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OEUVRES
COMPLETES
DE BUFFON.
TOME XXV.
OISEAUX.
VU.
TARIS. IRinUMERIli l>\\I>. M()lit>SAUH , RIE Î'E IL IlSTEAlDElUi . ^" <S
OEUVRES
COMPIETES
DE BUFFON
AUGMENTEES
PAR M. F. GUVIER,
MEMBRE DE L* INSTITUT,
(Académie des Sciences J
DE DEUX VOLUMES
OFFRANT LA DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES ET
DES OISEAUX LES PLUS REMARQUABLES
DÉCOUVERTS JUSQu'a CE JOUR,
t T A C I. O M 1' A I. N
1) U>; BEAU POmilAJT DE B L F F O IV ET DE 7OO Fi G LUE:
E\ÉCl TÉS SUR ACIER POCi; CETTE ÉDITI0>
PAU LES MEILLEURS ARTISTES.
A PARIS,
CHEZ F. D. PILLOT, ÉDITEUU,
RUE DB SEliNE-SAlJXT-GERMAlN. N" /(().
i85i.
ZX 37
OISEAUX.
VII.
BlIFFON. XXV.
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LES PICS\
Les animaux qui vivent des fruits de la terre sont
I-es seuls qui entrent en société; l'abondance est la
base de Tinstinct social, de cette douceur de mœurs
et de cette vie paisible qui n'appartient qu'à ceux qui
n'ont aucun motif de se rieii disputer : ils jouissent
sans trouble du riche fonds de substance qui les en-
vironne; et, dans ce grand banquet de la nature,
l'abondance du lendemain est égale à la profusion de
la veille. Les autres animaux, sans cesse occupés à
pourchasser une proie qui les fuit toujours, pressés
par le besoin, retenus par le danger, sans provision,
sans moyens que dans leur industrie, sans aucune
ressource que leur activité, ont à peine le temps de
se pourvoir, et n'ont guère celui d'aimer. Telle est
la condition de tous les oiseaux chasseurs ; et, à l'ex-
ception de quelques lâches qui s'acharnent sur une
proie morte, et s'attroupent plutôt en brigands qu'ils
ne se rassemblent en amis, tous les autres se tiennent
isolés et vivent solitaires : chacun est tout entier à
soi; nul n'a de biens ni de sentiments à partager.
Et de tous les animaux que la nature force à vivre
de la grande ou de la petite chasse, il n'en est aucun
dont elle ait rendu la vie plus laborieuse, plus dure,
que celle du pic : elle l'a condamné au travail, et,
T. Le pic, en général, se nomme en lalin, picus; clans Pline, pi-
eus arborarius (le nom de picas martlus appartient exclusivement au
pic vert); en italien, piceo , picekio; en allemand, speefit; en anglois,
vuood'peckcr.
8 LES PICS. *
pour ainsi dire, à la galère perpétuelle, tandis que
les autres ont pour moyens la course, le vol, l'em-
buscade, l'attaque : exercices libres où le courage et
l'adresse prévalent. Le pic , assujetti à une lâche pé-
nible, ne peut trouver sa nourriture qu'en perçant les
écorces et la fibre dure des arbres qui la recèlent ;
occupé sans relâche à ce travail de nécessité, il ne
connoît ni délassement ni repos; souvent même il
dort et passe la nuit dans l'attitude contrainte de la
besogne du jour : il ne partage pas les doux ébats des
autres habitants de l'air; il n'entre point dans leurs
concerts, et n'a que des cris sauvages dont l'accent
plaintif, en troublant le silence des bois, semble ex-
primer ses efforts et sa peine. Ses mouvements sont
brusques; il a l'air inquiet, les traits et la physiono-
mie rudes, le naturel sauvage et farouche : i! fuit toute
société, même celle de son semblable; et quand le
besoin physique de l'amour le force à rechercher une
compagne , c'est sans aucune des grâces dont ce sen-
timent anime les mouvements de tous les êtres qui
l'éprouvent avec un cœur sensible.
Tel est l'instinct étroit et grossier d'un oiseau borné
à une vie triste et chétive. 11 a reçu de la nature des
organes et des instruments appropriés à cette desti-
née, ou plutôt il tient cette destinée même des or-
ganes avec lesquels il est né. Quatre doigts épais , ner-
veux, tournés deux en avant, deux en arrière, celui
qui représente l'ergot étant le plus allongé et même
le plus robuste, tous armés de gros ongles arqués,
implantés sur un pied très court et puissamment mus-
clé , lui servent à s'attacher fortement et grimper en
tous sens autour du tronc des arbres. Son bec tran-
LES PICS. Q
chant , droit, en (orme de coin , carré à sa base, can-
nelé dans sa longueur, aplati et taillé verticalement
à sa pointe comme un ciseau , est l'instrument avec
lequel il perce l'écorce et entame profondément le
bois des arbres où les insectes ont déposé leurs œufs :
ce bec, d'une substance solide et dure, sort d'un
crâne épais. De forts muscles dans un cou raccourci
portent et dirigent les coups réitérés que le pic frappe
incessamment pour percer le bois et s'ouvrir un accès
jusqu'au cœur des arbres : il y darde une longue langue
effilée, arrondie, semblable à un ver de terre, armée
d'une pwnte dure, osseuse, comme d'un aiguillon,
dont il perce dans leurs trous les vers, qui sont sa seule
nourriture. Sa queue , composée de dix pennes roi-
des, fléchies en dedans, tronquées à la pointe, gar-
nies de soies rudes, lui sert de point d'appui dans
l'attitude souvent renversée qu'il est forcé de pren-
dre pour grimper et frapper avec avantage. Il niche
dans les cavités qu'il a en partie creusées lui-même;
et c'est du sein des arbres que sort cette progéni-
ture qui, quoique ailée, est néanmoins destinée à
ramper alentour, à y rentrer de nouveau pour se re-
produire , et à ne s'en séparer jamais.
Le genre du pic est très nombreux en espèces qui
varient pour les couleurs, et diffèrent par la grandeur.
Les plus grands pics sont de la taille de la corneille,
et les plus petits de celle de la mésange; mais chaque
espèce en particulier paroît peu nombreuse en indivi-
dus, ainsi qu'il en doit être de tous les êtres dont la vie
peu aisée diminue la multiplication. Cependant la na-
ture a placé des pics dans toutes les contrées où elle
a produit des arbres, et en plus grande quantité dans
10 lEs Pies.
les climats plus chauds. Sur douze espèces que nous
connoisTsons en Europe et dans le nord de l'un et de
l'autre continent, nous en compterons vingt-sept dans
les régions chaudes de l'Amérique, de l'Afrique, et de
l'Asie. Ainsi, malgré les réductions que nous avons dû
faire aux espèces trop multipliées par les nomencla-
teurs, nous en aurons en total trente-neuf, dont seize
n'étoient pas connues des naturalistes avant nous, et
nous observerons qu'en général tous les pics de l'un
et de l'autre continent différent des autres oiseaux par
la forme des plumes de la queue, qui sont toutes ter-
minées en pointes plus ou moins aiguës.
Les trois espèces de pics connues en Europe sont
le pic vert y le pic noir^ et l'épeiche ou pic variée et ces
trois espèces, qui sont presque isolées et sans variétés
dans nos climats, semblent s'être échappées chacune
de leur famille, dont les espèces sont nombreuses dans
les climats chauds des deux continents. Nous réuni-
rons donc à la suite de chacune de ces trois espèces
d'Europe tous les pics étrangers qui peuvent y avoir
rapport.
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LE PIC VERTS
Ficus viridis.
Le pic vert est le plus connu des pics, et le plus
commun dans nos bois. Il arrive au printemps, el fait
I. Eh l^tin , picaa martius ; en italien, pico verdit picozo; en aïle-
uiand , grun-speeht ; en anglois, green-wood pecker, green-wood spise.
LE PIC VERT. 1 1
retentir les forêts de ses cris aigus et durs, tiacacan^
tiacacauj que l'on entend de loin, et qu'il jette sur-
tout en volant par élans et par bonds. Il plonge , se
relève et trace en l'air des arcs ondulés, ce qui n'em-
pêche pas qu'il ne s'y soutienne assez long-temps ; et
quoiqu'il ne s'élève qu'à une petite hauteur, il fran-
chit d'assez grands intervalles de terres découvertes
pour passer d'une forêt à l'autre. Dans le temps de la
panade, il a, de plus que son cri ordinaire, un appel
d'amour qui ressemble, en quelque manière, à un éclat
de rire bruyant et continu , tio^ tio^ tio^ tiOj tiOj.répéié
jusqu'à trente et quarante fois de suite ^.
Le pic vert , n" 57 1 , se tien t à terre plus souvent que
ïes autres pics, surtout près des fourmilières, où l'on
est assez sûr de le trouver, et même de le prendre avec
des lacets. II attend les fourmis au passage, couchant
sa longue langue dans le petit sentier qu'elles ont cou-
tume de tracer et de suivre à la file; et lorsqu'il sent
sa langue couverte de ces insectes, il la retire pour les
avaler; mais si les fourmis ne sont pas assez en mou-
vement, et lorsque le froid les tient encore renfermées,
il va sur la fourmilière, l'ouvre avec les pieds et le bec,
et, s'établissant au milieu de la brèche qu'il vient de
faire, il les saisit à son aise, et avale aussi leurs chry-
salides.
Dans tous les autres temps, il grimpe contre les ar-
hig/i-hoo, heio-hole , rain-fowl; en suédois, groen-spick, groen-gjoe-
ling , voedknari ; en polonois, dziecioi zielony ; en danois, gron-spœt j
gnut-spœt; en lapon, zkiaine ; en françois , pic - mart , pic vert, pic
jaune, picumart ; en Poitou, picosseau ; en Périgord , picolât; en
Guienne, bivay; en Picardie, becquebo ; en quelques endroits, pleu^
pieu ou plui-plui , d'après un de ses cris.
1. Aldrovande dit qu'il se tait «n été, œstate silere aiunt. Apparem
12 Lli PIC VERT.
bres, qu'il attaque et qu'il frappe à coups de bec re-
doublés : travaillant avec la plus grande activité , il dé-
pouille souvent les arbres secs de toute leur écorce;
on entend de loin ses coups de bec, et l'on peut les
compter. Comme il est paresseux pour tout autre mou-
vement, il se laisse aisément approcher, et ne sait se
dérober au chasseur qu'en tournant autour de la bran-
che, et se tenant sur la face opposée. On a dit qu'après
quelques coups de bec, il va de l'autre côté de l'arbre
pour voir s'il Ta percé : mais c'est plutôt pour recueil-
lir sur l'écorce les insectes qu'il a réveillés et mis en
mouvement ; et ce qui paroît encore plus certain, c'est
que le son rendu par la partie du bois qu'il frappe,
semble lui faire connoître les endroits creux où se ni-
chent les vers qu'il recherche , ou bien une cavité dans
laquelle il puisse se loger lui-même et disposer son
nid.
C'est au cœur d'un arbre vermoulu qu'il le place,
à quinze ou vingt pieds au dessus de terre, et plus
souvent dans les arbres de bois tendre, comme trem-
bles ou marsauts, que dans les chênes. Le mâle et la
femelle travaillent incessamment, et tour à tour, à
percer la partie vive de l'arbre, jusqu'à ce qu'ils ren-
contrent le centre carié; ils le vident et le creusent,
rejetant au dehors avec les pieds les copeaux et la
poussière du bois, ils rendent quelquefois leur trou si
oblique et si profond, que la lumière du jour ne
peut y arriver. Ils y nourrissent leurs petits à l'aveu-
gle. La ponte est ordinairement de cinq œufs, qui sont
verdâtres, avec de petites taches noires. Les jeunes
ment qu'il reprend sa voix en automne : car nous l'avons ouï dans cette
saison remplir les bois de ses cris.
LE PIC VERT. l5
pics commencent à grimper tout petits, et avant de
pouvoir voler. Le mâle et la femelle ne se quittent
"[uère, se couchent de bonne heure, avant les autres
oiseaux, et restent dans leur trou jusqu'au jour.
Quelques naturalistes ont pensé que le pic vert est
l'oiseau pluvial [pliiviœ avis) des anciens, parce qu'on
croit vulgairement qu'il annonce la pluie par un cri
très diflerent de sa voix ordinaire. Ce cri est plaintif
et traîné, plieUj plieu^ plieu, et s'entend de très loin.
C'est dans le même sens que les Anglois le nomment
rain fowl (oiseau de pluie), et que dans quelques
unes de nos provinces, comme en Bourgogne, le peu-
ple l'appelle procureur du meunier'^. Ces observateurs
prétendent même avoir reconnu dans le pic vert quel-
que pressentiment marqué du changement de la tem-
pérature et des autres affections de l'air; et c'est ap-
paremment d'après cette prévision naturelle à cet
oiseau, que la superstition lui a supposé des con-
noissances encore plus merveilleuses. Le pic tenoit
le premier rang dans les auspices ; son histoire , ou
plutôt sa fable , mêlée à la mythologie des anciens
héros du Latium^ , présente un être mystérieux et
augurai , dont les signes étoient interprétés, les mou-
vements significatifs et les apparitions fatales. Pline
nous en offre un trait frappant, et qui nous montre
en même temps dans les anciens R.omains deux ca-
1. Comme annonçant la pluie et la crue d'eau qui lait moudre le
moulin.
2. Picus, fils de Saturne, et père de Faunus , fut aïeul du roi La-
tinus. Pour avoir méprisé l'amour de Circé , il fut changé en pic vert;
il devint un des dieux champêtres sous le nom de Picumnus. Tandis
que la louve allaitoit Romulus et Remus, on vit ce pic sacré se poser
sur leur berceau.
l4 I-E PIC VERT.
ractères qu'on croiroit incompatibles, l'esprit su-
perstitieux et la grandeur d'âme ^.
L'espèce du pie vert se trouve dans les deux conti-
nents; et quoiqu'assez peu nombreuse en individus,
elle est très répandue. Le pic vert de la Louisiane est
le môme que celui d'Europe ; le pic vert des Antilles
n'en est qu'une variété. M. Gmelin parle d'un pic
vert cendré qu'il vit chez les Tunguses , qui est une
espèce très voisine ou une variété de celui d'Europe.
Nous n 'hésiterons pas de lui rapporter aussi le pic à
tête grise de Norwége , donné par Edwards, et dont
MM. Klein et Brîsson ont fait une espèce particulière.
Il ne diffère en effet de notre pic vert qu'en ce que
ses couleurs sont plus pâles et sa tête sans rouge dé-
cidé, quoiqu'il y en ait quelque teinte sur le front.
Edwards remarque avec raison que cette diversité
de couleurs provient uniquement de la différence
des climats , qui influent sur le plumage des oiseaux
comme sur le pelage des quadrupèdes , que le froid
du pôle blanchit ou pâlit également. M. Brisson fait
encore une espèce particulière du pic jaune de Perse,
lequel, suivant toute apparence, n'est aussi qu'un pic
vert : il en a la taille et presque les couleurs. Aldro-
vande ne parle de ce pic jaune de Perse que sur une
figure qui lui fut montrée à Venise. Ce n'est point sur
une notice aussi incertaine , et sur laquelle ce natu-
1. Un pic vint se poser sur la tête du préleur iElius Tubero, tandis
qu'il étoit assis sur son triliunal dans la place publique , et se laissa
prendre à la main : les devins, consultés sur ce prodige, répondirent
que l'empire étoit menacé de destruction si on relàchoit l'oiseau , et le
préteur de mort si on le retenoit. Tubero à l'instant le déchira de eei
mains : peu après, ajoute Pline, il accomplit l'oracle.
LE PIC VEUT. l5
raliste paroît peu compter lui-même, qu'on doit éta-
blir une espèce particulière; et c'est même peut-être
trop que de l'indiquer ici.
Belon a fait du pic noir une espèce de pic vert, et
cette erreur a été adoptée par Ptay, qai compte deux
espèces de pic vert. Mais l'origine de ces méprises
est dans l'abus du nom de pic vert ^ que les anciens
ornithologistes et quelques modernes, tels que les
traducteurs de Catesby et d'Edwards, appliquent in-
distinctement à tous les pics. Il en est de même du
nom de plcus martius^ qu'ils donnent souvent aux
pics en général , quoique originairement il appar-
tienne exclusivement au pic vert, comme oiseau dé-
dié au dieu Mars.
Gesner a dit avec raison, et AIdrovande a tâché de
prouver, que le coUos d'Aristote est le pic vert ; mais
presque tous les autres naturalistes ont soutenu que
le colios est le loriot. Nous croyons devoir discuter
leurs opinions, tant pour compléter l'histoire natu-
relle de ces oiseaux que pour expliquer deux passa-
ges d'Aristote qui présentent plus d'une difficulté.
Théodore Gaza traduit également par galgulus
(loriot) un mot qui se trouve deux fois (du moins
suivant sa leçon J au chapitre premier du livre IX
d'Aristote : mais il est évident qu'il se trompe au
moins une, et que le celeos qui combat avec le lybios
dans le premier passage ne peut point être le même
qui dans le second est ami du lybios. Ce dernier celeos
habite les rives des eaux et des taillis^, genre de vie
qui n'est point attribué au premier; et pour qu'Aris-
1. Fard potamon kai loclunas {juxta amnes et fruteta), en quoi Gaza
s'est encore trompé de rendre fruteta et neinora.
l6 LE PIC VERT.
tote ne se contredise pas clans la même page , il faut
lire dans le premier passage collas au lieu de celeos.
Le celeos sera donc un oiseau d'eau ou de rivage; et
le colios sera ou le loriot, comme Ta rendu Gaza, et
comme l'ont répète lesnomenciateurs, ou le pic vert,
€omme l'ont soutenu Gesner et Aldrovande. Or, par
la comparaison du second passage d'Aristote, où il
parle plus amplement du colios ^ tout ce qu'il lui at-
tribue, comme la grandeur approchante de la tour-
terelle, la voix forte, etc., convient parfaitement au
pic vert; et il a même un trait qui ne convient qu'à
lui , savoir l'habitude de frapper les arbres à coups de
bec, et d'y chercher sa nourriture. De plus, le mot
chloron dont ce philosophe se sert pour marquer la
couleur du colios^ signifie plutôt vert qu'il ne signiûe
jaune j comme l'a rendu Gaza; et si l'on considère
après cela qu'Aristote, en cet endroit, parle du colios
après deux pics, et avant le grimpereau, on ne pourra
guère douter qu'il n'ait entendu le pic vert, et non
pas le loriot.
Albert et Scaliger ont assuré que le pic vert apprend
à parler, et qu'il articule quelquefois parfaitement la
parole ; Willughby le nie avec raison : la structure de
la langue des pics, longue comme un ver, paroît se
refuser entièrement au mécanisme de l'articulation
des sons; outre que leur caractère sauvage et indo-
cile les rend peu susceptibles d'éducation; car l'on
ne peut guère nourrir en domesticité des oiseaux qui
ne vivent que des insectes cachés sous les écorces.
Selon Frisch , les mâles seuls ont du rouge sur la
tête. Klein dit la même chose. Salerne prétend qu'ils
se trompent, et que les petits ont tous le dessus de la
LE PIC VERÏ. 17
tète rouge, même dans le nid. Suivant Tobservalion
de Linnaeus, ce ronge varie, et paroît mêlé, tantôt de
taches noires, tantôt de grises, et quelquefois sans ta-
ches dans ditTérents individus. Quelques uns, et ce
sont vraisemblablement les vieux mâles, prennent
du rouge dans les deux moustaches noires qui par-
tent des angles du bec , et ils ont en tout les couleurs
phis vives, comme on le voit dans celui qui est re-
présenté dans les planches enluminées, n° 879.
Frisch raconte qu'en Allemagne, pendant l'hiver,
le pic vert fait ravage dans les ruches d'abeilles. Nous
doutons de ce fait, d'autant qu'il reste bien peu de
ces oiseaux en France pendant l'hiver, si même il en
reste aucun; et comme il fait encore plus froid en Al-
lemagne, nous ne voyons pas pourquoi ils y reste-
roient de préférence.
En les ouvrant, on leur trouve ordinairement le
jabot rempli de fourmis. 11 n'y a point de cœcum, et
tous les oiseaux de ce genre en manquent également;
mais, en place du cœcum, il y a un rendement dans
l'intestin. La vésicule du fiel est grande; le tube in-
tinal est long de deux pieds. Le testicule droit est
rond; le gauche oblong et courbé en arc, ce qui est
naturel , et non accidentel , comme il a été vérifié sur
un grand nombre d'individus.
Mais le mécanisme de la langue du pic a été un su-
jet d'admiration pour tous les naturalistes. BoreMi et
Aldrovande ont décrit la forme et le jeu de cet or-
gane. Olaûs JacohœuSj, dans les Jetés de Copenhague,,
et xMéry, dans les Mémoires de l'Académie des Scien-
ces de Paris , en ont donné la curieuse analomie. La
langue du pic vert, proprement dite , n'est que cette
l8 LE PIC VERT.
pointe osseuse qui ne paroît en faire que i extrémité :
ce que Ton prend pour la langue est Tos hyoïde lui-
même engagé dans un fourreau membraneux et pro-
longé en arrière en deux longs rameaux , d'abord os-
seux, puis cartilagineux, lesquels, après avoir em-
brassé la trachée-artère, fléchissent, se courbent sur
la tête, se couchent dans une rainure tracée sur le
crâne, et vont s'implanter dans le front à la racine du
bec. Ce sont ces deux rameaux ou filets élastiques,
garnis d'un appareil de ligaments et de muscles ex-
tenseurs et rétracteurs, qui fournissent à rallonge-
ment et au jeu de cette espèce de langue. Tout le
faisceau de cet appareil est enveloppé , comme dans
une gaîne, d'une membrane qui est le prolongement
de celle dont la mandibule inférieure du bec est ta-
pissée , de manière qu'elle s'étend et se défile comme
un ver lorsque l'os hyoïde s'élance, et qu'elle se ride
et se replisse en anneaux quand cet os se retire. La
pointe osseuse, qui tient seule la place de la véritable
langue , est implantée immédiatement sur l'extrémité
de cet os hyoïde , et recouverte d'nn cornet écailleux
hérissé de petits crochets tournés en arrière , et afin
qu'il ne manque rien à cette espèce d'aiguillon pour
retenir comme pour percer la proie, il est naturelle-
ment enduit d'une glu que distillent, dans le fond du
bec, deux canaux excrétoires venant d^une double
glande. Cette structure est le modèle de celle de la
langue de tous les pics. Sans l'avoir vérifié sur tous,
nous le conclurons du moins par analogie, et même
nous croyons qu'on peut l'étendre à tous les oiseaux
qui lancent leur langue en l'allongeant.
Le pic vert a la tête fort grosse et la faculté de rele-
LE PIC VERT. 19
ver les petites plumes rouges qui en couvrent le som-
met, et c'est de là que Pline lui prête une huppe. On
le prend quelquefois à la pipée, mais c'est par une
espèce de hasard ; il y vient moins répondant à l'ap-
peau qu'attiré par le bruit que fait le pipeur en frap-
pant contre l'arbre qui soutient sa loge, et qui res-
semble assez au bruit que fait un pic avec son bec.
Quelquefois il se prend par le cou aux sauterelles, en
grimpant le long du piquet. Mais c'est un mauvais gi-
bier : ces oiseaux sont toujours extrêmement maigres
et secs, quoique Aîdrovande dise qu'on en mange en
hiver à Bologne , et qu'ils sont alors assez gras , ce qui
nous apprend du moins qu'il en reste en Italie dans
cette saison, tandis qu'ils disparoissent alors dans nos
provinces de France.
OISEAUX ETRANGERS
DE l'ancien continent
QUI ONT RAPPORT AU PIC VERT.
LE PALALACA,
ou GRAND PIC VERT DES PHILIPPINES.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Picus Plàlippinarum. Lath.
Camel, dans sa notice des oiseaux des Philippines,
et Gemelli Garreri, s'accordent à placer dans ces îles
20 LE PALALACA.
une espèce de pic vert qu'ils disent graud comme une
poule; ce qui doit s'entendre apparemment de la lon-
gueur, comme nous le remarquerons aussi au sujet
du grand pic noir, et non de la masse du corps. Ce
picj nommé palalaca par les insulaires, est appelé par
les Espagnols herrero , ou le forgeron^ à cause du
grand bruit qu'il fait en frappant les arbres à coups
redoublés, et qui s'entendent, dit Camel , à trois
cents pas. Sa voix est grosse et rauque ; sa tête rouge
et huppée; le vert fait le fond de son plumage, et
son bec, qui est d'une solidité à toute épreuve, lui
sert à creuser les arbres les plus durs pour y placer
son nid.
AUTRE PALALACA,
ou PIC VEUT TACHETÉ DES PHILIPPINES.
SECONDE ESPÈCE.
Ce second pic des Philippines, n" 691, est tout
différent du précédent par la grandeur et par les cou-
leurs. M. Sonnerat l'appelle pic grivelè. Il est de gran-
deur moyenne entre l'épeiche et le pic vert, et plus
approchant de la taille de ce dernier. Sur chaque
plume, dans tout le devant du corps, on voit une
tache d'un blanc terne encadrée de brun noirâtre,
ce qui forme à l'œil un assez riche émail. Le man-
teau des ailes est d'un roux teint de jaune aurore, qui
devient sur le dos d'un aurore plus brillant et tirant
au rouge. Le croupion est rouge de carmin; la queue
est d'un gris roussâtre; et la tète est chargée d'une
huppe ondée de roux jaunâtre sur un fond brun.
LE PIC VEliT DE (> O A . 2 1
LE PIC VERT DE GOA.
TROISIÈME ESPÈCE.
Picus goensis. Gmel.
Ce pic vert d'Asie , n** 696, est moins grand que le
pic vert d'Europe. La coiffe rouge de sa tête, troussée
en huppe et en arrière, est bordée à la tempe d'une
raie blanche qui s'élargit sur le haut du cou ; une
zone noire descend depuis l'œil, et, traçant un zig-
zag , tombe jusque sur l'aile ; les petites couvertures
sont également noires ; une belle tache d'un Jaune
doré couvre le reste de l'aile, et se termine en jaune
verdâtre sur les petites pennes ; les grandes sont
comme dentelées de taches d'un blanc verdâtre
sur un fond noir; la queue est noire; le ventre, la
poitrine, et le devant du cou, jusque sous le bec,
sont entremêlés et comme maillés légèrement de
blanc et de noir. Tous ces effets sont très bien ren-
dus dans la planche enluminée; et ce pic est un de
ceux dont le plumage est le plus beau : il a beaucoup
de rapports avec le suivant; la ressemblance, jointe
à la proximité des climats, nous porteroit aisément
à croire que ces deux espèces sont très voisines, ou
même n'en font qu'une.
LE PIC VERT DE BENGALE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Picus bengalensis. Gmel.
Il est de la même taille que le pic vert de Goa , et
hii ressemble assez. Le jaune doré des ailes a pkis
BL'FPOIV. XXV, 2
22 LE PIC VERT DE BENGALE.
d'étendue dans celui de Bengale, n° 696, et couvre
aussi le dos; une ligne blanche, prise de l'œil, des-
cend au côté du cou comme le zigzag noir de celui
de Goa. La huppe, quoique plus étalée, ne se trouve
qu'au derrière de la tête^, dont le sommet et le de-
vant sont couverts de petites plumes noires , tache-
tées joliment de gouttes blanches. Même plumage
dans ces deux oiseaux sous le bec et sur la gorije : la
poitrine et l'estomac sont blancs, traversés et maillés
de noirâtre et de brun; mais moins dans celui-ci que
dans le précédent. Ces différences légères ne distin-
gueroient peut-être pas assez ces deux espèces, sans
celle du bec, qui dans le pic de Goa est d'un tiers
plus long que dans celui de Bengale.
Nous rapporterons à ce dernier, non seulement le
pic vert de Bengale de M. Brisson, mais encore son
pic du cap de Bonne-Espérance, qui ressemble beau-
coup plus à notre pic du Bengale que le premier de
ces deux pics donnés par M. Brisson : la raison en
est, ce me semble, que la description de celui du
cap de Bonne-Espérance est faite d'après nature, et
que celle de l'autre a été tirée sur la figure d'Edwards,
qui est bien celle de notre pic vert de Bengale, et qui
n'en diffère qu'en ce qu'il est un peu plus grand. Mais
Albin , qui a décrit le même oiseau, le fait plus grand
que celui d'Edwards, et lui donne la grandeur du pic
vert d'Europe; ce qui est en effet la laille de ce pic
de Bengale. Quoi qu'il en soit, ces petites différences
de taille et de couleurs ne nous empêchent pas de
1. Caractère plus remarquable que celui du noir qui se trouve au
haut du cou sous cette huppe, et dont M. Liunaeus se sert pour dési-
guer ce pic , nnclià nigrâ.
LE PIC VERT DE BENGALE. '20
recorinoître le même oiseau sous ces trois descrip-
tions.
LE GOERTAN,
ou PIC VERT DU SÉNÉGAL.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Pic us goertan. Lath.
Ce pic, n* 020, appelé au Sénégal goertan ^ est
moins grand que le pic vert, et ne Test guère plus
que 1 epeiche. Le dessus du corps du goertan est d'un
gris brun, teint de verdâtre sombre, tacheté sur les
ailes d'ondes d'un blanc obscur, et coupé sur la tête
et le croupion par deux plaques d'un beau rouge ;
tout le dessous du corps est d'un gris lavé de jau-
nâtre. Cette espèce et les deux suivantes n'étoient
pas connues des naturalistes.
LE PETIT PIC RAYÉ DU SÉNÉGAL.
SIXIÈME ESPÈCE.
Pieas senegalensis. Gmel.
Ce pic, n** 345, fig. 2, n'est pas plus gros qu'un
moineau : il a le dessus de la tête rouge; un demi-
masque de brun lui passe sur le front et s'étend der-
rière l'œil; le plumage ondulé sur le devant du corps
présente de petits festons alternativement gris brun
et blanc obscur; le dos est d'un beau fauve jaune
doré, qui teint également les grandes pennes de
l'aile, dont les couvertures, ainsi que le croupion,
sont verdâtres. Quoique fort au dessous des pics d'Eu-
rope pour la grandeur, ce pic d'Afrique n'est pas, à
^4 LE PETIT PIC RAYÉ DU SENEGAL.
beaucoup près, comme nous le verrons, le plus pe-
tit de cette grande famille.
LE PIC A TÊTE GRISE
DU GAP DE BONNE-ESPÉRANCE,
SEPTIÈME ESPÈCE.
Piciis capensis. L.
Presque tous les pics ont le plumage bariolé ; ce-
lui-ci seul n'a point de couleurs opposées ou tran-
chées : du brun olivâtre obscur couvre le dos, leçon,
et la poitrine ; le reste du plumage est d'un gris foncé ,
et cette couleur grise est seulement plus claire sur la
tête; on voit une teinte de rouge sur l'origine de sa
queue. Ce pic, n" 786, fig. 2, n'est pas aussi grand
qu'une alouette.
OISEAUX
DU NOUVEAU CONTINENT
QUI ONT RAPPORT AU PIC VERT.
LE PIC RAYE DE SAINT-DOMINGUE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Pic us striât us. Latii.
M. Rrisson donne deux fois ce même oiseau, d'a-
bord SOUS le nom de pic rayé de Saint-Domingue ^ et
LE PIC UAYE DE S AllN Ï-D OM I N GUE. 25
ensuite sous celui de petit pic rayé de Saint-Domingue ^
en le disant moins gros que le premier, quoique dans
le détail les dimensions qu'il donne se trouvent être
les mêmes; et, tout en observant que le second
pourroit bien n'être que la femelle du premier, il ne
laisse pas d'en faire deux espèces différentes. Mais il
ne faut que jeter un coup d'œil sur les planches enlu-
minées, n"' 6i4 et ii8i, pour se convaincre que les
deux variétés qui y sont représentées ne marquent de
différences que celles qui peuvent appartenir au sexe
ou à l'âge. Dans le premier, le sommet de la tête est
noir, la gorge grise, la teinte olive du corps est plus
claire, et les raies du dos sont moins larges que dans
le second, qui a tout le haut de la tête rouge, et le
devant du corps assez terne, avec la gorge blanche:
mais, du reste , la forme et le plumage se ressemblent
parfaitement. Ce pic rayé de Saint-Domingue est à
peu près de la grosseur de notre épeiche ou pic varié :
tout son manteau est coupé transversalement de ban-
des noires et olive; la teinte verte se marque sur le
gris du ventre, et plus vivement sur le croupion , dont
l'extrémité est rouge ; la queue est noire.
LE PETIT PIC OLIVE DE SAINT-DOMINGUE.
DEUXIÈME ESPÈCE.
Pic us passerinus. Lath.
Ce petit pic a six pouces de longueur, et il est à
peu près de la grosseur de l'alouette : il a le sommet
de la lêle rouge, dont les côtés sont d'un gris rous-
sâtre ; tout le manteau est olive jaunâtre ; tout le
26 LE PETIT PIC OLIVE DE SAINT-DOMINGUE.
dessous du cops est rayé transversalement de blan-
châtre et de brun; les pennes de l'aile, olivâtres
comme le dos, du côté extérieur, ont l'intérieur brun
et dentelé d'un bord de taches blanchâtres engrenées
assez profondément, caractère qui l'assimile encore
au pic vert; les plumes de la queue sont d'un gris
mélangé de brun. Malgré sa petite taille, ce pic ne
laisse pas d'être des pins robustes ; il perce les arbres
les plus durs. C'est à lui que se rapporte cette notice
extraite de ï Histoire des aventuriers flibustiers : « Le
» charpentier est un oiseau qui n'est pas plus gros
>) qu'une alouette; il a le bec long d'environ un pouce,
)) et si dur, que, dans un jour de temps, il perce un
» palmiste jusqu'au cœur. Il est à remarquer que le
» bois de cet arbre est si dur, que les meilleurs in-
» struments de fer rebroussent dessus. »
LE GRAND PIC RAYÉ DE CAYENNE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Picua melanochloros. Gmel.
Nous ne faisons aucun doute que ce pic ne soit le
même que le pic varié huppé d' Amérique ^ décrit in-
complètement par M. Brisson, sur un passage deOes-
ner. La huppe d'un fauve doré ou plutôt d'un rouge
aurore , la tache pourpre à l'angle du bec , les plumes
fauves et noires, dont tout le corps est alternative-
ment varié, sont des cajactères suffisants pour le faire
reconnoître; et la grandeur donnée, qui est celle du
pic vert, convient à ce grand pic rayé de Cayenne ,
n" 719. Son plumage est très richement émaillé par
LE GRAND PIC RAYli DE CAYENNE. '2^j
le fauve jaunâtre et le beau noir qui s y entremêlent
en ondes , en taches, et en festons; un espace blanc
dans lequel l'œil est placé, et un noir sur le front,
donnent du caractère à la physionomie de cet oiseau ,
et la huppe rouge et la moustache pourpre semblent
la relever encore.
LE PETIT PIC RAYÉ DE CAYENNE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Picui cayennensls. Gmel.
Entre les pics rayés que M. Brisson range tous à la
suite de Tépeiche ou pic varié, il en est plusieurs qui
appartiennent certainement au pic vert. Gela est sen-
sible pour les pics rayés de Saint-Domingue et de
Cayenne que nous venons de décrire , et pour celui-
ci. En effet, ces trois pics portent tous un reste de la
teinte de vert jaunâtre, plus ou moins obscure, qui
caractérise le pic vert; et les raies ondulées qui se-
tendent sur le plumage semblent prolongées sur le
modèle de celles dont l'aile du pic vert est marquée.
Le petit pic rayé de Cayenne, n° 5i3, a sept pou-
ces cinq lignes de longueur; il a beaucoup de rap-
port dans les couleurs avec le pic rayé de Saint-Do-
mingue , mais il est moins grand : des bandes noires
ondulées s'étendent sur le fond gris brun olivâtre de
son plumage; le gris dentelé de noir couvre encore les
deux plumes extérieures de la queue de chaque côté;
les six autres sont noires; l'occiput est rouge; le front
et la gorge sont noirs ; seulement ce noir est coupé
par une tache blanche tracée sous l'œil et prolongée
en arrière.
2b LE PIC JAUNE DE CAYENNE.
LE PIC JAUNE DE GAYENNE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Picus flavicans. Lath.
Les espèces d'oiseaux qui cherchent la soh'lude et
ne peuvent vivre qu'au désert sont multipliées dans
les vastes forêts du Nouveau-Monde, d'autant plus que
l'homme s'est encore moias emparé de ces antiques
domaines de la nature. Nous avons jusqu'à dix espè-
ces de pics venus des bois de la Guiane, et les pics
jaunes paroissent propres et particuliers à cette région.
La plupart de ces espèces sont encore peu connues
des naturalistes , et Barrère n'a fait qu'en indiquer
quelques unes. Le premier de ces pics, que M. Bris-
son a décrit sous le nom de pic blanc ^ a le plumage
du corps d'un jaune tendre ; la queue noire ; les gran-
des pennes de l'aile brunes, et les moyennes rousses,
et non pas noires, comme on les a, par méprise , re-
présentées dans la planche enluminée ; les couver-
tures des ailes sont d'un gris brun, et frangées de
blanc jaunâtre. Ce pic est huppé jusque sur le cou :
dans le jaune pâle qui colore cette huppe , ainsi que
toute la tête , tranche vivement le rouge de ses mous-
taches. Ces deux pinceaux rouges et sa belle huppe
lui donnent une physionomie remarquable, et la cou-
leur douce et peu commune de son plumage en fait,
dans son genre, un oiseau distingué. Les créoles
de Cayenne l'appelleat le charpentier jaune; il est
moins grand que notre pic vert , et surtout beaucoup
moins épais; sa longueur est de neuf pouces. 11 fait
LE PIC JAUNE DE CAYENNE. 29
SOU nid dans les grands arbres dont le cœur est pourri,
après avoir percé horizontalement jusqu'à la cavité,
et continue son excavation en descendant jusqu'à un
pied et demi plus bas que l'ouverture. x\u fond de cet
antre obscur, la femelle pond trois œufs blancs et
presque ronds. Les petits éclosent au commencement
d'avril. Le mâle partage la sollicitude de la femelle ,
et, en son absence, se tient constamment à l'embou-
chure de sa galerie horizontale. Son cri est un siffle-
ment en six temps , dont les premiers accents sont
monotones , et les deux ou trois derniers plus graves.
La femelle n'a pas aux côtés do la tête cette bande
de rouge vif que porte le mâle.
On trouve dans cette espèce une variété dont les
individus ont toutes les petites couvertures des ailes
d'un beau jaune , et les grandes bordées de cette cou-
leur; dans quelques autres individus, tels apparem-
ment que celui que M. Brisson a décrit, tout le plu-
mage décoloré et d'une teinte alToiblie n'offre plus
qu'un blanc sale et jaunâtre.
LE PIC MORDORÉ.
SIXIÈME ESPÈCE.
Pîcus cinnamomeus. Latii.
Un beau rouge vif, brillant et doré, forme un su-
perbe habillement à ce pic, n** 624, presque aussi
grand que le pic vert, mais de taille moins forte; une
longue huppe jaune en effilés pendants lui couvre la
tête et se jette en arrière ; des angles du bec partent
deux moustaches d'un beau rouge clair et bien tracé
OO LE PIC MOUDOIIE.
entre l'œil et la gorge; quelques gouttes blanches et
citrines enrichissent et varient le fond roux du milieu
du manteau; le croupion est jaune, et la queue noire.
La femelle , dans cette espèce comme dans celle du
pic jaune des mêmes contrées, n'a pas de rouge sur
les joues. Un individu envoyé de Cayenne, et placé
au Cabinet du Roi, gou»s le nom de pic roux tacheté
de Cayenne^ paroît être cette femelle.
LE PIC A CRAVATE NOIRE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Picui multicolor. Gmbl.
C'est encore ici un de ces charpentiers jaunes des
créoles de Cayenne. Il porte un beau plastron noir
qui lui engage le cou par derrière , en couvre tout le
devant comme une cravate , et tombe sur la poitrine ;
le reste du dessous du corps est d'un fauve roussâtre,
ainsi que la gorge et toute la tête, qui est huppée
jusque sur le cou ; le dos est d'un roux vif; l'aile est
de la même couleur, mais traversée dans les pennes
de quelques traits noirs assez distants; quelques uns
de ces traits s'étendent sur la queiie , dont la pointe
est noire, et que la planche enluminée représente un
peu trop courte. La grandeur de ce pic de Cayenne,
n" 863, est la même que celle du pic jaune, et la
même encore que celle du pic mordoré de ces con-
trées : tous trois ont le corps mince et sont huppés de
même ; en sorte que ces trois espèces paroissent avoir
beaucoup d'affinité. Les naturels de la Guiane leur
donnent, en langue gariponne, le nom commun de
toiicoumarL 11 paroit que ces pics sont aussi grands
LE PIC A CRAVATE NOIRE. 5l
travailleurs que les autres, et que ces oiseaux char-
pentiers se trouvent également à Saint-Domingue ,
puisque le P. Charlevoix assure que souvent des bois
employés aux édifices dans cette île se sont trouvés
tellement criblés des trous de ces charpentiers sau-
vages, qu'ils ont paru hors de service.
LE PIC ROUX.
HUITIÈME ESPÈCE.
Plcus rufus. Gmel.
Il y a dans le plumage de ce petit pic une singula-
rité, c'est que la teinte du dessous du corps est plus
forte que celle du dessus, au contraire de tous les
autres oiseaux : un roux plus ou moins sombre ou
clair en fait tout le fond ; ce roux est foncé sur les
ailes , plus lavé sur le croupion et le dos , plus chargé
sur la poitrine et le ventre , et mêlé sur tout le corps
d'ondes noires très pressées, et qui font l'efFet du plus
bel émail ; la tête est d'un roux éclairci, et traversé
de petites ondes noires. Ce pic, n** 694? qu'on trouve
à Gayenne, n'est guère plus grand que le torcol ; mais
il est un peu plus épais : son plumage, quoique com-
posé de deux teintes sombres, est cependant un des
plus beaux et des plus agréablement variés.
LE PETIT PIC A GORGE .lAUlNE.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Picus icterocephalus. Gmel.
Ce pic n'est pas si gros que le torcol. Le fond de
son plumage est d'un brun teint d'olivâtre, avec de
32 LE PETIT PIC A GORGE JAUNE.
petites taches blaaches en écailles sur le devant du
corps, jusque sous la gorge, qu'un beau jaune en-
veloppe , en se portant sous l'œil et sur le haut du
cou ; une calotte rouge couvre le sommet de la tête ,
et une moustache de cette couleur affoiblie se trace
aux angles du bec. Ce pic , n° 784? comme les précé-
dents, se trouve à la Guiane.
LE TRÈS PETIT PIC DE CAYEJNINE.
DIXIÈME ESPÈCE.
Yunx minatissiîna. Cuv.
Cet oiseau, 11° 786, fig. i , aussi petit que notre
roitelet , est le nain de la grande famille des pics. Ce
n'est point un grimpereau , mais un véritable pic au
bec droit et carré. Son cou et sa poitrine ondes dis-
tinctement de zones noires et blanches, son dos brun,
tacheté de gouttes blanches ombrées de noir, ces
mêmes taches beaucoup plus serrées et plus fines sur
le beau noir qui couvre le haut du cou , enfin une
petite tête dorée comme celle du roitelet , en font
un oiseau aussi joli qu'il est délicat. Tout le blanc de
son plumage n'est pas pur, mais couvert d'une ombre
jaunâtre qui se marque plus vers la queue, et jusque
sur le brun des ailes et du dos. Ce petit oiseau, au-
tant du moins qu'on en peut juger sur sa dépouiiie ,
est plus leste et plus gai que tous les autres pics : il
semble que la nature l'ait dédommagé de sa petitesse
en lui accordant plus de vivacité , de légèreté , et
toutes les ressources qu'elle donne aux êtres foibles.
On le trouve communément de compagnie avec les
r'auquet ■Soulp,
LLEPIGA BAGUETTES "DOREES 2 LE PIC VERT 3 LE PIC MORDOP-E.
LE TRÈS PETIT PIC DE GAYENNE. :>:)
grimpereanx, et il va comme eux grimpant contre
le tronc des arbres, et se suspendant aux branches.
LE PIC AUX AILES DORÉES.
ONZIÈME ESPÈCE.
Piciis (luratus. Gmel,
En plaçant ce bel oiseau . u** 6ç)ô , à la suite de la
famille du pic vert, nous remarquerons d'abord qu'il
semble sorti* et s'éloigner du genre même des pics
pas ses habitudes, comme par quelques traits de con-
formation. En eÛet, Catesby, qui l'a observé à la
Caroline, dit qu'il se tient le plus souvent h terre,
et ne grimpe pas contre le tronc des arbres, mais se
perche sur leurs branches comme les autres oiseaux:
cependant il a les doigts disposés deux en avant, deux
en arrière , comme les pics ; comme eux, les plumes
de la queue roides et rudes; et par une singularité
qui lui est propre , la côte de chacune est terminée
par deux petits filets; mais son bec s'éloigne de la
forme du bec des pics; il n'est point taillé carrément,
mais arrondi et un peu courbé, ni terminé en ciseau,
mais en pointe. L'on voit donc que si cette espèce
tient au genre des pics par les pieds et la queue , elle
s'en éloigne par la forme du bec et par les habitudes
naturelles, qui sont une suite nécessaire de la con-
formation de ce principal organe des oiseaux. Celui-
ci semble faire une espèce moyenne entre le pic et
le coucou, avec lequel quelques naturalistes l'ont
rangé : cet un exemple de plus de ces nuances que
la nature a mises partout entre ses productions. Ce
pic demi-coucon est à peu près grand comme le pic
v'>4 LE PIC. AUX AILES D01\ÉES.
vert, et remarquable par une belle forme et de bel-
les couleurs, disposées d'une manière élégante; des
taches noires en croissant et en cœur parsèment l'es-
tomac et le ventre sur un fond blanc ombré de rous-
satre; le devant du cou est d'un cendré vineux ou
lilas, et sur le milieu de la poitrine est une large
zone noire en croissant; le croupion est blanc; la
queue, noire en dessus, et doublée en dessous d'un
beau jaune feuille morte ; le dessus de la tête et le
haut du cou sont d'un gris plombé, et à l'occiput est
une belle belle tache écarlate; des angles du bec par-
tent deux grandes moustaches noires qui descendent
sur les côtés du cou ; la femelle ne porte pas ces
moustaches; le dos, fond brun, est moucheté de
noirâtre : les grandes pennes de l'aile sont de cette
même couleur; mais ce qui les relève et qui suffit
seul pour distinguer cet oiseau, c'est que la côte de
toutes ces pennes est d'une vive couleur d'or. Cet
oiseau se trouve en Canada et en Virginie , aussi bien
qu'à la Caroline.
LE PIC NOIR\
Picus martius. Gmel.
La seconde espèce de pic qui se trouve en Europe,
est celle du pic noir, n° 296 ; elle paroît confinée dans
1. En italien, picc/no , sgiaia; en anglois, great biack xvood-peckcr ;
en allemand, holtt-krac, krac - specht , grosser - specht , schwartzcr-
spcclit , lioUz-lium.
LE PIC NOIR. 55
-quelques contrées particulières; et surtout en Alle-
magne. Les Grecs néanmoins connoissent , comme
nous, trois espèces de pics; Aristote les indique
toutes trois. L'une, dit-il, moindre que le merle, c'est
le pic varié ou i'épeiche; l'autre, plus grande que le
merle, et qu'il appelle ailleurs collos „ et c'est notre
pic vert; la troisième enfin, qu'il dit presque égale
à la poule en grandeur, ce qu'il faut entendre de la
longueur et non de l'épaisseur du corps, et c'est notre
pic noir, le plus grand de tous les pics de l'ancien
continent. Il a seize pouces de longueur du bout du
bec à l'extrémité de la queue; le bec, long de deux
pouces et demi, est de couleur de corne ; une ca-
lotte d'un rouge vif couvre le sommet de la tète ; le
plumage de tout le corps est d'un noir profond. Les
noms de krae-speclit et de lioltz-krae , pic-corneille,
corneille de bois, que lui donnent les Allemands,
désignent en même temps sa couleur et sa taille.
On le trouve dans les hautes futaies, sur les mon-
tagnes en Allemagne, en Suisse, et dans les Vosges.
Il n'est pas connu dans la plupart de nos provinces
de France, et il ne vient guère dans les pays de plaine.
Willughby assure qu'il ne se trouve point en Angle-
terre. En effet , cet oiseau de foret a dû quitter une
contrée trop découverte et trop dénuée de bois : c'est
la seule cause qui l'ait pu bannir de l'Angleterre
comme de la Hollande , où l'on assure qu'il ne se
trouve pas; car on le voit dans les climats plus sep-
tentrionaux , et jusqu'en Suède : mais on ne peut
guère deviner pourquoi il ne se trouveroit pas en Ita-
lie, où Aldrovande dit ne l'avoir jamais vu.
11 y a aussi dans la même contrée des cantons que
00 LE Vie NOIR.
le pic noir nlVocte de préférence, et ce sont les lieux
solitaires et sanvages. Frîsch nomme nne forêt de
Franconie, fameuse par !a quantité des pics noirs qui
l'habitent^. Ils ne sont pas si communs dans le reste
de l'Allemagne. L'espèce en générai paroît peu nom-
breuse, et il est rare que, dans une étendue de demi-
lieue , on rencontre plus d'un couple de ces oiseaux.
Ils sont cantonnés dans un certain arrondissement
qu'ils ne quittent guère, et où Ion est presque sûr
de les retrouver toujours.
Cet oiseau frappe contre les arbres de si grands
coups de bec, qu'on l'entend, dit Frisch , d'aussi
loin qu'une hache. Il les creuse profondément pour
se lo^er dans le cœur, où il se met fort au lareje. On
voit souvent au pied de l'arbre, sous son trou, un
boisseau de poussière et de petits copeaux. Quelque-
fois il creuse et excave l'intérieur des arbres, au point
qu'ils sont bientôt rompus par les vents : cet oiseau
feroit donc grand tort aux forêts si l'espèce en étoit
plus nombreuse. Il s'attache de préférence aux arbres
dépérissant. Les gens soigneux de leurs bois cher-
chent à le détruire; car il ne laisse pas d'attaquer
aussi beaucoup d'arbres sains. M. Deslandes , dans
son Essai sur la marine des anciens _, se plaint de ce
qu'il y a voit peu d'arbres propres à fournir des ra-
mes de quarante pieds de long, sans être percés de
trous faits par les pics^.
Le pic noir pond au fond de son trou deux ou trois
1. La forêt de Spessert.
2. Mais M. Deslandes se trompe beaucoup au même endroit , lors-
qu'il dit que le pic se sert de sa langue comme d'une tarière pour per-
cer les plus gros arbres.
LE PIG NOIR. 5y
'<cufs blancs, et cette couleur est celle des œufs de
tous les pics, suivant Willughby. Celui-ci se voit ra-
rement à terre : les anciens ont même dit qu'aucun
pic ne descendoit ; et en effet, ils n'y descendent pas
souvent. Quand ils grimpent contre les arbres, le
long doigt postérieur se trouve tantôt de côté, et tan-
tôt en avant; ce doigt est mobile dans son articula-
tion avec le pied , et peut se prêter à toutes les po-
sitions nécessaires au point d'appui, et favorables à
l'équilibre. Cette faculté est commune à tous les pics.
Lorsque le pic noir a percé son trou et s'est ouvert
l'entrée d'un creux d'arbre , il y pousse un grand cri
ou sifflement aigu et prolongé qui retentit au loin;
il fait entendre aussi par intervalles un craquement
ou plutôt un frôlement qu'il fait avec son bec en le
secouant et le frottant rapidement contre les parois
de son trou.
La femelle diffère du mâle par sa couleur ; elle est
d'un noir anoins profond, et n'a de rouge qu'à l'occi-
put , et quelquefois elle n'en a point du tout. On ob-
serve que le rouge descend plus bas sur la nuque
du cou dans quelques individus , et ce sont les vieux
mâles.
Le pic noir disparoît pendant l'hiver. Agricola croit
qu'il demeure caché dans des trous d'arbres; mais
Frisch assure qu'il part et fuit la rigueur de la saison,
pendant laquelle toute subsistance lui manque, parce
que , dit-il , les vers du bois s'enfoncent alors davan-
tage , et que les fourmilières restent ensevelies sous
la glace ou la neige.
Nous ne connoissons aucun oiseau dans l'ancien
continent, ni en Asie ni en Afrique, dont l'espèce
Ri.rro.N. \XY.
38 LE PIC NOIR.
ait du rapport avec celle du pic noir d'Europe ; et il
semble qu'il nous soit arrivé du nouveau continent,
où Ton trouve plusieurs espèces qu'on doit rapporter
presque immédiatement à celle de notre pic noir.
Voici rénuniération de ces espèces.
OISEAUX
DU NOUVEAU CONTINENT
QUI ONT RAPPORT AU PIC NOIR.
LE GRAND PIC INOIR A BEC BLANC.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Picus principalis. Gmel.
Ce pic, n° 690, se trouve à la Caroline , et il est
dIus grand que celui d'Europe, et même plus grand
que tous les oiseaux de ce genre ; il égale ou surpasse
la corneille^. Son bec, d'un blanc d'ivoire, est long
de trois pouces , et cannelé dans toute sa longueur.
Ce bec est, si tranchant et si fort, dit Catesby, que ,
dans une heure ou deux, l'oiseau taille souvent un
boisseau de copeaux : aussi les Espagnols l'ont-ils
nommé carpenteros^ le charpentier.
1. M. Brisson avoit apparemment mesuré un individu fort petit,
lorsqu'il ne donne à ce pic qi|e seize pouces : celui du Cabiuet du
Roi , représenté dans la planche , en a dix-huit.
Uî GRAND PIC NOIR A BEC BLANC. 5q
Sa tête est ornée par derrière d'une grande huppe
écarlate, divisée comme en deux touffes, dont l'une
est tombante sur le cou, et l'autre relevée : celle-ci
est couverte par de longs filets noirs qui partent du
sommet de la tête, qu'ils recouvrent en entier; car
les plumes écarlates ne prennent qu'en arrière : une
raie blanche , en descendant sur le côté du cou , et
faisant un angle sur l'épaule, va se rejoindre au blanc
qui couvre le bas du dos et les pennes moyennes de
l'aile; tout le reste du plumage est d'un noir pur et
profond.
Il creuse son nid dans les plus gros arbres, et fait
sa couvée dans la saison des pluies. Ce grand pic à
bec blanc se trouve dans des climats encore plus
chauds que la Caroline ; car nous le reconnoissons
dans le pictis imbrifœtus de Nieremberg et le quato-
tomomî de Fernandès, quoique la grandeur totale
soit mal désignée par ces auteurs, et qu'il y ait quel-
ques différences qui semblent indiquer une variété
dans l'espèce; mais le bec blanc , long de trois pou-
ces, la caractérise assez. Ce pic habite, dit Fernandès,
les plages qui avoisinent la mer du Sud. Les Améri-
cains des contrées septentrionales font avec les becs
de ces pics des couronnes pour leurs guerriers; et
comme ils n'ont point de ces oiseaux dans leur pays,
ils les achètent des habitants du Sud, et donnent
jusqu'à trois peaux de chevreuils pour un bec de pic.
/fO LE PIC NOIK A lirrrE ROUGE.
LE PIC NOIR A HUPPE ROUGE.
SECONDE ESPÈCE.
Picus pileatus. Latii.
Ce pic , n° 718 , qui est assez commun à la Loui-
siane, se trouve également à la Caroline et à la Vir-
ginie : il ressemble fort au précédent; mais il n'a pas
le bec blanc, et il est un peu moins grand , quoiqu'il
le soit un peu plus que le pic noir d'Europe. Le som-
met de la tête , jusque sur les yeux , est orné d'une
grande huppe écarlate, troussée en une seule touffe ,
et jetée en arrière en forme de flamme ; au dessous
règne une bande noire dans laquelle l'œil est placé ;
une moustache rouge part de la racine du bec , et
tranche sur les côtés noirs de la tête ; la gorge est
blanche ; une bandelette de cette même couleur
passe entre l'œil et la moustache , et s'étend sur le
cou jusque sur l'épaule : tout le reste du corps est
noir, avec quelques légères marques de blanc dans
l'aile , et une plus grande tache de cette couleur sur
le milieu du dos; dessous le corps, le noir est un
peu moins profond, et mêlé d'ondes grises. Dans
la femelle, le devant de la tête est brun, et il n'y
a de plumes rouges que sur la partie postérieure de
la tête.
Catesby dit que ces oiseaux , non contents des in-
sectes qu'ils tirent des arbres pourris dont ils font leur
pâture ordinaire, attaquent encore les plantes de maïs
et en détruisent beaucoup, parce que l'humidité qui
en Ire par les trous qu'ils font dans l'enveloppe gâte
LE PIC NOIR A 111! PPE HOIIGE. /^l
ie grain qu'elle renferme : mais n'est-ce pas plutôt
pour trouver quelque espèce de vers cachés dans
les enveloppes du maïs que pour en manger le grain?
car aucun oiseau de ce genre ne se nourrit de graine.
Nous ne pouvons mieux rapporter qu'à cette es-
pèce un pic dont M. Gommerson nous a laissé la no-
tice, et qu'il rencontra dans les forêts des terres Ma-
gellaniques : la grandeur est la même, et les autres
caractères sont assez semblables ; seulement ce der-
nier n'a de rouge que sur les joues et le devant de la
tête, et l'occiput est huppé de plumes noires. Ainsi
une espèce, ou la même, ou semblable, se trouve-
roit dans les latitudes correspondantes aux deux ex-
trémités du grand continent de l'Amérique. M. Gom-
merson remarque que cet oiseau avoit la voix forte et
la vie très dure, ce qui convient à tous les pics , for-
tiûés et endurcis par leur vie laborieuse.
L'OUANTOU,
ou PIC INOIR HUPPÉ DE GAYEINNE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Picus tùieatus. Gmel.
Barrère a mal prononcé ventou le nom de ce pic ,
11^ -^1^, que les Américanis appellent ouantou; et en
le rapportant à V/iipecou de Marcgrave , nous rectifie-
Fons deux méprises de nos nomenclateurs. L'ouantou
est de la longueur du pic vert, avec moins d'épais-
seur de corps; il est entièrement noir en dessus, à
l'exception d'une ligne blanche qui part de la man-
dibule supérieure du bec, descend en ceinture sur
le cou, et jette quelques plumes blanches dans î^
4^ l'ouantou, ou pic noir huppé.
couvertures de l'aile ; restomac et le ventre sont on-
des de bandes noires et grises, et la gorge est griveîée
de même; de la mandibule inférieure du bec part une
moustache rouge; une belle huppe de cette môme
couleur couvre la tête et retombe en arrière ; enfin,
sous les longs filets de cette huppe , on aperçoit de
petites plumes du même rouge qui garnissent le haut
du cou.
Barrère a autant de raison de rapporter à ce pic l'hi-
pecou de Marcgrave, que M. Brisson paroît avoir de
tort en le rapportant au grand pic de la Caroline de
Catesby. Celui-ci est plus grand qu'une corneille , et
l'hipecou pas plus grand qu'un pigeon. D'ailleurs le
reste de la description de Marcgrave convient autant
à l'ouantou qu'il convient peu au grand pic de la
Caroline qui n'a pas le dessous du corps varié de noir
et de blanc comme l'ouantou et l'hipecou, qui a le
bec long de trois pouces, et non pas de six lignes.
Or, ces caractères ne conviennent pas davantage au
pic noir de la Louisiane , et M. Brisson paroît encore
se tromper en rapportant à cette espèce l'ouantou ,
qui n'est, comme nous venons de le voir, que l'hi-
pecou, et qu'il eût mieux placé sous sa onzième es-
pèce , à laquelle conviennent tous les caractères de
l'hipecou et de l'ouantou.
L'ouantou de Cayennc est aussi le tlauhqueclmlto-^
totl de la Nouvelle-Espagne, de Fernandès : nous l'a-
vons reconnu par un trait singulier; c'est, dit Fer-
nandès, un pic perceur d'arbres. Il a la tête et le
dessus du cou garnis de plumes rouges. « Ces plumes
appliquées, dit-on , ou plutôt collées contre la tête
d'un malade^ apaisent la douleur^ soit qu'on l'ait re-
l'oUANTvOU, ou pic NOIU liUPPÉ. .\3
connu par l'expérience, soit qu'on l'ait imaginé en
les voyant collées de près à la tête de l'oiseau. » Or,
entre tous les pics, c'est à celui-ci que convient le
mieux ce caractère, d'avoir les petites plumes rouges
qui lui garnissent l'occiput et le haut du cou , pla-
quées et comme collées contre la peau.
LE PIC A COU ROUGE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Picus rubi'icolUa. Lath.
Nous avons préféré, pour désigner ce pic , n" 61 2 ,
la dénomination de cou rouge à celle de tête rouge ,
parce que la plupart des pics ont la tête plus ou
moins rouge. Celui-ci a de plus le cou entier jusqu'à
la poitrine, de cette belle couleur; ce qui suffit pour
le distinguer. Il est un peu plus long que le pic vert,
son cou et sa queue étant plus allongés; ce qui fait
paroître son corps moins épais. Toute la tête ^i le
cou sont garnis de plumes rouges jusque sur la poi-
trine , où des teintes de cette couleur vont encore
se confondre avec le beau fauve qui la couvre , ainsi
que le ventre et les flancs; le reste du corps est d'un
brun foncé presque noir, où le fauve se môle sur les
pennes des ailes. Ce pic se trouve à la Guiane, ainsi
que le précédent et le suivant.
LE PETIT PIC NOIR.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Picus hirundmaceus. Latu.
Celui-ci, n" 694, fig- 2 , est le plus petit des pics
noirs ; il n'est que de la grandeur du torcol. Un noir
44 ^^ PETIT PIC NOIR.
profond , avec des reflets bleuâtres , enveloppe la
gorge, la poitrine, le dos et la tête, à l'exception d'une
tache rouge qui se trouve sur la tête du mâle; il a
aussi une légère trace de blanc sur l'œil, et quelques
petites plumes jaunes vers l'occiput; au dessous du
corps, le long du sternum, s'étend une bande d'un
beau rouge ponceau ; elle finit au ventre, qui, comme
les côtés, est très bien émaillé de noir et de gris blanc ;
la queue est noire.
Il y a une variété de ce pic , qui, au lieu de tache
rouge au sommet de la tête , a tout alentour une
couronne jaunâtre, qui est le développement de ces
petites plumes jaunes qu'on voit dans le premier, et
marque apparemment une variété d'âge. La femelle
n'a ni tache rouge ni cercle jaune sur la tête.
Nous rapporterons à cette espèce le petit grim-
pereau noir d'Albin , dont M. Brisson a fait sa sep-
tième espèce , sous le nom de pic noi?' de la Nouvelle-
Angleterre ^ mais qui a trop de rapports avec le petit
pic noir de Cayenne pour qu'on doive les séparer.
LE PIC NOIR A DOMINO ROUGE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Picus erythrocephalus. Gmel.
Ce pic, n* 117, donné par Catesby, se trouve en
Virginie. 11 est à peu près de la grosseur de l'épeiche
ou pic varié d'Europe. II a toute la tête enveloppée
d'un beau domino rouge, soyeux, et lustré, qui
tombe sur le cou; tout le dessus du corps et le crou-
pion sont blancs , de même que les petites pennes
de Taile , dont le blanc se joint à celui du croupion
LE PIC jNOIK a domino ROUGE. 4^
pour former sur le bas du dos une grande plaque
blanche ; le reste est noir, ainsi que les grandes plu-
mes de l'aile et toutes celles de la queue.
On ne voit en Virginie que très peu de ces oiseaux
pendant l'hiver; il y en a davantage dans cette saison
à la Caroline , mais non pas en si grand nombre qu'en
été. Il paroît qu'ils passent au sud pour éviter le froid ;
ceux qui restent s'approchent des villages, et vont
même frapper contre les fenêtres des habitations. Ca-
tesby ajoute que ce pic mange quantité de fruits et
de grains : mais c'est apparemment quand toute au-
tre nourriture lui manque; autrement il différeroit
par cet appétit de tous les autres pics, pour qui les
fruits et les grains ne peuvent être qu'une ressource
de disette , et non un aliment de choix.
LÉPEICHE,
ou LE PIC VARIÉE,
PREMIÈRE ESPÈCE.
Picus major. Gmel.
La troisième espèce de nos pics d'Europe est le pic
varié ou Fépeiche , et ce dernier nom paroît venir
de l'allemand elster specht^ , qui répond dans cette
langue à celui de pic varié dans la nôtre ; il désigne
1. En italien , ca/rosso ; en allemand, clstcr spcc/it , bunt spcclit ^
weiss-specfit; en anglois, grcat spottedwood-pecker, witivat, french-pie.
2. Pic-pie.
46 l'épeighe, ou le pic vakié.
l'agréable effet que font dans son plumage le blanc
et le noir, relevés du rouge de la tête et du ventre.
Le sommet de la tête est noir, avec une bande rouge
sur l'occiput, et la coiffe se termine sur le cou par
une pointe noire ; de là partent deux rameaux noirs,
dont une branche de chaque côté remonte à la racine
du bec, y trace une moustache, et l'autre, descen-
dant au bas du cou, le garnit d'un collier; ce trait
noir s'engage vers l'épaule , dans la pièce noire qui
occupe le milieu du dos ; deux grandes plaques blan-
ches couvrent les épaules; dans l'aile, les grandes
pennes sont brunes, les autres noires et toutes mê-
lées de blanc; tout ce noir est profond, tout ce blanc
est net et pur; le rouge de la tête est vif, et celui du
ventre est un beau ponceau. Ainsi le plumage de l'é-
peiche est très agréablement diversifié , et on peut lui
donner la prééminence en beauté sur tous les au-
tres pics.
Cette description ne convient entièrement qu'au
mâle, n° 096 : la femelle , donnée dans les planches
enlummées, n° 695, n'a point de rouge à l'occiput.
On connoît aussi des épeiches dont le plumage est
moins beau, et même des épeiches tout blancs. Il y
a de plus dans cette espèce une variété dont leo cou-
leurs paroissent moins vives, moins tranchées, et dont
tout le dessus de la tête et le ventre sont rouges, mais
d'un rouge pâle et terne.
C'est de cette variété, représentée dans les plan-
ches enluminées, n*" 61 i , que M. Brisson a fait son
second pic varié , après l'avoir déjà donné une fois
sous le nom de grand pic varié , quoique tous deux
soient à peu près de la même grandeur, et qu'on ait
l'épeiciie, ou le pic varié. 4;
de tout temps reconnu cette variété dans l'espèce.
Belon, qui, à la vérité, vivoit dans le siècle où les
formules de nomenclature et les erreurs scientiûques
n'avoient point encore multiplié les espèces, parle de
ces différences entre ces pics variés , et , ne les jugeant
rien moins que spécifiques, les rapporte toutes à son
épeiche : mais c'est avec raison qu'Aîdrovande re-
prend ce naturaliste et Turner sur l'application qu'ils
ont faite du nom de picus martlus au pic varié; car ce
nom n'appartient exactement qu'au pic vert, Aristote
a connu l'épeiche; c'est celui de ses trois pics qu'il
désigne comme un peu moins grand que le merle, et
comme ayant dans le plumage un peu de rouge.
L'épeiche frappe contre les arbres des coups plus
vifs et plus secs que le pic vert ; il grimpe ou il des-
cend avec beaucoup d'aisance, en haut, en bas, de
côté, et par dessous les branches : les pennes rudes
de sa queue lui servent de point d'appui quand, se
tenant à la renverse, il redouble de coups de bec. Il
paroît défiant; car, lorsqu'il aperçoit quelqu'un, il se
tient immobile après s'être caché derrière la branche.
Il niche , comme les autres pics, dans un trou d'arbre
creux. En hiver, dans nos provinces, il vient près des
habitations, et cherche à vivre sur les écorces des
arbres fruitiers , où les chrysalides et les œufs d'insec-
tes sont déposés en plus grand nombre que sur les
arbres des forêts.
En été, dans les temps de sécheresse, on tue sou-
vent des épeiches auprès des mares d'eau qui se trou-
vent dans les bois, et où les oiseaux viennent boire.
Celui-ci arrive toujours à la muette, c'est-à-dire sans
faire de bruit, et jauiais d'un seul vol; car il ne vieni
48 l'ÉPEICHE, 0 1, LE PIC VARIÉ.
pour l'ordinaire qu'en voltigeant d'arbre en arbre. A
chaque pause qu'il fait, il semble cherchera recon-
noître s'il n'y a rien à craindre pour lui dans les en-
virons ; il a l'air inquiet, il écoute, il tourne la tête
de tous côtés, et il la baisse aussi pour voir à terre à
travers le feuillage des arbres; et le moindre bruit
qu'il entend suffit pour le faire rétrograder. Lorsqu'il
est arrivé sur l'arbre le plus voisin de la mare d'eau ,
il descend de branche en branche jusqu'à la plus
basse, et de cette dernière branche sur le bord de
l'eau. A chaque fois qu'il y trempe son bec , il écoute
encore et regarde autour de lui ; et dès qu'il a bu, il
s'éloigne promptement sans faire de pause comme
lorsqu'il est venu. Quand on le tire sur un arbre, il
est rare qu'il tombe jusqu'à terre, s'il lui reste en-
core un peu de vie, car il s'accroche aux branches
avec ses ongles; et pour le faire tomber on est sou-
vent obligé de le ti*rer une seconde fois.
Cet oiseau a le sternum très grand, le conduit in-
testinal long de seize pouces et sans cœcum , l'esto-
mac membraneux; la pointe de la langue est osseuse
sur cinq lignes de longueur. Un épeiche adulte pesoit
deux onces et demie; c'étoit un mâle qui avoit été
pris sur le nid avec six petits. Ils avoient tous les
doigtsdisposéscomme le père, et pesoient environ trois
gros chacun. Leur bec n'avoit point les deux arêtes
latérales qui, dans l'adulte, prennent naissance au
delà des narines, passent au dessous et se prolongent
sur les deux tiers de la longueur du bec; les ongles,
encore blancs, étoient déjà fort crochus. Le nidétoit
dans un vieux tremble creux , à trente pieds de hanv
leur de terre.
Li: PETIT ÉPETCIIE. 49
LE PETIT EPEIGHE*.
SECONDE ESPÈCE.
Plcus mlnor, Gmel.
Ce pic, n'* 598, fig. 1 , le mâle, et fig. 2, la fe-
melle, seroit ea tout un diminutif de lepeiclie, s'il
n'en différoit pas par le devant du corps, qui est d'un
blanc sale ou même gris , et par le manque de rouge
sous la queue, et de blanc sur les épaules. Du reste,
tous les autres caractères sont semblables. Dans ce
petit épeiche comme dans le grand , le rouge ne se
voit que sur la tête du maie ^,
Ce petit pic varié est à peine de la grandeur du moi-
neau, et ne pèse qu'une once. On le voit venir pen-
dant l'hiver près des maisons et dans les vergers. Une
grimpe pas fort haut sur les grands arbres, et semble
attaché alentour du tronc. Il niche dans un trou d'ar-
bre, qu'il dispute souvent à la mésange charbonnière,
qui n'est pas la plus forte, et qui est obligée de lui
céder son domicile. On le trouve en Angleterre, où
il a un nom propre. On le voit en Suède, et il pa-
1. En italien, pipra , pipo; en allemand, spéciale, grass-speclit ,
klein, bundter specht; en anglois, lesser spotted wood-spite or ivood-
pecker, piannes et hickwal.
2. Willughbj remarc|ue fort à propos qu'AltIrovande assure , du
petit pic varié en général , ce qui n'est vrai que de la femelle; savoir,
qu'il n j a point de rouge sur la têle. Jonslon est là dessus dans la même
e rrcur q n 'A 1 d r o v a ii d o .
ho LE PETIT ÉrEICHE.
roît même que l'espèce , comme celle du grand épei-
che , s'est étendue jusque dans TAmérique septen-
trionale ; car l'on voit à la Louisiane un petit pic varié
qui lui ressemble presque en tout, et à l'exception
que le dessus de la tête, comme dans le pic varié du
Canada, est couvert d'une calotte noire, bordée de
blanc.
M. Salerne dit que cet oiseau n*est pas connu en
France; cependant on le trouve dans la plupart de
nos provinces. La méprise vient de ce qu'il a confondu
le petit pic varié avec le grimpereau de muraille, qu'il
avoue lui-même ne pas connoître. Il se trompe éga-
lement quand il dit que Friscli ne parle point de ce
petit pic , et qu'il en conclut qu'il n'existe point en
Allemagne. Friscli dit seulement qu'il y est rare , et
il en donne deux belles figures.
M. Sonnerat a vu à Antigue un petit pic varié , que
nous rapporterons à celui-ci ; les caractères qu'il lui
donne ne l'en distinguent pas assez pour en faire deux
espèces. Il est de la même grandeur; le noir rayé,
moucbeté de blanc , couvre tout le dessus du corps;
le dessous est tacheté de noirâtre sur un fond jaune
pâle ou plutôt blanc jaunâtre; la ligne blanche se
marque sur les côtés du cou. M. Sonnerat n'a point
vu de rouge à la tête de cet oiseau ; mais il remarque
lui-même que c'étoil peut-être la femelle.
LEPEICITE DE NUBIE ONDE ET TACHETE.
s^-sifre® 0*0*0* e<e'««««s*o«<«'&a««««<
OISEAUX
DE l'ancien continent
OUI ONT RAPPORT A L'ÉPEIGHE.
L'ÉPEICHE DE NUBIE OiNDÉ ET TACHETÉ.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Pictis nubiens. Gmel.
Ce pic. II" 667 , est d'un liers moins grand que l'ë-
j3eiche d'Europe ; tout son plumage est agréablement
varié par gouttes et par ondes brisées , rompues et
comme vermiculées de blanc et de roussâtre sur fond
gris brun et noirâtre au dos, et de noirâtre en lar-
mes sur le blanchâtre de la poitrine et du ventre; une
demi-huppe d'un beau rouge couvre en calotte le
derrière de la tele; le sommet et le devant sont en
plumes fines, noires, chacune ticjuetée à la pointe
d'une petite goutte blanche ; la queue est divisée
transversalement par des ondes brunes et roussâtres.
Cet oiseau est fort joli , et l'espèce est nouvelle.
LE GRAND PIC VARIÉ DE LILE DE LUÇON.
SECONDE ESPÈCE.
Picus cardinalis. Gmel.
Notre épeiche n'est pas le plus grand des pics va-
riés , puisque celui de Luçon, dont M. Sonneratnous
52 LE GRAND PIC VARIÉ DE l'ÎLE DE LUÇON.
a donné la description, est de la taille du pic vert. Il
a les plumes du dos et des couvertures de l'aile noi-
res, mais le tuyau en est jaune ; il y a aussi des taches
jaunâtres sur les dernières ; les petites couvertures de
l'aile sont rayées transversalement de blanc ; la poi-
trine et le ventre sont variés de taches longitudinales
noires sur un fond blanc ; on voit une bande blanche
au côté du cou jusque sous l'œil ; le sommet et le
derrière de la tête sont d'un rouge vif; et parce ca-
ractère, M. Sonnerai voudroit nommer ce pic, car-
dinal; mais il y auroit trop de pics cardinaux si l'on
donnoit ce nom à tous ceux qui ont la calotte rouge;
et ce rouge sur la tête n'est point du tout un carac-
tère spécifique, mais plutôt générique pour les pics,
comme nous l'avons remarqué.
LE PETIT ÉPEICHE BRUN DES MOLUQUES.
TROISIÈME ESPÈCE.
Picus moluccensis. Gmel.
Ce petit pic, n° 748, fig. 2, n'a que deux teintes
sombres et ternes. Son plumage est d'un brun noi-
râtre, onde de blanc au dessus du corps, blanchâtre,
tacheté de pinceaux bruns au dessous; la tête et la
queue, ainsi que les pennes des ailes, sont toutes
brunes. Il n'est que de la grandeur de notre petit
épeiche , ou même un peu au dessous.
l'kpEICIîE D1; CANADA. 5,1
OISEAUX
DU NOUVEAU CONTINENT
QUI ONT RAPPORT A L'KPEIGHE.
L'ÉPEICHE DU CANADA.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Picas canadensis. Gmel,
On trouve au Canada un epeiche qui nous paroît
devoir être rapproché de celui d'Europe; il est de îa
même grosseur, et n'en diffère c|ue par ïa distribu-
tion des couleurs. Ce pic de Canada , n° 545 , fig. i ,
n'a de rouge nulle part ; son œil est environné d'un
espace noir, au lieu que l'œil de notre epeiche est
dans du blanc. Il y a pîu§ de blanc sur le côté du cou,
et du blanc ou jaune foible à l'occiput; mais ces dif-
férences ne sont que de légères variétés, et ces deux
espèces, très voisines, ne fontpeut-être que le même
oiseau, qui, en passant dans un climat différent et
plus froid , aura subi ces petits changements.
Le quaulitotopotU aller de Fernandès, qui est un
pic varié de noir et de blanc, paroît être le môme que
ce pic du Canada, d'autant plus que cet auteur ne dit
pas, dans sa description, qu'il ait du rOuge nulle
part, et qu'il semble indiquer que cet oiseau arrive
du nord à la Nouvelle-Espagne. Ce pays cependant
doit avoir aussi ses pics variés, puisque les voyageurs
en ont trouvé jusque dans l'isthme de l'Amérique,
BUFFOA. XXV. f\
54 L'ÉPElCHli Di; MEXIQUE.
L'ÉPEICHE DU MEXIQUE.
SECONDE ESPÈCE.
Picus tricotor, Gmel.
Je serois 1res porté à croire que le grand pic varié
du Mexique de M. Brisson, page 67, et son petit pic
varié du Mexique ^ V^^^ ^9? ^^ sont que le môme oi-
seau. Il donne le premier d'après Seba ; car ce n'est
que sur sa foi que Klein et Mœbring l'ont fait entrer
dans leurs nomenclatures : or on sait combien sont
infidèles la plupart des notices de ce compilateur.
Klein donne deux fois le môme oiseau , et c'est un
de ceux que nous avons exclus du genre des pics.
D'un autre côté. M. Brisson, par une raison qu'on
ne peut deviner, applique à son second pic du Mexi-
que l'épitbète de petit; quoique Fernandès, auteur
original, d'après lequel seul on peut parler, le dise
grand y et le dise deux fois dans quatre lignes. Sui~
vant cet auteur, c'est un pic de grande espèce , et de
la taille de la corneille du Mexique; son plumage est
varié de lignes blancbes transversales sur un fond noir
et brun ; le ventre et la poitrine sont d'un rouge de
vermillon. Ce pic habite les cantons les moins chauds
du Mexique , et perce les arbres comme les autres pics.
L'ÉPEICHE,
ou PIC VARIÉ DE LA JAMAÏQUE.
TROISIÈAJE ESPÈCE.
Ce pic, n° 697, la femelle, est d'une grandeur
moyenne entre celle du pic vert et de l'épeiche d'Eu-
LEPEICITE, OU PIC VARIÉ DE LA JAMAÏQUE. 55
rope. Catesby le fait trop petit en le comparant à Fé-
peiche , et Edwards le fait trop grand en lui donnant
la taille du pic vert. Ce luème auteur ne lui compte
que huit pennes à la queue; mais c'est vraisemblable-
ment par accident qu'il en manquoit deux dans l'In-
dividu qu'il a décrit, tous les pics ayant dix plumes à
cette partie. Celui-ci porte une calotte rouge, qui
tombe en coiffe sur le haut du cou ; la gorge et l'es-
tomac sont d'un gris roussâtre qui entre par degrés
dans un rouge terne sur le ventre; le dos est noir,
rayé transversalement d'ondes grises en festons , plus
claires sur les ailes, plus larges et toutes blanches sur
le croupion.
La figure de cet oiseau dans Hans Sloane est fort
défectueuse : c'est le seul pic que ce naturaliste et
M. Browne aient trouvé dans l'île de la Jamaïque,
quoiqu'il y en ait grand nombre d'autres dans le con-
tinent de l'Amérique. Celui-ci se trouve à la Caroline;
et, malgré quelques différences, on le reconnoît dans
le pic à ventre rouge de Catesby. Au reste, la femelle,
dans cette espèce, a le front d'un blanc roussâtre, et
le mâle l'a rouge.
L'ÉPEICHE,
ou PIC RAYÉ DE LA LOUISIANE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Picus caroUnus. Gmei>.
Tout le manteau de ce pic, n" 692, un peu plus
grand que l'épeiche , est agréablement rayé et rubané
de blanc et de noir par bandelettes transversales; des
56 LEPEICHE, OU PIC RAYÉ DE LA LOUISIANE.
pennes de la queue , les deux extérieures et les in-
termédiaires sont mêlées de blanc et de noir, les au-
tres sont noires ; tout le dessous et le devant du corps
est gris blanc uniforme; un peu de rouge lavé teint
le bas-ventre. De deux individus que nous avons au
Cabinet, l'un aie dessus de la tête entièrement rouge,
avec quelques pinceaux de cette couleur à la gorge ,
et jusque sous les yeux; l'autre ( et c'est celui que re-
présente la planche enluminée) a le front gris, et n'a
de rouge qu'à l'occiput : c'est vraisemblablement la
femelle, cette différence revenant à celle qu'on ob-
serve généralement de la femelle au mâle dans le
genre de ces oiseaux, qui est de porter moins de rouge,
ou de n'en porter point du tout à la tête. Au reste, ce
ix)uge est dans l'un et dans l'autre une teinte plus foi-
ble et plus claire que dans les autres épeiches,
L'ÉPEICHE,
ou PIG VARIÉ DE LA ENGENADA.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Picus bi.coior. Gmel.
Cet oiseau , n° 748, fig. J , n'est pas plus grand que
notre petit pic varié , et il est un des plus jolis de ce
genre : avec des couleurs simples, son plumage est
émaillé d'une manière brillante ; du blanc et du gris
brun composent toutes ses couleurs; elles sont si
agréablement coupées, interrompues et mêlées, qu'il
en résulte un effet charmant à l'œil. Le mâle est bien
huppé, et dans sa huppe perce.nt quelques plumes
rouges : la femelle ne l'esi pas, et sa tête est toute
brune.
LEPEICHE, OU PIC CHIÎVEtU DE VIRGINIE. 67
L'ÉPEÏGHE,
ou PIC CHEVELU DE VIRGINIE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Picus vîUosus. Gmel.
Nous emprunterons des Anglois de la Virginie le
ïioin de pic chevelu qu'ils donnent à cet oiseau, n** 754,
pour exprimer un caractère distinctif , qui consiste
en une bande blanche, composée de plumes effilées,
qui règne tout le long du dos et s'étend jusqu'au crou-
pion ; le reste du dos est noir ; les ailes sont noires
aussi, mais marquetées avec assez de régularité de
taches d'un blanc obscur, arrondies et en larmes ; une
tache noire couvre le sommet, et une rouge le der-
rière de la tète; de là jusqu'à l'œil s'étend une ligne
blanche , et une autre est tracée au côté du cou; la
queue est noire ; tout le dessous du corps est blanc.
Ce pic est un peu moins grand que l'épeiche.
L'ÉPEICHE,
ou PETIT PIC VARIÉ DE VIRGINIE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Picus pubescens. Gmel.
Gatesby nous a encore fait connoître ce petit pic. 11
pèse un peu plus d'une once et demie , et ressemble
si fort, dit-il, au pic chevelu, par ses taches et ses
couleurs, que, sans la différence de grosseur, on
pourroit croire que c'est la même espèce. La poitrine
et le ventre de celui-ci sont d'vm gris clair; les quatre
58 LÉPEICHE, OU l'ETlï PIC VARIE DE VIRGINIE.
pennes du milieu de la queue sont noires , et les au-
tres barrées de noir et de blanc : ce sont là les seules
différences de ce petit pic au pic chevelu. La femelle
diffère du mâle , comme dans presque toutes les es-
pèces de pics, en ce qu'elle n'a point de rouge sur la
tête.
L'ÉPEICHE,
ou PIC VARIÉ DE LA CAROLllV^E.
HUITIÈME ESPÈCE.
PicHS varias. Gmel.
Quoique ce petit pic, n"" 785, porte une teinte jaune
sur le ventre, nous ne l'exclurons pas de la famille des
pics variés de blanc et de noir, parce qu'il y est évi-
demment compris par les couleurs du manteau , qui
sont celles qui décident le plumage. Il est à peine
aussi grand que notre petit épeiche. Tout le dessus
de la tête est rouge ; quatre raies alternativement
noires et blanches couvrent l'espace de la tempe à la
joue, et la dernière de ces raies encadre la gorge,
qui est du même rouge que la tête ; le noir et le blanc
se mêlent et se coupent agréablement sur le dos, les
ailes et la queue; le devant du corps est jaune clair,
parsemé de quelques pinceaux noirs. La femelle n'a
point de rouge. Ce pic se trouve en Virginie, à la Ca-
roline, et à Cayenne , selen M. Brisson.
LEPEICllE, OU riC VAllIE O A' I) E. ;')()
L'ÉPEICHE,
ou PIC VARIÉ OINDK.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Picas tridactylus. L.
Ce pic, donné dans les planches enluminées, n" 55v'>,
vsous la dénomination de pic taclieté^ doit plutôt s'ap-
peler varié ; car son plumage, avec moins de blanc ,
ressemble fort à celui de Tépeiche : il est noir sur b*
dos, chargé de blanc en ondes , ou plutôt en écailles,
sur les grandes pennes de l'aile; ces deux couleurs
forment, quand elle est pliée , une bande en damier;
le dessous du corps est blanc , varié sur les flancs d'é-
caîlles noires ; deux traits blancs vont en arrière, l'un
de l'œil, l'autre du bec, et le sommet de la tête est
rouge.
La figure de ce pic convient parfaitement avec la
description du pic varié de Cayenne de M. Rrisson,
excepté que le premier a quatre doigts comme tous
les pics, et que celui de M. Brisson n'en a que trois.
11 existe donc réellement un pic à trois doigts ; c'est
de quoi , malgré le peu de rapport analogique, on ne
peut guère douter. Edwards a reçu deux de ces pics
à trois doigts de la baie d'Hudson, et en a vu un troi-
sième venu des mômes contrées. Linnaeus en décrit
un trouvé en Dalécarlie ; Schmit, un de Sibérie; et
nous sommes informés par M. Lottinger que ce pic
à trois doigts se trouve aussi en Suisse. Il paroît
donc que ce pic à trois doigts habite le nord des
deux continents. Ce doigt de moins fait-il un carac-
6o l'éfkicjie, ou pic varié onde.
tère spécifique , ou n'est-il qu'un attribut individuel?
C'est ce qu'on ne peut décider sans un plus grand
nombre d'observations. Mais ce que l'on doit nier ,
c'est que celte même espèce qui habite le nord des
deux continents se trouve sous l'équateur à Cayenne,
quoique, d'après M, Brisson, on l'ait nommé pic ta-
cheté de Cayenne dans la planche enluminée. Ces pe-
tites méprises dans quelques unes de nos planches
viennent de ce que nous avons été obligés de les faire
graver à mesure que nous pouvions nous procurer les
oiseaux, et par conséquent avant d'en avoir composé
l'histoire.
Après cette longue énumération de tous les oiseaux
des deux continents qui ont rapport aux pics, et qui
même semblent en constituer le genre, nous devons
observer qu'il nous a paru nécessaire de rejeter quel-
ques espèces indiquées par nos nomenclateurs ; ces
espèces sont la troisième, la huitième et la vingtième
données par M. Brisson pour des pics, par Seba pour
des hérons , et par Mœhring pour des corneilles,
Klein appelle ces mêmes oiseaux liarponneurSy parce
que, selon Seba, ils frappent et percent de leur bec les
poissons en tombant du haut de l'air. Cette habitude
est, comme l'on voit, bien différente de celle des picsj
et d'ailleurs les caractères de ces oiseaux dans les
figures de Seba, où les doigts sont disposés trois et
un, démontrent qu'ils sont d'un genre très différent
de celui des pics ; eî l'on doit avouer qu'il faut avoir
une grande passion de multiplier les espèces pour en
établir ainsi sur des figures fautives, à côté de notices
rontradictoires.
LES riCS-GlUMPEREAUX. 6l
LES P1GS-GRIMPEREAUX\
Le genre de ces oiseaux, dont nous ne connoissons
que deux espèces, nous paroît être assez différent de
tous les autres genres pour l'en séparer. On nous a
envoyé de Cayenne deux espèces de ces oiseaux, et
nous avons cru devoir les nommer plcs-grlmpereaux^
parce qu'ils font la nuance entre le genre des pics et
celui des grimpereaux, la première et la plus grande
espèce étant plus voisine des grimpereaux par son b^c
courbé, et la seconde étant au contraire plus voisine
des pics par son bec droit. Toutes deux ont trois doigts
en avant et un en arrière comme les grimpereaux, et
en même temps les pennes de la queue roides et poin-
tues comme les pics.
Le premier et le plus grand de ces pics-grimpereaux
a dix pouces de longueur : il a la tête et la gorge ta-
chetées de roux et de blanc ; le dessus du corps roux ,
et le dessous jaune , rayé transversalement de noirâtre;
le bec et les pieds noirs.
Le second et le plus petit n'a que sept pouces de
longueur : il a la tête, le cou, et la poitrine tachetés
de roux et de blanc; le dessus du corps est roux, et
le ventre d'un brun roussâtre; son bec est gris, et ses
pieds sont noirâtres.
Tous deux ont à 1res peu près les mêmes habitu-
1. N" 621, sous la dénoniiiiatiott de picuciilc de Cayenne; et n"Go5,
sous la dénornjualioa de iatapio. Ces noms nous avoieut été donnés
pcU' des gens qui les avoieut imaginés sans aucun fondement.
6'J LES PICS-GRIMPEREALX.
des naliirelles : ils griinperit contre les arbres à la
manière des pics, en s'aidant de leur queue, sur la-
quelle ils s'appuient; ils percent lecorce et le bois
en faisant beaucoup de bruit ; ils mangent les insectes
qui se trouvent dans le bois et les écorces qu'ils per-
cent; ils habitent les forêts, où ils cherchent le voi-
sinage des ruisseaux et des fontaines. Les deux es-
pèces vivent ensemble et se trouvent souvent sur le
même arbre ; cependant elles ne se mêlent pas : seu-
lement il paioît que ces oiseaux aiment fort la com-
pagnie ; car ils s'attachent toujours, en grimpant,
aux arbres sur lesquels il y a plusieurs autres petits
oiseaux perchés. Ils sont très vifs et voltigent d'un
arbre à l'autre pour se coller et grimper; mais jamais
ils ne se perchent ni ne font de longs vols. On les
trouve assez communément dans l'intérieur des ter-
res de la Guîane, où les naturels du pays les con-
fondent avec les pics; et c'est par cette raison qu'ils
ne leur ont point donné de nom particulier. Il est
assez probable que ces oiseaux se trouvent aussi dans
les autres climats chauds de l'Amérique ; néanmoins
aucun voyageur n'en a fait mention.
frgo»»»»*» g-e^' »»»»a'0i&'aa»»»»»e«8o®9e<'»a»»e'9»ft»a<»»8«.a>»ge
LE TORGOL\
Ytmx torqmUa. L.
Cet oiseau, n'*69S, se reconnoît au premier coup
d'œil par un signe ou plutôt par une habitude qui
1. En latin inoileine . (orquilla; eu italien , torlocotto , capotorlo ,
verticella (ces noms, dans presque loulos les langues, reviennent ù
LE TOKCOL. 65
n'appartieat qu'à lui, c'est de tordre et de tourner
le cou de côté et en arrière, la tête renversée vers
le dos, et les yeux à demi fermés, pendant tout le
temps que dure ce mouvement, qui n'a rien de pré-
cipité, et qui est au contraire lent, sinueux, et tout
semblable aux replis ondoyants d'un reptile^ : il pa-
roît être produit par une convulsion de surprise et
d'effroi, ou par une crise d'étonnement à l'aspect de
tout objet nouveau; c'est aussi un effort que l'oiseau
semble faire pour se dégager lorsqu'il est retenu.
Cependant cet étrange mouvement lui est naturel et
dépend en grande partie d'une conformation particu-
lière, puisque les petits dans le nid se donnent les
mêmes tours de cou; en sorte que plus d'un déni-
cheur effrayé les a pris pour de petits serpents.
Le torcol a encore une autre habitude assez sin-
gulière : un de ces oiseaux, qui étoiten cage depuis
vingt-quatre heures, lorsqu'on s'approchoit de lui,
se tournoit vis-à-vis le spectateur; puis le regardant
fixement, s'élevoit sur ses ergots, se portoit en avant
avec lenteur, en relevant les plumes du sommet de
sa tête, la queue épanouie; puis se reliroit brusque-
ment en frappant du bec le fond de sa cage et ra-
battant sa huppe. Il recommençoit ce manège, que
celui de iorcoL); eu espaguol , torzicuetlo ; eu allemand, wind-hnlsz,
nater-haisz, dreli-kaLsz, nater-zwang , nater-wendei; en anglois , wty-
neck; languard ou tire-langue, en Provence; coutouilic, eu Daupiiiné;
torticolis, eu Lorraine; ailleurs, trousse-col, longue-langue; à Malte,
roi des cailles, nom que l'on donne partout ailleurs au râle tenestre-
1. Apparemment on lui a aussi trouvé de l'analogie avec ce tour de
tète que se donnent certaines peisonnes pour alîecter un maintien re-
cueilli , et qui de là ont été vulgairement appelés torculs.
64 LE TORCOL.
Schwenckfeld a observé comme nous, jusqu'à cent
fois de suite, et lanl qu'on restoit en présence.
Ce sont apparemment ces bizarres attitudes et ces
tortures naturelles qui ont anciennement frappé les
yeux de la superstition quand elle adopta cet oiseau
dans les enchantements, et qu'elle en prescrivit l'u-
sage comme du plus puissant des philtres^.
L'espèce du torcol n'est nombreuse nulle part^ et
chaque individu vit solitairement et voyage de même;
on les voit ariver seuls au mois de mai ; nulle société
que celle de leur femelle : encore cette union est-
elle de très courte durée ; car ils se séparent bientôt ,
et repartent seuls en septembre. Un arbre isolé au
milieu d'une large haie est celui que le torcol pré-
fère ; il semble le choisir pour se percher plus soli-
tairement. Sur la fin de l'été, on le trouve également
seul dans les blés, surtout dans les avoines et dans
les petits sentiers qui traversent les pièces de blé
noir. Il prend sa nourriture à terre, et ne grimpe pas
contre les arbres comme les pics, quoiqu'il ait le bec
et les pieds conformés comme eux, et qu'il soit très
1. Tellemeut que le nom de jynx en avoit pris la force de signifi(;r
toutes sortes d'enchanîements, de passions violentes, et tout ce qu'on
appelle charme de la beauté, et ce pouvoir aveugle par lequel nous
nous sentons entraînes. C'est dans ce sens qu'tléliodore , Lycophron ,
Pindare, Eschyle, Sophocle, s'en sont servis. L'enchanteresse de Théo-
crite {pharmaceutria) fait ce charme pour rappeler son amant. G'étoit
Vénus elle-même qui , du mont Olympe , avoit apporté le jynx à Ja-
son , et lui en avoit enseigné la vertu , pour forcer JVlédéc à l'amour.
L'oiseau lut jadis une nymphe, tille de l'Écho : par ses enchantements,
Jupiter étoit passionné pour l'Aurore ; Junon en courroux opéra sa
métamorphose.
LE TORCOL. 65
voisin du genre de ces oiseaux; mais il paroît former
une petite famille à part et isolée, qui n'a point con-
tracté d'alliance avec la grande tribu des pics et des
épeiches.
Le torcol est de la grandeur de l'alouette, ayant
sept pouces de longueur et dix de vol ^. Tout son
plumage est un mélange de gris , de noir et de tanné ,
par ondes et par bandes, tracées et opposées de ma-
nière à produire le plus riche émail avec ces teintes
sombres; le dessous du corps, fond gris blanc, teint
de roussâtre sous le cou, et peint de pelit.es zones
noires, qui, sur la poitrine , se détachent , s'allongent
en fer de lance, et se parsèment en s'éclaircissant
sur l'estomac; la queue composée de dix pennes flexi-
bles, et que l'oiseau épanouit en volant, est variée
par dessous de points noirs sur un fond gris feuille-
morte , et traversée de deux ou trois larges bandes
en ondes , pareilles à celles qu'on voit sur l'aile des
papillons phalènes : le même mélange de belles on-
des noires, brunes et grises, dans lesquelles on dis-
tingue des zones, des rhombes , des zigzags, peint
tout le manteau sur un fond plus foncé et mêlé de
roussâtre. Quelques descripteurs ont comparé le plu-
mage du torcol à celui de la bécasse : mais il est plus
agréablement varié; les teintes en sont plus nettes,
plus distinctes, d'une touche plus moelleuse et d'un
plus bel effet. Le ton de couleur, plus roux dans le
mâle, est plus cendré dans la femelle ; c'est ce qui les
1. Mesure moyenne. Les proporlions que donne M. Brîsson sont
prises sur uu pelif individu, puisqu'il ne donne que six pouces et demi
de longueur, et nous en avons aiesuré qui en avoicnt sept et demi.
66 LE TORCOI-
distingue. Les pieds sont d'un gris roussâtre, les on-
gles aigus, et les deux extérieurs sont beanconp plus
longs que les deux intérieurs.
Cet oiseau se tient fort droit sur la branche on il
se pose; son corps est même renversé en arrière :
il s'accroche aussi au tronc d'un arbre pour dormir;
mais il n'a pas l'habitude de grimper comme le pic ,
ni de chercher sa nourriture sous les écorces. Son
bec , long de neuf lignes, et taillé comme celui des
pics, ne lui sert pas à saisir et prendre sa nourriture ;
ce n'est, pour ainsi dire, que l'étui d'une grande
langue qu'il tire de la longueur de trois ou quatre
doigts , et qu'il darde dans les fourmilières : il la re-
tire chargée de fourmis retenues par une liqueur
visqueuse dont elle est enduite. La pointe de cette
langue est aiguë et cornée ; et pour fournir à son
allongement, deux grands muscles partent de sa ra-
cine , embrassent le larynx, et, couronnant la tète,
vont, comme aux pics, s'implanter dans le front. Il
a encore de commun avec ces oiseaux de manquer
de cœcum. Willughby dit qu'il a seulement une es-
pèce de renflement dans les intestins à la place du
cœcum.
Le cri du torcol est un son de sifflement assez aigre
et traîné, ce que les anciens appeloient proprement
slridor : c'est de ce cri que le nom grec iolz paroît
avoir été tiré. Le torcol se fait entendre huit ou dix
jours avant le coucou. II pond dans des trous d'arbre,
sans faire de nid et sur la poussière du bois pourri
qu'il fait tomber au fond du trou en frappant les pa-
rois avec son bec; ou y trouve communément huit
LE T OR COL. 67
OU dix œufs d'un blanc d'ivoire^. Le maie apporte
des fouru'.is à sa femelle qui couve; et les petits nou-
veau-nes, dans le mois de juin, tordent déjà le cou,
et soufflent avec force lorsqu'on les approche. Ils
quittent bientôt leur nid, où ils ne prennent aucune
affection les uns pour les autres ; car ils se séparent et
se dispersent dès qu'ils peuvent se servir de leurs
ailes.
On ne peut guère les élever en cage ; il est très
difFicile de leur fournir une nourriture convenable :
ceux qu'on a conservés pendant quelque temps tou-
choient avec la pointe de la langue la pâtée qu'on leur
présentoit avant de la manger, et, après en avoir
goûté, ils la rcfusoient et se laissoient mourir de
faim 2. Un torcol adulte, que Gesner essaya de nour-
rir de fourmis, ne vécut que cinq jours; il refusa
constamment tous les autres insectes, et mourut ap«
paremment d'ennui dans sa prison.
Sur la fin de l'été, cet oiseau prend beaucoup de
graisse, et il est alors excellent à manger; c'est pour
1. Ou nous a rapporté , le 12 juin , dix œufs de lorcol pris dans un
Irou de vieux pommier creux, h cinq pieds de hauteur, qui repo-
soient sur du bois vermoulu ; et depuis trois années on nous avoit
apporté , dans la même saison , des œufs de torcol pris dans le même
trou.
'2. Je fis prendre , le lo juin , un nid de torcol dans le creux d'un
pommier sauvage à cinq pieds de terre. Le mâle étoit resté sur les
hautes branches de l'arbre, et crioit très fort, tandis qu'on prenoit
sa femelle et ses petits. Je les fis nourrir avec de la pâtée faite de pain
et de frqmage ; ils vécurent près de trois semaines. Ils s'étoient fami-
liarisés avec la personne qui en avoit soin, et veuoient manger dans
sa main. Lors([u'ils furent devenus grands, ils refusèrent la pâtée ordi-
naire; et comme on n'avoil pas d'insectes à leur fournir ils moururent
de faim. {Note communiquée par M. Gueneau de MonthciUord.)
G8 LE TORCOL.
cela qu'en plusieurs pays on lui donne le nom dW-
iolan. Il se prend quelquefois à la sauterelle, et les
chasseurs ne manquent guère de lui arracher la lan-
que dans l'idée d'empêcher que sa chair ne prenne
le goiit des fourmis. Cette petite chasse ne se fait
qu'au mois d'août jusqu'au milieu de scptemhre ,
temps du départ de ces oiseaux, dont il ne reste au-
cun dans nos contrées pendant l'hiver.
L'espèce est néanmoins répandue dans toute l'Eu-
rope, depuis les provinces méridionales jusqu'en
Suède, et même en Laponie; elle est assez commune
en Grèce, en Italie. iNous voyons, par un passage de
Philostrate, que le torcol étoit connu des mages, et
se trou voit dans la Babylonie ; et Edwards nous assure
qu'on le trouve au Bengale : en sorte que l'espèce,
quoique peu nombreuse dans chaque contrée, paroît
s'être étendue dans toutes les régions de l'ancien con-
tinent. Aldrovande seul parle d'une variété dans cette
espèce ; mais il ne la donne que d'après un dessin ,
et les différences sont si légères, que nous avons cru
ne devoir pas l'en séparer.
LES OISEAUX BARBUS.
Les naturalistes ont donné le nom de barbus à plu-
sieurs oiseaux qui ont la base du bec garnie de plu-
mes effilées, longues, roides comme des soies, toutes
dirigées en avant; mais nous devons observer qu'on
a confondu sous cette dénomination des oiseaux d'es-
LES OISEAUX lîAR RUS. 69
pèces diverses et de climats très éloignés. Le tama-
tia de Marcgrave, qui est un oiseau du Brésil, a été
mis à côté du barbu d'Afrique et de celui des Philip-
pines ; et toutes les espèces qui portent la barbe sur
le bec et qui ont deux doigts en avant et deux en ar-
rière ont été mêlées par les noraenclateurs, quoique
les barbus de l'ancien continent diffèrent de ceux du
nouveau en ce qu'ils ont le bec beaucoup plus épais,
plus raccourci et plus convexe en dessous. Pour les
distinguer, nous appellerons tamatias ceux de l'A-
mérique , et nous ne laisserons le nom de barbus qu'à
ceux de l'ancien continent.
t4«-osA;<8»-e»J ■&!.-» ^*«*»»***-»«** «"»*»*«*« 6«e«
LE TAMATIA.
PREMIERE ESPECE.
Biicco tamatia. L.
Nous avons déjà averti que c'est par erreur que
M. Brisson a placé cet oiseau, n** 74^, fîg. i , avec la
grivette ou petite grive de Catesby; car il en est tout-
à-fait diflérent, tant par la disposition des doigts que
par la barbe et la forme du bec , et la grosseur de la
tête, qui , dans tous les oiseaux de ce genre, est plus
considérable , relativement au volume du corps , que
dans aucun autre. II est vrai que Marcgrave a fait aussi
une faute à ce sujet, en disant que cet oiseau n'avoit
pas de queue : il auroit^dû dire qu'il ne l'avoit pas
longue ; et il y a toute apparence qu'il a décrit un
BUFFON. XXV.
