. — d. Le son de
la trompe, équivoque à tromperie. — e. Énormément. — /. Pro-
fit. — g. Sans nuire à autrui.
BALADES
MCLXXIX
129
Autre Balade.
(Conseil au roi de faire des économies.)
LOY tenir, science et justice,
Font royaumes perpétuer,
Mais il fault que règne perice
Ou l'en ne seult '^ ces poins garder;
Encor doit uns roys regarder 5
Au bien commun sur toute chose,
Et qu'en tout bien son corps dispose
Pour exempler * tous ses subgès ;
Qu'il soit a la deffense près '^
De son règne, s'il a afaire; 10
Pieux aux povres, durs aux mauves :
Ainsi doit tout vaillant roy faire.
Qu'il ayme Dieu et son service
t4 ^ De vray cuer, sanz ypocriter <^,
Et qu'il ait en chascun office i5
Homme habile pour l'exercer,
Selon Testât, sanz excéder
Le nombre ; que nul n'en despose
Se cause n'a, car je suppose
Que les muer ^ est par exprès 20
Son grant dommaige, pour les frès
Des nouveaulx aprandre et attraire /";
a. Où l'on n'a pas coutume. — b. Servir d'exemple. — c. Prêt.
d. Sans faire l'hypocrite. — e. Les changer. — /. Attirer.
T. VI o
I 3o BALADES
Congnoisse ses gens et leurs fés :
Ainsi doit tout vaillant roy faire.
25 Ait chier les bons, les maulx pugnice,
Les saiges clers doit ordonner
Aux drois civilz, la sont propice
Pour les plaiz et causes mener;
Les chevaliers pour gouverner
3o Sa guerre, car corps y expose
Chascuns d'eulx : clers ce faire n'ose.
Face donc de ceuls ses attrès «
Qui portent la charge et surfès
De sa guerre, et en cest affaire
35 Les croie, et rende leurs bienfès.
Ainsi doit tout vaillant roy faire.
l'envoy
Princes, qui veult riches régner
Doit ses offices ramener
A nombre, par bon exemplaire,
40 Les dons et gaiges recoupper *
Excessis, et les modérer :
Ainsi doit tout vaillant roy faire.
a. Qu'il les recherche. — b. Retrancher.
BALADES I 3 1
3i4 b MCLXXX
Autre Balade.
(Des choses dont il faut se garder.)
DE chien qui mort et de cheval qui rue,
De saige foui et d'omme lunatique,
D'yvre varlet et d'enrragié qui tue,
Et d'ennemi privé et domestique,
De doulz parler et de langue qui pique, 5
De peuple esmeu '*, d'ire de grant seignour.
De juge chault *, de femme de folour
Se doit garder toute personne saige,
D'omme esbarbé <=, de convoiteux pastour,
Car de tout ce ne vient fors que dommaige. lo
Du cochelet tournant '^^ de besague '',
De ,11, langues que corps en soy applique,
Du temps soudain et de tempest de nue,
Du mal qui point et d'avoir bourse éthique/,
De povreté qui est paralitique, i 5
De mauvais vent, de cheminée a plour ë,
Et de maison quant il dégoûte autour
Et par dedenz, car lors chiet le muraige *,
Se gart chascun et de périlleux jour.
Car de tout ce ne vient fors que dommaige. 20
D'aler aussi quant il vente par rue,
a. En rébellion, — b. Emporté, — c. Sans barbe. — d. Petit coq
tournant qui se met au haut des clochers. — e. Instrument à deux
tranchants. — /. Maigre, vide, — g. Par laquelle il pleut. — h. La
muraille.
l32 BALADES
Afin qu'on n'ait sur sa teste une clique ^
D'une tuile qui est tost descendue,
Ou chemine'e, ou pierre qui desclique ^,
25 De mauvais pont et de rompue dique <^,
Et de puces qui font trop de dolour,
De mauvais vin, de trop chaut, de froidour,
Et des souris qui rungent le fourraige
Quant l'en se dort nous gart Dieux, par s'amour,
3o Car ' de tout ce ne vient fors que dommaige.
l'envoy
Prince du Pui ^ '', gardez vous de le brique
De ceuls qui font aux compaignons le nique,
Quant Fargent ont ravi par leur langaige,
Dont ilz ont fait chaperon autentique;
35 De vo pouoir eschivez leur pratique.
Car de tout ce ne vient fors que dommaige 3.
I. Et— 2. puis, — 3. Car de tout ce etc.
a. Un coup. — b. Qui se détache. — c. D'une digue rompue. —
d. Du Pui d'amour.
BALADES l33
MCLXXXI
Balade morale*
[Sur le mariage de Richard, roi d'Angleterre et
d'Isabeau de France.)
[1395]
3i4 e A iNsr qu'Eve, par la transgrescion
jr\ Du fruit manger que Dieux ot defFendu,
Adam aussi, vint la perdicion
De leurs enfans qui furent confondu <^,
Fut cause et chief, quant elle ot offendu *, 5
Que leur lignie alast aux infernaulx,
Tous condempnez par long temps pour leurs
Femme depuis repara ce dommaige, [maulx,
Car en Marie descendit Dieux li haulx :
Toute paix vint par un saint mariaige. 10
Par femme fut la grant dissencion
Dont maint pais est gasté et perdu ^
Entre les gens de Tisle d'Albion
Et de Gaule ; tous deux s'en sont sentu.
Maint prodomme pour leur guerre mouru i5
Es batailles, es sièges, es 2 assaulx,
En divers lieux, et encor dure entr'aulx
Celle rumeur pour terre et heritaige;
* Publiée par Tarbi, tome I, page i54,
I, est gasté et destruit perdu. — 2. et es assaulx.
a. Punis, — b. Offensé.
|34 BALADES
Si seroit bon d'appaisier leurs travaulx :
20 Toute paix vint par un saint mariaige.
Que femme aussi de la cognacion ^
Du roy des Frans, bonne et belle en vertu,
Fust requise pour mettre en union
Ces deux règnes, si comme autrefoiz fu
25 Du roy anglois, pour eschiver le fu ^,
Mort et péril d'eulx et de leurs vassaulx,
De leurs pais et peuples principaulx,
Pour Tamour Dieu, veu qu'ilz sont de linaige ;
Du contraire ne croient leurs consaulx :
3o Toute paix vint par un saint mariaige.
l'envoy
Princes royaulx, de bonne affection
Querez la paix et reformacion
De voz subgiez, et vous ferez que saige, 3i4 d
Par le traittié d'umble conjunction.
35 S'estes tout un, ne doubtez nascion :
Toute paix vint par un saint mariaige i.
I. La colonne d du folio ?I4 ne contient que ces quatre vers, le reste de la
page est resté blanc. Au milieu, le mot : Explicit, et, en bas : Catervaument «
en lettres rouges.
a. De la parenté. — b. Le feu. — c. Ce mot, qui signifie : en trou-
pe, est un mot favori de Robert Tainguy, le copiste du manuscrit
d'Eustache Deschamps; il se retrouve encore ailleurs dans notre
manuscrit :
Puis alla boire chiés Tabouret,
Avec Pylon et autres catervaulx
Qui aiment oignons, tripes et les aulx,
Catervaument.
BALADES l35
f/5a MCLXXXII
Balade.
{Conseils de vivre hors de la cour.)
A tous ceuls qui ont de quoy vivre,
Hors la court des princes royaulx
Qu'il se 1 tiennent, que l'en délivre;
Moult vivent de doubteus morseaulx,
Se paie ne se fait d'iceaulx, 5
Eulx saichans, par leur souverain;
Hz en sont tenuz pour certain
Ou d'aler vivre en leur maison,
Quant la court chargent soir et main :
Mais nul n'a cure de raison. lo
Plus en y a, plus faut qu'om livre
Beufs, moutons, pors, volilie, veauix,
Vins, grains et foings; poise « a la livre
Bûche et charbon, poisson, vaisseaulx,
Sel, espices, cire, trousseaulx i5
De coustes de linge et d'estrain *,
Vaisselle d'argent ou d'estain,
Dont il fault faire garnison,
Prandre a croire '^, ou paier a plain <^ :
Mais nul n'a cure de raison. 20
Et puis que tout s'escript en livre,
S'on ne paie, ceuls sont loyaulx
I. Qui si
a. Qu'il pèse. — b. De paille. — c. Prendre à crédit, emprunter.
- d. Comptant.
I 36 BALADES
Qui de telz morseaulx ne sont yvre,
Mais vont mangier de leurs poureaulx
25 En leurs hostelz ; la court par eaulx
N'a charge, lors s'en sont plus sain
D^ame et de corps; moins faultde pain
A court et vivres, ce scet on,
Que se l'ostel fust de gent plain :
3o Mais on n'a cure de raison.
l'f.nvoy
Princes, tenez droicte la main
Que vostre hostel soit net et sain ;
Paiez bien en toute saison ; 3i5 b
En restraingnant ^ sachiez vo frain
35 Selon les cas, trop la fin crain :
Mais nul n^a cure de raison.
MCLXXXIII
Autre Balade.
{Requête d'un aveugle, muet et sourd.
[Allégorie.']
EN quel estât est vostre corps
Et quele est vostre maladie ?
— Certes je voudroie estre mors,
Car en grant tristesce mendie :
a. En tenant la bride.
BALADES l37
Veue n'ay, parole n'oye ^ 5
Dont je me puisse contorter,
Mais ce me fait desconforter
Que j'ay oeulx, bouche, oreille mole,
Si ' ne puis vir, oir, parler ^ :
Je ne voy, n'oy ne ne parole, lO
Fors que j'enten par le 2 dehors
Un grant bruit en ma fantasie <^,
Et me semble que li plus fors
Veult au foible touldre la vie,
Et qu'Orgueil, Avarice, Envie ii>
Font Division assembler,
Les bons et les saiges trembler
Par Detraction, qui est foie;
Mais quant je laisse le resver,
Je ne voy, n'oy ne ne parole. 20
Helas ! Phisique '', est il confors «
Qui sauvast ma clarté perle f
Et mes dolours, qui sont si fors?
— Ouil ; Vérité en partie,
Vray Amour, Humilité lie, 2 5
Union, Justice garder,
Craimdre Dieu ; ceuls puelent oster
3i5 c De toy tout le mal qui t'afole.
— Je muir : d'eulx ne pourray finer S" :
Je ne voy, n'oy ne ne parole. 3o
L^ENVOT
Medicin, vueillez moy donner
I. Et si — 2. le manque.
a. Je n'entends. — 6. Je ne puis voir, entendre ni parler. — c.
En mon imagination. — d. Médecin. — e. Remède. — /. Qui me
rendit la lumière perdue. — g. Je ne pourrai me les procurer.
l38 BALADES
Autre confort. — Va reposer
Pacience embrace et acoie,
Ne te chaille de recouvrer.
35 Je ne voy, n'oy ne ne parole ^
MCLXXXIV
Balade.
COMMENT UNS HOMS GRACIE DIEU DE CE Qu'iL A BONNE FEMME
TROVÉE ET LES LOENGES QU^IL EN DIT
V'
RAYs Dieux, que c'est noble chose et joieuse,
Paix et repos a homme qui femme a
Obéissant, douce, humble et gracieuse,
Et qui oncques son mari ne coursa ^,
5 Mais en tous cas l'oneure et honourra,
El qui veult tout ce que son mari veult !
Qui tele l'a, il est foulz s'il se duelt *,
Quant assené <^ a a tele partie.
Si loe Dieu, qui a joie m'esmuet <',
lo Quant donné m'a si douce compaignie.
De moy servir humblement est songneuse,
Et par l'ostel tousjours besongnera ;
De lever main n'est onques pareceuse
I. Entre les deux derniers vers se trouve écrit : ces trois mos.
a. Ne fâcha, courrouça. — b. S'il se plaint. — c. Quand il est si
bien partagé. — d. M'éraeut.
BALADES I 39
Et sa mesgnie ^ aussi lever fera
Pour besongnier, a tout regardera, i5
Son mesnaige trop bien atourner suelt *,
Les estrangiers joieusement aqueult <^
3i5 d En mon hostel et leur fait chiere lie ;
S'en rent mon cuer grâce a Dieu, tant qu'il puet,
Quant donné m'a si douce compaignie. 20
De grant atour avoir n'est curieuse,
Jamais dur mot ne me respondera,
Elle aime et craint comme femme doubteuse ^^^
Ce que je vueil en tous cas souferra,
Et pour mangier tousjours m'aprestera, 25
A son pouoir, ce a quoy mon cuer muet ^;
Se rien lui dy, tantost faire l'estuet/;
Son ami suy, je l'appelle m'amie,
J'en mercy Dieu, qui nul bien ne desveult ^,
Quant donné m'a si douce compaignie. 3o
l'envoi
Prince, je sui en l'amoureuse vie ^
D'avoir trové femme non dangereuse *
Et qui tousjours en louz biens monteplie
Mariage est une ordre vertueuse,
Dont je gracy la vierge glorieuse, 35
Quant donné m'a si douce compaignie.
I. en la vie amoureuse vie.
a. Sa maison, ses gens. — b. Elle a l'habitude de bien ordonner
son ménage. — c. Accueille. — d. Timide. -- e. Ce que j'aime. — /.
11 faut le faire aussitôt. — g. Refuse. — h. Une femme qui n'est
pas difficile à vivre. — i. Augmente, multiplie.
I 40 BALADES
MCLXXXV
Balade
DE LA COMPLAINTE d'uNE VIEILLE SUR LE FAIT DE SA
JEUNESCE
v
lELLE a présent, jadis juvencula^
Qui en ce temps fu chérie et amée ;
A Venere venerunt jacula
Desquelz je fu en pluseurs lieux bersée ^,
5 Jusqu'à .xx. ans de maint homme honourée;
Pour ma beauté chascun me convoitoit,
Son cuer, son corps, s'amour me promettoit
Cum effectu et suis sumptibus ; 3i6 a
De mains joyaulx mes corps parez estoit :
10 Vetula sum sine muneribus.
Homme ne truis qui me die ^ : oscula,
Car ma couleur et ma face est ridée
Par viellesce; plus rxQ sms puella ;
Moins qu'a trente ans m'a chascun délaissée;
i5 Si ne suy Je pas du vouloir lassée,
Mais preste en tout ; qui amer me vouldroit,
De ses joyaulx du temps passé raroit,
De meisque in suis manibus ;
Or va trop pis mon fait qu'il ne souloit :
20 Vetula sum sine muneribus.
Mains m'amettent «^ que je suy /etida.
Ou par dedenz desroutle '^ et afolée,
a- Atteinte. — ^. Qui me dise. — c. Me reprochent. — d. Cassée
BALADES 141
Juvenibus non bene placida.
Quare? Quia. Cydrac m'a condempnée,
Ly faulx villains : son ame soit dampnée, 25
Son livre aussi, tout homme qui le croit !
Aler par tout puet qui a baston roit ''j
Cumcimbalis bene sonantibus ;
Je le sçay bien, or voist comme aler doit :
Vetula sum sine muneribus. 3o
l'envoy
Juvencule, in etate prima
Sit vobis pax^ laus, honor, gloria ;
Plumez, prenez cunctis hominibus 1,
Car assez tost viellesce vous vendra,
Qui en tel point com je sum vous rendra : 35
Vetula sum sine muneribus.
MCLXXXVI
Balade *.
DES PLOURS ET PLAINS DE LA MORT DU NOBLE ET VAILLANT
CHEVALIER, FEU MONSEI^'' LOYS DE SANCERRE, MARESCHAL
ET DEPUIS CONNESTABLE DE FRANCE, ET DE LA MORT DES
ARMES DE CHAMPAIGNE. 3l6b
[1403]
PLOUREZ, plourez les armes de Champaigne,
Tous Champaignois, clers et gens de noblescc
* Publiée par Crapelet, page / / 7 .
I. a cunctis.
a, Raide.
142 BALADES
Dont l'escu mort voy, cri, baniere, enseigne,
Le bon Loys de Sancerre, l'adresce «
5 Des chevaliers, qui print mainte fortresce 1
Sur les Anglois, ja ^ mareschal de France,
Gonnestable depuis pour sa vaillance,
Et qui fut fait par bonne élection.
En maint lieu fut Passavant ^ en saison,
10 Son noble cry et s'ensaigne levée,
Et des Anglois fist grant destruction :
En paradis soit s'ame couronnée.
C'est bien raison que Vaillance le plaingne.
Et tous les bons qui tendent a prouesce ;
1 5 Et toy, terre, de tes armes brehaingne <^ :
Bien les porta; c'est ce qui plus me blesce,
Car jamais n'iert '^ homme qui les redresce
Ne qui de toy face plus remembrance;
Tu as perdu ton nom, ta congnoissance;
20 Tes membres sont en grant division ;
Ploure, povre, ta grant perdicion
Qui jamais jour ne sera recouvrée,
La mort Loys, que Dieu face pardon :
En paradis soit s'ame couronnée;
25 Car il n''est nul qui en ses faiz repraingne
Fors que tout bien, honour et hardiesce;
Large a son temps, ne tint onques compaigne
Fors gens d'onnour, de haulte gentillesce;
Tousjours aloit et queroit sanz paresce;
3o Ses ennemis combatoit a oultrance;
Aux bons avoit amour et aliance,
De maint mauvais fist grant pugnicion;
I. forteresce. — 2. jadis.
a. La direction, le modèle. — b. Cri de Louij de Sancerre. — c.
Dépouillée, déserte. — d. Ne sera.
BALADES 143
3/^ c Se François fut, nulle remission
Ne lui faisoit, la teste avoit couppée,
Ou le pendoit en cas de traison : 35
En paradis soit s'ame couronnée.
l'envoy
François, plourez, Berruier «, Bourgoignon
Sancerre aussi, gens d'armes, compaignon,
La langue d^oc et mainte autre contrée,
Gens prinsonniers aux quelz il fist maint don, 40
Le bon Loys, et donna leur raençon :
En paradis soit s'ame couronnée.
MCLXXXVII
Autre Balade
DE PLOUR DUDIT CONNESTABLE, DE SA MORT, DE SA SEPULTURE
ET DE SON EPrrAPHE.
[1403]
PLOUREZ, heraulx, plourez, chevalerie,
Tous menestrelz, trompettes, gens de guerre,
Plourez, maistres de toute artillerie,
Mineurs aussi, vaillance en toute terre.
Le bon Loys, mareschal de Sancerre, 5
Puis, pour son bien, de France connestableî
* Publiée par Tarbé, tome II, page S.
a. Gens du Beny.
I 44 BALADES
Plourez l'ostel grant, large et honourable,
Qu'a son temps tint li chevaliers loyaulx !
Plourez pour lui, touz serviteurs royaulx,
10 Tous estranges, ses dons et sa largesce,
Qui tant hay tous hommes desloyaulx!
Plourez pour lui, toute gent de noblesce!
Et, Champaigne, pleure, triste et marrie,
Son nom, son cry qui a tousjours s'enterre ",
1 5 Armes et tout, qu'il porta a sa vie,
Sanz reproucher. Sa mort le cuer me serre.
Or ne sera qui les porte ou desserre *
Jamais nul jour : c'est chose piteable,
Car en ses faiz fut fort et vertuable <=. 3i6 d
20 Diligence, ploure ses grans travaulx,
Ce quMl souffrit, la durté et les maulx
Pour son seigneur, et la guerre qui blesce;
En lui ne fut onques trové de faulx :
Plourez pour lui, toute gent de noblesce I
2 5 Plourez, ses gens, servens, son escurie,
Geuls qu'il a faiz, tout bachelier <* qui erre
Pour avoir nom; armuriers, armoirie
Tenir vous fault desor enclos soubz serre.
Princes loyaulx, vueillez service querre
3o A ses servens, chose est remunerable.
Qui sont dispers ^ ; soiez leur secourable;
Leur chief est mort qui tant vous fut feaulx ;
Pour son amour, aiez pité sur yaulx.
Pour exempler/ toute gent de jonesce
35 De faire bien en armes, en chevaulx :
Plourez pour lui, toute gent de noblesce !
a. Est enterré. — b. Désormais il n'est plus personne pour les
porter et s'en servir. — c. Vertueux. — d. Débutant dans le mé-
tier des armes. — e. Dispersés. — /. Donner l'exemple.
BALADES I 45
l'envoy
Princes, mort fu Loys, vostre vassaulx,
Et de Paris, en février, vo consaulx
A Saint Denis le conduit en tristesce.
Ou enterrez est delez les plus haulx; 40
M. CGCC. et deux fut ses tombeaulx :
Plourez pour lui toute gent de noblesce !
MCLXXXVIII
Balade.
E LA TYRANNIE DU MAUVAIS NOYRON, EMPEREUR DE ROMME,
ET DE SA MAUVAISE FIN.
c
RUEULX Noiron ^, de grant cruauté plain,
Pour quoy fis tu mourir crueusement
!>] a Seneque, qui t'endotrina ^ en vain
Et te monstra tant bel enseignement
Pour gouverner et vivre saigement 5
Comme empereur? Comment osas tu faire
A ta mère les membres du corps traire <^,
Pour vir le lieu de ta concepcion?
C'est grant horreur de ta vie retraire '^ :
Tyrannie ne fut onc ^ en saison. 10
I. oncques.
a. Néron. — b. Q.ui t'instruisit. — c. Arracher. — d. Raconter.
T. VI 10
146 BALADES
Comment fus tu de couraige villain
Et insexte ^, de gésir * charnelment
Avec ta suer ? Et puis d'uy a demain
Voulz concevoir, porter, avoir enfant,
1 5 Ce que Nature en corps d'omme deffent.
Les medicins qui virent ton affaire,
Pour eulx sauver, eschiver mort contraire,
Te donnèrent renoulle <^ en pocion,
Qui te fist puis assez crier et braire :
20 Tyrannie ne fut onc * en saison.
D'avoir conçupt ne fus pas incertain ;
La rayne <^ lors te fist moult de tourment
Toutes les fois qu'elle mouroit de faim ;
Plus attendre ne voulz l'enfantement,
25 Mais impetras un ort vomissement ^
Aux medicins, qui ot plus ort repaire ;
Les feux bouter, dont je ne me puis taire,
Fis a Romme; quel tribulacion !
Ton chief te fis en fin par ton serf traire « :
3o Tyrannie ne fut onc ^ en saison.
l'envoy
Prince, bon fait gouverner justement
Et craindre Dieu ; qui le fait autrement
En la fin a toute destruction ; 3ij h
Les bons ont bien et pardurablement
35 Et les tyrans meurent mauvaisemeni :
Tyrannie ^ ne fut onc 1 en saison.
I. onques — 2. Tyrampnie.
a. Incestueux. — b. Coucher. — c. Grenouille. — d. Tu deman-
das un sale vomitif. — e. Oter, couper.
BALADES
147
MCLXXXIX
CY PARLE d'une FICTION d'oYSEAULX GENTILS, ET PAR ESPECIAL,
DE l'aigle, ROY DES OISEAULX, RAMENÉE A MORALITÉ AU
GOUVERNEMENT DES PRINCES *.
JAY une fiction trouvée
En une escripture approuvée
De TAigle, ou il fait mencion
Qu'elle tint en une contrée
Son aire, et la s'est ordonnée 5
En prenant une porcion
De vivre sanz destruction
Pour son estât; si fut amée
Des oiseaulx de la région,
Et n'y avoit cerf ne lyon lo
Dont elle ne fust redoubtée,
Car loy estoit par lui gardée
Et justice sanz fiction.
De trois gerfaux fut advisée ^,
Et de trois faucons gouvernée, i5
Qu'elle ot toudis en sa maison,
Et ceuls firent droitte volée
En prenant la chose acordée
Pour son vivre et selon raison ;
Pourveance fist de saison 20
Qui fut saigeraent dispensée.
Nulz n'osoit faire desraison *
" Publié par Tarbé, tome II, page
a. Conseillée. — b. Tort, injustice.
148 BALADES
A oisel nul, en l'air n'en prée,
25 Qui n'eust la teste couppée : Siy c
Tele fut sa pugnicion.
Elle a voit pour faire justice
Deux tercelez *, un jay propice
Pour accuser les maufaitteurs,
3o Deux estourneaulx en un office,
L'un lay, l'autre avoit bénéfice,
El deux chardonneriaulx docteurs,
Et chascun portoit les couleurs
De sa plume, sanz autre esclice *
35 Porter, fors sa propre pelice,
Sanz contrefaire les honeurs.
Deux espreviers, pour son service,
Avoit trenchans, ou il n'ot vice;
Par tout avoit .11. serviteurs;
40 En ses estas n'avint esclipce,
Car chascuns gouverna sa lice
Vraiement sanz estre menteurs;
N'onques n'avoient successeurs
Que par mort i; point ne fut conlice <=
45 De remuer, sanz grant malice,
Ses servens l'Aigle aux bonnes meurs.
Pour son demaine recevoir
Ne vit l'en a celle aigle avoir
Fors 2 deux coulons et une choe ^\
5o Et si vouloit TAigle sçavoir
Tousjours Testât de son avoir
Et ses despens, dont je la loe ;
I. mor. — 2. Et.
a. Mâles de l'autour. — b. Marque d'honneur, distinction exté-
rieure. — c. Coutumier. — d. Deux colombes et une chouette.
BALADES 149
Ne vouloit que poucin n'aloe ^
Fust prins sanz paier : qui doloir *
S'en venist, et trouvé fust voir, 55
Chascun des trois perdist la joe <=.
Paier faisoit du main au soir ;
Grans mes ^ ne vouloit recevoir,
Car grans mangers les oeulx esbloe ^
Et fait la forcelle doloir/: 60
Trop bien le sceut appercevoir
L'Aigle, qui telz mangers desloe 5";
L'argent de la bourse en descloe ^.
De deux mes prinst a son vouloir,
Sanz excès; s'ot ' plus grant pouoir 65
De voler et plus mendre escroe *.
Pour oir Testât de sa terre
Fist .11. corbaulx cerchier et querre
Aus quelz on rendoit de tout compte,
Et deux pymars ' pour aler quere 70
Les papiers enfermez soubz serre "*
Afin que riens n'alast a honte;
Par eulx sceut que sa terre monte,
Et de ce vouloit bien enquerre,
Fust en temps de paix ou de guerre, 7 5
Ainsi que l'istoire raconte.
D'autre Aigle ne voult riens aquerre,
Son nif » ne son aire conquerre;
Il lui souffist qu'elle surmonte 0
En son pais ou elle terre p 80
a. Alouette. — b. Se plaindre. — c. La joue. — d. Services. —
e. Eblouit, trouble. — /. Soufl'rir l'estomac. — g. Désapprouve. —
h. Détache. — i. Ainsi elle eut.— k. Compte de dépenses. — /. Pics.
— m. Serrure. — ti. Nid. — 0. Domine. — p. Où elle demeure.
1 5o BALADES
Ses subgis, et qu^on ne desterre "■
Le bestail qui a lui se dompte;
Qui se lait fouler * il s'ahonte '= :
Pour ce voult garder et requerre
85 Ses oiseaulx et tenir soubz luerre ^
L'Aigle dont je vous faiz le compte,
Qui si bien son fait ordonna
Et a ses gens gaiges donna
Si réglez qu'il devoit suffire,
90 Tant que chascuns se contenta,
N^autres dons ne lui demanda,
Et ainsi acrut son empire
Si que nulz n'osoit contredire 3i8 a
Deçà la mer ne par delà
95 A la 1 possession qu^elle a, »
Ne nulz ne vous pourroit descripre
Qu'oiseaulx n'eust vers li du pire
Qui s'efforçast de grever la,
Ne nulz d'iceulx ne la foula
100 Qu'il n'ait esté mis a martire.
Pour quoy? car tout oysel l'ama,
Pour justice qu'entr'eulx garda
Et qu'elle voult les bons eslire «,
Les ostouers f prinst et corriga
io5 Et les escoufles ^ justiça
Qui voulrent les poucins destruire;
Les renars fist trembler et fuire,
Les loups du bec escervela ^
Et tout animal qui embla «
I. Na.
a. Chasse de la terre. — b. Qui se larsse mépriser. — c. Se couvre
de honte. — d. Leurre. — c. Choisir. — /. Les autours. — g. Mi-
lans. — h. Fit sauter la cervelle. — i. Ravit.
BALADES 1 5 ï
En l'air, en terre, et a voir dire ^ i lo
Nuiz ne lui pouoit contredire :
Par ses nobles vertus régna,
En grans richiesces demeura
En grant paix et joye sanz yre.
S'elle donna a quelque oysel, 1 1 5
Elle fist mettre en un moncel *
Le don, et lors fut merveilleuse ^ :
Quant elle veoit le tropel ^
De tout 1 l'argent sur un carrel ^
Ou un tapiz, trop fust honteuse i20
Du grant mont, et trop desdaigneuse/;
Lors se restraint dedenz sa pel,
A ses dons mist bride et gourmel s
D'une restrainte * gracieuse.
Moult faisoit en son pais bel. i25
S'elle donna, son don ysnel '
3iS b Fut baillié, sanz chose doubteuse;
Se d'or y eust plain un tonnel
Ou d'argent, fust pierre ou annel *,
Délivrer fist la vertueuse i3o
Son don, sanz estre mençongeuse ;;
Plus n'en convenoit faire appel;
Pour ce de vérité l'appel
Aigle plaisant, humble et piteuse.
En cest estât long temps se tint, i35
Honeur en tous cas lui advint,
De tous biens fut ses règnes plains,
I. tout manque.
a. A dire vrai. — b. En un tas. — c. Émerveillée, épouvantée.
— d. Le monceau. — e. Carreau. — /. Fâchée. — g. Gourmette. —
h. Diminution. — i. Rapide, prompt, — k. Que ce fût pierre ou
anneau. — /. Menteuse.