70 LE TAMATIA.
oiseau dont on avoit arraché la queue : mais, comme
tous les autres caractères sont entiers et bien expri-
més, il nous paroît qu'on peut compter sur son indi-
cation, d'autant que cet oiseau se trouvant à Gayenne
comme au Brésil, et nous ayant été envoyé, il nous a
été facile d'en faire la comparaison et la description.
Il a six pouces et demi de longueur totale ; la queue
a deux pouces; le bec, quinze lignes. L'extrémité su-
périeure du bec est crochue et comme divisée en
deux pointes; la barbe qui le .couvre s'étend à plus
de moitié de sa longueur. Le dessus de la tête et le
front sont roussâtres; il y a sur le cou un demi-col-
lier varié de noir et de roux, et le reste du plumage
en dessus est brun, nuancé de roux; on voit de cha-
que côté de la têle , derrière les yeux, une tache
noire assez grande ; la gorge est orangée, et le reste
du dessous du corps est tacheté de noir sur un fond
blanc roussâtre; le bec et les pieds sont noirs.
Les habiUides naturelles de ce premier tamatia sont
aussi celles de tous les oiseaux de ce genre dans le
nouveau continent : ils ne se tiennent que dans les
endroits les plus solitaires des forêts, et restent tou-
jours éloignés des habitations, même dans les lieux
découverts ; on ne les voit ni en troupes ni en paires.
Ils ont le vol pesant et court, ne se posent que sur
des branches basses, et cherchent de préférence cel-
les qui sont les plus garnies de petits rameaux et de
feuilles. Ils ont peu de vivacité ; et quand ils sont une
fois posés, c'est pour long-temps : ils ont même une
mine triste et sombre ;. on diroit qu'ils affectent de se
donner un air grave en retirant leur grosse tête entre
leurs épaules; elle paroît alors couvrir tout le devant
LE TAMATIA. -jl
du corps. Leur naturel répond parfaitement à leur
figure massive et à leur maintien sérieux. Leur corps
est aussi large que long , et ils ont beaucoup de peine
à se mettre en mouvement. On peut les approcher
d'aussi près que Ton veut , et tirer plusieurs coups de
fusil sans les faire fuir. Leur chair n'est pas mauvaise
à manger , quoiqu'ils vivent de scarabées et d'autres
gros insectes. Enfin ils sont très silencieux, très soli-
taires, assez laids et fort mal faits.
LE TAMATIA
A TÊTE ET GORGE ROUGES.
SECONDE ESPÈCE.
Biicco cayennensis, Gmel.
Cet oiseau, n** 206, fig. i, que nous avons indiqué
dans la même planche sous deux dénominations dif-
férentes , ne nous paroît pas néanmoins former deux
espèces, mais une simple variété; car tous deux ont
la tête et la gorge rouges , les côtés de la tête et tout
le dessus du corps noirs, le bec noirâtre , et les pieds
cendrés. Ils ne diffèrent qu'en ce que celui repré-
senté dans la figure première a la poitrine d'un blanc
jaunâtre, tandis que l'autre Ta d'un brun lavé de
jaune; il a de plus que le premier des taches noires
sur le haut de la poitrine ; le premier a aussi une
petite tache blanche au dessus des yeux, et des ta-
ches blanches sur les ailes , que le second n'a pas :
72 LK TAMATIA A TETK ET GOKGE ROUGES.
maïs comme ils se ressemblent en tout le reste, et
qu'ils sont précisément de la même grandeur, nous
ne croyons pas que ces diflérences de couleur suffi-
sent pour en faire deux espèces distinctes, comme
lont fait nos nomenclateurs. Ces oiseaux se trouvent
non seulement à la Guiane, mais à Saint-Domingue,
et probablement dans les autres climats chauds de
l'Amérique.
LE TAMATIA A COLLIER.
TROISIÈME ESPÈCE.
Bucco capensis. Gmel.
Cet oiseau, n" ogS, a le plumage assez agréable-
ment varié. Le dessus du cou est d'un orangé foncé,
rayé transversalement de lignes noires. Il porte au-
tour du cou un collier noir, qui est fort étroit au
dessus, et si large au dessous qu'il couvre tout le
haut de la poitrine ; de plus, ce collier noir est ac-
coînpagné, sur le dessus du cou , d'un autre demi-col-
lier de couleur fauve. La gorge est blanchâtre ; le bas
de la poitrine est d'un blanc roussâtre, qui devient
toujours plus roux à mesure qu'il descend sous le
ventre. La queue est longue de deux pouces trois li-
gnes, et la grandeur totale de l'oiseau est de sept pou-
ces un quart; son bec est long d'un pouce cinq lignes;
et les pieds, qui sont gris, ont sept lignes et demie de
hauteur. On le trouve à la Guiane, où néanmoins il
est rare.
LE BEAU TAMATIA. nZ
e<t>»«-tf»«»o»»»8 »a»»»»o»C»a-e
LE BEAU TAMATIA.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Buccoelegans, Gmel.
Cet oiseau, n" 35o, est le plus beau , c'est-à-dire
le moins laid de ce genre ; il est mieux fait, plus pe-
tit, plus effilé, que tous les autres, et son plumage
est varié de manière qu'il seroit difficile de le décrire
en détail. La planche enluminée le représente assez
fidèlement. Il a cinq pouces huit lignes de longueur,
y compris la queue, qui a près de deux pouces; le
bec a dix lignes de longueur, et les pieds dix lignes
de hauteur. On le trouve sur les bords du fleuve des
Amazones, dans la contrée des Maynas ; mais nous ne
sommes pas informés s'il habite également les autres
contrées de l'Amérique méridionale.
LES TAMATIAS NOIRS ET BLANCS.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Biicco macrorynclios. Gmel.
On ne peut guère séparer ces deux oiseaux, parce
qu'ils ne diffèrent que par la grandeur, et que tous
deux , indépendamment de leur ressemblance par les
74 I-l^S TAMATïAS NOIRS ET BLANCS.
couleurs, ont un caractère commun qui n'appartient
qu'à ces deux espèces : c'est d'avoir le bec plus fort,
plus gros, et plus long, que tous les autres tamatias,
à proportion de leur corps ; et dans toutes deux en-
core , la mandibule supérieure du bec est fort cro-
chue, et se divise en deux pointes, comme dans le
tamatia première espèce.
Le plus grand de ces tamatias noirs et blancs ,
n° 689, est très gros pour sa longueur, qui n'est
guère que de sept pouces. C'est une espèce nouvelle,
qui nous a été envoyée de Cayenne par M. Duval ,
aussi bien que la seconde espèce, n° 588, qui est
plus petite , et qui n'a guère que cinq pouces de lon-
gueur. Nos planches les représentent assez fidèle-
ment pour que nous puissions nous dispenser de les
décrire plus au long; et l'on seroit porté à croire,
par la grande ressemblance de ces deux oiseaux,
qu'ils seroient de la même espèce, si leur grandeur
n'étoit pas trop différente.
LES BARBUS.
En laissant, comme nous l'avons dit, le nom de ta-
matia aux oiseaux barbus de l'Amérique, nous appel-
lerons simplement barbus ceux de l'ancien continent.
Comme les uns et les autres volent très mal, à cause
de leurs ailes courtes et de leur corps épais et lourd,
il n'est pas vraisemblable qu'ils aient passé d'un con-
tinent à l'autre, étant également habitants des cli-
LES BARBUS. «^5
mats les plus chauds : ainsi leurs espèces ni leur
genre ne sont pas les mêmes , et c'est par cette raison
que nous les avons séparés. Quoiqu'ils soient de dif-
férents continents et de climats très éloignés, ces
oiseaux se ressemblent néanmoins par beaucoup de
caractères : car indépendamment de leur barbe , c'est-
à-dire des longues soies effilées qui leur couvrent le
bec en toutou en partie, et de la disposition des
pieds, qui est la même dans les uns et les autres; in-
dépendamment de ce qu'ils ont également le corps
trapu et la tête très grosso, ils ont encore de com-
mun la forme particulière du bec, qui est fort gros,
un peu courbé en bas, convexe au dessus, et com-
primé sur les côtés. Mais ce qui distingue les barbus
de l'ancien continent des tamatias de l'Amérique,
c'est que ce bec est sensiblement plus court, plus
épais et un peu plus convexe en dessous dans les bar-
bus. Ils paroissent aussi différer par le naturel , les
tamatias étant des oiseaux tranquilles et presque stu-
pides, au lieu que les barbus des grandes Indes at-
taquent les petits oiseaux , et ont à peu près les habi-
tudes des pies-grièches.
LE BARBU A GORGE JAUNE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Bucco p/dllpplnensls. Gmel.
Sa longueur est de sept pouces; la queue n'a que
dix-huit lignes; le bec, douze h treize lignes de long;
76 LE BAKBL A GOUGE JAUNE.
et les pieds, huit lignes de hauteur. Il a la tête rouge
ainsi que la poitrine ; les yeux sont environnés d'une
grande tache jaune ; hi gorge est d'un jaune pur, et
le reste du dessous du corps est d'une couleur jau-
nâtre, variée de taches longitudinales d'un vert ob-
scur; le dessus du corps, les ailes et la queue, sont
de cette même couleur de vert obscur. La feraelle
diffère du maie, n" 55 1, en ce qu'elle est un peu
moins grosse , et qu'elle n'a point de rouge sur la
lete ni sur la poitrine. Ils se trouvent aux îles Pilip-
pines.
LE BARBU A GORGE NOIRE.
SECONDE ESPÈCE.
Bucco nlger. Gmel.
Cette espèce , qui se trouve , comme la première ,
aux Philippines, en est néanmoins très différente ;
elle a été décrite par M. Sonnerat dans les termes
suivants.
« Cet oiseau est un peu plus gros et surtout plus
allongé que le gros-bec d'Europe. Le front ou la par-
tie antérieure de la tête est d'un beau rouge; le som-
met , le derrière de la tête, la gorge et le cou sont
noirs. Il y a au dessus de l'œil une raie demi-circu-
laire jaune; cette raie est continuée par une autre
raie toute droite et blanche, qui descend jusque vers
le bas du cou, sur le côté; au dessous de la raie jaune
et de la raie blanche qui la continue , il y a une raie
LE BARBU A GORGE NOIRE. ^1
verticale noire ; et entre celle-ci et la gorge est une
raie longitudinale blanche , qui se continue et se
confond à sa base avec la poitrine, qui , ainsi que le
ventre, les côtés, les cuisses et le dessous de la queue,
est blanche. Le milieu du dos est noir ; mais les plu-
mes de côte entre le cou et le dos sont noires, mou-
chetées chacune d'une tache ou point jaune : les
quatre premières, en comptant du moignon , le sont
à leur extrémité en blanc, et la cinquième en jaune,
ce qui forme une raie transversale au haut de l'aile;
au dessous de cette raie sont des plumes noires, mou-
chetées chacune par un point jaune. Les dernières
plumes enfin qui recouvrent les grandes plumes de
Faile sont noires , terminées par un liséré jaune.
Les plus grandes plumes de l'aile sont aussi tout-â-
faît noires; mais les autres ont, dans toute leur lon-
gueur, du côté où les barbes sont moins longues, un
liséré jaune. La queue est noire dans son milieu ,
teinte en jaune sur les côtés; le bec et les pieds sont
noirâtres. »
LE BARBU A PLASTRON NOIR'.
TROISIÈME ESPÈCE.
Cette espèce est nouvelle, et nous a été envoyée
du cap de Bonne-Espérance , mais sans aucune no-
tice sur les habitudes naturelles de l'oiseau. Il a six
pouces et demi de longueur; la queue, dix-huit lignes;
1. Variété du précédent.
78 LE BARBU A PIASTBON NOIR.
les pieds, huit à neuf lignes de hauteur. Ce barhu ^
n" 6SS9 fig. 1, est, comme l'on voit, de la taille mé-
diocre; il est moins grand que ie gros-bec d'Europe.
Son phimage est agréablement mêlé et tranché de
blanc et de noir ; il a le front rouge, une ligne jaune
sur l'œil ; et il y a des taches en gouttes jaune clair
et brillant jetées sur les ailes et le dos ; la même teinte
de jaune est étendue en pinceaux sur le croupion ,
et les pennes de la queue et les moyennes de l'aile
sont légèrement frangées de cette même couleur.
Un plastron noir couvre la poitrine jusqu'à la gorge;
le derrière de la tête est aussi coiffé de noir, et une
bande noire entre deux bandes blanches descend sur
le côté du cou.
LE PETIT BARBU.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Bucco parvus. Gmel.
Cette espèce est nouvelle, et l'oiseau est le plus
petit de tous ceux de ce genre ; il nous a été donné
comme venant du Sénégal , mais sans aucun autre
fait. Il n a que quatre pouces de longueur; sa grosse
tête et son gros bec , ombragé de longues soies , le
caractérisent comme tous ceux de son genre ; la queue
est courte, et les ailes étant pliées la couvrent pres-
que jusqu'à l'extrémité. Tout le dessus du corps est
d'un brun noirâtre, om])ré de fauve, et teint de vert
sur les pennes de l'aile et de la queue ; quelques pe-
LE PETIT BARBU. 79
tites ondes blanches forment des franges dans les
premières ; le dessous du corps est blanchâtre , avec
quelques traces de brun; la gorge est jaune, et des
angles du bec passe sous les yeux une petite bande
blanche.
Au reste , cette description n en dit pas plus qu'en
peut dire à l'œil la planche enluminée, n" 746, fig. 2,
qui a été prise au cabinet de M. Mauduit sur un in-
dividu qui a péri.
LE GRAND BARBU.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Bucco grandis. Gmel.
Cet oiseau , 11° 871 , a près de onze pouces de lon-
gueur. La couleur dominante dans le plumage est un
beau vert , qui se trouve mêlé avec d'autres couleurs
sur différentes parties du corps, et principalement
sur la tête et le cou; la tête en entier et la partie aa-
térieure du cou sont d'un vert mêlé de bleu, de façon
que ces parties paroissent plus ou moins vertes , ou
plus ou moins bleues, selon les différents reflets de
la lumière; la naissance du cou et le commencement
du dos sont d'un brun marron, qui change aussi à
différents aspects, parce qu'il est mêlé de vert; tout
le dessus du corps est d'un très beau vert, à l'ex-
ception des grandes plumes des ailes, qui sont en
parties noires ; tout le dessous du corps est d'un
vert beaucoup plus clair; il y a quelques plumes du
8o LE GRAND BARBU.
dessous de la queue d un très beau rouge. Le bec a
un pouce dix lignes de longueur sur un pouce de
largeur à sa base, où Ton voit des poils noirs et durs
comme des crins; il est d'une couleur blanchâtre,
mais noir à sa pointe. Les ailes sont courtes, et attei-
gnent à peine à la moitié de la longueur de la queue.
Il nous a été envoyé de la Chine.
LE BARBU VERT.
SIXIÈME ESPÈCE.
Buccco virldis» Gmel.
Il a six pouces et demi de longueur. Le dos , les
couvertures des ailes et de la queue sont d'un très
beau vert. Les grandes pennes des ailes sont brunes;
mais cette couleur n'est point apparente, étant cachée
par les couvertures des ailes. La tête est d'un gris
brun : le cou est de la même couleur; mais chaque
plume est bordée de blanchâtre, et il y a de plus,
au dessus et derrière chaque œil , une tache blanche.
Le ventre est d'un vert beaucoup plus pâle que le
dos. Le bec est blanchâtre, et la base de la mandi-
bule supérieure est entourée de long poils noirs et
durs; le bec a un pouce deux lignes de longueur sur
environ sept lignes de largeur à sa base. Les ailes sont
courtes, et ne s'étendent qu'à la moitié de la queue.
Il nous a été envoyé des grandes Indes, n° 870.
Pl.aoa.
1.LE TOUCAN_ 2.LB TOUCANAGORGE JAUNE _ 3 LE MARTIN PECHSIIB.
LES TOUCANS. 8l
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LES TOUCAxNS.
Ce qu'on peut appeler pliysionomie dans tous les
êtres vivants dépend de l'aspect que leur tête pré-
sente lorsqu'on les regarde de face : ce qu'on désigne
par les noms de formes^, de figure^ de taille _, etc., se
rapporte à l'aspect du corps et des membres. Dans
les oiseaux, si l'on recherche cette physionomie, on
s'apercevra aisément que tous ceux qui, relativement
à la grosseur de leur corps, ont une tête légère avec
un bec court et fin, ont en même temps la physiono-
mie fine, agréable, et presque spirituelle; tandis que
ceux au contraire qui , comme les barbus , ont une
trop grosse têle, ou qui , comme les toucans, ont
un bec aussi gros que la tête, se présentent avec un
air stupide , rarement démenti par leurs habitudes
naturelles. Mais il y a plus; ces grosses têtes et ces
becs énormes, dont la longueur excède quelquefois
celle du corps entier de l'oiseau , sont des parties si
disproportionnées et des exubérances de nature si
marquées, qu'on peut les regarder comme des mons-
truosités d'espèces qui ne diflerent des monstruosi-
tés individuelles qu'en ce qu'elles ne perpétuent sans
altération ; en sorte qu'on est obligé de les admettre
aussi nécessairement que toutes les autres formes des
corps, et de les compter parmi les caractères spéci-
fiques des êtres auxquels ces mêmes parties diffor-
mes appartiennent. Si quelqu'un voyoit un toucan
82 LES TOUCANS.
pour la première fois, i! prendroit sa tête et son bec,
vus de face, pour un de ces masques à long nez dont
on épouvante les enfants : mais considérant ensuite
sérieusement la structure et l'usage de cette produc-
tion démesurée, il ne pourra s'empêciier d'être étonné
que la nature ait fait la dépense d'un bec aussi prodi-
gieux pour un oiseau de médiocre grandeur ; et l'é-
tonnement augmentera en reconnoissant que ce bec
mince et foible , loin de servir, ne fait que nuire à
l'oiseau , qui ne peut en effet rien saisir, rien enta-
mer, rien diviser; et qui, pour se nourrir, est obligé
de gober et d'avaler sa nourriture en bloc , sans la
broyer ni même la concasser. De plus, ce bec, loin
de faire un instrument utile, une arme, ou même un
contre-poids, n'est au contraire qu'une masse en le-
vier, qui gêne le vol de l'oiseau, et, lui donnant un
air à demi culbutant, semble le ramener vers la terre,
lors même qu'il veut se diriger en haut.
Les vrais caractères des erreurs de la nature sont
la disproportion jointe à l'inutilité. Toutes les parties
qui, dans les animaux, sont excessives, surabon-
dantes, placées à contre-sens, et qui sont en même
temps plus nuisibles qu'utiles , ne doivent pas être
mises dans le grand plan des vues directes de la na-
ture, mais dans la petite carte de ses caprices , ou , si
l'on veut , de ses méprises , qui néanmoins ont un but
aussi direct que les premières , puisque ces mêmes
productions extraordinaires nous indiquent que tout
ce qui peut être est, et que, quoique les propor-
tions, la régularité, la symétrie, régnent ordinaire-
ment dans tous les ouvrages de la nature , la dispro-
portion , les excès et les défauts nous démontrent
LES TOUCANS. 85
que retendue de sa puissance ne se borne point à
ces idées de proportion et de régularité auxquelles
nous voudrions tout rapporter.
Et de même que la nature a doué le plus grand
nombre des êtres de tous les attributs qui doivent
concourir à la beauté et à la perfection de la forme ,
elle n'a guère manqué de réunir plus d'une dispro-
portion dans ses productions moins soignées. Le bec
excessif, inutile, du toucan renferme une langue
encore plus inutile, et dont la structure est très ex-
traordinaire : ce n'est point un organe charnu ou car-
tilagineux comme la langue de tous les animaux ou
des autres oiseaux, c'est une véritable plume bien
mal placée, comme l'on voit, et renfermée dans le
bec comme dans un étui.
Le nom même de toucan signifie plume en langue
brasilienne ; et les naturels de ce pays ont appelé
toucan tabouracé l'oiseau dont ils prenoient les plu-
mes pour se faire les parures qu'ils ne portoient que
les jours de fêtes. Toucan tabouracé signifie plumes
pour danser. Ces oiseaux , si difformes par leur bec
et par leur langue, brillent néanmoins par leur plu-
mage. Us ont en effet des plumes propres aux plus
beaux ornements, et ce sont celles de la gorge : la
couleur en est orangée, vive, éclatante; et, quoi-
que ces belles plumes n'appartiennent qu'à quelques
unes des espèces de toucans , elles ont donné le nom
à tout le genre. On recherche même en Europe ces
gorges de toucans pour faire des manchons. Son bec
prodigieux lui a valu d'autres honneurs , et l'a fait
placer parmi les constellations australes , où l'on n'a
guère admis que les objets les plus frappants et les
84 LES TOLCANS.
plus remarquables. Ce bec est en général beaucoup
plus gros et plus long, à proportion du corps, que dans
aucun autre oiseau ; et ce qui le rend encore plus ex-
cessif, c'est que, dans toute sa longueur, il est plus
large que la tête de l'oiseau : c'est , coname le dit
Léry, le bec des becs : aussi plusieurs voyageurs ont-
ils appelé le toucan l'oiseau tout bec ; et nos créoles
de Cayenne ne le désignent que parl'épithète de gros
bec. Ce long et large bec fatigueroit prodigieusement
la tête et le cou de l'oiseau , s'il n'étoit pas d'une
substance légère : mais il est si mince, qu'on peut
sans eîTort le faire céder sous les doigts. Ce bec n'est
donc pas propre à briser les graines ni même les fruits
tendres ; l'oiseau est obligé de les avaler tout entiers :
et de même il ne peut s'en servir pour se défendre ,
et encore moins pour attaquer; à peine peut-il ser-
rer assez pour faire impression sur le doigt quand on
le lui présente. Les auteurs qui ont écrit que ce tou-
can perçoit les arbres comme le pic se sont donc
bien trompés; ils n'ont rapporté ce fait que d'après
la méprise de quelques Espagnols qui ont confondu
ces deux oiseaux , et les ont également appelés car-
penteros ( charpentiers ) ou tacatacas en langue pé-
ruvienne, croyant qu'ils frappoient également contre
les arbres. Néanmoins il est certain que les toucans
n'ont ni ne peuvent avoir cette habitude, et qu'ils
sont très éloignés du genre des pics ; et Scaliger avoit
fort bien remarqué avant nous que ces oiseaux ayant
le bec crochu et courbé en bas, il ne paroîssoit pas
possible qu'ils entamassent les arbres.
La forme de ce gros et grand bec est fort diûerenle
dans chaque mandibule : la supérieure est recourbée
LES TOUCANS. 85
en bas en forme de faux , arrondie en dessus et cro-
chue à son extrémité ; l'inférieure est pias courte ,
plus étroite et moins courbée en bas que la supé-
rieure : toutes deux sont dentelées sur leurs bords ,
mais les dentelures de la supérieure sont bien plus
sensibles que celles de l'inférieure; et ce qui paroît
encore singulier, c'est que ces dentelures , quoiqu'en
égal nombre de chaque côté des mandibules, non
seulement ne se correspondent pas du haut en bas
ni de bas en haut , mais même ne se rapportent pas
dans leur position relative , celles du côté droit ne se
trouvant pas vis-à-vis de celles du côté gauche , car
elles commencent plus près ou plus loin en arrière^
et se terminent aussi plus ou moins près en avant.
La langue des toucans est , comme nous venons
de le dire , encore plus extraordinaire que le bec :
ce sont les seuls oiseaux qui aient une plume au lieu
de langue; et c'est une plume dans l'acception la
plus stricte , quoique le milieu ou la tige de cette
plume-langue soit d'une substance cartilagineuse,
large de deux lignes : mais elle est accompagnée ,
des deux côtés, de barbes très serrées et toutes pa-
reilles à celles des plumes ordinaires; ces barbes di-
rigées en avan»t , sont d'autant plus longues qu'elles
sont situées plus près de l'extrémité de la langue, qui
est elle-même tout aussi longue que le bec. Avec un
organe aussi singulier et si diflérent de la substance
et de l'organisation ordinaire de toute langue, on
seroit porté à croire que ces oiseaux devroient être
muets : néanmoins ils ont autant de voix que les au-
tres , et ils font entendre très souvent une espèce de
sifflement qu'ils réitèrent promptement et assez long-
en rro>'. XXV. 6
86 LES TOUCANS.
temps pour qu'on les ait appelés oiseaux prédicateurs .
Les sauvages attribuent aussi de grandes vertus à
cette langue de plume ^, et ils l'emploient comme
jemède dans plusieurs maladies. Quelques auteurs
ont cru que les toucans n'avoient point de narines :
cependant il ne faut, pour les voir, qu'écarter les
plumes de la base du bec , qui les couvrent dans la
plupart des espèces; et dans d'autres elles sont sur
un bec nu , et par conséquent fort apparentes.
Les toucans n'ont rien de commun avec les pics
que la disposition des doigts, deux en avant et deux
en arrière, et même, dans ce caractère qui leur est
commun , on peut observer que les doigts des tou-
cans sont bien plus longs, et tout autrement propor-
tionnés que ceux des pics. Le doigt extérieur du de-
vant est presque aussi long que le pied tout entier,
qui est à la vérité fort court ; et les autres doigts sont
aussi fort longs : les deux doigts intérieurs sont les
moins longs de tous. Les pieds des toucans n'ont
que la moitié de la longueur des Jambes, en sorte
que ces oiseaux ne peuvent marcher, parce que le
pied appuie dans toute sa longueur sur la terre; ils
ne font donc que sautiller d'assez mauvaise grâce : ces
pieds sont dénués de plumes, et couverts de longues
écailles douces au toucher. Les ongles sont propor-
tionnés à la longueur des doigts, arqués, un peu
aplatis , obtus à leur extrémité , et sillonnés en des-
sous suivant leur longueur par une cannelure; ils ne
1. M. de La Coudamine parle d'un toucan qu'il a vu sur les bords '
du Maragnon . dont le bec mouslriicux est rouge et jaune; sa langue,
dit -il , qui ressemble à une plume déliée, passe pour avoir de grandes
vertus.
TES TOUCANS. g-
servent pas à loiseaii pour attaquer ou se défendre ,
ni même pour grimper, mais uniquement pour se
maintenir sur les branches, où ii se tient assez ferme.
Les toucans sont répandus dans tous les climats
chauds de l'Amérique méridionale, et ne se trouvent
point dans lancien continent : ils sont erratiques plu-
tôt que voyageurs, ne changeant de pays que pour
suivre les saisons de la maturité des fruits qui leur
servent de nourriture ; ce sont surtout les fruits des
palmiers; et comme ces espèces d'arbres croissent
dans des terrains humides et près du bord des eaux,
les toucans habitent ces lieux de préférence, et se
trouvent quelquefois dans les palétuviers , qui ne
croissent que dans la vase liquide : c'est peut-être
ce qui a fait croire qu'ils mangeoient du poisson :
mais ils ne peuvent tout au plus qu'en avaler de très
petits; car leur bec n'étant propre ni pour entamer
ni pour couper, ils ne peuvent qu'avaler en bloc les
fruits mômes les plus tendres, sans les comprimer;
et leur large gosier leur facilite cette habitude, dont
on peut s'assurer en leur jetant un assez gros morceau
de pain, car ils l'avalent sans chercher à le diviser.
Ces oiseaux vont ordinairement par petites trou-
pes de six à dix; leur vol est lourd, et s'exécute péni-
blement, vu leurs courtes ailes et leur énorme bec,
qui fait pencher le corps en avant : cependant ils ne
laissent pas de s'élever au dessus des grands arbres,
il la cime desquels ou les voit presque toujours per-
chés et dans une agitation continuelle , qui , malgré
la vivacité de leurs mouvements, n'ôte rien à leur air
grave , parce que ce gros bec leur donne une physio-
nomie triste et sérieuse que leurs grands yeux fades
88 LES TOUCANS.
el sans feu augnienlent encore ; en sorte que, quoi-
que 1res vifs et très remuants, ils n'en paroissent
que plus gauches el moins gais.
Comme ils font leurs nids dans des trous d'arbre
que les pics ont abandonnés, on a cru qu'ils creusoient
eux-mêmes ces trous. Ils ne pondent que deux
œufs, et cependant toutes les espèces sont assez nom-
breuses en individus. On les apprivoise très aisément
en les prenant jeunes ; on prétend même qu'on peut
les faire nicher et produire en domesticité. lis ne sont
pas difficiles à nourrir; car ils avalent tout ce qu'on
leur jette , pain, chair, ou poisson : ils saisissent aussi
avec la pointe du bec les morceaux qu'on leur offre
de près ; ils les lancent en haut, et les reçoivent dans
leur large gosier. Mais lorsqu'ils sont obligés de se
pourvoir d'eux-mêmes et de ramasser les aliments à
terre, ils semblent les rechercher en tâtonnant, et
ne prennent le morceau que de côté, pour le faire
sauter ensuite et le recevoir. Au reste , ils paroissent
si sensibles au froid, qu'ils craignent la fraîcheur de
la nuit dans les climats mêmes les plus chauds du
nouveau continent : on les a vus dans la maison se
faire une espèce de lit d'herbes, de paille, et de tout
ce qu'ils peuvent ramasser, pour éviter apparemment
la fraîcheur de la terre. Ils ont en général la peau
bleuâtre sous les plumes; et leur chair, quoique noire
et assez àure, ne laisse pas de se manger.
Nous connoissons deux genres particuliers dans le
genre entier de ces oiseaux , les toucans et les ara-
caris. Ils sont différents les uns des autres , i**par la
grandeur, les toucans étant de beaucoup phis grands
que les aracaris; 2** par les dimensions et la substance
LES TOUCANS. 89
du bec , lequel clans les aracaris est beaucoup moins
allongé et d une substance plus dure et plus solide ;
5° par la différence de la queue , qui est plus longue
dans les aracaris et très sensiblement étagée , tandis
qu'elle est arrondie dans les toucans ^. Nous sépare-
rons donc ces oiseaux les uns des autres; et, après
cette division, il ne nous restera que cinq espèces
dans les toucans.
LE TOGO.
PUEMIÈRE ESPÈCE.
Rampliastos toco. L.
Le corps de cet oiseau, n** 82, a neuf à dix pou-
ces de longueur, y compris la tête et la queue; son
bec en a sept et demi. La tête, le dessus du cou , le
dos, le croupion, les ailes, la queue en entier, la
poitrine et le ventre sont d'un noir foncé; les cou-
vertures du dessus de la queue sont blanches , et celles
du dessous sont d'un beau rouge ; le dessous du cou
et la gorge sont d'un blanc mêlé d'un peu de jaune ;
entre ce jaune, sous la gorge, et le noir de la poi-
trine , on voit un petit cercle rouge ; la base des deux
mandibules du bec est noire ; le reste de la mandi-
i. Ce sont les Brasîliens qui les premiers ont distingué ces deux
variétés, et qui ont appelé toucans les grands et aracaris les petits
oiseaux de ce genre; et celte distinction est si bien fondée, que les
naturels do la Guiane Tout iaile de même, en appelant les toucan:-, ka-
i-aroaima el les aracaris grigri.
90 LE TOGO.
bille inférieure est d'un jaune rougeâtre ; la mandi-
bule supérieure est de cette même couleur jaune
rougeâtre jusqu'aux deux tiers environ de sa longueur;
le reste de cette mandibule jusqu'à sa pointe est noir;
les ailes sont courtes et ne s'étendent guère qu'au tiers
de la queue ; les pieds et les ongles sont noirs. Cette
espèce est nouvelle, et nous lui avons donné le nom
de toco pour la distinguer des autres.
LE TOUCAN A GORGE JAUNE.
SECONDE ESPÈCE.
Rampliastos tucanus. L.
L'on a représenté, dans les planches enluminées,
deux variétés de cette espèce , la première sous la dé-
nomination de toucan à gorge jaune de Cayenne,
n* 269 , la seconde sous celle de toucan à gorge jaune
du. Brésil^ n" 507 ; mais elles se trouvent également
dans ces deux contrées, et ne nous paroissent former
qu'une seule et même espèce. Les différences dans
la couleur du bec et dans l'étendue de la plaque jaune
de la gorge, aussi bien que la vivacité des couleurs,
peuvent provenir de l'âge de l'oiseau; cela est très
certain pour la couleur des couvertures supérieures
de la queue, qui sont jaunes dans quelques indivi-
dus, et rouges dans d'autres. Ces oiseaux ont tous
deux la tête , le dessus du corps, les ailes et la queue
noirs; la gorge orangée et d'une couleur plus ou
moins large ; le ventre est noirâtre, et les couvertures
LE TOUCAN A GORGE JAUNE. Ql
înifërieuies de la queue sont rouges; le bec est noir
avec une raie bJeue à son sommet sur toute sa lon-
gueur; la base du bec est environnée d'une assez large
bande jaune ou blanche ; les narines sont cachées
dans les plumes de la base du bec , leur ouverture
est arrondie. Les pieds, longs de vingt lignes, sont
bleuâtres; le bec a quatre pouces et demi de lon-
gueur sur dix-sept lignes de hauteur à sa hase : l'oi-
seau entier, depuis le bout du bec jusqu'à l'extré-
mité de la queue, a dix-neuf pouces; sur quoi
déduisant six pouces deux ou trois lignes pour la
queue, et quatre pouces et demi pour le bec, il ne
reste pas neuf pouces pour la longueur de la tète et
du corps de l'oiseau.
C'est de cette espèce de toucan que l'on tire les
plumes brillantes dont on fait des parures; on découpe
dans la peau toute la partie jaune de la gorge, et l'on
vend ces plumes assez cher. Ce ne sont que les mâles
qui portent ces belles plumes jaunes sur la gorge :
les femelles ont cette même partie blanche, et c'est
cette différence qui a induit les nomenclateurs en er-
reur; ils ont pris la femelle pour une autre espèce;
et même ils se sont trompés doublement, parce que,
les couleurs variant dans la femelle comme dans le
mâle, ils ont fait dans les femelles deux espèces ainsi
que dans les mâles. Or nous réduisons ici ces quatre
prétendues espèces à une seule , à laquelle même
nous pouvons en rapporter une cinquième indiquée
par Laët, qui ne diffère de ceux-ci que par la couleur
blanche de la poitrine.
En général, les femelles sont h très peu près do h
92 LE TOUCAN A GOUGE JAUNE.
grandeur des mâles; elles ont les couleurs moins vi-
ves, et la bande rouge du dessous de la gorge très
étroite : mais du reste elles leur ressemblent parfai-
tement. Nous avons fait représenter l'une de ces fe-
melles dans la planche enluminée, n° 202, sous la dé-
nomination de toucan à gorge blanche de Cayenne^
parce que nous ignorions alors que ce fût une femelle.
Au reste, cette seconde espèce est la plus commune
et peut-être la plus nombreuse du genre de ces oi-
seaux; il y en a quantité dans la Guiane, surtout dans
les forêts hujnides et dans les palétuviers. Quoiqu'ils
n'aient, comme tous les autres toucans, qu'une plume
pour langue, ils jettent un cri articulé, qui semble
prononcer pinien-coin ou pignen-coin _, d'une manière
si distincte que les créoles de Cayenne leur ont
donné ce nom, que nous n'avons pas cru devoir
adopter, parce que le toco ou toucan de l'espèce pré-
cédente prononce cette même parole , et qu'alors on
les eût confondus.
LE TOUCAN A VENTRE ROUGE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Rampliastos picatus. Gmel.
Ce toucan a la gorge jaune comme le précéden t; mais
il a le ventre d'un beau rouge, au lieu que l'autre l*a
noir. Thevet . qui le premier a parlé de cet oiseau ,
dit que son bec est aussi long que le corps. Aldro-
LE TOUCAN A VENTRE ROUGE. g5
vande donne à ce bec deux palmes de longueur et
une de largeur, et M. Brisson estime cette mesure
six pouces pour les deux palmes. Comme nous n'a-
vons pas vu cet oiseau, nous n'en pouvons parler que
d'après les indications de ces deux premiers auteurs.
Nous remarquerons néanmoins qu'Aldrovande s'est
trompé en lui donnant trois doigts en avant et un en
arrière, quoique Thevet dise expressément qu'il a
deux doigts en devant et deux en arrière; ce qui est
conforme à la nature.
Il a la tête , le cou , le dos, et les ailes, noires avec
quelques reflets blanchâtres ; la poitrine d'une belle
couleur d'or avec du rouge au dessus, c'est-à-dire
sous la gorge; il a aussi le ventre et les jambes d'un
rouge très vif, ainsi que l'extrémité de la queue, qui
pour le reste est noire ; l'iris de l'œil est noir; il est
entouré d'un cercle blanc qui l'est lui-même d'un au-
tre cercle jaune. La mandibule inférieure du bec est
une fois moins large près de l'extrémité du bec, que
ne l'est la mandibule supérieure ; elles sont toutes les
deux dentelées sur leurs bords.
Thevet assure que cet oiseau se nourrissoit de poi-
vre ; qu'il en avaloit même en si grande quantité qu'il
étoit obligé de Je rejeter. Ce fait a été copié par tous
les naturalistes : cependant il n'y a point de poivre en
Amérique, et l'on ne sait pas trop quelle peut être
la graine dont cet auteur a voulu parler, si ce n'est le
piment que quelques auteurs appellent poivre longe
94 l'K CO CHIC AT.
LE GOGHICAT.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Rampliastos Corquaius, Gmel.
C'est par contraction le nom que cet oiseau port*/
dans son pays natal au Mexique. Fernandèsest le seul
auteur qui en ait parlé comme l'ayant vu, et voici he
description qu'il en donne.
tt II est à peu près de la grandeur des autres tou-
cans : il a, dit-il, le bec de sept pouces de long, dont
la mandibule supérieure est blanche et dentelée , eî
l'inférieure noire; ses yeux sont noirs, et l'iris d'uu
jaune rougeâtre ; il a la tête et le cou noirs jusqu'à
une ligne transversale rouge qui l'entoure en forme
de collier; après quoi, le dessus du cou est encore
noir, et le dessous est blanchâtre, semé de quelques
taches rouges et de petites lignes noires; la queue et
les ailes sont noires aussi; le ventre est vert; les jam-
bes sont rouges; les pieds sont d'un cendré verdâtre*
et les ongles noirs. Il habite les bords de la mer et se
nourrit de poisson. »
LE HOCHICAT. 9^
LE HOCHICAT.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Rampliastos pavoninus. Gmel.
C'est de même le nom, par contraction, que cet
oiseau porte au Mexique. Fernandès est encore le seul
qui lait indiqué.
« Il est, dit-il, de la grandeur et de la forme d'un
perroquet ; son plumage est presque entièrement vert,
seulement semé de quelques taches rouges; les jam-
bes et les pieds sont noirs et courts ; le bec a quatre
pouces de longueur; il est varié de jaune et de noir. »
Cet oiseau habite, comme le précédent, les bords
de la mer dans la contrée la plus chaude du Mexique.
»«»a»c.e'»»c'»*»»fro(>»»e»»»»-»«^
LES ARACARIS.
Les aracaris , comme nous l'avons dit, sont bien
plus petits que les toucans. On en connoît quatre es-
pèces, toutes originaires des climats chauds de l'A-
mérique.
gÔ LE GRIGRI.
«t^M «««««•«««»««««<»««
LE GRIGRL
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ramphastos aracarL Gmel.
Cet oiseau, 11° 166, se trouve au Brésil, et très
communément à la Guiane , où on J'appelle grigri y.
parce que ce mot exprime à peu près son cri, qui est
aigu et bref. Il a les mêmes habitudes naturelles que
les toucans; on le trouve dans les mêmes endroits
humides et plantés de palmiers. On connoît , dans
cette première espèce, une variété , n° 727 , dont nos
nomenclateurs ont fait une espèce particuHère : ce-
pendant ce n'est qu'une différence si légère, qu'on
peut l'attribuer à l'âge plutôt qu'au climat; elle ne
consiste que dans une bande transversale d'un beau
rouge sur la poitrine. II y a aussi quelque différence
dans la couleur du bec : mais ce caractère est tout-à-
fait équivoque , parce que, dans la même espèce , les
couleurs du bec varient suivant l'âge, et sans aucun
ordre constant, dans chaque individu; en sorte que
Linna^us a eu tort d'établir sur les couleurs du bec les
caractères différentiels de ces oiseaux.
. Ceux-ci ont la têie , la gorge , et le cou , noirs ; le
dos, les ailes , et la queue, d'un vert obscur; le crou-
pion rouge; la poitrine et le ventre jaunes; les cou-
vertures inférieures de la queue et les plumes des
jambes d'un jaune olivâtre , varié de rouge et de fauve,
les yeux grands , et i'iris jaune. Le bec est long de
LK GRIGRI. 9^
quatre pouces un quart, épais de seize lignes en hau-
teur, et d'une texture plus solide et plus dure que
celle du bec des toucans. La langue est semblable ,
c'est-à-dire garnie de barbes comme le sont les plu-
mes ; caractère particulier et commun aux toucans
et aux aracaris. Les pieds de celui-ci sont d'un vert
noirâtre ; ils sont très courts, et les doigts sont très
longs. Toute la grandeur de l'oiseau, y compris celle
du bec et la queue, est de seize pouces huit lignes.
La femelle, n° 728, ne diffère du mâle que parla
couleur de la gorge et du dessous du cou , qui est
brune, tandis qu'elle est noire dans le mâle, lequel
a ordinairement aussi le bec noir et blanc, au lieu
que la femelle a la mandibule inférieure du bec noire,
et la supérieure Jaune, avec une bande longitudinale
noire qui représente assez exactement la ligure d'une
longue plume étroite.
LE KOULIK.
SECONDE ESPÈCE.
Ramphastos piperivorus. Gmel.
Ce petit mot koulikj, prononcé vite, représente
exactement le cri de cet oiseau, n** 677, et c'est par
cette raison que les créoles de Cayenne lui ont donné
ce nom. Il est un peu moins gros que le précédent,
et il a le bec un peu plus court dans la môme pro-
portion. Il a la tête, la gorge, le cou, et la poitrine,
noirs ; il porte sur le dessus du cou un demi-collier
C)S LE KOLLIK.
jaune et étroit; on voit une tache de ia môme cou-
leur jaune de chaque côté de la tête , derrière les
veux ; le dos, le croupion , et les ailes, sont d'un beau
vert; et le ventre, vert aussi, est varié de noirâtre;
les couvertures inférieures de la queue sont rougeâ-
tres, mais ia queue est verte et terminée de rouge ;
les pieds sont noirâtres; le bec est rouge à sa base,
et noir sur le reste de son étendue; les yeux son en-
vironnés d'une membrane nue et bleuâtre.
La femelle , n° ^29 , ne difîère du mâle que par la
couleur du haut du cou, où son plumage est brun ,
tandis qu'il est noir dans le mâle; le dessous du corps,
depuis la gorge jusqu'au bas du ventre, est gris dans la
femelle, et le demi-collier est d'un jaune très pâle,
au lieu qu'il est d'un beau jaune dans le mâle, et que
le dessous du corps est varié de différentes couleurs.
L'ARACARI A BEC NOIR.
TROISIÈME ESPÈCE.
Rampliastos luteus. Gmel.
Nous ne connoissons de cet oiseau que ce qu'en a
dit ]Nieremberg. Il est de la gosseur d'un pigeon; son
bec est épais, noir, et crochu; les yeux sont noirs
aussi , mais l'iris en est jaune; il a les ailes et la queue
variées de noir et de blanc ; une bande noire prend
depuis le bec et s'étend de chaque côté jusque sous
la poitrine; le haut des ailes est jaune, et le reste du
corps est d'un blanc jaunâtre ; les jambes et les pieds
sont bruns, et les oncles blanchâtres.
LARACARI BLEU. 99
LARACARI BLEU.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Ramp/tastos cœruleus. Gmel.
Yoici ce que Fernandès rapporte au sujet de cet
oiseau, qu'aucun autre naturaliste n'a vu.
a 11 est de la grandeur d'un pigeon commun; son
bec est fort grand, dentelé, jaune en dessus, et d'un
noir roui^eâtre en dessous; ses veux sont noirs; l'iris
est d'un jaune rougeâtre; tout son plumage est varié
de cendré et de bleu. »
11 paroît , par le témoignage de ce même auteur,
que quelques espèces d'aracaris ne sont que des oi-
seaux de passage dans certaines contrées de l'Amé-
rique méridionale.
a *« a «»«»<».<»
LE BARBIGAN.
Bucco diibius. Gmel.
Comme cet oiseau tient du barbu et du toucan, nous
avons cru pouvoir le nommer barbican, G*est une es-
pèce nouvelle, qui n'a été décrite par aucun natura-
liste , et qui néanmoins n'est pas d'un climat fort
éloigné; car elle nous a été envoyée des côtes de
Barbarie , mais sans nom et sans aucune notice sur ses
habitudes naturelles.
Cet oiseau, n'' 602, a les doigts disposés deux en
ÎOO LE BARBICAN.
avant et deux eii arrière, comme ies barbus et les
toucans. Il ressemble à ceux-ci par la distribution des
couleurs, par la forme de son corps, et par son gros
bec , qui cependant est moins long, beaucoup moins
large et bien plus solide que celui des toucans; mais
il en diffère par sa langue épaisse , et qui n'est pas
une plume comme celle des toucans. Il ressemble en
même temps aux barbus par les longs poils qui sor-
tent de la base du bec, et s'étendent bien au delà des
narines. La forme du bec est particulière , la mandi-
bule supérieure étant pointue, crochue à son extré-
mité, avec deux dentelures mousses de chaque côté;
la mandibule inférieure est rayée transversalement
par de petites cannelures ; le bec entier est rougeâtre
et courbé en bas.
Le plumage du barbican est noir sur toute la partie
supérieure du corps, le haut de la poitrine et le ven-
tre, et il est rouge sur le reste du dessous du corps ,
à peu près comme celui de certains toucans.
Il a neuf pouces de long; la queue a trois pouces
et demi; le bec, dix-huit lignes de longueur sur dix
d'épaisseur; et les pieds n'ont guère qu'un pouce de
hauteur, en sorte que cet oiseau a grande peine à
marcher.
»'8»a«0»«o»i>.804X>g«ia»»>..^ e«9-»»o<»e»»»
LE CASSIGAN.
Coraclas varia. Gmel.
Nous avons donné le nom de Cassican Ix cet oiseau,
n° 628, dont l'espèce n'étoit pas connue, et qui nous
LE CASSICAN. 101
a éié envoyé par M. Sonnerat, parce que ce nom in-
dique les deux genres d'oiseaux auxquels il a le plus
de rapport, celui des cassiques et celui des toucans.
JNous ne sommes pas assurés du climat oii il se trouve;
nous présumons seulement qu'il est des parties mé-
ridionales de l'Amérique ; mais , de quelque contrée
qu'il soit originaire ou natif, il est certain qu'il res-
semble aux cassiques de l'Amérique par la forme du
corps et par la partie cliauve du devant de la tête, et
qu'en même temps il tient du toucan par la grosseur
et la forme du bec, qui est arrondi et large à sa base ,
et crochu à l'extrémité; en sorte que si ce bec étoit
plus gros, et que les doigts fussent disposés deux à
deux , on pourroit le regarder comme une espèce voi-
sine du genre des toucans.
INous ne ferons pas la description des couleurs de
cet oiseau ; la planche enluminée , n" 628 , en donne
une idée complète. Il a le corps mince, mais allongé,
et sa longueur totale est d'environ treize pouces; le
bec a deux pouces et demi, la queue cinq pouces,
et les pieds quatorze lignes. Nous ne sommes point
informés de ses habitudes naturelles; si l'on vouloit
juger par la forme du bec et par celle des pieds, on
pourroit croire qu'il vit de proie. Néanmoins les tou-
cans et les perroquets, qui ont le bec crochu, ne
vivent que de fruits; et les ongles, ainsi que le bec
du cassican, sont beaucoup moins crochus que ceux
du perroquet : en sorte que nous regardons le cassi-
can comme un oiseau frugivore, en attendant que nous
soyons mieux informés.
BUFFON. XXV.
102 LES CALAOS, OU OISEAUX RHINOCEUOS.
LES CALAOS,
ou LES OISEAUX RHINOCÉROS.
Nous venons de voir que les toucans, si singuliers
par leur énorme bec, appartiennent tous au conti-
nent de l'Amérique méridionale : voici d'autres oi-
seaux de l'Afrique et des grandes Indes , dont le bec
aussi prodigieux pour les dimensions que celui des
toucans est encore plus extraordinaire par la forme ,
ou, pour mieux dire, plus excessivement monstrueux,
comme pour nous démontrer que la vielle nature de
l'ancien continent, toujours supérieure à la nature
moderne du Nouveau-Monde dans toutes ses produc-
tions, se montre aussi plus grande, même dans ses
erreurs, et plus puissante jusque dans ses écarts.
En considérant le développement extraordinaire,
la surcharge inutile, l'excroissance superflue, quoi-
que naturelle , dont le bec de ces oiseaux est non
seulement grossi , mais déformé , on ne peut s em-
pêcher d'y reconnoître les attributs mai assortis de
ces espèces disparates , dont les plus monstrueuses
naquirent et périrent presque en môme temps par
la disconvenance et les oppositions de leur confor-
mation. Ce n'est pas la seule ni la première fois que
l'examen attentif de la nature nous ait offert cette
vue, même dans le genre des oiseaux : ceux auxquels
Pl.ao3.
Tomeaî
LLE CALA0_2L"ECAIiA0D'ABYSSlK[E_3.L:EPLIIS GRAînTO MARimPECHEUR
LES CALAOS, OU OISEALX RHINOCEROS. lO.Ô
on a donné les noms de bec croisé ^ bec en ciseau ^ sont
des exemples de celte structure incomplète et con-
traire à tout usage , laquelle leur ôte presque le
moyen de vivre et celui de se défendre contre les
espèces mêmes plus petites et moins fortes , mais
plus heureuses et puissantes, parce qu'elles sont
douées d'organes plus assortis. Nous avons de sem-
blables exemples dans les animaux quadrupèdes : les
unaux, les aïs, les fourmiliers, les pangolins , etc.,
dénués ou misérables par la forme du corps et la
disproportion de leurs membres, traînent à peine
une existence pénible , toujours contrariée par les
défauts ou les excès de leur organisation ; la dur(''e
de ces espèces imparfaites et débiles n'est protégée
que par la solitude, et ne s'est maintenue et ne se
maintiendra que dans les lieux déserts, où l'homme
et les animaux puissants ne fréquentent pas*.
Si nous examinons en particulier le bec des calaos,
nous reconnoîtrons que, loin d'être fort à proportion
de sa grandeur, ou utile en raison de sa structure, il
est au contraire très foible et très ma! conformé ;
nous verrons qu'il nuit plus qu'il ne sert à l'oiseau
qui le porte, et qu'il n'y a peut-être pas d'exemple
dans la nature, d'une arme d'aussi grand appareil et
d'aussi peu d'effet. Ce bec n'a point de prise : sa
pointe , comme dans un long levier très éloigné du
point d'appui , ne peut serrer que mollement. Sa
substance est si tendre, qu'elle se fêle à la tranche
par le plus léger frottement : ce sont ces fêlures irré-
gulières et accidentelles que les naturalistes ont pri-
ses pour une dentelure naturelle et régulière. Elles
J. Voyez sur ce sujet l'article de Yunau et de Vaï.
i©4 ^^^ CALAOS, OU OISEAUX RHINOCÉROS.
produisent un effet remarquable dans le bec du ca-
lao rhinocéros ; c'est que les deux mandibules ne se
Jonchent que par la pointe ; le reste demeure ouvert
et béant, comme si elles n'eussent pas été faites l'une
pour l'autre : leur intervalle est usé, rompu de ma-
nière que , par la substance et par la forme de cette
partie, il semble qu'elle n'ait pas été faite pour ser-
vir constamment, mais plutôt pour se détruire d'a-
bord et sans retour par l'usage même auquel elle
paroît destinée.
Nous avons adopté, d'après nos nomenclateurs ,
le nom de calao _, pour désigner le genre entier de
ces oiseaux, quoique les Indiens n'aient donné ce
nom qu'à une ou deux espèces. Plusieurs naturalistes
les ont appelés rhinocéros ^ à c;uise de l'espèce de
corne qui surmonte leur bec; mais presque tous n'ont
vu que les becs de ces oiseaux extraordinaires. Nous-
mêmes ne connoissons pas ceux dont nous avons fait
représenter les becs dans les planches, n°' 905 et 904;
et avant d'entamer les descriptions de ces différents
oiseaux d'après le témoignage des voyageurs et d'après
nos propres observations, il nous a paru nécessaire
de les ranger relativement à leur caractère le plus
frappant, qui est la forme singulière de leur bec. On
verra qu'ici , comme en tout, et dans ses erreurs,
ainsi que dans ses vues droites, la nature passe par
des gradations nuancées, et que de dix espèces dont
ce genre est composé , il n'y en a peut-être qu'une
à laquelle on doive appliquer la dénomination d'oi-
scaa-rkinocéros y toutes les autres ne nous présentant
que des degrés et des nuances plus ou moins voisines
de cette forme de bec, l'une des plus étranges de la
LES CALAOS, OU OISEAUX RHINOCÉROS. lo5
nature, puisqu'elle est évidemment l'une des plus
contraires aux fins qu'on lui suppose.
Ces dix espèces sont, i" le calao rhinocéros , dont
le bec est représenté, planche enluminée, n" 954;
2" Le calao à casque rond, dont le bec est repré-
senté dans la planche enluminée, n° 933 ;
3° Le calao des Philippines à casque concave ;
4° Le calao d'Abyssinie, que nous avons fait repré-
senter, planche enluminée, n° 779;
5" Le calao d'Afrique, auquel nous donnons le nom
de brac ;
6" Le calao de Malabar, que nous avons vu vivant y
et que nous avons fait représenter, planche enlumi-
née , n"* 873;
7° Le calao des Moluques , que nous avons fait re-
présenter d'après un individu empaillé, planche en-
luminée, n" 283 ;
S'' Le calao de l'île Panay, dont nous avons fait re-
présenter le mâle et la femelle d'après des individus
empaillés , planches enluminées, n"' 780 et 781 ;
9'' Le calao de Manille, que nous avons fait repré-
senté d'après un individu empaillé, planche enlumi-
née, n'' 891 ;
10° Enfin le tock ou calao à bec rouo;e du Sénégal,
représenté d'après un individu empaillé, planche en-
luminée , n" 260.
En considérant ces dix espèces dans l'ordre inverse,
c'est-à-dire en remontant du tock, qui est la dernière,
à la précédente, c'est-à-dire au calao de Manille et
jusqu'au rhinocéros, qui est la première, on recon-
noîtra tous les degrés par où la nature passe pour
arriver à cette monstrueuse conformation de bec.
106 LES CALAOS, OU OISEAUX RHINOCÉROS.
Le tock a un large bec en forme de faux, comme
les autres ; mais ce bec est simple et sans éminence ;
le calao de Manille a déjà une ëminence apparente
sur le haut du bec ; cette éminence est plus marquée
dans le calao de î'île Panay ; elle est très remarquable
dans le calao des Moluques ; encore plus considérable
dans le calao d'Abyssinie ; énorme enfin dans le calao
de Philippines et du Malabar ; et tout-à-fait mons-
trueuse dans le calao-rhinocéros. Mais si ces oiseaux
ont de si grandes différences par la forme du bec, ils
ont une ressemblance générale dans la conformation
des pieds, qui consiste en ce que les doigts latéraux
sont très longs et presque égaux à celui du milieu.
LE TOCK.
PEMIÈRE ESPÈCE,
Buceros îiasutus. Gmel.
Cet oiseau a un fort gros bec ; mais ce bec est sim-
ple et sans excroissance : cependant il est en forme
de faux, comme celui des autres calaos, qui l'ont
surmonté d'une corne ou d'un casque plus ou moins
étendu et plus ou moins relevé. D'ailleurs le tock
ressemble aux calaos par la plupart des habitudes
naturelles, et se trouve, comme eux, dans les cli-
mats les plus chauds de l'ancien continent. Les nè-
gres du Sénégal lui ont donné le nom de tock; et
nous avons cru devoir le lui conserver. L'oiseau jeune
diffère beaucoup de l'adulte, car il a le bec noir et
LE TOCK. 107
îe plumage gris cendré , au lieu qu'avec l'âge le bec
devient rouge et le plumage noirâtre sur le dessus
du corps, les ailes et la queue, et blanchâtre tout
autour de la tète , du cou , et sur toutes les parties
inférieures du corps. On assure aussi que les pieds
de l'oiseau jeune sont noirs , et qu'ils deviennent
rougeâtres, ainsi que le bec, avec l'âge. Il n'est donc
pas étonnant que M. Brisson en ait fait deux espèces :
la première de ses phrases indicatives nous paroît
répondre au tock adulte, et la seconde au tock jeune.
Cet oiseau a trois doigts en avant et un seul en ar-
rière; celui du milieu est étroitement uni au doist
extérieur jusqu'à la troisième articulation, et beau-
coup moins étroitement au doigt extérieur jusqu'à
la première articulation seulement. Il a le bec très
gros , courbé en bas , légèrement dentelé sur ses
bords.
L'individu que nous décrivons ici, n°* 260 et 890,
avoit vingt pouces de longueur; la queue avoit six
pouces dix lignes; le bec, trois pouces cinq lignes
sur douze lignes et demie d'épaisseur à la base ; la
substance cornée de ce bec est légèie et mince , eu
sorte qu'il ne peut offenser violemment ; les pieds
ont dix-huit lignes de hauteur.
Ces oiseaux, qu'on trouve assez communément
au Sénégal, sont très niais lorsqu'ils sont jeunes; on
les approche et on les prend sans qu'ils s'enfuient;
on peut les tirer aussi sans qu'ils s'épouvantent, ni
même sans qu'ils bougent : mais lorsqu'ils sont adul-
tes, l âge leur donne de l'expérience, au point de
changer entièrement leur premier naturel ; ils devien-
nent alors très sauvages , ils fuient et se perchent sut
1 08 LE TOCK.
la cime des arbres, tandis que les jeunes restent tous
sur les branches les plus basses et sur les buissons ,
où ils demeurent sans mouvement, la tête enfoncée
dans les épaules, de manière qu'on n'en voit, pour
ainsi dire, que le bec : ainsi les jeunes ne volent
presque pas, au lieu que les vieux prennent souvent
un vol élevé et assez rapide. On voit beaucoup de ces
oiseaux jeunes dans les mois d'août et de septembre ;
on peut les prendre à la main, et des le premier mo-
ment ils semblent être aussi privés que si on les avoit
élevés dans la maison; mais cela vient de leur stupi-
dité, car il faut leur porter la nourriture au bec; ils
ne la cherchent ni ne la ramassent lorsqu'on la leur
jette, ce qui fait présumer que les pères et mères
sont obligés de les nourrir pendant un très long
temps. Dans leur état de liberté , ces oiseaux vivent
de fruits sauvages, et en domesticité ils mangent du
pain et avalent tout ce qu'on veut leur mettre dans
le bec.
Au reste, le tock et fort différent du toucan : ce-
pendant il paroît qu'un de nos savants naturalistes les
a pris l'un pour l'autre. M. xidanson dit , dans son
Voyage au Sénégal, qu'il a tué deux toucans dans
cette contrée ; or il est certain qu'il n'y a de toucans
en Afrique que ceux qu'on peut y avoir transportés
d'Amérique , et c'est ce qui me fait présumer que ce
sont des tocks, et non pas des toucans, dont M. Adan-
son a voulu parler.
009
LE CALAO DE MANILLE.
LE CALAO DE MANILLE.
SECONDE ESPÈCE.
Buceros manillensis. Gmel.
Cette espèce n'étoit pas connue, et nous a été en-
voyée pour le Cabinet du Roi par M. Poivre , auquel
nous devons beaucoup d'autres connoissances el un
grand nombre de choses curieuses. Cet oiseau, n** 891 ,
n'est guère plus gros que le tock ; il a vingt pouces
de longueur. Son bec est long de deux pouces et
demi, moins courbé que celui du tock, point den-
lelé, mais assez tranchant par les bordset plus pointu;
ce bec est surmonté d'un léger feston proéminent,
adhérent à la mandibule supérieure , et ne formant
qu'un simple renflement. La tête et le cou sont d'un
blanc lavé de jaunâtre avec des ondes brunes; on re-
marque une plaque noire à chaque côté de la tôle
sur les oreilles. Le dessus du corps est d'un brun
noirâtre avec quelques franges blanchâtres , filées lé-
gèrement dans les pennes de l'aile ; le dessous du
corps est d'un blanc sale. Les pennes de la queue
sont de la même couleur que celles des ailes, seu-
lement elles sont coupées transversalement dans leur
milieu par une bande rousse de deux doigts de lar-
geur. iNoiîs ne savons rien des habitudes particulières
de cet oiseau.
110 LE CALAO DE L ILE TANAY.
&««««<»«<•>»»£*«««*
LE CALAO DE L'ILE PANAY.
TROISIÈME ESPÈCE.
Buceros panayensis. Gmel.
Cet oiseau nous a été apporté par M. Sonnerat .
correspondant du Cabinet : voici la description qu'il
en donne dans son Voyage à la NouveUe'Gmnée. Il
l'appelle calao à bec ciselé : mais ce caractère ne le
distingue pas de quelques autres calaos qui ont égale-
ment le bec ciselé.
« Le mâle , n° 780 , et la femelle , n° 78 1 , sont de
même grosseur, et à peu près de la taille du gros cor-
beau d'Europe , un peu moins corsés et plus allongés.
Leur bec est très long, courbé en arc ou représentant
le fer d'une faux, dentelé le long de ses bords en
dessus et en dessous , terminé par une pointe aiguë et
déprimée sur les côtés; il est sillonné de haut en bas,
ou en travers dans les deux tiers de sa longueur : la
partie convexe des sillons est brune, et les ciselures
ou enfoncements sont couleur d'orpin ; le reste du bec
vers sa pointe est lisse et brun. A la racine du bec ,
en dessus , s'élève une excroissance de même sub-
stance que le bec, aplatie sur les côtés, tranchante
en dessus, coupée en angle droit en devant; celte
excroissance s'étend le long du bec jusque vers sa
moitié où elle finit, et elle est de moitié aussi haute
dans toute sa longueur que le bec est large. L'œil est
entouré d'une membrane brune , dénuée de plumes;
LE €ALAO DE L ILE PANAY. Jll
la paupière soutient un cercle de poils ou crins durs,
courts, et roides, qui forment de véritables cils; l'iris
est blanchâtre. Le mâle a la tête, le cou, le dos, et
les ailes, d'un noir verdâtre , changeant en bleuâtre
suivant les aspects : la femelle a la tête et le cou blancs,
excepté une large tache triangulaire qui s'étend de la
base du bec en dessous et derrière l'œil jusqu'au mi-
lieu du cou en travers sur les côtés; cette tache est
d'un vert noir, changeant comme le cou et le dos du
mâle. La femelle a le dos et les ailes de la même cou-
leur que le mâle. Le haut de la poitrine, dans les in-
dividus des deux sexes, est d'un rouge brun clair; le
ventre, les cuisses, et le croupion, sont également
d'un rouge brun foncé. Ils ont aussi tous deux dix
plumes à la queue , dont les deux tiers supérieurs sont
d'un jaune roussâtre , et le tiers inférieur est une
bande transversale noire. Les pieds sont de couleur
plombée, et sont composés de quatre doigts, dont
un dirigé en arrière et trois dirigés en devant; celui
du milieu est uni au doigt extérieur jusqu'à la troi-
sième articulation, et au doigt intérieur jusqu'à la
première seulement^. »
LE CALAO DES MOLUQUES.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Buceros kydrocorax. Gmel.
O N a mal appliqué le nom d'alcatraz à cet oiseau.
Clusius est l'auteur de celte méprise : il n'a pas bien
1. Voyage à La Nouvelle- Guinée, J>i«g<i 1:^5.
112 LE CALAO DES MOLUQUES.
interprété le passage d'Oviedo; car le nom espagnol
à'alcatraZy selon Fernandès, Hernandès , et iNierem-
bergj appartient au pélican du Mexique, et par con-
séquent ne peut être appliqué à un oiseau des Mo-
hiques. Celte première méprise a produit une seconde
erreur, que nos nomenclateurs ont étendue surtout
le genre des calaos, en les regardant comme des oi-
seaux d'eau , et les nommant liydrocoraXj et leur sup-
posant l'habitude de se tenir au bord des eaux; ce
qui néanmoins est démenti par tous les observateurs
qui ont vu ces oiseaux dans leur pays natal : Bontius,
Camel, et qui plus est, l'oiseau lui-même parla forme
et la structure de ses pieds et de son bec, démon-
trent que les calaos ne sont ni corbeaux, ni corbeaux
d'eau. On doit donc regarder cette dénomination gé-
nérique à'hydrocorax comme mal conçue, et le nom
particulier à'alcatraz comme mal appliqué au calao
des Moluques, puisque c'est le nom du pélican du
Mexique.
Le calao des Moluques, n°ii83, a deux pieds quatre
pouces de longueur; la queue a huit pouces : mais les
pieds n'ont que deux pouces deux lignes; ce carac-
tère des pieds très courts appartient non seulement à
celui-ci, mais encore à tous les autres calaos, qui
marchent aussi mal qu'il est possible. Son bec a cinq
pouces de longueur sur deux pouces et demi d'épais-
seur à son origine; il est d'un cendré noirâtre, et est
surmonté d'une excroissance dont la substance est
assez solide et semblable à de la corne : cette ex-
croissance est aplatie en devant, et s'étend en s'ar-
rondissant jusque par dessus la tête. Il a de grands
yeux noirs, mais le regard désagréable; les côtés de la
LE CALAO DES MOLTIQUES. 11,1
tête, les ailes, et la gorge, sont noirs, et cette partie
de la gorge est entourée d'une bande blanche; les
penaes de !a queue sont dnn gris blanchâtre; tout
le reste du plumage est varié de brun, de gris, de
noirâtre, et de fauve; les pieds sont d'un gris brun,
et le bec est noirâtre.
Ces oiseaux, dit Bontius, ne vivent point de chair,
mais de fruits, et principalement de noix muscade,
dont ils font une grande déprédation; et cette nour-
riture donne à leur chair, qui est tendre et délicate,
un fumet aromatique qui la rend très agréable au goût.
LE CALAO DU MALABAR.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Buceros malabaricus. Gmel.
Cet oiseau a été apporté de Pondichéry : il a vécu
à Paris pendant tout l'été 1777? dans le jardin de
l'hôtel de madame la marquise de Pons, qui a eu la
bonté de me l'offrir, et à laquelle je me fais un devoir
de témoigner ici ma respectueuse sensibilité. Ce ca-
lao étoit de la grandeur d'un corbeau, ou, si l'on
veut, une fois plus grand que la corneille commune;
il avoit deux pieds et demi de longueur, depuis la
pointe du bec à l'extrémité de la queue, qui lui étoit
tombée pendant la traversée, et dont les plumes
commençoient à croître de nouveau , et n'avoient pas
pris, à beaucoup près, toutes leurs dimensions : ainsi
l'on peut présumer que la longueur entière de cet
1 l4 LE CALAO DU xMALABAR.
oiseau est d'environ trois pieds. Son bec, long de
Jjuit pouces, étoit large de deux, arqué de quinze
lignes sur la corde de sa longueur. Un second bec,
s'il peut s'appeler ainsi, surmonloit le premier en
manière de corne immédiatement appliquée et cou-
chée suivant la courbure du vrai bec : cette corne
s'étendoit depuis la base jusqu'à deux pouces de
la pointe du bec ; elle s'élevoit de deux pouces trois
lignes, de manière qu'en les mesurant par le milieu,
le bec et sa corne forment une hauteur de quatre
pouces. L'un et l'autre, près de la tête, ont quinze
lignes d'épaisseur transversale : la corne a six pouces
de longueur, et son extrémité nous a paru accourcie
et fêlée par accident, en sorte qu'on peut la suppo-
ser d'environ un demi-pouce plus longue; en total,
cette corne a la forme d'un véritable bec tronqué et
fermé à H pointe, où néanmoins le dessin de la sé-
paration est marqué par un trait en rainure très sim-
ple, tracé vers le milieu et suivant toute la courbure
de ce faux bec, qui ne tient point au crâne, mais
dont la tranche en arrière ou sa croupe qui s'élève sur
la tête est encore plus extraordinaire; c'est une es-
pèce d'occiput charnu, dénué de plumes, revêtu
d'une peau vive, par laquelle passe le suc nourricier
de ce membre parasite.
Le vrai bec, terminé en pointe mousse , est assez
ferme; sa substance est cornée, presque osseuse,
étendue en lames, dont on aperçoit les couches et les
ondes. Le faux bec, beaucoup plus mince et fléchis-
sant même sous les doigts, n'est point solide et plein;
autrement l'oiseau seroit accablé de son poids : mais
il est d'une substance légère et remplie à l'intérieur
LE CALAO DU M AL AB Ail. Il5
de cellules séparées par des cloisons fort minces,
qii'E(lw::rds compare à des rayons de miel. Wormius
dit que ce faux bec est d'une substance semblable à
celle du tet des écrevisses.
Le faux bec est noir depuis Ja pointe jusqu'à trois
pouces en arrière, et l'on voit une ligne du même
noir à son origine , ainsi qu'à la racine du vrai bec ;
tout le reste est d'un blanc jaunâtre; ce sont préci-
sément les mêmes couleurs que lui donne Wormius,
en ajoutant que l'intérieur du bec et du palais est noir.
Une peau blanche et plissée embrasse des deux
côtés, comme une mentonnière, la racine du vrai bec
par dessous, et va s'implanter, vers les angles du bec,
dans la peau noire qui environne les yeux; de longs
cils, arqués en arrière, garnissent la paupière; l'œil
est d'un brun rouge, il s'anime et prend beaucoup de
feu lorque l'oiseau s'agite. La tête, qui paroît petile
en proportion du bec énorme qu'elle porte, est assez
semblable, pour la forme, à celle du geai. En géné-
ral , la figure, l'allure et toute la tournure de ce calao
nous ont paru un composé de traits et de mouvements
du geai, du corbeau , et de la pie ; ces ressemblances
ont également frappé les yeux de la plupart des ob-
servateurs, qui ont donné à cet oiseau les noms de
corbeau indien j, corbeau cornu, pie cornue d'Ethio-
pie, etc.
Celui-ci avoit les plumes de la tête et du cou noi-
res, avec la faculté de les hérisser; ce qu'il fait sou-
vent , comme le geai : celle du dos et des ailes sont
noires aussi, et toutes ont un foible reflet de violet et
de vert. On aperçoit aussi sur quelques plumes des
couvertures des ailes une bordure brune irrégulière-
Il6 LE CALAO DU MALABAR.
luent tracée; ies plumes, se surmontant légèrement,
paroissent être gonflées comme celles du gCcvi. L'es-
tomac et le ventre sont d'un blanc sale. Entre les
grandes pennes de l'aîle qui sont noires, les seules
extérieures sont blanches à la pointe. La queue, qui
commençoit à recroître, étoit composée de six plu-
mes blanches, noires à la racine , et quatre qui sor-
toient de leur tuyau toutes noires. Les pieds sont
noirs, épais, et fort couverts de larges écailles; les
ongles longs, sans être aigus, paroissent propres à
saisir et à serrer. Cet oiseau sautoit des deux pieds à
la fois, en avant et de côté, comme le geai et la pie,
sans marcher. Dans son attitude de repos, il avoit la
tête portée en arrière, et reculée entre les épaules :
dans l'émotion de la surprise ou de l'inquiétude, il
se haussoit, se grandissoit , et sembloit prendre quel-
que air de fierté ; cependant sa mine en général est
basse et stupide, ses mouvements sont brusques et
désagréables, et les traits qu'il tient de la pie et du
corbeau lui donnent un air ignoble, que son natu-
rel ne dément pas. Quoique dans les calaos il y ait
des espèces qui paroissent frugivores, et que nous
ayons vu celui-ci manger des laitues qu'il froissoit au-
paravant dans son bec , il avaloit de la chair crue ;
il prenoit des rats, et il dévora même un petit oiseau
qu'on lui jeta vivant. 11 répéloit souvent un cri sourd,
oûck^ oiïck. Ce son bref et sec n'est qu'un coup de
gosier enroué. Il faisoit aussi de temps en temps en-
tendre une autre voix moins rauque et plus foible ,
lout-à~fait pareille au gloussement de la poule-d'Inde
qui conduit ses petits.
JNous l'avons vu s'étendre , ouvrir ses ailes an soleil^
LE CALAO DU MALABAR. in
ot trembloter lorsqu'il survenoit un nuage ou un pe-
lit coup de vent. Il au pas vécu plus de trois mois à
Paris, et il est mort avant la fin de l'été. Notre climat
est donc trop froid pour sa nature.
Au reste , nous ne pouvons nous dispenser de remar-
([uer que M. Brisson s'est trompé en rapportant à son
calao des Philippines la figure cl du bec de la plan-
che cGLxxxi des Glanures d' Edwards ; car cette ligure
représente le bec de notre calao du Malabar, qui est
surmonté d'une excroissance simple, et non pas d'un
casque concave et à double corne, comme l'est celui
du calao des Philippines.
LE BRAC,
ou CALAO D'AFRIQUE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Buceros africanus. Gmel.
Nous conserverons à ce calao le nom de brac^ que
lui a donné le P. Labat, d'autant que ce voyageur est
le seul qui l'ait vu et observé. Il est très grand: sa tête
seule et le bec ont ensemble dix-huit pouces de lon-
gueur. Ce bec est en partie jaune et en partie rouge;
les deux mandibules sont bordées de noir. On voit à
la partie supérieure du bec une excroissance de sub-
stance cornée d'une grosseur considérable et de la
même couleur : la partie antérieure de cette excrois-
sance se prolonge en avant en forme de corne pres-
que droite et qui ne se recourbe pas en haut; la par-
eil fo.n. XXV. 8
Il8 LE BllAC, OU CALAO d'aFRIQUE.
lie postérieure de celle excroissance est au contraire
arrondie et couvre la partie supérieure de la lùte :
les narines sont placées au dessous de l'excroissance,
assez près de l'origine du bec ; et le plumage de ce
calao est entièrement noir.
LE CALAO D'ABYSSINIE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Buceros abyssiniens. GxMel.
Ce calao paroît être un des plus grantls de son
genre ; cependant, si Ton en juge par la longueui' et
la grosseur des becs , le calao-rhinocéros est encore
plus grand. La forme du calao d'Abyssinie, n" 779 ,
paroît être modelée sur celle du corbeau , et seulement
plus grande et plus épaisse ; il a trois pieds deux pou-
ces de longueur totale; il est tout noir, excepté les
grandes pennes de i'aile qui sont blanches, les
moyennes et une partie des couvertures qui parois-
sent d'un brun lanné foncé. Le bec est légèrement
et également arqué dans toute sa longueur, aplati et
comprimé par les côtés ; les deux mandibules sont
creusées intérieurement en gouttière, et finissent en
pointe mousse. Ce bec a neuf pouces de long , et il
est surmonté, à sa base et jusqu'auprès du froîit,
d'une proéminence en demi-disque de deux pouces et
demi de diamètre , et de quinze lignes de large à sa
base sur les yeux : cette excroissance est de même
substance que le bec, mais plus mince, et cède lors-
LE CALAO DABYSSIiVIE. IlQ
qu'on la presse avec ies doigts. La hauteur du bec,
prise verticalement, et jointe à celle de sa corne, est
de trois pouces huit lij^nes. Les pieds ont cinq pouces
et demi de hauteur : le grand doigt, y compris l'on-
gle, a vingt-huit lignes; les trois doigts antérieurs
sont presque égaux; le postérieur est aussi très long,
il a deux pouces : tous sont épais, couverts, comme
les jambes, d'écaillés noirâtres, et garnis d'ongles
forts , sans être ni crochus ni aigus. Sur chaque côté
de la mandibule supérieure du bec, près de l'origine,
est une plaque rougeâtre; de longs cils garnissent les
paupières; une peau nue, d'un brun violet, entoure
les yeux , et couvre la gorge et une partie du devant
du cou. .
«« a^ »a««««.»s«M«43.@44«'S'0 ^«^Mi^iv-^ «
LE CALAO DES PHILIPPINES.
HUITIÈME ESPÈCE.
Buceros blcornis. Gmel.
Cet oiseau, selon M, Brisson, est de la grosseur
d'un dindon femelle ; mais sa tête est proportionnelle-
nient bien plus grosse , et cela paroît nécessaire pour
porter un bec de neuf pouces de longueur sur deux
pouces huit lignes d'épaisseur, et qui porte lui-même
au dessus de la mandibule supérieure une excrois-
sance cornée, de six pouces de long sur trois pouces de
largeur. Celte excroissance est un peu concave dans
sa partie supérieure, et ses deux angles antérieurs
sont prolongés en avant en forme de double corne ;
190 LE CALAO DES P M I LI PPI ^^ES.
(Ile s'étend on s'arrondissanl sur la partie siîpérfelîre
de la tête. Les narines sont placées vers l'orii^jine da
bec , au dessous de cette excroissance ; et tout lé bec,
ainsi que sa proéminence , est de couleur rougeâtre.
Ce calao a la tête, la gorge, le cou, le dessus du
corps et les couvertures supérieures des ailes et de la
queue, noirs; tout le dessous du corps est blanc; les
pennes des ailes sont noires et marquées d'une tache
blanche; toutes les pennes de la queue sont entière-
ment noires, à l'exception des deux extérieures qui
sont blanches ; les pieds sont verdatres.
George Camel a décrit, avec d'autres oiseaux des
Philippines, une espèce de calao qui paroît assez voi-
sine de celle-ci, mais qui cependant n'est pas absolu-
ment la même. Sa description a été communiquée à
la Société royale par le docteur Peliver, et ensuite
imprimée dans les Transactions pliilosopldques ^ n° ^85,
article m. On y voit que cet oiseau , nommé calao ou
cagao par les Indiens, ne fréquente point les eaux,
mais se tient sur les hauteurs et même sur les mon-
tagnes, vivant de fruits de baliti, qui est une espèce
de figuier sauvage, ainsi que d'amundes, de pista-
ches, etc., qu'il avale tout entières.
« Il a, dit l'auteur, le venire noir : le croupion et
le dos d'un cendré brun; le cou et la tête roux; la
tête petite et noire autour des yeux; les cils noirs et
longs; les yeux bleus; le bec long de six à sept pou-
ces, un peu courbé en bas, dentelé, diuphane, et de
couleur de cinabre , large d'un demi-pouce dans le
milieu, élevé «à l'origine de plus de deux pouces, et
recouvert en dessus d'une espèce de casque long de
six pouces et large de près de di'ux. La langue est
LE CALAO DES PHILIPPINES. 12 1
très petite pour un aussi grand bec, n'ayant pas un
pouce de long. Sa voix ressemble à un grogne menl ,
et plus au mugissement d'un veau qu'au cri d'un oi-
seau. Les jambes avec les cuisses sont jaunâtres, et
longues de six à sept pouces ; les pieds ont trois doigts
en devant et un seul en arrière, ècailleux, rougeâtres,
et armés d'o;«igles noirs, solides, et crochus; la queue
est composée de huit grandes pennes blanches , lon-
gues de quinze à dix-huit pouces ; les pennes des ailes
sont jaunes. Les Gentils révèrent cet oiseau, et ra-
content des fables de ses combats avec la grue, qu'ils
nomment tlptU ou tihol : ils disent que c'est après ce
combat que les grues ont été forcées de demeurer
dans les terres humides, et que les calaos n'ont pas
voulu les souffrir dans leurs montagnes. »
Cette espèce de description me paroît prouver assez
clairement que les calaos ne sont pas des oiseaux d'eau
ou de rivage ; et comme les couleurs et quelques
caractères sont différents des couleurs du calao des
Philippines, décrit par M. Brisson, nous croyons qu'on
doit au moins regarder celui-ci comme une variété de
l'autre.
LE CALAO A CASQUE ROND.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Buceros galeatiis. Gmel.
NoLS n'avons de cet oiseau que le bec, et ce bec
4»st pareil à celui qu'Edwards a donné ; et si nous
122 IL CALAO A CASQUE ROAD.
jugeons de la grandeur de Foiseaii par la grosseur de
la lete qui reste attachée à ce bec , ce calao , n° 955,
doit être l'un des plus grands et dos plus forts de son
genre. Le bec a six pouces de longueur, des angles à
la pointe ; il est presque droit , c'est-à-dire sans cour-
bure ; il est aussi sans dentelures. Diî milieu de la
mandibule supérieure s'élève et s'étend jusque sur
l'occiput une loupe en forme de casque , haute de
deux pouces, presque ronde, mais un peu comprimée
par les côtés. Cette éminence, en y joignant le bec,
forme une hauteur verticale de quatre pouces sur huit
de circonférence. Les couleurs flétries et brunies dans
ce bec qui est au Cabinet n'oGTrent plus ce vermillon
dont Edwards a peint le casque du bec qu'il repré-
sente. M. Brisson paroît s'être trompé lorsqu'il rap-
porte le bec marqué Cj planche ccLxxxi d'Edwards,
à son premier calao, page 568, dont le casque est
au contraire aplati.
Aldrovande a donné une figure très reconnoissable
du bec de ce calao à casque rond, sous le nom de
scmenda, oiseau des Indes ^ dont l' histoire ^ dit-il, est
presque toute fabuleuse. Ce bec , placé au cabinet du
grand duc de Toscane, avoit été apporté de Damas...
Le casque de ce bec étoit de forme ovale; il étoit
blanc sur le devant, et rouge en arrière. Le bec, long
d'une palme, étoit pointu et creusé en canal. En com-
parant cette description à la figure , on reconnoît que
ce bec est celui du calao k casque rond.
LE CALAO-RHINOCEROS.
LE CALAO-RHINOCÉROS.
DIXIÈME ESPÈCE.
Buceros rhinocéros. Gmel.
Quelques auteurs ont confondu cet oiseau des
Indes méridionales avec le tragopan de Pline , qui
est le casoar connu des Grecs et des Romains , et
qui se trouve en Barbarie et au Levant, à une très
grande distance des contrées où l'on trouve celui-ci.
L'oiseau rhinocéros, vu par Bontius dans l'île de
Java, est beaucoup plus grand que le corbeau d'Eu-
rope ; il le dit très puant et très laid, et voici la de-
scription qu'il en donne :
«Son plumage est tout noir, et son bec fort étrange;
car sur la partie supérieure de ce bec s'élève une ex-
croissance de substance cornée, qui s'étend en avant
et se recourbe ensuite vers le haut en forme de corne,
qui est prodigieuse par son volume, car elle a huit
pouces de longueur sur quatre de largeur à sa base.
Cette corne est variée de rouge et de jaune, et comme
divisée en deux parties par une ligne noire qui s'é-
tend sur chacun de ses côtés, suivant sa longueur.
Les ouvertures des narines sont situées au dessous
de cette excroissance, près de l'origine du bec. On
le trouve à Sumatra, aux Philippines, et dans les
autres parties des climats chauds des Indes. »
Bontius rapporte quelques faits au sujet de ces
oiseaux : il dit qu'ils vivent de chair et de charogne ;
124 l'i^ CALAO-RIIINOCÉKOS.
qu'ils suivent ordinairement les chasseurs de sangliers,
de vaches sauvages, etc., pour manger la chair et les
intestins de ces animaux , que ces chasseurs éven-
trent et coupent par quartiers pour empoiter plus
aisément ce gros gibier, et très promptement ; car
s'ils le laissoient quelque temps sur la place , les ca-
laos ne manqueroient pas de venir tout dévorer.
Cependant cet oiseau ne chasse que les rats et les
souris , et c'est par cette raison que les Indiens en
élèvent quelques uns. Bontius dit qu'avant de man-
ger une souris , le calao l'aplatit en la serrant dans
son bec pour l'amollir, et qu'il l'avale tout entière
en la jetant en l'air et la faisant retom^ber dans son
large gosier : c'est, au reste, la seule façon de manger
que lui permettent la structure de son bec et la pe-
titesse de sa langue, qui est cachée au fond du bec
et presque dans la gorge.
Telle est la manière de vivre à laquelle l'a réduit
la nature en lui donnant un bec assez fort pour la
proie, mais trop foible pour le combat, très incom-
mode pour l'usage, et dont tout l'appareil n'est qu'une
exubérance difforme et un poids inutile. Cet excès
et ces défauts extérieurs semblent influer sur les fa-
cultés intérieures de l'animal : ce calao est triste et
sauvage; il a l'aspect rude, l'attitude pesante et
comme fatiguée. Au reste, Bontius n'a donné qu'une
figure peu exacte de la tête et du bec ; et ce bec re-
présenté par Bontius est fort petit en comparaison de
celui qui est au Cabinet , n° 954 : mais comme il est
de la même forme , ils appartiennent certainement
tous deux à la même espèce d'oiseau.
LE MARTIN-PÊCHEUR, OU l'aLCYON. 125
l'e<»»»?g»e»a»ai»9»a»9>s<«Ci»»9»»»»»«^>'»»o«'»<
LE MARTIN-PECHEUR,
ou L'ALCYON^.
A IcedO'Isp ida . G me l .
Le nom de martln-pêcheur vient de martinet-pê-
clieiir^ qui etoit J'ancienne dénomination françoise
de cet oiseau, n° -y 7, dont le vol ressemble à celui de
rhirondelie-martinet, lorsqu'elle fde près de terre
ou sur les eaux. Son nom ancien, alcyon , étoit bien
plus noble, et on auroit du le lui conserver ; car il n'y
eut pas de nom plus célèbre cbez les Grecs : ils ap-
peloient alcyoniens les jours de calme vers le solstice,
où l'air et la mer sont tranquilles, jours précieux aux
navigateurs, durant lesquels les routes de la mer sont
aussi sûres que celles de la terre; ces mêmes jours
étoient aussi le temps donné à l'alcyon pour élever
ses petits. L'imagination toujours prête à enluminer
1. En latin, alcedo , 'alcyon {Aicelo dlecbatar ab antlqais pro liai'
cyone. Festus. Tantôt ou écrivoit alcyon sans aspiration , et d'autres
lois avec l'aspiration, halcyon); eu latin moderne, ispida; en italien ,
uccello pescatore, piombino , picupiolo, ucccllo del paradiseo, uccelio
délia M adonna , pescatore del re ; en espagnol , arvela ; en allemand ,
elss-voocel , et suivant Scliwenckfeld , xvassev lieunlein et see schwabne:
en anglois , king fisher. Dans nos provinces, on lui donne les noms de
pêclte-véron , merle d'eau , merle d'aiguë , rnerlet bleu, et merlet pcche-
ret ; ailleurs, niais mal à propos, pivert bleu, pivert d'eau , tartarieu ,
par contraction de sou chaut; sur la Loire, vire-vent, dans l'idée que
cet oiseau tourne au vent comme une girouette ; drapier et garde-bau-
iique, parce qu'on croit qu'il préserve des teignes les ciolle» de laine;
vu Provence, bleuet.
126 LE MAllTIN-PÊCHEUR, OU l'aLCYON.
de merveilleux les beautés simples de la nature ,
acheva d'altérer cette image en plaçant le nid de
l'alcyon sur la mer aplanie : c'étoit Éole qui enchaî-
noît les vents en faveur de ses petits enfants ; Alcyone^
sa fille, plaintive et solitaire, sembloit encore rede-
mander aux flots son infortuné Céyx, que Neptune
avoit fait périr, etc.
Cette histoire mythologique de l'oiseau alcyon
n'est , comme toute autre fable , que l'emblème de
son histoire naturelle, et l'on peut s'étonner qu'Al-
drovande termine sa longue discussion sur l'alcyon
par conclure que cet oiseau n'est plus connu. ].a
seule description d'Aristote pou voit le lui faire re-
connoître , et lui démontrer que c'est le même oiseau
que notre martin-pêcheur. « L'alcyon, dit ce philo-
sophe, n'est pas beaucoup plus grand qu'un moineau;
son plumage est peint de bleu, de vert, et relevé
de pourpre. Ces brillantes couleurs sont unies et fon-
dues dans leurs reflets sur tout le corps et sur les ailes
et le cou. Son bec jaunâtre* est long et pointu. »
Il est également caractérisé par la comparaison des
habitudes naturelles. L'alcyon éloit solitaire et triste;
ce qui convient au martin-pêcheur, que l'on voit
toujours seul, et dont le temps de la pariade est fort
court. Aristote, en faisant l'alcyon habitant des riva-
ges de la mer, dit aussi qu'il remonte les rivières fort
haut , et qu'il se tient sur leurs bords :*or, on ne peut
douter que le martin-pêcheur des rivières n'aime éga-
lement à se tenir sur les rivages de la mer, où il trouve
1. J'ai Irnduit !c moi ypôkloron , jaunâtre, d'après Scaiiger, et non
pas verdatre, comme l'avoit rendu Gaza , el il y a toute raisou de croire
que c'est la véritable interprétation.
L^: MARTIN-PÊCHEIJK, OU LALCYON. I27
toutes les commodités nécessaires à son genre de vie,
et nous en sommes assurés par des témoins oculaires.
Cependant Klein le nie; mais il n'a parlé que de la
inerBaltique, et il a très mal connu le martin-pecheur,
comme nous aurons occasion de le remarquer. Au
reste, l'alcyon étoit peu commun en Grèce et en Italie :
Chéréphon, dans Lucien, admire son chant comme
tout nouveau pour lui. Aristote et Pline disent que
les apparitions de l'alcyon étoient rares, fugitives, et
qu'on le voyoit voler d'un trait rapide alentour des
navires, puis rentrer dans son petit antre du rivage :
tout cela convient parfaitement au marlin-pêcheur,
qui n'est nulle part bien commun, et qui se montre
rarement.
On reconnoît également notre martin-pecheur dans
la manière de pécher de l'alcyon , que Lycophron
appelle le plongeur^ et quij, dit Oppien, se jette et se
plonge dans la mer en tombant. C'est de cette liabi-
tude de tomber à plomb dans l'eau que les Italiens
ont nommé plombino (petit plomb). Ainsi tous les
caractères extérieurs et toutes les habitudes naturelles
de notre martin-pecheur conviennent à l'alcyon décrit
par Aristote. Les poètes faisoient flotter le nid de
l'alcyon sur la mer : les naturalistes ont reconnu qu'il
ne fait point de nid, et qu'il dépose ses œufs dans
des trous horizontaux de la rive des fleuves ou du
rivage de la mer.
Le temps des amours de l'alcyon, et les jours alcyo-
niens placés près du solstice, sont le seul point qui
ne se rapporte pas exactement à ce que nous con-
noissons du martin-pecheur, quoiqu'on le voie s'ap-
parier de très bonne heure et avant l'équinoxe :
128 LE MAnTIN-PÊCHEUR, OU l'aLCYON.
mais , inclépendamiuent de ce que la fable peut avoir
ajouté à l'histoire des alcyons pour l'embellir, il est
possible que, sous un climat plus chaud, les amours
des marlins-pêcheurs commencent encore plus toi ;
d'ailleurs il y avoit différentes opinions sur la saison
des jours alcyoniens. Aristote dit que, dans les mers
de Grèce, ces jours alcyoniens n'étoient pas toujours
voisins de ceux du solstice, mais que cela étoit plus
constant pour la mer de Sicile, Les anciens ne conve-
noient pas non plus du nombre de ces jours, et Colu-
melle les place aux kalendes de mars, temps auquel
notre martin-pêcheur commence à faire son nid.
Aristote ne parle distinctement que d'une seule
espèce d'alcyon, et ce n'est que sur un passage équi-
voque et vraisemblablement corroujpu, et où, suivant
la correction de Gesner, il s'agit de deux espèces
d'hirondelles, que les naturalistes en ont fait deux
d'alcyons; une pelîle qui a de la voix , et une grande
qui est muette : sur quoi Belon , pour trouver ces
deux espèces, a fait de la rousserole son alcyon vocale
en même temps qu'il nomme alcyon muet le martin-
pêcheur, quoiqu'il ne soit rien moins que muet.
Ces discussions critiques nous ont paru nécessaires,
dans un sujet que la plupart des naturalistes ont laissé
dans la plus grande obscurité. Klein, qui le remarque,
en augmente encore la confusion, en attribuant au
martin-pêcheur deux doigts en avant et deux en ar-
rière; il s'appuie de l'autorité de Schwenckfeld, qui
est tombé dans la même erreur, et d'une ligure fau-
tive de Belon, ([ue néanmoins ce naturaliste a corri-
gée lui-même, en décrivant trèsbien la forme du pied
de cet oiseau, qui est singulière : des I rois doigts anté-
LE MARTIN-PÈCIIEUR, OU L ALCYON. 1 2()
rieurs, Textérieur est élroitement uni à celui du mi-
lieu jusqu'à la troisième articulation, de manière à
paroîlre ne faire qu'un seul doigt, ce qui forme en
dessous une plante de pied large et aplatie ; le doigt
intérieur est très court et plus que celui de derrière ;
les pieds sont aussi très courts; la tête est grosse ; le
bec long , épais à sa base , et filé droit en pointe ,
laquelle est généralement courte dans les espèces de
ce genre.
C'est le plus bel oiseau de nos climats, et il n'y
en a aucun en Europe qu'on puisse comparer au
martîn-pêcheur pour la netteté, la richesse et l'éclat
des couleurs; elles ont les nuances de l'arc-en-ciel, le
brillant de l'émail, le lustre de la soie; tout le milieu
du dos, avec le dessus de la queue, est d'un bleu clair
et brillant, qui, aux rayons du soleil, a le jeu du sa-
phir et l'œil de la turquoise ; le vert se môle sur les
ailes au bleu , et la plupart des plumes y sont termi-
nées et ponctuées par une teinte d'aigue-marine ; la
lete et le dessus du cou sont poinlillés de taches plus
claires sur un fond d'azur. Gesner compare le jaune
rouge ardent qui colore la poitrine au rouge en-
ilammé d'un charbon.
il semble que le marlin-pecheur se soit échappé
(ie ces climats où le soleil verse avec les flots d'une
lumière plus pure tous les trésors des plus riches
couleurs^. En efl'et, si l'espèce de notre martin-pê-
cheur n'appartient pas précisément aux climats de
l'orient et du midi, le genre entier de ces beaux oi-
seaux en est originaire; car pour une seule espèce
1. Le maiiiii-pêchcur porte le nom cYcvoore clans la langue des îles
de la Société.
I 50 LE MAUTIN- PÊCHEUR, OU L ALCYON.
que nous avons eu Europe , T Afrique et l'Asie nous
en offrent plus de vingt , et nous en connoissons en-
core huit autres espèces dans les climats chauds de
l'Amérique. Celle de l'Europe est même répandue
en Asie et en Afrique; plusieurs martins-pêcheurs en-
voyés de la Chine et d'Egypte se sont trouvés les
mêmes que le nôtre , et Belon dit l'avoir reconnu
dans la Grèce et la Thrace.
Cet oiseau, quoique originaire de climats plus
chauds, s'est habitué à la température et même au
froid du nôtre; on le voit en hiver, le long des ruis-
seaux , plonger sous la glace , et en sortir en rappor-
tant sa proie : c'est par cette raison que les Allemands
l'ont appelé elsS'VOgel , oiseau de la glace; et Belon
se trompe en disant qu'il ne fait que passer dans nos
contrées, puisqu'il y reste dans le temps de la gelée.
Son vol est rapide et filé ; il suit ordinairement les
contours des ruisseaux en rasant la surface de l'eau.
II crie en volant kij ki ^ kl ^ ki^ d'une voix perçante
et qui fait retentir les rivages; il a, dans le printemps,
un autre chant, qu'on ne laisse pas d'entendre mal-
o-ré le murmure des flots et le bruit des cascades ^. Il
est très sauvage et part de loin ; il se tient sur une
branche avancée au dessus de l'eau pour pêcher; il
reste immobile, et épie souvent deux heures entières
le moment du passage d'un petit poisson ; il fond sur
cette proie en se laissant tomber dans l'eau , où il
reste plusieurs secondes; il en sort avec le poisson
I. Le nom d'ispida, suivant l'auteur De nalura revum , dans Ges-
ncr , est {"oruié du cri de l'oiseau : appareaunent du [>reinier on a
voulu imiter le second dans le nom de iartarlcu , que l'on donne aussi^
au martin-pècheur.
LE MAnXIN-PÈClFEUiV, OU LxlLCYON. l5l
au bec , qu'il porte ensuite sur la terre , contre la-
quelle il le bat pour le tuer, avant de l'avaler.
Au défaut de branches avancées sur l'eau, le mar-
tin-pêcheur se pose sur quelque pierre voisine du
rivage, ou même sur le gravier; mais au moment
qu'il aperçoit un petit poisson, il fait un bond de
douze ou quinze pieds, et se laisse tomber à plomb de
cette hauteur. Souvent aussi on le voit s'arrêter dans
son vol rapide, demeurer immobile et se soutenir au
même lieu pendant plusieurs secondes; c'est son ma-
nège d'hiver, lorsque les eaux troubles ou les glaces
épaisses le forcent de quitter les rivières, et le ré-
duisent aux petits ruisseaux d'eau : à chaque pause,
il reste comme suspendu à la hauteur de quinze ou
vingt pieds ; et lorsqu'il veut changer de place, il se
rabaisse et ne vole pas à plus d'un pied de hauteur
sur Teau ; il se relève ensuite et s'arrête de nouveau.
Cet exercice réitéré et presque continuel démontre
que cet oiseau plonge pour de bien petits objets,
poissons ou insectes, et souvent en vain ; car il par-
court de cette manière des demi -lieues de chemin.
Il niche au bord des rivières et des ruisseaux, dans
des trous creusés par les rats d'eau ou par les écre-
visses, qu'il approfondit lui-même, et dont il maçonne
et rétrécit l'ouverture : on y trouve de petites arêtes
de poisson, des écailles sur de la poussière, sans forme
de nid; et c'est sur cette poussière que nous avons
vu ses œufs déposés, sans remarquer ces petites pe-
lotes dont Belon dit qu'il pétrit son nid, et sans trou-
ver à ce nid la figure que lui donne Aristote, en le
comparant , pour la forme, à une cucurbite, et pour
la matière et la texture , à ces boules de mer ou pe-
\.)'.i LE MAUTIN-PÊCHEUR, OU L ALCYON.
iotes de filanients entrelacés qui se coupent diffici-
ieiuent, mais qui desséchées deviennent friables. Il
en est de même des hakyonium de Pline, dont il lait
quatre espèces, et que quelques uns ont donnés pour
i\es nids d'alcyon, mais qui ne sont autre chose que
diflérentes pelotes de mer ou des holothuries qui
n'ont aucun rapport avec des nids d'oiseau : et quant
à ces nids l'ameux du ïunquin et de la Cochinchine
que Ton mange avec délices , et que l'on a aussi
nommés nids d* alcyon j, nous avons démontré qu'ils
sont l'ouvrage de l'hirondelle salan«^ane.
Les martins-pêcheurs commencent à fréquenter
leur trou dès le mois de mars : on voit dans ce temps
le n)âle poursuivre vivement la femelle. Les anciens
croyoient les alcyons bien ardents, puisqu'ils ont dit
que le mâle meurt dans l'accouplenjent ; et Aristote
prétend qu'il entre en amour dès l'âge de quatre
mois.
Au reste, l'espèce de notre martin-pêcheur n'est
pas nombreuse, quoique ces oiseaux produisent six,
sept et jusqu'à neuf petits, selon Gesner : mais le
genre de vie auquel ils sont assujettis les fait souvent
périr, et ce n'est pas toujours impunément qu'ils bra-
vent la rigueur de nos hivers : on en trouve de morts
sur la glace. Olina donne la manière de \e$, prendre,
à la pointe du jour ou à la nuit tombante, avec un
trébuchet tendu au bord de l'eau; il ajoute qu'ils vi-
vent quatre ou cinq ans. On sait seulement qu'on
peut les nourrir pendant quelque temps dans les
chambres où l'on place des bassins d'eau remplis
de petits poissons. M. Daubenton, de l'Académie
des Sciences, en a nourri quelques uns pendant
I
LE MARTIN-PECHEL'R, OU L ALCYON. 1 53
plusieurs mois , en leur donnant tous les Jours de petits
poissons frais : c'est la seule nourriture qui leur con-
vienne ; car de quatre marlins-pêcheurs qu'on m'ap-
porta le 21 août 1778, et qui étoient aussi grands
que père et mère quoique pris dans le nid , qui
étoit lin trou sur le bord de la rivière, deux refu-
sèrent constamment les mouches, les fourmis, les
vers de terre , la pâtée de fromage , et périrent d'i-
nanition au bout de deux jours; les deux autres, qui
mangèrent nn peu de fromage' et quelques vers de
terres, ne vécurent que six Jours. Au reste, Gesner
observe que le martin-pêcheur ne peut se priver, et
qu'il demeure toujours également sauvage. Sa chair
a une odeur de faux musc, et n'est pas bonne à man-
ger ; sa graisse est rougeâtre; il a le ventricule spa-
cieux et large comme les oiseaux de proie, et comme
eux il rend par le bec les restes indigestes de ce qu'il
a avalé, écailles et arêtes roulées en petites boules.
Ce viscère est placé fort bas; l'œsophage est par con-
séquent très long. La langue est courte , de couleur
rouge ou Jaune, comme le dedans et le fond du bec^.
1. On m'apporta, dit M. de MontbelUard » le 7 juillet 1771, cinq
petits martins-{)êcheurs (il y en avoit sept dans le nid sur le bord d'un
ruisseau); ils mangèrent des vers de terre qu'on leur présenta. Dans
ces jeunes martins-pêcheurs , le doigt extcncur étoit tellement uni h.
celui du milieu jusqu'à la dernière articulalioiî , quil en résultoit l'ap-
parence d'un doigt fourchu plutôt que celle de deux doigts distincts;
le tarse étoit fort court; la tète étoit rayée transversalement de noir et
de bleu verdâlre; il y avoit deux lâches de feu , l'une sur les yeux en
avant , l'autre plus lougue sous les yeux , et qui se prolongeant en ar-
rière devient blanche; au bas du cou, près du dos, le bleu devient
plus dominant, et une bande ondoyante de bleu, méiée d'un peu de
noir, parcourt la longueur du corps, et sétend jusqu'à rcxtremilé des
couvertures de la queue, où le bleu devient plu? vif; les doaxe pennes
BrrroA. xxv. 9
î/)4 LE MARTIN-PÊCHEUB , OU L ALCYON.
11 est singulier qu'un oiseau qui vole avec tant de
vitesse et de continuité, n'ait pas les ailes amples :
elles sont au contraire fort petites à proportion de sa
grosseur, d'où l'on peut juger de la force des muscles
qui les meuvent ; car il n'y a peut-être point d'oiseau
qui ait les mouvements aussi prompts et le vol aussi
rapide : il part comme un trait d'arbalète; s'il laisse
tomber un poisson de la brancbe où il s'est perché,
souvent il reprend sa proie avant qu'elle ait touché
terre. Comme il ne se pose guère que sur des bran-
ches sèches, on a dit qu'il faisoit sécher le bois sur
lequel il s'arrête.
On donne à cet oiseau desséché la propriété de
conserver les draps et autres étoffes de laine , et d'é-
loigner les teignes. Les marchands le suspendent à
cet effet dans leurs magasins^. Son odeur de faux musc
pourroit peut-être écarter ces insectes , mais pas
plus que toute autre odeur pénétrante. Comme son
corps se dessèche aisément , on a dit que sa chair
n'étoit jamais attaquée de corruption; et ces vertus,
quoique imaginaires, le cèdent encore aux merveil-
les qu'en ont racontées quelques auteurs en recueil-
lant les idées superstitieuses des anciens sur l'alcyon :
tle la queue étoieut d'un bleu rembruni; les vingt-deux pennes des
ailes étoient chacune moitié brune et moitié bleu rembruni, selon
leur longueur; leurs couvertures brunes poinlillées de bleu; la gorge
blanchâtre ; la poitrine rousse , ombrée de brun ; le ventre blanchâtre :
le dessous de la queue d'un roux presque aurore; le bec avoit dix-sept
lignes; la langue étoit très courte, large et pointue, le ventricule fort
ample. {Observation communiquée par M. de Montheillard.)
1. D'où lui vient le vieux nom d'arfre ou atî'e que lui donne encore
lîelon, et qui signifie teigne, comme par antiphrase, oiseau- teigne ,
et ceux de drapier et de garde-boutique.
LE MARTlN-rÊCHEUR, OU l'aLCYON. 1 Sf)
il a , disent-ils, la propriété de repousser la foudre,
celle de faire augmenter un trésor enfoui , et, quoi-
que raort, de renouveler son plumage à chaque sai-
son de mue. Il communique, dit Kirannides, à qui
le porte avec soi, la grâce et la beauté; il donne la
paix à la maison, le calme en mer, attire les poissons
et rend la pêche abondante sur toutes les eaux. Ces
fables flattent la crédulité : mais malheureusement ce
ne sont que des fables^.
LES MARTINS-PÊGHEURS
ÉTRANGERS.
Comme le nombre des espèces étrangères est ici
très considérable, et que toutes se trouvent dans les
climats chauds , on doit regarder celle de notre mar-
tin-pêcheur comme échappée de cette grande famille,
puisqu'elle est seule, et même sans variété, dans nos
contrées. Pour mettre de l'ordre dans l'énumératioti
de cette multitude d'espèces étrangères, nous sépare-
rons d'abord tous les martins-pêcheurs de l'ancien
continent, de ceux de TAmérique , et ensuite nous
indiquerons les uns et les autres par ordre de gran-
deur, en commençant par ceux qui sont plus grands
que notre martin-pêcheur d'Europe, et continuant
par ceux qui lui sont égaux en grandeur ou qui sont
plus petits.
1. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'on les retrouve jusque cliey. les
Tartares et clans la Sibérie.
l56 IV. PLUS CRAM) MAnTIN-PÊCHEUR.
LES GRANDS MARTINS-PÊCHEURS
DE LANCIEN CONTINENT.
LE PLUS GRAND MARTIN-PÊCHEUR.
PKEMIÈRE ESPÈCE.
Alcedo fusca. Gmel.
Cet oiseau, n° 665, le plus grand de son genre,
se trouve à la Nouvelle-Guinée ; il est long de seize
pouces, et gros comme un choucas. Tout son plu-
mage, excepté la queue, paroît lavé de bistre, bruni
sur le dos et sur l'aile, plus clair et légèrement tra-
versé de petites ondes noirâtres sur tout le devant du
corps et antour du cou , sur un fond plus blanc; les
plumes du sommet de la tête sont, ainsi qu'un large
trait sous l'œil, du bistre brun au dos; la queue,
d'un fauve roux traversé d'ondes noires , est blanche
à l'extrémité; le demi-bec inférieur est orangé; le
supérieur noir et légèrement fléchi à la pointe , trait
par lequel cet oiseau paroît sortir et s'éloigner un peu
du genre des martins-pecheurs, auquel d'ailleurs il
appartient par tous les autres caractères.
LE MAUTIN-PECHEUR BLEU ET ROUX. IO7
LE MARTIN-PÊCHEUR
BLEU ET ROUX.
SECONDE ESPÈCE.
Alcedo smyrnensis, Gmel.
Îl a un peu plus de neuf pouces de longueur, et
son bec, qui est rouge , en a deux et demi. Toute la
tête, le cou, et le dessous du corps, sont d'un beau
roux brun; la queue, le dos et la moitié des ailes,
sont d'un bleu changeant , selon les aspects, en bleu
de ciel et eu bleu d'aigue-marine; la pointe des ailes
et les épaules sont noires. Cette espèce se trouve à
Madagascar; on la voit aussi en Afrique, sur la rivière
de Gambie , selon Edwards. Un m ar tin-pêcheur de
la côte de Malabar, donné dans les planches enlumi-
nées, n" 894? et qui est la quatorzième espèce de
M. Brisson , ressemble en tout à celui-ci, n° 232 ,
excepté que sa gorge est blanche; différence qui peut
bien n'être que celle de deux individus mâle et fe-
melle dans la môme espèce : au moyen de quoi celle-
ci se Irouveroit , suivant la parallèle de l'équateur,
dans toute l'étendue du continent ; elle s'y trouveroit
môme sur une très grande largeur, si, comme il nous
paroît , le martin-pêcheur de Smyrne, d'Albin, dont
M. Brisson fait sa treizième espèce , est encore le
même oiseau que celui-ci.
l58 lE MARTIN-PÊCHEUR CRABIER.
LE MARTIN-PÊCHEUR CRABIER.
TROISIÈME ESPÈCE.
Alcedo senegalensis.
Ce martin-pêcheur nous est venu du Sénégal sous
le nom de crabier. Il y a apparence qu'il se trouve
également aux îles du cap Vert, et que c'est à lui que
se rapporte la notice suivante, donnée par M, Forster
dans le second Voyage du capitaine Cook. « L'oiseau
le plus remarquable que nous vîmes aux îles du cap
Vert, est une espèce de martin-pêcheur qui se nour-
rit de gros crabes de terre rouges et bleus, dont sont
remplis les trous de ce sol sec et brûlé. » Ce martin-
pêcheur, n** 534, a la queue et tout le dos d'un bleu
d'aigue-marine : ce bleu peint encore le bord exté-
rieur des pennes grandes et moyennes de l'aile ; mais
leurs pointes sont noires, et une large plaque de cette
couleur couvre toute k. partie la plus voisine du corps,
et marque sur l'aile comme le dessin d'une seconde
aile : tout le dessous du corps est fauve clair; un
trait noir s'étend derrière l'œil ; le bec et les pieds
sont couleur de rouille foncée. La longueur de cet
oiseau est d'un pied.
LE MARTIN-PECHELK A GROS BEC. 1^9
LE MARTIN-PÊCHEUR
A GROS BEC.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Alcedo capensis.
Le bec des martins-pêchenrs est généralement
grand et fort : celui-ci, n° 690, l'a plus épais encore,
et plus fort à proportion qu'aucun autre. L'oiseau
entier a quatorze pouces, le bec seul en a plus de
trois , et onze lignes d'épaisseur à sa base. La tête est
coiffée de gris clair; le dos est vert d'eau; les ailes
sont d'un bleu d'aigue-marine ; la queue est du même
vert que le dos, elle est doublée de gris; tout le des-
sous du corps est d'un fauve terne et foible ; le gros
du bec de ce martin-pêcheur est d'un rouge de cire
d'Espagne.
LE MARTIN-PÊCHEUR PIE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Alcedo rudis. G M^L.
Le blanc et le noir mêlés et coupés dans tout le
plumage de cet oiseau sont représentés par le nom
que nous lui donnons de martln-pêclieur pie. Le dos
est à fond noir nué de blanc; il y a une zone noire
sur la poitrine; tout le devant du cou jusque sous le
l4o LE MARTIN-PÊCHEUJI PIE.
bec est blanc; les pennes de l'aile, noires du cote
extérieur, sont en dedans tranchées de blanc et de
noir, frangées de blanc; le haut de la tête et la huppe
sont noirs ; le bec et les pieds le sont aussi. La lon-
gueur totale de l'oiseau est de près de huit pouces.
Ce niartin-pêcheur, n° 716, est venu du cap de
Bonne-Espérance : en lui comparant un autre en-
voyé du Sénégal et donné n" 62 des planches enlumi-
nées, nous n'avons pu nous empêcher de les regarder
comme étant de la même espèce, les différences que
pourrolent offrh- les deux figures ne se trouvant point
telles entre les deux oiseaux eux-mêmes. Par exem-
ple , le noir dans la planche 62 n'est pas assez fort
ni assez profond; les plumes de la tête, qui sont re-
présentées couchées, ne sont pas moins susceptibles
de se relever en huppe : la différence la plus notable,
mais qui n'est rien moins que spécifique, est que ce-
lui du Sénégal a dans son plumage plus de blanc, et
celui du Cap un peu plus de noir. M. Edwards a donné
un de ces oiseaux qui venoit de Perse ; mais sa fi-
gure est assez défectueuse, et la distribution des cou-
leurs n'y est nullement rendue. Il déclare que cet
oiseau avoit été envoyé dans l'esprit-de-vin , et re-
marque lui-même combien les couleurs sont affoiblies
et brouillées dans les oiseaux qui ont séjourné dans
cette liqueur. Mais il n'y a nulle apparence que le
martin-pêcheur blanc et noir de la Jamaïque, qu'in-
dique Sloane, et dont il donne une figure, sur la vé-
rité de laquelle on ne peut guère compter, soit de
la même espèce que celui du Sénégal ou du cap de
Bonne-Espérance , quoique M. Brisson ne fasse au-
cuae difticulté de les mettre ensemble : un oiseau de
I
LE MARTIN-PÈCHELR l'IE. \/^l
vol court et rasant les rivages ne peut avoir fourni la
traversée du vaste Océan atlantique ; et la nature, si
variée dans ses ouvrages , ne paroît avoir répété au-
cune de ses formes dans l'autre continent, mais les
avoir faites sur des modèles tout neufs quand elle n'a
pu le peupler du fonds de ses anciennes productions.
C'est apparemment aussi une espèce indigène et en-
tièrement propre aux terres oii elle s'est trouvée,
que celle des martins-pècheurs qu'on a vus dans ces
îles perdues au milieu des mers du Sud, et recon-
nues par les derniers navigateurs. M. Forster, dans
ie second Voyage autour du monde du capitaine
Cook, les a trouvés à Taïti , à Huaheine , à Uliétéa ,
îles éloignées de quinze cents lieues de tous les con-
tinents. Ces marlins-pêcheurs sont d'un vert som-
bre , avec le collier de la même couleur sur un cou
blanc. Il paroît que quelques uns de ces insulaires
les regardent avec superstition; et l'on diroit qu'on
s'est rencontré d'un bout du monde à l'autre pour
imaginer aux oiseaux de la famille des alcyons quel-
ques propriétés merveilleuses.
LE MARTIN-PÊCHEUR HUPPÉ.
SIXIÈME ESPÈCE.
Alcedo maxlma, Lath.
Ce martin-pêclieur, n" 679, a seize pouces de lon-
gueur; il est un des plus grands. Son plumage est
richement émaillé, quoiqu'il n'ait pas de couleurs
l/j2 LE MARTIN-PÈCHEIIK HUPPE.
éclatantes : il est tout parsemé de gouttes blanches ,
jetées par lignes transversales sur un fond gris noi-
râtre, du dos à la queue; la gorge est blanche avec
des traits noirâtres sur les côtés ; la poitrine est émail-
lée de ces deux mômes couleurs et de roux; le ventre
est blanc ; les flancs et les couvertures du dessous de
la queue sont de couleur rousse. L'échelle a été omise
dans la planche enluminée de cet oiseau, et il faut se
le figurer d'un tiers plus gros et plus grand qu'il n'y
est représenté.
M. Sonnerai donne une espèce de martin-pêcheur
de la Nouvelle-Guinée, page 171, qui a beaucoup de
rapport avec celui-ci par la taille et une partie des
couleurs. Nous ne prononcerons pas cependant sur
l'identité de leurs espèces, et nous ne ferons qu'in-
diquer cette dernière, la figure qui est jointe à sa
notice ne nous paroissant pas assez dsitincte.
LE MARTIN-PECHEUR
A COIFFE NOIRE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Alcedo atricaplUa. Gmel.
Ce martin-pecheur, n** 670, est un des plus beaux ;
du bleu violet moelleux et satiné couvre le dos, ia
queue, et la moitié des ailes; leurs pointes et les
épaules sont noires; le ventre est roux clair; un plas-
tron blanc marque la poitrine et la gorge , et fait le
tour du cou près du dos; la tète porte une ample
LE MARTIN-PÊCHEUR A COIFFE NOIRE. l/p
coiffe noire ; un grand bec rouge brillant achève de
relever les belles couleurs dont cet oiseau est paré.
11 a dix pouces de longueur. Il se trouve à la Chine,
et notts regardons comme une espèce très voisine de
celle-ci, ou comme une simple variété, le grand mar-
tin-pêcheur de l'île de Luçon, donné par M. Sonne-
rat dans son Voyage à la Nouvelle-Guinée ^ P^g^ ^5.
>c»»»e.»»»9 8»J>'W'»J)»»»fto»8<8'»8'Oi»e»»8»aiai9«»a<»»»»9iei»»»»8'»»e»»<fe
LE MARTIN-PECHEUR
A TÊTE VERTE.
HUITIÈME ESPÈCE.
Alcedo chlorocephala. Gmel.
Une calotte verte, garnie alentour d'un bord noir,
couvre la tête de ce martin-pêcheur, n° 783; son dos
est du même vert, qui se fond sur les ailes et la queue
en bleu d'aigue-marine; le cou , la gorge, et tout le de-
vant du cou, sont blancs; le bec , les pieds et le des-
sous de la queue, sont noirâtres. II a neuf pouces de
longueur. Cet oiseau , dont l'espèce paroît nouvelle,
est donné, dans la planche enluminée, comme étant
du cap de Bonne-Espérance : mais nous en trouvons
une notice dans les papiers de M. Commerson , qui
l'a vu et décrit dans l'îîe de Bouro , voisine d'Am-
boine, et l'une des Moluques,
l/j/j riî MVllTIN-PÊCIIKUR A TÊTt: COUL. DE PAILLE.
LE MARTIN-PÊCHEUR
A TÈTE ET COU COULEUR DE PAILLE.
NEUVIÈME ESPÈCE
A Icedo leucoceplia la .
Ce Qiartin-pècheur, 11° 767, dont l'espèce esl nou-
velle, a les ailes et la qneue d'un bleu turquin foncé ;
les grandes pennes des premières sont bruties , fran-
gées de bleu; le dos bien d'aigue-marine; le cou, le
devant, et le dessous du corps blancs, teints de jaune
paille ou ventre de biche ; de petits pinceaux noirs
sont tracés sur le fond blanc du sommet de la lêle ;
le bec est rouge, et a près de trois pouces de lon-
gueur. La grandeur totale de l'oiseau est d'un pied.
C'est à une espèce semblable , quoiqu'un peu plus
petite, que paroît se rapporter la notice d'un mar-
tin-pêclieur de Célèbes , donné par les voyageurs ,
mais apparemment un peu embellie par leur imagi-
nation. « Cet oiseau, disent-ils , se nourrit d'un petit
poisson qu'il va guetter sur la rivière. Il voltige en
tournoyant à fleur d'eau jusqu'à ce que le poisson ,
qui est fort léger, saute en l'air, et semble prendre
le dessus pour fondre sur son ennemi ; mais l'oiseau
a toujours l'adresse de le prévenir, il l'enlève dans
son bec et l'emporte dans son nid, où il s'en nourrit
un jour ou deux , pendant lesquels son unique oc-
cupation est de chanter.... Il n'a guère que la gros-
seur d'une alouette. Son bec est rouge, le plumage
LE MARTIN-PÊCHEUR A TÈTE COUL. DE PAILLE. 1^5
do .^a tête et celiii de son dos sont tout-à-fuit vorls ;
celui du ventre tire sur le jaune ; et sa queue est du
plus beau bleu du monde — Cet oiseau merveilleux
se nomme tenroujoulon^. »
LE MARTIN-PECHEUR
A COLLIER BLANC.
DIXIÈME ESPÈCE.
Alcedo coUaris. Lath.
M. Sonnerat nous a fait connoître cette espèce de
martin-pècheur. Il est un peu moins grand qu'un
merle. Sa tète, son dos, ses ailes, et sa queue, sont
d'un bleu nuancé de vert; tout le dessous du corps
est blanc , et une bandelette blanche passe autour
du cou. Il a trouvé cette espèce aux Philippines, et
nous avons lieu de croire qu'elle se voit aussi à la
Chine.
L'oiseau que M. Brisson n'indique que d'après un
dessin , sous le nom de martln-pêcheur à collier des
Indes j, et qu'il dit être beaucoup plus gros que notre
martin-pêcheur d'Europe, pourroit bien être une va-
riété dans cetle dixième espèce.
). Histoire générale des Voyages, tome X, page 459.
l46 LE BABOUCARD.
LES MARTINS-PECHEURS
DE MOYENNE GRANDEUR^
DE L'ANCIEN CONTINENT,
LE BABOUCARD.
PREMIERE ESPECE MOYENNE.
Alcedo senegalensis. Briss.
Le nom du martin-pêchenr an Sénégal , en langue
jalofe , est baboucard. Les espèces en sont multipliées
sur le grand fleuve de cette contrée , et toutes sont |
peintes des couleurs les plus variées et les plus vives.
Nous appliquons le nom générique de baboucard à
celui dont M. Brisson a fait sa septième espèce, et
qui a tant de ressemblance avec le martin-pêcheur |
d'Europe, qu'on peut croire que leurs espèces sont
très voisines, ou peut-être n'en font qu'une, puisque
nous avons déjà remarqué que cet oiseau, comme un
étranger égaré dans nos climats, est réellement ori-
ginaire des climats plus chauds, auxquels son genre
entier appartient.
LE MARTIN-PÊCHEUR BLEU ET NOIR. l47
LE MARTIN-PECHEUR
BLEU ET NOIR
DU SÉNÉGAL.
SECONDE ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo senegalensls (varietas). Lath.
CElui-ci , n° 356, paroît un peu plus gros que notre
martin-pecheur , quoique sa longueur ne soit guère
que de sept pouces. La queue, le dos, les pennes
moyennes de l'aile , sont d'un bleu foncé ; le reste de
l'aile, couvertures et grandes pennes, est noir; le
dessous du corps est fauve roux jusque vers la gorge,
qui est blanche, ombrée de bleuâtre; celte teinte
un peu plus forte couvre le dessus de la tête et du
cou ; le bec est roux, et les pieds sont rougeâtres.
LE MARTIN-PÊCHEUR
A TÊTE GRISE.
TROISIÈME ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo senegatensis. Lath.
Ce niarlin-pêcheur, n" 694, est entre la grande
taille et la moyenne; il est à peu près de la grosseur
de la petite grive , et sa longueur est de huit pouces
l4S LE MARTIN-PÊCIIEUR A TÊTK GRISE.
et demi. Il a la lele et le cou enveloppés de gris brun,
plus clair et blanchissant sur la gorge et le devant du
cou; le dessous du corps est blanc; tout le manteau
est bleu d'aigue-marine, à l'exception d'une grande
bande noire étendue sur les couvertures de l'aile, et
une autre qui se marque sur les grandes pennes. La
mandibule supérieure du bec est rouge; l'inférieure
est noire.
LE MARTIN-PÊCHEUR
A FRONT JAUNE.
QUATRIÈME ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo eritkaca, Gmel.
Albin a donné cet oiseau, 11 est, dit-il, de la gran-
deur du martin-pêcheur d'Angleterre. Si l'on peut se
confier davantage aux descriptions de cet auteur qu'à
ses peintures , cette espèce se distingue des autres
par le beau jaune qui teint tout le dessus du corps et
le front ; une tache noire part du bec et entoure les
yeux ; derrière la tète est une bande de bleu sombre,
et ensuite un trait de blanc; la gorge est blanche
aussi ; le dos bleu foncé ; le croupion et la queue sont
d'un rouge terne ; les ailes d'un gris de fer obscur.
t\L MAllTîN-PÈCHEUK A LONGS BRINS. î 49
»e«««>e««'»9«>9«««««>««««
LE MARTIN-PECHEUR
A LONGS BRINS.
CINQUIÈME ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo dea. La th.
Cette espèce, n° 116, est très remarquable dans
son genre par un caractère qui n'appartient qu'à elle :
les deux plumes du milieu de la queue se prolongent
et s'effilent en deux longs brins, qui n'ont qu'une
tige nue sur trois pouces de longueur, et reprennent
à l'extrëmitë une petite barbe de plume. Du bleutur-
quin moelleux et foncé , du brun noir et velouté ,
couvrent et coupent par quatre grandes taches le
manteau : le noir occupe le haut du dos et la pointe
des ailes ; le gros bleu, leur milieu, le dessus du cou,
et la tête : tout le dessous du corps et la queue sont
d'un blanc foiblement teint d'un rouge léger; le bec
et les pieds sont orangés; sur chacune des deux plu-
mes du milieu de la queue est une tache bleue, et
les longs brins sont de cette même couleur. Seba
nomme cet oiseau , à cause de sa beauté, nyjnplie de
Ternate; il ajoute que les plumes de la queue sont,
dans le mâle , d'un tiers plus longues que^ dans la fe-
melle.
lillI-FON. XXV,
lôO LE M\KT1N-PÊCHKUR A TÈTE BLEUE.
LES PETITS MARTINS-PÊCHEURS
DE L'ANCIEN CONTINENT.
LE MARTIN-PÊCHEUR A TÊTE BLEUE.
PREMIÈRE PETITE ESPÈCE.
Alcedo cœruleocephala. Lath.
Il y a des martins-pêcheurs aussi petits que le roite-
let, ou, pour les comparer à un petit genre plus voisin
d'eux et qui n'en diflfère que par le bec aplati , aussi
petits que des todiers. Celui qui est donne dans la
planche enluminée, n" 556, sans numéro de figure
et comme venant du Sénégal, est de ce nombre ; il
n'a guère que quatre pouces de longueur. Il est d'un
beau roux sur tout le corps, en dessous et jusque
sous l'œil ; la gorge est blanche, le dos est d'un beau
bleu d'outremer; l'aile est du même bleu, à l'excep-
tion des grandes pennes, qui sont noirâtres; le som-
met de la tête est d'un bleu vif, chargé de petites
ondes d'un bleu plus clair et verdoyant. Son bec, très
long à proportion de son petit corps, a treize lignes.
Cet oiseau nous a été envoyé de Madagascar.
LE MARTIN-PÈGHEUR IIOIJX. i5
LE MARTIN-PECHEUR ROUX.
SECONDE PETITE ESPÈCE.
Alcedo madagascariensis. Gmel.
Ce petit uiartin-pêcheur, n** 776, fîg. 1 , qui n'a
pas cinq pouces de longueur, a tout le dessus du
corps , du bec à la queue , d'un roux vif éclatant ,
excepté que les grandes pennes de l'aile sont noires,
et les moyennes seulement frangées de ce même
roux sur un fond noirâtre; tout le dessous du corps
est d'un blanc teint de roux; le bec et les pieds sont
rouges. M. Gommerson l'a vu et décrit à Madagascar.
LE MARTIN-PECHEUR POURPRE.
TROISIÈME PETITE ESPÈCE.
A Lcedo purpurea, Gmel.
Il est de la même grandeur que le précédent.
C'est de tous ces oiseaux le plus joli , et peut-être le
plus riche en couleurs : un beau roux aurore, nué de
pourpre mêlé de bleu, lui couvre la tête, le croupion,
et la queue ; tout le dessous du corps est d'un roux
doré sur fond blanc ; le manteau est enrichi de bleu
d'azur dans du noir velouté; une tache d'un pourpre
clair prend à l'angle de l'œil, et se termine en arrière
1^2 LE MARTIN-PECHEUn POURPRE.
par un Irait du bleu le plus vif; la gorge est blanche,
et le bec rouge. Ce charmant petit oiseau, nommé
dans la planche, n" 778, fig. 2, martin -pêcheur de
Pondichéry, nous est venu de cette contrée.
LE MARTIN-PÉCHEUR
A BEC BLANC.
QUATRIÈME PETITE ESPÈCE.
Alcedo leucorhyncha. Latii.
Sera, d'après lequel on donne ce petit martin-pê-
cheur, dit qu'il a le bec blanc, le cou et la tête
rouge bai, teint de pourpre; les flancs de même; les
pennes de l'aile cendrées ; leurs couvertures et les
plumes du dos d'un très beau bleu ; la poitrine et le
ventre jaune clair. Sa longueur est d'environ quatre
pouces et demi. Du reste , quand Seba dit que les
oiseaux de la famille des alcyons se nourrisssent d'a-
beilles, il les confond avec les guêpiers , et Klein re-
lève à ce propos une erreur capitale de Linnaeus, qui
est d'avoir pris Vispida pour le mérops ^ ou le martin-
pêcheur pour le guêpier, ce dernier habitant les
terres sauvages et voisines des bois , et non les rives
des eaux, où il ne trouveroit pas d'abeilles. Mais le
même Klein ne voit pas également bien quand il dit
que cet alcyon de Seba lui paroît semblable à notre
martin-pêcheur, puisque, outre la différence de gran-
deur, les couleurs de la tête et du bec sont totale-
ment différentes.
LE MARTIN-PÊCHEUR A BEC BLAMC. l55
M. Vosmaëra donné deux petits martins-pêcheurs,
qu'il rapporte à cet alcyon de Seba, mais en assurant
qu'ils navoient que trois doigts , deux en avant et un
en arrière. Ce fait avoit besoin d'être constaté, et l'a
été par un bon observateur, comme nous le verrons
ci-après.
LE MARTIN-PÊCHEUR
DU BENGALE.
CINQUIÈME PETITE ESPÈCE.
Alcedo bengalensis. Gmel.
Edwards donne dans une même planche deux pe-
tits martins-pêcheurs qui paroissent d'espèces très
voisines , ou peut-être mâle ou femelle de la même,
quoique M. Brisson en fasse deux espèces séparées :
ils ne sont pas plus grands que des todiers. L'un a le
manteau bleu de ciel , et l'autre bleu d'aigue-marine.
Les pennes des ailes et de la queue du premier sont
gris brun; dans le second , ces mêmes plumes sont
du même vert que le dos : le dessous du corps de
tous deux est fauve orangé. Klein, en faisant mention
de cette espèce, dit qu'elle convient avec celle d'Eu-
jope par ces couleurs. Il eût pu observer qu'elle en
diffère beaucoup par la grandeur : mais, toujours
préoccupé de sa fausse idée des doigts detix et deux
dans le genre des martins-pêcheurs, il se plaint
qu'Edwards ne se soii pas là dessus plus clairement
l54 ï-ï: MAKTIN-PÊCHEUR du BENGALE.
expliqué, quoique les figures d'Edwards soient très
bien et très nettes sur cette partie , comme elles ont
coutume de l'être sur tout le reste.
»t'B»»»«»»»eji»«»OB»a»— 9*e»»»e4W»o»»»»»a»»»a»9
LE MARTIN-PECHEUR
A TROIS DOIGTS.
SIXIÈME PETITE ESPÈCE.
Alcedo tridactyla. Gmel.
On a déjà trouvé dans le genre des pics une sin-
gularité de cette nature pour le nombre des doigts:
elle est moins surprenante dans la famille des mar-
tins-pêcheurs, où le petit doigt intérieur, déjà si rac-
courci et presque inutile, a pu être plus aisément
omis par la nature. C'est M. Sonnerat qui nous a fait
connoître ce petit mar tin-pêcheur à trois doigts , le-
quel d'ailleurs est un des plus brillants de ce genre ,
si beau et si riche en couleurs : il a tout le dessus de
la tête et du dos couleur de lilas foncé ; les plumes
des ailes sont d'un bleu d'indigo sombre , mais relevé
d'un limbe d'un bleu vif et éclatant, qui entoure cha-
que plume ; tout le dessous du corps est blanc; le bec
et les pieds sont rougeâtres. M. Sonnerat a trouvé cet
oiseau à l'île de Luçon. M. Vosmaër dit simplement
que les siens venoîent des Indes orientales.
Nous regarderons cette espèce, la précédente de
Seba,et celle de uotre martin-pêc/icur pourpre _, comme
trois espèces voisines, et qui pourroient peut-être se
réduire à deux ou à une seule, s'il étoit plus facile
LE MARTIN-PÊCHEUn A TROIS DOIGTS. 1 55
d'apprécier les différences arbitraires des descrip-
tions, ou si Ton pouvoit les rectifier sur les objels
mêmes. Du reste , M. Vosmaër donne soiis le nom
d'alcyons deux autres oiseaux qui ne sont pas des
martins-pêcheurs : le premier, qu'il appelle alcyon
d' Aînérique à longue queue , outre qu'il a la queue
plus longue à proportion qu'aucun oiseau de cette fa-
mille , a un bec courbé, caractère exclu du genre des
martins-pêcheurs ; le second au bec effilé, longuet,
quadrangulaire, et aux doigts i^Yiésdetixet deux, n'est
pas un martin-pêcheur, mais un jacamar.
LE VINTSI.
SEPTIÈME PETITE ESPÈCE,
Alcedo cristata. GiMEL.
ViNTSi est le nom que les habitants des Philippines
donnent à ce petit martin-pêcheur, que ceux d'Am-
boine appellent^ selon Seba, to/iarkey et lato. Il a le
dessus des ailes et la queue d'un bleu de ciel; la tête
chargée de petites plumes longues, joliment tiquetées
de points noirs et verdâtres, et relevées en huppe;
la gorge est blanche ; au côté du cou est une tache
roux fauve ; tout le dessous du corps est de cette cou-
leur, et l'oiseau entier n'a pas tout-à-fait cinq pouces
de longueur.
, L'espèce dix-sept de M. Brisson nous paroît très
voisine de celle-ci, n° 756, fig. i, si même ce nan
est pas une répétition ; le peu de différence qui s'y
l56 LE VINTSI.
remarque n'indique du moins qu'une variété. On ne
peut s'assurer à quelle espèce se rapporte le petit oi-
seau des Philippines que Camelli appelle salaczac j,
et qui paroît être un martin-pôcheur , mais qu'il ne
fait que nommer, sans aucune description, dans sa
notice des oiseaux des Philippines, insérée dans les
Transactions philosoplilques. M. Brisson décrit encore
une espèce de petit martin-pêcheur sur un dessin qui
lui a été apporté des Indes; mais comme nous n'a-
vons pas vu l'oiseau , non plus que ce naturaliste ,
nous ne pouvons rien ajouter à la notice qu'il en a
donnée.
»o»c»a4t»»a<=»<)»o*<>fe-»Jt«ai»S»»»»»»»*9
LES MARTINS-PECHEURS
GRANDE ESPÈCE
DU NOUVEAU CONTINENT.
LE TAPARARA.
PREMIÈRE GRANDE ESPÈCE.
Alcedo cayennensis. Gmel.
Taparara est le nom générique du martin-pêcheur
en langue garipane : nous l'appliquons à cette espèce.
Tune de celles que l'on trouve à Cayenne; elle est de
la grandeur de l'étourneau. Le dessus de la tête, le
dos, et les épaules sont d'un beau bleu; le croupion
est bleu d'aigue-marine; tout le dessous du corps est
LE TA PARA II A. ion
blanc; les pennes de l'aile sont bleues en debors,
noires en dedans et en dessous ; celles de la queue de
même, excepté que les deux du milieu sont toutes
bleues; au dessous de l'occiput est une bande trans-
versale noire. La grande quantité d'eau qui baigne
les terres de la Guiane est favorable à la multiplication
des martins-pecheurs : aussi leurs espèces y sont nom-
breuses. Ces oiseaux indiquent les rivières poissson-
neuses; on en rencontre très fréquemment sur leurs
bords. Il y a quantité de grands martins-pèclieurs ,
nous dit M. de La Borde, sur la rivière Ouassa; mais
ils ne s'attroupent jamais, et vont toujours un à un.
Ils nichent, dans ces contrées comme en Europe,
dans des trous creusés dans la coupe perpendiculaire
des rivages; il y a toujours plusieurs de ces trous voi-
sins les uns des autres, quoique chacun de leurs botes
n'en vive pas moins solitairement. M. de La Borde a
vu de leurs petits en septembre ; apparemment qu'ils
font dans ce climat plus d'une nichée. Le cri de ces
oiseaux est carac ^ carac.
L'ALATLI.
SECONDE GRANDE ESPÈCE.
Alccdo torquata. Latii.
Nous formerons ce nom par contraction de celui
^achalalactUy ou miclialalactU^ que cet oiseau, «"284,
porte au Mexique , suivant Fernandès. C'est une dfif>
plus grandes espèces de marlins-pêcheurs; sa longueur
i5S l'alatli.
est de près de seize pouces : mais il n'a pas les
couleurs aussi brillantes que les autres. Le gris
bleuâtre domine tout le dessus du corps; cette
couleur est variée, sur les ailes, de franges blan-
ches en festons à la pointe des pennes, desquelles
les plus grandes sont noirâtres et coupées en de-
dans de larges dentelures blanches; celles de la
queue sont larj^eraent rayées de blanc; le dessous du
corps est d'un roux marron, qui s'éclaircit en remon-
tant sur la poitrine, où il est écaillé ou maillé dans
du gris. La gorge est blanche; et ce blanc, s'étendant
sur les côtés du cou , en fait le tour entier : c'est par
ce caractère que INieremberg Ta nommé oiseau à col-
lier. Toute la tête et la nuque sont du même giis
bleuâtre que le dos. Cet oiseau est voyageur; il arrive
en certains temps de l'année dans les provinces sep-
tentrionales du Mexique, où il vient apparemment
des contrées les plus chaudes, car on le voit aux An-
tilles : il nous a été envoyé de la Martinique. M. Adan-
son dit « qu'il se trouve aussi, quoique assez ra-
» rement, au Sénégal, dans les lieux voisins de
» l'embouchure du Niger. » Mais la difficulté d'imagi-
ner qu'un oiseau de la Martinique se trouve en même
temps au Sénégal le frappe lui-même, et lui fait cher-
cher des différences entre Vac/ialalactli de Fernandès
et de Nieremberg et ce martin-pêcheur d'Afrique :
de ces différences, il en résulteroit que l'oiseau donné
par M. Brisson , et dans nos planches enluminées,
seroit, non le véritable achalalactli du Mexique, mais
celui du Sénégal ; et nous ne doutons pas en effet que,
à cette distance de climats, des oiseaux incapables
d'une longue traversée ne soient d'espèces différentes.
LE JAGUACATI. 1 Sq
LE JAGUACATI.
TROISIÈME GRANDE ESPÈCE.
A Icedo- Alcyon. Gmel.
Nous avons vu que l'espèce du martin-pècheur de
l'Europe se trouve en Asie, et paroît occuper toute
l'étendue de l'ancien continent : en voici un qui se
trouve d'une extrémité à l'autre dans le nouveau, de-
puis la baie d'Hudson jusqu'au Brésil. Marcgrave l'a
décrit sous le nom brésilien de jaguacatl-guacUj, et
de papapeixe que lui donnent les Portugais. Catesby
l'a vu à la Caroline, où il dit que cet oiseau , n°* 695
et 715, fait sa proie de lézards ainsi que de poissons,
Edwards l'a reçu de la baie d'Hudson, où il paroît
dans le printemps et l'été. M. Brisson l'a donné trois
fois d'après ces trois auteurs, sans les comparer,
puisque la ressemblance est frappante, et qu'Edwards
la remarque lui-même. Nous avons reçu ce martin-
pêcheur de Saint-Domingue et de la Louisiane; et il
est gravé sous le nom de ces deux pays dans les plan-
ches enluminées : on n'y voit que quelques petites
différences, qui nous ont encore paru moindres dans
la comparaison des deux oiseaux en nature. Par
exemple , le bec , dans la planche 590 , devroit être
noir, et les flancs, comme dans l'autre, marqués de
roux : le petit frangé blanc du milieu de Taile devroit
s'y trouver aussi. Ces particularités sont minutieuses
en elles-mêmes; mais elles deviennent importantes
l6o LE JAGUACATI.
pour ne pas multiplier les espèces sur des différences
supposées. Les seules différences réelles que la com-
paraison des deux individus nous ait offertes sont dans
l'écharpe de la gorge, qui est un peu festonnée de
roux dans ce martin-pecheur venu de Saint-Domin-
gue , et simplement grise dans l'autre; et dans la
queue, qui dans le premier est un peu plus tiquetée
et régulièrement semée de gouttes sur toutes ses
pennes, au lieu que les gouttes sont moins visibles
dans celles du second, et ne paroissent bien que
quand l'oiseau s'épanouit. Du reste, tout le dessus du
corps est également d'un beau gris de fer ou d'ar-
doise; les plumes de la tête, relevées en huppe,
sont de la même couleur; le tour du cou est blanc
ainsi que la gorge; il y a du roux sur la poitrine et
sur les flancs; les pennes de l'aile sont noires, mar-
quées de blanc à la pointe, et coupées dans leur mi-
lieu d'un petit frangé blanc , qui n'est que le bord de
grandes échancrures blanches que portent les barbes
intérieures, et qui paroissent quand l'aile se déploie.
Marcgrave désigne la grandeur de ces oiseaux en les
comparant à la litorne [magnitudo ut turdelœ). Klein,
qui ne connoissoit pas les grands martins-pêcheurs
de la INouvelle-Guinée , prend celui-ci pour la plus
grande espèce de ce genre.
LE MATUITU
LE MATUITUl.
QUATRIÈME GRANDE ESPÈCE.
Alcedo maculata, Laïh.
Marcgrave décrit encore ce martin-pêcheiir dw
Brévsil, et lui donne ses vërilables caractères : le cou
et les pieds courts; le bec droit et fort : sa partie
supérieure est d'un rouge de vermillon; elle avance
sur l'inférieure, et se courbe un peu à sa pointe ; par-
ticularité observée déjà dans le grand luartin-pècheur
de la Nouvelle-Guinée. Celui-ci est de la taille de
l'étourneau. Toutes les plumes de la tête, du dessus
du cou, du dos, des ailes et de la queue, sont fauves
ou brunes, tachetées de blanc jaunâtre, comme dans
l'épervier ; la gorge est jaune ; la poitrine et le ventre
sont blancs, pointillés de brun. Marcgrave ne dit
rien de particulier de ses babil udes naturelles.
On trouve dans Fernandès et dans JNieremberg
quelques oiseaux auxquels on a donné mal à propos
le nom de martins-pêcheurs ^ et qui n'appartiennent
point à ce genre : ces oiseaux sont, i" le lioactli^ dont
les jambes ont un pied delo ng, et qui par conséquent
n'est point un martin-pêcheur ; 2" Vaxoquertj qui a
le cou et les pieds également longs; 5° Vaccicalioactli^
ou Voiseau aquatique à voix rauque de JNieremberg ,
qui étend et replie un long cou, et qui paroît être
une espèce de cigogne ou de jabirUj, assez appro-
chante du hoacton^ que M. Brisson appelle héron
l6li LE MATLIÏUI.
huppé du Mexique. IXoiis en dirons autant du tolco-
moctli et du hosxocanauhtli de Fernandès, qui se rap-
porteroient davantage à ce genre, mais qui paroissent
avoir quelques habitudes contraires à celles des mar-
tins-pècheurs, quoique les Espagnols les appellent,
comme les précédents, martlnetes pescadors. Mais
Fernandès remarque qu'ils ont donné ce nom à des
oiseaux d'espèces très différentes, par la seule raison
qu'ils les voient également vivre de la capture des
poissons.
LES MARTINS-PECHEURS
DE MOYENNE GRANDEUR
DU NOUVEAU CONTINENT.
LE MARÏIN-PÈCHEUR VERT ET ROUX.
PUEMIÈUE ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo bicolor. Gmel.
Ce martin-pêcheur, n'*592, ûg. i, le mâle, et fig. 2,
la femelle, se trouve à Cayenne. Il a tout le dessous
du corps d'un roux foncé et doré, excepté une zone
ondée de blanc et de noir sur la poitrine , qui distin-
gue le mâle ; un petit trait de roux va des narines
aux yeux ; tout le dessus du corps est d'un vert som-
bre, piqueté de quelques petites taches blanchâtres,
rares et clair-semées ; le bec est noir, et long de deux
pouces; la queue en a deux et demi de longueur, ce
LK MARTIN-PÊCHEUR VERT ET ROUX. 1 65
qui allonge cet oiseau, et lui donne huit pouces en
tout : cependant il n'est pas plus gros de corps que
notre martin-pêcheur.
rt-rfHii-?r?it^«-ffirf tBiu irti>-r Tum-t^mi^fi^ nr-ii-fl ft-gitr gii tt B-irti frr trniooiraitir o o ooi»oi|o« oin
i9^xfa«-int*»»4,.
LE MARTIN-PECHEUR
VERT ET BLANC.
SECONDE ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo americana, Gmel.
Cette espèce se trouve encore à Gayenne. Elle est
moins grande que la précédente, n ayant que sept
pouces, et néanmoins la queue est encore assez lon-
gue. Tout le dessus du corps est lustré de vert sur
fond noirâtre , coupé seulement par un fer-à-cheval
blanc, qui, prenant sous l'œil, descend sur le der-
rière du cou, et par quelques traits blancs jetés dans
l'aile; le ventre et l'estomac sont blancs, et variés
de quelques taches de la couleur du dos ; la poitrine
et le devant du cou sont d'un beau roux dans le mâle :
ce caractère le distingue , car la femelle représentée
n* 591, fig. 2, de la même planche, a la gorge blanche.
^?^Pft»e4»a<»»»9»»<l»9»»»a<p<
LE GIP-GIP.
TROISIÈME ESPÈCE MOYENNE.
Alcedo brasillensis, Gmel.
C'est cet oiseau sans nom dans Marcgrave, qu'il
eût pu nommer glp-gip^ puisqu'il dit que c'est son
îbj T^E GIP-GIP.
cri. Il est de la grandeur de l'alonette, et de la figure
du matuitui , qui est la quatrième grande espèce des
inartins-pêcheurs d'Amérique. Son bec est droit et
noir; tout le dessus de la tête, du cou, les ailes, et
la queue, sont rougeâtres , ou plutôt d'un rouge bai
ombré, mêlé de blanc ; la gorge et le dessous du corps
sont blancs, et Ton voit un trait brun qui passe du
bec à l'œil. Son cri glp-gip ressemble au cri du petit
de la poule-d'Inde.
<g»»fti0«i8«>vg«'»a9i»'i
LES PETITS MARTINS-PEGHEURS
DU NOUVEAU CONTINENT.
LE MARTIN-PÊCHEUR VERT ET ORANGÉ.
Alcedo siiperciliosa. Lath.
Il n'y a en Amérique qu'une seule espèce de mar-
tin-pêcheur qu'on puisse ?Lppe\er petite j et c'est celle
de l'oiseau que nous indiquons ici, n** 766, fig. 2 ,
le mâle, et fig. 3, la femelle, qui n'a pas cinq pouces
de longueur. Il a tout le dessous du corps d'un orangé
brillant, à l'exception d'une tache blanche à la gorge,
une autre à l'estomac, et une zone vert foncé au bas
du cou dans le mâle. La femelle n'a pas ce caractère.
Tous deux ont un demi-collier orangé derrière le cou;
la tête et tout le manteau sont chargé d'un gris vert»
et les ailes tachetées de petites gouttes roussâtres vers
l'épaule et aux grandes pennes, qui sont brunes. Ed~
i
wards, qui a donné la figure de ce marlin-pêcheur ,
dit qu'il n'a pu découvrir de quel pays ou l'avoit ap-
porté; mais nous l'avons reçu de Cayenne.
LES JACAMARS.
Nous conserverons à ces oiseaux le noui de jaca-
mars j tiré par contraction de leur nom brésilien y^-
camaclri. Ce genre ne s'éloigne de celui du raartin-
pecheur qu'en ce que les jacamars ont les doigts
disposés deux en devant et deux en arrière, au lieu
que les martins-pecheurs ont trois doigts en devant
et un seul en arrière ; mais d'ailleurs les jacamars
leur ressemblent par la forme du corps et par celle
du bec. Ils sont aussi tle la môme grosseur que les
espèces moyennes dans les martins-pêcheurs ; et c'est
probablement par cette raison que quelques auteurs
ont mis ensemble ces àeux genres d'oiseaux. D'autres
ont placé \qs jacamars avec les pics, auxquels ils res-
semblent en effet par celte disposition de deux doigts
en devant et de deux en arrière. Le bec est aussi d'une
forme assez semblable; mais dans les jacamars il est
beaucoup plus long et phis délié; et ils diffèrent en-
core des pics, en ce qu'ils n'ont pas la langue plus
longue que le bec. La forme des plumes de la queue
est aussi différente; car elles ne sont ni roides ni cu-
néiformes. Il suit de ces comparaisons que les jaca-
mars forment un genre à part, peut-être aussi voisin
des pics que des marlins-pêcheurs; et ce petit genre
n'est composé que de deux espèces , toutes deux na-
turelles aux climals chauds de l'Amérique.
UI.U'ÎUX. XXV. 11
6G LE JACAMAR PROPREMENT DIT.
tis.fr^B'»!) »»«»»»»« ■o»M>'»»»n»»»ftfta'»»e»»»8^
LE JACAMAR
PROPREMENT DIT.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Alcedo galbula. Gmel.
La longueur totale de cet oiseau, n" 235, est de six
pouces et demi, et il est à peu près de la grosseur
d'une alouette. Le bec est long d'un pouce cinq lignes;
la queue n'a que deux pouces , et néanmoins elle dé-
passe d'un pouce les ailes lorsqu'elles sont pliées; les
pennes de la queue sont bien régulièrement étagées.
Les pieds sont très courts et de couleur jaunâtre ; le
bec est noir, et les yeux sont d'un beau bleu foncé ;
la gorge est blanche , et le ventre est roux; tout le
reste du plumage est d'un vert doré très éclatant, avec
des reflets couleur de cuivre rouge.
Dans quelques individus la gorge est rousse aussi
bien que le ventre ; dans d'autres, la gorge n'est qu'un
peu jaunâtre. La couleur du dessus du corps est aussi
plus ou moins brillante dans différents individus ; ce
qu'on peut attribuer à des variétés de sexe ou d'âge.
On trouve cet oiseau à la Guiane comme au Brésil.
11 se tient dans les forêts , où il préfère les endroils
plus humides, parce que, se nourrissant d'insectes,
il en trouve en plus grande quantité que dans les
terrains plus secs. Il ne fréquente pas les endroits
découverts et ne vole point en troupe ; mais il reste
?l2C
Tome o5
1,3^ JACj^ay[AB._2,.l.A&KDîl_31iADEM01SELXiEDB NmCDEB
LE JACAMAK PROPREMENT DIT. 1 67
constamQient dans les bois les plus solitaires et les
plus sombres. Son vol , quoique assez rapide , est
très court. Il se perche sur les branches à une moyenne
hauteur, et y demeure, sans changer de place, pen-
dant toute la nuit et pendant la plus grande partie
de la journée. Il est presque toujours en repos ; néan-
moins il y a ordinairement plusieurs de ces oiseaux
dans le môme canton de bois, et on les entend se
rappeler par un petit ramage court et assez agréable.
Pison dit qu'on les mange au Brésil , quoique leur
chair soit assez dure.
):&«««»««>»«»»««« ««««.»3<e-} ««««««»»
LE JACAMAR
A LONGUE QUEUE.
SECONDE ESPÈCE,
Alcedo paradisea. Gmel.
Cet oiseaîî est un peu plus grand que le précédent,
duquel il diffère par la queue, qui a douze pennes,
tandis que celle de l'autre n'en a que dix : d'ailleurs
les deux pennes du milieu sont bien plus longues;
elles excèdent les autres de deux pouces trois lignes,
et ont en totalité six pouces de longueur. Ce jacamar,
n" 271, ressemble par la forme du corps, par celle
du bec, et par la disposition des doigts, au premier;
néanmoins Edwards lui a placé trois doigts en avant
et un seul en arrière, et c'est apparemment en con-
séquence de cette méprise qu'il en fait un martin*
l68 LE JACAMAR A LONGUE QUEUE.
pécheur» Il diffère aussi de notre premier jacamar
par la teinte et par la distribution des couleurs, qui
n'ont rien de commun que le blanc sur la gorge ;
tout le reste du plumage est d'un vert sombre et
foncé , dans lequel on distingue seulement quelques
reflets orangés et violets.
Nous ne connoissons pas la femelle dans l'espèce
précédente : mais dans celle-ci elle diffère du mâle
par les deux grandes pennes de la queue, qu'elle a
beaucoup moins longues ; et d'ailleurs l'on n'aperçoit
passurson plumage les reflets orangés et violets qu'on
voit sur celui du mâle.
Ces jacamars à longue queue se nourrissent d'in-
sectes comme les autres; mais c'est peut-être leur
seule habitude commune; car ceux-ci fréquentent
quelquefois les lieux découverts. Us volent au loin
et se perchent jusque sur la cime des arbres. Ils vont
aussi par paires , et ne paroissent pas être aussi soli-
taires ni aussi sédentaires que les autres. Ils n'ont
pas le même ramage , mais un cri ou sifflement doux
qu'on n'entend que de près , et qu'ils ne répètent pas
souvent.
>-»»»»»»»8 eT^»«»«»tt
LES TODIERS.
MM. Sloane et Browne sont les premiers qui aient
parlé de l'un de ces oiseaux, et ils lui ont donné le
nom latin todiis ^ que nos naturalistes françois ont
traduit par celui de todier. Ils ne font mention que
d'une seule espèce qu'ils ont trouvée à la Jamaïque;
LES T01>1ERS. 169
jnais nous eu connoissons deux ou trois autres, et
toutes appartiennent aux climats cliauds de l'Améri-
que. Le caractère distinctif de ce genre est d'avoir,
comme les marlins-pêcheurs et les manakins, le doigt
du milieu étroitement uni et comme collé au doist
extérieur Jusqu'à la troisième articulation , et uni do
ïuême au doigt intérieur, mais seulement jusqu'à la
première articulation. Si l'on ne consultoit que ce
caractère , les todiers seroient donc du genre des
martins-pêcbeurs ou de celui des manakins; mais ils
diffèrent de ces deux genres, et même de tons les
autres oiseaux , par la forme du bec , qui , dans les
todiers, est long, droit, obtus à son extrémité, et
aplati en dessus comme en dessous; ce qui les a fait
nommer petites palettes ou petites spatules par les
créoles de la Guiane. Cette singulière conformation
du bec suffit pour qu'on doive faire un genre particu-
lier de ces oiseaux.
LE TODIER
DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIOIN ALE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Todus viridis. Gmel.
Ce todier n'est pas plus gros qu'un roitelet , et n'a
tout au plus que quatre pouces de longueur. Nous ne
copierons pas ici les longues descriptions qu'en ont
données MM. Browne, Sloane et Brisson, parce qu'il
i;;^0 LE TODIER DE L AMERIQUE SEPTENTllIONALE.
sera toujours très aisé de reconnoître cet oiseau ,
lorsqu'on saura qu'avec un bec si singulier, le mâle
est entièrement d'un bleu foible et léger sur le des-
sus du corps, et blanc sous le ventre, avec la gorge
et les flancs couleur de rose, et que la femelle n'est
pas bleue comme le mâle , mais d'un beau vert sur
le dos , et que le reste de son plumage est semblable
à celui du mâle, c'est-à-dire blanc et couleur de rose
aux mômes endroits. Le bec de l'un et de l'autre est
rougeâtre , mais d'un rouge plus clair en dessous et
plus brun en dessus. Les pietls sont gris, et les on-
gles sont longs et crochus. Cet oiseau se nourrit d'in-
sectes et de petits vers; il habite dans des lieux
humides et solidaires. Les deux individus qui sont
représentés dans la planche enluminée, n° 585, fig. i
et 2, nous ont été evoyés de Saint-Domingue par
M. Ghervain, sous le nom de perroquets de terre;
mais il ne nous a transmis que la description de la
femelle. Il observe que le mâle a , dans le temps de
ses amours , un petit ramage assez agréable , que la
femelle fait son nid dans la terre sèche , et préféra-
blement encore dans le tuf tendre : il dit que ces
oiseaux choisissent à cet efiet les ravines et les peti-
tes crevasses de la terre. On les voit aussi nicher assez
souvent dans les galeries basses des habitations, et
toujours dans la terre ; ils la creusent avec le bec et
les pattes : ils y forment un trou rond, évasé dans
le fond , où ils placent des pailles souples , de la
mousse sèche, du coton, et des plumes, qu'ils dis-
posent avec art. La iemelle pond quatre ou cinq œufs
de couleur grise, et tachetés de jaune foncé.
Il» itttiapenl avec beaucoup d'adresse les mouches
LE TODIKR DE L AMERIQUE SEPTENTRIONALE. l^ï
et autres insectes volants. Ils sont très difficiles à éle-
ver ; cependant on y réussiroit peut-être si on les
prenoit jeunes et si on les faisoit nourrir par le père
et la mère, en les tenant dans une cage jusqu'à ce
qu'ils fussent en état de manger seuls. Ils sont très
attachés à leurs petits, ils en poursuivent le ravisseur,
et ne l'abandonnent pas tant qu'ils les entendent
crier.
Nous venons de voir que MM. Sloane et Browne
ont reconnu cet oiseau à la Jamaïque ; mais il se
trouve aussi à la Martinique, d'où M. de Chanvalon
l'avoit envoyé à M. de Réaumur. Il paroît donc que
cette espèce appartient aux îles et aux terres les plus
chaudes de l'Amérique septentrionale : mais nous n'a-
vons aucun indice qu'elle se trouve également dans
les climats de l'Amérique méridionale , du moins
Marcgrave n'en fait aucune mention.
LE TIC-TIC,
ou TODIER DE L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE.
SECONDE ESPÈCE.
Todus cinereus. Gmel.
Les naturels de Cayenne ont appelé cet oiseau tic-
tic^ par imitation de son cri. Il est aussi petit que
le précédent; il lui ressemble parfaitement par le
bec et par la conformation des doigts : il n'en diffère
que par les couleurs, le tic-tic étant d une couleur
cendrée , mêlée d'un bleu foncé sur le dessus du
1^2 LE TIOTIC, OU ïODIEll I>E L AMER. MERID.
corps, au lieu que l'autre est, sur les mêmes par-
ties, d'un bleu céleste léger. Cette différence dans la
nuance des couleurs n'indiqueroit qu'une variété, et
non pas une espèce séparée ; mais le tic-tic a tout le
dessous du corps jaune , et n'a point de couleur de
rose à la gorge ni sur les flancs : d'ailleurs , comme
il paroît être d'un autre climat , nous avons jugé
qu'il étoit aussi d'une autre espèce. Il diffère encore
du todier de l'Amérique septentrionale en ce que
l'extrémité des deux pennes latérales de la queue est
blanche , sur une longueur de cinq à six lignes : néan-
moins ce caractère est particulier au mâle; car les
pennes latérales de la queue de la femelle sont de
couleur uniforme, et d'un gris cendré semblable à la
couleur du dessus du corps. La femelle diffère encore
du mâle en ce que toutes ses couleurs sont moins
vives et moins foncées.
Cet oiseau, n° 585, fig. 5. vit d'insectes comme le
précédent. Il habite de préférence les lieux décou-
verts; on ne le trouve guère dans les grands bois,
mais souvent dans les halliers sur les buissons.
LE ÏODIER BLEU
A VENTRE ORANGÉ^.
TROISIÈME ESPÈCE.
Todus cœruleus. Gmel.
IN eus avons iait dessiner ce todier sur un individu
bien conservé dans le cabinet de M. Aubry, curé de
\. K" 780, fig.i,souj' Jn clctioroination de todier de Juida. Nous ob
LE TODIER BLEU A VENTRE ORANGÉ. l'jT)
Saint-Louis. Il a trois ponces six lignes de longueur.
Le dessus de la tête, du cou , et tout le dos, sont d'un
beau bleu fonce, la queue et la pointe des couvertu-
res des ailes sont de cette même couleur; tout le des-
sous du corps, ainsi que les côtés de la tête et du
cou, sont d'un bel orangé; le dessous de la gorge
est blanchâtre ; il y a près des yeux de petits pin-
ceaux d'un pourpre violet. Cette description suffit
pour distinguer ce todier des autres de son genre.
II y a un quatrième oiseau que M. Brisson a indi-
qué , d'après Aldrovande , sous le nom de todier va-
rié _, et dont nous rapporterons ici la description , telle
que ces deux auteurs l'ont donnée. 11 est de la gran-
deur du roitelet : il a la tête , la gorge et le cou d'un
bleu noirâtre ; les ailes vertes ; les pennes de la queue
noires, bordées de vert, et le reste du plumage varié
de bleu, de noir et de vert. Mais comme M. Brisson
ne parle pas de la forme du bec , et qu'Aldrovande ,
qui est le seul qui ait vu cet oiseau, n'en fait aucune
mention, nous ne pouvons décider s'il appartient en
effet au genre du todier.
serverons que le nouveau continent est le seul où se trouvent les to-
diers, et que l'on s'est mépris lorsqu'on a dit à M. le curé de Saini-
î^ouis que celui-ci venoit de Juida en Afrique.
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LES OISEAUX AQUATIQUES.
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Les oiseaux d'eau sont les seuls qui réunissent à la
jouissance de l'air et de la terre la possession de la
mer; de nombreuses espèces, toutes très multipliées,
en peuplent les rivages et les plaines; ils voguent sur
les flots avec autant d'aisance et plus de sécurité qu'ils
ne volent dans leur élément naturel ; partout ils trou-
vent une subsistance abondante , une proie qui ne
peut les fuir; et, pour la saisir, les uns fendent les
ondes et s'y plongent , d'autres ne font que les effleu-
rer en rasant leur surface par un vol rapide ou mesuré
sur la distance et la quantité des victimes. Tous s'é-
lablissent sur cet élément mobile comme dans un
domicile fixe; ils s'y rassemblent en grande société,
et vivent tranquillement au milieu des orages; ils sem-
blent même se jouer avec les vagues, lutter contre
les vents , et s'exposer aux tempêtes sans les redouter
ni subir de naufrage.
Ils ne quittent qu'avec peine ce domicile de choix,
et seulement dans le temps que le soin de leur pro-
géniture, en les attachant au rivage, ne l^ur permet
plus de fréquenter la mer que par instants; car, dès
que leurs petits sont éclos, ils les conduisent à ce sé-
jour chéri, que ceux-ci chériront bientôt eux-mêmes,
comme plus convenable à leur nature que celui de la
terre. En effet, ils peuvent y rester autant qu'il leur
1^6 LES OISEALX AQUATIQUES.
plaît, saas être pénétrés de l'humidité et sans rien
perdre de leur agilité, puisque leur corps, mollement
porté, se repose même en nageant, et reprend bien-
tôt les forces épuisées par le vol. La longue obscurité
des nuits, ou la continuité des tourmentes, sont les
seules contrariétés qu'ils éprouvent et qui les obli-
gent à quitter la mer par intervalles. Ils servent alors
d'avant-coureurs ou plutôt de signaux aux voyageurs^
en leur annonçant que les terres sont prochaines*
Néanmoins cet indice est souvent incertain ; plusieurs
de ces oiseaux se portent en mer quelquefois si loin
que M. Cook conseille de ne point regarder leur ap-
parition comme une indication certaine du voisinage
de la terre; et tout ce que l'on peut conclure de
l'observation des navigateurs, c'est que la plupart de
ces oiseaux ne retournent pas chaque nuit au rivage,
et que quand il leur faut, pour le trajet ou le retour,
quelquespointsde repos, ils les trouventsurlesécueils,
ou même les prennent sur les eaux de la mer.
La forme du corps et des membres de ces oiseaux
indique assez qu'ils sont navigateurs-nés et habitants
naturels de l'élément liquide : leur corps est arqué et
bombé comme la carène d'un vaisseau, et c'est peut-
être sur cette figure que l'homme a tracé celle de ses
premiers navires; leur cou, relevé sur une poitrine
saillante, en représente assez bien la proue; leur
queue courte et toute rassemblée en un seul faisceau
sert de gouvernail ; leurs pieds larges et palmés font
l'ofûce de véritables rames ; le duvet épais et lustré
d'huile qui revêt tout le corps est un goudron naturel
qui le rend impénétrable à l'humidité, en même temps
qu'il le fait flotter plus légèrement à la surface des
LES OISEAUX AQUATIQUES. I77
eaux. Et ceci n'est encore qu'un aperçu des facultés
que la nature a données à ces oiseaux pour la navi-
oation ; leurs habitudes naturelles sont conformes à
ces facultés; leurs mœurs y sont assorties : ils ne se
plaisent nulle part autant que sur l'eau ; ils semblent
craindre de se posera terre; la moindre aspérité du
sol blesse leurs pieds, ramollis par l'habitude de ne
presser qu'une surface humide : enfin l'eau est pour
eux un lieu de repos et de plaisir où tous leurs mou-
vements s'exécutent avec facilité, où toutes leurs
fonctions se font avec aisance, où leurs différentes
évolutions se tracent avec grâce. Yoyez ces cygnes
nager avec mollesse ou cingler sur l'onde avec majesté;
ils s'y jouent , s'ébattent , y plongent, et reparoissent
avec les mouvements agréables, les douces ondula-
tions, et la tendre énergie, qui annoncent et expri-
ment les sentiments sur lesquels tout amour est
fondé : aussi le cygne est-il l'emblème de la grâce ,
premier trait qui nous frappe, même avant ceux de
la beauté.
La vie de l'oiseau aquatique est donc plus paisible
et moins pénible que celle de la plupart des autres
oiseaux; il emploie beaucoup moins de forces pour
nager que les autres n'en dépensent pour voler. L'é-
lément qu'il habite lui olfre à chaque instant sa sub-
sistance : il la rencontre plus qu'il ne la cherche, et
souvent le mouvement de l'onde l'amène à sa portée;
il la prend sans fatigue, comme il l'a trouvée sans
peine ni travail, et cette vie plus douce lui donne en
même temps des mœurs plus innocentes et des habi-
tudes pacifiques. Chaque espèce se rassemble par le
sentiment d'un amour mutuel ; nul des oiseaux n'at-
Î70 LES OISEAUX AQUATIQUES.
taque son semblable , mil ne fait sa victime d'aucun
autre oiseau; et dans cette grande et tranquille nation
on ne voit point le plus fort inquiéter le plus foible :
bien différent de ces tyrans de l'air et de la terre qui
ne parcourent leur empire que pour le dévaster, et
qui, toujours en guerre avec leurs semblables, ne
cherchent qu'à les détruire, le peuple ailé des eaux,
partout en paix avec lui-même, ne s'est jamais souillé
du sang de son espèce ; respectant même le genre
entier des oiseaux, il se contente d'une chère moins
noble, et n'emploie sa force et ses armes que contre
le genre abject des reptiles et le genre muet des pois-
sons. Néanmoins la plupart de ces oiseaux ont , avec
une grande véhémence d'appétit, les moyens d'y sa-
tisfaire; plusieurs espèces, comme celles du harle ,
du cravan, du tadorne, etc. , ont les bords intérieurs
du bec armés de dentelures assez tranchantes pour
que la proie saisie ne puisse s'échapper; presque tous
sont plus voraces que les oiseaux terrestres; et il faut
avouer qu'il y en a quelques uns, tels que les ca-
nards, mouettes, etc., dont le goût est si peu délicat
qu'ils dévorent avec avidité la chair morte et les en-
trailles de tous les animaux.
ÎNous devons diviser en deux grandes familles la
nombreuse tribu des oiseaux aquatiques; car, à côté
de ceux qui sont navigateurs et à pieds palmés , la na-
ture a placé les oiseaux de rivage et à pieds divisés,
qui, quoique différents pour les formes, ont néan-
moins plusieurs rapports et quelques habitudes na-
turelles avec les premiers : ils sont taillés sur un autre
modèle; leur corps grêle et de figure élancée, leurs
pieds dénués de membranes, ne leur permettent ni
LES OISEAUX AQUATIQUES. 1 ^C)
de plonger ni de se soutenir sur Teau ; ils ne peuvent
qu'en suivre les rives : montés sur de très longues
jambes, avec un cou tout aussi long, ils n'entrent
que dans les eaux basses, où ils peuvent marcher;
ils cherchent dans la vase la pâture qui leur con-
vient; ils sont pour ainsi dire amphibies, attachés aux
limites de la terre et de l'eau , comme pour former en
ce genre les degrés et les nuances des différentes ha-
bitudes qui résultent de la diversité des formes dans
toute nature organisée.
Ainsi, dans l'immense population des habitants de
l'air, il y a trois états ou plutôt trois patries, trois
séjours diflerents : aux uns la nature a donné la terre
pour domicile ; elle a envoyé les autres cingler sur
les eaux, en môme temps qu'elle a placé des espèces
intermédiaires aux confins de ces deux éléments ,
afin que la vie, produite en tous lieux et variée sous
toutes les formes possibles, ne laissât rien à ajouter
à la richesse de la création, ni rien à désirer à nolrt'
admiration sur les merveilles de l'existence.
Nous avons eu souvent occasion de remarquer
qu'aucune espèce des quadrupèdes du midi et de
l'un des continents ne s'est trouvée dans l'autre, et
que la plupart des oiseaux, malgré le privilège des ai-
les, n'ont pu s'affranchir de celte loi commune : mais
cette loi ne subsiste plus ici; autant nous avons eu
d'exemples et donné de preuves qu'aucune des espè-
ces qui n'avoient pu passer par le nord ne se trou-
voit commune aux deux continents, autant nous al-
lons voir d'oiseaux aquatiques se trouver également
dans les deux, et même dans les îles les plus éloignées
de toute terre habitée.
l80 LES OISE AL X AQLATIQIJES.
L'Amérique méridionale, séparée par de vastes mers
des terres de l'Afrique et de l'Asie , inaccessible par
cette raison à tous les animaux quadrupèdes de ce con-
tinent, l'étoit aussi pour le plus grand nombre des es-
pèces d'oiseaux qui n'ont jamais pu fournir ce trajet
immense d'un seul vol et sans point de repos. Les es-
pèces des oiseaux terrestres et celles des quadrupèdes
de celte partie de l'Amérique se sont trouvées égale-
ment inconnues : mais ces grandes mers qui font une
barrière insurmontable de séparation pour les ani-
maux et les oiseaux de terre ont été franchies et tra-
versées au vol et à la nage par les oiseaux d'eau ; ils
ont eu le même avantage que les peuples navigateurs
qui se sont établis partout; car on a trouvé dans l'A-
mérique méridionale , non seulement les oiseaux in-
digènes et propres à cette terre, mais encore la plus
grande partie des espèces d'oiseaux aquatiques des ré-
gions correspondantes dans l'ancien continent*.
Et ce privilège d'avoir passé d'un monde à l'autre ,
dans les contrées du midi, semble s'être étendu jus-
qu'aux oiseaux de rivage : non que les eaux aient pu
leur fournir une route, puisqu'ils ne s'y engagent pas et
n'en habitent que les bords; mais parce qu'en suivant
les rivages et allant de proche en proche ils sont parve-
nus jusqu'aux extrémités de tous les continents. Et ce
qui a du faciliter ces longs voyages, c'est que le voisi-
nage de l'eau rend les climats plus égaux; l'air de la
mer, toujours frais, même dans les chaleurs, et tem-
péré pendant les froids, établit pour les habitants des
rivages une égalité de température qui les empêche de
1. Voyez ci-après les histoires du pkénicoptèrc, du pélican, de la
frégate , àcYûiscaa du tropique, etc., etc.
LES OISEAUX AQUATIQUES. l8ï
sentir la trop forte impression des vicissitudes du ciel ,
et leur compose pour ainsi dire un climat praticable
sous toutes les latitudes, en choisissant les saisons :
aussi plusieurs espèces qui voyagent en été dans les
terres du nord de notre continent, et qui communi-
quent par là aux terres septentrionales de l'Amérique ,
paroissent être parvenues de proche en proche, en
suivant les rivages, jusqu'à l'extrémité de ce nouveau
continent; car l'on reconnoît dans les régions austra-
les de l'Amérique plusieurs espèces d'oiseaux de ri-
vage qui se trouvent également dans les contrées bo-
réales des deux continents^.
La plupart de ces oiseaux aquatiques paroissent
être demi-noclurnes : les hérons rôdent la nuit; la
bécasse ne commence à voler que le soir; le butor
crie encore après la chute du jour ; on entend les grues
se réclamer du haut des airs dans le silence et l'ob-
scurité des nuits, et les mouettes se promener dans
le môme temps; le volées d'oies et de canards sauva-
ges qui tombent sur nos rivières y séjournent plus la
nuit que le jour. Ces habitudes tiennent à plusieurs
circonstances relatives à leur subsistance et à leur sé-
curité : les vers sortent de terre à la fraîcheur; les
poissons sont en mouvement pendant la nuit , dont
l'obscurité dérobe ces oiseaux à l'œil de l'homme et
de leurs ennemis. Néanmoins l'oiseau pêcheur ne pa-
roît pas assez se défier de ceux mêmes qu'il attaque :
ce n'est pas toujours impunément qu'il fait sa proie
des poissons ; quelquefois le poisson le saisit et l'avale.
i. Voyez ci-après l'histoire des pluviers , des hérons , des spatules,
etc., etc.
BIFFON. XXV. 12
l82 LÈS OISEAUX AQUATIQUES.
Nous avons trouvé un martin-pêcheur dans ie ventre
d'une anguille ; le brochet gobe assez souvent les oi-
seaux qui plongent ou frisent en volant la surface de
l'eau , et même ceux qui viennent seulement pour
boire et se baigner; et, dans les mers froides, les
baleines et les cachalots ouvrent le gouffre de leur
énorme bouche, non seulement pour engloutir des
colonnes de harengs et d'autres poissons, mais aussi
les oiseaux qui sont à leur poursuite, tels que les
albatros, les pinguins, les macreuses, etc., dont on
trouve les squelettes ou les cadavres encore récents
dans le large estomac de ces grands cétacés.
Ainsi la nature, en accordant de grandes préroga-
tives aux oiseaux aquatiques , les a soumis à quelques
inconvénients; elle leur a même refusé l'un de ses plus
nobles attributs : aucun d'eux n'a de ramage, et ce
qu'on a dit du chant du cygne n'est qu'une chanson
de la fable; car rien n'est plus réel que la diflérence
frappante qui se trouve entre la voix des oiseaux de
terre et celle des oiseaux d'eau. Ceux-ci l'ont forte et
grande, rude et bruyante, propre à se faire entendre
de très loin , et à retentir sur la vaste étendue des pla-
ges de la mer : cette voix , toute composée de tons rau-
ques, de cris et de clameurs, n'a rien de ces accents
flexibles et moelleux, ni de cette douce mélodie dont
nos oiseaux champêtres animent nos bocages en célé-
brant le printemps et l'amour, comme si l'élément re-
doutable où régnent les tempêtes eût à jamais écarté
ces charmants oiseaux, dont le chant paisible ne se fait
entendre qu'aux beaux jours et dans les nuits tran-
quilles, et que la nier n'eût laissé à ces habitants ailés
LES OISEAUX AQUATIQUES. 1 85
que les sons grossiers et sauvages qui percent à travers
le bruit des orages , et par lesquels ils se réclament
dans le tumulte des vents et le fracas des vagues.
Du reste la quantité des oiseaux d'eau, en y com-
prenant ceux de rivages et les comptant par le nom-
bre des individus, est peut-être aussi grande que celle
des oiseaux de terre. Si ceux-ci ont pour s'étendre
les monts et les plaines, les champs et les forêts, les
autres, bordant les rives des eaux, ou se portant au
loin sur leurs flots, ont pour habitation un second
élément aussi vaste, aussi libre que l'air même; et,
si nous considérons la multiplication par le fonds des
subsistances, ce fonds nous paroîtra aussi abondant
et plus assuré peut-être que celui des oiseaux terres-
tres, dont une partie de la nourriture dépend de l'in-
fluence des saisons, et une autre très grande partie
du produit des travaux de l'homme. Gomme l'abon-
dance est la base de toute société, les oiseaux aqua-
tiques paroissent plus habituellement en troupes que
les oiseaux de terre, et dans plusieurs familles ces
troupes sont très nombreuses ou plutôt innombrables :
par exemple, il est très peu d'espèces terrestres, au
moins d'égale grandeur, plus multipliées dans l'état
de nature que le paroissent être celles des oies et des
canards; et en général il y a d'autant plus de réunion
parmi les animaux qu'ils sont plus éloignés de nous.
Mais les oiseaux terrestres sont d'autant plus nom-
breux en espèces et en individus, que les climats sont
plus chauds : les oiseaux d'eau semblent, au contraire,
chercher les climats froids; car les voyageurs nous
apprennent que sur les côtes glaciales du septentrion,
les goélans, les pinguins , les macreuses, se trouvent
l84 LES OISEAUX AQUATIQUES.
à milliers et en aussi grand nombre que les albatros,
les manchots, les pétrels , sur les îles glacées des ré-
gions antarctiques.
Cependant la fécondité des oiseaux de terre paroît
surpasser celle des oiseaux d'eau : aucune espèce en
effet parmi ces dernières ne produit autant que celles
de nos oiseaux gallinacés, en les comparant à gros-
seur éijale. A la vérité, cette fécondité des oiseaux
granivores pourroit s'être accrue par l'augmentation
des subsistances que l'homme leur procure en culti-
vant la terre : néanmoins dans les espèces aquatiques
qu'il a su réduire en domesticité , la fécondité n'a pas
fait les mêmes progrès que dans les espèces terrestres;
le canard et l'oie domestiques ne pondent pas autant
d'œuls que la poule; éloignés de leur élément et pri-
vés de leur liberté, ces oiseaux perdent sans doute
plus que nos soins ne peuvent leur donner ou leur
rendre.
Aussi ces espèces aquatiques sont plutôt captives que
donîestiques; elles conservent les germes de leur pre-
mière liberté, qui se manifeste par une indépendance
que les espèces terrestres paroissent avoir totalement
perdue; ils dépérissent dès qu'on les tient renfermés;
il leur faut l'espace libre des champs et ia fraîcheur
des eaux, où ils puissent jouir d'une partie de leur
franchise naturelle; et ce qui prouve qu'ils n'y re-
noncent pas, c'est qu'ils se rejoignent volontiers à
leurs frères sauvages , et s*enfuiroient avec eux si l'on
n'avoit pas soin de leur rogner les ailes ^. Le cygne,
1 . Quoiqu'il y ait des exemples de canards et d'oies privés qui sen-
fuient avec les sauvages , il est à présumer qu'ils s'en trouvent mal ,
et qu'étant les moins nombreux, ils sont bientôt punis de leur infidé-
LES OISEAUX AQUATIQUES. 1 85
ornement des eaux de nos superbes jardins , a plus l'air
d'y voyager en pilote et de s'y promener en maître,
que d'y être attaché comme esclave.
Le peu de gêne que les oiseaux aquatiques éprou-
vent en captivité fait qu'ils n'en portent que de légères
empreintes; leurs espèces ne s'y modifient pas au-
tant que celles des oiseaux terrestres; elles y subis-
sent moins de variétés pour les couleurs et les formes;
elles perdent moins de leurs traits naturels et de leur
type originaire : on peut le reconnoître par la compa-
raison de l'espèce du canard, qiii n'admet dans nos
basses-cours que peu de variétés, tandis que celle de
la poule nous olTre une multitude de races nouvelles
et factices, qui semblent effacer et confondre la race
primitive. D'ailleurs les oiseaux aquatiques étant pla-
cés loin de la terre ne nous connoissent que peu. 11
semble qu'en les établissant sur les mers, la nature les
ait soustraits à l'empire de l'homme , qui, plus foible
qu'eux sur cet élément , n'en est souvent que le jouet
ou la victime.
Les mers les plus abondantes en poissons attirent et
fixent pour ainsi dire sur leurs bords des peuplades in-
nombrables de ces oiseaux pêcheurs : on en voit une
multitude infinie autour des îles Samhales^ et sur la
côte de l'isthme de Panama, particulièrement du côté
lilé; car l'antipathie entre les oiseaux sauvages et doinesliques sub-
siste dans ces espèces comme dans toutes les autres; et nous sommes
informés par un témoin digue de foi * qu'ayant mis dans un vivier de
jeunes canards sauvages, pris au nid dans un marais, avec d'autres
canards privés et à peu près du même âge, ils attaquèrent les sauva
ges, et vinrent à bout de les tuer en moins de deux ou trois jours.
*Lf. s-ieur Tiocouit , que jSi déjà cité dans quelques riidioiis.
l86 LliS OISEAUX AQUATIQUES.
(iu nord; il n'y en a pas moins à l'occident sur la cote
méridionale , et peu sur la côte septentrionale. Wafer
en donne pour raison que la baie de Panama n'est pas
aussi poissonneuse à beaucoup près que celle des Sam-
bales. Les grands fleuves de l'Amérique septentrio-
nale sont tous couverts d'oiseaux d'eau. Les habitants
de la Nouvelle-Orléans , qui en faisoient la chasse sur
le Mississipi , avoient établi une petite branche de com-
merce de leur graisse ou de l'huile qu'ils en tiroient.
Plusieurs îles ont reçu les noms d'Iles-aux-Oiseaux,
parce qu'ils en étoient les seuls habitants lorsqu'on en
fit la découverte , et que leur nombre étoit prodigieux.
L'île à'Aves, entre autres , à cinquante lieues sous le
vent de la Domijiique , est si couverte d'oiseaux de mer
qu'on n'en voit nulle part en aussi grande quantité :
on y trouve des pluviers , des chevaliers, diverses sor-
tes de poules d'eau; des p/iénicoptères ou flamans, des
pélicans, des mouettes, des frégates, des fous, etc.
Labat, qui nous donne ces faits, remarque que la
côte est extrêmement poissonneuse, et que ses hauts-
fonds sont toujours couverts d'une immense quantité
de coquillages. Les œufs de poissons, qui flottent
souvent par de grands bancs à la surface de la mer,
n'attirent pas moins d'oiseaux à leur suite. Il y a aussi
certains endroits des côtes et des îles dont le sol en-
tier, jusqu'à une assez grande profondeur, n'est com-
posé que de la fiente des oiseaux aquatiques : telle
est, vers la côte du Pérou, l'île d'Iqui.que, dont les
Espagnols tirent ce fumier et le transportent pour
servir d'engrais aux terres du continent. Les rochers
du Groenland sont couverts aux sommets d'une espèce
de tourbe formée de cette même matière et du dé-
LES OISEAUX AQUATIQUES. 1 87
bris des nids de ces oiseaux. Ils sont aussi nombreux
sur les îles de la Norwége , d'Islande , et de Feroé , où
ieursœufs font une grande partie de la subsistance des
habitants, qui vont les chercher dans les précipices
et sur les rochers les plus inaccessibles. Telles sont en-
core ces îles Burra^ inhabitées et presque inaborda-
bles, vers les côtes d'Ecosse, où les habitants de la
petite île Hirta viennent enlever des œufs à milliers
et tuer des oiseaux. Enfin ils couvrent la mer du
Groenland au point que la langue groenlandoise a un
mot pour exprimer la manière de les chasser en trou-
peaux vers la côte dans de petites baies où ils se lais-^
sent renfermer et prendre à milliers.
Ces oiseaux sont encore les habitants que la nature
a envoyés aux points isolés et perdus dans l'immense
Océan , où elle n'a pu faire parvenir les autres espèces
dont elle a peuplé la surface de la terre. Les naviga-
teurs ont trouvé les oiseaux en possession des îles dé-
sertes et de ces fragments du globe qui sembloient se
dérober à l'établissement de la nature vivante. Ils se
sont répandus du nord jusqu'au midi, et nulle part
ils ne sont plus nombreux que sous les zones froides,
parce que dans ces régions où la terre , dénuée, morte
et ensevelie sous d'éternels frimas, refuse ses flancs
glacés à toute fécondité, la mer est encore animée,
vivante, et même très peuplée.
Aussi les voyageurs et les naturalistes ont-ils observé
que dans les régions du Nord il y a peu d'oiseaux de
terre en comparaison de la quantité des oiseaux d'eau ;
pour les premiers, il faut des végétaux, des graines, des
fruits, dont la nature engourdie produit à peine dans
ces climats quelques espèces foibles et rares; les der-
î88 LES OISEAUX AQUATIQUES.
niers ne demandent a la terre qu'un lieu de refuge ,
une retraite dans les tempêtes, une station pour les
nuits, un berceau pour leur progéniture; encore la
glace qui, dans ces climats froids, le dispute à la
terre, leur ofTre-t-elle presque également tout ce qui
est nécessaire pour des besoins si simples. MM. Cook
et Forster ont vu, dans leurs navii^ations aux mers
australes, plusieurs de ces oiseaux se poser, voyager,
et dormir sur des glaces flottantes comme sur la terre
ferme; quelques uns même y nichent avec succès.
Que pourroit en eO'et leur offrir de plus un sol tou-
jours ^e\é , et qui n'est ni plus solide ni moins froid
que ces montagnes de glace?
Ce dernier fait démontre que les oiseaux d'eau
sont les derniers et les plus reculés des habitants du
globe, dont ils connoissent mieux que nous les ré-
gions polaires : ils s'avancent jusque dans les ter-
res où l'ours blanc ne paroît plus , et sur les mers que
les phoques, les morses, et les autres amphibies, ont
abandonnées; ils y séjournent avec plaisir pendant
la saison des très longs jours dans ces climats, et ne
les quittent qu'après l'équinoxe de l'automne, lorsque
la nuit , anticipant à grands pas sur la lumière du jour,
bientôt l'anéantit et répand un voile continu de ténè-
bres qui fait fuir ces oiseaux vers les contrées qui
jouissent de quelques heures de jour; ils nous arri-
vent ainsi pendant l'hiver, et retournent à leurs gla-
ces, en suivant la marche du soleil avant l'équinoxe
du printemps.
H.aoA-
Tome 2,5
/
1 iA aGO GKE _ 2 LF. JABIKO- 3 LU TODIER
LA ClGOGxNIi. 189
LA CIGOGNE'.
Ardea ci conta. L.
On vient de voir qu'entre les oiseaux terrestres ,
qui peuplent les campagnes, et les oiseaux naviga-
teurs à pieds palmés, qui reposent sur les eaux , on
trouve la grande tribu des oiseaux de rivage, dont le
pied, sans membranes, ne pouvant avoir un appui sur
les eaux, doit encore porter sur la terre, et dont le
long bec , enté sur un long cou, s'étend en avant pour
chercher la pâture sous l'éiément liquide. Dans les
nombreuses familles de ce peuple amphibie des ri-
vages de la mer et des fleuves celle de la cigogne,
x\° S66, plus célébrée qu'aucune autre , se présente la
première. Elle est composée de deux espèces qui ne
diffèrent que par la couleur; car du reste il semble
que, sous la môme forme et d'après le même dessin,
la nature ait produit deux fois le môme oiseau, l'un
blanc et l'autre noir. Cette différence, tout le reste
étant semblable, pourroit ôtre comptée pour rien, s'il
n'y avoit pas eutre ces deux mômes oiseaux diffé-
rence d'instinct et diversité de mœurs. La cigogne
noire cherche les lieux déserts, se perche dans les
bois, fréquente les marécages écartés, et niche dans
l'épaisseur des forêts. La cigogne blanche choisit au
contraire nos habitations pour domicile ; elle s'établit
i. En latin, ciconia; en allemand et en anglois . stoi'lc; en italien,
l'igogna, zigogna, et le polit, cigognino ; en es}>agnol , ciguenna; eu
vieux françois , cigongn^ ou cigoigne.
190 LA CIGOGNE.
sur les tours, sur les cheminées et les combles des
édifices : amie de l'homme, elle en partage le séjour
et même le domaine; elle pêche dans nos rivières,
chasse jusque dans nos jardins, se place au milieu
des villes, sans s'effrayer de leur tumulte*, et par-
tout, hôte respecté et bien venu, elle paie par des
services le tribut qu'elle doit à la société; plus civi-
lisée , elle est aussi plus féconde , plus nombreuse , et
plus généralement répandue que la cigogne noire ,
quiparoît confinée dans certains pays, et toujours dans
les lieux solitaires.
Cette cigogne blanche, moins grande que la grue,
l'est plus que le héron ; sa longueur, de la pointe du
bec à l'extrémité de la queue, est de trois pieds et
demi, et jusqu'à celle des ongles, de quatre pieds;
le bec , de la pointe aux angles , a près de sept pou-
ces ; le pied en a huit, la partie nue des jambes cinq; ^
et l'envergure de ses ailes est de plus de six pieds. Il 1
est aisé de se la peindre : le corps est d'un blanc écla-
tant, et les ailes sont noires , caractère dont les Grecs
ont formé son nom 2; les pieds et le bec sont rouges, et
son long cou est arqué : voilà ses traits principaux ;
mais en la regardant de plus près , on aperçoit sur les
ailes des reflets violets et quelques teintes brunes. On
compte trente pennes en développant l'aile ; elles for-
ment une double échancrure, les plus près du corps
étant presque aussi longues que les extérieures, et les
égalant lorsque l'aile est pliée : dans cet état, les ailes
1. Témoin ce nid de cigogne posé sur le temple de la Concorde au
Capitole. dont parle Juvénal (sat. 1 , v.i 16 ), et qu'on voit figuré sur
des médailles d'Adrien.
3. Pelon argon.
LA CIGOGNE. I9I
couvrent la queue ; et lorsqu'elles sont ouvertes ou
étendues pour le vol , les plus grandes pennes offrent
une disposition singulière : les huit ou neuf premières
se séparent les unes des autres, et paroissent diver-
gentes et détachées , de manière qu'il reste entre
chacune un vide ; ce qui ne se voit dans aucun autre
oiseau. Les plumes du bas du cou sont blanches, un
peu longues et pendantes, et par là les cigognes se
rapprochent des hérons; mais leur cou est plus court
et plus épais. Le tour des yeux est nu et couvert d'une
peau ridé d'un noir rougeâtre;.les pieds sont revêtus
d'écaillés en tables hexagones, d'autant plus larges
qu'elles sont placées plus haut; il y a des rudiments
de membranes entre le grand doigt et le doigt inté-
rieur jusqu'à la première articulation, et qui, s'éten-
dant plus avant sur le doigt extérieur, semblent for-
mer la nuance par laquelle la nature passe des oiseaux
à pieds divisés aux animaux à pieds réunis et palmés;
les ongles sont mousses, larges, plats, et assez ap-
prochants de la forme des ongles de l'homme.
La cigogne a le vol puissant et soutenu, comme
tous les oiseaux qui ont des ailes très amples et la
queue courte; elle porte en volant la tête roide en
avant, et les pattes étendues en arrière comme pour
lui servir de gouvernail ; elle s'élève fort haut , et fait
de très longs voyages même dans les saisons orageu-
ses. On voit les cigognes arriver en Allemagne vers le
8 ou le 10 de mai; elles devancent ce temps dans nos
provinces. Gesner dit qu'elles précèdent les hiron-
delles et qu'elles viennent en Suisse dans le mois d'a-
vril , et quelquefois plus tôt ; elles arrivent en Alsace
au mois de mars, et même dès la fin de février. Leur
192 LA GIGOGNE.
retour est partout d'un agréable augure, et leur ap-
parition annonce le printemps : aussi elles semblent
n'arriver que pour se livrer aux tendres émotions que
celte saison inspire. Aldrovande peint avec chaleur
les signes de joie et d'amour, les empressements et
les caresses du ma!e et de la femelle arrivés sur leur
nid après un long voyage ; car les cigognes reviennent
constamment aux mêmes lieux ; et si leur nid est dé-
truit, elles le reconstruisent de nouveau avec des brins
de bois et d'herbes de marais, qu'elles entassent en
grande quantité : c'est ordinairement sur les combles
élevés, sur les créneaux des tours, et quelquefois sur
de grands arbres, au bord des eaux ou à la pointe
d'un rocher escarpé, qu'elles le posent^. En France,
du temps de Belon, on plaçoit des roues au haut des
toits pour engager ces oiseaux à y faire leur nid; cet
usage subsiste encore en Allemagne et en Alsace, et
l'on dispose en Hollande pour cela des caisses carrées
aux faîtes des édifices-.
Dans l'attitude du repos, la cigogne se tient sur un
pied, le cou replié, la tête en arrière et couchée sur
l'épaule ; elle guette les mouvements de quelques rep-
1. G'esl eu ce sens qu'il faut entendre ce que dit Vairon, quelle
niche à la campagne, in tecto ut lùrundines, in agro ut ciconia , puis-
f|u'il observe ailleurs lui-même, au sujet de l'arrivée delà cigogne en
Italie, qu'elle s'établit de préférence sur les édifices.
2. Lady Montagne, dans ses lettres, n° 32 , dit qu'à Gonstantino-
ple les cigognes nichent par terre dans les rues. Si elle ne s'est pas
trompée sur l'espèce de ces oiseaux, il faut que ïa sauve-garde dont
jouit la cigogne en Turquie Tait singulièrement enhardie; Car, dans
nos contrées, les points de ])osilion qu'elle prclère sont toujours les
plus inaccessibles, qui dominent tout ce qui environne, et ne per-
inctlent pas de voir dans son nid.
LA CIGOGNE. IQO
liles, quelle fixe d'un œil perçant : les grenouilles, les
lézards, les couleuvres , et les petits poissons, sont la
proie qu'elle va cherchant dans les marais, ou sur les
bords des eaux, ou dans les vallées humides.
Elle marche, comme la grue, en jetant le pied en
avant par grands pas mesurés; lorsqu'elle s'irrite ou
s'inquiète, et même quand l'amour l'agite, elle fait
claqueter son bec d'un bruit sec et réitéré, que les
anciens avaient rendu par des mots imitatifs, crépitât ,
^lollerat j et que Pétrone exprime fort bien en l'ap-
pelant un bruit de crotales^ : elle renverse alors la tôle,
de manière que la mandibule extérieure se trouve en
haut, et que le bec est couché presque parallèlement
sur le dos. C'est dans cette situation que les deux man-
dibules battent vivement l'une contre l'autre; mais, à
mesure qu'elle redresse le cou, le claquement se ra-
lentit, et linit lorsqu'il a repris sa position naturelle.
Au reste , ce bruit est le seul que la cigogne fasse en-
tendre, et c'est apparemment de ce qu'elle paroît
uiuette que les anciens avoient pensé qu'elle n'avoit
point de langue. 11 est vrai que cette langue est courte
et cachée à l'entrée du gosier, comme dans toutes les
espèces d'oiseaux à long bec, qui ont aussi une ma-
nière particulière en jetant les aliments, par un cer-
tain tour de bec, jusque dans la gorge. Aristote fait
une autre remarque au sujet de ces oiseaux à cou et
bec très longs; c'est qu'ils rendent tous une fiente plus
liquide que celle des autres oiseaux.
La cigogne ne pond pas au delà de quatre œufs, et
souvent pas plus de deux, d'un blanc sale et jaunâtre,
1. Crotalistria , cpithèle donnée déjà dans Pubtius Syvus, à la ci-
gogue.
194 ^^A CIGOGNE.
un peu inoins gros, mais plus allongés que ceux de
l'oie; le mâle les couve dans le temps que la femelle
va chercher sa pâture. Les œufs éclasent au bout d'un
mois; le père et la mère redoublent alors d'activité
pour porter la nourriture à leurs petits, qui la reçoi-
vent en se dressant et rendant une espèce de siffle-
ment *. Au reste, le père et la mère ne s'éloignent
jamais du nid tous deux ensemble; et tandis que l'un
est à la chasse, on voit l'autre se tenir aux environs,
debout sur une jambe, et l'œil toujours à ses petits.
Dans le premier âge, ils sont couverts d'un duvet brun ;
n'ayant pas encore assez de force pour se soutenir sur
leurs jambes minces et grêles, ils se traînent dans le
nid sur leurs genoux. Lorsque leurs ailes commencent
à croître, ils s'exercent à voleter au dessus du nid :
mais il arrive souvent que, dans cet exercice, quel-
ques uns tombent et ne peuvent plus se relever. En-
suite, lorsqu'ils commencent à se hasarder dans les
airs, la mère les conduit et les exerce par de petits
vols circulaires autour du nid où elle les ramène;
enfin les jeunes cigognes déjà fortes prennent leur es-
sor avec les plus âgées dans les derniers jours d'août,
saison de leur départ. Les Grecs avoient marqué leurs
rendez-vous dans une plaine d'Asie , nommée la plage
aux serpents j où elles se rassembloient, comme elles
se rassemblent encore dans quelques endroits du Le-
vant, et même dans nos provinces d'Europe, comme
dans le Brandebourg et ailleurs.
Lorsqu'elles sont assemblées pour le départ, on les
1. Élien a dit que la cigogne vomit à ses petits leur nourriture; ce
qu'il ne faut point entendre d'aliments déjà eu partie digérés , mais
de la proie récente qu'elle dégorge de l'œsophage, cl peut même reu-
LA CIGOGNE. 1 q5
entend claqueter fréquennment, et il se fait un grand
mou veinent dans la troupe ; toutes semblent se cher-
cher, se reconnoître et se donner lavis du départ gé-
néral, dont le signal, dans nos contrées, est le vent
du nord. Elles s'élèvent toutes ensemble, et dans quel-
ques instants se perdent au haut des airs. Klein ra-
conte qu'appelé pour voir ce spectacle , il le manqua
d'un moment, et que tout avoit déjà disparu. En ef-
fet, ce départ est d'autant plus difGcile à observer,
qu'il se fait en silence^, et souvent dans la nuit. On
prétend avoir remarqué que, dans leur passage, avant
de tenter le trajet de la Méditerranée, les cigognes
s'abattent en grand nombre aux environs d'Aix en Pro-
vence. Au reste, il paroît que ce départ se fait plus
tard dans les pays chauds, puisque Pline d'il qu'après
le départ de la cigogne ^ il nest plus temps de semer.
Quoique les anciens eussent marqué les migrations
des cigognes, ils ignoroient quels lieux elles alloient
habiter : mais quelques voyageurs modernes nous ont
fourni sur cela de bonnes observations; ils ont vu en
automne les plaines de l'Egypte toutes couvertes de
ces oiseaux. « Il est tout arrêté, dit Belon, que les
cigognes se tiennent l'hiver aux pays d'Egypte et d'A-
frique; car nous avons témoings d'en avoir vu les plai-
nes d'Egypte blanchir, tant il y en avoit dès le mois
de septembre et octobre, parce qu'étant là durant et
après l'inondation, n'ont faute de pâture; mais trou-
dre de son estomac , dont l'ouverture est assez large pour en permettre
la sortie.
i. Belon dit qu il n'est point remarqué, parce qu'elles volent sans
bruit et sans jeter de cris, au contraire des grues et des oies sauvages,
qui crient beaucoup en volant.
196 LA CIGOGNE.
vant là l'été intolérable pour sa violente chaleur, vien-
nent en nos régions, qui lors leur sont tempérées; et
s'en retournent en hiver pour éviter la froidure trop
excessive : en ce contraire aux grues; car les grues et
oies nous viennent voir en hiver, lorsque les cigo-
gnes en sont absentes. » Cette différence très remar-
quable provient de celle des régions où séjournent
ces oiseaux : les grues et les oies arrivent du nord,
dont elles fuient les giands hivers ; les cigognes par-
lent du midi pour en éviter les ardeurs^.
Belon dit aussi les avoir vues hiverner alentour du
mont AmanuSj vers Antioche, et passer sur la fin
d'août vers AbyduSy en troupes de trois ou quatre
mille, venant de la Russie et de la Tartarie : elles tra-
versent l'Hellespont; puis, se divisant à la hauteur
de Ténédos , elles parlent en pelotons, et vont toutes
vers le midi.
• Le docteur Shaw a vu, du pied du mont Carmel,
le passage des cigognes de l'Egypte en Asie, vers le
1. Plusieui's auteurs ont prétendu que les cigognes ne s'éloignent
point l'hiver, et le passoieut cachées dans des cavernes, ou même
plongées au fond des lacs. G'éloit l'opinion commune du temps d'Al-
bert le grand. Klein fait la relation de deux cigognes tirées de l'eau
danfi des étangs près d'Elbing. Cervais de Tilbury parle d'autres cigo-
gnes qu'on trouva pelotonnées dans un lac vers Arles ; Mérula , dans
Aldrovande, de celles que des pêcheurs tirèrent du lac de Côme ; et
Fulgose, d'autres qui furent pêchécs près dé Metz. Martin Schoockius,
qui a écrit sur la cigogne un opuscule imprimé à Groningue en 1648,
appuie ces témoignages; mais l'histoire des migrations de la cigogne
est trop bien connue , pour n'attribuer qu'à des accidents les faits
dont nous venons de faire mention , si pourtant on peut les regarder
comme certains. Voyez cette cjueslion et l'examen de tout ce qu'on a
dit sur les oiseaux que l'on prétend passer l'hiver dans l'eau , plus am-
plement discuté à l'article de V hirondelle.
LA CIGOGNE. îg^
milieu d'avril 1722. «Notre vaisseau, dit ce voya-
geur, étant à l'ancre sous le rnont Garmel, je vis trois
vols de cigognes, dont chacun fut plus de trois heures à
passer, ets'étendoit plus d'un demi-mille en largeur. »
Maillet dit avoir vu les cigognes descendre, sur la fin
d'avril, de la haute Egypte, et s'arrêter sur les terres
du Delta, que l'inondation du jNil leur fait bientôt
abandonner^.
Ces oiseaux, qui passent ainsi de climats en climats^
ne connoissent point les rigueurs de l'hiver; leur co-
née est composée de deux étés, et ils goûtent aussi
deux fois les plaisirs de la saison des amours : c'est
une particularité très intéressante de leur histoire ,
et Belon l'assure positivement de la cigogne, qui,
dit-iJ, fait ses petits pour la seconde fois en Egypte.
On prétend qu'on ne voit pas de cigognes en Angle-
terre, à moins qu'elles n'y arrivent par quelque tem-
pête. Albin remarque, comme chose singulière, deux
cigognes qu'il vit à Edger en Midlessex ; WiHughby
dit que celle dont il donne la figure, lui avoit été en-
voyée de la côte de Norfolk, où elle éloit tombée par
hasard. Il n'en paroît pas non plus en Ecosse, si l'on
en juge par le silence de Sibbald. Cependant la cigo-
gne se porte assez avant dans les contrées du nord de
l'Europe; elle se trouve en Suède, suivant Lînnaeus,
et surtout en Scanie, enDanemarck, en Sibérie, en
1. Quelques corneilles se mêlent parfois aux cigognes clans leur
passage, ce qui a donné lieu à l'opinion qu'on trouve clans saint Ba-
sile et dans Isidore, que les corneilles servent de guides dans le voyage,
et d'escorte aux cigognes. Les anciens ont aussi beaucoup parlé des
combats de la cigogne contre les corbeaux , les geais et d'aulrcs es-
pèces d'oiseaux : lorsque leurs troupes repassent de la Libye et de
l'Egypte, elles se rencontrent vers la Lycie et le fleuve du Xanthe.
BLTFOA. XXV. l3
198 LA CIGOGNE.
Mangasea sur le Jenisca, et jusque chez les Jakutes.
On voit aussi des cigognes en très grand nombre dans
la Hongrie, la Pologne, et la Lithuanie; on les ren-
contre en Turquie, en Perse, où Bruyn a remarqué
leur nid, figuré sur les ruines de Persépolis; et même,
si l'on en croit cet auteur, la cigogne se trouve dans
toute l'Asie, à l'exception des pays déserts, qu'elle sem-
ble éviter, et des terrains arides, où elle ne peut vivre.
Aldrovande assure qu'il ne se trouve point de cigo-
gnes dans le territoire de Bologne , elles sont même
rares dans toute l'Italie, où Willughby , pendant un
séjour de vingt-huit ans, n'en a vu qu'une fois, et où
Aldrovande avoue n'en avoir jamais vu. Cependant il
paroît , par les témoignages de Pline et de Varron ,
qu'elles y étoient communes autrefois , et l'on ne peut
guère douter que, dans leur voyage d'Allemagne en
xifrique , ou dans leur retour, elles ne passent sur les
terres de l'Italie et sur les îles de la Méditerranée.
Kaempfer dit que la cigogne demeure toute l'année au
Japon. Ce seroit le seul pays où elle seroit station-
naire ; dans tous les autres, comme dans nos contrées,
elle arrive et repart quelques mois après. La Lorraine
et l'Alsace sont les provinces de la France où les cigo-
gnes passent en plus grande quantité; elles y font
même leurs nids, et il est peu de villes ou de bourgs
dans la basse Alsace où l'on ne voie quelques nids de
cigogne sur les clochers.
La cigogne est d'un naturel assez doux; elle n'est
ni défiante ni sauvage, et peut se priver aisément et
s'accoutumer à rester dans nos jardins, qu'elle purge
d'insectes et de reptiles. Il semble qu'elle ait l'idée
de la propreté ; car elle cherche les endroits écartés
LA CIGOGNE. 1 99
pour rendre ses excréments. Elle a presque toujours
l'air triste et la contenance morne : cependant elle
ne laisse pas de se livrer à une certaine gaieté, quand
elle y est excitée par l'exemple ; car elle se prête au
badinage des enfants, en sautant et jouant avec eux.
En domesticité, elle vit long-temps, et supporte la
rigueur de nos hivers.
L'on attribue à cet oiseau des vertus morales, dont
l'image est toujours respectable : la tempérance, la
fidélité conjugale, la piété filiale et paternelle^. Il est
vrai que la cigogne nourrit très long-temps ses petits,
et ne les quitte pas qu'elle ne leur voie assez de force
pour se défendre et se pourvoir d'eux-mêmes; que
quand ils commencent à voleter hors du nid et à s'es-
sayer dans les airs, elle les porte sur ses ailes; qu'elle
les défend dans les dangers, et qu'on l'a vue, ne pou-
vant les sauver, préférer de périr avec eux plutôt
que de les abandonner^. On l'a de même vue donner
des marques d'attachement et même de reconnois-
sance pour les lieux et pour les hôtes qui l'ont reçue :
on assure l'avoir entendue claqueter en passant devant
les portes, comme pour avertir de son retour, et faire
en partant un semblable signe d'adieu. Mais ces qua-
lités morales ne sont rien, en comparaison de l'affec-
tion que marquent et des tendres soins que donnent
ces oiseaux à leurs parents trop foibles ou trop vieux.
On a souvent vu des cigognes jeunes et vigoureuses
apporter de la nourriture à d'autres, qui, se tenant
1. D'où vient que Pétrone Tappelle pietaficultrix.
2. Voyez dans Hadrien Janius l'histoire, fameuse en Hollande, de
la cigogne de Delf, qui, dans l'incendie de cette ville, après s'être
inuiilemeat efforcée d'enlever ses petits, se laissa brûler avec eux.
200 lA CIGOGNE.
sur le bord du nid, paroissoient languissantes et af-
foiblîes, soit par quelque accident passager, soit que
réellement la cigogne, comme l'ont dit les anciens,
ait le touchant instinct de soulager la vieillesse, et
que la nature, en plaçant jusque dans les cœurs bruts
ces pieux sentiments auxquels les cœurs humains ne
sont que trop souvent infidèles, ait voulu nous en
donner l'exemple. La loi de nourrir ses parents fut
faite en leur honneur, et nommée de leur nom chez
les Grecs. Aristophane en fait une ironie amère con-
tre l'homme.
Elien assure que les qualités morales de la cigogne
étoient la première cause du respect et du culte des
Égyptiens pour elle^; et c'est peut-être un reste de
cette ancienne opinion qui fait aujourd'hui le préjugé
du peuple, qui est persuadé qu'elle apporte le bon-
heur à la maison où elle vient s'établir.
Chez les anciens ce fut un crime de donner la
mort à une cigogne, ennemie des espèces nuisi-
bles. En Thessalie, il y eut peine de mort pour le
meurtre d'un de ces oiseaux : tant ils étoient précieux
1. Alexandre de Myndes, dans Elien, dit que les cigognes cassées
de vieillesse se rendent à certaines îles de l'Océan . et là , en récom-
pense de leur piété, sont changées en hommes. Dans les augures,
l'apparition de la cigogne signifioit union et concorde; son départ
dans une calamité étoit du plus funeste présage. Paul Diacre dit
qu'Attila s'attacha à la prise d'Aquilée , dont il alloit lever le siège,
ayant vu des cigognes s'enfuir de la ville, emmenant leurs petits.