1 52 BALADEà
Pour une beste venoit vint
D'estranges lieux; la se contint
140 Tant que boys, rivières et plains "^
D'oyseaulx. et bestes furent plains,
Et tant en y venoit et vint
Qu'envoier dehors en convint
Pour peupler autres pais mains :
145 Car la garde et justice obtint
Contre tous, et si mesavint *
A aucuns oiseaulx souverains,
Elle les secourt et retint,
Et l'ardeur de leur perte estint,
i5o Et n'ot cure d'oiseaulx villains ;
Et se guerre ot entre forains <^,
Ses voisins, bien lui en advint;
D'eulx appaisier ne lui souvint
Car ses règnes en fut plus sains ^
i55 Grant espargne fist a son tens 1,
Et si ordonna par son sens
Grues en divers lieux du mon '^,
Qui furent alans et venans
Et les nouvelles rapportans
i6o Tant par elles com 2 par laron "^
Si que guerre ne sourt ou bonde/, 3 18 c
Riotes, noises ne contens,
Qu'el 3 ne saiche, et est pourveans
Aux perilz, tant fut saige et monde.
i65 Les poucins, les jeunes enfans
Des faucons, pour estre volans,
I. Ce mot est effacé. — 2. comme — 3. Quelle.
a. Plaines. — b. S'il arrivait quelque mésaventure. — c. Étran-
gers. — d. Du monde. — e. En secret. — /. Bruit.
BALADES l53
Des nobles oyseaulx, a la ronde '
Fait mener par estranges gens,
Si qu'ilz ne soient negligens,
Que paresce ne les confonde 170
Par deliz, et que nulz ne fonde ^^
Sur les aires pour estre lens *,
Mais soient legiers et soufrans «^
Par la paine qui leur suronde '^.
Par ces poins et celle ordonnance 175
Tint celle Aigle en grant excellence
Son empire toute sa vie
En paix, en joie et en puissance,
Ses oyseaulx en obéissance,
En bonne amour entr'eulx unie ; 180
Ses offices n'esleva mie,
Ne du nombre ne fist croissance,
Ne les desmist sanz pourveance
Par faulx rappors ne par envie.
Elle vivoit a souffisance, i85
Sanz excès d'emplire sa pance ;
Tousjours estoit sa court garnie
D'oiseaulx fors, de belle apparance,
D'umble cuer, qui font reverance ;
igo
Tousjours estoit acompaignie
D'anciens oiseaulx de prudence,
Qui tousjours firent résidence
Pour honourer sa seignourie.
En celle grant prospérité, 195
3iS d En ce bien, en celle unité,
Celle Aigle, qui très vielle fu,
I. larronde.
a. Ne se confie.— è. Languissant. — c. Endurant. — d. Déborde.
l54 BALADES
Trespassa, dont ce fut pité;
Un jeusne hoir en son hérité *
200 Laissa, qui avoit pou veu;
Beaus estoit, non pas parcreu *:
Aux jeusnes prant affinité;
Des biens avoit infinité
Qui furent trop mal despandu.
205 Car li viel n'ont pas creu esté :
Li tercelet <= et li hobé '^,
Ly esmerilion sont venu,
Li jeusne faucon affamé,
L'esprevier, li ostoir privé,
210 Chascun lui a couple ^ tenu ;
Telz y vint desplumé et nu,
Qui tantost s'i est remplumé;
Sa char et son sang ont humé
Et sont com père et mère eu ' .
2x5 Le conseil donnent de jeunesce
Et lui baillent Foie Largesce
Qui veult estre sa despensiere,
Et une pie jangleresse/
Qui autre oisel parler ne lesse
220 Mais boute vérité arrière,
Les bons oiseaulx blasme en derrière
Et fait retenir l'oslrucesse ^,
Bestial, plaine de paresce :
Ainsis va ce devant derrière.
225 Or vole celle Aigle et se dresse,
Et voit l'avoir et la richesse
Que son père ot acquis premier;
I deu.
a. Héritage. — b. Q.ui n'avait pas encore acquis toute sa crois-
sance. — c. d. Jeune oiseau de proie. — e. Compagnie. — /. Ba-
varde. — g. La femelle de l'autruche.
BALADES ibb
Ne cuide pas que jamais cesse;
Lors donne a mains ce qu'il posesse ^,
3ig a Aux fouis oiseauls fait bonne chiere ; 23o
Chascuns quiert estrange manière
De demander, d'avoir promesse
De chetis oiseaulx a grant presse :
Adonc se destruit la minière *.
Une heure vole en Orient, 235
Autre heure vole vers Midi,
En Septemtrion va courant,
Autre heure demeure en son ny;
Et en volant sont maint honny
Des oiselez, qui vont tremblant, 240
Et parlent jusqu'en Occident
De ce qu'om les gouverne ainsi.
Pour quoy est ce? Pour ce qu'om prant
Le leur. Or dittes donc, et qui?
Cil escoufle c, cil perliquant ^, 245
Qui tuent sanz avoir merci ;
Les povres oyseaulx sont ^ péri,
Qui n'en ont droit ne jugement,
Fors que la paine et le tourment :
Tout est pardonné, je vous di. 25o
De justice parler ne fault :
Il n'y a ostoer ne gerfault,
Escoufle, pie ne cornaille
Qui n'échappe, et ne lui en chault :
On leur pardonne leur default. 255
Perdrix n'en puet durer ne caille,
Brebiz, mouton, pourcel n'aumailie,
I. en sont.
a. Possède. — b. Mine d'or. — c. Milan. — d. Pélican.
1 56 BALADES
Tout se prant sanz dire : que vault?
Tant que tout le bestail default,
260 Et si n'est nul a qui en chaille ^.
Les voisins, pour ce voler hault,
Qui sont malicieus et caut *,
Aus quelz l'en destruit grain et paille,
Ont en leur cuer d'en faire assault : 3ig b
263 Contre l'Aigle trop ont cuer chault ^,
Quant prandre voient leur poulaille
A brehiers '^ et a villenaille '^
A cosmarans/, qui se font baux
Pour l'Aigle, et ne sont que ribaux
270 Entre les oiseaulx et merdaille g.
Or s'en vont a cens et a mille
Les dons a maint qui n'est habille
Des oiseaulx d'avoir un denier,
Qui en achatent terre ou ville,
275 Et qui est vilz et d'aire vile '';
Et li faucon et esprevier
Ont a tresgrant paine a mangier,
Et ceuls qui ont teste soustille;
Riches se fait qui prant et pille,
280 Mais ainsi vuide le grenier.
Ou l'Aigle c'un servent n'avoit,
.XII. en y a, et ce que doit '?
C'est destruction de pays.
Car maint d'iceuls ne se congnoit
285 En son estât ; des gaiges joit*;
I . et manque.
a. Et personne ne s'en soucie. — b. Bien avisés. — c. tchauffé.
— d. Par des buses. — e. Vilains. — /. Cormorans. — g. Gens
méprisables, gens de rien. — h. De basse extraction. — 1. Qu'est-ce
que cela signifie ,'' — k. Jouit.
BALADES 1 57
S'en sont les oiseaulx esbahis,
Plus fault a .XII. oiseaulx qu'a six,
Et soustenir ne se pourroit ;
Mais qui tous les restrainderoit ^ '',
Ce seroit un tresgrans proufis. 290
Car deux ou un autant feroit
Ou .1111., qui les esliroit,
Sur pluseurs estas qui sont mis;
L'argent a TAigle demourroit,
.iic. mil 2 frans, s'il lui plaisoit, 295
Ou gaiges a trop excessis ;
Et quant un fait autant com dix,
3ig c Grant merveille est qu'om n'y pourvoit.
3oo
Mais l'Aigle a la veue esbloée *
Pour la louenge a lui donnée
De son gent corps, par vaine gloire;
Plus ne fault qu'elle soit troublée :
Ne restraingne pois ne purée, 3o5
Cresson, moustarde, pomme ou poire,
Mais de restraindre soit mémoire
Ses grans gaiges, sa grant donnée <=,
Et le nombre d'offices vée '^
Si grant qu'il est, s'il me veult croire. 3 10
Soit toute chose ramenée
A estât deu, non excédée.
Car on espuiseroit bien Loyre.
Qui charge la seconde année
Plus qu'il ne doit, perte engendrée 3i5
1. restraindroit — 2. mille.
a. Diminuerait. — b. Éblouie. — c. Libéralité. — d. Défende.
j58 balades
Lui est, pour estre debitoire ",
Et par un tel cas d'açessoire
Quant une terre est endebtée,
Qui ne restraint, chose est prouvée
320 Qu^om pert adonc le possessoire ^.
L'Aigle, qui mestier de restraindre
A, a présent se vient complaindre
De son estât aux vielz oyseaulx,
Prians qu'ilz ne se vueillent faindre,
325 Car trop voult com simples empaindre '^
L'oppinion des jouvenciaulx
En son cuer, plus ne • veult a ciaulx
Conseillier, dont son fait est maindre :
Desor les veult amer et craindre
33o Com ses amis especiaulx.
Lors dit Tun : « Il vous fault despaindre ^
a De vostre cuer et tout estaindre
« L'ennortement des cuideriaulx ^;
a De jeunesse vous fault refraindre, 3 ig d
335 « Le temps perdu gémir et plaindre,
« Que vous fuiez les desloyaulx :
« Le mal en bien vous convient taindre,
« De diligence et vertu saindre ^
340 « En tous voz faiz especiaulx.
« Créez au faucon de vo linaige,
« Au gerfaut de vostre paraige,
a A ceuls qui sont de vostre genrre,
« Aux plus anciens qui sont saige,
345 « Car ceuls pour vous metronl en gaige
I. ne manque. — 2. faindre.
a. Débiteur. — b. Possession. — c. Pousser, avancer.— d. Arra-
cher, repousser. — e. Le conseil des présomptueux.
BALADES I 59
a Terre et tout, et le corps en cendre ;
« Laissiez vous doucement reprandre,
« Sanz user de hautain couraige ;
tt Restraingnez ce qui est oultraige <*
« Vueiiliez retenir et aprandre. 35o
« Aiez vérité en usaige,
« N'usez point de perdre langaige;
a Faittes a chascun son droit rendre :
« Voisent li buef a leur ouvraige
« Et li oysel de gros plumaige : 355
a A les 1 lever ne devez tendre.
a Deffendez que nulz, sur le pandre ^,
« Ne tue aux champs ne au villaige,
« Praingne ou ravisse par pillaige,
a Et se gart chascun de mesprandre. 36o
» Se l'en prant riens pour vostre hostel
« Ne pour ceuls de vostre costel '^
« N'en la terre de voz voisins,
a Faictes tout paier le chastel '',
« Car c'est trop grant pechié mortel 365
« De mangier les biens qui sont prins
a Sanz paier ; com mauvais lopins
a Sont salez de trop mauvais sel,
320 a « Dont on pert l'ame et le vaissel ;
« Deshonourée en est la fins. 370
« Nulz ne doit en autrui pourcel,
« Sanz paier, mettre son coustel,
« Ne prandre les blez ne les vins,
« Les foings, les grains, drap ne burel ^,
I. Ailes.
a. Retranchez ce qui est excessif. — b. Sous peine d'être pendu.
— c. Famille. — d. Le dommage, tout ce qu'on prend. — e. Gros
drap, bure.
l60 BALADES
375 « Des povres brebiz ne la pel
o De quoy l'en fait les parchemins,
« Dont leurs faons ^ sont orphenins
a Et en povreté sanz rappel,
« Pour gouverner un grant tropel
38o « De merdailles et de coquins.
« Tu dois, selon ta revenue,
« Vivre et régner; donques te mue
a Et vif * comme ti ancien ;
« Le trop d'officiers remue <^
385 « Que tu as comme oiseaulx en mue,
« Et si ne te servent de rien
« Fors de gaster peuple et le tien <^,
« Mille et cinq cens; pour ce t'argue <^,
« Qu'ilz ont sanz cause retenue,
390 « Des quelz ne te puet venir bien.
a Sur tel bestail qui fait la creue /
« Sera ta ' despense descreue
« De deux cens mil ; or le retien :
« Moins en yen ta despense deue
395 « Et ta gent plus voulentiers veue;
a Voist s'en chascun a son lien,
a Ses gaiges superflus retien,
a Car on feroit grosse massue S"
« De deux cent mil : chose est perdue;
400 « Restraing com bon phisicien.
€ Regarde a droit et par loisir
a Ceulx qui se scevent bien chevir *
€ Et qui font valoir leur besongne 320 b
I. ta manque.
a. Agneaux. — b. Vis. — c. Réforme, destitue. — d. Ton avoir.
— e. Je te reproche. — /• L'augmentation. — g. Masse, monceau.
— h. Qui savent bien se conduire.
BALADES 16 I
« Loyaument, sanz prandre ou tolir,
a Sanz convoiter : ceuls requérir 4o5
« Doiz tu, et tes sers embesongne ^
« Ou qu'ilz soient, car je tesmongne
« Que par deux puez plus enrrichir
a Que par cent qu'on te vient offrir
« Qui ne quierent^ fors qu'om leur dongne*. 410
a Des autres te fault enquérir,
a En tous estas pour toy servir,
« Et, se bons sont, ne les ressongne '^ ;
« Fay les de toutes pars quérir
a Et en ton service venir, 41 5
« Garde qu'ilz n'y quierent alongne «';
« Ceuls qu'om permet vers toy eslongne,
« Et les bons vueilles remerir ^,
« Si ne pourra ton fait périr;
a En ce cas ne doiz mettre allongne. 420
« Du restraindre f que tu feras
a Tes jeunes poucins nourriras,
« Et ly oysel prieront pour toy,
« Quant les cuers oiseux aprandras
« A ouvrer ê", et ne soustendras 425
« Leurs oyseuses * ne leur desroy ' ;
« Car pluseurs se parent com roy
« Des propres plumes que tu as,
« Et de la t'est venu grans gas *
« Et dommaiges, de ce me croy. 480
« Appartient il que le harnas^
I. requièrent.
a. Emploie. — b. Donne. — c. Ne les crains pas. — d. Retard.
— e. Récompenser. — /. De l'économie. — g. Quand tu apprendras
à travailler aux paresseux. — h. Leur oisiveté. — /. Leur désordre,
dérèglement. — k. Grands dégâts, — /. Harnois, habillement.
T. VI II
102 BALADES
« Porte uns corbaulx ou uns huas *
a De l'Aigle et le noble courroy *?
« Nennil. Mieulx deussent ou fanas <^
435 « Becquier ^, et vestir chavenas «
« Qu'oser penser a tel arroy.
ce Euvre tes oeulx et te resjoy 820 c
a Ou cas que tu te restraindras
ut Et les autres ordonneras
440 « Si que chascun tiengne sa loy.
« Fay chascun vestir sa cotelle f\
« Voist chascun avec sa femelle
« Sanz sa fourme dégénérer;
« Soit a chascun sa plume belle,
445 « Au coulon et a l'arondelle ^,
a Sanz fauses plumes emprunter,
n Dont li corbaulx se fist huer
a Qui du paon print plume nouvelle,
a Mais pour ce perdit sa querelle,
450 « Quant au paon vouloit ressembler.
a Oste ces oyseauls de cautelle,
« Qui trois et trois sient en celle *,
a Qu'om doit cahuans appeler ' ;
« Le jour héent et la chandelle,
455 « Par nuit volent, et a la belle *
« Trois d'iceuls se vont esconser ' ;
« Par jour ne les puet on trouver,
« Car veritez en eulx chancelle ;
« En dortoir vont ou en chapelle
460 « Si qu'om ne puet a eulx parler.
a. Chat-huant. — b. Suite, ordonnance. — c. Tas de foin. — d.
Manger, becqueter. — e. Toile de chanvre. — /. Son habit. —
g. Au pigeon et à l'hirondelle. — h. Dans leur demeure. —
1. Chat huant. — k. Au point du jour. — /. Cacher.
BALADES I 63
a Ceuls monstrent par ceste figure
a Que cahuans n'ont de jour cure,
a Car oisel sont immonde et ort
a Qui font a la clarté injure; '
« De jour tout oisel leur court sure *, . 465
a Chascun qui puet les pince et mort;
a Les juifs sont comparez au fort ^
a A ces oiseaulx, pour leur ordure,
« Qui contre la saincte Escripture
a Mirent sanz cause Dieu a mort, 470
« Demourans en leur loy oscure,
« Laissans le vray souleil qui dure
« Pour l'ombre de nuit qui les tort ;
« J'en congnois qui sont si parjure
a Et si mentent a desmesure, 475
« Qu'om te donne par eulx le tort
a Dont ilz aront maladventure;
tt Muser font mainte créature,
« Qui en sont destruit sanz ressort. 480
a Oste ces oisiaulx noirs et gris
a Qui estoient tous amaigris
a Quant de toy furent retenus,
« QuMlz ne te laisseront ^ perdris.
« Sur toy pluet ^ : ilz ont bon logis, 485
« Bien sont enplumez et vestus.
« Veulz tu avoir fransetescus <^?
« Reçoy ^ le tien .mi. ans ou six,
« Comme ilz ont fait, et je te dis
« Que tu seras riches tenus. 490
I. seure, — 2. lairont.
a. En fin de compte. — b. Il pleut. — c. Argent. — d. Recueille
ton avoir.
104
BALADES
a Envoie les a leur mestier
« Et repran, se tu as mestier '^,
« Ce qu'ilz aront mal prins d'argent -,
« S'ilz sont en Testât de premier *,
495 a Voisent au change ou au moustier,
« Car trop font de mal a la gent ;
« Par mentir font maint indigent
a Tel oisel qu'om ne doit prisier.
a Or vueilles leur mentir brisier,
5oo « Car Dieu het tout homme qui ment.
a Donc, pour double de Dieu courcier <^,
a Tu en doiz la terre espurgier
« Pour eschiver l'advenement
<i De rire que Dieux envoler
5o5 « Te pourroit, car le droit loier
« De bien et mal a chascun rent.
« Si dois doubler son jugement
« Et de ton pouoir l'appaisier; 32 1 a
« Telz cahuans faire vuidier '^
5 10 « Ou régner véritablement
« Tu vois les traces de ton père,
« Dont la vie fut belle et clere,
o Et comment il fu véritable :
« Or fay que sa vertu appere "
5 1 5 « En toy, car filz ne dégénère,
« Par nature, de son semblable.
« Or fut il Aigle tresnotable,
« Qui ne voult ne ^ tondre ne rere
« Ses oiseaulx, mais par juste arrere^
520 « Leur estoit tous temps secourable.
I. ne manque.
a. Si tu en as besoin, — b. S'ils occupent les premières places.
— c. Courroucer. — d. Déloger. — e. Apparaisse. — /. Raser. —
g. Retour.
BALADES \6b
(( Des vertus qu'il avoit te père «,
« Et a restraindre te compère *
« A ceuls qui furent espargnable <^ \
« Pour ce que, s'une chose amere
« Te venoit, com oisel sanz mère 525
« Tu ne fusses pas decheable ^
« Ne a tes oiseaulx dommagable
« Par empruns; garde ce mistere
« De mettre aucune chose amere,
« Car ce te sera proufitable. 53o
« Ne croy oysel pour son beau chant,
« Car maint en a esté meschant «^
« Qui cuidoit de mençonge voir;
« Oysel menteur va decepvant.
a Garde toy de l'oisel flatant, 535
« Car il te cuide decepvoir;
« S'il te dit blanc, respons lui noir;
« D'entour toy le soies chaçant
a Et en autre marche esvolant/
a Et lui fuy de tout ton pouoir. 540
a Je croy que je tairoy a tant e
a Mon chastoy ^, car en recitant
321 b « De ton bon père le sçavoir,
a Est assez cler en apparant
« En quel guise il fut gouvernant, 545
« Tant qu'il estoit riches d'avoir,
a Or fay donc ton sens apparoir,
« Selon son fait, d'or en avant,
« Et se tu lis ce dit souvent
a Tu en deveras ^ mieulx valoir. » 55o
I. devras.
a. Pare-toi. — b. Compare-toi, ressemble. — c. Economes, mé-
nagers. — d. Sujet à décheoir. — e. Malheureux. — /. Le faisant
envoler. — g.ie tairai ici. — h. Mon enseignement.
l66 BALADES
L'Aigle, quant ilôt entendu
Le gerfaut, lui a respondu,
Et a 1 son oncle, le faucon :
« Parens, je suis a vous tenu,
555 « Et se mal me suis maintenu,
€ Tout vueil faire ce qui est bon :
« D'or en avant, excessif don,
« Gaige, officier malostru,
a Chetis ne seront retenu ;
56o a De mon père vueil le renon ;
« En tout bien, que, qui vueille ou non,
« Sera a mon fait secouru
a Et par vo conseil pourveu :
« Au monde vueil avoir bon nom. »
565 D'un arbre est l'Aigle descendu
Ou le gerfaut et faucon fu,
Et s'avoit illec environ
Maint noble oysel sur le velu ^,
Qui de plume estoit velu ;
570 Chascun avoit gente façon.
Qui oirent ceste leçon
Recorder, dont aucuns sont mu *;
Li autre en sont de joye dru 2,
Qui en chantent maint joieux son,
575 Mais li corbaut et li lanon <=
En sont tuit dolent devenu,
Couart, lasches et esperdu,
Doubtans qu'ilz n'aient ja pardon. 32 1 c
Ceste fiction ramenée
58o Puet bien estre, et moralisée
I. a manque. — 2. deu.
fi
a. Sur la pelouse, sur l'herbe. — b. Rendus muets. — c. La-
nier, oiseau.
BALADES 167
Par l'Aigle a maint roy et baron
Qui leur terre ont bien gouvernée
A leur vivant, puis désertée
Fut par leurs enfans, ce dit on,
Si comme du filz Salemon, 585
Roboan, qui a despitée
La science des vieulx donnée;
Aux jeunes crut; pour ce lison
Que sa terre fut divisée
A Jeroboan et donnée 590
Qui en ot la plus grant parson '*.
Soit donc dotrine a ce menée
Que le conseil des vieulx ne hée
En cest secle li jeunes hom,
Car leur prudence est afermée SpS
Par grans cours de leur vie usée ;
S'en vault mieulx leur oppinion.
Helas ! pour quoy ne s'i fy on ?
Jeunesce n'est c'une rousée *
De sang chaut, qui tantost s'effrée <= \ 600
De ceste chalour nous gardon
Tant que joie soit aprestée
A Tame en gloire beneurée ^,
Ou tous ça jus tendre devon.
CY FINE LE DIT ET FICTION DE L-AIGLESim LE GOITVERNEMENT
DES PRINCES
a. Portion. — b. Rosée. — c. Se trouble. — d. Bienheureuse.
|68 BALADES
MCXC
SUPPLICACION A MES SEIGNEURS LES DUCS DE BERRY,
BOURGOGNE, ORLIENS ET BOURBON *.
J
'ay servi par .xx. et .viii. ans ^ 32i d
A grant paine et de mon pouoir
Le bon roy Charle et ses enfans,
Le Quint (Dieux vueille s'ame avoir !),
5 Et loyaument fait mon devoir
En tout ce que l'en m'a commis :
Ce scet le roy Charle et Loys
Et maint de nos seigneurs de France,
Soufert leurs geus et leur enfance
lo Tant que viel suis ; si vous supplie
Qu'en vostre nouvelle ordonnance
Me laissiez mes gaiges a vie
D'uissier d'armes, qui suis prenans,
Que le bon roy me fist avoir
i5 A vie, et me fut assignans
Sur sa recepte recevoir
De Vitry, prandre et percevoir,
Que j'ay depuis receus et prins,
Confermez par le roy, son fils,
ao Qui puis la garde et gouvernance <»
De Fymes, pour ma demourance,
Me bailla ; gaiges n'y a mie.
Fors d'uissier, et attendons ^ ce,
' Publiée par Crapelet, page 124.
I. xxvni ans. — 2. attendu.
a. Gouvernement.
BALADES 169
Me laissiez mes gaiges a vie
Ordinaires; pas ne sont grans, 25
C'est partie de mon avoir ;
Autre chose ne vous demans.
Par mes lettres pourrez sçavoir,
L'un des .viii. restrains ^ suis, pour voir,
Des huissiers d'ordonnance escrys ; 3o
A petiz gaiges suis baillis,
Sanz seaulx avoir, a grant despence ;
Charge n'ay de dons de finance ;
Or ne souffrez que je mendie,
Mais de vostre begnivolence 35
322 a Me laissiez mes gaiges a vie.
l'envoy
Mes seigneurs, soiez remembrans
Que moy, povre Eustace des Champs,
Ay servi a royal lignie
Sanz charger, sanz estre marchans; 40
A ma an, pour estre contens.
Me laissiez mes gaiges a vie.'
a Retranchés ou réduits.
lyO BALADES
MCXCI
Autre Balade.
{Le plus certain des salaires, cest de l'argent.)
A
DVisEz VOUS, tous servitcufs de court;
Car aussi tost que vous y avez grâce,
De toutes pars Envie sur vous court
Et n'y avez fors un pié sur la glace ;
5 Pourchacez lors que prince bien vous face
De don d'argent ou de chose vendable ;
Don de chastel n'est pas bien profitable,
Ne d'offices qui sont a voulenté ;
Tost sont tollu et en brief revocable :
10 C'est le plus sain qiie d'estre bien rente,
Et d'acquérir pour le temps qui decouft *»
Terre et maison, ains que jeunesse passe,
Ne que l'en soit goûteux, viellart ne sourt,
Par trop servir, car on fait la grimace
1 5 A vieulz servens, la court les fuit et chace:
S'ilz n'ont de quoy, lors sont tresmiserable ;
Mauvais se fait attendre a autruy table;
Telz fait le grant qui est fort endebté
Et qui languist par sa coulpe dampnable :
20 C'est le plus sain que d'estre bien rente.
Si grant n'y a qui tant saiche du hourt * 322 b
Qu'en un moment son piet a court ne glace <^,
a. Pour le temps à venir.— b. De ruses, d'habileté.— c . Ne glisse.
BALADES 171
Et qui jamais y puist estre ressourt «
Ne soy tenir en ligne ou en espace ;
C'est un bon jour mis en une besace 25
Devant derrier, c'est la rôe versàble *
De Taveugle Fortune decevable
Qui tourne au bas ce qu'elle a hault monté;
Et puis qu'a court n'a nulle chose estable,
C'est le plus sain que d'estre bien rente. 3o
l'envoy
Jeunes servens, retenez ce notable ^ :
Com vous estes fusmes nous agréable,
Et telz que nous serez vous rebouté ;
Pour vivre lors en estât secourable
Pensez d'avoir un recépt <^ convenable ; 35
C'est le plus sàin que d'estre bien rente.
Mcxcri
Balade.
DES HUIT CHOSES QUE TOUT HOMME VIVANT EN CE MONDE
DOIT AVOIR ET ACQUERIR POUR RENOM ET PARADIS AVOIR
HUIT choses doit homs desirier
Et acquérir de son pouoir :
Science, pour eh bien user,
a. Redressé. ~ b. La roue tournante. — c. Axiome, pre'cepte. —
d. Une retraite.
172 BALADES
Chevance, honeur, largesce avoir,
5 Humilité, faire devoir
Par tout ou il sera tenus -,
Que Vérité soit ses escus,
Et Pitié ou elle cherra ;
Fuie vice, ensuye ^ vertus :
lo Dieu et le monde l'amera.
Par science pourra régner
Et refréner tout foui vouloir; J22 c
Par chevance, indigence oster,
Estre larges de son avoir,
i5 En temps et lieu, sanz decepvoir,
Honourergrans, moyens, menus,
Estre piteus a son dessus,
Véritables tant qu'il pourra;
S''ainsi fait ces .vm. poins, conclus :
20 Dieu et le monde l'amera.
Lui vivant se fera loer ;
Lui mort, exemple aront si hoir
D'eulx comme leur chief gouverner ;
Son bien fait pourra percevoir
25 L'ame de lui et recevoir
Les biens qu'il ara fait ça jus
En la haulte gloire lassus,
Ou Dieu le guerredonnera ;
Ses noms vivra sanz estre exclus :
3o Dieu et le monde l'amera.
l'^envov
Princes, bon fait ces poins garder
A tout homme, tant qu'il vivra;
I cnsuge.
BALADES 1 7 3
Qui les garde ne doit doubler
Dieu et le monde l'amera.
MCXCIII
Balade.
COMMENT PLUSEDRS BLASMENT VERITE SANZ RAISON
ET LES CAUSES POUR QUOY
L
'EN parle trop senestrement
Sur Vérité contre raison,
Et qu'om n'ose présentement
La dire, et n'est pas en saison.
C'est mal dit : pour quoy le blâme on, 5
322 d Quant il appert tout le contraire?
En mains sermons la voy retraire
Et crier ^ comme a la bretesche « ;
C'est bien dit, on n'en veult riens faire :
L'en ne fait pas tout ce qu'on presche. lo
Preschier le voy publiquement
Devant maint prince et maint baron,
Au peuple, et leur gouvernement,
Les dix plaies de Pharaon
Et quanc'om puet dire de bon i5
Pour dotrine et pour exemplaire
Et pour les cuers a tout bien traire ;
Mais ilz sont trop dur et trop resche.
t. crier hault.
a. Sur la place publique.
I 74 BALADES
Autant vaulsist le prescheur taire :
ao L'en ne fait pas tout ce qu'om presche ^.
Vérité ne puet nullement
Avoir de fait cohercion ^
Sur Franc Vouloir, fors seulement
De blasmer sa folle action ;
25 Si a juste excusacion
Quant elle ose crier et braire
Noz meffaiz. S'on het son affaire,
Qu'en puet elle? En mains lieux s'empesche
De dire voir; c'es^ a reffaire :
3o L'en ne fait pas tout ce qu'om presche.
l'envoy
Prince tout bon entendement
Escoute, mais en un moment
Bien Dit s'estaint com la flamesche;
Convoitise destruit la gent ;
35 Blasme qui veult or et argent :
L'en ne fait pas tout ce qu'om presche.
I. tout quan com presche.
a. Contrainte.
BALADES 175
MCXCiV
Autre Balade.
COMMENT LES ROYS ET LES PRINCES NE DOIVENT ESTRE COM-
MUNS NE FAMILIERS AVEC LEURS SUBGIEZ ET LES CAUSES
POUR QUOY *.
323 a T^RiNCEs qui ont peuples a gouverner,
r^ Et les juges qui leur gardent leurs lois,
Ne se doivent pas trop humbles monstrer
A leurs subgiez, qui en sont mainte fois
Enorgueilliz, et craingnent moins les drois, 5
Quant reçoivent familiarité
Des souverains, et en sont ahurté ^
A faire moins devoir, obédience ;
En tout cas soit gardée auttorité :
Qui trop humble est, c'est default de science. 10
De ce voit on maint prince contempner * ;
Doit un chascun ainsi parler aux roys,
Communément par la cote agraper <^,
Gomme l'en fet? Soit estrange au hault doys <^
Et po commun ; lors nobles et bourgois 1 5
Aux grans festes, jour de solempnité
Le verront la; aitchiere de fierté;
Et ^ si craindront touz sa magnificence,
Noble et subgiet, sanz tele humilité :
• Publiée par Crapelet, page 41 .