Dans les hiéroglyphes, elle signifioit piéîé et bienfaisance, vertus que
son nom exprime dans une des plus anciennes langues {chasida , en
hébreu, pia , benefica , suivant Bochart; c/iazir , pins , beneficus) , et
dont on la voit souvent l'emblème, comme sur ces deux belles mé-
dailles de L. Antonius , données dans Fulvius-Ursinus , et sur deux
autres de Q. Mcteilus , surnommé U Pieux au rapport de Patercule.
LA CIGOGNE. :201
à ce pays, qu'ils purgeoient des serpents. Dans le Le-
vant, on conserve encore une partie de ce respect
pour la cigogne. On ne la mangeoit pas chez les Ro-
mains : un homme qui, par un luxe bizarre, s'en fit
servir une , en fut puni par les railleries du peuple.
Au reste, la chair n'en est pas assez bonne pour être
recherchée, et cet oiseau, ne notre ami et presque
notre domestique, n'est pas fait pour être notre
victime.
«»a»r^»»s<8-&»»»»a *fr»c<8icw
LA GIGOGNE NOIRE.
Ardea nlgra, L.
Quoique dans toutes les langues cet oiseau soit dé-
signé par la dénomination de cigogne noire ^ cepen-
dant c'est plutôt par opposition au blanc éclatant de
la cigogne blanche pour la vraie teinte de son plu-
mage , qui est généralement d'un brun mêlé de
belles couleurs changeantes , mais qui de loin paroît
noir.
Elle a le dos, le croupion , les épaules, et les cou-
vertures des ailes , de ce brun changeant en violet et
en vert doré; la poitrine, le ventre, les cuisses, en
plumes blanches, ainsi que les couvertures du dessous
de la queue, qui est composée de douze plumes d'un
brun à reflets violets et verts. L'aile est formée de
trente pennes d'un brun changeant avec reflets, où
le vert, dans les dix premières, est plus fort, et le
violet dans les vingt autres; les plumes de l'origine
du cou sont d'un brun lustré de violet, lavées de grî-
202 LA CIGOGNE NOIÏIE.
sâtre à la pointe; la gorge et le cou sont couverts de
petites plumes brunes, terminées par un point blan-
châtre; ce caractère cependant manque à plusieurs
individus : le haut de la tête est d'un brun mêlé d'un
lustre de violet et de vert doré; une peau très rouge
entoure l'œil; le bec est rouge aussi, et la partie nue
des jambes, les pieds, et les ongles, sont de cette
même couleur, en quoi néanmoins il paroît y avoir de
la variété, quelques naturalistes, comme WiHugliby,
faisant le bec verdâtre, ainsi que les pieds. La taille
est très peu au dessous de celle de la cigogne blan-
che; l'envergure des ailes est de cinq pieds six
pouces.
Sauvage et solitaire, la cigogne noire, n° 099, fuit
les habitations et ne fréquente que les marais écartés.
Elle niche dans l'épaisseur des bois, sur de vieux ar-
bres , particulièrement sur les plus hauts sapins. Elle
est commune dans les Alpes de Suisse ; on la voit au
bord des lacs, guettant sa proie , volant sur les eaux,
et quelquefois s'y plongeant rapidement pour saisir
un poisson. Cependant elle ne se borne pas à pêcher
pour vivre ; elle va recueillant les insectes dans les
herbages et les prés des montagnes; on hii trouve
dans les intestins des débris de scarabées; et lorsque
Pline a dit qu'on avoit vu l'ibis dans les Alpes, il a
pris la cigogne noire pour cet oiseau d'Egypte.
On la trouve en Pologne, en Prusse, et en Li-
thuanie , en Silésie , et dans plusieurs autres endroits
de l'Allemagne; elle s'avance jusqu'en Suède, par-
tout cherchant les lieux marécageux et déserts. Quel-
que sauvage qu'elle paroisse, on la captive, et même
on la prive jusqu'à un certain point. Klein assure en
LA CIGOGNE NOIRl-. 203
avoir nourri une pendant quelques années dans un
jardin. Nous ne sommes pas assuré par témoins qu'elle
voyage comme la cigogne blanche, et nous ignorons
si les temps de ses migrations sont les mêmes : ce-
pendant il y a tout lieu de le croire ; car elle ne pour-
roit trouver sa nourriture pendant l'hiver, même
dans nos contrées.
L'espèce en est, moins nombreuse et moins répan-
due que celle de la cigogne blanche ; elle ne s'établit
guère dans les mêmes lieux, mais semble la rem-
placer dans les pays qu'elle a négligé d'habiter. En
remarquant que la cigogne noire est très fréquente en
Suisse, Wormius ajoute qu'elle est tout-à-fait rare en
Hollande, où l'on sait que les cigognes blanches sont
en très grand nombre. Cependant la cigogne noire
est moins rare en Italie que la blanche, et on la voit
assez souvent, au rapport de Willughby, avec d'au-
tres oiseaux de rivage, dans les marchés de Rome,
quoique sa chair soit de mauvais suc, d'un fort goût
de poisson , et d'un fumet sauvage.
M *««>♦»«**««*»»« »e«««>e*« «
OISEAUX ETRANGERS
QUI ONT RAPPORT A LA CIGOGNE.
LE MAGUARL
Ardea Maguari. GiMEl.
Le maguari est un grand oiseau des climats chauds
de l'Amérique, dont Marcgrave a parlé le premier.
204 LK MAGUARI.
Il est de la taille de la cigogne, et, comme elle, il
claquette du bec, qu'il a droit et pointu, verdâtre à
la racine, bleuâtre à la pointe, et long de neuf pou-
ces ; tout le corps , la tête, le cou, et la queue, sont
en plumes blanches un peu longues et pendantes au
bas du cou ; les pennes et les grandes couvertures de
Taile sont d'un noir lustré de vert , et, quand elle est
pliée, les pennes les plus proches du corps égalent
les extérieures, ce qui est ordinaire dans tous les oi-
seaux de rivage ; le tour des yeux du maguari est dé-
nué de plumes et couvert d'une peau d'un rouge vif;
sa gorge est de même garnie d'une peau qui peut
s'enfler et former une poche; l'œil est petit et bril-
lant, l'iris en est d'un blanc argenté : la partie nue
de la jambe et les pieds sont rouges ; les ongles ,
de même couleur, sont larges et plats. Nous ignorons
si cet oiseau voyage comme la cigogne , dont il paroît
être le représentant dans le Nouveau-Monde ; la loi du
climat paroît l'en dispenser, et même tous les autres
oiseaux de ces con trées, où des saisons toujours égales,
et la terre sans cesse féconde , les retiennent sans be-
soin et sans aucun désir de changer de climat. Nous
ignorons do même les autres habitudes naturelles de
cet oiseau , et presque tous les faits qui ont rapport à
l'histoire naturelle des vastes régions du Nouveau-
Monde ; mais doit-on s'en plaindre ou même s'en
étonner, quand on sait que l'Europe n'envoya, pen-
dant si long-temps, dans ces nouveaux climats, que
des yeux fermés aux beautés de la nature, et des cœurs
encore moins ouverts aux sentiments qu'elle inspire?
LE COURICACA. 2o5
C«V««^««>S«<««<$«4«<^<»v~&⻫>
LE COURICACA.
Tantalus loculator. L.
Cet oiseau, n° 868, naturel à la Guiane, au Brésil ,
et à quelques contrées de rAmérique septentrionale
où il voyage , est aussi grand que la cigogne, mais il a
le corps plus mince, plus élancé, et il n'atteint à la
hauteur de la cigogne que par la longueur de son
cou et de ses jambes, qui sont plus grandes à propor-
tion : il en diffère aussi par le bec , qui est droit sur
les trois quarts de sa longueur, mais courbé à la pointe,
très fort, très épais, sans rainures, uni dans sa ron-
deur, et allant en se grossissant près de la tote, où il a
six à sept pouces de toursur prèsde huit de longueur;
ce gros et long bec est de substance très dure et
tranchant par les bords. L'occiput et le haut du cou
sont couverts de petites plumes brunes, rudes quoi-
que effilées; les pennes de l'aile et de la queue sont
noires, avec quelques reflets bleuâtres et rougeâtres:
tout le reste du plumage est blanc. Le front est chauve
et n'est couvert, comme le tour des yeux, que d'une
peau d'un bleu obscur. La gorge, tout aussi dénuée de
plumes, est revêtue d'une peau susceptible de s'enfler
et de s'étendre , ce qui a fait donner à cet oiseau, par
Catesby , le nom de pélican des bols (ivood-pelican) :
dénomination mal appliquée; car la petite poche du
couricaca est différente de celle de la cigogne, qui
peut également dilater la peau de sa gorge; au lieu
que le pélican porte un grand sac sous le bec, et que
206 LE COUlllCACA.
d'ailleurs il a les pieds palmés. M. Brisson se trompe
en rapporlant le couricaca au genre des courlis, aux-
quels il n a nul rapport , nulle relation. Pison paroîl
être la cause de cette erreur, parla comparaison qu'il
fait de cet oiseau avec le courlis des Indes de Clusius,
qui est le courlis rouge; et cette méprise est d'autant
moins pardonnable que, dans la ligne précédente,
Pison régale au cygne en grandeur : il se méprend
moins en lui trouvant du rapport dans le bec avec le
bec de l'ibis, qui est en effet différent du bec des
courlis.
Quoi qu'il en soit, ce grand oiseau est fréquent,
selon Marcgrave, sur la rivière de Séregippe ou de
Saint-François : il nous a été envoyé de la Guiane, et
c'est le même que Barrère désigne sous les noms de
grue à bec courbé et de grand courlis américain ; dé-
nomination à laquelle auroientpu se tromper ceux qui
ont fait de cet oiseau un courlis , mais que M. Brisson,
par une autre méprise, a rapportée au jabiru.
Au reste , Catesby nous apprend qu'il arrive tous
les ans de nombreuses volées de couricacas à la Caro-
line vers la fin de l'été, temps auquel les grandespîuies
tombent dans ce pays; ils fréquentent les savanes
noyées par ces pluies; ils se posent en grand nombre
sur les plus hauts cyprès^; ils s'y tiennent dans une
attitude fort droite; et, pour supporter leur bec pe-
sant, ils le reposent sur leur cou replié : ils s'en re-
tournent avant le mois de novembre. Catesby ajoute
qu'ils sont oiseaux stupides, qui ne s'épouvantent
point , et qu'on les tire à son aise ; que leur chair est
1. Sorte d'arbres de l'A mérique septentrionale, différenls de nos
cjprcs.
LE COIJIIICACA. 207
très bonne à man^^er, quoiqu'ils ne se nourrissent que
de poissons et d'animaux aquatiques.
»»»»»o^<«<W«Oi»
LE JABIRU.
M y et er la amer le an a. L.
En multipliant les reptiles sur les plages noyées de
l'Amazone et de l'Orénoque, la nature semble avoir
produit en môme temps les oiseaux destructeurs de
ces espèces nuisibles ; elle paroît même avoir propor-
tionné leur force à celle des énormes serpents qu'elle
leur donnoit à combattre, et leur taille à la profon-
deur du limon sur lequel elle les envoyoit errer.
L'un de ces oiseaux est le jabiru , n° 817, beau-
coup plus grand que la cigogne, supérieur en hau-
teur à la grue, avec un corps du double d'épaisseur, et
le premier des oiseaux de rivage, si on donne la
primauté à la grandeur et à la force.
Le bec du jabiru est une arme puissante; il a treize
pouces de longueur sur trois de largeur à la base; il
est aigu, tranchant, aplati par les côtés en manière
de hache, et implanté dans une large tête portée sur
un cou épais et nerveux : ce bec, formé d'une corne
dure, est légèrement courbé en arc vers le haut, ca-
ractère dont on trouve une première trace dans le
bec de la cigogne noire. La tête et les deux tiers du
cou du jabiru sont couverts d'une peau noire et nue,
chargée à l'occiput de quelques poils gris ; la peau
du bas du cou, sur quatre à cinq pouces de haut, est
d'un rouge vif et forme un beau et large collier à cet
208 LE JABIRU.
oiseau , dont le plumage est entièrement blanc ; le
bec est noir; les jambes sont robustes, couvertes de
grandes écailles noires comme le bec, et dénuées de
plumes, sur cinq pouces de hauteur; le pied en a
treize; le ligament membraneux paroît aux doigts et
s'engage de plus d'un pouce et demi du doigt extérieur
à celui du milieu.
"Willughby dit que le jabiru égale au moins le cy-
gne en grosseur ; ce qui est vrai , en se figurant néan-
moins le corps du cygne moins épais et plus allongé,
et celui du jabiru monté sur de très hautes échasses.
Il ajoute que son cou est aussi gros que le bras d'un
homme; ce qui est encore exact. Du reste, il dit que
la peau du cou est blanche et non rouge ; ce qui peut
venir de la dififérence du mort au vivant , la couleur
rouge ayant été suppléée et indiquée par une peinture
dans l'individu qui est au Cabinet du Roi. La queue
est large et ne s'étend pas au delà des ailes pliées.
L'oiseau en pied a au moins quatre pieds et demi de
hauteur verticale; ce qui, en développement, vu la
longueur du bec, feroit près de six pieds : c'est le
plus grand oiseau de la Guiane.
Jonston et Willughby n'ont fait que copier Marc-
grave au sujet du jabiru ; ils ont aussi copié ses figu-
res, avec les défauts qui s'y trouvent; et il y a dans
Marcgrave môme une confusion ou plutôt une mé-
prise d'éditeur que nos nomenclateurs, loin de cor-
riger, n'ont fait qu'augmenter, et que nous allons
tâcher d'éclaircir.
« Le jabiru des Brasiliens, que les Holiandois ont
nommé negro^ dit Marcgrave, a le corps plus gros
que celui du cygne et de même longueur; le cou est
LE JABIRU. 209
gros comme le bras d'un homme , la tête grande à
proportion; l'œil noir; le bec noir, droit, long de
douze pouces, large de deux et demi, tranchant par
les bords; la partie supérieure est un peu soulevée et
plus forte que l'inférieure; et tout le bec est légère-
ment courbé vers le haut. »
Sans aller plus loin , et à ces caractères frappants et
uniques, on ne peut méconnoître le jabiru de la
Guiane, c'est-à-dire le grand jabiru que nous venons
de décrire sur l'oiseau même ; cependant on voit avec
surprise , dans Marcgrave , au dessous de ce corps
épais qu'il vient de représenter, et de ce bec singu-
lier arqué en haut, un bec fortement arqué en bas,
un corps effilé et sans épaisseur, en un mot, un oi-
seau, à la grosseur du cou près, totalement différent
de celui qu'il vient de décrire : mais, en jetant les
yeux sur l'autre page, on aperçoit sous son jabiru des
Pétivares ou nliandu-apoa des Tupinambes^ qu'il dit
de la taille de la cigogne^ avec le bec arqué en bas^ un
grand oiseau au port droit, au corps épais, au bec ar-
qué en haut, et qu'on reconnoît parfaitement pour
être le grand jabiru, le véritable objet de sa descrip-
tion précédente, à la grosseur du bec près, qui n'est
pas exprimée dans la figure; il faut donc reconnoitre
ici une double erreur, l'une de gravure et l'autre de
transposition , qui a fait prêter au nliandu-apoa le cou
épais du jabiru , et qui a placé ce dernier sous la de-
scription du nhandu-apoa, tandis que la figure de ce-
lui-ci se voit sous la description du jabiru.
Tout ce qu'ajoute Marcgrave sert à éclaircir cette
méprise et à prouver ce que nous venons d'avancer:
il donne au jabiru brasilien de fortes jambes noires.
210 LE JABIRL.
écailleuses, hautes de deux pieds; tout le corps cou-
vert de plumes blanches; le cou nu, revêtu d'une
peau noire aux deux tiers depuis la tête, et formant
au dessous un cercle qu'il dit blanc , mais que nous
croyons rouge dans l'anima! vivant : voilà en tout et
dans tous ses traits notre grand jabiru de la Guiane.
A.U reste, Pison ne s'est point trompé comme Marc-
grave : il donne la véritable figure du grand jabiru
sous son vrai nom àa jabiru giiacu; et il dit qu'on le
rencontre aux bords des lacs et des rivières dans les
lieux écartés; que sa chair, quoique ordinairement
très sèche, n'est point mauvaise. Cet oiseau engraisse
dans la saison des pluies : et c'est alors que les In-
diens le mangent le plus volontiers; ils le tuent aisé-
ment à coups de fusil et même à coups de flèches. Du
reste, Pison trouve aux pennes des ailes un reflet de
rouge que nous n'avons pu remarquer dans l'oiseau
qui nous a été envoyé de Cayenne , mais qui peut bien
se trouver dans les jabirus du Brésil.
LE NANDAPOA.
Ibis Nandapoa. Yieill.
Cet oiseau, beaucoup plus petit que le jabiru, a
néanmoins été nommé grand jabiru {jabiru guacu)
dans quelques contrées où le vrai jabiru n'étoit appa-
remment pas encore connu; mais son vrai nom bra-
silien est nandapoa. Il ressemble au jabiru en ce qu'il
a de même la tête et le liaut du cou dénués de plumes
€t recouverts seulement d'une peau écailleuse ; mais
LE NANDAPOA. 2 1 I
il en diffère par le bec, qui est arqué en bas, et qui
n'a que sept pouces de longueur. Cet oiseau est à peu
près de la taille de la cigogne; le sommet de sa tête
est couvert d un bourrelet osseux d'un blanc grisâtre;
les yeux sont noirs; les oreilles sont larges et très ou-
vertes ; le cou est long de dix pouces, les jambes le
sont de huit, les pieds de six , ils sont de couleur cen-
drée ; les pennes de l'aile et de la queue , qui ne passe
pas l'aile pliée, sont noires, avec un reflet d'un beau
rouge dans celle de l'aile; le reste du plumage est
blanc; les plumes du bas du cou sont un peu longues
et pendantes. La chair de cet oiseau est de bon goût
et se mange après avoir ètc dépouillée de sa peau.
Il est encore clair que cette seconde description de
Marcgrave convient à sa première figure, autant que
la seconde convient à la description du jabiru du Bré-
sil, ou de notre grand Jabiru de la Guiane , qui est
certainement le même oiseau. Telle est la confusion
qui peut naître, en histoire naturelle, d'une légère
méprise, et qui ne fait qu'aller en croissant quand,
satisfaits de se copier les uns les autres sans discussion,
sans étude de la nature, les nomenclateurs ne multi-
plient les livres qu'au détriment de la science.
LA GRUE\
Ardea gras. L.
De tous les oiseaux voyageurs c'est la grue, n* 769,
qui entreprend et exécute les courses les plus loin-
1. En latin, gras; en italien gru , grua; en espagnol, grulla ,
gruz; en allemand, krane, kranich; en anglois , craiie.
^12 LA GRUE.
taines et les plus hardies. Originaire du lîord, elle vi-
site les régions tempérées et s'avance dans celles du
midi. On la voit en Suède, en Ecosse, aux îles Orca-
des; dans la Podolie, la Volhinie , la Lithuanie, et
dans toute l'Europe septentrionale. En automne elle
vient s'abattre sur nos plaines marécageuses et nos
terres ensemencées ; puis elle se hâte de passer dans
les climats plus méridionaux, d'où, revenant avec le
printemps, on la voit s'enfoncer de nouveau dans le
nord et parcourir ainsi un cercle de voyages avec le
cercle des saisons.
Frappés de ces conlinueîles migrations, les anciens
l'appeloient également Volseaii de Lybie et Voiseaii de
Scythie y la voyant tour à tour arriver de l'une et de
l'autre de ces extrémités du monde alors connu. Hé-
rodote, aussi bien qu'Aristote, place en Scythie l'été
des grues. C'est en effet de ces régions quepartoient
celles qui s'arretoient dans la Grèce. La Thessalie est
appelée, dans Platon, le pâturage des grues : elles
s'y abattoient en troupes et couvroient aussi les îles
Cyclades : pour marquer la saison de leur passage leur
voixj, dit Hésiode, annonce du haut des airs au labou-
reur le temps d'ouvrir la terre. L'Inde et l'Ethiopie
étoicnt des régions désignées pour leur route au
midi.
Strabon dit que les Indiens mangent les œufs des
grues ; Hérodote que les Egyptiens couvrent de leurs
peaux des boucliers ; et c'est aux sources du iNil que
les anciens les envoyoient battre des Pygmées, sorte
de petits hommes^ dit Aristote, montés sur de petits che-
vauXj, et qui habitent des cavernes, Pline arme ces
petits hommes de flèches; il les fait porter par des
LA «tRUE. 2i3
béliers et descendre au printemps des montagnes de
l'Inde , où ils habitent sous un ciel pur, pour venir
vers la mer orientale soutenir, trois mois durant, la
guerre contre les grues, briser leurs œufs, enlever
leurs petits, sft/is qiioi^ dit-il , Us ne potirr oient résister
aux troupes toujours plus nombreuses de ces oiseaux ^
qui même finirent par les accabler à ce que pense
Pline lui-même, puisque , parcourant des villes main-
tenant désertes ou ruinées, et que d'anciens peuples
habitèrent, il compte celle de Gerania^ où viv oit au-
trefois la race des Pygmées ^ quon croit en avoir été
chassés par les grues.
Ces fables anciennes^ sont absurdes, dira-t-on,
et j'en conviens : mais, accoutumés à trouver dans
ces fables des vérités cachées, et des faits qu'on
n'a pu mieux connoître, nous devons être sobres à
porter ce jugement trop facile à la vanité et trop natu-
rel à l'ignorance ; nous aimons mieux croire que
quelques particularités singulières dans l'histoire de
ces oiseaux donnèrent lieu à une opinion si répan-
due dans une antiquité qu'après avoir si souvent
taxée de mensonges, nos nouvelles découvertes nous
ont forcés de reconnoître instruite avant nous. On
sait que les singes, qui vont en grandes troupes
dans la plupart des régions de l'Afrique et de l'Inde,
font une guerre continuelle aux oiseaux; ils cherchent
à surprendre leur nichée et ne cessent de leur dresser
des embûches. Les grues, à leur arrivée, trouvent
ces ennemis, peut-être rassemblés en grand nombre
pour attaquer cette nouvelle et riche proie avec plus
1. Elles précèdent le temps d'Homère . qui compare {Iliade, Viv. III)
les Trojens aux grues combattant à grand bruil les Pjgmées.
2l4 LA GRUE.
d'avantage; les grues, assez sûres de leurs propres
forces, exercées même entre elles aux combats, et
naturellement assez disposées à la lutte, comme il pa-
roît par les attitudes où elles se jouent, les mouve-
ments qu'elles affectent, et à l'ordre des batailles par
celui même de leur vol et de leur départ, se défen-
dent vivement : mais les singes, acharnés à enlever
les œufs et leurs petits, reviennent sans cesse et
en troupes au combat; et comme par leurs stratagè-
mes, leurs mines, et leurs postures, ils semblent
imiter les actions humaines, ils parurent être une
troupe de petits hommes à des gens peu instruits, ou
qui n'aperçurent que de loin, ou qui, emportés par
l'amour de l'extraordinaire, préférèrent de mettre ce
merveilleux dans leurs relations^. Voilà l'origine et
l'histoire de ces fables.
Les grues portent leur vol très haut et se mettent
en ordre pour voyager; elles forment un triangle à
peu près isocèle, comme pour fendre l'air plus aisé-
ment. Quant le vent se renforce et menace de les
rompre, elles se resserrent en cercle; ce qu'elles
font aussi quand l'aigle les attaque. Leur passage se
1. Ce n'est pas la première l'ois que des troupes de singes furent
prises pour des hordes de peuplades sauvages, sans compter le com-
bat des Carthaginois contre les orangs-outangs sur une côte de l'Afri-
que , et les peaux de trois femelles, pendues dans le temple de Junon
h Carthage, comme des peaux de femmes sauvages. Alexandre, péné-
trant dans les Indes, alloit tomber dans cette erreur, et envoyer sa
phalange contre une armée de pongos, si le roi Taxile ne rcût dé-
trompé , en lui faisant remarquer que cette multitude qu'on voyoit
suivre les hauteurs éloient des animaux paisibles attirés par le spec-
tacle , mais à la vérité infiniment moins inseusés , moins sanguinaires
que les déprédateurs de l'Asie.
LA GRUE. 2l5
fait le plus souvent dans la nuit, mais leur voix écla-
tante avertit de leur marche. Dans ce vol de nuit le
chef fait entendre fréquemment une voix de réclame
pour avertir de la route qu'il tient; elle est répétée
par toute la troupe, où chacune répond comme pour
faire connaître qu'elle suit et garde sa ligne.
Le vol de la grue est toujours soutenu , quoique
marqué par diverses inflexions; ses vols difl'érents ont
été observés comme des présages des changements
du ciel et de la température ; sagacité que l'on peut
bien accorder à un oiseau qui, par la hauteur où il
s'élève dans la région de l'air , est en état d'en dé-
couvrir ou sentir de plus loin que nous les mouve-
ments et les altérations. Les cris des grues dans le
jour indiquent la pluie; les clameurs plus bruyantes
et comme tumultueuses annoncent la tempête : si le
matin ou le soir on les voit s'élever et voler paisible-
ment en troupe, c'est un indice de sérénité ; au con-
traire , si elles pressentent l'orage, elles baissent leur
volet s'abattent sur terre. La grue a, comme tous les
grands oiseaux, excepté ceux de proie, quelque peine
à prendre son essor ; elle court quelques pas , ouvre
les ailes, s'élève peu d'abord, jusqu'à ce que étendant
son vol, elle déploie une aile puissante et rapide.
A terre les grues rassemblées établissent une garde
pendant la nuit, et la circonspection de ces oiseaux
a été consacrée dans les hiéroglyphes comme le sym-
bole de la vigilance. La troupe dort la tête cachée
sous l'aile, mais le chef veille la tête haute; et, si
quelque objet le frappe, il en avertit la troupe par
un cri. C'est pour le départ, dit Pline, qu'elles choi-
sissent ce chef. Mais sans imaginer un pouvoir reçu
tiïij LA G RIE.
OU donné , comme dans les sociétés humaines, on ne
peut refuser à ces animaux l'intelligence sociale de se
rassembler, de suivre celui qui appelle, qui précède,
qui dirige, pour faire le départ, le voyage, le retour,
dans tout cet ordre qu'un admirable instinct leur fait
suivre : aussi Aristole place-t-il la grue à la tête des
oiseaux qui s'attroupent et se plaisent rassemblés.
Les premiers froids de l'automne avertissent les
grues de la révolution de la saison ; elles partent alors
pour changer de ciel. Celles du Danube et de l'Alle-
magne passent sur l'Italie. Dans nos provinces de
France elles paroissent aux mois de septembre et
d'octobre , et jusqu'en novembre lorsque le temps de
Tarrière-automne est doux : mais la plupart ne font
que passer rapidement et ne s'arrêtent point; elles
reviennent au premier printemps en mars et avril.
Quelques unes s'égarent ou hâtent leur retour; car
Redi en a vu le 20 de février aux environs de Pise. Il
paroît qu'elles passoient jadis tout l'été en Angleterre,
puisque du temps de Ray, c'est-à-dire au commen-
cement de ce siècle, on les trouvoit par grandes
troupes dans les terrains marécageux des provinces
de Lincoln et de Cambridge : mais aujourd'hui les
auteurs de la Zoologie britannique disent que ces oi-
seaux ne fréquentent que fort peu l'île de la Grande-
Bretagne , où cependant l'on se souvient de les avoir
vus nicher; tellement qu'il y avoit une amende pro-
noncée contre qui briseroit leurs œufs, et qu'on
voyoit communément, suivant Turner, de petits
gruaux dans les marchés. Leur chair est en effet une
viande délicate dont les Romains faisoient grand cas.
Mais je ne sais si ce fait avancé par les auteurs de la
l A GRUE, 217
Zoologie britannique n'est pas suspect ; car ou ne
voit pas quelle est la cause qui a pu éloigner les
grues de l'Angleterre : ils auroienl au moins dû l'in-
diquer, et nous apprendre si l'on a desséché les ma-
rais des contrées de Cambridge et de Lincoln; car ce
n'est point une diminution dans l'espèce , puisque les
grues paroissent toujours aussi nombreuses en Suède,
où Linnaeus dit qu'on les voit partout dans les cam-
pagnes humides. C'est en effet dans les terres du
nord, autour des marais, que la plupart vont poser
leurs nids. D'un autre côté, Strabon assure que les
grues ne nichent que dans les régions de l'Inde ; ce
quiprouveroit, comme nous l'avons vu de la cigogne,
qu'elles font deux nichées et dans les deux climats
opposés. Les grues ne pondent que deux œufs : les
petits sont à peine élevés qu'arrive le temps du dé-
part ; et leurs premières forces sont employées à sui-
vre et accompagner leurs pères et mères dans leurs
voyages.
On prend la grue au lacet, à la passée ; l'on en fait
aussi le vol à l'aigle et au faucon. Dans certains can-
tons de la Pologne les grues sont si nombreuses que
les paysans sont obligés de se bâtir des huttes au
milieu de leurs champs de blé-sarrasin pour les en
écarter. En Perse , où elles sont aussi très communes,
la chasse en est réservée aux plaisirs du prince. Il en
est de même au Japon , où ce privilège , joint à des
raisons superstitieuses, fait que le peuple a pour les
grues le plus grand respect. On en a vu de privées, et
qui, nourries dans l'état domestique , ont reçu quel-
que éducation; et comme leur instinct les porte na-
turellement n se jouer par divers sauts, puis à luar-
2l8 LA GRUE.
cher avec une affectation de gravité , on peut les
dresser à des postures et à des danses.
Nous avons dit que les oiseaux, ayant le tissu des
os moins serré que les animaux quadrupèdes , vi-
voient à proportion plus long-temps. La grue nous
en fournit un exemple : plusieurs auteurs ont fait
mention de sa longue vie. La grue du philosophe
Leonicus Thomoeus dans Paul Jove est fameuse ; il l'a
nourrie pendant quarante ans, et l'on dit qu'ils mou-
rurent ensemble.
Quoique la grue soit granivore, comme la confor-
mation de son ventricule paroît l'indiquer, et qu'elle
n'arrive ordinairement sur les terres qu'après qu'elles
sont ensemencées, pour y chercher les grains que la
herse n'a pas couverts, elle préfère néanmoins les in-
sectes, les vers, les petits reptiles; et c'est par cette
raison qu'elle fréquente les terres marécageuses, dont
elle tire la plus grande partie de sa subsistance.
La membrane qui, dans la cigogne, engage les
trois doigts, n'en lie que deux dans la grue, celui du
milieu avec l'extérieur. La trachée-artère est d'une
conformation très remarquable ; car, perçant le ster-
num , elle y entre profondément, forme plusieurs
nœuds , et en ressort par la même ouverture pour
aller aux poumons. C'est aux circonvolutions de cet
organe et au retentissement qui s'y fait qu'on doit at-
tribuer la voix forte de cet oiseau. Son ventricule est
musculeux; il y a un double cœcum , et c'est en quoi
la grue diffère à l'intérieur des hérons , qui n'ont
qu'un cœcum, comme elle en e>st à l'extérieur très
distinguée par sa grandeur, par le bec plus court, la
taille plus fournie , et par toute l'habitude du corps et
LA GRUE. 219
la couieur du plumage. Ses ailes sont très grandes,
garnies de forts muscles, et ont vingt-quatre pennes.
Le port de la grue est droit, et sa figure est
élancée. Tout le champ de son plumage est d'un
beau cendré clair, onde, excepté les pointes des ailes
et la coiffure de la tête ; les grandes pennes de l'aile
sont noires; les plus près du corps s'étendent, quand
l'aile est pliée, au delà de la queue; les moyennes
et grandes couvertures sont d'un cendré assez clair
du côté extérieur, et noires au côté intérieur aussi
bien qu'à la pointe ; de dessous ces dernières et les
plus près du corps sortent et se relèvent de larges
plumes à filets qui se troussent en panache , re-
tombent avec grâce , et, par leur flexibilité, leur po-
sition, leur tissu, ressemblent à ces mêmes plumes
dans l'autruche. Leur bec, depuis sa pointe jusqu'aux
angles, a quatre pouces; il est droit , pointu, com-
primé par les côtés; sa couleur est d'un noir verdâtre
blanchissant à la pointe : la langue, large et courte,
est dure et cornée à son extrémité. Le devant des
yeux , le front , et le crâne , sont couverts d'une peau
chargée de poils noirs assez rares pour la laisser voir
comme à nu. Cette peau est rouge dans l'animal vi-
vant, différence que Belon établit entre le mâle et
la femelle , dans laquelle cette peau n'est pas rouge.
Une portion de plumes d'un cendré très foncé couvre
le derrière de la tête et s'étend un peu sur le cou.
Les tempes sont blanches, et ce blanc, se portant
sur le haut du cou , descend à trois ou quatre pou=
ces. Les joues , depuis le bec et au dessous des yeux,
ainsi que la gorge et une partie du devant du cou ,
sont d'un cendré noirâtre.
220 LA GÏIUK.
Il se trouve parfois des grues blanches; Longolius
et d'autres disent en avoir vu. Ce ne sont que des va-
riétés dans l'espèce, qui admet aussi des différences
très considérables pour la grandeur. M. Brisson ne
donne que trois pieds un pouce à sa grue , mesurée
de la pointe du bec à celle de la queue, et trois pieds
neuf pouces, prise du bout des ongles : il n'a donc
décrit qu'une très petite grue. Willughby compte
cinq pieds anglois , ce qui fait à peu près quatre pieds
huit pouces de longueur, et il dit qu'elle pèse jusqu'à
dix livres, sur quoi les ornithologistes sont d'accord
avec lui. Au Cabinet du Ptoi un individu , pris à la
vérité entre les plus grands, a quatre pieds deux
pouces de hauteur verticale en attitude; ce qui feroit
un développement, ou le corps étendu de l'extré-
mité du bec à celle des doigts, de plus de cinq pieds;
la partie nue des jambes a quatre pouces; les pieds
sont noirs et ont dix pouces et demi.
Avec ses grandes puissances pour le vol et son
instinct voyageur, il n'est pas étonnant que la grue
se montre dans toutes les contrées et se transporte
dans tous les climats; cependant nous doutons que,
du côté du midi, elle passe le tropique. En effet,
toutes les régions où les anciens les envoient hiver-
ner, la Libye, le haut du Nil, l'Inde des bords du
Gange, sont en deçà de celte limite, qui étoit aussi
celle de l'ancienne géographie du côté du midi ; et
ce qui nous le fait croire, outre l'énormité du voyage,
c'est que, dans la nature, rien ne passe aux extrê-
mes : c'est un degré modéré de température que
les grues habitantes du Septentrion viennent cher-
cher l'hiver dans le midi, et non le brûlant été de la
L\ GRUE. 221
zone torride. Les marais et les terres humides où elles
vivent, et qui les attirent, ne se trouvent point au
milieu des terres arides et des sables ardents; ou si
des peuplades de ces oiseaux, parvenues de proche
en proche en suivant les chaînes des montagnes où la
température est moins ardente, sont allées habiter
le fond du midi, isolées dès lors et perdues dans ces
régions, séquestrées de la grande masse de l'espèce ,
elles n'entrent plus dans le système de ses migrations,
et ne sont certainement pas du nombre de celles que
nous voyons voyager vers le nord : telles sont en par-
ticulier ces grues que Rolbe dit se trouver en grand
nombre au cap de Bonne-Espérance , et les mêmes exac-
tement que celles d'Europe ; fait que nous aurions pu
ne pas regarder comme bien certain sur le témoignage
seul de ce voyageur, si d'autres n'avoient aussi trouvé
des grues à des latitudes méridionales presque aussi
avancées, comme à la Nouvelle-Hollande et auxPhilip-
pines, où il paroît qu'on en distingue deux espèces.
La grue des Indes orientales, telle que les moder-
nes l'ont observée, ne paroît pas spécifiquement dif-
férente de celle d'Europe : elle est plus petite, le bec
un peu plus long, la peau du sommet de la tête
rouge et rude, s'étendant jusque sur le bec; du reste,
entièrement semblable à la nôtre, et du même plu-
mage gris cendré. C'est la description qu'en fait Wil-
luglîby , qui l'avoit vue vivante dans le parc de Saint-
James. M. Edwards décrit une autre grue envoyée
aussi des Indes. C'étoit, à ce qu'il dit, un grand et
superbe oiseau plus fort que notre grue , et dont la
hauteur, le cou tendu, étoit de près de six pieds
( anglois ). On le nourrissoit d'orge et d'autres grains.
222 LA GRUE.
Il prenoit sa nourriture avec la pointe du bec, et
d'un coup de tête fort vif en arrière il la jetoit au
fond de son gosier. Une peau rouge et nue, chargée
de quelques poils noirs, couvroit la tête et le haut du
cou; tout le plumage, d'un cendré noirâtre, étoit
seulement un peu clair sur le cou ; la jambe et les
pieds étoient rougeâtres. On ne voit pas, à tous ces
traits, de différence spécifique bien caractérisée, et
rien qui ne puisse être l'impression et le sceau des
climats : cependant M. Edwards veut que sa grande
grue des Indes soit un tout autre oiseau que celle de
Willughby ; et, ce qui le lui persuade, c'est surtout,
dit-il, la grande différence de taille; en quoi nous
pourrions être de son avis, si nous n'avions déjà re-
marqué qu'on observe entre les grues d'Europe des
variétés de grandeurs très considérables. Au reste ,
cette grue est apparemment celle des terres de l'Est
et de l'Asie à la hauteur du Japon, qui, dans ses
voyages , passe aux Indes pour y chercher un hiver
tempéré , et descend de même à la Chine , où l'on
voit un grand nombre de ces oiseaux.
C'est à la même espèce que nous paroît encore de-
voir se rapporter cette grue du Japon, vue à Rome ,
dont AIdrovande donne la description et la figure.
« Avec toute la taille de notre grue, elle avoit, dit-
il, le haut de la tête d'un rouge vif, semé de taches
noires. La couleur de tout son plumage tiroit au
blanc. » Koempfer parle aussi d'une grue blanche au
Japon; mais comme il ne la distingue en aucune
chose de la grise, dont il fait mention au même en-
droit , il y a toute apparence que ce n'est que la va-
riété qu'on a observée en Europe.
LA GRUE A COLLIER.
LA GRUE A COLLIER.
Ardea Antigone. L.
Cette grue, n" 865, nous paroît différer trop de
l'espèce commune pour que nous puissions l'en rap-
procher par les mêmes analogies que les variétés pré-
cédentes. Outre qu'elle est d'une taille beaucoup au
dessous de celle de la grue ordinaire, avec la tête
proportionnellement plus grosse, et le bec plus grand
et plus fort, elle a le haut du cou orné d'un beau
collier ronge , soutenu d'un large tour de cou blanc,
et toute la tête nue , d'un gris rougeâtre uni , et sans
ces traits de blanc et de noir qui coiffent la tête de
notre grue ; de plus celle-ci a la touffe ou le panache
de la queue du même gris bleuâtre que le corps. Cette
grue a été dessinée vivante chez madame de Bande-
ville, à qui elle avoit été envoyée des grandes Indes.
GRUES
DU NOUVEAU CONTINENT
LA GRUE BLANCHE.
Ardea amerlcana. L.
Il y a toute apparence que la grue a passé d'un
continent à l'autre, puisqu'elle fréquente de préfé-
2^4 LA GllTE BLANCHE.
lence les conlrées septentrionales de l'Europe et de
l'Asie, et que le nord est la grande route qu'ont tenue
les espèces communes aux deux mondes ; et en effet,
on trouve en Amérique une grue blanche, n° 889, et
une ou deux sortes de grues grises ou brunes : mais
la grue blanche, qui dans notre continent n'est
qu'une variété accidentelle, paroît avoir formé dans
l'autre une race constante, établie sur des caractères
assez marqués et assez distincts pour la regarder
comme très anciennement séparée de l'espèce com-
mune, modifiée depuis long-temps par l'influence du
climat. Elle est de la hauteur de nos plus grandes
grues, mais avec des proportions plus fortes et plus
c'paisses , le bec plus long , la tête plus grosse , le cou
et les jambes moins grêles. Tout son plumage est
blanc, hors les grandes pennes des ailes, qui sont
noires, et la tête, qui est brune; la couronne du
sommet est calleuse et couverte de poils noirs clair-
semés et fins , sous lesquels la peau rougeâtre paroît à
nu; une peau semblable couvre les joues; la touffe des
pennes flottantes du croupion est couchée et tom-
bante ; le bec est sillonné en dessus, et dentelé par
les bords vers le bout; il est brun et long d'environ
six pouces. Catesby a fait la description de cette grue
sur une peau entière que lui donna un Indien, qui
lui dit que ces oiseaux fréquentoient en grand nom-
bre le bas des rivières proche de la mer au commen-
cement du printemps , et qu'ils retournoient dans
les montagnes en été. « Ce fait, dit Catesby, m'a été
confirmé depuis par un blanc , qui m'a assuré que ces
oiseaux font un grand bruit par leurs cris, et qu'on
les voit aux savanes de l'embouchure de l'Aratamaha
LA GRUE BLANCHE. 225
et d'autres rivières proche Saint- Augustin , dans la
Floride, et aussi dans la Caroline; mais qu'il n'en a
jamais vu plus avant vers le nord. »
Cependant il est très certain qu'elles s'élèvent à de
plus hautes latitudes. Ce sont ces mêmes grues blan-
ches qu'on trouve en Virginie, en Canada, jusqu'à la
baie d'Hudson; car la grue blanche de cette contrée,
que donne M. Edwards, est, comme il le remarque,
exactement la même que celle de Catesby.
LA GRUE BRUNE.
Ardea canadensis. L.
Edwards décrit cette grue sous la dénomination de
grue brune et grise. Elle est d'un tiers moins grosse
que la précédente , qui est blanche ; elle a les grandes
pennes des ailes noires; leurs couvertures et scapu-
îaires , jusque sur le cou, sont d'un brun rouillé,
ainsi que les grandes plumes flottantes couchées près
du corps; le reste du plumage est cendré ; la peau
rouge de la tête n'en couvre que le front et le som-
met. Ces différences et celles de la taille, qui, dans
ce genre d'oiseau , varie beaucoup, ne sont peut-être
pas suffisantes pour séparer cette espèce de celle de
notre grue : ce sont tout au moins deux espèces voi-
sines, d'autant plus que les rapports de climats et de
mœurs rapprochent ces grues d'Amérique de nos
grues d'Europe; car elles ont l'habitude commune
de passer dans le nord de leur continent et jusque
dans les terres de la baie d'Hudson, où elles nichent.
226 LA GRUE BRUNE
et d'où elles repartent à l'approche de l'hiver, en
prenant , à ce qu'il paroît, leur route par les terres des
Illinois et des Hurons, en se portant de là jusqu'au
Mexique et peut-être beaucoup plus loin. Ces grues
d'Amérique ont donc le même instinct que celles
d'Europe ; elles voyagent de même du nord au midi ,
et c'est apparemment ce que désignoit l'Indien à
M. Catesby par la fuite de ces oiseaux de la mer
aux montagnes.
OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT A LA GRUE.
LA DEMOISELLE DE NUMIDIE.
Ardea virgo, L.
Sous un moindre module la demoiselle de Numidie,
ïi'' 2[\\ , à toutes les proportions et la taille de la grue;
c'est son port et c'est aussi le même vêtement, la
même distribution de couleurs sur le plumage, le
gris en est seulement plus pur et plus perlé; deux
touffes blanches de plumes eflilées et chevelues, tom-
bant de chaque côté de la tête de l'oiseau, lui for-
ment une espèce de coiffure; des plumes longues ,
douces, et soyeuses, du plus beau noir, sont cou-
chées sur le sommet de la tête; de semblables plumes
descendent sur le devant du cou et pendent avec
grâce au dessous; entre les pennes noires des ailes
LA DEMOISELLE DE NUMIDIE. 227
percent des touffes flexibles, allongées et pendantes.
On a donné à ce bel oiseau le nom de demoiselle ^ à
cause de son élégance dans sa parure et des gestes
mimes qu'on lui voit affecter : cette demoiselle-oiseau
s'incline en effet par plusieurs révérences; elle se
donne bon air en marchant avec une sorte d'osten-
tation , et souvent elle saute et bondit par gaieté ,
comme si elle vouloit danser.
Ce penchant , dont nous avons déjà remarqué
quelque chose dans la grue, se montre si évidemment
ici, que , depuis plus de deux mille ans, les auteurs
qui ont parlé de cet oiseau de INumidie l'ont toujours
indiqué ou reconnu par cette imitation singulière des
gestes mimes. Aristote l'appelle i* acteur ou le comé-
dien ; Pline, le danseur et le baladin; et Plutarque
fait mention de ses jeux et de son adresse. Il paroît
môme que cet instinct scénigue s'étend jusqu'à l'imi-
tation des actions du moment. Xénophon, dans Athé-
née , en paroît persuadé , lorsqu'il rapporte la ma-
nière de prendre ces oiseaux : « Les chasseurs, dit-
il , se frottent les yeux en leur présence avec de
l'eau qu'ils ont mise dans des vases, ensuite ils les
remplissent de glu et s'éloignent; l'oiseau vient s'en
frotter les yeux et les pattes à l'exemple des chas-
seurs... «Aussi Athénée, dans cet endroit, l'appelle-
t-il le copiste de l'homme; et si cet oiseau a pris de ce
modèle quelque foible talent, il paroît aussi avoir
pris ses défauts; car il a de la vanité, il aime à s'éta-
ler, il cherche à se donner en spectacle, et se met
en jeu dès qu'on le regarde ; il semble préférer le
plaisir de se montrer à celui même de manger, et
!228 LA DEMOISELLE DE MMIDÎE.
suivre , quand on le quitte , comme pour solliciter
encore un coup d'oeil.
Ce sont les remarques de MM. de TAcadémie des
Sciences sur la demoiselle de Numidie ; il y en avoit
plusieurs à la ménagerie de Versailles. Ils comparent
leur marche, leurs postures, et leurs gestes, aux
danses des Bohémiens; et Aristote lui-même semble
avoir voulu l'exprimer ainsi, et peindre leur manière
de sauter et de bondir ensemble, lorsqu'il dit qu'on
les prend quand elles dansent l'une vis-à-vis de l'autre.
Quoique cet oiseau fût fameux chez les anciens, il
en étoit néanmoins peu connu , et n'avoit été vu que
rarement en Grèce et en Italie : confiné dans son
climat , il n'avoit pour ainsi dire qu'une célébrité fa-
buleuse. Pline, en un endroit, après l'avoir nommé
le pantomime ^ le place, dans un autre passage, avec
les animaux imaginaires, les sirènes, les griffons, les
pégases. Les modernes ne l'ont connu que tard, ils
l'ont confondu avec le scops et Votus des Grecs, et
Vasio des Latins; le tout fondé sur les mines que le
hibou [otus) fait de la tête , et sur la fausse analogie
de ses deux oreilles avec la coiÛure en filets longs et
déliés qui, de chaque côté, garnit et pare la tête de
ce bel oiseau.
Les six demoiselles que l'on eut quelque temps à
la ménagerie venoient de Numidie. Nous ne trouvons
rien de plus dans les naturalistes sur la terre natale
de cet oiseau et sur les contrées qu'il habile. Les
voyageurs l'ont trouvé en Guinée, et il paroît natu-
rel aux régions de l'Afrique voisines du tropique. Il
ne seroit pas néanmoins impossible de l'habituer
1. l'oiseau Royy^j., !2.le secrétaire, 3. le CARIAM.
LA DEMOISELLE DE NUMIDIE. 229
à notre climat, de le naturaliser dans nos basses-
cours, et même d'y en établir la race. Les demoi-
selles de Numidie de la Ménagerie du Roi y ont pro-
duit; et la dernière, morte après avoir vécu environ
vingt-quatre ans, étoit une de celles qu'on y avoit
vues naître.
MM. de l'Académie donnent des détails très cir-
constanciés sur les parties intérieures de ces six oi-
seaux qu'ils disséquèrent : la tracliée- artère, d'une
substance dure et comme osseuse, étoit engagée par
une double circonvolution dans une profonde can-
nelure creusée dans le haut du sternum ; au bas de la
trachée on remarquoit un nœud osseux ayant la
forme d'un larynx séparé en deux à l'intérieur par
une languette, comme on le trouve dans l'oie et dans
quelques autres oiseaux; le cerveau et le cervelet
ensemble ne pesoient qu'une drachme et demie; la
langue étoit charnue en dessus et cartilagineuse en
dessous; le gésier étoit semblable à celui d'une poule,
et, comme dans tous les granivores, on y trouvoit
des graviers.
L'OISEAU ROYAL.
Ardea pavonia. L.
L'oiseau royal doit son nom à l'espèce de couronne
qu'un bouquet de plumes , ou plutôt de soies épa-
nouies, lui forme sur la tète. Il a de plus le port
noble, la figure remarquable, et la taille haute de
BUFFON. XXV. l5
200 L OISEAU ROYAL.
quatre pieds lorsqu'il se redresse. De belles plumes
d'un noir plombé avec reflets bleuâtres pendent le
long de son cou , s'étalent sur les épaules et le dos ;
les premières pennes de l'aile sont noires, les autres
sont d'un roux brun, et leurs couvertures rabattues
en effilées coupent et relèvent de deux plaques blan-
ches le fond sombre de son manteau ; un large oreil-
lon d'une peau membraneuse, d'un beau blanc sur
la tempe , d'un vif incarnat sur la joue, lui enveloppe
la face et descend jusque sur le bec; une toque de
duvet noir, fin et serré comme du velours, lui relève
le front , et sa belle aigrette est une houppe épaisse
fort épanouie et composée de brins touûus de cou-
leur isabelle, aplatis et filés en spirale ; chaque brin,
dans sa longueur, est hérissé de très petits filets à
pointe noire et terminé par un petit pinceau de même
couleur ; l'iris de l'œil est d'un blanc pur; le bec est
noir, ainsi que les pieds et les jambes, qui sont en-
core plus hautes que celles de la grue, avec laquelle
notre oiseau a beaucoup de rapports dans la confor-
mation : mais il en difi^ère par de grands caractères,
il s'en éloigne aussi par son origine; il est des climats
chauds, et les grues viennent des pays froids ; le plu-
mage de celles-ci est sombre, et l'oiseau royal est
paré de la livrée du midi, de cette zone ardente où
tout est plus brillant, mais aussi plus bizarre, où les
formes ont souvent pris leur développement aux dé-
pens des proportions, où, quoique tout soit plus
animé, tout est moins gracieux que dans les zones
tempérées.
L'Afrique, et particulièrement les terres de la Cam-
bra, de la Côle-d'Or, de Juida, de Fida, du cap Vert,
L*OISEAU ROYAL. 23l
sont les contrées qu'il habite. Les voyageurs rappor-
tent qu'on en voit fréquemment sur les grandes ri-
vières. Ces oiseaux y pèchent de petits poissons , et
vont aussi dans les terres pâturer les herbes et recueil-
lir des graines. Ils courent très vite, en étendant leurs
ailes et s'aidant du vent; autrement leur démarche
est lente et pour ainsi dire à pas comptés.
Cet oiseau royal, n° 265, est doux et paisible ; il
n'a pas d'armes pour offenser, n'a même ni défense ni
sauvegarde que dans la hauteur de sa taille, la rapi-
dité de sa course, et la vitesse de son vol, qui est
élevé, puissant et soutenu. Il craint moins l'homme
que ses autres ennemis; il semble même s'approcher
de nous avec confiance, avec plaisir. On assure qu'au
cap Yert ces oiseaux sont à demi domestiques, et
qu'ils viennent manger du grain dans les basses-
cours avec les pintades et les autres volailles. Ils se
perchent en plein air pour dormir, à la manière des
paons, dont ont a dit qu'ils imitoient le cri; ce qui,
joint à l'analogie du panache sur la tête , leur a fait
donner le nom de paons marins par quelques natu-
ralistes : d'autres les ont appelés paons à queue courte;
d'autres ont écrit que cet oiseau est le môme que la
grue baléarique des anciens : ce qui n'est nullement
prouvé; car Pline, le seul des anciens qui ait parlé
de la grue baléarique , ne la caractérise pas de ma-
nière à pouvoir recoanoître distinctement notre oi-
seau royal. « Le pic, dit-il, et la grue baléarique
portent également une aigrette. » Or, rien ne se res-
semble moins que la petite huppe du pic et la cou-
ronne de l'oiseau royal , qui d'ailleurs présente d'au-
2.)a L OISEAU ROYAL.
très traits remarquables par lesquels Pline pouvoit
le designer. Si cependant il étoit vrai que jadis cet
oiseau eût été apporté à Rome des îles Baléares, où
on ne le trouve plus aujourd'hui, ce fait paroîtroifc
indiquer que, dans les oiseaux comme dans les qua-
drupèdes, ceux qui hal)îtoient jadis des contrées
plus septentrionales du globe alors moins froid se
trouvent à présent retirés dans les terres du midi.
Nous avons reçu cet oiseau de Guinée, et nous
l'avons conservé et nourri quelque temps dans un
jardin. Il y becquetoit les herbes, mais particulière-
ment le cœur des laitues et des chicorées. Le fond
de sa nourriture, de celle du moins qui peut ici lui
convenir le mieux, est du riz ou sec ou légèrement
bouilli , et ce qu'on appelle crevé dans l'eau , ou au
moins lavé et bien choisi ; car il rebute celui qui
n'est pas de bonne qualité ou qui reste souillé de sa
poussière. Néanmoins il paroît que les insectes , et
particulièrement les vers de terre, entrent aussi dans
sa nourriture ; car nous l'avons vu becqueter dans la
terre fraîchement labourée, y ramasser des vers, et
prendre d'autres petits insectes sur les feuilles. Il
aime à se baigner, et l'on doit lui ménager un pelit
bassin ou un baquet qui n'ait pas trop de profondeur,
et dont l'eau soit de temps en temps renouvelée.
Pour régal on peut lui jeter dans son bassin quelques
petits poissons vivants : il les mange avec plaisir et
refuse ceux qui sont morts. Son cri ressemble beau-
coup à la voix de la grue; c'est un son retentissant
(clayigor)^ assez semblable aux accenls rauques d'une
trompette ou d'un cor. Il fail entendre ce cri par
L OISEAU KOYAI. 2j5
reprises brèves et réitérées quand il a besoin de nour-
riture, et le soir lorsqu'il cherche à se gîter*. C'est
aussi l'expression de l'inquiétude et de l'ennui; car
il s'ennuie dès qu'on le laisse seul trop long-temps :
i! aime qu'on lui rende visite; et lorsque, après l'avoir
considéré, on se promène indifféremment sans pren-
dre garde k lui , il suit les personnes ou marche à
côté d'elles, et fait ainsi plusieurs tours de prome-
nade ; et si quelque chose lamuse , et qu'il reste en
arrière, il se hâte de rejoindre la compagnie. Dans
l'attitude du repos il se tient sur un pied ; son grand
cou est alors replié comme un serpentin ; et son corps,
affaissé et comme tremblant sur ses hautes jambes ,
porte dans une direction presque horizontale : mais
quand quelque chose lui cause de l'étonnement ou
de l'inquiétude, il allonge le cou , élève la tête, prend
un air fier, comme s'il vouloit en effet imposer par
son maintien ; tout son corps paroît alors dans une
situation à peu près verticale ; il s'avance gravement
et à pas mesurés ; et c'est dans ces moments qu'il
est beau, et que son air, joint à sa couronne, lui
mérite vraiment le nom d'oiseau royal. Ses longues
jambes, qui lui servent fort bien en montant , lui nui-
sent pour descendre; il déploie alors ses ailes pour
s'élancer ; mais nous avons été obligé d'en tenir une
courte, en lui coupant de temps en temps les plumes,
dans la crainte qu'il ne prît son essor, comme il pa-
roît souvent tenté de le faire. Au reste, il a passé cet
hiver (1778) à Paris sans paroître se ressentir des
). Cet oiseau a encore une sorte de voix, comme un grognement
ou gloussement intérieur, cloque, cloque, semblable à celui d'une
poule couveuse, mais plus rude.
254 l'oiseau royal.
ligueurs d'un climat si dififérent du sien : il avoit
choisi lui-même l'abri d'une chambre à feu pour y
demeurer pendant la nuit ; il ne manquoit pas tous
les soirs, à l'heure de la retraite, de se rendre devant
Ja porte de cette chambre, et de trompeter pour se
la faire ouvrir.
Les premiers oiseaux de cette espèce ont été ap-
portés en Europe dès le quinzième siècle par les
Portugais, lorsqu'ils firent la découverte de la côte
d'Afrique. Aldrovande loue leur beauté; mais Belon
ne paroît pas les avoir connus, et il se méprend lors-
qu'il dit que la grue baléarique des anciens est le
bihoreau. Quelques auteurs les ont appelés grues du
Japon; ce qui semble indiquer qu'ils se trouvent
dans cette île, et que l'espèce s'est étendue sur toute
la zone par la largeur de l'Afrique et de l'Asie. Au
reste , le fameux oiseau royal , ou fum-lioam des Chi-
nois, sur lequel ils ont fait des contes merveilleux,
recueillis par le crédule Kircher, n'est qu'un être de
raison, tout aussi fabuleux que le dragon qu'ils pei-
gnent avec lui sur leurs étofl'es et porcelaines.
LE CARIAMA.
Mycrodactylus cristatus. Geoff.
Nous avons vu que la nature, marchant d'un pas
égal, nuance tous ses ouvrages; que leur ensemble
est lié par une suite de rapports constants et de gra-
dations successives : elle a donc rempli par des tran-
LE CAUIAMA. 255
allions les intervalles où nous pensons lui fixer des
divisions et des coupures, et placé des productions
intermédiaires aux points de repos que la seule fati-
gue de notre esprit dans la contemplation de ses
œuvres nous a forcés de supposer. Aussi trouvons-
nous dans les formes mômes les plus éloignées des
relations qui les rapprochent; en sorte que rien n'est
vide, tout se touche, tout se tient dans la nature,
et qu'il n'y a que nos méthodes et nos systèmes qui
soient incohérents lorsque nous prétendons lui mar-
quer des sections ou des limites qu'elle ne connoît
pas. C'est par cette raison que les êtres les plus iso-
lés dans nos méthodes sont souvent, dans la réalité,
ceux qui tiennent à d'autres par de plus grands rap-
ports : telles sont les espèces du cariama, du secré-
taire, et du kamichi, qui, dans toute méthode d'or-
nithologie , ne peuvent former qu'un groupe à part,
tandis que, dans le système de la nature, ces espèces
sont plus apparentées qu'aucune autre avec diffd-
renles familles dont elles semblent constituer les de-
grés d'aflinité. Les deux premiers ont des caractères
qui les rapprochent des oiseaux de proie, le dernier
tient au contraire aux gallinacés; et tous trois appar-
tiennent encore de plus près au grand genre des oi-
seaux de rivage, dont ils ont le naturel et les mœurs.
Le cariama est un bel oiseau qui fréquente les
marécages et s'y nourrit comme le héron, qu'il sur-
passe en grandeur. Avec de longs pieds et le bas de
ia jambe nu comme les oiseaux de rivage , il a un bec
court et crochu comme les oiseaux de proie.
11 porte la tète haute sur un cou élevé. On voit sur
la racine du bec, qui est jaunâtre, une plume en
206 LE GARIAMA.
forme d'aigrette. Tout son plumage , assez semblable
à celui du faucon, est gris onde de brun; ses yeux
sont brillants et couleur d'or, et les paupières sont
garnies de longs cils noirs. Les pieds sont jaunâtres;
et les doigts , qui sont tous réunis vers l'origine par
une portion de membrane, celui du milieu est de
beaucoup plus long que les deux latéraux, dont l'in-
térieur est le plus court; les ongles sont courts et
arrondis; le petit doigt postérieur est placé si haut,
qu'il ne peut appuyer à terre , et le talon est épais et
rond comme celui de l'autruche. La voix de cet oi-
seau ressemble à celle de la poule-d'Inde; elle est
forte et avertit de loin les chasseurs qui le recherchent,
car sa chair est tendre et délicate; et, s'il en faut
croire Pison, la plupart des oiseaux qui fréquentent
les rivages dans ces régions chaudes de l'Amérique
ne sont pas inférieurs, pour la bonté de la chair, aux
oiseaux de montagne. Il dit aussi qu'on a commencé
de rendre le cariama domestique ; et par ce rapport
de mœurs , ainsi que par ceux de sa conformation ,
le cariama, qui ne se trouve qu'en Amérique, semble
être le représentant du secrétaire, qui est un grand
oiseau de l'ancien continent, dont nous allons don-
ner la description dans l'article suivant.
LE SECRETAIRE, OU LE MESSAGER.
LE SECRÉTAIRE,
ou LE MESSAGER.
Falco serpentarius. Gmel.
CEt oiseau 5 considérable par sa grandeur autant
qne remarquable par sa figure, est non seulement
d'une espèce nouvelle , mais d'un genre isolé et sin-
gulier, au point d'éluder et même de confondre tout
arrangement de méthode et de nomenclature. En
même temps que ses longs pieds désignent un oiseau
de rivage , son bec crochu indiqueroit un oiseau de
proie; il a pour ainsi dire une tête d'aigle sur un
corps de cigogne ou de grue. A quelle classe peut
donc appartenir un être dans lequel se réunissent
des caractères aussi opposés? Autre preuve que la
nature, libre au milieu des limites que nous pensons
lui prescrire, et plus riche que nos idées et plus vaste
que nos systèmes.
Le secrétaire, n° 72 1 , a la hauteur d'une grande grue
et la grosseur du coq-d'Inde. Ses couleurs sur la tête,
le cou, le dos et les couvertures des ailes, sont d'un gris
un peu plus brun que celui de la grue; elles deviennent
phis claires sur le devant du corps; il a du noir aux
pennes des ailes et de la queue, et du noir onde de gris
sur les jambes. Un paquet de longues plumes, ou plutôt
de plumes roides et noires, pend derrière son cou : la
plupart de ses plumes ont jusqu'à six pouces de lon-
gueur; il y en a de plus courtes, et quelques unes
258 LE SECRÉTAIRE, OU LE MESSAGER.
sont grises : toutes sont assez étroites vers la base et
plus largement barbées vers la pointe ; elles sont im-
plantées en haut du con. L'individu que nous décri-
vons a trois pieds six pouces de hauteur; le tarse seul
a près d'un pied. La jambe, un peu au dessus du ge-
nou, est dégarnie de plumes : les doigts sont gros et
courts, armés d'ongles crochus; celui du milieu est
presque une fois aussi long que les latéraux , qui lui
sont unis par une membrane jusque vers la moitié
de leur longueur, et le doigt postérieur est très fort.
Ces caractères n'ont point été saisis par le dessina-
teur de la planche enluminée. Le cou est gros et épais,
la tête grosse , le bec fort et fendu jusqu'au delà des
yeux : la partie supérieure du bec est également et
fortement arquée, à peu près comme dans l'aigle ,
elle est pointue et tranchante. Les yeux sont placés
dans un espace de peau nu de couleur orangée, qui
se prolonge au delà de l'angle extérieur de l'œil, et
prend son origine à la racine du bec. li a de plus un
caractère unique et qui ajoute beaucoup à tous ceux
qui font de cet oiseau un composé de natures éloi-
gnées ; c'est un vrai sourcil formé d'un seul rang de
cils noirs de six à sept lignes de longueur*, trait sin-
gulier, et qui, joint à la touffe de plumes au haut
du cou , à sa tête d'oiseau de proie, à ses pieds d'oi- "
seau de rivage, achève d'en faire un être mixte,
extraordinaire 5 et dont le modèle n'étoit pas connu.
11 y a autant de mélange dans les habitudes que
de disparité dans la conformation. Avec les armes
1. Ce sourcil a quinze ou èeizc ligues clo longueur; les cils sont ran-
gés très près les uns des autres , élargis par la base , el creusés en
iioullicre concave en dessous , convexe en dessus.
LE SECÏIETAIUE, OU LE MESSAGER. 2Zc)
des oiseaux carnassiers celui-ci n'a rien de leur fé-
rocité : il ne se sert de son bec ni pour oflenser ni
pour se défendre, il met sa sûreté dans la fuite; il
évite l'approche, il élude l'attaque , et souvent, pour
échapper à la poursuite d'un ennemi, même foible ,
on lui voit faire des sauts de huit à neuf pieds de
hauteur. Doux et gai, il devient aisément familier ;
on a merne commencé à le rendre domestique au
cap de Bonne-Espérance : on le voit assez commu-
nément dans les habitations de cette colonie, et on
le trouve dans l'intérieur des terres, à quelques lieues
de distance des rivages. On prend les jeunes dans le
nid pour les élever en domesticité, tant pour l'agré-
ment que pour l'utilité; car ils font la chasse aux
rats, aux lézards, aux crapauds et aux serpents.
M. le vicomte de Querhoent nous a communiqué
les observations suivantes au sujet de cet oiseau.
« Lorsque le secrétaire, dit cet habile or>servateur,
rencontre ou découvre un serpent , il l'attaque d'a-
bord à coups d'ailes pour le fatiguer; il le saisit en-
suite par la queue, l'enlève à une grande hauteur
en l'air, et le laisse retomber; ce qu'il répète jusqu'à
ce que le serpent soit mort. Il accélère sa course en
étendant les ailes, et on le voit souvent traverser
ainsi les campagnes, courant et volant tout ensemble.
Il niche dans les buissons, à quelques pieds de terre,
et pond deux œufs blancs avec des taches rousses.
Lorsqu'on l'inquiète, il fait entendre un croassement
sourd. Il n'est ni dangereux ni méchant; son naturel
est doux. J'en ai vu deux vivre paisiblement dans une
basse-cour, au miheu de la volaille; on les nourrîs-
soit de viande , et ils étoient avides d'intestins et de
54o LE SECRÉTAIilE, OU LE MESSAGER.
boyaux , qu'ils assujettissoient sous leurs pieds en les
mangeant, comme ils eussent fait un serpent. Tous
les soirs ils se couchoient l'un auprès de l'autre, cha-
cun la tête tournée du côté de la queue de son ca-
înarade. »
Au reste, cet oiseau d'Afrique paroît s'accommo-
der assez bien du climat de l'Europe ; on le voit dans
quelques ménageries d'Angleterre et de Hollande.
M. Vosraaër, qui l'a nourri dans celle du prince
d'Orange, a fait quelques remarques sur sa manière
de vivre. « Il déchire et avale goulûment la viande
qu'on lui jette, et ne refuse pas le poisson. Pour se
reposer et dormir il se couche le ventre et la poitrine
à terre. Un cri qu'il fait entendre rarement a du rap-
port avec celui de l'aigle. Son exercice le plus ordi-
naire est de marcher à grands pas de côté et d'autre
et long-temps, sans se ralentir ni s'arrêter; ce qui
apparemment lui a fait donner le nom de messager; »
comme il doit sans doute celui de secrétaire à ce pa-
quet de plumes qu'il porte au haut du cou, quoique
M. Vosmaër veuille dériver ce dernier nom de celui
de sagittaire j qu'il lui applique d'après un jeu au-
quel on le voit s'égayer souvent, qui est de prendre
du bec ou du pied une paille ou quelque autre brin
et de le lancer en l'air à plusieurs reprises; « car il
semble, dit M. Vosmaër, être d'un naturel gai , pai-
sible, et même timide. Quand on l'approche lorsqu'il
court ça et là avec un maintien vraiment superbe, il
fait un craquement continuel, crac ^ crac; mais re-
venu de la frayeur qu'on lui causoit en le poursui-
vant, il se montre familier et même curieux. Tandis
que le dessinateur étoit occupé à le peindre, conti-
LE SECRÉTAIRE, OU LE MESSAGER. 2^1
nue M. Vosmaër, l'oiseau vint tout près de lui regar-
der sur le papier, dans l'attitude de l'attention, le cou
tendu, et redressant les plumes de sa tête, comme
s'il admiroit sa figure. Souvent il vient les ailes éle-
vées et la tête en avant pour voir curieusement ce
qu'on fait; c'est ainsi qu'il s'approcha deux ou trois
fois de moi, lorsque j'étois assis à côté d'une table
dans sa loge pour le décrire. Dans ces moments , ou
lorsqu'il recueille avidement quelques morceaux ,
et généralement lorsqu'il est ému de curiosité ou de
désir, il redresse fort haut les longues plumes du
derrière de sa tête , qui d'ordinaire tombent, mêlées
au hasard, sur le haut du cou. On a remarqué qu'il
muoit dans les mois de juin et de février; et M. Vos-
maër dit que, quelque attention qu'on ait apportée
à l'observer, on ne l'a jamais vu boire : néanmoins ses
excréments sont liquides et blancs comme ceux du
héron. Pour manger à son aise il s'accroupit sur ses
talons, et, couché à moitié, il avale ainsi sa nourri-
ture. Sa plus grande force paroît être dans le pied.
Si on lui présente un poulet vivant, il le frappe d'un
violent coup de patte et l'abat du second. C'est en-
core ainsi qu'il tue les rats ; il les guette assidûment
devant leurs trous. En tout il préfère les animaux vi-
vants à ceux qui sont morts, et la chair au poisson.
Il n'y a pas long-temps que cet oiseau singulier
est connu, même au Cap, puisque Kolbe, ni les au-
tres relateurs de cette contrée, n'en ont pas fait men-
tion. M. Sonnerat l'a trouvé au Philippines, après
l'avoir vu au cap de Bonne-Espérance. Nous remar-
quons entre sa notice et les précédentes quelques
différences dont il semble qu'il faut tenir compte»
2l^'2 LE SECRÉTAIRE, OU LE MESSAGER.
Par exemple, M. Sonnerai peint les plumes de la
huppe comme naissantes sur le cou à intervalles in-
égaux, et les plus longues placées le plus bas : nous
n'y trouvons ni cet ordre ni cette proportion dans
l'individu que nous avons sous les yeux, car les plu-
mes sont implantées en paquet et sans ordre. 11 ajoute
qu'elles sont fléchies dans leur milieu du côté du
corps, et que les barbes en sont frisées. M. Vosmaër
les représente de même, et nous les voyons lisses
dans celui que nous venons de décrire. Ces diffé-
rences sont-elles dans les objets ou dans les descrip-
tions? Il en paroît une plus considérable dans la cou-
leur du plumage. M. Yosmaër dit qu'il est d'un gris
plombé bleuâtre ; nous le voyons gris tirant au brun.
Il dit le bec bleuâtre; nous le voyons noir en dessus,
blanc en dessous. L'individu que nous décrivons, et
qui est conservé dans le cabinet de M. le docteur
Mauduit , n'a pas non plus deux plumes excédantes
à la queue ; seulement elles dépassent de cinq pouces
l'aile pliée. Mais un autre de ces oiseaux, sur lequel
a été dessinée la planche enluminée, porte ces deux
longues plumes telles que les ont décrites MM. Vos-
maër et Sonnerat. Il nous paroît que c'est le carac-
tère du mâle. Au reste , ce dernier naturaliste ne
s'exprime pas bien en attribuant au secrétaire un bec
de gallinacé : c'est réellement un bec d'oiseau de
proie; et d'ailleurs M. Sonnerat remarque lui-même
que cet oiseau est Carnivore^.
En pensant à ses mœurs sociales et familières, et
à la facilité de l'élever en domesticité, on est porté
i. Voyagea la NouiclleOi.inrc, page 88.
LE SECRÉTAIRE, OU LE MESSAGER. 2/\5
à croire qu'il seroit avantageux de le multiplier, par-
ticulièrement dans nos colonies, où il pourroit servir
à la destruction des reptiles nuisibles et des rats.
LE KAMICHL
Palamedea cornuta. L.
Ce n'est point en se promenant dans nos campagnes
cultivées, ni même en parcourant toutes les terres du
domaine de l'homme, que l'on peut connoître les
grands effets des variétés de la nature : c'est en se
transportant des sables brûlants de la torride aux gla-
cières des pôles , c'est en descendant du sommet des
montagnes au fond des mers, c'est en comparant les
déserts avec les déserts, que nous la jugerons mieux
et l'admirerons davantage. En effet, sous le point de
vue de ses sublimes contrastes et ses majestueuses
oppositions, elle paroît plus grande en se montrant
telle qu'elle est. Nous avons ci-devant^ peint les dé-
serts arides de l'Arabie pétrée, ces solitudes nues où
l'homme n'a jamais respiré sous l'ombrage, où la
terre sans verdure n'offre aucune subsistance aux ani-
maux, aux oiseaux, aux insectes, où tout paroît mort,
parce que rien ne peut naître, et que l'élément né-
cessaire au développement des germes de tout être
vivant ou végétant, loin d'arroser la terre par des
ruisseaux d'eau vive, ou de la pénétrer par des pluies
fécondes, ne peut même l'humecter d'une simple
\. Voyez le tome XVI de cette Histoire natuvellc , arîicle du Clia^
mena , page 5 90.
244 ^^ KAMICHI.
rosée. Opposons ce tableau d'une sécheresse absolue
dans une terre trop ancienne à celui des vastes plai-
nes de fange des savanes noyées du nouveau conti-
nent; nous y verrons par excès ce que l'autre n'offroit
que par défaut : des fleuves d'une largeur immense ,
tels que l'Amazone, la Plata, l'Orénoque , roulant à
grands flots leurs vagues écumantes, et se débordant
en toute liberté, semblent menacer la terre d'un en-
vahissement, et faire effort pour l'occuper tout en-
tière. Des eaux stagnantes et répandues près et loin
de leur cours couvrent le limon vaseux qu'elles ont
déposé : et ces vastes marécages, exhalant leurs va-
peurs en brouillards fétides, communiqueroient à
l'air l'infection de la terre, si bientôt elles ne retorn-
boient en pluies précipitées par les orages, ou dis-
persées par les vents; et ces plages, alternativement
sèches et noyées, où la terre et l'eau semblent se dis-
puter des possessions illimitées, et ces broussailles
de mangles jetées sur les confins indécis de ces deux
éléments ne sont peuplées que d'animaux immondes
qui pullulent dans ces repaires, cloaque de la na-
ture , où tout retrace l'image des déjections mons-
trueuses de l'antique limon. Les énormes serpents
tracent de larges sillons sur cette terre bourbeuse ;
les crocodiles, les crapauds, les lézards, et mille au-
tres reptiles à larges pattes, en pétrissent la fange;
des millions d'insectes, enflés par la chaleur humide,
en soulèvent la vase, et tout ce peuple impur ram-
pant sur le limon ou bourdonnant dans l'air qu'il
obscurcit encore, toute cette vermine dont fourmille
la terre, attire de nombreuses cohortes d'oiseaux ra-
visseurs, dont les cris confus, multipliés, et mêlés
LE KAMI cm. 245
aux coassements des reptiles, en troublant le silence
de ces affreux déserts, semblent ajouter la crainte à
l'horreur pour en écarter l'homme et en interdire
l'entrée aux autres êtres sensibles; terres d'ailleurs
impraticables, encore informes, et qui ne serviroient
qu'à lui rappeler l'idée de ces temps voisins du pre-
mier chaos, où les éléments n'étoient pas séparés,
où la terre et l'eau ne faisoient qu'une masse com-
mune , et où les espèces vivantes n'avoient pas encore
trouvé leur place dans les différents districts de la
nature.
Au milieu de ces sons discordants d'oiseaux criards
et de reptiles coassants, s'élève par intervalles une
grande voix qui leur en impose à tous, et dont les
eaux retentissent au loin : c'est la voix du kamichi ,
grand oiseau noir très remarquable par la force de
son cri et par celle de ses armes; il porte sur chaque
aile deux puissants éperons, et sur la tête une corne
pointue^ de trois ou quatre pouces de longueur sur
deux ou trois lignes de diamètre à sa base ; cette
corne, implantée sur le haut du front, s'élève droit
et finit en une pointe aiguë un peu courbée en avant,
et vers sa base elle est revêtue d'un fourreau sem-
blable au tuyau d'une plume. Nous parlerons des épe-
rons ou ergots que portent aux épaules certains oi-
seaux, tels que les jacanas, plusieurs espèces de
pluviers, de vanneaux, etc. Mais le kamichi est, de
tous, le mieux armé; car, indépendamment de sa
1. Les sauvages de la Guiane l'ont nommé kamichi ; ceux du Brésil
l'appellent anhima; et sur la rivière des Amazones, cahuitahu , par
imitation de son grand cri , que Marcgrave rend plus précisément par
vyhou, vihou , et qu'il dit avoir quelque chose de terrible.
BUFFOK. XXV. iG
'J.\6 LE RAlilîCHI.
corne à la lele, il a sur chaque aileron deux éperons
qui sont dirigés en avant lorsque l'aile est pliée : ces
éperons sont des apophyses de los du métacarpe, et
sortent de la partie antérieure des deux extrémités
de cet os. L'éperon supérieur est le plus grand; il est
triangulaire, long de deux pouces, large de neuf
lignes à sa base , un peu courbé en finissant en pointe ;
il est aussi revêtu d'un étui de même substance que
celui qui garnit la base de la corne. L'apophyse in-
férieure du métacarpe , qui fait le second éperon , n'a
que quatre lignes de longueur et autant de largeur à
sa base, et elle est recouverte d'un fourreau comme
l'autre.
Avec cet appareil d'armes très offensives, et qui le
rendroient formidable au combat, le kamichi , n°45 1 ,
n'attaque point les autres oiseaux, et ne fait la guerre
qu'aux reptiles : il a même les mœurs douces et le
naturel profondément sensible; car le mâle et la fe-
melle se tiennent toujours ensemble; fidèles jusqu'à
la mort, l'amour qui les unit semble survivre à la
perte que l'un ou l'autre fait de sa moitié; celui qui
reste erre sans cesse en gémissant, et se consume
près des lieux où il a perdu ce qu'il aime.
Ces aff"ections touchantes forment dans cet oiseau,
avec sa vie de proie, le même contraste en qualités
morales que celui qui se trouve dans sa structure
physique : il vit de proie, et cependant son bec est
celui d'un oiseau granivore ; il a des éperons et une
corne, et néanmoins sa tète ressemble à celle d'un
gallinacé ; il a les jambes courtes, mais les ailes et la
queue fort longues. La partie supérieure du bec s'a.
vancc sur l'inférieure, et se recourbe un peu à sa
LE KAMICHI. 247
pointe ; la tète est garnie de petites plumes duvetées,
relevées, et comme demi-bouclées, mêlées de noir
et de blanc : ce même plumage frisé couvre le haut
du cou ; le bas est revêtu de plumes plus larges , plus
fournies , noires au bord , et grises en dedans : tout
le manteau est noir brun, avec des reflets verdâtres,
quelquefois mêlé de taches blanches ; les épaules
sont marquées de roux, et cette couleur s'étend sur
le bord des ailes, qui sont très amples; elles attei-
gnent presque au bout de la queue, qui a neuf pouces
de longueur. Le bec, long de deux pouces, est large
de huit lignes et épais de dix à sa base. Le pied,
joint à une petite partie nue de la jambe, est haut de
sept pouces et demi; il est couvert d'une peau rude
et noire , dont les écailles sont fortement exprimées
sur les doigts, qui sont très longs; celui du milieu ,
l'ongle compris, a cinq pouces : ces ongles sont demi-
crochus, et creusés par dessous en gouttière; le pos-
térieur est d'une forme particulière , étant efïilé ,
presque droit, et très long comme celui de l'alouette.
La grandeur totale de l'oiseau est de trois pieds. Nous
n'avons pas pu vérifier ce que dit Marcgrave de la
dilTérence considérable de grandeur qu'il indique en-
tre le mrde et la femelle; plusieurs de ces oiseaux que
nous avons vus nous ont paru à peu près de la gros-
seur et de la taiile de la poule-d'Inde.
Wilhighby remarque, avec raison, que l'espèce du
kamichi est seule dans son genre. Sa forme est en
effet composée de parties disparates, et la nature lui
adonné des attributs extraordinaires, la corne sur la
iôte suffit seule pour en faire une espèce isolée, et
même un phénomène dans le genre entier des oi-
2l\S LE KAMICHI.
seaux : c'est donc sans aucun fondement que Barrère
en a fait un aigle, puisqu'il n'en a ni la tête, ni le bec,
ni les pieds. Pison dit avec raison que le kamichi est
un oiseau demi-aquatique; il ajoute qu'il construit
son nid en forme de four au pied d'un arbre; qu'il
marche le cou droit, la tôle haute, et qu'il hante les
forêts. Cependant plusieurs voyageurs nous ont as-
suré qu'on le trouve encore plus souvent dans les
savanes.
LE HÉRON COMMUN'.
PREMIÈRE ESPÈCE MOYENNE.
Ardea major^ et Ardea cinerea. L.
Le bonheur n'est pas également départi à tous les
êtres sensibles : celui de l'homme vient de la douceur
de son âme, et du bon emploi de ses qualités morales;
le bien-être des animaux ne dépend au contraire que
des facultés physiques, et de l'exercice de leurs forces
corporelles. Mais si la nature s'indigne du partage in~
juste que la société fait du bonheur parmi les hom-
mes, elle-même dans sa marche rapide paroît avoir
négligé certains animaux, qui, par imperfection d'or-
ganes, sont condamnés à endurer la souflrance, et
1. En latin, ardea, ardeota (le nom d'ardeola, quoique diminutif ,
signifie souvent simplement le héron clans les meilleurs auteurs , comme
Aldrovande le remarque); en italien, airone, sgarza ; ep espagnol et
en portugais, garza; en allemand, reiger; en suisse, reigei : en an-
glois, héron, common héron.
LE IIÉBON COMiMUN. ^49
destinés à éprouver la pénurie : enfants disgraciés,
nés dans le dénuement pour vivre dans la privation ,
leurs jours pénibles se consument dans les inquiétu-
des d'un besoin toujours renaissant : souffrir et pa-
tienter sont souvent leurs seules ressources; et cette
peine intérieure trace sa triste empreinte jusque sur
leur figure, et ne leur laisse aucune des grâces dont
la nature anime tous les êtres heureux. Le héron
nous présente l'image de cette vie de souffrance .
d'anxiété , d'indigence : n'ayant que l'embuscade pour
tout moyen d'industrie , il passe des heures , des
jours entiers à la même place, immobile au point de
laisser douter si c'est un être animé. Lorsqu'on l'ob-
serve avec une lunette (car il se laisse rarement appro-
cher), il paroît comme endormi, posé sur une pierre,
le corps presque droit et sur un pied , le cou replié
le long de la poitrine et du ventre, la tête et le bec
couchés entre les épaules, qui se haussent et excè-
dent de beaucoup la poitrine; et s'il change d'atti-
tude, c'est pour en prendre une encore plus con-
trainte en se mettant en mouvement : il entre dans
l'eau jusqu'au dessus du genou , la tête entre les jam-
bes, pour guetter au passage une grenouille, un
poisson. Mais réduit à attendre que sa proie vienne
s'offrir à lui, et n'ayant qu'un instant pour la saisir, il
doit subir de longs jeûnes, et quelquefois périr d'i-
nanition; car il n'a pas l'instinct, lorsque l'eau est
couverte de glace, d'aller chercher à vivre dans les
climats plus tempérés; et c'est mal à propos que
quelques naturalistes l'ont rangé parmi les oiseaux
de passage qui reviennent an printemps dans les lieux
qu'ils ont quittés l'hiver, puisque nous voyons ici des
55o Lli HÉRON COMMUN.
hérons dans toutes les saisons, et même pendant les
froids les plus rigoureux et les plus longs : forcés alors
de quitter les marais et les rivières gelées, ils se tien-
nent sur les ruisseaux et près des sources chaudes;
et c'est dans ce temps qu'ils sont le plus en mouve-
ment, et où ils font d'assez grandes traversées pour
changer de station, mais toujours dans la même con-
trée. Ils semblent donc se multiplier à mesure que le
froid augmente, et ils paroissent supporter également
et la faim et le froid; ils ne résistent et ne durent qu'à
force de patience et de sobriété; mais ces froides ver-
tus sont ordinairement accompagnées du dégoût de
la vie. Lorsqu'on prend un héron, on peut le garder
quinze jours sans lui voir chercher ni prendre au-
cune nourriture; il rejette même celle qu'on tente
de lui faire avaler : sa mélancolie naturelle, augmen-
tée sans doute parla captivité, l'emporte sur l'in-
stinct de sa conversation, sentiment que la nature
imprime le premier dans le cœur de tous les êtres
animés; l'apathique héron semble se consumer sans
languir ; il périt sans se plaindre et sans apparence
de regret^.
L'insensibilité , l'abandon de soi-même , et quel-
ques autres qualités tout aussi négatives , le carac-
térisent mieux que ses facultés positives : triste et
solitaire, hors le temps des nichées, il ne paroît
connoîlre aucun plaisir, ni même les moyens d'éviter
la peine. Dans les plus mauvais temps, il se tient isolé,
découvert , posé sur ;m pieu ou sur une pierre , au
bord d'un ruisseau, sur une butte, au milieu d'une
1. Expérience faite par M. Hébert, aux belles observations de qui
nous devons les principaux faits de l'histoire naturelle du héron
LE HÉRON COMMUN. 25 1
prairie inondée : tandis que les autres oiseaux cher-
chent l'abri des feuillages ; que , dans les mêmes lieux,
le râle se met à couvert dans l'épaisseur des herbes,
et le butor au milieu des roseaux; notre héron misé-
rable reste exposé à toutes les injures de l'air et à la
plus grande rigueur des frimas. M. Hébert nous a in-
formé qu'il en avoit pris un qui étoit à demi gelé et
tout couvert de verglas. Il nous a de même assuré
avoir trouvé souvent sur la neige ou la vase l'impres-
sion des pieds de ces oiseaux, et n'avoir jamais suivi
leurs traces plus de douze ou quinze pas; preuve du
peu de suite qu'ils mettent à leur quête , et de lein^
inaction même dans le temps du besoin. Leurs lon-
gues jambes ne sont que des échasses inutiles à la
course : ils se tiennent debout et en repos absolu
pendant la plus grande partie du jour ; et ce repos
leur tient lieu de sommeil, car ils prennent quelque
essor pendant la nuit^ : on les entend alors crier en
l'air à toute heure et dans toutes les saisons; leur voix
est un son unique, sec et aigre, qu'on pourroit com-
parer au cri de l'oie, s'il n'étoit plus bref et un peu
plaintif 2 ; ce cri se repète de moment à moment , et
se prolonge sur un ton plus perçant et très désagréa-
ble , lorsque l'oiseau ressent de la douleur.
Le héron, n** 287, ajoute encore aux malheurs de
sa chétive vie le mal de la crainte et de la défiance ;
il paroît s'inquiéter et s'alarmer de tout; i! fuit
1. Les anciens l'avoient observé ; Eustache, sur le dixième livre de
VlUade, dil que le héron pêche la nuit.
2. Kleixeln, clangere, étoit le mot dont se t^ervoieat les (irecs , dès
le tempp d'Homère, pour exprimer le cri du héron. Voyex l'Iliade^
liv. X.
25:i LE HÉRON COMMUN.
l'homme de très loin : souvent assailli par l'aigle et
le faucon, il n'élude leur attaque qu'en s'ëlevant au
haut des airs et s'efforçant de gagner le dessus ; on
le voit se perdre avec eux dans la région des nuages^.
C'étoit assez que la nature eût rendu ces ennemis
trop redoutables pour le malheureux héron 2, sans y
ajouter l'art d'aigrir leur instinct et d'aiguiser leur
antipathie. Mais la chasse du héron étoit autrefois
parmi nous le vol le plus brillant de la fauconnerie ;
il faisoit le divertissement des princes, qui se réser-
voient comme gibier d'honneur la mauvaise chair de
cet oiseau, qualifiée viande royale , et servie comme
un mets de parade dans les banquets.
C'est sans doute cette distinction attachée au hé-
ron qui fit imaginer de rassembler ces oiseaux, et
de tâcher de les fixer dans des massifs de grands bois
près des eaux, ou même dans des tours, en leur of-
frant des aires commodes où ils venoient nicher. On
tiroit quelque produit de ces héronnièrespar la vente
des petits héronneaux que Ion savoit engraisser. Be-
îon parle avec une sorte d'enthousiasme des héron-
nières que François P"" avoit fait élever à Fontaine-
bleau, et du grand efi'et de l'art qui avoit soumis à
l'empire de l'homme des oiseaux aussi sauvages. Mais
cet art étoit fondé sur leur naturel même : les hérons
i. On prétend que, pour dernière défense, il passe la tête sous son
aile, et présente son bec pointu à l'oiseau ravisseur, qui, fondant avec
impétuosité, s'y perce lui-même.
'A. Les anciens lui en donnoient d'autres, foibles en apparence ,
mais pourtant redoutables , en ce qu'ils l'attaquoient dans ce qu'il
avoit de plus cher : l'alouette, qui lui rompoit ses œufs; le pic [pipo,
pipra)^ qui lui tuoit ses petits.ll n'avoit contre tous ces ennemis que
l'inutile amitié de la corneîUe.
LE HÉRON COMMUN. 253
se plaisent à nicher rassemblés; ils se réunissent pour
cela plusieurs dans un même canton de forêt^, sou-
vent sur un même arbre. On peut croire que c'est
la crainte qui les rassemble, et qu'iis ne se réunissent
que pour repousser de concert , ou du moins étonner
par leur nombre, le milan et le vautour. C'est au plus
haut des grands arbres que les hérons posent leurs
nids, souvent auprès de ceux des corneilles; ce qui
a pu donner lieu à l'idée des anciens sur l'amitié éta-
blie entre ces deux espèces, si peu faites pour aller
ensemble. Les nids du héron sont vastes, composés
de bûchettes, de beaucoup d'herbe sèche, de joncs,
et de plumes. Les œufs sont d'un bleu verdâtre, pâle
et uniforme , de même grosseur à peu près que ceux
de la cigogne, mais un peu plus allongés et presque
également pointus par les deux bouts. La ponte, à ce
qu'on nous assure, est de quatre ou cinq œufs; ce
qui devroit rendre l'espèce plus nombreuse qu'elle
ne paroît l'être partout. Il périt donc un grand nom-
bre de ces oiseaux dans les hivers : peut-être aussi
qu'étant mélancoliques et peu nourris, ils perdent
de bonne heure la puissance d'engendrer.
Les anciens , frappés apparemment de l'idée de la
vie souffrante du héron , croyoient qu'il éprouvoit de
la douleur, même dans l'accouplement; que le mâle,
dans ces instants, répandoit du sang parles yeux, et
jetoit des cris d'angoisse. Pline paroît avoir puisé
1. Il n'est point de pays où l'on ne connoisse de ces bois que les
lierons affectionnent, où ils se rassemblent, et qui sont des héron-
nières naturelles. C'est non seulement sur les grands chênes, mais aussi
dans les bois de sapins, qu'ils se réunissent, comme Schwenckfeld le
remarque de certaines forêts de Silésie.
254 I-E HÉRON COMMUN.
dans Aristote cette fause opinion, dont Théophraste
se montre également prévenu : mais on le réfutoit
déjà du temps d'Albert , qui assure avoir plusieurs
fois été témoin de l'accouplement des hérons, et
n'avoir vu que les caresses de l'amour et les crises
du plaisir. Le mâle pose d'abord un pied sur le dos
de la femelle , comme pour la presser doucement de
céder; puis, partant les deux pieds en avant, il s'a-
baisse sur elle, et se soutient dans cette attitude par
de petits battements d'ailes. Lorsqu'elle vient à cou-
ver, le mâle va à la pêche, et lui fait part de ses cap-
tures; et l'on voit souvent des poissons tomber de leurs
nids. Du reste, il ne paroît pas que les hérons se
nourrissent de serpents ni d'autres reptiles; et l'on
ne sait sur quoi pouvoit être fondée la défense de
les tuer en Angleterre.
Nous avons vu que le héron adulte refuse de man-
ger, et se laisse mourir en domesticité; mais, pris
jeune, il s'apprivoise, se nourrit et s'engraisse. Nous
en avons fait porter du nid à la basse-cour ; ils y ont
vécu d'entrailles de poissons et de viande crue, et se
sont habitués avec la volaille : ils sont même suscep-
tibles , non pas d'éducation , mais de quelques mou-
vements communiqués; on en a vu qui avoient appris
à tordre le cou de différentes manières, à l'entortil-
ler autour du bras de leur maître : mais dès qu'on
cessoit de les agacer, ils retomboient dans leur tris-
tesse naturelle, et demeuroient immobiles. Au reste,
les jeunes hérons sont, dans le premier âge, assez
long-temps couverts d'un poil follet épais , principa-
lement sur la tête et le cou.
Le héron prend beaucoup de grenouilles; il les
LE HÉRON COMMUN. 255
avale tout entières. On le reconnoît à ses excréments,
qui en offrent les os non brisés et enveloppés d'une
espèce de mucilage visqueux de couleur verte, formé
apparemment de la peau des grenouilles réduite en
colle. Ses excréments ont , comme ceux des oiseaux
d'eau en général, une qualité brûlante pour les her-
bes. Dans la disette il avale quelques petites plantes,
telles que la lentille d'eau; mais sa nourriture ordi-
naire est le poisson. Il en prend assez de petits , et
il faut lui supposer le coup de bec sûr et prompt
pour atteindre et frapper une proie qui passe comme
un trait; mais pour les poissons un peu gros, Wil-
lughby dit, avec toute sorte de vraisemblance, qu'il
en pique et en blesse beaucoup plus qu'il n'en tire
de l'eau. En hiver, lorsque tout est glacé et qu'il est
réduit aux fontaines chaudes, il va tâtant de son pied
dans la vase, et palpe ainsi sa proie, grenouille ou
poisson.
Au moyen de ses longues jambes, le héron peut
entrer dans l'eau de plus d'un pied sans se mouiller.
Ses doigts sont d'une longueur excessive : celui du
milieu est aussi long que le tarse ; l'ongle qui le ter-
mine est dentelé^ en dedans comme un peigne, et
lui fait un appui et des crampons pour s'accrocher
aux menues racines qui traversent la vase sur laquelle
il se soutient au moyen de ses longs doigts épanouis.
Son bec est armé de dentelures tournées en arrière,
par lesquelles il retient le poisson glissant. Son cou
se plie souvent en deux, et il sembîeroït que ce mou-
1. Celte dentelure en peigue est creusée sur la tranche dilatée et
saillante du côté intérieur de l'ongle , sans s'étendre jusqu'à sa pointe,
qui est aiguë tt lisse.
256 LE HÉRON COMMUN.
vement s'exécute au moyen d une charnière ; car on
peut encore faire jouer ainsi le cou plusieurs jours
après la mort de l'oiseau. Willughby a mal à propos
avancé, à ce sujet, que la cinquième vertèbre du
cou est renversée et posée en sens contraire des au-
tres; car, en examinant le squelette du héron, nous
avons compté dix-huit vertèbres dans le cou , et nous
avons seulement observé que les cinq premières, de-
puis la tête, sont comme comprimées par les côtés,
et articulées l'une sur l'autre par une avance de la
précédente sur la suivante, sans apophyses, et que
l'on ne commence à voir des apophyses que sur la
sixième vertèbre. Par cette singularité de conforma-
lion, la partie du cou qui tient à la poitrine se roi-
dit, et celle qui tient à la tête joue en demi-cercle
sur l'autre , ou s'y applique de façon que le cou , la
tête et le bec , sont plies en trois l'un sur l'autre ;
l'oiseau redresse brusquement , et comme par res-
sort, cette moitié repliée, et lance son bec comme
un javelot. En étendant le cou de toute sa longueur, il
peut atteindre au moins à trois pieds à la ronde. En-
lin , dans un parfait repos, ce cou si démesurément
long est comme effacé et perdu dans les épaules , aux-
quelles la tête paroît jointe. Ses ailes pliées ne débor-
dent point la queue, qui est très courte.
Pour voler, ilroidit ses jambes en arrière, renverse
le cou sur le dos , le plie en trois parties , y compris
la tête et le bec, de façon que d'en bas on ne voit
point de tête , mais seulement un bec qui paroît sor-
tir de sa poitrine. Il déploie des ailes plus grandes à
proportion que celles d'aucun oiseau de proie : ces
ailes sont fort concaves, et frappent l'air par un mou-
LE HÉRON COMMUN. 207
vement égal et réglé. Le héron, par ce vol uniforme,
s'élève et se porte si haut, qu'il se perd à la vue dan^^
la région des nuages. C'est lorsqu'il doit pleuvoir
qu'il prend le plus souvent son vol, et les anciens
tiroient de ses mouvements et de ses attitudes plu-
sieurs conjectures sur l'état de l'air et les change-
ments de température : triste et immobile sur le sable
des rivages, il annonçoit des frimas ; plus remuant et
plus clameux qu'à l'ordinaire , il promeltoit la pluie ;
la tête couchée sur la poitrine, il indiquoit le vent
par le côté où son bec étoit tourné. Aratus et Virgile,
Théophraste et Pline, établissent ces présages, qui
ne nous sont plus connus depuis que les moyens de
l'art, comme plus sûrs, nous ont fait négliger les ob-
servations de la nature en ce genre.
Quoi qu'il en soit, il y a peu d'oiseaux qui s'élè-
vent aussi haut, et qui, dans le même climat, fassent
d'aussi grandes traversées que les hérons : et souvent ,
nous dit M. Lottinger, on en prend qui portent sur
eux des marques des lieux où ils ont séjourné. Il faut
en effet peu de force pour porter très loin un corps si
mince et si maigre, qu'en voyant un héron à quelque
hauteur dans l'air on n'aperçoit que deux grandes ai-
les sans fardeau. Son corps est efflanqué, aplati par
les côtés , et beaucoup plus couvert de plumes que de
chair. Wiilughby attribue la maigreur du héron à la
crainte et à l'anxiété continuelle dans laquelle il vit,
autant qu'à la disette et à son peu d'industrie. Effec-
tivement la plupart de ceux que l'on tue sont d'une
maigreur excessive^ .
1. Arislott! coimoissoit mal le héron , lorsqu'il le dit aclil et subtil a
S[58 LE HÉRON C0M3IUN,
Tous les oiseaux de îa famille du héron n'ont qu un
seul cœcum, ainsi que les quadrupèdes, au lieu que
tous les autres oiseaux en qui se trouve ce viscère l'ont
double; l'œsophage est 1res large et susceptible d'une
grande dilatation : la trachée-artère a seize pouces de
longueur, et environ quatorze anneaux par pouce;
elle est à peu près cylindrique jusqu'à sa bifurcation ,
où se forme un renflement considérable d'où partent
les deux branches, qui, du côté intérieur, ne sont
formées que d'une membrane. L'œil est placé dans
une peau nue, verdâlre , qui s'étend jusqu'aux coins
du bec. La langue est assez longue, molle, et poin-
tue : le bec, fendu jusqu'aux yeux, présente une lon-
gue et large ouverture; il est robuste, épais près de
la tête, long de six pouces, et finissant en pointe ai-
guë. La mandibule inférieure est tranchante sur les
côtés : la supérieure est dentelée vers le bout sur près
de trois pouces de longueur; elle est creusée d'une
double rainure, dans laquelle sont placées les narines ;
sa couleur est jaunâtre, rembrunie à la pointe. La man-
dibule inférieure est plus jaune ; et les deux branches
qui la composent ne se joignent qu'à deux pouces de
la pointe; l'entre-deux est garni d'une membrane cou-
verte de plumesblanches. La gorge est blanche aussi;
et de belles mouchetures noires marquent les longues
plumes pendantes du devant du cou. Tout le dessus
du corps est d'un beau gris de perle : mais dans la fe-
melle, qui est plus petite que le mâle, les couleurs
sont plus pâles, moins foncées, moins lustrées; elle
n'a point la bande transversale noire sur la poitrine,
tîc procurer sa subsistance : sagax et cœnœ gerula et operosa. Il auroit
pn le dire, avec plus de vérité, inquiet et soucieux.
T,E HÉRON COMMUN. 269
ni d'aigretle sur la tête. Dans le mâle il y a deux ou
trois longs brins de plumes minces , effilées , flexibles ,
et du plus beau noir : ces plumes sont d'un grand
prix, surtout en Orient. La queue du héron a douze
pennes tant soit peu étagées. La partie nue de sa jambe
a trois pouces,- le tarse six, le grand doigt plus de
cinq; il est joint au doigt intérieur par une portion de
membrane : celui de derrière est aussi très long, et,
par une singularité marquée dans tous les oiseaux de
cette famille, ce doigt est comme articulé avec l'ex-
térieur, et implanté à côté du talon. Les doigts, les
pieds et les jambes de ce héron commun sont d'un
jaune verdâtre : il a cinq pieds d'envergure, près de
quatre du bout du bec aux ongles, et un peu plus de
trois jusqu'au bout de la queue; le cou a seize ou dix-
sept pouces. En marchant, il porte plus de trois pieds
de hauteur : il est donc presque aussi grand que la ci-
gogne; mais il a beaucoup d'épaisseur de corps, et
l'on sera peut-être étonné qu'avec d'aussi grandes di-
mensions le poids de cet oiseau n'excède pas quatre
livres^ .
Aristote et Pline paroissent n'avoir connu que trois
espèces dans ce genre : le héron commun, ou le grand
héron gris dont nous venons de parler, et qu'ils dési-
gnent parle nom de liéron cendré on brun^ pellos; le
héron blanc, leiikos; et le héron étoile ou le butor,
asterlas. Cependant Oppien observe que les espèces
de hérons sont nombreuses et variées. En efifet, cha-
que climat a les siennes, comme nous le verrons par
1. Un liéron mâle, pris le 10 janvier, pesoit trois livres dix onces;
une femelle, trois livres cinq onces. {Observation faite par M, Gtte-
neau de Montbeillard.)
'j6o le héron commun.
leur énumération; et l'espèce commune , celle de no-
tre héron gris, paroît s'être portée dans presque tous
les pays, et les habiter conjointement avec celles qui
sont indigènes. Nulle espèce n'est plus solitaire, moins
nombreuse dans les pays habités, et plus isolée dans
chaque contrée : mais en même temps aucune n'est
plus répandue et ne s'est portée plus loin dans des cli-
mats opposés; un naturel austère, une vie pénible,
ont apparemment endurci le héron, et l'ont rendu
capable de supporter toutes les intempéries des diffé-
rents climats. Du Tertre nous assure qu'au milieu de
la multitude de ces oiseaux naturels aux Antilles, on
trouve souvent le héron gris d'Europe ; on l'a de même
trouvé à Taiti , où il a un nom propre dans la langue
du pays*, et où les insulaires ont pour lui, comme
pour le martin-pêcheur , un respect superstitieux. Au
Japon, entre plusieurs espèces de saggis ou de hérons ,
on distingue, dit Kaempfer, le golsaggi ou le héron
gris; on le rencontre en Egypte, en Perse, en Sibé-
rie, chez les Jakutes. Nous en dirons autant du héron
de l'île de San-Iago , au cap Yert ; de celui de la baie
de Saldana; du héron de Guinée de Bosman; des hé-
rons gris de l'île de Mai ou des rabékès du voyageur
Roberts; du héron de Congo, observé par Lopez ; de
celui de Guzarate, dont parle Mandeslo; de ceux de
Malabar, de Tunquin, de Java, de ïimor, puisque
ces différents voyageurs indiquent ces hérons simple-
ment sous le nom de l'espèce commune, et sans les
en distinguer. Le héron appelé dan g c an g hac à^nsVWa
de Luçon, et auquel les Espagnols des Philippines
1. Oioo est le nom propre du liéron gris en langue taïliennc.
LE IIÉUON COMMLN. sGl
donnent en leur langue le nom propre du héron d'Eu-
rope [garza), nous paroît encore être le même. Dam-
pier dit expressément que le héron de la baie de Cam-
peche est tout semblable à celui d'Angleterre ; ce qui ,
joint au témoignagne de Du Tertre et à celui de Le Page
du Pratz, qui a vu à la Louisiane le même héron qu'en
Europe, ne nous laisse pas douter que l'espèce n'en
soit commune aux deux continents, quoique Catesby
assure qu'il ne s'en trouve dans le nouveau que des
espèces toutes différentes.