I. Et manque.
a. Attachés, appliqués. — b. Mépriser, -■ c. Le prendre par son
habit. — d. A la table d'honneur.
176 BALADES
20 Qui trop humble est, c'est default de science.
Et s'il leur plaist eulx esbatre ou jouer,
Soit fait a part en leurs secrez destrois <»
O * leurs privez ^ sanz variez appeller,
Et qu'il n'en soit renommée ne voix;
2 5 Mains les voit on et aux champs et aux boys,
Et plus en sont cremu et redoubté;
Plus sont commun et moins en sont doublé;
De leurs juges en vault moins la puissance;
Leur peuple est lors d'eulx trop veoir honte <^ :
3o Qui trop humble est, c'est default de science. 323 b
l'envoy
Prince, seigneur, et toute poesté '^
De royaume, de pays, de cité
Qui gouvernez, pour mieulx garder defence,
A voz subgiez n'aiez affinité,
35 Fors a raison, a droit et équité ï :
Qui trop humble est, c'est default de science.
I. princes. — 2. et a équité.
a. Dans leurs appartements intimes. — b. Avec. — c. Déshonoré.
— d. Puissance.
BALADES 1 77
MCXCV
Balade.
COMMENT TOUSJOURS DIMINUE LE MONDE ET QUE d'aN EN AN
EN EMPIRENT TOUTES CHOSES.
D'an en an voy venir nouvelle année,
Le jour de l'an, gens et edits nouveaulx
Abis changier, vie desordonnée,
Face couvrir, si qu'om ne congnoist ceaulx
Aux cornettes qui cuevrent leurs museaulx, 5
Et pour ce est il petit de congnoissance
Ne de raison, car volunté s'avance
De mal en pis, met justice en mal an <»
Pour la honnir se force, brait et tance :
Certes tousjours vient pis ouan qu'entan ^. lo
Puis .Lx. ans nous est guerre donnée,
Mortalitez, mocions desloyaulx,
Tempests du ciel, faultes de vins et blée.
Mors et prises de mains princes royaulx,
Pays destruis par subgiez desloyaulx, 1 5
En mains règnes, Cécile, Espaigne, France,
Hongrie aussi, de ce fait demonstrance
L'Isle aux geans, Engleterre; Soudan
323 c Et Sarrasin dient en leur créance :
Certes tousjours vient pis ouan qu'entan. 20
Car l'Eglise est par pechié désolée,
a. Mauvais point. — è. Cette année que l'année passée.
T. VI 12
178 BALADES
Chief de la loy, par les rouges chapeaulx
Qui de tous poins l'ont prinse et estranglée
A Taide de pluseurs loups rapaux « ;
2 5 Les collèges qui furent sains et haulx
Des ouailles, de la saincte ordonnance,
Pour leurs estas tenir et leur bobance
Dont le cisme ^ fait trop périlleux cran
Par leur default et leur foie cuidance :
3o Certes tousjours vient pis ouan qu'entan.
l'envoy
Prince, est la terre ' au jour d'ui condempnée?
Saige n'y voy ne créature née
Qui n'y seufre paine, doleur, ahan <= ;
Seignourie est en mains lieux divisée,
35 Et quant j'ay bien toute chose advisée :
Certes tousjours vient pis ouan qu'en tan.
MCXCVI
Virelay
StJR LE DESPLAISIR DES VICES QUI REGNENT AU JOUR d'uI.
TOUT ne me plaist pas ce que j'oy ^,
Tout me desplaist ce que je voy,
Tout me trouble mon esperit,
I. Prince la terre est.
a. Rapaces. — b. Le schisme. — c. Peine, travail. — d. Cm que
j'entends.
BALADES Ijg
Tout du présent temps se périt,
Justice, raison, foy et loy. 5
Tout en tristesce et dolour vit,
Tout vice règne et tout mesdit.
Tout ne craint pas bien Dieu, ce croy,
323 d Tout prant, tout excède en habit.
Tout veult argent; ve " qui le fit ! lo
Tout est divisé en recoy *.
Tout n'a point repentence en soy,
Tout persévère en maie foy,
Tout convoite, tout apovrit,
Tout se gaste, tout amenrrit, i5
Et quant telz meschiefs apperçoy,
Tout ne me plaist pas ce que j'oy.
Tout quiert son singulier proufit,
Tout bien commun est desconfit.
Tout presques puet dire : je doy. 20
Tout par terre le ciel pugnit,
Tout a nostre fait en despit
Vengence et le souverain roy.
Tout le clergié vit a desroy <^,
Les chevaliers, peuple : cil troy '^ 2 5
Font la venue d'Antecrit
Approuchier, selon Jhesucrit :
Et, quant plus y pense a par moy,
Tout ne me plaist pas ce que j'oy.
a. Malheur k. — b. Cachette. — c. Désordre. — d. Ces trois.
I 50 BALADES
MCXCVll
Balade
DU NOBLE ET AMOUREUX LIEU APPELLE LA TABLE RONDE HORS
PONTOISE ET DE LA BELLE YEUE ET DOUCE ODEUR DES ELE-
MENS QUI l'environnent.
VOUS qui amez honeur, déduit, plaisance,
Et qui voulez vivre joieusement,
Ou mois de May que toute amour s'avance,
Juing et Juillet et Aoust ensement,
5 Vous ne pouez plus bel esbatement
Trover en lieu ne en place du monde
Hors Pontoise, ce voit on clerement,
Ou ^ noble lieu dit a la Table Ronde; 824 a
Ou les enfans qu'Amour tient en balance
10 Ont fait seigneur pour le gouvernement
De ce beau lieu, assis en cuer de France,
Ou le doulz air est continuelment.
Boys, eaue et prez, Oyse, vigne ^ ensement
Avoines, fruis, montaigne belle et monde;
i5 Déduis d'oyseauls sont anciennement
Ou noble lieu dit a la Table Ronde.
Le seigneur a en son obéissance
Officiers de noble entendement.
Et la vivent par tresbelle ordonnance ;
20 Dames, seigneurs y convient souvent
A beaux soupers; la sont maint instrument,
I. Du. — 2. vignes.
BALADES l8l
Dancer, chanter, toute joie y habonde,
Car demourer ne puet dueil nullement
Ou noble lieu dit a la Table Ronde.
l'envoy
Prince, je tieng que soubz le firmament, 25
En temps d'esté, n'a place plus plaisant ;
Car des beaus prez et des flours y redonde "
La douce odeur, et le vray élément
Qui puet garir de tout mal et tourment
Ou noble lieu dit a la Table Ronde. 3o
MCXCVIIl
Balade
DU CARESME .M.CCCC. ET DEUX QUI FUT TRESGREVABLE
A MAINTE GENT.
J
'ay .XL. ans passé la quarantaine,
Maint dur karesme avec les .un. temps,
Qui ne me firent onc ' le quart de paine
Que cilz ci fait pour ces mauvais harens,
Caques et sors, jaunes, noirs et puens,
324 b Mal ensaussés, viez merlanz hors saison;
Poys, fèves chiers sont, et tuit ly poisson
De rivière, d'estans et de la mer
1 . onques.
a. Regorge, abonde.
1 82 BAI.ADES
Riens ne valent; nulz ne les doit amer
10 Ne au manger ne puis ^ prandre bon esme '^,
Ce qui fut doulz m'est pesant et amer :
De tout mon temps ne vi si dur caresme.
Car il est froit pour Mars qui le pourmaine,
Et dangereus pour ver a maintes gens,
1 5 Et ceuls qui n'ont pas complexion saine ;
Toutes choses se sont renouvellens
En cellui mois, plain de corruption,
Dont il s'ensuit mainte destruction
De pluseurs maulx, fièvres qui font trembler
20 Et en la fin en l'autre secle aler.
Le pain se sent, et le vin est chier mesme
Tant qu'om ne puet de nul bien recouvrer ;
De tout mon temps ne vi si dur caresme.
L'en n'a de mer poisson qui le cuer taigne,
25 Qui ne soit gros, deffendus et nuisens,
Seiches, rayes, hanons, pesche villaine,
Carpe, anguile, tanche, lymon flairens ^;
Uns malades en seroit hors du sens.
Si ne puet nulz faire provision
3o Pour sa santé ; encor huille et oignon
Se vendent roit, pour le peuple affamer,
Qui chascun jour ne fait que labourer;
Qui veult riens bon, il est plus chier que cresme,
Ne je n'y sçay nul remède trouver :
35 De tout mon temps ne vi si dur caresme.
L ENVOY
Prince, on ne puet dehors n'en sa maison
I . puisse.
a. Esiitne. — b. Sentant la vase.
BALAUES /83
Trover plaiz, soles, rouges, saumon,
Luz ne carreaulx, brochez, brayne ne perche,
3-24 c Lemproye aussi ne gournaut qui soit bon,
Les maquereaulx, fors seulement leur nom : 40
De tout mon temps ne vi si dur caresme '.
MCXCIX
Complainte.
JE fu de trop maie heure né;
En ce monde n'ay propre bien.
Mais comme a homme forsené
Me court l'en sus, on le voit bien :
On demande, on donne le mien, 5
L'en m'amet ^ souvent que je jure,
On me bat, l'en me fait injure,
Crier ne excuser n'y vault,
Tourmentez suy contre droiture :
Je m'en rapporte a Loribaut. 10
Aucune fois suy raençonné
Tant qu'il ne me demeure rien,
Et puis des enfans gouverné;
L'en me desrompt le cuirien *,
Les oeulx, le nez; savetier, chien, i5
Suy appelez, chascun m'injure :
L'en me gette boe et ordure,
De l'un ay ou de l'autre assauli :
I. karesme.
a. On m'accuse. — b. Le cuir, la peau.
184 BALADES
Se l'en me fait mainte laidure,
20 Je m'en rapporte a Loribaut,
Qui est de nouvel ordonné
D'estude et livres gardien,
Et ne congnoit un A d'un B;
Il devendra logicien.
25 Note ce mot et le retien :
Chascun n'ensuit pas sa nature;
Je suy viel, de jouer n'ay cure
De telz gieux ou tant soufrir fault,
Dont nulz homs sages n'aroit cure :
3o Je m'en rapporte ^ a Loribaut.
l'envoy
Prince, foiblesce me court sure 824 d
Et l'en se jeue oultre mesure
A moy, cui li esperiz fault :
Dieu scet les griez maulx que j'endure ;
35 Fuir m'en fault, se tel temps dure :
Je m'en rapporte a Loribaut.
MCC
Balade
DE LA MORT DU ROY RICHART d'aNGLETERRE ,
LAS ! qui ains vit si fausses traisons.
Parons, peuples qui furent ses feaulx,
I. ra porte.
BALADES l85
Par toy, Henry de Lencastre, faulx homs,
Faictes en lui contre les droiz royaulx,
Prandre et occir, par traiteurs consaulx ^ 5
De magesté blecée? Et ce retraire
Toy et les tiens fait au monde desplaire,
Tant que tuit roy crestien, Sarrasin,
^ Pour le bon roy vous seront adversaire
Qui faussement a esté mis a fin. lo
Angleterre, sur toutes nascions
Es au jour d'ui haie pour tes maulx,
Et cilz qui tant a fait d'occisions
Des innocens pour régner comme faulx.
Vous avez fait en la loy deux deffaulx : i 5
Nulz ne pourroit voz granz péchiez retraire,
Perseverans, devez crier et braire;
Destruis serez; vo prophète Merlin,
Bodes concluez pour vo mort et haire *
Qui faussement a esté mis a fin. 20
l'envoy
Plourez, Anglois, les tribulacions
Qui vous viennent, et voz destructions ;
Pour voz péchiez dit voz règnes : « Je fin. ^ b
Franc estoc par les Bretons ^
Pour roy Richart dictes : « destruiz serons, » 2 5
Qui faussement a esté mis a fin.
I . Il manque à ce vers trois syllabes.
a Par de traîtres conseils. — b. Sic. — c. Je finis.
l86 BALADES
MCCI
Autre Balade.
COMMENT NULZ HOMS NE DOIT DESIRER NE DEMANDER EN CE
MONDE NE GRANT RICHESCE NE GRANT POVRETÉ, FORS VI-
VRE ET VESTIR A LA SOUFFISANCE DE SA VIE.
A
VEC santé vivre et vestir me donne, J25 a
Sanz granz richesce ^ et sanz grant povreté:
Car trop riches a tous maulx s'abandonne
En oubliant toy, Dieu, et ta bonté ;
5 Et le povre est en tous lieux despité
Et reprouchés de droit en tesmoinaige -,
Injuste en soy ; ce cause quant partaige
N'as fait a tous d'une chevance unie ;
Car l'un a trop et li autres mendie.
10 Entre ces deux ne te quier autre avoir,
Fors seulement que je puisse a ma vie
Vivre, vestir, bonne santé avoir.
A ton plaisir sur ma requeste ordonne,
Sanz riens vouloir que ma neccessité,
i5 Sanz mendier, sanz yssir hors de bonnes,
Pour trop d'avoir ou nulz homs n'a pité
Du souflfraiteux, lors pert félicité
Quant a i'ame; monde est son heritaige
Tant comme il vit, mais Salemon le saige
20 Tel richesce ne te 3 demanda mie
Ne povreté, mais qu'il eust en partie
r. richesces — 2. tesmoinagc. — 3. te manque,
a. Borne.
BALADES 187
Tant seulement son vivre a ton vouloir.
Pour ce, doulz Dieux, humblement te supplie
Vivre, vestir, bonne santé avoir.
Plus demander ne doit nulle personne 2 5
D'estat moyen, et c'est a grant plenté,
Et qu'il euvre par entencion bonne
De Part mondain que tu lui as preste,
325 ô Qu'il te serve de bonne voulenté
Et ne tende jamais au hault estage 3o
Ou il a trop de péril et de rage,
Ou corps se pert et l'avoir, par envie,
Souventefoiz; qui pis est, l'en t'oublie;
Es grans estas ne fait nulz son devoir :
Pour telz perilz eschiver, je te prie 35
Vivre, vestir, bonne santé avoir.
l'envoy
Prince des cieuls, douce vierge Marie,
Octroiez moy, avant que je desvie '^^
De vous servir voulenté et pouoir;
Autel faictes a ma povre lignie * 40
Tant qu'avoir puist et sanz truanderie '^
Vivre, vestir, bonne santé avoir.
a. Q.ue je meure. — è. A mes descendants. — c. Indigence, men-
dicité.
i88
BALADES
MCCII
DU DEDUIT ET ESTRANGE MELODIE DES OYSEAULX DEMOURANS
EN LA TOUR DE FYMES OU EUSTACE DES CHAMPS DEMOURA
MALADES PAR .111. MOYS QUI NUIT ET JOUR EN FUT SERVIS.
Q'
|Ui veult paix et repos avoir
En maladie et en destour <»,
Ce puet bien cilz appercevoir
Qui a Fymes gist en la tour;
5 Car la se logent tout autour»
Choes, cahuans *, estourneaulx,
Crans corbes, suettes c, moyneaulx,
Qui sanz cesser y font grant bruit,
Aucuns de jour, autres de nuit.
10 C'est une estrange mélodie
Qui ne semble pas grant déduit 325 c
A gens qui sont en maladie.
Premiers les corbes font sçavoir
Pour certain si tost qu'il est jour :
i5 De fort crier font leur pouoir
Le gros, le gresle, sanz séjour;
Mieulx vauldroit le son d'untabour
Que telzcris de divers oyseaulx,
Puis vient la proie ^, vaches, veauk,
20 Crians, muyans «, et tout ce nuit,
Quant on a le cervel trop vuit;
a. En lieu retiré. — b. Chals-huants. — c. Chouettes. — J, Le
bétail. — c. Mugissant, beuglant.
BALADES 189
Joint du moustier la sonnerie ^ "
Qui tout l'entendement destruit
A gens qui sont en maladie.
A souleil couchant sur le soir 25
Deslogent de leur carrefour
Cahuans, suettes, pour voir *,
Qui chantent chans plains de tristour;
Toute la nuit font grant freour
Aux veillans; de mort sont appeaulx ^; 3o
Lors doubtent malades leurs peaulx.
Sages est qui tel logis fuit,
De dormir n'y a sauf conduit.
Puces font la dureescramie <^
Et tous les vens; c'est lieu mal duit * 35
A gens qui sont en maladie.
l'envoy
Princes, saichent toutes et tuit
Qu'Eustace informé et instruit
Suy de tout ce que je publie
Par .ur. moys, dont li cuers me cuit. 40
C'est froit hostel et mal réduit
325 d A gens qui sont en maladie.
I. lassonnerie.
a. La sonnerie des cloches. — b. En vérité. — c. Ce sont des en-
gins de mort. — d. Bataille, querelle. — e. Mal arrang'é.
19° BALADES
MCCIII
fiâlade
COMMENT SANTÉ EST NOBLE CHOSE QUE AUCUNS GARDENT
MAUVAISEMENT, ET, EULX MALADES, POUR ICRLLE RAVOIR
DONEROIENT TOUTE RICHESCE ET SEIGNOURIE.
Q
|Ui aroit tout le monde a gouverner
Et tous les biens de ceste mortel vie,
Sanz guerre avoir et sans riens excepter,
Force, beauté, renom, chevalerie,
5 Prouesce, honeur, dessus touz seignourie,
Et puis 1 qu'il fust en l'aage de .xxx. ans,
Se maladie avoit qui lui fust grans,
Il donrroit tout, seignourie et avoir.
Villes, chasteaulx, bugles ^ et oliphans,
lo Mais qu'il peust bonne santé ravoir.
Que nul ne scet, ou du moins veult garder.
Mais font pluseurs mainte gourmanderie *
De trop veillier, de jouster, de dancer,
De prandre en eulx courroux, merancolie,
1 5 De faire en brief trop grant chevaucher ie <^,
Du bas mestier ^ fréquenter estre engrans ^
Boire a chascun, comme font les Normans;
Ce fait adonc fièvre et mal concepvoir.
Chascun donrroit alors vignes et champs,
20 Mais quUI peust bonne santé ravoir.
1. puis manque.
a. Buffles, bœufs sauvages. — b. Excès. — c. Trop longues cour-
ses à cheval.— d. Luxure, impudicité. — c. Avide.
BALADES 191
Mauvais se fait ainsi desordonner,
Car quant on sent son mal, on brait et crie,
En son lit fault tourner et retourner,
Le dos se duelt, les costez, la vessie,
Foye et poumon, le chief en frenaisie; 25
Membre n'y a, rate, eschine ne flans,
Bras, jambes, mains, qui ne soient soufrans,
326 a Estomac, piez; tant fault le corps doloir
Que le soufrant donrroit cent mille frans,
Mais qu'il peust bonne santé ravoir, 3o
l'envoy
Prince, bon fait sa vie a droit mener
Jusqu^a Taage que nulz ne puet passer,
Sanz faire excès, pour telz maulx recevoir.
Par medicins et par fusique ^ ouvrer ;
Car qui mal a, il vouldroit tout donner, 35
Mais qu'il peust bonne santé ravoir.
MCCIV
Balade
DE CE QUE l'en m'aMET ^ QUE JE NE FAIS RIEN DE NOUVEL,
ET MON EXCUSACION SUR CE.
HELAS ! on dit que je ne fais mes rien,
Qui jadis fis mainte chose nouvelle ;
La raison est que je n'ay pas merrien '^
a. Physique, médecine. — b. On m'accuse. — c. Matière, sujet.
192 BALADES
Dont je fisse chose bonne ne belle,
5 Qu^en terre et ciel voy obscurcir la belle ^
Et amenrir la clarté du souleil,
Dont les pluseursont une taiche en l'oeil,
Que nulz ne veut^ percevoir ne congnoistre;
Si se pert tout et au secle et au cloistre
10 Par Tardent feu d'orgueil et et convoitise
Et d'envie qui ne cesse de croistre :
Vray pappe n'est n'empereur en l'Eglise,
Ne nul ne tent au monde au commun bien,
Du temps présent, ou Justice chancelle,
i5 Mais prant chascun l'autrui avec le sien
Pour son estât seoir en haulte celle *;
L'en quiert argent, or, joiaulx et vaisselle,
Par Voulenlé qui ne veult bon conseil.
Comment pourra, c'est dont je me merveil, 326 b
20 Sur povreté estât despense acroistre.
Attendu ce que l'en voit tout descroistre ?
Il convendra, s'autre régie n'est primse,
Estât cesser; nul ne doit incongnoistre <^ :
Vray pappe n'est n'empereur en l'Eglise.
25 Puis Constantin, empereur crestien,
Pierre ne Pol, ne fut veu tel querelle
De scisme avoir, ou l'en n'ait pourveu bien.
Fors a cestui qui tousjours renouvelle.
O bilinguis, qui trovas tel cautelle,
3o Trop fus emflez de malice et d'orgueil.
Et le clergié fut de legier acueil,
En ce faisant ; casser le voy et croistre''
Gomme la noix, ou l'escaille d'une oistre '
I. veulent.
a. L'aube. — b. Sur un siège élevé. — c. Méconnaître. — d.
Briser. — e. D'une huître.
BALADES igS
Par les gens laiz et par leur foie emprise
Tout se destrait ; comment puet bien recroistre ?^ 3 5
Vray pappe n'est n'empereur en T Eglise.
MCCV
Balade *.
DE DIVERS PLAIZ QUI SONT CHASCUN JOUR RS COURS
DE COMPIENGNE.
C'
'omment pourroit il avoir paix
A Compicngne ? je ne sçay,
Car dix paires y a de plays *
Infinis, que je vous diray :
Les plaiz du bailly, ,puis venrray 5
Aux plays de prevosté foraine,
L'exempcion de Compiengne,
Les plays du prevost de la ville,
Du vicaire de Saint-Cornille,
De l'esleu, ceuls de Saint-Glement, lo
Les plays des eaues et fourests
Et de Marigny ensement :
326 c Oncques ne vi tant de procès.
Appeller font prevosts gens lays
Devant eulx ; s'en ont maint esmay, 1 5
Disans que piques et harnays
* Publiée par Tarbé, tome II, page i3.
a. Comment le bien peut-il refleurir? — b. De procès.
T. VI >3
'94
BALADES
Ont porté. Aucuns dit i : « Non ay; ^^ »
L'autre dit : t Je l'amenderay ^ ,»
Qui bien veult rachater sa peine.
20 Pour espanter «^ , l'autre se maine
En prinson, s'en sault croix et pile ^,
Et fault paier au coup la quille
Prevos, advocas chierement,
Et procureurs sont la tous prests
25 De mettre en court, ne chault comment « :
Onques ne vi tant de procès.
Devant l'esleu vient pluseurs fais,
Pour les aides très bien ^ veu l'ay;
Es fourests se font les meffais
3o Et 3 es eaues ; lors sanz delay
Adjournent gens sergens a glay/
En mains lieux, et font bourse plaine
De leurs rappors; chascun se paine
D'avoir argent a fin civile;
35 On fait de .ini. causes mile,
Escriptures de grant argent;
Oncques ne fut tant de hoquès ^
Qu'il y a, et finablement
Onques ne vy tant de procès.
l'envoy
40 Princes, duré a longuement
Geste guerre civilement,
Et croy quel ne faurra jamès >* ;
Chascun qui se va conseillant
A bon droit, s'en vient pour un cent :
45 Onques ne vi tant de procès. 326 a
I. dient. — 2. très bien manque. — 3. Es.
a. Je ne l'ai pas fait. — b. Je me rachèterai par une amende. — c.
Pour cftrayer. — d. Et en paie de l'argent. — e. N'importe com-
ment.—/. A plaisir. — g. Chicanes. — h. Ne manquera jamais.
BALADES I 95
MCCVl
Supplicacion
AU UOY NOSTRE SIRE *.
Au roy, nostre sire, supplie
Eustace que pour mieulx servir
Ses anciens servens n'oublie,
Que l'en doit ains la fin merir ^,
Non pas leurs gaiges abolir.
Que desserviz ont en jeunesse 5
Pour secourir a leur viellesse
Et en vivre lors ; se me semble,
Qui ne le fait pèche en noblesse :
C'est de bien servir povre exemple. 10
Et pour ce convient qu'il vous die
Que .XX. et .viii. ' ans, sanz partir ^,
A servi a royal lignie
Vo père et vous. Bien advertir
Vous en pouez; lui retenir i5
Huissier d'armes voult la hautesce
De vo bon père, et sa largesce
Lui donna a sa vie ensemble
Gaiges, estât que l'en lui cesse :
C'est de bien servir povre exemple. 20
Mais il tient que ne voulez mie
En tel cas voz servens souffrir
• Publiée par Crapelet, page 126.
I. XXVIII.
a. Récompenser avant leur mort. — b. Sans cesser.
j^Ô BALADES
Deppointer ^ de gaiges a vie,
Ordinaires, sur leur finir,
-25 Veu qu'il lui fault sur ce tenir
Et garder Fymes, vo fortresce ' ,
A ses fraiz, c'est ce qui le blesce ;
Tout le cuer de paour li tremble,
Se vo pité ne le radresce ^ :
3o C'est de bien servir povre exemple. 3 2 y a
MCCVII
Balade.
COMMENT TOUTRS CHOSES VONT EN l'eMPIRE AU JOUR d'uI.
JE ne sçay royaume au jour d'ui,
Terre ou pais, qui n'apovrisse.
Fors un dont trop esbahis sui
Ou il a eu long temps esclipse,
5 Guerre, rumour, division.
— Qui est il? En confession
Le veillez nommer ou descripre.
— Voulentiers. A m'oppinion,
Toutes choses vont en l'empire ^.
10 Le clergié, la prince '^ y truy ;
J'y voy transporter maint office,
Et justice avoir son refuy ^;
I . forteresce,
a. Priver. — b. Remet en bonne voie. — c. En empirant et dans
l'empire (jeu de mots). — d. La seigneurie. — e. Refuge.
BALADES ( q-y
Loyauté, vérité y glice;
La se doit traire l'union,
La vont, de mainte nascion, i5
Ouvriers, marchans, et, pour voir dire «,
Tenez ceste conclusion :
Toutes choses vont en Tempire,
Gens et bestiaulx, et s'i perçuy ^
Cheminant Orgueil, Avarice. 20
Pluseurs grans estas y congnuy.
Et conseilliers plains de malice,
Mainte dissimulacion.
Maint vivre et mainte garnison,
Et tant qu'il doit plus que souffire. 25
Riche sera la région :
Toutes choses vont en l'empire.
l'envoy
J27 b Prince, selon m'entencion,
Doit venir grant mutacion
Dont chascun se tendra de rire; 3o
Point n'ay de consolacion
Quant dire oy tel perdicion :
Toutes choses vont en l'empire.
à. Et pour dire la vérité. — b. J'aperçus.
igS BALADES
MCCVIII
Balade.
DU RESTABLISSEMENT DE LA SUSTRACION ^.
Q
iUi regardast les diz de Saiemon
Au commencier de quelconque besongne,
Feist saigement, que son propos fust bon
Et que la fin ne lui donnast vergongne;
5 Ce fust bien fait, mais maint sont en essongne *,
Qui ne pensent fors au commencement,
Du moien mal et pis du finement,
Dont il s'ensuit dure conclusion.
Or vueille Dieux qu'il aviengne autrement
10 Que je ne voy de la sustracion!
Car grant chose est de reprouver ce qu'on
A approuvé, droit divin le tesmongnc,
Et que l'en a publié en sermon,
Tenu pour saint, obey sa personne,
i5 En tous estas, com saint Pierre de Romme,
Et par long temps, et puis soudainement
L'avoir soustrait de son gouvernement
Et restabli, sanz avoir union ;
Mieulx face Dieux du restablissement
20 Que J8 ne voy de la sustracion !
Loist il «^ ainsi faire et deffaire? Non.
En tel péril, que tout saige ressongne '^^
a. Soustraction à l'obédience de Benoit XIII, sous Charles VI. -
b. Dans l'embarras. — c. lîst-il permis? — d. Redoute.
BALADES 199
Pour acquérir d'inconstance le ^ non?
32'j c Certes nenil ; nul tel conseil ne dongne,
Car des faisans chascund'eulx s'en vergongne '», 25
Et de l'ame vit l'om doubteusement,
Et ne voy pas la ~ manière comment
L'en puist venir a la ^ perfection
De l'unité : mieulx y soit Dieu faisant
Que je ne voy de la sustracion ! 3o
L^ENVOY
Princes, courons a Dieu benignement
Et supplions de cuer ireshumbiement
Qu'il nous oste ceste division
Et nous doint chief qui nous puist sainctement
Mieulx ame et corps gouverner a présent 35
Que je ne voy de la sustracion !
MCCIX
Balade*.
SUR L ÊSTRANGETE DE L ATOUR ET DU CHIEF QUE PLUSEURS
DAMES FONT A PRESENT.
A TOURNEZ VOUS ^, mcs damcs, autrement,
Sanz emprunter tant de haribourras ^,
Ne de quérir cheveulx estrangement ^
Que mainte fois rungent souris et ras;
' Publiée par Crapelet, page i2j.
I. le manque. — 2. la manque. — 3. sa.
a. En a honte. — b. Coiffez-vous. -— c. Colifichets. — d. Des
faux cheveux.