Dispersés et solitaires dans les contrées peuplées,
les hérons se sont trouvés rassemblés et nombreux
dans quelques îles désertes, comme dans celles du
golfe d'Arguim au cap Blanc, qui reçut des Portugais
le nom à' isola das garzas ou à! île aux Itérons^ parce
qu'ils y trouvèrent un si grand nombre d'œufs de ces
oiseaux qu'on en remplit deux barques. Aldsovande
parle de deux îles sur la côte d'Afrique nommées de
môme et pour la môme raison î/es des /iero?is p^v les
Espagnols. Celle du Niger, où aborda M. Adanson,
eût mérité également ce surnom , par la grande quan-
tité de ces oiseaux qui s'y étoient établis. En Europe,
l'espèce du héron gris s'est portée jusqu'en Suède ,
en Danemarck et en Norwége : on en voit en Pologne,
en Angleterre, en France, dans la plupart de nos pro-
vinces; et c'e^t surtout dans les pays coupés de ruis-
seaux ou de marais, comme en Suisse et en Hollande,
que ces oiseaux habitent en plus grand nombre.
Nous diviserons le genre nombreux des hérons en
quatre familles : celle du héron proprement dit^ dont
nous venons de décrire la première espèce; celle du
butor ^ celle du bihoreau^ et celle des crabiers. Les ca-
BUIFON. XXV. ij
26'2 LE HÉKON COMMUx\.
raclères communs qui unissent et rassemblent ces
quatre familles sont la longueur du cou ; la rectitude
du bec, qui est droit, pointu et dentelé aux bords
de sa partie supérieure vers la pointe; la longueur
des ailes, qui, lorsqu'elles sont pliées , recouvrent la
queue; la hauteur du tarse et de la partie nue de la
jambe; la grande longueur des doigts dont celui du
milieu a l'ongle dentelé, et la position singulière de
celui de derrière, qui s'articule à côté du talon, près
du doigt intérieur; enfin la peau nue, verdâtre , qui
s'étend du bec aux yeux dans tous ces oiseaux. Joi-
gnez à ces conformités physiques celles des habitudes
naturelles, qui sont à peu près les mêmes; car tous
ces oiseaux sont également habitants des marais et de
la rive des eaux ; tous sont patients par instinct, assez
lourds dans leurs mouvements, et tristes dans leur
maintien.
Les traits particuliers de la famille des hérons, dans
laquelle nous comprenons les aigrettes, sont : le cou
excessivement long, très grêle, et garni au bas de plu-
mes pendantes et effilées; le corps étroit, efflanqué,
et, dans la plupart des espèces, élevé sur de hautes
échasses.
Les butors sont plus épais de corps, moins hauts
sur jambes que le héron; ils ont le cou plus court,
et si garni de plumes qu'il paroît très gros en compa-
raison de celui du héron.
Lesbihoreaux ne sont pas si grands que les butors;
leur cou est plus court; les deux ou trois longs brins
implantés dans la nuque du cou les distinguent des
trois autres familles ; la partie supérieure de leur bec
est légèrement arquée.
LE HÉRON COMMUN. ^65
Les crabiers, qu'on ponrroit nommer petits hérons ^
forment une famille subalterne, qui n'est pour ainsi
dire que la répétition en diminutif de celle des hé-
rons; aucun des crabiers n'est aussi grand que le bé-
ron-aigretfce , qui est des trois quarts plus petit que
le héron commun; et le blongios^ qui n'est pas plus
gros qu'un râle , termine la nombreuse suite d'espè-
ces de ce genre, plus varié qu'aucun autre pour la
proportion de la grandeur et des formes.
t>'xa-e<fr»»o»ei»e»»ft»»D^e<»94t«<r«&»ge-'&ei»»if»^w
LE HERON BLANC\
SECONDE ESPÈCE.
Ardea alba. L.
Comme les espèces des hérons sont nombreuses,
nous séparerons celles de l'ancien continent, qui sont
au nombre de sept, de celles du Nouveau-Monde,
dont nous en connoissons déjà dix. La première de
ces espèces de notre continent est le héron comnnin
que nous venons de décrire ; et la seconde est celle du
liéron blanc, n° 886, qu'Aristote a indiqué par le sur-
nom de letikoSj qui désigne en effet sa couleur : il est
aussi grand que le héron gris, et même il a les jambes
encore plus hautes; mais il manque de panaches, et
c'est mal à propos que quelques nomenclateurs l'ont
confondu avec l'aigrette : tout son phunage est blanc,
1. En latin 5 leucus , ardea alba, albardeola; en italien, garza ou
garzettà bianca ; en allemand , weisser rcger ; en anglois, w/iite-hcron ,
wlùte-irauldivçr.
264 ^^ HÉRON BLAiNC.
le bec est jaune , et les pieds sont noirs. Turner sem-
ble dire qu'on a vu le héron blanc s'accoupler avec
le héron gris; mais Belon dit seulement, ce qui est
plus vraisemblable, que les deux espèces se hantent
et sont amies jusqu'à partager quelquefois la même
aire pour y élever en commun leurs petits : il paroît
donc qu'Aristote n'étoit pas bien informé lorsqu'il a
écrit que le héron blanc mettoit plus d'art à construire
son nid que le héron gris.
M. Brisson donne une description du héron blanc à
laquelle on doit ajouter que la peau, nue autour des
yeux, n'est pas toute verte, mais mêlée de jaune sur
les bords; que l'iris est d'un jaune citron; que les
cuisses sont verdâtres dans leur partie nue.
On voit beaucoup de hérons blancs sur les côtes
de Bretagne , et cependant l'espèce en est fort rare en
Angleterre, quoique assez commune dans le Nord
jusqu'en Scanie; elle paroît seulement moins nom-
breuse que celle du héron gris, sans être moins ré-
pandue, puisqu'on l'a trouvée à la Nouvelle-Zélande,
au Japon, aux Philippines, à Madagascar, au Brésil,
où il se nomme guiratinga ^ et au Mexique, sous le
nom d'aztatL
LE HÉRON NOIR.
TROISIÈME ESPÈCE.
Ardea atra. L.
ScHWENCKFELD scroit le seul des naturalistes qui
auroit fait mention de ce héron, si les auteurs de
I
LE HÉRON NOIR. 265
XOrnltlwlogle italienne ne parloient pas aussi d'un hé-
ron de Dier qu'ils disent être noir; celui de Schwenck-
feld, qu'il a vu en Silésie, c'est-à-dire loin de la mer,
pourroit donc ne pas être le même que celui des
ornithologistes italiens. Au reste, il est aussi grand
que notre héron gris : tout son plumage est noirâtre ,
avec un reflet de bleu sur les ailes. Il paroît que l'es-
pèce en est rare en Silésie : cependant on doit pré-
sumer qu'elle est plus commune ailleurs, et que cet
oiseau fréquente les mers; car il paroît se trouver à
Madagascar, où il a un nom propre : mais on ne doit
pas rapporter à cette espèce, comme l'a fait M. Klein,
Xardea cœruleo-nigra de Sloane , qui est le crabier de
Labat, qui est beaucoup plus petit, et qui , par con-
séquent, doit être placé parmi les plus petits hérons,
que nous appellerons crabiers.
LE HÉRON POURPRÉ.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Ardea purpurata. L. Gm.
Le héron pourpré du Danube donné par Marsigli, et
le héi'on pourpré huppé des planches enluminées,
n" 788, nous paroissent devoir se rapporter à une
seule et même espèce : la huppe, comme l'on sait,
est l'attribut du mâle , et les petites ditférences qui
se trouvent dans les couleurs entre ces deux hérons
peuvent de même se rapporter au sexe ou à l'âge.
Quant à la grandeur, elle est la môme; car, bien que
M. Brisson donne son héron pourpré huppé comme
266 LE HÉRON POURPRÉ.
beaucoup moins gros que le héron pourpré de Mar-
sigli, les dimensions, dans le détail ^ se trouvent être
à très peu près égales, et tous deux sont de la gran-
deur du héron gris. Le cou, l'estomac, et une partie
du dos, sont d'un beau roux pourpré; de longues
plumes effilées de cette même belle couleur partent
des côtés du dos, et s'étendent jusqu'au bout des ailes
en retombant sur la queue.
LE HERON VIOLET.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ardea leucocepliala^ et Ciconia leucocephala. Gm.
Ce héron, n'* 906, nous a été envoyé de la côte de
Cororaandei : il a tout le corps d'un bleuâtre très
foncé, teint de violet; le dessus de la tête est de la
même couleur, ainsi que le bas du cou, dont le reste
est blanc; il est plus petit que le héron gris, et n'a au
pkis que trente pouces de longueur.
LAGARZETTE BLANCHE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Ardea alba. L.
Aldkovande désigne ce héron blanc, plus petit que
le premier, par les noms de garzetta et de garza
LA GARZETTE BLANCHE. 067
blancaj en le distinguant nettement de l'aigrette,
qu'il a auparavant très bien caractérisée; cependant
M. Brisson les a confondues, et il rapporte, dans sa
nomenclature, la garza bianca d'Aldrovaride à l'ai-
grette, et ne donne à sa place, sous le titre de petit
héron blanc ^ qu'une petite espèce à plumage blanc
teint de jaunâtre sur la tête et la poitrine , qui paroît
n'être qu'une variété dans l'espèce de la garzette , ou
plutôt la garzette elle-même , mais jeune et avec un
reste de sa livrée , comme Aldrovande l'indique par
les caractères qu'il lui donne. Au reste , cet oiseau
adulte est tout blanc , excepté le bec et les pieds , qui
sont noirs; il est bien plus petit que le grand béron
blanc , n'ayant pas deux pieds de longueur. Oppian
paroît avoir connu cette espèce. Klein et Linnaeus
n'en font pas mention , et probablement elle ne se
trouve pas dans le Nord. Cependant le héron blanc
dont parle Rzaczynski, que Ton voit en Prusse, et
qui a le bec et les pieds jaunâtres, paroît être une
variété de cette espèce; car, dans le grand héron
blanc, le bec et les pieds sont constamment noirs,
d'autant plus qu'en France même cette petite espèce
de garzette est sujette à d'autres variétés. M. Hébert
nous assure avoir tué en Brie , au mois d'avril , un de
ces petits hérons blancs, pas plus gros de corps qu'un
pigeon de volière, qui avoit les pieds verts, avec l'é-
caillé lisse et fine, au lieu que les autres hérons ont
communément cette écaille des pieds d'un grain gros-
sier et farineux.
268 l'aigkette.
L'AIGRETTE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Ardea garzetta. L.
Belon est le premier qui ait donné le nom à'ai-
grette à cette petite espèce de héron blanc, et vrai-
semblablement à cause des longues plumes soyeuses
qu'il porte sur le dos, parce que ces belles plumes
servent à faire des aigrettes pour embellir et relever
la coiffure des femmes, le casque des guerriers et le
turban des sultans : ces plumes sont du plus grand
prix en Orient; elles étoient recherchées en France,
dès le temps de ces preux chevaliers qui en faisoient
des panaches. Aujourd'hui, par un usage plus doux,
elles servent à orner la tête et rehausser la taille de
nos belles : la flexibilité, la mollesse, la légèreté de
ces plumes ondoyantes, ajoutent à la grâce des mou-
vements; et la plus noble comme la plus piquante
des coiffures ne demande qu'une simple aigrette
placée dans de beaux cheveux.
Ces plumes sont composées d'une côte très déliée,
d'où partent par paires, à petits intervalles, des fdets
très fins et aussi doux que la soie ; de chaque épaule
de l'oiseau sort une touffe de ces belles plumes, qui
s'étendent sur le dos et jusqu'au delà de la queue;
elles sont d'un blanc de neige , ainsi que toutes les
autres plumes, qui sont moins délicates et plus fer-
mes : cependant il paroît que l'oiseau jeune, avant sa
l'aigrette. 26g
première mue , et peut-être plus tard, a du gris ou du
brun, et même du noir, mêlés dans son plumage..
Un de ces oiseaux, tué par M. Hébert en Bourgogne,
avoit tous les caractères de la jeunesse, et particuliè-
rement ces couleurs brunes de la livrée du premier
âge.
Cette espèce, à laquelle on a donné le nom d'ai-
grette ^ n'en est pas moins un héron; mais c'est l'un
des plus petits; il n'a communément pas deux pieds
de longueur. Adulte, il a le bec et les pieds noirs. Il
se tient de préférence aux bords de la mer, sur les
sables et les vases : cependant il perche et niche sur
les arbres comme les autres hérons.
Il paroît que l'espèce de notre aigrette d'Europe ,
II* 901 , se retrouve en Amérique, avec une autre es-
pèce plus grande dont nous donnerons la description
dans l'article suivant ; il paroît aussi que cette môme
espèce d'Europe s'est répandue dans tous les climats
et jusque dans les îles lointaines isolées, comme aux
îles Malouines et à l'île de Bourbon ; on la trouve en
Asie, dans les plaines de l'Araxe, sur les bords de la
mer Caspienne et à Siam, au Sénégal et à Madagas-
car, où on l'appelle langliouron : mais pour les ai-
grettes noires, grises et pourprées, que les voyageurs
Flaccourt et Cauche placent dans cette même île,
on peut les rapporter avec beaucoup de vraisem-
blauce à quelqu'une des espèces précédentes de hé-
rons, auxquels le panache dont leur tête est ornée
aura fait donner improprement le nom à' aigrette.
LA GRANDE AIGRETTE.
ï■»8^»g^«^9<&«^8<9>e■s■e<8■fts•«<©^««-e<ê•*»9«e*?«*«'W^*o<«pe«9<ê-e«w»<^««
HERONS
DU NOUVEAU CONTINENT,
LA GRANDE AIGRETTE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ardea egretta, L.
Toutes les espèces précédentes de hérons sont de
l'ancien continent; toutes celles qui suivent appar-
tiennent au nouveau : elles sont très nombreuses en
individus dans ces régions où leis eaux, qui ne sont
point contraintes , se répandent sur de vastes espa-
ces, et où toutes les terres basses sont noyées. La
grande aigrette, n° 926, est sans contredit la plus
belle de ces espèces, et ne se trouve pas en Europe :
elle ressemble à notre aigrette par le beau blanc de
son plumage, sans mélange d'aucune autre couleur,
et elle est du double plus grande ; et par conséquent
son magnifique parement de plumes soyeuses est d'au-
tant plus riche et plus volumineux; elle a, comme
l'aigrette d'Europe, le bec et les pieds noirs. A
Cayenne elle niche sur les petites îles qui sont dans
les grandes savanes noyées : elle ne fréquente pas les
bords de la mer ni les eaux salées , mais se tient ha-
bituellement sur les eaux stagnantes et sur les rivières,
où elle s'abrite dans les joncs. L'espèce en est assez
commune à la Guiane : mais ces grands et beaux oi-
seaux ne vont pas on troupes comme les petites ai-
ILE HERQ-N 2. LATGRETTE, t) LE BUTOR
LA GRANDE AIGRETTE. 2"^ l
grettes ; ils sont aussi plus farouches, se laissent
moins approcher , et se perchent rarement. On en
voit à Saint-Domingue, où, dans la saison sèche, ils
IVoquentent les marais et les étangs. Enfin il paroît
que cette espèce n'est pas confinée aux climats les
plus chauds de l'Amérique, car nous en avons reçu
quelques individus qui nous ont été envoyés de la
Louisiane.
L'AIGRETTE ROUSSE.
SECONDE ESPÈCE.
Ardea rufescens. L.
Cette aigrette, n° 902, avec le corps d'un gris
noirâtre , a les panaches du dos et les plumes effilées
du cou d'un roux de rouille. Elle se trouve à la Loui-
siane , et n'a pas tout-à-fait deux pieds de longueur.
LA DEMI-AIGRETTE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Ardea leucogaster. L,
Nous donnons ce nom au héron bleuâtre à ventre
blanc de Cayenne des planches enluminées, pour dé-
signer un caractère qui semble faire la nuance des
aigrettes aux hérons. En effet celui-ci, n** 35o , n'a
272 LA DEMI-AIGRETTE,
pas , comme les aigrettes , un panache sur le dos aussi
étendu, aussi fourni, mais seulement un faisceau de
brins effilés, qui lui dépasse la queue et représente,
en petit, les touffes de l'aigrette. Ces brins, que
n'ont pas les autres hérons, sont de couleur rousse.
(]et oiseau n'a pas deux pieds de longueur. Le dessus
du corps, le cou, et la tête, sont d'un bleuâtre
foncé , et le dessous du corps est blanc.
LE SOCO.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Ardea cocoL L. Gmel.
Soco, suivant Pison, est le nom générique des hé-
rons au Brésil ; nous l'appliquons à cette grande et
belle espèce dont Marcgrave fait son second héron ,
et qui se trouve également à la Guiane et aux Antilles
comme au Brésil. Il égale en grandeur notre héron
gris. Il est huppé; les plumes fines et pendantes qui
forment sa huppe, et dont quelques unes ont six
pouces de long, sont d'un joli cendré. Suivant Du
Tertre, les vieux mâles seuls portent ce bouquet de
plumes. Celles qui pendent au bas du cou sont blan-
ches et également délicates, douces, et flexibles :
l'on peut de même en faire des panaches. Celles des
épaules et du manteau sont d'un gris cendré ardoisé.
Pison, en remarquant que cet oiseau est ordinaire-^
ment assez maigre, assure néanmoins qu'il prend de
la graisse dans la saison des pluies. Du Tertre , qui
LE SOCO. 2'JÔ
l'appelle crabiery suivant l'usage des îles où ce nom
se donne aux hérons, dit qu'il n'est pas aussi com-
mun que les autres hérons, mais que sa chair est aussi
bonne, c'est-à-dire pas plus mauvaise.
»'9*«*«*»*»««*»«»»»»»«>»*e***»«-»«»*e*««<i««*6**»*»
LE HERON BLANC
A CALOTTE NOIRE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ardea egrettoides. L. Ardea alba (var., b,), Gmel.
Ce héron, n° 907 , qui se trouve à Cayenne, a tout
le plumage blanc, à l'exception d'une calotte noire
sur le sommet de la tête, qui porte un panache de
cinq ou six brins blancs. Il n'a guère que deux pieds
de longueur; il habite le haut des rivières de la
Guianc , et il est assez rare. Nous lui joindrons le hé-
ron blanc du Brésil , la différence de grandeur pou-
vant n'être qu'une différence individuelle ; la plaque
noire, ainsi que la huppe, pouvant n'appartenir qu'au
mâle et former son attribut distinctif, comme nous
l'avons déjà remarqué pour la huppe dans la plupart
des autres espèces de hérons.
LE HÉRON BRUN.
SIXIÈME ESPÈCE.
Il est plus grand que le précédent, et, comme lui,
naturel à la Guianc. Il a tout le dessus du corps d'un
2^4 ^^ HÉRON BllUN.
brun noirâtre , dont la teinte est plus foncée sur la
tête , et paroît ombrée de bleuâtre sur les ailes ; le
devant du cou est blanc, chargé de taches en pin-
ceaux brunâtres; le dessous du corps est d'un blanc
pur, n° 858.
LE HERON-AGAMI.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Ardea agami. L.
Nous ignorons sur quelle analogie peut être fondée
la dénomination de héron-agami ^ sous laquelle cette
espèce, n° 869, nous a été envoyée de Cayenne , si
ce n'est sur le rapport des longues plumes qui cou-
vrent la queue de l'agami en dépassant les pennes,
avec de longues plumes tombantes qui recouvrent et
dépassent de môme la queue de ce héron; en quoi il
a du rapport aux aigrettes. Ces plumes sont d'un bleu
clair; celles des ailes et du dos sont d'un gros bleu
foncé; le dessous du corps est roux; le cou est de cette
môme couleur en devant, mais il est bleuâtre au bas
et gros bleu en dessus ; la tête est noire , avec l'oc-
ciput bleuâtre, d'où pendent de longs filets noirs.
l'hocti. 275
!'e<»o<»»»e<»»»»^ »»»a.»&9i8'»»»a'»»a»9»c^c»»fre»»ei»fr»B»e<»»&»99»e»»8'9.e e« »
L'HOCTI.
HUITIÈME ESPÈCE.
Ardea hoactlL Gmee.
NiEREMBERG interprète le nom mexicain de cet oi-
seau, lioactU ou toloactUjf par avis sicca^ oiseau sec ou
maigre ; ce qui convient fort bien à un héron. Celui-ci
est de moitié moins grand que le héron commun. Sa
tête est couverte de plumes noires qui s'allongent sur
la nuque en panache ; le dessus des ailes et la queue
sont de couleur grise; i! a sur le dos quelques plumes
d'un noir lustré de vert : tout le reste du plumage est
blanc. La femelle porte un nom difîérent de celui du
mâle [lioacton fœmina). Elle en diffère en effet par
quelques couleurs dans le plumage ; il est brun sur
le corps, mélangé de quelques plumes blanches, et
blanc au cou, mêlé de plumes brunes.
Cet oiseau se trouve sur le lac du Mexique. II niche
dans les Joncs et a la voix forte et grave ; ce qui sem-
ble le rapprocher du butor. Les Espagnols lui don-
nent mal à propos le nom de martlnete-pescador^, car
il est très différent du martin-pêcheur.
276 LE HOHOU.
c««<y»»*»* »»
LE HOHOU.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Ardea liohu. Gmel.
C'est encore par contraction du mot xoxouqui-
hoactli^ et qui se prononce holioaquilioactll ^ que nous
avons formé le nom de cet oiseau , avec d'autant plus
de raison que holiou est son cri. Fernandès, qui nous
donne cette indication, ajoute que c'est un héron
d'assez petite espèce ; sa longueur est néanmoins de
deux coudées. Le ventre et le cou sont cendrés; le
front est blanc et noir; le sommet de la tète et l'ai-
grette à l'occiput sont d'une couleur pourprée, et les
ailes sont variées de gris et de bleuâtre. Ce héron est
assez rare ; on le voit de temps en temps sur le lac du
Mexique , oîi il paroît venir des régions plus septen-
trionales.
LE GRAND HÉRON D'AMÉRIQUE.
DIXIÈME ESPÈCE.
Ardea kerodias. L.
Bans le genre des oiseaux de marécages c'est au
Nouveau-Monde qu'appartiennent les plus grandes
comme les plus nombreuses espèces. Catesby a trouvé
LK GRAND IIEIION D AMERIQUE. 2^7
en Virginie celîe du grand liéron^ que cette dénomi-
nation caractérise assez, puisqu'il est le plus grand
de tous les hérons connus : il a près de quatre pieds
et demi de hauteur lorsqu'il est debout, et presque
cinq pieds du bec aux ongles; son bec a sept ou huit
pouces de longueur. Tout son plumage est brun ^
hors les grandes pennes de Taile qui sont noires. Il
porte une huppe de plumes brunes effilées. Il vit non
seulement de poissons et de grenouilles, mais aussi
de grands et petits lézards.
e*.**ei8>e*6«>«<8*S^
LE HÉRON DE LA BAIE D'HUDSON.
ONZIÈME ESPÈCE.
Ardea hudsoniana, L.
Ce héron est aussi très grand ; il a près de quatre
pieds du bec aux ongles. Une belle huppe d'un brun
noir, jetée en arrière , lui ombrage la tête ; son plu-
mage est d'un brun clair sur le cou, plus foncé sur
le dos et plus brun encore sur les ailes ; les épaules
et les cuisses sont d'un brun rougeâtre; l'estomac est
blanc, ainsi que les grandes plumes qui pendent du
devant du cou, lesquelles sont marquées de traits en
pinceaux bruns.
Voilà toutes les espèces de hérons qui nous sont
connues : car nous n'admettons pas dans ce nombre
la huitième espèce décrite par M. Brisson d'après AI-
drovande, parce qu'elle est donnée sur un oiseau qui
EIIFFDN. XXV. j8
S-jS LE HÉRON DE LA BAIE d'iIL'DSON.
portoit encore la livrée de son premier âge , comme
Aldrovande en avertit lui-même. Nous exclurons aussi
du genre des hérons la quatrième et la vingt-deuxième
espèce de M. Brisson, qui nousparoissent devoir être
séparées de ce genre par des caractères très sensibles,
la première ayant le bec arqué , et les jambes garnies
de plumes jusque sur le genou, et la seconde ayant
un bec court qui la rapproche plutôt du genre des
grues. Enfin nous ne comptons pas la neuvième es-
pèce de béron du même auteur, parce que nous
avons reconnu que c'est la femelle du bihoreau.
LES GRABIERS.
Ces oiseaux sont des hérons encore plus petits que
l'aigrette d'Europe. On leur a donné le nom de cra-
bierSj, parce qu'il y en a quelques espèces qui se
nourrissent de crabes de mer et prennent des écre-
visses dans les rivières. Dampier et Wafer en ont vu
au Brésil , à Mimor, à la Nouvelle-Hollande; ils soht
donc répandus dans les deux hémisphères. Barrère
dit que , quoique les crabiers des îles de l'Amérique
prennent des crabes , ils mangent aussi du poisson ,
et qu'ils pèchent sur les bords des eaux douces, ainsi
que les hérons. Nous en connoissons neuf espèces
dans l'ancien continent et treize dans le nouveau.
LK GRABIER-CAIOT. ^'JÇ)
GRABIERS
DE L'ANCIEN CONTINENT.
LE CRABIER-CAIOT.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ardea squajotta. L.
Aldrovande dit qu'en Italie, dans le Bolonois, on
appelle cet oiseau quaiot^ quaiotta_, apparemment par
quelque rapport de ce mot à son cri. Il a le bec jaune
et les pieds verts; il porte sur la tête une belle touffe
de plumes effilées, blanches au milieu, noires aux
deux bords ; le haut du corps est recouvert d'un che-
velu de ces longues plumes minces et tombantes, qui
forment sur le dos de la plupart de ces oiseaux cra-
biers comme un second manteau : elles sont, dans
cette espèce , d'une belle couleur rousse.
LE CRABIER ROUX.
SECONDE ESPÈCE.
Ardea badia. Gmel.
Selon Schwenckfeld ce crabier est rouge [ardea ru-
bra ) ; ce qui veut dire d'un roux vif et non pas marron^
î>80 LE CRABIER TîOUX.
comme traduit i\i. Brisson. IJ est de la grosseur d'une
corneille. Son dos est roux [dorso rubicundo) ; son
ventre blanchâtre ; les ailes ont une teinte de blan-
châtre et leurs grandes pennes sont noires. Ce crabier
est conuii en Silésie et s'y nomme héron rouge (rodter
reger). 11 niche sur les grands arbres.
LE CRABIER MARRON,
THOISIÈME ESPÈCE.
Ardea erythrop us, L .
ApiU'IS avoir ôté ce nom mal donné à l'espèce pré-
cédente par M. Brisson, nous l'appliquons à celle
que le même naturaliste appelle rousse^ quoique Al-
drovande la dise de couleur uniforme, passant du
jaunâtre au marron [ex croceo ad colorem custaneœ
vergens). Mais s'il n'y a pas méprise dans les expres-
sions, ces couleurs sont distribuées contre l'ordinaire,
étant plus foncées dessous le corps et plus claires sur
le dos et les ailes ; les plumes longues et étroites qui
couvrent la tête et flottent sur le cou sont variées de
jaune et de noir; un cercle rouge entoure l'œil , qui
est jaune; le bec, noir à la pointe, est vert bleuâtre
près de la tête ; les pieds sont d'un rouge foncé. Ce
crabier est fort petit ; car Aldrovande , comptant tous
les crabiers pour des hérons, dit : Cœterls ardeis ferè
omnibus minor est. Ce même naturaliste paroît donner
comme simple variété le crabier dont M. Brisson a
fait sa trente-sixième espèce. Ce crabier a les pieds
LE CRABIER iMARRON. 28 l
Jaunes et quelques taches de plus que l'autre sur les
côtés du cou; du reste il lui est entièrement sem-
blable [per omnia similis) : nous n'hésiterons donc
pas à les rapporter à une seule et même espèce. Mais
Aldrovande paroît peu fondé dans l'application parti-
culière qu'il fait du nom de clrls à cette espèce. Sca-
h"ger à la vérité prouve assez bien que le clrls de Vir-
gile n'est point l'alouette [ galerlta) , comme on
l'interprète ordinairement, mais quelque espèce d'oi-
seau de rivage aux pieds rouges^ à la tête huppée^ et
qui devientla proie de l'aigle de mer (^hallœtus) ; mais
cela n'indique pas que le clrls soit une espèce de héron
et moins encore celte espèce particulière de crabier,
qui n'est pas plus huppé que d'autres; etScaliger lui-
même applique tout ce qu'il dit du clris à l'aigrette,
quoique à la vérité avec aussi peu de certitude. C'est
ainsi que ces discussions érudites , faites sans étude
de la nature, loin de l'éclairer, n'ont servi qu'à
l'obscurcir.
LE GUACCO.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Ardea comata. L.
C'est encore ici un petit crabier connu en Italie ,
dans les vallées du Bolonois, sous le nom de sguacco.
Son dos est d'un jaune rembruni [ex^ luteo ferrugi-
neus) ; les plumes des fambes sont jaunes ; celles du
ventre blanchissantes; les plumes minces et tom»-
282 LE GTIACCO.
bantes de la tète et du cou sont variées de jaune,
de blanc, et de noir. Ce crabier est plus hardi et
plus courageux que les autres hérons. Il a les pieds
verdâtres ; l'iris de l'œil jaune, entouré d'un cercle
noir.
LE CRABIER DE MAHON.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ardea amata. Gmel.
CEt oiseau, nommé dans les planches enluminées,
n"* 548 ? héro7i huppé de Mahon^ est un crabier, même
de petite taille, et qui n'a pas dix-huit pouces de lon-
gueur. Il a les ailes blanches , le dos roussâtre , le
dessus du cou d'un roux jaunâtre, et le devant gris
blanc. Sa tête porte une belle et longue huppe de brins
gris blanc et roussâtres.
LE CRABIER DE COROMANDEL.
SIXIÈME ESPÈCE.
Ardea comata. L. ( var. , b. )
Ce crabier, n° 910, a du rapport avec le précé-
dent : il a de même du roux sur le dos, du roux
jaune et doré sur la tête et au bas du devant du cou,
ot le reste du plumage blanc; mais il est sans huppe.
LE CRABIEÏÏ DE C0R03IANDEL. 283
Celte différence, qui pourroit s'attribuer au sexe, ne
nous empôcheroit pas de le rapporter à l'espèce pré-
cédente, si celle-ci n'étoît plus grande de près de
trois pouces.
LE CRABIER BLANC ET BRUN.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Ardea malacceiisis. Gmel.
Le dos brun ou couleur de terre d'ombre, tout le
cou et la tête marqués de longs traits de cette cou-
leur sur un fond jaune, l'aile et le dessus du corps
blancs, tel est le plumage de ce crabier , n* 9 1 1 , que
nous avons reçu de Malaca : il a dix-neuf pouces de
longueur.
LE CRABIER NOIR.
HUITIÈME ESPÈCE.
Ardea Novœ-Guineœ. L.
M. Sonnerat a trouvé ce crabier, n° 926, à la
Nouvelle-Guinée ; il est tout noir et a dix pouces
de longueur. Dampier place à la Nouvelle-Guinée de
petits preneurs d'écrevisses à plumage blanc de lait; ce
pourroit être quelque espèce de crabier, mais qui ne
nous est pas jusqu'ici parvenue et que cette notice
seule nous indique.
â84 Î-E PETIT en A B 1ER.
LE PETIT CRABIER.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Ardea pliilippensis. L.
C'est assez caractériser cet oiseau , n" 898, que de
lui donner le nom de petit crahier ; il est en effet plus
petit que tous les crabiers, plus même que le blon-
glos , et n'a pas onze pouces de longueur. Il est na-
turel aux Philippines. Il a le dessus de la tête, du cou
et du dos, d'un roux brun ; le roux se trace sur le
dos par petites lignes transversales , ondulantes sur
le fond brun : le dessus de l'aile est noirâtre, frangé
de petits festons inégaux , blanc roussâtre ; les pennes
de l'aile et de la queue sont noires.
LE BLONGIOS.
DIXIÈME ESPÈCE.
Ardea mututa. L,
Le blongios est, en ordre de grandeur, la dernière
de ces nombreuses espèces que la nature a multi-
pliées en répétant la même forme sur tous les modules,
depuis la taille du grand héron, égal à la cigogne, jus-
qu'à celle du plus petit crabier et du blongios, qui
n'est pas plus grand qu'un ràlc; carie blongios ne dif-
LE BLONGIOS. 285
fère des crabiers que par les jambes un peu basses et
îe cou en proportion encore plus long : aussi les Ara-
bes de Barbarie, suivant le docteur Shaw, lui donnent-
ils le nom de boo-onk ^ long cou, ou, à la lettre, père
du cou. Il l'allonge et le jette en avant comme par
ressort en marchant , ou lorsqu'il cherche sa nour-
riture. Il a le dessus de la tête et du dos noir à re-
mets verdâtres, ainsi que les pennes des ailes et de la
queue ; le cou , le ventre , le dessus des ailes , d'un
roux marron , mêlé de blanc et de jaunâtre ; le bec
et les pieds sont verdâtres.
Il paroît que le blongios , n** v025, se trouve fré-
quemment en Suisse ; on le connoît à peine dans nos
provinces de France , où on ne l'a rencontré qu'é-
garé, et apparemment emporté par quelque coup de
vent, ou poussé de quelque oiseau de proie. Le blon-
gios se trouve sur les côtes du Levant aussi bien que
sur celles de Barbarie. M. Edwards en représente un
qui lui étoit venu d'Aiep : il différoit de celui que
nous venons de décrire, en ce que les couleurs étoient
moins foncées, que les plumes du dos étoient fran-
gées de roussâtre et celles du devant du cou et du
corps marquées de petits traits bruns; différences qui
paroissent être celles de l'âge ou du sexe de l'oiseau:
ainsi ce blongios du Levant , dont M. Brisson fait sa
seconde espèce , et le blongios de Barbarie, ou boo-
onk du docteur Shaw , sont les mômes, selon nous,
que notre blongios de Suisse.
Toutes les espèces précédentes de crabiers appar-
liennent à l'ancien continent : nous allons faire sui-
vre celles qui se trouvent dans le nouveau, en obser-
286 LE CBABIEK BLEU.
vant pour les crabiers la même distribution que pour
les hérons.
CRABIERS
DU NOUVEAU CONTINENT.
LE CRABIER BLEU.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ardea cœrulea. L.
Ce crabier est très singulier en ce qu'il a le bec
bleu comme tout le plumage , en sorte que sans ses
pieds verts il seroit entièrement bleu : les plumes du
cou et de la tête ont un beau reflet violet sur bleu ;
celles du bas du cou, du derrière de la tête et du
bas du dos, sont minces et pendantes; ces dernières
ont jusqu'à un pied de long, elles couvrent la queue
et la dépassent de quatre doigts. L'oiseau est un peu
moins gros qu'une corneille, et pèse quinze onces.
On en voit quelques uns à la Caroline, et seulement
au printemps; néanmoins Catesby ne paroît pas croire
qu'ils y fassent leurs petits, et il dit qu'on ignore d'où
ils viennent. Cette même belle espèce se trouve à la
Jamaïque, et paroît même s'être divisée en deux ra-
ces ou variétés dans cette île.
4
LE CTIABIER BLEU A COU BRUN. '- 287
LE CRABIER BLEU A COU BRUN.
SECONDE ESPÈCE.
Jrdea cœrulea. L. (var., b.)
Tout le corps de ce crabier, n" 349, ^^* ^'"^ h\en
sombre; et, malgré cette teinte très foncée, nous
n'en eussions fait qn une espèce avec la précédente ,
si la tête et le cou de celui-ci n'étoient d'un roux
brun et le bec d'un Jaune foncé , au lieu que le pre-
mier a la tête et le bec bleus. Cet oiseau se trouve
à Cayenne et peut avoir dix-neuf pouces de longueur.
LE CRABIER GRIS DE FER.
TROISIÈME ESPÈCE.
Ardea violacea. L.
Cet oiseau, que Catesby donne pour un butor, est
certainement un petit héron ou crabier. Tout son
plumage est d'un bleu obscur et noirâtre, excepté le
dessus de la tête, qui est relevé en huppe d'un jaune
pâle , d'où partent à l'occiput trois ou quatre brins
blancs; il y a aussi une large raie blanche sur la joue
jusqu'aux coins du bec; l'œil est protubérant, l'iris en
est rouge et ia paupière verte ; de longues plumes
effilées flais&çnt sur les côtés du dos, et viennent en
288 LE CRABIER GUIS DE FER.
tombant dépasser la queue; les jambes sont jaunes;
le bec est noir et fort , et l'oiseau pèse une livre et
demie. On voit, dit Calesby, de ces crabiers à la Ca-
roline , dans la saison des pluies ; mais dans les îles
de Babama ils sont en bien plus grand nombre , et
font leurs petits dans des buissons qui croissent dans
les fentes des rochers ; ils sont en si grande quantité
dans quelques unes de ces îles, qu'en peu d'heures
deux hommes peuvent prendre assez de leurs petits
pour charger un canot; car ces oiseaux, quoique
déjà grands et en état de s'enfuir, ne s'émeuvent
que difficilement et se laissent prendre par noncha-
lance. Ils se nourrissent de crabes plus que de pois-
son, et les habitants de ces îles les nomment pre-
neurs de cancres. Leur chair, dit Gatesby, est de très
bon goût et ne sent point le marécage.
LE CRABIER BLANC
A BEC ROUGE-
QUATRIÈME ESPÈCE.
Ardea œqidnoctialis, Gmel.
Un bec rouge et des pieds verts , avec l'iris de
l'œil jaune , et la peau qui l'entoure rouge comme le
bec, sont les seules couleurs qui tranchent sur le beau
blanc du plumage de cet oiseau. Il est moins grand
qu'une corneille, et se trouve à la Caroline au prin-
temps etjamais en hiver. Son bec est un peu courbé,
et Klein remarque à ce sujet que, dans plusieurs es-
LE CRARIER BLiVNC A BEC ROUGE. 289
pèces étrangères du genre des hérons, !e bec n'est
pas aussi droit que dans nos hérons et nos butors.
e««<8«*« »©«««>rfiî
LE CRABIER CENDRE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ardea cycmopas. L.
Ce crabier de la Nouvelle-Espagne n'est pas plus
gros qu'un pigeon. Il a le dessus du corps cendré
clair, les pennes de l'aile mi-parties de noir et de
blanc, le dessous du corps blanc, le bec et les pieds
bleuâtres : à ces couleurs on peut juger que le
P. Feuillée se tronipe en rapportant cette espèce à
la famille du butor, autant qu'en lui appliquant mal
à propos le nom de calidrls ^ qui appartient aux oi-
seaux nommés chevaliers et non à aucune espèce do
crabier ou de héron.
LE CRABIER POURPRE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Ardea spadlcea. Gmel.
Séba dit que cet oiseau lui a été envoyé du
Mexique ; mais il lui applique le nom de xoxouqm-
hoaclli , que Fernandès donne à une espèce du dou-
ble plus grande et qui est notre liokon ou neuvième
290 LE CRABIEU POURPRE.
espèce de héron d'Amérique. Ce crabier pourpré
u'a qu'un pied de longueur. Le dessus du cou, du
dos et des épaules , est d'un marron pourpré ; la
même teinte éclaircie couvre tout le dessous du
corps; les pennes de l'aile sont rouge bai foncé; la
tête est rouge bai clair avec le sommet noir.
LE GRACRA.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Ardea cracra, Lath.
Cracra est le cri que ce crabier jette en volant et
le nom que les François de la Martinique lui donnent;
les naturels de l'Amérique l'appellent jaboutra. Le
P. Feuillée, qui l'a trouvé au Chili, le décrit dans
les termes suivants : « Il a la taille d'un gros poulet^
et son plumage est très varié ; il a le sommet de la
tête cendré bleu; le haut du dos tanné, mêlé de
couleur feuille-morte ; le reste du manteau est un
mélange agréable de bleu cendré , de vert brun et
de jaune ; les couvertures de l'aile sont partie d'un
vert obscur bordé de jaunâtre, et partie noires; les
pennes sont de cette dernière couleur et frangées de
blanc ; la gorge et la poitrine sont variées de taches
feuille-morte sur fond blanc; les pieds sont d'un
beau jaune. »
LE CUABIEU CHALYRE. 2gi
LE GRABIER CHALYBE.
HUITIÈME ESPÈCE.
Ardea cœrulea L. (var., b.)
Le dos et la têle de ce crabier sont de couleur
chalybée , c'est-à-dire couleur d'acier poli. Il a les
longues pennes de Taile verdâtres, marquées d'une
tache blanche à la pointe ; le dessus de l'aile est varie
de brun , de jaunâtre et de couleur d'acier ; la poi-
trine et le ventre sont d'un blanc varié de cendré et
de jaunâtre. Ce petit crabier est à peine de la gran-
deur d'un pigeon; il se trouve au Brésil : c'est là tout
ce qu'en dit Marcgrave.
LE CRABIER VERT.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Ardea virescens. L. (var., b.)
Cet oiseau , très riche en couleurs, est dans son
genre l'un des plus beaux : de longues plumes d'un
vert doré couvrent le dessus de la tête et se déta-
chent en huppe; des plumes de même couleur,
étroites et flottantes, couvrent le dos; celles du cou
et de la poitrine sont d'un roux ou rougeâlre foncé;
les grandes pennes de l'aile sont d'un vert très som-
2^2 LE CRABIER VERT.
bre ; les couvertures d'un vert doré vif, la plupart
bordées de fauve ou de marron. Ce joli crabîer a
dix-sept ou dix-huit pouces de longueur; il se nour-
rit de grenouilles et de petits poissons comme de
crabes. Il ne paroît à la Caroline et en Virginie que
l'été, et vraisemblablement il retourne en automne
dans des climats plus chauds pour y passer Thiver.
LE CRABIER VERT TACHETE.
DIXIÈME ESPÈCE.
Ardea viresceiis, L.
Cet oiseau, n° 912, un peu moins grand que le
précédent, n'en diffère pas beaucoup par les couleurs,
seulement il a les plumes de la tête et de la nuque
d'un vert doré sombre et à reflet bronzé, et les longs
effilés du manteau du même vert doré, mais plus
clair ; les pennes de l'aile , d'un brun foncé , ont leur
côté extérieur nuancé de vert doré , et celles qui sont
le plus prèsdu corps ontune tache blanche à la pointe;
le dessus de l'aile est moucheté de points blancs, sur
un fond brun nuancé de vert doré; la gorge tachetée
de brun sur blanc; le cou est marron et garni au bas
de plumes grises tombantes. Cette espèce se trouve à
la Martinique.
LE ZILATAT.
'2g:)
LE ZILATAT.
ONZIEME ESPECE.
Nous abrégeons ainsi le nom mexicain de hoitzi-
laztatl^ pour conserver à ce crabier l'indication de
sa terre natale : il est tout blanc , avec le bec rou-
geâtre vers la pointe et les jambes de même couleur;
c'est l'un des plus petits de tous les crabiers, étant à
peine de la grandeur d'un pigeon. M. Brisson en fait
néanmoins son dix-neuvième béron ; mais cet orni-
thologiste ne paroît avoir établi entre ses hérons et
ses crabiers aucune divison de grandeur, la seule
pourtant qui puisse classer ou plutôt nuancer des es-
pèces qui d'ailleurs portent en commun les mêmes
caractères.
Wi»oal»»»»»»8.<<»i>at4»»»»»»»»8<»»0^
LE CRABIER ROUX
A TÊTE ET QUEUE VERTES.
DOUZIÈME ESPÈCE.
Arciea ludoviciana, L.
Ce crabier, n° 909, n'a guère que seize pouces de
longueur. Il a le dessus delà tête et la queue d'un vert
sombre; même couleur sur une partie des couvertures
de l'aile, qui sont frangées de fauve; les longues plu-
mes minces du dos sont teintes d'un pourpre foible ;
BUFF{)!S. XXV. 19
294 ^E CRABIER ROUX.
le COU est roux, ainsi que le ventre, dont la teinle
tire au brun. Cette espèce nous a été envoyée de la
Louisiane.
«< »a»a«o»»»6»»<w«<'»»8^8»&o»»»»C »8«««S
LE CRABIER GRIS
A TÊTE ET QUEUE VERTES.
TREIZIÈME ESPÈCE.
Ardea virescens. L. (var., b.)
Ce crabier^ n° 908, qui nous a été envoyé de
Cayenne, a beaucoup de rapport avec le précédent,
et tous deux en ont avec le crabier vert, dixième es-
pèce, sans cependant lui ressembler assez pour n'en
faire qu'une seule et même espèce. La tête et la queue
sont également d'un vert sombre, ainsi qu'une partie
des couvertures de l'aile ; un gris ardoisé clair domine
sur le reste du plumage.
M<)»j»Ci»»»c»a'S<'go»8»»8«^^^'g'»i»»»0>
LE BEC-OUVERT.
Ardea pondicerana. L.
Après l'énumération de tous les grands hérons et
des petits sous le nom de crablers ^ nous devons pla-
cer un oiseau qui, sans être de leur famille, en est
plus voisine que d'aucune autre. Tous les eflbrls du
nomenclateur tendent à contraindre et forcer les es-
pèces d'entrer dans le plan qu'il leur trace, et de se
LE BEC-OLVERT. 29^
renfermer dans les limites idéales qu'il veut placer au
milieu de l'ensemble des productions de la nature;
mais toute l'attention du naturaliste doit se porter au
contraire à suivre les nuances de la dégradation des
êtres et chercher leurs rapports sans préjugé métho-
dique. Ceux qui sont aux confins des genres et qui
échappent à ces règles fautives, qu'on peut appeler
scolastiques^ s'en trouvent rejetés sous le nom à^ani-
mauXj, tandis qu'aux yeux du philosophe ce sont les
plus intéressants et les plus dignes de son attention ;
ils font , en s'écartant des formes communes, les liai-
sons et les degrés par lesquels la nature passe à des
formes plus éloignées. Telle est l'espèce à laquelle
nous donnons ici le nom de bec-ouvert^ n° gSs : elle
a des traits qui la rappellent au genre des hérons et
en même temps elle en a d'autres qui l'en éloignent;
elle a de plus une de ces singularités ou défectuosités
que nous avons déjà remarquées sur un petit nombre
d'êtres, restes des essais imparfaits que, dans les pre-
miers temps, dut produire et détruire la force orga-
nique de la nature. Le nom de bec-ouvert marque
cette diffonnité : le bec de cet oiseau est en eifet
ouvert et béant sur les deux tiers de sa longueur ; la
partie du dessus et celle du dessous, se dé je tant
également en dehors, laissent entre elles un large
vide et ne se rejoignent qu'à la pointe. On trouve cet
oiseau aux grandes Indes , et nous l'avons reçu de
Pondichéry. Il a les pieds et les jambes du héron ;
mais il n'en porte qu'à demi le caractère sur l'ongie
du doigt du milieu, qui s'élargit bien en dedans en
lames avancées, mais qui n'est point dentelé à la
tranche. Les pennes de ses ailes sont noires; tout le
agê LE BEC-OLVEUT.
reste du plumage est d'un gris cendré clair; son bec,
noirâtre à la racine, est blanc ou jaunâtre dans le reste
de sa longueur, avec plus d'épaisseur et de largeur
que celui du héron. La longueur totale de l'oiseau
est de treize à quatorze pouces. On ne nous a rien
appris de ses habitudes naturelles.
LE BUTOR*.
Ardea stctlaris. L.
Quelque ressemblance qu'il y ait entre les hérons
et les butors, leurs différences sont si marquées qu'on
ne peut s'y méprendre : ce sont en effet deux familles
distinctes et assez éloignées pour ne pouvoir se réu-
nir ni même s'allier. Les butors ont les jambes beau-
coup moins longues que les hérons, le corps un peu
plus charnu et le cou très fourni de plumes, ce qui
le fait paroître beaucoup plus gros que celui des hé-
rons. Malgré l'espèce d'insulte attachée à son nom,
le butor, n** 789, est moins slupide que le héron,
mais il est encore plus sauvage; on ne le voit presque
jamais; il n'habite que les marais d'une certaine éten-
due oii il y a beaucoup de joncs : il se tient de pré-
férence sur les grands étangs environnés de bois; il
1. En latin, ardea siellaris , botaurus, butio {inque paludiferis batio
bubit aquis, aact. Philomelae) ; en italien, trombotto, trombone; en
allemand, dans les différents idiomes, meer-rlnd, Los-rind, ros-dumpf,
moss-oclis, moss-kou, rortrum, ross-reigel , wasser-ochs, erd-buU (tous
noms analogues aux marais et aux roseaux qu'il habite, ou au mugis-
sement qu'il y fait entendre) ; en hollandois , pittoor; en anglois, bit-
tern j ou mire-dvurn chez les Anglois sopleulrionaux.
LE BUTOR. ^^97
y mène une vie solitaire et paisible, couvert par les
roseaux, défendu sous leur abri du vent et de la pluie;
également caché pour le chasseur qu'il craint, et pour
la proie qu'il guette, il reste des jours entiers dans le
même lieu, et semble mettre toute sa sûreté dans la
retraite et l'inaction ; au lieu que le héron , plus in-
quiet , se remue et se découvre davantage en se met-
tant en mouvement tous les jours vers le soir; c'est
alors que les chasseurs l'attendent au bord des marais
couverts de roseaux, où il vient s'abattre : le butor,
au contraire, ne prend son vol à la même heure que
pour s'élever et s'éloigner sans retour. Ainsi ces deux
oiseaux, quoique habitants des mêmes lieux, ne doi-
vent guère se rencontrer, et ne se réunissent jamais
en famille commune.
Ce n'est qu'en automne et au coucher du soleil,
selon Willnghby, que le butor prend son essor pour
voyager, ou du moins pour changer de domicile.
On le prendroit dans son vol pour un héron , si de
moment à moment il ne faisoit entendre une voix
toute différente, plus retentissante et plus grave,
cob ^ cob ; et ce cri, quoique désagréable, ne l'est pas
autant que la voix effrayante qui lui a mérité le nom
de butor [botaiirus quasi boatus tauri) : c'est une es-
pèce de mugissement hi rliond qu'il répète cinq ou
six fois de suite au printemps et qu'on entend d'une
demi-lieue; la plus grosse contre-basse rend un son
moins ronflant sous l'archet : pourroit-on imaginer
que cette voix épouvantable fût l'accent d'un tendre
amour .^ mais ce n'est en eûet que le cri du besoin
physique et pressant d'une nature sauvage, grossière
et farouclie jusque dans l'expression du désir; et ce
298 LE BUTOR.
butor, une fois satisfait, fuit sa femelle et la repousse,
lors même qu'elle le recherche avec empressement*,
et sans que ses avances aient aucun succès après une
première union presque momentanée : aussi vivent-
ils à part chacun de leur côte. « Il m'est souvent ar-
rivé, dit M. Hébert, de faire lever en même temps m
deux de ces oiseaux; j'ai toujours remarqué qu'ils ||
partoient à plus de deux cents pas l'un de l'autre, et
qu'ils se posoient à égale distance. » Cependant il
faut croire que les accès du besoin et les approches
instantanées se répètent, peut-être à d'assez grands
intervalles, s'il est vrai que le butor mugisse tant
qu'il est en amour; car ce mugissement commence
au mois de février^, et on l'entend encore au temps
de la moisson. Les gens de la campagne disent que,
pour faire ce cri mugissant, le butor plonge le bec
dans la vase : le premier ton de ce bruit énorme res-
semble en effet à une forte aspiration et le second à
une expiration retentissante dans une cavité ^. Mais
1. Suivant M. Salerae c'est la femelle qui fait seule tous les frais do
l'amour, de réducation, et du ménage, tant est grande la paresse du
nifde. « C'est elle qui le sollicite et l'invite à l'aujour par les fréquentes
visites qu'elle lui fait et par l'abondance d^s vivres qu'elle lui apporte.»
Mais toutes ces particularités, prise d'un ancien discours moral {Dis-
cours de M. de La Chambre sur l'Amitié) , ne sont apparemment que
le roman de l'oiseau.
2. C'est sûrement ces cris du butor dont il s'agit dans le passage des
Problêmes d'Arisloie où il parle de ce mugissement pareil à celui d'un
taureau , qui se fait entendre au printemps du fond des marais et dont
il cherche une explication physique dans des vents emprisonnés sous
les eaux et sortant des cavernes : le peuple en rendoit des raisons su=
pcrslitieuses , et ce u'cloit réellement que le cri d'un oiseau.
5. Aldrovande a cherché quelle étoit la conformation de la tra-
chée-artère, relativement à la production de ce son extraordinaire.
Plusieurs oiseaux d'eau à voix éclatante, comme le cygne, ont un
LE BUTOR. 299
ce fait supposé est très difficile à vérifier ; car cet oi-
seau est toujours si cache , qu on ne peut le trouver
ni le voir de près : les chasseurs ne parviennent aux
endroits d'où il part qu'en traversant les roseaux, sou-
vent dans l'eau jusqu'au dessus du genou.
A toutes ces précautions pour se rendre invisible
et inabordable le butor semble ajouter une ruse de
défiance : il tient sa tête élevée; et comme il a plus
de deux pieds et demi de hauteur, il voit par dessus
les roseaux sans être aperçu du chasseur. Il ne change
de lieu qu'à l'approche de la nuit dans la saison d'au-
tome , et il passe le reste de sa vie dans une inaction
qui lui fait donner par Aristote le surnom de pares-
seux : tout son mouvement se réduit en effet à se je-
ter sur une grenouille ou un petit poisson qui vient
se livrer lui-rnême à ce pêcheur indolent.
Le nom à'asterias ou de steilarls^ donné au butor
par les anciens, vient, suivant Scaliger, de ce vol du
soir par lequel il s'élance droit en haut vers le ciel et
semble se perdre sous la voule étoilée : d'autres tirent
l'origine de ce nom des taches dont est semé son plu-
mage, lesquelles néanmoins sont disposées plutôt en
pinceau qu'en étoiles ; elles chargent tout le corps
de mouchetures ou hachures noirâtres; elles sont
jetées transversalement sur le dos dans un fond brun
fauve et tracées longitudinalement sur fond blan-
châtre, au devant du cou , à la poitrine et au ventre.
double larynx : le butor au contraire n'en a point; mais la trachée, à
sa bifurcation , forme deux poches enflées, dont les anneaux de la
trachée ne garnissent qu'un côté; l'autre est recouvert d'une peau
mince , expansible, élastique : c'est de ces poches enflées que l'air re-
tenu se précipite eu mugissant.
OOU ^ LE BUTOR.
Le bec du butor est de la môme forme que celui do
héron; sa couleur, comme celle des pieds, est ver-
datre : son ouverture est très large ; il est fendu fort
au delà des yeux, tellement qu'on les diroit situés sur
la mandibule supérieure. L'ouverture de l'oreille est
grande. La langue courte et aiguë ne va pas jusqu'à
moitié du bec; mais la gorge est capable de s'ouvrir à
y loger le poing. Ses longs doigts s'accrochent aux
roseaux et servent à le soutenir sur leurs débris flot-
tants^. Il fait grande capture de grenouilles i en au-
tomne il va dans les bois chasser aux rats, qu'il prend
fort adroitement et avale tout entiers; dans cette sai-
son il devient fort gras. Quand il est pris il s'irrite ,
se défend, et en veut surtout aux yeux. Sa chair doit
être de mauvais goût, quoiqu'on en mangeât autrefois
dans le même temps que celle du héron faisoit un
mets distingué.
Les œufs du butor sont gris blanc verdâlre : il en
fait quatre ou cinq, pose son nid au milieu des ro-
seaux, sur une touÛe de joncs; et c'est assurément
par erreur et en confondant le liéron et le butor que
Belon dit qu'il perche son nid au haut des arbres ^
Ce naturaliste paroît se tromper également en prenant
le butor pour Vonocrotale de Pline , quoique distin-
gué d'ailleurs, dans Pline même, par des traits assez
reconnoissabies. Au reste, ce n'est que par rapport à
son mugissement si gros^ suivant l'expression de Be-
j. La grande longueur des ongles et particulièrement de celui de
derrière est remarquable. Aldrovandc dit que de son temps on s'en
servoit en forme de cure-dent.
•i. Gesncrne connoîl pas mieux sa nichée (juand il dit ({u'ou j Irouvt-
douze œuls.
LE BLTOR. :)0I
Ion, qu'il n'y a bœuf qui pût crier si haut^ que Pline
a pu appeler le butor un petit oiseau : si tant est qu'il
faille , avec Belon, appliquer au butor le passage de
ce naturaliste où il parle de l'oiseau taurus ^ qui se
trouve, dit-il, dans le territoire à^Arles^, et îiùx. enten-
dre des mugissements pareils à ceux d'un bœuf.
Le butor se trouve partout où il y a des marais
assez grands pour lui servir de retraite : on le con-
noît dans la plupart de nos provinces; il n'est pas rare
en Angleterre, et assez fréquent en Suisse et en
Autriche : on le voit aussi en Silésie, en Danemarck,
en Suède. Les régions les plus septentrionales de l'A-
mérique ont de même leur espèce de butor, et l'on
en trouve d'autres espèces dans les contrées méri-
dionales. Mais il paroît que notre butor, moins dur
que le héron, ne supporte pas nos hivers et qu'il
quitte le pays quand le froid devient trop rigoureux :
d'habiles chasseurs nous assurent ne l'avoir jamais
rencontré aux bords des ruisseaux ou des sources
dans le temps des grands froids; et s'il lui faut des
eaux tranquilles et des marais, nos longues gelées
doivent être poiu' lui une saison d'exil. Willughby
semble l'insinuer et regarder son vol élancé, après le
coucher du soleil en automne, comme un départ
pour des climats plus chauds.
Aucun observateur ne nous a donné de meilleurs
renseignements que M. Bâillon sur les habitudes na-
turelles de cet oiseau. Yoici l'extrait de ce qu'il a bien
voulu m'en écrire,
« Les butors se trouvent dans presque toutes les
tiaisons de l'année àMontreuil-sur-Mer et sur les côtes
de Picardie, quoiqu'ils soient voyageurs : on les voit
,)02 LE BUTOR.
en grand nombre dans le mois de décembre ; quel-
quefois une seule pièce de roseaux en cache des
douzaines.
» Il y a peu d'oiseaux qui se défendent avec autant
de sang-froid : il n'attaque jamais ; mais lorsqu'il est
attaqué, il combat courageusement et se bat bien
sans se donner beaucoup de mouvement. Si un oiseau
de proie fond sur lui, il ne fuit pas; il l'attend de-
bout et le reçoit sur le bout de son bec, qui est très
aigu : l'ennemi blessé s'éloigne en criant. Les vieux
busards n'attaquent jamais le butor; et les faucons
communs ne le prennent que par derrière et lors-
qu'il vole. Il se défend même contre le chasseur qui
l'a blessé; au lieu de fuir, il l'attend, lui lance dans
les jambes des coups de bec si violents qu'il perce
les bottines et pénètre fort avant dans les chairs :
plusieurs chasseurs en ont été blessés grièvement. On
est obligé d'assommer ces oiseaux , car ils se défen-
dent jusqu'à la mort.
» Quelquefois , mais rarement , le butor se renverse
sur le dos, comme les oiseaux de proie, et se défend
autant des griffes, qu'il a très longues, que du bec : il
prend cette attitude lorsqu'il est surpris par un chien.
» La patience de cet oiseau égale son courage ; i!
demeure, pendant des heures entières, immobile,
les pieds dans l'eau et caché par les roseaux; il y
guette les anguilles et les grenouilles. Il est aussi in-
dolent et aussi mélancolique que la cigogne : hors
le temps des amours, où il prend du mouvement et
change de lieu, dans les autres saisons on ne peut le
Uouver qu'avec des chiens. C'est dans les mois de
février et de mars que les maies jettent, le matin et
LE BUTOU. 5o3
le soir, un cri qu'on pourroit comparer à l'explosion
d'un fusil d'un gros calibre. Les femelles accourent de
loin à ce cri : quelquefois une douzaine entoure un
seul mâle ; car dans cette espèce , comme dans celle
des canards, il existe plus de femelles que de mâles:
ils piaffent devant elles et se battent contre les mâles
qui surviennent. Ils font leur nid presque sur l'eau ,
au milieu des roseaux, dans le mois d'avril ; le temps
de l'incubation est de vingt-quatre à vingt-cinq jours.
Les jeunes naissent presque nus et sont d'une figure
hideuse : ils semblent n'être que cou et jambes : ils
ne sortent du nid que plus de vingt jours après leur
naissance; le père et la mère les nourrissent, dans
les premiers temps, de sangsues, de lézards et de frai
de grenouilles, et ensuite de petites anguilles. Les
premières plumes qui leur viennent sont rousses ,
comme celles des vieux ; leurs pieds et le bec sont plus
blancs que verts. Les busards, qui dévastent les nids
de tous les autres oiseaux de marais, touchent rarement
à celui du butor; le père et la mère y veillent sans
cesse et le défendent : les enfanls n'osent en appro-
cher, ils risqueroient de se faire crever les yeux.
» Il est facile de distinguer les butors mâles par la
couleur et parla taille, étant plus beaux, plus roux
et plus gros que les femelles : d'ailleurs ils ont les
plumes de la poitrine et du cou plus longues.
» La chair de cet oiseau, surtout celle des ailes et
de la poitrine , est assez bonne à manger, pourvu que
l'on en ôte la peau, dont les vaisseaux capillaires sont
remplis d'un huile acre et de mauvais goût, qui se ré-
pand dans les chairs par la cuisson et lui donne alors
une forte odeur de marécage. »
004 Lli GRAND BUTOR.
OISEAUX
DE l'ancien continent
QUI ONT RAPPORT AU BUTORo
LE GRAND BUTOR.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ardea stellaris. L. ( var. , 0. )
tjESNER est le premier qui ait parlé de cet oiseau,
•dont l'espèce nous paroît faire la nuance entre la
famille des hérons et celle des butors. Les habitants
des bords du lac Majeur en Italie l'appellent ruffey ^
suivant Aldrovande. Il a Je cou roux avec des taches
de blanc et de noir ; le dos et les ailes sont de cou-
leur brune et le ventre est roux. Sa longueur , de
la pointe du bec à l'extrémité de la queue, est au
moins de trois pieds et demi ; et jusqu'aux ongles , de
plus de quatre pieds; le bec a huit pouces, il est
jaune ainsi que les pieds. La figure, dans Aldrovande,
présente une huppe dont Gesner ne parle pas; mais
il dit que le cou est grêle, ce qui semble indiquer
que cet oiseau n'est pas un franc butor : aussi Aldro-
vande remarque-t-il que celte espèce paroît mélangée
de celle du héron gris et du butor , et qu'on la croi-
roit métive de l'un et de l'autre, tant elle tient du
héron gris par la tète, les taches de la poitrine, la
couleur du dos et des ailes, et la grandeur, en même
LE GRAND BUTOR. 3o5
temps qu'elle ressemble au butor par les jambes et
par le reste du plumage , à rexception qu'il n'est point
tacheté.
LE PETIT BUTOR.
SECONDE ESPÈCE.
Ardea Marsigli. L.
Cette petite espèce de butor, vue sur le Danube
par le comte Marsigli, a le plumage roussâtre, rayé
de petites lignes brunes , le devant du cou blanc , et
la queue blanchâtre. Son bec n'a pas trois pouces de
long. En jugeant par cette longueur du bec, de ses
autres dimensions que Marsigli ne donne pas et en
les supposant proportionnelles, ce butor doit être le
plus petit de tous ceux de notre continent.
Au reste, nous devons observer que Marsigli paroît
se contredire sur les couleurs de cet oiseau, en l'ap-
pelant ardea viridi-flavescens.
LE BUTOR BRUN RAYE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Ardea danubialis. L.
C'est encore ici un oiseau du Danube. Marsigli le
désigne parle nom de butor brun et le regarde comme
5o6 LE BLTOR BRUN RAYÉ.
faisant une espèce particulière. II est aussi petit que
le précédent ; tout son plurnage est payé de lignes
brunes 5 noires, et roussâtres, mêlées confusément ,
de manière qu'il en résulte en gros une couleur
brune.
o®»«>««B-»cp«-»8.8«»«««<5<&o«'»s-»e-«
LE BUTOR ROUX.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Ardea so Ionien sis, L.
Tout [le plumage de ce butor est d'une couleur
uniforme, roussâtre clair sous le corps, et plus foncé
sur le dos; les pieds sont bruns, et le bec est jaunâ-
tre. Aldrovande dit que cette espèce lui a été envoyée
d'Epidaure, et il y réunit celle d'un jeune butor,
pris dans les marais près de Bologne , qui même n'a-
voit pas encore les couleurs de l'âge adulte. Il ajoute
que cet oiseau lui a paru appartenir de plus près aux
butors qu'aux hérons. Au reste, il sepourroil, suivant
la conjecture de M. Salerne , que ce fût cette même
petite espèce de butor qui se voit quelquefois en So-
logne et que l'on y coniioît sous le nom de quoimeau,
Marsigli place aussi sur le Danube cette espèce, qui
est la troisième d'Aldrovande; et les auteurs de l'Or-
nitkologie italienne disent qu'elle est naturelle au
pays de Bologne.
Il paroît qu'elle se trouve aussi en Alsace, car
M. le docteur Hermann nous a mandé qu'il avoit eu
un de ces butors roux qui a constamment refusé
LE BUTOR ROUX. ZO']
toute nourriture et s'est laissé mourir d'inanilion. li
ajoute que 3 malgré ses longues jambes , ce butor
montoit sur un petit arbre dont il pouvoit embrasser
îa tige en tenant le bec et le cou verticalement et
dans la même ligne.
LE PETIT BUTOR DU SÉNÉGAL.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ardea undulata. L.
Nous rapporterons aux butors l'oiseau donné dans
les planches enluminées sous le nom de petit héron
du Sénégal, n*' oiS, qui en effet paroît, à son cou
raccourci et bien garni de plumes, êlre un bulor
plutôt qu'un héron. Il est aussi d'une très petite es-
pèce, puisqu'il n'a pas plus d'un pied de longueur.
11 est assez exactement représenté dans la planche
pour que l'on n'ait pas besoin d'une autre description.
LE POUACRE,
ou BUTOR TACHETÉ.
SIXIÈME ESPÈCE.
Ardea nycticorax. L. (Jeune âge.)
Les chasseurs ont donné le nom de pouacre à cet
oiseau. Sa grosseur est celle d'une corneille, et il a
5o8 LE POUACRE.
plus de vingt pouces du bec aux ongles. Tout le fond
de son plumage est brun, foncé aux pennes de l'aile,
clair au devant du cou et au dessous du corps ; par-
semé sur la tête , le dessus du cou , du dos , et sur les
épaules, de petites taches blanches placées à l'extré-
mité des plumes : chaque penne de l'aile est aussi ter-
minée par une tache blanche.
Nous lui rapporterons le pouacre de Cayenne, re-
présenté dans les planches enluminées , n° 959 , qui
paroît n'en différer qu'en ce que le fond du plumage
sur le dos est plus noirâtre et que le devant du corps
est tacheté de pinceaux bruns sur fond blanchâtre ;
légères différences qui ne paroissent pas caractériser
assez une diversité d'espèce entre ces oiseaux, d'au-
tant plus que la grandeur est la même.
OISEAUX
DU NO i: VEAU CONTINENT
QUI ONT RAPPORT AU BUTOR.
L'ETOILE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ardea stellaris. L.
Cet oiseau est le butor brun de la Caroline de Ca-
tesby; il se trouve aussi à la Jamaïque, et nous lui
donnons le nom d'étoile parce que son plumage, en-
tièrement brun, est semé sur l'aile de quelques la-
Ll'-TOILE. 009
ches blanches jetées comme au hasard dans cette
teinte obscure. Ces taches lui donnent quelque rap-
port avec l'espèce précédente. Il est un peu moins
grand que le butor d'Europe ; il fréquente les étangs
et les rivières loin de la mer et dans les endroits les
plus élevés du pays. Outre cette espèce, qui paroît
répandue dans plusieurs contrées de l'Amérique sep-
tentrionale, il paroît qu'il en existe une autre vers la
Louisiane , plus semblable à celle d'Europe.
3«« 3^ «««^««')W<S«'lH><9««««9 $«»»9«««»»^v«»»'- '
LE BUTOR JAUNE DU BRESIL.
SECONDE ESPÈCE.
Ardea flava. L.
Par les proportions mêmes que Marcgrave donne
à cet oiseau en le rapportant aux hérons on juge que
c'est plutôt un butor qu'un héron. La grosseur du
corps est celle d'un canard : le cou est long d'un pied;
le corps, de cinq pouces et demi ; la queue , de qua-
tre; les pieds et la jambe, de plus de neuf. Tout le
dos, avec l'aile, est en plumes brunes lavées de jaune;
les pennes de l'aile sont mi-parties de noir et de cen-
dré et coupées transversalement de lignes blanches;
les longues plumes pendantes 'de la tête et du cou
sont d'un jaune pale onde de noir; celles du bas du
cou, de la poitrine, et du ventre, sont d'un blanc
onde de brun et frangées de jaune alentour. Nous
remarquerons, comme chose singulière, qu'il a le
bec dentelé vers la pointe, tant en bas qu'en haut.
rUFFOlV. XXV.
.)I0 lE PETIT RUTOn DE CAYENNE.
LE PETIT BIJTOR DE CAYENNE.
TUOISIÈME ESPÈCE.
Ardea undulata. L.
Ce petit butor, n** ^63, n'a goère qu'un pied ou
treize pouces de longueur. Tout son plumage, sur
un fond gris roussâtre, est tacheté de brun noir par
petites lignes transversales très pressées, ondulantes,
et comme vermiculées en forme de zigzags et de poin-
tes au bas du cou, à l'estomac , et aux flancs ; le dessus
de la tête est noir. Le cou, très fourni de plumes, pa-
roît presque aussi gros que le corps.
LE BUTOR DE LA BAIE D'HUDSON.
QUATRIÈME ESPÈCE.
La livrée commune à tous lesbutors est un plumage
fond roux ou roussâtre plus ou moins haché et coupé
de lignes et de traits bruns ou noirâtres , et cette li-
vrée se retrouve dans le butor de la baie d'Hudson.
Il est moins gros que celui d'Europe ; sa longueur ,
du bec aux ongles, n'est guère que de deux pieds six
pouces.
LONGUE. oii
LONG RÉ.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ardea tigrlna. L.
Nous plaçons à la suite des butors du nouveau con-
tinent les oiseaux nommés onorés dans les planches
enluminées. Ce nom se donne, à Cayenne, à toutes
les espèces de hérons : cependant les onorés dont il
s'agit ici nous paroissent se rapporter de beaucoup
plus près à la famille du butor; ils en ont la forme et
les couleurs et n'en diffèrent qu'en ce que leur cou
est moins fourni de plumes, quoique plus garni et
moins grêle que le cou des hérons. Ce premier onoré,
n** 790 , est presque aussi grand, mais un peu moins
gros que le butor d'Europe; tout son plumage est
agréablement marqueté et largement coupé par ban-
des noires transversales, en zigzags, sur un fond
roux au dessus du corps et gris-blanc au dessous.
L'ONORÉ RAYÉ.
SIXIÈME ESPÈCE.
Ardea lineata. L. Gm.
Cette espèce, n° 860, est un peu plus grande que
la précédente , et la longueur de l'oiseau est de deux
5l2 LONORÉ KAiÉ.
pieds et demi. Les grandes pennes de l'aile et la
quene sont noires; tout le manteau est joliment ou-
vrage par de. petites lignes très fines de roux, de jau-
nâtre , et de brun , qui courent transversalement en
ondulant et formant des demi-festons; le dessus du
cou et la tête sont d'un roux vif, coupé encore de
petites lignes brunes; le devant du cou et du corps
est blanc, légèrement marqué de quelques traits
bruns.
Ces deux espèces d'onorés nous ont été envoyées
par M. de La Borde, médecin du E.oi à Cayenne. Ils
se cachent dans les ravines creusées par les eaux dans
les savanes, et ils fréquentent le bord des rivières.
Pendant les sécheresses iîs se tiennent fourrés dans
les herbes épaisses. Ils partent de très loin et on n'eu
trouve jamais deux ensemble. Lorsque l'on en blesse
un, il ne faut l'approcher qu'avec précaution; car il
se met sur la défensive , en retirant le cou et frap-
pant un grand coup de bec, et cherchant aie diriger
dans les yeux. Les habitudes de l'onoré sont les mê-
mes que celles de nos hérons.
M. de La Borde a vu un onoré privé, ou plutôt
captif, dans une maison : il y étoit continuellement à
l'afTiit des rats; il les attrapoit avec une adresse supé-
rieure à celle des chats. Mais quoiqu'il fut depuis
deux ans dans la maison, il se tenoit toujours dans
des endroits cachés; et quand on l'approchoit , il
cherchoit d'un air menaçant à fixer les yeux. Au
reste, l'une et l'autre espèce de ces onorés parois-
sent être sédentaires chacune dans leurs contrées,
et toutes deux sont assez rares.
LONORE DES BOIS. Ûi^
L'ONORÉ DES BOIS.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Ardea brasiliensis. L.
On appelle ainsi cette espèce à ia Giiiaiie. Nous lui
laissons cette dénomination, suivant notre usage de
conserver aux espèces étrangères le nom qu'elles por-
tent dans leur pays natal, puisque c'est le seul moyen
pour les habitants de les reconnoître et pour nous de
les leur demander. Celle-ci se trouve à la Guiane et
au Brésil. Marcgrave la comprend, sous le nom gé-
nérique de socOj avec les hérons; mais elle nous
paroît avoir beaucoup de rapport aux deux espèces
précédentes d'onorés, et par conséquent aux butors.
Le plumage est, sur le dos , le croupion , les épaules,
d'un noirâtre tout pointillé de jaunâtre; et, ce qui
n'est pas ordinaire , ce plumage est le même sur la
poitrine, le ventre , et les côtés; le dessus du cou
est d'un blanc mêlé de taches longitudinales noires
et brunes. Marcgrave dit que le cou est long d'un
pied et que la longueur totale, du bec aux ongles, est
d'environ trois pieds.
1
3l4 tlî BIHOREAU.
LE BIHOREAU'.
Ardea nycticorax. L.
La plupart des naturalistes ont désigné le bihoreau,
n"* 7 58 , le mâle , et n° 769, la femelle, sous le nom de
corbeau de nuit [nycticorax) , et cela d'après l'espèce
de croassement étrange , ou plutôt de râlement ef-
frayant et lugubre, qu'il fait entendre pendant la
nuit. C'est le seul rapport que le bihoreau ait avec le
corbeau, car il ressemble au héron par la forme et
l'habitude du corps; mais il en diffère en ce qu'il a
le cou plus court et plus fourni, la tête plus grosse ,
et le bec moins effilé et plus épais ; il est aussi plus
petit, n'ayant qu'environ vingt pouces de longueur.
Son plumage est noir, à reflet vert sur la tête et la
nuque, vert obscur sur le dos, gris de perle sur
les ailes et la queue, et blanc sur le reste du corps.
Le mâle porte sur la nuque du cou des brins ordi-
nairement au nombre de trois , très déliés , d'un blanc
de neige , et qui ont jusqu'à cinq pouces de longueur.
De toutes les pkimes d'aigrette , celles-ci sont les plus
belles et les plus précieuses ; elles tombent au prin-
temps et ne se renouvellent qu'une fois par an. La
femelle est privée de cet ornement, et elle est assez
diff"érenle du mâle pour avoir été méconnue par quel-
ques naturalistes. La neuvième espèce de héron de
M. Brisson n'est en eff'et que celte même femelle.
i. En allemand, naclil-rabj hundter-reger, schitd-reger; en angloii.
nihgt-raven ; eu flaniaud , ouack; en vieux fiançois , roupcati.
LE Bill OKI- AU. 5l5
Elle a tout le manteau d'un cendré roussâtre, des ta-
ches en pinceaux de cette même teinte sur le cou,
et le dessus du corps gris-blanc.
Le bihoreau niche dans les rochers , suivant Belon ,
qui dérive de là son ancien nomroupean; mais, selon
Schwenckfeld et Willughby, c'est sur les aunes près
des marais qu'il établit son nid : ce qui ne peut se
concilier qu'en supposant que ces oiseaux changent
d'habitude à cet égard suivant les circonstances ; en
sorte que dans les plaines de la Silésie ou de la Hol-
lande ils s'établissent sur les arbres aquatiques, au
lieu que sur les côtes de Bretagne , où Belon les a vus,
ils nichent dans les rochers. On assure que leur ponte
est de trois ou quatre œufs blancs.
Le bihoreau paroît être un oiseau de passage : Be-
lon en a vu un exposé sur le marché au mois de mars;
Schwenckfeld assure qu'il part de Silésie au commen-
cement de l'automne et qu'il revient avec les cigo-
gnes au printemps. Il fréquente également les rivages
de la mer et des rivières ou marais de l'intérieur des
terres; on en trouve en France dans la Sologne, en
Toscane sur les lacs de Fucecchio et de Blentine; mais
l'espèce en est partout plus rare que celle du héron :
elle est aussi moins répandue et ne s'est pas étendue
jusqu'en Suède '^.
Avec des jambes moins hautes et un cou plus court
que le héron, le bihoreau cherche sa pâture moitié
dans l'eau , moitié sur terre, et vit autant de grillons,
de limaces, et autres insectes terrestres, que de gre-
nouilles et de poissons. Il reste caché pendant le jour
1 . Nous en jugeons par le silence que garde sur reUe espèce M. Liu-
naeus dans sa Fauna suecica.
3l6 LE BI H ou EAU.
et ne se met en mouvement qu'à l'approche de la
nuit; c'est alors qu'il fait entendre son cri, ka^ ka_,
ka j que Willughby compare aux sanglots du vomisse-
ment d'un homme.
Le bihoreau a les doigts très longs ; les pieds et les
jambes sont d'un jaune verdâtre; le bec est noir^ , et
légèrement arqué dans la partie supérieure ; ses yeux
sont brillants, et l'iris forme un cercle rouge ou jaune
aurore autour de la prunelle.
LE BIHOREAU DE CAYENNE.
Ardea cayennensis. L.
Ce bihoreau d'Amérique est aussi grand que celui
d'Europe ; mais il paroît moins gi'os dans toutes se's
parties : le corps est plus menu; les jambes sont plus
hautes; le cou, la tête, et le bec, sont plus petits.
Le plumage est d'un cendré bleuâtre sur le cou et au
dessous du corps; le manteau est noir, frangé de
cendré sur chaque plume; la tête est enveloppée de
noir et le sommet en est blanc; il y a aussi un trait
blanc sous l'œil. Ce bihoreau, n° 899, porte un pa-
nache composé de cinq ou six brins, dont les uns
sont blancs et les autres noirs.
i, Schwenofelcl paroît se tromper sur la couleur des pieds et sur
celle du bec ; mais Klein se trompe davantage en exagérant les ex-
pressions de Schwencfeld , qu'il transcrit. Schwenckfeld dit , rostrum
obscure rubet... crura nigricant cum rubedine : Klein écrit , rostro san-
guineo proul et pedes; ce qui ne peut jamais convenir au bihoreau , et
le rend méconnoissuble.
LOMBÏIETTE. OI7
L'OMBRETTE.
Scopus umbretta. L.
C EST à M. Adanson que nous devons la connois-
sance de cet oiseau, n° 796, qui se trouve au Séné-
gal. Il est un peu plus grand que le bihoreau ; la cou-
leur de terre d'ombre ou de gris-brun foncé de son
plumage lui a fait donner le nom d'ombrette. Il doit
être placé, comme espèce anomale, entre les genres
des oiseaux de rivage ; car on ne peut le rapporter
exactement à aucun de ces genres. Il pourroit appro-
cher de celui des hérons, s'il n'avoit un bec d une
forme entièrement différente et qui même n'appar-
tient qu'à lui. Ce bec, très large et très épais près de
la tête , s'allonge en s'aplatissant par les côtés ; l'arête
de la partie supérieure se relève dans toute sa lon-
gueur et paroît s'en détacher par deux rainures tra-
cées de chaque côté; ce que M. Brisson exprime en
disant que le bec semble composé de plusieurs pièces
articulées; et cette arête, rabattue sur le bout du
bec , se termine en pointe recourbée. Ce bec est long
de trois pouces trois lignes; le pied, joint à la partie
nue de la jambe, a quatre pouces et demi; cette der-
nière partie seule a deux pouces. Ces dimensions ont
été prises sur un de ces oiseaux , conservé au Cabinet
du Roi : M. Brisson semble en donner de plus gran-
des. Les doigts sont engagés vers la racine par un
commencement de membrane plus étendu entre le
doigt extéiieur et celui du milieu ; le doigt postérieur
5i8 l'ombrette.
n'est point articulé, comme dans les hérons, à côté
du talon , mais au talon même.
LE COURLIRI, ouGOURLAN.
Ardea scolopacea. L.
Le nom de courlan ou courLlri ne doit pas faire
imaginer que cet oiseau ait de grands rapports avec
le courlis; il en a beaucoup plus avec les hérons,
dont il a la stature et presque la hauteur. Sa longueur,
du bec aux ongles , est de deux pieds huit pouces ; la
partie de la jambe, prise avec le pied, a sept pouces;
le bec en a quatre : i! est droit dans presque toute
•sa longueur; il se courbe foiblement vers la pointe,
et ce n'est que par ce rapport que le courlan s'ap-
proche des courlis, dont il diffère par la taille; et
toute l'habitude de sa forme est très ressemblante à
celle des hérons. De plus on voit à l'ongle du grand
doigt la tranche saillante du côté intérieur, qui re-
présente l'espèce de peigne dentelé de l'ongle du
héron. Le plumage du'courlan, n" 858, est d'un beau
brun , qui devient rougeâtre et cuivreux aux grandes
pennes de l'aile et de la queue; chaque plume du cou
porte dans son milieu un trait de pinceau blanc. Cette
espèce est nouvelle et nous a été envoyée de Cayenne
sous le nom de courliri _, d'où on lui a donné celui de
courlan dans les planches enluminées.
LE SAVACOU. 3l9
^e« «>«»««« t«»»
LE SAVACOU*.
Cancroma cancrophaga. L.
Le savacou est naturel, aux régions de la Guiane et
du Brésil. Il a assez la taille et les proportions dubi-
horeau, et, par les traits de conformation comme par
la manière de vivre, il paroîtroit avoisiner la famille
des hérons, si son bec large et singulièrement épaté
ne l'en éloignoit beaucoup et ne le distinguoit même
de tous les autres oiseaux de rivage. Cette large forme
de bec a fait donner au savacou le surnom de cuiller.
Ce sont en effet deux cuillers appliquées l'une contre
l'autre par le côté concave; la partie supérieure porte
sur sa convexité deux rainures profondes qui parlent
des narines et se prolongent de manière que le mi-
lieu forme une arête élevée, qui se termine par une
petite pointe crochue ; la moitié inférieure de ce bec,
sur laquelle la supérieure s'emboîte, n'est, pour ainsi
dire , qu'un cadre sur lequel est tendue la peau pro-
longée de la gorge. L'une et l'autre mandibule sont
tranchantes par les bords et d'une corne solide et
très dure. Ce bec a quatre pouces des angles à la
pointe et vingt lignes dans la plus grande largeur.
Avec une arme si forte, qui tranche et coupe, et
qui pourroit rendre le savacou redoutable aux autres
oiseaux , il paroît s'en tenir aux douces habitudes
d'une vie paisible et sobre. Si l'on ponvoit inférer
1. Savacou eu saouacou, à Gayenue ; rapapa, par les sauv.Jges Gari-
panc?; tamaiia , au Brésil.
7)20 LE SAVACOU.
quelque chose de noms appliqués par les nomencla-
tenrs, un de ceux que lui donne Barrère nous indi-
queroit qu'il vit de crabes; mais au contraire il sem-
ble s'éloigner par goût du voisinage de la mer : il
habite les savanes noyées et se tient le long des ri-
vières où la marée ne monte point; c'est là que,
perché sur les arbres aquatiques , il attend le passage
des poissons dont il fait sa proie, et sur lesquels il
tombe en plongeant et se relevant sans s'arrêter sur
l'eau. 11 marche le cou arqué et le dos voûté , dans
une attitude qui paroît gênée et avec un air aussi
triste que celui du héron. Il est sauvage et se tient
loin des lieux habités. Ses yeux, placés fort près de
la racine du bec, lui donnent un air farouche. Lors-
qu'il est pris, il fait craquer son bec, et, dans la co-
lère ou l'agitation , il relève les longues plumes du
sommet de sa tête.
Barrère a fait trois espèces de savacous, que
M. Brisson réduit à deux et qui probablement se ré-
duisent à une seule. En effet le savacou gris et le sa-
vacou brun ne diffèrent notablement entre eux que
par le long panache que porte le dernier ; et ce pa-
nache pourroit être le caractère du mâle : l'aulre, que
nous soupçonnons être la femelle, a un commence-
ment ou un indice de ce même caractère dans les
plumes tombantes du derrière de la tête ; et pour la
différence du brun au gris dans leur plumage , on
peut d'autant plus la regarder comme étant de sexe
ou d'âge qu'il existe dans \esai:acou varié ^ une nuance
qui les approche. Du reste , les formes et les propor-
tions du savacou gris et du savacou brun sont enliè»
\. Rapporlé de Caycnnc par M. Sonnini,
LE SAVACOU. 52 l
remeni: les mêmes ; et nous sommes d'autant plus
porté à n'admettre ici qu'une seule espèce, que la
nature , qui semble les multiplier en se jouant sur les
formes communes et les traits du plan général de ses
ouvrages, laisse au contraire comme isolées et jetées
aux confins de ce plan les formes singulières qui s'é-
loignent de cette forme ordinaire , comme on peut
le voir par les exemples de la spatule, de l'avocette,
du pbénicoptère , etc., dont les espèces sont uniques
et n'ont que peu ou point de variétés.
Le savacou brun et buppé , n" 869, que nous pre-
nons pour le mâle , a plus de gris roux que de gris
bleuâtre dans son manteau ; les plumes de la nuque
du cou sont noires et forment un panache long de
sept à huit pouces, tombant sur le doSc Ces plumes
sont flottantes, et vqueiques unes ont jusqu'à huit li-
gnes de largeur.
Le savacou gris , n° 58 , qui nous paroît être la fe-
melle, a tout le manteau gris-blanc bleuâtre, avec
une petite zone noire sur le haut du dos ; le dessous
du corps est noir mêlé de roux; le devant du cou et
le front sont blancs ; la coifie de la tête , tombant
derrière en pointe, est d'un noir bleuâtre.
L'un et l'autre ont la gorge nue : la peau qui la re-
couvre paroît susceptible d'un renflement considé-
rable ; c'est apparemment ce que veut dire Barrère
par inglavle extuherantc. Cette peau, suivant Marc-
grave , est jaunâtre, ainsi que les pieds; les doigts
sont grêles et les phalanges en sont longues. On peut
encore remarquer que le doigt postérieur est articulé
à côté du talon, près du doigt extérieur , comme dans
les hérons. La queue est courte et ne passe pas l'aile
Oaa LE SAVACÛU.
pliée. La longueur totale de loi^eaii est d'environ
vingt pouces. Nous devons observer que nos mesures
ont été prises sur des individus un peu plus grands
que celui qu'a décrit M. Brisson, qui étoit proba-
blement un jeune.
LA SPATULE*.
Platalea leucorodia, L.
Quoique la spatule, n** [\o^, soit d'une figure très
caractérisée, et même singulière, les nomenclateurs
n'ont pas laissé de la confondre, sous des dénomina-
tions impropres et étrangères, avec des oiseaux tout
différents : ils l'ont appelée héron blanc et pélican^
quoiqu'elle soit d'une espèce différente de celle du
héron, et même du genre fort éloigné de celui du
véritable pélican ; ce que Belon reconnoît, en même
temps qu'il lui donne le nom de poche j, qui n'appar-
tient encore qu'au pélican, et celui de cuiller^ qui
désigne plutôt le phénicoptère ou flaramant, qu'on
appelle bec à cuiller. Le nom de pale ou palette con-
viendroit mieux, en ce qu'il se rapproche de celui
de spatule^ que nous avons adopté, parce qu'il a été
reçu , ou son équivalent , dans la plupart des langues^
et qu'il caractérise la forme extraordinaire du bec de
cet oiseau. Ce bec, aplati dans toute sa longueur,
s'élargit en effet vers l'extrémité en manière de spa-
tule, et se termine en deux plaques arrondies, trois
1. En latin , plaiea , plalaiea; en italien, beccaroveglia ; eu alîe-
inand , peiecan , locfjler ; en anglois, spoonhill , slwveUer.
Tome. 2,6,
'aumiet Gûulp.
I L/v SPATULE, 2. LA BECASSE 3. LE SAVACOU,
*
LA SPATULE. 020
fois aussi larges que le corps du bec même; configu-
ration d'après laquelle Klein donne à cet oiseau le
surnom anomaloroster. Ce bec , anomal en effet par
sa forme , lest encore par sa substance , qui n'est pas
ferme , mais flexible comme du cuir, et qui par con-
séquent est très peu propre à l'action que Cicéron et
Pline lui attribuent , en appliquant mal à propos à la
spatule ce qu'Aristote a dit, avec beaucoup de vérité,
du pélican; savoir, qu'il fond sur les oiseaux plon-
geurs et leur fait relâcher leur proie en les mordant
fortement par la tète : sur quoi , par une méprise in-
verse , on a attribué au pélican le nom de platea^ qui
appartient réellement à la spatule. Scaliger, au lieu
de rectifier ces erreurs, en ajoute d'autres : après
avoir confondu la spatule et le pélican, il dit, d'a-
près Suidas, que le pelicanos est le même que le den-
drocolaptes (coupeur d'arbres) , qui est le plc^; et,
transportant ainsi la spatule du bord des eaux au fond
des bois, il lui fait percer les arbres avec un bec uni-
quement propre à fendre l'eau ou fouiller la vase.
En voyant la confusion qu'a répandue sur la nature
cette multitude de méprises scientifiques, cette fausse
érudition, entassée sans connoissance des objets, et
ce chaos des choses et des noms encore obscurcis par
les nomenclateurs , je n'ai pu m'empêcher de sentir
que la nature, partout belle et simple, eût été plus
facile à connoître en elle-même qu'embarrassée de
nos erreurs ou surchargée de nos méthodes, et que
malheureusement on a perdu , pour les établir et \eîî
discuter, le temps précieux qu'on eût employé à la
contempler et à la peindre.
1. Voyez V histoire des Pics, page 7 de ce volume.
024 LA SPATULE.
La spatule est toute blanche : elle est de Ja gros-
seur du héron ; mais elle a les pieds moins hauts et le
cou moins long et garni de petites plumes courtes :
celles du bas de la tôle sont longues et étroites ; elles
forment un panache qui retombe en arrière. La gorge
est couverte et les yeux sont entourés d'une peau
nue. Les pieds et le nu de la jambe sont couverts
d'une peau noire, dure, et écailleuse; une portion de
membrane unit les doigts vers leur jonction, et, par
son prolongement , les frange et les borde légère-
ment jusqu'à l'extrémité. Des ondes noires, transver-
sales se marquent sur le fond de couleur jaunâtre du
bec, dont l'extrémité est d'un jaune quelquefois mêlé
de rouge ; un bord noir tracé par une rainure forme
comme un ourlet relevé tout autour de ce bec sin-
gulier, et l'on voit en dedans une longue gouttière
sous la mandibule supérieure; une petite pointe re-
courbée en dessous termine l'extrémité de cette es-
pèce de palette, qui a vingt-trois lignes dans sa plus
grande largeur et paroît intérieurement sillonnée de
petites stries qui rendent sa surface un peu rude et
moins lisse qu'elle ne l'est en dehors. Près de la tête,
la mandibule supérieure est si large et si épaisse que
le fond semble y être entièrement engagé : les deux
mandibules, près de leur origine, sont également
garnies intérieurement, vers les bords, de petits tu-
bercules ou mamelons sillonnés, lesquels ou servent à
broyer les coquillages que le bec de la spatule est tout
propre à recueillir, ou à retenir et arrêter une proie
glissante; car il paroît que cet oiseau se nourrit éga-
lement de poissons, de coquillages, d'insectes aqua-
tiques, et de vers.
LA SÎ>ATULF.. J^J
La spatule habite les bords de la mer et ne se
trouve que rarement dans l'intérieur des terres, si ce
n'est sur quelques lacs et passagèrement aux bords
des rivières : elle préfère les côtes marécageuses ; on
la voit sur celles du Poitou, de la Bretagne, de la
Picardie , et de la Hollande : quelques endroits sont
même renommés par ratïluence des spatules qui s'y
rassemblent avec d'autres espèces aquatiques ; tels
sont les marais de Sevenlmls^ près de Leyde.
Ces oiseaux font leur nid à la sommité des grands
arbres voisins des côtes de la mer et le construisent
de bûchettes; ils produisent trois ou quatre petits; ils
font grand bruit sur ces arbres dans le temps des ni-
chées et y reviennent régulièrement tous les soirs se
percher pour dormir.
De quatre spatules décrites par MM. de l'Académie
des Sciences, et qui étoient toutes blanches, deux
avoienl un peu de noir au bout de l'aile ; ce qui ne
marque pas une différence de sexe , comme Aldro-
vande l'a cru, ce caractère s'étant trouvé également
dans un mâle et dans une femelle. La langue de la
spatule et très petite, de forme triangulaire, et n'a pas
trois lignes en toutes dimensions; l'œsophage se di-
late en descendant, et c'est apparemment dans cet
élargissement que s'arrêtent et se digèrent les pe-
tites moules et autres coquillages que la spatule avale
et qu'elle rejette quand la chaleur du ventricule en a
fondu la chair ; elle a un gésier doublé d'une mem-
brane calleuse, comme les oiseaux granivores; mais
au lieu des cœcumSj qui se trouvent dans ces oiseaux
à gésier, on i\e lui remarque que deux petites éoii-
nences très courtes à l'extrémité de V iléon; les intes-
BUFFON. XXV. 21
02i) LA SPATULE.
lins ont sept pieds de longuenr; la trachée-artèfe est
semblable à celle de la grue et fait dans le thorax
une double inflexion; le cœur a un péricarde , quoi-
que Aldrovande dise n'en avoir point trouvé.
Ces oiseaux s'avancent en été jusque dans la Both-
nie occidentale et dans la Laponie , où l'on en voit
quelques uns, suivant Linnxeus; en Prusse , où ils ne
paroissent également qu'en petit nombre et où, du-
rant les pluies d'automne, ils passent en venant de
Pologne; Rzaczynski dit qu'on en voit, mais rare-
ment, en Volhynie ; il en passe aussi quelques uns en
Silésie dans les mois de septembre et d'octobre^; ils
habitent, comme nous l'avons dit, les côtes occiden-
tales de la France; on en retrouve sur celles d'Afri-
que, à Bissao, vers Sierra-Leona; en Egypte, selon
Granger; au cap de Bonne-Espérance, où Kolbe dit
qu'ils vivent de serpents autant que de poissons, et
où on les appelle stangen-vreeter ^ mange-serpents.
M. Commerson a vu des spatules à Madagascar, où
ses insulaires leur donnent le nom de fanga-liam-
bavOj c'est-à-dire bêche au bec. Les INègres, dans
quelques cantons, appellent ces oiseaux vang-van^ et
dans d'autres vourou-doulon^ oiseau du diable, par
des rapports superstitieux 2. L'espèce, quoique peu
nombreuse, est donc très répandue, et semble même
avoir fait le tour de l'ancien continent. M.Sonneratl'a
1. Aviav. Siles., page 3i4. Scwhenckfeld en cet endroil paroît con-
fondre le pélican avec la spatule , puisqu'il y rapporte, d'après Isidore
et saint Jérôme , la fable de la résurrection des petits du pélican par
le sang qu'il verse de sa poitrine quand le serpent les lui a tués.
2. Les Kègres lui donnent ce nom parce que , lorsqu'ils l'enlen-
dent , ils s'imaginent que son cri annonce la morl à quelqu'un du vil-
lage. {Noie communiquée par M. Commerson.)
LA SPATL'LK. O27
trouvée jusqu'aux îles Philippines; et, quoiqu'il en
distingue deux espèces, le manque de huppe, qui est
la principale différence de Tune et de l'autre , ne
nous paroît pas former un caractère spécifique; et,
jusqu'à ce jour, nous ne connoissons qu'une seule es-
pèce de spatule, qui se trouve être à peu près la môme
du nord au midi, dans tout l'ancien continent : elle
se trouve aussi dans le nouveau, et quoiqu'on ait en-
core ici divisé l'espèce en deux , on doit les réunir en
une, et convenir que la ressemblance de ces spatules
d'Amérique avec celles d'Europe est si grande qu'on
doit attribuer leurs petites diÛerences à l'impression
du climat.
La spatule d'Amérique, n° i65, est seulement un
peu moins grande dans toutes ses dimensions que
celle d'Europe. Elle en diffère encore par la couleur
de rose ou d'incarnat qui relève le fond blanc de son
plumage sur le coUj le dos, et les flancs; les ailes
sont plus fortement colorées, et la teinte de rouge va
jusqu'au cramoisi sur les épaules et les couvertures
de la queue, dont les pennes sont rousses; la côte de
celles de l'aile est marquée d'un beau carmin ; la tête,
comme la gorge, est nue : ces belles couleurs n'ap-
partiennent qu'à la spatule adulte; car on en trouve
de bien moins rouges sur tout le corps, et encore
presque toutes blanches, qui n'ont point la tête dé-
garnie , et dont les pennes de l'aile sont en partie
brunes, restes de la livrée du premier âge. Barrère
assure qu'il se fait dans le plumage des spatules d'A-
mérique le même progrès en couleur avec l'âge que
dans plusieurs autres oiseaux, comme les courlis
rouges et les phénicoptères ou flammants , qui dans
7)9.H LA S PAT r LE,
leurs premières années sont presque tout gris ou tout
blancs et ne deviennent rouges qu'à la troisième
année ; il résulte de là que l'oiseau couleur de rose
du Brésil, ou Vajaia de Marcgrave , décrit dans son
premier âge avec les ailes d'un incarnat tendre, et
la spatule cramoisie de la JNouvelle-Espagne ou la
tlauhquechui de Fernandès, décrite dans l'âge adulte,
ne sont qu'un seul et même oiseau. Marcgrave dit
qu'on en voit quantité sur la rivière de Saint-Fran'
cols ou de Séréi^ippe^ et que sa chair est assez bonne.
Fernandès lui donne les mêmes habitudes qu'à noire
spatule, de vivre , au bord de la mer, de petits pois-
sons, qu'il faut lui donner vivants quand on veut la
nourrir en domesticité^, ayant ^ àil-'û , expérimenté
(ju'etle ne touche point aux poissons morts'^.
Cette spatule couleur de rose se trouve dans le
nouveau continent, comme la blanche dans l'ancien,
sur une grande étendue, du nord au midi, depuis
les côtes de la Nouvelle-Espagne et de la Floride jus-
qu'à la Guiane et au Brésil : on la voit aussi à la Ja-
maïque et vraisemblablement dans les autres îles voi-
sines. Mais l'espèce, peu nombreuse, n'est nulle part
rassemblée : à Cayenne , par exemple, il y a peut-
être dix fois plus de courlis que de spatules; leurs
plus grandes troupes sont de neuf ou dix au plus,
communément de deux ou trois, et souvent ces oi-
1. La spatule d'Europe ne refuse pas de vivre en captivité. On peut,
dit Belon, la ncnurir d'intestins de Tolailles. Klein en a long -temps
conservé une dans un jardin, quoiqu'elle eût l'aile cassée d'un coup
de l'eu.
2. C'est ijp[i.trenîuienl de celle particularité que ]Niereml>erg :i pris
occasion de l'appeler avis vivivora.
LA SPATULE. Ssg
seaux sont accompagnés de phéiiicoptèies ou flaui-
inants. On voit le matin et le soir les spatules au bord
de la mer, ou sur des troncs flottants près de la rive;
mais vers le milieu du jour, dans le temps de la plus
grande chaleur, elles entrent dans les criques et se
perchent très haut sur les arbres aquatiques : néan-
moins elles sont peu sauvages ; elles passent en mer
très près des canots et se laissent approcher assez à
terre pour qu'on les tire, soit posées, soit au vol.
Leur beau plumage est souvent sali par la vase où elles
entrent fort avant pour pécher. M. de La Borde, qui a
t'ait ces observations sur leurs mœurs, nous confirme
celle de Barrère au sujet de la couleur et nous assure
que ces spatules de la Guiane ne prennent qu'avec
îYige et vers la troisième année cette belle couleur
rouge, et que les jeunes sont presque entièrement
blanches.
M. Bâillon, auquel nous devons un grand nombre
de bonnes observations , admet deux espèces de spa-
tules et me mande que toutes deux passent ordinai-
rement sur les côtes de Picardie dans les mois de
novembre et d'avril, et que ni l'une ni l'autre n'y
séjournent; elles s'arrêtent un jour ou deux près de la
mer et dans les marais qui en sont voisins : elles ne
sont pas en nombre et paroissent être très sauvages.
La première est la spatule commune , qui est d'un
blanc fort éclatant et n'a point de huppe. La seconde
espèce est huppée et plus petite que l'autre, et
M. Bâillon croit que ces différences , avec quelques
aulres variétés dans les couleurs du bec et du plu-
mage , sont suffisantes pour en faire deux espèces dis-
tinctes et séparées.
ÔÔO LA SPATULE
11 est aussi persuadé que toutes les spatules nais-
sent grises comme les hérons-aigrettes, auxquels elles
ressemblent par la forme du corps, le vol, et les au-
tres habitudes; il parle de celles de Saint-Domingue
comme formant une troisième espèce; mais il nous
paroît, par les raisons que nous avons exposées ci-
devant , que ce ne sont que des variétés qu'on peut
réduire à une seule et même espèce, parce que l'in-
stinct et toutes les habitudes naturelles qui en résul-
tent sont les mêmes dans ces trois oiseaux.
M. Bâillon a observé sur cinq de ces spatules, qu'il
s'est donné la peine d'ouvrir, que toutes avoient le sac
rempli de chevrettes, de petits poissons, et d'insectes
d'eau ; et comme leur langue est presque nulle et
que leur bec n'est ni tranchant ni garni de dente-
lures, il paroît qu'elles ne peuvent guère saisir ni
avaler des anguilles ou d'autres poissons qui se dé-
fendent, et qu'elles ne vivent que de très petits ani-
maux; ce qui les oblige à chercher continuellement
leur nourriture.
Il y a apparence que ces oiseaux font, dans de
certaines circonstances, le même claquement que
les cigognes avec leur bec; car M. Bâillon, en ayant
blessé un , observa qu'il faisoit ce bruit de claque-
ment et qu'il l'exécutoit en faisant mouvoir très vite
et successivement les deux pièces de son bec, quoi-
que ce bec soit si foible qu'il ne peut serrer le doigt
que mollement.
LA BECASSE. .^J I
J «^O^-f****»©-^® ff*e,(Kv« M (yg »ft-Kj «iç e >f<y8 o^o
LA BECASSE\
Scolopax rusticola, L^
•
La bécasse est peut-être de tous les oiseaux de pas-
sage celui dont les chasseurs font le plus de cas, tant
à cause de l'excellence de sa chair que de la facilité
qu'ils trouvent à se saisir de ce bon oiseau stupide ,
qui arrive dans nos bois vers le milieu d'octobre, en
même temps que les grives. La bécasse, n" 8o5 ,
vient donc, dans cette saison de chasse abandanle,
augmenter encore la quantité du bon gibier ^ : elle
descend alors des hautes montagnes où elle habite
pendant l'été et d'où les premiers frimas détermi-
nent son départ et nous l'amènent ; car ses voyages
ne se font qu'en hauteur dans la région de l'air et non
en longueur, comme se font les migrations des oi-
seaux qui voyagent de contrée en contrée. C'est du
sommet des Pyrénées et des Alpes, où elle passe
l'été , qu'elle descend aux premières neiges qui tom-
bent sur ces hauteurs dès le commencement d octo-
1. En \aiin , per dix rusticat rusticula; en italien, becassa , becac-
cia, gaUinella, gallina arciera , ou ruslicella et salvaiica; en anglois,
xvood-cock (de wood-cock on avoit fait dans l'ancien françois wit-coc ,
et ensuite vit-de-coq : Belon corrige déjà cette dénomination ridicule;
elle se conserve encore en Normandie. ) Le mot bécasse s'écrivoit an-
ciennement béquasse.
2. Le temps de sa chasse est bien désigné dans le poêle Nemesianu-s :
Quum iienius omne suo viridi spolialur honore,
.... prieda est facilis et amœna scolopax.
33:i LA BÉCASSE.
bre, pour venir dans les bois des collines inférieu-
res et jusque dans nos plaines.
Les bécasses arrivent la nuit et quelquefois le jour,
par un temps sombre , toujours une à une ou Jeux
ensemble et jamais en troupes. Elles s'abattent dans
les grandes haies, dans les taillis, dans les futaies,
et préfèrent les bois où il y a beaucoup de terreau
et de feuilles tombées; elles s'y tiennent retirées
et tapies tout le jour, et tellement cachées qu'il
faut des chiens pour les faire lever, et souvent elles
partent sous les pieds du chasseur. Elles quittent ces
endroits fourrés et le fort du bois à l'entrée de la
nuit, pour se répandre dans les clairières, en suivant
les sentiers; elles cherchent les terres molles , les pâ-
quis humides à la rive du bois, et les petites mares,
où elles vont pour se laverie bec et les pieds qu'elles
se sont remplis de terre en cherchant leur nourri-
ture. Toutes ont les mêmes allures, et l'on peut
dire en général que les bécasses sont des oiseaux sans
caractère et dont les habitudes individuelles dépen-
dent toutes de celles de l'espèce entière.
La bécasse bat des ailes avec bruit en partant : elle
fde assez droit dans une futaie; mais dans les taillis
elle est obligée de faire souvent le crochet. Elle plonge
en volant derrière les buissons pour se dérober à
l'œil du chasseur. Son vol, quoique rapide, n'est ni
élevé ni long-temps soutenu ; elle s'abat avec tant de
promptitude , qu'elle semble tomber comme une
masse abandonnée à toute sa pesanteur. Peu d'in-
stants après sa chute elle court avec vitesse; mais
bientôt elle s'arrête, élève la tête, regarde de tous
côtés pour se rassurer avant d'enfoncer son bec dans
LA BÉCASSE. 335
Ja terre. Pline compare avec raison la bécasse à la
perdrix, pour la célérité de sa course, car elle se
dérobe de même ; et lorsqu'on croit la trouver où elle
s'est abattue, elle a déjà pietté et fui à une grande
distance,
II paroît que cet oiseau , avec de grands yeux, ne
voit bien qu'au crépuscule , et qu'il est offensé d'une
lumière plus forte : c'est ce que semblent prouver ses
allures et ses mouvements , qui ne sont jamais si vifs
qu'à la nuit tombante et à l'aube du jour; et ce désir
de changer de lieu avant le lever ou après le coucher du
soleil est si pressant et si profond qu'on a vu des bécas-
ses renfermées dans une chambre prendre régulière-
ment un essor de vol tous les matins et tons les soirs,
tandis que, pendant le jour ou la nuit; elles ne fai-
soient que pietter sans s'élancer ni s'élever; et appa-
remment les bécasses dans les bois restent tranquilles
quand la nuit est obscure; mais lorsqu'il y a clair de
lune, elles se promènent en cherchant leur nourri-
ture : aussi les chasseurs nomment la pleine lune de
novembre la lune des bécasses ^ parce que c'est alors
qu'on en prend un grand nombre. Les pièges se ten-
dent ou la nuit ou le soir ; elles se prennent à la pan-
tenne, au rejet, au lacet; on les tue au fusil sur les
mares, sur les ruisseaux et les gués à la chute. La
pantenne ou pantière est un filet tendu entre deux
grands arbres , dans les clairières et à la rive des
boîs où l'on a remarqué qu'elles arrivent ou passent
dans le vol du soir. La chasse sur les mares se fait
aussi le soir : le chasseur , cabane sous une feuillée
épaisse , à portée du ruisseau ou de la mare fréquentée
par les bécasses et qu'il approprie encore pour les
554 ^^ Bî^ CASSE.
attirer, les altend à la chiUe; et peu de temps après
lo coucher du soleil , surtout par les vents doux de
sud et de sud-ouest, elles ne manquent pas d'arriver
une à une ou deux ensemble et s'abattent sur l'eau ,
où le chasseur les tire presque à coup sûr. Cependant
cette chasse est moins fructueuse et plus incertaine
que colle qui se fait aux pièges dormants, tendus
dans les sentiers et qu'on appelle 7'ejets ^ : c'est une
baguette de coudrier ou d'autre bois flexible et élas-
tique , plantée en terre et courbée en ressort , as-
sujettie près du terrain à un trébuchet que couronne
un nœud coulant de crin ou de ficelle ; on embar-
rasse de branchages le reste du sentier où l'on a placé
le rejet; ou bien si l'on tend sur les pâquis, on y
pique des genêts ou des genièvres en files, plies de
manière qu'il ne reste que le petit passage qu'occupe
le piège, afin de déterminer la bécasse, qui suit les
sentiers et n'aime pas s'élever ou sauter, à passer le
pas du trébuchet, qui part dès qu'il est heurté; et l'oi-
seau , saisi par le nœud coulant, est emporté en l'air
par la branche qui se redresse. La bécasse, ainsi sus-
pendue, se débat beaucoup , et le chasseur doit faire
plus d'une tournée dans sa tendue le soir et plus
d'une encore sur la fin de la nuit : sans quoi le re-
nard, chasseur plus diligent et averti de loin parles
battements d'ailes de ces oiseaux, arrive et les em-
porte les uns après les autres; et sans se donner le
temps de les manger, il les cache en différents en-
droits pour les retrouver au besoin. Au reste, on re-^
connoît les heux que hante la bécasse à ses fientes ,
i. Eu Bourgogne, regipeaux; eu Champagne et en Loi raine, re-
^impeanx.
LA BÉCASSE. 555
qui sont de larges fécules blanches et sans odeur.
Pour l'attirer sur les pâquis où il n'y a point de sen-
tiers , on y trace des sillons : elle les suit, cberchant
les vers dans la terre remuée, et donne en meine
temps dans les collets ou lacets de crin disposés le
long du sillon.
Mais n'est-ce pas trop de pièges pour un oiseau
qui n'en sait éviter aucun? La bécasse est d'un instinct
obtus et d'un naturel stupide ; elle est moult sotte
bête ^ dit Belon. Elle l'est vraiment beaucoup si elle
se laisse prendre de la manière qu'il raconte et qu'il
nomme folâtrerîe. Un homme couvert d'une cape
couleur de feuille sèche, marchant courbé sur deux
courtes béquilles , s'approche doucement, s'arrêlant
lorsque la bécasse le fixe, continuant d'aller lors-
qu'elle recommence à errer, jusqu'à ce qu'il la voie
arrêtée la tète basse; alors, frappant doucement de
ses deux bâtons l'un contre l'autre, la bécasse s'y amu-
sera et affolera tellement ^ dit notre naturaliste, que
le chasseur l'approchera d'assez près pour lui passer
un lacet au cou.
Est-ce en la voyant se laisser approcher ainsi que
les anciens ont dit qu'elle avoit pour l'homme un
merveilleux penchant? En ce cas elle le placeroit
bien mal et dans son plus grand ennemi. II est vrai
qu'elle vient, en longeant les bois, jusque dans les
haies des fermes et des maisons champêl res. Aristote
le remarque; mais Albert se trompe en disant qu'elle
cherche les lieux cultivés et les jardins, pour y recueil-
lir des semences, puisque la bécasse ni môme aucua
oiseau de son genre ne touchent aux fruits et aux
i^raines; la forme de leur bec, étroit, très long, et
7)7)6 LA BÉCASSE.
tendre à la pointe , leur interdiroit seule cette sorte
d'aliment; et en effet la bécasse ne se nourrit que de
vers'^ ; elle fouille dans la terre molle des petits marais
et des environs des sources, sur les pâquis fangeux
et dans les prés humides qui bordent les bois. Elle
ne gratte point la terre avec les pieds; elle détourne
seulement les feuilles avec son bec , les jetant brus-
quement à droite et à gauche. Il paroît qu'elle cher-
che et discerne sa nourriture par l'odorat plutôt que
par les yeux , qu'elle a mauvais ; mais la nature semble
lui avoir donné dans l'extrémité du bec un organe de
plus et un sens particulier approprié à son genre de
vie; la pointe en est charnue plutôt que cornée, et pa-
roît susceptible d'une espèce de tact propre à démê-
ler l'aliment convenable dans la terre fangeuse; et ce
privilège d'organisation a de môme été donné aux bé-
cassines et apparemment aussi aux chevaliers, aux
barges, et autres oiseaux qui fouillent la terre humide
pour trouver leur pâture ^.
Du reste le bec de la bécasse est rude, et comme
barbelé aux côtés vers son extrémité, et creusé sur sa
longueur de rainures profondes; la mandibule supé-
1. Dès qu'elles entrent dans le bois, elles courent sur les tas de
feuilles sèches , elles les retournent ou les écarlent pour prendre les
vers qui sont dessous. Les bécasses ont cette habitude commune avec
les vanneaux et les pluviei's, qui les prennent par le même moyen sons
l'herbe ou le blé vert. ]^is j'ai observé que ces derniers oiseaux , dont
j'ai élevé plusieurs dans uym jardin, i'rappoient la terre avec le pied
autour des trous où il y avoit des vers , apparemment pour les faire
sortir de leur retraite au moyen de la commotion , et les prenoient
souvent même avant qu'ils fussent entièrement sortis de terre. {Note
communiquée par M. Bâillon, de Montreuil-sur-mer.)
2. Celle belle lemarque nous est communiquée pnr M. Ilébcrl.
LA BKCASSK. 007
rieure forme seule la pointe arrondie dn bec, en dé-
bordant la mandibule iniérienre, qui est comme tron-
quée et vient s'adapter en dessous par un joint obli-
que. C'est de la longueur de son bec que cet oiseau
a pris son nom dans la plupart des langues, à remon-
ter jusqu'à la grecque^. Sa tôle, aussi remarquable
que son bec , est plus carrée que ronde, et les os du
crâne font un angle presque droit sur les orbites des
yeux. Son plumage, qu'Aristote compare à celui du
francolin , est trop connu pour le décrire ; et les beaux
effets de clair-obscur que des teintes bâchées, fon-
dues, lavées de gris, de bistre , et de terre d'ombre,
y produisent, quoique dans le genre sombre, seroient
difficiles et trop longs à décrire dans le détail.
Nous avons trouvé à la bécasse une vésicule du fiel,
quoique Belon se soit persuadé qu'elle n'en avoit
point: cette vésicule verse sa liqueur par deux con-
duits dans le duodénum. Outre les deux cœcums or-
dinaires, nous en avons trouvé un troisième placé à
environ sept pouces des premiers et qui avoit avec
l'intestin une communication tout aussi manifeste ;
mais comme nous ne l'avons observé que sur un seul
individu, ce troisième cœcum est peut-être une va-
riété individuelle, ou un simple accident. Le gésier
est musculeux, doublé d'une membrane ridée sans
adhérence; on y trouve souvent de petits graviers,
que Toiseau avale sans doute en mangeant les vers de
terre. Le tube intestinal a deux pieds neuf pouces de
longueur.
Gesner donne la grosseur de la bécasse avec plus
1. Scolopax, à scoiops, pal ou pieu. — ScoLopax , quod rosira palo
{scolopos) similia vident ur.
558 . LA BÉCASSE.
de justesse en l'égalant à la perdrix que ne fait Aris-
tote , qui la compare à la poule , et cette comparaison
semble nous indiquer que la race commune des pou-
les chez les Grecs étoit bien plus petite que la nôtre.
Le corps de la bécasse est en tout temps fort charnu
et très gras sur la fin de l'automne^; c'est alors et
pendant la plus grande partie de l'hiver qu'elle fait
un mets recherché 2, quoique sa chair soit noire et
ne soit pas fort tendre; mais, comme chair ferme,
elle a la propriété de se conserver long-temps; on la
cuit sans ôter les entrailles, qui broyées avec ce
qu'elles contiennent, font le meilleur assaisonnement
de ce giber. On observe que les chiens n'en mangent
point : il faut que ce fumet ne leur convienne pas
et même qu'il leur répugne beaucoup ; car il n'y a
guère que les barbets qu'on puisse accoutumer à rap-
porter la bécasse. La chair des jeunes a moins de fu-
met, mais elle est plus tendre et plus blanche que
celle des bécasses adultes ; toutes s'amaigrissent à me-
sure que le printemps s'avance ; et celles qui restent
en été sont, dans cette saison, dures, sèches, et d'un
fumet trop fort.
C'est à la fin de l'hiver, c'est-à-dire au mois de mars,
que presque toutes les bécasses quittent nos plaines
pour retourner sur les montagnes, rappelées par l'a-
1 . Olina et Longolius disent qu'on l'engraisse avec une pâle faite de
farine de blé sarrasin {farina cCorzo) et de figues sèches ; ce qui nous
jiaroit difficile pour un oiseau si sauvage, et inutile pour un gibier
aussi gras dans sa saison.
2. Il paroît, au récit d'Olina, que la chasse en continue toutl'hiver
en Italie. Les grands froids au fort de l'hiver , dans nos provinces ,
obligent les bécasses de s'éloigner un peu ; cependant il en reste en-
core quelques unes dans nos bois, près des fontaines cI^aude^.
LA BÉCASSE. 539
mour à la solitude, si douce avec ce sentiment. On
voit ces oiseaux au printemps partir apparies; ils vo-
lent alors rapidement et sans s'arrêter pendant la nuit;
mais le matin ils se cachent dans les bois pour y passer
la journée et en partent le soir pour continuer leur
route ^. Tout l'été ils se tiennent dans les lieux les
plus solitaires et les plus élevés des montagnes où ils
nichent, comme dans celles de Savoie, de Suisse,
du Dauphiné, du Jura, du Bugey, et des Vosges : il
en reste quelques uns dans les cantons élevés de
l'Angleterre et de la France , comme en Bourgogne,
en Champagne , etc. Il n'est pas même sans exemple
que quelques couples de bécasses se soient arrêtées
dans nos provinces de plaines et y aient niché, re-
tardées apparemment par quelques accidents, et sur-
prises dans la saison de l'amour loin des lieux où les
portent leurs habitudes naturelles. Edwards a pensé
qu'elles alloient toutes, comme tant d'autres oiseaux,
dans les contrées les plus reculées du nord : appa-
remment il n'étoit pas informé de leur retraite aux
montagnes et de l'ordre de leurs routes, qui, tracées
sur un plan différent de celui des autres oiseaux, ne
se portent et ne s'étendent que de la montagne à la
plaine et delà plaine à la montagne.
La bécasse fait son nid par terre, comme tous les
oiseaux qui ne se perchent pas : ce nid est com-
posé de feuilles ou d'herbes sèches, entremêlées de
petits brins de bois; le tout rassemblé sans art et
amoncelé contre un tronc d'arbre, ou sous une grosse
racine. On y trouve quatre ou cinq œufs oblongs un
1. Observation faite par M. Bailiou , de Montreuil-sur-iiier.
040 LA BÉCASSE.
peu plus gros que ceux du pigeon commun : ils sont
d'un gris roussâtre, marbré d'ondes plus foncées et
noirâtres. On nous a apporté un de ces nids avec des
œufs dès le i5 avril. Lorsque les petits sont éclos , ils
quittent le nid et courent , quoique encore couverts
de poil follet; ils commencent même à voler avant
d'avoir d'autres plumes que celles des ailes : ils fuient
aussi voletant et courant quand ils sont découverts;
on a vu la mère et le père prendre sous leur gorge un
des petits, le plus foible sans doute, et remporter ainsi
à plus de mille pas. Le mâle ne quitte pas la femelle
tant que les petits ont besoin de leurs secours : il ne
fait entendre sa voix que dans le temps de leur édu-
cation et de ses amours; car il est muet, ainsi que la
femelle, pendant le reste de l'année^. Quand elle
couve, le mâle est presque toujours couché près d'elle
etilssemblent encore Jouir en reposant mutuellement
leur bec sur le dos l'un de l'autre. Ces oiseaux, d'un
naturel solitaire et sauvage, sont donc aimants et ten-
dres : ils deviennent même jaloux; car l'on voit les
mâles se battre jusqu'à se jeter par terre et se piquer
à coups de bec , en se disputant la femelle ; ils ne de-
viennent donc stupides et craintifs qu'après avoir
perdu le sentiment de l'amour, presque toujours ac-
compagné de celui du courage.
L'espèce de la bécasse est universellement répan-
due; Aldrovande et Gesner en ont fait la remarque.
1. Ces petits cris ont des Ions difi'érents, passant du grave à l'aigu ,
go, go, go, go; pidi , picli, pidi; cri, cri, cri, cri : ces derniers semblent
être de colère entre plusieurs mâles rassemblés. Ils ont aussi une es-
pèce de croassement , couan, couan , et un certain grondement , frou,
frou, frou, lorsqu'ils se poursuivent.
LA BÉCASSE. 34 1
On la trouve dans les contrées du midi comme dans
celles du nord, dans l'Ancien et dans le Nouveau-
Monde ; on la reconnoît dans toute l'Europe , en Ita-
lie 5 en Allemagne , en France, en Pologne , en Russie,
en Silésie , en Suède, en Norwége, et jusqu'en Groen-
land, où elle a le nom de sauarsuck ^ et où , par un
composé suivant le génie de la langue, les Groenlan-
dois en ont un pour signifier le chasseur aux bécasses;
en Islande la bécasse fait partie du gibier qui abonde
sur cette île, quoique semée de glaces; on la retrouve
aux extrémités septentrionales et orientales de l'Asie,
où elle est commune, puisqu'elle est nommée dans
les langues kamtschadales, koriaques, et kouriles,
M. Gmelin en a vu quantité à Mangasea et en Sibérie
sur le Jénisca ; et, quoique les bécasses y soient en
grand nombre , elle ne font qu'une très petite partie
de cette multitude d'oiseaux d'eau et de rivage de
toute espèce, qui, dans cetle saison, se rassemblent
sur les bords et les eaux de ce fleuve.
La bécasse se trouve de même en Perse , en Egypte
aux environs du Caire ; et ce sont apparemment celles
qui vont dans ces régions qui passent à Malte en no-
vembre, par les vents du nord et de nord-(^st, et ne
s'y arrêtent qu'autant qu'elles y sont retenues par le
vent. En Barbarie elles paroissent , comme dans nos
contrées, en octobre et jusqu'en mars ; et il est assez
singulier que cette espèce remplisse en même temps
le nord et le midi, ou du moins puisse s'habituer
dans la zone torride , en paroissant naturelle aux
zones froides; car M. Adanson a trouvé la bécasse
dans les îles du Sénégal ; d'autres voyageurs l'ont vue
en Guinée et sur la côte d'Or; Kaenipfer en a remar-
JUII'FOIS, XXV,
342 LA BÉCASSE.
que en mer, entre la Chine et le Japon, et il paroît
que Knox les a aperçues à Ceylan. Et puisque la bé-
casse occupe tous les climats et se trouve dans le nord
de l'ancien continent , il n'est pas étonnant qu'elle se
retrouve au Nouveau-Monde : elle est commune aux
Illinois et dans toute la partie méridionale du Canada,
ainsi qu'à la Louisiane, où elle est un peu plus grosse
qu'en Europe ; ce que l'on attribue à l'abondance de
nourriture. Elle est plus rare dans les provinces plus
septentrionales de l'Amérique. Mais la bécasse de la
Guiane , connue à Cayenne sous le nom de bécasse
des savanes^ nous paroît assez difFérer de la nôtre pour
former une espèce séparée; nous la donnerons après
avoir décrit les variétés peu nombreuses de cette es-
pèce en Europe.
Variétés de la Bécasse.
I.
LA BÉCASSE BLANCHE.
Cette variété est rare, du moins dans nos contrées.
Quelquefois son plumage est tout blanc, plus souvent
encore mêlé de quelques ondes de gris ou de marron;
le bec est d'un blanc jaunâtre ; les pieds sont d'un
jaune pâle avec des ongles blancs, ce qui sembleroit
indiquer que cette blancheur tient à une dégénéra-
tion différente du changement de noir en blanc qu'é-
prouvent les animaux dans le nord; et cette dégéné-
ration dans l'espèce de la bécasse est assez semblable
à celle du nègre blanc dans l'espèce humaine.
VARIÉTÉS DE LA BECASSE. JqS
II.
LA BÉCASSE ROUSSE.
Dans cette variété tout le plumage est roux sur
roux , par ondes plus foncées sur un fond plus clair;
elle paroît encore plus rare que la première. L'une
et l'autre furent tuées à la chasse du roi , au mois de
décembre 1776, et sa majesté nous fit l'honneur de
nous les envoyer par M. le comte d'Angiviller, pour
être placées dans son Cabinet d'histoire naturelle.
III.
Les chasseurs prétendent distinguer deux races de
bécasses^, la grande et la petite : mais comme le na-
turel et les habitudes sont les mêmes dans ces deux
bécasses, et qu'en tout le reste elles se ressemblent,
nous ne regarderons cette petite différence de taille
que comme accidentelle ou individuelle, ou comme
celle du jeune à l'adulte , laquelle par conséquent
ne constitue pas deux races séparées entre deux
oiseaux qui du reste sont les mêmes , puisqu'ils s'u-^
nissent et produisent ensemble.
î. J'ai remarqué plusieurs fois qu'il paroît y avoir deux espèces de
bécasses. Les premières qui arrivent sont les plus grosses; elles ont
les pieds gris, tirant légèrement sur le rose : les autres sont plus pe-
tites; leur plumage est semblable à celui de la grande bécasse, mais
elles ont les pieds de couleur bleue; et on a observé que lorsque
l'on prend celte petite espèce aux environs de Montreuil en Picardie ,
la grande bécasse y devient plus rare. {Note communiquée par M. Bail-
Ion de Montreuii-sur-Mer.)
544 ^^ KÉCASSE DKS SAVANES.
OISEAU ÉTRANGER
OUI A RAPPORT A LA BÉCASSE
. LA BÉCASSE DES SAVANES»
Scolopax paludosa. L.
Cette bécasse de la Giiiane, n° 895, quoique du
quart plus petite que celle de France, a néanmoins
le bec encore plus long; elle est aussi un peu plus
haut montée sur ses pieds, qui sont bruns comme
le bec. Le gris blanc, coupé et varié par barres de
noir, domine dans son plumage, moins mêlé de roux
que celui de notre bécasse. Avec ces différences ex-
térieures que le climat a fait naître, celles des mœurs
et des habitudes qu'il produit aussi se reconnoissent
dans la bécasse des savanes; elle demeure habituel-
lement dans ces immenses prairies naturelles d'où
l'homme et les chiens ne l'ont point encore chassée ,
parce qu'ils n'y sont point établis ; elle se tient dans
les coulées ; on appelle ainsi les enfoncements des sa-
vanes , où il y a toujours de la vase et des herbes
épaisses et hautes, évitant néanmoins celles où la ma-
rée monte et dont l'eau est salée. Dans la saison des
pluies ces petites bécasses cherchent les hauteurs et
s'y tiennent dans les herbes : c'est là qu'elles s'appa-
rient et qu'elles nichent sur de petites élévations
dans des trous tapissés d'herbes sèches. Les pontes
LA BÉCASSE DES SAVANES. 345
ne sont que de deux œufs; mais elles se réitèrent et
ne finissent qu'en juillet. Les pluies passées, ces bé-
casses reviennent aux coulées, c'est-à-dire des lieux
élevés aux plus bas; ce qui leur est commun avec les
bécasses d'Europe. Le feu qu'on met souvent aux sa-
vanes en septembre et octobre les chassant devant
lui , elles refluent en grand nombre dans les lieux
voisins des parties incendiées : mais elles semblent
éviter les bois; et lorsqu'on les poursuit, elles n'y
font jamais remise, et s'en détournent pour regagner
les savanes. Cette habitude est contraire à celle de la
bécasse d'Europe : néanmoins elles partent comme
celte dernière, toujours sous les pieds du chasseur;
elles ont la même pesanteur en se levant , le même
vol bruyant , et elles Gentent de même en commen-
çant à filer. Lorsqu'une de ces bécasses est tirée,
elle ne va pas se reposer loin, mais fait plusieurs tours
avant de s'abattre. Communément elles partent deux
à deux, qvielquefois trois ensemble; et lorsqu'on en
voit une, on peut être assuré que la seconde n'est pas
loin. On les entend, à l'approche de la nuit, se rappe-
ler par un cri de ralliement un peu rauque , assez
semblable à cette voix basse, ka^ ka^ ka^ ka^ que fait
souvent entendre la poule domestique ; elles se pro-
mènent la nuit, et on les voit, au clair de la lune,
venir se poser jusqu'aux portes des habitations. M. de
La Borde, qui a fait ces observations à Cayenne, nous
assure que la chair de la bécasse des savanes est au
moins aussi bonne que celle de la bécasse de France,
546 LA BÉCASSINE.
LA BÉCASSINE'.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Scolopax Gallinago, L.
La bécassiae est très bien nommée , puisqu'on ne
]a considérant que par la figure on pourroit la pren-
dre pour une petite espèce de bécasse. Ce serait une
petite bécasse j dit Belon , si elle n'étoit de înœurs dif-
férentes. En effet, la bécassine , n" 883, a, comme la
bécasse, le bec très long et la tête carrée ; le plumage
madré de même, excepté que le roux s'y mêle moins
et que le gris blanc et le rioir y dominent : mais ces
ressemblances, bornées à l'extérieur, n'ont pas pé-
nétré l'intérieur; le résultat de l'organisation n'est pas
le même, puisque les habitudes naturelles sont op-
posées. La bécassine ne fréquente pas les bois; elle
se tient dans les endroits marécageux des prairies ,
dans les herbages et les osiers qui bordent les ri-
vières : elle s'élève si haut en volant qu'on l'entend
encore lorsqu'on l'a perdue de vue; elle a un petit
cri chevrotant, mée^ mêejf mée_, qui lui a fait donner
par quelques nomenclateurs le surnom de chèvre vo-
lante; elle jette aussi, en prenant son essor, un petit
cri court et sifflé ; elle n'habite les montagnes en au-
cune saison : elle diffère donc de la bécasse par le
1. En italien , pizzardella ; ea anglois, suite ^ snipe; en allemand ,
schnepfflin, wasser-schnepffe , heers sclinepffe (comme bécasse des sei-
gneurs, à cause de sa délicatesse), grasz - sc/t/tc/>/^ ( bécasse d'herbes,
parce qu'elle se cache dans les herbages des marais).
Tome a5.
.LA BECASSINE , 2, LE CHEVALIERAUX PIEDS ROUGES
LA BÉCASSINE. 54;
naturel et par les habitudes, autant qu'elle lui res-
semble par le plumage et la figure.
En France les bécassines paroissent en automne.
On en voit quelquefois trois ou quatre ensemble ;
mais le plus souvent on les rencontre seules. Elles
partent de loin, d'un vol très preste; et, après trois
crochets, elles filent deux ou trois cents pas, ou poin-
tent en s'élevant à perte de vue. Le chasseur sait
faire fléchir leur vol , et les amener près de lui en
imitant leur voix. 11 en reste tout Thiver dans nos con-
trées autour des fontaines. Au printemps elles repas-
sent en grand nombre , et il paroît que cette saison
est celle de leur arrivée en plusieurs pays où elles
nichent, comme en Allemagne, en Silésie, en Suisse:
mais en France il n'en reste que quelques unes pen-
dant l'été, et elles nichent dans nos marais. Willuhgby
l'observe de même pour l'Angleterre. On trouve leur
nid en juin ; il est placé à terre , sous quelque grosse
racine d'aune ou de saule, dans les endroits maréca-
geux où le bétail ne peut parvenir; il est fait d'herbes
sèches et de plumes, et contient quatre ou cinq œufs
de forme oblongue, d'une couleur blanchâtre avec
des taches rousses. Les petits quittent le nid en sor--
tant de la coque; ils paraissent laids et informes:
la mère ne les en aime pas moins ; elle en a soin jus-
qu'à ce que leur grand bec trop mou soit devenu plus
ferme , et ne les quitte que quand ils peuvent aisé-
ment se pourvoir d'eux-mêmes.
La bécassine pique continuellement la terre, sans
(ju'on puisse bien dire ce qu'elle mange. On ne trouve
dans soo estomac qu'un résidu terreux et des liqueurs,
qui sont apparemment la substance fondue des vers
548 LA BÉCASSIiNE.
dont elle se nourrit; car Aldrovande remarque qu'elle
a le bout de la langue terminé comme les pics par
un pointe aiguë , propre à percer les vers qu'elle
fouille dans la vase.
Dans cette espèce de bécassine la tête a un mouve-
ment naturel de balancement horizontal, et la queue
un mouvement de haut en bas; elle marche pas à pas,
la tête haute, sans sautiller ni voltiger : mais on la sur-
prend rarement dans cette situation; car elle se tient
soigneusement cachée dans les roseaux et les her-
bes des marais fangeux , où les chasseurs ne peu-
vent aller trouver ces oiseaux qu'avec des espèces
de raquettes faites de planches légères , mais assez
larges pour ne point enfoncer dans le limon; et
comme la bécassine part de loin et très rapidement,
et qu'elle fait plusieurs crochets avant de filer, il n'y
a pas de tiré plus difficile : on la prend plus aisément
avec un rejet semblable à celui qu'on place dans les
sentiers des bois pour prendre la bécasse.
La bécassine est ordinairement fort grasse ; et sa
graisse, d'une saveur fine , n'a rien du dégoût des
graisses ordinaires; on la cuit comme la bécasse,
sans la vider, et partout on la recherche comme un
gibier exquis.
Au reste, quoiqu'on ne manque guère de trouver
en automne des bécassines dans nos marais, l'espèce
n'en est pas aussi nombreuse aujourd'hui qu'elle l'é-
toit ci-devant; mais elle est répandue encore plus
universellement que celle de la bécasse ; on la ren-
contre dans toutes les parties du monde : quelques
voyageurs éclairés en ont fait la remarque. On nous
l'a envoyée de Cayenne. où on l'appelle bécassine de
LA BÉGASSIÎÎE. 349
savane; M. Frëzier Ta trouvée dans les campagnes du
Chili ; elle est commune à la Louisiane, où elle vient
Jusqu'auprès des habitations, de même qu'au Canada
et à Saint-Domingue. Dans l'ancien continent on la
trouve depuis la Suède et la Sibérie jusqu'à Ceylan
et au Japon; nous lavons reçue du cap de Borme-
Espérance^; elle s'est portée sur les terres lointaines
de l'Océan austral; aux îles Malouines , où M. de
Eougainviîle l'a vue, et où il remarque qu'elle a des
habitudes conformes à ces lieux solitaires, où rien ne
l'inquiète : son nid est au milieu de la campagne; on
la tire aisément; elle n'a nulle défiance, et ne fait
point le crochet en parlant; nouvelle preuve que les
habitudes timides des animaux fugitifs devant l'homme
leur sont imprimées par la crainte : et cette crainte
dans la bécassine paroît encore se réunir à la forte aver-
sion qu'elle a pour l'homme, car elle est du nombre
de ces oiseaux qu'en aucune manière on ne peut ap-
privoiser. Longolius assure qu'on peut élever et tenir
la bécasse en volière, et même la nourrir pour l'en-
graisser, mais que la chose a été tentée sur la bécas-
sine inutilement et sans succès.
Il paroît qu'il y a dans cette espèce une petite race
comme dans celle de la bécasse; car, indépendam-
ment de la petite hécjàss'me, surnommée la sourde,
dont nous allons parler, il s'en trouve entre celles de
1. Cette bécassine du cap de Bonne-Espérance est un peu plus
grande , avec le bec encore plus long et les jambes un peu plus grosses
que la nôtre ; ce qui n'empêche pas qu'on ne les reconnoisse très clai-
rement pour être de la même espèce. Elle est différente d'une autre
bécassine du Gap, qui y paroît indigène, et que nous donnerons tout-
à-l'heure.
350 L\ BÉCASSINE.
l'espèce ordinaire de grandes et d'autres plus petites :
mais cette différence de taille, qui n'est accompagnée
d'aucune autre ni dans les mœurs ni dans le plu-
mage, n'indique tout au plus qu'une diversité de
race, ou peut-être une variété purement accidentelle
et individuelle qui ne tient point au sexe; car on ne
connoît aucune différence apparente entre le mâle
et la femelle dans cette espèce, non plus que dans
la suivante.
LA PETITE BECASSINE\
SURNOMMÉE LA SOURDE.
SECONDE ESPÈCE.
Scolopax Gallinula. L.
La petite bécassine , n" 884 ? ^'^ ^"^ moitié de la
grandeur de l'autre , d'oii vient ^ dit Belon, que les
'pourvoyeurs l'appellent deux pour un. Elle se cache
dans les roseaux des étangs, sous les joncs secs et les
glaïeuls tombés au bord, des eaux; elle s'y tient si
obstinément cachée qu'il faut presque marcher des--
sus pour la faire lever, et qu'elle part sous les pieds
comme si elle n'entendoit rien du bruit que l'on fait
en venant à elle : c'est de là que les chasseurs l'ont
appelée la sourde. Son vol est moins rapide et plus
1. En anglois, y«(/-cocA , yrtcA: - s»u/je; dans l'Orléanois , becqueroUe
oa bouc) ioUe; ei foucauU, suWaul M. Salcruc ; ce qui paroît revenir
au nom obscène que lui donnent, suivant Belon, les paysans des
côtes.
LA PETITE BÉCASSINE. 35 1
direct que celui de la grande bécassine ; sa chair
n'est pas d'un goût moins délicat, et sa graisse est
aussi fine; mais l'espèce n'en paroît pas aussi nom-
breuse, ou du moins n'est pas aussi généralement
répandue. Willugbby, qui écrivoit en Angleterre,
remarque qu'elle y est moins commune que la grande
bécassine. Linnaeus n'en fait pas mention dans le dé-
nombrement des oiseaux de Suède ; cependant elle
se trouve en Danemarck , suivant M. Brunnich. Cette
petite bécassine a le bec moins long à proportion que
l'autre. Son plumage est le même, avec quelques re-
flets cuivreux sur le dos et de longs traits de pinceaux
roussâtres sur des plumes couchées aux côtés du dos,
et qui, étant allongées, soyeuses, et comme effilées^
ont apparemment donné heu au nom de haar-schnepff^
que les Allemands lui donnent, selon M. Klein.
Ces petites bécassines restent presque toute Tannée
et nichent dans nos marais. Leurs œufs, de même
couleur que ceux de la grande bécassine, sont seule-
ment plus petits à proportion de l'oiseau, qui n'est pas
plus gros qu'une alouette. On a souvent pris cette
petite bécassine pour le mâle de la grande , et Wil-
lugbby corrige cette erreur populaire en avouant
qu'il le croyoit lui-même avant de les avoir compa-
rées; ce qui n'a pas empêché Albin de tomber de
nouveau dans cette même erreur.
>D2 LA BRU NETTE.
^««e<«>««««'e«»«e»*«-»«>«>»ei»^«»«&«*«s^ l
LA BRUNETTE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Tringa alpina. L.
WiLLUGHBY donne cet oiseau sous le nom de dun-
liriy qui peut se rendre par brunette. Il le dit indi-
gène aux parties septentrionales de l'Angleterre. C'est
une petite bécassine de la taille de la précédente, et
qui paroît en différer assez peu. Elle a le ventre noi-
râtre, onde de blanc, et le dessus du corps tacheté
de noir et d'un peu de blanc sur un fond brun roux;
du reste, elle est de la même figure et a les mêmes
habitudes que notre petite bécasse. Ainsi c'est une
espèce très voisine ou peut-être une simple variété de
l'espèce précédente.
OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AUX BÉCASSINES.
LA BÉCASSIINE
DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Scolopax capensis. L.
Elle est un peu plus grande que notre bécassine
commune, mais elle a le bec beaucoup moins long.
LA BÉCASSINE DU CAP DE BONNE-ESPÉllANCE. 55!5
Les couleurs de son plumage sont un peu moins
sombres : un gris bleuâtre haché de petites ondes
noires fait le fond du manteau, que traverse une li-
gne blanche tirée de l'épaule au croupion ; une petite
zone noire marque le haut de la poitrine; le ventre
est blanc ; la tête est coifl'ee de cinq bandes , l'une
roussâtre au sommet , deux grises de chaque coté ,
puis deux blanches qui engagent l'œil et s'étendent
en arrière, n'' 270.
fe<««*9<e>^«•o*o<&w>■»*e*<»l
LA BECASSINE DE MADAGASCAR.
SECONDE ESPÈCE.
Scolopax madagascariensis. L.
Cette bécassine, n° 922, est très jolie par la dis-
position et le mélange des couleurs de son plumage :
la tête et le cou sont de couleur rousse, traversée
d'un trait blanc qui passe sur l'œil et qui est surmon-
tée d'un trait noir; le bas du cou est ceint d'un
large collet noir; les plumes du dos sont noirâtres,
festonnées de gris; le roussâtre, le gris, le noirâtre,
sont coupés sur les couvertures de l'aile par de pe-
tits festons ondoyants et serrés; les pennes moyennes
de l'aile et celles de la queue sont coupées transver-
salement par bandes variées de cet agréable mélange,
séparées par trois ou quatre rangs de taches ovales
d'un beau roux clair, encadré de noir; les grandes
pennes sont traversées de bandes alternativemeni;
noires et rousses ; le dessous du corps est blanc. Cette
bécassine a près de dix pouces de longueur.
554 ï '^ BÉCASSINE DE LA CHINE.
LA BÉCASSINE DE LA CHINE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Scolopax shinensls. L.
Cette bécassine, n* 881, est un peu moins grosso
que notre grande bécassine ; mais elle est un peu
plus haute sur jambes : elle a le bec presque aussi
long. Son plumage est moins sombre : il est cha-
marré sur le manteau par taches assez larges et par
festons de gris brun, de bleuâtre, de noir et de roux
clair; la poitrine est ornée d'un large feston noir ;
le dessous du corps est blanc ; le cou est piqueté de
gris blanc et de roussâtre, et la tête est traversée de
traits noirs et blancs.
La bécassine de Madras ^ donnée par M. Brisson ,
auroit assez de rapport par les couleurs, telles qu'il
les décrit, avec cette bécassine de la Chine ; mais
un caractère qui manque à celle-ci est ce doigt pos-
térieur aussi long que ceux du devant que M. Brisson
attribue à la bécassine de Madras , et qui , ce semble ,
dans les règles de la nomenclature, auroit dû lui faire
exclure cet oiseau du genre des bécassinese
LES BARGES.
De tous ces êtres légers sur lesquels la nature a
'épandu tant de vie et de grâce , et qu'elle paroît
LES BAUGES. 355
avoir jetés à travers la grande scène de ses ouvrages
pour animer le vide de l'espace et y produire du
mouvement, les oiseaux de marais sont ceux qui ont
eu le moins de part à ses dons : leurs sens sont ob-
tus, leur instinct est réduit aux sensations les plus
grossières, et leur naturel se borne à chercher alen-
tour des marécages leur pâture sur la vase ou dans
la terre fangeuse, comme si ces espèces, attachées au
premier limon, n avoient pu prendre part au progrès
plus heureux et plus grand qu'ont fait successivement
toutes les autres productions de la nature , dont les
développements se sont étendus et embellis par les
soins de l'homme, tandis que ces habitants des ma-
rais sont restés dans l'état imparfait de leur nature
brute.
En effet ^ aucun d'eux n'a les grâces ni la gaieté de
nos oiseaux des champs; ils ne savent point, comme
ceux-ci, s'amuser, se réjouir ensemble, ni prendre
de doux ébats entre eux sur la terre ou dans l'air;
leur vol n'est qu'une fuite , une traite rapide d'un
froid marécage à un autre ; retenus sur le sol humide,
ils ne peuvent, comme les hôtes des bois, se jouer
dans les rameaux ni même s'y poser; ils gisent à
terre et se tiennent à l'ombre pendant le jour; une
vue foibîe, un naturel timide, leur font préférer l'ob-
scurité de la nuit ou la lueur des crépuscules à la clarté
du jour, et c'est moins par les yeux que par le tact
ou par l'odorat qu'ils cherchent leur nourriture. C'est
ainsi que vivent les bécasses, les bécassines, et la plu-
part des autres oiseaux des marais, entre lesquels les
barges forment une petite famille immédiatement au
dessous de celle de la bécasse relies ont la même forme
556 LES BARGES,
de corps, mais ies jambes plus hautes et le bec en-
core plus long, quoique conformé de même, à pointe
mousse et lisse, droit ou un peu fléchi et légèrement
relevé. Gesner se trompe en leur prêtant un bec aigu
et propre à darder les poissons : les barges ne vivent
que des vers et vermisseaux qu'elles tirent du limon.
On trouve dans leur gésier des graviers, la plupart
transparents, et tout semblables à ceux que contient
aussi le gésier de l'avocette''^. Leur voix est assez ex-
traordinaire ; car Belon la compare au bêlement
étoulTé d'une chèvre. Ces oiseaux sont inquiets et
partent de loin , et jettent un cri de frayeur en par-
tant. Ils sont rares dans les contrées éloignées de la
mer et ils se plaisent dans les marais salés. Ils ont
sur nos côtes et en particulier sur celles de Picardie^
lin passage régulier dans le mois de septembre; on
les voit en troupes et on les entend passer très haut
le soir au clair de lune. La plupart s'abattent dans les
marais, la fatigue les rend alors moins fuyards. Ils
ne reprennent leur vol qu'avec peine; mais ils cou-
rent comme des perdrix, et le chasseur, en les tour-
nant, les rassemble assez pour en tuer plusieurs d'un
seul coup. Ils ne séjournent qu'un jour ou deux dans
le même lieu , et souvent dès le lendemain on n'en
trouve plus un seul dans ces marais, où ils étoient
la veille en si grand nombre. Ils ne nichent pas sur
nos côtes. Leur chair est délicate et très bonne à
mancer.
i. Observation faite par M. Bâillon, sur les barges de passage sur
les côtes de Picardie, et qui lui fait penser que ces oiseaux et Tavo-
cctte viennent alors des mêmes pays.
2. Les barges s'appellent taierlaa on Picardie.
LES BARGES, 3^7
Nous distinguons huit espèces dans le genre de ces
oiseaux.
>iB<8««e<6**8«(V6 9*9*01)
LA BARGE COMMUNE.
PPxEMlÈRE ESPÈCE.
Limosa melanura, Leisler. (Plumage d'hiver, )
Le phimage de cette barge, n° 874, est d'un gris
uniforme, à l'exception du front et de la gorge , dont
la couleur est roussâtre ; le ventre et le croupion
sont blancs; ies grandes peines de l'aile sont noi-
râtres au dehors, blanchâtres en dedans; les pen-
nes moyennes et les grandes couvertures ont beau-
coup de blanc; la queue est noirâtre et terminée
de blanc ; les deux plumes extérieures sont blan-
ches ; le bec est noir à la pointe et rougeâtre dans
sa longueur, qui est de quatre pouces; les pieds,
avec la partie nue des jambes, en ont quatre et demi.
La longueur totale, de la pointe du bec au bout de
la queue, est de seize pouces et de dix-huit jusqu'au
bout des doigts.
M. Hébert nous a dit avoir tué quelques barges de
cette espèce en Brie. Il paroît donc qu'elles s'abatteut
quelquefois dans le milieu des terres, ou qu'elles y
sont poussées par quelque coup de vent.
KUFFOiV. XXT,
25
558 LA BARGE ABOYEUSE.
LA BARGE ABOYEUSE.
SECONDE ESPÈCE.
Totanus glottis. Bechst.
Il faut que le cri de cet oiseau ressemble à un
aboiement, 'puisqu'il a pris chez les Anglois le nom
à'aboyeur ( barker ) , sous lequel Albin et ensuite
M. Adanson l'ont indiqué. La dénomination de barge
grise qu'elle porte dans les planches enluminées,
n° 876, ne la distingue pas assez de la première es-
pèce, qui est grise aussi et même plus uniformé-
ment que celle-ci, dont le manteau gris brun est
frangé de blanchâtre autour de chaque plume; celles
de la queue sont rayées transversalement de blanc
et de noirâtre. Cette barge diffère aussi de la pre-
mière par la grandeur ; elle n'a que quatorze pouces
de longueur de la pointe du bec au bout des doigts.
Elle habite les marécages des côtes maritimes de
l'Europe , tant de l'Océan que de la Méditerranée.
On la trouve dans les marais salants, et, comme les
autres barges, elle est timide et fuit de loin; elle ne
cherche aussi sa nourriture que pendant la nuit.
LA BARGE VARIEE. .)ôQ
LA BARGE VARIÉE*.
TROISIÈME ESPÈCE.
Totanm Glottis. Bechst.
Si la plupart des nomenclateurs n'avoient pas donné
cette barge comme distinguée de la précédente cl
sous des noms différents , nous ne ferions de toutes
deux qu'une seule et môme espèce : les couleurs du
plumage sont les mêmes; la forme, entièrement sem-
blable, ne diffère qu'en ce que celle-ci est un peu
plus grande , ce qui n'indique pas toujours une di-
versité d'espèces; car l'observation nous a souvent
démontré que dans la même espèce il se trouve des
variétés dans lesquelles le bec et les jambes sont
quelquefois plus longs ou plus courts d'un demi-
pouce. Tout le plumage de cette barge est, comme
celui de l'aboyeuse, varié de blanc, et cette couleur
frange et encadre le gris brun des plumes du man-
teau ; la queue est rayée de même et le dessous du
corps est blanc. Les Allemands donnent à toutes
deux le nom de meer houn ; les Suédois les appel-
lent gloutt. Ces noms paroissent exprimer un aboie-
ment. Seroit-ce sur ce même nom que Gesner, par
une fausse analogie, auroit pris ces barges pour l'oi-
seau glottis d'Aristote, dont il a fait ailleurs une poule
sultane ou un râle? Albin tombe ici dans une erreur
palpable, en prenant cette barge pour la femelle
du chevalier aux pieds rouges.
1. Même espèce que la précédente.
3G0 LA BARGE ROUSSE.
LA BARGE ROUSSE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Limosa rufa. Brisson. (Plumage d'été.)
Elle est à peu près de la grosseur de l'aboyeuse ;
elle a tout le devant du corps et le cou d'un beau roux;
les plumes du manteau, brunes et noirâtres, sont lé-
gèrement frangées de blanc et de roussâtre; la queue
est rayée transversalement de cette dernière couleur
et de brun. On voit cette barge, n° 900, sur nos côtes ;
elle se trouve aussi dans le nord et jusqu'en Laponie.
On la retrouve en Amérique ; elle a été envoyée de la
baie d'Hudson en Angleterre. C'est im exemple de
plus de ces espèces aquatiques communes aux terres
du nord des deux continents.
LA GRANDE BARGE ROUSSE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Limosa melanura. Leisl. (Plumage d'été. )
Cette barge est en effet plus grande que la pré-
cédente ; mais elle n'a de roux que le cou , et des
bords roussâtres aux plumes noirâtres du dos ; la poi-
trine et le ventre sont rayés transversalement de noi-
râtre sur un fond blanc sale. La longueur de cette
LA GRANDE BARGE ROUSSE. 36l
barge 5 n'^giG, du bec aux ongles, est de dix-sept
pouces. Outre ces différences, qui paroissent la dis-
tinguer assez de la barge rousse, un observateur nous
assure que ces deux espèces passent toujours sépa-
rément sur nos côtes. La grande barge rousse diffère
même de toutes les autres parles mœurs, s'il est
vrai, comme le dit Willughby, qu'elle se promène,
la tête haute , sur les plages sablonneuses et décou-
vertes, sans chercher à se cacher. Le même natura-
liste observe que c'est mal à propos qu'on lui donne
en quelques endroits de la côte d'Angleterre le nom
de stone-plover, qui est proprement celui de notre
courlis de terre ou grand pluvier; mais c'est encore
plus mal à propos que le traducteur d'Albin a rendu
les noms de godwit et à'œgoceplialm, qui désignent
la barge , par celui de francolin. Cette grande barge
rousse , qui se trouve sur nos côtes et sur celles d'An-
gleterre, se porte également sur les côtes de Barba-
rie ; on la reconnoît dans la notice que donne le doc-
teur Shaw de son godwit ofBarbary.
LA BARGE ROUSSE
DE LA BAIE D'HUDSON^
SIXIÈME ESPÈCE.
Limosa melanura. Leisl. ( Var. )
Quoiqu'il y ait dans le plumage de cette barge,
comparé à celui de la précédente, des différences
\. Variété de l'espèce précédente.
56'2 LA BARGE DE LA BAIE d'hUDSON.
qui consistent principalement en ce que celle-cî r^
plus de roux, et que même sa taille soit un peu plus
grande , nous ne laissons pas de la regarder comme
espèce très voisine de celle de notre grande barge
rousse, et peut-être même l'espèce est-elle originai-
rement la môme.
Cette barge rousse de la baie d'Hudson est, comme
l'observe Edwards , la plus grande espèce de ce genre;
elle a seize pouces du bout du bec à celui de la queue
et dix-neuf à celui des doigts. Tout son plumage sur
le manteau est d'un fond brun roux, rayé transversa-
lement de noir; les premières grandes pennes de l'aile
sont noirâtres, les suivantes d'un rouge-bai pointillé
de noir; celles de la queue sont rayées transversale-
ment de cette même couleur et de roux.
NI »»0»9.»»»9»»80<
LA BARGE BRUNE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Totanus fuscus. Bechst.
Cette barge, n** 876, est de la taille de la barge
aboyeuse. Le fond de sa couleur est un brun foncé
et noirâtre, relevé de petites lignes blanchâtres, dont
les plumes du cou et du dos sont frangées , ce qui
les fait paroître agréablement nuées ou écaillées ; les
pennes moyennes de l'aile et ses couvertures sont de
même liserées et pointillées de blanchâtre par les
bords; ses premières grandes pennes ne montrent en
dehors qu'un brun uni ; celles de la queue sont rayées
de brun et de blanc.
LA BAUGE BLANCHE. 565
LA BARGE BLANCHE.
HUITIÈME ESPÈCE.
Trlnga candida. Gmel.
M. Edwards observe que le bec de cette barge flé-
chit en haut comme celui de lavocette; caractère dont
la plupart des barges portent quelque légère trace,
mais qui est fortement marqué dans celle-ci. Elle est
à peu près de la taille de la barge rousse. Son bec,
noir à la pointe , est orangé dans le reste de sa lon-
gueur; tout le plumage est blanc, à l'exception d'une
teinte de jaunâtre sur les grandes pennes de l'aile et
de la queue. Edwards croit que le plumage blanc est
la livrée de ces oiseaux à la baie d'Hudson , et qu'ils
reprennent leurs plumes brunes en été.
Au reste, il paroît que plusieurs espèces de barges
sont descendues plus avant dans les terres de l'Amé-
rique, et qu'elles sont parvenues jusqu'aux contrées
méridionales; car Sloane place à la Jamaïque notre
troisième espèce ; et Fernandès sembîe désigner deux
barges dans la Nouvelle -Espagne par les noms de
ckiquatototl ^ oiseau semblable à notre bécasse, et
clotototlj oiseau du même genre, qui se tient à terre
sous les tiges de maïs.
364 I.ES CHEVALIERS.
LES CHEVALIERS.
« Les François, dit Belon, voyant nn oysillon haut
enciuché sur ses jambes , quasi comme étant à che-
val , l'ont nommé chevalier. » Il seroit difficile de trou-
ver à ce nom d'autre étymologie : les oiseaux che-
valiers sont en effet fort haut montés. Ils sont plus
petits de corps que les barges, et néanmoins ils ont
les pieds tout aussi longs; leur bec, plus raccourci,
est au reste conformé de même ; et dans la nom-
breuse suite des espèces diverses qui de la bécasse
descend jusqu'au cingle c'est après les barges que
doivent se placer les chevaliers : comme elles, ils
vivent dans les prairies humides et dans les endroits
marécageux; mais ils fréquentent aussi les bords des
étangs et des rivières, entrant dans l'eau jusqu'au
dessus du genou. Sur les rivages ils courent avec vi-
tesse , et telle petite corpulencej, dit Belon , montée des-
sus si hautes échasses^ chemine gaiement et court nioult
légèrement. Les vermisseaux sont leur pâture ordi-
naire ; en temps de sécheresse ils se rabattent sur les
insectes de terre et prennent des scarabées, des mou-
ches, etc.
Leur chair est estimée : mais c'est un mets assez
rare ; car ils ne sont nulle part en grand nombre , et
d'ailleurs ils ne se laissent approcher que difficilement:
nous connoissons six espèces de ces oiseaux.
LE CHEVALIER COMMUN. 365
>»a>8»».8<»8<i»9'»a ei»»a»»»a a» ^a-ttoia^^B'»»»»)»»»»»»»»
LE CHEVALIER COMMUN.
PREMIÈRE ESPÈCE.
T ring a ochropus. L.
Il paroît être de la grosseur du pluvier doré , parce
qu'il est fort garni de plumes; et en général les che-
valiers sont moins charnus qu'ils ne semblent l'être.
Celui-ci , n** 844 -> ^ P^'^s d'un pied du bec à la queue
et un peu plus du bec aux ongles. Presque tout son
j)lumage est nue de gris blanc et de roussâtre; toutes
les plumes sont frangées de ces deux couleurs, et
noirâtres dans le milieu. Ces mêmes couleurs de blanc
et de roussâtre sont finement pointillées sur la tête et
s'étendent sur l'aile, dont elles bordent les petites
plumes; les grandes sont noirâtres; le dessous du
corps et le croupion sont blancs. M. Brisson dit que
les pieds de cet oiseau sont d'un rouge pâle , et en
conséquence il lui applique des phrases qui convien-
nent mieux à l'oiseau de l'espèce suivante. Il se pour-
roit aussi qu'il y eût variété dans celle-ci , puisque le
chevalier représenté dans les planches enluminées a
les pieds gris ou noirâtres, de même que le bec.
C'est sur un rapport assez léger de ressemblance
dans les couleurs que Belon a cru reconnoître le cheva-
lier dans le calidris d'Arislote. Le chevalier fréquente
les bords des rivières, se trouve même quelquefois sur
nos étangs, mais plus ordinairement sur les rivages
de la mer. On en voit dans quelques unes de nos pro-
566 LE CHEVALIER COMMUN.
vinces de France et particiilièremenl en Lorraine ; on
en voit aussi sur toutes les plages sablonneuses des
côtes d'Angleterre : il s'est porté jusqu'en Suède , en
Danemarck, et même en Norwége.
LE CHEVALIER
AUX PIEDS ROUGES.
SECONDE ESPÈCE.
Totanus calidris. Bechst. (Plumage de noces.)
Les pieds rouges de ce bel oiseau , n° 845, le ren-
dent d'autant plus remarquable qu'il a plus de la
moitié de la jambe nue ; son bec, noirâtre à la pointe,
est du même rouge vif à la racine. Ce chevalier est
de la même grandeur et figure que le précédent ; son
plumage est blanc sous le ventre , légèrement onde
de gris et de roussâtre sur la poitrine et le devant du
cou , varié sur le dos de roux et de noirâtre par petites
bandes transversales bien marquées sur les petites
pennes de l'aile , dont les grandes sont noirâtres.
C'est certainement de cette espèce que Belon a
parlé sous le nom de chevalier rouge ^ quoique M. Bris-
son , en appliquant cette dénomination à sa seconde
espèce , la rapporte en môme temps à la première
notice de Belon. M. Ray n'a pas mieux connu cet oi-
seau , quand il soupçonne que ce pourroit être le
même que la grande barge grise.
Le chevalier aux pieds rouges s'appelle couricr sur
!a Saône. 11 est connu en Lorraine et dans l'Orléa-
LE CHEVALIEK AUX PIEDS ROUGES. 067
nois, OÙ néanmoins il est assez rare. M. fïébert nous
dit en avoir vu dans la Brie en avril. Il se pose sur
les étangs, dans les endroits où l'eau n'est pas bien
haute. Il a la voix agréable et un petit sifflet sembla-
ble à celui du bécasseau. C'est le même oiseau qui
est connu dans le Bolonois sous le nom de gambette,
nom dérivé de la hauteur de ses jambes. On trouve
aussi cet oiseau en Suède, et il se pourroit qu'il eut,
comme plusieurs autres, passé d'un continent à l'au-
tre. L'yacatopil du Mexique de Fernandès paroîtètre
fort voisin de notre chevalier aux pieds rouges, tant
par les dimensions que par les couleurs ; il faut même
que quelques espèces de ce genre se soient portées
plus avant dans les contrées de l'Amérique, puisque Du
Tertre compte le chevalier au nombre des oiseaux de
la Guadeloupe et que Labat l'a reconnu dans la mul-
titude de ceux de l'île d'Aves. D'autre part un de nos
correspondants nous assure en avoir vu à Cayenne et
à la Martinique en grand nombre. Ainsi nous ne pou-
vons douter que ces oiseaux ne soient répandus dans
presque toutes les contrées tempérées et chaudes des
deux continents.
LE CHEVALIER RAYÉ.
TROISIÈME ESPÈCE.
Totanus calidrls. Bescht. (Plumage d'automne;
jeune âge. )
Ce chevalier , n'' 827 , est à peu près de la taille de
la grande bécassine. Tout son manteau, surfondgris
568 LE CHEVALIER RAYÉ.
et mêlé de roussâtre , est rayé de traits noirâtres,
couchés transversalement ; la queue est coupée de
même sur fond blanc; le cou porte les mêmes cou-
leurs , excepté que les pinceaux bruns y sont tracés
le long de la tige des plumes ; le bec, noir à sa pointe ,
est à sa racine d'un rouge tendre, ainsi que les pieds.
Nous rapporterons à cette espèce le chevalier tacheté
de M. Brisson , qui ne paroît être qu'une très légère
variété.
LE CHEVALIER VARIE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Tringa pugnax. L. ( Jeune âge. )
Ce chevalier, n° 5oo, qui est le même que \e che-
valier cendré de M. Brisson , nous paroît mieux dési-
gné par l'épithète de varié j, puisque, suivant la phrase
même de cet académicien, il a dans le plumage au-
tant de noirâtre et de roux que de gris. La première
couleur couvre le dessus de la tête et le dos , dont
les plumes sont bordées de la seconde, c'est-à-dire
de roux; les ailes sont égalemant noirâtres et frangées
de blanc ou de roussâtre : ces teintes se mêlent à du
gris sur tout le devant du corps. Les pieds et le bec
sont noirs ; ce qui a donné lieu à Belon d'appeler cet
oiseau chevalier noir^ par opposition à celui qui a les
pieds rouges. Tous deux sont de la même grosseur;
mais celui-ci a les jambes moins hautes.
Il paroît que cet oiseau fait son nid de fort bonne
LE CHEVALIER VARIÉ. 569
heure et qu'il revient dans nos contrées avant le prin-
temps; car Belon dit que dès la fin d'avril on apporte de
leurs petits, dont le plumage ressemble alors beaucoup
à celui du râle, et qu autrement onna point accoutumé
de voir ces chevaliers^ sinon en hiver. Au reste, ils ne
nichent pas également sur toutes nos côtes de France:
par exemple nous sommes bien informés qu'ils ne font
que passer en Picardie ; ils y sont amenés par le vent
de nord-est, au mois de mars avec les barges; ils
y font peu de séjour et ne repassent qu'au mois de
septembre. Ils ont quelques habitudes semblables à
celles des bécassines, quoiqu'ils aillent moins de nuit
et qu'ils se promènent davantage pendant le jour. On
les prend de même au rejetoir^. Linna3us dit que cette
espèce se trouve en Suède. Albin, par une méprise
inconcevable , appelle héroii blanc ce chevalier, dont
la plus grande partie du plumage est noirâtre , et qui,
dans aucune partie de sa forme, n'a de ressemblance
au héron.
LE CHEVALIER BLANC.
CINQUIÈME ESPÈCE.
T ring a alba. L.
. Ce chevalier se trouve à la baie d'Hudson ; il est
à peu près de la taille du chevalier, première espèce,
\. M. Bâillon . qui nous communique ces faits, y joint lobservation
suivante sur un de ces oiseaux qu'il a fait nourrir.
« J'en ai gardé un petit , l'an passé , dans mon jardin , plus de qua-
Ù-JO LE CHEVALIEll BLANC.
Tout son plumage est blanc; le bec et les pieds sont
orangés.
Edwards pense que ces oiseaux sont du nombre de
ceux que le froid de l'hiver fait blanchir dans le nord,
et qu'en été ils reprennent leur couleur brune; cou-
leur dont les grandes pennes des ailes et de la queue,
dans la ligure de cet auteur, présentent encore une
teinte, et qui se marque par petites ondes sur le
manteau.
LE CHEVALIER VERT.
SIXIÈME ESPÈCE.
Rallus bengalensis, L.
Albin, après avoir appelé ce chevalier râle d'eau de
Bengale^ le fait venir des Indes occidentales. La figure
qu'il en donne est très mauvaise; on y reconnoît ce-
pendant le bec et les jambes d'un chevalier. Suivant
la notice, ses couleurs ont une teinte de vert sur le
dos et sur l'aile, excepté les trois ou quatre premières
tre mois : j'ai remarqué que dans les temps de sécheresse il prenoit
des mouches , des scarabées, et d'autres insectes , sans doute à défaut
de vers ; il mangeoit aussi du pain trempé dans l'eau , mais il falloit
qu'il y eût été macéré pendant un jour. La mue lui a donné, au mois
d'août, de nouvelles plumes aux ailes , et il est parti au mois de sep-
tembre. Il étoil devenu familier au point de suivre pas à pas le jardi-
nier lorsqu'il avoit sa bêche ; il accouroit dès qu'il voyoit arracher une
plante d'herbe, pour prendre les vers qui se découvroient : aussitôt
qu'il avoit mangé, il couroit se laver dans une jatte remplie d*eau. Je
ne lui ai jamais vu de terre sèche sur le bec ou aux jambes. Cet acte
de propreté est commun à tous les verraivoves. »
n 0,10
Tome i,':
Pïunuct s-ulp
1 . LE CHEVALIF.P. VARIE , Q, , LE COMB ATTAN T E N AMOUR
O, LA. MAU BECHE.
LE CHEVALIER VERT. Ô'J l
pennes, qui sont pourprées et coupées de taches
orangées. Il y a du brun sur le cou et les côtés de la
tête et du blanc à son sommet, ainsi qu'à la poitrine.
o<>»»9»*»»o.»a»8'»»9<»»-»g<»»»e»>
LES COMBATTANTS,
VULGAIREMENT PAONS DE MERK
Trlnga pugnax. L.
Il est peut-être bizarre de donner à des animaux
un nom qui ne paroît fait que pour l'homme en guerre;
mais ces oiseaux nous imitent : non seulement ils se
livrent entre eux des combats seul à seul , des assauts
corps à corps, mais ils combattent aussi en troupes
réglées , ordonnées, et marchant l'une contre l'autre.
Ces phalanges ne sont composées que de raales, qu'on
prétend être, dans cette espèce, beaucoup plus nom-
breux que les femelles. Celles-ci attendent à part la
fin de la bataille et restent le prix de la victoire. L'a-
mour paroît donc être la cause de ces combats, les
seuls que doit avouer la nature , puisqu'elle les oc-
casione et les rend nécessaires par un de ses excès,
c'est-à-dire par la disproportion qu'elle a mise dans
le nombre des mâles et des femelles de cette espèce.
Chaque printemps ces oiseaux arrivent par grandes
i. Sur nos côtes de Picardie, paon de marais, grosse gorge , ou cot-
teret gartt ; en flamand, kemperkens {combattant ou duelliste); en an-
glois , ruffe (le mâle), reeve (la femelle); en suédois et en danois,
brunsliane, le mâle, lorsqu'il porte sa crinière au printemps; et lors-
qu'il l'a perdue après la mue , staal sneppe.
?>'J2 LES COMBATTANTS.
bandes sur les côtés de Hollande, de Flandre, et
d'Angleterre; et, dans tous ces pays, on croit qu'ils
viennent des contrées plus au nord. On les connoît
aussi sur les côtes de la mer d'Allemagne, et ils sont en
grand nombre en Suède et particulièrement en Sca-
nie. Il s'en trouve de même en Danemarck jusqu'en
INorwége , et MuUer dit en avoir reçu trois de Fin-
marchie. L'on ne sait pas où ces oiseaux se retirent
pour passer l'hiver. Comme ils nous arrivent régu-
lièrement au printemps , et qu'ils séjournent sur nos
côtes pendant deux ou trois mois, il paroît qu'ils
cherchent les climats tempérés ; et si les observateurs
n'assuroient pas qu'ils viennent du côté du nord, on
seroit bien fondé à présumer qu'ils arrivent au con-
traire des contrées du midi. Cela me fait soupçonner
qu'il en est de ces oiseaux combattants comme des
bécasses , que l'on a dit venir de l'est et s'en retour-
ner à l'ouest ou au sud, tandis qu'elles ne font que
descendre des montagnes dans les plaines, ou remon-
ter de la plaine aux montagnes. Les combattants peu-
vent de même ne pas venir de loin, et se tenir en
différents endroits de la même contrée, dans les
différentes saisons ; et comme ce qu'ils ont de singu-
lier, je veux dire leurs combats et leur plumage de
guerre, ne se voit qu'au printemps, il est très possi-
ble qu'ils passent en d'autres temps sans être remar-
* qués, et peut-être en compagnie des maubèches ou
des chevaliers, avec lesquels ils ont beaucoup de rap-
ports et même de ressemblances.
Les combattants sont de la taille du chevalier aux
pieds rouges, un peu moins hauts sur jambes; ils ont
le bec de la même forme, mais plus court. Les fe-
LES COMBATTANTS. 5^3
mellos sont ordirtairejiienl plus petites que les mâles,
et se resseûiblent par le plumage, qui est blanc, mé-
lano;é de brun sur le manteau ; mais les maies sont au
printemps si différents les uns des autres, qu'on les
prendroit chacun pour un oiseau d'espèce particu-
lière. De plus de cent qui furent comparés devant
M. Klein, chez le gouverneur de Scanie, on n'en
trouva que deux qui fussent entièrement semblables;
ils différoient ou par la taille , ou par les couleurs , ou
par la forme et le volume de ce gros collier en forme
d'une crinière épaisse déplumes enflées qu'ils portent
autour du cou. Ces plujnes ne naissent qu'au commen-
cement du printemps, et ne subsistent qu'autant que
durent les amours; mais, indépendamment de cette
production de surcroît dans ce temps, la surabondance
des molécules organiques se manifeste encore par l'é-
ruption d'une multitude de papilles charnues et san-
guinolentes qui s'élèvent sur le devant de la tête et
alentour des yeux. Cette double production suppose
dans ces oiseaux une si grande énergie des puissances
productrices, qu'elle leur donne pour ainsi dire une
autre forme plus avantageuse, plus forte, plus fière,
qu'ils ne perdent qu'après avoir épuisé partie de leurs
forces dans les combats, et répandu ce surcroît de
vie dans leurs amours. « Je ne connois pas d'oiseaux ,
nous écrit M. BaîUon , en qui le physique de l'amour
paroisse plus puissant que dans celui-ci; aucun n'a
les testicules aussi forts par rapport à sa taille : ceux
du combattant ont chacun près de six lignes de dia-
mètre , et un pouce ou plus de longueur; le reste de
l'appareil des parties génitales est également dilaté
BlFFOiN. X\V.
5^4 l'Es COMBATTANTS.
dans le temps des amours. On peut de là concevoir
quelle doit être son ardeur guerrière , puisqu'elle est
produite par son ardeur amoureuse, et qu'elle s'exerce
contre ses rivaux. J'ai souvent suivi ces oiseaux dans
nos marais (de basse Picardie), où ils arrivent au mois
d'avril avec les chevaliers, mais en moindre nombre.
Leur premier soin est de s'apparier, ou plutôt de se
disputer les femelles. Celles-ci , par de petits cris, en-
flamment l'ardeur des combattants. Souvent îa lutte
est longue, et quelquefois sanglante. Le vaincu prend
la fuite ; mais le cri de la première femelle qu'il entend
lui fait oublier sa défaite, prêta entrer en lice de nou-
veau si quelque antagoniste se présente. Cette petite
guerre se renouvelle tous les jours le matin et le soir,
jusqu'au départ de ces oiseaux, qui a lieu dans le
courant de mai; car il ne nous reste que quelques
traîneurs, et l'on n'a jamais trouvé de leurs nids dans
nos marais. »
Cet observateur exact et très instruit remarque
qu'ils partent de la Picardie par les vents du sud et
sud-est, qui les portent sur les côtes d'Angleterre, où
en effet on sait qu'ils nichent en très grand nombre,
particulièrement dans le comté de Lincoln; on y en
fait même une petite chasse. L'oiseleur saisit l'instant
où ces oiseaux se battent pour leur jeter son fdet, et
on est dans l'usage de les engraisser en les nourrissant
avec du lait et de la mie de pain ; mais on est obligé,
pour les rendre tranquilles, de les tenir renfermés
dans des endroits obscurs ; car aussitôt qu'ils voient
la lumière , ils se battent. Ainsi l'esclavage ne peut
rien diminuer de leur humeur guerrière. Dans les vo-
LES COMBATTANTS. ' 5'j5
lières où on les renferme ils vont présenter le défi a
tous les autres oiseaux^; s'il est un coin de gazon
vert, ils se battent à qui l'occupera; et, comme s'ils
se piquoient de gloire, ils ne se montrent jamais
plus animes que quand il y a des spectateurs. La cri-
nière des mâles est non seulement pour eux un pa-
rement de guerre, mais une sorte d'armure , un vrai
plastron, qui peut parer les coups; les plumes en
sont longues , fortes , et serrées : ils les hérissent
d'une manière menaçante, lorsqu'ils s'attaquent; et
c'est surtout par les couleurs de cette livrée de com-
bat qu'ils diffèrent entre eux : elle est rousse dans les
uns, p^rise dans d'autres, blanche dans quelques uns,
et d'un beau noir violet chatoyant, coupé de taches
rousses, dans les autres; la livrée blanche est la plus
rare. Ce panache d'amour ou de guerre ne varie pas
moins par la forme que par les couleurs durant tout
le temps de son accroissement. On peut voir dans Al-
drovande les huit figures qu'il donne de ces oiseaux
avec leurs différentes crinières^.
Ce bel ornement tombe par une mue qui arrive à
1. Il y a à la Chine des oiseaux qu'on nomme oiseaux de combat , et
que les Chinois nourrissent, non pour chanter, mais pour donner le
spectacle de petits combats qu'ils se livrent avec acharnement. Il n'y
a pas pourtant d'apparence que ce soient ici nos combattants , puisque
ces oiseaux chinois ne sont pas, dit-on , plus gros que des linots.
2. Au reste , de ces huit figures queMonne AJdrovande sur des des-
sins que le comte d'Aremberg lui avoit envoyés de Flandre , l'une pa-
roît être la femelle , cinq autres des mâles dans différentes périodes
de mue ou d'accroissement de leur crinière; et la huitième, à laquelle
Aldrovande trouve lui-même quelque chose de monstrueux , ou du
moins d'absolument étranger à l'espèce du combattant , paroît n'être
qu'une mauvaise figure du grèbe cornu, que ce naturaliste n'a pas
connu , et dont nous parlerons dans la suite.
3^6 LES COMBATTANTS.
ces oiseaux vers la fin de juin, comme si la nature ne
les avoit parés et munis que pour la saison de l'a-
mour et des combats ; les tubercules vermeils qui
couvroient leur tête pâlissent et s'oblitèrent, et en-
suite elle se recouvre de plumes. Dans cet ëtat on ne
distingue plus guère les mâles des femelles, et tous
ensemble parlent alors des lieux où ils ont fait leurs
nids et leur ponte. Ils nichent en troupes comme les
hérons, et cette habitude commune a seul suffi pour
qu'Aldrovande les ait rapprochés de ces oiseaux :
mais la taille et la conformation entière des combat-
tants est si difl'érente, qu'ils sont très éloignés de
toutes les espèces de hérons; et l'on doit, comme
nous l'avons déjà dit, les placer entre les chevaliers
et les maubèches.
LES MAUBÈCHES.
Dans l'ordre des petits oiseaux de rivage on pour-
roit placer les maubèches après les chevaliers et avant
le bécasseau : elles sont un plus grosses que ce der-
nier, et moins grandes que les premiers; elles ont le
bec plus court; leurs jambes sont moins hautes; et
leur taille, plus raccourcie, paroît plus épaisse que
celle des chevaliers. Leurs habitudes doivent être les
mêmes, celles du moins qui dépendent de la confor-
mation et de l'habitation ; car ces oiseaux fréquentent
également les bords sablonneux de la mer. INousman-
quons d'autres détails sur leurs mœurs, quoique nous
en connoissions quatre espèces différentes.
LA MAU REÇUE COMMlJ?«E. Ô'j']
<«»«««e«o«ioa«<3«««'8«>»s»o «.'««««>»«« ««»eM
LA MAUBECHE COMMUNE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
T ring a calldris. L.
Elle a dix ponces de la pointe du bec aux ongles,
et un peu plus de neuf pouces jusqu'au bout de la
queue. Les plumes du dos , du dessus de la tête , et
du cou , sont d'un brun noirâtre, et bordées de mar-
ron clair; tout le devant de la tête, du cou, et du
corps, est de cette dernière couleur; les neuf pre-
mières pennes de l'aile sont d'un brun foncé en des-
sus , du côté extérieur; les quatre plus près du corps
sont brunes, et les intermédiaires d'un gris brun et
bordées d'un léger filet blanc. Les maubècbes ont le
bas de la jambe nu, et le doigt du milieu uni, jusqu'à
la première articulation, par une portion de mem-
brane, avec le doigt extérieur. Au reste, nous ne pou-
vons être ici de l'avis de M. Brisson , ni rapporter,
comme il le fait, à la maubèche la rmticula sylvatica
de Gesner, oiseau plus grand que la bécasse ^ et gros
comme une poule; il est même difficile de le rapporter
à aucune espèce connue : mais Gesner semble vou-
loir nous épargner une discussion infructueuse , en
avertissant qu'il compte peu lui-même sur des notices
qu'il n'a données que sur de simples dessins, qui
sont en effet très défectueux, ou, pour mieux dire,
informes.
Ô'-S LA MAUBÈCIIE TACHETEE,
LA MAUBECHE TACHETEE.
SECONDE ESPÈCE.
Tringa cinerea, L. (Jeune âge.)
Cette maubèche , n° 565, diffère de la précédente
en ce que le cendré brun du dos et des épaules est
varié d'assez grandes taches, les unes rousses, les au-
tres d'un noirâtre tirant sur le violet. Ce caractère
suffit pour la distinguer; elle est aussi un peu moins
grande que la première. Le détail du reste des cou-
leurs est bien représenté dans la planche enluminée.
LA MAUBÈCHE GRISE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Tringa cinerea. L. (Plumage d'hiver.)
Cette maubèche, n" 366, un peu pins grosse que
la maubèche tachetée, l'est moins que la maubèche
commune. Le fond de son plumage est gris; le dos est
entièrement de cette couleur; la tête est d'un gris
onde de blanchâtre ; les plumes du dessus des ailes et
celles du croupion sont grises et bordées de blanc ;
les premières des grandes pennes de l'aile sont d'un
brun noirâtre, et le devant du corps est blanc, avec
de petits traits noirs en zigzags sur les côtés , la poi-
trine . et le devant du cou.
LE SANDERtING. 379
i;*9«^o«««»«»
LE Sx^NDERLING.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Tringa cinclus et arenaria. L.
Nous laissons à cet oiseau le nom de sanderling
qu'on lui donne sur les côtes d'Angleterre. C'est la
plus petite espèce des maubèches; elle n'a guère que
sept pouces de longueur. Son plumage est à peu près
le même que celui de la maubèche grise , excepté
qu'elle a tout le devant du cou et le dessous du corps
très blancs. On voit ces petites maubèches voler en
troupes et s'abattre sur les sables des rivages. On les
connoit sous le nom de curwillet sur les côtes de Cor-
nouailles. Willughby donne à son sanderling quatre
doigts à chaque pied; Ray, qui semble pourtant n'en
parler que d'après Willughby, ne lui en donne que
trois; ce qui caractériseroit un pluvier et non pas une
maubèche.
►o***««c<»*8«««'«o<8>o«>3<ti e<»o«e*o<»o*»&«*o«i9(&S'&
LE BECASSEAU.
Tringa ochropm, L.
Nos nomenclateurs ont compris sous le nom de bé-
casseau un genre entier de petits oiseaux de rivage ,
maubèches , gui guettes :, cincles^ alouettes de mer j, que
quelques naturalistes ont désigné aussi confusément
380 LE BKCA.SSEAU.
SOUS le nom de tringa. Tous ces oiseaux à la vérité
ont dans leur petite taille une ressemblance de con-
formation avec la bécasse , mais ils en diffèrent par
les habitudes naturelles autant que par la grandeur.
Comme d'ailleurs ces petites familles subsistent sépa-
rément les unes des autres et sont très distinctes,
nous restreignons ici le nom de bécasseau à la seule
espèce connue vulgairement sous le nom de cul-blanc
des rivages. Cet oiseau, n" 843, est gros comme la
bécassine commune, mais il a le corps moins allongé.
Son dos est d'un cendré roussâtre, avec de petites
gouttes blanchâtres au bord des plumes; la tête et le
cou sont d'un cendré plus doux, et cette couleur se
mêle par pinceaux au blanc de la poitrine, qui s'é-
tend de la gorge à l'estomac et au ventre ; le croupion
est de cette même couleur blanche; les pennes de
l'aile sont noirâtres et agréablement tachetées de
blanc en dessous; celles de la queue sont rayées trans-
versalement de noirâtre et de blanc. La tête est carrée
comme celle de la bécasse , et le bec est de la même
forme en petit.
Le bécasseau se trouve au bord des eaux et par-
ticulièrement sur les ruisseaux d'eau vive ; on le
voit courir sur les graviers, ou raser au vol la sur-
face de l'eau. II jette un cri lorsqu'il part, et vole en
frappant l'air par coups détachés. Il plonge quel-
quefois dans Teau quand il est poursuivi. Les soubuses
lui donnent souvent la chasse ; elles le surprennent
lorsqu'il cherche sa nourriture : car le bécasseau n a
pas la sauvegarde des oiseaux qui vivent en troupes et
qui communément ont une sentinelle qui veille à la
sûreté commune; il vit seul dans le petit canlon qu'il
LE BÉCASSEAU. 38l
s'est choisi ie long de la rivière ou de la côte, et s'y
tient constamment sans s'écarter bien loin. Ces mœurs
solitaires et sauvages ne l'empêchent pas d'être sensi-
ble , du moins il a dans la voix une expression de sen-
timent assez marquée ; c'est un petit sifflet fort doux
et modulé sur des accents de langueur qui, répandu
sur le calme des eaux ou se mêlant à leur murmure,
porte au recueillement et à la mélancolie. 11 paroît que
c'est le même oiseau qu'on appelle slfflasson sur le
lac de Genève, où on le prend à l'appeau avec des
joncs englués. Il est connu également sur le lac de
Nantua, où on le nomme pivette ou pied-vert. On ie
voit aussi dans le mois de juin sur le Rhône et la
Saône, et dans l'automne sur les graviers de l'Ouche
en Bourgogne; il se trouve même des bécasseaux sur
la Seine, et l'on remarque que ces oiseaux, solitaires
durant tout l'été , lors du passage se suivent par peti-
tes troupes de cinq ou six, se font entendre en l'air
dans les nuits tranquilles. En Lorraine ils arrivent
dans le mois d'avril, et repartent dès le mois de
juillet.
Ainsi le bécasseau, quoique attaché au même lieu
pour tout le temps de son séjour, voyage néanmoins
de contrée en contrée, et même dans des saisons où
la plupart des autres oiseaux sont encore fixés par le
soin des nichées. Quoiqu'on le voie pen.dant les deux
tiers de l'année sur nos côtes de basse Picardie , on
n'a pu nous dire s'il y ïiût ses petits. On lui donne ,
dans ces cantons, le nom de petit chevalier; il s'y tient
à l'embouchure des rivières, et , suivant le flot, il ra-
masse le menu frai de poisson et les vermisseaux sur
le sable que tour à tour la lame d'eau couvre et dé-
582 LE BÉCASSEAU.
couvre. Au reste , la chair du bécasseau est très dé-
licate et Blême l'emporte pour le goût sur celle de la
bécassine, suivant Belon, quoiqu'elle ait une légère
odeur de musc. Comme cet oiseau secoue sans cesse
la queue en marchant, les naturalistes lui ont appli-
qué le nom de cincle , dont la racine étymologique
signifie secousse et mouvement ; mais ce caractère ne
le désigne pas plus que la guignette et l'alouette de
mer, qui ont dans la queue le même mouvement ; et
un passage d'Aristote prouve clairement que le bé-
casseau n'est point le cincle. Ce philosophe nomme
les trois plus petits oiseaux de rivage tringa^ sc/iœni-
cloSj cinclos. jNous croyons que ces trois noms repré-
sentent les trois espèces du bécasseau, de la gui-
gnette, et de l'alouette de mer. « De ces trois oiseaux,
dit-il, qui vivent sur les rivages, le cincle et le scliœ-
niclos sont les plus petits; le trmga est le plus grand
et de la taille de la grive. » Voilà la grandeur du bécas-
seau bien désignée , et celle du scliœniclos et du cin-
cle fixée au dessous; mais pour déterminer lequel de
ces deux derniers noms doit s'appliquer proprement
ou à la guignette , ou à l'alouette de mer, ou à notre
petit cincle, les indications nous manquent. Au reste,
cette légère incertitude n'approche pas de la confu-
sion où sont tombés les nomenclateurs au sujet du
bécasseau : il est pour les uns une poule d'eau^ pour
d'autres une perdrix de mer; quelques uns, comme
nous venons de le voir, l'appellent cincle; le plus grand
nombre lui donnent le nom detringa^ mais en le per-
vertissant par une application générique, tandis qu'il
étoit spécifique et propre dans son origine ; et c'est
ainsi que ce seul et même oiseaU; r^-produit sous tous
LE BÉCASSEAU. 585
ces différents noms , a donné lieu à cette multitude de
phrases dont on voit sa nomenclature chargée, et à tout
autant de figures, plus ou moins méconnoissables,
sous lesquelles on a voulu le représenter ; confusion
dont se plaint avec raison Klein, en s'écriant sur l'im-
possibilité de se reconnoître au milieu de ce chaos
de figures fautives que prodiguent les auteurs, sans
se consulter les uns les autres et sans connoître la na-
ture , de manière que leurs notices , également indi-
gestes , ne peuvent servir à les concilier.
LA GUIGNETTE.
Totanas hypoleucos. Temm.
On pourroit dire que la guignette , n*" 85o , n'est
qu'un petit bécasseau , tant il y a de ressemblance
entre ces deux oiseaux pour la forme et môme pour
le plumage. La guignette a la gorge et le ventre blancs,
la poitrine tachetée de pinceaux gris sur blanc ; le
dos et le croupion gris, non mouchetés de blanchâ-
tre, mais légèrement ondes de noirâtre, avec un pe-
tit trait de cette couleur sur la côte de chaque plumej
et dans le tout on aperçoit un reflet rougeâtre. La
queue est un peu plus longue et plus étalée que celle
du bécasseau : la guignette la secoue de môme en
marchant. C'est d'après celte habitude que plusieurs
naturalistes lui ont appliqué le nom de motacilla^
quoique déjà donné à une multitude de petits oi-
seaux, tels que la bergeronnette, la lavandière , le
troglodyte , etc.
584 t'A r.L'IGNETTE.
La gnignette vit solitairement le long des eaux, et
cherche, comme les bécasseaux, ]es grèves et les rives
de sable. On en voit beaucoup vers les sources de la
Moselle, dans les Yosges, où cet oiseau est appelé
kimbiclie. Il quitte cette contrée de bonne heure, et
dès le mois de juillet, après avoir élevé ses petits.
La guignette part de loin en jetant quelques cris,
et on Tentend pendant la nuit crier sur les rivages
d'une voix gémissante; habitude qu'apparemment elle
partage avec le bécasseau, puisque , suivant la remar-
que de Wiilughby, le pilvenckegen de Gesner, oiseau
gémissant, plus grand que la guignelte , paroît être
le bécasseau.
Du reste, l'une et l'autre de ces espèces se portent
assez avant dans le nord pour être parvenues aux
terres froides et tempérées du nouveau continent ; et
en efl'et un bécasseau envoyé de la Louisiane ne nous a
paru difîerer presque en rien de celui de nos contrées.
«t»«W»8^O»»»f^^»-»»o««9»0»»9»g'»<«3*<ft«'*'»g^'8.»»»<W"»0»«»0
LA PERDRIX DE MER.
Glareola torquata. Meyer. — Glareola austriaca, L,
C'est très improprement qu'on a donné le nom de
perdrix à cet oiseau de rivage, n" 882 , qui n'a d'au-
tre rapport avec la perdrix qu'une foible ressemblance
dans la forme du bec. Ce bec , étant en effet assez
court, convexe en dessus, comprimé par les côtés,
courbé vers la pointe , ressemble assez au bec des
gallinacés; mais la forme du corps et la coupe des
plumes éloignent cet oiseau du genre des gallinacés
Pl.l
Tome ab
Pu-umiet G Cl dp
1 LA PEP.DPJX DE MER, 2. LJBIS SACRE
LA PERDUIX DE MER. 585
et semblent le rapprocher de celui des hirondelles,
dont il a la forme et les proportions, ayant, comme
elles , la queue fourchue, une grande envergure, et
la coupe des ailes en pointe. Quelques auteurs ont
donné à cet oiseau le nom de gtareola^ qui a rap-
port à sa manière de vivre sur les grèves des rivages
de la mer ; et en eflet cette perdrix de mer va comme
le cincle , la guigiiette , et l'alouette de mer, cher-
chant les vermisseaux et les insectes aquatiques, dont
elle fait sa nourriture. Elle fréquente aussi le bord
des ruisseaux et des rivières, comme sur le Rhin,
vers Strasbourg, où, suivant Gesner, on lui donne
le nom allemand de koppriegerle. Kramer ne l'appelle
praticola que parce qu'il en a vu un grand nombre
dans de vastes prairies qui bordent un certain lac de
la basse Autriche ; mais partout , soit sur les bords
des rivières et des lacs, ou sur les côtes de la mer,
cet oiseau cherche les grèves ou rives sablonneuses,
plutôt que celles de vase.
On connoît quatre espèces ou variétés de ces per-
drix de mer , qui paroissent former une petite famillle
isolée au milieu de la nombreuse tribu des petits oi-
seaux de rivage.
LA PERDRIX DE MER GRISE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Glareola austrlaca. L. ( Yar. )
La première est la perdrix de mer, représentée
dans nos planches enluminées, n" S82, et qui, avec
586 LÀ 1>EUDUIX DE MEU GRISE.
l'espèce suivante 5 se voit, mais rarement, sur les ri-
vières dans quelques unes de nos provinces, particu-
lièrement en Lorraine, où M. Lottinger nous assure
l'avoir vue. Tout son plumage est d'un gris teint de
roux sur les flancs et les petites pennes de l'aile ; elle
a seulement la gorge blanche et encadrée d'un filet
noir, le croupion blanc et les pieds rouges. Elle est
à peu près de la grosseur d'un merle. \J kir onde Ue de
mer d'Aldrovande , qui du reste se rapporte assez à
cette espèce , paroît y former une variété , en ce que,
suivant ce naturaliste, elle a les pieds très noirs.
î>oi8««>o<ec«:e<e*«e««i>&»®e>&e*©ig«<teiff««e>e^ *«
LA PERDRIX DE MER BRUNE.
SECONDE ESPÈCE.
Glareola senegalensis. L.
Cette perdrix de mer , qui se trouve au Sénégal ,
et qui est de même grosseur que la nôtre, n'en dif-
fère qu'en ce qu'elle est entièrement brune , et nous
sommes fort portés à croire que cette différence du
gris au brun n'est qu'un effet de l'influence du cli-
mat, en sorte que cette seconde espèce pourroit bien
n'être qu'une race ou variété de la première.
LA GIAROLE. 087
LA GIAROLE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Glareola nœvia. L.
C'est le nom que porte en Italie l'espèce de per-
drix de mer à laquelle AIdrovande rapporte avec rai-
son celle du melampos (ou pied noir) de Gesner;
caractère par lequel ce dernier auteur prétend qu*on
peut distinguer cet oiseau de tous les autres de ce
genre , dont aucun n'a les pieds noirs. Le nom qu'il
lui donne en allemand [rotknillis) est analogue au
fond de son plumage roux ou rougeâtre au cou et
sur la tête , où il est tacheté de blanchâtre et de
brun. L'aile est cendrée et les pennes en sont noires.
LA PERDRIX DE MER
A COLLIER.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Glareola austriaca. L. (Var. b,)
Le nom de rlegerle^ que les Allemands donnent à
cet oiseau , indique qu'il est remuant et presque tou-
jours en mouvement : en effet , dès qu'il entend quel-
que bruit, il s'agite, court, et part en criant d'une
588 LA PERD 11 IX DE MEU A COLLIER.
petite voix perçante. Use tient sur les rivages, et ses ha-
bitudes sont à peu près les mêmes que celles des gui-
gnettes. Mais ea supposant que la figure donnée par
Gesner soit exacte dans la forme du bec , cet oiseau
appartient au genre de ia perdrix de mer, tant par ce
caractère que par la ressemblance des couleurs : le
dos est cendré, ainsi que le dessus de l'aile, dont
les grandes pennes sont noirâtres; la tête est noire ,
avec deux lignes blanches sur les yeux; le cou est
blanc et un cercle brun l'entoure au bas comme un
collier; le bec est noir et les pieds sont jaunâtres. Du
reste, cette perdrix de mer doit être la plus petite
de toutes, étant à peine aussi grande que le cincle ,
qui de tous les oiseaux de rivage est le plus petit.
Schwenckfeld dit que cette perdrix de mer niche sur
-les bords sablonneux des rivières, et qu'elle pond
sept œufs oblongs; il ajoute qu'elle court très vite et
y fait entendre pendant les nuits d'été un petit cri ,
tul^ tiil^ d'une voix retentissante.
-. »^«.< »<«»?»* »»P*gV-<»»»J«»C^C<»»0^-»v»»
L'ALOUETTE DE MER
Tritiga subarcuata, L.
Cet oiseau, n** 85i , n'est point une alouette, quoi-
qu'il en ait le nom; il ne ressemble même à l'alouette
que par la taille, qui est à peu près égale, et par
quelques rapports dans les couleurs du plumage sur
1. En aug'iois, stint ; on allemand , statu- Incker, siein- bey.'^ser ; vu
liollandois , strand-looper.
l'alouette de mer. 089
le dos : mais il en diffère pour tout le reste, soit par
la forme, soit par les habitudes ; car l'alouette de
mer vit au bord des eaux sans quitter les rivages. Eile
a le bas de la jambe nu , et le bec grêle, cylindrique
et obtus, comme les autres oiseaux scolopaces^ et seu-
lement plus court à proportion que celui de la petite
bécassine , à laquelle cette alouette de mer ressemble
assez par le port et la figure.
C'est en effet sur les bords de la mer que se lien-
nent de préférence ces oiseaux, quoiqu'on les trouve
aussi sur les rivières. Ils volent en troupes souvent si
serrées qu'on ne manque pas d'en tuer un grand
nombre d'un seul coup de fusil ; et Belon s'étonne de
la grande quantité de ces alouettes aquatiques, dont
il a vu les marchés garnis sur nos côtes. Selon lui,
c'est un meilleur manger que n'est l'alouette elle-
même : mais ce petit gibier, bon en effet quand il
est frais, prend un goût d'huile dès qu'on le garde.
C'est apparemment de ces alouettes de mer que parie
M. Saîerne sous le nom de gaignettes „ lorsqu'il dit
qu'elles vont en troupes ^ puisque la guignette vît soli-
taire. Si l'on tue une de ces alouettes dans la bande,
les autres voltigent autour du chasseur, comme pour
sauver leur compagne. Fidèles à suivre, elles s'entre-
appellent en partant, et volent de compagnie en ra-
sant la surface des eaux. La nuit on les entend se ré-
clamer et crier sur \es grèves et dans les petites îles.
On les voit rassemblées en automne; les couples,
que le soin des nichées avoit séparés, se réunissent
alors avec les nouvelles familles, qui sont ordinaire-
ment de quatre ou cinq petits. Les œufs sont très gros
relativement à la taille de l'oiseau; il les dépose sur le
F.TIFrOTV. XXV. 25
7)90 L ALOUETTE DE MER.
sable nu. Le bécasseau et la guignette ont la même
habitude et ne font point de nid. L'alouette de mer
fait sa petite pêche le long du rivage en marchant et
secouant incessamment la queue.
Ces oiseaux voyagent comme tant d'autres et chan-
gent de contrées; il paroît même qu'ils ne sont que
de passage sur quelques unes de nos côtes : c'est du
moins ce que nous assure un bon observateur de
celles de basse Picardie. Ils arrivent dans ces parages
au mois de septembre par les vents d'est, et ne font
que passer. Ils se laissent approcher à vingt pas ; ce
qui nous fait présumer qu'on ne les chasse pas dans
les pays d'où ils viennent.
Au reste , il faut que les voyages de ces oiseaux les
aient portés assez avant au nord pour qu'ils aient
passé d'un continent à l'autre; car on en trouve l'es-
pèce bien établie dans les contrées septentrionales et
méridionales de l'Amérique, à la Louisiane, aux An-
tilles, à la Jamaïque, à Saint-Domingue, à Gayenne.
Les deux alouettes de mer de Saint-Domingue que
donne séparément M. Brisson paroissent n'être que
des variétés de notre espèce d'Europe : et dans l'an-
cien continent l'espèce en est répandue du nord au
midi; car on reconnoîl l'alouette de mer au cap de
Bonne-Espérance dans l'oiseau que donne Kolbe sous
le nom de bergeronnette , et, au nord, dans le stint
d'Ecosse , de Willughby et de Sibbald,
LE CÎNCLE.
5^
LE CINGLE.
Trlnga variabilis, L.
AuisTOTE a donné le nom de cinclos à Tun des plus
petits oiseaux de rivage, et nous croyons devoir adop-
ter ce nom pour le plus petit de tous ceux qui com-
posent cette nombreuse tribu, dans laquelle on com-
prend les chevaliers, les maubèches, le bécasseau,
la guignette, la perdrix, et l'alouette de mer. Notre
cincle même , n" 852 , paroît n'être qu'une espèce se-
condaire et subalterne de l'alouette de mer : un peu
plus petit et moins haut sur ses jambes, il a les jnê-
mes couleurs, avec la seule différence qu'elles sont
plus marquées; les pinceaux sur le manteau sont
tracés plus nettement, et l'on voit une zone de ta-
ches de celte couleur sur la poitrine : c'est ce qui l'a
fait nommer alouette de mer à collier par M. Brisson.
Le ciucle a d'ailleurs les mêmes mœurs que l'alouette
de mer, on le trouve fréquemment avec elle, et ces
oiseaux passent de compagnie. Il a dans la queue le
même mouvement de secousse ou de tremblement;
habitude qu'Aristote paroît attribuer à son cincle :
mais nous n'avons pas vérifié si ce qu'il en dit de plus
peut convenir au nôtre; savoir, qu'une fois pris il
devient très aisément privé, quoiqu'il soit plein d'as-
tuce pour éviter les pièges. Quant à la longue et ob-
scure discussion d'Aldrovande sur le cincle, tout ce
qu'on peut en conclure, ainsi que des figures mulli-
7)92 LE CINGLE.
pliëesel tontes défectueuses qu'il en donne, cest que
les deux oiseaux que les Italiens nomment giarollo
et giaroncello répondent à notre cincle et à noire
alouette de mer.
L'IBIS\
Tantalas Ibis. L.
De toutes les superstitions qui aient jamais infecté
la raison , et dégradé, avili l'espèce humaine , le culte
des animaux seroit sans doute la plus honteuse , si
l'on n'en considéroit pas l'origine et les premiers mo-
tifs. Comment l'homme en effet a-t-il pu s'abaisser
jusqu'à l'adoration des bêtes .►^ Y a-t-il une preuve
plus évidente de notre état de misère dans ces pre-
miers âges où les espèces nuisibles , trop puissantes et
trop nombreuses, entouroient l'homme solitaire,
isolé, dénué d'armes et des arts nécessaires à l'exer-
cice de ses forces? Ces mêmes animaux, devenus de-
puis ses esclaves, étoient alors ses maîtres, ou du
moins des rivaux redoutables; la crainte et l'intérêt
firent donc naître des sentiments abjects et des pen-
sées absurdes; et bientôt la superstition, recueillant
les unes et les autres , fit également àes dieux de tout
être utile ou nuisible.
i. Ibis, en grec. Les Romains adoptèrent ce nom. L'ibis n'en a point
dans les Langues de TEuropc , comme inconnu à ces climats. Selon
Albert, il se nommoit en égyptien leheras. On trouve dans Avicenne
le mot ansclitiz pour signifier Vibis; mais saint Jérôme traduit mal
janschuph par ibis, puisqu'il s'agit là d'un oiseau de nuit. Quelques
inlerprèles rendent par ibis le mol hébreu tinsc/iemet.
L IBIS. 3q3
L'Égyple est l'une des contrées où ce culte des
animaux s'est établi le plus anciennement, et s'est
conservé, observé le plus scrupuleusement pendant
un grand nombre de siècles; et ce respect religieux,
qui nous est attesté par tous les monuments, semble
nous indiquer que, dans cette contrée, les hommes
ont lutté très long-temps contre les espèces malfai-
santes.
En effet, les crocodiles, les serpents, les saute-
relles, et tous les autres animaux immondes, renais-
soient à chaque instant, et pulluloient sans nombre
sur le vaste limon d une terre basse , profondément
humide et périodiquement abreuvée par les épanche-
ments du fleuve; et ce limon fangeux, fermentant
sous les ardeurs du tropique , dut soutenir long- temps
et multiplier à l'infini toutes ces générations impures,
informes, qui n'ont cédé la terre à des habitants plus
nobles que quand elle s'est épurée.
« Des essaims de petits serpents venimeux, nous
disent les premiers historiens, et sortis de la vase
échauffée des marécages, et volant en grandes trou-
pes , eussent causé la ruine de l'Egypte , si les ibis ne
fussent venus à leur rencontre pour les combattre et
les détruire, » N'y a-t-il pas toute apparence que ce
service , aussi grand qu'inattendu , fut le fondement
de la superstition qui supposa dans ces oiseaux tuté-
iaires quelque chose de divin? Les prêtres accrédi-
tèrent cette opinion du peuple ; ils assurèrent que les
dieux, s'ils daignoient se manifester sous une forme
sensible , prendroient la figure de l'ibis. Déjà , dans la
grande métamorphose, leur dieu bienfaisant, Thotkj
ou Mercure inventeur des arts et des lois, avoit subi
594 i^iBis.
cette transformation; et Ovide , fidèle à cette antique
mythologie, dans le combat des dieux et des géants,
cache Mercure sous les ailes d'un ibis , etc. Mais ,
mettant toutes ces fables à part, il nous restera l'his-
toire des combats de ces oiseaux contre les serpents.
Hérodote assure être allé sur les lieux pour en être
témoin. « Non loin de Butus ^ dit-il, aux confins de
l'Arabie, où les montagnes s'ouvrent sur la vaste plaine
de l'Egypte, j'ai vu les champs couverts d'une incroya-
ble quantité d'ossements entassés, et des dépouilles
de reptiles que les ibis y viennent attaquer et détruire
au moment qu'ils sont près d'envahir l'Egypte. » Ci-
céron cite ce même fait , en adoptant le récit d'Hé-
rodote , et Pline semble le confirmer lorsqu'il repré-
sente les Égyptiens invoquant religieusement leurs
ibis à l'arrivée des serpents.
On lit aussi, dans l'historien Josèphe , que Moïse,
allant en guerre contre les Éthiopiens, emporta dans
des cages de papyrus un grand nombre d'ibis pour les
opposer aux serpents. Ce fait, qui n'est pas fort vrai-
semblable, s'explique aisément parmi autre fait rap-
porté dans la Description de L'Egypte par M. de Mail-
let. « Un oiseau , dit-il , qu'on nomme chapon de Pha-
raon (et que l'on reconnoît pour l'ibis) suit pendant
plus de cent lieues les caravanes qui vont à la Mecque,
pour se repaître des voieries que la caravane laisse
après elle; et en tout autre temps il ne paroît aucun
de ces oiseaux sur cette route. » L'on doit donc pen-
ser que les ibis suivirent ainsi le peuple hébreu dans
sa course en Egypte; et c'est ce fait que Josèphe
nous a transmis en le défigurant, et en attribuant à
lu prudence d'un chef merveilleux ce qui n'étoit
LIBIS. 595
qu'un effet de l'instinct de ces oiseaux ; et cette armée
contre les Éthiopiens, et les cages de papyrus j ne
sont là que pour embellir la narration et agrandir
l'idée qu'on devoit avoir du génie d'un tel comman-
dant.
Il étoit défendu, sous peine de la vie, aux Égyptiens,
de tuer les ibis; et ce peuple , aussi triste que vain,
fut inventeur de l'art lugubre des momies , par lequel
il vouloit pour ainsi dire éterniser la mort, malgréla na-
ture bienfaisante qui travaille sans cesse à en effacer les
images; et non seulement les Égyptiens employoienl
cet art des embaumements pour conserver les cada-
vres humains, mais ils préparoient avec autant de soin
les corps de leurs animaux sacrés. Plusieurs puits des
momies dans la plaine de Saccara s'appellent puits
des oiseaux^ parce qu'on y trouve en effet des oiseaux
embaumés, et surtout des ibis renfermés dans de
longs pots de terre cuite, dont l'orifice est bouché
d'un ciment. Nous avons fait venir plusieurs de ces
pots, et après les avoir cassés, nous avons trouvé
dans tous une espèce de poupée formée par les lan-
ges qui servent d'enveloppe au corps de l'oiseau,
dont la plus grande partie tombe en poussière noire
en développant son suaire; on y reconnoît néan-
moins tous les os d'un oiseau , avec des plumes em-
pâtées dans quelques morceaux qui restent solides.
Ces débris nous ont indiqué la grandeur de l'oiseau,
qui est à peu près égale à celle du courlis; le bec,
qui s'est trouvé conservé dans deux de ces momies,
nous en a fait connoître le genre. Ce bec a l'épais-
seur de celui de la cigogne , et par sa courbure il res-
semble au bec du courlis, sans néanmoins en avoir
3g6 l'jbis.
les cannelures, et, comme la courbure en est égale
sur toute sa longueur, il paroît , par ces caractères,
qu'on doit placer l'ibis entre la cigogne et le courlis.
En effet, il tient de si près à ces deux genres d'oi-
seaux , que les naturalistes modernes l'ont rangé avec
les derniers, et que les anciens Tavoient placé avec
le premier. Hérodote avoit très bien caractérisé l'i-
bis, en disant qu'il a le bec fort arqué et la jambe
haute comme la grue. Il en distingue deux espèces.
«La première, dit-il, a le plumage tout noir; la se-
conde, qui se rencontre à chaque pas, est toute
blanche, à l'exception des plumes de l'aile et de la
queue, qui sont très noires, et du dénûment du cou
et de îa tête , qui ne sont couverts que de la peau.»