200 BALADES
5 Vostre afubler est comme un grant cabas,
Bourriaux ^ y a de coton et de laine,
Autres choses plus d'une quarentaine,
Frontiaux ^, filez, soye, espingles, et neux;
De les trousser est a vous tresgrant paine :
10 Rendez l'emprunt des estranges cheveux <■',
Faictes vo chief des vostres proprement,
Sanz faire ainsi la torche de pesas ^^
Sanz adjouster estrange habillement 32y d
Que destrousser fault, com jument a bas <^,
I 5 Ghascune nuit, et getter en un las,
Puis au matin fault retrousser s'ensaigne,
Et ' aide avoir; l'euvre d'une sepmaine
Y convient bien, et qu'om soit deux et deux
A ce trousser : pour tel chose villaine,
20 Rendez l'emprunt des estranges cheveulx.
Onques ne fut si lourde afublement
Ne si cornu ; visaiges fait de chas,
Et si desplaist a tous communément
Tel chief fourré d'estrange chanvenas/;
25 Cornes portez comme font les lymas s.
Atournez vous d'une atournure plaine,
De vostre poil, d'autre ne vous souviengne;
Ostez du tout ces grans hures de leux '<■
Qui vous deffont ^ ; nulle plus ne les praingne :
3o Rendez l'emprunt des estranges cheveulx.
l'envoy
Jeusnes dames, tele triquedondaine ''
I. Et manque.
a. Bourrelets. — b. Bandeaux, rubans de front. — c. Des faux
cheveux. — d. Le tortil des tiges de pois. — e. Bfit. — /. Chanvre,
étouppe. — g. Limaçons. — h. Ces grandes tètes de loups. —
I. Qui vous défigurent. — k. Grand échafaudage de cheveux.
BALADES aOI
Ne portez plus; aux vielles en conviengne.
Soit voz atours humbles et gracieux,
Plaisons a touz; Dieu en bien vous maintiengne,
Car raison dit, qui veult que tout la craigne : 35
Rendez l'emprunt des estranges cheveulx.
MCCX
Autre Balade *.
DE CE MEISMES.
L
'en voit les cers naturelment i muer,
L'an une foiz, le merrien ^ de leurs testes,
J2<y a Et leur souffist un an cellui porter
Sanz changement; mais les dames sont prestes
D'entrechangierauxjourscommuns '',auxfe5tes, 5
L'abit des chiefs <^ en estrange manière,
Faire un auvent corn ceuls qui font verrière '^,
Qui leur cueuvre leurs visaiges devant,
Piet et demi, et semble a leur visière ^
Qu'elles aient le chief d'un cahuant A lo
Grant merveille est que d'elles regarder,
Car cornes ont trop plus longues que bestes,
Tant qu'om ne puet leur doulz viaire cler
Vir ff; trop y a d'espingles et d'arestes,
' Publiée par Tarbé, tome I", page 141.
I . naturelement.
a. Le bois. — b. Aux jours de la semaine. — c. La coiffure. —
^d. Faire un abat-jour comme les ouvriers sur verre. — e. k les
voir. — /. Chat-huant. — g. Voir leur doux et beau visage.
202 BALADES .
1 5 De cheveulx mors, de bourriaux et de crestes ^,
Et tant de ploiz * et devant et derrière
Que Ten prandroit d'assault une barrière
Ains qu'om se pust pour baisier traire avant;
Si semble a maint qui ont leur amour chiere
20 Qu'elles aient le chief d'un cahuant.
Vielles seulent ainsi leur chief hourder ^,
Qu'om ne voie leurs fronces '^^ deshonnestes,
Mais les Jeunes n'en doivent pas user,
Qui belles sont, gracieuses, honnestes;
25 Face couvrir leur est uns droiz tempestes ^
Pour leur beauté; nulle tel atour quiere,
Soit condempnez et mis en une bière
Si que portez ne soit doresnavant,
Sanz dire plus, ou temps ça en arrière,
3o Qu''elles aient le chief d'un cahuant.
l'envoy
Prince d'amours, Juno, dame d'amer,
Ce lourde atour ne laissiez plus régner
Sur les dames, soiez loy condempnant.
L'umble joli faictes renouveller,
35 Tant qu'om ne puist désormais murmurer 32Sb
Qu'elles aient le chief d'un cahuant.
a. De paquets de bourre et de tampons. — b. Plis. — c. Munir
de remparts. — d. Rides. — e. tourment.
BALADES 203
MGCXI
Balade.
COMMENT LES VICTOIRES DES BATAILLES SONT EN LA MAIN
DE DIEU, NON PAS DES COMBATANS,
PRINCES, barons et toute seignourie,
Subgiez a Dieu de sa creacion,
Peuples regens ^, qui avez mort et vie
Et qui souffrez doleur et passion
Comme les gens de povre nascion, 5
En voz règnes n'aiez trop grant fiance,
Sanz Dieu doubler, sans bonne conscience;
Cilz deppose les puissans de leur lieu,
Force n'y vault, bataille ne puissance :
Les victoires sont en la main de Dieu. lo
Car qui le sert et vers lui s'umilie
De cuer parfait, par vraie entencion,
En gouvernant par bonne policie,
Et justement, sanz nulle fiction,
Cilz a de Dieu grâce et remission ; i5
Mais cilz qui fait en mal perseverence,
Sanz repentir, doit avoir grant doubtance,
S'il se combat ; ce monstrent li Hebrieu :
Le grant nombre ne fait pas la vaillance,
Les victoires sont en la main de Dieu, 20
Qui veult souvent la gent estre pugnie
De pires d'eulx, par une mocion
Soudainement venue et acomplie,
a. Régissant les peuples.
2G4 BALADES
Par viel pechié en obstinacion,
25 Et ainsi prant Dieu la pugnicion
Des malfaicteurs; doublons tuit sa vengcnce,
Fuions orgueil, venons a repentence,
Car par pechié ont trop perdu li Grieu <^ : 328 c
Ne nous fions en bataille a outrance,
3o Les victoires sont en la main de Dieu.
l'envoy
Princes et roys, menez tous bonne vie,
Soit union gardée et sanz envie
Entre voz pers, car c'est le vray moien
De paix avoir; pensez a Rommanie
33 Du temps présent, a Damas, a Turquie:
Les victoires sont en la main de Dieu.
MCCXII
Balade.
SUR LA. PROPHECIE DE SEBILE DE LA VENGENCE DES PECHEURS.
OuEz ^ irestous le juge du grant roy
Par la bouche Sébile, la prophète.
Vous, crestiens, yjivans par grant desroy ^
En Tort pechié de quoy Sodome trette,
5 En sors mauvais dont l'en use a Thoiette,
Ars deffenduz de Dieu et loy divine,
Cuers plains d^orgueil, car brief vient le termine
a. Les Grecs. — b. Écoutez. — c. Incondi^i^.
BALADES 2o5
Que vous serez du tout exécuté,
Par guerre avoir, mort soudaine et famine,
Par le default d'amour et charité, lo
Et par tempest; ces .iiii. tourmens voy
Pour ces .im. péchiez que l'en recepte
Mil .ïiif. trois, .un. et cinq, perçoy
Pugnicion qui en doit estre fette
Horriblement, mainte cité deffette, i5
Maint prince mort et monarchie encline
A changement, car vertu se décline,
Division, faintise et lascheté
328 d Régnent partout; si faut que joye fine
Par le défaut d'amour et charité. 20
Car en ce temps, pour Terreur de la foy
Et le vice de la loy trop detrecte '',
Que nul ne tent a bien, fors que pour soy,
Qu'entre les gens sourdra nouvelle secte
Et voulenté, justice non parfette, 25
Vengence lors vendra toute entérine
Qui destruira des mauvais la racine
Par qui le bien commun est déserté;
Ou ciel seront et en terre maint signe
Par le default d'amour et charité. 3o
l'envoy
Prince et baron, peuple et clergé, cil troy,
Advisez vous, soiez humbles et coy,
Aiez des corps et des âmes pité ;
Criez merci a Dieu par bon arroy
Que vous n'aiez d'enfer le dur courroy *, 35
Par le default d'amour et charité.
a. Ruinée. — b. Régime.
206 BALADES
MCCXIII
Balade.
COMMENT POUR CONGNOISSANCE QUE HOMME AIT DE SES DEFAUL-
TES, POUR SIGNE DU CIEL NE DE LA TERRE NE POUR VENGENCE
OU PUGNICION DE DIEU NE VEULT AMENDER NE CORRIGER SA
MAUVAISE VIE,
C'
'hascun vivant, puis qu'il a congnoissance,
Voit et congnoit les choses de ce monde,
Ce qu om y fait, et la desordonnance
Contre la foy, que tout mal y habonde,
5 Qu'orgueil y est, convoitise parfonde.
Division contre le commun bien, 32g a
Haine aussi et envie de chien,
Pechié de char et sors contre nature,
Dont maint dient : a Ce monde ne vauU rien » ;
10 Mais je n'en voy amender créature.
De mal en pis va en perceverence
Sanz amender, chascun sur mal se fonde,
Il ne chault plus de foy ne de créance,
De l'ire Dieu, dont vengence redunde;
i5 Preschier n'y vault, c'est le chant de l'aronde,
Exemple nul, je n'y voy bon moien,
Quant chascun prant l'autrui avec le sien
Et qu'amour n'est ne charité qui dure,
Et si mourront tuit viel et ancien :
20 Mais je n'en voy amender créature.
Helas! dont vient a tous ceste ignorance
De fol vouloir en pechié qui suronde,
BALADES 207
D'avoir trop biens et en grant habondance
Par le pouoir de voulenté immonde;
Mais le grant roy tient son arc et sa fonde ^ 25
Pour destruire maint règne terrien,
Maint convoiteus, et tout mauves merrien
Soudainement, selon saincte Escripture,
Sanz espargner Sarrasin, crestien ;
Mais je n'en voy amender créature. 3o
l'knvoy
Prince, au jour d'ui est le monde en balance ;
Pour ses péchiez pugnicion s'avance.
Mort soudaine, famine, guerre, injure,
Tempests du ciel, car nul n'a repentence
^e ses péchiez ne de Dieu remembrance : 35
Mais je n'en voy amender' créature.
MGGXIV
32p b NOTABLES ''.
JUSTICE, de foible merrien
A près ent, qui jadis fus forte,
L'en dit que tu es partout morte :
De justicier ne faiz mais rien
Pour les communs péchiez du monde
Et le règne qui riens n'en vault,
Que foy, justice et loy default :
Convient Dieux que pécheurs - confonde
i.amander. — 2. que les pécheurs.
a. Fronde. — b. Sentences.
208 BALADCS
Briefment ; poar îa perseverence
10 Et les péchiez que chascuns fait,
Sanz pité, par force et de fait,
Nous a Dieux en grant desplaisance.
MCCXV
Balade
QUE LK TEMPS VENDRA QUE lV.N QUERRA SAIGE, VAILLANT ET
PRODOMME "POUR GOUVERNER, DONT l'eN NE TIENT COMPTE
DE PRESENT, AINSI COMME l'eN QUIERT PAR NECESSITE AU DOY
LE FEU EN LA CENDRE.
A-
iNsi comme l'en seult quérir
Par neccessité en la cendre
Le feu au doit, pour secourir
De nuit au larron ^ qui veult prandre
5 Les biens d'un hostel et surprandre
Les gens par default de lumière,
Convendra briefment que l'en quiere
Les preudommes ou ilz seront ;
Car ceuls gouverner ne sçaront
lo Qui ont mis le monde en balance
Par trop grant jeunesce qu'ilz ont :
Saiges se doit garder d'enfance,
Qui fait la lumière périr Sig c
Et ne scet en son cuer comprandre
i5 Les maulx qui puelent advenir
a. Pour se défendre la nuit contre le voleur.
BALADES 209
Par sa chaleur, par non entendre
Au bien commun, mais vouloir tendre
A voulenté foie et legiere,
En boutant les vaillans arrière,
Les saiges et ceuls qui bien font ; 20
Les foulz couars eslevez sont,
Lors saillent robeurs de chevance
Qui terres et pais deffont :
Saiges se doit garder d'enfance,
Qui fait maint royaume envahir 25
Et les larrons par tout estendre
Es ténèbres de foui plaisir
Ou jeunesce seult trop mesprandre;
Lors des prodommes se remembre;
3o
Com le feu quérir les yront
Pluseurs, mais ilz s'excuseront
Par viellesce et par desplaisance;
Gardent les princes qu'ilz feront : 35
Saiges se doit garder d'enfance.
l'envoy.
Prince, vueille vous souvenir
De Roboan, qui voult tenir
Des jeunes la foie cuidance
Et des anciens départir, 40
Dont povre devint; sanz mentir,
Saiges se doit garder d'enfance.
T. VI 14
2 10 BALADES
MCCXVI
SOIE CHANÇON EN BALADK d'uNE VIELLE
MERVEILLEUSE.
Q'
,ui regarde bien vo phillosomie « 32g d
Et vo gent corps fait a une coignée,
De toute amour et d'amer s'entroublie,
Car plus laide ne fut de mère née ;
5 D'un cahuant fustes poste * et couvée,
Oeulx de torel et bouche de lymier.
Grosses lefres pour gelines jouchier •-',
Joes comme a trompeur '^ qui soufle et muse '.
Digne n'estes pas d'avoir un porchier,
10 Dens de serpent, orde, laide et camuse.
Les crins avez plus noirs que cramillie/,
Visaige d'ours, langue desordonnée,
Baveuse aussi, janglant s comme une pye,
Bras cours et gros, pance de bran enflée;
i5 Vous estes bien de tettes acesmée '*
Qui vous pandent devant jusqu'au brodier ';
Mais au surplus avez un poitronnierJ''
Noir et hideux, qui onques ne s'excuse
De pez, vesses, ordure et bran baillier,
20 Dens de serpent, orde, laide et camuse.
Eureux seroit qui aroit tele amie ;
Il en ystroit trop' noble progenie *
I. trop manque.
a. Physionomie. — b. Pondue. — c. Jucher. — d. Joueur de
ttompe. —e. Sonne. — /. Crémaillière. — g. Bavardant. — h. Or-
née. — 1. Parties sexuelles. — j. Derrière. — k. Progéniture.
BALADES 2 i 1
Dont les enfans aroient chiere lie
Pour repeupler leur caterve « dampnée.
Se Lucifer n'avoit femme espousée, 25
A lui vous doing, cil vous ara moult chier,
Car nul fors li vouldroit a vous touchier;
Vous li jourrez de vostre cornimuse,
Ne le vueilliez a mari reprouchier *,
Dens de serpent, orde, laide et camuse. 3o
L^ENVOY
33o a Dame, qui fait toute amour estrangier <^,
Nul ne pourroit vo laidure jugier,
Car qui vous voit, arrier s'en trait et ruse '^;
Tous les diables vous puissent netoyer,
Car voz regars fait les gens enrragier, 35
Dens de serpent, orde, laide et camuse.
MCCXVII
SOTE CHANÇON DE CINQ VERS A DEUX VISAIGES ^ A JOUER
DE PERSONNAIGES,
RiBAULX sales et deslavez/,
Rufien, cabuseur ^, larron,
Rencontreur ^, joueur de faulx dez,
Bateur a loier », faulx garçon.
a. Troupe. — b. Refuser. — c. Eloigner. — d. Recule. — e. k
deux personnages, dialoguée. — /, Crasseux. — g. Tronnpeur, im-
posteur.— h. Auteur de guet-apens. — /. Batteur à gages.
2 1 2 BALADES
5 Helas ! pour quoy ne te pant on ?
L'en ne perdroit que la cordelle.
— Vous avez menti, lorpidon ^,
Vielle ribaude et ma querelle,
Qui tant d'enfans mourdri avez
10 En jeusne temps, glote ^ de con,
Prestresse <=, vos culs défoulez '^
Et traînez fut par maint busson ^ ;
Onques n'eustes sec le poltron /,
Jusqu'au treu vous pant vo mamelle :
I 5 Helas ! que ^ ne vous escorch'on,
Vielle ribaude et maquerelle?
Putain, sorcière, et dont venez ^,
Qui avez desrobé maint bon,
Et au gibet cheveux coupez,
20 Piez et mains, tel est vo renom,
Pour ensorceler; ja pardon
N'arez ; vostre vie chancelle :
Arse '' serez a un fourgon,
Vielle ribaude et maquerelle.
25 — Par ma foy, lerres ', vous mentez; 33o b
Mais je vous feray le menton
Rougir; je vous congnois assez,
Je vous compteray vo leçon
Devant le prevost de Laon :
3o Juges sera de no querelle.
— Vous arez donc de ce baston,
Vielle ribaude et maquerelle.
— Harou ! ce mourdreur * me prenez;
I. et que.
a. Terme d'injure adressé à une vieille femme. — b. Gourmande,—
c. Concubine de prêtre. — d. Foulé. — e. Buisson. — /. Le derrière.
— g. D'où venez-vous.' — h. brûlée. — i. Larron. — k. Meurtrier.
BALADES 2 I 3
Il ne vous demourra couillon,
Bastart, avoultre ^; or esprouvez 35
Que Je sçay faire : ainsi tast'on *
Les rufiens, faulx bougeron <^.
Vous arez ceste hoquemelle ^.
— Et vous rarez de moy ce don,
Vielle ribaude et maquerelle. 40
l'envoy
— Haro! prenez ce faulx gloton,
Sergens. — Ça, venez en prison ;
Tous deux arez dance nouvelle.
— C'est par toy et par ta tençon ^,
Vielle ribaude et maquerelle. 45
MCGXVIII
Balade.
COMMENT CHASCUN QUI PUET DOIT ^IVRE JOIEUSEMENT
ET ESCHIVER TRISTESCE.
VIVE chascun qui puet joieusement,
Sanz soy troubler pour chose qui avaingne,
Et en tous cas se porte loyaument,
Qu'il aime Dieu et qu'il le serve et craingne.
Vive du sien, rien de l'autrui ne praingne, 5
Soit paciens, ait en lui souffisance,
a. Adultère. — b. Voilà comment on traite. — c. Sodomite. —
d. Ce coup. — e. Querelle.
2 14 BALADES
Des biens qu'il a vive par ordonnance, 33o c
Sanz excéder, fuie foie largesce,
Euvre des mains, ait en Dieu s'esperance,
10 Car don de Dieu est de vivre en leesce.
Qu'om face bien et que moiennement
L'en ait estât qui a soy appartaingne,
Non excessif, de robes n'autrement,
De pourveoir son liostel li souvaingne
i5 En temps et lieu, et chascune sepmaine
Examine ses gens, sa pourveance,
Face plaisir a tous de sa puissance,
De mauparler ^ sur autrui ne se blesce,
Syve les bons, soit joyeus des s'enfance,
2o Car don de Dieu est de vivre en leesce.
Qui fait durer tout homme longuement,
Grant aage avoir, et tristece le maine
Par son ardeur a fin soudainement;
Convoitise des biens mondains n'enpraingne ;
25 SMl a assez, d'acquérir se refraingne *,
Sanz grant estât vive en equipolance <^,
Si qu'envie ne le fiere ne lance;
Soit vertueus, fuye toute paresce,
Vive tousjours en joie et en plaisance,
3o Car don de Dieu est de vivre en leesce.
l'envoy
Prince, homs ne doit vivre dolentement
Pour biens perduz, pour mort, pour changement,
Mais en tous cas a Dieu tourt ^ et s'adresce;
Prangne en bon ^ gré et vive liement;
35 Pour faire dueil n'en seroit autrement,
Car don de Dieu est de vivre en leesce.
I. Bonne.
«.Médire.— b. Késistcaudésir. — c.En équilibre, —d. Se tourne.
BALADES 2 1 5
MCCXIX
RoDdel.
DE CE MEISMES.
Jjo a T j homs qui vit en leesce et en joie,
JL/ Sanz soy troubler des fortunes du monde,
Vit longuement, s'il maine vie ronde.
Mais tristes homs que tristesce desvoye
Le maine a fin, dont a joie parfonde 5
Li homs qui vit en leesce et en joie
Sanz soy troubler des fortunes du monde.
Puis qu'ainsis est, tout homme a ce pourvoye
Et soit joieux, gracieus, net et monde,
Sanz tristoyer ^, car sur ces poins se fonde : lo
Li homs qui vit en leesce et en joye,
Sanz soy troubler des fortunes du monde
Vit longuement, sMl maine vie ronde.
a. Être triste, mélancolique.
2 1 6 BALADES
MCCXX
Balade.
SUR LA CONDICION ET MEURS DE PLUSEURS FEMMES
DU TEMPS ANCIEN.
L
'en doit bien les femmes loer
Et honourer en tous pays
Ou l'en puet par escript trouver,
Qui tant ont amé leurs maris
5 Comme ' Rosymonde, Thaïs,
La femme Job, fort emparlée '^,
Genyvre, Yseult et Bersabée
Et la femme Cathon le saige;
Enquerez tuit de leur couraige,
lo Et quant bien enquis en sera,
Qui y voit proufit ou dommaige.
Lors se marie qui vourra !
Les hystoires puet l'en noter
De Dalida, Semiramis,
i5 D'Elayne qui se fist embler *,
S'en furent destruis mains pays.
Par Dyannira fut trahis
Hercules et sa char bruslée
Par la chemise envenimée; 33 1 a
20 Dydo fut royne de Cartaige,
Qui corrompit son mariaige ;
Helas ! que fist Clythemetra
I. Que.
a. Qui avait la langue bien déliée. — b. Enlever.
BALADES 2 1 7
A son seigneur? Qui sent tel raige,
Lors se marie qui vourra " !
Par Herodyade, est tout cler, 25
Fut saint Jehan Baptiste a mort mis ;
L'ancelle ^ congnut au parler
Saint Pierre qui en fut souspris :
Renoiez en fut Jhesucris,
Dont mainte larme a puis plourée; 3o
Mar * fut la phitonique ^ née
Pour Saul, par son devinaige^ ;
Et 2 Erichtho 3, par son oultraige,
En Thessale l'ost conjura
Des Rommains. Qui sent ce langaige, 35
Lors se marie qui vourra !
L^ENVOY
Prince, cy a maint tesmoinaige
Pour soy bouter en mariaige,
Ou paix et amour trouvera,
Humilité sanz seignouraige, 40
Et s'ainsi est qu'il assouaige ^,
Lors se marie qui vourra !
I. Voulra. — 2. Et manque. — 3. Cycirco.
a. La servante. — b. Malheureusement. — c. Pythonisse. — d.
Divination. — e. S'adoucisse.
2l8
BALADES
MCCXXI
Balade.
POUR VIVRE LIEMENT EN CE MONDE POUR
LE CORPS ET l'aME.
N'
E prans riens d'autrui ne reçoy,
Lors ne te faudra rendre compte;
De ton labour mangu et boy, 33i b
Vy liement et riens n'acompte ^
5 A grant estât *>, fuy dueil et honte,
Aymé Dieu, pran en pacience,
Soyes de bonne conscience,
Pour ta santé n'espargne rien,
Vi tousjours en obédience,
lo Tien toy de mal faire et fay bien.
Ne t'empesche <= contre la loy.
Convoitise ne te surmonte.
Tien par tout loyauté et foy,
Et ne te chaille ^ qui hault monte :
i5 Qui de plus hault chiet plus s'afronte «,
Moien tenir est grant science
A tout homme, avoir diligence
De son fait et garder le sien ;
Donne en temps et lieu, c'est prudence;
20 Tien toy de mal faire et fay bien.
Au temps qui court ne parle n'oy/,
a. Ne tiens pas. — b. k une vie fastueuse. — c. N'entreprends
rien. — d. Ne t'inquiète pas. — e. Qui tombe de plus haut, se
casse la tétc. — /. Ne parle ni n'écoute.
BALADES
219
Des faiz mondains rien ne raconte,
Soyes sourt, aveugle, et me croy,
Sur ces poins ton couraige dompte ;
A parler n'aies bouche prompte, 2 5
Seufre, escoute, sanz aliance
Avoir a nul, impacience
N'ait en toy son cotidien « :
Pour le règne avoir d'excellence,
Tien toy de mal faire et fay bien. 3o
l'envoy
Prince, au jour d'ui tout muer voy
De mal en pis, orgueil, desroy *,
33 1 c Hayne et envie de chien ;
Chascun porte Testât de roy,
Mais pour amender ton arroy ^, 35
Tien toy de mal faire et fay bien.
MCCXXIl
Balade '.
(On ne craint plus ni paradis ni enfer).
PARLE qui veult, chastie qui sçara.
Blâme les maulx, exauce les vertus,
Mette exemples chascuns telz qu'il pourra
De ceuls qui sont par péchiez confondus,
Les uns noiez et les autres pandus, 5
I. Balade manque,
a. Son habitude de tous les jours. — b. Désordre. — c. Arrange-
ment, ordre.
220 BALADES
De rire Dieu, de lempest, de famine,
Mortalité, guerre, tourment, haine,
Des grans paines que fera Lucifer ;
Tout ce monstrer ne vault par une espine :
10 L'en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
Prangne chascun le temps tel qu'il vendra,
Pour chastier n'en sera moins ne plus,
Car voluntiers l'un de l'autre prandra
Les biens mondains, pour soy mettre au dessus,
1 5 Estât avoir, mettre son voisin jus,
Vivre en mains lieux de tolte " et de rapine,
Et tout rungier, faire crasse cuisine
Des biens d'autruy, prins a force de fer;
Bien pert son temps qui parle de dotrine :
20 L'en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
Chascun scet plus de bien qu'il ne vouldra
Faire, au jour d'ui c'est langaige perdus;
Qui vivre veult au plus fort se tendra,
25 S'autrement fait, il sera maloslrus *,
Et s'il presche, pour foui sera tenus ;
Selon le temps se gouverne et chemine.
S'il scet argent, par tout le quiere et mine ^,
Happe qui puet, qui finera <^ si fine : 33 1 d
3o L'en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
l'envoy
Prince, telz temps longuement ne durra,
Ou li vraiz Dieux a soy contredira, *
Qui a chascun dit : « Fay bien et me ser- *
Aux bons promet qu'il les guerdonnera,
35 Aux mauvais mal; ne sçay qu'il en sera :
L'en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
a. Vol, — b. Malheureux. — c. Recherche, fouille. — d. Pourra
se procurer de l'argent.
BALADES 221
MCCXXIII
Balade *,
SUR LA REFORMACION ET MALADIE DE CEULS QUI ONT PRINS
EXCESSIVEMENT LA MONNOYE DU PEUPLE.
ADVisEz VOUS, toutes gens de pratiques,
Marchans d'argent, exigeurs de finance,
Qui en estes devenus ydropiques :
Purgier vous fault, vivre par ordonnance,
Car le trop prlns vous met en grant balance; 5
Si vous convient, pour vo santé ravoir,
De voz excès faire la pénitence :
Les medicins le vous font luit sçavoir.
En excédant despistastes phisique,
Povres et nus, de petite apparance, lo
Prenans par tout, par foie voie inique,
L'or et l'argent a trop grant habondance ;
Or fault ce ^ trop avec toute sustance,
Pour vous pugnir, oster et remouvoir,
Et retourner a vo première dance : i5
Les medicins le vous font tuit sçavoir.
Telz excès font homme paralitique,
Trembler, frémir, perdre toute puissance,
Et en la fin devenir vray éthique
332 a Par ce qu'il n'a vescu a souffisance ; 20
Et ce sceurent bien maint malade en France,
Qui par default de non faire devoir
♦ Publiée par Tarbé, tome I",page io6.
I. faulse.
222 BALADES
Sont en péril qu'ilz ne muirent en trance ;
Les medicins le vous font tuit sçavoir.
l'envoy
25 Prince, foulz est qui a prandre s'applique
Plus qu'il ne doit sur la chose publique,
Car il en fault rendre compte ou devoir
Et en la fin par droit ou voye oblique
Estre désert ou deshonouré, si que
3o Les medicins le vous font tuit sçavoir.
MCCXXIV
Balade '.
DE LA COMPLAINTE QUE FAIT UN HOMME DE SA FORTUNE ET DE
SON MALEUR.
D
jEux eurs ay qui ne sont pas grans,
Ou remède ne puis trouver :
L'un est, se je ven com marchans,
Il me fault grant marchié donner ;
5 Mais s'il me fault riens achater
On le me vent plus qu'il ne vault
La moitié. Dont vient ce deffault?
Y pourroit on remède mettre?
Nenil; au forf, il ne m'en chault ;
10 Maleureux suis par toute lettre.
Car se j'ay vins, bestes, ahans *,
Cras pourceaulx, laines pour draper,
I. BALAbE manque.
a. A bout du compte. — b. Champs.
BALADES 223
Vaiches, brebis, moutons aux champs,
Poulains, fromens, pour moy aider \
Foins avecques, bûche a moler ^, 1 5
Fèves, poys, noix dont huile sault ^,
Je treuve l'achateur si caut ^
Que du marchié se veult démettre;
Pour noient '^ tout donner me fauit :
Maleureux suis par toute lettre. 20
332 b Voire ^, par Dieu, roysdes mescheans/,
Car s'il me fault pour hors aler
Chevaulx, joyaulx, draps noirs ou blans,
A paine en puis je recouvrer;
Et s'en mes vignes fault ouvrer, 25
Tout me fault prandre au pris plus grant .
Fortune me fait cest assault;
Nul bon eur ne me veult tramettre,
Et 2 toute maleurté m'assault :
Maleureux suis ^ par toute lettre. 3o
l'envoy
Princes des chetis, ordonner
Vueilliez sur mon fait, qui est cler
En tout maleur, et le soubmettre
Tant que mieulx puisse marchander ;
A vendre ne puis profiter : 35
Maleureux suis ^ par toute lettre.
t , aidier. — 2. Et manque. — 3. suy.
a. Bois à brûler, vendu au moule, à la corde. — b. Dont l'huile
sort. — c. Si bien sur ses gardes. — d. Rien, néant. — e. Vraiment.
— /. De ceux qui n'ont pas de chance.
224 BALADES
MCCXXV
Balade.
DE LA DEMANDE d'uNE VIELLE A UN VIEILLART PAR MANIERE
DE MOQUERIE ET LA RESPONSE SUR CE.
o
domine, respondeas ^ michi :
Que te semble il du noble temps passé?
Qualiter te habes de presenti?
As tu encor en armes poesté ^?
5 — Queles armes ? — Ton bourdon acéré,
Dont je t'ay veu jouster au talevas * ?
— Nenil, par Dieu, il est tristes et mas f',
Car puis .x. ans ne m^en aiday en rien ;
L'en me puet bien clamer frère Thomas :
lo Onques mais homs n'ot si foible merrien ^.
— Qiia de causa ? — Nonne tu • vidisti,
Que j'ay tousjours aux armes labouré
Juventute, sumjptu dampnabili,
Tant que je suy de vieilesce atrapé, 33^ c
i5 Goûteux, fruileux, es armes rebouté <?,
Du jeusne temps que tu me gouvernas ?