Mais ici il faut dissiper un nuage jeté sur ce pas-
sage d'Hérodote par l'ignorance des traducteurs; ce
qui donne un air fabuleux et même absurde à son
récit. Au lieu de rendre tor den posi mallon eileume-
tôn toïti anthrôpoisi _, à la lettre quœ pedibus hominvm
observaiitur sœplus (celle qu'on rencontre à chaque
pas), on a traduit liœ quidem habent pedes veluti
hominis (ces ibis ont les pieds faits comme ceux de
l'homme). Les naturalistes, ne comprenant pas ce
que pouvoit signifier cette comparaison disparate ,
firent, pour l'expliquer ou la pallier, d'inutiles efforts.
Ils imaginèrent qu'Hérodote, décrivant l'ibis blanc,
avoit eu en vue la cigogne, et avoit pu abusivement
caractériser ainsi ses pieds, parla foible ressemblance
que l'on peut trouver des ongles aplatis de la cigo-
gne à ceux de l'homme. Cette interprétation satisfai-
soit peu, et l'ibis aux pieds humains auroit du dès
lors être relégué dans les fables : cependant il h\{
l'ibis. 397
admis comme un être réel sous cette absurde image,
et l'on ne peut qu'être étonné de la trouver encore
aujourd'hui exprimée tout entière , sans discussion
et sans adoucissement , dans les mémoires d'une sa-
vante académie, tandis que cette chimère n'est,
comme Ton voit, que le fruit d'une méprise du tra-
ducteur de ce premier historien grec, que sa can-
deur à prévenir de l'incertitude de ses récits, quand
il ne les fait que sur des rapports étrangers, eût dû
faire plus respecter dans les sujets où il parle d'après
lui-même.
Aristote , en distinguant, comme Hérodote, les
deux espèces d'ibis, ajoute que la blanche est répan-
due dans toute l'Egypte , excepté vers Peluse , où l'on
ne voit au contraire que des ibis noirs qui ne se trou-
vent pas dans tout le reste du pays. Pline répète
celte observation particulière ; mais du reste tous les
anciens, en distinguant les deux ibis par la couleur,
semblent leur donner en commun tous les autres ca-
ractères; figure, habitudes, instinct, et leur domicile
de préférence en Egypte, à l'exclusion de toute autre
contrée. On ne pouvoit même , suivant l'opinion
commune, les transporter hors de leur pays, sans
les voir consumés de regrets. Cet oiseau, si fidèle f\
sa terre natale , en étoit devenu l'emblème; la figure
de l'ibis, dans les hiéroglyphes 5 désigne presque tou-
jours l'Egypte , et il est peu d'images ou de caractères
qui soient plus répétés dans tous les monuments.
On voit ces figures d'ibis sur la plupart des obélis-
ques, sur la base de la statue du Nil , au Belvédère à
Rome , de même qu'au jardin des Tuileries à Paris.
Dans la médaille d'Adrien, où l'Egypte paroît pros-
598 l'ibis.
ternée, Tibis esta ses côtés. On a figuré cet oiseau
avec l'éléphant sur les médailles de Q. Marins, pour
désigner l'Egypte et la Lybie, théâtres de ses ex-
ploits, etc.
D'après le respect populaire et très ancien pour
cet oiseau fameux, il n'est pas étonnant que son his-
toire ait été chargée de fables : on a dit que les ibis
se fécondoient et engendroient par le bec. Solin pa-
roît n'en pas douter; mais Aristote se moque avec
raison de cette idée de pureté virginale dans cet oi-
seau sacré. Pierius parle d'une merveille d'un genre
bien opposé ; il dit que, selon les anciens , le basilic
naissoit d'un œuf d'ibis, formé, dans cet oiseau, des
venins de tous les serpents qu'il dévore. Ces mêmes
anciens ont encore écrit que le crocodile et les ser-
pents, touchés d'une plume d'ibis, demeuroient immo-
biles comme par enchantement, et que souvent même
ils mouroient sur-le-champ. Zoroastre, Démocrite et
Philé ont avancé ces faits; d'autres auteurs ont dit
que la vie de cet oiseau divin étoit excessivement
longue : les prêtres d'Hermopolis prétendoient même
qu'il pouvoit être immortel; et, pour le prouver, ils
montrèrent à Appion un ibis si vieux, disoient-ils,
qu'il ne pouvoit plus mourir.
Ce n'est là qu'une partie des fictions enfantées dans
la religieuse Egypte , au sujet de cet ibis ; la supers-
tition porte tout à l'excès ; mais , si l'on considère le
motif de sagesse que put avoir le législateur en consa-
crant le culte des animaux utiles, on sentira qu'en
Egypte il étoit fondé sur la nécessité de conserver et
de multiplier ceux qui pouvoient s'opposer aux espèces
nuisibles, Cicéron remarque judicieusement que les
L*IBIS. 099
Égyptiens n'eurent d'animaux sacrés que ceux des-
quels il leur importoit que la vie fût respectée, à
cause de la grande utilité qu'ils en liroient^ ; juge-
ment sage et bien différent de celui de l'impétueux
Jnvénal , qui compte parmi les crimes de l'Egypte sa
vénération pour l'ibis, et déclame contre ce culte,
que la superstition exagéra sans doute, mais que la
sagesse dut maintenir, puisque telle est en géné»ral la
foiblesse de l'bomme, que les législateurs les plus
profonds ont cru devoir en faire le fondement de leurs
lois.
En nous occupant maintenant de l'histoire natu-
relle et des habitudes réelles de l'ibis, nous lui recon-
noîtrons non seulement un appétit véhément de la
chair des serpents, mais encore une forte antipathie
contre tous les reptiles; il leur fait la plus cruelle
guerre. Belon assure qu'il va toujours les tuant, quoi-
que rassasié. Diodore de Sicile dit que jour et nuit
l'ibis se promène sur la rive des eaux , guettant les
reptiles , cherchant leurs œufs , et détruisant en pas-
sant les scarabées et les sauterelles. Accoutumés au
respect qu'on leur marquoit en Egypte , ces oiseaux
venoient sans crainte au milieu des villes. Strabon
rapporte qu'ils remplissoient les rues et les carrefours
d'Alexandrie jusqu'à l'importunité et à l'incommodité ,
consommant à la vérité les immondices, mais atta-
quant aussi ce qu'on mettoit en réserve , et souillant
1. Il paroU difficile d'abord d'appliquer cette raison au culte du
crocodile; mais, outre qu'il u'éloit adoré que dans une seule ville du
nom d'Arsinoïte, et que l'ichneumon , son antagoniste, l'étoit dans
toute l'Egypte , cette ville des crocodiles ne les adoroit que par crainte,
et pour les tenir éloignés , par un culte à la vérité insensé , d'un lieu
où naiurellemeut le fleuve ne les avoit point portés.
4oo l'ibis.
tout de leur fiente; inconvénients qui pouvaient en
effet choquer un Grec délicat et poli, mais que
des Égyptiens grossièrement religieux souffroit avec
plaisir.
Ces oiseaux posent leur nid sur les palmiers et le
placent dans l'épaisseur des feuilles piquantes, pour
le mettre à l'abri de l'assaut des chats leurs ennemis.
Il paroît que la ponte est de quatre œufs ; c'est du
moins ce que l'on peut inférer de l'explication de la
Table isiaque^ par Pignorus. Il est dit que l'ibis mar-
que sa ponte par les mêmes nombres que la lune
marque ses temps, ad lunœ rationem ova fing'it ; ce
qui ne paroît pouvoir s'entendre autrement qu'en di-
sant, avec le docteur Shaw, que l'ibis fait autant
d'oeufs qu'il y a de phases de la lune , c'est-à-dire
quatre. Élien, expliquant pourquoi cet oiseau est con-
sacré à la lune, indique la durée de l'incubation, en
disant qu'il met autantde jours à faire éclore ses petits^
que l'astre d'Isis en met à parcourir le cercle de ses
phases ^.
Pline et Galien attribuent à l'ibis l'invention du
clystère, comme celle de la saignée à l'hippopotame;
et ce ne sont points ajoute le premier, les seules choses
où r homme ne fut que le disciple de l'industrie des ani-
maux. Selon Piutarque, l'ibis ne se sert pour cela
i. Piutarque nous assure que le petit ibis, venant de naître, pèse
deux drachmes.
2. Clément Alexandrin , décrivant les repas religieux des Égyptiens,
dit qu'entre autres objets on porloit alentour dos convives un ibis ;
cet oiseau, par le blanc et le noir de son plumage , étant l'emblème de
la lune obscure et lumineuse; et suivant Piutarque, on trouvoit, dans
la manière dont le blanc étoit tranché avec le noir dans ce plumage,
une figure du croissant de l'aslre des nuits.
LIBIS. 40l
que d eau salée , el M. Perrault , danj; sa description
anatomique de cet oiseau, prétend avoir remarqué
le trou du bec par lequel Teau peut être lancée.
Nous avons dit que les anciens distinguoient deux
espèces d'ibis, lune blanche et l'autre noire : nous
n'avons vu que la blanche, et nous l'avons fait re-
présenter dans les planches enluminées ; et à l'égard
de l'ibis noir, quoique M. Perrault prétende qu'il a
été apporté en Europe plus souvent que l'ibis blanc,
cependant aucun naturaliste ne l'a vu depuis Belon ,
et nous n'en savons que ce qu'en a dit cet observa-
teur.
L'IBIS BLANC.
Tantalus Ibis. L.
Cet oiseau, n'' 089, est un peu plus grand que le
courlis et l'est un peu moins que la cigogne : sa lon-
gueur, de la pointe du bec au bout des ongles, est
d'environ trois pieds et demi. Hérodote en donne la
description , en disant que cet oiseau a les jambes
Tîautes et nues; la face et le front également dénués
de plumes; le bec arqué; les pennes de la queue et
des ailes noires, et le reste du plumage blanc. JNous
ajouterons à ces caractères quelques autres traits
dont Hérodote n'a pas fait mention. Le bec est ar-
rondi et terminé en pointe mousse ; le cou est d'une
grosseur égale dans toute sa longueur, et il n'est pas
garni de plumes pendantes comme le cou de la ci-
gogne.
4o2 l'ibis blanc.
M. Perrault , ayant décrit et disséqué un de ces
oiseaux qui avoit vécu à la ménagerie de Versailles ,
en fil la comparaison avec la cigogne, et il trouva que
celle-ci étoit plus grande, mais que l'ibis avoit à pro-
portion le bec et les pieds plus longs. Dans la cigo-
gne les pieds n'avoient que quatre parties de la lon-
gueur totale de l'oiseau , et dans l'ibis ils en avoient
cinq; et il observa la même différence proportion-
nelle entre leurs becs et leurs cous. Les ailes lui pa-
rurent fort grandes; les pennes en étoient noires; et
du reste tout le plumage étoit d'un blanc un peu
roussâtre , et n'étoit diversifié que par quelques ta-
ches pourprées et rougeâtres sous les ailes. Le haut
de la tête, le tour des yeux, et le dessous de la
gorge, étoient dénués de plumes et couverts d'une
peau rouge et ridée. Le bec, à la racine, étoit gros ,
arrondi ; il avoit un pouce et demi de diamètre , et
il étoit courbé dans toute sa longueur : il étoit d'un
jaune clair à l'origine et d'un orangé foncé vers l'ex-
trémité. Les côtés de ce bec sont tranchants et assez
durs pour couper les serpents, et c'est probablement
de cette manière que cet oiseau les détruit; car son
bec , ayant la pointe mousse et comme tronquée, ne
les perceroit que difficilement.
Le bas des jambes étoit rouge, et cette partie, à
laquelle Belon ne donne pas un pouce de longueur
dans sa figure de l'ibis noir, en avoit plus de quatre
dans cet ibis blanc; elle étoit, ainsi que le pied,
toute garnie d'écaillés hexagones ; les écailles qui
recouvrent les doigts étoient coupées en tables; les
ongles étoient pointus, étroits et noirâtres; des ru-
diments de membrane bordoient des deux côtés le
l'iBIS BLANC. 4^"^
doigt du milieu, et ne se trouvoient que du côté in-
térieur dans les deux autres doigts.
Quoique l'ibis ne soit point granivore, son ventri-
cule est une espèce de gésier dont la membrane in-
terne est rude et ridée. On a vu plus d'une fois ces
conformations disparates dans l'organisation des oi-
seaux ; par exemple, on a remarqué dans le casoar,
qui ne mange point de chair, un ventricule membra-
neux comme celui de l'aigle^.
M. Perrault trouva aux intestins quatre pieds huit
pouces de longueur; le cœur étoit médiocre et non
pas excessivement grand, comme l'a prétendu Mérnla.
La langue très courte, cachée au fond du bec, n'étoit
qu'un petit cartilage recouvert d'une membrane char-
nue, ce qui a fait croire à Solin que cet oiseau n'a-
voit point de langue. Le globe de l'œil étoit petit,
n'ayant que six lignes de diamètre. Cet ibis blanc ,
dit M.Perrault, et un autre qu'on nourrissoit encore à
la ménagerie de Versailles, et qui avoient tous deux
été apportés d'Egypte, étoient les seuls oiseaux de
cette espèce que l'on eût jamais vu en France. '> Se-
lon lui toutes les descriptions des auteurs modernes
n'ont été prises que sur celles des anciens. Cette re-
1. Une particularité intéressante de cette description concerne la
route du chyle dans les intestins des oiseaux. On fit des injections dans
la veine mésentérique d'une des cigognes que l'on disséquoit avec l'i-
bis, et la liqueur passa dans la cavité des intestins; de même ayant
rempli de lait une portion de l'intestin, et l'ayant lié par les deux
bouts, la liqueur comprimée passa dans la veine mésentéiique. Peut-
être, ajoute l'anatomiste, celte voie est-elle commune à tout le genre
des oiseaux ; et comme ou ne leur a point trouvé de veine lactée, ou
peut soupçonner, avec raison , que c'est là la route du chyle pour pas-
ser des intestins dans le mésentère.
4o4 l'ibis blanc.
marque me paroît assez juste : car Belon n'a ni dé-
crit ni même reconnu l'ibis blanc en Egypte; ce qui
ne seroit pas vraisemblable, si l'on ne supposoit pas
qu'il l'a pris pour une cigogne : mais cet observateur
est à son tour le seul des modernes qui nous ait dé-
peint l'ibis noir.
L'IBIS NOIR.
Tantaius niger. L.
Cet oiseau, dit Belon , est un peu ynoins gros quun
courlis. Il est donc moins grand que l'ibis blanc , et
il doit être aussi moins haut de jambes : cependant
nous avons remarqué que les anciens ont dit les deux
ibis semblables en tout , à la couleur près. Celui-ci
est entièrement noir, et Belon semble indiquer qu'il
a le front et la face en peau nue, en disant que sa tête
est faite comme celle d'un cormoran» Néanmoins Hé-
rodote , qui paroît avoir voulu rendre ses deux de-
scriptions très exactes , ne donne point à l'ibis noir
ce caractère de la tête et du cou dénués de plumes.
Quoi qu'il en soit, tout ce qu'on a dit des autres ca-
ractères et des habitudes de ces deux oiseaux leur a
également été attribué en commun, sans exception
ni différence.
TC'TTt^
F:iuc|uet sciilp.
1. LE COURLIS, 1 . LE CORLIEU , 3 . LE COURLIS ROU Gl
LE COURLIS. 4o5
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LE COURLIS*.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Scolopax arcuata, L.
Les noms composés de sons imitatifs de la voix>
du chant, des cris des animaux, sont pour ainsi
dire les noms de la nature; ce sont aussi ceux que
l'homme a imposés les premiers. Les langues sauva-
ges nous offrent mille exemples de ces noms donnés
par instinct, et le goût, qui n'est qu'un instinct
plus exquis, les a conservés plus ou moins dans
les idiomes des peuples policés , et surtout dans la
langue grecque , plus pittoresque qu'aucune autre,
puisqu'elle peint même en dénommant. La courte
description qu'Aristote fait du courlis, n** 818, n'au-
roit pas suffi sans son nom clorios^ pour le reconnoître
et le distinguer des autres oiseaux. Les noms françois
courlis,, curliSj turlis ^ sont des mots imitatifs de sa
voix; et, dans d'autres langues, ceux de curleiv ,
caroU^ tarlino , etc., s'y rapportent de môme : mais
les dénominations à'arquata et de falclnellas sont
prises de la courbure de son bec , arqué en forme
1. En latin , namenias, arquata, faicinellus; eu italien , arcase^ tor-
qaato; en anglois, cnrlevo , water-carlevo; eu aîlemaud , hrach-vogel ,
wind-vogel , wetter-vogel; dans uos provinces ou lui donne différents
noms : eu Poitou, turla ou corbijeau; eu Bretagne, corbichet; en Pi-
cardie, ttirlui ou Courier 11; en Bourgogne, caria, turlu; en basse
Normandie, corlid (tous noms pris de sa voix . car il se nomme lui*
même); en quelques endroits, bécasse de mer,
IHTKOJN. XXT. 9.Ci
4o6 LE COURLIS.
de faux. Il en est de même du nom numenius, dont
l'origine est dans le mot néoméniej temps du crois-
sant de !a lune. Ce nom a été appliqué au courlis,
parce que son bec est à peu près en forme de crois-
sant. Les Grecs modernes l'ont appelé macrimiti ^ ou
long nez, parce qu'il a le bec très long relativement
à la grandeur de son corps. Ce bec est assez grêle,
sillonné de rainures, également courbé dans toute sa
longueur et terminé en pointe mousse ; il est foible
et d'une substance tendre, et ne paroît propre qu'à
tirer les vers de la terre molle. Par ce caractère les
courlis pourroient être placés à la tête de la nom-
breuse tribu d'oiseaux à long bec effilé , tels que les
bécasses, les barges, les chevaliers , etc., qui sont
autant oiseaux de marais que de rivages, et qui, n'é-
tant point armés d'un bec propre à saisir ou percer
les poissons, sont obligés de s'en tenir aux vers ou
aux insectes, qu'ils fouillent dans la vase et dans les
terres humides et limoneuses.
Le courlis a le cou et les pieds longs , les jambes
en partie nues, et les doigts engagés vers leur jonc-
tion par une portion de membrane. Il est à peu près
de la grosseur d'un chapon. Sa longueur totale est
d'environ deux pieds; celle de son bec, de cinq à six
pouces; et son envergure, de plus de trois pieds.
Tout son plumage est un mélange de gris blanc, à
l'exception du ventre et du croupion, qui sont entiè-
rement blancs ; le brun est tracé par pinceaux sur
toutes les parties supérieures, et chaque plume est
frangée de gris blanc ou de roussâtre ; les grandes
pennes de l'aile sont d'un brun noirâtre; les plumes
du dos ont le lustre de la soie ; celles du cou sont
LE COURLIS. 4^^
duvetées, et celles de la queue, qui dépasse à peine
les ailes pliées, sont, comme les moyennes de l'aile ,
coupées de blanc et de brun noirâtre. Il y a peu de
différence entre le mâle et la femelle, qui est seule-
ment un peu plus petite ; et dès lors la description
particulière que Unnaens a donnée de cette femelle
est superflue.
Quelques naturalistes ont dit que, quoique la chair
du courlis sente le marais, elle ne laisse pas d'être
fort estimée, et mise par quelques uns au premier
rang entre les oiseaux d'eau. Le courlis se nourrit
de vers de terre, d'insectes, de menus coquillages
qu'il ramasse sur les sables et les vases de la mer, ou
sur les marais et dans les prairies humides. Il a la
langue très courte et cachée au fond du bec. On lui
trouve de petites pierres et quelquefois des graines
dans le ventricule, qui est rausculeux comme celui
des granivores. Au dessus de ce gésier l'œsophage
s*enfle en manière de poche tapissée de papilles glan-
duleuses; il se trouve deux cœcums de trois ou quatre
doigts de longueur dans les intestins.
Ces oiseaux courent très vite et volent en troupes*.
Ils sont de passage en France , et s'arrêtent à peine
1 . C'est apparemment d'après la vitesse de sa course que Hesychius
donne au courlis le nom de trochilus, appliqué d'ailleurs , et avec plus
de justesse, à un petit oiseau, qui est le troglodjte. Ce nom de tro-
cliylus se trouve, à la vérité, donné à un oiseau aquatique dans un
passage de Gléarque dans Athénée : mais ce qui manifeste l'erreur de
Hesychius, c'est que , dans ce même passage , le courlis {clorios) est
nommé comme différent du trochilus ; et ce trochilus ^ de Gléarque ,
habitant les rives des eaux , sera ou le coureur, ou quelqu'un de ces
petits oiseaux, guignettes, cincles ou pluviers à collier, qui se tiennent
sans cesse sur les rivages , et qu'on y voit courir avec célérité.
l\o6 Liî coin M S.
<]^ns nos provinces intérieures; mais ils séjournent
dans nos contrées marilimes, comme en Poitou, en
Aunis, et en Bretagne le long de la Loire, où ils ni-
chent. On assure qu'en Angleterre ils n'habitent les
côtes de la mer qu'en hiver, et qu'en été ils vont ni-
cher dans l'intérieur du pays vers les montagnes. Eu
Allemagne ils n'arrivent que dans la saison des pluies
et par de certains vents; car les noms qu'on leur
donne dans les différents dialectes de la langue alle-
mande ont tous rapport aux vents, aux pluies ou aux
orages. On en voit dans l'automne en Siiésie, et ils se
portent en été jusqu'à la mer Baltique et au golfe de
Bothnie. On les trouve également en Italie et en
Grèce, et il paroît que leurs migrations s'étendent
au delà de la mer Méditerranée; car ils passent à Malte
deux fois l'année , au printemps et en automne. D'ail-
leurs les voyageurs ont rencontré des courlis dans
presque toutes les parties du monde; et, quoique
leurs notices se rapportent pour la plupart aux diffé-
rentes espèces étrangères de cette famille assez nom-
breuse , néanmoins il paroît que l'espèce d'Europe se
retrouve au Sénégal et à Madagascar; car l'oiseau re-
présenté n° 198 des planches enluminées est si sem-
blable à notre courlis que nous croyons devoir le
rapporter à la même espèce. Il ne diffère en effet
du courlis d'Europe que par un peu plus de longueur
danslebec et de netteté dans les couleurs, différences
légères qui ne font tout au plus qu'une variété qu'on
peut attribuer à la seule influence du climat. On ren-
contre quelquefois des courlis blancs, comme l'on
trouve (les bécasses blanches, des merles, des moi-
neaux blanc; mais ces variétés, purement indivi-
Mî COUULIS. 409
cluelIeS; sont des dégénéralions accidentelles qui ne
doivent pas être regardées coimne des races coti-
stantes.
î'ï#9«'ç*r5«'J*o<8if tP9*e*o<»s.«''«-i**&*'** «
LE CORLIEL]\
ou PETIT COURLIS.
SECONDE ESPÈCE.
Namenius phœopus. Latham.
Le corlieu, n°842, est moitié moins grand (jiie le
courlis , auquel il ressemble par la forme, par le fond
des couleurs, et même en leur distribution ; il a aussi
le môme genre de vie et les mêmes habitudes. Cepen-
dant ces deux espèces sont très distinctes; elles sub-
sistent dans les mêmes lieux sans se mêler ensemble, et
restent à la distance que met entre elles l'intervalle de
grandeur trop considérable pour qu'elles puissent se
réunir. L'espèce du corlieu paroît être plus particuliè-
rement attachée àFAngleterre, où, suivant les auteurs
de la Zoologie brltanniciae y eWe est plus commune que
celle du grand courlis. Il paroît au contraire qu'elle est
fort rare dans nos provinces. Belon ne l'a pasconnue, et
il Y a toute apparence qu'elle n'est pas plus fréquente
en Italie qu'en France; car Aldrovande n'en a parlé
que confusément d'après Gesner, et il répète le dou-
1. Eu italien, tarangolo ou taraniolo; eu auglois , wlmhrd ; en alle-
maod, regcn-voget , voind-vogel (noms déjà donnés iu» courlis), et
dîîns qiielques cantons, hrachliun , hrach-wogel.
4lO LE COllLIEU, OU PETIT COLRLIS.
Lie emploi qu'a fait ce naturaliste, en donnant deux
fois parmi les poules d'eau ce petit courlis, sous les
dénominations de phœopus et de galllnula ; car l'on
reconnoît le corlieu ou petit courlis aux noms de re-
gen-vogel et de tarangolo; aussi bien que la plupart
des traits de la description qu'il en donne. Willughby
s'est aperçu le premier de cette méprise de Gesner,
et il a reconnu le même oiseau dans trois notices
répétées par cet auteur. Au reste, Gesner s'est en-
core trompé en rapportant à ce petit courlis les noms
de wind-vogel et de wetter-vogel^ qui appartiennent
au grand courlis^; et quant à l'oiseau que M. Ed-
wards a donné sous le nom de petit ibis [Glan. ,,
pi. 556), c'est certainement un petit courlis, mais
dont le plumage étoit, comme l'observe ce natura-
liste lui-même, dans un état de mue, et dont la
description ne pourroit par conséquent établir dis-
tinctement l'espèce de cet oiseau.
LE COURLIS VERT,
ou COURLIS D'ITALIE.
TKOISIÈME ESPÈCE.
Ibis falcinellus, L.
Cet oiseau, n° 819, est connu sous le nom de
courlis d'Italie; mais on peut aussi le désigner par
1. L'oiseau nommé toréa aux îles de la Société , et qui est appelé
flans le Voyage de Gook petit corlieu, ne paroît pas êlre de la famille
LE COURLIS VEUT, OU COURLIS d'iTALIIî. 4^^
sa couleur. Il est plus grand que ne le dit M. Brisson,
et qu'il n'est reprëseuté dans les planches enlumi-
nées; car Aldrovande assure qu'il approche de la taille
du héron, dont quelquefois môme les Italiens lui don-
nent le nom. Celui de falcinello j que ce naturaliste
et Gesner paroissent lui appliquer exclusivement,
peut convenir aussi bien à tous les autres courlis qui
ont également le bec courbé en forme de faux. Ce-
lui-ci a la tête , le cou, le devant du corps et les côtés
du dos, d'un beau marron foncé; le dessus du dos,
des ailes et de la queue, d'un vert bronzé ou doré,
suivant les reflets de lumière; le bec est noirâtre,
ainsi que les pieds et la partie nue de la jambe. Ges-
ner n'a décrit qu'un oiseau jeune qui n'avoit encore
ni sa taille ni ses couleurs. Ce courlis, commun en
Italie , se trouve aussi eu Allemagne^ ; et le courlis du
Danube de Marsigli, cité par M. Brisson, n'est, selon
toute apparence, qu'une variété dans cette espèce.
LE COURLIS BRUN.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Scopolax luzionensis. L.
M. Sonnerat a trouvé ce courlis aux Philippines,
dans l'île de Luçon. Il est de la taille du grand courlis
des courlis. Il est dit que le toréa se trouve autour des vaisseaux: et
nous ne savons pas qu'aucun courlis s'avance en mer ni quitte le ri-
vage.
1. Il y porte, suivant Gesner, les noms de welischer vogel, sichlcr,
sagiser.
4l2 LE COURLIS BRUN.
d'Europe; tout son plnmage est d'un brun roux; ses
yeux sont entoures d'une peau verdâtre ; l'iris est
d'un rouge de feu; son bec est verdâtre, et ses pieds
£ont d'un rouge de laque.
LE COURLIS TACHETE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ce courlis, qui se trouve aussi à l'île de Luçon ^
auroit, comme le précédent, beaucoup de rapport
avec notre grand courlis, s'il n'étoit pas d'un tiers plus
petit : il diffère encore en ce qu'il a le sommet de
la tête noir et les couleurs différemment distribuées;
elles sont jetées sur le dos par mouchetures au bord
des plumes, et sur le ventre par ondes ou hachures
transversales.
LE COURLIS A TÈTE NUE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Ibis caivm. L.
L'espèce de ce courlis, n" 867, est nouvelle est très
singulière : sa tête entière est nue, et le sommet en
est relevé par une sorte de bourrelet couché et roulé
en arrière de cinq lignes d'épaisseur, et recouvert
d'une peau très rouge, très mince, et sous laquelle
LE COURLIS A TÈTE NUE. 4^^
on sent iuimëdiatement la protubérance osseuse qui
forme le bourrelet; le bec est du même rouge que
ce couronnement de la tête ; le haut du cou et le
devant de la gorge sont aussi dénués de plumes , et
la peau est sans doute vermeille dans l'oiseau vivant ;
mais nous ne l'avons vue que livide sur l'individu mort
que nous décrivons , et qui nous a été apporté du
cap de Bonne-Espérance par M. de La Ferté. Il a
toute la forme du courlis d'Europe; sa taille est seu-
lement plus forte et plus épaisse. Son pluQiage , sur
un fond noir, offre dans les pennes de l'aile des re-
flets de vert et de pourpre changeants; les petites
couvertures sont d'un violet pourpré assez fort de
teinte, mais plus léger sur le dos, le cou, et le des-
sus du corps ; les pieds et la partie nue de la jambe,
sur la longueur d'un pouce, sont rouges comme le
bec , qui est long de quatre pouces neuf lignes. Ce
courlis , mesuré de la pointe du bec à l'extrémité de
la queue, a deux pieds un pouce, et un pied et demi
de hauteur dans son altitude naturelle.
LE COURLIS HUPPE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Ibis cristatus. L.
La huppe distingue ce courlis, n*84i, de tous les
autres , qui généralement ont la tête plus ou moins
lisse ou recouverte de petites plumes fort courtes :
celui-ci au contraire porte une belle touffe de longues
4l4 ^^ COURLIS IIL'PPÉ.
plumes, partie blanches et partie vertes, qui se jetleuî
en arrière en panache; le devant de la tête et le tour
du haut du cou sont verls; le reste du cou , le dos,
et le devant du corps, sont d'un beau roux marron;
les ailes sont blanches; le bec et les pieds sont jau-
nâtres. Un large espace de peau nue environne les
yeux; le cou, bien garni de plumes, paroît moins
long et moins grêle que dans les autres courlis. Ce
bel oiseau huppé se trouve à Madagascar. Les sept
espèces de courlis que nous venons de décrire appar-
tiennent toutes à l'ancien continent, et nous en con-
noissons aussi huit autres dans le nouveau.
e«««««>fc*»^
COURLIS
DU NOUVEAU CONTINENT.
LE COURLIS ROUGE.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Ibis ruber, L.
Les terres basses et les plages de vases qui avoi-
sinent les mers et les grands fleuves de l'Amérique
méridionale sont peuplées de plusieurs espèces de
courlis. La plus belle de ces espèces, et la plus com-
mune à la Guiane, est celle du courlis rouge, n°' 80
et 81 : tout son plumage est écarlate, à l'exception de
la pointe des premières pennes de l'aile, qui est noire;
[es pieds, la partie nue des jambes, et le bec, sont
LE COURLIS ROUGE. l^lS
ronges ou rougeâtres^, ainsi que la peau nue qui cou-
vre le devant de la tête depuis l'origine du bec jus-
qu'au delà des yeux. Ce courlis est aussi grand mais
un peu moins gros que le courlis d'Europe; ses Jam-
bes sont plus hautes, et son bec plus long, est aussi
plus robuste et beaucoup plus épais vers la tête. Le
plumage de la femelle est d'un rouge moins vif que
celui du mâle; mais l'un et l'autre ne prennent qu'a-
vec l'âge cette belle couleur. Leurs petits naissent
couverts d'un duvet noirâtre; ils deviennent ensuite
cendrés, puis blancs lorsqu'ils commencent à voler,
et ce n^est que dans la seconde ou la troisième an-
née que ce beau rouge paroît par nuances successives,
et prend plus d'éclat à mesure qu'ils avancent en âge.
Ces oiseaux se tiennent en troupes, soit en volant,
soit en se posant sur les arbres, où, par leur nombre
et leur couleur de feu, ils offrent le plus beau coup
d'œil. Leur vol est soutenu et même assez rapide;
mais ils ne se mettent en mouvement que le malin
et le soir : par la chaleur du jour ils entrent dans les
criques et s'y tiennent au frais sous les palétuviers
jusque vers les trois ou quatre heures, qu'ils retour-
nent sur les vases , d'où ils reviennent aux criques
pour passer la nuit. On ne voit guère un de ces courlis
seul; ou si quelqu'un s'est détaché de la troupe, il
ne tarde pas à la rejoindre : mais ces attroupements
sont distingués par*' âges, et les vieux tiennent assez
constamment leurs bandes séparées de celles des
jeunes. Les couvées commencent en janvier et finis-
sent en mai. Ils déposent leurs œufs sur les grandes
1 . Cette couleur du bec peut varier : Marcgrave le dît blanc cendré;
Clusius, jaune d'ocre,
/|l6 LE COURLIS ROIGÎÏ.
herbes qui croissent sous les palétuviers, ou dans les
broussailles sur quelques bùcbettes rassemblées, et
ces œuls sont verdâtres. On prend aisément les petits
à la main, lors même que la mère les conduit à terre
pour chercher les insectes et les petits crabes dont ils
font leur première nourriture; ils ne sont point fa-
rouches et s'habituent aisément à vivre à la maison.
« J'en ai élevé un, dit M. de La Borde, que j'ai gardé
pendant plus de deux ans. Il prenoit de ma main ses
«aliments avec beaucoup de familiarité, et ne man-
quoit jamais l'heure du déjeuner ni du dîner. Il man-
geoit du pain, de la viande crue, cuite ou salée, du
poisson ; tout l'accommodoit : il donnoit cependant
la préférence aux entrailles de poissons et de volailles,
et, pour les recueillir, il avoit soin de faire un tour
à la cuisine; hors de là il étoit continuellement oc-
cupé autour de la maison à chercher des vers de
terre, où, dans un jardin, à suivre le labour du INègre
jardinier. Le soir il se retiroit de lui-même dans un
poulailler où couchoit une centaine de volailles. Il
se juchoit sur la plus haute barre, chassoit à grands
coups de bec toutes les poules qui vouioient s'y pla-
cer, et s amusait souvent pendant la nuit à les inquié-
ter. Il s'éveilloit de grand matin, et commençoit par
faire trois ou quatre tours au vol autour de la maison;
quelquefois il alloit jusqu'au bord de la mer, mais
sans s'y arrêter. Je ne lui ai entendu d'autre cri qu'un
petit croassement qui paroissoit une expression de
peur à la vue d'un chien ou d'un autre animal. Il
avoit pour les chats beaucoup d'antipathie sans les
craindre; ilfondoitsur eux avec intrépidité et à grands
coups de bec. Jl a fuii par êlre tué tout prèî:> de h.%
LE COURLIS 110 UGE. 4^7
îîiaisou , sur une mare, par un chasseur qui le pril
pour un courlis sauvage. »
Ce récit de M. de La Borde s'accorde assez avec
le témoignage de Laët, qui ajoute qu'on a vu quel-
ques uns de ces oiseaux s'unir et produire en do-
mesticité. Nous présumons donc qu'il seroit aussi
facile qu'agréable d'élever et de multiplier cette belle
espèce 5 qui feroit rornement des basses-cours^, et
peut-être ajouteroit aux délices de la table; car la
chair de cet oiseau, déjà bonne à manger, pourroit
encore se perfectionner et perdre, avec une nourri-
ture nouvelle , le petit goût de marais qu'on lui
trouve^, outre que, s 'accommodant de toutes sortes
d'aliments et de tous les débris de la cuisine, il ne
coûteroit rien à nourrir. Au reste, nous ignorons si,
comme le dit Marcgrave, ce courlis trempe dans l'eau
tout ce qu'on lui donne avant de le manger.
Dans l'état sauvage ces oiseaux vivent de petits pois-
sons , de coquillages, d'insectes, qu'ils recueillent
sur la vase quand la marée se retire. Jamais ils ne
s'écartent beaucoup des côtes de la mer, ni ne se
portent sur les fleuves loin de leur embouchure; ils
ne font qu'aller et venir dans le même canton où on
les voit toute l'année. L'espèce en est néanmoins ré-
pandue dans la plupart des contrées les plus chaudes
de l'Amérique ; on les trouve également aux embou-
1. En mémo temps que nous écrivons ceci , il y a un courlis rouge
vivant à la ménagerie de S. A. S. monseigneur le prince de Coudé , à
Chanliily.
■2. On le mange en ragoûts et ou eu fait d'assez bons civets; mais
il faut auparavant le rôtir à moilié pour lui enlever une paiHe de son
hutU; , qui a un goût de marée. [Noie donnée par an colon de (Mayenne.)
:\l6 LE GOUKLIS IIOUGE.
chures de Rio-Janéiro, du Maragnon, etc., aux îles
de Bahama et aux Antilles. Les Indiens du Brésil , qui
aiment à se parer de leurs belles plumes, donnent à
ces courlis le nom de gtiara; celui de flammanty(\\.\on
leur a donné à Cayenne , se rapporte au beau rouge
de flamme de leur plumage, et c'est mal à propos
que dans cette colonie l'on applique ce nom de flam-
mant indifféremment à tous les courlis. C'est aussi
sans fondement que le voyageur Gauche rapporte au
courlis rouge du Brésil son courlis violet de Madagas-
car, à moins qu'il n'ait entendu faire seulement com-
paraison de figure entre ces deux oiseaux; car la cou-
leur violette qu'il attribue au sien est bien différente
du brillant écarlate de notre courlis rouge. Tout ce
que nous pouvons inférer de sa notice, c'est qu'il se
trouve à Madagascar une espèce de courlis à plumage
violet qu'aucune autre relation ne nous fait d'ailleurs
connoître.
LE COURLIS BLANC.
SECONDE ESPÈCE.
Ibis albus. L.
On pourroit prendre ce courlis, n" 916, pour le
courlis rouge portant encore sa première couleur ;
mais Catesby, qui a connu l'un et l'auLre, donne celui-
ci comme étant d'espèce différente. 11 est en effet un
peu plus grand que le courlis rouge; il a les pieds,
le bec, le tour des yeux, et le devant de la tête.
LE COUULIS BLANC. 4*9
(l'un rouge pâle; tout !e plumage blanc, à Texcep-
tioii des quatre premières pennes de l'aile , qui sont
d'un vert obscur à leur extrémité. Ces oiseaux arri-
vent à la Caroline en grand nombre vers le milieu de
septembre, qui est la saison des pluies : ils fréquen-
tent les terres basses et marécageuses ; ils y demeu-
rent environ six semaines, et disparoissent ensuite
jusqu'à l'année suivante. Apparemment ils se retirent
vers le sud pour nicher dans un climat plus chaud.
Catesby dit avoir trouvé des grappes d'œufs dans plu-
sieurs femelles peu de temps avant leur départ de la
Caroline. Elles ne diffèrent pas des mâles par les cou-
leurs, et tous deux ont la chair et la graisse jaunes
comme du safran.
»»•««««««>»»(•«
LE COURLIS BRUN
A FRONT ROUGE.
TROISIÈME ESPÈCE.
Tantalus fuscus. L.
Ces courlis bruns arrivent à la Caroline avec les
courlis blancs de l'espèce précédente et mêlés dans
leurs bandes. Ils sont de même grandeur, mais en
plus petit nombre, j ayant bien, dit Catesby, vingt
courlis blancs pour un brun. Ceux-ci sont en effet tout
bruns sur le dos, les ailes et la queue, et sont d'un
gris brun sur la tête et le cou, et tout blancs sur le
croupion et le ventre ; ils ont le devant de la tête dé-
garni de plumes et couvert d'une peau rouge pâle;
420 LE COURLIS BRUN.
le bec et les pieds sont de cette même couleur. Ils
ont, comme les courlis blancs, la chair et la graisse
jaunes. Ces deux espèces d'oiseaux arrivent et repar-
tent ensemble; ils passent en hiver de la Caroline à
des contrées pkis méridionales, comme à la Guiane,
où ils sont nommés flammants gris,
LE COURLIS DES BOIS.
* QUATRIÈME ESPÈCE.
Ibis cayennensis. L.
Cet oiseau, n° %'20, que les colons de Cayenne ont
appelé flammant des bois^ vit en effet dans les forêts
le long des ruisseaux et des rivières , et il se tient
loÏQ des côtes de la mer, que "les autres courlis ne
quittent guère; il a aussi des mœurs différentes, et
ne va pas en troupes , mais seulement accompagné
de sa femelle. Il se pose pour pêcher sur les bois qui
flottent dans l'eau. Il n'est pas plus grand que le cour-
lis vert d'Europe ; mais son cri est beaucoup plus fort.
Tout son plumage porte une teinte de vert très foncé,
sur un fond brun sombre, qui de loin paroît noir, et
qui de près offre de riches reflets bleuâtres et ver-
dâtres; les ailes et le haut du cou ont la couleur et
l'éclat de l'acier poli; on voit des reflets bronzés sur
le dos, et d'un lustré pourpré sur le ventre et le bas
du cou ; les joues sont dénuées de plumes. M. Bris-
son n'a pas fait mention de cette espèce , quoique
Earrère l'ait indiquée deux fois sous les noms d'^r-
ffuata ririclis sylvatica el de flammant des bois.
LE GOUARONA. /j^ 1
LE GOUARONA.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Ibis ruber. L. (Jeune âge. )
Guara est, comme nous lavons vu, le nom du
courlis rouge chez les Brasiliens : ils nomment gua-
rana ou gotiarona celui-ci, dont le plumage est d'un
brun marron , avec des reflets verts au croupion ,
aux épaules, et au côté extérieur des pennes de l'aile ;
la tête et le cou sont variés de petites lignes longitu-
dinales blanchâtres sur un fond brun. Cet oiseau a
deux pieds de longueur du bec aux ongles*; il a
beaucoup de rapports avec le courlis vert d'Europe ,
et paroît être le représentant de cette espèce en Amé-
rique. Sa chair est assez bonne, au rapport de Marc-
grave, qui dit en avoir mangé souvent. On le trouve
à la Guiane aussi bien qu'au Brésil.
LAC A L 0 T.
SIXIÈME ESPÈCE.
TarUalus mcxicanus. Lo
Nous abrégeons ainsi le nom d'accacalotl que
porte ce courlis au Mexique, où il est indigène. 11 a,
1. Marcgravo. dil qu'il est magnitudine iacu : or l'yacou est à peine
aussi gros qu'une poule ordinaire , taille (jui convient lout-à-fait à ua
courlis,
]3t)FF0iV. XXT. 27
4^2 l'acALOT.
comme la plupart des autres , le front dénué de plu-
mes et couvert d'une peau rougeâtre; son bec est
bleu ; le cou et le derrière de la tête sont revêtus
de plumes brunes, mêlées de blanc et de vert; ses
ailles brillent de reflets verts et pourpres ; et c'est ap-
paremment d'après ces caractères que M. Brisson a
cru devoir l'appeler courlis varié : mais il est aisé de
voir, par le nom de corbeau aquatique que lui don-
nent Fernandès et JNieremberg, que ces couleurs
portent sur un fond sombre et approchant du noir.
M. Adanson, en observant que cet oiseau diffère du
courlis d'Europe en ce qu'il a le front chauve, l'assi-
mile par ce trait à l'ibis , au guara^ au curicacaj àonl
il forme un genre particulier : mais le caractère par
lequel il sépare ces oiseaux des courlis, savoir la
nudité du devant de la tête, ne nous paroît pas sufTi-
sant, vu qu'en tout le reste la forme de ces oiseaux
est semblable, et que cette différence elle-même se
nuance entre eux par degrés; en sorte qu'il y a des
espèces, comme celle du courlis vert, qui n'ont que
le tour des yeux nu, tandis que d'autres, comme
celui-ci, ont une grande partie du front nue. Nous
avons cru devoir séparer le curicaca du courlis , à
cause de sa grandeur et de quelques autres différen-
ces essentielles, particulièrement de celle de la forme
du bec. Du reste , nous ne voyons pas ce qui a pu
engager ce savant naturaliste à placer ces oiseaux dans
la famille des vanneaux.
LE MATUITIjI des RIVAGES. 4 2.1
LE MATUITUI DES RIVAGES.
SEPTIÈME ESPÈCE,
Tant a (us gris eus, L.
Si cet oiseau nous étoit mieux connu, nous le sé-
parerions peut-être, comme le curicaca ^ de la l'aminé
des courlis, vu que Marcgrave et Pison le disent sem-
blable en petit au curicaca , lequel s'éloigne du cour-
lis par le caractère du bec autant que par la taille;
mais, avant de savoir si ce caractère du bec convient
au matuitui , nous ne pouvons que l'indiquer ici, en
observant néanmoins que le nom àe petit courlis que
lui donne M. Brisson paroît mal appliqué, puisque
cet oiseau est à peu près de la grosseur d'une poule,
c'est-à-dire de la première grandeur dans le genre
des courlis. Au reste, ce matuitui des rivages est dif-
férent d'un autre petit matuitui dont parle ailleurs
Marcgrave, qui n'est guère plus gros qu'une alouette,
et qui paroît être un petit pluvier à collier.
LE GRAND COURLIS
DE CAYENNE.
HUITIÈME ESPÈCE.
Ibis albicoUis. L.
Gk grand courlis, n° 976, est plus gros que le cour-
lis d'Europe, et il nous a paru le plus grand des courlis.
4^4 LE GRAND COURLIS DE GAYENNE.
Il a tout le manteau, les grandes pennes de Taiie, et
le devant du corps, d'un brun onde de gris et lustré
de vert ; le cou est blanc roussâtre , et les grandes
couvertures de l'aile sont blanches. Cette description
suffit pour le distinguer de tous les autres courlis.
LE VANNEAU*.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Trlnga vanellus. L.
Le vanneau , n° 242 , paroît avoir tiré son nom ,
dans notre langue et en latin moderne , du bruit que
font ses ailes en volant, qui est assez semblable au
van qu'on agite pour purger le blé. Son nom anglois
lapwlng a le même rapport au battement fréquent et
bruyant de ses ailes. Les Grecs, outre les noms d'aex
et à'aega^ relatifs à son cri, lui avoient donné celui
de paon sauvage (taos agrios), à cause de son aigrette
1. En latin moderne, capelia vanellus ; en italien , paonzello, pavon-
zino : en allemand, kywit , et -vulgairement liimmel-geisz (chèvre vo-
lante , chèvre du ciel); en anglois , lapwlng et bastard-p lover; en plu-
sieurs de nos provinces, dix-huit, pivite, kivite.
2. Aex , en grec, signifie chèvre, et semble avoir rapport au bêle-
ment ou chevrotement auquel on peut comparer la voix du vanneau,
d'où viennent aussi les noms de capra , capelia cœlestis, que lui don-
nent divers auteurs.
Aristote nomme Yaex , avec le penelops et le vulpanser, oiseaux du
genre des canards et palmipèdes : on croiroit donc légitimement l'oi-
seau aex de celte classe , si Belon n'assuroit positivement avoir retrouvé
ce même nom ài'aex donné encore aujourd'hui au vanneau dans la
Grèce.
Vl.il-
To-!nc 2b'.
P.a..^uel sc.Jp
1 . LE VAWN E AU, 2 . LE VAN N EAU ARME DU SENE G AX
O.LE PLUVIER DORE .
LE VANNEAU. 4^^
et de ses jolies couleurs. Cependant cette aigrette du
vanneau est bien différente de celle du paon ; elle
ne consiste qu'en quelques longs brins effilés très dé-
liés, et les couleurs de son corps, dont le dessous
est blanc, n'offrent, sur un fond assez sombre, leurs
reflets brillants et dorés qu'à l'œil qui les recherche
de près. On a aussi donné au vanneau le nom de dix-
liuitjy parce que ces deux syllabes, prononcées foi-
blement, expriment assez bien son cri, que dans plu-
sieurs langues on a cherché à rendre également par
des sons imitatifs*. Il donne en partant un ou deux
coups de voix, et se fait aussi entendre par reprises
dans son vol , même durant la nuit. Il a les ailes très
fortes et il s'en sert beaucoup, vole long-temps de
suite, et s'élève très haut. Posé à terre, il s'élance,
bondit, et parcourt le terrain par petits vols coupés.
Cet oiseau est fort gai; il est sans cesse en mouve-
ment, folâtre, et se joue de mille façons en l'air : il
s'y tient par instants dans toutes les situations, même
le ventre en haut ou sur le côté et les ailes dirigées
perpendiculairement, et aucun oiseau ne caracole et
ne voltige plus lestement.
Les vanneaux arrivent dans nos prairies en gran-
des troupes au commencement de mars, ou même
dès la fin de février, après le dernier dégel et par le
vent de sud. On les voit alors se jeter dans les blés
verts, et couvrir le matin les prairies marécageuses
1. Gyfytz, giwitz, kiwitz, czieik, etc., tous nouis qui , suivant les
dialectes , se prononcent avec le même accent. En suivant cette ana-
logie on ne peut guère douter que l'oiseau nommé bigltz dans Tragus,
qui le compte au nombre de ceux qu'on mange en Allemagne , ne soit
encore le vanneau.
426 LE VANNEAU.
pour y chercher les vers qu'ils font sorth- de terre par
une singuHère adresse. Le vanneau qui rencontre un
de ces petits tas de terre en boulettes ou chapelets
que le ver a rejetés en se vidant le débarrasse d'abord
îéirèrement, et, ayant mis le trou à découvert, il frappe
à côlé la terre de son pied et reste l'œil attentif et le
corps immobile : cette légère commotion suffit pour
faire sortir le ver, qui, dès qu'il se montre, est enlevé
d'un coup de bec. Le soir venu, ces oiseaux ont un
autre manège; ils courent dans l'herbe et sentent sous
leurs pieds les vers qui sortent à la fraîcheur : ils en
font ainsi une ample pâture, et vont ensuite se laver
les pieds et le bec dans les petites mares ou dans les
ruisseaux.
Ces oiseaux se laissent difficilement approcher et
semblent distinguer de très loin le chasseur. On peut
les joindre de plus près lorsqu'il fait un grand vent,
car alors ils ont peine à prendre leur essor. Quand
ils sont attroupés et prêts à s'élever ensemble, tous
agitent leurs ailes par un mouvement égal; et comme
elles sont doublées de blanc et qu'ils sont fort près
les uns des autres, le terrain couvert par leur multi-
tude, et que l'on voyoitnoir, paroît blanc tout d'un
coup. Mais cette grande société que forment les van-
neaux à leur arrivée tend à se rompre dès que les pre-
mières chaleurs du printemps se font sentir, et deux
à trois jours suffisent pour les séparer. Le signal est
donné par des combats que les mâles se livrent entre
eux; les femelles semblent fuir et sortent les premiè-
res du milieu de la troupe, comme si ces querelles
ne les intéressoient pas, mais en effet pour attirer
après elles ces combattants et leur faire contracter une
LE VANNEA^r. l\2']
société plus intime et plus douce, dans laquelle cha-
que couple sait se suffire durant les trois mois que
durent les amours et le soin de la nichée.
La ponte se fait en avril ; elle est de trois ou qua-
tre œufs oblongs, d'un vert sombre, fort tachetés de
noir. La femelle les dépose dans les marais, sur les
petites buttes ou mottes de terre élevées au dessus dn
niveau du terrain; précaution qu'elle semble prendre
pour les mettre à l'abri de la crue des eaux, mais qui
néanmoins lui ôte les moyens de cacher son niel et le
laisse entièrement à découvert. Pour en former l'em-
placement, elle se contente de tondre à fleur de terre
un petit rond dans l'herbe , qui bientôt se flétrit alen-
tour par la chaleur de la couveuse. Si on trouve
l'herbe fraîche, on juge que les œufs n'ont point été
couvés. On dit ces œufs bons à manger, et dans plu-
sieurs provinces on les ramasse à milliers pour les por-
ter dans les marchés. Mais n'est-ce point offenser,
appauvrir la nature, que de détruire ainsi ses tendres
germes dans les espèces que nous ne pouvons d'ail-
leurs multiplier? Les œufs de poule et des autres oi-
seaux domestiques sont à nous par les soins que nous
prenons pour leur multiplication; mais ceux de^ oi-
seaux libres n'appartiennent qu'à la mère commune
de tous les êtres.
Le temps de l'incubation du vanneau, comme dans
la plupart des autres oiseaux , est de vingt jours. La
femelle couve assidûment; et si quelque objet in-
quiétant la force à se lever de son nid, elle piette un
certain espace en se traînant dans l'herbe, et ne s'en-
vole que lorsqu'elle se trouve assez éloignée de ses
oeufs pour que son départ new indique pas la place.
428 LE VANNEAU.
Les vieilles femelles à qui on a enlevé leurs œufs ne
s'exposent plus à nicher à découvert dans les marais;
elles se retirent dans les blés qui montent en tuyau,
et y font plus tranquillement une seconde ponte : les
jeunes, moins expérimentées, s'exposent, après une
première perle, à une seconde, et font quelquefois
jusqu'à trois pontes successives dans les mêmes lieux;
mais les dernières ne sont plus que de deux œufs, ou
même d'un seul.
Les petits vanneaux, deux ou trois jours après leur
naissance, courent dans l'herbe et suivent leurs père
et mère; ceux-ci, à force de sollicitude, trahissent
souvent leur petite famille, et la décèlent en passant
sur la tête du chasseur avec des cris inquiets, qui
redoublent à mesure qu'on approche de l'endroit où
les petits se sont tapis à terre au premier signe d'a-
larme. Se sentant pressés, ils partent en courant, et
il est difficile de les prendre sans chiens; car ils sont
aussi alertes que les perdreaux. Ils sont alors couverts
d'un duvet noirâtre, voilé sous de longs poils blancs;
mais dès le mois de juillet ils entrent dans la mue,
qui donne à leur plumage ses belles couleurs.
Dès lors la grande société commence à se renouer;
tous les vanneaux d'un marais, jeunes et vieux, se ras-
semblent, ils se joignent aux bandes des marais voi-
sins et forment en peu de jours des troupes de cinq
ou six cents : on les voit planer dans l'air ou errer
dans les prairies, et se répandre après les pluies dans
les terres labourées.
Ces oiseaux passent pour inconstants , et en effet ils
ne se tiennent guère plus de vingt-quatre heures dans
le même canton : mais cette inconstance est fondée
LE VANNEAU. 4^9
sur un besoin réel; un canton épuisé de vers en un
jour, le lendemain la troupe est forcée de se trans-
porter ailleurs. Au mois d'octobre les vanneaux sont
très gras; c'est le temps où ils trouvent la plus ample
pâture, parce que, dans cette saison humide, les vers
sortent de terre à milliers : mais les vents froids qui
soufflent vers la fin de ce mois, en les faisant rentrer
en terre, obligent les vanneaux de s'éloigner; c'est
même la cause de la disparition de tous les oiseaux
vermivores ou mangeurs de vers, et de leur départ de
nos contrées, ainsi que de toutes celles du nord aux
approches du froid; ils vont chercher leur nourriture
dans le midi, où commence alors la saison des pluies:
mais, par une semblable nécessité, ils sont forcés de
quitter au printemps ces terres du midi, l'excès de
la chaleur et de la sécheresse y causant en été le même
effet que l'excès du froid de nos hivers, par rapport
a la disparition des vers, qui ne se montrent à la sur-
face de la terre que lorsqu'elle est en même temps
humide et tempérée^.
1. M. Bâillon, à qui nous sommes redevables des meilleurs détails
de cette histoire du vanneau, nous confirme dans cette idée , sur la
cause du retour des ciseaux du midi au nord , par une observation qu'il
a faite lui-même aux Antilles : • La terre, dit-il , est durant six mois de
l'année d'une dureté comme d'une sécheresse extrême aux Antilles;
elle ne reçoit pas dans tout ce temps une seule goutte d'eau ; j'y ai vu
dans les vallées des gerçures de quatre pouces de largeur et de plu-
sieurs pieds de profondeur; il est impossible qu'aucun ver séjourne
alors à la superficie : aussi pendant ce temps de sécheresse on n'aper-
çoit dans ces îles aucun oiseau vermivore; mais dès les premiers jours
de la saison des pluies, on voit ces oiseaux arriver par essaims, que
j'ai jugé venir des terres basses et noyées des côtes orientales de la Flo-
ride , des îles Gaïques , des îles Turques, et d'une foule d'autres îlots,
inhabités , situés au nord et au nord-ouest des Antilles. Tous ces lieus
/|50 LE VANNEAU.
Et cet ordre du départ et du retour des oiseaux
qui vivent de vers est le même dans tout noire hémi-
sphère; nous en avons une preuve particulière pour
l'espèce du vanneau : au Kamtschatka le mois d'oc-
tobre s'appelle le mois des vanneaux; et c'est alors le
temps de leur départ de cette contrée comme des
nôtres.
Belon dit que le vanneau est connu en toute terre.
Effectivement l'espèce en est très répandue. Nous ve-
nons de dire que ces oiseaux se sont portés jusqu'à
l'extrémité orientale de l'Asie ; on les trouve égale-
ment dans les contrées intérieures de cette vaste ré-
gion, et on en voit par toute l'Europe. A la fin de l'hi-
ver ils paroissent à milliers dans nos provinces de Brie
et de Champagne; on en fait des chasses abondan-
tes; il s'en prend des volées au filet à miroir. On le
tend pour cela dans une prairie; on place entre les
nappes quelques vanneaux empaillés et un ou deux
de ces oiseaux vivants pour servir d'appelants, ou
bien l'oiseleur, caché dans sa loge, imite leur cri de
réclame avec un appeau de fine écorce : à ce cri per-
fide la troupe entière s'abat et donne dans les filets.
Olina place dans le courant de novembre les grandes
captures de vanneaux , et il paroît à sa narration qu'on
voit ces oiseaux attroupés tout l'hiver en Italie.
Le vanneau est un gibier assez estimé; cependant
ceux qui ont tiré la ligne délicate de l'abstinence
pieuse l'ont , comme par faveur , admis parmi les mets
de la mortification. Le vanneau a le ventricule très
musculeux, doublé d'une membrane sans adhérence,
humides sont le berceau des oiseaux d'eau de ces îles , et peut-être
dWe partie du grand coutiuent de rAraérique. »
LE VANNEAU. /|5 1
recouvert par le foie, et contenant pour l'ordinaire
quelques petits cailloux; le tube intestinal est d'envi-
ron deux pieds de longueur; il y a deux cœcums, di-
rigés en avant, chacun de plus de deux pouces de
long ; une vésicule du fiel adhérente au foie et au duo-
dénum; le foie est grand et coupé en deux lobes;
l'œsophage, long d'environ six pouces, est dilaté en
poche avant son insertion; le palais est hérissé de pe-
tites pointes charnues qui se couchent en arrière; la
langue, étroite, arrondie par le bout, a dix lignes de
long. Willughby observe que les oreilles sont placées
dajis le vanneau plus bas que dans les autres oiseaux.
Il n'y a pas de dillerence entre le mâle et la fe-
melle ; mais il y en a quelques unes dans les couleurs
iUi plumage, quoique AIdrovande dise ny en avoir
point remarqué : ces différences reviennent en géné-
ral à ce que les couleurs de la femelle sont plus foi-
bles, et que les parties noires sont mélangées de gris;
sa huppe est aussi plus petite que celle du mâle, dont
la tète paroît être un peu plus grosse et plus arron-
die. La plume de ces oiseaux est épaisse et son duvet
bien fourni, ce duvet est noir près du corps; le des-
sous et le bord des ailes, vers l'épaule, sont blancs,
ainsi que le ventre , les deux plumes extérieures de
îa queue et de la première moitié des autres; il y a
un point blanc de chaque côté du bec et un trait de
même couleur sur l'œil en façon de sourcil. Tout le
reste du plumage est d'un fond noir, mais enrichi
de beaux reflets d'un luisant métallique, changeant
en vert et en rouge doré, particulièrement sur la tète
et les ailes. Le noir sur la gorge et le devant du cou
est mêlé de blanc par taches : mais ce noir forme seul
45a LE VANNEAU.
sur la poitrine un large plastron arrondi; il est, ainsi
que le noir des pennes deTaile, lustrëde vert bronzé.
Les couvertures de la queue sont rousses. Mais comme
il se trouve assez fréquemment de la diversité dans le
plumage d'un individu à un autre, un plus grand dé-
tail dans la description deviendroit superflu : nous ob-
serverons seulement que la huppe n'est point implan-
tée sur le front, mais à l'occiput, ce qui lui donne
plus de grâce ; elle est composée de cinq ou six brins
délicats, effilés, d'un beau noir, dont les deux supé-
rieurs couvrent les autres et sont beaucoup plus longs.
Le bec noir, assez petit et court, n'ayant pas plus de
douze ou treize lignes, est renflé vers le bout; les
pieds sont hauts et minces et d'un rouge brun, ainsi
que le bas des jambes, qui est dénué de plumes sur
sept ou huit lignes de hauteur; le doigt extérieur et
celui du milieu sont joints à l'origine par une petite
membrane ; celui de derrière est très court et ne pose
point à terre ; la queue ne dépasse pas l'aile pliée. La
longueur totale de l'oiseau est de onze ou douze pouces
et sa grosseur approche de celle du pigeon commun.
On peut garder les vanneaux en domesticité; il
faut, dit Olina, les nourrir de cœur de bœuf dépecé
en filets. Quelquefois on en met dans les jardins, où
ils servent à détruire les insectes; ils y restent volon-
tiers et ne cherchent point à s'enfuir. Mais, comme
le remarque Klein, cette facilité qu'on trouve à cap-
tiver cet oiseau vient plutôt de stupidité que de sen-
sibilité; et d'après le maintien et la physionomie de
ces oiseaux, tant vanneaux que pluviers, cet obser-
vateur prétend qu'on peut prononcer qu'ils n'ont
qu'un instinct fort obtus.
LU VANNEAU. /pO
Gesner parle de vanneaux blancs et de vanneaux
bruns tachetés et sans aigrette ; mais il n'en dit pas
assez pour faire juger si les premiers ne sont pas sim-
plement des variétés accidentelles. Il nous paroît se
tromper sur les secondes et prendre le pluvier pour
le vanneau : il semble s'en douter lui-même; car il
avoue ailleurs qu'il connoissoit peu le pluvier, qui
est très rare en Suisse et n'y paroît presque jamais,
tandis que les vanneaux y viennent en très grand
nombre : il y a même une espèce à laquelle on a donné
le nom de vanneau suisse.
LE VANNEAU SUISSE.
SECONDE ESPÈCE.
Vanelkis melanogaster. Bechst. (Plumage de noces. )
Ce vanneau , n** 855 , est à peu près de la taille du
vanneau commun; il a tout le dessus du corps varié
transversalement de blanc et de brun; le devant du
corps est noir ou noirâtre ; le ventre est blanc; les
grandes pennes de l'aile sont noires et la queue est
traversée de bandes comme le dos. La dénomination
de vanneau suisse pourroit donc venir de cet habille-
ment mi-parti. Cette étymologie est peut-être aussi
plausible que celle de vanneau de Suisse^, car cet oi-
seau ne se trouve point exclusivement en Suisse^ et
i. Il y a même une raison très légitime de douter que cet oiseau s'y
trouve absolument; c'est que Gesner, cet observateur si savant, n'en
fait aucune mention, et qu'il n'auroil certainement pas manqué de
connoître an oiseau de son pays.
434 l'E VANNEAL SUISSE.
paroît dans nos contrées : mais il est vrai qu'il y est
beaucoup plus rare que l'autre et qu'on ne l'y voit ja-
mais en troupes nombreuses.
M. Brisson fait de l'oiseau ginochiella d'AIdrovande
une troisième espèce sous la dénomination de grand
vanneau^ qui convient bien peu au ginochîellay puis-
que , dans la figure qu'en donne AIdrovande et qu'il
dit de grandeur naturelle, cet oiseau est représenté
moins grand que le vanneau commun. Au reste, il est
très difficile de prononcer sur la réalité d'une espèce
à la vue d'une figure imparfaite, d'autant que si les
pieds et le bec ne sont pas mal représentés, cet oi-
seau n'est point un vanneau. On pourroit y rapporter
plutôt le grand pluvier ou courlis de terre , dont nous
parlerons à la suite de l'article des pluviers, si la dif-
férence de la tailie ne s'y opposoit pas encore. AIdro-
vande, dans la courte notice qu'il a jointe à sa figure,
dit que le bec a la pointe aiguë, ce qui ne caracté-
rise pas plus un pluvier qu'un vanneau. Ainsi, sans
établir l'espèce de cet oiseau, nous nous contente-
rons d'en avoir placé ici la notice, à îaquelle, depuis
AIdrovande, personne n'a rien ajouté.
LE VANNEAU ARME
DU SÉNÉGAL.
TROISIÈME ESPÈCE.
Parra senegaleiisis, L.
Ce vanneau du Sénégal est de la grosseur du nôtre ;
mais il a les pieds fort bauts et la partie nue de la
LE VANNEAU ARMÉ DU SENEGAL. /p^
jambe longue de vingt lignes : cette partie est ,
comme les pieds, de couleur verdâtre. Le bec est
long de seize lignes et surmonté, près du front, d'une
bandelette étroite de membrane jaune très mince,
retombant, et coupée en pointe de chaque côté. Il a
le devant du corps d'un gris-brun clair; le dessus de
même couleur, mais plus foncé; les grandes pennes
de l'aile noires; les plus près du corps d'un blanc
sale ; la queue est blanche dans sa première moitié ,
ensuite noire, et enfin blanche à la pointe. Cet oi-
seau, n° 362, est armé, au pli de l'aile, d'un petit
éperon corné , long de deux lignes et terminé en
pointe aiguë.
On reconnoît cette espèce dans une notice de
M. Adanson , à l'habitude que nous avons remarquée
dans la famille des vanneaux, qui est de crier beau-
coup et de poursuivre les gens avec clameurs, pour
peu qu'on approche de l'endroit où ils se tiennent :
aussi les François du Sénégal ont-ils appelés criards
ces vanneaux armés, que les Nègres nomment net-
net, « Dès qu'ils voient un homme, dit M. Adanson,
ils se mettent à crier à toute force et à voltiger autour
de lui, comme pour avertir les autres oiseaux, qui,
dès qu'ils les entendent, prennent leur vol pour s'é-
chapper. Ces oiseaux sont les fléaux des chasseurs. »
Cependant le naturel de nos vanneaux est paisible,
et l'on n'observe pas qu'ils aient querelle avec aucun
oiseau : mais l'ergot aux ailes, dont la nature a pourvu
ceux-ci, les rend apparemment plus guerriers, et
l'on assure qu'ils se servent de cet éperon comme
d'une arme offensive contre les autres oiseaux.
436 LE VANNEAU ARMÉ DES INDES.
LE VANNEAU ARMÉ
DES INDES.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Parra goaensis. L.
Une seconde espèce de vanneau armé nous est ve-
nue de Goa et n'est pas encore connue des natura-
listes. Ce vanneau des Indes, n® 807, est de la gran-
deur de celui d'Europe , mais il a le corps plus mince
et plus haut monté ; il porte un petit ergot au pli de
chaque aile, et, dans son plumage, on reconnoît la
livrée commune des vanneaux : les grandes pennes
de l'aile sont noires; la queue, mi-partie de blanc et
de noir, est roussâtre à la pointe ; une teinte pourprée
couvre les épaules; le dessous du corps est blanc; la
gorge et le devant du cou sont noirs; le sommet de
la tête et le dessus du cou noirs aussi, avec une ligne
blanche sur les côtés du cou; le dos est brun. L'œil
paroît entouré d'une portion de cette membrane ex-
croissante qu'on remarque phis ou moins dans la
plupart des vanneaux et des pluviers armés, comme
si ces deux excroissances de l'ergot et du casque
membraneux avoient dans leur production quelque
rapport secret et quelque cause simultanée.
LE VANNEAU ARMÉ. 4'^;
LE VANNEAU ARMÉ
DE LA LOUISIANE.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Parra Uidovictana. L.
Celui-ci, n° 835, est un peu moins grand que le
vanneau armé du Sénégal ; mais il a les jambes et les
pieds à proportion aussi longs, et son arme est plus
forte et longue de quatre lignes. Il a la tête coiffée,
de chaque côté, d'une double bandelette jaune posée
latéralement, et qui, entourant l'œil, se taille en
arrière en petite échancrure et se plonge en avant sur
la racine du bec en deux lambeaux allongés ; le sommet
de la tête est noir; les grandes pennes de l'aile le sont
aussi; la queue de même avec la pointe blanche; le
reste du plumage, sur un fond gris, est teint de brun
roussâtre ou rougeâtre sur le dos et rougeâtre clair ou
couleur de chair sur la gorge et le devant du cou ; le
bec et les pieds sont d'un jaune verdâtre.
Nous regarderons comme variété de celte espèce
la huitième de M. Brisson, qu'il a donnée sous le
nom de vanneau armé de Saint-Domingue. Les pro-
portions sont à très peu près les mêmes; et les diffé-
rences ne paroissent pas excéder celles que l'âge ou
le sexe mettent dans des oiseaux de même espèce.
DUFFOiV XXV. 28
456 LK VANNEAU A 11 ME DE CAYENNE.
B***©***-**©*©*»*»»****»» »»»»a«««'9«pa<»i»»a«fto»c4^» ***«iWi.8«i «
LE VANNEAU ARME
DE CAYENNE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Parra cayennensis. L.
Ce vanneau, n° 836, est au moins de la grandeur
du nôtre, mais il est plus haut monté; il est aussi
armé d'un ergot à l'épaule: du reste, il ressemble
tout-à-fait à notre vanneau parla teinte et les masses
des couleurs : il a l'épaule couverte d'une plaque d'un
gris bleuâtre; un mélange de cette couleur et de
teintes vertes et pourprées est étendu sur le dos; le
cou est gris, mais un large plastron noir s'arrondit
sur la poitrine; le front et la gorge sont noirs; la
queue est mi-partie de noir et de blanc comme dans
le vanneau d'Europe : et, pour compléter les rap-
ports, celui de Cayenne porte à l'occiput une petite
aigrette de cinq ou six brins assez courts.
Il paroît qu'il se trouve aussi au Chili une espèce
de vanneau armé ; et si la notice qu'en donne Frézier
n'a rien d'exagéré, cette espèce est plus fortement
armée qu'aucune des précédentes, puisque les ergots
ou éperons ont un pouce de longueur. C'est encore
une espèce criarde comme celle du Sénégal. « Dès
que ces oiseaux voient un homme , dit M. Frézier, ils
se mettent à voltiger autour de lui et à crier, comme
pour avertir les autres oiseaux, qui, à ce signal,
prennent, de tous côtés, leur vol. »
LE VANNE AL -PLU V1E«. 4^9
LE VANNEAU-PLUVIER.
Vanellus melanogasler, Bechst. (Jeune âge. )
C'est cet oiseau, n" 854? *ï^^ Belon nomme plu-
vier grisj et qui ressemble effectivement autant et
peut-être plus au pluvier qu'au vanneau. Il porte , à
la vérité , comme le dernier, ce petit doigt postérieur
dont le pluvier est dépourvu, différence par laquelle
les naturalistes ont séparé ces oiseaux; mais on doit
observer que ce doigt est plus petit que dans le van-
neau , qu'il est à peine apparent , et que de plus cet
oiseau ne porte dans son plumage aucune livrée de
celui du vanneau. Ce sera donc , si l'on veut , un van-
neau , parce qu'il a un quatrième doigt; ou bien ce
sera un pluvier, parce qu'il n'a point d'aigrette et
aussi parce qu'il a les couleurs et les mœurs des plu-
viers. Klein refuse même , avec quelque raison, d'ad-
mettre comme caractère générique cette différence
légère dans les doigts , qu'il ne regarde que comme
une anomalie; et, alléguant pour exemple cette es-
pèce même , il dit que le faux doigt ou plutôt l'onglet
postérieur qui se distingue à peine ne lui semble pas
l'éloigner suffisamment du pluvier, et qu'en générai
ces deux genres du pluvier et du vanneau se rappro-
chent dans leurs espèces de manière à ne composer
qu'une grande famille ; ce qui nous paroît juste et
très vrai. Aussi les nahiralistes, indécis, ont-ils appelé
l'oiseau dont nous parlons, ic^niol. vanneau et tantôt
44o LE VANNE AL -PLUVIER.
pliirier. C'est pour terminer le ditrérend et rappro-
cher ces analogies qne nous l'avons appelé vaiineau-
pluvier. Les oiseleurs l'ont nommé pluvier de mer :
dénomination impropre, puisqu'il va de compagnie
avec les pluviers ordinaires et que Belon le prend
pour l'appelant on le roi de leurs bandes; car les
chasseurs disent que cet appelant est plus grand et
a la voix plus forte que les autres. Il est, en effet,
un peu plus gros que le pluvier doré ; il a le bec à
proportion plus long et plus fort ; tout son plumage
est gris-cendré clair, et presque blanc sous le corps ,
mêlé de taches brunâtres au dessus du corps et sur
les côtés ; les pennes de l'aile sont noirâtres ; la queue
est courte et n'excède pas l'aile pliée.
Aidrovande conjecture , avec assez de vraiseui-
blance, qu'Aristote a fait mention de cet oiseau sous
le nom de pardalis : sur quoi il faut remarquer que
ce philosophe ne paroît pas parler du pardalis comme
d'un oiseau qu'il connoissoit par lui-même; car voici
ses leruies : « Le pardalis est, dit-on, un oiseau
[avicula quœdam pcrliibetar) qui ordinairement vole
en troupes; on n'en rencontre pas un isolé des au-
tres. Son plumage est cendré ; sa grandeur, celle du
moUiceps; il vole et court également bien ; sa voix
n'est point forte, mais son cri est fréquent. » Ajoutez
que le nom pardalis marque un plumage tacheté;
tout le reste des traits se rapporte également bien à
un oiseau de la famille du pluvier ou du vanneau.
Wilhighby nous assure que cet oiseau se voit fré-
quemment dans les terres de l'Etat de Venise, où on
le nomme squatarola. Marsigli le compte parmi les
oiseaux des rives du Danube; Schwenckfeld entre
LE VANNEAU-PLUVIER. 44 1
ceux de Silésie ; Rzaczynski au nombre de ceux de
Pologne ; et Sibbald le nomme dans la liste des oi-
seaux de l'Ecosse : d'où l'on voit que cette espèce ,
comme toute la famille des vanneaux, est extrême-
ment répandue. Est-ce une particularité de son histoire
naturelle que Linnaeus a voulu marquer, lorsqu'il l'a
nommé, dans une de ses éditions, tringa Augmti
mensisj et se trouve-t-il au mois d'août en Suéde?
Du reste, le doigt postérieur de ce vanneau-pluvier
est si petit et si peu apparent que nous ne ferons pas
difficulté de lui rapporter, avec M. Brisson , le van-
neau brun de Schwenckfeld, quoiqu'il dise expressé-
ment qu'il n'a point de doigt postérieur.
Nous rapporterons encore à cette espèce, comme
très voisine, celle du vanneau varié de M. Brisson,
Aldrovande ne donne sur cet oiseau qu'une figure
sans notice ; mais son titre seul indique qu'il a connu
la grande ressemblance qui est entre ces deux oi-
seaux : toutes leurs proportions sont à très peu près
les mêmes; le fond du plumage ne diffère que de
auelques teintes; seulement il est encore plus tigré
dans ce vanneau varié , que nous regardons comme
une seconde race dans l'espèce du vanneau-pluvier.
L'un et l'autre, suivant M. Brisson , fréquentent les
bords de la mer; mais il est plus clair, par les témoi-
gnages que nous venons de citer, que ces oiseaux se
trouvent aussi dans des pays éloignés de la mer, et
même fort avant dans l'intérieur des terres en diffé-
rentes contrées.
4/|2 LES PLUVIETvS.
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LES PLUVIE[IS.
L'instinct social n'est pas donné à toutes les espè-
ces d'oiseaux; mais dans celles où il se manifeste il est
plus grand, plus décidé, que dans les autres animaux.
Non seulement leurs attroupements sont plus nom-
breux et leur réunioQ plus constante que celle des
quadrupèdes, mais il semble que ce n'est qu'aux oi-
seaux seuls qu'appartient cette communauté de goûts,
de projets, de plaisirs, et cette union de volontés qui
fait le lien de l'attachement mutuel et le motif de la
liaison générale. Cette supériorité d'instinct social
dans les oiseaux suppose d'abord une nombreuse mul-
tiplication et vient ensuite de ce qu'ils ont plus de
moyens et de facilité de se rapprocher, de se rejoin-
dre, de demeurer et voyager ensemble; ce qui les
met à portée de s'entendre et de se communiquer as-
sez d'intelligence pour connoître les premières lois
de la société, qui, dans toute espèce d'êtres, ne peut
s'établir que sur un plan dirigé par des vues concer-
tées. C'est cette intelligence qui produit entre les in-
dividus l'affection, la confiance et les douces habitu-
des de l'union, de la paix et de tous les biens qu'elle
procure. En effet, si nous considérons les sociétés li-
bres ou forcées des animaux quadrupèdes , soit qu'ils
se réunissent furtivement et à l'écart dans l'état sau-
vage, soit qu'ils se trouvent rassemblés avec indiffé-
rence ou regret sous l'empire de l'homme et attrou-
pés en domestiques ou en esclaves, nous ne pourrons
LES PLUVIER?. 443
les comparer aux grandes sociétés des oiseaux foruiées
par un pur instinct, entretenues par goût, par affec-
tion, sous les auspices de la pleine liberté. Nous
avons vu les pigeons chérir leur commun domicile et
s'y plaire d'autant plus qu'ils y sont plus nombreux;
nous voyons les cailles se rassembler, se reconnoître,
donner et suivre l'avis général du départ; nous savons
que les oiseaux gallinacés ont, même dans l'état sau-
vage, des habitudes sociales que la domesticité n'a
fait que seconder, sans contraindre leur nature ; enfin
nous vovons tous les oiseaux qui sont écartés dans les
bois, ou dispersés' dans les champs, s'attrouper à l'ar-
rière-saison, et, après avoir égayé de leurs jeux les
derniers beaux jours de l'automne , partir de concert
pour aller chercher ensemble des climats plus heu-
reux et des hivers plus tempérés ; et tout cela s'exé-
cute indépendamment de l'homme, quoique alen-
tour de lui , et sans qu'il puisse y mettre obstacle, au
lieu qu'il anéantit ou contraint toute société, toute
volonté commune, dans les animaux quadrupèdes :
en les désunissant il les a dispersés. La marmotte, so-
ciale par instinct, se trouve reléguée, solitaire, à la
cime des montagnes; le castor, encore plus aimant,
plus uni, et presque policé, a été repoussé dans le
fond des déserts. L'homme a détruit ou prévenu toute
société entre les animaux ; il a éteint celle du cheval,
en soumettant l'espèce entière au frein ^ ; il a gêné celle
i. JjCs chevaux, redevenus sauvages dans les plaines de Buénos-
Avres, vont par grandes troupes, courent ensemble, paissent en-
semble, et donnent toutes les marques de s'aimer, de s'entendre, de
se plaire rassemblés. Il en est de même des chiens sauvages , en Ca-
nada, et dans les autres contrées de l'Amérique septentrionale. On ne
444 ^E* PLUVIERS.
môme de réléphant, malgré la puissance et la force
de ce géant des animaux, malgré son refus constant
de produire en domesticité. Les oiseaux seuls ont
échappé à la dénomination du tyran ; il n'a rien pu sur
leur société, qui est aussi libre que l'empire de l'air;
toutes ses atteintes ne peuvent porter que sur la vie
des individus : il en diminue le nombre, mais l'espèce
ne souffre que cet échec , et ne perd ni la liberté, ni
son instinct, ni ses mœurs. Il y a même des oiseaux
que nous ne connoissons que par les effets de cet in-
stinct social, et que nous ne voyons que dans les
moments de l'attroupement général et de leur réunion
en grande compagnie. Telle est en général la société
de la plupart des espèces d'oiseaux d'eau, et en par-
ticulier celle des pluviers.
Ils paroissent en troupes nombreuses dans nos pro-
vinces de France pendant les pluies d'automne; et
c'est de leur arrivée dans la saison des pluies qu'on
les a nommés pluviers^. Ils fréquentent, comme les
vanneaux, les fonds humides et les terres limoneu-
ses, où ils cherchent les vers et les insectes. Ils vont
à l'eau le matin pour se laver le bec et les pieds, qu'ils
se sont remplis de terre en la fouillant; et cette ha-
doit plus douter que les autres espèces domestiques, celle du chameau
depuis si long -temps soumise, celles du bœuf et du mouton, dont
l'homme a dénaturé la société en mettant toute l'espèce en servitude,
ne fussent aussi naturellement sociales , et ne se donnassent , dans l'é-
tat sauvage ennobli par la liberté , ces marques touchantes de pen-
chant et d'affection dont nous les voyous entre eux encore consoler
leur esclavage.
i. L'étymologie de Gesner, qui tire son nom a pulvere, est beaucoup
moins vraisemblable et bien moins propre au pluvier, y ayant d'ail-
leurs un très grand nombre d'oiseaux pulvérateurs.
LES PLUVIERS. 44^
bitude leur est commune avec les bécasses, les van-
neaux, les courlis, et plusieurs autres oiseaux qui se
nourrissent de vers. Ils frappent la terre avec leurs
pieds pour les faire sortir, et ils les saisissent sou-
vent même avant qu'ils soient hors de leur retraite.
Quoique les pluviers soient ordinairement fort gras,
on leur trouve les intestins si vides qu'on a imaginé
qu'ils pouvoient vivre d'air ^ : mais apparemment la
substance fondante du ver se tourne toute en nourri-
ture et donne peu d'excréments. D'ailleurs ilsparoîs-
sent capables de supporter un long jeûne. Scbwenck-
feld dit avoir gardé un de ces oiseaux quatorze Jours,
qui, pendant tout ce temps, n'avala que de l'eau et
quelques grains de sable.
Rarement les pluviers se tiennent plus de vingt-qua-
tre heures dans le même lieu. Comme ils sont en très
grand nombre, ils ont bientôt épuisé la pâture vi-
vante qu'ils y venoient chercher : dès lors ils sont
obligés de passer à un autre terrain, et les premières
neiges les forcent de quitter nos contrées et de ga-
gner les climats plus tempérés. Il en reste néanmoins
en assez grande quantité dans quelques unes de nos
provinces maritimes^ jusqu'au temps des fortes ge-
lées; ils repassent au printemps^ et toujours attrou-
1. Albert réfute bien ceux qui disent que le pluvier vit d'air, et que
c'est pour cela qu'on ne trouve rien dans ses intestins ; mais il en rend
à son tour une mauvaise raison , quand il dit que cet oiseau n'a que
l'intestin ye/anam.
2. En Picardie, suivant M. Bâillon , il reste beaucoup de ces oi-
seaux aux environs de Montreuil-sur-mer, jusqu'au temps des grandes
gelées.
3. On les voit , nous dit M. le chevalier Dosma/,ys, passer réguliè-
rement à Malte deux fois l'année , au printemps el en automne, avec
44^ I-KS PLI VIE R s.
pés. On ne voit jamais un pluvier seul, dit Longolius ;
et, suivant Belon , leurs plus petites bandes sont au
moins de cinquante. Lorsqu'ils sont à terre, ils ne
s'y tiennent point en repos, sans cesse occupes à cher-
cher leur nourriture, ils sont presque toujours en
mouvement. Plusieurs font sentinelle pendant que
le gros de la troupe se repaît; et au moindre danger
ils jettent un cri aigu qui est le signal de la fuite. En
volant ils suivent le vent, et l'ordre de leur marche
est assez singulier : ils se ranj^ent sur une ligne en lar-
geur, et , volant ainsi de front, ils forment dans l'air des
zones transversales fort étroites et d'une très grande
longueur; quelquefois il y a plusieurs de ces zones
parallèles assez peu profondes, mais fort étendues en
lignes transversales.
A terre ces oiseaux courent beaucoup et très vile;
ils demeurent attroupés tout le jour et ne se séparent
que pour passer la nuit. Ils se dispersent le soir sur
un certain espace où chacun gîte à part : mais, dès
le point du jour, le premier éveillé ou le plus sou-
cieux, celui que les oiseleurs nomment l'appelant^
mais qui est peut-être la sentinelle, jette le cri de
réclame, htii^ lileu^ iiuit ^ et dans l'instant tous \es
autres se rassemblent à cet appel. C'est le moment
qu'on choisit pour en faire la chasse. On tend, avant
le jorn-, un rideau de filet en face de l'endroit où l'on
a vu le soir ces oiseaux se coucher; les chasseurs en
grand nombre font enceinte, et, dès les premiers cris
du pluvier appelant, ils se couchent contre terre
pour laisser ces oiseaux passer et se réunir : lorsqu'ils
la foule des autres oiseaux qui franchissent la Mcdilerranée . et pour
qui cette île est un Hou de sfalion cl de repos.
LES PLUVIERS. 447
sont rassemblés, les chasseurs se lèvent, jettent des
cris, et lancent des bâtons en l'air; les pluviers ef-
frayés partent d'un vol bas et vont donner dans le fi-
let qui tombe en même temps ; souvent toute la troupe
y reste prise. Cette grande chasse est toujours suivie
d'une capture abondante : mais un oiseleur seul, s'y
prenant p!us simplement, ne laisse pas de faire bonne
chasse : il se cache derrière son filet, il imite avec un
appeau d'écorce la voix du pluvier appelant, et attire
ainsi les autres dans le piège. On en prend des quan-
tités dans les plaines de Beauce et de Champagne.
Quoique fort communs dans la saison, ils ne laissent
pas d'être estimés comme un bon gibier. Belon dit
que de son temps un pluvier se vendoit souvent au-
tant qu'un lièvre. Il ajoute qu'on préféroit les jeu-
nes qu'il nomme guillemots.
La chasse que l'on Hiii. dos pluviers, et leur ma-
nière de vivre dans cette saison, est presque tout ce
que nous savons de ce qui a rapport à leur histoire
naturelle : hôtes passagers plutôt qu'habitants de nos
campagnes, ils disparoissent à la chute des neiges,
ne font que repasser au printemps, et nous quit-
tent quand les autres oiseaux nous arrivent. Il sem-
ble que la douce chaleur de cette saison charmante,
fasse sur les pluviers une impression contraire; ils
vont dans les contrées plus septentrionales établir leur
couvée et élever leurs petits, car pendant tout l'été
nous ne les voyons plus. Ils habitent alors les terres
de la Laponie et des autres provinces du nord de l'Eu-
rope, et apparemment aussi celles de l'Asie. Leur
marche est la même en Amérique, car les pluviers
sont du nombre des oiseaux communs aux deux coii«
44^ LES PLUVIERS.
tinents , et on les voit passer au printemps à la baie
d'Hiidson pour aller encore plus au nord. Arrives en
troupes dans ces contrées septentrionales pour y ni-
cher, ils se séparent par couples : la société intime de
l'amour rompt ou plutôt suspend pour un temps la
société générale de l'amitié; et c'est sans doute dans
cette circonstance que M. Klein, habitant de Dant-
zick, les a observés, quand il dit que le pluvier se
tient solitairement dans les lieux bas et les prés.
L'espèce qui dans nos contrées paroît nombreuse,
autant au moins que celle du vanneau , n'est pas aussi
répandue. Suivant Aldrovande, on prend moins de
pluviers en Italie que de vanneaux, et ils ne vont
point en Suisse ni dans d'autres contrées que le van-
neau fréquente : mais peut-être aussi le pluvier, se
portant plus au nord, regagne-t-il dans les terres sep-
tentrionales ce que le vanneau paroît occuper de plus
que lui en étendue du côté du midi; et il paroît le
regagner encore dans le Nouveau-Monde, où les zo-
nes moins distinctes , parce qu'elles sont plus généra-
lement tempérées et plus également humides, ont
permis à plusieurs espèces d'oiseaux de s'étendre du
nord dans un midi tempéré, tandis qu'une zone trop
ardente borne et repousse dans l'ancien monde pres-
que toutes les espèces des régions moyennes.
C'est au pluvier doré, comme représentant la fa-
mille entière des pluviers, qu'il faut rapporter ce que
nous venons de dire de leurs habitudes naturelles;
mais cette famille est composée d'un grand nombre
d'espèces dont nous allons donner rénnméralion et
la description.
LE PLUMIER DORÉ. 4'^|9
LE PLUVIER DORE*.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Charadrius pluvialis, L.
• Le pluvier doré, n" 904, tisl de la grosseur d\uie
tourterelle : sa longueur du bec à la queue, ainsi que
du bec aux ongles , est d'environ dix pouces. Il a tout
le dessus du corps tacheté de traits de pinceau jaunes,
entremêlés de gris blanc , sur un fond brun noirâtre :
ces traits jaunes brillent dans cette teinte obscure et
l'ont paroître le plumage doré. Les mêmes couleurs,
mais plus foibles, sont mélangées sur la gorge et la
poitrine. Le ventre est blanc, le bec noir, et il est,
ainsi que dans tous les pluviers, court, arrondi, et
renflé vers le bout. Les pieds sont noirâtres, et le
doigt extérieur est lié jusqu'à la première articula-
tion , par une petite membrane , à celui du milieu.
Les pieds n'ont que trois doigts , et il n'y a pas de
vestige de doigt postérieur ou de talon : ce carac-
tère, joint au renflement du bec, est établi parmi
les ornithologistes comme distinctif de la famille des
pluviers. Tous ont aussi une partie de la jambe, au
dessus du genou, dénuée de plumes, le cou court,
les yeux grands; la tête un peu trop grosse à propor-
l. En aaglois, green plover; en allemand, pulvier, puLrosz,seetaube,
greuner kiwit; en italien, pivlero. On prétend, dit M. Salernc , que
la ville de Piviers ou Pitlùviers dans le Gâlinois a pris son nom du
grand nondjre de pluviers qu'on voit dans ses environs.
45o Lli PLUVIER DOUÉ.
tion du corps : ce qui convient à tous les oiseaux
scolapaces^ , dont quelques naturalistes ont fait une
grande famille sous le nom de pardaleSj qui ne peut
néanmoins les renfermer tous, puisqu'il y en a plu-
sieurs espèces, et notamment dans les pluviers, qui
n'ont pas le plumage par dé ou tigré.
Au reste, il y a peu de différence dans le plumage
entre le mâle et la femelle de cette espèce; néan-
moins les variétés individuelles ou accidentelles sonfe
très fréquentes, et au point que, dans la même sai-
son , à peine sur vingt-cinq ou trente pluviers dorés
en trouvera-t-on deux exactement semblables : ils
ont plus ou moins de jaune , et quelquefois si peu
qu'ils en paroisseat tout gris^ , quelques uns portent
des taches noires sur la poitrine, etc» Ces oiseaux,
suivant M. Bâillon , arrivent sur les côtes de Picardie
à la fin de septembre ou au commencement d'octobre,
tandis que dans nos autres provinces plus méridio-
nales ils ne passent qu'en novembre et même plus
tard; ils repassent en février et en mars. On les voit
en été dans le nord de la Suède, en Dalécarlie, et
1. Gomme bécasses, bécassines» barges, etc.
2. M. Bâillon, qui a observé ces oiseaux en Picardie, assure que
leur plumage est gris dans le premier âge; qu'à îa première mue, en
août et septembre, il leur vient déjà quelques plumes qui ont la teinte
de jaune, ou qui sont tachetées de cette couleur; mais que ce n'est
qu'au bout de quelques années que cet oiseau prend une belle leinle
dorée. Il ajoute que les femelles naissent toutes grises; qu'elles conser-
vent long-temps cette couleur ; que ce n'est qu'en vieillissant que leur
plumage se colore d'un peu de jaune, et qu'il est très rare d'en voir
qui aient le plumage aussi uniformément beau que celui des mâles.
Ainsi on ne doit pas être surpris de la variété des couleurs que Ion re-
marque dans l'espèce do ces oiseaux, puisqu'elles sont produites par
la différence de sexe et d'âge. {Note communiquée pur M. Bâillon.)
LE PLUVIER DOUÉ. 4^1
dans l'île d'Oéland; dans la INorwége, l'Islande et la
Laponie. C'est par ces terres arctiques qu'ils parois-
sent avoir communiqué au Nouveau-Monde, où ils
semblent s'être répandus plus loin que dans l'ancien;
car on trouve le pluvier doré à la Jamaïque, la Mar-
tinique, Saint-Domingue et Gayenne, à quelques lé-
gères diEférences près. Ces pluviers, dans les provin-
ces méridionales du Nouveau-Monde, habitent les
savanes , et viennent dans les pièces de canne à sucre
où l'on a mis le feu : leurs troupes y sont nombreuses
et se laissent diOicilement approcher : elles y voya-
gent, et on ne les voit à Cayenne que dans le temps
des pluies.
M. Brisson établit une seconde espèce sous le nom
de petit pluvier doré ^ d'après l'autorité de Gesner,
qui néanmoins n'avoit jamais vu ni connu le pluvier
par lui-même. Schwenckfeld et Rzaczynski font aussi
mention de cette petite espèce , et c'est vraisembla-
blement encore d'après Gesner ; car le premier, en
même temps qu'il nomme cet oiseau petit pluvier ^ le
dit de la grosseur de la tourterelle ; et Rzaczynski
n'y ajoute rien d'assez particulier pour faire croire
qu'il l'ait observé et reconnu distinctement. Nous
regarderons donc ce petit pluvier doré comme une
variété purement individuelle, et qui ne nous paroît
pas même faire race dans l'espèce.
452 LE PLUVIER DORÉ A GORGE NOIRE.
«««v»e««««»
LE PLUVIER DORE
A GORGE NOIRE.
SEGONDE ESPÈCE.
Cliarndrius aprlcarbis. L.
Cette espèce se trouve souvent avec la précédente
dans les terres du Nord, où elles subsistent et mul-
tiplient sans se mêler ensemble. Edwards a reçu celle-
ci de la baie d'Hudson , et Linnaeus l'a trouvée en
Suède , en Smolande, et dans les champs incultes de
rOéland : c'est le pluvialls minor iiigroflaviis de Rud-
beck. Il a le front blanc, et porte une bandelette
blanche qui passe sur les yeux et les côtés du cou ,
descend en devant et entoure une plaque noire, qui
lui couvre la gorge ; le reste du dessous du corps est
noir; tout le manteau d'un brun sombre et noirâtre,
est également moucheté d'un jaune vif, distribué par
taches dentelées au bord de chaque plume. La gran-
deur de ce pluvier est la même que celle du pluvier
doré. Nous ne savons pas si c'est par antiphrase et
relativement à la foiblesse de ses yeux, ou parce que
réellement ce pluvier a la vue plus perçante qu'au-
cun autre oiseau de ce genre , que les Anglois de la
baie d'Hudson l'ont surnommé œil de faucon (hawk's
eye).
•«>0*5*8«8> Mil*»»
I
hli GUIGNARD. 4i">7
LE GUIGNARD*.
TROISIÈME ESPÈCE.
Charadrius morinelius. L.
Le guignard, n" 832, est appelé par quelques uns
petit pluvier. Il est en effet d'une taille inférieure à
celle du pluvier doré, et n'a guère que huit pouces
et demi de longueur. Il a tout le fond du manteau
d'un gris brun, avec quelque lustre de vert; chaque
plume du dos, ainsi que les moyennes de l'aile, sont
bordées et encadrées d'un trait de roux; le dessus
de la tête est brun noirâtre; les côtés et la face sont
tachetés de gris et de blanc; le devant du cou et la
poitrine sont d'un gris onde et arrondi en plastron,
au dessous duquel, après un trait noir, est une zone
blanche, et c'est à ce caractère que l'on reconnoît le
mâle ; l'estomac est roux , le ventre noir, et le bas-
ventre blanc.
Le guignard est très connu par la bonté de sa chair,
encore plus délicate et plus succulente que celle du
pluvier. L'espèce paroît plus répandue dans le Nord
que dans nos contrées, à commencer par l'Angleterre;
elle s'étend en Suède et jusqu'en Laponie. Cet oi-
seau a deux passages marqués, en avril et en août,
dans lesquels il se porte des marais aux montagnes,
attiré par des scarabées noirs qui font la meilleure
partie de sa nourriture, ave;c des vers et de petits co-
1. Ei\ aiiglois , dotlerel.
BUFFON. XXV. 29
458 LI- GUlGNARt).
quiliages terrestres, dont on lui trouve les débris dans
les intestins. WiHughby décrit la chasse que Ton fait
des guignards dans le comté de Norfolk , où ils sont
en grand nombre. Cinq ou six chasseurs partent en-
semble , et quand ils ont rencontré ces oiseaux , ils
tendent une nappe de filets à une certaine distance,
en les laissant entre eux et le fdet; ensuite ils s'avan-
cent doucement en frappant des cailloux ou des mor-
ceaux de bois ; ces oiseaux paresseux se réveillent ,
étendent un pied, une aile, et ont peine à se mettre
en mouvement : les chasseurs croient bien faire de
les imiter en étendant le bras , la jambe , et pensent
les amuser et occuper leurs yeux par ce manège, ap-
paremment très inutile^; mais enfin les guignards
s'approchent du filet lentement , d'une marche en-
gourdie, et le filet tombant couvre la troupe stupide.
C'est d'après ce caractère de pesanteur et de stu-
pidité que les Anglois ont nommé ces oiseaux dot-
terel , et leur nom latin moricellus paroît se rapporter
à la même origine. Klein dit que leur tête est encore
plus arrondie que celle de tous les autres oiseaux de
la famille des pluviers, et il en tire un indice de leur
stupidité, par analogie avec cette race de pigeons que
l'on a nommés pigeons fous ^ et qui ont en efïet la
tête plus ronde que les autres. WiHughby croit avoir
remarqué sur les guignards que les femelles sont un
peu plus grandes que les maies, sans autres différences
extérieures.
1. Un auteur, clans Gesuer. va jusqu'à dire quo cet oiseau , alleulif
el conime charmé aux mouveiiients du chasseur, imite tous ses gestes,
et en oublie le soin tle sa conservation au point de se laisser appro-
cher et couvrii' du Ciel que Ion lient à la main.
PI . 2l4 .
Tom':
Paucj^uetsculp.
ILEPLUVI.EbÀcOLLIER, 2.LE GRAND PLUVIER OU COURLIS DE TERRE.
5.l'eghasse.
LE GUIGNARD. /p9
Quant à la seconde espèce de guignard qu'établit
M. Brisson sous le nom de guignard d'Angleterre^
nous ne la regarderons que comme une simple va-
riété. Albin représente cet oiseau trop petit dans sa
figure, puisque, dans sa description, il lui assigne
plus de poids et les mômes proportions qu'au guignard
ordinaire; et en effet, leur plus grande différence
consiste en ce que le premier guignard n'a pas de
bande transversale au bas de la poitrine, et qu'il a
toute cette partie , avec l'estomac et le devant du
cou , d'un gris blanc lavé de jaunâtre : il me semble
donc que c'est multiplier mal à propos les espèces
que de les établir sur des différences aussi légères.
LE PLUVIER A COLLIER*.
QUATRIÈxME ESPÈCE.
Charadrius hiatlcula^ et Charadrius minor. L.
Nous distinguerons d'abord deux races dans cette
espèce, une grande et une petite : la première,
n" 920, de la taille du mauvis ; la seconde, n° 921,
à peu près de celle de l'alouette, et c'est à cette der-
nière que se rapporte tout ce que l'on a dit du plu-
vier à collier, parce qu'elle est plus répandue et plus
connue que la première : mais, dans le réel, l'une
n'est peut-être qu'une variété de l'autre; car il se
trouve encore des variétés entre elles qui semblent
les rapprocher par nuances.
1. Eu anglois, sea-lark.
460 LE PLLVIER A COLLIER. .
Ces oiseaux ont la tête ronde et le bec fort coiiir
et bien garni de plumes à sa racine; ce bec est blanc
ou jaune dans sa première moitié, noir à sa pointe;
le front est blanc; il y a un bandeau noir sur le som-
met de la tête , et une calotte grise la recouvre ; cette
calotte est bordée d'une bandelette noire qui prend
sur le bec et passe sous les yeux; le collier est blanc,
et la poitrine porte un plastron noir; le manteau est
gris brun; les pennes de l'aile sont noires; le des-
sous du corps est d'un beau blanc comme le front
et le collier.
Tel est en gros le plumage du pluvier à collier. Si
l'on vouloit présenter toutes les diversités en distri-
bution ou en étendue de ces couleurs un peu plus
foncées, plus brouillées ou plus nettes, il faudroit
faire autant de descriptions et l'on établiroit presque
autant d'espèces que l'on verroit d'individus. Au mi-
lieu de ces différences légères et vraiment indivi-
duelles ou locales on reconnoît le pluvier à collier
le même dans presque tous les climats : on nous l'a
apporté de Sibérie, du cap de Bonne-Espérance, des
Philippines, de la Louisiane et de Cayenne^; M. Cook
l'a rencontré dans le détroit de Magellan, et M. EUis
à la baie d'Hudson. Ce pluvier à collier est l'oiseau
que Marcgrave appelle matultui du Brésil ; et Wil-
lughby, en le remarquant , est frappé de la consé-
quence qu'oifre ce fait, savoir, qu'il y a des oiseaux
communs à l'Amérique méridionale et à l'Europe;
1. A Gayenne on le nomme collier; et les Espagnols de JSaint-Do-
mingue, en le voyant habillé de noir et do blanc conira^! leurs moi-
nes, rappellent frailcciio's; et les Indiens, ihcgle, ihegle, d'après sou
LE PLUVIER A COLLIER. 4^*
fait étonnant en Ini-même, et qui ne trouve d expli-
cation que dans le principe que nous avons établi
sur la nature des oiseaux d'eau et de rivage, lesquels
voyagent de proche en proche et s'accommodent à
toutes les régions, parce que leur vie lient à un élé-
ment qui rend plus égaux tous les climats et y four-
nit partout le même fonds de nourriture, en sorte
qu'ils ont pu s'établir du Nord au Midi, et se trouver
également bien sous les tropiques et dans les zones
froides.
Nous regarderons donc comme une de ces espèces
privilégiées qui se sont répandues sur tout le globe,
celle du pluvier à collier, malgré quelques variétés
dans le plumage de ces oiseaux, suivant les différents
climats; ces différences extérieures, quand le reste
des traits est le même ainsi que le naturel, ne doi-
vent être regardées que comme la teinte locale , et
pour ainsi dire la livrée des climats, livrée que les
oiseaux prennent et dépouillent plus ou moins en
changeant de ciel.
Les pluviers à collier vivent au bord des eaux;
on les voit le long de la mer en suivre les marées.
Ils courent très vite sur la grève , en interrompant
leur course par de petits vols, et toujours en criant.
En Angleterre on trouve leurs nids sur les rochers
des côtes; ces oiseaux y sont très communs, comme
dans la plupart des régions du Nord , en Prusse , en
Suède, et plus encore en Laponie, pendant l'été.
On en voit aussi quelques uns sur nos rivières et dans
quelques provinces : on les connoît sous le nom de
gravlères; en d'autres sous celui de criards^ qu'ils mé-
ritent bien par les cris importuns et continuels qu'ils
462 LE PLUVIER A COLLIER.
font entendre , pour peu qu'ils soient inquiètes et
tant qu'ils nourrissent leurs petits; ce qui est long,
car ce n'est qu'au bout d'un mois ou cinq semaines
que les jeunes commencent à voler. Les chasseurs
nous assurent que ces pluviers ne font point de nids,
et qu'ils pondent sur le gravier du rivage des œufs
verdâtres tachetés de brun. Les père et mère se ca-
chent dans les trous et sous les avances des rives;
habitudes d'après lesquelles les ornithologistes ont
cru reconnoî're dans cet oiseau le cliaradrlos d'Aris-
tote , lequel, suivant la force du mot, est liabitaiit
des rives rompues des torrents^ , et dont le plumage^
ajoute ce philosophe, na rien d' agréable j, non plus
{fue la voix : le dernier trait dont Arlstote peint son
charadrios, qui sort la nuit et se cache le jour ^ sans ca-
ractériser aussi précisément le pluvier à collier, peut
néanmoins avoir rapport à ses allures du soir et à son
cri, que l'on entend très tard et jusque dans la nuit.