S'en est usez et destruis mes harnas,
Et je te voy encor ou vert lien,
Qui du mestier et de jouster suy las :
20 Onques mais homs n'ot si foible merrien.
I. responde. — 2. tu manque.
a. Puissance. — b. Bouclier. — c. Cassé. — d. Bois, matière. —
e. Repoussé, refusé.
BAl.ADKS 225
— Ad hec autem confiteor tibi
Que vielle suy, mais riens n'est qui me blesse,
Nisi tantum quod omnes atnicî,
Et chascun d'eulx, ma poursuite delesse ;
J'ay ventre emflé, grant cul et plate fesse, 25
Con estendu, large comme un cabas,
Pour herbergier tout le charroy d'Arras :
C'est droictement hostel saint Julien,
Tout s'i reçoit. — Aler n'y puis, helas !
Onques mais homs n'ot si foible merrien. 3o
l'envoy 1
O vetula, tôt sunt inimici
Tune tempore mee senectuti,
A toy aussi, pour tonaage ancien !
Va t'en, vielle, loing de moy, je t'en pri;
J'ay grant paour quant je te ^ voy icy ; 35
Onques mais homs n'ot si foible merrien.
MCCXXVI
Balade ^.
{Regrets d'un vieillard.)
TANT com je me po esmouchier "
De çymbalis cliquentibus,
Je fus des dames tenu chier
I . l'envoy manque. — 2. te manque. — 3. Ballade manque,
a. Escrimer.
T. VI i5
226 BALADES
Me semper prosequentibus ;
5 Or suy de dormientibus,
Vieulx, goûteux, qui n'ay plus pouoir
D'ester cum mulieribus :
Je ne puis la queue mouvoir. 332 d
Plus ne me sert fors de pissier,
10 Pas n'est de junior ibus ;
Trop ay fréquenté le mestier,
Dont je suy de absentibiis ;
A présent cornioribus
M'appellent les dames pour voir ;
1 5 Flere me fault cumjlentibiis :
Je ne puis la queue mouvoir.
»
Tousjours veulent grain engrangicr,
Et de recipientibus
Prandre avoir, emplir leur grenier ;
20 Heu! quod ' in eis sumptibus,
Sum ego de dolentibus !
Pour avoir bien fait mon devoir,
Me veulent faire rasibus :
Je ne puis la queue mouvoir.
l'envoy 2
25 Princes, je suy enervatus,
Et in obprobrium datus
Pour ce mestier, car main et soir
M'en dueit le dos, jambes, latus
Corporisque mei status :
3o Je ne puis la queue mouvoir.
I Quia.— 3. l'envoy manqu,;.
H
BALADES 227
MCCXXVII
Balade ^
{Même sujet,)
ELAS ! mainte femme me fuit
Qui me souloit suir de près,
Qnant j'estoupoye leur conduit
Et que je fu jeusnes et frès;
Mais quant mes membres s'est retrès 5
Et qu'il ne puet faire besongne,
L'une rechigne, l'autre grongne ;
333 a Si fis je jadis mon devoir,
Dont je me treuve en grant essoingne «,
Par deffault de bon vit avoir; 10
Dont j'ay fait de jour et de nuit,
Et sanz raison, pluseurs excès ;
C'est la chose qui plus me nuit.
Dont je suy mas *, tristes et secs.
Un mortier use six piles '^; i5
Trop y broiay, s'en ay vergongne :
Tousjours veult mortier qu'on besongne
Et broyé, c'est sanz lui doloir;
Plus n'en puis, tel broier ressongne '^,
Par défaut de bon vit avoir. 20
Mais je me reconforte et cuit ^
Que du temps que je fu variés
I . Balade manque.
a. Embarras. — b. Abattu. — c. Pilons. — d. Je redoute. —
e. Mais je me console et pense.
2 28 BALADES
Les mortiers sont cassez et vuit,
Combien qu'ilz voudroient adès «
2 5 Qu'om leur broyast sausse ^ et brouès;
Mais plus ne sera qui en soingne * ;
Ains fauldra que chascune doingne
Des vielles pour son trou mouvoir :
Ma dame a prins pour moy un moingne,
3o Par default de bon vit avoir.
l'envoy *
Princes, le broyer m'a destruit
En jeusne temps, pensez y tuit;
Gardez vous d'ainsi encheoir ^.
Par jeunesse ay esté séduit,
35 Tant que jamais n'aray déduit,
Par default de bon vit avoir.
MCGXXVIII
Balade 3.
[Même sujet.)
HELAS ! tant com 4 je fu moines "^
Et que j'aloye sus et jus,
Et que j'oy comme maint moines ^ 333 b
Queue roide et tesmoings velus,
5 J'estoie par tout bien venus.
I sauiKS. — 2. l'envoy manque. — 3. Balade manque. — 4- comme.
a. Maintenant. — b. S'en occupe. — c. Tomber, succomber. —
d. Moineau. — e. Jeune moine.
BALADES 22Q
En jeunesse fis mes aviaulx «,
Par tout courir comme uns toriaux,
Quérir pasture et moy aisier :
Or suis devenus coulombiaux * :
Je ne puis mais fors que baisier. lo
Servir ne sçay des premiers mes,
Pour ce voy qu'om ne m'aime plus;
Respandus est tous mes brouès,
Tout me va ce dessoubz dessus ;
Mes pendans sont longs devenus, 1 5
Mole est ma queue et mes boyaulx,
Mes culs grailes comme uns fusiaulx
Tant que famé ne m'a plus chier,
Car quant suy entre leurs trumiaulx ^,
Je ne puis mais fors que baisier. 20
J'ay tresbonne voulenté, mes
La force et pouoir sont perdus,
Car tendre ne veult mes harnès;
Ains suy par goûtes confondus,
Tousseux, enrumez, enfondus '^, 2 5
Je n'ay que le cuir et les piaulx.
Qu'est devenuz li larronciaulx «,
Qui ne me ' sert fors de picier?
Mangiez fust il or des corbiaulx!
Je ne puis mais fors que baisier. 3o
l'envoy 2.
Princes et maistres des ribaulx,
Pour une foiz .xmi. en faulx/,
Je ne puis plus faire mestier,
I , me manque. — 2 . v'EsyoY manque.
a. Plaisirs. — b. Petit pigeon.— c. Jambes. — d. Mouillé, glacé.
— e. Petit larron. — /. Je manque.
2 3o BALADES
Jouer ne puis des cannebaux'»,
Femmes ne craingnent mes assaulx : 35
Je ne puis mais fors que baisier ^
MCCXXIX
Balade 2.
(Contre les mendiants qui se tiennent aux portes
des églises.)
DE tous lesmaulxdequoy Dieux puetgarirJJJc
Et de tous ceuls dont sains sont réclamez,
De la fouldre qui fait maisons bruir '',
De la gresle quant le temps est gelez,
5 De la pluie quant li airs est crevez,
Du tonnoirre, de noif c, et ^ d'ochelitre ^^^
Et de tous ceuls desquelz l'en seult benistre ',
Des malveillans, soient destruis et prins
Ceuls qui des maulxdes sains ■* se donnent titre :
10 Ribauls, paillars, truandes et coquins.
D'orrible mort puisse ^ chascuns mourir,
Par tout soient haiz et diffamez,
Chiens enrragiez leur puissent sus courir,
Fuitis/ soient de l'église et chaciez,
i5 Et au gibet panduz et traînez,
Et comme faulx aient de papier mitre,
Pour escheler «" par le bourriau ou mittre *.
I , Je ne puis, etc. — 2, Balade manque. — 3. et manque. — 4. des sains
manque. — 5. puist.
a. Sacs (•'), bourses (.',.— b. Brûler.— c. Neige.— d. Mot altéré. —
e. Bénir. — /. Absents.— g. Exposés au pilori. — h. Maitre, nom
appliqué au bourreau.
BALADES 23 r
Comme larrons a Dieu : tel soit la fins,
Ceuls qui des maulx des sains se donnent titre,
Ribaulx, paillars, truandes et coquins. 20
Car l'on ne puet au moustier messe oir
Pour leur annuy, tant sont fort empariez ■^
De faindre maulx, d^aumosnes requérir;
Chascun est la par leur fait déboutez *.
Hz sont puissans, larrons, atruandez '^, 25
Oyseux, faillis, dont nul bien ne puet ystre ^.
Pour amender leur donne ceste epistre,
Dont mains prisiez seront des gens latins
Ceuls qui des maulx de sains se donnent titre,
Ribaulx, paillars, truandes et coquins. 3o
l'envoy '
333 d O collèges, chanoines et curez,
Moines, prieurs, abbesses et abbez,
Tous mendiens, chartroux et celestins,
Coustres ^, patrons es villes et citez,
A bons bâtons de voz moustiers fustez/ 35
Ribaulx, paillars, truandes et coquins.
I . l'envoy manque.
a. Tant ils font de bruit par leurs paroles. — b. Repoussé. —
c. Adonnés à la mendicité. — d. Sortir. — e. Sacristains. — /.
Bâtonnez.
2*32 BALADES
MCCXXX
Balade '.
[Dialogue avec des mendiants.)
P
louR Dieu, donnez maille ou denier
A ce povre qui ne voit goutte !
— Va t'en sanz chandoille couchier,
D'ardoir ton lit es hors de doubte ^.
5 — Ha ! sire, je ne menjus goûte *.
Aler ne puis par maladie !
— Tu ne doiz donc point de chaucic <^,
Saint Mor ne te fera frémir.
— Sire, je ne me ^ puis gésir '^ :
lo Donnez moy pour avoir du pain !
— Tu as d'estre droit bon loisir ^;
Atten encor jusqu'à demain.
— A 1 sire ^, ne puis endurer.
Mon chief pers, le bras et le coutte/.
i5 — Du coustel ne pourras frapper,
D'amende paier n'aiez doubte.
— A ! sire, j'ay la jambe route «".
— Or fay qu'elle soit reboulie * :
Pran aucun drapel, si la lie ».
I , Balade manque. — 2. me manque.— 3. A doulz sires.
a. Va-t-cn te coucher sans chandelle, ainsi tu n'auras pas peur
de mettre le feu à ton lit. — b. Je ne mange. — c. De droit de
péage. — d. Coucher. — e. Tu peux rester debout. — /. Le
coude. — g. Rompue. — h. E:lissés. — i. Prens un morceau de
lin^e et la lie.
BALADES 2 33
— Sire, je ne faiz que languir, 20
Donnez moy ! — Pense de mourir,
Tout seroit perdu en ta main.
— Helas! vueiliez moy secourir!
— Atten encor jusqu'à demain.
— Saint Anthoine me vent trop chier 2 5
334 a Son mal, le feu ou corps me boute.
— D^achater bûche n'as mestier :
Fay ton lit en Seine et ta couste <^
Pour refroider. — Sire, j'ay goûte
De saint Mor. — Ne la retien mie. 3o
— Sire, je suy en frenaisie !
— Doncques te doit chascuns fuir.
— Doulz sires, j'ay tant a souffrir
Que je ne dor ne soir ne main,
Vueiliez moy quelque chose offrir ! 35
— Atten encor jusqu'à demain.
l'envoy *
— Princes, je ne me puis aidier !
— Nulz ne ^ te doit donc avoir chier,
Car l'en te feroit bien en vain.
— Sire, j'ay le mal saint Riquier, 40
Donnez moy, pour Dieu le requier!
— Atten encor jusqu'à demain.
I. l'envoy manque. — 2. ne manque,
a. Ta couverture.
234 BALADES
MCCXXXI
Balade K
{Contre une vieille Jemme médisante.)
V
lELLE, laide, barbue et diffamée,
Orde en tous cas, desplaisant et baveuêe,
Qui le cul sec n'eustes onques journée
En jeune temps, et viel luxurieuse,
5 Vous estes trop de parler oultrageuse
En mesdisant sur les femmes de bien;
La monstrez vous que vous ne valez rien
Et que tousjours avez esté mauvaise;
Alez vous ent, vous puez comme un chien :
10 Le feu d'Enfer puist ardoir vo fournaise!
En mains pais avez suy Tarmée
Et no mestier, n'en soiez ja honteuse,
Prins et plumé, dont vous serez dampnée, 334 ^
Comme vielle sur toutes convoiteuse,
1 5 Maint soudoier et fait sa bourse creuse,
Prestres et clers attrait a vo lien.
Or est usé tout vostre cuirien '',
Chascuns vous fuit, dont vous n'estes pas ayse;
Alez desor chanter le Requiem :
20 Le feu d'Enfer puist ardoir vo fournaise,
Qui tant a fait du eu puant ^ fumée,
Dont maint sont mort; vielle contagieuse,
Voulez vous donc ^ gouverner la tontrée,
I. Balade manque. — 2. puante. — 3. doac manque,
a. Peau.
BALADES 235
En beguinant ^ faire la précieuse,
Pour empescher toute vie amoureuse r' 25
Ardoir puist l'en femme de tel merrien ^1
Jamais n'arez ribaut ne rutien
Pour vous aisier, vielle, ne vous desplaise ;
Prenez en gré vostre temps ancien : 3o
Le feu d^Enfer puist ardoir vo fournaise !
l'envoy *
Prince d'amours, tel vielle forsenée
Voist "^ en exil, a tousjours condempnée
Par vostre court, car nul plus ne s'en aise,
Ou sur le moins ait la langue coupée.
Si arez vous, fausse vielle enragée : 35
Le feu d^Enfer puist ardoir vo fournaise !
MCCXXXII
Balade 2.
{Plaintes d'une femme contre son mari.)
J'ay mon mari qui se rigole ^
De moy, et s'en va jardinant
Avecques mainte femme foie,
Chascun jour, ou le plus souvent,
Et ne me tient pas bien couvent, 5
Mais me sert d'estrange langaige ;
334c Et puisqu'il me fait tel oultraige,
I. i/kkvoy manque. — 2. Balade manque.
a. En faisant la dévote. — b. De tel bois. — c. Aille — d. Qui se
moque.
236 BALADES
Je lui feray, sanz jardiner,
Avoir cucu en son mesnaige,
lo Si j'en puis nullement finer.
Car j'ay assez qui m'en escole ^
Et qui ses faiz m'est rapportant,
Et comment il baise et acole
Les fillettes, et va donnant
i5 Nostre avoir; tel vie est menant,
Dont il ne fait mie que saige;
Mais je pourverray a ma caige
D'un oisel, pour moy conforter,
Qui appaisera mon couraige,
20 Si j'en puis nullement finer.
Ouil, par Dieu! maint m'en parole
Qui me va cuer et corps offrant ;
Je ne suy ne laide ne mole.
Dont il me dust estre laissant ;
25 J'en trouveray bien pour un cent.
Puisqu'il brise son mariaige,
Par saint Arnoul, aussi feray je !
D'autel pain vueil souppes tremper
Et prandre de ce doulz ouvraige,
3o Si j'en puis nullement finer.
l'envoy 1
Prince amoureux, qui fait tel raige
En amours, s'on lui rent tel gaige,
Vous n'en devez nuUui blâmer.
Et pour ce, par mon pucellaige,
35 Prandrayce bien qui assouaige *,
Si j'en puis nullement finer.
1. l'envoy manque.
a. Instruit. — b. Qai adoucit.
BALADES 207
MCCXXXIII
Balade '.
(Contre les mendiants qui encombrent les églises.)
LASSE ! donnez moy une offrande 334 ^
En l'onneur la Vierge Marie I
— Et je la vous octroy, truande ^ ;
Arsesoiez ou enfoye,
Car messe ne puet estre oye 5
Par vostre ennuy en cest moustier *;
Il n'y a ribault ne boulier <^,
Coquin, truant ne maquerelle,
Qui ne soit tousjours en chapelle,
Pour mailles et deniers avoir; 10
Vuidezhors, qui ne vous appelle :
Que l'en vous puist trestouz ardoir !
11 n'y a paillart ne gourmande
Qui ne viengne les gens sachier ^
En l'église, c'est grant esclande; i5
L'en ne s'i puet agenoillier
Qu'il n'en ait devant et derrier ;
L'un tent sa main, l'autre s'escuelle,
Puans comme une orde ruelle;
Larrons a Dieu, faictes devoir, 20
Ouvrez ^, gaingnez sur vostre selle :
Que l'en vous puist trestouz ardoir !
t . Balade manque.
a. Gueuse, mendiante. — b. Eglise. — c. Souteneur. — d. Tirer.
- e. Travaillez.
238 BALADES
A tout le moins, qui ne vous mande,
Au portai soit vostre establie <^,
25 Par dehors, sur paine d'amende :
Ou serez en place establie,
Sanz aler tel connestablie ^
Au moustier ou maint s'atropelle <^,
Ou vous en paierez la gabelle '^;
3o Hors du moustier devez seoir
Sanz dedenz faire l'estenelle '' :
Que Pen vous puist trestous ardoir !
l'envov '.
Gens de Teglise, on doit purgier 335 a
D'entrer enz tout paillart, loudier/,
35 Truandes n'y doy vent manoir;
Faictes les donc bien corrigier.
Truans, il vous convient vuidier.
Que l'en vous puist trestous ardoir !
MCCXXXIV
■"' Balade 2.
{Conseils aux pères qui ont des filles à marier.)
QUI a filles a marier
Il doit a son fait avertir ^,
Terre et argent leur doit baillier,
I. l'envoy manque. — 2. balade manque.
a. Demeure. — b. Bande, troupe. — c. S'attroupe. — d. L'invpôt.
— e. Tenailler, tourmenter. — /. Gueux, vaurien — g. Prendre
garde.
BALADES 239
S'il puet, sanz nopces ne vestir ;
Au fort, ne se doit consentir 5
Qu'il baille bourses ne joyaux,
Espingliers '^, saintures, chapiaulx ;
Face ent le mary pourveance,
Car j'en ay veu plusieurs de ciaulx
A tart venir a repentence. 10
Il fault grans robes de drap chier,
Pluseurs courtes, Testât tenir
Des fourrures au peletier,
Laitices *; aler et venir
Pour boutonures retenir 1 i5
De perles, couronnes, anneaulx,
Pour les nopces divers morceaulx,
Vins et grains en grant habondance :
D'ainsi faire ay veu pluseurs d'yaulx
A tart venir a repentence, 20
Mieulx vault tousjours au coramencier
Terre a sa fille départir
Ou argent, pour s'en depeschier "^
A une foiz, que tant quérir
De choses ; l'en n'en puet yssir ^ ; 25
335 b Noces sont de trop grans reveaulx ^.
Père et gendre facent entr'eaulx
En commun la feste et la dance ;
Les faisans seulx, vy ^ des plus haulx
A tart venir a repentence. 3o
l'envoy 3.
Princes, grans nopces font vuidier
L'argent, la granche et le ceiier ;
1 . e retenir. — 2. ay. — 3. l'envoy manque.
a. Etui à épingles. — b. Espèce d'hermine. — c. Débarrasser.
— d. Sortir. — e. Fêtes, divertissements.
240 BALADES
Fouis est qui du faire s'avance,
Car les saiges les vont mangier,
35 Et s'en voy maint au derrenier
A tart venir a repentence.
MCCXXXV
Balade < .
{Plaintes d'une femme mal mariée.]
Q
|UANT j'oy ^ mon aage premerain,
Entre mes .xv.et .xiv. ans.
Les pommettes ^ avoie ou sain,
Rondes, dures, fermes, poingnans,
5 Corps faitis <=, jolie et chantans,
Viaire cler, voix douce et saine,
En touz esbas la premeraine
Qui se faisoient par honour,
Et par marier suy en paine :
10 Onques femme n'ot tel dolourf
Aux festes me tendoit la main
Chascun,de m'amour fut engrans <^,
Or suis donnée a un villain
Qui est uns rudes paisans,
i5 Rebours ^, rebelles, desplaisans;
De lui ay eu la pance plaine
Pluseurs foiz, s'en suy lasse et vayne/;
Tettes ay com souflez d'un four,
I. BALADE manque.
a. J'eus.— b. Les petites pommes. — c. Bien fait. — d Dé-
sireux. — e. Malpropre, malotru. — /. Abattue, faible
BALADES 24 [
335 c Aussi plates c'une quintaine <» :
Onques femme n'ot tel dolour! 20
Mon premier temps regrette et plain,
Povre femme, plaine d'enfans;
A marier ne fait pas sain ;
Povres hommes, femmes servens,
Qui riens n'ont plus, font que meschans 2 5
D'eulx asservir, car chascun maine,
Eulx mariez, vie griffaine ^,
Bâtent et tancent a leur tour;
Ce me vault pis que mort soudaine •
Onques femme n'ot tel dolour! 3o
l'envoy K
Prince, je suy seure et certaine
Que marier serre la vaine
Et fait perdre force et coulour
A pluseurs; J'em porte l'ensaingne.
Pour ce a non marier enseigne : 35
Onques femme n'ot tel dolour!
MCCXXXVI
Balade 2.
(Sur les pourceaux.)
SÇAVEz vous la cause pour quoy,
Quant aucun tue son pourcel,
I . L'ENVOY manque. — 2 . balade manque.
a. Mannequin servant de but aux jouteurs. — b. Fâcheuse.
T. VI ,6
242 BALADES
A ses voisins en fait envoy
Et leur en donne maint morsel
5 De l'eschine, du haterel ^,
Des boudins, d'autres laridiaux ^,
D'andouilles, jambons, des nonbliaux <^,
Du soult ^ que l'en prangne en gré prie?
Pour ce que trop a fait de maulx :
10 Pourcel ne fist bien en sa vie.
Fors se boutent en un aunoy ^,
En un jardin, en un praei/,
Tout gastent et font tant d'annoy ^ 335 d
Qu'il n'en est a nul homme bel ;
i5 Hz boutent par tout leur musel,
Vignes, blez fouillent, poys, naveaulx *,
Enfans estraiiglent es berseaulx ;
Chascun les court sus et escrie,
Tant sont mauvais et desloyaulx :
20 Pourcel ne fist bien en sa vie.
Qui plus est, de vendre n^ont loy
Juifs; Sarrasins n'en font tropel;
Nul temps mangier ne leur en voy
Car seursemé sont et mesel ' ;
25 Deffendu leur est sur leur pel
Qu'ilz ne mangussent. Telz morseaulx
S'envoy'on pour appaisier ceaulx
Ausquelz ilz ont fait villenie
De leurs membres et leurs boyaulx :
3o Pourcel ne fist bien en sa vie.
a. Partie postérieure du cou, la tête. — b. Morceaux de lard. —
c. Filets de porc. — d. graisse fondue (?). — e. Lieu planté
d'aulnes. — /. Pré. — g. Ennui, dégât. — h. Navets. — j. Car ils
sont couverts de grains de ladrerie et donnent la lèpre.
BALADES 243
L^ENVOY 1.
Prince de froidure et de noy <*,
En Décembre tuer perçoy
Ces ors pourceauls, que Dieu maudie,
De rans, de paissons, a desroy ^ ;
Ce n'est pas viande de roy : 35
Pourcel ne fist bien en sa vie.
MCCXXXVII
Balade *.
[Invocation à dix saints et saintes.)
S
AiNT Denis, saint Georges, saint Biaise,
Saint Cristofle, et aussi saint Gile,
Saincte Katerine, or vous plaise,
Saincte Marthe ei saincte Cristine,
336 a Saincte Barbe et saincte Margrite, 5
Avoir tousjours de moy mémoire,
Ainsi comme il est chose voire
Que Dieux a vous .x. octroya
Que quiconques vous requerra
De bon cuer, par prière honneste, 10
En quelque péril qu'il venrra,
Dieux essaucera sa requeste.
Pour lui mourustes a mesaise,
I . l'ënvoy manque. — 2. Balade manque.
«. Neige. — b. Ceux qu'on engraisse dans les éiables iaêle-mêle
avec ceux qu'on mène à la glandée.
244 BALADES
Pour sa loy, et en mainte ville
i5 Blamastes Torde loy mauvaise,
Preschans par tout son euvangile,
Convertissans de gens cent mille;
Par martire avez eu sa gloire
Les pluseurs, et tant feistes croire
20 De peuples qui pour lors erra,
Qu'entre sains et saiactes sera
Voz noms hauciez, car en tempeste
Et tous maulx, qui a vous courra
Dieux essaucera sa requeste,
25 De vous louer nulz ne se taise:
Prier et servir sanz perice
Vous doit chascun qui veult estre ayse
Pour remouvoir de lui tout vice ;
Donnez moy donc faire service
3o
A vous tous qui mestier en a.
Si que quant mes corps finera,
En paradis soit m'ame preste,
35 Car qui vo nom en priera ^
Dieux essaucera sa requeste.
l'envoy '
Princes, roys, dus, entendez ça,
Tous pécheurs, et qui mal traira,
De requérir ces sains s^apreste; 336 b
40 En quelque péril qu'il sera 3,
A sa prière ne fauldra :
Dieux essaucera sa requeste.
I. prira. — 2. l'envoy manque. — 3. lara.
BALADES 245
MCCXXXVIII
Balade 1.
(Le peuple doit être tenu toujours dans la crainte.)
TROP grant familiarité
Nourrist et engendre contemps " ,
Aussi trop grant crudelité
Gendre * haine a toutes gens ;
Or soit donc sires diligens 5
De prandre entre deux le moyen :
Pugnir, se cas le requiert bien,
Les mauvais, les bons supporter '^,
Grant justice aux subgiez garder,
Sanz estretrop commun entr'eulx, 10
Qu'ilz ne se doient rebeller :
Peuples soit tousjours cremeteux '^.
Tenir doit son auctorité
Tout prince et juge a ses servens,
Sanz monstrer trop d'umilité i5
Dont ilz contempnent ses commens ^,
Pour estre plus obeissans,
Ou ilz ne le priseront rien,
Mais s'en moqueront au derrien /;
C'est ce qui les fait eslever, 20
Et a leurs seigneurs révéler ë'.
L'en en a veu pluseurs de ceulx;
En tel cas les fault rebouler :
Peuples soit tousjours cremeteux.
I . Balade manque.
a. Mépris. — b. Engendre. — c. Soutenir. — d. Craintif. — e.
Ils méprisent ses commandements. —/.A la fin. — g. Rebeller.
246 BALADES
25 Aux bons doit l'en faire amité,
Prandre son demaine et ses cens,
Sanz riens ravir oultre leur gré ; 336 c
Puisqu'ilz sont leur rente payans,
Qu'om leur soit contre autres aidans.
3o
Sanz les batre ne villener ^,
Sanz rien contre raison oster,
Eslre, se cas y chiet, piteux *,
35 Pour double de mal eschiver '^ :
Peuples soit tousjours cremeteux.
l'envoy 1
Princes, qui veult bien gouverner
Ses subgiez, face les doubler,
Si qu'ilz ne soient orgueilleux,
40 Car par trop grant amour monstrcr
En voit l'en maint desordonner ;
Peuples soit tousjours cremeteux.
V
MCCXXXIX
Balade 2.
(Personne ne fait son devoir.)
ous me demandez qu'il me semble
De ce monde : mauvaisement.
I. LENVOY manque. — 2. balade manque.
<i. Malmener. — b. Le cas échéant, pitoyable, miséricordieux,
- c. Eviter.
BALADES
247
Chascuns qui puet y pille ou emble,
Nulz n'y craint Dieu piteusement ^,
L'Eglise n'a soustenement; 5
Par les gens d^elle se destruit,
Clergie et science s'en fuit
Et la prince veult tout avoir,
Convoitise est en son grant bruit,
Car nulz ne fait bien son devoir. 10
Le bien commun de paour tremble
Qui n'a point de defendement;
Chascuns qui puet argent assemble,
Sanz regarder quoy ne comment,
Justice n'a gouvernement i5
336 d Et Tun voisin a l'autre nuit,
Foy ne loy n'ont nul sauf conduit,
Pour ce ne s'osent apparoir.
Non pas encor aler de nuit.
Car nulz ne fait bien son devoir. 20
Ce monde au premier ne ^ resemble,
Ou paix fut continuelment;
Chevalerie se dessemble *,
Chascuns vit orgueilleusement,
Religion non castement, 2 5
Chascun a mal faire se duit '^,
Et tous vices sont introduit
Tant que tout se doit remouvoir
Et changer royaumes, ce cuit '^y
Car nulz ne fait bien son devoir. 3o
l'envov -
Princes, Je tien certainement
1. me. — 2. l'envoy manque.
a. Dévotement. — b. De'sunit, — c. S'abandonne. — d. Je pense.
24^ BALADES
Que tout se changera briefment;
Je voy les hauls seigneurs mouvoir.
Tout s'en rira ^ en Orient
35 Dont tout vint au commencement,
Car nulz ne fait bien son devoir.
MCCXL
Balade ^ .
{Tout se perd, le monde et l'Eglise.)
Q
jUE sont les bons chiefs devenus
Des estas de ce monde cy ?
Quelz sont bons capitains tenus
Et quelz vraiz justiciers aussi?
5 Ou sont les saiges, je vous pri,
Qui entendent au bien publique?
Je n'en sçay nul qui s'i applique
Ne qui a ce bien commun vise,
Fors a argent, or et pratique : 33^ a
10 Tout se pert, le monde et l'Eglise!
Ou sont les sains prelas reclus.
Les religieus autressi,
Vierges et coniinens le plus,
Et femmes mariées qui
i5 N'ont congneu que leur mari
Sanz procéder en voie inique,
I . BALADE manque.
a. Retournera.
BALADES 249
Et marchans en toute fabrique
Sanz parjurer, pour convoitise
De gaingner? c'est une autentique :
Tout se pert, le monde et l'Eglise. 20
11 n'est nouvelles des vertus,
De grâce, pité ne merci ;
Vérité qui vint de lassus '^
N'ose parler, et par ainsi
Est tout le bien commun péri, 25
La loy, la foy seiche et éthique,
Chascun qui puet prant, hape et pique
Pour avoir grant estât et mise;
C'est un périlleux viatique :
Tout se pert, le monde et PEglise. 3o
' l'envoy I
Princes, je me doubt que Jhesus
En brief temps n'envoyé ça jus
Pour nos grans péchiez sa juyse ^,
Dont pécheurs seront confondus,
Se bien faire n'est remis sus ; 35
Tout se pert, le monde et l'Eglise 2,
I . l'envoy manque. — 2. Tout le monde se pert et leglise.
a. Là-haut.— b. Son jugement.
2 5o BALADES
MCCXLI
Balade ^
{Les exemples ne corrigent personne.)
D
ouzEheuressontdeJour,autant de nuh,33y b
Dont chascun a assez la congnoissance
Ou doit avoir, mais a ce qui le nuit
Ne pourvoit nulz, ne met bonne ordonnance.
5 Car de mourir est po de souvenance ;
Si voit chascun mainte tumbe au moustier
Ou telz gist mort qui vivoit encor hier,
Par accident ou par mort de nature,
D'aage trop grant qui le fait desvier ^ :
lo Mais je n'en voy amender créature.
Car par pechié convoiteux sont destruit,
Maint qui de mort soufrir n'ont espérance;
La court des grans est uns essains qui bruit,
Comme mouches, en trop grant habondance,
1 5 Puis vient un vent qui les destruit et lance
Soudainement, et les fait perillier;
De nostre temps le pouons avisier
En divers lieux, et par saincte Escripture,
Dont l'en se dust moult tenir de pechier:
20 Mais je n'en voy amender créature.
Convoitise a en maint royaume induit
Les grans estas, maie perseverence
Et povreté, qui le peuple conduit,
Car bien commun n'est plus en remembrance.
I. BALADE manque,
a. Mourir.
BALADES 25 1
Mais li vray Dieux qui réserva vengence, 2 5
Quant son peuple voult avoir roy premier,
Dessus leurs roys et sus leur foui cuidier
Par cas soudains pugnira leur injure.
Notons ce mot, que maint comparront chier :
Mais je n'en voy amender créature. 3o
l'envoy ^
Prince, on ne fait chascun jour que preschier
Qu'om se vueille de péchiez 2 despeschier,
33-j c Pour paradis avoir, qui tousjours dure,
Mais diables vient toudis pour Tempeschier,
Qui en fait mil en Enfer tresbuschier; 35
Mais je n'en voy amender créature.
MCCXLII
Balade 3 *.
[Réponse à une épitre de Christine de Pisan ^.]
MUSE éloquent entre les .ix., Christine,
Nompareille que je saiche au jour d'ui,
En sens acquis et en toute dotrine,
Tu as de Dieu science et non d'autruy ;
Tes epistres et livres, que je luy ^ 5
En pluseurs lieux, de grant philosophie,
Et ce que tu m'as escript une fie '^^
' Publiée par Tarbé, tome II, page 1 1 .
1 . l'knvoy manque. — 2. de ses péchiez. — 3. Balade manque.
a. Cette ballade fut adressée par Eustache Deschamps à Christine
de Pisan en réponse à une épitre de celle-ci, datée du 10 février
1403. — b. Que je lus. — c. Une fois.
2 52 BALADES
Me font certain de la grant habondance
De ton sçavoir qui tousjours monteplie ^,
10 Seule en tesfaiz ou royaume de France.
Dieu t'a donné de Salemon le signe,
Cuer ensaignant qu'il demanda de lui;
A l'estude es, ou tu ensuis la ligne
Du bon maistre Thomas, que je congnuy,
i5 De Boulongne *, Pizain, recors en suy :
Ton père fut docteur d'astronomie ;
Charles le Quint, roy, ne l'oublia mie,
Mais le manda pour sa grant souffisance,
Et tu l'ensuis es .vu. ars de clergie,
20 Seule en tes faiz ou royaume de France.
Ha! quelle honeur entre les femmes digne
Et les hommes ! Pour aprandre a toy fuy,
Qui trop te plains de la fausse racine ^
Dont le fruit fait a tout le monde ennuy ;
2 5 Par t'espitre le voy, que je reçuy
Benignement, dont cent foiz te mercie ;
Mais plus a plain sçaras de ma partie,
Qui en tous cas te faiz obéissance, 33y d
Le remède de ta grief maladie,
3o Seule en tes faiz ou royaume de France.
l'envoy ^
O douce suer, je, Eustace, te prie,
Comme ton serf, d'estre en ta compaignie
Pour bien avoir d'estude congnoissance;
Mieulxen vaudray tous les temps de ma vie,
35 Car jo te voy, com Boece a Pavie,
Seule en tes faiz ou royaume de France.
I . nature. — 2. l'envoy manque.
a. Augmente. — b. De Bologne.
BALADES 2 53
MCCXLIII
Balade i.
[L'humanité avoue ses fautes.)
DE jour en jour et d'année en année
De mal en pis vient ma destruction,
Et les péchiez dont je suy condempnée,
Perseverans en ma perdicion :
Non craindre Dieu, orgueil, ambicion, 5
Pechié de char, ravissement publique,
Et, qui pis est, Tort, vil, pechié inique,
Innaturel 'ï, que l'Escripture nomme
Sodomita, dont Dieu dire s'applique:
« Je me repens quant je fis onques homme. » lo
Lasse 1 encor craim que ne soie dampnée
Par les fauix sors de divinacion
Ou j'ay creu contre la loy donnée.
Et laissié Dieu, par invocation
Des mauvais ars, quérir élection 1 5
Des jours qui sont dampnez en Tautentique,
Les cuidier bons, chose dyabolique ^ ;
En grant partie en fut destruite Romme.
De ce dist Dieux, pour tel voie erratique :
a Je me repens quant je fis onques homme. » 20
A Lucifer suy trop habandonnée
I. Balade manque. — 2. et chose dyabolique,
a. Contre nature.
2 54 BALADES
Car tout orgueil est en elacion ^, 338 a
En mon pais vaine gloire est fondée,
Convoitise fait la sa mension ^,
25 Les mauvais ont la dominacion,
Les bons n'ont rien ; chascun fiert, point et pique.
Pour robe avoir de nouvelle fabrique ;
Le bien commun le plus puissant assomme,
Et pour telz maulx dist Dieux que l'en duplique '^ :
3o « Je me repens quant je fis onques homme. >
l'envoy ^
Prince, approuchier voy ma mutacion,
Dont tu seras en desolacion
S'a repentir Nynive ne te somme ;
Corrigons nous en grant contricion,
35 Ou Dieux tendra ceste conclusion :
« Je me repens quant je fis onques homme. »
MCGXLIV
Balade ^ *.
(Les rois doivent être lettrés.)
POUR quoy dit l'en les .vu. ars liberaulx ?
Pour ce que nul, s'il n'estoit libéral,
Noble homme et franc ou attrait des royaulx,
Le temps passé, ou en especial
* Publiée par Tarbé, tome II, page 1 8 .
I . l'envoy manque. — 2. Baladh manque.
a. Élévation. — b. Sa demeure. — c. Et pour ces maux qu'on
redouble, Dieu dit.
BALADES 255
Donné aux Dieux, n'osast en gênerai 5
Nulz de ces ars retenir ne aprandre ;
Pour ce fut clerc le grant roy Alixandre,
Julles César, qui tant fut renommé,
Charles le Grant qui fist maint peuple rendre :
Roy sanz lettre est comme asne couronné. lo
En enfance, que leur sang estoit chaux,
Aprenoient li noble et ly royal
Les sciences, les vertus cardinaulx,
Cardans leurs corps de lésion de mal
338 b En jeusne temps, puis furent a cheval, i5
Fors et puissans, pour toute honneur emprandre;
Ne leur failloit estrange conseil prandre:
Car chascun d'eulx estoit saige et lettré.
Autrement va ; s'en est maint règne mendre :
Roy sanz lettre est comme asne couronné. 20
Moult conquirent roys clers 1 par leurs travaulx
En cellui temps, furent monarchial
Pluseurs d'iceuls; par leur sens, comme eaux ^^
Firent citez, et le bien communal
Amerent tuit d'amour bonne et loyal, 25
Et justice firent a tout comprandre;
Princes non clers n'y ont voulu entendre.
Dont les pluseurs en sont déshérité ;
Ces ars veuillent tous les nobles reprandre:
Roy sanz lettre est comme asne couronné. 3o
l'envoy 2
Prince, advisez voz enfans d'aage tendre ^
De mettre aux ars,mieulx en vaudront leur membre,
Et ne seront corrumpu n'affolé,
i, chevaliers, — 2. l'envoy manque. — 3. des aage tendre.
a. Prudents, bien avisés.
2 56 BALADES
Dont ilz pourront mieulx leur peuple deffendre
35 Et gouverner justement sans mesprendre :
Roy sanz lettre est comme asne couronné.
E
MCCXLV
Balade •*.
[Il faut payer son hôte.)
ntre les biens que l'en fait chascun Jour
De charité et de miséricorde,
Pour acquérir de Jhesucrist l'amour,
Si com Henry de Fyervile recorde,
5 Donner pour Dieu, saindre tbudis la corde,
Et acomplir tous les commandemens
De nostre loy, n'est establissemens
Qui vaille tant, sanz faire maie toste,
Que bien paier en tous lieux ses despens : 338 c
lo Belle chose est de contenter son hoste.
Car hostelains " reçoivent a honneur
En leurs hostelz maintes gens, et par ordre.
Qui par long temps font illec leur demour,
Mais de paier leurs despens naist discorde
i5 Au départir; et, pour ce, je m'acorde
Que non paier est uns ravissemens
Des biens d'autrui, et uns droiz dampnemens
Dont cilz sera pugny, qui advise oste;
• Publiée par Tarbé, tome I, page 68.
1 . Balade manque.
a. Ceux chez qui on loge.
BALADES 257
Pandre ^ ou rendre fault, c'est drois jugemens :
Belle chose est de contenter ~ son hoste. 20
Pain, vin et char, foing, avoine, en destour ^
Convient avoir, et que litière s'orde ^
Pour les chevaulx, chandelles : quel labour !
Liz, draps, coussins, cueuvrechiefs; qui recorde
Les feux qu'om fait et les fraiz, ne s''amorde '^ 25
D'ostel tenir, les serviteurs, les gens
Qui de servir ne sont pas diligens ;
Ayse n'est pas qui tel rostie tosle '^;
Et qui acroit ^, c'est uns doubles tourmens :
Belle chose est de contenter son hoste. 3o
l'envoy
Princes, je tiens que c'est souverains sens
De bien paier sa despense en tous temps,
Sanz acroire et sanz rungier la coste
De l'ostelain; garde y soyons prenans.
Car paradis sera aux bien payans : 35
Belle chose est de contenter son hoste.
I. Prandie. — 2. conter.
a. En lieu écarté. — b. S'ordonne. — c. S'attache, s'applique. —
d. Qui fait griller une telle rôtie. — e. Donner à crédit.
T. VI 17
2 58 BALADES
MCCXLVI
Autre Balade.
COMMENT l'acteur s'eXCUSE DE FAIRE AUCUNS DIZ AMOUREUX
POUR CE QUE TOUT EST MAL ORDONNÉ OU ROYAUME.
E
N mon cuer n'a, ce jour de May, verdure, 338 d
Joye, déduit n'amoureus sentement.
Pour quoy? Pour ce que mainte créature
Voy au jour d'ui en paine et en tourment,
5 Ne je ne voy nul bon gouvernement
Au bien commun ne en fait de justice;
De la loy Dieu, de la foy est esclipse,
Division et convoitise est née
Entre pluseurs, orgueil et avarice :
10 Toute chose est par tout mal ordenée.
L'un a l'autre fait mal, tort et injure ;
Pour extorquer or, joyaulx et argent.
On bat, on ment, on rapine, on parjure;
En mains pais va tout desloyaument,
1 5 Et le plus fort en fait a son talent ;
Pité n'a lieu, nulle amour n'est propice,
Et Vérité ne fait pas son office ;
L'Eglise Dieu est par tout divisée,
Vertu ne voy régner, fors que tout vice :
20 Toute chose est par tout mal ordenée ^
Des prodomraes anciens n'a nulz cure,
Reboutez sont; l'en fait eslectement ^
I. ordoiincc.
a. Election, choix.
BALADES 2 09
Des non sachans; se telz temps longues dure,
Et ce scet Dieu, l'en verra bien comment
La fin sera et le pugnissement 25
Des malfaicteurs et de leur grant malice,
Car en brief temps fault que mauvais perice
Et que bonté soit aux bons guerdonnée ^ ;
C'est loy de Dieu : gart soy qui en mal glice :
Toute chose est par tout mal ordene'e. 3o
l'envoy
Prince, avisez par tout voist^ autrement;
Nobles et clers et peuples ensement ^
33g a Crions mercy. Soit no vie muée
En bonnes me^rs et en amendement,
Ou tout se pert a nostre dampnement : 35
Toute chose est par tout mal ordenée.
MCCXLVII
Balade.
QUE CELLUI EST DE BONNE HEURE NEZ QUI n'a AU JOUR D^UI
A LA COURT ESTAT NE GOUVERNEMENT.
LE temps est hui que de bonne heure est nez
Qui a court n'a gouvernement n'estât,
Qui n'est juges, ne en chose ordonnez
De quoy li puist sourdre noise ou débat,
I. guerredonnee.
a. A ce que partout il en aille. — b. Pareillement.
26o BALADES
5 Car, chascun jour, Envie se débat
Pour desposer officiers royaulx
Et en mettre par tout de si nouveauix.
Par volunté, sanz regarder raison,
Que cilz vit bien com preudoms et loyaulx
lo Qui a de quoy pour vivre en sa maison.
S'il lui souffist, il est reconfortez
De non verser com les autres de plat,
Qui es estas sont trop avant boutez
Et puis en sont en un seul moment mat ;
1 5 Fortune lors encontr'eulx se combat
Par le raport des mauvais desloyaulx ;
Receveur n'est, trésoriers, generaulx,
Qui ne versent a petit d'achoison " :
Sur tous ces points doit saiges estre eaux
20 Qui a de quoy pour vivre en sa maison.
Et quant je voy telz estas fortunez
Versez ainsi, et que Fortune bat
Tous les meilleurs, je suy entalentez ''
De moy jamais bouter en cel esclat,
2 5 Fors Dieu servir qui de moy fist rachat,
Mangier du lart, poys, fèves ou naveaulx '"j
Coucher, lever, sanz estre curiaulx ^,
A mon pouoir, pour avoir garison : 33g b
Ainsi faire le doit tous cuers feaulx *
3o Qui a de quoy pour vivre en sa maison.
l'envoy
Princes, li homs est plus que forsennez,
Qui du sien a, quant il est telz menez
a. A la moindre occasion. — b. En disposition. — c. Navets. —
d. Courtisan. — c. Sincère.
BALADES 261
Qu'il s^'asservit ; durer ne puet foison <»
Par convoiter; or en soit destournez
Tout noble cuer, comme frans et senez *, 35
Qui a de quoy pour vivre en sa maison.
MCCXLVIII
COMMENT EUSTACE FUT MIS CAUTEMENT HORS DE SON
BAILLIAGE DE SENLIS.
JE suis mis hors trop cautement ^
Du bailiiaige de Senlis,
Qui ay servy treslonguement
En jeunesce; or suy enviellis,
Sanz estre de nul mal reprins ; 5
Mais en lieu de mon bailiiaige
Me fist Ten trésorier sauvaige.
Qui fors .VIII. jours ne me dura ;
Révoquez fu. Avisez la
Comment et a qui vous servez, 10
Et ce moult valoir vous pourra :
Je suy des premiers escossez ^.
Ingratitude me sousprant,
Car les vaillans princes jadis
Guerdonnoient tresgrandement i5
* Publiée par Tarbé, tome II, page i6.
a. Longtemps. — b. Sensé. — c. Traîtreusement. — d. Ecosse,
au fig. destitué, déposé.
202 BALADES
Ceuls dont ilz furent bien servis,
Et tindrent, tant qu'ils furent vis,
En leurs estas, tel fut l'usaige,
Sanz changier ne faire dommaige,
20 Et pour ce 1 chascuns les ama ; 33g c
Viellesce ne les destourna
D'estre de leurs estaz ostez,
^ Mais tout se change et changera :
Je suy des premiers escossez.
25 Si l'endurray paciemment.
Quant je suy sanz cause desmis
Et que j'ay servy loyaument ;
Par .XXX, ans et plus, les perilz
De justicier, paroles, cris
3o Ay passez, souffers maint oultraige
Et aie par maint dur voyaige ^
Pour mes seigneurs ; ce grevé m'a,
Justice aussi, qui nul port n'a ;
Or en suy trop mal guerdonnez.
35 Advise a ces poins qui vouldra :
Je suy des premiers escossez.
l'envoy
Prince, avisez benignement
A mon fait, si qu'aucunement
Soye par vous rémunérez
40 D'estat honourable ou d'argent.
Ou dire me fault tristement :
Je suy des premiers escossez.
I. ce manque. — 2. voyage.
BALADIÎS i63
MCGXLIX
Balade morale *.
COMMENT ROBOAM FUT DESTRUIT ET PERDIT SON ROYAUME
POUR SA GRANT CONVOITISE ^ POUR CE QU'iL CRUT LE CONSEIL
DES JEUNES FOULZ ET OULTRECUIDIEZ, ET DESPITA CELLUI
DES ANCIENS PRODOMMES.
FuiEz, viellars, ne vous monstrez jamais,
Car Roboan ne ne vous a point en grâce ;
Il ne veult pas telz gens en son palays
33g d Ne ensuit de son père la trace ;
Aux Jeunes foulz se déduit et soulace ^, 5
Prant et ravit par le conseil d'iceulx,
Croire ne veult les prodommes ne ceulx
Que Salomon avoit mis en office ;
De les oir est fel et despiteux :
L'en het par tout droit, raison et justice. lo
Par trop ravir fut en brief temps deffays
Pour ses delis, du corps, pour sa menace,
Car ses règnes * fut en .m. pars detrays <^;
Jéroboam les .11. pars en pourchace,
Qu'il tint pour lui, ne scet l'autre qu'il face ; 1 5
Conseil jeune qu'il crut fist qu'il fu seulx,
Povre, indigent, deshonouré, honteux.
Pour ce se ^ doit chascun garder de vice,
Mais au jour d'ui n'est homme vertueux :
* Publiée par Tarbé, tome I, page 1 1 1,
I. convoise. — 2. se manque.
a. Se plaît. — b. Son royaume. — c. Divisé.
264 BALADES
20 , L'en het par tout droit, raison et justice,
Roy Baltliazar qui fist les grans atrays ^
D'or et d'argent que sur subgiez ^ pourchace,
Fut prins dedenz en Babiloine, mais
Daire et Cyrus, quant ilz prindrent la place,
2 5 Destruirent tout. Convoitise n'embrace
Princes mondains, ne ravisse com ~ leux *,
Sur ses subgiez ne soit ja convoiteux.
Mais se garde d'orgueil et d'avarice.
— C'est trop bien dit; or te tays, maleureux :
3o L'en het par tout droit, raison et justice.
l'envoy.
Prince, advisez ces exemples, tous deux,
Les jugemens de Dieu qui sont doubteux,
Gouvernez vous, et par bonne police,
35 Et conseilliez par les chevaliers preux
Et les saiges anciens cremeteux ^ c ■
L'en het par tout droit, raison et justice.
I. sur ses subgiez. — 2. comme. — 3. et cremeteur.
a. Amas. — b. Loups. — c. Craintifs, réservés, prudents.
BALADES 265
MCCL
Autre Balade.
COMMENT RAISON ET CONSCIENCE PAILLENT, ET EN LEUR LIEU
REGNENT VOLUNTÉ ET FOLE PLAISANCE.
340 a T^uis que je voy que Voulenté domine
JL Et que Raison et Conscience fault,
Que les plus grans sont enclins a rapine,
Qu'om eslieve le plant qui rien ne vault,
Et que Justice en tous estas deffault ^ 5
Et faint ^ par tout pour plaire a Voulenté,
Que les saiges anciens sont osté,
Mis hors d'estat, et qu^om les habandonne,
Pour vivre en paix et en transquilité,
Je prie a Dieu qu'om ne m'oste ne donne, 10
Et que le bien commun qui se décline <^
Par les mauvais qui trop luy font d'assault,
Puist revenir sanz aler en cuisine
Et sanz garnir le chastel de Boursault,
Dont Convoitise et Avarice sault "^ ; 1 5
Estât d'orgueil et de grant vanité,
Péché de char, insexte « et povreté,
Mainte au surplus dégénèrent personne.
Et pour telz maulx dont maint seront dampné,
Je prie a Dieu qu'om ne m'oste ne donne. 20
Car vraieraent tout se destruit et mine
a. Manque.— è. Faiblit. — c. Qui s'en va — ti. Sort. — e. Inceste.
266 BALADES
Et destruira par le pechié trop chault
Dont Loth dehors Sodome s'achemine,
Car il vendra pestilence du hault,
25 Soudaine mort et ^ de prince default;
Ainsi seront maint règne déserté
Et en autruy lignie transporté
Par folignier ^ de la droicte couronne ;
Dont, com vivre ay pour ma neccessité,
3o Je prie a Dieu qu'om ne m'oste ne donne.
l'envoy
Prince, pour ce que tout est triboulé '' 840 b
Et que nul bien n^est huy rémunéré
Ne mal pugny, mais est tout hors de bonne '^,
Qui a du sien si en vive en bon gré ;
33 Faire le vueil, souffisance est plenté :
Je prie a Dieu qu'om ne m'oste ne donne.
MCCLI
Autre Balade.
COMMENT SERVITEURS DOIVENT ADVISER COMMENT ET A QUI
ILZ SERVENT AU JOUR d'uY.
Achascun dy qu'il s'avise ou il sert
En jeune temps, sanz perdre son service,
Car s'a félon veult servir, il se pert.
I. et manque.
a. Forligner, s'écarter. — b. Renversé. — c. Borne
BALADES 267
Qui tel maistre sert, il est foui et nice «,
Car pour bien mal rent, c'est son droit office, 5
Et en la fin son servent destruira
Quant prins le fruit de sa jeunesce ara.
Eschive ^ aussi trois manières de gens
Sanz les servir, qui tenir s'en pourra :
Et qui sont ilz? Femme, peuple et enfans. 10
En pluseurs lieux de leur service appert.
Quant a femme, qui de mescroire * a vice,
Maint serviteur en ont esté désert ^
Contre raison et par mauvais malice ;
A croire tost est en tous cas propice, 1 5
Et pour cent biens qu'om leur fait on y ^ pert,
Mais qui fauldra une foiz, lors s'aert <^
En destruisant le service qu'elle a,
Sanz lui oir, du tout le destruira ;
Or se gardent d'icelles tous servens 20
Et des autres, ou leur fait périra :
Et quelz sont ils? Femme, peuple et enfans.
Quant aux peuples, les choses prannent vert ^
Aux gouverneurs, plains de bonne police ;
En maint pais sont esmut et dispert ^ 25
340 c Soudainement font leur bende et leur lice/
Contre les bons, et rendent bénéfice s
De cruaulté; par Boece apparra.
Et des enfans, chascun d'iceulx rendra
Paine pour fruit : Seneque en fut soufrens 3o
Jusqu'à la mort ou Noyron le mena :
Et quelz sont ils? Femme, peuple et enfans.
I. Eschue. — 2. déserte. — 3. ny.
a. Sot. — b. Se défier. — c. S'adonne, entreprend. — d. Prennent
mal. — e. Soulevés. — /. Opposition. — g. Récompense.
208 BALADES
L ENVOY
Prince, je croy qu'a doleur finera,
Du moins ie plus, qui telz gens servira,
35 Car en eulx n'a amour, pité ne sens ;
Serve com ' moy enfans, il le sçara,
Car destruit m'ont ; or avisez tous la :
Et quelz sont ilz? Femme, peuple et enfans.
MCCLII
Balade.
SUR LA SOUDAINE MUTACION DES OFFICIERS QUI AU JOUR DU!
SONT MUEZ d'office EN OFFICE SANZ CAUSE ET RAISON.
S
ELON la revolucion
Du temps qui court présentement
En soudaine mutacion,
Sanz regarder quoy ne comment,
5 Par Youlenté, soudainement
Suy muez d'office en office.
Mais tousjours ay trové esclipce
Par rappeaulx ^, dont je suis ostez
Jusqu'à cy. Soiez moy propice,
10 Que je ne soye révoquez ?
Premiers fut ma démission
I. comme.
a. Appels.
BALADES 269
De bailly, puis secondement
De trésorier; tel mottion ^
M'a fait despendre mon argent
340 d Au scel, si m'en plaing durement, i5
Cinquante et un sous ^, s'en suy nice,
Par .ni, fois, et n'ay bénéfice,
Fors gênerai, qui m'est donnez
Par le roy, mais le cuer me glice *
Que je ne soye révoquez. 20
Et la gist ma destruction,
Qui ay servi treslonguement,
Et fault verificacion,
Dont je fineray lentement
Aux generaulx, se prestement 25
Mes seigneurs n'y font bende et lice <= ;
Car ceste matere est coulice '^
Quant a moy ; vos mains y tenez :
Faictes tant qu'om ne m'escondisse ^,
Que je ne soye révoquez. 3o
l'envoy
Prince 2, a voussuppli humblement,
A mes seigneurs semblablement,
Vos oncle ^ et frère, que prenez
Mon fait a cuer, et telemenl
Que chascun voye clerement 35
Que je ne soye révoquez.
1 . soult. — 2. Princes. — 3. oncles.
a. Changement. — b. Glisse, manque. — c. Opposition. — d.
Scabreuse, douteuse. — e. Qu'on ne me mette de côté.
270 BALADES
MCCLIII
Autre Balade morale *.
d'un faisant et de son chien.
u
N paisant avoit un chien
De grant exploit, jeune et puissant,
Fort et hardi, si l'ama bien,
Car toute beste fut prenant «,
5 Et si gardoit ^ diligemment
Son hostel de jour et de nuit;
Manger lui fist de maint déduit *,
Et des loups son tropiau garda. 841 a
Or devint vieulx ; lors le destruit :
10 Quant fruit faull, desserte '^ s'en va.
Son vivre en son aage ancien
Lui restraint et le va foulant
Pour un chaiel '^ qui ne vault rien,
Dont le viel chien est moult dolent
i5 Et dit : « J'ay perdu mon jouvent,
Qui cuidoie cueillir le fruit
De mon jeune temps ; or suy vuit
D'avoir guerdon. Advisez la ;
Notez bien ce proverbe tuit :
20 Quant fruit fault, desserte s'en va. »
Bien yoy ceste figure et tien ;
' Publiée par Crapelet, page 20 f.
I . Si gardoit moult.
a. U attrappait tout ce qu'il chassait. — b. Lion gibier. — c. Ré-
compense. — d. Jeune chien.
BALADES 271
Réduire la puis proprement
A mon service, et pour ce vien
A conclure semblablement :
Quant j'ay servi treslonguement, 25
Lors vient ingratitude et bruit ;
D'estat me despointe et me nuit.
Las ! ma viellesce que fera ?
Bien puis dire com vray instruit :
Quant fruit fault, desserte s'en va. 3o
l'envov
Prince, faictes faire autrement
A ceuls qui servent loyaument,
Vostre règne mieulx en vauldra ;
Ne faictes com le paisant
Fist a son chien mauvaisement. 35
Quant fruit fault, desserte s'en va.
MCCLIV
Autre Balade.
CONTRE CEULS QUI DIENT QUE LE TEMPS EST MAUVAIS.
341 è Te voy pluseurs parler improprement,
cl Le temps blâmer, dire qu'il est mauvais
Et que meilleur fut anciennement,
Mais a leur dit ne m'acorde jamais ;
Car puis li jours que le monde fu fais,
Li élément, le ciel et les planettes,
272 BALADES
Et les choses par les signes compleltes.
En conjoingnant selon leur mocion,
Le temps tousjours a ensuy ses mettes ^^
10 Ne pas ne fait des gens mutacion.
L'air, la terre, le feu, mer ensement ^,
Lune et souleil ne se deffaillent mais
D'eulx gouverner selon leur mouvement,
Faire les fruiz, courir a grans eslais c
i5 Par les climas; sanz changer font leurs trais
Boys, herbes, blez, froit et chaut, les herbettes,
Fèves et poys, cholz, porrées et bettes.
Et au surplus tient sa conclusion :
Le temps tousjours a ensuy ses mettes
20 Ne pas ne fait des gens mutacion.
Mais les hommes de foui gouvernement,
Plains de vices et de tresgrans 1 meffais,
Luxurieus, convoiteux sur argent,
Qui ne veulent que riotes et plays ^
25 Pour seignourir, sont envers Dieu meffais ;
Ceuls se changent, le temps non ; imparfaictes
Sont leurs euvres, qui seront tantost blettes ^
Pour recevoir de Dieu pugnicion :
Le temps tousjours a ensuy ses mettes,
3o Ne pas ne fait des gens mutacion.
l'envoy
Princes, le temps ne change aucunement,
Ce font les gens par leur triboulement ;
Donc le temps est dit mauvais sanz raison, 34^^
Qui en ce cas n'a coulpe nullement
1 . tresgrans manque.
a. Ses bornes, ses mesures. — b. Pareillement. — c. Elans. —
d. Disputes et contestations, — c. Mûres.
BALADES 273
Et qui tousjours ensuit le firmament 35
Et obeist a ses choses subjettes;
Sanz retourner fait s'opperacion :
Le temps tousjours a ensuy ses mettes
Ne par ne fait des gens mutacion.
MCCLV
Balade *.
COMMENT AUCUNS IMPETRERENT l'OFFICE d'eUSTACE, LUI
ESTANT EN VIE, EN DONNANT ENTENDRE QUE IL ESTOIT MORT.
PUIS qu'om impetre mes offices par mort
Et on les donne sur tele qualité,
Et je me sen en vie, sain et fort,
Sanz ce que j'aye en maladie esté,
Il ne me chault se les seaulx ont cousté 5
Aux impetrans, qui ont fait leur folie
Quant de ma mort n'eurent certaineté,
Car, Dieux mercy, je suis en bonne vie,
Et les tendray ^, qui ne me fera tort.
Puis que je vif, ne me seront osté, 10
Car j'ay servi, ce me donne confort.
Deux roys des Frans, en toute loyauté,
Le père et filz, Charles, plains de pité,
* Publiée par Crapelet,page 13g.
a. Je les garderai.
T. VI 18
274 BALADES
Loys qui tient d'Orliens seigneurie,
i5 Tout mon vivant, ce m'a reconforté.
Car, Dieux mercy, je suis i en bonne vie.