Quoi qu'il en soit, le charadrios est du nombre des
oiseaux dans lesquels l'ancienne médecine ou plu-
tôt l'ancienne svqjerstilion chercha des vertus occul-
tes ; il guérissoit de la jaunisse, toute la cure consistoit
à le regarder^ : l'oiseau lui-même , à l'aspect de l'ic-
térique,détournoitlesyeux, comme se sentant affecté
de son mal. De combien de remèdes imaginaires la
foiblesse humaine n'a~t-eile pas cherché à flatter en
tout genre ses maux réels !
1. Aristophane donne au charadrios la fouclion d appoi'ter de Teau
dans la \ille des oiseaux.
2. En conséquence le marchand de ce beau remède cachoil soigneu-
sement son oiseau, n'en vendant (jue la vue : sur quoi les Grecs avoient
fondé un proverbe pour ceux qui lienncnl cachée une chose précieuse
cl ulile : Charadvium unit uns.
LE. KILDIR. 465
LE KÏLDIPi.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Cliaradrius vociferus. L.
C'est le nom que porte en Virginie ce [)li]vier criard;
et nous le lui conserverons d'autant plus volontiers
que Calesby le dit formé sur le cri de l'oiseau. Ces
pluviers très communs à la Virginie et à la Caroline,
sont délestés des chasseurs, parce que leurs clameurs
donnent l'alarme et font fuir tout gibier. On voit daas
l'ouvrage de Catesby une bonne figure de cet oiseau,
qu'il compare en grandeur à la bécassine. 11 est assez
haut monté sur jambes; tout son manteau est gris
brun, et le dessus de la tôle, en forme de calotte,
est de la môme couleur; le front, la gorge, le dessous
du corps, et le lour du haut du cou sont blancs; le
bas du cou est entouré d'un collier noir, au dessous
duquel se trace un demi-collier blanc, et il y a de
plus une bande noire sur la poitrine, qui s'étend d'une
aile à l'autre ; la queue est assez longue et noire à
l'extrémité; le reste et ses couvertures supérieures
sont d'une couleur rousse; les pieds sont jaunâtres;
le bec est noir; l'œil est grand et entouré d'un cercle
rouge. Ces oiseaux restent toute l'année à la Virginie
et à la Caroline ; on les trouve également à la Loui-
siane*, et l'on ne remarque pas de difierence dans le
plumage entre le mâle et la femelle.
j. M. le docteur Mnuduil l'a reçu de celte contrée, et le conserve
dans son cabinet.
464 LE KUDin.
Une espèce voisine, ou peut-être la même, et qui
n'a pas besoin d'une autre description , est celle du
pluvier à collier de Saint-Domingue, n° 2S6 des plan-
ches enluminées, et îa dixième de M. Brisson. A quel-
ques différences près dans les couleurs de la queue,
et une teinte plus foncée dans celui-ci aux pennes
de l'aile, ces deux oiseaux sont les mêmes.
î-Bie-oôw»**»*»*»©**©-^*^***.^*©**©
LE PLUVIER HUPPE,
SIXIÈME ESPÈCE.
Charadrim spinosus. L.
Ce pluvier, qui se trouve en Perse, est à peu près
de la taille du pluvier doré , mais il est un peu plus
haut de jambes. Les plumes du sommet de sa tête
sont d'un noir lustré de vert; elles sont ramassées
en touffe portée en arrière, et forment une huppe de
près d'un pouce de longueur. Il y a du blanc sur les
joues, l'occiput, et les côtés du cou; tout le manteau
est brun marron foncé; tui trait de noir tombe de
la gorge sur la poitrine, qui est, ainsi que l'estomac,
d'un noir relevé d'un beau lustre de violet ; le bas-
ventre est blanc; la queue, blanche à son origine,
est noire à son extrémité; les pennes de l'aile sont
noires aussi , et il y a du blanc dans les grandes cou-
vertures.
Ce pluvier est armé et porte au pli de l'aile un
éperon qu'Edwards a négligé de figurer dans sa plan-
che xLvii, mais qu'on retrouve dans sa c(:viii% où
I
LE PLUVIER IIUrPÉ. 4^5
il représente la femelle , qui diffère du mâle en ce
que tout son cou est blanc, et que sa couleur n'est
nuancée d'aucun reflet.
W»»S»ftc»9<»a»9<»&»o»ct»ai&a.»a<
LE PLUVIER A AIGRETTE.
SEPTIÈME ESPÈCE.
Charadrius spinosus. L.
Ce pluvier, n° 801, est encore armé aux épaules;
les plumes de l'occiput, s'allongeant en filets, comme
dans le vanneau, lui forment une aigrette de plus d'un
pouce de longueur. Il est de la grosseur du pluvier
doré, mais plus haut sur ses jambes, ayant un pied
du bec aux ongles, et seulement onze pouces du bec
à l'extrémité de la queue. Il a le haut de la tête,
ainsi que la huppe, la gorge et le plastron sur l'esto-
mac, noirs, aussi bien que les grandes pennes de l'aile
et la pointe de celles de la queue; le manteau est
d'un gris brun; les côtés du cou, le ventre et les
grandes couvertures de l'aile sont d'un blanc teint de
/auve; l'éperon du pli de l'aile est noir, fort, et long
de six lignes. Cette espèce se trouve au Sénégal , et
paroîl également naturelle à quelques unes des ré-
gions chaudes de l'Asie ; car un pluvier qui nous a
été envoyé d'Alep s'est trouvé tout-à-fait semblable
à ce pluvier du Sénégal.
/|66 LE PLUVIER COIFFÉ.
LE PLUVIER COIFFÉ.
HUITIÈME ESPÈCE.
Charadrius bilophus. Lath.
Une coiffure assez particulière nous sert à caracté-
riser ce pluvier, n° 834; c'est un morceau de mem-
brane jaune qui lui passe sur le front , et par son
ejttension entoure l'œil; une coiffe noire, allongée
en arrière en deux ou trois brins, cache le haut de
la tête , dont le chignon est blanc , et une large men-
tonnière noire, prenant sous l'œil, enveloppe la gorge
et fait le tour du haut du cou. Tout le devant du
corps est blanc ; ie manteau est gris roussâtre ; les
pennes de l'aile et le bout de la queue sont noirs ; les
pieds rouges ; et le bec porte une tache de celte cou-
leur vers la pointe. Ce pluvier, dont l'espèce n'étoit
pas connue, se trouve au Sénégal, comme le précé-
dent ; mais il est moins grand d'un quart , et il n'a
pas d'éperon au pli de l'aile.
LE PLDVIEIl COURONNE.
NEUVIÈME ESPÈCE.
Charadrius coronatus. L.
Ce pluvier, n" 800, qui se trouve au cap de Bonne-
Espérance, est un des plus grands de son genre : il a
LE PLUVIER COURONNÉ. 4^7
un pied de longueur, et les jambes plus hautes que
le pluvier doré; elles sont de couleur de rouille. Il
a la tête coiffée de noir, et dans ce noir on voit une
bande blanche en diadème, qui fait le tour entier de
la tele, et forme une sorte de couronne; le devant
du cou est gris ; du noir par grosses ondes se mêle
au gris sur la poitrine ; le ventre est blanc; la queue,
blanche dans sa première moitié ainsi qu'à son extré-
mité, porte une bande noire qui traverse le blanc; les
pennes de l'aile sont noires; et les grandes couver-
tures blanches ; tout le manteau est brun, lustré de
verdâtre et de pourpre.
LE PLUVIER A LAMBEAUX.
DIXIÈME ESPÈCE.
Charadrlus bllobus, \j.
Une membrane jaune, plaquée aux angles du bec
de ce pluvier, iV 880, et pendant des deux côtés en
deux lambeaux pointus, nous sert à le caractériser.
11 se trouve au Malabar. Il est de la grosseur de notre
pluvier, mais il a de plus hautes jambes, qui sont de
couleur jaunâtre. Il porte derrière les yeux un trait
blanc qui borde la calotte noire de la tête; l'aile est
noire et tachetée de blanc dans les grandes couver-
tures ; on voit aussi du noir bordé de blanc à la pointe
de la queue ; le manteau et le cou sont d'un gris fauve,
et le dessous du coips est blanc : c'est la livrée or-
dinaire, et pour ainsi dire uniforiue, du plumage de
la plupart de toutes les espèces de pluvier.
468 LE PLUVIER ARMÉ DE C A YEN NE.
LE PLUVIER ARMÉ DE GAYENNE.
ONZIÈME ESPÈCE.
Cliaradrius cayanus. L.
Ce pluvier à collier, q" 833, est de la grandeur du
nôtre, mais il est beaucoup plus haut de jambes; il
a aussi le bec plus long et la tête moins ronde. Une
large bande noire couvre le front, engage les yeux,
et va se joindre au noir qui garnit le derrière du cou,
le haut du dos, et s'arrondit en plastron sur la poi-
trine; la gorge est blanche, ainsi que le devant du
cou et le dessous du corps; une plaque grise, en-
tourée d'un bord blanc, forme une calotte derrière
la tète; la première moitié de la queue est blanche,
et le reste est noir; les pennes de l'aile et les épaules
sont noires aussi; le reste du manteau est gris, mêlé
de blanc. Des éperons assez longs percent au pli des
ailes.
Il nous paroît que Vamacozque de Fernandès
(chap. XII , pag. 17), oiseau a^iard au plumage inêlé
de blanc et de noir et à double collier j, quon voit toute
r année sur le lac de Mexique _, oit il vit de vermisseaux
aquatiques j, est un pluvier; on pourroit l'assurer, si
Fernandès eût donné le caractère de ses pieds.
Quant à la treizième espèce de M. Brisson, ce n'est
rien moins qu'un pluvier, mais une petite outarde
ou notre churge^.
i. \ o.yviVarViclc de col oiseau dans le lom«> XIX, page /{."/^
I
LE PLUVJAN. 469
LE PLUVIAN.
Charadrias melanocephalus. L.
L'oiseau nommé pluvlan dans les planches enlumi-
nées, n" 918, se rapporte au pluvier en ce qu'il n'a
que trois doigts. Le pluvian n'est guère plus grand
que le petit pluvier à collier, si ce n'est que son cou
est plus long et son bec plus fort. Il a le dessus de
la tête, du cou et du dos noir, un trait de cette cou-
leur sur les yeux , et quelques ondes noires sur la
poitrine ; les grandes pennes de l'aile sont mêlées de
noir et de blanc ; les autres parties de l'aile, pennes
moyennes et couvertures, sont d'un joli gris; le de-
vant du cou est d'un blanc roussâtre , et le ventre
blanc; mais le bec est plus gros et plus épais que
celui du pluvier, le renflement y est moins marqué.
Ces différences, qui semblent faire une nuance de
genre plutôt que d'espèce, nous ont engagé à lui don-
ner un nom particulier, et qui en même temps eul
rapport aux pluviers.
470 LK GRAND PLUVIEIÎ.
LE GRAND PLUVIER\
VULGAIREMENT APPELÉ COURLIS DE TERRE.
Charadrlus œdicnemus. L.
Il est peu de chasseurs et d'habitants de la cam-
pagne dans nos provinces de Picardie , d'Orléanois ,
de Beauce, de Champagne et de Bourgogne, qui,
se trouvant sur le soir dans les mois de septembre ,
d'octobre et novembre, au milieu des champs, n'aient
entendu les cris répétés tib'rlulj tarrlai^ de ces oi-
seaux; c'est leur voix de rappel qu'ils font souvent
retentir d'une colline à l'autre, et c'est probablement
de ce son articulé et semblable au cri des vrais cour-
lis qu'on a donné à ce grand pluvier, n° 919, le nom
de courlis de terre. Belon dit qu'au premier aspect il
trouva dans cet oiseau tant de ressemblance avec la
petit outarde, qu'il lui en appliqua le nom. Cepen-
dant ce n'est ni une outarde ni un courlis; c'est plu-
tôt un pluvier : mais en même temps qu'il tient de
près aux pluviers par plusieurs caractères communs,
il s'en éloigne assez par quelques autres pour qu'on
puisse le regarder comme étant d'une espèce isolée,
parce qu'il porte des traits d'une conformation par-
1. En italien, coruz , suivant Gcsncr et Aldrovande ; à Rome, car-
lotte, selon Willughby; en Angleterre, et particulièrement dans le
pays de Cornouailles et de Norfolk , stonecurlew; en quelques endroits
de l'Allemagne, selon Gesner, triel ou griel; sur nos côtes de Picardie
cet oiseau est appelé le saint- germer.
LE GRAND PLUVIER. 4? *
liculière , et que ses habitudes naturelles sont diffé-
rentes de celles des pluviers.
D'abord cet oiseau est beaucoup plus grand que le
pluvier doré, il est même plus gros que la bécasse :
ses jambes épaisses ont un renflement marqué au
dessous du genou qui paroît gonflé ; caractère d'après
lequel Belou l'a nommé jambe eiiflée. Il n'a, comme
le pluvier, que trois doigts fort courts; ses jambes et
ses pieds sont jaunes. Son bec est jaunâtre depuis
soQ origine jusque vers le milieu de sa longueur, et
noirâtre jusqu'à son extrémité ; il est de la même
forme , mais plus gros que celui du pluvier. Tout le
plumage, sur un fond gris blanc et gris roussâtre,
est moucheté par pinceaux de brun et de noirâtre,
dont les traits sont assez distincts sur le cou et la
poitrine, et plus confus sur le dos et sur les ailes qui
sont traversées d'une bande blanchâtre ; deux traits
de blanc roussâtre passe dessus et dessous l'œil ; le
fond est de couleur roussâtre sur le dos et le cou , et
il est blanc sous le ventre, qui n'est point moucheté.
Cet oiseau a l'aile grande ; il part de loin , surtout
pendant le jour, et vole alors assez bas près de terre;
il court sur les pelouses et dans les champs aussi vite
qu'un chien; et c'est de là qu'en quelques provinces,
comme enBeauce, on lui a donné le nom d^aîyen-
teur. Il s'arrête tout court après avoir couru, tenant
son corps et sa tête immobiles, et au moindre bruit
il se tapit contre terre. Les mouches, les scarabées,
les petits limaçons, et autres coquillages terrestres,
sont le fond de sa nourriture, avec quelques autres
insectes qui se trouvent dans les terres en friche.
4^2 LE GRAND PLUVIEIÎ.
comme grillons, sauterelles et courtillièies^ ; car il
ne se tient guère que sur le plateau des collines, et
il habite de préférence les terres pierreuses, sablon-
neuses et sèches. En Beauce , dit M. Salerne , une
mauvaise terre s'appelle une terre à courlis. Ces oi-
seaux, solitaires et tranquilles pendant la journée,
se mettent en mouvement à la chute du jour; ils se
répandent alors de tous côtés en volant rapidement
et criant de toutes leurs forces sur les hauteurs :
leur voix, qui s'entend de très loin, est un son plain-
tif semblable à celui d'une flûte tierce , et prolongé
sur trois ou quatre tons , en montant du grave à
l'aigu. Ils ne cessent de crier pendant la plus grande
partie de la nuit , et c'est alors qu'ils se rapprochent
de nos habitations.
Ces habitudes nocturnes sembleroient indiquer
que cet oiseau voit mieux la nuit que le jour ; ce-
pendant il est certain que sa vue est très perçante
pendant le jour. D'ailleurs la position de ses gros
yeux le met en état de voir par derrière comme par
devant ; il découvre le chasseur d'assez loin pour se
lever et partir bien avant que l'on soit à portée de
le tirer. C'est un oiseau aussi sauvage que timide;
la peur seule le tient immobile durant le jour, et
ne lui permet de se mettre en mouvement, et de se
faire entendre qu'à l'entrée de la nuit. Ce sentiment
de crainte est même si dominant que, quand on
entre dans une chambre où on le tient renfermé, il
1. M. Baillou , qui a observé cet oiseau sur les côtes de Picardie,
nous dit qu'il mange aussi de petits lézards noirs qui se trouYCut dans
les dunes , et même de petites couleuvres.
LE GRAND PLUVïEK. 4;"
ïie cherche qu'à se cacher, à fuir, et va, dans son
efl'roi , donner lête baissée, et se heurter contre tout
ce qui se rencontre. On prétend que cet oiseau fait
pressentir les changements de temps , et qu'il an-
nonce la pluie. Gesner a remarqué que, même en cap-
tivité , il s'agite beaucoup avant l'arrivée d'un orage.
Au reste , ce grand pluvier ou courlis de terre fait
une exception dans les nombreuses espèces qui, ayant
une portion de la jambe nue , sont censées habiter
les rivages et les terres fangeuses, puisqu'il se tient
toujours loin des eaux et des terrains un peu humides,
et n'habite que les terres sèches et les lieux élevés^.
Ces habitudes ne sont pas les seules par lesquelles
il diffère des pluviers. Le temps de son départ et la
saison de son séjour ne sont pas les mêmes que pour
les pluviers; il part en novembre, pendant les der-
nières pluies d'automne; mais, avant d'entreprendre
le voyage , ces oiseaux se réunissent en troupes de
trois ou quatre cents , à la voix d'un seul qui les ap-
pelle, et leur départ se fait pendant la nuit. On les
revoit de bonne heure au printemps ; et dès la fin de
mars ils sont de retour en Beauce, en Sologne, en
Berry, et dans quelques autres provinces de France.
La femelle ne pond que deux ou quelquefois trois
œufs sur la terre nue , entre des pierres, ou dans un
petit creux qu'elle forme sur le sable des landes et
des dunes 2. Le mâle la poursuit vivement dans le
1. D'où l'on peut îoir avec combien peu de fondement Gesner l'a
pris pour le charadrios des anciens, qui est décidément un oiseau de
rivage. Voyez ci-devant l'article ^\x pluvier à collier.
2. Durant les huit jours que j'ai erré dans les sables arides qui cou-
BUFFO?{. XXV. 3o
474 ^^^ GRAND PLUVIER.
temps des amours ; il est aussi constant que vif, et ne
la quitte pas ; il l'aide à conduire ses petits , à les pro-
mener , et à leur apprendre à distinguer leur nour-
riture : cette éducation est même longue; car, quoi-
que les petits marchent et suivent leurs père et mère
peu de temps après qu'ils sont nés, ils ne prennent
que tard assez de force dans l'aile pour pouvoir voler.
Belon en a trouvé qui ne pouvoient encore voler à la
fin d'octobre ; ce qui lui a fait croire que la ponte des
œufs ou la naissance des petits ne se faisoit que bien
tard. Mais M. le chevalier Desmazys , qui a observé
ces oiseaux à Malte ^, nous a appris qu'ils y font ré-
gulièrement deux pontes, l'une au printemps, et la
dernière au mois d'août. Le même observateur assure
que l'incubation est de trente jours. Les jeunes sont
un fort bon gibier , et on ne laisse pas de manger
aussi les vieux, qui ont la chair plus noire et plus sè-
che. La chasse à Malte en étoit réservée au grand-
maître de l'ordre, avant que l'espèce de nos perdrix
vreiit les bords de la jner depuis 1 embouchure de la Somme jusqu'à
l'extrémité du Boulonuois j'ai rencoulré un nid qui m'a paru être du
saint-germer : pour m'en assurer, je suis demeuré constamment assis
jusqu'au soir sur le sable, dont j'avois élevé devant et autour de moi
un petit tertre pour me cacher. Les oiseaux de ces sables , accoutu-
més à en voir changer la surface, que les vents transportent, ne pren-
nent aucune inquiétude d'y trouver de nouveaux creux ou de nouvelles
élévations. Je fus payé de ma peine : le soir l'oiseau vint à ses œufs,
et je le reconnus pour le saint-germer ou le courlis de terre. Son nid ,
posé à plate terre et à découvert dans une plaine de sable, ne consis-
toit qu'en un petit creux d'un pouce, et de forme elliptique, conte-
nant trois œufs assez gros , et d'une couleur singulière. ( Observations
f'aiies par M. Bâillon de Montreuil-siir-mer.)
1. On l'appelle à Malte talaride.
LE GUAND PLUVIER. 4^5
n'eût été portée dans celte île, vers le milieu du der-
nier siècle *.
Ce grand pluvier ou courlis de terre ne s'avance
point en été dans le nord , comme font les pluviers ;
du moins Linnseus ne le nomme point dans la liste
des oiseaux de Suède. Willughby assure qu'on le
trouve en Angleterre, dans le comté de Norfolk, et
dans le pays de Cornouailles ; cependant Charleton ,
qui se donne pour chasseur expérimenté , avoue que
cet oiseau lui est absolument inconnu. Son instinct
sauvage, ses allures de nuit , ont pu le dérober long-
temps aux yeux des observateurs; et Belon, qui le
premier l'a reconnu en France, remarque qu'alors
personne ne put lui en dire le nom.
J'ai eu pendant un mois ou cinq semaines un de
ces oiseaux à ma campagne : on le nourrissoit de
soupe , de pain, et de viande cuite ; il aimoit ce der-
nier mets de préférence aux autres. Il mangeoit non
seulement pendant le jour, mais aussi pendant la nuit;
car après lui avoir donné le soir sa provision de nour-
riture, on a remarqué que le lendemain matin elle
étoit fort diminuée.
Cet oiseau m'a paru d'un naturel paisible , mais
craintif et sauvage, et je crois que c'est en effet par
cette raison qu'on le voit rarement courir pendant
le jour dans l'état de liberté, el qu'il préfère l'obscu-
rité de la nuit pour se réunir avec ses semblables.
J'ai remarqué que dès qu'il apercevoit quelqu'un,
même de loin , il cherchoit à s'enfuir , et que sa peur
étoit si grande qu'il se heurtoil contre tout ce qu'il
1. Sous le grand maître Marlin de Uodiii. {Noie communiquée par
M. le chevalier Desmazys. Une autre note spécifie les perdrix rouges.)
47^ l'E GRAND PLUVIER.
reiicontroit en voulant se sauver. Il est donc du nom-
bre des animaux qui sont faits pour vivre éloignés de
nous, et à qui la nature a donné pour sauvegarde
Tinstïnct de nous fuir.
Celui dont il s'agit ici n'a point fait connoître son
cri : il faisoit seulement quelquefois entendre pendant
les deux ou trois dernières nuits qui ont précédé sa
mort une sorte de sifflement très foible , qui n'étoit
peut-être qu'une expression de souflVance; car il avoit
alors sur la racine du bec et dans les pieds de fort
grandes blessures qu'il s'étoit faites en frappant con-
tre les fils de fer de sa cage, dans laquelle il se re-
muoil brusquement dès qu'il apercevoit quelque
objet nouveau.
LECHASSE'.
Himantopus atr opteras, L.
L'ÉCHAssE, n** 878, est dans les oiseaux ce que b
gerboise est dans les quadrupèdes : ses Jambes, trois
fois longues comme le corps, nous présentent une
disproportion raonstreuse; et, considérant ces excès
ou plutôt ces défauts énormes, il semble que quand
la nature essayoit toutes les puissances de sa première
1. Himantopus. Les Italiens, suivant Belon , appellent l'échasse
merlo aquaiole grande; les Allemands , froembder vogel; les Flamands,
matlwcn; les Anglois, long-legs; et à la Jamaïque, red legged crâne.
Sibbakl lui donne encore les noms allemands de dunn-bein , riemen-
bcin.
l'éciiasse. 477
vigueur, et qu'elle ébaucholt le plan de la forme des
êtres, ceux en qui les proportions d'organes s'uni-
rent avec la faculté de se reproduire ont été les seuls
qui se soient maintenus : elle ne peut donc adopter à
perpétuité toutes les formes qu'elle avoient tentées ;
«lie choisit d'abord les plus belles pour en composer
le tout harmonieux des êtres qui nous environnent :
mais, au milieu de ce magnifique spectacle, quel-
ques productions négligées , et quelques formes
moins heureuses, jetées comme des ombres au ta-
bleau, paroissent être les restes de ces dessins mal
assortis et de ces composés disparates qu'elle n'a laissé
subsister que pour nous donner une idée plus éten-
due de ses projets; et l'on ne peut mieux saisir une de
ces disproportions qui contrastent avec le bel accord
et la grâce répandue sur toutes ses œuvres que dans
cet oiseau , dont les jambes excessivement longues
lui permettent à peine de porter son bec à terre pour
prendre sa nourriture; et de plus ses jambes si dis-
proportionnées sont comme des échasses, grêles,
foibles, et fléchissantes, supportant mal le petit corps
de l'oiseau, et retardant sa course plus qu'elles ne
l'accélèrent; enfin trois doigts beaucoup trop courts
pour les jambes asseyent mal sur ses pieds ce corps
chancelant, trop loin du point d'appui. Aussi les noms
que les anciens et les modernes ont donné dans tou-
tes les langues à cet oiseau marquent la foiblesse de
ses jambes molles et ployantes , ou leur excessive
longueur *.
i. Himantopus, loripef. Le nom dliimantopus a quelquefois été
changé en celui d'hœmatopus, et ensuite appiiq^ué à Vhuttrier ou pie (k
mer. C'est une double erreur. Voyez l'article suivant.
47^ l'É CHASSE.
L'échasse paroît néanmoins se dédoiiunager par le
vol de la lenteur de sa marche pénible. Ses ailes sont
longues et dépassent la queue, qui est assez courte;
leur couleur, ainsi que celle du dos, est d'un noir
lustré de bleu verdâtre; le derrière de la tête est d'un
gris brun ; le dessus du cou est mêlé de noirâtre et
de blanc; tout le dessous est blanc depuis la gorge
jusqu'au bout de la queue; les pieds sont rouges, et
ils ont huit pouces de hauteur y compris la partie
nue de la jambe , qui en a plus de trois ; le nœud du
genou se marque fortement au milieu du jet lisse et
grêle de ces pieds démesurés; le bec est noir, cylin-
drique, un peu aplati par les côtés vers la pointe,
long de deux pouces dix lignes, implanté bas sur un
front relevé qui rend la tête ronde.
Nous sommes peu instruits des habitudes naturelles
de cet oiseau, dont l'espèce est foible , et en même
temps rare^. Il est vraisemblable qu'il vit d'insectes
et de vermisseaux, au bord des eaux et des marais.
Pline l'indique sous le nom à' himaniopm ^ et dit « qu'il
naît en Egypte; qu'il se nourrit principalement de
mouches, et qu'on n'a jamais pu le conserver que
quelques jours en Italie. » Cependant Belon en parle
comme d'un oiseau naturel à cette contrée, et le
comte Marsigli l'a vu sur ie Danube. Il paroît aussi
qu'il fréquente les terres du nord , quoique Klein
dise qu'on ne l'a jamais vu sur les côtes de la Balti-
1. On nous a envoyé une échasse de Beauvoir eu bas Poilou commis
un oiseau inconnu . ce qui prouve qu'il ne paroît que fort rarement
sur ces côtes. Celui-ci fut tué sur un vieux marais salant. On remarqua
que dans son vol ses jambes, roidies en arrière, dépassoicnl la queue
de huit pouces.
Pauc^uet sculp .
L.L'HU1TR1ER,2, le coure -vite, 5 LE TOURNE-PIEKBE .
l'échasse. 479
que; mais Sibbaid, en Ecosse , en a très bien décrit
un qui avoit été tué près de Dumfries.
L'échasse se trouve aussi dans le nouveau conti-
nent : Fernandès en a vu une espèce , ou plutôt une
variété, dans la Nouvelle-Espagne; et il dit que cet
oiseau , habitant des régions froides, ne descend que
l'hiver au Mexique : cependant Sloane le place parmi
les oiseaux de la Jamaïque. Il résulte de ces autorités
contraires en apparence que l'espèce de l'échasse ,
quoique très peu nombreuse, se trouve répandue ou
plutôt dispersée, comme celle du pluvier à collier,
dans des régions très éloignées. Au reste, l'échasse du
Mexique, indiquée par Fernandès, est un peu plus
grande que celle d'Europe ; elle a du blanc mêlé dans
le noir des ailes : mais ces différences ne nous parois-
sent pas assez grandes pour en faire une espèce sé-
parée.
L'HUITRIER/,
VULGAIREMENT LÀ PIE DE MER.
Hœmatopus ostralegus. L.
Les oiseaux qui sont dispersés dans nos champs ou
retirés sous l'ombrage de nos forêts habitent les lieux
1. Quelquefois bécasse de mer; en anglois , sea-pie, oyster-catcher ;
en Islande, tUldur (le mâle), tilldra (la femelle), ce qui indiqueroit
une différence extérieure entre le mâle et la femelle, dont les auteurs
ne parlent pas; en latin de nomenclature, oslralega; et par un nom
formé du grec , mais qui ne caractérise point en particulier cet oiseau ,
hœmatopus.
48o l'huitiuek.
les plus riants el les retraites les plus paisibles de la
nature : mais elle n'a pas fait à tous cette douce des-
tinée; elle en a confiné quelques uns sur les rivages
solitaires, sur la plage nue que les flots de la mer
disputent à la terre , sur ces rochers contre lesquels
ils viennent mugir et se briser, et sur les écueils isolés
et battus de la vague bruyante. Dans ces lieux déserts
et formidables pour tous les antres êtres quelques
oiseaux, tels que Thuîtrier, savent trouver la sub-
sistance, la sécurité, les plaisirs mêmes, et l'amour.
Celui-ci vit de vers marins, d'huîtres, de patelles, et
autres coquillages, qu'il ramasse dans les sables du
rivage. Il se tient constamment sur les bancs, les ré-
cifs découverts à basse mer, sur les grèves où il suit
le reflux, et ne se retire que sur les fal^rises, sans s'é-
loigner jamais des terres ou des rochers. On a aussi
donné à cet huîtrier, ou mangeur d'huîtres, le nom
de pie de mer^ non seulement à cause de son plumage
noir et blanc, mais encore parce qu'il fait, comme
la pie, un bruit ou cri continuel, surtout lorsqu'il est
en troupe. Ce cri, aigre et court, est répété sans
cesse en repos et en volant.
Cet oiseau , n° 929, ne se voit que rarement sur la
plupart de nos côtes : cependant on le connoît en
Saintonge et en Picardie ; il pond même quelquefois
sur les côtes de cette dernière province, où il arrive
en troupes très considérables par les vents d'est et de
nord-ouest. Ces oiseaux s'y reposent sur les sables
du rivage, en attendant qu'un vent favorable leur
permette de retourner à leur séjour ordinaire. On
croit qu'ils viennent de la Grande-Bretagne, où ils
sont en effet fort communs, particulièrement sur les
l'huttrier. 481
côtes occidentales de celte île. Ils se sont aussi portés
plus avant vers le nord ; car on les trouve en Goth-
iand , dans l'île d'Oéland , dans les îles du Danemarck^
et jusqu'en Islande et en Norwége. D'un autre côté,
M. Cook en a vu sur les côtes de la Terre-de-Feu et
sur celles du détroit de Magellan ; il en a retrouvé à
la baie d'Usky, dans la Nouvelle-Zélande. Dampier
les a reconnus sur les rivages de la Nouvelle-Hollande;
et Kaempfer assure qu'ils sont aussi communs au Ja-
pon qu'en Europe. Ainsi l'espèce de l'huîtrier peuple
tous les rivages de l'ancien continent, et l'on ne doit
pas être étonné qu'il se retrouve dans le nouveau. Le
P. Feuillée l'a observé sur la côte de la terre ferme
d'Amérique ; Wat'er , au Darien ; Catesby , à la Caro-
line et aux îles Bahama; le Page du Pratz , à la Loui-
siane : et cette espèce si répandue l'est sans variété ;
elle est partout la même, et paroît isolée et distinc-
tement séparée de toutes les autres espèces^. 11 n'en
est point en effet parmi les oiseaux de rivage qui ait,
avec la taille de l'huîtrier et ses jambes courtes, un
bec de la forme du sien , non plus que ses habitudes
et ses mœurs.
Cet oiseau est de la grandeur de la corneille. Son
bec, long de quatre pouces, est rétréci et comme
comprimé verticalement au dessous des narines, et
aplati par les côtés en manière de coin jusqu'au bout,
1 . On ne peut s'assurer que la pie des îles Malouines de M. de Bou-
gainville soit l'huîtrier, plutôt que quelque espèce de pluvier : car il
dit que cet oiseau se nourrit de chevrettes: qiiU a un sifflement aisé
à imiter, ce qui indique un pluvier; de plus quV/ a les pattes blanches,
ce qui ne convient pas à la vraie pie de mer ou à l'huîtrier, qui les
a rouges.
482 L*HU[TRIER.
dont la coupe carrée forme un tranchant; structure
particulière qui rend ce bec tout-à-fait propre à dé-
tacher, soulever, arracher du rocher et des sables les
huîtres et les autres coquillages dont l'huîtrier se
nourrit.
Il est du petit nombre des oiseaux qui n ont que
trois doigts. Ce seul rapport a suffi aux méthodistes
pour le placer, dans l'ordre de leurs nomenclatures,
à côté de l'outarde. On voit combien il en est éloigné
dans l'ordre de la nature, puisque non seulement il
habite sur les rivages de la mer, mais qu'il nage en-
core quelquefois sur cet élément, quoique ses pieds
soient absolument dénués de membranes. Il est vrai
que, suivant M. Bâillon, qui a observé l'huîtrier sur
les côtes de Picardie, la manière dont il nage semble
n'être que passive, comme s'il se laissoit aller à tous
les mouvements de l'eau sans en donner aucun; mais
il n'en est pas moins certain qu'il ne craint point
d'affronter les vagues, et qu'il peut se reposer sur l'eau
et quitter la mer lorsqu'il lui plaît d'habiter la terre.
Son plumage blanc et noir et son long bec lui ont
fait donner les noms également impropres de pie de
mer et de bécasse de mer. Celui d'/mttrler lui convient ,
puisqu'il exprime sa manière de vivre. Catesby n'a
trouvé dans son estomac que des huîtres, et Wil-
lughby des patelles encore entières. Ce viscère est
ample et musculeux suivant Eelon , qui dit aussi que
la chair de l'huîtrier est noire et dure , avec un goût
de sauvagine. Cependant, selon M. Bâillon, cet oi-
seau est toujours gras en hiver, et la chair des Jeunes
est assez bonne à manger. 11 a nourri un de ces huî-
triers pendant plus de deux mois : il le tenoit dans
l'huitrieb. 4^^^
son jardiii , où il vivoit principalement de vers de
terre comme le courlis; mais ii mangeoit aussi de la
chair crue et du pain dont il sembloit s'accommoder
fort bien. Il buvoit indifféremment de l'eau douce ou
de l'eau de mer , sans témoigner plus de goût pour
l'une que pour l'autre : cependant, dans l'état de na-
ture , ces oiseaux ne fréquentent point les marais ni
l'embouchure des rivières, et ils restent constam-
ment dans le voisinage et sur les eaux de la mer; mais
c'est peut-être parce qu'ils ne trouveroient pas dans
les eaux douces une nourriture aussi analogue à leur
appétit que celle qu'ils se procurent dans les eaux
salées.
L'huîtrier ne fait point de nid : il dépose ses œufs,
qui sont grisâtres et tachés de noir, sur le sable nu,
hors de la portée des eaux, sans aucune préparation
préliminaire; seulement il semble choisir pour cela
le haut des dunes et les endroits parsemés de débris
de coquillages. Le nombre des œufs est ordinaire-
ment de quatre ou cinq, et le temps de l'incubation
est de vingt ou vingt-un jours : la femelle ne les couve
point assidûraenl; elle fait à cet égard ce que font
presque tous les oiseaux des rivages de la mer, qui,
laissant au soleil, pendant une partie du Jour, le soin
d'échauffer leurs œufs, les quittent pour l'ordinaire à
neuf ou dix heures du matin et ne s'en rapprochent
que vers les trois heures du soir, à moins qu'il ne
survienne de la pluie. Les petits, au sortir de l'œuf,
sont couverts d'un duvet noirâtre : ils se traînent sur
le sable dès le premier jour ; ils commencent à courir
peu de temps après , et se cachent alors si bien dans
les touffes d'herbages qu'il est difficile de les trouver.
484 i'huitrier.
L'huîtrier a le bec et les pieds d'un beau rouge
de corail. C'est d'après ce caraclère que Beion l'a
nommé kœmatopm ^ en le prenant pour V klmantopm
de Pline ; mais ces deux noms ne doivent être ni
confondus ni appliqués au même oiseau. Hœmatopus
signifie à jambes rouges et peut convenir à l'huîtrier;
mais ce nom n'est point de Pline, quoique Dalé-
champ Tait lu ainsi; et V hlmantopus ^ oiseau à jambes
hautes, grêles, et flexibles, suivant la force du terme
[loripes), n'est point l'huîtrier, mais bien plutôt l'é-
chasse. Un mot de Pline , dans le même passaiije , eiit
pu suffire à Belon pour revenir de son erreur : Prœci-
puè ei pabulum muscœ. L'himantopus, qui se nourrit
de mouches, n'est pas l'huîtrier, qui ne vit que de
coquillages.
Willughby, en nous avertissant de ne point con-
fondre cet oiseau sous le nom àliœmatopus avec l'A/-
mantopus à jambes longues et molles, semble nous
indiquer encore une méprise dans Belon, qui, en
décrivant l'huîtrier, lui attribue cette mollesse de
pieds, assez incompatible avec son genre de vie, qui
le conduit sans cesse sur les galets ou le confine sur
les rochers; d'ailleurs on sait que les pieds et les
doigts de cet oiseau sont revêtus d'une écaille rabo-
teuse, ferme et dure. Il est donc plus que probable
qu'ici comme ailleurs la confusion des noms a pro-
duit celle des objets : le nom à' hhnantopus doit donc
être réservé pour l'échasse à qui seul il convient; et
celui (ï hœmatopus _, également applicable à tant d'oi-
seaux qui ont les pieds rouges, ne suffit pas pour
désigner l'huîtrier, et doit être retranché de sa no-»
menclature.
l'huitrier. 4^^
Des trois doigts de rhuîtrier, deux, 1 extérieur et
celui du milieu, sont unis jusqu'à la première arti-
culation par une portion de membrane . et tous sont
entourés d'un bord membraneux. 11 a les paupières
rouges comme le bec, et l'iris est d'un jaune doré;
au dessous de chaque œil est une petite tache blan-
che. La tête, le cou, les épaules, sont noirs, ainsi
que le manteau des ailes; mais ce noir est plus foncé
dans le maîe que dans la femelle. Il y a un collier
blanc sous la gorge. Tout le dessous du corps, depuis
la poitrine, est blanc, ainsi que le bas du dos et la
moitié de la queue, dont la pointe est noire; une
bande blanche, formée par les grandes couvertures,
coupe dans le noir brun de l'aile. Ce sont apparem-
men! ces couleurs qui lui ont fait donner le nom de
la pie , quoiqu'il en dilTère à tous autres égards et sur-
tout par le peu de longueur de sa queue , qui n'a que
quatre pouces, et que l'aile pliée recouvre aux trois
quarts; les pieds, avec la petite partie de la jambe
dénuée de plumes au dessous du genou , n'ont guère
plus de deux pouces de hauteur, quoique la longueur
de l'oiseau soit d'environ seize pouces.
LE COURE-VITE.
Cursorius gallicus „ et Cursorius coromandelicus. L.
Les deux oiseaux représentés dans les n°' 796 et
892 des planches enluminées sont d'un genre nou-
veau, et il faut leur donner un nom particulier. Ils
4^6 LE COUUE-VITE.
ressemblent au pluvier par les pieds, qui n'ont que
trois doigts , mais ils en diffèrent par la forme du bec,
qui est courbé, au lieu que les pluviers l'ont droit et
renflé vers le bout. Le premier de ces oiseaux , re-
présenté , n° 795, a été tué en France, où il étoit
apparemment égaré, puisque l'on n'en a point vu
d'autre ; la rapidité avec laquelle il couroit sur le ri-
vage le fit appeler coure-vite. Depuis, nous avons reçu
de la côte de Coromandel un oiseau tout pareil pour
la forme et qui ne diffère de celui-ci que par les cou-
leurs, en sorte qu'on peut le regarder comme une
variété de la môme espèce , ou tout au moins comme
une espèce très voisine. Ils ont tous deux les jambes
plus hautes que les pluviers; ils sont aussi grands,
mais moins gros; ils ont les doigts des pieds très
courts, particulièrement les deux latéraux. Le pre-
mier a le plumage d'un gris lavé de brun roux; il y
a sur l'œil un trait plus clair et presque blanc, qui
s'étend en arrière, et l'on voit au dessous un trait noir
qui part de l'angle extérieur de l'œil ; le haut de la
tête est roux; les pennes de l'aile sont noires, et
chaque plume de la queue, excepté les deux du iui-
lieu, porte une tache noire avec une tache blanche
vers la pointe.
Le second, n° 892, qui est venu de Coromandel,
est un peu moins grand que le premier. Il a le de-
vant du cou et la poitrine d'un beau roux marron ,
qui se perd dans du noir sur le ventre ; les pennes
de l'aile sont noires, le manteau est gris, le bas-ven-
tre est blanc, la tête est coiÛée de roux à peu près
comme celle du premier; tous deux ont le bec noir
et les pieds blanc jaunâtre.
LE TOURNE-PIERRE. 4^7
LE TOURNE-PIERRE.
Strepsilas coUaris. L.
Nous adoptons le noQi de tourne-pierre donné par
Catesby à cet oiseau, n** 856, qui a l'habitude singu-
lière de retourner les pierres au bord de l'eau pour
trouver dessous les vers et les insectes dont il lait sa
nourriture, tandis que tous les autres oiseaux de ri-
vage se contentent de la chercher sur les sables ou
dans la vase, u Etant en mer, dit Catesby , à quarante
lieues de la Floride , sous la latitude de trente-un de-
grés, un oiseau vola sur notre vaisseau, et y fut pris.
11 étoit fort adroit à tourner les pierres qui se rencon-
Iroient devant lui : dans cette action il se servoit seu-
lement de la partie supérieure de son bec, tournant
avec beaucoup d'adresSe et fort vite les pierres de
trois livres de pesanteur. » Cela suppose une force et
une dextérité particulière dans un oiseau qui est à
peine aussi gros que la maubèche : mais son bec est
d'une substance plus dure et plus cornée que celle
du bec grêle et mou de tous ces petits oiseaux de ri-
vages, qui l'ont conformé comme celui de la bé-
casse : aussi le tourne-pierre forme-t-il, au milieu de
leurs genres nombreux, une petite famille isolée.
Son bec, dur et assez épais à la racine, va en dimi-
nuant et finit en pointe aiguë; il est un peu comprimé
dans sa partie supérieure, et paroît se relever en haut
par une légère courbure; il est noir et long d'ua
488 LE TOUllNE-PIERRE.
ponce. Les pieds, dénués de membranes, sont assez
courts et de couleur orangée.
Le plumage du tourne-pierre ressemble à celui du
pluvier à collier, par le blanc et le noir qui le cou-
pent, sans cependant y tracer distinctement un col-
lier, et en se mêlant à du roux sur le dos; cette res-
semblance dans le plumage est apparemment la cause
de la méprise de MM. Brown, Willughby, et Ray,
■qui ont donné à cet oiseau le nom de morinellus _,
quoiqu'il soit d'un genre tout différent des pluviers,
ayant un quatrième doigt et tout une autre forme
de bec.
L'espèce du tourne-pierre est commune aux deux
continents. On la connoît sur les côtes occidentales
de l'Angleterre , où ces oiseaux vont ordinairement
en petites compagnies de trois ou quatre. On les
connoît également dans la partie maritime de la pro-
vince de Norfolk et dans quelques îles de Gothiand;
et nous avons lieu de croire que c'est ce môme oiseau
auquel, sur nos côtes de Picardie , on donne le nom
de bune. JNous avons reçu du cap de Bonne-Espérance
un de ces oiseaux, qui étoit de même taille, et, à
quelques différences près, de même couleur que
ceux d'Europe. M. Catesby en a vu près des côtes de
la Floride ; et nous ne pouvons deviner pourquoi
M. Brisson donne ce tourne- pierre d'Amérique
comme différent de celui d'Angleterre , puisque Ca-
tesby dit formellement qu'il le reconnut pour le
même : d'ailleurs nous avons aussi reçu de Cayenne
ce même oiseau, avec la seule différence qu'il est de
taille un peu plus forte; et M. Edwards fait mention
d'un autre qui lui avoit été envoyé des terres voisines
P1.2l6.
Tome
îa-uquet sculp . .
1. LE MERLE -d'eau 2. LE RÂLE D' EAU 5. LE SALE TûU GENET
LE TOURNE-PIERRE. 4^9
de la baie d'Hudson. Ainsi cette espèce, quoique foi-
ble et peu nombreuse en individus, s'est, comme
plusieurs autres espèces d'oiseaux aquatiques, ré-
pandue du nord au midi dans les deux continents,
en suivant les rivages de la mer, qui leur fournit
partout la subsistance.
Le tourne-pierre gris de Cayenne nous paroît être
une variété dans cette espèce, à laquelle nous rap-
porterons les deux individus représentés dans les
planches enluminées, n°' 34o et 867, sous les déno-
minations de cou Ion-chaud de Cayenne^ et de coulon-
chaud gris de Cayenne; car nous ne voyons entre eux
aucune différence assez marquée pour avoir droit de
les séparer ; nous étions même porté à les regarder
comme les femelles de la première espèce, dans la-
quelle le maie doit avoir les couleurs plus fortes :
mais nous suspendons sur cela notre jugement, parce
que Willughby assure qu'il n'y a point de différence
dans le plumage entre le mâle et la femelle des tourne-
pierres qu'il a décrits.
LE MERLE D'EAU\
T ring a cinclus, L.
Le merle d'eau n'est point un merle, quoiqu'il en
porte le nom : c'est un oiseau aquatique , qui fré-
1 . Les Italieiis , aux environs de Belinzone , l'appellent lerlichiroUo;
et ceux du lac Majeur, folun d'agua, suivant Gesner; les Allemands ,
baeh-amsei, wasser - amsel ; les Suisses, wasser - trostie ; les Anglois,
water-ouzel.
ItllFFON. XXV. 5i
490 LE MERLE d'eAU.
quente les lacs et les ruisseaux des hautes montagnes^
comme le merle en fréquente les bois et les vallons ;
il lui ressemble aussi par la taille, qui est seulement
un peu plus courte, et par la couleur presque noire
de son plumage ; enfin il porte un plastron blanc
comme certaines espèces de merles : mais il est aussi
silencieux que le vrai merle est jaseur; il n'en a pas
les mouvements vifs et brusques ; il ne prend aucune
de ses attitudes, et ne va ni par bonds ni par sauts;
il marche légèrement d'un pas compté, et court au
bord des fontaines et des ruisseaux, qu'il ne quitte
jamais, fréquentant de préférence les eaux vives et
courantes, dont la chute est rapide et le lit entre-
coupé de pierres et de morceaux de roche. On le
rencontre au voisinage des torrents et des cascades,
et particulièrement sur les eaux limpides qui coulent
sur le gravier.
Ses habitudes naturelles sont très singulières : les
oiseaux d'eau qui ont les pieds palmés nagent sur l'eau
ou se plongent ; ceux de rivage , montés sur de hautes
jambes nues, y entrent assez avant, sans que leur
corps y trempe : le merle d'eau, n° Ç)/\o, y entre tout
entier en marchant et en suivant la pente du terrain ;
on le voit se submerger peu à peu, d'abord jus-
qu'au cou, et ensuite par-dessus la tête, qu'il ne
tient pas plus élevée que s'il étoit dans l'air; il conti-
nue de marcher sous l'eau, descend jusqu'au fond, et
s'y promène comme sur le rivage sec. C'est à M. Hé-
bert que nous devons la première connoissance de
cette habitude extraordinaire, et que je ne sache pas
appartenir à aucun autre oiseau. Voici les observa-
tions qu'il a eu la bonté de me communiquer.
LE MERLE d'eAU. 49 ^
« J'étois embusqué sur les bords du lac de Nantua,
dans une cabane de neige et de branches de sapin ,
où j'attendois patiemment qu'un bateau qui ramoit
sur le lac fît approcher du bord quelques canards
sauvages : j'observois sans être aperçu. Il y avoit de-
vant ma cabane une petite anse dont le fond en pente
douce pouvoit avoir deux ou trois pieds de profon-
deur dans son milieu. Un merle d'eau s'y arrêta et y
resta plus d'une heure que j'eus le temps de l'obser-
ver tout à mon aise ; je le voyois entrer dans l'eau ,
s'y enfoncer, reparoître à l'autre extrémité de l'anse,
revenir sur ses pas ; il en parcouroit tout le fond et
ne paroissoit pas avoir changé d'élément; en entrant
dans l'eau il n'hésitoit ni ne se détournoit : je remar-
quai seulement à plusieurs reprises que, toutes les
fois qu'il y entroit plus haut que les genoux, il dé-
ployoit ses ailes et les laissoit pendre jusqu'à terre. Je
remarquai encore que, tant que je pouvois l'aperce-
voir au fond de l'eau, il me paroissoit comme revêtu
d'une couche d'air qui le rendoit brillant; semblable
à certains insectes du genre des scarabées, qui sont
toujours dans l'eau au milieu d'une bulle d'air : peut-
être n'abaissoit-il ses ailes en entrant dans l'eau que
pour se ménager cet air; mais il est certain qu'il n'y
manquoit jamais, et il les agiloit alors comme s'il eût
tremblé. Ces habitudes singulières du merle d'eau
étoient inconnues à tous les chasseurs à qui j'en ai
parlé , et sans le hasard de la cabane de neige je les
aurois peut-être aussi toujours ignorées; mais je puis
assurer que l'oiseau venoit presque à mes pieds, et
pour l'observer long-temps je ne le tuai point. »
Il y a peu de faits plus curieux dans l'histoire des
492 LE MERLE D*EAU.
oiseaux que celui que nous offre cette observation.
Linnaeus avoit bien dit qu'on voit le merle d'eau des-
cendre et remonter les courants avec facilité; et Wil-
lugbby que, quoique cet oiseau ne soit pas palmi-
pède, il ne laisse pas de se plonger; mais l'un et
l'autre paroissent avoir ignoré la manière dont il se
submerge pour marcher au fond de l'eau. On conçoit
que pour cet exercice il faut au merle d'eau des fonds
de gravier et des eaux claires, et qu'il ne pourroit
s'accommoder d'une eau trouble ni d'un fond de vase;
aussi ne le trouve-t-on que dans les pays de monta-
gnes, aux sources des rivières et des ruisseaux qui
tombent des rochers, comme en Angleterre dans le
canton de Westmoreland et dans les autres terres
élevées, en France dans les montagnes du Bugey et
des Vosges, et en Suisse. Il se pose volontiers sur les
pierres entre lesquelles serpentent les ruisseaux; il
vole fort vite en droite ligne, en rasant de près la
surface de l'eau comme le martin-pêcheur. En volant
il jette un petit cri , surtout dans la saison de l'amour,
au printemps : on le voit alors avec sa femelle; mais
dans tout autre temps on le rencontre seul. J^a fe-
melle pond quatre ou cinq œufs, cache son nid avec
beaucoup de soin , et le place souvent près des roues
des usines construites sur les ruisseaux.
La saison où M. Hébert a observé le merle d'eau
prouve qu'il n'est point oiseau de passage ; il reste
tout l'hiver dans nos montagnes; il ne craint pas même
la rigueur de l'hiver en Suède, où il cherche de même
les chutes d'eau et les fontaines rapides qui ne sont
point prises de glace.
Cet oiseau a les ongles forts et courbés, avec les-
LE MEULE d'eau. 49^
quels il se prend au gravier en marchant au fond de
l'eau : du reste il a le pied conformé comme le merle
de terre et les autres oiseaux de ce genre. Il a, comme
eux, le doigt et l'ongle postérieurs plus forts que
ceux de devant, et ces doîgts sont bien séparés et
n'ont point de membrane intermédiaire, quoique
Willughby ait cru y en apercevoir; la jambe est gar-
nie de plumes jusque sur le genou; le bec est court
et grêle, l'une et l'autre mandibule allant également
en s'effilant et se cintrant légèrement vers la pointe :
sur quoi nous ne pouvons nous empêcher de remar-
quer que, par ce caractère, M. Brisson n'auroit pas
du le placer dans le genre du bécasseau ^ dont un des
caractères est d'avoir le bout du bec obtus.
Avec le bec et les pieds courts et un cou raccourci
on peut imaginer qu'il étoit nécessaire que le merle
d'eau apprît à marcher sous l'eau , pour satisfaire son
appétit naturel et prendre les petits poissons et les
insectes aquatiques dont il se nourrit; son plumage
épais et fourni de duvet paroît impénétrable à l'eau,
ce qui lui donne encore la facilité d'y séjourner; ses
yeux sont grands, d'un beau brun , avec les paupières
blanches, et il doit les tenir ouverts dans l'eau pour
distinguer sa proie.
Un beau plastron blanc lui couvre la gorge et la
poitrine; la tête et le dessus du cou jusque sur les
épaules et le bord du plastron blanc sont d'un cen-
dré roussâtre ou marron; le dos, le ventre, et les
ailes, qui ne dépassent pas la queue, sont d'un cen-
dré noirâtre et ardoisé; la queue est fort courte et
n'a rien de remarquable.
494 ^^ GRIVE d'eau.
B»c<&9»e»»s»&»»»»r»»»8i»»<N^< ■6<:>»«<fe'»<e<»ft»C »»gft W>
LA GRIVE D'EAU.
Tringa macularia. L.
Edwards appelle tringa tacheté l'oiseau que, d*aprè&
M. Brisson , nous nommons ici grive d'eau. Il a effec-
tivement le plumage grivelë et la taille de la petite
grive, et il a les pieds faits comme le merle d'eau,
c'est-à-dire les ongles assez grands et crochus, et celui
de derrière plus que ceux de devant; mais son bec est
conformé comme celui du cincle, des maubèches et
des autres petits oiseaux de rivage, et de plus le bas
de la jambe est nu. Ainsi cet oiseau n'est point une
grive ni même une espèce voisine de leur genre ,
puisqu'il n'en tient qu'une ressemblance de plumage,
et que le reste des traits de sa conformation l'appa-
rente aux familles des oiseaux d'eau. Au reste , cette
espèce paroît être étrangère, et n'a que peu de rap-
ports avec nos oiseaux d'Europe ; elle se trouve en
Pensylvanie. Cependant M. Edwards présume qu'elle
est commune aux deux continents, ayant reçu, dit-il,
un de ces oiseaux de la province d'Essex, où à la vé-
rité il paroissoit égaré et le seul qu'on y ait vu.
Le bec de la grive d'eau est long de onze à douze
lignes; il est de couleur de chair à sa base et brun
vers la pointe; la partie supérieure est marquée de
chaque côté d'une cannelure qui s'étend depuis les
narines jusqu'à l'extrémité du bec. Le dessus du
corps, sur un fond brun olivâtre, est grivelé de ta-
ches noirâtres, comme le dessous l'est aussi sur un
LA GRIVE d'eau. 49^
fond plus clair et blanchâtre. Il y a une barre blan-
che au dessus de chaque œil, et les pennes de l'aile
sont noirâtres. Une petite membrane joint vers la ra-
cine le doigt extérieur à celui du milieu.
LE CANUT.
Tringa caniitus. L.
Il y a apparemment dans les provinces du nord
quelque anecdote sur cet oiseau qui lui aura fait don-
ner le nom d'oiseau du roi Canut ^ puisqu'Edwards le
nomme ainsi ^. Il ressembleroit beaucoup au van-
neau gris s'il étoit aussi grand et si son bec n'étoit
autrement conformé : ce bec est assez gros à sa base
et va en diminuant jusqu'à l'extrémité , qui n'est pas
fort pointue, mais qui cependant n'a pas de renfle-
ment comme le bec du vanneau. Tout le dessus du
corps est cendré et onde; les pointes blanches des
grandes couvertures tracent une ligne sur l'aile; des
croissants noirâtres sur un fond gris blanc marquent
les plumes du croupion ; tout le dessous du corps est
blanc, marqueté de taches grises sur la gorge et la poi-
trine; le bas de la jambe est nu ; la queue ne dépasse
pas les ailes pliées, et le canut est certainement de la
grande tribu des petits oiseaux de rivage. Willughby dit
qu'il vient de ces oiseaux canuts dans la province de
Lincoln, au commencement de l'hiver; qu'ils y séjour-
nent deux ou trois mois^ allant en troupes , se tenant
1. Canuii régis avis, the knol. Suivant Willughby, c'est parce f(ue
le roi Canut aîmoit singulièrement la viande de ces oiseaux.
49^ ^^ CAiNUT.
sur les bords de la mer, et qu'ensuite ils disparoissent.
Il ajoute en avoir vu de même en Lancastershire, près
de Liverpool. Edwards a trouve celui qu'il a décrit au
marché de Londres , pendant le grand hiver de 1740,
ce qui semble indiquer que ces oiseaux ne viennent
au sud de la Grande-Bretagne que dans les hivers les
plus rudes; mais il faut qu'ils soient plus communs
dans le nord de cette île, puisque Willughby parle
de la manière de les engraisser en les nourrissant de
pain trempé de lait , et du goût exquis que cette nour-
riture leur donne. Il ajoute qu'on distingueroit au
premier coup d'œil cet oiseau des maubèches et gui-
gnettes [tringœ] parla barre blanche de l'aile, quand
il n'y auroit pas d'autres différences. Il observe en-
core que le bec est d'une substance plus forte que ne
l'est généralement celle du bec de tous les oiseaux
qui l'ont conformé comme celui de la bécasse.
Une notice donnée par Linnaeus, et que M. Bris-
son rapporte à cette espèce, marqueront qu'elle se
trouve en Suède, outre que son nom indique assez
qu'elle appartient aux provinces du nord. Cependant
il y a ici une petite difficulté : le canut appelé knot en
Angleterre a tous les doigts séparés et sans membrane,
suivant Willughby; l'oiseau canut de Linnaeus a le
doigt extérieur uni par la première articulation à ce-
lui du milieu. En supposant donc que ces deux ob-
servateurs aient également bien vu, il faut ou admet-
tre deux espèces, ou ne point rapporter au knot de
Willughby le trlnga de Linnaeus.
LES 11 A LE S. 497
LES RALES.
Ces oiseaux forment une assez grande famille, et
leurs habitudes sont différentes de celles des autres
oiseaux de rivage qui se tiennent sur les sables et les
grèves : les râles n'habitent, au contraire, que les
bords fangeux des étangs et des rivières, et surtout
les terrains couverts de glaïeuls et d'autres grandes
herbes de marais. Cette manière de vivre est habi-
tuelle et commune à toutes les espèces de râles d'eau;
le seul râle de terre habite dans les prairies, et c'est
du cri désagréable ou plutôt du râlement de ce der-
nier oiseau que s'est formé dans notre langue le nom
de raie pour toute l'espèce entière ; mais tous se res-
semblent en ce qu'ils ont le corps grêle et comme
aplati par les flancs, la queue très courte et presque
nulle, la tête petite, le bec assez semblable pour la
forme à celui des gallinacés, mais seulement bien plus
allongé, quoique moins épais; tous ont aussi une por-
tion de la jambe au dessus du genou dénuée de plu-
mes, avec les trois doigts antérieurs lisses, sans mem'
branes et très longs. Ils ne retirent pas leurs pieds
sous le ventre en volant comme font les autres oiseaux ,
ils les laissent pendants. Leurs ailes sont petites et
fort concaves, et leur vol est court. Ces derniers ca-
ractères sont communs aux râles et aux poules d'eau,
avec lesquelles ils ont en général beaucoup de res-^
semblances.
49^ LE RALE DE TERRE OU DE GENÊT.
LE RALE
DE TERRE OU DE GE]NÈT^
VULGAIREMENT ROI DES CAILLES.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Rai lus crex. L.
Dans les prairies humides , dès que l'herbe est
haute el jusqu'au temps de la récolte, il sort des en-
droits les plus touffus de l'herbage une voix rauque
ou plutôt un cri bref, aigre, et sec, cr'èk^ cr'ékj, crëkj,
nssez semblable au bruit que l'on exciteroit en pas-
sant et en appuyant fortement le doigt sur les dents
d'un gros peigne : et lorsqu'on s'avance vers cette
voix elle s'éloigne , et on l'entend venir de cin-
quante pas plus loin : c'est le râle de terre, n** 760,
qui jette ce cri , qu'on prendroit de loin pour le croas-
sement d'un reptile. Cet oiseau fuit rarement au
vol, mais presque toujours en marchant avec vi-
tesse ; et, passant à travers le plus touffu des herbes,
il y laisse une trace remarquable. On commence
à l'entendre vers le 10 ou le 12 de mai, dans le
même temps que les cailles, qu'il semble accompa-
gner en tout temps, car il arrive et repart avec
elles. Cette circonstance , joint à ce que le râle et les
1. En latiu moderne, railus; en italien , re de' quagUe; en anglois ,
daker-heriy land-rail; en allemand , schryck, schrye, wacfitel-kenig.
LE RALE DE TERRE OU DE GENÊT. 499
cailles habitent également les prairies, qu'il y vit seul,
et qu'il est beaucoup moins commua et un peu plus
gros que la caille, a fait imaginer qu'il se mettoit à
ia tête de leurs bandes comme conducteur ou comme
chef de leur voyage , et c'est ce qui lui a fait donner
le nom de roi des cailles; mais il diffère de ces oiseaux
par les caractères de conformation , qui tous lui sont
communs avec les autres râles et en général avec les
oiseaux de marais, comme Aristote l'a fort bien re-
marqué. La plus grande ressemblance que ce râle ait
avec la caille est dans le plumage, qui néanmoins est
plus brun et plus doré. Le fauve domine sur les ai-
les; le noirâtre et le roussâtre forment les couleurs
du corps; elles sont tracées sur les flancs par lignes
transversales, et toutes sont plus pâles dans la femelle
qui est aussi un peu moins grosse que le mâle.
C'est encore par l'extension gratuite d'une analo-
gie mal fondée que l'on a supposé au râle de terre
une fécondité aussi grande que celle de la caille : des
observations multipliées nous ont appris qu'il ne pond
que huit à dix œufs, et non pas dix-huit et vingt. En
effet, avec une multiplication aussi grande que celle
qu'on lui suppose, son espèce seroit nécessairement
plus nombreuse qu'elle ne l'est en individus , d'autant
que son nid, fourré dans l'épaisseur des herbes, est
difficile à trouver : ce nid, fait négligemment avec un
peu de mousse ou d'herbe sèche, est ordinairement
placé dans une petite fosse du gazon. Les œufs, plus
gros que ceux de la caille , sont tachetés de marques
rougeâtres plus larges. Les petits courent dès qu'ils
sont éclos en suivant leur mère, et ils ne quittent la
prairie que quand ils sont forcés de fuir devant la faux
500 LE RALE DE TEURE OU DE GENÊT.
qui rase leur domicile. Les couvées tardives sont en-
levées par la main du faucheur; tous les autres se jet-
tent alors dans les champs de blé noir, dans les avoines,
et dans les friches couvertes de genêts, où on les trouve
en été , ce qui les a fait nommer râles de genêt; quel-
ques uns retournent dans les prés en regain à la fm
de cette même saison.
Lorsque le chien rencontre un râle , on peut le re-
connoître à la vivacité de sa quête, au nombre de faux
arrêts, à l'opiniâtreté avec laquelle l'oiseau tient et se
laisse quelquefois serrer de si prés qu'il se fait pren-
dre î souvent il s'arrête dans sa fuite et se blottit, de
sorte que le chien, emporté par son ardeur, passe par
dessus et perd sa trace; le râle, dit-on, profite de
cet instant d'erreur pour revenir sur sa voie et don-
ner le change. Il ne part qu'à la dernière extrémité
et s'élève assez haut avant de fder; il vole pesamment
et ne va jamais loin. On en voit ordinairement la re-
mise; mais c'est inutilement qu'on va la chercher; car
l'oiseau a déjà piété plus de cent pas lorsque le chas-
seur y arrive. Il sait donc suppléer par la rapidité de
sa marche* à la lenteur de son vol : aussi se sert-il
beaucoup plus de ses pieds que de ses ailes, et, tou-
jours couvert sous les herbes, il exécute à la course
tous ses petits voyages et ses croisières multipliées
dans les prés et les champs. Mais quand arrive le temps
du grand voyage , il trouve, comme la caille , des for-
ces inconnues pour fournir au mouvement de sa lon-
gue traversée : il prend son essor la nuit; et, secondé
d'un vent propice, il se porte dans nos provinces mé-
1. Albin tombe ici dans une étrange méprise. « On appelle, dit-il,
.cet oiseau raf/<:s ou gralUts parce qu'il marche doucement. »
LE RALE DE TERRE OU DE GENÊT. 5oi
ridionales, d'où il tente le passage de la Méditerra-
née. Plusieurs périssent sans doute dans cette pre-
mière traite ainsi que dans la seconde pour le retour,
où l'on a remarqué que ces oiseaux sont moins nom-
breux qu'à leur départ.
Au reste, on ne voit le râle de terre dans nos pro-
vinces méridionales que dans ce temps de passage. Il
ne niche pas en Provence; et quand Belon dit qu'il
est rare en Candie , quoiqu'il soit aussi commun en
Grèce qu'en Italie, cela indique seulement que cet
oiseau ne s'y trouve guère que dans les saisons de ses
passages, au printemps et en automne. Du reste, les
voyages du râle s'étendent plus loin vers le nord que
vers le midi, et, malgré la pesanteur de son vol, il
parvient en Pologne, en Suède, en Danemarck, et
jusqu'en INorwége. Il est rare en Angleterre , où l'on
prétend qu'il ne se trouve que dans quelques can-
tons^, quoiqu'il soit assez commun en Irlande. Ses
migrations semblent suivre en Asie le même ordre
qu'en Europe. Au Ramtschatka comme en Europe le
mois de mai est également celui de l'arrivée de ces
oiseaux; ce mois s'appelle tava koatchj, mois des râ-
les. Tara est le nom de l'oiseau.
Les circonstances qui pressent le râle d'aller nicher
dans les terres du nord sont autant la nécessité des
subsistances que l'agrément des lieux frais qu'il
cherche de préférence; car quoiqu'il mange des grai-
nes, surtout celles de genêt, de trèfle, de grémil,
1 . Turner dit n'en avoir pas vu ni entendu ailleurs qu'en Northum-
brie; mais le docteur Tancrède Robinson assure qu'on en trouve aussi
dans la partie septentrionale de la Grande-Bretagne, et Sibbald le
compte parmi les oiseaux d'Ecosse.
^>02 LE RALE DE TERRE OU DE GENÊT.
et qu'il s'engraisse en cage de millet et de grains, ce-
pendant les insectes, les limaçons, les vermisseaux,
sont non seulement ses aliments de choix, mais une
nourriture de nécessité pour ses petits, et il ne peut
la trouver que dans les lieux ombragés et les terres
humides. Cependant lorsqu'il est adulte tout aliment
paroît lui profiter également , car il a beaucoup de
graisse, et sa chair est exquise. On lui tend, comme
à la caille, un filet où on l'attire par l'imitation de son
cri , cr'ékj ci^'êk^ crëk^ en frottant rudement une lame
de couteau sur un os dentelé.
La plupart des noms qui ont été donnés au râle
dans les diverses langues ont été formés des sons
imitatifs de ce cri singulier^, et c'est à cette ressem-
blance que Turner et quelques autres naturalistes ont
cru le reconnoître dans le crex des anciens. Mais quoi-
que ce nom du crex convienne parfaitement au râle,
comme son imitatif de son cri, il paroît que les an-
ciens l'ont appliqué à d'autres oiseaux. Philé donne
au crex une épithète qui désigne que son vol est pe-
sant et difficile, ce qui convient en effet à notre râle.
Aristophane le fait venir de Libye. Aristote dit qu'il
est querelleur ^ ce qui pourrolt encore lui avoir été at-
tribué par analogie avec la caille ; mais il ajoute que
le crex cherche à détruire la nichée du merle, ce qui
ne convient plus au râle , qui n'a rien de commun
avec les oiseaux des forêts. Le crex d'Hérodote est en-
core moins un râle, puisqu'il le compare en grandeur
à l'ibis, qui est dix fois plus grand. Au reste lavocette
et la sarcelle ont quelquefois un cri de crex ^ crex^ et
1. Schrjck , scliaerckj korn kaaerr, corn-crek , et notre mot même
de râle.
LE RALE DE TERRE OU DE GENÊT. 5o5
l'oiseau à qui Belon entendit répéter ce cri au bord
du Nil est , suivant sa notice , une espèce de barge.
Ainsi le son que représente le mot creXj, appartenant
à plusieurs espèces difl'érentes, ne suffît pas pour dési-
gner le râle ni aucun de ces différents oiseaux en par-
ticulier.
LE RALE D'EAU*.
SECONDE ESPÈCE.
Rallus aquaticus, L.
Le râle d'eau court le long des eaux stagnantes
aussi vite que le râle de terre dans les champs; il se
tient de même toujours caché dans les grandes herbes
et les joncs : il n'en sort que pour traverser les eaux
à la nage et même à la course, car on le voit souvent
courir légèrement sur les larges feuilles du nénuphar
qui couvrent les eaux dormantes. Il se fait de petites
routes à travers les grandes herbes; on y tend des
lacets, et on le prend d'autant plus aisément qu'il
revient constamment à son gîte et par le même che-
min. Autrefois on en faisoit le vol à l'épervier ou au
faucon, et dans cette petite chasse le plus difficile
étoit de faire partir l'oiseau de son fort : il s'y tient
1. Eu anglois, watcr-raiij el par quelques uns, bilcok cl broock-ouzel ;
en allemand , scliwartz wasser lieunle aeschheunUn ; Gesner lui donne
quelque part le nom de sameihoanle (poule d'eau de soie) . à cause
de son plumage doux el moelleux comme la soie ; à Venise on l'ap-
pelle forzane ou porzana, nom qui se donne également aux poules
d'eau.
5o4 LE RALE d'eau.
avec aillant d'opiniâtreté que le râle de terre dans ie
sien; il donne la même peine au chasseur, la même
impatience au chien, devant lequel il fuit avec ruse
et ne prend son vol que le plus tard qu'il peut. Il est
de la grosseur à peu près du râle de terre ; mais il a
le bec plus long, rougeâtre près de la tête. Il a les
pieds d'un rouge obscur : Ray dit que quelques in-
dividus les ont jaunes, et que cette difterence vient
peut-être de celle du sexe. Le ventre et les flancs sont
rayes transversalement de bandelettes blanchâtres
sur un fond noirâtre, disposition de couleurs com-
mune à tous les râles. La gorge, la poitrine, l'esto-
mac , sont , dans celui-ci , d'un beau gris ardoise ; le
manteau est d'un roux brun olivâtre.
On voit des râles d'eau autour des sources chaudes
pendant la plus grande partie de l'hiver; cependant
ils ont comme les râles de terre un temps de migra-
tion marque. Il en passe à Malte au printemps et en
automne. M. le vicomte de Querhoent en a vu à cin-
quante lieues des côtes de Portugal , le 17 avril : ces
râles d'eau étoient si fatigués qu'ils se laissoient pren-
dre à la main. M. Gmelin en a trouvé dans les terres
arrosées par le Don. Belon les appelle râles noirs j, et
dit que ce sont oiseaux connus en toutes contrées ^ dont
l'espèce est plus nombreuse que celle du râle de
terre , qu'il nomme râle rouge.
Au reste, la chair du râle d'eau, n° 749? ^st moins
délicate que celle du râle de terre ; elle a même un
goût de marécage à peu près pareil à celui de la poule
d'eau.
LA MARQUETTE.
>»»»o»(»»»»e«ia9»9«»»>»9.»a»i.»»»9»ooa8-wt<«
LA MARQUETTE'.
TROISIÈME ESPÈCE.
Rallus porzana. L.
La inarouette est un petit râle d'eau qui n'est pas
plus gros qu'une alouette. Tout le fond de son plu-
mage est d'un brun olivâtre, tacheté et nué de blan-
châtre, dont le lustre, sur cette teinte sombre, le fait
paroître comme émaillé, et c'est ce qui l'a fait appeler
râle perlé, Frisch Ta nommée poule d'eau perlée : dé-
nomination impropre; car la marouette n'est pas une
poule d'eau , mais un râle. Elle paroît dans la même
saison que le grand râle d'eau; elle se tient sur les
étangs marécageux; elle se cache et niche dans les ro-
seaux. Son nid, en forme de gondole, est composé de
jonc, qu'elle sait entrelacer et pour ainsi dire amar-
rer par un des bouts à une tige de roseau, de manière
que le petit bateau ou berceau flottant peut s'élever et
s'abaisser avec l'eau sans en être emporté. La ponte
est de sept ou huit œufs. Les petits en naissant sont
tout noirs. Leur éducation est courte ; car dès qu'ils
sont éclos ils courent, nagent, plongent, et bientôt
se séparent; chacun va vivre seul; aucun ne se recher-
che, et cet instinct solitaire et sauvage prévaut même
dans le temps des amours; car à l'exception des in-
1. On l'appelle glrardine en Picardie; et dans le Milanois , girar-
dina ; en quelques endroits de la France , coconan , suivant M. Bris-
son; dans le Bolonois, porzana; en Alsace , xvinkerneU, selon Gesni-r.
lUlFFOlV. XXV. 32
5o6 LA xM A ROUET TE.
stants de Tapproche nécessaire, le mâle se tient écarté
de sa femelle, sans prendre auprès d'elle aucun des
tendres soins des oiseaux amoureux, sans l'amuser ni
l'égayer par le chant, sans ressentir ni goûter ces doux
plaisirs qui retracent et rappellent ceux de la jouis-
sance : tristes êtres qui ne savent pas respirer près de
l'objet aimé; amours encore plus tristes, puisqu'elles
n'ont pour but qu'une insipide fécondité.
Avec ces mœurs sauvages et ce naturel stupide , la
marouette ne paroît guère susceptible d'éducation ni
même faite pour s'apprivoiser : nous en avons cepen-
dant élevé une; elle a vécu durant tout un été avec de
la mie de pain et du chènevis. Lorsqu'elle étoit seule,
elle se tenoit constamment dans une grande jatte
pleine d'eau; mais dès qu'on entroit dans le cabinet
où elle étoit renfermée, elle couroit se cacher dans
un petit coin obscur, sans qu'on l'ait jamais entendue
crier ni murmurer : cependant, lorsqu'elle est en li-
berté, elle fait retentir une voix aigre et perçante as-
sez semblable au cri d'un petit oiseau de proie; et,
quoique ces oiseaux n'aient aucun attrait pour la so-
ciété, on observe néanmoins que l'un n'a pas plus tôt
crié qu'un autre lui répond, et que bientôt ce cri est
répété par tous les autres du canton.
La marouette, n° 761 , comme tous les râles, tient
si fort devant les chiens que souvent le chasseur peut
la saisir avec la main ou l'abattre avec un bâton. S'il
se trouve un buisson dans sa fuite, elle y monte, et du
haut de son asile regarde passer les chiens en défaiit :
cette habitude lui est commune avec le râle d'eau;
eîleplonge, nage, et même nage entre deux eaux lors-
qu'il s'agit de se dérober à rennemi.
LA MARQUETTE. So^
Ces oiseaux disparoissent dans le fort de l'hiver; mais
ils reviennent de très bonne heure au printemps, et
dès le mois de février ils sont communs dans auel-
q'
ques provinces de France et d'Italie : on les connoit
en Picardie sous le nom de girardlne, C est un gibier
délicat et recherché ; ceux surtout que Ton prend en
Piémont dans les rizières sont très gras et d'un goût
exquis.
OISEAUX ETRANGERS
DE l'ancien continent
QUI ONT RAPPORT AU RALE.
LE TIKLIN,
ou RALE DES PHILIPPINES.
PREMIÈRE espèce.
Rallus p/illippensis,L,.
On donne aux Philippines le nom de tlktin à des oi-
seaux du genre des râles, et nous en connoissons qua-
tre différentes espèces sous ce même nom et dans ce
même climat. Celle-ci, n" 774? est remarquable par
la netteté et l'agréable opposition des couleurs : une
plaque grise couvre le devant du cou; une autre pla-
que d'un roux marron en couvre le dessus et la tète;
une ligne blanche surmonte l'œil et forme un long
sourcil; tout le dessous du corps est coninie émaillé
5o8 LE TIKLIN , OU RALE DES PHILIPPINES.
(le petites lignes transversales, alternativement noi-
res et blanches en festons; le manteau est brun nué
de ronssâtre et parsemé de petites gouttes blanches
sur les épaules et au bord des ailes, dont les pennes
sont mélangées de noir, de blanc, et de marron. Ce
tiklin est un peu plus grand que notre râle d'eau.
LE TIKLIN BRUN.
SECONDE ESPÈCE.
Railus fuscus, L.
Le plumage de cet oiseau est d*un brun sombre
uniforme, et seulement lavé sur la gorge et la poi-
trine d'une teinte de pourpre vineux, et coupé sous
la queue par un peu de noir et de blanc sur les cou-
vertures inférieures. Ce tiklin, n° 770, est aussi petit
que la marouette.
LE TIKLIN RAYÉ.
TROISIÈME ESPÈCE.
Rai lu S strlatus. L.
Celui-ci est de la même taille que le précédent.
Le fond de son plumage est d'un brun fauve, traversé
et comme ouvragé de lignes blanches; le dessus de
lo tête et du cou est d'un brun marron; l'estomac > J
LE TIKLIN llAYli. SOi)
la poitrine et Je cou, sont d'un gris olivâtre; et la
gorge est d'un blanc roussâtre.
i^*»»* ««.e.»e<»9« s* »»»« •«•««»
LE TIKLIN A COLLIER;
QUATRIÈMK ESPÈCE,
Rallus torquatus. L.
Celui-ci est un peu plus gros que notre râle de ge-
nêt. Il aie manteau d'un brun teint d'olivâtre sombre;
les joues et la gorge sont de couleur de suie ; un trait
blanc part de l'angle du bec , passe sous l'œil, et s'é-
tend en arrière; le devant du cou, la poitrine, le
ventre, sont d'un brun noirâtre rayé de lignes blan-
ches : une bande d'un beau marron, large d'un doigt,
forme comme un demi-collier au dessus de la poi-
trine.
OISEAUX ÉTRANGERS
DU NOUVEAU CONTINENT
QUI ONT RAPPORT AU RALE.
LE RALE A LONG BEC.
PREMIÈRE ESPÈCE.
Rallus longirostris. L.
Les espèces de râles sont plus diversifiées et peut
être plus nombreuses dans les terres noyées et mare-
5lO LE RALE A LONG BEC.
oageuses du nouveau continent que dans les contrées
plus sèches de l'ancien. On verra, par la description
particulière de ces espèces , qu'il y en a deux bien
plus petites que les autres , et que celle-ci est au
contraire plus grande qu'aucune de nos espèces eu-
ropéennes ; le bec de ce grand râle, n° 849, est aussi
plus long, même à proportion, que celui des autres
râles. Son plumage est gris, un peu roussâtre sur le
devant du corps, et mêlé de noirâtre ou de brun sur
le dos et les ailes; le ventre est rayé de bandelettes
transversales blanches et noires, comme dans la plu-
part des autres râles. On trouve à la Guiane deux
espèces ou du moins deux variétés de ces râles à long
bec, qui diffèrent beaucoup par la grosseur, les uns
étant de la taille de la barge, et les autres, tels que
celui de la planche 849? n'étant qu'un peu plus gros
que notre râle d'eau.
LE KIOLO.
SECONDE ESPÈCE.
Rallus cayennensis. L.
C'est par ce nom que les naturels de la Guiane
expriment le cri ou piaulement de ce râle, n** 558 et j
n' 753; il le fait entendre le soir à la même heure
que les tinamous, c'est-à-dire à six heures, qui est
l'instant du coucher du soleil dans le climat équi- I
noxial. Les kiolos se réclament par ce cri pour se ral-
lier avant la nuit; car tout le jour ils se tiennent seuls
LE KIOLO. 5l 1
fourrés dans les halliers himiides : ils y font leur nid
entre les petites branches basses des buissons^ et ce
nid est composé d'une seule sorte d'herbe rougeâtre ;
il est relevé en petite voûte, de manière que la pluie
ne peut y pénétrer. Ce râle est un peu plus petit que
la marouette; il a le devant du corps et le sommet
de la tête d'un beau roux, et le manteau lavé de verf
olivâtre sur un fond brun. Les n°' 368 et ^53 des plan-
ches enluminées ne représentent que le même oiseau,
qui ne diffère que par le sexe ou l'âge. Il nousparoît
aussi que le râle de Pensylvanie , donné par Edwards,
est le même que celui-ci.
LE RALE TACHETE
DE CAYENNE.
TllOISIÈME ESPÈCE.
Ratlus variegatus, L.
Ce beau râle. n° 776, qui est aussi un des plus
grands, a l'aile d'un brun roux; le reste du plumage
est tacheté , moucheté, liséré de blanc sur un fond
d'un beau noir. Il se trouve à la Guiane comme les
précédents.
Dl'J LE RALE DE VIliGlNlE.
LE RALE DE VIRGINIE.
QUATRIÈME ESPÈCE.
Rallus carolinus. L.
Cet oiseau, qui est de la grosseur de la caille, a
plus de rapport avec le roi des cailles ou râle de ge-
nêt qu'avec les râles d'eau. Il paroît qu'on le trouve
dans l'étendue de l'Amérique septentrionale jus-
qu'à la baie d'Hudson, quoique Calesby dise ne l'a-
voir vu qu'en Virginie : il dit que son plumage est
tout brun, et il ajoute que ces oiseaux deviennent
si gras en automne qu'ils ne peuvent échapper aux
sauvages , qui en prennent un grand nombre en les
lassant à la course , et qu'ils sont aussi recherchés à
la Virginie que les oiseaux de riz le sont à la Caroline,
et l'ortolan en Europe.
LE RALE BIDI-BIDL
CINQUIÈME ESPÈCE.
Hallus jamaicensis. L.
BiDi-BiDi est le cri et le nom de ce petit râle à la
Jamaïque : il n'est guère plus gros qu'une fauvette ;
sa tête est toute noire; le dessus du cou , le dos, le
ventre, la queue et les ailes, sont d'un brun qui est
LE BIDI-BIDI. 5l5
yarié de raies transversales blanchâtres sur le dos, le
croupion et le ventre, les plumes de Taile et celles
de la queue sont semées de gouttes blanches; le de-
vant du cou et l'estomac sont d'un cendré bleuâtre.
a»»»»»^»^»»^»»^»*
LE PETIT RALE
DE CAYENNE.
SIXIÈME ESPÈCE.
Rallus mlnimus. L.
Ce joli petit oiseau , n** 847 > n'est pas plus gros
qu'une fauvette : il a le devant du cou et la poitrine
d'un blanc légèrement teint de fauve et de jaunâtre ;
les flancs et la queue sont rayés transversalement de
blanc et de noir; le fond des plumes du manteau est
noir, varié sur le dos de taches et de lignes blanches,
avec des franges roussâtres. C'est le plus petit des
oiseaux de ce genre, qui sont assez nombreux en es-
pèces.
Du reste , ce genre de râle paroît encore plus ré-
pandu que varié : la nature a produit ou porté do
ces oiseaux sur les terres les plus lointaines. M. Cook
en a vu au détroit de Magellan ; il en a trouvé dans
différentes îles de l'hémisphère austral , à Anamocka,
à Tanna, à l'île Norfolk; les îles de la Société ont
aussi deux espèces de râles, un petit râle noir tacheté
[pooà-née) , et un petit râle aux yeux rouges [mailio] :
il paroît que les deux acolins de Fernandès , qu'il ap-
5l4 LE PETIT RALlî DE CAYENKE.
pelle des cailles d'eaUy sont des râles dont l'espèce
est propre au grand lac de Mexique ; sur quoi nous
avons déjà remarqué qu'il faut se garder de confondre
ces acolins ou râles de Fernandès avec les colins du
même naturaliste, qui sont des oiseaux que l'on doit
rapporter aux perdrix.
C*<««««<»îl««i*
LE CAURALE,
ou PETIT PAON DES ROSES.
Ardea helias. L.
A le considérer par la forme du bec et des pieds ,
cet oiseau, n"* 782 , seroit un râle ; mais sa queue est
beaucoup plus longue que celle d'aucun oiseau de
cette famille. Pour exprimer en même temps cette
différence et ces rapports, il a été nommé caurâle
(râle à queue) dansles planches enluminées : nous lui
conserverons ce nom plutôt que celui de petit paon
des roses qu'on lui donne à Gayenne. Son plumage
esta la vérité riche en couleurs, quoiqu'elles soient
toutes sombres*; et pour en donner une idée on ne
peut mieux les comparer qu'aux ailes de ces beaux
papillons phalènes, où le noir, le brun, le roux, le
fauve et le gris blanc, entremêlés en ondes, en zones,
en zigzags, forment de toutes ces teintes un ensemble
moelleux et doux. Tel est le plumage du caurâle, par-
1. On imagiucroit peut-être quelque rapport de cet oiseau au paon,
\\x moins dans sa manière d'étaler ou de soutenir sa queue ; mais on
nous assure qu'il ne la relève point.
LE CAURALE, OU PETIT PAON DES ROSES. 5l5
ticiilièrement sur les ailes et la queue. La tête est
coiflee de noir, avec de longues lignes blanches des-
sus et dessous l'œil ; le bec est exactement un bec
de râle, excepté qu'il est d'une dimension un peu plus
longue comme toutes celles de cet oiseau, dont la
tête, le cou, et le corps, sont plus allongés que dans
le râle; sa queue, longue de cinq pouces, dépasse
l'aile pliée de deux; son pied est gros et haut de
vingt-six lignes, et la partie nue de la jambe l'est de
dix; le rudiment de membrane entre le doigt exté-
rieur et celui du milieu est plus étendu et plus mar-
qué que dans le râle. La longueur totale , depuis la
pointe du bec, quia vingt-sept lignes, jusqu'à celle
de la queue, est de quinze pouces.
Cet oiseau n'a point encore été décrit, et n*est
connu que depuis peu de temps; on le trouve, mais
assez rarement , dans l'intérieur des terres de la
Guiane, en remontant les rivières dont il habite les
bords; il vit solitaire, et fait entendre un sifflement
lent et plaintif qu'on imite pour le faire approcher.
FIN DU VINGT- CINQUIEME VOLUME.
TABLE
DES ARTICLES
CONTENUS
DANS LE VINGT-CINQUIEME VOLUME.
SUITE DES OISEAUX.
Les Pics Page 7
Lo Pic vert 10
Oiseaux étrangers de l'ancien continent qui ont rap-
port au Pic vert 19
Le Palalaca , ou Pic vert des Philippines, première
espèce ihid.
Autre Palalaca, ou Pic vert des Philippines, seconde
espèce 20
Le Pic vert de Goa , troisième espèce 21
Le Pic vert de Bengale , quatrième espèce ihid.
Le Goerlan , ou Pic vert du Sénégal , cinquième es-
pèce 9.5
Le petit Pic rayé du Sénégal , sixième espèce .... ihid.
Le Pic à tête grise du cap de Bonne-Espérance , sep-
tième espèce a4
OisEADx DU NOUVEAU CONTINENT qui out rapport au Pic
vert ibid.
Le Pic rayé de Saint-Domingue, première espèce. . . ibid.
Le petit Pic olive de Saint-Domingue , seconde es-
père 25
5l8 TABLE.
Le grand Pic rayé de Cayenne , troisième espèce.. . Page 26
Le petit Pic rayé de Cayenne , quatrième espèce. . . 27
Le Pic jaune de Cayenne, cinquième espèce 28
Le Pic mordoré , sixième espèce 99
Le Pic à cravate noire , septième espèce 3o
Le Pic roux, huitième espèce 3i
Le petit Pic à gorge jaune, neuvième espèce ibid.
Le très petit Pic de Cayenne , dixième espèce. ... 32
Le Pic aux ailes dorées, onzième espèce 35
Le Pic noir 34
Oiseaux du nouveau continent qui ont rapport au Pic
noir 38
Le grand Pic noir à bec blanc , première espèce. . . ibid.
Le Pic noir à huppe rouge , seconde espèce 4o
L'Ouantou, ou Pic noir huppé de Cayenne, troisième
espèce f\i
Le Pic à cou rouge , quatrième espèce 4^
Le petit Pic noir, cinquième espèce ibid.
Le Pic noir à domino rouge, sixième espèce 44
L'Épeiche, ouïe Pic varié, première espèce 4^
Le petit Épeiche, seconde espèce 49
Oiseaux de l'ancien continent qui ont rapport à l'Épei-
che 5i
L'Épeiche de Nubie onde et tacheté, première espèce. il)id.
Le grand Pic varié de l'île de Luçon, seconde espèce, ibid.
Le petit Épeiche brun des Moluques, troisième espèce. 62
Oiseaux du nouveau continent qui ont rapport à ï'Épei-
che 53
L'Épeiche du Canada , première espèce, ibid.
L'Épeiche du Mexique , seconde espèce 54
L'Épeiche , ou Pic varié de la Jamaïque , troisième
espère. ibid.
tâblï;. 5 19
L'Épeiche , ou Pic rayé de la Louisiane , quatrième
espèce Page 55
L'Épeiche, ou Pic varié de la Encénada , cinquième
espèce 5G
L'Épeiche, ou Pic chevelu de Virginie, sixième espèce. 57
L'Épeiche, ou Pic varié de Virginie, septième espèce. ihid.
L'Épeiche , ou Pic varié de la Caroline , huitième es-
pèce 58
L'Épeiche, ou Pic varié onde, neuvième espèce. . . Sq
Les Pics-Grimpereaux 61
Le Torcol 6a
Les Oiseaux barbus 68
Le Tamatia, première espèce 69
Le Tamatia à tête et gorge rouges, seconde espèce. ... 71
Le Tamatia à collier, troisième espèce 72
Le beau Tamatia, quatrième espèce --5
Les Tamatias noirs et blancs, cinquième espèce ibid.
Les Barbus ■-4
Le Barbu à gorge jaune, première espèce ^5
Le Barbu à gorge noire, seconde espèce yt]
Le Barbu à plastron noir, troisième espèce --7
Le petit Barbu , quatrième espèce ~8
Le grand Barbu, cinquième espèce nq
Le Barbu vert , sixième espèce 80
Les Toucans 81
Le Toco , première espèce 89
Le Toucan à gorge jaune, seconde espèce 90
Le Toucan à ventre rouge, troisième espèce 92
Le Gochicat, quatrième espèce. 94
Le Hochicat, cinquième espèce 96
Les Aracaris ibid.
020 TABLE.
Le Grigri , première espèce Page f)G
Le Koulik , seconde espèce qj
L'Aracari à bec noir, troisième espèce 98
L'Aracari bleu, quatrième espèce. gg
Le Barbican ibitl.
î^ Gassican 100
Les Calaos , ou les Oiseaux rhinocéros 102
LcTock, première espèce 106
Le Calao de Manille , seconde espèce 109
Le Calao de l'île Panay, troisième espèce 110
liC Calao des Moluques , quatrième espèce 111
Le Calao du Malabar, cinquième espèce ii3
Le Brac, ou Calao d'Afrique, sixième espèce 117
Le Calao d'Abyssinie, septième espèce 118
Le Calao des Philippines, huitième espèce 119
Le Calao à casque rond, neuvième espèce 121
Le Calao-Rhinocéros, dixième espèce 120
Le Martin-Pêcheur, ou l'Alcyon 12 5
Les Martins-Pêcheurs étrangers ï35
Les grands Martins-Pêcheurs de l'ancien continent. ... 106
Le plus grand Martin-Pêcheur, première espèce ibid.
Le Martin-Pêcheur bleu et roux, seconde espèce. ... lôy
Le Martin-Pêcheur crabier, troisième espèce i38
Le Martin-Pêcheur à gros bec , quatrième espèce. ... lôg
Le Martin-Pêcheur pie, cinquième espèce ibid.
Le Martia-Pêcheur huppé, sixième espèce i4i
Le Martin-Pêcheur à coiffe noire, septième espèce. . . i^i
Le Martin-Pêcheur à tête verte , huitième espèce. . . . i^S
Le Martin-Pêcheur à tête et cou couleur de paille, neu-
vième espèce ï44
Le Martin-Pêcheur à collier blanc , dixième espèce, . . i45
TABLE. 521
Lies Martiiis- Pêcheurs de moyenne grandeur de l'ancien
continent Page i^6
LeBaboucard, première espèce moyenne ibid.
Le Marlin-Pêcheur bleu et noir du Sénégal , seconde es-
pèce moyenne 147
Le Martin - Pêcheur à tête grise , troisième espèce
moyenne ibid.
Le Martin - Pêcheur à front jaune, quatrième espèce
moyenne i48
Le Martin -Pêcheur à longs brins , cinquième espèce
moyenne 149
Les petits Marlins-Pêcheurs de l'ancien continent i5o
Le Martin • Pêcheur à tête bleue , première petite es-
pèce ibid.
Le Martin-Pêcheur roux, seconde petite espèce. ... i5i
Le Martin-Pêcheur pourpré , troisième petite espèce. . ibid.
Le Martin-pêcheur à bec blanc, quatrième petite es-
pèce i5'À
Le Martin-Pêcheur du Bengale, cinquième petite espèce. i53
Le Marlin-Pêcheur à trois doigts, sixième petite espèce. i54
Le Vintsi , septième petite espèce i55
Les Martins-Pêcheurs grande espèce du nouveau conti-
nent i56
Le Taparara , première grande espèce ibid.
L'Alatli, seconde grande espèce 167
Le Jaguacati , troisième grande espèce 169
Le Matuiti , quatrième grande espèce 161
Les Martins-Pêcheurs de moyenne grandeur du nouveau
continent 16-2
"* Le Martin - Pêcheur vert et roux , première espèce
moyenne ibid.
Le Martin-Pêcheur vert et blanc , seconde espèce
moyenne i65
Buri'ov. XXV. 33
5^2 TABLE.
Le Gip-Gip , troisième espèce moyenne Page iGS
Les Petits Martins-Pêcheurs du nouveau continent 164
Le Martin-Pêcheur vert et orangé. . ibid.
Les Jacamars 164
Le Jacamar proprement dit, première espèce 166
Le Jacamar à longue queue, seconde espèce 167
Les Todiers 168
Le Todier de l'Amérique septentrionale, première es-
pèce 169
Le Tic-Tic, ou Todier de l'Amérique méridionale , seconde
espèce 171
Le Todier bleu à ventre orangé , troisième espèce 172
Les Oiseaux aquatiques 17^
La Gigogne 189
La Cigogne noire 201
Oiseaux éthaingees qui ont rapport à la Cigogne. ... 2o5
Le Maguari ibid.
Le Gouricaca 2o5
Le Jabiru 207
LeNandapoa 210
La Grue 211
La Grue à collier 220
Gbues du nouveau co^TIIVENT ibid.
La Grue blanche • . . . . ibid.
Lu Grue brune 225
TABLE. ô'2.^
Oiseaux étrangeus qui out rapport à la Grue Page a 96
La Demoiselle de Numidie ibid.
L'Oiseau royal 3*29
Le Gariama 904
Le Secrétaire ou le Messager 237
Le Kamichi 243
Le Héron commun, première espèce 248
Le Héron blanc, seconde espèce 263
Le Héron noir, troisième espèce 264
Le Héron pourpré, quatrième espèce 266
Le Héron violet, cinquième espèce 266
La Garzelte blanche, sixième espèce ibid.
L'aigrette, septième espèce 268
HÉRONS DU NOUVEAU CONTINENT 27O
La grande Aigrette, première espèce ibid.
L'Aigrette rousse , seconde espèce 271
La Demi-Aigrette, troisième espèce ibid.
Le Soco , quatrième espèce 272
Le Héron blanc à calotte noire , cinquième es-
pèce 273
Le Héron brun , sixième espèce ibid.
Le Héron-Agami , septième espèce. 274
L'Hocti, huitième espèce 27$
Le Hohou, neuvième espèce 276
Le grand Héron d'Amérique , dixième espèce. . . . ibid.
Le Héron de la baie d'Hudson, onzième espèce. ... 277
Les Grabiers 278
GHABIERS DE l'aNCIEN CONTINENT 279
Le Grabicr-Gaïot, première espèce ibid.
Le Grabier roux, seconde espèce ibid.
524 TABLE.
Le Crabier marron, troisième espèce Page 280
Le Guacco, quatrième espèce 281
Le Crabier de Mahon , cinquième espèce 282
Le Crabier de Coromandel, sixième espèce ibid.
Le Crabier blanc et brun , septième espèce 283
Le Crabier noir, huitième espèce ibid.
Le petit Crabier, neuvième espèce 284
Le Blongios, dixième espèce. . ibid.
Crabiers du nouveau continent a86
Le Crabier bleu , première espèce ibid.
Le Crabier bleu à cou brun, seconde espèce 287
Le Crabier gris de fer, troisième espèce ibid.
Le Crabier blanc à bec rouge , quatrième espèce ... 288
Le Crabier cendré , cinquième espèce 289
Le Crabier pourpré, sixième espèce ibid.
Le Cracra , septième espèce 290
Le Crabier Chalybé , huitième espèce » 291
Le Crabier vert, neuvième espèce ibid.
Le Crabier vert tacheté , dixième espèce 292
Lp Zilatat, onzième espèce 298
Le Crabier roux à tête et queue vertes, douzième
espèce ibid.
Le Crabier gris à tête et queue vertes, treizième
espèce 294
Le Bec-Ouvert ibid.
Le Butor 296
Oiseaux de l'ancien continent qui ont rapport
au butor 5o4
Le gi'and Butor , première espèce ibid.
Le petit Butor , seconde espèce 3o5
Le butor brun rayé , troisième espèce ibid.
Le Butor roux , quatrième espèce 3o6
Le petit Butor du Sénégal, cinquième espèce. . . . 307
TABLE. 5^5
Le Pouacre. ou Butor tacheté, sixième espèce. . . Page Soy
Oiseaux nu nouveau contiiveint qui ont rapport au
Butor 3o8
L'Étoile, première espèce ibid.
Le Butor jaune du Brésil, seconde espèce 609
Le petit Butor de Gayenne , troisième espèce 3io
Le Butor de la baie d'Hudson , quatrième es-
pèce ibid.
L'Onoré , cinquième espèce 5ii
L'Onoré rayé, sixième espèce ibid.
L'Onoré des bois , septième espèce 3i3
Le Bihoreau 01 4
Le Bihoreau de Gayenne 3i6
L'Ombrette 317
Le Gourliri, ou Gourlan 3i8
Le Savacou 319
La Spatule 323
La Bécasse 33 1
Variétés de la Bécasse 342
La Bécasse blanche ibid.
La Bécasse rousse 543
Oiseau étkangeb qui a rapport à la Bécasse 344
La Bécasse des savannes ibid.
La Bécassine , première espèce 346
La petite Bécassine surnommée la iSoarcfÉj, seconde espèce. . 35o
La Brunette , troisième espèce 35a
526 TABLE.
Oiseaux étrangers qui ont rapport aux Bécassines. . . Page 35 'Ji
La Bécassine du cap de Bonne-Espérance , première
espèce ibid.
La Bécassine de Madagascar, seconde espèce 353
La Bécassine de la Chine, troisième espèce 354
Les Barges ibid.
La Barge commune , première espèce SSy
La Barge aboyeuse, seconde espèce 358
La Barge variée, troisième espèce SSg
La Barge rousse , quatrième espèce 36o
La grande Barge rousse , cinquième espèce ibid.
La Barge rousse de la baie d'Hudson, sixième espèce. . . 36 1
La Barge brune, septième espèce 362
La Barge blanche , huitième espèce 363
Les Chevaliers 364
Le Chevalier commun, première espèce 365
Le Chevalier aux pieds rouges, seconde espèce 366
Le Chevalier rayé , troisième espèce 367
Le Chevalier varié, quatrième espèce 368
Le Chevalier blanc , cinquième espèce 569
Le Chevalier vert, sixième espèce 370
Les Combattants, vulgairement Paons c/e mer 371
Les Maubèches , . 376
La Maubèche commune , première espèce 077
La Maubèche tachetée , seconde espèce. 37S
La Maubèche grise , troisième espèce ibid.
Le Sanderling, quatrième espèce 379
Le Bécasseau ibid.
La Guignettc 585
TABLli:. 627
La Perdrix de mer Page 084
La Perdrix de mer grise, première espèce 585
La Perdrix de mer brune , seconde espèce 586
La Giarole , troisième espèce 587
La Perdrix de mer à collier quatrième espèce ibicl.
L'Alouette de mer 588
Le Cincle 591
L'Ibis 39S
L'Ibis blanc i^oi
L'Ibis noir 4^4
Le Courlis, première espèce . 4o-
LeCorlieu, ou petit Courlis, seconde espèce 4^9
Le Courlis vert, ou Courlis d'Italie, troisième espèce.. . 4^0
Le Courlis brun , quatrième espèce 4«i
Le Courlis tacheté, cinquième espèce 4^2
Le Courlis à tête nue , sixième espèce ibid.
Le Courlis huppé, septième espèce 4i5
Courlis du nouveau continent 4*4
Le Courlis rouge , première espèce ibid.
Le Courlis blanc , seconde espèce 4i8
Le Courlis brun à front rouge, troisième espèce. . . . 419
Le Courlis des bois , quatrième espèce 420
Le Gouarona , cinquième espèce 421
L'Acalot, sixième espèce ibid.
Le Matuitui des rivages, septième espèce 425
Le grand Courlis de Cayenne, huitième espèce ibid.
Le Vanneau, première espèce , 424
Le Vanneau suisse, seconde espèce 455
Le Vanneau armé du Sénégal , troisième espèce. ..... 454
528 TABLE.
Le Vanneau armé des Indes, quatrième espèce Page ^06
Le Vanneau armé de la Louisiane, cinquième espèce. . . 4^7
Le Vanneau armé de Gayenne , sixième espcèe 4^8
Le Vanneau-Pluvier 4^9
Les Pluviers 44 î*^
Le Pluvier doré , première espèce 449
Le Pluvier doré à gorge noire, seconde espèce 4^2
Le Guignard , troisième espèce 4^7
Le Pluvier à collier, quatrième espèce 4^9
Le Kildir, cinquième espèce 4^3
Le Pluvier huppé, sixième espèce 4^4
Le Pluvier à aigrette, septième espèce 465
Le Pluvier coiffé , huitième espèce 4^6
Le Pluvier couronné , neuvième espèce ibid.
Le Pluvier à lambeaux, dixième espèce 4^7
Le Pluvier armé de Gayenne, onzième espèce l[C)8
Le Pluvian 469
Le grand Pluvier, vulgairement appelé Courlis de terre. . 470
L'Échasse 47^
L'Huîtrier, vulgairement la Pte f/e mer 479
Le Coure-Vite 485
Le Tourne-Pierre 4^7
Le Merle d'eau 489
La Grive d'eau . 49^
Le Ganut 49^
Les Râles 497
Le Râle de terre ou de genêt , vulgairement Roi des Cailles,
première espèce - . . . . 49^
TABLE. 529
Le Râle d'eau , seconde espèce Page 5o3
La Marouette, troisième espèce ^o^
Oiseaux étrangers de l'ancien continent qui ont rapport
au Râle ^^7
Le TiWin , ou Râle des Philippines , première espèce. ibid.
Le Tiklin brun, seconde espèce ^08
Le Tiklin rayé, troisième espèce ibid.
Le Tiklin à collier, quatrième espèce \ ' ' • ^°9
Oiseaux étrangers du nouveau continent qui ont rapport
pA, ibid.
au naJe
Le Râle à long bec , première espèce ibid.
LeKiolo, seconde espèce ^^°
Le Râle tacheté de Gayenne, troisième esèpce 5ii
Le Râle de Virginie, quatrième espèce ^^la
Le Râle Bidi-Bidi , cinquième espèce itnd.
Le petit Râle de Gayenne . sixième espèce 5i3
LcCaurâle, ou pelil Paon dos roses 5i4
FIN DE LA TABLi:.
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