Helas ! amour et congnoissance ^ dort,
Convoitise a trop maie voulenté
Qui d'autrui biens avoit fait sanz effort
20 Ains que homs soit mort attaint, rebouté;
Et, par Dieu ! c'est un raim '' de lascheté,
De chetif cuer et de mauvaise envie
Dont mainte gent sont en mains lieux hurté :
Car, Dieux merci, je suis en bonne vie. 34r d
l'envoy
25 Prince, a tel fin que ne soie assoupé <^
De mes estas que vous m'avez donné,
Treshumblement et de cuer vous supplie,
Puis que je vif, que tout soit révoqué;
Et lors seront mes impetrans moqué,
3o Car, Dieu merci, je suis en bonne vie.
I . je suis manque.
a. Reconnaissance. — b. Rameau, brin. — c. Dépouillé.
BALADES 275
MCCLVI
Autre Balade.
DE LA CORRUPCION DE VIE HUMAINE,
JE ne sçay en la vie humaine
Rien ou il n'ait corrupcion,
Et que a la fin ne nous ^ maine
Par temps et par succession
La mort, ne generacion 5
Ne pouoit durer par li, mais,
Dont j'ay grant admiracion,
Envie ne mourra jamais.
Car, dès Adam, prant son demaine
En Eve, et par sa mocion 10
Ingrade, d'avarice plaine,
Fist faire la transgression
A tous deux, dont Dieu passion
Reçut en croix pour nos meffais :
De vivre est en possession ; i5
Envie ne mourra jamais.
Tant a esté de mort soudaine
Depuis celle creacion,
Aages nouveaux, diluge et paine,
De règnes grant mutacion, 20
D'empires renovacion,
De roys, d'empereurs, clers et lays ^
I, nous manque, — 2. loys.
276 BALADES
Qui sont mors; en conclusion,
Envie ne mourra jamais. 342 a
l'envoy
25 Princes, selon m*entencion,
Les gens sont cause et mocion
D'avoir Envie en leurs palays ;
Povre vit en elacion,
L'un mort prant en l'autre action :
3o Envie ne mourra jamais.
MCCLVII
Balade
AMOUREUSE ET DE CONGNOISSANCE D AMOUR.
D'
|EPUis qu'Amour m'ot ^ donné congnoissance
Et qu'il me voult son serviteur nommer,
Que .XVI. ans n'oy ^, en lui prins tel plaisance
Que tout mon cuer mis dès lors a amer
5 Dame ou il n'a orgueil, vice n'amer^
Jeune, gentil, belle, bonne, amoureuse,
Humble en regart, en maintien gracieuse,
De qui je suy le servant et seray
Pour son grant bien et sa vie joieuse :
10 A tousjours mais, comme ^ siens l'ameray.
Car, dès .xv. ans, qu'elle ot en son enfance,
I. mon. — 3. cotn.
a. Je n'avais que seize ans
BALADES 277
Lui plut a moy le nom d'ami donner
Et Je lui fis com serfs obéissance
Et lui promis de son honeur garder,
Et elle m'a fait venir et aler, 1 5
Cerchier maint lieu, aventure doubteuse
En maint pais, et chose adventureuse,
Et par ma fay **, se bien ou renom ay,
Tout vient de lui, c'est m'amour précieuse :
A tousjours mais comme siens l'ameray. 20
Mais en mon cuer ay trop grant desplaisance
Que si loings suy de son viaire cler *,
342 b Hors des marches ou est sa demourance,
Qu'oir ne puis son gracieus parler ;
Ce jour de may, que la deusse honourer, 25
Soit souvenant de mon fait et piteuse 3
Et ne me soit, se loing suy, oublieuse.
Car se Dieu plaist, briefment la reverray.
Comme celle qui fait ma vie eureuse :
A tousjours mais comme siens l'ameray. 3o
l'envoy
Prince, on ne puet deçà ne delà mer
Nulle dame quérir ne reclamer
Ou il ait plus d'onneur que li en sçay.
Or me doint Dieux a joye retourner
Briefment vers li, car sanz mon cuer muer 35
A tousjours mais comme siens l'ameray.
a. Par ma foi! — b. De son clair visage. — c. Compatissante.
278 BALADES
MCGLVIII
Balade.
QUE IL n'est riens QUI VAILLE FRANCHISE.
VOUS qui avez chox, pois, fèves et lart,
Saille ^, forment ou pain d'orge a mangier,
Par vo labour, et pouez tost ou tart.
Et franchement lever, dormir, veillier,
5 Ne vueilliez pas vo franchise avillier *
Pour estât nul, com font les curriaulx
Ne pour vivre de précieux morsiaulx
Ou Ja mort gist par convoiteuse envie,
Mais mangez, frans, fruiz, laitues, poreaulx,
10 Car il n'est riens qui vaille franche vie.
Qui sert il fault toujours avoir regart
A son seigneur, pour son corps avancier,
Que de meffaire et du courcer se gart
Et qu'il soit prest de toudis traveillier
1 5 A son vouloir, ou pas ne l'ara chier ;
Et s'en grâce est, envie aura de ceaulx
Qui sont a court; frans garder les pourceaulx 342 c
Lui vauldroit mieulx qu'en serve seignourie
User son corps soubz les biens desloyaulx,
20 Car il n'est riens qui vaille franche vie.
Par asservir franchise se départ <^
Quant il la fault vivre en autrui dangier,
a. Seigle. — b. Avilir, mépriser. — c. Se perd.
BALADES 279
Qui faim et soif mainte foiz lui repart;
Ce lui fait lors ses qualitez changier
Et de la mort ains son terme approchier. 2 5
La vie est brief des grans et des royaulx,
Si vault bien ^ mieulx frans mangier ses naveaulx,
Joieux de cuer, et boire eaue jolie,
Que vivre sers, tristes, plains de joyaulx,
Car il n'est riens qui vaille franche vie. 3o
l'envoy
Prince, trésors, richesce ^ a granz monceaulx,
Or et argent, saintures et chapeaulx
Ne valent pas une pomme pourrie
Qui n'est joieux, frans, humbles et loyaux :
Vive donc frans qui puet, c'est li plus beaux, 35
Car il n'est riens qui vaille franche vie.
MCCLIX
Autre Balade.
DE CAHYMANS ^ ET DE COQUINS *.
A Dieu me plaing et a ses sains,
A toutes gens de saincte Eglise,
De ces faulx caymans, villains,
Truans, coquins, qui par faintise
Faingnent maulx et en mainte guise
En ces moustiers, et font tel presse
I. bien manque. —2. richesses.
a. Mendiants. — b. Gueux.
28o BALADES
Qu'a paine y puet Ten oir messe
Ne avoir sa devocion ;
Grant pechié fait qui les y lesse : 342 d
10 Que n'en fait l'en pugnicion ?
Car les larrons, ribaulx, sont sains
Qui par sang, herbes, autre mise
Sur drapiaux, font sembler mehains <»
A pluseurs, et par leur emprinse
i5 Est Dieu robe; soubz leur chemise
Sont bien nourris et plains de cresse *;
Soient traiz hors a une lesse
Du temple ou font polucion ;
Grant pechié fait qui les y lesse :
20 Qui n'en fait l'en pugnicion?
De maquerelles, de putains,
Truandes, qui font leur divise «^
De porter enfans en leurs mains
Et d'empeschier le saint servise
25 Par truander ^; or y advise
Chascun endroit soy, tant que cesse,
Par non donner et par destresse,
Es moustiers tele abusion ^ \
Grant pechié fait qui les y lesse :
3o Qui n'en fait l'en pugnicion?
l'envoy
Prince et prelas, soiez certains
Que caymans seront ratains /,
Truans, truandes, s'on les presse
A cours bâtons de gros neux plains ;
35 Lors seront de leurs maulx restrains g.
a. Blessures. — b. Graisse. — c. Plan, dessein. — d. Mendier.
— e. Abus, usurpation. — /. Attrapés. — g. Guéris.
BALADES 201
Et fuiront vostre région ;
Grant pechié fait qui les y lesse
Que n'en fait l'en pugnicion ?
MCCLX
Dictié 1
EN LATIN.
f Contre le schisme de l'Eglise.)
343 a O OL refulgenSy vos, septem planète ^
O Mercurius, Jupiter et Luna,
Saturnus^ Mars Venusque, videte
Quis ex vobis vult regnare una,
Non 2 bénigne, sed tamquam carmina, 5
Seminando orbi zin^anniam
Et ubique puram symoniam,
Perdens legem. Heu! Jhesu Criste,
Nunquam visusfuit error iste,
Et totum hoc fit 3 per superbiam ! i o
Regnum lune est frigidissimum,
Pessimumque contra caritatem-,
In regendo querit Anticristum,
Et thesauros per cupiditatem
Reservabit pro eo; etatem i5
Mundi ex nunc habemus septimum
Miliare etfinem ultimum
Regiminis lune orbitatem.
Recidamus ab hoc regimine
i. Autre Balade. — 2, nom. — 3. fuit.
2^2
BALADES
20 . Per quodfiunt plorantes anime
Et corpora per divisiones;
Beatus vir, et beatissime
Qui poterunt legem firmissime
Et beati, tenere, principes ;
25 Maledicti autem participes
Hujiis legis, quia sine fine
Cruciantur in gehennis igné :
Advertant nunc ad ea magnâtes.
T
MCCLXI
Autre Dictié
EN LATIN.
(Même sujet.)
'erra tremit, aer corrumpitury
Plangit aqua, lignum minuitur,
Omne germen et volatilia,
Ignis calorfere afficitur ;
5 Tempus, silve, prata., ut dicitur, 343 b
Variantur, et animalia,
Fructus terre et corporalia;
Hujus causa est quod non oritur
Sol ut solet,ymo eclipsatur :
lo Patet enimper temporalia.
Refrigescit hodie caritas,
Cessât honor, oditur veritas,
Superbia régnât, magnitudo,
Cupiditas, omnis crudelitas
ï5 Monarchiam mundi destruendo,
BALADES 283
Verbum istud currit : emo, vendo ;
Ab hoc verbo procedit dignitas ;
Divisio solis, non unitas
Nunc promovet plures prophanendo
Qui nescirent declinare : das, do. 20
Ecclesie hec est diformitas.
Sol numerum pluralem non habet ;
Et, si duo, claritate caret
Unus quidem illorum duorum.
Petrus solus obtinere solet 25
Sedem Dei, non duo : sic patet
Divisio cathedre malorum.
Fiat pastor unus, non amborum ;
Omnis clerus hoc ^ scisma reformet :
Principatus in hoc hos adjuvet, 3o
Reformando nunc sancta sanctorum
Et béate sunt ^ anime quorum
Electio canonica fiet.
MCCLXII
Balade.
COMMENT BRENNYUS ASSIEGA LE CAPITOLE DE ROMME
ET COMMENT IL FONDA .VI. CITEZ, DONT MILAN EST l'uNE.
343 c 13 AR trois cens ans .lx. et .mi. après
L Que Romme fut de Romulus fondée
Brennyus, dus, et de Sueve attrès,
Princes de Sens des Gaulx de la contrée
I. hoc manque. — 2. sur t.
284 BALADES
5 Romme destruit, la jouvente ^ a tuée
Et Fabius le consul desconfit
En bataille, le Capitole assit * ;
De mil livres se firent tributaire
Ceuls de dedenz, et fut leur grant profit :
10 Brennyus fut princes de hault affaire.
Car en ces temps fist ^ merveilleux conquests
Pour exaucier Sens et sa renommée,
Les Gaulx aussi, dont le mémoire est frès;
Fist .VI. citez ; chacune a ordonnée
1 5 En divers lieux : l'une est Milan nommée,
Senogale, Brixe, Veronne, et dit
Cilz qui ses faiz et sa vie descript
Que Sene voult en Toscanne parfaire,
Et Pavie que sur le Pol assit :
20 Brennyus fut princes de hault affaire.
Ses gens furent tousjours aux armes près
Cent mil en ot toudis en son armée,
Jeunes et fors, armez de bons harnès,
Qui conquirent mainte terre a l'espée ;
25 Par eulx fut lors Ytale subjuguée,
Grèce depuis, .n^ mil Gaulx y mit
Et de leur nom furent Galathas dit ;
De tout pais lui vouldrent treu ^ faire.
Puis en Delphos ala, ce le honnit :
3o Brennyus fut princes de hault affaire.
l'envoy
Princes, par tout doit estre recitez
Ly noms Brennyus qui fonda six citez
I . temps fist manque.
a. La jeunesse. — b. Assiégea. — c. Tribut.
BALADES 285
343 d Que cy dessus avez oy retraire
Par qui Rommains furent déshéritez,
Grèce et mains lieux soubmis et conquestez : 35
Brennyus fut princes de hault affaire.
MGGLXIII
Balade.
DU BIEN COMMUN AMER.
LE bien commun doit tout homme garder
Et préférer devant touz autres biens.
Qu'est bien commun? Ce qui puet regarder
Proufit de tous, jeunes et anciens,
Garder la loy, son pais et les siens, 5
Justice avoir, sur tout mettre ordonnance 1,
Un pris, un poys, une aulne, une balance,
Mesure aussi, et délivrer tout un
Aux achateurs, sanz faire decevance ;
Ainsi se doit garder le bien commun. 10
Places convient pour vendre et achater
Les derrées '', bons regars * et science.
Si c'om ne puist ce bien commun frauder,
Pugnir tous ceuls a lui contrariens,
Entendre aux arts, estre praticiens i5
De gouverner du peuple la chevance,
Sanz retenir, mais de toute puissance
I . mettre en ordonnance.
a. Denrées. — b. Bonne appréciation.
286 BALADES
Et loyaument la maintiengne chascun,
En remployant pour franchise et croissance :
20 Ainsi se doit garder le bien commun
Ou chascun part ^, mais en particulier
Ne part c'un seul; cilz runge comme chiens
Le bien commun quant il veuit convoiter
Et amasser, lors n'est telz communs riens,
2 5 Mais est destruit comme furent Troyens
Par Eneas qui convoita finance :
Contre ce bien fist aux Grecs aliance.
Or nous gardons de ce convoiteux flum * 344 ^
En deffendant ce bien jusqu^a oultrance :
3o Ainsi se doit garder le bien commun.
l'envoy
Prince, advisez des Rommains la vaillance,
Car tant eurent ce bien en remembrance
Qu'onques foulez ne fut entr'eulx d'aucun,
Mais fut long temps gardé en tel doubtance
35 Que tout mirent a leur obéissance :
Ainsi se doit garder le bien commun.
a. Dont chacun a sa part. — - b. Fleuve, courant.
BALADES 287
MCCLXIV
Rondeau.
(Sur le même sujet.)
SUR tous les biens de ceste vie humaine
A préférer fait la chose publique
Qui pour chascun en gênerai s'applique.
Gardée fut fort de la gent rommaine
En leur cité, en la guerre pugnique : 5
Sur tous les biens de ceste vie humaine
A préférer fait la chose publique 1.
Tant l'amerent, tant en prindrent de paine
En divers lieux, en Espaingne, en Aufrique
Et autre part, qu'aparoir nous puet, si que 10
Sur tous les biens de ceste vie humaine
A préférer fait la chose publique
Qui pour chascun en gênerai s'applique.
I . Sur tous les biens etc.
288 BALADES
MCCLXV
Autre Balade.
COMMENT ROBIN CRIE MERCY A FRANCHISE.
T
'reshumblement vous vueil crier mercy
Et retourner en vostre seignourie
Dont franc me suy folement departy.
— Et qui es tu? Dy le moy, je te prie.
5 — Je suy Robins, nez de franche lignie,
Du droit du ciel naturel premerain; 344 b
Or me suis fait serf, convoiteux, villain,
Pour robe avoir, vin, viande et estât;
Bien a trente ans ne goustay de franc pain :
10 Foulz est li homs qui servitude bat.
Las! Quant de vous, ma dame, me party
Frans vivoie de pain et de boullie,
Tout m'estoit bon, tourment n'oy <» ne souffry
N'encontre moy ne régna nulle envie;
i5 Es boys couchay soubz la franche fueiilie,
De douce eaue buvoye, soir et main,
J'estoye liez, gaiz, amoureux et sain,
Envie adonc ne me fist nul débat;
L'orde salle m'a bracé ce levain :
20 Foulz est li homs qui servitude bat.
Or vueil laissier ce qui m'a asservy,
Estât mondain et convoiteuse vie,
Les vanitez ou trop fu endormy,
a. Je n'eus.
BALADES 289
Qui en paour m'ont ouvert ma folie,
Je n'ay puis bien fors que merancolie, 25
Tristece au cuer, pour le nom d'oneur vain.
Tout rent dès cy servitude en sa main,
Qui aux frans cuers chascun jour se combat.
Frans vueil mangier doresnavant mon grain :
Foulz est li homs qui servitude bat. 3o
l'envoy
O franc Robert, je te voy esbahy,
Et les causes du vouloir et par qui
Convoiteux homs en grant péril s'embat;
Je te reçoy : puis que t'es repenty.
De ton labour frans a tousjours mais vy : 35
Foulz est li homs qui servitude bat.
T VI 19
APPENDICE
I
Le manuscrit 822 de la bibliothèque de Toulouse
dont il a été déjà question au tome III de cette édition
(p. xv-xxj), contient aux folios io5 v° et 106 r^ deux
ballades publiées dans le t. VI.
En voici les variantes :
Balade MGLXV.
25. Afin qu'il puist ses grans faiz achever.
Balade MGLXVII.
16. Mais ail rebours voy retourner la dance.
II
Le département des manuscrits de la Bibliothèque
nationale a acquis dernièrement un cahier incomplet
de 6 feuillets de parchemin, numérotés de 25 à 27 et
292 APPENDICE
de 3o à 32. Ce manuscrit (nouv. acq. fr. 6235), écrit
à la fin du xiv^ siècle ou au commencement du xv*,
est composé de 1 5 pièces de poésie, qui sont très pro-
bablement toutes d'Eustache Deschamps, bien que les
n°* 6, 9 et I 5 ne se trouvent pas dans le ms. de la Bi-
bliothèque nationale fr. 840, base de notre édition.
Toutes ces pièces, sauf celles qui ne figurent pas dans
le ms. fr. 840, ont déjà été publiées par nous. Voici le
détail de ce nouveau manuscrit :
1. Virelai (le commencement manque) :
[Je veil prendre reconfort] fol. 25.
(T. IV, p. 14.)
2. Balade de moralité :
Temps de douleur et de temptacion...
Age en tristeur qui abrège la vie. Ih.
(T. I, p. I i3-i 14.)
3. Sote balade :
Trop me merveille et me complains... 2 5 verso.
Bon fait jurer l'ame son père.
(T. IV, p. 322-323.)
4. Balade de moralité :
Quatre elemens sont en conclusion. . . 26
Mortalité, tempest, guerre et famine.
(T. I, p. 220-221.)
5. [Balade] amoureuse a .11. visages :
Secourez moy? — Dequoy ? — Des maulx d'amer...
26 verso.
Dont sont ce maux que nulz ne puet garir.
(T. III, p. 229-230.)
â
APPENDICE 293
6. Pièce de 12 vers, en rimes plates, qui est nommée rondel par
le manuscrit, mais n'en est pas un :
ATuys! ouvrez! — Qu'aportez? — Rien... 27.
7. Balade de moralité :
Puissans, qui n'a nulle puissance. . . Ib.
Avise qu'il te faut mourir.
(T. I,p. 181-182.)
8. Sote balade (la tin manque) :
Pour Dieu, se je ne vois voler... 27 verso.
Mauvais y fait, ce dit Eustace.
(T. IV, p. 319-320.)
9. [Balade] (le commencement manque) :
Qui trop roide est, il brisera souvent. 3o.
10. Balade morale :
Ou hault sommet de la haulte montaigne... Ib,
Benoit de Dieu est qui tient le moien.
(T. I, p. 185.186.)
1 1 . Ghançon royal :
Samuel fist jadis de Saul roy... 3o verso.
Par le doulx son de la harpe joyeuse.
(T. III, p. 43-44.)
12. Balade de moralité :
Je mercy Dieu de ses biens, de sa grâce... 3 1 .
Jamais ne quier suir guerre ne ost.
(T. I, p. 78-79-)
13. Poeterie [ballade] :
De Nepturus et de Glaucus me plain... 3i verso.
Contre les vens ne puet nulz de la mer.
(T. I, p. 80-81.)
14. Balade de moralité :
Qui vuet vivre paisiblement... 32.
Sanz veoir, oir ne parler.
(T. I, p. 186-186.)
294 APPENDICE
15. Chançon royal (la fin manque) :
En mon dormant, n'a c'unpo, mesembloit... 32 verso.
Qui paour a en grant tristesse vit.
Voici les variantes fournies par ce manuscrit pour
les pièces déjà publiées dans notre édition :
TOME 1er
Balade VII.
7. Par lesquelz a tout son gouvernement
9. Et puis c'on y muert si /rf?5soudainement
14. Contre raison son proiichain a mort lance
24 Les mesfaicteurs qui font perceverence.
Balade VIII.
I. De Nepturus et de Glancus me plain
3. Et de llus dieu des vens^ le villain
7. En escient que mon passage cesse
10. Et obscurcir, Jupiter me couresse
21. Pour bien parler, de Venus la proesse
23. Cause ne suy se mon fait se Jelesse.
Balade XXXI.
3. Temps de langueur, temps de dampnacion
i5. Temps séducteur, empêtre sauvement
18. Ages en pueur, qui tous biens comprent.
APPENDICE 295
Balade LXXIX.
I. Puissans qui n'a nulle puissance
10. Du monde, et si es ignocens
I T. Toy ne tantost ta mort commence
12. Tes âges est a brieftesans.
Balade LXXXII.
4. Ne ou bas lieu ne la doit on pas lier
1 3. Du haut au bas le convient abessier.
Balade LXXXIII.
4. Si com taupe les yeux dehors
9. S'il oit de nul le parlement
22. Si non pour lui vueille cesser.
Balade GVII.
I. Quatre elemens sont en conclusion
7. Chascuns mauvais sentence ensuit doubteuse
12. Aux bons promet tous biens, vie joieuse
19. Tempest aussi et (la fin du vers manque).
TOM E III.
Balade GGGXXXV.
19. Par Israël (Adam manque) lasche de foy
23. Par Gabriel Marie s'aombra
29. Eva, ave; ce pechié repara.
296 APPENDICE
Balade GGCGXXV.
9. Si fait. — Comment? — Par doulx confort donner
i3. Offrir celui qui se veue et enrage
18, C'est voir, dame, pour ce quier vo mesnage
22. Pour doulx ottroy puet ma langour fenir
26. Et qui? — D'Amours qui doit amans merir.
TOME IV.
Virelay DLVIII.
I_q. (Le commencement manque par suite de l'arrachement du
feuillet.)
16. Dont pour les griez maulx que je port
17. Après ce vers le ms. ajoute deux sixains :
Dieux scet par qui s'a esté
Et la grant desloyauté
Faicte au feble par le fort, 20
Le péril ou j'ay esté
Par puissance sanz pité.
Bien près jusques a la mort;
Dont ceulx puissent estre mort
Villainement sanz ressort, 25
Voyant tout leur parante
Qui m'ont fait tel faulceté !
Ainsi soit pour mon confort !
Je vueil [prendre reconfort.]
Balade DGGGV.
2. Et chassier si com je souloie
4. Car rien faire a droit n'y pourroie
APPENDICE 297
5. Se je vois près tantost anqye
7. L'en m'escrie : « Arrier, dyable j' ait part
20. (La fin manque par suite de l'arrachement.)
Balade DGGGVII.
9. De pluseurs entans est tout plains
10. Li riches pères qui desnye.
III
Le Bulletin de la Société des Anciens Textes finan-
çais de 1889 (t. XV, p. 98-1 14) contient une notice
de M. C. Couderc sur le manuscrit 249 de la biblio-
thèque de Clermont-Ferrand, qui renferme un assez
grand nombre de poésies d'Eustache Deschamps.
Nous renvoyons le lecteur à cette notice pour le dé-
tail du manuscrit et nous donnons ci-dessous les va-
riantes qu'il offre pour les différentes pièces déjà pu-
bliées dans notre édition.
TOME 1er.
Balade XGVI.
3. Vertu, Congnoyssance ef Prouescc
12. Sur luy n'avoit lors Tirannie
14. L'on ne tuoit ne pillioit riens.
?9^ APPENDICE
Balade XGIX.
17. Vos parler soit tous jours tenus en voir
23. Saiges tenés les anciens et les preux.
L'Envoi manque.
Balade GV.
7. Et redoubtés ^owr leurs meffais.
20. Je reny Dé : Betes hor fais.
TOME II.
Balade GXGVri.
3. Vostre vie^oMr servir longuement
7. Qu'on ne voie languir et perillier
8. Pour ce dit hon : Quant avoir vient, cuer fault
De même aux vers 16, 24 et 28.
I 7. Las ! quant adquis ount tout soubdainement
21. Jeunesse, las! ne font que souhaidier
23. En languissant va leur vie au moustier.
Balade GXGVIII.
2. Et en mourant nous vivons chascun jour
9. L'un tue l'autre par aguet et envie
12. (Et manque) l'autre ch'iet par planchier ou de tour
i5. En cest monde n'a que poine et tristour
17. Au mieux venir, un homme ne vit mie
18. Que. Ixx. ans, oultre n'a yl retour
19. Dont il languist en la greigneur partie
23. Mais de i'eure ne scet nul la tristour.
APPENDICE
T O iM E III.
299
Balade GGCXVIII (et GGGXGVII) '.
2. Qui cheruyoient a une grande arée
32. Et ret le cuir, sa rante et mal fondée
33 La beste muert ; riens ne demeure au pal
5 2. Qui pour raison (son bestail manque) il tondroit
53. Quant il seroit tamps et lieux et mestierz
53. Et au besoing nulle rien n'en ressoit.
Balade GGCL.
1. Juc a l'antrée de ce Mardy le Gras
2. En charnatge, nous serons asallis
7. Veaulx (et wa«^«e) aigneus, conins,perdris, chapons
i5. Noix, poires, pommes et pain faitis
18. Matin lever por aler en labourage
35. . Vil . semmaines sera ce sietge mis
42. ^ovve, honteux, tristes Qi àtscon^s.
Balade GGGLXVIII.
4. .Iules César (et manque), Hector et Poupée '
3. Ou est Ulixes et toute sa renommée
8. Hz sont tous mors, cest monde est chose vaine
De même aux vers 16, 24, 32, 40 et 46.
9. Qu'est devenu le roy Farahon
12. .ludich, Hester, Bruitus, Penolopée
14. Guiuievre, aussy la très noble Hellaine
18. Ne Theseus qui la mer a serchée
I. Les variantes sont données d'après la ballade cccxvui.
3oo
APPENDICE
19. Dyogene^? Qu'est devenu Jason
21. Et RomuUus qui ot Rome fondée
22. Et Salledin qui tant prenait de paine
23. Bon Sarrasin a toute leur armée
26. Ou est Cloys et le roy Meravée
29. Rains et Roan? Leur fin est terminée
33. Bienfait s'en va ou lame est, le renom
34. Cy demorre exemple a la linhée
37. Au mieulx venir ; pour ce est (trop manque) foulx qui
[bée
38. De fere rien qui soit chose vilaine
43. Que presque tuit ne vont la pance plaine.
Balade CGGLXX.
2. Telle que j'ay au cuer le sentemant
5. M'avoir ne puis cens douleur et tourmant
7. Quant j'apperçoy trestout comunemant
1 1. Hon het les vieux et moque deshormais
12. (Et manqué) les jeunes ount tout le gouvernement
14. Ceulx qui mesdient font regnier leur baniere
18. Quar ylz font tous (et manque) bien et saigement
23. Mes tieux m'ouront qui diront : li ce mant.
25. Pour dire vray n'aray d'eux riens jamais
27. Hon deust pugnir et chastier les mauvais
29. Chascun venist lors a emandemant
30. Et Justisse reignast en sa chaiere
3i. Mais le contraire appert tout clerement
37. Pour son labour et fuie, en retournant
38. L'estat de court, que mie ne le quiere
39. Fuir le vueille, car je voy vraiement.
Balade GCGLXXXIII.
2. Alixandres (et manque] Ector et Pompée
6. (Bien manque) résister a leur fin mervilleuse
APPENDICE DOI
7. De la fin est la vie tresmuée
1 1 . Les feux honlQrJist a Rome (lors manque), car
17. Et Julius au Capitule par
29. Tarquinus, roix de Rome nomée
43. Qui telle fin lour donne malheureuse
44. C'est que non cens, negligensse causée
/^5 . ^ïi âiQsinxi maint [tx manqué) pour ce conclure ose.
Balade CGCGIII.
4. Vouldrent a subjuguer leur ennemis
5. Josué et Panlhasellée
10. Le vers manque,
12. Sy fist par luy Ector avoir et randre
i3. .XIX. rois deffendans leurs pays
17. Le vers manque.
27. Le vers manque.
28. A Pollonie et Antioche hostée
3o. .XL. roys mist a ceducssion
35. Contre Gregois voult secoure jadis
37. Contre Hercules et Theseus le hardis
5i. Menalope, subjugierent maint on
!)3. Les faulcetés et les gens envieux
56. Prince, sy ceulx que orent sy grant renom
58. Leur renom fust en ce monde demis.
Balade DXXX.
3. Dire ly voys tant bel et conseiller
6. Vostre suy (je manque), soyés donques m'amie
10. Mais je vous aim d'amour^we et entière.
2^2 APPENDICE
TOME VI.
Balade MGXXXIV.
21. Je preste ansy et despen tout le mien
2 2. Pour mètre avant humaine créature
23 £'f que pluseurs ne scevent concevoir.
Balade MGGXLVIII.
34. Or en suis tresmaX guerdonnés
35. Advise an ces poinsqui voudra
39. Soie de vous recompansés.
Balade MCGLIII.
27. D'estat ne despointe et (me manque) nuit
28. Lor na viellesse que fera ?
32. A tous qui servent loyaumant.
TABLES
TABLE
MATIERES DU SIXIEME VOLUME
Pages .
Le marquis de Queux de Saint-Hilaire. , i
Ballades.
MCI. — Au monde ne règne que le vice 3
MCil. — Seul des animaux, l'homme ne suit pas sa
nature 4
MGIII. — Cupidité des gens de cour 6
MCIV. — Il fait bon vivre loin de lacour[i388-i38q]. 8
MCV. — Regrets de la jeunesse passée 10
MGVI. — Nous sommes tous faits d'une même ma-
tière II
MCVII. — Ballade en forme de lettres patentes sur la
manière d'être à la cour i3
MCVIII. — Personne ne fait son métier i5
MCIX. — Il faut diminuer le nombre des fonction-
naires ifi
MCX. — Contre les contrôleurs des baillis 18
MCXI. — Même sujet 20
MCXll. — Recommandation aux princes de garder la
loi et la justice ai
T. VI 20
3o6 TABLE DES MATIÈRES
Pages
MCXIII. — Rondeau. — Combien doit durer le
royaume de France? 2 3
MCXIV. — Chançon baladée. — L'envie est mauvaise. 24
jMCXV. — Un grand roi fait naître de grands hommes. 2 5
MCXVl. — Tout se perd par nos pécliés 27
MGXVII. — Projets de guerre en Italie [iSgi] 29
MGXVIII. — Chançon baladée. — Regrets du temps
passé ! 3o
MCXIX. — On ne peut être aimé de tous (i) 32
MCXX. — Personne se corrige 34
MGXXI. — Contre excès 33
MGXXII. — Regrets de la jeunesse passée 3j
MGXXIII. — Conseils pour vivre sagement 38
MCXXIV. — Sur le néant des choses de ce monde 40
MCXX V. — Deschamps historiographe 4^
MCXXVI. — Chacun sera récompensé selon ses mérites. 44
MCXX Vil. — Il faut se garder de malice 46
MCXXVIII. — Il est dangereux de croire à la légère 48
MCXXIX. — Contre les hermaphrodites 49
MCXXX. — Sur le voyage de saint Omer [1396]. ... 5o
MGXXXI. — Le Renard et leCorbeau 52
MCXXXII. — Sur les chevaliers de la maison du roi
[1396I 53
MCXXXIII. — Sur les écuyers de la maison du roi [1396]. 55
MCXXXIV. — Discussion avec la Fortune 56
iMCXXXV. — Il est dangereux de dire la vérité 58
MCXXX VI. — Où peut demeurer la Vérité i 60
MCXXXVII. — Gardons-nous de faire mal 61
MCXXXVlll. — Crainte de la fin du monde 63
iMCXXXlX. — Naissance d'un prince (2) 65
MCXL. — La vraie noblesse est dans le cœur 67
MCXLl. — La Nature et la Mort 68
MCXLIi. — Sur Charles VI et son fils 69
MCXLIII. — Sur le danger de la mer ?«
MCXLIV. — Il ne faut pas juger sur l'apparence. (Une
servante parle) 7^
MCXLV. — On peut faire la guerre en tout temps. —
Conseil de descente en Angleterre 73
MGXLVI. — Il faut récompenser les anciens serviteurs. 7^
MCXLVII. — Il faut demander conseil aux gens experts. 76
(1) Mcmc ballade que le numéro DCCCCLIM, tome V, pages 173-174-
(2) Même ballade que le numéro LXVllI, tome J, pages i65-i66.
TABLE DES MATIERES Soy
Pages.
MCXLVIII, — Calamités causées par la rivalité de la
France et de l'Angleterre 77
MCXLIX. — Sur le mariage de sa fille 79
MCL. — De l'usage de donner une dot aux filles en
les mariant 81
MCLI. — Gomment le père marie sa fille et lui
DONNE TERRE, OR ET lOYAULX, EN ELLE
INTRODUISANT ESTRE HUMBLE, DOUCE, COUR-
TOISE ET DE BONNES MEURS 82
MCLII. — Sur ceuls qui faingnent estre amoureux
DE CHASCUNE ET JURENT Qu'lLZ ONT TANT
DE MAULX POUR AMER QU'iL LES CONVIENT
MOURIR, CHASCUN JOUR, DE DIVERSES MORS. 84
MCLIII. — Comment congnoissance souloit bouter
AVANT LESHAULZCUERS ET ESLIEVE K PRE-
SENT LES CHETIS 86
MCLIV. — Sur les divers noms de l'Angleterre 87
MCLV. — Comment Alixandre le Grant qui tant de
PAIS conquesta mourut par venin, et
coment Julius César, Pompée, Jason qui
conquist LA Toison d'or, Agamenon et le
PREUX ET vaillant HeCTOR DE TrOYE NK
PORENT contester A LEUR MORT ET QUE
TOUDIS advient tout ce QUI DOIT ADVE-
NIR 88
MCLVI. — Il faut bien choisir son temps avant d'en-
prendre 90
MCLVII. — Campagne d'Ecosse [i385] (i) 92
MCLVHI. — Décadence du temps présent (2) 93
MCLIX. — Conseils donnés par une dame à un jeune
homme (3) 96
MCLX. — II ne faut pas se fier aux apparences 96
MCLXI. — Dialogue entre la terre et la mer 98
MCLXII. — Sur l'épidémie 100
MCLXIII. — L'orgueil est mauvais conseiller 101
MCLXIV. — D'Antecrist io3
MCLXV. — Du bachelier d'armes i o5
MCLX VI. — Balade que Eustace fist sur Liber ge-
NERACIONIS, ETC I06
(i) Même ballade que le numéro LXII, tome I, pages i56-i57, et le numéro
DCCCCXXXll, tome V, pages 140-141.
(2) Même ballade que le numéro DCCCXXXIIl, tome V, pages 142-143.
(3) Même ballade que le numéro DCGCCXXXIV, tome V, pages 143-144.
3o8 TABLE DES MATIÈRES
Pages
MCLXVII. — On ne croit plus à rien 109
MCLXVIII. — Au ROY NosTRE Sire 1 1 o
MCLXIX. — Leçon de musique 112
MCLXX. — On ne peut contenter tout le monde 114
MCLXXI. — Sur la réconciliation des rois de France et
d'Angleterre 1 1 5
MCLXXII. — Il ne faut pas croire les complimenteurs. i 18
MGLXXIII. — Dialogue avec une dame. — Même sujet.. 1 19
MCLXXI V. — Contre ceux qui ont deux langages. (Apo-
logue) 12 1
MGLXXV. — Vanitas vanitatum 122
MGLXXVI. — Sur l'égalité entre les hommes 124
MCLXXVIL — Balade amoureuse i aS
MGLXXVIII. — Du métier profitable. (Equivoque sur les
instruments de musique) 127
MCLXXIX. — Conseil au roi de faire des économies 129
MCLXXX. — Des choses dont il faut se garder 1 3 1
MCLXXXL — Balade morale. — Sur le mariage de Ri-
chard, roi d'Angleterre, et d'Isabeau de
France i33
MCLXXXIL — Conseils de vivre hors de la cour i35
MCLXXXIll. — Requête d'un aveugle, muet et sourd. (Al-
légorie) 1 36
MCLXXXIV. — Comment uns homs gracie Dieu de ce qu'il
a bonne femme trovée et les loenges
qu'il EN DIT l38
MCLXXX V. — De la complainte d'une .vieille sur le
FAIT DE SA JEUNESCE I 40
MCLXXXVI. — Des plours et plains de la mort du noble
ET vaillant chevalier, FEU MONSEIGNEUR
LoYS DE Sancerre, mareschal et depuis
CONNESTABLE DE FrANCE, ET DE LA MORT
DES ARMES DE ChAMPAIGNE [i403] I4I
MCLXXXVII. — De plour dudit connestable, de sa mort,
DE SA SEPULTURE ET DE SON EP1TAPHE
[14031 143
MCLXXXVIII. — De la tyrannie du mauvais Noyron, empe-
reur DE ROHME, ET DE SA MAUVAISE FIN. . . 143
MCLXXXIX. — Dit, — Cy parle d'une fiction d'oyseaulx
GENTILS, ET PAR ESPECIAL, DE l'aIGLE, ROY
des OISEAULX, ramenée a MORALITÉ AU
GOUVERNEMENT DES PRINCES I 47
MCXC. — SUPPLICACION A MES SEIGNEURS LES DUCS DE
Berry, Bourgogne, Orliens ET Bourbon. i68
TABLE DES MATIÈRES 3og
Pages.
MCXCl. — Le plusccriain des salaires, c'est de l'argent. 170
MCXCU. — Des huit choses que tout homme vivant en
CE MONDE DOIT AVOIR ET ACQUERIR POUR
RENOM ET PARADIS AVOIR I 7 I
MCXCIII. — Comment pluseurs blasment vérité sanz
RAISON et les causes POUR QUOY I 73
MCXCIV. — Gomment les roys et les princes ne doi-
vent estre communs ne familiers avec
leurs subgiez et les causes pour q.uoy. ijo
MCXCV. — Comment tousjours diminue le monde et
QUE d'an EN AN EN empirent TOUTES CHOSES. I77
MCXCVI. — ViRELAY. — Sur le desplaisir des vices qui
REGNENT AU JOUR d'uI I 78
MCXCVII. — Du NOBLE ET AMOUREUX LIEU APPELE LA Ta-
ble ronde hors pontoise et de la belle
veue et douce odeur des elemens qui
l'environnent 180
MCXCVIII. — Du caresme. m. cccc. et deux qui fut tres-
grevable a mainte cent 181
MCXCIX. — Complainte 1 83
MCG. — De la mort du ROY Richart d'Angleterre. 184
MCCI. — Comment nulz homs ne doit désirer ne
demander EN CE MONDE NE GRANT RICHESCE
NE GRANT POVRETÉ, FORS VIVRE ET VESTIR
A LA SOUFFISANCE DE SA VIE l86
MCCII. — Du DEDUIT ET ESTBANGE MELODIE DES OY-
SEAULX DEMOURANS EN LA TOUR DE FyMES
OU EUSTACE DES ChAMPS DEMOURA MALA-
DES PAR .III. MOYS QUI NUIT ET JOUR EN
FUT SERVIS 188
MCCIII. — Comment santé est noble chose que aucun
GARDENT MAUVAISEMENT, ET, EULX MALADES,
POUR ICELLE RAVOIR DONEHOIENT TOUTE
RICHESCE ET SEIGNOURIE IQO
MCCIV. — De ce que l'en m'amet que je ne fais rien
DE nouvel, et MON EXCUSASION SUR CE.. 191
MCCV. — De divers plaiz qui sont chascun jour es
COURS DE COMPIENGNE • 9^ '
MCCVI. — Supplicacion au roy Nostre Sire ig5
MGCVII. — Comment toutes choses vont en l'empire
au jour d'ui 19G
MCCVIII. — Du restablissement de la sustracion ... 198
MCCIX. — Sur l'estrangeté de l'atour et du chief
que pluseurs dames font a PRESENT. ... 1 99
3lO TABLE DliS MATIÈRES
Pages.
MCCX. — De ce meismes 201
MCCXI. — Comment les victoires des batailles sont
EN LA MAIN DE DlËU, NON PAS DES COMBA-
TANS 203
MCCXII. — Sur la prophecie de Sébile de la ven-
GENCE des PECHEURS 204
MCCXIII. — Comment pour congnoissance que homme
ait de ses deffaultes, pour signe du
ciel ne de la terre ne pour vengence
ou pugnigion de dieu ne veult amender
ne corriger sa mauvaise vie 2o6
MCCXIV. — Notables . . 207
MCCXV. — Que le temps vendra que l'en querra
SAIGE, vaillant ET PRODOMME POUR GOU-
VERNER, dont l'en ne tient COMPTE DE
PRESENT, AINSI COMME l'eN QUIERT PAR
NECESSITE AU DOY LE FEU EN LA CENDRE. 2o8
MGCXVI. — SOTE CHANÇON EN BALADE d'uNE VIELLE
MERVEILLEUSE 2 10
MCCXVII. — SoTE CHANÇON DE CINQ VERS A DEUX VISAI-
GES A JOUER DE PERSONNAIGES 211
MCGXVIH. — Comment chascun qui puet doit vivre
JOIEUSEMENT ET ESCHIVER TUISTESCE 2 I 3
MCCXIX . — RONDEL . — Dk CE MEISMES 3 1 5
MCCXX. — Sur la condicion et meurs de pluseurs
FEMMES DU TEMPS ANCIEN 2l6
MCCXXI. — Pour vivre liement en ce monde pour le
CORPS ET l'aME 2l8
MCCXXII. — On ne craint plus ni paradis ni enfer 219
MCCXXIII. — Sur la refoumacion et maladie de ceuls
qui ont PRINS EXCESSIVEMENT LA MONNOYE
DU PEUPLE 22 1
MCCXXIV. — De la complainte que fait un homme de
SA fortune et de son MALEUR 222
MCCXXV. — De la demande d'une vielle a un vieil-
LART par MANIERE DE MOQUERIE ET LA RES-
PONSE SUR CE 224
MCCXXVI. — Regrets d'un vieillard 225
MCCXXVII. — Même sujet 227
MCCXX VIII. - Même sujet 228
MCCXXIX. — Contre les mendiants qui se tiennent aux
portes des éf^iises aSo
MCCXXX. — Dialogue avec des mendiants 232
MCCXXXl. — Contre une vieille femme médisante 234
TABLE DES MATIÈRES 3 1 I
Pages.
MGCXXXII. — Plaintes d'une femme contre son mari 235
MGGXXXIII. — Contre les mendiants qui encombrent les
églises 237
MCCXXXIV. — Conseils aux pères qui ont des filles à
marier 238
MCCXXX V. — Plaintes d'une femme mal mariée 240
MGCXXXVI. — Sur les pourceaux 241
MCCXXXVII. — Invocation à dix saints et saintes 243
MCCXXXVIII. — Le peuple doit être tenu toujours dans la
crainte 246
MCCXXXIX. — Personne ne fait son devoir 246
MCGXL. — Tout se perd, le monde et l'Eglise 248
MCCXLI. — Les exemples ne corrigent personne 25o
MCGXLll. — Réponse aune épître de Christine de Pisan. nbi
MCCXLIII. — L'humanité avoue ses fautes 253
MCCXLI V. — Les rois doivent être lettrés 254
MCGXL V. — Il faut payer son hôte 256
MGCXLVI. — Comment l'acteur s'excuse de faire au-
cuns Diz amoureux pour ce que tout
est mal ordonné ou royaume 258
MCCXLVIL — Que cellci est de bonne heure nez qui n'a
au jour d'UI a la court ESTAT NE GOU-
VERNEMENT 259
MGGXLVIII. — Comment Eustace fut mis cautement hors
DE SON BAILLIAGE DE SeNLIS 26 I
MCGXLIX. — Balade morale. — Gomment Roboam fut
DESTRUIT et PERDIT SON ROYAUME POUR SA
GRANT CONVOITISE POUR CE QU'iL CRUT LE
CONSEIL DES JEUNES FOULZ ET OULTRE-
CUIDIEZ, ET DESPITA CELLUI DES ANCIENS
PRODOMMES 263
MCCL. — Comment raison et conscience faillent,
ET en leur lieu REGNENT VOLUNTÉ ET
FOLE PLAISANCE 265
MCCLI. — Comment serviteurs doivent adviser com-
ment ET A qui ILZ servent AU JOUR u'UY. 266
MCCLII. — Sur la soudaine mutacion des officiers
QUI AU JOUR d'uI sont MUEZ d'oFFICE EN
office SANZ cause ET raison 268
MCCLIII, — Balade morale — D'un paisant et de son
chien 270
MCCLIV. — Contre ceuls qui dient que le temps est
mauvais 271
MCCLV. — Comment aucuns impetrerent l'office
3l2
MCCLVI.
MCCLVII.
MCCLVIlï.
MCCLIX.
MCCLX.
MGGLXI.
MCCLXII.
MCCLXllI.
MCCLXIV.
MCGLXV.
TABLE DES MATIERES
Pages.
d'Eustace, lui estant en vie, en donnant
ENTENDRE qu'il ESTOIT MORT 273
De la CORRUPTION DE VIE HUMAINE 275
Balade amoureuse et de congnoissance
d'amour 27G
Que il n'est riens qui vaille franchise.. 278
De cahymans et de coq.uins 279
DicTiÉ (en latin). — Contre le schisme de
l'Église 281
DicTiÉ (en latin). — Même sujet 282
Comment Brennyus assiega le capitole
de romme et comment il fonda .vi. citez,
DONT Milan EST l'une 283
Du bien COMMUN AMER 285
Rondeau. — Sur le même sujet 287
Comment Robin crie mercy a franchise.. 288
Appendice :
I. Variantes du manuscrit 822 de Toulouse. 29 1
II. Notice et variantes du ms. 6235 nouv.
acq. fr. de la Bibliothèque nationale 291
m. Variantes du ms. 249 de Clermont-
Ferrand 296
Table des matières du sixième volume.
3o5
Table alphabétique des refrains des ballades
contenues dans ce sixième volume.,... 3i3
Table des premiers vers de différentes piè-
ces contenues dans ce sixième volume.. 32 1
TABLE ALPHABETIQUE
REFRAINS DES BALLADES CONTENUES DANS CE SIXIEME
VOLUME
Pages.
A gens qui sont en maladie i88
A tart venir en repentence 238
A tousjours mais comme siens l'ameray 276
Aies sur ces poins ton advis u) gî)
Ainsi doit tout vaillant roy faire 129
Ainsi se doit chevalier gouverner loï
Ainsi se doit garder le bien commun 285
Atten encor jusqu'à demain 232
Au grant péril et fortune de mer 70
Au monde ne règne que le vice 3
Autre science n'a pratique 20
B
Belle chose est de contenter son hoste 2 56
Bon fait tel gent tenir en sa maison 55
I . Même ballade que le n» DCCCCXXXIV, tome V, pages 143-144.
3 14 TABLE ALPHABÉTIQUE
Pages .
Bon se fait garder de malice 46
Brennyus fut princes de hault affaire 283
Car de tout ce ne vient fors que dommaige i3i
Car, Dieux mercy, je suis en bonne vie 273
Cardon de Dieu est de vivre en leesce 214
Car il n'est riens qui vaille franche vie 278
Car nul ne fait bien son devoir 246
Certes tousjours vient pis ouan qu'entan 177
C'est ce qui fait le monde anientir 86
C'est de bien servir povre exemple igS
C'est de ce mot l'interpretacion 87
C'est grant péril de legierement croire 48
C'est le plus sain que d'estre bien rente 170
C'est tout néant des choses de ce monde 40
Chantons au vray le chant du boys 121
Chascun fait contre son mestier ib
Chascuns ara sa desserte certaine 44
Chascuns d'eulx ses gaiges perdra 18
Chascuns savoir doit ce que bon li est 76
Compains, apran a tlajoler 127
D'avoir .11. piez de tous poins hors de court 8
De tout mon temps ne vi si dur caresme 181
Dieu et le monde l'amera 171
Dieux essaucera sa requeste 243
Doit on ainsi parler d'amours 112
E
En paradis soit s'ame couronnée 141
En sifaiz dons mauvais fier se fait iio
Encor fust il Oliviers et Rolans 25
Envie ne mourra jamais 27^
Et conquérir la terre d'oullre mer 69
Et ne voist hors s'il ne' fait bel et cicr 100
TABLE ALPHABÉTIQUE 3l5
Pages.
Et qui dira vérité sera mors 58
Et qui sont ilz ? Femme, peuple et enfans 266
Et qu'il puist vivre du sien 38
Faites par tout garder Loy et Justice. . . . • 21
Faulx amoureus et de cuer et de bouche . 84
Foulz est li hotns qui servitude bat 288
a
Grans mercis, je suis bien armée 119
Infeables, desloyaulx et mauvais 4g
J
J'ai grant paour de la fin de ce monde 63
Je me repens quant je fis onques homme 253
Je m'en rapporte a Loribaut i83
Je n'ay riens veu fors le moustier de Liques 5o
Je ne puis la queue mouvoir 225
Je ne puis mais fors que baisier 228
Je ne voy homme qui s'amande 34
Je ne voy, n'oy ne parole i36
Je prie a Dieu qu'om ne m'oste ne donne 265
Je suy des premiers escossez * . . 261
Le feu d'Enfer puist ardoir vo fournaise , 234
L'en het par tout droit, raison et justice 263
L'en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer 21g
L'en ne doit pas par tout jugier de l'oeil 72
L'en ne fait pas tout ce qu'on presche 173
Les medicins le vous font tuit scavoir 221
3l6 TABLE ALPHABÉTIQUE
Pages
Les victoires sont en la main de Dieu 2o3
Lors se marrie qui vourra 216
M
Mais au jour d'ui ne voy régner que vice (i) 94
Mais je n'en voy amender créature 206
Mais je n'en voy amender créature (2) 25o
Mais nul n'a cure de raison i35
Mais qu'il peust bonne santc ravoir 190
Maleureux suis par toute lettre 222
Mars, Avril, May, Juing, Juil, Aoust, Septembre 9>i
Me laissiez mes gaiges a vie lôg
Mère de tous suy nommée Fortune 56
N
N'eaue si grant ne se puist espuisier 6
Ne pas ne fait des gens mutacion 271
Ne prinst bonne conclusion 101
Noble chose est de bon renom acquerre 42
Nous sommes tous d'une manière né 11
Nulz n'est viliains se du cuer ne lui muet 67
On ne puet estre amé de touz (3i 32
Onques femme n'ot tel dolour 240
Onques mais homs n'ot si foible merrien 224
Onques ne vi tant de procès. . . 193
Or faittes donc leur supplicacion iib
Ou noble lieu dit a la Table Ronde 180
Ou puet elle demourer Oo
Ou sa besongne ira de plat i3
1. Même ballade que le n' DCCCCXXXlIl.tome V, pages 142-143.
2. Ballades dilTcrentcs.
3. Même ballade que le n" DCCCCLIII, tome V, pages 173-174.
\
TABLE ALPHABÉTIQUE Siy
Pages.
Par cuidier et foie plaisance 52
Par deffault de bon vit avoir 227
Par le default d'amour et charité 204
Par le default d'emprendre saigcment go
Pechic seroit et grant deffault de sens 75
Perdra du tout ses plumes natureles 29
Peuples soit tousjours cremeteux 24^
Plourez pour lui, toute gent de noblesce 143
Plourons, chetis, nostre foie jeunesse 87
Pour ce est homs foulz appelez qui folie 4
Pour Dieu, gardons nous de meffaire 61
Pour le débat d'Angleterre et de France 77
Pour noz péchiez je voy que tout se mue 27
Pourcel ne fist bien en sa vie 241
Poursuy honneur et vif joyeusement 125
Q
Qu'a nul ne chaut d'Enfer ne Paradis 109
Quant donné m'a si douce compaignie i38
Quant fruit fault, desserte s'en va 270
Q.ue bons compains a trop sur lui a dire .... 114
Que je ne soye révoquez 268
Que je ne voy de la sustracion 198
Que l'en vous puist trestouz ardoir 237
Q.u'elles aient le chief d'un cahuant 201
Que n'en fait l'en pugnicion 279
Qu'est ce de nous.'' Par ma foi, ce n'est riens. . 122
Qui a de quoy pour vivre en sa maison 259
Qui bien se met soubz povre couverture 96
Qui de l'argent lui donrroit 81
Qui faussement a esté misa fin . . 184
Qui fille a n'est pas a repos 79
Qui trop humble est, c'est deffault de science 175
R
Rendez l'emprunt des estranges cheveux 199
Restraingnons le plus neccessaire 16
TABLE
DES PREMIERS VERS DE DIFFERENTES PIECES CONTENUES
DANS CE SIXIÈME VOLUME
Pages.
Rondeaux.
Combien doit le règne durer a3
Li homs qui vit en leesce et en joie 21 5
Sur tous les biens de ceste vie humaine 2S7
Virelay.
Tout ne me plaist pas ce que j'oy lyîi
Notables.
Justice, de foible merrien 20
Dictiés.
Sol refulgens, vos, septem planète. 281
Terra tremit, aer corrumpitur 282
Dit.
J'ay une fiction trouvée 147
T. VI 31
Publications de la Société des anciens textes français.
(En vente à la librairie Firmin Didot et G'*, 56, rue
Jacob, à Paris.)
Bulletin de la Société des anciens textes français (années 1875 à 1888).
N'est vendu qu'aux membres de la Société au prix de 3 fr. par année, en pa-
pier de Hollande, et de 6 fr. en papier Whatman.
Chansons françaises du xr» siècle publiées d'après le manuscrit de la Bibiio-
y thèque nationale de Paris par Gaston Paris, et accompagnées de la musi-
que transcrite en notation moderne par Auguste Gevaert (1875). Epuisé.
II reste quelques exemplaires sur papier Whatman, au prix de 37 fr.
Les plus anciens Monuments de la langiie française (ix", x" siècles) pu-
t bliés par Gaston Paris. Album de neuf planches e'xécutées par la photogra-
vure (1875) 3o fr.
^ Brun de la Montaigne, roman d'aventure publié pour la première fois, d'après
le manuscrit unique de Paris, par Paul Meyer (1875) D fr.
Miracles de Nostre Dame par personnages publiés d'après le manuscrit de
la Bibliothèque nationale par Gaston Paris et Ulysse Robert, t. I à VII
(1876, 1877, 1878, 1879, 1880, 1881, 1882), le vol 10 fr.
Texte complet. Le t. VIII, qui est sous presse, contiendra le vocabulaire.
, Guillaume de Paterne publié d'après le manuscrit de la bibliothèque de l'Ar-
' senal à Paris par Henri Michelant (1876) 10 fr.
Deux Rédactions du roman des Sept Sages de Rome publiées par Gaston
Paris (1876) 8 fr.
; Aiol, chanson de geste publiée d'après le manuscrit unique de Paris par
Jacques Normand et Gaston Raynaud (1877) 12 fr.
Le Débat des Hérauts de France et d'Angleterre, suivi de The Debate be-
tween the Heralds of England and France, by John Coke, édition com-
mencée parL. PANNiERet achevée par Paul Meyer (1877) 10 fr.
Œuvres complètes d'Eustache Deschamps publiées d'après le manuscrit de la
Bibliothèque nationale par le marquis de Queux de Saint-Hilaire, t. I,
II, IH, IV, V et VI (1878, 1880, 1882, 1884, 1887, 1889), le vol . 12 fr.
Le Saint Voyage de Jherusalem du seigneur d'Anglure publié par François
Bonnardot et Auguste Longnon (1878) 10 fr.
, Chronique du Mont-Saint-Michel (1343-1468) publiée avec notes et pièces
diverses par Siméon LucE, t. I et II (1879, i883), levol 12 fr.
Elie de Saint-Gille, chanson de geste publiée avec introduction, glossaire et
index, par Gaston Raynaud, accompagnée de la rédaction norvégienne tra-
duite par Eugène Koelbing (1879) 8 fr.
Daurel et Béton, chanson de geste provençale publiée pour la première fois
d'après le manuscrit unique appartenant à M. A. F. Didot par Paul Meyer
(i88o) 8 fr.
La Vi» de saint Gilles, par Guillaume de Berneville, poème du xii* siècle pu-
blié d'après le manuscrit unique de Florence par Gaston Paris et Alphonse
Bos (i88i) *^,ofr.
L'Amant rendu cordelier à l'observance d'amours, poème attribué à Martial
d'Auvergne, publié d'après les rass. et les anciennes éditions par A. de Mon-
TAIGI.0N (1881) 10 fr.
Raoul de Cambrai, chanson de geste publiée par Paul Meyer et Auguste
LoNGNON (1882) i5 fr.
p' Le dit de la Panthère d'Amours, par Nicole de Margival, poème du xni« siè-
cle publié par Henry A. Iodd ii883) 6 fr.
Les œuvres poétiques de Philippe de Rémi, sire de Beaumanoir publiées par
^- H. SucHiER, t. 1-11H884-83) 2 5 fr.
Le premier volume ne se vend pas séparément; le second volume seul i5 fr.
La Mort Aymeri de Nar bonne, chanson de geste publiée par J. Couraye du
Parc (1884) 10 fr.
y Trois versions rimées de l'Evangile de Nicodème publiées par G. Paris et
A.Bos(i88di 8 fr.
Fragments d'une vie de saint Thomas de Cantorbery publiés pour la pre-
■^ mière fois d'après les feuillets appartenant à la collection Goethals Vercruysse,
avec fac-similé en héliogravure de l'original, par Paul Meyer (i885).. 10 fr.
Œuvres poétiques de Christine de Pisan publiées par Maurice Rov, t. I
(1S86) lofr.
Merlin, roman en prose du xiii« siècle, publié d'après le ms. appartenant à
^ M. A. Huth, par G. Paris et J. Ulrich, t. I et 11 (1886) 20 fr.
Aymeri de Narbonne, chanson de geste publiée par Louis Demaison, t. i et II
(1887) 20 fr.
Le Mystère de saint Bernard de Menthon, publié d'après le ms. unique appar-
tenant à AL le comte de IVlenthon, par A. Lecoy de la Marche (i888). 8 fr.
Les quatre âges de l'homme, traité moral de Philippe de Navarre, publié par
Marcel DE Fréville (1888) 7 fr.
,> Le Couronnement de Louis, chanson de geste publiée par E. Langlois,
^ (1888) i5fr.
— Les Contes moralises de Nicole Bo\on, publiés par Miss L. Toulmin Smith
et M. Paul Meyer (1889) i5 fr.
Rondeaux et autres poésies du XV' siècle, publiés d'après le manuscrit de la
Bibliothèque nationale, par Gaston Raynaud (18891 8 fr.
Le Mistére du Viel Testament, publié avec introduction, noies et glossaire,
par le baron James de Rothschild, t. I, II, III, IV et V (1878, 1879,
1881, 1882, i885),levoi lofr.
COuvrage imprimé aux frais du baron James de Rothschild et offert
aux membres de la Société J
Tous ces ouvrages sont in-8", excepté Les plus anciens Monuments de la
langue française, album grand in-folio.
Il a été fait de chaque ouvrage un tirage sur papier Whatman. Le prix dos
exemplaires sur ce papier est double de celui des exemplaires en papier ordi-
naire.
Les membres de la Société ont droit à une remise de 2 5 p. loo sur tous les
prix indiqués ci-dessus.
La Société des Anciens Textes français a obtenu pour ses pu-
blications le prix Archon-Despérouse, à l'Académie française^ en
1882, et le prix La Grange, à l' Académie des Inscriptions et
Belles- Lettres, en i883.
Le Puy. — imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23
/SI
I
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